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Full text of "Histoire d'Haiti"

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J^aibarU CoUtge I.ilitars 



BKQiJEST OF 

GEORGINA LOWELL PUTNAM 



Recàred, May 14, 1914. 



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IttMtMlLl l&'ittM^ll» 



^j ^^^fowfts ^HiflMou ftfe 



!>raECTEUR BU LYCÉE NATIONAL DU PORT-AU-PRINCE , 



Ancien pkofessecr dhistoirk 



TOME PREMIER. 



Libeni. 

I lesT-Av-FRiHaa. 

IMPEIMEHIE DE In. COURTOIS. 
I8J7. 




^ 



JML • *«M 



i 



11 



INTRODUCTION. 



Toffre au public une histoire d'Haïti à laquelle jai traTaîllé pendant plu» 
sieurs années. Cette histoire est particulièrement celle de la race africaine 
transplantée en Haïti , et devenue libre par sa propre énergie développée à 
travers le sanor et au milieu des secousses révolutionnaires qui ont bouleversé , 
mais régénéré notre patrie. Pour l'intelligence de cette histoire, il a étô 
nécessaire qu'elle fut précédée d'un exposé rapide des événemens qui ont 
suivi la découverte de notre île et qui ont amené l'extinction de la race 
aberigène . lu transplantation des africains , la colonisation française ; d'un 
tableau des tortures de l'esclave et de la tyrannie exercée sur les affranchis 
noirs et jaunes. Ce récit fera comprendre i'ardeuï avec laquelle ces hommes^ 
victimes de to.ites sortes d'atrocités, embrasseront la cause de la sainte ré- 
volution de 17SJ , dont les prmcipes furent proclamés par l'Assemblée Na- 
tionale de France pour la régénération de Inumanité. 

Les luttes de ces hommf^s héroïques courre leurs oppres^^eurs annoncèrent| 
dès les premières tourmentes de noire révolution, Tindépendance de notre race; 
et les esprits clairvoyans découvrirent même dès lors notre glorieuse natio<- 
nalité au milieu des ruines de Taribtocratie coloniale. 

Pour bien comprendre l'histoire de notre pays, il ne faut pas Uégliget 
d'étudier celle des autres peup'es. En histoire comme dans les' sciences 
tout s'enchaîne. Déjà l'histoire d'Haïti, sous Tinâuence excercée par lescon* 
quêtes succes^^ives des eurojjéens darts notre île , se rattache à celle des peu- 
ples les plus civilisés de l'ancien monde. Si les espagnols et les français^ 
en posséd'tut la reine des Autilles, y ont laissé les traces sanglantes de leur 
domination , ils y ont aussi laissé leurs langues, leurs mœurs , leurs eoutu* 
ffles, enfin les germes dune civilisation nouvelle. Lia possession européenne 
enfanta sur notre sol des crimes inouïs, nos repré^^ailles firent aussi frémir 
lliumanité; cependant constatons te bien que la Providence se pi ait, tardivement 
parfois, mais toujours, à faire découler des olus grands maux : cest que la civi* 
lisation s'est introduite dans le sein d'Haïti malgré les obstacles presque in- 
surmontables qu'elle avait rencontrés dans le système criminel delà servitude» 
Notre natieualité est depuis longtemps assise; tôt ou tard Haïti occupera avec 
dignité sa place parmi les nations civilisées ; tôt ou tard les noirs et leurs 
deseeodans eue la servitude a presque partout abrutis dans le nouveau mon- 
de, atteindront comme dans Tantiquité, au plus haut degré de civilisatioa. 
Mais pour qu'Haïti obtienne ce glorieux résultat, pour qu'elle soit à la 
tète de la ra-re africaine, il faut quelle se hâte de parcourir les annales des 
nations , et de découvrir que tous les peuples qui ont négligé ou refusé de suivre 
les procurés de l'esprit humain, ont fini par perdre, la plupart, leur existence 
Datienale , victimes de leur propre résistance au développement des lumières» 
Il est impassible de diriger une société dans le^ voies du progrès , de lui 
fitire éviter les écueils contre lesquels beaucoup de jeunes peuples se sont 
brisés , fii on a'a pas médité sur les événemens passés et dans le monde 



H INTRODUCTIOW. 

entier et dans le pfiys que l'on veut régénérer. Aussi l'histoire a-t-el)e 
été l'objet des études* approfondies de ces hoimnes privilégiés qui par de 
ea^fes lois et une forte énergie , ont fondé des sociétés durables , ont imprl* 
mé à la civili&ition un nouvel essor. 

Dans l'antiquité, Lycurgue & Soloa ont traversé les mers , d'immenses con* 
trées, pour entendre les docteurs que le monde admirait alors. Ils apportèrent 
en Grècr? de précieuses lumières qu'ils avaient tirées des traditions asiatiques 
et africaines. Alors l'Afrique brillant d'nn vif éclat , répandait nu loin les 
rayons bienfaisans de sa civilisation , dont les noirs éthiopiens alimentaient 

le foye>. . ... 

Les grecs qui , mieux que n'importe quel peuple , ont compris le vrai pa- 
triotisme , savaient que la jeunesse ne pouvait aimer la gloire , se vouitr avec 
désintéressement à la chose publique, sans connaître les hauts faits des 
héros de la patrie; aussi les philosophes se faisaient-ils un devoir d'ensei* 
gner i'hisieire aux enfans de la Grèce, dans les écoles, sur les places pu» 
bliques ! Les jeunes Grecs étaient transportés d'enthousias-ne quand ils en- 
tendaient les Hérodote, les* Xénophon, leur dire comment Miltiade. avait 
combattu à Marathon pour le salut et pour la gloire de la Grèce; comment 
dix mille grecs avaient traversé, surmontant glorieusement tous' les obstacles, 
les innombrables populations de la vaste domination des Perses. 

A Rome l'histoire recevait un culte; et ce noble sacrifice fait par Régulus» 
allant se livrer à la fureur des Carthaginois, imprimait dans Pâme des jeu- 
nes Romains ce patriotisme grave, inébranlable qui leur donna le seeptre du 
monde: dévouement tel que n'en offrent pas les temps modernes si féconds 
•n grands sacrifices. 

Lllonune-Dieu, Jésus Christ, avant de prêcher sa doctrine divine qui ré* 
généra le monde, ne dédaigna pas de visiter les temples, soit égyptiens , seit 
juifs , pour y entendre les discours des docteurs et des sacerdotes , sur leJ) mystères 
de l'Ethiopie , l'histoire hébraïque , les dogmes de l'Orient , la philosophie 
grecque et l'histoire de Rome. Alors les Grecs et les Latins, ^ par leurs con« 
quêtes , avaient déjà soumis les populations orientales. En se livrant à l'étude, 
Jésus voulut montrer aux hommes qui rêvent à la régénération des peu* 
pies , combien il est d'une nécessité absolue qu'ils acquièrent une vaste éru* 
oition. 

Au septième siècle de notre ère , Mahomet , simple marchand , médita et 
et étudia , dans ses voyages , les traditions juives et chrétiennes. Il prêcha 
le Koran : les ismaélites, ses frères, virent en lui un prophète de Dieu; il 
fit des arat^es, peuple avant lui plongé dans la barbarie et l'idolâtrie , une nation 
forte et enthousiaste qui devint dans l'Orient comme dans POccident un mo- 
dèle de civilisation. Deux siècles plus tar^les fils de rHedjaz,et les Ber* 
bères noirs leurs auxiliaires, étaient la nation la plus intrépide, la plus che- 
valeresque de la terre. Qui peut, sans être transporté d'enthousiasme, se 
rappeler les exploits et les prands travaux des Maures d'Espagne de sang 
arabe et africain ; ces nombrt»^ises académies où la jeunesse chrétienne même 
venait s'instruire dans les sciences, les belles lettres et les arts; ces jou- 
tes d'une prodigieuse magnificence célébrées à Grenade, où se réunissait 
l'élite des peuples musulmans et chrétiens 

Charlemagne qui avait été en contact avec les Maures d'Espagne , quoi- 
qu'il eût l'humeur de ces Francs dévastateurs de la Gaule , que Rémigius 
ayait adoucis par Te baptême, établit des écoles dans son propre palais. 
Il se plaisait à les visiter lui-même, à fidre interroger en sa présence les 



< • 



* 



nrriioprcTroif- ilj 

Aères atec une rare sévérité : il comprenait qne son vaste empire ne pouvait 
$e maintenir qne par des lieïitenans éclairés , chargées d'améliorer le sort de 
ses sujets. 11 faisait m/iltipHpr les mannscrits de Gr'goire de Tours; carit 
0oraprenait que les sociétés sans histoire, c'est-à-dire sans traditions , sans 
mœurs natt'na es, gans vertns jubliiues, sans les leçons du passé, sans es- 
poir de progrès et d'avenir , finissent par devenir des peuplades dont J'exifih 
tence est inutile dans rœiivre de la civilisation. Défenseur et propagateur du 
ehris ianisme , il était Tennemi implac|ibîe de l'ignorance; et les cheâi de 
son académie, Alcirin le philosophe, Angilbert le poète, étaient ses intimée 
amis. 

■ 

Les connaissances aci^uises par les croisés dans Tes contrées erientalee^ 
alors que l'Enrope se ruait sur la Terre Sainte, se répandirent dans le mon- 
de chrétien et y donnèrent une nouvelle impulsion à la civilisation. De» 
cette époque les lettres grecques recueiHies par les moines , se propagèrent 
rapidement en Italie, en France, dans la Grrande-Blretagne; Les croisadee 
avaient jeté dans l'Inde de pauvres inotTies qui, la croix à la main, avaient 
conduit en Asie d'itnnner^ses populntiens que Iç zèle religieux poussait vers 
le Saiut-Sépulcre. Ils y trouvèrent l'imprimerie qu'ils ârenl passer en Eu- 
rope. * Un habitant de Mayence m perfectionna. 

Pour connaître Thistoh-e, il ne fut pi as nécessaire de voyager au loin afin 
d^entendre les savans ; chacun sans perdre de vue son lieu natal , put acqué- 
rir une vaste mstruetion. Alors commença véritablement la renaissance dea 
lettres. 

Toutes les plaies faites à l'Europe par l'invasion des barbares étaient cica- 
trisées. Les navigateurs musulmans avaient abordé dans la partie méridionale 
ie la Chine ou au pays des Sines ; les Arabes avaient reçu des Chinois la 
poudre à canon , et les Européens l'avaient reçue des Arabes. Ces derniers 
avaient navigué le long des côtes orientales^ de l'Afrique jusqu'à Sofala , et 
avaient pénétré ilans l'intérieur de- ce continent jusqu'aux bords du Niger. 
Lors des beaux jours de Carthage, Hannon avait descendu jusqu'à la latitude 
de la Sénégambie, et l'onr prétend- même- jusqu'au fond du golfe de Guinée. 
L'esprit humain avait pris un développement prodi^^teux. A l'aide de la 
boussole, de hardis rjavigfateurs pénétrèrent dans l'Océan: Barthélémy Diar 
partit à la rexîherche d-^s Indes par une mér qui s'étendait, ainsi qn^on le peti- 
ftit, au midi de l'Afrique r il doubla le cap des Tourmentes. 

Au milieu de ce débordement de lumiè^^es qui , depuis la chute de Con»- 
tantinople , s'étendaient sur I Europe, un obscurnavigateur partait de Gènes/ 
traversait le détroit de Oib/altar et longeait les eôtes européennes. Christophe 
Colomb n'isfnoiait pas les voyages des Scandinaves au Groenland et à Terre- 
Neuve ; mais les Norman^ con?iidôraient ces ternes comme d'e« dépendances de 
FEurope. Avant la chute de l'Empire Romain un navigateur avait ren- 
contré lin immense continent vers l'ouest, en traversant l'Atlantique , et avait 
rendu compte de son voyage à un préfet des G^aules. 

Colomb dont 'la phpionoinïe sombre de méditations annonçait un puissant 
génie , fnt frappé au milieu dns mers- d'un^ de ers inspirations heureuses 
que la divinité révèle a de tonsfs intervalles à ses créatures privilégiées. 
Il se dit que ia terre étant ronde, il pwirrait en se dirigeant vers l'ouest 
aborder aux rivages de la (^hine , ou découvrir d'autres contrées. Aristote , 
le géographe Marin de Tyr, et d*a'Ure« célèbres philosophes avatent avant 
Imedinis la rondeur de la terre. }! prit la résolution d^ découvrir une aott. 
tdle route de ia Chine ; ou. d^ troavejc un nouveau mende^ 



UfTRODUCTIOn. 

(Sretuida la superbe venait de succomber. Colomb se présenta derant Isa- 
balle de Q)stil le , tandis qu'au milieu df s solennités de son triomphe elle par- 
coûtait cette cité à 2a Tour vermeille , aux passions tendres et héioïqties, 
La reine , du haut de sa grande gloire jeta sur lui un reorard de pitié. 
Elle plaignit ce visionnaire qui cherchait la mort dans les gouifres de TOcéan ; 
aussi ne lui confia t elle pas , pour son e pédition, des houimes eherî^ à la société. 
Mais Colomb que soutenait r««prif divin f.t eiicore heureux de trouver des compa- 

Î[nons. Clue d'émotiou» n'éprouv-at-il pas en péiw' irant dans cette mer inconnue où 
'imagination ar ente des Grecs avaient placé TAtlantide de Platon et Tes iles fortu* 
nées Colbiiib al la/t devenir la victime de ses compagnons désespérés, quand 
tout<à coup une voix s'écria sur le liilac : terre! terre! O jour .heureux par 
lequel les destinées du mon le furent chanarées! Colomb immobile, anéanti 
en présence d'un iA spectacle cessa de croire à son existence; l'idée qu il a^ait 
conçue, qu'il prenait parfois lui-même, dans ses momeus de désespoir , pour 
un rêve insensé, se réalisait devant lui. Mais quel chang^meut subit! Sa 
figure brille, elle grandit; elle est sublime:" on eût dit Moïs^ sur le mont 
Çinaï en présence du Très-Haut. Saisis de vénération, ses grossiers com- 
pagnons deviennent humbles , l^e contemplent avec extase , se jettent i ses 
genoux. Ici éclata le triomphé du génie^dont Tir fliience est subie tôt ou 
tard par les êtres les plus avilis et les plus barbares. 

Quelques semaines après , les Castillans virent s'étendre devant eux une 
terre majestueuse, riche de végétation et peuplée : c'était Haïti , notre natriê. 
Cette terre de paix où les Haïtiens vivaient heureux , devait être 
couverte de sang. Colomb planta une croix sur la terre d'Haïti , 
car il en prit possession au nom de Jésus-Christ. Ce symbole n'of- 
£rit pas à rimaarination des Haïtiens, remblôme de la grandeur et de la 
toute«puissance du Créateur; ils passèrent devant lui sans se prosterner. I^s 
Espagnols les traitant de païens, les livrèrent aux plus jrudeç travaux des 
mines, et comineucèrent l^Mir extennlruitiou. Cetle croix, ce^ signe de misé- 
ricorde , devint dais ce nouvel hémisphère, Téiendard qui guida es Castil- 
lans au milieu des plus affreux caruaofes , et fut maintes fois plantée sur des 
xnonceaiix de cadavres. Les Espagnols avaient CiciJement dompté des hom* 
mes qui n'avaient pour arines que des massues et iju'effrayait le son du canon. 
La servitude devint si lourde que les forces hu^naines ne purent la sup- 

E)rter. Les H*ïnens périrent par milliers. Beaucoup d'Espasrnols en immo- 
ient douze chaque jour à la gloire des douze. a,»ôtres. Bientôt la race des 
Aborigènes d'Haïti fut prevsqîie étemte ; IVxploitation des mines dor cessa; 
ou sona^ea à repeupler le t)ays par la transplantation d'une aui^-e race. 

Cette race, sortant de 1 Afrique , plus vigoureuse que celle des ludîens'i 
aoumise aussi à l'esclavage, brisera ses chaînes et formera une nation nouvelle. 
Elle reprendra le nom des Aborigènes ; et , tout en foiidant une patrie li- 
bre pour la llace Africaine, elle fera expier aux peuples de l'Europe, et sa 
servitude, et la destruction d»îs Indiens. J^îlle sera une nouvelle preuve que 
certaines parties de la terre ne sont pas plus qu& d'autrits le domaine de quel- 
ques espèces de la rare humaine. A la race hn marne appartient le globe 
entier: un peuple succède à un peuple, une race à une raec. Les hommes 
arment des courants, qui se croisent dans toutes Iq§ directions. Dans les c/m- 
tjrées qu'occupent les nations d aujourd hui , on rencotitre ptni de populations 
qui soient' aborigènes; car en remontant dans Thistoire , nous né voyons qu'é<- 
ti)igrations et transplantations. L'esprit humain ne progresse' que par ce ùqV> 
t^ment , cette fu^iga des races. 



INTROLUCTIOSr. V 

Au commencement du 16.e siècle , le roi Ferdinand envoya à Hispauola 
cinquante esclaves africains forts et robustes, pour exploiter les mines roya'es. 
Mais sous Je règfne de Charles-duint , le trafic des noirs de la côte d'Afrii|iie 

f)rii un grand développement,, sur la demande de vLas Casas qui voulait sou- 
ager les Indiens faibles et délicats. Le ministère espaornol l a^tori^a à en 
transporter , à Hi^^panola , qtuitre mille qui coûtcreut 25,000 ducats. Ainsi 
ce fut Las Casas, 1 illustre défenseur des Indiens, qui organisa la servitude 
des Africains dans lo nouveau monde. Il affaiblit sa gloire en oubliant que 
tous le» hcnmes ont les mêmes droits à la liberté. Par la cond.iite de cet 
apôtre de la liberté, d'ailleurs si bon, si tendre, on peut jugfer de l'étroi- 
tesse de l'esprit humain : personne n iofnore que Las Casas a consacré sa vie 
avec héroïsme à »oula2:er des populations livrées à toutes sortes de tortures. 

Pendant deux-cent soixante-douze ans Tesclavage régîia en Haïti : époque 
de souffrances et de géinisscmens. La race africaine t ût peut-être succoml ô 
comme celle des Aborigènes, si l'ère de 89 ne s'était ouverte. Le ^éniede 
la liberté plana sur le monde, et tous les peuples furent émus; la Bastille 
s'écroula, et le bruit d.^. sa chute retentit au-de'à de TAtlautique. Les Brissot, 
les. Grégoire , les Condorcet, les Pétion , les Qensonué , les Verguiaud firent 
•ntendre leur voix éloquente en faveur des Africains, coimne Las Casas avait 
fiiit entendre la sienne pour les Indiens. Fcrrand de Baudières , Labadie , 
Ogé et Chavannee périrent victimes de leurs réclamations en faveur des aP 
franchis : la liberté commença ses luttes sanglantes contre l'affreux système 
eolonial. 

Au milieu des bouleverseraens de la colonie française, dans lesquels s'en- 
gloutissait chaque jour la race blanche divisée en deux camps, l'ancien affran- 
chi sentit naître en son cœur la dignité de l'homme. Ce sentiment avait 
été détruit par la condition de protégé qu'il avait acceptée du planteur. 
Après une lutte héroï]ue il releva sa couleur avilie en aidant l'esclave, 
dans de nombreux qu^iriiers, à recouvrer sii. liberté. 

De son côté l'Africain quoique esclave, cessa-til entièrement, d'être libre ? 
La force matérielle le courbaU assurément contre la terre; il souffrait; mais 
soH âme indépendante attendait le mom«»nt favorable ^e renverser la puissan- 
ce qui le dominait. ♦Il ne transigfea jamais sur sa liberté. I iC jour qu'il sortit 
de ses liens, il se présenta devant son maître auquel il ne devait rien, aveq 
la force morale d'un être envers lequel on a été injuste et qui reprend des 
droits qu'il n'avait jamais consenti à aliéner. C'est le martyr des premiers 
siècles du christianisme qui, appès avoir été torturé, mutilé, est deu^euré 
homme. 

La lutte devint une guerre d'extermination ; l'humanité eut beaucoup à en 
gémir; la liberté elle-même eut souvent horreur de soti œuvre. Plusieurs 
hpartacus parcoururent Haïti tels que des anges exterminateurs, vengeant leur 
race de près de trois siècles de pt^rsécutions. Knfin Dessalincs , Pétion, Cler- 
vaux, Ca[»oix, Geffrard, Christophe, conquirent notre indépendance , et con- 
sommèrent Tœuvre rommencée par Toussaint Louv'^erture. L'histoire de cette 




dans le triomphe, du Christianisme. Les qualités de cœur des Africains se 
manifestèrent au milieu de ces grandes catastrophes. C^ue de sensibilité 
joative! Que d'éclatantes vertus! 
j^ussi notre histoire si féc9nde noU3 Courinit-elU des paa;es oCi le cœur l^u- 



▼m INTRODCCTION. 

et notre fortune. Si de barbares et d'injnstes envahîssttirs l'attaquaient , et que le 
3ort lui fut contraire , ensevelissons -neus dans de noureaux Thermopyles. 



T. MADIOU fils. 



J'ai consacré à cette histoire , pendant plusieurs années , la plupart de mes momens 
de loisir, En l'écrivant j'ai toujours eu en vue la Jilierté qui seule forme des citoyeils ; 
j'ai fiétri le vice et la tyrannie ; je me suis efibrcé 'de faire chérir la vertu , et de 
démontrer que les peuples qui ont joui de la liberté et de l'ordre public ont prospéré. 
La jeunesse qui, dans un état, grandit étrangère à ces idées, demeure sans âme; 
elle Ignore les sentimens Aif l'honneur, et chez elle le patriotisme s'éteint, comme dans 
les c entrées où, {>nr un infâme systènne, tous les élans de générosité sont comprimés. 

J'ai cous.ilté les auieurs es pa g ao Is , français , anglais et américains qui ont écrit de 
1402 à 1789, et depuis cette époque jusqu'à nos jours, de nombreux mémoires , des 
correspondances, rapports officiels , bulletins, feuilles publiaues. J'ai interrogé surtout 
les acteurs , les témoins des événements , enfin la plupart aes vieux débris de notre 
gloire nationale. ^ 

Qioijti'i cette histoire puisse être plus détaillée, elle vst cependant assez circons- 
tanciée, pour que le lecteur en la parcourant acquière une connaissance parfaite des 
évèiom-ns qui se sont déroulés de li92 à 1827 exclusivement. 

Je dois un tribut de reconnaissance à plusieurs de nos vétérans qui se sont fait 
un véritable plaisir de me raconter les événemens qui s'étaient/ passés sous leurs yeux, 
et de me découvrir les causes de nos drames révolutionnaires. J'ai souvent été at- 
tendri par les larmes que le souvenir de nos jours de gloire leur arrachait. Je ci« 
terai parmi eux les généraux, Bonnet, Borgella , Daizon , Alain , Inginac ; le colo* 
nel Bigail , le citoyen Rom il Ion St. Rome , les généraux Soufirant et Frémont. Je 
ne puis oublier les citoyens Beaubrun Ardouin , ex-ministre et sénateur , Céligny 
Ardouin , secrétaire-d'état ou département de l'intérieur, Ë. Séguy Villevaleix, an- 
cien secrétaire parti ulier du Président Boyer , et ,mon père, ancien sénateur ,qui m'ont 
donné toutes les explications que j'ai {^u désirer , quant à l'administration de la Ré- 
publique de 1818 à 18î7. 

Pour l'imprtssion de cet ouvrage j'ai été aidé par le zèle de mes compatriotes, et 
par la plu|«trt d»s étrangers qui habitent Haïti. Parmi les premiers je citerai MM. 
J. Paul, Dupuy, Larochel, C. Ardouin B. Ardouin; parmi les derniers JViM. 
* Sewelî , Hearne et Twdy. 

L'abrégé de cette histoire fut adopté, en 1845, par le conseil des Ministres , pour 
l'enseignement de l'histoire d'Hniti, dans les établissements d'instruction publique^ 
sur la recommandation du citoyen Beaubrun Ardouin , alors ministre de l'instruction 
publique. 

Je prie le lecteur de se inontrer indulgent quant à ce qui concerne le style de 
cet ouvrage ; je me suis seulement efforcé d'être correct, car à 1800 lieues du fo« 
yer de notre langue, dans un pays ou presque toute la population parle le créole, 
il /est presque impossible que le français ne subisse pas l'iafluence de nombreux idiotis 
mes que eependant j'ai taché d'éviter. 



III8TOIRE 



vlW ^ml. ^^L ^^L ^H aï 



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/*-o:o-«t 



IIYRE PREMIER- 



Be 11^2 à l«30ir 



Somnaire. Découverte d'Haïti — Etendue et division de Pfle d'Haïti. ««- Meurs 
Haïtien^. — La Nativité — Relourde J. Colomb en Europe.— Sa réception à Bar« 
ecione. — Le Fort de la Nativité détruit--^ Colomb revient à Hispanola «— ^ Fondatioa 
de la ville d'Isabelle. — Fort de Saint-Thomas — Enlèvement de Caonabo, — Ba- 
taille de la Véga. — Départ de Colomb pour l'Europe.— Le Siège du gouvernement 
est transporté à Sanlo- Domingo — Révolte de Rol«an.— Guerre contre Mayobanei. 
Troisième voyage de Colomb. — Repartimentos. — Bovadiila. — Arrestation de Colomb. 

— Ovando — Quatrième voyage de Colomb.— Mort de Colomb. — Canne à sucro. 
-—Guerre d'Higuey — Anucoana. — Diego Coloinb. — Des Religieux de' l'Ordr« 
de Saint Dominique. — Las Casas — Première introduction des Africains en Haïti. 

— Dénombrement des Haïtiens par Albuquerque.-— Des moines Franciscains. — Las 
Casas nommé protecteur des Indiens — Ehi i acique Henri. — Prospérité de la villo 
de Santo- Domingo. — Mort de Las Casas.— ^ Développement de la traite. — Bombar- 
dement de Santo Domingo. — Existence nomade des habitans de l'intérieui de i'il« 
^— Caste des Safigs-Mêlés. 

Christophe Colomb , d'après Topinion la plus amhentique, est né 
ftn 1435 ou 143G , à Gènes, d'un père tisserand. Il étudia avec suc* 
ces, à l'Université de Pavie, la Géographie ^ l'Astronomie alors ap^ 
pelée Astrologie, la Grammaire et le Latm. 

Ayant conçu l'idée de trouver une route nouvelle pour aller en Chine, 
il eommuniqua son projet à ses concitoyens qui le découragèrent. U 
»e rendit en Espagne où il fut d'abord mal accueilli; mais plus tard 
énergiquement soutenu par Louis de Saînt-Angel , receveur des Do- 
gXddJXQ» eçflésiastiqMs de h couronne d'Àt^agon , et par le cardinal i^ 



BiSTOimC D^HAITà. 



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llendoza , cbef da conseil de la Reioe Isabelle , il vît agréer son proje(| 
par le conseil de Fei^inand. 

* Le 30 Avril 1 *9î2 , Feixlinand el Isabelle lui donnèrent un brevet 
par lequel il fui nommé Amiral et vice-roi des îles et de la Terre^Ferma 
qu*il découvrirait. L« 3 Août suivant , il partit «de Palos avec trois 
caravelles, chargées de. vivres pour un an, et de 12Q hommes. Trois 
jours api^, il s'arrêta à la grande Canarie, et ^ lit quel<]^ues répi- 
rations à ses navires. Le 6 Septembre, il reprit la mer. 

Après avoir découvert quelques îles , il aborda , le 6 Décembre , à 
la pointe occidentale d une terre que les Insulaires de Cuba nommaiant 
HaUi ( terre montagneuse ) ou Quiesqueia (grande terre). U mouilla 
dans une baie à laquelle il donna le ^om de Saint-Nicolas; puis côtoyant 
le rivage septentrional d Haïti, il rencontra le 8 Décembre une autr# 
baie que du nom de la fête de ce jour il appela la Conception, c'est, 
aujouixl*hui, TÉcu. 

Au moyen d'une femme que ses agens avaient gagnée , il parvint à 
communiquer avec les habitans. Ensuite il jeta Fancre dans une ausCi^ 
qu'il nomma VaIpara3So( Port-de-Paix. ) 

L'Ile d'Haïti , peuplée , au dire des historiens espagnols , de 2,000, 
000 d'âmes environ , était divisée à cette époquç en cinq royaume» 
unis par une parfaite amitié : le royaume de Magua ou de la plaine com- 
prenait la vaste plaine de la Véga Real qui s étend entre Monte-Christ et 
Samana; le cLefde cet Elat se nommait Guarionex; le royaume de 
ilarien s'étendait de Monte-Christ au Cap Saint-Nicolas ; son chel n >m- 
fné Guacanagary résidait au lieu appelé aujourd'hui Cap-Haïtien ; le 
royaume de Maguana occupait le quartier de Cibao et tout le cours de 
l'Artibonite; le prince qui y commandait, nommé Caonabo , était uï^ 
caraïbe des îles du vent ; il faisait sa résidence à Maguana ( Saint Juan ) ; 
le royaume de Xaragua comprenait la plaine du CulHle»Sac et celle de 
Léogane ; le cacique Béhêchio en était le souverain. Sa sœurAnacoana 
(fleur d'or) avait épousé Caonabo. A la mort do Bchéihio, Anaco- 
ana héritera de son frère, celui-ci n'ayant pas laissé d'enfans de ses 
trente-deux femmes. Le cinquième royaume oiait celui dllyguey, qui 
s'étendait de TOzama au Cap Engauo. Une princesse nommée Hy« 
guanama y dominait. 

Les chefs des Etats d'Haïti portaient le nom de eaçjques et prati* 
quaient la polygamie. Ils exerçaient sur leurs sujets un grand ascen- 
dant. Les Haïtiens étaient entièrement nus et habitué» à se peindre 
le corps; leurs femmes portaient une espèce de jupe; mais les illles 
n'avaient aucun vêtement. Ils avaient le teint cuivré, lescheyeus^ longs, 

{)lats et noirs. Comme les espagnols çoni\aissaient depuis deiix mois 
es tles voisines , ils purent établir une comparaison entre leurs habitans 
ï*espectifs : les Haïtiens les surpassaient tous en beauté. Ils étaient très* 
sobres, se nourrissaient de maïs^ de racines^ de*fruilset de coqtiil* 
l^m^ mais quoique vift et agiles^ ils avaient une aversion marouéj^ 



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nisToiRi D^iÂirn u 

pour les travaux pénibles. Les Espagnols les eurent bientd! gagnés pat 
des présents. Ils avaient tant de confiance en ces étrangers qu'ils moa- 
talent sans armes à bord des vaisseaux. 

Toute leur Histoire se composait de ch nsbns et de fables qu'ils 
apprenaient dès Tenfànce. ' On ne sait que Tort peu de chose de leur re« 
ligion. Ils adoraient des êtres malfaisans »des couleuvres, des caïmans; 
Leurs prêtres étaient des sorciers qui se nommaient Butios , et les 
figures qui représentaient leurs Dieux s'appelaient Zernés, 

Penclant que ces insulaires se reposaient sur lamitié des Espagnols, 
ils étaient loin de sou|)Çonner les motifs d'intérêts ([ui faisaient agir 
ces nouveaux hôtes. Ils furent épouvantés par Tappareil terrible dt 
Fanillerie des bâtiments, dont ou crut nécessuire du leur iaiie con*» 
naître les effets. 

Christophe Cc^mb sentit bientôt îa nécessité de faire un établisse- 
ment dans celte ile , et de partir (>our TEspagne Un des vaisseaut 
avait fait naufrage , un autre ne lui avait pas envoyé de nouvelles , e| 
le troisième ne suJTisait pas pour contenir tout son monde. Aussi sa 
détermina t-il k laisser dans Ttle une partfe di^s siens. Il lit choix ds 
trente-neuf Espagnols qu'il conlia au commandement de Rodrigo 
de Gordoue. L4es Haïtiens sans défiance travaillèrent à la construction 
d'un fort qui devait les pîa^rer sous la dépendance * espagnole. Cette 
fortification fut appelée iNkiivité , parce que les Castillans avaient échap* 
pé à un naufrage le jour de Noël; 

Christoplie Colomb lit le tour de l'île. Il reconnut que c'est uns: 
terre de hautes monlagi>es séparées par de vastes plaines, de cent 
soixante lieues de longueur , de la pointe Samana au cap Tiburon , 
et de soixante lieues dans sa plus grande largeur , du cap Mongon à 
la pointe Isabelli(|ue. Elle est située entre le iV degré^ 55 minutes 
et le 20* degré, de latitude septentrionale; et entre les IV et 77* 
degrés de longitude occidentale. Le contour de l île est de 850 lieues, 
•t la surface de 5,200 lieues carrées,. 

A quelques lieuei de la côtje septentrionafe, s'étève Ttle de la Tor* 
tue couverte de verdurs,. de neuf lieues de longueur sur trois-cents 
toises de largeur; et au mil eu du golfe du Cul de Sac, à louest, se- 
tend rtle de la Gonave encore inhabitée. Le long de la côte méridio* 
nale, l'on rencontre, à do- grandes disfhnces, les lies de la Saône, ds 
Sainte Catherine,, de la Béate, d'Alla Vêla et l'Ile à Vaches. Les Caï- 
inites, au Nord de la presqu'île du Sud, forment un groupe d'îles pit« 
loresques. 

De vastes plaines qu'arrosent de grands fleuves s'ëtendent entré 
naa laontagnes : la vallée de la Vega*Keal d'une rare végétation entrs 
les deux chaînes de Monte-Christ et de Cibao, est parcourue parla Yuns, 
dont les «aux rapides vont se perdre dans ta baie de Samana; le grand 
Yaque traverse la plaine de Saint Yague, et se jette itans la baie de 
itwtt-Cbrist ; l'Artibonitii , peuplée de caiiinaus, arrose la plaine qui qk 



4 2IIST01RB X>'0AITi. 

fiante b nom 9 et 0e précipite daus le golfe de la Gonâye; la Neyba 
^i rOzama gui coulent du INord ,au Sud porlent leurs eatis^ dans la 
|ber des Caraïbes. 

Entre Samana et Puerto-Plata, le long de riches montagnes, s'étend 
Vne plage étincelante aux rayons' du Soleil, et presque abandonnée. 
. Nos principales montagnes, le Cibao, le Bahoruco, la Selle et la 
Hotte voient régner à leur somn>et une température bienfaisante. A la 
cime de la Selle ^ pendant Thiver , le thermomètre descend quelquefois 
jusqu'au sixième degré ^u-dessus de zéro. 

Dans les plaines , la température est ordinairement douce; mais pcn«. 
dant la sécheresse , l'atmosphère est embrasée des. ft:ux d'un Soleil 
ioeurtrier , et des vents impétueux soulèvent une épaisse poussière, 
^lors r Européen supporte avec peine les fatigues de la marche, 

Colomb , frappé de la richesse du sol de notre lie. la nomma Hi» 
pailola ou petite Espagne. Il la quitta le 4 Février 1493^ et arriva 
«n Espagne le 15 Mars suivant. 

Il se rendit à Barcelone. Il y fit une entrée solennelle. Au milieu^ 
d'un peuple imniense , il se dirigea vers le palais de ses Souverains. 
Il était précédé de sept Indiens , preuve de la découverte d'un nouveau 
^onde; venaient ensuite, port^ en triomphe, des lames d'or, ties 
perroquets sur des roseaux, des cainaans, des lamentins empaillés, des 
quadrupèdes et des oiseanx inconnus à l'ancien Monde. Colomb fut ac- 
cueilli par Ferdinand et Isabelle assis sous un dais étincelant. On U 
jfit se placer sur un siège à côté du Trône parmi les grands d'Espagne; 
et il fit lui-même le récit de son voyage. Quand tout fut terminé, W 
Soi et la Reine , tous les spectateurs se jetèrent à genoux , et un Te- 
i)eum fut changé dans la Chapelle Royale. 

Le 28 Mai 1493 , Ferdinand et Isabelle délivrèrent à Colomb de nou*^ 
telles lettres* patentes par lesquelles il fut nommé c Amiral de l'Océan, 
« depuis les îles Açores jusqu à celles du Cap-vert, du septentrion au 
€ midi, vice-roi et gouverneur perpétuel de toutes les terres qu'il avai( 
0. découvertes et qu'il découvrirait. » 

Peu de temps après le départ de Colomb de Tîle d'Haïti , les Espa* 
gnols laissés dans le fort de ta Nativité , avaîen| méconnu l'autorité d« 
AodrigQ leur chef, et s'étaient livrés à toutes sortes d excès sur les^ Haï- 
tiens. Ils avaient pénétré dansfle Cibao chez Caonabo, ^t avaient en- 
levé tout l'or de ce cacique. Celui-ci indigné les avait attaqués, battus, 
mi poursuivis jusqu'à la Nativité. |l les avaient ensuite égorgés, après 
avoir détruit leur redoute , malgré' les eiforts de Guacanagary qui avait 
en. vain tenté de les défepdreen combatttant contre le roi dé Maguana. 
Caonabo reloura à Maguana bien convaincu qu'il avait à tout jamais 
(iélivré son pays de ces hommes à figures blanches et couverts de fer. 

Après avoir fait baptiser publiquement et en présence de la famille 
i^oyale, les Indiens qu'il avait amenés aveo lui, C. Colomb alla 
49104^9 k Cadii une^ fl9Ue dt dix-^^e^^ bàtimens. £Ue était ebar^ée ip 



4,^60 tofontaires , jeunes nobles des meilleures femittes cla Hd^Qtnt^ 
d'outils, dfe grains, de légumes et d'animaux de toutes espèces d# 
l'ancien Monde. Il s'embar(][ua avec plusieurs Ecclésiastiques sous leei 
ordres d'un Supérieur muni de pouvoirs très-étendus du pape^ poui^ 
convertir les Indiens. Il appareilla le 28 Septembre i4934 II mouill% 
au Port-Real , prés du lieu où est bâti aujourd'hui le Cap. Haïtien ^ 
(22 Novembre. ) Là il apprit avec douleur tout ce qui s'était passé 
pendant son absence. Il abandonna ce port , et construisit j à Test dd 
Monle-Christ , à rembôuchure d'une rivière , la première ville eurO'*» 
péenne élevée dans le Nouveau-Monde ; U la nomma Isabelle em l'hon- 
neur d'Isabelle de Castille , sa bienfaitrice^ Il partit ensuite pour les 
-mines du Gibao; et après avoir surmonté de grands obstacles de ter^ 
rain , il y arriva le i2 Mars 1494, avec 400 hommes , la plupart dé 
jeunes hidalgos» - Celte première route ouverte dans le Nouveau-Monde^ 
fut appelée El puerto de los hidalgos (défilé des gentilshommes.) Go** 
lomb s assura qu'il existait des mines d'or dans ce quartier. Il y bâtit 
une forteresse qu'il nomfna Saint Thomas , pour rappeler l'incrédulité 
de ses compagnons qui avaient hcsité à le suivre dans TiAtérieur de 
l'ile, prétendant qu il n'y avait pas de mines. 

Alonzo de Ojéda , jeune Espagnol d*uné intrépidité chevaleresque^ 
•nleva Gaonabo qui fut embarqué pour l'Espagne. Mais le navire^ 
au milieu d'une tempête , disparut sous les flots* 

Les Castillans se livrèrent à d'aflreuses cruautés sur les Haïtiens* 
Ceui-ci exaspérés s'armèrent de massues^ de pierres, de flèches, et se réu*^ 
nirent au nombre de cent mille dans la vaste plaine de la Véga-RéaK Ac-^ 
coutumes à une vie oisive et nonchalante, ils ne pouvaient supportée 
les rudes travaux de la servitude^ Les Espagnols méprisant celte mul<* 
titude sans discipline , sans tactique et presque sans artneSi marché^ 
reiit au combat au nombre de 200 arquebusiers et de vingt cavaliersl 
Précédés de vingt dogues aflamés, ils se précipitèrent sul" les Haîtienb 
avec rage. Les Indiens de ces quartiers entendirent pour la première 
fois le son du canon et les décharges de la mousqueterie. Au bruit 
de ces terribles délonnations , ils se prosternèrent la fhce contre terrfi 
et demandèrent grâce à leurs bourreaux , comme ti des divinités arméeft 
de la foudre. Quant aux cavaliers, ils les prirent pour des mojistres: 
et leur imagination frappée de terreur croyait que 1 homme et le cheval 
De formaient qu'un seul être. Ils se dispersèrent de toutes paris ; et lek 
Espagnols y qui n'eurent que la peine de les massacrer , ne perdirent 
pas un seul homme (i495.) 

Après cette victoire , Colomb étendît sUr toute la partie orientale do 
rile une servitude que les lorces humaines ne pouvaient supporter. 
Los Haïtiens plongés dans les mines profondes qu'ils avaient fouillées^ 
périssaient par milliers ^ au milieu d'atfreux supplices. Colomb en em> 
voya trois cents en esclavage en Espagne. Mais Isabelle indignée . lef 
iii fuetlf e eu liberté ^ et déclara qu'elle eûteodait que les Indie&s fu6<* 



14. 1914. 
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INTRODUCTION. 



J'offre au public une histoire d^Haïti à laquelle j'ai traTaillé pendant plu» 
sieurs années. Cette histoire est particulièrement celle de la race africaine 
transplantée en Haïti , et devenue libre par sa propre énergie développée à 
travers le sanor et au milieu des secousses révolutionnaires qui ont bouleversé , 
mais régénéré notre patrie. Pour Pintelligence de cette histoire, il a été 
nécessaire qu'elle fut précédée d'un exposé rapide des événemens qui ont 
suivi la découverte de notre ile et qui ont amené l'extinction de la race 
aberigène , la transplantation des africains , la colonisation française ; d'un 
tableau des tortures de l'esclave et de la tyrannie exercée sur les affranchis 
noirs et jaunes. Ce récit fera comprendre Tardeup avec laquelle ces hommes, 
victimes de toutes sortes d'atrocités, embrassèrent la cause de la sainte ré- 
volution de 17SJ , dont les principes furent proclamés par l'Assemblée Na- 
tionale de France pour la régénération de Tiiumanité. 

Les luttes de ces hommr^s héroï'iues contre leurs oppresseurs annoncèrent| 
dès les premières tourmenter de notre révolution, l'indépendance de notre race; 
et les esprits clairvoyans découvrirent même dès lors notre glorieuse nation 
nalité au milieu des ruiues de l'aristocratie coloniale. 

Pour bien comprendre l'histoire de notre pays, il ne faut pas négligea 
d'étudier celle des autres peup'es. En histoire comme dans les' sciences 
tout s'enchaîne. Déjà l'histoire d'Haïti, sous l'influence excercée par les con- 
quêtes successives des euroj^éens dai^s notre île, se rattache à celle des peu- 
ples les plus civilisés de Tancien monde. Si les espagnols et les français^ 
ea pos5;éd'<i;it la reine des Antilles, y ont laissé les traces sanglantes de leur 
domination , ils y ont aussi laissé leurs langues, leurs mœurs, leurs coutu- 
mes, enfin les germes dune civilisation nouvelle. La possession européenne 
enfdnta sur notre sol des crimes inouïs, nos repré^^ailles firent aussi frémir 
lliamanité ; cependant constatons le bien que la Providence se plait, tardivement 
parfois, mais toujours, à faire découler des i>lus grands maux : c'est que la civi- 
lisation s'est introduite dans le sein d'Haïti malgré les obstacles presque in* 
surmontables qu'elle avait rencontrés dans le système criminel de la servitude. 
Notre natieualité est depuis longtemps assise; tôt ou tard Haïti occupera avec 
dignité sa place parmi les nations civilisées ; tôt ou tard les noirs et leurs 
deseendans que la servitude a presque partout abrutis dans le nouveau mon- 
de , atteindront comme dans lantiquité , au plus haut degré de civilisation. 
Mais pour qu'Haïti obtienne ce glorieux résultat, pour qu'elle soit à la 
tète de 1» race africaine, il faut quelle se hâte de parcourir les annales des 
nations , et de découvrir que tons les peuples qui ont négligé ou refusé de suivre 
les progrès de l'esprit humain, ont fini par perdre, la plupart, leur existence 
Qatienaie , victimes de leur propre résistance au développement des lumières* 
Il est impessible de diriger une société dans le^ voies du progrès , de lui 
faire éviter les écueils contre lesquels beaucoup de jeunes peuples se sont 
brisés , si on n'a pas médité sur les événemens passés et dans le monde 



14. iei4. 

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INTRODUCTION* 



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J'offre au public une histoire d'Haïti à laquelle j'ai travaillé pendant plu* 
sieurs années. Cette histoire est particulièrement celle de la race africaine 
transplantée en Haïti , et devenue libre par sa propre énergie développée à 
travers le sanoret au milien des secousses révolutionnaires qui ont bouleversé , 
mais régénéré notre patrie. Ponr l'intelligence de cette histoire, il a étÔ 
nécessaire qu'elle fut précédée d un exposé rapide des événemens qui ont 
suivi la découverte de notre île et qui ont amené l'extinction de la race 
aborigène, la transplantation des africains, la colonisation française; d'un 
tableau des tortures de l'esclave et de la tyrannie exercée sur les affranchis 
noirs et jaunes. Ce récit fera comprendre TardeuF avec laquelle ces hommeS| 
victimes de tontes sortes d'atrocités , embrasseront la cause de la sainte ré- 
volution de 178.) , dont les prmcipes furent proclamés par l'Assemblée Na-' 
tionaie de France pour la régénération de Tiiumanité. 

Les luttes de ces hommes héroïques contre leurs oppresseurs annoncèrent^ 
dès les premières tourmenter de notre révolution, Tindépendance de notre race; 
et les esprits clairvoyans découvrirent même dès lors notre glorieuse natio« 
Dalité au milieu des ruines de l'aristocratie coloniale. 

Pour bien comprendre l'histoire de notre pays, il ne faut pas^ négliger 
d'étudier celle des autres peup'es. En histoire comme dans les' sciences 
tout s'enchaîne. TDéjà l'histoire d'Haïti, sous Tirifluence excercée par les con- 
quêtes $ucces.«ives des euro()éens dat^s notre île , se rattache à celle des peu- 
ples les plus civilisés de l'ancien monde. Si les espagnols et les français^ 
en posséd-ixit la reine des Antilles, y ont laissé les traces sanglantes de leur 
domination, ils y ont aussi laissé leurs langues, leurs mœurs, leurs eoutu- 
mes , enfin les germes d une civilisation nouvelle. La possession européenne 
enfanta sur notre sol des crimes inouïs, nos représailles firent aussi frémir 
lliamanité; cependant constatons le bien que la Providence se plait, tardivement 
parfois, mais toujours, à faire découler des olus grands tnaux : c'est que la civi* 
Hsation s'est introduite dans le sein d'Haïti malgré les obstacles presque in- 
surmontables qu'elle avait rencontrés dans le système criminel de la servitude. 
Notre nationalité est depuis longtemps assise; tôt ou tard Haïti occupera avec 
dignité sa place parmi les nati^ms civilisées ; tôt ou tard les noirs et leurs 
deseendans eue la servitude a presque partout abrutis dans le nouveau mon- 
de , atteindront comme dans Tantiquité , au plils haut degré de civilisation. 
Mais pour qu'Haïti obtienne ce glorieux résultat, pour qu'elle soit à la 
tète de 1» ra':e africaine, il faut qu'elle se hâte de parcourir les annales des 
nations , et de découvrir que tous les peuples qui ont négligé ou refusé de suivre 
les progrès de l'esprit humain, ont fini par perdre, la plupart, leur existence 
oati^nale , victimes de leur propre résistance au deveioppemenf des lumières. 
Il est impassible de diriger une société dans le^ voies du progrès , de lui 
laire éviter les écueils contre lesquels beaucoup de jeunes peuples se sont 
brisés , ci on n'a pas médité sur les événemens passés et dans le monde 



14. 1914. 
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ToSre au public une histoire d'Haïti à laquelle jai travaillé pendant plu* 
sieurs années. Cette histoire est particulièrement celle de la race africaine 
transplantée en Haïti , et devenue libre pvir sa propre énergie développée à 
travers le sançrcH^ au milieu des secousses révolutionnaires qui ont bouleversé , 
mais régénéré notre patrie. Pour l'intelligence de cette histoire, il a étÔ 
nécessaire qu'elle fut. précédée d'un exposé rapide des événemens qui ont 
suivi la découverte de notre !!e et qui ont amené l'extinction de la race 
aborigène , lu transplantation des africains , la colonisation française ; d'un 
tableau des tortures de l'esclave et de la tyrannie exercée sur les afiranchis 
noirs et jaun^^s. Ce récit fera comprendre i'ardeuv avec laquelle ces hommeS| 
victimes de to.ites sortes d'atrocités, embrassèrent la cause de la sainte ré- 
volution de 178.) , dont les prmcipes furent proclamés par l'Assemblée Na-< 
tionale de France pour la régénération de I numanité. 

Les luttes de ces hommes héroïques contre leurs oppresfseurs annoncèrent^ 
dès les premières tourmentes- de notre révolution, l'indépendance de notre race; 
et les esprits elairvoyans découvrirent même dès lors notre glorieuse natio- 
nalité au milieu des ruiues de Taristocratie coloniale. 

Pour bien comprendre l'histoire de notre pays, il ne faut pas^ négliger 
d'étudier celle des autres peup'es. En histoire comme dans les' sciences 
tout s'enchaîne. Déjà l'histoire d'Haïti, sous Titifluence excercée par les con- 
quêtes succes.«ives des eurot)éens dai^s notre île , se rattache à celle des peu- 
ples les plus civilisés de Tancien monde. Si les espagnols et les français^ 
en posséd-tQt la reine des Autilles, y ont laissé les traces sanglantes de leur 
domination , ils y ont aussi laissé leurs langues, leurs mœurs, leurs eoutu* 
mes, enfin les germes d une civilisation nouvelle. La possession européenne 
enfanta sur notre sol des crimes inouïs, nos repré.^ailles firent aussi frémir 
lliamanité ; cependant constatons te bien que la Providence se plait, tardivement 
parfois, mais toujours, à faire découler des olus grands maux : c'est que la civi- 
lisation s'est introduite dans le sein d'Haïti malgré les obstacles presque iu" 
surmontables qu'elle avait rencontrés dans le système criminel delà servitude. 
Notre nationalité est depuis longtemps assise; tôt ou tard Haïti occupera avec 
dignité sa place parmi les nations civilisées ; tôt ou tard les noirs et leurs 
deseeadans eue la servitude a presque partout abrutis dans le nouveau mon- 
de , atteindront comme dans I antiquité , au plils haut degré de civilisation. 
Mais pour qu'Haïti obtienne ce glorieux résultat, pour qu'elle soit à la 
tète de I» rare africaine, il faut qu'elle se hâte de parcourir les annales des 
nations , et de découvrir que tous les peuples qui ont négligé ou refusé de suivre 
les progrès de l'esprit humain, ont fini par perdre, la plupart, leur existence 
oationale , victimes de leur propre résistance au dévetoppemenC des lumières. 

Il est impassible de diriger une société dans le^ voies du progrès , de lui 
faire éviter les écueils contre lesquels beaucoup de jeunes peuples se sont 
bxûsés , si on n'a pas médité sur les événemens passés et dans le monde 



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Toffre au public une hÎ3toiro d'Haïti à laquelle jai travaillé pendant plu» 
sieurs années. Cette histoire est particulièrement celle de la race africaine 
transplantée en Haïti , et devenue libre par sa propre énergie développée à 
travers le sansf et au milieu des secousses révolutionnaires qui ont bouleversé , 
mais régénéré notre patrie. Pour l'intelligence de cette histoire, il a été 
nécessaire qu'elle fut. précédée d'un exposé rapide des événemens qui ont 
suivi la découverte de notre île et qui ont amené l'extinction de la race 
abefigène , la transplantation des africains , la colonisation française ; d'un 
tableau des tortures de l'esclave et de la tyrannie exercée sur les affranchis 
noirs et jaun^^s. Ce récit fera conjprendr© lardeuF avec laquelle ces hommeS| 
victimes de fo'ites sortes d atrocités, embrasseront la cause de la sainte ré- 
volution de 178.) , dont les prmcipes furent sroclamés par l'Assemblée Na«* 
tionale de France pour la régfAnération de Inumanité. 

Les luttes de ces honira^s héroïques contre leurs oppresfîeurs annoncèrent^ 
dès les premières tourmentes^de notre révolution, Tindépendance de notre race; 
et les esprits clairvoyans découvrirent même dès lors notre glorieuse natio- 
nalité au milieu des ruines de l'aristocratie coloniale. 

Pour bien comprendre l'histoire de notre pays, il ne faut pas^ négliger 
d'étudier celle des autres peuples. En histoire comme dans les' sciences 
tout s'enchaîne. Déjà l'histoire d'Haïti, sous l'influence excercée par les con- 
quêtes successives des euro{)éens dai^ notre île, se rattache à celle des peu- 
pies les plus civilisés de Tancien monde. Si les espagnols et les français ^ 
en possédant la reine des Atitilles, y ont laissé les traces sanglantes de leur 
domination , ils y ont aussi laissé leurs langues, leurs mœurs, leurs eoutu* 
mes, enfin les germes dune civilisation nouvelle. La possession européenne 
enfanta sur notre sol des crimes inouïs, nos représailles firent aussi frémir 
lliumanité ; cependant constatons le bien que la Providence se plait, tardivement 
parfois, mais toujours, à faire découler des olus grands tnaux : c'est que la civi* 
iisation s'est introduite dans le sein d'Haïti malgré les obstacles presque in-* 
surmontables qu'elle avait rencontrés dans le ^y^tème criminel delà servitude* 
Notre nationalité est depuis longtemps assise; tôt ou tard Haïti occupera avec 
dignité sa place parmi les nations civilisées ; tôt ou tard les noirs et leurs 
deaeeadans eue la servitude a presque partout abrutis dans le nouveau mon- 
de , atteindront comme dans Tantiquité , au phis haut degré de civilisation. 
Mais pour qu'Haïti obtienne ce glorieux résultat, pour qu'elle soit à la 
tète de I» ra':e africaine, il faut quelle se hâte de parcourir les annales des 
nations , et de découvrir que tous les peuples qui ont négligé ou. refusé de suivre 
les progrès de l'esprit humain, ont fini par perdre, la plupart, leur existence 
oatienale , victimes de leur propre résistance au développement des lumières. 

Il est impossible de diriger une société dans le^ voies du progrès , de lui 
fiiire éviter lès écueils contre lesquels beaucoup de jeunes peuples se sont 
brisés j ei on a'a pas médité sur les événemens passés et dans le monde 



lïîSTOinE D^IAITÎ, 14 

fB (îe grandes atrocîlés , enleva beaucoup <îe Noirs el les transporta en 
Aniérîque. Il «n vendit troi^ cents à Hispaiiola. ^^ès ior9 la traite 
prît un développement qui n'eut plus de bornes. 

Elisabeth d'Angleterre résolut de détruire la prépondérance espagnole 
dans le Nouveau-Monde, En 158(5 , elle envoya aux Indes-Oceicjeiitales 
sir Francis Drakc a>cc une flotte. L'amiral anglais s'empara de Saiut- 
Yago de Cuba, et de Carthagènc. Il vint ensuile bombarder Sanlo- 
Domingo dont il se rendit maître. Il en détruisit les princi[)a«.x fdi- 
fices et ne Tévacua <ju après qu'il eut obtenu tics habilaus 7,000 
livres sterlings. 

Les colonies espagnoles, par le "manque d'administration ei par le 
système monacal , perdaient cha(|ue jour jrfe leur importance. Lesha- 
bitans d'Hispaiioîa aulieu de cultiver leur- champs , se , livrèrent i la 
piraterie. Lti cour de Madrid, pour détruire ce fléau, ferma tous les 
ports, excepté celui de Slo Domingo, Alois les côtes furent abnndon- 
nées , et les habilaos retirés dans l'intérieur vécurent dans des ca- 
banes et devinrent de misérables pasteurs. Ils passèrent ainsi la (in 
du IG*. siècle, eutièremenl étrangers aux é^féncmens q^ui se déroulaient 
autour d'eux. 

Les Européens se livrant au libertinage eurent par. leurs relations 
avec les Indiennes et les Africaines des eiiians de ditlérenles couleurs. 
Celte nouvelle race de sangs mêlés, née dans la colonie, ne tarda pas 
à devenir nombreuse. Alors les préjugés de castes n'existaient pas : 
beaucoup d'Européens épousaient des Indiennes et des Africaines ; et 
l'intérêt ne portait pas encore Thomme à déclarer que son semblable 
lui était inférieur , pour avoir un prétexte d'être dur cl impitoyable à 
son égards 

Nous avons vu dans ce chapitre, les Espagnols, sans de grands 
efforts, soumettre une population composée d hommes faibles, délicats 
et ignorants , 1 exterminer en entier avec une férocité inouie jusqu'alors^ 
et fonder dans le Nouvean Monde la première colonie européenne. 

Après ces massacres inutiles, nous avons vu la misère la plus grande 
pénétrer à Ilispaiiola, par l'absence complète d'u4ie administration in- 
telligente, le littoial devenir désert, et pour ainsi dire de nouvelles 
tribus nomades de san^ Indien et Espagnol ^ parcourir les vastes plai-» 
nea de l'intérieur. 

A la faveur de cette désorganisation sociale, des hommes dont Tau- 
dace, Ténergie, l'iulrépidité , rappellent les incursions des Scandinaves^ 
dans le centre et au midi de TÉurope, s'établiront à Hispafiola qu'ils* 
nommeront Saint-Domingue , et répandront la terreur de leurs arme», 

1)armi les Espagnols , comme ceui^-ci svaient j|et4 i'éf ouvaute parmi 
es Aborigènes. 



/ 



/ 



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w . . — . ^ .J 



I.IVRE DECXIEMIR 



Pe 1630 a 178». 



Sommaire. Des Aventurîert Français et Anglais s'établissent à k Tortue.*^ Flibua* 
tîers.^Lpurs M«Turs.— . Des En^agfés.-r* l^s flibustiers les plus célèbres.— Le vas- 
seur et Rausset battent les Espagnols,-^ Bertrand Doçeron prend le titre de Gou- 
renieur. — Delisle s'empare de St-Yagi\p— Les Flibustiers s^établissent au Cap.-« 
Mort de Doçeron.— r Or Pouancey. — H^volte d'Esclaves. — De Cussy.-^» Administrs^- 
tioQ de la Justice, à St-Dommgue.—r {expédition de la* Côte-Ferme.— De Cussy 
prend StYague.— -Il est battu à Limojiade — Ducasse, Gouverneur.*-» Expéditiojp 
de la Jamaïque. ^r- Expédition Anglo-Espagnole centre la colonie française. — Colons 
àe Ste-Croi]^ transportés à St-Domingue. — Prise de Carthagène.—- Révolte d'esela-' 
▼es — Tmté dis Riswick. — Compagnie, d^ Saint J^uis— Augar Gouverneur. — J6* 
suites. — «Port de l'Hôpital devenu Port-au Prince. — Le conte de Cbeiseul Beaupr^. 
Mr Gabaret — lîVlr. d'Acquin. — Mr. de Blénac — Fin de la Flibusterie. — Mr de 
Château Morand.-r- Tabac— Le marqui^^ de Sorol. — Troubles au sujet de la Com- 
]>agnie des Indes — Cdfier.-a*OrigitiP d^M préjugés. — • Etat d« la colonie Espagnole. 
— Etat de la coioale Française.— D^^îs. Esclaves. — Code noir. — .îV^t^ndal- — Trem- 
blement de terre dp 1770 — Traité de •777. — D^ Belcombe r<;cojinatt Pindépen- 
iUnce de St-Yago» ^ti» le Baboruco-^Tyr'inni*> exercée sur Ips A^ffranchis.' — Souf- 
frances de l'Esclave. — Tableau de la prospérité dtr. la colonie. — Caradeux. — Vau- 
doux — Nouvelle de la convocation des Etats- Généraux.-^ Population, totale de Tlle. 
««- Dejirées ei^portées de Saint Demingue. 



Des Aventuriers Français et Anglais vinrent , en môme temps , au 
commencement du iV siècle» s établir dans Tîle de Saint-Chrislophe, 
qu'occupaient les Caraïbes. Ils se la parlagèrenti les Français sous 
les ordres de Niel d'Enombuc de Dieppe, elles Anglais sous les ordres 
de Warner, 

frédéric de Tolède, en 1630, se rendant au Brésil, pour combattre 
Içs Hollandais, crut avoir extermin ces aventuriers qui ne s'étaient 

3 ue dispersés. Ils se réunirent de nouveau, et vinrent, en 16i0, s'établir 
ans rile de la Tortue. La grande terre de St-Dominguë était remplie 
de taureaux sauvages et de cochons marrons ; les ar.glais et les fran-* 
çais y pénétrèrent , s'y livrèrent à la chasse , et ventlircnt les peaux dç 
ces animaux aux Hollandais. Ceux-ci qui avaient de nombreux comp- 
toirs sur les côtes occidentales de Itle, surtout dans le quartier d^ 
Léogane , leur donniient en échange des armes et desr munitions. 
^ plupart de ces français aventuriers ôtaieot aermaas. Oa les noxp^ 



; ■ ^ • 

W HISTOIRE D^HAITf. • 

Qiait Boucanicrfl parce qu'ils faisaient sécher à la fbmée la viande de^ 
bœufs qu'ils avaient tués (1). Ils prirent plus tard le nom de Flibustiers 
^ui signilie foi ban , lorsqu'ils se livrèrent à la piraterie. 

Ils menaient une existence nomade, chassant sanscessç, et n'inquié- 
tant nullement les Espagnols. Mais ceux-ci qui prétendaient être les 
^euls maîtres du Nouveau-Monde, vinrent les surprendre à la Tortue, 
o{ les dispersèrent de nouveau. Après Ja retraite des Castillans , ils se 
rallièreiU, et jurèrent de leur faire une guerre d'extermination. 

Ilsr mirent à leur tête un Anglais nommé AVillis. Leurs barques agi* 
les, montées de trente ou quarante hommes, prenaient à l'abordage dec 
Taisseaux Espagnols de 50 canons. Jamais de plus terribles marins n'a-» 
taient dompté les flots. 

Ils vivaient en communauté ; une camisole de toile teinte de sang 
était leur unique vêtement. N'ayant pas defemnits, ils n'étaient nuU 
lement assujélisà une existence .régulière. Quant à leurs différends ^ 
ils les vidaient ordinairement par le duel à la carabine. 

Ils n'avaient pas^ beaucoup d'esclaves Africains ; ils se faisaient servir 
par des blancs, la plupart de Dieppe, qui , sous le nom d'engogés , ven* 
daient leur travail pour trois ans , dans le Nouveau Monde. Ils sq 
recrutaient de ces engagés qui devenaient à leur tour de terribles 
flibustiers. 

Quelques écrivains de nos jours ont prétendu que l'engagé était ua 
véritable esclave , et que le noir n'est pas à plaindre d avoir été dans 
la servitude , puisque le blanc avait eu le même sort à Saint-Domin- 
gue. — L'Africain arraché de son pays, par ruse ou par violence, était 
soumis à une éternelle servitude lui et sa postérité; il était condamné 
à un travail tellement au-dessus de ses forces, qu'il succombait en peu 
d'années sous le poids de ses fatigues. La reproduction naturelle de 
son espèce ne pouvait remplir le vide immense <|ue produisait dans les 
ateliers une mortalité extraordinaire. Delà le besoin incessant des trans-* 
plantations de ces infortunés dans les colonies. 

Quant à l'engagé européen , il aliénait volonlaîrement sa liberté 
pour trente-six mois seulement. A l'expiration de son contrat, il 
devenait l'égal de son ancien patron, flibustier comme lui, grand sei- 
gneur, et atteignait souvent au premier rang de la société coloniale. Il 
ne consentait le plus souvent à quitter son lieu natal, pour traverser 
)' Atlantique que parceque qu'on lui donnait la certitude qu'il dé- 
tiendrait un jour riche, heureux, et qu'il serait comblé d'honneurs. 

La cupidité porta Teuropéen à déroger à tous les principes qu'il pra- 
tiquait déjà au 16' siècle. Sa religion condamnait la servitude; il se 
disait religieux , et il avait des esclaves en Amérique. Ce fut alors que 
h% lumières se développaient, que Ton comprenait combien il est af« 

( 1 ) Ss>ucan gril ds >oii3 dout se (serredeat les Caraïbes pour sécher et fuça^ 



* 

fretit d'aliéner h liberté dé son semblable, qu'on vît des esprits éclai- 
rés qui travaillaient en Europe à [amélioration du sort des peuples,- 
déclarer, mus par la cupidité, que le Noir était inférieur aux autrt^s 
hommes et digne par conséquent de la servitude. Lor^^qu'en Europe 
tout tendait à Taire disparaître les vestiges du système féodal , on ressus^ 
eijait le monde ancien, dans les contrées du nouveau monde. 

A celle époque la France envoya avec une petite expédition , ua 
gouverneur à Saint Vincent, une des fies du vent. Les flibustiers de' 
Saint-Domingue , sentirent la nécessité d'être sous la protection d'.une 
grande puissance; comme ils étaient presque tous Français, ils s^adree*' 
seront au- gouverneur des îles du vent , qui leur envoya Levasseur 
en 1640. De nombreux Français. partis de Saint Vincent* vinrent à k 
Tortue, et renforcèrent les flibustiers de leur nation. Alors ils signi* 
fièrent aux Anglais qui étaient avec eux de se retirer dans le plus 
bref délai , sous peine d'exterminaliôn. Les Anglais se relirèrent à la 
Jamaïque où ils s établirent; et les Frailçais demeurèrent seuls maîtres 
de la Tortue. 

Déjà les flibustiers de Saint-Domingue avaient acquis une grande 
télébrité. Ils épouvantaient le nouveau monde piîr leurs exploits. Pierre 
le grand , natif de Dieppe, avec une bargearmée de quu re «anons, 
et montée de vingt-huit hommes, prit à Tabordage le vaisseau d un vice- 
amiral Espagnol ; Michel le Basque enleva un navire de guerre , char- 
gé, d'un million de piastres. On distinguait encore parmi les flibustiers 
Français, Nau l'Olonais , rt Monbars le languedocien, surnpminé Tex- 
terminateur. Parmi les flibustiers Anglais établis à la Jamaïque se 
faisait remarquer Morgan le gallois. 

Les nouveaux habilans de la Tortue formaient quatre classes : le^ 
Boucaniers ou chasseurs, les flibustiers ou corsaires^ les babituns ou 
cultivateurs et les Engages. 

En 1648 , les Espagnols dirigèrent une expédition contre la Tortue; 
mais ils furent complètement battus par Levasseur. Ils leyinrent à la 
charge, et parvinrent à s'emparer de la petite Ile. Mais en IGOO, do 
Rausset la leur enleva à* tout jamais. En 165(5, il a^ait été nbmmé 
par le roi commandant de la Tortue. En récompense de sa conquête, 
cette île lui fut accordée en toute propriété. 

Louis XIV , apprenant les succès de ses sujets en Amérique , se dé- 
termina à les soutenir sérieusement. En 1664, il éiabiit la cotiqui^nic 
des Indes Occidentales pour faire le commerce dans les îles et tene 
ferme de TAmérique; et la môme année, d» Rausset céJa poui 4 4)00 
livres, à la" môme compagnie, tous se^ droits sur lile de la Tuiuc. 
En Octobre 1664, d'Ogeion fut nommé gouverneur <ie l'île de la r.»r^ 
tue par les directeurs généraux de la compagnie ùcs liides Octidei;i;.*es. 
D'Ogeron était un genlilhomme angfi\in que de malhefi. ruses ^jj«'>c.- 
làlions avaient contiaint de vivre parmi les flibusli<3is. Four cummu-!- 
éev aux flyUbustiers , U fallait èivi flibuslieri 



r ' 



9 HrsTotnï s'HAïTr. 

gan aflVem éclata, la \ille de Santo-Dotningd Ait renversée, et Ta 
flotte disparut sous les flots. Ainsi périt Bovadtlla dont le nom rappellu 
aujourd'hui les plus horribles cruautés- Deux ans après Ovando re* 
bâtît Santo-Domîngo avec magnilicence , sur la rive droite de TOzama. 
Colomb se présenta de nouveau devant cette ville , et Ovando se décida 
à le recevoir. Il partit pour rfijirope où il arriva enr 1504. 
^ La Reine Isabelle était morte. Ferdinand qui lui était devenu fios^^ 
tile, lui dta sa charge de Vice-Roi. Il mourut de chagrin, dans la 
' misère, à Valladolid, le 20 Mai 1506, à Fâge de soixante dix ans. 
11 fut enterré dans l'Eglise des Chartreux de Séville, et son cadavre 
fut ensuite envoyé à Santo-Domingo , comme il Tavait demandé dans 
€on testament. Mais en i776 , ses restes furent transportés à la Ha^ 
vane où ils sont encore. ^ 

Ovando ne soulagea pas beaucoup les Indiens dans les travaux des 
mines , quoiqu'il eût reçu de sages instructions à leur égard. Il ne 
fijt un peu juste qu'envers les Européens. Il encouragea la plantation 
de la Canne i sucre transportée à Hispafiola des îles Canaries par 
Pierre Atença. Gonzalez de Velosa construisit le premier moulin à 
sucre que l'on vit en Haïti. En 1535 , la fabrication du sucre aura 
pris un développement si important, qu'à ^a fin du 16°"* siècle, on ^n 
exportera 887 caisses , de 200 livres chacune. 

Ovando faisait exploiter les mines d'or avec une rare activité. La 
colonie fournissait à l'Espagne 2,400,f)00 livres tournois. Ferdinand 
4tait satisfait d'un gouverneur qui lui faisait parvenir chaque année de 
quoi fabriquer 500,000 écus d'or. Soutenu par le roi , Ovando ne 
mit plus de bornes à sa cupidité. 

Une insurrection avait éclaté dans la province d'Hyguey. Les Espa* 
f nois , au nombre de 400, avaient marché contre les, Indiens qui les 
avaient battus d'abord. Mais Esquibel les vainquit à son tour , et ex- 
termina la plus grande partie de la population de ce quartier. Il cens- 
- truisit un fort dans le bourg d'Hyguey. 

Les anciens partisans de Roldan , retirés dans la province de Xaragua, 
vivaient excité , par les excès auxquels ils se livraient , la haine d'Ana- 
coana. Pour se venger de cette cacique , ils écrivirent i Ovando 
qu'elle conspirait contre le Roi d'Espagne. 

Cette princesse avait succédé à Béhéchio, son frère , mort sans pos- 
térité. Ovando qui ne cherchait que l'occasion de dépouiller les caci« 
ques , accueillit avec empressement cette dénonciation : pour mieux ca« 
cher ses projets hostiles , il envoya des députés dans le Xaragua. « 

Anacoana, jeune, belle, adorée de ses sujets, faisait sa résidence â lagua» 
na. Pleine d'imagination , elle composait les poésies que chantaient les 
.Baïtiens dans leurs fêtes religieuses. Elle se montrait tout-à-fait favo>« 
rable aux figures blanches qui avaient pénétré dans son lie. La dépu* 
tation au'Ovando lui avait envoyée, lui offrit avec une fierté respec^ 
« tueuse 1 amitié du Roi d'Espagne. Séduite par l'éclat et la pompe dont 



firsToiRE d'hattî. 



s*cnlotiraîent les Espagnols, et curieuse de connaUre les usages et lei 
mœurs de ces étrangers, elle fit un traité d'alliance avec eux. 

Alors Orando partit de Sto.^Dorningp , avec trois-cents arquebusier^ 
et deux-cents cavaliers. Il traversa Haïti en triomphateur, et vint.cam- 
per dans la plaine de Yaguana (Leogane). Anacoaria Taccueillit sans 
•défiance , fit célébrer en présence de son armée des jeux indiens et 
toutes sortes de fêles : c'était le témoignage qu'elle lui donnait de la 
sincérité de son dévouement au Roi d'Espagne. Ovando, de son coté, 
fit annoncer une fête européenne au son de la trompette et d'une mu- 
sique guerrière qui charma les Haïtiens. Par une fraîche matinée 
toute la population du Xaragua , attirée par la curiosité , se réunit sans 
armes, dans la plaine pour assister à un spectacle qui lui paraissait devoir 
être si beau. A un signal' convenu , les Espagnols fondirent sur les' 
Haïtiens et les massacrèrent. Le carnage dura plusieurs heures. On vit 
- des cavaliers castillans , de jeunes Hidalgos , mus par la pitié , placer 
devant "eux sur leurs selles, des enfans , pour les arracher à la mort; 
mais leurs féroces compagnons , passant à leur côté , leur reprochaient 
leur sensibilité , et perçaient & coups de lances ces petits infortunés. 

Quelques Indiens se réfugièrent à la Gonave en se jetant dans des 
iols; d autres gagnèrent les hauteurs et se retirèrent dans les montagnes 
du Bahoruco , ayant à leur tête Guarocuya, un des'parens d'Anacoana^ 
qui fut pris plus tard et exécuté par les Castillans. 

Ovando fit mettre à la torture trois-cents chefs haïtiens , vassaux dé 
la Reine. Ils déclarèrent au milieu des supplices qu'elle avait conspi* 
ré. Ils furent ensuite brûlés-vifs. 

Après Textermination de la plus grande partie de la population du 
Taragua , Ovando bâtit une ville qu il nomma Sainte^ Marie de la vraie 
paiXf près du lieu où est aujourd'hui Léogane. Il retourna en triom* 
phe à Santo Domingo , traînant Anacoana enchaînée et livrée à toutes 
sortes d'outrages. La sœur du cacique Béhécbiu , la veuve do Gao~ 
Babo , fut jugée y condamnée et pendue dans la Capitale de ta Colo- 
nie. 

A cette époque , les Espagnols occupaient une vingtaine de bourçs. 
Leur puissance paraissait parfaitement établie , quand le quartier 
d'Hyguey se souleva de nouveau. Le même Esquibel le ravage^ de 
fond en eomble , fit prisonnier le cacique Cotubanama , et l'enNoya à 
Santo-Éomingo où il fut exécuté. Avec lui finirent les chefs haïtiens 
de r^ce royale. 

On ne peut se rendre compte de Texterminalion rapide d'une popo* 
lation si nombreuse , dans un pays montagneux , rempli d'accidenttf 
de terrain , de défilés , et de retrançhemens naturels. 

Tout porte à croire que les écrivains Espagnols ont considérable* 
ment grossi le nombre des habitans de l'Ile. Il paraîtrait que les 
inontagnes n'étaient presque pas occupées , et que les Aborigènes se te* 

9%ieot dd préférence» sur le littoral ; L^ bistorleas de «ette époc^ue 



^ 



9 ' HisTomie i>'HAîTr. 

gan aflVent éctala , la ^îlle de Santo-Domîngô ftit renversée , et la 
flotte disparut sous les flots. Ainsi périt Bovadilla dont le nom rappellu 
aujourd'hui les plus horribles cruautés. Deux ans après Ovando re* 
bâtît Santo-Domingo avec magnificence, sur la rive droite de TOzama. 
Colomb ee présenta de nouveau devant celte ville , et Ovando se décida 
à le recevoir. Il partit pour Ffiiirope où il arriva eir 1504. 
^ La Reine Isabelle était morte. Ferdinand qui lui était devenu 4ios«^ 
tile, lui dta sa charge de Vice-Roi. Il mourut de chagrin, dans la 
' misère, à ValladoHd, le 20 Mai 1506, à Tâge de soixante dix ans. 
Il fut enterré dans l'Eglise des Chartreux de Sévilie, et son cadavre 
fut ensuite envoyé à Santo-Domingo , comme il Tavait demandé dans 
fion testament. Mais en 1776 » ses restes furent transportés à la Ha^ 
irane où ils sont encore. ^ 

Ovando ne soulagea pas beaucoup les Indiens dans les travaux des 
mines ^ quoiqu'il eût reçu de sages instructions à leur égard. Il ne 
ftjt un peu juste qu'envers les Européens. Il encouragea la plantation 
de la Canne i sucre transportée à Hispafiola des îles Canaries par 
Pierre Aleoça. Gonzalez de Velosa construisit le premier moulin à 
sucre que l'on vit en Haïti. En 1535 , la fabrication du sucre aura 
pris un développement si important, qu'à fa fin du 16°** siècle, .on ^n 
exportera 887 caisses , de 200 livres chacune. 

Ovando faisait exploiter les mines d'or avec une rare activité. La 
colonie fournissait à l'Espagne 2,400,(k)0 livres tournois. Ferdinand 
4tait satisfait d'un gouverneur qui lui faisait parvenir chaque année de 
quoi fabriquer 500,000 écus d'or. Soutenu par le roi , Ovando ne 
mit plus de bornes à sa cupidité. 

Une insurrection avait éclaté dans la province d'Hyguey. Les Espa- 
gnols , au nombre de 400, avaient marché contre les. Indiens qui les 
avaient battus d'abord. Mais Esquibel les vainquit à son tour , et ex- 
termina la plus grande partie de la population de ce quartier. Il cens- 
- truisit un fort dans le bourg d'Hyguey. 

Les anciens partisans de Roldan , retirés dans la province de Xaragua, 
vivaient excité , par les excès auxquels ils se livraient , la haine d'Ana- 
coana. Pour se venger de cette cacique , ils écrivirent i Ovando 
qu'elle conspirait contre le Roi d'Espagne. 

Cette princesse avait succédé à Béhéchio, son frère , mort sans poa« 
térité. Ovando qui ne cherchait que l'occasion de dépouiller les caci* 
ques , accueillit avec empressement cette dénonciation : pour mieux ca« 
cher ses projets hostiles , il envoya des députés dans le Xaragua. , 

▲nacoana , jeune, belle, adorée de ses sujets, faisait sa résidence à lagua» 

na. Pleine d'imagination , elle composait les poésies que chantaient les 

.Baitiens dans leurs fôtes religieuses. Elle se montrait tout-à-fait favo>« 

rable aux figures blanches qui avaient pénétré dans son Ile. La dépu* 

tation qu'Ovando lui avait envoyée, lui offrit avec une fierté respec^ 

« tueuse 1 amitié du Roi d'Espagne. Séduite par l'éclat et la pompe dont 



fliSTOIRE D^HAlTt. 



»*cnlotiraient les Espapiols, et curieuse de connaHre les usages et \e§ 
mœurs de ces étrangers, elle fU un traité d'alliance avec eux. 

Alors Orando partit de Sto. -Domingo , avec trois-cents arquebusier^ 
et deux-cents cavaliers. |1 traversa Haïli en triomphateur, et vint.cam^ 
per dans la plaine de Yaguana (Leogane). Anacoaiia Taccueillit sans 
•défiance , fit célébrer en présence de son armée des jeux indiens ef 
toutes sortes de fêtes : c'était le témoignage qu'elle lui donnait de la 
sincérité de son dévouement au Roi d'Espagne. Ovando, de son coté, 
fit annoncer une fête européenne au son de la trompette et d'une mu* 
sique guerrière qui charma les^ Haïtiens. Par une fraîche matinée 
toute la population du Xaragua , attirée par la curiosité , se réunit sans 
armes, dans la plaine pour assister à un spectacle qui lui paraissait devoir 
être si beau. A un signal* convenu , les Espagnols fondirent sur lesf 
Haïtiens et les massacrèrent. Le carnage dura plusieurs heures. On vit 
des cavaliers castillans , de jeunes Hidalgos , mus par la pitié , plaeer 
devant leux sur leurs selles , des enfans , pour les arracher à la mort; 
mais leurs féroces compagnons , passant à leur côté , leur reprochaient 
leur sensibilité , et perçaient k coups de lances ces petits infortunés. 

Quelques Indiens se réfugièrent à la Gonave en se jetant dans des 
iols ; d autres gagnèrent les hauteurs et se retirèrent dans les montagnes 
du Bahoruco , ayant à leur tète Guarocuya, un des'parens d'Anacoana^ 
qui fut pris plus tard et exécuté par les Castillans. 

Ovando fit mettre à la torture trois-cents chefs haïtiens , vassaux dé 
la Reine. Ils déclarèrent au milieu des supplices qu'elle avait conspi^ 
ré. Ils furent ensuite brùlés-vifs. 

Après Textermination de la plus grande partie de la population dû 
Xaragua , Ovando bâtit une ville qu'il nomma Sain(e^ Marie de la vraie 
paixj près du lieu où est aujourd'hui Léogane. Il retourna en triom* 
phe à Santo Domingo , traînant Anacoanà enchaînée et livrée à toutes 
sortes d'outrages. La sœur du cacique Béhéchio , la veuve do Cao- 
nabo , fut jugée , condamnée et pendue dans la Capitale de la Colo- 
nie. • 

A cette époque , les Espagnols occupaient une vingtaine de bourgs. 
Leur puissance paraissait parfaitement établie , quand le quartier 
d'Hyguey se souleva de nouveau. Le même Ësquibel le ravage^ de 
fond en eomble » fit prisonnier le cacique Cotubanama , et l'enxoya à 
Santo-éomingo où il fut exécuté. Avec lui finirent les chefs haïtiens 
de r^ce royale. 

On ne peut se rendre compte de l'extermination rapide d'une popo- 
lation si nombreuse , dans un pays montagneux , rempli d'accidents 
de terrain, de défilés, et de retrançhemens naturels. 

Tout porte à croire que les écrivains Espagnols ont considérable* 
ment grossi le nombre des habitans de l'ile. 11 paraîtrait que les 
inontagnes n'étaient presque pas occupées , et que les Aborigènes se te- 
naient da préférence sur le littoral ; Les bisleriens de «ette époqua 



9 RrsTomie p^HAîTr. 

gan aflVatit éclata , la \ill6 de Santo-Domingo IVit renversée , et la 
flotte disparut sous les flots. Ainsi périt BovadUla dont le nom rappellK 
aujourd'hui les plus horribles cruautés. Deux ans après Ovando re* 
bâtit Santo-Domingo avec magnificence, sur la rive droite de l'Ozama. 
Colomb se présenta de nouveau devant celte ville , et Ovando se décida 
à le recevoir. Il partit pour TBlirope où il arriva eir 1504. 
^ La Reine Isabelle était morte. Ferdinand qui lui était devenu «hos*" 
tile, lui dta sa charge de Vice-Roi. Il mourut de chagrin, dans la 
misère, à Valladolid, le 20 Mai 1506, à Y&ge de soixante dix ans. 
11 fut enterré dans l'Eglise des Chartreux de Séville, et son cadavre 
fut ensuite envoyé à Santo-Domingo , comme il l'avait demandé dan« 
«on testament. Mais en i776 , ses restes furent transportés à la Ha-^ 
irane où ils sont encore. 

Ovando ne soulagea pas beaucoup les Indiens dans les travaux des 
mines, quoiqu'il eût reçu de sages instructions à leur égard. Il ne 
fijt un peu juste qu'envers les Européens. Il encouragea la plantation 
de la Canne à sucre transportée à Hispafîola des îles Canaries par 
Pierre Atença. Gonzalez de Velosa construisit le premier moulin à 
sucre que l'on vit en Haïti. En 1535 , la fabrication du sucre aura 
pris un développement si important, qu'à h fin du 16"** siècle, on ^n 
exportera 887 caisses , de 200 livres chacune. 

Ovando faisait exploiter les mines d'or avec une rare activité. La 
colonie fournissait à l'Espagne 2,400,f^0 livres tournois. Ferdinand 
4tait satisfait d'un gouverneur qui lui faisait parvenir chaque année de 
quoi fabriquer 500,000 éeus d'or. Soutenu par le roi , Ovando ne 
mit plus de bornes à sa cupidité. 

Une insurrection avait éclaté dans la province d'Hyguey. Les Ecpa* 
fnols, au nombre de 400, avaient marché contre les. Indiens qui les 
avaient battus d'abord. Mais Esquibel les vainquit à son tour , et ex- 
termina la plus grande partie de la population de ce quartier. Il cons- 
truisit un fort dans le bourg d'Hyguey. 

Les anciens partisans de Roldan , retirés dans la province de Xaragua, 
avaient excité , par les excès auxquels ils se livraient , la haine d'Ana- 
Goana. Pour se venger de cette cacique , ils écrivirent à Ovando 
qu'elle conspirait contre le Roi d'Espagne. 

Cette princesse avait succédé à Béhéchio, son frère , mort sans pos* 
térité. Ovando qui ne cherchait que l'occasion de dépouiller les caci* 
ques , accueillit avec empressement cette dénonciation : pour mieux ca« 
cher ses projets hostiles, il envoya des députés dans le Xaragua.« 

Ànacoana , jeune, belle, adorée de ses sujets, faisait sa résidence à lagua» 

na. Pleine d'imagination , elle composait les poésies que chantaient les 

.Haïtiens dans leurs fêtes religieuses. Elle se montrait tout-à-fait favo^ 

rable aux figures blanches qui avaient pénétré dans son tle. La dépu* 

tation qu'Ovando lui avait envoyée, lui offrit avec une fierté respec^ 

» tueuse 1 amitié du Roi d'Espagne. Séduite par Téciat ^t la pompe dont 



flWTOÏRE D'HAl'Tf. 



si^cn ton raient les Espagfnolsi, et curieuse de connaHra tes usages et Icf 
mœurs de ces étrangers, elle fit un traité d'alliance avec eux. 

Alors Orando partit de Sto.-Domîngp , avec trois-cents arquchusîerd 
et deux-cents cavaliers. {I traversa Haïli en triomphateur, et vint^cam^ 
per dans la plaine de Yaguana (Leogane). Anacoaila l'accueillit sans 
-défiai^ce , fit célébrer en présence de son armée des jeux indiens ef 
toutes sortes de fêtes : c'était le témoignage qu'elle lui donnait de la 
sincérité de son dévouement au Roi d'Espagne. Ovando, de son coté^ 
fit annoncer une fête européenne au son de la trompclle et d'une mu- 
sique guerrière qui charma les. Haïtiens. Par une fraîche matinée 
toute la population du Xaragua , attirée par la curiosité, se réunit sans 
armes, dans la plaine pour assister à un spectacle qui lui paraissait devoir 
être ti beau. A un signal* convenu , les Espagnols fondirent sur les^ 
Haïtiens et les massacrèrent. Le carnage dura plusieurs heures. On vie 
des cavaliers castillans , de jeunes Hidalgos , mus par la pitié , placer 
devant leux sur leurs selles , des enfans , pour les arracher à la mort; 
mais leurs féroces compagnons , passant à leur côté , leur reprochaient 
leur sensibilité , et perçaient à coups de lances ces petits infortunés. 

Quelques Indiens se réfugièrent à la Gonave en se jetant dans des 
iols ; d autres gagnèrent les hauteurs et se retirèrent dans les montagnes 
du Bahoruco , ayant à leur tète Guarocuya, un des'parens d'Anacoana, 
qui fut pris plus tard et exécuté par les Castillans. 

Ovando fit mettre à la torture trois-cents chefs haïtiens , vassaux de 
la Reine. Ils déclai^rent au milieu des supplices qu'ellt avait conspi* 
ré. Ils furent ensuite brùlés-vifs. 

Après Textermination de la plus grande partie de la population da 
Xaragua , Ovando bâtit une ville qu'il nomma Sainte Marie de la vraie 
paix j près du lieu où est aujourd'hui Léogane. Il retourna en triom* 
phe à Santo Domingo , traînant Anacoanà «nchainée et livrée à toutes 
sortes d'outrages. La sœur du cacique Béhéchio , la veuve do Cao- 
nabo , fut jugée , condamnée et pendue dans la Capitale de la Colo- 
nie. / 

A cette époque , les Espagnols occupaient une vingtaine de bourgs. 
Leur puissance paraissait parfaitement établie , quand le quartier 
d'Hyguey se souleva de nouveau. Le même Esquibel le ravagea de 
fond en eomble » fît prisonnier le cacique Cotubanaroa , et l'enxoya à 
Santo-éominço où il fut exécuté. Avec lui finirent les chefs haïtiens 
de r|ce royale. 

On ne peut se rendre compte de Textcrminalion rapide d'une popu- 
lation si nombreuse , dans un pays montagneux , rempli d'accidents 
de terrain , de défilés , et de retrançhemens naturels. 

Tout porte à croire que les écrivains Espagnols ont considérable* 
ment grossi le nombre des habitans de Tile. Il paraîtrait que les 
inontagnes n'étaient presque pas occupées , et que les Aborigènes se te- 
9%ieDt dd préférence sur le littoral ; L^ histerieiais de «ette époqu^ 



9 HrSTOtnï B'HAÏTf. 

% • 

gan affrent éclata , la ville de Santo-Domingo fat renveraée , éf Ta 
flotte disparut sous les flots. Ainsi périt BovadUla dont le nom rappelle 
aujourd'hui les plus horribles cruautés. Deux ans après Ovando re- 
bâtit Santo-Domingo avec magniiicence , sur la rive droite de TOzama. 
Colomb se présenta de nouveau devant cette ville , et Ovando se décida 
à le recevoir. Il partit pour TSiirope où il arriva enr 1504. 
. La Reine Isabelle était morte. Ferdinand qui lui était devenu lios-' 
tile , lui dta sa charge de Vice-Roi. Il mourut de chagrin , dans la 
" misère, à Valladolid, le 20 Mai 1506, à Tâge de soixante dix ans. 
11 fut enterré dans l'Eglise des Chartreux de Séville, et son cadavre 
fut ensuite envoyé à Santo-Domingo , comme il Tavait demandé dans 
6on testament. Mais en 1776 » ses restes furent transportés à la Ha-^ 
nzne où ils sont encore. ^ 

Ovando ne soulagea pas beaucoup les Indiens dans les travaux des 
mines , quoiqu'il eût reçu de sages instructions à leur égard. Il ne 
ftjt un peu juste qu'envers les Européens. Il encouragea la plantation 
de la Canne à sucre transportée à Hispafiola des lies Canaries par 
Pierre Alença. Gonzalez de Velosa construisit le premier moulin à 
«ucre que l'on vit en Haïti. En 1535 , la fabrication du sucre aurt 
pris un développement si important, qu'à h fin du 16°** siècle, on ^q 
exportera 887 caisses , de 200 livres chacune. 

Ovando faisait exploiter les mines d'or avec une rare activité. La 
colonie fournissait à l'Espagne 2,400,f)00 livres tournois. Ferdinand 
4tait satisfait d'un gouverneur qui lui faisait parvenir chaque année de 
quoi fabriquer 500,000 écus d'or. Soutenu par le roi , Ovando ntr 
mit plus de bornes i sa cupidité. 

Une insurrection avait éclaté dans la province d'Hyguey. Les Espa- 
f nols , au nombre de 400, avaient marché contre les. Indiens qui les 
avaient battus d'abord. Mais Esquibel les vainquit à son tour , et ex* 
termina la plus grande partie de la population de ce quartier. Il cons- 
truisit un fort dans le bourg d'Hyguey. 

Les anciens partisans de Roldan , retirés dans la province de Xaragua, 
avaient excité , par les excès auxquels ils se livraient , la haine d' Ana- 
Goana. Pour se venger de cette cacique , Us écrivirent à Ovando 
qu'elle conspirait contre le Roi d'Espagne. 

Cette princesse avait succédé à Béhéchio, son frère , mort sans pog« 
térité. Ovando qui ne cherchait que l'occasion de dépouiller les caci» 
ques , accueillit avec empressement cette dénonciation : pour mieux ca^ 
cher ses projets hostiles , il envoya des députés dans le Xaragua. , 

Ànacoana, jeune, belle, adorée de ses sujets, faisait sa résidence à lagua- 

na. Pleine d'imagination , elle composait les poésies que chantaient les 

.Baïtiens dans leurs fêtes religieuses. Elle se montrait tout-à-fait favo^ 

rable aux figures blanches qui avaient pénétré dans son tie. La dépu« 

tation qu'Ovando lui avait envoyée, lui offrit avec une fierté respec^ 

« tueuse 1 amitié du Roi d'Espagne. Séduite par l'éclat et la pompe dont 



9 ' ÛI^TOIRB d'haI'TÎ. 

sl^cntotiraîent les Espa^ols, et curieuse de connaître les usages et lef 
mœurs de ces étrangers , elle fit un traité d'alliance avec eux. 

Alors Orando partit de Sto.'Doniingp , avec trois-cents arquebusier^ 
et deux-cents cavaliers. l\ traversa Haïti en triomphateur, et vînt.cam^ 
per dans la plaine de Yaguana (Leogane). Anacoaha Taccueillit sans 
âéfiai^ce , fit célébrer en présence de son armée des jeux indiens ef 
toutes sortes de fêtes : c'était le témoignage qu'elle lui donnait de la 
sincérité de son dévouement au Roi d'Espagne. Ovando, de son coté, 
fil annoncer une fête européenne au son de la trompette et d'une mu- 
sique guerrière qui charma les Haïtiens. Par une fraîche matinée 
toute la population du Xaragua , attirée par la curiosité , se réunit sans 
armes, dans la plaine pour assister à un spectacle qui lui paraissait devoir 
être si beau. A un signal' convenu , les Espagnols fondirent sur les^ 
Haïtiens et les massacrèrent. Le carnage dura plusieurs heures. On vit 
des cavaliers castillans, déjeunes Hidalgos, mus par la pitié, placer 
devant "eux sur leurs selles , des enfans , pour les arracher à la mort; 
mais leurs féroces compagnons , passant à leur côté , leur reproclîaient 
leur sensibilité , et perçaient i coups de lances ces petits infortunés. 

Quelques Indiens se réfugièrent à la Gonave en se jetant dans des 
iols; d autres gagnèrent les hauteurs et se retirèrent dans les montagnes 
du Bahoruco , ayant à leur tête Guarocuya, un des'parens d'Anacoana^ 
qui fut pris plus tard et exécuté par les Castillans. 

Ovando fil mettre à la torture trois-cents chefs haïtiens , vassaux dé 
la Reine. Ils déclarèrent au milieu des supplices qu'élit avait conspi* 
ré. Ils furent ensuite brûlés-vifs. 

Après Pextermination de la plus grande partie de la population dû 
Xaragua , Ovando bâtit une ville qu il nomma Sainte Marie de la vraie 
paix , près du lieu où est aujourd'hui Léogane. Il retourna en triom* 
phe à Santo Domingo , traînant Anacoanà «nchainée et livrée à toutes 
sortes d'outrages. La sœur du cacique Béhéchio , la veuve do Gao- 
nabo y fut jugée , condamnée et pendue dans la Capitale de la Colo- 
nie. " 

A cette époque , les Espagnols occupaient une vingtaine de bourgs. 
Leur puissance paraissait parfaitement établie , quand le quartier 
d'Hyguey se souleva de nouveau. Le même Esquibel le ravage^ de 
fond en eomble , fit prisonnier le cacique Cotubanama , et l'euNoya à 
Santo-Éomingo où il fut exécuté. Avec lui finirent les chefs haïtiens 
de r^ce royale. 

On ne peut se rendre compte de Textcrmination rapide d'une popo* 
lation si nombreuse , dans un pays montagneux , rempli d'accidents 
de terrain, de défilés, et de retrançhemens naturels. 

Tout porte à croire que les écrivains Espagnols ont considérable* 
ment grossi le nombre des habitans de Tile. 11 paraîtrait que les 
inontagnes n'étaient presque pas occupées , et que les Aborigènes se te- 
•%ieDt de préférence sur le littoral ; Le$ bislorieas de eette époqui^ 



\ 



BlSTOTnE D^IIAITf, 14 

fa de granJcs atrocîlés, enleva beaucoup de Noîrs et les transporta en 
Amérique. It en vendit troi^ cents à Hispaiiola. ^ès lor9 la traite 
prît un développement qui n'eut plus de bornes. 

Elisabeth d'Angleterre résolut de détruire la prépondérance espagnole 
dans le Nouveau-Monde. En 1580 , elle envoya aux Indes-Ocoi/lentales 
sir Francis Drakc a>cc une flotte. L'amiral anglais s'empara de Saiut- 
Yago de Cuba, cl de Cartbagène. Il vint ensuite bombarder Sanlo- 
Domingo dont il se rendit maître. Il en détruisit les princi|)a''X t^U- 
fices et ne Tévacua qu'après qu'il eut obtenu lies habitaas 7,000 
livres sterling». 

Les colonies espagnofeSj par le manque d'administration el par le 
systêoïc monacal , perdaient cha(|ue jour de leur impoitance. Les ha- 
bitans d'IIispaiiola aulicu do cultiver leur"- champs, se , livrèrent i la 
piraterie. Lti cour de Madrid, pour détruire ce fléau, ferma tous les 
ports, excepté celui de Slo Domingo, Alors les côtes furent abandon- 
nées, et les habiiaos retirés, dans l'intérieur vécurent dans des ca- 
banes et devinrent de misérables pasteurs. Ils passèrent ainsi la fin 
du IGV siècle, eutièrcment étrangers aux événcmeus q^ui se déroulaient 
autour d'eux. 

Les Européens se livrant au libertinage eurent par!, leurs relations 
avec les Indiennes et les Africaines des eidans de dittérentes couleurs. 
Cette nouvelle race de sangs mêlés, née dans la colonie, ne larda pas 
à devenir nombreuse. Alors les préjugés de castes n'existaient pas : 
beaucoup d'Européens épousaient des Indiennes el des Africaines ; et 
l'intérêt ne portait pas encore Thomme à déclarer que son semblable 
lui était inférieur , pour avoir un prétexte d'èlre dur et impitoyable à. 
son égard. 

Nous avons vu dans ce chapitre, les Espagnols, sans de grands 
efforts, soumettre une population composée d hommes faibles, délicats 
et ignorants , 1 exterminer en entier avec une férocité inouie jusqu'alors^ 
cl fonder dans le Nouveau Monde la première colonie européenne. 

Après ces niasçacres inutiles, nous avons vu la misère la plus grande 
pénétrer à Hispaîiola, par l'absence complète d'u4ie administration in- 
telligente, le littoial devenir désert, et pour ainsi dire de nouvelles 
tribus nomades de sanç Indien et Espagnol » parcourir les vastes piai-« 
Des de l'intérieur. 

A la faveur de cette désorganisation sociale , des hommes dont l'au- 
dace, l'énergie, l'intrépidité, rappellent les incursions des Scandinaves 
dans le centre et au midi de l'Europe, s'établiront à Hispafiola qu'ilsT 
nommeront Saint-Domingue , et répandront la terreur de leurs armes, 
parmi les Espagnols , comme ceux-ci avaient jeté» l'épouvante parmi 
tes Aborigènes. 



/ 

/ 

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r «r- - .^ 



iIVRE DEUXIEME 



Pe 1630 à 178». 



Sommaire, Des Aventiiriert Français et Anglais s'établissent à le Tortue.-^ PlibujSk- 
tiers.— L^urs M«Turs.— . De* Engagés.-— I^es flibustiers les plus célèbres.— Le vas- 
seur et Ruusset battr-nt les Espagfnola,— Bertrand Dog'eron prend le titre de Goa-* 
▼erneur. — Delisle s'empiire de St-Yaçu»p— •- Les Flibustiers s^'étab lissent au Cap.-« 
Mort de Do^eron. — O*^ Pouancey. — Ràvolte d'Esclaves. — De Cussy.— * Administre^- 
tion do la Justice, à St-Doramgue.—r Expédition de la* Côie-Ferme.— De Cussy 
prend St Yagiie. — Il est battti à Limonade— Ducasse, Gouverneur.-^ Expéditioa 
de la Jamaïque.rr- Expédition Anglo-Espagnole centre la colonie française. — Colons 
de Ste-Croij^ transportés à St-Domingua— * Prise de Carthagène.-— ÏRévolte d'esela-- 
Tcs — T/aité ds Riswick. — Compagnie, dis Saint l-iouis — Auger Gouverneur. — Je- 
suites.-— Port de THôpital devenu J^ort-au Prince. — Le conte de Cheiseul Beaupr^. 
Mf Gabaret— n Mr. d'Acquin. — IVlr. de Blénac — Fin de la Flibusterie — Mr de 
Château Moran4.-r- Tabac— Le marquig^ de Sorol. — Troubles au sujet de la Com- 
pagnie des Indes — Cafier.-a*Origiae A*^i préjugés. — Etat d« la c^onie Espagnole. 
— Etat de la colonie Française.— Dîs. Esclaves. — Code noir. — .A^kandal. — Trem- 
blement de terre ^ 1770— » Traité de «777.^ D^ Belcombe r«iConnaît l'indépen< 
dUince de St-Yagc^ ^tka le Bahoruco -^ Tyr^nni'^ exercée sur les A^ffranchis. — Souf- 
frances de l'Esclave. — Tableau de la prospérité d^. la colonie. — Caradeux. — Vau- 
doux — Nouvelle de la convocation des Etats-Généraux.-XPopuIati(>n totale de l'Ile. 
«— Dejirées e^^portées de Saint D«mingue. 



Des Aventuriers Français et Anglais vinrent , en mémo temps , au 
commencement du 17* siècle, s établir dans riio de Saint-Christophe, 
qu'occupaient les Caraïbes. Ils se la parlagôrent, les Français sous 
les ordres de Niel dEnombuc d« Dieppe, elles Anglais sous les ordres 
de Warner, 

frédéric de Tolède, en 1630, se rendant au Brésil, pour combattra 
l^s Hollandais , crut avoir extermin ces aventuriers qui ne s'étaient 

3 ue dispersés. Ils se réunirent de nouveau, et vinrent, en 16i0, s'établir 
ans Tiie de la Tortue. La grande terre de St-Domiuguë était remplie 
de taureaux sauvages et de cochons marrons ; les anglais et les fran-* 
çais y pénétrèrent , s'y livrèrent à la chasse , et vendirent les peaux dQ 
ces animaux aux Hollandais. Ceux-ci qui avaient de nombreux comp- 
toiles sur les côtes occidentales de Tile , surtout dans le quartier d^ 
Léogane , leur donnaient en échange des armes et desr munitions. 
|a plupart de ces français aventuriers étaient nermans. Oa les noip« 



/ 



BISTOTRE D^IAITf, 14 

fa âe grandes alrocîlés, enleva beaucoup <îe Noirs et Tes transporta ea 
Amérique. Il «n vendit troisi cents à Hispaiiola. ^ès lor9 la traite 
prît un développement qui n'eut plus de bornes, 

Elisabeth d'Angleterre résolut de détruire la prépondérance espagnole 
dans le Nouveau-Monde, En 158(5 , elle envoya aux !ndes-Occi(leiitales 
sir Francis Drakc a^eo une flotte. L'amiral anglais s'empara de Saiut- 
Yago de Cuba, et de Carlhagène. Il vint ens^uîle bombarder Santo- 
ïîomingo dont il se rendit maître. Il en détruisit Us principaux «mH- 
fices et ne Tévacua qu^après qu'il eut obtenu des habitans 7,000 
livres sterlings. 

Les colonies espagnoles, par le manque d'administration el par le 
systêoie monacal , perdaient çha(|ue jour de leur importance. Lesha- 
bilans d'Hispaiîoîa aulieu de cultiver leur- champs , se , livrèrent i la 
piraterie. Li^ cour de Madrid, pour détruire ce fléau, ferma tous les 
ports, excepté celui de Sto Donnngo, Alors les côtes furent abandon- 
nées, et les habiiaos retirés, dans l'intérieur vécurent dans dus ca- 
banes et devinrent de misérable» pasteurs. Ils passèrent ainsi la fin 
du iC*. siècle, eulièrcmenl étrangers aux événcmens q^ui se déroulaient 
autour d'eux. 

Les Européens se livrant au libertinage eurent par leurs relations 
avec les Indiennes et les Africaines des enfans de diflérentes couleurs. 
Celte nouvelle race de sangs mêlés, née dans la colonie, ne larda pas 
à devenir nombreuse. Alors les préjugés de castes n'existaient pas : 
beaucoup d'Européens épousaient des Indiennes el des Afiicaines ; et 
l'intérêt fie portait pas encore Thomme à déclarer que son semblable 
lui était inférîeirr , pour avoir un prétexte d'être dur el impitoyable à. 
son égards 

Nous avons vu dans ce chapitre, les Espagnols, sans de grands 
efforts, soumettre une population composée d hommes faibles, délicats 
et ignorants , 1 exterminer en entier avec une férocité inouie jusqu'alors^ 
et fonder dans le Nouvean Monde la première colonie européenne. 

Après ces niasçacres inutiles, nous avons vu la misère la plus grande 
pénétrer à Hispaîiola, par l'absence complète d'une administration in- 
telligqnte, le littoial devenir désert, et pour ainsi dire de nouvelles 
tribus nomades de sanç Indien et Espagnol » parcourir les \astes piai-» 
nés de l'intérieur. 

A la faveur de cette désorganisation sociale , des hommes dont Tau- 
dace, Ténergie, l'iutrépidité , rappellent les incursions des Scandinaves 
dans le centre et au midi de l'Europe, s'établiront à Hispaflola qu'ilsT 
nommeront Saint-Domingue , el répandront la terreur de leurs armes^ 

1)armi los Espagnols , comme ceux-ci avaient jeté» l'épouvante paroiJk 
es Aborigènes. 



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iIVRE DECXIEMii 



Pe 1630 à 1789; 



Shmmaire. Des Aventiiriert Français et Anglais s'établissent à le Tortae.-^ FlibujSk- 
tiers.^ Lf^urs M«Turs.— . De» Engagés.-r- Hes flibustiers les plus célèbres.— Le vas- 
seur et Rausset battent les Espagnols,^- Bertrand Do^eron prend le titre de GoU'» 
yerneur. — Deiisie s'empire de St-Yag-iv*— r Les Flibustiers s^établissent au Cap- 
Mort de Do^eron— r 0^ Pouancey. — Révolte d'Esclaves. — De Cutsy.— « Administre^- 
tion de la Justice, à St-Dommgue.—r Expédition de la* Côte-Ferme.— * De Cussy 
prend St Yague. — Il est battu à Limonade— Ducasse, Oouverneur.— r Expéditioa 
de la Jamaïque. -=- Expédition Anglo-Espagnole centre la colonie française. — Colons 
ëe Ste-Croij^ transportés à St-Domingua — Prise de Carthagène.— Révolte d'esela-' 
Tes — 'Iraité ds Riswick. — Compagnie, djd Saint I.iOuis — Augar Gouverneur. — Jé- 
suites.— Port de THôpital devenu Port-an Prince. — Le conte de Choiseul Beaupr^. 
Mr Gabaret.— TL Mr. d'Acquin. — Mr. de Blénac — Fin de la Flibusterie — Mr de 
Château Morand.-r- Tabac— Le rasrqiiig. de Sorol. — Troubles au sujet de la Com- 
pagnie des Indes — Cdfier.-sdfOrigiae A**i préjugés, — Etat d« la c^onie Espagnole. 
— Etat de la colonie Française.— D^fs. Esclaves. — Code noir.— .A^Ucandal. — Trem- 
blement de (erre d^ 1770 — Traité de <777. — D^ Belcombe r«^connaît l'indépen- 
4ance de Sl-Yago, âfitiu le Baboruco -^ Tyrinni'^ exercée sur les A^ffranchis. — Souf- 
frances de l'Esclave. — Tableau de la prospérité d^. la colonie. — ^ Caradeux. — Vau- 
doux -^ Nouvelle de la convocation des Ëtats-Généraux.-XPopulati(>n totale de i'ile. 
— « Demrées ei^portées de Saint D«mingue. 



Des Aventuriers Français et Angluis vinrent, «n môme temps, «a 
commencement du 17' siècle, s établir dans l'île de Saint-Christophe, 
qu'occupaient les Caraïbes. Ils se la partagèrent, les Franç^iis sous 
les ordres de Niel d'Enombuc de Dieppe ,. et les Anglais sous les ordre9 
4e Warner, 

frédéric de Tolède, en 1630, se rendant au Brésil, pour combattre 
les Hollandais , crut avoir extermin ces aventuriers qui ne s'étaient 

Sue dispersés. Ils se réunirent de nouveau, et vinrent, en 16i0, s'établir 
ans nie de la Tortue. La grande terre de St-Dominguè était remplie 
de taureaux sauvages et de cochons marrons ; les anglais et les fran- 
çais y pénétrèrent , s y livrèrent à la chasse , et vemlirent les peaux dQ 
ces animaux aux Hollandais. Ceux-ci qui avaient de nombreux comp- 
toirs sur les côtes occidentales de Tile , surtout dans le quartier d^ 
Léogane , leur donnaient en échange des armes et des^ munitions. 
|ia plupart de ces français aventuriers étaient normans. Oa les noip^ 






BlSTOinE D^IAITF, 14 

fa cîe grandes atrocités, enleva beaucoup de Noirs et Te» transporta en 
Amérique. Il «n vendit troi^ cents à Hispuiiola. ^ès lors la traite 
prît un développement qui n'eut plus de bornes. 

Elisabeth d'Angleterre résolut de détruire la prépondérance espagnole 
dans le Nouvcau-Moiule. En 158(5 , elle envoya aux Indes-Occidentales 
sir Francis Drakc a>cc une flotte. L'amiral anglais s'empara de Saiut- 
Yago de Cuba, et de Carthagène. Il vint ensuite bombarder Sanlo- 
Domingo dont il se rendit maître. Il en détruisît les princif^a'X «mII- 
fices et ne Tévacua qu'après qu'il eut obtenu lies habilaas 7,000 
livres sterlin^s. 

Les colonies espagnoles, par le manque d'administration el par le 
système monacal , perdaient cha(|ue jour de leur importance. Lesha- 
bitans d'IIispanola aulicu de cultiver leur"- champs, se , livrèrent ià la 
piraterie. L-a cour de Madrid, pour détruire ce fléau, ferma tous les 
ports, excepté celui de Sto Domingo, Alois les côtes furent abandon- 
nées, et les habiiaos retirés, dans Tinlérieur vécut^ent dans des ca- 
banes et devinrent de misérables pasteurs. Ils passèrent ainsi la fin 
du IC*. siècle , entièrement élran^'ers aux événcmens qui se dèroulaienl 
autour d'eux. 

Les Européens se livrant au liberlinage eurent par. leurs relations 
avec les Indiennes et les Africaines des eidans de diltérentes couleurs. 
Celte nouvelle race de sangs mêlés, née dans la colonie, ne larda pas 
à devenir nombreuse. Alors les préjugés de castes n'existaient pas : 
beaucoup d'Européens épousaient des Indiennes et des Africaines ; et 
rintérôl ne portait pas encore rhomme à déclarer que son semblable 
lui était inférieirr , pour avoir un prétexte d'être dur et impitoyable à 
son égard-. 

Nous avons vu dans ce chapitre, les Espagnols, sans de grands 
efforts, soumettra une population composée d hommes faibles , délicats 
et ignorants , 1 exterminer en entier avec une férocité inouie jusqu'alors^ 
et fonder dans le Nouvean Monde la première colonie européenne. 

Après ces niasçacres inutiles, nous avons vu la misère la plus grande 
pénétrer à Hispaiiola, par l'absence complète d'une administration in- 
telligente, le liltoial devenir désert, et pour ainsi dire de nouvelles 
tribus nomades de san^ Indien et Espagnol , parcourir les vastes plai-* 
nés de l'intérieur. 

A la faveur de cette désorganisation sociale, des hommes dont l'au- 
dace, Ténergie, Tiutrépidité , rappellent les incursions des Scandinaves 
dans le centre et au midi de l'Europe, s'établiront à Hispafiola qu'ils^ 
nommeront Saint-Domingue , et répandront la terreur de leurs arme^ 

1)armi los Espagnols , comme ceux-ci svaient jeté» l'épouvante parm* 
es Aborigènes. 



/ 



ilVRE DECXIEMIR 



Pe 1630 à 178a 



Slommaire, Des Aventurier» Français et Anglais s'établissent à le Tortae.— * PlibujSk- 
tiers.— L^urs Mœurs.— . De* Engaçés.—r l>es flibustiers les plus ce lèbres.<-* Levas- 
seur et Ruusset bsttent les Espagnols,-^- Bertrand Dogeron prend le titre de Gou** 
remeur. — Delisle s'emptire de St-Yas^u,**-^ Les Flibustiers s^étabiissent au Cap— « 
Mort de Doçeron.-r 0*^ Pouancey. — Révolte d'Esclaves. — De Cutsy.-* Administrs^- 
tion de la Justice, à St-Domingue.--7 Expédition de la* Côte-Ferme.—» De Cussy 
prend St Yagiie. — Il est battu à Limonade— Ducasse, Gouverneur— «• Expédition 
de la Janiaïque.-TT- Expédition A ngio- Espagnole csntre la colonie française. — Colons 
de Ste-Croij^ transportés à St-Domingua — Pris^ de Carthagène.— JRévoUe d'escla-- 
Tcs — TjFaité ds Riswick. — Compagnie da Saint Louis — Auger Gouverneur. — Je. 
suites.-^ Port de l'Hôpital devenu J^ort-au Prince. — Le conte de Cheiseul Beaupr^. 
Mr Gabaret — iMr. d'Acquin. — Mr. de BSénac — Fin de la Flibusterie. — Mr de 
Château Morand.-^ Tabac— Le marquis, de Sorol. — Troubles au sujet de la Com- 
pagnie des Indes — Cd fier. -=*t>rigi«ie d«5 préjugés. — Etat d^ la c^onie Espagnole. 
— Etat de la coloiiie Française.— D^s. Esclaves. — Code noir. — IV^kandal. — Trem- 
blement de terre â^ 1770— ^Traité de '777. — Dh Belcombe reconnaît l'indépen- 
dance de St-Yago» 4aM lo Baboruco -^ Tyr'inni*^ exercée sur les Avffranchis. — Souf- 
frances de l'Esclave. — Tableau de la prospérité dt*. ta colonie. — Caradeux. — Vau- 
doux — Nouvelle de la convocation des Etats-G0néraux.->CPopulati(>|fi totale de l'Ile. 
«» Dejirées ei^portées de Saint D«miDgue. 



Dm Aventuriers Français et Anglais vinrent , en même temps , au 
commencement du \T siècle, s établir dans rîlo de Saint-Christophç. 
qu'occupaient les Caraïbes. Ils se la parlagorent, les Franç^iis sous 
les ordres de Niel dEnombuc de Dieppe, elles Anglais sous les ordre? 
4e Warner. 

frédéric de Tolède, en 1630, se rendant au Brésil, pour combattre 
Içs Hollandais , crut avoir extermin ces aventuriors qui ne s'étaient 

Sue dispersés. Ils se réunirent de nouveau, et vinrent, en 1640, s'établir 
ans Tile de la Tortue. La grande terre de St-Dominguë était remplie 
de taureaux sauvages et de cochons marrons ; les anglais et les fran-* 
çais y pénétrèrent , s'y livrèrent à la chasse , et venilirent les peaux do 
ces animaux aux Hollandais. Ceux-ci qui avaient de nombreux comp- 
toirs sur les côtes occidentales de Tile, surtout dans le quartier d^ 
liéogane , leur donnaient en échange des armes et desr munitions. 
1^ plupart de ces français aventuriors étaient oermans. Oa les noip« 



f 

M HISTOIRE D^HAITf. • 

mait Boucaniers parce qu'ils faisaient sécher à la fumée la viande de^ 
bœufs qu'ils avaient tués (1). Ils prirent plus tard le nom de Flibustiers 
^ui signilie foi ban , lorsqu'ils se livrèrent à la piraterie. 

Ils menaient une existence nomade, chassant sansccssç, et n'inquié* 
tant nullement les Espagnols. Mais ceux-ci qui prétendaient èlre les 
seuls maîtres du Nou\eau-Monde , vinrent les surprendre à la Tortue, 
ot les dispersèrent de nouveau. Après Ja retraile des Castillans , ils se 
rallièreiU, et jurèrent de leur faire une guerre d'extermination. 

Ils mirent à leur tête un Anglais nommé Willis. Leurs barques agi- 
les, montées de trente ou quarante hommes, prenaient à l'abordage des 
vaisseaux Espagnols de 50 canons. Jamais de plus terribles marius uV 
taient dompté les flots. 

Ils vivaient en communauté ; une camisole de toile teinte de sang 
était leur unique vêtement. N'ayant pas defemmrs, ils n'étaient nul- 
lement assujélisà une existence régulière. Quant à leurs différends^ 
ils les vidaient ordinairement par le duel à la carabine. 

Ils n'avaient past beaucoup d'esclaves Africains ; ils se faisaient servir 
par des blancs, la plupart de Dieppe , qui , sous le nom d'engagés , ven- 
daient leur travail pour trois ans , dans le Nouveau Monde. Us sq 
recrutaient de ces engagés qui devenaient à leur tour de terribles 
flibustiers. 

Quelques écrivains de nos jours ont prétendu que l'engagé était ui 
véritable esclave , et que le noir n'est pas à plaindre d avoir été dans 
la servitude , puisque le blanc avait eu le môme sort à Saint-Domin- 
gue. — L'Africain arraché de son pays, par ruse ou par violence, était 
soumis à une éternelle servitude lui et sa postérité; il était condamné 
à un travail tellement au-dessus de ses forces, qu'il succombait en peu 
d'années sous le poids de ses fatigues. La reproduction naturelle de 
son espèce ne pouvait remplir le vide immense (|ue produisait dans les 
ateliers une mortalité extraordinaire. Delà le besoin incessant des tr ans* 
plantations de ces infortunés dans les colonies. 

Quant à l'engagé européen, il aliénait volontairement sa liberté 
pour trente*six mois seulement. A l'expiration de son contrat, il 
devenait l'égal de son ancien patron , flibustier comme lui , grand sci* 
gneur, et atteignait souvent au premier rang de la société coloniale. Il 
ne consentait le plus souvent à quitter son lieu natal, pour traverser 
)'Atlantiqu« que parceque qu'on lui donnait la certitude qu'il de^ 
Tiendrait un jour riche, heureux, et qu'il serait comblé d^honneurs. 

La cupidité porta Teuropéen à déroger à tous les principes qu'il pra- 
tiquait déjà au 16' siècle. Sa religion condamnait la servitude; il se 
disait religieux, et il avait des esclaves en Amérique. Ce fut alors que 
h% lumières se développaient , que Ton comprenait combien il est af*« 

( 1 ) Bsmcan gril de Wi» doat se Sfiredeat les Caraïbes pour sficher et fuai^[ 



1 
1 



fireiît d^aliéncr h liberté dé son semblable, qu'on \îl des esprits Ailaî- 
rés qui travaillaient en Europe it Famélioration du sort des pe(jpk>$^ 
déclarer, mus par la cupidilé , que U Noir était inférieur aux autres^ 
hommes et digne "par conséquent de la servitude. Lorsqu*en Europe 
tout tendait à Taire disparaître les vestiges du système féodal , on ressus.^ 
eilait le monde ancien, dans les contrées du nouveau monde. 

A cette époque la France envoya avec une petite expédition , us 
gouverneur i Saint Vincent , une des ties du vent. Les flibustiers d#' 
Saint-Domingue , sentirent la nécessité d être sous la protection d'.une 
grande puissance; comme ils étaient presque tous Français, ils s*adre«* 
seront au- gouverneur des îles du vent, qui leur envoya Levasseur 
en 46iO. De nombreux Français. partis de Saint Vincent* vinrent à la 
Tortue, et renforcèrent les flibuslierfi de leur nation. Alors ils signi- 
fièrent aux Anglais qui étaient avec eux de se retirer dans le plus 
bref délai , * sous peine d'extermination. Lfes Anglais se retirèrent à la 
Jamaïque où ils s établirent; et les Fraiiçais demeurèrent seuls maîtres 
de la Tortue. 

Déjà les flibustiers de Saint-Domingue avaient acquis une grande 
célébrité. Ils épouvantaient le nouveau monde piîr leurs exploits. Pierre 
le grand , natif de Dieppe, avec une barge armée de qui» re <:anons, 
et montée de vingt-huit hommes, prit à Tabordage le vaisseau d'un vice- 
amiral Espagnol ; Michel le Dasque enleva un navire de guerre , char- 
gé, d'un million de piastres. On distinguait encore parmi les flibustiers 
Français', Nau TOionais , rt Monbars le languedocien, surnpminé lex- 
terminateur. Parmi les flibustiers Anglais établis à la Jamaïque si 
faisait remarquer Morgan le gallois. 

Les nouveaux habitans de la Tortue formaient quatre classes : le^ 
Boucaniers ou chasseurs, les flibustiers ou corsaires^ les habitans ou 
cultivateurs et les Engagés. 

En 4648 , les Espagnols dirigèrent une expédition contre la Tôt tuej 
mais ils furent complètement battus par Levasseur. Ils levinreut à la 
charge, et parvinrent à s'emparer de la petite lie. Mais eu ICOO, dé 
Rausset la leur enleva à* tout jamais. En 165(5, il avait été n'uiiuiic 
par le roi commandant de la Tortue. En récompense de su conquête, 
celte île lui fut accordée en toute propriété. 

Louis XIV , apprenant les succès de ses sujets en Amérique , se dé- 
termina à les soutenir sérieusement. En 1664, il éiabiit la compagnie 
des Indes Occidentales pour faire le commerce dans les îles et loî i e 
ferme de l'Amérique; et la môme année, d« Rausset céda poui i4»)00 
livres, à la" même compagnie, tous se^ droits sur Tile de la Ti^. «ue. 
En Octobre 1664, d'Ogeiou fut nommé goMverneur de l'île de li i »r^ 
tue par les directeurs généraux de la compagnie des Indes OcLideiiu**es, 
D'Ogeron était un gentilhomme angevin quede m«iiheu,eu^es >.|jéc:.- 
làlions avaient contiaint de vivre parmi les flibuslieis. Four commu.^ 
éçr aux flibustiers , il fallait èlv% flibustier^ 



N 



$i fitSTftlRB B^HAIVI.~( 1739 ) 

/ 

\ 

le cœur des créoleç^ blancs, rien de noble, de généreux, qu'ils ne 
consentaient même i demeurer Français qu'autant que leurs intérêts 
tnatériels ne fussent pas lésés. 

Quant au gouverneur et aux autres agens de la métropole , nobles l'ji 
plupart , ils combattront soit secrèlcmenf soit ouvertement toul6« les 
tendances révolutionnaires et feront à St.-Domingue ce que faisaient 
en France les royalistes. Nous ne larderons pas à vpir se dessiner 
trois partis parmi les blancs. Dans toutes les villes de la colonie lesi 
Planteurs se réunirent en petits comités qui correspondaient entre eux. 
Ils envoyèrent au ministre de la marine Laluzerne , des adresses par 
lesquelles ils demandèrent que St. Domingue comme faisant partie du 
royaume de France eût aussi ses Représenians à 1 Assemblée Nalfonale. 
Ces pétitions présentées à Louis XVI ne furent pas agrées, et le gou« 
Terneur Duchilleau reçut même une ordonnance qu'il lit publier , por* 
tant que la colonie ne serait pas représentée à lAssembée Nationale. 
Cette publication agita toutes le^ passions dans la classe des plan^ 
teurs. Il fut ouvertement question parmi eux de proclamer rindépen- 
dance de St. -Domingue, sous prétexte que la colonie ne poiuvaitsad* 
ihinistrer comme la France, vu que tout -y était différent, climat^ 
localités et mœurs. ^ 

Les petits-blancs envieux des richesses des grands planteurs et de h 
considération dont ils jouissaient, furent satisfaits de Véchec qu'ils ve- 
naient d'éprouver, et entourèrent de leuis forces les autorités de la 
xiiétropole qui entendaient avec etfroj parler d'indépendance. 

De son côté, la population de couleur accueillait avec ardeur les prin- 
cipes révolutionnaires. Elle se réunissait seci élément, et se disposait à 
jouir aussi de cette régénération politique. Les mulâtres établis à Paris 
entretenaient une correspondance active avec leurs frères d^ St-Domin- 
gue, et leur fusaient entrevoir une prochaine amélioration cjansleur 
position. Parmi eux se faisait remarquer Julien Ravmond rvatif d'A- 
quin, dans la provinceidu Sud» où les ailVanchis étaient aussi riches 
et aus^Â nombreux que les blancs, Instruit et d une parfaite éducation, 
Bajmond jouissait dune haute considération dans tous les cercles pa 
trioques de Paris. Dès HSi, il était parti de St-Domingue, et eUait 
allé solliciter en France des améliorations au sort de ses frères. Il leur 
recomnandait ; dans sa correspondance pleine de sagesse et ^e modéra- 
tion , d'être attaches» à la France et à la révolution, de ne jamais se 
ranger sous les bannières des planteurs contre la métropole, de toujours 
suivre la marche des événi^meos , de revenJiqu<dr les droits de Ihouitne 
i chaque occasion favorable; et dafiendre avec une héroï(iue patience 
le temps de la délivrance. 

Le développement que prenait la Société des Amis des Noirs inspira 
de sérieuses craintes aux planteurs établis à Paris. Pour en combattre 
rinfluence, pour contrarier les projets en faveur des affranchis, 
{K)ur entraver à St.-Domingue la marche de la révolution , ils toc^ 



uiBToiRK d'haiw. — ( 1789 ) 9i 

mèront le Club Massîac du nom de Tbôtel ou ils^ se réunissaient. 
A la Içle de celto société anii-uégrophilique étaîenl les Malouët , les 
Laroche Jâquelain. Elle avait pour objet d'instruire les planteurs de 
loi|l .ce qui se passait en France; de combattre la révolution à St.- 
Doniinguo par toutes sortes d'cerils ; de ruiner par la calornnie les 
agents delà métropole, et de les fair« remplacer par les planteurs , afin 
que toute l'autorité passait entre les mains de ces derniers. 

Le club Miissiac, après avoir gagné au parti colonial un certain 
nombre de Constituants , par d'énergiques manifestations ^e patrio« 
tisme et de dévouement à la France , écrivit aux planteurs d'en- 
voyer des députés à TAssemblée Nationale , malgré 1 ordonnance du 
Roi. Les^coîons choisirent parmi eux-mêmes dix hnit députés dont 
les instructions portaient : « que nul ne pourrait devenir fonctibnnaire à 
St.-Domingue s'il n'y élait grand propriétaire, que la métropole laîs- 
serait à la colonie le droit de se gouverner et n'exercerait sur elle 
qu'un protectorat. » Ils s'embarquèrent pour France , avec une pom- 
peuse solennité. Aux Gayes, on voulut même tirer du canon à lem* 
départ. 

Quand ils arrivèrent à Paris, la Constituante, après avoir vérifié 
leurs pouvoirs , refusa de tes admettre dans son sein. Us ne se dé« 
couragèrent pas. 

Ils firent tcmt de démarches auprès des membres tes ptus influensi 
de l'assemblée, il parlèrent si haut de leur, patriotisme , des bien- 
faits de la liberté y quoiquils fussent les premiers aristocrates du 
royaume, qu'ils furent admis au nombre de six dans 1 Assemblée Natjo** 
nale , deux pour cliaque pro>ince de la colonie. 

Quand la nouvelle de ce résultat si laborieusement obtenu parvint à 
St.-Domingue , ce fut un triomphe pour les planteurs , et une défaite 
pour les ^nctionnaires métropolitains. 

Lf'S gens de couleur qui ne cachaient plus leurs prétentions à 
l'égalité politique, choisirent aussi parmi eux des députés qui* se ren- 
dirent en France, et se présentèrent à la Constituante» Celle-ci ne 
les accueillit pas, leur déclarant qu'ils n'avaient i>as encore le droit 
de nommer des déplûtes, vu qu ils ne jouissaient d'aucun droit politi- 
que. Ils durePit cet éctiec aux intrigues des colons du club Massiac 
dont rinfluence l'emporta dans cette circonstance sur celle de la Société 
des amis des noirs. 

Pendant ce temps la tranquillité se maintenait dans la colonie; ce^^ 
pendant tes partis se dessinaient dans la population blanche qui s'atfai- 
bltssait en présence des noirs et des jaunes , ensemble , vingt fois 
plus nombreux qu'elle. Les agens de la métropole eux-mêmes ne vi- 
vaient pas en harmonie. Le gouverneur Duchilleau ne pouvant s'en^ 
tendre avec l'intendant Barbé Marbois que le public du Port-au-Prince 
entourait de considération , repassa en France vers le milieu de i 789; 



Sf llfiT#lRI' »*BAITk---( 1789 ) 

n eut pour suecesseur de Pteinier qui arrÎYa. à S'-Dofningue en Seji- 
tembre de la même année. 

Le nouveau gouverneur , d'une famille aacienne et dévouée à la mo« 
narcfaie , avait été chargé par la cour de Versailles de combattre adroi- 
tement ^dana la colonie, les principes révolutionnaires; et à sou cré' 
patt , Louis XVI lavait décoré du cordon rouge pôui* se le mieux 
fittacher. 

Il trouva S*-Domingue dans une brillante prospérité; mais la popu- 
lation bliViche était déji divisée en trois partis; le parti des Fonction- 
naires, dévoué au sy^ténte de l'ancien régime, mais enuemi de Tindé- 
pendance coloniale, véritable parti royaliste; celui des grands planteurs, 
voulant aussi le maintien de l'ancien régime mais travaillant activement 
à: rindépendance ; e( celui des petits-Blancs ou des Kévoluiionnaires. 
Ce dernier parti , qui représentait la basse classe blanche, voulait, 
comme les deux autres, le maintien de Tesclavage des Nègres et des 
Mulâtres. Quant aux gens de couleur, ils se tenaient en observation, 
et attendaient pour agir que les événemens se déroulassent. 

Au commencement d Octobre le parti des petits-Blancs s'agita au 
Cap par d'énergiques manifestations contre la haute aristocratie colo- 
niale^ c'est à-'d ire les grands fonctionnaires. Â la tête de ce parti é- 
tait un aventurier nommé Chcsnau nouvellement arrivé de France. Les 
réputations les plus pures ne furent pas épargnées, et Chesnau dénon- 
ça publiquement' au théâtre Barbé Marbois, l'intendant le plus intègre 
et le plus habile qu'avait eu la colonie , comme un aristocrate ennemi 
acharné de la révalution. 

Il fut applaudi par les révolutionnaires qui prirent aussitôt la résolu- 
tion de marcher sur le Port-au-Prince atin d'enlever l'intendant. Le 
colonel du régiment du Cap , Mr. de Gambefort , du parti aristocrati- 
que , les détouriHi de ce projet , en les conduisant dans la plaine du 
Nord pour étouffer une prétendue révolte d'esclaves. Les Blancs char- 
gés et équipés comme s'ils avaient eu une lohgue campagne à entre- 
prendre*, parcoururent la plaine, ne rencontrèrent pas un seul révolté 
et virent les ateliers livrés â leurs -travaux ordinaires. Alors l'exaspéra- 
tion des révolutionnaires fut à son comble ; ils ji^rèrent unanimement 
la perte de Barbé Marbois. Ils rentrèrent au Gap, brûlés par un so- 
leil ardent, accablés de fatigue, conduisant: devant eux et le flagellant 
«u malheureux esclave qu ils avaient arraché d'une habitation et qui 
^tait , disaient-ils , le chef de la révolte. Cette expédition extrava- 
vagante ne fit que réveiller dans l'àme des esclaves lé sentiment de la 
liberté. 

Pendant ce temps Barbé Marbois entendait gronder dans le lointain 
l'orage qui le menaçait. Il s'embarqua secrètement pour France sur 
la corvette l'Ariel le 26 Octobre 4789 ; et les patriotes du Cap arri^ 
îrés à rAicahaie apprirent son départ. Ui retournèrent dans le Ner4 
)^onteui; 4e If uf démarehe. 



lltStOIRB D*HAITI.T— ( 1789 ) W 

Le ge^uvcrneur de Peinier ne \it pas sans une grancle inquiétu^ 
de ce mouvement de la province du Nord en faveur de la révolu'^ 
tion ; d*une autre part le projet d'indépendance des grands Planteuré 
l'-eiTrayait. Il avait i redouter d'un côté l'anarchie , et de 1 autrt 
il craignait qu# St-Domingue n'échappât i la France, comme les 
Etats Unis à- l'Angleterre. Pour contenir et les anarchistes et les in* 
dépendons ^ il forma une ligue d'hommes également dévoués à Tan* 
cien-régime et à la métropole* Les coalisés prirent le nom de Pom- 
pons-Blancs parcequ'ils portaient au chapeau » le pompon-blanc , em^ 
blême de la royauté. Alors les patriotes prirent des Pompojit Rouges* 

Nous verrons les Planteurs se rallier selon leurs intérêts , tantôt aux 
Pompons-blancs , tantôt aux Pompons-rouges. 

Pendant ce temps les hommes de couleur, malgré leur modération^ 
étaient en butte aux plus cruelles violences de la part des Colons qui^ 
au Petit-Goâ^e , faisaient mourir FiTrand de Baudières , vieillard , Sé- 
néchal du lieu , connu par sa modéi^tion envers les gens de couleur: 
il avait rédigé une pétition par laquelle les affranchis réclamaient le 
droit d envoyer l'un d'eux les représenter à l'Assemblée Provinciale de 
l'Ouest qui nedevait pas tarder à s'ouvrir au Port-au-Prince. Les blancs 
du Petit Goave, ayant à leur tête un nommé Valentin de Guillon, se 
transportèrent furieux en sa demeure, l'arrachèrent des bras de sa fa- 
mille, le traînèrent ignominieusement dans les rues de la ville, et le 
livrèrent au bourreau, après l'avoir couvert d'Outrages. Sa tête tomba 
sous la hache en Novembre 1789. Ainsi le pretoîer m?rtyr de la liber- 
té à S'-Domingue fut un blanc que des sënttmens philantropiques dis- 
ting-iaient de ses semblables. Les blancs, animés par ce premier crime^ 
parurent pour Aquin où ils arrivèrent le 26 Novembr»?. Us pénétrè- 
• rent dans la demeure d'un nommé Labadie,- homme de couleur, le 
tuèrent do 25 coups de fusil , attaohèrent son cadavre à la queue d'un 
cheval qu'ils lancèrent au galop dans un chemin pierreux. Le fougueux; 
animal ne s'arrêta que sur I habitation de leur victime à trois lieues de 
la ville. La famille de La^adiè^ après avoir été insultée, donna lasé^ 
pulture à ce cadavre informe et sanglant. A cause de sa sagesse et d« 
la pureté de ses mœurs Labadie était appelé le vénérable dans tout son 
canton. Les Blancs l'avaient accusé d'être le complice de Ferrand de 
Baudières. 

▲u Cap , les amis de Itforeau de St-Méry furent outragés , parce 
que celui-ci , i l'assemblée électorale de Paris dont il était membre, 
avait demandé la liberté des esclaves. 

Le gouverneur de Peinier , en formant la coalition des Pompons^ 
Blancs avait organisé une force qui donnait au gouvernement colonial 
une certaine consistaîice. En même temps les planteurs cemmen- 
faient à se perdre dan% l'opinion pxiblique : en elfet le comité pro- 
vincial du Nord par ses •velléités d'indépéhdance , et son système 
aaii-réYolutiennaire avait soulevé contre lui les Ibnttiepnaires et lef 



êS HI0TOIRC B'ilÂITI.^*( 1790 } 

petits-blancs; il detait inrailliblemcnt succomber en pcrsîslant dans 
la même voie. Las planteurs renoncèrent en apparence à lour ancien 

i>r6Jat d'indépendance, et parurent embrasser avec chaleur la cause de 
a révolution, afin de s'attacher le parti des patriotes contre legou* 
^ernement qui était le principal obstacle à la réalisation de leur pian. 
Ce fut sous 1 influence de ces dispositions qu'ils remplacèrent le comi- 
té provincial par une nouvelle assemblée dite provinciale du Nord. 
Elle se réunit au Cap en majorité le 1" Novembre 1789 , et ouvrit 
ses séances â la fin du même mois. Les plus riches planteurs de la 
province du Nord qui la composaient se déterminèrent à jouer le 
rôle de patriotes , comme le seul qui convint dans le moment à leurs 
intérêts. L'assemblée prêta le serment de fidélité à la nution , à la 
la loi et au roi; déclara ses membres inviolables, s'arrogea la direc- 
tion des caisses publiques, organisa les gardes nationales, mais de 
manière à les avoir sous son autorité. Ce fut envain' que le gouver^ 
neur de Peinier se plaignit de cette usurpation de pouvoir. 

Le parti des indépendans de l'Ouest et du Sud procéda de la mô- 
xne manière. Les planteurs dans le courant de Janvier 1790 , organi- 
sèrent au Port-au-Prince Rassemblée de l'Ouest, tant pour favoriser 
la marche de la révolulion que pour contrarier de Peinier qui fut con- 
traint de prêter le serment civique à la nation, à la loi et au roi. Le 
15 Février suivant l'assemblée du Sud s installa aux Cayes sous les 
mômes auspices. ' -♦ 

Au commencement deI79Ô, le parti des pompons -blancs , ou du 
gouvernement , vit se former contre lui une ligue imposante des trois 
• provinces de la colonie représentées par les trois Assemblées provin- 
ciales. Une circonstance imprévue vint encore exciter les esprits contre 
le gouvernement : l'assemblée du Nord intercepta au Cap une lettre 
du Ministre de la Marin.* Laluzerne adressée à Peinier; elle la fit pu- * 
blier. La lettre enjoignait au gouverneur d'arrêter les progrès de la Ré- 
irolution. 

Les trois assemblées provinciales ne pouvant convenablement s^en ten- 
dre pour la haute administration de la colonie , résolurent de confier 
les intérêts généraux des trois provinces à une assemblée dite colo- 
niale. Elles convoquèrent en conséquence, dans toutes les paroisses, 
des assemblées primaires qui nommèrent âI2 députés à rassemblée gé- 
nérale ou coloniale. Cette nouvelle assemblée , pour être pius libre 
dans ^es délibérations, s'éloigna du siège du gouvernement qui était 
alors au Port-au-Prince, et se réunit à S -Marc , le 25 Mars 1790. Le 15 
Avril suivant, elle se constitua , sous la présidence de Bacon de la Che- 
valerie , et prit la dénomination d'assemblée générale de la partie française 
de Saint-Domingue. Elle fit écrire sur le rideau «de la salle des séances : 
Saint-Domingue , la Loi et le Roij et s'attribua l'administration entière 
^de la colonie. « 

Elle célébra avec pompe la fête de TaboCtion de la féodalité. Tou» 



I? 



SiSTêiRB »'haivi. — ( 1790 ) S^ 

les bifncs délenus pour dettes et pour crimes furent mis eii liberté. 
Quant aux gens de couleur qui gémissaient dans les fers, ils fu* 
rerit retenus dans les cachots. Les bienfaits de la liberté ne se ré« 
>an(lai(*nt pas sur eux; Cependant en France cette fête avait été cé« 
iébrée i la liberté, à Pégalité politique dé teus les hommes, ainsi 
qu*à la fraternité universelle. Mais au-delà de TAllantique , la tyran*- 
nie étouffait la yoi^ noble et généreuse des grands senti mens quiécla« 
taient au sein de TAssemblée Mationalë. 

Dans la province de FOuest, les hommes de Couleur no TureAt ad- 
mis à prêter le serment civique qu'en ajoutant à la formule , la pro» 
messi de toujours respecter les Blancs, 

Ceux dés Verrett'es refusèrent 4;)e se soumettre à cette humiliation, et 
se réunirent en armes hors du bourg. Le goLverneur de Peinièriit 
marcher contre eux le régiment du Port-au-Prince , qui les dispersa. 
Ils furent en partie jetée dans lès pontons de la \ rade dû Port-au-Princ(il. 
En même teinps on pendait au Cap Un homme de couleur notnmé Lai* 
combe dont le crime était d'avoir osé réclamer les droits de Thomtofe 
en faveur de sa caste. 

Le parti colonial en prenant toutes les formes révolutionnaires, acquérait 
de rinfluence à Paris : Charles Lameth, grand propriétaire i St-Dominguê, 
et Barnave diiigeaient le club Massiac tout à fait dans les vues des plan*- 
teurs qui voulaient isoler la colonie des tourmentes révolutionnaires , 
en la rendant presque indépendante par une constiliition particulière. 
Barnaxe, ardent défenseur des droits du peuple français à la Coiistitu* 
ante, se montrait au club Massiac Téloquent panégyriste du Système 
colonial: t que chaque partie du royaume de France se régisse^ disait* 
« il, d'après ses mœurs ^ son climat , ses loqilités ». Sa bouche ne 
s ouvrit jamais en faveur des esclaves ; et Garau-Couloti assure qu il 
vendit au poids de l'or sS brillante éloquence aux planteurs de St-> 
bomingue. Il entretint sans cesse ^ ainsi que Lameth , une correspon- 
dance active avefc les principaux membres de l'assemblée coloniale , 
î)augy procureur général du Cap ; Larchevèque Thibaut qui avait été 
nommé député de St Dominguo k la Constituante, Bacon de la Cheva* 
lerie, premier président de l'assemblée coloniale , Hanusde Jumécourt 
et Borel qui devinrent plus tard célèbres dans les troubles de la co^ 
lonîe , Valentin de Cuillon , l'assassin de Ferrand de Baudières , Dan 
bonneau , Thomas Millet et Brulley. 

L Assemblée Coloniale ^ d'après les avis qu'elle reçut du Club Mas* 
siac , rendit 1 esclavage plus dur ^ et aggrava le sort des hommes de 
couleur. Elle foula aux pieds même les articles du Code noir favora^ 
bles aux Affranchis* Les homnes de couleur de l'Artibonite adressè- 
rent cependant une pétition k l'Assemblée de Saint Marc pour obtenir 
la jouissance de quelques droits politiques. Cette pétition fut rejetéa, 
€t pour que les Mulâtres ne pussent pÂs faire désormais de telles ré» 
chmaUons , les blancs exigèrent d'eui le serment civique avec la for^ 



4f HISTOIRE D^HAITI.— ( 1790 ) 

Intile efe ft%Uf soumis aux Blancs , d'observer h respect qu'ils leur âevatent, 
il de verser pour eux jusquà la dernière goutte de leur sang. lis prèlèrcîit 
tous ce serment, excepté un seul qui fut mis en prison. lis se ré\x* 
Hirent dans la savanne de Plassac au nombre de 80, et entojoreut de* 
mander la mise en liberté de celui des leurs qui ataii préféré les tor- 
tures à rhumiliation. Leurs dépuléb furent entprisonnés. Ils se dis- 
persèrent à cette nouvelle. Le lendemain quelques blancs qui les avaient 
\us réunis les dénoncèrent au coniité, assurant qviils étaient au nom- 
bre de plusieurs milliers. Le comité de St-Marc instruisit toutes les 
paroisses de la Colonie de cette prétendue conspiration. Aussitôt on 
marcha de toutes parts contre les hommes de couleur de TArtibonite. 
Pour les empêcher de se renforcer, on défendit i n'importe quel Mu- 
lâtre, sous peins du gibet, de sortir de chez soi. La ri'soiulièn d'exter- 
niiner les Mulâtres fut prise , et <]uelques blancs en confièrent 
le secret à des fdies de couleur leurs maîtresses. Elfmyées d un pro- 
jet si horrible, elles le dévoilèrent à leurs fières. Ceux ci prirent la 
fuite avec leurs femmes et leurs enfans et se retirèrent dans les bois. 

Une armée de 4,200 hommes, composée des volontaires de St-Marc, 
des > chasseurs connus depuis sous la dên(»minntion de Saliniers , mar- 
cha aussitôt contre eux , avec une nombreuse artillerie. Le colo* 
Del Campan avait le commandement en chef de l'armée ; et un Plan* 
leur nommé Borel commandait en second. Celui-ci était à la tète d'un 
corps particulier formé de nombreux Planteurs , des procureurs , des 
gérans , des économes d'habitations. Les Blancs étaient en outre sou- 
tenus par plusieurs milliers d'esclaves qu'ils avaient armés. Leshom* 
mes de Couleur au nombre de 300, sans canons, sans fusils la plu- 
part , furent dispersés. Us furent pousuivîe dans la plaine et à tra* 
Yers les montagnes^ et massacrés en* graud nombre. 

Les Blancs rentrèrent à St-Marc portant au bout de leurs baïonnet- 
tes des tètes de Mulâtres. A la Petite-Kiviére de TArtibonite ils por- 
tèrent au bout d'une pique une enfant de Couleur qu'il n'avait pas 
achevé de tuer. Les patrouilles tiraient sur tous les Affranchis qu*elles 
rencontraient dans les rues de St-Marc ; et les Planteurs loin de con^ 
damner ces actes de cruqutés, déclarèrent que les chasseurs de Borel 
avait bieji mérité de la Patrie , et qu'ils recevraient des couronnes 
êoloniques. 

Tout en se montrant dévouée à la France révolutionnaire , l'assem- 
blée de St-Marc travaillait à Tindépendance de St-Domingue. Elle vou- 
lait fonder un souvel état en maintenant dans l'avilissement et dans 
l'esclavage les hommes de couleur et les noirs. 

Âulieu de publier et de faire exécuter les décret) de la Constituante 
qu'elle recevait, elle se déclarait inviolable, établissait des comités de 
constitution, de rapports, de législation , de commerce , de linances, 
d'agriculture et de correspondance (27 Avril 1790); et décrétait que 
liautes les lettres adressées de France aux administrateurs d# la eolouie 



HISTOIRE P'HAITI.— ( 1739 ) 



41 



fieraient lues dans fcon scfn. 'Elle décréta le rembarquement de trois 
cents hommes de troupes patriotiques qui, débarquées au Port au Prince, 
y propageaient les idées révolutionnaires. 

Celte tendance ouveirte Yers Tindépendance et la contrc-révolnlion , 
excita Tindignation des assemblée^ du Nord , du Sud et de TOuest 
que les pelits-Blancs avaient en partie envahies, et qu'ils dominaient* 
Elles refusèrent de faire promulguer les lois décrétées par l'assemblée 
coloniale. L'assemblée provinciale du Nord protesto contre le droit que 
s'était arrogé rassemblée coloniale deSt-Marc, de faire des lois, nelu^î 
reconnut que celui de modifier , d'après les localités , les décrets de 
la Constitu,ante , et d'agir en vertu des termes du décret du huit Mars 
précédent qui portait : .« L'assemblée géinérale de la partie française de 
f St-Domingue ne doit et ne peut s'occuper que de la modification des 
€ décrets de l'Assemblée Nationale , applicables à la localité de la co« 
c lonie tant sur lorganfsaiion des assemblées administratives que sur 
« la police intérieure; elle ne peut en obtenir Texecution provisoire et 
< la promulgation sons avoir requis la sanction du Gouverneur Général. » 

L'assemblée coloniale ayant reçu la protestation de rassemblée pro- 
vinciale du Nord envoya au Cap deux commissaires, Jouette et Va- 
Icnlin de Cuillon pour soulever celle ville. Mais l'assemblée provinciale 
découvrit bientôt leurs intentions , et leur signida de bortir de la 
province sous peine d'être appréhendés au corps, embarqués pour 
France et accusés devant la Constituante d'être les instigateurs de la 
guerre civile (17 Juin 1790). Aussitôt ils quittèrent le Cap et la pro- 
vince. 

De Peinier profita des fautes de rassemblée coloniale pour rallier au 
parti du gouvernement les nombreux mécontens qu'elle se créait : ell« 
appelait chaque jour à sa barre les autorités civiles et militaires pour 
les plus légers propos qu'elles pouvaient avoir tenus contre ses actes ; 
elle prétendait avoir la direction de la force armée , de la police et 
des Finances. De Peinier refusa de faire exécuter ses décrets. Com- 
me elle avait perdu une grande partie de son inQuence dans l'opinion 
publique y elle ne s en plaignit pas. Mais elle s en vengea en excitant 
à la révolte, par ses émissaires, le régiment du Port au-Prince. Ce 
corps composé de jeunes gens aux idées révolutionnaires , se souleva 
contre le Gouverneur. 11 demanda la mise en liberté de tous les sol- 
dats détenus, et sa paye arriérée depuis long-temps. De Peinier ré- 
ftislant à ses réclamations , se disposait à se rendre aux casernes pour 
sommer lés soldats de rentrer dans le devoir , quand les grenadiers et 
les chasseurs du régiment se mirent en route pour se rendre à St-Mara 
auprès de M** Campan ,^ leur ancien colonel. De Peinier , d'un carac* 
tère fiiible, fut effrayé de ce mouvement; et craignant que ces troupes 
ne se trouvassent à St-Marc à la dévotion de l'Assemblée coloniale, il 
leur accorda tout ce qu'elks demandaient. Lés soldats revinrent dans 
l€UM tasernes ^ et le contraigairent à présider , assis entr# deux gre> 



LITRE TROISIEBIE^ 



178». 



Sommiire.* l^i\t de la France. — Société des Amîs des Noir». — Nouvelîr du fa con- 
vocation dos Etats-Généraux. — Effet qu'elle proiluit. — Pétition dos grands plahtourg 
à Louis XV 1. — Demande rej été a -^ Projet d'indépendance des planteurs. — Les 
petits Blancs ombrassent la cause de la Révolution Française. — Agitation parmi 
les Gens de Couleur. — D.i Club Massive. — Députés des planteurs. — Députés dM 
Ge'ns de Couleur. — Duchilleau part pour France. — De Peinicr lui succèd.o. •— 
Trois partis parmi les Blriucs. — Ch^snau. — Cambéfort. — Barbé Marbois part 
pour France. — Peirùer organise les Pompons Blancs.- — Ferrand de Baudièrce.-- 
L'ibîdie. — Assemblée pr^yincîale du Nord. -^ Assemblées provinciales de l'Ouest et 
du Sud. — Assemblée coloniale — Fête de l'abolition de la féodalité. — Mesures à Tégard 
des Gens de Couleur. — Révolte des Verrettes. — Du parti colonial à Paris. — Aflfai- 
re de PJassac. — Décret du 8 Mars. — Les Députés de l'Asseoibiée coloniale sont 
chassés' du Nord. — Le régiment du Port-au-Prince fc soulève. — L'Assemblée 
coloniale prend le titre d'Assemblée Générale de la partie française de Saint-Do- 
mingue — Mauduît. — Son portrait. — Il se met à la tôte des Pompons Blancs. — 
Faiblesse de l'Assemblée coloniale. — Elle ordonne en vain à Pciriier de se trans- 
porter à Saint-Marc. — Elle a recours aux armer —-Combat au Port-au-Prince rn- 
tre !«« Pompons Blancs et les Pompons Rouges. — Les Affranchis embrassent le 
parti dos Pompons Blancs — Commeneement oes proscriptions. • — Triomphe du par- 
ti royaliste. — Du marquis de la Gallisonnière. — Révolte du vaissrau le Léopard. 
— Peinier fait un appel contre les citoyens de Saint-Maro. — La Municipalité du 
Cap 'est dissoute. — Expédition de Vincent contre SdintMarc. — Les Cayts et le 
Petit-Goâve prennent les armes en faveur de l'Assemblée coloniale. — Ma udu il tient 
en échtc l'armée du Sud, — L'Assemblée coloniale part pour France. — Maudnit 
humilie les hommes de Couleur — Traité de Léogane. — La Constituante approuve 
la conduite de Peinier. — Triomphe des Pompons Blancs. — La Bui&gonnière. — 
Milsccntv — Mû&sucre des Mulâttrcs au Cap. -* Ouvrage de Bauvois. 



Nous àvons^ vu les Espagnols céder aux armes fVançaises , après une 
guerre d'exlerminatioD , la'partie Occidentale de St.-Domingue ; la co- 
lonie française" s'établir et prospérer avec une rapidité prodigieuse , 
par le travail forcé auquel les esclaves Africains et Créoles étaient con- 
damnés , et devenir le principal établissement européen en Amérique ; 
les souffrances de l'esclave atteindre à ce degré où elles font naître 
ces terribles catastrophes dans lesquelles s'engloutissent soit le maître^ 
soit l'opprimé, quelquefois l'un et l'autre. Tout présageait une violett- 
te agitation^ 



HISTOIRE b'uaiw — ( 1789 ) SlS 

Mais bientôt les feui de la Révolution française, sillonnant l'êspaca^ 
^ ijui nous sépare de Tancien continent , allumeront à St.-Domingue un 
embmsement qui ne s'yleindra qu'au milieu des flots de sang par la 
destruction entière de la race blanche autrefois la classe aristocratique 
de l'île. 

A celte époque toutes sortes d'idées nouvelles et généreuses agitaient 
la Frabce. L'onli({ue système féodal était tombé sous les coups de la 
Philosophie. Toutes les classes de la société nourries pendant un siè-^ 
cle de théories libérales , demandaient à grands cris une régénératioa 
politique. 

Les Français revenus du nouveau monde , après avoir assuré Tlndé*» 
pcndancc américaine , Lafayette à leur tôt«% donnaient une forte im- 
pulsion à ce mouvement d enthousiasme. Les Philosophes , les Littéra* 
leurs, les Savans , les Artistes , It Noblesse elle-même » applaudissaient . 
au procliain triomphe des droits de Ihomme. 

Au milieu d une telle Rér\'olution dans les idées de la société française, 
le système colonial avec son fouet, ses chaînes et ses tortures, ne pou* 
vait' qu'inspirer une profonde horreur. Les plus grandes illuslàôtions 
de l'époque furent émues des douleurs de l'esclave , et élevèrent en sa 
faveur ui^Yoix éloquente et énergique. Alors fut fondée par Brissot 
de Warvine, en 4787, la Société des Amis des Noirs, sous le pa-» 
Ironage des Mirabeau, des Condorcet , des Pélion, dts Clavières , de* 
\ ergniaud , des Grégoire. En même temps William Wilberforce fai» 
i;iit au Parlement Anglais sa première motion en faveur de Tabolition 
de la traite. 

Lq couronne de France ne pouvant résister à l'entraînement général, 
con\oqua las Etals-Généraux par Tédit .qu'enregistra le Parlement 1# 
27 Septembre 1788. 

Les Etats Généraux s'ouvrirent a Versailles le 5 Mai 1789, etcom^ 
mcna^rent contre rarislocralie ces luttes gigantesques qui régénérèrent 
riiumanite. 

La nouvelle de la convocation des Etats-Généraux parvînt ^ St.-Do- 
mingue dans les derniers jours de 1788. Tous les esprits clairvoyants 
de la Colonie en furent profondément émus. Cependant la plupart 
des Blancs laissèrent éclater un enthousiasme difficile* i décrire: leé 
grands Planteurs avaient l'espoir d'occuper les hautes charges qui jus- 
qu alors n'appartenaient qu'aux européens; et les Petits-Blancs de 8« 
rendre maîtres des richesses des Planteurs qu ils ne traitaient qu« 
d'aristocrates. Mais ni les uns ni les autres ne songeaient à TaiTran- 
chi et à l'esclave qui excités par 4cs mots de liberté retentissant au- 
tour deux, dans la bouche de leurs maîtres, prendront les armes 
et cccaseront successivement leurs anciens dominateurs. Les Planteurs 
et les Petits Blancs ne piévojaient pas, aveuglés par les préjugés d# 
couleur, que le Mulâtre et le Nègre pussent devenir comme eux citoyens 
teti&. La 6ttil9 d« cclts histoire nous prouvera %u'il a'eiListait iajs6 



LITftE TROISIEME- 



178». 



Sammire.* l^i\t de la France. — Sr>ciétâ des Amîs des Noirj. — Nouvelîi do fa con- 
vocîUion drs Elats-Généranx. — Effet qu'elle produit. — Pétition do» gmuds plaiiteurg 
à Louis XVI. — Demande rejetêe -^ Projet d'indépendance des planteurs. — Les 

Ïjetits Blancs embrassent la cause de la Révolution Française. — Agitation parmi 
es Gens de Couleur. — Di Club Massiac. — Députés des planteurs. — Députés dM 
Ge^ns de Couleur. — Duchilleau part pour Franc». — De Peinicr lui succèdo. -— 
Trois partis parmi les BUiucs. — Chfsnau. — Cambéfort. — Barbé Marbois part 
pour France. — Peirûer organise les Pompons Blancs. — Fer rand de Baudièrce. — 
Lîibîtlie. — Assemblée pr©?incîale du Nord. -^ Assemblée» provinciales de l'Ouest et 
du Sud. — Assemblée colpniale — Fête de l'abolition delà féodalité. — Mesure» à l'égard 
des Gens de Couleur. — Révolte des V*errettes. — Du parti colonial à Paris. — Affai- 
re de P4assac. — Décret du 8 Mars. — Las Députés de l'Astembiée coloniale sont 
chassés' du Nord. — Le régiment du Port-au-Prince ic soulève.— L'Assemblée 
coloniale prend le titre d'Assemblée Générale de la partie française de Saint- Do* 
mingue — Mauduit. — Son portrait. — Il se met à la tète de» Pompons Blancs. — ■ 
Faiblesse de l'Assemblée coloniale. — Ello ordonne en vain à Peinier de se trans- 
porter à Saint-Marc. — Elle a recour» aux arme». — Combat au Portau-i^rince rn- 
tre If'S Pompons Blancs et les Pompon» Rouges. — Lh» Affranchis embrassent le 
parti dos Pompons Blancs — Commeneement de» proscriptions. • — Triomphe du p.ir- 
li royaliste. — Du marquis de la Gallisonnière. — Révolte du vaissrau le i-.éopard. 
— Peinier fait un appel contre les citoyens de Saint-Marc. — La Municipalité du 
Cap 'est dissoute. — E.xpédition de Vincent contre Saint-Marc. — Les Cayrs et le 
Petit-Goàve prennent les armes en faveur de l'Assemblée coloniale. — Mauduit tient 
en échtc l'armée du Sud. — L'Assemblée coloniale part pour France. — Mauduit 
humilie les hommes de Couleur — Traité de Léogane. — La Constituante approuve 
la conduite de Peinier. — Triomphe des Pompons Blanc». — La Buissunnière. — 
Alilsccatv — Ma&sacre des Mulâitrcâ au Cap. '-* Ouvrage de Bauvois. 



Nous âvons^ vu les Espagnols céder aux armes françaises , après une 
guerre d'exlermination , la'partie Occidentale de St.-Domingue ; la co- 
lonie française" s établir et prospérer avec une rapidité prodigieuse , 
par le travail forcé auquel les esclaves Africains et Créoles étaient con- 
damné», et devenir le principal établissement européen en Amérique; 
les souffrances de Tesclave atteindre à ce degré où elles font naître 
ces terribles eatastrophes dans lesquelles s'engloutissent soit le maître^ 
soit Topprimé, quelquefois ïiin et l'autre. Tout présageait une violea- 
(e agitation. 



HISTOIRE b'haiw — ( 1789 ) Stf 

Mais bientôt les feux de la Révolution française, sillonnant l'êspaci^ 
^ ^m nous sépare de Tancien continent , allumeront à St.-Domingue un 
embrasement qui ne s'ûleindra r|iraù milieu des flots de sang par la 
destruction entière de la race blanche autrefois la classe aristocratique 
de nie. 

A celte époque toulcs sortes d'idées nouvelles et généreuses agitaient 
la Frabce. L'antique système féodal était tombé sous les coups de la 
Philosophie. Toutes les classes de la société nourries pendant un siè-, 
de de théories libérales , demandaient à grands cris une régénération 
politique. 

Les Français revenus du nouveau monde, après avoir assuré Tlndé*» 
pcndancc américaine , Lafayette à leur tôt«% donnaient une forte im- 
pulsion à ce mouvement d enthousiasme. Les Philosophas , les Littéra* 
teurs, les Savans , les Artistes , It Noblesse elle-même , applaudissaient . 
au procliain triomphe des droits de i homme. 

Au milieu d'une telle Révolution dans les id(»es de la société française, 
le système colonial avec son fotiet , ses chaînes et ses tortures, ne pou- 
vait qu'inspirer une profonde horreur. Les plus grandes illust) étions 
de Tépoque furent émues des douleurs de l'esclave , et élevèrent eu sa 
faveur ui^voix éloquente et énergique. Alors fut fondée par Brissot 
de Warvine, en 1787, la Société des Amis des Noirs, sous le pa* 
tronagc des Mirabeau, des Condor cet, des Potion, des Clavières , dee 
\ergniauJ , des Grégoire. En même temps William Wilberforce fai- 
sgiii au Parlement Anglais sa première motioacn faveur de Tabolition 
de la truite. . 

Lu couronne de France ne pouvant résister à l'entraînement général, 
con>oqaa les Etals-Généraux par Tédit qu'enregistra le Parlement le 
27 Septembre 1788. 

Les Etats Généraux s'ouvriront à A'ersailles le 5 Mai 1789, etoem- 
mcncèrent contre l'arislocratie ces luttes gigantesques qui régénérèrent 
riiiimanite. 

La nouvelle de la convocation des Etats-Généraux parvînt à St.-Do- 
mingue dans les derniers jours de 4788. Tous les esprits clairvoyants 
de la Colonie en furent profondément émus. Cependant la plupart 
des Blancs laissèrent éclater un enthousiasme didicile* a décrire : leé 
grands Planteurs avaient Tespoir d'occuper les hautes charges qui jus- 
qu alors n'appartenaient qu'aux européens; et les Petits-Blancs de se 
rendre maUres des richesses des Planteurs qu ils ne traitaient que 
d aristocrates. Mais ni les uns ni les autres ne songeaient à TalTran^ 
chi et à Tesclave qui excités par -les mots de liberté retentissant au- 
tour d'eux, dans la bouche de leurs maîtres, prendront les armes 
el éccaseront successivement leurs anciens dominateurs. Les Planteurs 
et les Petits Blancs ne prévoyaient pas, aveuglés par les préjugés de 
couleur, que le Mulâtre et le Nègre pussent devenir comme eux citoyens 
H»lifB. La 6ttile de celte bisloire nous prouvera ^u'il &e:aListai( éajofi 



LITRE TROISIEBIE- 



17e». 



Somm%ire.* l^i\t de la France. — Société des Amis des Noir». — - NouvelK du fa con- 
vocation dos Elats-Généraiix. — Effet qu'elle produit. — Pétition dos grands planlourg 
à Louis XVl. — Demande rejelêa — Projet d'indépendance des planteurs. — Le» 
petits Blancs embrassent la cause de la Révolution Française. — Agitation parmi 
les Gens de Couleur. — Di Club Massiic. — Députés des planteurs. — Députés d«fi 
Gc»ns de Couleur. — Duchilleau part pour France. — De Peinier lui succèdo. -— 
Trois partis parmi les BUiucs. — Chisnau. — Cambéfort — Barbé Marbois part 
potir France. — Peinier organise les Pompons Blancs. — Ferrand de Baudières. — 
Labidie. — Assemblée pr#fincîale du Nord. -^ Assemblées provineiaUs de l'Ouest et 
du Sud. — Assemblée coloniale — Fête de l'abolition de la féodalité. — Mesures à l'égard 
des Gens de Couleur. — Révolte des V*err«ttes. — Du parti colonial à Paris. — Affai- 
re de Plassac. — Décret du 8 Mars. — Les Députés de l'Assemblée coloniale sont 
chassés^ du Nord. — Le régiment du Port-au-Prince ic soulève. — L'Assemblée 
coloniale prend le titre d'Assemblée Générale de la partie française de Saint- Do* 
ininçue — Mauduit. — Son portrait. — Il se met à la tête des Pompons Blancs. — 
Faiiîlesse de l'Assemblée coloniale. — Ello ordonne en vain à Peinier de se trans- 
porter à Saint-Marc. — Elle a recours aux »rmes. — Combat au Port-au-Prince m- 
tre 1rs Pompons Blancs et les Pompons Rouges. — Les Affranchis embrassent le 
parti df'S Pompons Blancs — Commeneement des proscriptions. « — Triomphe du par* 
ti royaliste. — Du marquis de la Gallisonnière. — Révolte du vaissrau te Léopard. 
— IMnier fait un appel contre les citoyens de Saint- Marc. — La Municipalité du 
Cap 'est dissoute. — E.xpédition de Vincent contre SdintMarc. — Les Cayrs et le 
Petit-Goàve prennent les armes en faveur de l'Assemblée coloniale. — Mauduit tient 
en éch^c l'armée du Sud. — L'Assemblée coloniale part pour France. — Mauduit 
humilie les hommes de Couleur- — Traité de Léogane. — La Constituante approuve 
la conduite de Peinier. — Triomphe des Pompons Blancs. — La Buissonnière. — 
Milsccntv — Ma&sucre des Mul&trcs au Cap. -* Ouvrage de Bauvois. 



Nous àvonsr vu les Espagnols céder aux armes françaises , après une 
guerre d'extermination , la'partie Occidentale de Sl.-Domingue ; la co- 
lonie française" s'établir et prospérer avec une rapidité prodigieuse , 
par le travail forcé auquel les esclaves Africains et Créoles étaient con- 
damnée , et devenir le principal établissement européen en Amérique ; 
les souffrances de l'esclave atteindre à ce d^é où elles font nattre 
ces terribles catastrophes dans lesquelles s'engloutissent soit le maître^ 
soit Topprimé, quelquefois l'un et l'autre. Tout présageait une violett- 
Uà agitatioai 



HISTOIRE b'iiaiw — ( 1789 ) St 

Mais bientôt les feux de la Révolution française, sillonnant l'êspact* 
^ l|ui nous sépare de Tancien continent , allumeront à St.-Domingue un 
embrasement qui ne s'âleindra qu'au milieu des flots de sang par la 
destruction entière de la race blanche autrefois la classe aristocratique 
de l'île. 

A celle époque toutes sortes d'idées nouvelles et généreuses agitaient 
la Frafjce. L'antique système féodal était tombé sous les coups de la 
Philosophie. Toutes les classes de la société nourries pendant un siè-, 
de de théories libérales , demandaient à grands cris une régénératioa 
politique. 

Les Français revenus du nouveau monde , après avoir assuré Tlndé* 
pendancc américaine , Lafayette à leur tôt«% donnaient une forte im- 
pulsion à ce mouvement d enthousiasme. Les Philosophes , les Littéra<- 
leurs, les Savans , les Artistes , It Noblesse elle-même, applaudissaient . 
au prochain triomphe des droits de Ihomme. 

Au milieu d'une telle Révolution dans les i(l(*es de la société française, 
le système c^^lenial avec son fouet , ses chaînes et set tortures, ne pou- 
vait qu'inspirer und profonde horreur. Les plus grandes illustiations 
de Tépoque furent émues des douleurs de Tesclave , et élevèrent eu sa 
faveur un^voix éloquente et énergique. Alors fut fondée par Brissot 
de Warvine, en 4787, la Société des Amis des Noirs, sous le pa-» 
tronage des Mirabeau, des Condorcet , des Potion, des Clavières , des 
Vergniaud , des Grégoire. En même temps William Wilberforce fai- 
$;iit au Parlement Anglais sa première motioaen faveur de l'abolitioa 
de la truite. . 

La couronne de France ne pouvant résister à l'entraînement général, 
con\oqua Us Etats-Généraux par Tédit qu'enrégiglra le Parlement le 
27 Septembre 1788. 

Les Etats Généraux s'ouvrirent à Versailles le 5 Mai 1789, etcom- 
mcno'^rent contre l'aristocratie ces luttes gigantesques qui régénérèrent 
riiumanile. 

La nouvelle de la convocation des Etats-Généraux parvînt 9 St.-Do- 
mingue dans les derniers jours de 1788. Tous les esprits clairvoyants 
de la Colonie en furent profondément émus. Cependant la plupart 
des Blancs laissèrent éclater un enthousiasme difficile* à décrire: leé 
grands Planteurs avaient l'espoir d'occuper les hautes charges qui jus- 
qu alors n^appartenaient qu'aux euro|>éens; et les Petits-Blancs de se 
rendre matires des richesses des Planteurs qu Ils ne traitaient que 
d'aristocrates. Mais ni les uns ni les autres ne songeaient à raffraa- 
chi et à l'esclave qui excités par -les mots de liberté retentissant au- 
tour deux, dans la bouche de leurs maîtres, prendront les armes 
et éccaseront successivement leurs anciens dominateurs. Les Planteurs 
et les Petits Blancs ne prévojaient pas, aveuglés par les préjugés de 
couleur , que le Mulâtre et le Nègre pussent devenir comme eux citoyens 
eeti&. JLa euite de celte histoire nous prouver» ^u'il &eiListait dUjQS 



HISTOIRE d'hAITI. — ( lîSO ) 48 

nouyell© Assemblée générale , convoquée par une proclamation de Pei- 
nier. Le parli révolutionnaire s allendait à recevoir à chaque instant 
la condamnation du Gouverneur par l'Assemblée Nationale de France. 
Co fut dans ces entrefaites que le décret du j2 Octobre 1790 parvint 
à St-Domingue. Ce coup inattendu abattit les confédérés , et releva le 
eourage des Pompons-blancs. 

L Assemblée du Nord Vota des reraerclmens à la Constituante , fit 
chanter un Te Deum , éleva au Cap un buste à Barnave , Tautcur du 
décret du 12 Octobre , et le nomma le Sauveur de la colonie. 

Barnave' était mei)ibre du club Massiac , comme on l'a déjà tu; 
et ce club , hostile à tous projets ayant pour but de faire triompher à 
St Domingue les principes de liberté et d'égahté, aAait adopté la cause 
des Pompons-Blancs. 

Le parti royaliste dominait sans obstacle apparent dans les trois pro- 
vinces de h colonie. De Peioier et de Mauduit, vainqueurs mo- 
mentanément des révolutionnaires , redoutaient les prétentions des hom« 
mes de couleur qui se tenaient à î écart depuis qu'on leur avait don- 
né la Cocarde Jauni. Avant qu'ils se fussent organisés , Peinier , tant 
pour les alfaiblir que pour donner un aliment aux passions des pa- 
triotes Blancs , ne s'opposa pas aux plus cruelles persécutions qui 
furent' ditigt'es contre eux. Depuis quelque temps on parlait tout 
bas d'un vaste projet tendant à soulever tous les ateliers. CeUeidce 
faisait frémir les blanos de tous les partis. Comme ils étaient con- 
vaincus que les hommes de couleur seuls pouvaient donner à cette 
insurrection une direction intelligente , ils oommencèrent, excités par 
la terreur , à les traquer affreusement. On en arrêta un grand nom- 
bre tous prétexte qu'ils excitaient les esclaves à la révolte ; ils fu- 
rent brûlés vifs; leurs femmes, leurs enfans furent massacrés et leurs 
biens conlisquée. Les blancs entrèrent chez ceux qui n'avaient p;is 
été sacrifiés, comme dans do^ lieux publics, les battirent impunément, 
et outragèrent leurs filles... Ceux qui se plaignaient de ces vexations 
étaient conduits par la maréchaussée, soit chez !e procureur du roi, 
soit chez le commandant de la place ou chez Técrivain de la marine. 
Alors le blanc qui se prétendait l'ofTensé disfiit : c Ce Mulâtre ou ce 
f Nègre libre m'a manqué. » Sans plus de formalités , le Mulâtre 
011 le Nègre libre était aussitôt jeté dans les cachots. 

Un nommé La Buissonniére, lauteur d'une pétition quil avait adres- 
sée à r Assemblée du Port^au Prince en faveur des mulâtres, ses frères, 
à l'eifet de les faire admettre dans cette assemblée , fut contraint de 
se cacher pour échapper à la fureur des blancs qui s'étaient rendus 
chez lui pour le pendre. 

D'après les conseils de Peinier , ses parcns afin de calmer un peu 
la rage des blancs, se constituèFent prisonniers à sa place. Ils furent 
•Dsuite traduits devankie comité de Léogane. Ils y vinrent nu*pieds, 
ijin-téte ^ fuient eontralats d« s^ ^roslejco^r d.^Ytot iiVs maW^ et tift 



IÏ15TCIRE b'iiaîti. — (1790 ) 49 

faire amende bonorablo. L<î comité ajouta encore à leur humiliation 
par le discours oïilrageant qu'il leur adressa. 

On peut en juger par ces prQmières paroles : Ingrates et viles créatures^ 
vous avez cru pouvoir vous (isseoir parmi vos maîtres et vos bienfaiteurs. 

Ils furent élargis, se retirèrent sans se plaindre. 

Partout les gens de couleur opposèrent la même résignation aux vîov 
lences des colons qui n*en devinrent que plus furieux. Tantôt Tafifran- 
chî -était emprisonné parce que le blanc n'avait pu séduire sa femme;! 
tantôt il était condamné au bannissement perpétuel ^ parce qu'il avait 
manqué de respect à un blanc. 

Milscent, créole blanc et colon , dont les écrits ne peuvent être ré- 
voqués en doute , s'exprime ain:>i sur la conduite des colons à cett6 
époque : ♦ Il est universellement reconnu que jamais homme de couleuB " 
c libre n'eut ni raison, ni droit; jamais il ne gagna un procès decon« 
« séquence contre un blanc ; que s'il prend fantaisie à ce dernier de 
« le maltraiter de coups , il se plaint et fait encore' châtier rigoureuse^ 
c ment le malheureux qu'il a déjà vexé et battu.» 

Dans les quartiers de l'Arlibonite , de Limonade, du Trou, de I* 
Grande-Riyiére , soixante chefs de famille de couleur eurent leurs biens 
confisqués. La ville du Cap vît aussi couler à grands flots ie sang des 
hommes de couleur. Le lendemain de la bénédiction des drapeaux 
du corps des volontaires^ un blanc qui commandait une compagnie 
d'Affranchis, maltraita au palais du gouvernement quelques soldats des- 
volontaires. 

La discipline empêchant ces derniers de Urer vengeance de leur 
supérieur , ils attaquèrent au nombre de sept un noir libre de la com^ 
pa^nie du blanc. Pressé de tous côtés par sept assassins , FAfTran • 
ehi tire son spce, se défend a vee vaillance, et met en fuite ses agres- 
seurs ,' après avoir blessé mortellement lun d'eui. Le corps des vo- 
lontaires, au lieu de s'indigner dé Isf lâcheté et de l'injustice de ses^ 
,cama rades , se répandit dans la ville, massacrant sans pitié les hom- 
mes de couleur. Ceux qui obtinrent la vie furent traînés dans les ca- 
chots et enchaînés comme des forçats. 

L'assemblée du Nord loin de couvrir d'infamie les auteurs de cettis 
sanglante journée , félicita les volontaires et ordonna qu'on instruisit lis 
procès des mulâtres. 'A la barre de l'assemblée, ils prouvèrent, sans 
peine , que tous les torts étaient du côté des blancs. L'assemblée les 
mit en liberté en leur recommandant d'être^ plus circonspects à rave-* 
nir. 

Dans la plaine de FArtibonîte un nommé SoXy homme de couleur,, 
riche habitant, excitait le respect de toute la province par son noble 
caractère. Il avait reçu avec splendeur sur son habitation Mr de Bel- 
combe à l'arrivée de ce gouverneur dans fa colonie. Belcombe était 
grand admirateur de la valeur des hommes de couleur. Pendant la - 
guerre contre les Anglais j il avait apprécié le courage des sangs d^ 



m " ftlSTOIBB b'haiti. — ( 1789 ) 

lés qfoi avaient (brmé ses plus intrépides bataillons. * Aussi aTaît-il 
Toula descendre chez un mulâtre de distinction. Cette dénrarche avait 
)iorriblenient frofssé les préjugés créoles , et avait suscité à Joly de 
Nombreux ennemis, même dans sa caste. ^IJn mulâtre le dénonça au 
comité de St-Marc d'avoir été le chef de l'afTairede Plassac. L<a mare* 
chaussée se rendit chez lui , y fit une yisite domiciliaire, et ne trou- 
va qu*uq |)îllat par lequel les enfans de Joly occupés à défricher une 
habitation dans 1 intérieur , depiandatent a leur père des secours et\ 
argent. Il fut cependant emprisonné comme conspirateur, ainsi que 

2uatre de s«s fils. Après quelques ipois de détention , il fut jugé et 
largi. Les juges luirecommand(3rcnt de tenir à Vavenir unç conduite 
' plus régulière et d'être plus respectueux ^nv|3fs les blancs. 

Tous les faits dont nous venons de parler sont tirés des écrits do 
Milscent , de Garan-Coulon , des lettres de Julien Raymond , de Bois* 
rond le jeune, et des relations de tous ceux de nos , révolutionnaires 
qui existent encore. 

Milscent fut souvent témoin de semblables atrocités. Il traversa TAN 
lantique animé d'un zèle philantropique qui le perdit , quoiqu'il eût dé- 
Voilé à TEurope la barbarie des planteurs. Ses écrits sont empreints 
d'une telle force de vérité , qu'ils ne furent jamais réfutés. Il n'avait 
aucun intérêt à ménager les bon^mes de couleur : Tamour de Thuma. 
nité a toujours guidé sa plume* Il mourra sur Téehafaud, pendant 
)a Terreur , victime des dénonciatioqs du parti colonial. On l'accusera 
4'aYoir eu des relations politiques et d'amitié avec Bri^sot dont je parti 
fera persécuté , et d'être un contre-révolutionnaire. 

Dans la colonie, les mulâtres paraissaient abattus pour toujours. Ils 
' pe témoignaient plus aucun mécontentement ; les humiliations réitérées 
Qu'ils avaient reçues «avaient étouffé leurs plaintes. Le silence du dér 
eespoir régnait au milieu d'eux. Chassés des villes par les ouvriers^ 
européens ou petits-blancs qui y exerçaient seuls les arts et les métiers, 
ils habitaient la plupart les campagnes. Cependant, quoique au sein 
fies plaines et des mornes, ils n'étaient pas à l'abri des vexations. Plusil^ 
étaient riches et éclairés, plus ils étaient persécutés. Il y en avait parmi 
eux qui possédaient iine vaste instruction ; car les familles de couleur 
ppulehteç envoyaient leurs (ils ^n France où ils acquéraient des lumières et 
de nobles idées. Aussi , de retour dans leur pays , voyaient-ils avec 
horreur les atrocités de l'esclavage. Les planteurs les persécutaient avec 
^beaucoup plus d' acharnement que ceux qui n'avaient jamais quitté la 
eolonié. De leur côté, ils prenaient en mépris et en haine les aristo- 
(irates de la peau , et étaient fiers de leur supériorité sur de vils aven- 
turiers , r écume de ces êtres immondes , de ces sauvages nés à coté 
0€ la civilisation^ dont l'Europe se purge en les vomissant au-delà de 
l'Atlantique. 

D'up autre côté, la haine du blanc eontre la race africaine était 
|^r|ée.àu];t tel degré da\euglement2 qu'on nommé Bau vois ^ cqI^ii^ 



HISTOIRE D^HAITI. — ( 1790 ) - 61 

membre de rassemblée provinciale du Nord , conseiller au conseil supérieur 
du Cap , fit paraître un ouvcage tendant à prouver que le nègre el 
le mulâlrc n'étaient pas des hommes, qu'ail n'existait sur le globe que 
deux races, la race blanche et la race mongolique, ^t que nè« 
gre n'était qu'une variété du orang-outang. Cet écrit le fera nom- 
mer plus tard membre de la seconde assemblée coloniale. Il y ex< 
citait le gouvernement à enlever aux gens de de couleur et aux noire 
leurs propriétés ,. attendu qu'ils n'étaient pas des hommes; à les trai- 
ter comme des bétes de somme et à no les épargner qu'autant qu'ils 
se rendraient utiles par le service de leurs bras. Pour faire cesser le 
crinie de bestialité qui fait horreur à la nature , il conseillait de déclarer 
« infâme et vilain tout blanc qui à l'avenir s'oublierait au point de se 
ff mésallier avec des femmes de couleur, et de le contraindre à quitter 
€ la colonie dans Tespace d'une année; ou ce qui serait plus simple ^ 
c plus court et moins abusif, de défendre de tels mariages sous des 
c peines corporelles exemplaires et les plus sévères contre tous contrer 
c venans. » 

Les hommes de couleur étaient presque aussi nombreux que lef 
blancsi' Ils auraient pu les combattre avec avantage et les contraia •* 
dre par la force des armes à reconnaître leurs droits. Mais jus- 
qu'alors^ ils attendaient tout de l'équité de l'Assemblée Nationale, 
de la justice de leur cause; et par dévouement à la Mère»Patrie , 
ils craignaient d'allumer la guerre civile et d'être les auteurs 
peut êlre de la perte de la colonie pour la France. Julien Ray« 
niond contrairement à Topinion d'Ogé alors en Franco , leur écrivait 
sans cesse que leurs réclamations étaient si naturelles qu'il ne dou- 
tait pas qu'on ne les prit en considération , non seulement en Frao- 
ce où la Constituante avait déclaré tous les hommes libres devant la 
loi, mais dans la colonie, foyer de tous préjugés. Mais cette extrè-* 
me modération des hommes de couleur cessera bientôt en présence des 
intrigues du club Massiac , et de la ténacité des prétentions coloniales. 
Le résultat de la lutte ne sera pas douteux : ils étaient plus aptes que 
les blancs aux fatigues de la guerre et aux privations, étant habi« 
tués aux rudes exercices de la diasse, aux travaux de la culture et aux 
rayons brôlans de notre soleil ; et leurs liaisons de famille avec les 
esclaves leurs frères leur permettaient d'avoir l'espoir d'être souteQUS- 
par la osasse des noirs victimejsi des violences les plus ccuellesr 



LIVRE QtATRIEldfii 



178^. 



Scmmain. Ogé.— Pétition des Lommes de eouleuT % PAâsembUe [Nationate.<^Kd. 
ponse de ^Assemblée.— -Ogô au club Massiac.-^Son discours.— -^és paroles relative^ 
aux lentevrs de la Conftlituante.-^Ses relations avec les Négrophiles.«-Déeret du 28 
Mars 1790— Défense faite aux hommes de couleur de retourner à St- Uomingue.n» 
Ogé passe en Angleterre. — Il ajcrive incoghito au Cap. — Chavannes.—^Ogé réunit 
2^0 affrancliis.—- fa lettre à de Peinier.— Sa lettre au président de rassemblée du 
Nord— Le général iTincent marcke coiitre Ogé.— Il est battu. — Cambefort marcke 
à son tour rontre les insurgés et les bat.— Ogé JD Cha vannes se retirent dana la 
partie espagno1e.-«-Ogé est arrêté à Hinche, Chavannes à St.Jean — -Ils sont em* 
priéonhés à Sto-Domii^o — Blanchelande remplace de Peinier — Il demande Pex* 
tradition d'Ogé 6l de CbaYannes. — Ogé 6l Cnavannes sont débarqués au Cap.-^ 
Mauduit conseiller de filanckelande. — Les municipalités supprimées dans le Nord, 
— Ktat drs hommes de couleur dans le Sud.— -lis se révoltent ftigaud à leur tête. 
•—Combat dp la Ravine-Sèche.— Mauduit marche au secours des blancs du Sud.-^ 
II disperse sans combat les gens de couleur.-*— Il désarme les confédérés du Sud.'— 
Jugement d'Ogé & de Cha vannes. '-^ Leur exécution. — Praloto. — - Madame 
Martin..-^ Son portrait, r— Sa conduite. -^ De Villages arrive au Port-au- 
Prince. — Mouvement populaire.-*»Rîgaud âc Pinchinat sont mis en liberté.«*Fuito de 

• Blanckelande.— Mort de Mauduit— Le parti royaliste anéanti au Port-au-Prince.'^i»* 
Caradeux nommé capitaine-général de la garde nationale. — Praloto nommé inspeo- 
touf des foi tificatious.»— Première municipalité du Port-au-Prince* — Aâaire du Fond 
Parisien.-^ 

Parmi tes hommes de couleur qui demandaient^ en France , des âiùé^ 
lioiations au sort de leurs frères , Se trouvaient Julien Raymond , 
Fleury et Ogé. Gè dernier , quarteron libre, né au Dondon dans la 
province dû Nord , était allé en Europe au commencement de 1789* 
Il demandait Texercice des droits politiquesr sans restriction pouf 
les affranchis , et voulait que ces droits leur fussent accordés sans re* 
tard. Rajmond au contraire temporisait et attendait tout de la jus** 
tic« de sa cause. Sa confiance était devenue sans bornes en rAssembléc 
>'ationale , depuis que le Président de la Constituante, après avoir 
pria connaissance d'une pétition 4es hommes de couleur, dans la 



l{4 HISTOIRE d'haiti. — ( 1789 ) 

séance du 22 Octobre i789 , avait dit : « Aucune partie de la na^ 
« lion ne réclamera vainement ses droits auprès de l'assemblée des re- 
4 présentans du peuple français. » 

Avant la révolution, Ogé disait souvent que Vil avait quelque em« * 
pire sur les siens , il saurait bien arrêter les excès des planteurs et 
contraindre les blancs à traiter les gens de couleur comme leurs é- 

S aux. Son père , riche habitant de la province du Nord , lui avait 
onné autant d'éducation qu'il était possible à un mulâtre d'en recevoir 
alors à St-Domingue* 

Raymond, Fleury et les autres hommes de couleur réunis à Paris 
avaient formé un club à l'hôtel d'Argenson où étaient discutés les in- 
térêts des affranchis. Ogé proposa aut députés de couleur de se 
Tendre au club Massiac , afin , par la discussion , de concilier les in- 
térêts des planteurs et des mulâtres. Sa proposition fut accueillie ; 
on se rendit au club Massiac ; et par un énergique discours , il de- 
manda que la question relative à la liberté et à Tégalité civile des hom- 
mes de couleur fût résolue avec loyauté. Il Icrmiiia par ces paroles: 
€ Ce mot de liberté qu'on ne prononce pas sans enthousiasme, ce mol 
t qui porte avec lui l'idée du bonheur ne fut-ce que parce qu'il sem- 
« ble vouloir nous faire oublier les majux que nous souffrons depuis 
€ tant de siècles; cette liberté, le plus grand, le premier des biens, 
t est*elle faite pour tous les hommes? Je le crois encore ; mais corn- 
« ment faut-il la donner ? Quelles en doivent être les époques et les 
t conditions ? Voilà pour nous , messieurs , la plus grande , la plus 
« importante de toutes les questions ; elle intéresse l'Amérique , l'Afri- 
« que, la France, l'Europe entière; et c'est principalement cet objet * 
« qui m'a déterminé, messieurs , à vous prier de vouloir bien m'en- 
« tendre. Si l'on ne prend pas les mesures les plus promptes , les . 
« plus efficaces; si la fermeté, le courage, la constance ne nousani- 
« ment tous; si nous ne réunissons pas vite en faisceaux toutes nos 

< lumières, tous nos moyens , tous nos efforts; si nous sommeillons un 
« instant sur le bord de l'abîme, frémissons de notre réveil ; et voilà 
« le sang qui coule , voilà nos terres envahies , les objets de notre 
« industrie ravagés, nos foyers incendiés , voilà nos voisins, nos amis, 
f nos femmes, nos enfans égorgés, mutilés; voilà l'esclave qui lève 
t l'étendard de la révolte! Les lies ne sont plus qu'un vaste et fii- 
« nèbre embrasement ; le commerce est anéanti ; la France reçoit une 

< plaie mortelle, et une multitude d'honnêtes citoyens sont appauvris, 
« ruinés : nous perdons tout. 

< Mais , messieurs, il est temps encore de prévenir le désastre. J'ai 
t peut-être trop présumé de mes faibles lumières ; mais j'ai des idées 
c qui peuvent être utiles ; si l'assemblée veut m'admettre dans son 
t seioi si elle veut m' autoriser à rédiger et à lui soumettre mon plan^ 
% je le ferai avec plaisir, même avec reconnaissance, et peut«:être pour* 
« rais-je éoatribuer à eonjurer l'orage qui gronde sur notr^ tète. ^ « 



HISTOIRE »'HAtTr.~( HdO ) tjt 

Ce discours fut froidement accueilli par les membres du club tfafa 
siac; et on.se sépara sans avoir pu s entendre: les idées généreuses 
qu'Ogé venait d exprimer effrayaient l'aristocratie coloniale. Dès lorS 
il cessa toutes sortes de relations avec le club Massiac, et continua 
de visiter avec assiduité les négrophiles les plus distingués, les Gré^ 

I(oire, les Brissot , les Pétion, les Lafayette. Ces céléorités laccueiU 
aient aVec distinction, lui donnaient de sages conseils ^ et lui pro* 
mettaient un avenir heureux pour les peuples noirs et jaunes des ré* 
gions tropicales; L'abbé Grégoire surtout, ainsi que te général La* 
Fayette, l'avait pris en amitié; 11 assistait souvent aux grands dé* 
bats de la Constituante, et lorsque Mirabeau faisait retentir latrie 
bune de sa voix puissante^ il éprouvait les plus fortes émotions , se 
plaçait à la tête de$ siens dans les élans de son imagination , obtenant 

Î>our eu^ la liberté et Tégalité soit par la force de Féloquence, soit par 
a force des armes. Après ces séances orageuses^ il rentrait chez lui 
'la tète brûlante, et parlait à Raymond, son timide ami, d'une régé^ 
nération soudaine dans la colonie. Raymond calmait sa fougue révo^ 
lutionnaire, et lui disait que le temps amènerait les améliorations quel 
désirait tout homme ami de Thumanité* 

Ogé était indigné de la conduite de Bàrnave et des colons du Club 
Massiac; d'un autre côté les lenteurs de 1 Assemblée Constituante Tirri^ 
taient; car jusqu'alors elle n'avait rien statué concernant les hommes 
de couleur^ « 

Dans son désespoir , il disait : c Je Commence à me soucier peii qiié 
« l'Assemblée Nationale nous admette où non, mais qu'elle prenne biefit 
4 garde aux conséquences; Nous ne voulons pas demeurer plus long<i> 

< temps dans la dégradation. Nous enverrons des dépêhes. -tout de suite 
« à St.-Domingue et nous ne tarderons pas à les j suivre. Nous pou^ 

< vous former sur nos habitations d'aussi bons soldats que ceux dé 
t France. Nos propres armes ilous rendront respectables et indépëo» 

* € dans. Une fois que nous serons réduits au\ moyens désespérés , des 
k milliers d'hommes traverseront en vain l'Atlantique pour nous rama:^ 
« ner à notre premier état. » 

Ogé découvrait dès-lors les grands événements qui ont amené Fln- 
dépendance d'Haïti; et il se proposait, comme dernière ressource, d'ar^ 
racher St Domingue à là France , si l'orgueil colonial ne cédait pas 
devant ses justes réclamations. 

Pendant cet intervalle , un comité chargé d'examiner les affaires à» 
loniales fut institué (2 Mars 1790). Deux projets de décrets rédigés par 
Barnave furent présentés à la constituante dans les séances du 8 et dU 
28 Mars. 11 était établi par l'article 4 des instructions: « que toutes 
4 les pei*sonnes âgées de 25 ans accomplis propriétaires d'immeubles ott 
« domiciliées dans la paroisse depuis deux ans payant une cositjributioxiy 
$» réuniraient pour former l'assemblée provinciale. » 

iîrégoire et plusieurs autres dénutés^ damaddirent m jlkveur 4jes 9^ 



5C HisToins d'haiti. — ( ITCO ) * 

franchis , un amcnilemcnt consacrant que toutes les personnes cpiî i*6- 
tUîiraient les qualités meniionnécs en rarticle 4, jouiraient , n'importe 
leur couleur, des avantages y stipulés. La plupart des députés se levè- 
rent et déclarèrent que 1 assemblée nationale n'entendait pas qu'il y eut 
aucune différence de couleur , entre les citoyens appelés à former ras- 
semblée provinciale. Les députés du parti colonial firent quelques 
objections qui furent repoussées. Ils se turent, cependant se réservant 
d'interpréter en leur faveur Tambiguité des deux projets de décrets. 
, Les gens de couleur accueillirent avec enthousiasme ta déclaration de 
ïa majorité de l'assemblée nationale interprétative du l'article quatre des 
instructions, et ne doutèrent , pas que la jouissance des droits politiques 
ne leur fût accordée. 

Alors aucune puissance, ni celle de l'amitié, ni celle de la prudence, 
ne put relenir Ogé plus longtemps à Paris. -Il se disposa à retourner 
à St-Domingue , déterminé à réclanîcr éncrgiqucment Texécution des 
avantages politiques accordés à sa caste. 

Mais |K)ur partir , il éprouva de» difficultés auxquelles il ne s'attendait 
pas. Les menabres du club Massiac avaient obtenu sans peine du mi- 
pistre de la marine tialuzerne qu'il fût défendu à n'mporte quel homme 
de couleur résidant en France de s^embarquer pour St^Domingue. Les 
planteurs avaient cru pouvoir, par celte mesure, retenir en France les 
mulâtres éclairés qui cherchaient à traverser les mers pour aller propa- 
ger dans la colonie les idées de liberté que les philosophes européens 
répandaient avec tant d enthousiasme. Sur la réclamation des hommes 
de couleur, l'assemblée nationale leva l'ordre arbitraire du ministre de 
Ja marine. Mais le club Massiac put éluder le décret de la constituan- 
te: la plupart de ses membres étaient de riches habitans en relations 
directes avec le commerce de St-Domingue. Il fit donc entrer dans ses 
vues , et les négocians des ports de mer , et les capitaines des navires 
marchands. Aucun armateur ne voulut recevoir un homme de couleur^ 
.comme passager i bord de son navire. Les colons avaient même or- 
donné aux olïiciers de la marine marchande d'arrêter Ogé sur le bâti- 
ment où ils le trouveraient en cas qu'il parviendrait à échapper à la 
vigilance des armateurs, et de le livrer en arrivant dans la colonie, 
eux autorités du Gap. 

Ogé après avoir fait de vaines tentatives pour s'embarquer prit de 
^ plusieurs membres de la société des amis des noirs des lettres do re- 
commandation pour Clarkson , philantrope de Londres , et partit pour 
l'Angleterre, sous le nom de Poissac* Glakson, quoiqu^il l'eût reçu avec 
. froideur , lui fournit quelque argent , et des lettres de crédit pour les 
Etals Unis. Arrivé à Gharleston , Ogé se procura des munitions de 
guerre, se mit en mer, et atteignit le 23 octobre dans la matinée la 
rade du Gap. Gomme on ne se doutait pas qu'il pût venir sur un 
. navire américain , il débarqua sans obstacle dans la soirée. Tous les 

* Il ne put réudsir à voir Wilûerforce* 



HISTOIUE D^HAlTt. — ( IÎ90 ) 5t 

lAtimens arrivant de France étaient visités ; la câte était sévèrement gâr 
déc, et les autorités de Monte-Christ, dans la colonie espagnole, avaient 
même été suppliées , en cas qu'il s'y présentât avec des complices , 
€ d'arrêter les séditieux et de les faire conduire sous bonne escorte jus- 

< qu'au Fort'Dauphin j ces précautions étant nécessaires pour le bien 

< et la sûreté de. toutes les colonies en général, * 

A la faveur do la nuit Ogé se rendit au Dondon où se trouvaient sa 
famille et ses biens. 

Le club Massiac avait k Londres un agent nommé Guiton qui avait 
écrit aux planteurs la lettre suivante : « Un des négrophiles de Londres 
€ m'a confirmé le départ du mulâtre Ogé pour Saint-Domingue par 
% la voie de Lofîclres. C'est monsieur Clarkson qui l'a reçu et fait par- 
« tir; et il lui avait clé adressé par les amis des noirs de Paris. lîn'y 
« a guère que cinq semaines que ce mulâtre est embarqué. Je n'aî 
c pu savoir s'il était seul ou non. » 

Le club Massiac avait aussitôt obtenu du mimstrô de là Marine qu'on' 
empêchât le débarquement des hommes de couleun dans la colonie 
venant de n'importe quel pays. Vaines précautions de la tyrannie : 
Ogé était déjà dans son lieu natal. 

La nouvelle de son arri^^e au Dondon se répandit aussitôt dans toute 
la colonie. Des ordres furent donnés pour qu'on rarrêtât. Mais Ogé 
avait déjà vu se réunir autour de lui un certain nombre de ses amis, 
entr'autres un nommé Jean- Baptiste Chavanncs, natif de la Grande-Ri- 
vière, cultivateur -propriétaire, homme de couleur. Plus entreprenant, 
plus radical qu'Ogé, Cha vannes lui conseilla de soulever tous les ateliers, 
de proclamer la liberté générale , et d'anéantir ainsi d'un seul coup 
l'orgueil colonial. Ogé recula devant ce projet gigantesque. Cepen- 
dant il y avait songé en France. Chavannes néanmoins lui promit de 
triompher ou de mourir avec lui. 

11 n'y avait aucun moment à perdre. Les hommes de couleur au 
nombre de 250 prirent les afmes, désarmèrent les blancs de la Gran^ 
de-Ri>ière (28 Octobre 1790,) mirent Vincent Ogé à leur tête, non>- 
xnèrent Chavannes adjudant-major du camp , et capitaines plusieurs 
d'entre eux. Pensant que ses réclamations appuyées d'une force im- 
posante seraient écoutées , Ogé expédia une lettre au gouverneur de 
Peinier, par laquelle il lui reprochait de n'avoir pas fait piomulger le 
décret du 28 Mars 1790. C était une erreur; ce décret fut publié; 
mais il ne fut interprété par le gouvernement que favorablement aux 
colons. Il Unissait sa lettre en disant : « Non ! non ! c Mr le comte, 
« nous ne resterons point sous le joug, comme nous avons été depuis 
€ deux siècfes ; la verge de fer qui nous a frappés est rompue: nous 
« réclamons l'exécution de ce décret; évitez donc, par votre prudence, 
« un mal que vous ne pourriez calmer. Ma profession de foi est de faire 
« exécuter le décret que j'ai concouru à faire obtenir, de repenser 
« la force par ja force , et enfin de* faire cesser un préjugé aussi iu^ 



sa HISTOIRE d'haiti.— ( 1790 ) 

« juste que barbare. » Sa lettre ne produisit sur le gouVemeur qu*u<l 
intiment de pitié. 

Pendant ce temps, 'dans la nuit du 30 Octobre, les gens de cou^ 
leur rencontrèrent vers les hauteurs du Dondon deux dragons blancs 
qui portaient à la municipalité de la paroisse Tordre de l'assemblée 
du Nord de prendre les mesures les plus énergiques contre les gens 
de couleur. Ils furent arrêtés et conduits en présence d'Ogé qui leur 
dit: « Il ne vous sera fuit aucun tuai, nous ne sommes pas des hom- 
« mes de sang ; en cela nous ne ressemblons pas aux hommes devotref 
« caste; du reste votre grande jeunesse m'intéresse; il est affreus 
t de mpurir à votre âge« Ypici un sauf-conduit , partez et portez aU 
« Cap ces deux lettres. » ^ 

L'une adressée au président de l'assemblée du Nord était conçue ert 
ces termes : c Apprenez à apprécier Iç mérite d'un homme dont Tin- 
« tention est pure* Lorsque j'ai sollicité de l'assemblée nationale uà 
« décret que j'ai obtenu en faveur des colons américains , connus ancien- 
ne nement sous l'épithctede sangs mêlés, je n'ai point comprjs dans me9 
« réclamations le sort des esclaves. Vous et nos adversaires avez empoison* 
« né mes démarches pour me faire démériter des babitans honnêtes. Non^ 
« non , messieurs , nous n'avons querécl^né pour une classe d'hom« 
^ mes libres ^ qui étaient sous ^le joug de l'oppression dupuis deux 
< siècles. Nous voulons l'exécution du déa^et du 28 Mars. Nous 
« persistons à sa promulgation , et nous ne cessons de répéter à no9 
« amis que nos adversaires sont injustes, et qu'ils ne savent point coa* 
« cilier leurs intérêts aviîc'les nôtres, etc. etc. etc. • 

L'autre lettre adressée au général Vincent commandant dé la prc^ 
tince du Nord renfermait ce qui suit : « Nous exigeons la promulga- 
« tion du décret du 28 Mars ; nous nommerons des électeurs, nous 
« nous rendrons à Léogane; nous nous fortifierons, nous repousse- 
« rons la force par la force si Ton nous inquiète. L'amour piopi e^ 
« des colons se trouverait offensé si-nofis siégions à côté d'eux; mais 
€ a*t-on consulté celui des nobles et du clergé pour redresser les mille 
« et un abus qui existaient en France. » 

Le rapport des deuix dragons et ces deux lettres répandirent au Cap 
une grande alarme. On disait dans les rues qu Ogé avait soulevé les 
ateliers de la plaine du Nord ,^ au nom de la liberté, et que des ban- 
des innombrables d'esclaves roulaient comme des torrens vers la ville^ 
ne laissant derrière elles que des cadavres de blancs assassinés, et des 
ruines. Les autorités mieux informées , et ayant des renseignemens 
certains sur l'attroupement d'Ogé, firent battre la générale et réunirent 
800 hommes de troupes. Le général Vincent, à la tête de ce petit corps 
d'armée , prit le chemin de la plaine. 

Les mulâtres étaient réunis au nombre de deux-cent*cinquante en- 
tiron- lorsque le général Vincent les atteignit. Ils furent attaqués aveo 
i^igueur, ^.s^js les blaQcs furent l>i<^t<H décQura^és par J« mi^Uuftot 



KiSToîRE d'iiaiti— ( 1790 ) *9 

ifpiMls rencontrèrent. Ogé et Chavannes par leur audace soutenaient le 
courage des leurs. La cavalerie de couleur finît par enfoncer Tannée 
blanche, et par la meltre en pleine déroute, \incentnedut son^salut 
qu*à la \itesse de son chcNal et rentra au Gap avec les débris de ses 
troupes. Cette affaire jeta une si grande terreur parmi les colons que 
peu s'en fallut qu'on ne massacrât les hommes dé couleur «du Gap. 
Un conseil militaire changé de diriger les opérations s'organisa aussitôt; 
la tête d'Ogé fut mise à prix pour cinq cents portugaises, et le colonel 
du régiment du Gap , Gambcîbrt^ reçut l'ordre de prendre le tomman- 
deraent de 1,600 hommes de troupes de ligne , d'une compagnie d ar- 
tillerie , d'une de eavalerie, de deux-cents noirs armés, et de disperser 
ce rassemblement de brigands. v 

Ogé n'accueillit jamais le projet de Ghavannes de soulever les escla- 
ves, comme les colons l'en ont accusé. Il ne demanda que la jouis- 
sance des droits politiques pour les affranchis, c'est-à-dire pour le» 
noirs et les hommes de couleur libres , et l'émancipation progressive 
des esclaves des deux couleurs. Il ne commit aucun assassinat dand 
la plaine, et punit, au contraire, sévèrement , plusieurs de ses cavaliei^ 
qui avaient tué un boucher blanc nommé Sicard^ 

Après celte victoire, Ghavannes lui proposa de nouveau de soulever 
les ateliers, mais ce fut en vain. Il ne parlait que du décret du 28 
mars, et de la nécosssitç où se trouveraient les blancs, contraints par 
la force de la justice des réclamations des affranchis, de reconnaître 
leurs droits. Les colons eussent bien mieux compris les argumens d'Ogé 
présentés par 30,000 hommes armés autour du Gap. La nouvelle de 
j^D succès avait grossi sa bande. 

Gambefort , avec 3,000 hommes environ et deux pièces de campa* 
gne, vint attaquer vigoureusement les hommes de couleur. 

Ogé sans artillerie ne put longtemps lutter contre des forces supé- 
rieures en nombre et en tactique. Il céda le terrain et se retira au 
sommet du morne Beauséjour, où il attendit les blancs. Gumbefort vint 
Ty attaquer et le culbuta de nouveau. Après ce second échec, Ogé ne 
put plus retenir ses compagnons, sous son drapeau. La désertion se 
mit dans leurs rangs, et il n'en resta que vingt-quatre autour de lui. Il 
résolut , ainsi que Ghavannes , de se retirer dans la colonie espagnole. Avant 
de pénétrer dans les bois, Us mirent en liberté douze prisonniers blancs 
en leur faisant promettre de respecter le décret du 28 Mars. Parvena 
à Hincbe , Ogé fut arrêté , ainsi que ceux qui l'accompagnaient, et mis 
^1 prison. Ses armes, ses effets, ses papiers furent saisis. 

Chavannes qui s'était égaré dans les bois , déboucha dans le bourg 
de St-Jean, et fut arrêté dé fa même manière. Ge fut envain qu'ils s6> 
àéclarérent sous la protection du gouvernement espagnol. Us furent 
conduits à Sto-Domingo et emprisonnés à la Tour. 

Psndaat ce temps les blancs étaient rentrés en triomphe dams lia ville 



^ HISTOIRE d'haiti. — ( 1790 ) 

6u Cap aircc des prisonniers auxquels ils avaient fait subir en chemitt 
les plus mauvais traitemens. 

M. Blaiichelande dont nous parlerons plus tard avait remplacé M. de 
Peinier dans le gouvei nement de St-Domingue. Ce dlernier faussement 
accusé d'être le protecteur des hommes de couleur avait donné sa dé- 
mission. Un des premiers actes de Blanchelande pour se faire bienve- 
nir du parti colonial, fut de demander au gouverneur de la colonie es-^ 
pagnole l'extradition dOgé, de Çhavannes et de leurs complices , s'é** 
tayant sur un traité tombé dans Toubli, existant cependant entre les 
deux puissances. 

Le gouverneur don Carcia, son assesseur, l'interprète public et un 
notaire-greffier, réunis au quartier des vétérans, interrogèrent les pri- 
sonniers au nombre de vingt six y compris deux esclaves. Ils furent 
chaleureusement défendus par Fassesseur don Yicente Faura. Néanmoins 
Taudience royale^ le 21 Décembre 1790, .décida quils seraient livrés 
à leurs oppresseurs. 

Blanchelande et TÀssemblée du Nord, en deman(j(ant l'extradition des 
conjurés avaient mis en avant le nom du gouvernement français aûn de 
n'êtrô pas obligés d'envoyer solliciter en France, contre Ogé et Cha- 
lannes, un décret qu'ils n^eussent pas obtenu de rAssemblér^Nationale^ 
et pour ne pas laisser aux espagnols le temps de la réflexion. 

La corvette la Favorite, sous les ordres au capitaine Négrier, se 
rendit à Slo-Domingo, prit à son bord les prisonniers et les ame- 
na au Cap« 

Quant k Yicente Faura , il excita Tadmiration du roi d'Espagne qui 
lui accorda des récompenses et des honneurs. ^ Le jour du débar-» 
quement des prisonniers dans la ville du Gap fut une fête pour les 
blancs. Ces infortunés furent jetés dans de sombres cachots , et il n'y 
eut pas un mouvement en leur faveur. Le capitaine Négrier fut ré- 
compensé avec Hiagnilicence, et l'assemblée du Nord demanda au roi 
de France 1^ croix de St-Louis pour don Garcia. Le débonnaire Louis 
XVI, conseillé par les aristocrates qui Tenlouraient, crutbieh faire en 
accordant à TAssemblée du Nord ce qu'elle lui avait demandé. 

On a vu que de l^einier avait ctdé le gouvernement à iT de Blan- 
chelande. Il avait été dégoâté des troubles de la colonie, et avait de- 
mandé sa déniission au ministre Laluzerne. Il ne s'était si longtemps 
soutenu qu'en opposant les révolutionnaires aux indépendans. 11 avait 
eu l'espoir d'établir l'autorité royaliste sur les ruines de ces deux partis, 
et il avait assez bien réussi quand il abandonna le pouvoir. Dans les 
premier» jours de Novembre 1790 il était parti pour France. 

Rouxel de Blanclielande , officier sans gloire militaire, composa aus- 
sitôt son conseil do M^ Mauduit , de plusieurs autres aristocrates, et ne 
déguisa pas ses projets contre-révolutionnaires en faisant emprisonner 

* Géographie du citoyen B. ArdouiA.^ 



miTOIRE D*HAITI.-p-"( 1791 ) M 

beaucoup de patriotes. Das félicitations qu'il reçut du nouveau ministre 
de la marine Fleurieu et de Louis XVI, achevèrent de Tentralner dans 
le parti aristocratique. Il parcourut la province du Nord, supprim^ 
les municipalités qui pouvaient contrarier ses projets, et revint au 
Port au-Prince où il reçut une députation des sociétés populaires deà 
" Cajes qui lui demandaient du secours contre les gens de couleur. 

Ceux-ci, dans le Sud , plus nombreux et aussi riches que les blancs^ 
se montraient redoutables, ei avaient fait à ta France un don patrio» 
tique de six millions. En apprenant la révolle d'Ogé ils avaient pris 
les armes en demandant Texécution du déciet du 28 Mars, et s étaient 
réunis au nombre de 500 sur l'habilation Prou, quartier de la Ravine 
Sèche , au milieu d'une gorge qui débouche dans la plaine du Fond, 
lift mirent à leur tête plusieurs des leurs, Rigaud qui s'était fâit« re- 
marquer par sen courage pendant la guerre de Tladëpendance amérl« 
(caine, Bleck^ Remaray et Faubert. 

Les blancs des Gajes » sous les ordres d'un ancien militaire nommé 
I.efè\re Duplessis, marchèrent contre la Ravine Sèche et contraignirent 
leur général à en venir aux mains avec les mulâtres. Après un rude 
combat, et malgré le feu vif de leur artillerie, les blancs furent battus 
et poursuivis au loin dans la plaine. 

M^ de Blanchelande, répondant à Tappel de la \ilie des Cayes, ^ eti« 
Toya le colonel de Mauduit. Le régiment du Port-au-Prince débarcjua 
au Port-Salut le 28 Novembre 1790. Mauduit se rendit aux Cayes et 
fnarcha delà sur le camp de la Ravine. 

Les hommes de cquleur menacés par des forces supérieures en nom« 
bre et en tactique se dispersèrent. Rigaud fut fait prisonnier, et ses 
compagnons furent désarmés et traites avec hauteur par M' de Mauduit 
qui leur dit: c Gens de couleur libres, je vous parle au nom de la 
« nation , de la loi et du roi ; vous avez été égarés par de folles pré* 
« tentions ; vous ne devez jamais franchir la ligne de démarcation qui 
« TOUS sépare des blancs vos pères et vos bienfaiteurs; rentrez dans 
9 le devoir 

Mauduit revint en triomphe au Portau-Prînee, après avoir désarmé 
les pompons-rouges du Petit-Goftve et de Léogane. Il lit emprisonner 
Itigaud qu'il avait amené et plusieurs autres hommes de couleur, entre 
autres Pinchinat; ce qui aigrit contre lui les affranchis. Quant aux* 
petit^blancs , ils ne lui pardonnèrent pas le desarmement des confédé* 
fés du parti révolutionnaire. 

Après ces événemens il y eut une lueur de tranquillité dans la co- 
lonie. Le procès d Ogé et de Ghavannes s'instruisit pendant les mois 
de Janvier et de février 1791. Envain demandèrent-ils un défenseur. 
Le 23 Février 1791 ils furent condamnés par W conseil supérieur du 
Cap, sans avoir été entendus , au supplice de la roue, comme eou* 
pables du crime de rébellion. 

jL' Assemblée du Nord eut la barbarie d'insulter à leur malheur eo 



1 



62 HISTOIRE D^HAITI. — ( 1791 ) 

ordonnant qu'ils ne fussent pas exécutés sur la plac^ âestînée au sup- 
plico des criminels blancs' , afin qu'un échafaud qui n'avait vu couler 
jusqu^alors que le sang d'une race pure et souverame, ne fut pas souillé 
par un sang impur 

Au jour de 1 exécution (23 Février i79i ) les condamnés conduits 
devant TEglise, nu-pieds, nu-tèle, en chernisc, la cordeau cou, por- 
tant chacun une torche de cire, au milieu dun peuple immense, do- 
darorent à genoux qu'ils se repentaient du crime qu'ils avaient commis, 
61 qu'ils en demandaient pardon à Dieu. 

Au centre de la place d'armes était dressé un échafaud surmonté de 
lieux roues. Les bourreaux les y attachèix^nt la face tournée vers le 
ciel, et à coups redoublt's de barres de fer leur rompirent les cuisses, 
les jambes , les bras et les reins. Calmes et résignés ils ne tirent en- 
tendre aucune plainte. 

L'Assemblée du Nord , égarée par la haine qu'elle portait aux gens' 
àe couleur, assista en corps à cette exécution, comme à une fête natio* 
nale. Quand ces victimes eurent fermé les yeux , elles eurent la tète 
tranchée : celle d'Ogé fut exposée sûr le chemin du Dondon lieu de sa 
naissance, celle de Chavannes sur le chemip de la Grande*Riviére. 

Peu de jours après, deux autres compagnons d'Ogé furent rompus 
%'ifs;^ vingt-un pendus, et treize condamnés aux galères à perpétuité. 

Plusieurs auteurs et les colons ont prétendu qu'Ogé s'était montré 
faible pendant sa captivité et le jour de son exécution,' en dénonçant 
dans un testament ses principaux complices , et en se mettant à genoux 
en ' présence de TEglise. 
Vincent Ogé mourut avec un rare héroïsme, et releva l'énergie des srens. 
Le testament dont on a beaucoup parlé et qu'on lui attribue est de Jacques 
Ogé son jeune frère; quanti la circonstance par laquelle il s'est mis 
à genoux, on ne doit pas perdre de vue qu'il y fut contraint par la 
formule du jugement de condamnation. Il cessa de vivre à Tàge de 
35 ans. Il avait de la conviction et de la grandeur d'âme. 

Après avoir respiré, en France, l'air de la liberté, et avoir frater- 
nisé avec les plus grandes célébrités de la Constituante , de retour dans 
son pays , il aima mieux mourir que de s'y replacer dans une condi- 
tion dégradante. 

Au Port-au-Prince le parti royaliste perdait chaque jour de sa pré- 
pondérance ; il n'était plus soutenu que par le régiment de Mauduit, 
dont les soldats étaient cependant entourés de toutes les séductions de 
la population. La eanaiUe blanche était dirigée par un aventurier ita- 
lien-nommé Pralato 'et. par une femme d'une grande taille et forte, nom- 
mée M.'"'' Martin. Celle-ci toujours arniée d'un sabre et de pistolets, 
la tète chargée de «plumes rouges , les épaules nues couvertes de longs 
cheveux noirs» assistait à tous les clubs, y haranguait le peuple qu'eUo 

_ f I/ua était Jao^ucs Ogi dit Jao^uot ix^re de Yincent Og6, 



i 



ÈÏSTOIRÏ »*HAITI.— ( 1791 ) GS 

s(*aftac))aît par des distributions de pains et de viandes. Elle déployait 
surtout contre le colonel de Mauduit un acharnemen^qui allait jusqu'à la 
rage. Sur ces enlrefaîlos , de Blanchelande apprit par le journal le Courrier 
de l'Europe ^qi\c IVr de Villages arrivait dans la colonie avec des troupes 
connues par leur énergie révolutionnaire. Malgré les précautions da 
gouverneur, de Villages parut dans h rade du Port-au-Prince le 21 
^ars 1791. Il n'avait pas reçu les dépêches par lesquelles Blanche- 
lande lui ordonnait de débarquer ses troupes au Môle St Nicolas. 

Les pompons-rouges relevèrent aussitôt la tôle, se transportèrent à bord 
des navires de Tescadre, en gagnèrent les équipages, et les portèrent 
à la révolte. Blanchelande aulieu de déployer de l'énergie, de sévir 
contre les rebelles, comme le lui conseillait de Mauduit, voulut em- 
ployer les voies de la douceur. Il se rendit à bord], fut insulté par les< 
matelots, et revint humilié au gouTornement. Une déput&tion des 
équipages vint auprès de lui, et ne craignit pas de loi demander pour 
quel motif il voulait envoyer Tescadre au Môle StNicolas. Il eut la 
faiblesse de montrer Tordre du ministre de la marine et d'accorder aux 
agitateurs , contre Tavis de Mauduit , trois jours pour se rafraîchir 
avant de partir. 

Mauduit plein d'indignation entendait le tonnerre qui devait lefoo* 
droyer ; mais les ordres du gouverneur lui ôtaient la faculté d'agir. 
Cependant il se montrait calme et disposé à affronter tous les dangers. 

Les condescendances de Blanchelande au lif^u de calmer les équipa- 
ges avaient rendu la révolte générale à bord des bâtimens de I esca- 
dre , le Foug^'ux, le Borée, la Prudence et TUranie. Les régiments 
d'Artois et de Normandie débarquèrent avec les matelots. La plus 
grande fermentation régnait dans la ville. Les soldats furent portés en 
triomphe ; et par les insinuations des habitans , il refusèrent de fra« 
(erniser avec ceux du régiment du Port-au-Prince qu'ils traitèrent de 
yils instruments de la tyrannie. Les grenadiers de Mauduit honteux 
d'être appelés aristocrates abandonnèrent leur ooionel et firent cause 
icorilmune avec la populace. 

Les hommes de couleur de leur côté, humiliés et irrités depuis l'af- 
faire de la cocarde jaune , se joignirent aux petits blancs; et sur leur 
demande, les agitateurs se transportèrent'^à la prison et mirent ea 
liberté Rigaud , Pinchinàt et plusieurs autres. 

Les partisans de l'ancien comité de l'Ouest , quand'ils se virent mat* 
très des forces de la ville, se rendirent au palais du gouvernement, 
demandèrent à Blanchelande . 1^ suppression de la corporation des pom« 

Fons-blancs , le rétablissement de la garde nationale et du comité de 
Ouest, la reddition des drapeaux des pompons-rouges, et celle des 
registres des districts. Blanchelande eut*la faiblesse de tout accorder. 
Pendant ce temps , Mauduit était seul chez lui ; ses soldats qui , la veille , 
lui avaient juré de mourir à ses côtés l'avaient abandonné. La foule so 

Il*aos|)orta eu sa demeure , ïm arrachai le traioa au gouveraejooieiit j^osuur 



I -, 



64 HISTOIRE D^IÏAITI. — ( 1791 ) 



y prendre aussi BlanchelaDde , afin de les conduire ensemble aa comité 
de rOuest qui s'était déjà organisé. Au milieu de cette agitation gé- 
nérale, le gouverneur avait presqtie perdu la tête. N'osant faire face 
à Torage il s'était sauvé par une porte dérobée du palais , et s'était 
retiré à deux lieues de la ville sur une habitation où il s'était caché, 
en attendant Tissue des évènemens. 

Mauduit fut ramené on sa demeure au milieu d'un peuple de forcepés 
l]ui l'insultaient, brisaient les meubles de sa maison. Il' fut contraint 
de leur livrer les drapeaux de la garde nationale enlevés dans la nuit 
du 29 au 30 Juillet 1790. 

Une compagnie des grenadiers de son régiment les transporta dans la 
salle du comité. Alors la multitude demanda à grands cris que de 
Mauduit vint présenter ses excuses aux membres du comité réunis à 
1 église. Il sertit de chez lui au milieu des imprécations de la foule qui, 
excitée par madame Martin , voulait le déchirer. Quand il fut arrivé près 
du local du comité populaire , il déclara qu'il ne ferait pas amende 
honorable, qu'il avait toujours agi dans l'intérêt de la patrie. 

▲ la lenterne Taristocrate ! fut le cri qui sortit de la foule. De^ 
Mauduit demeura ferme et répondit à la multitude par un sourire de 
mépris. Les femmes furieuses qui entouraient madan)e Martin se jetè- 
rent d'abord sur lui; ses grenadiers, la veille si fidèles, partagèrentia 
rage du peuple , se saisirent de lui , et un sapeur de son régiment 
lui trancha la tète. ^ Ses épaulettes furent aussitôt arrachées, ses mem- 
bres coupés jetés ça et là , et sa tête portée au bout d'une pique par- 
toute la ville. Madame Martin , femme blauche, trancha avec un cou.- 
teau ses parties génitales , et les porta chez elle en triomphe. ^^ 

Quand ces scènes d'horreur furent terminées, le peuple se rondit à 
l'église où fut chanté avec pompe un TeDeum. Le soir de cette hor- 
rible journée la ville fut illuminée, et les navires de la rade pavoises,, 
lancèrent tant de fusées qu'on eût dit une pluie de feu. 

Pas un seul colon ne manifesta quelque pitié pour M. de Mauduit. 
Cependant il était blanc et un des fermes soutiens de Tescjawige ; 
mais ceux que l'habitude de la tyrannie domine, peuvent-ils, éprouveF 
quelque compassion, à la vue du sang , même pour leurs semblables. 

Un des esclaves noirs fle Mauduit nommé Pierre, se montra incon^ 
solable : il réunit les membres de son maître, épars dans les différents 
quartiers de la \ille , et les enterra près du cimetière ; car le clergé 

* D'après le rapport des officiers du régiment du Port-au-Prince, à l'As- 
semblée nationale, sur cet événement, Mauduit fut tué vis-à-vis de la 
maison Bouzigue, rue du Centre, pi es de la rue des Fronts- Fort3 , où se. 
tenait le comité. 

** Plusieurs écrivains européens ont avancé à tort que Mme. Maftih- 
émit une feuune de couleur. Mme. Martia était une blanche provençale. 



HISTOIRE I)*HAXTI. — ( 1791 ) 85 

jui avait refuse la sépulture, les révolutionnaires voulant que son ca« 
davre devint la pâture des chiens et des oiseaux de proie. 

Pierre se jeta ensuite sur la tombe de son maître , adressa à Dieu 
une courte prière , et se brûla la cervelle. 

Voilà un de ces hommes qui, d'après les blancs , étaient privés d« 
toute sensibilité, et n'appartenaient pas même à la race humaine. } 

Garadoux , habitant de la plaine du ^ul-de-Sac, dont nous connais* / 
sons déjà la cruauté , Tut nommé par. les petits-blancs capitaine gé- 
néral de la garde nationale et remplaça M' de Blanchelande. Cet 
aventurier italien nommé Praloto, célèbre par toutes sortes d^ forfaits, 
prit la place de M*^ de Iferveillère, chevalier de St-Louis, inspecteur 
des fortifications. Il rendit formidable l'artillerie de la garde nationa^ 
le qu'il commandait depuis les premiers troubles de la colonie. 

La ftiunicipalité, qui fut la première du Port-au-Prince, se donna 
Tes attributions de TAssemblée provinciale , supprima la place d'inten* 
dant , nomma de nouveaux membres au cofi^l supérieur du Port*au« 
Prince et s'attribua les fonctions de lieutenant du roi. 

Cette révolution consommée le 5 Mars 1791 , abattit entièrement U 
parti royaliste dans les provinces de TOuest et du Sud ; et Ca basse classe 
biaiicheprit l'autorité dans la^vilU du Port-au-Prince qui gémira de ses 
brigandages et de. ses fureurs. Elle dominera seule, persécutera la classe 
riche et refusera de se mettre en contact avec les tiommes de couleur 
qui ne feront respecter leurs droits que les armes à la main. 

Quoique les affranchis n'opposassent en général que de la résignation 
aux injustices des blancs, quelques familles de couleur , dans les cam- 
pagnes, répondaient avantagcusemofit aux attaques dirigées coRtre elles. 
Buisson Dcsmarres occupait au Fond Parisien une habitation qui 
était sa propriété. Un jour, au lever du soiiel, il était assis seul de- 
vant sa grande case. Un blanc, son voisin , dont T insolence était con- 
nue des hommes de couleur, passa devant lui, et lui dit: on te pren- 
drait [>aur un seigneur; les mulets comme ioi, attelés aux cabrouets, 
ne devraient'iis pas être déjà au jardin? A ces paroles insultantes 
Buisson Desmarres se lève , saisit le blanc à la gorge d'une main do 
fer,, le renverse à ses pieds et lui applique deux soufflets. Le colon 
so releva honteux et écrasé sous le poids de tant d'audace. Il monta 
aussitôt dans sa voiture , et partit pour le Port-au-Prince avec les 
traces pourprées sur ses joues de la violence du mulâtre. 

Desmarres revenu à luimême vit le danger où il s'était jeté: battre 
«n blanc était alors non pas un assassinat, mais une conspiration qui. 
entraînait les suites les plus graves. Cependant il ne se découragea pas: 
il réunit ses amis, les Poisson, les Renaud, plusieurs autres habitans 
de couleur , qui jurèrent de partager ses périls. 

Le blanc en arrivant au Port-au Prince raconta sa mésaventure qui ex- 
cita une indignation générale : il ne fut bruit que de cette affaire; de tou- 
tes parts Ton n'entendait que ces mots : Un Mulâtre a osé battre un blanc! l 



tfi. ITTÔTOIÏIE D^HATTT — f. 1791 ) 

Aussitôt après dnquante cavaliers pariirent pour le Fond Parisien. Des- 
inarres, averti de leur arrivée, réunit ses amis, el so dcterminîv à la 
résistance. Celte énergicfue résolution piovoïKiit du désespoir. Ils sa- 
vaient tous qu<* leurs familles allaienl être nialiraitéti's, em(>risaun6es, 
#t que leurs biei^s seraient -coniisqués. Mais ils préféraient la mort à 
tant d'humiliations. Ils s embusquèrent dans le chemin par où devaient 
arriver les blancs. Quand ceux-ci pa vinront sur I habitation Buisson, 
ils essuyèrent le feu de l'embuscade et pttîMlireut un dt^s leurs. 

^Lussitôt, les blancs en fureur se répandirent dans les jardins de can- 
nes,, en tirailleurs; mais la pel»te banle dos hommes de couleur, com- 
Biandée par Poisson, le plus Agé d entre eux , manœuvra si bien, ayant 
la connaissance des localités, qu'eil*^ mil les bl;ines en pleine déroute, 
leur tua plusieurs hommes et en blessa un grand nombm. Les cava- 
liers se rallièrent sur 1 habitation Rébus. Les hummes de coulcniisans 
perdre le temps en de vaines joies dressèrent une embuscade sur le 
phemin du Port au- Prince; le lendemain les blancs s en retournant 
furent accueillis parun feu vif des deu\ côtés du chemin , cl mis en 
déroute après avoir encoie perdu ((uelqiies hommes. 

Poisson, sans attendre des nouvelles du Pori au-Prince, se disposa 
à résister à de nouvelles attaques, et à se tnénagef um.' retraite dans 
la partie espagnole, au casque la fortune toumut contre lui. Les 
hommes de couleur armèrent leurs esclaves Ich plus intrépides, et en- 
voyèrent les nommés Desruisseaux et Ferrier demander d<ès secours aux 
paroisses voisines; mais les hounnes de couleur des autres quartiers, 
tenus en respect , ne purent faire aucun mouvement. 

L'autorité du Port-au-Prince, instruite de ce qui s'était passé, fit 
partir pour le Fond-Parisien le régiment d'Artois , un bataillon de la 
garde nationale blanche et une compagnie d'artillerie. Ils arrivèrent 
sur l'habitation Desmarres au nombre de 1,500 hommes, la trouvèrent 
abandonnéb et l'incendièrent. 

Les hommes de couleur ayant reconnu l'inutilité do la résistance 
avaient atteint avec leurs familles les frontières de L* coionie espagnole. 
Arrivés sans obstacles au bourg de iNcybe , ds écrivirent ai gouver- 
neur de Santo Domingo pour lui demander asyle et protection. On 
leur répondit qu'iU pourraient devenir propriétaires et siijels espa- 

{^nols, s'ils le voulaient, et qu'une pension mensuelle leur serait al- 
ouée tant qu'ils resteraient dans les états de Sa Majesté Catholique. Ils 
feutreront bientôt dans leurs foyers , à la favei^r des révolutions qui 
pç tarderont pas à éclater. 



OOrr- 



X 



LIVRE CINQUIEME. 



V 



17ML 



Sommaire. La Constituante décrète qne trois commissaires seront envoyés à Saint* 
Domingue.-** Décret du 15 Mai 179l«*^Eâets de la nouvelle de ce décret à Saint- 
^ Domingae. — Les affranchis se réunissexât au Mirebalais. — Seconde assemblée colo- 
niale. — Ëllo se transporte au Cap. — Bltnchelande pour trouver des auxiliaires con- 
tre les Indépendans , excite à la révolte les esclaves du Nord.-*- Réunion à Lenor- 
niand --» Insurrection générale -«• Les blancs de tous les partjs égorgés dans let 
eampagnes.— • Jeannot attaque le Cap.-— Candy. — Projet d'indépendance de FAsseni- 
bléa coloniale. — Rouvrai.— « L'assemblée coloniale demande des secours à PAngle- 
terre.— * Les insurgés s'organisent.-— Jean François et Biassou. — Ils attaquent !• 
Cap.-—' Boukman. — Jeannot et Jean François- se divisent— Mort de Jeannot — Frist 
du camp Gkilifet. — Casa Major. — Thouzard.— Les gens de ooiileur chassés du 
Port-au-Prince — Réunion chez Rastau.-^Bauvais nommé eapita ine -gêné rai des affran- 
chis, — Campement de Diègue. — Combat de Nérette — Bataille de Pernier. — Les 
affranchis au Trou Caïman. — Concordat des hommes dé couleur avec les blanca 
royaliste». — Concordat avec les petits -blanc».-— £ntr«e lolennelle des affranchis a» 
Port-au-Prince. — Affaire des Suisses — Décret du 24 Septembre 179i. — Deux partis 
dans l'assemblée coloniale.— Affaire du 21 Novembre 1791. — Incendie du Port- 
au-Prince — Adnsse des Hommes de couleur de l'Ouest à leurs' frèr-es. — Qrimo- 
a!d.— * Les affranchis assiègent le Port-au-Prince. — - Garran Couloa demande à 1a 
législative la confirmation du concordat de Damiens. 

• 

En France le parti colonial ne cessait de s'agiter, contrariant tou« 
les projets des philantropes en faveur des colonies. Malgré toutes les 
intrigues du club Massiac , et des quatrQ-vingt cinq députes de TAs- 
semblée de St-Marc retirés à Paris , l'Assemblée constituante décréta 
en Février 1791 que/ trois commissaires seraient envoyés à St Domingua 
• pour y rétablir la tranquillité. Ce fut envain que les 85 contrarièrent 
cotte mesure. Polvérel dont' nous parlerons pi js tard, et Lacrételle^ 
leur refusèrent le secours de leurs talens , ne voulant pas contribuer à 
arxcter à St-Domingue le développement de la liberté. Ces manœuvres 
quoique opiniâtres ne purent comprimer l'essor des idées pbilantropiques : 
plusieurs villes de France , entre autres, Bordeaux , Angers et Cbalons 

^eot des réclamalioQS en faveur des Âfliancliisj el le 16 Mai 1791, 



6?) fiflSTÔIRE I>*HÂITI.~( 1791 ) 

la constituante 'décréta que les liommes de couleur nés de pères et 
mères libres jouiraient de tous les droits politiques. Les colon« se saisie 
rent de cette occasion pour calomnier TÂssemblée nationale de ^ance : 
ils publièrent qu'elle voulait livrer la colonie aux Anglais en y excitant la 
guerre ci\ile ; et Cormier, président du club Massiac , exhorta les plan- 
teurs qui étaient à Paris, à se rendre à St-Domingue pour y combattre , 
les principes révolutionnaires. Daugy, un des 85, par une lettre enix 
habitans de la -province du Nord, les excita à ce lendre indépendans, 
s'étayant sur ces mots foudroyants pour le système colonial, sortie 
de la constituante: périssent les colonies plutôt qu'un principe. 

Ce fut le 30 Juin que la nouvelle du décret du 45 Mai arriva au 
Cap, par un navire nantais. Tous les préjugés coloniaux se soulevè- 
rent aussitôt: les planteurs renièrent ouvertement la Fran e, et firent 
des préparatifs militaires, pour s'opposer à 1 exécution du décret. Au 
Port-au Prince, les petits-blancs qui y dominaient, tinrent la môme 
conduite, et formèrent une confédération contre l'autorité de la Mé-* 
tropole. La classe blanche éprouva la même sensation dans toute la 
colonie. 

Que dépassions contraires les évcnemens ne font'olles pas éclater! 
Tarfcout le fort opprime le faible et partout les réactions sont terribles. 
La France se livrait aux excès d'une révolution que la tyrannie du cler* 
gé et de la noblesse avait fait naître ; à St-Domingue les colons , voyant 
sortir de l'Assemblée Nationale des décrets qui n'étaient pas en harmonie 
avec leurs intérêts, accusaient les philantropcs qui en formaient la majo- 
rité, d'être vendus à F Angleterre. L'abbé Maury, Linguet et la gazette 
de Paris gagnée par le club Massiae, a\aîcnt répandu dans toute 
la France des écrits fulminants contre la Constituante. Ils prétendaient 
<|ue Lafayette, le démagogue, avait emporté le décret dul5 Mai, à la 
lête de dix-mille hommes; que r\8semblée Nationale ^ devenue li'^ 
Jbre dans ses délibérations, avait témoigné son repentir d'avoir adopté 
le décret , que l'ambassadeur anglais l'avait expédié à son gouverne- 
ment comme un témoignage de la démagogie qui bouleversait ta Fran- 
ce, et que F Angleterre allait déclarer la guerre au gouvernement fran - 
çais . 

Tous \e% bordelais qui se trouvaiènl alors au Cap et au Port-aiN 
l^ince faillirent d'être massacrés , parce que les blancs de la colonie 
n'ignoraient pas que les citoyens de Bordeaux avaient prpposé à l'Asi- 
semblée constituante d'envoyer à S'-Domingue une partie de la garde na< 
lionale de leur vill^, pour y faire exécuter le décret du i5 Mai. Oa 
parla de se livrer à l'Angleterre qu; maintiendrait l'ancien système co* 
lonial ; et le drapeau britannique déployé dans une assemblée qui se 
réunit à celte occasion fut accueilli par de grandes acclimations. Ce- 
pendant les blancs n'osèrent ni proclamer l'indépendance de St-Domin« 
gue , ni déclarer la colonie possession anglaise. 

ii@s iiQoimes dp couieur ne pouvaient rester plus loDg-teixips paî^ 



matolBÈ D^uAitr.^( 1791 ) SU 



bted spectateurs de toutes ces luttes. Indignés de l'iDJusltce consîaQta 
des blancs à leur égard \ ils cessèrent de suivra les eooseils pacifiques 
de Julien Raymond. Les planteurs étaient d'autaût plus iiTi tés contra 
les affranchis que ceux-ci sincèrement atiacbés à la France révolution^ 
naire, refusaient de seconder leur projet d'indépendance dont le but 
était le maintien de Tancien régime ou de la servitude. Dans une det- 
leurs lettres du 27 Juillet 1790, ils avaient dit t c nous périrons fran-> 
« çais y et nous nous e^ivelopperons dans le drapeau de la France qu^ 
% nous servira de suaire. » 

Déjà dans la plaine du Gul-de-Sac ils avaient des réunions secrète^ 
et suivaient l'impulsion d'un des leurs nommée Pinchinat, vieillard ins- 
truit, élevé en Europe. La promesse faite par Blanchelande de ne pas^ 
exécuter le décret du 15 Mai , avait achevé de les exaspérer^ Duresti 
te quelle eonfiance pouvaient-ils avoir dans rassemblée coloniate , quand 
ils la voyaient dominée par des hommes tels que Page et Bauvois 
auteurs de plusieurs écrits dans lesquels ils étaient assimilés aux brutes^ 
Les hommes de couleur du Nord n avaient pas une aussi grande liberté^ 
d'action que ceux de l'Ouest : depuis le supplice d'Ogé , des échafauds 
étaient dressés de toutes parts , et les blancs les surveillaient active^ 
XQcînt; aussi paraissaient-ils abattus et découragés. 

A la voix de Pinchinat les affanchis s'établirent ouvertement au Mire* 
balais, et demandèrent mais en vain Texécution du décret du 15 Mai 
à Blanchelande qui traita leur pétition d absurde et de criminelle. 

Alors ils se réunirent dans l'église de ce bourg et nommèrent dans la 
même journée (|uarante^ délégués chargés demployer les moyens les pluc^ 
énergiques pour faire triompher leurs droits. Ils avaient choisi le Mire- 
balais pour le centre de leurs opérations, parce que ce lieu entouré de; 
hautes montagnes est presque inaccessible. 

La main Divine paraissait couvrir d'un bandeau les yeux des colons 
afin qu ils ne découvrissent pas la justice des réclamations des op>- 
primés y ni les suites terribles de leurs crimes; car rendre son sem- 
blable esclave est le plus grand des crimes/ Elle les conduisait à leur 
ruine: les prières, les plaintes des Affi^anchis étaient montées ^au ciel^^ 
ainsi que les gémissemens des esclaves. Les nègres et les mulâtrèS|* 
comme les autres hommes sentaient Tinjustice. La vengeanee est si 
douce pour ceux qui ont souiîerLdans la servitude! Comment les co* 
Ions n ont-ils pu prévoir que cette masse d esclaves les eût un jour 
étouffés , révoltée de tant de violences devenues insupportables ? Que ' 
demandaient les anciens libres? l'égalité devant 1^ loi, l'exercice des 
droits politiques. Mais de telles prétentions remplissaient de ragel« 
coeur des créoles blancs. Les Affranchis , sans espoir , après tant 
d'humiliations, d'obtenir par les voies de Téquité , ce qui leur était 
dû-, souffrirent avec résignation, agirent dans l'ombre, et lorsque 
leurs opresseurs l^s croyant terrassés , dormaient sans- rejnords dans 

l^ura briUwts palais ^ U^ ftaounee d'ujQQ iAi^u(jce«Uo|]i gé«ér«Jl« IXL^m^ 



^Ô HISTOIRE D^HIITI. — ( 1791 ) , 

laèrent St-Domîngue. Alors le blanc \oyanl ses édifices éclairer les ré- 
jouissances de nos pères, le sang ruisseler ({ans les caropognes, le 
sang qui n'avait jamais ému son cœur y- frissonna de terreur , et 
maudit peut-être' mais trop tard son orgueil. Il pleura à son tour à 
là \ue du sang; car ce sang qui inondait les plaines n'était plus le 
nôtre ; les tÊtes qui bordaient les grands chemins sur des piques, ci'é^ 
taiejit plus les nôtres , et les cadavres qui servaient de pâture aux oiseaux 
de proie et aux chiens , n'étaient plus ceux des enfans de TAfrique. 

Les blancs craignant les prétentions des alTrancbis se hâtèrent de 
former la seconde assemblée coloniale avant que le décret du 15 Mai 
fût mis à exécution. Cette nouvelle assemblée se réunit à Léog(me 
en Juillet 1791. Elle s'ouvrit le 1/'' Août, sous la présidence du 
marquis de Cadusch ardent contre- révolutionnaire, et se montra ani- 
mée du même esprit d indépendance que rassemblée de St-Marc. Elle 
appela à sa barre le gouverneur Blancholande , et lui fit jurer qu'il 
' B exécuterait pas le décret du 15 Mai lorsqu'il arriverait orficiellement. 
Blanchelandc , pour éviter une explosion et pour ne pas être déca- 
pité , céda à l'effervescence populaire. 

Nous avons vu que depuis l'assassinat de Mauduit , Blanchelandc 
s'était retiré au Cap devenu la capitale de la colonie. Camme cette 
ville était bien plus hostile aux idées nouvelles que la province de 
l'Ouest , rassemblée coloniale, par Un décret en date du U Août, s'y 
transporta. 

Blanchelandc et les autres chefs royalistes, aveuglés par l'esprit de 
parti, pour combattre TinQuence de rassemblée coloniale dont tous les 
efforts tendaient vers l'indépendance de S'-Domingue, se déterminèrent 
à soulever les ateliers de la province du Nord, comme de Mauduit 
avait, dans l'Ouest, pendant un moment , réuni les gens de couleur 
contre les petits blancs. Ils firent sans peine adopter ce projet à des 
hommes victimes de toutes sortes d'atrocités, et entendant tetentir à 
leurs oreilles le mot de liberté. Ce fut à Toussaint, esclave ^e Iha- 
bitation Bréda au haut du Cap, qui se faisait, remarquer parmi les 
siens pas une rare intelligence et une grande piété, que les blancs 
royalistes firent d'abord l'ouverture de ce projet. Ces dangereux auxi- 
liaires que l'instinct seul de la liberté eût portés à la révolte, ne pour* 
ront être conduits par leurs instigateurs dès qu'ils auront pris le« ar* 
mes. Au Trou Bordet , au Boucassin , aux Vases , les ateliers s'étaient 
déjà agités. 

Dans la nuit du 14 Août 1791 , 200 députés des ateliers de la province 
du Norîl se réunirentsur l'habitation Lenormand. Là, un homme de cou- 
leur leur donna lecture d'un prétendu décret , par lequel le xoi leur 
accordait trois jours de liberté par semaine. Il y fut décidé que le 22 
du même mois l'insurrection serait générale. 

Au jour fixé 9 à dix heures du soir, des tourbillons de fiam- 
mes sortant du quartier d« TAcul et s'âançagt dan$ l'espace , don- - 



tnsToiRc: D^HAiTi. — ( 1791 y ft 

lièrent le signal de l'insurrection. Les esclaves mirent h leur tèté 
Jean François ({ui eul |)OUr lieutenants Boukman et Flavillè. Ils le^ 
portèrent en triomphe un son d'une musiqu ^ arricaine qui répandit 
partout la terreur. Toute la plaine du Nord fut à feu et à sang f 
el dan9 les campagnes , les blancs de tous les partis tombèrent $ou8 
les coups de leurs esclaves qu ils a>aienl torturés sans pitié , pendant 
de nombreuses années Ceux qui échappèrenl au massacre vinrent 
augmenter au Cap lellroi (pii y régnait déjà. Les blancs de cette 
ville se voyant entourés de huit-mille esclaves, et croyant les gerïs de 
couleur les auteurs de cette insurrertion , se jetèrent sur eux dans les 
rues et en massacrèrent un gra:.d nombre. 

Bianchelande ,. effrayé de son œuvre, mit aussitôt le Cap en état dé 
défense, et lit partir le colonel deThouzard à la tète d'un régiment poui' 
reprendre le Limbe. En uiôme temps de nombreux insurgés , sous les 
ordres d'un nommé Jeannot, attaquèrent le Cap avec la fureur de la 
rage et le faniftisme île la liberté. 

En vain la mitraille moissonnait ces hommes qui préféraient la mort 
à Tesclavage : nus et sans armes la plupart , ils venaient expirer sur 
les canons et la baïonnette. Ils prirent le fort Bongars et en passèrent 
la garnison au fil de Tépée. Thouzard , entendant le canon du Cap^ 
rétrograda , accourut au secours de cette ville , et contraignit Jeannot 
à abandonner sa proie. Déjà 220 sucreries et 60U cafeiries avaient 
été livrées aux flammes. 

Dans 4a nuit de l'insurrection générale , Candy , homme de couleur^ 
avait pris les armes dans les environs de Ouanaminthe, à la tète d'uil 
grand nombre des siens,., la plupart condamnés par contumace dand 
Taifaire d'Ogé. Les communications entre le JNord et 1 Ouest furent 
ititerceptées ; et les députés de TAssemblée coloniale qui voulurent M 
rendre au Cap par terre furent obligés de traverser la colonie espagno*^ 
le, et d'atteindre le Fort-Dauphin, d où ils se rendirent à lêurdesti* 
nation. Deux d'entr'eux , moins prudens que les autres, Odelucq et 
Daverhoult pénétrèrent dans la province du Nord, furent pris au camp 
Gaiifet , et sciés entre deux planches^ 

L'assemblée eoloniale étrangère aux manœuvres 'des chefs royalistes^ 
attribua ces révoltes aux principes révolutionnaires , et se détermina 
à se détacher de la métropole, au moins pendant les tourmentes dtf 
Tanarchie qui régnait en France. On effaça de la salle des séances cette 
inscription : la nation , la loi et le roi. Cadusch , président de ras- 
semblée, ôta de son chapeau la cocarde tricolore; et la remplaça par 
la cocarde noire , sans opposition de la part de Blanchelande qui lui-« 
même fit prendre à Tarmée la cocarde jaune et verte en attendant une 
ocoasidki favorable d'arborer le drapeau blanc. Le gouverneur nomma 
de Rouvrai, ardent royaliste^ commandant général de la partie orient' 
iale de la dépendance du Nord^ Rouvrai établit des camps au Trou^ 
4 YaUiàjce^ tt j^r^tiégea ks plaines du Fort Dauphia. DiU3 6Qa camÀi 



^9 HISTOIRE d'haiti- — ( 1791 ) 

• 

ainsi que dans celui des insurgis , le drapeau blanc flottait* au lieu 
du drapeau tricolore; Les esclaves considérant Louis XVI comme un 
roi victime de son dévoilement à la cause des noirs, avaient pris la 
dénomination de gens du roi. Les espagnols qui n avaient pu empo- 
cher la révolte d'éclater , leur inspiraient aussi ces idées alin , en les 
.égarant ^ de les exciter contre la révolution française qui seule vou- 
kul leur émancipation. * 

Sur la proposition de Cadusch, TAssemblée coloniale arrêta que 
des secours seraient demandés à l'Angleterre , à l'Espagne et aux États-' 
Unis ; et un de ses membres , Mr. Beugnet fut envoyé à cet eifet à 
la Jamaïque dont le lord EfOngham était le gouverneur. . Il ne put 
obtenir que 500 fusils , 150 livres de balles. Lord Efiingham mit eu 
outre un navire de guerre anglais à la disposition de TAssemblée co« 
loniale. Mr. Bryan Edward président de l'Assemblée générale de la 
Jamaïque vint au Gap avec l'amiral Aflleck. L'Assemblée coloniale. vàla 
des remerclmens i Pilt, ignorant ces paroles du ministre anglais : je 
teux que les français prennent leur café au caramel. 

La révolte se propageait partout ; cependant les liabitans montraient 
peu de zèle pour l'étouffer, méprisant les esclaves, et pensant qu'ils 
les feraient rentrer dans le devoir quand i)s voudraient s'en donner 
la peine. De jeunes colons blancs, sous l'iofluence de ces idées, 
chargèrent , armés de fouets , des bataillons innombrables de révoltés , 
furent pris , pendus et écorchés. Au Cap , des échafauds étaient dres- 
sés nuit et jour, et les esclaves faits prisonniers éteiieut rompus sur 
la roue , ou brûlés-vifs. Deux membres de l'Assemblée provinciale as- 
sistaient toujours à ces horribles exécutions. Quant aux insurgés qui 
•e rendaient , on leur appliquait sur la joue un fer rouge portant la 
kttre R ( révolté ) afin que sur les habitations ils ne fussent pas con*- 
fondus avec les esclaves fidèles. 

Pendant ce temps les bandes s'organisaient. Jean François prit le ti-^ 
trede grand amiral de France et de général en chef; et Biassou , sou 
lieutenant, celui de vice-roi des pays conquis. Ils dominaient ces ban- 
dear composées de congés, de mandingues, d'ibos, de sénégalais etc., 
tant par la supériorité de leur intelligence que par la superstition. Ils 
établirent parmi elles une discipline sévère , et se montrèrent aussi fiers et 
aussi cruels envers les leurs que leurs maîtres l'avaient été à leur égard. 

Jean François devenu souverain, pour inspirer du respect à la masse des 
insurgés, s'entourait du plus grand luxe, au milieu des ruines fusan- 
tes de la plaine du Nord. U portait un habit de général couvert de 
' galons 9 chargé de cordons et de croix dont il avait dépouillé des afli- 
ciers blancs. Il parcourait les rangs de ses bandes , soit monté sur on 
efaeval richement eaparaçonné, soit dans une voiture traînée par qua* 
tre dievaux , tantôt blancs , tantôt noirs. Quant ù Bîassou , il s'ea- 
Courait de sorciers , de magiciens , et en formait son conseil. Sa tentg 
éfoit réunie 4e petite ébats de toutes les couleurs , de couleuvres ^ 



' 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1791 ) 73 

d'os de morts et de tous les autres objets , symbole des superstitions 
africaines. Pendant la nuit de grands feux étaient allumés dans son 
camp; des femmes nues exécutaient des danses horribles autour de ces 
feux , en faisant d'eifrajantes contorsions , gi on chantant des mots qui 
ne sont compris que dans les déserts de TÂfrique. Quand Texaltation 
était parvenue à son comble , Biassou sui-sî de ses sorciers , se présen* 
tait à la foule et s'écriait que Tesprit de Dieu l'inspirait ) il annon* 
çait aux africains que s'ils succombaient dans les combats , ils iraient 
revivre dans leurs anciennes tribus en Afrique. Alors des cris alfreux 
se prolongeaient au loin dans les bois ;. les chants. et ïb sombre tam- 
bour recommençaient , et Biassou profitant de ces momens d'ex* 
altation poussait ses bandes contre lenneini qu'il surprenait' au seia 
de la nuit. Les insurgés sans tactique, ignorant eniiùrement Tartde 
la guerre, se précipitaient sur les canons, s'en emparaient et les tour- 
naient contre les blancs. Souvent , à leur grand ctonnement , les piè« 
ces ne parlaient pas , après avoir été chargées par eux : ils avaient 
mis le boulet avant la poudre. Mais bientôt ils acquerront des con- 
naissances militaires et formeront des troupes qui rivaliseront avec cel* 
les de l'Europe. 

Je^n François et Biassou sortirent de leur camp et marchèrent eon^ 
tre le Cap. Après avoir obtenu quelques succès, ils furent battus ; 
et Boukman dans la déroute fut (ait prisonnier. Les insurgés serais 
lièrent non loin de la ville. Boukman eut la tôle tranchée , el» son 
cadavrQ fut brûlé à la vue du camp de Jean François. Sa tête en^ 
saoglantée, transportée au Gap, fut exposée sur une pique au centre 
de la place d'armes. Il avait su se faire aimer de ses compagnons qui 
le regrettèrent et portèrent pour lui le deuil, pendant plusieurs mois« 
Le père Sulpice , l'aumônier de l'armée des insurgés , célébra pour 
le repos de son âme des messes dans toutes les paroisses en révolte. 
Sulpiee était un européen que Jean François avait sauvé du maS'* 
sacre des blancs , et qu'il eomblait d'honneurs et de richesses. 

Jeannot se proclamait le vengeur d Ogé et de Gha vannes. ^ Ilcom^ 
mandait , sous les ordres de Jean François , les quartiers orientaux de 
k province du Nord, et se livrait à d'horribles cruautés. Gomme ^ 
Biassou , il était sous l'influence des sorciers ; et par sa grande féro« 
cité il était parvenu a se faire redouter des siens. Ainsi que la plu* 
pari des hommes grossiers et fanatiques, ^ tantôt il déployait le plus 
grand courage , tantQt il démontrait la faiblesse la plus honteu« 
se* On l'avait vu à l'attaque du Gap diriger ses bataillons avec 
Tiatr^idité d'un héros , et dans quelques combats piostérieuFS ètra 
un des premiers à prendre la fuite. Son étendard était le cadavre 
d*uQ petit blanc porté au bout d'une pique dressée à l'entrée de 
9oa camp; et sa tente était ceinte de lances surmontées de têtes de 
blancs. Il violait en -présenee de leurs pères et de leurs mères 
de QQiiibreiiMS jeunes filles blsMi^hes ses prisonnières qu'iji ^or^eajl 



t4 msToiRE d'haixi. — ( 1791 ) 

ensuite. Quant à Jean Fraaçois , il avait obtenu ^du pére Sulpîce, 
qu'il exhortât au tribunal de la pénitence, les femmes blanches ses 
prisonnières, à se livrer aux chefs de ses bandes; lui-môme avait un sé- 
rail où se trouvaient réunies les plus belles. Lorsque ces infortunées n*ex- 
erçaiént plus aucun empire sur ces barbares, elles étaient livrées aux 
ft}mmes noires ou de couleur qui en faisaient leurs servantes et les 
flagellaient. Jeannot au milieu de ses bandes prsque nues ei armées 
de poignards, de piques, de lances , de quelques fusils, brillait de 
pierreries et de galons. Chaque jour il faisait amener devant lui quel- 
ques blancs : les uns étaient sciés entre deux planches; d'autres qu'il 
trouvait trop grands avaient les pieds coupés j quand il trouvait ces 
malheureux trop petits, il les faisait grandir de six pouces, dîsait-il, 
en disloquant leurs jambes et leurs cuisses. Sou\ent , après avoir 
assisté à ces exécutions , il se disait altéré , coupait la tète d'un 
blanc , recevait son sang dans un vase , y niêlai^ du lafia et bu- 
vait. A tous les arbres de son camp il y avait des crocs auxquels 
étaient suspendus ses prisonniers par le menton. 

Le généralissime Jean François apprenant les atrocités de Jeannot,* 
en eut horreur. Ce fut cnvain qu'il lui ordonna de cesser de commettra 
tant de crimes. Alors il marcha contre lui, lui livra bataille aux en- 
virons de Vallièrc. Au milieu de l'action les troupes de Jeannot, fati- 
guées de sa tyrannie, l'abandonnèrent. Jean François le fit prisonnier 
et le condamna à mort. Cet homme si cruel, que la vue du sang ré*- 
jouissait toujours, eut peur aux approches du dernier supplice. Il 
commit toutes sortes de bassesses pour se soustraire à la mort ; il ofTrii 
même à Jean François, s'il voulait lui faire grâce, de devenir son 
enclave. Toutes ses prières furent inutiles. Quand il arriva au lieu 
de Tcxéculion, il supplia, les mains jointes, le curé de la Marmelade 
qui l'assistait dans ses derniers momens , de demander son pardon à 
Jean François. Le prêtre, pour toute réponse, lui dit qu il ne lui 
restait plus qu'à se présenter devant Dieu. Alors la terreur le safsitj 
il s'attacha avec force au* curé, ci ne voulut plus l'abandonner; une 
lutte s'engagea entre eux; et ce ne fut pas sans peine qu on parvint k 
arracher de ses embrassemens le prêtre presque déjà étouffé. Il versa* 
des larmes, et fut fusillé à bout portant. Jean François n exécuta 
pas Jeannot à cause de sa cruauté, prétend-on, mais bien parce qu'il 
commençait à méconnaître son autorité. Il continua à vivre en bonne 
amitié avec Biassou qui brûlait ses prisonniers à petit-feu, et leur ar- 
rachait les yeux avec des tire-balles. Mais il faut dire aussi que Biassou 
était aussi puissant que lui. Jean François fut le moins cruel des chefs 
de la première insurrection du Mord. 

Candy homme de couleur qui ne le cédait pas en férocité à Jeannot dont il 
était le lieutenant se soumit à Jean François après la bitaille de Vallière. 

Cependant la division était à son comble dans les rangs des insurgés} 
et si les blancs n'avaient pas été divisés eu royalistes et j^atriotes^ Jdft^ 



HISTOIRE d'haITI. — ( lîO I ) 



T5 



«ussent pu , eh réunissant leurs forces, étouffer l' insurrection. 

Néanmoins Blanclielandc , malgré les plaintes des colons qui refu- 
saient de marcher, redoubla d'efforts. Il lit attaquer les insurgés de 
toutes parts^ les chassa loin des bourgs, et établit des camps au Trou, 
à Vallièrc , à la Grande Rivi^Ve, au Mornel , au Dondon , à la Mar- 
melade, à Maribaroux , au Terrier-Rouge, à Jaquezy , à Caracole, à 
Ouanaminthe. Les insurgé» se trouvèrent resserré*^ dans on cercle très- 
étroit. Mais Jean François et Biassou se retournèrent contre leurs en- 
nemis avec la fureur de la rage ; ils attaquèrent Vallière et la Grande 
Rivière avec t«nt d'impétuosité qu'ils prirent ces deux bourgs d'assaut. 
Au Dondon , ils. livrèrent un combat où ils tuèrent cent blancs , et 
3'emparèrent de la place. 

Ils occupaient encore le fort Galifet, position d'une haute importan- 
ce. Blanchelande chargea de Rouvraî de se rendre maître de cette for- 
tification. Rouvf ai , à la tête de trois mille hommes occupa d'abord 
les camps de Chabanon, de la Chevalerie, de Bullet, de Duplat , de 
Charitte, de Denard et d'Agoust. Quand il parvint au pied du fort 
Galifet , il l'attaqua avec impétuosité et fut repoussé avec perte. lien lit 
le siège et entra en pourparler avec les insurgés. Ceux-ci lui envoyè- 
rent Une lettre à l'adresse de Blanchelande , en réponse à une proolar 
mation de ce dernier. 

Elle était conçue en ces termes : 

• • 

< M(Hisieur , 

« Nous n'avons jamais prétendu nous écaiter du devoir et du res-« 
pect que nous devons au représentant de la personne du Roi , ni 
même à tout ce qui dépend de sa Majesté : nous en avons donné des preu- 
ves par devers nousj uiais, vous, mon générât , homme juste, des- 
cendez vers nous ; voyez celte terre que nous avons arrosée de notre 
sueur, ou bien plutôt de notre sang; ces édifices que nous avons' 
élevés , et ce, dan5 l'espoir d'une juste récompense! ^a^'Dns-nous obte- 
nue, mon générai? Le Roi , TUnivers ont gémi sur notre sort , et ont 
brisé les chaînes que nous portions ; et nous humbles victimes, nous 
étions prêts, à tout, ne voulant point abandonner nos maîtres;, que 
dis-je ! je me trompe ; ceux qui auraient dû nous servir de pères , 
après Dieu , c'étaient des tyrans , des monstres indignes du fruit de 
nos travaux ; et vous voulez , brave général , que nous ressemblions 
à des brebis, que nous allions nous jeter dans la gueule du Loup? 
Non! il est trop tard. Dieu qui eombat pour l'innocent est notre 
guide ; il ne nous abandonnera jamais ; ainsi voilà notre devise : 
vaincre ou mourir. 
« Pour vous prouver, respectable général, que nous ne sommes pas 
c aussi cruels que vous pouvez le croire , nous désirons, du nieilleur 
« de notre ^me, faire la paixj mats mjk clauses et coaditioas j^ùe tou9 



\ 



76 HISTOIRE d'haiti. — ( 1791 ) 

« les blancs*, soit de la plaioe. ou des mornes, se retireront par devers 
« vous pour se rendre dans leurs foyers , et p^r conséquent abandon* 
« ner le Cap, "sans en excepter un seul ; qu'ils emportent leur or et 

< leurs bijoux ; nous ne courons qu'après cette chèr« liberté^ objet si 
€ précieux. 

« Voilà , mon général , notre profession . de foi que nous soutien^ 
« drons jusqu'à la dernière goutte de notre sang. Il ne nous man^ 
"> que point de poudre ni de canons : ains^ la mort ou la liberté. 
« Dieu veuille nous la faire obtenir san$ effusion de sang. Alors tous 
« nos voeux seront accomplis , et croyez qu'il en coûte beaucoup à nos. 

< cœurs pour avoir pris cette voie. 

« Mais hélas ! je finis , en vous assurant que tout le contenu de la 
c présente est aussi sincère »que si nous étions pardevant vous. Ce 
« respect que nous vous portons, ^t que nou6Jurons.de maintenir^ 
« n'allez pas vous tromper, et croire que ^c'<*st faiblesse, en ce que 
« nous n'aurons jamais d'autre devHe : vaincre, ou mourir pour la 
« Liberté. 

« Vos très humbles et trés-obéissans serviteurs , tous les généra^ux et 
« chefs qui composent notre armée. » 

Voilà les fruits que recueillait Blanchelande de l'insurrection ' qu'il 
avait excitée dans les ateliers, en croyant que les esclaves soulevés 
n'agiraient que dans les vues du parti royaliste. Jusqu'alors on igno- 
rait au Cap qu'il fût l'auteur de cette insurrection. 

Les blancs qui composaient la petite armée de Rouvrai devinrent 
furieux en apprenant le^ntenu de cette lettre. Ils donnèrent assaut 
à la redbute et furent repoussés. Les insurgés se croyant invincibles 
se livrèrent à la joie , à la débauche , et ne se tinrent plus sur leur 
garde. Mais les blancs les surprirent , entrèrent dans le fort de ton* 
tes parts , et en passèrent sh cents au fil de l'épée ; le reste se dis* 
persa dans les montagnes. 

Casa Major qui commandait au cordon des Gonaïtes, pour empêcher 
la révolte de pénétrer dans la province de l'Ouest , prit le camp Le* 
coq; et en même temps que Thouzard s'emparait du Limbe. 

La révolte fut loin d être étouflëe. Cependant les blancs , en con-* 
tinuant leurs succès, au lieu de s'entre-décbirer , eussent pu la refou* 
1er au sommet des plus hautes montagnes, et se maintenir dans tous 
les bourgs et villages jusqu'à l'arrivée de quelques secours de la mé- 
tropole. Mais quand la nouvelle de la prise du camp Galifet arriva au 
Cap, les colons crurent de nouveau qu'ils réduiraient au néant cette 
hisurrection quand ils voudraient faire quelques efforts. Ils n'y son* 
gèrent que fort peu et recommencèrent leurs luttes politiques. 

Nous avons vu qu'en Juillet un grand nombre d'hommes de couleur 
s'étaient réunis au Mirebalais , autour de Pinchinat , et qu'ils avaient 
chargé 40 «l'entr^e ei|.x d'employer tous lç$ mQ^ms pouv iaii^e trion)^*^ 



2, 



ïïiSTOiRE d'haiti. — ( 1791 ) T7 

plier leurs droîl^. Ces quarante députés s'étaient répandus dans tous 
les quartiers de la province de TOuest ,' ^t avaient partout excité les af- 
fran(;his à prendre les armes. Les blancs qui avaient découvert xihq 
grande effervescence dans la population jaune , cherchorent à désunir 
les hommes de couleur en exposant à ceux qui n'étaient pas nés de 
pères et mères libres^ qu'ils ne pourraient point jouir des avantages 
du décret du 15 mai. .Les affranchis répondirent à ces insinuations 
perfides , qu'ils prendraient les armes non pas pour l'exécution du dé- 
cret du 15 mai, mais pour réclamer les droits do l'homme -que Dieu 
a créé libre. 

La municipalité du Port-au-Prince désarma ceux qui étaient en ville, 
et les en chassa. Ils se répandirent dans les campagnes et se réuni- 
rent le 21 Août, la veille de Tinsurrection du Nord, dans la n)aisoi% 
Râteau , près du Port-au-Prince , nommèrent capitaine-général, Bauvais 
ni se trouvait au Mirebalais, homme expérimenté, ayant Kilt la guerre 
e l'Indépendance des Etats-Unis, sous le comte d'Estaing. Rigaud, 
qui avait aussi fait la guerre du continent, fui nommé colonel. 

Ils allèrent. camper sur l'habitation Diègue à la Charbonnière, d'où ils 
expédièrent partout des énoissairos a(în de donner de Tunité à l'insurrection. 
Ceux du Uirebalais vinrent se joindre à eux. Pinchinat, ainsi que Antoine 
Chanlatte , demeuré dans ce bourg, dirigeait les opérations de l'Assem- 
blée générale dont il était le président. Les affranchis s'organisèrent ca 
compagnies et en escadrons.. Daguin fut nommé major général ; Pier- 
re Café et Marc Borno, commandants; ^es principaux capitaines fwrent 
Aubrant, Doyon, Tessier, Pétion , Labastille'; Jean-Baptiste Boyer fut 
nommé porte-étendard. Ils donnèrent la liberté à 300 esclaves noirs 
et mulâtres dont ils formèrent^ plusieurs compagnies sous la dénomi- 
nation de suisses. 

Le capitaine général Bauvais se fit donner pour lieutenant Lambert, 
noir Hbre , plein d'expérience, ayant fait avec lui la guerre deTindé- 
pendanco américaine. 

Les nouveaux confédérés étaient assez bien arfaiés : ils portaient des 
couteaux de chasse, des lances , dds piques, des sabres, des épées; 
ils étaient h plupart montés , soit sur des mulets , soit sur des che- 
vaux. Ils étaient comme tous les hommes du peuple qui se révoltent, 
s^h% uniforme, en blouses, en vestes , en chapeaux de paille. Ha ve- 
naient de s'organiser quand ils apprirent qu'un escadron de la milico 
blancSe, composé des habitans du Granfd-foM descendait, au Port-au- 
Prince, commandé par un colon blanc nommé Jean François Lcspi nasse. 
Sur te champ Beauvais demanda cinquante hommes de bonne volonté 

Ï^our aller à la rencontre des blancs. Toute la petite armée se présenta. Il 
ùt contraint d'cnr choisir lui-même cinquante, et «e mit en marche à 
ieur tète. Il rencontra les planteurs à la Coupe sur l'habitation Né* 
l^tte, le 30 Août ^1791 , à lentrée du chemin qui conduit au PorC* 
^u-Priocef Là s en^a^ea un combat de cavalecie. Lq^ blaaes apré^ 



78 . ' HISTOIRE D^HAITI. — (1791 ) 

avoir perdu trois hommes, prirent la fuite, blessés la plupart. Lefiuccës 
des hommes de couleur n'était pas douteux; ils étaient animés de la 
fureur du desespoir, le cœur soutenu par la justice de leurs droits^ 
et dclcrminés à vaincre ou à mourir; les blancs de leur côté nes'at- 
tcn^^ijicut pas à cette attaque; et la surprise qu'ils oprouvèrent jJeso 
Aoir assaillis par leurs ailrancljis jusqu'alors si humbles devant eux, -ne 
contribua pas peu à leur défaite. 

Après ce combat, les hommes dérouleur manquant de \ivre à Dîè- 
gue , se retirèrent à Mélivicr. Ils virent arriver sur cette habitation 
des députés envoyés par Hanu^ de Juméconrt, riche planteur du parti 
royaliste, chargés de s infornier des circonstances du combat de la • 
Coupe et des dispositions des affranchis. La Croix- des- Bouquets était 
occupée par les blanrs rojalistcs qui, fii}:int la tyrannie des pompons- 
rouges du Port-au Prince , s'y étaient réunis. Hanus de-^Jumécourt 
était lame de toutes leurs opérations. Les hommes de couleur lui ré- 
pondirent qu'ils ne mettraient bas les armes , que lorsqu'ils auraient 
obtenu Texécution du décret du 45 Mai. De Jumécourt convoqua 
tous les habitans , leur exposa la cause de la révolte des affranchis, le 
danger de la circonstance, et la nécessité de nommer un ofiicicr réu- 
nissant tous les pouvoirs. Quoiqu il fut très fa\orable aux hommes de 
couleur il fut nommé procureur général de la paroisse. Il offrit sa ^ 
médiation aux pompons-rouges et aux aifranchis ; ceux^'CÎ Tacceptè 
rent ; mais les patriotes la rr jetèrent. ^ 

Les petits blancs . du Port a«-Prru(^ , en voyant entrer en ville , 
les habitans du Grand-Fond couverts de 'sang, ne purent conteoir 
leur fureur; ils ne demandaient que vengeance contre les hommes de 
couleur. Dans la nuit du preniior au deux Septembre, la garde 
nationale composée de blancs, 100 honunes d'artillerie avec six pièces 
de campagne, commandés par Prulolo, 200 hommes des régiments 
d'Artois et de JNormandie, et 200 matelots de la station, sortirent du 
Port-au-Prince, et pénétrèrent dans la plaine du Cul-de Sac. Les ma- 
telots étaient chargés de sacs destii.és à être remplis de tètes do 
mulâtres , pour lesquelles on leur a>ail promis des sommes importan* 
tes. * L armée blanche s'arrêta à Pcrnier où elle campa» 

Pendant cet intervalle , les hommes de couleur résolurent de se ren- 
dre au Trou Caïman, au pied des montagnes du Mirebaiais, afin de 
se mettre plus facilement en lappoit avec leur assemblée générale. 
Ils marchèrent sur trois •colonnes, la plupart à chevar, sans\)rdre, 
caracolant , riant et chantant, lis étaient pleins de confiance en l'a- 
venir^ et Ton ne voyait dans leurs rangs que des élancemens d'enthou- 
siasme. Lambert et Bauvais leur défendirent d attaquer les blancs. La 
première coloi^ne a>ait déjà laissé loin derrière elle l'habitation Per- 
nier , lorsque Aubrant qui commandait celle du centre , revint sur 
ses pas et exhorta Doyon , chef de I arrière garde à attaquer. Doyou 

* 80 gourdes par tôte, . 



HisTOTHE d'icviti. — ( 17D! ) %%' 

m 

lui répandît que Baiivaîs et Lambert leur avait défendu de combattre. 
Aubrant , sans répliquer, retourna au galop , à la tête de sa colou- 
De, pénétra à Pernier , et demanda aux officiers d'Artois et de Nor- 
mandie «ils voulaient toujours être les instrumcns de la ivrannie. Les 
blancs indignés de son audace se précipitèrent sur lui ; il les arrêta 
en abattant Tnn d'eux d un coup de pistolet, et le combat commença 
aussitôt. C'était le 2 septembre. La colonne du centre soutint sans 
s ébranler le feu le plus vif. Aux détonnations de l'artillerie do Pra- 
lolo, Tavant-garde et Tarriére-garde des alfranchis accoururent au se- 
cours d Aubiant. Les blancs, enfoncés de toutes parts, taillés en 
pièces , penlircnt toute leur artillerie. La fui eur des aifranchis fut 
portée ji son comble, quand ils virent les sacs qui devaient être rem- 
plis de leurs têtes : presque tous les matelots furent impitoyablement 
égorgés. 

Pendant la déroule , un ofTicier du bataillon d* Artois allait être vic- 
time de la rage des vainqueurs , lorsqu'un jeune Iiomme de couleur 
s'élança au-devant des sabres et des épées, et s'écria: Grâce aux vain- 
cus, ne souillons pas notre victoire par des actes de cruauté. Leblanc 
fut sauvé. ^ Ce jeune homme était Pétion , le principal fondateur de 
la République d'IlAïli, qui débutait dans la carrière militaire par une 
noble action. Pendant la bataille de Pernier, Bauvais s'était fait re- 
marquer de toute Tarméo |)ar son sang froid et un rare courage. 

Après cette bataille, les hommes de couleur se retirèrent au Trou- 
Caïman. Ils y prirent une altitude si respectable que les planteurs roya-^ 
listes du Mircbalais et de la Croi\-dts-Bouquets tirent avec eux, le 7 
Septembre, un concordai qui soumettait les parties contractantes à Texé- 
eution précise des décrets nationaux, st^nclionnés par le roi, sans res- 
triciion ni protestation, en les assujétissant également à Texécution de 
celui du 15 Mai, s'il arrivait révêtu de la sanction royale. Le concor- 
dat fut signé à la Croix -des Bouquets; les planteurs y étaient représen- / 
tés par Messieurs d« Jumécourt, Lespinasse , Drouillard, Tarbé La- j 
marre; et les hommes de couleur par Messieurs Bauvais, Rigaud, \ 
Daguin fils, Barthélémy, Joseph Labastille, Daguin aine, Pierre Café^ 
et Pierre Pellerin. 

Les affranchis vinrent camper à la Croix-dcs-Bouquets ; et quoiqu'ils 
fussent tout dévoués à la France révolutionnaire ils pactisaient cepen- 
dant avec les royalistes afin de pouvoir mieux résister au partie des 
petits-1[)lanos -ou pompons- rouges. Les petits blancs se montraient bien 
aussi révolutionnaires zélés; mpis ils voulaient le maintien de l'ancien 
régime quant aux mulâtres et aux noirs ; ils faisaient une guerre cruelle 
aux grands planteurs qui formaient Taristocratie coloniale. Lesalfran- 
ehis et les pompons-blancs devaient donc *se réunir contre Ten^emi 
X^mmun. 

* Pierre <3afé était le fils de Coutard 1« planteur ; son père ne l'ayant ' 
fias reconnu^ il prit le nom de Pierre Café. » 



$,> HISTOIKE d'iIAITI. — ( K91 ) 

Pendant ce temps Jourdain et Gérîn, Iwmmes de couleur, qui s'é- 
taîonl trouvés à la réunion de Rastau« près du Port-au-Prince, s'étaient 
rendus dans, le quarliei^ du Petit-Trou (province du Sud) où ils avaient 
leurs propriétés. Ils résolurent d'exécuter ce' qu'ils avaient promis à 
leurs frères de l'Ouest , c'est-à-dîre de soulever les ateliers et de s'em- 
parer du bourg sur les blancs. Ils se réunirent la plupart, armèrent 
les esclaves et vinrent, assaillir Roy de Kei mêler, colon blanc qui 
commandait au Petit; Trou. Après un combat sanglant, ils pénétreront 
dans la place et s'en emparèrent le 30 Août, jour du combat de Né- 
ro^le. . Ils respectèrent les personnes et les propriétés. Avant 1789, 
Roy 4c Kcrmcler avait cruellement persécuté Jourdain. Les affranchis 
et les esclaves ne demandaient qu'une seule tète , c'était celle de Rer* 
mêler. Ils se précipitèrent en foule vers sa demeure, se disposant à 
exercer sur lui les plus cruelles vengeances. Jourdain arrêta leur fu- 
reur; et par 1 influence qu'il exeiçait sur eux, les contraignit à res- 
pecter la demeure de son ennemi. Il entra seul iFans la maison de 
Kermcler , lui présenta une q>ée , lui déclara qu'il venait non pas l'as- 
sassiner, mais se venger, par un combat singulier^ des ailfronts qu'il 
avait reçus. Le mulâtre et le blanc croisèrent le fer en présence des 
insurgés qui formèrent le cercle, et après une lutte dont le succès 
demeura long-temps douteux, Kermeler tomba, atteint à la poitrine. 
.Jourdain lui lit donner la sépulture. Quelques jours après, les blancs 
des paroisses qui avoisinent le Polit Trou marcluHHînl contrôles insur- 
gés; mais ils furent batlus sur tous les poinls. Jourdain donna la li- 
berté aux plus intrépides des eficlavco qu'il avait soulevés, et rétablit 
* Tordre et le travail dans les campagnes. Le Petit Trou , pendant toute 
la rcvolulion ne fut jamais enlevé aux affranchis.' 

Les ponipons-rouges du Port-au Prince, effrayés de la puissance qu'ac- 
quéraient les hommes de couleur, se résolurent à traiter avec eux, 
contre l'avis de Praloto qui demandait toujours leur extermination. Ils 
envoyèrent à la Croix des-Bouquets de$ députés qui signèrent dans' 
l'Eglise de ce bourg, le 11 Seplembre, u» concordat avec les affran- 
chis. On voit ces derniers se laire accorder par leur énergia ce qu'ils 
n'avaient pu obtenir par les plus justes réclamations. 

Les blancs avaient proposé de stipuler dans le traité que les esclave.^, 
connus sous la dénoi^nation dé suisses, qui avaient combattu contre 
eux dans les rangs des affranchis, retourneraient dans la servitude sur 
kurs habitations respectives.- A cette proposition, Daguin avait dégai* 
né son épéc et s'était écrié : Tambours, battez .la générale! Les blancs 
dcconcerlés n'a>aient pas insisté davantage. ^ 

Ce nouveau concordat renfermait les mêmes dispositions que celui 
du 7 Seplembre , si ce n'est quelques dispositions relatives aux frères 

• Va avait donné le nom de Suisses à ce^ esclaves , par allusion à ces in- 
trépides montagnards de rilelvétie qui surent toujours faire respecter leur 
^ibextét 



HISTOIRE »'haiti. — ( 1791 ) êl 

PoUson, à Deâmarres, à Rentud, à Lapointc, à Ogé et i ChsiYannes 
etc.v Les jugenions par lesquels ils avaient été condamnés furent dé« 
cltrés infâmes , dignes d'être voués à, Texécration centemporaine et fu- 
ture , et regardés . comme la cause des malhears de la colonie. Mr. 
Ganiot , le président des commissaires blancs , déclara dans un discours 
prononcé à la fin de la cérénionie , qu<i ce jour où le flambeau de la 
Maiion les éclairait tous était à jamais mémorable. Il se faisait en n^è- 
me temps un coneordat entre les blancs et les hommes de couleur 
de St'Marc. 

L'esprit d'indépendance qui avait fait de grands progrès dans la classe 
blanche, existait non seulement parmi les grands planteurs , mais aussi 
parmi les petits-blancs qui aimaient mieux se détacher de la France que 
de reconnatlre les alîranehis pour leurs égaux. Excités par la munîcipa* 
lité , les pompons-rouges du Port au-Prince demandèrent des secours 
it la Jamaïque, et virent arriver dans leur' port un brick anglais le 
Centurion , et une corvelte chargée de munitions de guerre et de 
bouche. Enhardis par ces secours , ils offrirent aux affranchis d'accept 
ter leur projet d'indépendance à l'égard de la métropole. Ceux-ci re- 
poussèrent xivec indignation cette proposition. Alors la municipalité 
porta rassemblée coloniale à ne pas ratifier le concordat du 11 Sep« 
tembre ; elle Ht plus elle le cassa. Cette manière d'agir fut désapprouvée , i 
non seulement par Ilanus de Jumécourt , mais par Çaradeux lui-même. ^ 

Pendant ce temps, la confédération des hommes de couleur faisait 
de rapides progrès dans la province du Sud ojà la vUle de St-Loùis 
avait aussi fait un concordat avec las blancs. 

Dans le Nord , l'insurrection jlevenue presque générale menaçait de 
se propager dans l'Ouest. 

Les blancs du Port-au-Piince, ayant vu disparaître de la rade les 
bâtimens de guerre anglais , furent effrayés d'être réduits à leurs 
propres forces. Il était de leur intérêt que les hommes libres, 
noirs, blancs et jaunes se réunissent pour maintenir l'esclavage. Mais 
la ville était livrée à une telle anarchie que la plus vile populace et 
les soldats y dominaient. Les membres de la municipalité qui jus- 
qu'alors avaient excité la canaille contre les pompons blancs , ne purent 
la contenir ; ils furent débordés. En vain s'efforçaient-ils de lui faire 
comprendre qu'il fallait traiter avec les affranchis dont le nombre s'é- 
levait déjà à 4000 hommes environ : Praioto et les siens qui ne pou* 
vaient exister que par 1 incendie, le massacre et le pillage, s'opposaient 
à toutes sortes de négociations tendant à ramener la tranquillité. 

Le 10 Oetobre une députation des planteurs de la Croix-des-Bouqnets, 
envoyée par lîanus de Jumécourt , vint au Port-au-Prince , démandant 
l'exécution du concordat du 1 i Septembre ; les députéb ne purent rien 
obtenir, et faillirent même dêtre égorgés dans les rues. De leurcô* 
té les affranchis y vinrent ' chercher des vivres 3 mais les agitateurs 
Jies ap chassèrent 



i 



91 WlSTOIRl »*flAITt.— ( 1791 ) 

Cependant la ronnicipalit^^ d^^ployanl un peu d'onergie, convoqua le 
17 Septembre une Assemblée de la eomrnune pour faire exéculerle 
concordat du 11. Mais la canaille envahit les salles;. le tumulte fut 
âlfreux , cl rien ne fut Hc< idé. 

Caradenx ne se drcouragea pas : malgré Topposîtion et les menacée 
de Praloto . il fitnonuniT le 19 Ociolue des commissaires qui se rendi- 
rent sur Ihabilalion Gourenn pour y discuter U'S arlicîes d un nou\eau 
traité avec les affranchis. li y axait vingl-sept députes blancs présî. 
dés par Caradcu\ aîné, représentnnl les paroisses du Port au- Prince» 
de. Si-Marc, de Léogane, du Wircbaiais, des GonaÏNCs, de la TelilCT 
Rivière, de la Croix-des-Bou(|uels, du Pelil.Goi\c , de Jac mel, delArca- 
haie. Les dcpulés des citoyens de couleur pi ésidés par Pinchinal élaient 
réunis au nombre de Irenle-sîx ; ils représenlaioJU ies inênirs paioisscs. 

Le 19 Octobre , jour de la réunion » un nou\eau concoidat fui si. 
gné à Goureau , par lequel celui du 11 Septembre fut reconnu légal 
et conforme à la constitution. Il y fut en outre stipulé que les cilo* 

J^ens blancs rappeleraient leurs dcpulês qui siégeaient à rAsscmblée co- 
oniale, etpriraient Blanchelande d'en prononcer la dissolution. Le Di- 
manche 23 Octobre , dos députatîons de blancs et d'affranchis ht ren-î 
dirent à Damiens où le maire du Port-au-Prince , le citoyen Lérem- 
bourg leur donna ie<Uire du concordat du 19, De part et d'autre ou 
jura de maintenir le traité dans toute sa teneur. 
* Le lendemain 24 Octobre, les hommt s de couleur -au nombre da 
deux mille environ, entrèrent soleimellemont au Porl «n Prijice , con- 
jointement avec les blancs. Caradeux et Brui\ais, bras dessus bras dis- 
êotis marchaient à leur tète. Les bbncs et les aflVanchis s'embrassè- 
rent et se jurèrent de demeurer toujours unis. 

Au milieu de Tenlhousiasme général, Caradeux fut proclamé géné- 
ral des gardes nationales de TOucsl, et FauNais commandant en se- 
cond. Les affranchis occupèrent le palais du gouvcrnom(^nl sous le^ 
ordres de Bauvais, et le quartier du Bélair, sous les ordres d Aubiani. 
Peu de jours après, ils furent renforcés par les hommes de couloiin 
4u Mirebalais commandés par Borno aîné, t>ar ceux de TArcahaie, a^ant 
î leur tête Lapointe, et par ceux de la Petite Rivière de TArtibonife, 
de StMarc, des ^errettes, de Jacmel. Lapointe se transporta au greli'o 
de la municipalité , se fit livrer tous les jugements rendus contre les 
^ens de couleur avant et depuis la révolution , et les livra aux flammes. 
Pendant cet intervalle, Caradeux et Lérembourgqnine perdaient pas de 
\ue le maintien de Tesclavage , proposèrent à Bauvais, à Lambert et à 
Pinchinat, de déporter les esclaves qui avaient pris les armes avec les 
affranchis, soucia dénomination de Suisses. Cette proposition quia^ait 
déjà été faite à la Croix-des- Bouquets lors du concordat du llSeptembrt 
mit Bauvais, Lambert et Pinchinat dans une pénible alternative. Ihi 
n'osèrent en décider seuls. Les chefs des blanos , et ceux des bom* 
inafi da aouleur , réunis ^n assemblée^ Tolarent |)ar assia et par lavé^ m^J^ 






^ VrSTOtRE »^HAITI.— ( 17S1 ) Si 

gré Topposiiion de Rigaud , de Pélîon et de plusieurs autres, qu'il 
serait dangereux de. renvoyer dans Jes .ateliers des hommes qui avaient 
joui de la liberté. Il fut résolu qu'ils seraient envoyés chez les Mos« 
quitos du Guatemala avec des. instrumens aratoires. Ils furent em« 
barques sur le bâtiment l'Emmanuel , de Nantes, (deux Novembre;) et 
quatre commissaires de couleur, les citoyens Charles Ha^'^n, Louis Bon«- 
neau, Cadet Chanlatte et Barthélémy Richiez, les accompagnèrent montés 
sur un brick de guerre la Philippine, capitaine Bélanger. Ces quatre 
commissaires étaient cbar^'és de faire exécuter la décision des citoyens 
blancs et des aflrahchis à 1 égard des infortunés Suisses^ L'aiTranohi Bois- 
rond le jeune protesta par ua écrit énergique contre ce crime affreux. Com- 
bien la journée' du 24 Octobre eût été belle et noble, sf chacun y 
eût trouvé la récompense due à sa valeur; elle demeure au con- 
traire^ dans notrti histoire, un jour sombre et néfaste. Qu«ncirEm- 
manuel et la** Philippine arrivèrent dans les eaux de Jérémie , Tes ca^ 
pitaines Bélanger et Colimiu se séparèrent pendant la nuit, après s'ê- 
tre aboucliés. Le bâtiment de guerre que montaient les commis- 
^ires se rendit dans la baie des Mosquitos» en visita les côtes ^ 
atteignit Carlhagéne, et ne rencontra nulle part l'Emmanuel. H %é 
rendit à la Jamaïque où il apprit quelle avait été la conduue du capi^ 
taine colimin. Celui-ci au lieu de conduire les Suisse» noirs et de couleur 
au fond du golfe du Mexique, les avait jetés sur les côtes de la Jamaïque, 
après avoir vainement tenté de les vendre. Le gouverneur et 1 As- 
semblée de celte colonie furent in^lignés de cet acte du gouvernet 
inent de St-Dominguo; ils craignaient que de tels botes ne répandis- 
sent parmi leurs esclaves des idées de liberté. Le commodore Allleck 
fut chargé de demçmdcr raison de celte offensa à T Assemblée colo- 
niale qui donna au gouvernement anglais toutes sortes de satisfaction. 
L'Assemblée coloniale envoya au Aiôle St Nicolas les malheureux Suis* 
ses qui araieut été ramenés à St-Domingue par les anglais. Ils fu- 
rent mis aux fers sur un ponton. 

Au bout de quelques jours, des assassins montèrent à bord, pendant 
une nuit trésobscure, les égorgèrent la plupart et jetèrent leurs cada-* 
vres à la nier. Tout porte à croire que rAsscmblée coloniale avait or- 
donné cette exécution , car elle ne fit jamais . poursuivre les assassins 
d une manière sérieuse. Les blancs envoyèreni dans TOOest une 
vingtaine de ces esclaves comme une preuve de la perfidie des hom- 
mes de couleur àfégarddes noirs. Les quatre commissaires conduila 
au Cap par le capitaine Bélanger , furent emprisonnés. Blancheland& 
les mettra eii liberté, quand le décret ùu A Avril 1792 ariivera ofli* 
ciellement à St-Domingue, 

L assemblée coloniale^ en apprenant Fc concordat de Qoureau entr^ 
les blancs et les affranchis de l'Ouest ^ envoya à la Jamaïque des dé- 
putés chargés de prier le gouverneur de cette lie de venir prendre 
possessif de St-Domingue. Celui-ci répondit que Tuaion parfaite qui 



existait entre la franco et rÀngleterre ne lui permettait pas d^enlrt* 
prendre cette expédition. 

Pendant eet intervalle, le club Massiae, s'élayant de Tinfluence de 
^rnave qui seul dirigeait le comité colonial de TAssomblée nationale 
de France, s'efforçait de faire révoquer le décret du 15 Mai. Bar-r 
nave porta Louis Xvi à nommer pour exécuter ce décret à St-Do- 
mingue, trois hpmmes dévoués à la contre révolution , Guillot, Dhé- 
risson et Lahuproye ; mais rAssemblée nationale les remplaça par troi^ 
citoyens dévoués aux principes de 89, Roume , Mirbeck et St- Léger, 
Barnave parvint à faire ajourner leur départ ; et pendant cet intervalle, 
l'Assemblée nationale apprit, par le$ rapports des villes maritimes, 
que le décret du 45 Mai avait fait éclater des maux incalculables dan$ 
la colonie. Elle l'annula par celui du 24 Septembre < qui assurait 
€ aux blancs des colonies la législation exclusive sur les bommes df 
< couleur et les esclaves sous la sanction absolue du roi. » 

L'Assemblée coloniale qui venait dêtre forcée de souscrire au con* 
eordat du 24 Octobre , en apprenant la nouvelle du décret du 24 Sep- 
tembre, rétracta la promesse qu'elle avait faite le 5 du même mois 
é'améiiprer le sort des affranchis. 

Comme le bruit se répandait que les trois commissaires arritaient 
atec 6,000 hommes de troupes , les blancs pensèrent qu'ils n'avaient 
plus rien à craindre de leurs ennemis communs. L'Assemblée coloniale 
se divisa en deux camps : les Bpssus ou côté-est formaient le parti arii« 
tocratique ,. compqsé des employés civils et militaires, des grands plan- 
teurs et voulant le maintien de l'ancien régime à Saint-Domingue, com- 
me en France ; les Crochue ou côté ouest formaient le parti démocra« 
tique composé en majorité de petits-blancs, voulant le triomphe de l^ 
révolution, mais l'asservissement des nègre$ et des mulâtres. Ce der* 
nier parti dominait dan$ T Assamblée. 

Blançhelande avait à combattre le parti révolutionnaire , les affranchit 
•t les esclaves. Il envoya demander des secours à la Martinique ; et le 

{gouverneur de celte tle , M' de Behague, lui expéd'si le vaisseau l'Eole, 
a frégate la Didon et le brick le Cerf, sous les ordres de M' de Girar- 
din. L'escadre mouilla au Cap le iO Novembre, Les officiers delà 
•tation la plupart royalistes, suscitèrent au Gap de grands troubles. 
La générale y fut battue; les Bossus et les Crochus faillirent en ve- 
nir aux mains ; enlin le parti révolutionnaire l'emporta , et les ofii* 
ciers royalistes furent renvoyés en France. L'Assemblée coloniale nomr 
ma alors , capitaine général , Dassas , major du régiment du Cap. 
€e Dassas, quoiqu'il appartint à une famille aristocratique , s'attacha 
fu parti révolutionnaire, ne se fit remarquer que par ses défaites, 
(it par sa conduite séditieuse dans les rues du Gap. L'Assemblée ooIonia« 

|# 8tj<>vraa lémaacipatiga poUtic^ut de» afltaachiSj aalgré lesdisoours 



iis'roiHB >'HAi#i.->-( 1791 ) 



«I 



tàkgek #t même en harmonie avec leà intérêts des blanM^ de Koutrai et 
de Thouzard. * 

Pendant ce temps, dans l'Ouest, tout semblait annoncer que In 
guerre ne tarderait pas à éclater de nouveau entre les affranchis et les blancs. 
La municipalité et Praloto, quoique trois des quatre seciions du Port* 
nu-Prince ^ eussent voté la ratification et l'exécution du traité depaix^ 
mettaient tout en œuvre pour rompre avec les hommes de couleur. 
Pipchinat , Bauvais , Lambert commençaient à éprouver, des inquiétu*» 
des. Les blancs prenaient une altitude menaçante; ils se tenaient 
aous les aimes dans leurs quartiers; lés hotnmés de couleur s'étaient 
nu contraire en grande partie dispersés; pres(|ue tous ceux du Sud 
^'étaient rt tirés avec Rigaud dans leur province; leuis compagniei 
étaient peu nombreuses. C'était le 21 Novembre. La quatrième sec« 
tion du Port au Prince, où dominait en maitre l'italien Praloto , de* 
manda qu'on renvoyât à une autre époque rexécution du concordat; 
en même temps les soldats d Artois et de Normandie se réunissaient 
dans leurs casernes. Les affranchis voyant que tout s agitait autour 
d'eux, se réunirent au Palais du gouvernement et au Bélair. Unnom^^ 
tné Scapin , tambour noir , se rendant à son poste., fut arrêti 
par des blancs qui prétendaient qu'il n'avait jaifiais été libre. 
A\ant que Bauvais eût eu le temps de faire ses récisimations , Scapin 
avait été flagellé et pendu à un des réverbères delà municipalités L^a 
hommes de couleur indignés délibéraient sur le parti qu'ils auraient à 
jpreudre, quand un officier blanc sortant du gouvernement, où Praloto l'avait 
envoyé auprès de Bauvais , traversa la Place d'Armes, et fut atteint au bras 
d'une bulle que lui lança le lieutenant Valiiié, homme de couleur. Aussitôt 
les blancs crièrent aux armes de toutes paris , la générale fut battue^ 
Praloto partit de Tarsenal à la tète de trois bataillons de la garde na^ 
tiouale , avec vingt pièces de campagne , et vint se ranger en bataille 
devant le palais du gouvernement. Bauvais n'avait à lui opposer que 
sept faibles compagnies tant d infanterie que de cavalerie, et une com^ 
pagnie d'artillerie commandée par Pétion. Celui-ci avait établi 2 piè** 
ces de canon , au milieu de la barrière du gouvernement. 

Le ieu commença aussitôt; les boulets rames et la mitrailla eussent 
anéanti les hommes de couleur, si 1 artillerie blanche avait été biea 
servie. Les aflranchis dont le courage était soutenu par le saog-froid 
de Bauvais , répondaient énergiquement au feu de l'ennemi. Les chas* 
aeurs de Sale-Trou , adroits tireurs, renversaient la plupart des artiU 
leurs blancs; Tout à coup les troupes de Praloto furent renforcées par 
les régimens d'Artois et de Normandie qui , ayant reçu dans leurs ca- 
sernes quelques boulets lancés par les hommes de couleur , avaient 
rompu la neutralité qu'ils observaient depuis le commencement de l'af* 
faire, et étaient venus prendre part au combat. Aubrant descendait 
en Bélair avec trois compagnies, pour attaquer eo flanc Praleto et le 

^ Yoir eas discours «tans Iti pièoes justificatÎTes. 



16 viit«iRi: d'mâiti. — ( 1791 ) 

forcer à la retraite , lorsque le major-général Taîllefer , à la tête d'unt 
colonne <1« troupes blanches^ vint Tassaillir par derrière , après avoir 
traversé la rue des Césars. Aubrant rétrograda, s'élança avtc fureur 
iur les blancs , les culbuta , et les poursuivit jusque sur la place d« 
TEglise où Taillefer fut tué. Il se retrancha ensuite surleBelair. Alors les 
réginiens d'Artois, de Normandie, et le corps royal d'artillerie attaquèrent 
le gouvernement du côté Sud. Déjà Bauvais privé de projectiles avait . 
remplacé les boulets par des pierres; la poudre même vint à lui man- 
quer; il ordonna de* battre -cn retraite ; et pendant qu'il enclouait ses 
pièces et les jetait dans les fossés , le capitaine Doyon , campé à Mon* 
talet , protégeait sa retraite, en arrêtant Caradeux qui s'efforçait de tour- 
ner le palais du gouvernement. Bauvais travetsa en boo ordre l'ha- 
bitation Goviji el se retira à la Groix-des-Bouquets. On s'était battu 
depuis deux heures de l'après-midi jusqu'au soir. 

Dès que le combat fut terminé, le feu éclata dans tous les quar- 
tiers de la ville. Aucun effort ne put arrêter 1 incendie propagé par 
Praloto et sa bande. Les hommes de couleur qui n'avaient pas pris 
les armes furent massacrés dans les rues , ainsi que leurs femmes. 
Beaucoup de ces malheureuses se réfugièrent dans les campagnes ; d'au- 
tres, poursuivies de toutes parts dans la ville , se précipitèrent dans 
la rade et atteignirent les mangliers des ilôts qui ferment le port; mais elles 
furent mitraillées, du rivage, par l'artillerie de Praloto. La canaille blanche 
répandue le long du quai accusa les négocians blancs d'être les auteurs 
de l'incendie, et livra au pillage les plus riches magasins. 

Le leudcmuio, à la pointe du jour, Aubrant abandonna le béiair et 
prit le chemin de la Croix-des-Bouquets où il rencontra Bauvajs. 

Le feu ne cessa de répandre ses ravages qu'au bout de 48 heures. 
97 Ilets de la ville- sur 39 furent la proie des flammes; 500 maisons 
furent brûlées^ et les pertes s'élevèrent à 50 millions de livres tournois. 

Les affranchis indignés de la conduite perfide des citoyens du Port* 
au^Prince à leur égard ^ ne gardèrent plus aucun ménagement envers 
les blancs. 

Ceux du Sud, apprenant l'affaire du 21 Novembre, sortirent des 
Cayes et allèrent se retrancher dans les campagnes^ les blancs vinrent 
les attaquer , et furent sans cesse battus. Rigaud revenu de sa province, 
campa à Bizoton, à une lieue du Port-au Prince ; Savary homme de 
couleur, prit une attitude menaçante à St-Marc. Pinchinat , Bauvais, . 
Ghanlatte et Rigaud, par une adresse d'une grande énergie révolution* 
naire , appelèrent aux aitnes leurs frères de toute la colonie : 

c Amis , la Patrie est en danger ; de tous côtés nos frères armés 

< marchent à la défense de leurs droits mépi4sés , et à la vengeance 

< de la foi des traités violés; il n'y a pas un instant à perdre : qui- 

< conque diffère ou balance à marcher en ce moment, est, à trop juste 

< titre ^ suspect , eoupable du erime de lèse-nation^ déclaré traître i la Pi-^ 



faisïeiiui »^uAivx.— ( 1791 ) M 

t Irie, indigne do vivre ^ ses biens conGsquéf, et son nom voué 4 

« Texécration conleaipotaine et future. 

€ Volons y cliers amis, au siège du Port-au Prince ; plongeons nos 

% bras ensanglantés, vengeurs du parjure et de la perQdie, dans \% 
sein de ces monstres d Europe. Assez et trop long^temps , nous 
avons servi de jouet à kurs passions et à leurs manœuxres insi- 
dieuses ; assez et trop long- temps nous gémissons sous te joug. Dé« 
truisons nos tyians, ensevelissons a\ec eux jusqu nux moindres vesti- 
ges de notre ignominie; arrachons jusquà ses racines les plus pro-^ 
fondes, cet arbre du préjugé. Engagez les uns, intimidez les autres^ 
promettez , mcinacez , entraînez dans votre marche les citoyens 
blancs et verluiux: mais sut tout, chers amis, union ^ courage et 
célérité; amcnuz-nous, bagages, canons, munitions de guerre et 
de bouche , et ^enez tout de suite vous rallier sous Téiendard com- 
mun ; cest k.que nous devons tous périr ou \enger Dieu, la na* 
ture, ta loi et 1 humanité si long-temps outragés dans ces cli.nats 

% d'horreur. » * 

a, . . • • , 

e couleur de TArtibonite et du Sud, ne demeuréreni 
Î>as sourds à cet appel, et vinrent en grand nombre renforcer leurs 
ières de lOuest. Kauvais demeura à la Croix-des-Bouquets qu'il for- 
tifia ; le Mirebalai.^^ fut garni de tioupes; et Kigaud établi à Marquissant 
inquiétait considérablement le Port-;iu Piince. Pinchinal présidant tous 
les conseils, donnait une diiection active à toutes les opérations. 
Quant aux blaitcs royalistes de la plaine du Gùl-de Sac , ils continué^ 
rent à respecter le concordat de Goureau. 

Depuis l'expulsion des affranchis du Port isiu-Princs , les plus graa« 
des horreurs s (xerçaienidaus cttiC ville^ Praloto et ses satellites pour- 
sui\aient à outrance les blancs connus par leurs richesses qu'ils trai-*^ 
talent d'aristocrates j et les contraignaient à fuir , soit à I étranger , 
soit dans la plaine du Cul de-Sac. On en vit pendre plusieurs aux 
portes de leurs demeures, beaucoup vinrent demander as^le aux gens 
de couleur qui les reçurent a\ec générosité. . La di\ision qui existait 
parmi les blancs favorisait grandement la Ciiiise des àtlranchis; 

Cependant le Poit au-Piince cerné étroitement par les nm'âtres ,«n^ 
^oya à la Croix-des-Pouquets Caradeux de la Ca}e frère de Caradeu» 
le cruel ^ chargé d'ani oncer à Pinchiuat et à Bauvais, que leconcor* 
dat du 23 Octobre n'était j)as détruit » et de leur proposer la fornaa- 
tion d une nouvelle municipalité composée de blancs et d hommes d# 
couleur. Caradeux ne lut pas accueilli. àWs la municipalité jeta les 
yeux sur Grimouard qui commandait depuis la mort de Vilbge la 
division navaie , compo'^ée du vaisseau le Borée et de la frégate laGa- 
lathée. Grimouard* oilicier estimé des deux partis, lit conduire aus 
gens de couleur leurs enfans, et celtes de leurs femmes qui n a-^ 
vaieat pas sté égorgées dans la jouriié^ d j 21 Kov#inbri» li vint iui* 

* Cdtte adrtsss fut lédigôe pnr Jiiut« Cbaolatts, 



\ 



! 



M HisToiRB i>'haiti*-^( I7*1 ) 

tnème i la Groîx-des-Bouquets , Qt trouva Sauvait disposé à entrer dir 
négociatioDS. 

Lef hommes de couleur demandèrent rembarquement défi gardes na- 
tionaux soldés , des canonniers d« Praloto et des chefs de brigands, 
4'après une liste qui en serait fournie ; la remise à leurs troupes du 
fort St- Joseph et de celui de Belair , la formation d'une nouvelle garde 
nationale et d'une municipalité provisoire ; l'annulation des actes de 
l'aneienne municipalité et de l'assemblée de l'Ouest , la ratification du 
traité de paix du 23 Octobre par Blanchelande. Les blancs hésitaient 
à accepter ces conditions que repoussait Praloto /quand ils apprirent 
l'arrivée au Cap des commissaires civils envoyés par la France. La 
municipalité ne douta pas que ces délégués ne fissent exécuter le dé- 
cret du 24 Septembre ; elle ne voulut plus traiter avec les gens de 
couleur comptant du reste bcaupoup sur les six mille hommes promie 
par la métropole. Grimouard rappelé de la' Croix des Bouquets faillit 
d'être déchiré par la populace, et les négociations furent rompues. 

La ville fut cernée plus étroitement par les confédérés. Ils en dé« 
tournèrent les eaux de Turgeot et de Marquissant ; les vivres ne purent 
j arriver et la famine y devint horrible. Jusqu'alors les esclaves de 
l'Ouest n'avaient pas pris les armes; les affranchis qui exerçaient sur 
eux une puissante influence les maintenaient dans une tranquillité par* 
faite. Si les hommes de couleur du Nord n'avaient pas perdu leur 
prestige par la non-réussite de l'entreprise d'Ogé, ils eussent exercé 
la même influence sur les 'ateliers de leur province. 11 est vrai que 
le territoire de l'Ouest cet plus favorable à h guerre que celui du Nord; 
presque toutes les forces des affranchis de l'Ouest se trouvaient con- 
centrées dans un cercle étroit rempli de positions militaires naturel- 
lement inexpugnables* Maîtres des montagnes du Mirebalais qui sé*- 
parent i l'Est la province de l'Ouest de la partie espagnole , les mu-^ 
lâtres garantissaient le Cul-de-Sac , de toute attaque ; skaîtres des 

t)laines de Léogane et des montagnes de Jacmel , ils coupaient toutes 
es communications entré les blancs du Sud et le Port au-Prince , fo- 
yer de la puissance de leurs ennemis dans l'Ouest. 

Pendant ce temps les aflranehis du Sud bloquaient par terre la ville 
des Cayes, rompaient les traités qu'ils avaient faits avec les blanes , et 
les massacraient dans les campagnes. Le jour même de l'incendie du 
Port^au-Prinee , aeux de Jacmel avaient contraint les blanes de cette ville 
à faire avec eux un eoncordat. 

A la même époque, Garran-Coulon député de Paris à la législative, 
demandait la confirmation provisoire du concordat passé à St-Domingue 
entre les blancs et lea hommes de couleur. (Moniteur de 1791.) 



I » 



LIVRE SIXIÈME, 



1701. 



Sommaire. Àrrivle de! «ommissaircf clrilt , Mirbeck, Roume 6c St-L^ger. — Jean 
François et Biassou envoient des députés au Gap. — Arrivée de St.-Léger au Port-au- 
Prince. — ^fileck.— -Combat de Mercy. — Romaine la prophétesse. — Les blancs du Portr 
aa^Prince prennent la Creiz-des Bouquets. — Lapointe fait égorger les ^ blancs de 
l'Arcahaie. — Les affranchis soulèvent les esclaves du Cul -d)3-Sac.— Balai He de la 
Croix-des-Bouquets. — Des troupes européennes arrivent dans la colonie. — Ré- 
Tolte au Cap contre Blanchelande. -~ Mirbeck et St Léger partent pour Fiance. 
«— Reame demeure seul dans la colonie. — Biassou attaque le Cap.^^Dumontellier.-^ 
BoreK — Concordat du 14 Avril. — Concordat de paix et d'unioH. — Prépondérance dse 
affranchis daus l'Ouest.-* Départ de Caradeux pour les Etats Unis. 

Pendant que les affranchis de TOuest bloquaient le Port-au-Prince ^ 
les commissaires civils Mirbeck , Roume et St-Léger étaient arrivés au 
Cap. ( 28 Novembre. ) En débarquant ils furent saisis d' horreur 4 la 
Yue des nombreux gibets auxquels étaient suspendus des cadavres noirs 
et jaunes, le long du rivage. Ces trois délégués appartenaient au parti 
constitutionnel. Le 3 Décembre l'Assemblée coloniale les reçut dans 
son sein et les combla d'éloges. Roume dans le discours qu'il pro^ 
nonça laissa découvrir que i Assemblée coloniale aurait à marcher en 
harmonie avec les décrets de la constituante. De nouveaux débats s'é- 
levèrent ensuite au sujet de la dénomination de l'Assemblée qui chan- 
gea son titre d'Assemblée générale, en celui d^ Assemblée coloniale de 
la partie française de St<Domingue. 

Les insurgés de la province du Nord qui n'avaient pu s'entendre avee 
Blanchelande voulant envoyer des députée au Gap , obtinrent des com# 
missaires civils une suspension d'hostilités. Deux hommes de cou- 
leur Raynal et Duplessis se chargèrent d'être leurs représentans. Con- 
duits à la barre de l'Assemblée coloniale , ils donnèrent lecture d'une 
lettre datée du A Décembre , par laquelle Jean Frauçois et Biassou 

d#a3iaj9tdaieQt que l'en s'eecup&t di sort i^ esclaves, et qu'eo tQ 



80 HISTOIRE d'iiaiti. — { K9I ) 

Pendant ce lemps Jourdain et Gérin, lM)rames de couleur, qui s'é- 
taicnl trouvés à la réunion de Rastau, près du Port-au-Prince, s'étaient 
rendus dans, le quarlier du Petit-Trou (province du Sud) où ils avaient 
leurs propriétés. Us résolurent d'exécuter ce' qu'ils avaient promis à 
leurs frères de l'Ouest , c'est-à-dire de soulever les ateliers et de s'em- 
porcr du bourg sur les blancs. Ils se réunirent la plupart, armèrent 
les esclaves et vinrent, assaillir Roy de Kernneler , colon blanc qui 
commandait au Petit-Trou. Après un combat sanglant, ils pénétrèiM^nt 
dans la place et s'en emparèrent le 30 Août, jour du combat de Né- 
rcVle. . Ils respectèrent les personnes et les propriétés. Avant 4789, 
Roy 4e Rermcler avait cruellement persécuté Jourdain. Les affranchis 
et les esclaves ne demandaient qu'une seule têle , c'était celle de Rer*- 
mêler. Ils se précipitèrent en foul« vers sa demeure, se disposant à 
exercer sur lui les plus cruelles vengeances. Jourdain arrêta leur fu- 
reur; et par 1 influence qu'il exeiçait sur eux, les contraignit à res- 
pecter la demeure do son ennemi. Il entra seul «fans la maison de 
Kermcler , lui présenta une épée , lui déclara qu'il venait non pas l'as- 
sassiner, mais se venger, par un combat singulier^ des affronts qn'il 
avait reçus. Le mulâtre et le blanc croisèrent le fer en présence des 
insurgés qui formèrent le cercle, et ai)iès une lutte dont le succès 
demeura long-temps douteux, feermeler tomba, atteint à la poitrine. 
.Jourdain lui (ît donner la sépulture. Quelques jours après, les blancs 
des paroisses qui avoisinenl le Petit Trou marchèrent contre les insur- 
gés; mais ils furent battus sur tous les points. Jourdain donna la li- 
berté aux plus intrépides des esclavci qu'il avait soulevés, et rétablit 
Tordre et le travail dans les campagnes. Le Petit Trou, pendant toute 
la révolution ne fut jamais enlevé aux affranchis.' 

Les pompons-rouges du Port-au Prince, effrayés de la puissance qu'ac- 
quéraient les hommes de couleur, se résolurent à traiter avec eux, 
contre l'avis de Praloto qui demandait toujours leur extermination. Ils 
envoyèrent à la Croix des-Bouquets de» députés qui signèrent dans' 
l'Eglise de ce bourg, le li Septembre, ua concordat avec les affran- 
chis. On voit ces derniers se laire accorder par leur énergiace qu'ils 
n'avaient pu obtenir par les plus justes réclamations. 

Les blancs avaient proposé de stipuler dans le traité que las esclaves, 
connus sous la dénoi^nation dé suisses, qui avaient combattu contre 
evL\ dans les rangs des affranchis, retourneraient dans la serxit^desur 
kurs habitations respectives.- A celte proposition, Daguin avait dégai- 
né son épée et s'était écrié : Tambours, battez .la générale! Les blancs 
déconcertés n'a>aient pas insisté davantage. ^ 

Çq nouveau eoncorcùt renfermait les mêmes dispositions que celui 
du 7 Septembre , si ce n'est quelques dispositions relatives aux frères 

* (^n avait donné le nom de Suisses à ces esclaves , par allusion à ces in- 
trépides montagnards de THelrétie qui surent toujours faire r(5Spscter leur 
j^exté^ 



RI5T0ÏRE r'hAITI. — ( 1791 ) êl 

PoUson, à Deâmarres, à Renftud» à Lapointe, à Ogé et à Chayannes 
etc.v Les jugeraons par lesquels ils avaient été condamnés furent dé« 
clarés infâmes , dignes d'être voués k l'exécration centemporaiiia et fac- 
ture , et regardés . comme la cause des malheors de la colonie. Mr. 
Gamot , le président des commissaires blancs , déclara dans un discours 
prononcé à la iiii de la cérémonie , qud ce jour où le flambeau de la 
Jtaison les éclairait tous était à jamais mémorable. Il se faisait en n^ô- 
me temps un coneordat entre les blancs et les hommes de couleur 
de St-Marc. 

L'esprit d'indépendance qui avait fait de grands progrès dans la classe 
blanche , existait non seulement parmi les grands planteurs , mais aussi 
parmi les petits-blancs qui aimaient mieux se détacher de la France que 
de reconnaître les affranchis pour leurs égaux. Excités par la munîcipa* 
lité , les pompons-rouges du Port au-Prince demandèrent des secours 
à la Jamaïque, et virent arriver dans leur* port un brick anglais le 
Centurion , et une corvette chargée de munitions de guerre et de 
bouche. Enhardis par ces secours , ils offrirent aux affranchis d'accep* 
ter leur projet d'indépendance à l'égard de la métropole. Ceux-ci re- 
poussèrent Tivec indignation cette proposition. Alors la municipalité 
porta rassemblée coloniale à ne pas ratifier le concordat du il Sep- 
tembre ; elle fit plus elle le cassa. Cette manière d'agir fut désapprouvée , > 
non seulement par Ilanus de Jumécourt , mais par Çaradeux lui-même. ^ 

Pendant ce temps, la eonfédération des hommes de couleur faisait 
de rapides progrès dans la province du Sud oja la ville de St-Loùis 
avait aussi fait un concordat avec les blancs. 

Dans le Nord , l'insurrection jlevenue presque générale menaçait de 
se propager dans l'Ouest. 

Les blancs du Portau-Piince, ayant vu disparaître de la rade les 
bâtimens de guerre anglais , furent effrayés d'être réduits à leurs 
propres forces. Il était de leur intérêt que les hommes libres, 
noirs , blancs et jaunes se réunissent pour maintenir l'esclavage. Mais 
la ville était livrée à une telle anarchie que la plus vile populace et 
les soldats y dominaient. Les membres de la municipalité qui jus*- 
qu'alors avaient excité la canaille contre les pompons blancs , ne purent 
la contenir; ils furent débordés. En vain s'efforçaient-ils de lui faire 
comprendre qu'il fallait traiter avec les affranchis dont le nombre s'é- 
levait déjà k 4000 hommes environ : Praloto et les siens qui ne pou- 
vaient exister que par 1 incendie, le massacre et le pillage, s'opposaient 
à toutes sortes de négociations tendant à ramener la tranquillité. 

Le iO Octobre une députation des planteurs de la Croix-des*Bouquets^ 
envoyée par Ilanus de Jumécourt , vint au Port-au-Prince , demandant 
Texécution du concordat du 1 1 Septembre ; les députée ne purent rien 
obtenir, et faillirent même dêtre égorgés dans les rues. De leur cô- 
té les affranchie y vinrent cheraber des vivres ; mais les agitateurs 
les ea cbassëreot 



80 HISTOIRE D'iIAITI. — { 1Ç91 ) 

Pendant ce temps Jourdain et Gérin, hommes de couleur, qui s'é- 
taient trouvés à la réunion de Rastau, près du Port -au» Prince, s'étaient 
rendus dan^ le quarlier du Petit-Trou (province du Sud) où ils avaient 
leurs propriétés. Ils résolurent d'exécuter ce' qu'ils avaient promis à 
leurs frères de l'Ouest , c'est-à-dîre de soulever Ie« ateliers et de s'em- 
parer du bourg sur les blancs. Ils se réunirent la plupart, armèrent 
les esclaves et vinrent, assaillir Roy de Kei mêler, colon blanc qui 
commandait au PclitTrou. Après un combat sanglant, ils pénétrèrent 
dans la place et s'en emparèrent le 30 Août, jour du combat de Né- 
re^lc. . Ils respectèrent les personnes et les propriétés. Avant 4789, 
Roy 4^ Kermoler avait cruellement persécuté Jourdain. Les affranchis 
et les esclaves ne demandaient qu'une seule tète , c'était celle de Ker- 
melcr. Ils se précipitèient en foul« vers sa demeure, se disposant à 
exercer sur lui les plus cruelles vengeances. Jourdain arrêta leur fu- 
reur; et par l influence qu'il exeiçait sur eux, les contraignit à res- 
pecter la demeure de son ennemi. Il entra seul iFans la maison de 
Kermcler , lui présenta une ùpée , lui déclara qu'il venait non pas l'as- 
sassiner, mais se venger, par un combat singulier"^, des aiïronts qu'il 
avait reçus. Le mulâtre et le blanc croisèrent le fer en prcEonce des 
insurgés qui formèrent le cercle, et après une lutte dont le succès 
demeura long-temps douteux, Kermoler tomba, atteint à la poitrine. 
.Jourdain lui fit donner la sépulture. Quelques jours après, les blancs 
des paroisses qui avoisinent le Petit Trou marchèrent contre les insur- 
gés; mais ils furent battus sur tous les points. Jourdain donna la li- 
berté aux plus intrépides des cftclavco qu'il avait soulevés, et rétablit 
Tordre et le travail dans les campagnes. Le Petit Trou , pendant toute 
la révolution ne fut jamais enlevé aux affranchis. * ' 

Les pompon s -rouges du Port-au Prince, effrayés de la puissance qu'ac- 
quéraient les hommes de couleur, se résolurent à traiter avec eux, 
contre l'avis de Praloto qui demandait toujours leur extermination. Ils 
envoyèrent à la Croix des-Bouquets dd« députés qui signèrent dans' 
l'Eglise de ce bourg, le H Septembre, u« concordat avec les a ffran- 
chis. On voit ces derniers se faire accorder par leur énergiace qu'ils 
n'avaient pu obtenir par les plus justes réclamations. 

Les blancs avaient proposé de stipuler dans le traité que les esclave^?, 
connus sous la dénoii||nalion dé suisses, qui avaient combattu contre 
en\ dans les rangs des affranchis, retourneraient dans la servitude sur 
leurs habitations respectives.- A celte proposition, Daguin avait dégai- 
né son épée et s'était écrié : Tambours, battez .la générale! Les blancs 
déconcertés n'a\aient pas insisté davantage. * 

Ce nouveau eoncoroat renfermait les mêmes dispositions que celui 
du 7 Sept/ciubre , si ce n'est quelques dispositions relatives aux frères 

* (^n avait donné le nom de Suisses à ce-* esclaves , par allusion à C6S in- 
trépides montagnards de ITIelvétie qui surent toujours j[aire rc&pscter leur 
^ïbexté^ 



• % 



msToiRE d'haiti. — ( 1Î9I ) êl 

PaUson, à Deâmarres, à RenAud, à Lapointc, à Ogé et à Chavannes 
etc.v Les jugeracns par lesquels ils avaient été condamnés furent dé« 
claré& infâmes , .dignes d'être voués i Teiécration contemporaine et fu- 
ture , et regardés . comme la cause des malheurs de la colonie. Mr. 
Gamot , le président des commissaires blancs, déclara dans un discours 
prononcé à la fin de la cérémonie , qu(i ce jour où le flambeau de la 
Maison les éclairait tous était à jamais mémorable. Il se faisait en n^ô- 
me temps un consordat entre les blancs et les hommes de couleur 
de St-Marc. 

L'esprit d'indépendance qui avait fait de grands progrès dans la classe 
blanche, existait non seulement parmi les grands planteurs, mais aussi 
parmi les petits-blancs qui aimaient mieux se détacher de la France que 
de reconnaître les alTranchis pour leurs égaux. Excités par la municipa* 
lité , les pompons-rouges du Port au-Prince demandèrent des secours 
à la Jamaïque, et virent arriver dans leur* port un brick anglais le 
Centurion , et une corvelte chargée de munitions de guerre et de 
bouche. Enhardis par ces secours , ils offrirent aux affranchis d'accep« 
ter leur projet d'indépendance à Tégard de la métropole. Ceux-ci re- 
poussèrent ^vGc indignation cette proposition. Alors la municipalité 
porta rassemblée coloniale à ne pas ratiCer le concordat du ii Sep- 
tembre ; elle fit plus elle le cassa. Cette manière d'agir fut désapprouvée , i 
non seulement par Ilanus de Jumécourt , mais par Çaradeux lui-même. 

Pendant ce temps, la eonfédération des hommes de couleur faisait 
de rapides progrès dans la province du Sud ojx la ville de St-Loûis 
avait aussi fait un concordat avec les blancs. 

Dans le Nord , Tinsurrection jlevenue presque générale menaçait de 
se propager dans l'Ouest. 

Les blancs du Port-au-Prince, ayant vu disparaître de la rade les 
bâtimens de guerre anglais , furent eifrayés d'être réduits à leurs 
propres forces. Il était de leur intérêt que les hommes libres, 
noirs , blancs et jaunes se réunissent pour maintenir Tesclavage. Mais 
la ville était livrée à une telle anarchie que la plus vile populace et 
leà soldats j dominaient. Les membres de la municipalité quj jus- 
qu'alors avaient excité la canaille contre les pompons blancs , ne purent 
la contenir ; ils furent débordés. En vain s'efforçaient-ils de lui faire 
comprendre qu'il fallait traiter avec les affranchis dont le nombre s'é- 
levait déjà ià 4000 hommes environ : Praloto et les siens qui ne pou- 
vaient exister que par 1 incendie, le massacre et le pillage, s'opposaient 
à toutes sortes de négociations tendant à ramener la tranquillité. 

Le 10 Oetobre une députatiou des planteurs de la Croix-des-Bouquets^ 
envoyée par Ilanus de Jumécourt , vint au Port-au-Prince , démandant 
Texécution du concordat du 11 Septembre ; les députée ne purent rien 
obtenir, et faillirent même dëtre égorgés dans les rues. De leur cô- 
té les affranchis y viarent cherober des vivres; mais les agitateurs 
les 60 cbassèreot 



80 HISTOIRE d'iIAITI. — { IWI ) 

Pendant ce temps Jourdain el Gérin, hommes de couleur, qui s'é- 
taient trouvés à la réunion de Rastau, près du Portau' Prince, s'étaient 
rendus dans, le quarliei^ du Petit-Trou (province du Sud) où ils avaient 
leurs propriétés. Ils résolurent d'exécuter ce' qu'ils avaient promis à 
leurs frères de l'Ouest , c'est-à-dire de soulever les ateliers et de s'em- 
parer du bourg sur les blancs. Ils se réunirent la plupart, armèrent 
les esclaves et vinrent, assaillir Pvoy de Kei mêler, colon blanc qui 
commandait au Petit-Trou. Après un combat sanglant, ils pénétrèrent 
dans la place et s'en emparèrent le 30 Août, jour du combat de Né- 
rcVle. . Ils respectèrent les personnes et les propriétés. Avant 1789, 
Roy 4e Kermcler avait cruellement persécuté Jourdain. Les affranchis 
et les esclaves ne demandaient qu'une seule tête , c'était celle de Ker* 
mêler. Ils so précipitèrent en foule vers sa demeure, se disposant à 
exercer sur lui les plus cruelles vengeances. Jourdain arrêta leur fu- 
reur; et par 1 influence qu'il exeiçait sur eux, les contraignit à res- 
pecter la demeure de son ennemi. Il entra seul iFans la maison de 
Kermcler , lui présenta une épée , lui déclara qu'il venait non pas l'as- 
sassiner, mais se venger , par un combat singulier*, des affronts qu'il 
avait reçus. Le mulâtre et le blanc croisèrent le fer en présence des 
insurgé» qui formèrent le cercle, et après uno lutte dont le succès 
demeura long-temps douteux, ïvermeler tomba, atteint à la poitrine. 
.Jourdain lui fit donner la séf)ulture. Quelques jours après, les blancs 
des paroisses qui avoisinont le Petit Trou marchèrent contre les insur- 
gés; mais ils furent battus sur tons les points. Jourdain donna la li- 
berté aux plus intrépides des cficlavci qu'il avait soulevés, et rét?iblit 
* Tordre el le travail dans les campagnes. Le Petit Trou , pendant toute 
la révolution ne fut jamais enlevé aux affranchis.' 

Les pompons-rouges du Port au Prince, effrayés de la puissance qu'ac- 
quéraient les hommes de couleur, se résolurent à traiter avec eux, 
contre l'avis de Praloto qui demandait toujours leur extermination. Ils 
envoyèrent à la Croix des-Bouquets dd« députés qui signèrent dans' 
l'Eglise de ce bourg, le H Septembre, u» concordat avec les a ffran- 
chis. On voit ces derniers se faire accorder par leur énergie ce qu'ils 
n'avaient pu obtenir par les plus justes réclamations. 

Les blancs avaient proposé de stipuler dans le traité que les esclaves, 
connus sous la dénoi^nation dé suisses, qui avaient combattu contre 
eux dans les rangs des affranchis, retourneraient dans la servit^jdesur 
leurs habitations respectives.- A celte proposition, Daguin avait dégai- 
né son épée et s'était écrié : Tambours, battez. la générale! Les blancs 
déconcertés n'axaient pas insisté davantage. * 

Çq nouveau concordat renfermait les mêmes dispositions que celui 
du 7 Septembre , si ce n'est quelques dispositions relatives aux frères 

* On avait donné le nom de Suisses à ces esclaves, par allusion à ces in- 
trépides moAtagnards de THelvétie qui surent toujours ime respecter leur 
4ibertë« 



HISTOIRE b'haiti. — ( 1791 ) £1 

Poisson, à Deâmarres, à Renaud , à Lapointe, à Ogé et i Chàvannes 
etc.v Les jugeniens par lesquels ils avaient été condamnés furent dé« 
cltrés infômes , dignes d'être voués it l'exécration centemporaine et fu- 
ture , et regardés . comme la cause des malhenrs de la colonie. Mr. 
Gamot y le président des commissaires blancs, déclara dans un discours 
prononcé à la fin de la cérémonie , qu<< ce jour où le flambeau de la 
Maison les éclairait tous était à jamais mémorable. Il se faisait en n^ô- 
ine temps un coneordal entre les blancs et les hommes de couleur 
de St-Marc. 

L'esprit d'indépendance qui avait fait de grands progrès dans la classe 
blanche, existait non seulement parmi les grands planteurs, mais aussi 
parmi les petits-blancs qui aimaient mieux se détacher de la France que 
de reconnatlre les alTrancbis pour leurs égaux. Excités par la munîcipa* 
lité , les pompons-rouges du Port au-Prince demandèrent des secours 
2 la Jamaïque, et virent arriver dans leur* port un brick anglais le 
Centurion , et une corvelte chargée de munitions de guerre et de 
bouche. Enhardis par ces secours , ils offrirent aux affranchis d'accep^ 
ter leur projet d'indépendance à Tégard de la métropole. Ceux-ci re- 
poussèrent Bvec indignation cette proposition. Alors la municipalité 
porta rassemblée coloniale à ne pas ratifler le concordat du ii Sep- 
tembre ; elle Ht plus elle le cassa. Cette manière d'agir fut désapprouvée , t 
non seulement par Ilanus de Jumécourt , mais par Çaradeux lui-même. ^ 

Pendant ce temps, la eonfédération des hommes de couleur faisait 
de rapides progrés dans la province du Sud ojx la ville de St-Loûis* 
avait aussi fait un concordat avec les blancs. 

Dans le Nord , l'insurrection Revenue presque générale menaçait de 
se propager dans l'Ouest. 

Les blancs du Port-au-Prince, ayant vu disparaître de la rade les 
bâtimens de guerre anglais , furent eifrayés d'être réduits à leurs 
propres forces. Il était de leur intérêt que les hommes libres, 
noirs , blancs et jaunes se réunissent pour maintenir l'esclavage. Mais 
la ville était livrée à une telle anarchie que la plus vile populace et 
le^ soldats y dominaient. Les membres de la municipalité qui jus- 
qu'alors avaient excité la canaille contre les pompons blancs , ne purent 
la contenir ; ils furent débordés. En vain s'efforçaient-ils de lui faire 
comprendre qu'il fallait traiter avec les affranchis dont le nombre s'é- 
levait déjà ià 4000 hommes environ ; Praioto et les siens qui ne pou- 
vaient exister que par lincendie, le massacre et le pillage, s'opposaient 
à toutes sortes de négociations tendant à ramener la tranquillité. 

Le 10 Ootobre une députation des planteurs de la Croix-des-Bouquets» 
envoyée par Ilanus de Jumécourt, vint au Port-au-Prince, demandant 
l'exécution du concordat du 11 Septembre ; les députéb ne purent rien 
obtenir, et faillirent même dêtre égorgés dans les rues. De leur cô- 
té les affranchie y vinrent cherober des vivres ; mais les agitateurs 
les eq chassèrent 



ÙG HISTOIRE D^riAITI.'— ( 1792 ) 

projet d'abandonner le Nord et TOueit , de réunir tous leurs fréret 
dans le Sud, et de s'y organiser i leur manière, après avoir exter- 
miné tous l«s blancs de la presqu'île. Ils étaient tellement dominés 
par celte idée qu^ils répondirent à la municipalité de Torbeck qui leur 
avait fait oonnatlre la proclamation d'amnistie des commissaires civils : 
<r Nous savons q\]i'il y a trois blanes de plus dans la colonie. » Enfia , 
depuis Aquin jusqu'au-delà des montagnes des Gayes, il n'existait plus 
qu'un seul blanc dans les cami^gnes; tout le reste avait été égorgé. 

De leur côté» les blancs massacraient tous les hommes de couleur 
qu'ils faisaient prisonniers, avec des circonstances aussi horribles, et 
envoyaient leurs tètes à Mangin d'Ouence. Vingt-sept mulâtres piis 
sur un l)âtiraent qui était en mer allant chercher de la farine pour 
la ville d Aquin , furent noyés. 

Si les hommes de couleur du Sud avaient eu à leur tèta des citoyens 
tels que Pinchinat et Bauvais, ils ne se seraient jamais livrés à de 
tais excès. Ce fut une heureuse circonstance pour la province de T Ou- 
est d'avoir eu» dès l'aurore de la révolution, des hommes sages et 
instruits à la tète de toutes les opérations, tes affranchis bien gui« 
dés firent leur révolution avec ordre» avec méthode, évitant les excès, 
manœuvrant avee adresse entre les blancs royalistes et les pompons- 
rouges, et profitant des fautes des deux partis, pour arriver à leurs lins. 
Lm esclaves de fOuest qui se soulèveront sous leur dipection, les imi- 
teront et parviendront à l'émancipation générale sans s'être livrés à des 
cruautés aussi horribles que celles qui ensangtantèrenl. les autres par- 
ties de la colonie. 

La province de f Ouest doit encore à la politique saine et adroite de 
Pinehinat et de Bauvais l'union étroite qui exista d'abord antre les af* 
franchis noirs et jaunes; ensuite entre les aflranchis et les régénérés 
ou esclaves devenus libres; car, dès b prise d'armes de Diègue, nous 
voyons Bauvais hemmede couleur s'adjoindre au* commandement Lambert 
noir ; et depuis cette époque les hommes de couleur de l'Ouest , supérieurs 
aux noirs en instruelion , par le fait des circonstances , * employant à Ta- 
mélioration morale et intellectuelle des masses leurs connaissances , n'ont 
jamais abandonne cette ligne peiiitique: delà la fiision , la fraternité 
entre les deux eastes dans I Ouest ; delà la causa de la tranquillité dont 
cette province a souvent joui pendant que les autres parties de file 
étaient bouleversées. Bauvais et Pinchinat furent les fondateurs de la 
politique conciliatrice qu'ont suivie les Pétion , les Borgella, les Guer- 
rier et que pratique actuellement le président Rické; politique qui, 
pendant notre première révolution , sauva la minorité éclairée , l'âme, 
de notre République, des fureurs des masses ignorantes. Ces masses, pen- 

* Dans Tancicn rég'imc las mulâtres , la plupart aflranchis par leurs pères 
blancs apprenaient à lire , à écrire , à calculer. Beaucoup d'entre eux étaient 
ffjiéux^ envoyés sa Euiope oft ils xeçf voient um éducaUea libéride. 



Histoire p'haiti.— ( 1792 Y Ôt 

èant long-lemps, ont conservé les traces de celle infâme éducation coi 
k>niale, par laquelle les hommes étaient classés , par eatégories^ setoal 
leur couleur. . • 

Pendant cet intervalle le commissaire civil St. Léger, envoyé dans 
l'Ouest par ses eoiiègaes, d/^barqua au Port au-Princele 29 Janvier, il 
ftt de \ains eflbrts pour rétablir ia paix entre les blancs et la confé* 
dération de la Cr^ix-des^lkmquet*. il ne fut pas plus beureux dans 
la négociation qU il entreprit pour ramener la concc^rde^ntre les blancs 
et les mu la (l'es de Jacmel. 

Les affranchis des Cayes campés à Merej koûs les ordres de BJcck, 
liomroe de couleur élevé ten France ^ avaient réduit la place qui no 
recevait pas de navires^ à la pins affireiise famine; Cependant les équi* 
pages des bâiimens en station dans la rade descendirent en -ville aveo 
de l'artillerie et (h^gagèrent Mn pca la place. Sur ces éntrelàiteâ 
800 hommes du régiment de provence vinrent débarquer aux Cayes* 
Mungin d'Ouenco marcha avec eux à la tète de la garde nationale eontre 
Je ramp Hercy. fileck sortit de ses retrancbemens et rangea sonarmée 
"Bn bataille. Il ne put lutter contre la tactique européennes^ et fut 
èomptétemetit battu. Le« affranchis comptérëilt 70 morts et perdirent toute 
leur artillerie. Ceux qui furent pris furl^nt romptis sur la roue , ou brûlés 
vifs. ^ Les blancs armé;-ent un dixième de leurs êsçlaveis et les lan* 
eérent contre lés ihuiâtreé. tQeux ci donner* nt la liberté aux. leurs et 
les excitèrent contre les blancs. La guerre ilit plus horrible que 
par le passé ; toute la presqu'île du Sud devint un >àste incendie et 
le sang ruissela de tous côtés; En même temps les blancs des CQyes 
fie divisaient ; les pompons-rouges remportèrent sur les pom« 
pons blancs ^ et Mangin d'Ouence royaliste fut remplacé par Thiballier; 

Pendant cet intervalle le quartier de Léogane était ravagé par un grif 
l^spagflol nommé homaine Rivière qui avait pris le titre de prophète; sa 
'disant filleul de la vierge Ifarie. Il signait .Romaine la Prophètes- 
te. Il dominait par la supeistilion les bandeS d esclaves qu'il avait sou- 
levées dans, les mooiagnes. Il dirait la messe ^ livrait les blancs à toutes 
sortes de tortiires , bt prétendait que c'était d'après l)gs ordres de là 
Vierge. Léogane qui recenuaissait Tautorité des confédérés de laCroix-^ 
des-fiouquets était cependant sans cesse livrée a ses fureurs. Labuis- 
sonniére, capitaine général des hommes de couleur de cette ville , ai- 
mait mieux pactiser avec Romaine que de reconnalaelautofité du Port- 
au-Prince où dominait Praloto. Mais les bandes de Romaine exercè- 
rent tant de oruaùtés à Léogane, pillant, violant ^ assassinant , que le^ 
affranchis demandèrent au commissaire St. L-t^ger de leur envoyer cinq 
cents hommes de troupes de ligne pour les protéger. St. Léger na 
put rien obtenir de la municipalité du Porl-au-Prinee qui refusa for- 

• C'est à tort que Garran Toulon dit que Bleck fut pris danà cette affaire 
et- hrul6 yif. 31eck vécut ji^ioa dés wu^çs après cet événement 



d8 'B18T0IRB l»*ttÂlTI.~T 1793 ) 

inelIcnieDt d« secourir les mulâtres. Il s'adressa tlors à BauTaîs elk 
PÎDchiDat qui envoyèrent de la Croix-des- Bouquets à Léogane un ba« 
tailion d'affranchis destiné à y attendre le commissaire civil. St-Lé« 
ger partit du Port-au-Prince le 5 Mars sur la frégate Ta Galatée. Peu 
de jours après Tarrivée du commissaire civil à Léogane, Romaine la 
Ii'ophétesse et Courlonge , son lieutenant, vinrent au milieu d'une puit 
( du li au 12 Mars ) assaillir la ville. Us y entrèrent , la pillèrent et 
se rendirent maîtres des canons et des munitions. Mais le balailloa 
d'affranchis protégea St. Lég^^r, attaqua avec fureur les bandes de Ro«' 
Aiaiiie» reprit les canons, et les chassa de la plaee. Le lendemain les 
marins de la Galatée et les homnes de couleur du Grand-Goâve , du Per 
tit-Goàve Itecourus au secours des léoganais, repoussèrent au loija les 
montagnards. St. Léger profitant de son succès , confia à un homme 
de couleur nommé Sinclar , le commandement d'une division qui attei- 
gnit le Troù-GoiT], quartier-général de Romaine, dispersa sa bande 
c; faillit le faire prisonnier. Dès lors Léogane fut délivré des fureurs 
ùià cet imposteur. 

Rigaud vint trouver St. Léger qui l'envoya auï Gaycs pour y fair« 
tin concordat avec les blancs» Ceux-ci refusèrent de pactiser avec les 
aaranchis. Alors les noirs des montagnes de la Hiîtte appuyant les ré^ 
damatiens des hommes de eouleur , se ^soulevèrent , se retranchèrent 
aux Platone, et poussèrent leurs incursions jusqu aux portes des Cayes. 

Pendant que St. Léger éteignait Tinsurrection du Trou-CoflQ , Tas^ 
semblée de Touesl ne demandait que 1 extermination des hommes do 
èoulenr de là Croix-des-Bouquets. Elle ordonna qu'une expédition fut 
dirigée contre ee bourg. En vain Decers , commandant de la place , s'op« 
posa à cette folle entreprise ; il fut desthué. Praioto et Caradeux 
avaient armé plusieurs cents d'esclaves dont iU avaient formé une com- 
pagnie dite des africains. Ces nouveaux soldats parcouraient la plain«^ 
clu Cul-de-Sac, pendant la nuit , surprenaient les. mulâtres sur leurs 
propriétés, les égorgeaient s et promenaient leurs« tètes au bout dea 
Iniques à travers les rues de la ville. L'armée du Port-au-Prince , com* 
|ii#»éede la garde nationale, du 4e. et du 9e. régiment, ci^devant d'4r- 
1 la et. de Normandie, marcha contre la Croix des-Bouquets le 10 
fùàvê. Les gardes nationaux d'uoe tenue magnifique étaient comman* 
oûs par Caradeux ; 1 artillerie était sous les ordres de Praioto , et la 
c^/mpaf nie des africains était commandée par Breton de la Yillandry et 
p<ar un noir intrépide nommé Philibert. Toutes les troupes fournis^ 
^mt nne force effective de 3,000 hommes. L'avant garde de Tar^ 
Liée qui suivait la grande route, était composée dés africains. Enmê* 
Xiie temps une autre colonne sortie du Port -au- Pri née, alla occuper la 
'Coupe. Tout s'enfuit à l'approche des blancs: l'armée des homnea 
de couleur s'était presque dissoute ; car le découragement s'était ré« 
pandu parmi eux depuis la publication de la loi du 94 Septembre 
^ révoquait celle du 15 Mai , et depuis le rétablissement dea AUÎi 



ilIgTOlKte ô'HAfÛ.— ( l^Bi ) 9^ 

Cipalitéd qui se furent composées (|ue (le ootont* Ils n'avaient 'qtiéquel« 
ques centaiDês dliommes à opposer à la masse des blancs. Un seul ate** 
lier d<» la plaine, celui du Baron de Santo- Domingo, tenta d'arrêter la 
marche des patriotes ; mais les trois cents hommes qui le composaienl 
firent eavain une ^igoilreuse résistance. Ëauvais et Pihchinat évacu^' 
èrant la Croix-des*Boiiquels et se retirèrent avec leur artillerie au Mî« 
rebalais 9 après s'èhe battus jusqu'aux Crochus, harcelés par Gara* 
deux et Philibert. Praioto prit possession do la Croix-d<is Bouquets qu'il 
Uouva entièrement abao(!ouné6. Hanus de Jumécourt ^ chevalier de 
St. Louis, maire de ce bourg, dont rexisténce était menacée ''par iey 

{>etits blancs , s enfuit aux Grands Bois. Lesateliers du Cut-de Sac, dans 
a journée du 10 Mars, ne iireni aucun mouvement et ôbservèreni 
Un morne silence. La plupart des blanes royalistes de la plaine refusé* 
rent d'entrer à la Croix-dcs Ek>uquets ^ ne voulant pas se livrer à discré 
tion aux petits blancs ; du reste ils craignaient d'exciter rindignatioa^ 
des hommes de couleur qui devaient , à leur avis , reprendre le des^- 
sWs, dès qu'ils pourraient se. réunit*. 

. Quelques jours après, Gaïadcux et Pralotu^ mattres de ta Croix-des^ 
Bouquets, tentèrent de faire arrêter tous les mulâtres del Arcahaie et 
de s'emparer de toute Tautorité dans ee quartier^ Matires de T Arcahai4 
ils coupaient les commùnicàtioas entre les mulâtres de St-Marc et ceux; 
du Cul-de«-Sac. kpiès le -traité de Goureau, les affranchis de TArca^ 
haie avaient fait un coocoidat avec les blaucs. Ils avaient nommé Ca^ 
meau capiiaine^général , et Juste Glianlattei major-généraL Le plut 
liabile d'entre eux , Lapointe, était Fâme de leurs opérations. Les blaucê 
avaient nommé Canteloup , leur capitaine générai. Garadc*ux excita là 
lUunrcipalité composite en grande partie de blanes d'annuler le concor** 
dat et de chasser les hommes de c«»trieur. Lapointe découvrant ce pro^ 
|et souleva le 22 Mars les ateliers depuis la batte Aubry jusqu'à 1 ex» 
irémité des Vases. Les affranchis abandonnèrent aussitôt le bourç,efi 
se retirèrent à la digue des Matheux. D'après les oHies de Lapomte^ 
les esclaves égorgèrent les blancs des campagnes, pénétrèrent à TAr* 
eabâie , et tuèrent la plupart des membres de la municipalité qui 
dëlibérait-Qt sur les moyt us à prendre t>our se défaire des mulâtres; 
tes insurgés massacrèrent impitoyablement tous les colons qu*ils purent 
atteindre f pillèrent toutes les mais<»ns , excepté deut^ quî apparte* 
Oaient à des planteurs , qu*ils appelaient de bons blanes. Lapointe se 
dirigea vers St Marc suivi d*UQe trentaine de colons qui avaient échap* 
pé au massacre fait dans le bourgs O^^aud il arriva ^ 28 Mars, à la 
Raviue Sèche, près de rembarcadait*e Malary, SI laissa Sacrifier cesin** 
fortunés qui a>aient compté sur sa générosité , par Gauthier commaû'- 
dant de Si-Marc auquel il déclara qiril ne les connaissait pas. Peu de 
joisrs après , quand le massacre fut consommé » Lapointe revint â TAI*'* 
cahaie, et s'en (il nommer nmire ; Jn Baptiste Leroux fut nommé capitaine 
^eitérali Le^ affrïiQchts douuèrent k liberté aux |>rincipaux chefs des ia« 



MO IIISTOAI& vi^Uki/^' — ( 17dâ ) 

surgëe <fuî fîreot rentrer leurs compagnons dans l'esclavage, taporntè 
en forma une compagnie de 4d gendarmes. Pour maintenir Tordre 
dans son quartier, il construisit deux forts, Tun à Dégand aux Ma- 
theux, l'autre à Cabaret au Boucas^in. 

Pendant ce temps, les hommes de nbuleur qoi s'étaient retirés au 
Mirebalais et aux grands bois^ après avoir évacué la Croix-des^Bouquets^ 
se répandirent dans les campagnes du Ch]l-di)-Sac excitant les esclaves 
à Tinsurreetion. Quoiqu'ils fussent (la plupart propriétaires, ils se déter^ 
ininérent à faire le sacrifice de leurs biens , tant les injustices des 
blancs les avaient exaspérés. Caradeux qui s'était aperçu qu'ils par* 
«ouraient les habitations, répandit parmi les esclaves que s'ils prenaient 
les armes pour les aifranchis, ceux*ei les traiteraient comme les Suisses. . 

Pinchinat et Bauvais furent obligés d'employer toute lour éloquence 
et leur adresse fo^àv détruire dans' l'esprit des noirs ces fâcheuses im* 
pressions. Enfin ils réussirent ; et les esclaves repoussèrent les émis* 
-eaires de Caradeux. Les affranchis nommèrent capitaine général des 
ateliers, un jeune noir, brave et intelligent, nommé Hyacinthe Du* 
coudray, et un autre noir GarionSaato, major général. Le S8 Mars, 
des manifestations hostiles aux blancs éclatèrent sur les habitations. 
Dans la nuit du 30 au 31 Mars, les eselaves se soulevèrent sans m 
livrer à aucun désordre: pas un colon ne fut tué, pas .une maison ne 
fut brûlée. Ils marchèrent au nombre de 15,000 sur la Croix-des* 
Bouquets, Hyacinthe à leur tète, et commandés par des ^hommes da 
couleur répandus dans leurs rangs. Dans toute celte multitude , il n'y 
«vait pas soixante fusils. Ils étaieat armés de< couteaux , de houes, de 
bâtons ferrés et de frondes. À trois heures du matin , ils attaquèrent 
les blancs rangés en bataille autour du bourg , avee une détermination 
prodigieuse. Les noirs fanatbés par leurs soreiers couraient à la mort 
avec gaieté , s'imaginent qu'ils ressusoiteraient en Afrique. Hyacinthe 
armé d'une queue de taureau parcourait les rangs disant qu'elle dé- 
tournait les balles. Pendant qu'il tenait en échec les dragons blancs^ 
il faisait attaquer, d^un autre côt^,la garde nationale. Les jeunes colons 
du Popt*au*Prince qui cemposaient ce corps, quoique braves, fiers et 
magnifiquement équipés, ne purent résister à Timpétuosité des insur- 
gée. Ils perdaient du terrain, quand Philibert avec ses africains vint 
rétablir le combat. On se battait avec une égale fureur de part et 
d'autre. Les régimens d'Artois et de Normandie, par des feux de pelo- 
tons vifs et soutenus, renversaient des lignes entières de neirs qui se 
précipitaient en désordre sur les baïonnettes. Par intervalles, lesdragon» 
taisaient de brillantes charges; mais ils étaient vite refoulés dans le 
bourg par les insurgés qui se erampennaient avec rage à leurs chevaux, se 
faisaient sabrer et les démontaient. Le carnage le plus affreux avait 
lieu dans l'endroit qu'occupait l'artillerie de Praloto. Les noirs se 
précipitaient audacieusement sur les canons; mais ils étaient écrasés 
seus la mitraille la plus meurtrière ; j(ls fléchissaient un peu^ lorsquo^ 



gïsToi^E ©'ôAifr.— ( 1792 ) 10 j 

Hyacrnlhe ranima leur ardeur par ces paroles , en agitant sa qiieua 
4e taureau: en avant! en avant! les boulets sont de la poussière ] en m^me 
temps afTron tant la mort , il s'élançait à leur tète au milieu des balles 
«I de la mitraille. On vit des ins^urgés s'emparer, des pièces , les Vo« 
nir embrassées, et se faire tuer sans lâcher prise ^ on en vit d'autres 
JTourrer le bras dans Tiatérieur des caBons pour en arraeher lés bou« 
icts , ei' s'écrier en s'adressant à leurs camarades r venez, venez; nous 
les tenons ! les pièces partaient et leurs membres étaient emportés au 
loin. Après six heures, d'un te) combat , Tarmée du Port-au Priice 
fut obligée de céder à Ta supériorité numérique ; elle se débanda , pri| 
la fuite, après avoir fait sauterie flaagasin i poudro de la Groîx-des- 
Bouquets^ et brûlé le magasin i vivres. Les blancs livrant tout aux 
flammes sur leur passage rentreront au Port-au-Prince dans le plus grand 
désordre. Ils avaient perdu plus de iOO soldats, et les insurgés compté» 
rent au moins 1200 hommes tués. Leshommesde couleur trouvèrent toutes 
les pièces du bourg enclouées. Hyacintht^^ maUre de la. Croix-des-Bouquels 
ne seUvra à aucuneict^s. Quelle différence entre cette insurrection des 
eselavesdeT Ouest dirigés par les affranchis , et celle des esclaves du Nord^ 
livrés à eux-mêmes. D'une part Tordre, le respect des propriétés , pas un 
assassinat; d'une autre part, désordre, pillage, et. affreuses vengeances. 
Parmi les insurgés s'étaient feit remarquer Halaou, Bébécoutard ^ Bélisairo 
homme'de couleur , qui devinrent des cheft fameux. lIsorgaiMsèrent leurs 
bandes à l'afrioaine : la tôte ehargée de plumes do eoqs et de paons, ils se 
Çrent porter en triomphe > avee drmtdevie et de mort sur les leurs. 

Par celte victoire, la prépondérance des affranchis devînt définitive 
dans l'Ouest. Hyacinthe Dueoudray , jeuao homme plein d'humanité, 
qu'ils tenaient sous leur influence ^ obligea le père Thomas curé do la 
Croix- des- Bouquets p^ à bénir sen armée. Il établit son quartier-gé- 
méral sur l'habitation Santo. lA il réunit tous les commandeurs blanes 
et leur dit qu'il était devenu leur chef,, qu ils devaient lui obéir, qfu'il 
contraindrait les cultivateurs i travailler , que le pren>ier qui se li>* 
i^rerait su brigandage serait fusillé,, et qu'il fallait planter des vivres. 
Sur ses instances Uanus de Jumrécourl reviit à la Croix-des*Bouquets. 
U le nomma capitaine do' gendarmerie. Les hommes de couleur vtn« 
rent de hou veau bloquer le Port-«u-Prince ; Sauvais cerna étroitement 
la place , du côté du Gul-de-Sac ; et Rigaud qui s'était hâté de revenir 
du Sud s'établit à Bizoten avec son armée. 

Pendant ce temps , plusieurs régimens promis par le gouvernement 
métropoluain arrivèrent daM la colonie; mais- Blancholande se sut pas 
les occuper. Du reste toujours attaqué par le parti révolutionnaire que di*- 
rigeai t Larcbevèque Thjtbaud, grand agitateur et procureur syndic de la Mu- 
nicipalité, il vit les patriotes s'^insurger contre lui le 27 mars. Des brigands 
parcouraient les rues du Cap , en plein jour et eriaîent : « Citoyens , 
« prenez garde à vous; fermez vos port'os, aux armes ! aux armes ! » 
^f^ 'Û ac fit heureusemeat en sa faveur uoe réactioo. dirigée par les 



tOA BI8T01&E B^NAITI.— -( ITdS ) 

S* unes gens royalistes; et le ps^rli des |)6tiis-blancs eut le ^ïessons. Si 
lancheTaode avait su proQter de SOQ triec^phe , les agitateuis eussent 
été entièrement écrasés, 

Mii-beck et St Léger ne Toyanl dans les deux partis blancs de la colonie 
que des enr^en^is. cachés de la révolution frnaçiise ou des partisans de 
1 étranger , en butte i toutes sortes de passions , {partirent pour Franee^ 
Ilirbeck le premier avril , et St L ger le 8 du mèiue mois* Roume de- 
tneura seul » représentant la comoiission civile. 

Biassou , prôiitant des divisions qui régnaient parmi les blancs dd 
Cap, réunit à la Tannerie cinq cents hem mt s et marrha contre cette ville» 
A neuf heures du soir , U fut arrêté par 1 artillciie de la Petite Anse; 
i onze heures, il reprit sa marche , tra\er8a légué <]ui existait au point 
de jonction de la rivière GaliC^t et dtf canal de rhabitation LePWre, 
>|iégligea d'attaquer les postes du haut du Cap et tomba 9ur ia cite. Le 
danger ayant réuni tous les blancs\ Blanchelande , Cambefort et Dassas 
le forcèrent à la retraite. Ces divisions entre les blaues existaient dans un 
moment où la révolte était considérablement aflaiblie ; Biassou était danscê 
moment le seul ennemi actif que les blancs eussent à combattre. Jean Fran- 
' Çois es mésintelligence avec lui, paraissait vouloir se rei^dré; il avait 
même écrit a Tassen^blée coloniale à ce sujet. Candy » de son côté, 
\enait de faire sa soumission, pour la seconde fois, au rommandant 
IPageot, soumission déjà entamée avec Rouvrai. Candy avait eommis 
autant de cruautés que n^împorte quel chef de ré\oltés; mais les blancs 
étaient si affaiblis que rassemblée coloniale ne voulut pas qu'onj)arlàt 
de sa conduite passée. Jusqu'alors Jean François s était montré le plua 
humain des insurgés du Nord. Le parti des factieux du Cap toujoursi 
dirigé par Dassas et Larchevèque Thibaud, s*agita de nouveau le 22 
U'ài. Mais par Véner^ie de |^ageot| Blanchelande lui fit éprouveip V^ 
secojid échec. 

Un nommé Dumontelliery prétendu patriote » qui ne vivait que de 
dévastations et dji pillage, arma contre les mulâtres de l'Artibonite une 
bande d Africains qui prit la dénomination de Saliniers du nom de leur 
quartier-genoral établi près de yastes salines. U fit alliance avec ua 
autre chef de brigands, Borel, membre do l'Assemblée cobniale. Borel 
établit deux camps; Tun sur une habitation qy il possédait dans la plaine 
de TArtibonite, Tautre sur Thabitation Coicon. l^e port-au Prinee 
lui envoya pour le renforcer 3iX) hommes du régiment d Artois. I^ 
eouleva plusieurs ateliers contre les l^omn^e^ de couleur et vint les atta-» 
quer. Ceux-ci le battirent à la PetU^ Civière de 1 Artibonite, fertifièrent 
la position dite la Crète- à- Pierrot , e^ firent un concordat avec lesblanca 
représentés par Fontanges et Cambis. (14 A^vril). Ce concordat sauva^ 
Jes colons de 1 Artibonite de la fureur des mulâtres. 

Alors la Sénéciiaussée de St-Marc , formée des paroisses de St-Mare , 
de l'Arcahaie, des Verrettes et des Gonaives, fit avec les affranchis un 

(r^ité d'«i)ten ayant pour but de oeeender et d'appuyer leurs réclMDii(- 



tttSTOtlIG B^HAITI.i^( 1792 ) 



tos 



tibns. (i9 Avril.) Un eensiil de paix et d'union indépendant de l'Assem- 
blée coloniale fut institue pour la direction des quatre paroisses. La 
ligue se renforça de la Marmelade et de plusieurs autres quartiers. 

La prépondéranee dei affranehis devint inoiense et incontestable tant 
dans> la province de l'Ouest que dans celle de TArtlhonite. 

Caradeùx cet ennemi imjilaeable des noirs et des jaune::; se .montra 
dégoûte de St-JDomingue.- Il découvrit que la colonie* échapperait au( 
bl^es tôt eu tard , les esclaves ayant levé la main sur leurs maîtres: 
le prestige de Taristecratie de la^ peau blanche était détruit. Il prédit 
aux siens ^ qu'avant i lutter un contre vingt , ils succomberaient infaiU 
liblement. Profitant d'un moment de calme y il partit pour les Etats* 
Unis, avec cinquante de sea esclaves. C'est presque avec douleur ou'oa 
voit un tel monstre échapper aux vengeances de 4804. Que de blanc» 
pbilantropes , républicains , ayant toujours eu des entrailles pourleur» 
esclaves , ont péri victimes de nos sanglantes représailles sous Dessalines» 
Forts de la pureté de leur conscienee ^ ils n'avaient jamais song<é à ^uit^ 
ter St-Bomingu^». 



tlVRB 5E?Xllii«[IU 



*r»% 



■Mire Loi. du 4 Avril 1792. — Ronme d& Blanchelande se rendMit (inns POi%^ 
«6t^-RoDmè à la Croix dea-Bpuquets.-r-Son entrevue avec Bauvais. — Entrée df». 
Bianchelande et des aÇranchis au Port-au Prince— rProscripiions. — Mort de Praloto. 
— Lo parti anarchique abattu. — La loi du 4 Avril exécutée dans l'Ouest. — Koume 
accorde aux esclaves 344 libertés. — ^Blanchelande se rend à Jérémie. — Etat de la 
Grand' Anse. — Guerre entre les blanca et les affranchie. — Conseil d'administration 
de la Grand' Anse. — Blanchelande fait publier à Jérémie le décret du 4 Avril. Il 
arrive aux Cayea.-rr-Marche contre les insurgé."" des Platons. — Uéfaite drs blancs. — i 
Blanchelande quitte le Sud — Les^ hommes dj^ couleur abandonnent entièrement les 
blancs royalistes. — Ils suivent la marche de la révolution en française. — Loi du 15 
Juin. — -Polvérel, Spnllion^x, et Aillaud sont no.jnméâ çommissairts civils pour St- 
Domingue.— LeuT arrivée au Cap --Leur installation. — Aspect dô U" colonie.-— 
Blanchelande destituéL-rri^'assarobiée coloniale est dissoute — yne commission inter- 
médiaire est établie. — rJournibe du 19 Octobre: le parti- royaliste écrasé.-^ Despar* 
bès destitué — Gouveraemeotr provisoire.-r-Vimeur liochambeau gouverMcur. — rPol- 
vérel et Aillaud «e rei^Jf^nx dans l'Ou,eat—T Aillaud part pour France. — Club au Cap. 
Contributions dites patriotiques. — Qivart de subvention. — Expédition contre Jtan-Fran-. 

çois. — Rochambeau prend Ouaiiamiathe.-Tr-Aâaire du 4 Décembre. e parti dea 

petits blancs écrasé au Cap par SisntkoE^x. — Larchev^ue ThiJba:U.4 est embarqué.*^ 
Kochambeau part pour la Mar^iniquc-r-XV^ltisalle le remplace. — Lutte à Jérémie 
entre les blancs et tes hommes de couleur -=:Laveaux prend le fort dt la Tannerie 
sur Jean François, — Çonthonax s'appuie si^r les affranchis. — La vaux Imir devient hos- 
tile. — Harty s'empare du camp des Platons. — :I\)ivérel contient aux Caycs le pait^ 
colonial à l'aide des affranchis — Il revient dans VOuest — Borel s'empare de Tau-, 
torité au Port au- Prince. — Prise de cette ville par les «Qxnmissa.ire^ civils. — Fom^^ 
tion de la lég;ioii d^G l'égalité de VQuesjU 

■ 

Pendant cet intervalle ,- tes eomnaissaîres civils Mirbeek et St.*Léger^ 
ainsi que les citoyeDS Viart , Dubovrg et Chanlatte jeune , étaient ar- 
rivés en France. Ils firent connatjtre à la métropole le projet de l'as^ 
semblée coloniale de se rendre indépendante sous la protection anglaisie, 
et renvoi ofliciel au gouveri^eniient britannique, d'agens de la Grand'- 
4n$e ^ dans le but dç livr^ St-JC^mlngue à Tétranger, Br^ot | Ym 



BfST^IRE D*HAfTr.-!-( 1792 ) lt)3i 

dent défenseur des; 9,o^rs et dos borames die couleur, déploya aussîlôt 
tout son zèle pour obtenir la révoeation du décret du 2i Septembre 
i791 8i contraire aux principes consacrés, dans la déclaration dos 
droits de riiomme. L'Assemblée nationale législative ouverte le premier 
Octobre 4791 arait remplacé la Constituante,. La législative enfantée 
par un nouvel éla(i révolutionnaire était animée d^idécs plus radicales 
qu0 TAsseinblée qni Tavait précédée. Brissot lui exposa qu il était. 
Vrgcpl d^ dissoudre rassemblée coloniale ennemie ^ malgré ses for^ 
mes patriotiques, des principes révolutionnaires; que le seul moyen 
de mettre obstacia à son projet d indépendance était d'appeler les gens 
dç «oyleqr à la jouissance de tous les droits politiques , et que ces 
lio(nmes ,* mys par la reconnaissance , s attacbei^ient invariablement à 
la révolution et combattraient tous les projets des indépendans. Sur la 
pçtion de Brissot la législative rendit le 24 Mars 1792 une loi qui fut 
sanctionnée par le rpi le 4 ^^^^^ suivant. Elle rapportait celle du 
$1.4 Septefnbrp 1791 » prescrirait de réunir d'autres assemblées coloniales 
et d'autres muRicipali|és dans les Iles du vent et sous le ^ent , et 
stipulait que le^ l)qn>qies de couleur et Boirs libres seraient admis à 
?oter dau$. toutes les assemblées paroissiales et seraient éligibles è 
Routes les places» 

Avant que l'Assemblée coloniale de St-Domingue eut reçu la nouvelle 
du décret du 24 Mars , elle avait aliargé une commission de rédiger un 
plan de constitution un peu en harmonie avec les idées qui triomphaieni 
^n France } ear allé commençait a découvrir Ips dancers auxquels elle 
s'exposait çn résistant sans cesse aux décrets de la métropole. Du reste 
la plupart des membrea de l'assemblée , hommes sans conviction poli- 
tique^ n'aspirant qu'aux places, para^issaiont disposés à ne plus contra* 
rJer un système qui prenait racine en France, Qe plan de constitution 
fut fait en quelques jours; et Mr. Dumas un dçs membres de la com- 
mssion chargée de la rédaction , en donna lecture ^ l'Assemblée qui 
(approuva. Le projet fut cependant combattu par MM. de Léaumont 
et de Cadufich 'qui demandèrent , l'un qu'il n'y eut point d'institutions 
démocratiques à l^t-Domin^ue lesauelles amèneraient infailliblement la 
destruction des blancs en mmorité, Vautre qu'il y eut une constitution qui 
rétablit l'ancien régime. Ce fut alors que le qécret du 24 Mars arriva 
au Gap; les, blancs prétendaient qu'il ne serait pas sanctionné par le 
roi; peu* de jours après la sanction du A avril arriva. 

L'Assembléie CQloniale fut obligée de s'y sournettre, d'arrêter que les 
|X)rps populaires seraient renouvelés, et que les hommes de couleur 
^raient reçus dans les Assemblées électprales. 

Blanchelapde et le commissaire Roume se déterminèrent alors à partir 
pour l'Ouest afin d'y faire exécuter la loi du l Avril. Ils écrivirent à 
Grimouard chef de la station du Port du-Priace de se rendre à St-Marc 
pour les y attendre. 

ifi paru des soi-disant patriote3a ennemi des aOrancIus et d^gran^iBl 



96 WiiToiRï d'iiaiti.'— ( 1792 ) 

projet d'abandonner le Nord et rOuettp de réunir tous leurs fréret 
dans le Sud, et de s'y organiser i leur manière, après avoir exter- 
miné tous les blancs de la presqu'île. Ils étaient tellement dominés 
par celte idée qu'ils répondirent à la municipalité de Torbeck qui leur 
avait fait oonnatlre la proclamation d'amnistie des commissaires civils : 
< Nous savons qu'il y a trois blanes de plus dans la colonie. » Enfm , 
depuis A(]uin jusqu'au-delà des montagnes des Cayes, il n'existait plus 
qu'un seul blanc dans les campagnes; tout le reste avait été égorgé. 

De leur côté, les blancs massacraient tous les hommes de couleur 
qu'ils faisaient prisonniers, avec des circonstances aussi horribles, et 
envoyaient leurs tètes à Mangin d'Ouence. Vingt-sept mulâtres pris 
sur un bâtiment qui était en mer allant chercher de la farine pour 
la ville d Aquiu , furent noyés. 

Si les hommes de couleur du Sud avaient eu à leur tète des citoyens 
tels que Pinchinat et Bauvais, ils ne se seraient jamais livrés à de 
tels excès. Ce fut une heureuse circonstance pour la province de TOu- 
est d avoir eu, dès Taurore de la révolution, des hommes sages et 
instruits à la tète de toutes les opérations. Les affranchis bien gui« 
dés firent leur révolution avec ordre, avec méthode, évitant les excès, 
manœuvrant avee adresse entre les blancs royalistes et les pompons- 
rouges, et profitant des fautes des deux partis, pour arriver à leurs fins. 
Lee esclaves de TOuest qui se soulèveront sous leur direction, las imi- 
teront et parviendront à rémancipation générale sans s être livrés à des 
cruautés aussi horribles que celles qui ensangtantèreniJes autres par- 
tics de la colonie. 

La province de T Ouest doit encore k la politique saine et adroite de 
Pinehinat et de Bauvais Tunion étroite qui exista d'abord antre les af** 
franchis noirs et jaunes; ensuite entre les aiTranchis et les régénérés 
ou esclaves devenus libres; car, dès b prise d'armes de Diégue, nous 
voyons Bauvais hemmede couleur s'adjoindre au* commandement Lambert 
noir ; et depuis celte époque les hommes de couleur de TOuest , supérieurs 
aux noirs en instruelion, par le fait des circonstances, * employant à l'a- 
mélioration morale et intellectuelle des masses leurs connaissances , n'ont 
jamais abandonné cetle ligne paiilique: delà la fusion, la fraternité 
entre les deux castes dans l'Ouest; delà la cause de la tranquillité dont 
cette province a souvent joui pendant que les autres parties de Tile 
étaient bouleversées. Bauvais et Pinchinat furent les fondateurs de la 
politique conciliatrice qu'ont suivie les Pétion , les Borgella, les Guer- 
rier et que pratique actuellement le président Rické; politique qui, 
pendant notre première révolution , sauva la minorité éclairée , l'âme, 
de notre République, des fureurs des masses ignorantes. Ces masses, pen- 

* Dans l'ancien régime les mulâtres , la plupart affranchis par leurs pères 
blancs apprenaient à lire , à écrire , à calculer. Beaucoup d'entre eux Étaient 

imème envoyés en Suxope et ils le^vaieat une éducaUea libérale. 



Histoire i>*hiiti.— ( 179^ V 6t 

^ant long-temps , ont conservé les traces de celle infâme éducation ça 
Icoiale » par laquelle les bomme6 étaient classés , par eatégortea» seioà 
leur couleur. 

Pendant cet iniervalle le commissaire civil St, Léger, envoyé dans 
l'Ouest par ses eouègues, débarcjua au Port au-Prince le 29 Janvier, il 
ftt de vains efforts pour rétablir la paix entre les blancs et la confé^ 
dératiôn de la Cr»ix-des^Iiouquet#. Il ne fut pas plus beureux dans 
la négociation qU il entreprit pour ramener la eoncO^rde en tt*e les blancs 
et les mulàti*e« de Jacmeh . 

. Les affranchis des Cayes campés à Merey feoûs les ordres de Blcck^ 
liomme de couleur élevé ten France « avaient réduit la place qui no 
recevait pas de navires^ à la plus affreuse faminei Cependant les équi- 
pages des b&timens en station dans la rade descendirent en -ville avec 
de l'artillerie et <légagèrent Mn peu la place. Sur ces entrefaites 
800 bommes du régiment de piovence Vinrent débarquer aux Cayes* 
Mangin d'Ouencô marcha avec eux à la tète de la garde nationale «outre 
le 4*amp Meroy. fileck sortit de ses retrancbemens et rangea son armée 
>BD bataille. Il ne put lutter contre la tactique européenne '^ et fut 
èomplètemeht battu. Lej^aiTranchiscomptèrëilt 70 morts et perdirent toute 
leurartillerie. Ceux qui furent pris lur^^nt rompus sur ta roue , ou brûlés 
vifs. ^ Les blancs arméfent un dixième de leursjt esçlaveiB et les lan- 
cèrent contre lés mulâtres. Ceux ci donner nt la liberté a uîl leurs et 
les excitèrent contre les blaneS. La gueire ftit plus horrible que 
par le passé ; toute la presquliii du Sud devint un >àsté incendie et 
le sang ruissela de tous côtés; En même temps les blancs des C^yes 
fie divisaient \ les pompons-rouges remportèrent sur les pom^ 
pons blancs , et Mangin d'Ouence royaliste fut remplacé par Thiballier; 

Pendant cet intervalle le quartier de Léogane était ravagé par un grit 
l^spagnol nommé Romaine Rivière qui avait pris le tiire de prophète; se 
'disant filleul de la vierge Marie. Il signait .Romaine la Prophètes- 
te. Il dominait par la supeistition les bandeS d esclaves qu'il avait sou* 
levées dans. les mooiagnes. Il dirait la messe ^ livrait les blancs à toutes 
sortes de tortiires, et prétendait que c'était d'après l^ss ordres de là 
Vierge. Léogane qui recennaissait luutorité des Confédérés de laCroix-^ 
dcs-fiouquets était cependant sans cesse livrée ;« ses fureurs. Labuis-^ 
sonniére, capitaine général des bommes de couleur de celle ville , ai- 
mait mieux pactiser avec Romaine que dé reconualirelautofitéduPort^ 
au-Prince où domibait Praloto. Mais les bandes de Romaine exercè- 
rent tant de eruaiités à Léogane, pillant, violant ^ assassinant ^ que les 
affranchis demandèrent au commissaire St. Lrger dé leur envoyer cinq 
cents hommes de troupes de ligne pour les protéger. St. Léger ne 
put rien obtenir de la municipalité du Port-au-Prinee qui refusa for- 

' C'est à tort que Garran Toulon dit que Bleck fut pris dan^ cette affaire 
ef- brûle yif. 3l6€k vécut j^ca dés autt$^ après cet événement 



I 

j>6 UiiToiRi d'haiti.— ( 1792 ) 

projet d'abandonner le Nord et FOuett, de réunir tous leurs frères 
dans le Sud, et de s'y organiser i leur manière, après avoir exter- 
miné tous les blancs de la presqu^lIe. Ils étaient tellement dominés 
par celte idée qu'ils répondirent à la municipalité de Torbeck qui leur 
a\ait fait oonnatlre la proclamation d'amnistie des commissaires civils : 
« Nous savons qu'il y a trois blanes de plut dans la colonie. » Enfiji , 
depuis A(|uin jusqu'au-delà des montagnes des Gayes, il n'existait plus 
qu'un seul blanc dans les cami>agnes; tout le reste avait été égorgé. 

De leur côté» les blancs massacraient tous les hommes de couleur 
qu'ils faisaient prisonniers, avec des circonstances aussi horribles , et 
envoyaient leurs tètes à Mangin d'Ouence. \ingt-sept mulâtres pris 
sur un i)àtiment qui était en mer allant chercher de la farine pour 
la ville d'Aquiu , furent noyés. 

Si les hommes de couleur du Sud avaient eu à leur tètê des citoyens 
tels que Pinchinat et Bauvais, ils ne se seraient jamais livrés à de 
tels excès. Ce fut une heureuse circonstance pour la province de l'Ou- 
est d'avoir eu, dés l'aurore de la révolution, des hommes sages et 
instruits i la tète de toutes les opérations. Les affranchis bien gui* 
dés (irent leur révolution avec ordre, avec méthode, évitant les excès, 
manœuvrant avee adresse entre les l^lancs royalistes et les pompons- 
rouges, et profitant des fautes des deux partis, pour arriver à leurs lins. 
Lee esclaves de l'Ouest qui se soulèveront sous leur direction, les imi- 
teront et parviendront à l'émancipation générale sans s être livrés à des 
cruautés »ussi horribles que celles qui ensanglantèrent Jes autres par- 
ties de la colonie. 

La province de TOucst doit encore k la politique saine et adroite de 
Pinehinat et de Bauvais l'union étroite qui exista d'abord entre les af» 
franchis noirs et jaunes; ensuite entre les affranchis et les régénérés 
ou esclaves devenus libres; car, dès b prise d'armes de Diégue, nous 
voyons Bauvais hemmede couleur s'adjoindre au' commandement Lambert 
noir ; et depuis cette c[K)que les hommes de couleur de TOuest , supérieurs 
aux noirs en instruetioh , par le fait des circonstances , * employant à Ta- 
mélioration morale et intellectuelle des masses leurs connaissances , n'ont 
jamais abandonné cette ligne pelilique ; delà la fusion , la fraternité 
entre les deux eastes danslOuest; delà la cause de la tranquillité dont 
cette province a souvent joui pendant que les autres parties de l'ile 
étaient bouleversées. Bauvais et Pinchinat furent les fondateurs de la 
politique conciliatrice qu'ont suivie les Pétion , les Borgella, les Guer* 
rier et que pratique actuellement le président Rické; politique qui, 
pendant notre première révolution , sauva la minorité éclairée , l'âme, 
de notre République, des fureurs des masses ignorantes. Ces masses, pen- 

* Dans l'ancien régime Its mulâtres , la plupart affranchis par leurs pères 
blancs apprenaient à lire , à écrire , à calculer. Beaucoup d'entre eux étaient 

pméoie envoyés en Europe e4 ils recsvaieat uns éducatiea libérale. 



'éUTOlRE D*HAITI.— ( 179^ )' ©7 

^ant long-temps , ont conservé les traces de celte înfàme éducation c& 
loniale, par laquelle )es hommes étaient classés , par eatégortea» seioil 

leur couleur. 

♦, -, ... 

Pendant cet intervalle le commissaire civil St. Léger, envoyé dans 
l'Ouest par ses eoiitfgues , débarqua au Port au-Prince le 29 Janvier, il 
flt de \ains efforts pour rétablir la paix entre les blancs et la confé^ 
dération de la Cr»ix-des^Bouquet#. Il ne fut pas plus beureux dans 
la négociation qU il entreprit pour ramener la eoncO^rde entt^e les blancs 
et les mulâtres de ^JacmeK 

Les affranchis des Cayes campés à Merey Wùs les ordres de Bieck; 
iiomme de couleur élevé Bn Fiance « avaient réduit la place qui ne 
xecevart fias de navires^ à la plus affirenséfaminei Cependant les équi- 
pages des b&iimens on station dans la rade descendirent en •ville aveo 
de l'artillerie et dégagèrent tin peu la place. Sur ces èntre&iteft 
800 hommes du régiment de provence vinrent débarquer aux Cayes. 
Jtfangin d'Ouencc marcha avec eux à la tète de la garde nationale eontre 
Je camp Mercy. fileck sortit de ses retrancbi^mens et rangea sonarmée 
\en bataille. Il ne put lutter contre la tactique européenne -^ et fut 
èomplètement battu. Les affranchis comptèrèiU 70 morts et perdirent toute 
icurartillerie. Ceux qui furent pris furent rooipiis sur la roue , oii brûlés 
vifs. ^ Les blancs arinéreot un dixième de leurs esclaves et les lan* 
eèrent contre lés mulâtres. Ceux ci donner nt la liberté a uiL leurs et 
les excitèrent rontre les blanes. La guerre ftjt plus horrible que 
par le passé ; toute la presqu'tln du Sud devint un >àsté incendie et 
le sang ruissela de tous côtés; En même temps les blancs des C^yes 
fie divisaient ; les pompons-rouges remportèrent sur les pom< 
pons blancs , et Mangin d'Ouence royaliste fut remplacé par ïhiballier; 
Pendant cet intervalte le quartier de Léogane était ravagé par un grii 
l^spagnol nommé Romaine Rivière qui avait pris le titre de prophète^ se 
'disant filleul de la vierge Marie. Il signait .Romaine la Prophètes- 
te. Il dominait par la superstition les bandeS d.eSclaves qu il avait sou- 
levées dans, les mooiagnes. Il disait la messe ^ livrait les blancs à toutes 
sortes de tortures, et prétendait que c'était . d'après Ifes ordres de là 
Vierge. Léogane qui recennaissait Tautorité des Confédérés de laCroix-^ 
dcs-Bouquets était cependant sans cesse livrée ;i ses fureurs. Labuis*^ 
sonnière, capitaine général des hommes de couleur de cette ville , ai- 
mait mieux pactiser avec Romaine que de reconualLrelaulofitéduPort^ 
au*Prince où domilaait Praloto. Mais les bandes de Romaine exercè- 
rent tant de oruabtés à Léogane^ pillant, violant ^ assassinant ^ que les 
affranchis demandèrent au commissaire St. Lrger dé leur envoyer cinq 
cents hommes de troupes de ligne pour les protéger. St. Léger ne 
put rien obtenir de la municipalité du Port-au-Prinee qui refusa for- 

' C'est à tort que Garran Toulon dit que Bleck fut pris dan^ cette aiSoire 
ef- Hernie vif. Bleck vécut )^ca dés aua^^ après cet ^veuemen^. 



1 

ÎM5 UiiTôiRi d'iiaiti. — ( 1792 ) 

projet d'abandonner le Nord et TOuect , de réunir tous leurs fréret 
dans le Sud, et de s'y organiser à leur manière, après avoir exter* 
miné tous les blancs de la presqu'île. Ils étaient tellement dominés 
par celte idée qu'ils répondirent à la municipalité de Torbeck qui leur 
a\ait fait oonnatlre la proclamation d* amnistie des commissaires civils : 
« Nous savons qu'il y a trois blanes de plus dans la colonie. » Enfiji , 
depuis Aquin jusqu'au-delà des montagnes des Cayes, il n'existait plus 
qu'un seul blanc dans les cami^agnes; tout le reste avait été égorgé. 

De leur côté» les blancs massacraient tous les hommes de couleur 
qu'ils faisaient prisonniers, avec des circonstances aussi horribles, et 
envoyaient leurs tètes à Mangin d'Ouence. Vingt-sept mulâtres piis 
sur un l)âtiraent qui était en mer allant chercher de la farine pour 
la ville d Aquiu « furent noyés. 

Si les hommes de coukur du Sud avaient eu à leur tète des citoyens 
tels que Pinchinat et Bauvais, ils ne se seraient jamais livrés à de 
tels excès. Ce fut une heureuse circonstance pour la province de l'Ou- 
est d'avoir eu, dés l'aurore de la révolution, des hommes sages et 
instruits à la tète de toutes les opérations. Les afiranchis bien gui« 
dés firent leur révolution avec ordre, avec méthode, évitant les excès, 
manœuvrant avee adresse entre les blancs royalistes et les pompons- 
rouges, et profitant des fautes des deux partis, pour arriver à leurs fins. 
Lee esclaves de l'Ouest qui se soulèveront sous leur dipection, las imi- 
.terônt et parviendront à l'émancipation générale sans s être livrés à des 
cruautés aussi horribles que celles qui ensanglantèrent .les autres par- 
tics de la colonie. 

La province de TOuest doit encore k la politique saine et adroite de 
Pinehinot et de Bauvais l'union étroite qui exista d'abord entre les af- 
franchis noirs et jaunes; ensuite entre les afiranchis et les régénérés 
ou esclaves devenus libres; car, dès b prise d'armes de Diègue, nous 
voyons Bauvais hemme de couleur s'adjoindre au* commandement Lambert 
noir ; et depuis cette époque les hommes de couleur de TOuest , supérieurs 
aux noirs en instruetioh , par le fait des circonstances , * employant à l'a- 
mélioration morale et intellectuelle des masses leurs connaissances , n'ont 
jamais abandonne cette ligne pelilique; delà la fusion, la fraternité 
entre les deux eastes dansiOucst; delà la cause de la tranquillité dont 
cette province a souvent joui pendant que les autres parties de l'ile 
étaient bouleversées. Bauvais et Pinchinat furent les fondateurs de la 
politique conciliatrice qu'ont suivie les Pétion , les Borgella, les Guer* 
rier et que pratique actuellement le président Riche; politique qui, 
pendant notre première révolution , sauva la minorité éclairée , l'âmt. 
de notre République, des fureurs des masses ignorantes. Ces masses , pen- 

* Dans l'ancien régime les mulâtres , la plupart affranchis par leurs pères 
blancs apprenaient à lire , à écrire , à calculer. Beaucoup d'entre eux étaient 
Ifuimi^ envoyés ea Suiope elk ils recevaient m^$ éducaUea Ubércde» 



SlSTOlRE 1>*HAITI.— ( 179^ V 6t 

^ant long-temps , ont conservé les traces de celle infâme éducation c& 
k>DitiIe , par laquelle les hommes étaient classés , par eatégories^ setoà 

leur couleur. *-.-.. 

Pendant cet intervalle le commissaire civil St. Léger, envoyé dans 
ï'Ouest par ses «oiiègues, débarqua au Port au-Prince le 29 Janvier, il 
ftt de vains efllorts pour rétablir ta paix entre les blancs et la confé^ 
dération de la Cr^ix-des^iiouquetê. H ne fut pas plus beùreux dans 
h négociation qU il entreprit pour ramener la €onc(>rde enti*e les blancs 
€t les mulâti'es de Jacmeh . . _ - > . 

Les affranchis des Cayes campés à Mercy fti)ûs les ordres do Blcck ; 
liomme de couleur élevé Bn Fiance ^ avaient réduit la place qui ne 
recevait pas de navires^ à la plus affireuséfaminei Cependant. les équi* 
pages des b&timens en station dans la rade descendirent en -ville avec 
de l'artillerie et dégagèrent tin pen la place. Sur ces entrefaites 
800 hommes du régiment de provence vinrent débarquer aux Cayes. 
Alangin d'Ouenciî marcha avec eux à la tôle de la garde nationale contre 
Je camp Mercy. fileck sortit de ses retrancbi^niens et rangea sonarmée 
■fen bataille. Il ne put lutter contre la tactique européenne^ et fut 
feomplètemehl battu. Lesaffranchiscoroptèrèilt 70 morts et perdirent toute 
îeurartilierie. Ceux qui furent pris lur\;nt remplis sur la roue ^ oii brûlés 
vifs. ♦ Les blancs armèrent un dixième de leurtjt esclaves et les lan- 
cèrent contre les thulMres. t3eux ci donner nt la liberté aux, leurs et 
les excitèrent Xîontre les blancs. La gueiw llit plus horrible que 
;)ar le passé ; toute la presqu tlii du Sud devint un ,vàste incendie et 
le sang ruissela de tous côtés; En même temps les blancs. des C^yes 
se divisaient 5 les pompons-rouges remportèrent sur les pom* 
pons blancs i et Mangin d'Oueuce royaliste fui remplacé par Thiballierf 

Pendant cet intervalte le quartier de Léogane était ravagé par un grif 
espagnol nommé Romaine Rivière qui avait pris le tiire de prophète^ se 
aisant filleul de la vierge Marie. Il signait Romaine la Prophétes- 
%e. Il dominait par la supeistition le» bandeS d esclaves qu il avait sou- 
levées dans, les moocagnes. Il disait la messe ^ livrait les blancs à toutes 
sortes de tortiîres, fet prétendait que c'était d'après tes ordres de là 
Vierge. Léogane qui reconnaissait rautorité des confédérés de la Croix- 
dcs-Bouquels était cependant sans cesse livrée a ses fureurs. Labuis- 
sonnière, capitaine général des hommes de couleur de celte ville , ai- 
mait mieux pactiser avec Romaine que de reconnaître lauloiité du Port- 
au-Prince où domibait Praloto. Mais les bandes de Romaine exercè- 
rent tant de cruatités à Léogane, pillant, violant , assassinant ^ que led 
affranchis demandèrent au commissaire St. Lt^'ger de leur envoyer cinq 
cents hommes de troupes de ligne pour les protéger. St. Léger ne 
put rien obtenir de la municipalité du Port-au-Prinee qui refusa for- 

• C'cgt à tort que Garran Toulon dit que Bleck fut pris danrf cette affaire 
et- J>ruie vif. Bleck vécut fe;ca dés aim#^ après cet événement» 



1: 



Uî iBlSTOiRK P^HAITi'— ( iTÔà ) 

txppôàer partout une forte résistance. Le corps de réservé qtie coâ> 
^mandait BlaDchelande , était cotuposé de trcote-trois propriétaires blancs^ 
"d'une compagnie d'artillerie sous les ordres de St.-Cyr , d'un batailloû 
tle soldats de marine commandés par Esmatigart et Seix^ej) et de qua^ 
i^nte hommes de couleur sous lés ordres de Rigaud. 

Les noirs au noiabre de dix hiitle occupaient une étendue de six 
lieues; ils n'avaient que neuf cents hommes pôrlant fusife dont ils 
avaient formé tîois bataillons^ le reste était armé de piques et de 
pierros. L^armée blanche était de 1048 hommes. 

La première colonne Composée de ceni-vingt hommes dg 92^ régiment 
icide\ant W'alsh I de deuxcents miliciens tant biaucs que mulâtres^ 
"était commaudée pa)r Dcschet. Elle nartit de Torbeck et arriva aux 
Platons le six Août , j^ùr fixé pour 1 'atla()Ue générale. Les deux au* 
très colonnes n'avaient pas encore atteint les Platons. Deschet attendit 
vainement le ùoxjp de canorv qui devait ètfe le signal de lattaque, car 
Blanchelande ayant appris le retard die la seconde et de la troisième 
colonne, aVait envoyé l'ordre de n'attaquer que le sept. Mais dans l'a- 
près-midi du 6, les insurgés qu'Armand avait opposés à Deschet^ as^ 
saillirent vigoureusement la première colonne dé front et sur les flancs. 
Les blancs combattirent avec le plus grand coura<^e jusqu'à la fin du 
jour; mais dès que la nuit fut venue , ils battirent en retraité ^ous une 
^léle de balles et de pierres, et traversèi'^nt en désordre le pic le plus 
élevé des Platons , le fameux défilé bordé de précipices nommé dainptê 
tnulàireê. Ils périr4*nt la plupart dans les gorges de la montagne. Les 
prisonniers succombèrent au milieu des tortures: Thiolière, blanc ^ 
après avoir- été contraint d'embrasser la tète tranchée de Walsh son ami^ 
périt dans d affreux tourmens^ 

La seconde colonne composée d'une ôompngnie du 4é. régiment ^ aé 
200 hommes du 88e ci-devant Berwick et de quelques colons, était 
commandée par la colonel Thiballier; Les hommes de couleur qui de- 
vaient la renforcer ne s'y étaient pas ralliés , disant que les noirs sou- 
tenaient h même ca^se qu'eux. Le eolonel Thiballier ignorant qtae là 
première eolonne avait été anéantie , attaqua dans la journée du sept. Les 
noirs se teaant derrière les arbres et les rochers pour n'être pas atteints, 
renversaient les blancs de tous côtés par un feu plongeant des plusvifs« 
Leà soldats du 88e., Rochefontaine à leur tête, supportèrent héroïque- 
ment ce feu, pendant plus d'une heure; mais ils furent contraints d'a- 
bandonner le champ de bataille après avoir perdu leur lieutenunt-colonel 
Doyle. 

La troisième colonne formée de 150 colons blancs, de SOmulâlres^^ 
d'une compagnie du 4e. régiment était commandée jiar Mr. de Sam- 
son. Il y régnait le plus grand désordre ; chacun voulait comman- 
der. Samson ût traîner dans des chemins presque impraticables une 
pièce de canon qu'il dirigea contre les insurgés. 

.Pendant cet intervalle ^ Blanchelande apprit la défaite delà première el 



msToïkfi' a'haiti. — ( 1^91 ) ilQ 

« 
delà seconde tolonoe. tl envoya Tordre i Samdon de ré(iro^d«ir{ ttmté 
quand cet oMre arriva la Iroitiènïe colonne était assaillie de toutes 
parts par les noirs qui dirigeaient teus leurs efforts contre la pièce. 
Samson fut tué; les blancs prirent^ la fuite et abandonnèrent leuf 
canon aux insurgés. 

En même temps ^ Armand attaauait le quartier général de Blanche* 
Itinde ; mais le général Rigaiid raccueillit par un feu si meurtrier 
^'il rentra dans ses retranchemens. 

Armand n'avait pas encore appris la nouvelle de îa défaite de Thi** 
ballier^ commandant de la seconde colonne; son quartier général 
était à une distance de six lieues de Tendroit où ee Colonel avait été 
liattu. Il réunit ses lieutenahs , et leur proposa d'envoyer à Blanche* 
lande tin parlementaire chargé de lui deniander un armistice , afia de 
^gner du temps jusqu'à ce qu'il eût reçu des nouvelles de Thiballier; 
il ajouta que si celui-ci était battu il romprait la négociation ; que 
•'il était vainqueur il accepterait Tairmistice. La proposition fut fevora* 
blement accueillie par Giles Bénèche et Maréchal filleul du G"' Bigaud^ 

A trois heures de l'aprés-midi » les blancs virent les noirà bgiter ua 
drapeau blanc. Blanchelande s'approcha aussitôt du camp des insur- 
gés j et vit venir à lui un parlementaire qui lui annonça qu'Armand 
lui demandait un armistice^ Le gouverneur eonsefttit à a\t)ir Uneen* 
trevue avec le chef neir; il y avait déjà plus de deux heures qu'il 
l^ttendait, quaiîd il entendit battre h générale dans le camp des 
insurgés. Armand qui venait d'apprendre la défaite de Thiballier 
avait ordonné à toutes ses forcée de se réunir sur uti seul point y el 
s'était déterminé à envelopper les blancs de tous eétés. Au lieu du 
drapeau blanc, il fit agiter un drapeau rouge teint du sang des blancs 
égorgés, En même temps, le; noirs placèrent au bout d'bne t)ique 
éleva la t4te de Doyie lieutenant-colonel au régiment de Bêrwick. Blan^ 
chelande passa la nuit en vue de ce hideux spectacle , toute la mon* 
tagne étant illuminée par de grands feux; Les noirs ne cessaient dd 
crier vive le roi ! vive Blanchelande I afin d'exciter la défiance parmi 
les blancs en leur faisant accroire qu'il y avait des traîtres parmi eux^ 
Le lendemain , au point du jour , le gouverieur ayant appris Isl 
débite de la troisième colonne , se résolut à rentrer" aux Gayes; Sa 
petite armée fut assaillie aussitôt qu'elle se fut ébranlée; elle fut 
obligée de livrer aux flaUimea ses cobvois de vivres et d'abandonner 
une partie de son artillerie. La déroute fut complète; les noirtf 
tout en poursuivant les blanos , brûlaient et saccageaient les habi^a•- 
tions de tous côtés. Blanchelande^ malgré ses efforts, ne put rallier 
les Aiyards (|u'au camp Gérard , non loin des Gayes. Le iO Août, 
quand il rentra en ville y les citoyens lui attribuèrent tous leure 
malheurs. 

Le lendemain il partit pour le Nord, au milieu des huées de la 
population. Les ineur||és, tout en demandant la paix vinrent cerner les 



114 . piiToiRE b'hut^.— ( 1708 ) 

Gayes. Le parti des petits blancs qui dominait dans la TÎHe^ rtfi^ 
fia d% traiter avec eux, quoiqu'ils eussent offert pour 400 libertés de 
retourner sur les habitations de leurs maîtres. Aussitôt la guerre 
recommençai ^vec fureur et les noirs demeurèrent maîtres des Har 
tons. 

L'échec que Blanchelande venait d'éprouver abattit entièrement son^ 
Autorité. Quand il arriva au Cap , le parti révolutionnaire y avait ré« 
pris sa puissance primitive , et 1 assemblée eoloiâale le dénonça à la 
France comme traître à la patrie. Cependant sa conduite à Jéréxnia 
et aux Gayes avait rallié autour de lui tous les affranchis ; il^ avail 
en outre aboli plusieurs corps populaires qui leur étaient très-hostiles. 
Avant son départ pour le Sud, le conseil de ptaix et d'union de St. 
JMarc, où dominaient les hommes de couleur, lu] avait témoigné la 
|)lus vive sympathie; mais Pinchinat, qui dirigeait ce conseil où 
étaient aussi représentés les anciens pompons blancs , et qui jusqu'alors 
avait indirectement soutenu le p^rti du gouvernemeut encore royaliste, 
|)arcequ'il en avait eu besoin [.our protéger sa caste contre Tanimo* 
eité violente des petits blancs , résolut d'éloigner les affranchis d^ 
TArtibonite des grands planteurs , comme il avait déjâr porté ceux do 
la Croii-desRouque&s-à ne voir que des ennemis dans les blancs dont 
Jlanus de Jumécourt était le mandataire. * Comme le sjstême démo*^ 
cratique triomphait sur" tous les points de la France , il comprit que 
ea caste devait marcher en harmonie avec la Métropole. Il rompit ses 
relations avec les royalistes eu faisant imprimer une lettre dans laqueilo 
}I déclara que la ville du Cap était un repaire d'aristocrates, partisans 
de l'ancien régime , et que la révoluUon française était la plus glori** 
euse des révolutions. Les planteurs ne pouvant plus s'appuyer sur 
le conseil de paix et d'union de Saint-IUsrc , couvrirent Pincbinat d'in« 
Tectives dans de nombreux écrits qu ils lancèrent contre lui ; cependasl 
ils ne nièrent pas quil n'eut des talens. Delmas, colon blanc, ditea 
parlant de lui: « Ce mulâtre a joué un grand rôle à Saint-Domingue; 
« c'est lui qui a été le guide , comme Toracle de sa caste. Il avait 
é de l'instruction, môme le talent de s énoncer et d'écrire avec mé« 

« thode c'était sans contredit un homme instruit, mais il 

e était mulâtre. » 

Pendant ce temps , le parti populaire faisait en France d'étonnant 
progrès ; la loi du A Avril avait été sanctionnée comme nous l'avons 
\u , malgré toutes les oppositions du parti colonial ; les nouvelles 
qui arrivaient de la colonie portaient Brissot , Gensonné , Vergniaud à 
en hâter l'entière exécution , d une manière énergique ; les lettres de 
fioun.e avaient confirmé les rapports de Mirbeck et de St. Léger. Sur 
la motion des girondins , l'assemblée nationale décréta le 15 Juin i792 
que la loi du 4 Avril serait exécutée dans toute sa teneur. On nom-» 
ma aussitM , sous le ministère de Roland, trois commissaires chargés 
à^ eetle exécution , SonthonaiXj J?olvérêlj ar^leas révelatviito«Uift> ^ 



i 
I 



Ailtaud , iionitne faible et timide , appartenant tous tes trois au 

parti de la Gironde. Ce fut en \ain que le parti colonial lança 

contre eux à Paris les calomnies les plus outrageantes. Ils reçurent 

poup instructions de tout faire pour parvenir A la liberté gêné». 

raie des esclaves ^ quoiqu'ils ne fussent chargés ouvertement que d# 

Fdxècutlon du décret du A Avril. Ils étaient autorisés « à suspendre 

et à dissoudre toutes les assemblées et corps administratifs on 

autres se disant populaires dans la colonie, sans exception ; à suspen* 

dre Texéoutioû des actes des autorités, qu'ils jugeraient contraires à la 

souveraineté nationale ou au rétablissement de ïa paix ; à remettre 

provisoirement en activité les anciens tribunaux, en attendant Tod* 

ganisatioa déiinitive de Tordre judiciaire danit la colonie; à transe 

lérer leilrs séances; dans les lieux où les circonstances Texig^ 

raient, et à présenter deux sujets pour rempUr les places vacan-»' 

te^, au gouverneur, qui serait tenu de donner i Tuu d'entre 

eux une commission provisoires^ Dans< tous les cas de conflits dû 

pouvoirs qui pourraient naître, ou 4ans les doutes qui pourraient 

s'élever sur TtHendue des leurs , on était tenu de déférer provispi^ 

rement à leur réquisition , sauf le recours à TAssemblée natio-« 

nale. » * . 

Julien Raymond eût été nommé commissaire si Tarbé , membre de l'as^ 
semblée nationale , appartenant au parti colonial , n'avait pas proposé 
d'ajouter à la loi un article portant que les citoyens ayant des propriétés 
dans les colonies de T Amérique seraient exclus de l'expédition. 

Avant la révolution de 89 , Polvérel et Sonthonax étaient avocats & 
Paris4 Le premier s^élait fait remarquer au parlement de Bordeaux 
en défendant les libertés publiques; et Sonthonax avait été un des 
collaborateurs de la gazette révolutioOnaire de Paris. En 1790, ils 
avaient été l'un et Tautre reçus au club des Jacobins. 

Les bUncs patriotes et royalistes, en apprenant leur nomination, vour 
laient pt^ndant un moment s'opposer à leur débarquement. 

Dans le mois de juillet , les navires qui portaient les trois eommis«< 
saires, ainsi que Desparbés, nouveau gouverneur ^ partirent de l'Ile 
d'Aix. L'escadre était chargée de 6000 hommes de troupes patriotiques. 
Les naréehaux de camp d'Hinisdal ^ Delasalleet Montesquieu Fesenzac^ 
qui accompagnaient la commission civile, devaient commander les pro 
Tinces du Mord^ de l'Ouest et du Sud^ Le 18 septembre, les commis- 
saires débar<]uërent au Cap, et le 19, Desparbés mouilla dans la rade 
avec le Veste de l'escadre. Aussitôt après leur arrivée^ les planteurs 
se rendirent en foule au palais national , pour^ tâcher de découvrir les 
senti mens intimes des délégués ; mais ils se retirèrent consternés , ea 
ifoyant qu'ils avaient affaire i des Jacobins qui ne parlaient que de 
guillotiner les aristocrates4 ' 

^ Article lei', 26, et 3e, de la loi du 16 Juin sanctionnée le 22 iu même XJXÇ^ 



4i.& UfTOtftjE I>^HAIT1.«^( 1792 ) 

Xê SO fi^plembre , Polvérel , SoUthonax et Aillaud furent mstalléft av^^ 
"pompe et Bolennité dans TËglise du Cap. Daugy , président de l'As* 
-semblée oolooialey leur adressa un discours dans lequel il fit Tapologie 
de resclavaffe. Frappés de lajmissance du [)arii colonial., ils lùrecA 
obligés de faire le serment de ne pas abolir la servitude, et d'exécu^ 
ter seulement le décret du À avril. Mais en France de nouveaux évà% 
liemens dont T^e^rit devait ^tre favorable à la iibei'té des * noirs, ve- 
naient d'éeiater : la révolution du dO Août s'était acconiplie ; el les effets 
-en seront tels à Saint-Domingue ique les commissaires civils j procla*^ 
jneront la liberté générale avant la Convention Nationale elle-même^ 

Roume, annulé par Tarrivée délia nouvelle eommissioi^ s'embarqua 
»|^our France le 28 novembre* ' 

La province du Nord n'offrait alors que Faspect le.plusliideux: des 
#eues et des gibets , y étaient dressés de toutes p^rts; on exécutait les 
«ffiranchls et les esclaves par trentaine. La province tlu Sud présen- 
tait également un aspect horrible , surtout depuis la l)ataille des Pla* 
ions : les pertes de la éblouie s'élevaient déjà à plus de 600 millions^ 
<<in dixième de Ja population avait succombé dans les combats^ dans les 
massacres et dans les tortures* 

Polvérel et Sonlhonax ne tardèrent pas à s^apercevolr qu^ils auraient 
i lutter contre un paiti royaliste qui s'efforçait de les séduji*e pour 
les jeter dans des pièges inextricables. Révolutionnaires ardens et au* 
dacieuXy hommes ae la trempe des <:onventionnels , ils résolurent de 
ne reeuler devant aucun moyen pour faire triompher les principes dont 
]0 succès s'obtenait «n France au travers de tarit de résistances. Mais' 
pour mettre en pratique les droits de l'homme^ il fallait renverser 
ifig obstacles qui se Usaient devant eux. 

Sans consulter Desparbès qui se laissait déjà dominer par Cambefort, 
thouzard, Rouvrai et les autres chefs royalistes , ils embarquèrent pour 
France Tex-gouverneur Blanchelande. Celui-ci à son arrivée à Rocheiorl, 
^era emprisonné ; il sera traduit aU tribunal révolutionnaire par usit 
décret de la con\ention nationale ^ sur la motion de Garnier de Sain* 
les , député de la Chararite Inférieure , sei^a eondamné et guiflotiné. 

Officiellement avisés de la révolution du 10 Août, par laquelle Louis 
Wl avait été suspendu de ses fonctions , les commissaires ordonnnèrent 
le 12 Octobre la dissolution de T Assemblée coloniale, attendu que les 
hommes libres de toutes les couleurs n'y étaient pas représentés ; et 
ihè 13 Octobre^ ils proclamèrent qu'ils étaient investis des mêmes 

Î3nvolrs et chargés des mêmes travaux que les délégués de l'Asseoi* 
lée nationale, envoyés par la loi du 11 Août, dans les armées et 
dans les départemens. Ils remplacèrent T Assemblée coloniale par une corn* 
inission intermédiaire composée de douze membres dont six blancs et six 
affranchis. Parmi ces derniers on remarquait Pinchinat, Chanlatte, Cas« 
Ssinget Boisrondie jeune. Les six blancs, d'une ignorance honteuse ^ 

4kMat des bomiods dépravés que là cévolutiou avait Ujrés de la fiuo^ 



N 



Hls^oiRiB xi*Hiirv^( 1792 ) ïff 

gô» ïià commission intermcdiairo laissa les délégoés exercer Ta dtc¥ 
lature la plus large. CeuxTci se déterminèrent ators à écraser le par» 
ti royaliste. Le Cap se divisa aussitôt en deux camps: les homtnw 
de couleur de. cette vîUe que dirigeais Pinchinat venu dans le Nord , 
peu de JQurs après la commission civile » les. drngons d'Orléans^ le& 
Tolootaires à pied de la* gardé nationale, Te bataillon de T Aisne, le 
club,. composaient les^ forces- sur lesquelles s'appuyaient Polvérel el 
Sonlhonax ; fa garde nationale à cheva^l , composée des jeunes gensdé& 

Eremières familles^ du Cap, tous royalistes , portant jusqu'alors Tha»- 
it jaune ,^ costume des troupes de Condé, les bataillons de walsh,. 
)è régiment du Cap dont C^mb'efort était, le. colonel' ,. soutenarenC, 
le parti du roi. Les. trpupet arrivées avec le& commissaires civils, 
la plupart d'une granda énergie , révolutionnaire^ avaient été envoyées^ 
par Desparbès dans différents quartiers. de la province», afin que PoK 
\érel et Sonthonax^ ne les eussent pas. à leur disposition.. 

~Le dub du Cap qui s'était ouvert le 2^ Octobre , sous là présidencer^ 
de Dau^,. était rempli de petits blancs*, qui, quoique ennemis deff 

~ affranclns , démontraient un zèle outré pour. la révolution. Corel' re* 
Tenu à St-Dpmingue. , après l'arrivée dé la commission civile , en avait^^ 
été nommé un dès secrétaires. Les membres du club sur là motiôa^ 
dé Larchevèque. Thibaud , prirent là dénomination jd'ilmti de la convenu 
tîon national^i ; ils s'appelaient entre eux petits blancs, terme de méf 

^ £ris avant là révolution , et alors très en faveur au Cap.> 

La veaux un des oflieiers supérieurs arrivé, avec Sontlionax, Pohéref 
et Aillaud^ chef des dragons d' Orléans, en garnison à Rennes avant 
478i^,, excita ouvertement le peuple contre lés royalistes. Le 17 Oo^ 
tobre , on ^proposa au club de pendre Câmbefort; cependant par les 
efforts que fit Desparbès pour contenir Télan populaire , la journée se 
passa sans effusion de sang. Le 18 , la municipalité arrêta que leg 
chefs royalistes seraient embarqués; et le 19 toute la ville était en 
armes.. Les ttaupe& dés deux partis, rangées en bataille en seraient 
venues aux. mains sur tous les points, si Cambefort avait soutenu 1^. 
détermination' qu'avait prise son régiment de se faire exterminer pour 
lui. Il prit la^ résolution,, contre l'avis de T}u)uzai*d, de se saumettre 
à l'arrêté de là; mnnicipalitéi II fût signilié'à la garde nationale, à che« 
val de se réunir aux\ troupes patriotiques et de. changer de- costume^ 
Quand ce. corps. que commandait Mr Cagnon , arriva prés du couvent 
des Religieuses^ il fut assailli par. les révolutionnaires, et les dragonà 
d'Orléans. Ces jeunes gens ^« qui' avaient déployé une si brillante va« 
leur dans toutes. Ie& campagnes. contre lès^ insurgée. ,. flirent sabrés ef 
dispersés. Mr Cagnon fut tué, et Tou^ n entendait dans toute la ville 

âue ces cris: à mort lés tei/e& j'atin^^ T Les. patriotes aux cris de vive 
i dation ! vive la Constitution ^ vinrent, braquer quatre pièces de ca- 
non devant la maison de Cambefort; il^ l'eussent égorgé, si Polvérel, 
aé présentant au milieu de la foule, ne lui eût donné le bras ai<V% 



Ug ffïSïoïRE isl'tikxrr.^ (IT92 ) 

qu'à «a âame, M n« l'eût accompagné jusqu'à bord dû vaisseau TA* 
mérica. Thouzard, Poitou et un grand nombre davtres royalistes» 
la plupart riches planteuis, furent aussi embarqués, bannis par 
un arrêté du club. Le lendemain la ville était plongée dans la plus 
^randa consternation. On remplaça par des hommes nouveaux un grand 
aombre des officiers des régimens de Walsh, de Béarn , de RojaU 
comtois. 

Le 24 Octobre, Desparbès fut destitué et embarqué par les commis* 
aaires civils, comme suspect et incapable. La classe / des riches pro- 
priétaires blancs reçut un coup mortel par le« journées du 17, du'dS, 
ti 19 Octobre. La vieille aristocratie coloniale fut anéantie dans 1q 
nord. Pohérel et Sonthonax servirent dans cette circonstance les in* 
térêts des noirs et des jaunes en écrasant les blancs par les blancs. Pen-^ 
dant ces évènemens Aillaud s était tenu à Técart ; d'une nature ti* 
mide, ballatté par les passions des deux partis qui venaient deoom* 
battre, il ne secondait ni ses collègues dont les violences Teffrayaient^ 
ni les aOranchis, ni les blancs, 

Aussitôt après la chute des royalistes , on forma un gouvernement 
Provisoire ; le général Vimeur Rochambeau qui était revenu des îles 
du vent d'où il avait été repoussé par M. de Benagùe contre-révolulion^ 
|iaire , fut nommé gouverneur provisoire ; et Laveaux reçut le comman--^ 
dément de la place du Cap. Une réforme générale eut lieu dans Tad- 
ministration; Larchevêque Thibaud fut nommé coAtrûleur de la ma- 
rine. 

Polvérel jet Sonthonax t'entendirent pour ft^apper le parti royaliste 
dans les autres provinces de la colonie ; le premier et Aillaud de- 
vaient se rendre dans T Ouest et dans le Sud, et Sonthonax demeu<« 
rer au Gap. lis annoncèrent leur séparation par une proclamation 
en date du 23 Octobre, Ils eussent mieux fait de ne pas se séparer; 
car leurs avis mutuels auraient servi à la cause commune: le carac- 
tère calme et sévère de Polvérel eut tempéré la fougue de Sontho- 
Dax. Aillaud et Polvérel partirent du Cap le 30 Octobre, sur la, fré- 
gate TAstrée , et débarquèrent le 2 Novembre à St-lfarc. où dominait 
«neore le parti contre-révolutionnaire, malgré les efforts qu'avait faits 
Pinchiiiat pour Tabattre. Les affrancliis de celte ville, la plupart 
possesseurs d'esclaves, nullement animés des sentimens patriotiquea 

aui dirigeaient les Bauvais, les Rigaud , avaient été effrayés des ten- 
ances de la commission civile vers l'émancipation générale. Les blanca 
leur représentaient l'anéantissement prochain de la colonie , si les 
commissaires civils n'étaient pas vite déportés ou sacrifiés. 

Savary , maire de Saint-Marc, Roy d^ la Grange , Decoigne , ardens 
royalistes , tentèrent de soulever contre eux toute la pogplation ; mai» 
ces coupables projets furent déjoués par Chanlatte qui "promit aux ate^ 
liers des hauteurs de Si-Marc, qu'on avait remuéa' en les égarant , un 
leur. IraaQ de travail chaque semaine. Pt lv4rel el AiUtud (juittère^^ 



St-Mare flans avoir pu écraser le parti royaliste, et arrivàrent ao Port- 
au-Princ6 où ils furont accueillis par le parti révolutionnaire qui y rdp 
gnait. Copendanl Roy de la Grange qui était dans le parti royaliste^ 
ce que Praloto avait été dans le parti des pompons rouges , avait ét^ 
obligé de se sauver de St-Maro et de se réfugier à la Jamaïque. 

Les petits blancs du Portau Prince, tout en accueillant favorablement les 
êommissaires civils rêvaient i Tindépendânoe de St-Domingue; ils ne so 
ralliaient à Polvérel que pour écraser les royalistes qui les gênaient. 
Le commissaire civil découvrit aussitôt leurs projets. Aillaud auquel fai« 
Baient horreur les mesures énergiques que nécessitaient les eiroonstauii 
ces , voyaMt ; dans ^s moment de désespoir , deux scélérats dans ses 
collègues^ annonça' Polvérel qu'il se rendait dans la province duSud^ 
pour y Mre exécuter la loi du 4 avril; mais au lieu d'aller aux Cayes^ 
il fit voile pour France. Sonthonax et Polvérel n'apprirent son arri<» 
\ée à Lorient que trois mois après son départ. Aussitôt après son dé- 
barquement , le Conseil exécutif provisoire lança contre lui un mandat 
d'arrêt ; il allait être exécuté quand on reconnut qu il o'avait pas^cons* 
pire contre la république, et que la faiblesse seule lavait guidé: on. 
n'ea était pas encore a'u règne de la terreur. 

Pendant ce temps Sonthonax demeuré auCapne pouvant satisfaire aux 
dépenses de la province du Nord, 6ut recours i de prétendues contri* 
butions patriotiques. De gré ou de force , les riches négocians fourni* 
reut des fonds ; les exécuteurs testamentaires^ même vidèrent dans lei 
caisses publiques les sommes qui étaient à leur disposition ; ehacuci 
paraissait faire aele de patriotisme ; car les dénonciations du club 
étaient mortelles. Cependant la déiiaace devint générale; la miière pu* 
blique augmenta. Alors la commission intermédiaire établit un impôft 
forcé sous le nom de subvention qui enlevait le quart des denrées des« 
iinées à Texportation. 

Dana l'Ouest » Polvérel refusa de sanctionner cette mesure qu'il dé- 
clara trop arbitraire y et fit remplacer le quart de subveotion par des 
dons volontaires. 

Pendant cet intervalle les commissairea civils négligeaient d'étouffçr 
l'insurrection des esclaves. Jean François et Biassou maîtres de toutes^ 
les campagnea depuis la Fort Dauphin jusqu'au Limbe s'étaient divisés; 
ils avaient même failli d'en venir aux mains. Sonthonax y. excité par 
le peuple du Qap, ordonna au général Rochambeau d' entreprendra 
une expédition contre les insurgée. Celuiei s'embarqua avec un ma*^ 
tériel de guerre considérable > mouilla au Fort Dauphin , marcha en- 
suite contre Jean François qui prit la fuite à son approche « et se 
rendit maître de Ouanaminthe sans coup férir. Au lieu de continuer 
ses suceès , il revint au Cap où sa présence était nécessaire, car 
Sonthonax , s' apercevant que les. petits blancs, quoiqu'ils prissent les 
formes patriotiques , conspiraient contre les décrets de FAssemblée 
fiatioaale favorablesi aux aJOTrauchis i^ avait résolu dç les écraser à leuip 



y 



110 RISTOIHE t>'HAITr-^( 1792 ) 

tour. £d club eteltaît les blancs prolétaires à ne pas marcher con^ 
tre les insurgés , prétendant que c'était Taffaire des propriétaires ; le& 
petits blancs demandaient hautement l'abolition d^s dettes ^ sinon ils 
ne feraient paa le service même des postes ; Tambition des places 
les tourmentait cruellement» Us trouvaient déjà que Sonthonax proté- 
geait trop les hommes de couleur^ et les six blancs de la commis 
sion intermédiaire , écrasés sous les talens de Pinchinat » s enten« 
daient avec eux pour calomnier les affranchis. Quoiqu'ils ne voulus* 
sent pas marcher contre les insurgés, les clubistes assassinaient san$ 
cesse des noirs dans la ville ; ils pénétraient de vive force et en pleia 
jour chez les riches blancs qu'ils appelaient aris%crales, les maltrai^ 
taient , les pillaient et les forçaient à abandonner la colonie^ Au Fort 
Dauphin, les mêmes excès étaient commis. 

Sonthonax se résolut à mettre' fin à cette anarchie. Proconsul de lai 
République^ il mettait en pratique ces mots:, périssent les colonies pla** 
tôt qu'un principe, indigné des horreurs auxquelles se livraient le 
club et les petits blancs, dont le but évident était de le renverser 
pour s'emparer de l'autorité et faire rentreV les affranchis dans le 
néant 9 il ianfa le i5 Novembre une proclamatian par laquelle il dé^ 
clara qu'il ne voyait dans les petits blancs qu'une horde de factieux^ 
dirigée tour à tour par des meneurs cachés dont les vu0s étaient plus erimi- 
nelles encore, et qui nourrissaient en secret une haine fnveniWe contre Iq 
France , et V espoir de s'en rendre tôt ou tari indépendar^] que de prétendw$i 
patriotes qui détestaient cordialement la loi du 4 Avril » et ne s'en cachaient pas. 
Il déclara en outre qu'ils étaient plus dangereux que les anciens anV 
tocrates. il fit poursuivre plusieurs d*entreeux qui avaient massacré 
douze esclaves. 11 rencontra une vive opposition dans le dub qui 
depuis la révolution contre Gambefort voulait priver les affranchis de 
la jouissance des droits politiques. Mais Sonthonax et Rochambeau en- 
tendaient que la lei du 4 Avril fut .sévèrement exécutée. Laveaux de* 
venu commandant de la province du Nord, manifesta en place publi*^ 
que ses svmpatbies pour les hommes de couleur; et Sonthonax plaça 
4^omme ofiiciers dans les troupes venues d'Europe, trois affranchis qui .y 
furent bien accueillis. Mais 1q régiment du Cap ne voulut pas en 
recevoir un seul dans ses rangs. Il alla jusqu'à refuser à Laveaux de 
reconnaître' la loi du 4 Avril. Alors Sonthonax résolut de livrer ba- 
taille aux petits blancs qui entretenaient cette anarchie. Le 4 Dé* 
cembre toute la garnison du Cap était réunie sur la |ilace 4*armes; 
les affranchis au nombre de trois cents se montraient résolus à périr 
jusqu'au dernier pour le commissaire civil; Pinchinat les -avait ani* 
mes de la dIus grande détermination « Laveaux devenu général prit 
je commandement des troupes de ligne et de la garde nationale. Les 
soldats du régiment du Cap qui n'avaient pas reçu de munitions vit» 
rent avec indignation les affranchis rangés vis à-vis d'eux charger leur$ 

ftroesi $Q0iUiiOtt9» couvert de rubans tricolores | entouré 4'uo aoisc* 



HISTOIRE D*HAITr.~( 179? ) I2t 

breut état major \îot au champ de Wars et exhorta en vain îe régiment 
du Cap à^se soumettre à la loi du A avril. En même temps, un 
noir portant un sae^ traverse la place d'armes ; les blancs s'écrient: 
tirez dessus! tue;^-lef Les aflrancliis, de leur côté, s'écrient: ne ti 
rez pas! il nous apporte du biscuit. Des soldats le poursuivent ; il 
jette son sac, prend la ftjite^ les blancs prennent le paquet , l'ouvrent; 
il était rempli de cartouches. L'exaspération des soldats du régiment 
du Cap et des petits blancs est à son comble ; Sontbonax pour éviter 
tin engagement ordonne aux troupes de se retirer dans leurs quartiers 
respectifs ; il est obéi. Aussitôt contre les ordres du commissaire ci* 
"vil , les petits blancs battent la générale à travers la ville, et s'em* 
parent de l'arsenal. Les matelots de l'escadre qu'ils avaient gagnés 
\inrent les renforcer. Ayant à leur tête deux aventuriers Binsse et 
Gervais , ils marchèrent au nombre de deux mille , sur trois colonnes 
contre les affranchis , rangés en bataille devant leur caserne. La pre- 
mière colonne composée du régiment du Cap et de trois cents patriotes ^ 
attaqua les hommes de couleur qui , malgré une vive fy^sillade et les' 
déchargea de rartillerie , résistèrent énergiquement ; le feu ne se ralentit 
que lorsque Dassas, se plaçant au milieu des combattass pour faire 
cesser l'action, fut renversé atteint d'une balle. Mais un instant après, 
les autres colonnes soutenues par les matelots vinrent assaillir les 
hommes de couleur sur les deux flancs , par de vives décharges de 
mousqueterie et par la mitraille la plus meurtrière. Les affranchis cé« 
dant à la supériorité numérique , abandonnèrent en bon ordre leur 
quartier, et se retirèrent à -la Fossette qu'ils évacuèrent à la fin de 
la journée pour se rendre au haut du Cap oi| ils se rétranchèrent. Ih 
entrèrent aussitôt en communication avec les insurgés et se disposé- 
Têiït & les lancer sur la ville. Pendant ce temps Sonthonax et La- 
veaux étaient un peu déconcertés; Roehambeau était malade ; la ville 
^tâit au pouvoir des petits blancs. La municipalité effrayée de son suc- 
cès, au lieu d'en proiiter, envoya au commissaire civil une députa- 
tion qui l'exhorta à faire rentrer en ville les affranchis avec lesquels 
•n traiterait. Sonthonax découvrant l'hésitation delà Commune, reprit 
sou énergie ordinaire, ordonna aux hommes de couleur de se tenir 
eampés au haut du Cap, gagna dans la nuit qui sqivit quelques chefs 
du parti populaire » et déconcerta le lendemain les agitateurs par une 
hardiesse étonnante. Pendant que les affranchis se disposaient à lan- 
eer sur la ville des bandes d'insurgés, si la vie du commissaire se 
trouvait en péril , Lavcaux , et Roehambeau encore malade , parcou- 
rurent la ville le sabre à la main avec six dragons d'Orléans, arrfr^ 
tèrent les principaux clubistes , Raillio , Fournier , Verneuil ^ Gervais, 
et les embarquèrent à bord de TAmérica pu se trouvèrent réunisicommo 
prisonniers, royalistes et patriotes. Le calme fut un peu rctabli*^ 
Alors les hommes de couleur, ayant à leur tète Pinchinat, rentré* 
tW( au Cap » ipers et arrogans envers les blancs qui étaient dans ï^9,\si 



18ft' BiaToiBK »*HAiTi. — ( 179^ ) 

tem^nt. Ils marchaient avec armes et bagages, ensergncfi d^ployéet^ 
et agitant des lauriers. Sonthonax , Rochambeau , la commission iot* 
termédiaire, la municipalité, un grand nombre de citoyefT^ vinrent k. 
leur reneontre : ce fut pour eux un vrai triomphe. Ce fut fen vaii^. 
que la municipalité et Larchvèque Thibaud demandèrent la grâce- des. 
quatre agitateurs qui avaient été embarqués. Le lendemain, 6, Ro- 
chambeau accompagné de quelques dragons d'Orléans, arrêta trois^ blan«s^ 
Daugy , Delaire et Raboteau , membres de la commission intermédi- 
aire et les envoya b bord de rAmérica; le même jour il se rendit 
avec un piquet de vingt-cinq affranchis chez Larehevêque Thibaud , 
et Tarrèta aussi ' comme perturbateur du repos public. Le peuple ne^ 
lit aucun mouvement en sa faveur. Il sortit de chez lui, sous escorte^ 
tenant d'une main son épouse en pleurs , et de l'autre son fils ain6 
que le club appelait Tespoir de la patrie. Ainsi finit la carière politi* 
que d'un homme sans conviction qui ne fut habile que dans Tart de 
soulever les viles passions de la populace^. 

Les anciens commissaires de 1 assemblée coloniale à Paris, Page et 
BruUey, obtiendront la mise en liberté de Fournier, de Baillio, de 
Gervais et de Larehevêque Thibaud, en les représentant comme dea 
martyrs de la liberté, quand ils arriveront en France. Plus tardées, 
quatre hommes poursuivront avec le dernier acharnement par-devant 
le tribunal révolutionnaire , en se donnant pour les seuJs patriotes de 
la colonie, tous ceux qui avaient défendu les droits des hommes de 
couleur, les Brissot, les Milscent , qui seront guillotinés^ ils entreront 
dans le parti des montagnards , se feront sans-culottes , pénétreront 
dans les clubs avea le bonnet rouge , et feront jeter dans les fers les 
Roume, les St-Léger, les Boisrond, les Raymond; aristocrates de la. 
peau à JSt'.Domingue, iU prendront à Paris toutes les formes, du Ja- 
cobinisme afin de trouver Toccasion d'assouvir leur vengeance contre 
tous ceux qui s'étaient montrés les défenseurs des noirs et des homtne& 
de couleur. 

Trois jours après leur embarquement, Rochambeau partft pour la 
Martinique. Le commandait de la province de lOuest, Delasalle, I» 
remplaça en qualité de gouverneur général ; et comme il était dans 
rOuest avec Polvérel, toutes les forces de la province du Nord furent 
confiées au général La veaux. 

La journée du A Décembre amena le triomphe définitif des affranchis 
sur la classe blanche; et les commissaires civils qui ne tarderont pas 
à être assaillis par do nQu veaux entiemis des principes de 89 , ne sau- 
veront la liberté à St-Domingue qu en ralliant à la République , par 
Témencipation générale, les niasses en insurrection. 

Pendant cet intervalle , les blancs de Jacmel n'avaient pas voulu 
exécuter la loi du 4 Avril ; ils avaient chassé de leur ville la plupart 
des affranchis. Polvérel partit du Port-au Prince pour Jacmel; mais 
jyi oe put pas 7 pénétrer ^ les blancs s'opposajat à ce qu'il j vljpt a^ 



HISTOIRE 1>*HAI1>I« — ( 1792 ) ' IgJ 

compagne d*aflVanchis ; ils avaient tellement ces derjiîcrs en horreur 
quil leur répugnait d'écrire et de prononcer le mot de couleur. Ils 
avaient écrit au commissaire civil de ne pas se présenter avec dea 

hommes de : dans tout le Sud, si ce n'est a Ca\ailIon « 

les blancs refusaient aussi d'exécuter la loi du 4 Avril ;| aux Cayes, 
ily avaient forcé Mr. de Fesenzac homme modéré à quitter la vill« 
ot à s'embar/pier pour France. 

Polvérel revint au Portau Prmcc; delà il se rendit aux Caycs où 
sa présence était de la plus haute importance: Tautorité de la com- 
mission civile y était presque méconnue. Il apprit en celte ville que 
les hostilités avaient recommencé à Jérémîe entre les affranchis et les 
blancs. Après le départ de Blanchelande de Jérémie, les blancs de 
cette ville, en renouvelant leur municipalité, d'après la loi du 4 Avril, 
n'avaient pas voulu nommer un seul affranchi membre de la commune. 
Cependant le seryiec de la place se faisait régulièrement par les colons 
t^ par les hommes de couleur; la paix et î union paraissaient vouloir 
6*étab!ir cnire eux, lorsqu'un noir libre, Thomany, frappa un de ces 
noirs esclaves qui avaient traqué les affranchis dans les campagnes* 
Vesclave s'en plaignit aux blancs qui firent incarcérer Tbemany. Les 
hommes de couleur demandèrent inutilement qu'il fut mis en liber* 
lé ; ils se répandirent alors dans les campagnes et se réunirent sur 
rhabitatioQ Colimon d'où ils marchèrent sur le poste Pinquière qu'ils 
enlevèrent sur les blancs ; ceux ci armèrent de nouveau contre eux 
tous leurs esclaves ; les affranchis ne pouvant lutter contre une trop 
grande supériorité numérique furent dispersés parLafuge, membre de 
la municipalité, et tentèrent de se retirer vers les Gayes auprès du géné- 
ral Rigaud. 

Quand ils arrivèrent dans les montagnes de la Hotte , ils tombèrent 
dans les défilés qu'occupaient les insurgés des Platons mal disposés 
à l'égard des hommes de couleur depuis que Rigaud et Blanchelande 
avaient marché contre eux. Armand et Gille Bénèche chefs de ces 
bandes les cernèrent de tous côtés , et les auraient peut-être passés au 
fil de Tépée, si le général Rigaud qui avait accompagné dans le Sud, 
Polvérel, n'était sortj des Gaves i la tète de 1500 hommes, et ne les 
avait délivrés ; ils furent conduits aux Gôteaux où ils demeurèrent can- 
tonnés. Polvérel envoya aussitôt à Jérémie des commissaires eoncilia* 
leurs qui ne purent rien obtenir en faveur des hommes de couleur. 
Le conseil d'administration de la Grand'Anse refusa d'exécuter la loi 
du 4 Avril, etétabUt même des droits territoriaux; ce que la métropole 
seule avait le droit défaire. Ge fut alors que Polvérel dit ces paroles [pro- 
phétiques: c Les deux classes d'hommes libres s égorgeant l'une par 
4 l'autre, laisseront aux esclaves la propriété de l'île. ^ 

Pendant que Delasalle se trouvait dans l'Ouest, Sonthonax ordonna 
i, Laveaux de marcher contre Jean François et Biassou qui occupaient 
}p$ inonlagnss du Limbe j de la SouQjrière, et h Tannerie^ positioa 



îlî l&lSTOIRE p^HAITi'— ( 17Ôà ) 

t>ppôàer partout une forte résîstaBce. Le corps de réservé xpiù 'coâ> 
tnandait Blanchelande , était composé de trôDte-trois propriétaires blancs) 
sd'une compaguiê d'artillerie sous les ordres de St.-Cyr , d*un batailloâ 
tte soldats de inârin^ coTiiiâândés par Esmnligart et Sereey^ et de qua«^ 
i^nte hommeà de couleur soUs lés ordres de Rigaud. 

Les noirs au îiombre de dix luille occupaient une étendue de six 
lieues; ils n'avaient que neuf cents boTnm^ portant fusifs dont ils 
avaient foï'rné ttois bataillons^ le reste était armé de piques et de 
pierrfs. L*armée blanche était de 1048 hommes. 

La première colonne (Composée de ceni-vîngt hommes dg 92* régiment 
t^i-devant Walsh , de deux-cents miliciens tant blancs que mulâtres | 
était commandée pat* Dcschet. Elle nartit de Torbeck et arriva aux 
Plttons le six Août , j«ûr fixé pour 1 'atla(}Ue générale. Les deux au- 
tres colonnes n'ivarent pas eneôre atteint les Platons. Deschët attendit 
Vainement le coup de canon qui deVait ètfe le signal de rattaqiie, car 
Dlanchelande ayant appris le retard die la seconde et de la troisième 
colonne , aVait envoyé l'ordre de n'attaquer que le sept* Mais dans l'a- 
près-midi du l3, \es insurges qu'Armand avait opposés à Deschet^ as^ 
saillirent vigoureusement là première colonne dé front et sur les âancs* 
Les blancs combattirent avec le plus grand coura;^e jusqu'à la fin du 
jour ; mais dès que la nuit fut venue , ils battirent en retraité «ous une 
^léle de balles et de pierres, et traversèi^^nten désordre le pic le plus 
élevé des Platons y lé fameux défilé bordé de précipices nonmé dompté 
inulâlte$. Ils périrent la plupart dans lés gorges de la montagne. Les 
prisonniers suocombèrent au milieu des tortures: Thiolière, blanc ^ 
après avoir^ été contraint d'embrasser la tète tranchée de Walsh son ami^ 
périt dans d'affreux lourmens* 

La seconde colonne composée d'iiné éompdgnie du 4é. régiment ^ àé 
200 hommes du 88e cl-devant Berwick et de quelques colons, était 
commandée par U colonel Thibdllicr; Les hommes de couleur qui de^ 
vaient la renforcer ne s'y étaient pas ralliés, disant que les noirs Sou- 
tenaient la même ca ise qu'eux. Le eolonel Thiballier ignorant que là 
première eolonue avait été anéantie, attaqua dans la journée du sept. Les 
noirs se teaant derrière les arbres et les rochers pour n'être pas atteints, 
renversaient leS blancs de tous côtés par un feu plongeant des plusvifs^ 
Leè soldats du 88e., Aochefontaine à leur tête, supportèrent héroïque* 
tnent ce feu, pendant plus d'une heure; mais ils furent contraints d'à* 
bandonner le champ de bataille après avoir perdu leur lieutenant-tX)lonel 
Doyie. 

La troisième colonne formée de 150 colons blancs, de SO mulâtres^ 
d'une compagnie du 4e. régiment était commandée jjar Mr. de Sam- 
son. 11 y régnait le plus grand désordre ; chacun voulait commani* 
der. Samson fit traîner dans des chemins presque impraticables une 
pièce de canon qu'il dirigea contre les insurgés. 

Pendant cet intervalle , Blanchelande apprit la défaite delà première el 



IttSTOIttB- d'haITI.<— ( itdC ) 



ils 



delà seconde colonoe. II envoya Tordre i Sanison de rétfo^der j ïnikiê 
quand cet oindre arriva la Iroisièn^e colonne était assaillie de toutes 
parts par les noirs qui dirigeaient ttus leurs efforts contre la pièce. 
Samson fut tué; les blancs prirent' la fuite et abandonnèrent leu^ 
caoon aux insurgés. 

En n^ême temps > Armand attaquait le (Juartier général de Blanche* 
hnde ; mais le général Rigaiid raccueiilit par un feu si meurtrier 
^'il rentra dant ses retranchemens» 

Armand n'avait pas encore appris la nouvelle de la défaite de Thî*' 
ballier ^ commandant de la seconde colonne ; son quartier général 
était i une distance de six lieues de Tendroit où ce colonel avait été 
battu. Il réunit ses lieutenahs , et leur proposa d'ebVoyer à Blanche^ 
lande tin parlementaire chargé de lui demander un armistice , afin de 
^gner du temps jusqu'à ce qu'il eût reçu des nouvelles de Thiballier; 
il ajouta que si celui-^ei était battu il romprait la négodalioh ; que 
* «*il était vainqueur il accepterait Tairmistice. La proposition fut fiivora* 
élément accueillie par Giles Bénèche et Maréchal ûlleiil du C' Bigaudi» 
A trois heures de râprés-midi^ lei blancs virent les noirs agiter ua 
drapeau blanc. Bianchelande s'approcha aussitôt du camp des insur- 
gés , et vit venir k lui un parlementaire qui lui annonça qu'Armand 
lui demandait un armistice. Le gouverneur eonsefltit à à\t)ir iineen*^ 
trevue avec le chef neir^ il y avait déjà plus de deux heures qu'il 
l^^ttendait, quaiîd il entendit battre la générale dans le camp des 
itasurgés. Armand qui venait d'apprendre la défaite de Thiballier 
avait ordonné à toutes ses forcer de se réunir sur un seul point , et 
s'était déterminé à envelopper les blancs de tous côtés. Au lieu du 
drapeau blanC, il fit agiter un drapeau rouge teint du sang des blancs 
égorgés, Çn même temps, le; noirs placèrent au bout d'tme {)iqu0 
élevée la t4te de Doyle lieutenant-colonel au régiment de Bêrv^ick. Blan-» 
chelande passa la nuit en vUe de Ce hideux spectacle , toute la mon-» 
tbgoe étant illuminée par de grands feux; Les Hoirs ne cessaient dd 
crier vive le roi ! vive Bianchelande ! afin d*exciter la défiance parmi 
les blancs en leur faisant accroire qu'il y avait des traîtres parmi eux^ 
Ls lendemain , au point du jour ^ le gouveraeur ayant appris li 
défeite de la troisième colonne , se résolut à rentrer' aux Cayes^ Sa 
petite armée fut assaillie aussitôt qu'elle se fut ébranlée; elle fut 
obligée de livrer aux fladimes ses cohvois de vivres et d'abandonner 
une partie de son artillerie. La déroule fut complète; les noirtf 
tout en poursuivant les blanos , brôlaient et saccageaient les habita* 
tions de tous côtés. Bianchelande , malgré ses efibrts, ne put rallier 
les Aiyards qu'au camp Oérard , non loin des Gayes. Le 10 Août^ 
<}uand il rentra en ville , Ui citoyens lui attribuèrent tous leurs 
malheurs. 

Le lendemain il partit pour le Nord, au milieu des huées dé la 
population. Les insurgés , tout en demandant la paix vinrent cerner les 



112 «STOIRE p^HAITi!— ( itôà ) 

t>ppôàer parlotit une forte résîstajQoe. Le corps de réservé que 'cotÙ> 
tnandait Blanchelande , était composé de trôDte4rois propriétaires blancs^ 
*d*un€ compaguie d'artillerie sous les oi*dres de St.-Cyr , d*un batailloâ 
tte soldats de marine ûouinfiândés par £smahgart et Ser^ey^ et de cjua-^ 
i^nte hommes de couleur sous lés ordres de Rigaud. 

Les noirs au tiotabre dé dit mille occupaient une étendue àe six 
lieues; ils n'avaient que 'neuf cents hommes portant fusifs dont ils 
avaient fofmé tlrois bataillons^ le reste était armé de piques et de 
pierres. L^arm'ée blanche était de i048 hommes. 

La première colonne <îoroposée de <*eni- vingt hommes dg 92^ régiment 
ici-devant Walsh) de deuxcents miliciens tant blancs que mulâtres i 
^tait commandée pat* Deschet. Elle partit de Torbeck et arriva aux 
Plttons le six Août , j^ûr fixé pour 1 atlaquc générale. Les deux au- 
tres colonnes n't\aîent pas enéore atteint les Platoos. Deschèt attendit 
Vainement le coup de canoi\ qui deVait ètfe le signal de rattaqiie, car 
Blanchelande ayant appris le retard de la seconde et de la troisième 
colonne, aVait envoyé Tordre de n'attaquer que le scpt^ Mais dans l'a* 
près-midi dU 6, ies insurgés qu'Armand avait opposés à Deschet^ as^ 
saillirent vigoureusement la première colonne dé front et sur les âancs. 
Les blancs combattirent avec le plus grand coura^^e jusqu'à la fin du 
jour; mais dès que la nuit fut venue, ils battirent en retraité «ous une 
giéle de balles et de pierres, et traversèi^^nten désordre le pic le plus 
élevé des Platons , lé fameux défilé bordé de précipices nonsmé dcmpté 
tnulâttes. Ils périrrnt la plupart dans les gorges de la montagne. Les 
prisonniers succombèrent au milieu des tortures: Thiolière, blanc ^ 
après avoir^ été contraint d'embrasser la tête tranchée de Walsh son ami^ 
périt dans d'affreux tourmcnsi 

La seconde colonne composée d'iiné éompsignie du Âé. régiment ^ dé 
200 hommes du 88e cl-devant Berwick et de quelques colons, était 
commandée par le colonel Thibâllief; Les hommes de couleur qui de- 
vaient la renforcer ne s'y étaient pas ralliés, disant que les noirs sou- 
tenaient la même ca 2se qu'eux. Le eolonel Thlballier ignorant qbe là 
première eolonue avait été anéantie, attaqua dans la journée du sept. Les 
noirs se tenant derrière les arbres et les rochers pour n'être pas atteints, 
renversaient les blancs de tous côtés par un feu plongeant des plusvifs^ 
Lei soldats du 88e. , Rochefontaine à leur tête, supportèrent héroïque^ 
tnent ce feu, pendant plus d'iine heure; mais ils furent contraints d'a- 
bandonner le champ de bataille après avoir perdu leur lieutenant-tX)lonQl 
Doyie. 

La troisième colonne formée de 150 colons blancs, de gOmulâtres^^ 
d'une compagnie du Àe. régiment était commandée jjar Mr. de Sam- 
son. 11 y régnait le plus grand désordre ; chacun voulait comman- 
der. Samson fit traîner dans des chemins presque impraticables une 
pièce de canon qu'il dirigea contre les insurgés. 

pendant cet intervalle ^ Blanchelande apprit la défaite delà première et 



lUStOIftE b'hAITI. — ( \fdt ) 



ild 



ilelâ seconde colonne. Il envoya Tordre i Sam son Aé télto^àêti ftàîâ 
quand cet ordre arriva la troisièn^e colonne était assaillie de toutes 
parts par les noirs qui dirigeaient Uus leurs efforts contre la pièce. 
Samson fut tué; les blancs prirent' la fuite et abandonnèrent leuf 
canon aux insurgés. 

En même temps > Armand attaquait le quartier général de Blanche* 
lande ; mais le général Nigaud raccueillit par un feu si meurtrier 
(qu'il rentra dans ses retranchemens* 

Armand n'avait pas encore appris la nouvelle de Ta défaite de Thi- 
ballier^ commandant de la seconde colonne; son quartier général 
était à une distance de six lieues de l'endroit où ee colonel avait été 
Jbiattu. Il réunit ses lieutenahs , et leur proposa d'ehVoyer à Blanche*^ 
lande tin parlementaire chargé de lui demander Un armistice , afin de 
^gner du temps jusqu'à ce qu'il eût reçu des nouvelles de ThibalMer^ 
il ajouta que si celui-^ei était battu il romprait la négodation ; que 
s^il était vainqueur il accepterait rak*mistice. La proposition fut fevora- 
élément accueillie par Giles Bénèche et Maréchal filleul du G"' Bigaudi^ 

A trois heures de l'âprés-midi i les blancs virent les noirs agiter ua 
drapeau blanc. Blanchelande s'approcha aussitôt du tdimp des insur- 
gés , et vit venir k lui un parlementaire qui lui annonça qu'Armand 
lui demandait un armistice^ Le gouverneur eonsefttit à à^oir tiaeen^ 
trevue avec le chef neir; il y avait déjà plus de deiix heures qu'il 
j^ttendait, quaild il entendit battre la générale dans le camp de» 
ihsurgés. Armand qui venait d'apprendre la défaite de Thiballier 
avait ordonné à toutes ses forcée de se réunir sur uti seul point , ei 
s'était déterminé à envelopper les blancs de tous côtés. Au lieu du 
drapeau blanc, il fit agiter un drapeau rouge teint du sang des blancs 
égorgés, En même temps, le; noirs placèrent au bout d'tine (>iqu0 
élevée la t4te de Dojle lieutenant-colonel au régiment de Bèrwick. Blan** 
chelande passa la nuit en vue de Ce hideux spectacle , toute la moa« 
tùgne étant illuminée par de grands feuxi Lbs Hoirs ne cessaient dd 
crier vive le roi ! vive Blanchelande I afin d*exciter la défiance parmi 
les blancs en leur faisant accroire qu'il y avait des traîtres parmi eux^ 
Le lendemain , au point du jour , le gouveraeur ayant appris li 
défeite de la troisième colonne , se résolut à rentrer' aux Cayes^ Sa 
petite armée fut assaillie aussitôt qu'elle se fut ébranlée; elle fut 
obligée de livrer aux flammes ses coinvois de vivres et d'abandonner 
une partie de son artillerie. La déroule fut complète; les noirsf 
tout en poursuivant les blanos , brûlaient et saccageaient les habr^a« 
tions do tous côtés. Blanchelande^ malgré ses efforts, ne put rallier 
les ftiyards qu'au camp Oérard , non loin de» Gayes. Le 10 Août, 
quand il rentra en ville , leé citoyens lui attribuèrent tous leura 
malheurs. 

Le lendemain il partit pour le Nord, au milieu des huées dé la 
population. Les ineurnés, tout en demandant la paix vinrent cerner les 



llî «ItSTOIRE P^HAITl'— ( Î70à ) 

tîppôâér parlotit une forte résistance. Le corps de réservé que 'coâ> 
tnandait Blanchelafide , était composé de tréote-lrois propriétaires blancs) 
*d'une compagnie d'artillerie sous les ordres de St,-Cyr , d*un batailloâ 
tle soldats de marine com mandés par Esmaligart et Sereey^ et de qua-^ 
T^nte hommeà de couleur soûs lés ordres de Rigaud. 

Les noirs au tioiabre dé dix mille occupaient un^ étendue de six 
lieues ; ils n'avaient que neuf cents bommes portant fusih dont ils 
avaient fofmé ttois bataillons, le reste était armé de piques et de 
pîerrf s. L*arm'ée blanche était de 1048 hommes. 

La première colonne Composée de <!eni-vifigt hommes dg 92^ régiment 
t^idevant Walsh, de deux-cents miliciens tant blati<cs que mulâtres i 
"était commaudée p^Y Deschet. Elle nartit de Torbeck et arriva aui 
Platons le six Août , j«ûr iixé poUr 1 atlaqUe générale. Les deux au- 
tres colonnes n'avaient pas enebre atteint les Platons. Deschet attendît 
vainement le coup de canoi\ qui devait êtfe le signal de Tattaqùe, car 
filanchelande ayant appris le retard dé la seconde et de la troisième 
colonne, aVait envoyé Tordre de n'attaquer que le sept« Mais dans l'a- 
près-midi du 13, les insurgés qu'Armand avait opposés à Deschet^ as^-' 
saillirent vigoureusement la première colonne dé front et sur les flancs. 
Les blancs combattirent avec le plus grand coura^i^c jusqu'à la fin du 
jour; mais dès que la tiuit fut venue , ils battirent en retraité «ous une 
giéle de balles et de pierres, et traversèi'^nten désordre le pic le plus 
élevé des Platons, lé fameux défilé bordé de précipices nommé dompté 
mulâltes. Ils périrrnt la plupart dans lés gorges de la montagne. Leé 
prisonniers succombèrent au milieu des tortures: Thiolière, blanc ^ 
après avoir ' été contraint d'embrasser la tête tranchée de Walsh son ami^ 
périt dans d*affreux tourmcns^ 

La seconde colonne composée d'ùné éompdgnie du 4é. régiment ^ aé 
200 hommes du 88e d-devant Berwick et de quelques colons, était 
commandée par 1« colonel Thiballier; Les hommes de couleur qui de- 
vaient la renforcer ne s'y étaient pas ralliés, disant que les noirs sou*^ ' 
tenaient h même ca^se qu'eux. Le eolonel Thiballier ignorant que là 
première eolonue avait été anéantie, attaqua dans la journée du sept. Les 
noirs se tenant derrière les arbres et les rochers pour n'être pas atteints, 
renversaient les blancs de tous côtés par un feu plongeant des plus vifsi 
Lei soldats du 88e., Aochefontaine à leur tète, supportèrent héroïque- 
tnent ce feu, pendant plus d'une heure; mais ils furent contraints d'a- 
bandonner le champ de bataille après avoir perdu leur lîeutenant-tx)loneI 
i)oyle. 

La troisième colonne formée de i50 colons blancs, de SO mulâtre^ 
d'une compagnie du 4e. régiment était commandée jjar Mr. de Sam- 
son. 11 y régnait le plus grand désordre ; chacun voulait comman- 
der. Samson fit traîner dans des chemins presque impraticables une 
pièce de canon qu'il dirigea contre les insurgés. 

.Pendant cet intervalle, Blanchelande apprit la défaite delà première el 



i3elâ seconde tolonne. Il envoya Tordre i Samâon de rétro^ader { ibbtê 
quand cet ordre arriva la troisièn^e colonne était assaillie de toutes 
parts par les noirs qui dirigeaient Uus leurs efforts contre la pièce. 
Samson fut tué; les blancs prirent la fuite et abandonnèrent leuf 
canon aux insurgés* 

En même temps ^ Armand attaquait le quartier général de Blanche* 
lande ; mais le général Kigavd raccueillit par un feu si meurtrier 
qu'il rentra dans ses retranchtmens. 

Armand n'avait pas encore appris la nouvelle de la défaite de Thi*> 
ballier ^ commandant de la seconde colonne ; son quartier général 
était à une distance de six lieues de Tendroit où ee colonel avait été 
battu. Il réunit ses lieutenahs y et leur proposa d'ebVoyer à Blanche^ 
lande tin parlementaire chargé de lui demander un armistice , afin de 
gagner du temps jusqu'à ce qu'il eût reçu des nouvelles de Thibaltier; 
â ajouta que si celui-^ei était battu U romprait la négodatioh ; que 
s'il était vainqueur il aocepterait Tairmistice. La proposition fut fevora- 
blement accueillie par Giles Bénèche et Maréchal filleul du G"' Higaudi^ 

A trois heures de Tàprés-midi ^ les blancs virent les noirâ agiter ua 
drapeau blanc. Blanchelande s'approcha aussitôt du camp des insur- 
gés , et vit venir à lui un parlementaire qui lui annonça qu'Armand 
lui demandait un armistice. Le gouverneur èonsefttit à avoir tiaeen*^ 
trevue avec le chef neir^ il y avait déjà plus de deux heures qu'il 
l^ttendait, quaild il entendit battre la générale dans le camp des 
itasurgés. Armand qui venait d'apprendre la défaite de Thiballier 
avait ordonné à toutes Bé% forcer de se réunir sur un seul point , el 
s'était déterminé à envelopper les blancs de tous eâtés. Au lieu du 
drapeau blanC, il fit agiter un drapeau rouge teint du sang des blancs 
égorgés, En même temps, le; noirs placèrent au bout d'Une {)ique 
élevée la t4te de Dojle lieutenant-colonel au régiment de Bèrwick. Blan*^ 
chelande passa la nuit en vue de ce hideux spectadie , toute la mon-» 
tagne étant illuminée par de grands feux; Les noirs ne cessaient dd 
crier vive le roi ! vive Blanchelande ! afin d* exciter la défiance |)àrmi 
les blancs en leur faisant accroire qu'il y avait des traîtres parmi eux^ 
Le lendemain , au point du jour , le gouverieur ayant appris lA 
défaite de la troisième colonne , se résolut à rentrer' aux Cayes^ 8à 
petite armée fut assaillie aussitôt qu'elle se fut ébranlée; elle fut 
obligée de livrer aux flammes ses cotavois de vivres et d'abandonner 
une partie de son artillerie. La déroute fut oompléte; les iioirg 
tout en poursuivant les blanos , brâlaicnt et saccageaient les habita- 
tions de tous côtés. Blanchelande y malgré ses efforts, ne put rallier 
les Aiyards qu'au camp Oérftrd , non loin des Gayes. Le 10 Août» 
quand il rentra en ville , letf citoyens lui attribuèrent tous leurs 
malheurs. 

Le lendemain il partit pour le Nord, au milieu des huées dé la 
population. Les ineui^iés, tout en demandant la paix vinrent cerner les 



\ 



iiO RisToiBE d'haiti.-«-( 1793 } 

Patrie y Sonlha&ax se jeta à genoux él se prosterna la Ihce coïKlrfe 
terre; tous les àssisians Tiraitèrent. 

En recevant la proclamation du 121 Mars des Commissaires civils i 
Bauvais abandonna la Croix-des-Bou^uets où dominait le parti de 
Borel, et alla se retrancher à Grescier avec cinq .cents hommes.. 

Les commissaires civils avaient sous leurs ordres cent cinquante hom* 
mes de troupes européennes , et tlouze cents affranchis que leur avait 
fournis St. Marc. Après avoir abordé à rAicahaie avec le vaisseau 
r America, les frégates Lafine, VAstrée, et la gabarre la Normande, ils 
\inrent bloquer le Port-au-Prince le 5 Avril. La ville était défendue' 
par une nombreuse artillerie; on y avait fait beaucoup de grilles pour 
chauffer les boulets. En même temps l'armée de St. Marc qui avait 
opéré sou débarquement à FArcahaie pénétra dans la plaine du Cul- 
de-Sac, et vint camper au portail St-Joseph. £lle étuit commandée 
par le gouverneur Delasalle ; €hanlattc en était le major-généraL Bau^ 
i^ais, après avoir abandonné Grescier, s'était retranchée Bizoton. Le 
6, la municipalité déclara qu'elle rendait les commissaires civils rcsponsa-^ 
blés de tous les maux dont la ville aurait à gémir. Le 8 les négocians ter- 
rifiés par Borel firent uûe semblable déclaration. Polvérel et Sonthonax an- 
noncèrent de leur côté qu'ils entendaient que la loi du 4 Avril et lasouve- 
Taineté nationale fussent respectées. Borel entouré des anciens satellites de 




citoyens de aes fureurs. Ricard commandant du Port-au-Prince , 
le même qui -s'était distingué à la prise de la Bastille, à la tête de la 
compagnie de l'arbalète , fut arrêté et embarqué. Les commissaires civils, 
après avoir inutilement accordé trois jours à la \ille pour se s6umet^ 
tre ^ ordonnèrent l'attaque le 12 AvriL Le vaisseau TAmérica et la 
frégate la Fine tirèrent sur le Port-au-Prince trois coups de canon à 
poudre. Tous les forts de la place leur répondirent aussitôt par des 
ooulets rouges. La canonnade devint générale de part et d'autre. DeuiL 
lets rouges mirent le feu à bord de TAmérica ; on l'éteignit ; la fré- 

fite la Fine re^ut à fleur ^'eau deux boulets de 24 partis du fort 
t.~Clair, où commandait Borel le Bossu, frère du fameux BoreL On 
se canon na plusieurs heures pendant lesquelles l'escadre lança sur la 
\ille 4500 boulas. Le 13, les commissaires menacèrent de donner as« 
«aut & la plaoe si elle ne se rendait pas. La municipalité et la masse 
des citoyens, effrayées des malheurs qui les menaçaient, exhortèrent Borel 
à se soumettre. Celui-ci armé d'un sabre et d'un pistolet , couché 
aii milieu de la salle des séances de la municipalité, entouré de ses 
principaux sicaires , Binsse t Philibert , déclara qu'il ferait décimer la 
garde nationale si elle parlait de se rëudre , et qu'il ferait brûler les 
magasins des négocians qui demandaient la paix. Il se vit déborder; 

oepeadaat U w oonseaiit.à abandoimer U Pwt-agr j^rince , av^(^ Mfe 



UlétOtEfi D*HAITI.— ( 1794 > iSi 

àaliniel^s élises africains^ qu'après avoir reçu deè citoyens 66,000 1m 
Vres eh or, et 300,000 livres en lettres de change. Use fendit à Jaô^ 
jDiei qui lui. était dévoué , ei de là à la Jamaïque. 

Le i Avril les commissaires firent leur entrie aii Port-au-Prince. 
Cette cité fut frappée d'uiié contribution de 450,000 livres , et traitée eu 
ville rebelle. t)e nombreùi citoyens furent déportés ; et quarante soldatâ 
du ASé régiment ei-devant d'Artoià furèriî envoyés en France, pout^ 
aller apprendre à élre patriotes, et à perdre lés préjugés de couleur, L4 
garde nationale Sii\ réorganisée , éi Sônihonait donna 500 libertés àu.t 
esclaves de la plaine du CuKde Sac. Un grand ncfnibre .de colons , 
pour n'ôtré pas fnaltraités où humiliés par les hommes de bouleur^ 
demandèrent et obtinrent des passeports pour les Ëlats-Unis. Le gou* 
verneur Delasalle fut solennellement rétabli dans ses fonctions.. 

Quand on apprit dans le Sud la ^rise du Port-au-Pribce , la vilté 
des Cayes se hâta de se sotirneltrê^ . Toute la colonie, lacmel et Je- 
rémie exceptés,, reconnaissait l'autorité des eommissairëà* civils. 

Cependant , dans les premiers jours de Mai, Jactnél effrayé deâ for« 
jces qui le mcHaçaiênt fit su soumission. Les coiiimiésaires civils s'^ 
rendirent à la tète des affranchis du Port-au-Prince, de Léogane, du 
Grand-Goûvë , du Petit Goâve et de Bainet. Ils y firent exécuter U 
loi du A Avril. 

Be Jrétour ad Port-âii-Prince ils rorinèrent là légiori dé l'Egalité 
deTOuest des affranchis qui avaient servi avec iant dezèlè là cause ré- 
publicaine, lis firent entrer danir.ee corps une soixantaine de ces in--* 
fortunés connus sous la dénon^ination de Suisses que Sbntîiônàx avaifr 
£iit sortir des pontons du Môle Si-Nicolas. C'était le j'este dès 25d 
qui avaient été embarqués pour la baie dé Honduras et qui étaient 
revenus dans la colonie ^ comme noué Tarons tu. La légionj de TE^ 
galité fut composée de trois bataiilc/ns d'infanterie^ de neuf compas- 
gnies d^artillerie et dé lieuf compagnies de cavalerie. Elle fournissait uii 
effectif de Sl800 hommes. Le colenet A."^ Chanlatte eut le t^ommande* 
jnent en chef de tout lé (!orps. Ce sont les premières troupes régu- 
lières qui f^ureat organisées dans la colonie; aussi cette légion fut-èilà 
toujours très-dévouée aux principes de liberté. Elle rivalisera dd 
patriotisme, d'enthousiasme et de tactique avec lés meilleures troupes dé 
la République française. Quand Polvérel retournerai aux Qayes^ il y 
formera la légion du Sud. , , ; • , . . 

Pour faire rentrer dans le detoir dé nombreux esclaves qui s'étaient 
i^otdevés dans les ateliers , les commissaires civils leur accordèrent en- 
core quelques libertés.. Ils firerit dans la policé dés; ateliers; des ré- 
formes dont les principales dispositions étaient contenues dans une 
proclamation en date du 5 Mai qui fut publiée en créole et en français.. 
La proclamation jetait lue tous les lundis aux ateliers réunis. Il y 
avait dans cej« nouveaux réglemens des dispositions très trés-rigou- 
Sonthoxuu et Polvérel IkUaient ujji dernier sacrifie^ à 



1S2 HIStCIRE t^BLÏtl.-^ (tT95 > 

J'influence coloniale / en attendant une occasion fevorable pour prock 
iper la liberté générale que demandait du i^este avec persétérance le 
parti girondin auquel ils appartenaient. 

Jérémie fut également saisie de terreur en apprenant la prise da 
t^ort^au-Prince ; elle parut vouloir faire acte de soumission. Mais elle 
ne cherchait qu'à gagner du temps afin d'organiser une sérieuse résisi^ 
*fance à l'autorité nationale. Cependant les commissaires civils n'igno^ 
I^ht pas que toute la population de la Grand'Anse était en révolte 
contre la République, oonfiènent au sénéral Rigaud le soin de réduire 
Jérémie 9 et chargèrent Pinchinat , Alberl et Delestang de l'accompa- 
gner dans «ette expédition comme représentant de la commission 
civile. Rigaud partit du Port-au-Prince pour le Petit-Trou qu'occupait 
les ' affranchis sous les ordres de Jourdain/ Celui-ci avait établi un 
Ordre parfidt dans ce canton ; les ateliers s'y livraient au travail , 
attendant, pleins de confiance eut leur chef, l'émancipation générale. 
Ceux 1^ esclaves ^ui avaient tenté de bouleverser ce quartier en avaient 
té chasséSi et étaieuit allés grossir le nombre des ÎASurgés des platons. 



LtVR^ HUITIÈME. 



m% 



I 



Sbmmaîre. Jean Prançoî»*et Biassou gtignés à la canse du roi d^Sspagne. *^ Nb« 
mination de Galband au gpQveraement de Saint-Domingue. — Il remplace Despar* 
bès. — Soa arrivée au C^p.— ^Les conuoissairea eîviJa se rendent dans cette yiiie. 
— Qalbaud destituô-r- Bataille au. Cap. — Incendie de cette rille.-** Les commissai- 
res civils déclarent libres lea insurgea qui ont combattu pour la République. -^ 
Gardes des Mandataires de la Convention nationale. — Macaya. — Toussaint Loii* 
'«enure. — Extermination du parti colonial au Cap.-^ La. Commune, est remplacée 
mr un bureau municipal.-^ Bataille du camp Desrivaux.-^ Jean François prend la 
Tannerie.^. Succès de Toussaint — ^Anniversaire du 14 Juillet.— Départ de Polvérel. 

{)our POucst. — U prend Plaisance. — Déâiite de Desfourneaux à Saint-Michel de 
■Atalaya. — Arrestation de Guiambois.. — Arrestation d'Hjiicinthe. — A flaire du 14 
Juillet aux Cayes. — Le parti colonial est écrasé dans cette ville. — Proclamation, 
d^ Polvérel du 27 Août. — Sonthonax proclame la liberté générale le 29 Aoùt.«-« 
Le 22 Septembre Polvérel en fait autant dans rOuest— • Portrau-Prinee prend le 
nom de Port-Républicain. — Mort de Delpeche. — Polvérel se rend dans le Sud.-^ 
Harty est destitué.-— Rigaud est nommé commandant de la province du Sud. — 
Aux Cayes Pautorité passe aux nffîns des affianchis.-^ Formation, de la légion de 
^Egalité du Sud. — Polvérel étabUvd^ iitoles sur les habitations.* 

EtL France*^ là eonMoUôni nationale avait dé^slûré la guerre à- presque 
toutes les puissances, de 1! Europe , à T Allemagne , à la Prusse, à la 
Hollande , à l'Angleterre , à l'Espagne ^à.la Sardaigne. Emportée par ua 
élan révolutionnaire dont les annales des nations n'offrent pas d'exemple^ 
elle bravait les trônes, de Tancieu continentavec une audace prodigieuse^ 
et par ses victoires, relevait avec éclat la. dignité du peuple dont le» 
baïonnettes républicaines répandaient au loin la liberté et l'égalité. Cette 
assemblée degéans dontles travaux semblent au-dessus des forces humai*» 
Bes, absorbée par Tidée fixe de sauver la nationalité française et les princi^ 

l^ee de 89^ jetera. bientôt un r^ard. sur. le& colgniei»^ ^ eUe aétonnecpb 



134 BlsTomï »'HAifi.— ( 1798 ) 

d'y voir encore Ûes esclaves , s*écriera avec enthousiasme : périssent Ie« 
colonies plu lot qu'un principe, et proclagi^ra la liberté générale de^ 
^loirs et des sangs-mêlés, 

Les commissaires civils suivaqt avec anxiété la marche de la révo- 
lution en FrancÇy ne cachaient plus leurs tendances vers Tém^ncN 
pation général^. Le parti colonial était au désespoir ; l'Espagne qui 
combattait la France à St-Doniinguc comme eu Europe luijçnditia main. 
Alors les colons royalistes qui avaient excité en 91 Içs bs^ndes du 
Kord à s'armer ppur le roi , envoyèrent des agensi à Jean François 
çt à Biassou qui arborèrent le drapeau espagnol dans leurs camps y 
devinrent des^ officiers gésçrau^ d? s^ ma^esi^ cathpiiaue ^ et prirent 
des tilre^'de noblesse. 

Les républicains i noirs, de couleur et blancs eurent à lutter contre 
des ennemis, mieux' organisés , mieux armés, ayant dans leurs rangs; 
des ofiiciers européens espagnols et un grand nombre d'officier& 
blancs, fran^i» royalistes. Jean François et Biassou reçurent des mu-* 
nitions en abondance , se déclarèrent les vengeurs dp Lo^is !^VI , le^ 
soldats du roi d'^^P^gne çt combattirent la répuhliqtte avec le dernier 
4ichitf*nement. Ils lurent reconnus libres par la roi d'Iilspagne , ain3i 
que leurs principaux officiers; mais la masse des leurs ei^citée contre 
les républicains ^ qu'on lui représentait eomme de^ ennemis impla- 
cables de la race noire , combattait pour le rétablissement de Tescla- 
vage, sous l'influence des prêtres, préférant l'ancien ordfe de cho$e$ 
à la domination de ceuj^ qu'elle ppns|dérQit comm.e d^s $issassins du 
roi de Trance, de Jésus-Christ et de la Vierge ; on leur avait même 
dit que le roi de Congo s'était armtf contre les républicains. Tous^ 
ss^int Louverture lui-môme si perspicace se trouva pendant quelque 
^mps sous rinfiuençe de ces idées. Comme il avait été, avant la ré- 
volution , vétérinaire sur fhabitation Bréda qù il était eselavei il pri| 
le titre de médecin des armées du roi* 

Pendant ce temps le conseil exécutif provisoire, à Paris, approu- 
vait la conduite des commissaires civi^n à l'égard de Desparbès, et 
nommait pour Ip remplacer le général Calbaud qui avait servi avec 
gloire dans les armées de la République en Europe, tes planteurs de 
St-Domingue réfugiés en France avaient partieulièrement sollicité celte 
dignité pour Galbaud dont le modérantisme était connu ; et Page , Cha> 
rette de la OolinièpO) Périgny^ colons de Sl-Domingue, l'avaient ex- 
borlé, lorsqu'il serait dans la eolonie, à capter la comfîance des plan* 
teurs. Ils savçtient qu'il pourrait être d'autant plus favorable au systà- ' 
me colonial , qu'il était devenu par héritage de sa mère, propriétaire 
de plusieurs habitations i Sl-Domingue. Mais par la négligence du 
Ministre de la marine , cette nomination éts^it entachée de nullité ; car 
par la loi du 4 Avril , celui qui était propriétaire dans la colonie ne 
pouvait y être général, administrateur ou ordonnateur. Cependant dans 
4ç8 instructions données à Gaibau^ on lui recommandait dô se io^f 



rftffTOïRE d'haiti.^— ( 1793 ) ISS 

■lettre aux réquisitions des commissaires civils. Le nouvëûû goûter* 
neur partit de Brest dans les premiers jours d'Avril , et arriva au 
Cap le 7 Mai , sur la frégate la Concorde , accompagné de Tordon^ 
nateur Masse, et de Barbault Royer, homme de couleur, son secrétaire. 
Il trouva la ville plongée dans une profonde tristesse; les royalistes et 
les petits blaocs^ qui^ avaient été successivement frappes, étaient mé^ 
contens du, gouvernement, et de la commission intermédiaire qui suivait 
sévèremenir les instructions de Sonibonax. Ennemis les uns. et les 
autres de la loi d\i 4 Avril ^ il&. s'étaient réunis ,. agissaient dans ^om^ 
bre, et attendaient ). pour éclater ,. une occasion favorable. La coallr 
tion des puissances de l'Europe contre K France les comblait d*espé« 
rance.. Us cherchèrent â séduire, le général Laveaux , les dragons d'Or^ 
léans, le bataillon de TAisne etlesautrestroupes venueâ de France; mais 
ils les trouvèrent kiébranlablement dévoués aux décrets de la métropole* 
Au contraire, les soldat3 européens,, les affranchis dont Topinion était 
dirigée par Boisrond le Jçune ^ un., des membres de la oom mission iur 
termédiaire, découvrant leurs Qirojetsu anti-révolutionnaires ,^ s'éloignè- 
rent d'eux. Ajdrsjos planteurs et les. petits blancs. jetèrent les yeux 
sur le gouverneur Galbaud qui fut. bientôt séduit par plusieurs royalis* 
tes, revenus au Gap, Tex-député Poncignon., Thomas Millet , le baron 
de la VaUière> maréchal des camps et armées du. Roi dans les. rangs es- 
pagnols.: Galbaud se lit installer' au Cap , sans avoir daigné se rendre 
auprès des commissaires civils, comme le conseil exécutif, pravisoir^ 
lui allait ordonné de le faire aussitôt après son débarquement. 

Polvérel et. Sonthonax. apprirent son arrivée au Gap, au moment qu'ils 
allaient soumettue- toute la colonie à.rautorité nationale. La révolte de 
la Grand' Anse les avait privés d'une partie de leurs forces. Cependant 
ils se résolurent à se rendre dans le> Nord pour y écraser Galbaud ^ 
leur ennemi le plus dangereux ,, déterminés à revenir dans rOuest.gour 
y consolider, leur triomphe. 

Quand ils arrivèrent, au Cap ^. ils virent accourir au devant d'eux lés. 
femmes et les enfans des aftranchis, la municipalité et. la commissioa 
intermédiaire.. La joie étsnt grande parmi les. citoyens du 4. Avril, et 
les blancs étaient froids et consternés. 

D'une nature faibie et patriote modéré ,. Galbaud avait en horreur 
le républicanismer sévère des commissaires civils;. du. reste son ambition 
excitée par les colons le portait à tenter de s'emparer de toute l'aur 
torité: Il fat gravement compromis par une proclamation du gouver- 
neur de S^'^-Do.mingo ,jdoQ. Gasgar. Gassasola,. paV laquelle celui-ci l'en*- 
gageait à se rallier au parti du roi d'Espagne, le jugeant trop éclairé 
ot trop humain pour servir^ la^ république*. Los commissaires civils 
Qommencèrent par destituer, son frère César Galbaud qui déjà avait vit 
site les différents cantonnemens de. l'armée., ^ dans le but d'exciter les 
troupes contre leur autorité. 

Ii&13J.uin9 par une proclamation ,, ils. destituèrent GaB>aud l\ii-mè« 



ISft Histoire d'haïtï.-— ( 1199 ) 

tae et le consignèrent à bord de la gabarre la Normande. TBngttf 
Laboissière el Thonnas Millet, prisonniers à bord des navires de Tesca- 
dre, excitèrent aussitôt les équipages à la révolte, malgré la conduite éner- 
giqne du contre-amiral Gambis. Les matelots demandèrent à aller ex* 
terminer cette race exécrable de mulâtres. Cependant le vaisseau rAraé-^ 
l*ica demeura fidèle à 1 autorité nationale. 

Galbaivd qui entretenait des relations avec Gauvain et Ie,6 autres rch 
yalistes de la ville , prit sur Gambis le commandement de f'escadre 
mouillée dans la rade du Gap , et lança le 20 Jum une proclamation 
contre les commissaires civils , dans laquelle il les traita de fléaux de 
S(>Domingue. Le même jour dans la matinée, César Galbaud descen« 
dit en ville avec 3000 hommes, sans rencontrer d'obstacle ^ tant les 
commissaires s'atteiKlaient peu à ce coup de main. Presqjne toutes les. 
troupes patriotiques venues do France occupaient dans les campagnes 
le cordon républicain qui protégehit le Cap contre les attaques de Jean 
françois. Gauvain vint le renforcer à la tête de 200 jeunes royalistea 
à pied, et des anciens cavaliers de la garde nationale. 

Cette arrivée monta à 3,500 hommes; elle se partagea en deux co* 
lonnes ; fa première sous les ordres de Gauvain maroha contre 1 entrée 
principale du Palais national qu'occupaient les alTranchis et où étaient 
les commissaires civils; la seconde , commandée par César Galbaud , 
devait le tourner et Tassaillir par derrière ; le général Galbaud se te- 
nait sur un vaisseau avec un corps de réserve^ 

Comme Laveaux était malade, Sonthdnax et Polvérel confièrent ïç 
^commandement des troupes de ligne et des affranchis au colonel Ântoî* 
jie Ghanlalte , homme de couleur , et à Mars Belley ofUcier noir. 

Les hommes de couleur attaqués d'abord par la première colonne^ 
résistèrent avec énergie ; la mitrailla môme ne put les ébranler. Aprèg, 
avoir repoussé Gauvain dans Farrière-«cour du gouvernement , ils s'élan* 
cèrent sur ses troupes à la baïonnette ; les volontaires du Cap battirent 
çn retraite; les matelots attaqués à leur tour avec impétuosité prirent 
la fuite ; et la déroute, fut complète. 

Atissitôt après la défaite de Gauvain, les hommes de couleur se pré* 
çipitèrent sur la colonne qnl avait tourné le gouvernement , composée 

i)resque en entier des marins de l'escadre , lui enlevèrent un obusier^ 
a culbutèrent , firent prisonnier César Galbaud et le conduisirent au^c 
commissaires civils. 

Toute l'armé^ blanche se retira sur le rivage. Les hommes de cou- 
leur n'étant pas assez nombreux pour la contraindre à se rembarquer^ 
ne la poui^uivirent pas. 

Le lendemain 2i Juin, au point du jour, le général Galbaud des* 
oendit sur le rivage , à la. tète d'une nouvelle colonne de matelots. Il 
marcha sur l'arsenal qu'occupaient cinquante aifranchis, commandés 
par un blanc. Celui-ci, après Qvoir défendu aux hommes de couleur 

de tirer en leur disant que lea marina élsûwcU d^ frères ^ui ii'Qik 



«ISTOIRE T)*Him.*— ( 1793 157 

TOalaicnt qu*aWf fommîssaîres c5\ils, $*a\ança au-dc\ant'de Gftlbaud^ 
Vembrassa et lui livra Tarsenai. La plupart des afiianctris fureniégor* 
gés. Polvérel , pour fair© cesser ce carnage , envoya son tiis en parle- 
mentaire auprès des matelots; mais ceux-ci sans respect pour le droit 
des gens^ 1 arrêtèrent. Galbaud, maître de plusieurs forts quidomi^ 
Aaient le palais du gouvcrnemeat , assaillit les hommes de couleur. Son 
artillerie bien servie éteigi^it le feu de la batterie des commissaires civils, 
^intoine Ghanlatte ne pouvant résister à des forces huit fois supérieures 
aux siennes , conseilla h Polvérel et à Sontiionax de se retirer au haut 
du Cap. A onze heures du matin 4e3 affranchis el les coramissaifes 
civils avaient atteint 1 habitation Bréda. Les matelots maîtres de la 
place , n'écoutèrent plus la voix de la jeunesse royaliste et se livrèrent 
au plus affreux pillage. Les esclaves qui étaient au Gap et les maU 
faiteursi de tous les partis et de toutes les couleurs les imitèrent. H 
'ne fut plus possible à Galbaud de maintenir l'ordre; il se retira sur 
la flotte ; le carnage devint atfreuv; beaucoup de bourgeois blancs fuyant 
la mort vinrent chercher un asyle à Broda auprès des hommes de cou- 
leur qui les accueillirent généreusement. Le feu éclata dans la ville, 
et rinceudie se développant avec w|b rapidité prodigieuse couvrit le 
Cap de tourbillons de flammes et d^fumée. Ge fut alors une affreuse 
calamité. 

Les affranchis réduits au désespoir, lancèrent sur la ville dix mille 
fioirs et mulâtres insurgés conduits par un chef de bandes nommé 
f^jerrot. Les blancs assaillis de toutes parts étaient égorgés dans tous 
les quartiers ; on se battait dans chaque rue , dans chaque maison. 
Pendant ce massacre, le général Galbaud fit offrir aux commissaires 
civils d'échanger son frère, contre le lils de Polvérel. Gelui-ci lui fit 
f épondre que son lils ayant été arrêté contre le droit des gens , Thon- 
•Deur de la République ne lui permettait pas d'aecepter une telle tran- 
saction. Gependant trois cents affranchis offraient d'aller se constituer 
prisonniers en échange de son fils. 11 commanda de nouveau à Galbaud 
de se rendre à bord de la Normande , pour y attendre les ordres de 
la commission civile. -^ ' ^ 

Au milieu de mille combats et d'un immense embrasement, les 
commissaires civils, par une proclamation (21 Juin 1793) déclaraient 
libres et citoyens fran^is tous les esclaves . noirs et de couleur 
qui combattraient pour la République. Galbaud fit jeter dans la mer 
les poudres de l'arsenal, et enclouer les canons, pour qu'on ne put 
pas s'en servir contre la flotte. 

Avant la fin de la journée, ses partisans avaient évaeué la place* 
Baptiste Léveillé, Martial Besse, Villate , plusieurs autres affranchis, 
et Bédos commandant du 73e régiment de ligne , s'entendirent avec 
Pierrot pour faire rentrer dans l'ordre ses bandes indisciplinées. Pierrot 
les fit sortir de la ville et abandonna la caiise du Roi d'Espagne, ainsi 

IJL<i'UA autre «b«f de b^is^ nQvms tfacsiya. Lea commiâs^ûres çhils 



124? B«TOIKE D^HAITI. — ( 1?9S ) 

bien (briifice ,. presque inexpugnable , ceinte d'un fossé large et profond' 
et armée de* quatorze pièce$'. de canon* Parmi les blancs prisonniers» 
il y avail plusieurs ingénieurs qui- avaient été contraints de diriger les^ 
travaux de fortification*. Cetie forte redoute avait été élevée dans jle^ 
lieu ou M. de Beisunce ancien gouverneur de la colonie avait fait mon*- 
ter quatre pièces de campagne^ 

Les jeunes blancs, royalistes qui' fbrinaiènl. avant la journée du 49* 
Octobre 1702, le corps des volontaires à cheval, et dont l'intrépidité 
était connue, méconteus depuis la déportation dé Cambefort,jse montraient 

Eeu disposée à entrer en oajnpagne ;. i^^ petits-blancs ^ depuis Tem* 
arquement de Larchevèque Thibaud' et le triompha des aflranchia 
étaient découragés et abattus; et les, homme& de couleur exprimaient 
hautement leur répugnance à marcher contre les insurgés. La veaux 
allait être réduit à entreprendre cette expédition avec les trbupcs ve* ' 
nues de France déjà décimées par les maladies^ mais toujours pleines, 
d'enthousiasme. Sonthonax réunit à la Fossette les jeuaes blancs , lesL 
caressa, les flatta et les porta à se nooimer. des. oftlciers ;., MM* Des- 
sources et dç Russy, deux riches planteurs.farent placés,, l'un à la tête 
des volontaires à pied , Tautre à la tète des; volontaires à cheval. C'était 
en Janvier 1793; Sonthonax et La veaux Urent un^ fort beau plan de 
cam|>agne : on devait en rétrécissant le cer^b qu'occupaient les troupes 
du cordon de TOuest et de celui de 1 Est ^ cerner étroitement les. 
insurgés dans le bassin de la Grande Rivière, ensuite les chasser du 
fort de la Tannerie , les jeter dans la vallée ,, et les traquer de manière 
i les refouler dans les gorges des montagnes, où Us. auraient éié ex- 
terminés par les blancs qui s'v étaient déjà établis. Trois corps d'ar- 
mée partirent du cordon de 1 Ouest , du Fort Liberté et du Cap. Lcg 
insurgés occupaient du côté du cordon de l'Ouest une chaîne de mor-- 
nés qui s'étendait de la Marmelade au Limbe;, il existait une telle, 
mésintelligence entre Jean François et Biassou qu'ils, refuseront de se 
secourir mutuellement. Le lieutenant colodel Nully ,, conutiandant du. 
cordon de TOuest, attaqua les insurgés^ enleva successivement huit 
positions qu'ils occupaient ; il rencontra une vigoureuse résistance ea 
s'em parant de. la dernière, le camp du, Petil-Thouurs ; en même temps,. 
le commandant du cordon de lËst, parti du. Fort Liberté , quoique 
abandonné de Candy, homme de couleur, chef d'une nombreuse ca- 
valerie , enleva un poste à l'Acul de Samedi ; mais il échoua au camp 
Lesec ou commandait un hDmme de couleur. De son. càiéy Laveaux 
sortit du Cap à la tète de son armée, marchant sur trois colonnes: 
la première était commandée par Mr. Dubuisson , la seconde par Des- 
prés, lieutenant colonel au 4 le régiment, la troisième par Dégouttes,- 
ancien officier au Royal Auvergne. ' Lavcaux atteigait les habitations 
Bérard et Langardière, et attaqua le jour suivant le camp de Milot. 
que les insurgés livrèrent aux flammes. Il les poursuivit jusqu'au 
pied du fort de la Tanuene ou ils se renfermèrent. U ne pouvai.1 



• ' Histoire iT'haiti.— ( 1793 ) ' 125 

|>altra en brèche cette redoute n'ayant que six pièces de campagne ; 
tnaia profilant de Tardeur de ses soldats, il ordonna aux troupes de 
Jigne de monter à Tassaut. Elles obéissent avec enthousiasme^ et sont 
TepOQssées avec perte, écrasées sous la mitraille des 14 pièces de la 
iortification. Biassou » soutenant le courage des siens , déployait lai 
plus grande audace, et s exposait sur les remparts avec une rare intré- 
pidité. Les tolonlaires du Gap, sous les ordres de Dessources ^ atta-* 
4[uent à leur tour, et marchent avec fierté sans lirer un seul coup de 
uisil au milieu delà mitraille qui les foudroie. Le reste de l'armée^ 
^4^tonné de tant de eourage , jette des cris d'admiration et d'enthou- 
siasme; les volontaire» parviennent au sommet d'un petit morne qui 
dominait la Tannerie, Se voyant soutenu par la colonne commandée 
par Després, ils se précipitent vers les retranebemens, atteignent les 
fossés, puis les embrasures du fort, malgré le feu le plus vif des 
insurgés; en môme temps arrivent les troupes de ligne, le corps dos 
•aQrancbis, qui escaladent les murs; la cavalerie s'ébranle pour couper 
la retraite à Tennemi; Biassou, déconcerté par tant d'audace, prend 
la fuite; et les blancs arborent le drapeau tricolore sur les remparts. 
C'était le 18 Janvier. De Russy poursliivit les fuyards jusque ^dans la 
tilalne de la Grande Rivière; mais il n'en prit que quelques uns, les 
blancs ne pouvant lutter d'agilité à travers les bois, avec les noirs. 
Ceux ci gagnèrent les hauteurs de la Grande Rivière et du Dondon, 
Jean François alla camper à Piveteau, pour delà se ruer sur les blanca 
«t les attaquer en détail. Ainsi fut enlevée la fameuse redoute de la 
Tannerie, boulevard des pays occupés par les insurgés, et que pendant 
long-temps on avait cru imprenable. Pendant l'attaque de ce Xort , 
Jean François n'avait fait aucun mouvement pour seeourir Biassou dont 
il était envieux, et qu'il voulait voir périr. 

Laveaux continuant ses succès, s'empara du camp Piveteau, aprôA 
avoir éprouvé une résistance héroïque. Nully rencontra 400 fuyards 
qui mirent bas les armes. Les insurgés, chassés duDondon, se reti- 
rèrent sur les hauteurs orientales de la Grande-Rivière du côté de Mo* 
ka et des Ecrevisses. Jean-François se retrancha sur un plateau assez 
^ élevé de l'habitation Gerbier que Nully cerna aussitôt. Les insurgés 
. parlaient de se rendre ; c'en était fait ne Jean-Franfois ; la guerre du 
Mord allait finir, quand Sonthonax envoya l'ordre à l'armée de ren- 
trer au Cap. Tout en promettant aux blancs que la liberté générale 
Be serait jamais proclamée, il n'ignorait pas qu'il lui serait difficile de 
tenir à ses engagemens , car la Convention nationale composée des 
patriotes les plus enthousiastes , les plus généreux , les plus instruits, 
que la France eut alors, ne pouvait reculer devant l'émanci- 
pation générale des esclaves ; d'un autre côté , témoin de la 
inarche des évènemens et des dispositions des colons, plus hostiles* 
que jamais envers la métropole , il voulait ménager les insurgés dont la 

Jraoce ré]^ui)Ucalae pourrait un jour a voir besoin pour défendre la colonie. 



124? B«TOIRE D^HÂfri. — ( IVOS ) 

bien Ibrlifice ,, presque inexpugnable , ceinte d'un fossé large et pr^ndl' 
et armée de quatorze pièce$^. de canon* Parmi les blancs prisonniers» 
il y avail plusieurs ingénieurs qui avaient été contraints de diriger le», 
travaux de forlilicatioa.. Celle forte redoute avait été élevée dans jle^ 
lieu ou M. de Belsunce ancien gouverneur de la colonie avait fait mon*- 
ter quatre pièces de campagne^ 

Les jeunes blan4:& royalistes qui ibrinaient. avant la journée du 40* 
Octobre 1702 , le corps des volontaires à cheval, et dont Tintrépidité 
était connue, méconteus depuis la déportation de Gambefort,^ montraient 

Eeu disposés à entrer en campagne;, les petits-blancs^ depuis Tem- 
arquement de Larchevèque Thibaud' et le triomphe des aflranchis 
étaient découragés et abattus; et les. hommea de couleur exprimaient 
hautement leur répugnance a marcher, contre le& insurgés. La veaux 
allait être réduit à entreprendre cette expédition avec les troupes ve« ' 
nues de France déjà décimées par les maladies » mais toujours pleioesi 
d'enthousiasme. Sonthonax réunit à la Fossette les jeuaes blancs , lee^ 
caressa, les flatta et les porta k se nommer, des. oftlciers }. MM* Des- 
sources et dg Russy, deux riches planteurs* fuirent placés,, l'un à la tête 
des volontaires à pied, Tautre.^ la tète des. voionta ires à cheval. C'était 
en Janvier 1793; Sonthonax et La veaux tirent un^ fort beau plan de 
campagne : on devait en rétrécissant le cer^b qu'occupaient les troupes 
du cordon de TOuest et de celui de 1 Est ,^ cerner étroitement les. 
insurgés dans le bassin de la Grande Rivière, ensuite les chasser du 
fort de la Tannerie , les jeter dans la vallée ,, et les traquer de maniera 
à les refouler dans les gorges des montagnes, où Us. auraient été ex- 
terminés par les blancs qui s'y étaient déjà établis. Trois corps dar- 
mée partirent du cordon de 1 Ouest , du Fort Liberté et du Cap» Les 
insurgés occupaient du côté du cordon de TOuest une chaîne de mor-^ 
nés qui s'étendait de la Marmelade au Limbe;, il existait une tella 
mésintelligence entre Jean François et Biassou qu'ils, nefuseront de sa 
secourir mutuellement. Le lieutenant colodel NuUy ^, comjnaudant du. 
cordon de l'Ouest, attaqua les insurgés^ enleva successivement huit 
positions qu'ils occupaient; il rencontra une vigoureuse résistance ea 
s'em parant de Ma dernière, le camp du, Petil-Thouurs ; en roème temps,. 
le commandant du cordon de l'Est, parti du. Fort Liberté , quoique 
abandonné de Candy, homme de couleur, chef d'une nombreuse ca- 
valerie , enleva un poste à l'Acul de Samedi ; mais il échoua au camp 
Lesec ou commandait un homme de couleur. De son. cété,. Laveaux 
sortit du Cap à la tête de son armée , marchant sur trois colonnes : 
la première était commandée par Mr. Dubuisson , la seconde par D^s- 
prés, lieutenant colonel au 41e régiment, la troisième par Dégouttes, * 
ancien officier au Royal Auvergne. La veaux atteignit les habitotions 
Bérard et Langardicre, et attaqua le jour suivant le camp de Milot. 
que les insurgés livrèrent aux flammes. Il les poursuivit jusqu'au 
pied du fort de la Tanu^rie où ils $e renfermôreat. U ne jpouvaii 



• ' HISTOIRE d^'haiti.— ( HOS ) ' I2fi 

iMiltrô en brèche €cUe redoute n'ayant que six pièces de campagne ; 
mais profitant do Tardeur de ses soldats, il ordonna aux troupes de 
ligne de monter à l'assaut. Elles obéissent avec enthousiasme <, et sont 
Tepoussées avec perte, écrasées sous la mitraille des 14 pièces de la 
fortification. Biassou , soutenant le coursée des siens , déployait la 
plus grande audace, et s exposait sur les remparts avec une rare intré- 
pidité. Les Volontaires du Cap, sous les ordres de Dessources, atta« 
quent à leur tour, et marchent avec fierté sans tirer un seul coup de 
fusil au milieu delà mitraille qui les foudroie. Le reste de Tarmée^ 
'^'âtonné de tant de courage, jette des cris d'admiration et d'enihou- 
siasme; les volontaire* parviennent au sommet d'un petit morne qui 
dominait la Tannerie. Se voyant soutenu par la colonne commandée 
par Després, ils se précipitent vers les retranchemens, atteignent les 
fossés, puis les embrasures du fort, malgré le feu le plus vif des 
insurgés; en môme temps arrivent les troupes de ligne, le corps dos 
•^affranchis, qui escaladent les murs; la cavalerie s'ébranle pour couper 
la retraite à l'ennemi; Biassou, déconcerté par tant d'audace, prend 
la fuite; et les blancs arborent le drapeau tricolore sur les remparts. 
C'était le 18 Janvier. De Russy poursuivit les fuyards jusque .dans la 
lilaine de la Grande Rivière; mais il n'en prit que quelques-uns, les 
Lianes ne pouvant lutter d'agilité à travers les bois, avec les noirs. 
Ceux ci gagnèrent les hauteurs de la Grande Rivière et du Dondon. 
Jean François alla camper à Piveteau, pour delà se ruer sur les blancS 
et les attaquer en détail. Ainsi fut enlevée la fameuse redoute de la 
Tannerie, boulevard des pays occupés par les insurgés, et que pendant 
long-temps on avait cru imprenable. Pendant l'aCtaque de ce Tort , 
Jean François n'avait fait aucun mouvement pour seeourir Biassou dont 
il était envieux, et qu'il voulait voir périr. 

Laveaux continuant ses succès, s'empara du camp Piveteau, aprôft 
avoir éprouvé une résistance héroïque. Nuliy rencontra 400 fuyards 
qui mirent bas les armes. Les insurgés, chassés duDondon, se reti- 
rèrent sur les hauteurs orientales de la Grande-Rivière du côté de Mo* 
ka et des Ëcrevisses. Jean-François se retrancha sur un plateau assez 
"^ élevé de l'habitation Gerbier que Nully cerna aussitôt. Les insurgés 
. parlaient de se rendre ; c'en était fait lie Jean-Franfois ; la guerre du 
Mord allait fmir, quand Sonthonax envoya l'ordre à l'armée de ren- 
trer au Cap. Tout en promettant aux blancs que la liberté générale 
Be serait jamais proclamée, il n'ignorait pas qu'il lui serait diflicile de 
tenir à ses engagemens , car la Convention nationale composée des 
patriotes les plus enthousiastes, les plus généreux, les plus instruits, 
que la France eut alors, ne pouvait reculer devant l'émanci- 
pation générale des esclaves ; d'un autre côté , témoin de la 
inarche des évènemens et des dispositions des coldns, plus hostiles' 
que jamais envers la métropole , il voulait ménager les insurgés dont la 

Jraoceréput>Uaûae pourrait un jour avoir besoin pour défendre la colonie. 



124? B»TOIES X>*HAWI. — ( IVÔS ) 

bien fortifiée ,.. presque inexpugnable , ceinte d'un fossé large et pr^fbndl' 
et armée de* quatorze pièces, de canon. Parmi les blancs prisonniers, 
il y avail plusieurs ingénieurs qui avaient été contraints de diriger les^ 
travaux de forlificatioa.. Cette forte redoute avait été élevée dans ile^ 
lieu ou M. de Belsunce ancien gouverneur de la colonia avait fait mon*- 
ter quatre pièces de campagne> 

Les jeunes blam:s. royalistes qui formaient, avant la journée du i^" 
Octobre 1702, le corps des volontaires à cheval, et dont Tintrépidité 
était connue, méconteus depuis la déportation dé Cambefort,^ montraient 
peu disposés à entrer en campagne ;. les petits-blancs ^ depuis Tem» 
barquement de Larchevèque Thibaud- et le triomphe des affranchis 
étaient découragés et abattus; et les, homme& de couleur exprimaient 
hautement leur répugnance à marcher, contre lea insurgés. Laveaux 
allait être réduit à entreprendre cette expédition avec les troupes ve- ' 
nues de France déjà décimées par les maladies^ mais toujours pleines, 
d'enthousiasme. Sonthonax réunit à la Fossette les jeunea.blancs , leSb 
caressa , les flatta et les porta k se nommer, des. ofUciers ;.. MM. Des- 
sources et dç Russy, deux riches planteurs, forent placés,,!' un à la tête 
des volontaires à pied, l'autre ii la tète des. voionta ires à cheval. C'était 
en Janvier 1793; Sonthonax et Laveaux tirent un fort beau plan de 
cami>agne : on devait en rétrécissant le cer42b qu'occupaient les troupes 
du cordon de l'Ouest et de celui de 1 Est ,, cerner étroitement les. 
insurgés dans le bassin de la Grande Riviène^ ensuite les chasser da 
fort de la Tannerie , les jeter dans la vallée ,, et les traquer de maniera 
à les refouler dans les gorges des montagnes, où ils. auraient été ex- 
terminés par les blancs qui s'y étaient déjà établis. Trois corps d'ar- 
mée partirent du cordon de 1 Ouest , du Fort. Liberté et du Cap. Les 
insurgés occupaient du côté du cordon de TOuest une chaîne de roor-^ 
nés qui s'étendait de la Marmelade au Limbe;, il existait une telle, 
mésintelligence entre Jean François et Biassou qu'ils, refuseront, de se. 
secourir mutuellement. Le lieutenant colonel Nuliy ,, conunandant du. 
cordon de TOuest, attaqua les insurgés^ enleva suecessivement huit 
positions qu'ils occupaient ; il rencontra une vigoureuse résistance ea 
s'em parant de. la dernière^ le campdu Petit-Thouars; en même temps^ 
le commandant du cordon de l'Est, parti du. Fort Liberté , quoique 
abandonné de Cahdy, homme de couleur, chef d'une nombreuse ca- 
ifalerie, enleva un poste à l'Acul de Samedi; mais il échoua au camp 
Lesec ou commandait un homme de couleur. De son. cété,. Laveaux 
sortit du Cap à la tète de son armée , marchant sur trois colonnes : 
la première était commandée par Mr. Dubuisson , la seconde par Des- 
prés, lieutenant colonel au 4 le régiment, la troisième par Dégouttes^* 
ancien officier au Royal Auvergne. Laveaux atteignit les habitations 
Bérard et Langardicre, et attaqua le jour suivant le cainp de Milot. 
que les insurgés livrèrent aux flammes. Il les poursuivit jusqu'au 
pied du fort do la Tannerie ou ils se renfermèrent. U ne pouvaU 



• ' HISTOIRE d^'haiti.— ( 1793 ) ' 126 

i^altrô en brèche cette redoute n'ayant que six pièces de campagne ; 
mais profilant do Tardeur de ses soldats, il ordonna aux troupes de 
ligne de monter à l'assaut. Elles obéissent avec enthousiasme <, et sont 
Topoussées avec perte, écrasées sous la mitraille des 14 pièces de la 
/ortification. Biassou , soutenant le courage des siens , déployait la 
plus grande audace, et s exposait sur les remparts avec une rare intré- 
pidité. Les volontaires du Gap, sous les ordres de Dessources, atta* 
quent à leur tour, et marphent avec fierté sans lirer un seul coup do 
fusil au milieu delà mitraille qui les foudroie. Le reste de Tarmée, 
^^tonné de tant de courage, jette des cris d'admiration et d'enihou- 
siasme; les volontaire* parviennent au sommet d'un petit morne qui 
dominait la Tannerie. Se voyant soutenu par la colonne commandée 

}>ar Després, ils se précipitent vers tes retranchemens, atteignent les 
bssés, puis les embrasures du fort, malgré le feu le plus vif des 
insurgés; en même temps arrivent les troupes de ligne, le corps do$ 
*;aQranchis, qui escaladent les murs; la cavalerie s'ébranle pour couper 
la retraite à l'ennemi; Biassou, déconcerté par tant d'audace, prend 
la fuite; et les blancs arborent le drapeau tricolore sur les remparts. 
C'était le 18 Janvier. De Russy poursuivit les fuyards jusque ^dans la 
lilaine de la Grande Rivière; mais il n'en prit que quelques uns, les 
Blancs ne pouvant lutter d'agilité à travers les bois, avec les noirs. 
Ceux ci gagnèrent les hauteurs de la Grande Rivière et du Dondon. 
Jean François alla camper à Piveteau, pour delà se ruer sur les blancS 
et les attaquer en détail. Ainsi fut enlevée la fameuse redoute de la 
Tannerie, boulevard des pays occupés par les insurgés, et que pendant 
long-temps on avait cru imprenable. Pendant l'attaque de ce fort , 
Jean François n'avait fait aucun mouvement pour seeourir Biassou dont 
il était envieux, et qu'il voulait voir périr. 

Laveaux continuant ses succès, s'empara du camp Piveteau, aprèft 
avoir éprouvé une résistance héroïque. Nully rencontra 400 fuyards 
qui mirent bas les armes. Les insurgés, chassés duDondon, se reti- 
rèrent sur les hauteurs orientales de la Grande-Rivière du coté de Mo* 
ka et des Ëcrevisses. Jean-François se retrancha sur un plateau assez 
élevé de Vhabitation Gerbier que Nully cerna aussitôt. Les insurgés 
parlaient de se rendre ; c'en était fait vie Jean-Franfois ; la guerre du 
Mord allait Onir, quand Sonthonax envoya l'ordre à l'armée de ren- 
trer au Cap. Tout en promettant aux blancs que la liberté générale 
Be serait jamais proclamée, il n'ignorait pas qu'il lui serait difficile de 
tenir à ses engagemens , car la Convention nationale composée des 
patriotes les plus enthousiastes , les plus généreux , les plus instruits, 
que la France eut alors, ne pouvait reculer devant l'émanci- 
pation générale des esclaves ; d'un autre côté , témoin de la 
inarche des évènemens et des dispositions des colons, plus hostiles- 
que jamais envers la métropole > il voulait ménager les insurgés dont la 
Jraoceréj^ui)U)6^epourrait un jour avoir besoin pour défendre IacoloDie« 



144 ttistoiltE D^HAiTr.— ( Ï793 ) 

p^tagèes entre lès ctiUivareurs et les guerriers républicaioâ» 

Presque en même temps une pétition couverte de huit cents signatured^ 
par laquelle la liberté générale était demandée avait été rédigée au bureaa 
municipal du Cap. Les hommes de couleur et les blancs républicains 
qui entouraient Sonthonax , à la tète desquels était Vergniaud , séné- 
chal de la ville et lieutenant de Tamirauté, parent de Tillustre convention* 
nel, suivis des officiers municipaux, dune foule de femmes, d'enfans^de 
vieillards chantant des hymnes patriotiques, agitant dans Tair desboi^ 
nets «le liberté, vinrent déposer la pétition sur l'autel de la patrie^, 
au nom des cultivateurs de St Domingue. C était le 2i Août. La pé- 
tition entre autres dispositions renfermait le passage suivant: « Nou^ 
« réclamons des droits que toutes les puissances humaines et divines 
« ne peuvent nous refuser, des droits que la natut;e elle-même nous a 
€ concédés, les droits de l'homme, liberté, sûreté, propriété, résia* 
t tance à l'oppression. La France les a gorantis à tous les hommes» 
€ ^e sommes-nous pas des hommes? Quelle loi barbare adonnéàdeâ 
« Européens le droit de nous porter t»ur un sol étranger , et de nou9 
« y consacrer à des tortures éternelles? vous nous avez expatriés: 
4 Eh bien ! que votre patrie devienne la nôtre ? Mais nous voulons ôtrd 
€ reconnus libres et français. » 

Les femmes noires et de couleur, la tête ornée de plumes trU 
colores, portant sqr' leurs seins nus leurs petits enfants, demandèrent 
avec tant d'ardeur cette liberté si longtemps attendue ^ que le corn* 
missaire civil céda à des vœux qui étaient aussi dans son cœur» 
Il s engagea solennellement à répondre à la pétition dans quatre jours» 
Il ne lui restait au Cap que 1800 soldats tant affranchis qu'eu*- 
ropéens; il était presque sans munitions de guerre; Jean François^et 
Biassou à la tête de leurs bandes , les troupes de ligne espagnoles , 
au nombre de trente mille hommes, menaçaient de fondre sur le 
Gap ; il fallait sauver les principes révolutionnaires à I aide de non* 
veaux citoyens. Enlin le 29 Août arriva. Dès la pointe du jour les 
affranchis, les troupes européennes prirent les armes. Les rues étaient 
jonchées de palmes et de - fleurs ; tout sous noire beau ciel res-» 
pirait lamour , la joie , rattet.drissenieut. Les citoyens et les ci* 
toyennes se rendaient en foule sur la place d armes, où était dressé 
Tautei de la patrie entouré de guirlandes et de drapeaux, sur une 
base de seize pieds. Sonthonax monta sur lautel déjà couvert d'ea- 
fans, de femmes, de vieillards. La solennité était majestueuse; ua 
peuple immense plein d'émotion entourait le palmier de la liberté 
jBurmonté de banderoUes tricolores. Dune petite taille, dune physio* 
nomie franche , des yeux exprimant toute l'ardeur de son ame , Son^» 
thonax dit d'une voix forte : « Tous les nègres et sangs^mêlés aotuelr 
'€ lement dans l'esdavage sont déclarés libres pour jouir des droits 
€ attachés à la qualité de citoyens français. » *te ciel retentit de cria 
ée joie eatret^Mipés ^e MMglots ^ jbs ^Ôbm «t ^9 M^^Ji^^^ ^^ 



HISTOIRE S*HAITI.««-( 179S ) 144 

eelcrcnt , les détonnations solennelles de Tartillerie éelatèr ent. ' Le re$« 
te de la journée s'écoula dans Tivresse du bonheur; on joua la mort 
de César. Quand les ai'ricâins virent exposer sur le théâtre le corpjG^ 
ensanglanté de César qui avait été , leur disait on , un ennemi de \i 
liberlé , ils applaudirent avec une ardear prodigieuse et rempliient h 
\illc de crîs prolongés. Les fêtes durèrent plusieurs jours 

La proelamation de la liberté générale , publiée dans toutou les 
parties du Nord où régnait 1 autorité de la république , par des of* 
ficiers munreif>au\ précédés du bonnet rouge porté au bout d^une 

)ique, (it naître dans le peuple émancipé un enthousiasme^ qui alla 
, usqu'au délire. Boisrond le jeune, homme de couleur, membre de 

a commission intermédiaire, chargé par Sonihonax de faire ces pu* 
blications , voyait accourir au-devant de lui , de bourgs en bourgs^ 
de villes en villes, les cultivateurs réunis en masse. Ces hommea 
neufs et impressionnables paraissaient ne pas croire à tant de félicité; 
ils créaient des ponts sur son passage avec dos madriers qu'ils 
avaient portés s.u^ leurs lôtes de plus de trois lieues , et cou*» 
Vraient les routes de feuilles d'arbres. Le nom de SorUhouax était béni ; 
ils l'appelaient le bon Dieu. Di^ Pori-de-Paix au- Gros - Morne, Bois- 
rond fut porté en chaise à bras d'hommes par un chemin en ligna 
droite ouvert en quelques heures à travers les bois. * 

L allégresse était partout , si ce n'est dans lo cœur des colons ro* 
yalîstes. Ils mirent tout en œuvre pour troubler les joies populaires;, 
ils répandirent dans les ateliers de Pilate et de Plaisance que les 
cultivateurs ne devaient plus travailler, puisqu'ils étaient libres. Les 
ateliers de ces quartiers prirent les armes et assaillirent A.. Chanlatte , 
commandant du eordon de l'Ouest. Ce ne fut pas sans peine que 
Sonthopax parvint à le dégager. Au Port-de*Paix , au Port-Margot^ 
égarés par les colons, ils se livrèrent aussi à des excès; mais à la Tor- 
tue tout se i)as$a avec la plus grande tranquillité ; le commandant 
pierre Labatut y fit lire la proclamation du 29 Août aux ateliers ré-** 
unis -qui laissèrent éclater la môme joie que partout ailleurs. 

Alors Sontlionax convoqua les assemblées piimaires pour la nomi- 
x^atioa d^s députés à la convention nationale. Le 23 et le 24 sep- 
tembre l'assemblée éleotorale du Cap nomma cinq représentants :. Mills,, 
Bussière Laforest, hommes de couleur; pufay natif de Paris , et Gar- 
Bot , blancs; Mars^Belley , citoyen noir d une grande moralité, ayant 
servi pendant la guerre de la NouvcUe-Angloierre sous le. oomte^ 
d'Estaing. 

Ces cinq députés partirent pour France |\ar la voie des Etats Unis,, 
avec mission d obtenir la conlirmation de 1 acte île l'émancipation générale. 
Pour la. première fois on verra en France des noirs et d(.s hommes do 

* Voir à la fia du volume le préambule et le dispositif de Tax^te du. 29 



^46 igtiRToiRE d'itaïti.— (1793 ) 

couleur faire entendre leur voîx dans une assemblée délibérante. 
- Polvcrel plus Agé , moins fougueux que Sonlhonax , blâma son col- 
lègue d'avoir proclamé la liberié sans aucune espèce de rcslriclion ; 
il défendit même de publier la proclamation du 29 Aoûi. II eut 
dans cette occasion la simpl^L^té, quoique liomme de talent, de de- 
mander aux esclaves de HOucst s ils n«fmeraiiînt- pas mitux devenir 
libres progressivement. Il s'adressa à eux en les appelant (rèrcs et 
ami$\ ils lui répondirent par l'iitsurreclion. Dans les hauteurs de St. 
Marc , ils livrèrent tout à la dévastation et aux flammes. Alors il 
s aperçut qu il ne pouvait que suivre l'exemple de Sonthona:^. Use 
hâta de convoquer tous les ciloyens possesseurs d'esclaves pour la 
célébration de I anniversaire delà fondation de la république. Le 22. 
Septembre toute la population du Port-au Prince était réunie sur la 
Hace d'Armes ; Polvérel, entouré des autorités de la ville, j arriva 
au milieu des acclamalious universelles, et monta sur Tautel de la 
Patrie. C était un bel homme ;^ il avait de grands yeux bleus, des 
cheveux roux , une ph>siononûe sombre qu'animait par intcr\;al!e I cn« 
thousiasme républicain. Les possesseurs d'esclaves vinrent les uns 
après les autres signer sur un grand registre ouvert sur l'autel qu'ils 
reconnaissaient libres leurs esclaves. A la fin de la cérémonie Polvé- 
rel déclara ciloyens français tous les malheureux que la servitude te- 
nait sous le joug. Ce fut dans cette solennité qu'il donna au Port- 
au-Prince , le nom de Port-Républicaîn. 

Le même jour, les colons blancs, noirs et de couleur signèrent dan$ 
chaque quartier , en présence du peuple rauni , l'acte de Témanci- 
pation générale. 

' On fut étonné de veir les affranchis du Môle , de St. Marc, del'Ar 
çahaie, du Mi'rebalais et de Léogane, prendre part à la consternation 
des colons blancs en présence de tels actes. Cependant ils avaient 
trouvé fort juste que les commissaires civils eussent écrasé les plan- 
teurs et les petits blancs pour leur assurer la jouissance des droits 
politiques. Leurs intérêts matériels lésés les aveuglaient. Aussi Son* 
thonax commença-t-il dés lors à Ips confondre avec les aristocrates et 
à ies traiter comme tels. 

• Quafit à Polvérel il écrivit à la paroisse de TAnse-à-Veau qui hési- 
tait à accepter l'acte de Témancipalion générale. « Vous parlez d'ef- 
« fervesccnce ;, j'entends ! c'est T effervescence des maîtres dont vous 
€ me parlez ; moi j'ordonne d instruire les esoJavcs. C'est le seul 
« moyen d'empôcher une effervescence plus terrible qui ferait égorger 
€ tous les maîtres. Si je n'apprends pas que vous avez prompte- 
€ ment réparé votre faute, vos tètes m'en répondront. » 

Cependant les affranchis d'élite avaient accueilli avec enlhousixisrae 
|a liberté générale, les Pinchinat, les Chanlatte, les Bauvais, lesRi- 
gaud, les \illate, les Martial Besse, les Boisrond, les Aubrant, les 
poyon , les Lambert^ los Forbos^ 1«$ Toureaux, les Lefranc, les Pélton^ 



mSTOIRE D^HAITI.— ( Î79S ) \i7 

les Icdn Rapttste IVfodor , les Faubert , les Blanche! y etc. etc. Ilg 
seconderont partout* avec un zèle remarquable les commissaires civils 
pour le triomplie de cet acte bumanitaire et de salst publiQ. ^ 

Dans les derniers jours de Septembre Polvérel envoya au commis* 
saire civil Deli)échey qui se tenait toujours aux Cayes, sa proclamation 
et celte de Sonthonax , en l'invitant à les faire publier. Delpèehe 
o'exécuta pas ses ordres , prétextant qu'il n appartenait qu'à la con- 
vention nationale de proclamer la liberté générale. . Il oubliait que Tes- 
clavage est un si grand crime que chaque homme a le droit d'en pro- 
clamer Vabolilion. Cependant il se disposait à se rendre au. Part-Ré« 
publicain pour s'entendre avec Polvérel sur la détermination qu'il auf 
rait à prendre , lorsqu'il mourut aux Cayes, le 27 Septembre. 

Pendant cet intervalle Polvérel se disposait à se rendre dans le S*ud'. 
Il confia le conimanden>ent militaire de la province de l'Ouest à Tad^ 
judant général Monbruo , et l'administration civile à Pinchinat. Bau^ 
vais eut le commandement du quartier du Mirebalais. Ainsi toute 
l'autorité se trouva entre les mains des hommes de couleur. Monbrum 
était un quarteron né^à St. -Doraingue y où il avait de riches propriétés. 
Il avait été élevé a Bordeaux y et il était revenu dans la colonie à la. 
tête d'un des bataillons du département de la Gironde; il était un en- 
nemi implacable des blancs royalistes. 

Potvçrel partit pour U Sud. Aussitôt qu'il arriva aux Cayes, il fit 
publier la liberté générale. Ce jour, le temps était magnifique; touto 
la population était en agitation et pleine de gaieté, si c^ nest la plu« 
part des blancs qui se montraient mécontens, taciturnes; cependant 
ils ne pouvaient résister à l'entrainement général; ils maudissaient tout 
bas leur mère-patrie,, et songeaient déjà à la trahir en toureant vers l'An- 
gleterre unt main suppliante. L'acte de l'émancipation générale écrit 
sur une large feuille de papier fut publié dans tous les quartiers de 
la ville , par le procureur de la eommune précédé de douze tambours. 
Pendant toute la journée , les hommes de couleur et les noirs crai- 
gnant que le commissaire civil ne fut assassiné par les royalistes firent 
autour de sa maison une garde vigilante. 

Polvérel destitua un grand nombre de fonctionnaires, établit partout 
de nouvelles autorités. Le général Hârty soupçonné de royalisme .^fut 
remplacé par le général liigaud dans le commandement de la province 
du Sud. Aux Caves, comme au Port-Républicain , toute fautorité passa 
aux mains des hommes de couleur; et la. légion de TÉgalijLé du Sud. 
fut organisée sur un pied formidable. 

' Polvérel établit ensuite une sévère police dans les campagnes, fit de- 
sages règloinens^ forma sijr chaque habitation un conseil d administra-* 
tion composé de noirs et de mulâtres nouveaux libres auxquels.il re« 
eommanda do faire apprendre à lire et à écrire aux petits enfans. En 
conséquence il fit ouvrir des écoles sur les habitations ; mais il voulut, 
CIL niaiiora de religion qu'on n' j enseignât que> le dogme de f existencoL- 



138 HISTOIRE iû'haitx.— ( 179S ) 

lue et le coBsîgnèrenl à bord de la gabarre la Normande. Tartgùjr 
Laboissière el Thomas Millet, prisonniers à bord des navires de l'esca- 
dre, excitèrent aussilôt les équipages à la révolte, malgré la conduite éner* 
ciqne du contre-amiral Cambis. Les matelots demandèrent à aller ex* 
terminer cette race exécrable de mulâtres. Cependant le vaisseau l'Amé*^ 
irica demeura (idéle à I autorité nationale. 

Galbaud qui entretenait des relations avec Gauvain et Icjs autres ro* 
^^alistes de la ville , prit sur Cambis .le commandement de f escadre 
mouillée dans la rade du Cap, et lança le 20 Jum une proclamation 
contre les commissaires civils , dans laquelle il les traita de fléaux de 
St>-Domingue. Le même jour dans la matinée, César Galbaud descen* 
dit en ville avec 3000 hommes, sans rencontrer d'obstacles^ tant les 
commissaires s'atteiKlaient peu à ce coup de main*. Presqjje toutes le& 
troupes patriotiques venues do Fmnce oceupaient dans les campagnes 
le cordon républicain qui protégeait le Cap contre les attaques de Jeaa 
François. Gauvain vint le renforcer à la tête de 200 jeunes royalislea 
à pied , et des anciens cavaliers de la garde nationale. 

Cette arm.ée monta à 3,500 hommes; elle se partagea en deux co^ 
lonnes ; la première sous les ordres de Gauvain maroha contre 1 entrée 
principale du Palais national qu'occupaient les affranchis et où étaient 
les commissaires civils; la seconde , commandée par César Galbaud , 
4evait le tourner et l'assaillir par derrière ; le général Galbaud se te* 
iaît sur un vaisseau avec un corps de réserve.. 

Comme Laveaux était malade, Sontho'nax et Polvérel confièrent Iç^ 
^commandement des troupes de ligne et des affranchis au colonel Antoî* 
jie Chanlatte , homme de couleur , et à Mars Belley oflicier noir. 

Le» hommes de couleur attaqués d'abord par la première colonne^ 
résistèrent avec énergie; la mitraitlb même ne put les ébranler. Aprcft. 
avoir repoussé Gauvain dans larrière^cour du gouvernement , ils s'élan- 
cèrent sur ses troupes à la baïonnette ; les volontaires da Cap battirent 
en retraite; les matelots attaqués à leur tour avec impétuosité prirent 
la fuite; et la déroute. fut complète. 

Àtissitôt aprèa la défaite de Gauvain, les hommes de couleur se pré* 
çipitèrent sur la colonne qui avait tourné le gouvernement , composée 

1)resque en entier des marins de l'escadre , lui enlevèrent un obusier^ 
a culbutèrent , firent prisonnier César Galbaud et le conduisirent aux 
commissaires civils. 

Toute l'armé^ blanche se retira sur le rivage. Les hommes de cou- 
leur n'étant pas assez nombreux pour la çontrâiadre à se rembarquer^ 
ne la poursuivirent pas. 

Le lendemain 21 Juin, au point du jour, le général Galbaud des- 
cendit sur le rivage , à la tête d'une nouvelle colonne de matelots. Il 
marcha sur l'arsenal qu'occupaient cinquante aOranchis, commandée 
par un blanc. Celui-ci, après avoir défendu aux hommes de couleur 

de tirer en leur disant q|ue les marms élsiittoi d^a frères ^ui n'^ik 



«1$T01RE D*^HA.in.*— ( 1793 157 

toaïaîent qu*atf< cotnmîssaîres mils, s'avança au-devant' de Galbaud^^ 
Vembrassa et lui livra Tarsenal. La plupart des affranchis furent égor» 
gés. Polvérel , pour faire cesser ce carnage , envoya son (ils en parle- 
mentaire auprès des matelots; mais ceux-ci sans respect pour le droit 
des gen&^ 1 arrêtèrent. Galbaud, maître de plusieurs forts qiiidomii 
traient le palais du gouvernement , assaillit les hommes de couleur. Son 
artillerie bien servie éteigfût le feu de la batterie des comnussaires civils. 
jJLntoine Ghanlatte ne pouvant résister à des forces huit fois supérieures 
dus siennes, conseilla h Polvérel et à Sontiiona\ de se retirer au haut 
du Cap. A onze heures du matin les affranchis el les commissaires 
civils avaient atteint 1 habitation Bréda* Le^ matelots maîtres de la 
place , n'écoutèrent plus la voix de la jeunesse royaliste et se livrèrent 
au plus affreux pillage. Les esclaves qui étaient au Gap et les mal* 
l^iteura de tous les partis et de toutes les couleurs les imitèrent. Il 
ne fut plus possible à Galbaud de maintenir Tordre; il se retira sur 
la flotte ; 1% carnage devint affreux; beaucoup do bourgeois blancs fuyant 
la mort vinrent chercher un asyle à Brèda auprès des hommes de cou- 
leur qui les accueillirent généreusement. Le feu éclata dans la ville^ 
et rincûudie se développant avec ^|e rapidité prodigieuse couvrit le 
Cap de tourbillons de flammes et d^fumée. Ce fut alors une affreuse 
calamité. 

Les affranchis réduits au désespoir, lancèrent sur la ville dix mille 
f^oîrs et mulâtres insurgés conduits par un chef de bandes nommé 
f^ierrot. Les blancs assaillis de toutes parts étaient égorgés dans tous 
las quartiers ; on se battait dans chaque rue , dans diaque maisoi^. 
Pendant ce massacre, le général Galbaud iit offrir aux commissaires 
civils d'échanger son frère, contre le lils de Polvérel. Celui-ci lui fit 
répondre que son lils ayant été arrêté contre le droit des gens, Thon* 
Deur de la République ne lui permettait pas d'aecepter une telle tran- 
saction. Cependant trois cents affranchis offraient d'aller se constituer 
prisonniers en échange de son fils. Il commanda de nouveau à Galbaud ^ 
de se rendre à bord de la Normande , pour y attendre les ordres de 
la commission civile. ^ 

Au milieu de mille combats et d'un immense embrasement, les 
commissaires civils, par une proclamation (21 Juin 1793) déclaraient 
libres et citoyens franfaia tous les esclaves . noirs et de couleur 
qui combattraient pour la République. Galbaud fit jeter dans la mer 
les poudres de Tarsenal, et enclouer les canons, pour qu'on ne put 
pas s'en servir contre la flotte. 

Avant la fin de la journée, ses partisans avaient évaaué la placer 
Baptiste Léveillé, Martial Besse, Villale , plusieurs autres affranchis, 
et Bédos commandant du 73e régiment de ligne , s'entendirent avec 
Pierrot pour faire rentrer dans Tordre ses bandes indisciplinées. Pierrot 
les fit sortir de la ville et abandonna la caiise du Roi d'Espagne, ainsi 

Ij^u'uA auUTQ çM ds bacidQa n9vmè SHacdya. jLes coouK^iâsairçs civils 



ISft HISTOIRE i>'haiti.~( 1793 ) 

|ne et le oonsignèrent à bord de îa gabarre la Normande. TailgîÉijr 
Laboissière el Thomas Miliet, prisonniers à bord des navires de l'esca- 
dre , excitèrent aussitôt les équipages à la révolte, malgré la conduite éner- 
gique du contre-amiral Cambis. Les matelots demandèrent à aller ex* 
terminer cem race exécrable de mulâtres. Cependant le vaisseau rAmé*^ 
fica demeura fidèle à I autorité nationale. 

Galbaud qui entretenait des relations avec Gauvain et les autres ro* 
yalistes de la ville , prit sur Cambis le commandement de h'escadre 
mouillée dans la rade du Cap , et lança le 20 Jum une proclamation 
contre les comniissaires civils , dans laquelle il les traita de fléaux de 
Stk-Domingue. Le même jour dans la matinée, César Gâlbaud dcscen* 
dit en ville avec 3000 hommes, sans rencontrer d'obstacles^ tant les 
commissaires s'attendaient peu à ce coup de main.. Presque toutes le& 
troupes patriotiques venues do Frtince ocaupaient dans les campagnes 
le cordon républicain qui protégehit le Cap contre les attaques de Joaa 
François. Gauvain vint le reiilbrcer à la tète de 200 jeunes royalistea 
à pied , et des anciens cavaliers de la garde nationale. 

Cette arm.ée monta à 3,500 hommes; elle se partagea en deux co* 
lonnes ; la première sous les ordres de Gauvain maroha contre l'entrée 

Ï)rincipalè du Palais national qu'occupaient les affranchis et où étaienl 
es commissaires civils; la seconde , commandée par César Galbaud , 
devait le tourner et l'assaillir par derrièrs ; le général Galbaud se te> 
ibait sur un vaisseau avec un corps de réserve^ 

Comme Laveaux était malade, Sontho'nax et Polvcrel confièrent !ç 
^commandement des troupes de ligne et des affranchis au colonel Antoî* 
3ne Chanlalte , homme de couleur , et à Mars Belley oflicier noir. 

Les hommes de couleur attaqués d'abord par la première colonne^ 
désistèrent avec énergie ; la mitraillb même ne put les ébranler. Après, 
avoir repoussé Gauvain dans Tarrière-^cour du gouvernement , ils s'élan- 
cèrent sur ses troupes à la baïonnette ; les volontaires du Cap battirent 
çn retraite; les matelots attaqués à leur tour avec impétuosité prirent 
la fuite ; et la déroute, fut complète. 

Atissitôt après la défaite de Gauvain, les hommes de couleur sepré* 
çipitèrent sur la colonne qui avait tourné le gouvernement , composée 

{)resque en entier des marins de l'escadre, lui enlevèrent un obusier,, 
a culbutèrent , firent prisonnier César Galbaud et le conduisirent aux 
commissaires civils. 

Toute l'armée blanche se retira sur le rivage. Les hommes d« cou- 
leur n'étant pas assez nombreux pour la çontrâiadre à se rembarqueri^ 
ne la poursuivirent pas. 

Le lendemain 21 Juin, au point du jour, le général Galbaud des- 
cendit sur le rivage, à la. tête d'une nouvelle colonne de matelots. Il 
marcha sur l'arsenal qu'occupaient cinquante aQraachis, commandés 
par un blanc. Celui-ci, après avoir défendu aux hommes de couleur 

d<) tirer en leur disant q^a les marbis élûwU des frères ^ui ft'ej^ 



«ï8T0lRt D^HAin.*— ( Î793 15î 

ventaient qu*atft eommîssaîres cmls, s'avança au-devant d© Galbaud^ 
Vembrassa et lui livra Tarsenal. La plupart des affranchis furent égor» 
gês. Polvérel , pour fait© cesser ce carnage , envoya son (ils en parie- 
Uientaire auprès des matelots; mais ceux-ci sans respect pour le droit 
des genst^ 1 arrêteront. Galbaud, maître de plusieurs forts quidomi^ 
Datent le palais du gouvcrnemeBt , assaillit les hommes de couleur. Son 
artillerie bien servie éteig-nit le feu de la batterie des commissaires civils. 
Antoine Ghanlatte ne pouvant résister à des forces huit fois supérieures 
aux siennes , conseilla à Polvérel et à Sontiiona\ de se retirer au haut 
du Cap. A onze heures du malin les affranchis el les commissaires 
civils avaient atteint 1 habitation Bréda. Les matelots maîtres de la 
place, n'écoutèrent plus la voix de la jeunesse royaliste et se livrèrent 
au plus affreux pillage. Les esclaves qui étaient au Gap et les mal* 
faiteura de tous les partis et de toutes les couleurs les imitèrent. Il 
-ne fut plus possible à Galbaud de maintenir l'ordre; il se retira sur 
la flotte ; le carnage devint affreux; beaucoup de bourgeois blancs fuyant 
la mort vinrent chercher un asyle à Brèda auprès des hommes de cou<* 
leur qui les accueillirent généreusement. Le feu éclata dans la ville ^ 
et rinccudie se développant avec ^|e rapidité prodigieuse couvrit le 
Cap de tourbillons de flammes et d^fumée. Ce fut alors une affreuse 
calamité. 

Les affranchis réduits au désespoir, lancèrent sur la ville dix mille 
fioirs et mulâtres insurgés conduits par un chef de bandes nommé 
f^ierrot. Les blancs assaillis de toutes parts étaient égorgés dans tous 
les quartiers ; on se battait dans chaque rue , dans diaque maisoi\. 
Pendant ce massacre, le général Galbaud tit offrir aux commissaires 
citils d'échanger son frère, contre le iils de Polvérel. Celui-ci lui fît 
irépondre que son Iils ayant été arrêté contre le droit des gens, Thon- 
Beur de la République ne lui permettait pas d'aecepter une telle tran* 
«action. Cependant trois cents affranchis offraient d'aller se constituer 
prisonniers en échange de son ûls. Il commanda de nouveau à Galbaud ^ 
de se rendre à bord de la Normande , pour y attendre les ordres de 
la commission civile. ^ 

Au milieu de mille combats et d'un immense embrasement, les 
commissaires civils, par une proclamation (21 Juin 1793) déclaraient 
libres et citoyens français tous les esclaves . noirs et <le couleur 
qui combattraient pour la République. Galbaud fît jeter dans la mer 
les poudres de l'arsenal, et enclouer les canons, pour qu'on ne put 
pas s'en servir contre la flotte. 

Avant la fin de la journée, ses partisans avaient évaeué la place* 
Baptiste Léveillé, Martial Besse, Villate , plusieurs autres affranchis, 
et Bédos commandant du 73e régiment de ligne , js'entendirent avec 
Pierrot pour faire rentrer dans Tordre ses bandes indisciplinées. Pierrot 
les fit sortir de la ville et abandonna la caiise du Roi d'Espagne, ainsi 

gu'UA ftutr« nM 4ô b^i^ mvms aUftc^ya. h^ çQumiss^it^ chUs 



\S6 HISTOIRE ï)*HAlTr.— ( 1795 ) 

Ine et le ooBsîgnèrenl à bord de la gabarre la Normande. Tartgïy 
Laboissiére el Thomas Millet, prisonniers à bord des na\ires de Tesca- 
dre, excitèrent aussiiut les équipages à la révolte, malgré la conduite éner* 
^qne du contre-amiral Gambis. Les matelots demandèrent à aller ex* 
terminer cette race exécrable de mulâtres. Cependant le vaisseau TAmé^ 
irica demeura fidèle à 1 autorité nationale. 

Galbai>d qui entretenait des relations aveo Gauvain et lejs autres ro* 
yalistes de la ville, prit sur Gambis le commandement de f escadre 
mouillée dans la rade du Gap , et lança le 20 Jum une proclamation 
contre les commissaires civils , dans laquelle il les traita de fléaux de 
St>-Domingue. Le même jour dans la matinée. César Galbaud descen* 
dit en ville avec 3000 hommes, sans rencontrer d'obstacles^ tant les 
commissaires s'attendaient peu à ce coup de main«. Presque toutes les. 
troupes patriotiques venues do France occupaient dans les campagnes 
le cordon républicain qui protégeait le Cap contre les attaques de Jean 
Vrançois. Gauvain vint le renforcer à la tête de 200 jeunes royalistes 
à pied , et des anciens cavaliers de la garde nationale. 

Cette arm.ée monta à 3,500 hommes; elle se partagea en deiix co« 
lonnes ; la première sous les ordres de Gauvain maroha contre l'entrée 

i)rincipalè du Palais national qu'occupaient les affranchis et où étaient 
es commissaires civils; la seconde , commandée par César Gaibaud , 
devait le tourner et Tassaillir par derrière ; le général Galbaud se te- 
nait sur un vaisseau avec un corps de réserve^ 

Comme Laveaux était malade, Sonthdnax et Polvérel confièrent Iç 
^commandement des troupes de ligne et des afli^nchis au colonel Antoî* 
ïie Ghanlalte , homme de couleur , et à Mars Bclley officier noir. 

Les hommes de couleur attaqués d'abord par la première colonne^ 
résistèrent avec énergie; la mitraitlb même ne put les ébranler. Après, 
avoir repoussé Gauvaia dan* Farrière-^cour du gouvernement , ils s'élan- 
cèrent sur ses troupes à la baïonnette ; les volontaires du Gap battirent 
<^n retraite; les matelots attaqués à leur tour a\ec impétuosité prirent 
la fuite; et fa déroute. fut complète. 

Atissitôt après la défaite de Gauvain, les hommes de couleur se pré* 
eipitèr^nt sur la colonni^ qui avait tourné le gouvernement , composée 

|)resque en entier des marins de l'escadre , lui enlevèrent un obusier^ 
a culbutèrent , firent prisonnier César Galbaud et le conduisirent aux 
commissaires civils. 

Toute l'armée blanche se retira sur le rivage. Les hommes ds cou- 
leur n'étant pas assez nombreux pour la contraindre à se rembarquer^ 
ne la poursuivirent pas. 

Le lendemain 21 Juin, au point du jour, le général Galbaud des- 
cendit sur le rivage, à la. tête d'une nouvelle colonne de matelots. Il 
marcha sur l'arsenal qu'occupaient cinquante aOranchis, commandés 
par un blanc. Celui-ci, après avoir défendu aux hommes de couleur 

di) tirer en leur disant ^ue les marina éiaîwU des frcros ^ui ii'ejii 



«ïSToiRE v^Bknt.^ t?93 157 

vonlaîent qVatfîf fommissaîres mils, 8*a\ança au-de\ant' de Galba iid^ 
Vembrassa et lui livra Tarsenal. La plupart des affranchis furent égof 
gés. Polvérel , pour faire cesser ce carnage , envoya son (ils en parle* 
tnentaire auprès des matelots; mais ceux-ci sans respect pour le droit 
des gens^ 1 arrêtèrent. Gaibaud, maître de plusieurs forts qui demi ^ 
fiaient le palais du gouvernement , assaillit les hommes de couleur. Soq 
artillerie bien servie éteig-rût le feu de la batterie des commissaires civils. 
^iintoine Ghanlatte ne pouvant résister à des forces huit fois supérieures 
aux siennes y conseilla à Polvérel et à Sontuonax de se retirer au haut 
du Cap. A onze heures du matin les affraachis el les commissaires 
civils avaient atteint 1 habitation Bréda. Les matelots maîtres de la 
place , n'écoutèrent plus la voix de la jeunesse royaliste et se livrèrent 
au plus affreux pillage. Les esclaves qui étaient au Gap et les maU 
taiteura de tous les partis et de toutes les couleurs les imitèrent. Il 
•ne fut plus possible à Galbaud de maintenir Tordra; il se retira sur 
la flotte ; le carnage devint affreux; beaucoup de bourgeois blancs fuyant 
la mort vinrent chercher un asyle à Brèda auprès des hommes de cou«* 
leur qui les accueillirent généreusement. Le feu éclata dans la ville, 
et rincendie se développant avec ^|je rapidité prodigieuse couvrit le 
Cap de tourbiIloi>s de flammes et d^fumée. Ce fut alors une affreuse 
calanHté. 

Les affranchis réduits au désespoir, lancèrent sur la ville dix mille 
fioirs et mulâtres insurgés conduits par un chef de bandes nonamé 
l^ierrot. Les blancs assaillis de toutes parts étaient égorgés dans tous 
las quartiers; on se battait dans chaque rue, dans chaque maisoiv 
Pendant ce massacre, le général Galbaud fit offrir aux commissaires 
civils d'échanger son frère, contre le lils de Polvérel. Celui-ci lui fit 
répondre que son iils ayant été arrêté contre le droit des gens , Thon* 
Beur de la République ne lui permettait pas d'aecepter une telle tran* 
«action. Cependant trois cents affranchis offraient d'aller se constituer 
prisonniers en échange de son fils. Il commanda de nouveau à Galbaud ^ 
<le se rendre à bord de la Normande , pour y attendre les ordres de 
la commission civile. ^ 

Au milieu de mille combats et d'un immense embrasemon't , les 
commissaires civils, par une proclamation (21 Juin 1793) déclaraient 
libres et citoyens français tous les esclaves . noirs et <le couleur 
qui combattraient pour la République. Galbaud fit jeter dans la mer 
les poudres de Tarsenal, et enclouer les canons, pour qu'on ne put 
pas s'en servir contra la flotte. 

Avant la fin de la journée, ses partisans avaient évaené la place* 
Baptiste Léveillé, Martial Besse, Villate , plusieurs autres affranchis, 
et Bédos commandant du 73e régiment de li^ne , s'entendirent avec 
Pierrot pour faire rentrer dans Tordre ses bandes indisciplinées. Pierrot 
les fit sortir de la ville et abandonna la cause du Roi d'Espagne, ainsi 

gu'uA 9uU« aW dô banide^ UQmm SUsica^a* Lea cooiinmirçs çWilg 



154 fil^TOltlE DJIAITI.— ( 1Ï93 ) 

tivaîcnt gardé la plaee. Quelques jours après les frégates anglaises là 
Péuélope el Tlphigénie vinrent mouiller dans la ride. 

Les anglais , après axoir confié le coai maniement du quartier du 
Molo au lieutenant colonel Dansey, déportêrenl le n)aire Jeanlon com« 
me a}anl été le s<^ul des habitans qui se fut opposé à la capitulation. 
Cependant 'quand il arriva en France il faillit périr victime de lUt 
perfidie des colons qui, prenant le masque du patriotisme^ l'accusèrent 
d avoir été un mauvais républicain. 

Pendant ce temps, d après les conseils des blancs de Jérémie, Whitloke 
se résolut à attaquer Tiburon, place importante qui couvrait la Grand'Ânsà 
du côté Sud. 11 s'embar(|ua avec six cents soldats anglais, et arriva dans 
la baie de Tiburon le 4 Octobie. Cette place était occupée par cincf 
cents hommes de Iroupt's noireà et de couleur du parti républicain. 
Morin Duval riche planteur, à la tète de 500i noirs de la Grand' Anse^ 
devait le seconder dans son entreprise, tfuval avait pour lieutenant 
un noQimé Jean Kina , ancien esclave de Mr Laroc des Irois^ que 
le conseil de Jérémie axait nommé colonel. 

Whitloke ne |K)uvant opérer son débarquement sous le feu assez 
vif des batteries républicaines alla descendre à une lieue de Tiburùn. 
Il ne reçut aucune nouvelle de Morin Duval qui errait à travers les 
bois ^ où il s'était égaré. En même temps un Corps de cavalerie» 
commandée par Rigaud, et envoyé des Cayes par Polvérel , vint reix- 
forcel' les républicains. Whitloke tenu en échec par des forces su* 
périeures aux siennes ne put agir contre la ville. Il se rembarquât -^ 
sous le feu des républie.tins après avoir* éprouvé une perle impor- 
tonte , et Yevink à Jérémie. 11 lit de vifs reproches au conseil de sû- 
reté et d'exécution auquel il attribua l'érhec qu il venait de recevoir. U 
se plaignit <tes mauvais renseignemens qui lui avaient été fournis. U 
était d'autant plus indi.^né (pie la lièvre jaune s (;lait déclarée dans sa 

f)etite armée. Il se résolut même à évacuer Jérémie et le Môle. Mais 
es Jérémiens , eili^^éji de l'abandon dans lequel ils se trouveraient^ 
craignant la fureur des té|jublicains , supplièrent tellement les an«> 
glais de ne pas se rembarquer, que Whitloke se détermina à demaa- 
der des renforts au gouverneur de la Jamaïque^ Williamson lui en- 
voya en toute hàie rpichpies conqjagnies du 45e. , du 20e et le corpg 
des Royaux, en tint S>) hoimnes. Il ne demeura à la Jamaïque 
que 400 soldats. L arrivée* de ces troupes releva le moral du parti 
ro}aliste qui crut découvrit* r|ue le gouvernement anglais élaitdéter* 
miné à conquérir St-Domingue, par toutes sortes de sacrifices. On 
répandit au loin que six mille anglais venaient de débarquer à Jérémie. 
Pendant <« temps le conseil de la Grand Anse dirigeait les plus cruelles 
persécutions contre les hommes de couleur de Jérémie, Isj^lupart dévouésà 
la république française. Il en lit fusiiller 160. Whitloke qui n'entendait pas 
l0 français le laissait agir; cependant il s'indignait quelquefois à la vue 
des tortures auxquelles, oo livrait «es iaforluaésj alors U eu (^àsaîl 



itis^oïKE d'haiti.— ( 1703 ) 155 

YfteUre quelques uns en liberté; Les frères lîennoquin allaient ê(rc 
décapités; une circonstance iniprévue fit suspendre Icxétution ; Wln't* 
loke en profita pour pblenir Uur grâce. Des mémoires de 1 époque 
rapporl.enl que rexccution ne fut suspendue que parceque le bourreau 
demandait huit portugaises pour chaque tèle > tandis que le conseil 
B'en voulait donner que cinq. * 

Après avoir appris la capitulation du Mûle^ Sonthonax résolut de se 
rendre ag Port- Républicain. Il avait écrit à Polvérel de venir le join* 
dre dans cette ville aiin qu'ils pussent prendre, ensemble des mesurer 
en harmonie avec les événemens qui se passaient. Il partit du Cap et 
confia au gouverneur.de Lasâlle le commandement de la |)rovince 
du Nord. Vieillard é])uisé de corps et d'esprit , Delasallo au lieudes'oc* 
cuper des adaires publiques se rendit à la Tortue pour s'y livrer au 
repos. Il avait presque perdu la raison lorsqu'il avait appris Tentréc 
des Anglais au iVfôle StrNicoias. En «a qualité de gouverneur il oui 
Toulu marcher cotitre les troupes britanni<jues ; mais son état d'épui- 
semeot ne lui permettait pas d'entreprendre une campagne. Il écrivit 
à Sonthonâx qu il serait imprudent d'aller attaquer le Môle , puis(|ue 
quatre-vingts voiles remplissaient la rade de cetlo ville. * 11 n'y en avait 
que ti*ois I Europa , la Pénélope et Tlphigénie. Delasalle était secrè- 
tement I ennemi du commissaire civil qu'il eût voulu voir succomber. 
Au lieu de comb:ittre les Anglais, il écrivit au commodore.Ford des 
lettres pleines de complimens et de flatteries , 'lui dit qu'il aimait trop 
son pays pour se soumettre à S. M. B. ; que néanmoins il ne pouvait 
servir sous les ordres d'un chef de bandits tel que Sonihonax. Par 
une lettre du 5 Octobre, il lui demanda un sauf conduit pour les États- 
Unis voulant, disait-il, lui donner un témoignage de la confiance qu'il 
avait en la loyauté d'un peuple aussi généreux que la Mation anglaise. 
Après qu'il eut objenu le s^uf conduit il lança contre Sonihonax qu'il 
traita de cannibal une proclamation annonçant son refus d'approuver 
l'acte du 29 Août concernant la liberté générale, attendu disait il qu'il 
était attentatoire à tous les droits de propriété. Il partit ensuite pour 
les États-Unis. Genêt ambassadeur de la République près du gouver* 
nement fédéral condamna sa conduite II lui permit cependant de re- 
tourner en France j ce qu'il fil à bord du contre-amiral Van Stabel. 

Le général Laveaux le remplaça dans le gouvernement provisoire de 
St Domingue. 

Pendant cet intervalle Sonthonâx était sur !e point d'entrer à St- 
Marc où les blancs et la plupart deS aneiens libres se seraient déjà 
prononcés pour les Anglais, si le dévouement à la République de Piu* 
chinât et de A. Ghanlatte qui exerçaient sur eux une grande influence, 
ne les avait contenus jusqu'alors dans le devoir. La conduite imp^u* 
dente de Sonthonâx dans la plaine de i'Ariibooile les irrita davaor 

* Méav>ûe de pacutiha^ 



TSe . HlSTOlRfe D^HAITI. — ( 1793 ) 

lage contfe la ticpubliquc qu'ils exécraient depuis que là Gommissioii 
civile leur avait enlevé ^eurs esclaves. Sonibonax indigné contre là 
plupart des hommes de couleur, parce qu'il en avait vu tin grand! 
nombre dans le .Nord abandonner la cause de la République depuift 
la proclamation du 29 Août, avait résolu de livrer Tautorité de la co* 
ionie aux nouveaux libres ou régénères qui étaient à son avis moins 
susceptibles de trahir- la France. Comme les anglais et les eispagnols 
appelés par le parti colonial rétablissaient l'esclavage partout où ib 
pénétraient, les nouveaux libres étaient intéressés à soutenir lé gou* 
vernement français qui seul leur garantissait cette liberté à laquelUi 
-aspirent tous les opprimés. Le comniissaire civil dit à. Christophe 
Morney , à Lafond et à Gliidmbois , trois noirs de TArtibcmité de &ié 
défier des hommes de couleur qui voulaient les replonger datis la ser- 
vitude en livrant St.-Domingue aux Anglais. Passant la main sur la 
tète de Christophe Morney , il ajoiita : si j'avais tes cheveux et ta peau^ 
ia liberté de ta race serait assurée à tout jamais.^ Les trois noirs 
qui étaient d'anciens libres rapportèrent ces paroles aux hommes dé 
couleur de St-Marc. Ceux-ci qu'eirrayaiént de telles idées , /résolurent 
d'assassiner Sonthonax lorsqu'il arriverait dans leur ville. ^ 

Quelques jours après le commissaire civil entra dans la paroisse dé 
St-Marc. S'apercevajit des dispositions hostiles des habitans, il alla s'é- 
tablir sur. l'habitation Dessoulîer. Celui qui avait été chargé de le 
poignarder n'osa lui porter te coup , craignant les dragons d'Orléans 
ti les hommes de couleur républicains qui remplissaient la maisoU 
t)rinoipale de l'habitation. Alors les gens de St- Marc cernèrent la pro- 
priété déterminés à le prendi^ mort ou vif. Sonthonax découvraut 
les dangers auxquels il était exposé , écrivit à Lapointe commandant 
defArcahaie d'accourir à son secours. Il hasardait beaucoup sa con« 
fiance, car Lapointe lui-même, dès cette époque préparait les gens 
de son quartier à se livrer aux Anglais. Cependant Lapointe partit 
aussitôt pour St. -Marc à la tête de^inq cents hommes et de quatre 
pièces de canipagne. Avant qu'il eût atteint cette ville ^ il en vît les 
autorit<3S arriver au devant de lui, le maire Savary, et Gautier ofâcier 
militaire , qui le conjurèrent de ne pas sauver le commissaire civil; 
Lapointe leur fit observer que le moment de se prononcer contre U 
Itépublique française n'était pas arrivé y que les paroisses de St-Marc^ 
4es Yerrettes et de j'Arcahaie livrées à elles seules ne pourraient résister 
H la commission civile. Il ajouta qu'il n'agirait du reste que d'après les 
conseils de Pinchinat. Il entr» à S^ Marc et vit Pincbinat oui lui dit que 
l'honneur lui commandait de dégager le plus tôt possible le commissaire 
civil. Pinchinat, quoiqu'il vît avec inquiétude les dis(>ositions Isostiles dé 
San thonax envers sa easte, ne pouvait se résoudre à abandonner la cause 
delà liberté générale. Lapoi^nte se rendit à Dessouiier, plaça le commis-* 

* Tous&aiRt J .ouverture ayant les cheveux et la peau de C Morn y put 
Acquérir assez d'influence sur les siens poux réaliser le pri^t de âontbo«sas. 



HISTOIRE d'haiti.— ( 1798 ) 



15» 



fiiTre civil au mitiea de son bataillon < et le conduisit à St Marc. Son- 
thonax ne craignit- pas de faire emprisonner le maire Savary qu'il 
ink cependant en liberté d'après les conseils de Lapointc. Il partit 
de Saint Marc avec Pinchinat et A Chanlatte , le cœur plein 
d'indignation contre les citoyens du 4 Avril. De PArcahaie il se rendit 
au Port Républicain. Les citoyens de St-Marc craignant sa fureur lui 
TBcrivirent qu'ils étaient tous dévoués à la liberté générale. 

Peu de temps après Tarrivéeducommissarrecivilau Port-Républicain, 
pinchinat qui était indigné de la conduite des hommes de couleur 
de St-Marc leur adressa une lettre dont les principales dispositions 
étaient lés suivantes ; 

€ La plus lâche, la plus odieuse conspiration vient d'éclater à Su 
Marc; les scélérats et les lâches habitans de cette ville et des en- 
virons viennent de célébrer l'anniversaire de la rébellion doqt ils 
s'étaient rendus coupables envers le commissaire civil Polvérel. Sem- 
blables aux habitans de Jërépie et du Mule, ils se sont comme euK 
signalés par leurs forfaits ; il ne leur reste plus qu'à se rendre aux 
anglais et aux espagnols; c'est du sein de celte^ ville impie qu'on 
ose écrire au commissaire civil Sonthonax quelle est peuplée de 
républicains^ de toutes les couleuis ; et quel est celui qui ose le 
dire T c'est un homme sur le patriotisme duquel on comptait , qui 
au lieu d'employer les moyens que la nature indique pour arrêter 
l'anarchie , voudrait plonger dans le précipice les vrais amis de' la 
liberté en les rendant les instrumens aveugles des ennemis de Thu-' 
manité. Et dans quel temps ose-t-il dire que Ta ville de St-Marc 
est peuplée de républicains de toutes les couleurs? Dans un temps 
où personne n'ignore l'attentat qui a été commis; dans un temps 
où , comme tout le monde le sait , le brave Lapointe , commandant 
militaire de l'Arcahaie, se transporta à St*Marc avec un détache- 
ment , fit pâlir les factieux et les conspirateurs , prit sôus sa con- 
duite le commissaire civil , l'accompagna ^ l'Arcahaie d'où il s'est 
rendu par mer au Port- Républicain ; ds^ns un temps où la foudre, 

E eut-être trop long-temps suspendue sur les lôtes sacrilèges des ha- 
itans de St.*Marc, va éclater et les anéantir; car ne croyez pas, 
en supposant que vous n'ayez rien à craindre de la juste sévérité 
du commissaire civil qui , malgré l'outrage qu'il a reçu , a la gé- 
nérosité de vous pardonner , que vous saurez échapper a la ven- 
geance des fils de la liberté que vous voulez maintenir dans l'es- 
clavage } leur indignation poursuivra sans ces^e vous et toute votre 
race 

< Oui les légions républicaines sont destinées à faire respecter Ica 
-M principes de la république et les ordres de ses délégués ; leurs ar- 
^ 4lB68 doivent être employées i l'abolition de la tyrannie et à ia d^a- 

€" action des tjraojsil l^wk àwo qu'dlsâ aiUestt combattre ce qn^ 



15S ^ HrsToiRE d'haitt.— ( 179S ) 

« vous avez l'irnpruileiice d'appeler la ciiphlilé sans bornes des afrîcaîi>s^ 

« elles iront au contraire soutenir leurs justes prétentions et fe- 

4r ront ^tspanittre tous les vestiges de l'esclavage dans lequel vous 

« vous efforcez de les maintenir. 

« Si vous êtes républicains , livrez ma lettre à l'impression ; faites 
4c en répandre des exemplaires avec profusion; que xîhaque citoyen, sans. 
« distinction de rang et de couleur, la lise, et qu'il se pénètre des 
« vérités qu'elle renfeime; ùi puis faites venir parmi vous ces mômes 
« africains que vous avez outragés ; montez en leur présence sur 
« Tautel de la patrie, jurez en face de la Nature que vous abjurez 
« vos erreurs crimineUes, et par un retour sincère et vertueux, mé- 
« ritoz voire pardon; c'est le seul parti qu'il vous reste à prendre. 
« Envisagez surtout que c'est votre fVère qui vous parle, lui qui do- 
te puis lo ooMiaiencement de la révolution n'a cessé de s'occuper de 

< la défense de vos droits et de vos intérêts?. Vous devez^ concevoir 
« combien il m'en coûte de vous dire des vérités dures et ehoquantes; 
« mais vous devez sentir aus^i que vous m'avez alHigé de la manière- 
« la plus cruelle ; je dirai plus, vous m'avez déshonoré. Oui des lar- 
« mes de désespoir me^suifoquent ; je donnerais tout, mon sang pour 
<r expier vos excès abominables. Je suis prêt à vous tendre les bras. 
« si vous êtes justes , libres et reconnaissants ; mais je vous patle pour 

< ta dernière fois, si je trouve en vous des ingrats, des traîtres, dq3^ 
• ennemis de la révoluiion , de la liberté et de l'égalité. »• 

Les bommesde couleur de St-Marc demeurèrent sourds % ces exhoc-- 
tatioDs patriotiques de Pinebinat. 

Pendant cet intervalle Wbilloke inondait la colonie d'iine proclama- 
lion par laquelle il exhortait tous les colons à se ranger sons l'obéis- 
sance de la IJrande-Brelagne , et annouçaii que le roi George accor- 
dait aux liabicans Xin sursis pour poursuites de dettes, et la suspension, 
des intérêts pgur douze années à partir du 1.'*^ Août 1791,. 

De son cù^é le gouverneur de le partie espagnole Don Joacin Gar- 
cia de Moreno, par une proclamation en date du 18 Octobre, promet- 
tait les plus grandes faveurs aux colons qui se soumettraient à son prin- 
ce, et menaçait de raser les maisons et de confisquer les biens de ceux, 
qui feraient résistance. 

Peu de jours après l'arrivée de Sontbonax au Port Républicain , les 
africains des hauteurs dp Si Marc se soulevèrent , brûlaiit et saccageant, 
tout. Us parlaient dégorger les gens de couleur qui, leur avait-on 
dit , ne vpuk\ient pas (|u ils fussent libres. Cet événement détermina 
les blancs et les anciens libres de l'Artîbonite à former aussitôt une 
coalition' contre les commissaires civils. Les habitants de St. -Marc, 
des Verrelles , de la Petite- Rivière de l'Arlibonite , ayant à leur iè{^ 
Gautier et Savary, hommes de couleur, dressèrent le 17 Novembre 
V« acte intitulé Ué^Utance à VOppremçn.y par lequel ils abjur^cexi^ 



HISTOIRE D*ÎÏAITI. — ( 1703 ) 159^ 

Vatitontc flcs commissaires civils, les vouèrent à l'exécration publique». 
tout en prôl.slanl de \euv fidéiilé à la France. Ils proclamèrent que 
le but de la coalition était de s'opposer à la liborlé générale publiée 
parles commissaires cûn ils qui, disaienJ-iJs, luahcjuaieiil , coninie un de» 
\oir, le vol, le pillage et I assassinat; que ces commissures avaient 
oirtrepassé leurs pouvoirs , et qu ils voulaient enlever Sl-Domins[ue à 
la France, en ne la peuplant qiie d'africains. Cet acte était revêtu de 
800 signatures. Jusqu'alors les coalisés prétendaient ne pas méconnaî- 
tre l'autorité de la couNenlion. 

Savary écrivit à Bauvais commandant du Mirebalais pour l'engagera . 
se réunir à la coalition. Bauvais dévoué aux principes révoluliouuai- 
res repoussa énergiquement sa proposition. 

Peu de jours après le drapeiiu blafic fut arboré à St-Marc; les bom* 
mes de couleur voulaient du protectorat espagnol, les blancs du pro- 
tectorat anglais. Mais plusieurs frégates de S. M. B. vinrent mouiller 
dans 1.1 rade avant qu on eût eu des nouvelles de l'armée espagnole 
dont le général se trouvait à St-Rapbaél ; ot le major Tbomas Brisba- 
ne, après avoir arboré sur tous les forts le pavillon britannique, prit 
le commandement de la place. Il lit brûler au milieu des plus grandes 
acclamations des liabitants Tarbre de la liberté orné de banderoles tri- 
colores. 

Les blancs et les anciens libres de rArti!)onite auraient marché tout de 
suite contre le Port-Républicain , si Lapointc qui était à St Marc ne les 
avait détournés de celte entreprise. Il leur dit que pour éviter la guerre 
civile, il irait lui- môme au Port Républicain , qu il s'eiforcerait de faire 
entrer dans la coalition Pinctiinat et A. Chanlattc, et que ^'il réussis- 
sait, on déporterait Polvérel et Sonthonax sans effusion de sang. 11 
partit pour l'Arcahaie d'où il se rendit au Mirebalais. Il y gagna Re- 
bellé homme de couleur, profitant de l'absence momentanée de Bau- 
vais qui était à la Croix des- Bouquets. Il se rendit 'ensuite à Léogane 
où il gagna Labissonièrc , aussi homme de couleur. Il eut l'audace 
de *se rendre ensuite au Port«Républicain. Sonthonax étonné de le voir 
en cette ville et se doutant de ses projets anti révolutionnaires laccueil- 
lit froidement. Lapoiute se hâta de s'ouvrir à Piuchinat, à Chanlat- 
te et à Monbrun. Mais il les trouva inébranlablen.ent attachés à la cause 
républicaine. Pendant cet intervalle il fut dénoncé par plusieurs 
patriotes qui avaient fui de St Marc. Le commissaire civil* ordonna à 
Monbrun de 1 arrêter; Pinchinat qui croyait t'avoirdélourné de son infâme 
projet l'en avertit. Lapointe s'embarqua dans la nuit qui suivit 
pour l'Arcahaie. Lorsque le bâtiment qu'il montait passa près 
d'un corsaire républicain mouillé dans la grande rade , le Ni- 
veleur , ii dit au capilûine de ce navire de se rendre à TArcahaio 
où il avait a lui livrer des sucres pour Iç commissaire civil. Le 
Niveleur appareilla aussitôt. Le lendemain Lapointe arrivé à l'Arca- 
4jiaie iU descendre sur le rivage l'équipage du Niveleur, arrêta Ucj^-l 



leo 



UISI^OIRG D*HAITI- — ( 179S ) 



pilainc et les matelots , et s^empara du bàtiraent. Il avisa aussitôt 
Thomas Brisbane qui était à Si. -Marc, qu'il s'élait détaché de laRa^ 
publique. Comme à St.-Marc les anciens libres de TArcahaie voulaient 
se soumettre à l'Espagne qui traitait mieux que TAngleterpe sesafTran- 
chis. Lapoinie leur fit observer que le bourg de TArcahaie étant sur 
le littoral, les espagnols n'ayant qu'une 'faible marine ne pourraient 
les protéger efficacement contre le bombardement des b«1timents de guer* 
re mouillés au Port- Républicain, et qu'il valait mieux arborer le pa* 
Villon britannique. . Il réunit les blancs, et les anciens libres autour 
d'une croix qui se dressait au milieu de la Place d'Armes , étendit 
ses bras contre cette croix , et se mil à verser des larmes sur les dou« 
Icur^ du Christ sauveur du monde, et à s'indigner contP^ les répu- 
blicains destructeurs de toutes religions. Il dit ensuite à la foule : 
« La France notre mère-patrie en proie à desdivisions intestines, résultat 
« des crimes commis dans son sein, gémit sans doute sur notrô situation,^ 
mais ne peut nous protéger; 1 Espagnol indigné pareequ'il nous 
croit les complices de tous les forfaits exécutes par une secte çbo^ 
minable , nous menace d'entrer dans notre territoire dont il c^i déjà 
voisin , ^la torche 4'une main , et le poignard de l'autre , si nous 
'ne nous, hâtons dç roconnatti^e sa puissance. L'Angleterre 
touchée de nos malheurs , nous oifre sa protection. Je sens , mes- 
sieurs, qu'ils est dur à des français que l'honneur a toifiours gui- 
dés d'abandonner leurs drapeaux ; mais telle est la (atalilé de not^e 
sort , qu'il faut opter entre le fer meurtrier des destructeurs de la 
plus riche des contrées , la domination espagnole ou la protection 
anglaise4 Je ne me permettrai pas de chercher à yous influoacet 
par mon opinion, sur le parti que nous devons prendre. Plus ja- 
loux de votre satisfaction que de la mieane^ c'est à v6us de pronon- 
cer. Je vous exhorte 'seulement à réfléchir sur vos intérêts, surnom 
rapports commerciaux, et sur les avantages que nous pouvons re« 
tirer de l'adoption d'un des deux^ partis. Croyez, messieurs, que 
la France ne sî^uraît vous blâmer d'avoir cherché à. conserviT les, 
restes infortunés des kommes et des propriétés de cette colonie. * 
S'il est des cas où l'abandon de ses drapeaux soit excusable , c'est 
sans contredit alors que l'on est réduit au point où nous sommes^. 
D'après cela , messieurs , prononcez et que la bannière de la nation, 
que vous aurez choisie, arborée siir ves forts, soit. le signal d'une^^ 
protection sans laquelle nous ne pouvons espérer de survivre- 
long-temps aux trames ourdies contre nous. » 
Après ce de discours il se fit un profond silence qui fut tout à coup 
interrompu par les cris de vive S. M. B. ! %ive sa protection ! vive: 
i^ouis X\'II ! vivent tous les rois de la terre !. 



\ 



• U y avait à PArcahrde plusieurs familles de couleur très dévouées i la. 
H^^l^liijiUe et très ûxâueutes ^ outie autres h. flurùUe Leroux:. 



Histoire d^hâïTi.— ( l^^S ) .i$| 

t*en(îant qtle tapointe faî&aît arborer sur les forU le pavirion du rot 
George III, qu'on saluait de vÎDgt un coups de canon, racte de lared^ 
ditiojQ de la place était signé par Thomas Brisbane major et commaa* 
dant de S*-Marc, et par tous les ofiiciers de la garde nationale^ nfan-» 
dataires des habitans de TArcahaiè. B: isbane prit possession du quar* 
fier au nom du roi George son maiirc. En récompense de sa tra^ 
hisoo, Lapointe reçut des colons une somme qui s'élevait, prétend-* 
Dû, à 100,000^ piastres. L'esclavage fut aussitôt rétabli dans tout le 
quartier de TArcahaie. 

Peu dé jours après , lias habitans des Verrettes et de la Petite-Ri< 
lïiére de l'Artibonite, ayant à leur tête Briquet etMorin, se livrèrent 
aux espagnols; 

Toutes ces trahisons irritaient de plus en plus Sonthonax contré 
les anciens libres. Il excita contre eux les nouveaux libres ou ré^ 
générés dont il forma une légion *ïu Port- Républicain pour combat^ 
îre l'influence de la légion de Totiest conjposée en grande partie 
danciens affranchis dont il se défiait. Il plaça dans ce nouveau corps 
tomme oflQciers supérieurs deux noirs qui dominaient les bandes ou 
Grand Fond, Dieudonné et Pompée; et il nomma officier municipal 
au Poj t Répubâiciiin Guiambois en lequel il reconnaissait iine intelli* 
gence assez dév^oppée. Cependant dans fOuest Bauvais , Pinchi-^ 
nat , Martial Besse , Chanlatte , Monbrun ; dans le Sud Rigaud et' 
tous les hommes de couleur de celle dernière province, étaient d'ua 
dévouement sans borne à la liberté générale des niasses. 

l%ehinat qui était aussi indigné que Sonthoriax de la trahi^od d'ud 
fîi grand nombre d'hommes de couleur , repandit dans la colonie ud 
écrit adressé à ses frères égarés de 1 Artibonile. Entre autres dioses^ 
il ieur dObalt : 

« C'en est donc faitt le projet conçu depuis le commencement âé 
« la révolution par les colons blancs va enfin être exécuté ; c^t horri* 
« ble projet, personne ne Tignore : c'est de soulever les africains coa ^ 
« trd les hommes de couleur , en leur insinuant que cea deraiert 
s fi' opposent à leur régénération 

< C'est a|>rùs avoir voulu assassiner le commissaire civil Sonthonaïc 
<i que les habiians réunis de S'-Marcj des Verrettes ^ de la Petite-Ri- 
% viére, ont arraché et mutilé l'arbre de la liberté, foulé aiix pieds ht 
« cocarde nationale , arboré l'étendard de la révolte contré l'autorité 
« des délégués de la République, entretenu des correspondances avec 
« les Anglais , reçu les vaisseaux du roi d Angleterre dans leurs ports» 
% donné Texemple de la coalition la plus criminelle , et invité les 
c autres paroisses à entrer dans leur atîreuse' conspiration. Parfaite* 
< metft insiruits de tous ces attentats , bien convaincus de la haine 
4' des planteurs blancs contre la révolution française, les citoyens de 
^ couleur égaiéS;^ isMuits cm corrompus soitt ds^e^uls traîtres à la (tetrie} 



161 SiSTOIRfi B^HAITI.-^ (17dS ") 

k et ceux de Quelques paroisses qui n'ont pas encore pris part à k 
4 .coalition , languissent dans use lâche et pcrûde neutralité. CitO'^ 
f jfene , -que • laut-il donc faire pour ranimer cette noble ardeur 
« que naguère \ous manifestiez pourra liberté et régalité? qu'est de- 
e venu ce courage avec lequel vous avez fait la ^conquête de ces mêmes 
« droits que vous livrez aujourd'hui à la discrétion <le vos tvrans 
« et de vos persécuteurs? que signifiaient alors ces sermons réitérés 
« de vaincre ou de mourir , pour la patrie et Tégalilé ? AUendre;i« 
« vous pour sortir de Tengourdissement dans lequel vous êtes ense* 
« vcliS| que vous êoyez placés entre la tyrannie et la liberté, au milieu 
« des 'torches <«t des poignards? Pouvez-vous rester en suspens? Vous 
« oubliez que vous êtes du sang africain; si la vorx de la nature u# 
« trouve pas d'accès dane vos co&urs endurcis , nre devez -vous pas ^ 
^ par reconnaissance, ^ous décider en fiiveur des noirs qui vous ont ser« 
« vi de remparts contre les colons blancs; sans les noirs , il ne serait 
« plus question depuis longtemps de votre existence. ^ ^ 

t4iichinat termina ^on adresse bu rappelant aux hommes de couleur 
l*état abject dans lequel ils étaient plongés avant 1JS9 , les persécutions 
^que les colons blancs avaient exercées 4iur eux depuis cette époque^ 
les décrets de T Assemblée nationale *en leur faveiil*; et en leur r^ 

Srochant leur ingratitude envers la révolution française qui avait tout 
dt pour relever leur couleur avilie. Il leur ùl un crime de pactiser 
avec les colons blancs contre les noirs éiliancipés par la proclamatioft 
4a fi9 Août 1793. 

Pendant cet intervalle Labissonière maire de Léogane. et Tibi Salée 
officier militaire, adoptaient le traité d'union des habitaiis de TArti- 
Jbonite. Ils envoyèrent des députés à Jéréraie; et le conseil de celte 
ville embarqua pour Léogane une compagnie de soldais auglais , sous 
les ordres du capitaine Smith. Celui-ci prit possession de la Place de 
Léogane au nom du roi George» <^t y rétablit Tesclavage. L'air re* 
tentit de nouveau du bruit des f^s de l'esclave et du fouet du com« 
aaandeur ;^ le sol fut de nouveau arrosé du sang des cultivateurs. 

Pinchinat était* dans le vrai quand il disait que sans les noirs lexi»- 
lence des hommes de couleur ne serait plus une question à Sl-Do- 
jningue. On est aussi dans le vrai quand on dit que sans les hommèi 
4e couleur là cause de la liberté générale n'aurait pas triomphé à St« 
Domin^ue. Les deux castes n'ont terrassé leurs anciens oppresseurs 

* Malgré tous nos efforts , nous Savons pu nous procurer un exemplaire 
de cet écrit ; mais nous devons Pextrait que nous venons de transcrire à 
robligsance d'un de nos compatriotes, le citoyen Merlet père, vieillard qui 
m été témoin actif de la plupart de nos drames rérolutionnaires, et qui en 
« conservé de bonnes notes. Nous lai devons aussi l'extcait de Tautre écrit 
d^ PiAchiûj&t que nous avons tnuiserit à 1a page 1S7. 



ÉiitéiRE D'HAiti.-^( 1793 ) ièi 

Sii^etk reunissant leurè forces : les blancs bolôns, fion tenus parlatnàssë 
es mulâtres auraient maintenu la servitude; soutenus par la mass^ 
des noirs, auraient, exterminé les hommes dô couleur. Dans la Grand'» ^ 
A.nse les colons et les anglais trouifant les esclaves dévoués à leurs in. 
térèts, maintinrent le système delà servitude; et firent didparattfë 
les mulâtres ; dans plusieurs cantons de l'Artibouite, et à TArcahaie, 
les colons et les aoglais soutenus par les anciens libres, maintinrent les 
uairs dans l'esclavage. La liberté générale ne fut sauvée que par Tu* 
nion étroite qui exista entre les jaunes et les noirs; entre les ancien^ 
«t les nouveauit- libres, du Nord, de TOuest et de tout lé Sud, an 
exceptant toutefois l\ Grand' A.nse. Nous ne devons pas oublier que 
Jean François et Biassou onl toujours servi, et que Toussaint lui-* 
même servait encdre jusqu alors , à la tête de nombreuses bandes, la 
cause du roi d Ësp;if;ne ()ui rétablissait Tesclavage. L'intérêt réel des 
noirs et des hommes de couleur était, à cette époque, de combattre pour It 
Jlépublique fjançaise qui seule les avait émancipés. Ceux qui s'étaient pro^ 
jioncés contre elle étaient des esprits égarés , ou des coBurs corrompus qui 
asscrvissaient leurs semblables. Les hommes de couleur et les noirs de^ 
raient se réuciir pour écraser le parti colonial, car en combattant soîl 
pour l'Angleterre soit pour T Espagne^ les uns et les autres eussent 
rétabli Tanclen régime, c'est-à-dire Tavilissement et la servitude. C'est 
une grave erreur que d'avancer qu'une caste sauva l'autre de Tasser- 
irissement : le noir fut redevenu esclave , s'il avait abandonné l'homme 
jde couleur pendant la lutte; le mulâtre fut redevenu le misérable af- 
franchi , le vil prplégé du blanc, s il avait abandonné le noir: Noù^ 
Verrons en effet les noirs et les hommes de couleur de la Grand' Anse 
et de St Marc qui s'étaient ralliés aux Anglais, être courbés de nou- 
Teau contre la terre sous le fouet du commandeur; ou périr victimes 
de la. fureur dès colons. Kous avons déjà vu que les anciens libres 
avaient été exterminés à Jérémie où les noirs s'étaient prononcés pour 
le blanc ; et que . Tesclavage y avait été maintenu sivec ses tortures* 
Pincbinat était indigné contre les mulâtres de' l'Artibouite ; parce 
qu'il reconnaissait qu un sordide intérêt les armait contre la liberté 
générale : ils étaient eu grand nombre possesseurs d esclaves. U 
leur rappelait que ces mêmes esclaves, dans de nombreux quartiers ^ 
* s'étaient soulevés en leur faveur , au commencement de la révolution , 
Jorsque les blancs soutenus parles troupei delà colonie, les traquaient 
Comme des bêtes fauves. , 

Dans la province du Nord les Espagnols obtenaient d'importans suo; 
£ès par la trahison de la plupart des anciens libres dii cordon de l'ouesl 
qui livrèrent à Toussaint Louverture lé Gros*Morne , T^^rre-Neuve ; I A- 
€ul; le Limbé, le Port-Margot, Plaisatfce. Porcbet, commandant de 
JPlaisance ; et 'lès troupes européennes qui occupaient ce bourg , ne 
Voulant pas se rendre aux Espagnols , se retirèrent en bon ordre at; 
$QKhà»^!^m^* Cette dArjoièce vUl# eut euveri ses portes à Stoioa Gaiér 



|€4 HISTOIRE D'HAlTr— ( 1793 ) 

lard, maître du camp LaMrno, si la commandant Duboli n'avait oppoaé 
b plus grande énergie aux dispositions anti-révolutionnaires des blaocs 
et des anciens libres. En même temps Jeaa Delaire homme de cou* 
leur livrait Jean Rabel aux espagnols ; mais les anglais y vinrent eft 
forces supérieures ; , et les espagnols leur cédèrent la place. 

Toussaint Louverture le plus intelligent des chefs noirs qui combattaient 
contre la RépublTque , contribua beaucoup à donner de Tascondant 
dans \0 Nord aux armes du roi d'Espagne. Les habitans des Gonaî*» 
yi» et les colonels Gaze, Paul Lafrance lui envoyèrent une dépu^ 
iatian qui l'invita i venir s'emparer de cette ville. 11 y entra sans 
coup-fiérir ^ fut reçu magnifiquement. \ son approche, un desba* 
lailloBS de la l^ion de T Ouest avait évacué les Gonaives et s'était re* 
tiré au-delà de l'Ester. 11 eut la générosité d'envoyer aux républioains 
leurs malades «t leurs blessés. Après avoir confié le commandement 
^e la Goupe à Pintade au lieutenant-colonel Clervaux , il se rendit k 
St. Raphaël où le marquis d'Amonas général des troupes européennes 
espagnoles lui fit don d une épéc et d'une décoration. 11 alla ensuite 
à St. Michel de l'Atalaya où le général don Gabrero le fêta magni^ 
fiquement ; il assista ensuite à plusieurs combats de tauream:. U se trana* 
porta à la Marmelade où il établit son quartier général* 

Pendant ce temps Biassou voulant se montrer aux populations^ de 
TArtiboDite, était venu aux Gonaives avec un état-major nombreux et 
brillant. Les habitans lui donnèrent des tètes pompeuses où il déploya 
un luxe prodigieux. Il quitta les Gonaîves après y avoir laissé engar-» 
Bison un régiment espagnol européen. 

Le marquis d'Almonas fut rajqpelé à Sto. Domingo; et le général 
don Léonard le reçiplaça dans le commandement en chef des troupes 
espagnoles de la province du Nord. Jean François toujours envieux 
de Toussaint Louverture, indisposa contre lui don Léonard par de 
faux rapports; il faillit même le faire assassiner par le brigadier Tbo* 
mas commandant du camp Barade. Ge fut sans résultat que Tous* 
saint reprocha à don Léonard d'avoir prêté une oreille complaisante 
âux oalomnies de Jean François. Dès lors il songea sérieusement à 
abandonner la cause espagnole. 

Pendant ce temps Sonthonax désespérait de la république dans le 
Nord où le gouverneur Laveaux et le chef de brigade Villate se mainte* 
liaient i. grand' peine sur les ruines du Gap. ^ U attribuait tous ces mat? 
lieurs aux blancs royalistes et à la trahison des anciens libres. U 
erdonna leur désarmement dans les quartiers encore soumis à la ré- 
]^iblîque. Dans le courajit de Décembre , le général Martial Besse^ 
à. Jacoiel , l'adjudant-général Monbrun au Porl-R^ublîcain , en ar* 
^ Bêtèrent un grand nombre. Quant â Monbrun il ne fit emprisonner 
^e des blancs ; ee qui indigna Sonthonax qui voyait' beaucoup de 
traîtres parmi les hommes de couleur. Mais déjà la légion de l'Ou» 
têL seL aMtttf ait pluç déveuée i JtieulNrun qu'ait, cemmissair^ wJi^f J^ 



ft 

•l 



HIS'TOÏRE D*HAIT!.— ( 1793 ) . 16S 

rétabKssement de Teselavage dans, les 'quartiers occopés par les 9n* 
glaîs excita de terribles soulèvemens. Dans les campagnes de l-Artibo 
niic et de Léogane, les noirs s'armèrent contre eux. Cooinoe ils s'acca* 
gsaicnt et brûlaient tout les anglair dans leurs bulletins les traitaient 
do brigands. . Quant aux anciens librea de St-Marc , «ils appelaient les 
insurgés congos hmt nus , car ils étaient presque nus* 

Sonllionax envoya Tordre au général La veaux d'êlre impitoyable en* 
Ters les royalistes ; et s'il y était contraint , dei livrer les villes aut 
flammes , de les abandonner y et de se retirer avee les bandes de Pie«^ 
pot ^ de Zéphirin , de Barthélemi au sommet des plus hautes mbnta* 
gfies , bonleiards de la liberté. Il fit dresser une guillotine au Port^ 
Républicain , sur la place qui s'étend au pied de la Terras^. Peu dé 
jours après un blanc royaliste^ nommé Pclou ^ natif de Rouen ^ fut con- 
damné par Ta cour martiale du Port Républicain^ Au lieu de le faire 
fusiller , Sonthonax voulut essayer sa guillotine. Tout le peuple rem- 
plit la place pour voir fonctionner cet instrument. Quand la tête do 
Pelou 'tomba dans le panier, un. cri d'horreur sortit de la foule. Gette^ 
hideuse machine effraya Timagination impressionable des noirs qui se 
précipitèrent sur elle et la renversèrent.. Depuis cette époque^ on n'en* 
dressa plus . jamais en Haïti. 

Au «ulieu de tant de catastrophes , Polvérel montrait au peuple do* 
$ud une figure calme et grande. Quand il apprit les ordres que son» 
collègue avait envoyés à Laveaux, il lui écrivit t qu'il lui tardait au- 
tant qu^à lui que les révoltés fussent punis , et que la. liberté gé- 
nérale triomphât^ mais qu-il n'approuvait pas les moyens qu'il em- 

j)loyait. Les flammes! dit -il, vous vouez donc àk l'incendie 

tous les édifices, toutes les plantations des quartiers où la révolte 
s'est manifestée! vous voulez donc que les guerriers et les oulti- 
vateurs perdent toutes les propriétés qui leur étaient destinées pac 
Tcmigration, la révolte ou la trahison des anciens propriétaires...^ 
Ainsi la plus belle entreprise que des hommes puissent faire pour 
^le rétablissement des droits de l'homme , pour la liberté et l'égalité^ 
pour la paix et la prospérité de St* Domingue, n'aboutira qu àdes- 
nonorcr les entrepreneurs , perdre la colonie saas retour et river pour 
toujours les chaînes des africains dans les Antilles;, car c'est de 
notre succès que doit dépendre leur sort chez >les autres puissances 



Jle vous crois sincère, mais peut eti^ n'y a t-il pas vingt 

personnes dans la colonie qui pensent comme Vnoi. Que disent les 
révoltés: Sonthonax ne réspire que le feu, le feu le suit partout; 
il adonné Tordre à Finiels do tout brùiur en cas de retraite forcée; 
il a donné le même ordre à Laveaux ; la ville du Gap a été brûléo 
sous «ses yeux et par ses ordres. La plaine de Léogane l'est sous 

ses yeux et par ses ordres 

^.,., •••.. .•....••.• 

^ Iq m'enterrerai s'il le faut sous ht niies d$ St. Domiftgue ;,mai& 



♦«f 



|I|gTOIRB H^HAITI. — ( 1794 ) 



n 
f 

n 



je n'en provoquerai pas la destruction Ne brûtoht 

rien, cODçervons tout, sauvons la colonie, la liberté et Tégalité] 
mais entendons-iious une fois ,et que je sache pourquoi je me bats, 
contre qui je me l)ats , et quel$ son^ iio$ ennemis. » 



Sontbonax lui proposa de partir pour France afin d'y aller cher-^r 
cher des secours. \\ lui répondit que ce serait planquer à leur devoir 
que dabandionner alors la colonie; qu'il fallait Caire face au danger; 
que le temps qu'iU Hiettraient pour seller ebercher des secours, la co- 
lonie serait livrée, à lennemi ; et qu'il aurait le courage de remplie 
aa missipn jusqu'au bout, et de périr, s'il le fallait^ à St. Domipgue^ 
plutôt qu6_ d'^dandon^er son postf. 



JUTR£ mxiÈi^ 



.Sàmmzire. Le commodbre Ford fait sommer le Fort-1?ëpub1ieain.-— Condài'td éftergrqut)' 
de Sonthon^x.» L'escadre anglaise se retire. — Le Mirtbalais tombe au pouvoir des et^ 
pagnols. — Le colonel Spencer prend Tiburoo.'-—Nou7elle8 démonstrations des an*^* 
glai3 devant le Port-Républieain. — Les espagnols -so rendent maîtres du Fort^Dau* 
phin. — Arrivée en France des députés. de 6t. Domingiie — Les machinations du parti 
colonial contre la liberté des noirs et des sangs-mèlés sont dévoilées à' là France. 
— Les députés de St. Domîngue sont reçus à la Convention- Nationale. — La Coq- 
vfntion Nationale décrète l'abolition de Pesciavage. — Fête à Paris , dans le temple 
de la Raison: y de PaboKtion de l'esclavage — Conduite héroïque de' La veaux nu 
PoTT-de-Paix. — Il repousse les attaques des anglais. — Les anglais prennent^ l'Àcul de 
Léogane — Sonthonax suspecte la fld élite. detous les hommes de couleur à' la Répu- 
blique Française. — Il excite contre eux les noirs du Cul-de*8ac. — ijalaou. — Il vient 
au Port-Républicj^în — Sonthonax lui fait- une magnifique réception. — Halaou pénètre^ 
à la Croix-des-Btiuquets. — Sa. mort — Combat livrée au Port R^ubticaia par -Mod-i 
brun à DesfourBeaux. — Sonthonax subit la prépondérance dts nommas de couleur. 
— Mort de Bébé Coulard.— *-Lp9^ anglais sont r^oussés de Bombarde. — Attaque in«- 
fructueuse de Rigaud contre Tiburon.^ — Famine aux Cay.es. — Polvérel expédie ua- 
navire pour Aquin. — Le navire est pris- par W anglais.— «• Le gouverneur de la 
Jamaïque fait vendre aux- espagnols de la C6te-Ee}me soixante-dix soldats noirs et 
jaunes de la légion de régaiité du Sud. — Détresse du Poït- Républicain. — Les oq« 
glais prennent cette vilie.-w-Sonthonax et Polvérel se retiient à la Coupe. — Pare- 
les de Sonthonax à Di^udonné. — Les. commissafree ciVils arrivent à Jacmel.— Ils 
y reçoivent le décret d'accusation lancé contre eux. — Lettre de Polvérel à Rigaud* 
<-«»Le décret de \h liben^ générale arrive oâicicUement. à StrDomingue, — Dépait 
des commissaires civilsL* pour France. — Lutte d'autorité entre Sauvais et Monbrun. 
à Jacmel. — Pinchinat' et Rigaud pris pour médiateurs — Us condamnent la conduite 
de Monbrun. — Rigfiud iuit déporter. Monbxua pour France. 

' Lê^anglais possédaient le M6lë, Si. Ifàrc, TArcahaie ; pour qvTils fuss^nk 
iea sialir^s de la baie de la Gonave , il n% leur restait glus qu'à s'emga;^ 



168 msToïR* x>*KAirï.~( 1794 ) 

fer (la Port-R<^piiblîraîn. Le commodore Ford dans Tcspoir d^eB g^gttëP 
les habilans vint mouiller \iS'à-\is un fort Bizoton /dans la nuit du premier 
au deux Janvior 1794, avec une escadre coinposée des vaisseaux l'Eutrcv 
pe, le Sceptre, et de la frégate la Pénélope. Comme il n'ignorait pas Ja 
ÎDésintelligeDce qui existait déjà entre Monbrun ^t le commissaire ci* 
"vil, il croyait pouvoir compter sur les hommes de couleur. Du reste, 
il n'y avait que peu de forces en cette ville : le 4^e. régiment euro* 
péen ci devant d'Artois", la légion de l'Ouest et le nouveau corps de$^ 
régénérés. D'après les ordres de Ford le commandant de la Pénér 
lope, Rowley, se fendit en parlementaire auprès de Sonthonax. Il fut 
aussitôt conduit au palais national. |l était suivi d'un peuple nom«> 
breux qui ne criait ^ue vive la République ! mort aux traîtres ! a bfis 
les anglais! Rpwley offrit à Sonthonax de Tentretenir en particulier. 
« Un républicain n'a rien à entendre |^ètement, répondit le com- 
missaire civil ; parlez publiquement , ou retirez-vous. » 

L'anglais dît à la foule qu'il était venu sommer le délégué de la Ré* 
publique de lui remettre la place qui serait sous la protection de S. 
M. B., qu'on offrait aux habilans du Port-au-Prince , les mêmes cont 
ditions qu'à ceux de St. Marc ; que le roi d'Angleterre accorderait 
à la fin de la guerre de grands privilèges aux gens de couleur. Il 
annonça ensuite à Sonthonax que le commodore Ford attendait de$ ' 
forces imposantes de la Rarbade, et que la résistance serait inutile ; que 
du reste plusieins villes de France étaient tombées au pouvoir des anglais* 

Le rqi d Angleterre ne désire plus que les bàtimens marchands qui 
sont danç la rade , dit ironiquement Sonthonax. Ces navires seront 
de bonne prise, répliqua Ro^ley, puisque S. M. B« fait la guerre àld 
France. Eh bien! s'écria Sonthonax , si nous étions contraints d'aban- 
donner le Port-Républicain, S, M. B. n'aurait de ces navires que la fumée, 
car les cendres en appartiendraient à la mer. Le parlementaire se relira 
au milieu des cris de vive la République! vive le commissaire civil! 
Sonthonax mit aussitôt la ville en état de résister à un bombarde* 
xnent : il confia le fort l'Ilet aux équipages des bàtimens marchands, 
(ïous les ordres du capitaine* Adelon; réunit toutes les autorités civi* 
les e^ militaires» çt leur fit connaître les propositions d\i commodore 
Ford. Pinchinat,^ les généranx Antoine Chanlatte , Desfourneaux et 
Monbrun, jurèrent de vaincre ou de mourir pour la République. . Le ^ 
capitaine Adelon porta la réponse du commissaire civil au commodore 
Ford f Sonthonax lui disait que les anciens libres de toutes les couleura 
étaient fjpunis de cœur et d esprit pour la défense de la liberté génè* 
rvte ; et qu'ils ne souffriraient jamais que leurs frères fussent plon- 
gés une second^ fois dans Tignominie et dans la barbarie d'un préjugé 
devenu intolérable chez un peuple éclairé. Il lui annonça la prise de 
Toulon sur les anglais , sans le savoir , car ellç n'avait eu lieu que de- 
puii quelques joyrs ; Kiai^ sa coofiance dans I9 fiuecès d«^ ^wâ&K^i 
pi^çaine» élail laébrsualGibli^^ 



talSTOIB*: tfHArTI. — ( 1704 ) 16» 

Ce iandemaln VofA men^içt de boiubarder la place ^ bî elle ne se 
ïeodait pas. « Commencez, Monsieur le commodre, lui répondit Son* 

< thonax ; nos boulets sont rouges et nos canonniers sont à leur pos* 

< t0. » L'escadre anglaise s^éloigna. 

Presque en même temps (8 Janvier ) le Mirebalais tombait au pou- 
voir des espagnols. Le général Bauvais n'abandonna la place qu'après 
tine faeure a un combii ûieurlrier. 11 se retira à la Croix des Bou- 
quets; et Mr Despinville commanda au Mirebalais pour le roi d'Es- 
pagne. 

Un mois après les anglais s'emparaient de Tiburon d'où ils avaient 
été repoussés uno première fois. Cette ville armée de vingt deux piè' 
ces do canon otaiea(- défendue par 500 républicains noirs et decou« 
leur sous les orjlres de Dartiguenave. Le 2 Février dans la soirée Tesca- 
dre anglaise mouilla dans la rade, pendant que les chasseurs noirs de Jean 
Kina se retrancbaieioit aux Irois pour ménager une retraite aux anglais 
en cas qu ils éprouvassent un ccbéc. A la pointe du jour du 3 les vais- 
seaux par plusieurs bordées balayèrent le rivage; les troupes anglaises 
européennes ayant à leur tête le lieutenant-colonel S|3encer , débar-> 
quèrent sous la fusillade des républicains^ , se mirent en bataille , mar- 
chèrent contre eux , les taillèrent en pièces et enlevèrent Tiburon. 
Spencer fit cent-cinquante prisonniers et trouva l'arsenal de la ville 
garni de poudre. D'après les bulletins des anglais, ils n'auraient comp* 
lé que trois hommes tués, et onze blessés. 

Pendant ce temps Sonthonax ranimait le patriotisme dés habitans 
4u Port Républicain. Le commodore Ford se présenta 'de nouveau 
devant cette ville où il répandit des proclamations de John Gervis 
aoniral, et lie Cluirles Gray vice amiral du roi George, dans lesquel- 
les la République était représentée toute souillée de crimes , et l'Assem- 
blée de Fraoce traitée de fréimdue convenlton naiiauale. Monbrun reçut 
une kttre de Larue émigré qui ne pouvait que léloigi^r davantage 
de Simthonax : on lui disait de se livrer aux anglais avec lesquels 
SoAlbonax traitait déjà secrètement. Cette calomnie produisit son 
efiet ; elle augmenta Tammosité qui exijptait déjà entre Monbrun et 
le conunissaire civil. Patiice Smith, commandant de Léogane, s'ef- 
forçait, de son côté, de rallier aux anglais les hommes de couleur de 
rOuest en leur donnant l'assurance des bonnes dispositions du gou- 
vernement brilannique à leur égard. La commodore Ford s'éloigna 
une seconde fois du Port Républicain , en présence des mesures éner* 
giques priseSt par Sonlhonax. 

Le 3 Février, la République perdit le Fort (lauphin, boulevard (?e 
la province du Nord, du cote de la partie espagnole. Les coiiimis- 
sairea civils avaient confié à Candy le commandement do cette place. 
Lm Espagnols la bloquaient par terre et par mer. Ln caboteur nom- 
mè luan Delmonte gagna le commandant dii fort Lobouqite qui pro- 
tège le pi>ii t ^ h v^iiUBeau espagnol S^ lUi«io&d dç 4>4 canons y pé« 



170 BisTaiRcr Ti*HAiTi.*-f 179* ) 

nétra snns obstacle* Alors Candy fit un traité de eapUuTation avceFâK 
mirai Don Gabriel Aristizabal, à condition que Jean François et ses? 
bandes ne seraient jamais introduits dans la ville. Quand les espagnoJa; 
se furent emparés de tous les points de la place ^ ils violèrent les dis^ 
positions, de la capilulalion , arrêtèrent Gandy, ^t Fenvoyèrent au Mexi^ 
que dans les travaux des mines. Gandy s'échappera des mains des espar 
gnols. en 1797 et reviendra à St-Dominguc d'où il sera déporté par- 
SoAthonax qui ne verra en lui qu'un traître et un eonemi de la race- 
noire. Il Taccusera d'avoir immolé au Trou 200 noirs. Don Joaquim 
de Saso du régiment de Porto Rico prit le commandement du Fort. 
Da.upbin. Il se montra bientôt dégoûté de cette charge. Il écrivit à 
Don Garcia gouverneur de S^®-Domingo : « On n'a pas besoin de mi- 
€ litaires pour conduire une guerre de Pater Noster tl d'Ave Maria', U 

« père Yelasquez sufîit Au surplus je suis habitué à me bat-* 

«. tre, et non à cajoler, i^ Il faisait allusion aux caresses que l'osh 
prodiguait à Jean François pour le retenip dans les rangs espagm>ls. 

Pendant cet intervalle, trois des cinq députés de St Domingue à la Con- 
Tcntion nationale , Mars Belley noir, Dufay blanc et Milh métis, représen*- 
tantla province du Nord, que Sonthonax avait fait nommer par TAssemblé^ 
électorale du Gap, étiient arrivés en France. Ils étaient chargés de- 
demander à la Gonventioa la confirmation de la liberté générale pro» 
clamée par les commissaires civils. Presque en même temps qu eux 
étaient arrivés Boisrond et Gastaing hommes de couleur , Yergniaudl^ 
sénéchal du Gap, chargés par Sonthonax d'exposer à la Gonventioa 
létat de S'-Ûomingue^ et de lui faire du rapport sur les évènemens 
qui s'y étaient passés. ' ' 

Victor Hugues qui avait habité h colonie , ennemi implacable de l9t 
liberté des noirs et des jaunes, président du tribunal révolu t ion nairt 
do Brest , dès qu il apprit quë les députés de S' Domingue étaient dé- 
barqués à Lorient , obtint de Prieur de- la Marne, lautorisation dé- 
faire apposer les scellés sur leurs papiers, les représentant comme de^^ 
Brissotins , des Fonfrédistes. Il lit arrêter fioisrond et Gastaing qui furent 
envoyés au tribunal révolutionnaire. Le contre amiral Gambis que Ge- 
nêt, ambassadeur de la République aux États4JniSy. avait envoyé e» 
.France, fut aussi arrêté. Les colons Jacobins lui firent un crime d'ê- 
tre né à Ghartres , et d'être par conséquent le compatriote de Brissot. 
Son véritable crime, à leurs yeux, fut de s être toujours soumis, i' 
St.-Domingue , aux réquisitions de Sonthonax et de Polvérel. Quant à 
Boisrond et à Gastaing, Victor Hugues ne leur pardonnait pas d'avoir 
été membres de la commission intermédiaire. Pendant ce temps Page 
et Brulley qui ctaieat ^ Paris, avaient appris l'arrivée à» Lorieut de» 
députés de la province du Nord. Ils se rendirent aussitôt chez. Amar 
qu'ils avaient gagné depuis longtemps, et lui dirent que St.'DoQiiogu^ 
soldait perdu sans ressources, si ces députés parvenaient à justifiei* la 
<;onduite de Soathonas ot de . f oiYéirt4. «^ 'à (mià couvet tir «a loi lapitoe*' 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1794 ) 171 

elamalion du 29 Août 4793 relative & la .liberté générale. Ils obtînt 
rent par Venlrcmise d'Amar un ordre, du comilé de sûreté général^ 
par lequel les dépntéâ furent arrêtés et incarcérés. 

Cependant les Montagnards commençaient à être éclairés sur le rôle 
infâme que jouait eii France le parti colonial. Thurirt venait de dé- 
voiler à la nation toutes les machinations de ces royalistes aux bonnets 
rouges contre la liberté des noirs. Barrère indigné d'avoir été lui même 
trompé par Page et Brulley les appela princes colons dans un enlrt tien 
qu'il eut avec eux. Ceux des hommes de couleur ' arrivés à Paris qui 
H^avaient point élé emprisonnés, placardèrent dans les rues des leltres 
4e Page et de HruUey en faveur de la royauté avant le 10 Aofit. Dd 
leur côté, les députés de St-Domingue envoyèrent à la Convention na- 
tionale le 14 Pluviôse an ^ (2 Février 1794,) une adresse énergique 
contre les viles menées du parti colonial. Le lendemain ils furent 
mis en liberté; et le même jour ils se présentèrent à la Convention. 
C'était le 15 Pluviôse an, 2 (3 Février 1794) ; Vadier présidait la Con- 

-ventioa nationale. Un dés députés, N se leva : « Au nom du 

comité des décrets. Citoyens , votre comité des décrets a vérifié lei 
pouvoirs des députés de St.-Domingue à la représentation nationale , 
par la colonie de St-Domingue; il les a trouvés en règle* Je vous 
propose de les adipettre au sein de la Convention. » 

Canibouicu : « Depuis 1789 , un grand procès restait en suspens ; 
raristocraiie nobiliaire et raristocraiie sacerdotale étaient anéanties , 
niais l'aristocratie cutanée dominait encore^ celle ci vient de pousser 
le dernier soupir, Tégalité est consacrée; un noir, un jaune, un 
blanc vont siéger parmi vous , au nom des cito} ens libres de St. Do- 
mfngue. » ( L'on applaudit. ) 

Danton, ce beau piédestal du peuple, qui fut si souvent dominé 
par des élans de générosité se leva et dit : « Oui Tégalité est consa- 
crée, mais il faut qu^ l'arbitraire cesse; etje demande que le comité 
des colonies vous^ fas$ô un rapport sur les persécutions qu'on a fait 
éprouver aux noirs, en Franée, depuis 1787: i^ 

Cette proposition fut adoptée. 

« Une musique militaire se fait entendre ; I air retentit des airs chc* 
« ris de la révolution ; des canonniers ouvrent la marche , des citoyens 

< armés les suivent; s'avancent ensuite des citoyens portant de gran* 

< des chaudières remplies de salpêtre. Le cortège est terminé par un 
« grand nombre d'autres citoyens , portant des pelles , des pioches 
f et tous les instrumens nécessaires pour la fouille des terres. La salle 

< retentit des plus vifs applaudissemens. » * 

Après qu'un des citoyens du cortège eut rendu compte des tra>aux 
^es {Parisiens pour obtenir du salpêtre, les trois députes de St-Dpmiii-. 

t Jloniteur Français, t 



172 HisTpiRR d'haiti. — ( 1794 } 

gne entreront dans la salle. La figure notre de BelTey et la fîgure jauno* 
de Milis firent éclater le pins grand enthousiasme ; les appiaudisseoiena^ 
furent plusieurs fois ropclés. 

Lacroix d Cure et Loir prit la parofer t Députa longtemps l'Assem- 
« blée désirait d'avoir dans' son sein des l>oranfies*de coujeur qui furent 
« opprimés pendant tant d'années. Aujourd'hui elle en possède deux ;^ 
« je dtMTiando que leur introduction soit marquée par 1 aocolade frs^ 
« Icrnello du Président, i^ 

Celte motion fut décrétée au milieu des acclamations. 
Les trois députés de St.-Domiogue s'avancèrent vers le Président ^ 
ils en reçurent le baiser fraterneL (La salle retentit de nauvelles acelar 
malions. ) 

Le lendemain 16 Pluviôse an 2 (4 Février 1794.) la Convention était" 
nombreuse ; Vadier la présidait encore. Un des trois députés de St.- 
Domingue « fil un rapport sommaire sur les évènemens qui y avaient eui 
• lieu. Il remonta à ^a cause des malheurs auxquels elle avait été en 
« proie : il b vit dans la politique odieuse et les intrigues du YAib^ 
« gicterre et de l'Espagne, qui voulant faire perdre à la République 
« celte colonie intéressante, avaient trouvé le moyen d'y organiser Uk 
« guerre cixilo. Mais les nègres armés pour la cause de h France 
« avaient déjoué, par leur courage, ces |)er(ides projets, et avaient 
« demandé pour prix de leurs services la liberté qui leur avait été ao*- 
« coidéo. L'ortiteur conjura la Convention de confirmer cette pfome&- 
« se , et de faire jouir pleinement les colonies des bienfaits de la li<^ 
€ bcrté et do fégalilé. *» 

Il parla des persécutions qui allient été dirigées contre eux aux 
Élals Unis par les" colons et les émigrés français. « Ceux qui sont à. 
« la lole do celle inquisition, dit-il, dans le continent def^mèri^pie 
« sont Talon et Nouilles , et «juatorze ou quinze miile émigrés de 
« France et ceux de St-Doraingue, sont leurs agens. » 

€ S'il était permis de parler de soi, conlinua l-il, nous pourrions ajou- 
ter : ce sont encore eu\ qui par une suite de leur système ont vouia 
nous faire assassiner à noire débarquement à Philadelphie, par les é-* 
nii^^rcs fiançais rél'ugiés^en celle ville, ont forcé nos malles, enlevé 
pariio do nos céixîchcs [X)ur la Convention et pour les Ministres, pillé, 
tous nos papiers, notre argcnl, nos eifels, ont appuyé le poignard 
sur le sein do mon collègue Belloy pour le forcer à quitter la co- 
carde nulionale (ce qu il n'a pas voulu faire) ont tolé sa montre, 
son argent , tous ses elîcîs jusqu'à ceux de son enfant j entin ils lai 
ont fuit essiî}er les plus mauvais truilen^ens. Lu de œs hommes h 
poignard disait à lieSley , mon collègue: «r Coiiimcnl , coquin, lu 
«c oses étio oflicicr dans un régiment ? Tu as I i:iM»I«jncc de vouloir 
< coîHuiancîcr les blancs! — El pourquoi pas, leur répondit mon col- 
f lègue, (cl avec une (îcrtc énergique, l'expression de celui qui sent 
c profoadéiuenl sa dignilé d'homaio) ; je sers depuis '45 ai^s s^ua lô- 



însToiRE d'haïti. — ( ï'5'94 ) 173 

fr proche ; et • qus^Dd on sait sauver les blaoc^ et les dcfeodre , OB 
« peut bien les commander. » 

f Ce n'eèt que par une merveille i]ne nous avons écliappé aux pouf* 
«uUq^ de ces biigauds et sauvé le reste des d(^pèches pour la Conven- 
tion. Ils voulaient nous empêcher d arriver jusqu'à vous, parccqu'its 
prévoyaient bien que nous allions *vous découvrir la vérité , vous dé- 
noncer tous leurs crimes et démasquer tous, les traîtres. Ils nous ont 
flaêine poursuivis jusqu'ici, et à notre arrivée, ils nous ont fait es* 
Buyer une nouvelle persécution. Mous ne nous plaindrons pas de ce 
que nous avons souffert. IN 'est-on pas tro{) heureux quand on fait 
quelques sacriiices à la Pairie, etc. etc. etc. » 

« Levasseur de la Sartbe se leva et dit : Je demande que la Conven- 
tion ne cédant pas à un mouvement d'enthousiasme, mais aux prin- 
cipes de la justice y fidèle à la déclaration des droits de rhomme,d> 
orâtë, dès ce moment, que l'esclavage est aboli sur tout le territoire 
de la République. St Domingue fuit partie de ce territoire , et cepen* 
dant nous avons des eftclaves à St-Domingue. Je demande donft que 
lous les hommes soient libres sans distinction de couleur. » 

Lacroix d'Eure et Loir : t en travaillant à la constitution du peuple 
£rançais , nous n'avons pas port^ nos regards sur les malheureux hommes 
de couleur. La postérité aura un grand reproche à nous faire de ce 
eôté ; mais nous devons réparer ce tort. Inutilement nous avons dé*- 
crété que nul droit féodal ne serait perçu , dans la République fraïF 
çaise. Vous \ene£ dentendrc un de nos- collègues dire qu'il y a en-^ 
core des esclaves dans nos eolonies. Il est temps de nous élever à 
la hauteur des principes de la liberté et de Tégalité. On aurait beaa 
dire que nous ne reconnaissons pas d'esclaves en Fiance ; n*estil pas 
vrai que les hommes de couleur sont esclaves dans nos colonies. * 
Proclamons la liberté des . hommes de couleur. En faisant cet acte 
de justice vous donnez un grand exemple aux hommes de couleur 
esclaves dans tes colonies anglaises et es|>agnoles. Les hommes de 
couleur ont comme nous voulu briser leurs fers; nous avons brisé les 
nôtres ; nous n'avons voulu nous soumettre au joug d'aucun maître; 
accordonS'leur le même bienfait. » 

Levasseur : « S'il était possible de mettre sous les yeux di^ la Convention 
le tableau déehirant des maux de Tesclavage , je la ferais frémir de 
Taristoeraiie exercée dans nos colonies par quelques blancs. » 

Lacroix : « PrésideDt , ne souffre pas que la Convention se déshonore 
par une plus longue discussion^ 

L'Àjssemblée se lève par acdamatioa. 

Le président prononee rabolilioQ de Teiclavage,. au milieu des ap^ 

** Qa. entoscUut ta Fnuace pas tiomiaes de coaleor les noin et ks'sacgj^ 



\ 



( 



174 HISTOIRE d'haiti. — ( 1794 ) 

l^laudîsseniens et des ciis mille fois répétés, de vive la République! 
vive la Gonvenlion ! vive la Montagne. 

Los deux députés de couleur qui étaient à la tribune , Mars BelUy 
et Mills s'embrassèrent. On applaudit. 

Le député Lacroix les conduit au président qui leur doon^ le bai^ 
Ser fraternel. 

Ils furent successivement embrassés par tous les députés; 

Cambori: « Une citoyenne de couleur qui assiste régulièrement auiL 
séances de la Convention et qui a partagé tous les mouvemens râ^ 
volutionnâires , vient de ressentir une joie si vive en ,voyant la liberté 
accordée par nous à tous ses frères, qu'elle a entièrement perdu coa-^ 
naissance ( On applaudit. ) Je demande que ce fait soit consigné au 
procès- verbal, que cette citoyenne admise à la séance , reçoive au moins 
celte reconnaissance de ses vertus civiques. 

On vit sur le premier banc de Tampliilhéâtre, à la gauche du pré^ 
sident, cette citoyenne qui essuyait les larmes que cette scène atlea^ 
drissante faisait /'ouleur de ses yeux (on applaudit.) N..... Je dé* 
mande que le ministre de la marine soit tenu de faire partir sur le 
champ , des avisos pour porter aux colonies Theureuse nouvelle de 
leur affranchissement. 

Danton i « Keprésentans du p(3uple français, jusqu'ici nous n'avioni 
décrété la liberté qu'en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujour-^ 
d'hui nous proclamons à la face de l'univers , et les générations 
futures trouveront leur gloire dans ce décret , nous proclamons la It-^ 
berté universelle; Hier lorsque le président donna le baiser frater- 
nel aux députés de couleur, je vis le moment où la Convention de-^ 
tait décréter la liberté dô it os frères. La séance était trop peunoiu- 
breuse. La Convention vient de faire son devoir. Mais après avoir 
accordé le bienfait de la liberté, il faut que nous en soyons pour ainsi 
^ dire les modérateurs. Renvoyons aux comités de salut public et dek 
colonies , pour combiner les moyens de rendre ce décret utile à Tbu* 
* maaité sans aucun danger pour elle. 

« Nous avions deshonoré notre gloire en tronquant nos travaux. Lés 
grands principes développés par le vertueux Lascasas avaient été mé* 
connus, ^ous travaillons pour les générations futures ; lançons la 
liberté dans les colonies: cest aujourd'hui que l'anglais est mort. 
(On applaudit.) En jetant la liberté dans le nouveau monde, elle 
y portera des fruits abondans , elle y poussera des racines profondes. 
En vain Pitt et ses complices voudront par des considérations politiques^ 
écarter la jouissance de ce bienfait; ils vont être entraînés dans 
le néant; la France va reprendre le rang et l'inQuefice que lui aiâu- 
rent son énergie , son sol et sa population. 

« Nous jouirons nous-mêmes de nôtre générosité ; mais nous né Tétenif 
Jrons pas au-delà des bornes de la sagesse. Nous abattrons les tyrans^ 
comme nous avoas écrasé les bornâtes perj&des ^ui voul^û^t 



HÏITOIÈE VDAltl.— ( 1794 ) • lYS 

%pogradêrlft révolution^ Ne perdons point notre énergie; lançons nos 
frégates; soyons sûrs des bcuédictions d«i l'Univers el de la postérité^ 
^t décrétons le renvoi des mesures à l'examen des comilés. » 

Ce renvoi fut décrété. 

11 s'éleva quelques débats f^slatifs à la rédaction du décret. 

Lacroix en proposa une qui fut adoptée en ces termea : 

^ La Convention nationale déclare aboli l'esclavage des nègres dans 
M toutes les colonies;* en conséquence , elle décrète que tous les hom« 
« mes, sans distinction de couleur ^ domiciles dans les colonies, sont 
< cîto}«ui français , et jouiront de tous les droits assurés par la Gons- 
4r titution. 

« Renvoie au Comité de Salut public pour lui faire incessamment 
m un rapport sur les luesures à prendre pour l'exécution du présent 
€ décret. # ^ 

La séance fut levée i deux heures et defnie.** Au sortir de l'As* 
semblée, les Représentans de St-Doifiingue furent portés en triomphe 

}>ar le peuple. Cette scène fut une des plus touchantes de la rev>» 
uloin. Alors s'accomplit la prophétie de Mirabeau : c la révolution 
« française bannira ^esclavage des colonies. • 

Quelles qu'aient été les horreurs de l'époque de la Terreur, l'HaH 
tien doit toujours nourrir pour la Convention nationale de France le 
plus grand atnour : cette immortelle Assemblée est la. mère d'Haïti. 
Nous ne devons pas la eonfondre avec Bonaparte qui avant 
d'avoir tenté le rétablissement de l'esclavage dans notre pays , 
et d'avoir révoqué le décret de la liber.té générale par celui du 
Conseil d'État du 20 Mai 1802 , avait déjà horriblement perse* 
cuté la plupart des conventionnels dont les glorieux travaux s'é^ 
taient acco^iplis j et pour la France , et pour tous les peuples 
4u globe. 

Sept jours après la proclanration de I9 liberté générale , 1 1 Février, 
les trois députés de St. DomiAgue se présentôi*ent au Conseil général 
de la commune , et y prononcèrent chacun un discours dans lequel ils 
exprimèrent les sentimens d'aQëction et d'estime que leur avaient ins« 
pires hes vertus, le courage du peuple et des magistrats de Paris. Mills, 
le députa de couleur dit : < c'est aux progrès de l'esprit que le peuple 
•* de Paris a développés , que nous devons l'heureuse régénération qui 
m nous a d'abord faits citoyens, et qui vient enfin de rendre à nosfrè* 
« res le nom d'hommes, en échange de celui d'esclaves. » • 

Mars-Belley, le député noir, s'écria : « Je fus esclave dans men en- 
f &ace, U jr a treate-six ans que je suis devenu libre par mou 

• 

* On appelait nigres les esclares noirs et de eouleur ; et gens de eeuleiâr 
. les noirs et les mulâtres libres. 

X. 

* * Extrait du Mooiteur JPradçaLs ds 1791, 



t mdiisliîé ; je me su/V acheté mmmè^ne. Depaîs, dans le coui;* 
c de ma vii, Je me suis senti digne détrê français. 



t 



Je n'ai qii'a/i mot ;i -vous dire : c est qùG^ c'est le pavilloQ 
€ Uicoloi^ qui novs a appciés à la liberté; c'est soud ses auspices que 
€ nous avons recouvré cette liberté ^ noire patriotisme et le trésor dé 
U notre postérité ; el tant qu'il restera dans nos veines une goutte de 
c sang, je vous jure, au nom de mes frères, que ce pavilioû flottera 
c toujours sur nos rivages et dans nos montagnes. » 

DufaV , le dV'putê blanc, jura d'être toujours lidcle à la catise do !& 
liberté gci.éra le. Le président du conseil général de la commune rè» 
t)ondil: « citoyens, les droits de Thomme étaient tiolés depui» long* 
« teflips; des scélérats, des rois avaient, par un long esclavage, ûha^ 
t tardi respè<^ humaine ; ils ne rougissaient pas de faire le camœejp- 
^ ce d'hommes. Grâces à notre sainte révolution , nous avons recoci- 
f quis nos di*o^ls , nous les maintiendrons; unissez'vous à nous: 
n formons un faisceau inébranlable ; jurons la mort des tyrans. Bien»- 
g lot DOS vœux seront exaucés, et la terre purgée des monstres qui 
^ la souillaient , n'offrira plus que le spectacle touchant d'homme* 
^ V riial>leinent libres. » 

Après un discours de Chaumette sur les horreurs de l'esclavage, il 
^1 décidé par le conseil que le trente pluviôse ( 18 février) rabblition 
^ lesclavage serait célébrée dans le temple de la Raison , que leâ 
droits de l homme y seraient lus, et que les cantiques de la liberté 
f seraient chantées. 

Au jour lixé, le peuple de Paris, les autorités constituées, le corpji 
'électoral , les sections, les sociétés populaires, les comités civils et r^*' 
tolulionnaires , se réunirent dans le temple de la Rafson. « Leçon- 
cours était immense. A l'arrivée de la députation de la Conveuticùf 
nationale, au nombre de laquelle étaient les députés de St-Domingue, 
les cris répétés de vive la Convention nationale , et les applaudissemens^ 
mêlés 8U bruit des instrumens guerriers, firent retentir les voûtes de 
lédilice et furent répétés au-dehors. 

« Les citoyens et les citoyennes de couleur étaient placés avec la dé- 
putation de la Convention Nationale , dans une enceinte oinée dé 
guirlaîâdes et de couronnes. 

« La cérémonie commença par une ouverture de Gossec, etécutétf 
par rinstitut national de IVfusique. Le Président du Conseil lut ensuite 
la déclaration des droits de l'homme. Après cette lecture , on eiécu* 
ta un autre morceau de mosi(|ue, pendant lequel les plus doux épan*^ 
chemens de fraternité se a.anifestèrent. Les cris de vive La Républi* 
que uiii^ol fin à ceiie acèâe loacfaanieé'^ 

* Extrait du procès- verbal de la Séance du Conseil général de la Coo^ 
tnmfi, (|>ajjs) le S3 Pluviôse , Tan 2me de la^Répubâque; 



ItVTOfItB i^^tiAfti^i 1794 > 177 

€ Le iSeei^tâire-grefiier donna- msttite lecture de Fanalyse de toutef 
les belles actions qu'avait %u naître le mois passé. » Ensuite le oi« 



furent les suivans 



passages 



« • L'arbitraire ayant pris, naissance ^ la force dut nécessair 

f ement devenir la loi suprême. Le crime et tous les débordemens qui 
marchent à sa suite, durent étouffer jusqu'à l'idée- des vertub primiù*^. 
Tes ; la faiblesse dut aussr devenir un tort impardonnable aux yeui: 
des plus forts^ et unr motif pour être tourmenté^ par eux; mais le fû*^ 
ble~, de son côté-, se* voyant à tout moment dépouillé du fruit de sesx 
sueurs par se» nouveaux maîtres , oesêa* detravaiVer parce qu'il cessaii 
de jouiir. be courage lui manqua^ soit àme abattue n'eut bientôt de 
sensations que pour la douleur r* il fut asservi. ^^^^.^...... 



sont- ils les remparte' sacrés de Lacédésdone? les p<Miqiiee 
d'Albénes? les flottes- de l^r, lee^ immenses travaux de^ Siden? les- 
temples de Persépolis?- Oà, sont^ils ces immenses troupeaux; de l^em* 
phis? Qu'est devenu* ce monde de laboureurs » de pasieure , d'artistes^ 
de- matelots, de guerriers ?: O* terres désolées et veuves d'habitans-, 
^mis n'offrez plus i^ Fimagination que la yaste urne cinéraire décent 
l^uples détruits,, sur laquelle lacoature^ a gravé - votre- épitaphe: Eiclû^^ 
«ojlfs. Carruptiofiu, Bêstrmtià» ». 

Mais aujourd'hui le tocsin de la justice éternelle a sonné'^ lès jparo» 
hs^ sacramentelles ont été prononcées par l'organe d'un peuple puic(sant 
et bon : VaelèH^ eit ékolûl^ 

€ Est^^e ta voix y ôfiaturer EétHse ta voix qui vient de se faire en- 
tendre ? ou si les voifttes du temple des lois n'ont fait que lui servir d'écbo ? 
Ministres de la- morale des nations ^ heureux législateurs, vous l'avez: 
prononcé'^, ce* décret immortel r il est déjà votre récompense. Enlen»- 
dez-vous ce concert d^ctieiie de grâces, ces cris d'allégresse et de bé- 
nédiction , partis du milieu de ces esclaves dont vous venev de briser 
lee chaînes» be» voyea^vous ces hommes, la joie peinte -sur la figure, 
bondir en criànl Iftertét et courir raconter, leup bonheur i toute la 

nature? ils- le disent aux arbres, aux rivières, aux montagnes 

Xfa oui I semblable à l'éclair électrique', qui parcourt, en un clin* 
dlœil l'espaee, r^oraele que vous- venez- de prononcer ^ sur les rives de 
Ih Seine, va bientôt reteatir de la-ctoie des cofàiliim^ dfensles antres 
glacés de la Sibérie;. ••«. liais^ que voia-je?.... Hommes -noirs!.... La 
lâche homicide entre* vos mains»!.... Bientôt' elk>va^ signal de guerre, 
parcourir toutes les habitations de la» contrée, le sang va couler en- 
Mi>e».... Arrêtez, gardezf cette flèche pour le Gésier anglais, ou es* 
pagnol qui tenterait de vous réasservif^ Arrêtez , il n'y. a plus dans 
le pays que vous habitez ,. ni maîtres durs à punir, m esclaves à dé- 
livrer ^ veus êtes tous égaujiu Ouîtous^égaux !4... Voyez- vous les fruiisu 



« 

f oîrs âtl TrcSne ,: nièlés aux bouqweis 1>laQcs de loraDger ? le soleil 
^claire, Tivitie Tun et Tautr^e sans dislinciion , et ce mélange foring 
Vu spectacle encuantejmr : eh bieu, voilà désormais votre destinée. 

« Ah ! surtout recueillez précieusement les cendres de votre (idèle ami, 
du coUrageui Ogé. Le premier il osa vous parler de liberté ; fort 
de teyte la force que dpnnent la vertu et la conscience d'un bommelr^ 
I)re y le premier il osa braver la tyrannie. Vainqueur sans cruauté ,il fut 
iraiucu sans montrer de faiblesse, et mourut en grand homme. Sur Té- 
çhafaod même , son port majestueux et sa forée d'ame semblaient com- 
inand^r à de vils bourreaux. Dressez-lui , hommes nouveaux, dresses*? 
lui un inonument simple .comme vos cœurs ; suspendez j pour tro- 
phéçs tous les infâmes attributs de Tesclavage passÀ; gravez j, pour 
apaiser, son ombre, ces mots qqi sont le gage- de votre félicité: Di^ 
çret de la Ci^nvention Nationale^ qui abolit l'esclavage. Et toi , cendre d'Ogé^ 
cendre respectable et chérie , reçois de la part 4 hommes libres, le juste 
tribut d'éloges que méritent les grands ellbrts que tu fis, et Iqs mâles 
vertus que tu déployas ; attends en paix jque la nation , dont tu fu$ 
Vinterprète hardi , ait elle m^me proQoncé i^ur ta vie et tes travaux ^ 
eon irrévocable jugement. ». 

« Le discours fini , les citoyens de couleur vinrent donner il Tora* 
teur le baiser de fraternité. Un enfant noir, élevé sur les bras et 
ainsi remis aux représentans du peuple, produisit le plus grand eflet ; 
mais bientôt les heaumes de couleur , suivis de la municipalité , -s'avan** 
Cirent au son d'une marche guerrière, auprès des représentans dupeu-^ 
pie , tes mains chargées' de couronnes qu'ils leur présentèrent. Il faur 
drait avoir vu cette belle scène pour la bien Sentir, Des hommes de 
toutes les couleurs , jadis esclaves , pressés entre les bras des repré* 

sentans du. peuple français, arrosés de leurs larmes Les bras d^ 

tous les spectateurs tendus vers le ciel , les cris de vive la Républi- 
que, vive la Convention, mille fois répétés..,. Ce JQur-là, les -législa^ 
leurs durent sentir combien la recQUi^aissance du peuple est expressive* 

« 4près un reniement de tambours , chacun reprit sa place , et lect 
hommes de couleur , toujours pressés autour des représentans du peu^ 
pie, restèrent dans cette attitude, pendant Thymue de la liberté^ 
par laquelle fut terpiinco cette féie intéressante. 

« Au sortir du temple , le concours avait augmenté au dehors , les 
places et rues adjaçantes étaient remplies 46 républicains qui , à leur 
tour,. témoignaient leur reconnaissance i la représentation populaire» 
ainsi que la part qu'ils prenaient à l^ fête qu'on venait de célébrer. > 

Page et Brulley répandii^nt sur Danton , Camille Desmoulins et leui^s 
partisane, tout le venin, mortel qu'ils avaient laneé sur les Girondins^ 
Us les dénoncèrent & Robespierre , k St. Just. 

Mais la Convention instruite de la véritable situation de St. Domiq 
|[ue , décréta le 19 Yé^tose an. 2 (9 Mars 1794) sur h melita 4ft 



_j 



Mstoihb B^àAiTi.*— ( 1794 ) t7A^ 

« 

# V^huriot « qtie'tons les colons qui avaient été meint)rea de rAsteia» 
t l)lée de St. -Mare et de celle eonnue depuis sous le nom d'Asseniblétf 
« coloniale, les agens de <^s Assemblées aeluellement en France , et le* 
< membres du club Massiac seraient mis en état d'arrestation; quer 
« les scellés seraient apposés «ur les papiers de tous les colonis actueild* 
€ ment résidans à Paris. > Cependant elle ne révoqua -pas le décret 
d'accusation contre Polvérel et Sonthonax , attendu, qu'ils apparteotieni 
au parti de la Gironde»! 

Page et BruUey , quand le décret de 9 Mars lut mis à exécution , 
avaient déjà été arrêtés par le comité de la secticm des Tuileries, lia 
écrivirent en \snm. k Robespierre pour obtenir leur mise en liberté*. II&. 
ne seront sauvés que par la révolution du 9 Tberniidor. Ijes co- 
mités révolutionnaires (de Paris), des sections de rUaité, du Mail^ de Ja^ 
llalle eux Blés , du Mont-Blanc^ de Bonne*Nouvdle ,, arrêtèreal «n» • 
Ibuie de colons; 

Larcbevèque Thibaud fut aussi emprisonné. Sen mandat d'arrètpôr* 
lait , par une étrange tournure > pour disi^fnatifm priùiu- le nom de^ 
Thibaut, ci-devant Archevêque. * 

Pendant ce temps les républicaine déployaient à; St. Domingue , la plue< 
grande énergie contre les anglais, les espagnols et les royalistes irisiBçais* 

Le gouverneur La veaux s'âait retiré au Port-de-Paix^ après avoir eonlié à 
Yillaie le commandement du Cap. Cette dernière ville ouverte alors de 
tous côtés n'était qu-un, monceau de ruines depuis l'aflaire de Galbaud, 
Yillate bomme de*couleur , par son énergie et son administration intelli» 
gente releva le courage des babitans, organisa â régimens de troupes fran^ 
cbes, établit des redoutes auteur de la place, et chassa par de vigoureuse» 
sorties les espagnels dont les bivouact at-teignaient ^esqué la^ barrière 
Bouteille». 

• 

^ L# commissaire Rotune, dans une lettre au;x généraux Lavsaux , Toosb 
saint Loutrerture , Bierro Michel , Villate ft Eieyre Lé veillé ,. datée de Santo-Do- 
mingo , 22 Floréal an 4 ( 9 Mai 1796 ) leur dit que les colons voulaient faire 
jouer â> St.-Domingue une tragédie en trois aotes :( O'èst uu coloh qui parle)": 

'' 1^ Nouf eommencerons par brouiller les- mulâtres aveé les nègres, en ' 
'^ coalisant coux-ci avec les blanes.. Ce moyen procurera lade^ruction totale 
" .de Cês figurés à rhubarbe. 

^ %*^ Ensuite noiu brouiUeions les nègres créoles avec les nAgres de guinée^ 
^ en oo^isaat eeuz-«i avec les blancs : ce second moyea nous djâlivrete 
" d€ têu^ ê&$ dêcieiurs marâçuins^ 

" 3^ Enfin « la France ennuyée de tous tes crimes qyî se serent commis , 
*^ ne pourra plus regarder les nègres f iie comme des bêtes féroees indignes 
" dé la liberté ;. elle rétablira Fcisclavage ; nous nous déferons de tous ceux qui 
^.auront de l'énergie; nous en ferons venir dUirique, et nous les tiendt&JBSu 
^'sajiis cesse sous le fouet, et las. àbaines."* 

Les érônemens <piê nous rappcarterons prouveroni en eflbtque neus derons noe. 
plfis grandes , calamités aux maobinations inftrnales da parti . colonial : guerre 
civile entre les netrs et les.hoaunes de couleur j guerre civile enjitre les noif jl^ 
e^ûeains et les noirs créoles 



lLe Cap^ et le iPortcIe-Paîx étaient démenas les boulevards de la \W 
Inerte dans le Nord, Le Port-de-Paix ne renfermait que sept cents 
floldats européens supportant les plus grandes privations. Ils n'a» 
«aient ni pain, ni biscuit, ni vin, ai tafia, ni sel, ni savon. Ils 
étaient la plupart malades et sans chaussures. Cependant Laveaux , par 
fôn oourage dievaleresque ^ ranimait tous les cœurs. Les anglais qui 
bloquaient le pprt, et les espagnols qui donnaient chaque jour des 
assauts , ne pouvaient corrompre l^ fidélité des soldats , auxquels ils 
offraient du pain et de li viande fraîche en abendanoe. Le gouver* 
neur ordonna aux comroandans des postes voisins de ne répondre aux 
propositions de ^ean François que par des boulets et des balles. II 
^r écrivait : « qu'il serait désnonorant de quitter leurs postes sans 
m tirer un coup de fusil ; que s'ils étaient contrainta i la retraite , 
•« de ne le faire qu'après la plus vigoureuse défense, d'enclouer les^ 
« canons qu'ils ne pourraient pas emmener; de faire porter au dos 
« des soldats toutes les poudres qu'ils pourraient enlever. Dût toute 
4 la colonie se rendre aux anglais, ou aux espagnols., leUr disait il, 
< tenons bon; conservons à la République un endroit où les forces 
m qu'elle enverra pourront débarquer , et trouver à la minute un lieu 
4 qui les reçoive. Pour moi je ne n^e rendrai jamais- Les troupesi 
4 que j'ai l'honneur de commander sont dans les mêmes senlimens* 
« Quand on préférç la *mQrt à la trahison , on iPfur t sans jamais avoir 
« été vaincu. » 

Wîthloke lui fit offrir par un émissaire de trahir sa patrie, raoyennatit 
11,000 livres sterlings ( 9 Février^ ) Laveaux repoussa cette proposition 
avec une violente indignation t]ui fut partagée par ses soldats. Ifei^ 
ëemanda satisfaction jt Tofficier anglais. Wiihloke honteux d avoir of* 
fensé une tfne si belle , n'accepta pas le cartel qui lui était parvenu- 

Trois jours après , ^ames Grant, commandant du Môle St. Nicolaa 
échoua honteusement en tentant de son côté de séduire le général Laveaux. 

Alors Withloke attaqua le Port-de-Paix tant par mer que par terre ^ 
Il fui repoussé avec une perte considérable. |I apparçilta et sortit du 
• canal de la Tortue, 

Pour ne pas laisser ses troupes dans rinaction , il se résolut à B.U 
taquer TAcul , forteresse occupée par les républicains et située à une 
lieue de Léogane. 11 vipt débarquer en cette ville à la tète de sadi< 
vision composée des d3e, , SOe. , 49e. et OSe. régimens européens. 
Il marcha contre TAcul le i9 Février avec deux ohusiers de 5 pouces 
et demi et deux pièces de quatre. Secondé par le courage du' baroa 
de Moj[)talembert , du colonel Spencer » et du capitaine Vincent , il en* 
leva la position sur les répubU<îains , après un combat de 3 heuresu 
JLes compagnies d'élite du 49e. ^ l'infanterisi légère de la garde royale 
et du 43e. se battirent avec ardeur. Les anglais perdirent soixante 
feldats par l'explosion de la poudrière du fort à laquelle un jeune noip 

tépubtieaiii atait mis \» feib Ib perdirent ao entre le eapitaia» Uw^ 



Jbeftd du ÎOb. 9 le lieutieiiaiU Caulfi^idu Oîe* et le tieakêttant du gé» 
Mie Kerras. 

Les succès qu'obtenaient hi àbglais irritaient de piM en plui 
Sonthonax contre les andens libres-. Il paraissait ^tre eenvaincu qui 
.Pinchinat^ Monbrun et BauVais^ se disposaient à livrer lia Port Répu- 
blicain aux anglais. Il se rapprocha plue étroitenient des âouveaiit 
libres et de Desfournelsiux ^ commandant de la place ^ ennemi personnel 
de Monbrun*. Il renforça la légion des régénérés en recrutant dani 
la plaine du Cul-de-Sae , de nombreux jeunes noirs : il se disposais 
en organisant de nouvelles forces, à écrasel* la légion de l'Ouest 
toute dévouée aux hommes de couleur. Il redoutait surtout le générai 
Bauvais qui cependant était aussi attaché à la République que les (commis- 
saires civils euXf-mêrares. Il envoya dans la plaine du r4Ul-de-Sâe plusieurs 
émissaires entre autres Guiambois^ qui excitèrent les ateliers contre 
* les anciens libres. Une insurrection formidable éclata ; buvais dont 
Tautorité fut méconbue à la Groix-des-BoUquets voyait ^son existence sana 
cesse menacée;. Les insurgés du Gul-de-Sac avaient i leur tète un africain 
nommé HalaoU ^ d'une taille gigantesque ^ d'une force herculéenne» 

Il régnait sur ses bandes par la superstition ^ tenant toujours sous 
jbs bras un grand coq blane*qdi lui transmettait , prétendait^il ^ les \o^ 
iontés du oieL II marchait précédé d'une musique dé tambpiirs , ds 
Immbiê^ * de trompettes ^ et de ses sorciers ou papas qui chantaient qu'il 
était invulnérable , que le canon n'était que du bambou et la poudre 
de la poussière^ 8a garde portait de longues queues de boeuf qui^dir 
sait-on , détournaient les balles^ Halaou eurieux de voir Sonthonax qui 
était devenu le Bon Dièu des nouveaux libres , partit pendant une nuit 
obscure de riiabilalion Meilleur ^ et arriva aux fossés du Port-Républi* 
cain ^ à la pointe du jour ^ à la tète de 13,000 noirs. . 

Tout-à-coup éclata sa musique infernale , et tous les cilb^ens se pré* 
cipitèrent versées fossés pour voir ces bandes effrayantes. Le commis* 
saire alla au-devant d' HalaoU ^ l'eiiibrassa ^ lui parla â rôreille et l'iu^ 
vita à faire entrer ses troupes dans la ville;' Les nouveaux libres rein* 
plirent le Port-Républicain ; et sans la présence de t^inchinat ^ * dé 
Uonbrun , à la tète de la légion de l'Ouest rangée ed bataille ^ leS' 
anciens libres eussent été égorgés^ Sonthonax conduisit Ktalaôu au pd^ 
lais national où il lui fît servir un magnifique repas* il serait dlw 
cile de peindre la joie ^ Torgueil et l'enthousiasme de ces bandes de 
congés, d'ibos, de dahomets^ de sénégalais, quand elles virent leur 
chef suprême presque nu, couvert de fétiches ^ tenant son toq blane 
à son côté» assis prés du représentant de la France couvert de ru« 
Jians tncoloreSé Si nous en croyons toutes nos traditions , SontbonaXn 
après le repas » aurait exhorté Halaou i se rendre à la Groix-des-Bou* 
quetsi pour y faire périr le général Sauvais » quli lui aurait représeîi^ 



! 0SK^ eo^yoUle aymiit à l'jyatÇdev U fm» 4'uA aiûml^û|i 



UBi SI8T0IBB Vhaiti.— ( 1794 ) 

ié comme rentidml de la liberté 4es naii:d. Halaou sortit aussUdt de 
la ville, et se rendit à i^ Creix-des-Bouquets où Bauvais était entooré 
•d'un détachement de la légion de TOuest. Le bourg fut inondé des 
ibataillons des nouveaux libres.^ Bauvais en présence de ce danger émi- 
nent sentit grandir tout son courage. Il invita Halaou à venir boire 
avec lui ; et celui-ci vint s'asseoir à sa table. Les noirs et les hom- 
mes dé' couleur du détachement de la légion de T Ouest eniourèreni 
aussitôt la maison , et des actionnaires se placèrent aux portas et aux: 
llsnêtres. Gels braves soldats avaient pris la détermination de mourir 
lavec leur chef» Halaou sans s'en douter, se trouvait en otage: Bauvais 
euccombant i il devait aussi périr. Les bandes des nouveaux libres ^ 
en demandant Uur souverain, poussaient des cris affreux qui remplis- 
fiaient le ciel. Ils n'osaient agir contre les anciens libres qui , par leur 
«ittitude , annonçaient qu'ils tenaient entre leurs mains la vie d'Halaou, 
Htt qu'ils étaient résolus à mourir. Bauvais jusqu'alors ne définissait 
|>as bien le but de ce terrible mouvement. 

Pendant ce temps , il n'était bruit au Port- Républicain que de l'or- 
dre donné par Senthonax de faire assassiner le général Bauvais. Pin» 
chinât ^t Monbrun expédtéi^ent pour ta Croix des- Bouquets , deuxôilQ* 
"ciers de la l^ion de l'Ouest , avec ordre* de tuer Halaou n'importe la 
^circonstance , s'ils arrivaient avant que le crime fut consommé. Mare 
Borno officier des dragons de la légion expédia de son côté un déta* 
thement de troupes. De nombreux fantassins s'élancèrent au pas 
de course, volontairement. Vers le bourg. Quand les deux officiers 
envoyés par Pinchinat arrivèrent à la Croix des- Bouquets, ils pénétrè- 
rent dans la maison qu'occupait Bauvais; un sergent les y suivit. *É-^ 
tonné de l'audace du sergent qui enfreignait si audacieusement la dis'^ 
cipline , le général Bauvais se leva pour lui brûler la cervelle ; mais le 
sergent abattit Halaou d'un coup de fusil. Alors tout fut compris. Les 
soluats de la légion de l'Ouest se précipitèrent sur les insurgés, et un 
tombât des plus sanglants s'engagea. Les nouveaux libres formant des 
, masses épaisses étaient horriblement mitraillés presque à bout portant. 
Leurs queues de bœuf qu'ils agitaient en criant Halaou ! Halaou! pour 
létourner les projectiles , disparaissaient, emportées au loin. Les uou* 
teaux libres, mal armés, perdant des lignes entières enlevées par les 
boulets, abandonnèrent la Groix-des-Bouqucts dont les rues et les fossés 
étaient déjà remplis de cadavres. La plus grande fureur et le plus 

trand acharnement furent déployés aux Trois Rigoles près du bourg. 
Infin lès bandes d'Halaou terrifiées de la mort de leur chef qui, cro* 
}raient-elles, était invulnérable, et de la disparition du coq blanc qui 
passait , à leurs yeux , pour un esprit céleste, prirent la fuite de tous c6-> 
tés , et se dispersèrent dau^ les montagnes aux extrémités de la plaine 
du Gul-de^ Sac. Bauvais demeura maître de la Croix-des4Bouquets. Âu 
Port* Républicain, aussitôt après cette affaire, l'autorité de Sonthonaxfut 

«iti^ement m^coiUàue p%r les aAiieiu jyU^res. ( F%m%6 .i79A» j 



Histoire D^iiÂtTi.— < 1^94 ) ïéé 

tie Gommislsaire civil »é se découragea pas; il cantinuâ ^ recruter là 
légion des nouveaux libres ou des régénérés qu'il avait formée, descuU 
iivaieura du Gul-djB Sac. Il renforça également le Â%* régiment ci^de^ 
tant d'Ariois que commandait Desfournoaux tout dévoué à son auto** 
rite. De son côté, le général Mohbrun résolut de Surprendre Des* 

-' fourneanx par une brUsqqie attaque, et de* détruire entrèremenirlë 48* 
régiment, le seul corps réellement formidable sur lequel piit (compter 
le commissaire civil. Le *i7 Mars'Î794, à onze heures du soir, il 
marcha avec de l'artillerie , à la tète de la lëgioii de l'Ouest, centré 
les casernes du 48*" régiment plongé 4ans le sommeil^ et commença à 
les mitrailler.. Les soldats blancs quoique surpris ripostèrent vigou^ 
reuscment^ et firent bonne contenance jusqu'à l'arrivée de Desfbur* 
xieaux. Celui-ci tourna le Palais national, pénétra jusqu'à Sonthonat 
dont les appartemens recevaient déjà un feu roulant des plus vifs. H 

entraîna le commis^ire civil dans les rangs du 48* régiment et se dirigée 
vers le fori St Glaire. Quand Sonthonax passa près de la gieôle ; il or** 
donna de mettre les prisonniers en liberté, craignant que les blanos 
qui y étaient ne fussent massacres. 

A 5 heures du matin le feu durait encore dans la ville entre lôs'aifran^ 
cliis et citoyens blancs. Alors on vit entrer au Fort Républicain 6,000 nou* 
Veaux libres sortant de la plaine du Gul-de-Sac ayant à laur tête Hyra^ 
binthe qui demanda à Sonthonax à marcher contré Monbrun. Lecom? 
missaire civil se rappelant la catastrophe du Cap dû 21 Juin 4793^ 
Irefusa de céder à ses instances. A hait heures du matin, il reçu^^ 
tine lettre dq Monbrun, par laquelle celui-ci lui demandait rëmbar' 
quement du 48* régiment et de Desfourneaux; il ajoutait que s'il n'y 
consentait pa's , il ne répondrait pas de la vie d'un seul des blancs de. 

• la ville. Sonthonax fut obligé de consentir à toutes les exigences dç 
Monbrun qui alla le chercher au fort St-Clair, et le conduisit au Pai» 
Jais national. Le 48^ régiment fut embarqué pour France. i3esfour^ 
tieaux fait prisonnier par les Anglais refusa de servir dans lèiirs rangsi 
Smith qui commandait à Léogano eut la générosité de I envoyer aut . 
États-Unis à bord d'un parlementaire. Le commissaire civil oompre^ 
nant que son autorité était perdue , donna des passe- ports à louslëè' 
blancs (inî voulurent quitter la colonie , leur disant qu'il n'était plus 
assez puissant pour garantir leur existence. . Quelques jours après plu- .. 
sieurs milliers de nouveaux libres^ envahirent la Croix des- Bouquetd . 
sous les ordres d'uli nouveau chef de bandes , nommé Bébé Gouiat^d. 
ils voulaient venger Taffront que venait de recevoir 1/b commissaire , 
ci^il. Les hommes de couleur se retranchèrent dans TËglise du bourg 
et résolurent de vendre chèrement leur vie. Un d'eux, Daguin, sortit 
Seul des rangs, àrmédtiil fusil, traversa la fouie des cultivateurs éioa* 
nés, et demanda g parler à Bébé Coutard.' :I)ès qu'on, le lui montra^ 
il l'ajusta, et l'abattit d'un coup de fusil. ^Ce trait d'audace répandit 
IfL tôrreur dans les arangs des Mttwawi Ubrw qui se dispersèrent de 



i^ «nroiM ft'«iin.^( 17M } 

«DUS cdtés. h$ général Biuirsas wfV/6 ea# mmAb ftât oDotimia i 06* 
4iupeT la Croix-das-fiouqueu. Depuis pkisieura mais les tKMDQies âe 
couleur ne sa soulanaient au milieu des passions fne Sonthonax soa« 
lavait contre eux qu^en ^déployant la phia grand oaurage, la plus grande, 
intrépidité et la plus -grande aûdafse. 

Pendaoi ne- temps , SOO hommes de troupes tciKlaises^ 800 marins 
-de la station du M6le ^ aous les t^rdres des lieutenants-colonels S|^n- 
cer et Markham marchèrent contre le bourg de la Bombarde. Ils avaient 
ppur guides et pour interprèles Denenx et Charmilly. Ils furent re^ 
ipôussés ^r 456 Allemanas qui 'occupaient la place , et iieursuivis 
jusqu'au M61e.^ Jls |)erdirent 46 iiommes tués et 36 prisonniers, Char« 
•milly fut blessé. 

Presque en rmème temps J,500 Képu'bHcains noirs «t jaoïies &tta<* 
puaient le fort kIc T Aeul de Léogane. l^e baron de Monialembert ies 
«repoussa., leur tua 900 hommes , et leur prit «une pièce de canon. ^ 

Le général Jtigaud, de son isAié^ .partit des Cayes aveè 2,000 hom« 
»es et 2 pièces^ 4,.«t se présenta devant Tiburon le 16 Avril, A 
trois heures du ^matui , il attaqua la ville que défendait le chevalier de 
jSevré ayant «eus ses ordres iean Kina. Il fut i^^ponssé, et biissa ac^ 
tour de la .place i?0 morts. Cette victoire coûta cher aux Anglais ; 
«ar outre un cent des soldats de Jean Kina, ils perdirent 28 euro* 
l^ns, et en eurent i09 mortellement blessés. €omme il y avait peu 
de troupes anglaises à 5t4)omingue , 4e telles victoires afl&iblissaîent 
plus les vainqueurs que les wincus. Aigaud Xiit blessé dans cettt 
action. 

Le parti républicain étak aux abois. Aux €ayes la famine était al^ 
tfreuse; les irivres du pays, Tigname, la patate et la banane y étaient 
rares ; quant & la farine il n'y «n existait pas du tout. Pelvérd ^vant 
'Oppris qu'il y «n avait à facmel , expédia peur cette ville le brick 1# 
Sanf CuloiU de 14 canons commandé par Villeneuve , oflBcier blanc* 
Ce navire devait revenir aux Gayes, «près s'être chargé de larine à. 
Jacmel. L'équipage do brick était composé de matelots blancs { mais 
Polvérel y avait embarqué 70 hommes d'élite de la légion du Sud sous 
les ordres du capitaine Jean Cécile , et de deux lieuienans Linscant et 
Ouéné. Le brick fut arrêté par fe ^salme le long des côtes de fer d# 
•foynet où •croisaient an vaisseau et deux frégates de S. M. B. Le len* 
demain , la mouche de l'escadre anglaise ^ prenant le brick pour un na* 
vire marchand , s'^n approcha et fut capturée après avoir essuyé una 
t>ordée« Villeneuve l'envoya à Aquin. Le brick républicain continua 
«a route ; mais 11 fut attaqué par une des frégates aii^laises , et capta* 
ré. Les prisonniers noirs, jaunes et blancs furent envoyés à la Jatç 
maîque. Dès que Rigaud apprit cette nouvelle, il fit conduire i Jao^ 
mel soixante mulets qui revinrent aux Cayes chargés de farine. 

« «as illsmans nvam I79lè mim vanua a'«ta|iir à U Bambatde. 



«iftMiM Hi'ujtvfïj^i 1794 ) tt^ 

Beftdaût fee t€im}:f]k le .gouverneur 'Willîamson Htait fait jeter <laû3 lesr 
|>OQloDs de la Jamaïque 4ous les matelots blancs du Sans CuhiU $ quant 
aux soldats noirs et de H^ouleur , ils avaiftt élé emprisonnés avec la 
idialne au cou. Les trois «ffioiers avaient été attachés par les pieds 
& <une barre de fer. Ils recevaient de fréquentes visites des colons des 
iCayes^, réfugiés k la Jamaïque^ qui leur annonçaient qu'ils* seraient 
enireyés aux mines de la Gûte Ferme. Ces colons les représentaient 
aux anglais >comine des ^nonstres ,« assassins de femmes eneein» 
tes. 

Peu de «temps après , lean Cécile , Linstant et Quéné furent con* 
duits, sous^escone^ sur une des places de KimgstOB, pour assistera la 
vente des soixante-dix soldats ndîrs et de couleur <^ leurs compagnons d'in* 
Ibrtune. Ces malheureux furent livrés , avec oondHion qu'ils ne pour- 
raient 6tre jamais Tachetés^ à des officiers espagnols de la MouveUe*^ 
Crenade. Ils périrent la plupart dans les travaux des mines. Les trois' 
«officiers des Cayes retournèrent en prisoa. 

Quelques semaines après un anglais vint leur pre|>oser de les ache* 
ter. Il leur promit qu'ils seraient bien traités, et qu'4 la paix gêné* 
fale ils pourraient retourner dans \etfr pays. Ils lui rép|ndirent qu'ils 
étaient des offiéiers de la République française ; et qu'ils^uraient mou- 
i»ir, s'il le Étllait, pour leur honneur ^ qu'ils ne consentiraient jamais 
au péril de leur vie à une^ telle dégradation , et que s'il persistait à 
leur &ire ^une telle propositioa, aa vie ne aérait pas en sûreté au 
milieu d'ein^ 

En 1795» le général lligaod Ml édiangeà contre^ plusieurs officiers 
amglais faits prisonniers à bord du vaisseau le Switdwold qui s'était 
|eté sur la FoUe« li'équspage de ce navire s'élevant , à 400 hommes, 
«vaît été recueilli par le chef 'd'escadron Bonnet. 

La conduite du gouverneur Willîamson le déshonora aux yeux de 
toua les philantropes. 11 foula aux pieds la doctrine évangélique, et 
m^hj avec une Mrbarie toute ottomane » le droit des gens, en vep* 
^nt comme esclaves , au i8.* siècle » des hommes libres , ses prison* 
niera de guerre. Cette action, quand elle fut connue à S'-Domingue^ 
•ttisil eonsîdérablement aux intérêts Anglais. 

Au Port-Républicain la défiance, ta désunion, la haine existaient 
4ntre les autorité». Dès que Polvérel reçut la nouvelle de l'affaire du 
il Mars, il se faftta d'y revenir. Pinchinatg Monbrun et tous les an^ 
ciens libres l'aocueillirent avec enthousiasme. Gomme il avait vu dans 
Je Sud Ricaud et tous les hommes de couleur se montrer très-dévoués 
é la Républiom, «t les noirs de la Grand' Anse s'armer tous pour les 
anglais 9 il n était pas animé contre les anciens libres des mêmes sen- 
limena que JBonthonax} au contraire » il ne cessait de vanter leur pa« 
trîotisme. 

Le Porl-RépuUieain 4tait dans une détresse affreuse y la garnisoa 
m Mt ifiuMKi ^«« k i'varl 4» 49* fégiment ^ elle ne^e cempon 



186 lirtsToinfi n^HAiti.-^f 1794 ) 

sait plus que de la légion de T Ouest et du bataillon dei régénérés | 
troupes coloniales. Les rémiblicains n'avaient plus qu'un peu de pou^ 
dre avariée; ils manquaienPde fusils, d'hs^billemens ; les caisses étaient 
Vides;, il n'y avait pas une aune de toile dans le Rlagasin de T Etat ; les 
ftngltiis étaient déjà les maîtres des deux tiers de la coltuiie française. 
Il n'y avait dans la rade du Port Républicain que deut vaisseaux de 
ligne, luii de 50, Tautre de 64, plusieurs frégates , et quarante na* 
^ires marchands chargés de désirées coloniales qui n'étaient pas uhd 
proie à dédaigner. Sur ces entrefaites Sonthonax apprit que les bom* 
mes de couleur dt" Montruis avaient pris les armes contre le gouver- 
nement britanniquei 11 leur envoya un officier supérieur , pour don« 
ner une direction idlelligente à leur insurrcfction. Onsitid cet offi- 
cier arriva à Montruis , il n'y trouva aucun campement. Brisbanë 
avait étoufle le mouvement insurrectionnel en promettant aux hommes 
de eoûleur que le gouvernemeut anglais les traiterait comme tous ses 
autres ^uJ4:;ts. Lapointe apprenant qu'un oflicier républicain était à 
Montruis y envoya une compagnie de ses dragons qui rarrêléreot et 
le conduisirent à l'Arcabaie. 

Pendant q|| intervalle 2,377 hommes de belles troupes eumpéennes 
^rivéï^nt d'Angleterre à la Barbade, le 5 Mai i794. Le général an* 
glais sir Charles Grey, après avoir conquis la Guadeloupe et les au- 
tres lies françaises du vent, en envoya quelques compagnies à la Ja^ 
tnoïque, ie reste fut embarqué pouf St. Domingue. Le 49 Mai on vit 
arj*iver au Môle St. Nicolas tes vaisseaux le Belliqueux, Tlrréj^istiblc^ 
le Fiy sloop, charges des 22"", 23* ,' et 41* régimenSj fournissant 4600 
hommes sous les ordres du brigadier général M^hyte. Le 23 du mè« 
me mois, ce général vint mouiller dans la rade de l'Arcahale ^ et or* 
donna à Ilanus de Jumécourt qui avait embrassé le* parti des anglais^ 
ainsi qu'à Lapointe, de s'acheminer vers la plaine du CuUde-Sac ^ 
la tète de leurs troupes. Le 30 il jeta l'anci^e dans la rade du Port^ 
Républicain. L'escadre sous les ordres du commodore Ford se trouva 
composée des vaisseaux l'Ëuropa , le Belliqueux , Tirrésistibie , le Scep- 
tre, de trois frégates; et de cin(| corvettes et bricks. Elle portait 
4465 hommes de troupes , et pouvait faire jouer sur la ville trois cent* 
seize bouches à feu. 

Le Port- Républicain dont les défenseurs n'étaient qu'au nombre dg 
800 papaissait disposé à se défendre. Quant à.Monbrun, il probet- 
tait de s'ensevelir sous les ruines de la *place ; néanmoins Sonthonax se 
iléfiant de son patriotisme avait (ait venir de Jacmel Martial Besse, homma 
de couleur, et lui a\ait conliéle commandement de la ville. Le 34 Mai^ 
dans l'après-midi, les commissaires civils repoussèrent un eanot parlemeoM 
taire du généi*al Wh)te qui s'avançait ver» lefortllet. Les anglais sd 
détefrminèrent à canonner la place. En même temps, ils dirigèrent contrgf 
%lle trois colonnes: la première sortant de Léoganë forte. c^ mille honi«» 
taos était ^tomatfdé^ par le baroA de Moatftfeioiwt j^ to49u]\j^ÙM aK^ 



msTOiRË d^bàiti.— ( 1794 ) 187 

tiiraftt àè rÀrcabaie sous bd ordres de Lapointe et d'Hanus de Jumé* 
€oiirt était de 4200 hommes; la troisième de 1465 hommes avait dans 
ses rangs les restes des eorps émigrés qui n'étaient point entrés dans 
iarmée du prince de Condé : les rêgimerrs de Hompeoh , de Kohan 
Hussards » et les Hulans de Bouiilo. 

Le 4*' Juin, à onze heures du mâtin ^ la frégate la Pénélope serti» 
bessa contre le fort Touron , ^ les vaisseaux le Belliqueux et le Scep* 
tre contre le fort Bizoton armé de cinq pièces et de deux mortiers. 
MonlM'un occupait cette dernière fortification avec quelques artilleurs et 
450 hommes de la légion de TOue^t. Les Anglais commencèrent le 
feu contre la place. A la faveur du bcHnbardement ^ 800 hommes d« 
Iroupi's de ligne européoanes débarquèrent au Lamantin, ayant à leur 
tète le colonel Spencer. Le fort Bisoton ne répondit que faiblement 
aux bordées de Tescadre anglaise. A six heures du soir, la pluie vint 
 tomber avec tant d'abondance que le feu cessa de part et d'autre. 
Le capitaine Daniel i la tête de soixante grenadiers' du 41* régiment 
marcha i la baïonnette contre Bizoton dont les portes lui furent ou« 
vertes par des traîtres. Monbrun^ voyant pénétrer une compagnie dans 
le fort, crut que des Républicains y cherchaient un abri contre Ta* 
verse. Le capitaine Daniel Taborda et lui dit en français: vous 6tw 
mon prisonnier. — Pas encore, répondit Monbrun, et il le renversa 
4'une balle à la tête. Le colonel Spencer pénétra d^ns le fort avee 
un bataillon; oa se' battît dans l'obscurité, à la baïonnette; et corps» 
ta corps. Les soldats de la lé^on de r Ouest se voyant trahis replièrent 
«ur la ville. Monbrun avait été blessé à la main, dans la mêlée; on 
le soupçonnait dans toute la ville d'aveir trahi. Le 2 Juin , au point 
du jour , le drapeau anglais flottait sur le fort Bizoton. Dans Taprès* 
midi le colonel Hamplield débarqua a\ec 200 hommes à la pointe de 
la Saline , et s'empara du fort Touron qui lui fut livré par un ba* 
'tailloR des R^énérés. Lesi>lancs de la ville craignant la fureur des nou« 
veaux libres se réftigièrent les uns à bord des navires de la rade, les 
autres au fort St-Joseph , afin de prêter plus iacilemcnt main forte auK 
Anglais. Polvét*ei et Sonihonax réunirent les régentés, les haranguèrent , 
leur disant que s'ils étaient vaincus ils retourneraient dans la servitu^ 
tle ; ils répondirent^ par des bravos prolongés ; mais ils ne sengeaient 
réellement qu'à pilier la ville. Sonlhonax qui croyait que Monbrun 
«vait livré le fort Bizoton aux Anglais, voulait le (aire arrêter, mais 
H renonça à ce projet ne poavant plus tenir dans la place. Un con- 
seil de guerre se réunit, et il y lut décidé que les commissaires civils 
êe rendraient à la Charbonnière, à quatre lieues du Port Républicain. 
Sontlionax et Polvérel partirent de la ville, après avoir «xhorté les 
nouveaux libres à ne pas l'incendier 'Le général Bauvais, à la téta 
d-un détachement de la légion de l'Ouest soi:ti de 1^ Clroix*des« 
Bouquets , les accompagna ( 3 Juin )• Bauvaîa ne pouvant plua .tsê 
l&aiatfoir daœ iai^laine ilvi jUilidje^-Sao . où airaîsat pénétré lee Âri^ 



Î88 lïtBtoiât i>^HAiTt.-^( 1794 ) 

glais, tvait évacué )a Oroix-des fiouqudB. et s'était rallié à SontlKMdtaS 
en lequel il respectait toujours le représentant de la France^ 

Maniai Besse demeura dans la place; il {parcourut tous les postes, et 
trouva les soldats de le légion des R^nérés plutôt disposés à piller 
qu'à se battre^ Le temps était si affreux que Ida Anglais ne sortaient 
pas des positrons qu'ils occupaient \ inâis la ville était déjà presque vide| 
li n'y avait plus aucune autorité qui fut respectée. Biaise, lieutenant^ 
colonel dans Ul légion de l'Ouest ^ livra aux Anglais le fort St»« 
Joseph. (5 Juin). 

Dans la même jo\irnée l'armée britennique forte de 4,000 kommed 
entra au Port-Républicain; elle tira sur tous ceux qu'elle rencontra 
dans les rues^ Un colon français de la légion de.Montalembertj, nommé 
Béranger^ se rendit au fort St Joseph où se trouvaient réunis tous les 
blancs qui avaient appelé les Anglais. Il portait une liste de trente 
planteurs^ ses anciennes connaissances qui étaient i disait-il ^ des Ré- 
publicains» Il les appela en commençant par MiM. Qoy et Gan^ et les 
jeta successivement dans le fossé en leur brûlant la cervelle de sa pro* 
pre main, et en leur disant^ à chacune Républicain» fais le saut de 
la roche tarpéienne. Il fiûi ainsi tué tous ces malheureux , qui ve- 
naient de trahir la patrie, si le général Why te, arrivant dans le fort 
à 8 heures du soir^ n'avait fait cesser cet affreux carna^. Le général 
anglais le fit arrêter^ et le lendemain (6 Juin) (it publier une procla-^ 
mation dans laquelle il condamnait ce crime. Bérapger prit la fuite« 
Il se noya dans la Voldrogne, eh, se rendant à Jérémie^ Les Anglais^ 
s'ilfeut en croire leur bulletin, comptèrent huit hommes tuéS| et huit 
blessés dont cinq sur la frégate rUermione« 

Pendant ce temps, les commissaires civils étaient arrivés à la Coupe 
fiur riiabitation. Nérette ou le général Martial Besse vint les joindre 
avec un bataillon de la légion de l'Ouest demeurée ildèle à la Repu- 
blique. Ce fut là que Sonthonax reçut les adieux de plusieurs ofl&f* 
ciers noirs , entre autres de Dieudonné chef des volontaires natio« 
naux ou régénérés du Port«-Républicain. Il passa au cou de Dieudonné 
#on cordon de commissaire civil , lembrassa et lui dit : < Je te dé» - 
« lègue tous mes pouvoirs dans l'Ouest ; tu es le représentant de la 
« Fiance ; n'oublies pas que tant que tu verras des hommes de cou» 
m leur parmi les tiens , tu ne seras pas libre. > Il fut question peiK 
dant un moment , dans tonte la montagne , de regorgement des mu» 
lâtres; et ce né fut pas sans peine que Polvérel et Martial Bess# 
parvinrent à calm^ l'effervescence des noirs contre les aocims librea.^ 

^ Lettre àt Grandet alors attaché près de Sonthonax* ( Juilkt 1794 ) -«^ 
Traditions Hal(iennes. — . - * 

** Ce fait a été déposé par tous les officiers de la i^amison de Jàcmel^ 
^ eft Santhonoz s'est embarqué pour Fiance : le mémoire qui te contîem # 
f m adrisie j)ai le gfiutM^ IN^^i i la Comeotioik Katiqsals, " 



msTowE b'HAfTi.-^( 1794 > '189 

les oommissaîres civib partirent de la Coupe » traveraèrent le 
Malanga ud des morDes de la cliatne de la Selle , ( depuis lors morne 
ie$ commissaires ) ei arrivèi'O&t à Jacmel le 6 Juin. Trois jours après 
la corvette rE&pérance comoiandée par le capitaine Cbambon mouilla 
dans la rade de celte ville. Chambon porteur du décret d'accusation 
contre Sonthonax et PoWéret était chargé de Texécuter. Quoiqu'il it'eùi 
aucune force à sa disposition il vit les "bommissaires. civils., qui n*igno« 
raient pas le sort de Brissot et des autres députés de la Gironde exécii* 
tés en Octobre 1793, se soumettre au décret sans résistance. Sontho- 
B^x et Polvérel écrivirent à Martial Besse » « que toute la force armée 
« doii( il était le dépositaire était en ce moment à la disposition du 
€ citoyen Cbambon ; qu'en conséquence , il devait obéir à toutes les 
4r réquisitions que ce commandant pourrait lui faire même contre eux. » 
^onthonax écrivit k Laveaux de maintenir l'honneur du nom républî* 
eain à St. DoxBingue. Polvérel de son cdté en écrivit autant au gé- 
néral Uigaud ; il 9Û<>ul^ ^ * Li^ Renommée a dû vous apprendre que le 
€ Port-Républicain a été livré aux Anglais : cette trahison est Tou- 

< vrage des anciens libres de toutes les couleurs. Il s'en faut beau- 
c oeup que Monbruo soit exen^pt de soupçon ; il est à craindre qu'il 
€ ne livrera aux. Anglais tous les quartiers où il aura de la prépon- 
« déraoco» et quil intriguera dans les autres ^ pour y propager le 
H même plan de trahison^ vous savez que je n'^i jamais eu de con- 
€ fiaqce en sa moralité: je ne comptais que sur la justesse de son 
4 ambition bien calculée. U^ m'a trompé même sur ce dernier point ; 
€ il est décidément ennemi de la liberté et des nouveaux libres: il 
€ Tassassiae en la caressant i il finira par recevoir la récompense qu'il 
% mérite, » 

Il lui écrivit encore ? c Ce n'est plus le commissaire civil qui vous 
4 écrit. Sonthonax et moi sommes rappelés en France, nous par- 
*% tons , et il est probable que nos successeurs arrivèrent bientôt ; en 
c attendant c'est sur vous seul que reposent dans votre département 

< le salut de la colonie et la défense de la liberté et de Tégalité. Je 

< suis tranquille sur ce département parceque je vous connais inité^ 
4 pide et loyal républicain. (11 Juin 1794.) 

IfonbruB était toujours déyeué à la République } mais il commit k| 
Ibute eapitale de se conduire moUeinent en présence de l'étranger ^ 
•n haine de Sonthonax. 

Le capitaine Chambon avait aussi apporté le décret de la GoovèQ» 
tion sur la liberté générale des esclaves. Ce fut un véritable triomphe 
|)Our te parti républicain; et ce décret releva extraordinairement lemcK 
rai des noirs et dei homojiM de eouleur demeurés fidèles à la Répu^ 
blique. Dès lors Ton put ^éceuvrir que le drapeau tricolore surmon- 
té du bonnet de la liberté , triompli^rait du pavillon britannique soue 
lequel de nombreux infortunés gémissaient dans la servitude. 

4 h même époque llVUJberforcé avai^ deo)aa4é %u parlemeat kxkvnp 



■ . ^ 

Jdique l'émancipation des esclavos dans les colonies anglaises; noais Pîlf 
ava^it entraîne le parlaraent à déclarer « qa'il ne pouvait rien décider 
c sans le concours des planteurs des cobnies. » Si la demande dè^ 
Wilberfbrce avait été alors accueillie y l'Angleterre eût enlevé à toul 
jamais S^-Domingue à la France • 

Les commissaires eivils s'ambarquëreiU à bord de la corvutie VEspé- 
rance, et parlirenl pour France Quand ils y arriveront ils seront 
emprisonnés comme girondins , et la révolution du Thermidor <\uh 
amènera la chute de Robespierre, les sauvera de la mort. 

Monbrun demeura i Jacmel comme commandant de la province â% 
rOuest, et Martial Besse, oomme commandant de l'arrondissement de Jac-* 
ijneL Bauvâi;s, chef de la légion de 1 Ouest, prit le commandement de 
Marigot et dé Sale-Trou, ^éanmoins il, se tenait le plus souvent à 
Jacmel. Pincbinat qui avait été nommé commissaire du Pouvoir-Exé- 
cutif près du conseil supérieur de l'Ouest et du Sud ; se trouva sans 
emploi , la plupart des maubres de ce tribunal étaul restés auPort-Ré* 
publieain. 

Monbrun d'ua caractère impérieux ne tarda pas à entrer en 
lutte d'autorité avec Bauvais. Piachinat et Riga^id pris pour mé- 
diateurs par les deux rivaux , se transportèrent à Jacmel e^condamné- 
rent la conduite de Monbriin qui se retira sur son habitation près 
d'Aquin^ lieu de sa naissance. Mais Rigaud qui, comme Sonthojnax et 
Polvérel , le croyait dévoué au parti Anglais, le lit arrêter et In- 
carcérer à St. Louis du Sud , après avoir livré au pillage ses proprié- 
tés. ^ Peu de temps après il Tenvoya en France. Monbrun fut empri* 
sonné aussitôt après son arrivi^e à. Rooli«;fort. Ce ne fut qu'en ITOâ* 
(2 Juin) qu il fut acquitté et mis en liberté à Nantes par le conseil 
de guerre de la 12* division militaire présidé par Tadjudant général 
Pnste Turenne Laval. Il avait été principalement aoousé d'avoir livré 
le Port Républieain aux Anglais, il devint un général distingué dana 
bs armées de Tempire Français , après avoir été commandant duChâi^ 

taau Trompette a Bordeaux, * 

§ 

* BaQvais et Rigaud avaient en^Foyé en France sur la '^r^gate la Coocnc- 
do toutes les pièces odnceraaot l'affoire de Moubruiu 



LIVRE OKZIÈ^ÎE. 



1794. 



finmmaire. Le< Anglais or çfa Disent des troupes coloniales*-* Administration anglai&e/ 
— Lavcaux en négociations avec Toussaint Louverture pour le faire entrer dan» 
le parti de la République. — Toussaint embrasse la cause de la République fiançai- 
se. — conduite héroïque de Villatc au Ca-p—r- Succès de Laveaux dans le Nord — Il est 
secondé par Villàte et Toussaint. — Lf« Français sont égorgés au Fort- Dauphin. — 
Laveaux tente de gagner Jean François <-r- Réponse de Jean François. — Toussaint 

Î)rend St-Michel et St-Raphaêl sur les Espagnols. — Sauvais et Rigaud combattent 
es Anglais avec acliarnement — Whyte foilifiiî le Port-Républicain. — La fièvre jaunc^ 
se déclar'c dans les troupes anglaises. — Mission de Charmilîy en Angleterre. — 
Why.te est remplacé par le brigadier-général Hornock- — Conspiration à TArcahaie 
. en feveur de la République. — Toussaint a une entrevue avec Brisbane — £xécu> 
tion de Gauthier. — Toussaint pénètre dans St-Marc et en est ckafisé. — Il attaque 
de nouvetiir cette ville. — Rigaud s'empare de Léogane ftur les ^J^glais. — Les A.n« 
glais tentf^nt mais en vain de gagner Rigaud en lui offrant plusieurs millions de 
francs. — Rigaud prend Tiburon. — Animosité entre Villate et La veaux. — La veaux 
percourt les quartiers soumis à la République. — Toussaint combat avec succès le 
major Bri&l>ane — Il est battu au camp Ckarles Sec par Jn François.— Conspiration 
à StMaffs et au Port-Républicain contre les Anglais r— Les Anglais ^enlèvent le Mire* 
balais aux espagnols. — Mission de Chanlatte auprès de Rigaud et de Bauvafs.—^ 
Les répul)Iicains de PArtibouite se prononcent les uns pour Villate , les autres pouï 
Laveaux. — Toussaint fait arr^er Blaqc Casscnave, — Mort de celui-ci. 



La guerre eontinuait avec ftireur dans l'ancien monde entre rEuropiô: 
#t la République. Les armées françaises triomphaient partout ; la cause 
de la liberté était sauvée , et les rigueurs de la terreur étaient de- 
venues insupportables, parcequ'çUes n'étaient plus nécessaires. La Gon<» 
mention nationale qui avait été absorbée par la défense du territoire, 
fl ^i maînf^aanl réunissait ses forces pour abattre le despotisme jpof 



181 



aiSTOXRB I>*^AITI.«-*-( 1994" ) 



{)uTaire de ftobespièrre , ne portait plus ses regards au-delà dé TA* 
ilan tique. Depuis q^^u'elle avait proclamé rémaBcipatioo générale des es*» 
clavcs elle n'avait pas douté que ces derniers», livrés i eux-mêmes, ne sen« 
tissent assez' ia. dignité que là liberté fai4 naître dans le cœur de Thomme,. 
m^ur défendre un sol où Ton ne respirait plus Tair infect de la. servitude. 
£lHe ne s'élai) point trompée dans ses conjectures : les noirs» et les sangs- 
mêlés républicains presque abandonnés de la Uétropole,. vont conti» 
nuer la guerre à St Domitigue contre lés Anglais^ avec autant de va- 
leur qu'en déployaient en Europe les troupes PatrioUqiaes. La lutte 
sera celle de la liberté contre le despotisme :. d-une part les citojena 
du 4 Avril 1792 et du 4 Février 1794^ de l'autre les Anglais, les 
Espagnols et les. royalistes français rélablissant, lesclavage. S'il est vrai * 
que la servitude même imposée par la force peut avilir fespéce humain 
ne , les noirs et les hommes de couleur de St-Domingiie par les luttes 
sanglantes qu'ils vont supporter, se laveront de leur dégradation, et se 
couronneront de toute la dignité qui brille sur le f^ont de l'homme dont 
Je cœur a été épuré par Théroîsme.. 

En s'emparaot des différents quartiers de la colonie qu'ils occupaient 
les Anglais n'avaient rien changé aux lois et aux règlemens qm exis- 
taient du temps de la monarchie française. Les privilèges des anciens 
colons avalent été rétablis, et ceux-ci se montraient déjà aussi fiers, aussi 
arrogans envers les hommes de couleur qu'ils l'avaient été avant 1789. 
Ceux des aifranchis qui s'étaient soumis aux Anglais ne tarderont pas 
à s'armer contre eux, froissés des prétentions dos planteurs qui, avaient* 
ils cru , devaient^êlre leurs égaux sous la domination britannique; mais 
nous les verrons succomber, et sous les coups da leurs auadltaires qu'ils 
trahiront^, et sous les coups des vengeanes nationales. Ils seront 
moins à plaindre que les colons eux-mêmes, car ceux-ci, queiqu'ils 
méritassent la mort pour avoir trahi la patrie^ a'avaient jamais reçik 
aucun bienfbii de la République. 

Déjà la fièvre jaune avait considcrablomenl; otofssonné les troupes^ 
européennes de S. M. B. Les Anglais senlicent la nécessité de retru* 
ter des noirs et des hommes de couleur pour lormer des légions col<^ 
niales. 

Ils organisèrent, au Môle, deux rogimens; i St-Sfôrc, Tes légions de* 
Dessources, de Cocher el et de Savary; à l'Arcahaié, la: légion: d'Yôrck 
commandée par Lapointe devenu colonel , et celle de la. reine*; ai^ 
JPorl-RépubUcain , les régimens du prince de Galles, dé Bruges et de* 
Uontalembert ; dans les hauteurs de Banica , les chasseurs de Bani^oe; 
à Jérémio, les légions de Sevré, de Domingeau et de Jtan Kina. 
4kvant leur entrée au Port-Républicain , ils avaient déjà formé les régU 
viens des Hussards de Hompech et de Rohan composés en entiet 
d'émigrés Français. Toutes ces troupes qui fournissaient une force d% 
19,000 hommes étaient par&itement vêtues et bien armées. Rien n'é^ 
tû( sit i>eaU| sj bicA rangé que les régimens de Dessources el. âm 



MlftTOIRE ^^uMîyC^i 179* ) IBS 

Vontelembert dont les éfatsmajers n'étaient compcséâ que de h\Mt$. 

Les soldats anglais portateni deé habits rouges , recevaient uiie nourri- 
ture abondante et solide^ tandis que les républicains presque Hus suppor- 
taient toutes sortes de privations. Mais l'amour de la liberté, Jà profonde 
horreur iHu ils éprouvaient pour Tancien- régTme, vaincront tous les obsta* 
eles qui s opposeront à la régénération des africains et de leurs descendans. 

Les Anglais tout en ménageant les homnoesde couleur dont ils avaient be- 
soin, âccûrdaient< toute leur confiance aux anciens planteurs. Aus» voyait^ 
en dans le conseil privé du gouverneur dôe possessions britanniques, Blin de 
Tilteneuve, Loménie de Merme, Dulan d' Allènians^ de VilIare^deBufibn^ an- 
ciens colons ; dans Tétal-major des places^ des ofllciera Fr^uiçai^énHgrés en , 
grand nombre sous les. ordres des ofifa^iere Anglais;, dkns tes troupes , I^ 
Cambeibrt , les Theuzard , les Rouvrai revenus i St. Domingue ^ O'Gor- 
inaa, Gontades, Ùenri Ségur de Montazeau^. Montalei,.. Duquesne,^ 
Cocherel ;: cibns Lea flnauces, Rain ville, Fourmy pèrei Rousselot ; dans 
Tadministration des biens des absents , Malouet d'Alibert , Dut'iantbon ; 
au conseil supérieur établi au PorlrRépubtitain , , Ronceray ^ présklent et. 
chef de justice , Valentia de CuiUon , Tikssassin de Ferrand. de Baudir 
ères, Vincendon Dutour, doyen*. 

Dans les eampagnes où l'esclavage avait été rétaUT,. on voyait se. 
renouveler les mêmes hoiTcurs. qu'en 1789. It y avait des légions 
coloniales britanniques où le noir ne pouvait parvenir qjiiau grade 
de sergent- major^ 

Hyacinthe Ducoudray , par (^influence qu'il exerçait sur les cohiva^ 
teurs du Cul-de-Sae , les porta à ne pas s^arnier contre» les Anglaîe. 
La légion de Montalembert alla occuper la Croix^des-Boûqueie, èt«. 
tous les ateliers retournèrent dans kh servitude» Biais Dieudonné oo^ 
cupait pour la République les «montagnes de la Coupe et^du. Grand Fond* 
Quoiquil suivit les conseils de Sonthonax et qu'il ae voulût pas re^ 
oonnaltre l'autorité des hommes de couleur^, de Bauvais-,^ deRigaud^ 
H se montrait jusqu'alors très-dévetié à la, France ,. et prenait le titré 
de commissaire eivil. U demanda, une entrevue à Hyacinthe ^lutiten? 
dit un piège, le prit , et le fit fusiller. 

pendant cet intervalle ^ le général Martial Besse partit pour France». 
Le général BaiiVaîs réunit à Jacmel les débris de la- tégtèa de TChiest^ 
réorganisa ce eor^ et rétablit l'ordre ainsj que le travail dans teut soa 
errondissement*. Le général Ijtigaud, de son côté, faisait aimer sea 
administration^, par h sagesse de ses. règlemens. « 

Laveauz , dans le Nord, se résolut à pgiier définitivement au parti de 
ISl Républiq.tie Toussaint y. alors un des ofliciers les plus rnfluens des bandea 
espagnoles, auquel l'abbé de la Haie a^aii déjà rait des ouvertures. De- 

1>uis plusieura mots Toussaint Louverture eût arboré le drapeau trico-» 
bre^ si Yillate auquel il. avait, offert sa soumission ne lui [avait 
répoidu qu'il ne voulait pae entrer en négociations avec un misérable 
iMclave dévoué à la cause de k servitudot Getie réponse avait d'autu^l 



1^4 msToiFE d'iuiti. — (1794 ) 

plus indigné Tonssaint qu'elle venait d'un homme de conlear qni avah 
trop vîlo oublié 'sa condition primitive. Ce fut l'origine de la haine 
qu'il porta h Villate. 

D()s le Si Mai 1794, La veaux lavait exhorté à reconnaître la Repu» 
blique, en lui adressant une lettre que lui avait fait parvenir Chcva« 
lier, commandant de Terre Neuve et du Port-à-Piment. Le 18 da 
inOme mois Toussaint lui a^ait répondu qu'il serait heureux de se pla* 
cer sous Içs drapeaux de la République, et qu'il avait été égs^ré par les 
espagnols. Cet homme d une profonde dissimulation, résolut de donner 
à la Républ>que un témoignage eflrayant de la sincérité de sa soumis- 
sion, en plaçant un abime entre lui et les Espagnols: le 25 Juin, 
après avoir communié à la Marmels^de où commatndait le marquis dAU 
menas , il renouvela son serment de fidélité au roi d'Espagne, monta 
à cheval , fit massacrer par ses troupes les soldats européens canton^» 
nés dans le bourg, se rendit à la Petite Rivière , puis au Dondon , 
çnsuite au. Gros Morne, où furent également égorgées les garnisons es* 
pagnoles qu'il y avait placées,^ Il arbora dans tous ces lieux le drapeau 
tricolore^ Quaiid il ^'approcha dos 'Gonaïves , les soldats de S. M. G. 
qui occupaient cette ville prirent la fuite, et se retirèrent au pontda 
l'Ester. M onionua à un de ses lieulenans, Blanc Casisenave^ homme 
de couleur, d'Sller s'emparer de ce pont. ^1 se rendit ensuite au Port* 
4e-Paix où le général Laveaux le reçut avec la plus grande distinction. 
Il passa en revue les troupes delà garnison; ce fut une courtoisie que lui 
fit le général français qui partagea avec lui son lit et sa table. Toussaint 
avait sous ses ordres 5,000 hommes; l'influence de sou nom était déjà 
considérable; la cause française réduite aux dernières extrémités dans 1% 
I4ord j eût succombé, s il ne s'était soumis à la République. Le gou« 
\erneiir lui confia le commandement du cordon de l'Ouest, après Ta* 
\oir nommé général de brigade. 

La proclams^tion de Sonthonax du 20 Août sur la liberté générale <» 
transformée en loi le 4 Février 4794 par la Convention nationale, avait 
déterminé Toussaint à embrasser la cau.4e de la République. En pré- 
sence d'un acte aussi solennel, il ne pouvait plus douter de^la sincé* 
rite du gouvernement français à l'égard des noirs : le bonheur futur 
des siens faisait toute sa sollicitude. D'une autre part, il voyait qu^ 
le triom[)he des armes espa|[noles amènerait le rétablissement de Tan- 
cifin régime, et son horison pohtique s'était assez agrandi pour qui! 
comprit (|ujune révolution aussi sanglante, aussi générale ne pouvait 
se teru)iner par la servitude; des masses, et par la liberté octroyée à 
quelques centaines de chefs. Depuis longtemps il avait pris en hor* 
feur le traiic que faisaient Jean François et Biassou des noirs républi- 
cains. Ce qui prouve la pureté de ses sentimens à cet égard , c'est 

* Ti« àc Toussaint piir Dubro«a. Traditièns iss haïtiens à% TOueet ^ 
^ l'Kit ot àM lioKJU • 



■j 



HISTOIRE D*IÏAÏTI. — ( 1794 > 195 

quHI abandonna la cause du roi dHBspagne lorsque tout en annonçail 
le triomphe. 

Pendant ce temps le colonct Yillnte défendait la ville du Cap et contre 
les Anglais qui en bloquaient le port , et contre les Ef^pagnois qui la 
/ cernaient étroileraent , avec autant d'héroïsme qu'en déployait Lavcaux 
au Port-dc Paix. Il réunit sous le drapeau de la France les citoyens 
de toutes les couleurs, et obtint dYxlatans succès contre les troupes 
européennes de Ganlabre, et contre Jfean François, Lès deux régimens* 
de troupes franches formés au Cap, se battaient, dans les sorties, avec 
toute la fureur du fanatisme de la liberté. Les Anglais tentèrent do 
gagner VillatCv en lui. ojfrant des sommes considérables; il leur ré-. 

Î|>ondit en faisant jurer L son armée de s'ensevelir sous les murs de* 
a place plutôt que de se rendre. Les Espognols cherchèrent aussi 4 
le séduire: pour toute réponse > il leur envoya des paquets de^ carlou» 
ches et du plomb. Pendant plus dé deux mois la garnison ne se 
nourrit que de cannes à sucre , d'oranges et de racines. Les Anglaie. 
furent obligés d'abandonner le blocus du port, et Jean François,. après 
evoir perdu un quart de son armée dans les attaques infructueuses qu'il 
avait dirigées contre la place , se retira honteusement au Fort-Dauphin; 
Laveaux excitait l'admiration^ des républicains tant par ses prodiges: 
de valeur que par sou administration intelligente. Il était secondé.par 
l'ordonnateur Perroud qui par ses talent et son aclitité parvint à créer, 
des ressources à l'armée. Perroud prêcha l'ordre et le travail aux nou« 
veaux libres, administra les biens des émigrés, fit hausser le prix dot- 
denrées coloniales et tomber celui dei coméâtiMos. américains.. Il eut 
assez de patriotisme, pour vendre à crédit à la Rcpeblique, dans un 
moment si difficile, toutes les marchandises qui remplissaient see 
magasins particuliers. De soa côté, Labatut commandant de It Tortue 
secourait l'armée du Port de-Paix par des envois fréquens-de' vivres et 
do bestiaux. Laveaux ne tarda pas à se trouver prêt à reprendre 
Foffensive. Il en était temps , car de nombreux émigrés français arri- 
vés au Fort-J)auphin ne demandaient qu'à marcher contre le Cap. Quoi* 
que ennemis^ de la race noire, ils s'honoraient alors d'être placés sous 
les ordres de Jean François et de Biassou, et avaient demandé des ar- 
mes au capitaine général de S**-Donnngo pour reprendie Vallicre, lat. 
Grande-Rivière, Terrier- Roi^ge et le Grande Ftoucan. Les Espagnols qui. 
se déGaient d'eux ne tarderont pas à les faire tous égorger. 

Laveaux dirigea une attaque générale contre les Espagnols. D'après 
ses instructions,^ Danty commandant du Gro» Morne marcha contre le 
poste la Chapelle; Villaté commandant du Cap , contrôle Port-Mar* 
got ; et Toussaint Louverture, contre la Petite -Rivière. Le gonver- 
liêur marcha en personne contre le Borgne. Après avoir traversé des* 
viornes presque inaccessibles, il établit une pièce de 34 sur la Vigie 
eu Borgne, et s'empara dé- ce bourg, secondé par le courage 'éclairé* 
ÛM, adjudans-géuéraux Suire- et Cageot. Le dra[ieau tricolore fiU ei^ 



\9a fi^SfAiRE fih^iti.-rr (tT94 ) 

Mit^ arboré dans. les (fuartieirft 4^ Ptai^a^ce, de la Marinelade, da 9on()oB^ 
de Limonade et de Terre-Nçuve. En même temps Villate tnle^aii Le Porty 
^rgoi ^\t le celçDcl l^ongcot s'emparait du poste Lçgros. De son côté Xous-- 
^int liouvertur^ enlevait le long d^ TAr^banite le bac d'enhaut , ie| 
çtmps. Caimpan^ Pellaoger^ le pont de T Ester et le bourg des Yei:i 
jettes,, secoodé ps^r le lieuteqant colonel Bl^oe Cas^enave. 

Cependant ces. çucçèa auraient ébé plus éclatans dans le Nord , si 
^éj^ yn^ animosité hi^n destinée n'avait éloigné iiaveau]^ de \il;r 
bte. (^aveaux ,. comm^ Sonthonax ^ était devenu hostile aux. ancien^i 
libres du Nord quoiqu'ils fussent ^ plupa]^ deineuiré^ fidèles à la Ré* 
publique. I^ ne doutai^ pas. du patrioliçme de Villate, mai$ les pré« 
Veijiti^ns de celui ci au commaRde(nent ea cbef du département du 
]^ord, Qt spA népoûsjne exclusif en fhveur de» htmm^sde sa caste ^^ 
V^rllaient estraorainajireo>ent le gouverijbeur. Aussi dôa lors voyons- 
:qou3 lis^yea^u^ favoriser les cbcfe noirs, et sfi moQlrei^ plus disposée leuv 
^vrer l'autorité de la coloijie qu'à, Tabandonneir ^^^ bommes do^Q^leui?^ 

Toussaint Louv^rture vipt dans, le Nord à 1a têt^ d'une partie do se^ 
groupes , battit les espagnols au camp Beriin et leur enleva, le Limbé^ 
^ \\ attaqua, le Dondon que Icsixk (>ançois avait repris sur le eplonel Mo)$e^ 
^près ^n léger coiiibat « il y pénétra , y (iioùva dçux pièces de 2 , 
Çeàucoup^ Aq fusils, el poursuivit ensuit^ Jfe^r^ Jifra^çois qu'il faiUii 
^r^ndre , |u$j(|u'|. la. ipontagne Noire* 1^ envoya à, yUlate avec géné» 
i:osilé une grande quantité d/e munitions de bpuchV. $Aa Qxeippla 
^lUa a,ui parti républicain de nombreux noirs qnlcoiQbatts^içnt pourU 
i)oi d'Espagne, m, les diacipjiina, ks contraignis ^ r^pecter les pron 
piriétés. Dans les troupes dç J[ean François et de Bia$satt h désordre 
'[tait ai^ eontraii^e à son comble ; le pillage et Tassais^inal éla^eat k 
jOi^dr^ du jour. Tout en se déclarant Içs proteçteqrs d^$ blaus royalig.* 
%ss, ces deux cheis le^ égorgeaient d^ t^mps à autre et les dépouil? 
kient. I^^e ^ouvern^jipent f)spagno.l craignant dfi les. perdre,, leur par-, 
qon^iait tout. Il les entretenait à. grands ifais. lean Fra^içois et Biasr 
$pu recevaient une pension s^nnuelle d^ 410.0,000 firanç^; iis avaicnl 
^es gardes, du corps, des çordpn^ bl^i^is e( rouges et les. l)tr^ de omh 
^chaux de F raBce* Va noQimé C^gn/et au S0rvice dçs espagnols por^ 
^it k titr^ de Mpnseign^ur Duc et Pair et^ Ajlaréçbal d«^ l^rance. 

Pendant ce temps Biassou refusait de se spumetii^ 4 l'autorité di^ 
lean François. Celvj-ci n'obti^^ de SQ^ soldats qnih loarcbass^nt- 
fonlre lui qu'en leur promettant le pillage du Pçrt Dauphin. Apres 
^ victoire, ses bandes exigèrent qu'il accomplit sa proMesasu ^ y s^* 
Hait diU, fort pauphin un milliçr de français royalistes des deuxseiLeS( 
t^ver^ua dans la colonie, rappelçs^ par les proclamations espagnoles qui 
l^ur avaient promis aide et protecticajif Jean François d^andp aiyk 
^.utori^és du Fort Daupbia le sac de cette yill#. Sa, demanda fu,tsou^ 
l^ue par Vasqi^ei son confe&se.ur et vi,cair%général de l'armée» Lfs^ 
«qjmgaoia craiçnaoV %^A oe.s^jét&t djms le partji réjpubUcaia «pn^n^ 



Totifôoint LouVerlure, \m &ccohîèient tout ce qu*îl . Voulut. Le 6 
Juiilel , Jean François se présenia aux portes du Fort-Bauphin , et 
})énétra dans ta Ville. La population blanchie n'en éprouva aucutie in» 
qmi&iude , le )»acliant au service du t*oî d'Espagne. La gai^ui son euro- 
péenne coït) posée des régimens de Gaut;Abrey de la Mouvelle*Espagtie^ 
de la Havane , était k^angée e)» bataille sur la place d'ât mes , ^ous les 
ordres du Colotael iMontalvo. Les bandes de Jean t^rançois étaient aussf 
Mus les armes , attendant avec impatience l'ordre de se précipiter suf 
les français i)ui jusqu'alors ne se doutaient paS du sort qui teut était 
rtservé. Vasquek célébra roJïice divin , se rendit sur là placé d'arsi 
mçs et bénit les drapeaux des troupes noires. Alors il présenta s& 
main à baiser à Jean François en lui disant : Exterminez ces athées, 
ces régicides, ces hébreux.' Aussitôt la gat^nison européenne se ren* 
ferma dans le, fort de la place, et le massaicre commença dans IfesrueS 
^t dans les maisonis. En quelques heures 950 fitinçais, hommes, Ibm* 
Incs et enfans avaient été égorgés. Quelques émigrés purent se sau^ 
ver en se couvrant des habits du soldat castillan. M»is les troupes ëu^ 
ropéefines ne firent aucun mouvenîent en Ibveiir de ces mafhéureut 
dont les richesses devinrent la proie des autorités. "^ Lès bâtadès dô 
Jean François jusqu'au coucher du Soleil ne cessèrent de piller. Lô 
lendemain elles sortirent de là ville chargées de butin. Dé t^lsauxh 
liaires étaient plus funestes que Teunemi lui-même. 

Peu de jours après cet horrible événement ^ Jean François ënvojra ad 
ramp qu'occupait Klanc Gassenàve , Un émissaire nommé Gésaire , char^ 
gé de gagner les noirs républicains en leur distribuant 200 portugais 
ses (8,000 francs). Gésaire avait déjà corrompu plusieurs officiers, 
quand Blanc Gassenave découvrit ce qui se tramait , et en avisa totis^ 
saint Louverture. Geluici mardia contre les espagnols^ les attaqud 
et les culbuta au-delà de la savanne Alfort. Quelques Soldats dil 
régiment des Gantabres furent faits prisonniers , et toutes Us fdrtitt^'' 
calions espagnoles de la ligne d'Alfort furent détruites. « 

Jean Français ayant réuni des forces imposantes vint dans tés pté^ 
ttniers jours du mds d'Août attaquer la Grète Sainedy où comAian.-^ 
dait pour la France un nommé Noël Ailhaud. Après un combat Aë 
trois heares, les républicains niatiquant de munitions évacùêrertt laf 
position qui tomba au pouvoir des espagnols. 

'Peu de temps après le général La veaux adressa une lettré à lèanP 
François, dans laquelle il l'exhofta i abandonner la cjause dû for 
d Espagne lui^(aisant les offres les plus séduisantes^ Un moië apiiaar 
Jeao François lui lit la réponse suivante : 

II y avait dans les troupes Espagnoles des hommes que se firent phistara 
remarquer sur le coirtinent américain : St.-Manin, au Pérou ; Elarbastro , à 
Buenos- Ayres; Bustamente, au Mexique. (Keiatiojn du sàt» dU l'ôrt-Ua'U* 
pbin par le Citoyen C^iigny Ardottiil. ) 



IÇB* BisToiRE d'uaiti. — ( 1704 ) 

^ Au Fort Bâuphin , le 20 Novembre 1794. 

é Jean François , Général des troupes auxiliaires de S. M« C. à 
^ Etienne Laveaux, Gouverneur-Général , pour la République française, 
4 au Cap. 

c Voire lettre datée du 20 Brumaire de Tan 3 de la République fran- 
çaise (21 Octobre 1794) me fait connaitiH^ les nobles sentimens 
avec lesquels vous Tavez dictée; elle commence avec le mépris que 
touêvous autres auratenUoujours pour les gens de ma race. J'a^lhon- 
Beur dètre nommé géoéral parmi mes amis et mes eiinêmis, tilr« 
glorieux que je me suis acquis par mes exploits , ma bonne con- 
duite , ma probité et mon courage, et vous me privez de cet lion« 
neur dans la première parole de votre lettre , en me nommant 
avec un air dédaigneux et méprisant Jean François comme vous 
pourrieic faire dans ces temps malbeureux où votre orgueil et votre 
cruauté nous confondaient avec les chevaux , les bètes à cornes 
et les plus vils animaux , précisément dans une occasion où vous 
avez besoin de moi , et vous me proposé la perli«(ie la plus noire 
que vous cherchez à embellir avec des promesses séduisantes, men- 
teuses et remplies d'artifices, et par lesquelles vous faites connaître 
r indigne idée que vous avez de luon caractèiie et de mon procédé. 
Mon parti est pris, et je suis inébranlable une fois déterminé, je vi- 
vai , je mourrai dans la belle cause que j'ai adoptée,~et ^ans tâcher 
d^ fair^ Ta^pologie de Messieurs les Espagnole , je pourrai vous prou- 
ver que je n'ai que des louanges à faire d'eux les ayant .toujours 
trouvés fidèles et religieux observateurs dans toutes leurs promesses. 
« Quoique je pourrai bien répondre à tous les chapitres de votre 
lettre , je les omets parce (l)u ils sont presque tous détaillés dans un' 
manifeste que j*ai fait circuler à mes compatriotes d;uis lequel je leur 
fais connaître sans artifice, le sort qui les attend, s'ils se laisseal 
séduire par vos belles paroles , ï Egaillé ^ \a Liberté etc, etc,etc. ... 
et seulement je croirai à celuy 1.^ que jusqu à ce que je vois que 
Monsieur La veaux et d autres messieurs français de sa qualité, ac- 
cordent leurs filles en mariage aux nègres. Alors je p<»urrai croire 
à TEgalité prétendue. Il ne me reste plus, monsieur le Général, 
que de vous demander lu grâce de m'envoyer cette lettre de mon- 
sieur le Président que vous citez dans d'autres écrits qui sont entre 
mes mains, dans laquelle il vous promet ma tète pour la rançon 
de tous les prisonniers espagnols, de vous prier de faire la guerre, 
en respectant les droits des gens et cette générosité observée ancien- 
nenient par les nobles guerriers français dont vous trouverez bien 
des exemples dans vos illustres ancêtres, et de vous instruire que 
jamais la trahison et la perfidie ne seraient le partage du général 
Jean François. 

<t j£AN FRANÇOIS, Général d$ S. M. C. » 



IllStOIRËD^HlITI.— ( 1794 ) 



to» 



tes dernières disposUiohs do cette lettre attesteat qu'elle a été écrite 
par un émigré français. 

Laveaux ayant perdu Vespoir de gagner Jean François i la cause 
révolutionnaire, ordonna à Toussaint Louveiture d^atlaquer S' Michèle! 
S^ Raphaël* Toussaint marcha contre S'-Kapliaël avec'plus de 4,500 hom- 
mes, sur diflei*entes colonnes. Un corps nombreux de cavalerie ropubli* 
caîoe occupa la roule du Dondon derrière un petit tnorne dans un coude 
que formait le chemin. Les Espagnols avaient dressé dans cet endroit 
un retranchement garni de canons et défendu par un fossé rempli 
d'eau s'étendant de la rivière ?u pied du*Mornct. Une colon-. 
ne d'infanterie républicaine gravit la montagne qui dominait le c^mp 
retranché avec ordre de Tattaquer dès que laOhire commencerait ; uno 
autre coloniie s échelonna le long du revers du môme morne pour 
couper la retraite à rennemi; une troJKème traversa la rivière, et 
alla occuper les positions qui dominaient le retranchement à gauche* 

Toussaint ordonna de commencer l<f feu , et le combat s'eugcigdti av6C 
jacharnemenl de part et d*autre. La "cavalerie qui occupait le grand 
chemin chargea sur le camp retranché; mais elle fut vigoureusement 
repoussée par la mitraille; elle revint à la chai go et fut de nouveau 
Culbutée; elle se relira^ laissa dans la grande route 200 hommes tués. 
Les autres colonnes se précipiteront îles mornes sur la redoute, et 
l'assaillirent de toutes' pat is. Les Espagnols firent bonne contenance 
de tous côtés. Toussaint à la tète ile sa cavalerie les charg<£a une 
troisième fois et pénétra dans le cump retranché. L'ennemi, battit ea 
retraite précipitamment , fut poursuivi au loin , et laissa le champ de 
bataille couvert de morts. Le résultat de celte journée fut (a prise 
de St- Michel et de 8t Raphaël. 

Pendant ee temps , la prise du Port Républicain paraissait dévoila 
soumettre à la domination anglaise le reste de T Ouest, etioutleSud: 
mais Bauvais dans les montagnes qui avoisinenl le Port- Républicain^ 
et nigaud dans le Sud , ne cessaient de hurceler les troupes britanni* 
ques. Le général Bauvais enleva Sale-Trou sur un corps da roplistes 
iî'ançais que des vaisseaux de S. M. B. y avaient débarqués^ et mit 
Jacmel à 1 abri d un coup de main. Les républicains qui occupaient 
les montagnes recevaient de Jacmel et des Cayos des mumiions de 
guerre et de bouche : les ports de ces deux villes éiai4*nt peuplés de 
navires des États-Unis, de la Cùle-ferme, de Curaçao et des îles dU 
Veut. 

Le général Whyte, pour miaux fermer l*(;'nceinte du Port Hépubticain^ 
fit ^brlilier cette ville à 1 Est et aii Sud^par les soldats anglais ; il 
éleva dans le quartier du Morne à-Tuf un blockaus au milieu de la place 
du aimetière intérieur . et à TÈst au sommet du morne de l'habiiatioa 
Covin , up fort bien assis qui domine et la ville et les Gamp<igQed 
environnantes.^ Il construisit aussi dans le morne de rilôpitld dU( 

^ Àu^ujrd luu foït ^'a^ouai ou ibtt Alexojiâf «i^ 



tOa «titdtRl: B^sAiTi.— ( 1794 ; 

ybobitâtîoB Deà0MfcM iftO-dtsdtM «lu fort fiizoton «ne redoute qu'il 
arma de quelques canons. Le soldat européen nultement habitué à s« 
Vf i^er à de rudes fatigues sous le crel brûla&t des tropiques ne tarda 
|las à^tonaber malade. Dans la journée il était exposé aux rayons du soleil^ 
et pendant la nuit il faisait la palrouiite souirent dans te phiie. De 
740 hommes délite des S»"^ 23^35% et 41* débitrqués au Perl« 
Hépublicain dans le mois de Juin^ il ne restait pas cent .soldats. Ils 
avaient été enlevés par la fièvre jaune. JLes colons qui s'étaient livrée 
aux Anglais ) profondément découragés » obtinregf du général Whyie 
que Venant de CharmiHy partit pour Londres, avec miBsion de de« 
mander dee renterts au gouvernement bmtannique. De son côtéWKyte 
eraignant de euccoraber sous rinfluence meurtrière du eliniat retourna 
en Angleterre. 31 fut remplacé dans le eommandement en chef de 
St-Doniingue par le brigadiei^ifénéral Horneck qui vint de la Jamaïque 
au Port-Ré|^bUcain au milieu de Septembre 4794. Horneck réunissait 
toutes* les qualités propres i doftner de réelat aux armes anglaises et 
à ferre atmet le gouvernement britannique ; mais comme il «'avail 
assea de forces pour attaquer» il se tint sur la défensive. 

Dans le quartier de t'Artibonite^, Thomas Brisbane remportaii p^u 
de sncoès sor les républicains noirs ^ jaunes oommandés par Tou'ssaini 
4i0uverture et par Blanc Gassenave. Rarement il parvenait à forcer 
le eordon de l^Ouest qui s'étendait des ^Conafves au Mireba^ 
lais. Toussaint ayant réuni toutes ses forces battit les Anglais à 
Mardiand , les chassa du pont de l'Ester , et les contraignit à aban^ 
donner toute ta rive droite de l'Artibonite. Ses troupes en les pour- 
suivant s'eib parèrent des Verrettes où il vint avec 40 dragons Êiire 
arborer le drapeau tricolore. Il enleva ensuite la Petite-Rivière ds 
lArtiboâite au génépal espagnol SantaciKa. 

rLe major Brisbane se résolut à le gagner au parti britannique. Û 
lui 4>roposa une entrevue qui fui acceptée. 11 ordonna à Lapointe eom« 
mandant de l'Arcahaie ^ de se rendre auprès de lui avec quelques 
troupes. LapcMnte arriva à St. -Marc avec 800 hommes de la milice 
royale et deux pièces de 4. Brisbane se rendit à la digue de [l'Ar^ 
tibonite à la tête de 2000 hommes et avec huit pièces de 4 et de 8. 
Il y avait à l'entrevue Brisbane , et Morin homme de couleur , son 
secrétaire, Lapointe, d'une part; Coudelet, Guy, officiers de oouKeur} 
le colonel Christophe Mornay , le commandant Gabriel Lafond , noirs, 
et Toussaint Louverture , d'aujtre part. Après huit jours de conféren- 
ces , le général républicain , n'ayant pas trouvé Teecasion d'enlever 
ïhomas Brisbane , parut s^ire soumis au roi d'AngleteiTC ; cependant 
il avait gagné au parti de la France . Morin Tinterprète .de Brisbane. 
S<es deux armées se confondirent et nraternisèrent. Toussaint ne per* 
dint pas l'espoir d'arrêter le major angfaiis , voulut lui donner un gage 
de la imaérité de sa toumissioa en lui livrant te ptece des €enaives« 
U pensait qu'il s'j rendrait «^ yerimne* Ifm BiMbaoe en wvoya 



HISTOIRE D^HâlTI. — ,( 1^94 ) • 201 

{^rendre posdesgion le colonel Gauthier, homme de couleur. Peu de 
jours siprès, Toussaint à la tète de plus de 2000 hommes pénétra aux 
Gonaîved, arrêta GaulhicT, «t lenvoya a^i Port-de Paix. Les troupes 
anglaises qui occupaient quelques postes prf^s.dos Gonaîvcs échange^ 
rent quelques coups de fusils avec les républicains, et rentrèrent à 
se Marc. LapcMute retodrna 4 l'ArcahaM ou te parti républicain s'était 
BQ peu agité pendant son jBibsenc«. 

Le <:ok)nel ôautbier était arrivé au t^orl-de-Paîx. , Le gouverneur 
Laveaux M f>roposa d'entrer dans les troupes de la Républi* 
que. Gauthier hii tiéclara qu'il ayiierait niieui mourir que de 
trahir la cause du roi d Angleterre. [1 fut livré 'à une commission 
militaire qui le condamna & là peine ^capitale, comme français traître 
à la pétrie. 11 mai^cha au supplice en criant ?ive le roi 'George et 
mourut avec le plus grand tx)urage. 

Nous avons vu que pendant l^entrevti^ de la digile dé TÀrtibonite^ 
Toussaint avait séduit le secrétaire de Brisbane , Morin homme decou- 
ieur, qui jouissait de toute la confia&oe du major anglais. Morin 
'fit entrer dîaos une vaste conspimtiojn contre S. ^t^ B. tous les mu- 
lâtres de St. Marc et de Montruis dont la fidélité à l'Angleterre était 
déjà ébranlée par les écrits patriotiques de Pin'chînat^ et par les mau» 
vais U aitemens qu'ils éprouvaient presque comme dans Tancien régime 
de la part des colons blancs. , Il écrivit à Toussaint Louverture que 
s'il sa présentait devant St. Marc, les portes lui en seraient ouvertes. 
H n'y avait en cette ville que quatre-vingts soldats européens, 200 
hommes du bataillon de Dillon , la légion de St. Mare commandée ^ 
par le colonel Dessoiirces, 800 espagnols qui avaient évacué les Verret^ 
tes et les miliocs des campagnes voisines; en tout 1,500 hommes. 
Pendant une nuit Toussaint à la tête de i 1,000 hommes s'ap- 
prooha de St. Marc , et y fut introduit par 300 mulâtres qui 
s'élaieiil eaoparés des portails ; c'était le 6 Sf^ptembre. Son «armée 
pénétra du côté des Guêpes. Binsbane surpris n'eut que le temps de se 
Fetirer au^ fort Libre avec quelques centaines de soldats. Les répubti-* 
caios DUS ia plupart, au lieu de lui dooner assaut vigoureusement, se 
mirent à piller la ville. Gipend»it -à la pointe du jour , irallaitsuc- 
oomber, lorsqu'une frégate anglaise sortant du Môle entra dans le port^ 
a'embossa aussitôt vis à- vis des Guêpes, et caeonna sans relâche les 
républrcains. Lo lendemain arriva une autre frégate. Toussaint pcr* 
dant beaucoup de soldats, abandonna sa proie, et sortit de la ville 
avec un riche butin, accompagné de Morin q^ui dès lors s'attacha à 
sa fortune. Le colonel Dessources le poursuivit et lui tua quelques 
tralneurs. Les trois eents hommes de couleur qui avaient prts^ les 
armes an faveur du la France , n'entent pas l'énergie d'abandonner 
Inttrs propriétés pour suivre les répuMtcaîns oui étaient dans les 
plus grandes privafîow ne se nourrissant quia de maïs et d'orângen 
swas. lis em^àyérmii à Sriibane une aArasia par la<ineUa ils ia sng^ 



|)uTaire de Robespierre , ne portait plus ses regards aii*de1i de Hu 
llantique. Depuis q^u'elle avait proclamé l'émaacipatioQ générale des es^ 
davcs elle n'avait pas douté que ces jd^^'oi^^s^ livrés i eux-mêmes, ne sen* 
tissent asseZ' la dignité que là liberté fak naître dans le cœur de Thomme,, 
j)our défendre un sol où Ton ne respirait plus Tair infect de la. servitude. 
Elle ne s'était point trompée dans ses conjectures r les noire^ et les sangs*^ 
mêlés républicains presque abandoonés de la Métrepole». vont conti'^ 
nuer la guerço à St Domingue contre les Anglais», aveo autant de va- 
leur qu'en déployaient en Europe les troupes Patriotiques. La lutte 
sera celle de la liberté contre Je d^potisme :. d'une part les citoyens^ 
du 4 Avril 1792 et du 4 Février 1791 ^ de l'autre les Anglais, les 
£spagnels et les. royalistes français rélablissanl lesolayage. S'il est vrai * 
que la servitude même imposée par la force peut avilir l'espèce humai* 
ne , les noirs et les hommes de couleur de St-Domingiie par les luttée 
sanglantes qu'ils vont supporter ,. se laveront de leur dégradation, et se 
couronneront de toute la dignité qui brille sur le front de l'homme dont 
le coeur a été épuré par Théroîsme^ 

En s'emparaot des^ différents quartiers de la colenie qu'ils occupaient 
les Anglais n'avaient rien changé aux lois et aux règlemens qu> exis- 
taient du temps de la monarchie française. Les privilèges des anciena 
colons avaient été rétablis, et ceux-ci se montraient déjà aussi fiers, aussi 
arrogans envers les hommes de couleur qu'ils l'avaient été avant 1789. 
Ceux des aifranchis qui s'étaient soumis aux Anglais ne tarderont pas 
à s'armer contre eux , froissés des prétentbns dos planteurs qui, avaient- 
ils cru , devaient^êlre leurs égaux sous la domination britannique; mais 
nous les verroiis succomber , et sous les coups de leurs auxiliaires qu'ils^ 
trahiront^, et sous les coups des vengeanes nationales. Ils seront 
moins à plaindre que les colons eux-mêmes, car ceux-ci, queiqu'ils. 
méritassent la mort pour avoir trahi la patrie^ a'evaient jamais reça 
aucun bienibit de la République. 

Déjà la fièvre jaune avait considérablement mofesonné les troupeft^ 
européennes de S. M. B. Les Anglais sentirent la nécessité de reeru»> 
ter des noirs et des hommes de couleur pour ibrmer des légions colck- 
niales. 

Ils organisèrent, au Môle, deux rcgimens; à St-Màrc-, Tes légions de* 
Dessources, de Cocherel et de Savary; à TArcahaie, la: légion. aYorck 
commandée par Lapointe devenu colonel » et celle de la. reine ;. ai^ 
Port-Républicain , les régimens du prince de Galles » dé Bruges et de* 
Montalembert ; dans les hauteurs de Banica, lee chasseurs deBani^ue; 
à Jérémio, les légions de Sevré, de Domingeau et de Jten Kina. 
4ivant leur entrée au Port*Républicain , ils avaient déjà formé les régi« 
Bfiens des Hussards de Hompech et de Rohan composés en entiet 
d'émigrés Français. Toutes ces troupes qui fournissaient une force à% 
19,000 hommes étaient parfaitement vêtues et bien armées. Rien n'è* 
tg4 si km^ I si bien t ange que les régimens de Dessoureee el , êm 



Ifontalembert dont les éfats-maj^^ro n'étaient composés que de blanel. 

Les soldats anglais portaienl deé habits rouges , recevaient une nourri- 
ture abondante et solide^ tandis que les républicains presque i^us suppor- 
taient toutes $ortes de privations. Mais l'amour de la liberté, ,ià profonde 
horreur fiu ils prouvaient pour rancien- régime, vaincront tous les obsta- 
cles qui s opposeront à la régénération des africains et de leurs descendans. 

Les Anglais tout en ménageant les hommes de couleur dônl ils avaient be* 
soin, aceûrdaient< toute leur confiance aux anciens planteurs. Aussi voyaitr^ 
en dans le conseil privé du gouverneur des possessions britanniques, Blin de : 
Tilteneuve, Loménie de Mermé, Duland'Allèmans^ de VillarSydeBafibn^aR'* 
ciens colons ; dans Tétat-major des places,, des oniciera Fr^uiçais émigrés en , 
grand nombre sous les. ordres des ofitciers Anglais;, dftnsies troupes , les 
Cambeibrt, lesTheuieard, les Rouvrai revenus à St. Domingue ^ O'Gor- 
maa» Gonlades, Ûenri Ségur de Hontazeau v Montalei^. Duquesne,. 
Cocherel ;: dans lea finances, Rain ville, Fourmy père» Rousselot ; dans 
Tad m inist ration des biens des absents , Malouet d^Alibert^ Dut'santbon j 
au conseil supérieur établi au PorIrRéprublieain , , Roncera}r i présMeni <l, 
chef de justice, Valentin de Cuillen, Tibssassin dé Ferrand.de Baudir 
èi-es, Vincendon Dutour, doyeOé. 

Dans les eampagoes où l'esclavage avait été rétafal^,, en voyait se 
renouveler les mêmes hoiTcurs; qu'en 1789. It y avait des légions 
coloniales britanniques où le noir ne j^uvait [wirvenir qvtau grade 
de sergent- major. 

Hyacinthe 0iicoudray , par Eihfluence qu'il exerçait sur les cohiva^ 
teurs du Cul-de-Sae , les porta à ne pas s armer contre* les Anglaie. 
L.a légion de Montatembert alla occuper la Groix-des-Boûquets, et*, 
tous les ateliers reiournèrent dans là servitude» Mats Dieudenné oc* 
cupait pour la République les i^on tagnes de la Ck>upe eidu. Grand Pond. 
Quoiquil suivit les conseils de Sonthonax el qu'il ne voulût pas re^ 
eonnattre l'autorité des hommes de couleur^ de Bauvaie,^ deBigaud, 
il se montrait jusqu'alo>s Irès-dévetié à la. France ,. et prenait lé- titré 
^ commissaire eivii. Il demanda, une entrevue à> Hyacinthe ^lui^ten? 
dit un piégj», le prit , et le fit fusiller:. 

pendant cet intervalle ^ le général Martial Besse partit pour France». 
Le général BauVais réunit à Jacmel les débris de la légion de TOuest^ 
réorganisa ce eorps et rétablit l'ordre ainsi que le travail dans teut soa 
arrondlsscBoient.. Le gtoérai l^igaud, de son côté, faisait aimer seii 
administration', par h sagesse de ses. règlemens« * 

Laveaux , dans le Nord', se résolut âr vaguer définitivement au ppirtrde 
bRépubli(£ue Xoqissaint,r.aWs un des ofticiers les plut rnfiuens des bandes, 
tôpagnoles, auquel l'abbé de la Haie ayaii déjà hk dos ouvertures. De- 

1>uis plusieurs mois Toussaint Louverture eCtt arboré le drapeau Irico-* 
bre^ si Yillale auquel; il. avait, offert sa soumission ne lui [avait 
répoidu qu'il ne voulait pas entrer en négociations avec un misérable 
«sclave dcveué à la cause de k servitudot Celte réponse avait dlautuii 



{)uTaire de Robespierre , ne portait plus ses regards aii*de1à de VM^ 
llantique. Depuis q^u'elle avait proclamé rémaacipatioQ générale des es^ 
claves elle n'avait pas douté que ces ^eroiers^ livrés ieux-mèmes, ne sen* 
tissent assez^ la dignité que là liberté fak naître dans le cœur de rhomine,, 
pour défendre un sol où Ton ne respirait plus Tair infect de la. servitude. 
£Ue ne s'était point trompée dans ses conjectures : les noicft^et les sangs«^ 
mêlés républicains prescjue abandonnés de la Métrepale,. vonr conti^ 
nuer la guerco ù St Domingue contre lés Anglais^ avec autant de va* 
leur qu'en déployaient en Europe les troupes Patriotiques* La lutte 
seca celle de la liberté contre le d)^potisme ;. d^^une part les citojens^ 
du 4 Avril 1792 et du 4 Février 1791;; de Tautre les Anglais ^ les 
£spagnels et les. royalistes français rélablissanl Tesclavage. S'il est vrai * 
que la servitude même imposée par la force peut avilir l'espèce humain 
ne , les noirs et les hommes de couleur de St-Domingne par les luttes 
sanglantes qu'ils vont supporter «se laveront de leur dégradation , et se 
couronneront de toute la dignité qui brille sur le firent de Thomme dont 
Je coeur a été épuré par Théroïsme.. 

En s'emparant des différents quartiers de la colenie qu'ils occupaient 
les Anglais n'avaient rien changé aux lois et aux règlemens qui^ exis- 
taient du temps de la monarchie française. Les privilèges des anciens 
calons avalent été rétablis, et ceux-ci se montraient déjà aussi fiers, aus^ 
arrogans envers les hommes de couleur qu'ils l'avaient été avant 1789. 
Ceux des affranchis qui s'étaient soumis aux Anglais ne tarderont pas 
à s'armer contre eux , froissés des prétentbns des planteurs qui, avaient- 
îls cru , devaient^éire leurs égaux sous la domination britannique; mais 
nous les verrons succomber , et sous les coups de leurs auxiliaires qu'ils 
trahiront-, et sous les coups des vengeâmes nationales. Ils seront 
moins à plaindre que les colons eux-mêmes, car ceux-ci, queiqu'ils 
méritassent la mort pour avoir trahi la patrie^ aavaient jamais reçu 
aucun bienfait de la République. 

Déjà la fièvre jaune avait considérablomenti oMissonné les troupeft^ 
européennes de S. M. B. Les Anglais sentirent la nécessité de reeru- 
ter des noirs et des hommes de couleur pour former des légions colck- 
niales. 

Ils organisèrent, au Môle, deux rcgimens; à St-Sf^re-, Tes légions de* 
Dessources, de Cocher el et de Savary; à l'Arcahaie, la: légion. d'Yorck 
commandée par Lapointe devenu colonel , et celle de la. reine;: aie 
Port-Républicain , les régimcns du prince de Galles , dé Bruges et de- 
Vontalembert ; dans les hauteurs de Banica, les chasseurs deBaniq^ue; 
à Jérémio , les légions de Sevré , de Domingeau et de Jtan Kina. 
4^vant leur entrée au Port*Républicain , ils avaient déjà formé les régU 
Bfiens des Hussards de Hompech et de Rohan composés en entiet 
d'émigrés Français. Toutes ces troupes qui fournissaient une force à% 
13,000 hommes étaient parfaitement vêtues et bien armées. Rien n'è* 
t»i\ si Jieaif | si bioa rangé que les régimens de Dessources el . âm 



m»ToiRE B'nAiTt.^^f 1794 ) IftS 

tfontalembert dost les états-maj^^rs n'élaiént composés que de blanet* 

Les soldats anglais portaient des habits rouges , recevaient une nourri- 
ture abondante et solide^ tandis que les républicains presque nus suppor- 
taient toutes sortes de privations. Mais l'amour de la liberié,,là profonde 
borreur ^u Us éprouvaient pour l'ancieo- r^'^mo, taiberoni tous les obsta- 
cles qui s opposeront à la régénération des africains et de leurs descendans. 

Les Anglais tout en ménageant les hommes de couleur dont ils avaient be- 
soin, accordaient' toute leur confiance aux anciens planteurs. Aussi voyait^ 
on dans le conseil privé du gouverneur des possessions britanniques, Btin de : 
Villeneuve, Loménie de Mermé, Duland'Allénians^ de VillarSydoBafibn, an- 
ciens colons; dans Tétat-major des places,, des ofiicieraFr^uiçai^ émigrés en, 
grand nonnbre sous les. ordres des ofllciere Anglais ^ dans les troupes , les 
Cambcfbrt , les Theuzard , les Rouvrai revenus k St. Domingue ^ O'Oor- 
niaa, Gontades, Henri Ségur de Montazeau>. Montalet , . Duquesne , ^ 
Cocheret ;: âàns les finances, Rainville, Fourmy père» Roussolot ; dans 
Tadministration des biens des absents, Malouet d'Alibert^, Dui^anthon; 
au conseil supérieur établi au PorlrRépublieain , , Ronceray ^ présMent el. 
chef de justice, Valentia de GuiUen^ T^sassin dé Férrand, de Baiidir 
ères, Vincendon Dutour, doyen^. 

Dans les eampagoes où l'esclavage avait: été rétaU^,, 6n voyait set 
renouveler les aaêmes hoiTeurs-. qu'en 1789. Il y avait des légions 
coloniales britanniques où le noir ne pouvait parvenir qvtau grade 
de sergent- mmor. 

Hyacinthe Dbcoudray , par ^influence qu'il exerçait sur les cuMva.* 
leurs du Cul-de-Sae , les porta à ne pas s^armer contre» les Anglais. 
La légioa de Montalembert alla occuper la Groix-des-Boùquets, et. 
tous les ateliers retournèrent dans kh servitude» Mais Djeudonnâ oc* 
cupait pour la République les iMmfagnes de la Coupe et^du. Grand ^Fond^ 
Quoiquil suivit les conseils de Sonthonax et qu'il ne voulût pas re^ 
connaître l'autorité des hommes de couleur^ de Bauvaia,^ d^Rigaud, 
H se montrait jusqu'alolrs très-dévetié à la. France,^ et prenait h titre 
4e commissaire civil. U demanda une entrevue à Hyacinthe^ l^tenr 
dît un piège, le prit , et te ftt fusiller:.. 

pendant cet intervalle,, le générallfartiàl Bessc partit pourFrance». 
Le général Sauvais réunit à Jacmel les débris de la- légion de TOuest^ 
réorganisa ce eorj^s et rétablit l'ordre ainsi que le travail dans teut soa 
arrondissement.. Le général {tigaud, de son côté, faisait aimer sea 
administration-, par 1^ sagesse- de ses rëglemens« * 

Laveaux , dans le Nord, se résolut à* gagner définitivement au purtrde 
fe Républi(£ue toussaint^. alors un des ofiiciers les plus rnfluens des bandes, 
fêpagnoles, auquel l'abbé de la Haie a^aii déjà rait des ouvertures. De* 

{>uis plqsieur» mois Toussaint Louverture eût arboré te drapeau Irieo* 
ore^ si Yillale auquel: il. avait, offert sa soumission ne lui [avait 
répondu qu'il ne voulait pas entrer en négociations avec un misèrabte 
^esclave dévoué à la cause de la servitudct Cette réponse avait d!autanl^ 



f uîaire de Robespierre , n# portait plus ses regards an*de1à de TA- 
llantique. Depuis qu'elle avait proclamé rémaRcipation générale des es^ 
clavcs elle n'avait pas douté que ces ^ernicrs^ livrés à eux-mêmes, ne sen« 
tissent assez' la dignité que là liberté fak naître dans le cœur de Thomme^. 
nour défendre un sol où l'on ne respirait plus Tair infect de la. servitude. 
£|le ne s'était point trompée dans ses conjectures :- les noicsuet les sangs^ 
mêlés républicains presque abandonnés de la Métropole^, vont conti'» 
nuer la guerre ù St Domingue contre les Anglais,, avec autant de va* 
leur qu'en déployaient en Europe les troupes Patriotiques. La lutte 
sera celle de la liberté contre le d^potisme :. d-une part les citoyens 
du 4 Avril i792 et du 4 Février 1791; de l'autre les Anglais, les 
espagnols et les. royalistes français rélablissanl Tesclavage. S'il est vrai * 
que la servitude même imposée par la force peut avilir Tespéce humain 
ne , les noirs et les hommes de couleur de St-Oomingiie par les luttes 
sanglantes qu'ils vont supporter «se laveront de leur dégradation, et se 
couronneront de toute la dignité qui brille sur le front de l'homme donfc 
ie coeur a été épuré par Théroïsme.. 

En s'emparant des difTérents quartiers de la colonie qu'ils occupaient 
les Anglais n'avajent rien changé aux lois et aux règlemens qui^ exis- 
taient du temps de la monarchie française. Les privilèges des anciens 
colons avaient été rétablis, et ecux-ci se montraient déjà aussi fiers, aussi 
arrogans envers les hommes de couleur qu'ils l'avaient été avant i789* 
Ceux des aifranchis qui s'étaient soumis aux Anglais ne tarderont pas 
a s'armer contre eux , froissés des prétentions des |ilanteurs qui, avaient- 
ils cru , devaient^êlre leurs égaux sous la domination britannique; mais 
nous les verrons succomber, et sous les coups de^ leurs auxiliaires qu'ils 
trahiront-, et sous les coups des vengea^nes nationales. Ils seront 
moins ù plaindre que les colons eux-mêmes, car ceux-ci, queiqu*ils 
méritassent la mort pour avoir trahi la patrie j^ aavaient jamais reça 
aucun bienibit de la République. 

Déjà la fièvre jaune avait considérablement; morssonné les troupes^ 
européennes de S. M. B. Les Anglais sentirent la nécessité de reeru-* 
ter des noirs et des hommes de couleur pour former des^ liions color 
niales. 

Ils organisèrent, au Môle, deux rcgimens; à St-Bfàrc, fts fi&gibns de- 
Dessources, de Cocherel et de Savary; à l'Arcahaie, la: légion. aY.érck 
commandée par Lapointe devenu colonel , et celle de la. reine;, ai^ 
Port-Républicain , les régimens du prince de Galles , dé Bruges et de- 
Vontalembert ; dans les hauteurs de Banica , les chasseurs de Baniq^ue; 
à Jérémie, les légions de Sevré, de Domingeau et de Jten Kina. 
^vant leur entrée au Port-Républicain , ils avaient déjà formé les régi« 
viens des Hussards de Hompech et de Rohan composés en entîet 
d'émigrés Français. Toutes ces troupes qui fournissaient une force d% 
13,000 hommes étaient par&itement vAtues et bien armées. Rien n'è* 
U4 si i^MU I s| bien rangé que les régimens de Dessourees el ^ d» 



KiftToiRi: B^nâfT^^f 1794" ) îftS 

Vontalembert dont lés é{ats*iDaj<»r8 s'ëlaiént composés que de blanet.. 

Les soldats anglais portaieni des habits rouges , recevaient une nourri- 
ture abondante et solide^ tandis que les républicains presque nus suppor- 
taient toutes sortes de privations. Mais l'amour de la liberté, ,1a profonde 
borreur f||u ils éprouvaienC pour raiM^ieo* régime, vaincront tous les obsta- 
cles qui 9 opposeront à la régénération des africains et de leurs descendans. 
Les Anglais tout en ménageant les hommes de couleur dônl ils avaient be« 
soin, aceûrdaient< toute leur confiance aux anciens planteurs. Aussi voyait*^ 
en dans le conseil privé du gouverneur des possessions britanniques, Btin de : 
Villeneuve, Loménie de Mermé, Duland'AIlèmans^ de VilIar$,deBaâbD,an« 
ciens colons; dans Tétat-major des places,, des ofticiera Français énugrés en, 
grand nombre sous les. ordres des ofifoiere Anglais;, és^nsles troupes , les 
Cambci&rt , les Theuzard , les Rouvrai revenus i St. Domingue ^ O'Oor-^ 
maa, Gontades^ Ûenri Ségur de Montazeau>. Mentale!^ Duquesne,. 
Cocherel ;: dans les finances, Rain ville, Fourmy père^ Rousselot ; dans 
l'administration des biens des absents, Malouet d'Alibert^ Dut'^thon; 
au conseil supérieur établi au PorlrRépublieain , ^ Ronceray ^ présMent et. 
chef de justice , Yalentia de CuiUen , l'âssassin dé Ferrand. de Baudir 
ères, Vincendon Dateur, doyen^. 

Dans les eampagoes où l'esclavage avait, été r^aU^,, en voyait se 
renouveler les aaêmes hoiTCurs; qu'en 1789. It y avait des lésions 
coloniales britanniques où le noir ne pouvait parvenir q]yi*au grade 
de sergent- mmor. 

Hyacinthe Ducoudray , par (^influence qu'il exerçfliit sur les ctdtiva^ 
leurs du Cul-de-Sae , les porta à ne pas s armer contre» les Anglais. 
L^ légion de Montalembert alla occuper la Groix-des-Boûquets, èi. 
tous tes ateliers retournèrent dan» k^ servitude» Mais Dieudonné oc* 
cupait pour la République les iHmtagnes de la Ck)upe etdu. Grand Pend. 
Quoiquil suivit les conseils de Sonthonax et qu'il œ voulût pas re^ 
connaître Tautorilé des hommes de couleur^ de Rauvaie,; deRigaud, 
H se montrait jusqu'abrs trés*dévetié à la. France,, et prenait le titre 
de commissaire eivil. 11 demanda une entrevue à Hyacinthe^ latent 
dit un piège, le prit , et le ftt fusiller. 

f^dant cet intervalle „ le général Martial Besse partit pour France.. 
Le général BauVais réunit à Jacmel les débris de la- légion de TOuest^ 
réorganisa ce eorj^ et rétablit l'ordre aias| que le travail dans teut soa 
arrondissement.. Le générai ^igaud, de son côté, faisait aimer sea 
edministration-, par h sagesse- de ses. règlemens. * 

Laveaux , dans le Nord, se résolut à>gaguer définitivement au purti de 
b Républiq.ne Toussaint ,,aWrs un des ofliciers les plus rnjSuens des bandes, 
espagnoles, auquel i'abbé de la Baie a^ait âéjk fait des ouvertures. Der 

{>uis (dusieurs^ mors Toussaint Leuverture eut arboré le drapeau Irieo^ 
bre,. si Villale auquel; il. avait oflert sa soumission ne lui [avait, 
répondu qu'il ne voulait pas entrer en négociations avec un misérabte 
esclave dévoué à la cause de la servitudet Cette réponse avait d.autaal 



fOO ItitttoiRfe B^sAiTi.— (1794 ; 

l^habhAfioB Ddà0MfcM HQ-ddSdtM iu fort Bizoton «ne redoute qu'il 

^arma de quelques canons. Le soldat européen nulleinent habitué à s< 

FBfp^r à de rudes fatigues sous le crdi brûlant des tropiques ne t«rda 

msà^toifiber malade. Dans la journyte il était exposé aux ra^ns dû soleil^ 

et pendant la nuit il faisait la palrouiilo souvent dans la j^luie. De 

lÂÙ hoinme$ d'élite des I2£*, 33* , 35\ et 41* débwqués au Port*» 

Républicain dans le mois de Juin^ il ne restait pas cent soldats. Ils 

avaient été enlevés par la fièvre jaune. JLes colons qui s'élarent livrés 

aux Anglais, profondément découragés, obtinrent' du général Whylé 

.que Venant de CharmiHy partit pour Londres, avec mission de de« 

mander des renforts au gouvememMi bMtannique. ]>e son côtéM^byte 

eraigaant de euoeoraber sous Tinfluence meurtrière du climat retourna 

en Angleterre. H fut remplacé dans le eommandement en cèef de 

St-Domingue par le brigadie^>général Horneck qui vint de la Jamaïque 

• au Port' Républicain au milieu de Septembre 4794. Horneok réuBÎssail 

toutes* les qualités propres Ji doftner de Téclat aux armes anglaises et 

. à faire aimer le gouvernement britannique; mais comme il n'avait 

^s flsses de forcés pour attaquer^ il se tint sur la défensive. 

Dans le quartier de rArtibonile, Thomas Brisbane remporCaii peu 
de succès sur les républicains noirs el jarunes commandés par Toussaint 
1.0uverture et par Blanc Gassenave. Rarement il parvenait à forcer 
le eordon de TOuest qui s'étendait des <ionaïves au Mireba*- 
lais* Toussaint ayant réuni toutes ses forces battit les Anglais à 
Biardiand, les chassa du pont de l'Ester, et les contraignit & aban^ 
donner toute ta rive droite de TArtibonite. Bes troupes en les pouf^ 
ouivant s'eitiparérent des Verrettes où il vint avec 40 dragons feîre 
^arborer le drapeau tricolore. Il enleva ensuite la Petite-Rivière d^ 
l'Artibontte au général espagnol SantaciKa. 

•Le mnjor Brisbane se résolut à le gagner au parti britannique. l\ 
lui .proposa une entrevue qui fut acceptée. Il ordonna à Lapointe eom« 
mandant de TArcabaie ^ de se rendre auprès de lui avec quelques 
troupes. LapcMnte arriva à St. -Marc avec 800 hommes de la milice 
royale et deux pù^s de 4. Brisbane se rendit à la digue de [l'Ar^ 
ttbonite à la tête de 2000 hommes et avec huit pièces ée 4 et de 8. 
li y avait à Tentrevue Brisbane , et Morin homme de couleur , son 
seerétaire, Lapointe, d'une part; Coudelet, Guy, ofiiciers de couleur} 
le colonel Christophe Mornay , le commandant Gabriel Lafond , noirs, 
et Toussaint Louverture , d'autre part. Après huit jours de conféren- 
ces, le général républicain , n'ayant pas trouvé l'oecasion d'enlever 
Ihomas Brisbane , parut sfkre soumis au roi d'Angletetre ; cependant 
il avait gagné au parti de la France , Blorin Tinterprëte <de Brisbane. 
tes deux armées se confondirent et nraternisèrent. Toù^int ne per« 
dant pas l'espoir d'arrêter le major anghis , voulut lui donner un gage 
dn la imeérité de sa soumission en lui Kvrant hi place des Genaîves^ 
U pensait qu'il s'; rendrait m fpersenne* jHew Brisbane en envoya 



HISTOIRE D^HAÏTI.— { 1T94 ) 201 

f^rendre possession )e colonel Gauthrer, homnfie de couleur. iPeu de 
jours ftprès/ Toussaint à la tète de plus de 2000 hommes pénétra aux 
Gonaîves, arrêta Gauthier, «t lenvoya au Port-de Paix. Les troupes 
anglaises qui occupaient quelques postes prés, dos Gonaîves échangé^ 
rent quelques coups do iusils avec les républicains, et rentrèrent à 
se Marc. Lapointe retottrna À l'ÂrcahaM oà le parti républicain s'était 
«Q peu agité pendant son absence. 

Le colonel Gauthier était arrivé au l^ort-de-Paîx. , Le gouverneui^ 
Laveaux M proposa d'entrer dans les troupes de la Républi* 
que. Gauthier lui tMclara qu'il ayiterait mieux mourir que de 
trahir la cause du roi d'Angleterre. Il fut livré 'à une commission 
militaire qui le condamna & la peine ^capitale , comme français traître 
< à la patrie. 11 maiHîlia au supplice ea criant tive le roi 'George et 
mourut avec lo plus grand tx)urage. 

Nous avons vu que pendant Tentrevue de la digUe dé rArtibonice^ 
Toussaint avait séduit le secrétaire de Brisbane , Morin homme de coup- 
leur, qui jouissait de toute la confiance du major anglais. Morin 
fit entrer dbos une vaste conspitution contre S. Mb B. tous les mu- 
lâtres de St. Marc et de Montruis dont la fidélité à TAnglelerre était 
déjà ébranlée par les écrits patriotiques de Pin'chinat^ et par les mau« 
▼ais traitewens qu'ils éprouvaient presque comme dans l'ancien régime 
île ta part des colons blancs. . Il écrivît à Toussaint Louverture que 
s'il se présentait devant St. Marc, les portes lui en seraient ouvertes. 
H n'y avait en cette ville que quatre-vingts sokkts européens, 200 
hommes du bataillon de Dilton , la légion de St. Marc commandée . 
par le colonel Dessoiirces, SOO espagnols qui avaient évacué les \erret-* 
tes et les milices des campagnes voisines; en tout 1,500 hommes. 
Pendant une nuit Toussaint i la tète de 41,000 hommes s'ap** 
prooha de St. Marc , et y fut introduit par 300 mulâtres qui 
s'étaient emparés des portails ; c'était le Sciptembre. Son «armée 
pénétra du côté des Guêpes. Bi^isbane surpris n'eut que le temps de se 
Fetirer au fort Libre avec quelques centaines de soldats. Les républi-* 
caios nus la plupart, au lieu de lui doaner assaut vigoureusement, se 
mirent à piller la ville. Gependwit -à la pointe du jour , il allait suc- 
comber, lorsqu'une (régate anglaise sortant du Môle entra dans le port^ 
a'embossa aussitôt vis à* vis des Guêpes, et caeonna sans relâche les 
répubircains. Lo lendcndain arriva une autre frégate. Toussaint per^ 
dant beaucoup de soldats, abandonna sa proie, et sortit de la ville 
avec un riche butin, accompagné de Morin qui dè& lors s'attacha à 
sa fortune. Le coloael Dessources le poursuivit ei lui tua quelques 
tralneurs. Les trois cents hotvMnes de couleur qui avaient pris^ les 
armes en &veur de la France , n'eurent pas l'énergie d'abandonner 
leurs propriétés pour suivre les r^uMieaiM qui étaient dans les 
plus grandes privafîow ne se nourrissant qxtê de maw et d'orângea 

swes. ih 0tfwgérmki k SrMmie une aérasse fM hMpielle ils le mg^ 



fOflf ^tstoiRt: B*0AiTi.— ( 1794 ; 

FhabiMtîôB Seè^MtcM VQ-dMdtM At fort Bizaton âne redoute qu'H 

.arma de quelques canons. Le soldat européen nuUement habitué à %ê 

Flîfr«r è de rudes fatigues sous le crdl brûlant des tropiques ne t^ixJa 

l^as à^tomber malade. Dans la jourt^ il était exposé aux ra^ns dû soleil^ 

et pendant la nuit il faisait la palrouiite souvent dans la ^uie. De 

740 hommes ééKte des 22*, 23% 35% et 41* débwqués au Port« 

Républicain dans le mois de Juin ^ il ne pestait pas cent soldats. lis 

avaient été enlevés par la fièvre jaune. JLes colons qui s'étaient livrée 

aux Anglais, profondément découragés, obtinrent' du général WhyM 

.que Venant de CharmiHy partit .pour Londres, avec mission de de« 

'mander des renforts au gouverneaiMi bMtanmque. De son côtéWliyte 

eratgaant de euoeornber sous TinHuence meurtrière du climat retourna 

en Angleterre. 31 fut remplacé dans le eommandement en chef de 

St-Domingue par le brigadiel*>générBl Horneck qui vint de la Jamaïque 

au Port'Ré|^ublicain au milieu de Septembre 4794. Horneck réunissait 

toutes* les qualités propres à doftner de l'éclat aux armes anglaises et 

à Taire aimer le gouvernement britannique; mais comme il «'avais 

^8 flsses de forces pour attaquer, il se tint sur la défensive. 

Dans le quartier de l'Artibonite-, Thomas Brisbane remportaii peu 
de silcoès sur les nïpublicaini noirs ^ jsmnes commandés par Toussaint 
JLouverture et par Blanc Gassenave. Barement il parvenait a forcer 
le cordon de l^Ouest qui s'étendait des <îonaïves au Mireba^ 
lais. ToMSâint ayant réuni toutes ses forces battit les Anglaisa 
Biarchand, les chassa du pont de l'Ester, et les contraignit & aban^ 
donner toute la rive droite de TArtibonite. Ses troupes en les pbuf'- 
enivant s'eiti parèrent des Verrettes où il vint avec 40 dragons fetre 
arborer le drapeau tricolore. Il enleva ensuite la Petite* Rivière d^ 
l'Artibonite au général espagnol SantaciKa. 

«Le major Brisbane se résolut à le gagner an parti britannique. l\ 
lui proposa une entrevue qui fut acceptée. 11 ordonna à Lapointeeom^ 
mandant de l'Arcahaie , de se rendre auprès de lui avec quelque^ 
troupes. Lapointe arriva à St. -Marc avec 800 hommes de la milice 
royale et deux pièces de 4. Brisbane se rendit à la digue de [l'Ar'^ 
tibonite à la tète de 2000 hommes et avec huit pièces ée 4 et de 8. 
Il y avait à Tentrevue Brisbane , et Morin homme de eouleur , son 
secrétaire, Lapointe, d'une part ; Coudelet, Guy , officiers de couKenr^ 
le eolonel Christophe Mornay , le commandant Gabriel Lafond , noirs, 
et Toussaint Louverture , d'autre part. Après huit jours de conféren" 
cee, le ^éral républicain , n'ayant pas trouvé Teecasion d'enlever 
t bottas Brisbane , parut sflre soumis au roi d'Angleterre ; cependant 
il avait gagné au parti de la France , Morin rinterprète [de Brisbane. 
&es deux armées se confondirent et fraternisèrent. Toussaint ne per« 
dant pas Tespoir d'arrètar le major anglais , voulut lui donner un gage 
de la imeérité de sa fomnissio& en lui livrant la place (bs Gonaïves* 
U pensait qu'il s'y rendrait en^ i^soaiie. Hais Bnebaoe en envoya 



HIStOlRE D*HAITI. — ,( 1^94 ) * 201 

j^renâre {losdessîon '1ë colonel Gauthrer, homme de couleur. Peu dô 
jours 9prè&, Toussaint à la tète de plus de 2000 hommes pénétra aux 
Gonaivedy arrêta Gauthier, ^t lenvoya au Port-de Paix. Les troupes 
anglaises qui occupaient quelques postes près, dos Gonaîves échangè- 
rent quelques coups de fusils avec les républicains, et rentrèrent à 
SrMarc. Lapointe retodrna ià l'Ârcahaw où le parti républicain s'était 
un peu agité pendant son absence. 

Le colonel Ôauthier était arrivé au )^ort-de-Paix. , Le gouverneui^ 
LaveauK lui proposa d'entrer dans les troupes de la Républi* 
que. Gatithier Itii tjléclara qu'il ayireraii mieux mourir que de 
trahir la cause du roi d'Angleterre. Il fut livré 'à une commission 
siiliiaire qui le Condamna & là peine ^capitale , comme français traître 
à la pétrie. 11 marcha au supplice ea criant tive le roi 'George et 
ODOurut avec lo plus grand tK)urage. 

Nous avons vu que pendant l^atrevue de la digue dé TArtibonite ^ 
Toussaint avait séduii le secrétaire de Brisbme , Morin homme dé cou- 
leur, qui jouissait de toute la confiance du major anglais. Moria 
fit entrer dans une vaste conspitutioii contre S. ftk B. tous les mu- 
lâtres de St. Marc et de Montruis dont la fidélité à TAngleterre était 
déjà ébraniée par les écrits patriotiques de Pîn'chtnat^ et par les mau« 
▼aïs Uaiteflaens qu'ils éprouvaient presque comme dans l'ancien régime 
île ta part des colons blancs. . Il écrivit à Toussaint Louverture que 
s'il se présentait devant St. Marc, les perles lui on seraient ouvertes. 
H n'y avait en cette ville que quatre-vingts soldats européens, 200 
hommes du bataillon de Dillon , la légion de St. Mare commandée ^ 
par le colonel Dessources, 800 espagnols qui avaient évacué les Verret-^ 
tes et les niiUccs des campagnes voisines; en tout 4,500 hommes. 
Pendant une nuit Toussaint à ta tète de i(,000 hommes sap^* 
prooha de St. Marc , et y fut introduit par 300 mulâtres qui 
s'étaient emparés des portails ; c'était le 6 Septembre. Son «armée 
pénétra du côté des Guêpes. Biûsbane surpris n'eut que le temps de se 
mirer au fort Libre avec quelques centaines de soldats. Les républi-* 
caias dus la plupart, au lien de lui dooner assaut vigoureusement, se 
mirent à piller la ville* Gépend»)t «à la pointe du jour , il allais suc- 
comber, lorsqu'une frégate anglaise sortant du Môle entra dans leporl, 
s'embossa aussûét vis à* vis des Guêpes, et caeonna sans relâche les 
répubiicains. Lo lendcniiaio arriva une autre frégate. Toussaint per- 
dant beaucoup de soldats, abandonna sa proie, et sortit de la ville 
avec un riche butin, accompagné de Morin qui dés lors s'attacha à 
sa fortune. Le colonel Desseurces le poursuivit et lui tua quelques 
tralneurs. Les trois cents hoimaes de couleur efui avaient pris^ les 
armes an feveur de la France , n'eurent pas l'énergie d'abandonner 
leurs propriétés pour suivre les répuMieains oui étaient dans les 
phi^ grandes privatîoas ne se nourrissant qxtê de niais et d'orânget 
auEras* lia att^ajfèfsnl à Srirtmie une aérasse par laquella ils la sug^ 



tu HTStôiRE d'haiti. — ( 1795 ) 

Nous avons déjà vu se dessiner l'anîmosité qui existait entre le 
gouverneur Laveaux et Viilate. Presque tous les anciens libres ^noirs 
et jaunes s'étaient prononcés pour Viilate et dans le Nord et dans 
TArtibonite ; au contraire, les nouveaux libres étaient la plupart pour 
Laveaux ; nous en avons dit lék causes. Toussaint persécutait cruel- 
lement Blanc Cassenave son lieutenant, liorame violent, brave et par* 
tisan enthousiaste de Viilate. Il avait cru s'apercevoir qu'il voulait lui 
enlever le 43ommandement du cordon de rArtibonile : ce q,u*aucun« 
des pièces que nous avons eues sous les -yeux ne constate. Blanc Cas- 
senave occupait la Petile-Rivière de rArtibonite ; il avait fortifié pour 
s'opposer aux incursions et des. Anglais et des Espagnols, le mornet 
de fa Crête à Pierrot qui.domine le bourg , et avait armé ce nouveau 
fort d'une pièce de 12 et d'une pièce de iO. 

Pendant <;et intervalle , les Espagnols forcèrent la porte de la savanne; 
mais ils furent taillés en pièces par Blanc Cassenave. En même temps, 
Vallery, commandant du poste Labadie, n'ayant à sa disposition que 
35 livres de poudre que Toussaint lui avait envoyées des Gonaïves, 
arrêta l'élan des Anglais par une rare opiniâtreté; il ne cessa de re- 
pousser l'ennemi par Tarme blanche. Toussaint se fit une arme contre 

' Cassenave des succès obtenus par Vallery , sans munitions : il Tacousa 
de vendre à son profit les poudres de la République, parce qu il lui 
€n avait envoyé 300 livres et qu'il en demandait encore.^ Il expédia 
aux autorités de la Petite Rivière un adjudant-major qui leur annonça, 
en son nom , que si elles ne ménageaient pas mieux la poudre , elles 
en répondraient sur leurs têtes. Blanc Cassenave ne put plus con* 
tenir son indignation; il déclara qu'il aimerait mieux vivre sauvage 
dans les bois que de'continuer à recevoir des humiliations de Tous* 
saint Louverture; il fit même l'éloge de \illate, et dit que celait le 
seul homme qui put sauver la colonie. 11 avait gagné à son parti 
Guy et Christophe Morney. L'insubordination et le désordre se mani- 
festèrent d.ans les camps de ces deux officiers ainsi qu'à la Petite-Ri' 
vière de l'Arlibonite. Les Anglais se disposaient à en profiter. Blanc 
Cassenave fit fusiller plus de (fuarante hommes qui étaient, disait-il, 
dévoués au parti royaliste. Toussaint, de son côté , qui avait résolu 
dç l'arrêter assurait qu'ils n'étaient que ses ennemis personnels, il 
manda aux Gonaïvec successivement les diflerents chefs qui comman- 
daient au cordon de l'Artibonite, et les renvoya à leurs postes. Cas- 
senave fut mandé le dernier ; mais quand il entra aux Gonaïves il fut 

. arrêté et emprisonné : il y avait en celte ville plus de 4,000 hommes 
que Toussaint y avait réunis. Alors vinrent contre lui des dénon- 
ciations de tous l«s points de l'Artibonite : c'était à qui le chargerait 
peur plaire à Toussaint Louverturel On raccùsaii d'avoir excité les 
cultivateurs à ne pas travailler , en leur disant que Laveaux et Tous- 

^ • Corre^ponljiacd ds Toussaiat avec Lavea«x. 



BÏSTOi&E D'eAITt.— ( 179i ) 



âià 



isaint voulaient rétablir l'osclavoge; d^avoir contrarié Tétablisisenoent dé 
la municipalité à la Petite Rivière ; d'avoir fait transporter ehez lui le 
butin qu'il faisait sur l'ennemi^ et d'en avoir privé les soldats; d'avoir 
^té Fauteur de. la graildé misère qui eîistfiit au cordon de rArtibonite, 
De son côté , Toussaint l'accusa auprès du gouverneur Laveaut ^ 
d'avoir conçu le projet de se rétirer dans les montagnes des Cahos voi- 
iBines du Mirebalais, pour y vivre dans {"indépendance; de n*avoir 

i)as fait cultiver un pouce de terré, et d'avoir travaillé à la ruine de 
a République. Il prétendait que lorsque des soldats noirs élaient 
blessés, Blanc CassenaVe leur refusait les soiiis que commandait Thu- 
tnanité, soUs prétexte qu'il y avait déjà trop de nègres.* Cependant 
Cassenavé était, aimé de ses soldats, noirs la plupart, et ils appri- 
k*ent sa mort avec unç désapprobation bien marquée. 

Peu de jours après*son arrestation en Février ,1795 , il fut trouvé 
inort dans sa prison des Gonaïves., Le lieutenant colonel Vernet qui 
Commandait la place , annonça a Toussaint qui se trouvait à TArti- 
bonite , que Gassenave était mort étouffé par la colère. Il est im» 
possible de peindre la joie cruelle qu'en ressentit Toussaint Louver- 
lure. Le 6 Février 1795 , il écrivit à Laveaux : c Blanc Gassenave 
« pendant sa détention a clé atteint d'une colère bilieuse qiii avait 
« toutes lés apparences d'iihé rage effrénée; il est mort étouffé: requis 
€ escat in pac^i 11 est hors de ce mondé; hous en devbné à Dieu de8 

actions de grâces^ Cetle mort de Blanc Gassenave a anéanti contre 

lui toute espèce de pro('édure , attendu que de son crime il n'y a 

point dé complices ni de paHicipeê. » 

Après cet événement , l'autorité do Toussaint LduH^erttirô ne rencontra 

J)lus aucun obstacle dans l'Artibonite ; et parmi les hommôs de côu^* 
eur du Nord, il n'y eh à\àit plus qu'un dont 1 autorité put cou* 
irebalaneer^lâ sienne: c'était Viilate que nous verrons bientôt tom* 
ber. Après la chute de ce dernier^ Toussaint favorisé par le gouver-^ 
tieur La veaux , grandira prodigieusement et songera à Ëiixe péaétref 
j^oQ infiuence tant dans l'Ouest que dans le Su4* 



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0onmair€, Mort h Kobeepierrf.-^JafAme&t «ur RoVfpîerr«.<^ TmitsainC bat fei Att^ 
gltis sur touta la ligne de l' ArtiboD.ite.-^ Mort de Thomas Brisbane.—» Toussaint 
•ttaquo St-Marc sans suce èa.-*Bau vais et Kigaud attaquent le fort Bizoton.-^Mort 
de Mirkham — Les Anglais se tiennent sur la défensive. — Résultats administratifi 
de Bauvais et de Kigaud.-^ Revenus publics.*^ De nouvelles troupes anglaises dé- 
barquent au Port Républicain. — Le général Wiiiiamson remplace le brigadier^gé* 
fféaéral Horaêck.— Adresse de Jean François aux troupes républicaines. — Réppnso 
ne Toussaint. — Laveaux donne des numéros aux troupes franches. — ("armatioa des 
1ère, 2e. j 3e., 4e., 3e, 6e., 7e. et 8e demi-brigades coloniales. — Le major-gé» 
néral Forbes remplace Wiiiiamson — De Bruge évacue le Mirebalais. — Paul Lou-^ 
yeriure gq prend possession. — Lapoiate et D^ssources reprennent le Mirebalais.—- 
Traité de Bàle. — Décret du 5 Thermidor aà Z. — Départ de Jean François pour 
l'Espagne. —-Rapport de Garran Coulon.^-La Convention nationale décrète la mist 
en liberté définitive de Soathonax. — Résumé de la conduite de Sonthonax à St- 
Doihingue.-^ Le général Bowyer est repoussé de Léogane.— Laveaux parcourt le 
oprdon de PArtibonite.—- Dessources incendie les Verreltts — Toussaint reconstruit le 
bourg — Dieadonné embrasse la cause des Anglais. — Rigaud et Bauvais le font 
arrêter— Etienne Uaty soulève la montagne du Portée-Paix. — Toussaint apaisa 
la révolte. — Révolte de Titus étoufiée. — Bauvais et Rigaud envoient au Cap, Pm* 
chinât, Sala et Fontaine. — Bauvais et Rigaud demandent à Laveaux la convoca- 
tion des Assemblées primaires. — Grande agitatid?n au Cap contre Laveaux.— Jour* 
née du 80 Ventôse.— Arrestation de Laveaux.— Le colonel Léveillé en avertit Toua> 
saint. — La Municipalité du Cap met Laveaux en liberté. — Villate se retire à la 
Martellidre — Toussaint arrive au Cap. — Lavesux le proclame son lieutenant au 
gouvernement de St-Domingue.— Prépondérance définitive des noirs dans le Nord 
et dans TArtibonite. 



En France la Convention 'Nationale avait abattu Bobespierrei cet 
ftuge de la mort qu'avait aimé la liberté , et qui lui fit kerrenr aj^réfi 



JIISTOIRE D'nAlTI.r-( 1795 ) ÎIT 

la victoire, llobe$pierre se jeta dans un abîme en Voulant préoipiteV 
la marchd de la révolution. Le peuple français omporié dans les tour- 
mentes des convulsions politiques ne v pouvait mettre en pratique la 
théorie de la démocratie pure qui ne se maintient dans un état qu'au 
sein d'une paix profonde qu'entretiennent le travail et l'industrie. 
Le développement de la civilisation , les principes de 89 (]ui pénètrent 
peu k peu dans les veines des populations européennes , amèneront 
infailliblement ce que Robespierre voulait obtenir sans retard par la force 
des baïonnettes. Néanmoins l'histoire ne peut maudire ces êtres terribles , 
effrayants, au cœur de fer, à intelligence supérieure, que la Providence 
envoie aux peuples quand leur existence nationale est attaquée par des 
légions de mercenaires qui , pour détruire un noble principe , croyant 
défendre une cause sainte et légitime , se livrent «aux plus grandes' 
horreurs et poignardent h liberté. Robespierre transforma la France 
en un volcan en éruption dont il était le foyer. Les laves de ce 
volcan allaient couvrir toute TEurope déjà épouvantée des tourbillons 
qui^la menaçaient, lorsqu'il perdit le souffle embrasé qui Tanimait. 
6'il n'était pas tombé que serait41 arrivé? Que TEurope entière comme 
la Frande jouirait aujourd'hui des bienfaits de la liberté aussi douce, 
aussi tendre., aussi compatissante, qu'elle est foudroyante, quand elle 
est attaquée. Mous autres Haïtiens , nous devons aussi notre indépen- 
dance à un de ces êtres terribles ; nous l'avons aussi abattu , après la 
victoire , parce qu'il n'avait pas compris que sa mission était terminée. 
Pouvons-nous tie pas élever Dessalines sur un piédestal, tout en frémis- 
sant devant son bras de géant, qui, pour nous tirer de l'avilissement, 
exécuta ce que nous n'avions pas le oœur de faire. Si nous reconnais* 
sons que ces hommes en extirpant le mal jusqu'à la racine, noua^ont 
sauvés, quoiqu'ils nous aient feit souffrir cruellement , racontons nos 
époques de gémissement, mais ne nous en plaignons pas : nous avons 
été heureux de la proclamation de la liberté générale par la Convention 
nationale en 1794; cependant cet acte occasionna Textermination de 
l'ancieiine classe privilégiée de la colonie ; si nous vouions être libres, 
ayons l'énergie de le devenir , sinon soyons de dociles esclaves. La 
Providence envoie sur la terre, à de longs intervalles , ces anges ex- 
terminateurs pour punir les classes privilégiées qui , trop souvent, sans 
entrailles, pour le peuple, le confondent avec le bétail. Les Romains 
se défirent de Romulus parce qu'il était devenu tyran ; mais ils !• 
placèrent au ciel parce qu'il avait été le fondateur de Rome. 

Nous ne tarderons pas à voir la Convenlion dont les victoires avaient 
sauvé la nationalité française, jeter un regard sur S\-Domingue, et 
envoyer des récompenses aux fils de l'Afrique qui y défendaient la 
eauM de la liberté avec un héroïsme égal à celui que déployaient en 
Europe les troupes patriotiques. 

Pendant.ee temps la guerre continuait a^eo fureur i' S^-Domin^nt 
«ir la rive ^attolia éè r4rtiboftîle «ntre les m^aii et lee r^|iiiMieaiiit^ 



ai3 JaistotRfc D'îUiti.— ( Î79Ô ) 

tirisbane fît sortir de son camp, un convoi de rtiiinîtions de guerre et 
de bouche pour un des poster qu'occupaient ses troupes le long dô 
TAilibonite. Christophe Morney traversa ce fleuve, tourna le camp 
ennemi et alla s'établir on embuscade sur le chemin de S*-Marc. Les 
Anglais tombant dans les embûches qu'on leur avait dressée» furent 
tailles en pièces. Le colonel Dessources aecourut au secours du coq* 
voi , à la tôle dé sa légion coloniale ; il fut battu à son tour , fut 
blessé à ia cuisse , et ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval; 
il laissa soixante grenadiers sur le champ de bataillé. Cet échec ne 
r;ilenlit pas Tardeur de Brisbane ; il attaqua le cordon républicain avec 
des forces supérieures, traversa même TArlibonite, et se répandit sur 
la rive droite du fleuve^ Christophe Morney lé contraignit à repasser 
TArtibonite^ aprè%,lui avoir fait éprouver des pertes importantes. 

Brisbane et Duquène revinrent à la charge^ et attaquèrent les camps , 
Coursin et Moreau ; le combat dura toute la journée; mais les .Anglais ' 
furent obligés de battre en retraite. . En mémo temps ils assaillaient 
les redoutes élevées au bas de rArlibonile* • 

Brisbane résolut de diriger une attaque générale sur toute là ligné 
du cordon républicain^ Lapointe vint à S* Marc avec la légionr d'York^ 
infanterie, cavalerie et artillerie. Pendant que tous les camps dq cordon 
étaient atta(|ués, Brisbane se porta eh personne sur le bourg de la 
Petite- Rivière de TArlibonite. Toussaint y commandait; il lit dresser 
contre Tarnée anglaise une batterie de deux pièces , Tune de 4 , làutre 
de 12 , et força Brisbane à la retraite. En même temps une frégate 
de S M. B. canonnait le fort de la Grande Saline, en éteignait lefeu; 
Les Anglais débarquèrent, et sa çetranchèreat non loin du rivage^ 
au lieu nommé la Guildivc; 

Toussaint, après avoir chassé Brisbane des environs de la Petite* 
Rivière ^ lança toute sa cavalerie dans la Grande Satine , chargea les 
Anglais avec fureur et les rembarqua malgré le feu vif de leur artillerie. 

Pendant son absence Brisbane s'était établi à la digue de l'Artibo^ 
nite. Le 6 Février, dans une escarmouche, il fut atteint d'une balle 
doTTiére le cou , et fut transporté à St-Marc: 

Le commandaat Valéry , d'après les ordres de Toussaint^ enleva dans 
les hauteurs des Verrettes les camps Martineau et Dessources qu'occu* 
paient les Anglais. Toussaint se transporta dans les Grands Cahos^ 
, montagnes presque inaccessibles, éloignées de douze lieues de la Petite-. 
Rivière, et y établit une ligue de camps sur les limites du quartier^ 
de l'Artibonite. 

Au eommencement de i79S , une multitude de personnes sorties dB 

St-Marc, de Montrouis ^* des Verrettes, vinrent se réfugier à l'Artibo^ 

* Dite^ ne voulant plus vivre sous la domination anglaise. Elles aug-^ 

mentèrent la disette qui y régnait déjà. Il fallut y nourrir 6,00$ 

bammes qui otcupaient treate-deux camps. Toussaint souffrait de toutes ' 

IVir4^ de ^privations : q^ualre-c^ots livr€« de poudre ^u'il res,ut d& lê^\ 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1795 ) 219 

Veaux, par Tenlremise du commandanl Vcriiel, lui fut cVdn grand 
secours. Déployant toujours beaucoup de piété, il ne négligeait pas 
ses devoirs religieux tout en combattant les Anglais. Il avait (ail venir 
aux Gonaïvos le curé de la Mariuelade qui ofliciail chaque jour , cl 
Jbaptisait tous les enfants. 

Il se rendit au camp Grasset. Avant d'attaquer le camp Mollet 
qu'occupaient des royalistes français au service de T Angleterre, il les 
exhorta à arborer le drapeau de la République qui se couvrait de gloire 
nux yeux d( l'univers entier. Mais il les avertit aussi que si dans une 
heure, ils ne s'étaient pas prononcés, il les passerait au (il de Tépéû. 
£n elfet dès que Theure accordée fut expirée, il marcha contre oux^ 
les battit , et fit tuer tous ses prisonniers à coups de baïonnettes. 

Quinze jours après, Thomas Brisbane mourait à St Marc des suites 
'de la blessure qu'il avait reçue à la digue de TArtibonite. ( 2 Mars 
i705. ) Sa mort fut une perte réelle pour les Anglais ^ et les hom* 
mes de couleur de St*Marc qu'il protégeait contre le parti colonial ^ 
il est vrai souvent sans succès, le regretteront. Il était arrivé à S^« 
Domingue, capitaine au 49° régiment. Les Anglais commandés dans 
le quartier de TArtibonite par des ofliiciers moins l^abiles perdirent , 
deux semaines après sa mort, plusieurs points importants. En Mars 
Toussaint adressa une proclamation à tous ses frères et sc^urs des Verret- 
tes. Il leur disait que le moment était arrivé où le voile épais qui 
obscurcissait les lumières allait tomber ; qu^on ne devait plus douter 
des décrets de la Convention nationale ; que les Français étaient leurs 
frères; mais que les Anglais, les Espagnols et les Royalistes étaient 
des bètes féreces qui ne les caressaient que pour sucer jusqu'à satiété 
leur sang , celui de leurs femmes et de leurs enlans. Cependant il 
ne put entrer aux Verretles. 

La veaux résolut de diriger une attaque générale contre les Anglais, 
dans toute la province de TOuest. Il écrivit à Toussaint d'assiéger 
St-Marc, à Bauvais et à Rigaud, d'assiéger le Port Républicain. Il 
comptait beaucoup sur une diversion de ^a part des républicains qui 
étaient dans ces deux villes; et il avait ap];^ris d'une manière certaine 
qu'un parti s'était organisé au Port -Républicain , en faveur de la 
France. 

Toussaint partit des Gonaïves, et cerna étroitement St Marc avec 6, 
000 hommes. Cette place avait été admirablement fortifiée par Bris* 
bane. Les républicains donnèrent sans succès plusieurs assauts à la 
ville ; ils furent vigoureusement repoussés par la garnison anglaise dont 
l'artillerie était parfaitement servie. Comme Toussaint perdait beaucoup 
de braves soldats à ces attaques infructueuses y Laveaux lui envoya l'or- 
dre de lever le siège. Il obéit ; mais il transporta sur la rive gamche 
de l'Artibenite tout son cordon qui était sur la rive droite. 

Pendant ce/ temps les généraux Bauvais et Rigaud avaient réuni J^ 
Léogane S,000 hommes de troupes tant d« la Lôgioo de l'Ouest qu#4ei: 



Î26 lîisîoïRÈ d'ùait:!.— ( 1Î95 ) 

colle de régal ilô du Sud. Au milieu de Mars, ils arrivèrent au carre** • 
four de Truticr où ils rencontrèrent les avant-postes anglais <}u'iis èut^ 
butèrent. Bauvais à la tète de la légion de TOuest s avança jusque 
sur rhabilation Cote où il établi! son quartier général. Il ordonna atit 
troupes de nettoyer leurs armes ; les compagnies d'élite seules demeuré* 
rent rangées autour de sa tente. Les soldats rompirent aussitôt leurs rangs» 
Pendant que les uns démontaient leurs fusils , les autres allaient à lama*^ 
raude dans le voisinage. Des cuiiivaleurs qu'ils maltrailàrent \inrentannon* 
t^eraux Anglais que les républicains n'étaient pas sur la défensive , et qu'ils 
étaient dispersés dans les campagnes. Le 18 Mars (28 Ventôse an 3) le gou- 
verneur Ilorneck (it sortir du Port-Républicain , mille hommes de troupes 
européennes, sous les ordres du lieutenant colonel Markham. A neuf 
heures du matin, les An(|[lais surprirent les avant-postes républicains 
et les culbutèrent. Mais les compagnies d'élite de fa légion de l'Ouest 
qui étaient sous les armes accoururent sur le champ de bataille, et 
rétablirent le combat. Malgré le feu vif de leur artillerie, les Anglais 
furent contraints de perdre ilu terrain. Leurs tirailleurs se répandi- 
rent sur la gauche du grand chemin pour totirner les républicains | 
mais ils rencontrèrent le lieutenant-colonel Pétion qui les arrêta par 
plusieurs décharges à mitraille d'une pièce de 8 qu'il avait établie 
sur une petite élévation dominant la route. Us formèrent alors une 
niasse et attaquèrent avec une nouvelle vjgueur la légion de TOuesli 
Les 350 grenadiers et chasseurs de ce^ corps qui supportaient seuls lu 
feu depuis le commencement de l'action , avaient déjà perdu 200 hom« 
mes. Bauvais , à leur tète , s'exposait .comme le dernier des soldats^ 
La légion du Sud qui était à Mariani et à Trutier , entendant le bruit 
du canon, accourut sur le champ de bataille. A l'arrivée de Rigaud 
les Anglais battirent en retraite. Pendant ce temps les trois batail^ 
Ions de la légion de l'Ouest qui étaient dispersés à la maraude, se 
réunirent et vinrent renforcer l'armée républicaine. Un jeune sergent 
de la légion de l'Ouest que les Anglais avaient entraîné dans leur 
retraite, mit le feu à leurs caissons, et se fit sauter, en se sacri-« 
fiant pour la cause de la liberté. Cette explosion répandit le plue 
grand désordre dans les troupes britanniques; Bauvais et Rigaud, en 
profitant , se précipitèrent avec impétuosité sur les Anglais , les cul- 
butèrent , et leur prirent quatre pièces ^de canon ((ie 4, de 8, de 12, 
et de iO.) Le lieutenant-colond Màrkham fut tué dans la déroute. Ua 
cavalier républicain, encore adolescent, eut l'imprudence de poursuis 
^re les Anglais jusqu'à Bizoton où il fut pris. Le commandant Bou« 
tillier , touché de son jeune âge , l'exhorta à crier vive le roi George , 
ou vive le roi de France. Il préféra la mort à la trahison. Il mar- 
cha ^u suppliée en criant vive la République! 

Cuvais et Rigaud firent offrir au général Horneck de lui envoyer !• 
eadavre de Markham , demeuré sur le ebamp de bataille. Le gouver» 
Beur Anglais accepta cette^ générosité avec reconaaiseanee. On »Mr 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1795 ) ' 221 

pendit les hostilités pour le reste de la journée. Cinquante cinq of- 
iicîer^ républicains et 500 grenadiers accompagèrent lo corps jusqu'au 
portail de Léc^ano où il fut livré aux autorités anglaises. lloi-necU 
envi>ya des complimenls à Bauvais et à Kigaud. Ceuxci écrivirent 
à La veaux,' mais sans succès, de faire de nouveau assiéger St. Marc> 
afin de faciliter àne nou\eile attacfuo contre le Port-Républicain. 

Les républicains reconnaissant l'inipossibilité d'enlever d'assant.ld 
fort Bizoton , et manquant de munitions de guerre et de bouche , 
retourDèrent à Léogane avec les canons qu'ils avaient pris. 

Les Anglais firent arrêter les français noirs, jaunes et blancs qui 
avaient été soupçonnés d'avoir' voulu favoriser Tenlrée au Port Répu- 
blicain de ' Bauvais et de Rigaud. Ils en fusillèrent cent soixante 
sept , tant en cette ville qu'à TArcahaie. 

Les Anglais n'ayant pas asssez de troupes pour étendre leurs con« 
quêtes , se tinrent sur la défensive. 

Les généraux Bauvais et Rigaud portèrent alors toute leur atten* 
tion sur la culture et l'ordre public : ils parcoururent les campagnes 
deTOucst et du Sud, prêchèrent le travail , e^^hortèrent les nou\eaux 
libres à S} livrer, leur faisant comprcudi^e que sans culture, par 
conséquent sans ressources , la Répupliquc ne pourrait soutenii la 
guerre , qu'ils seraient \aincus , et que les Anglais les replonge- 
raient dans l'esclavage. Ils obtinrent de bon$ résultats: la cufture re- 
prît de la vigueur ; do nouvelles constructions s'élevèrent dans les^am- 
pagnes sur les ruines des anciennes. Cette disette affreuse qu'on rcs* 
sentait dans le Nord et dans l'Artibonite était inconnue dans Tar- 
rondissement de Jacmel et dans lé Sud. Rigaud , secondé par l'or* 
donnateur Gavanon , mit en vigueur la plupart des réglemens de Pol^ 
vérel sur la culture. 

c Des inspecteurs choisis parmi les hommes les plus humains , des 
i anciens conducteurs et les plus instruits dans ces opérations furent 
< commis à cette surveillance, sous les ordres d'un inspecteur gêné- 
f rai. Le citoyen Lefranc, commandant le quartier de St. Louis , fut 
« élu pour reo^plir cette place pénible. Le zèle avec lequel il exerça 
c cette fonction a puissamment contribué à la restauration des cultu- 
€ res, y^ * Le port des Gayes était rempli de bàlimcns i^Butres qui 
jipportaient de riches cargaisons.. Les rivages étaient [iiolégés par de 
nombreux corsaires qu'armait le général Rigaud. Souvent ces navi« 
H% capturaient des négriers Anglais qui transportaient des noirs , de 
la côte d'Afrique, à la Jamaïque. Rigaud donnait la liberté ^\x% 
«sclaves ; et en récompensant les corsaires , il les excitait ù faire aux né^ 
griers une chasse active. Quand ils entraient aux Cayes avec des 
africains qu'ils avaient délivrés, il leur donnait le produit de souscrip^ 
^i^n% \oIontair(»s qui $' élevaient quelquefois jusqu à 20,0Q0 francs. 



è22 ' HISTOIRE D*IIAITr — ( 1795 ) 

« Les revenus publics consistaient principalement dans la percepironr 

< d'un ancien droit de douane , conservé sous le nom de droit d'oc- 
4 troi et d'occidcnl; dans la recette dfe- la subvention du quart de- 
« tous les revenus particuliers , établie par décret de la Convention^ 

< Nationale du mois de Mars 1793, et dans le produit de toutes celles. 
« des habitations apprtenant à la rtépubliqjue etsé(|uesti*éesà son pro- 
« fit, qui pouvaient être cultivées. » 

Vers la lin d'Avrir les Anglais reçurent au Port^Républicain un ren- 
fort de 2,500 hommes des 81% 82** et 96** régiraens ewopéens. Le: 
général Wiliiauison , gouverneur de la Jamaïque,, dans le même mois 
lut honoré de l'ordre du bain. Il vînt' au Port-Ilépublicain dans le 
courant de Mai, avec le titre de gouverneur général et commandant 
en chef des possessions de S. M. B. à St. Domingue. Il remplaça: 
le général Horneck. Aussitôt après son arrivée , il établit une ligne 
de iortilications depuis Ihabilation Thaumazeau jusqu'aux extrémités 
de la plaine du -Cul-de-Sîïc ; el depuis le quartier des Grands Bois, 
jnsqu'à St. Marc , en suivant la chaîne de mornes qui s'étendent en*- 
tre la plaine de l'Arcahaie et celle qui longe les bords de l'Artibo- 
nite. Dans le Sud, une ligne des postes s'étendit de Jérémie à Dame- 
Marie à travers les montagnes. Pour occuper tant de points , il fallait 
(Je nouveaux soldats. NViiliamson acheta des planteurs les plus riches,^ 
une grande quantité d'esclaves, et en fit des soldats: les légions color 
DjaléB déjà formées furent renforcées. 

La plaine du Cul de Sac et celle de TArcahaie étaient admirable-» 
ment cultivées. Les colons, sous la domination anglais^ , déployaient 
autant de férocité contre leurs esclaves que dans l'ancien régime. 
Quant à Lapointe il retirait de la petite plaine de l'Arealmie, dosi^ 
produits considérables, par un travail presque au dessus des forces hu- 
maines. Jamais avant i789 les esclaves n'avaient été aussi maltraités. 
Dans la légion d'York l«s noirs ne pouvaient atteindre qu'au grade 
de sous officiers. , Lapointe était aussi impitoyable envers eux , qu'à, 
regard des colons et des émigrés français. Quand ces derniers iuL 
fournissaient l'occasion de les frapper , il les immolaient sans commi- 
sération : il était le type de boaucouq d'anciens libres : fier et arro- 
gant avec Je noir, et ennemi implacable du blanc. Les Anglais qui 
avaient besoin et de son influence et de son courage, lui pardonnaient 
tout. Le commerce était florissant à l'Arrâhaie, au Port- Républicain 
•t à Jérémie ; et quand les troupes n'étaient pas en campagne , on. 
86 livrait dans ces villes à toutes soKes de plaisirs : bals, concerts,, 
théâtre. 

Pendant ce temps les espagnols employaient tous les moyens pour 
attirer dans leur parti les noirs républicains. Le marquis de Casa* 
Calvo qui camumndait à Bayaha ou Fort Dauphin éciivil (24 Avril)' 
à Jean François de ne rien négliger pour obtenir ce résultat. Celui-ci 
envQya à IVmée républicaiqe ^ campée au Doadon (11 Juin) , uac 



ntsToiRE D^HAirr— ( 1735 ) 223 

• 

adresse dans laquelle il oxhortîiit les noirs français, royalistes et ré-^ 
publicains, à se faire espagnols, s'ils ne voulaient pas s'exposer à 
redevenir un jour esclaves. Il leur disait , qu^ si la Uêpub!i(|uc ftan 
çpise triomphait de la nnonarchie française, ils seraient de nouveau 
plongés; dans la servitude; et que ce serait la môme chose, si la 
monarchie renversait, lu République, attendu que ni lune ni Tautre 
ne les avaient rachetés. Il ajoutait que le roi d'Espagne en payant une 
indemnité aux maîtres de tous les, noirs devenus espagnols , avait réel- 
lement émancipé ces derniers, 

Toussaint et les officiers de Tarmée campée au Dondon lui répon- 
dirent, (15 juin.) entre auti'es choses, « Vous Q\ez bien raison de 
« dire que notice liberté est bien différente de fa %étre. Vous n êtes 

tf que de vils esclaves ou sujets du roi d'Espagne « . . . vous. 

c demandez si un républicain est libre? Il faut être esolave pourt 
« faire une pareille demande. 'Osez vous bien , vous Jean François, 
« qui avez vendu à Tcspagnol vos malheureux frères, qui acluelle- 
« ment fouillent les nîines de cette détestable nation, pour fournir 
« h l'osten ration de son roi ; osozrvous bien nous représenter que c'est 
« du produit de nos sueurs que la République fournit à pos besoins 
< etc. etc. • 

Jean Français ayant échoué dans ses tpntàtives de séduction , fit 
dttaquer tous les camps républicains de la Montagne Noire et do la 
Grande-Rivière. Il fut repoussé avec perte sur tous les points. 
(Juillet). Ëfi môme temps les troupes anglaises qui occupaient le 
ftfirebalais attaquèrent un des postes établis dans les montagnes des 
Cahos , et Tenlevèrent, Une autre colonne anglaise qui était sortie, 
de St. Marc, sous les ordres d*un nonimé Jean Jeanton , rencontra 
une forte patrouille républicaine ; Ton se battit de part et d'autre 
avec acharnement ; les Anglais culbutés , laissèrent leur chef sur le 
champ de bataitle. Comme Jeânton était un royaliste forcené on le 

fusilla. Sa tè(e et ses épaulettes furent envoyées au cordon- républi- 

. ^ - 

<:ain. 

Pendant que les Anglais renforçaient leurs troupes coloniales, legou^ 
verneur Laveaux ordonnait à Toussaint Louverture de donner des nu« 
méros aux troupes franchies soqs sçs ordres. |l Iqi envoya des bre- 
vets en blanc pour les officiers qui devaient êtie placés dans ces corps». 

Les paroisses de Plaisance, de la Marmelade, du Dondon, d'Enne* 
ry, de Hinche, fournirent -4,000 braves citoyens dont Toussaint forma 
ndeux régimens; le i^"^ oq des sans ciilQttes; et le S®""® de jeunes gens 
principalement reerutcs à Plaisance et au Dpncion. Il y avait déjà au 
Cap une légion dite du Nord de trois bataillons, et composée en grande 
partie des anciens et des nouveaux libres du Cap. C est celle légion 
avec laquelle. Villate fit tant 4^ prodiges do valeur contre les £spagnol& 
^l contre les Anglais. 

If^s 3* 01 A^ régimens , commandés par Christophe ftlorney et pa^. 



^2i HISTDIB£ D'HAÏTr.— .( 1794 ) 

Dessalines furent composés de 4,000 hommes qui oecupaient fe Oùf^ 
don s étendant de la Saline de TArlibonite au haut des Lianes dans, 
les limites du Mirebalais. Le camp Flavilte occupé par les; ci- 
toyens de la SoulTriôre, de la Grande Rivière , de la rivière Doi'ée , 
du Fond-Bleu, fournit quatre régimens: le 5^^ colonel Moyse, le 6% 
colonel Glervaux , le 7* colonel Desrouleaux, le 8* colone) Jlean-Bap- 
liste Paparel. Ces deux derniers corps demeurèrent soua les ordres, 
du colonel Flaville. 

Datis le courant du mois d'Août le reste du 82* régiment anglais 
arriva au Port*Républicain : 980 hommes débarquèrent en parfaite 
santé ; au bout de six semaines , il n'en resta que 350 homii>es : la 
fièvre jaune en avait enlevé 630.* Ces troupes, moissonnées par la 
inaladie, abattues, découragées ne purent êire d'une grande utîlké. Le 
gouverneur WilJiamson , contrarié par une peste aussi épouvantable , 
ne put rien entreprendre d'important. D'un caractère faible , il se laissa 
dominer par quelques personnes qui ne cherchant qu'à satisfaire leura 
intérêts privés reniratnèrent dans un système ruineux de dépenses. 

Le vicomte de Bruge qui commandait au Mirebalais obtint de Wii* 
liamson des sommes considérables pour élever , une fortificatioi» 
contre les agressions des républicains : il ne construisit qu'une* 
redoute de peu d'importance , en contraignant au travail les cultivateurs 
et les soldats, et fit son profit de la totalité des sommes qu'il avspl 
reçues. Williamson curieux de visiter ce fort qui avait nécessité tant 
de dépenses , écrivit au vicomte de Bruge qu il allait se rendre au Mi- 
rebalais. Celui-Qi, effrayé d'une visite dont le résultât eût été de faire 
découvrir toutes ses fraudes , et apprenant qu'une faible colonne ré- 

f)ublicainc s'était présentée dans, les hauteurs du Mirebalais , fit sauter 
a redoute qu'il avjil élevée , évacua le bourg, et rentra au Port- 
Républicain. Il annonça au gouverneur anglais que menacé par des 
forces considérables qui l'avaient déjà presque tourné, la^ prudence mî-^ 
lilaire l'avait obligé à abandonner le Mirebalais. 

Toussaint apprenant l'évacuation de celte importante position, y em* 
voya le lieutenant-colonel Paul Louverture son frère qui en prit pos-^ 
session. Lescahobes tomba aussi au pouvoir des républicains. 

Williamson eut la faiblesse de ne pas punir de Bruge. Ilseconten-^ 
ta d'ordonner de reprendre le Mirebalais. Deux colonnes anglaises se mi- 
rent en marche contre ce bourg : l'une sortant du Port Républicain , 
l'autre sous les ordres de Lapointe sortant de TArcahaie. Après deux 
jours de marche les troupes britanniques atteignirent le eaitip Michel. 
Paul Louverture vint à la rencontre de 1 ennemi. Dès que les Àngtaîs 
le découvrirent, ils lancèrent contre lui les régimens d'Yorck et de 
Dessources. Les républicains furent culbutés après une résistance opi- 
niâtre. Los hussards allemans, au service de l'Angleterre, ainsi que 
la cavalerie d'Yorck , les poursuivirent avec impétuosité. Paul Louver*^ 
ture fi'évita les wups de l'iondoû qu'es se sauvant à travers les bois^ 



iriÏTOlKtB v'ûkttidmX 1Y95 ) 



' J t 



api^rf a>K5h' jeté so^^ chapeau, son habit et ses épaulettes quî tombô* 
rciit au pouvoir des ÀhMâis. -Cèui-ci remisèrent tefa triomphe au "Mt 

' Pendant cet intervalle le major-général Forbes remplaça le gouver» 
nèuT \VJlliamson. ' Forbes parcô'urut' les différents quartiers* qû*occU- 
paient les ti'oupes an^laîies et "y ûi élever de nouvelles fortifications. 
Jl renforça toutes les gartiis'ons des camps, qui foritiâient 4e cordon 
qu* avait élabjî son prédécesseur ; el il mit à couvert tes frontières dU 
Hirebalais et de Bahlca afin de se ménager des eomnVunîcatiohs atecla 
colonfé esfjagiiolô d'où ït fit venir dans le quartier 'du ' Cul-dé-Sac, de . 
nombreuses bètes-à -cornes. Le drapearude S. I\f. B. flottait à Binîca; dés 
troupes angfâises européennes, dei troupes coloniales , et quelquesr soldats 
espagnols, eh formaient la garnison que commandait sir Wm Cookbut^à. 

. Toussaint, Louverture, dé-son tôté, renforça tous leè'plosles du cor- 
don 'de rÀ.rtibonhèy et augmenta les fôrtitications de la Petite-Rivière. 
Lapointe qui vint l'attaquer pour interrompre ses travaux , fut vigdu^ 
réusement repoussé. * * * . • > * . 

En même temps, la division croissait sans cesse parmi les rénubli- 
cains de la province du Nord: les partisans de Villate travaillaient 
à abattre Toussaint Louvérture devenu une arme terrible entre les mains 
de Laveaui; et celui-ci excitait Toussaint k détruire ceux- des 'chefs 
noirs qui se montraient dévoués à Villate. ' Ces' querelles {kiliirent &ii*6 
écitter uâé guerre intestine dans le Nord. ' > . - f-^ 

Le colonër Joseph Fia ville commandant du camp Flaville avait entière 
mVnt méconnu 1 autorité de Toussaint Louverture; pour favoriser dei cohi- 
ihunications qu'il avait établies entre TAcul et la Marmelade, Flaville avait 
inémegagaé It son parti les troupes du régihientdc Mo;fse,, cantonnées au 
llornet el aux Bonnets. Toussaint veulut le faire arrêter ; mais 11' ke 
l^etira au Cap, sous la protectien de Villate. Les passions étaient 
irès-animéeg^ départ et d autre: on allait en venir aUx mains; quatid 
Laveaux et Villate effrayés des maux que eetle guerre occasienileraif , 
t'entendirent pour mettre d'accorcl- deux hpmnies' qu'ils avaient eux- 
mêmes divisés. Toussaint ne consentit à oublier tjUéFbviileaVaft ràé* 
cônilU son autorité^ que lorsque celui-ci lui eût fait' des excuses par 
étriC. ■' ' ' ' ' ^ ' • ' 

'Au milieu xte 4795, la République française était . presque partout 
triomphante sur te conlioont de l'Europe. La Prusse exténuée aVdit 
la première de toutes les puissanees* traité avec elle ; la Hollande avtfit 
été vaincue et soumise | une trêve* a\ ait suspendu les hostilités av^e 
VAutriche; la Vendée, après une lutte sanglante, après avoir effleuré 
de sa baïonnette le sein de la patrie , avait été contrainte dVéepter 
jiii arrangement; et TËspagne ne pomant résister à rimpétuosité' ré-*^ 

f'nblicai né avait été obligée de renoncer à venger les Bourbons de 
rance. Par le traité de Bàle, conclu entre celte dernière puissarfe 
«t Ja F raAce. le 2% Juillet 1795. la partie espagnole de Saint- Domln 



ft26 SlSTCtBt D*HAÏTI.— ( 1795 ) 

re fat cédée à la République. La corvette la Venus commandée pj^f 
capitaine Desagenaux arriva aq Cap le 4 Octobre 1795 ( 12 Ven- 
démiaire an 4) avec le décret du 5 Thermidor an 3 (23 Juillet 4795) 
^t avec le traité de Bâle. Aussitôt que Laveau^ apprit l'arrivée de 
la Vénus , il se transporta au Cap / et reçut les dépêches de Desa- 
genaux : la Convention nationale avait décréta le 5 Therrnidor an 3 , que 
les hommes arniés dans la colonie de Saiqt-Dominguepour la défense 
(le la République ayaient bien mérité de la patrie; que *Laveaux était 
promu au grade de général de division, et était maintenu provisoire- 
xnent dans les fonction^ de gouverneur de U colonie; que Perroud 
Tétait provisoirement dans celles de commissaire ordonnateur ; que de% 
brevets de généraux de brigade seraient expédiés à Villate , à Tous- 
laint Louyerture , à Bauvais et à Rigaud ; et que les autres 
|;rades dpnnés par le général Laveaux seraient provisoirement mainte* 
nus. 

Laveaux reçut les brevets de Toussaint, de Rigaud et de Bauvais qu'il 
leur fit parvenir. Le ministre Fauchet lui avait aussi expédié uuq 
petite cargaison de poqdre, 

L'aprè^ le traité de Bâle, les troupes espagnoles devaient évacuer 
les placée, les ports, et tous les points qu'elles occupaient, pour les 
livrer aux troupes françaises; les places devaient être livrées avec leurs 
canons, et toutes les munitions qui s'y trouveraient au moment que 
le traité arriverait ds^ns la cploaie ; les habittns espagnols qui aime- 
l^aient mieqx aller vivre ayee leurs biens^ dans les états du rpji 
d'Espagse ^ auraient pour le faire un an , à partir de la date du traité. 
Ce trsiiti qui 4^vait être exécuté un mois après son arrivée officielle 
dans la colonie , ne le fut pas , parceque le général Laveaux n'ayant 
déjà pas assez de troupes pour chasser les Anglais, ne pouvait en- 
core se dégarnir, en envoyant des régiments dans la partie espagnole. 
Les autorités de S, M. C. en attendant la prise de possession des vil- 
les et bourgs qu'elles occupaient ^ s'obligèrent à une parfaite neutralité 
entre la France et l'Angleterre. 

Le ffouverneur Laveaux , après avoir notifié le traité de Bâle au mar • 
i|uis de Casa Calvo gouverneur duFprt Dauphin, envoya auprès delui^ 
eomme agent ie la République ^ le chef de bataillon Vital Grandet ^ 
en attendant la prise de possession de la place , au nom du gouverne- 
nent français. Cette notification officielle jeta le désespoir parmi les chefs 
noirs français qui avaient embrassera cause du roi d'Espagne : iU voyaient 
leur avenir perdu. Quant à Jean François, il ne out se faire i l'idée 
de devenir républicain , de renoncer à ses titres de noblesse , à ses 
cordons , à ses croix. Sa présence dans la colonie devenait 4u res^ 
nuisible aux intérêts frànfais ; ' il pouvait sf jeter dans le parti anglais 

Îvee toutes ses bandçsëontla force numérique était de plus de lOOOO 
pmmes. Vital Grandet négocia son embarquement avec Casa Galyo^ 
(1 fut transporté à la lavaoQt d'où il M rênoit en Espagne. £q 1*791| 



Utim'KB D'Hiirt ( 1799 ) . tat 

t 

jl étalait h Maârîd où il était Fobjet de h euriosîté de9 hiibitans^, ut 
feste extraordinaire. Il véout enwite à Cadix enlooré de toutes l%% 
considérations duea à son rang de lieutenant générai det armées du 
toi d'Espagne, ajant dix officiers noirs à son service^ 

Nous devons nous rappeler que les commissaires civils Polvérel êV 
Sonthonax , décrétés d'accusation , étaient partis de Jacmel pourFran* 
ce en 4794 , peu de jours après la. prise du Port-Républicain par les 
Anglais. Ils étaient arrivés à Rochefort aji moment que la révolutioa 
du 8 thermidor abattait Robespierre. Cependant ils- demeurèrent en 
prison, attendu que le décret d'accusation lancé contre eux n.'avait 
point été révoquer Mais le parti girondin ou. des modérés reprenant 
de* la prépondérance dans les affaires, l'exécution de Tacte* d'accusation 
perte coQlre eux fut suspendu par un décret de- la- Convention. Us 
furent provisoirement mis en. liberté. Le comité de salut public , 
celui de la marine,, et celui, des colonies furent chargés, de faire uo 
lepport sur leur conduite à S^-Domingue.' Leurs accusateurs de* 
.mandèrent à la Convention nationale qu^elleles entendit, ainsi que les 
commissaires civils, contradictoirement, afin que la. vérité éclatât tu 
milieu des débats.. D'après le rapport du> comité de salut public, de 
eeluî desûretlé générale,. de celui de la marine et de celui des colonies, 
hi- Convention nationale décréta qu'une commission.de neuf membres 
s'occuperait de Texamen et du rapport des éi^nemens de S.^ Domin* 
^ue.. Pour former cet le commission, elle nomma* au< scrutin neuf de 
et)s membres qui furent d'abord : Garran Couion ^ président , Marec, 
Lecointre, ( des deux Sèvres ) secrétaire, Gujomard, Grégoire , Thibau- 
d'eau, Fouché (de Nantes), Mazade,. Castillon. Plusieurs de ces mem- 
bres furent remplacés plus tard par Duhray , Mbllevault ,. Lîlnthénas « 
et Merlino. Les principaux accusateurs* des commissaires civils étaienl 
l^age , BruUey ^ Thomas. Millet , Vcrneuil ,, Senac ^, Duny , Fondeviole 
ei Daubonneau, grands agitateurs^ S^ Domingue, partisans de l'es* 
elavage, ennemis acharnés, des décrets de la Métrepole, qui avaient 
pris à Paris les formes républicaines pour mieux perdre les vrais amis 
d# la* race noire. Les débats turent pleins de chaleur^ Les celons 
accusaient les commissaires civils d avoii* été les. auteurs de tous les 
malheurs de S^ Domingue. Polvérel et Sonihonax , privés de leurs 
notes, etjde toutes les pièces officielles qu'ils avaient apportées de la 
colonie, déployèrent un rare talent en repondant de mémoire et ave^ 
succès à chaq,ue accusation. 

Pendant les débats^ Polvérel qui' était atteihi d'une n^aradie de lan- 
gueur , ihourut. Sonihonax ,. demeuré seul , triompha devant une com- 
mission impartiale de ses nombreux ennemisw La commission des co- 
lonies , réunie aux commissaires des eomiu'^s de safui, public, de lé* 
Eislation et de mariiie , après avoir eniendu le rapport de Garran Cou* 
m sur les troubles de S^ Domingue ,. arrêta le 93 Octobre 1795(1^ 
jijramairf an 4} quU serait présenté par ÉtieuAA llQUevaitt« un i^ 



CÉ8t ftiSToiRir»*HÂXTi. — (IY95 ) 

^es fneml)res à la Convention Nationale , et que céluI-ci proposerait 
à celle assemblée de déclarer qu'il n'y avait pas iieu à inculpation 
contre Sonthpnax , et d'ordonner que sa mise eo liberté provisoire 
fut définitive, ^ 

Le 23 Octobre suivant (3 Brumaire) la Convention nationale , aprèi( 
avoir entendu le rapport de la commission, décréta que Léger-ipélî- 
pité Sonthonax , ex comn^issaire civil à S^ Domingue , était définitive- 
nient mis en liberté. 

La Convention nationale ne pouvait , sans condamner elle-même tous 
les nobles/ principes quelle avait proclamés, ne pas élargir Sonthonai^ 
qui fit à S^ Domingue pour sauver la liberté ce que pratiquait en 
JF'rance la révplutipn. Quand ilviût dans la colonie en 1792 avecses^ 
collègues Polvérel et Ailbaud , il la trouva déchirée «par les ' faetiçns , 
et ravagée par la guerre la plus sanglante. La masse des noirs était 
soulevée; les hommes de couleur ou anciens libres n'avaient * pas en* 
core obtenu pleinemenf la jouissance des droits politiques que les 
grands planteurs ou aristocrates et les petits blancs leur contestaient. 
Cinq semaines environ après leur arrivée au Cap, ils prononcent la 
dissolution de rassemblée coloniale (12 Octebre 1793), assemblée de 
factieux , d'aristocrates, d'ennemis de la liberté des noirs et des hom- 
mes de couleur , ne travaillant qu'au rétablissement de l'ancien régime, 
tout en prônant la révolution française. Comme l'assemblée coloniale 
n'avait ces^é de iôurmente^ S\ Domingue ; tous les partis virent avec 
indiflérence tomber sa puissance. Les petits blancs entourèrent les 
commissaires civils, et leur demandèrent i grands cris la ruine des 
' grands planteurs , ' i la tète desquels étaient Cambefort , de Thouzard, 
Cagnon. Sonthonax et Polvérel pour écraser ce premier obstacle à la 
* liberté générale, réunirent les, hommes de couleur et les petits blanes 
contre la vieille* aristocratie eoloniafe ; et dans la jouri^ée du 21 Oc- 
tobre 1793 , le parti des grands planteurs fut anéanti par l'embar- 
quement de -Cambefort , de Desparbés. Les petits blancs ou les pré- 
'tendus patriotes de S\ Domingue, après leur trionxphe, refusèrent de 
fraterniser avec les anciens. libres, et se montrèrent a leur tour aussi 
aristocrates i Içur égard qi^e les planteurs l'avaient été envers eux. 
Les commissaires civils virent d'élever un pouvel obstacle au triomphe 
des principes révolutionnaires { ils appelèrent à eux les anciens libres 
noirs et jaunes ; et soutenus par les troupes patriotiques venues de 
de France avec eux, ils écrasèrent le 8 Décembre 1792 le parti po« 
' pûlaire ou des agitateurs , et embarquèrent Larchevêque Thibaud ainsi que 
la plupart des autres factieu;c. Après eette victoire les aifraiicbis de- 
' vinrent tout puissans;^ ils purent jouir de tous les droits politiques corn* 

ne citoyeqs jpiançais. Alors Sonthooax se résolut à proclamer la tibei^té 

« * 

* Arrêté de la commissien êigné de t3rarraa , président , MeUevaut, B^ 
' *\tliY f ' Merlino , Gïésoire , Ijuxthéaas , secréisiro^ 



|énéfale des^ esclaves. Àfais il fut un moment arrftté par liq autre 
obstacle. Pendant qu'il était dans TOuest, Galbaud nouveau gouver« 
beur, républicain timide, é^aré par les restes des deux partie qui ve- 
Baienl de suc4Joniber , rc'^unit autour de lui Les petits blaocs et les grandj^ 
|)lanteurs. Il se rend maître de toute Tautoriié dans le Nord , et se dé* 
termine à déporter Sonthonax et PolvéreL Ceux-ci volent au Cap , à 
la tète d'une armée d'hommes dfi cauleur , qui sont les seuls soutien^ 
des commissaires civils et de l'autorité nationale. Galbaud est destitué; 
il prend les armes ; et dans la journée du 21 Juin 1793 , au milieu desi 
fuines fumantes-du Cap , les restes du parti eolonial rendent le derniec 
soupir. Dès ce jour le pouvoir échappe à tout jamais à Taristocrati^ 
blanche. Dix mille ni)irs insurgés étaient aècourus au secours dés Commis* 
Iftaires civils: ils sont déclarés libres. Beaucoup d'aifranchis, posses* 
seurs d'esclaves , vo^rant les commissaires se disposer à appeler les raas< 
tes à là liberté, commencent à leur devenir hostiles ; ils se jettent e^ 
grand nombre dans le parti du roi d'Espagne, et songent à se livrer 
aux Anglais. L'intérêt établit une alliance entré eux et lès tolons 
royalistes. Sonthonax voyant une foule d'aflrandiis * abandonner la 
République , appelle à la défense de la cause nationale la mnsse du 
t>eUpl6 de S'-Domingue en proclamait la liberté générale, le 20 Août 
d793; il sauve dans notre pays les principes de liberté et d'égalité , 
attaqués^par la coalition européenne dans le nouveau monde comma 
dans l'ancien. Les affranchis de l'Artibonite livrent le quartier qu'ils 
occupent aux Anglais qui rétablissetit l'esclavage. Sonthonax aflron- 
tant la mort, méprisant les intérêts privés contraires au triomphe dé 
la liberté , marchant exposé à tous les poignards , met en pratique le^ 
mesures les plus énergiques. Les Rauvais» lesRigaud, les Pinclanat^ 
les Chanlatte, les Monbrun, les Villate, quoique dévoués à (a France^ 
excitent ses défiances ; il craint qn'ils ne livrent aux Anglais le resta 
de la colonie ; et pour assurer i la Ilépublique sa domination , il 
tente de livrer au chefs noirs , citoyens du 29 Août ^ ta prépondé^ 
rance politique. Le 4 Février 1794 , la Gon\ention nationale , par ud 
.décret rendu sur la motion de Danton , confirme la liberté générale 
proclamée par les commissaires civils. Par la seule promulgation de c0 
décret , Soulhonax et Polvérel obtenaient la sanction de tous leurs ac- 
tes. La masse du |)eupl6 d* Haïti qui a recueilli tous les fruits de no* 
ire révolution, le jour qu'elle connaîtra son histoire^ placera à côljil 
des fondateurs de notre liberté Sonthonax et Polvérel. 

On ignorait encore à S'-Domingue l'installation du Directoire exécutif 
("27 octobre 1795). Toussaint Louverture, voulant remercier la Con* 
mention de l'avoir promu au grade de général de brigade , se résolut ât 
•ntoyer à Paris , dans les premiers jours de décembre, trois députés^ 

* Nous devons nous rappelé? que les affiraneihs étaiont les hommes de 
^autoor et les noiia libcas avaat Uaele de l^mwcif^Uoo giuél^o^ 



N 



tSO miTOlRE ]>*tIAlTI.^( 1796 ) 

Cize, Etienne l^iârt et Lacroix. Ils fureat chûrgés de rendra compte 
à la Convention , dt aon administration , des services qu'il avait ren- 
dus à la patrie, de ses conquèies sous les ordres du gouverneur La* 
féaux, des diflërentes aetion«'Oà il s'iiait trouvé en personne , et d« 
ton caractftre. 

Malgré le traité de Bàle- les Espagnols continuaient à feire passer des 
bœufs aux Anglais; ils s'enrôlaient même dans leurs trompes. Tous- 
saint plusieurs fois en serait venu aux mains avec eux , si Laveaux ne 
lui avait ordonné sévèrement de respecter le traité. Lapointe, de son 
eôté, attaquait le bourg des Verrettes ^ui était^peu fortiôé ; cependant 
il échoua dans son entreprise. Toussaint mit ce bourg i Tabri d un 
coup de nain en l'entourant de fortes redoutes. Les Anglais enlevèrent 
tin camp sur la limite du Mirebalais; mais ils en furt^.nt chassés par 
un renfort qui arriva au secours d^s républicains. Ils attaquèrent en- 
suite un poste de la Petite-Montagne d'où ils furent repoussés avec 
perte, après un combat de deux heures, des plus acharnés. 

Le gouverneur Forbes avait pris Toffensive sur tous les points. Il 
fit attaquer Léogane par le major-général Bowyer, Cette place était 
commandée par Renaud Desruisseaux. Le 22 Décembre 1795 (1er M- 
TÔse, an 1) une escadre anglaise qui vint canonner le fort Ça-Ira, fut 
repoussée avec perte. 

En même temps , le gouverneur Laveaux dont Tactivité ne se ralen^ 
tissait pas, parcourait dans les premiers jours de Janvier d796, ao» 
compagne de Toussaint Louverture, les quartiers du Nord et de 
lArtibonite où flottait le drapeau tricolore. Il visita le cordon de 
l'Ouest. Toussaint ne le conduisit pas aux Verrettes dans la crainte 
que Lapointe , par un coup d audace , ne TenlevAt. Laveaux retour- 
na au Port- de Paix où il coiYibla Toussaint Louverture de caresses; 
il le plaçait à table à ses côtés et prenait plaisir à le servir lui-mé^ 
ne. Il Tentretenait de Villate, et continuait à le lui représenter 
comme un citoyen dai^gercux. Il se préparait un auxiliaire puissant 
qu'il devait bientôt utiliser, car il avait pris la résolution de trans- 
porter le siège du gouvernement au Cap où il se trouverait face ù face 
avec son rival. 

Profitant de labsence de Toussaint , le colonel Dessources sortit de 
St-Marc avec sa légion, prit le bourg des Verrettes, et Tincendia. U 
livra également aux flammes plusieurs manufactures de sucre , et si& 
moulins à eau. Ce fut une perte pour les républicains de ce quar** 
lier, car ces manufactures subvenaient i une partie de leurs nom-» 
)>reux besoins. Comme Dessources ne pouvait se maintenir aux Ver* 
teii«*fl, il se retira, brûlant et saccageant tout sur son passage. 

Toussaint ayant appris ses incursions , vint aux Verrettes avec un 
bataillon de la 4* coloniale. Comme, le bourg était dominé par plu* 
•iears mornes , il le transporta dans une vaste savanne , parfaitement 
4ef0«verie et traversée par uo keau caoalt U fit penser des jE^tseés j^ 



fiiST9IRE D^HAITI.— ( 1796 ) tSi 

es cultivateurs de cette paroisse autour ,des fortifications , et leé 
remplit d'eau. Pour mettre ses travaux à l'abri d'un coup dé main des 
Anglais qui tentaienlde tés interrotnpre , il ûl élever iin fort à l'entrée 
du bourg , et envoya quatre compagnies de la 4* sous les ordres de 
Christophe Mordey camper dans la montagne de S'-Marc. 

Lapointé et Dessources , à la tête de plusieurs bataillons de l'Arcà* 
)iaîe, de Saint Marc et dé la Croix-des-Bouquets, marbhèreht contre 
Christophe Morney sur trois colonnes , et rattaquérent vigoureiisement. 
Les républicains inférieurs en nombre supportèrent énergi'quement le 
thoc de Tennemi jusqu'à ce que Toussaint leiir eût envoyé iin renfort 
de 15Û grenadiers commandés par Desrouleaux. On se battit peridànt dix 
heures , avec le pluis grand acharnement. Les Anj^lais culbutée , se re« 
liréreni en désordre, et Christophe Mornej se maintint danb sa position; 

Les affaires de la République à S*. Domingùe iîonîroOnçàient à pren- 
clre une tournure favorable. Cependant dans la province de 1 Ouest, 
la conduite que tenait Diei^donné avait failli livrl»r aux Anglais le 
quartier de Léogane et toutes les montagnes du Grand- Fond. Nou$ 
devons nous rappeler que Sonthonax en partant de la Coupe pouit 
Jacm'el en i794, avait dit à Dieudonné en l'embrassant qu'il lui délé^ 
guait ses pouvoirs de coinmissaire civil. Dès cette époque bieudônn4 
iatvait pris le titre de délégué de la Convention nationale ^ et ne re^ 
tonnaissait ni l'autorité de Bauvais^ ni celle de RigaUd. Il occupait 
les mornes de la Charbonnière et du Grand- Fond. Ses troupes étaient 
en grande partie composées de ces africaine dent Sonthohax avait for- 
iné au Port Républicain le corps des Régénérés pour contrebalanceil 
rinfluenee de la légion de l'Ouest dévouée aux anciens libres. H 
avait pour lieutenans Pompé et Laplumë ; et ëbn secrétaire était un 
blanc royaliste iiotmmé Baudoin; 11 se livrait à toutes sortes d'excès,^ 
et atait , à l'instigation du baron de Montalembert , égorgé beaucoup; 
de mulâtres républicains; Jusqu'alors* cependant il n'avait pas arboré 
le pavillon de* S. M. H. Mais il avait refusé de seconder Bauvais et 
Bigaud lors de leur dernière attaque contre le fort Bizoton. Ces deux 
^éniraux te voyant sur le point d'embrasser la cause anglaise firent 
tous leurs efforts pour l'en détourner. Us lui envoyèrent le décret dii 
6 Therinidor et le traité de Bâie; il les fit lire et les déchira. Ënfiii 
dans les premiers jours de Janvier 1796, il reconnut Tautôrilé britan* 
nique et ouvrit aux Anglais un marché aux p(ti*tes du Port-Républi- 
cain. Rigaud et Bauvais firent encore, avant de Tâttaquer, queiquei 
tentatives pour lé* ramener à la République. Us lui envoyèrent dee 
députés auxquels il ^ déclara ^ < qu'il ne reconnaîtrait jamais dee 
« mulâtre^ pour chefs , qu'il ne voulait pas laisser exister un senl 
M nulâtre, qu'il les tuerait touâ ; qu'il n'y avait pas un seul nègre 
/commandant. * Dieudonné trompé par les royalistes, ignorait quer 
Toussaint Lpuverture fut général ^ Sioyee, Christophe Mornej , DessiàH-' 
liie, ete. eoleneli. 



I 






• t 1 •■ I 



{ Baui^ais.et Iljgaud r^^bguèient vigôiireusemenl ^ dÎ3p^sê^eJû4 .^ 
|)^tMJ(<^; fn^î^ ((pand TuD se, retir^',^JfacrDeleVl autre h lieogajQe^' ÏHîcù* 
éoixQé repjil ;,se8 ancîefliit's .positions..^ ^ - » . . 1 1, 

Pendant ce temps, qp corsaire des Gosiaîveâi longeant la ci&i^ 
^tre. ici Port Républicain et ^Lftogane/ découvrit quelqlues .hommes jàus^ 
s|rmé$ de piques , au Morne à Bateau, tl y ^ envoya Sja cKalôupe» CçB 
hoqiimeft étaiei)t Dieudonné et ses principaux compagnons. II3 accueil* 
](irent avec fr;itçruité et mêm^ayec attend^ûssi^me^t leâ républicains qui 
^vajent abordé ;jiu r|v^ge. Us leur dirent^ q^'^'C ^^ s^^taiéni. souml^ 
aux. Anglais que p^arpequ'ils 11e pouvaient supporter le joug des bonv» 
mes de couleur. Les répubiicains retournèrent au& Gonatves , et aa; 
noncérent à Toussaint.ee qu'ils avaient vif et entendu. Celui-ci éx^ 
pédia .une goélette, vers le ifpr^e à Bateau , afin (l'entrer en négocia'' 
lions ^vec Dieucîonné dan^ ie^but de Iç ramené^ au parti de là Képii; 
))liquef et de .s en f^ira un zélé, pariisan , . dqns TOuest où H n'étatt 
connu que ,par le. bruit de ses faits ^.d'armes* lia goélette fut pris^ 
pai: les corsaires d:e ]^igaud ^et conduite à Léogàné/ Rigaud ne permi( 
pas^auxi envoyés de Toussaint . d,e péqétrer jusqu'^ Diéud(on^^. Il ré« 
pandit^ à la Charboijinicjre et au Grand-Fond des émissaires (jui gagné* 
tent, Laplume au. parti de la, France. Celui-ci tendit un piège à Dieu? 
donné, le prit et le livra à Rigaud qui le lit périr comme traître à la 

. . A la même époque un nommé, Etienne pQtj s'était s^oulevé dans lefi 
montagnes du l^ort-de Paixr , ^t y Ijvrjiit tout à feu et à san^. Le gé- 
néral P;ageot commandant de la province du N^rd , après avoir déployé 
^DutQs.ses forces contré lui, avait été obligé de se renfermer. au Port** 
de-Paix- Dç nombreux 'colons blancs avaient été' égorgés dans les çâm- 
pptgAes. Daty déclarait à tous les députés qu'on lui envoyait qu'il né 
mettrait b^s. les armes que lorsqu'on lui aurait rendu Sonthonax, Taii- 
leur de I9 liberté des noirs. Laveaux;ordon,na à Toussaint Louvertur^ 
4e marcher contre lui. Celui-ci apaisa la révolte par les voies dé ifi 
persuasion. Laveaux se vit contraint de pardonner £ Daty y et dia 
lui. confier le commandement. du Moustique. 

; Pendant cet intervalle les Anglais qui désiraient s^emparer du Fori^ 
IDûuphin, y avaient pratiqué. des intelligei^ees, par TenCremisede quel* 
ques émigrés français.* Ils avaient fait entrer dans le port une goèlettç 
iirmée en guerre et un b^ck de i8 canons; et ils tenaient mouillés 
4ans Ja baie de Manccnille deux corvettes » deux frégates et un vaisseau 
4e 74. Ils avaient établi ujei camp retranché i la pointe Isabellique;^ 
I^ marquis de Casa CalvQ^ gouverneui: dp Fôrt-Cauphini , qui depuis le 
traité de JBàle» avait promis d'observer upe parfaite neutralité, ne contrariail 
dépendant pas les opérations anglaises. Les émigrés français exeiiè<» 
MAI uanmr.niiimmé Tilms». anaea liçulenant de Jean JFrançois à sou«^; 
lever les ciiltivateurs. Ils lui firent passer de la poudç^^^ivlOp /usU^ 

et des sistoletsu XiiuA aUa camper au JUaûb^roiu d^As la parcûsiifi S^ 



ttiatoîW i'AïtA.-^ W96 ) fit 

talîiérei IbVéàUX se] plaignît à' Casa Ûalvo dés* îhfrabtîbni fcîtôs au 
traîlé dd Bàle\ Celui-ci s'engagea à faire respecter sa neutralité par 
téi Anglais ; mais il lui répondit qu'il ne «ombaitrait tes révoltés qii4 
sur rinvitalion du gouverheur de S^'^-Domingo. Laveaux orduèna tfil 
èénéral Villate\de marcher contre Titus. Vâllale, à la tfitc de f,000 
lantassins et de 200 cavaliers alla canipet* à Câraeol. Le 21 Février, 
If attaqua Titus; dispersa' sa band«, le fit prisonnier; et Texéeuta'. Léi 
À'nglaïs déconcertés par Ta raort de Titus et par h sévère l^ecrtraUtt 
cfè Casa Calvx) , qui avait pris upe aftitildè menaçante , se retirèrent, 
ibèpendâht M quartier du Port-Daupliih fut encore ravagé/ 'penfdaof 
^uel^ue temps y par Cambefort et Rouvrâr qui servaient chins tes raDgi 
plagiais. 

PeriJant ce temps' , fiauvaîs et Rîgaud résolurent d'envoyer on jFraficé 
l^lusicurs députèst chargés de témoigner à la Convention nafionalè la' re' 
connaissance qu'ils éprouvaient d'avoir été conlirmés chacun dans le gradé 
$e Kénéraidé brigade, par le décret du 5 Thermidor an 3. Comme 
il ny avait paë aux Cayes de bâtimedts de guerre, ils envoyèrent ao 
Cap, Pinchinat; Sala et Fontaiue,^ qui devaieiit ^'embarquer pour 
France siir iâ eorvetlê là Vénus, avec les conimissaires de Laveaux et 
dé Villate. Le Cap se relevait de ses malheurs; la confiance et lé 
commerce y renaissaient par les soins et l'activité de Villate: Laveaut 
a'bandouna définitivebent lé Port-dePaix , et vint s*y établir avec Tor^ 
donnateiir Perroud. Il y rencontra les comiûissaires de Sauvais et di 
Rigaud. 

Ces deux géhéràiit voulant resserrer de plus eif plùè les liens qui 
existaient entre les provinces où ils commandaient et la métropole ^ 
demandèrent au gouverneur, d après les avis qu'ils avaient reçus dé 
t^inchinat, l'autorisation de convo(|ner des Assemblées primaires pour 
là nomination des députés à la Convention nationale; car jus(|li'aIor4 
rOuest et lé Sud n'étaient pas représentés en France. En s'adressant 
i Laveaux, ainsi qu'à rordonnateur PerrOud, ils se conformaient à lA 
(oi du S Thermidor. Laveaut n'agréa pas leur demande: c'eût été 
donner en Europe, des organes trop directs aux anciens libres ave6 
lesquels il était en hostilité. Il se contenta d'autoriter Rigaud et Bau* 
irais a envoyer en France des commissaires qui demanderaient à lA 
ÇoDventioB elle-même la convocation dés Assemblées primaires à S^.^ 
Domingue. Lé à Février 179d, (19 Pluviôse), ces deut généraux lût 
écrivirent de nouveau, et réitérèrent leur demandé Irès-énergiquement. 
i^ gouverneur et le commissaire ordonnateur se virent dans l'obliga» 
tiÔQ dé rendre lè 18 Février 1796 , (20 Pluviôse) àn4 ordoiinatice qaS 

portait •.,,.>, ,^ V . • . 

1 .* Cdavocâàon dés âîssembléeb primaired daùtf les pûrôîssès 6u rAm^ 

ffoQS de» ftèparlemènà d^ lOu^sl et du Sud^ pour Ib prëoûiiet fitertftl^ 



iiA ittStOIRE D*HAITI. — ( 179^ ) 

liai an 4 (2i mars 4796); 2/ Désignation delà ville de Léogane pôlHP 
le siège de T Assemblée électorale de TOuest, et de la ville des Cajeg 
pour celui de rAssemblée électorale du Sud ; 3/ Fixation du nombre 
des députés à élire , à raison de trois poiir chaque département. 

Dès que Toussaint Louverture reçut cette ordonnance , il éer^vit i 
Lavfaux , qu'attendu qu'il y avait dans le quartier de TArtibonite 
une population plus forte que dans Tetendue du commandement dû 
général Bauvais^ le siège de TAssemblée électorale de l'Ouest devrait 
être fixé aux Gonaïves. Laveaux, en présence de cette observation dé 
son protégé^, se détermina à suspendre la convocation des Assemblées 
primaires dans la province de TOuest* 

Villale, Pinchinat, Sala et f^ontaine , se îtionirèrént md ignés dé 
eette éclatante partiafité du gouverneur en faveur de Toussaint Louver- 
ture. Ils se^déterminèrent à organiser une insurrection conjtre Laveaux^ 
à le déi)or(er^ et à livrer, dans le Nord, la haute autorité aux anciens 
libres ) comme ceux-ci Texerçaient déjà presque sans coiàirOle dans 
l'Ouest et dans le Sud par Bauvais et Rigaud. De toutes parts les 
anciens affranchis de la province du Nord vinrent s'entendre avec eux 
et recevoir leurs instructions^ Il y avait au Cap trois^régimens dé 
troupes franches. Le premier de ces corps commande par un blanc! 
nommé Rodrigue ^ était particuliëreç)ent dévoué à Villale. Les ofû- 
eiers qui en formaient Tétat major se livrèrent à toutes sortes d'exi* 
gences à Tégsrd de La veaux. Ils lui demandèrent la solde arriérée, 
lui reprochant de^ donner aux troupes blanches du Port dè-Paix , qui 
n'avaient pas mieux combattu qu'eux contre les Anglais et les £spsi- 
gnols, une paie beaucoup plus élevée que la leur. Les ofliciers des 
deux autres régimens firent la même demande. Le colonel Rodri- 
gue se présenta au palais national , parla au gouverneur avec arrogance 
au nom des ofliciers, et s'oublia jusqu'à lui dire que son Seul regret 
était d'être blanc ^ et que la colonie ne serait en paix que lorsqu'elle 
serait gouvernée par un mulâtre. Laveaux se vit obligé dé le faire 
emprisonner. Mais quatre jours après il le mit en liberté, cédant aux 
clameurs des femmes noires et de couleur du Cap. En même ten^pi 
Piochinat , Sala et Fontaine lui déclarèrent qu'ils ne partiraient plue 
0ur la corvette la Vénus, qu'ils avaient besoin de recevoir de nouvel- 
les instructions de Bauvais et de Rigaud : il y avait déjà deux moie 
qu'ils étaient au Cap. Villate de son côté lui annonça qu'il retirait 
au citoyen Ilennequin le mandat qu'il lui avait doliné de le représea-< 
1er auprès de la Convention. Pinchinat , Sala et Fontaine , dont la( 
présence devenait inutile au Cap , partirent pour Léogane le fil F4-' 
Trier, et y arrivèrent le 23 du même mois. 

. Le 28 Février (9 Ventôae) le gouverneur suspendit la conVocatiocï' 
des Assemblées primaires , dans la province de l'Ouest jusqu'à nouvel 
erdre. Cet acte fit naître contre lui au Càp^ toute la fureur -des 

aneieae libiee. Geianie U veyait que la rivelle était sui^ le j^&t 



«ÎSt^IRE D^HAITl— ( Ittfi ) 



«é« 



^'éclaier , il torlit du Cap , pour i'«flbrcer de s'aboucher avec Tou^ 
nainl LouvjKiiure ou avec ks autres chefs noirs qui lui élaieat dévoués^ 
filiale léuuit aussitôt ses troupes, prit possession du haut du Cap , 
«i ordonna au commandant Eklouard auquel il confia ce poste de faire 
^u sur toutes les forces qui se présenteraient. Laveaux revint en \ille 
sans obstacle , accompagné seulement du colonel Pierre MicheK II j 
#ut dans le ^ord uae <{uinzaine de jours de calme. 

Dans la nuit du i9 Mars, beaucoup d'hommes de couleur et de 
noirs entrèrent au Cap: dans la journée, Viltate avait résolu l'arres^ 
Utloo de Laveaui. Le lendemain (30 VentOse), le gouverneur passa 
]es troupes en revue sûr la place d'armes. Après la parade pendant 
que Laveaux se reposait au palais national i une trentaine d nomme» 
pénétrèrent dans sa chambre, Tarrêtèrent, le maltrailèrent de coups, 
et le conduisirent en prison. £n même temps Tordonnateur Perroud, 
l'ingénieur Galley , et I adjudant- général Fressinet étaient aussi brutale- 
ment err6tés« La foule parcourait les rues, criant qu'on tenait la 
correspondance de Laveaux avec les Anglais , et qu'il avait à bord de 
la corvette la Hiéna, une somme de cinq millions. Villate qui préten- 
dit plus tard que le mouvement avait éclaté à son insu, se tenait 
chei lui, et ne donnait aucun ordre pour ^rracher Laveaux de la bru- 
talité des soldats. Il ne se présenta aux troupes que lors(]ue la Muuicipa* 
lité eût arrêté qu il remplacerait le gouverneur. Qu a\ait-il a faire alors ? 
Il fallait décapiter Laveaux, ou le déporter sur-le champ pendant que 
ses partisans étaient terrifiés, et que Toussaint Louverture était à plus 
de trente lieues du Cap. Mais Villate ordinairement si audacieux el 
si énergique, fut effrayé d'avoir porté la main sur le représentant de 
la France. On ne le vit pas se mettre à la tète du peuple, et diriger 
en personne les opérations ; il laissa agir pour lui , donnant des or-* 
dres vagues, voulant peut être qu'on exécutât ce qu'il n'avait pas 
l'énergie de commander. Alors le peuple eût commis le crime ; lui mème^ 
il l'eût déploré publiquement, et eût annoncé a la France que Laveaux 
avait péri victime d'un mou\emeût populaire que rien n'avait annoncé. 
Il était presque le maître de la' ville. Hais les habitants du Cap 
n'avaient pu gagner à leur parti Léveillé colonel du 3* régiment. Celui- 
ci tenta envain de traverser les barrières pour se répandre avec les 
siens dans les campagnes. Cependant il envoya une lettre , par un enfant, 
âu colonel Pierre Mi(:hel qui occupait le fort Bélair. ' Michel réunit 
les chefs noirs de rAcul,.du Port français, du Limbe, de la Marme- 
lade, de Plaisance, et avertit Toussaint Louverture de ce qui se passait. 
Dans la nuit suivante , les commandants Pierrot , Barthélémy, Ro- 
malB, Igiiace, vinrent le renforcer. En même temps Léveillé et son 
/l'ère Lechat parcouraient les rues ,' bravant la fureur du peuple, criant 
<iue Laveaux était le protecteur des noirs, que s il périssait , les mulâtre» 
livreraient les nègres aux Anglais qui les replongeraient dans l'esclavage» 
IriUato tnjjfàï lu» mowwt sen éaergie ordinsûre ^ fit battre la géoért» 



le , arrêter le cdbâet iLévelUé , et traîner sur la plôce^ de la Possetld 
deux pièges de canon. La garde nationale marcha sûr FÀrsenaî qu'oc*^ 
eupaît le 3* régiment de tt^oupes franches. Ge corps* ne- consentit â 
en livrer l'entrée que lorsqu'on eût mis son colonel en liberté. Lé^ 
veillé sorti de prison^ fut consigné chez Villaie qui se trouva maître 
de toute la ville. 

Toussaint était "iox Gonaïves qijand il reçut la lettre de Pierre Micbeh 
n entra dais une violente fureur : Laveaux était son protecteur ^ et 
Villate son ennemi personnel. H ût battre la générale dans tout Itf 
Quartier de TArtibonite, et fit acheminer G, 000 hommes sur te Cap. 
Ces troupes réunies à celles déjà campées autour du fort Béiair s'élevef- 
ront à iO,000 bommesi Pierre Michel envoya à la municipalité, par 
)e capitaine Christophe , une lettre dans laquelle il demandait la misg 
en liberté de Lavtaux. En même temps, le capitaine Amecy qui venait 
du haut du Gap, ou Villafe l'avait envoyé auprès de Pierre Michel^ 
annonça à le municipalité déjà effrayée, qu'une armée était prête à 
fondre sur la ville, si le gouverneur n'était rais hors de prison. Viilale or- 
donna aussitôt de conduire tous les bourgeois blancs à la grande caserne^ 
distribua des munitions à ses troupes. Il îlt répondre,- par la (nuni- 
eipalité, à la lettre de Pierre Michel, ainsi qu'il suit: « Nous espé^ 
« rons que la journée de demain ne se passera p£^^ sans que nous 
« vous donnions de nouvelles &tisfactions. » 

A minuit arrive tlne lettre de Toussaint Louverture qui produit une 

forte sensation dans la ville, tl daibaodait aussi en termes énergiques 

la mise en liberté du gouverneur. Le 21 Mars, dans la journée, la ma* 

tiicipalité, sous l'influence de cette lettre menaçante élargit Laveaux, 

0perroud, et les autres prisonniers. 

Le gouverneur n'étant pas en sûreté dans une ville qui lui était si 
hostile , sitla établir son quartier-général au haut du Cap, après avoir 
confié le commandement de la place au colonel Léveillé. 

Villate , de son côté , menacé par. des forées vingt fois supérieures 
aux siennes , sortit de la ville i ta tête, de 600 hommes , traversa le 
bac, passa par la Petite- Anse, et se retira au fort de la Martellière. 
Laveaux le fit poursuivre pour le faire arrêter;' mais, personne n'osa 
exécuter ses ordres. Les postes Adnxète, Limonade , du grand et dii 
petit Caracola, les camps Sauvage, Letreu et Lamartelliére se remué-» 
rent en faveur de \illate. Pierre Michel et Léveillé demandèrent k 
marcher contre lui; mais Laveaux redoutant les suites graves d'un^ 
bataillé i se contenta d'embarquer à bord de la Hiéna plusieurs de sei^ 
partisans. 

Le 28 Mars, Toussaint Louvertâré entra siu Cap à la tête de deuK 

bataillons et d'une nombreuse cavalerie. La ville était déjà inondée 

. de troupes noires presque nues. Ces tnai^ftes que Toussaint dominait ut 

jM livraient à aucun excès: dés lors son influence ffur elles était immense. 

JLafUux redoutant une inisUrreAiôa i.iX^ te quartier d» Giraeol ^^ 



BI5T0IRE d'haiti. — ( 1796 .) ^aT 

transporta le • siège de -son gou vernenient à la ^Petite Anse , pour pro» 
léger le ^Cap. Toussaint vint Vy trouver avec deux balailloos.et 800 
lioinmes de cavalerie. Il fui ^résolu qaune d^putation serait .en voj4i 
^ Villate, pour l'inviter à venir au Gap. Les déplûtes partirei)t sui- 
vis d'une centaine de femmes. .Villate les accueillit. aveo brutalité, et 
leur dit qu'il' voulait que JLaveauT fût égorgé par les .noirs mêmes ;qu*H 
caressait. Cependant il consentit à accepter une entrevue avec .T^usi» 
sainliLiOUiTerturey •mais^à conditien «qu'elle eût Ueu dans la ss^vanjoie 4e 
Caracol. 'Gelui<-ci craignant des embûches refasa de se rendre au.ren-* 
dez-vous. Les «femmes ncûres qui avaient accempag^é Ja députation 
avaient été .gagnées par les soldais de Villate. «Quand elles rç9trèrei)t 
à la .Petite «Ajise , elles • parcoururent le bourg , en criaot que^Laveau^ 
et Perrodd avaient fait venir deux navires chargés de chaînes po.yr 
remettre les noirs dans . les fers. Aussitôt les soldats qgi étaient ac« 
courus au secours du gouveraenp, se . ruèrent . contre .sa demeure, 
demandant sa tète avec fureur. La .maison qu'oceypaii La- 
veaux fut assaillie; il allait .être sacrifié » quand )TousiSainM6pré^n(a 
^à la foule, Tentralna vers le magasin général, lui en {^uvritJespoc-- 
tes , et la mit à -même de s'assurer qu'il n y, avait pas dechatnes, 
La veaux Ait sauvé par Toussaint de la fureur des i\oirs< qu'on .avait 
égarés. Il m rendit au Cap le .1*'' Avril (12 jQerminal). ,Le mèw^ 
«jour il installa iTouasaint dans les fonctions de lieutenant au.gou,ver- 
Rement de St. Domingue, au bruit solennel du canon deiousilgt 
forts. Toussaint Tembrassa avec effusion , l'appela cent fais son péy^e* 
Laveaux , touché de reconnaissance , le proclama en présence du peu- 
ple et de Farmée, réunis sur la^ place d'armes. , le. sauveur d#a 
planes, le ^vengeur des. autoritéa constituées. Il s'écria en le mon- 
trant du doigt : c Voilà ce Spariacus , ce noir prédit • par Rajnal , 
< dont la destinée était, de « venger les outrages foits. i toute sa race. » 
Toussaint s'écriait de son eôté i.cipris ,1$ ken.lMru, c'est laveauss^ Legou* 
verneur éleva au grade de général de brigade , chacun des colonels Lé* 
veillé, Pierre Michel et Pierrot qui s'étaient montrés dévoués i sa cause. 
L'événement du 30 Ventôse , un des plus importans de notre histoire , 
tut pour résultat d'établir définitivement la prépondérance noire dans 
le Nord et dans l'Artibonite. Dès lors les hommes deceuleur n'exercé* 
rent qu'une autorité subalterne dans, ces deux provinces. D'un autre côté,, 
Tautorité des agens de la métropole devint presque nulle. Laveaux ne 

Sut plus rien refuser aux exigenees de Toussaint Lctnverture qui le. 
omina entièrement. Chaque oflicier supérieur noir devint un cacique 
qui ne sç soumettait qu'aux volontés de Toussaint. Quant aux elHciers 
l>lancs , ils n'exercèrent plus aucune influence sur les troupes : le gé*- 
Serai Pageot se vit obligé de supporter la licence la plus efiiénée ai^ 
l'ort-de Paix , et même de grandes dilapidations.^ On enlevait des ar- 
ines des arsenaux , des habillements des magasins du gouvernement^ 
tM» 9^ rendre compte aux autorités constitu^^ 



35t MIST9IRE d'haiti.— ( 1798 ) 

D'un* autre côté, les cultivateurs toyant on des leûrâ enireir àa 
le gouvernement eurent plus de confiance en la France, tt IravaiU 
lèrent avec ardeur. La culture recoromença à prospérer, et l'on eut 
la perspective d'un peu d'ordre. 

Mais Laveaux n'oublia jamais rhumilialion que lui avait fait subif 
les hommes de couleur du Cap. « Dès lors il résolut la perte dei^ 
« mulâtres : c était le projet de déporter tous les hommes de couleur, 
« leurs femmes y leurs enfans, depuis Tâge de dix ans jusqu*à cio- 
« quante ans, projet écrit en entier de ia main de Laveaux. » * 

Le général Villate, de son côté, retiré au fort de la Martollière, main* 
tenait Tordre autour de lui , faisait respecter les voyageurs , les cîteyens 
et les propriétés. Il entretenait avee dignité des relations (te bonne amitié 
avec le marquis de Casa Calvo, gouverneur du Fort Dauphin. 

Toussaint partit du Cap et se rendit au Gros- Morne. Il y réunit 
tous les cultivateurs de la commune, aiasi que les conducteurs des 
habitations , et leur donna lecture lui même des proclamations du gou* 
semeur Laveaux. 11 leur lit ensuite un sermon sur Jésue-Ghrist el 
la Sainte-Croix. Il J efforça d humilier les gens de ^couleur afin qu'il» 
tinssent des propos pour qu'il pût les faire fusiller. Mais Us eurent 
assez de sang froid pour se contenir. Cependant il en fit emprisonner 
quelques uns qui s'étaient réjouis de l'arrestation de Laveaux et de Per* 
roud; et il chassa de sa présence les feromes,qui vinrent lui demander 
leur grâce. Il rentra aux Gonaïves le 43 Avril. II reçut, en celt* 
irille , plusieurs dénonciations contre les gens de couleur du Cap ^ 
qui ne cherchaient, lui écrivait on , qu'à le perdre. Il écrivit i La* 
veaux : c Bien leur vaudra de m'ajuster , car s ils me manquent, j« 
« ne les raierai pas ; et s'ils réussissent, ma cendre &era doublemeni 
c vengée par ceux qui naturellement doivent me succéder. » Il dA* 
nonça à Laveaux des conciliabules qui se tenaient au Cap , chez Chan-^ 
latte, et l'exhorta à l'envoyer avec ses complices auprès de luî^ ai»» 
Gonaïves, 

^ Penaei. 



LIVRE TREIZIÈME. 



17m: 



0omvMire. La Convention nationale ta sépare.-T-ConstitutiaA Tic Tan S. — Le Âirec^ 
toire exécutif installé — La faction eoloniale^lève la tète aux Conseila des 500.^- 
Le direet«ire Kii réaiste.^-Dufay, député de St-Domingue fiiit adopter en principe 
la proposition du directoire d'enroyer de nouveaux agtna à St-Domingue. — Décret qui 
autorise le directoire à envoyer des agens dans les toloniea — Sonthonax , Julien 
Baymond, Leblanc et Qiraud nommés commissaires pour St-Domiague — AU^uft 
infructueuse des Anglais contre Léogane — ^Rigaud et Bauvais font nommer wt 
fiéputés au corpi législatif^.- Arrivé de Roume à Sto- Domingo. — Il réconeilieHci 
chefs républicains. — Don Femando-Por^illo j Torrèa archevèqve de Sto Domingo. 
— Le géAéral Forbea établit dea fortifications dans lei montagnes qui avoisinent 
le Pert-Républicain.^<— Arrivée an Cap des commissaires eivils Sofithona^ , Juliea 
Raymond , Leblanc et Qiraud— ^ Sonthonax accusé de vouloir rendre St^Domingue 
indépendant de la France. — Villate déporté. — Touaiaînt général de division. — Son- 
thonax' distribue tO.OOO fusils aux nouveaux libres.—^ Insurrection des ancienne! 
bandes de Jean François à la Grande- Rivière. — Sonthonax établit des écoles au 
Gap. — Départ des fils de Toussaint pour France. — Pièce jouée au Cap sur la li- 
berté générale. — Sonthonax ej^orte les nouveaux libres au travail. — Laveaux prend 
possession du Fort- Dauphin qu Bayaha qui reçoit le nom de Fort- Liberté. — Ro- 
ahambean déporté. — Service funèbre k la mémoire de Polvérel, — Succès contre lc;i 
révoltés de la Grande-Rivièr«>. — Lettre de Sonthenax à Toassaint. — Projet de Son- 
thonax de mettre le peuple de St-Domingue à l'abri des réactions de la métropole 
«oatre la liberté générale. — Mission dans le Sud, de Leborgne de Boigne, Reyet 
Kerverseau , délégués de la commission civile — Conduite des délégués aux Cayes. 
— Rigaud attaque sans succès le fort dos Ii%is.*— Df?sfeurneaux battu au camp Ray- 
mond — Doyon bat les Anglais près du camp Dearivaux — Lettre de Sonthonax aux 
délégués dans le Sud. — Affaire du %% Août 1796. — Massacre des blancs dans Un 
campagnes des Cayes — Les délégués quittent les Cayes. — Mission de Chanlatte et da 
Martial Besse dans le Sud.-^Sonthoaax accuse Rigaud auprès du directoire exécu- 
tif de vouloir se rendre indépendant 4^ la Frante. — Mésintelligence entre Toussaint 
$( Soptlu)nax.^^£ieetienf nu Cap des députés au «or ne lé|fislMif. — Sonthonax, Mt^yi^ 



S40 mSTOlRE B*nAITI. — ( 1T9Cf ) 

• 

tor, .Anneo^,. La veaux dLe.< nommés députais.—- Départ Ses d^u^^s du Sut et dé 
l'Ouest pour France. — Mission de Bonnet. — Pinchinat, Bonnet âfc. sont iaifs pri- 
sonniers par les Anglais. — Le directoire approuve la: eonduite de Sonthonax à S& 
Domingue. — Toussaint confirmé général de division. — Il est récompensé de sa eoir» 
, duite dans l'affaire du ,S0 Ventôse. ~rLa commission civile par un arrêté condam^ 
lie la conduite de Rigaùd, et déclare qu'elle ne èofrespondra plus avec lui. — Ri« 
gaud rend compte de son admiaittratioo à l^agent Roume résidant à Sto-Domingo:^ 

La Convention national avait terminé ses glorî-eux travaux : elle avaif 
siégé trois ans et trente cinq jours* Ayant de se séparer elle avait 
rédigé la Constitution de l'an trois (2A Septembre 4795) que tepeu^ 
pie français accepta. Cette constitution avait créé le Directoire exé- 
cutif eomiK)sé de cinq membres , le Conseil des Anciens et celui deSr 
Cinq Cents. Ces deux conseils exerçaient le pouvoir législatif. Le 
Directoire exécutif fût installé le 4 Novembre 4795 (13 Brumaire an 
3 ) , et les cinq premiers directeurs furent La Ré veillerez- Lepeaux ^ 
Letourneur, Rewbell , Barras et . Çarnot , ee dernier ci-devant membre 
du comité de salut public. Les députés de S\-Domingue Dufay , Mar& 
Belley, Garnot passèrent au Conseil des 500. Depuis la chute de 
Robespierre» le parti rojaliste levait la tête; tout en prenant les 
* formes révolutionnaires, il attaquait avee hardiesse la plupart de ces 
hommes désintéressés qui , par des mesures énergiques , avaient sauv4 
la, nationalité française étales j^rjncipes de 89.'* Au conseil des Cinq 
Cents se trouvaient aussi de nombreux colons royalistes ; Vaùblànc le 
plus, ardent de tous, attaquait saqs; ménagement les actes d^ ripx-commis* 
gaire civil Sonthonax , et le représentait comme un n)oa&tre qui s était 
{^11 à faire égorger les blancs par les noirs, \aublanc était particulier 
mnent soutenu par Tarbé et Bourdon de I Oise , qui avaient 'fait depuis, 
.long temps de vains efforts pour se, faire envoyer, à S*-Domîngue/com*f 

.me comis^ires civils. Le Directoire exécutif résista énergiquement à téu^ 

tes les attaques qu'ils dirigèrent contre ses agens à S^-boBlingué«. 

Les cinq directeurs qui avaient été de zélés révolutionnaires, com.^ 

«prenaient^ combien les mesures que condamnait le parti rçyaliste , a- . 

.valent été salutaires à la liberté tant en Prancue qu'à S^'Domingue.. 
Ils proposèrent au conseil des 500 une> loi par laquelle ils» d^vaîtnl 
être autorisés. à envoyer de nouveaux commissaires dans les colonies*, 
«Dufay appuya cette proposition et la. lit adopter en principe. Eniia 
)e 25 janvier 1796 (5 pluviôse an. 4) le Directoire fut a^utorisé par «ne 
loi à envoyer des agens dans les colonies. Sonthonax, Julien Raymond^ 
Leblanc et Giraud , malgré les intrigues opiniâtres du parti royaliste^ 
furent nommés commissaires civils, pour S.^Donxingue. Le général Ro-i 
chambeau reçut le commandement en chef de la partie ci-deva.nt esps^ 
gnole(12 Février 1796). .Nous devons nous rappeler que lulien Ray. , 
mond , victime, des persécutions de I^ge et de Brulley , avait été eni« 
prisonné sous la terreur; le 5 Avril 1795 il avait, été mis en liberté, 

^rtvifi€iirdiSi9at\,«Q yertii^d'^a décret}^ inais j^ d'après un r api^ort Jlkii 



ttisTOiftfi t'HAiTi,—- ( 179i6 ) àil 

Au liom de la •ommission des colonies , et dés comjtf^ de sdliit pu^ 
blic, de législation, de la marine réunis , par Garran Goulôn, dépulé 
du Loiret, le i3 Mai 1793, là Convention nationale avait décrété qu'il 
n\y avait pas lieu à inculpation contre lui , et que la liberté qui lui 
avait été rendue provisoirement' demeurerait définitive. 

Pendant ce temps, la êuerre continuait avec ïureur à S'- Domingue en- 
tre les républicains et Tes anglais. G49ux*ci qui avaient reçu d'Europi 
de nouvelles forces se résolurent à attaquer' encore Léogane dont les 
intrépides corsaires nuisaient prodigieusement à la navigation de leurs 
bâtimens marchands. Les républicains avaient capturé plusieurs navires 
de rArcahaie. Quelques royalistes qui avaient été faits prisonniers 
s'échappèrent ,'' vinrent au Pert- Républicain el annoncèrent au général. 
Forbes que les anglais avaient à Léogane de non^breux partisans qui 
se. montraient disposés à opérer une diversion en leur faveyr au seia 
de la ville , si la place était attaquée. Ge rapport détermina Forbçs à 
hâter le départ de son expédition. Du 17 au 18 Mars 1790, une di* 
vision de troupds anglaises s'embarqua au Port Républicain et fit voilé 
pour Léogane. Le 18 elle débarqua à la Peiite*Rivière, et se forma eni 
deux colonnes de 2500 hommes chacune.^ Léogane était commandée 
par Renaud Desruisseaux , et renfermait une garnison de 800 hommes 
de la légion de l'Ouest. Le fort Ça-Ira qui en protège la rade était com^ 
nandéparle lieutenant colonel Pétion de la légion de l'Ouest. La flotte an- 
glaise , sous les ordres de l'amiral Parker , canonna vigoureusement lejort 
Ça-Ira, pendant que Forbes et Montalembert se dirigeaientsur la ville.- Elle 
était composée de neuf bâtimens^ la frégate la Gérés de 32 canons, capitaiM 
Newman, le sloop le Lark de 16 canons, capitaine Ogily, la frégate liphigé- 
h\e, de 32 canons, 'capitaine Gardner, les sloops le Gorilborant et laSy- 
réne^ le Serin, de 16 canons, capitaine Guérin , les vaisseaux lé 
Swiftstire de7i, le Leviathan de 74 ^ TAfricade 74, commandés par 
les capitaines R. Parker, Duckworth , et itod. Uome. ^ 

Le Leviathan , TAfrica ^ le Swifsure^ malgré une canonnade soute- 
nue de A heures contre le Ça-^Ira ^ ne purent éteindre le ieq de cette 
redoute qui n était armée q'ie de 4 pièces de canon. Le comman- 
dant Pétion ^ dont l'artillerie était bien servie ^ répondit si heureuse^ 
ment au feu de l'amiral Parker , qu'avant la lin de-la journée Tes^ 
cadre, protitanC d'un vent de terre ^ rompit, sa ligné d'embossage et 
alla mouiller au large. Le Leviathan compta cinq hommes tuéb et double 
blessés; l'Africa , un homme tué et sept blessés. Ces deux vaisseaux 
avaient eu leurs mâts^ leurs vergues si maltraités qu'ils firent voile 
pour le Port Royal de la Jamaïque; 

Pendant ce temps le' généï*al Forbes avait cerné Léogane. Il com*^ 
mandait en personne l'aiiè gauche de son armée , qui s'était établie à 
JDampus; la légion d'York qui formait l'aile droite occupait les boit 
de Belval , et était exposée au feu du poste Milon. Les Anglais étaieni 

* Bulletins afiglais. 



msT0iU d'haiti.— ( 1796 ) 

les naltres de toute la plaine. Le quatriène jour , après leui» déiiaf^ 
quemenl ih dressépent contre la ville une baiterie àt 4 pièoes de ii , 
•t d'un obusier. Après une canonnade de moms d'uue heure, le 
najor Greero donns^ assaut au fort Laroche efc fut repoussé avec perte 

Far le comnoandunt Dupucbe. Le troisième baiaiHoa de la légion àa 
Ouest ftl une vigoureuse sortie, culbuta les Anglais el leur enleva 
deux pièces de canon ; la cavalerie d'un autre cdié chargea la iégiojgi 
dYork qui fut poursuivie jusqu à T embarcadère de Thabitatioa Bos^ 
San. Au coiu:Aencemcnt do la auit , 2,000 bonarHes de troupes eu« 
ropéennes sortant du Port Républicain , vinrent déboucher dans la sa-» 
vanne de Danipus. Les Anglais^ renforcés se disposaient à donner un 
assaut général à la place le. lendemain, au point du jour, loi'squ'iU 
arrêtèrent un courrier venant du Sud dont les dépêches annonçaient 
que Rigaud était arrivé an Petit-Goâve, à la tête de forces iinposau^ 
tes. Dans la nuit du 21 au 22* Mars, lo général Forbes, leva le 
eiège et se retira au i^ort-Républicain. 

Quoique le comtuandant Pétiou eèt eu la plus grande parla la bella 
défense de Leogane , Ton ne lit aucune mention de lui dans la relatioa 
ofUciclle de oc ^iiège. Pétion s'était créé de nombreux ennemis ea 
condamnant la condtiite que Viilate avait teaue dans le Nord contre 
le gouverneur Lavcaux. * 

Le jour qui suivit le départ des Anglais^ le général Rigaud arriva 
^ Léogi^ne. Bauvais partit de Jacmol et vint ïy rencontrer. Hs réso^^ 
hirent de convoquer des Assemblées primaires pour la nomination ded 
députés au corps législatif, quoiqu'ils n'eussent pas encore reçu of(i^ 
ciellcment la Constitution do 1 an liL L'Assemblée électorale de 1 Ouest 
se réunit à Léogane , et nomma députés Reydelmas* et Fontaine ;• celle 
du Sud réunie aux Cayes le 9 Avril nomma Sala, blanc , Pincbinat , 
Julien Raymond, Décand, blanc, George Pierre noir, et Daniel Gélec^ 
mulâtre. Ces députés ne tarderont pas à s'embarquer la plupart pour 
la Métropole doHt lattenlion se portait sérieusement . sur S' Domingue* 
Le directoire exécutif venait de nommer commissaire pour Tan* 
eienne colonie espagnole , le citoyen Roume qui s'embarqua à Cadix , 
•t arriva à S*^. Domingo le 8 Avril 1793. Il était chargé d'y repré* 
«enter la France, jusqu à ce que celle ci put en prendre possession , en y 
envoyant des iorces. D'une humeur douce, sans préjugés de caste, 
il apprit avec douleur ranimosiié qui rognait parmi les <^befs répubU** 

* Jo né suis pi^ surpris cyie la fer atté et la franchise de votre cara^&tèit^ 
Votre entier dévoaemeut aux organes légitimes des lois de la République • 
v,o(jis. aient fuit des enuenûs. Je sai.3 que depuis loi^temps vous êle3 squi> 
doment persécuté par les factieux ; je u'if^nore point que vous ave? eu la 
plut grande part aux succès eoiitre les anglais au siège de Léogane en ger- 
minal dernier [ xMaxs], et que par la plus injuste partialité^ la relatieu de 
ce Siège n'a fait aucune mention de vous. ( Lettre de Sonthouajc à Pétio^i 
Ch($f du bataillon d'aruilerie ^ à Léogajie ^ XO iNÂvàse au 6 4 3U liéQêmbXt )J&i.) 



IttSTôIRÈ D'HAltl.~( 1798 ) 



«4» 



eaîns , depuis Taffair^é du 30 Ventôse. II «crîvit, en conséqti^îrnce , U 
^4 Mai 4796, au-x généraux Laveaux , YHIale , Rigaud, Banvais et Tous- 
gaint Louverlure , d'cniblier le passé et de fraterniser en bons répabfî- 
eains. Ces généraux envoyèrent à S.*** Domingo des députée cfuî , en 
leur nom , jurèrent entre les mains de Roume d'observer la plus par* 
faite Hitelligeitce entre eux, et de diriger ensemble et de bonne foi 
tous leurs efforls contre les Anglais ; ils sTembrassèrent par Teiitre- 
mise de leurs représentans. 

Les nobles et les prêtres espagnols voyaient atec doufeur â Santo-* 
Domingo, le commissaire Roume dont le lang^ige et les arrêtés nefSou* 
\aient qtte nuire à leurs anciens privilèges. Don Fernando Portillo-y» 
ïorrès , archevêque de Sto-Domingo, ordonna à tous les prêtres d'éva-» 
euer nie, et d'enlever tout le mobilier des églises et des communautési 
Ce ne fût pas sans peine que Roirftie parvint à neutraliser de tels 
ordres , et à empêcher les plus grands désordres. Il fut obligé de 
flatter le clergé et de lui faire des concessions* 

Les républicaine enhardis par les nombreux .succès qu'ils avaient 
obtenus , se répandaient déjà dans l#s montagnes qui avoisinent le Port- 
Républicain , et inquiétaient sérieusement cette place. Le général 
Forbes sentit la nécessité de protéger la ville du côté des montagnes; 
il fit fortifier le morttc Grenier à deux lieues dû Port Républicain , 
la Coupe et toutes les hauteurs environnantes; H établit des campi^ 
à Si.-Laurent , à BbutilKer , et employa plusieurs sematneâ à armer éé 
canons toutes ces fortifications. 

Pendant ce temps des armemens asse;^ importans se faisaient à Brest^ 
et à Rochefoî't; et dans les premiers jours d'Avri4 1796 une escadre 
française portant i200 hommes de troupes tant de volontaires^ natio- 
naux que d artillerie, 2ff,0ê0 fusils, 400,000 livres de poudte,' douze 
pièces de campagne , partit des- por|^ de France en deux divi- 
sions : Tune commahdfée par le chef de cli'visiûn Henri Alexandre Thi- 
^nardj appareilla de l'Ile d'Aix le 6 Avril; elle était i:omposéé 
des vaisseaux le Fougueux et le Watigny , de 74 ; He la frégate là 
Vengeance, de 40; et de la corvette le BtM*ceau de 20; elle portait lej 4 
commissaires civils Sonlhonax , Giraud , Raymon<l, Leblanc, le gé- 
néral Rochambeau, les adjudaosgt^néraux Kerverseau, Duport da Ter- 
tre, les généraux de brigade Mirdonday, Desfourneaux, Martial Besse, 
Bédos , Lesuire, le commissaire des guerres le Borgne et Ife' gt néral 
Chanlatte qui sortait des prisons d'Angleterre; et laulre division na- 
vale , commandée par le capitaine Guillaume Thomas , partit do Brest. 
Ëlleéttiil composée de la* frégate la Méduse de 40, de la frégate Flnsur- 
^te de 36, de la corvette la Doucereuse de 20, et 8 bâlittlensdetrans|>ort. 

hr concorde paraissait renaître parmi les chefs républicains dfe la 

^ie ; elle se fut peut être maintenue qudqué tfemps , si rarri\éed* 

^"pnax, moins contiliaiit (jue Roume, de pdûei^s fkMi Ot^Htm ^ 

" de ndureatr agité MtMûtrl« passioiM'. 



B44 éistoihe d*haiti.««- (1796 ) 

L*escadre (ravcrsa la mer sans obstacle , et arriva à St. DoiDingiie 
fe It Mai. Les commissaires civils, d après l'article 156 delà cods* 
titution , devaient exercer les mêmes fondions que le Directoire , tout 
en lui demeurant subordonnés. « Ils étaient chargés spécialement 
€ d'anéantir les préjugés de couleur , et de réafiser dans la dispensa- 
c tion équitable des grades et des emplois , le grand principe de Té- 
t quité politique , et de purger la colonie des anglais et des émigrés, f 

Dès que le vaisseau le Watigny mouilla dans la rade du Gap, je 
gouverneur Laveaux s'y rendit et eut une longue conférence avec Son^ 
thonax. Dès lors la déportation du général Villate fut résolue. 

On se rappelle que Sonthonax était parti de la colonie en 1791 ^ 
plein d'indignation contre les anciens libres qui en grand nombre avaient 
embrassé la cause des Anglais, il était revenu avec une idée jSxe ; 
celle d'anéantir complètement la prépondérance politique des hommes 
de couleur, et de coniier toute Tautorité aux émancipés de 1791, les 

Î'ugcant seuls capables d'un sincère dévouement à la Fraja.ce répu- 
blicaine. « 

Il ne songea jamais à l'indépendance de St.Domingue , comme il eo 
a été accusé par les colons, par Rigaud, par Toussaint lui-même doni 
il contrariera l'ambition. Il voulait (|ue la colonie eût une constitution 
spéciale, et que dans cette constitution la liberté des noirs fut consacrée 
liellem<»nt que ceux-ci n'eussent pas à redouter les réactions de la métropole 
contre la liberté générale. Car il voyait le parti colonial déjà si puissant, 
en France , sous le Directoire , qu'il redoutait ce qui arriva , sous le 
Consulat, lorsqu'on mai 1802 le corps législatif rétablit l'esclavage. 

Il débarqua au Cap avec ses collègues, .au mitiou d'une grande so^ 
lennité. Les noirs se transportèrent en fqgle au«devant de lui , agi- 
tant des palmes et aux cris ^ vive la République I vive la liberté gé- 
nérale ! vive Sonthonax ! Les nouveaux libres, en général , l'adoraient; 
le soir et le matin , dans leurs familles , ils apprenaient à leurs ea- 
fants à prier Dieu-pour Sonthonax. 

Giraud et Leblanc , aussitôt après leur arrivée, commencèrent à s'é- 
loigner de Sonthonax dont les passions violentes les effrayaient. Mais 
Rayn^ond , homme de couleur et commissaire civil, en suivit le systè^ 
jne politique. 

Sur les plaintes de Laveaux , la commission civile appela au Cap le 
général Villate, pour qu il rendit compte de sa conduite. Le peuple 
ignorait les dispositions hostiles de Sonthonax à l'égard de ce général. 
\illate partit du fort de la Martellière , et vint au Cap avec quelques 
ofiiciers. Dès qn il se présenta aux portes de cette ville , qu'il avait 
sauvée plusieurs fois psir son grand courage, tous les anciens librf 
aoirs et jaunes et presque tous les bourgeois blancs, se précipiter^ 
au-devant de lui , le pressèrent , le couvrirent de lauriers , l'^ccon/' 
l^nérejit au Palais National ^ avec 4^ grande «CfclawaMOQ^ i et aiyr^ 



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RfsToiRG d'haiti— ( 1788 ) 045 

He Vive ïa tléptibïîque , vivant le« commissaires civils, vjve Vîllate^ 
le sactveur du Cap ! Ce fut pour lui un vrai triomphe. 

Cet enthousiasme , ces cris d'allégresse , attirèrent L^vea^ix sur la 
place du gouvernement. Dans son indignation , il lança des dragonf 
sur la fouie qui fat dispersée. Après avoir été entendu pendant doux 
heures par la commission civile-, Viltate fut renvoyé à la Martcllière, 
malgré les efforts de Sonlhonax pour le faire arrêter. 

Celui-ci déjà en raésinlelligence avec ses collègues Leblanc et Girarnl^ 
resserra ses liaisons avec Raymond, s'attacha Tadjudant-général Mentor^ 
noir de la Martinique, d'un esprit cultivé, et les généraux de brigade 
Pierre Itfîchel et Léveillé. 

Quant à Roume , aussi membre de la Commission^ , il devait se tenir 
à S'^^-Domingo comme nous Vavons dit , jusqu'à la prise de possessioa 
de la colonie espagnole par les troupes françaises. 

Sonthonax dominant au Cap, sans obstacle, se laissa aller à toute 
Tanimosité qu'il entretenait contre les anciens libres et même contre 
les créoles blancs. Excité par Laveaux et Pcrroud, il ne craignît pas 
de casser la décision de la eommissioo ci^He en faveur de Viilate , et 
d'arrêter le i5 Mai (26 Floréal an 4) qu'il serait envoyé en arresta* 
tion à bord d'un dos vaisseaux de la rade. Yillate continua à demeu- 
rer à la Martellière. Alors Sonthonax le mit hors la loi , ordonna de 
lui courir sus et de l'emmener mort ou vif 

Ces mesures que les passions politiques dictaient , (car la première 
décision de la eommission civile devait être respectée), jetèrent le dé-* 
eespoir dans la classe des anciens libres qui furent sur le point de 
courir aux armes. Sonthonax se vit contraint de révoquer sa procla- 
mation. Il réunit les généraux Chanlatte , Laveaux , Toussaint, Pierre 
Michel, Léveillé, et après les avoir entendus, arrêta conjointement avec 
Raymond, le 18 Mai, que Yillate serait^arrêté et conduite bord du 
Watigny. ' Yillate vint au Cap et se rendit à bord de la frégate la Hé* 
duse ; vingt huit de ses principaux partisans furent arrêtés et envoyés 
sur la corvette la Hiéna. Ils partirent pour France, cttjfurent empri« 
sonnés à leur, arrivée à Roeheîbrt. Tous ces événemens impertans eu« 
rent lieu dans la semaine qui suivit le retour de Sonthonax à Saint* 
Dominguc* 

Pour récompenser Toussaint de la conduite qu'il avait tenue envers 
Laveaux , dans l'affaire du 30 Yentôse , et pour le mettre au-dessus 
de tous les officiers anciens libres , la co^nmission oivile le proclama 
général de division/ 

•Sonthonax fitdîslribuer aux nouveaux libres 20000 fusils neufs. Il disait 

i chacun d'eux en lui remettant une arme: • voici ta liberté que 

e donne Sonthonax ; celui qui t'enlèvera ce fusil voudra te rendiecs- 

^ve. » Il disait aux cultivateurs: « travaillez; mais n'oublier pas 

4^ personne n'a le droit de vous forcer a disposer de votre temps 

^^e voire gré. » Il écrivit i tous les commandaos d'arroadîsse!» 



mens et iù communes de ne pâs maltraiter les laboureurs , de ne pas 
les enrôler , et de les laisser cultiver leurs champs. Par un arrêté , 
il ordonna d'arracher une chaîne et un oarcan fixés dans une des mai« 
sons du Cap , afm qu'il n'existât plus dans la colonie aucun signe de 
Fancien esclavage. 

Il commit la faute de distribuer aussi des armes & tous lés culti* 
valeurs de la Grande Rivière et de Vallière qui avaient formé les 
bandes de Jean François, et étaient des ennemis acharnés de la Ré- 
publique. Ces hommes , à Tinstigation des Anglais , se soulevèrent 
dans les montagnes « et recommencèrent une lutte sanglante contre 
l'autorité nationale. Ils firent aux républicains une guerre de parti* 
sans portant le drapeau blanc , et prirent le nom de Vendéens de St. 
Poraingue. 

Toussaint équipa avec les armes qui étaient arrivées de France diK 
demi-brigades qui fournirent un effectif de plus de i6,00() hommes, 
La 9' et la 10'' furent organisées au Port-de-Paix et dans les mon- 
tagnes qui avoisinent le Mirebalais. 

Rigaud , de son côié, ayant appris la conduite de Sonthonax , & 
l'égard des hommes de couleur du INord , se tint sur ses gardes , et 
administra le département du Sud presque dans l'indépendance de Tau* 
torilé du gouverneur La veaux. 

Sonthonax établit au Cap des écoles que les jeunes gens noirs et jau« 
Des de toutes conditions fréquentèrent. Il les exhortait à s'instruire 
afin de se montrer dignes de la liberté dont ils jouissaient. On leur 
enseignait outre les élémens ordinaires , l'histoire grecque et la ro« 
maine; ils employaient plusieurs heures, chaque jour, à chanter les 
hymnes patriotiques. Il en envoya un grand nombre en France, qui 
entrèrent dans les écoles du gouvernement. Pour contraindre les noirs 
0t les hommes de couleur ci-devant esclaves i apprendre à lire et à 
écrire , il annonça qu'il ne délivrerait aucun brevet d'eflicier aux ci- 
toyens qui ne pourraient signer une pièce quelconque. Alors dans chaque 
maison du Cap, on vit pour ainsi dire, une petite école , où des hommes 
môme de 50 ans s'efforçaient d'apprendre i lire et à .étrire. 

Le citoyen Raymond sd chargea particulièrement de tout oe qui é- 
tait relatif à l'instruction publique. On publia au Cap un journal 
officiel intitulé r/fnpar^ial , dans lequel la commission fit imprimer ses 
arrêtés et ses proclamations ; et un comité d'instruction publique fut 
établi. Lès cultivateurs qui comprenaient combien l'instruction était 
nécessaire à la conservation de la liberté, demandèrent à Sonthenax 
de jeunes enfans européens sachant lire et écrire , pour les instruire* 

Toussaint envoya au Cap son fils Isaac et son beau- fila Placide , et 
annonça^ a Sonthonax qu'il voulait les faire partir pour France le plus 
tut possible , pour qu'ils fussent placés dans les écoles nationales ' 
Le i2 juin, Slonthonax lui écrivit que ses fils ne partiraient pas &/ 

U corvette la iliéna, voulaat qu'ils 'sç reodissont ev France sur^ 



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bftliment àe (brce» afin <fue les enfans d'un des pTiis fermai sou tienu 
de la liberté à St.-Domingue , ne fussent pas exposés à œtomberdans 
Tesdavage; il lui amnonça qu'ils partiraient sur iô vaisseau le Wati* 
gny de 74 » assez redeutable pour foixer les lignes anglaises. En effet 
quelques semaines après c% navire appareilla, et emporta ces deux 
jeunes geiis qui furent placés en France au collège de Liancourt. 

Sonthonax fit jouer au Cap, dans une maison particulière, une pià^ 
ce intitulée la Liberté Géiiérale , dcuos laquelk il fit ëgurer Pâige^ 
Brulley , Larchevèque Thibaud qui avaient pris à Paris le titre de com* 
eiissaires de St. DoKiingue. Ces personnages étaient repr^ntés aus 
nouveaux libres comme les ennemis les plus implacables de leur libertés 
La plupart dea blancs du Gap s'indignèrent de cette représentation ^. 
et prétepdirent (|iie Sonthonax voulait rendre odieux aux noirs tous 
les anciens prapriétaires de St. Domingue, qu'il soufflait le poison de la * 
vengeance contre les malheureux blancs, et appelait le poignard sur 
leurs tètes» Ils écrivirent en France qu'il excitait les noirs è la li% 
cence, en faisait des vagebonds et des assassins. Cependant Hoûtho* 
nax écrivait sans cesse aux commandans de sections , d'exhorter les 
cultivateurs au travail , afin que le& enfaos de la Uberté vinssent k 
sentir qu'on ne peut la conserver qu'en gagnant de quoi la défen« 
dre.^ Il réprimanda plusieurs fois le colonel Moyse qui dans le quai:-* 
lier ou il commandait détournait les laboureurs de leurs travaux ea 
les enr<^lant ; il refusa même de lui faii*e délivrer à l'arsenal du Gap^ 
800 fusils au*il avait demandés pour armer de jeunes cultivateurs 
antres dans la 6? demi-brigade coloniale. 
^ Pondant cet intervalle» il était arri\é au M<Vle St-Nicolas un reivfort 
considérable de troupes; il s'élevait à 7^000 Iwmmes, sous les ordres 
du brigadier-général Uowe. Les Anglais profilant de l'arrivée de ces 
nouvelle troupes en dirigèrent une partie contre Bombarde. Cctta 
paroisse, parfaitement rptentée de vivres de toutes espèces , devait ètrf 
d'une haute importance pour la garnison et la Qotte du Môle. Bomt 
bardcLest à cinq lieues du Môle, et le seul chemin par où on peut y 
aller avec de l'artillerie était rempli de barricades faites de grands 
arbres renversés et d'énormes pierres. Quand les Anglais se mirent 
en marche , le vont soulevait d'épaiss^'s poussières dans le grand che« . 
min. Us arrivèrent au nombre de 2,000 devant le fort qui protégeait 
le bourg, à midi, à travers une atstiosphère brûlante, sans avoir ren^ 
contre une eoutte deau. Bombarde était occupé pir 300 allemands 
où sangmèlés d'allemands et d africains c|ui en étaient les habitans* 
Après une heure de combat la giirnison capitula. (44 Juin 1796 ) Les 
anglais oomptèreot 8 hommes tués tantyofiiciers que soldats et 18 
Mss$és« Mais, peu de jours après, assaillis de toutes parts par It 

, LeMre de Sonthonax à NoSi, commandant do la garde nstioAale du Doq^ 
^^^^ £00 letuow i pUisieiU3 autres officiers nstir^ 



pL9i HISTOIRE D^IUTI. — ( 1796 ) 

j|[éBéra1 Pageot qui commandait au Port-de-Paix , ils furent obligés 
d'évacuer le bourg , après avoir perdu 400 hommes. 

En mâme temps, le gouverneur Laveaux se rendait avec quelques trou* 
^' pes au Fort-Dauphin ou Bayaha, et en prenait possession au nom de la Ré« 
publique^ le i 4. Juin (26 prairial an 4). La commission civilearrêta que Foi l 
Dauphin serait appelé Fort-Liberlé. Cette nouvelle dénomination plut 
aux noirs de cette vjlie qui donnèrent de magnifiques fêtes au gou- 
\erneur Laveaux. Celui-ci arma aussitôt le fort Labouqiie , ainsi que 
la batterie de TÀnse. Le jour qui suivit Téntréedes républicains (13 
Juin) les troupes espagnoles évacuèrent la place; elles s^embarquèrent 
pour S*^ Domingo, sur (juatre yaisseaux de Tesoadre du marquis d' EU 
Socorro^ 

Peu de jours après la commission civile se détermina à envoyer le 
* général Rochambeau prendre possession de S/^ Domingo , à la tète da 
quelques fsrces. Celui-ci avait été nommé, comme nous l'avons vu, 
fsommandant en chef de la partie espagnole, par le directoire^exécutif, 
}e 12 Février 1796. Sonthonax écrivit au général Bauvais , à Jacmel, 
de tenir , aux ordres de Rochambeau , 200 hommes d'infanterie de la 
légion de l'Ouesi; et à Rigaud, dans le Sud, de faire partir pour le 
Cap, 800 grenadiers c(e la légion du Sud, destiaés à aller tenir gar-» 
nison à S.** Domingo. Ces deux généraux se montraient peu disposét. 
^exécuter les ordres du commissaire civil qui, pensaient ils , vou- 
lait les afiaiblir pour mieux les écraser ; ils lui avaient même fait des 
observations au sujet de ees envois de troupes, quand une sérieuse 
mésintelligeqce éclata entre Rochambeau et la commission oivile. Ro^ 
(îhaqibeau ne voulait pas, en se rendant dans la partie espagnole , frois-^;^ 
ter des populations déjà hostiles , en y. implantant les lois et les usa-« 
|[es de la République. Sonthonax voulait que les aristocrates de cotte 
colonie fussent traités eomme ceux de tous les autres poiÉk de la 
République ; que l'autorité y fut livrée aux esclaves dont la Imerté se* ^ 
rait proclamée. Ce fut en vain que Rochambeau lui fit observer que 
}t politique exigeai^ une manière d'agir moins violente, Il finit par 
refuser d accepter le plan de conduite que lui avait tracé la commis- 
sion civile. Il excita contre lui*même le général Toussaint en le trair 
tant d'ambiteux, d'ennemi des blancs ; il se plaignit des dilapidations 
des chefs noirs et de couleur qui, disait-il, disposaient des hommes etde« 
choses dans tous les arrondissements où ils étaient de véritables caciques ; 
et il accusa Sonihonax de favoriser les nouveaux libres au détri(nent des 
blancs.. Le 21 Juillet, la commission civilearrêta que Donatien Rocham-t 
))eau , général divisionnaire ^ serait à Tinstant s^rrêté et conduit à bord 
de la corvette le Berceau , ^pour y être détenu , à la disposition de lat 
•otqmission jusqu'à ce qu'il en fc|t autrement, ordonné, cous la respoi^^ 
habilité personnelle du capitainç de cette corvette. Rochambeau s em 
barqua , et partit pour France le 26 Juillet. Quand il arriva à Uqf 
4eaux , il fut emprisonoé au Château du Hâ. 11 fui^ mis en libei^ 



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HtsToiRE d'haiti.— ( 1796 ) s 10 

après n'y être rcslé que douze jours. Sonthonax écrivit au commis- 
saire civil Roumc à S'*-Doming(\ qu'il allait envoyer Laveau\ prendro 
possession de celle ^illc. 

La commission civile fif célébrer au Ca^p , une grande solennité fu- 
nèbre à la mémoire de Polvérel. Le gouverneur Laveaux fit bailre la 
générale ; tous les citoyens prirent les armes , et le service fut chanté, 
au milieu des détonnalions de Tartillcrie et des acclamalions du peuple 
qui laissa éclater un enthousiasme presque aussi grand ({ue le jour 
de la proclamation de la liberté générale. Déjà le général tiauvaisa\ail 
fait célébrer un pareil service. à Jacmel. 

Pendant ce temps le délégué de la commission civile au Port de Pai^, 
Albert, s'efforçait à. porter les cultivateurs au travail, poursuivait avec 
acharnement les agitateurg. Toussaint de son coté, enlevait Banicaaux 
Anglais; et la corvette la Méduse, en croisière, rentrait au Cap avec 
cinq prises anglaises , 450 prisonniers , 2,400 fusils , et de nombreux 
habillemens de troupes. Les frégntes la Railleuse , la Renommée , 
l'Insurgente , Tllarmonie, la Méduse, croisaient alternalixement. Mo- 
line , homme de couleur , armateur et corsaire , inquiétait considéra* 
blement le commerce anglais le long des côtes de la colonie. 

Les révoltés de la Grande Rivière qu'armaient et que soudoyaient les 
Anglais , pénétrèrent^ S'* Rose, assassinèrent Gagnot, le commandant 
du bourg, et se livrèrent aux plus grands excès. En même temps les 
Anglais prirent sur les républicains Banica et Lescahobes, et massacrè- 
rent la plupart de leurs prisonniers. Moyse assailli auDondon, parles 
insurgés de la Grande Rivière, s'y maintint a\cc peine étant pri\é de 
munitions. Les généraux Pierre Michel et Lé\eillé , après avoir com- 
biné leurs opérations marchèi*ent contre les révoltés , les culbutèrent , 
les repoussèrent au loin, et leur enlevèrent le camp Charles Sec. 

Cependant Toussaint éîait un peu découragé ; ses soldats abattus par 
les pri\ations de tous genres, allaient au feu $ans enthousiasme et étaient 
depuis^ quelque terïips souvent battus. Il se plaignit ik Sonlhoaax de 
la détresse de son armée. Le commissairo civil lui répondit : « L'é- 
tat de détresse que vos troupes éprouvent en ce moment est une 
suite mallieureustt , mais inévitable des guerres que la liberté soutient 
contre le despotisine. S'il était nécessaire de vous citer des exem- 
ples à l'appui de cette vérité , j'en trouverais à chaque page de T his- 
toire de tous les peuples qui ont combattu pour leur indépendance. 
A Suratoga, 2,000 Américains, sans habits, sans bas, sans souliers, 
ont, sous les ordres du général Gates, fait prisoniiiers t),OÛO An- 
glais commandés par Burgoyne. A la retraite de Charlestown , les 
Anglais suivaient les Américains et Washington à la trace du sang 
de leurs pieds. Les Français dans la lutte terrible qu'ils ont eu u 
ft squtenir centime lEurope entière on4 supporté tout le poids de la 
« guerre et toute la rigueur des saisons , presque nus , sans argent 
f et «Quvent sans vivres j l'armée du Nord a fait au milieu de l'hivei^ 



260 HISTOIRE D'Hilfl.— ( 1796 ) 

€ le plus cruel la conquête de la Hollande, bîvoûâqOanl toutes feft 
« nuils sur les neiges et sur les glaqes- Notre révoluiîon', général > 
€ est remplie do ces traits sublimes de dévouement; ce n'est pas pour 
« vous jquo je les rappcllo, accouluraé depuis longtemps à tout souf- 
« fiîr pour la cause de h liberté; quelques saeriiices que la Patrie 
« vous demande 'encore , ne sont fms capables de vous arrêter aAk 
« milieu de vos glorieux travaux. 

c Mais rappelez les, ces traits héroïques, aux républicains que vous 
« commandez; qu'ils servent à soutenir leur courage, et à leur Taira 
« attendre avec une nouvelle constance linstant où ils pourront- joule 
« d'un sort plus heureux- 

« jNous aimons à lo croire; il n'est pas éloigné ce moment fortuné; 
« et combien alors ils seront liers de leurs sacrifices, tandi^c^ue leg. 
« lâches, vendus-aujourd'hui aux ennemis de la liberté, ne recueille^- 
« ront d'autre prix de leur confiance que l'esclavage et la haine de 
<K leyrs frères. Le litre de congos tout nus que leur donnent les sa* 
« lelliles de l'Anglrierre , loin de les avilir, les lionore; les soldats 
< des despotes aussi traitaient de carmagnoles ^ de sans culottes ceux d% 
« la République qui ont immortalisé le nom français. * 

Toussaint grandissait chaque jour; son ambition s'était prodigieuse-^ 
menl dévoioppce; il désirait secrèloment remplacer Laveaux gouverneur 
et commandant en chef des troupes de la colonie. Sorfthonax qui 
croyait pouvoir en faire l'instrument de sa politique, entretenait soa 
ambitio!! eu la flattant; il lui laissait entrevoir la possibilité de parve- 
nir à la première dignité coloniale; mais il rencontrera en lui un obs* 
tacle d autant plus difiicile à surmonter que les colons l'auront dressé 
en haine des principes révolutionnaires. 

Sonthonax qui sacriiiait tout ù la liberté des noirs, blancs et hom- 
mes de couleur, commençait déjà à parler à Raymond,, son collègue^ 
d'une Constitution coloniale par laquelle ^^Domingue se régirait selon 
ses mœurs, ses localilés , son climat. La France n*eùl exercé qu'une 
suzeraineté sur la colonie, et eût été obligée de respecter les dignités 
qui eussent été cotifcVîées par TAsscn^blée coloniale. Les nouveaux li- 
bros inhabiles dans Tadministralion des alfaires publiques, aurateateu. 
besoin d être guides dans le nouvel ordre de choses qui pouvait s'éta-* 
blir; une tutelle leur serait devenue nécessaire; on ne peut s'empê* 
cher de reconnaître que Sonthonax eût voulu exercer cette tutelle. 
Mais Toussaint qui comprenait fort bien ce qu'il y a\ait d'avantageux 
pour sa caste daiis rexécution de ce projet, ^ sentit capable de l'ac^ 
complir. Son ambition contrariée par celle de Sonthonax fera naître 
la fplus grande animosité entre lui et le commissaire civil, qui cédant 
à la force numérique se verra contraint de quitter la col^oie. Déjà {% 

* Lettre de Soatbonax à TouasaiM 



.\ 



HISTOIRE d'haiti- — ( 179€ ) 251 

parti colonial qui découvrait que la puissance anglaise s'afliiiblissait 
chaque jour à St-Domingue , avait jeté les yeux sur Toussaint Louvor- 
lure e4 Teotourait de séductions. Les colons ne pouvaient se rallier 
autour de Sonthonax qui les poui\suivait à outrance parce qu'ils com- 
battaient la République; ils ne pouvaient non plus se rallier eulour 
lie Rigaud et de Bauvais qui leur appliquaient avec la dernière rigueur 
les lois contre les émigrés et les prêtres non assermentés. Toussaint 
qui relevait les autels dans les quartiers où il commandait, qui avait 
'^ervi dans les troupes royales espagnoles était pour eux d'un accès plus 
facile. Ils laideront à mettre en pratique ce que voulait SonlhonaXy 
et ils seroat à l'abri , sous sa puissante égide , des vengeances révolu- 
tionnaires. 

Bauvais et Rigaud étaient pleins de foi en la République française; ils ne 
croyaient pas qu'une réaction contre la liberté générale fut possible. Aussi 
traitaient-ils déjà de projet criminel, de projet d'indépendance, lo plan 
de Sonthonax qui avait transpiré, par lequel St.-Domingue, tout en 
demeurant partie intégrante de l'empire français , devait avoir une 
Constitution spéciale. Quoique très-dévoués à la liberté des noirs, comme 
toute leur conduite Ta prouvé, ils avaient la prétention d'en ^Ire les 
tuteurs. Us durent donc se trouver d'abord en hostilité avec Soniho- 
liax qui considérait les nouveaux libres comme ses enfans, et ensuite 
avec Toussaint qui voulait diriger les siens eu exerçant sur eux une 
autorité immédiate. 

Sonthonax savait que Bauvais professait un si grand respect pour 
les agents de la métropole, qu'il ne doutait pas qu'il ne se soumit à 
son autorité, tant que le Directoire ne le rappeleraii pas. Aussi se 
hâta-t-îl de tenter d'écraser Rigaud dont les passions violentes, le carac* 
ière indomptable ne lui permettaient pas d'attendre une obéissance 
passive. Déjà Rigaud, depuis l'embarquement de Villate, se plaignait 
hautement du projet de La veaux et de Sonthonax de faire passer toute 
l'autorité entre les mains des nouveaux libres, et de placer en seconde 
ligne les anciens libres. 41 disait souvent que lorsqu il versait son 
sang pour la République , pour la liberté générale , Toussaint servant 
dans les armées du roi d'Espagne, combattait pour le rétablissement 
de la servitude. H n'accusait pas la France de perfidie à l'égard des 
hommes de couleur, mais bien ses agens, qu'il considérait comme 
des ambitieux qui méprisant, croyait-il, les instructionsqu'ils avaient re- 
çues, travaillaient à satisfair,e leurs intéri^ts particuliers, ù s'cuiichir 
au plus vite en égarant les masses encore plongées dans rignorancc. 
Cependant Sonthonax ne mettait en praiiqi^^ue la politique française; 
€ar le Directoire, d'après les rapports de Vreaux et de la commission 
civile, ne doutait pas que les meilleurs français de la colonie ne fus- 
sent les nouveaux libres qui devaient tout à la .révolution. Le Direc- 
toire exécutif croyait aussi que les noirs seraient plus faciles à 
diriger ^ue le» hommes de couleur dont i^ prétwtions à la domioa- 



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252 FTISTOIRE D'rtAtTI.~( 1796 ) 

lion poîiiîquo conlrariaient les' mesures de la m^lropoïc. Ce ne seMI 
qu'après h mission du général Hédouville que le gouvernemem fraol- 
çais acquerra la certilude que les anciens libres quoique travaillant 
«ans cesse à ,cxorccp la prépondérance poHlique, étaient les citoyens 
les plus dévoués à- la métropole. Aussi Hédou ville s'eflbrcera-t-il de 
relever le parti français en ex,citant Rigaud à s'armer contre Toussaint 
LouvertiMc. De là naîtra la guerre civile; et par la chute de Rigaud, 
le principal obstacle à la proclamation de 1 Indépendance d'Haïti sera 
renversé, Qnahl à Sonlhonax, son négrophilismt s'était tellement dé^* 
vcloppé, qu'il eût peut-être, dès lors, quoique français, excité les 
noirs à proclamer Tindépendance pleine et entière de S'Domingue, 
s il a\ait eu la cfrtitude que la France dut un jour rétablir l'cscla-- 
vage dans ses colonies. Jusqu'alors il n'avait que des appréhensions 
pour la liberté des masses; de là son projet d'une constitution colo 
niale, dans laquelle la liberté des noirs e6t été consacrée, de ma<- 
nière à la mettre à Tabri des réactions de la métropole, de manière 
aussi à légitimer la résistance en cas que la Servitude fût rétablie ^ 
quoique la résistance à l'oppression soit toujours légitime. 

il résolut d'enlever dans le Sud Tautorité aux hommes de couleur^ 
pour la tivr«r^ comme dans le Nord et dans 1 Artibonite, aux nouveaux 
lîbces. il tivait déjà écrit à Rigaud que rassemblée électorale tenue 
aux Cayes était illégale. La commission civile qui dès le 29 Mai 179ft 
avait résolu d'envoyer des agens dans le Sud, délégua pour cette province 
trois citoyens, le général Kerverseau, homme d'une grande équité, 
mais faible, Rey et Leborgne de Boigne connus par leur immoralité' 
et leurs dilapidations. Ces délégués reçurent pour instructions « (31 
« Mai ) de surveiller, do conduire et de ^diriger toutes les branches 
« du -gouvernement dans l'espace do terrain qui s'étend depuis le cap 
« Tiburon jusqu'à Sale-Trou et au Port^Républicain. Ils étaient revêtus 
« d'une auioriié supérieure à toutes les autorités civiles et militaires^ 
« et même investis du droit de décerner des mandats d'arrôt contre 
« ceux qui conspiroraicnl contre la sûreté et la tranquillité publique. * 
Leurs pouvoirs no devaient durer que 'trois mois. Ils étaient en ou- 
tre spécialement chargés d arrêter Pincbjnat, c^t apôtre de la liberté 
dont te seul crime était , au yeux de Synlhonax, d'être î'àme des opérations 
des anciens libres. Pinchinat voulait que les nouveaux libres eussent 
à leur tôle les noirs et les hommes de couleur les plus éclairés jus* 
qu'à ce qu'ils fussent par leur éducation et leurs lumières capables 
de diriger eux-mêmes la nouvelle société coloniale. La commission cî« 
vile envoya bn même le|^ » dans l'Ouest Idlinger comme commissau 
re ordonnateur. ^F 

Les délégués arrivèrent aux Cayes sur la corvette b Doucereuse^ 
vers la fin de Juin. La population les accueillit avec froideur, car 
elle se doutait de l'objet de leur mission. La masse noire qui aimait 
ks hommes 4e couleur tlaas cette province ^ les v(jt avec déf^o^ Lot 



HISTOIRE d'iiaiti. — ( 1796 ) 258 

mulâtres du $ud ri^avaient jamais cessé de comballrc pour la Uberté ; 
peui de la Grand' Aose avaient mieux aimé se faice «exterminer que de 
86 soumeltre à Tancienne domination coloniale. C'est la seule province 
<le poire lie , où les anciens libres en masse aient embrassé la causo 
de rémancipalion générale. Rigaud était aussi vénéré parmi les noirs 
ilu Sud que Sonthonax et Toussaint l'étaient parmi les noirs du Nord 
et de rArtiboBJte. ^ 

Peu de jours après 1 arrivée des délégués , le général Desfaurneaux 
vint aux Gayes avec le titre de général en chef de rarniée du Sud que 
commandait Rigaud. Celui-ci était à Tiburon« Alors Timlignation fui 
à son comble. On apprit en même temps que Dcsfournaux y de Ti? 
buron aux Gayes, n'avait parlé que de Textermination des hommes do 
couleur , qu il s'était efforcé d exciter les afr icains contre les anciens 
libres. Les africains pleins d amour pour les mulûtres^ avaient eux- 
piêmes rapporté à -ces derniers les paroles du général européen. Rey, 
et Leborgne qui s'appelait le Ma rat des antilles., les officiers de Tétat- 
major de Desfourneaux insultaient publiquement les hommes de cou* 
)eur , leurs femmes, leurs filles. Ils se livraient ouvertement auxdi* 
lapidations les plus scandi^leuses. Leborgne de Boigne avait même ose 
séduire la fiancée du général Rigaud ; il s'en glorifiait par toute la ville. 

Dans cet intervalle les délégués reçurent une lettre de Sonthona\ 
qui les exhortait à agir avec force et courage. * Le bruit se répan- 
dit aussitôt aux Gayes que Sonthonax avait envoyé Tordre d'arrêter 
J^închinat. Par un arrêté du 15 Juin , la commission avait mandé ^ 
fiU Gap Piacbinal^ pour qu'il rendit cempte de sa conduite. ** Gette 

- * Lettre de Sonthonax aux délégués dans le Sud (9 Therinidor an 4 , 27 
Juillet 1796. ) 

*• 27 Prairial an 4 [ 15 Juin 1796. ] La C »mniission du gouvernement 
français déléguée aux îles sous le vent , considérant qu'il résulte dds décla» 
rations prises à roccasiou de l arrestation du gouverneur jorénéral Laveauxetde 
l'ordonnateur général Perroud. le 30 Ventôse dernier ( 20 Mars 1796 ] , qu'un des 
motifs cachés de cette rébellion était de détacher la colonie de la métropole, 
et de former une assemblée coloniale ; que le citoyen Pinchinat est Tauteur 
de ces troubles, l'instigateur secret d» ce projet criminel , qu'il est venu dans 
cette partie qui n'est i3as son séjour ordinaire pour ourdir cette trame ; 

Arrête que le citoyen Pinchinat est mandé au Cap par l« retour de la corvette 
In^f doucereuse, pour^rendre compte de sa conduite à la commission ; charge la 
délégation dans 1h département du Sud de l'exécution du présent arrêté. 

Au Cap 27 prairial Tan 4 de la République française, une et indivi:5ible. 
Signé, Sonthonax, président de la commission. 

Pinchinat depuis le départ de Polvérel et de Sonthonax pour France , en 
.1794, vivait aux Cayes en simple particulier. Quand les colonnes républi? 
f^nes sortaient contre l'ennemi il s'armait, marchait avec elles commei. simple 
^renadier^ se battait avec' intrépidité , et chutait leura exploits ^ après la vifi* 
loire. ii av^t ^qx» 67 m^ Q^virQnt 



f 



25 i HISTOIRE D^HAITÎ.— r( 1796 ) 

DouveKe exaspéra tellcinent Id population noire et jaune qu'une iti^Hf- 
reclion faillit éclater. Mais déjà Pinchinat avah pris la fuite et s'é^ 
tait retiré clans les montagnes des Baradères. En même temps, les 
africains de la plaine entrèrent en ville, pleins d'indignation contre 
la délégation , annonçant qu'un jeune noir nommé Edouard, instruit^ 
d'une belle figure, parcourait les campagnes , et excitait, maisenTam^ 
les culllvateurs contre les hommes de couleii^. Edouard attaché à l'é- 
tat major de Desfourneaux avait été envoyé dans le Sud par la com- 
mission civile. Les délégués , pour opérer une diversion à Tefiferves- 
- eence générale, se résolurent à entreprendre une expédition contre leg 
Anglais de la Grand' Anse. Il fut décidé que Tarmée républicaine en- 
trerait en campagne contre Tennemi ^ divisée en trois colonnes. Bigaud 
reçut Tordre de marcher de Tiburon contre les Irois; Desfourneaim 
devait attaquer en personne le camp de Plymouth , et le lieutenant- 
colonel Doyon reçut Tordre d'attaquer le camp t>esrivaux. 

nigaud en recevant les dépêches de la délégation , apprit par les 
lettres d'un de ses amis. Juste Bigot olficier dans la légion du Sud ^ 
la conduite que tenaient aux Cayes, Rey et Desfourneaux. On ne lui 
laissa pas non plus ignorer que Leborgne avait séduit sa iiancée; quoi-^ 
que d'un tempérament trés-violent , il eut assez d'emf^ire sur lui pour 
étouiïer son indignation, il obéit aux ordres de la délégation et se 
mit en marche contre les irois qu'occupait le général Bowyer. La 
garnison anglaise était de plus de 2,000 lK)mmes. L'armée républi- 
caine s'arrêta sur Thabilation Laroc où elle campa le long de la mer< 
Une frégate anglaise la découvrit , la canonna pendant trois heures ef 
lui fit éprouver quelques pertes. Le lendemain Rigaud leva le camp^ 
et arriva dans la même journée à la portée du canon du fort des Irois. 
C'était le 7 Août. Cette fortification s élevait au sommet d'un rochcf 
presque à pic que baigne la mer. Le sentier qui y conduisait était 
si étroit que deux hommes pouvaient à peine y marcher de front. Ri- 
gaud rangea son armée, forte de 2,000 hommes, en bataille dans la 
plaine. Une colonne de 300 grenadiers portant de longues échelles 
reçut ordre do donner l'assaut. Les Républicains , malgré les bou- 
lets et la mitraille du fort, en atteignirent le pieJ, sans tirer un seul 
coup de fusil , aj)pliqQérent leurs éehelles contre le rocher et comment 
céreni à grimper. Aussitôt un feu plongeant des plus meurtriers ^ 
l'eau bouillante , le plomb fondu , d'énormes pierres couvrirent nos 
grenadiers. Le gros de la division, Tarme aux bras dans la plaime, se 
tenait immobile sous le feu des Irois, sans pouvoir y répondre. Nos 
grenadiers renversés de leurs échelles , périrent la plupart. Rigaud 
ordonna la retraite. Mais la cavalerie ennemie s'élança dans la plaine/ 
et chargea avec fureur. Les hussards anglais travei'sèrent Tarmée rè^ 
piublicaine dans toutes les directions, faisant le plus affreux carnage 
de nos* soldats qui furent en grand nombre précipités dans la mer. 
Plusieurs bataillons perdirent leurs drapeaux. La terre mouvante dt 



mSTOIKE. d'haITI.— ( I79fl ) 



255 



%k plakiÊ lalentit Timpéluosité de la caTalerie, et sauva le reste de fio- 
U*e 9^rméfè. RigaUkl rentra à Tiburoa avec les débris de ses troupes. 

Eu même lemps le général Desfourneaux était parti des Gayes à la 
ièïe d'une celonne. Les délégués accompagnaient l'armée qui arri\a 
^ vue du camp Raymond, le 7 Août (20 thermidor (Tn 4). Un corps 
d'AjQglaiSy et des coiona royalistes occupaîeiit la position. Les délégués 
pflrireot à ees derniers die se soumettre, leur promettant qu'ils joui* 
jrsRefit d'une amnistie (5 Juillet 4796) que la commission civile venait 
d'accorder aui royalistes, lis répondirent aux républicains par lafu* 
dillade; on en vint- anx mains ^ ât Desfourneaux complètement battu , 
^ retira sFu cainp Perrin. 

Dôyoïi a!né , de son calé, à la tête de la colonne du centre, atter- 
gait les Anglais, au camp Thomas, non loin du camp Desrivaux, et- 
les taiih en pièces ; mais ayant appris la défaite de D>esfourneaux , il 
jx^ put, profiter de son succès, et battit même en retraite pour n'ê- 
tre pas assailli par toutes les forces ennemies. 

Au camp ^éirin , Desfourneaux et les délégués éclatèrent en inveclf- 
\ea contre les hommes de couleur auxquels ils attribuaient , dans leur 
jPiireur, l'échec qu'ils venaient déprouver. Sur ces entrefaites , ils re* 
curent une lêfctre de Sontboaax qui les e^^hortait à ne pas renoncer à 
réxécutidn des instructions qu'ils avaient reçues. < Il est malheureux, 
€ leur disait le commissaire civil , que toutes les démarches que vous 
v avex faites jusqu'à ce jour pour vous saisir de Piochinat aient été 
%' infructueuses; les intri^|^le cet homme dont I inlluence dans la 
< partie du Sud est «vraii^^B/o^a/tf , peuvent nuire beaucoup aux 
4 suceès de vos opérationl|^^rnégiigez donc rien pour que les ordres 

i( de la < ommission à son égard soient exécutés prompiement 

c Ma dernière lettre contenait l'ordre d'arrêter Lefranc. La condui* 
« te politique que vous avez tenue a l'égard de cet homme, est peut- 
% être préférable à un coup d'éclat. * *' 

Lea délégués rentrèrent aux Cayes qu^ils trouvèrent en grande agi- 
tation. Le chef de brigade Boyé, ofiicier européen, elle générelBaïf* 
vais qui s'y trouvaient, s'etToi çaient de calmer lettlervescence. Leshom* 
fiies de couleur , certains de I appui du général Rigaud qui était tou** 
jours à Tiburon, préparaient un mouvement insurrectionnel. Ils avaient 
à leur tôte Augustin Rigaud, frère du général. Le 27 Août, après 
avoir fait solennellement publier la constitution par le général Bauvais*^ 
sur l'autel de la Patrie ," les délégués ayant reçu de nouvelles instruc^» 
tiens par lesquelles ils devaient agir vite et vigoureusement , iirent 
(emprisonner plusieurs oheft de couleur. Le lendemain Lefranc , 
commandant de Saint- Louis , fut arrêté. Mais il s!échappa des 
jOaios des dficiiers européens qui" to oooduisaieni à bord' de la coi^ 

^ Lettre de SaaU;^jQAX . am: délégués dMS le Sud 39 Tl^eyrn^djV ft» At 



S56 RlStOlRE EI^HAITI. — ( 1796 ) 

veWe l'Àfrieainc, ntlei^ift le fort Tllet, ety.fiuirer Talarme. (H Prtjcli* 
dor an 4. 28 Août 4706.) Il était quatre heures de raprés-midij 
Toiito la population noire et jaune en état de porter les armes , ré- 
pondit à son appel ; les honnmes de couleur s'emparéreâf aussi du 
fort de la Tourterelle. En même temps Augustin Rigaud faisait son- 
ner le tocsin sur toutes les habitations de la plaine* Les noirs pri- 
rent les armes en faveur des mulâtres leurs frères; l'insurrection s'é- 
tendit sur toutes les campagnes^ et les blancs furent égorgés de toutes 
paris. Les cultivateurs insurgés saccageant tout, demandaient à grands 
cris le général Rigaud ^ et disaient qu'ils ne cesseraient le carnage qu« 
lorsqu'ils Tauraient parmi eux. Le général Desfourneaux 6t le délé* 
gué Rey, craignant dlètre sacrifiés, s'embarquèrent à bord de l'Afri- 
caine ; mais comme ils vii'ent que les canons du rivage- allaient tirer 
sur eux, ils se jetèrent dans |Une barque, atteignirent l'Ile à- Vaches , 
d'où ils se rendirent aux Gonaïves. Us arrivèrent au Gap par terre,. 

Les dcMgués avaient reçu Tordre de tenir Rigaud éloigné des Cayes 
pendant tout le temps qu'ils y séjourneraient. Cependant, quand Kerver* 
seau et Leborgne virent leur existence sérieusement menacée, ils l'ap 
{)elcrent. C'était le seul moyen de faire cesser regorgement des blancs 
q^i commençait aussi à avoir lieu dans les rues des Cayes. Les cul- 
tivaleurs armés de manchettes, de piques^ de lances, de baïonnettes^ 
4e fusils, inondaient la ville. Ils demandaient aussi qu'on leur ren- 
voyât l'ordonnateur Gavanon consigné à 4>ord de l'Africaine. Ils lais- 
saient éclater la plus vive indignation c^^^ Bauvais qui s'était sou- 
mis sans répugnance à l'autorité de ^^^bneaux. 

Augustin Rigaud fit arrêter EdouaH^^ jeune noir qui faisait la 
propagande dans les campagnes , pour u^élé^ation , contra les hom* 
mes de couleur. Il le lif. fusiller à Ifslet. Edouard mourut avec le 
plus grand courage. Lilladam, jeune homme de couleur, partisan de 
Sonthonax , fut aussi cxécuté4 

Le général Rigaud , dès qu'il eut reçu les dépêches des délégués ,• 
partit de Tiburon avec 400 hommes et arriva aux Cayes le 80 Août/ 
après quarante huit heures de marches forcées. Au lieu d'aller au- 
près de la délégation , il se rendit au fort Tlslet^ dans la nuit même 
de son arrivée. Le massacre des blancs continuait dans les campagnes^ 
Rigaud qui pouvait arrêter la fureur des.noirs^ ne put contenir la 
sienne propre. Non seulement il était indigné contre les délégués 
qui avaient tenté de lui enlever sa prépondérance politique ^ mais en- 
core il a\ait le cœur saignant de t'atfront personnel qu'il avait reçu.r 
Il ne calma la fureur des noirs qu'après qu'il eut reçu de Kerverseau 
et de Leborgne les pouvoirs nécessaires pour rétablir Tordre et sau- 
ver la chose publique. * Il prit les délégués sous sa protection , et 
confia à un bataillon la garde de leur demeure. Peu de jours après, 

• Arrêté du 14 Fructidor an 4 (31 Août 1796). 



HISTOIRE D*IIAITI. — ( 1796 ) 857 

Rôy «t Leborgne de Boîgne , reçurent tine lettre dé Sonthonax quL 
leur disait que l'arrestation dé Lefranc était plus indispensable que jamais. 

Rigaud rendit compte à la Commission civile des événcmens des 
Caves , et la pria d envoyer dans le Sud d'autres délogués. Pinehi- 
nat ayant appris ce qui s'était passé, quitta sa rrtraile et revint aux . 
Cayes. on il fut porté en triomphe par le peuple ( ,5 Septembre)., 

Sonthonax ne voulant pas exaspérer Rigaud qui avait démontré jus< < 
qu'où. pouvait aller sa puissance, en V03 a. dans le Sud , comme repré« 
seotans de la commission civile , deux hommes de couleuc , les géné< 
raux d^ brigade Martial Bcsse et A. Chanlatte. Mais il le représenta 
au gouvernement français comme un traître travaillant- à se rendre in * 
dépendant de là Métropole. Le général Bauvais fut chargé de prendre de 
sérieux renseignemçns sur les événemens des Cayes , et d'en faire un 
rapport à la Commission civile. Les généraux de couleur Martial Besse . 
et Cbanlatte se rendirent dans le Sud, porteurs d'un arrêté de rappel ^ 
des membres de la délégation.. Kerverseau et Loborgne partirent des 
Caves emportant les malédictions de !a population. D'après les rap- 
ports, des délégués, la. Commission civile écrivit au Directoire: « Que 
Pinehinat et Augustin Rigaud insinuèrent aux.nojrs que les blancs nou- 
\ellemefit arrivés d'Europe n'étaient reveaus que pour les remettre 
aui^fers, et qu'il était temps de lesexterminer , afin de n'avoir plus, 
rien à craindre d'eux; que les blancs. n'a vaieint jamais. voulu sincèrement 
la liberlé des noirs ni des .hommes de couleur; que les hommes de 
couleur et les noirs étaient les véritables habitans, les vrais proprié- 
taires des colonies ; que tout leur appartenait , et que les blancs de- 
vaient être, exterminés ou chassés. & 

Kerverseau et .Leborgne arrivèrent au Cap le 6 Noyeipbre. Sontho- 
nax avant d'agir contre Kigaud par des actes ofTiciels, attendait qun 
le Directoire exécutif, auquel il l'avait peint comme un iudépendant, 
lui. envoyât des instructions à 'Son égard. Cependant Rigaud continua 
à rendre compte de ses opératii^ns à la. Comn^ission, civile, quoiqu elle 
eût cessé de répondre à ses dépèches. Il s'éludia par sa conduite , 
à' prouver, ù la Métropole combien le seatiment de l'indépendance était 
peu dans son cœur. Il' se livra avec une nouvelle ardeur à l'admi- 
nistration.. Les habitans du département du Sud, abandonnés de la 
Commission civile, se placèrent volontairement sous sa protection. I)*ua 
caractère tranchant , il fit partout sentir dans l'adiiiinistration sa main 
éoiBrgique. Il 'confia presque tout^^ les charges aux nouveaux libres, 
et les cultivateurs qui. l'aimaient , soumis à une discipline sévère, tra- 
vaillèrent avec ardeur^ et fournirent assez de denrées pour qu'on pût 
subvenir à toutes les. dépenses du département par les droits d'expor- 
tation. La caisse publique qui avait été vidée par les dilapidations 
des délégués, commença à se remplir. Pendant le peu dd temps qu'ils 
étaient demeurés aux Cayes , iU ayaienjt retiré du trésor quatre-cent 
mtUe gourdes environ. 



S5S ftîSTOiHE d'haiti.— ( 1796 ) 

Le quartier du Port de Paix qui si^ait joui de quelque tranquillité 
depuis la première insurrection d'Etienne Daty, s'était remué de nou- 
veau. Les insurgés se livrèrent au massacre et au pillage, et îe do- 
légué de la Commission civile au Port-de Paix , le citoyen Albert, par. 
\int par des mesures sages et énergiques à désorganiser la révolte. Il 
fit arrêter les principaux auteurs de ces dévastations entre autres Etienne 
Daty qui avait été le chef du mouvement de Tannée précédente. Le 30 
Août, la Commission civile arrêta que les nommés Dutacque, Etienne, 
Baracia , Bélony, Pierre Mondongue , Jacquet, James, André Colas, 
Poinponot, Antoine, Jean-Bapti^le , Lafortune, Basile, Comus, Mon- 
suy , africains, auteurs ou complices des assassinats commis dans. les 
montagnes , seraient jugés militairement au Port- dePaix. Étienue Da« 
t) fut condamné à mort et fusillé en Octobre. 

Dès que son exécution fut connue des cultivateurs, une nouvelle in* 
surrection éclata dans la montagne du Port de- Paix. La haine la plus 
prononcée contre le blanc guidait les révoltés. Ils combattaient les 
troupes du gouvernement aux cris de vive Sonihonax , demandant qu'il 
demeurât toujours dans la colonie , car ils paraissaient redouter que le 
terme de sa mission ne fut celui de leur liberté. Sonthonax indigné 
de ce que son nom fut mis en avant par des incendiaires et des as- 
sassins , ordonna au général Toussaint Louverlure de se transporter 
au lieu de la révolte, et de rétoulTer par n imporie quel sacrifice. Les 
cultivateurs armes se présentèrent à Toussaint , et lui exposèrent leurs 
griefs, dont les principaux étaient: le supplice d'Etienne; la peine ca* 
pitale infligée à Etienne, tandis que d'autn s avaient été envoyés enFran* 
ce ou mis en liberté ; les pt rséeuiions dirigées contre les cultivateurs 
qui avaient servi sous les ordres d'Etienne, les poursuites à mainar- 
mée entreprises contre eux par le général Pageot , enfin le parti pris, 
depuis quelque temps , de ne leur payer qu'en monnaie de papier le 
produit de leurs travaux, monnaie qui était pour eux presque de nulle 
\aleur. 

Toussaint sans tirer un seul coup de fusil, sans faire arrêter aucun 
insurgé, étouffa la révolte, et ramena les cultivateurs à Tordre et au 
travail. Il découvrit que les Anglais avaient été en relations avec les 
insurgés, et leur avaient fourni des armes et des munitions. 

Comme les royalistes et les Anglais excitaient la plupart de ces ré* 
toltes, en inquiétant les laboureurs sur leur liberté, et en leur insi- 
nuant que la République française projetait le rétablissement de Tes* 
clavage, la Commission civile fit sortir le 3 Juin contre les malveil- 
lants et les agitateurs une proclamation qui fut traduite en créole; elle 
contenait entre autres dispositions la menace de faire arrêter et de tra* 
duire devant le juge-de-paix quiconque tiendrait des propos contre la 
liberté générale ; la peine de trois , six ou neuf mois de prison contre 
quiconque serait convaincu d'avoir tenu ces propos; privation de tout 
««court du dehors pour de tels détenus; pareilles menaces eontreceuir 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1796 ) 



259 



• qui se diraient inspirés ou se prévautlraîent de titres religieux* pour 

tromper les citoyens i enfin menaces d'être déclaré en rébellion contre 

la constitution , traître à la patrie, et d'être puni comme tel, contre 

quiconque serait convaincu d'avoir dit qu'un homme peut être la pro^* 

•priélé ou Fesclave d'un autre homme. 

Comme les anglais traitaient en esclaves et vendaient comma des 
bêtes de somme, les français de la colonie noirs et jaunes, qu'ils fai- 
saient prisc/nniers , la commission civile arrêta aussi que les pri« 
sonniers atsglais seraient traites comme l'étaient les prisonniers français* 

La commission civile fit mettre en liberté tous les détenus pour det- 
tes, et ordonna l'exécution de la loi qui abolissait la contrainte par 
corps. 

Tous ces arrêtés en harmonfe avec les intérêts des nouveaux libres» 
contribuèrent à faire renaître dans les campagnes un peu d'ordre et 
de travail. 

Pendant ce temps Sonthonax • qui découvrait combien l'ambition de 
Toussaint s'était développée , et qui s aperce\ait qu il ne suivait plus ses 
impulsions, songea à se créer une position en France, en se faisant nom* 
mer député au corps législatif, il voyait que sa présence contrariai]; 
les projets de Toussaint Louverture qui eut mieux aimé le déportejr 
que de se soumettre plus long^^ temps à l'inflexibilité de son caractère. 
D'une autre part ; il commençait à être en mésrntelligence avec son- 
collègue Julien Raymond qui le soupçonnait de vouloir dominer en 
maitre absolu i St.-Domingue , en isolant presque cette colonie de la 
métropole, par des règlements particuliers, en harmonie avec fc« »w(Bwrs, 
It climat et les localités. Cependant Sonthonax témoigna à Toussaint la 
même bienveillance^ le même intérêt dans sa correspondance particu-. 
lîère. Les généraux Pierre Michel , Léveillé y l'ajudant-général Men- 
tor, lui étaient très dévoués. Comme ils n'étaient pas animés de la mô- 
me ambition que Toussaint Louverture , ils se soumettaient aux lumiè- 
res du commissaire civil , le considéraat comme l'homme le plus 
capable de régénérer leur caste. * 

Sonthonax annulla entièrement Raymond , Gîraud, et ne les consulta 
plus. Outre les chefs noirs que nous venons de nommer , il avait pour 
partisans, Vergniaux président du Tribunal du Cap, Theveneau , jeune 
européen, commissaire du clirectoire exécutif dans l'iidministration mu- 
nicipale, Gignoux grand agitateur. D'après les dispositions de la cons- 
titution de l'an 3, qui fut publiée dans le Nord avec solennité ,^ et en 
vertu d'un arrêté de la Commission civile, du lî) Thermidor an 4(6 
Août 1796), il fit convoquer des Assemblées primaires daris toutes 

* T5ans les conversations que j'ai eue» avec un grand nombre de nos vieil- 
lards, j'ai exê frappé de l'enthousiasme avpc lequel ils m'ont parlé du né- 
gropliilisme de Sonthonax. Plusieurs m'ont dît qu'il ôtail J'hemmc qui con- 
venait pour régénérer les nouveaux libres. 



8<jO âisTOiRB Vhaiti.— (1796 ) 

les coninounes de la province du Nord et de rArtibonite. Les électeurs 
de ces deux départemens devaient se réunir au Cap pour former lAs* 
semblée électorale. Il envoya partout des agens pour faire nommer des 
électeurs de sa convenance. Mentor partit pour rAriibonite; leg"*Mo}se, 
le général Pierre Michel au haut du Cap» les colonels Michel Chevalier,. 
ISoël Prieur, commandant à Caracole, au Dondon , refurent Tordre 
d'appuyer ses candidats. Pour éloigner Toussaint Louverlure de lAs* 
semblée électorale, il lui envoya Tordre de marcher sur le Mirebalais. 
Le général Desfourneaux qui s'indignait de la conduite de Sonlhonax^ 
reçut Tordra d'aller attaquer Vallière toujours au pouvoir des révoltés 
de fa Grande Rhière, ^Le commissaire civil se vit obligé d'ordonner 
à pierre Michel de se mettre en campagne pour seconder Desfouraeaux^ 
quoique sa présence lui fut nécessaire dans les élections. Enfin les 
électeurs se réunirent au Cap, On leur donna de magnifiques repas 
chez Leborgne de Boigne , che2 Mentor qui était revenu de sa mission; 
on leur promit des places. Le jour qu'ils si^ réunirent (14 Septembre) 
pour procéder à Télectibn .des députés, Gignoux parc^ourut les rues, 
armé d'un sabre, et distribuant la liste de ceux qui devaient être nom* 
mes au corps législatif. 

* Pendant ce temps il y avait grand tumulte dans TAssemblée éiecta- 
raie. Les ennemis de Sonthonax faisaient tous leurs eflbrts pour qu'il 
De fut pas nommé. Gignoux pénètre dans TAssemblée et menace de 
sabrer ceux qui ne nonmieront pns Sonthonax/ Tiiut à coup, leg."*P/^ 
Michel, suivi de nombreux soldats, se présente dans la salle. Il avait 
ôbandonné la colonne qui lui avait été confiée. Il tenait dune main un 
pistolet armé, de Tautre un sabre. Il s assit sur le bureau, et déclara 
avec fureur qu'il mettrait tout à feu et à sang, si Sonthonax et ses 
candidats n'étaient pas nommés. Les électeurs terrifies se hâtèrent de 
procéder à Téleclion ; les noms de Softthonax, de Mentor, d* Annecy 
de Thomany et de La\eaux sortirent de Turhe, lis furent proclamés 
députés de St Domingne. Les partisans de Sonthonax parcoururent la 
\iile en chantant la Marseillaise, insultèrent Raymond qu'ils traitèrent 
de royaliste, et le menacèrent de Tembarquer pour France. Dans la 
ouit qui suivit , plusieurs des ennemis de Sonthonax furent arrêtés et 
embarqués, entre autres le citoyen Vermond, Sonthonax en remer* 
ciant 1 Assemblée Electorale lui dit : < Lu France , la cabale coloniale 
dispersée par mes soins, se rallie depuis mon absence. Déjà vos an- 
ciens tyrans Qui circonvenu quelques membres influens de la lé^isla* 
ture. >. Alors on appelait les colons des iNégiivores, dans tout le^ovdt 

Il y avait près des deux tiers des propriétés territoriales de la c(y^ 
lonie séquestrées au -profit de la Républi(|ue; mais elles étaient en 
friche; et Tinsubordination qui existait dans les ateliers empêchait de 
les faire exploiter avantageusement. 

Le commissaire civil ayant besoin d'argent, en demanda au trésorier 
^ui lui iit observer que la caisse était vide^ attendu <^ue les djoits 



BiSToiRE d'haiti.-^( 1796 ) t6] 

'âCentréô étaient faibles , et que l'on ne percevait pas les droits dé 
péage, t II s'agit bien , répondit Sonlhonax ^ de droits d'entrée, de 
€ droits de péage; nous avons besoin d'argent pour subvenir aux fraid 
« de la guerre, aux dépenses de l'administration! n'avei vous pas de^ 
f riches, des propriétaires , des fermiers, des négocians, des bouti- 
« quiers ! c'est dans leurs caisses que sont ^vos ressources; qu'on me 
« charge de la collecte , et je saurai bien remplir le trésor. * * Il 
disait depuis son élection que si la France comprenait bien Bes înlé« 
rôts ,.' elle proclamerait Tindépendance de ses colonies, et ne se réser* 
verail sur elles qu'un droit de suzeraineté ; car , ajou^aît-il , s'il en esfc 
autrement, elles se détacheront entièrement de la métropole. Il dit 
à Julien Raymond et à Pascal secrétaire de la commission civile, dana 
une réunion des autorités du Gap, que la France avait déclaré qu'un 
peuple s'appartenait à lui même, et qu'il ne voyait pas [)>ourquoi c«lai 
de S'. Domingue dut être complètement tributaire d'un peuple euro^ 
péen. Raymond lui répondit que la Constitution de l'an 3 avait dé« 
claré que les colonies faisaient partie intégrante de la République. 

Pendant cet intervalle le général Rigaud envoyait on France les dé- 
putés au corps législatif des provinces de lOuest et du Sud nom* 
mes en Avril 1796 , à Léogane et aux Cayes , avant l'arrivée officielle à 
S^ Domingue de la C<»nstitution de Tan 3. Il chargea son aide-de- 
camp , le chef d escadron Bonnet « de la' mission spéciale de le jUs* 
lîfier auprès du Directoir^e exécutif des accusations de Sonthonax, 
de représenter celui ci comme un ambitieux n'ayant en vue que Fin- 
dépcndance de S'. Dominique, et Tanéantissement de tous les anciens 
libres. Pinchinat représentait seul la province du Sud , car Sala^ 
jeune européen *, aide-dc-camp de Rigaud , axait été tué à l'at- 
taque des Irois;et les autres députés ne pouvaieot par-tir. Rey Del* 
mas et Fontaine représentaient la province de l'Ouest. Lachapelle, 
Garigou et hénéum étaient les commissaii^es de Ta commur^. Les dépu- 
tés. Bonnet et les commissaires, s'embarquèrent le 25 Octobre sur le 
Ger(^ Volant , navire parkmentaii e ayant à bord quinze prisonniers an- 
glais. Le bâtiment au «lieu dé se rendre directement en Angleterrt 
devait mouiller a la Gorogne , d où les prisonniers auraient été en- 
voyés à Londres. Quand ils arrivèrent au travers de la Béate, deux 
frégates anglaises la Magicienne et le Québec^ sous les ordres du corn- 
modore Ricket, capturèrent le navire français, sous prétexte que l'ex- 
pédition en était irrégulière< (ier Novembre). Les Anglais s'emparè- 
rent de la plupart des papiers et de tout 1 argent des prisonniers. ^^ 

* Rapport de Julien Raymorjd. 

** Mission de Bonr\et en France. — Pînehinat availune somme de 800 pias- 
tres d'or fixées dans les doublures de sa redingote. Quand les anglais vou* 
lurent lui faire jurer sa parole dhonneur qu'il n'avait pas d'argsnt 'sur lui , 
il 6ia sa redingete et leur livra ses éeublons. 



\ 



862 msTomE d'haiti. — ( 1796 ) 

Ils eurent ensuite pour eux toutes sortes d'égards. Rénéuni et Fon- 
taine furent conduits à la Jamaïque. Pinchinat, Bonnet,. Rey Delmas, 
L^chapelle, Garigou demeurèrent à bord du commodore. Ricket les 
conduisit au Môle StNicolas et les livra à Tamiral Parker. Le général 
Rigaud ayant apt)ris qu'ils avaient été faits prisonniers fit de vaines 
tentatives pour les échanger. Sonthonax. de son côté, vdulant avoir 
l^închinat en son pouvoir, s'adressa aussi à l'amiral Parker, pour las 
échanger. Il ne réussit pas ni^ieux que Rigaud. Parker entoura pariicu- 
liërement Pinchinat de toutes sortes de considérations, et s'opposa énar- 
giquement au projet qu'avaient conçu les colons du Môle, d'assassiner 
les captifs républicains. Il défendit de les envoyer dans les cachots d^ 
h ville. Les prisonniers demeurèrent à bord des vaisseaux Tlndostaii 
et l'Aventure, et mangèrent à la table des officicfs. Peu de temps après 
la frégate le Suecès les conduisit en Angleterre. A leur arrivée ils fureni 
mis sur un ponton à Spitheard près de Portsmoudi. 

La nomination de Laveaux au corps législatif fut une grande joie 
pour Toussaint Louverture qui ambitionnait, depuis quelque temps, 
le commandement en ohef des troupes de St-Domingue. Quant à La* 
veaux il fut satisfait de se débarrasser de l'administration dure et péni- 
ble de St-Domingue. Sonthonax ne perdait pas l'espoir de s'attacher 
Toussaint Louvertare; quoiqu'il existât une certaine froideur entre lui 
et ce général, il hii promit le commandement en chef des troupes de 
St-Domingue. Il ne voulut pas que les députés partissent pour France 
immédiatement; il attendait la réponse du directoire à ses dépèches, 
afin de leur donner des instructions selon les circonstances. Il força * 
la frégate l'Harmonie qui devait les transporter en Europe à appareil- 
ler : ce navire sortit par un temps affreuii^ et se perdit. Il disait que 
si les dix-huit mois que devait durer la mission des délégués du directoi* 
re, venaient à expirer sans qu'on reçût des nouvelles de France, J. 
Raymond qui n'avait plis été nommé député dans le Nord^ partirait, ^ 
et les élus du peuple de ' St.-Domingue se constitueraient en Assem* 
blée, en attendant la décision de la métropole, tant sur les évènemens 
du Sud que sur tout ce qui s'était passé dans la colonie. Si le di- 
rectoire exécutif avait approuvé la conduite de Rigaud , Sonthonax eut 
tenté , à travers tous les obstacles , de réaliser son proiet de Consti- 
tution coloniale. Il eut rencontré des difticultés presque iusurmonta«> 
blés, car Toussaint lui-même , malgré l'immense influencé qu'il exerçait 
sur les masses, ne put mettre en pratique ce projet, qu après une guerre 
longue et sanglante qui amena l'embarquement de Rigaud; et la Constitua 
tion de 1801 qui suivit cet événement, fui la cause de l'expédition de Leclerc. 

Cependant les députés déclarèrent que leur devoir les obligeait à al* 
1er siéger au eorps législatif. Sonthonax leur écrivit que la Railleuse 
et le brick la Mouche étaient à leur disposition. Boisrond le jeune et 
Henri Guillaume Yergniaud, cousin du célèbre conventionnel, avaient aussi 
été aoiuRtés députés. Mentor se détermina à demeurer avec Sonthonax. Ge^ 



f 



HISTOIRE D^HAITI.— ( 1796 ) 161 

lui-cî déclara à la dcputation avant ({u'elle eut appareillé, que la char* 
ge de commissaire civil le contraignait à rester à St. Dommgue pour 
y continuer ses travaux. Quant au commissaire civil Giraud , bon» 
nête homme , de mœurs tranquilles , effrayé du projet de nivellemjaat 
de Sonthonax et des malheurs qui pouvaient en résulter, il abandon- 
na la colonie sans regret et retourna en France , quoiqu'il n'eût paa 
été nommé député. 

Pendant cet intervalle les généraux Pierre Michel et Léveillé corn* 
battaient avec succès les révoltés de la Grande Rivière, et les refou* 
laient au sommet des plus hautes montagnes. Ilalouba un de leurs 
principaux chefs se soumit à la République , et entraîna avec lui 
plus de 3,000 hommes. La division éclata alors parmi les révoltés; 
les créoles noirs firent savoir au colonel Moyse que les africains s'op* 
posaient à leur soumission , et les assassinaient. Moyse , par les or- 
dres de Sonthonax, pénétra dans le quartier de la Grande Rivière, 
culbuta les congos , et protégea l'entrée des créoles sur le territoire 
républicain. 

Martial Besse et Chanlatte qui avaient été délégués dans le Sud, 
par la commission civile, après l'affaire du 28 Août, étaient parvenus 
à calmer par leurs rapports .fanimosité qui existait entre Sonthonax 
et Rigaud. Bauvais avait aiissi fait son rapport d'après les événe** 
nemens qui s'étaient passés soUs ses yeux. 

Mais une corvette arrivant de France dans les derniers jours de No* 
vembre , apporta à la Commission civile des dépêches par lesquelles 
toute la conduite de Sonthonax était approuvée. Le Directoire exécutif 
félicitait Toussaint Louvcriure de la conduite qu'il avait tenue dans l'af- 
faire du 30 Ventôse , ei) soutenant le gou\erneur Laveaux contre Villa* 
te, et le nommait général de division. Ce grade qu avait déjà conféré 
Sonthonax «à Toussaint se trouvait coniirméx Le Directoire envoya à et 
général un sabre magnifique et une superbe paire de pistolets , tra- 
vaillés à la manufacture nationale de Versailles. La poignée du sabre 
portait cette inscription : Donné par le Directoire exécutif de France 
au général divisionnaire Toussaint Louv<.rture, eu récompense de sa 
conduite héroïque dans la journé<i du SO Ventôse an Â. Les géné- 
raux Pierre Michel et Jean ; ierre Léveillé furent aussi récompensés 
par renvoi d'un sabre à chacun d eux. Ces armes seront distribuées solen- 
nellement à une cérémonie qui aura lieu le 9 Janvier 1797, sous le 
nom de fête des Victoires nationales. 

D'après les dépèches ({ui étaient arrivées de* France, la commission 
civile déclara par un arrêté du 13 Frimaire'an 5 (3 Décembre 1796) 
que ses délégués , Rey , Leborgne de Boigne , et Kerverseau , étaient 
à l'abri de tout reproi^he , qu elle était satisfaite de leur conduite 
sage et modérée, que le^ accusations portées contre te général Des- 
fourneaux étaient fausses et calomnieuses , qu en attendant la décisioo 
ëe Tua et l'autre pouvoir , lasommissiou ne correspoudiait plus quavsQ 



• 



f64 RisToiRB d'haiti. — ( 1796 ) 

les municipalités du Sud. La colh mission accusa en outre les deut 
Kigaud , Pinehinat , Duval Monville Salomon ^ Lefranc , d'avoir été les 
auteurs de FaiTaire du 28 Août contre DcsPourneaux , et d'avoir assas- 
siné Edouard et Lilladam. Elle arrêta eneore que le g"' Chanlatte pren- 
drait le commandement de Tarrondissement de Jacmel; le g'""' Sauvais, celui 
de Léogane , ayant sous ses ordres le général Laplume , les commu- 
•nes du Grand-Goàve, du Petit Goâve, de l'Anse-à-Veau jet du Fond- 
des Nègres ; le général Martial Besso , celui de St. Louis du Sud ; cei 
généraux devaient être indépendans les uns des autres. 

Cependant cet arrêté* qui pouvait faire naître la guerre civile, ef- 
fraya tellement les habitans du Sud, qu'ils se réuniront , envoyèrent 
des adresses au général Rigaud, par lesquelles ils l'invitaient à se 
mettre à leur tête , à gouverner la province , jusqu'à ce que le corps 
législatif et le Directoire décidassent entre lui et la commission civiU^ 
le rendant responsable de tous les malheurs qui pourraient survenir ^ 
s'il résistait à leur invitation. Dans cette circonstance, Sonthonax 
détacha Bauvais de la cause de Rigaud. Toussaint , au commence* 
ment de la guerre civile, obtiendra le moine résul^t , et privera les an* 
ciens libres de la moitié de leurs Torces. 

Si Rigaud n avait pas été de cœur et d'Âme dévoué à la liberté gé- 
nérale et à la France, e'eut élé pour lui une occasion favorable dtt 
le placer sous la domination britannique, car les anglais faisaient 
alors de nouvelles tentatives pour le séduire. Mais il eut mieux aimé 
supporter les plus grandes injustices et même des tortures que de ser- 
vir un gouvernement qui rétablissait l'esclavage des noirs et des sang* 
mêlés. Rigaud n eut plus aucune relation avec Sonlhonaux. 11 ne ren- 
dit compte, dès lors, de son administration, qu'à l'agent Rourae 
qui •était à Sto. Domingo. 

Sontbonax , de son edté, faisait des efforts pour organiser la jus- 
tice , quoique ce fut une tâche difficile ; car l'établissement des tri- 
bunaux devait être en harmonie avec la circonscription territot iale , et il 
n'existait pas de loi sur la division de la colonie en départemens. Ce- 

Êendant il organisa au Cap , pour le département du Nord , un tri- 
unal civil, un tribunal criminel, et un tribunal correctionnel. Des 
tribunaux correctionnels furent établis au Port-de-Paix et au Fort Li- 
berté. 

La commission civile fit réimprimer et afficher la publication et la 
stricte exécution du décret de la Convention nationale du 6 Mars 1793 
qui « en approuvant les mesures prises par les commissaires civils 
c Polvérfl et Sontbonax, les autorisait à poursuivre et faire lever la 
c subvention du quart du revenu sur tous les habitans de S^ Domia*^ 
« gue , et à en verser le produit dans la caisse du receveur de la co- 
c lonie. 9 

Ce fut à cette époque que Bâillon Libertat , \ieillard de 70 ans qui 
6'était réAigié aux Etats-Unis , après l'incendie du Cap ^ revint à 4l« 



lïISTOIRE d'iïaiti. — ( 1796 ) 



265 



Domingue , appelé par Toiissaînl. Libertat avait été économe sur Tha- 
bîtation Bréda où Toussaint avait été dans |a servrtude. Sohthonax , 
aussitôt après son arrivée > le ût arrêter, comme émigré. Toussaint 
apprenant ce qui s*était passé,, accourut au Gap, obtint, à force 
d'instances , du Commissaire civil , que son ancien bienfaiteur fût 
mis en liberté. Il entoura Libertat de toutes sortes d'égards et le 
combla de bienfaits. Ce trait fait honneur à Toussaint Louverture 
qui à son tour devint bienfaiteur. 

Peu de temps.a[#ès on apprit à St. Domingue que de nombreux 
cultivateurs s'étaieni soulevés à la Jamaïque , que Ijnsurrection me- 
naçait de devenir générale , et qu'un, grand nombre de colons étaient 
venus se réfugier à Kingston. Les idées propagées par la révolution 
française avaient fait naUre ces mouvemens dans la colonie anglaise. 
On apprit aussi que le gouvernement colonial de la Jamaïque avait 
fait venir de Cuba des troupeaux de chiens pour chasser les révoltes 
dans les montagnes. Si la France avait été une puissance maritime 
de premier ordre, toutes les antilles ,à cette époque, fussent devenues 
un embrasement général ; et péi/t-ètre formeraient-elles aujourd'hui 
une république fédérativ« , dont Haïti serait le centre. 



\ 



>. 



254 msTOltlE ï)*HA!Tî.-r( 1796 ) 

nouvelJe exaspéra tellement (a population noire et jaune qu'une însuf- 
reclion faillit éclater. Mais déjà Pinchinat avait pris la fuite et s'é* 
tait retiré dans les montagnes des Baradères. En même temps, les 
africains de la plaine entrèrent en ville, pleins d'indignation contre 
la délégation , annonçant qu'un jeane noir nommé Edouard , instruit^ 
d'une belle figure , parcourait les campagnes , et exckait^ maisenvai^n^ 
les cultivateurs contre les hommes de couleu§. Edouard attaché à Té- 
tât major de Desfourneaux avait été envpyé dans le Sud par la com- 
mission civile. Les délégués, pour opérer une diversion à Tefferves- 
- cence générale, se résolurent à entreprendre une expédition contre ietf 
Anglais de la Grand' Anse. Il fut décidé que l'armée républicaine en- 
trerait en campagne contre l'ennemi , divisée en trois colonnes. Bigaud 
reçut Tordre de marcher de Tiburon contre les Irois; Desfourneaax 
devait attaquer en personne le camp de Plymouth , et le lieutenant-» 
colonel Doyort reçut Tordre d'attaquer le camp besrivaux. 

Uigaud en recevant les dépêches de la délégation , apprit par les 
lettres d'un de ses amis, Juste Bigot officier dans la légion du Sud ^ 
la conduite que tenaient aux Cayes, Rey et Desfourneaux. On ne lui 
laissa pas non plus ignorer que Leborgne avait séduit sa fiancée; quoi-* 
que d'un tempérament très-violent , il eut assez d'emj^ire sur lui pour 
étouffer son indignation. Il obéit aux ordres de la délégation et se 
mit en marche contre les Irois qu'occupait le général Bowyer- La 
garnison anglaise était de plus de 2,000 hommes. L'armée républi- 
caine s'arrêta sur Thabitalion Laroc où elle campa le long de la mer^ 
Une frégate anglaise b découvrit , la canonna pendant trois Jieures ef 
lui fit éprouver quelques perles. Le lendemain Rigaud leva le camp^ 
et arriva dans la même journée à la portée du canon du fort des Irois. 
C'était le 7 Août. Cette fortification s élevait au sommet d'un rochei* 
presque a pic que baigne la mer. Le sentier qui y conduisait était 
si étroit que deux hommes pouvaient à peine y marcher de front. 'Ri- 
gaud rangea son armée, forte de 2,000 hommes, en bataille dans la 
plaine. Une colonne de 300 grenadiers portant de longues échelles 
reçut ordre de donner Tassant. Les Républicains , malgré les bou- 
leis et lu mitraille du fort , en atteignirent le pied, sans tirer un seul 
coup de fusil , appliquèrent leurs échelles coutre le rocher et commeo'- 
cérenl à grimper. Aussitôt un feu plongeant des plus meurtriers ^ 
Teau bouillante , le plomb fondu , d'énormes pierres couvrirent nos 
grenadiers. Le gros de la division, Tarme aux bras dans la plainie, se 
tenait immobile sous le feu des Irois, sans pouvoir y répondre. Nos 
grenadiers renversés de leurs échelles , périrent la plupart. Rigaud 
ordonna la retraite. Mais la cavalerie ennemie s'élança dans la plaine/ 
et chargea avec fureur. Les bussards anglais traversèrent Tarmée ré^ 
publieaine dans toutes les directions, faisant le plus affreux carnée 
de nos- soldats qui furent en grand nombre précipités dans la mer. 
Plusieurs bataillons perdirent leurs drapeatix. La terre mcmvante db 



msToiEs d'haiti.— ( 1796 ) 



255 



}Êk |»)akiB /alen-tit Timpétuosité de la cavalerie, et sauva le reste de fio-* 
tre »rméj&. Rigaild rentra à Tiburon avec les débris de ses troupes. 

Ea même temps le général DesPourtieaux était parti des Cayes à la 
tèle d'une eelon-ne. Les délégués accompognaient l'armée qui arriva 
^11 vue du camp Raymond, le 7 Âoût(20 tliormidor (m 4). Un corps 
ë'AjQglaiSi et des colons royalistes occupaient la position. Les délégués 
pflrirent à ees derniers êe se soumettre, leur promettant qu'ils joui- 
jrAefil d'une amnistie (5 Juillet 1796) que la commission civile venait 
ffaceorder aux royalistes, lis répondirent aux républicains par lafu« 
aillade \ on en vint aux mains y et Desfourn ?aux complètement battu , 
^e retira ^ camp Perrin. 

DôyoB aîné , de son côlé, à la tête de la colonne du centre, atteî- 

Eit les Anglais, au camp Thomas, non loin du camp Desrivaux, et- 
tailh en pièces ; mais ayant appris la défaite de Desfourneaux , il^ 
jx^ put, profiter de son succès, et battit même en retraite pour n'ê- 
tre pas assailli par toutes les forces ennemies. 

Au camp ^érin , Desfourneaux et les délégués échtèreni en invecif- 
ves contre les hommes de couleur auxquels ils attribuaient , dans leur 
foreur, Féchee qu'ils venaient déprouver. Sur ces entrefaites, ils re- 
çurent une léètre de Sonthooax qui les exhortait à ne pas renoncer à 
l'éxecution des instructions qu'ils avaient reçues. « tl est malheureux, 
leur disait le commissaire civil , que toutes les démarches que vous 
avex faites jusqu'à ce jour pour vous saisir de Piuchinat aient été 
infructueuses; les intri^|^le cet homme dont rintluencc dans la 
partie du Sud est^vrairf^^B/o^a/tf , peuvent nuire beaucoup aux 
auceés de vos opéra tionm^F négligez donc rien pour (|ue les ordres 

de la < ommission à sou égard soient exécutés promptement 

Ma dernière lettre contenait l'ordre d'arrêter Lefranc. La condui* 
te politique que vous avez tenue à l'égard de cet homme, est peut- 
être préférable à un eoup d'éclat, j» ^ 
Le& délégués rentrèrent aux Cayes qu^ils trouvèrent en grande agi- 
tation. Le chef de brigade Boyé, officier européen, et le générelBaiH 
vais qui s'y trouvaient, s'efforçaient de calmer t ettlervescence. Leshom- 
jEues de couleur, certains de 1 appui du général Rigaud qui était tou** 
jours à Tiburon, préparaient un mouvement insurrectionnel. Us avaient 
à leur tête Augustin Rigaud, frère du général. Le 27 Août, après 
avoir fait solennellement publier la constitution par le général Bauvais*, 
sur l'autel dé la Patrie ,^ les délégués ayant reçu de nouvelles instruc^' 
tiens par lesquelles ils devaient agir vite et vigoureusement , firent 
emprisonner plusieurs oheft de- couleur. Le lendemain Lefranc , 
ix)m mandant de Saint- Louis , fut arrêté. Mais il Si'échappa des 
jIKiaiQS des officiers européens qur le conduisaient k bond de la cor* 

^ Lettre de SomJbpxua . aiu^ délô^ués ûm» le Sud 3Q TWnpâicar aqi 4^ 



x 



254 HîsToïtii: ï)*HAiTr.^-r( 1796 ) 

noiiveHe exaspéra teTlcment b population noire et jaune q«'une îft§«f- 
reclion faillit éclater. Mais déjà Pinchinat avait pris la fuite et s'é* 
tait retiré dans les montagnes des Baradères. En même temps, les 
aTricains de la plaine entrèrent en ville, pleins d'indignation contre 
la délégation , annonçant qu'un jeane noir nommé Edouard , instruit^ 
d'une belle figure, porcourait les campagnes , et excitait ^ maisenvai^n^ 
les cultivateurs contre les hommes de couleu§. Edouai'd attaché à l'é- 
tat major de Desfourneaux avait été envoyé dans le Sud par la com- 
mission civile. Les délégués , pour opérer une diversion à Tefferves* 
- cence générale, se résolurent à entreprendre une expédition contre letf 
Anglais de la Grand' Anse. Il fut décidé que l'armée républicaine en- 
trerait en campagne contre Tennemi , divisée en trois colonnes, t^igaud 
' reçut l'ordre de marcher de Tiburon contre les Irois ; Desfourneaa» 
devait attaquer en personne le camp de Plymouth , et le lieutenant- 
colonel Doyort reçut Tordre d'attaquer le camp t)esrivaux. 

Rigaud en recevant les dépêches de la délégation , apprit par le» 
lettres d'un de ses amis. Juste Bigot officier dans la légion du Sud ^ 
la conduite que tenaient aux Cayes, Rey et Desfourneaux. On ne lui 
laissa pas non plus ignorer que Leborgne avait séduit sa iîancée; quoi- 
que d'un tempérament trés-violent , il eut assez d'emflire sur lui pour 
étouffer son indignation. H obéit aux ordres de la délégation et se 
mit en marche contre les Irois qu'occupait le général Bowyer* La 
garnison anglaise était de plus de 2,000 hommes. L'armée républi- 
caine s'arrêta sur Thabitatien Laroc où elle campa le long de la mer^ 
Une frégate anglaise la découvrit , la canonna pendant trois heures ef 
lui fit éprouver quelques perles. Le lendemain Rigaud leva le camp^ 
et arriva dans la même journée à la portée du canon du fort des Irois. 
C'était le 7 Août. Cette fortification s élevait au sommet d'un, rochei* 
presque à pic que baigne la mer. Le sentier qui y conduisait était 
si étroit que deux hommes pouvaient à peine y marcher de front. 'Ri- 
gaud rangea son armée, forte de 2,000 hommes, en bataille dans la 
plaine. Une colonne de 300 grenadiers portant de longues échelles 
reçut ordre de donner l'assaut. Les Républicains , malgré les bou- 
lets et la mitraille du fort , en atteignirent le pied, sans tirer un seul 
coup de fusil , appliquèrent leurs échelles contre le rocher et commen*- 
cèrenl à griiaper. Aussitôt un feu plongeant des plus meurtriers , 
Teau bouillante , le plomb fondu , d'énormes pierres couvrirent nos 
grenadiers. Le gros de la division, l'arme aux bras dans la plaims, se 
tenait immobile sous le feu des Irois, sans pouvoir y répondre. Nos 
grenadiers renversés de leurs échelles , périrent la plupart. Rigaud 
ordonna la retraite. Mais la cavalerie ennemie s'élança dans la plaine/ 
et chargea avec fureur. Les bussards anglais traversèrent l armée ré> 
publieaîtte dans toutes les directions, faisant le plus affreux carnaga 
de nos- soldats qui furent en grand nombre précipités dans la mer. 
Plusieurs bataillons perdirent leurs drapeaûj. La terre mouvante dto 



msTOlBK. »'|IAITI.— ( 1796 ) 



255 



U filaioB lalen-lit Timpéluosité de la caTalerie, et sauva le reste de fia- 
tro wméfè. Rigaod rentra à Tiburon avec les débris de ses troupes. 
. Ea même temps le général Desfourneaiix était parti des Gayes à la 
tète d'une eelo^ne. Les délégués accompagnaient l'armée qui arriva 
^ vue du camp Kaymond , lo 7 Août(20 thermidor (Ta 4). Un corps 
d'AjQglaiSy et des colons royalistes occupaient la position. Les délégués 
pflrirent à ees derniers de se soumettre, leur promettant qu'ils joui* 
rsHenl d'un« amnistie (5 Juillet 179t() que la commission civile venait 
d^aecorder aux royalistes. Ils répondirent aux républicains par lafu** 
œillade; on en vint aux mains » cl Desfourn?aux complètement battu , 
fi% retira é^l camp Perrin. 

DôyoR aîné , de son oâté, à la tète de la colonne du centre, atteî- 

Eit les Anglais, au camp Thomas, non loin du camp Desrivaux, et- 
tailh en pièces ; mais ayant appris la défaite de Desfounieaux , ik 
Xia put, profiter de son succès, et battit même eo retraite pour n'ê- 
tre pas assailli par toutes les forces ennemies. 

Au camp Périn , Desfourneaux et les délégués éclatèrent en invecti- 
ves contre les hommes de couleur auxquels ils attribuaient, dans leur 
ftireur, l'échec qu'ils venaient déprouver. Sur ces eutreiaites, ils re- 
çurent une léètre de Southonax qui les e.\hortait à ne pas renoncer i 
réxéculiôn des instructions qu'ils avaient reçues. « Il est malheureux^ 
€ leur disait le commissaire civil , que toutes les démarches que vous 
% avex faites jusqu'à ce jour pour vous saisir de Piurhioal aient été 
%■ infructueuses; les intri^|^le cet homme dont TinQuence dans la 
« partie du Sud est^vrairf^^^BfoJï^a/e, peuvent nuire beaucoup aux 
€ suceés de vos opérationim^Fnégligez donc rien pour (|ue les ordres 

f de la < oaimission à son égard soient exécutés prompiement 

c Mû dernière lettre contenait l'ordre d'arrêter Lefranc. La condui* 
« te politique que vous avez tenue a l'égard de cet homme» est peut* 
% être préférable à un coup d'éclat, j» ^ 

Left délégués rentrèrent 'au\ Cayes qu^ils trouvèrent en grande agi- 
tation. Le chef de brigade Boyé, ofiicier européen, et le générelBaiH 
vais qui s'y trouvaient, s'efforçaient de calmer i eil^rvesceuce. Leshona- 
JBues de couleur , certains de I appui du général Rigaud qui était tott'> 
jours à Tiburon, préparaient un mouvement insurrectionnel. Us avaient 
à leur tète Augustin Rigaud, frère du général. Le 27 Août, après 
avoir fait solennellement publier la constitution par le général Bauvais*» 
sur l'autel de la Patrie ,' les délégués ayant reçu <le nouvelles instruc^ 
lions par lesquelles ils devaient agir vite et vigoureusement , iirent 
emprisonner plusieurs eheft de couleur. Le lendemain Lefranc , 
ix)m mandant de Saint- Louis ,. fut arrêté. Mais il siéchappa des 
jpaalns des olficiers européens ^nh h conduisaient à bord' de la cor^ 

* Lettre de SaQtbpxuiX , SMS délégués dwM le Sud 30 TWi^iâpc <u^ 4* 



X 



254 HlSTOltlE D*HA!Tr.^v( 1796 ) 

nouvelle exaspéra teHcBoent (a population noire et jaune qu'une îfiStlf- 
rection faillit éclater. Mais déjà Pin^hinat avait pris la fuite et s'é* 
tait retiré dans les montagnes des Baradères. En même temps , les 
africains de la plaine entrèrent en ville, pleins d'indignalioft contre 
la délégation , annonçant qu'on jeune noir nommé Edouard , iastruiti 
d'une belle figure , parcourait les campagnes , et exckait^ maisenvam^ 
les cultivateurs contre les hommes de couleii§. Edouard attaché à l'é- 
tat major de Desfourneaux avait été envoyé dans te Sud par la cam- 
mission civile. Les délégués , pour opérer une diversion à Tefferves- 
- cence générale, se résolurent à entreprendre une expédition contre letf 
Anglais de la Grand' Anse. Il fut décidé que Tarmée républicaine en- 
trerait en campagne contre Tennemi , divisée en trois colonnes. Uigaud 
■ reçut Tordre de marcher de Tiburon contre les Irois ; Desfourneaux 
devait attaquer en personne le camp de Plymouth , et le lieutenant--- 
colonel DoyoA reçut l'ordre d'attaquer le camp t)esrivaux. 

Rigaud en recevant les dépêches de la délégation , apprit par le» 
lettres d'un de ses amis, Juste Bigot officier dans la légion du Sud ^ 
la conduite que tenaient aux Cayes, Rey et Desfourneaut. On ne lui 
laissa pas non plus ignorer qu« Leborgne avait séduit sa Aancée; quoi-* 
que d'un tempérament très-violent , il eut assez d'enij^ire sur lui pour 
étouffer son indignation. Il obéit aux ordres de la délégation et se 
mit en marche contre les Irois qu'occupait le général Bo^yer- La 
garnison angtaise était de plus de 2,000 hommes. L'armée républi- 
caine s'arrêta sur l'habitatien Laroc où elle campa le long de la mer^ 
Une frégate anglaise la découvrit , la canonna pendant trois heures et 
lui fit éprouver quelques pertes. Le lendemain Rigaud leva le camp^ 
et arriva dans la même journée à la portée du canon du fort des Irois. 
C'était le 7 Août. Cette fortification s élevait au sommet d'un rochef 
presque à pic que baigne la mer. Le sentier qui y conduisait était 
si étroit que deux hommes pouvaient à peine y marcher de front. 'Ri- 
gaud rangea son armée, forte de 2,000 hommes, en bataille dans la 
plaine. Une colonne de 300 grenadiers portant de longues échelles 
reçut ordre de donner l'assaut. Les Républicains , malgré les bou- 
lets et la mitraille du fort, en atteignirent le pieJ, sans tirer un seul 
coup de fusil , a|)pliqQèrent leurs échelles contre le rocher et commen- 
cèreni à grimper. Aussitôt un feu plongeant des plus meurtriers ^ 
Teau bouillante , le plomb fondu , d'énormes pierres couvrirent nos 
grenadiers. Le gros de la division, l'arme aux bras dans la plainie, se 
tenait immobile sous le feu des Irois, sans pouvoir y répondre. Nos 
grenadiers renversés de leurs échelles , périrent la plupart. Rigaud 
ordonna la retraite. Mais la cavalerie ennemie s'élança dans la plaine/ 
et chargea avec fureur. Les hussards anglais traversèrent 1 armée ré^ 
publieaifie dans toutes les directions, faisant le plus affreux carnage 
de nos- soldats qui furent en grand nonabre précipités dans la mer. 
Plusieurs bataillons perdirent leurs drapeaux. La terre motivante dto 



msTOIRS »'ttAlTl*— ( 1796 ) 



255 



)a filakifi laleniit tMmpéluosité de la Gatatertô, et sauva te reste de no- 
Ira »rmo,o. fiigaad rentra à Tiburon avec les débris de ses troupes. 
. Eu même temps h général Desfourneaux était parti des Gayes à ta 
télé d'une eelon-ne. Les délégués accompagnaient l'armée qui arriNU 
im vue du camp Kaymond , 1% 7 Âoût(20 thermidor (fa 4). Un corps 
d'AjQglais, et des colons royalistes occupaient la position. Les délégués 
pflrirent à ees derniers de se soumettre, leur promettant qu'ils joui- 
jpsRefit d'une amnistie (5 Juillet 1796) que la commission civile \enait 
d'accorder aux royalistes. Ils répondirent aux républicains par lafu* 
siilade; on en vint anx mains» et Desfourn'aux complètement battu , 
)se retira sTu catnp Perrin. 

DôyoR aîné , de son oôlé, à la tète de la colonne du centre, atter* 

Eit les Anglais, au camp Thomas, non loin du camp Desrivaui, et- 
tailh CD pièces ; mais ayant appris la défaite de Desfourneaux , il 
Xie put ^profiter de son succès, et battit même eo retraite pour n'ê- 
tre pas assailli par toutes les forces ennemies. 

Au camp fférin , Desfourneaux et les délégués éclatèœnt en invectf- 
ve9 contre les hommes de couleur auxquels ils attribuaient, dans leur 
ftireur , l'échec qu'ils venaient déprouver. Sur ces entrefaites, ils re* 
curent une lefeire de Southonax qui les e.^hortait à ne pas renoncer i 
î'éxécutiôn des instructions qu'ils avaient reçues. « tl est malheureux, 
€ leur disait le commissaire civil , que toutes les démarches que vous 
avejE faites jusi^'à ce jour pour vous saisir de Piurhioat aient été 
infructueuses; les intri^|^le cet homme dont liniluence dans ta 
partie du Sud est-<vrairf^^^B/oj$5a/tf , peuvent nuire beaucoup aux 
suceés de vos opérationP^^FuégUgez donc rien pour (|ue les ordres 

f de la < ommission à son ^gard soient exécutés promptement 

« Ma dernière lettre contenait l'ordre d'arrêter Lefranc. La condui* 
« te politique que vous avez tenue ù l'égard de cet homme» est peut- 
% être préférable à un coup d'éclat. * * 

Le& délégués rentrèrent auK Cayes qu^ils trouvèrent en grande agi- 
tation. Le chef de brigade Boyé, officier européen, et le générelBaiH 
vais qui s'y trouvaient, s'etTorçaient de calmer teittrvescence. Leshom- 
jEues de couleur , certains de I appui du général Rigaud qui était toU'^ 
jours à Tiburon, préparaient un mouvement insurrectionnel. Us avaient 
à leur tète Augustin Rigaud, frère du général. Le 27 Août, après 
avoir fait solennellement publier la constitution par le général Bauvais^ 
sur l'autel de la Patrie ,^ les délégués ayant reçu de nouvelles instrtiC'^ 
lions par lesquelles ils devaient agir vite et vigoureusement , tirent 
emprisonner plusieurs oheft de couleur. Le lendemain Lefranc , 
ix>mmandant de Saint- Louis , fut arrêté. Mais il «Réchappa des 
^alns des officiers européens qui" le oonduisaieni à bond' de la cor^ 

* Lettre de SQat]}pja»x , aux délégués dwKS le Sud 30 l!))sfafxi(if u| 4i 
^J7 .4oft.t }J9Q.) 






85S 



ttfSToiRE d'haiti.— ( 1796 ) 



Le quartier du Port de Paix qui avait joui de quelque tranquillité 
depuis la première insurrection détienne Daty, s'était remué de nou- 
veau. Les insurgés se livrèrent au massacre et au {>illage, et le dé* 
légué de la Commission civile au Port-de Paix , le citoyen Albert, par* 
vint par des mesures sages et énergiques à désorganiser la révolte. Il 
fit arrêter les principaux auteurs de ces dévastations entre autres Etienne 
Daty qui avait été le chef du mouvement de Tannée précédente. Le 30 
Août, la Commission civile arrêta que les nommés Dutacque, Etienne, 
Baracia , Bélony, Pierre Mondongue , Jacquet, James, André Colas, 
Poinponot, Antoine, Jean-Baptisle, Lafortune, Basile, Comus, Mon- 
suy , africains, auteurs ou complices des assassinats commis dans. les 
montagnes , seraient jugés militairement au Port-^dePaix. Étienac Da« 
1} fut condamné à mort et fusillé en Octobre. 

Dès que son exécution fut connue des cultivateurs, une nouvelle in» 
surrection éclata dans la montagne du Port de- Paix. La haine la plus 
prononcée contre le blanc guidait les révoltés. Ils combattaient les 
troupes du gouvernement aux cris de vive Sonihonax , demandant qu'il 
demeurât toujours dans la colonie, car ils paraissaient redouter que le 
terme de sa mission ne fut celui de leur liberté. Sonihonax indigné 
de ce que son nom fut mis en avant par des incendiaires et des as- 
sassins , ordonna au général Toussaint LouNcrlure de se transporter 
au lieu de la révolte, et <!e TétouITer par n importe quel sacrifice. Les 
cultivateurs armés se présentèrent à Toussaint , et lui exposèrent leurs 
griefs, dont les principaux étaient: le supplice d'Etienne; la peine ca- 
pitale infligée à Etienne, tandis que d'autr* s avaient tUé envoyés enFran» 
ce ou mis en liberté; les persécutions dirigées contre les cultivateurs 
qui avaient servi sous les ordres d'Etienne, les poursuites à main-ar- 
mée entreprises contre eux par le général Pageot , enfin le parti pris, 
depuis quelque temps , de ne leur payer qu'en monnaie de papier le 
produit de leurs travaux, monnaie qui était pour eux presque de nulU 
valeur. 

Toussaint sans tirer un seul coup de fusil, sans faire arrêter aucun 
insurgé, étouffa la révolte, et ramena les cultivateurs à Tordre et au 
travail. Il découvrit que les Anglais avaient été en relations avec les 
insurgés, et leur avaient fourni des armes et des munitions. 

Comme les royalistes et les Anglais excitaient la plupart de ces ré- 
'voltes, en inquiétant les laboureurs sur leur liberté, et en leur insi- 
nuant que la République française projetait le rétablissement de Tes- 
clav^ge, la Commission civile fit sortir le 3 Juin contre les malveil- 
lants et les agitateurs une proclamation qui fut traduite en créole; elle 
contenait entre autres dispositions la menace de faire arrêter et de tra* 
duire devant le juge-de-paix quiconque tiendrait des propos contre là 
liberté générale; la peine de trois, six ou neuf mois de prison contra 
quiconque serait convaincu d'avoir tenu ces propos; privation de tout 
Mcourt du dehors pour de tels détenus ; pareilles menaces contre ceu:ir 



HISTOIRE d'haiti.— ( Î796 ) 259 

ffuî se diraient inspirés ou se prévaudraient de titres religieux* pour 
tromper les citoyens j enfin menaces d'être déclaré en rébellion eontr» 
la constitution y traître à la patrFe, et d'être puni comme tel, contre 
quiconque serait convaiacu d'avoir dit qu'un homme peut être la pro*- 
priélé o» l'esclave d'un autre homme.. 

Comme les anglais traitaient en esclaves et vendaient comme des 
bêtes desompie, les français de la colonie noirs et jaunes, qu'ils fai- 
saient prisonniers^ la commission civile arrêta aussi que les pri« 
sonniers auglais seraient traites comme l'étaient les prisonniers français- 
La commission civile fit mettre en liberté tous les détenus pour det- 
tes, et ordonna Texécution de la loi qui abolissait la contrainte par 
corps. 

Tous ces arrêtés en harmonfe avec les intérêts des nouveaux libres» 
contribuèrent à faire renaître dans les campagnes un peu d'ordre et 
de travail ► 

Pendant ce temps Sonthonax qui découvrait combien l'ambition de 
Toussaint s'était développée , et qui s'apercevait qu il ne suivait plus ses 
impuisions, songea à se créer une position en France, en se faisant nom- 
mer député aw corps législatif. li voyait que sa présence contrariait 
les projets do Toussaint Louverture qui eut mieux aimé le déportejr 
que de se soumettre plus long; temps à l'inflexibilité de son caractère. 
D'une autre part î il commençait à être en mésintelligence avec son- 
collègue Julien Raymond qui le soupçonnait de vouloir dominer en- 
maître absolu à St.-Domingue , en isolant presque cette colonie de la 
métropole, par des règlements particuliers, en hai*raonie avec fe5 moeurs, 
h climal et les localités. Cependant Sonthonax témoigna à Toussaint la 
même bienveillance^ le mime intérêt dans sa correspondance particu-. 
lière. Les généraux Pierre Michel , Léveillé y l'ajudanl-général Men- 
tor, lui étaient très dévouas. Comme ils n'étaient pas animés de la mô- 
me ambition que Toussaint Louverture , ils se soumettaient aux lumiè- 
res du commissaire civil , le considérant comme l'homme le plus 
capable de régénérer leur caste. * 

Sonthonax annuUa entièrement Raymond , GirauJ , et ne les consulta 
plus. Outre les chefs noirs que nous venons de nommer , il avait pour 
partisans, Vergniaux président du Tribunal du Cap, Theveneau , jeune 
européen, commissaire du directoire exécutif dans l'iidministration mu- 
nicipale, Gignoux grand agitateur. D'après les dispositions de la cons- 
titution de 1 an 3, qui fut publiée dans le Nord avec solennité ,, et en 
vertu d'un arrêté de la Commission civile, du 19 Thermidor an A (6 
Août i796)i il fit convoquer des Assemblées primaires dans toutes 

* Bans les conversations que j'ai eues avec un grand nombre de nos vieil- 
lards, j'ai été frappé do l'cnthonsfaeme avpc lequel ils m'ont parlé du né- 
grophilisme de Sonthonax. Plusieurs m'ont dit qu'il était J'homme qui con- 
Vttnaic pour régénérer les nouveaux libres. 






272 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1797 ) 



« il s'est déclaré rcvêlu de la dictature, et n^a pas craint de dîre 
€ dans sa défense qu'il a\ait des pouvoirs illimités. 

« Il a levé des impositions , touché des sommes immenses , n'a ren^ 
« du ancun compte. Il a mis hors la loi des fonctionnaires publics» 
« des élus du peuple; il a défendu, sous peine de complicité, de 
« leur accorder une retraite; il a armé quatorze communes contre iâ 
€ Port-au-Prince ; il Ta bombardé , en a chassé les habitans ; * et peu 
t de temps après cette \ille privée de ses défenseurs s'est rehdue aux. 
€ anglais.** Il a défendu par une proclamation d'abandonner la colo- 
« nie couverte de sang «t de feu, à peine d'être mis hors la loi, et 
« de voir ses biens confisqués. Il a incendié le Cap Français; et par 
« une proclamation , il a porté la peine de mort contre les malheureux 
« qui viendraient chercher dans, les décombres de leurs maisons les 
«objets échappés aux flammes, sous prétexte que lés propriétaires 
« s'étant rendus coupables envers la République, leurs biens [devaient 
« lui appartenir. Gignoux , dentiste^, et commandant du Cap, était 

« cliargé de Texéculion de cette infâme loi .Sonthonax 

« a déclaré criminels de lèse-nation les marins qui seraient trouvés 
'« à terre après sept heures du soir; il a signé Tordre d'incendier Ica 
f vaisseaux de la République. *** 

« En est-ce assez, représentans? Et remarquez que je ne vous parle 
« que d'actes publics , signes , avoués de lui , de lois atroces que ne 
« feraient pas les tigres de la Lybie, si les tigres avaient le roalhenp 
« d'avoir besoin de lois. A-t-il été puni ce personnage audacieux et 
« sanguinaire? non: l'excès de son audace a fait sa sûreté; on a plongé 
« ses accusateurs dans les prisons, et on a ren\oyé à St. Domingue. 
« Sonthonax revêtu de la pourpre dictatoriale 

« Quelle a élé dans cette seconde mission la conduite de Sonthonax 
« et de ses collègues Raymond, Leblanc et Giraud , agens particuliers 
« du directoire, et arrivés à St-Doniingue le 22 Floréal de 1 an 4 ? (juel 
« est l'état de cette colonie î 

« Les lettres particulières, trois officiers du génie que j^aî entendus^ 
€ un grand nombre de* simples citoyens, le général Rochambeau ei 

* Toutes ces accusations relèvent la s^îoire de Sonthonax dont nous ayonsr 
résumé la première mission dans un des chapitres précéilens. Il est heureux 
pour la liberté que la France ait envoyé à St.-Domingue un agent d'une teli^ 
énergie révolutionnaire. 



** Sonthonax n'a exercé de grandes rigueurs contre de nombreux colons, 
du Port-Répiiblicain , qii^ parce qu'il avait découvert qu'ils trahissaient la 
République en faveur de l'AngleteiTC. Pourquoi Vaublanc ne faisait il pas ua 
crime aux proconsuls de la Convention , d'avoir combattu avec acharnement 
ios royalistes qui avaient livré Toulon aux anglais. 

^** Touta la flotte était an révolte , si ce n'est le vaisseau l'Américar. 



msToiRB t^HAiTi,— ( 1797 ) 275 

ses aidcs-de-canip , l'ordonnateur général Férary , la correspondance 
du général Mirdonday , les lettres de la nouvelle Angleterre, les 
arrêtés, la correspondance des agens eux-mêmes, la correspondance 
de leurs propres délégués , tout s*accorde à peindre la colonie dans 
le plus affreux désordre, et gémissant sous le gouvernement militai- 
re. Et quel gouvernement militaire ! à <{uelles «nains est-il confié ? 
à des nègres ignorans et grossiers , incapables de distinguer la licence 
la plus elTrénée de l'austère liberté flécbissant sous les lois. Le général 
Bochambeau avait été envoyé à St.-Domingue avec le^ agens pour 
prendre possession de la partie espagnole de cette Ile. Voyons d^abord 
ce qu'il écrit au ministre de la marine: t La parue française ^ 
est la propriété de quatre corps d'armée de noirs, ou de quatre 
individus. On veut dégoûter les officiers blancs venus d'Europe ^ 
et les renvoyer en France, afin de travailler plus sûrement le pays 
en finance, et de n'avoir que les africains pour observateurs. On 
spécule beaucoup sur la partie espagnole encore neuve , ajoutait Ror 
chambeau. On y bâtît des projets de fortune, et on se doute bien 
que je ne me prêterai jamais à tant de brigandages.^ J'ai par- 
couru la partie du Nord: les citoyens y gémissent sous le joug des 
commandans particuliers des quartiers, qui, songeant à leurs affaires, 
négligent celles de TÉtat, oppriment le& individus» désobéissent vo- 
lontiers, ou éludent les ordres supérieurs. 

c Je croyais en arrivant ici, dit le général Rochambeau dans une 
autr« lettre, que j'allais y trouver les lois de la liberté et de l'é- 
galité établies d'une manière positive ; mais je me suis eruellement 
trompé. Il n'y a de liberté sur eelte terre que pour tes comman- 
dans des africains et des hommes de couleur, qui disposent du reste 
de leurs semblables , eomme de bêtes de somme. Les pauvres blancs 
sont vexés et humiliés partout. Il sera , je crois , diffieile de réta- 
blir Tordre parmi les dilapidateurs, parceque disposant des africains, 
ils les pousseront àju révolte quand on voudra diminuer leur influ* 
ence et leur crédit; je ne crains pas même de vous prédire qu'après 
avoir donné la liberté aux Boirs , après les avoir armés, on sera 
obligé de leur faire la guerre pour les reoidre un jour à la culture. » 

^ Le discours de Yaubranc quand il parvfnt à St. Domingue , produi- 
sit parmi les noirs un effet entièrememt défavorable aux intérêts mé- 
tropolitains. Les nouveaux libres craignirent une réaction en France 
tODtre la liberté générale; la position de Sonthonax devint plus diffi- 
cile , el les imprudences , les calomnies de Vaublanc le contraignirent 
à user de ^ rigueurs nouvelles contre les royalistes afin de prouver aux 
noirs que ta France ne nourrissak pas d'arrière pensée contre leur 
liberté. Ua peuple qui avait été pendant plus (le deux siècles plôn- 
gé dans la servitude la plus cruelle venait d'acquérir tout à coup sa 
liberté. Pouvait-il ne pas en être étourdi et la confondre avec la lieu 



JIT4 BIITOIES ]>^HlITI.--( 1797 ) 

é 

ce ? La France qui avait vieilli dans la civilisation , ne s'éiait-elle pas 
livrée à des excès poussés au moins aussi loin que les nôtres , lors- 
que ses fils avaient pris les armes pour revendiquer les droits de 
l'homme. 

Vaublane prétendait que les oITiciers européens n'étaient pas employés 
dans la colonie , et que la figure blanche y était un titre de proscrip- 
tion. Cependant à cette époque, le général de brigade Bédos, blanc» 
avait un commandement au Port de- Paix; le général de brigade Lesuire, 
blanc, commandait à la Tortue; le chef de brigade Pellet, blanc, à 
Bombarde; Mongeot, blanè, i St. Louis du Nord; Dalban , blanc, au 
Fort-Liberté; Grandet, blanc, à Monte-Christ; Chorié, blanc, au 
Borgne; d'Hébécourt , blanc, commandait la place du Cap; Barré, 
blanc , commandait à Laxavon ; Desfourneaux , blanc , commandait la 
division du Nord ; le général de brigade Agé , blanc , était le chef de 
Tétat-major de Tarmée; l'avancement de ce dernier été avait sollicité 
par Toussaint lui-même. 

Toussaint Louverture dit dans la réfutation qu'il fit du discours de 
Yaublanc. « Les places de radmimstralion, celles ^es tribunaux , sont 
« presque toutes occupées par des blancs ; les noirs et les hommes 
€ de couleur se rendent assez de justice et savent qu'ils n'pnt |)as 
< assez de connaissances pour prétendre à de tels emplois; il leur 
« suffit que, pour preuve de Texistence d'une véritable égalité^ on 
€ leur permette de partager avec les blancs les fonctions militaires ) 
€ et ils ne se plaignent pas que les seules places qu'ils occupent soi- 
c ent précisément celles qui les exposent à tous les dangers. » 

Le général Laveaux-qui était alors en France réfuta aussi en termes 
énergiques et menaçans le discours de Vaublane et fit Téloge de Tous- 
saint Louverture. Cependant le parti colonial ne se tint pas pour bat* 
tu; la conduite de Sonthonax fut de nouveau attaquée au conseil des 
Cinq Cenis , par Bald et Bourdon de TOisc ; Harty le défendit et 
rappela en sa faveur qu'il avait été opposé à Robespierre, et qu'on 
avait reproché aux 22 girondins qui furent guillotinés leurs liaisons 
avec lui. Doulcet, Delahaye et Larivière nièrent pour leur part cette 
dernière assertion. Boisrond le jeune et Laveaux defendij:ent Sonthonax 
chaleureusement. Néanmoins le parti colonial proposa , mais envain y 
d'annuler la nomination du commissaire civil au conseil des Cinq 
Cents par rassemblée électorale de St. Domingue. De nouvelles attaques 
furent dirigées contre lui par Corbin de la Gironde , par Martial Besse 
qui le représenta comme lennemi des hommes de couleur; ses amis 
citèrent en sa fa>eur le décret de la Convention Nationale qui annulait 
toute accusation contre iui; mais Douloet l'attribua à des considéra- 
tions politiques, \aublanc dont racharnement ne s afiaiblissait pas lui 
imputa 1 égarement de ses collègues. En présence d un tel déborde- 
ment de passions anti révolutionnaires , Garran Coulon ne craignit pas 
de fiûre un esiposé des opérations de Sonthonu à St. Domingue, et 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1797 ) 275^ 

de rejeter les désastres de la colonie sur les événemens antérieurs à 
sa seconde mission. Malgré tous les efTorts des vrais patriotes , le 
.Directoire cédant au \œu du corps législatif arrêta qu'il serait rappe- 
lé poiir rendre compte de sa mission ; et sur la motion de Villaret 
Joyeuse , le conseil des Cinq Cents autorisa, le 21 Juin, le Directoire 
exécutif à envoyer de nouveaux agens à St. Domihgue. Le 21 Juillet 
sur le rapport fait par Barbé Marbois le conseil des Anciens approuva 
la résolution du conseil des Cinq Cents. Le parti colonial, triomphant, 
.reprocha à Truguet d'avoir conseillé Tenvoi de Sonthonax à St. Do- 
mingue. 

Pendant ce temps le général Higaud combattait les Anglais avec la 
plus grande opiniâtreté. Il marcha à la tète de deux mille hommes 
environ contre le fort dos irois qu'occupaient un bataillon de troupes 
coloniales commandé par le colonel Degress, une compagnie de troupes 
euro[jiGennes du 17e régiment sous lei ordres du lieutenant Talbol, 
et treihe artilleurs commandés par de Breuil. Apres avoir canonné le 
fort, le général Rigaud lui donna un vigoureux assaut et fut repoussé. 
Alors il Tinvestit de toutes parts , et continua à Àg canonner. Mais 
le feu vif et soutenu de la frégate la Magicienne emnossée non loin du 
rivage , commandée par le capitaine Rickets , força l'armée républicaine 
à se retirer. Le colonel Maitland .qui était accouru au secours des Irois 
avec une force imposante, y arriva après la retraite des républicains. 
(20 Avril.) Les Anglais avaient pe^du plus de 100 hommes, et les 
républicains à peu près autant. 

Rigaud ne se découragea pas. Pendant la nuit qui suivit sa retraite, 
il attaqua de nouveau les Irois, et donna sa*ns succès , à la fortification, 
plusieurs assauts. S apercevant que le colonel Degress , à la tôte de 
350 hommes des chasseurs noirs du prince Edouard , cherchait à le 
tourner, il rétrograda, et alla s'établir sur une éminence du voisinage. 
Le lendemain , les Anglais ayant réuni toutes leurs forces l'assaillirent 
et le culbylérent. Le 22 Avril un bataillon républicain qui s'était dé^ 
taché du gros de larmée , surprit le bourg de Dame Marie, le livra 
aux flammes et se retira. Cette audacieuse diversion vers Jérémie 
n'ébranla pas la garnison des Irois. 

Rigaud qu'aucun échec ne décourageait se disposa à faire régulière- 
ment le siège des Irois. Le» Anglais n'ignoraient pas qu'il se proposait 
^d'aller attaquer- Jérémie. Aussi le brigadier Churchill ht il tous ses 
efforts pour contrarier son plan. Rigaud avait réuni, dans la baie des 
Carcasses, une flotille chargée de munitions de guerre et de bouche, 
qui devait suivre l'armée en côtoyant le rivage. Mais au moment qu'il 
allait se mettre en marche, les frégates la Magicienne, le Régulus et/la 
Fortune comiïiandées par le capitaine Rickets , attaquèrent les barges 
.républicaines et les anéantirent après un combat qui dura plus d'une 
heure (24 Avril). Rigaud ayant perdu toutes ses munitions de guerre 
et de bouche se vit contraint de retourner à Tiburon. 



876 msToiRE d'haiti.— (1797 ) 

Les habitans de Jérémie, heureux d'avoir élé délivrés des inquiéta 
des d'une invasion républicaine, envoûtèrent une adresse de félicitations 
et de reinercimens à Thonorablé George William Henri Rickets. 

Sonihonax , die son côté, pressait la guerre contre les Anglais avec 
une rare activité. Il ordonna à Toussaint Louverture de sein|>arer du 
Mirebalais par n'importe quel sacrifice, et de pénétrer dans la plaine 
du Cul-de Sac, • Ce général partit des Gonaïves, renoonta TArtibonite 
juscfu^aux environs du Mirebalais qu'il menaça. Les Anglais attachaient 
une haute importance à Toccupation de ce* bourg; car c'était par cette 
position qu'ils entretenaient des relations de commerce avec la partie 
espagnole , quoiqu elle eût été cédée à la France par le traité de Bâle* 
Mais les espagnols qui baissaient le svstème républicain^ aidaient se- 
crètement au triomphe des armes anglaises. Quoique le Mirebalais fôt 
admirablement fortifié , le vicomte de Bruge Tévacua avant l'arrivée 
de Toussaint , et ouvrit aux républicains l'entrée de la riche plaine du 
Cul-de-Sac. Les Communications entre Banica / St. Jean, Fortan La 
matle et la Croix-des-Bouquets furent interceptées. C'était ea AvriK 
Toussaint , après 9oir pris possession du Mirebalais , envahit le quar-^^ 
tier des Grands-Bois. 

£n même temps, pour favoriser l'entrée de Toussaint dans la plai- 
ne du Cul-»de-S^c, et pour diviser les forces anglaises, les généraux 
Bauvais et Laplqme firent partir de Léogane plusieurs colonnes delà légion 
de r Ouest , chargées de s'emparer Hes positions (;^u'oceupaient les anglais 
dans les montagnes qui avoisinent le Port Républicain. Le colonel Pétion 
fit traîner des canons à bras d'homnes à travers les montagnes et le& 
torrents de la rivière Froide. U fit élever une batterie contre le camp Gre- 
nier qu'occupaient les Anglais , et menaça le poste Fournii établi dans les 
mornes de l'Hôpital. Le général Simcoê attachait une haute importance 
à ces positions qui couvraient le Portflépublicain du côté du sud. 
Le projet de Pétion était de s'approcher assez de cette place p(jur la 
canonner, après avoir enlevé tous les camps delà montagne qui lapro-> 
tégeaient« Aussi les anglais se montraient ils disposés à disputer le ter* 
rain pied- à -pied. 

Toussaint , niattre des Grands-Bois , hésita à traverser la plaine du 
Cûl*de-Sac pour opérer sa jonction avec la colonne de Pétion. Le gé- 
néral Simcoê en profita pour faire rentrer au Port Républicain le ba- 
ron de MoDtalembert qui occupait le camp de Thaumayeau au pied 
,des mornes des Grands-Bois, afin de renforcer la division destinée à 
chasser les républii^ains des mornes de l'Hôpital , de la Coupe , et è 
dégager le camp Grenier déjà étroitement cerné. Le colonel Dessour- 
ces reçut l'ordre de se rendre de StT Marc au Port-Républicain avec 
2.000 hommes. L'attaque générale fut fixée au i5 Avril. Mais Dessour* 
ces, ayant élé contrarié par la brise d'Est ^ ne put arriver au Port- 
(lépublicain que le 26 Avril. 

3imcoë, ajant appris, contre sop attente, que Toussaint avait pi' n4* 



tiisTôiRÉ d'haiti. — ( lt9t ) 



2tt 



Iré <)ans la j^lainé du Gul-do Sac ^ en confia lé commandement au bà • 
ron de Montaierabert; Le colonel Dessources , le jour de son arrivée^ 
]pénétra^ dans la montagne de TÛôpilal, du côté de Fourmi , et ren- 
contra plusieurs embuscades qu'il enleva. La division anglaise parvint 
à Fourmi , sans avoir éprouvé de grandes pertes. Les républicains 
occupaient deux camps établis sur le sommet de la montagne deTHô* 
pital, Tun à Boutillier, l'autre à St. Laurent ^ à droite et à gauche 
de Fourmi ^ et à une lieue des deux côtés. Dessource résolut de s'em* 
parer de ces deux positions. Il fit marcher contre Boutillier le colonel 
Peyster qui en chassa* Tennemi ; mais le camp Saint Laurent fut plus 
vigoureusement défendu ; les anglais y perdirent le major Ponchet qui 
fut tué en chargeant à la tête des troupes venues de Jérémie. L^ 
camp ne fut- enlevé qu'avec de Tartilleneà Comme l'attaque de St. 
Laurent avait été longue et opiniâtre ^ Dessoûrces remit à un autre jour 
l'attaque de la batterie républicaine dressée contre le fort Grenier. 

Pendant cet intervalle le baron de Montalembert qui commandait 
dans la plaine du Cul de* Sac ^ fît occuper par un détachement , sou» 
les ordres du major O Gorman y le passage qui conduit de cette 
plaine à Léogane^ à travers les montagnes, afin, en empêchant 
Toussaint de communiquer avec fiaùvais^ de contrarier leurs opéra^ 
tions contre le Port-tlépublicain^ 

Toussaint Voulant enlever la Groix des- Bouquets fit attaquer sans 
succès les avant-postes du bourg. Le lendemain il marcha en per- 
sonne contre les anglais; sa cavalerie rencontra quatre escadrons de 
hussards commandés j)ar le comte Manoux. Les anglais, après plusieurs 
charges brillantes^ Culbutèrent les républicains et les refoulèrent! jus^ 
qu'aux Grands Bois^ 

£n même temps, pour empêcher la garnison de Léogane de marcher 
contre le Port-Képublicain , le capilainis Conchet commandant le ^ais-' 
seau TAbergavenny et plusieurs bricks vint louvojer vis à-vis du foft 
Ça-Ira faisant des démonstrations de débarquement. 

Le colonel Dessources, de son côté, marcha sur deux eoloniies contre 
la batterie républicaine dressée vis*à-vis du c^mp Grenier ; celle de gauche 
commandée par le colonel Pcyster et composée de troupes européennes 
50US tes ordres du major Clày , partit de Grenier; celle de droite' com- 
inandée par le colonel vicomte d'Abune partit de St-Laurent. Quand 
la division de gauche arriva dans le ravin qui séparait le camp Grenier 
de la batteirie républicaine ^ elle joignit j en se dirigeant vers la droite, 
la colonne sortie de St Laurent. Gomme le brouillard était très-épais 
dans le ravin ^ les républicains ne découvrirent pas ce mouvement. 
Du i^este leur attention était portée du côté de Fourmi d'où leur arri- 
vaient des bombes et des boulets que leur lançait le capitaine Spencer 
du corps ToydA d'artillerie. Toutes les embuscades dressées autour de 
leUr^ <^inp retranché furent levées par cette canonnade. 

Après la jonction de ses deux divisions^ le colonel Dessources pénétra 



â78 HISTOIRE D^HIITI. — ( 1797 ) 

dans une gorge presque impraticable pour tourner la batterie républi- 
caine et lés fortifications qui la protégeaient. Il avail laissé à St-LaUrent 
un bataillon qui devait protéger sa retraite au cas qu'il éprouvât un échec, - 
et le major Clay occupait la route de Léogane aiin de contenir les ren^^ 
forts qui pouvaient arriver de cette ville aux républicains. 

Dessources , en s*approchant du flanc de la batterie ennemie , lança 
contre elle, ses tirailleurs, sous les ordres des capitaines Rodanes, Cône- 
grat et Mouchet, pendant que son frère le lieutenant-colonel Dessources 
s'emparait d'une hauteur qui la dominait. Après une vigoureuse ré- 
sistance, les républicains enclouèrent leurs canons, et abandonnèrent 
leur redoute. Cet échec leur enleva l'espoir de pouvoir communiquer 
' avQc Toussaint Louverture qui occupait le quartier des Grands Bois. 
Les Anglais demeurèrent maîtres de la* chaîne des morifês de l'Ilôpilal 
et de la Coupe, et mirsnt le Port-Républicain à fabri d'un siège ré-~ 
gulier. 

Pendant cet intervalle les républicains attaquaient St-Marc et en étaient 
repousses avec perte. Les Anglais renforcèrent la garnison de cette ville 
menacée d'une forte armée que Toussaint Louverture faisait réunir aux 
Gonaïves. En même temps le colonel de Rouvrai marcha à la tète d^ 
300 hommes contre un camp retranché occupé par les républicains près 
de Léogane. Il le surprit, s'en empara, le livra aux flammes et revint 
au quartier- général de Grenier après avoir perdu quelques soldats. 

Le général Simcoê n'ayant plus aucune inquiétude du côté de Léo- 
gane et de la Coupe , résolut de se rendre maître du Mirebalais. Le 
brigadier général Churchill fut chargé de cette conquête. Le 30 Mai 
il partit du Port Républicain ; et après deux jours de marche , il attei- 
gnit le poste Michel qu'occupaient cinquante républicains qui se le- 
tirèrent à l'approche des anglais, et allèrent s'emparer plusloind'une 
position avantageuse. Le colonel Dessources qui commandait une 
des divisions de l'armée , ne pouvant se rendre maître de cette posi- 
tion , se replia sur le général Churchill , et l'aida à en déloger Tennemi. 
Les anglais perdirent une vingtaine d'hommes, et prirent deux pièces 
de canon. Après ce petit avantage , ils entrèrent sans coup férir au 
au Mirebalais au'ils trouvèrent abandonné. 

L'armée anglaise occupa toute la ligne qui s'étendait du Mirebalais 
\ers St. MarC' longeant le fleuve de l'Artibonite. Le colonel Dessources 
se rendit à St. Marc d'où il alla occuper les Verrettes, avec toute sa 
légion , artillerie, infanterie et cavalerie . Il avait sous ses ordes tl.OOO 
hommes de bonnes troupes coloniales , magnifiquement équipées. 

Toussaint Louverture , aussitôt qu'il apprit la prise du Mirebalais, partit 
des Gonaïves avec dix mille hommes, atteignit le bourg de la Petite-Riviè- 
' re, remonta l'Artibonite et se présenta devant les Yerrettes dont il résolut 
de s'emparer pour aller ensuite faire régulièrement le siège de St. Marc. 
Dessources ne reconnut pas la possibilité de pouvoir lutter contre des 
forces fti supérieures. Il prit la détermination d'évacaer les Yerrettes 



BUToiRB dSiàit».— ( 1797 ) J79 

rar St. Marc, d'après Tavis d'un conseil de guerre qu'il avait réuni. Mais il 
avait deux routes à prendre, celle par les hauteurs de St. Marc , et le grand 
chemin de cette ville. La route par les montagnes était étroite , 
boisée , plus courte, et en la suivant on n'avait pas à craindre 
une attaque sérieuse de l'ennemi. Le grand chemin était "spacieux, 
découvert , et permettait aux troupes républicaines d'envelopper faci- 
lement les royalistes. Le colonel Dessources, homme d'un courage & 
toute épreuve, mais plein de fougue, dédaigna la route par les mon- 
tagnes, contre Tavis du lieutenant-colonel d'artillerie Madiou qui lui 
avait fait observer qu'on s'exposait à être anéanti par les forces con- 
sidérables de Toussaint, en suivant le grand chemin. Dès que les 
troupes royalistes s'ébranlèrent une pluie abondante tomba avec vio- 
lence et mit. les fusils de la légion Dessources hors d'état de partir. 
Comme il arrive souvent dans nos climats , l'armée républicaine qui 
n'était sous les armes qu'à deux milles des royalistes ne fut pas atteinte par 
la pluie. Aussitôt que Dessources eut pénétré dans la grande route, il 
fut assailli par Toussaint Louverture. Le combat fut long , acharné 
et sanglant ; les r^valistes résistèrent énergiquement par la baïonnet- 
te; mais quoique leur artillerie commandée par le lieutenant-colenel 
Madiou eût fait de grands ravages dans les rangs des républicains, la 
légion Dessources fut culbutée et mise en pleine déroute. Madiou s% 
voyant sur le point d'être fait prisonnier, aima mieux se brûler la cervèlla 
que de tomber au pouvoir de Toussaint Loverture. Les dragons ré- 
publicains taillèrent eu pièces les troupes anglaises, et Dessources ne 
dut son salut qu'à la générosité du commandant de la 8*, Pierre-Louis 
Diane , qui , après l'avoir fait prisonnier , le relâcha et le fit accompa* 
gner à, travers les bois jusqu'aux portes de St. Marc, par dix sol- 
dats, il rentra dans cette ville presque nu , couvert de boue. Sa belle 
légion fut en partie exterminée; mais elle fut aussitôt réorganisée. ^ 
Par cet échec, les anglais perdirent la ligne de l'Artibon^te et fu« 
rent étroitement resserrés dans St. Marc. 

Toussaint Louverture marcha sur le Mirebalais dont il s'empara de 
nouveau. 

Pendant cet intervalle Vincent, colonel du génie, homme de ta- ^ 
lents, connaissant parfaitement St. Domingue et particulièremenl les 
quar^ers de la Grande- Rivière , avait dressé un plan d'expédi- 
tion contre Vallière , qu'oceupaient toujours les restes des nom- 
breux africains de Jean François révoltés contre la République, que 
les anglais appelaient les Vendéens de St. Domingue et auxquels ils 
fournissaient des munitions de guerre et de l'argent. La com- 
mission civile adoptant le plan de campagne du colonel Vincent, 
confia un corps d'armée au général Desfourneaux qui pénétra* dans 

* La lésion Dessourôes était composée de créoles qui avaient pris parti avec 
les Anglais contre la Républian^' 



280 HtSTÔlRE D*HAITI. — ( iWt ) 

le quartier de la Grande-Rivière. Les républicains, marchant sur quatre 
colonnes , refoulèrent les révoltés , après plusieurs oombats , dans le 
bourg de Vallière, et les forcèrent à mettre bas les armes. Ce^e insur- 
rection qui avait inquiété le Nord pendantpresque une année, rendit alors 
le dernier soupir. Le colonel Henri Christophe se fit remarquer dans 
cette circonstance par une conduite énergique et intelligente* 
- Après cette eipédition la culture commença à reprendre de la vi- 
gueur par un système admirable de fermage établi par le colonel Vin- 
cent ; et l^s chefs noirs se pénétrant de ces paroles de Sonthonax ^ 
« la liberté des noirs ne peut se consolider que par la prospérité de 
« Tagriculture, » excitèrent prodigieusement les cultivateurs au travail. 
Les grandes habitations ,^ les plus belles , furent affermées à vil prix , 
aux chefs de couleur et noirs, aux ofliciers européens et aux emplo- 
yés civils qui partageaient les bonnes grâces de Sonlhonax et de Tous- 
saint Louverture. Quoique les cultivateurs ne fussent pas battus , car 
Sonthonax avait éntrgiquement défendu d'employer la verge et le bâ- 
ton dans les ateliers, ^ les produits des habitations devinrent impor- 
tans; en peu de temps de grandes fortunes s'élevèrent; cependant la 
caisse publique ne se remplissait pas. Julien Raymond qui vivait en 
mésintelligence* avec Sonlhonax ne manqua pas de lui faire un crime 
d'avoir affermé à ses créatures les grandes habitations pour des sommes 
trop modiques. Il paraissait ne pas comprendre que. Sonthonax ne 
pouvait relever les habitations qu'en intéressant prodigieusement à leur 
prospérité les chefs noirs et de couleur qui seuls exerçaient une influ- 
ence réelle sur les masses* 

Les Anglais voyant que l'éclat de leurs armes s'affaiblissait sur tous 
les points de la colonie , eurent recours aux moyens de séductions 
qu'ils avaientvdéjà assez avantageusement employés en 1798 et. en 1794 
quoiqu'ils eussent échoué aupr^ de Rigaud et' de Bauvais. Lapointe, 
major-général à TArcahaie , homme de couleur, fut chargé d'écrire au 
général Rigaud , et de lui faire offrir 20,000,000 de francs , pour qu*il 
embrassât la cause de S. M. B. Le major Ango, porteur.de la lettre 
de Lapointe, se rendit au Petit Goàve sur une corvette parlementaire, 
commandée par de Petit-Thouars, français du parti royaliste* Les dé- 
pèches furent remises à Renaud Desruisseaux qui les fit parvenir aux 
Cayes. . 

La lettre était ainsi conçtié i 

• Ce ne fut que sous Toussaint Louvertufe devenu gouverneur, lorsqu'il sa 
laissa dominer far les colons, qu^on employa le bâton sur les habitations, mais 
non [>as un bâton tricolore coihme Ta dit Ur de Las Cases , à la Chambre des 
Députés de France. Les colons eussent voulu qu'on eût fait usage du bâton 
tricolore sur les habitations , afin de porter les cultivateurs à hajir les couleurs 
8oas lesquelles la liberté générale avait été proclamée. 



BI8T0IRE d'haiti— ( 1797 ) 281 

t Àicahaie le 12 Juillet i797. 

« Au général Rtgaud , commandant de la province du Sud. 

c La guerre que le commissaire Sonthonax allume contre vous, doit 
vous convaincre de la perversité de ses projets et de sa constante 
résolution de faire de St. Domingue le sépulcre de tout ce qui fut, 
avant la révolution , libre et propriétaire. Cet homme altéré de 
sang , après avoir anéaqli ^ ou pour mieux dire réduit à un tel point 
de nullité les blancs , qu'il n'a plus^rien à craindre d'eux, appelle 
la vengeance des nègres contre les hommes de couleur. Les mal- 
heureux blancs qui se trouvent dans son parti, pour les^ y ame-*> 
ner , il a dépeint à leurs yeux les hommes de couleur^ jcomme le$ 
destructeurs de Sl-Domingue : le perfide sait bien le coxîtraire ; mais 
pour justifier ses atroces complots, il le répète sans cesse. Le gou- 
vernement français feint de le croire ou le croit réellement. 11 vous 
a mis hors la loi ; et Sonthonax , avide de tout ce qui peut contri- 
buer à faire couler un sang qui n*cut d'autre tort que celui de l'avoir 
écouté, a déjà sonné le tocsin de la niortsur la tètè de ceux qu'il 
appelle aujourd'hui les mulâtres. 

« De grands préparatifs sont faits contre vous : le nègre Toussaint 
aidé des blancs qui ont eu la lâcheté de se ranger sous sa banni- 
ère , emploie la vigilance la plus active pour sVmvrir une communi- 
cation dans le Sud. (Nous le gênons à la vérité;, il faudrait pour 
cela nous forcer , et la chose n'est pas aisée. ) Je ne crois pas 
quoiqu'on aient dit quelques-uns de ses partisans que j'ai été^à 
même de voir ces jours derniers , que son projet soit de vous at- 
taquer à force ouverte. Cet esclave est trop lâche pour l'entrepren- 
dre, mais je suppose qu'il compte sur Tintluence que lui donne 
sa couleur et le rôle qu'on lui fait jouer, sur les noirs, pour cap» 
1er ceux de votre province. Alors vous vous verriez réduit à périr 
de la main de ses satellites , devenus plus féroces à l'instigation des 
bourreaux qui arment leurs bra$ contre vous. 
« Vous connaissez sans doute la proclamation de Sonthonax par 
rapport à vous ; vous aurez sans doute remarqué avec quelle barbare 
adresse il rappelle ralTairedes nègres de la Croix-des-Bouquets connus 
sous la dénomination de suisses embarqués^ par Caradeux pour la baie 
des Moustiques. 

€ Attendez- vous à ce que ce monstre consomme ses forfaits I Atten* 
dez-vous à ce qu'il porte Ie3 derniers coups à la pouplation libre ; 
et que* par son machiavélisme il soit parvenu À faire de cette<, !lé 
superbe une nouvelle Guinée : la faction dont il est l'agent n'eût 
jamais d'autre but; et quoique ce terrible système soit changé en 
France , le cruel n'a pas renoncé à ses projets. Ouvrez , je vous 
en conjure» les yeux, promenez vos regards dans l'avenir , et re- 



y 



B82 



HISTOIRE D^HAÎTI. — ( iW^. ) 



courez in cette énergie qui sauva vous et ceux qu# la fortune lie it 
votre sort, du massacreel d'une proscription semblable i celle qu'il exer- 
ça conlr«r les blancs , lors de son premier voyage dans cette colonie.* 
« Nous touchons peut-être au moment où une paix générale rendue 
à l'Europe, réglera les destinées de St. Domingue. Ne serai t-^il pas 
flatteur pour vous d'avoir préserVé les restes infortunés des hommes 
et des propriétés des lieux où vous commandez de la fureur dévas- 
tatrice des brigands qui ne connaissent que l'anarchie? Croyez que 
quelle que soit la puissance destinée à posséder St. Domingue, elle 
s'estimera heureuse d'y trouver un noyau d'une colonie contre la* 
quelle tant de coups ont été dirigés: et les conservateurs auront 
seufs raison. 

« N^attendez pas que la guerre s'allume -xlans les lieux où vous 
commandez; vous en connaissez les ravages; ils entraîneraient infail- 
liblement la destruction de ce que vous avez conservé , et le hi- 
deux en retomberait sur vous. 

« Je ne vous propose aucun parti : vous Ates grand , sage, le vous 
envoie un ouvrage imprimé vers la Cm de l'année dernière , sous les 
yeux du Directoire français. ^^ Lisez-le avec attention ; cette lecture 
fixera votre opinion sur tout ce qui a trait à la colonie : je désire 
que vos réflexions se rencontrent avec les miennes. 
€ Si vous êtes jaloux de répondre k mon ouverture , j'en serai en» 
chanté. Gela pourrait vous mener , sans compromettre votre hon- 
neur, à quelque chose d'utile à la colonie. Je suis autorisé à cette 
démarche par mes chefs qui me l'ont fait entreprendre par le mo- 
yen de mes bâtimens armés. Vous pourrez correspondre avec moi 
par les barges de Léogane. Je ne vous indiquerai aucun moyen 
d'exécution. Peut être ne les auriez vous pas ; mais ces bâtimens 
me les donnent. Celui qui pretège le parlementaire chargé de la 
présente reparaîtra cinq jours après son arrivée; vous pourrez le 
renvoyer; votre loyauté m'est garante de sa sûreté. 
« Faites tout pour la perfection de votre ouvrage , sa conservation ; 
ne souff'rez pas qu'on le souille. Je ne puis m'étendre davantage : 
il me suftit d'avoir commencé ; continuez , et si vous le désirez , 
nous nous expliquerons autrement. 



Signé. 



J. B: LAPOINTE. • 



* Lapoînte paraissait ne plus se rappeler que jusqu'à la proclamatien 
de la liberté générale il n'avait œssé de soutenir avec fureur Sonthonas et 
Polvérel dans leurs luttes contre les grands planteurs et les petits blancs et 
^uMl avait organisé lui-même ré|(orgement des blancs dé i'Arcahaie. Tant qu'i 1 
n'avait pas été question de lui enlever ses esclaves , il avait trouvé la coQ - 
duite des commissaires civils très méritoire. 



** Une brochure d'un colon contre la liberté générale 



ï 



HISTOIRE d'haiti- — ( 1797.) 



283 



l 



Cette leUre fait connaître la haine que les anglais inspiraieni 
aux hommes de couleur qui avaient embrassé leur parti, contre les 
noirs et contre la République Française, dont le triomphe ne devait 

3u*amener , prétendaient ils, la destruction complète des anciens libres 
e St. Domingue. 
Cette lettre que le général Rigaud répandit dans la ville des Çayes 
fit naître la plus violente indignation contre les anglais et 
es royalistes. La population jura de mourir pour la République 
Française. 

Rigaud répondit à Lapointe : 

€ Aux Cayes , le 29 Messidor an 5 de la République Française 
« une et indivisible. {V\ Juillet 1797.) 

c ÎA Général Rigaud à J. B. Lapointe , aux Arcahayes. 

m 

ff J'ai reçu avec autant de surprise que vous méritez de mépris , la 
lettre que vous m'avez écrite ; et mon étonnement s'est accru à cha- 
cune des lignes que j'en ai lues. 

€ D'abord j'ai cru que ce pouvait être l'aveu des crimes que vous 
avez commis envers votre patrie et vos frères ; je m'imaginais que 
reconnaissant enfin la profondeur de i'abtme où vous vous êtes pré- 
cipité , vous vouliez , avant de subir le sort qui vous attend, trans* 
mettre à la postérité, par mon entremise, le tableau des plaies que 
vous avez faites à l'humanité: mon cœur s'ouvrait à la joie en vous 
croyant encore susceptible de remords mais non ! vous per- 
sévérez dans le vice ; et vous osez proposer à un républicain intègre 
de vous imiter ! de -sacrifier ainsi la gloire de vous avoir combattu, 
vous el vos maîtres , d'avoir constamment résisté à vos efforts réunis 
à vos promesses et à vos menaces t et dansquel temps, grand Dieu ! 
osez-vous tenir ce langage! au moment même où la paix rendue 
à l'Europe , dites-vous , réglera les destinées de St. Domingue. Ces 
destinées peuvent-elles être incertaines ? et , Lapointe peut-il se flat« 
ter d'en goûter le fruit? la colonie de St. Domingue peut-elle ap- 
partenir à une autre puissance qu'à la République Française? et pou- 
vez-vous espérer d'y finir paisiblement vos jours, après avoir abreuvé 
cette terre de tant de sang innocent? est-ce vous qui prenez tant 
d'intérêt à mes camarades et i moi , vous qui avez fiiit égorger im- 
pitoyablement ceux qu'il était en votre pouvoir de sauver ? vous qui 
auriez consommé , si vous l'aviez pu , la destruction de tou^ les 
hommes de couleur, attachés à leur patrie, avez- vous l'audace devons 
montrer sensible aux malheurs dont vous les croyez menacés ? 
€ Si nous avons quelques différends avec les ageiis que le gouverne- 
« mant français a envoyés dans h coloaie i c'#5t à ce gouvernement 



284 HISTOIRE d'haiti. — ( 179Î ) 

« seul à en Connaître. Nous n'avons et no voulons avoir d'autre âp« 

<« pui que sa justice. 

« Si les africains pour la liberté desquels j'ai combattu , devien- 
« neot ingrats au point de méconnaître mes services , je n*en serais 
« pas moins fidèle à ma patrie , pas moins attaché aux sublimes prin- 
« cipes qui mont dirigé: je trouverais au fond de mon cœur la douce 
ff consolation d'avoir embrassé une cause à laquelle la mienne est né- 
« cessaircment liée, et qui aurait été aussi la votre ^ si vous aviez con- 
te nu vos vrais intérêts : mais ils ne sont pns tous si injustes à moa 
c égard, et Taflëction de ceux qui me connaissent, me venge bien de 
or la haine qu'on a suggérée à ceux qui n'ont pas été à portée de m'ap- 
« précier. Au reste un républicain qui, pour le bonheur de son pays, 
« sait affronter la mort dans les combats , doit-il la craindre de la 
« part des factions de I intérieur? et cette crainte doit elle le porter 
« à trahir ses devoirs, à vivre dans Tignominie plutôt qu'à mourir ^ 
« s il le faut, avec gloire et sans reproche? 

« tl n'est pas étonnant que vous m avez envoyé un livre composé 

< par un colon , et qui ne parle que de la nécessité de maintenir 

< l'esclavage. La lecture que j'en ai faite n'a fait que me couvain- 
« cre de la conformité des principes de Tauteur avec les vôtres et 
« et ceux de vos pareils. 

« Je dois réprimer votre insolence , et relever le ton méprisant avec 
€ lequel vous me parlez du général français Toussaint Lôuverture. 

« Il ne vous convient pas de le traiter de lâche , puisque vous avez 
« toujours craint de vous mesurer avec lui, ni d'esclave , parce qu'un 
« républicain français ne peut pas être un esclave. Ces titres vous 
« appartiennent parce que vous n'avez jamais su combattre vos en- 
« nemis qu'avec les armes de la perfidie, lorsqu'ils étaient sans dé- 
« fense , parce que vous servez des hommes dont vous ne pourrez 
« jamais devenir l'égal, que vous travaillez, en Fes servant, à nfain- 
« tenir l'esclavage. Toussaint, ad contraire, combat sous les dra* 
«, peaux de la liberté pour affranchir les hommes que vous asservîssez/ 
« Sa qualité de nègre ne met aucune difTérence entre lui et sescon- 
« citoyens , sous l'empire d'une Constitution qui n'établit pas les dî^ 
« gnités sur les nuances de l'épiderme. Lorsque vous aurez pris con- 
te naissance de mes sentimens par la lecture de la présente, vous serez 
« sans doute convaincu que mon honneur serait gravement compromis^ 
« si j'avais un^ plus longue correspondance avec vous. Je ne réponds 
« k votre ouverture que pour vous payer le juste tribut d'indignation 
€ que votre conduite liberticide et sanguinaire vous attire de la part 
« ^e tous les hommes sensibles. Chargé de si grands forfaits, il ne 
« vous reste plus d'honneur : vos chefs ont si bien senti cette vérité, 
€ qu'après m'avoir envoyé des propositions anonymes, ils vous ont 
« chargé de m'en faire de désignées, comme n'ayant pas d'honneur 
t à compromettre. Mais moi qui suis jaloux de conserver le mien | 



HISTOIRE d'haiti. — { 1797 ) ? ^* 283 

4 je ne puis plus long- temps m'entretehîp avec ua traîre. Vos en- 
€ toyés ne roéritenl pas plus d'égards que vous ; car ce sont aussi 
< des français rebelles à leut patrie, et exposés à toutes les rigueurs 
€ de ses lois. Ils ne peuvent être considérés comme parlementaires, 
tf éldQt chafgés d'une mission contraire à toutes les lois de la guerre. 
€ Ce ne serait donc pas manquer de loyauté que de les retenir; et 
« je ne les renvoie que pour vous faire parvenir ma réponse. 



Signé. A. RIGAUD.» 



Quand Lapointe, au retour de. son parlementaire, reçut la réponse 
de Rigaudy il était chez lui entouré de nombreux ofGciers anglais de 
la légion d'York. Aussitôt il se mit à vociférer contre la République 
frstnçaise. « Conament, dilil, Rigaud peut il faire l'éloge de Toussaint 
Louverture? Nous avons vu Toussaint le fer et la torche à la main in- 
cendier la plaine du Nord , en égorger tous les habitans ; il a trahi le 
gouvernement espagnol, égorgé la garnison de St. -Michel et tous les 
habitans de ce bourg; il s est rendu à Laveaux avec 10,000 brigands 
comme lui ; il possède tellement la confiance du gouvernement français 
qu'on Ta nommé général en chef de l'armée de St-Domingue; c'est lui 
faire assez savoir qu'on est content de sa concfuite passée, et qu'il peut 
continuera égorger, à incendier. Yoilà l'homme que Rigaud dans sa 
réponse traite de brave général français ; il faut penser que ce Rigaud 
est. un brigand comme lui , car il n'ignore pas sa conduite ; 
Rigaud veut toujours vivre dans l'anarchie; c'est un écolier en politi- 
que; le gouvernement français l'a perdu en le nommant général de 
brigade; il n'est propre qu'à se bien battre comme un capitaine de 
grenadiers; c'est un orgueilleux qui par son entêtement fera massacrer 
tous les hommes de sa couleur; si malheureusement les anglais vien- 
nent à évacuer Si*Domingue, alors il connaîtra son brave général Tous- 
saint l^ouverture ; peut-être il aura le bonheur de ne pas voir le poi- 
gnard arriver juscyi à lui; mais que d'infortunés ne seront pas victimes. 
Parlez-moi, ajoutait-il, de Bauvais; c'est un général brave , honnête , 
un vrai patriote français; c'est dommage qu'il soit faible; du reste il 
iriendra un temps où ils seront victimes de leur dévouement à la 
République française. * » 

Pendant ce temps Pinchinj^t , Rey Deiroas, députés au corps législatif, 
et Bonnet, qui avaient été faits prisonniers par le commodore Rickets 
comme nous l'avons vu, étaient sur les pontons en Angleterre. Gomme 
le gouvernement britannique n'ignorait pas qu'ils étaient hostiles à 
Sontbonax et qu'ils devaient Taccuser de vouloir rendre la colonie in- 



• Notes de plusieurs vieux officiers de la légion d'York de TArcahaie, 



386 HISTOIRk ^«A^Ait. — ^ Liifé } 



m 
« 



dépendante, Ji les fit partir pour France sur un navire paiicineiuajre, 
le Tallebot de Bayonne, afin d'augmenter les embarras du directoire 
relativement à St-Doniingue. Pinchinat, Rey Delnuas et Bonnet débar- 
quèrent à Cherbourg, le 11 Août 1197, alors que le parti royaliste 
dominait en celte ville. . 

On y parlait baulement du retour de Louis XVIII. Comme Pin- 
chinât et Bonnet se montraient zélés républicains , la municipalité de 
Cherbourg, sous prétexte qu'ils étaient des agitateurs, les mit sous la 
surveillance de la police; et ils ne purent paraître dans les rues, qu'ac- 
, compagnes chacun d'un gendarme. Mais le commissaire du gouverne* 
ment de Cherbourg qui était républicain, annula la mesure prjse à 
leur égard par la municipalité, et les rendit pleinement à la liberté. 
Enfin la journée du 4 Septembre 1797, contre le parti royaliste, écla* 
la; le parti républicain domina de nouveau souverainement à Cher- 
bourg comme dans tout le reste de la France, et Bonnet n'étant plus 
contrarié par la municipalité se disposa à se rendre à Paris ,* oiu il 
déploiera la plus grande activité pour détruire Timpression fâcheuse 
que les directeurs, et la plupart des membres dti corps législatif avaient 
reçue relativement à Rigaud, par les rapports de la commission civile de 
St-Domingue. En attendant son départ pour Paris, il se mit h travail* 
1er à un mémoire justificatif de la conduite de Rigaud, se proposant 
d'attaquer le commissaire civil Sonthonax aussitôt qu'il reviendrait en 
France. Quant à Pinchinat , dans un mémoire du 31 Octobre, il re- 
poussa victorieusement toutes les accusations de Sonthonax contra 
lui, surtout celles relatives à l'indépendance deSl-Domingue. 

Pendant cet interval^e Toussaint maître des Verrettes se résolut à 
s^emparer du Mirebalais qui était occupé par le vicomte de Bruge* 
Celui-ci tout en dépouillant les habitants de couleur qui étaient sous 
son autorité , exerçaient sur eux toutes sortes do cruautés. Toussaint 
marcha contre ce bourg qu'il assiégea, pendant que le colonel Chris- 
tophe Morncy à la tète de la 8.e coloniale forte de 2500 hommes gar- 
dait le passage du Trianon. Le général Simcoê envoya Tordre à La- 
pointe d'aller dégager le Mirebalais. Celui ci se mit en campagne avec 
3,000 hommes de la légion d'York, traversa le Fond Blano, afin défaire 
jonction à St- Michel avec les troupes anglaises qui^étaient parties du 
Porl-Républicain. Le baron de Montaicmbert qui commandait la divi- 
sion anglaise du Port-Républicain , rencontra à Trianon Christophe 
Morney , fut repoussé et battit en retraite. De Bruge, apprenant la 
défaite de Monlalembert, évacua le Mirebalais. La colonne de Lapointe 
qui' était parvenue au delà du Boucassin re^it Tordre de rétrograder. La- 
pointe se retrancha sur Thabitation Dégauxaux Matheux. Mais comme il 
s'aperçut que le C"' Dessalines marchait sur lui avec des forces supérieu- 
res, il abandonna sa position, se rendit au grand fort du Boucassin, en con- 
fia le commandement au capitaine Moreau et se retira à TArcahaie, avec 
presque toute sa légion. Ce fort était armé de trois pièces de canon, 



HISTOIRE B'HAITI.***^ ié^âé ) 287 

ûi là garnison n'en élait que de cent soixante dix faou^^^iv.^ j^ennemi 
ne pouvait y arriver que par un seul chemin à traters un mor- 
net qu'il dominait. Un ravin séparait le mornet de la fortifiea^n. 
Dessalines, après avoir inutilement sommé la garnison royaliste do 
mettre bas les armes, fit ses dispositions pour Tattaque. Il avait sous 
ses ordres cinq demi-brigades qui fournissaient 8,000 hommes. La 
i^^ et la 2.* demi brigades du Cap ^e rangèrent sur le monticule; la 
4/ s'établit à gauche du fort derrière les eaux de Thabilalion Garescher; 
la 7* , après avoir essuyé le feu de la redoute , traversa Thabitation 
Torcelle et s'établit à Ouclos ; elle coupa lescommuaications delagar- 
nison avec TArcahaie. Les deux régimens du Cap commencèrent le (eu. 
On te battit avec acharnement pendant toute la journée; Tariillerie 
du fort fit de grands ravages dans les rangs des républicains. Deux 
jours après , Lapointe partit de T À rcahaio , traversa Thabitation Poix la 
Générale et marcha contre Dessalines, à ta tête de sa légion. Il cul- 
^ buta en personne la A^ demi-brigade , secondé par le vicomte d* 412 une, 
lieutenanwcolonel de la légion d'York, pendant que le chevalier de 
Peste taillait en pièces la 7* demi-brigade dont le colonel Charles Bé-. 
lair faillit d'être fait prisonnier. Les républicains fuient enfoncés sur 
tous les points , et Dessalines 5e retira à l'Artibonile avec précipita^ 
lion, autravers des montagnes, après avoir perdu plus de 600 hoo) mes. 
Toussaint Louverture ne put jamais pénétrer dans les Arcahaies, 
du temps de la domination anglaise; le major Lapointe qui repoussa 
toujours toutes ses attaques , administrait admirablement ce quartier. 
Les Arcahaies fournissaient chaque année, à celle époque, plusieurs 
raillions de livres de sucre brut , et plus de 5 raillions de café. Il est 
vrai que le système odieux de Tesclavage et parc^nséquent le travail 
forcé, y étaient en vigueur. • 

Dans le courant du mois. d'Août , le général Simcoe retourna en An- 
gleterre, dégoûté d'une guerre désastreuse. 

Le général Whyie qui le remplaça, n obtint pas plus de succès ^quo 
son prédécesseur malgré tous ses eÎTorls. Le résultat de la lutteâne 

f mouvait être douteux : la Ré|)ublique Française qui avait proclamé la 
iberté générale devait l'emporter sur le gouvernement britannique qui 
avait rétabli la servitude. 

Pendant cet inlervalle » l'ambition de Toussaint , général en chef 
des armées de S* -Domingue , s'était prodigieusement développée. Il 
n'avait pas contrarié la nomination de Sonthonax comme député au 
corps législatif, parce qu'il souhaitait ardemment qu il quittai la colo«» 
nie. Cependant Sonthonax qui n'avait pas encore reçu le décret qui 
le rappelait en France , ne partait pas. Il y avait une sorte d hostilité 
eatre lui et son collègue Julien Raymond qui prêtait 1 appui de son 
autorité à Toussaint Louverture. Pascal le secrétaire de la commis- 
sion civile se montrait aussi tout dévoué au général en chef. Toussaint 
étiiit devenu une puissante influence en laquelle on reconnaissait un 



j 1 



288 HISTOIRE d'haiti. — ( 1797 ) 

brillant avenir , tous les regards se tournaient vers lui. Sonthonax qui 
avait remarqué que cette influence pouvait échapper à la direction de 
la métropole , s'efforçait , lui qui l'avait établie, d'en arrêter le déve- 
loppement. Quant aux hommes de couleur il avait rompu en visière 
avec eux, dés sa première mission, aussitôt qu'il s'était aperçu qu'ils 
ne voulaient être dévoués à la commission civile qu'autant que celle ci 
se serait soumise à leur inflaence. Il avait pris le noir par la main , 
Tavait élevé , lui avait servi de tuteur ; maintenant le noir , devenu 
majeur^ exigeait à son tour, qu'il se soumit à la prépondérance qu'il 
lui avait donnée^ Sonlhonax commença à traiter d'ingrat le général 
Toussaint Louverture. Julien Raymond et Pascal en avisèrent le géné- 
ral en chef qui se rendit au Cap. Toussaint d'une profonde dissi- 
mulation parut être affligé de la mésintelligence qui régnait entre les 
deux commissaires civils. Il écouta les invectives, contre Sonthonax, 
de Julien Raymond , et de Pascal qui venait de donner sa démission ; 
il ne leur répondit rien , vit Sonlhonax , et parvint à amener entr« 
celui'^ci et son collègue une explic^ition qui parut être franche et sin- 
' cère; il partit ensuite pour l'Artibonite. 

Mais aussitôt après son départ , Sonthonax envoya dans l'Ouest l'ad- 
judant-géuéral Mentor pour y remplir une mission secrète* Au retour 
de celuici , il se brouilla de nouveau avec J. Raymond, et traita Tous- 
saint d'ambitieux et d'hypocrite. Riymond en avisa le général en 
chef par un habitant nommé Sallenave ; et le i8 Thermidor (5 Août) 
le général Moyse vint du Fort Liberté au Gap. Il annonça à Raymond 
la visite de Toussaint Louverture. La présence de Moyse au Cap in* 
quiéta Sonthonax qui craignit que le général en che( n^eût conçu 
1 idée de le déporter. Ses^ craintes étaient fondées , car dès que 
Toussaint arriva au Cap , il témoigna à Raymond le désir d'embar- 
quer le commissaire civil. Raymond qui parut s'y opposer n'en était 
pas fâché; il favorisa cependant une entrevue chez Pascal entre Son- 
thonax et Toussaint , et il y eut entre eux une réconciliation qui n'é« 
tairque feinte de part et d'autre. Pour affaiblir l'audace de Toussaint, 
Sonthonax lui dit qu'il avait appris que la paix avait été rétablie en 
Europe, et que la France allait envoyer h St-Domingue des forces coo- 
sidérables. Mais Raymond et Pascal eurent soin de faire savoir au 
général en chef que ces nouvelles avaient été inventées par Sontha- 
nax. 

Pendant ce temps , les agens de Toussaint répandaient dana 
le peuple et dans l'armée les bruits les plus calomnieux sur 
Sonthonax ; ils l'accusaient d'être un ennemi secret de la libertés 
des noirs ; et le colonel Christophe le représentait comme un brigand. 
Toussaint lui-même prétendait que Sonthonax lut avait proposé d égor- 
ger tous les blancs, de gouverner le paj^s avec lui , et qu il ne l'avait 
ébranlé dans ses projets qu'en lui demandant froidement: « Eh bien! 
< que ferai -je de vous?« Il fit mémo imprimer la conversation daii9 



HISTOIRE D*HAITI. — ( 1797 



^ 



289 



laquelle Sonlhonax lui aurait tenu ce langage. L'agitation était à son 
comble dans la \ille du Cap; tout annonçait une prochaine explosion. 
EnQn pour éTiier à la colonie de nouveaux malheurs , Sonthonax pro- 
mit à Toussaint de partir pour France, sous trois jours. 

Alors le général en chef eut pour lui tous les égards qu'il devait 
au représentant de la France y ei lui écrivit la lettre suivante : 

Au, quartier -général du Cap- Français , le 3 fructidor, an 5 

(20 Août 1797). 

TOUSSAINT LOUVERTURE, Général en chef de Varmée de Si Domtigue, 
au citoyen Sonthonax., Représentant du peuple et Commissaire déléqui 
aux Isles sous te vent^ 



€ Citoyen Représentant^; 

V 

€ Privés depuis longtemps de nouvelles du gouvernement françaFs, 
ce long silence affecte les vrais amis de la Républi([ue. Les ennemis 
de 1 ordre et de la liberté cherchent à profiter de Tignorance où nous 
sommes po*)r faire circuler des nouvelles , dont le but est de jeter 
le trouble dans la colonie.. 

« Dans ces circonstîinees, tt est nécessaire qu'un homme instruit 
des événemens , et qui a été le témoin des changemens qui ont 
produit sa restauration et sa tranquillité, veuille bien se rendre 
auprès du Direcioire Exécutif, pour lui faire connaître la vérité. 
« Nommé députa de la colonie au corps législatif, des circonstances 
impiMMCuses vous tirent un devoir de rester quelques temps encore 
au milieu de nous : alors votre influence était nécessaire ; des trou- 
bles nous avaient agités; il fallait les calmer. 'Aujourdhui que Tor- 
dre, la paix, le zèle pour le rétablissement des cultures , nos suc*^ 
ces sur nos ennemis extérieurs et leur impuissance, vous permet- 
tent de vous rendre à vos fonctions, allez dire à la France ce que 
vous avez vu, les prodiges dont vous avez été témoin , et so}ez tou- 
jours le défenseur de la cause sacrée que nous avons embrassée, et 
dont nous sommes les éternels soldats. 



«Salut et respect, etc^ 

• Toussaint LOUVERTURE. » 

Toîlà ce que Toussaint déjà entaché de royalisme écrîv?ît à Sonthonax 
Fimmortel républicain qui, par dévouement à la cause des noirs , lavait 
fak parvenir à la plus haute dignité de la colonie. 

Sonthonax fut indigné eu recevant cette lettre ; au lieu de partir y 
fl tenta d^ résister à Toussaint Louverture qui ayant obtenu la pré- 



MO BiftToiBE D^kiri.^ 1797 ) 

pondératiee politique pour les nouveaux libres voulait gouverner la colonie, 
non plus d'après les intérêts de la République Française^ mais d'à* 
près ses vues personnelles, tout on faisant' un pacte avec les restés 
de l'ancien parti colonial qui l'entourait déjà de ses séductions. Quant 
aux anciens libres ils s'étaient éloignés du commissaire civil aussitôt 
qu ils avaient obtenu de son énergie Texécution des décrets de la mé- 
tropole qui lés élevaient au rang des blancs. Ceux-ci que Sonthonax 
avait frappés énergiquement en faveur des noirs et des jnunes l'avaient 
-aussi abandonné \ et en haine de la sévérité de son républicanisme , 
ils préféraient à son autoriié celle de Toussaint de principes moins 
sévères. Ainsi finissent, à la honte de Thumanité , la plupart deces 
hommes à conviction politique qui poussent à bout un principe et ne 
transigent pas sur leur devoir. On profile des bienfaits que leur éner- 
gique loyauté a répandus sur riiumauilé , et pour n être pas tourmenté 
par la reconnaissance , on les poignarde. 

Sonthonax se troijvait sam^ appui. Cependant il réunit chez lui les 
colonels des régiments du Cap, et les autres autorités militaires; il 
les excita contre ceux qui voulaient , disait-il , livrer la colonie aux 
anglais , et les exhorta à s'opposer à leurs projets liberticides. 11 dé- 
clara au colonel Vincent, européen, directeur général du génie, ga- 
gné au parti de Toussaint, que sa résolution de partir n avait été 
que conditionnelle; Vincent lui répondit que son consentement à s'em- 
|)arquer avai( été donné , sans restriction ; il le nia , et fit un appel 
aux officiers qui Tenlouraient; mais tous demeurèrent muets, excepté 
les généraux Mentor et Léveillé, qui jurèicnl de lui demeurer tou^ 
jours fidèles : il ordonna d'occuper les postes. Vincent sortit de la 
salle , courut chez Raymond et l'avertit de ce qui se passait. Ray* 
inond et Pascal assurés de l'appui du général en chef , coururent chez 
Sonthonax et lui reprochèrent amèrement sa conduite^ 11 y eut au 
Cap une grande agitation pendant plusieurs jours. 

Pendant cet intervalle Toussaint était à la Pclile- Anse avec des forces 
considérables, et menaçait Sonthonax de toute sa fureur s il n'abandonnait 
pas la colonie. Le commissaire civil redoutant les malheurs qui allaient 
fondre sur la ville , se détermina à partir. Dans la nuit du 2 au 3 
Septembre 1797 , le général Agé blanc européen , du parti de Tous- 
saint , chef de l'état major général de l'armée, redoutant l'audace de 
Sonthonax, et craignant qu'il ne s'embarque pas, se rend chez Ray* 
mond , lui annonce que le commissaire ci^il ne songe plus à' partir, 
qu'il excite les citoyens à s'opposer à son embarquement, et que le 
général en chef instruit de ses desseins, va se précipiter sur la ville 
avec 20,000 hommes. Raymond terrifié, se détermine à envoyer une 
lettre à Toussaipt pour l'exhorter à attendre jusq*au jour ; mais pen- 
dant qu'il écrit ^ un coup de canon se fait çnlendre , puis deux au^ 
Ires ; l'alarme se répand dans la, yille ; chacun court aux armçs. Agé 
|)art avec la lettre de Raymond^ suivi de l|lr. ÂssarettO|. capitaiqe 



ausTc^iRE d'haiti. — ( n97 > ^ t91 

rTc vaisscnti au service de l'Espagne, et arme à la Pelile Anse auprès 
de Toussaint, qui se rend au Cap suivi de plusieurs escadrons. Le 
reste de la nuit se passa sans tumulte. Le 3 Septembre , Sonthonax^ 
à six heures du malin , traversa la ville, le 'chapeau à la main, au mi* 
lieu de la foule qui , pleine de respect , le suivit jusqu'au rivage. Il 
s'embarqua sur 1 Indien avec sa famille qu'il s'était créée à Si. Do*- 
mingue en épousant une femme de couleur , ainsi qu'avec les généraux 
Mentor, Léveillé et une foule d'autres officiers noirs et de couleur, 
Toussaint Louveriure dont le tact égalait l'ambition écrivit une nou- 
velle lettre à Sonihonax , pensant que la ' première qu'il lui avait 
adressée n'était pas assez respectueuse. H contraignait le représen- 
tant àt la France à partir, toul en se prosternant devant luL. 

c Citoyen Commissaire , 

c Le vceu du peuple de St. Domingue s'était fixé sur vous pour 
le repaésenter au corps législatif ;. dans la lettre que nous vous avons 
écpîte, nous avons voulu joindre notre assentiment particulier à la 
volonté générale; si les ennemis de la. liberté s'obstinçnt encore à 
vous poursuivre, dites-leur, que nous avons protesté de . rendre leurs 
cfibrts 'impuissans-, et que nos moyens sont notre courage ,. notre 
persévérance, notre amour du travail et de l'ordre. C'est par nos 
vertus et notre attachement à la. République q^ie notis répondrons à leurs 
calomnies, et, d'après ce que nous avons vu dans la colonie, vous 
avez déjà senti qu il nous élait. aussi, facile de défendre notre cause 
que de terrasser nos ennemis. 

c Salut et respect , etc;. 

« Signé, Toussaint LOUVÉRTURE. » 

L'Indien appareilla pour l'Europe, et Sonthonax part*t se repen* 
tant d'avoir élevé si haut un homme qui avait trompé son ^attente. ^ 
mais ne se repentant nullement de ce qu il avait fait pour la race noire. 
L'Indien bailu par la tempête relâcha au Ferrol en Espagne le il 
Novembre 4797. 

Quand Sonthonax revint à St. Domingue en 1796 , il élait animé 
des mêmes scnlknens qu'en 1792, 1793 et 1794; c'était, le même 
commissaire civil, alTronlant la mort, méprisant Içs intérêts privés, 
marchant en butte à tous les poignards , et travaillant au triomphe 
définitif des nouveaux libres ; c'était cet ardenX révolutionnaire poursui- 
vant cotte idée radicale : « périssent les colonies plutôt qu'un principe.» 
Mais il rencontra^ un obstacle que ses mains avaient dressé : l'enfant 
devenu majeur , inquiet sur son avenir, plus confiant en ses propres 
lumières et ea ses propres forc<^s , rêvant à une indépendance pleint 



89îB • • HISTOIRE d'haiti. — ( 1797 ) 

et entière, sWracho \îolemmenl de la tulclle de celui qui a^dit ea-» 
lonré son jeune âgo do- toutes sortes de sollicitudes. Le général Pélion, 
devenu Président d'Haïti, n'oublia pas les services que Sonthonax avait 
^•endus à la race noire: il le plaça toujours dans ses cçnversations par- 
mi le* fondateurs de noire Iil3erlé. 

Pondant cet intervalle les députés du Sud et de TOuesl de St. Do- 
mingue, Pinchinat et Roy Polmas, s'élaîonl rendus de Cherbourg à 
Pans. Us éraienl arrivés le 17 Décombre daas la capitale de la France. 
Aprôs avoir été consignés à Chcibourg pendant quatre mois, ils avaient 
obtenu la faculté de se faire cnlonrlre. Quant à Bonnet, toujours re- 
tenu à Cherbourg , il fut obligé d'adresser au Conseil des Cinq Cents 
une pétition pir laquelle il demanda qu'il lui fut permis de scT^endre 
9 Paris pour défendre le général Rigaiid contre les accusations deSon- 
thonax. Le Conseil des Cinq Cenis demanda séanc^e tenante , ^des ex- 
plications au Directoire exébuif sur les dispositions de la pétition j 
alors le Directoire manda à Paris le chef d'escadron Bonnet. Quant 
, à Lachapelle et à Garigoux , ils avaient trahi la cause de teurscom- 
inetlans et avaient lancé contre eux un libelle. Pinchinat, Uey Déi- 
fias et Bonnet eurent une audience particulière du mhtistre de la 
marine qui entièrement sous 1 influence des rapports de la commis- 
sion civile, \quv parla de Rigaud comute d'un traître à la patrie; ce 
ne fut pas sans peine j|u'ils par>inrent à all'aiblir Ip fdchtuse opinion qu'il 
ïàvait des homines de couleur du Sud. Bonnet qui venait de recevoir 
la léponse que Rigaud avait faite à Lapointe, la transcrivit à la fia 
d un mémoire qu il fit publier en faveur de son général. Cet écrit 
irapiena un pou 1 opinion publique en faveur de Rigaud. 



Pendant co temps , le général Hédouviile , le pacîfi(;aleur de la 




couvrir ([ue les partisans de Rigaud élaient les véritables français de 
St. Domingue^ Pinchinat en fut enthousiasmé , et il écrivit au général 
Rigaud que le générai Hédouviile allait se couvrir de gloire , en ra* 
pienant la paix et le bonheur à St. Domingue ; que c était 1 heureux 
augure qu'il tirait do sa mission. Il lui dit dans un des passages de 
ça lettre: • Vous connaissez, général, le zèle que j'ai montré imper- 
« turbablemont pendant le cours de la révolution , mon cœur pour 
< mes conckojens , mon amitié pouf vous çn particulier; hé bien , 
« c'est à tous ceç titres chers à pion cœur que je crois pouvoir vous 
« assurer ainsi qu'à tous mes frères et amis, que personne ne possède 
« à un plus haut degré que te général Hédouviile^ les qualités propres à 
f la pacification et à la restauration de St. Domingue. De môme qu'il 
% 6*est disiiogué à la tète des armées en Europe, de même il sera ma^ 



HISTOIRE d'haiti.— ( 1797 ) 29é 

fc gîstfat ititègfc et verlux^ux dans les aniiUes. » Plncbinat ettleyDel. 
mas ne purent entrer au corps législalif , parceque leur élection avait 
ti\x lieu en Avril 1790, avant Tarrivée oHicielle à St; Domingue,de 
la Conslilution de Tan 3. Aussi écrivait il à Rigaud. « Dites à tous 
« mes concitoyens, que, quoiqye non admis au corps législatif', jd 
< non défendrai pas avec moins de zèle et d'énergie la cause de Tin- 
« nocenoi opprimée. » 

De son côté ^ Sonllionax arrivait à Paris , et faisait annon- 
cer à la députalion de St. Dominf;re , sou entrée dans la capitale. 
• Peu de jours après, il prêta son serment comme député au Conseil 
des Cinq Cents, et rendit compte de. sa mission. Quant à Mentor il 
ne fut admis au Conseil des Cinq Cents ^ qu'après plusieurs discus* 
sions sur la validité de son élection ; le jour qu il prêta son serment^ 
il prononça un discours contenant l'expression de 1 attachement etdé 
la Hilélité des uoiis a la (^onstitulion de Tan 3. 

Sontlionax en rendant compte de sa mission avait attaqué sans mé- 
nagement la conduite du général Kigaud et celle des hommes de couleuif 
en génirah Bunnet lit publier un nouveau mémoire en réponse du 
discours de Sontlionax. Pinchinat, de son côté en fit un dans lequel 
il repiésenTa lex-commissaire civil comme l'auteur des maux de SL 
Domingue. Ces mémoires lus à la tribune, au Conseil des Cinq Cents ^ 
lurent combattus par Sonthonax qui ne convainquit pas l'assemblée de 
la pureté de ses intentions, pendant sa seconde mission. Il fut violem- 
ment ûrraclié delà tribune^ pendant que plusieurs députés lui ci^ient 
qu'il puait le jsang , et qu il se croyait à St. Domingue. * 

Après avoir (iaric des partis qui partageaient S* Domingue^ Bonnel 
dit dans son mémoire : « Dans le parti de la liberté étaient tous les 
blancs vertueux et magnanimes , tous les noirs ci devant esclaves et dé- 
sarmés , ^^ et les hommes de couleur dont. le plus grand nombre était 
libre, instruit et piopriélaire, mais qu'un préjugé, aussi cruel qu'in 
juste et dénatuié, séparait encore, dans Topinion, de la caste des domi- 
nateurs. ^^^ On sent <|ue te parti de la liberté avait dans ceux ci uq 
appui très-puissant et très actif , et qu'ils étaient pour les philantrope^ 
blancs, et pour les noirs atfianchis, des garants sûrs d'une fidélité 
inviolable aux principes de l'égalité des droits La nature semblait les 
avoir pl:)c<^s entie la faïuîUe innombrable des noirs, et la famille trop 
peu nombieuse des bijucs, couime un terme moyen d'amitié, debien« 
\eillauce et d amour , dans lequel devaient s'absorber toutes les baine9# 

* Bonnet.- 

émancipation générale. 

*** Bonnet aurait dû dire que le plus grand nombre des hommes de cou* 
leur et la plus grand» |&rtie dçs noirs étaient daas le parti de la liberté, 
«t non pas tous< 



294 fiisToiRE d'haïti. — ( 179Y ) 

tontes les injustices , toutes les vengeances. On peut dire que la na-^ 
ture prévoyante avait introduit exprès cette nouvelle race d'ulliance en- 
tre deux races trop long-temps divisées , pour les faire $*cmbrasser bien- 
tôt sous les auspices de la liberté.' Les hommes de couleur ont rem- 
pli avec un saint zèle ces fonctions augustes de conciliation, auxquelles 
leur destinée les appelait. Ënfans de deux familles du genre humain ^ 
ils ont rappelé Tune et l'autre à Thumanilé qui les unissait. Le sou-^ 
^enir de la tyrannie dans les Uns , et le désir de la vengeance dans 
les autres, a cédé au souvenir de leur longue alliance, dont les hom« 
mes de couleur sont le gage bienfaisant. Et dans ce passage brûlant 
delà tyrannie à légalité, de Tesclavage à la liberté, les hommes de 
couleur n'ont cessé de bien mériter de la patrie , de rhumanité , de la 
nature. Fidèles à leurs parens des deux couleurs, enfans de I Europe et de 
l'Afrique rapprochées , ils n'ont jamais oublié que le sang qui coule 
dans leurs véines est un ^ang d'alliance et de paix : et leur vigilante 

t)iété n'a cessé de garantir à leurs pères et à leurs frères leurs droits 
es plus sacrés. Les noirs ont trouvé en eux un appui certain qui les 
rassurait contre le rétablissement de l'esclavage de la part des blancs, 
lies blancs ont trouvé en eux un appui contre les vengeances du noir. 
Le& hommes de couleur ont trouvé leur bonheur et leur sûreté dans 
le salut de tous. Et la politique la plus raffinée ne pouvait inventer, 
au milieu de tant de violences , un moyen de neutralisation plus puissant. 
On n'hésite pas à le dire, les hommes de couleur ont été dans le 
^Nouveau-Monde le gage de la réconciliation du genre humain. ^" 

Toussaint avait su profiter de toutes les circonstances qui pouvaient 
le faire grandir dans l'opinion de l'ancienne aristocratie coloniale , et 
développer son ambition. Il se trouva, après le départ de Soiithonax, 
rhomrae, sans contredit, le plus puissant de la colonie. Craignant que 
l'ancien commisssaire civil ne le représentât au Directoire comme Ira- 
vaillant à I indépendance de St. Domingue, il fit partir pour France, 
le colonel du génie , Vincent , chargé de dépêches par lesquelles il 
prétendait qu'il n'avait jamais songé à trahir la Métropole. Il pro^ 
mettait au Directoire de relever la colonie de ses ruines , et dans ub« 
de ses lettres il lui disait : « Aujourd'hui , il n'y a plus de motifs à 
« des agitations intérieures; je réponds, sons ma responsabilité per-* 
< sonnelle , de la soumission à Tordre , et du dévouement à la France, 
« de mes frères les noirs. Vous pouvez compter prochainement , ci- 
« toyens directeurs , sur d'heureux résultats , et vous verrez bientôt ^ 
€ si j'engage en vain ma responsabilité et vos espérances. » 

Cependant le gouvernement français découvrit , tant par ces lettres , 
que par les rapports de ceux qui arrivaient de la colonie^en Europe, 
que Toussaint était devenu si puissant , qu'il était presque en son 
pouvoir, ou de conserver atout jamais la colonie, sous la domination 
française , ou de la lui enlever. D'une autre part , les protestations 
d« dévouement du général en chef obligeaient à user de ménagemens 



I 



ftlBtOIRtS D'haitï. — ( 1^97 ) 



m 



• 

è son ëgard. Le Directoire avant de prendre aucune âétermuiation 
ni envers Toussaint ni envers Rigaud , attendait le départ d*HédoQ- 
\ille pour St. Domingue , ses rapports, et le résultat de sa mission. 
Déjà Toussaint aVait été instruit de la prochaine arrivée d^Uédouville 
à St. Domingue; et pour ôter à la France tout prétexte de nier ses 
services, il prit ta résolution de chasser les anglais de toute nie, 
avant que le nouveau commissaire y débarquât. Du reste Rigaud qui 
Jui portait aussi quelque ombrage s'était couvert d'une grande gloire 
dans le Sud;- il voulait Téclipsor par Téclat de la sienne; car on ne 
domine une population , au milieu des grandes agitations politiquesi 
^ue par le prestige des armes^ 



LIVRE QUINZIÈME. 



ir»9. 



Sommaire. Pétion prend le fort de la Coupe. — Expédition contre le camp ThoraaS 
— Mort de Doyon — Dessalines incendie les montagnes de l'Arcahaie. — Il en est chassé 
par Lapointe — Nesbit remplace Whyte. — Hédouville part pour Rochefort. — Objet de 
sa mission à St. Domingue. — Démarches de Bonnet en France en faveur de Ri- 
ffaud.>~Casting à Paris. — Famille Beauharnais.-^Boisrond demande au Conseil 
des *inq Cents l'admission de Pinchinat et de Rey De 1 m asr -^Projets d« Chol 
let relatifij aux élections de St. Domingue. — Le corps législatif annulle les élec- 
tions faites dans toute la République avant l'acceptation par le peuple de la Cons- 
titution de l'an 3. — Pinchinat et Rey Delmas non admis au corps législafif reçoi- 
vent pour les frais de lour voyage en France , chacun 6000 fr. — R^^lations entre 
Maitland et Toussaint —Traité entre Toussaint et Miiiland pour l'évacuation du 
Part-Républicain — Hédouville débarque à Sto -Domingo. — Il se rend au Cap. — Tous- 
saint -s'y transporte — Démarche de Lapointe auprès d'Hédouviller. — Les anglais éva- 
cuent le Port Républicam. — Entrée solennelle de Toussaint au Port-Républicain — 
Blanchet bat les anglais au camp Thomas. — Rigaud envahit la Grand' Ans»' ; s*^iS 
tn^upe^b prennent possession, de Jérémi^. — Hédo ivillt- tr.iite dt- la reddition du Môlf»avec 
Maitland. — Le traité est rompu par Maitland qui traite avrc Toussamt — Réct^ptioo 
magnifique de Toussaint au Môle — Toussaint r çoit Maitland dans son camp — 
Liettre de Roume. — Réponse de Toussaint, — Conférences de Toussaint avec Mait- 
Isnd rt-l itivoment à l'jndépendance ' de St Domingue. — Les anglais évacuent le 
Môle. — ^^Pertes éprouvé(a par les anglais à St Domingue. 

Pendant que la puissance de Toussaint grandissait à S*-Donoingue , 
la domination anglaise s'y aflaiblissait de plus en plus. Dans le cou- 
rant du mois d'Août 17^7, le général Si mcoë , comme nous I avùns 
vu, était retourné en Angleterre, dégoûté dune guerre dont les résul- 
tats devaient être désastreux. Le gouvernement britannique absorbé 
par les affaires européennes , négligeait celles de Si Domingue. Le 
général White qui avait remplacé Simcoê, ne trouva pas dans la co- 
lonie plus d'élémens de suecè«.' 

Les Anglais occupaient encore la Grande Anse, le Môle, l'Arcahaie, 
St Mara , le Port-Républicain et plusieurs camps qui avoisinaient cette 
dernière ville, tels que ceux de Fourmi, de Grenier et de la Coupe. 



IIÏSTOÏRE d'haiti. — ( l't^S ) 297 

le fort de la Cotipe qui prôtégeart le Porl Républicain, du côte Est , des 
incursions des républicains, renfermait un dépôt considérable d'atnios 
"et de munitions. 

Le général Laplume qui commandait à Léogane , ordonna à l'adju- 
dant général Pétion de chasser les Anglais dfs mornes de la Coupe. 
IJ avait son quarliéT-général au carre foyr Masson. Un fort détache- 
ïnent delà légion de T Ouest partit de Léoga ne, iongca la Uiviùre-Froide, 
€t atteignit les hauteurs de rtiabitalion Grenier. Pétion descendit en- 
suite à la Coupe, et en cerna le fort que cuinmandait un ofiicicr 
anglais nommé Kerenscoff. Le 5 décembre I79T, il lattatjua et l'en- 
leva après une heure de combat. Ce suc^cés contraignit les Anglais 
à abandonner Grenier ei Fourmi 5 Pétion vint s'établir au Gros-Mornc 
dans le chemin de la Coupe , et le Port-llépublicain commença à 
■être étroitement cerné. 

Vers la môme époque le général Rîgaud déployait tous ses efforts 
pour chasser les Anglais de la Grand Anse. Il ordonna au lieutenant- 
colonel Do^on d aller enlever le carnp Thomas, dans les hauteurs dû 
Plymouth , à peu de dislance de Pestel. La garnison anglaise qui oc- 
cupait cette fortitication était commandée par Domingeati , le mémo 
qui avait battu Rigaud au camp Desrivaux. Dovon ibrma deux co- 
lonnes de sa petite armée , en conlia une à Faubert , et se mit à la 
tête de Taulre. Quand il parvint à une portée 4^ fusil de la fortifica- 
tion , il l'attaqua sans attendre l'arrivée de la seconde colonne. (22 fé- 
vrier 4798). Les anglais réunissant contre lui toutes leurs forces , 
soutinrent son cbocénergiijuement; et pendant qu il montait à l'assiiut, 
i\ fut atteint de deux balles l'une à la c<iisso, l'autre à la poitrine; 
il tomba mort , et ses troupes repoussées emportèrent soa cadavre 
loin du champ de bataille, lin instant après Faubert alta(|ua à son 
tour , prit d assaut la fortilication , et passa au^fil de répée presque 
toute la garnison anglaise. 

Rigaud , apprenant qu'il existait une grande mésintelligence entre 
Fauberi et les officiers de la colonne de Don on, envoya ai camp Tho- 
mas l'adjudantrgénéral Bianchet (|ui en prit le commjtiiK nient. 

Pendant ce temps Toussaint Louverture réunissait de ncKibreuses trou- 
pes, dans le quartier de l'Artibonite , |>our envahir l'Arcahaie. Il con- 
iia 12,000 hommes au général Dessalines qui pénétra dans les n,ion- 
tagnes de ce quartier , et enleva , Qprès trois semaines de eombats, 
les camps anglais que Lapointe y avait établts. Après avoir incendié 
toutes les propriétés de Ja montagne, les républicains descendirent 
vers la plain.e, marchant sur deux colonnes, dont Tune était com- 
inandéc par Dessalines en personne, lautre parle colonel Christophe 
Morney. Dessalines campa au sommet de la digue des Matheux , et 
Christophe Morney s'établit sur 1 habitation Lapointe , avec les l"'' y 
i.^ et 8.' demi brigades. 

Les royalistes avaient leur quartier général à Poix la Ravine. Le 



298 HISTOIRE d'haîti. — ( 1798. ) . •. " 

colonel Lapoînle lança à la découverte de rcnnemi , le vicomte Dal- 
zon , à la tôle de la cavalerie; Daizon reconnut Timpossibilité d'abor** 
dor de front les républicains. Alors les royalistes pénétrèrent dans un 
sentier, tra veinèrent Thabitalion Barbancourt, et atteignirent la barrière de 
Ibabilntion Lâpointe. qu'occupait Christophe Mornev. Les républicains 
commencèrent I attaque aussitôt qu'ils aperçurent les royalistes. La 1 '»gion 
d'York ne rt pondant pni au feu de lemiemi , marcha au pas de char« 
go , au son de la musique , et gravit audacieusement le mornet de Tha- 
bitation Lâpointe. Quand elle parvint à la hauteur de la position 
qu'occupaient les républicains, elle commença son feu et vit fuir Ten- 
némi , après une fusillade de vingt minutes. ' Christophe Morney alla 
se retrancher dans les bois à une petite distance. La légion d'Yorck 
et le régiment de la Reine marchèrent contre lui , l'attaquèrent, mai$( 
ne purent forcer ses retranchemens. Si Dessalines qui occupait la 
digue des Matheux, était venu assaillir les royalistes, par derrière, avec 
les 8,000 liommes qu'il avait alors sous ses ordres, les troupes anglai- 
ses eussent été anéanties ; mais il ne s'ébranla pas , et ne soutint 
pas Christophe Morney dont il était l'ennemi personnel. Lâpointe crai^ 
gnnnt que Dessaliues ne s*emparât du quartier-général de Poix la 
Havine j rentra pendant la nuit avec ses troupes. Le lendemain Chris- 
tophe Morney réoccupa 1 habitation Lâpointe. Les royalistes marchè- 
rent de nouveau contre lui; et le chevalier de Peste, après avoir é- 
prouvé une >igoureuse résistance le culbuta , et lança la cavalerie 
à sa poursuite. Dessalines détacha de son corps d'armée un bataillon 
de la ÂCk demi brigade, au secours do Christophe Morney dont les trou- 
pes étaient hoifiblcment maltraitées. Quand ce bataillon fort de 800 
hommes arriva dans la savanne qui s étendait derrière la guildivë 
de l'haliilalion Lâpointe, il se forma en carxé , pour protéger la fuite 
de la division de (?lui^ophe Mornay. Le chevalier de Peste réunit 
toutes ses troupes, dressa contre le carré une batterie de 2 pièces ^ 
et a|)rès l'avoir mitrailTé lança contre lui sa cavalerici Le bataillon 
de la 4e. fut taillé en pièces, et le liouten-int colonel MichaUd (noir) 
qui en était le commandant fut fait prisonnier par les grenadiers du. 
régiment de la Reine. Le lieutenant colonel l^traille (blanc) le fit 
aussitôt fusiller. Les républicains eurent dans ces deux combats 800 
hommes tués, et les royalistes en comptèrent 150. Lâpointe retouidà 
à son quartier de Poix la Ravine. 

bessalines n'ayant pu se rendre maître de la plaine de l'Arcahaie, 
fit incendier I habitation Lâpointe, et se rçtira au milieu desmon* 
tognes où il établit un cordon. Christophe Morney fit savoir à Tous- 
saint Louverture que Dessalines n'a\ait l'ait aucun mouvement pour le 
soutenir , pendant qu'il était assailli par les royalistes , et qu'il l'avait 
laissé écraser , k>rsqu'il pouvait exterminer les troupes de Lâpointe. 
Toussaint ôta à Dessalines le commandement de Tarmée, et le confia à 
Christophe Morney. Dessalines fut mis aux arrêts dans le fort du Morne 



HISTOIRE D'iiAiTr— ( 1798 ) 2Ô9 

Iftiancâes Gonaïves. Toussaint était d'autant plus indigné contre lui , qu'il 
a^ait laissé lui échapper l'occasion de faire prisonnier Lapoiute lui- 
même ^qui ne traitait que de misérable nègre le général en chef des 
années de St. Domingue. 

Le général Whyte, commandant en chef des possessions britanniques 
à St. Domingue , ne tarda pas à être remplacé par le major général 
Ncsbit qui mourut peu de temps après son arrivée dans la colonie. 
Pj^sbit eùl pour successeur le brigadier général, l'honorable Thom.as 
Xfaitland qui arriva au Port Républicain , dans le courant d'Avril d798. 

D'après les rapports de Simcoë , le gouvernement britannique s'était 
résolu à évacuer St-Domingue. Maitland reconnut en effet 1 impossi- 
bilité de se maintenir plus longtemps dans la coronie française, car 
les masses se prononçaient partout avec fureur contrq les Anglais (|ui 
avaient rétabli Teselavage. Cependant TAngleterre qui avait de bonnes 
iroupes à Jérémie, au Port-Hépublicain , à rArcahaie, à Sjt IRarc , ail 
Môle , eût pu garderr encore quc^lque temps ses possessions ; mais il 
lui importait peu désormais que son pavillon flottât à StDimingue, 
pourvu que cette colonie fût perdue pour la France, et qu'elle y trou- 
vât des débouchés pour ses marchandises. Ne pouvant point en de* 
meurer maUresse , elle ne songea plus qu*à exciter Tou:isaint Louver* 
ture ,k 1 indépendance. 

Pendant cet intervalle, le général Hédouville était parti de Paris pour 
ttochefort d'où il devait s'embarquer pour St Domingue. LeDirecloire 
Exécutif, au milieu des rapports contradictoires qu'il avait reçus sur 
la colonie , avait découvert que les noirs et les hommes de couleur 
qui, par la lutte qu'ils avaient supportée contre les Anglais, avaient 
acquis le sentiment de leurs forces , finiraient par se détacher de la 
Métropole. En eflet, les agens de la France n'avaient j)u conteuter ni 
les noirs *oi les jaunes qui pouvaient, oubliant momentanément leur ri< 
valité de castes, se réunir, expulser tous les blancs, tontes les trou- 
pes européennes» proclamer leur indépendance, sauf à sn disputer en- 
Buite la prépondérance politique ; mais la colonie ncn ont pas moins 
été perdue pour la France. Alors pour y rétablir la domination do 
la République , il eût fallu entreprendre une conquête qui eût pu ne 
pas réussir ou qui eût fait éprouver des pertes immenses , en hom* 
mes et en argent. Le Directoire Exécutif, d'après les renseignemens 
qu'il avait obtenus sur St-Domingue , particulièrement depuis le retour 
de Sonthon^x en France, ne pouvait frapper ouvertement ni les noirs ^ 
ni les hommes de couleur, puisque et les uns et les autres étaient 
accusés de diriger tous leurs efforts vers F indépendance. Le gouver- 
nement français se défiant également des projets des deux castes, se 
résolut à les atTaiblir, en allumant entre elles une lutte sanglante dont 
le résultat devait infailliblement tourner à l'avantage des intérêts mé- 
'tropolitains : car la Fraace voyait déjà les vaincus implorant sa protec- 



« 



I 



3C0 tiîSTOiRE dVxviti.— ( 1708 ) 

tion et les vainqueurs trop faibles pour résister à ses forces soutenue^ 
par la réaction toujours violente d'un parti terrassé. 

Toi fut l'objet (Je h mission du général Hédouvillc : éeiaser les an- 
ciens libres, et* rétablir iaulorité niélropalilaine sur les ruines dos deux 
partis. Les évèncnions qui vont se dérouler prouveront ce que nous 
avançons; cepomlant il existait à St. Domiu^^uje un parti véritablement 
français, celui de Rigaud, <|ue la métrofiole , tout en lui pronutlant 
son appui, en Texcitaut à s'armer contre Toussaint , ne soutiendra pas^ 
dès que la lutte sera engagée. Toussaint Louverture devuiera le ma- 
chiavélisme du directoire, re\i)osera sous hs }eux de Rigaud qui ne 
le reconnaîtra pas, qui ne pouxait le reconnaître, domine par ses idées 
essentiellement françaises et répul)lioaines. Alors Ri^^^aud eût mieux 
aimé périr victime des injustices les plus violenles de la métro|)oIe, 
que de trahir la France (|u'il appelait sa chère liatrie, en conscntpnt 
à rindépendance de la colonie. C'était un homme à répondre à Tous- 
saint Louverture : « Milliade injustemeiU condamné par le peuple d'A^- 
« thènes, se mourant dans les cachots, faisait eilcoie des vœux pour 
« la gloire de son ingrate patrie. » Dune autre part ralliance que 
projetait Toussaint a\(c les colons et les royalistes, soulevait toute 
riudignation du général Rigaud. ' 

Ainsi, avec un instrument tel que Rigaud, le général Hédouxillc ne 
pouvait ne pas obtenir à St. Domingue les résultais les plus satisfaisanti^^ 
quant aux intérêts métropolitains. 

Le chef d escadron Bonnet, qui ne cessait de voir les directeurs pour 
les convaincre que son général était le meilleur français delà colonie^ 
crut que ses démarclies au ministère de la marine avaient amené Tor- 
dre par lequel Ilédouville ne dut pas faire usige de I acte de mise hors 
la loi du général Rigaud. Uédouxille partit pour St Domingue accom* 
pagné seulement d'un nombreux état-major, et d une brillante garde 
d honneur. Bonnet a\ait été secondé dans toules ses démarches , par 
(îarnot député de St. Domingue au corps législatif^ et par Casiaing^ 
homme de couleur du Cap établi à Taris depuis 171)3. Castaing était 
un citoyen instruit et d une éducation aC('onq>!ie. Il a\ait épousé la 
comtesse Reauharnais , sa.'ur de José|)hine* femme du général Bona- 
parte. A cette épo([ue, il réunissait lrc(iuemment chez lui, Eugène 
Reauharnais, depuis vice-roi d Italie, et la citoyenne llortense Be^u- 
harnais,, depuis reine de Hollande. Lorsque Bonaparte dn*igera ses 
persécutions contre les hommes de couleur , madame Castaing malgré 
les conseils opiniâtres de sa famille n'abandonnera jamais son époux , 
qui sous le régime de la lerrewr ,- Taxait arrachée à Téchafaud. 

Pendant ce. temps, Boisrond le jeune, au Conseil des Cinq C(?nts, 
combattait un projet de Chollet relatif à Tannulalion des élections de 
St. -Domingue. Le 'il Avril Chollet reproduisit à la discussion deux 
projets concernant oes élections. Le premier fut adopté en ces ter- 
mes : les opérations des assemblées électorales tenues en Germiual aiv 



HISTOIRE d'haiti. — ( 1 798 ) SOI 

4 (Avaîl 479G)dans la colonie de St. Domingiie, tant dans la ville dos 
Cayes pour la partie du Sud que dans celle de Léoganc pour la partie 
Ouest, avant la connaissance oflicielle dans ladile colonie dô l'accep- 
tation faite parole peoplo de l'acte constitutionnel, e( les nominations 
faites par lesdiles as^^emblées de dépuLcs au corps législatif contre les 
dispositions des arrêtés dos 5 Fructidor an 5 ( 22 Août 1797) et d3 
Fructi^îor ( 30 Août 1797 ) sont déclarées nulles et non avenues. 

C o-l d après ce projet transformé en loi le 12 Mai suivant que 
rîncliinat et Rey Delmas furent définitivement exclus du corps légis- 
latif. 

Le second projet transformait au Conseil des Cinq Cents Mentor dé- 
signé pour celui dos anciens, mais qui n'avait pas Tâgc pour y siéger ; 
par ce second pt ojct Louis Annecy fut déclaré membre du conseil des 
Anciens, et Guillaume Henri Voigniaux resta jus(|u'au renou\ellemenl 
de l'an 5, mciribie au corps législatif, comme septième député de St. 
Dominguc. Lé 8 \h\\ 1798, le Conseil des Cinq Cents- annuUa les 
élections faites dans toiite la République , avant l'acceptation de la Cons- 
titution de Tan 3, par le peuple, et le conseil des Anciens approuva 
celte résolution. ' • 

D'Mis la séance du 16 Prairial an 6 (4 Juin 1798 ) Poncet Delpech 
fit adopter un proji t dé résolution portant que les citoyens Pinchinat 
et Rey Delmas, éius en Fan 4 (i796) au corps législatif, par les 
départements de lOuest et- du Sud de St.-Domingue, et déclarés inad- 
missibles, recevraient pour les frais de leur voyage en France, la 
somme de 6000 francs, chacun. Pinchinat et Rey Delmas reçu- 
rent, en effet, chacun cette somnie. Pinchinat ne retourna plus à St.- 
Domingue. Il mourut en* France, eu 1804, à Tàge de soixante qua- 
torze ans en\iron. * 

* Lorsque Bonaparte commonçn sa réaction contre les hommes de couleur 
et l^,s noirs , oi pendant qu ii faisait les préparatifs de l'expédition de St.- 
Domingue , il fit arrt^tpf -le noble Pinchinat un de^ citoyens les plus ver- 
tueux (lu'ait proiliùt I-Luti», qui ne cessait d'être, à l^aris , l'apôtre de la Li- 
berté de ses/rères noirs ot jaunes. Le iJO Nivôse an 9, [20 Janvier 1801 J 
Pinchinat fut eiivoyù aa Ttnnp!(î ,* prison d'état. Il eu fut extrait le 9 Plu- 
viôse (29 Janvier IS'U ). Ex 18')i , quand II )cha nh mu devint capitaine gé- 
nér:il de la colonie , aj>n>s la mort de Lecîerc , il écrivit à Bmaparte qu'il 
était extiaordinaire que Pinc.fiiuat , rautèur d(»s désastres de St. Dominîîue , 
fut libre dans Pari:*^ , pefïdint 'ifue les mulâtres quj étaient en corre>pondanca 
avec lui, s^1rmai^^Tlt avec les noirs contre la France. Le 18 Ventôse au XI 
[9 Mars 1803 ) Pinc!iin:«t fut arrêté et envoyé à Sainte Péla:îie, pour y de- 
meirer à la disposition du ministre de la marine. Le 3 fl u naire au XII ( 26 
Octobre 1803) il fut transléré à la Préfecture; il fiit réintégré, et trans- 
féré de nouveau à la Préfecture le 27 Brumaire [19 Novembre 1803 J ; ré- 
intégré le 7 Pluviôse an XII (28 Janvier 1804); extrait de nouveau le 28 
Pluviôse ( 18 Févrie. 1804 ) ; le 17 Ventôse an Xll (8 Mars 1804) il fut en- 
voyé à rinfirmerie de la Force. Ce fut là que mourut cet illustte vieillard 



302 HISTOIRE d'haitï.— ( 1798 ) 

Pendant cet intervallev le g"* Maîlland avait cessé de coraballre Tous- 
saint Loiiverture par la force des armes : il usait envers lui des pro«- 
cédés les plus séduisans.. Des courriers parlementaires lui étaient sans 
cesse expédiés; et riionorable Thomas Maiiland paraissait ne pas voir 
en lui un général français, mais le régénérateur des noirs. Toutes cea. 
démarches pleines de courtoisie ébl'ouîrent Toussaint Louverlure , qui, 
ayant sous ses ordres, dans la plaine du Gul-de-Sac, 15,000 hoi^mes^ 
ne dirigea aucune ailaque contre le Port-Républicain : il eût pu , par 
son audace ordinaire, forcer Mcritland à une capilulation des plus hu* 
milianles ; mais il méditait de favoriser Tévacualion des anglais qui lui 
faisaient entrevoir un avenir si flatteur pour son ambition. 

Le 22 Avril, le général Maitland déclara à tous les français négo* 
cians et planteurs qui avaient embrassé le parti des Anglais qu'il leur 
était loisible de le suivre ou de rester dans la colonie. Il conçut, 
deux ptens d'évacuation : le premier était de partir avec rapidité, après, 
avoir embarqué toutes les troupes anglaises et colonialts, et après avoir 
démantelé tous les forts du Port-Républicain ; le second plus sage et 
plus généreux consistait , après avoir embarqué toutes les munitiong 
de guerre et d« bouche, à traiter avec Toussaint Louverture pour ob- 
tenir des conditions favorables aux nombreux habitans de St Dominr-. 
gue, qui, par nécessité ou par goût, devaient demeurer dans la co- 
lonie. Il avait adopté ce dernier parti comme le plus en harmonie^ 
avec la générosité et la loyaulé. Car s'il eut adopté le premier plan, 
dans un pays où les passions sont vives , le Port Républicain , où la 
légion de l'Ouest avait de grandes représailles à exercer, eût été livré* 
au plus affreux carnage. Il avait en oulre le projet en entrant défini- 
tivement en négociations avec Toussaint de le }\orter à proclamer Tin* 
dépendance de St-Domngue, en lui promettant toutes soi'tes de se- 
cours du gouvernement britannique. 

Le 23 Avril Maitland commença à faire embarquer les munitions de^ 
foutes espèces. En même temps il expédia à Toussaint ([ui était aux 
Gonaïves un navire parlementaire pour l'informer de la détermination, 
qu'il avait prise de traiter avec lui sous les conditions du second, pro- 
jet , sinon de ne lui laisser que des Qionceaux de ruinci. Il Tavisa 
en outre que s'il consentait à garantir solennellement l'existence et 
les propriétés de tous les français (|ui , ayant servi sous les drapeaux, 
anglais, resteraient dans la colonie, il lui abandonnerait le fPort-Ré- 
pubticain dans l'état qu'il se trouverait au moment de l'évacuation. 
Toussaint promit de respecter la vie et les propriétés des habitans de 
n'importe quelle couleur. 

Le 28 Avril il envoya au Port Républicain un officier de confiance,. 

dans la plus affreuse misère. le 10 Floréal an X'I (30 Avril 1S04) quatre 
mois après la proclamation de notre Indépetidance. 

M. B. Ardouin lors de son premier voyage en France recueillit sur la mort 
de Pinchiuat des renseignctjucns qu'il nous a comaiiiniqués. 



HISTOIRE 9*HAITI. — { 1798 ) 303 

l*a(ijudant-f[éiiéral Huin, muni de ses pouvoirs. Maitland chargea Fad^ 
|udant Mghtingal, ofiicîer dans les troupes. de S. M. B. , de le repré- 
senter. Le 30 Avril f ils se réunirent sur le vaisseau anglais l'Aber- 
gavenny mouHIé dans la rade du Port-Répqblicain. Ils dressèrent et 
signèreut un traité par lecpiel il (ut convenu que les villes du Port< 
Républicain, de St Marc avec leurs fortifications et leurs dépendances, 
et la paroisse de TA-rcahaie, seraient abandonnées au général Toussaint 
Louverture avec les pièces d'airain hors d'élat de servir, excepté trois 
ou quatre, et qu'assez de temps serait accordé aux troupes anglaises pour 
se petirer librement ; que le gcncial Toussaint s'obligerait solennellement 
de garantir la vie et les propriétés de tous les habitons qui voudraient 
rosier dans la colonie, quoiqu'ils se fussent soumis à S. M. B> ; que 
cinq semaines seraient accordées aux Anglais pour évacuer les villes de 
St'Marc, de TArcahaieet du Port Républicain; et que pendant ce temps 
toutes les hostilités cesseraient de part et d'autre^ 

Les choses en étaient là quand le général Hédouville débarqua à Sto* 
^Domingo le 21 Avril. Il n'était accom]jagné que d'une garde d'honneuré 
Il reçut de l'agent Roume et des autorités espagnoles un accueil plein 
de dignité. De là il se rendit au Cap par terre , où il fut également 
re^ avec la plus grande distinction. 11 n'étaii débarqué à Sto.-Do- 
mingo que parce qu'il redoutait quelque piège de Toussaint Louver- 
ture dont la profonde dissimulation lui avait été dévoilée par la con* 
duite qu'il avait tenue à l'égard de l'ex-commissaire civil Sonlhunax. Il 
était venu remplacer le commissaire Julien Raymond qu'il ne voulut pas 
recevoir, sachant qu'il avait aidé Tousssaint dans ses projets contre Son- 
thonax. Le général en chef s'en montra très mécontent, car Hédou- 
ville condamnait sa conduite en cherchant à humilier Julien Raymond 
qui s'était attaché à son parti. Cependant après le départ de Sontho- 
nax , ayant découvert quelque velléité d indépendance en Raymond, il 
I avait exhorté à aller siéger au corps législatif; l'ex-coiamissaire civil 
était sur le point de partir pour France. 

Dçs propos sortis d(K la bouche des jeunes officiers qui formaient 
Tétat-major dliédouville, et rapportés à Toussaint, le convainquirent 
bientôt dei^ dispositions hostiles de l'agent du Directoire à son égard. 
Ces jeunes gens,, légers et audacieux , vêtus avec coquetterie , portant des 
* tresses relevées , des habits à collet noir, tenaient sur les noirs les 
mêmes discours que Vaublanc. Ils disaient hautement qu'il ne leur 
faudrait que quelques braves pour aller enchaîner le magot coiffé de 
linge, en parlant de Toussaint Louverture qui portait le plus souvent 
un madras. Hédouville paraissait ne pas se douter qu'il eût affaire à 
un citoyen d'un tact extraordinaire, d'une finesse prodigieuse. Il pen- 
sait pouvoir facilement attirer dans les piégée de la politique européenne 
uii homme qui avait vieilH dans l'esclavage. 

Il était déjà étonné du peu d'empressement que mettait Toussaint à 
Tenir le. saluer, Uais celui ci, pour ne pas trop laisser découvrir son 



304 HISTOIRE d'haiti.— 7( 1797 ) 

mécontentement de Tarmée de l'agent c^u Directoire, se résolut à se 
rendre au Cap.. 

Le Directoire exécutif, înslrnît par les événemens , n'ignorait pas 
que le seul parti \i aiment français de la colonie fut celui des hommes 
de couleur bu anciens libres, dont le chef le plus saillant était le 
général Rigaud. Dés le commencement de la Révolution , les colons 
bîancs avaient travaillé à se détacher de la métropole. Les assemblées 
coloniales n'avaient jamais eu d'autre but } mais elles avaient été con- 
lenuofT f>ar les hommes de couleur. Toussaint sur lequel se portaient 
les regards des noirs du Nord et de l'Artibonite , rêvait de son côté, 
à l'indépendance de St Domingue ; et en outre, autour de lui se. 
'ralliaient tous les blancs planteurs qui avaient voué à la Révolution 
française une haine im|>lacable , et auxquels il promettait un gouver- 
nement vigoureux, le système des grandes h^ibitations, le travail forcé, 
richesses et honneurs. Ainsi donc les colons et Toussaint trahis- 
saletit la France à laquelle élail demeuré fidèle le parti de Rigaud 
qui traitait les planteurs , dans la colonie , comme étaient traités eu 
France, les royalistes et les émigrés. 

Hédouville avait pour instructions , d'observer les hommes et les. 
choses a\^nt dagir, de relever, s'il le fallait le parli des hommes de 
couleur, et de lui donner la prépondérance politique dans la colonie 
qui livrée aux mains de Toussaint Louverture devait^ ir>faillibiement 
échapper à la Fiance. Le Directoire exécutif qui avait cru , en 1796; 
que les nouveaux libi^es étaient les citoyens les plus dévoués à la. 
Francd, avait chargé Sonlhonax de leur livrer I autorité à St. Domin*- 
gue ; mais maintenant qu il avait découvert le projet d'indépendance- 
de Toussaint, il avait chargé Hédouville , de relever le parti des an? 
ciens libres, et de porter à une lutie sanglante les noirs et les jau- 
nes qui devaient s'affaiblir au profit des intérêts métropolitains. Ce- 
pendant il faut le dire, le Directoire ne songeait pas au rétablissement, 
de la servitude; il vouiat que St. Domingue demeurât pays français; 

Si Rigaud demeure vainqueur dans la lutte qui va s engager, il sera* 
applaudi par le Directoire; mais s'il est vaincu, la France a^anlun. 
intérêt puissant à ménager Toussaint Louverture, donnera à celui ci des 
preuves éclatantes d'une confiance en apparence illimitée. Cette guerre^ 
civile qui sera longue et cruelle aîTaibiira Toussaint, laissera dans 'la. 
colonie des germes de profondes discordes; tt peu de temps après, 
il sera facile au général Leclerc d'écraser le chef noir, et de rame- 
ner le pays sous l'autoiilé inimédiste de la France» 

ToUvSsaint arriva au Cap ; le général Hédouville le reçut avec froideur; 
Le général en chef s'en plaignit amèrement; il \antait les grands ser-^ 
\îces qu'il avait rendus à la France qui deviendrait peut ôlre ingrate à . 
son égard. Le chef de division Fabre qui avait amené Hédouville sur 
son escadre, lui dit dans un de ces momens qu il paraissait plongé 
4ans le dia^rin i- « Je serais satisfait , générar, de vous conduire ea 



HISTOIRE b'haITI.— ( 1^9ë ) 



àpd 



jt France aussi he^rcùseiii^nt que j'ai amené ici le général ftiMouvills^ 
M là, vous trouveriez les honneurs el les récompenses dus )à vos $^- 
« vices 9 et toutes les douceurs ^u repos dont vous ave;s besoin. ;» 
Toussaint lui' répondit avec Nivarîté: « Votre vaisseau eçt trop pe|it 
€ pour un homme tel que moi. » C/était dire au chef de divisiqn 
Fabre, combien il se seatajt au-dessus d'Hédouville'qui semblait Je 
dédaiguer. Peu de jours après ^ un aide-de camp d'Ilédouville l'w 
ga^gça à aller voir la .France. Ces paroles furent comprises de {ToM- 
§^ini qu'on voulait voir sléloigner de la. colorie. Il réppndît avfc 
humeur en montrant un arbrisseau : « Je partirai quand QU pourra 
a faire avee,ça, qn vaisseau pour me porter. * 

Il c»e sentit asse;B fort pour ne plus Qbserver envers les officiers .$u* 
.périeijrs européeitô les n^êrnes ménagcmcns- qu'autrefois. JEnfin ilàUa 
tj^i^ljuier .Héilouville, et lui dit que les soins de la guerre Qe lui perpiot* 
laient pas de demeurer plus longtemps au Cap. Il partit pour les Gp- 
^^aïves; ipais avant son 4^art, il avait gagné à son pàr^ti ^ .Pascal , 
J'ancîen ;Secrét^ire de la commission civile, qui, pour de l'or, ne 
;|e laissera rien ignorçr. Péjà le commissaire Roume qui était ^ 3tP* 
iPomingo voyait en lui le régém^^rateur de 3t* Domingue. 

vPès que Toussaint arriya aux Gonaïves, il envoya l'ordre daiis le 
^rd .et .d^ns TOu^st , açix ofliders généraux de s*approeber des pomU 
çqu'occupaiept les Anglais ^ afin que T^nuée li98 les vit disparaître ^6 
{St. Domingue. 

^ Le général j>faitlaitd qui connaissait le républicanisme violent dej^i' 
^gaji^d avait fait proposer à Toussaint dor4onnerâ Bau^vais ou à Lap^i- 
me ^d'aljer prendre possession de Jérémie , qui à cette condition serait 
A^ssi év^cD^e. Bauvais et L^plume étaient des citoyens de la plus ha^jle 
inodécatipn. Mais Toussaint rejeta cette proposition pour ne pasfaijre 
:à Higaud le plus éclatant des outrages. 

Le traité signé à bord de TAbergavenny , publié au .Port-Réptibli- 
^n^ reatpljt de joje les planteurs qui s'étûent livrés aqx Anglijiis. Ils 
iÇ^iiçurent ujae ha]jle idétî de la sagesse du général ftiaitland , et de 
la .gd^nérosité de Tou^s^aint Louverlure. Ils avaient la plupart pris la 
îd/^jierpiipation .de suivre Taroçiée anglaise, et sciaient déjà embarqués; 
ils revjnr/e^t en \il|e pleins de confiance {intm Tousi^aiut Louvertufief/ 
Jl J^'y .eut .p^ dix colpns blancs qui abandonnèrent leurs propriétés. 

Pendant ce temps^ 1^ coloo«^i Lapoinie se disposait à chasser les né- 
;|>^iicains d^ n^ontagpesde VAroahuie , quand il reçut Tordre de Mait- 
{tai«di |die jse ienir prêt à évacuer son quar^er^ Il se montra indigné 
,^9tir0le^ Anglais» qui Ic^issaiept, prétendit il ^ les blancs rovalist^s 
t#t 'le^ ^^QÎens l^^res de St pomingne. Il réunit che^ lui le cliè- 
f^^ljier 4e .P<^te , le Cj(>lai)iôl Desspurce, le vicomte d'Ahon, le lieu- 
tenant colonel Pilraîlle , les majors ^Ângau , Magqan.et Fadère, et leur 
^^nna lecture âe la lettre de Maiiland. Ces ofiieiers furent au dé^ 
«espoir de se teulk 4^as ro)i>ligation d'abjiRdoAuer jeijrs proprîétj6st« 



806 HisTOiHE d'haiti. — ( 1798 ) 

D*^ré$ tes conseils de Lapointc , ils écrivirent à Ilidouvillc , qu\\i 
avaient appris qu'il était venu à Si. Domingue pour sauver les restes des 
malheureux habitans de cette ile, poursuivis par une secte debi^igands 
toujours armés du fer et de la torche ; que s il voulail accorder une 
amnistie générale à tous ceux qui avaient vservi sous les anglaif^, les 
royalistes de TArcahaic, les légions d York et' de la Reine reconnaî- 
traient la République française. Us ajouiaient dans la lettre qu il fau- 
drait qu'il transportât son quartier général au Port-Répliblicain , et qu'il 
fit mardier avec les troupes coloniales ci-devant anglaises , celles de 
Bauvais, de Laplume et de Rigâud , contre la faction de Robespierre 
dont Toussaint, Télève de Sonthonax , était le chef. Un blanc nommé 
Cape de Bosse apporta au Gap cette lettre à Tagent du Directoire. Hé^ 
douville répondit qu'il amnistiait tous les royalistes excepté Lapointé» 
Celui-ci anéantit la lettre qu'il avait reçue en réponse à la sienne elsa 
prépara à évacuer TArcahaie. 

Le G^Mai, le général Maitland av^U fini d'embarqiiér toutes les mti- 
citions, les marchandises anglaises , ainsi que les commorçans anglais^ 
les canons de fonte et les mortiers français, tl reçut aussi à bord de 
son escadre ceux des français qui voulurent suivre les troupes britan- 
niques. D'après ses ordres, le colonel Lapointé évacua le bourg de 
FArcahaie, le 7 Mai à midi. Lapointé portait à Toussaint LoUverlUre 
une haine si implacable^ qu'en se retirant il détruisit tout à l'Arcahaiey 
fortifications, casernes, munitions de bouche et même les chevaux. Il 
pensait qu'en reconnaissant pour ses égaux les nouveaux libres, ceux-^ 
ci ne tarderaient [)as à devenir ses maîtres.^ Lapointé se retira au 
Môle St. Nicolas avec h plupart des officiers do la légion d Yorck. Quant 
au régiment de la reine, commandé par le chevalier de Peste, il fui 
conduit en entier à Jcrémie. Le général Dessalines vint dans les mon- 
tagnes des Matheux , se mit à la tête de l'armée républicaine et prit 
possession de TArcahaie^ 

Dans la nuit du G au 7 Mai le colonel Grant avait évacué St. MarC; 
it fit voile avec toute la garnison de cette ville pour le Mù\e St-Nioolas^ 

Le 8 Mai , à 2 heures du malin , Maitland avait embarqué toute» 
les troupes anglaises du Port- Républicain et du fort Bizoton ; et dans Ist 
journée du lendemain^ l'escadre anglaise, composée de deux vaisseaux^ 
le Thunderer de 74, et l'Abergavenny de 54, de plusieurs autres bâ- 
timents de guerre, appareilla pour le Môle St. Nicolas. 

Dans Taprès.midi du même jour, 9 Mai, le général Laplume, à lat 
tète de la légion de l'Ouest commandée par Tadjudant-général Pétion, 
prit possession du Port- Républicain. Toussaint fidèle observateur de 
sa parole envers Maitland, envoya le colonel Christophe Mornay pren- 
dre le commandement de la ville , avec ordre de faire respecter les Ixa- 

* La légion d York de TArcahaie n'était composée que denoifs et dom- 
ines de couleur qiU avaient embrassé le porii des anglaû». 



fi 



HISTOIRE D*HAITI.— ( 1798 ) ^ SOt 

-Liihnë el d'ûchiemiher tout de suite la légion de TOuest sur Léogane. 
Le général Laplume céda Tautorité à Christophe Mornay non pas sanr 
tuécontentemeat , considérdiu la conduite de Toussaint à son égard, 
comme un manque de confiance. Toussaint , partout où il pénétrait 
déplaçait les autorités qui pouvaient être dévouées à Baiivais et à Ri- 
-gaud. La légion de TOuest se retira à Léogane en témoignant hau- 
tement son mécontentement. Les ménagemens dont usait Toussaint 
envers les Anglais et les blancs royalistes n'avaient pas échappé aux 
iigens de la métropole : car le Port Républicain eût pu être enlevé 
d'assaut , ou du moins Maiiland en Tévacuant n'aurait pas eii 
le temps d'embarquer les munitions de guerre , l^s archives et letf 
marchandises si le général en chef l'avait attaqué vigourei^sement; 
Les colons ayant la plupart trahi la France avaient tout à re? 
douter du directoire qui punissait lès traîtres et It's émigrés; aiissi 
avaient-ils excité Toussaint à Aiire un pont d*or aiix Anglais. Lé nohl 
de Louverture fut béni de la pliipart des blancs. Les planti^Mrss'em- 
ressèrent d'aller au devant de celui qu'ils ai3pelaienl leur libérateui": 
Is étaient précédés du clergé; la croix et la bannièrQ étaient portées 
avec pompe , el les encensoirs iumaient. Un peuple immense cfo'uvrait 
le grand chemin de la plaine du Cûl de Sac , au milien duquel était 
diressé un arc de triomphe magrïifhjue. Les dames blanches les plus 
riches, à cheval ou en voitures découvertes étaient aus^i accourues au-* 
devant du général en chef des armées de St-Douiingué. Elles étaient es- 
cortées d'une brillante garde d'honneur, composée do jeunes créoles blancg.^ 

Toussaint Louverture qui venait des Gonaivès apparut dans la gran- 
de route, suivi de son état major. 11 était simplement vétii : il por- 
taft un madras recouvert d'un chapeau gc'ilcmné , un petit habit et desf 
épaulettes. De nombreuses jeunes lilles blanches lancèrent- sur lui dès 
ileurs el d^s couronnes, il descendit de chevâl et leur témcrigna toute* 
sa gratitude. On vit alors des colons se proslerher à ses pieds et le 
prier avec instances de se- placer sous le dais que portaient avec or- 
gueil quatre des plus riches planteurs du Gui de Sac. 

Toussaint humilié et indigné en même temps de tant de basséfs- 
6es , surtout lorsqu il découvrait parmi ses adorateurs des colonsr qui 
s'étaient toujours montrés séâ plus cruels ennemis, dit à ceii>^ qui 
le pressaient d'accepter ces honneurs: « Il n'appartient qu à Dieu 
é d'èire placé soUs le dais et d'être encensé. » Ce fut en vain qu on 
toiilut lui persuader que c'était ainsi quon recevait les anciens gou- 
terneurs. Il entra au Port-Républicain avec son étaft major. * 

Ia ville fut illuminée j on dansa dans taules les grandes maisons ; 

* '' Lés coloris, dit le colonel Malenfant, étaient au comble de la joie ; on 
" espérait que sous les ordres du général 'noir oh tuerait les mutatres. et qu'on 
" ser^iU indépendwit ; c'est ainsi que pensaient alors les cin^ sixièmes des 



'888 ^ HISTOIRE D*tlAITI. — ( 1798 ) 

un o^dlre parfait régna de toutes parts ; et l'armée républicaine ûoiA- 
posée en grande partie d'africains, presque nus, sur lesquels Tous-* 
saint exerçait une influence qui tenait du prodige, ne se ii\ra à aju- 
cun excès. 

Le général en chef confia le commandement de Tarrondlssement du 
Port- Républicain à Tadjudant^général Huin » colon blanc, et celui d^' 
ia place à Christophe Mornay , colonel de la 8' coloniale. ^ 

Les français europiéens , dévoués à la métropole , qui étaient au Port- 
Képublicain , avisèrent le général Hédouville de tout ce qui s était 
passé : des espérances anli- nationales , et de la conduite douteuse qu a« 

* Quoique le tr^it suivant que rapporte Maletifant soit êtrius^er à rhistoire, 
.nous le transcrirons littéralement : il donne une idée exacte de la corruption 
/du cœur humain et des bassesses auxquelles se livraient les colons pour ptauie 
à Toussaint devenu le dispensateur des places et des honnears. 

"" Après l'entrée de Toussaint au F rt-au-Prince , un colon blanc désirait 
" être garde- magasin. Il avait présenté une dematide et fait solliciter Tous* 
*' saint de lui accorder cette place. Soit qu'il ne connut pas ce blanc , soit 
" qu'il le connut trop, il lui avait refusé cet emploi. L'épouse de ce péti- 
" tionnaire avait fait bien des démarches près de Toussaint; elles avaient 
" été inutiles. Peu de temps après , elle accoucha d un garçon ; elle alla 
'•* prier le général noir d en être le parrain. . Pourquoi , madame , voulez- vous 
'' que je nomme votre fils ?, Votre démarche n'a d'autre but que d \ me faire don- 
" ner une ^place à votre mari ; car votre cœur dément la démarche que jvotis 
** me faites.- Comment , géîiéral , pouvez-vous croire cela ? mon mari vous ' 
" aime; tous les blancs vous sont attachés,- madame je connais les blancs; 
*' si j'avais leur peau , oui ; mais je suis noir , et je connais leur aversion 
'^ pour nous. Avez vous bien ré^âéchi à la demande que vous faites? Si 
" j'accepte , qui vous a dit qu'à l'époque de la raison , votre fils voyant qu'un 
" noir est son parrain ne vous en fasse pas des reproches ? - Mais général 
" . . . .- Madame , [ en lui montrant le ciel ) celui qui gouverne tout est 
" seul immortel. Je suis général, il est vrai, mais Je suis noir. Après 
** ma mort , qui sait si mes frères ne seront pas remis dans l'esclavage , ne 
'^ périront pas encore sous le fouet des blancs ? L'ouvrage des hommes n'est 
^' pas durable. Les blancs colons sont les ennemis des noirs. La révolu- 




" tout voir , mais que rien n'échappe à Dieu. Je ne pFUx accepter d'être 
** 'parrain dt votre enfant, vous en aurit« dçs reproches des colons, et peut» 
" être un j )ur de votre fils. " 

" Cette réponse de Toussaint en créole, continue Malenfimt, est superbe 
et mille fois plus animée dans ce langage naturel que dans noti^js langue, " 

Pendant la guerre contre Rigaud, et après le départ de eelui oi , Tous- 
saint ne tiendra plus ce langage envers les blancs colons ; il se laissera ga« 
gner par leurs séductions et se livrera à des excès qui seroiil une des prin« 
ei pales causes de sa chute. Il aura oublié les préceptes de Sonthonax qui lui 
avait toujours recommandé de se tenir en garde contre les colons blancs. 






«iflTotRE d'haiti.— ( 1798 ) ^ 36S^ 

ytâi tenue Toussaint Louverture. L'agent du Directoire en témoigna 
toute son indignation; il ne douta plys des relations secrètes qui ex- 
istaient entre Maitland et Toussaint Louvcrture. Aussi se résolut-il à 
traiter lui-mèmt; de la reddition du Môle St. Nicolas qu'occupaient en* 
core les anglais. 

Pendant cet intervalle , le général anglais qui occupait Jérémie, 
n'ayant pas encore reçu Tordi'e d'évacuer la place, résolut d'enlever 
aux républicains le camp Thomas qui renfermait une garnison de 500' 
hommes sous les ordres de Tadjudant- général Blanchet. Le régiment 
de la Reine qui avait évacué TArcahaie marcha contre le cam[) Tho 
mas, près de Pestel^et lui donna sans surcès trois vigoureux assauts, 
A-près deux heures d un combat des plus sanglants les Anglais lurent 
repoussés et taillés en pièces. Le régiment de la Reine commandé 
pur le colonel Peste fut détruit presque en entier. 

Après cette affaire le général Rigaud envoya au Môle , auprès de 
Bfâilland , l'adjudant-général Blanchet , pour traiter de la reddition de 
Jérémie. Maitland tout en consentant à lévacuation de cette^ ville, fit 
offrir à Rigaud de lui expédier toutes les troupes noires et de coif- 
leur sous ses ordres , s'il voulait consentir à se soumettre au gouver- 
nement britanni(|ue. Rigaud répondit qu'il ne traitait avec Les en* 
nemis de la France que lorsqu'ils avaient mis bas les armes. Il pé^ 
nétra dans la Grand 'Anse avec un corps d'armée composé des trou- 
pes du Sud, de la légion de TOuost et d'un bataillon de Jaemel. 
Après plusieurs coinbats, il arriva smis les murs de Jicrémiu qu'il blo- 
qua étroitement. Les anglais révisèrent de traiter de la reddition de 
la/place avec un général ennemi , implacable du gouvernement britan- 
THqùe, Tévacuèrent le ^2 Août, et appareillèrent pour le Môle qui de- 
iriot le seul point où flottât le pavillon anglais. Le colonel Darliguena* 
ire, à la tête d'un des régiments du Sud, prit possession de Jérémie. 

Rigaud persécuta les colons royalistes qui avaient servi dans les rangs 
anglais, quoique Toussaint lui eut recommandé d être indulgent, d'ou^ 
biier le passé, comme il le faisait lui même. 

Pendant que Toussaint était au Port Républicain, Hédouville fit som- 
rter le général Maitland d'évacuer le Môle St Nicolas. Il n'ignorait 
pias que les Anglais ne songeaient qu'à abandonner celle ville, et que leur 
politique à l'égard de St. Domingue ne consistait plus qu'à porter 
l^oussaint Louvérture à proclanier l'Indépendance -de la colonie. Aussi 
voulait il enlever au général en chef une nouvelle occasion de s'abou- 
cher avec Maitland, Si' les Anglais avaient voulu se maintenir au Môle 
qui renfermait alors 8000 hommes de bonnes troupes, toutes les for- 
ces (te Toussaint n'eussent pu les en chasser ; du moins se ser^^tent- 
ellês épuisées pendant plusieurs années sous les remparts de icette 
ville quon nommait avec raison , à cette époque, le Gibraltar d^l'A* 

érîque. 

llaiîUt^é consentit à évacuer le Môle en y laissant la même quan^ 



)B1^ • iflStoiRB D*HAITI.— .{ 1798 ) 

tj^é de bouches à feu que les Anglais y a\'hient trouvées a leur arrivée etk 
4793, el en ronrraignânt les colons et les émigrés à abandonner la place. Une 
proclamation d-IIéilouxilleannuriçimt l'e\|inMon des royalistes de la colonie 
fut même pgbiiéoet ariichce dans les rues du Môhe. La conduite dcTAgent 
du Directoire en harmonie avec les vues du gouvernement français , 
était tout à fait contraire à celle qu'avait tenue Toussaint Louverture 
au Port-Républicain. Les colons que ce traité proscrivait excitèrent 
Lpuverture i^ çn contrarie r rexéculion. Celui ci , de son cdté, y 
vit une condamnation publique de sa conduite. Il fit entendre dea 
plaintes amères contre Hédouville , qui ^ prctendait-il , avait outrepassé; 
ses pouvoirs, en traitant avec Maitland, quand ce droit lui apparte*.. 
^ait exclusiveqnient comme général en chef dos armées de St Domingue. 

Il se rendit ^u\ Gonaïves et expédia à Maitland plusieurs courriers 
pour Texhorter o rompre le traité, lui faisant sentir combien il impor* 
tait aux intérêts anglais que la masse des colons ne tombât pas daos 
le désespoir. Maillaad méprisant les promesses solennelles qu'il avait 
faites à Hédouville, déclara officiellement que le traité de la redditioa 
du Môle é|uil ntd et non avenu, et qu'il n'entrerait désormais en né« 
gociations qu'avec Toussaint Louverture chef suprême de Tarraée fran<% 
çaise à St-Domingue. Il fît déchirer dans les rues du Môle la procfa- 
ination d'Hédouville contre les émigrés. 

Toussaint partit des Gonaïves a la Héte d^ dix-mille hommes etûlla; 
pqmper à une lieue du Môle. Maitland envoya auprès de lui un offî* 
cier anglais qui Tinvita à entrer en ville avec son jélat-major. Quand 
il atteignit les portes du Môle, il s aperçut qu'un accueil semblable à 
celui du Port Républicain lui avait éfé préparé. Cette fois-ci il ne crut 
pas devoir refuser ces honneurs qu'il u avait pas* acceptés au Port Ré* 
publicain par égard pour Ilcdouville, Mais déjà il se jugeait bici^ 
au-dçssMS de rAgent du Directoire. 

Les troupes anglaises, magnifiquement équipées, bordaient la haie. 
Le curé do la %ille portant le St Sacrement vint au-devant de lui aveq 
tout le clergé. Il se plaça sous le dais; le peuple le suivait se pres^ 
sant autour de lui; il recevait les bénédictions des femmes qui se pro8« 
lernaient sur son passage; les ofQciers anglais lui témoignaient la plus| 
grs^nde vénération; chacun des habitans sentait le besoin de la protec- 
tion de cette nouvelle puissance. En même temps le canon retentis- 
sait, ^l les clqches remplissaient la ville de leurs sons prolongés. Quand 
il arriva s^r la place d'armes, le général Maitland, sortant d'une 
tente magnifique , vint au-devant do lui. Ils entrèrent sous la tente 
où. était dressée une table somptueuse; et après le repas Maitland lui 
fit don de toute Targenterie dont la table était couvert^. Sur Tinvi* 
lation du général anglais il passa en revue l^s troupes britanniques 
qui défilèrent ensuite devant lui. Dans raprès-midi U se rendit au 
t>ams*du gouvernement que les Anglais avaient construit et richement 
orné, Maitlaui4 lui fit présent| au oom dp S. M. B. , de deux cot^Iç^* 



Vi&ToiitE d'haiti.*— ( 1708 ) 



,M1 



\rîne9 en bronze et âe tous les ornonionts du Palais. Toussaint traita 
de r^'vacualioii dos troupes anghiises aux mômes conditions qu'au Port- 
Uopublicain. H retourna à son t|uarlier-géaérai qu'il avait fait trans* 
porter dans rîntérieur des terres. 

Après avoir emivirqtié toutes les troupes européennes , Muitlaml se 
résolut à luH rendre sa visite. 11 avait tant de connance en Tousr 
saint Lou vertu re dont. il vantait la droiture, qu'il ne craigiiil pas de 
pénétrer, accompagné seuleinent de quatre ofliciers, au travers d'un 
pa s inondé de bandes armées. Toussaint venait de recevoir de Sta« 
Domingo- une lettre de Roume qui l'exhortaUà chercher roccasiou d'ar* 
rèter Maitland. h^ coimuissaire français loi disait que c était un de 
Voir Cfu'il avait à r6m[)lir envers la République. Maitland apprit en 
elvemiiî * cette perlidie de Tageat du Directoire. Mais il ne voulut pas 
rétrograder. . H atteignit le camp du général en chef. On Lui fit faire 
antichambire plus d une heure ; pendant cet intervalle » il éprouva 
quelques inquiéiudes : le général en chef faisait rédiger sa réponse i 
Rouaie. ISniin ij se présenta devant Maitland, tenant entre ses doigts, 
deux lettres décachetées. Général » lisez ces lettres ,. lui dit il , 
ayant que nous soj^ons en conférence; Tune est du commissaire Rou- 
ine, Tautre est la réponse que je lui ai faite. Je ne voulais pas vous 
\oir avant d'avoir fini ma réponse ;, elle vous^ fera coonaitre combiea 
\ouj êt<^s ea; sû/eté avec moi , ot combien je suis incapable d'una 
tr^bisQn.. Le passage suivant de la lettre de Toussaint frappa d ad* 
^liration le général Maitland : « Quoi , disait il à Roume', n ai je pas 
«V donné ma parole au général anglais ? Comment pouvez-vou& sup- 
« poser que je me couvrirais d'infamie en la violant ? La confiance 
€ qu'il a en ma bonne foi Tengage à se livrer à moi , et je se- 
«, rais déshonoré pour jamais, si je suivais vo$ conseils. Je suis tout 
< dévoué à la cause de la République; mais je ne la servirai jamais . 
c aux dépens de ma conscience et de mon honneur. ». 

'^ous les. factionnaires qui étaient autour de la tente fureni rele- 
vés : il allait être question de Tindépendance de St. Domingue. 

Maitland lui proposa.^ au, nom du gouvernement anglais, de le faire 
reconnaître rqi de St. Domingue, s'il voiilait< consentir en montant 
sur le tr6ne,^ à> accorder exclusivement aux Anglais le commerce du 
Dpuveau. Foyanmc. U lui* promit qu'une flotte anglaise croisant saB9 
cesse devant les ports de rtle- le protégerait contre les agressions de la 
France. Toussaint quoiqu'il eul accueilli ce projet d'indépendance refusa 
cependant de le mettre sur le champ ea.pratique. Il promit de; le réaliser 
lorsque d& plus heureuses circonstances se présenteraient. On prétend 
qu*il redoutait, «alors prodigieusement le Directoire , surtout depuis 
lié débarquement, du, général Bon^p^rle en Çgypte , débarquement |ue 
l^*s Anglais n'avaient pu em|>êcher.. 

Ce que uous.a\ançoQs est constaté par toulet nos traditions; et ee 
lpro|et^ de Toussaint de {proclamer. Tindépendance de St. DomingLC Mt 



^ 



m$ * HISTOIRE d'haîti. — ( 1798. Y - 

la plus liobTe âe ses conceptions aux yeux des haïtiens*. Sa' Cohsttv 
tution colonidte qui provoqua l'expédition de 1802, fut presque un acte 
d'indépendance; a^ec un peu% plus de hardiesse, il eût enlevé à Des- 
câlines toute sa gloire. Le général Pamphile de la Ci'oix rapporte 
dans ses mémoires qu'il a lu au Palais national du Port-Républicain, 
lOrs de l'arrivée en cette ville de la division Boudet , te traité secret 
ijtii avait été fait entre Toussaint et-Maitland. 

Le général anglais retoùi^na au Afôlè St. Nicolas au inilieù dës^ 
phis grands honneurs. Il fit passer dans les rangs de Tarmée ré[iubIT- 
0àine toutes les troupes coloniales qu'il avait réunies au itôle St. Ni- 
colas , après leur avoir compté d'avance six mois de solde*: elles do^' 
valent être employées plus tard au triomphe des intérêts anglais. Tous- 
saint les traita bien, s'en fit aimer, et grossit spn armée de six mille' 
)lommes de bonnes troupes que le général Rigaud avait dédaignées. Plus 
tërd, sous les ordres du chef noir, elles combattront le général de couleur. 

Les vaisseaux anglais appareillèrent pour la Jatuaîque. Beaucoup 
A chefs noirs et de couleur entre aulres Jean Kina et Lapointe éva- 
cuèrent St. Doiï^ingue avec les Anglais. Jean Kina fût iha]gniii(](ue- 
meikt traité par le gouvernement britannique , ainsi que' Lapointe^ 
Mais celui ci , après avoir dissipé sa fortune , reviendra en ftaiti sousf 
lé Président Pétion. Il y jouira de tous lès dr^oiis du citoyen haïtien, 
en sa qualité de sang-mèlé. Quant à Maitland, il se rendit en Aq« 
ffteterre pour présenter à S. M. B. les bases d'un traité définitif avec 
Toussaint (ouverture. 

L'armée républicaine prit possession du Môle' qui étiait aloi^ utte 
yM\e riche et florissante ; elle ne s'y livra à aucun excès. 

Toussaint qui avait été séduit parle générar Maitland , ne cessait de' 
répéter : f La République ne m'a jamais rendu autant d'honnédrâ que' 
m* le roi d'Angletc i re. » 

De 1793 à 1*798 les Anglais avaiierit éprouvé des pertes! coiirfd'éra- 
rables à Si. Domingue. Des seize-mille hommes de troupes coloniales 
qu'ils y avaient organisées , il ne leur était resté que six mille. QuanC 
$iu\ troupes blanches, les maladies et le fer les avaient tellement cbois- 
sonnées qu'elles s'étaient trouvées réduites au momeilt dk i'évûcuàtlOtf 
à deux mille hommes environ. 

t)e 1793 à 1798, il était débarqué à St. Domingue', (outîré plusi- 
eurs bataillons de la Jamaïque ), les 81'' cit 96^ régiments venant d'iN** 
lafnde , lé 82* régiment de Gibraltar ; les 66* et 69* accompagnés dfe 
450 artilleurs venant aussi de Gibraltar sous lès ordres do générât 
Bbwyerj. quatre regimens d'infanterie au grand complet , et de fôftii' 
détachements de deux autres corps arrivés dé CoVk, §ous lés' drdréi' 
dû général Whyte ; trois régiments de cavalerie allemande et hcdlàn-^ 
daise , deux compagnies d'artillerie anglaise , et un détachement d'af- 
(inerîe hollandaise ; toutes ces troupes s'éleyèren| è^ fS^OOO hom^XKsà^ 
iel4»tft âiropéejiSi 



I , 



niBToiRB d'haiti. — ( 1798 ) 



SIS 



 peu prés la moitié âe ces régiraenK périt 'victime de l'influence 
meurtrière du climat. Six-cenl trente hommes du 82* régiment fu- 
rent enlevés par la ilèvre jaune peu de semaines après leur débarque* 
meiit; le régiment de hussards qui s'élevait à lOOÔ hommes fut ré- 
duit par la peste en moins de trrois mois à 350 hommes ; le 9iy régi* 
ment fut presque en entier enlevé par les maladies. En Septembre 
47t)6, les registres de mortalité présentaient une diminution de 7530 
Sommes de troupes européennes seulement. Les Anglais n'avaient per- 
du dans les combats , dans un espace de cina ans environ , que 5500 
hommes, de troupes blanches. Quant ajux troupes coloniales noires et 

t 'aunes recrutées à St. Domingue , elles perdirent une dixaine de mille 
tommes; elles formaient toujours la droite des colonnes anglaises. 

De 1798 à 1798 , le gouvernement britannique dépensa vingt mil- 
lions de livres sterlings et perdit vingt trois-mille hommes, enlevés 
par la peste ou morts dans les combats , y compris les dix- mille 
hommes de troupes coloniales. 

. Le chiffre de son armée s'était élevé à trente et-un-mille hommes dont 
15,000 soldats européens , et 4(^000 soldats noirs et jaunes. 
^ Aussitôt après l'évacuation des Anglais Toussaint ordonna le désar- 
mement'des cultivateurs , alin disait-il que des hommes en général bor- 
nés, faciles à être égarés, ne pussent pas s'armer contre le gouvernémekk 
oui ne travaillait qu'à leur bonheur. Il avait pris cette mesure daUs 
1 intérêt de la tranquillité publique. Le conducteur principal de 
chaque habitation eut seul Je droit d'avoir un fusil. Quand les cir- 
OQYistances^ le «commandaient, il soulevait en masse les cultiVateufS 
et leQr ddtttiait des armer qu'il relirait ensuite. 




flisToiRE d'haïti. — ( 1798. V 

là plus nobTe àe ses conceptions aux t^ 
tution coloniale qui provoqua l'expo' .^ 

d'indépendunce ; avec un peu^ •"' ♦y^^ 

câlines toute sa gloire. ' ^^/ ' 

dans i^ès mémoires o»* /^ 

lors de l'arrivée '^ 
^ùi avait été f'^ 

Le général --^ 

ph|S grandp 
0àine tout 
colas , ' 
-v^iêiif 



TVio 



ssaiût fiii^rise les ahciehs colons — H excite les J)opufeliDns contr«L- 
4tf^- ^^5ofl immense infliionce sur les masses — Il fivorise les émigrés.— 
^^Héf^^^'^^^^éin àa 10 Octobre. — Il favorise W clergé,*— Watrin. retourne en France.—- 
Pr^^^!^ Bon^^^ pour St-Domingue. — Rigaud se rend au Cap auprès d'Hédou- 
pép^^J^^'^duiie df' Riga id au Cap — Hédouville rend impotsibje uu rapprochement 
vi7/*'"^y^ucl rt Toussaint, — Révolte à l'Anse-àV^au cpntre Rigaud. — I^édouvillc 
6tit''^ ^ an.' insurrection dans le Nord contre Toussaint — Rigaud noroiné gfénérai 
^'^^lîef du départ«'ment du Sud , indépendant de Toussaint générai en chef de 
*" ' jg colonie.-^ Départ de Rigaud pour le Sud.— Toussaint contrarie les mesu- 
'^s d'Hédouvilie contre lt»s royalistes — Afftire de Manigat au Fort-Liberté. — In- 
iTrrectioD dans' les campagnes du Nord en faveur de Toussaint Louverture. — Hé- 
(iouville assailli au Cap s'embarque pour France. — Sa proclamation contre Tous- 
saiot.r-.Triomphe de Toussaint. — Le commissaire Roume vient de Sto Domingo au, 
Qg^p, — Toussaint adressa lui mémoire au Directoire-Exécutif — Maitland revient à St- 
Domingue, en simple particulier. — Traité de Toussaint avec les Américains, — •. 
Etat du département du Sud. — Règlement de culture. — Arm^e du Sud.: — Etat de 
l'Oijest. — Roume réunit au Port- Républicain les généraux de ta colonie. — Il ne peuV- 
porter Rigaud à se soumettre à Toussaint — Révolte au Corail contre Rigaud. — .. 
Elle est apaisée — Mission de Rénaux' Des ruisseaux auprès de Toussaint — Pro- 
clamations de Rigaud contre celKs de Toussaint relatives à la religi^^- Dépar^ 
pour France des élèves de la patrie. — Des troupes du Sud prennent le^^t-Goàve. 
— Commencement Je la guerre civile.-^Manifestatibns au Port Républicain en fa vfu^- 
de Rigaud. — Fautes militaires de Rigaud. — Les troupes du Sud preopont le TapioHj^ 
le Blockaus et Thausin. — Toussaint arrive au Port- Républicain — Sdn discours con^ 
tre les ho rimes de couleur. — Réflexions sur ce discours. — La garde nationale dll^ 
Port-Républicain est désarmée, 

'Toussaint par sa grande perspicacité avait découvert combien était 
devenue fausse la position d'Hédouvilie. Il tenait d'une part sous soiv 
influence la masse des noirs du Nord, et d'une' autre pari, parsaréh 



tttSTOIRE dSïaitl— ( 179â ) 31^ 

« 

action Vers les formes de lancien régime , il avait pris une place dîs- 
Unguoo dans I opinion des colons, (|iii formaioul par leurs ricfuisseàet 
leurs lumières un parli puissant d;ins les villes. On remarquai parmi 
çux Borgtila, riche planlour (h* la i)laine «lu Cul de -Sac, homme de 
quelque érudition, Ks adjudans-^éuéiaux Iluin, dliébccourl , cl Voile, 
administrateurs habiles; (înibre, secrclaire particulier de Toussaint. 

Quant à Hédou ville, il no pouvait s'appuyer dans le Nord, que sur 
les européens , la plupart républicains, et sur quelques officiers noirs 
et de C'uleur, tels que licllegardc, comm.indanl du Môle, Golard, de 
Jean Rabel ; le général Pierre Mirhel^ command:uit du Limbe; et le 
çolone! Barthélémy , comniaudant du haut du C;»p» 

Toussaint s'aperçut ((u'HédoMviîle ne se soulenail encore dans le Nord 
que par le preslige de sou litre d'agent du Directoire Evécutif ; il corn* 
prit qu'en soulevant les masses (onlre lui le prestige disparailraît de- 
vant les gros' bataillons. Dès lors il commença à répandre sourdement 
sur les habitations qu'Hcdouville voulait rétablir Tesclavage , que c'é« 
tait la cause de son aversion |>our le général en chef toujours prêt h 
mourir pour la liberlé de ses frères. Les cultivateurs, naturellement 
inquiets sur leur avenir, ajoutant foi à ces propos, s'empressaient 
d'accourir au-devaut de lui quand il parcourait les campagnes, lui ex- 
posaient leurs craintes, et le suppliaient de les délivrer du danger qui 
les menaçait. * Il calmait leurs alarmes en leur donnant Tassurance 
qjue tant qu'il existerait la liberté ne leur serait pas ravie ; mais .il 
les exhortait à se tenir toujours prêts à obéir à sa voix. Jamais aucun 
chef ne sut mieux s'emparer de la confiance des masses; il exerçait 
8Mr ^ll6S ainsi que sur les soldats la toute puissance ; une discipline 
qxii tenait du prodige régnait déjà dans les rangs de l'armée ", et dans 
les ateliers. Au Port Républicain , à fAicahaie, à St Marc, au Môle, 
des bandes de noirs la plupart africains ne s'étaient livrées à aucun 
excès; cependant ces guerriers, combattant les Anglais, depuis plusieurs 
années, avaient vécu dans les plus grandes primtions, ne se nom ris-* 
sant que de racines. Ils tremblaient sous les armes à la voix des of- 
ficiers qui exerçaient sur eux pour ainsi dire drpit de vie et de tiiovii 
\l8 observaient envers les habitants des villes un respect extraordinaire, 
et refusaient même les libéralités que les bourgeois voulaient leur faire. 
11 fallait un tel système pour maintenir dans Tordre des border quî, 
ayant la houle fortune de Toussaint , s'étaient livrées aux plus^andes 
horreurs sous les Jean François , les Biassou , les Jeannot, les Gandy, 
guerriers cruels, nés des premières fureurs de la révolution. Cette 
puissance magique que Toussaint exerçait sur ces hommes grossiers 
^t un des plus beaux triomphes de son génie. 

Quoiqu'il fût instruit des dispositions du Directoire exécutif envers 
les émigrés ^t les prêtres, le général en chef leur accordait toutes 
sortes de faveurs. Les ofliciers royalistes qui avaient servi dans lei 
(rpupes anglaises fui ent la plupart maintenus dans leurs grades } '^qijsv 



806 HUtoibe d^iaiti.— ( 1798 ) 

D*âpré$ les conseils de Lapointc , ils écrivirent à lli^dûavillc , qi^its 
avaient appris qu'il étnit venu à St. Domingue pour sauver les restes des 
malheureux habitans de cotte île, poursuivis par une secte de brigands 
toujours armés du fer et de la torche ; que $ il voulait accorder une 
amnistie générale à fous ceux qui avaient servi sous les anglais, les 
royalistes de l'Arcahaic, les légions d York et' de la Reine reconnaî- 
traient la République française. Us ajoutaient dans la lettre qu'il fau- 
drait qu'il transportât son quartier général au Port-Répliblicain , et qu'il 
fit marcher avec les troupes coloniales ci-devant anglaises , celles de 
Bauvais, de Laplume et de Rtgaud , contre la faction de Robespierre 
dont Toussaint, Télève de Sonthonax , était le chef. Un blanc nommé 
Cape de Bosse apporta au Cap cette lettre à ragent du Directoire. Hé^ 
douville répondit qu'il amnistiait tous les royalistes excepté Lapointë. 
Celuici anéantit la lettre qu'il avait reçue en réponse à la sienne et sa 
prépara à évacuer TArcahaie. 

Le G* Mai, le général Maitland av^it fîni d'embarqiiér toutes le» mti- 
Aitions, les marchandises anglaises, ainsi que les Commerçans anglais^ 
les canons de fonte et les mortiers français. H reçut aussi à bord de 
son escadre ceux des français qui voulurent suivre les troupes britan- 
niques. D'après ses ordres, le colonel Lapointë évacua le bourg de 
FArcahaie, le 7 Mai à midi. Lapointë portait à Toussaint Louverldre 
une haine si implacable^ qu'en se retirant il détruisit tout à TArcahaie, 
fortifications, casernes, munitions de bouche et même les chevaux. Il 
pensait qu'en reconnaissant pour ses égaux les nouveaux libres, ceux- 
ci ne tarderaient pas à devenir ses maîtres.^ Lapointë se retira au 
Môle St. Nicolas avec la plupart des officiers do la légion d Yorck. Quant 
au régiment de la reine, commandé par le chevalier de Peste, il fiit 
conduit en entier à Jérémie. Le général Dessalines vint dans les mon- 
tagnes des Matheux , se mit à la tête de l'armée républicaine et prit 
possession de fArcahaiei 

Dans la nuit du G au 7 Mai le colonel Grant avait évacué St. Mare ; 
il fit voile avec toute la garnison de cette ville pour le M6le St-NicolaSé 

Le 8 Mai , à 2 heures du malin , Maitland avait embarqué toutes 
les troupes anglaises du Port Républicain et du fort Bizoton ; et dans lat 
journée du lendemain* l'escadre anglaise, composée de deux vaisseaux^ 
le Thunderer de 74, et l'Abergavenny de 54, de plusieurs autres bâ- 
timents de guerre, appareilla pour le Môle St. Nicolas. 

Dans l'aprèsmidi du môme jour, 9 Mai, le général Laplume, à lat 
tète de la légion de l'Ouest commandée par Tadjudant- général Pétion, 
prit possession du Port- Républicain. Toussaint fidèle observateur de 
sa parole envers Maitland^ envoya le colonel Christophe Mornay pren- 
dre le commandement de la ville , avec ordre de faire respecter les lia- 

^ La légion d York de lArcahnie n'était composée que denoifs et d'hom- 
mes de couleur qiii avaient embrassé le paru des anglais. 



HISTOIRE d'haiti.— ( 1798 ) ^ SOf 

-Lilbn^ el d'ûch^miner tout de suite la légion de TOuest sur Léogane. 
Le général Laplome céda raulorité à Christophe Mornay non pas sauf 
luécohlontetneat, considérant la conduite de Toussaint à son égard, 
conome un manque de confiance. Toussaint ^ partout où il pônétraîe 
déplaçait les autorités qui pouvaient être dévouées à Bauvais et à Ri- 
'gaud. La légion de TOuest se retira à Léogane en témoignant hau- 
tement son mécontentement. Les ménagemens dont usait toussaiiit 
envers les Anglais et les blancs royalistes n'avaient pas échappé nux 
ogens de la métropole : car le Port Républicain oât pu être enleva 
d'assaut ^ ou du moins Maiiland en Tévacuant n'aurait pas eti 
le temps d'embarquer les munitions de guerre , l^s archives et leé 
niarchandiges si le général en chef l'avait attaqué vigoureqsement; 
Los colons ayant la plupart trahi la France avaient tout à re? 
douter du directoire qui punissait lès traîtres et It's étnigrés; aussi 
avaient-ils excité Toussaint à fiiire un pont d'or aux Anglais. Lé noiil 
de Louvcrture fut béni de la plupart des blancs. Les planteurs s em- 

{cessèrent d'aller au devant de celui qu'ils ap|)elaient leur îibérateul': 
Is étaient prt'cédés du clergé; la croix et la banniérq étaient portées 
avec pompe , et les encensoirs iumaient. Un peuple immense cfo'uvrait 
le grand chemin de la plaine du CûldeSac, au niilien duqiiel était 
dressé un arc de triomphe magndfitjue. Les dames blanches les plus 
rich(;s, à cheval ou en voitur0s découvertes étaient aussi accourues au- 
devat)t du général en chef des armées de St-Domingué. Elles étaient es* 
eortéés d'une brillante garde d'honneur, composée do jeunes créoles blancé. 
Toussaint Louverture qui venait des Gonaïves apparut dons ia gran- 
de route, suivi de son état major. |1 était simplement vétù : il por- 
tait un madras recouvert d'un chapeau galonné , un petit habit et ééi 
épaulettes* De nombreuses jeunes iilles blanches huicérent sur lui dès 
tieurs el dos couronnes, il descendit de chevdl él leur témoigna toute' 
sa gratitude. On vit alors des colons se prosterner à ses pieds et le 
prier avec instances de se^ placer soiis le dais que portaient avec or* 
gueil quatre des plus riches planteurs du Gui de Sac. 

Toussaint humilié et indigné en même temips de tant dé bassèis- 
^es , surtout lorsqu il découvrait parmi ses adorateurs des colunsr qui 
s'étaient toujours montrés ses plus cruels ennemis, dit à ceùii; qui 
le pressaient d'accepter ces hotineurs: « Il n'appartient c|u à Dieu 
é d'éire placé soùs le dais et d'être encensé. » Ge fut en vain qu on 
toiilut lui persuader que c'était aiîisi quon recevait les anciens gou* 
ferneurs. Il entra au Port Républicain avec son étart major. * 
La ville fut illuminée ) on dansa dans toutes les grandes maisons ; 

* " Les colons, dit le colonel Mulenfant, étaient ati comble de la joie; on 
" espérait que sous les ordres du général 'uoir on tuerait les mulâtres. et qu'on 
" semit indépendant; aest ainsi que pensaient alors les cin^ sixièmes (}es 



S06 itïsTOiHE d'haiti.— ( 1798 ) 

Diaprés les conseils de Lapointe , ils écrivirent à H^douviilc , qu'ils 
avaient appris qu'il était venu à St. Domingue pour souver les restes des 
malheureux habitans de cette ile, poursuivis par une secte de brigands 
toujours armés du fer et de la torche ; que s il voulait ùccorder une 
amnistie générale à tous ceux qui avaient ser\i sous les anglais, les 
royalisles de l'Arcahaic, les légions d York et' de la Reine reconnaî- 
traient la République française. Ils ajoutaient dans la lettre qu il fau* 
drait qu'il transportât son quartier général au Port-RépUblicain , et qu'il 
fit marcher avec les troupes coloniales ci-devant anglaises , celles de 
Sauvais, de Laplume et de Rigaud , contre la faction de Robespierre 
dont Toussaint, Télève de Sonthonax , était le chef. Un blanc nommé 
Cape de Bosse apporta au Gap cette lettre à Togent du Directoire. Hé^ 
douville répondit qu'il amnistiait tous les royalisles excepté Lapoioté. 
Celui-ci anéantit la lettre qu'il avait reçue en réponse à la sienne els« 
prépara à évacuer TArcahaie. 

Le 60 Mai, le général Hfaitland av(|ît fini d'embarqiiér toutes les m(i- 
Aitions , les marchandises anglaises , ainsi que les Commcrçans anglais^ 
les canons de fonte et les mortiers français. H reçut aussi à bord de 
son escadre ceux des français qui voulurent suivre les troupes britan- 
niques. D après ses ordres, le colonel Lapointe évacua le bourg de 
FArcahaie, le 1 Mai à midi. Lapointe portait à Toussaint LoUverlUre 
une haine si implacable^ qu'en se retirant il détruisit tout à rArcahaie, 
fortifications, casernes, munitions de bouche et même les chevaux. Il 
pensait qu'en reconnaissant pour ses égaux les nouveaux libres, ceux-* 
ci ne tarderaient pas à devenir ses maîtres.^ Lapointe se retira au 
Môle St. Nicolas avec la plupart des officiers de la légion d Yorck. Quant 
au régiment de la reine, commandé par le chevalier de Peste, il fut 
conduit en entier à Jcrémie. Le général Dessalines vint dans les moti- 
tagnes des Matheux , se mit à la tête de l'armée républicaine et prit 
possession de TArcahaie* 

Dans la nuit du C au 7 Mai le colonel Grant avait évaciié St. Mare $ 
il fit voile avec toute la garnison de cette ville pour le Mà\e St-Nicolas^ 

Le 8 Mai , à 2 heures du matin , Maitland avait embarqué toute» 
les troupes anglaises du Port Républicain et du fort Bizoton ; et dans Isl 
journée du lendemain* l'escadre anglaise, composée de deux vaisseaux^ 
le Thunderer de 74, et l'Abergavenny de 54, de plusieurs autres bâ- 
timents de guerre, appareilla pour le Môle St. Micolas. 

Dans l'aprèsmidi du môme jour, 9 Mai, le général Laplume, à lai 
tète de la légion de l'Ouest commandée par Tadjudant- général PéCion, 
prit possession du Port-Républicain. Toussaint fidèle observateur de 
sa parole envers Maitland^ envoya le colonel Christophe Mornay pren- 
dre le commandement de la ville , avec ordre de faire respecter les lia^- 

* La légion d York de 1 Arcahaie n'était composée que denoilB et d'hom- 
mes de couleur qiii avaient embrassé le parii des anglais. 



msToiRE d'haiti. — ( 1798 ) ^ 80t 

'i>il!)in^ ei j^ûchi^rniner tout de suite Id légion de TOuest sur Léogane. 
Le général Loplume céda Taulorité à Christophe Mornay non pas sanr 
luéconlontemeiit, considérant la conduite de Toussaint à son égard, 
comme un manque de confiance. Toussaint ; partout où il pénétrait 
déplaçait les autorités qui pouvaient être dévouées à Baiivais et à Ri- 
'gaud. La légion de TOuest se relira à Léogane en témoignant hau- 
tement son mécontentement. Les ménagemens dont usait toussairît 
envers les Anglais et les blancs royalistes n'avaient pas échappé nux 
agens de la métropole : car le Port Républicain oât pu être enlevé 
d assaut , ou du moins Maiiland en Tévacuanl ii'aurait pas eii 
le temps d'embarquer les munitions de guerre , 1^ archives et letf 
marchandises si le général en chef l'avait attaqué vigoureqsement; 
Los cotons ayant la plupart trahi la France avaient tout à re? 
douter du directoire qui punissait lès traîtres et l^s émigrés; aussi 
avaient-ils excité Toussaint à faire un pont d*or ^tix Anglais. Lé noiil 
de Louvcrture fut béni de la plupart des blancs. Les planteurs s em« 

f cessèrent d'aller au devant de celui qu'ils appelaient leur libérateu^; 
ts étaient précédés du clergé; la croix et la bannière étaient portées 
avec pompe , et les encensoirs fumaient. Un peuple immense Gk>'uvrait 
le grand chemin de là plaine du Cul de Sac, au milieu duquel était 
dressé un arc de triomphe magnifique. Les dames blanches tes plus 
riches, à cheval ou en voitures découvertes étaient aussi accourues au- 
devat)t du général en chef des armées de St*1)omirigué. Elles étaient es< 
cortééd d'une brillante garde d'honneur, coniposée do jeunes créoles blancg.* 
Toussaint Louverture qui venait des Gonaïves apparut dans la gran- 
de route, suivi de son état major. |1 était simplement vétii : il por- 
tait un madras recouvert d'un chapeau gahmné , un petit habit et ééft 
épauletles* De nombreuses jeunes filles blanches laacêreni sur lui dés 
ileurs et des couronnes. Il descendit de cheval él leur témoigna toute^ 
sa gratitude. On vit alors des colons se prosterner à ses pieds et le 
prier avec instances de se^ placer sous le dais que portaient avec or« 
gueti quatre des plus riches planteurs du €ul de Sac. 

Toussaint humilié et indigne en même tenips de tant dé bassé^- 
^es , surtout lorsqu il découvrait parmi ses adorateurs des colonsr crui 
s'étaient toujoiirs montrés ses plus cruels ennemis, dit à ceù^ (|ui 
le pressaient d'acctepter ces hotineurs: « tl n'appartient qii à Dieu 
é d'èire placé soùs le dais et d'être encensé. » Ce fui en vain qu on 
toiilut lui persuader que c'était ainsi quon recevait les anciens gou- 
ferneufs. Il entra au Port Républicain avec son était major. * 
La ville fut illuminée } on dansa dans toutes les grandes maisons ; 

* " Lés colons , dit le colonel Malenfant , étaient ati comble de la joie ; on 
" espérait que sous les ordres du général *iioir on tuerait les mulâtres, et qu'on 
" serait indépendant ; cest ainsi que pensaient alors les cin^ sixièmes des 



806 itisToiHE d'haiti.— ( 1798 ) 

Diaprés tes conseils de Lapointe , ils écrivirent à Iliidouville , qxAii 
avaiejlt appris qu'il étnit venu à St. Domingue pour sauver les restes des 
malheureux habitans de cette lie, poursuivis par une séclé de brigands 
toujours armés du fer et de la torche ; que s il voulait accorder une 
amnistie générale à tous ceux qui avaient servi sous les anglais, les 
royalistes de TArcahaie, les légions d York et' de la Reine reconnaî- 
traient la République française, ils ajoutaient dans la lettre qu il lau- 
drait qu'il transportât son quartier général au Port-Républicain^ et qu'il 
fit mardier avec les troupes coloniales ci-devant anglaises , celles de 
Bauvais, de Laplume et de Rigoud , contre la faction de Robespierre 
dont Toussaint, Télève de Sonthonax , était le chef. Un blanc nommé 
Cape de Bosse apporta au Gap cette lettre à Tagent du Directoire. Hé^ 
douville répondit qu'il amnistiait tous les royalistes excepté Lapoinlè. 
Celui-ci anéantit la lettre qu'il avait reçue en réponse à la sienne et sa 
prépara à évacuer TArcahaie. 

Le 60 Mai, le général MTaitland av^it fini d'embarqiiér toutes les mta- 
citions, les marchandises anglaises , ainsi que les Commerçans anglais^ 
les canons de fonte et les mortiers français, tl reçut aussi à bord de 
son escadre ceux des français qui voulurent suivre les troupes britan- 
niques. D'après ses ordres, le colonel Lapointe évacua le bourg de 
FArcahaie, le 7 Mai à midi. Lapointe portait à Toussaint LoUvertUre 
une haine si implacable^ qu'en se retirant il détruisit tout à rArcdbaie, 
fortifications, casernes, munitions de bouche et même les chevaux. U 
pensait qu'en reconnaissant pour ses égaux les nouveaux libres, ceux-» 
ci ne tarderaient pas à devenir ses maîtres.^ Lapointe se retira au 
Môle St. Nicolas avec la plupart des officiers de la légion d Yorck. Quant 
au régiment de la reine, commandé par le chevalier de Peste, il fût 
conduit en entier à Jérémie. Le général Dessalines vint dans les mon- 
tagnes des Matheux , se mit à la tête de l'armée républicaine et prit 
possession de lArcahaiCi 

Dans la nuit du G au 7 Mai le colonel Grant avait évacué St. Marc } 
il fit voile avec toute la garnison de cette ville pour le Môle St-Nieolas^ 

Le 8 Mai , à 2 heures du malin , Maitland avait embarqué toutes 
les troupes anglaises du Port- Républicain et du fort Bîzoton ; et dans la 
journée du lendemain* l'escadre anglaise, composée de deux vaisseaux^ 
le Thunderer de 74, et l'Abergavenny de 54, de plusieurs autres bâ- 
timents de guerre, appareilla pour le Môle St. Nicolas. 

Dans Tapr-èsmidi du même jour, 9 Mai, le général Laplume, à tsi 
tète de la légion de l'Ouest commandée par Tadjudant- général Pétioîi, 
prit possession du Port-Républicain. Toussaint fidèle observateur de 
sa parole envers Maitland^ envoya le colonel Christophe Mornay pren- 
dre le commandement de la ville, avec ordre de faire respecter les lia^ 

* La légion d York de 1 Arcahaie iiY: tait composée qiie dsnoifs et d'hom- 
mes de couleur qui avaient embrassé le parii des anglais. 



msToiRE d'haiti.— ( 1798 ) ^ SOt 

Lilhn^ el j'achicmîner lout de suite la légion âè FOuest sur téogane. 
Le général Laplume céda l*autorité à Christophe Mornay non pas sant 
luécoritcntetneiit, considérant la conduite de Toussaint à son égard, 
comme un manque de confiance. Toussaint ^ partout ou il pénétrait 
déplaçait les autorités qui pouvaient être dévouées à Baùvais et à Ri- 
'gaud. La légion de TOuest se relira à Léogane en témoignant haii- 
tement si^n mécontentemeht. Les ménagcmens dont usait toussaidt 
envers les Anglais et los blancs royalistes n'avaient pas échappé aus 
d^ens de la métropole : car le Port Républicain oût pu être enleva 
d assaut ^ ou du moins Maiiland en l'évacuant n'aurait pas eii 
le temps d'embarquer les munitions de guerre , 1^ archives et leè 
marchandises si le général en chef l'avait attaqué vigoureqsement; 
Los colons ayant la plupart trahi la France avuienl tout à re? 
douter du directoire qui punissait les traîtres et h;s émigrés; aussi 
avaient-ils excité Toussaint à fiiire un pont d^or atix Anglais. Lé nom 
de Louverture fut béni de la plupart des blancs. Les planteurs s'em» 

{cessèrent d'aller au devant de celui qu'ils appelaient leur libérateui': 
(s étaient précédés du clergé; la croix et la bannière étaient portées 
avec pompe , et les encensoirs lumaient. L'n peuple immense couvrait 
le grand chemin de là plaine du Cûl de Sac , au milieu duqiiel était 
dressé un arc de triomphe magniflt]ue. Les dames blanches tes plus 
rich()S, à cheval ou en voitures découvertes étaient auséi accourues au- 
devant du général en chef des armées de. St-Dominguë. Elles étaient es- 
cortées d'une brillante garde d'honneur, eomiposée do jeunes créoles blancâv 
Toussaint Louverture qui venait des Gonaïves apparut dans iagran- 
de route, suivi de son état major. |1 était simplement vétù : il por- 
tait un madras recouvert d'un chapeau galonné , un petit habit et éèi 
épaulettes» De nombreuses jeunes tilles blanches lancèrent sur lui dés 
fteurs et dps couronnes. Il descendit de cheval et leur témcrigna toute^ 
sa gratitude. On vit alors des coloris se prosterner à ses pieds et le 
prier avec instances de se- placer soiis le dais que portaient avec or- 
gueil quatre des plus riches planteurs du Gui de Sac. 

Toussaint humilié et indigné en môme temîps de tant dé basset* 
^es , surtout lorsqu il découvrait parmi ses adorateurs des colons qui 
s'étaient toujoiirs montrés ses plus cruels ennemis, dit à ceù^ (|ui 
le pressaient d'accepter ces honneurs: « tl n'appartient qu à Dieu 
é d'èire placé soUs le dais et d'être encensé. » Ce fui en vain qu on 
toiilut lui persuader que c'était ainsi qu on recevait les anciens gou« 
terneurs. Il entra au Port Républicain avec son était major. * 
La ville fut illuminée } on dansa dans toutes les grandes maisons ; 



« « 



Les colons, dit le colonel Mulenfant, étaient au comble de la joie; on 
" espérait que sous les ordres du général 'uoir on tuerait les mulatres^et quon 
" senût tfiâépendaut; cest ainsi que pensaient alors les cin^ sixièines des 



,rx,ro«.* .•-^'"-^ '^' ^ 



^^K^** .^y^^ ^ua/er Larîvîère, homme de co«- 

i^nfâM /''^ aecusée P^^}^^^?' hUocs. Presque en même temps le 
^Vi de vouloir égorger tous les ^^ ^^^ ^^^^^ ^^^.^^ ^ ^^ ^^^^^^^ 

^'^'"Iltié, aiîivère«teo celie ville; ils y avaient elé envoyés par 
du ^^^^-'u' i\s a!àsnèveul à ieur parti le juge de paix Manigat, noir, 
X^édor^'f^^^^^ ^ ^^5 Octobre), reçut d'Hédouville plein pouvoir 

flu' '^ réseoter dans toutes sortes d'opérations. A neuf heures du 
' J '^jBém^ J^"'" » '^ colonel Grandet auquel le commandement en 
•o'*!^^ Ja partie de l'Est avait été promis, confia à Manigat, au nom 
* l'Agent du Directoire, tous les pouvoirs civils et militaires. Mani- 
f'^ \\lu^i la première autorité de la vill«. Le 16 Octobre ( 25 Ven- 



* devin* la première autorité de la vill«. Le \ 

?^ •^•|.e),il lança uue proclamation par laquelle \ 

paient de la 5* coloniale, après avoir accusé ce ( 



eiiient de la 5* coloniale, après avoir accusé ce corps d'avoir mécon- 
nu les autorités établies, d avoir résolu la mort des gens de bien et le 
pillage de leurs propriétés. 

L adjudant major de la 5.* , Fringnat qui avait été gagné par Raffin^ 
fit savoir à Mauigat que ce régiment n'avait pas de cartouches, qu'il 
n'avait que fort peu de pierres à leu , et que pour Tafiaiblir il avait dé- 
livré aux soldats plus de 200 permis. L'occasion de tenter le désar- 
mement ne pouvait pas être plus favorable. 

Déjà le colonel Dalban, d après les ordres de Manigat, avait réuni 
devant le bureau de la place, -^es bataillons du Morbihan et du Fort- 
Liberté, les 84.* et 406.* rcgimens européens, commandés parle co- 
lonel Romain ; la garde nationale , et la gendarmerie sous les ordres 
de Quayer Larivière, et un corps de cavalerie espagnole que le colonel 
Grandet avait fait venir de Monte Christ et de Laxavon. Cinq pièces 
de canon chargées à mitraille étaient braquées sur la place d'armes. 
Des cartouches furent distribuées à toutes ces troupes qui fournissaient 
une force de 3,000 hommes. Le général Moyse était absent de la ville; 
il parcourait les montagnes de la Grande- Rivière , préparant les cuiti* 
'vateurs à Tinsurrection qu'il avait concertée avec Toussaint Louverlure. 
Manigat ordonna à la 5/ coloniale d'aller se ranger en bataille devant 
la maison du général Moysê. Ce corps ne présentait qu'une force de s 
700 hommes , sans munitions ; et Manigat avait à lui opposer 3,000 
hommes soutenus pur une nombreuse artillerie. Les officiers de la 5.* 
tout en murmurant allèrent occuper la position qu'on leur avait assi* 
gnée. Le découragement était peint sur la figure de tous les soldats 
qui voyaient devant eux une mort certaine. M.™* Mo^se femme énor« 
gique et audacieuse, indignée de leur incertitude, sortit de chez elle, 
les harangua , releva leur courage , et entraîna tout le régiment à l'Av- 
senal qui.n'était occupé que par quelques hommes. Elle ouvrit elle- 
même aux soldats les caisses de cartouches ; et la 5.* munie de provi* 
ipionsde guerre vint reprendre sa position, mais avec une attitude fière et 
menaçante. D'après les ccMiseils de Rafijin , Manigat 0t «ommor la $.* d« 



■itTOIRt D^HAITI. — ( 1798 ) tu 

Arettre bas les armes. Le colonel Adrien refusa d*obéf r. Le colonel Dalbav 
fit avancer le bataillon du Morbihan et le 106/ régiment : l'action coni* 
mença aussitôt. Les troupes européennes firent de terribles décharges; 
mais la 5/ répondant vigoureusement à leur feu ne s'ébranlait pas. 
Dalban lança contre elle le SA.* régiment qui fut repoussé avec perte. 
Alors les cinq pièces de eanon jouèrent contre elle ; les soldats noirs 
quoique horriblement mitraillés ne cédaient pas le terrain» Mais Quayer 
Larivière les chargeant avec impétuosité, à la tête de cent cavaliers ^ 
rompit leurs rangs , les tait en pleine déroute , et les fit la plupart 
prisonniers. Il lua de sa propre main un capitaine de grenadiers nom* 
mé Charles Zamore. Le colonel Adrien et un chef de bataillon nom* 
mé l'Africam furent aussi faits prisonniers. 

Le lendemain il Octobre (26 Vendémiaire) le générai Moyse suivi de 
trois dragons se présenta aux portes de la: ville; il les trouva fermées. 
Le colonel Grandet les lui fit ouvrir. Moyse se rendit aussitôt chei 
•lui pour s'instruire exracteiT>ent de l'événement de la veille. Mais Ma* 
nigat lui écrivit, que comme délégué de Tagent du Directoire, il avait 
la force armée sous ses ordres , et qu'il l'invitait à venir, prendre des 
instructions auprès de lui , le rendant personnellement responsable des 
désordres qui pourraient éclater dans la ville. Moyse lui répondit qu'il 
ne refusait pas de concourir avec les autorités au maintien de l'ordre, 
mais qu'il désirait l'entretenir du danger qui menaçait encore la ville , 
puisqu'il voyait des canons toujours chargés à mitraille braqués sûr la 
place d'armes, et la garde nationale, ainsi que les troupes européennes, 
demeurer sur pied ; ({ue du reste il garanlira^it la tranquillité de la ville, 
si les troupes se retiraient dans leurs quartiers respectifs. Manigat re« 
lusa de lui accorder l'entrevue qu'il demandait., il lui ordonna de se 
prononcer contre Toussaint Louverture qui était l'agent des Anglais et 
d exécuter les instructions qui lui seraient données. Moyse refusa de 
prendre les armes contre le général en chef. Alors Manigat l'accusa 
de vouloir faire égorger tous les blajics, et d avoir crié aux armes quand 
il était rentré en ville ^ il le destitua de ses fonctions, ordonna de lui cou- 
rir sus, et de l'arrêter mort ou vif. Moyse fut obligé de prendre la 
fuite; il n'eut que le temps de se jeter dans Ia mer et d'atteindre les 
mangliers de h rade, d où au travers de mille dangers, il se rendit au 
Boisbianc. Le colonel Adrien et le eommaQdant l'Africain furent envoyés 
au Gap , par mer, et Hédouville les fit mettre aux fers sur une frégate. 
Moyse suivi des soldats, de la 5/ qui avaient échappé à la mort, par* 
courut les environs du Fort Liberté, et jeta dans l'âme des cultiva 
teurs toute la fureur dont il était auimé. Les noirs , au son lugu- 
bre du laiiibt , se levèrent en masse comme en 1791, s'élancè- 
rent de toutes parts sur les blancs en vociférant contre Hédouville qui, 
' croyaient-ils, voulaient rétablir l'esclavage. I^e nom de Toussaint, le 
gardien de leur liberté, dominait leurs cris afiî eux. iîn quelques jours 
iiasurrection devint générale» La plaine du Nord fut iaondée de baa-^ 



N 

/ 



êfil HISTOIRE D*BAITI.— ( 1798 ) 

des fifrieuses; elle fut livrée aux flammes; le poignard poursuivit les 
blancs qui étaient sur leurs habitations comme aux premières époques 
de la révolution. 

Pendant cet intervalle Toussaint Louverture était parti des Gonaïves 
pour aller soi-disant, prendre des instructions de l'agent du Directoire. 
Mais il se rendait dans le Nord pour y donner le signal de Tinsurrectioa. 

Il reçut en chemin Tordre dHédouville de se rendre en toute hâte 
au Fort-Liberté pour étouffer* la révolte qui venait d'éclater. Hédou- 
Tille voulait le mettre en demeure de se prononcer ouvertement contre 
la France. Mais Toussaint plein de perspicacité continua sa route vers 
le Cap Quand il atteignit 1 habitation d'Héricourt, il vit arriver le gé- 
néral Moyse couvert de poussière , en chapeau de paille et presque nu. 
Il ne douta plus que l'Agent du Directoire n'eut été instruit de son 

E rejet d'insurrection, et n'eut essayé de le déjouer. Alors il déclara 
ardiment aux bandes de cultivateurs qui Tentouraient et qui Texhor- 
taient à les lancer sur le Cap qu'Hédouville avait fait assassiner les bra- 
ves soldats de la 5.* qui rivaient défendu la République , et qu'il avait 
le projet de rétablir l'esclavage. Il revint ensuite sur ses pas et rentra 
aux Gonaïves. Là il se mit à la tête de la 4.* coloniale, et trompa 
les autorités dévouc^es à la Métropole en leur disant qu il allait sou- 
tenir, au Fort Liberté, Manigat investi de tous les pouvoirs civils et 
militaires par Tagent du Directoire. Il partit des Gonaïves, et quand 
il arriva de nouveau sur Thabilation d'IIéricourt , il apprit que les in* 
surgés s'étaient rués sur le Cap, brûlant et saccageant tout sur, leur 
passage. Il craignit que cette ville ne fyt livrée au carnage, et il fré- 
mit pour les jours d'Hédou ville; car son projet était de le déporter, mais 
non de le faire périr : il ne voulait pas se compromettre à ce point en- 
vers «la Métropole. Du reste il n'avouait pas cette insurrection qu'il 
avait lui même préparée. Il s'élança vers le Cap, et se présenta au 
milieu de ces bandes innombrables de cultivateurs armés qui s'étaient 
déjà emparés des hauteurs de la ville , et du fort Bélair dont la gar- 
nison avait été passée au fil de l'épée. 11 fit tirer le canon d'alarme ; 
de nouvelles bandes se réunirent, et le Cap fut assailli. Les citoyens 
et les troupes de ligne s'étaient réunis sur le champ de mars; on était 
dans Talternative de marcher contre les insurgés ou d'envoyer une dé* 
putation au général en chef. Mais Hédouville ne voulut pas traiter 
avec Toussaint Louverture^ d'une autre part, il reconnut l'impossible 
té de résister à cette multitude bien dirigée, et résolut de sauver la 
ville du plus affreux i^arnage. 

Il ordonna en conséquence au citoyen Gasson sous- directeur de far* 
tillerie d'enclouer les pièces de l'arsenal et du fort Picolet afin qu'on 
ne pât pas tirer sur la rade , et s'embarqua suivi de plus deux milU 
personnes qui furent distribuées sur trois frégates. 

£n appareillant, le ier brumaire an 7 (22 octobre i798), il lanç% 

iine proclamation pai: laquelle ii avertit les babitaoa de la colonie quo 



ntsToiRE d'iiaiti.— ( 1T98 ) 025 

Toussaint s^élait entendu avec le gouvernen^ent fédéral des Etats Unie 
et le cabinet de St-James pour se rendre indépendant de la France. 

Cette proclamation ne fut que fort peu répandue dans la colonie ; 
Toussaint en défendit la publication , et la plupart des habilans de 
StDomîngue en ignorèrent l'existence. Cette circonstance nuisit consi- 
dérablement à la cause de Rigaud; car les blancs européens véritable* 
.ment dévoués à la Métropole , considénèfent Toussaint, après le départ 
dHédouvitle , comme le répréseniant de la France, et ne purent lui 
refuser le concours de leurs armes et de leurs talens. 

Aussitôt que Toussaint Louverture apprit le départ de Tagent da 
Directoire , il calma la fureur de ses bandes avec autant de facilité qu'il 
Tavah excitée, et entra au Cap en triomphateur. Sa présence produi- 
sit la plus grande agitation ; on crut qu'un massacre allait commencer; 
les habilans saisis de terreur parcouraient les rues en criant aux ar- 
mes ; les troupes de ligne rangées en bataille avaient une attitude me- 
naçante , et étaient prêtes à faire feu ; un seul coup de fusil eût pro- 
duit les plus grandes horreurs ; une catastrophe paraissait inévitable» 
Cependant le calme se rétablit par les énergiques protestations de dé« 
vouement de Toussaint à Tordre public ; et ces masses de cultivateurs 
s'écoulèrent vers la plaine , se résignant aux ordres de leur chef. 

Toussaint fit aussitôt chanter un tedcum avec la plus grande solen« 
nité. Les colon^ ci-devant royali^fes, après lui avoir rendu leurs hom« 
mages, le portèrent en triomphe comme un libérateur. Après lacéré* 
monte; il offrit au peuple réuni autour de l'église de se démettre^de 
sa charge de général en chef , de demander sa retraite au Directoire ^ 
et de se faire remplacer par le général Rigaud. Il versa des larmes 
sur le sort des malheureux blancs qn'Hédouville avait fait massacrer 
par ses imiprudences , en songeant, disait il , qu'on pourrait lui attri- 
buer ces horreurs. Les planteurs l'exhortèrent , pour le bonheur des 
habitans de St-Domingue , à demeurer à la tête des affairés. Il feignit 
de se laisser vaincre par leurs instances. 

Aussitôt après cet événement il écrivit au citoyen Roume, membre 
do la commission civile, qui se trouvait à Sto-Domingo, de venir rem- 
placer Hédouville. Roume , grand admirateur de Toussaint , demeuré 
lé seul agent du Directoire dans la colonie, vînt au Cap, et prit les 
rênes du gouvernement colonial ; il condamna la conduite d Hédouville. 
Touss»dt de son' côté déclarait sans cesse que son dévouement à la 
France sa patrie était sans bornes. 

Le +2 Novembre, il fît partir pour France le citoyen Caze son aide- 
de-camp , et le citoyen Guibre son secrétaire, ils étaient porteurs pour 
le Directoire exécutif d'un mémoire circonstancié sur Tévènement du 
Fort Liberté^ sur l'embarquement d Hédouville. Toussaint s'efforçait 
de constater qu'il n'existait pas un meilleur français que lui. « Sans 
« doute, dit-il , le premier mouvement du Directoire que je respecte , 
< en les voyant déposer unaninement contre moi ,' (Hédouville et ceus^ 






9t9 nisToiRfi d'haiti. — ( 1798 ) 

4 qui raccompagnaient) sera d'appeler la vengeance sur ma tète; celui 
€ du peuple français que j'aime, ae me \oMer à i'exécralion ; celui des 

< ennemis des noirs que je méprise de crier à Te^clavagef; mais lors- 
« qu'on saura qu'alors qu'on m accusait de vouloir faire scission ave« 
€ la France, ma bienfaitrice, je répétais le serment de lui être G- 

< dèie. » Il annonça aussi au Directoire que le commissaire Roum« 
était venu au Cap prendre les rênes du gouvernement. 

Cependant les journaux anglais , \e Times ^ de Novembre 4798, et 
le Sun , « parlaient sur un ton satisfaisant des négociations ëagement 
conduites par le général Maitland, négociations dont on représentai! 
le résultat plus favorable à l'Angleterre que si l'on avait aôquis en pro-^ 
pre la possession de St Domingue. Ils annonçaient d'une manière 
positive que le général Muitland avait signé avec Toussaint Louverture^ 
une convention qui équivalait au traité de commerce le plus avanta* 
geux; que cette convention était déjà munie de la ratiiication du 
roi , et qu'un officier allait incessamment partir de Londres pour la 
porter à St.-Domingue. » 

Vers la fin de Décembre , le général Maitland envoyé par le gouyer- 
nement britannique, revint à St Domingue en simple particulier. On 

S rétend qu'il annonça à Toussaint la ratification par le roi d'Angleterre 
es conventions arrêtées au Môle St Nicolas. Il éta*t accompagné de 
plusieurs agens.du Président des Etats-Unis d'Amérique.' Toussaint 
conclut 9 aux Gonaives, avec ces derniers, un traité relatif au com- 
merce avec les nations neutres , par lequel le cabotage de l'Ile fut per- 
mis'* aux . américains : le pavillon français seul , d'après les ordonnances 
de la métropole , avait le droit de faire le cabotage. II n'avait d'au- 
tre but, en accordant cette faveur aux américains, que de s'approvi- 
sionner de munitions de tous genres. Aussi venons-nous , pendant la 
guerre qui ne tardera pas à éclater entre Rigaud et Toussaint , 1« 
gouvernement f^iféral des Etats Unis, accorder toutes ses sympathies 
à ce dernier, et même le favoriser. 

Quant à Maitland il demeura incognito dans la colonie, afin d# 
suivre la marche des évènemens qui se préparaient. 

L'autorité du général en chef était souveraine dans le Nord et dans 
une partie de T Ouest. Toutes les populations paraissaient avoir accep* 
té sa puissance. Cependant le$ officiers du Nord que le général Hé* 
douville avait gagnés contre lui^n attendaient que l'insurrection de Ri- 
gaud pour opérer une diversion en faveur de celui-ci. 

Le département du Sud était florissant. Le système de culture éta-* 
bli dans le Nord et dans TOuest n'y était pas suivi : le système pra- 
tiqué dans le Sud qui produisait d'aussi bons résultats était plus 
doux. Dans ce département le cultivateur et le soldat n'étaient pas 
frappés; et le général Rîgaud punissait s sévèrement les gérans et les 
officiers qui employaient ce genre de correction. Aussi était il chéri 
4ii ses troupes et du pjsuple des campagqes. Le code rural de P«l* 



^STOIRfi D^HAITI. — ( 1708 ) SI?' 

v«rel était en \igiiçur; ce code ayant pour titre règlement de poljca. 
concernatit la culture et les cultivateurs, avait été publié' par Polvérel 
le 28 Février 4794 Le commissaire civil y condamnait le fouet; il 
iK>ulait que Texistence et l'activité des établissemens ruraux dépendis- 
sent de bras libres et d'un travail volontaire. Le cultivateur ayant 
une, part dans les produits était indépendant du propriétaire, et même 
son égal. Le conducteur qui frappait un iniiivifju sous ses ordres ou 
qui de son autorité privée le mettait aux arrêts ou eh prison , perdait 
aon emploi et était cléclaré incapable de commander à des hommes li- 
bres. Ce règlement était expliqué chaque dimanche aux cultivateurs , 
eo créole, et était afSché dans les endroits les plus frécfuentés. 

Dans les départemens du Nord et de l'Ouest on suivait un règlement 
que Toussaint avait publié le 3 Août 1798. Quoiqu'il y fût enjoint 
aux propriétaires eu géraus de se cofiduire envers les cultivateurs comme 
des pères de famille, on ne les en exterminait pas moins sous les coups. 

L'armée du Sud était alors composée de quatre régimens coloniaux 
qui formaient la légion de ce département. Le i^' était commandé par 
le colonel Jean Cécile ; le 2.* par le colonel Faubort ; le 3." par le 
colonel Dartiguenave Batichon, et le 4.^ par le colonel Geffrard. Le 
premier de ces colonels était ur>ir, et les trois autres hommes de cou- 
leur. Il y avait dans cette armée qui ne fournissait qu'une force ef- . 
fective de 2,500 hommes, des ofliciers supérieurs et subalternes qui 
s'étaient couverts de gloire en combattant les Anglais: les adjudans-. 
généraux Taureaux, Blanchet jeune , les colonels Tessier, Piverger, les 
coinmandans Gérin, Pérou , Gilés Bénèche , Bonnet , Compas , les Jean 
Louis François etc. Les cultivateurs du Sud n'étaient pas organisés 
en miliciens comme ceux de l'Ouest et du Nord. Ce fut une faute 
très grave que commit le général Rigaud : il eût inspiré plus de con» 
fiance aux cultivateurs, H eût pu mettre sur pied plus de 14,000 hom- 
mes. Pendant sa lutte contre Toussaint Louverture, il s'en repentira 
maintes fois; mais il avait pensé que çeùl été détourner les cultiva- 
teurs de leurs travaux que de les appeler sous les armes. Il avait cru 
qu'il eût pu résister avantageusement avec deux ou trois mille hommes 
de bonnes troupes aux forces de Toussaint qui s'élevaient à plus de 
trente mille boBimes, troupes régulières et milices. 

À Jacmel le général Bauvais était à la tête de la légion de l'Ouest 
dont les guerriers étaient les plus renommés de la coUnie. 

Le général Laplume avait sous ses ordres, à Léogane, la li* demi* 
brigade commandée par le colonel Nérette , homme de couleur. L'au- 
torité de Laplume qui obéissait à Toussaint , s'étendait de Léogane au 
Petit* Go&ve. 

Le colonel Christophe Mornay avait sous ses ordres au Port Répu- 
blicain b 8.' demi- brigade. 

Les chefs de bandes Lafortune et Gonflant occupaient les mornes 4a. 
Baynet. Ils obéissaient à Bauvais. 



il 

SS$ HISTOIRE d'haIti. — ( 1799. ^ 

Les blancs républicains -qui habitaient le département du Sud lîtb- 
ternisaient avec les noirs el les hommes de couleur fi en éiaienl res- 
pectés. Quant aux blancs colons roj(dKsles, ils marchaient la -tèie basse; 
ils étaient humbles et rampans, car Rigaud républicain ardent exécut* 
tait à leur égard, sans pitié, les ordres du I^ircctoire sur les émigrés^ 
et les trallres à la patrie. ' 

Dans le Nord et dans 'une partie de TOuest, les blancs royalislea 
étaient au contraire iicrs et arrogans; ils ne {parlaient que deTexter* 
mination des mulâtres. Les europf'ens qui avaientservi dans lesarmées 
de la république faisaient des vœux ix>ur le triomphe de Rigaud; mais 
ils étaient en petit nombre, isolés, et sans aucune influence, tandis 
que l'ancien parti colonial qui renaissait malgré les coups violents que 
lui avait portés Sonthonax, était puissant par ses richesses. 

Le général Rigaud refusa d'exécuter les instruclions qu'il reçut à»^ 
Toussaint après le départ d'Hédouville. Il ne voulut pas même recoa^ 
naître son autorité s'appuyant sur Uk proclamation qu'avait lancée tté^ 
douville en sembarquant. 

Le commissaire Roume voyant la guerre civile sur le pomi d'écl^ler 
résolut de rapatrier les deux rivaux. Il se transpoiUi au Port-Répu* 
blicain où il les réunit. (24 Janvier 1799). Le général Bauvais y vin^ 
aussi. D'un caractère froid, j^ejn d'imparlialité, découvrant de grande 
torl^ de part e( d'autre , Bauvais se mobtra disposé à garder la neu-» 
tralité. 

Rojjme s'efforça de .persuader à Rigaud qu'il était âe son devoir de se 
soumettre à Toussaint disposé à iaire tous les sacrifices possibles pour 
Tïe pas en venir aux mains. U 4ui proposa de laisser les choses dans 
l'état ou ellcb étaient avant l'arrivée d'UédouvilIc. Rigaud lui dit que 
le Petit-Goàve, le Grand Goàve et Léogane de\pnient entrer duns. Té- 
tendue de son commandement puisque ces villes fais^iient partie dt» 
département du Sud,* et qu'il ne pourrait recevoir les ordres d'un chef 
qui avait été signalé comuio un traitro par un agent de la France; 
que du reste, pendant qu il versait son sang pour la République, le 
général Toussaint combattant dans les rangs espagnols 'en faveur d«> la» 
royauté contre la liberté générale. Cependant cédant aux instances de 
Roume , il se montra disposé à se renfermer dans les anciennes limi- 
tes du département du Sud , (du pont de NJragoâne i Tiburon.) 

Néanmoins le général en chef vit clairement qu'il ne pourrait jamais» 
s'entendre avec Rigaud pour réaliser le projet <le rindépondance de St. 
Domingue , que celui-ci français de cœur, et de principes révolution- 
naires , ne consentirait jamais à pactiser ni avec les Anglais ni avec \é9 
oolons royalistes. Il résolut de déployer* contre lui toutes ses forcer et 

* Nous avons vu qne dans la dernière division territoriale de Tîle le Pt* 
tit-Goâve, le Grand GoâvO; Léogane et Jacmel ûûsaient pariie du départe-' 
ment du Sud. 



msTOiRE D^iAiTi. — ( î 7G9 ) * ^ 339 

toutes ses ressources afin do Técraser comme le pins grand obstacle à 
rindépeDdancis des noirs. - Quant à Iligaud il ne \oyait , dans son aveu-* 
glenieût, d^appui pour sa caste, que dans la France qui avait préparé 
d'une part sa ruine, de Tautre l afTaiblisscment de la puissance de 
Toussaint. Rigaud pensait qu'il ne lui serait resté aucune garantie 
si Toussaint et les colons ennemis impHacablcs de«; boni mes de cou- 
leur étaient parvenus a se rendre indépendans. Représentant d'une 
'faiblo portion de la population, privé de* Tappui de la métropole, 
il craignait d'être tôt ou tard sacrifié. Son grand dévouement à la 
France avait son origine, prélendail-ii, dans le vil* intérêt qu il portait à 
aa caste. 

A cette époque leg noirs et les hommes de couleur jouissaient plei- 
nement , sous la domination française, do tous les droits civils et 
politiques. Toussaint, en excitant les p;)ssions des noirs contre les 
hommes de couleur, afm do parvenir à lindopendance , ne cherchait 
donc qu'à satisfaire son ambition personnelle, et à mettre les masses 
à l'abri des réactions qui pou\aiont survenir en France contre la li- 
berté générale. Quant aux inquiétudes (pi il éprouvait relativement 
aux réactions , elles étaient fondées , comme les évènemens postérieurs 
ront prouvé ; jnais alors aucun acte du gouvernement franças ne les 
annonçait, et Rigaud, moins clairvoyant que son rival, pouvait bien 
ne pas les éprouver, avoir pleine coniinnce en la République, et^roire 
sincèrement qu'il était de rintérêl des jaunes-, comme des noirs , do 
ne pas rompre avec la métropole qui seule de toutes les puissances 
avait reconnu leur liberté. '^ 

Pendant que Rigaud se trouvait au Port* Républicain une révolte 
éclata contre lui au Corail , à sept lieues de Jérémie , dans le dépar- 
tement du Sud. Elle avait été 'excitée paries agens de Toussaint 
Louverture. Elle fut plus grave que celle de l'Anse-à-Vcau. Le 4e. 
régiment commandé par le colonel Geffrard, et quelques cultivateurs 
avaient été séduits par des agitateurs qui leur avaient insinué que le 
général Rigaud avait été arrêté , qu'il ne reviomirail plus dans le 
Sud , qu'il s'était entendu avec Héduoville pour rétablir l'esclavage, que 
le régime des mulâtres était passé, et que le général Toussaint allait 
tout dominer en souverain absolu. D'une autre part les ricli^s colons 
de Jérémie , eh répandant un [ii}u dor parmi les soldats, avaient 
achevé d'ébranler leur lidélité. Ces soldats arrêtèrent dans le fort du 
Corail le colonel Geffrard et le chef dé bataillon Compas. Ils an- 
noncèrent que les noirs allaient se rendre indépendants de la France 
à l'aide de TAngleterre. Les autres of(i(;iers de la 4e., la plupart 
hommes de couleur, se réunirent sur la place d'armes autour do War- 
bre de la liberté , et se disposèrent* à résister. Mais les soldats 
tirèrent sur eux à mitraille. Les ofiiciers furent contraints d'aban* 
donner le bourg ; ils se retirèrent au Camp Perrin ave« les drapeaux 
4u régiment. Geffrard et Compas dont Tévasiou avait été favorisée par 



330 



iiisTOinE D'iiAiTr.— ( 1799 ) 



un des chefs des révoltés , ne lardèrent pas à venir les y joindra. 
Les aulorilés qui commandaient aux Cayes en Tabçencc de Rigaud fi- 
rent marcher des troupes contre le Corail. Après un combat assez 
sanglant le fort fol enlevé d'assaut. On y trouva des lettres dans les- 
quelles on annonçait aux révollés que le règne -des mulâtres était 
fini ; elles étaient en outre' pleines des propos les plus susceptibles 
de fanatiser les populations. Cependant les cultivateurs de ce quar- 
tier no s'étaient pas remués. 

Pendant cet inCervalle Rigaud rentrait aux Cayes. Il -fît arrêter 
et déporter en gjrand nombre des colons royalistes de Jérémie qui 
avaient été les principaux inslijtaleurs de la révolte d» Corail. Il s© 
prononça éncrgî(|uemcnt contre les royalistes en exécutant les instruc- 
tions d Hédouvillc. Il chassa de. ses troupes les blancs qui avaient 
servi sous les drapeaux Anglais, et séquestra les propriétés des 
émigrés. 

Il envoya aiî Port-Républic4>în le colonel Rénaux Desruisseaux qu'il 
chargea de demander de nouveau à Toussaint Louverture- la cession 
du Petit Goûve , du Grand-Goàve et de Léogane. Toussaint répondit, 
comme il Tavait déjà fait, qu'il n entreprendrait aucune aggression 
contre le département du Sud , si les choses restaient telles qu'avant 
l'af rivée d'Hédou ville. Cette réponse rapportée à Rigaud le révolta , 
et le détermina à commencer la guei;rc. Cependant il n^plia tousses 
postes sur le pont de Miragoâne, où commandait Rénaux Desruisseaux, 
pendant que Toussaint retournait dans le Nord. Il refusa de met- 
tre en pratique l'adresse de Toussaint à l'armée du Sud relative à la 
religion. l\ prétendit qu'elle était l œuvre d'un fanatique et inconsti- 
tutioniieire. Ce fut en vain que Toussaint lui reprocha d'avoir coin- 
nîis une insubordination militaire. Il lui ré|K)ndit par un écrit dont il 
inonda la colonie. « D« quel droit le général Toussaint s'érige l il 
en pontif absolu d'une seule religion , tandis que la Constitution 
laisse à chaque citoyen la liberté de conscience? De quel droit 
érij[e-t-il des autels au fanatisme que la révolution a terrassé? De 
quel droit foule-t-il aux pieds tout ce que cette sublime Constilu- 
tution a de plus sacré aux yeux d\m vrai républicain ? De quel 
droit veul il forcer les consciences? S'il est pénétré de sa religion, 
comme il veut le paraître, pourquoi l'expose-t-il à la profanation? 
De quel droit impose-t il à tous l'obligation impérieuse d'assister à 
des mystères qui religieux pour les uns, paraissent vains et su- 
perflus aux autres? Pourquoi ne laisse-t-il pas à chacun le droit 
inaprescriptible de servir Dieu à sa manière? Il ne lui manque que 
d'établir l'inquisition espagnole , ce fléau de la religion et de l'hu- 
manité. Voudrait il , que violateur de celle Constitution qui lui don- 
ne Texislence , je devinsse son complice ? Voudrait-il que je m'asso- 
ciasse à 60$ crimes ? » 



HISTOIRE d'haï n. — ( 1739 ) S31 

L'imprimè n*êtait rempli qoe de tirades de ce genre , plus ou muios 
irioientes. 

Pour calmer Texaltatton de Rigaud, le commissaire Roume fil pu- 
blier le 31 Mai, une lellre pleine de modcralion qu'il lui avait adres* 
sée. Ri^aud pour se juslifier fie publier une lettre que lui avait adres- 
sée Hédouville le 45 Juin 1798. 

Le général Rigaud était animé de tous les principes proclamés par 
la Convention nationale. Quoique Tindépendance de notre pays, en- 
fantée parles réactions de 1802, ait consacré notre bonheur politique, 
il serait injuste de notre part de vouer à Texécration, ceux des nôtres 
qui en t7Utt se montraient attachés à l# France. Car celle ci n'avait 
pas jusqu'alors décrété ua seul acte contraire aux intérêts des noirs 
et des hommes de couleur.' 

Pendant cet intervalle le commissaire Roume pour resserrer de plus en 
plus les liens qui existaient entre la France et SI Domingue choisissait 
plu$ieui*s enfants noirs, blancs et de x^ouleur , et les envoyait en Eu- 
rope où ils devaient recevoir une éducation libérale aux frais de la Ré* 
publique. Déjà les (ils de Toussaint et de Rigaud avaient été placés 
au collège de Liancourt; d'autres étaient aussi partis. Roume en choi- 
sit huit dans le département du Nord , les réunit au Cap , les lit as- 
sister, au Palais national, à un grand repas où se trouvait Toussaint 
Louverture.' Celui-ci leur dit de ne pas oublier que la France était 
leur patrie, que St-Domingue leur avait donné le jour, et que c était 
à St-Domingue qu'ils devaient revenir pour y répandre les lumières 
que la mère patrie pourrait leur donner. Le commissaire Roume, de 
son côté , leur donna les conseils les plus patrioliciues, et les accoYn* 
pagna jusqu'au rivage de la «mer. Ces*jeunes gens qu'on appelait les 
élèves de ta patrie partirent le 26 Avril 4799 , sur la frégate la Ves* 
laie, commandée par le capitaine Gaspard. ^ - * ' 

Pendant ce temps le général Rigaud avait préparé tous les esprits, 
dans le département du Sud, à la lutte qu'il allait end (prendre contre 
Toussaint Louvertuie. Il ordonna aux colonels Jean Cécile et Faubert, 
qui comniandaient le premier et le deuxième régiment, do franchir 
le pont de Miragoâne, limite des département du Sud et de lUuest, 
de surprendre la \ille du Petit Goàve où se trouvait alors le général 
Laplume qui ne s'attendait pas à ce coup de main. Rigaud était à 
peu près certain , s'il parvenait à enlever Laplume , de l'aliacher à son 
parti , et de gagner , par son influence , toutes les troupes de 1 arron- 
dissement de Léogane. 

* Parmi les jeunes ^ns de St Domîngne qui ont éi6 élevés à Liancourt 
et plus tard au coIlêL^e de Ijaniarche , nous citerons Isanc et Placide Lou- 
Terture, Coco Séraphin, Hyppolite Gélin, noirs; Verrier , blanc ; Jonathas 
Oranville, Jh. Courtois, Séjour Leg:ros, Charles Jeantil , Jérôme Toby. 
derenu général dans les armées françaises , Aimé Dufresne , Rigaud fils, Biaise 
JUchat; les tfèieê Séguy Villeval«ijC| hommes de couldur. 



S32 • liistôiRï d'iiaiti*— ( 1790 ) 

Le W Juin 1799, Faubcrt^ à la tète d'un bataillon clu2.e r(5gîment, 
atteignit dans le plus grand silence, à la pointe du jour, les remparts 
du Pelit-Goâ?e. II pénétra dans la ville, surprit le fort du rivage et 
s'en empara, après un léger combat contre un bataillon de la Aie. En 
même temps belva , oflicier trùs-dévoué à Rigaud, soulevait les culti- 
vateurs des environs et venait à leur lôte assaillir la place. Le gén'Tal 
Laplume fut fliit prisonnier dans la foriiitcalion. ^fais un jeune ofiicier 
nommé* Eloy Boudeau qui paraissait dévoué à la cause de Rigaud abat- 
tit d un coup de pistolet un des soldats de Fauberl, rciwndit le plu* 
grand désordre dans le fort en criant à la trahison, et favorisa pen* 
dant le tumulte l'évasion de Nliplume qui, après s'ôlre précipité de» 
rempart» dans les fossés, atteignit un canot et se rendht à Lée^ane. 
La garnison du Pèlit-Goâ\e composée de plusieurs dclachemens de la 
8.e et de la ll.e, abandonna la ville, se replia sur le Tapion , le 
blokaus, Thausin et le Grand-Goâive. Maçon, lieutenant colonel dans la 
S.e, gagné au parti de Rigaud ,• avait refuse de tirer sur les troupes 
de Faubert. Celui-ci livra au pillage la ville du Petit Goàve. 

Ce premier succès que la renommée grossit considérablement ébranla 
la lidcliié des villes de Léogane et du Port-Républicain La plup^art 
des lK)nimes de couleur et des noirs anciens libres, les blancs républi- 
cains , le colonel Christophe Mornay , conimandant de la place, laissè- 
rent éclater les plus vives sympathies en faveur de Rigaud. On crut 
que celui-ci était déjà à Léogane, à la tète de son armée, -se dispo- 
sant à marcher en avant. , Au milieu de la nuit une foule de citoyens 
du Port- Républicain se précipitèrent dans le chemin de Léogane, armés 
de *torches , au-devant du général Rigaud qui fut vainement. attiHidu 
jusqu'au jour. • • ' , 

Dès le début de cotte guerre Rigaud commit une faute militaire des^ 
plus gra\es. Il eût dû se précipiter dans l'Ouest où les populations 
n'attendaient que sa présence pour s'insurger en sa faveur; il n'aurait 
Rencontré d'obstacles peut-être qu'aux Gonaïves. Aulieu de profiler 
de ces avantages , il ne sortit pas des Caycs où il se livrait aux plai- 
sirs, oubliant ses nombreux partisans qui pleins de confiance en son 
activité, compromettaient pour lui leur existence. 

Il se bwna à envoyer l'ordre à l'adjudant général Taureau qui com- 
mandait en chef en son absence de s'avancer jusqu'à Tausin près du 
Grand Goâve. Les colonels Faubert et Geffrard, à la tète, des 2* et 4* 
régîmens , s'emparèrent du Tapion , morne élevé en avant du Petifc- 
Goàve. Taureau fit occuper ensuite un blokaus qui s'élevait à gauche 
de l'habitation Tausin entre le Grand Goave et le Tapion. 

Dans tous ces lieux , les troupes du Sud ne firent mourir aucun 
blanc royaliste. Cependant les partisans de« Toussaint firent répandre 
le bruit que le colonel Faubert avait tout incendié, qu il avait abattu une 
croix à coups de hache, que le sang avait jailli de cette croix ,. et qu^una 
pluie de feu était tombée au PMit-Goâve. Ces bruits répaadus au loin* 



HISTOIRE D*HâlTr*^( 1799 ) S3& 

soulevaient contre Rtgaud toute rinrlignation des âm«s superstitieuses. 

Le commissaire Roume, ie représentant de la France à St. Domin* 
gue, avant appris l'occupaiion du Petit-Goâve déclara que Rigaud avait 
commis un acte de rébellion, et annonça que Toussaint se trouvait 
€|^an$ le paru national 

Le général en chef partit des Gonaïves pour le Port Républicain avec 
une prodigieuse rapidité, à b tète de plusieurs régimensde lArtibonite. 
Il avilit iU'jà ordonné auK troupes du Nord de se mettre en marche 
pour le Sud. Quand la population de couleur vit entrer Toussaint 
Louvorluj'e au Port-Républicain ^ une stupeur générale se saisît d'elle. 
La pUipart des blancs colons s'empressèrent d'accourir auprès du gé- 
néral en chef et de lui -annoncer que le^ mulâlf^es et le colonel noir 
Christophe Mornav avaient laissé éclater de grandes sympathies pour 
le général Rigaud. On parla de nombreuses arrestations qui devaient 
avoir lieu. Les hommes <le couleur, même ceux dévoués à la cause 
de Tous^aiat , éprouvèrent les plus vives inquiétudes. Quant à Chris- 
tophe Mornnj il sera plus tard arrêté , et conduit aux Gonaïves où il 
sera tué à coups dé baïoneites. 

Le lendemain de son arrivée , Toussaint réunit i TEglise toute la 
population. Le général Bauvais qui se trousait au Port Répubhcaîn 
s'y rendit aussi. Tous^saint plein de fureur, dans une agitation extrê- 
me s'élançu en chaire et dit à la foule : 

« Gens de couleur qui depuis^le ^commencement de la révolution tra- 
' hissez les noirs ^ que desirez- vous aujourd'hui? Personne ne l'ignore; 
vous voulez c(^mmander en maîtres dans la colonie; vous voulez l'ex- 
termination des blancs et I asser\issement des noirs! Mais y 

rétiéchissez vous, hommes pervers qui vods êtes à jamais déshonorés 
par rembarquement et ensuite regorgement des troupes noires connues 
sous la dénomination de suisses. Avez vous hésité' à sacrifier à la haine 
des petits blancs ces malheureux qui avaient versé leur sang pour votre 
cause? Pourquoi les avez-vous sacrifiés? C'est parce qu'ils étaient noirs. 
Pourtfuoi h général lligaud refuse-til de m'obéir? C'est parce que je 
suis noir; cêst parcequil m'a voué, à cause de ma couleur, une haine 
implacable. Pourquoi rettiserait-il d'obéir à un général français comme 
lui, qui a contribué plus que n'importe qui à l'expulsion des Anglais. 
Hommes de couleur, par votre fol orgueil , par votre perfidie, vous 
avez ûi^ perdu la part que vous possédiez dans l'exercice des pouvoirs 
politiques. Quant su général Rigaud, il est perdu; il est sous mes 
yeux au fond d'un abyme; rebelle et traître à la patrie, il sera dé* 
vorc par les troupes de la liberté. Mulâtres, continuait- il, je vois au 
fond de vos âmes; vous étiez prêts a vous soulever contre moi; mais 
bien que toutes les troupes aillent incessamment quitter la partie de 
l'Ouest, j'y laisse mon œil et mon bras: mon œil pour vous surveiller, 
mon bras qui saura vous atteindre. » 

Toussaint desi^endit de la chaire avec vivacité , traversa la foule 



331 HISTOIRE D^HAITI.— ( I7dS j 

iremblante et menacée de nombreuses baîoneltes qui étincelaient Tsur Ifc 
place. Il alla se prosterner au pied du igraud autel, pria Dieu avee 
îerveur et se releva en se signant. Il s'élança sur son cheval et se rendît 
au Palais du gouvernement où Tattendaient un grand nombre deoolon% 
blancs et de dames blanches qui le félicitèrent de ce qu'il venait de di 

La foule s écoula dans la consternation. Autant les hommes de cou- 
leur étaient abattus au Port Républicain, autant ils se montraient fiers^ 
audacieux et intrépides dans le Sud où la présence de Rigaud les trans- 
portait d'enthousiasme. 

Le général Bauvais qui avait été présent à lEglise pendant que 
Toussaint Louverture parfait, avait été déconcerté par les flots de (pa- 
roles que celui-ci avait lancés sur la foule, et n'avait rien répondit: 
pour relever Thonneur de sa caste. Mais il se rendit au palais natio- 
nal où il répondit* avec énergie au général Toussaint. Il lui rappela 
que rembarquement des Suisses avait été une malheureuse circonstan- 
ce politique qui n'avait nul rapport. avec les préjugés de castes, puis- 
qu'un tiers environ de ces infortunés était composé d hommes dé eoUleur.. 
Cette réponse faite dans un salon en présence d une foule de blancs 
ne produisit aucun effet ; le grand coup avait été porté à l'Eglise. 

Les passions politiques étaient alors si animées que les noirs et 
les hommes de couleur , représentés par Toussaint et Rigaud, s accu* 
saient réciproquement des crimes les^ plus aHVeux et des projets les. 
plus horribles , en présence des blancs qui jouissaient de leur lutte 
déjà engagée. Toussaint Louverture en jetant l'infamie sur les a'iteurs 
de l'affaire des Suisses condamnait des hommes qui dans eette cir-^ 
constance furent toujours à nos ^eux de bien grande coupables ; mais s'it 
avait été moins dominé piv la passion il eut songé que JSauvais peu^- 
'vait lui reprocher d'avoir servi pendant longtemps avec zèle contr# 
la liberté générale , sous les ordres de Jean François et de Biassou 
qui n ont jamais cessé, pendant la guerre entre la France et l'Espa- 
gne , de \endre comme esclaves leurs prisonniers noirs du parti ré* 
pnblicain. On peut nous objecter que Toussaint abandonna le parti 
espagnol à cause de cet aflVeux tralic ; c'est un fait vrai ; mais Bau* 
vais et Pinchinat n'ont jamais cessé de |;émir d avoir cédé aux ins* 
tances de Caradeux, de Praloto , de Lerembours, et d'avoir conseu* 
ii à la déportation de leurs malheureux frères. Mous devons aussi noas 
rappeler que Boisrond le jeune , Daguin , Rigaud , Pétion avaient pro- 
testé , à I époque , contre la décision par laquelle les Suisses furenl 
•mbarqués; que Lambert qui était le commandant en second des hom- 
mes de couleur était noir. Au commencement de la révolution ^ 
«alors que les idées de liberté générale étaient pe^i formulées, les noirs 
et les hommes de couleur luttant contre les préjugés enracinée des. 
colons blancs , croyaient obtenir beaucoup en n'obtenant que peu ; 
les idées révolutionnaires n'avaient pas encore complètement triomphé 
tu France; les décrets de la Constituante^ pour rexécution desquela 



HISTOIRE D'HAITf. — ( 1799 ) 



SSS 



les affranchie avaieDt pris les armes, ne proelamalont pas la liberté gé* 
iiéraie ; ils n'accordaient que f|uelques avantages poiiliquesaux anci- 
ens libres noirs et jaunes. Pendant que Sauvais ei Lambert sacri- 
fiaient aux exigences des blancs les pauvres Suisses , Jean François et 
Biassou dont Toussaint riait le conseiller, le secrétaire, offraient à 
1 assemblée coloniale de faire rentrer dans resciavugc, pour 600 libertés . 
accord('^s à leurs principaux ofliciers, les nom bi*eu$es bandes qu'ils 
jdon)itmienl; et ces deux hommes Jean François et Biassou, même 
après la |>roclamatii>n de la liberté générale par la Convention Natio- 
nale de France , continuèrent à faire le commerce d'esclaves. Il faut 
i'tre- égaré par la passion ou ignorer complètement les faits pour avan- 
cer qu'en 4789, IJOO , 1791 et 1792, les idées de liberté générait 
fussent parÊiitement formulées dans Tesprit , soit des noirs , soit des 
hommes de couleur. Ce sont les commissaires civils , Pohérel et Son- 
thonax, qui par l'acte du 29 Août 1793, ont rallié autour de l'arbrt 
de la liberté les homnles généreux noirs, jaunes et blancs. Rigaud, Bavu- 
Tais et Toussaint par leurs luttes héroïques contre le parti colonial 
soutenu par les anglais et les espagnols, ont ensuite fait triompher 
la cause sainte de la Liberté , de celle liberté universelle qui a élevé 
les enfans d Haïti à la dignité de l'homme. ' 

Après être sorti du pahiis national , le général Bauvais partît pour 
Jacmel , le Keu de son commandement , déternoiné à ne prendre au- 
cune part à la guerre civile. Quoiqu'il condamnât l'orgueil de Rigaud 
qui, à son avis , aurait dû se soumettre à l'autorité de Toussaint Lou- 
verture général en chef des armées de St. Doraingue , en attendant 
de nouvelles instructions du Directoire exécutif, il lui répugnait ce- 
pendant de combattra les guerriers du Sud qui représentaient vérita- 
blement le parti de la France. Bauvais, au lieu de songer à garder 
une neutralité qu'il était impossible d'observer, aurait dû dès lors, se 
prononcer , soit pour Toussaint , soit poui^ Rigaud. En s^ prooon- 
çant pour celui-ci il aurait fait tourner la fortune, en faveur des hoiD* 
mes de couleur ; en se prononçant pour Toussaint , il aurait empêché 
la guerre civile d'éclater et nous eût sauvés des plus grandes calamités. 
Car Rigaud resserré dans le département du Sud , n'aurait pat même 
pu franchir le pont de Mirago&ne el serait parti pour France, avant 
d'avoir tenté la lutte. La prépondérance de Bauvais serait devenue 
îtnmense, et Toussaint forcé par les circonstances, l'eût nommé son 
lieutenant au gouvernement de St. Domingue. Dans tous les cas cette 
|uerre de castes si sanglante n'aurait pas eu lieu. 

Toussaint Lou verture ordonna à Dessalines de réunir la garde natio< 
nale du Port-Répùblicain sur la place d'armes. Elle était en grande 
partie composée d'hommes de couleur. Elle se laissa désarmer sans 
opposer aucune résistance. Un seul mulâtre, se montra homme , le 
jeune Moreau : il aima mieux briser son épée que de la rendre. Dee- 
salines qui admira toujours le courage le prit sous sa protectioa. Il dit 



«36 



HISTOIRE D*HAITI. — ( 1799 ) 



à la mère de Moreau que Dieu avait béni ses entrailles, puisqu'elle avait 
donné le jour à un garçon d'une si grande délerminalion, 

Toussaint lançti ensuilè contre Rigaud une proclamation foudroyante 
dans laquelle il parla du général Bauvais avec respect, le déclarant in- 
capable- de se liguer a\ec le traître et le rebelle du Sud, et promit 
de lui livrer les rênes du gouvernement colonial après la guerre. 

Il n'y avait aucune sincérité dans ces paroles de Toussainf ; il vou- 
lait par des louanges et d'adroites caresses éloigner Bauvais de Rigaud, 
pour ne pas être obligé de combattre à la fois deux Républicains dont 
les scntimens patrioti(|ues étaient connus , et pour n*ètre pas inquiété 
par la garnison de Jacmel pendant qu il marcherait sur jle Petit-Goà- 
ve. Il paralysera en elî'et les résolutions de Bauvais. ' 

Rigaud, de son coté, publia un écrit dans lequel il reprocha à 
Toussaint d'avoir Aut un traité secret avec le général anglais Maitland, 
et l'avertit que tous les vrais français ne cesseraient de le combattra. 
« Toussaint ne sait-il donc pas , dit-il , que quand même la mort 
trancherait le (il de me^ jours , il est plusieurs de mes frères dont 
les taleos équivalent le peu (pie j'ai reçu de la nature, ainsi ^que 
ceui que j'ai acquis par léducation et Texpériehce ; tous ont le 
même zèle pour la République, tous sont disposés à verser leur sang 
pour sa défense; nous niarclierons ensemble , animés par lesgrar^ds- 
exemples que nous ont donnés les héros de la France qui ont com- 
battu qui ont vaincu toute Ti^urope conJ.urée ; nous combattrong 
aussi tons ceux qui attaqueront le département du Sud; nous serona 
invincibles; Ih génie de la liberté me l'inspire; mais si le succès 
trahissait nos espérances , les ennemis n'y pénétreront qu en mar- 
chant sur nos corps, après nous avoir tous terrassés, et combiea 

nous en entraînerons dans notre chute . 

« Toussaint, croit-il, en pienant aujourd hui un ^masque trompeur^ 
eroit i^ dis-je, eifacer du souvt^nir des hommes de couleur les vexsK 
tiens qu'il leur a fait éprouver? Croit-il détourner leur attention 
des Bïaux qu'il leur prépare ? Non ! non ! ils savent*^ qu*il leur 
forge des fers et un joug mille fois plus pesant et plus cruel qu^ 
celui qu ils portaient sous les anciens despotes. Barbare akéré de 
sang, il |]iorte à l'excès le dé^ir dune vengeance éclairée ; leur ané- 
antissement même sciait un s)>ectacle trop doux à ses yeux; ri veut ^ 
qu'ils meurent tous les instans de leur vie, il veut chaque' jour repaî- 
tre ses regards avides de ce spectacle douloureux ; mais qu il ne s'y 
trompe pas : les liommes de couleur préfèrerKini la mort à l'eseiah 
vage; animés par le désespoir dans lequel il les aura plongés , s'ils, 
ne peuvent vainci e les tyrans , ils s enseveliront sous les ruines de 
la patrie et ils emporteront avec eux dans le tombeau la gloire 
d^avoir versé toui leur sang et -rendu leur derni^ soupir sous les 
• drapeaux do la République. » Dans les deux camps- flottait le dra* 
peau tricolore ^ et daoe les deux camps l'on cirieit vive la France» 



i< 



UYhK DIX-SEPTlÊME. 



X79ft 



Sommaire. Entrée au Port Républicain de la première division dé Parmée du Nord; 
—Consternation des Rigaudins du Port- Républicain — Joie des colons blancs. — Ar- 
rivée à Lféogane d^s troupes du Nord. — Composition de ces troupes — Cause réelle 
de la guerre civile. — Politique de To'issaint à l'égard des hommes de couleur. — 
Exécution des hommes de couleur de l'Arcahaie,. au Port-Républicain. — Les mu- 
lâtres de l'Arcahaie sont embarqués et noyés; — Les hostilités commencent à Fau- 
cher entre l'armée du Nord et les troupes du Sud. — Le chef de bataillon Octaviu» 
arrête l'armée du Nord à Faucher.— «Ôessalines est sans cesse battu par les Ri- 
gaudins. — Conduite de Bauvais — Sav neutralité fatale à la colonie. — Arrivée 
de la division Moyse à. Léogane. — Conduite molle de Moyse. — Pétion passe dans 
les rangs de Rigaud. — Il conseille à Toureau d'évacuer Thausin. — Toureau laisse 
une garnison au Blockaus. — Position du Blockaus. — Révolte de Bellegarde au 
Môle 6t. Nicolas — Rigaud envoie au M6le R<^naud Desruissoaux. — Roume au- 
torise Toussaint à faire marcher des troupes contre le JV^Ôle — Moyse éL Cler- 
veaux se détachent de l'armée expéditionnaire du Sud et. marchant contre le Môle. 
— Arrestation de chriatophe Mornay -^Lettre de Toussaint à Christophe sur les 
hotnmes de coukur du Nord. — Ri^ud' vient des . Cayes au Tapion. — Il bl&>ne 
Toureau d'avoir évacué Thausin. — Faubert, GefTrard , Dartiguenave, Martignac , 
Jean Cécile, Compas, attaquent Thausin. — Thausin est enlevé. — Batail- 
le du Grand-Goàve ( i5 Août t799 )^ — Dessalines est battu. — Rigaud 
retourne aux Cayfs, — Dessalines réoccupe le GrandGoâve ,. et attaque 
Thausin. avec des canons — La flotte du Nord part pour bloquer les Cayes^elle 
est prise par Ips anglais. — Gran.de bataille au Grand-Goâive. — Dessalines bauu, éva- 
cue le Grand-Goâve. — Il se retire à Papette. — Les troupes du Sud prennent Pa- 
pette , er^suite Bullevue. — Trahison de Toureau. — Faute militaire de Rigaud. — Guerre 
du Nord. — Exécution d^s hommes de couleur. — Toussaint tombe dans une embus- 
cade au Gros- »»orne — Toussaint s'établit aux, Cahos. — Conduite de Maurepas au 
Fort de Paix.— rClervaux et Moyse prennent le Môle St. Nicoles. — Proclamation de 
Toussaint du 11 Septembre 17V^9. — Réponse de Rigaud à l'Agent Roume — Exé- 
cution des hommes de couleur de l'Artibonite au fort Williimson , aux Vases. -«^ 
Tou49aiat tomba dtgas uae embuscade à lu batte Aubry.— Désertioa dans Tarmée 



338 HISTOIRE d'iiaiti. — ( 1799 ) 

du Nord à Léogane. — Conduite de B.iuvais. — Dessalines gagne au parti de Tous- 
saint , Lofoctune et .Confiant. — Bataille de Tavet gagnée p«r Birot sur if^s troupe» 
de Toussaint — Toute» les forces de Toussaint réunies dans l'Ou* st. — La guerre 
éclate entre Toussaint et Sauvais. — L^ guerre recommence avec fureur dans la 
ligne de Bellerue. — Lettre de Dessalines à Christophe relative aux hommes ^ de 
couleur. — Dassa Unes 'assiège Bellevue — Mort de Tessier — Evacuation de Belle- 
vue. — Df'ssalines fortifie Papette. — Les Rigaudins se retranch<^nt au Qrand Goâve. 

— Humiliations subits par les hommes df* couleur dans le Nord et dans l'Ouest. 

— L'hgent Roume envoie en France le colonel Vincent, — Dessalines marche con- 
tre Jacmel avec toutes les forces de Toussaint. 



La plus grande consternation régnait au Port-Républicain parmi les* 
hommes de couleur et les noirs rigaudins Depuis plusieurs jours la 
pluie tombait avec abondance , et la nature semblait prendre part à cette 
consternation. Tout-à-coup un ofGcier entra dans la ville, se rendit au bu- 
reau de la place , et annonça que l'armée du Nord descendant vers le dépar» 
tementdu Sud, étaitau portail S* Joseph. Il était dix beuresdusoir. Aussitôt 
après cette nouvelle un adjudant de place précédé de douze tambours 
parcourut les rues à la lueur des flambeaux , publiant que les citoyens 
qui habitaient les quartiers par où les troupes devaient passer auraient 
à illuminer. Les colons blancs s'empressèrent d'obéir à Tordre de 
Faiitorilé, et Borgella grand planteur du Cul de Sac, transporté de 
joie, plaça vis-à-vis de sa maison une bassine de goudi^ou à laquelle il 
fît mettre le feu. Le.s troupes du jNord défilèrent pendant une partie 
de la nuit, au bruit d'une marche lugubre; et le lendemain dans la 
matinée, le général de brigade Dessaliiies entra au Port-Républicain 
avec les derniers bataillons. Il était simplement vêtu , et montait un 
beau cheval. Il avait la tète enveloppée d un madras surmonté d'un 
chapeau galonné. Les t^^oupes du Nord' ne s arrêtèrent quun jour 
dans la ville; elles défilèrent pour Léogane dans la soirée qui suivit 
leur arrivée. Elles étaient mornes, silencieuses: de Si Marc à l'Arcar 
haie, les hommes de couleur avaient cherché à ébranler leur fidélité 
en leur disant qu'ils défendraient les intérêts des colons blancs , s'ils 
combattaient le général Rigaud. 

Le colonel Christophe Mornay , commandant de la place du Port- 
Répnblicain, répandait dans l'armée ces idées qui rendaient les trou 
pes irrésolues et leur ôtaicnt toutes sortes d'enthousiasme. Rien n'é- 
t ail si triste à voir que ces bataillons de noirs et d'hommes de cou- 
leur allant combattre des hontmes de couleur et des noirs. Tous les 
citoyens généreux étaient plonges dans la plus profonde tristesse. Les 
colons seuls laissaient éclaier la joie la plus vrve ; ils avaient le secret 
espoir que l'esclavage serait rétabli sur les ruines des deux partis. Ils 
ne se doutaient pas qu'ils étaient des instrumens entre les mains do- 
Toussaint qui , après avoir vaincu Rigaud , les contraindra à respec- 
ter la liberté des noirs. 

Dans les derniers jours de Ju^in 1799, Tannés de Toussaint Lou« 






HISTOIRE D*HAITI. — ( 4799 ) SS9 

* 

TerCure ^taft en partie réunie à Léogane. Le général de brigade 
Moyse qui était encore dans le Nord, en avail le commandement 
en chef. Dessalines offîcier déjà très-distingué devait commander 
sous ses ordres. Celte armée s'élevait à 10,000 hommes ; Dessa* 
lines attendait du Nord d'autres troupes qui devaient en porter le 
chilTre à 20,000. Il y avait dans les rangs de nombreux hom* 
mes de couleur du Nord et de TArtibonite. La 4* demi-brigade, 
dite dos sans-culot les, et la 10* étaient presque en entier composées de 
mulâtres. Vaillant Gabart, homme de couleur, cruel et d'un grand 
courage , cx)mmandait un des bataillons de la 4*. Dans les rangs de 
Toussaint, on remarquait Dommage, ^ Guerrier, Montauban , Charles 
Bélair, Laplume, noirs; Ferbos, Larose, Bodin , hommes.de couleur, 
officiers d'un rare courage. 

Le général Rigaud n'avait à opposer aux masses de Toussaint Lou« 
irerture que 'deux mille homme^ , de bonnes et belles troupes , beau- 
col^p mieux exercées que celles du Nord. Les bataillons du Sud étaient 
composés, officiers et soldats, de noirs et diiommes de couleur con<- 
fondus dans les rangs. Ils étaient commandés par des officiers 
d uîie prodigieuse intrépidité : les Delva , les Yaval , les Jean- 
Louis François, les Jean Cécile, noirs; les Faubert , les Darliguena • 
\e Batichon, les GefTrard , les Blanchet , les Tessier, les Renaud Des 
ruisseaux , les Compas , les Martignac , les Octavius , les Piverger, les 
Gérin, hommes de copieur* 

Les deux partis en présence invoquaient le nom de la France ; Tun 
•t Tautre prétendaient combattre pour la République. Il en est tou- 
jours ainsi dans les divisions intestines; chaque parti se croit le dé- 
fenseur des intérêts nationaux. Quoique Rigaud se fut armé contre 
le général en chef reconnu par la France, îl défendait cependant les 
-vrais intérêts de la métropole^ car Toussaint travaillait secrètement à 
Tindépendamo de St. Domingue ; et si Rigaud avait triomphé , la 
colonie fut demeurée irrévocablement à la France. Mais comme Tous- 
saint , dans ses pièces gfticielles, proclan>ait le plus grand dévouement 
au Directoire exécutii qui ne lui avait pas enlevé sa charge de géné« 
rai en chef, il était secondé par Tagent Roume qui n'avait pas assez 
de perspicacité pour découvrir son projet d'indépendance, ou qui ini- 
tié à la poliliquo du Directoire vo^jlait laisser écraser les hommes de 
couleur par les noirs, afin de rétablir la prépondérance métropolitai- 
ne sur les ruines des deux partis. 

Si la politique française n'avait pas été d'abattre tes hommes de coup- 
leur tout en affaiblissant les noirs , elle eût fait au début de cette guer- 
re ce qui arriva en 1802 y alors que le gouvernefnent consulaire ap- 

* Tonssaîiit appelait Dommage ion Labîenus. Dommage n'était pas soia 
nom primitif: il fut un jour blessé dans une afiaire ; Toussaint s'écria : c'est 
dommage ; et dès-lors il fut ainsi appelé. 



940 HISTOIRE b'haiti. — ( 1798. ) 

• 

prouva la conduite de Rigaud , dt^clara Toussaint en rébellion depuis 
rembarquement d llédouville , et annula les grades quil avait don- 
Dés à «partir de cette époque. 

Quant à Toussaint, en triomphant de Rigaud , il aura renversé le 

Erincipal obstacle à rindépendance de St. Domingue. Nous autres 
aïtiens qui jouissons des bienfiits de celte indépendance que procla- 
ma Deassiines en 4804, nous devons remercier la Providence d'avoir 
secondé les armes de Toussaint, tout en condamnant les vengeances 
horribles et inutiles qu'il exerça après la victoire. 

La guerre civile eut pour cause réelle la marche de Toussaint Lou- 
^erture vers l'indépendance, marche que voulut arrêter le général Ri« 
gaud qui^ au miPeu des passions soulevées contre sa caste , ne croyait 
pouvoir se soutenir qu'à Taide de la Krance républicaine: Rigaud ne 
croyait pas qu'il fut possible de révoquer le décret de la liberté génc-^ 
raie. 

Toussaint Louverture, pour rallier les masses noires à son parti, 
avançait hardiment (|ue les hommes de couleur voulaient rétablir Tes* 
clavage^ Les mulâtres auraient-ils pu demeurer libres et citoyens, 
lorsque les noir» auraient été esclaves à cause de leur épidermeî Na- 
turellement il eût fallu reconnaître la suprématie du blanc qui aurait 
été, comme dans Tancicn régime, à la tête de la société coloniale; 
Les hommes de couleur qui soulfraient encore des préjugée de Taris* 
tocratie cutanée, malgré tout le sang qu'ils avouent versé pour devenir 
les égaux des blancs , ne pouvaient songer au rétablissement de l'an- 
cien régime. Le projet prématuré de l'indépendance de St. Domin- 
gue à Taide des Anglais, en 4790, devait rencontrer beaucoup d'obs- 
tacles, parce qu'alors les hommes de couleur en général et un grand 
.nombre de noirs n'éprouvaient aucune inquiétude relativement- au ré- 
tablissement de I esclavage. 

Toussaint qui était à Léogane, en partit, et se rendit au Port-Ré- 
publicain où il lit arrêter tons les ofliciers de larméc du Sud qui s'y 
trouvaient en permis pour leurs alVaircs particulières, avant le com- 
mencement des hostilités. Il se rendit ensuite aux Gonaïves et 
commanda de faire descendre vers le Sud le reste des demi-brigades 
du Nord et * de rArtibonile. D après les instructions qu'il envoya à 
tous tes commandans d'arrondissemens, un grand nombre d hommes de 
couleur furent arrêtés, k rArciihaie un mulâtre nommé Constantin 
avisa le commandant de la place Hi\z\n , noir , que les hommes de 
couleur conspiraient en faveur de Rigaud Le colonel Laraque ^ qui 
commandait le quartier de TArcahaie lit arrêter les principaux conspi- 
rateurs et les embarqua pour le Port-Républicain. ^^ Ils furent livrés 

* Laraq^ue était un homme de couleur clair qui se disait blanc. 

** Cameau père, Sannon Damiens, Mond^sir Dasse, Valmé Cortadd , 
]f fiurice ^Pobolier I Laboulotte Laboule^ Sézaira Savary. 



i 



j ttlStOïRE D'HAltt.— ( t^&5 ) êll 

r 

I 

I à une commission militaire qui les condamna à la peiné capitales 
Se^aire Savar} ayant déclaré qu'il avait d'importantes révélations à faird 

! à Toussaint Louverturte, r< xécutiog| fut suspendue. Toussaint vint 
des Gonaïves au Popt-llépublicain , (it amener devant lui Sezaire Savary 
(mutâlre). Gelui-ci lui dénonça une foule d'hommes de couleur qui 
furent arrêtés et baïonettés sans jugement , au lieu appelé aujourd'hui 
la Croix des Martyrs. Déjà la prison du Port Républicain était rem- 
plie de Rigaudins. Un ofticier de la lOd ^ Jean Philippe Dupin ^ en 
était le geôlier. Il tenait toujours braquées devant la prison deux 
pièces de canon chargées à niilraille. Il livrait les infortunés qu'on 
envoyait à la mort à un nommé Jean Pierre qui présidait aux exécu*^ 
lionsv 

Quant à Savary , il obtint sa grâce ; mais ceux (Juî avaient été 
condamnés avec lui furent fusillés dans le blockaus que les Anglais 
avaient élevé au Port Répîiblicain, sur la place du Cimetière intérieur. 

Le général en chef ordonna que les hommes de couleur fussent par*^ 
. tout désarmés. Robe, blanc, adjudant de place à fArcahaie ^ réunie 
les mulâtres au nombre de 200 sur la place d'armes , les dé- 
sarma et les (it emprisonner dans une vaste maison qui fut cernée 
de troupes noires et blanches. Deux pièces de can(/n furent braquées 
contre la maison. Trente-et un mulâtres qui avaient des protecteurs 
parmi les blancs et les noirs furent mis en liberté » Les autres qui 
furent embarqués à bord du navire Lesca ne tarderont pas à être 
égorgés. .Dans toutes les villes soumises à Tautorité de Toussaint la 
plupart des hommes de couleur furent désaimés commeà l'Arcahaie^ 
et beaucoup furent fusillés 

Pendant cet intervalle quelques demi-brigades du Nord s'ébranlèrent 
et marchèrent sur le Grand Goâve au-delà duquel était établie 1 avant-» 
garde de l'^irmée du Sud , à Thausin. Quand ces troupes attei- 
gnirent Thabitation Faucher, leur marche fut tout-à-coup arrêtée 
dans le grand chemin par Oclavius et Compas à la tête du 4e. 
régiment du Sud^ Lon se battit depuis sept heures du matin 
jusqu'à six heures du soir avec le plus grand acharnement. Enfin 
quand la nuit tomba, le général Laplume qui commandait l'avant garde 
de l'armée du Nord battit en retraite dans le plus grand désordre 
et se relira vers l'Acul de Léogane. Quatre cents hommes du Sud 
en avaient vu fuir 6000 du Nord. 

L'adjudant général Toureau qui commandait en chef l'armée du Sud 
en l'absence de Rigaud ^ vint du Petit Goâve à Thausin avec le reste de 
ses troupes qui ne s'élevaient qu'à 2,000 hommes. Il ordonna aussitôt au 
lieutenant-colonel Octavius de se| maintenir sur 1 habitation Faucher en 
avant du Grand Goâve. Le lendemain à la (x^inte du jour trois cents 
hommes du 4e. régiment sous les ordres d'Octavius étaient rangés en 
bataille sur cette habitation. Dessalines dont Tardeur n'était ra- 
lentie pas aucun échec et qui avait besoin d'aguerrir ses nombreuses 



\ 



S4i HISTOIRE d'hàiti. — ( 1799 ) 



recrues , ordonna à Loplume d'attaquer les Rigatidîns. Ses masses s é^ 
branlèrent ; mais les \ives décharges du bataillon du Sud les firenl 
reculer. Elles revinrent à la ^||yirge ; Octavius ne craignit pas de 
supporter les chocs les. plus violents. Il les bissa s'approcher de nou- 
veau, les culbuta par un feu terrible et s*élança sur elles à la baîonette 
suivi de ses grenadiers. Il terrifia par rimpéluosilé de ses attaques 
les bataillons ennemis ([ui prirent la fuite dans le plus grand désordre. 
La 9e. demi-brigade éprouva des pertes considérables. 

Octavius envo3^a demander des renforts à l'adjudant général Tou- 
reau : il promettait de poursuivre Tennemi la baîonette aux reins jus- 
qu'à Léogane. Toureau , au grand élonnement de larmée , lui refusa 
ces renforts, contint Télan de ses troupes, et lui envoya Tordre de 
soutenir seul les elTorts de lennemi , dut il être anéanti , jusqu à ee 
qu'il eût reçu de nouvelles instruetionç. 

Dessalines revint à la charge; il lança contre Octavius la ile- com- 
mandée par le colonel Nérelte. Cette demi brigade essuya des feux 
de pelotons si vifs et si meurtriers qu'elle battit en retraite laissant plus 
de cent hommes sur le champ de bataille; la 8e. se présenta ensuite, 
et fut aussi culbutée. Le général Laplume ne pouvant forcer le che- 
min qui traversait Ihabitalion Faucher demeura en présence de l'en- 
Bemi , en attendant l'arrivée des autres troupes du Mord. 

Ce brillant succès obtenu, au début de la campagne, par le ba- 
taillon d' Octavius , enflamma le courage des hommes de couleur et ' 
des noirs (}u Sud, et abattit extraordinairement le moral des troupes 
de Toussaint. 

D'après les ordres de . Toureau , Octavius se maintint toujours à 
Faucher, et la petite armée du Sud demeura campée^ à Thausîn. 

Jusqu'alors le général Bauvais qui avait à Jacmel, sous ses ordres, 
trois mille hommes dont 1800 de la légion de l'Ouest, les meilleures 
troupes de la colonie , était spectateur de la lutte S al s'élait pro« 
nonce pour Rigaud , il aurait pu , en prenant possession de Léogane, 
après une journée de marche , placer Dessalines entre deux feux et 
l'anéantir. 11 aurait môme pu s'emparer du Port-Républicain ; 
car le colonel Christophe Mornay qui commandait en cette ville et qui 
croyait qu'il allait se prononcer contre Toussaint , n'attendait que 
son arrivée pour lui livrer la place. 

Pendant cet intervalle , les généraux Moyse et Clervaux arrivèrent 
du Nord a Léogane, à la tète de quatre demi brigades et de dix bataillons 
de cultivateurs de la levée en masse. Ces nouvelles troupes portè- 
rent à près de 20,000 hommes l'armée do Toussaint. 

Le général en chef ordonna de former trois divisions de cette forte 
armée: la première fut confiée à Moyse, général en chef; la seconde 
à Dessalines , la troisième , à Laplume. 

Moyse ne déployait pas son ardeur ordinaire r il gémissait de cette 
guerre entre frères dont les blaitcs seuls devaient profiter, osait il dire. 



i 



maTOÏRÏ D^HAITI.— ( l')^99 > S4d 

feti rétablissant Tesclavagei II eût voulu que Toussaint eut abandon* 
jQé à Rigaud ie commandement en chef du déparlement du Sud jus* 
qu'à Léogane inclusivement ) en attendant de nouvelles instructions du 
Directoire exécutif de France. Le général Moyse, de vues bornées, ne 
pouvait comprendre que Toussaint ne s'eiTorçait d'écraser Rigaud 
qu'afin de renverser le principal obstacle à Tindépendance de Saint 
Domingue. Comme il était borgne, il disait souvent: je n'aimerai les 
blancs colons que lorsqu'ils m'auront rendu l'œil qu'ils m'ont 
crevé* Paul Louverture^ colonel de la 10e. et frère de Toussaint, 
partageait les opinions de Mo}se. 

Léogane était inondée de troupes. Dessalines était absent de cette 
ville ; il était allé reconnaître une position qu'occupaient les Rigau« 
dins dans les montagnes ; il clierciiait en outre à s aboucher avec La« 
fortune et Gonflant, les deux chefs de bandes dont nous avons parlé» 
qui dominaient dans le quartier de la Vallée. 

Le général Moyse , quoiqu'il se fût montré irrésolu se déter^ 
tnina à reprendre l'oilènsive. Il attaqua Faucher où était toujours 
campé Octavius. 11 fut repoussé avec perte. Dans la retraite^ la 5? du Nord 
perdît un canon ; mais la 9.e faisant %oUe iaree le reprit. Toussaint 
ayant appris ce trait de la 9.e fit don à ce corps d'un tableau repré- 
sentant ce fait d'armes. Dessalines de retour à Léogane^ établit quelques em- 
buscades autour du Faucher et transporta son quartier-général à Léogane* 

Cependant' l'armée du Nord , quoiqu'elle fut sans cesse culbutée, 
avait fini par s'animer. L'on entendait dans ses rangs , par inter^ 
valles, des cris de fureur contre les mulâtres. La plupart des ofliciers 
et des soldats de couleur voyaient leurs jours sans cesse menacés ; la 
moindre froideur de leur part entraînait leur perte. Ils étaient obligéi 
pour conserver leur existence de se montrer envers les rigaudins de 
leur caste plus' impitoyables que les noirs. Le lieutenant colonel 
Gabart de la 4e. se faisait surtout remarquer par sa cruauté. 

L'adjudant générjal Péiion, de la division Laplume, se détermina à 
abandonner la cause de Toussaint , voyant chaque jour égorger sous 
ses yeux beaucoup dindividus dont souvent le seul crime était d'avoir 
la peau jaune. D un autre côié il avait appris que son arrestation avait 
été résolue. Au milieu d'une nuit obscure» pendant qu une pluie abon* 
dan te contraignait les soldats du Nord à abandonner leurs rangs pour 
chercher un abri contra l'averse, il monta à cheval sous prétexte dal- 
ler visiter les avant-postes de la division Laplume. Quand il atteignit 
les bivouacs les plus reculés de l'armée du Nord , il pressa son che* 
val y se précipita dans les bois où il s'égara. Cependant à la pointe 
du jour , il arriva sain et sauf à Thausin. * 11 fut accueilli avec joie 

* Jean-Pierre Boyer depuis Président d'Haïti ^ et Segretier simple officier, 
passèrent avec lui dans l'armée de Rigaud. Boyer alors officier subalterire 
était adjoint à Pétion en qualité de secrétaire. 



S44 HISTOIRE d^haIti.^ 1799. ) 

par Tadjudant général Blanchet, et par les autres officiers qui lui 
reprochèrent cependant de n'être pas venu les joindre avant le com- 
/inenoement des hostilités. On écrivit à Rigaud son arrivée; celui-ci 
s'en niontra indifférent, et ne lui confia qu'un commandement sans 
importance, Pétion était 'cependant le plus habile des officiers de Tar* 
mée du Sud, celui qui eût pu. faire triompher la cause des hommes 
de couleur, s'il en avait eu le commandement en chef. Sa trahison 
fit naître de nouvelles rigueurs contre les mulâtres de l'Ouest ; la plupart 
de ceux qui avaient eu des relations d'amitié avec lui furent égorgés. 

Pétion qui connaissait exactement la force ffmméii<|ue des troupes 
de Toussaint, et qui savait que Dessalioes se proposait d assaillir 
l'arme^ du Sud, à la tète de toutes ses troupes ^ rormeilia à Toureau 
d'éviter une bataille rangée, et d'aller se retramlicr au point le plus 
élevé du chemin qui traverse le morne du Tapiun , entre le Grand* 
Goàve et le Petit-Goâve. Toureau accueillit son avis , ordonna à Oc* 
tavius d'abandonner Faucher, évacua Tliausin , laissa une garnison 
dans un fort dit le blockaus , et se retira au Tapion avec son armée* 
Leblockaus était élevé sur un mornet dans un coude que forme le 
' chemin qui conduit au Petit-Goâve. Il dominait la grande route et 
pouvait inquiéter considérablement par une artillerie bien servie les trou- 
pes du Nord qui couvraient la plaine. 

Aussitôt après Tévacuation de Tbausin Dessalines vint occuper cette 
position. 

Pendant cet intervalle une insurrection formidable avait éclaté dans 
le Nord contre Toussaint Louverture. Cette diversion aurait dû ame*- 
ner la chute du général en chef, si Rigaud avait su en profiter; car 
Toussaint se trouvera contraint de détacher de son armée de Léogane 
dix-mille hommes qui, sous les ordres des généraux Moyse et Clervaux, 
iront combattre dans le Mord contre de puissans endemis. Si Rigaud 
était venu se placer à la tète de son armée rien n'eût pu lui résis* 
ter. 

La ville du Môle Saint Nicolas commandée par Bellegarde s'était 
soulevée , et avait reconnu Tnutorité de Rigaud. La 3e. de* 
mi brigade du Gap , sous les ordres du colonel Noël , qui y était 
en garnison , s'était portée à de grands ^xcès sur les partisans 
du général en chef. Golart lieutenant colonel d'un des batail- 
lons de la j9e. demeuré au Port de-Paix , avait soulevé la plupart des 
cultivateurs de Jean-Rabel, de Bombarde, et même ceux des mornes 
du Port-de Paix. Au haut du Cap et au Limbe, le général Pierre 
Michel et le colonel Barth<*lemy se montraient disposés à se soulever 
aussi ; la ville du Fort Liberté manifestait des sentimens peu favorables 
à Toussaint Louverture. 

Golart , à la tète de plusieurs milliers de cultivateurs , vint assail- 
lir le Port-de Paix où commandait le colonel Maurepas. Cette ville 
fat réduite en peu de jours aux dernières extrémités. Mais Maurepas 



I 



msroiRï D^iAtTï.— ( 1790 ) 845 

déploya le p^us grand courage , tint une conduite admirable et résista 
psur tous les points aux eiTorts incessans des insurges. En même temps, 
BU GroS'Morne, aux Gqnaîves, à St'Marc, à i'Arcahaie, à la Croix* 
des-Bouquets, les hommes de couleur annonçaient avec orgueil la chute 
prochaine de Toussaint Louvorture. Rigaud envoya au Môle , auprès 
âe Bellegarde, comme son lieutenant, Renaud Desruisseaux. Celui ci 
partit avec des munitions de guerre et de bouche et quelques olii- 
ciers. 

Cette insurrection du Nord eifraya TAgent Roume qui voyait naitrd 
d'immenses malheurs dans la colonie. Il crut avec rais )n que la plu- 
part des cheiis des insurgés n'avaient méconnu l'autorité de Toussaint 
que parce que Ilédouville l'avait déclaré en rébellion contre la Fran- 
ce. Comme représentant de la France et Agent du Directoire, il 
résolut de ramener les esprits en faveur de Toussaint. En conséquen- 
ce , le i5 Messidor an VII (3 Juillet 1799), il déclara que le géné- 
ral Rigaud était mis hors la loi , que le général en chef Toussaint 
Louverture était autorisé à faire marcher Tarméo de la Républi(iue 
contre les insurgés du Nord, et que tous les bàtimens de guerre fran- 
çais qui se trouvaient dans la colonie étaient » sa disposition. 

Des dépêches qui venaient d'arriver de France Tavaient surtout dé<^ 
terminé à publier cet arrêté. Les citoyens Caze , aide-de camp de 
Toussaint, et Guybre, son secrétaire, qui avaient été envoyés en Fran- 
ce, après rembarquement d'Hédouvitle, étaient revenus dans la colo^ 
nie, sur l'aviso TEnfant Prodigue, et la corvette la Diligence. Us 
avaient apporté stu général en chef des lettres de Granet chef de la 
4.e division du ministère de la Marine et des Colonies , qui agissait 
au nom de Ch. Maurice Tallejrand, ministre des relations extérieures, 
remplaçant provisoirement le ministre de la Marine. Toussaint avait 
appris postérieurement au retour d'Ilédouville en France, lesheureu*- 
ses dispositions et les succès de ses enfans, Isaac et Placide, placés 
sous les yeux du gouvernement à l'Institut national et ' des colonies. 
« Vos enians, général, lui avait-on écrit, sont devenus les nôtres, 
« parce que selon nos vœult, qui sont aussi les voit es, ils croissent 
€ pour la liberté. Pendant que vous secondez les vues du gouver- 
ne nement à St Domingue , il nous est bien doux de remplir 4ci vos 
« intentions auprès de vos enfans » 

Le Directoire prévoyant les succès de Toussaint Louverture, le ca- 
ressait pour qu'il ne s'isolât pas de la France, s il parvenait à vain- 
cre Rigaud dont il paraissait cependant souhaiter le triomphe. Jus- 
qu'alors l'Agent Roume, Blanchard le secrétaire* général de l'agence, 
et Allier, secrétaire-général de la colonie, se montraient très-dévoués 
à Toussaint Louverture. 

Celui ci aussitôt qu'il avait appris la révolte' du Môle , n'avait pas 
perdu un instant. Il détacha de Tarméo expéditionnaire du Sud dix 
ipille hommes et les achemina sur le Nord, sous les ordres des gé- 



i 

r 



S46 



HISTOIRE D'iIAITr.— -( 17Ô9 ) 



néraijx Mo3"^e et Clervaux ; celui-ci était homme de cculeur. Il confia alotS 
à Dessalines lo commandement en chef de Tarmée expéditionnaire du Sud; 
et Moyse reçut le commandement en chef de l'armée du Nord. - Des- 
salines demeura à Thausin et au Grand-Goâve', à ta tète de dix - mille 
hommes. Les deux bataillons de la 9.e qui étaient au Grand Goàve, 
composés déjeunes gens du Porl-de Paix et des environs de cette ville, 
reçurent Tordre de ne pas sortir de TOuest: Toussaint craignait qu ils 
ne se joignissent à Golart. Il (It arrêter au Port Républicain , com- 
me rigaudin , le commandant de la place Christophe Mornay , qui fut 
conduit sous escorte à Si Marc d'où on l'embarqua pour les Gonaïves 
où il fut exécuté. Un des lieutenans colonels de la 8.e, Maçon, qui 
avait refusé de tirer sur les troupes du Sud ^ lorsque Faubert et Detva 
avaient pris le Petit-GoAve sur Lapiume, fut aussi arrêté. De nombreux 
hommes de couleur furent tués près du Port-Républicain , au lieu 
nommé le Four.à-cliaux. Le colonel de la iO.e, Paul Louveiture, 
prit le commandement de la place du Port Républicain , et le générai 
Agé, blanc, celui de l'arrondissement. 

Toussaint écrivit la lettre suivante au chef de brigade Henri ChnV 
tophc, commandant en chef l'arrondissement du Gap, et surveillant 
celui de l'Est : 

« Port Républicain , 29 Messidor an Vit ( IS Juillet i799). 

c La révolte du Môle , mon cher commandant , vient de s'opérer 
par les agens secrets du perfide Rigau(l; ils ont des prosélytes par* 
tout, et partout ils. opèrent le mal qu il faut cependant arrêter 
dans sa source. Le Mule correspond directement avec le Fort-Li- 
berté ; il y sème la désunion , et j ai la certitude que cette place 
devait aussi se soulever et arborer Tétendard de la révolte; au Gap 
même des agens y provoquent la rébellion ; surveillez-les avec une 
rigueur étonnante ; déployez le caraclère dur que nécessitent les tra- 
mes de ces scélérats ; tous les hommes de couleur en général se sont 
donné la main pour culbuter St Domin^ue , en le désunissant, et 
en armant les citoyens les uns centre les autres; ils servent la 
passion du rebelle Rigaud ; ils ont juré de le servir et de Télever 
le chef suprême sur des corps et des cendres ; dans aucun cas ne 
molissez pas contre les hommes de couleur, et garantissez par une 
activité sans égale, larrondissement que vous commandez , des hor- 
reurs qui menacent déjà quelques-uns. 

c L'arrondissement de l'Est doit faire encore l'objet de votre solli- 
citude dans des circonstances aussi. critiques; vous savez combien 
sont remuants les habitans de cette partie de la colonie; faites for- 
mer des camps qui (kssent respecter cette place, et employez et 
faites même descendre des mornes les cultivateurs armés , desquels 
vous, croirez avoir besoin , pouf également garantir cette place im« 



h 



HISTOIRE d'uaiti. — ( 1799 ) 



347 



€ 

c 



« poiiante; les hommes de couleur y sont aussi dan gereu!^ que vindi- 
califs; n^ayez aucun ménagemenl pour eux; failes arrêter et mémo 
punir de moit ceux qui seraient lentes d'opérer le moiiAre mou- 
vement ; Vallière doit être aussi Tobjet de tous vos soins. 
« Je 'compte plus que jamais sur votre imperturbable sévérité; que 
rien n'échappe à votre vigilance* 

c Je vous désire une bonne santé. 



« Salut et amitié. 



€ ToussAiïST LOUVERTURE. * » 



Cliristopbe exécuta les ordres de Toussaint avec la dernière rigueur. 

Pendant ce temps les troupes du Nord campées à Thausin, et colles 
du Sad campées au Tapion , escar mouchaient sans cesse , sans cepen-^ 
dant en venir sérieusement aux mains. 

L'adjudant-gcnéral Toureau lit connaître a Rigaud les Forces exactes 
de Tennemi, et lui demanda des renforts afin qu'il put contraindre Dos- 
salines à abandonner Thausiu. Rigaud aussitôt qu'il eut reçu cette 
nouvelle , laissa les plaisirs auxquels il se livrait aux Cayes , et 
arriva au Tapipn avec quelques oi'Kciers. 11 était -^ans une agitation 
difiicile à peindre; il tenait d'une main un pistolet, de Taulre un 
poignard ; il menaçait tous ses ofiiciers , et s'étonnait qu'ils eussent 
pu permettre à l'ennemi d'occuper Thausin. Il avait à la bouche un 
mouchoir blanc qu il mâchait dans sa fureur. Il blâma ^publiquement 
Toureau de s'être retiré au Tapion en suivant les #vis de l'adjudant- 
général Pélion. Il nourrissait contre le général Rauvais une jalousie 
dont Pétion et les autres officiers de la légion de l'Ouest éprouvaient les 
effets. Il ordonna de reprendre Thausin. Aussitôt les colonels Jn. Cécile, 
Faubert, Batichon, Gellrard , Delva se disposèrent à a! (.i^pier l'ennemi ; 
Rigaud dirigea en personne les opérations. Fauberl occupa les établis- 
semens de Thausin avec deux pièces do canon ; le liouienant-colonol 
Martignac tourna la purgerie do Thabitalioa, qui axait été crénelée et 
qu'occupait une demi brigade du Nord; Jean Cécile se présenta dans 
la savanne, et attaqua de front avec impétuosité. En un instant le fuu 
devint général; et après plusieurs heures d'un combat très -sanglant , 
Dessalines culbuté sur tous les points se relira au Grand Goâve.' L'ar* 
méexlu Sud campa à Thausin; Rigaud y établit son quartier- général 
et repoussa quelques jours après une attaque opiniâtre que Dessalines 
dirigea contre lui. 

Le 15 Août 4799 , dans la matinée , le temps était magnifique. Les 
troupes du Sud qui s'élevaient à 1,800 hommes laissaient éclater le 

^ L'auteur tient cette kttre déposée dans ses archives particulières. 



r 



348 HISTOIRE d'haiti.— ( 179D ) 

pins grand enthousiasme ; orgueilleuses d'avoir ïeur général h leur tète ^ 
cllos demundaiml la bataille h grands cris. 

Rigau(^\ouianl proliter de Tardcur de ses soldats , résolut de chasser 
du Gran<l-Goâve , 'le général Dessalines dont les troupes étaient encore 
lerriliées des définies précodenies. 

Le bourg du Giand Goâve situé à une légère distance de la mer esl 
bâli au niiiiou d une petite plaine (pii, bien cultivée à cette époque^ 
était cou\erte de cannes i sucre et d*arbr<.s fruitiers. Cette plaine 
était cependant assez étendue pour que Dessalines y put faire nianœu* 
vrer s<îs nombreuses troupes. 

Après avoir jolc les ycu\ sur les bataillons du Nord qui présentaient 
une force de 40,000 hommes couvrant le Grand Go;ive, Rigaud forma 
trois colonnes de son armée : celle de droite composée du 2.* ré- 
giment de 400 hommes fut confiée au colonel Tauliert; elle flovaii en 
pénétrant dans les bois de ThaUvSin, prendre renncmi en (|ueu«% après avoir 
tourné le Grand-Goâvo; t*ellede gauche con»posé(? du 4" réjjiment do 400 
hommes, sons les ordres du général Geflfrard, devait attaquer l'aile droite 
de rennemi, en longeant le rivage de la mer; et le. général Rigoud , 
à la tôle de la colonne du centre de* 4,000 hommes devait s'avancer par 
le grand chemin. Rigaud avaî.t pris la déi^^rm'nalion de necommcncer 
le feu qu'après avoir ententlu le bruit delà mous(|ucterie de 1 1 colonne 
de Fauberi. Mais dans son impatience , il n'allondit pas ce signal , 
et ordonna d'attaquer, à 4 heures de laprôs-midi. L'armée du 
Nord présentait un front qui s étendait dos bois de Thausin , 
au rivage de la mer. ' Le général Rigaud en atiaipia le centre 
avec une impétuosité prodigieuse. Dessalines anime de son intré- 
pidité ordinaire tit plusieurs fois fléchir ses troupes qu'il maintint 
cependant sur le champ de bataille, bravant la mort au premier rang, 
et frappant les soldais de sa canne. Ses grenadiers tombaient, par II-» 
gnes entières, sous le feu vif et soutenu des soldats du Snd. Rigaud 
redoubla de fureur contre le centre , masse diflicile à penser. Dessa-» 
lines dont l'élan n'était pas soutenu par ses ban les lourdes et épais- 
ses , résistait avec héroïsme aux efforts incessants des troupes du Sud. 
Tout-à-coup le régiment des Ca^es entonne la Marseillaise ; les autres 
corps répondent à son enthousiasme , le panache tricolore de Rigaud 
flotte comme un étendard au-dessus des bataillons ; la colonne fou- 
droyante s'élance par un nouvel effort , la baïonctte en avant , et ter- 
rifie Tannée du Nord qui ne pouvant résister à une impétuosité si opi- 
niâtre se rompt, abandonne le champ de bataille, et traverse le Grand- 
Goâve dans le plus grand désordre. Cependant la 4* demi brigade du 
Nord , dite des sans culottes, se maintenant encore sans s'ébranler , dans 
les jardins de cannes de Thausin. Ce corps était de :2,0()0 hommes. 
Rigaud lança contre lui le lieutenant colonel Compas, à la tète de 200 
grenadiers. Compas fit une seule décharge sur les sans culottes, et les 
aborda à la baipnnette; il fut renversé atteint d'une balle; ia mètée 



HisToinE d'Haïti- — ( 1799 ) 349 

devint horrible ; Gabart Vaillant qui commandait les sans-ouloltos fut 
obligé d'abandonner sa |)osilion etdt^ se replier sur le Grand-Goâ\e. Com- 
pas grièvemonT bies>é, fut Iransporlé à Tambulance par ses^enadters. 
Dès le coniiDencement de la bataille Gcffrard avait mis en pleine dé- 
route l'aile droite de Dessalinos , le long du rivage. • Rigaud avait été 
blessé à la main pendant Faction. 

Quatorze cents hommes qui venaient de donner en avaient vu fuir dix 
mille. Cette journée mémorable prouve que Kigaud eut été invincible 
s'il était demeuré toujours à la télo de ses troupes. Ses longues abA 
senccs de larmée feront naître dadVeuscs trahisons, et de funestes di« 
\isions parmi ses lieulenans qui voudront tous commander les uns aux 
autres. Lesofiiciers s'étaient couverts degloirg; tous les soldats avaient 
été des héros, et les recrues^ avaient rivalisé d intrépidité avec les vé- 
térans. L'armée du Sud avait perdu 200 hommes , et celle du Nord 
plus de mille. 

Dessalines eût été écrasé, si le colonel Faubert avait pu donner i 
la tête des 400 hommes qui formaient l'aile droite de Tarmée du Sud. 
Egaré pendant la nuil dans les bois de Thausin, par dts guides infi« 
dèles, il tomba au milieu des bataillons ennemis. Il y eut un grand 
carnage dafis l'obscurité ; les troupes du même parti no se recon- 
naissant pas s'entre-égorgérent ; ce n'était qu'un cri dans les trou« 
pes de Dessalines répandues au-delà du Grand Goâve , - Faubert ! 
Faubert ! des demi-brigades du Nord s'entre-chargérenl avec fureur. 
Faubert eut son cheval tué sous lui ; fait prisonnier pendant un 
moment, il fut délivré par Jn.> Louis François, oflicier noir, un de 
ses chefs de bataillon. À onze heures du soir , il se replia vers les 
élabiissemens de Thausin ; et à la pointe dujour il alla occuper le Grand- 
Gpâve qu avait abandonné Dessalines. Rigaud en attaquant avec trop 
de précipitation, ne voulant pas attendre le signal dont il était convenu 
avec Faubert , n'obtint qu un demi succès. 11 ordonna à celui-ci de 
rentrer a Thausin où était réunie son armée. Brave soldat, mais mau- 
vais chef d armée, il partit pour les Cayes où l'appelaient toujours s^s 
plaisirs. Voila I homme auquel était confié le sort do toute la popula- 
tion de couleur. Toussaint fnis^ut preuve de talent quand il disait: 
Morrsieur Uigaud me convient pour faire la guerre ; Dieu m'en garde 
de le faire arrêter! si je le faisais emprisonner sa caste trouverait fa- 
cilement un clit'f qui vaudrait mieux que lui. 

Dessalines vint réoccm^er le Grand Goàve et les deux armées^ demeu- 
rèrent en présence , se livrant chaque jour à des escarmouches. Tous- 
saint profitait des fautes dé Rigaud pour instruire et discipliner ses 
tioupes. 

Dessaliues sans perdre un instant fit venir des pièces d'artillerie d^ 
Léogane , et assiégea régulièrement le retranchement de Thausin qu'il 
çanonoa avçc activité. AàQ biockaus répondit énergiquement à soQfeu» 



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350 _ HISTOIRE D*HAiTi. — ( 1799 y " 

Des le lendemain ta famine se fil sentir el à Thansîn et au blockausf 
les barges du Sud formées en deux escadres, la division rouge et Ist 
division bleue , commandées par le capitaine Panayoly , ne pouvant lut- 
ter contre les gros navires de guerre de la Itépublique , cessèrent d'ap- 
provisionner l'armée de Rigaud. 

Touiîsainl ordonna au clief de l'escadre républicaine, le lieutenant de 
vaisseau Lacroix, d'aller bloquer les Cayes. Lacroix monté sur la goélette 
de lEtat le Vengeur, partit avec son escadrille. Le 20 Août, il arriva à la 
bauleur du cap TiJjiiron, el jela Tancre. Un bâtiment anglais de 32^ 
canons, le 5o/<>6qy, capitaine Pojntz, l'attaqua et le captura, ainsi que les 
navires sous ses ordres. H y en avait quatre moniés par 520 hom- 
mes : V Egyptien de 20 canpns, le Vengeur de 16 canons , une corvette de 
18, et un brick de 16. Ces bâtimens conduits à Kingston de la Ja- 
maïque j furent condamnés et vendus. Toussaint envoya à la Jamaïque 
un parlementaire chargé de réclamer ces navires, attendu, disait il , qu ils 
n'avaient p^int été armés contre le pavillon britannique, mais bien con- 
tre les rebelles du Sud , et que tous les peuples civilisés devaient s'en- 
tendre pour écraser les révoltés. Ses démarches furent infructueuses. 
Le gouverneur anglais lui (il répondre que ces navires portaient le 
pavillon français et qu'ils étaient par conséquent de bonne prise. 

Pendant cet intervalle , Dessalines dirigeait une attaque générale con- 
tre l'armée du Sud. Il établit un mortier contre Thausin ; mais les 
canons du blockaus le démontèrent. Une de ses colonnes passa par 
le rivage delà mer, pour occuper le sommet du Tapion qui dominait 
le blockaus; cette colonne fut arrêtée el culbutée par le colonel Gef- 
frard. En même Hemps Toureau sortit des relranchemens dB Tbausia 
contraint par ses troupes que la faim tourmi^ntait. L'armée du Nord 
fut enfoncée et mise en déroute. Dessalines talonné par Faubert aban- 
donna le Grand-Goâve et se relira à Papette qu'il fortifia. Les guer- 
riers du Sud trouvèrent au Grand Goâve beaucoup de munitions débou- 
che que I ennemi avait éKé forcé d'abandonner. Le retranchement de 
Papette était protégé par le bateau le Général Dessalines cl plusieurs, 
autres bàtimcns de guerre, sous les ordres du chef d'escadre Gottineau.. 
L'armée du Sud s'ébranla pour enlever cette position, après être sortie du- 
Grand-Goâve. Toureau conha à Pétion le commandement de i artille- 
rie. L'élan des Rigaudins fut arrêté par le feu vif et mi urtrier et de 
Papette et de Tesciàdre. Pétion, au milieu de la mitraille , fit avancer 
ses canons sur le rivage, les pointa contre les navires ennemis et ea 
éteignit' le feu. Indigné de la mollesse de Tiyjreau , il avait pris sur 
lui de faire agir l'armée- Il lança l'infanterie contre les relranche- 
mens , les enleva è la baioneltc , et poursuivit i*ennemi , en le talon-^ 
nant jusqu'à Bellevue dont il s'empara. 

Le découragement et la terreur étaient tels dans Tarmée du Nord 
que le général Dessalines avait déjà ordonné d'évacuer l'Âcul et Léoga- 
ne sur le Port-Républicain. Toutes les femmes . avaient été mises en 



« ■ 

» 

HISTOIRE d'iiâiti. — ( 1739 ) 351 

réquisition pour transporter les munitions et Iralnef les pièces d'ar- 
tillerie. Si Tadjudant général Toureau avait voulu profiter de sa victoi- 
re, il fût entré au Port- Républicain , peut-être sans coup férir. Mais 
il nr)ontra de Thési talion ; Tarmce en fut indignée; elle demanda a 
grands cris à marcher contre l'Acul que Tennemi n'avait pas encore 
abaudonné. Toureau fut contraint de céder au vœu de ses troupes. 
Il couHa à Pétion un faible détachement avec ordre d'attaquer J'Acul 
par les hauteurs de cette position. Pétion rencontra un poste enne- 
mi qui arrêta sa marche. Il fit savoir à Toureau qu'il allait enlever 
ce retranchement avant d'assaillir TAcuI. Mais colui-ci lui e\|)édia 
l'ordre de rentrer à Bellevue. Ce fut en vain que l'armée demanda à 
continuer ses succès. Toureau expédia à Laplume un courrier qui lui an- 
nonça qu'il pouvait se maintcnirà TAcuI contre leipiel il ne dirigerait au- 
cune attaque 9 et qu'il ne demeurait lui-même dans les rangs de Rigaud 
que pour favoriser le triomphe des armes de Toussaint Louverture. Ce fut 
le premier acte de la trahison de Toureau, trahison^ qui ne sera' dé- 
couverte qu'à la (in de la gui^rre civile.^ Cette petite armée du Sud, 
belle et aguerrie ne s élevant qu'à -2,000 hommes environ, qui avait vu 
fuir devait elle dix mille soldats , se trouva tout à coup arrêtée dans sa 
marche triomphante. Si le général Rigaud avait été à la tête de ses 
troupes, dirigeant lui-même les opérations, avec le courage qu'il avait 
déplo)'é aux batailles de Thc'^usin et du Grand Godve , il serait déjà 
entré au Port Républicain. Mais par une inconcevable hésitation , il ne 
\oulut pas, lui si audacieux, pousser ses conquêtes au-delà dcLéoga* 
ne , déclarant qu il s'en tenait au commandement que lui avait confié 
Hédouville. Toussaint général en chef de la colonie, nommé par le 
Directoire, ne Teût jamais souflerl indépendant de son autorité. Il de* 
\ait, une fois la guerre coinmencée, s'efforcer d'écraser son rival. 

Pendant cet intervalle Toussaint Louverture conduisait avec vigueur 
la guerre du Mole St Nicolas. Il se trouvait aux Gonaives où il ordon- 
na l arrestation de la plupart des mulâtres en état de porteries armes 
qui n'étaient pas dapsses troupes. Beauqpup échappèrent à la mort soit par 
la protection des blancs leurs pères, soit par rhumanitédu g'*"' Moyse. A 
Léogane Dessalines en sauva un grand nombre, malgré les fureurs de 
Dieudonné Jambon qui les poursuivait avec le dernier acharnement Plu* 
sieurs jeunes gens de couleur qui avaient été, déjà conduits au lieu du 
supplice virent en^lui un libérateur. Il enrôla dans la 4.' demi-brigade 
sa favorite dont il avait été le colonel tous ceux qui allant à la mort, 
démontraient de T intrépidité. Il disait à celles de leurs mères qui ve< 
naient le prier de ne pas en (aire des soldats : Ne pas les enrôler , 
que Dieu m en garde 1 faime mieux qu'ils soient soldats que fusiitk. 

Toussaint partit des Gonaives pour le Môle. Quand il arriva près 
du Gros Morne, il tomba dans une embuscade que Golart avait établie. 

* Traditions haïtiennes* Les officiers do cette époij[ue rapportent ce fait , ht 
plupart. 



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# 



352 HISTOIRE dVaiti.— ( 1799 > 

II essaya plusieurs feux ; robscurUé de la nuit favorisa son éva^ 
sîon. Il revint sur ses pas et alla établir son quartier général dana 
les montagnes des Xahos, d'où il dirigea les opérations de l'ar- 
mée du Nord. Le 19 Juillet 17U9 , il lança une proclamation qu'il 
adressa aux citoyens composant la garnison du Môle ; il leur pro- 
mit d'oublier le passé, s'ils s'empressaient de se soumettre aux ordres, 
du général Glervaux ; il les menaça, s'ils agissaient autrement, de les 
bloquer par terre avec une forte armée qui s'avançait contre eux , 
d'après les ordres de l'agent Roume; il leur annonça que le traître 
nigaud avait été mis hors la loi par l'agent du Directoire qui repré- 
sentait la France à St. Domingue. 

Il Ht marcher contre Golart , mon seulement les lroupo,s régulières; 
sous les ordres de Moyse et de Glervaux , mais encore les Miliciens dvt 
Limbe, de Plaisance, d'Ënilery , du Gros-Morne, du Port Margot , da 
Borgne, du Gap Français et de la plaine du Nord. 

Le colonel Maurepas commandant du Port -de Paix, quoiqu'il fut as* 
sailli de toutes parts par les bandes de GoJart, Qt plusieurs sorties qui 
furent heureuses. 

Pendant ce temps , le général Moyse ^ à la tète de la 5e. et de: 
nombreux cultivateurs armés, atteignit le Portde-Paix , et attaqua 
les bandes de Golart avec une rare opiniâtreté. U les. battit et les 
dipersa dans les bois. Golart alla se retrancher à Jean - RabeL 
Après avoir entièrement dégagé le Port de Paix , Maurepas exer- 
ça de cruelles vengeances sur ses prisonniers: il les fit attacher 
à la bouche des canon^ et enlever par la mitraille. Ge fut ainsi 
que périrent un jeune capitaine de gendarmerie nommé Gouliot, Jac- 
ques Laciente, riche bourgeois de la ville , et Lazarre, officier de: 
dragons, hommes de couleur.' 

Le général Glervaux, de son c()té, était arrivé devant Bombarde, ave<> 
la 6/ demi-brigade. 11 envoya auprès des révoltés qui s'étaient renfermés 
duns le iori de ce bourg un parlementaire qui leur offrit une amnisr 
tie , s'ils voulaient se rendre. Getté offre fut repoussée. Glervaux donna 
un formidable assaut à la redoute qui fut enlevée après une énergi- 
que résistance. Il s élança ensuite dans la route nommée la Gorge,, 
se dirigeant sur ' le Môle St Nicolas, laissant derrière lui tous les postes 
ennemis. 

En même temps Moyse partait du Port de- Paix , enlevait Jean-Rabet 
sur Golart, et dispersait les bandes ennemies dans les mornes du 
Moustique. Golart se retira dans des montagnes rocailleuses, inaccessi- 
bles djoù il ne sortira qu'en 1802, à l'arrivée de 1 expédition de LeclerCy 
s^ès avoir soutenu avec succès , pendant trois ans , les efforts des, 
troupes de Toussaint Louverture. 

Moyse continuant ses succès, marcha sur le Môle St-Nicolas, ensui- 
^ant les côtes de fer. Gette ville fut étroitement bloquée par terre par 
les divisions Glervaux et Moyse, et par mer, par Taviso de TEtat 



I 



S10TOIRE d'hàiti,<*— ( 1799 ) 35$ 

V En font Prodigue ^ par le Vengeur et par plusieurs autres navires. 
Bellegarde et Renaud Desruisseaux commandaient dans la place. Elle 
fut vigoureusement canonnée pendant plus d'une semaine. La garnison s# 
montra bientôt découragée ; elle ne put résister plus longtemps aux trou- 
pes innombrables qui Tassaillaient. Renaud Desruisseaux et Bellegarde 
Ëerdant Tespoir de pouvoir supporter un assaut général que préparait 
[oyse, se jetèrent dans un canot pendant une nuit obscure, avec le trésor 
de la ville , passèrent au travers des bâtimens qui bloquaient )e port , el 
arrivèrent sains ei saufs dans le Sud. Le jour qui suivit leur départ^ 
l'armée du N<N*d pénétra dans la place; plusieurs centaines de têtes 
tombèrent sous la hâch^ des vainqueurs : tous ceux qui avaient /em- 
brassé avec chaleur la cause de Rigaud furent exécutés* Les partisans 
.de Toussaint qui avaient été emprisonnés furent mis en liberté. La 
tranquillité rétablie par la terreur régna dans la ville que la plupart 
des nabitans avaient abandonnée. 

Dans les premiers jours de Septembre » Toussaint se rendit pu Môle 
Saint-Nicolas. Le 25 Fructidor an 7 ( 41 Septembre 4799 ), il y pu* 
blia une proclamation dont les principales dispositions peignent bîeQi 
Je délire politique dont tous les espiits étaient alors saisis. Apr^ 
avoir annoncé aux habilans de la colonie que les complices de Belle* 
|[arde et de Golart avaient été jugé>«, punis de mort ou eqaprisonnés.g 
après avoir conseillé aux citoyens de se prémunir contrôles insinuations 
perfides du traître Rigaud, il rappela que celui ci s était emparé par 
trahison du Petit-Goâve et du Grand Go^ve -qu'il avait ensanglantés par 
l'assassinat de leuRs habilans sans distinction d'âge ni de sexe, qu'il 
avait ensuite ourdi une conspiration aj^ant pour but d'enlever le Nor^ 
^t rOuest à Tautorité. légitime, et que ses agens avaient parcouru tous les 
quartiers pour faire entrer les hommes de couleur dans son parti. Il 
pcétendit que ces agens disaient aux uns que les mulâtres étaient fes 
^euls véritables habitans de St-Domingue, que cette ile leur appartenais 
de droit , que la France appartenait aux blancs, la Guinée aux nègres^ 
iBt qu ils^ devaient en conséquence seconder le général Rigaud qui 
voulait leur assurer Tentière poss ssion de leur pays ; qu'ils disaient 
aux autres que Toussaint voulait exterminer la caste des mulâtres, et 
je rendre indépendant de la France, k l'aide des Anglais^ qu'il vou- 
lait replonger les noirs dans lesclavage , et que les blancs qu'il favori* 
sait étaient les plus cruels ennemis des noirs. 

Après avoir exposé les moyens qu'avait employés le général de coup- 
leur pour le renverser et se mettre eu son lieu et place , Toussaint 
annonça, avant de terminer sa proclamation , que le traître Rigaud jugeant 
les aoirs d'une nature inférieure à celle des miU4lres . s'était cru 
humilié d'obéir à un nègre, et ne s'était soulevé contre Jui que pour ce 
motif. U ajouta que les blancs et les ix>irs avaient été' créés au con« 
traire pour s'aimer , et que les hommes de couleur seuls pouvaient redon« 
1er leur «nion^ ^'il avait eu il est vai àm négociations ^^w kgéait^ 



I 



S54 njtsToiRE d'haitî. — ( 1T99 ) 

• 
Maitland, mais que c'était en qualité de général français, dans le but 
de prendre des arrangemens avec le consul des Etats-Unis, relatifs à 
la sûreté du cabotage qui allait s*établir d'un «port à Tauire'de la co- 
lonie en faveur des Américains. Après avoir avoué ses négociations 
avec les Etats-Unis , il déclara que du reste , il ne devah compte de sa 
conduite qu'au gouvernement français et à son agent , qu'il n'avait ja<* 
mais sonffé à détruire les hommes de couleur, puisque dans le Nord 
et dans 1 Ouest il leur avait confié des arrondissements, qu il avait dans 
son armée un grand nombre de mulâtres ; et qu'il n'avait pu songer 
à l'esclavage des noirs puisqu'il était noir. 

On doit se rappeler que le général Hédouville en s'embarquant pour 
France avait déclaré que Toussaint Louverture sétait entendu avec les 
Anglais et le gouvernement fédéral des Etats-Unis pour se rendre in- 
dépendant de la France. Il était parfaitement instruit de toutes ces 
négociations secrètes. Quelles pouvaient être du reste ces négociations 
avouées par Toussaint lui-même qui n'en fit jamais part au Directoi- 
re? Le général Pamphile de la Croix raconte dans ses mémoires que 
le général Boudet lui communiqua au Port Républicain , en 1802 ^ 
toutes ces négociations , monument de la trahison de Toussaint, envers 
la France. 

* Toussaint ne fit jamak égorger les femmes et les enfans de couleur 
comme l'avançait Rigaud ; il était dans le vrai, quand il annonçait dans ses 
proclamations qu'il ne porta jamais aucune attention au caquet des fem- 
mes, quoique plusieurs eussent trempé dans des conspirations. Mais 
!i fit immoler sans pitié tous les partisans de Rigaud , en état 
de porter les armes. Quant à ce dernier il ne fit jamais assas- 
siner des individus de tout âge et de tout sexe; ses troupes en entrant 
au Petit-Goâve, pillèrent la \iile; mais elles n'égorgèrent aucun citoyen. 

Pendant l'insurrection du Nord , le général Rigaud qui aurait pu 
forcer le cordon que Dessalines avait établi de Léogane aux montagnes 
de Jacmel , ne sortit pas des Cayes où il oubliail les soins de la guer- 
re, livré à de frivole^ occupations. Dessalines profitant de son inac* 
tion , exerçait ses troupes aux évolutions militaires , et les préparait à 
vaincre un ennemi jusqu'alors très-supérieur en tactique. L'armée du 
Sud retranchée à Bellevue, se contentait den venir de temps à autre 
à quelques escarmouches avec les troupes du Mord, et le général Rigaud, 
sans avoir fait une diversion favorable à Bellegarde et à Golart par 
une marche audacieuse sur le Port-Républicain, les avait laissé écraser, 
comme il avait été spectateur tranquille de l'embarquement d'Hédouvîlle. 

Le décret de Tagent Roume par lequel il fut mis hors la loi Taffli- 
geait profondémefft. Cependant dans une de ses proclamations il s*écrie< 
5 Que Tait le citoyen Roume ? spectateur de t^nt d'horreurs , il les sanc- 
5 tienne par son silence ; l'agent de la République n'est plus que 
« Tagent de ses ennemis; il n'écrit et ne parle que pour prostituer 
< i^oa langage et son autorké à leurs vues criminelles. ^ 



BitToiRK d'hâiti. — ( I79â ) $BB 

:L^ageQt lorn de gdrder une sorte de neutralité avait déclaré que ler 
départemenis demeurés fidèles à la République marcheraient contre 
les rebelles du Sud. 

Pendant ce temps les hommes de couleur du parti de Rîgaud con- 
tinuaient à être égorgés sur tous tes points de la colonie; un grand nom- 
bre de noirs succombaient avec eux. *■ 

Robe découvrit h TArcahaie une conspiration ; fl y restait soixante 
bommes de couleur cautionnés par des blancs et par des noirs. 
Robe les fit arrêter et ensuite embarquer pour Léogane. Quand ils 
arrivèrent dans le canal de la Gonave on lia le père avec le fils, 
le frère avec le fit^re ^ on les tua â coups de baîonettes malgré leurs 
lamentations ^ et on jeta leurs c^avres à la mer. Ceux qui fu« 
rent épargnés furent débarqués à Léogane f Dessalines se hâta 
de les incorporer dans la S? et dans la 11* pour les mettre désor- 
mais à Tabri de tout supplice. Les hommes de couleur arrêtés au 
Uirebalais^ aux Verrettes et dans tout le quartier de TA rtiboni te étaient 
réunis au fort Williamson ^ à Textrémité de la plaine des Yases à 
TArcahaie , où ils étaient immolés» 

Toussaint était parti des Gonaïves pour se rendre au PortRépubli"* 
caiiî. Quand il arriva à la batte Aubry , près de la Source Puante, il 
tomba dans une embuscade que lui avaient dressée quelques honrimes de 
couliur. Sa voiture qui le précédait et qui ne contenait personne 
fut transpercée de balles. Aussitôt qu'en apprit cette circonstance à la 
Croix'des-Bouquets , un bataillon- dé la 10* qui y était en garnison 
arrêta une trentaine de mulâtres. Le capitaine Péronneau, homme 
de couleur , rallia autour de lui soixante des siens , attaqua avec 
impétuosité, dans le grand chemin du Port-Républicain, les soldats^ 
de la 10* qui escortaient les prisonniers , délivra ces derniers la plu* 
part et se jeta avec eux dans les bois. Les bourreaux des hom- 
mes de couleur de Léogane étaient un mulâtre nommé Morba, et le 
colonel Dieudonné Jambon , noir. Une forte désertion avait lieu dam 
Tarmée du Nord retranchée à Léogane. Toussaint ne Tarrêta qu'en 
faisant décimer les déserteurs en présence de Tarmée. 

Nous avons vu que pendant les luttes dqDessalines et de Rigaud au. 
Grand-Goâve, Une insurrection formidablç avait éclaté dans le Noixl 
contre Toussaint Louvertuie, que celui ci avait été obligé de détacher 
de son armée de Léogane près de dix mille hommes qui, sous les 
ordres de Mo^se, avaient été envoyés dans le Nord, et que Rigaud demeu- 
rant toujours aux C^yes , n'avait rien fait pour profiter de cette eircons* 
tanee SI favorable au succès de sa cause. De son coté , le général Bauvais, 

* Un blanc nommé Talbette était charge de les noyer dans le canal de 
l'Aroaliaie. Il déclarait san^ cesse qu'il avait été pris en réquisition par le 
peuple pour saigner les mufàtres. Le poignard dont il se servait étau cae- 
. 6é i il oisait ^u'il l'avait brisé dans les côtos des hommes de couleur. 



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156 . BI8T0IRS d'haiti. — ( m% ) 

commandant de Tarrondissement dd lacmet., observait juiqii'alors la 
plus parfaite neutralité , quand ii aurait pu , coiumenous l'avons d{| , 
•n marchant sur Léogane , écraser Dessalines dont les forces élaient 
considérablement affaiblies. Sauvais avait découvert,, de paH etd'aur 
tre, de grands torts. Toussaint né Tavait pas inquiété ^arce qu'il 
levait bosoin de le ménager, ajant dans Rigaud un ennemi déjà assei 
redoutable. Gomme général en chef de la colonie , il eût ^u lui or« 
donner de marcher contre le Sud; mais il n'ignorait pas ses sympa- 
thies pour la cause de Kigaud devenue celle des hommes de couleur; 
aussi Tattaquera-t il dès qu'il se sentira assez fort pour le vaincre. 

Bauvais tenait sous son influence le fameux Lamour Dérance, guer- 
rier sauvage, indomptable, qui occupait, dans l'indépendance detoutie 
autorité, les montagnes du Grand Fond, de la Selle et du Bahoruco« 

De nouvelles circonstances qui' se présentèrent contraignirent Bau« 
irais à prendre une attitude moins indifTérente. Lafortune et Gonflant^ 
guerriers de la trempe de Lamour Dérance , exerçaient dans les quar 
tiers de la Vallée et de Baynet , non loin de Jacmel , une puissante 
influente sur les cultivateurs , et reconnaissaient l'autorité de Bauvafs. 
Au commencement de la guerre civile, Rigaud s'apercevant que la neu* 
tralité de Bauvais lui deviendrait fatale , avait envoyé à Baynet un 
commandant du régiment de Faubert, nommé Bouchard, avec ordre 
4'exciter à la révolte le quartier de ce bourg. Gonflant et 
Lafortune, sur les instigations de Bouchard, avaient pris les armes; 
mais Bauvais était parvenu à éteindre celte révolte. Mais vers fe tni- 
lieu de Septembre , pendant que Toussaint portait les derniers coups 
à l'insurrection du Nord, le général Dessalines qui n'ignorait pas l'al- 
ternative pénible dans laquelle se trouvait Bauvais, surtout depuis te 
massacre de tant d'hommes de couleur , avait envoyé de Léogane 
à la Vallée, des émissaires qui avaient $[agné Lafortune et Gonflant 
au parti de Toussaint Louverture. Ges deux chefs de bandes s*insui^- 
gèrent de nouveau contre le général Bauvais , assaillirent, à la tête de 
20Û hommes, 1 habitation Desnoyers qu'occupaient trente gardes natio* 
naux commandes par le capitaine Ridoré, et l'enlevèrent. Ridoi^é ren- 
tra à Jaemel , après avoir fait une honorable retraite. 
. Aussitôt après cette nouvelle révolte , Bauvais ordonna au chef âk 
bataillon Auger, jeune homme de 23 ans, d'aller rétablir la traii- 
quiliité dans le quartier de la Vallée , plutôt par la persuasion que 
par la force. Auger , à la tète d un délachement de la légion de rOii- 
est , atteignit les quartiers en insurrection , et fit d'inutiles efTortk 
pour entrer en négociations avec les révoltés. Lafortune, à la tête de 
plus de 1600 cultivateurs armés , l'assaillit avec vigueur, abattit ses plus 
Braves grenadiers , et le contraignit à rentrer à Jacmel, Dessalines ap- 
éprenant que cette nouvelle insurrection acquérait de rimportance, 
en avertît Toussaint ifOuverture qui lui ordonna d'envoyer piusieuM 
ttomi-brigadee d»w les montagnes de Jacmel. Néaomoios le giâéraî é& 



nha, tûut tn lui recommandant c)q respecter la neutralité de Bau^ak 
^quî q'était qa'appareote , soupçonnait-il, lui ordonna de prendre det 
mesures telles qu il ne put communiquer avec le' département du 
Sud, S'il venait à se prononce^ en faveur de Bigaud. Il lui enjoi- 

J[nit aussi de susciter à Bauvais toutes sortes d'embarras, afin qu'il, 
ùt contraint de se prononcer pqur Tun ou l'autre des deut partis ^ 
car la neutralité de ce général mattrie de Jacmel , la clef du départe» 
ment du Sud , devait rendre la guerre éternelle. 

pjessalin<?s açhemioa sur T^vet, dans l'arrondissement de laemel,|6 
colonel Nérette, à la tète de la 11* demi-brigade, après lui avoir or^ 
donné de soutenir secrètement Lafortune et Gonflant. Quand Nérett« 
pccupa rbabitation Tavet, Bauvais se plaignit de ce qu'on ne res*. 
pectait pas Je territoire compris dans l'étendue de son cpmmandjement; 
pe^ndant il n avait rien à reprochera Toussaint auquel lé Directoire 
avait confié le commandement en chef de la colonie. Quoiqu'il vou* 
lût éviter d'en venir aux mains avec To.us^i^t Louverture , il résolut 
cependant d'empêcher les quartiers en insurrection de communiquer 
avec (%ux qui lui étaient demeurés sonmis. U ordonna au colonel Bi« 
rot, commandant de la légion de rOuesjt, d'aller s'établir près de 
l'babilation Dénard avjec un bataillon de son corps , et plusieurs dé- 
tacbemens de gardes nationaux des quartiers de la Grande Riviîrê 
M du Coq qui chaM. Le chef dfi bataillon Tacp commandait ces dé* 
.tacheajieos. Birot se trouva campé non loin de Tavet qu'occupait la 
ir jdemi- brigade. Pendant plus de vingt jours, les troupes du Nord 
et celles .^e Jacmel denoieurèrent en présence sans en venir auxmains. 
Enfin le colonel fiirot cédant à Timpatience des soldats de la légion 
ée l'Ouest, et outrepassant les ordres de Bauvais, s'élança à la tdt« 
de 600 grenadiers contre Nérette qui commandait à 3000 hommes^ 
Nérette s'était admirablement bien retranché à Tavet. Le bataillon delà 
légion de l'Ouest attaqua l'ennemi avec tant d'impétuosité i la baïo* 
' nette, qu^il le culbuta en moins d'une demi-heure et enleva la positipja. 
daile. fit cependant une honorable retraite, et se retrancha à unelie^a 
4e Tavet , $ur l'habitation Bérpc , dans l'arrondissement de Léogaii)e«j 
llirot avait perdu 4S0 hommes , et avait été bles$é dans l'action.' 
Au lieu de conserver sa conquête , il se retira à Dénard d'où il s« 
. rendit seul à Jamcel , après .a\oir confié le .bataillon de la légion f|a 
l'Ouest au commandant Gautier. Le général Bauvais condamna^ 
conduite ^qui devait attirer sur Jacmel toutes les fqrces de Toussait^ 
Louverture ; car celui-ci loin d'avouer qu'il soutenait Lafortune et Con« 
fiant, avait déclaré qu'il n'avait envoyé Nérette à Tavet que pour étouffai^ 
la révolte de ces deux chefs d'insurgés. Quand il passa en revue qqçl* 
^uesjoura après, Ja garnison .de , Jacmel , il dit à Birot: < Colonel, vou^ 
€ serez l'auteur des malheurs qui vont nous assaillir. Quant à moi ^ 
« je ne redoute pas les canons du général Toussaint ; mais je crains leg 
€ iiwreHrs de la guerre civile. Je déplore la perte de mes braves q^^ 



S3a BISTOIEB B*HÂITL— ( 1799 ) 

€ ont péri à Tavet. La guerre va éclater entre moi et le général 
« Toussaint; pbise à Dieu que ^ous fassiez votre devoir, comme je 
n ferai le mien. » * 

La lutte était effectivement devenue inévitable entre Jacmel et l'armée 
du Nord. Dès que Toussaint apprit le résultat de la bataille de Tavet, 
il s'écria que Bauvais s'était aussi soulevé contre la République. Il se 
hâta de faire descendre du Nord vers le Sud toutes les troupes qui 
avaient combattu Golart et qui avaient pris le Môle. Ces renforts 
portèrent à plus de 25,000 hommes l'armée de Dessalines campée 
dans le quartier de Léogane. 

Nérette reçut l'ordre de réoccuper Tavet ; le commandant Gauthier 
sortit de Denard , Tàttaqua , fut repoussé avec une perte considérable. 
Peu de jours après, Gauthier apprit que de nouvelles troupes, sous 
les ordres du colonel Henri Christophe, étaient en marche pour renfor. 
cer Nérette. Il abanSoima Denard et alla s'établir à Arreguy , à trois 
lieues de Jacmel. Dès Tors Bauvais se résolut à supporter un siège 
régulier ; il prit en conséquence toutes les mesures de salut public que 
nécessitait la circonstance. 

Pendant cet intervalle , l'armée du Sud retranchée à Bellevue près de 
Léogane ne s'ébranlait pas*. Maintenant que Jacmel s*était prononcé 
contre Toussaint , le général Rigaud pouvait encore se porter à la tète 
de son armée toujours pleine d'enthousiasme, livrer bataille à Dessali- 
nes , le battre et entrer au Port Républicain. Mais il perdait toujours un 
temps précieux en divertissemens , donnait des bals , et oubliait 
entièrement les opérations militaires. Par son inaction il avjit donné à 
Toussaint le temps d'ctoufler entièrement l'insurrection du Nord, de 
désarmer dans cette province et dans 1 Ouest toute la bourgeoisie de cou- 
leur , d'instruire et de discipliner ses masses , et de réunir entre Lé- 
ogane et Jacmel toutes ses troupes. 

Le fort de Bellevue était commandé par le eolonel Tessier et par Re- 
naud Desruisseaux. En attendant de nouvelles instructions de Tous«« 
saint , Dessalines se contentait d'en venir quelquefois k des escar- 
mouches. Vers la fin de Septembre, et dans les premiers jours d'Octo-> 
bre , il eut sans cesse le dessous dans ces engagemens. 

Charles Bélair , colonel de la 7' demi-brigade, commandait à Milton, 
un des camps du cordon de TOuest. Un bflicier noir de l'ar 
niée du Sud , déguisé en cultivateur , se présenta à ce camp , et lut - 
annonça que ses frères fatigués du joug de Rigaud , désiraient lui li- 
vrer une forte position qu'ils occupaient à deux lieues dans Tintérieur 
des terres. Charles Bélair accueillit cet avis avec empressement et sui*' 
vit le cultivateur , accompagné de quatorze odSciers de son corps, au 
travers de petits chemins presque impraticables, lis atteignirent un 

T 

t * Renseignemens fournis à un de nos amis par M. Longchamp de . Jie« 

«9^1. ^ . ) 



HlflTOIRE -D'HAITI.— ( 1790 ) MO 

camp bien fortifié dans leqnel Ton ne pouvait entrer qu'à l'aide d'une 
échelle. Le cultivateur leur dit que ceux qui voulaient se rendre ne 
s'étaient renfermés dans cette redoute avec leurs femmes et leurs en« 
fans qu'aûn de pouvoir se défendre contre les attaques des rigaudins. Char- 
les Béiair ordonna à ses officiers de monter dans le fort. A peine y (ix* 
rent-ils arrivés, qu'à un signal donné, des soldats armés de sabres, se 
levèrent et les firent prisonniers. Charles Béiair n*eut que le temps 
de se sauver, après avoir abaltu d*un coup de pistolet un mulâtre 
qui allait l'arrêter. Les prisonniers furent envoyés à St. Louis du Sud 
où ils demeureront dans les cachots jusqu'à Is^fin de la guerre civile. C^-* 
pendant une lettre de Dessalines à Christophe, annonce laussement qu'ils 
furent tons impitoyablement égorgés. « Que le trait marqué de perfidie, 
ft vous fasse connaître l'ennemi quefiO«H ay<Mis à combattre, la scélératesse 
c des hommes de couleur delà partie du Sud, et ce que nous avons lieu 
« d attendre d'eux. Des êtres aussi barbares sont indignes de par- 
« don ; la vengeance nationale doit s'appesantir sur eux , et tous les 
€ bons citoyens doivent se réunir en muasse pour les mettre hors 
c d'état d'eifecluer leurs projets destructeurs. Il est bien malheureux 
€ que les hommes de couleur de la partie du Sud ne se comporteni 
m pas comme ceux qui composent l'armée dont le commandement 
« m'est coniié, et principalement les braves officiers des sans-culottes, 
€ qui ont su, par leur obéissance, leur bonne conduite et leuccou*^ 
c rage , mériter l'estime et la confiance du général en chef, la mien- 
« ne et celle de tous les bons citoyens. » 

Le corps des sans-culottes ou la 4* demi-brigade était composé en 

irrande partie de jeunes gens de couleur. Plusieurs écrivains ont 
aussement avancé que Toussaint n'avait jamais ordonné le mas« 
sacre d'un grand nombre d'hommes de couleur ^ et que Dessaline4 
outrepassant les instructions qu'il en avait reçues, s'était de sonprO' 
pre mouvement livré à ces horreurs. L'extrait que nous venons de 
citer, publié à f époque dans le bulletin officiel de St. Domingue, prou- 
\e assez les sympathies de Dessalin^s pour la caste de couleur. Ce 
général ne laissa jamais lui échapper une occasion de faire l'éloge des 
mulâtres d« son armée. 

Dans les premiers jours d'Octobre, l'agent Roume confirma le gé- 
néral Dessalines dans le commandement en chef de l'armée de l'Ou- 
est, et le général Moyse dans celui de l'armée du Nord. Les blancs 
européens de ces deux départemens, qui jusqu'alors, étaient demeu- 
rés neutres, furent tout à-coup contraints par Toussaint Louverture de 
s'armer et de marcher contre le Sud. Ils renforcèrent l'armée sous 
les ordres de Dessalines de plus de deux mille hommes. 

La redoute de Bellevue, qui depuis plusieurs moi^ arrêtait les mas* 
ses de Toussaint, n'était armée que d'une pièce de 24 et de deux 
pièces de 8. Le 30 vendémiaire (22 Octobre), Dessalines l'attaqua vi* 



V 



fCO BlBtdlRfi D*HATTt.-2.( 1799. ) 

goufeudetn^rtf. Là garni&oti, animée par Tessier, répondit énêrgîqae* 
ment , pendant toute la journée , à une batterie de plusieurs pièces de 
8, qui dominait le fort. Le lendemain (1er brumaire) , Dessalines or- 
donna à Cotineau, commandant de l'escadre du Nord, de s'approcher 
de la fortification , à la portée du canon. L'escadre, après s'être em- 
bossée, commença le feu à six heures du malin, pendant que leê 
batteries de terre jouaient avec vigueur Le colonel Tessier, 
exhortant ses soldats à ne pas fléchir, fut emporté par un bou- 
let. Le feu fie cessa qu'à midi de part et d'autre. La garnison de 
huit cents hommes s« battit vaillimment ; elle était assaillie par plus 
de vingt mille hommes. JJne des pièces de 8 du fort Bellevue fut dé- 
montée par un boulet de 44. L'escadre fut renforcée par trois canon- 
tiières sous les ordires du lieutenant de vaisseau Laci^oix. A deux heu- 
res de relevée du 23, elle recommença son feu contre le fort, et contre 
les embuscades que les rigaudins avaient établies sur le rivage de la 
bier. Les batteries de terre tonnèrent aussi de leur côté. Le canon ne 
eessSidese iâire entendre qu'à la fin de la journée. La garnison de Belle- 
vue avait éprouvé de grandes pertes ; elle était privée de munitions de 
bouche. Il lui était devenu impossible de résister plus long-temps. Dans 
la nuit du 23 au 24 Octobre, le colonel Renaud Desruisseaux évacua 
Bellevue, après avoir envoyé au Petit Goâve les munitions de guerre, el 
avoir enterré sa pièce de 24 dont il cassa un tourillon. 11 se retira 
au Grand Gaâve près de l'adjudant-général Toureau , sans avoir été in- 
quiété par l'ennemi qui ne s'était pas aperçu de sa retraite. Le 24 
au point du jour le chef de bataillon Ferbos annonça au commandant 
Bousselot que Bellevue avait été évacué. Dessalines en fut aussitôt 
averti. Il entra dans le fort et fit brôler tous les cadavres qu'il j 
trouva. Il lança en même temps contre l'ennemi deux-cents hommes 
que le colonel Faubert écrasa près du Grand-Goâve. Faubert évacua 
la position qu'il occupait à ))uit heures du malin , passa audacieuse* 
toent sous le^ j^eux de Vennemi , et rentra au Grand Goàve. 

• 
Le lendemain (25 Octobre) , Dessatines détacha de son armée un ba- 
taillon de la 7.* sous les ordres do commandant IMontauban, et l'eiH 
voya attaquer une faible position qu'occupaient des cultivateurs , a trois 
lieues de Betle\ue. Le capitaine Marinier , à la tète de 400 hommes, 
découvrit les rigaudins , à la pointe du jour. Ceux ci en apercevant 
l'ennemi Be replièrent sur le poste Thouin , oii ils l'attendirent. Mais 
ils furent culbtïtés. Montauban prit ensuite possession de ce fort où quel- 
ques ofliciers du Nord avaient été faits prisonniers. Le colonel Charles 
Bélair se rendit maître de tous les camps établis parallèlement au fort 
Bellevue, qui formaient le c<»rdon des troupes du Sud. Dessalines fit 
démolir et incendier toutes ces fortifications. 11 confia la garde da 
camp Milton aux miliciens de Léogane , et réunit à son corps d'armée 
las 7/ etS."* demi brigades qu'il avait lancées contre l'arrière ^arde dm 



RI9T0IRE D^BAITI. — ( 1799 ) S61 

tronpes do Sud; pour tenir en échec l'armée de Rigaiid retranchée 
lu Grand Goâve , il fortifia le camp Papette. 

. Dans les départemens.du Nord et de TOuest, les hommes de couleur 
qui par faveur n avaient pas été égorgés et qui avaient été faits prisonniers, 
étaient livrés aux humiliations les plus ignominieuses et à toutes sor« 
tes de mauvais traitemens. On les conlraigiiail à suivre les demi bri 

Sades, par pelotons , sans chapeaux, nu pieds, en guenilles, sousie bâton 
es soldats noirs ; ceux qui osaient se plaindre étaient sur le champ 
fusillés. * La terreur était si grande que les journaux des dé[)arte* 
mens de VOuest et du Nord , ne prévoyant pas pour lequel des deux 
partis se prononcerait la fortune, transcrivaient les proclamations de 
Toussaint et rapportaient les faits sans oser se permettre aucune ré- 
flexion. ^ 

L'Agent Rourae fut effrayé des horreurs qui se renouvelaient chaque 
Jour de tontes parts. Il vit que les destinées de la colonie étaient com- 
promises , et il ordonna au colonel du génie Vincent de* s embarquer 
pour France en le chargeant d exposer fidèlement au Directoire Exé« 
cutit Tétat de la colonie. Vincent partit , ei les passions politiques se 
développèrent avec une nouvelle fureur. Déjà la révolution du i8 bru- 
maire an Vin (0 Novembre i7i)9) par laquelle Bonapartesesaisit du pou- 
voir s'était opérée. Lie gouvernement des consuls suivra i l'égard de 
St<Domingue la même politique que te Direcloii^. 

Toussaint n'ayant plus rien à craindre des Rigaudins du Nord , et 
certain de contenir les ^troupes du Sud dans les, limites du Grand- 
Goàve, ordonna à Dessalines de réunir sur un ^ul point toute son 
armée qui s'élevait alors à près de trente mille hommes , et d'aller as« 
siéger Jacmel. Après la chute de cette ville le département du Sud 
ne pourra p)us offrir une longue résistance. 

^ Dans les livres qui formeront le deuxième volume , nous raconterons 
le siège de Jacmel, la fin de la guerre civile, rembarquement de Ri- 
gaud, le triomphe absolu de ^'influence noire, et la domination de 
Toussaint Louverture sur toute l'Ile après la prise de possession de 
Sto Domingo. Nous verrons la constitution coloniale de 1801 qui fut 
presque un acte d'rndépendance , provoquer l'expédition française de 
d8()2 ; l'arrivée du génçral Leclerc , la guerre de trois mois et enfin 
la chute de Toussaint. Après ce dernier événement Tinflutnce fraa* 
çaise sera rétablie i St Domingue; toutes les p(»pulations ne demandant 
que la paix, se rallieront autour du nouveau gouvernement, heureu* 
ses de jouir des droits attachés à la qualité de citoyen français. Mais 
l'esclavage rétabli dans les colonies françaises, en exceptant toutefois 
la Guadeloupe et St-Dooiingue » par la loi du 20 Mai 1802 , la tentative 

* Dans la j^azette officielle de St-Domingue on lit l'ordonnance de Tous- 
saint , à la fin de la guerre civile , par laquelle ces humiliatioas et ces mau- 
vais traitemens csssèreau 



i 



868 HISTOIRE D^HAITI.— ( 1799 ) ^ 

du rclublisscment de Tancien régime dans noire pays, contraindront 
les noirs el les homnies de couleur à s'unir franehement, pour la pre- 
mière lois, contre l'ennemi commun. Ces hommes que Bonaparte 
voulait replonger dans la servitude ou la dégradation, prendront la dé* 
terminalion de vaincre ou de mourir , terrasseront leurs persécuteurs 
après une lutte sanglante et proclameront T indépendance d'Haîlî. 
Les hommes de couleur et les noirs comprendront alors qu'ils o'avaieni 
échappé les premiers à Tancien avilissement , les derniers a la servi- 
tude, que par Tunion franche et sincère qui avait existé entre eux 
pendant la guerre de Tindépendance. Pour effacer le souvenir de leurs 
TÎvalilés de castes qui avaient fait leur malheur , ils se confondront , 
jaunes et noirs, sous la dénomination d'Haïtiens. Le pa^^s /^éprendra 
donc son nom d Haïti : Hispatiola et St Domingue avait gémi sous la 
servitude; mais Haïti s était fait exterminer à la (in du XV siècle plu- 
tôt que d'accepter le joug d(2 l'Etranger. Le pays ayant conquis sa 
liberté priajiûve devait reprendre son ancien nom., qui rappelait un 

J peuple moins heureux , mais non moins héroïque dans sa lutte pour 
a liberté^ 



FIN DU .PREMIER VOLUME. 



IMOMS DES PERSONNAGES DONT IL EST FAIT MENTION DANS LE 4"" VOLUME, 
EN SUIVANT l'ordre CHRONOLOGIQUE DE 1492 A 1799. 



'0.0 



Christophe Colomb , blanc. 
Guarionex, aborigène d*kaiti jaune. 
Caonabo , caraïbe jaune, 
Béhéchio » aborigène â^ Haïti jaune. 
Aaacouna , id. 

Hyguanarna , > id. 

Rodrigo de Cordoue, blanc. 
Alonzo de Ojeda , ' id. 
Aguado , id. 

Barthélémy. Colomb , id. 
François Roidan ^ id. 

Mayobanex» abmgène d'Hj^îti jaune. 
Las Casas , blanc.' 

Bobadilla , id. 

Ovando , id.» 

Esquibel y id. 

Guorocuya , aborigène d^Haïti jaune. 
Cotubanaraa , id. 

Pedro de Cordoue , blanc, 
Garcia Loâisa, 'id 

Yelasquez, id. 

Hatuey , aborigine d'Haïti jaune. 
Albuquerque, blanc. 

Diego Colohib , id. 

Montesiuo , • id. 

Ximenes de Cisneroa» id. 
Zuazo 9 id. 

Henri , aborigine d'Haïti jaune. 
Valenzuela , 6/afic. 

Barrio Neuvo , id. 

John Haukins, id. 

Francis Drake , id. 

Noël d'EaombuCy id. 

Warner , id. 

Frédéric de l^lède. id. 
Wiihs , id. 

Levasseur , id. 

Pierre-le-Grand , id. 

Michel- le-Basqué » - id. 

Nau l'OIooais » id. 

Monbars ^ id» 

Morgan , id. 

Raust^t ^ id. 

f>X)geron ^ . id. ^ 



Delile , 


blanc. 


Pooancey, 


id. 


Padrejeaii , 


noir. 


Franquesnay , 


blanc. 


De Ciiâî?y , 


id. 


Sr- Laurent, 


id. 


Bégon , 


id. 


Dunins , 


id. 


Ducasse , 


id. 


Poinlis , 


id. 


Boissy , 


. id. 


Deslandes , 


id. 


Girard , 


id. 


Iberville , 


id- 


Choiseul Beaupré» 


id. 


Gabaret , 


id. 


D'Arquin , 


id. 


CharIes-de*Blénac , 


id. 


Châteaumoraud , 


id. 


Milhon-de-Sennevilie , 


id. 


De Sorel, 


id. 


Montholon» 


id. 


Champmélin , 


id. 


Desclierix » 


id. 


Mdkaudal , 


fiotr. 


De Noiivos , 


blanc. 


De Bongard , 


id. 


D'Enncry , 


id. 


Vallière . 


id. 


D'Ar^oul , 


id. 


De Beilecombe , 


id. 


Ls-P.pe de Rigaud , 


id. 


Santiago , 


noir. 


Don lijidor , 


bUmc. 


Ducliilleau » 


id. 


Laluzerne, 


id. 


Julien Raymond , homme de couleur. 


Malouet , 


blanc. 


De Peinier» 


id. 


Chesnau , 


id. 


Cainl>efort , 


id. 


Ferraud de Bandlères 


, id. 


Valentin de Cuiilon , 


id. 



Labadi# , 



hêmme de covdeur. 



«64 



HISTOIRE d'haITI. 



Mirenu ^e Si.-Merjr , hiane. 
Bacon de la Chevnlerie , id. 
Lacombe , homme dt covleur. 
Charles Laïueih , blanc. 

Gnrran Cou Ion , id. 

Lan hevèque Tbibaud , id. 
Daiigy, . id. 

Hanus de Jumécourt , id. 
Borel , \i, 

Datibonneau , id. 

'I hornas Miiiet , id. 

Briilley , id. 

Campan , id. 

Joiieiie , id. 

Maudiiii , id. 

Lavale Gripière » id. 

Proisy , id. 

Cad use h , id. 

Borde lier , id. 

6nlid0onnière , id. 

Le marquis de Slo-Domingo, id. 
Vmccni , id. 

Piervjlle , id. 

Codère « id. 

Labuiseonnière , honimê de couleur. 
Joly , id. 

Miiffcent , blune, 

Boisrorid le jeune , homme de couleur. 






BaiiTois, 
Ogé. 
Fieury , 
Guilon , 
Chavannefii , 
Sicard , 
Blanchelande, 
Don Garcia , 
Yicenie de Faora , 
Fieurieu , 
Rigaud , 
Bleck , 
Remaray , 
Faubert , 



6/afic. 
hoihÊne de couleur. 
id. 
hlanc. 
homme de couleur* 
bhne. 
id. 
id. 
id. 
id. 
homme de couleur. 
id. 
id. 
id. 



1 



Lefèvre Duplessis, blanc. 
Piochinat , homme de couleur. 



Jacques Ogé , 

Praloto , 

Madame Martin ^ 
. Village, 

Pierre , 
'\ 'Caradeux , 
" 'MerveiUère p 



id. 
blanc, 
blanche, 
blanfi. 
noir, 
blanc 
bUmc 



Buisson Dasâmrre^ homme de n\}îj^fff_ 
Poidson, Id. 

Renaud , ' id. % 

Feirier , id. 

Coimier, blanc. 

Lingiiet , id. 

Touséiaint Louverture, noir. 
Bouckman , id. 

Fiavilie , id. 

Thouzard , blane. 

Jearniot , noir. 

Cnndy , homme de couUi0, 

Odelucq , blane, 

Daverhoat, id. 

Rouvrai , id. 

Beugnet , id. 

Brian Edward, . id. 

Affleck , id. 

Jean François , novr. 

Biassou , id. 

Sulpice, bUmc. 

Casamajor , id. 

Bauvaie , hrtmme de couleur. 
Antoine Chanlatte , id. 

Daguin , id. 

Pierre Café, id. 

Marc Borno , id. 

Au bran , wÀr. 

Doyon , homme de couleur. 
Tessier , id. 

Peiion , id. 

Labasiille , id. 

Jn.-Bte. Bayer, id. 

Lambert y noir. 

Jn -Fçois Leapinaase, blanc 
Drouillard , id. , 

Tarbé Lamarre , id. 

Barthélémy , Aoinine de eouleir. 
Pierre Pèlerin , id. 

Jourdiu , id. 

Gérin , id. 

Roy de Kermeler „ blane. 
La pointe, homme de couleur» 
Gamot , bkmc. 

Lerembourgs , id. 

Borno alnè , homune de eouleur. 
Charles Haran , id. 

Louiti Bonneau , id. 

Cadet Chanlatte , id. 

Barthélémy Richiez, id. 
Bélanger» iiaac. 



RiflTOIRB DIRAIT!.' 



*u 



Guitlot , 
Dhèrison , 
Lahuproye^ 
Behagne » 
Girardin , 

Taillefer, 
8a vu I y , 



blanc. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
homme de couleur. 



Juste Chanlatie , id. 

^ Caradeux de la Caye , blanc. 



Glimonard, 
Mirbeck , 
Routne , 
Si. Léger , 
Raynal , 
Duplessis 9 
Der»prez , 
Manzeau , 
Builet , 
Bensière , 
Pdgeot , 
Cau'mol , 
Piool , 



id 

id. 

id. 

id. 
homme de couleur. 

id. 

id. 

id. 
blanc. 

id. 

id. 

id. 

id. 
Augustin Rigaud , homme de coulewr. 
M<ingiii d'Ouence, blanc^ 
RomuiDe Rivière , homme de couleur. 
Breton de la Viilandri , blanc. 
Philibert , noir. 

Cameau , blanc. 

Canteloup , * id. 

Gauthier » homme de couhur. 

Jn. Bie. Leroux , id. 

Hyacinthe Dacoudray , noir. 
Gtrion Banto, . id. 

Halaou , id. 

Bébé Couturd , id. 

Bèlisaire , homme de couleur. 
Dutnontellier, blanc. 

Cambis , id. 

Fontanges , id. 

Viari, homme de couleur. 

Dubourg , id. 

Chanlatte jeune» id. 

Léaumont » blanc. 

Villaret Joyeuse , id. 

Roy de la Grange » id. 
Bernard, homme de couleur. 
Dësombrage » blanc. 

Lachaise » id. 

Charbon , id. 






I 



Noël Bras» noir 

Rochefoniaiue » blane^ 
Hontemps, id. 

Thiballier , id. 

Fleury , id. 

Armand , noir. « 

Saint Cyr , blanc. 
Esmangart , id. 

Serrey , id. 

Descher , îd. 

Thiolière , id. 
Walsh, id. 

Doyie , îd. 

Sainson , id. 

Giles Béiièihe^ noir. 
Maréchal » id. 

Sonihonax , bkme. 
Polvérel, id. 

Ailhnud, id. 

Tarbé , id. 

De^parbè^ , îd. 
D'Hinisdaly id. 

Defasaiie , id, 

Montesqaiou Fesenzac, id. 
Casiing , homme de couleur. 

Laveaux , bkinc. 
Cagnon, id. 

Poitou y id. 
Viineur Rocbambeau , iJ. 
De Coigne, id. 

Binsse, id. 

Gervaie, îd. 

Baillio » id. 

Fonmier , id. 

Verneuil , id« 

Délai re , td. 

RaboteaQ , id. 

Page , id. 

RruUey , id. 

Thomany , ^ noir. 

Lafuge » blanc 
Dessourcea , id. 

De Russy', :d. 

Nully , id. 

Dubuiddon , id. 

Despré^ , id. 

Dégoutta, id. 

Harty , id. 

'Delavnlf îd. 

Dufay, X id. 
Delp4«li 9 îd* 



i 



HISTOIRE D'HAITI. 



V ft«i^*#. 


HOW^. 


v"^«' *»•** 


biotx. 




noir. 

blanc. 
id. 
id. 



i^h trette de la Colioière^ id. 
Pençiky • id. 

Mftsse , id. 

lini bot Roger, Iwmme de eouleut. 
Potuig'non , blanc. 

Thoiiiite Millet , id. 

Le bftion de Vahière , id. 
Don Gaspnr de Casshëola, id* 
Coshr Galband , id. 

Tanguy Laboissière , id. 
Gauvain ,. id. 

Mars Belley, notr. 

Pierrot , id. 

Bnptiste T^veillé ^ id. 

Martial Besâe , homme de co^jleur. 
Villaie , id. 

Bédos , blanc, 

Macaya , natr. 

La feuille , blanc, 

Pierre Michel , notr. 

Paul Lafrance , id. 

Barihé'emy , id. 

Zèphii'in , id. 

Tabert , • blanc. 

Débrosse , id. • 

Duperrier, * id. 

Domingeau , id. 

Ignace , homme de coideur. 

Lallemand , blanc, 

Vergniaud , id. 

D'Aimonaa , id. 

Verne t , homme de cotUeur, 

Gnianibois , notr. 

Monlalembert , blanc. 

Deafourneaux , '^* , 

Blanc Cassenave, homfne decoideur. 
Lnlly , id. 

Badulet , blanc. 

Mouchet y id. 

Toureaux , homme de couleur», 

Lefraoc , id. 

Laba(u( , blanc. 

'Mills, homme de couleur, 

Buâsière Laforest ^ id. 

FerboB , id. 



J.-Bfe; Mêdor, noir. 

Mon brun , homme de couleur^ 

Simondès y blanc. 
Venant de Cliarmilly , id. 

Wiiliameon , id. 

Fa va I ange» , id. 

Whitloke, id. 

Ford , id. 

Jeanton , id. 

Chaunieitd , id. 

O Tare! , id. 

Beiiib'le, id. 

Jaunas , id. 

Deneux , id. 

Joseph , notr. 

Dan^ey , blanc. 

Morin Duval , id. 
ChrJHiopbe Mornny , notr. 

Lbfund y id. 
Joacin-Gnrciade Moreno, blanc. 

Thomas Brisbane , id. 

Rebelle , homme de couleur. 

Labissonnière , id. 

Briquet , id. 

Morin , id. 

Dieudonné , noir. 

Pompée , id. 

Tibi Salec , blanc. 

Smidi , id. 

Porche! , id. 

Simon Gaularf ^ notr. 

f)ubois y blanc. 

Dc\ahe , homme de couleur. 

Caze , blanc. 

Clervcaux , homai^ de couleur. 

Cabrero , blanc. 

Léonard , id. 

Thomas , id. 

Peiou y id. 

Rowley , Id. 

Adeion , id. 

De^pinviile , id.. 

Spenjpf , id. 

John Gervid , id. 

D.irtigtienave , homme de couleur., 

Charles Gray, blanc. 

Larue , id, 

Juan Delmonle , id. 
Don Gabriel Arisiizabal^ id. 

Joaquin de Saso » id. 

Velasquez ^ id. 



1 



■ISTOIRt D HAÏTI. 



S6T 



i 



Victor Hugues , bîanc. 

Thuiioi ,. blanc. 

Aniur f ^ id. 

Vcidier , id. 

Lacroix d'Eure et loir, id. 

Talon , id. 

JNoailles, id. 
LovAssenr de la Sarthe , Id. 



Jankcs Graut, 

l^lorshead , 

Caulûeds, 

Kerras , 

Markhara » 

De Sevré, 

Villeneuve , 

Jean Cécile, 

Liiistont , 

Quèné , 

Bonnet , 

Whyie , 

Daniel , 

Hanipfield , 

Slaîse y 

Béranger , ' * 

Goy , 

Oau , 

Cliambon , 

Blain de Villeneuve , 

Leménie de Marnrié , 

Dulan d'Âllemans, 

Pe Villars , . 

De Buffon , 

Contadee , 

Ségur de Montaaeau 

Montalet , 

Duquesne , 

Cocherel , 

RHinville ^ 

Fourmy , 

Kousselot , 

Malouet d'Alibert, 

Duranton, 

Ronceray , 

Viiicendon Dufonr, 

L'abbé de la Haie , 

Chevalier, 

Danty , 

Buire , ' 

Moiigpot , 

Moyee , 

Cagoet , 



id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

W. 

noir, 
homme de couleur. 

id. 

id. 
blanc, 

id. 

id. 

fwtr. 

blanc, 

id. 

id. 

id. 

id, 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

îd. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. ^ 
homme de couleur, 

id. 
blanc» 

id. 

noir. 

id. 



Monralvo, 

Cé^aire , 

Noël Aiihaud , 

Horneck , 

Saiiinrilia, 

Coudelet , 

Guy, 

6<)briet L?»fond> 

Bonbon Hugueville, homme de couleur. 

Archin , rd. 

id. . 



bfanc^ 
noir. 
id. 
blanc. 
id. 
homme de couleur. 
id. 
noir. 



La on se , 
Couyo , 
Buret , 
Ba8(]niat , 
Prosper , 
De Pêne j 
Lnval , 
Aithur Dubourg , 



id. 

id. 

id. 

id. 
fr'ano. 

id. 
. id. 



Maihnijn Greffîn , homme de couleur. 

Lachimbo , 

Lo.i:) Pelii, 

Rauz , 

Salomon , 

CluneR, 

Haniilton , 

La pot y , 

Briidfoidy 

Baskerville , 

GeflVanl , 

Lèveillé, 

Rodrigue, 

Deâ!?aline3 , 

Chridiophe , 

Desroiileaux , 

Duinénil , 

Maurepas, 

Bonaventure, 

Perroud , 

Bloiideau , 

Barihélciny , 

Thomas André, 

Charles, 

Jèràvne , 

Flevand , 

Jean François Dupuy, 

Médor , 



Laurent , 
P.iparel , 
De Bruge, 
Lefranc , 
Casa Galvo, 



blanc. 
id. 
id 
blanc. 
id. 
id, 
hon*me de couleur, 
blanc. 
id. 
homme de couleur 
noir, 
blanc, 
noir. 
id. 
Kd. 
homme de couleur» 
noir. 
Id. 
btanc. 
homme de couleur, 
noir. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
id. 
blanc» 
homme de cWeitr. 
blanc» 



i 



S68 



HI8T011UE d'hAITI. 



Jean Joanton, 

Flavillc, 
Conkbnrn, 
DesageneauT, 
Viial Grandet , 
Lacroix , 
Laplunie y 
Bnudoin ^ 

Titus , 
Sala, 
F^»niaine , 
Edouard , 
Gallev, 
Fresbiiiet , 
Ignace » 

Romain , 

Lerhat , 

Thévcnard, 

Oiraiid » 

Leblanc , 

Kerverseau , 

MiidoHday , 

Le Borgne y 

6(1 guet , 

Juste Bigot , 

Gignoux f 

Boyé, 

Li^ladam , 

Theveneau , 

Menior , 

Ncël Prieur , 

Annecy , 

Vermond , 

Rey DelmaSy 

L'^chnpeiie , 

Garigou , 

RèJiéum » 

Rickei , 

Malouba , 

QmvuI Monville Salomon ,hom. de caul. 

Bnillon Liberta, blanc, 

John Graves Simcoë, id. 

Birgoingy id. 

Villere , id. 

Marec , id. 

Lerointe» id. 

Ësi'hasseriauz , id. 

Riou , id. 

Ferary, id. 

Bcld , id. 

Bourd«a4k TOise, id*- 



hînfic 
noir, 
blanc. 

id. 

id 

id. 
noir. 
bl(me. 

noir, 
blanc. 

noir. 

id. 
blanc. 

id. 

noir. 

id. 

id. 
blanc. 

id. 

id. 

id. 
• id. 

id. 

noir, 
homme de couleur, 
blanc. 

id. 
homme de covkur» 
blanc. 

noir. 

id. 

id. 
blanc. 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 
noir. 



Harty , hlam, 

Doulcet , id. 

Lanvlère, id. • 

Corbin , id. 

Trnguet » id. 

Degresfi , id. 

Talbot, id. 

Breiiil , id. 

Màiiiand » id. 

Churchill , id. 

Peyster, id. 

Ponciiet , . id. 

O'Gotman, id. 

Manonx, id 

Conchet^ , Id. 

Clay, id. 

D'Alzuna^ id. 

Rodtuieb^ id. 

Congrai ^ id. 

Mouchet 9 id. 

Pierre Louis Diane, notr» 

Vincent , filooe* 

Henri Christophe ^ noir* 

Ango, blane^ 

De Peut Thouars, id 

Renaud Der uisseauXi homme âe eouleimr* 

Charles Bélair» 

Pascal , 

Sallenave, 

Hèdonville, 

Kerertskoff, 

Bbnchei, 

Datztm , 

Michuud^ 

Pitraille , 

Nesbit , 

G irnol , 

Pomet Delpech» 

H>iin, 

Ni^'hiingal, 

F-^ière , 

Mî^fifnan , 

D Hébécourt , 

G» M ni, 

Voilé , 

Bellegiirde . 

Golart , 

Wairin , 

Dalban y 



noir. 

Uonc 

id. 

id. 

id. 

homme de emdewt* 

blanc 

noir., 
blâme. 

id. % 

id. 
• id. 

id. 

id. 

id/ 

id. 

id. 

id. 

id. 
homme de cauUÊtr. 

noir, 
blanc. 

id. 



Quayer Larivièrei homme de 






flISTOIltfi D*HA1TI. 



se» 



Raffin , 
Manigat , 
Fringnat , 
Romain , 
Madame Moise^ 
Clbàrles Zamoce « 
Adrien , 
L' Africdin ^ 
Oasson , 
Griybre, 
Tcssier , 
Vi verger^ 
Férou , 
Compas , 



blanc, 
noir, 
id. 

ilane. 
« noire. 
id 
• id. 
id. 
^ blanc, 
id. 
homme de coideur. 
id. 
id. 
id. 



Jn.-LouidFrançois ^ noir. 
Nérette , homme de couleur. 

La for tu ne , noir. 

Conû.Mïi^ id. 

•Gaspard , blanc. 

Delva , noir. 

£lov Boudeau , homme de couleur. 
Merea» » id. 

ëorgella , blanc. 

Vaillant Gabart, kêmme de couleur. 
Dommage , noir. 

Guerrier^ id* 

Montauban « ki. 

Charles Bétair , id. 

Ferbos, homme de cotAcwr» 



La rose , 
Bodin ^ 
Vaval , 
Jean Cécile, 
Marlignac, 
Octavins , 
Gérin , 
Constantin ^ 
Bazin ^ 
Laroque y 
Cameau -pèr», 



id, 
id. 
îd. 
M. 
id. 
id. 
id. 
id. 
noir, 
homme de eouleur, 
id. 



Sannon Dami<e4[28, 



id. 



Mondés! r Das^e , homme de couleur. 

Valmé Cortane , 

Maurice Debelier, 

Laboulette Labouie » 

Sézaire Savary , 

Jn.-Philippe Dupin , 

Jean Pierre , 

Robe , 

Boyer ^ 

Segrétier , 

Blancliet , 

Bellegarde^ 

Noël , 

Golart^ 

Caze , 

Isaac Lou^erture, 

Placide Louverturei 

Blanchard \ 

Allier ^ 

Maçon , 

Lacroiic » 

Poyntz , 

Couliot , 

Jacques Lacieùte^ 

Lazarre ^ 

Talbette , 



id. 

id. 

id. 

id. 
noir» 

id. 

blanc. 

homme de couleur* 

id, 

id. 

id. 
moir. 

id. 

blanc, 

.noir. > 

hcmme découlé 

blanc. 

id. 

homme de coûtée. 

blanc* 

id. 
homme de couleur. 

id. 

id. 
blanc. 



Péronneau^ homme de couleur. 
Morba , . id. 

Dieudonné Jambon , $wir. 
Lamour Dèrance , id. 



Bouchard , 


hotnme de eouleuT. 


Augcr , 


id. 


Biiot , 


id. 


Taco, 


noir. 


Ridoré. 


homme de couleur* 


Gauthier » 


id. 


Marinier ^ 


noir, 



I 



l 



I 



ERBATA 



Page f3 
« 30, 
« 66. 



u 



Au heu de lire et de nègres, lisez cl nègres. 

fJsez après cuirs de bœuf, cacao. 

An lieu de auseitôi après cinquf^Dle cavaliers, Itsez: nussj'o' 
cette nouvelle, cinquante etc. 
* 70. Après àeiie plHa.-e : " Elle s'ouvril le 1er Aoûï , sousIapN'riH 
du marquis de Caduscli ardent conire-révoiulionnaire, ei ee r o| 
animée du môme esprit d'iniiêpendnnce que rassemblée df > 
Marc ; *^ transportez l'alinéa qui suit : Nous avons vu qu«* d' 
l'assassinat de Maudu4t, Blanchelande s'éiait reiiré au Cn^ il v] 
la capitale de la colonie. Comme cette ville était bien pl< 
aux idées nouvelle» que la province de l'Ouest, l'assembU'- < 
niaie , par un décret en daie du 9 Août , s*y transporta, i .lli 
pela à sa barre le gouverneur Blanchelaride , etc. 
Ad lieu de : se déterminèrent à soulever les ateliers de la p 
du Nord etc. lisez: s'étaient déteruiinés avant la réunion v.w 
de la plupart des députés sortis de Léogane , à soulever i^ 
liers, etc. 

Au lieu de: et en mémer temps que Thouzard s^emparait àv 
bé ; lisez: et eii même temps Thouzard s'emparait du Liiubj 
Les Suisses étabnt des noirs et des mulâtres csclavesi, doi.ic^ *< 
de blancs qui avaient été armé^^ par leurs maîtres contre I .< \ï' 
lYfes de couleur, après le conibat de Nérette. lU se joignte:-. 

afFranchis pendant la bataille de Pernier. Ce fut alors qti':-:; 

reot des hommes de couleur le nom de Suisses. 

Au lieu de : excita d'annuler le concordat lisez : excita à «muM t 

Au lieu de :j par celui du décret du Coui^eii d^Etat , Usez ;)«' r 

loi du 20 Mai 1802. 

Au lieu de : envoyé ses blessés sur l'Anse-à-Veau , lisez : à 

à-Teau. 

Au lieu de : voir à la fin du volume ; lisez : k la fin du 

volume. 

Au lieu de : d'où il devait e'entbarquer ; lisez : où il devait sVn < \! 
Lisez partout Toureaux au lieu de Taureaux. 

Au lieu de : archives particuliers ; lisez : particulières. 



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Ci 



76. 

77. 



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99. 


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140. 


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145. 


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299. 


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347. 



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The boirower must letum uns item on or before 
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