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in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/histoiredubeaujo01laro
TIRE A PETIT NOMBRE.
HISTOIRE
DU BEAUJOLAIS
ET DES SIRES DE BEAUJEU,
ârlivio
DE L'ARMORIAL DE LA PROVINCE,
Par le Baron Ferdinand de La Roche La Carelle,
ClicviilitT \if% OriIrL'S
de la Lésion il'lloiiiii'ur et di? Maire.
TdMK I.
IMPRIMERIE DE LOUIS PERRIN, A LYON.
M n c c c I. 1 1 1
MAR 9 1950
I51ZE
H35T03Ri; iOrBEArjOlAi?^ par Mie Baron Feniina/iJ de la Roche laCARKLI.E
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TABLES.
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TABLE DES MATIERES
DU TOME PREMIER.
PagM.
Préface 1
De l'origine du Beaujolais et de ses premiers seigneurs. . 15
Généalogie historique des sires de Beaujeu 37
Omfroy ou Humfred îd.
Béraud ou Bérard 38
Humbert !<"• 41
Hugues I»'' 42
Guigues 44
Guiciiard I" 45
Humbert II 46
Guichard II 50
Humbert III 64
Humbert IV 74
Guichard III 78
Humbert V 88
Guichard IV 107
Seconde race de Beaujeu, issue des comtes de Forez et
d'Isabelle de Beaujeu IJ5
Louis 117
Guichard V dit le Grand 1 30
Edouard I" 154
Antoine 269
Edouard II 175
Sires de Beaujeu de la maison de Bourbon 193
IV TABLE.
IVlgrs.
Louis 11 de Bouriiou 194
Jean de Boui-bon .... 204
Ch<irles de Bourbon 211
Jean II de Bourbon 221
Charles de Bourbon , cardinal 226
Pierre II de Bourbon 227
Charles III de Bouibon , connétable 229
Louise de Savoie , duchesse d'Augoulêine 248
Union du Beaujolais à la couronne, de 1531 à 1560 2'>9
Louis de Bourlion-.Monfpensier 258
François de Bourl)on-.Montpensier 269
llenri de Bourbou-Moutpensier 27 1
i\îarie de Bourbon-lMontpeusier 277
Anne-Marie-Louise d'Orléans , duchesse de RIoutpeusier ,
dite Mademoiselle 278
Maison d'Orléans 283
Philijipe d'Orléans , Monsieur 284
Philippe 11 d'Orléans , régent du royaume ..... id.
Louis d'Orléans 285
Louis-Philippe d'Orléans id.
Louis-Philippc-Joseph d'Orléans 286
Pièces jusliticalives 287
Privilèges et franchises de Villefranche (texte latin). 289
Dispositions nouvelles insérées dans la charte de confirma-
tion de 1331 309
Privilèges de Villefranche (traduction) 315
Traduction des dispositions nouvelles de 1331 . . . 330
Confirmation de 1376 337
Concession et vente du droit de chasse aux habitants du
Beaujolais (1436) 339
Permission accordée à la ville de Villefranche de décorer
ses armes du chef de ISourbon (1514) 343
Traduction de la transaction passée entre les curés de Ville-
franche et les frères religieux de Roncevaux, en l'aunée
1239 3'.5
TABLE. V
Pages.
Ancienne bulle en faveur de la chapelle de l'Hôpital de la
bienheureuse Marie de Ronceval, en 1521 351
Lettre de Pliilippe-le-Bel à Guichard de Beaujeu , relative
à l'extradition de quelques faux mounayeurs (1304). . 355
Don fait par Edouard de Beaujeu de toutes ses terres au duc
de Boui-bon (23 juin 1400) 357
Statuts et ordonnances concernant l'office du maître des
eaux et forêts (1407) 363
Lettres-patentes de François !<"' portant séparation des pays
de Dombes et de Beaujolais (avril 1543) 371
TABLE DES MATIERES
DU TOME SECOND
Pagts.
Avertissement 1
Etat alphabétique des paroisses du Beaujolais, avec la men-
tion et succession des fiefs qui se trouvaient en chacune
d'elles 5
Liste générale des officiers du bailliage de Villefrauche . 271
Baillis 273
Lieutenants généraux et juges d'appeaux 276
Lieutenants particuliers civils et criminels 280
Lieutenants particuliers assesseurs 281
Avocats du roi 282
Procureurs généraux devenus plus tard prociu-eurs du roi . 283
Liste générale des dignitaires du Chapitre de Beaujeu. . 287
Doyens id.
Chantres 289
Sacristains 291
Recherches sur l'emplacement de Lunna , par M. d'Aigue-
perse 293
Armoriai du Beaujolais 319
TABLE ALPHABETIQUE
DES FIEFS DU BEAUJOLAIS.
AVEC L'INDICATION DES PAROISSES DANS LESQUELLES
ILS ETAIENT SITUES.
Fiefs. Paroisses.
Ailly Parigny.
Alloignet St-Mamcz.
Apagnié Lantignîè.
ArLain Amas.
Arcis Oiiroux.
Argigny Charantay.
Armas Charantay.
Aubépin (!') St-Just'la-Pendue.
B
Bacot St-Christophe .
Barre (la) Limas.
Batailly Cublize.
Bàtye (la) Lacenas.
Bâtye (la) St-Etienne.
Belair Pommiers.
Belleroche Limas.
Bessey (le) St-Just-d' Avraj .
VIlj TABLE
Fiefs. Paroisses.
Bionney . Lacenas.
Boistrait St-George.
Bonvers ou la Talonière . . . Aiguillj.
Bornât Notrc-Damc-de-Boisset.
Bosquinzon Charantaj.
Bost(le) Blacé.
Bost (le) ou la Coiul .... St-Nizier-d'j4zergues
Bouidon Lainure.
Bourrons (les) Fauxrenard.
Boyé tM. Gresle.
Brameloup Amas.
Brégades Antplepnis.
Brosse (la) St-Ignj .
Brosse (la) Fauxrenard.
Brouillât Chamelet.
Bniyih-e (la) Aigueperse.
Bullavent (le grand) .... Denicè.
Dudavent (le petit) Deiiicé.
Bussicre (la) Notre-Pame-de-Boisset.
Bussière (la) Joux-siir-Tarare .
Bussy St-Georg
But (le) Ecoches.
Bultcry Imj .
Buysante Limas.
C
Cerbué Perreux.
Chaise (la) Odenas.
Cli.datofray Mardore.
ChamLosl Chntnhost-prcs-Chainelet.
Cliameyré St-Jean-la-Bussicre.
Champrenard . Blacè.
Chai'mes Denicè.
se.
DES FIEFS. IX
Fiefs. Parjîsses.
Chai'tonnière (la) Oïdllj.
Chassignoles Chénas.
Chàtelard (le) Lanciè.
Chéron (la) St-Bonnet-le-Troncj .
Chervé Ferreux.
Chevagny-le-Lombard . . . Aigueperse.
Cliézeaux (les) Fauxrenard.
Claveyson Clavej soles.
Cloux (les) Odenas.
Colombier St-Jalien.
Colonge(la) ManJore.
Colonge(la) Âff'oux.
Combe Germolles.
Combe-Robert Charnelet.
Corcelles Corcelles.
Corcelles St- Etienne.
Coste (la) ou la Versonnière. . St-Just-d' Âvraj .
Courceiiay Mardore.
Coust (la) St-Fincent-de-Boisset.
Coust (la) Enieringes.
Crozet (le) Joux-sur-Tarare .
Cucurieux St-Cyr-de-Favière.
D
Déaulx (le) St-Julien.
Ecluse (1') St-Jean-d'Jrdière.
EdcIos (1*) Seuelinges.
X TABLE
Fiefs. Paroisses.
Epeisses Cognj.
Epeisses-le-Bois Cogny .
Escrots Les Etoux.
Espinace (1') St-Cjr-de-Falorges.
Essertine Montagny.
Estieugue Cours.
Farge (la) Propilres.
Farges Comhres.
Favette (la) Chambost-près-Longessaigne.
Fief (le) Chcnas.
Fontcrenne ou Moulin-au-Comte. Bèligny.
Foiitcreniie ou la Butiniùre . . f'illié.
Forest (la) I^J'
Fores l (la) Thizj.
Forges (les) Fourneaux.
Forges (les) Fougj.
Fougères Poulie.
Fougères St-Nizier.
Frouges Dompierre.
Gardette (la) Graniiris.
Garets (les) Bèlignj.
Gondras Grandris.
Gorze Germolles.
Goulillard St-Jean-la-Bussière.
Goutte; (la) ytmplepuis.
Graudpré Fleurye.
CrosLois Ouroux.
DES FIEFS. X]
H
Fiefs. Paroisses.
Héronde (1') Odenas.
Jasseron St-Jean-d' Ardière .
Juliénas Juliénas.
Lacarelle Onroitx.
Laissus f au. r renard.
Lapra Montagny.
Laye. St-George.
Laye Taponas.
Laye .St-Fincent-de-Boisset.
Lestrette Lestrette.
Limas Chamelet.
Longeval Chambost-près-Chamelet.
M
Magny Cublize.
Malleval Denicé.
Malleval Les Etoux.
Marsangue St-George.
Martelet (le) Pommiers.
xij TABLE
Fiefs. Paroisses.
Martizière ( la ) Bellei'ille.
Mai'torey Mardore.
Marzé St-George.
Marzé" Glaizé.
Meyré Cublize.
Milly St-Etienne.
Montagny Amplepuis.
Montanette Mardore.
Montauzan t.acenas.
Montchervet St-George.
Moutchervet Ainplepuis.
Montchervet Les Sauvages.
Montclair Pommiers.
Montclair f'ernaj.
Monteinod Charantaj.
Montât (le) Mardore.
Montet (le) Cuhlize.
Montfiiol Chamelet.
Montgaland Laj .
Montgiraud Denicè.
Montgré Glaizé.
Montolieu Oiiroux.
Montoux St-Uncent-de-Beins.
Montpiney Ranchal.
Moiilieiiard Pouill) -sous-Charlieu .
Moutromant Denice.
Montruchct Cours.
Morland Coutouvre.
Motlie(la) St-f'incent-de-Boisset.
N
Nagu Ouroui.
Noirie (la) . Joux-sur-Tarare .
DES FIEFS.
XIl]
O
Fiefs.
Ornai son
Paroisses.
Roiino .
Palud(la) . .
Qidncié.
Paquelet (le)
Clavej soles.
Pardon .
Amenas .
Pas (le) . . .
St-Lager.
Passinge.
Fourneaux.
Péray (le) .
Laj.
Perrière (la)
St-Lager.
Perriers (les) .
Chenelette.
Pesselay.
Lay.
Pierre (la) .
Burette.
Pierreux
Odenas.
PierreClant .
Cognj.
Pierrefitte .
Ronno.
Piloaière (la)
St-Lager.
Pinay (la) .
Laj.
Pizeys .
St-.Jeaji-ci Àrdicre .
Place (la) .
La Grès le.
Plaigne (la) .
Dracè.
Plaines (les)
Pradines.
Plantigny .
Montnielas .
Plalière (la).
Thizj.
Pollet . .
. Bélignj.
Poncié .
Fleur je.
Porte (la) .
. St-Nizier.
Pougelon .
. St-Etienne.
Poyet (le) .
Pouillj-sous-Charlieu
XIV TABLE
Fiefs- Paroisse».
Pradines Pradines.
Pramenoux St-Nizier.
Prés (les) Les JrdilLat^
R
Raffinière (la) Cublize.
Razay (le) Ouroux.
Rébé y^mplepuis.
Ressein Naudax.
Ressis St-Cjr-de-Falorges.
Rey (le) Les Sauvages.
Rigaudiôre (la) St-Jidlcn.
Roche (la) Lanciè.
Roche (la) ...... Fauxrenard.
Roclie (la) Jidtié.
Roche (la) St- Julien.
Rochefort j4mjjlepuis.
Roncy Parigny.
Ronfia Laj.
Ronno Ronno.
Ruyère Monsols.
St-Fonds Glaizè.
St-Julieu Sl-Mamez.
Si-Maurice St-.fust-d' Avray.
St-Try Pommiers.
Salagny f auxrcnard.
Sales Sl'Just-d'.'h'raj.
Sallaiii Chamelet.
DES FIEFS. XV
Fiefs. Paroisses.
Salle (la) Lantigniè.
Sauzey (le) Avenus.
Serfavre Cognj,
Sermezy Charantay.
SoUy Cognj.
Sou (le) . Lacenas.
Talencé Denicé.
Taney Cerciè.
Terrière (la) Cerciè.
Thil (le) Fauxrenard .
Thoiry Lacenas.
Thulon Lantigniè.
Tour (la) Denicé.
Tour (la) Propières.
Treschin Joux-sur-Tarare .
Trezette Thizj.
Vaillant Les Ârdillats.
Valencienne St-Just-cV Avraj .
Vallière St-George.
Valorges Pradines.
Valorges Naux.
Vareilles Laj.
Varenne (la) Coutoiivre.
Varennes Quinciè.
Vaurien Chamelet.
Vavre Julliè.
Vauxrenard Glaizè.
Xvj TABLE DES FIEFS.
p. - Paroisses.
Vauzelles St-Bonnet-des-Bmjères .
Veimerie(la) Pouilh-le-Châtel.
Verpillière (la) -^«T-
Vierre (le) Odenas.
Villion Belleroche.
Yjj.y Clacejsoles .
Vougy rougjr.
Vuril Charantay.
M
PREFACE.
Lorsque j'ai entrepris de rechercher et d'écrire
l'histoire des sires de Beaujeu, je ne me suis point
dissimulé les difficultés que j'aurais à vaincre, non
plus que l'aridité du travail auquel j'allais me livrer.
La réalité a cependant surpassé mon attente , et
mon œuvre a dû s'en ressentir. Sans guide au
milieu d'un dédale d'opinions diverses , obligé de
coordonner des dates souvent incertaines et quel-
quefois inadmissibles, de détruire des erreurs qui
avaient acquis par le temps la force de choses jugées,
j'ai cependant dii tendre à un seul but, arriver à la
vérité, et tâcher de la démêler au milieu des lé-
gendes et des récits contradictoires dont elle était
enveloppée. Ai -je réussi à la présenter pure et
exempte de toute erreur? je n'ose l'espérer; et
cependant je l'ai recherchée scrupuleusement.
!i PREFACE.
aucune difficulté n'a pu me rebuter. J'ai consulté
tous les auteurs chez qui j'espérais trouver quel-
((ues renseignements ; j'ai exploré toutes les biblio-
thèques, tous les dépôts qui pouvaient m'offrir quel-
ques documents . j ai enfin puisé avidement à
toutes les sources qui m'ont été offertes. Soutenu
dans mon travail par le désir de déchirer le voile
qui enveloppait de son ombre les premiers temps
de notre histoire, j'ai recherché, étudié, comjiaré,
et mon courage n'a pas failli. Etranger à l'art d'é-
crire , j'ai consigné ici simplement et conscien-
cieusement le résultat de mes recherches. Tout
travail historique fait ainsi a son prix. Le mien
n'eùt-il d'autre mérite que celui d'avoir planté
quelques jalons à l'usage de ceux qui viendront
après moi, je serais encore heureux de l'avoir ac-
compli.
Le plan que j'ai adopté dans mon ouvrage me
paraît simple ; il se divise en cinq parties bien dis-
tinctes :
I^a première traite de l'origine du Beaujolais et
de ses premiers seigneurs.
La seconde com])reiul la généalogie historique
des sires de Beaujeu. depuis la lin du dixième siècle :
c'est l'histoire de nos barons juscju'au moment où
le Beaujolais échut à la maison d'Orléans. Arrivé là,
j'ai dû discontinuer la partie historique; car écrire
la vie des ducs d'Orléans, eût été m'éloigner com-
PRÉFACE. 3
plètement de mou sujet : à peine ces princes visi-
lèreut-ils de loin en loin notre province, qui comp-
tait pour bien peu dans leurs vastes domaines. Je
me suis donc contenté de les relater sous le rapport
chronologique seulement.
La troisième partie renferme ce que l'on peut
appeler les pièces justificatives, c'est-à-dire celles
qui, en raison de leur étendue, n'ont pu figurer
dans le corps de l'ouvrage. Au nombre de ces
pièces , la plus importante , sans contredit , est la
copie exacte des privilèges de Villefranche. Ces
privilèges, dont on a souvent parlé, n'ont réelle-
ment jamais été bien connus. L'ouvrage intitulé
t< Mémoires contenant ce qu'il y a de plus curieux
dans Villeliancbe, " les a rapportés d'une manière
fort inexacte, soit par la faute du copiste, soit par
celle de l'imprimeur : le texte y est tellement défi-
gux'é que le sens en est souvent inintelligible. L'ori-
ginal de cette précieuse cbarte passait pour être
perdu depuis plus d'un siècle, lorsqu'il a été heu-
reusement retrouvé aux archives de Villefranche il
y a peu d'années. Un savant aussi distingué que
modeste, M. l'avocat Th. Chavot, en a soigneuse-
ment relevé le texte et en a fait la traduction qu'on
trouvera à la suite. Livré depuis longtemps à l'é-
tude des chartes et profondément instruit dans le
droit ancien , il a pu parfaitement concevoir le titre
qu'il avait sous les yeux , et sa traduction ne laisse
4 PRÉFACE.
rien à désirer. Il a bien vonlu me remettre son
double travail pour l'insérer dans mon ouvrage;
je suis heureux de pouvoir lui en témoigner ici
toute ma reconnaissance.
La quatrième ])artie présente l'état général des
paroisses qui comj)osaient le Beaujolais, avec l'énu-
mérationet la succession des fiefs qui s'y trouvaient.
Cette partie me paraît devoir offrir quekpie intérêt:
l'histoire des villes, et notamment celle de Ville-
franche, donnera l'occasion de traiter des diffé-
rentes institutions de la province et de son organi-
sation. La relation des anciens liefs, dont les pro-
priétaires successifs nous sont presque tous connus
depuis l'an 1520, et plusieurs même bien anté-
rieurement, fera connaître im ordre de choses com-
plètement aboli et que le lecteur peut être curieux
de consulter. Les notices sur quelques paroisses
seront lues, je pense, avec intérêt : on peut signaler
entre autres celle sur Avenas , dont l'autel célèbre
a été pour moi l'objet de rechcrclies toutes parli-
.culières.
La cinr[nième partie, enfin, nest autre que l'ar-
moriai général du Beaujolais. On y remarquera,
sans doute, de nombreuses lacunes que les recher-
ches les plus actives n'ont ])u me mettre à même
de remplir; mais beaucoup de familles, éteintes
depuis longtemps et dont les titres ont été dispersés,
n'ont laissé aucun indice de leur écusson. Cette
PRÉFACE. 5
partie est peut-être moins frivole qu'elle ne le pa-
raîtra à quelques personnes : les armoiries étant la
constatation de l'état de noble à une époque où
la noblesse formait un corps puissant dans l'Etat ,
il est curieux de connaître ceux qui en faisaient
partie dans chaque province et pouvaient, à ce
titre, être appelés à de solennelles délibérations.
Quelques tables, placées à la lin de l'ouvrage,
sont destinées à faciliter les recherches.
Mon premier projet avait été d'indiquer au bas
de chaque page les sources où j'avais puisé; mais
ayant observé combien ces sortes de notes fati-
guaient le lecteur , j'ai préféré citer ici en masse les
auteurs que j'avais consultés. Je le ferai d'autant
plus volontiers que j'aurai à parler de plusieurs
manuscrits peu connus, sur lesquels je crois utile
de donner quelques détails.
OUVRAGES IMPRIMÉS.
Allier (Achille). — L'ancien Bourbonnais. Moulins,
3 vol. in-folio.
Ansklme (le père). — Histoire généalogique et chrono-
logique de la Maison royale de France, des pairs,
grands officiers de la couronne , etc.. Paris, 1730,
9 vol. in-folio.
Ber.vari) (Auguste). — Histoire du Forez. Montbrison,
1835,2 vol. in-S".
6 PRÉFACE.
Bétencourt (dom). — Noms féodaux, ou noms de ceux
qui ont tenu fiefs en France. Extraits des Archives
du royaume. Paris, 1826, 2 vol. in-8°.
BoccHET (Jean). — Les Annales d'Aquitaine. Poitiers,
1557, in-folio.
Brisson. — Mémoires historiques et économiques sur le
Beaujolais. Avignon et Lyon, 1770, in-8°.
BussiÈRES (le père de). — Mémoires contenant ce qu'il
y a de plus curieux dansVillefranche. Villefranche,
1671 , in-4».
Cet ouvrage est généralement attribué au père de Bussières ; je ne
sais trop jusqu'à quel point cette opinion peut être fondée.
Cachet de Garkerans (Claude). — Abrégé de l'histoire de
Dombes. Thoissey, 1696, in-folio.
Clément (dom) et autres bénédictins. — L'Art de vérifier
les dates des faits historiques. Paris, 1783, 3 vol.
in-folio.
Dësormeaux. — Histoire de la maison de Bourbon. Paris,
1772,5 vol. in-4».
DucHESNE (André). — Histoire des roys, ducs et comtes
de Bourgogne et d'Arles. Paris, 1619, in-4".
— Les Antiquités et recherches des villes, châteaux
et places plus remarquables de toute la France.
Paris,1609,2 vol. in-8».
Fodéré (le père Jacques). — Narration historique et to-
pographique des convents de l'ordre de Saint-
François Lyon, 1619, in-4'.
PRÉFACE. 7
Froissart (Jean). — Les Chroniques. Paris, 1824-182G,
15 vol. in-8".
GuicuENON (Samuel). — Histoire de Bresse et de Bugey.
Lyon, 1650, in-folio.
JoiNviLLE (le sire Jehan de). — Histoire de saint Louis ,
IX'' du nom, roy de France. Paris, 1761, in-folio.
Le Laboureur (Claude). — Les Mazures de l'abbaye
royale de l'Isle-Barbe. Paris, 1681-1682, 2 vol.
in-lx".
La Mure (Jean-Marie de). — Histoire universelle, civile
et ecclésiastique du pays de Forez. Lyon, 1674 ,
in-4°.
— Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon. Lyon,
1671, hï-W.
LouvET (Pierre). — Histoire de ViUcfranche, capitale du
Beaujolois. Lyon, 1672, in -8°.
— La France dans sa splendeur. Lyon, 1674, 2 vol.
in-8».
MoRÉRi (Louis). — Dictionnaire historique. Paris, 1759,
10 vol. in-folio.
Paradin (Guillaume). — Annales de Bourgogne. Lyon,
1566, in-folio.
— Mémoires de l'histoire de Lyon. Lyon, 1573, in-fol.
Paiïauin (Claude). — Alliances généalogiques des roys et
princes de Gaule. Lyon, 1606, in-folio.
8 PRÉFACE.
PouLLiN DE LuMiNA. — Hislojre de l'Eglise de Lyon. Lyon,
1770, in-4».
Ste-Marthe (les frères de). — Gallia christiana in pro-
vincias ecclesiaslicas distribula. Paris, 1715 et
années suivantes, 11 vol. in-l"olio.
Severt (Jacques). — Chronologia historica successionis
hierarcliicœ illustrissimoruui archiantistituni Lug-
diinensisarcliiepiscopatus,etc... Lyon, 1628,in-fol.
J'ai encore consulté avec fruit quelques brochures intéressantes pu-
bliées par MM.d'Aiguepcrse, Péricaud, Aug. Bernard, de la Ferrière,
Chanibcvron et autres.
MANUSCRITS.
Inventaike des papiers, titres et enseignements estant dans
la Cuambre du trésor a Villefranche, dressé en 1608
par David Belle!, conseiller du roi et lieutenant par-
ticulier au bailliage de Beaujolois. In-ful. de 3ô0 pag.;
copie prise sur l'original qui existe à la bibliothèque
de Lyon.
(".el inventaire fait vivement regretter la perte des arciiives de Ville-
franche.
Registre des délibérations prises en la chambre du
Conseil par les officiers dti bailliage de Villefranche,
(le 1706 à 1779. In-folio de 188 pages; manuscrit
original.
1Mémoii;e sur le gouvernement de Lyon, dressé par ordre
de la Cour, en l()98, j)ar II. -F. Lambert (rilerbigny.
PRÉFACE. 9
chevalier, etc., intendant de justice, police et finances
de la ville de Lyon, provinces de Lyonnois, Forez et
Beaujolois. In-4'* de 318 pages; manuscrit dont il
existe un grand nombre de copies.
Histoire de la souveraineté de Dombes, par Samuel Gui-
chenon. 1662, in-folio de 800 pages.
Guichenon avait composé cette histoire par l'ordre de M"" de Mont-
pensier, souveraine de Dombes. Mais l'historien ayant émis assez hau-
tement son opinion sur la suzeraineté que les princes de Savoie pou-
vaient avoir sur la Dombes , Mademoiselle s'opposa à l'impression de
l'ouvrage et en racheta le manuscrit , ainsi que les pièces à l'appui ,
moyennant la somme de 3,000 livres. Guichenon cependant en garda
une copie ; il s'en est fait plusieurs depuis. Celle que je possède pa-
raît être du temps.
Histoire de Dombes, tirée des manuscrits et papiers-
brouillards de M. Philibert Collet, avocat en parle-
ment, et qui m'ont été remis par M. Languet, aussi
avocat en parlement, qui avoit épousé la fille unique
de l'auteur. 1720.
Tel est le litre assez original de ce manuscrit, in-folio de 1028 pages,
dont l'auteur , ou pour mieux dire l'arrangeur , n'a pas voulu se
nommer. A l'époque où j'en fis l'acquisition, plusieurs amateurs re-
cherchèrent avec empressement de qui pouvait être cet ouvrage, mais
leurs efforts furent vains. Depuis, le hasard m'a mieux servi : je me
suis procuré un autre manuscrit de 7 à 800 pages , sorte de miscella-
née , de la même écriture que celle de l'Histoire de Dombes et écrit
par un M. Girié, avocat en parlement, demeurant à Trévoux. Non-
seulement l'écriture est identiquement la même , mais le style de l'un
rappelle parfaitement celui de l'autre. Nous devons donc croire que
c'est M. Gûié qui a rédigé cette Histoire de Dombes sur les documents
réunis par M. Collet. Le style en est assez diffus et fort incorrect, mais
l'ouvrage offre un grand intérêt par les nombreuses pièces justificatives
dont il est accompagné.
1 0 PRÉFACE.
Histoire du Beacjolois, où il est traité de l'origine du
pays et de ses seigneurs : deux parties, dont l'une
contient l'histoire du Beaujolois, et l'autre celle de la
principauté de Dombes. Vers 1667, in-folio de plus
de 11 00 pages.
Ce manuscrit, doiil il existe plusieurs copies , est sans contredit ce
que nous possédons de plus complet sur le Beaujolais. Le stvle en est
lourd et manque souvent de clarté , mais on y trouve beaucoup de faits
et ils y sont discutés avec impartialité. L'auteur cite toujours juste, et
se Jiasarde peu lorsqu'il n"a pas vu par lui-niênic les pièces dont il
fait usage. Il a largement puisé dans le Trésor de Villcfranche , et a
eu cet immense avantage de pouvoir compulser lui-même les titres
originaux dont il ne nous reste plus que la mention. Ce manuscrit est
généralement attribué à Pierre Lonvel, historiographe de Dombes, mais
j'avoue qu'il m'est impossible de partager cette opinion. Voici mes
raisons : Pierre Louvet donna au public en 1674 un ouvrage fort mé-
diocre, intitulé La France dans sa splendeur. Lu chapitre y est con-
sacré au Beaujolais. Or , ici tout diffère de ce que nous lisons dans le
manuscrit qu'on lui attribue et qui fut écrit en 1667. La généalogie
de Beaujeu est complètement différente dans les deux ouvrages : les
noms, les dates, les alliances ne sont plus les mêmes, el peut-on croire
que les idées de l'auteur sur notre histoire se fussent modifiées à ce
point dans l'espace de sept années? Nous le croyons d'autant moins
(juc la généalogie du manuscrit est appuyée de preuves graves, de
litres originaux que l'auteur avait soigneusement étudiés , et que La
France dans sa splendeur n'offre qu'une copie de celles données par
des auteurs la plupart sans portée el sans critique , et qui tous avaient
été réfutés victorieusement par l'auteur du manuscrit, .le ne puis croire
qu'un historien, un homme érudit, ail ainsi renoncé au fruit de ses
recherches pour tomber dans toutes les redites dont lui-mômc avait
démontré la fausseté. Ceci n'est pas soutenable : aussi me suis-je tou-
jours refusé à attrihucr ce manuscrit à Pierre Louvet , sans pouvoir
du reste lui assigner un auln- père. Et cependant ne pourrail-on alla-
elier une certaine importance à une phrase de (iuichcnon qui dit que
M. de la Prayc, avocat .i \ illefranclie , avait écrit sur le lieaujolais,
mais qu'il ne peut parler de ce travail, attendu que la copie que lui
envoyait M. le président de Fléchèi-8S s'était perdue en route ? Cette
donnée est bien vague pour pouvoir l'appliquer îi notre manuscrit :
PRÉFACE. 1 1
aussi, faute de mieux, je continuerai toujours à nommer Louvet lors-
que j'aurai à citer cet ouvrage. Je préfère cette méthode , tout inexacte
qu'elle soit, à l'emploi d'une périphrase qui, souvent répétée, finirait
par fatiguer le lecteur.
La copie que je possède a été prise sur celle qui existe à la biblio-
thèque de Lyon , et qui m'a paru plus intéressante et plus complète
que les autres en raison de quelques notes ajoutées, portant la date
de 1740.
DF L'ORIGINE DU BEAUJOLAIS FT DF SES PREMIERS SEIGNEURS.
DE L'ORIGINE DU BEAUJOLAIS
ET DE StS PREMIERS SEIGNEURS-
/E Beaujolais, tel quil était
l encore constitué en 1789,
formait une province dépen-
dant du gouvernement de
Lyon , avec titre de baron-
nie. Ses limites étaient, au
nord la Bourgogne, à l'orient la Saône, au midi le
Lyonnais, et à 1 occident la Loire et le Forez. Son
étendue était évaluée à quatre-vingts lieues carrées.
16 DE l'origine
Le sol, par un heureux mélange de position et de na-
ture, y a favorisé l'agriculture, qui de tout temps a fait
la principale richesse du pays. Une plaine d'une lieue
de large environ, partant des prairies qui bordent la
Saône, et couverte d'abondantes moissons, s'élève
par une pente insensible jusqu'au pied de ces coteaux
qui fournissent les vins renommés de Beaujolais.
Ces riches vignobles s'étendent j usqu'aux flancs des
montagnes, dont les pentes rapides ne sont pas dé-
pourvues de fertilité. Une plaine semblable règne
à l'occident de la province , et va mourir sur les
grèves de la Loire. La partie montagneuse occupe
le centre de la province, et rachète l'ingratitude de
son sol par quelques belles forêts de sapins et une
industrie toujours croissante. Plusieurs petites
villes , qui autrefois avaient titre de prévôté , for-
ment en Beaujolais comme différents centres d'un
commerce assez étendu, que f industrie des habi-
tants avait déjà su rendre ])rosj)ère au seizième
siècle, grâce aux communications faciles que leur
offrait le voisinage de la Saône et de la Loire.
Outre les deav rivières que nous venons de nom-
mer, le pays en possède phisieurs autres qui, pour
être moins importantes, n'en suffisent pas moins à
falimentation de ses fabriques. On distingue sur-
tout l'Azergues, le Reins, le Sornin, le JNIorgon,
fArdière, la Vauxonne, le Nizeran et la Trani-
bouze. De toutes ces rivières, le Reins et le Sornin
DU BEAUJOLAIS. 1 7
se jettent dans la Loire, les autres vont se perdre
dans la Saône. La Grosne prend sa source en Beau-
jolais, mais elle n'est guère connue qu'à son en-
trée en Bourgogne du côté de Cluny.
L'histoire ne nous a laissé que de bien faibles
documents sur l'origine, la formation et les premiers
temps de cette riche province, qu'on ne voit appa-
raître avec un certain lustre que dans le courant du
douzième siècle. Quelques mentions extraites des
cartulaires des églises , quelques titres de fonda-
tions pieuses, sont seuls parvenus jusqu'à nous, et
ne jettent qu'une clarté bien douteuse sur l'exis-
tence première du pays et de ses seigneurs.
Le Beaujolais, sous la domination romaine, ne
formait point un pays particulier, et appartenait en
partie à la cité de Lyon et en partie à celle de
Màcon. Il n'eut pas davantage d'existence qui lui
fût propre sous les rois de la première race; nous
en trouverons la preuve en jetant un coup d'oeil
rapide sur ce qu'étaient les circonscriptions terri-
toriales à ces deux époques.
Les Romains , aussi organisateurs que conqué-
rants, conservèrent autant que possible, à leur en-
trée dans les Gaules, les mêmes divisions géogra-
phiques qu'ils y avaient trouvées établies : elles
leur parurent bonnes et favorables à l'administra-
tion, par la hiérarchie qu'elles établissaient entre les
points principaux du pays et ceux de moindre im-
18 Dii l'origine
portance qui relevaient naturellement des premiers.
Ces subdivisions allaient à l'infini. Ainsi les cités,
cwitates , étaient composées de pays ou nations ,
pfigi, qui eux-mêmes se subdivisaient en agri, et
ceux-ci renfermaient différents centres de popula-
tion connus sous le nom de çillœ. Cet état de choses
existait encore à l'époque de l'invasion des Francs.
Ceux-ci, en véritables conquérants, eussent])robable-
ment peu respecté ces divisions , si le christianisme
ne fût venu , par son exemple , enseigner aux suc-
cesseurs de Clovis à régulariser leur administration.
Le clergé, en effet, ado])ta pour la juridiction
ecclésiastique la circonscription des Romains. Ce
que ceux-ci avaient appelé cwitates fut regardé
comme métropoles et devint le siège des archevê-
chés. Les jyaoi furent érigés en évéchés, les agri
en archiprêtrés , et les villœ furent converties en
paroisses. Il est à remarquer que, le clergé ayant
opéré peu de changements dans son oiganisation
depuis cette épocjue, on pourrait encore recom-
poser, à j)eu de chose près, les anciennes provinces
romaines , en suivant la limite des diocèses tels
qu'ils existaient avant la révolution de 1789. Les
rois mérovingiens, éclairés par cet exemple, adop-
tèrent en partie les mêmes divisions , et fixèrent en
conséquence l'ordre hiérarchique de chaque pro-
vince. Les archevêchés et les évêchés répondirent
à des comtés de plus ou moins d'importance ; les
DV BEAUJOLAIS. 19
aichiprètrés turent principalement le siège des chà-
tellenies, et les çillœ devinrent des sortes de sei-
gneuries qui, selon la qualité ou la puissance de
ceux qui les possédaient, pouvaient bien com-
prendre j)lusieurs paroisses , mais ne souffraient
pas d'enclaves ; encore moins pouvaient-elles em-
piéter sur un diocèse ou gouvernement dans le
ressort duquel elles nétaient ])as situées. Or le
Beaujolais, placé, comme nous l'avons dit, partie
sur le diocèse de Lyon et partie sur ceux de Màcon
et d'Autun, eût donc joui d'un privilège dont nous
ne connaissons pas d'exemple , si son origine eût
remonté au temps où cette loi de circonscription
était encore en vigueur, c'est-à-dire à mie époque
antérieure au règne de Charles-le-Chauve. Cette
seule considération, déduite des raisons que nous
venons de donner, est pour nous une preuve cer-
taine que ce pays n'eut point une existence parti-
culière sous l'empire romain, non plus que sous les
rois de la première race. Il est remarquable d'ail-
leurs que , soumis à toutes les chances de la con-
quête , notre pays fut successivement possédé par
les Romains, les Francs, les Bourguignons, puis
repris par les Francs, sans qu'aucun historien de
ces guerres l'ait nommé. Si nous ajoutons que
Bozon, roi d'Arles, recevant à Lyon, en 879, l'in-
vestiture du Lyonnais et du Maçonnais , l'acte qui
en fut dressé ne fit aucune mention du Beaujolais,
20 DE l/ORIGINE
nous devons croire qn à cette époqne du neuvième
siècle son territoire était encore compris dans ces
deux provinces et n'avait ])as d'existence particu-
lière. Cette vérité nous paraît démontrée et s'ac-
corde, du reste, avec ce quont écrit la plupart des
auteurs qui ont parlé du Beaujolais, comme aussi
avec la tradition qui ne signale que le seul seigneur
de Torvéon, dont nous parlerons bientôt.
Ceci posé, on comprendra facilement que nous
ne nous étendions pas sur l'histoire de notre pays
à une époque où il ne possédait pas d'existence
propre. Personne n'ignore les événements qui se
passèrent dans les grandes provinces dont il faisait
partie, et comme aucun fait important n'est venu
dans ces temps signaler un point quelconque de
notre territoire , nous devons renvoyer le lecteur
aux historiens qui ont traité de la conquête des
Gaules et des premiers temps de la monarchie
française. Nous bornons notre récit à ce qui nous
intéresse plus directement.
Recherchons maintenant quelle fut l'origine du
Beaujolais, d'oii sortaient les princes qui le gou-
vernèrent j)endant plusieurs siècles, et quel est celui
de ces princes (pion peut regarder, sinon comme le
fondateur de la dynastie, au moins comme le pre-
mier dont les titres du pays constatent l'existence
d'une manière un peu certaine : recherche ardue
par le défaut de documents historiques, et qui ne
DU BEAUJOLAIS. 21
peut conduire , en définitive , qu'à des hypothèses
plus ou moins probables. Aucun des auteurs qui
ont traité ce sujet n'a pu appuyer son opinion de
preuves d'une certaine importance; et quoique plu
sieurs d'entre eux fassent autorité en histoire, tels
que Duchesne, Guichenon, les frères Paradin, etc.,
on observera qu'il est toujours facile de les com-
battre en les opposant les uns aux autres. Nous
rapporterons donc avec impartialité ce qu'ils ont
écrit sur la question d'origine qui nous occupe et
nous dirons à laquelle de ces opinions nous nous
sommes rangé, tout en avouant, comme nous
venons de le dire , que nous-mème ne la regar-
dons que comme une simple conjecture.
Mais, avant d'aller plus loin, nous devons parler
d'une race de seigneurs qui semble avoir eu, sous
le règne de Charlemagne et de son successeur, une
certaine autorité sur les montagnes qui dominent
les plaines du Beaujolais. Le fait de leur existence
nous est révélé par les ruines encore visibles de
leur château de Torvéon, situé sur le sommet élevé
de la montagne de ce nom, à une lieue de la ville
de Beaujeu. La tradition du pays , ainsi que quel-
ques romans de chevalerie, nous ont conservé le
nom de Ganélon, seigneur de Torvéon, connu par
sa trahison de Roncevaux et la mort de Roland.
La puissance de ce Ganélon ne peut guère être
révoquée en doute, car il j)araît avoir joué un rôle
22 DE LORIGINE
important à la cour de Charlemagne et répandu
la terreur dans tous les pays qui avoisinaient sa
forteresse. Son nom exécré s'est conservé jusqu'à
nos jours dans le souvenir des haljitants des mon-
tagnes du Beaujolais, où naguère encore les mères
avaient l'habitude, pour en imposer à leurs enfants
indociles, de les menacer du traître Ganélon.
Mais d'où venait ce seigneur ? en quoi consistait sa
seigneurie? la possédait-il à titre héréditaire , ou
n'était-ce qu'une usurpation? Voilà des questions
auxquelles il nous est impossible de répondre ; nul
document n'existe, cpie nous sachions, à ce sujet :
nos légendes nous apprennent seidement qu'il s'in-
titidait Seigneur de Torvéon et des montagnes,
titre bien vague qui semblerait prouver que sa
domination consistait dans la force j)lut6t que dans
le droit, puisque cette prétendue seigneurie ne
reconnaissait pas de limites : seigneur des mon-
tagnes. Les Chroniques de St-Denis nous ajjpren-
nent que, peu de temps après sa iraiiison, Ganélon
fut arrêté et tiré à quatre chevaux en punition de
ses crimes. C'est à peu près tout ce cpie nous
savons de lui; car nous ne saurions nous arrêter
à une vieille légende rapportée en partie par Severt,
et qui se trouve en contradiction manifeste avec
l'histoire (1). Quel fut le sort de la famille de
(1) Vovi'/ I',uii<lo rrAvciia<.
DU BEAUJOLAIS. 23
Ganélon? laissa-t-il des descendants!' Il nous est
im])ossible de le dire, et on ne peut former là-
dessus que des conjectures bien vagues.
Vers la fin du dixième siècle commença à appa-
raître une nouvelle race de seigneurs dont le châ-
teau, placé sur le rocher de Pierre-Aiguë , domine
letroite vallée où plus tard s'étendit la ville de
Beaujeu. Les plus anciens documents nous repré-
sentent ces seigneurs comme jouissant déjà à cette
époque d'une certaine puissance, et protégeant vo-
lontiers les possesseurs de tiefs , qui venaient im-
plorer leur appui en leur faisant hommage de leurs
seigneuries. Dès les premiers degrés qui nous sont
connus, nous voyons les sires de Beaujeu se qua-
lifier dans leurs actes de puissants princes et agir
sur leurs terres en hauts-justiciers, selon le titre de
leur baronnie qui ne relevait que du roi (1 ).
Bien des auteurs , comme nous l'avons dit plus
haut , ont écrit sur l'origine de cette famille. Deux
opinions dominent parmi eux : les uns prétendent
nos princes issus des anciens comtes de Lyon , et
les autres les font descendre d'un cadet de la maison
de Flandres : au nombre des premiers sont Du-
chesne, Paradin et Severt; les seconds ont pris
{l ) On lit dans le giaud Coutamier . « Au royaume de France
« ne souloit avoir que trois baronaies, savoir : Bourbon , Coucy,
« et Beauj(;ii. >>
24 DE l'origine
pour guide Louvet et quelques autres. Presque
tous ceux qui ont écrit depuis sur les sires de Beau-
jeu se sont rangés à l'une ou à l'autre de ces deux
opinions. Chacun des deux partis a voulu s'étayer
de preuves tirées de certains monuments ou de
l'histoire , et nous devons à la vérité de dire que
ces preuves ne peuvent soutenir le plus léger exa-
men, comme nous pourrons le démontrer. Notre
opinion personnelle est pour la descendance des
comtes de Lyon ; mais nous tenons à constater
que cette opinion ne peut s'appuyer sur aucune
preuve solide, et que, si nous l'adoptons, c'est uni-
quement parce qu'elle nous parait plus probable.
Ceux qui veulent que les sires de Beaujeu soient
issus des comtes de Lyon et de Forez, se fondent
principalement sur une épitaphe qu'ils disent avoir
existé dans l'église de St-Irénée de Lyon. La voici
telle que la raj>porte Se vert : Hic jacet Artau-
dus cornes Lugdunensis et Forensis et dominus
Bellijoci anno 993. Cette inscription était, selon
le même auteur, gravée sur la tombe d'Artaud et
accompagnée de l'écusson de Beaujeu avec le lion
et le lambel. Il ajoute que ce monument fut détruit
par les Huguenots en 1562. Paradin, s'appuyant
aussi sur cette même éj)itaphe, la reproduit ainsi :
Ific requiescunt dominus Arlnudus eûmes Lugdu-
nensis cl. Forensis. dominus Stephanus f rater ejus
et Amphredus Bellijoci dominus, et /'rater ej us et
DU BEAUJOLAIS. 25
f rater eorum; obiit dictus Artaudus anno Do-
mini 993. Après avoir dit que cette inscription
était peinte sur la voûte de l'église et accompagnée
des écussous de Forez et de Beaujeu, savoir le dau-
phin d'une part et le lion avec lambel de l'autre , il
ajoute que , le sieur de Riverie ayant fait blanchir
l'église, l'épi taphe disparut, ce dont le connétable
de Bourbon manifesta un vif déplaisir, lorsque pas-
sant à Lyon il visita l'église de St-Irénée.
On conviendra qu'il est vraiment difficile d'atta-
cher une importance sérieuse à un monument dont
onnousparlesidiversement,etdont l'existence même
nous paraît fort problématique. Cette épitaphe , qui
se trouve j)lacée sur la tombe même selon Severt,
et au sommet de la voûte selon Paradin , qui est
rapportée d'une façon par le premier et complète-
ment défigurée par le second , ne peut que nous
inspirer la plus grande défiance. A quelle source ont-
ils puisé l'un et l'autre? Nous avons quelques raisons
de croire qu'ils ont suivi en cela Belleforest, dont
l'inexactitude est proverbiale et qui dénature volon-
tiers dans un chapitre ce qu'il a dit dans un autre.
Guichenon a vu , il est vrai , dans les archives du
chapitre de St-Jean , une généalogie fort ancienne
des comtes de Lyon , où l'épilaphe est rapportée
comme la donne Severt, à la différence cependant
de la date qui est indiquée 999. Cette nouvelle
variante ne fait qu'ajouter encore à nos doutes sur
26 DE LORIGÏNE
l'authenticité de cette inscription ; un léger examen
nous démontrera bientôt sa fausseté.
Remarquons d'abord qu'avant le milieu du on-
zième siècle il n'était pas d'usage de placer des épi-
taphes sur les monuments funèbres; quelques ex-
ceptions ont seules eu lieu pour plusieurs grands
princes. Mais, dans les rares cas que l'on peut citer,
rinscrij)lion se borne à rappeler le nom et le titre
du défunt, et il est sans exemple qu'on y ait fait
entrer l'énumération de ses seigneuries , comme
nous le voyons dans celle-ci : Cornes Lugdunensis
et Forensls, et domlnus lieHijoci. iNIais une objec-
tion plus grave encore est celle résultant de la pré-
sence des armoiries.... Personne n'ignore qu'elles
n'ont pris naissance qu'aux croisades, et qu'à fé-
poque de 993 elles étaient complètement incon-
nues : il n'existait au plus que certains emblèmes
par lesquels quelques seigneurs se distinguaient;
mais ces emblèmes n'avaient rien d'héréditaire, et
par conséquent les brisures, telles que lambel et
autres, destinées à faire reconnaître les branches
cadettes d'une même famille, ne pouvaient être en
usage. Le lambel surtout ne date que du qua-
torzième siècle.
Ainsi donc, de la divergence qui existe dans la
manière dont les auteurs ont parlé de cette épi-
taphe , de la façon dont ils la rapportent et de la
mention do ;Mmoiries qui, selon eux, y étaient
DU BEAUJOLAIS. 27
jointes, il résulte clairement jjour nous que cette
inscription dont on a voulu se servir pour prouver
la descendance de la maison de Beaujeu des com-
tes de Lyon est complètement fausse , ou que tout
au moins, si elle a jamais existé, elle a dû être posté-
rieure de plusieurs siècles à la mort d'Artaud, et ne
mérite plus aucune confiance comme document
historique. Il faudrait chercher ailleurs la preuve
de cette descendance , et nous devons avouer
qu'aucun titre sérieux ne vient faciliter cette re-
cherche. L'auteur de l'Art de vérifier les dates
lui-même, si exact d'ordinaire dans son travail, tout
en adoptant ce système de descendance, ne peut
en fournir une seule preuve.
Venons maintenant à ceux qui prétendent les
sii'es de Beaujeu issus des comtes de Flandres.
Une seule raison les a déterminés faute de mieux,
c'est la conformité des armoiries et le cri de guerre
Flandres : Beaujeu ayant, selon eux, brisé les ar-
mes paternelles d'un lambel , comme branche ca-
dette. Mais observons tout d'abord que Beaujeu
portait déjà semblables armoiries à une époque où
les comtes de Flandres ne les avaient pas encore
adoptées; car le giron, anciennes et premières
armoiries de ces comtes , ne fut échangé contre
le lion de sable que par Philippe de Flandres, fils
de Thierry comte d'Elsas , mort en 1191. Reste
donc le cri de guérie Flandres pour dernière res-
28 DE l'origine
source de cette opinion : or on ne trouve la trace
de ce cri dans la maison de Beaujeu que posté-
rieurement à l'alliance qu'elle contracta avec Si-
bille de Hainault, fille de Baudouin comte de Hai-
nault et de Marguerite de Flandres , c'est-à dire
après l'an 1200. Les sires de Beaujeu l'adoptèrent
probablement alors pour perpétuer le souvenir de
cette alliance. N'est-il pas étonnant, d'ailleurs, que
pas un historien de Flandres n'ait parlé de cette
communauté dorigine entre leurs souverains et nos
princes? Ces derniers ont, certes, joué un trop grand
rôle et ont répandu trop de lustre sur leur nom ,
pour que ces historiens n'eussent pas fait mention
d'un lait aussi important.
Après avoir réduit à leur juste valeur les preuves
employées par les auteurs qui ont soutenu la des-
cendance des sires de Beaujeu, soit des comtes de
Lyon, soit des comtes de Flandres, nous devons
dire que notre pensée n'a nullement été de con-
tester la possibilité de l'une ou l'autre de ces des-
cendances, mais d'établir seulement que les preuves
manquent complètement à ces deux opinions ainsi
qu'à toute autre qu'on j)oiurait leur substituer. Nous
croyons cej)endani que l'origine Uamaiide est tout-
à-fait insoutenable, par suite des raisons que nous
avons données plus haut. A quel titre, d'ailleurs, un
cadet de cette maison serait-il venu s'établir sur le
rocher de Beaujeu? Les comtes de Màcon n'eus-
DU BEAUJOLAIS. 29
sent certainement pas souffert un pareil envahisse-
ment, et d'un autre côté on ne peut supposer qu'il
eût été placé là en qualité de gouverneur tempo-
raire , devenu plus tard héréditaire : la maison de
Flandres était trop puissante et trop fîère pour
permettre qu'un des siens acceptât un rôle aussi
subalterne. On concevrait plutôt la chose de la
part d'un descendant des comtes de Lyon , car ici
l'intérêt était direct; il s'agissait d'un point de dé-
fense important pour le Lyonnais, toujours menacé
de pillage par les seigneurs de Torvéon. Nous
avons dit que la puissance de ces derniers avait été
grande; ils résidaient au centre des montagnes, et
là était leur siège. Ces montagnes à pentes rapides,
abruptes et couvertes de bois, n'avaient en réalité
qu'un passage un peu praticable pour communi-
quer avec la plaine , par la vallée d'Ardière , véri-
table défilé qu'il devenait presque impossible de
franchir pour peu qu'il fût défendu. Or, c'est au
point le plus resserré de ce passage difficile et sur
le sommet du rocher qui le domine complètement
que fut édifiée la vaste forteresse de Beaujeu. Ce
point franchi, le brigandage pouvait se commettre
sans difficulté dans la plaine, soit en Maçonnais,
soit en Lyonnais, dont la frontière commençait à
une lieue de là. Ne serait-il pas raisonnable de
penser qu'à l'époque des seigneurs de Torvéon les
comtes de Lyon et ceux de Màcon se fussent en-
30 DE l'origine
tendus pour faire fortifier cet étroit passage et ar-
rêter, autant que possible, les brigandages dont les
peuples de la plaine avaient tant à souffrit? et rien
ne s'oppose à croire que la défense de ce point im-
portant ait été confiée à un fils ou à un parent du
comte de Lyon. Un auteur judicieux, M. Auguste
Bernard, dans une brochure qu'il a publiée à la
suite de son Histoire du Forez, a poussé plus loin
notre conjecture. Frappé de ce que, dès l'origine,
les seigneurs de Beaujeu ont possédé des terres
tant en Lyonnais qu'en Maçonnais , il présume
qu'un mariage a j)u avoir lieu entre ce nouveau
gouverneur et une fille du comte de Màcon , à qui
on donna Beaujeu en dot, et que cet apanage, joint
à ({uelques terres que son mari pouvait posséder
en Lyonnais, forma le premier noyau du Beau-
jolais. Cette supposition pourrait n'être pas dénuée
de fondement si l'on considère (|ue la seigneurie
de Beaujeu, qui n'avait d'abord d'autre importance
que la force ou noblesse de son château, était assise,
comme nous l'avons dit, partie sur le diocèse de
Màcon et partie sur celui de Lyon, à une époque
où ces enjambements étaient à peine connus.
Quelques personnes encore ont voulu voir dans
nos barons les descendants des seigneurs de Tor-
véon, qui après la ruine de leur puissance auraient
fait bâtir le château de Beaujeu, d'où, fidèles aux
anciennes traditions de leur famille , ils pouvaient
DU BEAUJOLAIS. 31
encore lever quelques impots sur les voyageurs qui
traversaient le délilé. D'autres enfin n'ont vu dans
les premiers sires de Beaujeu que de simples com-
mandants temporaires devenus héréditaires à l'é-
poque des troubles qui agitèrent la France sous les
derniers Carlovingiens , et confirmés ensuite dans
leur usurpation par Hugues Capet. Nous l'avons dit
en commençant, ici rien ne peut être prouvé , et la
question reste toujours à l'état d'hypothèse.
Voyons maintenant quel est le premier seigneur
de Beaujeu dont l'histoire ait conservé le souvenir.
Ici l'obscurité qui nous entoure n'est pas moins
profonde que dans la question dorigine, et chaque
auteur qui a écrit sur cette matière a nommé un
personnage différent. L'Art de vérifier les dates et
Guichenon nomment Bérard ou Béraud , et lui
donnent pour fils un autre Bérard qui , selon eux,
serait mort en 967. André Duchesne accorde la
primauté à Guichard ou Wiscard , qui aurait été
père de Bérard. Ces deux opinions n'étant ap-
puyées sur aucune preuve , et en contradiction
manifeste, par les dates, avec les documents fournis
par l'église de Beaujeu , nous ne nous y arrêterons
pas. Louvet enfin indique pour premier seigneur
connu Omphroy ou Humfred, vivant vers la fin
du dixième siècle ou au commencement du on-
zième. La seule preuve qu'il puisse en fournir est
tirée du Cartulaire du chapitre de Beaujeu, qui , en
32 DE l'origine
général, était assez exact et qui relate l'existence
d'Humfred et de ses deux enfants. Louvet seul
parle de ce Cartulaire comme l'ayant vu, et, quoi-
qu'il ne donne aucun détail sur la forme et l'an-
cienneté de ce précieux document, nous croyons
devoir y ajouter foi; car, si Louvet est générale-
ment verbeux et diffus , au moins a-t-il fait preuve
d'exactitude dans son ouvrage , et il neùt pas
adopté sans examen un titre qui ne lui eût pas
paru mériter toute confiance. Avouons d'ailleurs
que ce Cartulaire est la seule pièce probante sur
laquelle nous puissions nous appuyer, et qu'ici
au moins nous partons d'une base qui a manqué
aux auteurs qui ont traité le même sujet. C'est donc
par Omphroy ou Humfred que nous commence-
rons la généalogie des sires de Beaujeu.
La première race de nos princes portait pour
armes : d'or au lion de sable, armé et lampassé de
gueules , au lambel à cinq pendants du même.
Un poète beaujolais les décrivit ainsi en patois du
pays :
Un lion ney de roge harpa ,
En champ d'or la coua reverpa ,
Un Ïambe roge sur la joa,
Y sont les armes de Bi'joa.
La maison de Beaujeu avait pour cri de guerre
Flandres, et pour devise Fort port. Quelques
DU BEAUJOLAIS. 33
ailleurs lui donnent encore celle-ci : A tous ve-
nants beau jeu; nous ne croyons pas qu'elle l'ait
jamais portée.
Lorsque Louis de Forez devint seigneur de
Beaujeu du chef de sa mère Isabelle, il renonça à
ses propres armes pour adopter celles de sa nou-
velle seigneurie. A l'extinction de cette maison, la
ville de Beaujeu seule conserva l'antique écusson.
GENEALOGIE HISTORIQUE DES SIRES DE BEAUJEU-
GENEALOGIE HISTORlQ_UE
DES SIRES DE BEAUJEU.
OMFROY OU HUM F RED.
Omfroy est le premier seigneur de Beaujeu dont
on ait connaissance d'une manière un jieu certaine
par le rappel qui en est fait dans le Cartulaire de
Beaujeu : il parait avoir vécu peu avant l'an 1 000.
Guichenon cite une donation faite par lui à l'ab-
baye de Clnny en 977. On ignore le nom de sa
femme, dont il eut, selon le même Cartulaire, deux
enfants, qui furent :
]° Béraud ou Bérard, qui a continué la lignée ;
2" Josmard, mort sans alliance le 7 des ca-
lendes de mai , selon l'Obiluaire de Beaujeu.
38 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Severt donne encore pour enfant à Omf'roy,
Gauthier , qui fut le trente-sixième évéque de
Màcon, et occupa le siège épiscopal de 1031 à
1 062 ; mais cette opinion ne nous parait pas ap-
puyée de preuves suffisantes.
BÉRALD OU BÉRARD.
L'obscurité qui entoure l'existence d'Omfroy
ne nous laisse guère mieux distinguer ce qui con-
cerne son successeur Bèraud ; cependant la charte
d'érection en collégiale de l'église de Beaujeu, charte
donnée par Hugues P"" , petit-lils de Bérard , et citée
par René Chopin, vient jeter un faible jour sur les
actions de ce prince. On y voit, en effet, que Bè-
raud fit le voyage de Rome en 1052 avec Van-
delmode sa femme, Jlumbert son fils et la femme
dudit Humbert, nommée Ilelmeest, accompagnés
aussi de Josmard, frère de Bèraud; qu'ils rap-
portèrent une grande quantité de reliques, présent
du pape Léon IX, et qu'à leur retour ils fondè-
rent et firent bâtir l'église du château de Beaujeu,
dit de Pierre- Aigui'.
Cette église fut édifiée dès-lors avec une cer-
taine magnificence, et paraît avoir été fort aflèc-
tionnée j)ar les sires de Beanjeu, qui tous lui firent
• de riches présents. Le portail en fui orné d'un
superbe ])as-relief en marbre blanc, représentant
DES SIRES DE BEAUJEU. 39
un de ces sacrifices connus sous le nom de suove
taurilia , reste précieux d'antiquité romaine , re-
gardé encore comme un chef-d'œuvre.
A cette église furent attachés des prêtres socié-
taires; ce ne fut que plus tard, comme nous le
verrons , qu'elle fut érigée en collégiale.
Un titre qui existait aux archives de Beaujeu
portait : c<; Berardus et Vandelmodis donaverunt
« ecclesia2 Bellijoci, quam fundaverunt in castello
ce Petrae acutae , omnem decimationem de illis
c< exertis et condeminis quos in dominicatu illo-
« rum, ubicumque laboratoe fuissent, de conde-
<c minis quae sunt in parochia de Ronnensi et de
ce Draciaco, et de multis aliis locis, in pago Lugdu-
«. nensi, etc.... m
Selon Duchesne et Paradin, copiés par Louvet,
Béraud serait mort en 1 032 , ce qui ne peut être;
et en ceci ces mêmes auteurs se mettent en con-
tradiction manifeste avec eux-mêmes: car ils nous
parlent du voyage que Béraud fit à Rome sous le
pontificat de Léon IX , qui occupa la chaire de
saint Pierre de 1 048 à 1 054 , puis font mourir le
sire de Beaujeu en 1 032, c'est-à-dire seize ans avant
le pontificat de Léon IX. Rétablissons donc les vé-
ritables dates ; et ici Severt sera notre guide, car il
a, je crois, mieux connu la vérité dans cette cir-
constance. Il nous dit que le voyage de Rome eut
lieu en 1052, ce qui convient parfaitement au
40 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
règne de Léon IX et à rérection de l'église du châ-
teau de Beaujeu, qui, selon tous les auteurs, fut
terminée vers 1 068 par les successeurs de Béraud.
La mort de ce seigneur est donc postérieure à
l'année 1 052, et, quoiqu'il soit difficile d'en préciser
l'époque, tout porte à croire qu'il survécut peu à son
voyage de Rome. Il devait, en effet, être fort âgé
à cette époque, puisque nous voyons , par un titre
que nous citerons plus bas, quen 1066, c est-à-
dire quatorze ans après, Guigues de Beaujeu , son
petit-fils, mourut à Lyon en revenant de Rome
pour la troisième fois. La mort de Béraud j)eut
donc être fixée, selon nous, vers l'an 1055 ou 1056.
Ainsi que nous l'avons vu ])lus haut , la charte
d'érection de l'église du château de Beaujeu en col-
légiale donne pour femme à Béraud Vandelmode,
que Severt dit être d'une famille inconnue, mais
que quelques auteurs croient être de celle de Savoie.
De ce mariage sont issus :
1° IIuml)ert, ({ui continua la lignée;
2" Guichard, qui, selon Guichenon , épousa
Adelmodis, d'une famille inconnue;
3° Etienne.
A ces trois enfants, nommés dans les titres (pic
nous rapj)orterons, Guichenon en ajoute deux autres,
savoir : lluinfred, dont il cite une donation à l'ab-
baye de Cluny, de l'an 977 ; et Guy ou Guigues,
que Dnchesne dit élre nioil ;i Lyon ot avoir été
DES SIRES DE BEAUJEU. 41
enterré en l'église d'Ainay. Or, si Humfred a fait
une donation en 977, il est évident qu'il ne peut
être fils de lîéraud, mort vers 1 Ooo, et que cet acte
doit être appli(|ué à Humfred ou Omfroy, premier
sire de Beaujeu cité par nous. Quant à Guigues, il
n'était point lils de Béraud , mais de HumbertP'";
nous le retrouverons plus tard en cette qualité,
succédant à son frère Hugues.
HUMBERT I".
Si les auteurs qui ont écrit de la généalogie des
sires de Beaujeu ont jeté une grande confusion sur
cette histoire, c'est surtout au règne de Hum-
bert P' que celte confusion arrive à son comble.
Ainsi Guichenon , sans s'inquiéter des impossi-
bilités, fait vivre ce prince en 977, puis lui
donne pour femme Ricoaire de Salornay, bienfai-
trice de Cluny sous l'abbé Hugues , qui mourut en
1 1 09. Paradin et Severt, loin d"ado])ter ce système,
lui donnent deux femmes : Auxilie de Savoie, puis
Helmeest, de famille inconnue, et lui attribuent
sept enfants , cinq d' Auxilie et deux d'Helmeest ,
sans qu'aucune preuve vienne à l'appui de ces asser-
tions. Louvet seul a eu le bon esprit de ne s'en
rapporter qu'au seul titre authentique qui puisse
nous guider, la charte d'érection de la collégiale de
Beaujen. Cet acte, selon lui, nomme Hnml)ert et sa
42 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
femme Helmeest, et désigne le premier comme fils
de Béraud.
Humbert mom-ut, selon Severt, en 1060.
De son mariage sont issus :
1° Hugues , qui suit;
'Z" Guigues , rapporté j)lus bas, comme ayant
succédé à son frère ;
3° Guicliard;
4° Etienne.
HUGUES I".
Hugues de Beaujeu moula sur le siège seigneu-
rial à la mort de son père. Nous ne connaissons
guère de lui que les démarches qu'il Ht auprès de
Dreux, évèque de Màcon, pour obtenir l'érection
de l'église du château de Beaujeu en collégiale et
f installation de chanoines institués à cet effet. René
(jhopin , cité par Louvet, s'exprime ainsi sur cette
érection : « Berardus, BeUijoci princeps , Vandel-
« moda uxor et Iluniberlus filius, extruxerunt pri-
« mum Bellijoci templum; scd Hugo, Viscardus
« et Stephanus, fundatorum nepotes, eam eccle-
« siam cauonicorum cnllegium instituerunt. »
Dans l'acte d'érection de la collégiale , les })rinces
s'expriment ainsi :
« Auctoritate Drogonis iiostri prœsulis AJatisco-
" neusis , et ejus jussu, sub Dei et sanctoe Geni-
« tricis ejus atque patronorum jjrxdictoruni ob-
DES SIRES DE KIsAUJEU. 43
« tentu, in ipsa nostri castri ecclesia clericos sub
ce nomine et professione canonicorum imponi et
ce attitulari optamus et poscimus qui permanentes
ce in Dei Sanctorumque famulatibus ecclesias et
ce terras cum omnibus ad eas ]iertinentibus in suis
ce habeant usibus, etc.... ■»
Hugues ne seigneuria pas longtemps à Beaujeu ;
car Louvet rapj)orte qn'on lisait dans le livre des
obits que Guignes de Beaujeu, retournant de Rome
pour la troisième fois, après avoir appris la mort de
son père, tomba malade à Lyon en 1066, et fut
enseveli le quatre des calendes de février , ce qui
fixerait la mort de Hugues à la fin de l'année 1065.
On lisait dans l'Obituaire : FUI kal. decemb. ohiit
duminus Hugo Bellijocensis , autor et restitutor
nustrœ ecclesiœ.
Et maintenant est-il bien prouvé que ce Guigues
de Beaujeu fut fils de Hugues, comme Louvet
vient de nous le dire? Nous aurions de fortes rai-
sons d'en douter. D'abord il n'est fait nulle men-
tion de la femme de Hugues dans l'acte d'érection
de la collégiale, ce qui nous porte à croire que ce
prince n'était pas marié, car il était d'usage à cette
époque de nommer la femme du seigneur dans tous
les actes de fondation, comme nous l'avons vu pour
Vandelmode et Helmeest ; tandis que, au contraire,
ici les trois frères, Hugues, Guichard et Etienne,
sont seuls désignés dans l'acte ; si Hugues n'eut pas
44 Généalogie historique
d'eai'ants , qu'était donc ce Guignes qui lui suc-
céda? ne devait-il pas être fils dHumbert I" et
frère de Hugues t* Ceci est notre opinion. Selon
nous, ce Guignes est le même que celui qui est in-
diqué pai- Duchesne comme étant mort à Lyon et
enterré à Ainay, et qui revenait de Rome pour suc-
céder à son frère. Louvet, qui cite TObituaire où se
trouve la mention de la mort de Guignes , et dans
lequel ce prince est qualifié de fih de Hugues, a-t-il
bien lu? ou même a-t-il lu? Car il est à remarquer
que, contre son ordinaire, Louvet ne cite jias textuel-
lement l'article, mais en fait seulement mention; et
ce qui nous ferait douter de l'autlienticilé de ce pas-
sage, c'est que, selon Louvet, fObituaire fixerait
l'année , tandis qua cette époque les obituaires se
contentaient d indiquer le quantième du mois où le
décès avait eu lieu. On pourrait donc croire , sans
trop craindre de se tromper, que Hugues ne fut
pas marié; qu'à sa mort, son frère Guignes, qui se
trouvait à Rome, s'empressa de revenir et fut surpris
j)ar la mort à son passage à Lyon. Le séjour de ce
prince à Rome explique, du reste, sulFisamment sa
non-comparution à l'acte d'érection de la collégiale
de Beau jeu.
GUIGUES.
Quoi cpi il en soit do [Opinion ijih" nous avons
émise sur la j)ositi()n de Guignes, on ne pciil douter
DES SIRES DE REAUJEU. 45
qu'il succéda à Hugues, de droit, sinon de fait. Au
reste, nous ne le rapportons ici que pour mémoire.
Le seul acte qu'on cite de lui est la donation qu'il
fit, avant de mourir , à l'église de Beaujeu , du clos
des Etoux et du mas de Montmey avec toutes ses
appartenances.
GUICHARD I".
Voici encore un degré qui a été étrangement
confondu avec ceux qui le précèdent ou qui le sui-
vent. Ainsi, Severt lui attribue les faits qui convien-
nent à Guichard II, tels que la fondation de l'église
de St-Nicolas ; puis il lui donne pour femme Lu-
ciane de Rochefort, qui probablement n'était pas
née à cette époque. Duchesne le fait vivre avant
Béraud , et Guichenon avant Humbert F^ Au mi-
lieu de cette diversité d'opinions, on peut cepen-
dant arriver à la vérité en consultant les actes et
notamment un titre de l'église de St- Vincent de
Màcon , rapporté par Severt lui-même ; on y lit :
<•■ Vicardus de Bellijoco et Ricoaria ejus uxor,
ce nobilissima domina, aliquot dona imperti sunt
« ecclesiae sancti Vincentii et episcopo de rébus
ce quas Guichardus pater annuatim a suis colonis
*c percipiebat, etc.... "
D'après 1 énoncé de ce titre, Guichard P"" était
donc fils d'un autre Guichard, lequel devait être
46 GENEALOGrE HISTORIQUE
le même que celui que nous avons vu figurer comme
lils d'Humbert V et frère de Hugues et d'Etienne
dans l'acte d'érection de la collégiale. Severt lui-
même , malgré ce qu'il a dit plus haut, est obligé
d'avouer, après avoir cité ce titre, que Guichard,
mari de Ricoaire de Salornay, était lils d'autre Gui-
chard , fils de Humbert et de Helmeest.
Louvet a donc raison lorsqu'il dit que Gui-
chard P"^ succéda à son oncle Hugues, ou mieux à
Guigues.
Du mariage de Guichard et de Ricoaire, on ne
connaît cpi'un fils :
Humbert, dont l'article suit.
HUMBERT II.
Un titre de l'an 1086, vu par Louvet, tout en
rappelant ([ue Humbert II était fils de Guichard et
de Ricoaire, lui donne pour femme Auxilie ou Alix
de Savoie, que Guichenon dit être fille d'Ame HI
et sœur de Humbert III dit le Saint, tous deux
comtes souverains de Savoie, (iuichenon , tout en
constatant justement cette alliance , se trompe
seulement en faisant, comme Severt, Humbert II
de Reaujeu fils de Luciane de Rochefort; nous
avons démontré cette erreur à l'article précédent.
L'alliance de Humbert avec Auxilie de Savoie
DES SIRES DE BEAUJEU. 47
est encore constatée par un acte tiré du Cartu-
laire de Beaujeu; on y lit :
'c Anno ab incarnatione Domini mxciv et Phi-
« lippi I régis an. 32, canonico requisierunt, etc.. :
<■<■ dominas Humbertus et uxor sua Auxilia ac in-
« fautes eorum , Hugo, Guichardus, Humbertus
« et Guigo , obtulerunt mansum integrum , cum
« vineis, pratis, silvis, etc.. »
Cet acte de 1 094 , cité par Severt , le jette dans
une contradiction complète avec lui-même , car il
veut l'appliquer à Humbert l^^, qu'il nous a dit être
mort en 1 060. Or, en supposant même que Severt
se fût trompé sur l'époque de la mort de Hum-
bert I", on croirait diflicilement que ce prince,
monté sur le siège seigneurial vers 10S6, fût en-
core vivant en 1094; puis à quel âge aurait-il
épousé Auxilie de Savoie , dont le père n'est mort
cpi'en 1 1 48 ? puis, enfin, quelle valeur auraient donc
tous les titres que nous avons cités , et que devien-
draient Hugues et Guichard , dont les règnes sont
légalement constatés par les titres rapportés à leurs
articles? Disons que Severt s'est trompé et s'est
laissé embrouiller par la conformité des noms et par
la confusion des actes, qui généralement ne por-
taient pas de dates à cette époque.
Le titre précité de 1 094 établit donc clairement
l'alliance de Humbert H avec Auxilie de Savoie ,
ainsi que l'existence de quatre enfants issus de ce
48 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
mariage. Cet acte nous a paru avoir une origine
assez curieuse pour en donner ici une analyse.
Herbert d'Andillé voulant aller à Jérusalem avec
un prêtre nommé Ranulphe , et plusieurs autres ,
vint s'agenouiller devant l'autel de la Vierge du
château de Beaujeu, et là, pleurant et regrettant
ses péchés , promit de donner aux chanoines
quelque chose de ses biens sis en la métairie d'An-
dillé , savoir : un mas avec ses appendices, à con-
dition qu'il le retiendrait tant qu'il le voudrait , à
titre de bénéfice; mais que , venant à mourir sans
enfants , il appartiendrait entièrement à l'église de
Beaujeu. Sa femme se soumit aux mêmes condi-
tions. Cet acte fut écrit à Andillé , de la main de
Durand, en la ])lace d'Odon, chancelier , l'an I 087 ,
les nones d'octobre. Sept ans après, Herbert et sa
femme étant morts sans enfants , les chanoines vou-
lurent se mettre en possession des biens qu'on leur
avait donnés; mais Humbertde Beaujeu s'y opposa,
disant que ses prédécesseurs avaient eu des droits
ou coutumes . justement ou injustement, sur le mas
qu'ils réclamaient, et qu'il n'entendait pas se désister
de àes prétentions sans recevoir un présent, f.es cha-
noines consultèrent alors I^andry, évêque de Màcon,
renommé par l'étendue de ses kmiières, qui leur
conseilla d'accéder au désir du sire de Beaujeu , ce
qu'ils firent. Alors Humbeit, sa femme et ses en-
fants, offrirent le mas tout (Miticr an\ chanoines,
DES SIRKS DE BEAUJEU. 49
avec les prés, vignes, bois , etc.. Levêque de Ma-
çon fut prié de signer à l'acte.
Hubert de Tliizy donna à Humbert II la part
qu'il possédait au château de Néronde , et le sire
de Beaujeu la donna en lîef à Guillaume et Ar-
tliaud Chauve frères, dont les enfants lirent plus
tard Ihommage à Guichard II.
La mémoire d'Auxilie de Savoie resta en grande
vénération dans le Beaujolais; sa piété et sa cha-
rité nous sont connues par nombre de fondations
et de bonnes œuvres. On lisait, dans un acte con-
servé longtemps au chapitre de Beaujeu, qu'elle
avait fait de grands biens à ladite église , « sçavoir,
« en ornements , chasubles , chapes , étoles , mani-
« pules, courtines, tabernacles et parements d'au-
« tel. » C'est pourquoi les chanoines de ce temps-là
prièrent leurs successeurs « d'avoir toujours mé-
« moire de ladite dame au jour de son décès, et
ce de célébrer tous les ans son anniversaire avec
ce psalmes, oraisons et aumône. «
De son mariage avec Auxilie de Savoie Hum-
bert eut quatre enfants, tous nommés dans le titre
de 1094, savoir :
1 ° Hugues , abbé de St-Hilaire , nommé le pre-
mier dans l'acte précité , sans doute à cause de sa
qualité d'abbé ;
2° Guichard, qui continua la lignée;
3° Humbert;
50 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
A" Guigues.
Severt donne encore deux enfants à Humbert i
Létard et Vuicard ; mais son opinion n'est appuyée
sur aucun titre.
GUICHARD II.
Il serait difficile détahlir en quelle année Gui-
chard II monta sur le siège seigneurial de Beaujeu;
toujours est-il que ce fut postérieurement à l'an-
née 1094, puisque nous avons vu plus haut qu'à
cette époque son père était encore vivant. Tout
porte à croire cependant que ce fut peu d'années
après.
Quoique les seigneurs de Beaujeu fussent de
haute naissance et qu'avant Guichard II ils eussent
déjà beaucoup agrandi leur domination, ce fut sous
son règne seulement que cet état commença à
prendre un accroissement qui présageait sa gran-
deur future. I/illustre naissance d'Auxilie de Sa-
voie sa mère , falliance qu'il contracta lui-même
avec la fiancée de Louis-le-Gros , roi de France, la
bravoure héréditaire de sa famille , qui brillait en
lui avec plus declat, et la faveur dont il jouit au-
près du roi de France, contribuèrent puissamment
à augmenter son autorité. Tous les seigneurs des
environs, dont la plupart avaient besoin de pro-
tection , vinrent se mettre sous la sienne, lui firent
DES SIRES DE BEAUJEU. 51
foi et hommage et le reconnurent pour leur suze-
rain. Sa domination s'étendit sur différentes parties
du Forez et du Maçonnais , et en{in sur quelques
points de la Dombes , qui devint dès-lors l'objet de
sa convoitise et de celle de ses successeurs.
Guichard eut une armée à lui , comme on peut
le voir par les titres de remise de fiefs que nous
rapporterons plus bas, et sur lesquels il se retenait
toujours d'être logé, lui et son armée, dans les
châteaux, bourgs et terres inféodés. Tout porte à
croire enfin quil eût reculé au loin les limites de sa
seigneurie , si des idées religieuses qui lui vinrent à
la suite dune maladie de langueur n'avaient arrêté le
cours de son ambition ; mais , une fois entré dans
cette voie nouvelle, le reste de sa vie fut consacré
aux œuvres de piété et de charité ; les austérités du
cloilre même ne lui parurent pas trop rudes pour
expier ce qu'il regardait comme un trop grand
amour de vaine gloire.
Guichard reçut en son château de Beaujeu la
visite du pape Innocent II , fuyant la persécution
de l'anti-pape Anaclet. Paradin rapporte cet évé-
nement à l'année 1132, c'est-à-dire au moment
où le pape , assuré de la protection du roi de
France, retournait à Rome pour y faire recon-
naître son autorité. Cet historien raconte qu'au
moment où Guichard apprit que le pape arrivait
et gravissait déjà la rampe escarpée qui conduit
S2 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
au château, le sire de Beaujeu, occupé à sa toi-
lette et seulement à demi -rasé, s'élança sur-le-
champ au-devant du pontife; et comme il lui fit
des excuses sur le désordre dans lequel il se pré-
sentait , le pape lui répondit en riant qu'il le trou-
vait fort bien comme cela, puisque ce désordre
même témoignait de son empressement.
Quoi qu'il en soit de cette anecdote, qui scan-
dalise fort Louvet , la date assignée par Paradin à
cette visite ne paraît pas bien certaine. Severt la
fixe à l'année 1129, c'est-à-dire à l'arrivée du pape
en France, et nous sommes de son a^^s. Un écrit,
affiché autrefois dans féglise de St-Nicolas de Beau-
jeu, vient corroborer cette dernière opinion, car
on y lisait : « La dédicace de legUse paroissiale de
St-Nicolas de Beaujeu est célébrée chacun an
le 1 3 de février, et fut consacrée par un pape
nommé Innocent II, auparavant notre Clément,
l'an de grâce 1 1 29 , étant chassé de son siège
par Anaclet, anti-pape, et s'en retournant à
Rome, après avoir fait quelque séjour en l'abbaye
de Cluny; passant par ce bourg de Beaujeu, le
sieur baron dudit Beaujeu le reçut honorablement,
et pria Sa Sainteté de vouloir bien bénitre ladite
i église ou chapelle de St-?Sicolas par lui construite
c et édifiée à neuf. Auparavant l'c^glise paroissiale
c étoit St-Martin des Etoux, qui fut lors réduite
dépendante de celle-ci. »
DES SIRES DE BEAUJEU. 53
Cet écrit fixe la date de 1 1 2 9 , et c'est l'impor-
tant; car, pour ce qu'il dit que cette année-là le pape
retournait à Rome, il se trompe évidemment, puis-
que c'est au contraire l'année de sa venue en Fiance.
L'église de St-Nicolas de Beavjjeu, dont il est
parlé dans l'écrit ci-dessus , avait été bâtie peu de
temps auparavant par notre Guichard; et voici
comment la tradition du pays raconte le fait :
L'étroite vallée qui se trouve au-dessous du châ-
teau de Beaujeu, et où coule la rivière d'Ardière ,
était à cette époque, dit-on , fermée vers sa sortie
du côté de la plaine par une chaussée naturelle, en
sorte que les eaux de la rivière, retenues par cet
obstacle , formaient un lac d'une certaine étendue.
Le château , placé sur un rocher au midi , et le
village des Etoux avec son église paroissiale au
nord , dominaient ce lac.
Or il arriva qu'un fils du sire Guichard , reve-
nant de la chasse et voulant laisser boire son cheval
qui était fort altéré, celui-ci l'emporta au milieu du
lac où le jeune prince disparut dans la profondeur
des eaux. A peine cette nouvelle fut-elle parvenue
à sa mère qu'elle s'élança au bord 'du lac , et là ,
tombant à genoux, elle fit vœu de bâtir à saint Nicolas
une belle église à l'endroit même où son fils repa-
raîtrait. A peine ce vœu fut-il prononcé , qu'on vit
reparaître le jeune prince à la surface de l'eau.
Fidèle à accomj)lir le vœu de la princesse, Gui-
54 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
chard fit rompre l'obstacle qui retenait les eaux
dans la vallée, et fit bâtir l'église de St-Nicolas au
lieu où elle est encore maintenant, puis profita du
séjour que fit au château de Beaujeu le pape Inno-
cent II pour la faire consacrer par le pontife.
Nous avons dit que Guicliard augmenta consi-
dérablement l'étendue et la puissance de sa sei-
gneurie. En effet, on peut en juger par l'extrait
suivant d'un registre qui était déposé aux archives
du chapitre de Beaujeu, sous ce titre : « Istaesunt
« acquisitiones quae subsequuntur, quas fecit Gui-
(t chardus dominus Bellijoci, Humberti Bellijocen-
« sis filins. M
Guillaume, surnommé l'Allemand, comte de
Màcon, transmit à Guichard de Beaujeu la terre de
Cenves en Maçonnais, avec toutes ses apparte-
nances et dépendances, pour les grands services
qu'il lui avait rendus et pour se libérer de cinq
cents sous qu'il tenait de lui en fief. Cette cession
fut faite à Salins, en présence d'L irich de la Poype,
de Léopold de Lons, de Hugues de Ville, de Gau-
bert de Montmorey, d'Humbert de Salins et de Gui-
chard d'Anton, de la part du comte de Màcon ; et
de celle du sire de Beaujeu, Robert-l'Enchaîné,
Guillaume son fils, Girin de Verneys et Robert
d'Andilly. Plus tard, selon le Cartulairc de l'église
de Beaujeu, cet accord fut ratifié par Keynold de
Màcon , fils de Guillaume, qui reçut la loi et hom-
DES SIRES DE BEAUJEU 85
mage du sire de Beaujeu dans le cloître de l'église
St- Vincent de Màcon , en présence d'Adelard de la
Sales , d'Oger de Veyle et d'Humbert de Mont-
morey , témoins du comte, et de Guichard de
Piseys , de Bernard de Bésornay, de Robert-l'En-
chainé , de Guillaume son fils et d'Humbert d'An-
dilly, témoins du sire de Beaujeu.
Eustacbe, comte de Forez, lui remit en fief le
bourg de St-Trivier, et plus tard Guigues d'Albon,
successeur d'Eustache , fit don au même Guichard
de tout ce qu'il possédait encore au château de
Ferreux, la presque totalité ayant déjà été cédée à
Humbert de Beaujeu. Le même Guigues fit encore
cession au sire de Beaujeu de tout ce qu'il possédait
au château de Chamelet et dans toute la chàtel-
lenie dudit château ; et comme Guichard de Beau-
jeu se trouvait alors à Lyon, il en fit sur-le-champ
la foi et hommage en présence de Godemar Durel,
de Berlion de Moirans , d'Aymar son frère et
d'Ildrien d'Ogerolles, témoins du comte de Forez,
et de Hugues de Beaujeu, abbé de St-Just, frère
de Guichard, d'Etienne de Marchampt, de Hu-
gues de Ronchivol, de Bernard de Verneys, de
Varnier de Roanne et de Durand de Rochefort,
témoins du sire de Beaujeu.
Guillaume , comte de Chàlon , donna en fief
audit Guichard le château de la Bussière avec son
casement et dépendances, pour le tenir comme
56 GENEALOGIE HISTORIQUE
le possédaient les déchaussés. Cette cession fut
faite à Marizy, en présence de Bernard Gros, de
Ijéonard de Digoine, de Bernard de Longemont,
de Gauthier de Moyria et de Robert de Bucy,
pour le comte de Chàlon ; et d'Etienne d'Andilly ,
de Barthélémy de Ligy , d'Eudes de Marchampt ,
d'Arthaud de la Bussière, de Guichard-l'Enchainé,
et de Pons de Montbons , de la part du sire de
Beaujeii.
Arthaud Le Blanc , vicomte de Chàlon , lui
donna la moitié du château de Riottier et la moitié
de la chàtellenie dudit lieu. Par clause spéciale
il fut convenu que, si l'un des deux copropriétaires
voulait vendre sa portion, il ne pourrait le faire
qu'au refus de l'autre de l'acquérir.
Robert Ruil céda à Guichard le tiers de ce qui
lui appartenait au château de Lay, et ce jiour ter-
miner les différends qui existaient entre eux; de
plus, ledit Ruil se reconnut homme-lige dudit sei-
gneur de Beaujeu.
Arnoulph , seigneur d'Urfé , surnommé Raybes
(en latin Râbles), donna le château dUrfé, qui
était de franc-alleu, audit Guichard , qui le lui ren-
dit en fief, sous condition de foi et hommage, etc.
Cette remise fut faite au château de Perreux, en
présence d'Etienne de Marchampt, de Durand
■ des Tours, de Humbert de la Douze et de Bernard
de Verneys , témoins du sire de Beaujeu ; et de
DES SIRES DE BEAUJEU. 57
Hugues de Verneys, d'Humbert son frère, de Du-
rand de Changy et de Gérard de Pastoi-et , de la
part du seigneur d'Urfé.
Paltomer et Guefïier, frères, donnèrent à Gui-
chard tout ce qu'ils possédaient en la Grange des
Ouches et à Villers, et le même seigneur le leur
remit en fief à condition de le lui rendre toutes
les fois qu'il voudrait y entrer avec son armée.
Hugues et Guillaume Bouchard cédèrent tout
ce qu'ils possédaient à Ferreux et le reçurent en
fief dudit Guichard , avec condition de foi et hom-
mage , etc..
Rolland-le-Chauve donna en alleu au sire de
Beaujeu tout ce qu'il possédait au château de Cha-
mosset , et le reçut de lui en fief
Guillaume-le-Gros donna en alleu au même
Guichard la moitié du château de Néronde et la
moitié de ladite chàtellenie ; plus, les fiefs de Milon,
de Rudiniac et de Bruns. Il reçut le tout en fief
dudit seigneur , se reconnut son homme-lige avec
promesse que, lorsque ledit seigneur de Beaujeu
voudrait aller deux ou trois fois lan au château de
Néronde avec deux ou trois cents chevaliers, ledit
château lui serait ouvert et qu'il serait pourvu de
vivres à ses gens par ladite chàtellenie.
Archimbauld-le-Blanc donna en alleu à Gui-
chard de Beaujeu le petit château appelé Gavages
avec ses appartenances et dépendances ; plus, Mon-
58 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
tagny et tout ce qu'il possédait depuis la vallée de
Marzé et la Dune jusqu'à la Bussière, et depuis
Marcilly jusqu'à Sle -Marie -de-la- Forest. Après
quoi ledit Guichard lui reaiit le tout en fief, sous
la condition que, si ledit Arcliimbauld venait à
mourir sans enfants légitimes , ledit sire de Beau-
jeu lui succéderait en tout. Cet accord, par lequel
Arcliimbauld se reconnaissait homme-lige de Beau-
jeu, fut passé à Propières en présence de témoins.
Robert-l'Enchaîné, voulant faire le voyage de
Jérusalem, pria le seigneur de Beaujeu de venir le
visiter dans sa maison de Montmerle , et pour l'a-
mour qu'il lui portait, et en mémoire des bienfaits
qu'il avait reçus de lui, il lui donna en alleu le châ-
teau de Montmerle et sa chàtellenie avec ses ap-
partenances, et encore tout ce qu'il possédait à
Chàtillon, tant au château qu'en la chàtellenie, et
tout ce qu'il possédait en alleu en autres lieux, le
tout avec le consentement de sa femme qui voulait
accompagner soiidit mari à Jérusalem. Tous les
biens composant cette donation furent immédiate-
ment donnés en fief à Guillaume, Bertrand et Bé-
rard-rEuchaîné , fils desdits donateurs , et encore
en bas âge, qui dès-lors devinrent hommes-liges du
seigneur de Beaujeu. Toutes ces choses se passè-
rent à Montmerle, en la maison dudit Robert, le
jour et fête des saints martyrs Fabien et Sébastien ;
et le lendemain Robert, sa femme et ses enfants
DES SIRES DE BEAUJEU. 69
Guillaume et Bertrand se mirent en chemin pour
Jérusalem. Les témoins qui assistèrent à ces con-
trats furent, de la part du seigneur de Beaujeu,
Etienne de Marchampt, Durand des Etoux, Etienne
de Francheleins, Pons de Montbons; et de la part
de Robert , Hugues de Gardvénerie , Aymon son
fils , Hugues de Mizérieu , Guicliard de Mizérieu ,
et Arthaud son frère.
Arthaud de la Forest donna à Guicliard de
Beaujeu, en alleu, Frosges et ses dépendances et
les reçut immédiatement en fief, sous la condition
que ledit Arthaud lui ouvrirait et remettrait Frosges
toutes les fois qu'il voudrait y entrer avec son ar-
mée. Ce contrat fut passé à Beaujeu en la maison
de Girard de Corcelles , présents le neveu dudit
Arthaud, Hugues de la Bussière, Simon de Ger-
molles et Etienne de Marchampt
Durand , surnommé Chair-Salée , donna en
alleu au seigneur de Beaujeu tout ce qu'il possé-
dait en la Grange de St-Priest, que le même sei-
gneur lui remit en fief, recevant en échange son
serment de fidélité.
Le seigneur Pierre , archevêque de Lyon , donna
audit Guichard et à Humbert son fils cinquante
sols annuels, en deçà du Mont-d'Or, pour le fief de
Guichard Grappe, afin d'éteindre un différend qui
existait entre eux relativement audit fief
On voit par l'extrait ci-dessus combien tous les
60 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
seigneurs qui avoisinaient le sire de Beaujeu étaient
jaloux d'acquérir son amitié ou de se mettre sous sa
protection , et, nous devons le dire, celte confiance
était complètement justifiée ; car Guichard, grand,
généreux el esclave de sa parole, prit toujours à
tâche de maintenir ses alliances et de faire respecter
les personnes et les propriétés de ceux qui avaient
eu recours à lui.
Guichard combla l'Eglise de biens immenses.
Une de ses plus belles fondations religieuses fut,
sans contredit, celle du prieuré de Joug-Dieu, situé
près du lieu où plus tard \ illefranche s éleva. Nous
allons apjirendre de Guichard lui-même les motifs
de cette fondation et l'origine du nom qu'il donna
à ce monastère ; voici comment il s'exprime dans la
charte quil fitexpédier à Tyron-au-Perche en 1 1 1 8 :
c< Une nuit, dit-il, étant seul dans mon apparte-
« ment de Thamais , j'eus la vision suivante : six
« hommes vénérables, tout brillants de lumière, se
«■ présentèrent à ma vue, ayant des jougs à leur cou
« et tirant une charrue sur laquelle étoit apj)uyé le
" saint homme Bernard , abbé de Tyron , un ai-
" guilloii à la main , avec lequel il les piquoit pour
« leur faire tracer un sillon droit. A mesure qu'ils
« avançoient, je voyois sortir de terre des fruits en
«; abondance. Aj)rès avoir longtemps réfléchi sur
« cette vision, j'allai trouver ledit abbé Bernard,
« à qui j'offris ce même lieu de Thamais, avec ses
DES SIRES DE BEAUJEU. 61
c« dépendances, pour y mettre des hommes qui,
rc sous le joug du Seigneur, prieroient continuelle-
ce ment pour moi et les miens , ce qu'il m'accorda
ce volontiers. Et , pour conserver la mémoire de la
et vision dont je viens de parler, je veux que ce
ce monastère s'appelle le Joug -Dieu. «
Celte charte fut donnée en présence de Hum-
bert, de Guichard, de Gauthier, d'Alix et de INIarie
de Beaujeu, enfants de Guichard, et de Rondon de
Marzé , de Pierre de Villefranche , de Guy de
Courtiamble, de Girard dePresle, d'Y ver de Cour-
ville, de Geoffroy de Beauvoir, d'Anlezin de Ma-
zille , d'Humbert de Malespine , de Rolïroy de la
Vieuville, de Guillaume de Chantemerle, de Payen
deMassieu, de Sulpice de Varennes, d'Etienne de
Marchampt , de Durand d'Estols , de Bérald de
Bile , de Hugues de Chaunes, d'Amblard de Beau-
regard , et d'Humbert de la Vauguyon.
Plus tard , ce prieuré fut érigé en abbaye sous
Guillaume HI, abbé de Tyron, comme nous l'ap-
prenons par une bulle du pape Lucien HI , adressée
à l'abbaye de Joug-Dieu en 1 1 82. Enfin, en 1 680,
cette abbaye fut sécularisée, et réunie à la collégiale
de Villefranche.
Par titre de 1117, Guichard de Beaujeu et
Hugues son frère, abbé de St-Just, engagèrent au
profit de l'église de St- Vincent de Màcon tout ce
qu'ils possédaient à droit ou à ton( juste vel injuste)
62 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
au village d'Avenas près Beaujeu. Cet abandon fut
fait sous la garantie de David de Margaion, de
Bernard de Verneys et d'Etienne de Marchampt,
qui s'engagèrent à demeurer en otage en cas de
non-exécution.
Par une charte de l'an 1130, on voit que la
chartreuse de Portes, en Bugey, se plaît à recon-
naître Guichard de Beaujeu comme un de ses prin- ,
cipaux bienfaiteurs.
Le sire de Beaujeu ayant eu quelques démêlés
avec l'archevêque de Lyon, ils convinrent de s'en
remettre à la décision du pape Innocent II qui
ordonna , par bulle donnée à St-lNIichel de la Cluse
le 3 des noues d'avril 1 1 32, et adressée aux évéques
d'Autun , de Viviers et de Grenoble , ainsi qu'à
l'abbé de Savigny, que les châteaux de Lissieu et
de Lilliers seraient démolis.
Enfin, notre Guichard, accablé d'une maladie
longue et douloureuse et qui ne lui laissait aucun
espoir de guérison, se retira au monastère de Cluny,
où peu après il prit l'habit de religieux. C'est là
qu'il finit ses jours en 1137, tout occupé de
l'œuvre de son salut.
Pierre-Ie-Vénérajjle , abbé de Cluny , nous re-
présente ce prince comme possédant toutes les
qualités qui distinguent les grands hommes, brave,
loyal et généreux à l'excès envers ceux qui recon-
naissaient son autorité ; il se fit aimer de ses sujets,
DES SIRES DE BEAUJEU. 63
estimer de ses alliés et craindre de ses ennemis. Sa
libéralité envers l'Eglise fut immense, et il la dota
par ses fondations d'une manière toute royale.
L'abbé de Cluny ne lui reproche qu'un peu trop
d'ambition, et encore est-il forcé d'avouer qu'il a
expié amplement cet amour de domination par
l'humilité de ses dernières années. L'Obituaire de
Beaujeu l'appelle princeps famosissimus.
Guichard II avait épousé Luciane de Rochefort
de Montlhéry, fille de Guy de Monllhéry, comte
de Rochefort-en-Juéline, seigneur de Gournay-sur-
Marne et de Cressy, surnommé le Rouge, sénéchal
de France, et d'Elisabeth de la Ferté-Bauhin, dame
de Cressy et comtesse douairière de Corbeil.
Luciane de Rochefort avait été fiancée précé-
demment avec Louis VI dit le Gros, roi de France;
mais les casuistes ayant élevé une difficulté relati-
vement au degré de parenté qui existait entre les
futurs époux, ces fiançailles furent cassées par le
pape Pascal II , pendant la tenue du concile de
Troyes qu'il présidait.
D'après Louvet, quatre enfants seraient nés du
mariage de Guichard et de Luciane, savoir : Hum-
bert, Martin, Baudouin et Gonthier. Mais Louvet
ne connaissait pas, je crois, la charte de fondation
de Joug-Dieu , que nous avons citée , et qui nous
guidera ici plus sûrement, puisqu'elle nomme une
partie de la descendance de Guichard. Guichenon,
64 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
qui connaissait probablement ce titre, la suivi et
donne huit enfants à Guichard , savoir :
1 ° Humbert , qui suit ;
2° Guichard;
3° Martin, sur lequel on lisait dans le livre des
obits de Beaujeu : Obiit v kaî. martii, Guibors uxor
Martini de Bellijoco;
A° Baudouin, cité en ces termes dans l'Obituaire :
8° kal. augusti^ obiit Bauduinus , puer,Jilius Gui-
char di domini Bellijoci;
5° Sibille , qui épousa Guy d'Albon , premier
du nom, comte de Forez et de Lyon : c'est elle
qui , selon de la Mure , fonda le prieuré de Beaulieu
en Forez;
6° Gauthier ou Gonthier : c'est de lui, dit-on,
qu'a pris son nom la montagne de Gonty près de
Beaujeu ;
1° et 8° Alix et Marie.
HUMBERT III.
Humbert III succéda à son père en 1137, et ici
encore nos auteurs sont en désaccord; car Duchesne
et Guillaume Paradin le nomment second du nom,
ce qui est impossible , comme nous lavons vu.
Severt, tout en adoptant le même système, va plus
loin et le fait père d'un autre Humbert qui, selon
lui, serait le fondateur de l'église de Belleville. Or
DES SIRES DE BEAUJEU. 63
ces deux Humbert ne sont qu'une seule et même
personne , comme nous le verrons par la teneur
des actes que nous aurons à citer dans le cours
de cet article.
Pierre-le-Vénérable , abbé de Cluny, dont Hum-
bert était devenu le parent par son mariage avec
Blanche de Chàlon, nous fait connaître ce prince
en disant de lui que, « lié au monde par deux fortes
« chaînes, la jeunesse et la richesse, il vécut quelque
« temps en grande licence et liberté. >j Mais une
vision qu'il eut changea le cours de son existence etle
ramena à des idées religieuses , qu'il suivit avec la
même ardeur qu'il avait mise à satisfaire ses plaisirs.
Une fois entré dans cette voie nouvelle et emporté
j)ar la fougue de son imagination, il dépassa le but,
et faillit amener la ruine de sa famille et de ses
états. Voici comment cet événement arriva : Hum-
bert ayant eu quelques démêlés avec un seigneur
de Forez, marcha contre lui, lui livra bataille, et
perdit dans le combat un brave et loyal chevalier
appelé Geoffroy d'Iden. Deux mois après, et comme
Humbert de Beaujeu se disposait à accompagner
Amé de Savoie dans une de ses guerres, l'ombre
de Geoffroy d'Iden lui apparut pendant la nuit, et
lui annonça que s'il persistait dans le projet de faire
partie de cette exj)édition, il y perdrait certaine-
ment sa fortune et même la vie. Effrayé de cette
vision, le sue de Beaujeu, après en avoir conféré
5
66 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
avec Guichard de Marzé, son conseiller el son ami,
fit vœu d'aller à Jérusalem visiter le St-Sépulcre ,
ce qu'il exécuta aussitôt. Arrivé en Palestine, Hum-
bert, emporté par son zèle et oubliant sa femme et
ses enfants , prit 1 habit des Templiers et prononça
les vœux de cet ordre.
Cette nouvelle étant parvenue en Beaujolais, y
excita une vive sensation et éveilla l'ambition et la
cupidité des seigneurs du pays, presque tous jaloux
de la puissance du sire de Beaujeu. Chacun voulut
profiter de son absence , soit pour abaisser ce pou-
voir, soit pour augmenter le sien propre, soit enfin
pour secouer un joug qui souvent paraissait un
peu lourd. Les choses en vinrent au point que la
seigneurie de Beaujeu en fut ébranlée jusqu'à sa
base et menacée d'une ruine totale. C'est alors que
Blanche de Chàlon, femme d H unil)ert, justement
effrayée de l'avenir de ses enfants, et voyant que ni
ses vertus ni sa bonté n'avaient pu désarmer ses
ennemis ou faire taire leur ambition , résolut de
s'adresser à l'autorité ecclésiastique pour faire an-
nuler les vœux de son mari et obtenir son retour
dans ses élats. Guillaume Paradin, en ses Mémoires
sur Ihistoire de Lyon , nous donne des détails assez
étendus sur cette négociation. Après avoir raconté
le voyage d'Humberl , sa prise d'habit chez les
Templiers et les malheurs qui en furent la suite :
« Sa femme, dit-il, avec deux de ses enfants s'en
DES SIRES DE BEAUJEU. 67
allèrent remonstrer à Eraclius , archevesque de
Lyon et à son frère Pierre , lors abbé de Cluny,
qui lors florissoyent en sainteté et exemplarité de
vie et prélature, comme plusieurs seigneurs leurs
voisins faisoyent sur eux de grands ettvahisse-
menls et destrousses, occupants leurs droits de
fait et de force, et travaillants leurs hommes et
subiects sans qu'il y eust personne qui s'opposast
à telles violences, en l'absence du seigneur, qu'ils
scavoyent estre en estrange et loingtaine région
et avoir renoncé au monde, ayant seulement
laissé le régime et gouvernement de sa maison
et enfants à une femme : laquelle , quoyqu'elle
fust de grands et illustres parents , la pluspart
suyvoient les entreprinses d'oultre mer, de mode
que ceux qui infestoyent la mère et les enfants
de Beaujeu ne respecloyent grandement son sexe
ny le bas aage de ses pelits-enfants. A ces causes
les supplia (comme ils luy appartenoyent de
proche parentage) de donner ordre que le prince
Humbert, son mary, lui fust rendu, autrement
sa maison, elle et ses enfants esloyent en branle
d'une grande ruine. «
Les deux prélats, touchés de cette triste jiosition,
interposèrent leurs bons offices auprès du pape
Eugène IL Pierre-le- Vénérable suivit cette affaire
avec tout le zèle de sa charité : ses efforts furent
couronnés d'un plein succès, et le pape ayant relevé
68 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Humbert de ses vœux, et lui ayant ordonné de re-
venir en ses états , ce prince obéit, et sa présence
excita en Beaujolais un enthousiasme difficile à
décrire : « Ce fut, dit Pierre-le- Vénérable, un sujet
« de triomphe pour le clergé , les moines et les
« paysans; les brigands, au contraire, ajoute-t-il,
« les pillards des biens des églises , des veuves et
« de tout le pauvre peuple qui était sans défense,
« tremblèrent en le voyant reparaître. Il ne trompa
« l'attente ni des uns, ni des autres ; il atterra telle-
« ment le vicomte de Màcon, ce loup qui le matin,
f< le soir et la nuit ravageait nos terres, qu'il pou-
fc vait dire avec Job : Je brisais les mâchoires
« du méchant et j'arrachais la proie de ses dents.
ce C'est ce qu'il fit, en deçà et au-delà de la Loire. »
Bientôt tout fut rétabli en bon ordre dans le
pays. La fermeté du prince était connue, aussi les
soumissions ne se firent pas attendre, et, parmi les
plus puissants , ceux mêmes qui avaient osé con-
voiter la riche proie de la seigneurie de Beaujeu,
se trouvèrent heureux d'obtenir par de nombreux
sacrifices l'alliance et la protection dHumbert.
Cependant ce prince ne se regardait pas comme
libéré envers Dieu du vœu qu'il avait fait, « et, pour
" expiation de la faute qu'il se disoit avoir commise
" d'avoir laissé la religion du Temple, » il résolut de
faire une fondation pieuse, digne de lui et du motif
fjui le faisait agir. Il consulta Hérarlius do Mont-
DES SIRES DE BEAL'JEU. gg
boissier, archevêque de Lyon, qui lui conseilla de
Cl mettre sus une compaignie et congrégation de cha-
" noynes réguliers de St-Augustin au lieu de Bel-
<i leville en Beaujolois. » Humbert goûta ce projet
et disposa tout à cet effet, en sorte qu'en 1158 il
jeta les fondements de la magnifique église de
Belleville. Les travaux furent poussés avec activité,
et en 1 1 64 elle fut dédiée à la vierge Marie par
Ponce, évèque de Màcon. Déjà six chanoines de
l'ordre de St-Augustin y avaient été établis : le
prince leur avait fait construire des bâtiments com-
modes ; il dota l'église de riches ornements , et y
établit un asile pour les criminels et les débiteurs.
En 1164, Humbert de Beaujeu, trouvant son
œuvre digne d'une destination plus élevée que celle
qu'il lui avait d'abord assignée , voulut élever la
congrégation de moines en abbaye ; il se rendit à
Lyon, où il traita cette affaire avec l'archevêque et
le chapitre assemblé. Par ce traité il demeura con-
venu que les jirieurs de St-Irénée seraient à per-
pétuité titulaires de ladite abbaye, ou que du moins
la nomination leur en appartiendrait. En consé-
quence, Etienne, qui pour lors était prieur, fut
installé sur-le-champ premier abbé de Belleville.
Humbert HI parut, en 1153, à l'assemblée qui
fut tenue en l'église de St- Vincent de Màcon pour
aviser au moyen de chasser de la Bourgogne les
routiers qui dévastaient les terres de l'Eglise, et no-
70 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
tamment celles de l'abbaye de Cluny. Cette as-
semblée, qui dura trois jours, était composée de
tout ce que le clergé et la noblesse du pays avaient
de plus distingué : on y remarquait Pierre-le-Véné-
rable , abbé de Cluny ; Odon , cardinal-légat du
St-Siége; Héraclius, archevêque de Lyon, avec ses
suffragants , les évéques d'Autun , de Màcon et
de Cliàlon ; Guillaume , comte de Bourgogne ;
Guillaume , comte de Chàlon ; Humberl de Beau-
jeu: Jocerand Gros, seigneur de Brancion ; Hugues
de Berzé, Hugues de Scalziac, et beaucoup dau-
tres puissants seigneurs.
On prit à cette conférence les mesures les plus
sages pour la sûreté de l'abbaye de Cluny et du pays
en général. Chaque seigneur promit d'emj)loyer
tout son pouvoir pour arriver à ce but.
La dévotion d'Humbert ne maîtrisa pas toujours
son ambition : il se ligua avec Gérard , comte de
Màcon, son parent et son allié, contre Rainald HI
ou lleignauld , seigneur de Beaugé. (^es princes
portèrent en Bresse la ruine et la dévastation , et
ravagèrent cette malheureuse province ])ar le fer et
par le feu. Ulrich, fils de Rainald, tenta vainement
de s'opposer à ce torrent dévastateur; il fut battu et
fait prisonnier. Son père, qui se voyait encore me-
nacé dun autre côté par Guichard, archevêque de
Lyon, qui s'avançait aussi en armes, eut recours au
roi r>ouis-le-Jeuno. aucpiel il raconta ses désastres,
DES SIRES DE BEAUJEU. 7 1
le priant de le secourir et de lui faire rendre son
lils. Le roi écrivit au sire de Beaujeu pour en ob-
tenir la délivrance d'Ulrich, mais cette lettre resta
sans effet et Rainald fut obligé de faire sa paix lui-
même , au prix d'immenses sacrifices : il céda, pour
la rançon de son fils, ses châteaux de Thoissey et de
Lent au sire de Beaujeu qui, comme on le voit,
poursuivait avec persévérance , et par tous les
moyens possibles , la possession de la principauté
de Bombes , objet constant de l'ambition de sa
famille.
La résistance d'Humbert à la volonté du roi
nous prouve quelle était déjà à cette époque la
puissance des seigneurs de Beaujeu. On peut au
reste s'en faire une idée en lisant la lettre qu'Etienne,
abbé de Cluny, écrivait au roi pour l'engager à
venir en Bourgogne afin d'arrêter les ravages
commis par les Brabançons et faire reconnaître
l'autorité de Dreux, archidiacre de Lyon, dont le
pape avait cassé l'élection. Il promit au roi un heu-
reux succès de son voyage, « attendu, ajoute-til,
« que le sire de Beaujeu tiendroit pour le parti de
« Sa Majesté. " Reconnaissons cependant que les
sires de Beaujeu n'usèrent d'indépendance que pour
leurs démêlés particuliers avec leurs voisins, et qu'ils
restèrent constamment attachés à leurs souverains
qui savaient pouvoir parfaitement compter sur eux
dans l'occasion , et qui se plurent toujours à leur
72 GÉNÉALOGIE HISTORIQL'E
donner des marques de leur confiance. C est ainsi
que nous voyons le roi revêtir notre Humbert de
pleins pouvoirs pour terminer un grave différend
survenu en 1 1 71 entre Liébaud, abbé de Tournus,
et les habitants de cette ville, mission dont le sire
de Beaujeu s'acquitta à la satisfaction de tous.
Humbert de Beaujeu et Guy de Forez accompa-
gnèrent le roi Louis-le-Jeune dans la guerre que fit
ce prince au comte d'Auvergne et au comte du
Puy, et doù il ramena prisonniers Ponce vicomte
de Polignac et son fils Héracle. Comme l'armée,
au retour de cette expédition , se trouvait à Mont-
brison, Guy de Forez, ne jugeant pas à propos de
se prévaloir du don que le roi lui avait fait de
l'abbaye de Savigny en Lyonnais, la rendit à Hum-
bert de Beaujeu , « parce qu'elle lui appartenoit et
« à ses prédécesseurs de toute ancienneté, » dit le
titre de cession, qui fut fait en léglise de Ste-Marie-
Magdeleine, hors la ville de Montbrison , en pré-
sence de Guy de Garlande, de Guy-le-Bouteiller
et de Guy de Chevreux, cousin d Humbert de Beau-
jeu, tous de la maison du roi, de l'abbé et du prieur
de Savigny et de Bertrand de Tarare; les autres
témoins de la suite du comte de Forez sont : Gui-
chard d'Yoing, Ponce de Rochebaron et Ponce
d'Albigny ; ceux du sire de Beaujeu, Ardoin de la
■ Salle, Adelard son cousin, Hugues de Vinzelles,
Maveul et Guillaume de Vinzelles. Tl est à remar-
DES SIRES DE BEAUJEU. 7.3
quer que dans ce titre Humbert est qualifié de cou-
sin par le roi.
Guichard, fils de notre Humbert, étant mort,
son père le fît transporter à Belleville où il fut en-
seveli. Les religieux reçurent à cette occasion un
surcroit de dotation , composé des moulins de
Belleville, des meix de Fontanelle et de Poimier,
du clos de Brouilly, des fours de Belleville, des
profits du marché et de tout ce que le seigneur pos-
sédait aux Carriges. C'est à la suite de ces funé-
railles que Humbert IH fit jurer à son fils, nommé
aussi Humbert, et qui devait être son successeur,
de maintenir la fondation qu'il avait faite, ainsi que
les droits et prérogatives des religieux de Belleville.
Ce serment fut fait sur les saints Evangiles, en
présence de Guichard, archevêque de Lyon, et
d'Anthelme, évèque de Belley, prieur de Portes.
Tout porte à croire que Humbert HI céda de
son vivant le siège seigneurial à son fils , comme
nous le verrons à l'article suivant, ou que tout au
moins il l'associa à son pouvoir.
L'Obituaire de Beaujeu fixe le décès d'Hum-
bert in à l'avaut-veille des ides de septembre 1179.
Ce prince avait épousé, comme nous l'avons dit,
Blanche de Chàlon , fille d'Hugonin , et nièce de
Guillaume comte de Chàlon. De ce mariage Lou-
vet fait naître seulement deux enfants, Guichard
dont nous avons rapporté la mort, et Humbert qui
74 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
succéda à son père. Mais Guichenou nous paraît
mieux instruit, et nomme quatre enfants issus
d'Humbert et de Blanche, savoir:
1 ° Guichard , décédé avant son père ;
2° Humbert, qui suit;
3° Hugues, qui fut marié, et ne laissa qu'une
fiUe mariée à Archambauld \ I , vicomte de Com-
born;
4° Guy , nommé avec ses frères dans une
charte de 1194.
HUMBERT IV.
Dans un traité de l'an 1 1 7 S , passé entre Gui-
chard, archevêque de Lyon, et Humbert, seigneur
de Beaujeu, on lemarque que ce prince y est ap-
pelé le Jeune; ce qui semble prouver qu'à cette
époque Hunii)ert HI était encore vivant, et con-
corde parfaitement avec l'Obiluaire de Beaujeu cité
plus haut ; et comme le même titre qualifie ce
même Humberl-le-Jeune de seigneur de Beaujeu,
nous pouvons donc croire qu'il avait été associé au
pouvoir par son ])ère , ou que celui-ci s'était démis
volontairement de son autorité en faveur de son
fils.
Ce traité de 1175 mérite encore d'être cité par
les clauses quil renferme. On y voit qu Ilumbcrt-
le-Jeune, seigneur de Beaujeu, et Guichard, ar-
DES SIRES DE BEAUJEU. 75
chevêque de Lyon, promettent de se défendre l'un
l'autre contre leurs ennemis, et de se prêter leurs
châteaux pour s'en servir en temps de guerre , soit
qu'ils se trouvent situés dans l'archevêché de Lyon,
ou dans les évêchés d'Autun ou de Màcon, et que
chaque archevêque ou chanoine de Lyon serait
tenu de jurer et maintenir ce traité à l'époque de
son élection, sous toute réserve de la fidélité due
au pa])e , à l'empereur et au roi de France.
Mais ce traité, qui assurait la paix entre l'arche-
vêque de Lyon et la sirerie de Beaujeu, ne parut
pas sans doute à Humbert l'avoir engagé vis-à-vis
des autres évêques ses voisins , car en 1 1 80 il se
ligua avec plusieurs autres seigneurs et commit
grand nombre d'exactions envers les églises de
Bourgogne, qui furent obligées d'avoir recours au
roi pour faire cesser ce pillage. Philippe-Auguste
ne balança pas à marcher au secours des églises op-
primées; en effet, nous lisons dansNicolle Gilles:
« Il alla contre Imbert de Beaujeu et le comte de
« Chàlon qui persécutoient les églises de leurs terres,
" contre les immunités que le roi leur avoit données,
ce et faisoient plusieurs exactions et pilleries. Il prit
« et abattit leurs places et châteaux, jusqu'à ce
« qu'ils vindrent à merci et qu'ils restituassent aux
« églises ce qu'ils leur avoient oté. »
Humbert IV marcha sur les traces de ses prédé-
cesseurs, s'occu])a beaucoup de l'agrandissement de
76 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ses états , et reçut l'hommage d'un grand nombre
de seigneurs qui venaient s'engager eux-mêmes afin
de se procurer l'utile protection du sire de Beaujeu.
Ainsi nous voyons Arnauld de la Porte et son frère
lui donner en alleu et recevoir de lui en fief,
moyennant hommage , tout ce qu'ils possédaient à
Parigny. Etienne, Pierre et Bernard Gemme frères
firent de même pour leur terre de Baleure (Bal-
leorum). Etienne de Villars suivit le même exemple
pour son château de Monteil. Beaucoup d'autres
encore sont nommés dans les chartes du temps.
En outre de cette augmentation de puissance ,
le sire de Beaujeu accroissait aussi chaque jour son
domaine ])articulier par de nombreuses acquisitions.
Nous en citerons quelques-unes, assez curieuses par
leurs stipulations et comme monuments des mœurs
du temps. «
Archimbauld le-Blanc, voulant aller à Jérusalem,
lui vendit tout ce qu'il j)ossédait sur les bords de
la Loire , consistant en plaines , montagnes , bois,
eaux , fiefs , serviteurs et servantes. Et comme ce
voyage devait entraîner Archimbauld dans de
grandes déj)enses, Ilumberl de Beaujeu lui prêta
sur la garantie de sa terre de Chevagny cinq mille
sols, cent sols de la monnaie de Cluny, cinq cents
sols forts de la monnaie de Lyon , et trois marcs
d'argent. 11 demeura convenu que nul autre que
Archimbauld lui-même ne pourrait dégager ladite
DES SIRES DE BEAUJEU. 77
terre de Chevagny, qui appartiendrail de plein droit
au sire de Baujeu en cas de décès de l'emprunteur.
Il fit ainsi de nombreuses acquisitions de
Guillaume et Hugues de Marchampt, de Hugues
de Charrin, d'Arthaud Morel, etc..
Humbert passe généralement pour être le fon-
dateur de Villefranclie , qui plus tard devint la ca-
pitale du Beaujolais. S'il ne jeta pas les premiers
fondements de cette ville , au moins fit-il ceindre
de murailles le bourg qui en fut le premier noyau
et lui accorda-t-il de nombreux privilèges, comme
on peut le voir au chapitre de Villefranclie.
Selon Guichenon , Humbert IV épousa , vers
1 1 64, Agnès de Thiern, comtesse de IVIontpensier
en Auvergne , veuve de Raymond de Bourgogne,
comte de Grignon , et fille de Guy de Thiern ,
comte de Montpensier.
De ce mariage sont issus :
1 ° Guichard, dont l'article suit ;
2° Pierre, prieur de la Charité-sur-Loire;
3° Guichard, appelé plus communément Wui-
card, selon l'ancienne prononciation, pour le dis-
tinguer de son frère nommé plus haut. Ce prince
est nommé dans un traité de 1 1 96 entre le chapitre
de Beaujeu et le sieur Blain de Bocci. Wuicard
mourut sans alliance, et laissa tout ce qu'il possé-
dait dans le comté de Thiern et en Bresse à son
neveu aussi appelé Wuicard, que l'on croit issu
78 cénéalogie historique
des vicomtes de Coniborn, descendus de Hugues
de Beaujeu, fils de Humbert III. Plus tard, Gui-
chard III rentra dans cet héritage par suite d un
arrangement.
k° Alix, mariée à Renaud de Nevers, comte de
Tonnerre. Devenue veuve en 1 i 99, elle se fit reli-
gieuse à Fontevrault.
GUICHARD III.
Guichard III succéda à son père vers l'an 1200.
Le premier titre que nous connaissions de lui est
une reconnaissance de 1 202 , par laquelle il con-
fesse tenir en fief des ducs de Bourgogne, Belleville,
Thizy et Ferreux. La même année et au mois de
novembre il donna une charte, datée de Cluny,
pour terminer le différend qui existait entre lui et
Hugues, abbé dudit Cluny, relativement à des
droits fort onéreux que les sires de Beaujeu pré-
tendaient sur les terres de l'abbaye, et dont Hugues
contestait la validité. LafTaire fut portée devant
six arbitres, dont trois chevaliers et trois moines;
mais ces juges n'ayant pu s'entendre, Guichard
termina railaire lui-même en renonçant à tous
les droits qui faisaient l'objet de la discussion :
c< Volo, » dit-il dans l'acte , « malas consuetudines
« radiciter amputare et bonos usus antecessorum
« meorum flrmiter cnstodire. »
DES SIRES DE BEAUJEU. 79
Guichard n'usa pas toujours de la même mo-
dération , car il voulut s'emparer de vive force de
la seigneurie de Thiern sur le vicomte Guy, son
cousin. Celui-ci n'était pas de force à résister à un
adversaire aussi puissant; mais le vicomte eut re-
cours à Renaud, archevêque de Lyon, et à Guy,
comte d'Auvergne, qui parvinrent, après une lutte
assez acharnée, à faire relâcher la proie dont le sire
de Beaujeu s'était déjà emparé.
Il eut aussi une guerre assez vive avec Guignes,
comte de Forez, pour les délimitations de leurs
états et pour certains fiefs que chacun des deux
seigneurs prétendait lui appartenir. Enfin leurs
amis parvinrent à les accorder, et il intervint un
traité j)ar lequel Guignes de Forez et son fils re-
mettent à Guichard les terres qu'il réclamait, à la
réserve de l'hommage dû par le seigneur de Beaujeu
pour quelques fiefs nommés dans l'acte Chassa-
menta.
De son côté, Guichard remit au comte de Forez
les fiefs de Néronde, de St-Maurice , des Oches,
d'Urfé, d'Arnaud, de St-Marcel et de Charusselas,
se réservant seulement le fief de St-Just-la-Pendue.
Ce même traité fixa les limites des deux états,
et chacun des contractants prit l'engagement de ne
rien acquérir au-delà de ces limites.
Plus tard Renaud de Forez, archevêque de Lyon
et tuteur de son neveu , voulut contester ce traité ;
80 GENEALOGIE HISTORIQUE
mais, au moment où l'on allait prendre les armes,
le roi intervint, et chargea Raimond, évéque de Cler-
mont , le duc de Bourgogne et Guy de Dampierre
de les mettre d'accord , ce qui eut lieu , et le traité
fut maintenu.
Guichard avait précédemment et du vivant de
son père, le jour de saint Laurent 1 193, reconnu
et juré les privilèges de l'abbaye de Belleville, pro-
mettant solennellement à iabbé et aux religieux de
les laisser jouir de tout ce qui leur avait été donné
par Humbert de Beaujeu son aïeul, leur fondateur,
et par Humbert de Beaujeu son père, déclarant que
cette église servirait d'asile «^ à tous ceux qui s'y
« réfugieroient, et à toutes les choses qui y seroient
« déposées. ^ Enfin, il déclara choisir cette église
pour sa sépulture et celle de sa postérité.
Après avoir terminé quelques dillérends avec
Jean, archevêque de Lyon, par un traité où il s'en-
gage à lui faire rhommage pour son château de
Lissieu, Guichard se rendit, sur l'ordre du roi,
auprès du pape et de l'empereur de Constantinople.
Le choix d'un pareil ambassadeur était digne et de
la France et de remj)ire d'Orient; car Guichard, en
outre de sa haute naissance et des talents que les
historiens se sont plu à lui reconnaître, était beau-
frère de Philippe-Auguste, de Baudouin et de Henri,
comtes de Hainaut et de Flandres, tous deux suc-
cessivement empereurs de Constantinople. Le sire
DES SIRES DE BEAUJEU. 81
de Bcaujeu partit donc pour cette ambassade avec
sa femme et mie suite digne de sa haute position. Il
fut traité à Constantinoj)le comme devait l'être l'allié
de l'empereur et du roi de France. C'est alors qu'il
fit construire dans cette ville la fameuse lourde Beau-
jeu, dont il est si souvent parlé dans nos chroniques.
Guichard, revenant de son ambassade, traversa
l'Italie, et, passant à Assise, alla visiter saint François
qui édifiait alors le monde par sa sainteté : ravi de
l'ordre et de la piété qui régnaient dans cette commu-
nauté, le sire de Beaujeu conçut le désir d'introduire
des moines de cet ordre dans ses états. Saint Fran-
çois , ayant approuvé ce projet, lui donna trois
frères, que le prince amena avec lui et installa dans
son château de Pouilly en Beaujolais. Plus tard il
les transporta à Villefranche, qui commençait à de-
venir une ville d'une certaine importance , et les
plaça dans un vieux château qu'il possédait là ; d'oii
cette partie de la ville prit le nom de Minorette,
du nom des frères qu'on appelait de l'ordre mineur.
Sur les murs de cet édifice se lisait encore, il y a cent
ans, cette inscription : « Guichard III de Beaujeu,
« revenant ambassadeur de Constantinople, amena
« trois compagnons de saint François d'Assise ,
« fonda leur couvent à Pouilly-le-Chastel l'an 1209,
« où ils demeurèrent six ans , de là furent amenés
« et fondés en ce lieu par le même Guichard l'an
« 1216, lequel fit clore la ville de murailles, w
82 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Le père Fodéré, dans son Histoire des couvents
de Saint-François, explique ainsi le transfert des
moines de Pouilly à \ illefranche. On dit que les
bons Pères eurent quelques démêlés avec le châ-
telain de Pouilly, qui les prit en haine et imagina
mille moyens de leur nuire. Lorsque les moines
étaient dehors, soit pour quêter, soit pour accom-
plir quelque fonction de leur ministère, il faisait
lever le pont-levis , et les Pères étaient obligés de
coucher dehors. D'autres fois , lorsqu'il aj)prenait
qu'ils avaient le projet de sortir, il ne permettait
pas l'ouverture des portes ; souvent même il les
retenait ainsi plusieurs jours, au risque de les faire
mourir de faim en les empêchant d'aUer quêter leur
nourriture. Enfin, les choses en vinrent au point
que plainte fut portée au sire de lieaujeu, qui les fit
transférer à Villefranche , où ils eurent un fort bel
établissement.
Fidèle à ses devoirs envers son roi, le sire de
lîeaujeu accompagna le prince Louis, qui fut en-
suite le roi Louis VIII, dans sa croisade contre les
Albigeois en 1 21 3 : il y assista avec grand nombre
de seigneurs de la jnemière noblesse. On y re-
marquait plusieurs évêques , les comtes de Saint-
Paul, de Ponthieu , de Sées, d'Alencon ; les sires
de Montmorency, le vicomte de Melun , etc..
■ La campagne terminée, le prince Louis se rendit
en Angleterre oii l'ajjpelaient les hauts barons pour
DES SIRES DE BEAUJEU. 83
le couronner au préjudice de leur roi Jean, contre
lequel ils s'étaient insurgés. Le sire de Beaujeu ac-
compagna le fils de son roi dans cette nouvelle ex-
pédition, assista au couronnement qui eut lieu à
Londres au mois de juin 1216 , et se rendit au
siège de Douvres où il tomba malade, fit son
testament le 1 8 septembre 1216 et mourut peu
de jours après. Ses ossements furent rapportés
en France, et inhumés partie à Cluny et partie à
Belleville.
Guichard avait épousé Sibille de Hainaut et de
Flandres , fille de Baudouin-le-Courageux , comte
de Hainaut, et de Marguerite de Flandres. Ainsi
elle était sœur de Baudouin et de Henri, tous deux
empereurs de Constantinople , et aussi d'Isabeau ,
femme de Philippe-Auguste, roi de France. Gui-
chenon fixe ce mariage, nous ne savons trop sur
quelle autorité, à l'an 1 1 9S , et dit que la princesse
apporta en dot 2,000 marcs d'argent.
Paradin, et après lui Severt, Sainte-Marthe, Le
Laboureur et plusieurs autres , se sont étrangement
mépris sur la naissance de Sibille de Flandres, qu'ils
font fille de Ferrand de Portugal, premier mari
de Jeanne, comtesse de Flandres, laquelle était
fille de Baudouin de Hainaut et de Flandres , et
empereur de Constantinople. Ces auteurs ont évi-
demment été induits en erreur par une inscription
qui existait au couvent des Cordeliers de Ville-
84 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
franche. Or cette inscription , comme l'observe
judicieusement Guichenon, ne mérite aucune con-
ilance, étant d'une facture et d'une écriture mo-
dernes, fausse de tous points, et faite probablement
par quelque moine ignorant. Louvet, qui sest livré
sur ce point de notre histoire à de grandes re-
cherches, est complètement de l'avis de Guichenon,
et établit clairement la fausseté de l'assertion émise
par les différents auteurs que nous avons cités.
Nous ne le suivrons j)as dans la longue dissertation
qu'il nous a laissée à ce sujet: disons seulement
que le mariage de Guichard de Beaujeu avec une
fille de Jeanne de Flandres est im])ossible , puis-
qu'elle ne laissa d'enfants ni de Ferrand de Por-
tugal, ni du prince Thomas de Savoie qu'elle avait
épousé en secondes noces ; que sa succession ayant
passé à sa sœur Marguerite , femme de Guillaume
de Damj)ierre , ceux-ci ne furent jamais troublés
dans cet héritage par les sires de Ik'aujeu, qui au-
raient eu certes bon droit à le faire si Guichard
avait épousé une fille de la comtesse Jeanne.
Tous les enfants issus du mariage de Sibille de
Flandres avec Guichard de Beaujeu sont rappelés
dans le testament de ce dernier , avec la mention
des legs qu'il leur fait, savoir:
1 ° Humbert, dont l'article suit, et que son père
institue son héritier pour toute la terre de Beaujolais ;
2° Guichard, à qui il donna la terre de Mont-
DES SIRES DE BEAUJEU. 85
pensier et qui fut auteur de la branche qui prit
ce nom , aussi rapportée plus bas ;
3° Henri , à qui il donna ses terres de Bugey et
Valromey, à la charge d'en faire Thommage-lige
au comte de Savoie : il mourut sans alliance ;
4° Louis, qui fut chanoine et chantre du cha-
piti'e de Lyon , puis évèque de Bayeux : il légua à
Amé de Talaru la maison de Beaujeu sise à Lyon , et
au chapitre de Beaujeu cent sols de rente , que Hum-
bert son frère échangea contre la dîme d'Ouroux;
S° Agnès , qu'il prie Louis de France son neveu ,
et héritier présomptif de la couronne , de voiJoir
bien marier selon sa condition ; et dans le cas où il
ne voudrait pas s'en charger et s'en trouverait empê-
ché, il lègue à ladite Agnès mille marcs d'argent
j)our sa dot : elle épousa Thibaut I V^ du nom, comte
de Champagne et de Brie , et roi de Navarre ;
6° Marguerite, fiancée à Henri, fils de Guillaume,
comte de Màcon : le testateur ordonne que , dans
le cas où ce mariage aurait lieu, toutes les choses ci-
devant promises par lui soient fidèlement données ;
et, dans le cas contraire, il lègue à Marguerite,
comme à sa sœur nommée plus haut, mille marcs
d'argent : ce mariage n'eut pas lieu ;
7° Philippine, que son père recommande et
lègue à sa tante la comtesse de Tonnerre, pour la
faire religieuse à Fontevrault ;
8** Sibille, la plus jeune de ses filles, qu'il laisse
86 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
à la garde de sa mère et à qui il donne cinq cents
marcs d'argent pour sa dot. EUe épousa le 1 Ô
janvier 1 228 Rainald, sire de Beaugé IV® du nom ,
fils d'Ulrich de Beaugé et d'Alexandrine de Vienne.
A l'époque de ce mariage , Humbert de Beaujeu
ajouta à la dot de sa sœur une rente de quarante
livres monnaie de Lyon , le château de Chàtillon-
les-Dombes, et l'hommage d'Ame de Coligny. Et
comme Rainald de Beaugé prétendait encore à un
surcroit de dot, le sire de Beaujeu promit que, à son
retour de l'Albigeois, il s'en rapporterait à ce que
décideraient à ce sujet l'évèque de Màcon et Odon
de Montagu. Pour sûreté de cette promesse , il
donna pour caution Jean de Chastelux, Hugues
Palatin, Thomas de Marzé, Josserand de Pizeys,
Barthélemi de l'Escluse , Humbert de Noailly ,
Hugues de Ronchivol, Etienne de Marzé, Pierre
de Chàlillon, R. de Banains, B. de Saint-Sorlin ,
Guichard son frère, Girin de Marzé, et les châte-
lains de Belleville, de Beaujeu et d'Alloignet, qui
tous promirent d'aller en otage à Beaugé ou à
Màcon, dans le cas où le sire de Beaujeu ne tien-
drait pas sa promesse.
Guichard, après avoir ainsi relaté tous ses enfants
dans son testament et fixé la dot de chacun d'eux,
déclare qu'il veut et ordonne que ses deux enfants,
G.uichard et Henri , soient confiés à la garde de
leur mère , jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de
DES SIRES DE BEAL'JEU. 87
gérer leur bien ; et dans le cas où sa dite femme
viendrait à se remarier, veut que son fils Guichard
et sa terre de Montpensier restent sous la garde du
prince Louis de France, et que son fils Henri soit
sous celle de l'archevêque et du chapitre de Lyon ;
ordonne que la paix qu'il a établie avec son cousin
Guichard reste ferme et stable , et défend à son fils
et héritier Humbert de rien toucher à sa succession,
que préalablement il n'ait payé toutes ses dettes et
satisfait à toutes clameurs. Il ordonne de plus que
la porte de sa grande tour du château de Beau] eu
soit fermée à clé et murée d'un mur en pierre , que
la clé en soit confiée au chapitre dudit Beaujeu,
qui ne devra la remettre que trois ans après son
décès, et non point avant, à son fils et héritier, qui
alors seulement pourra l'ouvrir et prendre posses-
sion des richesses qu'elle contient, à l'excejuion
d'un flambeau d'argent qu'il donne à l'église de
St-Rigaud pour faire prier pour le repos de son
àme. Il prie aussi son fils de conserver soigneuse-
ment les anneaux d'or et autres joyaux qu'il lui
laisse , et de ne les engager sous quelque prétexte
que ce soit. Enfin , Guichard termine ce testament
en priant le prince Louis de vouloir bien y apposer
son seing et cachet.
Sibille, veuve de Guichard IV, survécut à son
mari ; l'Art de vérifier les dates indique sa mort le
9 janvier 1 226 , et se fonde sur une vieille chro-
88 GENEALOGIE HISTORIQUE
nique manuscrite qui ajoute, en parlant de cette
princesse : <:<■ Ce fut une très bonne et très dévole
« dame; » éloge naïf, qu'elle parait du reste avoir
mérité par ses vertus et sa charité.
Louvet, dont les recherches nous ont toujours
paru très exactes , prétend au contraire que Sibille
vivait encore en 1 240, et assure avoir vu un titre de
cette dite année par lequel Sibille de Flandres ,
veuve de Guichard de Beaujeu , et Humbert sieur
dudit Beaujeu, achètent conjointement une partie
de la dinie des Ardillats jiour l'église de Beau-
jeu, etc.. Entre ces deux autorités, il nous serait
fort diflicile de prononcer.
HUMBERT V.
Humbert V succéda à son père immédiatement
après la mort de celui-ci , mais toutefois sous la
BRAKCIIE DE BEAUJEU MONTPE?<SŒR.
Guichard, fils puîiK' de Guichard III, sire de Beaujeu et de
Sibille de l'iaudres, eut en partage, comme nous l'avons dit plus
h.iiil , la terre et seigneurie de Montpensier , et fut auteur de la
branche qui en prit le nom, et dont nous trailous ici. Nous
savons peu de chose de la vie de ce Guichard, et ne le connaissons
guère que par quelques actes que nous allons rajqiorter ici.
11 épousa en 1225 Catherine de Clermout, dame de iMont-
ferrand et d'IIermenc , fille de Guillaume comte d'Auvergne et
de'I\Ionirerrand, dauphin d'Auvergne, et d'Isabeaude Danqiierre.
Par l'acle de ce mariage Guichard fit donation à ladite Cathe-
DES SIRES DE BEAUJEU. 89
garde du chapitre de Beaujeii, qui conserva exacte-
ment la clé de son trésor pendant trois ans, ainsi
que le prescrivait le testament de Guicliard. C'est
pendant cet espace de temps qu'Humbert épousa
Marguerite de Beaugé. Guichenon dit que ce ma-
riage eut lieu le 15 juillet 1218, et que Guy de
Beaugé, père de Marguerite, lui constitua en dot
mille livres fortes et la ville de MireLel (Miribel) avec
ses dépendances , sous la condition toutefois qu'il
pourrait retenir ladite seigneurie tant que bon lui
semblerait, en payant chaque année à Humbert de
Beaujeu la somme de cent livres fortes. Il fut encore
convenu que, dans le cas où Guy de Beaugé vien-
drait à mourir sans enfants mâles , la terre de
Beaugé appartiendrait en toute propriété à Hum-
bert de Beaujeu et à sa femme Marguerite. Ces
conventions furent faites et scellées à Belleville.
rine son épouse de la moitié de tous ses biens présents et
à venir, à la réserve seulement de sa seigneurie de IMoutpensier.
Le comte de Clermont, de son côté, fit don à sa fille de la ville et
seigneurie de Montferrand en Auvergne, sous la réserve de
7 livres de rente dues à la maison des Chartreux , de 2îj livres
de rente pour la dot de Marguerite de Clermont sa nièce , et de
quelques héritages dont le comte de Clermont se réservait l'usu-
fruit. Ces conventions furent modifiées plus tard , et il intervint
successivement deux traités à cet effet. Par le premier , du mois
de juillet 1230, Guillaume de Clermont abandonna ses réserves
sur la seigneurie de Montferrand, moyennant une sonmie de 700
livres et une rente de 100 livres, assise sur la terre de Mont-
90 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
La cession de la terre de Miribel entraînait celle
de son prieuré qui dépendait de l'abbaye de l'Ile-
Barbe, dont Guignes était alors abbé. Ce prélat,
qui redoutait l'ambition des sires de Beaujeu, vit ce
changement de mauvais œil, et éleva de nombreuses
difficultés pour la prise de possession; mais Humbert
et Marguerite sa femme le calmèrent en reconnais-
sant, par un traité de 1 222, lui devoir l'hommage
de leur terre de Miribel. Ce traité fut encore con-
firmé au mois de juillet 1 229 par Marguerite seule,
entre les mains de Guillaume, abbé de l'Ile-Barbe,
successeur de Guignes.
Un des premiers actes d'Humbert V après son
mariage fut le renouvellement d'hommage à la du-
chesse de Bourgogne pour les fiefs de Belleville, de
Thizy,de Ferreux et de Lay, ainsi que son père l'avait
consenti : hommage de pure forme , mais qui assu-
peusier. Sibille de Flandres et Humbert, sire de Beaujeu, se portè-
rent garants de ce traité , dont le comte de Clermont ne tarda
pas à se repentir. En edet, peu apri's il en attaqua la validité et
il demeura convenu que les prétentions respectives seraient jugées
par des arbitres «ju'ils désignèrent, et qui furent : Etienne de Cha-
teldon , chevalier ; Robert Dupuis, chanoine de Clermont, et le
vicomte de Comborn. Ce tribunal amiable fit signer aux parties,
au mois d'avril 1231, uu nouveau traité par lequel Guichard de
Beaujeu, seigneur de Montpensier , et Catherine sa femme, pro-
mirent d'ac(|uitler ce f|ui était dû à la chartreuse et à Marguerite
de Clermont, de payer au comte 1,600 livres monnaie de Clei^
mont , et de lui assigner 100 livres de rente , sa vie durant, sur
DES SIRES DE BEAUJEU. 91
rait au sire de Beaiijeu un appui que ses discussions
continuelles avec les comtes de Forez lui avaient
rendu nécessaire. Cet hommage eut lieu en 1218.
Humbert servit avec distinction le roi Philippe-
Auguste, et s'acquit une gloire durable sous ses
successeurs. Louis V[II ayant, en 1 226, fait prêcher
une croisade contre les Albigeois sur les instances
de Romain , cardinal de Saint-Ange , que le pa])e
avait envoyé en France avec pouvoir de détruire ,
d arracher, de planter, d'édifier, etc., le sire de
Beaujeu prit la croix des mains du légat et se ren-
dit à Bourges où l'armée se rassemblait. Là se
trouvait toute la plus illustre noblesse de France :
on y remarquait Philippe, comte de Boulogne et de
Clermont; Pierre, comte de Bretagne; Robert,
comte de Dreux ; les comtes de Chartres , de Saint-
Paul, de Rouci et de Vendôme ; Mathieu de Mont-
les fours de Moatferrand. Ils promirent encore que , si Catherine
mourait sans enfants , la seigneurie de Montferrand retoui'uerait
à sa famille.
Quelques autem-s prétendent fjue Guichard épousa en secondes
noces Eléouore de Savoie , mais rien ne justitie cette opinion.
De son mariage avec Catherine de Clermont sont issus :
1" Humbert , qui suit :
2" Eric, seigneur d'Hermenc, qui, selon MM. de Ste-Marthe,
fut maréchal de France , mort sans enfants au siège de Tunis en
1270. Par un titre du mois de mars 1255, Raoul, vicomte de la
Roche d'Agoul , prit en fief d'Eric de Beaujeu , seigneur d'Her-
menc , la seigneurie de Sal-le-Haut et Sal-le-Ras , Ncuffontaine ,
92 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
morency, connétable de France; Robert de Cour-
tenay, Enguerrand de Couci, les vicomtes de Sainte-
Suzanne et de Chàteaudun, Savari de Mauléon,
Thomas et Robert de Couci, Gauthier de Joigny,
Gauthier de Rinel, Henri de Sully, Philippe de
Nanteuil, Etienne de Sancerre, Guy de la Roche,
René d'Amiens , Robert de Poissy , René de Mont-
faucon, Bouchard de Marly et Florent de Hangest.
Le nom de Beaujeu brilla entre tous; Humbert
soutint dignement la réputation de ses ancêtres;
lorsque l'armée des Croisés mit le siège devant
Avignon, il s'y couvrit de gloire, et, malgré son
jeune âge, révéla dès -lors les talents militaires
qui plus tard lui valurent l'épée de connétable.
Cette conduite lui attira l'estime et la confiance du
roi, dont il possédait déjà l'amitié. Aussi, lorsque
Louis VIII à la fin de la campagne abandonna le
Ayelle, la Sauvade, Nardonne, la FayoUe, etc. , et lui en fit aussitôt
l'homniagc. Eric eut pour femme Aldengarde d'Aubusson, fille
de llegiiuud , vicouite d'AuLusson , comme ou le voit par ua titre
du mois d'octobre 12G2, portant reconnaissance de la seigneu-
rie de Massignat que sadile femme lui avait apportée en dot.
Aldengarde survécut à son mari et se remai-ia à Raoul de la Roche
d'Agoul , cité ])lus haut. Eric brisa les armes de Beaujeu d'un
semé de billelles de sable sui- le fond et d'une bordm-e aussi de
sable.
3" Louis , chevalier , seigneur de .Monlferrand . épousa Mai'-
guerite de Bonney, dame de Broc et de Prencreux. De ce uiai'iage
sont issues trois filles :
DES SIRES DE BEAUJEU. 93
Languedoc pour venir mourir à Montpensier, il y
laissa Humbert de Beaujeu en qualité de gouver-
neur, ou, pour mieux dire, de lieutenant-général de
cette province.
C'est en cette qualité qu'il commanda l'armée
qui, en 1227, recommença la guerre contre les
Albigeois. Blanche de Castille, devenue régente
par la mort de Louis VIII , ordonna au sire de
Beaujeu de mettre le siège devant le château de
la Bessade , où commandait Pons de Villeneuve ,
ayant sous lui Olivier de Thermes et un grand
nombre de chevaliers et de seigneurs renommés
pour leur bravoure.
Humbert conduisit l'attaque en capitaine brave
et expérimenté : elle fut terrible; la défense fut
héroïque; cependant les assiégés succombèrent, et
le vainqueur, peu touché de tant de bravoure, les
a. Blanche, mariée à Guy de Cliauvigny, seigneur de Leuroux ;
b. Marguerite, épouse d'Hélie, vicomte de Ventadoui" ;
c. Marie, religieuse en l'abbaye de Longehamp près St-Cloud,
ou elle mourut en 1337.
Guichenon donne encore à Louis de Beaujeu un fils nommé
Louis , marié à Dauphine de Broc ; et de ce mariage serait né ,
selon lui, un fils également du nom de Louis. Mais il règne dans
cette partie du travail de l'historien une telle confusion de noms
et de dates, qu'il nous est impossible de l'adopter. Nous préférons
suivre l'opinion de Duchesne et de Louvet , qui ne donnent que
trois filles à Louis de Beaujeu.
4" Guillaume, que Guichenon dit avoir été grand-maître des
94 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
fit tous inhumainement massacrer , sans distinction
dage ni de sexe. L'évèque de Toulouse, qui était
avec les assiégeants, essaya vainement d'obtenir
grâce pour les femmes et les enfants ; ses suppli-
cations furent inutiles , l'œuvre de destruction s'ac-
complit: « Le vainqueur, dit Mathieu Paris, pas-
« sant au fil de l'épée tous les malheureux habi-
cc tants , ou les faisant assommer à coups de bâton ,
« ou les brûlant à petit feu comme hérétiques. «
C'est de ce dernier suj)plice que périt le diacre
Géraud de Mota.
Cabaret, Grave et Montech tombèrent au pou-
voir du vainqueur et subirent le même sort. Si
nous en croyons Mathieu Paris, ces atrocités furent
cruellement vengées; car, selon lui, Raymond de
Toulouse, ayant apj)ris que les Français devaient
l'investir dans les lignes qu'il occupait près de
Templiers en 1288 et tué au siège d'Antioche en 1291 . Lii concor-
dance des dates paraît venir à l'appui de cette opinion.
Le plus ancien titre que l'on connaisse (l"llunil)erl de Beaujeu
I\Iontp<Misier, cslde 12 j(): c'est lui cautionncnienl de la somme de
1 ,000 livres pour Guichard de Beaujeu, son cousin, envers Etienne
de Varey, citoyen de Mâcon.
Humbert avait accompagné sou oncle le connétable à la croisade
d'Egypte , et avait donné pendant cette malheureuse guerre de
nombreuses preuves de courage. Il suivit également saint Louis
dans son expédition de Tiuiis , et assista h la mort du roi . Humbert
jouit d'utie grande faveur sous le successeur de Louis IX ; aussi,
lorsque en 1273 ce mouaripe vint à Lyon pour y visiter le pape
DES SIRES DE BEAUJEU. 95
Castel-Sarrazin , leur aurait dressé une embûche
dans une forêt voisine, les aurait taillés en pièces, et
aurait fait souffrir d'affreuses tortures aux prison-
niers.
La campagne terminée , Humbert en profita
pour venir en Beaujolais mettre ordre à ses pro-
pres affaires. C'est pendant le séjour qu'il y fit
qu'il passa un traité avec Alix de Vienne , comtesse
de Màcon, et Jean de Braine son mari, qui lui
remirent le château de Semur en Maçonnais, en
paiement de mille marcs d'argent pour lesquels
le sire de Beaujeu le tenait engagé.
Cependant la guerre avec le comte de Tou-
louse n'était point terminée. Si les deux partis
avaient suspendu les hostilités, ce n'était que pour
satisfaire à l'exigence de quelques seigneurs qui, se
trouvant épuisés d'hommes et d'argent , voulaient
Grégoire X qui y présidait un concile , il confia à Humbert le
commandement général des troupes préposées à sa garde et à
celle du pape ; enfin il lui remit l'épée de connétable après la
mort de Gilles-le-Brun , seigneur de Trasignies.
Humbert servit avec distinction Philippe-le-Hardi dans sa guerre
d'Aragon, et se signala enti-e autre à la prise de Pampelune. Le
roi, voidant récompenser ses services , lui donna les terres et sei-
gneuries de la Roche d'Agoul en Auvergne , avec le château de
Poensac et de Montil-le-Dégelé , et le nomma son exécuteur tes-
tamentaire : il l'avait été de Guy VI, comte de Forez, en 1275.
Le connétable mourut en 128B , après avoir été marié à Isabeau
de Mello , dame de St-Maurice-en-Puisaye , Tirouville , Basois ,
96 GENEALOGIE HISTORIQUE
retourner en leurs seigneuries pour rétablir leurs
affaires. Mais, en 1229, la reine régente, sollicitée
de nouveau par le cardinal-légat, et ayant appris
d'un autre côté que Ra3mond selait emparé de
Castel-Sarrazin, ordonna la reprise des hostilités.
Le commandement de l'armée fut encore confié
à Humbert de Beaujeu, à qui la reine envoya des
renforts de troupes. Bon nombre de seigneurs gas-
cons , qui avaient pris la croix, vinrent rejoindre
l'armée; les archevêques d'Auch et de Bordeaux
suivirent cet exemple. La campagne devait être
décisive, car personne ne se faisait plus illusion sur
les projets des sectaires, qui tendaient plutôt à
un ])ouleversement social qu'à une réforme reli-
gieuse : c'était une guerre à mort entre la féodalité
et les niveleurs, ou, pour mieux dire, entre ceux qui
possédaient et ceux qui ne possédaient pas.
Villeneuve-la-Guyaril, St-Brice, etc., veuve en premières noces
de Guillaume III" du lumi, comte de .loigny , et fille de Guillaume
de Mello II"" du nom , seigneur desdils lieux, mort en Chypre en
1247. Après la mort de son mari, Isabenu fit l'aveu de ses fiefs de
Châtel-Odou et de Joserand (jui formaient son douaire. Voici
cet acte tel qu'il existe aux archives du rovaume :
« Ysabeaux de Mello , coutesse de Jouguy et dame de St-
« Morise , faisons assavoir que comme nostre chier sire noble
c< hom Humhers de Beaujeu , jadis sire de Montpancers et cones-
« table de France , lieust aquis , durant le mariage entre nous
« et lui, Cliastel-Odon et le chaslel Joserant, et les appartenances,
a mananz et estanz dou fié noble prince Robei't , conte d'Artoys,
DES SIRES DE BEAUJEU. 97
L'armée ainsi reconstituée, Humberl entra en
camj)agne, sempara de vive force de Castel-Sar-
razin et s'avança jusqu'à Pecli-Amalri, près de Tou-
louse. Alors commença une guerre de dévasta-
tion sans exem})le chez les peuples civilisés et qui
donne une triste idée de cette époque. Voici ce
que raconte à ce sujet un auteur contemporain :
ce Tous les matins, dès l'aurore, on disoit la messe,
<c où chacun assistoit très dévotement. On prenoit
« ensuite un léger repas, et, après avoir posté de
Cl tous côtés divers escadrons pour tenir ceux de la
ce ville en respect, on détachoit trois sortes de gens,
ce destinés chacun pour leurs fonctions et munis
« des instruments nécessaires. Les uns avec la
ce pioche démolissoient et renversoient les maisons,
ce les autres avec le hoyau déracinoient et arra-
cc choient les vignes; d'autres enfin, avec la faux,
« pour raison de noble darae Agnès, dame de Borbou, sa femme,
« nous reconnoissons que nous , pour raison dud. fié, avons juré
<c féauté. ... et pour lehane nostre fille et fille doudit conestable. . .
« Donées a Montpancer le mercredi après la feste de St Martin
« d'iver, en l'aTx nostre Seigneur mil deus cens quatre ving cinc. »
De ce mariage est issue une seule fille , qui suit :
Jeanne , qui épousa Jean II du nom , comte de Dreux et de
Braine , grand chambrier de France , à qui sa femme porta les
terres de la branche de Beaujeu Montpensier , c'est-à-dire un des
plus beaux héritages de France. En elle s'éteignit cette branche
de l'illustre famille de Beaujeu.
98 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
« ruinoient le travail et l'espérance des laboureurs.
" La nuit seule interrompoit cet exercice, qui re-
" commencoit le lendemain avec le même ordre,
« ou plutôt avec la même barbarie. Près de trois
tt mois se passèrent à donner cet étrange spectacle
" aux habitants de Toulouse. »
Nous terminerons ce douloureux récit par un
simple rapprochement :
A cette même époque, l'Orient frémissait sous
l'épée sanglante de Gengiskau, et les cœurs les plus
endurcis s'émouvaient au récit des affreux ravages
que commettait ce conquérant. La France avait-
elle beaucoup à s'enorgueillir d'un degré de civili-
sation plus avancé ?
Après ces atroces exécutions , les prélats et les
seigneurs gascons se retirèrent avec les gens qu'ils
avaient amenés. Humbert, avec le reste de l'armée,
s'avança vers Pamiers , soumit tout le pays de Foix
jusqu'au Pas-de-la-Barre , mit des garnisons dans
les villes susceptibles de défense , et congédia ses
troupes. La paix fut conclue peu de temj)s après.
Cette expédition terminée, llumbert revint en
Beaujolais où ses affaires avaient grand besoin de
sa présence. Il les trouva dans un état déplorable :
la justice se rendait mal, chacun de ses officiers
agissait à sa guise, et enfin ses dettes s'étaient ac-
crues d'une manière effrayante. Grand, généreux
et aimant le luxe, Humbert était mam-ais mena-
DES SIRES DE BEAUJEU. 99
ger , dit un auteur du temps. Mais nous lui devons
cette justice , que, pour subvenir à ce luxe , jamais
il n'employa, pour se procurer de l'argent, les
moyens que les mœurs du temps n'autorisaient
que trop. Et si nous sommes en droit de lui repro-
cher la cruauté dont il usa envers les peuples du
Languedoc , nous devons avouer qu'il ne s'appro-
pria jamais rien de la dépouille des vaincus.
Dans la pénurie où se trouvait Humbert , il s'a-
dressa aux abbés de Joug-Dieu et de Belleville, ainsi
qu'au doyen de Beauj eu, leur demandant de souffrir
qu'il fil une taille ou corvage, pour une fois seu-
lement , sur le bétail de leurs hommes et tenan-
ciers. Les abbés devaient tout ce qu'ils possédaient
à la munificence des sires de Beaujeu; cependant
ils voulurent résister, et ne consentirent enfin qu'à
regret à ce que leur demandait le fils de leurs
bienfaiteurs. Humbert, sans rancune de cette o])-
position , et touché au contraire du consentement
qu'il avait enfin obtenu, accorda en 1234, à ces
deux abbayes et au chapitre de Beauj eu , de nou-
veaux et nombreux j)riviléges.
Les sommes qu'il ])ercut de cette taille ne suffi-
sant pas à combler le déficit de son trésor, Hum-
bert engagea à Amé, comte souverain de Savoie,
les châteaux de Virieu, de Chàteauneuf, de Cordon
et de la Bordonnière, avec leurs appartenances en
Bugey, moyennant 2,500 livres viennoises. Il
I 00 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
recul encore 200 marcs d'argent de Tarchevëque
et de l'Eglise de Lyon, pour l'engagement qu'il
leur lit de tous les hommages qui lui étaient dus
entre le château d'Oingt et la Saône.
Ces premiers soins accomplis, le sire de Beau-
jeu songea à accommoder les différends qu'il avait
avec plusieurs voisins, et notamment avec le comte
de Forez. Une discussion vive et longue s'était en-
gagée entre eux relativement au château de Cou-
zan, que Hugues Damas, seigneur puissant et re-
douté de ses voisins, avait remis à Humbert de
Beaujeu, pour le recevoir de lui en fief. Le comte
de Forez se plaignit hautement, prétendant (jue le
seigneur de Couzan était son vassal , et que le sire
de Beaujeu contrevenait aux anciens traités qui
défendaient à chacun d'eux d'acquérir aucun lief
sur leurs seigneuries resj)ectives. Plusieurs arran-
gements furent tentés inutilement. Enfin, Hum-
bert voulant, comme nous l'avons dit, terminer
autant que possible toutes ses querelles particu-
lières, signa, au mois de décembre 1239, un
traité par lequel il renonça à Ihommage de Cou-
zan, s'engagea à obtenir de la comtesse de Nevers
la remise des droits (pi'elle pouvait avoir sur ledit
fief, et renouvela au comte de Forez l'hommage
des châteaux de Chamelet , St-Trivier et Ample-
puis,. qui lui étaient dus, dit le traité, de toute
ancienneté. Eiifui, })ar une dernière clause, il fut
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 0 I
convenu qu Humbert de Beaujeu donnerait an fils
du comte de Forez sa fille en mariage aussitôt
qu'elle aurait dix-sept ans, et lui constituerait pour
dot la seigneurie de Grandris et 1 ,000 marcs d'ar-
gent. Le comte, de son côté, remit an sire de
Beaujeu tout ce qu'il avait aux fiefs de Cbambost
et de la Plaigne. Ce traité fut juré sur les saints
Evangiles , et les contractants promirent d'en pren-
dre lettres testimoniales de l'archevêque et du cha-
pitre de Lyon , comme aussi de faire approuver le
tout par le roi.
L'ordre rétabli dans le Beaujolais , Humbert en-
treprit le pèlerinage pieux de Saint- Jacques-de-Com-
postelle, et l'accomplit dévotement. Un souvenir
de ses campagnes de Languedoc le poussa-t-il à
cet acte de dévotion ?
Cependant Baudouin de Courtenai, empereur
de Constantinople , venait d'atteindre sa majorité ,
et, quittant la Flandres, se disposait à retourner
dans ses états. Il voulut y paraître avec un cortège
digne de son rang. En conséquence , il emmena
avec lui un grand nombre de chevaliers français ,
tous distingués par leur naissance et leur puissance.
Humbert de Beaujeu, son parent, figurait à la tète
de ce somptueux cortège. Il assista au couronne-
ment de Baudouin , qui eut lieu dans l'église de
Ste- Sophie, au mois de décembre 12.^9.
Peu après son retour de Constantino])le , le sire
102 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de Beaujeu reçut des maius du roi saint Louis le-
pée de connétable , récompense dont il s'était mon-
tré digne par sa bravoure, ses talents militaires et
sa fidélité à son roi. Louis comptait avec raison sur
cette épée , qu'il savait devoir se tirer bientôt pour
lui en Palestine et se teindre du sang musulman;
car déjà alors tout se préparait dans le conseil pour
cette croisade , à laquelle le saint roi se croyait
appelé: entreprise fatale à la chrétienté, mais où la
bravoure française brilla d'un tel éclat qu'elle fit
l'admiration du monde entier, même après les dé-
sastres de la Massoure.
La croisade fut décidée ; toute la noblesse fran-
çaise y prit part. Les préparatifs furent longs, et
duièrent jilusieurs années ; le roi ne voulut partir
qu'après avoir assuré la paix de son royaume et
pourvu à l'ordre intérieur. Enfin , le 1 2 j uin 1 248 ,
le roi , suivi de toute sa cour, se rendit à St-Denis,
])rit les insignes du pèlerinage , et se mit immédia-
tement en route. Il j)assa ])ar Cluny , où il fit ses
adieux à sa mère qui l'avait accompagné jusque là,
et se rendit à Lyon en traversant le Beaujolais par
l'ancienne voie romaine , seule communication qui
existât alors entre ces deux villes. Ilumbert, accom-
pagné de ses chevaliers . attendait le roi et avait
[)ris toutes ses précautions pour assurer la paix
dans sa seigneurie qu'il ne devait plus revoir. L'ar-
mée poursuivit sa route, s'enibar({ua le 2b août , ei
DES SIRES DE BEAU JEU. 103
arriva en Chypre où elle passa rhi\ er. L elé suivant
elle se remit en mer , el, après une traversée des
plus pénibles , aborda en Egypte en face de Da-
niiette.
Le débarquement des troupes s'était opéré sans
grandes difficultés. L'ennemi, promptement mis en
fuite, s'était retiré à une certaine distance du ri-
vage et se contentait de harceler les chrétiens, qui
eurent ainsi tout le temps de débarquer leurs ba-
gages et de former un camp. On songea ensuite à
la sûreté personnelle du roi, dont la témérité le je-
tait souvent un peu aveuglément au milieu des plus
grands dangers. Sa personne fut mise sous la garde
de « huit bons chevaliers el vaillans, dit Join ville,
< qui avoient eu et gaigné maintes foiz le pris
d'ai-mes , tant decza la mer que oultre mer ; et
les souloit-on appeler les bons chevaliers, d'entre
< lesquels y estoient messire Geoffroy de Sargines ,
messire Mahon de Marby, messire Philippe de
Nantuel, messire Imbert de Beaujeu, connes-
table de France, w
L'ordre fut donné à l'armée de ne bouger de ses
retranchements jusqu'à l'arrivée de l'arrière-garde ,
que des vents contraires avaient retenue en mer.
Les seuls chevaliers commis à la garde du roi
avaient la permission de sortir avec leurs gens
pour repousser les partis ennemis , qui parfois
s'avançaient près du camp. Or il arriva que le
104 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
sire Gauthier d'Aiitrèclie, emporté par sa valeur
bouillante et ne pouvant supporter cette inaction,
sortit secrètement suivi d'un seul écuyer nommé
Castillon , s'avança dans la plaine , et ayant aperçu
un parti de Sarrasins, l'attaqua vaillamment et sans
balancer; mais, succombant sous le nombre et ;ia-
vré de tant de coups qu'il ne pouvait plus parler,
il allait périr lorsque le sire de Beaujeu l'aperçut,
s'élança à son secours plus rapide que la foudre ,
culbuta les ennemis, et ramena le j)auvre chevalier
qui survécut peu à ses blessures.
L'armée , cependant , après avoir occupé Da-
miette pendant quelque temps , marcha sur le
Caire et arriva au Thanis , cette rivière rapide et
profonde (jui arrêta les Croisés si longtemps. Hum-
bert de Beaujeu découvrit enfin un gué, par le se-
cours d'un Arabe qu'il avait gagné : la ca\ alerie y
passa tout entière. Le comte d'Artois , qui com-
mandait lavant-garde , arriva le ])remier sur la rive
opposée, suivi des Templiers et de quelques cheva-
liers, et malgré le serment qu'il avait fait au roi de
ne rien entreprendre avant son arrivée , il fondit sur
les ennemis et les chargea avec furie, llunibert de
Beaujeu était à ses côtés. Ce trait d'audace fut d'a-
bord couronné d'un plein succès : l'ennemi , épou-
vanté, fuyait de toutes parts ; le comte d'Artois, le
suivant l'épée dans les reins, en lit un grand car-
nage ri eiiha |)êlc-mèle avec hii dans la ville do la
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 05
Massoure. Cependant les inlidèles , revenus de leur
première terreur, et s'apercevant enfin combien
les chrétiens étaient peu nombreux , se rallient
aussitôt ; la voix des chefs est écoutée , l'ordre est
rétabli dans leurs rangs, et ils reviennent à la charge.
Le comte d'Artois est cerné par une troupe innom-
brable , presque tous ses chevaliers tombent à ses
côtés ; les Templiers sont écrasés. Au plus fort du
combat , Humbert se trouva séparé du prince et
dans l'impossibilité de le rejoindre. Il eut bientôt
pris son parti , et s'élançant au milieu des ennemis,
il s'ouvrit un large passage pour aller chercher du
secours auprès du roi. Mais là aussi la fortune était
devenue contraire : le loi , entouré de nombreux
ennemis , combattait en simple chevalier à la tète
de quelques braves. Humbert de Beaujeu rejoint
en arrivant le sire de Joinville , et tous deux jugent
d'un coup d'oeil l'imminence du danger. En eftet ,
une foule immense de Sarrasins bien armés s'avan-
çait en masse serrée pour envelopper le roi ; un
pont étroit les sépare seul de lui. Nos deux preux,
suivis de quelques écuy ers, leur barrent le chemin
et soutiennent seuls , en cet étroit passage , tout
l'effort des ennemis. La nuit seule mit fin à cet af-
freux combat; mais l'armée chrétienne était anéan-
tie, et la peste acheva ce que le fer de l'ennemi n'a-
vait pu atteindre.
Nous ne suivrons pas les dernières péripéties de
1 06 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
cette expédition calamiteuse , qui finit par la capti-
vité du roi et la destruction de l'armée. Joinville ,
le naïf historien et l'ami de saint Louis , nous en a
laissé tous les détails. Nous avons cru devoir nous
borner à en rapporter seulement ce qui pouvait
intéresser la gloire du sire de Beaujeu, que nous
ne retrouvons plus qu'une seide fois depuis la
bataille de la iNIassoure : c'est lorsque Joinville le
rencontra, blessé et presque mourant, près de Da-
miette. A partir de cette époque , l'histoire contem-
poraine garde le plus profond silence sur ce prince.
Selon quelques auteurs, il mourut à Damiette,
en 1 2o0 , des suites de ses blessures et de la con-
tagion; selon d'autres, ce fut en Chypre qu'il j)erdit
la vie , à son retour en France. Son corps fut ap-
porté à Cluuy , où il est inhumé.
Marguerite de Beaugé survécut j)eu à son mari,
et mourut en l2ol. Cette princesse a laissé une
réputation de piété et de vertu. Elle lit plusieurs
fondations qui viennent à l'appui de cette opinion :
elle créa et dota, en 1230, la chartreuse de Po-
letins en Bresse, et lui assura, avant de mourir,
le maix de la Bèce es paroisses de Blacé et St-Julien-
sous-Montmelas. Cette donation fut passée le 1®'
janvier 1 251 , sous le sceau des abbés de Belleville
et de Joug-Dieu. C'est à ce monastère de Poletins
que Marguerite voulut être enterrée.
De son mariage avec Humbert V sont issus :
DES SIRES DE BEAUJEU. 107
1 ° Guicliard , qui succéda à son père , et dont
l'article suit ;
2° Isabeau, mariée d'abord à Simon, seigneur
de Luzy et de Semur-en-Brionnais, puis à Renaud,
premier du nom, comte de Forez, en 1247 : elle
fut dame de Beaujeu après la mort de son frère
Guichard , comme nous le verrons ])kis bas ;
3" Florie, mariée en 1243 à Aymard de Poi-
tiers , comte de Valentinois et de Diois : elle eut en
dot la seigneurie de Belleroche en Beaujolais ;
4° Béatrix , qui épousa Robert de Montgascon ,
seigneur dudit lieu , d'Ennazat , de Montredon et
de Pontgibaut ;
5° Guy, évêque d'Auxerre, qui fut l'un des
chefs de l'armée que Charles d'Anjou, frère de saint
Louis, mena en Sicile en 126S ;
6° Jeanne , religieuse , puis prieure de la char-
treuse de Poletins.
Claude Pa radin et Se vert nomment encore trois
filles, mais leur opinion n'est appuyée sur aucun
titre.
GUICHARD IV.
Guichard IV succéda, en 1 250 , à son père Hum-
bert en la seigneurie de Beaujeu, mais non en la
dignité de connétable, comme le prétendent Se-
verl , la Chronique manuscrite de Belleville et l'Art
108 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de vérifier les dates. Ce fut Gilles-le-Brun , sei-
gneur de Trasignies , qui reçut i'épée de connétable
après la mort d'Humbert. Jamais, d'ailleurs, Gui-
chard IV ne prit cette qualité dans les différentes
chartes que nous avons de lui. L'histoire ne le re-
pi'ésente point comme un prince guerrier, mais
sage dans les conseils, pieux et dévoué aux intérêts
de ses sujets, à qui il accorda d'immenses privi-
lèges.
Le premier acte que nous ayons de Guichard
est un aflranchissement, du mois de mars 1 232, en
faveur de la prieure et des religieuses de Poletins :
il leur remit tout ce qui lui restait au maix de la
Bèce , à la réserve de la justice sur les adultères,
homicides et larrons. Cette cession fut faite par les
conseils de (Guillaume de Chabeu , palatin de
Riotiers; de Hugues ])alatin , de Guichard et de
Hugues de Marzé, chevaliers, ses conseillers, et
sous les sceaux des abbés de Belleville et de Joug-
Dieu.
La même année, et au mois de juin, il accorda
des privilèges à la ville de Miribel.
Les Chartreux de Montmerle, qu il affectionnait,
eurent part à ses libéralités ; car nous voyons un
titre (bi mois d'avril 12.34, par lequel il leur ac-
corde l'exemjition de son péage de Belleville pour
toutes les denrées qu'ils feraient venir par la Saône.
A.U mois de novembre 12f)0. il confirma aux
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 09
habitants de Villefranche les privilèges qui leur
avaient été ci-devant accordés par ses prédéces-
seurs, et notamment ])ar Humbert de Beaujeu,
connétable , son père. Cette reconnaissance , ti-op
longue pour être rapportée ici , se verra en entier
à l'article de Villefranche. Elle offre des passages
curieux à méditer, et peut donner une idée assez
exacte des mœurs du temps. A cet acte intervinrent
vingt chevaliers des plus qualifiés de la seigneurie
de Beaujeu, qui en jurèrent le maintien et l'obser-
vation. Parmi eux on distingue Hugues palatin,
seigneur de St-Bernard; Hugues deMarzé, Etienne
de Pizevs, Guillaume de Marzé, Guichard de la
Douze , Josserand de Francheleins, Barthélémy de
Laye , Guy de Mont-d'Or , Hugues de Thélis ,
Hugues de Taney , Girin de Vaux , Guillaume de
Verneys , Dalmas de Rabutin, et Etienne de Fou-
gères.
Au mois de mai 1 264, le sire de Beaujeu vendit
le château de St-Bernard sur la Saône aux doyen
et chapitre de Lyon, moyennant le prix de 5,500
livres viennoises. Il l'avait acquis précédemment
du palatin de Riotiers.
Guichard n'eut d'autres démêlés avec ses voisins
que ceux qui résultèrent de l'ancienne prétention
des sires de Beaujeu à l'hommage des sires de
Thoire et de Villars ; mais il n'insista pas , et les
choses se terminèrent sans effusion de sang.
110 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Enfin, au mois de janvier 1264, le roi, qui
avait souvent pris les conseils de Guichard , l'en-
voya comme ambassadeur en Angleterre , oiî il
mourut le 9 mai 1263. « H fut fort plaint et re-
« gretté de toute manière de gens , » dit une vieille
chronique manuscrite , « car ce fust en son temps
« ung sage prince et de bonne conduite : par quoy
ce ce fust une moult grant perte tant pour le
c< royaume que pour son pays et ses parens. « Son
corps fut apporté à Belleville et inhumé dans le-
glise, entre le grand autel et celui de St-Pierre, où
sa veuve lui fit élever un fort beau monument , dé-
truit ensuite par les huguenots.
Guichard avait é])ousé Blanche de Chàlon, dame
de Broyé et de Fontainc-Màcon, veuve, à ce que
l'on croit, de Béraud de Mercœur. Uuchesne, Se-
vert et Guichenon se sont évidennnent trompés, en
disant que lîlanche n'épousa Béraud de Mercœur
qu'après la mort de Guichard de Beaujeu son j)re-
mier mari. Justel nous apj)rcnd que Béraud mou-
rut en l2ol ; et Louvet, en suivant Justel , nous
paraît être dans le vrai en faisant de ce Béraud le
premier mari de Blanche.
Cette j)rincesse eut pour douaire la seigneurie
de Belleville. Après la mort de son mari, elle re-
nonça au monde , se retira à Lyon et y fonda le
monastère de la Déserte; ce que Rubis nous aj)-
prend en ces termes : f< Cependant je ne veux ou-
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 1 I
blier que ce fut régnant en France le bon roy
saint Louys , que Madame Blanche de Chalon , re-
laissée de Guychard IV du nom, sire de Beau-
joulois , et fille de ce Jean de Bourgoigne qui
esj)ousa Maliaut, contesse de Chalon , et à cause
d'elle fut conte de Chalon , quictant le monde
fonda l'abbaye des Dames de la Déserte, où elle
se retira avec bon nombre d'autres bonnes dames
pour y passer le reste de leurs jours soubs la reigle
de Madame Ste Clere ; et fut ce lieu de sa re-
traicte appelé la Déserte , parce que c'estoit lors
un lieu désert hors la ville et esloigné de voi-
sins. Il est aujourd'huy dans l'encloz de la ville,
et ne s'y veoit, ny en la vie ny en l'habit des
dames, aucun vestige ny marque de Ste Clere. »
Blanche ne quitta pins son monastère jusqu'à sa
mort, arrivée vers l'année 1 304. Elle laissa de
grands biens à cette communauté, ainsi qu'aux Cor-
deliers de Villefranche.
On connaît deux testaments de Guichard IV. Par
le premier, sans date , déposé aux archives de l'é-
glise collégiale de Beaujeu, il déclare que s'il meurt
sans enfants il donne ses terres de Beaujeu et
d'Auvergne à sa sœur , celles de Bugey à Guichard
de Comborn, fils de Guichard; et, si sa sœur dé-
cédait sans lignée , il fait son héritier universel ce
même Guichard de Comborn , à condition que sa
mère vivrait en paix avec l'église de Cluny, en la-
112 GÉNÉALOGIE HISTORIQUK
quelle il veut être enterré, et qu'il gratifie, à cet
effet, de dix livres de rente. Il laisse la somme de
six livres à l'église collégiale de Beaujeu ; aux Tem-
pliers de Jérusalem, son cheval et son palefroi avec
leurs selles, son épée et son bouclier, enfin, à
l'Hôtel-Dieu de Jérusalem, sa cuirasse et ses cuis-
sards. Il confirme à Eustache de Cliastelux la terre
dont il l'avait gratifié , et ordonne qu'il sera délivré
aux Chartreux d'Arvières autant de terre qu'il en
faut pour faire labourer une charrue ; recommande
l'exécution de son testament à Hugues de Poudras,
à Hugues de Uonchivol , à Guichard de Marzé , et à
Umphred de jMarchampt son maître d'hôtel , leur
enjoignant de garder soigneusement ses châteaux et
forteresses jusqu'à l'exécution de sesdiles volontés.
Par un second testament du samedi après la
Toussaint 1263 , étant au moment d'aller en An-
gleterre , il nomma son héritière universelle Isabelle
de lîeaujeu, comtesse de Porez , sa sœur, et après
son décès Guyot de Forez son fils, et, à défaut de
celui-ci, Louis et Guichard de Forez, ses autres
enfants. 11 légua à Humbert de Beaujeu , seigneur
de Montpensier , son cousin , ses terres de Valro-
mey et Bugey, ainsi que tous les châteaux, fiefs et
hommages qu'il possédait entre les rivières d'Allier
et de Loire, à la charge par ledit Humbert de don-
ner à Louis et Fric de Beaujeu, ses frères, 60 livres
de rente à chacun. Il lit aussi quelques légats à
DES SIRES DE BEAUJEU. 113
Fouques de Montgascon et à Aymar de Poitiers
ses neveux , ainsi qu'à Blanche de Cliàlon son
épouse , à qui il confirma la jouissance de sa sei-
gneurie de Belleville pour son douaire. Il donna
au sire de Thoire et de Villars le village de St-
Germain en Bresse, et fit quelques libéralités aux
églises de Belleville, de Joug-Dieu, de Grandmont,
à l'Hôtel-Dieu d'Aigueperse, à la chartreuse de
Poletins; à sa sœur, prieure dudit Poletins; à l'é-
glise de la Boisse, aux Frères mineurs de Ville-
franche, à Guignes de Villon, à Hugues et à Gui-
chard palatin, à Girard de Martigny, à Aymond
palatin, à Etienne de Pizeys, à Hugues de'Pizeys
doyen de Beaujeu, et au monastère de Gigny. Il
ordonna , enfin , que les Juifs seraient chassés de
toutes ses terres. Les exécuteurs de sa volonté fu-
rent l'évéque de Màcon , Hugues de Pizeys doyen
de Beaujeu, son chapelain, et Etienne de Pizeys,
chevalier.
En Guichard IV finit l'illustre famille de Beau-
jeu , dont les biens immenses passèrent dans celle
des comtes de Forez par Isabelle de Beaujeu.
'i'^Sît^S^
SECONDE RACE DE BEAUJEU,
ISSUE DES COMTES DE FOREZ ET D'ISABELLE DE BEAUJEU
Nous avons dit, à l'article de Humbert V de Beau-
jeu, que, pai l'accord fait entre kii et Guignes IV,
comte de Forez, au mois de décembre 1239 , il
demeura convenu qu'Humbert donnerait une de
ses filles en mariage au fils de Guigues. C'est en
vertu de ce pacte qu'Isabelle de Beaujeu épousa,
en 1247, le second fils de Guigues, nommé Re-
naud, qui devint lui-même comte de Forez par le
décès de son frère aîné. Isabelle, instituée héritière
de son frère Guichard IV, sire de Beaujeu, recueillit
sa succession et devint dame de Beaujeu, mais non
sans conteste ; car ses neveux , Aymar de Poitiers
et Fouques de Montgascon, lui disputèrent ce riche
héritage au nom de leurs mères, Florie et Béatrix de
Beaujeu, sœurs d'Isabelle, et lui intentèrent un
116 GBIVEALOGIE HISTORIQUE
procès en revendication de leurs parts en la sirerie
de Beaujeu. L'aiî'aire prit une telle gravité qu'elle
fut portée à la cour du roi saint Louis, qui en remit
l'examen à Philippe, doyen de Bourges, et à Re-
naud de INIormand, chevalier. Leur rapport de
l'année 1268 provoqua un arrêt du parlement de
Paris, de la Pentecôte 1269, par lequel il fut dit
que la terre de Beaujeu n'était pas divisible, et
qu'elle appartenait à Isabelle comme ainée de la fa-
mille.
Devenus paisibles possesseurs de la seigneurie de
Beaujeu et de la partie de Bombes qui en dépen-
dait, Renaud de Forez et Isabelle sa femme lirent
d'assez nombreuses donations aux corps religieux, et
notamment aux chartreuses de Poletins, au couvent
de Chassagne et autres. Ils reçurent, en 1271,
l'hommage d'Humbert , sire de Thoire et de Vil-
lars , ])our les bourgs de Villars , la Poype de Mon-
thieu, et les châteaux de Loyes, de Montellier et de
Corsieu , ainsi que pour la maison de Ste-Olive. Ils
confirmèrent ensuite les j)riviléges des habitants de
Villeneuve , de Lent et de Chalamont en Dombes.
Isabelle ayant négocié le mariage de son fils
Louis avec Eléonore de Savoie , prit la résolution
de lui relâcher ses terres de Beaujolais et de
Dombes en faveur d'à ne aussi brillante alliance ;
ce qui eut lieu en 1272, sous la réserve des châ-
teaux de Pouilly et de Moutnielas en Beaujolais ,
DES SIRES DE liEAL'JEU. I 1 7
et de Lent en Dombes, qu'elle garda sa vie durant.
Le comte de Savoie donna à Louis de Forez l'in-
vestiture de Chàteauneuf, de Virieu-le-Grand et
de Cordon, qui étaient de son fief. Enfin, le jeune
prince prit possession de la baronnie de Beaujeu et
de ce qui en dépendait en Dombes. Sa mère Isabelle
en instruisit sur-le-champ le duc de Bourgogne par
la lettre suivante :
« A son très chier seignor et haut baron Robert,
duc de Bourgoigne , Isabels, contesse de Forets
et dame de Belgeu, veraye amor; com nos aions
doné et octroie à Lois, nostre chier fils, la terre
et la baronie de Belgeu , et l'aions mis en posses-
sion des chastels , des villes et des appartenances :
nos vos prions, Sire, que vostre plaisir soit que vos
li recevoiez à vostre home , quar nos volons et
commandons que il face à vos homaige et feaulté,
en celle manière que nostre deuancier l'ont faict
es vostres. Douées le mercredy deuant Pasques
flories, l'an de Nostre Seignor mil deux cent
sexante et douze à Sarien le Contey. >:>
LOUIS.
Aussitôt après la cession faite par Isabelle de Beau-
jeu à son fils , celui-ci, accompagné de sa mère , vint
prendre possession de la baronnie de Beaujolais,
1 1 8 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
et, quittant le nom de Forez, prit celui de Beaujeu
avec les armes pleines de cette famille. Sa mère ,
qui pour lors était veuve, se fixa auprès de lui, et
])araît ne pas avoir été étrangère à son gouverne-
ment; car on la voit figurer plusieurs fois dans des
chartes du temps, notamment dans l'aveu rendu
l'an 12.74 par Gauthier de Chàtillon « à la dame
ce comtesse de Forez et dame de Beaujeu , et à
" Louis, seigneur de Beaujeu, son fils. « Etait-ce
une simple déférence de son fils, ou cette princesse
avait-elle conservé une partie de ses droits sur le
Beaujolais? Il est difficile de décider celte question.
Louis de Beaujeu eut un grave différend avec
Henri, seigneur de Varax, et Girard son fils, sur-
nommé la Guêpe. Les griefs dataient de loin , et
remontaient à plusieurs générations. Enfin Phi-
lippe, comte de Savoie, les accommoda et leur fit
souscrire un traité à Bourg le jour de saint André
apôtre, 1277. Ij'extrait de ce traité, que nous em-
pruntons à Louvet , va nous faire connaître les
détails de cette affaire. Il demeura donc convenu
" que Henri de Varax et son fils Girard quittoient
« et remeitoient à la dame Isabelle de Beaujeu et
« à son fils les quatre-vingts grosses bètes qui au-
« trefois avoient été prises i)ar Humbert de 13eaujeu,
« père de ladite dame, dans la terre dudit seigneur
" de Varax, et lui quittoient tout le dommage que
« ledit Humbert avoit causé dans sadite terre, qu'il
DES SIRES DE BEAUJEU. 119
< estimoit à mille livres viennoises. Ledit Henri
« et son fils quittèrent encore les dix-sept mas de
< terre dont ils demandoient la restitution à ladite
<■ dame. Ledit Henri leur quitta encore tout le
< dommage que le châtelain de Chalamont avoit
<■ fait en sa terre, qu'il estimoit trente livres vien-
' noises. Ils leur quittèrent encore l'affront et l'in-
' jure qu'ils avoient reçus en la prise et contreprise
dudit Henri par ledit seigneur de Beaujeu. Le
seigneur La Guespe remit encore au seigneur de
< Beaujeu le dommage qui leur avoit été fait par
< ses gens dans le fief du comte de Savoie. Ils re-
' mirent encore la main-levée et les cautions don-
t nées par Barthélémy Magny , bourgeois de Ville-
c franche , que le sieur La Guespe avoit pris et
' mené prisonnier à Prusilly. Ils quittèrent encore
' les mains-levées et cautions données sur toutes
■<■ les métairies par les sept hommes de Chalamont,
< ou de la chàtellenie de Chalamont, que ledit I^a
' Guesj)e avoit pris et menés prisonniers à Pru-
i silly. Et ])Our l'amende et l'honneur de ladite
< comtesse et de son fils , ledit sieur La Guespe
' lui doit faire hommage de cent sols viennois an-
nuels qu'il a pris en fief de ladite dame , et tant
qu'il vivra sera homme de ladite dame, et après
son décès il le deviendra de son fils. A la pareille,
' ladite dame et son fils quittèrent et remirent
<■ audit seigneur de Varax et à son fils toute la
120 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
haine, rancœur, injures et torts qu'eux et les
leurs avoient faits jus([u'au jour présent dudit ac-
cord , en sorte que tout dommage fut compensé
de part et d'autre. Et après fat ordonné, du con-
sentement des parties, qu'on choisiroit huit prud'-
hommes, quatre de chaque côté, qui jureroient
ez mains du seigneur Guignes de \'illars et du
châtelain de Bourg, de bien et fidèlement limiter
et faire la séparation du mas de Rosine; et au cas
que si ces huit prud hommes disent que ledit
mas appartient à ladite comtesse, il lui demeu-
reroit, sinon seroit restitué et rendu au sieur de
Varax , et aussi le mas ap])elé Rosanice demeu-
reroit en paix audit seigneur; et pour ce qui est
du péage, que le sieur de Varax prétendoit, il
s'en tiendroit à ce que le sieur -Ciuigues de \ illars
et le châtelain de Bourg en ordonneroient , en
sorte qu'il seroit terminé par arbitrage. D autre
part, le seigneur comte de Savoie remit et quitta
à ladite dame comtesse et à son fils tous les torts
et griefs quils avoient commis dans son iief, et
pareillement ladite dame et son fils quilloient en-
tièrement tout ce que le chacipol de Chàtillon
et ses gens avoient tait aux gens du seigneur de
Beaujeu. Ce qui fut juré de })art et d'autre sur les
saints Evangiles et signé et scellé des seings et
sceaux des deux parties, auxquels Jacques .lust,
juge en toutes les terres de Viennois et de Bourg
DES SIRES DE BEAUJEU. 121
« pour le comte de Savoie, ap})osa le sceau de la cour
«. dudit seigneur comte , à la ])rière des deux parties,
« pour marque d'une longue durée, et à ce que au-
« cune desdites parties ne présume de venir au con-
te traire. "
Nous nous sommes un peu étendu sur cet ac-
cord et en avons rapporté ce long extrait, pour mon-
trer quelle était à cette époque la manière d'être des
seigneurs entre eux et la nature des querelles qui
souvent venaient ensanglanter le sol seigneurial.
Au mois de novembre 1 282 il intervint un traité
entre Louis, seigneur de Beaujeu, et l'abbé de
Cluny , relativement au droit de guet et garde que
ledit seigneur prétendait avoir dans les doyennés et
prieurés de Cluny, situés entre les rivières de Loire
et de Saône. Par ce traité l'abbé racheta ce droit
moyennant la somme de cinq cent cinquante livres
viennoises; mais ]ilus tard ce droit fut méconnu : les
gens du sire de Beaujeu, ne tenant aucun compte
de ce rachat, imposèrent aux tailles les habitants
des doyennés de Limas et d'Arpayé , dépendant de
Cluny, et y mirent des capitaines pour y com-
mander. Un procès s'ensuivit; mais enfin un nouvel
accord fut conclu , par lequel la nomination des
capitaines fut attribuée à l'abbé de Cluny , à la
charge par eux toutefois, après leur nomination,
de jurer fidélité aux sires de Beaujeu. Quant à la
taille , il fut convenu que les habitants n'en seraient
122 GÉKÉALOGIE HISTORIQUE
chargés que dans le cas d'une guerre dans le pays,
jiour le roi ou pour ledit seigneur.
Louis donna, en 1 286, au chapitre de Beaujeu,
la forêt de Ronzière, pour l'anniversaire fondé en
ladite église par son oncle Guichard, et pour faire
prier pour lame de ses père et mère et de sa sœur
Marguerite.
Le lundi après la St-Nicolas d'hiver 1 288 , il
fonda, de concert avec févèque dAutun, le cha-
pitre d'Aigueperse en Beaujolais, sous le vocable
de Ste-Marie--Madeleine , et le composa d'un doyen
et de onze chanoines , dont (juatre à la no-
mination dudit seigneur ; et au cas où le nombre
viendrait à s'augmenter, il demeura convenu que
le sire de Beaujeu aurait toujours la nomination du
tiers des titulaires. Il gratifia ces chanoines de la
justice, juridiction et droits quil pouvait avoir lui-
même dans la ville d'Aigueperse , leur attribuant la
connaissance des causes civiles et criminelles, avec
pouvoir de nommer et instituer un prévôt et un
juge à vie jtour l'exercice de ladite justice; se
réservant cependant que, si la sentence ordonnait
la mutilation des membres ou la mort, les olficiers
seuls du sire de Beaujeu auraient pouvoir de l'exé-
cuter, et «pie, dans ce cas, le juge d'Aigueperse
serait tenu de livrer le coupable, nu, en chemise
et caleçon, sur les limites de sa juridiction , pour
être procédé à l'exécution de la sentence. La moitié
DES SIRES DE BEAUJEU. 123
(les biens meubles des condamnés devait appartenir
au chapitre, et l'autre moitié au seigneur. Quant
aux immeubles, ils devaient revenir à celui à qui
appartenait la directe ou censive du lieu où ils
étaient situés; le juge ou prévôt dudit Aigueperse
était tenu de recevoir les amendes, et d'en re-
mettre le montant moitié au chapitre et moitié au
seigneur, qui se réservait, dans tous les cas, le
ressort en cas d'appel des sentences. Louis accorda
encore aux chanoines le droit de nommer des fores-
tiers dans tous leurs bois et garennes, et sur les ri-
vières et eaux coulantes des paroisses de St-Bonnet,
d' Aigueperse et de St-Igny , et depuis la métairie de
Ceux jusqu'à la maison des Replats qui apparte-
nait à Pierre de Viendos , chevalier , se réser
vant pour lui et ses successeurs le droit de pèche
pour son gite lorsqu'il passera ou séjournera audit
lieu, ou la dame de Beaujeu, ou quelqu'un de leurs
enfants. Les chanoines eurent le droit de con-
struire un cloître dont l'intérieur devait être exempt
de toute juridiction quelconque de la j)art des
seigneurs de Beaujeu, et jouir des mêmes privi-
lèges que les églises. Ils reçurent encore soixante-
dix souldées à prendre sur la terre de Chevagny,
située en la paroisse d' Aigueperse.
Louis de Beaujeu eut des démêlés assez graves
avec Humbert de Villars et Humbert de Montluel,
d'où s'ensuivit une guerre assez acharnée. Mais
124 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
leurs amis parvinrent à leur faire nommer des arbi-
tres, qui furent Humbert dauphin de Viennois,
Jean de Chàlon comte d'Auxerre , et noble homme
Guy de St-Trivier, à qui ils remirent leurs pleins
pouvoirs en 1291 , avec promesse d'accepter leur
sentence sous peine de trois mille marcs d'argent
d'amende. Comme il n'advint aucune sentence à la
suite de ce compromis , il est à croire que chacune
des parties se iponlra peu désireuse de s'y sou-
mettre, et que, pour éviter de plus grands maux,
les arbitres ne jugèrent pas convenable de s'en
occuper davantage.
Un traité ayant eu lieu en 1 294 entre Amé V
dit le Grand , comte de Savoie, et Pliilippe de Sa-
voie, prince d'Achaie, son ne\eu , le sire de Beau-
jeu et son fils Guichard y assistèrent comme parents.
La seigneurie de Miribol , possédée par les sei-
gneurs de Beaujeu, s'étendait jusqu'à Lyon et em-
brassait même les faubourgs de St-Clair, de la
Croix-Rousse et des Broteaux du Rhône. Ce voi-
sinage était vu de mauvais œil par les archevêques;
aussi la justice de Miril)el eut souvent de graves
démêlés avec celle de l'église de Jiyon,et j)lus dune
lois l'animosité avait porté les deux ])artis à des ex-
trémités Hicheuses. A lepoque où nous sommes ,
l'exaspération était parvenue à son comble. Louis
de Beaujeu, sous prétexte d'une nouvelle injustice,
fil irruj)tion sur les terres de l'archevêque , mit tout
DES SIRES DE BEAUJEU. 125
à sac et se retira , emmenant avec lui grand nombre
de prisonniers et tous les bestiaux dont il put s'em-
parer. L'archevêque de Lyon essaya vainement de
résister, il n'était pas en mesure de le faire, et n'eut
d'autre ressource que les censures ecclésiastiques;
il fulmina l'excommunication contre le sire de
Beaujeu.
Ce prince avait épousé, en 1272, Léonore de
Savoie, fille de Thomas de Savoie, comte de Mau-
rienne, de Flandres, de Hainault et prince de Pié-
mont, et de Béatrix de Fiesque. Cette princesse
reçut en dot sept mille livres , pour sûreté des-
quelles Louis de Beaujeu son mari lui assigna les
seigneuries de Miribel et de Montanay en Bresse,
celles de Chalamont en Bombes , de Meximieux et
du bourg de St-Christophe en la Valbonne.
Par son testament du mois de mai 1295, Louis
ordonna que son corps fût transporté à Belleville
pour y être placé au même tombeau que son oncle
Guichard. Il veut que son héritier commence par
payer tous ses légats , aumônes et dettes quelcon-
ques ; il ordonne ensuite la fondation d'un anniver-
versaire dans ladite église de Belleville pour le repos
de son àme et de celles de ses prédécesseurs les sires
de Beaujeu, ainsi que la célébration d'une messe
quotidienne pour le même objet , et laisse pour
cela à ladite église douze livres viennoises de re-
venu. Suivent ensuite de nombreux legs aux églises
1 26 GKNÉALOGIE HISTORIQUE
(le Bcaiijeu, de Cluny , de Joug-Dieu, de l'Ile-
Barbc, de Savigny , de la Chassagne, de St-Ram-
bert, de Grammont, à la charge par elles de jnier
pour son àme; d'autres encore aux monastères d'Al-
verin, de Poletins, des Cordeliers de Villefranche,
des Cordeliers et des Jacobins de Lyon, de Màcon
et de Montbrison. Il nomme son héritier universel
Guichard son fils aîné , et lui substitue, à défaut de
lignée, Humbert , Thomas. Guillaume, Louis,
puis leurs sœurs Marguerite, Aliénor, Jeannette,
Isabelle , Béatrix et Catherine. Il ordonne à son fils
et héritier de se gouverner par les conseils de sa
mère et de Guy de St-Trivier. Il lègue à Ilumbcrt,
à Thomas, à Guillaume et à Louis de Beaujeu
trois cents livres viennoises de revenu annuel et
viager. Il déclare que sa fille Marguerite a reçu , à
l'époque de son mariage , tant de la fortune pater-
nelle que des deniers de l'illustrissime ]Marguerite ,
reine de France , la somme de dix mille livres tour-
nois, plus deux cents livres viennoises de revenu
sur le château de Monlmclas. A ces sommes le tes-
tateur ajoute encore cinquante livres viennoises une
fois payées. Il donne à sa fille Aliénor huit mille
livres viennoises pour se marier, et veut que ses
quatre autres filles soient religieuses, leur léguant
à chacune cent livres tournois de dot, et char-
geant son héritier de faire tous les frais nécessaires
pour leur entrée en religion. Il reconnaît par ce
DES SIRES DE BEAUJEU. 127
testament la dot de sa femme et lui lègue à litre
de douaire , pour sa vie seulement , les terres de
Chamelet, de Pouilly-le-Chastel et du Crozet en
Bombes , ainsi que la leyde du blé et le revenu des
moulins de Villefranche.
Il nomma pour ses exécuteurs testamentaires
frère Bernard de Géliles, cordelier ; Etienne de
Montgiraud , sacristain de St-Paul de Lyon, Eléo-
nore de Savoie sa femme, et le seigneur de St-Tri-
vier. Il termine en priant le roi de France de faire
exécute)- fidèlement sesdites volontés . par voie de
censure ecclésiastique s'il est nécessaire. Ce tes-
tament fut signé par Sortyrand de Marchampt,
Artaud de Verneys, Guillaume de Cbaney, Hum-
bert de Saligny, Biaise de Jarest et Hugues Boscby,
chevaliers ; et Mayeul de Vinzelles , chanoine de
Màcon; Pierre de la Bruyère, son chapelain; Gui-
chard de la Val, Aymond de la Palu, Pereau de
Chabeu, Pierre de Verneys, Simon de Chaney et
Guillaume de Montjay, damoiseaux.
Louis de Beaujeu mourut le 23 août 1296,
laissant de son mariage avec Eléonore de Savoie
onze enfants, tous nommés dans son testament,
savoir :
l '^ Guichard , qui continua la lignée et dont
l'article suit.
2° Humbert, seigneur de la Juliane, chanoine
de Lyon en 1 308 , puis marié à une dame dont
128 GÉNÉALOGIE HISTORIQUI':
on ignore la famille. Il fut blessé à la bataille de
Varey, et mourut à Ambrun peu de temps après
des suites de ses blessures. Son corj)S fut apporté à
Villefranche, et inhumé aux Cordeliers dans le
tombeau de sa mère.
S'» Thomas, qui mourut le 24 juin 1 300, et fut
enterré au tombeau de sa mère.
4" Guillaume , chanoine , comte et précentem*
de l'église de St-Jean de Lyon , prévôt de Notre-
Dame de Fourvière. C'est en cette qualité qu'il fut
arbitre avec Girard de Roussillon , chevalier, sei-
gneur d'Anjou en Dauphiné , des différends sur-
venus entre l'église de Lyon et Aymond , seigneur
de Roussillon en Dauphiné. Il fut aussi chanoine
d'Amiens, puis enfin évéque de Bayeux le 1 3 fé-
vrier 1330, ])ar promotion du pape Jean XXII.
Guillaume de Beaujeu mourut le 7 septembre 1 337,
et fut inhumé avec ses frères susnommés.
5" Louis, chanoine et archidiacre de Troyes,
qui, d'après Severt, aurait attaqué à main armée
le cardinal de Talleyrand Périgord, évéque d'Al-
bane et légat du pape, lorsqu'il retournait à Home
pour rendre compte de sa mission, et au moment
où il arrivait à (^liàiillon-sur-Seine. La suite du
légat aurait été maltraitée et mise en fuite , le car-
dinal lui-même emmené prisonnier, ce qui aurait
valu à Louis de Beaujeu et à ses complices une
bulle d'excommunication fulminée contre eux.
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 29
6° Marguerite, clame de St-Julien , mariée le
mardi avant la fête de la Nativité de la Vierge 1290
avec Jean de Chàlou, seignem' de Rochefort, puis
comte d'Auxerre.
L'an 1 308 , le dimanche après la Ste-Croix, elle
fut médiatrice avec Amé-le-Grand, comte de Savoie,
d'un différend survenu entre Jean de Chàlon son
mari et Hugues de Vienne, seigneur de Pagny.
7"Eléonore, qui épousa l'an 1296 HumbertV^
du nom, sire de Thoire et de Villars, fils d'Humbert
et de Marguerite de la Tour-du-Pin. Son douaire
lui fut assigné le 25 avril 1332 sm- le château de
Trévoux et la seigneurie du Chàtelard, avec les
villages de Marsieu et de St-Germain en Bombes.
En 1296 elle avait renoncé à tous ses droits ma-
ternels au profit de son frère Guichard.
8° Catherine , qui épousa, le dimanche de l'As-
somption 1305, Jean de Chàteauvilain , chevalier,
seigneur de Semur, Luzy, Bourbon-Lancy, etc.
Le douaire de Catherine de Beaujeu fut assigné
sur la terre de Semur , puis sur la seigneurie
d'Huchon, par titre du jeudi après l'octave de la
St-Martin d'hiver 1 320.
Louvet se trompe en donnant pour femme à
Jean de Chàteauvilain Jeanne de Beaujeu , sœur
de Catherine. Duchesne, qui a dressé la généalogie
de Chàteauvilain, a mieux connu la chose, et Gui-
chenon a adopté son avis.
1 30 GKNÉALOGIE HISTORIQUE
9° Jeanne ou Jeannette, religieuse, puis prieure
à la chartreuse de Poletins de 1 31 1 à 1315.
10" Béatrix, chartreuse à Poletins.
1 I ° Isabelle , religieuse en l'abbaye de Brienue
près d'Anse, en Lyonnais.
Eléonore de Savoie survécut peu à son mari , et
mourut le 16 décembre 1296. Elle fut enterrée
dans l'église des Cordeliers de \ illefrancbe, où on
lui éleva un fort beau tombeau.
GUICHARD V DU NOM, DIT LE GRAND ,
COIV'KÉTABLE.
Guichard V succéda à son père Louis en 1296;
et , aussitôt après sa prise de possession , il se rendit
auprès du roi Philippe-le-Bel qui venait de le retenir
pour son chambellan. Ce fut en cette qualité qu'il
reçut le serment de fidélité au roi, prêté par Henri
de Villars, archevêque de Lyon. Le sire de Beaujeu,
tenant en main le livre des saints Evangiles, pro-
nonça lui-même la formule du serment ainsi conçue :
« Vous promettez feauté au Roy qui cy est, luy
ft garder vie et membres et de son fils héritier roy
et de France, de garder riionneur de son royaume,
« et hiy donner conseil à votre sens, s'il le vous
ce demande ; ^ à quoi l'archevêque répondit: « Je le
Cl promets, w
DES SIRES DE BEATJJEU. 1 31
Cette cérémonie eut lieu à Orléans le mardi-gras
de l'année 1298.
Guicliard, désireux de terminer les anciennes
querelles de sa famille avec l'archevêque de Lyon,
profita de cette occasion pour faire quelques ou-
vertures de paix qui furent accueillies favorable-
ment. L'abbé de Cluny fut choisi pour médiateur,
et il demema convenu que le sire de Beaujeu donne-
rait à l'archevêque la seigneurie de Lissieu, et la re-
prendrait de lui en fief avec hommage à l'église de
Lyon. Et comme l'archevêque prétendait à l'hom-
mage de Villefranche , de Pouilly-le-Chàtel et de
Chamelet, on lui abandonna par compensation les
forteresses de Varennes et de Bully. Ce traité était
onéreux pour Guichard, mais il tenait à faire lever
l'excommunication dont son père avait été frappé
avant sa mort : ce qui eut lieu aussitôt après la
conclusion de cet arrangement, qui fut signé par
Geoffroy de Clermont , doyen de Vienne ; Jean ,
comte de Forez; Louis de Villars , archidiacre de
Lyon; Jean de Villars, chambrier de Lyon; Thi-
baud de Vassalieu et Guichard de la Beaume, cha-
noines et comtes de Lyon; Guillaume de Fran-
cheleins, Hugues de Bosches, Hugues de Fondras,
Omfroy de Marchampt , Guichard de Marzé ,
Etienne Blains, Ogier-le-Sauvage , chevaliers, et
Robeit d'Amanzé, chanoine de Montbrison. Les
cautions de l'archevêque de Lyon furent : Etienne
1 32 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de Vassalieu ; Guicliard d'Ars , chevalier, et Hugo-
net de Moinay, damoiseau. Celles du sire de Beaujeu
furent : Miles de Vaux et Josserand de Marcliampt,
chevaliers, et Guichard de la Beaunie, damoiseau.
Malgré ce traité, il était difficile que la paix durât
longtemps. Il existait entre les deux seigneuries de
Lyon et de Beaujeu trop de points de contact pour
qu'il ne s'élevât pas à chaque instant des conflits
de juridiction, sur lesquels aucune des deux par-
ties n'était disposée à céder. Les limites d'ailleurs
n'étaient pas déterminées d'une manière fixe, et il
était tel quartier de la ville de Lyon , du côté de
Dombes, dont on aurait eu peine à connaître la
directe : « en sorte , dit Paradin , que , tout ainsi
ce que le ciel ne peut endurer deux soleils, aussi ne
te se pouvoient endurer ces deux grands seigneurs en
et une mesme cité. » Paradin avait raison; car, peu de
tempsaprèslasignaturedutrai té mentionné ci-dessus,
il arriva que l'archevêque voulut contester au sire de
Beaujeu le droit de lever des cens et servis sur les
Bi'oteaux situés près du ])ont du l\hône , et dé-
fendit aux propriétaires desdits terrains d'obtem-
pérer à toute demande de cette nature émanant
des officiers de Beaujeu. il défendit aussi auxdits
officiers de procéder à l'ouverture des testaments
dans certains quartiers de la ville qu'ils prétendaient
être de la seigneurie de Beaujeu, ce qui n'avait lieu,
disait l'archevêque , qu'au préjudice de ses droits
DES SIRES DE BEAUJEU. 133
et revenus. Guichard refusait absolument Je faire
droit à ces réclamations, lorsque les officiers de
Beaujeu vinrent ajouter un nouveau grief, en s'em-
paraut du corps d'un criminel que la justice de
Lyon avait fait pendre à la côte St-Sébastien, et le
transportant à un gibet situé sur les limites de
Beaujeu. Tout, enfin, semblait devoir amener une
rupture; car l'archevêque reprochait encore à Guy
de St-Trivier, ami, allié et sujet du sire de Beau-
jeu, d'avoir fait bâtir un chàteau-fortà Beauregard,
d'avoir fait un barrage tendant du bourg dudit
Beauregard à la rivière de Saône , et d'avoir fait
l'hommage du tout au sire de Beaujeu ; tandis que,
selon les prétentions de l'Eglise de Lyon , ce lieu
faisait partie de sa seigneurie. Enfin on prit les
armes , et les sujets de Beaujeu , comme ceux
de l'Eglise, eurent beaucoup à souffrir des suites
de cette querelle. Les campagnes furent dévastées ,
les animaux enlevés, grand nombre de prisonniers
furent emmenés , et mille excès furent commis de
part et d'autre. De guerre lasse , et lorsque la proie
manqua au ravisseur, on songea à un arrangement.
Il eût été plus naturel et surtout j)lus humain de
commencer par là. L'archevêque de Vienne, le
dauphin de Viennois, le sire de Thoire, et Guichard
de Marzé, sénéchal de Toulouse, furent choisis pour
arbitres. Leur sentence fut prononcée au jardin du
Temple de Lyon par le sénéchal de Toulouse, au
1 34 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
mois de juin 1298. Il fut jugé qure 1 archevêque
retirerait la cléfense aux habitants des Broteaux de
payer les cens et servis dus au sire de Beaujeu , que
tous les bestiaux seraient rendus, que le pendu qui
avait été enlevé serait replacé au gibet de Saint-
Sébastien, et que, dit Paradin, s il estait deia con-
sommé, il senferoit un Jantosm.e pour être mis à
sa place ; que l'excommunication prononcée contre
ceux qui étaient chargés de l'ouverture et de la
publication des testaments serait levée , et que les
seigneurs de Beaujeu resteraient possesseurs de ce
droit comme par le j)assé; (jue le seigneur de Saint-
Trivier reconnaîtrait la moitié de son château de
Beauregard au sire de Beaujeu, et l'autre moitié à
l'archevêque; qu'en conséquence il ferait arborer
sur ses tours l'étendard de Beaujeu et celui de l'ar-
chevêque, à la seule diflerence que celui de Beaujeu
y resterait trois jours , et celui de l'archevêque
cinq, en signe de supériorité.
La teneur de ce jugement peut donner à penser
que tous les torts n'étaient j)as du côté du sire de
Beaujeu.
L'année suivante il eut quelques démêlés avec
ses cousins qui pensaient toujours à attaquer l'arrêt
du parlement qui avait adjugé la succession de
Guichard IV à Isabelle, aïeule de Guichard V; et,
malgré le peu de fondement de leurs prétentions,
ce doriiior. pom on fiiiii à tout jamais, leur donna
DES SIRES DE BEAUJEU. 135
cinq mille livres viennoises , selon Guichenon , et
quinze mille, selon Louvet. Cet arrangement eut
lieu en 1299.
Au mois de décembre 1 301 , Louis de Villars
étant archevêque de Lyon, Guichard lui céda la
plus grande partie des droits qu'il possédait sur la
ville de Lyon , tant en terre que sur Veau, depuis
le vieux fossé vers St-Sébastien , et depuis le Rhône
jusqu'à la Saône, ainsi que les cens à lui dus sur
vingt-quatre moulins construits sur le Rhône. L'ar-
chevêque en échange lui abandonna la moitié de la
seigneurie de Meximieux, le château de Chalamont
et le donjon de Montmerle.
Guichard se montra toujours grand dans ses
transactions et généreux avec sa famille. C'est ainsi
qu'il donna à ses frères , Humbert , Thomas et
Guillaume, qui avaient été assez mal traités par le
testament de leur père, les châteaux de Joux, d'Am-
])lepuis, de St-Bonnet-le-Troncy, de Claveysolles ,
d'Allognet et de Cenves, et cent cinquante livres
viennoises à prendre tous les ans dans la maison
pour leur entretien. Cette cession, du 1 S des ca-
lendes de juin 1302, fut faite en viager et à la
charge que la justice des terres cédées serait exercée
par les baillis de Beaujolais au nom desdits Hum-
bert, Thomas et Guillaume de Beaujeu.
L'an 1306, le pape se rendit arbitre entre le
comte de Savoie et le daujiliin , et nomma pour
136 GENEALOGIE HISTORIQUE
l'examen des points en litige Jacques de Bocsezel
et Jean de Revel, baillis de Savoie et de Dauphiné,
qui devaient agir par les conseils des abbési de
Cluny et de Citeaux. Le traité qui intervint fut juré,
pour le comte de Savoie, par Guichard de Beaujeu.
La même année il reçut une mission du roi
Philippe-le-Bel , qui le priait de vouloir bien faire
remettre à ses officiers de justice un certain nombre
de faux-monnayeurs qui avaient contrefait la mon-
naie de l'Etat , et qui étaient détenus au château
de Chalamont , « sans que cette rémission , dit la
ft lettre, puisse porter préjudice à sa seigneurie, ni
«c à ses successeurs au temps à venir. «
Guicliard avait refusé de faire hommage de
Meximieux et de Chalamont à Louis de \ illars , qui
prétendait y a^ oir droit au terme de l'échange qu'ils
avaient fait. L'archevêque irrité fexcommunia. Ef-
frayé de cette mesure rigoureuse, le sire de Beau-
jeu se soumit et fit, en 1 307, Ihommage demandé,
en se reconnaissant cassai de l'Eglise en ces termes :
" Nos Guichardus, dominus Bellijoci, conlitemur
« esse vassalum doniini archiepiscopi Lugdunensis
fc et ecclesiae , j)ropter villas de Maximiaco , de
«■ Chalamonte , et eorum territoriis , proesentibus
«■ Humberto et Guillermo de Bellijoco. »
Guichard de Beaujeu lîgura dans la réclamation
(jue la noblesse de Lyon et partie du clergé de ladite
ville adressèrent au roi pour lui demander l'abro-
DES SIRES DE BKAUJEU. 13 7
gation de la seconde Pliilip])ine qui conférait à l'ar-
chevêque de Lyon des droits exorbitants, et lui
reconnaissait une souveraineté à laquelle ils ne
pouvaient se soumettre, déclarant vouloir rester
dans la mouvance directe du roi , ce qui était leur
droit, et ne relever que de lui et du royaume de
France. Ceux de la noblesse qui signèrent avec
Guichard de Beaujeu furent : le comte de Forez,
les seigneurs de Lavieu , d'Izeron , de Chagnon ,
de Vaudragon, de Grésieu, de Chamousset, de
Talaru, de Faverges, du Brueil, d'Oingt, du Bois,
de Chàtillon-d'Azergues , d'Albon , de Polognay ,
de St-Forgeux, d'Ailly, de Lissieu, de Montagny,
de Roussillon et de Jarest.
Cette protestation produisit un effet immense :
l'archevêque, désapprouvé par le pape et par son pa-
rent le comte de Savoie , fit au roi l'abandon de la
justice séculière de Lyon , et cette ville se trouva
enfin réunie au royaume de France. (Avril 1312.)
L'église collégiale de Beaujeu, qui avait toujours
été fort affectionnée de ses seigneurs , reçut de
grands bienfaits de Guichard. Il y fonda entre
autres la chapelle de St-Laurent avec l'entretien de
deux prêtres auxquels il assigna annuellement onze
ànées de blé, douze ànées de vin pur et seize livres
viennoises.
Il termina quelques différends qu'il avait avec le
seigneur de Thoire et l'abbé de l'Ile-Barbe, et fixa
138 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
les limites de sa seigneurie du côté d'Anse avec
l'archevêque de Lyon.
L'an 131.^, le roi Louis-le-Hutin accorda au
sire de Beaujeu, qui était son chambellan, le droit
de connaissance et de correction pour le crime de
fausse-monnaie, dans ses terres et partout oiî il avait
droit de justice.
Les longues querelles qui avaient divisé les
comtes de Savoie et les dauphins avaient été suivies ,
en 1 304, d'un traité entre Amé V dit le Grand et le
dauj)hin Jean II. Il fut convenu entre autres que le
dauphin se départirait de ses prétentions sur Ihora-
mage du Faucigny, et de tout ce qu'il réclamait sur
Meximieux et le bourg de St-Christophe. Ce traité
étant resté sans effet, le ])ape Clément V voulut ré-
tablir la j)aix entre les parties belligérantes, et par
sa bulle datée de St-Cyr près Lyon, du mois de
mars 1 306 , ordonna une trêve entre ces deux
j)rinces et les seigneurs de Vaud, de Beaujeu, de
Genève et de Mercœur, leurs alliés. Il fut encore
convenu que la ville d'Ambronay demeurerait au
comte de Savoie. Tout seml)lait sarranger ainsi;
mais quelques années après des religieux du cou-
vent d'Ambronay, vendus au dauj)hin, lui livrèrent
la ville après avoir pendu leur abbé qui n'avait pas
voulu treuq)er dans cette trahison. Le dauphin ac-
courut en ])ersonne pour eu profiter, mit le siège
devant Miribel qui aj)partenait au sire de Beaujeu;
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 39
et comme la place paraissait devoir tenir longtemps,
il gagna le châtelain, qui la rendit aussitôt, ce qui
n'empêcha pas le dauphin de le faire pendre, pré-
tendant que " combien que la trahison fut pro-
« fitable, il ne fallait pas laisser vivre les traîtres. »
Cependant le comte de Savoie, en apprenant la
lâche trahison d'Ambronay, y marche promptement,
s'en empare et réunit toutes ses forces pour venger
cette injure. 11 appelle auprès de lui Louis de
Savoie, prince de Morée , son neveu; Louis de
Savoie, baron de Vaud, son frère; Léopold d'Au-
triche , son gendre ; le comte d'Auxerre ; Robert ,
duc de Bourgogne ; Guichard , sire de Beaujeu , et
enfin tous les feudataires de Savoie. Le sire de
Beaujeu était le plus animé des alliés; il avait sur
le cœur la perte de Miribel, et brûlait de se venger.
L'armée se mit en campagne, et à son approche le
dauphin abandonna le pays, laissant les places
livrées à leurs propres ressources. Le siège est mis
devant St-Germain-d'Ambérieu, qui succombe
après une vive résistance et est livré au pillage. La
ville d'Ambérieu subit bientôt le même sort.
La mort du dauphin , qui arriva peu après
la prise d'Ambérieu, suspendit les hostihtés; et
comme Amé-le-Grand suivit de près son ennemi
au tombeau , elles ne furent reprises que par leurs
successeurs. On se borna l'année d'après à une ex-
pédition contre Genève , où fut envoyé Aymon
1 40 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de Savoie , second fils d'Ame , avec Guichard de
Beaujeu, en tjui le comte avait toute confiance, et
qu'il regardait comme son fidèle allié. Ces princes
pénétrèrent dans le Genevois, dont le comte s'était
constamment montré ennemi de la Savoie dont il
relevait, surprirent le château de Genève sur Giry
de Feuillens qui en était gouverneur, et le firent
démolir. Ils terminèrent leur campagne par la prise
du château de Sessains.
Le comte de Genève en appela au dauphin de la
guerre qu'on lui faisait. Celui-ci fit de grands pré-
paratifs et entra en campagne. Les deux armées se
trouvèrent en présence au mois de février I 325 ,
dans la plaine de St-Jean-le-Vieux , sous les murs
du château de Varey, dont le comte de Savoie fai-
sait le siège. Edouard, fils et successeur d'Amé-le-
Grand , commandait en personne. Sa valeur per-
sonnelle et celle de ses chevaliers lui inspirèrent
trop de confiance , et lui firent négliger les [)ré-
cautions qu'aurait dû lui inspirer la vue d'une
armée aussi nombreuse que celle du dauphin; cette
confiance le perdit. TjCs Dauphinois attacpièrent à
l'improviste. Le comte Edouard, le comte de Bour-
gogne et Guichard de Beaujeu, à la tète de quel-
ques chevaliers, soutinrent vaillamment le premier
choc, repoussèrent l'ennemi et espérèrent lui instant
rétablir l'ordre dans le combat; mais une partie
de l'armée seulement avait eu le temps de prendre
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 41
les armes. Les Dauphinois pénétrèrent dans les
lignes du comte de Savoie, et la déroute devint
générale. Ce prince se battit en désespéré, et s 'étant
élancé au plus épais de la mêlée , il fut enveloppé
par la troupe d'Auberjon de Maleys et du seigneur
de Tournou. Après la plus vigoureuse résistance, il
succombait et était emmené prisonnier. Mais ses
chevaliers ne l'avaient point abandonné : Guichard
de Beaujeu, Hugues de Bocsezel et le seigneur
d'Entremont s'élancèrent à son secours et parvin-
rent à le dégager. Guichard fut fait prisonnier en
voulant soutenir la retraite du prince. Le comte
d'Auxerre , le comte de Tonnerre , Hugues de
Marzé, Angelin l'Anglais, de Forges, Girard de
Chaintré, et beaucoup d'autres, subirent le même
sort. Humbert de Beaujeu fut blessé mortellement.
La captivité de Guichard dura peu. Il promit sa
rançon et engagea pour sûreté de sa parole au
dauphin ses châteaux de Ferreux, de Thizy et de
Lay. Plus tard il fut convenu, par l'entremise du
comte de Forez, d'Aimar de Poitiers et de Guillaume
de Beaujeu, que pour cette rançon Guichard cé-
derait au dauphin les seigneuries et châteaux de
Meximieux et du bourg St-Christophe , le lief de la
grande rue de Villars , de la maison de Loyes et
des Poypes de Monthelier, de Corsieu et de Mon-
thieu, ainsi que les arrière-fiefs de Chàtillon-la-
Palud et de Gordans que lui devait le sire Thoire ;
1 42 GENEALOGIE HISTORIQUE
qu'il prendrait en fief duclit dauphin son château
de MiriJjel , et promettait de le servir envers et
contre tous, à la réserve du roi de France, de
l'Eglise de Lyon, du duc de Bourgogne, du comte
de Clermont, et des abbés de l'Ile-Barbe et de
Cluny. Ce traité fut accepté, et les gentilshommes
de la suite de Guichard furent libres sans rançon.
En lisant ces conditions, on pourrait s'étonner à
bon droit de ne pas voir figurer le comte de Savoie
dans les réserves que se fit Guichard, s'il n'était
évident au contraire que c'est contre ce prince que
le traité était dirigé ; le dauphin, son ennemi mor-
tel, voulait non-seulement recevoir une riche ran-
çon , mais se procurer un allié de ])lus pour l'exé-
cution de ses desseins contre les terres de Savoie.
IjC comte Edouard se montra plus généreux, car il
indemnisa largement le sire de Beaujeu des pertes
qu'il pouvait avoir éj)rouvées dans celte guerre , en
lui cédant en toute propriété les terres et châteaux
de Coligny-le-JNeuf et de Buenc, à la charge du fief,
et j)rometlant de lui payer cpiarante mille livres vien-
noises à charge de l'hommage de Lent et de Thoissey.
En 132G, et par fentremise du légat du pape,
on fixa une délimitation entre les terres du comte
de Savoie, du dauphin et du sire de Beaujeu, en
Bresse et en Valbonne. Montluel demeura au dau-
phin , Rillicux à l'abbé de l'Ile-Barbe ; le lac des
Cherres fut cédé au dauphin en échange d xVvancey,
DES SIRES DE BEAUJEU. 143
qui fut donné à Guicharcl de Beaujeu; les îles et
Broteaux du Rhône furent partagés entre eux ; le
château de Jonage appartint au comte de Savoie.
Guichard , que le roi appelait souvent dans ses
conseils, le servit également bien de son épée dans
les nombreuses guerres de cette époque. Devenu
grand-maître des Templiers , il se signala dune
manière glorieuse, en 1 328, à la bataille de Mont-
Cassel, où il commandait le troisième corps de ba-
taille de l'armée française, et oii il contribua puis-
samment à rallier les troupes autour de la personne
du roi, après avoir soutenu un des premiers le
choc imprévu des Flamands à la tète du camp.
Enfin , ce prince qui , par sa sagesse dans les
conseils et sa bravoure dans les combats , sut mé-
riter de ses contemporains le surnom de Grand,
mourut à Paris le 18 septembre 1331, après avoir
servi cinq rois, Philippe-le-Bel , Louis-le-Hutin ,
Philippe-le-Long , Charles-le-Bel et Philippe de
Valois, sans que sa faveur reçût jamais la moindre
altération sous ces différents rois, dont il fut cham-
bellan et l'un des principaux et plus fidèles con-
seillers, ce II mourut, dit Louvet, plein d'honneur
« et de gloire ; et comme il avait semé des lauriers
c< toute sa vie, il recueillit des palmes à sa mort. »
Froissart cite souvent sa valeur et sa prudence,
Guichard fut inhumé à Belleville en un tombeau
qu'il avait fait ériger de son vivant.
1 44 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
On lui fit cette épitaphe :
Ter et milleno primo , ter quoque deno ,
Princeps Guichardus , leo corde , gigas , leopardus ,
Bellatorque audax et nobilitalis amator,
Nunquain devictus Lello per milites ictus ;
Vincitur a morte , cœli pateant sibi portse.
Louvet croit devoir en citer ces deux traductions
françaises, qu'il attribue à un poète quil ne nomme
pas :
L'an trois cent trente-un après mille , Guichard ,
Prince , lion de cœur , géant et léopard ,
Hardi guerrier, aimant noblesse vertueuse ,
Non vaincu des soldats en guerre furieuse ,
Est vaincu de la mort ; qu'au haut ciel azuré
A toujours, mais en heur soit son lieu assuré.
Voici la seconde :
L'an mil trois cent et trois fois dix
L'n y ad joute , le prince Guichard ,
Lion en cœur, grand et puissant jadis ,
Noble seigneur, hardi comme un léopard ,
Chevaleureux , aimant armes , noblesse ,
Oucques vaincu ne fut en prouesse
Par coups de lance , arc ou flèche ;
Mais Atropos , qui tout oppresse ,
Le vint sommer d'aller au bas palus ;
Fuir ne peut , mais prions que son âme
Soit mise en paradis là sus
Avec Dieu et la glorieuse Dame.
Par son testament du 1 8 mai 1331, Guichard
de Beaujeu substitua tous ses enfants les uns aux
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 45
autres, ainsi que leurs descendants par ordre de
priraogénitiue , à la seigneurie de Beaujolais et de
Dombcs : substitution qui n'empêcha pas ces sei-
gneuries de passer , soixante-dix ans après , entre les
mains d'un prince puissant qui les convoitait depuis
longtemps. Le testament rappelle tous les enfants
de Guichard, et contient de nombreux legs pieux
en faveur de tous les établissements religieux de
Beaujolais et de Dombes. Chaque curé reçut un
secours; les hôpitaux de Lyon, de Villefranche et
autres ne furent point oubliés , et de nombreuses
fondations eurent lieu. Les différents seigneurs qui
l'avaient accompagné dans ses guerres recurent
de larges indemnités des pertes qu'ils avaient pu
éprouver. Il laissa à sa sœur Marguerite , veuve du
comte d'Auxerre, son château de Montmelas sa vie
durant. Le douaire de Jeanne de Chàteauvilain , sa
femme, fut augmenté du château de Thoissey et de
la chàtellenie de St-Bonnet-le-Troncy et Clavey-
soUes. Ses exécuteurs testamentaires furent : Guil-
laume d'Auray , évèque de Bethléem ; Guillaume de
Beaujeu, évêque de Bayeux, son frère; Jeanne de
Chàteauvilain, sa femme; Girard de Romans, ju-
risconsulte; Pierre de Montceau, sacristain de Beau-
jeu ; Hugues de Marzé , Etienne de Laye et Girard
de Chaintré, chevaliers. Priant Pierre de Savoie
archevêque de Lyon , Aymond comte de Savoie ,
et Jean comte de Forez, ses cousins, de vouloir
10
1 46 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
bien aider de leurs conseils les exécuteurs lestamen
taires sus-nommés et veiller à la stricte exécution
de ses volontés.
Ce testament fut ouvert le lundi après la tète
de la Toussaint 1331, par Pierre de St-.Toyre, tré-
sorier de Lauzanne , officiai de Lyon , et Pierre de
Montceau, juge de Beaujeu;en présence d'Aymond
comte de Savoie, de Jeanne de Cliàteauvilain ; de
Guillaume, évèqiie de Bayeux; de Jean, comte de
Forez; dEdouard de Beaujeu, lîls aine du défunt ;
(U; ^larguerite de Bt^anjeu, comtesse d'Auxerre;
de la dame de Villars, et do Marguerite de Beaujeu,
dame de Montmorency.
Guichard fut marié trois fois : la j)iemière , en
1 300, avec Jeanne de Genève, 1111c de Rodolphe,
comte de Genève, et de Marie de Coligny. Elle lui
apporta en dot la terre de Varey avec 1 4,000 sols.
Cette princesse mourut en 1 303.
Sa seconde femme fut Marie de Cliàtillon , llUe
de Gaucher de Chàtilk)n , comte de Porcéan, con-
nétable de France, et d'Isabeau de Dreux. Ce
mariage eut lieu l'an 1308. Lu testament de cette
princesse est de 1317. Elle mourut le Vendredi-
Saint de la même année, et fut enterrée à Belleville.
Enfin, Guichard se maria en troisièmes noces, le
25 novembre 1317, avec Jeanne de Cliàteauvilain,
dame de i^Iontenguillon et de Semur, fille de Jean
de Cliàteauvilain, chevalier, seigneur de Luzy, Se-
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 A7
mur et Bourbon-Lancy, et d'Isabeau de Touroude.
Elle apporta en dot les terres et seigneuries de
Semur et de Montenguillon, par suite du traité fait
entre elle et Jean de Chàteauvilain son frère, le
jeudi après la Chaire de saint Pierre 1339, con-
firmé ensuite en 1364.
De ces trois mariages successifs Guichard laissa
neuf enfants, que nous allons rapporter.
De Jeanne de Genève est issue :
1° Marie de Beaujeu, rappelée au testament de
son père, qui lui lègue quarante livres. Elle épousa,
en 1331, Jean l'Archevêque, seigneur de Parthe-
nay, fils de Guillaume l'Archevêque et de Jeanne
de Montfort.
De Marie de Chàtillon sont issus :
2° Edouard , qui succéda à son père , et dont
l'article suit ;
3° Marguerite, ou Marie selon Paradin, rappelée
par son père, qui lui lègue cinquante livres tournois.
Elle épousa, du consentement du roi Philippe de
Valois, Charles, seigneur de Montmorency, cham-
bellan, grand panetier, maréchal de France et lieu-
tenant-général pour le roi aux frontières de Flandres
et de Picardie. En faveur de ce mariage, le roi
donna à Marguerite de Beaujeu deux mille livres pa-
risis, par lettres du 1 ^^ juin 1 330. Elle mourut sans
enfants, la veille des Rois 1 336, et fut inhumée en
l'abbaye de Notre-Dame-du-Val.
1 48 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
4° Aliénor ou Eléonore, religieuse , puis prieure
à la chartreuse de Poletins. Son père lui laisse par
testament et sa vie durant « un habit garni et ac-
« compli selon la décence de sa personne , de son
" état et de sa religion , » payable tous les ans par
son héritier au jour de saint Michel.
De Jeanne de Chàteauvilain sont issus :
5° Guichard , auquel son père donna par testa-
ment les châteaux de Ferreux, de Luzy et d'Ar-
cinges. Il se distingua dans toutes les guerres de
cette malheureuse éj)oqne , et acquit la réputation
d'un brave et preux chevalier.
Amé VI, comte de Savoie, surnommé le Vert,
conçut pour lui la plus grande estime et lui en
donna une preuve éclatante en le nommant chef de
la députation chargée par lui, en 1 352 , d'aller de-
mander la main de Jeanne de Bourbon : il s'acquitta
de celte mission avec l'abbé de St-Michel de la
Cluse et les seigneurs de \\iHln et de Grammont.
Guichard fut l'un des principaux capitaines du
roi Jean; il se signala au combat d'Ardres, et ])rit
part à toutes les batailles qui eurent lieu contre les
Anglais. Enfin , il accompagna le roi à la funeste
journée de Poitiers , où il perdit la vie en com-
battant vaillamment. Il fut chargé ce jour-là d'aller
reconnaître la })osition de l'ennemi avec tAistache
de Ribaumont , Jean de Landas el Guichard
d'Angles, tous chevaliers des ])lus renommés. Le
DES SIRES DE BEAUJEU. I 49
raj)j)ort qu'ils llrent au roi semblait lui promettre
la victoire ; jamais défaite plus sanglante ne vint
affliger la France; la fleur de sa chevalerie y périt.
Guichard combattait « en la bataille du roi , et là ,
f< dit Froissart, furent occis, dont ce fut pitié et
c< dommage , le gentil duc de Bourbon , et assez
« près de lui messire Guichard de Beaujeu et
c< messire Jean de Landas. ^
Guichard avait épousé à Paris, le 1 4 mai 1 343,
Marguerite de Poitiers , fille de Louis de Poitiers ,
comte de Valentinois , et de Marguerite de Vergy.
Elle lui apporta en dot le château de Fouvens ; elle
fit de grands biens aux religieux de St-François de
Charlieu , et de belles fondations dans leur église
où elle fut inhumée. Son fils Edouard confirma
ces donations le 1 3 juin 1 393.
De ce mariage sont issus :
a. Edouard, qui devint seigneur de Beaujeu,
comme nous le verrons plus bas ;
b. Philippe, mort jeune et inhumé à Belleville;
c. Marie, alliée en 1372 à Jean de Montagu,
chevalier, seigneur de Sombernon : elle eut en dot
Courcelles, Villebeuf et St-Aignan;
d. Alix, mariée d'abord à Josserand de Lavieu,
chevalier, seigneur de Fougerolles , puis à Etienne
de Sancerre, chevalier, seigneur de Charenton ;
enfin à Louis, seigneur de Cousans, dont elle était
veuve en 141 8 ;
1 50 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
e. Jeanne, clame de Chazelles , femme de Hu-
gues, seigneur de St-Trivier en Dombes, fils de
Jean W du nom ;
f. Marguerite, religieuse au couvent de Mar-
cigny ;
6° Guillamne , seigneur d'Ample})uis, auteur de
la branche de Linières, rapportée ci au bas.
7° Robert, destiné à l'état ecclésiastique par le
testament de sou père, qui lui laisse les revenus
d'Arcinges, montant à trois cents livres viennoises;
et au cas où ce revenu ne sortit pas exactement ,
charge Guicliard, seigneur de Ferreux, de le par-
faire. Robert ne voulut point entrer dans les ordres,
et obtint par arrangement la seigneurie de Joux-
sous-Tarare, de St-Bonnet-le-Troncy, de Clavey-
solles et de CoUignac. Il servit vaillamment et fut
tué à la bataille de Briguais , dite des Tard-Penus.
BRANCHE DES SEIGNEURS D'AIIPLEPUIS ET DE LIMEHES ,
ISSUE DE GUILLAUME DE UEAUJEU.
Guillaume fie Beaujeu, sixième enfant de Ricliard-le-Grand ,
eut en partage les seigneuries d'.Vniplepuis , de Chevagnv et de
Chamelet. Il servit le roi avec distinction, et fut tué à la l>ataille
de Poitiei'S. Son corps , rapporté à Believille , fui inhumé dans
l'église.
Guillaume eut successivement trois femmes, et ne laissa des
enfants que de la dernière. Il épousa d'abord N de Villedieu,
puis Agnès de St-Germain , dame en partie de Lastours , l'autre
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 0 1
De son mariage avec Agnès de Vienne, dame de
Chandenay, il laissa deux fils et deux filles, savoir :
a. Guicbard , seigneur de Joux , de Belleville
et de St-Bonnet, qui accompagna Louis, duc de
Bourbon, en Afrique et y mourut, le 6 septembre
1390, sans avoir été marié ;
h. Jean , mort sans postérité ;
c. Marguerite, dame de Joux après la mort de
ses frères, mariée le 1 6 décembre 1 391 avec Louis
de Listenois , chevalier, seigneur de Montagu et de
Chatel-Oudon , chambellan du roi Charles VI ;
d. Jeanne, qui eut la seigneurie de Collignac
par suite du partage qui fut fait avec sa sœur après
la mort de leurs frères. Elle fut femme de Jean,
seigneur de Cusance et de Beauvoir.
Après la mort de Robert, Agnès de Vienne sa
veuve eut procès avec Edouard , alors seigneur de
moitié appartenant à Jeanne sa sœui- , femme de Jean de Laye ,
seigneur de St-Lager. Enfin , sa troisième femme fut Marguerite
de la Gorse , d'où sont issus :
1° Edouard, dont l'article suit ;
2" Guichard , mort sans alliance.
ÉDOUâRU.
Fils et hci'itier de Guillaume de Beaujeu, Edouard épousa
Jacfjueline de Linières sa cousine, fille de Pliilippe de Linièi'es et
de Jacqueline de Chambly. Elle lui apporta en dot la seigneurie
I S2 GÉNÉALOGIE HISTORIQLE
Beaujeu, pour une somme de quatre mille livres d'or
que lui devait ledit seigneur , et relativement aux
seigneuries de Claveysolles, de St-Bonnet-le-Troncy
et de St-Nizier-d'Azergue, auxquelles elle prétendait.
Il fut convenu qu'on s'en rapporterait à des arbitres,
qui furent nommés le dimanche avant la Nativité
1395. Ce furent noble et puissant chevalier Robert
de Trazettes , Philippe Hugan et Pierre Fantachin,
licenciés.
8° Louis, seigneur d'Allognet, destiné aussi à
l'état ecclésiastique auquel il renonça. Il se signala
dans plusieurs rencontres , et est souvent cité par
Froissart comme un bon et loyal chevalier. Il mou-
rut en Afri([ue, et son corps apporté à Raguse y fut
enterré en habit de cordelier dans le couvent de
cet ordre. Il laissa de son mariage avec Jeanne de
Beaujeu sur Saône une iille, qui suit:
(le la Coiu--le-Comte en Normandie , pour laquelle il prêta foi et
hommage le 18 novembre 1449.
De ce mai-iage soûl issus :
l" François, marié à Anne de Culanl, puis à Françoise de Maillé ,
(lame de Chùteauroux. Aucun enl'aut n'éUmt né de ces deux
nxaiiages, la succession de François passa à Jac(]ues sou frère, (]ui
suit.
2" Jacques, dont l'article suit.
3" Anne , (|ui fut mariée trois fois : la première avec Philippe
de Culant , sénéchal de Limousin et maréchal de France ; la
deuxième avec Louis de lieauveau , seigneur de Champigny et
de la Roche-sur- Yon , sénéchal d'Anjou et de l^rovencc : la
DES SIRES DE BEATJJEU. 1 S3
Antoinette , mariée avec Jacques d'Aigueil ,
écuyer. Elle mourut en 1385, et fut enterrée au
prieuré de St-Mamez en Beaujolais.
9° Blanche, que son père destinait au cloître,
lui laissant pour cela trente livres de rente viagère.
Mais Blanche eut comme ses frères Robert et Louis
peu de disposition pour la renonciation au monde, et
se maria à Mabrion, seigneur de Linières. Ce ma-
riage fut fait sous les auspices de la reine de Navarre,
de la comtesse de Savoie et du comte de Sancerre ,
cousin du seigneur de Linières. Le contrat fut passé
les 19 et 27 juillet 1 346", et constate que Blanche
de Beaujeu reçut cinq mille cinq cents livres de
dot et l'assurance d'un douaire de douze cents
livres. Les cautions du payement de la dot furent
Guillaume de Chàteauvilain, seigneur de Pleurre, et
Guillaume deMello, seigneur d'Epoisses; et pour la
troisième avec Jean de Baudricourt , seigneur de Choiseuil , de
la Fausche, etc., chambellan, bailli de Chaumont , maréchal de
France , gouverneur pour le roi au duché de Bom-gogne.
4" Marie, qui épousa Guillaume de Suilly, chevalier , seigneur
de Volon.
JACQUES.
Il fut marié à Jacqueline Juvénal des Ursins, fille de Guillaume
Juvénal des Ursins, baron de Traiuel, chancelier de France. Par
son testament du lii soptemhre 1488 Jacques do Beaujeu institua
1 54 GENEALOGIE HISTORIQUE
restitution , le cas échéant , le seigneur de Grassey
et Louis de Brosses , chevaliers.
Plus tard, Blanche de Beaujeu intenta un procès
à Antoine, sire de Beaujeu, en revendication de
partie de la sirerie de Beaujeu; procès renouvelé
par ses descendants, et sur lequel nous reviendrons.
Outre ces neuf enfants légitimes , Guichard
laissa encore un fils naturel nommé Jean de Beau-
jeu, vivant en 1348.
EDOUARD I".
Edouard , fils aîné de Guichard V et de Marie
de Chàtillon, naquit le jour de Pâques 1316 et
avait quinze ans lorsqu'il ])rit possession des sei-
gneuries de Beaujeu et de Bombes. Dès son début,
il annonça les dispositions qui plus tard devaient
son fils Philibert héritier universel , et en cas de mort substitua
toute sa fortune à Anne de Beaujeu, dame de Baudricourl, sa sœur,
et à son di'faul à Marie , femme de Jean de Cliùleauueuf , et aux
enfants de Catherine , femme de Charles d'Amboise , ses deux
nièces , fdles de ladite Anne , dame de Baudricourl : le tout avec
défense à son héritier et aux substitués do remettre ses biens à
Marie de Beaujeu sa sœur , femme de Guillaume de Suilly, ni
aux siens ; et au cas où il serait contrevenu à sa volonté , déclare
qu'il fait le i-oi son héritier.
De son mariage avec .Marguerite .luvénal des Ursins est issu :
i'hilibert , dont l'article suit :
['lus , deux filles nalurellcs , dont liuie appelée Jeanne épousa
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 ?)5
faire de lui un' grand homme. Loin de se livrer à la
dissipation et aux plaisirs, il porta toute son atten-
tion sur l'état de ses affaires et pourvut à tout. Le
trésor de Guichard était fort obéré , et les intérêts
usuraires qu'il payait absorbaient tous ses revenus.
Edouard voulut se libéier, et pour y arriver il ven-
dit en 1 333 à Guillaume de Sure, archevêque de
Lyon, sa terre et seigneurie de Miribel avec son
mandement, la terre de Montaney et la garde de l'Ile-
Barbe et de Vimy, moyennant la somme de trente
mille florins d'or et le château de Ternant. Cette
vente fut faite de l'avis de Girard de Chaintré, cu-
rateur du jeune sire de Beaujeu. Ses plus fortes
dettes payées, il songea à accroître ses revenus et
à augmenter son domaine. Le comte de Savoie était
tout disposé à lui faire la remise des châteaux de
Coligny et de Buenc , qu'il avait promis à Gui-
David de Leanlny , seigneur de Liixou ; l'autre , Philiberte ,
morte sans alliance.
PHILIBERT.
Philibert de Beaujeu, baron de Liuières et d'Amplepuis , sei-
gneur de Chaumont , d'Allognet , de ftleillan , de Charenton , de
Thizy, de Chamelet , de Montmelas, etc. , fut conseiller et cliam-
l>ellaii du roi François I^'' et sénécbal d'Auvergne. Il voulut inten-
ter un procès au duc de Bourbon en revendication des terres de
156 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
chard V pour l'indemniser des perles qu'il avait
éprouvées dans la guerre contre le dauphin. Cette
remise fut faite à Edouard de Beaujeu, le 5 juillet
1337, par le comte Aymond, fils d'Edouard de
Savoie, qui se rendit à Ambournay, où il reçut la
promesse du sire de Beaujeu pour les hommages
de Thoissey et de Lent , selon qu'il avait été con-
venu. Il fut encore arrêté que cet hommage serait
semblable pour la forme à ceux que devaient à la
couronne de Savoie Louis de Savoie , seigneur de
Vaud, Jacques de Savoie, prince de Piémont, et le
comte de Genève ; à la réserve par le sire de Beau-
jeu de la fidélité qu'il devait au roi de France, aux
ducs de Bourgogne et de Bourbonnais , à l'arche-
vêque de Lyon et aux abbés de Cluny et de l'Ile-
Barbe. Cet hommage neutlieu que le 26 juin 1 343,
en la chapelle de l'abbé d'Iiaulecombe, eu présence
Beaujolais et de Dombes, selon la substitutiou de Guicbard-le-
Grand. Voici ce (|u'en dit une vieille cbronique manuscrite :
«' Il est à savoir que par un débat qu'eut le ieu sieur de Li-
ft nières avec feu M. le duc , en présence du feu roi Louis , lui fut
« reproclié eiilr'autres choses qu'il et ses prédécesseurs injus-
« lement déteuoient ladite sirie de IJeaujoIois et qu'il la portoit
« sans titre raisonnable , dont il seroit dainpné , et que icelle
<•< sirie lui appartenoit et que le roy en étoit bien informé ; et après
f< aucimes paroles ledit feu ^l. le duc dit en riant audit sieur
« de Linières s'il le vouloit quitter poui- un brasselel d'or qu'il
f( avoit sur lui , où il y avoit le beau balay et le diamant , et
« plusieurs autres belles bagues , <]ui valoient quaranle ou rin-
DES SIRES DK BEAUJEU. 157
des évéques de Sions, de Maurienne, de Grenoble,
de Genève et de Belley. Ajirès avoir constaté que
les châteaux de Lent et de Thoissey étaient allo-
diaux et libres de toute servitude, le sire de Beaujeu
se constitua homme et vassal du comte de Savoie
pour les châteaux qu'il dit tenir de lui en fief.
Edouard de Beaujeu acquit du seigneur Etienne
de Laye la terre et seigneurie d'Hérons, en la pa-
roisse d'Aignereins près Villeneuve en Bombes,
avec les revenus , droits , corvées , etc. , et tous les
domaines en terres labourables, prés, pàquiers,
vierres, forêts, chasse, choses cultes et incultes;
plus , la justice haute et basse et droits qu'il avait
sur les hommes taillables et non taillables , et tout
ce qui lui appartenait audit lieu. En échange, le
seigneur de Laye reçut la justice haute et basse des
paroisses de St-Lager et Cercler en Beaujolais, avec
(juante mille ccus. Mais ledit de Linières lui répondit qu'il ne
le quitteroit pas pour deux fois autant ; mais il lui fut répondu
par le sieur dit duc qu'il ne voudroit lui en avoir Laillé un cha-
peau de paille ; et lors, pour complaire au roy ou autrement,
ledit sieur de Linières lui dit plusieurs grands outrages , à quoy
le roy prit plaisir, et le duc fut très mal coûtent dudit feu sieur
de Linières. »
Le procès fut poursuivi devant le parlement, et terminé enûn
par un arrangement du 5 octobre 1516 et confirmé pardevant
Blain et Montent, notaires, le 2 juin 1518. Philibert reçut les
seigneuries d'Allognet , de Lay et d'Ussel, avec une rente de 1,500
livres dont il se contenta pour tout droit. Il acheta ensuite dudit
158 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
tous droits en dépendant, hommages, renies,
usages, corvées, journaux, services forcés, soit
en deniers, blé, froment, seigle , orge, avoine, vin,
poules, poulets, chapons, huile, miel, cire, et
toutes sortes de légumes; plus, le droit de bâtir
bourgs clos et fermés , y accorder foires et marchés
avec franchises , sauf au seigneur de Beaujeu la su-
périorité et le ressort. Le seigneur de Laye prit le
tout en Uef et en fit immédiatement foi et hom-
mage, se reconnaissant homme-lige du sire de Beau-
jeu.
Dès l'année 1332, Edouard de Beaujeu avait
commencé à se signaler dans les armes sous le
comte d'Eu. En 1339 il suivit le roi Philippe de
Valois dans les guerres de Flandres, et l'année
ajirès il se convril de gloire par la défense de Mor-
tagne sur l'Escaul, dont le roi lui avait confié la
duc le château et seigneurie de Tiiizy ; et de Claire de Villars ,
veuve de Philippe du Crozet , seigneur de Gregnin , la seigneurie
de Montmelas.
n avait {'pousé le 10 octoln-e liiOl Catherine d'Amboise , (îlle
de Charles d'Amboise , cli(;valier, seigneur de Chauraont, cl de
Catherine de Cliauvigiiv. PhililxM'l de Picaujcu mourut sans en-
f'auls vers l'an liJ42, et en lui sV'teignit l'illustre nom de lieaujeu.
Callierine d'Amboise se l'emaria avec Louis de Clèves , comte
d'Auxerre , fils d'Engiiliert de Clèves , comte de ÎS'evers. et de
Charlotte de Bourbon. I.a riche succession de Philibert de
lieaujeu. fut vivement disputée. Sa veuve en réclamait la majeui-e
partie, tant |)ar suite de la donation (|ue sondit mari lui avait
*
DES SIRES DE BEAUJEL'. 159
garde. Prévenu que le comte de Hainault , à la tète
d'une troupe brave et déterminée, devait venir l'at-
taquer , Edouard prit toutes les précautions que sa
prudence lui suggéra et attendit l'ennemi. Celui ci
arriva bientôt, et attaqua la place avec furie. Beau-
jeu défendit lui-même le point le plus faible, qui
était à la porte dite de Mandé. <:< Le sire de Beau-
ce jeu, dit Froissart, vint cette part très bien pourvu
ce de deffendre , car bien savoit qu'il n'avoit que
c faire d autre pari, et tenoit un glaive roide et fort
c< à un long fer bien acéré , et dessous ce fer avoit
ce un havet aigu et prenant , si que quand il avoit
ce lancé et il pouvoit saclier en fichant le havet en
ce plates ou en haubergeon dont on étoit armé,
ce il convenoit qu'on se venist ou que on fust ren-
cc versé en l'eau. Par cette manière en attrapa- t-il
ce et noya ce jour plus d'une douzaine. "
faite le 4 lévrier 1540 des terres de Chamelet, d'Allognet,
d'Ussel et de Lay, que de son chef à elle, comme proche parente,
par Catherine de Chauvigny sa mère. D'un autre côté , la maison
de Choiseuil et celle de Bartoii de Montbar, issues de Louis de
Suilly , mari de Marie de Beaujeu , venaient aussi en revendica-
tion des biens du baron de Linières. Un premier arrêt du parle-
ment de Paris ordonna le partage de la succession ; mais l'affaire
ayant été évoquée au conseil du roi et renvoyée au parlement de
Grenoble , la totalité des biens fut adjugée par ai-rèt du 4 juin
1573 à Charles-Ludovic duc de Nevers , qui en vendit la majeure
partie à Claude de Rébé , par conh'at du 10 mars 1578, au prix
de 120,000 livres.
1 60 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Voyant qu'il fallait renoncer à emporter la place
d'assaut, le comte de Hainault la lit attaquer par le
moyen d'une machine de guerre qui lançait des
pierres et incommodait fort les assiégés. Ceux-ci
lui opposèrent une machine semblable et la firent
jouer. Les deux premiers coups réussirent assez
bien ; c< mais la tierce pierre, ajoute Froissart , fut
c< si bien appointée qu'elle férit lengin parmi la
« flèche et la rompit en deux moitiés. » Le comte
de Hainault, déses[)érant d'emporter une place aussi
vaillamment défendue , prit le parti de se retirer.
Edouard de Beaujeu ne cessa de serWr son roi.
La malheureuse bataille de Crécy lui offrit bientôt
l'occasion de cueillir de nouveaux lauriers. Il y pa-
rut accompagné de neuf bacheliers et de cinquante-
six écuyers , sous les ordres du duc de jNormandie,
qui, plus tard, fut le roi Jean. Les Anglais , après
être venus jusqu'à Poissy et sous les murs de Paris,
se retiraient sur la Flandres, et avaient déjà j)assé
la Somme. l^hilipj)e de Valois les suivait de près et
ne cherchait que l'occasion de combattre, « espè-
ce rant, dit Froissart, contrevenger l'honneur de son
ce royaume, et la grand' destruction que les Anglois
te y avoicnt faite. » Edouard d'Angleterre l'atten-
dait dans uue position avantageuse qui dominait le
village de Crécy , et tenait son armée préparée au
combat. Le samedi 26 août 1 346 , le roi de France
sortit d Abbeville et s'avança sur l'armée anglaise.
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 61
Arrivé à une certaine distance, il envoya qualité
moult vaillants chevaliers , le seigneur Lemoyne
de Basèle, le seigneur Miles de Noyers, le sire de
Beaujeu et le seigneur d'Aubigny, pour reconnaître
la position de l'ennemi. Basèle rendit compte de
leurs observations, et conseilla au roi de ne pas
attaquer ce jour-là : « car, dit-il, aincois que vos
« batailles soient ordonnées il sera tard , si seront
«■ vos gens lassés et travaillés et sans arroy, et trou-
« verez vos ennemis frais et pourvus ; si pouvez
c< lendemain au matin ordonner vos batailles et par
ce plus grand loisir aviser vos ennemis par quel côté
« on les pourra combattre, car soyez sur qu'ils vous
« attendront. »
Cet avis sembla d'abord prévaloir, mais la bra-
voure française l'emporta sur la prudence, et le
combat s'engagea. On sait quelle en fut l'issue fu-
neste. Trente mille Français et la fleur de la che-
Valérie restèrent sur la place. Philippe de Valois,
après avoir fait des prodiges de valeur, abandonna
le champ de bataille, et suivi de Jean de Hainault,
de Charles de Montmorency, et des sires d Aubigny,
de Beaujeu et de Montfort, qui n'avaient j)as quitté
ses côtés pendant le combat, se retira au château
de Broyé, dont il se fit ouvrir les portes en s'écriant :
« Ouvrez, c'est la fortune de la France. »
En 1347, Edouard de Beaujeu reçut la récom-
pense de ses services et fut créé maréchal de France
li
1 62 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
sur la démission de Charles de Montmorency, son
beau-frère. Il avait alors trente-un ans et com-
mandait une compagnie de cent hommes d'armes,
parmi lesquels se trouvait une partie de la noblesse
de Beaujolais et de Dombes. On y remarquait
entre autres Guillaume de Beaujeu, Jean de Thélis,
le bâtard de Beaujeu, Jean de Varennes, Guillaume
de Forges , Jean d'Ars , Bertrand du Saix , Robert
de Beaujeu et autres.
C'est en sa nouvelle qualité qu'Edouard accom-
pagna le roi qui se rendait au secours de Calais
assiégé par les Anglais. Arrivé en face de l'ennemi ,
Philippe de Valois reconnaissant l'impossibilité de
ratta([uer ou de le forcer dans ses retranchements ,
lui envoya les sires de Charny, deRibaumont, de
Nesle et le maréchal de Beaujeu pour lui offrir la
bataille; l'Anglais refusa énergiquement, et finit en
disant : « Si dites à mon adversaire que si il ni ses
« gens ne peuvent par là passer, que ils voisent au-
tc tour pour quérir la voie. « Le roi fut obligé de
se retirer et d'abandonner les malheureux Calaisiens
à toutes les horreurs d'un siège, qui ne devait finir
que par le dévouement sublime d'Eustache de St-
Pierre.
Amé VI , comte de Savoie , surnommé le comte
Vert, se disposait à châtier les Valaisans insurgés
contre leur évèque. Le maréchal de Beaujeu lui
amena des troupes , et combattit à ses côtés. Le
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 63
comte assiégea Sions, monta le premier à l'assaut,
et, malgré la résistance désespérée des assiégés, em-
porta la place.
C'est cette même année que le roi fit don au
maréchal de Beaujeu de la ville et cliàtellenie de
Chàteauneuf en Maçonnais.
Edouard fit le voyage de la Terre-Sainte en 1350,
et emmena à ses frais grand nombre de chevaliers
et d'écuyers. Il y resta peu de temps, et après quel-
ques faits d'armes revint consacrer son épée et sa
vie au service de la France. A peine arrivé, il reprit
les armes. Philippe de Valois était mort, Jean son
fils lui avait succédé. Ce prince résistait avec énergie
aux prétentions et aux attaques des Anglais ; il pour-
vut avec soin aux commandements les plus impor-
tants. « Il envoya à St-Omer ce vaillant chevalier,
ce messire Edouard, seigneur de Beaujeu, pour être
« là capitaine de toutes gens d'armes et de fron-
ce tières contre les Anglois. » Edouard répondit di-
gnement à la confiance de son souverain , et com-
battit maintes fois les ennemis avec avantage.
Jean de Beauchamp commandait Calais pour le
roi d'Angleterre , et tentait souvent des coups de
main sur les terres de France. Or, dans la nuit de
la Pentecôte de l'an 1 3.52, il sortit de la ville avec
trois cents cavaliers et deux cents archers. Il vint à
marche forcée, et au point du jour se trouva aux
portes de St-Omer. Sa troupe se dispersa dans la
1 (>4 GENEALOGIE HISTORIQUE
plaine, et y fit un riche butin. Beauchamp se remit
en route en bon ordre pour retourner à Calais , se
faisant précéder par ses gens de pied qui emme-
naient les prises qu'on avait faites.
Le sire de Beaujeu était encore dans son lit
lorsqu'il apprit cette nouvelle. Il se leva et s'arma
à la hâte, fit sonner la trompette et prévenir tous les
chevaliers et écuyers qui se trouvaient à St-Omer;
mais ne voulant pas attendre que toute la garnison
fut réunie, il s'élança hors de la ville suivi de cent
hommes bien armés et bien montés et bannière en
tète. Il eut bientôt retrouvé la trace des Anglais, et
les suivit avec rapidité. Derrière lui, et à difterentes
distances , arrivaient successivement Guichard de
Beaujeu son frère qui le suivait de très près, puis
le comte de Porcéan, Guillaume de Bourbon, Bau-
douin d'Ennekins, Drues de Koye, Guillaume de
Craon , Oudart de Henty, Guillaume de Bailleul,
Hector Kieret, Hugues de Longueval , le sire de
Sains, Baudouin de Hellebourne, le sire de St-Dizier,
le sire de Sl-Sauf-I^ieu, Robert de Barentin, Bau-
douin de Cuvilier, et plusieurs autres chevaliers.
Cependant les Anglais se retiraient en bon ordre
<;t étaient déjà près du village d'Ardres, à quatre
lieues de St-Omer, lorsqu'ils aperçurent les en-
seignes de Beaujeu. Rassurés par le petit nombre
dhommes qui accompagnaient Edouard , ils réso-
lurent de les attendre et de les combattre; mais
DES SIRES DE BEAUJEU. I G5
comme lems chevaux étaient harassés de fatigue
par suite de la course qu'ils avaient faite la nuit
précédente, ils mirent pied à terre, et, profitant d'un
large fossé qui entourait un pré, se placèrent der-
rière ce retranchement et attendirent les Français.
Edouard arriva sur le revêtement du fossé ; mais
présumant que ses gens ne pourraient le faire fran-
chir à leurs chevaux, tant à cause de sa largeur que
de l'humidité du terrain qui n'offrait pas de prise,
il fit mettre pied à terre , tira son épée , et se retour-
nant vers son porte-enseigne , il s'écria : « Avant ,
ce bannière , au nom de Dieu et de saint George ! «
Il s'élança en même temps et franchit le fossé en
face des Anglais; mais en touchant terre son pied
glissa, et il tomba. Un homme d'armes des ennemis
s'élança sur lui et, avant qu'on put le secourir, lui
plongea son épée au défaut de la cuirasse. Le coup
était mortel : Edouard se retourna deux ou trois
fois, et resta sans mouvement. A la vue de leur
chef étendu sur la place, tous les gens du maréchal
franchirent le fossé et volèrent à son secours. La
mêlée fut terrible , et l'acharnement égal de part et
d'autre. Les Français, moins nombreux que leurs
ennemis, allaient succomber, presque tous étaient
blessés ; Baudouin de Cuvilier avait perdu un œil ,
beaucoup avaient été tués, lorsque Guichard de Beau-
jeu arriva à bride abattue, fit franchir le fossé à sou
clieval, et vit avec désespoir son frère couché àlerre
166 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
et baigné dans son sang. Celui-ci respirait encore,
et reconnaissant Guichard : « Beau-frère, lui dit-il,
c< je suis navré à mort, ainsi que je le sens bien, si
« vous prie que vous releviez la bannière de Béan-
te jeu, qui oncques prise ne fut, et pensez de moi
ce contrevenger ; et si de ce chamj) partez en vie, je
« vous prie que vous soigniez d'Antoine mon fils ,
ce car je le vous recharge, et mon corps faites-le
« porter en Beaujolois, car je veux gésir en ma ville
c< de Belleville ; de longtemps a y ai-je ordonné
« ma sépulture. «
Guichard promit à son frère d'exécuter toutes
ses volontés, et ne songea plus qu'à le venger. Tl
releva l'enseigne de Beaujeu, et la confia à un de
ses meilleurs écuyers. Une partie des renforts étaient
arrivés ; la fureur des Français n'avait jilus de
bornes : ils s'élancèrent sur les ennemis au cri de
Beaujeu! Les Anglais se tenaient serrés et en bon
ordre , résolus à soutenir vaillamment lattaque.
Guichard de Beaujeu, l'épéc à la main, les joignit
le premier, s'ouvrit un large passage, et s'attacha à
Jean de Beaucharap qu'il alla trouver jusque sous sa
bannière. Chacun combattait à outrance , honmie
conlre homme , j)oitrine contre j)oitrine ; lutte
acharnée, dans laquelle le désir de la vengeance
d'un côté et la nécessité de l'autre enfantèrent des
prodiges de valeur. Guichard, entoiu'é parles enne-
mis, grièvement blessé ei (ouxert de sang, allait
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 G7
succomber, lorsqu'il fut délivré par le comte de
Porcéan , Guillaume de Bourbon et Baudouin
d'Ennekins, qui furent obligés de le porter hors du
combat , pour lui un petit rafjraichir, car il était
tout essanê.
La vaillance était égale de part et d'autre et le
sort du combat était encore incertain , lorsque les
brigands (soldats armés de brigandines), arrivant de
St-Omer, rejoignirent les Français. Ce renfort leur
assura la victoire. Les Anglais tinrent encore long-
temps, mais ils furent tous pris ou tués. Parmi les
prisonniers se trouvèrent Jean de Beaucbamp ,
Louis de Clifford , Olivier de Beaucestre , Philijipe
de Beauvei't, Louis Tuiton, Alexandre Ansiel et
beaucoup d'autres chevaliers. Mais cette victoire
fut chèrement achetée; Edouard de Beaujeu mou-
rut pendant le combat : « Le gentil chevalier qui
« si vaillant homme fut, et si prud'homme, dévia
« là sur la place. »
Une partie des Français se mirent à la poursuite
de ceux des Anglais qui emmenaient le butin, les
défirent, et ramenèrent le convoi à St-Omer. On y
apporta le même jour le corps du malheureux
Edouard de Beaujeu, qui fut embaumé et conduit
à Belleville, selon ce qu'il avait ordonné. Guichard
fut aussi transporté avec peine à St-Omer, où il fut
longtemps à se remettre de ses blessures.
Ainsi mourut le maréchal Edouard de Beaujeu,
^ 68 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
à làge de trente-six ans , frappé au milieu d'une car-
rière qu'il parcourait avec éclat et qui semlslait lui
promettre les plus hautes destinées. Sa mort excita
des regrets universels, et il fut pleuré amèrement
des populations de ses états, qui, connaissant sa
justice, sa générosité et sa loyauté chevaleresque,
fondaient sur son règne l'espoir d'un bonheur au-
quel le peuple était peu accoutumé à cette époque
de troubles.
Edouard avait testé le 27 mai 1 3A6 , et fait de
nombreux legs aux églises et communautés de ses
seigneuries. La chapelle de Notre-Dame de Mont-
merle lui dut l'établissement et la dotation de six
prêtres de St-Augustin.
Il avait épousé, le 6 novembre 1 338, Marie du
Thil , dame de Bourboille , de la Roche-?S olay, de
Montagny et de Carisy, fille de Jean, seigneur du
Thil en Auxois , et d'Agnès de Frolois.
De ce mariage sont issus :
1° Antoine, dont l'article suit;
2° Marguerite, née à Montmerlc le 20 octobre
1 346 , et mariée, à Belley, le 1 6 juillet 1362 , à
Jacques de Savoie, prince d'Achaïe et de Morée,
à qui elle porta les seigneuries de Berzé, Cenves et
Juliénas. Marguerite, étant veuve, prit l'habit du
tiers-ordre de St-François et passa le reste de sa
vie dans une grande dévotion. Fille avait en deux
enfants do son niariago. Aîné cl Fouis de Savoie.
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 69
Le testament de cette princesse est du 21 octobre
1 388. Marie du Thil eut la garde et tutelle de ses
enfants, dont elle administra les biens avec une
vive sollicitude. Elle fit de grandes économies , et
de leurs produits acheta plusieurs seigneuries en
Maçonnais.
Cette princesse mourut au château de Pouilly le
k mars 1 389.
ANTOINE.
Antoine de Beaujeu naquit au château de Pouilly
en Beaujolais , le 1 2 août 1 343 ; et en 1 348 , le
1 0 février, alors qu'il n'était âgé que de cinq ans ,
son mariage fut accordé, à Romenay, du consente-
ment et de Tordre d'Edouard son père, avec Jeanne
d'Antigny, fille de Guillaume , seigneur d'Antigny
et de Ste-Croix, et de Marguerite de MontJjelliard,
qui devait apporter en dot la seigneurie de Boisivan
en Bresse cliàlonnaise ; son père s'engageant encore
à lui donner le château de Ste-Croix , dans le cas
où il n'aurait pas d'enfant mâle, outre la moitié des
biens de Marguerite de Montbelliard, mère de la-
dite fiancée. Antoine de Beaujeu reçut l'assurance
des seigneuries de Beaujeu , de Belleville et Ville-
franche, après le décès de son père, et, en attendant,
ime terre de cinq cents livres de rente. Le douaire
de la fiancée fut assigné sur le château de Cha-
170 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
melet. Ce traité fut passé en présence de Hugues
fie la Roche, Etienne de la Beaume, Girard de
Thurey, Guillaume de la Beaume, Etienne de Laye
et Hugues de Gletteins. Des raisons qui nous sont
inconnues empêchèrent ce mariage d'avoir lieu.
Marie du Thil, tutrice du jeune prince, voulant
prévenir toute difficulté, fît limiter plusieurs points
de ses seigneuries. C'est ainsi qu'en 1 3o3 on fixa
les limites de la prévôté de Limas avec la seigneurie
de Riottiers , qui appartenait à l'archevêque de
Lyon. Guillaume de Thurey, doyen de l'église
de Lyon , et Etienne de Laye , chevalier , furent
chargés de cette opération.
En même qualité elle fit don , en 1 3 5 7 , à Etienne
Perret, de la J^oype ou fort de Frans sur la Saône,
« pour le récompenser, dit Louvet, des services
« qu'il avait rendus à feu sire Edouard de Béan-
te jeu son mari. ■>> Ces biens avaient été achetés
d'Etienne de Gletteins, chevalier, par Guichard de
Beaujeu, en 1 32.^.
En 1358 Antoine confirma les privilèges de
Beaujeu, et fonda à l'église collégiale de cette ville
la chapelle de St-Jean l'évangéliste. Le revenu en
fut assigné sur le péage de Belleville. L'église de
Villefranche reçut aussi une dotation de ce prince
par la fondation de la chapelle de St-Jacques et de
St-Antoine, pour deux j)rétres qui devaient chaque
']()\\r célébrer une messe pour le re[)os de l'àme des
DES SIRES DE BEAUJEU. 171
sires de Beaujeu, et à chacun desquels on assigna
pour ce service six livres viennoises , deux ànées
de froment et quatre de seigle , plus six ànées de
vin, à prendre aussi chaque année sur le péage de
Belleville.
Le comte Vert institua, en 1362, l'ordre du
Collier, dit de l'Annonciade. Le nombre des che-
valiers fut fixé à quinze, le souverain compris, et
ils furent tous choisis parmi la première noblesse et
la plus illustre. Antoine de Beaujeu fut nommé le
troisième ; les seigneurs de Chàlon , de Chalamont ,
de Vienne, de Grançon, etc., ne vini'ent qu'après;
le comte de Savoie et le comte de Genève furent
les deux premiers. Cette marque d'estime d'un sou-
verain tel qu'Ame VI prouve de quelle considé-
ration jouissait déjà le jeune sire de Beaujeu.
Quelques démêlés ayant eu lieu en 1 363 entre
les habitants de Villefranche et d'Anse, Antoine de
Beaujeu, d'accord avec l'Eglise de Lyon, nomma
pour terminer ce différend Jean de Thélis etHum-
bert d'Albon , chevaliers.
L'année suivante il rejoignit l'armée royale qui
tenait la campagne en Normandie, et se signala à la
bataille de Cocherel, sous les ordres deDuguesclin.
Froissart le cite avec éloge : « Là furent moult bons
« chevahers du côté des François... , le jeune sire de
" Beaujeu, messire Antoine, qvii là leva bannière. »
La paix qui avait suivi la mort du roi Jean
172 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
n'avait pas été sans dangers pour la France ; les
grandes Compagnies, ramassis de tout ce que l'armée
avait de plus aventureux, parcouraient les provinces
qu'elles dévastaient et mettaient à rançon. Rendre
de pareilles gens à l'existence civile était chose im-
possible ; l'habitude des combats et , disons-le , du
pillage, leur avait créé une vie trop selon leur goût
pour qu'ils pussent y renoncer. Beaucoup de capi-
taines expérimentés, vieillis dans la guerre, beau-
coup de nobles , étaient parmi eux , beaucoup
d'autres venaient journellement les rejoindre. Ces
bandes, sans discipline, pouvaient menacer le trône
même et devenir pour la France plus dangereuses
que les Anglais. On voulut s'en délivrer; Bertrand
Duguesclin accomplit cette diflicile entreprise en
utilisant leurs services. Il les rejoignit dans les
plaines de Chalon-sur-Saône, et sut faire vibrer
dans leurs cœurs ce qui pouvait y rester encore
d'honneur et de loyauté. Il fut accueilli avec en-
thousiasme, et tous jurèrent de le suivre et de
combattre avec lui. Profitant de cet élan , il les con-
duisit en Espagne, dont il leur avait j)roniis la con-
quête. Il tint sa parole, et sut faire triomplier la
cause d'Henii de Transtamare contre Pierre-le-
Cruel. Duguesclin, avant de partir, avait fait un
appel à la chevalerie française; presque toute la
jeune noblesse avait entendu sa voix, et était venue
se ranger sous ses étendards. Antoine de Beaujeu
DES SIRES DE BEAUJEU. 173
fut des premiers à répondre à cet appel; il suivit
son illustre chef en Espagne, et s'y distingua dans
nombre d'occasions.
Après cette mémorable conquête de l'Espagne ,
le sire de Beaujeu combattit sous les ordres du duc
de Berry dans la Guyenne et le Quercy, et mena
deux cents lances au secours du duc de Bourbon
qui assiégeait le château de Belleperclie occupé
par les Anglais. Enfin, il fit la guerre en Limousin
et en Auvergne, et suivit toujours Duguesclin dans
cette mémorable guerre où l'illustre connétable
reconquit une partie de la France.
Antoine de Beaujeu , revenant de Guyenne ,
mourut à Montpellier le 1 2 août 1 374, jour anni-
versaire de sa naissance et de son mariage. Ce
prince n'avait que trente-un ans , et sa mort excita
des regrets universels. Beau, bien fait, spirituel, il
sut , par les hautes qualités dont il était doué , se
concilier l'amitié des rois de France, d'Espagne et
d'Aragon et du comte de Savoie , Amé VI , qui se
plut souvent à lui en donner des marques. Son
corps fut apporté à Belleville, et inhumé dans l'église
auprès de ceux de sa famille.
Il avait épousé, en 1 372, Béatrix de Chàlon, fille
de Jean, seigneur d'Arlay, d'Argueil et de Cuiseau,
et de Marguerite de Mello. Elle apporta en dot à
son mari dix mille six cents florins d'or de Flo-
rence, à prendre sur les terres de Viteaux, de l'Ile
174 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
sous-Monlréal et de Lorme, et cinq cents livres de
rentes en fonds de terre assis sur le château de
Broyé. Son douaire fut fixé à mille livres de rentes
à prendre sur la terre de Chamelet. Les cautions
de la dot furent Galois de la Beaurae , Guy de
Vienne, Philippe de Vienne, seigneur de Piniont,
et Robert de Beaujeu, chevaliers ; en présence de
Hugues de Gletteins, Jean de Châles et Geoffroy
de St-Jean, chevaliers. Ces conventions furent faites
à Besançon, par-devant Jean Laurent, notaire, le
12 août 1372.
Antoine, par son testament de 1374, institua
son héritier l'enfant dont sa femme pouvait être en-
ceinte, au cas que ce fût un mâle ; et, par un codi-
cille du jour de sa mort, il lui substitua Edouard de
Beaujeu, seigneur de Ferreux, son cousin. Parle
même acte il donne en legs à sa sœur Marguerite
de Beaujeu, princesse d'Achaie et de Morée , les
châteaux de lîerzé , de Semur et de Juliénas ; à
Béatrix de Chàlon sa fenmie, ceux de Pouilly et de
Cliaraelet; et à Jean de Nagu son écuyer, cinq
cents francs d'or et la chàtellenie de Thizy. Il or-
donne ensuite diverses œuvres pies, et finit en re-
mettant à ses sujets le droit qu'ils avaient à j)ayer
à l'avènement de son successeur , ajoutant que
« mieux valoit avoir un ami sur la place que de
(<■ l'argent en son coflVe. >j
Aucun enfant n'étant né de ce mariage , la suc-
DES SIRES DE BEAUJEU. 175
cession passa à Edouard, seigneur de Ferreux, dont
l'article suit.
EDOUARD II.
Le testament d'Antoine de Beaujeu, rédigé sur
les bases de la substitution établie par Guichard-le-
Grand , appelait à la succession Edouard son cou
sin, fils de Guichard, seigneur de Ferreux, tué à
la bataille de Foitiers , et de Marguerite de Foitiers.
Averti , au château de Ferreux qu'il habitait , de
la mort de son cousin , Edouard , s'empressant de
venir recueillir ce riche héritage , arriva à Lyon ,
obtint le décret de l'official de cette ville , celui du
juge ordinaire de Beaujolais , et ordonna à Jean de
Thélis, à Guichard de Marzé, à Hugues de Gletteins
et à Jean de Châles, chevaliers , de faire exécuter le
testament d'Antoine de Beaujeu. En conséquence,
ces seigneurs le mirent en possession des terres et
seigneuries de Beaujolais et de Dombes, à Belleville,
le l^"" septembre 1374. Mais, à peine assis sur le
siège seigneurial , ce haut poste lui fut vivement
disputé j)ar Robert de Beaujeu, seigneur de Joux
sur-Tarare, son oncle, d'une part; et, d'autre part,
par Marguerite de Beaujeu, princesse d'Achaie, sa
cousine , sœur d'Antoine de Beaujeu.
Marguerite réclamait l'héritage de son frère ,
comme plus proche parente , et se rendit à Faris
176 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
OÙ elle intenta un procès à Edouard. Cette affaire
n'eut pas de suite ; un arrangement fut conclu, qui
reconnaissait et approuvait le legs à elle fait par son
frère , des châteaux de Berzé , Cenves et Juliénas ,
et y ajoutait une somme de vingt mille francs d'or,
pour complément de ce qui pouvait lui être dû.
Marguerite , de son côté , se désistait de ses préten-
tions sur la baronnie de Beaujolais. Ce traité fut
approuvé par le roi Charles V, et vérifié en la cour
de parlement le 29 juillet 1 375.
Le procès avec Robert fut plus difficile à arran -
ger. Les choses semblaient devoir être poussées vi-
vement, et le parlement était saisi. Mais Edouard
voulait en finir, et termina par l'abandon de la terre
et château de Coligny , avec une somme de quatie
mille florins d'or. Ce prince traita également avec
Blanche de Beaujeu, sa tante, pour les réclamations
c|u'elle prétendait avoir à faire sur la succession de
Guichar(l-le-(jrand son j)ère, et mit fin ainsi au
jirocès quelle avait intenté à Antoine de Beaujeu,
et qu'elle suivait contre son successeur.
D'après ce que nous venons de rapporter d'E-
douard de Beaujeu , il semblerait qu'on dût le
considérer comme un prince grand, généreux et
ami de la justice; malheureusement l'inflexible vé-
rité nous force à dire qu'il n'en était rien. Violent,
despote , adonné à tous les vices , sans frein lorsqu'il
s'agissait d'assouvir ses passions, ne reculant devant
DES SIRES DE BEAUJEU. 177
aucun moyen de se procurer de l'argent, son règne
fut une véritable calamité pour ses sujets, dont la
résistance énergique le força souvent de renoncer
à ses entreprises téméraires contre leurs franchises.
Disons-le cependant, Edouard, au milieu de tous ses
vices, avait conservé une des qualités héréditaires de
sa famille , la bravoure. Il en donna des preuves
nombreuses en 1 375 , en combattant les Anglais à
l'entreprise de St-Sauveur , où il se trouva à la tète
de sept chevaliers et de cinquante-six écuyers , et
plus tard encore au siège de Cariât où il suivit le duc
Louis II de Bourbon.
Edouard avait refusé à Béatrix de Chàlon, veuve
d'Antoine de Beaujeu, la restitution de sa dot. La
réclamation de cette princesse fit naître de volu-
mineuses procédures ; plusieurs arrêts du parlement
furent rendus , la médiation des ducs de Bourgogne
et de Bourbon fut invoquée. Enfin Béatrix obtint
un arrêt de provision ; mais Edouard maltraita les
huissiers qui vinrent le lui signifier : le sang coula,
et plusieurs personnes furent tuées. Un arrêt de
prise de corps fut décerné contre lui , et il se dé-
fendit contre les officiers de justice et sergents qui
étaientvenus pour le mettre à exécution. Cependant
force demeura à la loi , et Edouard fut conduit
dans les prisons du Chàtelet. Le comte de Savoie
sollicita sa grâce et obtint pour lui des lettres de
rémission, datées du mois de juillet 1388, portant
12
178 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
j)our condition : « qu'il souffrira lever dans sa sei-
cc gneurie de Beaujeu les aides que Sa Majesté y
c< a imposées, comme aussi les arrérages de ces
ce rentes, faute de quoi ladite grâce sera de nul
« efï'et. »
Nonolistant cet incident , le procès avec Béatrix
continua , et ne fut terminé qu'en 1 402 par Ijouis
de Bourbon, alors sire de Beaujeu. Indépendamment
de ces procès de famille , Edouard eut de graves
démêlés avec le sire de Villars , et se vit au moment
d'avoir avec lui une guerre sérieuse. Voulant ce-
pendant féviter, il s'adressa à Amé VII de Savoie,
seigneur de Bresse, qui se trouvait à Bourg. Ce
prince accej)ta volontiers le rôle de médiateur , et
leur fit signer un traité par lequel ils s'obligeaient
à désarmer, et promettaient mutuellement de ne
se faire la guerre qu'a])rès une déclaration signifiée
un an d'avance.
Peu reconnaissant des services que venait de lui
rendre le comte de Bresse, Edouard lui refusa
riiommage qu'il devait à la couronne de Savoie
pour les châteaux de Thoissey, de Lent, de Coligny
et de Buenc, qu'on lui réclamait selon les anciens
traités, et notamment ceux de 1337 et de 1377.
Amé VII instruisit son père , le comte Vert, de ce
refus, et lui envoya Etienne de la Beaume pour
avoir son avis. Le comte, indigné de ce mantpie de
foi , répondit à son fils d'agir avec vigueur. Le
DES SIRES DE BEAUJEU. 179
jeune prince rassembla ses troupes, et, suivi du
comte de Genève, de Hugues de Chàlon, de Jean
et de Philippe de Montbelliard , de Gauthier de
Vienne et de beaucoup d'autres seigneurs, entra en
Dombes , enleva d'assaut le château de Beauregard,
fit capituler celui de Lent, puis alla mettre le siège
devant Thoissey. Edouard, étourdi de la rapidité
de cette attaque et de la vigueur de l'exécution,
implora les bons offices des ducs de Bourgogne et
de Bourbon. Ces deux princes lui obtinrent une
tiève d'un an ; elle fut convenue à Morges le î) dé-
cembre 1 380 , et, comme l'année suivante elle était
j)rès de finir, le duc de Bourgogne envoya auprès
du seigneur de Bresse Bertrand de St-Pasteur et
Renaud, seigneur de Montconis, chevaliers, pour
demander encore une prolongation d'une année,
ce qui lui fut accordé. Amé, comte de Bresse,
profita de cette suspension d'armes pour aller com-
battre à Rosebeck aux cotés de Charles V.
La trêve expira , et Amé , revenu de Flandres ,
reprit les hostilités contre Edouard de Beaujeu; il
s'empara successivement de Thoissey, de Mont-
merle et de Chalamont. Mais à peine eut-il obtenu
ce premier succès, qu'il apprit la mort du comte
Vert son père, et fut obligé de se rendre à Cham-
béry pour recueillir l'héritage qui lui était dévolu
et placer sur sa tête la couronne de Savoie. Les ducs
de Berry, de Bourgogne et de Bourbon, ainsi que le
1 80 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
sire de Coucy, profitèrent de cette suspension pour
tâcher d'obtenir une paix durable à Edouard : ils
envoyèrent des ambassadeurs à Cliambéry, le duc
de Bourbon et le sire de Coucy s'y rendirent même
en personne et obtinrent enfin un traité qui fut
signé le 3 1 mai 1 383, par lequel le comte de Savoie,
en considération du roi et des seigneurs susnom-
més, consentit à relâcher à Edouard toutes les places
qu'il lui avait prises en Donibes, à la réserve du châ-
teau de Beauregard dont il garda la jouissance sa
vie durant, et à la charge par le sire de Beaujeu
d'ajouter aux hommages de Thoissey, de Lent,
de Buenc et de Coligny, celui de la seigneurie de
Montmerle. Ce traité , avantageux pour Edouard ,
parut le satisfaire, et il en témoigna la plus vive
reconnaissance au duc de Bourbon ; néanmoins il
trouva encore le moyen d'ajourner l'hommage con-
venu.
A peine cette affaire arrangée, il en surgit une
autre non moins grave avec le duc de Bourgogne;
voici à quel sujet : Edouard avait placé à Coligny
un châtelain nommé Bérard de Chadrion, seigneur
de ]\ouchival. Ce caj)itaine reconnut bientck que
plusieurs droits et redevances attachés à cette sei-
gneurie tombaient en désuétude, et se livra à de
nombreuses recherches de titres poiu- opérer leur
rentrée. Le peuple de Coligny i)rit de l'ombrage de
cette recherche, de laquelle il voyait déjà sortir un
DES SIRES DE BEAUJEU. 181
surcroit de charges. On s'irrita, on menaça de part
et d'autre, et enfin deux habitants, nommés Hum-
bert Pommier et Barthélemi Forquet, gagnèrent
un certain Colin Larcher, qui , assisté de quelques
bandits , assassina le châtelain de Ronchival au mo-
ment où il se rendait à la messe ; ils le percèrent de
vingt-neuf coups de dague. Ceci ce passait en 1 392.
Le sire de Beaujeu, apprenant ce malheureux
événement , envoya sur les lieux Guillaume de la
Goutte et Humbert de Francheleins pour informer
sur cette affaire. Les assassins s'étaient réfugiés en .
Bourgogne, où les commissaires d'Edouard les firent
arrêter et transférer dans les prisons de Chalamont.
La duchesse de Bourgogne , en l'absence du duc ,
réclama les prisonniei^s comme ayant été arrêtés sur
ses terres , et ordonna au parlement de Dole d'in-
former contre le sire de Beaujeu et contre La-
goutte et Francheleins ses gentilshommes. Le bailli
de Beaujolais, muni de la procédure, se rendit à
Dijon pour justifier Edouard; la duchesse ne voulut
pas l'entendre, et exigea avant tout la restitution des
prisonniers. On céda, et ils furent acheminés sur
Dijon ; mais en passant à Chàlon ils sont enlevés par
le bailli de cette ville , et les j)oursuites continuent.
Edouard, inquiet de cette mésaventure, se rendit
en personne à St-Denis pour faire agréer ses excuses
au duc de I^ourgogne , qui lui accorda une sur-
séance, à la charge de lui remettre la terre de Co-
1 82 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ligny à titre de provision ; ce à quoi le sire de Beau-
jeu consentit. Il j)Oursuivit ensuite la main-levée de
cette terre , offrant de s'en rapporter à des arbitres
ou au jugement du duc lui-même. Aucun de ces
moyens ne fut agréé, et de nombreuses procédures
eurent lieu , qui duraient encore lorsque Edouard
fit la cession de ses seigneuries au duc de Bourbon.
Celui-ci abandonna le procès d'assassinat, et la terre
de Coligny revint aux enfants de Robert de Beaujeu
à qui elle avait été cédée.
Si Edouard n'était pas aimé de ses voisins, il
était abhorré de ses sujets : les vexations journa-
lières qu'ils éprouvaient par suite du despotisme
cruel et de la rapacité de ce prince les avaient
exaspérés. Ils s'étaient toujours montrés attachés et
dévoués à leurs seigneurs , chez qui ils avaient
trouvé jusqu'à ce jour justice et protection ; ils su-
rent résister avec énergie à la tyrannie d'Edouard.
La haine des habitants de Villclranche contre
leur seigneur datait de loin ; elle avait commencé
par la défiance, du jour où ce prince avait j)ris pos-
session de l'héritage d'Antoine de Beaujeu. Un des
j)remiers actes de ses prédécesseurs avait toujours
été de jurer les privilèges de Villefranche, sorte de
charteoctroyéepar Humbert IV, et qui avait puis-
samment contribué à la prospérité de cette ville
naissante. Edouard ne voulut jias rem})lir cette for-
malité, ([ui s ('lait toujours faite avec une grande
DES SIRES DE BEAUJEU. 183
solennité et l'assistance de vingt chevaliers. Il se
contenta de faire reconnaître les privilèges par ses
officiers , qui se réunirent avec les échevins de la
ville à l'auberge ayant pour enseigne : Au mouton :
« In domo albergariœ ad signum mutonis, in aulà
« posteriore dicti hospilii. » L'acte de reconnais-
sance fut ensuite présenté à Edouard sous ce titre :
Lihertas et franchesia FillœJ'ranchœ hœc est talls.
Edouard ne tint aucun compte de cette recon-
naissance, et ses officiers se livrèrent, d'après son
ordre , à mille exactions pour lui procurer de l'ar-
gent , les revenus de ses seigneuries ne pouvant
suffire à payer ses débauches. Les habitants de
Villefranche résistèrent, et le sol de la ville fut
souvent ensanglanté. Edouard lui-même ne fut pas
respecté et faillit périr j)ar l'émeute ; il ne dut son
salut qu'à la vitesse de son cheval et à la précaution
qu'il prit de s'enfermer dans son château de Beau-
regard. Enfin les choses en vinrent au point qu'un
soulèvement général était imminent, lorsque Phi-
lippe de Thurey, archevêque de Lyon, offrit sa mé-
diation , qui fut acceptée de part et d'autre. I^es
parties com])arurent devant lui, et furent admises à
présenter leius griefs. Ceux des habitants de Ville-
franche le furent par Guyonnet de la Bessée , Pey-
ronnet Rochette , Peyronnet Gerbaut dit Gastier et
Jean de Valsonne, échevins de ladite ville. Ils arti-
culèrent de nombreuses plaintes contre leur sei-
1 84 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
gneiir, à qui ils reprochaient : 1° d'avoir enfreint
leurs privilèges, après avoir refusé de les jurer à son
avènement, ainsi qu'il le devait, à l'exemple de ses
prédécesseurs ; 2° de faire arrêter pour dettes les
hommes de Villefranche , tandis qu'il ne devait le
faire que pour cause d'homicide , larcin , ou autre
cas grave trouvé en flagrant délit; 3° d'avoir taxé
à cinq livres et plus, aux péages de Thoissey et de
Montréal , des habitants de Villelranche et de la
banlieue ; 4° de refuser caution pour les gens dé-
crétés d'accusation ; 5° de faire payer jusqu'à soixante
sols d'amende pour voies de fait entre particuliers
lorsqu'il y avait eu emploi de couteau et efl'usion
de sang , quand même il n'existait pas de partie
plaignante ; 6° de taxer à sept sols d'amende pour
coups de pierre, de bâton, ou de poing, et souf-
flets, tandis que le droit était de Irois sols; 7° de
prélever la langue de tout bœuf abattu dans Ville-
franche ; S° d'avoir j)rèlevé deux cents francs et
plus de taxes illégales, sous prétexte d'entretien des
murs de ville ; 9° d'avoir jeté la communauté de la-
dite ville dans un grand embarras financier en la
forçant de répondre poiu' lui envers André de
Thin, Lombard (banquier), demeurant à Avignon,
dune somme de trois mille francs, et doni ledit
seigneur n'avait remboursé ni le capital ni les in-
térêts; 10° de faire son séjour habituel au château
de Beauregard, d'où ses gens venaient chaque nuit
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 85
dévaster les foins et fourrages des habitants de
Villefranche ; 1 1 ° d'avoir fait illégalement arrêter
Etienne de la Croix , Vérand Glotton , Perrin
Bastier et autres bourgeois , et de les avoir fait com-
paraître à Beauregard, quoiqu'ils fussent justiciables
de Villefranche, ce qui leur avait fait dépenser plus
de mille francs ; 1 2° d'avoir extorqué par force et
menace de prison à Vincent de Valsonne et à Vin-
cent de Juis , bourgeois de Villefranche , cent dix
livres tournois , quoiqu'on n'eût rien à leur l'e-
procher : toutes choses vexatoires et contraires aux
libertés et franchises de leur ville.
Le sire de Beaujeu, de son côté, répondit qu'il
n'avait jamais prétendu violer les privilèges de Ville-
franche ; que les habitants étaient véritablement
exempts de péages et de leydes sur les terres de
Beaujolais, mais nullement sur celles de Bombes
qui n'étaient pas spécifiées dans l'acte de leurs pri-
vilèges; que pendant deux cents ans et plus ses
prédécesseurs avaient toujours perçu sept sols pour
toute clameur et rixe, sans qu'il y eiît réclamation à
ce sujet; que les habitants, pour jouir de leurs pri-
vilèges, devaient préalablement lui jurer fidélité, ce
qu'ils n'avaient pas fait, quoique requis; que, loin
de là, ils lui avaient toujours montré la plus vive
opposition et s'étaient même ameutés plusieurs fois
contre lui, et notamment un jour qu'il se rendait
de Villefranche à Beauregard suivi d'un seul gen-
186 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
tilhomme et d'un valet de chambre ; que les habi-
tants , à troupes et armes, l'avaient poursuivi et
s'étaient emparés des clés de la ville dont ils avaient
refusé l'entrée à ses gens, disant qu'ils lui en feraient
autant à lui-même s'il se présentait, et qu Us feraient
en sorte de lui faire la seigneurie ; qu'ils avaient
injurié et maltraité ses gens, et nommément le
sieur Etienne Piset son sergent, qui avait été blessé
grièvement par un nommé Guichard Cropet ; que
ses officiers ayant fait arrêter ledit Cropet, et vou-
lant le faire mettre en prison, les habitants avaient
fermé les portes de la ville , soulevé la pojjulation ,
frappé et maltraité les officiers et mis le prisonnier
en hberté, pendant tpie lui sire de Beaujeu était
présent en personne dans la ville ; qu'ils sétaient
imposés eux-mêmes jiour les réparations des murs
et fortifications de la ville et pour subvenir à diffé-
rents actes de bienfaisance, et que cependant ces
fonds avaient été détournés de leur destination ;
qu'enfin les gens de Villelianche, n'ayant pas qua-
lité pour demander et obtenir des lettres de sauve-
garde du roi , l'avaient cependant fait et avaient
apposé les panonceaux royaux au détriment de la
juridiction seigneuriale. Il concluait enfin à être dé-
chargé de toutes les réclamations des habitants de
Villefranche, et à ce que ceux-ci fussent au contraire
tenus de lui payer une forte amende pour les torts
qu'ils lui avaient faits.
DES SIRES DE BEAUJEU. 187
Cette défense était misérable et bien digne du
sujet qui l'avait fait naître.
L'archevêque de Lyon, assisté du bailli de Ma-
çon et du sénéchal de Lyon , rendit son jugement,
et décida que l'exemption de péage s'étendrait pour
les habitants de Villefranche tant sur les terres de
Beaujolais que sur les terres de Bombes, à l'ex-
ception des ports de la Marche et de Chavagneux,
acquis postérieurement à la date des privilèges ; que
la prétention du seigneur sur les langues de bœuf
serait examinée plus tard. L'éponge fut j)assée sur
tous les autres griefs, et les habitants donnèrent
quatre cents livres à Edouard , à titre de don , pro-
mettant de ne pas user de la sauvegarde royale et
de ne plus y recourir à l'avenir. Ce jugement fut pro-
noncé à Villefranche le 25 mai 1 399, « danslejar-
« dind'Hugonet Baudet, proche la maison des Frères
c< mineurs , en présence des échevins de la ville. «
Les traités d'Edouard lui profitaient peu; ne se
décidant à les conclure que lorsqu'il était aux abois,
il tâchait toujours d'en éluder fexécution : c'est ainsi
qu'après avoir consenti l'hommage au comte de
Savoie , il refusa de remplir cette formalité aussitôt
que ce prince eut relâché les places qu'il tenait. Le
comte se disposa à venir en personne et à la tète de
son armée exiger par la force ce c^u'on lui refusait
au mépris des traités. Edouard cependant poursui-
vait le cours de ses excès, et, ne tenant aucun conij)te
188 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de ce qu'il avait promis et des leçons qu'il avait
reçues , écrasait ses sujets de nouvelles taxes et
multipliait chaque jour davantage ses vexations. Son
château de Pouilly était devenu un repaire de gens
sans aveu et de bandits , toujours prêts à exécuter
ses volontés. Ce lieu, jadis respecté et honoré, n'était
plus qu'un objet de terreur pour les environs, et
chaque jour une soldatesque elîréiiée en sortait
pour se livrer au pillage et à la dévastation. Edouard
ne mettait plus de bornes à ses passions, rien ne lui
coûtait pour les assouvir ; elles le conduisirent à sa
ruine. Guyonnet de laBessée, premier échevin de
Villefranche , homme riche et considéré, avait une
lille belle et sage, qui faisait sa gloire et son bonheur .
les partis les plus beaux avaient été refusés ; la
jeiuie lille n'avait pas encore trouvé quelqu'un digne
de son choix. Edouard, épris de ses charmes, em-
ploya tous les moyens de séduction que lui offrait
sa puissance; promesses, menaces, tout fut inutile.
Irrité de cette résistance, le sire de Beaujeu se rend
à Villefranche accompagné de ses sbires, et là, en
plein jour, il fait enlever publiquement M^^^ de la
Bessée et la fait conduire à son château de Pouilly.
Le désespoir du malheureux père fut à son comble ;
après avoir vainement suj)plié , il en vint aux me-
naces, et le peuple de \ illefranche lui était dévoué.
Mais les précautions étaient trop iiien prises au châ-
teau de Pouilly pour (pi'il put être enlevé |)ar ntj
DES SIRES DE BEAUJEU. 189
coup de main. Guyonnet de la Bessée eut recours à
la justice du roi ; elle ne lui fit pas défaut. Edouard
fut ajourné au parlement de Paris ; le sire de Beau-
jeu fit prendre l'huissier chargé de cette citation,
et. après lui avoir fait avaler sa commission avec les
sceaux qui y étaient appendus, le fit jeter dans les
fossés du château où il se brisa la tête. Ce nouvel
attentat avait comblé la mesure ; on envoya des
troupes contre Edouard , qui fut arrêté , conduit à
Paris et jeté dans un étroit cachot. Il dut s'attendre
à n'en sortir que pour porter sa tête sur l'écbafaud ;
la nature de ses crimes exigeait un sévère exemple.
Dans cette extrémité il eut recours à Louis II de
Bourbon, son protecteur, qui déjà plusieurs fois lui
avait rendu deminents services, et l'avait tiré des
positions fâcheuses où l'avaient jeté son imprudence
et sa mauvaise foi. Il vint encore à son secours,
mais cette fois ses services ne furent pas aussi dés-
intéressés que par le passé. Louis II de Bourbon
était devenu comte de Forez par son mariage avec
Anne , héritière de cette province. La couronne ba-
ronniale de Beaujolais, jointe à celle de Forez, lui
donnait une puissance redoutable ; il dut désirer
cette réunion, et l'occasion était belle; il sut habile-
ment en profiter. Edouard concevait que le moins
qui put lui arriver était la confiscation de ses états;
il craignait })lus que cela. Le rapt et le meurtre dont
il était accusé pouvaient le conduire à l'échafaud.
190 GENEALOGIE HISTORIQUE
Edouard, étant sans enfants, accueillit donc avec
empressement les ouvertures qui lui furent faites,
et consentit volontiers à racheter sa tète par l'aban-
don de ses seigneuries au duc de Bourbon. L'acte
en fut dressé et signé le 23 juin 1 400. Cette cession
fut complète, et comprit tout ce cpie possédaient les
sires de Beaujeu tant en Beaujolais et en Bombes
que partout ailleurs. Edouard eut-il le droit de
disposer ainsi de cet héritage, au mépris de la
substitution établie par le testament de Guichard-
le-Grand ? c'est ce que la puissance du duc de Bour-
bon ne permit pas même de mettre en doute. Les
seuls seigneurs de Beaujeu Linières essayèrent timi-
dement quelques réclamations , et on les fit taire en
leur jetant, comme par dérision, quelques misé-
rables bril)es de ce riche héritage.
tidouard recouvra sa liberté aussitôt qu'il eut
signé la spoliation de sa famille et se retira au châ-
teau de Ferreux où il mourut, six semaines après,
de honte et de regrets , laissant une mémoire exé-
crée et dont le souvenir est resté longtemps dans
les campagnes du Beaujolais, où l'on chantait en-
core au dix-septième siècle :
Sire roi , sire roi , faites-nous justice
De ce larron Edouard qui nous prend nos filles.
Edouard , Edouard , laisse-uous nos filles.
Il avait épousé, le 1 -4 novembre 1 370, Eléonore
DES SIRES DE BEAUJEU. 191
de Beaufort, fille de Guillaume Roger IP du nom,
comte de Beaufort, vicomte de Turenne, frère du
pape Grégoire XI, et d'Aliénor de Comminges. Un
seul enfant naquit de ce mariage et reçut le nom
de Guicliard, mais il mourut la même année de sa
naissance. Eléonore survécut huit ans à son mari ,
« et passa ses jours, dit Louvet, dans un extrême
« déplaisir de voir ainsi sa maison abattue, w
En Edouard s'éteignit la branche ainée de l'il-
lustre maison de Beaujeu , dont les sires avaient
brillé pendant plus de quatre cents ans parmi la
plus haute noblesse par leur puissance , leurs
alliances, les services qu'ils avaient rendus à l'Etat ,
et la gloire qu'ils avaient acquise dans les guerres
nombreuses de cette longue période.
SIRES DE BEAUJEU
DS LA FAMILLE DE BOURBON.
En écrivant la Généalogie historiaue des sires de
o
^iqi
Beaujeu de la famille de Bourbon , notre intention
n'est point de donner une biographie complète de
ces princes; le rôle qu'ils ont joué dans l'histoire
de France est trop grand pour que nous puissions
les suivre au milieu d'événements dont le récit nous
éloignerait complètement de notre sujet et du plan
que nous nous sommes tracé. Nous avons voulu
écrire l'histoire du Beaujolais, et rien de plus ; et si
jusqu'à présent nous avons suivi les seigneurs de
Beaujeu hors de leur province, c'est que leur vie
était peu connue et disséminée dans nos anciennes
chroniques. En réunissant ces faits épars d'une ma-
nière plus complète qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce
jour, nous avons voulu seulement épargner au lec-
13
1 94 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
leur une recherche pénible, et mettre sous ses yeux
le tableau complet de ce qui pouvait l'intéresser dans
la vie chevaleresque de nos seigneurs. La même
excuse n'existerait pas pour les ducs de Bourbon ,
leur histoire est partout et nul ne l'ignore. Nous de-
vons donc nous borner à les représenter comme
sires de Beaujolais, et restreindre notre récit aux
actes *de ces princes dans leur seigneurie, ou aux
événements qui peuvent y avoir quelque rapport.
LOUIS II DE BOURBON ,
SIRE DE BEAUJEU.
La cession d'Edouard au duc de Bourbon fut-
elle un bonheur pour le Beaujolais? il est difiicile
de se le persuader ; car, si la puissance du seigneur
jette quelque éclat sur ses provinces , cet éclat ne
tombe guère que sur celle qui en est la principale
et comme le chef-lieu. Or, le Beaujolais comptait
pour trop peu dans les immenses domaines du duc
de Bourbon jiour (juil ne fût pas comme absorbé
par eux. Les anciens seigneurs de Beaujeu étaient
identifiés avec le pays, ils y faisaient leur demeure
et y avaient leur sépulture; c'étaient, en un mot,
les hommes du pays , une race toute nationale , et
leurs sujets pouvaient à bon droit compter sur leur
affection et s'enorgueillir des honneurs qui déco-
DES SIRES DE BEAUJEU. 195
raient la couronne baronniale de Beaujeu. Le passé
attestait cette vérité; car, si l'on retranche Edouard II
de la longue suite des seigneurs que nous avons
nommés, on conviendra qu'il est difficile d'avoir été
gouverné avec plus de justice et de modération que
ne l'avait été le Beaujolais. Le despotisme du seul
Edouard II suffit cependant pour anéantir tous ces
souvenirs et faire accueillir avec empressement un
changement qui devait anéantir la nationalité du
Beaujolais, en le fondant, pour ainsi dire, dans les
vastes apanages de Bourbon. Néanmoins, disons-le,
la gloire dont s'était couvert le duc de Bourbon ,
sa haute réputation de sagesse et sa bonté bien con-
nue, durent puissamment contribuer à affaiblir les
craintes que quelques esprits auraient pu concevoir
pour l'avenir du ])ays.
Aussi l'avènement de Louis de Bourbon excita
en Beaujolais et en Bombes un enthousiasme diffi-
cile à décrire. Les peuples de ces deux provinces se
voyaient délivrés de la tyrannie d'Edouard, et n'igno-
raient pas les hautes qualités qui distinguaient leur
nouveau seigneur : une ère nouvelle s'ouvrait pour
eux, qui leur promettait justice et protection. Louis
de Bourbon , le vainqueur de Rosebeck , celui que
pendant sa captivité ses ennemis mêmes appelaient
le roi d'honneur et de liesse, avait déjà mérité le
surnom de Bon que le peuple de ses nouvelles pro-
vinces lui confirma. Ce prince descendait de saint
196 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Louis au quatrième degré , ainsi qu'on le voit par
le tableau suivant :
Saint Louis , roi de France , qui eut de Marguerite de Provence :
Robert , comte de Clermont ,
baron de Bourbon , né en
1236 , mort en 1317 ,
— Béatrix de Bourgogne :
Louis I''' , dit le Grand , pair et
grand cliambrier de France ,
comte de Clermont et de la
Marche, né en 1280, mort en
1341,
— Marie de Hainault :
Pierre I", duc de Bourbon ,
comte de Clermont , pair et
grand chambrier de France ,
tué à la bataille de Poitiers ,
— Isabelle de Valois
Louis II, surnommé le Bon, duc
de Bourbon , comte de Cler-
mont, de Forez ctdeChâteau-
Chinon, baron de Beaujolais,
seigneur de Mercœur , du
pays de Combraillcs et de
Dombes, pair et grand cham-
brier de France , gouverneur
et admiiiistralcurdu royaume
conjointement avec les ducs
d'Anjou, de Berry et de Bour-
gogne , pendant la minorité
cl l'interdiction du roi Cliar-
Ics VI; né le 13 août 1337,
irié à Anne d'Auvergne et de Forez.
Louis prit possession de ses nouvelles seigneuries,
et dès le 1 6 août 1 400 renouvela les foi et hom-
DES SIRES DE BEAUJEU. 197
mage dus au duc de Bourgogne pour les villes et
châteaux de Belleville, Tliizy et autres, comme ses
prédécesseurs les sires de Beaujeu l'avaient toujotirs
fait, à l'exception d'Edouard II qui s'y était refusé,
ce qui avait contraint le duc de Bourgogne à faire
saisir lesdites seigneuries. La main-levée en fut
donnée le même jour oiî Louis de Bourbon renou-
vela cet hommage.
Le 1 8 octobre , étant à Montbrison , il confirma
les privilèges de Beaujeu et de Villefranche en pré-
sence du seigneur de Norry, de Robert de Chalus,
de Jean de Vénissy, de Denis de Beaumont, bailli
de Forez, de Mathieu Guyonnet, chantre de Mont-
brison, et d'Etienne d'Entragues, conseiller du duc.
L'acte de ces privilèges fut reçu à Villefranche par
les mêmes échevins qui les avaient défendus si éner.
giquement contre Edouard II, et dont l'un d'eux,
Guyonnet de la Bessée, avait si puissamment con-
tribué à la chute de ce prince.
Le 21 juin 1401 le duc de Bourbon termina
un différend avec l'abbé de la Chassagne, qui avait
fait construire un étang en la chàtellenie de Chala-
mont, sur la directe dudit seigneur; ce à quoi le
châtelain de Chalamont s'était opposé. Le duc ac-
corda la permission demandée; le couvent, par re-
connaissance , se mit sous sa sauvegarde et nomma
une de ses chapelles du nom de Bourbon, avec
promesse d'y célébrer chaque année une messe à
198 GENEALOGIE HISTORIQUE
l'intention dudit seigneur et de ses descendants.
L'année d'après , il réunit à sa seigneurie de
Bombes les villes et châteaux de Trévoux , d'Am-
bérieux et du Chàtelard, qui lui furent vendus par
Humbert VII , sire de Thoire et de Villars , au prix
de trente mille livres d'or. L'acte en fut passé à
Trévoux le vendredi après la fête de saint Laurent
1 402 , ce aux maisons basses du sire de Villars , en
« la chambre derrière la chapelle, » en présence de
Philibert de l'Espinasse, seigneur de Cormoranche,
de Hugues de Bochu, chevalier, et de Dalmas de
la Porte, écuyer. Moyennant cette vente, le duc de
Bourbon promit au sire de Thoire de le protéger,
de lui donner conseil et de « lui garder l'honneur
ce de son corps et de son état, comme il feroit de
« son ])ropre lils. »
Il acquit encore, en 1 406, le péage de la Marche-
sur-Saône du seigneur Amj)lioux de St-Abondant,
moyennant la somme de cent livres tournois.
Après l'avènement de Louis de Bourbon au siège
seigneurial de Beaujolais et de Bombes, Amé VIII,
duc de Savoie, lui avait renouvelé la demande de foi
et hommage pour les seigneuries de Lent, Thoissey,
Beauregard, Chalamont, Montmerle et Villeneuve,
selon le traité de 1337 : hommage si obstinément
refusé par Edouard II, et auquel Louis de Bourbon
paraissait peu disposé à se soumettre. Le duc de
Savoie pressa plus vivement, el enfin le (hic de
DES SIRES DE BEAUJEU. 1 ^9
Bourbon refusa ouvertement : la guerre fut déclarée.
Ame de Viry, capitaine expérimenté, eut le com-
mandement de l'armée de Savoie : à la tète de mille
chevaux, il s'empara de Lent et de Clialamont, tra-
versa la Saône, prit Anse et Belleville, et alla mettre
le siège devant Thoissey. Le duc de Bourbon ,
qui était à Vichy, apprit cette irruption et envoya
le comte de Clermont son fils, avec le seigneur de
Chàteaumorand,au secours de ses places de Beau-
jolais et de Bombes. Ils reprirent Anse et Belleville
et joignirent Viry devant Thoissey dont il pressait
vivement le siège, le contraignirent à le lever et le
poursuivirent jusqu'à Ambronay en Bugey.
Le duc de Bourbon avait fait un appel à ses alliés,
et bientôt on vit accourir à son secours les ducs de
Bavière et de Bar , les comtes d'Eu , de St-Paul ,
d'Harcourt et d'Alençon, le connétable d'Albret, le
sire de Coucy et nombre d'autres seigneurs non
moins puissants. D'un autre côté, les ducs de Bour-
gogne et de Berry ne firent pas défaut au duc de
Savoie et embrassèrent franchement sa cause. Mais,
avant d'en venir à une guerre qui menaçait d'em-
braser le pays, ils voulurent tenter les voies de
conciliation , et leurs paroles de paix furent favora-
blement accueillies. On convint d'ouvrir des confé-
rences à Villars en Bresse, où chacun des deux prin.
ces ferait exposer ses griefs par l'organe de ses dé-
putés. Le duc de Bourbon y envoya Jean Leviste ,
200 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
chancelier de Bourbonnais , Guichard d'Urfé , et
Philij)pe de l'Espinasse , bailli de Beaujolais. Le
duc de Savoie tut représenté par Guillaume Mar-
chand son chancelier, Henri de Menthon et Hugo-
nin de Chandée. Ils demeurèrent d'accord , le 2
mars 1 408 , que l'hommage demandé était vérita-
blement dû au duc de Savoie , mais ne purent
s'entendre sur la manière dont il devait être rendu,
le duc de Bourbon refusant obstinément de le faire
en personne, et insistant en outre pour qu'on lui fît
la remise de son château de Beauregard. Les con-
férences furent suspendues ; mais comme les bases
du traité avaient été ])osées par la reconnaissance
du droit, on les reprit l'année suivante avec une
|)lus grande solennité. T^es députés du duc de Bour-
bon furent : Louis de Bourbon, comte de Vendôme ;
Jean de Montagu , vidame de Laonais ; Guichard
Dau])hin, seigneur de Jaligny; Louis de Lystenois,
sire de JNIontagu; Gauthier de Passac, seigneur de
la Crozette; l'Hermite, seigneur de la Faye, et Jean
de Chàteaumorand. Ceux du duc de Savoie furent:
Louis de Savoie , prince de Morée ; Odo de V illars,
seigneur de Baux; Jean de la Beaume, seigneur de
V^alfin; Girard, seigneur de Termier; Humbert de
Villers-Sexel, seigneur de St-lIij)poly te; Guichard
Marchand, chancelier de Savoie; Antoine, seigneur
de Groslée, et Humbert, bâtard de Savoie, sei-
gneur de Montagny et de Corbières.
DES SIRES DE BEAUJEU. 201
La mission des députés était difficile. Si d'un côté
le droit du duc de Savoie à l'hommage réclamé était
constant, de l'autre l'amour-propre du duc de Bour-
bon se trouvait en jeu, et tout portait à croire qu'il
ne se résoudrait jamais à faire cet acte de soumission.
Bien des expédients furent proposés, mais toujours
sans succès. Enfin un biais fut trouvé, qui, tout en
maintenant la supériorité du duc de Savoie , ména-
geait jusqu'à un certain pointla susceptibilité du duc
de Bourbon. Il fut convenu que l'hommage pour les
villes et châteaux stipulés au traité , et tout ce que le
duc de Bourbon possédait en fief et arrière-fief dans
l'empire sur la rive gauche de la Saône et comme
provenant des anciens sires de Beaujeu , serait fait
au nom dudit duc par Jean, comte de Clermont,
son fils aîné , héritier futur de Bombes , dans les
mêmes formes qui avaient été observées autrefois.
Le château de Beauregard devait être rendu sans
aucune indemnité, ce à quoi le duc de Savoie ne
s'était jamais opposé , ne gardant cette place que
comme une garantie. Cet arrangement satisfit tout
le monde, et fut conclu le 8 mai 1409. Le duc de
Bourbon le ratifia par lettres données à Villefranche
le 20 du même mois ; le duc de Savoie y acquiesça
aussi avec empressement. Enfin, le 28, l'hommage
réclamé depuis si longtemps eut lieu à Châtillon-
les-Dombes , où le comte de Clermont se rendit
en personne, accompagné de Girard Dupuis, évê-
202 GENEALOGIE HISTORIQUE
que de St-Flour; de Louis de Bourbon, comte de
Vendôme ; de Guillaume de Layne, gouverneur de
Dauphiné ; de Robert de Chalus , seigneur de Bo-
théon ; de Jean Leviste , docteur ès-lois , chancelier
de Bourbonnais ; de Guichard , seigneur d'Urfé ;
de Philibert de Lespinasse, bailli de Beaujolais;
d'Antoine de Fougères, seigneur d'Yoingt; de Ro-
bert de Trazette, seigneur de l'Etoile, et de Henri
de Varennes, seigneur de Rappetour. Le duc de Sa-
voie attendait le comte de Clermont, accompagné
de tout ce que sa cour avait de plus distingué. La
foi et hommage eut lieu , en présence de la suite
des deux princes , « en la grande rue de Chàtillon
« au-devant de la Halle , " et immédiatement après
le duc de Savoie donna au comte de Clermont l'in-
vestiture de la seigneurie de Beauregard , en lui
remettant une épée nue.
Ce traité pacifia la vieille querelle qui existait de-
puis si longtemps entre les sires de Beaujeu et les
comtes de Savoie, et délivra le j)ays d'une guerre
désastreuse qui pouvait attirer les plus grandes ca-
lamités sur le peuple de la province.
Pendant ces discussions , Louis de Bourbon
ne laissait pas de s'occuper des améliorations à
apporter dans l'administration de ses terres de
Beaujolais. Voulant mettre ordre aux abus qui
se commettaient journellement dans ses bois et
forets, il rendit à ce sujet une ordonnance dont
DES SIRES DE BEAUJEU. 203
on ne saurait trop louer la sagesse. Elle dénote
une connaissance déjà assez approfondie de l'amé-
nagement des bois ; mais ce qui frappe surtout
en la lisant, c'est la stricte justice qui a présidé à
sa rédaction et le soin avec lequel les intérêts de
tous y sont ménagés. On peut en juger par cet
article :
ce Item, nous ne devons nul bois de nos fourests ;
« mais si nous voulons donner à aucuns pour bas-
ce tir, nous leur donnerons de l'argent pour achetter
« des marchands, et se payera parles mains du tliré-
cc sorier , et ainsi ne seront pas foulés les marchands
« ni les fourestiers. ^
Cette ordonnance , trop longue pour être rappor-
tée ici en entier, se trouvera aux preuves, à la fin
de l'ouvrage.
Louis de Bourbon , dont les sentiments de fidé-
lité au roi ne s'étaient jamais démentis et qui lui
en avait donné des preuves si éclatantes, eut la
faiblesse à la fin de ses jours d'adhérer à la ligue
que formèrent les seigneurs contre le malheureux
Charles VI , sous prétexte que le duc de Bourgogne
cherchait à s'emparer du pouvoir, ligue qui fut si
fatale à la France et faillit rendre les Anglais maîtres
de tout le royaume. Mais à peine parti de Moulins
à la tète de ses vassaux , le duc de Bourbon tomba
malade à Montluçon où il mourut dans de grands
sentiments dq piété , le 1 9 août 1 41 0 , laissant aux
204 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
hôpitaux et aux monastères de ses seigneuries de
nombreuses preuves de sa générosité.
11 avait épousé le 4 juillet 1 368 Anne, dauphine
d'Auvergne , fille de Béraud dit le Grand , comte de
Clermont, dauphin d'Auvergne et sire de INIercœur,
et de Jeanne, comtesse de Forez. De ce mariage il
eut deux fils : le premier, Jean , devait lui succéder
dans ses duchés de Bourbonnais, d'Auvergne, etc. Le
second, Louis, devait être baron de Beaujeu et en
avait reçu le nom et le titre à sa naissance ; mais
étant mort avant son père , Jean , le fils aîné , dont
l'article suit, se trouva seul appelé à recueillir les
hoiries paternelle et maternelle.
JEAN,
DUC DE BOURBON ET d'aUVERGNE , COMTE DE FOREZ, BARON DE
BEAUJEU ET SEIGNEUR DE D0M6ES.
Au milieu des troubles qui divisaient la France ,
Jean de Bourbon demeura ferme dans le parti du
roi contre la faction de Bourgogne. Cette ligne de
conduite n'était pas sans danger pour lui. Les états
du duc de Bourgogne touchaient ses terres de Beau-
jolais, et il pouvait tout craindre d'un voisin aussi
puissant. Sa prudence vint à son secours, et, profi-
tant d'un moment oii les partis semblaient enclins
à la paix , il parvint à conclure une trêve avec son
redoutable voisin. Elle fut signée le 6 juin 1414
DES SIRES DE BEAUJEU. 205
et comprit, d'un côté, le duché de Bourbonnais, le
comté de Forez, les seigneuries de Beaujolais, de
Chàteau-Chinon et de Gombrailles ; et, de l'autre, le
duché de Bourgogne et le comté de Charollais.
Jean, tranquille sur ses états, ne songea plus qu'à
consacrer son épée et sa vie au service du roi , et
signala sa bravoure avix sièges de Compiègne et
d'Arras où il se couvrit de gloire. Moins heureux ,
il perdit la liberté à la funeste bataille d'Azincourt
et devint prisonnier des Anglais; captivité qui dura
jusqu'à sa mort et qui eût pu devenir funeste pour les
peuples de ses seigneuries, sans la prudence de Marie
de Berry qui sut conj urer les orages qui se formaient
incessamment autour d'elle.
Marie de Berry, que nous venons de nommer,
épouse de ce brave et malheureux prince , eut le
gouvernement de ses biens et seigneuries pendant
son absence. Douée d'un esprit juste et sage, elle
comprit toute l'importance de la trêve conclue
avec le duc de Bourgogne , en renouvela les con-
ditions le 1 7 février 1417, et y fit comprendre
le bailliage de Màcon qui avait été omis dans le
premier traité. Pour plus de sûreté, la duchesse
eut soin de faire renouveler cette trêve de temps
en temps. C'est ainsi qu'elle le fut par lettres don-
nées à Bourbon-Lancy le 28 avril 1 420, et par d'au-
tres signées au château de Chantelles le 1^'' juillet
1423.
206 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Pendant que la duchesse de Bourbon s'assurait
ainsi l'amitié du duc de Bourgogne , elle se vit au
moment d'avoir une querelle sérieuse avec Amé VIII
duc de Savoie. Voici à quel sujet. Les officiers de
Dombes faisaient battre monnaie à Trévoux. Le
duc de Savoie en ayant été informé, ordonna à Hu-
gonin de Chandée, lieutenant-général au gouver-
nement de Bresse , de faire connaître à la duchesse
qu'il ne souffrirait pas cette innovation, attendu que
la seigneurie de Trévoux et autres terres de Dombes
acquises de la maison de Thoire relevaient de la
souveraineté de Savoie tout aussi bien que celles
qui provenaient directement de la maison de Beau-
jeu. Chandée dépécha en conséquence Jacques de
Loriol, juge de Bresse, avec ordre de porter les
plaintes du duc de Savoie et den demander répa-
ration.
Jja duchesse répondit que le duc son mari ne
déniait nullement l'hommage dû à la couronne de
Savoie pour les terres de Dombes provenant de la
maison de Beaujeu, mais qu'il ne reconnaissait
aucun supérieur pour celles acquises des sires de
Thoire et de Villars qui n'étaient pas du fief de
Savoie , et que si elle faisait battre monnaie à Tré-
voux elle suivait en cela l'exemple de ses prédéces-
seurs , aux droits desquels elle avait succéilé. Le
duc de Savoie n'insista pas, soit qu'il eût l'intention
de se départir de cette prétention, soit qu'il remît
DES SIRES DE BEAUJEU. 207
à vider cette affaire que le duc Jean eût recouvré sa
liberté. Son attention, du reste, eut à se porter sur
un objet plus important.
Les officiers du bailliage de Bresse avaient trou-
blé ceux du duc de Bourbon dans le droit de res-
sort de la seigneurie de Buenc, et exercé celui de
juridiction à Baneins, aux Feuillées, à Marsolas et
à Verfey, au préjudice des officiers de Bombes.
Sur les plaintes de la duchesse, ou indiqua une
conférence à Vimy (Neuville) pour éclaircir l'af-
faire et arriver à un arrangement. Cette assemblée
eut lieu le 19 août 1425. Les députés de la du-
chesse de Bourbon furent : Renaud de la Bussière,
bailli de Beaujolais ; Jean de Changy ; Jean de
Marzé , chevalier; Pierre de Briandas, juge ordi-
naire de Beaujolais; Guichard Bastier, docteur ès-
lois; Etienne de Bar, conseiller du duc; Jean de
Namy, juge d'appel de Beaujolais; Dalmas de la
Porte , seigneur de Chavagneux ; Guichard de
Gletteins , châtelain de Chalamont ^ Guillaume de
Nolay, écuyer , capitaine châtelain de Trévoux ;
Méraud du Bourg , procureur général , et Philippe
de Rancé, trésorier de Beaujolais. Ceux du duc de
Savoie furent : Hugonin de Chandée , bailli de
Bresse; Humbert Maréchal, seigneur de Meximieux j
Jacques de Loriol , juge de Bresse ; Lavaudrain , sei-
gneur de Crangeac ; Guillaume de Genost; Claude
Martin et Geoffroy Guyot , docteurs ès-droit , et
208 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Jean Favre , procureur général de Bresse. Rien ne
fut décidé dans cette réunion ; il fut impossible de
s'entendre, les esprits étaient trop montés pour
pouvoir délibérer froidement : on le sentit, et l'af-
faire fut ajournée. On la reprit en 1428. Parmi les
députés on remarque, du côté du duc de Bourbon :
Jean Roux, juge ordinaire de Beaujolais; Jean du
Breuil , maître des comptes; Pierre de Ponceton,
avocat fiscal , et Jean de Briandas.
Cette conférence n'eut pas un meilleur résultat
que la première et ne servit au contraire qu'à aigrir
les esprits , à tel point que plusieurs seigneurs de
Bresse et de Bugey, croyant faire leur cour au duc
de Savoie ou tout au moins n'en être pas désa-
voués , imaginèrent de faire une entreprise sur les
terres de la seigneurie de Dombes. Le chef de cette
coalition fut François de la Palu, chevalier, sei-
gneur de Varambon , à qui se réunirent , entre
autres, Jean de Menthon, Jean de Chàlillon en
Genevois , Jean de Vaugrigneuse , le bâtard de
Cornillon, Humbert du Bourg seigneur de Sainte-
Croix, Pierre de Chassipol , Oger du Saix, le bâ-
tard de Loysey, IMolon le iils , Jean fils du seigneur
de Chàteauvieux , Humbert de Balmey, Claude de
la Teyssonière, Guillaume et Antoine seigneurs
du Bost , le bâtard de Glareins surnommé la
Mouche, Pierre de Buisadam seigneur de la Pé-
rouse, le bâtard de Blonnay, Pierre d'Oncieux ,
DES SIRES DE BEAUJEU. 209
le seigneur de Corrobert, le bâtard de Juys, le
bâtard de Chàtillon-la-Palu , Antoine de Villette ,
le bâtard de Biolières, et plusieurs autres seigneurs.
Réunis à leurs gens, ils marchèrent sur Trévoux ,
emportèrent la ville d'assaut, la livrèrent au pillage,
et se répandirent ensuite en différents lieux de
Dombes qu'ils traitèrent de même. Le château de
Trévoux résista seul aux attaques réitérées des aven-
turiers.
La duchesse de Bourbon se plaignit vivement au
duc de Savoie de cette attaque insolente faite en
pleine paix , et demanda qu'on lui livrât les cou-
pables pour en faire une justice exemplaire. Le duc
désavoua hautement Varambon et ses complices ,
mais se réserva leur punition. Des ordres furent
donnés en conséquence, et les procédures com-
mencèrent. Marie, mécontente de ces lenteurs, re-
nouvela ses plaintes; et comme elle insistait davan-
tage, on convint de s'en remettre à la décision
d'arbitres choisis par les deux partis : ce furent Amé
de Talaru, archevêque de Lyon ; Jacques de Mau-
voisin , abbé d'Ambronay, et Humbert de Groslée,
chevalier, seigneur de Vireville, bailli de Màcon
et sénéchal de Lyon.
Ces arbitres se réunirent à Lyon le 1 8 mai 1 431 ;
la duchesse de Bourbon et le duc de Savoie se
firent représenter par leurs députés. Les confé-
rences furent longues et orageuses ; enfin , cepen-
210 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
dant, les arbitres prononrèrent et furent d'avis que
le duc de Savoie devait abandonner les coupables.
Varambon fut condamné à payer trente mille
francs pour le dommage qu'il avait occasionné à
Trévoux et en Dombes.
Comme on le voit, Marie de Berry mettait tous
ses soins à pacifier les mauvaises affaires qui lui
survenaient : l'absence de son mari ne lui per-
mettait guère de faire plus. Aussi , à peine eut-elle
obtenu ce qu'elle désirait du duc de Savoie , qu'elle
renouvela encore sa trêve avec le duc de Bour-
gogne; ce qui n'empécba pas François l'A ragonais
de s'emparer de INIarcigny par un coup de main ,
et Antoine de Juys et Philibert de Rosset, écuyers,
de venir occuper de vive force la Roche de Solutré
près Màcon. Cette affaire s'arrangea amiablement
par un traité signé à Màcon le 24 mars 1432 et
ratifié à Villefranche le 29 du même mois par
Charles de Bourbon , comte de Clermont, qui ve-
nait d'être nommé gouverneur des terres et seigneu-
ries de son père.
La même année, la duchesse de Bourbon eut
encore de nouvelles plaintes à porter contre les
sujets de Savoie ; car les seigneurs de Romans et de
Glareins, s'étant emparés de nuit et par escalade du
Chàtelard en Dombes , le pillèrent et se retirèrent
ensuite. La seule satisfaction que purent obtenir
Blain le Loup, chevalier, et Jean Dubreuil, con-
DES SIRES DE BEAUJEU. 21 1
seillers de la duchesse, fut la promesse du duc de
Savoie de punir les coupables.
Deux ans après , en 1 433, le duc Jean de Bour-
bon mourut en Angleterre sans avoir pu obtenir sa
liberté. Une lettre de ce mallieureux prince , écrite
de Londres à Amé de Savoie, fait connaître les
tristes préoccupations qui assaillaient son esprit
pendant sa longue captivité; il se plaint surtout de
ses proches qui semblent attacher peu de prix à sa
liberté , et offre au duc de Savoie de lui vendre ses
terres de Bresse.
De son mariage avec Marie de Berry, fille de
Jean de France, duc de Berry, et de Jeanne d'Ar-
magnac, il laissa plusieurs enfants, entre autres :
l" Charles, dont l'article suit;
2° Louis, comte de Montpensier, tige de la
première branche de Bourbon Montpensier, dont
il sera parlé.
CHARLES,
DUC DE BOURBONNAIS ET d'aUVERGNE, BARON DE BEAUJED ,
SEIGNEUR DE DOMBES.
A peine Charles de Bourbon eut-il succédé à
son père Jean, mort en captivité, qu'il se trouva
deux ennemis puissants sur les bras , les ducs de
Bourgogne et de Savoie. Tout semblait cependant
devoir assurer la paix entre eux ; car, aussitôt après
la mort du duc Jean , on avait renouvelé la trêve
212 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
entre les maisons de Bourgogne et de Bourbon,
par l'entremise d'Arthur de Bretagne , comte de
Richemont, connétable de France. Aucun sujet
de dissension n'existait non plus entre les ducs de
Savoie et de Bourbon; quelques points, à la vé-
rité , étaient restés en litige entre eux , mais il était
convenu qu'on les examinerait plus tard , et qu'on
s'en rapporterait à la décision d'arbitres nommés à
cet effet.
L'ambition du duc de Bourgogne ne s'arran-
geait pas de cet état de choses ; il convoitait une
partie du Beaujolais qu'il trouvait fort à sa conve-
nance , et l'occasion lui paraissait favorable pour s'en
emparer. Il se rendit, en conséquence, à Cham-
béry où. il conclut une ligue offensive et défen-
sive avec le duc de Savoie , prenant pour base le
refus présumé du duc de Bourbon de faire en per-
sonne les hommages dus à la Bourgogne et à la
Savoie, comme les avaient faits les anciens sires de
Beaujeu. Il fut convenu qu'on l'y contraindrait par la
force, que les deux princes s'entr'aideraient mutuel-
lement, et que ce que chacun d'eux prendrait sur
le seigneur de Beaujeu lui demeurerait en propre,
savoir : au duc de Bourgogne la rive droite de la
Saône , et au duc de Savoie la rive gauche. Chacun
d'eux s'interdisait la faculté de traiter sans le con-
sentement de son allié.
Ce plan était bien conçu, car effectivement le
DES SIRES DE BEAUJEU. 213
duc de Bourbon n'était nullement disposé à com-
paraître en personne dans les hommages demandés.
Mais il comprit le danger de sa position , et vit
que la première chose qu'il avait à faire était d'ar-
river à diviser ses ennemis. Ne pouvant cependant
refuser l'hommage au duc de Savoie , il s'avisa
d'un expédient pour échapper à la question per-
sonnelle. En conséquence, il fit donation pleine
et entière de ses terres de Beaujolais et de Bombes
à Philippe de Bourbon son second fils , l'émancipa
immédiatement et lui donna pour tuteur Jacques
de Chàtillon , chevalier, seigneur de Dampierre.
Ces actes furent passés au château de Moulins , le
1 b janvier 1 434. A peine ces dispositions prises ,
Charles de Bourbon s'empressa d'en faire part au
duc de Savoie , en lui annonçant l'hommage pro-
chain que Philippe son fils aurait à lui faire pour
les terres de Bombes provenant de la maison de
Beaujeu, et lui offrant, pour ce qui concernait
Trévoux, Ambérieux et le Chàtelard acquis du sire
de Thoire, de s'en remettre à la décision d'arbitres
nommés à cet effet.
Cette marche habile produisit son effet : le duc
de Savoie n'avait plus aucun motif de faire la guerre,
aussi congédia-t-il sur-le-champ les troupes qu'il
avait assemblées sur la frontière.
Le duc de Bourgogne cependant, qui n'avait au-
cune connaissance de ce qui se passait et qui s'atten-
21 4 GENEALOGIE HISTORIQUE
dait à voir le duc de Savoie exécuter le traité qu'ils
avaient conclu, entra en Beaujolais à la tête d'un
corps de troupes considérable, s'empara de quelques
châteaux, et vint au mois de juin mettre le siège
devant Belleville. Le duc de Bourbon ne pouvant
arriver en Beaujolais assez vite pour arrêter les pro-
grès des Bourguignons, préféra opérer une diversion ;
en conséquence il partit de Moulins en toute hâte
à la tète de son armée et se jeta en Charollais oîi il
prit plusieurs places, annonçant en même temps au
duc de Bourgogne que ce n'était que par représailles
et lui faisant quelques ouvertures de paix. Celui-ci ,
ne se voyant pas soutenu par la Savoie, accueillit
cette proposition avec empressement, et par l'en-
tremise de Guy de Pontaliié seigneur de Talmey,
de Louis de Chantemerle seigneur de la Clayette ,
et du bailli de Dijon , la paix fut conclue à Nevers ,
où les deux j)rinces se rencontrèrent et se festoyèrent
avec une grande magnificence.
Le 21 novembre de la même année 1434,
Charles de Bourbon promit au duc de Savoie , par
lettres datées à Anse, que son fils accomjilirait fidè-
lement riiommage du à la couronne de Savoie.
Cependant, deux ans après, cette formalité n'ayant
pas encore été accomplie , le duc de Savoie députa
Jean du Saix, seigneur de Banains, pour en ré-
clamer l'accomplissement et prendre jour pour ter-
miner tous les différends qui pouvaient exister entre
DES SIRES DE BEAUJEU. 21 5
les maisons de Savoie et de Bourbon. Ces deux de-
mandes parurent justes, et on se disposa à y faire
droit. Philippe de Bourbon étant trop enfant pour
faire l'hommage lui-même, le seigneur de Dampierre,
son tuteur, fut chargé de le remplacer et se rendit
à Turin auprès du prince de Piémont, lieutenant
du duc de Savoie son père, entre les mains duquel
il renouvela l'hommage pour les terres et châteaux
de Thoissey, Lent, Montmerle, Villeneuve, Cha-
lamout et Beauregard, avec leurs appartenances.
Cette cérémonie eut lieu le 21 juillet 1436. On
convint ensuite que les députés chargés de régler
les autres différends se réuniraient à St-Trivier au
mois de novembre suivant.
L'époque arrivée, les députés se rendirent de
part et d'autre au lieu indiqué. Comme d'ordinaire,
l'assemblée fut orageuse. On s'entendit cependant sur
les entreprises de juridiction faites parles ofllciers
de Bresse sur ceux de Dombes, et ce point fut réglé ;
mais il n'en fut pas de même en ce qui concernait
le droit de battre monnaie à Trévoux et l'hommage
des terres de Dombes venues de la maison de Thoire.
La même difficulté subsista également relativement
à la souveraineté de Buenc et à la garde du doyenné
de Montbertod. Voyant qu'on ne pouvait s'entendre,
ces questions furent encore ajournées à une autre
réunion.
La même année et au mois de décembre le
216 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
duc de Bourbon accorda aux habitants de Beau-
jolais, moyennant la somme de quatre cent cin-
quante écus royaux, le privilège de chasser aux
bêtes sauvages noires et rousses , comme loups ,
sangliers et cerfs. Cette concession assez curieuse
sera rapportée aux preuves.
Fatigué cependant des réclamations du duc de
Savoie et voulant enfin s'assurer la souveraineté de
Trévoux, d'AmbérieiLx et du Chàtelard, le duc
de Bourbon s'adressa directement à l'empereur Al-
bert II pour en avoir la confirmation. Mais l'em-
pereur répondit par ses lettres du 1 2 juin 1 439 que
le duc de Savoie serait oui dans ses moyens et dé-
fenses, ce qui fit encore ajourner cette interminable
affaire. Le madheur des temps en détourna bientôt
les esprits, et ces deux princes prirent une part trop
active aux événements de cette époque pour avoir
le temps de s'occuper de leurs difl'érends.
On y revint néanmoins quelques années après.
Le duc Anié de Savoie venait d'être élu pape au
concile de Bàle, sous le nom de Félix V. Louis, son
fils et successeur, demanda au duc de Bourbon
l'hommage dû à cha(|ue changement de règne ; il
comprit dans la demande les terres provenant des
sires de Thoire. On convint d'une conférence ; elle
eut lieu à Villefranche le 25 février 1441 , et le
duc de Bourbon y assista pour et au nom de Phi-
lippe son fils, baron de Beaujolais. On reconnut
DES SIRES DE BEAUJEU. 217
d'abord en principe que l'honimage était dû par les
seigneurs de Beaujolais et de Bombes pour les châ-
teaux et villes de Thoissey, Lent, Clialamont, Ville-
neuve et Beauregard, selon la forme des anciens trai-
tés. Abordant ensuite la question des terres et sei-
gneuries provenant de Tboire-Villars, on arriva à la
conclusion d'un traité qui semblait devoir anéantir
tout germe de querelle et de guerre pour l'avenir. Le
seigneur de Beaujeu déclara prendre en fief du duc
de Savoie le Chàtelard et Ambérieux, et reçut de lui
en augmentation la tierce partie du péage de trois
mille livres que ledit duc levait sur la Saône depuis
St-Jean-de-Losne et Màcon jusqu'à Lyon. La sou-
veraineté de Buenc, l'Abergement et Boha resta à la
Savoie, et Trévoux, ainsi que son mandement, de-
meura au même titre à Philippe de Bourbon avec le
droit d'y faire battre monnaie , à la condition que
celle de Savoie y aurait cours. Moyennant cet arran-
gement , le duc de Savoie renonça pour lui et les
siens à tout droit de souveraineté qu'il avait prétendu
sur la Bombes tant de son chef que comme vicaire
général de l'empire. On convint que le seigneur de
Beaujeu ratifierait ce traité lorsquil aurait atteint
l'âge de quinze ans , et serait tenu de passer recon-
naissance de cet hommage avec dénombrement, for-
malité qui devait se renouveler à chaque mutation.
Les limites de Bresse et de Bombes durent être fixées
par des commissaires nommés à cet effet.
21 8 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Ainsi furent réglés les anciennes prétentions et
les droits que les ducs de Savoie dune part et les
sires de Beaujeu d'une autre disaient avoir sur la
souveraineté de Bombes : question ardue, qu'aucun
historien , selon nous , n'a traitée de bonne foi , la
partialité ayant presque toujours dicté leurs juge-
ments. Cependant les titres abondent pour léclair-
cir : les archives de Savoie et les inventaires de la
Chambre du trésor de Villefranche peuvent fournir
à celui qui entreprendra consciencieusement cette
tâche les documents les j)lus complets pour arriver
à la vérité. Notre intention n'est ])as dans ce mo-
ment-ci d'aborder un pareil sujet , nous n'avons
voulu écrire que l'histoire du Beaujolais, et n'avons
parlé de la Bombes qu'en raison de sa proximité et
parce que les événements qui s'y passaient ne pou-
vaient être indifférents au Beaujolais dont presque
toute la noblesse possédait des terres sur les deux
rives de la Saône. Observons seulement, sur cette
question, que pendant l'existence de l'ancienne race
de Beaujeu les prétentions de la Savoie à la souve-
raineté de Doinbes semblaient avoir une certaine
consistance; mais que, lorsque la maison de Bour-
bon lui eut succédé, ces prétentions durent perdre
beaucoup de leur valeur, attendu que derrière le
duc de lîourbon se trouvait toujours le roi de
France.
Le traité de Villefiauclie comblait les vœux
DES SIRES DE BEAUJEU. 219
du duc Charles, qui se voyait enfin souverain de
Bombes, titre que ses prédécesseurs avaient tou-
jours ambitionné de pouvoir porter sans conteste.
Pour en témoigner sa reconnaissance au duc de
Savoie, il se rendit en personne à Charnbéry où ces
deux princes confirmèrent le traité, le 1 7 septembre
1 441 , en la chambre de parade et en présence de
toute la cour de Savoie. Le 23 décembre suivant,
on ajouta à ce même traité que si jamais le duc de
Bourbon ou ses successeurs voulaient vendre leurs
terres de Bombes, il serait loisible au duc de Savoie
de les acquérir. Le 6 avril 1 449, Louis de Chan-
temerle , bailli de Màcon , reçut une procuration
pour faire, au nom de Philippe de Bourbon, l'hom-
mage convenu.
Après un accord aussi solennel, on devait espérer
qu'il n'existait plus aucun sujet de brouille entre les
deux princes ; mais tout n'avait pas été prévu dans
le traité de\illefranche. Le duc de Savoie réclama
encore l'hommage des châteaux de Béreins et de Bé-
seneins , la dime de Bouligneux, la garde de l'église
de Clémencia, le guet du château de Biottiers et
le ressort de la souveraineté de Ste-Olive. On vou-
lut traiter l'affaire à l'amiable et plusieurs confé-
rences eurent lieu à Villars et à Lyon , mais elles
n'amenèrent aucun résultat; les prétentions grandis-
saient de part et d'autre et tout semblait annoncer
une rupture, lorsque le duc de Bourgogne offrit sa
220 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
médiation qui fut acceptée. Il indiqua lui-même
une nouvelle conférence à Màcon , où chacun des
deux princes envoya ses députés le 1 6 octobre 1 448 ;
mais on ne trouva pas leurs pouvoirs suffisants , et
l'affaire fut ajournée indéfiniment. On se contentade
prononcer une sursèaiice à toute voie de fait, ce à
quoi les deux parties consentirent par déférence
pour le duc de Bourgogne.
Philippe de Bourbon, baron de Beaujeu, mou-
rut avant son père, et, quoiqu'on ignore lepoque
précise de la mort de ce jeune prince, on ne peut la
fixer que de 1 449 à 1 453 ; car à la première de ces
deux dates il avait donné une procuration au sei-
gneur de Chantemerle , et à la seconde le duc
Charles son père annoblit par lettres du mois d'août
Claude et Antoine Guichard , fils de feu Jean, en
son vivant capitaine châtelain de Villeneuve en
Dombes, ce qu'il n'aurait pu faire si Philippe son
fils eût encore été vivant.
Charles de Bourbon mourut au château de INIou-
lins le 4 décembre 1 456, et fut inhumé au prieuré
de Souvigny. 11 avait épousé à Autun, le 1 7 sep-
tembre 1426, Agnès de Bourgogne, fille de Jean
duc de Bourgogne et de Marguerite de Bavière. Il
laissa de ce mariage une nombreuse postérité ,
entre autres :
1° Jean qui lui succéda, et dont l'article suit;
2° Charles, cardinal-archevêque de Lyon, qui
DES SIRES DE BEAUJEU. 221
revendiqua l'héritage après la mort de son frère,
et dont nous parlerons en son lieu ;
3° Pierre, qui succéda à ses frères à défaut de
descendants directs, et dont l'article viendra.
JEAN II ,
DUC DE BOURBON , BARON DE BEACIEC , SEIGNEUR DE DOMBES.
Jean II de Bourbon , surnommé le Jièau des
Anglais, visita peu sa seigneurie de Beaujolais. Le
premier acte que nous connaissions de lui est une
exemption de péage accordée en 1 459 aux Célestins
de Lyon par tout son pays de Beaujolais. Il y parut
cependant en 1463, et confirma les privilèges de
Villefranche et de Beaujeu. Ses démêlés avec le duc
de Savoie recommencèrent avec plus de violence
que jamais. Celui-ci, comme nous l'avons dit, ré-
clamait l'hommage des châteaux de Béreins , de Bé-
seneins, etc., non spécifiés au traité de Villefranche.
Le refus de Jean de Bourbon irrita son adversaire,
et la tranquillité du pays allait se trouver de nou-
veau comjiromise après dix ans de paix. On fit de
part et d'autre de grands pré])aratifs de guerre et on
allait en venir aux mains, lorsque le roi, voulant em-
pêcher l'effusion du sang, dépêcha Antoine de
Chabannes, lieutenant-général au gouvernement de
Lyonnais, pour tâcher de rétablir la bonne harmonie
222 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
entre les deux princes. S'il ne réussit pas complète-
ment dans sa mission, au moins parvint-il à leur faire
signer une trêve qui devait expirer à la St-Michel
1458, et qui fut ensuite prorogée jusqu'au mois
d'août 1459. Elle fut signée pour le duc de Bour-
bon par Guillaume de Ferrières, chevalier, seigneur
de Presle et de Cliampleny , son conseiller, cham-
bellan, bailli de Beaujolais ; et pour le duc de Sa-
voie, par Jean de Seyssel, chevalier, seigneur de
Barjat, maréchal de Savoie.
La tranquillité qu'on pouvait se promettre de ces
trêves ne fut pas de longue durée. Les habitants de
Thoissey et ceux de Chàiillon-les-Dombes ayant eu
querelle pour le libre commerce des blés, ils prirent
les armes chacun de leur côté et se livrèrent à de
nombreuses violences sur les communes de St-
Etienne, du Chàtelard et de Corgenon. Les troupes
de Savoie se mêlèrent de la querelle et firent une
tentative sur le château d'Ambérieux , puis se ré-
pandirent par toute la Dombes et juscpi'à Beau-
regard. Le duc de Bourbon cependant , loin d'op-
poser aucune résistance, avail retiré toutes ses
troupes et les tenait cantonnées en Beaujolais, sur
l'ordre du roi, qui voyait ces dissensions de mauvais
œil et voulait amener les deux princes à un accom-
modement. Il chargea de cette négociation Ama-
nieu d'Albret, seigneur d'Orval, le bailH de Rouen
et Tristan l'Hermite , prévôt des maréchaux de
DES SIRES DE BEAUJEU. 223
France. Us obtinrent le renouvellement de la trêve,
qui plus tard fut encore j)rorogée jusqu'au mois de
mai 1461 par les soins d'Elie de Ponipadour, évè-
que de Viviers.
Enfin Louis XI, dans Tintérêt de tous, offrit sa
médiation qui fut acceptée. Il nomma des arbitres,
mais il fut impossible de s'entendre. Plusieurs con-
férences avaient eu lieu, mais plus on discutait plus
les esprits s'aigrissaient; tout finit par être remis en
question. Les députés du duc de Bourbon repro-
chaient à la Savoie de n'avoir pas tenu les promesses
faites à Guichard de Beaujeu après la bataille de
Varey, et d'avoir exigé des seigneurs de Beaujeu
des hommages qui n'étaient pas dus. Ceux du duc
de Savoie répondaient que les traités avaient été
fidèlement exécutés, que tout s'était passé dans le
temps avec nn accord mutuel et que l'hommage
n'avait eu rien de forcé , n'étant que le résultat de
conventions acceptées sans contrainte. Enfin les
arbitres, au moment de prononcer, décidèrent que
les pouvoirs des députés étaient insuffisants ; on en
fit venir de plus amples qui parurent encore trop
restreints, et on finit, comme toujours, par une
trêve qui fut jurée de part et d'autre. Les choses
demeurèrent ainsi dans le même état d'indécision
où elles étaient depuis si longtemps.
Tout le désir du duc de Bourbon était d'arriver
à un affranchissement complet , et à l'agrandisse-
224 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ment de sa puissance et de sa domination en
Bombes. Il convoitait depuis longtemps le comté
de Villars, et saisit avec empressement l'occasion de
l'acquérir. Il l'acheta d'Antoine de Lévis, comte de
Villars, le 7 mai 1 473 ; mais comme cette terre était
située en Bresse, le duc de Savoie s'opposa à sa prise
de possession.
Jean de Bourbon avait conservé jusque-là une
réputation sans tache. Ses nombreuses victoires sur
les Anglais, suivies de la conquête de la Guyenne,
le faisaient considérer comme un des sauveurs de
la France, comme le jilus ferme appui du trône.
Sa fidélité , qu'on aurait du croire à l'épreuve , ne
put résister à une injustice. Louis Kl lui retira le
gouvernement de la Guyenne, dont il avait été
pourvu après la conquête. Le duc jura de se venger,
et devint un des premiers moteurs de la ligue dite
du bien public : ligue qui aurait infailliblement
conduit le roi à sa perte , si la profonde politique
de Louis XI n'était parvenue à diviser les chefs,
à en gagner quelques-uns et à s'en servir pour
écraser les autres. A peine le roi eut-il appris que
Bourbon se disposait à marcher contre lui , qu'il en-
gagea Galéas Visconti, duc de Milan, à venir s'em-
parer des terres du duc. La même proposition
fut faite au duc de Savoie, qui refusa noblement
cette occasion de venger ses vieilles querelles.
L'armée milanaise arriva en Dombes , traversa la
DES SIRES DE REAUJEU. 22 S
Saône et se jeta en Beaujolais, où elle prit plusieurs
villes qu'elle pilla ; les cam])agnes furent dévastées.
Le Forez subit le même sort, et ne dut sa déli-
vrance qu'à la victoire remportée par les paysans
des montagnes de Pilât , au lieu nommé encore
aujourdlmi le Cimetière des Lombards.
Le duc de Bourbon avait été un des premiers à
prendre les armes , il fut aussi le premier à se lais-
ser séduire par la politique astucieuse de Louis XI,
à qui il tâcha de faire oublier sa trahison paroles
services immenses qu'il lui rendit en ces temps de
troubles et de guerres civiles.
Enfin , comblé de biens et d'honneurs et revêtu
de la dignité de connétable, ce prince mourut à
Moulins le 1 ^"^ avril 1488 , ne laissant aucun en-
fant légitime , quoiqu'il eût été marié trois fois :
d'abord à Jeanne de France, fille de Charles VII ,
puis à Catherine d'Armagnac -Nemours, enfin à
Jeanne de Bourbon sa cousine, fille de Jean de
Bourbon-Vendôme et d'Isabelle de Beauveau. Marie
de Bourbon sa fille naturelle épousa Jacques de
Ste-Colombe , seigneur du Thil en Beaujolais.
On possède de ce prince quelques monnaies que
l'on croit fiappées à Trévoux. D'un côté on voit le
duc de Bourbon en jiied , portant le collier de l'or-
dre de St-Michel au cou et une épée nue à la main ,
son écu semé de France , et la devise Deus noster
refu^ium et çirtus in tribalationihus ; au revers est
226 GENEALOGIE HISTORIQL'E
récusson de Bourbon avec la cotice en bande, 1 ecu
accompagné en chef, en pointe , à dextre et à se-
nestre de quatre grenades allumées , accostées cha-
cune d'une fleur de lis avec l'exergue Joannes dux
Borhonii et Alverniœ^Trivolci dominus. Il est assez
curieux de voir le duc de Bourbon négliger ses
autres qualités pour prendre celle de seigneur de
Trévoux.
CHARLES DE BOURBON,
nVilO-N UK B1:AIJ1;1 , CAUUIXAL, AlU.IIEVKC'lli DE LYON.
A la mort de Jean II , duc de Bourbon , décédé
sans postérité, Charles son frère, cardinal et arche-
vêque de Lyon, se trouvant l'aîné , prétendit à l'hé-
ritage en vertu des substitutions existantes; mais
Pierre de Bourbon son frère, par les conseils de
Anne de France sa femme , s'empara de la succes-
sion , jeta des garnisons dans les places fortes , puis
consentit à négocier avec le cardinal. Celui-ci n'op-
posa qu'une (aible résistance, et finit par se con-
tenter de la jouissance du Beaujolais sa vie durant,
avec une pension de 20,000 livres. Il est difficile
de reconnaître à cette facilité l'ancien favori de
Louis XI , celui qui s'était identifié à sa j)olitique,
qui avait soutenu à ses cotés, soit au conseil, soit
sur les champs de bataille , les luttes acharnées
qui avaient, rouipli ce règne orageux , celui enfin
DES SIRES DE P.EAUJEU. 227
qui avait adopté cette devise si audacieuse et si
peu éj)iscoj)ale : nespoir ne peur. C'est qu'alors
Charles était usé par les fatigues d'une vie agitée ,
accablé par les infirmités et menacé d'une mort
prochaine. Retiré à Lyon où il s'occupait à faire
construire le palais archiépiscopal, seul monument
dont il ait doté la ville, malgré ses immenses ri-
chesses, il mourut six mois après le traité qui le
dépouillait de fhéritage de son frère, sans que nous
connaissions aucun acte de lui comme seigneur de
Beaujolais.
Ce prélat laissa de Gabrielle Bartine une fille
naturelle qui fut légitimée par Charles VIII et
mariée à Gilbert de Chantelot , seigneur de la
Douze en Beaujolais.
PIERRE II DE BOLIRRON,
BAKUN DE BEAU.IF.C, SEIGNEUR U£ DOMBKS.
Jean de Bourbon étant mort sans enfants, et le
cardinal l'ayant suivi de près au tombeau , sa riche
succession resta sans conteste à Pierre son frère ,
que de son vivant il avait déjà revêtu du titre ho-
norifique de comte de Beaujeu , sous lequel il est
connu dans l'histoire. Pierre II a laissé peu de
traces de sa domination dans le Beaujolais; on ne
trouve guère de lui que quelques rares actes que
nous alloi'is rapporter : exemption de péage ac-
228 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
cordée le 14 août 1471 aux dames religieuses de
St-Pierre de Lyon , pour toutes les denrées néces-
saires à l'approvisionnement de leur monastère;
pouvoir de tester, donné à un bâtard de la pa-
roisse de Ferreux; et enfin lettres- patentes de
1 494, qui enjoignent aux habitants de Villefranche
de contribuer à la construction de la chaussée con-
duisant de cette ville à Beauregard. Etant à Mou-
lins, en 1499, il accorda à la ville de Villefranche
une somme de 1 ,200 livres pour être employée à
la construction du portail de son église. Il avait
donné en 1 494 la seigneurie d'Oingt à son neveu
Mathieu , bâtard de Bourbon, pour en jouir sa vie
durant.
Pierre II eut aussi quelques démêlés avec le duc
de Savoie, pour les points qui étaient restés en li-
tige sous le règne de son prédécesseur. En 1 496 il
nomma , pour les terminer , Jean de Ferrières ,
chevalier, bailli de Beaujolais , et Perrin Gayant.
Mais, après plusieurs conférences infructueuses, les
choses en demeurèrent au même j)oint , le duc de
Bourbon prenant toujours la qualité de souverain
de Dombes , et le duc de Savoie continuant à por-
ter le même titre en vertu des hommages réclamés
et de la non-exécution des traités.
La fortune avait élevé Pierre de Bourbon à une
trop grande iiauteur pour qu'il songeât beaucoup
à sa baronnie de Beaujolais. Favori de Louis XI et
DES SIRES DE BEAUJEU. 229
époux de sa fille x\nne , il partagea avec cette prin-
cesse la régence du royaume pendant la minorité
de Charles VIII, et (ut encore revêtu des mêmes
pouvoirs lors du voyage que ce monarque fit à Na-
ples. La guerre et la politique remplirent sa vie, et
les services qu'il rendit à la France lui méritèrent à
juste titre la haute renommée dont il jouit jusqu'à
sa mort, arrivée à Moulins le 1 0 octobre 1503.
Pierre de Bourbon avait épousé à Jargeau le 3
novembre 1473 Anne de France, fille de Louis XI
et de Charlotte de Savoie. Par une clause expresse
du contrat le roi exigea que, dans le cas où aucun
enfant ne naîtrait de ce mariage, les biens de Bour-
bon feraient retour à la couronne. Pierre n'ignorait
pas que cet engagement de sa part ne pouvait pré-
judicier aux droits de la branche de Montpensier,
le cas échéant; néanmoins, avant de signer, il ajouta
ces mots : « en tant qu'il peut toucher audit futur
« époux pour le présent et l'avenir. »
De ce mariage naquit une fille unique, Susanne
de Bourbon, qui épousa Charles de Bourbon-Mont-
pensier, dont l'article suit.
CHARLES m ,
DUC UË BUURBOK, BARON' UE BEAUJEU , SEIGKEDB DE DOMBES ,
CONNÉTABLE DE FRANCK.
A la mort de Pierre II de Bourbon , Susanne sa
iille se trouva seule héritière de tous ses biens. Anne
230 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de France, veuve du duc, eut pour son douaire la
baronnie de Beaujolais et la seigneurie de Dombes.
Mais à peine la jeune princesse fut-elle mise en pos-
session du riche héritage de son père qu'elle se le vit
disputer par Charles de Bourbon-jMontpensier son
cousin , qui, se trouvant le parent mâle le plus rap-
proché, se prétendit le véritable et seid héritier en
vertu d'anciens usages et de la substitution établie
dans la famille. Il descendait de Jean P^'de Bourbon,
baron de Beaujeu, ainsi qu'il suit :
Jean I''' , que nous ;nons rapporté plus' ha\il ;
I
Louis, suinouiiiicle Bon, que nous avons indiqué cunnue auteur
(le la branche de Bourbon-Montpensier, et qui, de (ial)rielle de
la Tour, eut :
(lilbert, qui de Claire de tion/.ague laissa
r.liarles , dont il e>t ici question.
Les prétentions de ce prince à l'héritage de
Jiourbon ne laissèrent pas d'inquiéter Anne de
France. Un procès à soutenir lui ])résentait un
double danger, car non-seulement son issue pou-
vait éti'e douteuse , mais il pouvait éveiller des pré-
tentions puissantes qu'il était urgent de détourner.
La politique habile de la princesse sut conjurer le
danger par un accommodement avec Charles de
Bourbon. Il fut convenu qu'il épouserait Susanne
sa cousine, et qiu> dans le cas où elle décéderait sans
DES SIRES DE BEADJEU. 231
enfants, il demeurerait iiéritier de tous ses biens.
Cet accord lut conclu à Paris le 26 février 1 504
en présence de tous les parents paternels et mater-
nels , et le mariage fut célébré au château de Parc-
lès-Moulins le 10 mai 1 305. Anne de France con-
serva la jouissance des terres de Dombes et de
Beaujolais, et les actes y furent passés tant en son
nom qu'en celui de Susanne et de Charles de
Bourbon.
Dès l'année 1 504 la princesse douairière avait
rendu quelques ordonnances toutes favorables au
peuple de Beaujolais : une entre autres, en date du
1 ' août, enjoint à toute personne, de quelque qua-
lité qu'elle soit, de payer taille, dons et octrois dans
les chàtellenies où sont situés ses biens. La plupart
des gens riches de la province fixaient leur domicile
à Lyon, ville exempte de taille, et échappaient ainsi
à cet impôt en se prévalant du privilège de bour-
geois de Lyon. L'ordonnance de la duchesse, en les
forçant à payer cet impôt, apporta un notable sou-
lagement au j)euple sur qui auparavant retombait
toute la charge.
Au mois de novembre 1514, Anne de France ,
étant à Moulins , accorda à la ville de Villefranche
le droit de surmonter ses armoiries du chef de
Bourbon , c'est-à-dire de France à la cotice de
gueules.
Vn événement qui se [)assa en Beaujolais vers
232 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ce temps-là nous donne une idée de la manière dont
se rendait la justice criminelle à cette époque. Jean
Tiraudet, notaire à Villefranche, ayant tué Antoine
Charreton, aussi notaire au même lieu, sollicita et
obtint des lettres de grâce qui furent adressées au
sénéchal de Lyon. Depuis, non content de cette
faveur et désirant un acquittement complet, il appela
au parlement des premières procédures, et, usant
des lettres de cléricature qu'il avait obtenues , de-
manda à être rendu à ses juges naturels. L'archevê-
que de Lyon abonda dans ce sens, et le fit réclamer
par son procureur. Le parlement passa outre , dé-
clara que l'accusé ne pouvait jouir du privilège de
clerc et le condamna à être ])endu, ce qui fut exé-
cuté à \ illefranche en loi A.
Charles de Bourbon était né avec tous les avan-
tages qui font les grands hommes ; sa beauté , sa
grâce et son affabilité lui gagnaient tous les cœurs.
La hauteur de son esprit, son instruction et la rec-
titudede son jugement le faisaient aussi ])uissanl dans
le conseil que sa bravoure brillante le rendait ter-
rible sur le champ de bataille. Né pour les armes,
il se montra général consommé dès làge de vingt-
quatre ans. La conquête de Gênes, de la Lombardie,
et enfin la victoire de Mariguan, mirent le sceau à
sa gloire. L'épée de connétable avait été la juste
récompense de sa bravoure, de ses talents et des
services qu'il avait rendus à lEtat.
DES SIRES DE BEAUJEU. 233
jNonimé gouverneur du Milanais que son épée
avait donné à la France, il sut, par sa prudence,
défendre sa conquête contre la ligue formidable qui
s'était formée pour l'accabler. Abandonné des Suisses
qui formaient la majeure partie de son armée, en-
fermé dans Milan avec ses seuls hommes d'armes et
quelques chevaliers jaloux de servir sous ses ordres,
ne recevant de France aucun secours d'hommes
ni d'argent, il sut se suffire à lui-même. Il emprunta
en son nom personnel des sommes considérables ,
fit relever les fortifications, ajouta à leur force,
parvint à jeter la désunion parmi les assiégeants,
à dissoudre la ligue des confédérés qui déjà se
croyaient sûrs de la victoire, et, au moment où ils se
retiraient, fondit sur leur arrière-garde qu'il tailla
en j)ièces. Tant de succès l'avaient rendu l'idole du
soldat et du peuple. La noblesse , toute militaire ,
en avait fait son héros et se disputait Ihonneur de
servir sous son étendard. La cour en ])rit de l'om-
brage : François P'', ce roi si chevaleresque, n'était
pas insensible aux traits de la jalousie, on parvint à
en faire naître dans l'àme de ce prince contre le duc
de Bourbon ; il fut rappelé, et eut Lautrec jiour
successeur.
Charles parut à la cour, qui pour lors séjournait
à Lyon, avec autant de calme que s'il n'eût pas eu
à se plaindre de fi njusti ce qu'il venait d'éprouver.
« \a' roi, dit Fleuranges dans ses Mémoires, lui fit
234 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
« merveilleusement bonne chère; « mais peu à peu
il se refroidit, et le connétable se serait trouvé con-
fondu dans la foule des courtisans , si son caractère ,
ses exploits et fopinion publique ne lui eussent
assigné le premier rang dans l'Etat après le roi.
Le prince supporta noblement cette froideur et
se borna à demander le remboursement des som-
mes qu'il avait empruntées pour la défense de Milan,
ainsi que le paiement des traitements qui lui étaient
dus comme connétable , chambrier de France et
gouverneur du Languedoc. Il n'obtint qu'un refus.
Charles ne daigna ])as se plaindre, et alTecta au con-
traire toute la magnilicence d'un prince qui n'a nul
besoin des grâces de la corn-.
Ce])endant un événement heureux sembla de-
voir le consoler des déboires dont on cherchait à
l'accabler. Susanne venait de lui donner un tils après
douze ans de mariage stérile; le duc, au comble
du bonheur, pria le roi d'être le parrain de son enfant
avec Anne de France, duchesse douairière. Toute
la cour se rendit à Moulins pour assister à cette cé-
rémonie ; le roi y fut reçu avec une magnificence
et un luxe inconnus même à la cour. « Bourbon ,
« dit un historien, semblait un puissant monarque
" qui reçoit chez lui son égal, et non un sujet
« honoré de la présence de son souverain. ^> Le roi
en fut irrité, et ses préventions contre le duc s'en
accrurent d'autant. T>e chancelier Duprat, l'amiral
DES SIRES DE I5EAUJEU. 235
Bonnivet et le maréchal de Chàtillon , ennemis jurés
(lu connétable, profitant de cette circonstance, ache-
vèrent de le ruiner dans l'esprit du roi en lui faisant
considérer toute celte noblesse, dont la somptuosité
n'était entretenue que par la libéralité de Bourbon,
comme un instrument prêt à servir les projets am-
bitieux de ce prince.
Il faut avouer que le caractère du connétable
était peu propre à dissiper ces préventions : haut et
fier avec ceux qui voulaient s'arroger sur lui quel-
que supériorité, bon, humain et affable avec ceux
qui ne cherchaient pas à braver sa puissance, il
humilia souvent les favoris du roi, et se gêna peu,
même avec le monarque, qui, à la suite de quelques
mots assez vifs échangés entre eux, l'avait surnommé
le prince mal endurant. Les ])réventions de Fran-
çois I^', excitées par Duprat, dégénérèrent en anti-
pathie. Cet avide ministre cependant avait fait quel-
ques démarches auprès du connétable pour gagner
ses bonnes grâces, dans l'espoir d'acquérir de lui les
terres de Thiers et de Thouri, objets de sa convoitise.
Mais Bourbon n'avait répondu à ses avances que
par le plus sanglant mépris. Duprat n'eut plus qu'à
poursuivre son œuvre de vengeance, tant pour
satisfaire sa propre haine que pour éloigner de la
cour un homme dont l'intégrité et la puissance pou-
vaient devenir dangereuses aux dilapidateurs de la
fortune publique.
236 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Accablé de dégoûts, le connétable s'était retiré
dans ses terres où il ne s'occupait que du bonheur
de tout ce qui l'entourait , lorsqu'un nouveau
malheur vint l'y atteindre, qui mit le comble à son
désespoir. Après avoir perdu l'enfant que Susanne
lui avait donné, il eut la douleur de perdre aussi
cette princesse à laquelle il était tendrement attaché.
Tous les malheurs semblaient ainsi fondre à la fois
sur cet infortuné ])rince , dont la destinée avait
paru si belle et dont la fin devait être si funeste.
Charles-Quint venait de révéler au monde et son
ambition et la puissance de son génie. Elevé à l'em-
pire malgré les jirétentions de François I" à cette
couronne, la rivalité de ces deux monarques allait
inonder l'Europe de sang.
Le roi, dans la lutte acharnée qu'il se disposait à
soutenir, fit appel à tout ce que la France avait de
plus distingué. Le connétable, faisant trêve à sa dou-
leur et mettant tout ressentiment de côté , fut des
premiers à se rendre à l'armée ; il n'y arriva que j)our
recevoir un aflVont. Le commandement de l'avant-
garde lui aj)partenait de droit en sa qualité de con-
nétable, on le donna au duc d'Alençon, et lui même
fut contraint de servir au corps de bataille sous les
ordres du roi. Bourbon ressentit vivement ce nouvel
outrage, qui le blessa jusqu'au fond du cœur; il n'en
servit pas avec moins de zèle et contribua j)uissam-
ment aux succès de celte cam])agne , succès qui
DES SIRES DE BEAUJEU. 237
eussent été d'une bien autre importance si sa voix
eût pu se faire écouter dans les conseils du roi.
Après la campagne, Charles revint à Moulins où
il vécut pendant quelque temps dans la retraite , ne
se doutant pas de l'orage qui grondait sur sa tète.
Louise de Savoie , duchesse d'Angoulème et mère
du roi, descendait, ainsi que Susanne de Bourbon,
de Charles V , duc de Bourbon , et d'Agnès de
Bourgogne, dont la fille Marguerite avait épousé
Philipj)e de Savoie, père de la duchesse d'Angou-
lème. La mort de Susanne laissait cette princesse
seule héritière des biens de Bourbon qui n'étaient
pas d'apanage , en supposant que la substitirlion
n'existât pas dans la branche de Montpensier ; toute
la question était là.
Le chancelier Duprat, dans sa haine contre le
connétable, avait réuni tous les titres qui pouvaient
lui être opposés. La duchesse d'Angoulème cepen-
dant, avant de commencer une instance juridique
en revendication des droits qu'elle prétendait avoir
sur la succession de Susanne , fit une démarche toute
de conciliation auprès du duc Charles. Elle lui pro-
posa de désigner lui-même le tribunal auquel leur
contestation serait soumise, promettant de s'en rap-
porter au jugement qui interviendrait, et souscri-
vant d'avance l'engagement, si sa demande obtenait
gain de cause, de lui laisser l'usufruit avec la liberté
de tester en faveur de leurs parents communs, dé-
238 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
clarant, en un mot, qu'elle ne cherchait qu'à assurer
le droit de ses héritiers. Le connétable rejeta avec
hauteur toute proposition d'accommodement, di-
sant être sûr de son droit et ne reconnaître d'autres
tribunaux que les parlements où se trouvaient ses
juges naturels. Le procès commença.
La conduite de Louise de Savoie a été interprétée
bien diversement par les historiens qui ont traité ce
sujet : les uns l'ont taxée d'avarice et d'ambition,
d'autres veulent qu'éprise du duc de Bourbon elle
ait cherché à l'efliayer par ce procès pour l'amener
à demander sa main, mais que, rej)oussée avec froi-
deur, elle se soit livrée à tout ce que l'amour dé-
daigné put lui inspirer de haine ; ({uelques autres
enfin n'ont vu dans cette revendication que l'exer-
cice d'un droit que l'on pouvait croire fondé. Ob-
servons d'abord que les auteurs qui ont le j)lus mal-
traité la duchesse d'Angoulème se sont en général
laissé séduire par les brillantes qualités du duc de
Bourbon, par ses malheurs inouïs et par l'influence
immense qu'il a eue sur les destinées de la France.
Les historiens les plus anciens d ailleurs, tel que
Marillac, étaient ses ciéatures ; les modernes les ont
suivis, et entraînés par la richesse du sujet se sont
livrés à un enthousiasme que l'impartiale histoire
doit proscrire, et qui les a rendus injustes envers
la duchesse d'Angoulème.
Quanta nous, sans chercher à justifier cette prin-
DES SIRES DE HEAUJEU. 239
cesse des torts qu'on peut lui reprocher, nous de-
vons avouer que sa conduite dans cette affaire de
revendication s'explique assez naturellement, et ne
doit pas assumer sur sa mémoire un blâme aussi
complet que celui dont jtiusieurs historiens ont
cherché à la couvrir. Duprat, ancien praticien,
habile à faire plier le sens des lois selon le besoin
qu'il en avait, et animé d'un désir immodéré de ven-
geance, dut facilement persuader à Louise de Sa-
voie que ses droits à la succession de sa nièce étaient
fondés sur des titres inattaquables. Sa démarche
auprès du duc de Bourbon , et la nature des pro-
positions désintéressées qu'elle lui fit, viennent à
l'appui de cette opinion. Le refus hautain de ce
prince ne laissait plus d'autre alternative que d'aller
en avant ; lempire que Duj)rat exerçait sur l'esprit
léger du roi fit le reste.
La cause fut appelée au parlement de Paris, le
1 1 août 1 S23 , avec tout l'appareil qui convenait
à la qualité des parties. La France entière resta en
suspens devant cette grande question : à qui doivent
appartenir le Bourbonnais, l'Auvergne, la Marche,
le Forez, le Beaujolais, la Dombes, le comté de
Clermont en Beauvoisis, le duché de Chàtellerault,
et grand nombre d'autres seigneuries toutes impor-
tantes par leur titre et leur étendue? L'avocat Mon-
tholon, qui depuis fut garde-des-sceaux , défendit
le connétable; Poyet, le futur chancelier, plaida
240 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
pour la duchesse d'Angoulème. L'attaque fut habile,
et fit valoir avec talent les droits de parenté qu'on
invoquait. Montholon, dans sa défense, s'attacha
à la loi salique qui de tout temps avait régi la mai-
son de Bourbon, et cita à l'appui tous les pactes de
famille qui en avaient été la suite. Les juges parurent
indécis.
Pendant ces débats, Anne de France se mourait.
La plaie que la mort de sa fille avait ouverte dans
son cœur était encore saignante lorsqu'elle vit son
gendre, qu'elle chérissait tendrement, au moment
de succomber sous le poids d'un j)rocès qui pouvait
l'accabler ; elle ne put résister à la douleur et à l'in-
quiétude qui la dévoraient, et succomba ajirès avoir
fait un testament qui instituait le connétable héri-
tier de tous ses biens. Sa tendresse pour lui ne s'était
jamais démentie, et elle avait déversé sur lui toute
celle qu'elle portait à sa fille. Ciiarles, de son coté,
avait testé le même jour que sa belle-mère et l'avait
instituée son héritière en cas qu'elle lui survécût,
et à son défaut faisait passer tous ses biens à ses
deux neveux, Charles et Louis de Bourbon, à la
charge de donner cent mille livres à la duchesse de
Lorraine, sa sœur pin'née.
Quelques auteurs ont prétendu qu'avant de
mourir Anne de France avait donné au connétable
le conseil de se jeter dans les bras de Charles-Quint,
et de venir réclamer par la force ce qu'on lui refu-
DES SIRES DE REAUJEU. 241
sait par justice. S'il en est ainsi , le malheureux
prince n'aurait que trop bien suivi ce conseil ; mais
cette assertion nous a paru dénuée de preuve. Ce
dont on ne peut douter, c'est de la sincérité des
larmes que le connétable versa sur la tombe d'une
belle- mère qui lui avait donné de si nombreuses
preuves d'affection.
Le procès cependant allait changer de face. Du-
prat fut effrayé de l'indécision du parlement , et
jugea que, pour mieux perdre le connétable, il
fallait faire intervenir le roi. En conséquence, Lizet,
avocat général et âme damnée du chancelier, de-
manda la suspension de l'instance entre la duchesse
d'Angouléme et le connétable , et réclama au nom du
roi la reversion des biens de Bourbon à la couronne.
Mettant de côté toutes les donations existantes , il
soutint que l'Auvergne, donnée en apanage à Jean
de France, duc de Berry, aurait dii être réunie à la
couronne après la mort de ce prince décédé sans
enfants, ce qui n'avait pas eu lieu, par une simple
tolérance qui ne devait préjudicier en rien aux droits
du roi. Quant aux autres biens du connétable, il
soutenait que Pierre de Bourbon avait consenti
qu'ils lissent retour à la couronne dans le cas où il
ne laisserait pas d'enfants, et que, Susanne sa fille
étant décédée sans enfants, c'était le cas de faire
l'application de cette clause; qu'à la vérité Louis XII
avait renoncé à son bénéfice, mais que cette renou
16
242 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ciation ne pouvait s'entendre qu en faveur de Su-
sanne et non point de ses héritiers.
La défense combattit ce système avec chaleur.
Elle opposa les donations de Charles VI et de Char-
les VII, et démontra que Louis II de Bourbon n'avait
consenti au retour à la couronne que dans le cas
d'extinction de postérité masculine. Elle prouva que
jamais Pierre II n'avait eu le pouvoir de priver la
branche de Montpensier, issue comme lui de Jean II
de Bourbon , de l'expectative des biens auxquels
elle était substituée, et que la clause insérée par le
prince lui-même à son contrat de mariage, portant
en tant quil peut toucher audit futur époux pour
le présent et l avenir , n'avait eu dautre but que de
consacrer ce principe.
Malgré toutes ces raisons , Montholon prévoyait
une délaite, le bon droit ne lui paraissant pas suffi-
sant pour lutter avec succès contre les intrigues du
chancelier. Il demanda et obtint des délais. Enfin,
après onze mois de lutte, intervint un arrêt j)ortant
que les ])arties seraient appointées au conseil , et
qu'en vertu de ce principe , que jamais le roi ne
plaide dessaisi, tous les biens en litige seraient mis
en séquestre. Le connétable était ruiné , il sentit
naître en lui un désir immodéré de vengeance ; mais
sa prudence lui lit dissinuiler ses projets. Afi'ectant
même une entière confiance en la justice du roi,
il vendit, npnobstant le séquestre, sa chàtellenie de
DES SIRES DE ISEAUJEU. 243
Thizy en Beaujolais à Philibert de Beaujeu, che-
valier, seigneur de Linières, et lui échangea ses
seigneuries d'Alloignet et de Coux contre celle de
Rochefort , en se réservant la foi et hommage.
Charles-Quint, profitant de Incitation violente du
duc, lui fit les premières avances. Après quelques
hésitations, un engagement secret les lia : ils trai-
tèrent de pair à pair. Le roi d'Angleterie , qui avait
toujours admiré la brillante valeur de Bourbon,
adhéra à ce traité, par lequel le duc devait épouser
Eléonore d'Autriche, sœur de l'empereur, et possé-
der en toute souveraineté, après la conquête de la
France, toutes les provinces qui avaient appartenu
à sa famille. Le Beaujolais, dont le revenu était
estimé vingt mille écus, devait former le douaire
de la future duchesse. Par une clause spéciale il
fut reconnu que, si l'empereur ainsi que l'archiduc
son frère mouraient sans enfants, Eléonore hérite-
rait de rem])ire d'Autriche.
François I^'' se disposait à franchir les Alpes pour
aller rétablir sa puissance dans le Milanais, où ses
généraux avaient été constamment battus depuis
le rappel du connétable. Celui-ci conçut le projet
hardi d'enlever le roi pendant le voyage; mais, au
moment de mettre son plan à exécution, sa trahison
fut découverte par les seigneurs de Matignon et
d'Argouges , qu'il avait engagés à livrer la Nor-
mandie aux Anglais. I^e duc, i>révenu de la décou-
244 GÉ1NÉA.LOGIE HISTOIUQUE
verte de ses projets, n'eut que le temps de fuir,
presque seul et au milieu de mille dangers.
Ce malheureux prince avait promis à l'empereur
de lui livrer une partie de la France, et d'aller le
joindre à la tête de la noblesse de ses provinces;
il avait même espéré un instant , comme nous
l'avons vu, lui mener le roi prisonnier. Charles-
Quint, à la suite de toutes ces promesses, ne vit ar-
river qu'un fugitif et un proscrit. L'accueil qu'il lui
fit se ressentit de la triste jjosition du duc , et il ne
fut plus question de l'exécution du traité qui avait
lié ces princes. Bourbon comprit dès-lors qu'il était
à la merci de Charles-Quint, qui ne l'employa plus
que comme l'instrument de ses projets ambitieux
sur la France.
A peine le duc de Bourbon eut-il quitté sa patrie,
que le roi fit occuper par ses troupes les provinces
(jui avaient apjiartenu à ce prince. Des garnisons
furent mises dans les villes et châteaux de Beaujo-
lais et de Dombes. Jacrpies de Chabanne, seigneur
de la Palisse, maréchal de France, vint y recevoir
le serment des nobles et des communautés. Le par-
lement commença les procédures contre le trans-
fuge ; mais les longues formalités qu'exigeait sa qua-
Hté de prince du sang ne permirent de terminer ce
jHOcès (pi'après sa mort.
Bourbon cependant avait obtenu le commande-
ment des armées imj)ériales en Italie, honneur qu'il
DKS SIRES DE BEAUJEU. 2.45
dut partager avec Pescaire et Lannoi. La victoire
suivit son nouvel étendard, et l'on sait quelle fut
l'issue de cette guerre Funeste qui se termina par la
bataille de Pavie où tout fut perdu yôr^ ï honneur.
A})rès le triste avantage d'avoir fait son roi pri-
sonnier , Charles , se voyant négligé de l'empereur,
haï des Français dont il avait déserté la cause, et
méprisé de tous, voulut tenter un dernier effort,
éblouir et étonner le monde par de nouveaux ex-
ploits, et, dùt-il trahir Charles-Quint comme il avait
trahi François P', s'élever enfin un trône qu'il ne
devrait qu'à son épée, et se faire pardonner ses trahi-
sons à force de gloire. Il commandait à Milan, mais
que faire avec une armée sans paie, sans vivres et
dont le dévouement pouvait devenir douteux ?
Bourbon conçut un dessein audacieux et digne de
son caractère aventureux. Le pape avait déclaré la
guerre à l'empereur. Bourbon, saisissant ce prétexte,
marche sur Rome malgré les ordres contraires qu'il
avait reçus , et promet le pillage de cette ville opu-
lente à ses soldats. Tous le suivent avec enthou-
siasme, aucun obstacle ne peut l'arrêter, aucune
défense de l'empereur ne peut ralentir sa marche. Il
traverse l'Apennin au cœur de l'hiver, culbute et
renverse tout ce qui s'oppose à son passage, et arrive
enfin au pied des remparts de la ville éternelle , à
laquelle il se dispose à donner l'assaut dès le lende-
main 6 mai 1527. Privé d'artillerie , c'rst le seul
246 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
moyen qu'il ait d'emporter cette place , défendue
par une garnison nombreuse. Au point du jour, tout
est disposé pour l'assaut ; le vaillant Bourbon ne
veut céder à personne l'honneur d'arriver le pre-
mier sur le rempart. Arrachant une échelle des
mains d'un soldat, il s'élance l'épée à la main ; mais
à [)eine il touche au sommet qu'un coup d'arque-
buse, tiré, dit-on, par un moine, l'atteint dans la
poitiine et le renverse mort au jiied de la muraille.
La fureur de ses soldats ne connaissant plus de
bornes , la ville est emportée et livrée à toutes les
horreurs du pillage.
Le corps du malheureux prince fut privé de sé-
pulture, et ses écuyers obtinrent avec peine la per-
mission de déposer son cercueil au-dessus de la
porte de l'église de Gaéte , où, plus d'un siècle
après, Guichenon le vit encore. On y avait placé
cette inscription:
Francia me diô la luce ,
Spafia fiUTça y Ventura ,
lluiiia nii' (liù la muerte ,
Gaëla la sepullui-a.
Ses comj)agnons d'armes lui consacrèrent cette
autre épilaphe :
Aucto iniperio ,
Gallo vicio ,
Siiperatà Itali.î ,
l'ontilice obsi'sso ,
Roiuà capta ,
Borl)oiiius liif jiicct.
DES SIHES DE HEAUJEU. 247
Son cœur fut apporté à l'église métropolitaine de
Besançon par Simon Gauthier, ('-cuycr, seigneur
d'Ancin, son maître d'hôtel, etdé[)Osé à la sacristie
en grande pompe.
Ainsi finit, en aventurier, un prince que sa valeur
brillante, son génie et sa naissance appelaient à être
le second personnage du royaume, le plus ferme
soutien de l'Etat et la gloire de sa patrie. Ce z'ole
eût pu paraître assez beau à tout autre , mais son
àme flère et indomptable as|)irait plus haut. Le
premier rang seul lui paraissait digne de lui. Charles,
dévoré d ambition , possédant le sentiment de sa
force, rêvait un trône qu'il savait j)Ouvoir défendre
j)ar son épée et gouverner par la ])uissance de son
génie. Incapable de plier, l'injustice du roi le brisa
et le jeta dans un abîme où il entraîna la France ,
au milieu d'un flot de sang et de larmes.
Les procédures continuèrent nonobstant la mort
du duc de Bourbon ; le parlement prononça enfin
et ordonna la confiscation de tous ses biens au. pro-
fit de la couronne, par aiTèt du 26 juillet 1 S27.
Le 25 aoiit suivant le roi fit cession à Louise de
Savoie sa mère, duchesse d'Angoulême, du comté
de Forez, de la seigneurie de Dombes et de la ba-
ronnie de Beaujolais, pour en jouir sa vie durant,
à la charge de retour après la mort de cette prin-
cesse.
Peut-être irouvera-t-on que nous nous sommes
248 GENÉAL. HIST. DES SIRES DE BEAIIJEU.
étendu un peu longuement sur la vie si agitée du duc
de Bourbon ; mais tous les événements qui l'ont rem-
plie ont eu sur l'avenir du Beaujolais une influence
trop directe , pour que nous ayons cru pouvoir les
passer sous silence. En amenant cette province
sous la domination immédiate du roi , ils lui pré-
paraient un sort funeste par les nombreux démem-
brements qui en furent la suite, et la perte des pré-
cieux privilèges qui avaient si puissamment contribué
à la prospérité du pays.
LOUISE DE SAVOIE ,
DDCHESSË d'aNGOCLÊME , BARONNE UE BEAUJOLAIS.
Nous avons peu de choses à dire de la domination
de Louise de Savoie en Beaujolais. Les seuls actes
de son autorité qui soient venusjusquànous consis-
tent en des lettres de commission portant ordre de
lever le dixième du revenu des nobles et tenant fief
de la province, pour coopérer à la rançon du dau-
phin et du duc d'Orléans détenus en Espagne, et
en quelques ventes de j ustices opérées au détriment
de la baronnie.
Louise de Savoie mourut le 22 septembre 1 .531 ,
et le roi prit possessiou du Beaujolais et de la
Dombcs.
^^m^^^^^^^^i^&^&Mmm^^mEBE&EmE^mwMm^i
UNION DU BEAUJOLAIS A LA COURONNE,
de 1S31 à 1360,
SOUS LFS ROIS FRANÇOIS !"'• HENRI II ET FRANÇOIS II-
Les beaux jours du Beaujolais étaient passés. Si
la domination des ducs de Bourbon lui avait fait
perdre de son importance , au moins son intégrité
avait été respectée. Le domaine de l'Etat s'était même
accru etles officiers de sajustice avaient conservéleur
ancien pouvoir sur les terres de Dombes qui étaient
venues successivement, au fur et à mesure d'acqui-
sition, se ranger sous leur juridiction. Cet ordre
de choses allait recevoir de graves atteintes ; Louise
de Savoie venait d'ouvrir une voie dangereuse.
Les commencements de la domination royale
s'annoncèrent cependant d'une manière favorable ,
le bailliage fut érigé en siège royal jiar lettres-
250 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
j)atentes données à Chàteauljriant en 1532, et au
mois de mai 1533, le roi, étant à Lyon , ronfirma
les privilèges de Villefranche. L'acte en fut enregis-
tré en la chambre des comptes dudit lieu, le 21
janvier 1 534. Mais bientôt commença un système
de ruine pour ce malheureux pays : des commis-
saires nommés par le roi vendirent à tout venant
le domaine de la baronnie; les seigneuries, les
justices, les péages, les grefles, tout fut converti en
argent, et, si quel([ue chose resta invendu, c'est uni-
quement j)arce qu il ne se présenta pas d'acquéreur.
Ce système destructeur, suivi pendant près de trente
ans , amena dans l'état du pays une perturbation
difficile à décrire. Chaque seigneur devenant justi-
cier créa une sorte de tribunal informe, dont les
offices étaient remplis par des gens sans instruction,
sans habitude des affaires, et dont la plupart refou-
laient des villes où leur peu de capacité ne leur avait
pas permis de trouver de l'emploi. Nous aurons
occasion de revenir sur les graves inconvénients qui
résultèrent de cet état de choses , alors (jue nous
verrons, cent ans plus tard, ces mêmes démembre-
ments se renouveler. L'aliénation des péages n'en-
traina pas de moindres inconvénients : la perception
des droits, livrée à la cupidité des acquéreurs, ne
tarda pas à devenir une source continuelle de vexa
lions et d'arbitraire, qui souvent amenèrent deslutles
sanglantes.
DES SIRES DE BEAUJEU. 251
Toutes ces aliénations , cependant, avaient été
faites sous condition de droit de rachat. Plus tard,
et alors que le Beaujolais fut rentré sous la domi-
nation de ses seigneurs légitimes, nous verrons exci-
per de cette clause pour réparer, autant que possi-
ble, le mal qui avait été fait.
En opérant ces ventes , le roi avait outre-passé
ses pouvoirs. La baronnie de Beaujolais était, par
son titre, classée au nombre des grandes seigneuries,
et par cela même indivisible en son corps selon les
anciennes lois du royaume, comme on peut le voir
par les Etablissements de saint Louis, où il est dit au
livre I" que la haronnie ne part mie. Ce principe ,
toujours reconnu jusque-là, avait servi de base à tous
les arrêts de cours souveraines intervenus entre les
héritiers de la maison de Beauj eu, et notamment à
celui de la Pentecôte 1269 qui exclut les héritiers
de Guichard IV pour adjuger la totalité de la sei-
gneurie à Isabeau de Beauj eu sa sœur aînée, par le
motif que cette baronnie n'était pas divisible. Or,
François I" , en aliénant les seigneuries , opéra un
véritable partage avec les acquéreurs, en leur cédant
des droits de justice qui ne pouvaient appartenir
qu'aux officiers de la province. Il dépassa ainsi les
limites que les lois du royaume avaient tracées à la
puissance royale.
La Bombes jusque-là avait été soumise, ainsi
que nous l'avons dit, aux mêmes officiers de justice
252 GÉNEALOCrE HISTORIQUE
que le Beaujolais. François I" sépara les deux juri-
dictions, créa pour la Dombes une justice particu-
lière, et par ses lettres-patentes données à Evreux
au mois d'avril 1 o43 défendit aux officiers du Beau-
jolais de s'immiscer en rien aux aftaires de Dombes.
Cette séparation fut-elle utile à cette dernière pro-
vince? il nous est permis d'en douter.
En 1 542 les villes closes du Beaujolais furent
taxées à une imposition de 720 livres répartie entre
elles , pour subvenir à la solde de trente hommes
de guerre à ])ied pendant quatre mois. Ce même
impôt fut renouvelé l'année suivante pour la même
cause. Le 5 mars 1 5 5 I les villes, bourgs et bourgades
de tout le royaume ayant été taxés pour subvenir
à la solde arriérée des reitres, Villefranche fut im-
posé à 2,000 livres, Belleville à 1,000, les autres
bons bourgs et villes du bailliage payèrent ensem-
ble 1,500 livres.
Cependant les héritiers du connétable j)oursui-
vaient la restitution de son héritage. Louis de Bour-
bon, prince de la Roche-sur-^ on, se présentait pour
le recueillir: il était fils de Louis de Bourbon, prince
de la Roche-sur- Yon , et de Louise de Bourbon-
]Montj)ensier , sœur du connétable ; il réclamait la
succession comme neveu et comme héritier testa-
mentaire. Ce prince appartenait à la branche de Bour.
bon-Vendôme, et descendait de saint Louis ainsi
({u il suit :
DES SIRES DE BEAUJEU. 253
Louis IX, roi de France, qui laissa de Margiicrile de Provence ,
Robert de France , — Béatrix de Bourgogne ,
Louis I<^' de Bourbon , — Marie de Hainault ,
I
Jacques de Bourbon , — Jeanne de Châtillon ,
Jean de Bourbon, — Catlierine de Vendôme ,
I
Louis de Bourbon, — Jeanne de Laval ,
Jean de Bourbon, — Isabelle de Beauvcau ,
1
Louis l'î'' de Bourbon-Vendôme, — Louise de Bourbon,
Louis II , dont nous allons parler.
Avant de dire quelle fut l'issue des réclamations
du prince de la Roche-sur- Yon, nous allons donner
l'historique de la succession qu'il revendiquait.
En signant en 1 î)26 le malheureux traité de Ma-
drid, François Pavait' été contraint d'en accepter
toutes les clauses. L'une d'elles assurait au duc de
Bourbon la restitution de tous ses biens dans le
délai de six semaines. A peine le roi eut-il recouvré
sa liberté, que cette promesse subit le sort de celles
qui avaient été faites à Charles-Quint : on ne songea
nullement à l'exécuter. L'année suivante et après
la mort du duc de Bourbon devant Rome, Louise
sa sœur , veuve du prince de la Roche-sur- Yon ,
s'adressa à l'empereur pour réclamer son interven-
254 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
lion afin d'obtenir du roi rexécution du traité de
Madrid en ce qui concernait la succession de son
frère. L'empereur , par une lettre de Valladolid en
date du dernier juillet 1327, assura à la princesse
qu'il emploierait tous ses efforts pour lui j)rocurer
satisfaction.
Les choses demeurèrent en cet étal jusqu'au
traité de Cambrai, signé le 5 août 1 .329 par Louise
de Savoie , au nom du roi son fils , et par Margue-
rite d'Autriche, douairière de Savoie, au nom de
lempereur son neveu. Par ce traité la mémoire du
connétable fut réhabilitée, toutes les procédures
faites contre lui annulées, et ses héritiers admis à
faire valoir leurs droits à sa succession. François I"
ratifia l'abolition des peines ])rononcées contre le
connétable, mais refusa d'abandonner sa succession.
Il 0])j)osa aux héritiers toutes les anciennes préten-
tions qu'il avait élevées, tant en son nom qu'en celui
de sa mère, pendant le procès. L'empereur n'admit
aucune de ces raisons, et insista plus vivement; il
devint difficile à François I" de résister plus long-
temps, car ses fils étaient encore en otage, et on
paraissait mettre pour })remière condition de leur
liberté la justice à rendre à la maison de Bourbon.
Le roi parut céder, et par ses lettres données à
Angouléme le 1 7 mai 1o30 accorda par ])rovision
à la princesse de la Roche-sur-^ on et à sou fils le
duché de (]hàtellerault. le comté de Forez, la ba-
DES SIRES DE BEAUJEU. 255
ronnie de Beaujolais et la seigneurie de Dombes.
Les princes furent rendus à la liberté, et le 6 août
suivant le roi révoqua ses lettres d'Angoulème,
remettant sous sa main les terres sus-nommées.
L'empereur réclama de nouveau, mais les choses
en restèrent au même point.
•Louise de Savoie mourut en 1531 , sans que sa
mort amenât aucun changement dans la position du
jeune Louis de Bourbon. Ce prince cependant ,
commençant à désespérer du succès de ses réclama-
tions, sentit la nécessité de se rapprocher delà cour.
L'amiral Chabot, alors tout-puissant auprès du roi,
offrit à Louis la main de Jacqueline de Longwy sa
belle-sœur. C'était un moyen assuré d'avoir un appui
auprès du roi, et peut-être de gagner ses bonnes
grâces; le prince accepta. Il ne fut pas trompé dans
son attente : Chabot le servitchaudement, et en 1 S38
il fut mis en ])ossession des seigneuries de Mont-
pensier, d'Auvergne, de la Tour, de la Bussière,
et de la Roche-en-Rénier. Le comté de Montpensier
fut érigé en titre de duché-pairie.
Louis servit le roi avec zèle et distinction , et se
fit remarquer dans toutes les guerres où il fut em-
ployé. Le roi parut lui avoir rendu l'ancienne faveur
dont avait joui sa famille, et cette faveur ne se dé-
mentit pas sous les deux règnes suivants, sans qu'on
songeât pour cela à lui restituer la succession de
Bourbon, objet constant de ses désirs et de ses
2S6 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
réclamations. Une circonstance vint encore affai-
blir le peu d'espoir qu'il avait conservé jusque-là :
François II donna à sa mère Catherine de INIédicis
la jouissance des terres de Bombes, de Beaujolais
et de Forez, par lettres-patentes du mois de janvier
1559. Une nouvelle occasion de servir le roi pou-
vait seule ramener l'espoir dans le cœur de Mont-
pensier, elle ne tarda pas à se présenter.
La réforme, ou nouvelle religion, comme on
l'ajjpelait alors, faisait en France des progrès ef-
frayants ; partout où elle surgissait, les troubles et les
révoltes embrasaient le pays: l'Anjou, la Touraine
et le Maine étaient en feu. Le roi avait besoin d'un
homme habile et dévoué ])our éteindre cet incendie;
il jeta les yeux sur le duc deMontj)ensier, qui accepta
avec reconnaissance cette tâche difficile. Le prince
fut pourvu du gouvernement de ces provinces, aux-
quelles on ajouta celle de Blois, le Perche, le pays
Charlrain, le Vendômois et le Loudunois. La con-
fiance du roi ne fut point troiupée : Louis, par sa
fermeté, ramena les factieux à l'obéissance, punit les
chefs de la révolte, combattit et vainquit ceux qui
tentèrent de résister, et rétablit le calme et la sou-
mission dans ces belles provinces.
Tant de services méritaient une récompense ,
Montpensier lobtint enfin : le roi consentit à un
traité qui terminait l'ancienne discussion de l'héri-
tage du connétable. Nous en rapportons ici les prin-
DES SIRES DE BEAU JEU. 257
cipales dispositions : après avoir relaté dans un long
préambule tontes les différentes vicissitudes qu'avait
subies cette affaire, et rapporté toutes les raisons
employées tant j)ar l'attaque que par la défense, le
roi déclare que, sur la nouvelle demande du duc de
Montpensier et après avoir pris l'avis de son conseil
et des princes du sang, il consent à transiger et
composer avec ledit duc sur tous leurs différends.
Ces préliminaires posés, il demeura convenu que
toutes les terres et seigneuries que le roi François I"
avait précédemment rendues à Louis de Bourbon
par ses lettres-patentes d'août 1538 demeureraient
définitivement acquises audit prince , et de plus
que la seigneurie de Dombes et la baronnie de
Beaujolais lui seraient immédiatement i-emises pour
les posséder et en jouir au même titre et aux mêmes
conditions que les tenaient les anciens seigneurs, et
notamment Charles de Bourbon le connétable. En
ce qui touchait les aliénations faites dans ces deux
provinces par les rois François I" et Henri II, ainsi
que par Louise de Savoie, le roi prit l'engagement
de racheter celles de Dombes de ses propres deniers
dans lespace de quatre ans, mais laissa au duc de
Montpensier à racheter à ses frais celles de Beau-
jolais. Il dut posséder cette baronnie avec tous ses
droits et profits, émoluments de greffes, amendes,
confiscations, même celles procédant de crimes de
lèse-majesté divine et humaine, etc., avec la justice
17
2o8 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
haute, moyenne et basse dont les officiers , payés et
nommés par le seigneur, seraient néanmoins pourvus
de commissions royales.
Ce traité, qui rendait enfin le Beaujolais à ses
seigneurs légitimes, fut passé à Orléans le 27 sep-
tembre 1 o60 par-devant Gilles Ménagier et Fran-
çois Stuard, notaires au chàtelet de ladite ville, et
signé par le roi François II et par Jacqueline de
Longwy au nom du duc de JMontpensier son mari,
occupé au service du roi , en présence des cardi-
naux de Lorraine et de Tournon, etc..
Le roi étant mort huit jours après, Charles IX
son successeur ratifia ce traité par lettres du 1 7 dé-
cembre suivant, enregistrées au parlement de Paris
le 14 juillet 1561.
LOUIS DE BOURBON-MONTPENS[ER.
Les peuples du domaine de Bourbon éprouvèrent
une vive satisfaction de se retrouver sous la puis-
sance de leurs anciens seigneurs. Louis était pré-
cédé d'une réputation de prucïhommie qui donnait
tout à espérer à ses sujets. La gloire qu'il s'était ac-
quise à Renty, à Jarnac et à Moncontour avait rendu
son nom populaire , et contribua encore à le rendre
plus cher aux habitants du Beaujolais. Le régime
royal , d'ailleurs , leur avait été trop peu favorable
pour qu'ils ne sentissent pas tout le prix du chan-
DES SIRES DE BEAUJEU. 259
gement qui venait de s'opérer, et qui les replaçait
dans leur ancien état.
Le duc dépêcha à Villefranclie François de St-
Hilaire, écuyer, seigneur dudit lieu, son maître
d'hôtel et gentilhomme ordinaire de la chambre
du roi, et Etienne Fergon, son conseiller et secré-
taire, pour prendre possession en son nom de la
baronnie de Beaujolais et de la principauté de
Bombes. L'arrivée de ces envoyés excita un en-
thousiasme général ; ils firent connaître la ferme
volonté du prince de maintenir les privilèges et
franchises de la baronnie, ainsi que son désir de
procéder au rachat des justices et droits vendus par
le gouvernement royal. Cette dernière mesure eut
l'approbation de tous les bons esprits, qui sentaient
l'importance de maintenir l'intégrité de la province
et l'unité de la justice. Quelques seigneurs seuls en
furent contrariés, qui avaient cru s'élever beaucoup
en joignant à leur fief quelques droits de justice
qui leur coûtaient plus qu'ils ne rapportaient, et
n'étaient réellement pour eux qu'une satisfaction
d'amour-propre et de vanité.
Louis de Montpensier confirma les privilèges
de Villefranche, et fit procéder immédiatement au
rachat des démembrements. Celte opération offrait
bien des difficultés. Toutes les ventes faites, soit
par Louise de Savoie, soit par le roi François I" et
ses successeurs, avaient bien été consenties sous la
260 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
réserve du droit de rachat perpétuel ; mais il fallut
lutter contre la mauvaise volonté des détenteurs, et
souvent contre leur mauvaise foi. De nombreux pro-
cès eurent lieu , qui révélèrent les prétentions les
plus exorbitantes de la part des accpiéreurs, dont
la plupart ne cédèrent qu'à la force et lorsque l'ab-
sorption entière de leur fortune ne leur permit plus
de pousser plus avant les plaidoiries.
Malgré tous ces obstacles, le prince n'en conti-
nua pas moins son œuvre avec persévérance , et par-
vint enfin à faire rentrer la majeure partie des alié-
nations. Parmi les traités qui furent faits à l'amiable,
on peut citer le rachat des seigneuries de Pouilly-
le-Chàtel et de Laye, consenti le 1 5 janvier 1 561
par noble Jean Fournel, lieutenant-général civil en
la sénéchaussée de Lyon ; celui de la seigneurie de
Chamelet, consenti par Pierre Vincent, bourgeois
de Lyon , le 19 des mêmes mois et an ; celui du
greffe de la prévôté de Beaujeu, qui avait été vendu
à M' Claude Lafond ; enfin celui des dîmes de Ville-
franche , consenti par les consuls et éclievins de la
ville de Lyon en leur qualité de recteurs du grand
Hôpital du pont du Rhône.
Pendant que les commissaires du duc de Mont-
pensier travaillaient à l'œuvre de rachat et que tout
semblait annoncer pour le Beaujolais un sort pros-
père, le pays éprouva une de ces secousses dont
nul n'est à labri dans les temps de guerres civiles.
DES SIRES DE BEAUJEU. 261
Lyon venait de tomber au pouvoir des protestants;
le baron des Adrets s'en était emparé par surprise,
et après une faible résistance, le 30 avril 1562.
Le 1 7 mai suivant cet audacieux partisan lit signi-
fier à Villefranche qu'on eût à lui en ouvrir les
portes , son intention étant d'y mettre garnison afin
d'assurer ses communications avec la Bourgogne ,
menaçant la ville d'une ruine complète en cas de
résistance. Le corps de ville s'assembla et députa
les sieurs^Claude Chapuis et Claude Favre, tous
deux échevins, auprès du baron des Adrets, dont
ils n'obtinrent que des injures et des menaces.
Voyant qu'ils n'avaient rien à espérer de ce côté ,
ils s'adressèrent au comte de Saulx, commandant
pour le roi à Lyon , afin de lui demander secours
et protection ; mais ce seigneur réj)ondit que , pri-
sonnier lui-même des rebelles, il ne pouvait rien.
Cette réponse ne dut pas surprendre les députés ,
car personne n'ignorait que le comte de Saulx était
très favorable à la nouvelle religion. Ils revinrent
donc à Villefranche , et firent part à leurs col-
lègues du peu de succès de leur mission. On ré-
solut de se défendre , et toutes les dispositions
furent prises en conséquence. Le commandement
de la ville fut confié au sieur de Vaurion, gentil-
homme brave et expérimenté , et l'on se disposa à
recevoir fennemi. Il ne se fit pas attendre. Le 22
mai , dans la matinée , les sieurs de Blaccons et
262 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de St-Aubin se présentèrent devant les faubourgs
avec deux cents hommes de pied, cinq cents che-
vaux , quatre pièces de canon de gros cahbre et six
pièces de campagne. L'attaque commença immé-
diatement sur toute la ligne comprise entre les
portes dites d'Anse et de Fayette. La ville tint bon
pendant deux jours; mais la troisième nuit les
assiégeants étant parvenus à incendier la porte de
Fayette, l'épouvante devint générale et la résis-
tance fut dès- lors jugée inutile.
Au point du jour le conseil s'assembla , et il
fut résolu qu'on traiterait avec l'ennemi. Celui-ci
accepta sur-le-champ les conditions proposées : il
fut convenu qu'on respecterait les j)ersonnes et les
choses, que les chefs seuls auraient le droit d'entrer
dans la ville , que leurs troupes camperaient hors
des murs, et qu'on leur fournirait des vivres et
tout ce dont ils auraient besoin. Mais à peine les
officiers furent-ils entrés que leurs troupes les sui-
virent tumultueusement, s'emparèrent de tout ce
(pii était à leur convenance et vécurent ainsi à
discrétion pendant cinq jours, durant lesquels la
population catholique souffrit horriblement. Les
armes et les chevaux furent enlevés , les églises
complètement dévastées et ruinées , et enfin toutes
les autorités furent taxées à des sommes assez con-
sidérables pour le lemj)S : le sieur de Gasj)ard, lieu-
tenant-général, à cinquante écus ; le sieur Poyet,
DES SIRES DE BEAUJEU. 263
*
procureur du roi, à cent écus; le corps de ville, à
mille écus, etc.. Enfin le sixième jour l'ennemi
se retira, emportant un butin considérable et lais-
sant cent hommes de garnison. Les protestants de
la ville, en assez grand nombre, profitèrent de ce
renfort pour établir des prêches et voulurent forcer
les catholiques à y assister. La résistance de ceux-ci
engendra des querelles, et on porta plainte à Lyon
contre les récalcitrants. M. de Soubise, qui y com-
mandait, ayant fait venir cinq mille Suisses , envoya
deux mille hommes d'infanterie et cinq cents che-
vaux en Bourgogne , dans l'espoir de reprendre
Cbalon dont M. de Tavannes s'était emparé.
L'armée protestante, partie de Lyon sous le com-
mandement de M. de Ponconnat , se rendit devant
Tournus où elle rencontra M. de Tavannes qui
remporta sur eux un avantage assez marqué , pen-
dant qu'un corps détaché de son armée, faisant un
détour par Cluny, enlevait Màcon par surprise.
La position des Suisses devenait assez critique ,
lorsqu'ils recurent une lettre du roi qui leur faisait
de vifs reproches de ce qu'ils apportaient la guerre
au sein de son royaume , nonobstant les traités
existants. Ils prirent le parti de se retirer et se ren-
dirent à Villefranche , où ils arrivèrent le 5 juillet et
séjournèrent vingt-huit jours. Une partie d'entre
eux cependant regagna la Suisse , et il ne de-
meura à Villefranche que cinq enseignes d'un can-
264 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
ton j)rotestant avec la garnison lyonnaise qu'on y
avait mise précédemment.
M. de Tavannes cependant s'était rapproché, et
avait établi son camp à Believille. Les protestants
de Villefranche, sachant qu il attendait des renforts
considérables, s'en émurent et, craignant les repré-
sailles, se disposèrent à se retirer sur Lyon, avec
l'intention bien formelle toutefois de piller la ville
avant de partir. Les Suisses parvinrent à s'y op-
poser, et ne leur laissèrent que la satisfaction de
brûler les portes de la ville au moment de leur
sortie, le 8 septembre.
M. de Tavannes vint placer son camp près
d'Anse ; mais , ému de pitié par tout ce qu'avait
souffert la malheureuse ville de Villefranche, il ne
voulut pas permettre à ses soldats d'y passer ni d'y
séjourner, et, dans tous les mouvements de troupes
qui eurent lieu pendant son séjour dans la j)rovince,
il usa toujours de la même humanité. 11 quitta le
Beaujolais au mois d'octobre pour aller s'emparer
de Vienne, et l'armée ne revint en Lyonnais que
vers le mois de décembre. Quatre cornettes de
reilres vinrent tenir garnison à \ illefranche et y
commirent mille excès, rançonnant les habitants et
dévastant le pays; enfin M. de Nemours y étant
venu séjourner pendant une semaine , suivi de six
enseignes de vieilles bandes venant de Piémont, de
nombreuses querelles surgirent entre les reîlros et
DES SIRES DE BEAUJEU. 265
les nouveaux arrivants ; on se battit dans les rues ,
plusieurs maisons furent démolies, et quinze à seize
reîtres furent tués. Au printemps l'armée retourna
en Daupliiné, et Viilefranche demeura occupé par
une garnison darquebusiers de M. de Rochebonne
qui achevèrent de ruiner ce malheureux pays en lui
occasionnant une dépense de plus de quatre-vingt
mille ùa.ïxcs, sans coiîipter, d\t\e chroniqueur auquel
nous empruntons ces détails, les ruines et pillages.
Le roi, touché de tant d'infortunes, accorda aux
habitants du Beaujolais, par ses lettres du 29 avril
1 563, une exemption de taille pour un an ; mais
cette mesure bienfaisante fut révoquée peu après, et
la taille payée comme à l'ordinaire.
L'année suivante, au mois de juin, le duc de
Montpensier fit son entrée solennelle à Viilefranche,
accompagné du prince son fils. Les peuples de ces
contrées, oubliant pour un instant les maux dont
ils venaient d'être frappés, se portèrent en foule sur
le passage de leur seigneur et saluèrent son arrivée
comme un bienfait. Huit mille personnes allèrent
au-devant de lui jusqu'au pont de Joug, enseigfies
déployées et tahourins haslants.
Cependant la coupe d'amertume n'était pas épui-
sée pour le Beaujolais, la peste lui manquait encore ;
elle s'y déclara vers la fin de juin, et en moins de
trois mois enleva à la seule ville de Viilefranche plus
de deux mille personnes.
266 GENEALOGIE HISTORIQUE
Nous ne savons trop quelles mesures furent prises
contre le terrible fléau ; la seule qui soit arrivée à
notre connaissance est celle qui résulte des lettres
adressées, le 1 3 juillet 1 S 64, par le duc de Mont-
pensier au bailli de Beaujolais , lui ordonnant
d'entretenir exactement la propreté de la rue par
laquelle les pères Cordeliers ont accoutumé de
passer allant en procession à l'église paroissiale
de Ville franche, défendant à toutes personnes de
t tenir en ladite rue immondices, ordures, bêtes
< ou sang , ni faire aucune chose qui cause in-
commodité, puanteur ou infection. »
Cette mesure était certainement fort sage, mais
il est remarquable de la voir limitée à la seule rue
fréquentée par les pères Cordeliers.
Le 1 " août de la même année , le duc de Mont-
pensier reçut les foi et liommage de messire Simon
de Pierre- Vive, abbé de Joug-Dieu, pour les terres,
seigneurie et justice de ladite abbaye.
Au commencement de l'année 1 366 , le roi ayant
réuni à ]\1 oulins les principaux seigneurs du royaume
pour les consulter sur les édits et ordonnances con-
nus encore sous le nom d^ ordonnances de Mou-
lins, Louis de Montpensier profita de cette cir-
constance pour adresser au roi un long mémoire
contenant tous ses griefs sur le peu de soin qu'on
avait mis à exécuter le traité passé à Orléans entre
le roi François II et la duchesse de Montpensier,
DES SIRES DE BEAUJEU. 267
au nom de son mari. Il s'y plaignit, entre autres
choses , « de n'avoir pas encore tiré un sol de re-
« venu de la baronnie de Beaujolois , ayant été
« contraint de l'employer au rachat du domaine de
« ladite baronnie , d'où il n'a voit pu tirer une seule
« pièce sans procès , de sorte qu'il y avoit mis plus
« de cinquante mille livres de ses autres deniers ,
« et étoit encore en procès aux requêtes du palais
" et au privé conseil pour la poursuite d'aucuns
et desdits rachats , etc "
La reine-mère , craignant que le mécontente-
ment du duc ne finit par altérer la fidélité dont il
avait donné tant de preuves , lui écrivit de sa main
pour lui promettre que justice lui serait rendue,
et les choses en restèrent là.
Les troubles qui agitaient l'Etat se firent vive-
ment sentir en Beaujolais, où la division d'opinion
religieuse était fort grande : aussi le pays fut-il sou-
vent couvert de troupes qui y firent beaucoup de dé-
gâts. Le peuple, inquiété, s'occupa peu de la culture
des terres, et la cherté des blés amena la famine
en 1S73. Guillaume Paradin nous a laissé un ta-
bleau effrayant de cette calamité, ainsi que de la
mortalité qui en fut la suite. Plus d'un tiers de la
population périt de faim, ou frappé par la conta-
gion ; la désolation fut à son comble. « Joint à cela ,
" ajoute Paradin , que nous estions affligez de
« guerre, et alloient gens d'armes par les champs,
268 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
« faisant infinis excez. ■» Ainsi , la guerre , la fa-
mine et la peste semblaient conjurés contre ce
malheureux pays qui avoit déjà tant souflert.
Louis visita peu sa seigneurie de Beaujolais : sa
vie fut trop absorbée par les graves intérêts qui agi-
taient alors la France, pour lui laisser le temps daller
juger par lui-même des résultats qu'avait })U })ro-
duire dans ses états la sage administration qu'il y
avait introduite. Ce prince mourut comblé d'hon-
neurs, au château de Champigny, le 23 septembre
1 S 82, emportant comme son plus beau titre celui
de bon <:?mc qu'il avait mérité par sa justice, sa
bonté et ses vertus. Il fut inhumé dans la sainte
cha])elle de Champigny, quil avait fait édifier.
Le duc Louis avait été marié deux fois : I ° avec
Jacqueline de Longvvy, comtesse de Bar-sur-Seine,
princesse remarquable par son esprit , sa prudence
et son courage; 2° avec Catherine de Lorraine,
fille de François, duc de Guise, et d'Anne d'Est-
Ferrare son épouse. Le contrai fut passé à Angers
le 4 février 1570, avec stij)ulation de trois cent
mille francs de dot dont le roi fournit le tiers. Le
duc de jMontpensier n'eut point d'enfants de ce se-
cond mariage.
Il laissa, de Jacqueline de Longvvy, cinq Ulles
et un fils qui fut :
François, dont l'article suit.
DES SIRES DE BEAUJEU. 2G9
FRANÇOIS DE BOURBON-MONTPENSIER.
François de Bourbon-Montpensier, connu d'a-
bord sous le nom de prince dauphin , succéda aux
charges et dignités de son père, en même temps qu'il
recueillit son héritage. Sa valeur et ses talents lui
avaient valu, fort jeune, le gouvernement de Dau-
phiné et 1 honneur d'être souvent appelé aux con-
seils de la couronne, qu'il servit toujours avec une
fidélité dont on trouve peu d'exemples à cette épo-
que. Pourvu d'un commandement important dans
les armées, il se couvrit de gloire aux batailles de
Jarnac et de Moncontour, et mit le sceau à sa répu-
tation à celle d'Ivry, où il contribua puissamment
à la victoire. La vie de ce prince illustre appartient
à l'histoire et se trouve partout ; nous devons donc
nous dispenser dentrer ici dans des détails qui
n'offriraient rien de nouveau au lecteur, et qui ne
serviraient qu'à nous éloigner de notre sujet. D'ail-
leurs les graves intérêts dont François fut chargé
ne lui permirent pas de s'occuper beaucoup de ses
seigneuries , dans lesquelles cependant il opéra
quelque bien.
Après avoir continué en Beaujolais l'œuvre de
rachat des justices et seigneuries entreprise par sa
famille, il fît publier le 1" mai 1 584 un règlement
seigneurial par lequel il supprima cette multitude
270 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
de justices basses dites de soixante sous, qui, sous
le nom de prévotés ou chàtellenies , embrassaient
tout le Beaujolais. Il les réduisit à six grandes pré-
vôtés, Villefranclie, Belleville, Beaujeu, Chamelet,
Ferreux et Lay. Après avoir fixé le territoire et les
limites des prévôtés, il institua dans chacune d'elles
un juge, sous le titre de juge ordinaire, avec toutes
les attributions des prévôts royaux dans les do-
maines du roi , et telles qu elles sont déterminées
par les édits de Crémieu , Laon , Paris , Vincennes ,
et celui de 1381. Cette nouvelle forme présentait
d'assez grands avantages sur l'ancienne, en plaçant
des justices ordinaires dans les diflérentes parties
de la province, dans les villes principales, à des
distances combinées et assez rapprochées pour faire
trouver à tous les habitants des montagnes du
Beaujolais une justice de première instance pres-
que dans leurs foyers. Chacune de ces prévôtés
était assez importante ])Our offrir aux praticiens
des bénéfices convenables , et aux plaideurs l'assu-
rance que leurs intérêts seraient scrupuleusement
surveillés ])ar un juge instruit et indépendant:
avantage que ni les uns ni les autres ne pouvaient
que rarement obtenir de la justice particulière des
seigneurs.
Après une vie glorieuse, François de Montpen-
sier trouva la mort à làsieux le 4 juin 1 592 , à la
suite d'une maladie qu'il avait contractée au siège
DES SIRES DE BEAUJEU. 271
de Rouen , dont la réduction lui tenait fort à cœur.
Ce prince avait épousé Renée d'Anjou, fille unique
et héritière de Nicolas d'Anjou , marquis de Mé-
zières en Rrenne, comte de St-Fargeau, et de
Gabrielle de Marevil. De ce mariage naquit un fils
unique ,
Henri , dont l'article suit.
HENRI DE BOURBON-MONTPENSIER.
Henri était né le 1 2 mai 1573, et, du vivant de
son père et de son aïeul , avait reçu de nombreuses
faveurs de la cour. Plus tard il succéda aux diffé-
rents gouvernements dont son père avait été investi,
et se montra toujours digne du nom qu'il portait,
par sa valeur et ses talents militaires. Blessé dange-
reusement d'une arquebusade au siège de Dreux,
il parut avec éclat en la guerre de Savoie et la con-
quête de la Bresse. Le roi le fît chevalier du St-Es-
prit, et lui confia les missions les plus difficiles.
Sa mort, arrivée le 27 février 1608, affligea pro-
fondément Henri IV , c[ui avait pour ce prince
un tendre attachement: aussi disait-il de lui, « qu'il
« avait toujours aimé Dieu, servi son roi, bien
« fait à plusieurs et jamais fait tort à personne. "
Cet éloge , confirmé par tous les historiens, ne nous
empêchera pas de dire que si Henri de Montpen-
sier fut un brave chevalier , un général distingué et
272 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
un habile diplomate , il fut un détestable seigneur
pour les peuples de ses terres. Le Beaujolais , ce
pays si fertile , auquel il fallait peu de chose pour
réparer tous les malheurs que lui avait attirés la
guerre civile, reçut de ce prince un échec dont il ne
put se relever. Le système suivi par François I" et
ses successeurs avait aflaibli la baronnie, en lui fai-
sant perdre sou unité par la vente des seigneuries ;
mais ce mal avait été promptement réparé par les
seigneurs de Montpensier , qui avaient mis tous
leurs soins à racheter les démembrements opérés
par le gouvernement royal. Henri , loin de suivre
l'exemple de ses pères, ne songea qu'à battre mon-
naie avec les justices, qu'il aliéna à tous ceux qui en
voulurent. Des commissaires furent nommés en
1 600 ; on fit des inventaires estimatifs de tout ce
qui pouvait produire quelque argent, et comme les
ventes n'allaient pas assez vite au gré des vendeurs,
on prit le parti de mettre les justices à l'enchère.
Dès-lors le pays changea pour ainsi dire de face, il
perdit sa force et son unité. La multij)licité des
justices entraîna des abus sans nombre, en con-
fiant le jugement des causes à des gens inhabiles et
qui souvent manquaient de probité. Laissons parler
sur ce sujet un magistrat distingué du Beaujolais,
qui disait en 1 779 : « Une fatalité fit changer de
« système aux successeurs de François de Montpen-
« sier , et, dès le commencement du siècle dernier.
DES SIRES DE BEAUJEU. 273
ce l'un d'eux nomma des commissaires pour aliéner
« dans le Beaujolais tout ce qu'on pourrait trouver
ce à démembrer.
c< On ne manqua pas , dans le temps , de cou-
c< leurs pour adoucir tout ce que cette révolution
ce avait de révoltant et d'irrégulier. Il suffit de dire
ce que dans les procès-verhaux de l'état des alié-
cc nations^ qui existent encore en la chambre du
et trésor de Villefranche , on voit les deux corn-
et missaires choisis épuiser avec la plus grande sa-
ct gacité les précautions et les mesures pour déro-
ct ber au parlement la connaissance de ces démem-
ct brements.
ce C'est cependant de ce nombre étonnant d'alié-
ct nations, de démembrements des six grandes pré-
ct votés, poussés jusqu'aux moindres divisions,
ce continués pendant un siècle et demi, toutes les
et fois que l'occasion sen est ])résentée , qu'est sor-
te tie presque toute celte effrayante quantité de
« hautes justices dans le Beaujolais , dont la plupart
et seraient bien embarrassées de justifier aux yeux
ce de la loi leur existence juridique , et leur scission
et légale des six grandes prévôtés de la baronnie.
ce Cette foule affligeante de prétendues hautes
ce justices a couvert les montagnes du Beaujolais
ce de praticiens isolés, qui dans la même heure
ce font les fonctions de notaire, déjuge, de premier
ce en ordre, de procureur postulant , de greffier et
i8
'-^74 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
« même d'huissier. N'étant contenus par aucun
c< lien, par l'œil d'aucun supérieur, ni par l'émula-
« tion el le bon exemple, ils joignent souvent l'i-
«. gnorance la moins excusable aux pratiques les
« j)lus réprébensibles.
c< Il n'est pas dans le royaume de province plus
« profondément affligée des désordres occasionnés
« journellement par cette multijdication effrénée de
fc hautes justices , de praticiens qui leur sont indis-
ci pensables. S'il est un vrai fléau dont la baronnie
«■ de Beaujolais ait à porter ses plaintes aux pieds du
« trône, c'est sans contredit de celui qu'entraînent
« les démembrements continuels de justices, de-
« mandés et accordés trop légèrement, contre le
« vœu des ordonnances.
et En exposant les justiciables à une instruction
ce vicieuse , à des procédures irrégulières , à des sti-
« pulaiions louches et défectueuses, à des procès
« ruineux qui eu sont toujours la suite , à la pirate-
ce rie des praticiens sans occupation comme sans
ce territoire, on ne peut imaginer combien ces jus-
ce tices de foyer deviennent coûteuses à ceux qui
ce ont le malheur de les obtenir, et qui finissent
ce toujours par les voir ou désertes , ou du moins
ee exercées par des avocats et praticiens appelés
ce des grandes villes, dont le transport et les lu-
ce mièrcs ne manquent jamais de devenir bien plus
ce dispendieux aux plaideurs que la justice ordinaire
ce des grandes prévôtés.
DES SIRES DE BEAUJEU. 275
« C'est avec le ])lus grand regret que nous
« voyons chaque jour le tableau des ahus des jus-
« tices de villages , peint avec amertume par le
«■ célèbre Loyseau, être jjrécisément celui de la
« province de Beaujolais confiée à notre vigilance.
ce Mais ce qui a singulièrement droit d'exciter
« nos plaintes, c'est la manière dont la justice cri-
ce minelle se traite dans ce dédale des hautes justices
ce de nos villages. Les enclaves étant trop multi-
cc pliées et conséquemment trop bornées, les pro-
c< duits, les amendes et émoluments de la justice
<« n'y sauraient dédommager des frais de l'instruc-
cc tion criminelle , du jugement et de la translation
ce des accusés. Le premier soin de tout seigneur
c< est donc de favoriser l'évasion du prisonnier , de
f< se combiner sur-le-champ avec son juge, ou un
ce premier en ordre peu délicat, pour obtenir de
ce sa lâche complaisance un procès-verbal de bris
ce de prison , dressé avec art.
ce Le juge soumis à une destitution arbitraire
Cl craint de n'écouter que son devoir; il cherche à
ce épargner des frais à son seigneur , parce qu'il
ce appréhende de la part de celui-ci la révocation
ce d'une qualité et d'un titre auxquels son amour-
ce j)ropre met un prix et attache un tribut de con-
ce sidéra tion. La notoriété publique vient-elle ac-
ce cuser le seigneur et son juge , et leur adresser un
ce reproche de connivence? ils se sont mis l'un et
276 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
" l'autre à l'abri des recherches et de l'animadver
« sion de leurs supérieurs par ces procès- verbaux ,
f< enfants secrets du dol et de la fraude. C'est ainsi
« que le crime reste impuni dans toutes nos jus-
« tices de villages, et que la sûreté publique y est
« violée impunément; c'est ainsi qu'une des pre-
<c mières et des plus importantes obligations du
« seigneur haut justicier s'élude constamment dans
« le Beaujolais. Il est à naître que dans dix ans il
« soit sorti une seule procédure criminelle en règle
Cl et parfaite d'une de nos justices de villages.
<c Les juges des prévôtés de Beaujolais payant
K. finances, et ayant des provisions cjui les rendent
«■ inamovibles dans leur office , ils n'ont pas les
" mêmes chaînes dans leurs devoirs. Le crime s'y
«■ poursuit, y reçoit sa j)unition , et le bien s'y fait
ce sans les ménagements coupables et particuliers
« aux justices de villages »
Ce tableau affligeant de l'état du Beaujolais fut
lédigé par ]NL Vaivolet , alors lieutenant particulier
au bailliage, et signé le 7 septembre 1 779 })ar tous
les membres dudit corps, alln des'oj>poser à l'érec-
lion d'une justice à St-Nizier-d'Azergues en faveur
(le M. de la Porte, seigneur dudit St-]Nizier. On
voit, par cette pièce, que l'œuvre de démembrement
du Beaujolais n'avait pas discontinué depuis Henri
de IMoiitpensicr.
Ce prince avait éj)ousé, à Rouen, le 27 avril
DES SIRES DE BEAUJEU. 277
1 597, Henriette-Catherine de Joyeuse, fille unique
et héritière de Henri duc de Joyeuse , comte de
Bouchage , maréchal de France , et de Catherine
de Nogaret de la Valette. De ce mariage naquit
une fille unique, nommée :
Marie , dont l'article suit.
MARIE DE BOURBON-MONTPENSIER.
Marie de Bourbon , dernière héritière dn nom et
de la fortune de Montpensier, naquit au château
de Gaillon en Normandie, le 1 5 octobre 1 605. A
peine cette princesse eut-elle atteint l'âge de deux
ans qu'elle fut fiancée au duc d'Orléans , second
fils de Henri IV. Mais le jeune prince étant mort
quatre ans après, on la destina à Gaston de France,
troisième fils du roi , et devenu duc d'Orléans par
le décès de son frère. Le mariage eut lieu à Nantes
le 6 août 1626. Le bonheur que cette alliance
semblait promettre à Gaston ne fut pas de longue
durée ; car la ])rincesse Marie , ayant mis au monde
une fille le 29 mai 1627 , mourut le 4 juin sui-
vant, n'ayant pas encore atteint sa vingt-deuxième
année Cette mort causa le plus violent désespoir
au duc d'Orléans, et sa douleur fut vivement ])ar-
tagée par tous les peuples dépendant de la domina-
tion de Montpensier. On fondait , avec raison , de
278 GÉNÉALOGIE HISTORIQUF.
grandes espérances sur l'avenir, par la connaissance
qu'on avait des hautes vertus, de la bonté et de
l'esprit de la duchesse d'Orléans. Maintenant qu'une
tutelle était ouverte de nouveau, toute amélioration
devenait impossible, et les maux qu'avait occa-
sionnés le passé ne devaient plus se réparer.
La fille unique de iNIarie de Montpensier et de
Gaston d'Orléans reçut le nom de :
Anne-Marie-Louise.
ANNE-MARIE- LOUISE U ORLÉA.NS ,
DUCHESSE l)li MONTPENSIER,
Plus conuue sous le nom de Mademoiselle.
Au milieu d'une vie aussi agitée que le fut celle
de Mademoiselle, le Beaujolais dut occuper une
bien jietitc place dans les préoccupations de cette
princesse. Ses nombreux ])rojets d'établissements,
ses intrigues ])olitiques, et enfin ses amours avec
Lauzun, occupèrent trop complètement sa vie pour
lui laisser le temps de connaître et d'étudier les
abus qui existaient dans ses nombreuses seigneu-
ries. Son immense fortune lui aurait permis, sans
doute , de remédier au mal toujours croissant du
démembrement seigneurial du Beaujolais. Quel-
ques plaintes arrivèrent bien jusqu'à elle, mais le
conseil qui l'entourait trouva le moyen de détour-
DES SIRES DE BEAUJEL'. 2-79
ner son attention , et le mal continua. Quelques
bonnes ordonnances furent cependant rendues en
faveur du Beaujolais. C'est ainsi que nous voyons ,
depuis 1 620 jusqua 1 640, établir des règlements
sages relatifs à la mouture des grains , au poids
des farines et du pain, ainsi qu'à l'aunage des étoffes,
afin de prévenir les fraudes trop fréquentes qui
avaient lieu.
Quelques œuvres de bienfaisance nous prouvent
que cette princesse eût fait beaucoup pour ses sei-
gneuries , si elle n'eût suivi que l'impulsion de son
cœur. Elle accorda au Beaujolais de nombreux se-
cours en 1 629 , à la suite de réj)idémie qui ravagea
la province cette année-là. Une rente perpétuelle
de 300 livres fut fondée par elle, le 1 1 août 1 669,
pour l'entretien des enfants trouvés de Villefranclie,
et enfin beaucoup de familles pauvres reçurent des
secours et des pensions. Ces bienfaits acquirent à
Mademoiselle l'affection du Beaujolais, et, quoique
le pays eût eu assez à souffrir de la mauvaise admi-
nistration du Conseil , la mort de cette princesse ,
arrivée en 1 693 , excita des regrets universels dans
le Beaujolais. Cette province allait encore une fois
changer de dynastie, et ces sortes de changements
lui avaient toujours été défavorables. Plus la race
des seigneurs se rapprochait du trône , plus les
intérêts du Beaujolais s'étaient trouvés négligés.
C'est encore ce qui arriva en cette circonstance.
280 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
Par son testament Mademoiselle de Montpensier
institua pour son héritier universel Philippe d'Or-
léans , Monsieur , frère unique du roi. Quelques
parties de son riche héritage furent seules exceptées
de cette donation. La Bombes fut donnée au duc
du Maine , fils naturel de Louis XIV.
Ici doit se borner notre tâche en ce qui concerne
l'histoire des sires de Beaujeu. Si déjà, sous la do-
mination des maisons de Bourbon et de Montpen-
sier , notre récit a perdu de l'intérêt qui sattache
naturellement à une race peu connue et inhérente
au pays, on comprendra facilement que tout ce que
nous aurions à dire de la maison d'Orléans ne
rentrerait nullement dans le plan que nous nous
sommes projiosé. T^a vie de ces princes est troj) in-
timement liée à l'histoire de France pour pouvoir
la rattacher à celle d'une petite ])rovince dont ils
s'occuperont jieu, absorbés qu'ils étaient par la po-
litique et les grands intérêts de leur position.
Une autre cause encore doit nous déterminer à
borner là notre récit : c'est que, à partir du règne de
Louis XIV' jusqu'en 1789, la France n'éprouva
aucune de ces secousses qui se font sentir jusque
dans les plus jjelites provinces, et y causent de ces
agitations dont l'historien est obligé de rendre
compte. Notre province jouit, pendant celte pé-
riode d'un siècle, du calme général qui régnait
dans tout le royaume, et on n'y trouverait à enre-
DES SIRES DE BEAUJEU. 281
gistrer aucun fait capable d'attacher le lecteur. Les
seuls événements cjui portèrent quelques troubles
dans le pays furent occasionnés par la querelle des
parlements ; le récit que nous en ferons a sa place
marquée naturellement au chapitre de Villefranche.
Nous nous bornerons donc , en ce qui concerne
la maison d'Orléans, à une simple notice généalo-
gique.
<SifS8S}iS<<SJiS55S55SiJSJS5ïS;jSï$S5!S<SSiSS?ïS;«<$S{SS5*S>
MAISON D'ORLEANS.
Avant de donner la liste généalogique des ba-
rons de Beaujolais de la maison d'Orléans, nous
devons observer que leur domination sur la pro-
vince fut toujours empreinte d'une extrême dou-
ceur. Ils connaissaient malheureusement peu les
intérêts du pays ; à peine quelques-uns d'entre eux
avaient visité le Beaujolais en passant, et cepen-
dant ils furent toujours très bons pour ses habi-
tants, allégèrent leurs charges autant que possible,
maintinrent leurs privilèges avec exactitude, et
rendirent enfin leur joug seigneurial aussi léger
284 GÉNÉALOGIE HISTORIQUE
que possible. Le seul reproche fondé qu'on puisse
leur faire , et il est grave , c'est d'avoir continué
l'œuvre de démembrement des justices avec une
persistance vraiment déplorable, qui ne tendait à
rien moins qu'à la désorganisation complète du
pays. En 1788, le dernier baron de Beaujolais
était en voie de traiter, avec un certain nombre
de gentilshommes , de tout ce qui restait de l'an-
cienne seigneurie : encore quelques années, et l'œu-
vre de destruction était consommée, mais le souffle
de la Révolution qui s'éleva emporta la baronnie ,
le vendeur et bon nombre de ceux qui se promet-
taient d'acquérir.
PHILIPPE D'ORLÉANS,
MONSIEIK, FlîKKK L'MyLK I»E LOCIS XIV.
Né le 2. 1 sej)tembre 1 640, mort le 9 juin 1 70 1 ;
baron de Beaujolais en I 693 ;
Marié, 1° le 31 mars 1661 . à Henriette-Anne
d'Angleterre; 2" le I 6 noveml)re 1671 , à Elisa-
beth Charlotte de Bavière, dont il eut entre autres
enfants :
IMiilippe , qui suit.
PHILIPPE II irORLÉANS,
KÉtibiNT Itl' ItOVAlME.
Né le 2 août 1 674 , mort le 2 décembre I 723 ;
DES SIRES DE BEAUJEU. 285
succéda à son père en la baron nie de Beaujolais
en 1701;
Marié le 1 8 février 1 692 à Françoise-Marie de
Bourbon, légitimée de France, dite Mademoiselle
de Blois , fille de Louis XIV et de Madame de
Montespan. De ce mariage est issu, entre autres
enfants :
Louis , qui suit.
LOUIS D'ORLÉANS.
Né le 4 août 1 703 , mort le 4 février 1 752 ;
baron de Beaujolais en 1 723 ;
Marié le 14 juin 1 724 à Auguste-Marie-Jeanne,
princesse de Bade, dont il eut :
Louis-Philippe , qui suit.
LOUIS-PHILIPPE D'ORLÉANS.
Né le 1 2 mai 1 725 , mort en 1 785 ; baron de
Beaujolais en 1752.
Marié le 1 7 décembre 1 743 à Louise-Henriette
de Bourbon-Conti, dont il eut entre autres en-
fants :
Louis-Philippe Joseph , qui suit.
286
GENEALOGIE HISTORIQUE
LOLIS-PIIILIPPE-JOSEPH D'ORLÉANS.
Né le 13 avril 1 747, décapité à Paris le 6 no-
vembre 1 793 ; baron de Beaujolais en 1 785.
Marié le o avril 1 769 à Louise-Marie- Adélaïde
de Bourbon-Penthièvre.
PIECES JUSTIFICATIVES.
PRIVILEGES ET FRANCHISES DE VILLEFRANCHE,
charte de 1260,
»VEC LES AIllinlONS UUl V ONT ETK FAITES PAR LA SUITE.
PRIVILEGIA VILLAEFRANCHAE.
Quoniam, propter vitœ humanae brevitatem, humanae
notitia quandoque dépérit et déficit actionis, idcirco bo-
norum virorum provida circumspectio stabilivit gesta ho-
minum mandari litteris et ad perhempne (1) testimoniuni
sigillis auctenticis roborari, ignotescat (2) igitur prœsen-
tibus et discant posteri quôd doniinus Humbertus, pater,
doniinus Bellijoci, qui fuudator extitit Villœfranchas , in
(1) Pour perenne.
(2j Pour innote.icat.
19
290 PIECES JCSTIFICATIVES.
ipsa fuadatione dédit et constituit villam franchani libe-
ram et jurejtirando firmavit cum viginti niilitibus se
franchesiam et libertatcni , quœ in praesenti scripto siibse-
quitur , omnibus babitatoribus dictas \illae inviolabiliter
in perpetmira custodire. Dominus verô Guicbardus postea
existens, dominus qui prrediclo Humberto successif , vo-
lait et praecepit camdem libertateni ascribi litteris et idem
juramentum libertalis tenendœ firraiter praestitit cum vi-
ginti niilitibus, tactis Evangeliis sacrosanctis , ad utilitatem
et commodum et anlificationcm dicta^ Villapfranchap , cui
domino Guichardo successit H umbertus dominus Bellijoci,
conestabulus rcgni Franciae, et istam libertatem redactani
in litteris sigillo suo confirmavit.
Nos vero Guicbardus, dominus Bellijoci, fllius quon-
dam dicli domini Humberli conestabuli regni Francife,
habito priùs consilio cum deliberatione providà, liberta-
tem et franchesiam istam, qua? subscquitur , ad opus et
commodum et a-dificatioMem dicta- \)rv juramentum nos-
trum tcucndaiu in purpelnum, sigilli noslri munimine
duxinms confinnandam.
Libcrlas autem et franchesia talis est :
1. Dominus Bellijoci non potest nec débet facere tal-
liara, exactiouem, collectam, seu alia qua?libct gravamina
quibuscumque nominibus censeantur, burgensibus Villae-
franchae, nec ab eis (1) per vim aliquid extorquere vel
auferre. Et burgcnses eidcm domiiu) Bellijoci non tenentur
dare aliquam pecuniam vel t[uodlibel aliud, nisi de ipso-
rum spontaneà processcrit voluntate.
2. Quicumque tcnet pedam intcgram débet ex eà duo-
decira denarios (2) : peda intégra est de quatuor teysis (3)
(1) Infra villam vel extra , ajoute la cli.irte de 1369.
(2) He servit io , ajoute la niônio rharte.
(3) Toisi-: eWv était lit- M'pl pieds et demi <!:ins le Beaujolais.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 291
in frontc, et ità débet teysa très denarios; si non est in-
tégra, secundùm quod tenet débet (1).
Si quis emerit domum in villa vel pcdam, tenetur do-
mino de tertio decimo denario (2) et non idtra, ipsi (3)
vel ejus ballivo.
3. Si quis autem pro sepulturà suà legaverit Ecclesise vel
sacerdoti domum vel pedam infra villam , benè potest hoc
facere, sed infra annum et diem débet vendi laico homini
qui possit et debcat domino tanquàm burgenses alii res-
pondere (4).
4. Si moriatur aliquis sine testamento et sine omni
herede, burgenses sanioris consiUi qui sunt in viJlà per
se, sine familià (5) domini, debent capere et custodire res
defuncti per annum et diem post mortem defuncti, et
debent priùs satisfacere burgensis mortui creditoribus et
cuilibet conquerenti de usuris et de maleficio et Ecclcsiœ
pro anima suà. Reliqua vero debent cedere (6) in bonis
Bellijocensis domini.
5. Si sine testamento moritur et heredes habet , propin-
quior succedit ei in hereditate.
6. Si testamentura composuerit qualecumque sit, invio-
labiliter observetur, dùm tamen per duos testes vel très
légitimas probetur, viros vel raulieres.
(1) La charte des privilèges de Belleville contenait une disposition
pareille.
(2) Pro laudibus. (Charte précitée.)
(3) Domino. (Même charte.)
(4) Facere usagium villa, , dit la même charte.
(5) On entend ordinairement par les mots familia Homini , les
serfs du seigneur. V. Ducange et Baluze, Ca/ntuL, t. ii, p. 1147.
Mais ici il s'agit évidemment des officiers de ce seigneur. La charte
de 1369 ajoute : sine mandate et familid domini.
(6) Cadere. (Même charte.)
292 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
7. Quiciimque per annuin et diem in villa steterit et
fidelitatem domini et villas francliesiam jiiraverit (1), de
pedagio et lediis imiuunis est, et eodem gaudet privilégie
quo et alii burgenses (2); et ità nuUus mercator ViUa?fran-
chae quicumque fuerit, sive carnifex , sive alius, dmiimodo
fidelitatem doniini et x'ûlve franchcsiam juraverit, ad per-
solvendiuii ledias et pedagia non tenelur.
8. Si aliquo loco burgensi res sua ablata fuerit, si juri
stare velit, Bellijocensis dominus débet ei faccre reddere
res suas, si potest (3), et non débet inire runi raplore con-
cordiam sine assensu et voluiitate aiuillontis (4). Si auteni
amittens in terra Bellijoccnsis doniini rationabile vadium
inveniatvel extra, potest illud capere per se ipsuin sine
ballivo et nuncio ejus (5).
9. Siniilitcr in eodem juraniento et in eàdcm franchesià
continetur quod Bellijoccnsis dominus vel ejus niandatuni
vel ballivus (6) burgensem VillaRfranchœ non capiat nec
capi faciat (7) propter pccuniam suam vel j)ropter aliam
causaiu, nec cqumu, nec asinmn, nec iiliquid quod ejus
(i) La charte de 133 i , qui contient déjà presque toutes les modifi-
cations précédentes , ajoute : vel usagium villa fecerit.
(2) La même charte et celle de lôfiD , au lieu de cette dernière
phrase , contiennent celle suivante : Et dominus dcbet euin rei/uirere
et facere. deliberari pro passe suo à t)uocum(/ue captus fiiirit vel de-
tentus.
(3) Cum suis expensis propriis , ajoutent les chartes précitées.
(4) Quousque res ablata restitula fuerit amittenli. (Eod. loc.)
(5) Ces derniers mots sont remplacés par vel mandata ejus ; cl Ton
ajoute : Et si alii/uis eidim liuri;<-nsi in rapiendo vadium aliquam
vim vel violentiam inférât , dominus liellijoci débet illam vim vel
violenliiim reniovere et vim passa facere emendare. (Eod. loc.)
(6) /-"'(■/ ienens curiam domini. (Même charte.)
(7) Seii capi patiatur. (Même charte.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 293
sit, nec ejus doniuin firmet (1), nisi taie lualeliciuin perpe-
traverit et légitimé probatum fuerit pro quo sit in usagio'
Villœfranchae quôd pecunia sua vel ipse debeal devolvi ad
manus doniini, scilicet pro homicidio et latrocinio et con-
siniilibus (2); nec débet Bellijocensis dominus burgensi
Villefi'ancliœ facere placitum (3) per violentiam, nec ab
ipso, nisi quod voluerit ei gratis dare, exigei'e violenter.
10. Sinxiliter in usagio et franchesià Villœfranchae con-
tinetur quod si burgensis burgensi injuriam (4) fecerit vel
alius qui infra villam (5) inheibitet et coram amicis suis
burgensibus concordare voluerit aulequàni clamor ad prae-
posituni vel ad doininum vel ad auditorem causaruin sua-
ruin devolvatur, sine omni occasione (6) possunt mutuo
(1) Fel firmari fuciat ; quod si factuin fuei il , dominus habeal pro
non facto et burgensi facial emendari. (Eod. loc.)
('i) « Tune dominus corpus ejus capiat et bona mobilia ipsius de-
" linquentis. Nec débet dominus haberc res immobiles ipsius delin-
" ([uentis, exceptis delinquentibus in criminibus Liesa; majestatis,
« hereseos et publicorum dcpopulatorum et consimilium delictorum.
" Si quis burgensis commisit aliquod dclictum pro quo dcbeat con-
II demnari et res ipsius ad manus domini devolri secundùm tenorem
Il praesentis privilegii , creditores cjvisdem dcbent primo solvi de
Il debitis suis quœ debebal eis ante commissum perpetratum, de rébus
Il ipsius delinquentis. » (Eod. loc.)
(ô) Movere causam. n Dominus Bellijoci non débet movere causam
« vel placitum coulra aliquem burgensem Villœfraneha;, nec sustinere
Il quôd aliquis ballivius vel aliquis de familiâ domini, vel quilibet alius
•I moveat, nisi ipse sufficienter caverit, si cavere potest, quôd cau-
II sam légitimé persequalur. » (Mêmes chartes.)
(4) Ce mot , pris dans un sens général , veut dire tout ce qui est fait
contrairement au droit. (V. les lois romaines , lib. 47 , tit. x.)
(5) Fel in ballivid de Lymans. (Mômes chartes.)
(6) Ce mot , dans cet article ainsi que dans l'art. 21 , peut être pris
dans le sens de tribut ou prestation , que l'on percevait en certaines
294 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
concordare ; et tune si non comparuerint corani praeposito
vel coram domino, vel coram auditore causarum suaruni,
actor vel reus in emendà aliquà vel claniore (1) non te-
nentur.
11. Biirgenses Villefranchae non tenentiu' ire in chaval-
giam (2) nisi de gratià.
12. Si dominus Bellijoci adducit excrcituni suuni apud
Villamlranchani ad moranduiu pro utilitate suà et tcrrsp
suae, benè potest hoc facere sub tali pacto quod danipnuni
non infcrat burgensibus vel rébus eorum (3).
13. Si burgensis Villsefranchae terrani emerit à milite vel
à quocunique alio ad scrvitium, de servitio tenetur ci tan-
tùm (û); et si emerit, tenetur tantùm de laudibus et ven-
ditionibus et non de alià recognitione quocunique modo
deveniat ad luni, excepta pcrnmtalione et gagerià, quia
tune tenetur in inediis laudibus.
occasions: par exemple, pour cause de guerre, au profit du seigneur.
(V. Ducange.)
(t) In clamore ve.l emcndd propler hoc pradicto domino. (Mêmes
chartes). — Le sens ordinaire de clarnor est action , mais ici il n'est
qu'une redondance du mot entendu et a la même signification, signi-
fication que lui donnaient fréquemment les coutumiers de la Bour-
gogne, du Bourbonnais et de la Bresse. (V. Revel , question 26,
p. 116.)
(2) Chavalchiam , chevalchiam. (Mêmes chartes.)
(3) « Dominus Bellijoci débet habere credentiam in Villâfranchâ
" per quatuordecim dies et non plus, et non alius nisi ipsc. « (Même»
chartes.)
(4) « Et si oppositum fuerit eidem burgensi quod ipse cessavit in so-
" lutione cjusdem servilii , non crodatur opponenli nisi de duobus
" annis, nisi lofjitimè probavcrit quôd nionuit ipsum burgenscm ad
" solvendum scrvitium prœdictum et quôd burgensis ipsuni solvcre
" contradixit ; et super pra-dictis duobus annis crcdatur jurainenio
" ipsius burgensis de pcrjurio non rcprehempsi . si uionitio cl con-
PIÈCES JTJSTIFIC.VTIVKS. ti^S
14. Miles (1) non débet esse prœpositus (2).
15. Si coram prœposito clanior motus fuerit, coram ipso
causa agatur.
16. Si qxiis burgensis extra \illam alicui fecerit inju-
riam et clanior factus fuerit infra Villainfranchani, ibi (3)
causa agatur.
17. Si miles burgensem percutiat, dominus débet ha-
bere sexaginta solidos, et burgensis pcr se suam capiat
ultionem (4).
18. Si burgenses commune faciunt ad opus villœ , nec
prœpositus nec villicus (5) débet interesse.
« tradictio solutionis dicti servitii non extiterit probata contra ipsum.
« Et si emerit aliquam possessionem, tenctur tantùm de laudibus et
' venditionibus iibi consueverunt levari extra villam , et infra villam
<( in mediis laudibus tantùm; et ipsam terram vel possessionem vel
" rem potest dare burgensis ad supraservitium de suâ propriâ vo-
« luntate ; et de re ad superservitium data débet dictus burgensis
" habere laudes et venditiones , et investire tanquam dominus. »
(Mêmes chartes .)
(1) 5iVe domicellus. (Mômes chartes.)
(2) Fillœfranchœ. (Mêmes chartes.)
(3) Ce mot est supprimé dans les chartes précitées.
(4) « Si miles vel domicellus aliqueni burgensem percutiat, dominus
it débet habere pro emendâ ad voluntatem suam , et burgensi pér-
it cusso ad dictum duorum burgensium sanioris consilii de villa in-
" juria cmcndetur : vel ad sacramentum ipsius burgensis percussi, si
" burgenses nollent se intromittere de hoc propter amorem vel tijno-
" rem militis vel domicelli. Et si burgensis vim repellendo aliquam
'< vim vel violentiam fecerit eidem militi vel domicello, non teneatur
" domino ad emendam , nec militi vel domicello nec complieibus eo
•< rumdeai. » (Mêmes chartes.)
(5j Les titres de villicus, syndic du village (v. la Thaumassière ,
p. 22), segregallus , seiieschallus (v. t. x au S pi cilége à' kchery ,
]i. 183) et de chacipolus , appartenaient à des officiers qui remplis-
Miicnt les mêmes fonctions, celles de percevoir les revenus du fisc sci
296 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
19. Si prîçpositus vel segregallus (1) reqnisiti fuerint à
burgensibus quod accipiant vatUmonia (2) ab illis qui
commune nolunl solvere, facere debeut sine contradic-
tione et mercede.
20. Si pra-positus vel chacipolus (3) , vel eorum familia,
fecerint injuriam burgcnsi vel accusaverint ipsimi super
aliquo makficio, ipse tenctur fidejubere coram mandato
domini sicut alius simplex homo; et si non probaverit
quod objicit, débet lalioneui reportare (4) elbiu-gensi suf-
ficienter eiiiendare.
21. Si leno vel meretrix (5) alicui burgensi convitia
dixerit , et ipse burgensis vel aUquis de amicis suis percu-
gneurial et d'a(lniiiiib.tifr la juslicc. Aussi les chartes de 1260 à 1376
emploient-elles l'une ou l'autre indifféremment ; les deux premières
ont mOme disparu dans les dernières chartes , pour faire place exclu-
sivement au mot chacipolus. Néanmoins il est probahlc que dans le
principe le mot vilUcus désignait l'officier chargé particulièrement de
la perception des droits payés au seigneur à cause de la voirie (v. lîou-
quel , Préface, p. 11), et celui de chaci palus , roflieier préposé à la
garde du château et qui percevait sur les hommes du fief certaines
prestations en indemnité de l'asile qu'ils y trouvaient en temps de
guerre. (V. Revel , Stululs de Bresse , p. 165.)
(1) Voyez la note ci-dessus.
(2) Captant pignnra. (Chartes précitées.)
(3) Voyez ci-dessus la note de l'art. 18.
(4) Ces dcuv derniers mots ont disparu dans les chartes précitées.
Aussi, aux mots accusaverint super aliipio male/icio, a-t-on sub-
stitué simplement causant moverinl. (V. le Glossaire de Ragueau,
v" Talion). Cet article est terminé dans les chartes postérieures parées
mots : (( Si verô causa movcalur super aliquà injuria cl infra annum
" et diem à tempore facta; injuria; non fucrit tcrminata , postea non
« audiatnr passus super eu , nisi istud propler dcfeetum judicis acci-
ic derit sive culpam. "
(5) Garcio vel garda. (Mêmes chartes.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 297
tiat eos vel de paluià, vel de pugno (1) , sine occasione
doiuini est et non tenetur de emendà; et de convitio, cre-
datur sacraiiiento burgensis quôd ci dixit convitium.
22. De verberatiirà cum sanguine si clanior factus fuerit,
dominus sexaginta solidos habere débet , si probatum fue-
rit légitimé per lestes quod ille de quo daiuor factus fuerit
fecerit sanguineni conquercnti (2); nisi sit sanguis nai'is
vel esgrosotura (3). Si vero clamor indè factus non fuerit,
nihil potest petere dominus vel aliquis pro eo.
23. De verbcraturà sine sanguine et sine pugno (4) si cla-
mor factus erit , débet habere dominus très solidos (5) ; et
pro modo verberaturœ débet verberato per manus burgen-
simn (6) verberis injuria placitari de pugno (7) très soli-
dos fortium (8) , de palmà septem (9) solidos.
24. Quislibet burgensis potest habere mensuram suam,
si sit Icgalis (10) ; in falsis mensuris et idnis habet dominus
septem soUdos. Et si dicatiu* mensura falsa vel ulna , vo-
centur meliores burgenses et iUe cujus est mensura vel
ulna aleschandiler , et cum illis biu-gensibus eschandiletur
ut videatiu' utrùm sit falsa vel non (1 1).
(1) Vel de pede. (Mêmes chartes). Les mots siqe occasione. dnmini
sont supprimés.
(2) De baculo vel gladio. nVIêmes chartes.)
(ô)Egroysura. (Charte de i 569). Les coutumes de Thoissey de 1310
avaient une disposition semblable.
(4) Ces deux derniers mots sont supprimés.
(5) Sejitem solidos et nec ampliùs. (Mômes chartes. j
(6) Sauioris consilii de villd injuria emendari. (Mêmes chartes.)
(7) Ce qui indique qu'il s'agit de l'amende accordée au seigneur.
(8) Ce mot est supprimé.
(9 Très.
(10) •' Et de illâ non tenetur dare aliquid domino vel mandate
" ejus. Il (Mêmes chartes.)
(H) (1 Et si aliquis de familiâ domini ceperit aliquam mensuram vel
298 PIÈCES JUSÏTFICATIVES.
25. In aliis clamoribus habet doiuinus 1res solidos et
non plus (1).
26. Si qiiis portaverit pannuni infra operatorium ad
faciendum induiuentum , non débet a adiari ab eo in opé-
ra torio, nisi ab illo cujus pannus erat, si non fuerit pa-
gatus.
27. Quicumque ad forum Villapfrauchse venire voluerit,
quamvis debituni in villa debeat (2) , veniens et rediens
cuni rcbus suis salvis débet remeare.
28. Si alicui buriiensi dcbetur debituni ab homine ex-
traneo et reddi conlradieatur in die fori ^^3) , burgensis
prœposito vel ehacipolo débet conqueri, et nisi velit satis-
facere,pr£epositus vel cbacipolus débet ei forun» prohibere,
sine dono et iiiercede. Et si post proliibilioneni ad forum
redicrit ipse cum rébus suis, potest à creditore vel à man-
dato ipsius sine familià domini licite detineri et vadiari (4).
29. Nemo pro debito quod débet de indumento quod
iiulutuin habet potest vadiari, ncc de ostio doniiïs suœ
potest vadiari, nec donms liriuari pro debito (5), dùm mo-
« ulnam, débet caiu tradere alicui burgensi fide digno iiicontinenli qui
« custodiat illam quousquc cschandillolur. Kt primo idem burgensis
« consiniileni niensiirani uicnsuralam ad mcnsuraiu captam débet ei
" cujus capta est mensura , ut ipse non perdat vcuditionem suam. »
( Eod. loc.)
(I) « In aliis autem rainutis clamoribus in praesenti scripto non
« expressis, habet dominus très solidos et non plus. » (MOnies chartes.)
(2j Nisi forum sibi fuerit probibitum. (Mômes chartes.)
(3) Ces mots sont supprimés.
(4) En ce qui concerne la personne du débiteur, celte disposition
a été modifiée dans les chartes suivantes, ainsi qu'il suit : " Et ipsum
« potest dictus créditer facere detineri, si voluerit, per pra-positum
« vel familiare domini. »
(.1) » Nisi pro scrvitio domûs vel conducio , nec res ejus immobiles
•t vendi vel distrahi, nisinominatimfuerintobligata. » (Mêmes chartes.)
PIÉCI'S JUSTIFICATIVES. 299
bile habet undè satisfaciat creditori; sed si mobile non
habet , oninia ininiobilia potest creditor sine auttoritate
doniini capere el eliani vendere, distrahere (1) et detinere.
30. Si quis injuriam passus fuerit et de injuria clanio-
rem fecerit, convictus de injiurià (2) débet solvere clanio-
reni et non alius.
31. Prappositus, segrcgallus (.3) vel aliquis de faniilià do-
mini pro se vel pro domino non potest ferre testimonium
contra burgensem in curià domini accusatum.
32. Quicumque in villam istam venire voluerit (4) , do-
minus débet eum retinere si paratus sit conquerenti cui-
libet stare juri. Si jiu-i stare nolit, conducere débet eum
dominus ad locum securum, nisi sit latro publicus vel
homicida.
33. Si servus in Villamfrancliam per annum et diem
moram fecerit absque calumpnià (5) , secundùm villse
franchesiam liber est et in numéro burgensium compu-
latur (6).
34. Si creditor débitons pignus capiat et debitor credi-
tori pignus auferat, si clamor deveniat ad prœpositum,
débet per prEepositum pignus creditor rchabere , et in tri-
bus solidis in manu preepositi debitor condenipnatur (7).
(1) Usque ad valorem debili sui. (Mêmes chartes.)
(2) Actov vel reus. (Mêmes chartes.)
(3) A la place de ce mot , il y a chacipolus.
(4) Ad morandum. (Mêmes chartes.)
(5) 11 s'agit là d'une action. (V. les Capitules de BaUize, t. ii, p. 970.)
(6) Cet article a été ainsi modifié : « Si quis homo ex quâcumque
■' parte venerit in Villamfrancham et franchesiam villse juraverit , in
" numéro burgensium computetur. » (Mêmes chartes.)
(7) Il Et si creditor clamorem fecerit de debitore suo antequnm ad
« pignus ejus defecerit, creditor tenetur solvere clamorem. « (Mêmes
charte.s. )
300 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
35. Adulteri si rationabilitcr de adulterio convicti fue-
rint, si braceis (1) tractis inveuti fucrint et per testes pro-
batum fuerit, vel si nudus cimi niidà inveniatm-, et pars
de vestibus aniborum in uno lecto jacentium subripia-
tur (2), pro convictis habeantur, et timc tcneantur secun-
dùm voluntateui ipsorum vel nudi per villani currere , vel
ciirsuiii rediniere ad voluntateni doinini Bellijoci.
36. HoniicidEe et latrones sunt in manu doniini, et non
debent in villa remanere nisi ad voluntateni biu-u;ensiuiii.
37. Si quis puellani per vini delloraverit, débet eam
ducere in iLxoreni, si sit par ei, vel ad burgensium con-
silium mari tari (3). Et si indè clamor factus fuerit quia
non vult pra'dicta facere et probatuni fuerit , de consilio
burgensium à domino et per dominum emendetur (4).
38. Si vert) puella vel aliqua mulier dicit sibi fmsse vio-
ientiam illatam ab aliquo in tali loco id)i potuit clamare et
audiri ab aliquibus, si non clamaverit non débet ei credi;
et si est in loco ubi nonpossit audiri, non credatur ei nisi
probatum fuerit.
39. Si milites debitum burgensi dcbeant de equo vel
runcino, diun desupcr fuerint, non vadientur , et de rébus
aliis possunt vadiari.
40. Quicinuque cxtraneus ad forum V'illaefrancba:' ve-
nerit, si in foro ledias dederit, de pedagio non tenctur.
De residuo quod in foro vendcre non potest , débet
pedagium si villani transeat.
(1) Bracis , bruchis. (Mêmes chartes.)
(2) Ce dernier membre île phrase est supprima. (Mômes chartes.)
(3) Facere danalinnem filiœ profiter nuptias. (V. le mot marilare
dans les Glossaires.)
('i) « Puella; vim passas injuria sibi factâ et in voluiilule domini ipse
« remaneat ad consilium bur(;ensium pra'dicluruui. » (Charte de
1S76.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 301
41. Bellijocensis doniinus débet habere credentiam in
Villàfranchà per quatuor deceni dies, et non alius nisi ipse.
42. Miles (1) non débet habere doniuni in Villàfran-
chà (2).
43. Si quis possessionem aliquani, domuni vel agrum
vel pratum tenet ab aliqno domino et vendere voluerit,
liberi et absoluti et sine contradictione doniini vendere
potest cui voluerit (3) , dumniodo tali personœ vcndatur
quae respondeat domino de jure suc sicut vcnditor respon-
dere tenobatiu-.
44. Si quis enscm (4) vel gladium evaginaverit ad per-
cutiendum et non perçussent, sexaginta solidos solvat vel
pugnum (5).
45. Si vcrô aliquis burgensis Villaefranchœ voluerit se
ad alium locum transferre, dcbet tenere et habere pacificè
omnes res suas quas habcbat in dominio Bellijoci et de eis
voluntatem suam facere , dunmiodo faciat usagium villae
sicuti alii burgenses de villa (6).
(1) Sive domicellus. (Mêmes chartes.)
(2) Nisi magnam domuin de Liergos. (Mômes chartes.)
(ô) Le surpkis est supprimé et remplacé par la disposition suivante :
<( Nec potest idem dominus rem venditam retinere. Et si praediclus
'< dominus prsedictum emptorem offerentem quod débet ei pro re
« vendilâ nolit investire , dominus Bellijoci vel ballivus ejus ad re-
<( questam ipsius emptoris débet compellere eumdcm dominum rei
" venditae quod ipsum emptorem investiat de eâdem, nisi ipse dominus
« ostendat causam rationabilem quare ipsum emptorem non debeat
« investire. » (Mêmes chartes.)
(4) Cutellum. (Chartes précitées). — V. Coutumes de iîjom, art. 21
(1270) ; la Thaumassihe , p. 457. — Nota. Ces coutumes ont plu-
sieurs dispositions semblables à celles de cette charte.
(5) A la place de ce mot il y a : Et emendet injuiiam patieritl.
(Chartes précitées.)
(6) Ce dernier membre de phrase est supprimé.
302 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
46. Judnei verô non debent ibi commorari nec stare (1),
el eis credi non debetur super debitis ipsoruin contra bur»
genses Villtefranchae, nisi tanquam christiani et per chris-
tianos probaverint.
47. Si burgensis Villœfranchag ante domum suam lo-
giani fecerit, non tenctur domino assignare servitiuin de
eà, nisi logia sit lucrativa, et tune assignaudum est servi-
tiuni secundùm mensuram pedœ, et alter anlc domum
alterius non débet aliquid asservisare, si ille cujus est
voluerit retinere.
48. Quicumque habet domum in villa et facit usagium,
immunis est à lediis villae, et etiam bordelarius faciens
usagia, et à pcdagiis in terra Bellijoci.
49. De pomis, piris, castancis et consimilibus fructi-
bus (2) non débet levari Icdia.
50. Si burgensis Villfefrancb.'p aliquam injuriam fecerit,
qu;e non sit bomicidium vol furtum, et clamor iiidè fiât,
praeposilus potest pelure quod lidejubcat : si non velit fide-
jubere, habet recursum ad bona sua; et si non habeat
bona , corpus in lionesto loco ponat in domo praepositi vel
cliacipoli, dùm taiiien fidcjubcat primo qui clamorcm fecit.
Et si aliquis de burgensibus velit ipsum fidejubere (3) ad
ipsum liabendum ad ralioncni (4) , potcrit ipsum habere.
Si clamor non fiât, praepositus, vel alius pro eo, non se
débet intromittere (5).
(1) 'I Ncc corionarii ludereinoîidom, nec corsini dcbcnt commorari
« in Villàfranchâ nisi de voluntate domini et burgciisium dicta: villse. «
Le surplus de l'article est supprimé. (Mêmes chartes.)
(2) Et miniilis fruclibus. (Charte de lii76.)
(3) De stando juri vel habere corpus ejus personnaliter.
(4) Âd catam diem. (Mêmes chartes.)
(5) « Omnes autem capti apud \ illanifranchaiii lemporr inutalionis
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 303
51. Si miles, ecclesia, vel alius dederit aliquam lerram
ad servitium burgensi Villaefranclias , qualecumque servi-
liuni fuerit , postea contra burgcnsem vel heredem non
potest reclamare (1).
52. Si qiiis rem suam vendiderit, postea non audiatur
reclamans (2).
53. Si burgenses de aliqiiibus rébus faciant commuta-
tionera inter se, non teneutur dare laudes, nisi de hoc
quod compensatum fuerit de re eàdem in pecunià nume-
ratà (3).
54. Qiiicumque burgensis potest habere furnum infra
villam pro quinque solidis Viennensibus (4) de servitio,
et quilibet potest coquere ubi voluerit , et non tenetur
dare pro turcà (5) nisi unum (6) Viennensem et sine
esponià (7) , et asinata frumenti débet coqui pro sex
denariis Vienn. Et qui habuerit furnum potest ilJum re-
linquere et dimittere si sibi placuerit, et de dicto servitio
non tenetur. Item, quislibet burgensis potest molere ubi
« domini deliberentur, nisi taie delictum perpelraverint pro quo mor-
" tein menierint , et tune promittant pro ipsâ delibeiatione sine re-
« ditu transfretare. " (Mêmes chartes.)
(1) n Nec ad se rem asservisiatain revocare , née ipsum burgensem
' vei suos convenire , nec citare , nec facere vexari , occasione ipsius
'< rei, extra balliviam in quâ res ipsa extitit, nec eidem domino teneatur
« idem burgensis extra dictam balliviam super hoc respoudere. »
(Mêmes chartes.)
(2; V. pour le sens des mots réclame, réclamer, au moyen-âge,
les anciens coutumiers.
(3) « Nec debent domini ipsarum rerum ipsam permutationem ali-
« quatenùs impedire. » (Mêmes chartes.)
(4) Pro duohus solidis et sex denariis (ortium.
(5) Turtâ.
(6} Denarium.
il) Ce mot est supprimé. (Mêmes chartes.)
304 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
voluerit et habere asinuni ad portandum bladum ad mo-
landum (1), qui eat per villam ad quaprendum bladuiu.
55. Sigilluni comniunitatis Villcefrancbae per duos bur-
genses villae qui ab aliis eligantur (2) débet cuslodiri :
qui duo jurent quod bonà fide sigillabunt ea qua^ pcrli-
nebunt ad coiuiiiunitatcui dictœ villae. Et quod fuit retro-
actis temporibus sigillatuni concediiuus , volunius et
etiani confiriuamus , quod habeat roboris firniitatem (3).
Et dicti duo burgenses possunt permutari de anno in an-
num, et aliquid non débet capi de sigillo (4).
56. Si burgensis Villœfranchae (5) in curtili , nemore,
vineàvclprato suo alicpiem sibi injuriantem invcuerit, licèt
invcntus neget, burgensi juranti hoc, si claniorem fecerit,
crcdatur , dùni tamen non sil suspcctus de perjurio.
57. Si miles, clericus, burgensis vel quislibet alius ven-
didcrit terrani, donmm, pratuni, vineam vel possessio-
neni alicui , veniens corani domino rci venditor cum cm-
ptore, se devestieus curam eo ad opus cmptoris, laudibus
oblalis domino rei, dominus rem venditam sibi vel alii non
potest rctinere (6).
(1) Id molendinum.
(2) Unà cum prœposito.
(ô) « Crcdatur eiilem sigillo sicut sigillo domini et sigillo curiae suse...
« Unus duorum burgensium Iiabcal et custodiat penès se in donio suâ
« coffincllum in quo ser^-al)itu^ dictnm sigilhim. » (Mi^nies chartes.)
(fi) « Va aliquis de Viliafranehâ non débet darc pro dicto sigillo nisi
« duodecim denariosforliuni, qui pro voluntate burgensium ad muros
i( villa; vel ad gaylias ponantur et expediantur. Burgenses \illa;fran-
« cliaî non tcncnlur dare per sigillo curiae domini BcUijoci nisi unum
« dcnarium N'ieuncnseni pro quâlibet librâ eontent;\ in lilteris super
Il mutuo confectis , cl duos denarios Viennenscs pro quâlibet librâ
« contenta in littcris super conquerementis confectis sigillo dicta;
« curia; sigillandis. » (Mêmes chartes.)
(5) In domo
(6) « Si quis burgensis Villsefraneli.Tc vel aliquis de LvmanI/, reddit,
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 305
58. In villii non debent vendi carnes taurorum seu
boum non padorum (1) à Pascbà usque ad festum beali
Michaelis; et carnes leprosae (2) pro sanis et poranae (3)
pro niasculis non debent vendi. Et carniiîces non debent
dimittere carnes caprorum seu aliaruni bcstiarum per
aliquani morani temporis vel horœ in aquà, seu per hie-
meni, vel per œstateni (4).
59. Sirniliter sub eodem juramento continetur quôd
Belli jocensis dominus sit dominus Villaefranchce; sed ante-
quàm burgenses ejusdem villœ tencantur ei jurare homi-
niuni et fidebtatem , sirniliter tenetur ipse dominus eis
jurare cum viginti niilitibus villas franchesiam et liberta-
tem sicut in prgesenti scripto plenissimè continetur.
60. Si quis burgensis obierit et testaraentum fecerit et
executores ordinaverit et habeat fiLios vel filias, volumus
quôd dicta? filiae maritentur de consilio executorum bur-
gensis defnncti. Et si decesserit intestatus, filia vel filiae
debent maritari ad consilium sex burgensium de villa sa-
nioris consilii et parentum (5). Et si liberi dicti burgensis
" tradit seu obligat titulo pignoris vel hypothecse , domiim suam ,
« terram, pratum seu possessioncmaliquam niobilcm vel immobilem,
" cùm nihil debeat et hoc sit in fraudem aliorum creditorum , si
'I claraor indè fiât et probatum fiierit legilimè , obligans et oui obli-
« gatur, iiterque in triginla solidis puniatur et dicta obligatio nuUa
" sit nisi in hoc quod in veritate debetur. « (Mêmes chartes.)
(1) Ces derniers mots ont été retranchés.
f2) ï'el grenatœ. niillo tempnre.
(3) Et carnes suwn pro masculis.
(1) « Quaesi fecerint et cnienti carnes non hoc dixerint, in tribus
« solidis domino teneantur et burgensi ementi ad emendam. » (Mêmes
chartes.)
(5) (c Mandato vel consensu dicti domini Bellijoci super his minime
" requisito. » (Mêmes chartes.)
20
30G PIÈCES JUSTIFICATIVES.
sintininoris aetatis, nondebent maritari quousque pervene-
rint ad œtatem discretionis (1).
61. Si burgensis filiam suam maritaverit, de dote suà
débet esset contenta , et nihil poterit petere in hereditate
paternà (2) nisi pater decesserit intestatus et sine herede
proprii corporis (3), vel nisi ei adventaverit de escliattà (4)
patris, raatris, fratrum vel parentum.
62. Si miles vel alius quislibet extraneus debeat debi-
tuni alicui biirgensi ViUaefrancbae , prfepositus vel chaci-
polus debent ire cum crcditore, sine aliquà contradic-
tione , sine donc et sine niercede, ad gagiandnm debitorem
et eum gagiare.
63. Si quis burgensis uxoreni suam perçussent seu ver-
beraverit, dominus indè non débet recipere clamorem (5)
nec levarc, nisi dictus burgensis verberaverit eam usque
ad mortem.
64. Item, si aliquis burgensis petram et barulmn (6)
levaverit, et iUe contra queni pra'dicta facta sunt per-
cussus vel la?sus non fucrit, si clamor faclus fuerit, non
tenetur dictus burgensis nisi solutioni usque ad septem
solidos pro clamore (7); et si clamor factus non fuerit,
burgensis domino vel ballivis suis in aiiquo non tenetur.
65. Burgensi mcrcator pannorum vel telaruin vel con-
similis naturae, bonas famae et laudabilis opinionis, de pcr-
(1) Celte dernière partie de Tarticle a été supprimée.
(2) Vel materna , nisi ei reliclum fuerit.
(3) « Aliis tamen liberis , uno vel pluribus existcntibus burgensis
defuncti. » Ces mots sont substitués à ceux qui précèdent.
(4) Echeytia.
(5) Nec eniendam petere. (Mêmes chartes.)
(6) Ejecerit vel
(7) « Teneatur domino in septem solidis pro emcndà, et ipsi contra
qiioni facta sunt prsedicta injuriam emendare. »
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 307
jurio non reprehenso, per scripta sua (1) usque ad cen-
tum solidos fortiuni Lugdunenses (2) débet fides plenis-
sinia adhiberi (3).
CG. Cinn aliqua domus, terra, pratuin, vinea, nemus,
seii pignora alia (4) , pro vendendo per forum Villsefran-
cha" sidihastata fuerint, ballivi vel eorumfamiliaper se vel
per alios ea eniere nonpoterunt, seu etiam aliqua de dictis
pignoribus retinere.
67. Si burgensis facit testamentum in scriptis vel sine
scriptis, et facit heredem (5) et retinet pro anima suà ali-
quam simimam pecuniae seu aliqua immobUia, dominus
exindè aliquas laudes non débet percipere vel habere,
nisi testator prœcepit dictas res vendi vel aliqua de eis-
dem, et de re vendità dominus habebit laudes suas.
68. Volunt enini et annuunt corani nobis Guichardo,
domino Bellijoci, burgenses Villœfranchse quôd Matheus,
incuratus ecclesia^ PoUyaci, castri nostri clericus, et he-
redes sui , habeant domum quam habet sitam apud Villam-
francham juxta domum liberorum Guicliardi de la Bruailli
et juxta domum quondam Johannis de Templo, liberam,
quitani et absolutam ab omnibus usagiis et consuetudi-
nibus universis et singulis (6).
(1 ) f'tl sine, scriptis.
(2) Per juiamentuin suum.
(5) <f Similiter heredi burgensis defuncti bonne fainsp cuni scriptis
paternis usque ad summam sexaginta solidoruni fortium per jura-
mentuni su um débet credi. i> (Mêmes cliartes.)
(4) Mobilia vel iinmobilia. (Mêmes chartes.)
(5) Ces deux derniers mots ont été supprimés.
(6) « Volumus etiam et concedimus nos dictus dominus Bellijoci et
burgenses praedicti quôd dominus Guido , dominus Sancti Triverii,
seu ejus heredes et successores, habeant in perpetiium domum quam
ipse dominus Sancti Triverii quondam liabebat apud Villamfran-
cham ante ecdesiam juxta domum liberorum magistri Johannis
308 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
69. Si quis burgensispro dcbito quod sibi debehir sav-
sierit aliquam rein, domiim, agruui, vineam vel pratiiin
vel aliud mobile vel immobile auctoritate domini, primus
saysitor débet primo solvi per integrmn de debito suo (1),
et de residuo alii saysi tores (2).
70. Consuetudiues autem extra ^illam approbamus et
coiifirmamus (3).
71. Et burgenses Villt-efranchae possuut et debent alter
altcrum gagiarc (4) per feroset nmidinas pro suis debitis;
et iii hoc niliil polest petcre dominus BcUijoci (5).
Haec autem omnia qua? superiùs dicta sunt juravimus
nos Guicliardus, dominus BcUijoci, filins qnondam prœ-
dicti Humbcrii concstabuli regni Franci;v, tactis Evangeliis
sacrosanctis, cum vigiuti mililibus, inviolabiliter in perpe-
tuum observare.
Sunt autem nomina corum qni nobiscum juraverunt:
Hugo Palaliuus , dominus Sancti Bernardi ; Guillelmus
d"i liens; Hugo Palatinus; Hugo de Marzeis; Stephanus
de Pyzeis; Guillclnuis de Marzeis; Guichardus de la
Douza ; Joceranus Franchileins ; Bartholomeus de Laya;
<f Pollicart et juxia domum .Taccpieli ^ esti , cum cjiisdein domfis ap-
« penditiis cl pcrlincnliis univcrsis, libcraiii , quictam et absolulam
« ab omnibus usagiis diclae rilla;. » — CeUe disposition est la même
dans les deux chartes de lôôl et de l.>59.
(1) IVisi res ifisa saysila prias fuerit alii obligata.
(2) « Et occasione ipsius saj-sina;, dominus rel ballivus ejus nihil
« potest pelere à saysitore vel ab eo contia quem faela est saysina. »
(Mûmes chartes.)
(3) « Omnes consuetudines autem approbata; et obtenta; in fran-
« chesiâ dicta- Yilla-francha; et extra , qua; in pra-senti scripto et extra
« minime nominanlur , sicut hactenùs obscrvala' sunt approbamus et
i( etiam confirmamus. u (Mômes chartes.)
(4) Fadiare.
(5) Fet hallivus ejus. (Mimes chartes.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 309
Guigo (le Monte Aiu'eo; Stephanus Salvaios, Tbouias de
Sancto Saturniiio; Hugo de Telys; Hugo de Taney; Pe-
trus de Ronens; Girinus de Vallibus; Guillelnms de Ver-
neyo; Pontius Gemnos; Daliuatius Rebutini, et Stepba-
nus de Feugieres.
Et ut niagis firma quœ praemissa sunt hal)eantur, nos
Guicbardus, dominus Bellijoci, ad majorem firniitateni et
niajus testimonium , prœsentem cartulani sigilli nostri mu-
nimine duximus roborandam.
Datum anno Domini M-CC. sexagesimo, mense novem-
bri.
DISPOSITIONS NOUVELLES INSEREES DANS lA CHARTE DE
CONFIItMATION DE 1 33 i .
1. Si quis burgensis condiderit testanienluni, hercdes
seu executores ejusdeiu possunt facere aperire et publi-
care dictum testamentiun ubi voluerunt, nec debent com-
pelli auctoritate domini vel ejus mandati , nisi ad reques-
tani alicujus cujus intersit ad publicationeni ipsius testa-
menti faciendani. Et si prœdictum testamentum aperia-
tur in curià domini Bellijoci, judex ipsius curise vel alius
pro eo non débet petere vel levare pro publicatione testa-
menti sigillando ultra quadraginta solidos Vienn., et sic des-
cendendo ad minores et médiocres burgenses , secundùm
quôd prœdicto judici secundùm faciUtates defuncti justum
videbitur recipiendum pro sigillandis publicationibus tes-
tamentorum bm-gensium praedictorum.
2. Judex curiœ domini non débet nec potest aliquem
burgensem ViUaefranchœ conipellere auctoritate domini vel
310 PIÈCES JUSTIFICATIVES,
suâ ad confirmandani sibi tutelam vel curam alicujus pn-
pilli vel minoris, nec petere vel levare ultra viginti solidos
Vienn. pro sigillandis inventario super bonis et hereditate
^licujus burgensis defuncti confecto , et sic descendendo
ad minores... ( ut suprà).
3. Dominus Beliijoci, vel prsepositus , vol chacipolus ip-
sius vel aliquis pro eo, vel noruine ipsius, non potest nec
débet capere vel capi facere nec saysire nec saysiri facere
per se vel pcr aliiun aliqna bona niobilia vel imniobilia
alicujus burgensis defuncti pro aliquo malcficio vel delicto
seu quàlibet alià occasione vel causa, nisi super eisdem
dictus burgensis in vitâ suâ conventus fuerit vel convictus
et quod taie fuerit dclictuiu seu maleficium vel alia occasio
pro quibus persona burgensis et res ejus secundùni teno-
reni privilogii pra'sentis debeat ad nianus doniiui deveuire.
4. Si sajsina aliqua facta fuerit pcr prspposituni vel cha-
cipoluin vel per tdiuni nomine doniini Beliijoci, ad instan-
tiani alicujus, super aliquibus rébus, quàni citô partes con-
corda\cTuiil pro quibus saysina facta est, ex tune inconti-
nenti praepositus desa} sire teneatiur res saysitas sine dono
et mercede ad instantiam illius qui saysiri fecit, recepto
tanion jure suo doniini si quod liabet in dicta saysinâ.
5. Si aliquis lati'o fuerit captus in terra doniini Beliijoci
et furatus fuerit res alicujus burgensis et confessus fuerit,
res quas furatus est reddantur, si estant, eidem burgensi;
si non oslaul, de bonis ipsius latronis, .si qua^ liabcl , fur-
tuni reslitualur.
6. Si burgensis aliqueni perçussent in die fori vel in die
nundinaruni ejusdeni villfp, nihil phis débet ex illà inju-
ria quàiii (Icberet sine foro et iiundinis supradictis.
7. Si ({uis burgensis aliquod pignus mobile vel immobile
vendiderit vel vendi feccrit in foro vel in nundinis, et ille
infra aiuium et diem non appellaverit de venditione pigao-
risfactà contra ipsum . seu quiHquaru rationis conira die-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 31 1
taïuvenditionem dixerit si prœsensin provinciàfuerit, dein-
ceps super praedictis nuliatenùs audiatur.
8. Prcppositus, chacipolus vel aliquis de familià domini
non frangant nec capiant nec donent paneni pistorum vel
pistorissarum propter parvitudiuem panis vel aliquam
alianx ingratitudineru , nisi de consilio trium biirgensium
qui cum pra?posito videant et judicent quid de pane illo
sit faciendum.
9. Nullus revenditor piscium Villœfranchae potest nec
débet emere pisces aliquos de piscatoribus riverise à riverià
citrà , nisi ad comestionem suam iisque ad horam nonani ,
nisi einerit illos à piscatoribus in riperià. Nec in piscatorià
ViUœfranchas possunt aliqui participando emere pisces à
piscatoribus, nisiununi et unum (1); et si contra fecerint,
pisces amittant.
10. Si miles vel quilibet alius aliquem burgensem Villae-
franchae super aliquà re vel possessione quam tenet ab eo ad
servitium impediat vel perturbel, etburgensis ofterat se da-
turum eidem impedienti idoneam cautionem de stando juri
corara ipso infra baUivium, et iUe impediens nolit désis-
tera à perturbatione ipsius, illud impedimentum et per-
turbatio debent per dominuni Bellijoci removeri.
11. Burgensis ViUfefranchee non débet in causam trahere
aliquem burgensem dictœ villœ extra curiam domini Belli-
joci, dùm tamen burgensis contra quem agitur paratus sit
in ipsà curiâ stare juri, nisi in causa malrimoniali et
super usurarum pruvilate.
12. Et quod cuilibet burgensi liberum sit absque timoré
alicujuspœnaevel cauliouis prcesland* à qiidlibel inlerlocu-
toriâ et definitivâ sentenliâ contra ipsum latà ad domi-
nuni Bellijoci tantùm infra tempus legitimum appellare.
{V^Nisi biiii et ii/n'^ (Cliaile de 1376. j
3 1 2 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
13. Aliquis cpii non est in œtate discretionis , in clamore
vel emendà domino vel ejus ballivio non tenetur.
14. Qui de nocte extra horam invenerit aliquem in domo
suà sine igné , capere potest ipsuin sine auctoritate et man-
dato domini; et si se defendat contra doniinuni ejusdem
domùs, et ipse doniinus vel aliquis de fauiilià ejus vul-
neret ipsum capiendo vel retinendo eumdem, propter
hoc doniino vel ejus ballivio in aliquo non tenetur, et ip-
sum captum débet rcddere praeposito vel chacipolo.
15. Aliquis burgensis Villœfranchœ non débet vendere
vinum ad polum in Villàfranchà nec augere pretium ullra
quatuor denarios forliuni , videlicet quodlibet seylerium in
quàlibet doliatà vini.
16. Nullus burgensis Villapfranchap tenetur aliquem de
familià suà pro aliquo furto sibi facto capere vel retinere ,
licèt ipsum furantcm invcncrit, et in hoc domino vel balli-
vio ejus in aliquo non tenetur.
17. Domiuus BeUijoei non débet i/ir/ff/rere super rébus
immobilibus alicujus burgensis Villœfranchte , nisi de vo-
luntate burgensis contra quem est inquisitio facienda.
18. Claves portarum Villa>francha> debent custodire ali-
qui biu-genses à praeposito et ab aliis burgensibus dcputati,
et dominus non potest alicui asservisiare turres dictae
villoe, et quod portae conununes ejusdem villœGrmatœnon
leneantur sive clausœ propter commune dehilum dic-
ta? villa', vel propter debitum alicujus burgensis, nisi de
voluntate et consensu sex burgensium dicta? villae.
19. Si quis habet domum infra villam coopertam de
paleà, ipsam faciat rooperiri de tcgulis infra duosannos,
alioquin diniatur.
20. Duniiiius Bellijoci vel ballivius ejus non possunt im-
ponere aliquam pa>nam alicui burgensi in aliquo casu.nec
percipcre aliqiiid sub pœnà; quod si factum fuerit, pœna
non levetur.
PIÈCKS JUSTIFICATIVES. 313
21. Si doiilinus Bellijoci nmtetur prœpositum Villtefran-
chœ vel balliviuni in terra suà vol judiceiu in curià suà, ipsi
debent jurare in manu quatuor burgeusiuni de villa se
tenere statuta, libertateiu et franchesiam in prajsenti scripto
contenta.
^3^3^^3^3^3^^^^3^S^^3
PRIVILEGES DE VILLEFR ANCHE,
JLl\tS FAR i;UlCHAni> , SIUE IiK liEAUJEU.
en l'260.
TRADUCTION.
La vie de l'homme est si courte, que la connaissance de
ses actions tombe parfois dans l'oubli. Aussi les sages
hommes ont-ils voulu, dans leur prudente circonspection,
que ces actions fussent transmises par les lettres, conservées
et attestées par l'authenticité des sceaux.
Que les vivants sachent donc et que leur postérité ap-
prenne que Humbert, notre aïeul, sire de Beaujeu et fon-
dateur de Villefranche , a affranchi cette ville dès son ori-
gme et jura avec vingt chevaliers qu'il conserverait perpé-
tuellement et inviolablement à tous les habitants la fran-
chise et liberté telle qu'elle va être transcrite dans la pré-
sente charte.
316 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Guichard , son successeur , voulut et ordonna que cette
franchise fût conservée par écrit et jura aussi avec vingt
chevaliers, la main sur les saints Evangiles, que, pour l'avan-
tage et la prospérité de Villcfranche , il la respecterait
toujours.
Humbert , sire de Beaujeu , connétable de France et suc-
cesseur de Guichard , confirma également les privilèges ac-
cordés et fit apposer son sceau à la charte.
Nous Guichard, sire de Beaujeu, fils dudit Humbert
connétable de France, après en avoir nuircmcnt délibéré en
notre conseil, nous avons prêté serment de conserver à per-
pétuité pour l'utilité et prospérité de cette ville la liberté
et franchise suivante, et l'avons corroborée de notre sceau.
Cette liberté et franchise est ainsi conçue :
1. Le sire de Beaujeu ne peut ni ne doit lever siu" les bour-
geois de Villcfranche aucune taille, exaction, collecte, ou
leur imposer toutes autres charges, sous {[uelques noms que
ce soit, pas plus que les dépouiller violenuueut d'une chose
quelconque , comme aussi ces bourgeois ne sont pas tenus
de lui donner une somme quelconque d'argent ou toute
autre chose : un pareil don ne pourra provenir que de leur
pure volonté.
2. Quiconque tient une pie entière doit douze deniers :
la pie entière est de quatre toises de face ; ainsi il est dû
trois deniers par toise. Si la pie n'est pas entière , on doit
suivant l'étendue que l'on occupe.
Si quelqu'un achète une maison en ville ou une pidée, il
ne payera au seigneur ou à son bailli que le treizième de-
nier.
3. Si quelqu'un a légué à l'Eghse ou au prêtre pour sa
sépulture une maison ou une pide situées dans la ville, il a
pu le faire , mais dans l'an et jour elle doit être vendue à
un laïque qui puisse et doive , connue les autres bom'geois,
s'acquitter envers le seigneur des redevances qui lui sont
dues.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 317
4. Si quelqu'un meurt sans testament et sans aucun hé-
ritier , les bourgeois du plus sage conseil qui soient en ville
devront prendre d'eux-mêmes, sans l'intervention des offi-
ciers du seigneiu", et garder pendant an et jour à dater du
décès, les biens du défunt. Ils devront d'abord désintéresser
ses créanciers et toute personne qui se plaindrait d'avoir
éprouvé du dommage par suite d'usure ou d'un délit. Us
devront aussi faire un don à l'Eglise pour son âme. Le sm*-
plus des biens appartiendra au sire de Beaujeu.
5. Si un bourgeois meurt sans testament et qu'il ait des
héritiers , le plus proche lui succède dans l'hérédité.
6. S'il a fait un testament, qu'il soit observé sans res-
triction, quel qu'il soit, pourvu cependant qu'il soit prouvé
par deux ou trois témoins légitimes , hommes ou femmes.
7. Quiconque a résidé pendant an et jour dans la ville ,
prêté serment de fidélité au seigneur et juré la franchise de
la ville, est exempt du péage et des leudes et jouit du même
privilège que les autres bourgeois. Ainsi aucun des mar-
chands de Villefranche , quel qu'il soit, boucher ou autre ,
s'il a prêté ce double serment, ne sera tenu de payer de
pareils droits.
8. Si dans un lieu quelconque un bourgeois a été dé-
pouillé d'une chose qui lui appartenait et s'il s'adresse à
la justice, le sire de Beaujeu doit la lui faire rendi-e, s'il
peut , et il ne doit conclure aucun accord avec le ravisseur,
sans l'assentiment et la volonté du spolié. Mais si ce der-
nier trouve dans la terre de Beaujeu ou au dehors un gage
raisonnable, il peut lui-même le prendre sans l'autorisation
du baUli ou de son lieutenant.
9. La même franchise accordée et jurée porte aussi que
le sire de Beaujeu, ou son heutenant, ou le bailli, ne peut
s'emparer ni ordonner que l'on s'empare de la personne
d'un bourgeois de Villefranche à raison des redevances pé-
cuniaires dues audit seigneur, ou pour toute autre cause;
318 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ni ordonner que l'on prenne sou cheval, son âne ou toute
autre chose qui lui appartienne; ou bien que l'on ferme sa
maison, à moins que l'on n'ait prouvé légitimement qu'il a
commis im délit poiu- lequel c'est l'usage à VUlefranche de
mettre ses biens (pecunia) et sa personne à la disposition
du seigneur, savoir: pour homicide, vol, ou autres délits
semblables. Le sire de Beaujeu ne doit intenter contre un
bourgeois de ViUefranche aucune action vexatoire, ni l'o-
bliger par ce moyen à donner autre chose que ce qu'il veut
lui donner gratuitement.
10. L'usage et francliisc de ViUefranche veut également
que si un bourgeois ou tout autre habitant fait tort à im
autre bourgeois et qu'il veuille traiter en présence d'amis
avant que l'action ait été portée devant le prévôt , le sei-
gneur ou l'auditeur de ses causes (le juge), les parties peu-
vent le faire sans être tenues à aucune redevance envers le
seigneur. Dans ce cas, n'ayant pas comparu devant ces
magistrats, le demandeur ou le défendeur ne sont somuis
à aucune amende.
1 1 . Les bourgeois de ViUefranche ne sont pas tenus
d'aller à la chevauchée (1); s'ils le font, ce ne sera que par
pure faveur.
12. Si, pour veiller à sa sûreté et à ceUe de sa terre, le
sire de Beaujeu conduit son armée près de ViUefranche et
l'y fait séjourner, il peut le faire, mais sous la condition
qu'il ne causera aucun dommage aux bourgeois ou à leurs
biens.
13. Si xm boiu-geois a acheté d'un chevalier ou de tout
autre une terre à charge de redevance, il ne sera tenu
de rien autre chose envers lui. Il devra les lods et ventes
(1) C'est-à-dire , de monter à cheval pour accompagner le seigneur
dans ses guerres /jz-iVcm.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 3 1 9
pour son acquisition, sans autre reconnaissance. Il en sera
de même de toute acquisition de possession , à l'exception
cependant de l'échange et de la gagerie (1) , car dans ce
dernier cas l'acquéreur sera tenu seulement de la moitié
des lods.
14 Un chevalier ne peut être prévôt de Villefranche.
15. Si une action a été portée devant le prévôt, qu'elle
soit également débattue devant lui.
16. Si un bourgeois a fait , hors de la viUe, tort à quel-
qu'un, et qu'une action ait été intentée à raison de ce fait,
qu'il y soit statué à Villefranche.
17. Si un chevalier frappe im bourgeois, le seigneur doit
avoir soixante sous , et que le bourgeois prenne lui-même
vengeance de cette injure.
18. Si les boiu-geois veulent, poiu- pourvoir aux besoins
et à la sûreté de la ville, percevoir un impôt général, le pré-
vôt ni le receveur fiscal ne doivent s'en mêler.
19. Si le prévôt ou le sénéchal ont été requis parles
bourgeois pour qu'ils prennent des gages de ceux qui ne
veident pas contribuer à cet impôt, ils doivent le faire sans
opposition et récompense.
20. Si le prévôt, le chassipol ou leiu-s officiers ont com-
mis une injure envers un bourgeois, ou l'ont accusé de
quelque délit, ils doivent donner caution devant le lieute-
nant du seigneur comme un autre simple particulier. S'ils
n'ont pas prouvé leur accusation , ils doivent supporter la
peine du talion et indemniser suffisamment le boiu-geois.
21. Si un homme ou une femme de mauvaise vie a inju-
rié un bourgeois et que le bourgeois ou quelqu'un de ses
(1) Le gage pouvait Cire vendu au créancier lorsque le débiteur (d'un
cens , d'une rente) ne le retirait pas dans le délai convenu. — V. Little-
ton , section îî'J , et de Laurière sur le (ilossaire de Ragucnau, v" Morl-
gogf.
320 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
amis lui ait donné un soufflet ou un coup de poing , le sei-
gneiu- pour ce fait n'aura aucun droit à exercer et ne perce-
vra aucune amende. Quant au fait de l'injure , l'on devra
croire au serment du bourgeois.
22. Si du sang a été versé par suite de coups (1) et
qu'une plainte ait été portée, le seignem" doit avoir soixante
sous, s'il est légitimement prouvé par témoins que celui
contre qui la plainte est portée a par ses coups fait saigner
le plaignant, à moins que le sang ne vienne des narines ou
d'une égratignure. Si aucune plainte n'a été portée , le sei-
gneur ni personne pour lui ne peut demander quelque
chose.
23. S'il n'y a pas eu de sang versé ni coups de poing et
qu'une plainte ail été portée, le seigneur doit a^uir trois
sous, et, suivant la nature des coups donnés, le frappé doit
obtenir , d'après l'appréciation des bourgeois et par leur
pouvoir, réparation de l'injure qu'il a reçue. Pour im coup
de poing, le seigneur aura trois sous forts; poiu-un souiilct,
sept sous (2).
24. Tout bourgeois peut avoir une mesure chez lui,
pourvu qu'elle soit légale. Le seigneur a sept sous pour
toutes mesures ou aunes fausses. Si on prétend qu'une me-
sure ou une aune est fausse , il faut appeler les meilleurs
bourgeois et celui à qui elle appartient , et l'échantillonner
en leur présence, afin que l'on voie si elle est fausse ou
non.
25. Pour les autres plaintes, le seignetir n'a que trois
sous.
26. Si quelqu'un a porte de l'étofTc dans un ouvroir
(1) Uailure , suivant une ancionnc copie de 1001.
(2) Le tc\lo porte sept , mais les eliartes préeitéos eorilieiiuent le
mol il ni s.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 321
pour qu'on lui fasse un habit, on ne pourra le lui saisir (1) ;
il y a néanmoins exception en faveur de celui à qui appar-
tenait l'ctofte et qui n'a pas été payé.
27. Toute personne venant à la foire de Villefranche ne
devra subir , soit en allant , soit en revenant , aucune at-
teinte dans sa personne et dans ses biens, lors même
qu'il serait débiteur d'un bourgeois de cette ville (2).
28. Si un étranger est débiteur d'un bom-geois et s'il re-
fuse de le payer un jour de foire, le créancier devra
s'adresser au prévôt ou au chassipol; et si le débiteur per-
siste dans son refus, ces magistrats devront gratuitement
lui défendre de revenir à la foire ; s'il ne tient pas compte
de cette défense, le créancier ou son mandataire pourront,
sans l'intervention des officiers du seigneur, saisir et déte-
nir sa personne et ses biens.
29. Aucun débiteur ne peut voir saisir comme gage de
sa dette , ni les vêtements qu'il porte, ni la porte de sa mai-
son; on ne peut pour même cause fermer sa maison, pourvu
qu'il ait du mobilier suffisant poiu désintéresser son créan-
cier. S'il n'a pas de mobilier, le créancier pourra, sans
l'autorisation du seigneur, s'emparer de tous ses immeu-
bles, les détenir ou les vendre.
30. Si quelqu'un a souffert une injiu-e et qu'une plainte
ait été portée, celui qui en a été convaincu doit seul suppor-
ter les frais de la plainte.
31. Le prévôt, le sénéchal, ou tout autre officier du sei-
gneur, ne pourra pour lui ou pour le seigneur porter témoi-
(1) Le gager.
(2) Souvent les officiers du seigneur ont ^iolé ce privilège pour cause
des tailles : mais toujours ils ont été rappelés à son observation , sur
les plaintes des échevins. Divers titres sur ce sujet existent dans les
archives de Villefranche.
21
322 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
gnage contre un bourgeois accusé devant la cour de ce
seigneur.
32. Le seigneur devra protéger et défendre toute per-
sonne qui voudra habiter Villefrancbe , si elle est prête à
répondre en justice à ceux qui se plaignent d'elle. Si elle
ne veut pas comparaître en justice , il doit la conduire en
lieu siir, à moins que ce ne soit un voleur public ou un
homicide.
33. Si un serf a demeuré à ViUcfranchc pendant an et
jour et sans poursuite de son seigneur, il est libre suivant
la franchise de la ville et est compté au nombre des bour-
geois.
31. Si un créancier prend gage de son débiteur et que
celui-ci le lui enlève, le prévôt, à qui plainte aura été por-
tée, devra le faire renilre au créancier, et le débiteur sera
condamné en trois sous qui seront remis en les mains du
prévôt.
35. Si un homme et une femme accusés d'adultère ont
été raisonnablement convaincus du crime, si par exemple
il est établi par témoin qu'on les a trouvés avec les hauts-
de-chausses tirés , ou s'ils ont été trouvés nus , ou bien en-
core si, couchés tous les deux dans le même lit, une par-
tie de leurs vêtements a été enlevée, qu'ils soient considé-
rés comme convaincus du délit, et dans ce cas qu'ils soient
tenus , à leur choix , de courir nus par la ville , ou de
racheter cette course au prix fixé arbitrairement par le sire
de Beaujeu (1).
36. Les homicides et les voleurs sont au pouvoir du sei-
gneur, et ils ne peuvent rester dans la ville qu'avec la vo-
lonté des boiu-geois.
(i) Voyez dans le Glossaire de Rapnoan plusieurs dispositions seui-
blablps, ri les Coiiliimos de Rioni , ail. 21.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 323
37. Si quelqu'un a violé une jeune fille, il doit l'épouser
si elle est de même condition, ou la doter suivant l'appré-
ciation des bourgeois. Si le coupalile ne veut faire ni l'un
ni l'autre et que cela soit établi sur la plainte qui en a été
faite, le seigneur devTa, sur l'avis des bourgeois, le con-
damner à l'amende.
38. La fdle ou la femme qui prétend avoir été victime
d'une violence de la part d'un individu dans un lieu où
elle a pu crier et être entendue , ne devra pas être crue, si
elle n'a pas crié; si c'est dans un lieu où elle n'a pu être en-
tendue, on ne devra néanmoins la croire que sur preuves.
39. Le bourgeois créancier d'un cbevalier ne pourra
prendre poiur gage le cbeval ou le roussin sur lequel il se-
rait monté, mais il pourra prendre toute autre cbose.
40. Tout étranger venu à la foire de Villefranche qui
aura pajé les laides, sera exempt de péage, mais devra ce
dernier droit pour les marchandises qu'il n'aura pas ven-
dues à la foire , s'il les transporte ailleurs.
41 . Le sire de Beaujeu doit avoir crédit (1) à Villefranche
pendant quatorze joiu-s ; ce droit n'est réservé qu'à lui
seul.
42. Un chevalier ne doit avoir une maison à Ville-
franche.
43. Toute personne pourra librement, irrévocablement
et sans opposition du seigneur duquel elle la tient, vendre
à qui elle voudra sa maison, sa terre, son pré ou toute
autre possession, pourvu que l'acquéreur puisse, comme
le vendeur, répondre envers ce seigneur des redevances
qui lui sont ducs.
(1) Ce droit consistait à prendre du pain , de la viande et autres den-
rées nécessaires à la nourriture des gens de la maison du seigneur,
avec terme certain d'en payer le prix.
32-4 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
44. Celui qui aura tiré l'épée ou le glaive pour frapper,
et cependant n'aïu-a pas frappé, devra payer soixante sous,
ou avoir le poing coupé (1).
45. Si mi boiu-geois de Villefranche veut aller habiter un
autre lieu , il conservera tous ses biens situés dans le do-
maine du sire de Beaujeu et pourra en disposer à sa volonté,
pourvu qu'il se conforme aux usages de la ville.
46. Les Juifs ne peuvent habiter ni séjourner à Ville-
franche ; et l'on ne doit leur accorder aucune confiance
lorsqu'ils prétendent être créanciers de bourgeois , à moins
qu'ils ne le prouvent comme chrétiens et par des chré-
tiens.
47. Si un bourgeois de Villefranche a fait ime loge (2)
devant sa maison , il ne de^Ta pour cela aucune redevance
au seigneur, à moins qu'il ne tire un profit de cette loge.
Dans ce cas, la redevance sera proportionnée à l'étendue de
la pédée. Personne ne devra prendre à charge de rente un
espace ([uelconque devant la maison d'autrui , si le pro-
priétaire de cette maison veut le retenir aux mêmes con-
ditions.
48. Tout propriétaire d'une maison en ville, et même le
bordelier, s'ils rem})lisscnt les conditions prescrites par
l'usage de la ville , sont exempts des laydcs que l'on lève
en ville ainsi que des droits de péage que l'on perçoit dans
la terre de Beaujeu.
49. On ne doit lever aucune layde sur les pommes , les
poires, les châtaignes et autres fruits semblables.
50. Si un bom-geois de Villefranche s'est rendu coupable
(1) 11 y a dans le Icxtc pugniim . mais le deriiier u semble avoir rem-
placé un a. Si Ton devait lire pugnam , il faiidrail traduire ou se justi-
fier par le duel.
(2) Espèce de tente où les marchands e\i)osaicnl leurs marchandises,
surtout les jours cle foire.
PIÈCES JUSTIFICATIVKS. 32 5
d'un fait illicite, qui ne soit cependant ni un liomicide ni
un vol, et que plainte soit portée, le prévôt peut obliger
l'accusé à donner caution de sa comparution en justice :
s'il s'y refuse, cet officier aura recours à ses biens; s'il n'a
pas de biens, il s'emparera de sa personne et la déposera
dans un lieu convenable, soit dans sa maison, soit dans
celle du chassipol; mais, dans ces divers cas, le plaignant
devra aussi préalablement fournir caution. Néanmoins, si
un bourgeois veut le cautionner pour avoir sa propre per-
sonne pendant un temps raisonnable, il pom-ra l'obtenir.
Si aucune plainte n'est élevée <à raison de ce fait ,
le prévôt , ni personne pour lui , ne doit s'en mêler.
51. Si un cbevalier, féglise ou tout autre a cédé à un
bourgeois de Villefranche à charge de redevance une terre
quelconque , de quelque nature que soit la redevance ,
il ne pourra par la suite poursuivre le bourgeois ou son
héritier pour reprendre la terre.
52. Si quelqu'un a vendu sa propriété , qu'il ne soit pas
entendu dans la réclamation qu'il formerait ensuite pour
la reprendi'e.
53. Si les bourgeois font entre eux des échanges, ils ne
sont tenus de payer des droits de laodsque pour les soultes.
54. Tout bourgeois peut avoir un four en ville pour une
redevance de cinq sous viennois ; comme aussi chacun peut
cuire où il voudra , et Ton n'est tenu de donner pour une
Iourte qu'un denier viennois sans y ajouter une épogne.
On doit cuire une ànée de froment pour six deniers
viennois. Celui qui aura un fom- pourra le délaisser, s'il
lui plaît , et se décharger ainsi de la redevance. Tout bour-
geois peut faire moudre où il voudra , et avoir un âne pour
aller chercher le blé en ville et le porter au moulin.
55. Le sceau de la commune de Villefranche doit être
gardé par deux boiu-geois élus par les autres: ces boiirgeois
jureront de sceller avec bonne foi les titres qui apparticn
326 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
dront à la commune. Nous voulons aussi tpie les titres sur
lesquels ce sceau a déjà été apposé aient une force et une
authenticité pleine et entière. Ces boiu^geois pourront être
changés d'année en année, et l'on ne de^Ta percevoir aucun
droit de sceau.
56. Si im bourgeois trouve dans son jardin, son bois, sa
vigne ou son pré, quelqu'un qui lui cause du dommage et
qu'une plainte soit portée , il faut, malgré la dénégation de
l'auteur, croire au serment du bourgeois, pourvu qu'il ne
soit pas suspect de parjure.
57. Si un chevalier, un clerc, un bourgeois ou tout autre,
après avoir vendu une terre, une maison, im pré, ime
vigne ou toute autre possession, se présente devant le sei-
gneur avec l'acquéreur et s'en dessaisit au profit de ce der-
nier, le seigneur, à qui l'on a olïcrt ses droits de laods et
ventes, n'a pas le droit de retenir la chose vendue.
58. On ne doit pas vendre à Villefranche de la viande
de taureaux à partir de Pâques jusqu'à la fcte de St-Michel,
et en aucun temps de la viande grente pour de la saine,
et de la chair de truie comme chair de porc mâle.
Les boucliers ne doivent, ni en été ni en hiver, mettre
dans feau pondant le moindre temps la viande de chèvres
et d'autres animaux.
59. La même charte jurée contient encore que le sire de
Beaujeu est seigneur de Villefranche; mais, avant que les
bourgeois lui prêtent serment d'hommage et de iklélilé, le
seigneur devra avec vingt chevaUers jurer de conser\ er et
d'observer inviolablement la liberté et franchise de Ville-
franche telle qu'elle est pleinement contenue dans la pré-
sente charte.
60. Si un boiu-geois est mort en laissant un testament et
après avoir nommé des exécuteiu-s testamentaires et qu'il
ait des fils ou des filles , nous voulons que les filles soient
dotées suivant l'avis des exécuteurs testamentaires. S'il
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 327
meurt intestat, ses filles seront dotées suivant l'avis de six
bourgeois du plus sage conseil et des parents. Si les enfants
sont en minorité, on ne devra les doter avant qu'ils n'aient
atteint l'âge nubile.
61. Si un bourgeois a doté sa fille, elle devra se conten-
ter de sa dot et ne poiuTa rien demander de plus dans
l'hérédité paternelle. Elle héritera néanmoins , si son père
est mort intestat et sans héritier direct. Elle pourra égale-
ment recueillir par échoile (1), à défaut du père, delamère,
des frères et des parents.
62. Si mi chevalier ou tout autre étranger est débiteur
d'un bourgeois de ViUefranche , le prévôt ou le chassipol
doit, sans opposition et sans récompense, accompagner le
créancier et aller prendre gage du débiteur pom- sûreté de
la créance.
63. Si un bourgeois a frappé son épouse , le seigneur
ne devra accueillir aucune plainte à raison de ce fait, ni
percevoir aucune amende , à moins que mort ne s'en soit
suivie.
64. Le bourgeois qui aura jeté une pierre ou levé un
bâton contre quelqu'un sans cependant l'avoir frappé ou
blessé, ne sera tenu qu'à une amende de sept sous, si
plainte a été portée ; mais il ne sera rien dû au seigneur ou
à ses baillis, si aucune plainte n'a été formée.
65. On doit ajouter foi pleine et entière jusqu'à con-
currence de cent sous forts de Lyon aux écrits du bourgeois,
marchand de draps ou de toiles ou de toutes autres mar-
chandises de semblable nature, pourvu qu'il jouisse d'une
bonne réputation et qu'il n'ait pas été puni pour par-
jure.
(Ij Par succession collatérale qui arrive quasi sorte. — V. le Glos-
saire de Ragneau, y" Echoile.
328 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
66. Lorsqu'une maison, une terre, un pré, une vigne,
un bois ou tous autres gages ont été siibhaslés (1) pour être
vendus à la foire de Villefranche , les baiUis ou leurs ser-
gents ne pourront par eux-mêmes ou par d'autres s'en ren-
dre acquéreurs ou en retenir quelque chose.
67. Si un bourgeois a fait un testament écrit ou non
écrit, institué un héritier et fait réserve pour de pieuses
offrandes d'une somme quelconque ou de quelque valeur
immobilière , le seigneur ne percevra à l'occasion de cette
réserve aucun droit de laods, à moins que le testateur n'ait
ordonné la A'ente de la chose qui en fait l'objet : dans ce cas
le seigneur percevra son droit de laods jusqu'à concurrence
de la vente.
68. En présence de nous Guichard , sire de Beaujeu, les
bourgeois de ViUefranche ont consenti à ce que Mathieu,
curé de l'église de Pouilly, clerc de notre château, possédât
ainsi que ses héritiers, avec exemption de toutes coutumes
et charges, la maison qui hii appartient à ViUefranche,
limitée d'un côté par celle des enfants de Guichard de la
BruaiUe, et de l'autre par celle de feu Jean du Temple.
69. Si un bourgeois, pour obtenir payement de sa
créance, a saisi, avec laulorisation du seigneur, une maison,
un champ, une vigne, un pré ou toute antre chose mobi-
lière ou inunobihère , le premier saisissant devra d'abord
être payé de l'intégralité de sa créance; le surplus appar-
tiendra aux autres créanciers saisissants.
70. Nous approuvons et confirmons également les coutu-
mes que l'on observe hors de la ville.
71. Les bourgeois de ViUefranche peuvent, pour la ga-
rantie de leurs créances, prendre gage les uns des autres
(i) L.i suhlia.station , dont l'origine rst roiiKiinc . él.iil iiiie vente
publique et judiciaire des biens du dt-bilcur sur la poursuite du eréan-
cier. — \ . Kevel, Usages de Bresse.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 329
pendant les joui's de foire ou marché, et le sire de Beau-
jeu ne peut à cette occasion percevoir aucune rétri-
bution.
Nous, Guicliard, sire de Beaujeu , fils de feu Hunibert,
connétable de France, avons juré sur les saints Evangiles,
avec vingt chevaliers, d'observer inviolablement et perpé-
tuellement toutes les dispositions qui précèdent.
Les chevaliers qui ont juré avec nous sont ceux ci-des-
sous dénommés :
Hugues Palatin, seigneur de St-Bernard ; Guillaume
d'Yllins ; Hugues Palatin ; Hugues de Marzé ; Etienne de
Pizey; Guillaume de Mai'zé; Guicliard de la Douze; Joce-
rand de Francheleins ; Barthélemi de Laye; Guigue de
Mont-d'Or ; Etienne Salvaing ; Thomas de St-Saturnin ;
Hugues de Télis ; Hugues de Taney ; Pierre de Ronens ;
Girin de Vaux ; Guillaume de Verney ; Ponce Gemnos ;
Dalmas de Rebutin, et Etienne de Feugières.
Et pour donner à la présente charte et aux dispositions
qu'elle contient plus de force et d'authenticité, nous l'avons
corroborée de notre sceau.
Donné en l'an de Notre-Seigneur mil deux cent soixante,
au mois de novembre.
La présente charte fut successivement jurée et confirmée:
1° Par Renaud, comte de Forez, et Isabelle son épouse,
sœur et héritière de Guichard;
2° Par Louis, leur fils ;
3° Par Guichard, fils et successeur de Louis;
4° Par Edouard, fils et successeur de Guichard. — L'acte
qui contient cette dernière confirmation, et que la viUe con-
serve dans ses archives, est en date du 12 mars 1331.
330 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
DISPOSITIONS NOUVELLES INSEREES DANS LA CUARTE DE
CONFIRMATION DE 1331.
1. Si ua bourgeois de Villefranche a fait un testament,
les héritiers ou les exécuteurs du même peuvent faire ou-
vrir et publier ledit testament dès qu'ils le voudront ; on
ne doit les y forcer par l'autorité du seigneur ou de son
délégué ou lieutenant qu'à la requête de quelqu'un à qui il
importe de faire publier le testament, et, si le susdit testa-
ment s'ouvre dans la salle ou cour du seigneur de Beaujeu,
le juge de la coin* même ou un autre pour lui ne doit pas
demander ou prélever, poiu: la publication même du testa-
ment à sceller, au-delà de qutu-ante écus de Vienne, et
ainsi en descendant aux bourgeois inférieurs et médiocres,
selon ([ue le juge ci-dessus nommé trouA cra juste qu'on
doit recevoir, selon la ficulté du défunt, pour le scellé des
pid)lications des testaments des bourgeois susdits.
2. Le juge de la cour du seignem: de Beaujeu ne peut
ni ne doit faire forcer lui bourgeois de Villefranche, par
l'autorité du seigneur ou par la sienne, à s'assurer la tulélc
ou le soin de quelque pupille ou mineiu", ni demander ni
lever au-dessus de vingt écus de Vienne pom* sceller l'in-
ventaire fait sur les biens et rhérilage de quelque bourgeois
défunt, et en descendant ainsi aux inférieurs et aux bourgeois
de classe moyenne, selon que le juge croira devoir recevoir
selon la faculté des mêmes iiuUvidus.
3. Le seigneur de Beaujeu, ouïe prévôt, ou son chassipol
ou quelque autre à sa place ou au nom du seigneur même»
ne peut ni ne doit prendre ni faire prendre , ni saisir ni
faire saisir par soi ou par un autre , les biens meubles ou
inuneubles de quelque bourgeois défunt , pour qtielque
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 331
méfait ou délit, soit qu'il l'ait occasionné ou qu'il en ait
été cause, si ledit bourgeois n'a pas été interpellé sur ces
mêmes choses de son vivant, ou s'il n'a pas été convaincu
que tel a été le délit ou forfait , ou qu'il y ait eu un autre
prétexte ou cause par laquelle cette personne bourgeoise et
sa propriété doivent venir aux mains du seigneur, selon la
teneur du présent privilège.
4. Si une saisie a été faite par leprévôt ou par le cliassipol,
ou par un autre, au nom du seigneur de Beaujeu, à la
sollicitation de quelqu'un , sur des choses qui ont bientôt
concilié les parties pour lesquelles la saisie a été faite, alors
que le prévôt soit tenu aussitôt de se dessaisir des choses
saisies , sans don ni récompense , à la sollicitation de celui
qui a fait saisir, après avoir toutefois reçu son droit et
celui du seigneur, s'il en a dans la saisie.
5. Si un voleur a été pris dans la terre du seigneur de
Beaujeu et qu'il ait dérobé des objets de quelque bourgeois
de Villefranche et qu'il ait avoué qu'il a volé ses propriétés,
qu'on les rende au même boiu-geois si elles existent, et, si
elles n'existent pas , que la chose volée soit restituée sur les
biens du volem* même , s'il en a.
6. Si un boiirgeois de Villefranche a frappé quelqu'un un
jour de marché ou un jour de foire de la même ville, il ne
doit pas plus pour cette injure qu'il ne devrait sans le mar-
ché ou sans les foires ci-dessus nommés.
7. Si un bourgeois de Villefranche a vendu un gage,
une caution hypothèque, meuble ou immeuble, ou s'il l'a
fait vendre au mai-ché ou dans les foires de Villefranche ,
et si celui contre qui ou pour qui ou un autre pour lui n'a
pas appelé, au bout d'un an et un jour, de la vente de la
caution de l'hypothèque faite contre lui, ou quiconque a
allégué une raison contre ladite vente, s'il a été présent
dans la province , qu'on ne l'écoute en aucune manière sur
les choses dites ci-dessus.
332 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
8. Que le prévôt ou le chassipol, ou quelqu'un des serfs
du seigneur, ne rompent, ne prennent, ne donnent du
pain des boulangers ou des boulangères à cause de la peti-
tesse du pain, ou de quelque autre désagrément, que d'après
l'avis de trois bourgeois qui voient et qui jugent avec le
prévôt de ce que l'on doit faire de ce pain.
9. Aucun revendeur de poisson de Villefranche ne peut
ni ne doit acheter des poissons des pêcheurs de rivière
de la rive en deçà , si ce n'est pour son comestible , jusqu'à
neuf heures, à moins quil ne les ait achetés des pécheurs
sur la rivière ou rive; ni des individus ne peuvent, ayant
part à la pêcherie ou au marché au poisson de Villefranche,
acheter des poissons (jue de deux à deux; et, s'ils font le
contraire, qu'ils perdent les poissons.
1 0. Si un chevalier ou quelque autre empêche ou trouble
un bourgeois de Villcfi-anche sur une chose ou sur quel-
que possession qu'il tient de lui à redevance, et que le
bourgeois oll'rc de donner à ce même o])posant une cau-
tion convenable de faire droit devant lui dans le bailliage
où la chose même existe , si l'opposant ne veut pas se dé-
sister du trouble qu'il cause, cet empêchement et ce trou-
ble doivent être écartés par le seigneur de Bcaujeu.
1 1 . Un bourgeois de Villefranche ne doit pas traîner en
cause ou faire assigner un bourgeois de ladite ville hors
de la cour ou du tribunal du seigneur de Beaujeu, pourMi
cependant que ce bourgeois contre lequel on agit ou plaide
soit prêt à faire droit dans la cour même; si ce n'est dans
une cause de mariage, et concernant la perversité, le dérè-
glement des usures.
12. Et qu'il soit libre à tout bourgeois, sans crainte de
quelque peine ou de quelque caution à fournir, d'appeler,
de rappeler d'une sentence quelconque interlocutoire et
défijiilise portée contre lui au seigneur de Beaujeu, seule-
ment dans le temps prescrit parla loi.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 333
13. Quelqu'un qui n'est pas dans l'âge de discrétion
n'est pas tenu, envers le seigneur ou son bailli, à une ré-
clamation ou à une amende ou réparation.
14. Celui qui aura trouvé quelqu'un, de nuit, à une
heure indue, dans sa maison, sans feu, peut le prendre,
l'arrêter, sans l'autorité et sans l'ordre du seigneur; et s'il
se défend contre le maître de la même maison , et que le
maître lui-même ou quelqu'un de la famille le blesse en le
saisissant ou en le retenant , il n'est tenu en rien pour cela
au seigneur ou à son bailli, et il doit remettre le prisonnier
au prévôt ou au chassipol.
15. Un bourgeois ne doit pas vendre son vin à pot dans
Villefranche , ni en augmenter le prix au-dessus de quatre
deniers forts , c'est-à-dire à chaque sey tier dans un tonneau
de vin.
16. Aucun bourgeois de Villefranche n'est tenu de pren-
dre ni de retenir quelqu'un de ses serfs ou domestiques
pour quelque vol qui lui a été fait, quoiqu'il fait trouvé
sur le fait, et en cela il n'est tenu en rien au seigneiu- ou à
son bailli.
17. Le seigneur de Beaujeu ne doit faire des enquêtes
sur des objets d'iimiieubles de quelques bourgeois que
d'après le consentement et la volonté du boiu-geois contre
qui se doit faire cette perquisition.
18. Des boiu'geois députés par le prévôt et par d'autres
bourgeois doivent garder les clefs des portes de Villefran-
che , et le seignevu" ne peut affermer à personne les tours
de ladite ville. Qu'on ne tienne serrées ou fermées toutes
les portes de la même ville à cause du tribut commun de la-
dite ville , ou à cause du délit de quelque bourgeois , si ce
n'est du consentement et de la volonté de six bom-geois de
ladite ville.
19. Si quelqu'un a une maison dans la ville couverte de
paille, qu'il la fasse couvrir de tuiles dans deux ans; sinon,
que dès-lors elle soit démolie.
334 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
20. Le seigneur de Beaujeu ou ses baillis ne peuvent ni
ne doivent faire imposer aucune amende ou peine à un
bourgeois de Villefranche , en quelque cas que ce soit , ni
rien percevoir sous peine d'amende. Que si cela s'est fait,
on n'est pas passible de l'amende.
21. Si le seigneur de Beaujeu cliange le prévôt de Ville-
franche, ou le bailli dans sa terre, ou le juge dans sa cour,
le prévôt, le bailli et le juge, dans le changement même,
doivent lui jurer en main, c'est-à-dire en présence de qua-
tre bourgeois de la ville , qu'ils ne viennent pas , en ce qui
regarde leur charge, s'opposer, agir contre les statuts, les
libertés et la fi-ancliise contenus dans le présent écrit.
Dans la suite de la charte il est dit qu'une contestation
s'était élevée entre les bourgeois et Louis fils d'Isabelle, au
sujet des terres qu'ils possédaient dans les bailUes de Ly-
mans (Limas) et de Pouilly-le-Chàtel , et qu'ils tenaient au-
trefois du domaine direct du sire de Beaujeu, et pour les-
quelles ils lui ])ayaicnt des redevances. Louis, en raison de
la mort d'Isabelle, ordonna qu'on levât sur ces terres des
droits de reconnaissance (recognitiones), et fit, sur le refus
des bourgeois, prendre des gages. Cependant, après en-
quête et déhbération en conseil, il se départit à toujours
de ses prétentions sm' ce sujet.
Il réduisit également de douze deniers viennois à six
les droits qu'il prélevait des bourgeois dans la baillie de Li-
mas, pro qnalibet saysina el pro c/ualibet desaysina, faite
par lui ou ses gens (génies suas).
Edouard a donné cette confirmation de l'autorité et con-
sentement de Girard de Chaintré, chevalier, son curateur,
et eu présence de noble homme Guirhard de Cbaintré, son
bailli, et de Pierre Barrai, juge des causes d'appel, et de Per-
raud Servazous, prévôt de Villclranche.
Antoine a succédé à Edouard son père ; il a donné sa
confirmation le 26 novembre 1.S59, avec l'autorilé et li-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 335
cence de Jean de Thélis, chevalier, son curateur, et en
présence d'autre Jean de Thélis , d'Aimon de la Bessée ,
chantre de Beaujeu et juge des causes d'appel, et de Hugues
Gaufroy dit Maqiiabrous, prévôt de Villefranche.
Antoine de Beaujeu accorda, le 16 janvier 1369, les nou-
veaux privilèges dont nous allons faire mention ; ils furent
concédés en présence de sept bourgeois, stipulant et ac-
ceptant pour la ville. En voici la teneur:
1. Le seigneur de Bcaujeii renonce au droit de prise et
crédit pour 14 jours, qu'il avait sur toutes les denrées et
marchandises.
2. Le seigneur ou ses gens ne prendront plus à l'avenir,
à titre de provision, les boeufs, chevaux, mules, ânes,
porcs, brebis, ou tous autres animaux, les chars, les char-
rettes, le blé, le vin, le pain, les ustensiles, leshts (^gausa-
pia, ;nrtp/?as), les tonneaux, les tonnes, lesbennes, barils, etc.,
et tous autres ustensiles; les vases, les vaisselles d'or ou
d'argent, etc
3. Le seigneur ou ses gens ne pourront faire arrêter ou
permettre qu'on arrête et détienne un bomgeois, ni placer
des sergents [seii vaslalores) sur et dans leiu-s biens ou
dans leurs maisons , pour quelque cause que ce soit , à
l'exception cependant des cas d'homicide, de vol, de trahi-
son ou autre délit majeur. Dans ces derniers cas, une in-
formation légale devra précéder l'arrestation, à moins que
le bourgeois ne soit pris en flagrant délit ; alors, il devTa le
faire expédier incontinent. Le seigneur pourra aussi exer-
cer ses exécutions, pour ses créances, en denrées ou argent
liquide.
4. Tout bourgeois pourra désormais vendre son vin en
gTos ou en détail, à tel prix qu'il lui plaira, pourvu qu'il se
serve d'une mesure légale.
5. Si le seigneur ou ses gens s'emparaient, en violation
des privilèges , de la personne ou des biens d'un bourgeois.
336 PIÈCES JUSTIFICATIVES,
les bourgeois ou leiu-s gens pourraient le reprendre ou le
retenir, et ils ne seront pas tenus poiu- cette recousse ou re-
tenue de payer une amende quelconque. Si, en ftiisant cette
recousse ou retenue , ils ont conunis quelque injure envers
le seigneur, soit en parole , soit en action , ils ne pourront
être arrêtés pour cette félonie et ne devront payer aucune
amende , à moins qu'il n'y ait eu alors homicide ou mutila-
tion de membres, ou injiures contre la personne du sei-
gneur.
6. Si un bourgeois appelé devant le prévôt confesse sa
dette , il ne de^Ta pour cela lui donner une chose quel-
conque.
7. Les sires de Bcaujeu devaient fournir aiLx bourgeois
des étalons pour toutes les mesures, soit pour le blé, le vin,
l'huile, soit pour les étoffes, soit pour les choses qui s'esti-
ment au poids. Mais en bvrant ces étalons ils percevaient
un droit, surtout lorsque les derniers étalons étaient moins
grands que les précédents. Le seignciu" les exempte de ces
droits.
8. Si im bourgeois était pris pour les faits et dettes du
seigneur, celui-ci devra le racheter, le rendre à la hberté
et l'indemniser de toutes ses dépenses et de tous les dom-
mages, comme de ce qu'il aurait payé pour lui.
9. Les consuls, économes ou écheviris nonunés par les
bourgeois, poiuront de leur propre autorité se réunir cha-
que semaine, au jour qui leur conviendra, et en tel lieu
qu'ils auront désigné , pour y tenir leur assemblée. Us
pourront y délibérer et traiter de toutes les affaires de la
ville et des bourgeois, rendre toutes ordonnances contre
toutes personnes, lorsqu'ils croiront devoir le faire, excepté
toutefois contre le roi des Français et le sire de Beaujeu.
Lesdits consids, à leur entrée en fonctions, devront prê-
ter serment au sire de Beaujeu de le servir fidèlement en
tout ce tpii ne sera pas contraire auxdits privilèges.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 337
Donné à Belle ville en présence de Jean de Thélis, sei-
gneur de l'Espinasse , lieutenant du sire de Beaujeu et
gouverneur général de ses terres, Guillaume de Monceaux,
juge ordinaire, Vincent d'Ogeret, prévôt, et Aimon de Ros-
set, son lieutenant.
CONFIRMATION I)i:
137G.
La confirmation du 22 décembre 1376 a été donnée par
Edouard II, sire de Beaujeu, successeur d'Antoine, qui
venait de mourir, en présence de Geoffroy Peyse, Gui-
chard de Montapert , Guyonnet de Rivière et Jean de Bar-
berelle, bourgeois et consuls de Ville francbe , et de plu-
sieurs autres bourgeois, auxquels lecture des privilèges a
été donnée en langue française.
Le sire de Beaujeu pouvait être contraint à l'observation
des privilèges par tous justiciers, officiers, toutes cours. Il
soumet, dans le même but, ses biens et sa personne shjlis,
slalutis , orcUnationibus régis nostri Francorum ejusque
ballioi Matisconensis.
Girard de Ste-Colombe, chevalier, bailli de toute la terre
de Beaujeu, Guicliard Gacier, procureur général de ladite
terre, Jean de Beaujeu, notaire, prévôt de Villefranche, et
Guillaume de Monceaux, juge ordinaire, ont prêté serment,
en leur qualité , d'observer et conserver les privilèges.
Donné à Villefranche, in domo alhergariœ, ad signum
mutonis: dans fauberge ayant pour enseigne , au mouton,
le 22 décembre 1376.
22
338 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Louis de Bourbon, seigneur de Beaujeu, a confirmé les
privilèges , libertés et franchises , à Montbrison, le 18 oc-
tobre 1400.
Anne, dauphine, veuve de Louis, les a confirmés le 5
novembre 1413.
Charles, duc de Bourbonnais, les a confirmés au mois
d'août 1434. Us le furent régulièrement à chaqpie géné-
ration.
QQ&QQ^QQQQQQQQQQQQQQQQQQlQyQ^QQQQQQQQ
CONCESSION ET VENTE DU DROIT DE CHASSE
AUX HABITANTS DU BEAUJOLAIS.
143U.
Charles, duc de Bourbonnois et d'Auvergne, comte de
Clermont, de Forests, seigneur de Beaujeu, pair et cham-
bellan de France: à tous ceux qui ces présentes lettres ver-
ront, salut. Sçavoir faisons, receuë par nous et ouïe l'hum-
ble supplication et requeste de nos hommes subjetsdenos-
tre païs de Beaujolois, tant bourgeois et habitans de nos
villes closes, comme autres habitans audit païs, en partie
du royaume , contenant que jaçoit que d'ancienneté nos-
dits hommes et subjets, qui à présent sont, et leurs prédé-
cesseurs, eussent accoutumez de chasser et pi-endre à force
et par manière de chasse , et à engins à ce propices et con-
venables, toutes manières de bestes sauvages, noires et
rousses, comn^e loups, sangliers, cerfs et autres : pour
obvier aux dégâts et consomptions de leurs biens champes-
tres, bestiaux, et leurs semences, et autres fruits de quoy
ils vivent, et en leurs soutenances, et icelles bestes sauva-
340 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ges poursuivre et prendre par les forests et détroits dudit
païs, et autres pour cela où elles alloient cbeoir et mourir,
en rendant toutefois et payant à nos châtelains , prévôts et
officiers des lieux esquels iceUes bestes étoient prinses, ou
plus prochains d'iceux, les di'oits d'ancienneté accoutumez:
c'est à sçavoir, des bêtes noires, comme sangliers et truyes,
d'une chacune prinse , la hure et les quatre pieds ; et des
bestes rousses, l'épaule droite; et le résidu desdites bestes
sauvages demeure esdits preneurs ; et de cette usanee eus-
sent jouy par long-temps paisiblement, jusque feu nostre
cousin messire Edoiiard, lors seigneur de Beaujeu, pour au-
cun débat qui survint entre luy et lesdits hommes et sub-
jets de Beaujolois, leur en fit ou fit faire certaines inhibi-
tions et défenses, moyennant lesquelles, et autres débats et
controverses mises entr'eux, furent lesdits subjets démis et
dépointez de ladite usanee et coutume de chasser et pren-
dre lesdiles bestes sauvages et autres, laquelle chose leur
a esté et leur est très préjudiciable et dommageable en leurs-
dits fi-uits et biens, et leur fuit et porte de grands et
excessifs dommages , et leur dégàte et consomme telle-
ment et quotidiennement, que bonnement ne nous peu-
vent payer nos servis , cens , rentes , redevances , ny aussi
supporter les autres nécessitez. Et pour ce nous ont suppliés
et requis très humblement, à grande instance , qu'il nous
plût sur ce leur pourvoir de nostre grâce et miséricorde ,
attendu mesme que n'avons accoutumé faire nostre demeu-
rance en nostre dit pais de Beaujolois; pourquoy, nous, ces
choses considérées, voulons et désirons obvier auxdits
dommages, gàts et consomptions de biens et vivres qui
surviennent et se contiennent par lesdites bestes sauvages ,
à faulc (le chasse, connue dit est ; ouï aussi l'advis elle
rapport tant des gens de nostre conseil estans entre nous ,
comme de nostre dit païs de Beaujolois : avons doimé et
octroyé, donnons et orlrnynns par ces présentes , pour
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 341
nous et nos successeurs sieurs deBeaujolois, etmesmenient
pour et au nom de nostre très cher et très aimé fils Philippes
de Bourbon sieur de Beaujeu, pour lequel avons prins et
prenons en main, à nosdits hommes et siiljjets d'icelle sei-
gneurie de Beaujolois , en partie du royaume , et leurs
successeurs perpétuellement , licence et permission et
congé de chasser et prendre lesdites bestes sauvages , noi-
res, rousses et autres, à force de gens, hayes, engins, et
chiens, tels comme à eux affiert, et qu'ils ont accoutumé
d'avoir et faire le temps passé, pour eux garder desdits
dommages et gàts de leursdits biens , fruits et vivres ; et
celles qu'ils poiu"suivront et prendront, retenir et appliquer
à eux, où elles voisent cheoiret mourir; par quoy rendant,
ou en quelque jurisdiction que la beste cherra et sera
prinse, les di'oits susdits : c'est à sçavoir, de chacune beste
noire de porcelin sauvage , la hure et les quatre pieds ; et
de chacune beste rousse prinse , l'épaule droite ; le surplus
demeure auxdits chasseurs. Retenu toutefois et expressément
réservé à nous et à nostredit fils sieur de Beaujeu, et ses
successeurs soient audit païs de Beaujolois, ou que nostre
très chère et très aimée compagne la duchesse, ou nostre fils
Phihppes de Bourbon seigneur, ou la dame de Beaujeu, ou
les enfans du seigneur de Beaujeu y soient, tant que ce du-
rera, et ils y seront, les hommes susdits n'auront ou feront
ladite chasse : et de nostre présente grâce accordée et oc-
troyée ne jouiront ou s'aideront aucunement quant à chasser
celuy temps durant, sinon qu'ils ayent lors licence expresse
de ce foire : ainsi lesdits supplians jouiront de ladite
chasse, tant que nous et nostredit fils seigneur de Beaujeu ,
nostre compagne, et sieur et dame qui est sieur de Beaujeu,
ou leurs enfans, ne se tiendront au païs de Beaujolois; et
lesquelslîommessupplians, par le moyen de nosdits congé,
octroy, et à cause d'iceux ainsi par nous à eux faits, nous
rendront et payeront pour une fois la sonnne de quatre
342 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
cens cinquante écus ou réaux de soixante-quatre au marc :
c'est à sçavoir, la moitié à Pasques prochaines , et l'autre
moitié à la St-iMicbel ensuivant, es mains de nostre amé
et féal secrétaire et trésorier de Beaujolois Philippes de
Rancé, lequel en tiendra compte, et leur baillera décharge
et acquit , qui leur sera valal)le envers nous , nostredit
fils, et nosdits successeurs à toujouis. Si donnons en man-
dement, etc
Donné en nostre châtel de Moidins , au mois de décem-
bre mil quatre cens trente-six. Par Monseigneur le duc en
son conseil: signé Trichon, et scellé.
Les habitants du Beaujolais ayant été troublés dans leur
droit de chasse par Pierre de St-Romain, commissaire du
duc de Bourbon, il intervint arrêt du parlement de Paris
en date du23 mai 1494, coufirnialif dcl acte de privilège et
taisant défense à tout officier du sire de Beaujeu de trou-
bler à l'avenir les habitants du Beaujolais dans l'exercice de
leur droit de chasse.
Henri de Bourbon , duc de Montpensier et baron de
iJcaujolais, coniirma de nou\eau ce pri\ilége le 16 janvier
lôOH.
aoooao^:o;aQjSQsao!Ooa.!aQaooaoaQQooa:oao,afio.o 0.0.0.00
PERMISSION
ACCORDFE A LA VILLE DE VILLEFRANCHE
DECORER SES ARMES DU CHEF DE BOURBON.
1S14.
Anne de France, duchesse de Bourbonnois et d'Auvergne,
comtesse de Clenuont, de Forets, de la Mtu'che et de Gien,
vicomtesse de Cariât, de Murât, de Chàtelleraut , dame de
Beaujolois, d'Annonay, de Roche-Reynier et de Bourbon-
Lancy , sçavoir faisons, à tous présens et advenir, que nous
réduisans à mémoire la bonne loyauté , parfaite amour et
vraye obéissance que nos chers et bien amez les échevins ,
bourgeois, nianans et habitans de nostre ville de Villefran-
che en nostre pa'is et baronnie de Beaujolois, ont toujours
montrées envers feu nostre très cher seigneur et époux le
duc, que Dieu absolve, nous et autres nos prédécesseurs
de la maison de Bombon ont et continuent de bien en,
mieux envers nous; considérant aussi que ladite ville est
la principale et capitale duditpaïs, et qu'elle est remplie
de plusieurs bons et notables personnages de divers estais,
ikh PIÈCES JUSTIFICATIVES.
lesquels, comme reprcsentans le coqis et communautez de
ladite ville, ont de longue ancienneté accoutmué d'avoir les
armes de ladite ville : à sçavoir, est un écu de gueules , à
une tour d'argent. Voulant de nostre part, pour considéra-
tion et reconnoissance des choses dessus dites , icelles ar-
mes leur décorer, et lesdits éclievins, manans et habitans
accroître en honneur et en dignité , et les faire ptu-ticipans
en nos bienfaits et libéralitez , à ce que cy-après soient
toujours plus enclins de persévérer en leurdite obéissance;
à iceux, pour ces causes et autres à ce nous niouvans, avons
de nostre grâce , lil)éralité, plaine puissance et aulhorité ,
donné et octroyé , donnons et octroyons par ces présentes,
un chef des armes de la maison de Bourbon, et desnostres,
par- dessus les leurs , selon la forme et manière qu'elles
sont cy peintes et figurées; voulans et octroyans que les-
dites armes ils puissent dorénavant à perpétuel avoir, pren-
dre et porter, et icelles mettre et afficher aux portaux, tours
et autres Hcux de ladite ville, et ailleurs où ils voudront
et que bon leur semblera, et tout ainsi qu'on a accoutumé
de faire aux autres bonnes viUes de ce royamue, en man-
dant à tous nos justiciers, officiers et sujets, que lesdits
échevins, manans et habitans de Villefranrhe et leurs suc-
cesseurs, ores et pour le temps à venir, ils ne troublent et
n'empêchent en l'effet et contenu desdites présentes, mais
les en laissent jouir paisiblement, sans aucunement venir
au contraire : car tel est nostre plaisir; et afin que ce soit
chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre
nostre scel à cesdites présentes, sauf en autres nostre droit,
et l'autruy en toutes. — Donné en nostre chàtcl de Mouhns, au
mois de novembre, l'an de grâce mille cinq censet quatorze,
par Madame la duchesse; les sires de Coidan et de Mortare,
le premier président des comptes, et de Brigneu, maistre
des eaux et forêts de Beaujolois et autres présens. Signé
Billon, et scelle du sceau de la princesse.
■t^<^4^^ft5S*»"l^,^*^^.#«îS(<S^«^!ttés«*l^*55lS*lfJ^«ê9^
TRADUCTION DE LA TRANSACTION
PASSEE ENTRE
LES CURES DE VILLEFRANCHE ET LES FRERES RELIGIEUX DE RONCEVAUX
on l'année 1239.
Emerique par la permission divine archevêque, quoi-
que indigne, de la première église de Lyon, à tous ceux qui
verront les présentes lettres, salut éternel dans le Seigneur.
Faisons savoir à votre université que, lorsque la noble
dame Sybille, dame de Beaujeu, et le noble homme Hum-
bert son fils, eurent donné poiu" le salut de leurs âmes et
de celles de leurs parents à perpétuité à l'hôpital de Ronce-
vaux, pour aumône perpétuelle, cette maison qu'on appelait
l'hôpital de Villefranche avec toutes les appendices ou
dépendances de la même maison, afin que l'office divin
pût y être célébré par les frères résidants à Roncevaux , et
afin qu'on put y montrer des œuvres de miséricorde, selon
ce que contenaient les lettres de ladite dame et de son fiJs,
que nous avons vues; nous, cédant à leurs prières et en
considération de leur piété, prévenant leur dévotion, leur
346 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
pieuse volonté et donation faite par eux, nous avons ac-
cordé , nous voulons et nous ordonnons que lesdits frères
construisent dans ledit lieu une chapelle, et qu'ils aient un
cimetière selon la donation faite ci-dessus , ils puissent
célébrer les divins mystères et exercer les oeuvres de cha-
rité. Mais comme l'église paroissiale de Villefranche, ou le
chapelain au nom de ladite égUse, percevait , dans le lieu
précité, les droits parrochiaux, sous quelque dénomination
qu'ils soient censés être , et qu'on administre tous les sa-
crements de l'Eglise à tout le monde, tant aux grands qu'aux
petits, aux malades, aux sains, aux résid;mts et aux pas-
sants, aux connus et aux inconnus : pour qu'à l'avenir il ne
puisse s'élever ou naître de dispute ou de dift'ércnd sur la
chapelle et le cimetière susdits entre les frères de Ronce-
vaux qui y résident et ledit chapelain de Villefranche , par
l'intervention de notre autorité et par la concession expresse,
il a été ainsi arrêté entre eux, savoir: que les susdits frères
puissent y construire librement et sans contradiction une
chapelle et y avoir un cimetière, et que tout ce qui leiu-
arrive ou leur provient de ladite chapelle, construite ou à
construire, en offrandes, en collectes ou prières (absoutes),
en droits mortuaires, processions, comestibles, blé, chan-
delles, argent, et en d'autres choses quelconques, tout dol,
fraude et collusion étant écartés , le tout soit partagé de
bonne foi en commun par la moitié entre l'église ou le
chapelain de Villefranche et l'hôpital ou les frères ci-
dessus nommés, en sorte que le diapolain de Ville-
franche ait la moitié, et l'hôpital l'autre moitié ; à l'ex-
ception que le chapelain ou l'égUse de Villefranche ne
percc\Ta rien des frères qui portent le signe ou le symbole
(!(' l'habit. On ne doit présenter le signe ou le syml)ole de
l'ordre et l'iiabit do l'ordre à personne en fraude , ni le
revêtir, ni le donner à quelqu'un, après qu'il aura été
malade, que d'après l'ordre du chajielain de Villefranche,
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 347
à moins qu'il ne soit paroissien d'une autre paroisse et qu'il
ne demeure encore dans une autre paroisse; et cependant,
s'il meurt, qu'on le partage entre l'hôpital et l'église. Mais
si un homme bien portant, en santé, venait pour recevoir
la marque et l'habit de l'ordre et qu'il meure après une
année d'épreuve, que toute la charité qu'il aura faite soit
partagée de bonne foi et sans fraude entre ladite église et
l'hôpital. Après une année d'épreuve, s'il veut rester avec
le symbole et l'habit de Tordre , l'église ci-dessus mention-
née ne percevra rien de ce qui le concerne humainement,
de ce qui peut lui appartenir comme honmie. Ni le parois-
sien de Villefranche ne sera reçu dans l'hôpital pour la
sépulture ou pour l'habit sans la permission du chapelain,
si ce n'est seulement ceux qui résident dans l'hôpital.
Tous les jours de fêtes de neuf leçons et tous les diman-
ches, le prêtre qui célébrera dans ladite chapelle, quand il
voudra commencer la messe, défendra à haute voix aux
paroissiens de Villefranche (excepté à ceux qui résident
dans riiôpital) d'y assister à l'office divin , mais qu'ils ail-
lent à leur église, connue ils le doivent; et si, outre sa défense
et celle du chapelain de Villefranche qui fera la prohibition,
lorsque et conune qnelqu'un le voudra ou lorsque quelques-
uns desdits paroissiens y viendront, s'ils font quelque of-
frande, quelque don (comme il a été dit), qu'on le partage
par moitié. Ledit hospitalier , ou le prêtre qui pour im
temps servira dans la chapelle susdite , ne visitera pas
hors de fhôpital, il ne donnera la pénitence ou l'eucha-
ristie, ou les autres saci'ements, ou ne les offrira à personne
qu'à ceux l'ésidant dans fhôpital; il n'envaliira ni exercera
nuls autres droits parrochiaux ; et tout ce qu'il rece\Ta ou
percevra, en visitant fhôpital, en administrant la pénitence
ou feucharistie , ou les autres sacrements , sera partagé
entre fhôpital et l'égHse de Villefranche. De même, il ne se
fera pas de baptême dans la chapelle de fhôpital, mais on
348 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
portera ceux qui doivent être baptisés (ou les enfants à
baptiser) à l'église de Villefranche. Qu'on ne reçoive pas à
l'office divin les excommuniés, ni les juifs (puisqu'on ne
le doit pas), ni les femmes qui relèvent de couche, excepté
celles qui accoucheront dans l'hôpital. Un jour de diman-
che ou de quelque fête deneuf leçons, le prêtre ne conmien-
cera pas ou ne célébrera pas la messe dans ladite chapelle
que l'évangile de la grand'messe n'ait été chanté dans l'é-
glise de Villefranche. Le vendredi-saint on ne donnera,
dans la susdite chapelle , la croix à baiser à aucun des
paroissiens de Villefranche, si ce n'est à ceux qui résident
dans le susdit hôpital. L'hospitaUer ou le prêtre qui servira
dans ladite chapelle, suivant le temps, et le directeur dudit
hôpital, toutes les fois qu'on l'y établira de nouveau, et
tous ceux qui y portent et qui ont le caractère et l'habit
de l'ordre, jureront sur les saints Evangiles de Dieu qu'ils
s'en tiendront et répondront de bonne foi sur toutes les
choses susdites. Chaque chapelain de Villefranche (s'il lui
plaît), pour conserver son droit, transmettra et aura dans la-
dite chapelle son nonce, qui doit être reçu avec bonté et
sans contradiction, et qui doit remettre en plein le droit au
chapelain de Villefranche.
Mais les frères de Roncevaux ou un autre poiu" eux n'ob-
tiendront jamais le privilège contre les choses énoncées ci-
dessus ou contre quelques-unes d'elles, et s'ils l'ont obte-
nu ou s'ils l'obtiennent, qu'ils y renoncent; et s'ils ne veu-
lent pas y renoncer, ce qui pourrait leur être utile (ou valoir)
ne leur servira de rien.
Pour nous, après avoir considéré et connu évidemment
en cela l'utilité et l'avantage des frères tant dudit hôpital
que de l'église do Villefranche, nous prescrivons, ordon-
nons et confirmons, de notre autorité onliiiairo, toutes les
choses pré-énoncées et chacune en particulier. Et en témoi-
gnage de tontes les choses susdites, de notre ordonnance
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 349
et de notre ratification, nous avons jugé devoir apposer à
la présente page notre sceau, avec le sceau de la comtesse
de Beaujeu, du grand prieur de Roncevaux, d'Etienne, juré
de Villefranclie , qui ont approuvé et accordé toutes les
choses dites ci-devant. Donné et fait le jour de la lune
après la mi-carême, l'année de l'incarnation du Seigneur
1239, au mois de mars.
ANCIENNE BULLE
ACCORDEE PAR LES TRES EMINENTS S5. SEIGNEURS CARDINAUX DE LA
SAINTE EGLISE ROMAINE, Cl- DESSOUS NOMMES, EN FAVEUR DE LA
CHAPELLE DE L'HOPITAL DE LA BIENHEUREUSE MARIE Dt RONCEVAL-
1S21.
Raphaël d'Hostie , Dominique de Portu et Nicolas d'Al-
bane, évéques; Antoine, du titre de Ste Praxède; Pierre,
du titre de St Eusèbe; Laurent, du titre des quatre Saints
couronnés; Adrien, du titre de Ste Sabine; Jean, du titre
de Ste Balbine; Boniface, du titre des Sts Nérée et Acbilée;
Scaramucius , du titre de St Cyriaque ; Iberius Pompée , de
la basilique des douze Apôtres; Dominique, du titre de
St Clément; Laurent, du titre de Ste Anastasie ; Seroman-
dus, du titre de St Pancrace; Egidius, du titre de St Mathieu;
Christophe, du titre de Marie in Ara cœli, prêtre; Marc, de
Ste Marie inviolala; Jean, des StsCôme et Damien; Nico-
las, desSts Vilte et Marcel, martyrs; Hercule, de Ste Agathe;
François, de St Théodore, et Jean, de St Onuphre, diacres,
cardinaux , par la miséricorde divine , de la sainte Église
romaine: à tous et à chacun en particulier qui verront les
352 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
présentes lettres, salut en Notre-Seigneur. Plus nous enga-
geons fréquemment les esprits des fidèles aux oeuvres de
charité , plus nous pourvoyons d'une manière salutaire au
salut des âmes. Désirant donc que dans la chapelle de
l'hôpital de la bienheureuse Marie de Ronceval, hors et
proche des murs de la ville de Villefranche du diocèse de
Lyon, les fidèles de Jésus-Christ la vénèrent toujours par
des honneurs, par des hommages fréquents et convenables
et qu'ils la réparent, la conservent et la maintiennent dans
ses structures et ses édifices , et aussi qu'elle soit décem-
ment munie et fournie de hvres, de calices, de luminai-
res, d'ornements ecclésiastiques et d'autres choses qui y
sont nécessaires au culte divin, et que les fidèles de Jésus-
Christ y affluent d'autant plus volontiers par dévotion, et
désirant qu'ils tendent et prêtent plus facilement des mains
nuxiliatrices pour la réparation, pour la conservation, pour
l'entretien et pour les dons ci-nommés, et aussi pour la
subvention ou le soutien et secours des pamTes infirmes
qui sont maintenant et pour un temps dans ledit hôpital ,
qu'ils s'y verront plus abondannncnt rafraîchis, rassasiés
de ce don de la grâce céleste. Nous, cardinaux ci-dessus
nommés, c'est-à-dire, chacun de nous en particulier, prê-
tant l'oreille aux supplications qui nous ont été humble-
ment présentées là-dessus par notre vénérable honmie bien-
aimé en Jésus-Christ, Etienne Dojet, administrateur de
l'hôpital même; nous confiant en la miséricorde de Dieu
tout-puissant et en l'autorité de ses bienheureux apôtres
Pierre et Paul: à tous et à chaque fidèle de Jésus-Christ des
deux sexes, vraiment pénitents et confessés, qui visiteront
dévotement tous les ans l'hôpital et la chapelle du même,
à chaque fête et chaque jour, savoir : de l'Assomption de la
bienheureuse Vierge Marie , de la Commémoration des
Morts, de St Biaise, du dimanche où l'on chante Lœtare,
et de l'Annonciation de la même bienheureuse Marie, de-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 353
puis lespreniièresvèpresjusqu'aux secondes inclusivement,
et qui présenteront des mains secourables aux prémisses,
c'est-à-dire au susdit hôpital, et qui réciteront dévotement
une fois l'Oraison dominicale avec la Salutation angélique
pour le salut de l'âme du même Etienne lorsqu'il sera parti
de cette vie et de celle de son père dernièrement décédé,
de ses autres parents, de ses frères et de ses proches, ot pour
le salut des âmes de tous les fidèles défunts qui reposent
dans la susdite chapelle et dans son cimetière : nous accor-
dons miséricordieusement dans le Seigneur l'indulgence de
cent jours sur les pénitences qui leur sont enjointes, poux
chaque fête et chaque jour précités où ils feront cela. Les
présentes pour durer à perpétuité dans les temps futurs.
En foi desquelles nous avons ordonné de faire notre présente
lettre de cette manière, et nous y avons fait apposer nos
sceaux.
Donné à Rome dans nos appartements, l'an de la nati-
vité du Seigneur quinze cent vingt-un, le 23 du mois de
mai, neuvième année du pontificat du très saint Père en
Jésus-Christ et de notre seigneur Léon X, pape par la pro-
vidence divme.
S5
^s^a^^^t^a^^^^^^s^^^
LETTRES DF PHILIPPE-LE-BEL \ GUICHARD
DE BEAUJEU,
RIIATIVFS A L'rXTRADITION DE QUUQUFS. FAUX MONNAYFURS.
18 f.-vrici- l.iOi.
Philipes, par lu grâce de Dieu, ;i tous ceux à qui ces pré-
sentes lettres viendront, salut. Comme notre amé et féal
conseiller, Guichard, sire de Beaujeu, ait et tient qu'en
son cliàtel de Clialamont hors de notre royaume. Vilains
de Pauvres-Roches, Simon Viel et Guillemin Moiron, poiu-
la suspétion de certains crimes, et pour ce qu'ils étoient
suspensonnés d'avoir faussé notre monnoye et nos coins,
eussions requis ledit seigneur que il, lesdits suspensonnés,
nous renvoyât, parce qu'à nous et non pas à autres appar-
tient la connoissance et punition des fausseurs de notre
monnoye et de nos coins, et ledit sire les nous veuille ren •
voyer: Nous faisons à savoir que notre entente n'est ne ne
voulons que cette rémission soit préjudiciable, ne fasse en
rien préjudice audit seigneur, ne à sa seigneurie, ne à sa
356 PIÈCES JUSTIFICATIVES,
instance , ne à ses successeurs au temps à venir. En témoi-
gnage de laquelle chose nous avons fait mettre notre sccl à
ces présentes lettres. Donné à St Germain-en-Laye, le dix-
huitième jour de février, l'an de grâce mille trois cents et
quatre.
»^*««i?»^««Ê«?>w?.sï:^.sts?s^„■«^^
DON FAIT PAR OUDARD (Edouard) SIEUR DE BEAUJEU
DE SA TERRE ET SEIGNEURIE DE BEAUJEU ET AUTRES TERRES SISES TANT
AU ROYAUME QU'EN LTMPIRE , A M. LE DUC Dl BOURBON ET SA EEMME.
23 jiii;: 1 iCO.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Jehan sei-
gneur de Folleville, chevalier, conseiller et chambellan du
roy nostre sire, et garde de la prévosté de Paris, salut. Sa-
voir faisons que pardevant Richard deBailly et Jean Pièce,
clercz, nottaires jurez du roy nostre dict seigneur, en son
chastellet de Paris,
Fut personnellement estably noble et puissant seigneur,
monseigneur de Beaujeu, lequel de son bon gré, bonne vo-
lonté , propre mouvement , de sa certaine science , sans
force, fraude, faction, erreur, lésion, inadvertance, cir-
convention et décevance, induction ou contraincte aucune,
luy sur ce bien conseillé, pourveu et advisé, par bon et
meur advis, conseil et délibération , comme bien et deue-
358 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
ment acertainé de son faictet desondroict en cette partie.
Considérant et attendu l'amour, lignage et affinité qui
toujours ont été et sont encores à présent , et seront , au
plaisir de Dieu, au temps à venir, entre très haidt, très
noble et très puissant seigneur et prince , monseigneur
Louis, duc de Bourbonnois, comte de Foretz, pair et cham-
brier de France , madame Anne , dauphine , duchesse de
Boiu-bonnois, sa fenmie, et messeigneurs Jehan monsei-
gneur de Bourbonnois comte de Clcrmont, et Louis mon-
seigneur, leurs enians, et ledict monseigneur de Beaujeu
et lem-3 prédécesseurs; elles grandz plaisirs, aydes et se-
cours et courtoisies que ledict monseigneur le duc de
Bourbonnois a faictz audirt monsieur de Beaujeu , par
plusieurs fois, cl en maintes manières, au temps passé, en
ses grandz besongnes, ;dl'aires et nécessités, faicts chacmi
jour, et espère que encores face. Pour contemplation de
quoy et que ledict monseigneur de Beaujeu n'a de présent
aucuns enfans naturclz et légitimes, nez et procréez en
loyal mariage, et par plusieurs autres excuses, motifs et
considérations, à ce le mouvans et pour ainsy que luy
plaisoit et le peut et le veut faire, reconnoist et confesse
pardovant lesdictz nottaires jurez, comme pardevant nous,
en droit jugement a\oir donné, quitté, transporté et dé-
laissé , et par la teneur de ces présentes lettres donne ,
cedde, quitte, transporte et délaisse, à héritage, perpé-
luellcuient et hérédilablcmont, en nom et à tiltre de pure,
simple, vrave et absohie donnation et irrévocablement
faicte entre-vifs, sans avoir espérance à jamais, à md jour,
la révoquer, rappeUer, adnuUer, desbattre ou contredire ne
venir en contre, mais l'aura et tendra vallable, par toutes
les meilleures formes et manières que faire se peut, doibt,
pourra et debvra , de droict , coustmne et usaige de
pays;
Auxdicis mon.seigiuMir le duc de Bdiirbiniiiois, pour ce
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 3S9
présent pardevant lesdictz nottaires , prenant et acceptant
cette présente donnation , et à madame la duchesse sa
femme , pour eux, pour leurs dictz enfants nez et à naistre
de leur loyal mariage , et pour leurs hoirs , successeurs et
ayans cause, à tousjoiu-s au temps à venir; icelluy monsei-
gneur le duc de Boiu-bonnois , et lesdictz nottaires , stipu-
lans et acceptans poiu- eux , leurs hoirs ou ayans cause ;
La baronnie , terre , seigneurie , circonstances et apparte-
nances et appendances quellesconques dudict Beaujeu, et
telles autres terres qu'il a et tient à présent , en quelque
lieu que ce soit , tant au royaume de France , comme en
l'empire , avecques toutes les noblesses , seigneuries , jus-
tice haute , moyenne et basse , mère , mixte et impère , do-
maines, patronages, ressorts, droictz, hommes et femmes
de corps, fiefs, arrière-fiefs, cens, rentes en grains, en
chappons, en volailles, en deniers, revenus, prouffictz, es-
moUumens, et toutes les appartenances quellesconques des
dictes baronnie et terre, au bon plaisir et asseurement, tou-
tes voyes, de nostre sire le roy, de ce qui est tenu de luy en
fief, et des autres seigneurs , desquelles les terres , rentes
et possessions dessus déclarées sont tenues et mouvans en
fiefs.
Cette présente donnation faicte par ledict monseigneur
de Beaujeu auxdictz monseigneur le duc de Bourbonnois et
madame la duchesse sa femme, pour eux, leurs dictz enfans,
hoirs et ayans cause, luy mouvant à ce pour les causes et
moyens devant dictz , au cas toutes voyes que icelluy mon-
sieur de Beaujeu et noble dame, madame Alléonor de
Beaufort, sa femme, iroient de vie à trespassement sans
avoir aucuns enfans masles ou femelles, un ou plusieurs,
ou posthumes, nez, procréez, ou engendrez de luy en leur
mariage; pour d'icelles baronnie, terre et seigneurie de
Beaujeu, et des autres terres et possessions dessus dictes ,
de leurs circonstances et appendances et appartenances
360 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
quellesconques, joiiir et user et paisiblement posséder par
ledict monseigneur le duc de Bourbonnois, par ladicte
dame la duchesse sa femme, leiu-s enfans, successeurs,
hoirs et ayaus cause, comme vrays seigneurs, propriétaires
et possesseurs, après le trespas toutes voyes d'icelluy mon-
seigneur de Beaujcu. Lequel monseigneur de Beaujeu a
voidu et consenti expressément que tantost et incontin;\nt
après ce que il seroit allé de vie à trespassement, ledict
monseigneur de Bourbon, ladicte dame la duchesse sa
femme, lem's dictz enfans et leurs ayans cause, leurs agens
ou officiers par eus, de leur propre autorité, sans congié
ouhcence d'autruy et sans autre solennité faire, puissent
prendre ou faire prendre de faict, appréhender et avoir la
possession et saisine, foy, hommage et souftVance, desdic-
tes baronnie, terre, noblesses, seigneuries et autres choses
quellesconques dessus déclarées, et des circonstances, dé-
pendances et appartenances d'iceiles, ainsi par luy données
et transportées andicl monseigneur de Bourbonnois et à la-
dicte madame la duchesse sa femme, poiu- eux, pour
leurs dictz enfans, hoirs et ayans cause, pour en faire,
jouir, user, exploiter et posséder à leur prouffict, comme
de leiu" propre chose, si connue vrays seigneurs, proprié-
taires et possesseurs peuvent et doivent faire de leur pro-
pre. Et s'il advenoit que ladicte madame de Beaujeu, qui est
à présent, allasl de vie à trespassement sans a\oir enfans
et hoirs de son corps, nez et procréez dudict mariage d'i-
ceUuy monseigneur de Beaujeu, son mary, et d'elle,
comme dict est, que ledict monseigneur se mariast et,
eust enfans nez, jirocréez en mariage, masle ou masles,
les filles qui vssiront dudict second mariage ne viendront
point à la succession et héritage dudict monseigneur de
Beaujeu ; ainçois, au cas dessus dict, l'aisnée desdictes
filles, qui vssiroit dudict second mariage, seroit mariée, et
conveniiblement selon son estât, aux taux et dépens du-
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 361
dict monseigneur le duc de Bourbonnois, de ruadicte dame
la duchesse, de leurs dictz enfans, hoirs et ayans cause;
et les autres fiUes, se une ou plusieurs en avoient, seroient
mises en religion honorablement, selon Testât de leurs
personnes , en leur baillant et ordonnant pension ou pen-
sions raisonnables par lesdicts monseigneiu" le duc de
Bourbonnois, madame la duchesse, leurs enfans, hoirs
ou ayans cause. Et se d'icelluy second mariage ils avoient
enfans masles , iceux enfans masles succéderoient à leur
dict père, et seroit en ce cas icelle dounation nulle.
Outre, ledict monseigneur de Beaujeu, pom- greigneur
seureté des choses dessus dictes, et afin qu'elles ayent et
sortissent mieux leiu" plain efi'ect, a juré par son serment,
pour ce faict solennellement aux saints évangilles de Dieu,
et promis par la foy de son propre corps , pour ce baillée
corporellement ez mains desdiclz nottaircs jurez, comme
en la nostre souveraine pour le roy nostre dict seigneur,
qu'il n'a faict, ne fera , ne entend, ne entendra à faire au-
cuns contrats, promesses, conventions ou obligations et
autres choses quellesconques desdictes baronnie, terre, no-
blesses et seigneuries dessus déclarées, pourquoy ladicte
donnation fust ou soit aucunement eslraincte, empeschce
ou annulée ; et au cas qu'il procédcroit de faict , ou s'efibr-
ceroit de faire le contraire, en quelque manière que ce
fust ou peust être, dés maintenant pour lors, et dès lors
comme pour maintenant, il révoqua et baiUa, et par ces
présentes lettres révoque et annuUe, du tout en tout, ce
qui seroit faict et procédé contre et au préjudice des choses
dessus dictes, etc
En tesmoing de ce, nous, à la relation desdictz nottaires,
avons mis à ces lettres le scel de ladicte prévosté de Paris,
qui furent faictes et passées doubles, de l'accord et conven-
tion de toutes partyes; c'est à sçavoir: les unes par mon-
dict seigneur de Beaujeu, et les autres par mondict seigneur
'^ ^'^ PIÈCES JUSTIFICATIVES,
de Bourbomiois, l'an de grâce mil quatre cens, le mer-
credy, veille de la Nativité de Sainct Jehan-Baptiste, vinet-
Iroisiènie jour du mois de Juin.
11. DE Baillv. J. Pièce.
STATUTS ET ORDONNANCES
CONCERNANT L'ETA T ET OFFICE UU MAITRE DES EAUX ET FORETS-
1407.
Louis, duc de Boui-bonnois, comte de Forez, baron et
seigneur de Beaujeu, pair et chambrier de France , à tous
ceux qui ces présentes lettres verront, salut: Sçavoir fai-
sons que, pour obvier aux grands abus et entreprises qui
au temps passé ont été faits et procm-és au fait de nos fou-
rests et eaux de Beaujollois, tant par les maîtres, gardes fou-
restiers et autres officiers desdites eaux et fourests qui ont
induemcnt poigé , prins et levé trop excessives sommes
de deniers sur les et plusiem-s autres droits et émo-
lumens non dus sur lesdites fourests et eaux, au préjudice
de nous et des fermiers et adccnseurs d'iceUes eaux et fou-
rests , comme par plusieurs personnes qui en iceUes ont
follement usiupé et mesfait , ou autrement y ont porté
très grand dommage , non doutant corrections ni pugni-
364 PIÈCES JUSTIFICATIVES,
tions de nous ne de justice : nous avons leiies, tenues et
avisées et fait aviser par notre grand conseil appelé pour
ce pardevant nous, certaines ordonnances qui ja piéça
avoient été faites par nous et notre dit conseil , et icelles
par délibération de notre conseil en aucun de leiu-s ar-
ticles, et puis à nous amendées et eu état dû et convenable
rédigés en la forme et manière qui s'ensuit :
Et premièrement, le maître des fourests, de deux en deux
mois, visitera lesdites fourests par lui ou son lieutenant, et
en les visitant tiendra son siège ez lieux accoutumés d'an-
cienneté à ses dépens.
Item , tous ormeaux versés et rompus et bois abbattus
de coignèe, quand ils sont trouvés par le maître des fou-
rests ou son lieutenant en visit^nt les fourests, ou par les
fourcstiers, seront mis par écrit, par qualité, quantité et
déclaration de lieu, et mis en vente par crie et étrousse
aux ])lus ofi'rants, cz assises dudit maître des fourests.
Item, ledit maître des fourests aura son papier ordinaire,
auquel seront écrits par la main du clerc de sa cour, qui
aura serment à nous, tous les procès et exploits qui faits
seront audit oflice.
Item, menus bois à rhautlage seront vendus cz assises
et p;ir la main dudit mailrt' des fourests ou son lieutenant,
au plus offrant, comme dit est, et tous mis et enregistrés
audit papier ordinaire, et avant l'étrousse sera vu et visité
par ledit maître des fourests ou son lieutenant.
Item, les fourestiers rapporteront leurs prises par ser-
ment, sans fraude, auxdites assises, par écrit sous leurs
sceaux ; et se ils sont trouves en coulpe ou en fraude , ils
seront privés de leurs oflices et pugnis de leurs biens en
amende arbitraire envers nous, laquelle amende écherra
en la transaction de notre conseil.
Item, les fourestiers auront copie des privilèges des
usages de leurs gardes, et pour exprès se prendront garde
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 365
lesdits fourestiers comme lesdits usagiers useront de leurs
droits; et se ils sont trouvés abusant contre la teneur de
leurs privilèges, le fourestier fera la prise et rapportera en
la Chambre de nos comptes, à Villefranclie , en fera partie
pour nous, et cependant cliaira la main dudit usage et
dudit abus , connoitra ladite Chambre ; et ne seront tenus
prendre bois dudit usage, se n'est par la main dudit maître
des fourests, et aussi ne mettant auxdites fourests bètes
en plus grand nombre qu'ils ne doivent.
Item, si les fourestiers, en tous leurs gardes, trouvent
de nouveaux édifices de maisons ou autre ouvrage à un
aisseu, douelle, planchier, roues ou chavance, ou autres
ouvrages de bois, ils le pourront prendre ou arrêter et
rapporter la prise ez assises dudit maître des fourests, lequel
sçaura et enquerra de quel bois et fourest est venu ledit
ouvrage, et d'où l'auront eu ceux sur qui y aura été trouvé;
et qui ne pourra montrer son titre raisonnable , ledit maî-
tre des fourests pourra le condamner à amende selon le
cas.
Item, toute personne qui sera trouvée en fourfait de bois
prendre et ambler en nos fourests, payera pour un plançon
soixante sols, pour estime vingt-cinq sols, pour une cha-
vance (1) de bois mort en bois menu à échauftage dix
sols , car c'est la coutume ancienne , et pardessus payera
l'amende et autre pugnition selon le cas et la faculté.
Item , toute personne qui sera trouvée par nuit forfaisant
ez dites fourests, il perdi-a ses bœufs, chavances etferre-
mens pour le délit, lesquels bœufs seront par ce à nous ,
et la chavance et ferremens seront au fourestier pour la
peine et diligence.
(1) Voifnrp.
366 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Item, qui trouvera homme par nuit abbatant bois auxdi-
tes fourests à la coignée, il payera soixante sols pour cause
de la nuit, et en outre payera l'amende de forfait selon le
bois qu'il abbatra, ainsi connue si fait et abbatu l'avoit par
jour, ou sera le cas criminel ou arbitraire à nous; et se il
l'abbat à la scie, est plus grand que de la coignée, parce que
la coignée appelle le fourestier.
Item, si le fourestier trouve bêtes à garde faites en nos
taillis et revenues, chacune bcte et son segant, s'il y est,
payera sept sols; et se il n'y a garde faite, chacune bête
payera douze deniers, et pour chacune fois que trouvés y
seront.
Item, les hommes de nos vavasspurs, ne autres fors que
les nôtres sans moyens, n'ont point do pâturages en nos
bois; et se trouvés y sont, en quelque saison que ce
soit, ils payeront [lour chacune bête l'amende comme
dessus.
Item , de demy en demy an ledit maître des fourests tau-
xara ses exploits et les baillera à lever aux fourestiers du
lieu , et les sommes desdits exploits avec tout autre émolu-
ment des fourests, par partie et par écrit sons le scel, rap-
portera à notre trésorier de BeaujoUois, lequel sera chargé
d'en compter en recette et dépense.
Item, les fourestiers ne pourront vendre bois, ne avoir
connoissance de cause, fors ([n'en prendre, arrêter, adjour.
ner et rapporter audit maître des fourests, et seront crus
de leurs prises, par serment, en la manière accoutmnée.
Item, se adcenseront et vendront les bois et paissons, ez
chàtellenies et mandeniens où elles seront assises.
Item, se les paissonniers ou leurs députés, durant leur
temps , trouvent porccaux ou bêtes en leurs paissons ou en
leur paisson appanage, chacune bête avec son segant et
chacun porc payera douze deniers, dont à nous les deux
parts et au marchant le tiers pour chacune fois que trouvés
y seront.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 3(37
Item , a été ordonné que des restes des grosses ventes de
vingt-quatre livres en sus, le maître des fourests, pour
le scel et écritui'es , aura cinq sols ; si elle excode trente
livres, sept sols six deniers; de quarante livres, dix sols ;
et pour la plus grande vente , vingt sols.
Item, semblablement de la vente des menus bois reve-
nants.
Item , les restes des paissons sont tauxés comme
ventes.
Item, des ormeaux, vesliers, mort-bois ou bois par
terre, néant, si le prix ne excède dix livres; en cedit cas,
dix sols potir lettres.
Item , tous dépens seront nuls sur les achetteurs et ne
seront tenus de rien payer fors tant seulement ledit
restas, le prix à quoi elle sera mise, et les quittances du
trésorier, dont l'on payera audit trésorier, pour chacune
quittance particulière, quatre blancs seulement, et pour
chacune quittance générale, cinq sols tournois par mise
que de vingt livres , et au-dessous on ne payera rien de
quittance générale.
Item, poiu* les ventes criées par trois mois, en toutes les
chàtellenies , esquels lieux les ventes seront aussi au jour
des foires et marchés.
Item, le maître des fourests et le clerc, ne châtelain ne
fourestier, n'auront nul droit de cire d'abeilles trouvées
d'espaves ez fourests ne ez bois abbatus, mais seront recueil-
lies par nos gens à notre profit , et en comptera le tréso-
rier.
Item, les fourestiers seront tenus à chaque fois qu'ils
trouveront les bétes ez taiUis de les mener en justice, en
lieux hors du bois, afin de sçavoir à qui elles sont pour le
rapporter plus sûrement ; et au cas qu'ils ne les pourront
bouter hors des bois, ils feront crier deux ou trois fois,
par trois fois, se il y viendra nuls de côté pour mieux
prouver leurs prises.
368 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Item, de mettre ez ordonnances ceux qui abbatront le
bois à la scie pour en faire pugnition corporelle, de ôter
membres selon les instructions royaux.
Item , que le marchand des ventes est tenu de garder le
bois de sa vente d'entoiu", et d'autant comme l'on peut oire
le coup de la coignée.
Item, soit mémoire au fourcsiier de bien garder les reve-
nues des taillis, à peine de nous rendre le dommage.
Item, chacun fourcsiier est tenu d'aller deux fois le jour
en sa fourest, le soir et le matin, et de rapporter de
quinze en quinze joiu"S ses prises.
Item, que l'on baille à notre trésorier de Beaujolois deux
fois l'an les nouvelles ventes et exploits, c'est à sçavoir
quinze jours avant Noël, et quinze jours avant la St-Jean-
Baptiste.
Item , que les petites garennes soient baillées à cens et
aussi les petits étangs.
Item , ne se pourront vendre taillis, bois versés ne abba-
tus de nuit, de grosses ventes, ne autrement, sans le seing
du martel ou ladveu de la garde de iceluy; et qui le sera
autrement, il le mandera judicialement.
Item, quand il faudra faire grosses ventes en hautes
fourests, là iront pour faire les grosses ventes le maître
desfourests, la garde du martel et l'arpenteur ou le tréso-
rier avec les deux d'iceux , pour voir et aviser le lieu le plus
profitable ))our nous, et là feront laver par ledit arpenteur
telle quantité que bon leur semblera à vendre et la mettront
à renchérir, et seront vendues les layes d'icelle vente le
plus profitablement pour nous; et sera baillé un martel au
marchand d'icelle , pour faire tétrousse pour signer son
bois s'il le requiert.
Item, que les ventes soient coupées près de la terre pour
les revenues, laquelle sera gardée pour le temps dû et
accoutumé.
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 369
Item, que nous ne devons nul bois de nos fourests; mais
si nous voulons donner à aucuns pour bâtir, nous leur
donnerons de l'argent pour acheter des marchands, et se
payera par la main du trésorier, et ainsi ne seront pas foulés
les marchands ni les fourestiers selon le terme des ventes.
Item, que tout bois qui sera nécessaire pour nos bâti-
mens et ouvrages sera advisé par le charpentier et maître
de nosdits ouvrages, et sera délivré par le maître des
fourests et par la garde du martel.
Item, semblablement seront gouvernés les étangs, eaux,
moulins et garennes, et seront remis et sustenus en état et
appoissonnés par le conseil de la Chambre de nos susdits
comptes. Des profits qui en y seront, et aussi des mises
qui y seront nécessaires, compteront les maîtres des fourests
et eaux, le trésorier ou receveur pour la certification dudit
maître des fourests par le contreroUe du maître des fourests;
et sera deffendu par tout notre pays de BeaujoUois que en
quelque rivière que ce soit, il ne soit pescheurs si hardis
de peschier, si ce n'est des filets de droite maison, dont le
patron leur sera donné par les gens de notre conseil; et
sera tenu ledit maître des fourests d'apporter l'état des
appoissonnements sous son scel une fois l'an et seing dudit
clerc, et des garennes et moulins pareillement, afin que si
aucunes choses y sont faites , il y soit pourvu par les ordon-
nances des gens de la Chambre de nosdits comptes, qui
le feront faire par le trésorier ou ceux à qui il appar-
tiendra.
Item, seront tenus les maîtres et clercs des fourests de
jurer, garder et tenir lesdites ordonnances sur peine de
perdre leurs offices , et d'amendes arbitraires au cas qu'ils
seront délinquans au contraire.
Item, que le clerc dudit maître des fourests qui écrira au
papier des fourests sera tenu de nous faire serment.
Item, que cettes ordonnances soient pubhces en ladite
'24
370 PIÈCES JUSTIFICATIVES.
Chambre des comptes et par toutes les châtelleuies de
Beaujollois, mises en un tableau pour en prendre copie qui
voudra, afin que les délinquans soient pugnis.
Item , semblablement chacmi an , aux lieux où les choses
seront baillées.
Lesquelles dessus transcrittes et tous les points et articles
d'icelles nous avons agréables , et icellcs avons louées et
approuvées et confirmées, et par ces présentes louons,
agréons, approuvons, ctc
Doimé le 25' jour de juillet l'an mil quatre cent sept,
par M. le duc, à la relation de M. Norrj-, M. de l'Espinace
et plusieurs autres présens.
Signé : G. Denis.
~^^M^^^m^^^mM'3^m^m^s^m^m^^m^^^m^
LETTRES PATENTES DE FRANÇOIS F^
PORTANT SEPARATION Dl S PAYS DH DOMBtS FT DE BEAUJOLAIS-
Avril 1S4:!.
François, par la grâce de Dieu roy de France, seigneur
de Donibes, à tous présents et à venir , sçavoir faisons :
Nous avoir reçu l'humble supplication de nos chers et bien
anicz les manants et habitants de notre pays de Dombes ,
contenant qu'en l'an mil cinq cent vingt-trois, à la réduc-
tion d'iceluy pays à notre couronne , plusieurs privilèges et
libertés leur ont été concédés, et entr'autres qu'ils auroient
un gouverneur pour nous , qui auroit la garde et gouver-
nement dudit pays , et que iceluy pays seroit exempt,
comme il étoit auparavant, de toutes contributions, de
tailles et aydes, excepté seulement d'un don et octroy
gracieux, qu'ils seroicnt tenus de nous faire, de huit à
37'i PIÈCES JUSTIFICATIVES,
neuf, en assemblant à ces fins les estais dudit pays, en la
ville de Trévoux, capitale dudit pajs, comme au temps
que ledit pays étoit tenu par les feux ducs de Bourbonnois
et leurs prédécesseurs, seigneurs dudit pays, et en outre
que les appellations interjettées du juge d'appeaux et autres
juges sul)allcrnes ressortiroient au conseil suprême dudit
pays de Dombes par nous estably en la ville de Lyon , où
lesdites causes seroicnt jugées et décidées en dernier et
souverain ressort, ce qui a été observé du depuis et entre-
tenu. Joint que ledit pays de Dombes est entièrement séparé
dudit pays de Beaujolois par le moyen de la rivière de la
Saône qui divise lesdits deux pays; et quant à la juridic-
tion, les causes dudit pavs de Dombes sont décidées en
dernier ressort audit conseil de Dombes , et celles dudit pays
de Beaujolois, en notre cour de parlement à Paris, et leur
jussion généralement, confirmé, approuvé, et rattiffié tous
et chacun les autres privilèges, franchises et libertés dont
ils avoient accoutumé dejouiretuseravantladi le réduction,
entre lesquels ils avoient joui desdites libertés, exemptions
et franchises avec le scel sur ce par nous ordonné pour
sceller et expédier les arrêts et ordonnances dudit conseil,
sous lequel scel et chancellerie ils avoient accoutumé
prendre et obtenir toutes lettres de justice, aussi étoient
exempts de toutes garnisons de gens de guerre et sembla-
blement du payement de nos droits d'imposition foraine; et
néantiiiuiiis, sous coideur que le bailly de Beaujolois est
pareilleuienl baillv de Dombes, lesdits habitants de Beau-
jolois, pour eux décharger de leiu-s tailles sur lesdits sup-
pliants, se sont eftbrcés et s'efforcent chacun jour, par toutes
voves et manières, les comprendre et accueillir au départe-
ment de leurs tailles et autres aydes qu'ils nous doivent,
au lieu desquelles tailles et aydes lesdits suppliants nous
fuiiriiissoiriil ledit oclrov et don gratuit jukiiicI hhdits de
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 373
Beaujolois ne contribuent aucunement ; et d'abbondant,
pour incorporer à leur pays iceluy de Donibes , ont pris
naguères, sous ombre de quelque commission adressée
audit bailly de Beaujolois, pour tenir prêt et faire marcher
le ban et arrière-ban dudit pays de Beaujolois, voulu éten-
dre lesdites lettres et commission sur iceluy pays de Dom-
bes et sur les gentilshommes et autres tenants fiefs audit
pays , combien qu'auxdites lettres ne fut faite aucune
mention expresse dudit pays de Dombes, comme à la vérité
n'avons entendu;
Et poiu" le deffaut desdits habitants de Dombes de com-
paroir et obéir auxdites lettres , auroit ledit bailly de
Beaujolois ou son lieutenant fait procéder par saisie et main
mise sur les fiefs desdits suppliants non comparants, en
laquelle venu en notre connoissance , nous aurions par
nos lettres patentes de déclaration fait lever et ôter et
deffendu audit bailly de Beaujolois que, sous les com-
missions à luy décernées concernant ledit pays de
Beaujolois , il n'eût à comprendre ledit pays de Dom-
bes ; et encore depuis, sous ombre d'autres lettres par
nous octroyées audit bailly de Beaujolois , pour lever
sur les villes clauzes dudit pays de Beaujolois la
somme à laquelle elles auroient été cottisées pour la
soude de cinquante mille hommes, iceux dudit pays de
Beaujolois y voulu, y accueilly lesdits suppliants, en se
déchargeant d'autant qu'ils auroient chargé lesdits sup-
pUants, dont toutefois ledit bailly de Beaujolois ou son
lieutenant, vu lesdits privilèges et libertés desdits sup-
pliants, aiu-oient débouté lesdits de Beaujolois et par sa
sentence ordonné que lesdits suppliants ne seroient tenus
contribuer avec lesdits de Beaujolois , lesquels se seroient
portés pour appelants , ])endan( lequel appel ils auroient
374 ♦ PIÈCES JUSTIFICATIVES.
SOUS leur faux donné à entendre, et au dcsçu desdits sup-
pliants, obtenu secondes lettres addressantes au lieutenant
du sénéchal de Lyon, l'un des conseillers dudit consed de
Donibes, pour mettre ladite appellation au néant et con-
traindre lesdits suppliants à payer la sonnue à laquelle ils
auroient été cottisés par lesdits de Beaujolois;
Et en outre auroient scmblablenient , depuis ledit temps
en ça, lesdits de Beaujolois mis et fait loger audit pays de
Dombes, toujours bonne partie des garnisons de nos or-
donnances , aucune fois par vertu de nos lettres addres-
santes simplement au bailly de Beaujolois et de Dombes
par inadvertance desdites libertés , privilèges et coutumes ,
par lesquels ils en sont exempts ; et aussi depuis trois ans
en ça se seroicnt efl'orcés faire payer auxdits suppliants
ledit droit d'imposition foraine, néantmoins l'exemption
d'iceluy à cause dudit don gratuit.
Et outre la garde du sccl duclit parlement et dernier
ressort de Dombes , fait difliculté leur octroyer toutes
lettres de justice qui leur est gros donuuages et intérêts,
parrequ'il les faudroit aller quérir en nos autres chancelle-
ries à cent lieues diccllcs, et auparavant ladite réunion ils
avoient accoutumé prendre audit dernier ressort et cour
de parlement de Dombes.
A CETTK CAUSIC ,
Nous auroient lesdits supphants requis, pour les relever
des frais et soulager comme nous leur avons promis, aux-
ijuelles pour obvier à telles et semblables entreprises sur
eux, contre leursdits privilèges, libertés et coutmues, par
lesdits de Beaujolois et autres, nous leur voidussions, en
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 375
leiir confirmant Iciirsdits privilèges , libertés et coutumes,
faire une générale déclaration et ordonner que suivant
iceux privilèges , libertés et coutiunes , ledit pays de
Dombcs soit entièrement distrait , distinct et séparé dudit
pays de Beaujolois , tant pour raison de ladite contribu-
tion de taille, ayde, ban et arrière-ban et autres cboses, et
(jue, suivant leiu-sdits privilèges, libertés et coutumes, ils
fussent exempts desdites aydes , tailles , impositions fo-
raines , réceptions et assiettes de garnisons et autres sub-
sides et charges quelconques; ot qu'outre qu'en ladite
chancellerie de Dombes, ils puissent, sous le scel d'iceUes,
prendre et lever toutes lettres de justice, comme ils fai-
soient par cy devant, ainsi qu'il est coutume de prendre
en nos chancelleries , ordonné par nos parlements; et pour
montrer le bon vouloir qu'ils ont de nous aider et subve-
nir , nous ont libéralement ofi'ert et présenté la somme de
deux mille écus qu'ils ont mise ez mains de notre amé et
féal conseiller trésorier receveur général de nos finances
extraordinaires et parties casuelles, maître Jean La Guette,
ainsy qu'il nous est apparu par sa quittance qui l'en rendra
comptable.
Pour ce est-il que , nous inclinant à la suppUcation et
requeste desdits suppliants, voulant iceux, poiu- la bonne et
grande loyauté qu'ils nous ont paru devant portée , favora-
blement traiter à iceux, par ces causes et autres bonnes
considérations à ce nous mouvant, avons, de certaine
science, plaine puissance et autorité royale, confirmé, loué,
ratiffié, louons, confirmons et ratifiions tous et chacun leurs
dessus dits privilèges, franchises, exemptions, coutumes et
libertés, à eux par cy devant données et octroyées, tant
par nous que par nos prédécesseurs, seigneurs dudit pays,
dont ils ont justement et duëment joui , et aux temps de
376 PIÈCES JUSTIFICATIVES,
ladite réduction, et en la manière que dit est suivant iceux ;
avons dit et déclaré, disons et déclarons, voulons et nous
plaît que ledit pays de Douibes est et soit distinct et séparé
d'avec celui dudit Beaujolois, et que lesdits habitants soient
exempts, francs et quittes de toutes contributions, de tail-
les, aydes , subsides, impositions foraines, réceptions et
assiettes de garnisons, sinon en, temps d'éminents périls de
guerre audit pays et pour la sûreté, conservation et deffense
d'iceluy, et de toutes autres charges et subsides quelcon-
ques, fors dudit don gratuit, au temps et par la forme con-
tenue en nosdites lettres, sans que , sous couleur des
conmiissions par nous envoyées auxdits baillys de Beaujo-
lois et Dombes, tant par le fait desdits ban et arrière-ban,
soit de nos gens de guerre et garnisons, emprunts, que
autres charges et impositions quelconques, ledit pays de
Dombes puisse être aucunement cottisé aux charges et au-
trement accueillv, compris et entendu sous les commissions
expédiées pour ledit pays de Beaujolois et Dombes, aux-
quelles ne voulons par eux être obéi autrement, ainsapede,
et ensemble des autres dites charges, ils soient quittes,
immunes et exempts, sinon qu'il en fût besoin pour grand
péril de guerre, et pour la luition d'iceluy tant seulement,
auquel cas leur sera , les aflaires ofi'rant pour nous pour-
voir de commissaires et commissions spéciales, séparées
et à part de celles dudit Beaujolois dérogeantes aiLxdits pri-
vilèges, franchises, libertés et coutumes, ainsi que nous
verrons être ailairé par raison, pour ladite fois et sans pré-
judice de leursdites coutumes, hbertés et franchises.
Voulons aussi et nous plaît qu'ils puissent et leur soit
loisible prendre sous le scel de notre chancellerie estably
audit parlement et dernier ressort de Dombes dont est garde
notre amé et féal conseiller en notredit parlement de Dom
PIÈCES JUSTIFICATIVES. 377
bes et notre lieutenant général en la sénéchaussée de Lyon
M* Jean du Peyra, toutes lettres de justice à ce pertinentes
et nécessaires, et que selon nos ordonnances on a accou-
tumé prendre et expédier en nos autres chancelleries , les-
quelles seront signées par notre greffier estably audit par-
lement, en l'absence de nos secrétaires.
Si donnons en mandement à nos amez et féaux, etc....
Donné à Evreux , au mois d'avril , l'an de grâce mil cinq
cent quarante- trois et de notre règne le trentiesme.
25
APPENDICE.
APPENDICE.
NOTICE SUR UNE PEINTURE SUR VERRE,
PROVENANT DE L'ANCIENNE MAISON DE LA BESSEE,
A VILLEFRANCHE.
Tous les collectionneurs de livres sur l'histoire des
provinces connaissent un volume in-4'', de 187 pages,
intitulé : 3Ié moires contenans ce qu il y a de plus remarquable
dans Villefranc/ie , capitale du Beaujolais. Villefranche ,
Antoine Baudrand (1), imprimeur de la ville, 1671. Cet
ouvriige,peu intéressant au fond, est généralement attribué
au père Jean de Bussières, jésuite; mais il serait, je crois.
(1) Les éeheviiis de Villefranche appelèrent Antoine Baudrand dans
leur ville en 1669 . pour y établir une inipiimcrie. La première pièce
382 APPE:sr)iCE.
difficile d'élablir sui" quelle preuve cette assertion peut être
fondée. Le livre porte pour signature les initiales L. I. S.,
et aucune de ces lettres ne peut convenir aux noms du père
de Bussières. Tous les ouvrages de cet auteur, et ils sont
nombreux, portent son nom et sa qualité sur le titre, et si
parfois il a employé les initiales, comme abréviation, au
bas de quelques cpitrcs dédicatoires, il s'est toujours servi
des lettres voulues, c'est à-dire I. D. B. S. I. (i). Comment
croire d'ailleurs qu'il eût cherché à dérouter ses lecteurs,
et renié un ouvrage qu'il aurait entrepris par ordre de
l'échevinage ? Ceci nous paraît difficile à croire.
Une autre raison vient encore fortifier nos doutes. Le
père de Bussières avait beaucoup écrit, et, quoi qu'on puisse
penser maintenant du mérite de son style , il n'en est pas
moins vrai que de son temps il s'était acquis un nom hono-
rable dans les lettres : le révérend Père le savait , et la
sortie de ses presses fui une liste Jos celievins depuis 1576, in-4', de
18 pages, le litre eouipris. La liste est précédi-c d'une épître dcdica-
ti)ire adress:'e à MM. François Mignot, eseuyer, sieur de Hussy et de la
AJartizièrc, conseiller du roi en ses conseils, lieutenant-géuLMal civil cl
criminel au bailliage de Beaujolais:. Ican de Phélines, sieurdu Marlelet,
avocat en |i:irleineiil : Antlioine du Sauzey, sieur de .louxtecrol, et Ray-
mond de Mcaux, tous quatre cchevins alors en exercice.
Celle plaquette est devenue excessivement rare. L'exemplaire que
je possède e>l celui qui fut oiïcrt à .Ican de Pliclincs, qui y a ajouté de
sa main ses iitialilcs de capitaine-enseigne de la \ille de \ illefrandie,
avocat de ladite ville et des pauvres. M. de Phélines mourut très âgé,
et laissa une graiulc rcpulaliou de talents cl de vertus.
(1) A ovez l'cpitre dédieatoiie des Flosctili hi.\turiarum.
APPENDICE. 383
modestie n'était pas son fait ; nombre de passages de ses
œuvres en font foi. Or, comment se ferait-il qu'il eût terminé
ses Mémoires parles paroles suivantes : Excusez mon peu
de suffisance à écrire ce qui demandoil un esprit plus élevé
que le mien? Non, cette phrase ne peut être du père de
Bussières, elle eût été d'ailleurs déplacée dans la bouche
d'un homme de 64 ans, qui avait passé sa vie à écrire et
s'était fait une réputation dans la littérature (1). Il faut
donc, selon moi, renoncer à lui attribuer les Mémoires sur
ViUefranche , et reconnaître que l'auteur de cet ouvrage
nous est parfaitement inconnu.
Quoi qu'il en soit du volume dont nous venons de parler,
les bibliophiles en recherchent volontiers les exemplaires
grands de marges et bien complets sous le rapport des gra-
vures. Ces dernières doivent être au nombre de quatre. En
face de la page 88 on en remarque une assez singulière, repré-
sentant un homme revêtu du costume des nobles au qua-
torzième siècle et coifï'é d'un chaperon à volets (2); il joue
(1) La famille de Bussières. dont les descendants avaient supprimé
rS final de leur nom, était originaire de Reaujeu. Elle a donné plusieurs
prévôts à cette ville, et fourni quelques chanoines de mérite à son cha-
pitre. Plus tard, au dix-septième siècle, les Bussières s'établirent à
ViUefranche oii ils occupèrent di\ ers emplois au tribunal de l'Election.
Ils possédaient en Beaujolais le fief du t.liâtclard. Celte famille s'est
éteinte , au siècle dernier, en celle de IVIignot de Bussy.
(2) Les volets étaient des pièces d'élolfes richement brodées ou
enibordurées, qui senaienl à ombrager la télé. C'est cet ornement qui
a donné lieu aux lambrequins, dont phis tard on a fait Taccouipa-
gnenient obligé des armoiries.
384 APPENDICE.
aux échecs avec une jeune fille vêtue en riche bourgeoise
du temps; au bas est écrit : Edouard, prince de Beaujeu,
jouant aux échals (sic) avec la fille de la Bessée. Voici ce
que dit à ce sujet l'auteur du livre : ■■ Cette famille de la
<■ Bessée fut encore en considération auprès d'Edouard,
<i dernier seigneur de la maison de Beaujeu , jusque-là
<< qu'une fille de la Bessée fut assez heureuse de mériter
» les bonnes grâces de ce prince ; en sorte que bien sou-
<> vent il se plaisoit à jouer aux échets avec elle, ainsi qu'il
« paroît dans des anciennes vitres de la maison de la
« Bessée; et conmie la figure est curieuse par la rareté des
" habits de ce temps-là , on en verra ici la planche. »
L'auteur des Mémoires borne là son singulier récit, et l'on
ne sait trop d'où peut provenir cette réticence. Les événe-
menls qui suivirent étaient certes de nature à être rap-
portés, car la passion d'Edouard pour M"* de la Bessée fut
la cause de la perte de la maison de Beaujeu, et amena pour
la province un changement de dynastie en faisant passer la
couronne baronniale du Beaujolais sur la tète de Louis II
de Bourbon. Reprenons donc le récit du chroniqueur où
il fa laissé.
Edouard de Beaujeu avait eflectivement distingué M"* de
la Bessée, et en était devenu éperdument amoureux. 11 allait
la voir fréquemment chez son père, un des hommes les
plus considérés de la ville (1). Ces visites, souvent répétées.
(1) Celle famille de la Bessée était des plus anciennes du Beaujolais;
elle y tenait le premier rang parmi la hourgcoisie dès l'an 1200, à une
APPENDICE. 38S
auraient dû éveiller les soupçons de Guyonnet de la Besséc;
mais ici, comme il arrive presque toujours, la vanité l'em-
porta sur la prudence, et le père s'aveugla sur les dangers
que pouvait courir sa fille avec un homme aussi dissolu
qu'Edouard : il ne larda pas à se repentir de cette faiblesse.
La passion d'Edouard grandissait chaque jour, elle ne con-
nut bientôt plus de bornes. Après avoir épuisé tous les
moyens de séduction, il employa la violence, enleva pu-
bliquement M"" de la Bessée au moment où elle revenait
de la messe, et la conduisit à son château de Pouilly.
Guyonnet de la Bessée , premier échevin de Villefranche ,
arma les habitants de la ville , se mit à leur tête et tenta
une attaque sur le château de Pouilly. Les bourgeois furent
repoussés. Guyonnet en appela à la justice du roi; Edouard
époque où ce titre de bourgeois comportait un véritable état dans la
hiérarchie sociale. On voit des la Bessée dans toutes les charges muni-
cipales et de judicalures , dans les chapitres de Beaujeu , de Joug-
Dieu , etc. On est fort incertain sur l'époque où ils acquirent la no-
blesse, tout porte à croire que ce fut peu après la catastrophe dont nous
avons parlé. Cette famille s'est éteinte au commencement du dix-
septième siècle. La maison qu'elle possédait à Villefranche existe encore,
et a conservé un cachet de moyen-âge fort remarquable ; son pro-
priétaire actuel, M. Bonnefond, notaire, conserve avec grand soin ces
vestiges d'une époque intéressante pour l'art. Au-dessus de la porte
d'entrée on voit l'écusson de la Bessée, avec le casque, les lambre-
quins , etc. : il est fort beau comme composition et magnifiquement
fouillé. Il a malheureusement un peu souffert des injures du temps, et
plus encore de celles des hommes. Je le crois de 1550 environ. La
Bessée portait pour armes : Fascé de gueules et d'argent de 8 pièces,
au lion du second émail , brochant.
386 APPENDICE.
fut assigaé à comparaître devant le Parlement. L'huissier
qui lui apporta l'assignation fut tué, après avoir souffert les
plus horribles tortures. Des troupes fiu-ent envoyées contre
Edouard, qu'on transféra à Paris où il fut enfermé dans un
cachot. Peu après, il se trouva trop heureux de racheter
sa tête en faisant abandon de toutes ses seigneuries à
Louis II de Bourbon qui, à ce prix, lui obtint sa grâce.
Guyonnet de la Bessée reçut, à titre de réparation, la sei-
gneurie de St-Georges-de-Rogneins. L'histoire non plus
que la tradition ne nous apprennent rien du sort de M"« de
la Bessée. Guichcnon, Louvet et quelques autres historiens
parlent assez longuement de la révolution qu'éprouva la
province par suite de ce rapt. J'en ai donné les détails en
son lieu (1).
Le court récit qu'on vient de lire a peu de rapports, on
en conviendra, avec ce que rapporte l'auteur des Mémoires.
Aussi , lorsque j'écrivis l'Histoire du Beaujolais , je m'atta-
chai peu à ce que j'avais lu de ces anciennes vifres où était
représenté Edouard de Beaujeu jouant aux échecs avec
M"" de la Bessée, et je regardai l'existence de ce petit vitrail
connue fort problématique, en sorte que je n'en fis aucune
mention. Je ne tardai pas à être détrompé : au mois de no-
vembre dernier (1852), au moment où l'impression de mon
ouvrage touchait à sa fin, je découvris cette peinture sur
verre chez un marchand de curiosités de Lyon et j'en fis
(1) Tome l'''. p;i(,'cs 187 cl siiivatilcs.
lllSTOini': 1)1 HHM.IOl.MS par M le II"" Fcni ,!,■ bi H<nlic Li (mrllr
VITRF. 1)F, l,.\ MAISON DH LA liKSSF.K
Haiileiir 3.t cenl'^ laraeur 55 rctil"
Imprimerie 6c Louis fernn a l.yon
APPENDICE. 387
l'acquisition. Elle est d'une assez belle conservation, et mé-
rite l'épithète de curieuse que lui donne l'auteur des Mé-
moires. Elle est beaucoup plus coinplc'tc qu'on ne la voit
dans la graviu-e dont j'ai parlé. L'aj^partement où se trouve
Edouard de Beaujeu avec M"'' de la Bcssée est représenté en
entier avec ses ornements, et d'une fenêtre ouverte on aper-
çoit l'église de Villcfranche telle qu'elle devait être avant
sa reconstruction qui date de 1450 environ. De chaque côté
des fenêtres se trouvent des lions, type des armoiries de la
famille de la Bessée. L'appartement est entouré d'un divan,
et les murs sont recouverts d'une tenture à ramage. Les
croisées sont garnies de vitres en losanges, sans aucune
peinture. Quelques légères difi'érences se remarquent dans
le costume d'Edouard, entre notre peinture et la gravure
précitée : la plus saillante consiste en ce que la bordure
du vêtement n'est pas en hermine comme la gravure l'a
donnée, mais en une autre fourrure qui paraît être de la
martre. Les poses et les attitudes sont les mêmes. Le peintre
du vitrail ne manquait certainement pas d'un certain talent,
mais nous devons cependant avouer qu'il laissait à désirer
sous le rapport de la correction : son trait est sec, anguleux,
et tend toujours à outrer les choses soit dans les figures,
soit dans les draperies. Ce défaut nuit beaucoup à la figure
de M"" de la Bessée, chez laquelle on retrouve des traits
charmants pour peu qu'on adoucisse quelques exagérations
qui évidemment n'existaient pas dans la nature. Ce même
défaut a tourné à l'avantage du peintre dans le portrait
(l'Edouard ; il l'a peint avec une énergie vraiment effrayante.
388 APPENDICE.
C'est bien ce prince faux, rusé, dissolu, adonné à tous les
vices, mais résolu, audacieux, et ne reculant jamais ni de-
vant un danger ni devant un forfait. Le front hardi, l'œil
ardent et plutôt dirigé sur M"^ de la Bessée que siu- son jeu,
les pommettes saillantes, les lèvres minces et crispées, le
menton effilé, une attitude nerveuse où règne la passion,
cette figure est tout un poème dont nous connaissons la fin
terrible. Là le peintre a fait preuve d'un véritable talent, et
a représenté Edouard tel que l'histoire nous l'a fait con-
naître. Rien, dans la gravure si terne et si froide qui accom-
pagne les Mémoires , ne peut donner l'idée de cette figure.
L'exécution , connue peinture sur verre, laisse peu à dé-
sirer : c'est une grisaille d'un bistre assez bien nuancé ; les
ornements sont d'un jaune cni très vif On ne remarque
rien, dans les procédés employés, qui difi'ère de la méthode
suivie alors pour les grandes verrières; les clairs y sont
enlevés à la pointe sèche, et souvent avec beaucoup de
finesse.
Maintenant , peut-on assigner une date positive à notre
vitrail? L'histoire du pays peut seule nous guider dans cette
recherche, et, en rapprochant les faits, nous pourrons
arriver peut-être , sinon à une date tout-à-fait précise , au
moins à fixer à peu près l'époque où il a dû être exécuté.
Nous allons l'essayer.
Comme premier point de départ, posons d'abord en
principe qu'on ne pouf raisonnablement supposer que cette
peinture soit postérieure à renlèvemcul de M"'' de la Bessée.
Ce rapt avait porté trop de déshonneur et de désolation
APPENDICE. 389
dans cette famille , pour qu'elle eût cherché plus tard à en
perpétuer le souvenir. C'est donc au temps des fréquentes
visites d'Edouard dans la maison de la Bessée que la pein-
ture a dû être exécutée, à cette époque où, dissimulant ses
projets, le sire de Beaujeu pouvait laisser croire à Guyonnet
de la Bessée que ses assiduités n'étaient qu'un hommage
rendu à la beauté et à l'esprit de sa fiUe, et une marque de
haute considération accordée au père. Cherchons l'époque
où ces visites devaient avoir lieu.
L'abandon que fit Edouard de toutes ses seigneuries au
duc de Bourbon est daté du 23 juin 1400. Sa résistance,
son ajournement sans succès au Parlement, son arrestation,
son transfèrement à Paris, et les négociations qu'il entama
avec le duc de Bourbon , durent prendre un espace de
temps assez considérable, à une époque où les distances se
parcouraient lentement et où les formalités judiciaires
étaient hérissées de longueurs. On peut donc, sans crainte
de se tromper, faire remonter l'enlèvement de M"^ de la
Bessée à l'automne de 1399. Or déjà à cette époque Edouard
devait avoir renoncé à ses visites à M"^ de la Bessée, attendu
qu'une discussion vive s'était élevée entre lui et l'échevinage
relativement à des droits que le sire de Beaujeu voulait per-
cevoir sur les habitants de Villcfranche : question qui amena
un soulèvement populaire et dans laquelle Guyonnet de la
Bessée, premier échevin, prit vigoureusement le parti des
bourgeois contre le seigneur. Cette affaire fut terminée
par un arbitrage le 25 mai 1399. Edouard se montra fort
mécontent du jugement, et dut être fort irrité contre la
390 APPENDICE.
Bessée qui avait porté lui-même la parole devant les ar-
bitres pour soutenir les franchises de la ville. Qui sait
même si l'enlèvement de M""" de la Bessée ne fut pas l'eflet
de la haine que le sire de Beaujeu avait vouée au père,
plutôt que le résultat de la passion qu'il avait conçue pour
la jeune fille? Ce qu'il y a de certain, c'est que les troubles
qui agitaient le pays duraient depuis un an environ , et que
dès-lors la bonne entente qui avait existé entre Edouard et
Guyonnet de la Bessée ne peut être postérieure à l'année
1397. C'est donc cette année-là ou l'année précédente que
notre vitrail a dû être exécuté. Je ne crois pas qu'on puisse
lui assiuner une autre date.
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TOrioNTO— 5, CANADA
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