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Full text of "Histoire du Beaujolais et des sires de Beaujeu : suivie de l'armorial de la Province"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/histoiredubeaujo01laro 


TIRE     A     PETIT    NOMBRE. 


HISTOIRE 

DU   BEAUJOLAIS 

ET  DES  SIRES   DE  BEAUJEU, 

ârlivio 
DE  L'ARMORIAL  DE  LA  PROVINCE, 

Par  le  Baron  Ferdinand  de  La  Roche  La  Carelle, 

ClicviilitT  \if%  OriIrL'S 
de  la  Lésion  il'lloiiiii'ur  et  di?  Maire. 

TdMK   I. 


IMPRIMERIE    DE    LOUIS  PERRIN,  A    LYON. 


M    n    c  c  c    I.  1 1 1 


MAR  9    1950 

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H35T03Ri;   iOrBEArjOlAi?^   par  Mie  Baron  Feniina/iJ  de  la  Roche  laCARKLI.E 


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TABLES. 


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TABLE  DES  MATIERES 


DU    TOME     PREMIER. 


PagM. 

Préface 1 

De  l'origine  du  Beaujolais  et  de  ses  premiers  seigneurs.      .  15 

Généalogie  historique  des  sires  de  Beaujeu 37 

Omfroy  ou  Humfred îd. 

Béraud  ou  Bérard 38 

Humbert  !<"• 41 

Hugues  I»'' 42 

Guigues 44 

Guiciiard  I" 45 

Humbert   II 46 

Guichard  II 50 

Humbert  III 64 

Humbert  IV 74 

Guichard  III 78 

Humbert  V 88 

Guichard  IV 107 

Seconde  race  de  Beaujeu,  issue  des  comtes  de  Forez  et 

d'Isabelle  de  Beaujeu IJ5 

Louis 117 

Guichard  V  dit  le  Grand 1 30 

Edouard  I" 154 

Antoine 269 

Edouard  II 175 

Sires  de  Beaujeu  de  la  maison  de  Bourbon 193 


IV  TABLE. 

IVlgrs. 

Louis  11  de  Bouriiou 194 

Jean  de  Boui-bon  ....                 204 

Ch<irles  de  Bourbon 211 

Jean  II  de  Bourbon 221 

Charles  de  Bourbon ,  cardinal 226 

Pierre  II  de  Bourbon 227 

Charles  III  de  Bouibon  ,  connétable 229 

Louise  de  Savoie  ,  duchesse  d'Augoulêine 248 

Union  du  Beaujolais  à  la  couronne,  de  1531  à  1560  2'>9 

Louis  de  Bourlion-.Monfpensier 258 

François  de  Bourl)on-.Montpensier 269 

llenri  de  Bourbou-Moutpensier 27 1 

i\îarie  de  Bourbon-lMontpeusier 277 

Anne-Marie-Louise  d'Orléans ,  duchesse   de  RIoutpeusier  , 

dite  Mademoiselle 278 

Maison  d'Orléans 283 

Philijipe  d'Orléans  ,  Monsieur 284 

Philippe  11  d'Orléans  ,  régent  du  royaume     .....  id. 

Louis  d'Orléans 285 

Louis-Philippe  d'Orléans id. 

Louis-Philippc-Joseph  d'Orléans 286 

Pièces  jusliticalives 287 

Privilèges  et  franchises  de  Villefranche  (texte  latin).  289 
Dispositions  nouvelles  insérées  dans  la  charte  de  confirma- 
tion de  1331     309 

Privilèges  de  Villefranche  (traduction) 315 

Traduction  des  dispositions  nouvelles  de  1331    .      .      .  330 

Confirmation  de  1376 337 

Concession  et  vente  du  droit  de  chasse  aux  habitants  du 

Beaujolais  (1436) 339 

Permission  accordée  à  la  ville  de  Villefranche  de  décorer 

ses  armes  du  chef  de  ISourbon  (1514) 343 

Traduction  de  la  transaction  passée  entre  les  curés  de  Ville- 
franche  et  les  frères  religieux  de  Roncevaux,  en  l'aunée 

1239 3'.5 


TABLE.  V 

Pages. 

Ancienne  bulle  en  faveur  de  la  chapelle  de  l'Hôpital  de  la 

bienheureuse  Marie  de  Ronceval,  en  1521 351 

Lettre  de  Pliilippe-le-Bel  à  Guichard  de  Beaujeu  ,  relative 

à  l'extradition  de  quelques  faux  mounayeurs  (1304).  .  355 
Don  fait  par  Edouard  de  Beaujeu  de  toutes  ses  terres  au  duc 

de  Boui-bon  (23  juin  1400) 357 

Statuts  et  ordonnances  concernant  l'office  du  maître  des 

eaux  et  forêts  (1407) 363 

Lettres-patentes  de  François  !<"'  portant  séparation  des  pays 

de  Dombes  et  de  Beaujolais  (avril  1543) 371 


TABLE  DES  MATIERES 


DU    TOME    SECOND 


Pagts. 

Avertissement 1 

Etat  alphabétique  des  paroisses  du  Beaujolais,  avec  la  men- 
tion et  succession  des  fiefs  qui  se  trouvaient  en  chacune 

d'elles 5 

Liste  générale  des  officiers  du  bailliage  de  Villefrauche      .  271 

Baillis 273 

Lieutenants  généraux  et  juges  d'appeaux 276 

Lieutenants  particuliers  civils  et  criminels 280 

Lieutenants  particuliers  assesseurs 281 

Avocats  du  roi 282 

Procureurs  généraux  devenus  plus  tard  prociu-eurs  du  roi  .  283 

Liste  générale  des  dignitaires  du  Chapitre  de  Beaujeu.      .  287 

Doyens id. 

Chantres 289 

Sacristains 291 

Recherches  sur  l'emplacement  de  Lunna  ,  par  M.  d'Aigue- 

perse 293 

Armoriai  du  Beaujolais 319 


TABLE   ALPHABETIQUE 

DES  FIEFS  DU  BEAUJOLAIS. 

AVEC    L'INDICATION    DES    PAROISSES    DANS    LESQUELLES 
ILS    ETAIENT    SITUES. 


Fiefs.  Paroisses. 

Ailly Parigny. 

Alloignet St-Mamcz. 

Apagnié Lantignîè. 

ArLain Amas. 

Arcis Oiiroux. 

Argigny Charantay. 

Armas Charantay. 

Aubépin  (!') St-Just'la-Pendue. 


B 


Bacot St-Christophe . 

Barre  (la) Limas. 

Batailly Cublize. 

Bàtye  (la) Lacenas. 

Bâtye  (la) St-Etienne. 

Belair Pommiers. 

Belleroche Limas. 

Bessey  (le) St-Just-d' Avraj . 


VIlj  TABLE 

Fiefs.  Paroisses. 

Bionney .  Lacenas. 

Boistrait St-George. 

Bonvers  ou  la  Talonière  .      .      .  Aiguillj. 

Bornât Notrc-Damc-de-Boisset. 

Bosquinzon Charantaj. 

Bost(le) Blacé. 

Bost  (le)  ou  la  Coiul  ....  St-Nizier-d'j4zergues 

Bouidon Lainure. 

Bourrons  (les) Fauxrenard. 

Boyé tM.  Gresle. 

Brameloup Amas. 

Brégades Antplepnis. 

Brosse  (la) St-Ignj  . 

Brosse  (la) Fauxrenard. 

Brouillât Chamelet. 

Bniyih-e  (la) Aigueperse. 

Bullavent  (le  grand)  ....  Denicè. 

Dudavent  (le  petit) Deiiicé. 

Bussicre  (la) Notre-Pame-de-Boisset. 

Bussière  (la) Joux-siir-Tarare . 

Bussy St-Georg 

But  (le) Ecoches. 

Bultcry Imj  . 

Buysante Limas. 


C 


Cerbué Perreux. 

Chaise  (la) Odenas. 

Cli.datofray Mardore. 

ChamLosl Chntnhost-prcs-Chainelet. 

Cliameyré St-Jean-la-Bussicre. 

Champrenard   .  Blacè. 

Chai'mes  Denicè. 


se. 


DES   FIEFS.  IX 

Fiefs.  Parjîsses. 

Chai'tonnière  (la) Oïdllj. 

Chassignoles Chénas. 

Chàtelard  (le) Lanciè. 

Chéron  (la) St-Bonnet-le-Troncj . 

Chervé Ferreux. 

Chevagny-le-Lombard      .      .      .  Aigueperse. 

Cliézeaux  (les) Fauxrenard. 

Claveyson Clavej  soles. 

Cloux  (les) Odenas. 

Colombier St-Jalien. 

Colonge(la) ManJore. 

Colonge(la) Âff'oux. 

Combe Germolles. 

Combe-Robert Charnelet. 

Corcelles Corcelles. 

Corcelles St- Etienne. 

Coste  (la)  ou  la  Versonnière.      .  St-Just-d' Âvraj . 

Courceiiay Mardore. 

Coust  (la) St-Fincent-de-Boisset. 

Coust  (la) Enieringes. 

Crozet  (le) Joux-sur-Tarare . 

Cucurieux St-Cyr-de-Favière. 


D 


Déaulx  (le) St-Julien. 


Ecluse  (1') St-Jean-d'Jrdière. 

EdcIos  (1*) Seuelinges. 


X  TABLE 

Fiefs.  Paroisses. 

Epeisses Cognj. 

Epeisses-le-Bois Cogny . 

Escrots Les  Etoux. 

Espinace  (1') St-Cjr-de-Falorges. 

Essertine Montagny. 

Estieugue Cours. 


Farge  (la) Propilres. 

Farges Comhres. 

Favette  (la) Chambost-près-Longessaigne. 

Fief  (le) Chcnas. 

Fontcrenne  ou  Moulin-au-Comte.  Bèligny. 

Foiitcreniie  ou  la  Butiniùre    .      .  f'illié. 

Forest  (la) I^J' 

Fores  l  (la) Thizj. 

Forges  (les) Fourneaux. 

Forges  (les) Fougj. 

Fougères Poulie. 

Fougères St-Nizier. 

Frouges Dompierre. 


Gardette  (la) Graniiris. 

Garets  (les) Bèlignj. 

Gondras Grandris. 

Gorze Germolles. 

Goulillard St-Jean-la-Bussière. 

Goutte;  (la) ytmplepuis. 

Graudpré Fleurye. 

CrosLois Ouroux. 


DES  FIEFS.  X] 


H 


Fiefs.  Paroisses. 

Héronde  (1') Odenas. 


Jasseron St-Jean-d'  Ardière . 

Juliénas Juliénas. 


Lacarelle Onroitx. 

Laissus f  au. r renard. 

Lapra Montagny. 

Laye. St-George. 

Laye Taponas. 

Laye .St-Fincent-de-Boisset. 

Lestrette Lestrette. 

Limas Chamelet. 

Longeval Chambost-près-Chamelet. 


M 


Magny Cublize. 

Malleval Denicé. 

Malleval Les  Etoux. 

Marsangue St-George. 

Martelet  (le) Pommiers. 


xij  TABLE 

Fiefs.  Paroisses. 

Martizière  (  la  ) Bellei'ille. 

Mai'torey Mardore. 

Marzé St-George. 

Marzé" Glaizé. 

Meyré Cublize. 

Milly St-Etienne. 

Montagny Amplepuis. 

Montanette Mardore. 

Montauzan t.acenas. 

Montchervet St-George. 

Moutchervet Ainplepuis. 

Montchervet Les  Sauvages. 

Montclair Pommiers. 

Montclair f'ernaj. 

Monteinod Charantaj. 

Montât  (le) Mardore. 

Montet  (le) Cuhlize. 

Montfiiol Chamelet. 

Montgaland Laj  . 

Montgiraud Denicè. 

Montgré Glaizé. 

Montolieu Oiiroux. 

Montoux St-Uncent-de-Beins. 

Montpiney Ranchal. 

Moiilieiiard Pouill) -sous-Charlieu . 

Moutromant Denice. 

Montruchct Cours. 

Morland Coutouvre. 

Motlie(la) St-f'incent-de-Boisset. 


N 


Nagu Ouroui. 

Noirie  (la)  .  Joux-sur-Tarare . 


DES  FIEFS. 


XIl] 


O 


Fiefs. 

Ornai  son 


Paroisses. 

Roiino . 


Palud(la)    .      . 

Qidncié. 

Paquelet  (le) 

Clavej  soles. 

Pardon  . 

Amenas . 

Pas  (le)  .      .      . 

St-Lager. 

Passinge. 

Fourneaux. 

Péray  (le)    . 

Laj. 

Perrière  (la) 

St-Lager. 

Perriers  (les)     . 

Chenelette. 

Pesselay. 

Lay. 

Pierre  (la)    . 

Burette. 

Pierreux 

Odenas. 

PierreClant  . 

Cognj. 

Pierrefitte    . 

Ronno. 

Piloaière  (la) 

St-Lager. 

Pinay  (la)    . 

Laj. 

Pizeys     . 

St-.Jeaji-ci  Àrdicre . 

Place  (la)     . 

La  Grès  le. 

Plaigne  (la) . 

Dracè. 

Plaines  (les) 

Pradines. 

Plantigny     . 

Montnielas . 

Plalière  (la). 

Thizj. 

Pollet      .      . 

.     Bélignj. 

Poncié    . 

Fleur  je. 

Porte  (la)    . 

.     St-Nizier. 

Pougelon      . 

.     St-Etienne. 

Poyet  (le)     . 

Pouillj-sous-Charlieu 

XIV  TABLE 

Fiefs-  Paroisse». 

Pradines Pradines. 

Pramenoux St-Nizier. 

Prés  (les) Les  JrdilLat^ 


R 


Raffinière  (la) Cublize. 

Razay  (le) Ouroux. 

Rébé y^mplepuis. 

Ressein Naudax. 

Ressis St-Cjr-de-Falorges. 

Rey  (le) Les  Sauvages. 

Rigaudiôre  (la) St-Jidlcn. 

Roche  (la) Lanciè. 

Roche  (la)  ......  Fauxrenard. 

Roclie  (la) Jidtié. 

Roche  (la) St- Julien. 

Rochefort j4mjjlepuis. 

Roncy Parigny. 

Ronfia Laj. 

Ronno Ronno. 

Ruyère Monsols. 


St-Fonds Glaizè. 

St-Julieu Sl-Mamez. 

Si-Maurice St-.fust-d'  Avray. 

St-Try Pommiers. 

Salagny f  auxrcnard. 

Sales Sl'Just-d'.'h'raj. 

Sallaiii Chamelet. 


DES  FIEFS.  XV 

Fiefs.  Paroisses. 

Salle  (la) Lantigniè. 

Sauzey  (le) Avenus. 

Serfavre Cognj, 

Sermezy Charantay. 

SoUy Cognj. 

Sou  (le) .  Lacenas. 


Talencé Denicé. 

Taney Cerciè. 

Terrière  (la) Cerciè. 

Thil  (le) Fauxrenard . 

Thoiry Lacenas. 

Thulon Lantigniè. 

Tour  (la) Denicé. 

Tour  (la) Propières. 

Treschin Joux-sur-Tarare . 

Trezette Thizj. 


Vaillant Les  Ârdillats. 

Valencienne St-Just-cV  Avraj . 

Vallière St-George. 

Valorges Pradines. 

Valorges Naux. 

Vareilles Laj. 

Varenne  (la) Coutoiivre. 

Varennes Quinciè. 

Vaurien Chamelet. 

Vavre Julliè. 

Vauxrenard Glaizè. 


Xvj  TABLE  DES  FIEFS. 

p.  -  Paroisses. 

Vauzelles St-Bonnet-des-Bmjères . 

Veimerie(la) Pouilh-le-Châtel. 

Verpillière  (la) -^«T- 

Vierre  (le) Odenas. 

Villion Belleroche. 

Yjj.y Clacejsoles . 

Vougy rougjr. 

Vuril Charantay. 


M 


PREFACE. 


Lorsque  j'ai  entrepris  de  rechercher  et  d'écrire 
l'histoire  des  sires  de  Beaujeu,  je  ne  me  suis  point 
dissimulé  les  difficultés  que  j'aurais  à  vaincre,  non 
plus  que  l'aridité  du  travail  auquel  j'allais  me  livrer. 
La  réalité  a  cependant  surpassé  mon  attente ,  et 
mon  œuvre  a  dû  s'en  ressentir.  Sans  guide  au 
milieu  d'un  dédale  d'opinions  diverses  ,  obligé  de 
coordonner  des  dates  souvent  incertaines  et  quel- 
quefois inadmissibles,  de  détruire  des  erreurs  qui 
avaient  acquis  par  le  temps  la  force  de  choses  jugées, 
j'ai  cependant  dii  tendre  à  un  seul  but,  arriver  à  la 
vérité,  et  tâcher  de  la  démêler  au  milieu  des  lé- 
gendes et  des  récits  contradictoires  dont  elle  était 
enveloppée.  Ai -je  réussi  à  la  présenter  pure  et 
exempte  de  toute  erreur?  je  n'ose  l'espérer;  et 
cependant   je    l'ai    recherchée    scrupuleusement. 


!i  PREFACE. 

aucune  difficulté  n'a  pu  me  rebuter.  J'ai  consulté 
tous  les  auteurs  chez  qui  j'espérais  trouver  quel- 
((ues  renseignements  ;  j'ai  exploré  toutes  les  biblio- 
thèques, tous  les  dépôts  qui  pouvaient  m'offrir  quel- 
ques documents .  j  ai  enfin  puisé  avidement  à 
toutes  les  sources  qui  m'ont  été  offertes.  Soutenu 
dans  mon  travail  par  le  désir  de  déchirer  le  voile 
qui  enveloppait  de  son  ombre  les  premiers  temps 
de  notre  histoire,  j'ai  recherché,  étudié,  comjiaré, 
et  mon  courage  n'a  pas  failli.  Etranger  à  l'art  d'é- 
crire ,  j'ai  consigné  ici  simplement  et  conscien- 
cieusement le  résultat  de  mes  recherches.  Tout 
travail  historique  fait  ainsi  a  son  prix.  Le  mien 
n'eùt-il  d'autre  mérite  que  celui  d'avoir  planté 
quelques  jalons  à  l'usage  de  ceux  qui  viendront 
après  moi,  je  serais  encore  heureux  de  l'avoir  ac- 
compli. 

Le  plan  que  j'ai  adopté  dans  mon  ouvrage  me 
paraît  simple  ;  il  se  divise  en  cinq  parties  bien  dis- 
tinctes : 

I^a  première  traite  de  l'origine  du  Beaujolais  et 
de  ses  premiers  seigneurs. 

La  seconde  com])reiul  la  généalogie  historique 
des  sires  de  Beaujeu.  depuis  la  lin  du  dixième  siècle  : 
c'est  l'histoire  de  nos  barons  juscju'au  moment  où 
le  Beaujolais  échut  à  la  maison  d'Orléans.  Arrivé  là, 
j'ai  dû  discontinuer  la  partie  historique;  car  écrire 
la  vie  des  ducs  d'Orléans,  eût  été  m'éloigner  com- 


PRÉFACE.  3 

plètement  de  mou  sujet  :  à  peine  ces  princes  visi- 
lèreut-ils  de  loin  en  loin  notre  province,  qui  comp- 
tait pour  bien  peu  dans  leurs  vastes  domaines.  Je 
me  suis  donc  contenté  de  les  relater  sous  le  rapport 
chronologique  seulement. 

La  troisième  partie  renferme  ce  que  l'on  peut 
appeler  les  pièces  justificatives,  c'est-à-dire  celles 
qui,  en  raison  de  leur  étendue,  n'ont  pu  figurer 
dans  le  corps  de  l'ouvrage.  Au  nombre  de  ces 
pièces ,  la  plus  importante ,  sans  contredit ,  est  la 
copie  exacte  des  privilèges  de  Villefranche.  Ces 
privilèges,  dont  on  a  souvent  parlé,  n'ont  réelle- 
ment jamais  été  bien  connus.  L'ouvrage  intitulé 
t<  Mémoires  contenant  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux 
dans  Villeliancbe,  "  les  a  rapportés  d'une  manière 
fort  inexacte,  soit  par  la  faute  du  copiste,  soit  par 
celle  de  l'imprimeur  :  le  texte  y  est  tellement  défi- 
gux'é  que  le  sens  en  est  souvent  inintelligible.  L'ori- 
ginal de  cette  précieuse  cbarte  passait  pour  être 
perdu  depuis  plus  d'un  siècle,  lorsqu'il  a  été  heu- 
reusement retrouvé  aux  archives  de  Villefranche  il 
y  a  peu  d'années.  Un  savant  aussi  distingué  que 
modeste,  M.  l'avocat  Th.  Chavot,  en  a  soigneuse- 
ment relevé  le  texte  et  en  a  fait  la  traduction  qu'on 
trouvera  à  la  suite.  Livré  depuis  longtemps  à  l'é- 
tude des  chartes  et  profondément  instruit  dans  le 
droit  ancien ,  il  a  pu  parfaitement  concevoir  le  titre 
qu'il  avait  sous  les  yeux ,  et  sa  traduction  ne  laisse 


4  PRÉFACE. 

rien  à  désirer.  Il  a  bien  vonlu  me  remettre  son 
double  travail  pour  l'insérer  dans  mon  ouvrage; 
je  suis  heureux  de  pouvoir  lui  en  témoigner  ici 
toute  ma  reconnaissance. 

La  quatrième  ])artie  présente  l'état  général  des 
paroisses  qui  comj)osaient  le  Beaujolais,  avec  l'énu- 
mérationet  la  succession  des  fiefs  qui  s'y  trouvaient. 
Cette  partie  me  paraît  devoir  offrir  quekpie  intérêt: 
l'histoire  des  villes,  et  notamment  celle  de  Ville- 
franche,  donnera  l'occasion  de  traiter  des  diffé- 
rentes institutions  de  la  province  et  de  son  organi- 
sation. La  relation  des  anciens  liefs,  dont  les  pro- 
priétaires successifs  nous  sont  presque  tous  connus 
depuis  l'an  1520,  et  plusieurs  même  bien  anté- 
rieurement, fera  connaître  im  ordre  de  choses  com- 
plètement aboli  et  que  le  lecteur  peut  être  curieux 
de  consulter.  Les  notices  sur  quelques  paroisses 
seront  lues,  je  pense,  avec  intérêt  :  on  peut  signaler 
entre  autres  celle  sur  Avenas ,  dont  l'autel  célèbre 
a  été  pour  moi  l'objet  de  rechcrclies  toutes  parli- 
.culières. 

La  cinr[nième  partie,  enfin,  nest  autre  que  l'ar- 
moriai général  du  Beaujolais.  On  y  remarquera, 
sans  doute,  de  nombreuses  lacunes  que  les  recher- 
ches les  plus  actives  n'ont  ])u  me  mettre  à  même 
de  remplir;  mais  beaucoup  de  familles,  éteintes 
depuis  longtemps  et  dont  les  titres  ont  été  dispersés, 
n'ont   laissé  aucun  indice  de  leur  écusson.  Cette 


PRÉFACE.  5 

partie  est  peut-être  moins  frivole  qu'elle  ne  le  pa- 
raîtra à  quelques  personnes  :  les  armoiries  étant  la 
constatation  de  l'état  de  noble  à  une  époque  où 
la  noblesse  formait  un  corps  puissant  dans  l'Etat , 
il  est  curieux  de  connaître  ceux  qui  en  faisaient 
partie  dans  chaque  province  et  pouvaient,  à  ce 
titre,  être  appelés  à  de  solennelles  délibérations. 

Quelques  tables,  placées  à  la  lin  de  l'ouvrage, 
sont  destinées  à  faciliter  les  recherches. 

Mon  premier  projet  avait  été  d'indiquer  au  bas 
de  chaque  page  les  sources  où  j'avais  puisé;  mais 
ayant  observé  combien  ces  sortes  de  notes  fati- 
guaient le  lecteur ,  j'ai  préféré  citer  ici  en  masse  les 
auteurs  que  j'avais  consultés.  Je  le  ferai  d'autant 
plus  volontiers  que  j'aurai  à  parler  de  plusieurs 
manuscrits  peu  connus,  sur  lesquels  je  crois  utile 
de  donner  quelques  détails. 

OUVRAGES    IMPRIMÉS. 


Allier  (Achille).  —  L'ancien  Bourbonnais.  Moulins, 
3  vol.  in-folio. 

Ansklme  (le  père). —  Histoire  généalogique  et  chrono- 
logique de  la  Maison  royale  de  France,  des  pairs, 
grands  officiers  de  la  couronne ,  etc..  Paris,  1730, 
9  vol.  in-folio. 

Ber.vari)  (Auguste).  —  Histoire  du  Forez.  Montbrison, 
1835,2  vol.  in-S". 


6  PRÉFACE. 

Bétencourt  (dom).  —  Noms  féodaux,  ou  noms  de  ceux 
qui  ont  tenu  fiefs  en  France.  Extraits  des  Archives 
du  royaume.  Paris,  1826,  2  vol.  in-8°. 

BoccHET  (Jean).  —  Les  Annales  d'Aquitaine.  Poitiers, 
1557,  in-folio. 

Brisson.  —  Mémoires  historiques  et  économiques  sur  le 
Beaujolais.  Avignon  et  Lyon,  1770,  in-8°. 

BussiÈRES  (le  père  de).  —  Mémoires  contenant  ce  qu'il 
y  a  de  plus  curieux  dansVillefranche.  Villefranche, 
1671  ,  in-4». 

Cet  ouvrage  est  généralement  attribué  au  père  de  Bussières  ;  je  ne 
sais  trop  jusqu'à  quel  point  cette  opinion  peut  être  fondée. 

Cachet  de  Garkerans  (Claude).  —  Abrégé  de  l'histoire  de 
Dombes.  Thoissey,  1696,  in-folio. 

Clément  (dom)  et  autres  bénédictins.  —  L'Art  de  vérifier 
les  dates  des  faits  historiques.  Paris,  1783,  3  vol. 
in-folio. 

Dësormeaux.  —  Histoire  de  la  maison  de  Bourbon.  Paris, 
1772,5  vol.  in-4». 

DucHESNE  (André).  —  Histoire  des  roys,  ducs  et  comtes 
de  Bourgogne  et  d'Arles.  Paris,  1619,  in-4". 
—     Les  Antiquités  et  recherches  des  villes,  châteaux 
et  places  plus  remarquables  de  toute  la  France. 
Paris,1609,2  vol.  in-8». 

Fodéré  (le  père  Jacques).  —  Narration  historique  et  to- 
pographique des  convents  de  l'ordre  de  Saint- 
François  Lyon,  1619,  in-4'. 


PRÉFACE.  7 

Froissart  (Jean).  —  Les  Chroniques.  Paris,  1824-182G, 
15  vol.  in-8". 

GuicuENON  (Samuel).  —  Histoire  de  Bresse  et  de  Bugey. 
Lyon,  1650,  in-folio. 

JoiNviLLE  (le  sire  Jehan  de).  —  Histoire  de  saint  Louis  , 
IX''  du  nom,  roy  de  France.  Paris,  1761,  in-folio. 

Le  Laboureur  (Claude).  —  Les  Mazures  de  l'abbaye 
royale  de  l'Isle-Barbe.  Paris,  1681-1682,  2  vol. 
in-lx". 

La  Mure  (Jean-Marie  de).  —  Histoire  universelle,  civile 
et  ecclésiastique  du  pays  de  Forez.  Lyon,  1674  , 
in-4°. 

—  Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Lyon.  Lyon, 

1671,  hï-W. 

LouvET  (Pierre).  —  Histoire  de  ViUcfranche,  capitale  du 
Beaujolois.  Lyon,  1672,  in -8°. 

—  La  France  dans  sa  splendeur.  Lyon,  1674,  2  vol. 

in-8». 

MoRÉRi  (Louis).  —  Dictionnaire  historique.  Paris,  1759, 
10  vol.  in-folio. 

Paradin  (Guillaume).  —  Annales  de  Bourgogne.  Lyon, 
1566,  in-folio. 

—  Mémoires  de  l'histoire  de  Lyon.  Lyon,  1573,  in-fol. 

Paiïauin  (Claude).  —  Alliances  généalogiques  des  roys  et 
princes  de  Gaule.  Lyon,  1606,  in-folio. 


8  PRÉFACE. 

PouLLiN  DE  LuMiNA.  —  Hislojre  de  l'Eglise  de  Lyon.  Lyon, 

1770,  in-4». 

Ste-Marthe  (les  frères  de).  —  Gallia  christiana  in  pro- 
vincias  ecclesiaslicas  distribula.  Paris,  1715  et 
années  suivantes,  11  vol.  in-l"olio. 

Severt  (Jacques).  —  Chronologia  historica  successionis 
hierarcliicœ  illustrissimoruui  archiantistituni  Lug- 
diinensisarcliiepiscopatus,etc...  Lyon,  1628,in-fol. 

J'ai  encore  consulté  avec  fruit  quelques  brochures  intéressantes  pu- 
bliées par  MM.d'Aiguepcrse,  Péricaud,  Aug.  Bernard,  de  la  Ferrière, 
Chanibcvron  et  autres. 


MANUSCRITS. 

Inventaike  des  papiers,  titres  et  enseignements  estant  dans 
la  Cuambre  du  trésor  a  Villefranche,  dressé  en  1608 
par  David  Belle!,  conseiller  du  roi  et  lieutenant  par- 
ticulier au  bailliage  de  Beaujolois.  In-ful.  de  3ô0  pag.; 
copie  prise  sur  l'original  qui  existe  à  la  bibliothèque 
de  Lyon. 

(".el  inventaire  fait  vivement  regretter  la  perte  des  arciiives  de  Ville- 
franche. 

Registre  des  délibérations  prises  en  la  chambre  du 
Conseil  par  les  officiers  dti  bailliage  de  Villefranche, 
(le  1706  à  1779.  In-folio  de  188  pages;  manuscrit 
original. 

1Mémoii;e  sur  le  gouvernement  de  Lyon,  dressé  par  ordre 
de  la  Cour,  en  l()98,  j)ar  II. -F.  Lambert  (rilerbigny. 


PRÉFACE.  9 

chevalier,  etc.,  intendant  de  justice,  police  et  finances 
de  la  ville  de  Lyon,  provinces  de  Lyonnois,  Forez  et 
Beaujolois.  In-4'*  de  318  pages;  manuscrit  dont  il 
existe  un  grand  nombre  de  copies. 

Histoire  de  la  souveraineté  de  Dombes,  par  Samuel  Gui- 
chenon.  1662,  in-folio  de  800  pages. 

Guichenon  avait  composé  cette  histoire  par  l'ordre  de  M""  de  Mont- 
pensier,  souveraine  de  Dombes.  Mais  l'historien  ayant  émis  assez  hau- 
tement son  opinion  sur  la  suzeraineté  que  les  princes  de  Savoie  pou- 
vaient avoir  sur  la  Dombes  ,  Mademoiselle  s'opposa  à  l'impression  de 
l'ouvrage  et  en  racheta  le  manuscrit ,  ainsi  que  les  pièces  à  l'appui , 
moyennant  la  somme  de  3,000  livres.  Guichenon  cependant  en  garda 
une  copie  ;  il  s'en  est  fait  plusieurs  depuis.  Celle  que  je  possède  pa- 
raît être  du  temps. 

Histoire  de  Dombes,  tirée  des  manuscrits  et  papiers- 
brouillards  de  M.  Philibert  Collet,  avocat  en  parle- 
ment, et  qui  m'ont  été  remis  par  M.  Languet,  aussi 
avocat  en  parlement,  qui  avoit  épousé  la  fille  unique 
de  l'auteur.  1720. 

Tel  est  le  litre  assez  original  de  ce  manuscrit,  in-folio  de  1028  pages, 
dont  l'auteur  ,  ou  pour  mieux  dire  l'arrangeur  ,  n'a  pas  voulu  se 
nommer.  A  l'époque  où  j'en  fis  l'acquisition,  plusieurs  amateurs  re- 
cherchèrent avec  empressement  de  qui  pouvait  être  cet  ouvrage,  mais 
leurs  efforts  furent  vains.  Depuis,  le  hasard  m'a  mieux  servi  :  je  me 
suis  procuré  un  autre  manuscrit  de  7  à  800  pages ,  sorte  de  miscella- 
née ,  de  la  même  écriture  que  celle  de  l'Histoire  de  Dombes  et  écrit 
par  un  M.  Girié,  avocat  en  parlement,  demeurant  à  Trévoux.  Non- 
seulement  l'écriture  est  identiquement  la  même ,  mais  le  style  de  l'un 
rappelle  parfaitement  celui  de  l'autre.  Nous  devons  donc  croire  que 
c'est  M.  Gûié  qui  a  rédigé  cette  Histoire  de  Dombes  sur  les  documents 
réunis  par  M.  Collet.  Le  style  en  est  assez  diffus  et  fort  incorrect, mais 
l'ouvrage  offre  un  grand  intérêt  par  les  nombreuses  pièces  justificatives 
dont  il  est  accompagné. 


1 0  PRÉFACE. 

Histoire  du  Beacjolois,  où  il  est  traité  de  l'origine  du 
pays  et  de  ses  seigneurs  :  deux  parties,  dont  l'une 
contient  l'histoire  du  Beaujolois,  et  l'autre  celle  de  la 
principauté  de  Dombes.  Vers  1667,  in-folio  de  plus 
de  11 00  pages. 

Ce  manuscrit,  doiil  il  existe  plusieurs  copies  ,  est  sans  contredit  ce 
que  nous  possédons  de  plus  complet  sur  le  Beaujolais.  Le  stvle  en  est 
lourd  et  manque  souvent  de  clarté ,  mais  on  y  trouve  beaucoup  de  faits 
et  ils  y  sont  discutés  avec  impartialité.  L'auteur  cite  toujours  juste,  et 
se  Jiasarde  peu  lorsqu'il  n"a  pas  vu  par  lui-niênic  les  pièces  dont  il 
fait  usage.  Il  a  largement  puisé  dans  le  Trésor  de  Villcfranche  ,  et  a 
eu  cet  immense  avantage  de  pouvoir  compulser  lui-même  les  titres 
originaux  dont  il  ne  nous  reste  plus  que  la  mention.  Ce  manuscrit  est 
généralement  attribué  à  Pierre  Lonvel,  historiographe  de  Dombes,  mais 
j'avoue  qu'il  m'est  impossible  de  partager  cette  opinion.  Voici  mes 
raisons  :  Pierre  Louvet  donna  au  public  en  1674  un  ouvrage  fort  mé- 
diocre,  intitulé  La  France  dans  sa  splendeur.  Lu  chapitre  y  est  con- 
sacré au  Beaujolais.  Or ,  ici  tout  diffère  de  ce  que  nous  lisons  dans  le 
manuscrit  qu'on  lui  attribue  et  qui  fut  écrit  en  1667.  La  généalogie 
de  Beaujeu  est  complètement  différente  dans  les  deux  ouvrages  :  les 
noms,  les  dates,  les  alliances  ne  sont  plus  les  mêmes,  el  peut-on  croire 
que  les  idées  de  l'auteur  sur  notre  histoire  se  fussent  modifiées  à  ce 
point  dans  l'espace  de  sept  années?  Nous  le  croyons  d'autant  moins 
(juc  la  généalogie  du  manuscrit  est  appuyée  de  preuves  graves,  de 
litres  originaux  que  l'auteur  avait  soigneusement  étudiés  ,  et  que  La 
France  dans  sa  splendeur  n'offre  qu'une  copie  de  celles  données  par 
des  auteurs  la  plupart  sans  portée  el  sans  critique ,  et  qui  tous  avaient 
été  réfutés  victorieusement  par  l'auteur  du  manuscrit,  .le  ne  puis  croire 
qu'un  historien,  un  homme  érudit,  ail  ainsi  renoncé  au  fruit  de  ses 
recherches  pour  tomber  dans  toutes  les  redites  dont  lui-mômc  avait 
démontré  la  fausseté.  Ceci  n'est  pas  soutenable  :  aussi  me  suis-je  tou- 
jours refusé  à  attrihucr  ce  manuscrit  à  Pierre  Louvet ,  sans  pouvoir 
du  reste  lui  assigner  un  auln-  père.  Et  cependant  ne  pourrail-on  alla- 
elier  une  certaine  importance  à  une  phrase  de  (iuichcnon  qui  dit  que 
M.  de  la  Prayc,  avocat  .i  \  illefranclie ,  avait  écrit  sur  le  lieaujolais, 
mais  qu'il  ne  peut  parler  de  ce  travail,  attendu  que  la  copie  que  lui 
envoyait  M.  le  président  de  Fléchèi-8S  s'était  perdue  en  route  ?  Cette 
donnée  est  bien  vague  pour  pouvoir  l'appliquer  îi  notre  manuscrit  : 


PRÉFACE.  1 1 

aussi,  faute  de  mieux,  je  continuerai  toujours  à  nommer  Louvet  lors- 
que j'aurai  à  citer  cet  ouvrage.  Je  préfère  cette  méthode  ,  tout  inexacte 
qu'elle  soit,  à  l'emploi  d'une  périphrase  qui,  souvent  répétée,  finirait 
par  fatiguer  le  lecteur. 

La  copie  que  je  possède  a  été  prise  sur  celle  qui  existe  à  la  biblio- 
thèque de  Lyon ,  et  qui  m'a  paru  plus  intéressante  et  plus  complète 
que  les  autres  en  raison  de  quelques  notes  ajoutées,  portant  la  date 
de  1740. 


DF  L'ORIGINE  DU  BEAUJOLAIS  FT  DF  SES  PREMIERS  SEIGNEURS. 


DE    L'ORIGINE    DU    BEAUJOLAIS 


ET    DE    StS    PREMIERS    SEIGNEURS- 


/E  Beaujolais,  tel  quil  était 
l  encore  constitué  en  1789, 
formait  une  province  dépen- 
dant du  gouvernement  de 
Lyon ,  avec  titre  de  baron- 
nie.  Ses  limites  étaient,  au 
nord  la  Bourgogne,  à  l'orient  la  Saône,  au  midi  le 
Lyonnais,  et  à  1  occident  la  Loire  et  le  Forez.  Son 
étendue  était  évaluée  à  quatre-vingts  lieues  carrées. 


16  DE  l'origine 

Le  sol,  par  un  heureux  mélange  de  position  et  de  na- 
ture, y  a  favorisé  l'agriculture,  qui  de  tout  temps  a  fait 
la  principale  richesse  du  pays.  Une  plaine  d'une  lieue 
de  large  environ,  partant  des  prairies  qui  bordent  la 
Saône,  et  couverte  d'abondantes  moissons,  s'élève 
par  une  pente  insensible  jusqu'au  pied  de  ces  coteaux 
qui  fournissent  les  vins  renommés  de  Beaujolais. 
Ces  riches  vignobles  s'étendent  j  usqu'aux  flancs  des 
montagnes,  dont  les  pentes  rapides  ne  sont  pas  dé- 
pourvues de  fertilité.  Une  plaine  semblable  règne 
à  l'occident  de  la  province  ,  et  va  mourir  sur  les 
grèves  de  la  Loire.  La  partie  montagneuse  occupe 
le  centre  de  la  province,  et  rachète  l'ingratitude  de 
son  sol  par  quelques  belles  forêts  de  sapins  et  une 
industrie  toujours  croissante.  Plusieurs  petites 
villes ,  qui  autrefois  avaient  titre  de  prévôté ,  for- 
ment en  Beaujolais  comme  différents  centres  d'un 
commerce  assez  étendu,  que  f industrie  des  habi- 
tants avait  déjà  su  rendre  ])rosj)ère  au  seizième 
siècle,  grâce  aux  communications  faciles  que  leur 
offrait  le  voisinage  de  la  Saône  et  de  la  Loire. 
Outre  les  deav  rivières  que  nous  venons  de  nom- 
mer, le  pays  en  possède  phisieurs  autres  qui,  pour 
être  moins  importantes,  n'en  suffisent  pas  moins  à 
falimentation  de  ses  fabriques.  On  distingue  sur- 
tout l'Azergues,  le  Reins,  le  Sornin,  le  JNIorgon, 
fArdière,  la  Vauxonne,  le  Nizeran  et  la  Trani- 
bouze.  De  toutes  ces  rivières,  le  Reins  et  le  Sornin 


DU    BEAUJOLAIS.  1  7 

se  jettent  dans  la  Loire,  les  autres  vont  se  perdre 
dans  la  Saône.  La  Grosne  prend  sa  source  en  Beau- 
jolais, mais  elle  n'est  guère  connue  qu'à  son  en- 
trée en  Bourgogne  du  côté  de  Cluny. 

L'histoire  ne  nous  a  laissé  que  de  bien  faibles 
documents  sur  l'origine,  la  formation  et  les  premiers 
temps  de  cette  riche  province,  qu'on  ne  voit  appa- 
raître avec  un  certain  lustre  que  dans  le  courant  du 
douzième  siècle.  Quelques  mentions  extraites  des 
cartulaires  des  églises ,  quelques  titres  de  fonda- 
tions pieuses,  sont  seuls  parvenus  jusqu'à  nous,  et 
ne  jettent  qu'une  clarté  bien  douteuse  sur  l'exis- 
tence première  du  pays  et  de  ses  seigneurs. 

Le  Beaujolais,  sous  la  domination  romaine,  ne 
formait  point  un  pays  particulier,  et  appartenait  en 
partie  à  la  cité  de  Lyon  et  en  partie  à  celle  de 
Màcon.  Il  n'eut  pas  davantage  d'existence  qui  lui 
fût  propre  sous  les  rois  de  la  première  race;  nous 
en  trouverons  la  preuve  en  jetant  un  coup  d'oeil 
rapide  sur  ce  qu'étaient  les  circonscriptions  terri- 
toriales à  ces  deux  époques. 

Les  Romains ,  aussi  organisateurs  que  conqué- 
rants, conservèrent  autant  que  possible,  à  leur  en- 
trée dans  les  Gaules,  les  mêmes  divisions  géogra- 
phiques qu'ils  y  avaient  trouvées  établies  :  elles 
leur  parurent  bonnes  et  favorables  à  l'administra- 
tion, par  la  hiérarchie  qu'elles  établissaient  entre  les 
points  principaux  du  pays  et  ceux  de  moindre  im- 


18  Dii  l'origine 

portance  qui  relevaient  naturellement  des  premiers. 
Ces  subdivisions  allaient  à  l'infini.  Ainsi  les  cités, 
cwitates  ,  étaient  composées  de  pays  ou  nations , 
pfigi,  qui  eux-mêmes  se  subdivisaient  en  agri,  et 
ceux-ci  renfermaient  différents  centres  de  popula- 
tion connus  sous  le  nom  de  çillœ.  Cet  état  de  choses 
existait  encore  à  l'époque  de  l'invasion  des  Francs. 
Ceux-ci,  en  véritables  conquérants,  eussent])robable- 
ment  peu  respecté  ces  divisions  ,  si  le  christianisme 
ne  fût  venu ,  par  son  exemple ,  enseigner  aux  suc- 
cesseurs de  Clovis  à  régulariser  leur  administration. 
Le  clergé,   en  effet,  ado])ta  pour  la   juridiction 
ecclésiastique  la  circonscription  des  Romains.  Ce 
que   ceux-ci  avaient  appelé  cwitates    fut  regardé 
comme  métropoles  et  devint  le  siège  des  archevê- 
chés. Les  jyaoi  furent  érigés  en  évéchés,  les  agri 
en  archiprêtrés  ,  et  les  villœ  furent  converties  en 
paroisses.  Il  est  à  remarquer  que,  le  clergé  ayant 
opéré  peu  de  changements  dans  son  oiganisation 
depuis  cette  épocjue,  on  pourrait  encore  recom- 
poser, à  j)eu  de  chose  près,  les  anciennes  provinces 
romaines ,  en  suivant  la  limite   des  diocèses  tels 
qu'ils  existaient  avant  la  révolution  de  1789.  Les 
rois  mérovingiens,  éclairés  par  cet  exemple,  adop- 
tèrent en  partie  les  mêmes  divisions ,  et  fixèrent  en 
conséquence  l'ordre  hiérarchique  de  chaque  pro- 
vince. Les  archevêchés  et  les  évêchés  répondirent 
à  des  comtés  de  plus  ou  moins  d'importance  ;  les 


DV    BEAUJOLAIS.  19 

aichiprètrés  turent  principalement  le  siège  des  chà- 
tellenies,  et  les  çillœ  devinrent  des  sortes  de  sei- 
gneuries qui,  selon  la  qualité  ou  la  puissance  de 
ceux  qui  les  possédaient,  pouvaient  bien  com- 
prendre j)lusieurs  paroisses ,  mais  ne  souffraient 
pas  d'enclaves  ;  encore  moins  pouvaient-elles  em- 
piéter sur  un  diocèse  ou  gouvernement  dans  le 
ressort  duquel  elles  nétaient  ])as  situées.  Or  le 
Beaujolais,  placé,  comme  nous  l'avons  dit,  partie 
sur  le  diocèse  de  Lyon  et  partie  sur  ceux  de  Màcon 
et  d'Autun,  eût  donc  joui  d'un  privilège  dont  nous 
ne  connaissons  pas  d'exemple ,  si  son  origine  eût 
remonté  au  temps  où  cette  loi  de  circonscription 
était  encore  en  vigueur,  c'est-à-dire  à  mie  époque 
antérieure  au  règne  de  Charles-le-Chauve.  Cette 
seule  considération,  déduite  des  raisons  que  nous 
venons  de  donner,  est  pour  nous  une  preuve  cer- 
taine que  ce  pays  n'eut  point  une  existence  parti- 
culière sous  l'empire  romain,  non  plus  que  sous  les 
rois  de  la  première  race.  Il  est  remarquable  d'ail- 
leurs que ,  soumis  à  toutes  les  chances  de  la  con- 
quête ,  notre  pays  fut  successivement  possédé  par 
les  Romains,  les  Francs,  les  Bourguignons,  puis 
repris  par  les  Francs,  sans  qu'aucun  historien  de 
ces  guerres  l'ait  nommé.  Si  nous  ajoutons  que 
Bozon,  roi  d'Arles,  recevant  à  Lyon,  en  879,  l'in- 
vestiture du  Lyonnais  et  du  Maçonnais ,  l'acte  qui 
en  fut  dressé  ne  fit  aucune  mention  du  Beaujolais, 


20  DE    l/ORIGINE 

nous  devons  croire  qn  à  cette  époqne  du  neuvième 
siècle  son  territoire  était  encore  compris  dans  ces 
deux  provinces  et  n'avait  ])as  d'existence  particu- 
lière. Cette  vérité  nous  paraît  démontrée  et  s'ac- 
corde, du  reste,  avec  ce  quont  écrit  la  plupart  des 
auteurs  qui  ont  parlé  du  Beaujolais,  comme  aussi 
avec  la  tradition  qui  ne  signale  que  le  seul  seigneur 
de  Torvéon,  dont  nous  parlerons  bientôt. 

Ceci  posé,  on  comprendra  facilement  que  nous 
ne  nous  étendions  pas  sur  l'histoire  de  notre  pays 
à  une  époque  où  il  ne  possédait  pas  d'existence 
propre.  Personne  n'ignore  les  événements  qui  se 
passèrent  dans  les  grandes  provinces  dont  il  faisait 
partie,  et  comme  aucun  fait  important  n'est  venu 
dans  ces  temps  signaler  un  point  quelconque  de 
notre  territoire ,  nous  devons  renvoyer  le  lecteur 
aux  historiens  qui  ont  traité  de  la  conquête  des 
Gaules  et  des  premiers  temps  de  la  monarchie 
française.  Nous  bornons  notre  récit  à  ce  qui  nous 
intéresse  plus  directement. 

Recherchons  maintenant  quelle  fut  l'origine  du 
Beaujolais,  d'oii  sortaient  les  princes  qui  le  gou- 
vernèrent j)endant  plusieurs  siècles,  et  quel  est  celui 
de  ces  princes  (pion  peut  regarder,  sinon  comme  le 
fondateur  de  la  dynastie,  au  moins  comme  le  pre- 
mier dont  les  titres  du  pays  constatent  l'existence 
d'une  manière  un  peu  certaine  :  recherche  ardue 
par  le  défaut  de  documents  historiques,  et  qui  ne 


DU    BEAUJOLAIS.  21 

peut  conduire ,  en  définitive ,  qu'à  des  hypothèses 
plus  ou  moins  probables.  Aucun  des  auteurs  qui 
ont  traité  ce  sujet  n'a  pu  appuyer  son  opinion  de 
preuves  d'une  certaine  importance;  et  quoique  plu 
sieurs  d'entre  eux  fassent  autorité  en  histoire,  tels 
que  Duchesne,  Guichenon,  les  frères  Paradin,  etc., 
on  observera  qu'il  est  toujours  facile  de  les  com- 
battre en  les  opposant  les  uns  aux  autres.  Nous 
rapporterons  donc  avec  impartialité  ce  qu'ils  ont 
écrit  sur  la  question  d'origine  qui  nous  occupe  et 
nous  dirons  à  laquelle  de  ces  opinions  nous  nous 
sommes  rangé,  tout  en  avouant,  comme  nous 
venons  de  le  dire ,  que  nous-mème  ne  la  regar- 
dons que  comme  une  simple  conjecture. 

Mais,  avant  d'aller  plus  loin,  nous  devons  parler 
d'une  race  de  seigneurs  qui  semble  avoir  eu,  sous 
le  règne  de  Charlemagne  et  de  son  successeur,  une 
certaine  autorité  sur  les  montagnes  qui  dominent 
les  plaines  du  Beaujolais.  Le  fait  de  leur  existence 
nous  est  révélé  par  les  ruines  encore  visibles  de 
leur  château  de  Torvéon,  situé  sur  le  sommet  élevé 
de  la  montagne  de  ce  nom,  à  une  lieue  de  la  ville 
de  Beaujeu.  La  tradition  du  pays  ,  ainsi  que  quel- 
ques romans  de  chevalerie,  nous  ont  conservé  le 
nom  de  Ganélon,  seigneur  de  Torvéon,  connu  par 
sa  trahison  de  Roncevaux  et  la  mort  de  Roland. 
La  puissance  de  ce  Ganélon  ne  peut  guère  être 
révoquée  en  doute,  car  il  j)araît  avoir  joué  un  rôle 


22  DE    LORIGINE 

important  à  la  cour  de  Charlemagne  et  répandu 
la  terreur  dans  tous  les  pays  qui  avoisinaient  sa 
forteresse.  Son  nom  exécré  s'est  conservé  jusqu'à 
nos  jours  dans  le  souvenir  des  haljitants  des  mon- 
tagnes du  Beaujolais,  où  naguère  encore  les  mères 
avaient  l'habitude,  pour  en  imposer  à  leurs  enfants 
indociles,  de   les    menacer   du   traître   Ganélon. 
Mais  d'où  venait  ce  seigneur  ?  en  quoi  consistait  sa 
seigneurie?  la  possédait-il   à  titre  héréditaire ,  ou 
n'était-ce  qu'une  usurpation?  Voilà  des  questions 
auxquelles  il  nous  est  impossible  de  répondre  ;  nul 
document  n'existe,  cpie  nous  sachions,  à  ce  sujet  : 
nos  légendes  nous  apprennent  seidement  qu'il  s'in- 
titidait  Seigneur  de   Torvéon  et  des  montagnes, 
titre  bien  vague   qui   semblerait  prouver   que  sa 
domination  consistait  dans  la  force  j)lut6t  que  dans 
le  droit,  puisque   cette  prétendue  seigneurie   ne 
reconnaissait  pas  de  limites  :  seigneur  des  mon- 
tagnes. Les  Chroniques  de  St-Denis  nous  ajjpren- 
nent  que,  peu  de  temps  après  sa  iraiiison,  Ganélon 
fut  arrêté  et  tiré  à  quatre  chevaux  en  punition  de 
ses  crimes.   C'est  à   peu   près   tout  ce  cpie    nous 
savons  de  lui;  car  nous  ne  saurions  nous  arrêter 
à  une  vieille  légende  rapportée  en  partie  par  Severt, 
et  qui  se  trouve  en  contradiction  manifeste  avec 
l'histoire  (1).  Quel    fut  le  sort  de  la   famille  de 


(1)  Vovi'/  I',uii<lo  rrAvciia<. 


DU    BEAUJOLAIS.  23 

Ganélon?  laissa-t-il  des  descendants!'  Il  nous  est 
im])ossible  de  le  dire,  et  on  ne  peut  former  là- 
dessus  que  des  conjectures  bien  vagues. 

Vers  la  fin  du  dixième  siècle  commença  à  appa- 
raître une  nouvelle  race  de  seigneurs  dont  le  châ- 
teau, placé  sur  le  rocher  de  Pierre-Aiguë ,  domine 
letroite  vallée  où  plus  tard  s'étendit  la  ville  de 
Beaujeu.  Les  plus  anciens  documents  nous  repré- 
sentent ces  seigneurs  comme  jouissant  déjà  à  cette 
époque  d'une  certaine  puissance,  et  protégeant  vo- 
lontiers les  possesseurs  de  tiefs ,  qui  venaient  im- 
plorer leur  appui  en  leur  faisant  hommage  de  leurs 
seigneuries.  Dès  les  premiers  degrés  qui  nous  sont 
connus,  nous  voyons  les  sires  de  Beaujeu  se  qua- 
lifier dans  leurs  actes  de  puissants  princes  et  agir 
sur  leurs  terres  en  hauts-justiciers,  selon  le  titre  de 
leur  baronnie  qui  ne  relevait  que  du  roi  (1  ). 

Bien  des  auteurs ,  comme  nous  l'avons  dit  plus 
haut ,  ont  écrit  sur  l'origine  de  cette  famille.  Deux 
opinions  dominent  parmi  eux  :  les  uns  prétendent 
nos  princes  issus  des  anciens  comtes  de  Lyon ,  et 
les  autres  les  font  descendre  d'un  cadet  de  la  maison 
de  Flandres  :  au  nombre  des  premiers  sont  Du- 
chesne,  Paradin  et  Severt;   les  seconds  ont  pris 


{l  )  On  lit  dans  le  giaud  Coutamier .  «  Au  royaume  de  France 
«  ne  souloit  avoir  que  trois  baronaies,  savoir  :  Bourbon  ,  Coucy, 
«  et  Beauj(;ii.  >> 


24  DE  l'origine 

pour  guide  Louvet  et  quelques  autres.  Presque 
tous  ceux  qui  ont  écrit  depuis  sur  les  sires  de  Beau- 
jeu  se  sont  rangés  à  l'une  ou  à  l'autre  de  ces  deux 
opinions.  Chacun  des  deux  partis  a  voulu  s'étayer 
de  preuves  tirées  de  certains  monuments  ou  de 
l'histoire ,  et  nous  devons  à  la  vérité  de  dire  que 
ces  preuves  ne  peuvent  soutenir  le  plus  léger  exa- 
men, comme  nous  pourrons  le  démontrer.  Notre 
opinion  personnelle  est  pour  la  descendance  des 
comtes  de  Lyon  ;  mais  nous  tenons  à  constater 
que  cette  opinion  ne  peut  s'appuyer  sur  aucune 
preuve  solide,  et  que,  si  nous  l'adoptons,  c'est  uni- 
quement parce  qu'elle  nous  parait  plus  probable. 

Ceux  qui  veulent  que  les  sires  de  Beaujeu  soient 
issus  des  comtes  de  Lyon  et  de  Forez,  se  fondent 
principalement  sur  une  épitaphe  qu'ils  disent  avoir 
existé  dans  l'église  de  St-Irénée  de  Lyon.  La  voici 
telle  que  la  raj>porte  Se  vert  :  Hic  jacet  Artau- 
dus  cornes  Lugdunensis  et  Forensis  et  dominus 
Bellijoci  anno  993.  Cette  inscription  était,  selon 
le  même  auteur,  gravée  sur  la  tombe  d'Artaud  et 
accompagnée  de  l'écusson  de  Beaujeu  avec  le  lion 
et  le  lambel.  Il  ajoute  que  ce  monument  fut  détruit 
par  les  Huguenots  en  1562.  Paradin,  s'appuyant 
aussi  sur  cette  même  éj)itaphe,  la  reproduit  ainsi  : 
Ific  requiescunt  dominus  Arlnudus  eûmes  Lugdu- 
nensis cl.  Forensis.  dominus  Stephanus  f  rater  ejus 
et  Amphredus  Bellijoci  dominus,  et  /'rater  ej us  et 


DU    BEAUJOLAIS.  25 

f rater  eorum;  obiit  dictus  Artaudus  anno  Do- 
mini  993.  Après  avoir  dit  que  cette  inscription 
était  peinte  sur  la  voûte  de  l'église  et  accompagnée 
des  écussous  de  Forez  et  de  Beaujeu,  savoir  le  dau- 
phin d'une  part  et  le  lion  avec  lambel  de  l'autre ,  il 
ajoute  que  ,  le  sieur  de  Riverie  ayant  fait  blanchir 
l'église,  l'épi taphe  disparut,  ce  dont  le  connétable 
de  Bourbon  manifesta  un  vif  déplaisir,  lorsque  pas- 
sant à  Lyon  il  visita  l'église  de  St-Irénée. 

On  conviendra  qu'il  est  vraiment  difficile  d'atta- 
cher une  importance  sérieuse  à  un  monument  dont 
onnousparlesidiversement,etdont  l'existence  même 
nous  paraît  fort  problématique.  Cette  épitaphe ,  qui 
se  trouve  j)lacée  sur  la  tombe  même  selon  Severt, 
et  au  sommet  de  la  voûte  selon  Paradin ,  qui  est 
rapportée  d'une  façon  par  le  premier  et  complète- 
ment défigurée  par  le  second ,  ne  peut  que  nous 
inspirer  la  plus  grande  défiance.  A  quelle  source  ont- 
ils  puisé  l'un  et  l'autre?  Nous  avons  quelques  raisons 
de  croire  qu'ils  ont  suivi  en  cela  Belleforest,  dont 
l'inexactitude  est  proverbiale  et  qui  dénature  volon- 
tiers dans  un  chapitre  ce  qu'il  a  dit  dans  un  autre. 
Guichenon  a  vu ,  il  est  vrai ,  dans  les  archives  du 
chapitre  de  St-Jean ,  une  généalogie  fort  ancienne 
des  comtes  de  Lyon  ,  où  l'épilaphe  est  rapportée 
comme  la  donne  Severt,  à  la  différence  cependant 
de  la  date  qui  est  indiquée  999.  Cette  nouvelle 
variante  ne  fait  qu'ajouter  encore  à  nos  doutes  sur 


26  DE    LORIGÏNE 

l'authenticité  de  cette  inscription  ;  un  léger  examen 
nous  démontrera  bientôt  sa  fausseté. 

Remarquons  d'abord  qu'avant  le  milieu  du  on- 
zième siècle  il  n'était  pas  d'usage  de  placer  des  épi- 
taphes  sur  les  monuments  funèbres;  quelques  ex- 
ceptions ont  seules  eu  lieu  pour  plusieurs  grands 
princes.  Mais,  dans  les  rares  cas  que  l'on  peut  citer, 
rinscrij)lion  se  borne  à  rappeler  le  nom  et  le  titre 
du  défunt,  et  il  est  sans  exemple  qu'on  y  ait  fait 
entrer  l'énumération  de  ses  seigneuries ,  comme 
nous  le  voyons  dans  celle-ci  :  Cornes  Lugdunensis 
et  Forensls,  et  domlnus  lieHijoci.  iNIais  une  objec- 
tion plus  grave  encore  est  celle  résultant  de  la  pré- 
sence des  armoiries....  Personne  n'ignore  qu'elles 
n'ont  pris  naissance  qu'aux  croisades,  et  qu'à  fé- 
poque  de  993  elles  étaient  complètement  incon- 
nues :  il  n'existait  au  plus  que  certains  emblèmes 
par  lesquels  quelques  seigneurs  se  distinguaient; 
mais  ces  emblèmes  n'avaient  rien  d'héréditaire,  et 
par  conséquent  les  brisures,  telles  que  lambel  et 
autres,  destinées  à  faire  reconnaître  les  branches 
cadettes  d'une  même  famille,  ne  pouvaient  être  en 
usage.  Le  lambel  surtout  ne  date  que  du  qua- 
torzième siècle. 

Ainsi  donc,  de  la  divergence  qui  existe  dans  la 
manière  dont  les  auteurs  ont  parlé  de  cette  épi- 
taphe ,  de  la  façon  dont  ils  la  rapportent  et  de  la 
mention  do  ;Mmoiries  qui,  selon  eux,   y   étaient 


DU    BEAUJOLAIS.  27 

jointes,  il  résulte  clairement  jjour  nous  que  cette 
inscription  dont  on  a  voulu  se  servir  pour  prouver 
la  descendance  de  la  maison  de  Beaujeu  des  com- 
tes de  Lyon  est  complètement  fausse ,  ou  que  tout 
au  moins,  si  elle  a  jamais  existé,  elle  a  dû  être  posté- 
rieure de  plusieurs  siècles  à  la  mort  d'Artaud,  et  ne 
mérite  plus  aucune  confiance  comme  document 
historique.  Il  faudrait  chercher  ailleurs  la  preuve 
de  cette  descendance  ,  et  nous  devons  avouer 
qu'aucun  titre  sérieux  ne  vient  faciliter  cette  re- 
cherche. L'auteur  de  l'Art  de  vérifier  les  dates 
lui-même,  si  exact  d'ordinaire  dans  son  travail,  tout 
en  adoptant  ce  système  de  descendance,  ne  peut 
en  fournir  une  seule  preuve. 

Venons  maintenant  à  ceux  qui  prétendent  les 
sii'es  de  Beaujeu  issus  des  comtes  de  Flandres. 
Une  seule  raison  les  a  déterminés  faute  de  mieux, 
c'est  la  conformité  des  armoiries  et  le  cri  de  guerre 
Flandres  :  Beaujeu  ayant,  selon  eux,  brisé  les  ar- 
mes paternelles  d'un  lambel ,  comme  branche  ca- 
dette. Mais  observons  tout  d'abord  que  Beaujeu 
portait  déjà  semblables  armoiries  à  une  époque  où 
les  comtes  de  Flandres  ne  les  avaient  pas  encore 
adoptées;  car  le  giron,  anciennes  et  premières 
armoiries  de  ces  comtes ,  ne  fut  échangé  contre 
le  lion  de  sable  que  par  Philippe  de  Flandres,  fils 
de  Thierry  comte  d'Elsas ,  mort  en  1191.  Reste 
donc  le  cri  de  guérie  Flandres  pour  dernière  res- 


28  DE  l'origine 

source  de  cette  opinion  :  or  on  ne  trouve  la  trace 
de  ce  cri  dans  la  maison  de  Beaujeu  que  posté- 
rieurement à  l'alliance  qu'elle  contracta  avec  Si- 
bille  de  Hainault,  fille  de  Baudouin  comte  de  Hai- 
nault  et  de  Marguerite  de  Flandres ,  c'est-à  dire 
après  l'an  1200.  Les  sires  de  Beaujeu  l'adoptèrent 
probablement  alors  pour  perpétuer  le  souvenir  de 
cette  alliance.  N'est-il  pas  étonnant,  d'ailleurs,  que 
pas  un  historien  de  Flandres  n'ait  parlé  de  cette 
communauté  dorigine  entre  leurs  souverains  et  nos 
princes?  Ces  derniers  ont,  certes,  joué  un  trop  grand 
rôle  et  ont  répandu  trop  de  lustre  sur  leur  nom , 
pour  que  ces  historiens  n'eussent  pas  fait  mention 
d'un  lait  aussi  important. 

Après  avoir  réduit  à  leur  juste  valeur  les  preuves 
employées  par  les  auteurs  qui  ont  soutenu  la  des- 
cendance des  sires  de  Beaujeu,  soit  des  comtes  de 
Lyon,  soit  des  comtes  de  Flandres,  nous  devons 
dire  que  notre  pensée  n'a  nullement  été  de  con- 
tester la  possibilité  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  des- 
cendances, mais  d'établir  seulement  que  les  preuves 
manquent  complètement  à  ces  deux  opinions  ainsi 
qu'à  toute  autre  qu'on  j)oiurait  leur  substituer.  Nous 
croyons  cej)endani  que  l'origine  Uamaiide  est  tout- 
à-fait  insoutenable,  par  suite  des  raisons  que  nous 
avons  données  plus  haut.  A  quel  titre,  d'ailleurs,  un 
cadet  de  cette  maison  serait-il  venu  s'établir  sur  le 
rocher  de  Beaujeu?  Les  comtes  de  Màcon  n'eus- 


DU    BEAUJOLAIS.  29 

sent  certainement  pas  souffert  un  pareil  envahisse- 
ment, et  d'un  autre  côté  on  ne  peut  supposer  qu'il 
eût  été  placé  là  en  qualité  de  gouverneur  tempo- 
raire ,  devenu  plus  tard  héréditaire  :  la  maison  de 
Flandres  était  trop  puissante  et  trop  fîère  pour 
permettre  qu'un  des  siens  acceptât  un  rôle  aussi 
subalterne.  On  concevrait  plutôt  la  chose  de  la 
part  d'un  descendant  des  comtes  de  Lyon ,  car  ici 
l'intérêt  était  direct;  il  s'agissait  d'un  point  de  dé- 
fense important  pour  le  Lyonnais,  toujours  menacé 
de  pillage  par  les  seigneurs  de  Torvéon.  Nous 
avons  dit  que  la  puissance  de  ces  derniers  avait  été 
grande;  ils  résidaient  au  centre  des  montagnes,  et 
là  était  leur  siège.  Ces  montagnes  à  pentes  rapides, 
abruptes  et  couvertes  de  bois,  n'avaient  en  réalité 
qu'un  passage  un  peu  praticable  pour  communi- 
quer avec  la  plaine ,  par  la  vallée  d'Ardière ,  véri- 
table défilé  qu'il  devenait  presque  impossible  de 
franchir  pour  peu  qu'il  fût  défendu.  Or,  c'est  au 
point  le  plus  resserré  de  ce  passage  difficile  et  sur 
le  sommet  du  rocher  qui  le  domine  complètement 
que  fut  édifiée  la  vaste  forteresse  de  Beaujeu.  Ce 
point  franchi,  le  brigandage  pouvait  se  commettre 
sans  difficulté  dans  la  plaine,  soit  en  Maçonnais, 
soit  en  Lyonnais,  dont  la  frontière  commençait  à 
une  lieue  de  là.  Ne  serait-il  pas  raisonnable  de 
penser  qu'à  l'époque  des  seigneurs  de  Torvéon  les 
comtes  de  Lyon  et  ceux  de  Màcon  se  fussent  en- 


30  DE  l'origine 

tendus  pour  faire  fortifier  cet  étroit  passage  et  ar- 
rêter, autant  que  possible,  les  brigandages  dont  les 
peuples  de  la  plaine  avaient  tant  à  souffrit?  et  rien 
ne  s'oppose  à  croire  que  la  défense  de  ce  point  im- 
portant ait  été  confiée  à  un  fils  ou  à  un  parent  du 
comte  de  Lyon.  Un  auteur  judicieux,  M.  Auguste 
Bernard,  dans  une  brochure  qu'il  a  publiée  à  la 
suite  de  son  Histoire  du  Forez,  a  poussé  plus  loin 
notre  conjecture.  Frappé  de  ce  que,  dès  l'origine, 
les  seigneurs  de  Beaujeu  ont  possédé  des  terres 
tant  en  Lyonnais  qu'en  Maçonnais ,  il  présume 
qu'un  mariage  a  j)u  avoir  lieu  entre  ce  nouveau 
gouverneur  et  une  fille  du  comte  de  Màcon  ,  à  qui 
on  donna  Beaujeu  en  dot,  et  que  cet  apanage,  joint 
à  ({uelques  terres  que  son  mari  pouvait  posséder 
en  Lyonnais,  forma  le  premier  noyau  du  Beau- 
jolais. Cette  supposition  pourrait  n'être  pas  dénuée 
de  fondement  si  l'on  considère  (|ue  la  seigneurie 
de  Beaujeu,  qui  n'avait  d'abord  d'autre  importance 
que  la  force  ou  noblesse  de  son  château,  était  assise, 
comme  nous  l'avons  dit,  partie  sur  le  diocèse  de 
Màcon  et  partie  sur  celui  de  Lyon,  à  une  époque 
où  ces  enjambements  étaient  à  peine  connus. 

Quelques  personnes  encore  ont  voulu  voir  dans 
nos  barons  les  descendants  des  seigneurs  de  Tor- 
véon,  qui  après  la  ruine  de  leur  puissance  auraient 
fait  bâtir  le  château  de  Beaujeu,  d'où,  fidèles  aux 
anciennes  traditions  de  leur  famille ,  ils  pouvaient 


DU    BEAUJOLAIS.  31 

encore  lever  quelques  impots  sur  les  voyageurs  qui 
traversaient  le  délilé.  D'autres  enfin  n'ont  vu  dans 
les  premiers  sires  de  Beaujeu  que  de  simples  com- 
mandants temporaires  devenus  héréditaires  à  l'é- 
poque des  troubles  qui  agitèrent  la  France  sous  les 
derniers  Carlovingiens ,  et  confirmés  ensuite  dans 
leur  usurpation  par  Hugues  Capet.  Nous  l'avons  dit 
en  commençant,  ici  rien  ne  peut  être  prouvé ,  et  la 
question  reste  toujours  à  l'état  d'hypothèse. 

Voyons  maintenant  quel  est  le  premier  seigneur 
de  Beaujeu  dont  l'histoire  ait  conservé  le  souvenir. 
Ici  l'obscurité  qui  nous  entoure  n'est  pas  moins 
profonde  que  dans  la  question  dorigine,  et  chaque 
auteur  qui  a  écrit  sur  cette  matière  a  nommé  un 
personnage  différent.  L'Art  de  vérifier  les  dates  et 
Guichenon  nomment  Bérard  ou  Béraud ,  et  lui 
donnent  pour  fils  un  autre  Bérard  qui ,  selon  eux, 
serait  mort  en  967.  André  Duchesne  accorde  la 
primauté  à  Guichard  ou  Wiscard  ,  qui  aurait  été 
père  de  Bérard.  Ces  deux  opinions  n'étant  ap- 
puyées sur  aucune  preuve ,  et  en  contradiction 
manifeste,  par  les  dates,  avec  les  documents  fournis 
par  l'église  de  Beaujeu ,  nous  ne  nous  y  arrêterons 
pas.  Louvet  enfin  indique  pour  premier  seigneur 
connu  Omphroy  ou  Humfred,  vivant  vers  la  fin 
du  dixième  siècle  ou  au  commencement  du  on- 
zième. La  seule  preuve  qu'il  puisse  en  fournir  est 
tirée  du  Cartulaire  du  chapitre  de  Beaujeu,  qui ,  en 


32  DE  l'origine 

général,  était  assez  exact  et  qui  relate  l'existence 
d'Humfred  et  de  ses  deux  enfants.  Louvet  seul 
parle  de  ce  Cartulaire  comme  l'ayant  vu,  et,  quoi- 
qu'il ne  donne  aucun  détail  sur  la  forme  et  l'an- 
cienneté de  ce  précieux  document,  nous  croyons 
devoir  y  ajouter  foi;  car,  si  Louvet  est  générale- 
ment verbeux  et  diffus ,  au  moins  a-t-il  fait  preuve 
d'exactitude  dans  son  ouvrage ,  et  il  neùt  pas 
adopté  sans  examen  un  titre  qui  ne  lui  eût  pas 
paru  mériter  toute  confiance.  Avouons  d'ailleurs 
que  ce  Cartulaire  est  la  seule  pièce  probante  sur 
laquelle  nous  puissions  nous  appuyer,  et  qu'ici 
au  moins  nous  partons  d'une  base  qui  a  manqué 
aux  auteurs  qui  ont  traité  le  même  sujet.  C'est  donc 
par  Omphroy  ou  Humfred  que  nous  commence- 
rons la  généalogie  des  sires  de  Beaujeu. 

La  première  race  de  nos  princes  portait  pour 
armes  :  d'or  au  lion  de  sable,  armé  et  lampassé  de 
gueules ,  au  lambel  à  cinq  pendants  du  même. 
Un  poète  beaujolais  les  décrivit  ainsi  en  patois  du 
pays  : 

Un  lion  ney  de  roge  harpa , 
En  champ  d'or  la  coua  reverpa  , 
Un  Ïambe  roge  sur  la  joa, 
Y  sont  les  armes  de  Bi'joa. 

La  maison  de  Beaujeu  avait  pour  cri  de  guerre 
Flandres,   et  pour   devise  Fort  port.  Quelques 


DU    BEAUJOLAIS.  33 

ailleurs  lui  donnent  encore  celle-ci  :  A  tous  ve- 
nants  beau  jeu;  nous  ne  croyons  pas  qu'elle  l'ait 
jamais  portée. 

Lorsque  Louis  de  Forez  devint  seigneur  de 
Beaujeu  du  chef  de  sa  mère  Isabelle,  il  renonça  à 
ses  propres  armes  pour  adopter  celles  de  sa  nou- 
velle seigneurie.  A  l'extinction  de  cette  maison,  la 
ville  de  Beaujeu  seule  conserva  l'antique  écusson. 


GENEALOGIE  HISTORIQUE  DES  SIRES  DE  BEAUJEU- 


GENEALOGIE    HISTORlQ_UE 


DES   SIRES    DE    BEAUJEU. 


OMFROY    OU    HUM  F  RED. 


Omfroy  est  le  premier  seigneur  de  Beaujeu  dont 
on  ait  connaissance  d'une  manière  un  jieu  certaine 
par  le  rappel  qui  en  est  fait  dans  le  Cartulaire  de 
Beaujeu  :  il  parait  avoir  vécu  peu  avant  l'an  1  000. 
Guichenon  cite  une  donation  faite  par  lui  à  l'ab- 
baye de  Clnny  en  977.  On  ignore  le  nom  de  sa 
femme,  dont  il  eut,  selon  le  même  Cartulaire,  deux 
enfants,  qui  furent  : 

]°  Béraud  ou  Bérard,  qui  a  continué  la  lignée  ; 

2"  Josmard,  mort  sans  alliance  le  7  des  ca- 
lendes de  mai ,  selon  l'Obiluaire  de  Beaujeu. 


38  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Severt  donne  encore  pour  enfant  à  Omf'roy, 
Gauthier ,  qui  fut  le  trente-sixième  évéque  de 
Màcon,  et  occupa  le  siège  épiscopal  de  1031  à 
1 062  ;  mais  cette  opinion  ne  nous  parait  pas  ap- 
puyée de  preuves  suffisantes. 

BÉRALD    OU   BÉRARD. 

L'obscurité  qui  entoure  l'existence  d'Omfroy 
ne  nous  laisse  guère  mieux  distinguer  ce  qui  con- 
cerne son  successeur  Bèraud  ;  cependant  la  charte 
d'érection  en  collégiale  de  l'église  de  Beaujeu,  charte 
donnée  par  Hugues  P"" ,  petit-lils  de  Bérard ,  et  citée 
par  René  Chopin,  vient  jeter  un  faible  jour  sur  les 
actions  de  ce  prince.  On  y  voit,  en  effet,  que  Bè- 
raud fit  le  voyage  de  Rome  en  1052  avec  Van- 
delmode  sa  femme,  Jlumbert  son  fils  et  la  femme 
dudit  Humbert,  nommée  Ilelmeest,  accompagnés 
aussi  de  Josmard,  frère  de  Bèraud;  qu'ils  rap- 
portèrent une  grande  quantité  de  reliques,  présent 
du  pape  Léon  IX,  et  qu'à  leur  retour  ils  fondè- 
rent et  firent  bâtir  l'église  du  château  de  Beaujeu, 
dit  de  Pierre- Aigui'. 

Cette  église   fut  édifiée  dès-lors  avec  une  cer- 
taine magnificence,  et  paraît  avoir  été  fort  aflèc- 
tionnée  j)ar  les  sires  de  Beanjeu,  qui  tous  lui  firent 
•  de  riches   présents.   Le  portail  en  fui  orné  d'un 
superbe  ])as-relief  en  marbre  blanc,  représentant 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  39 

un  de  ces  sacrifices  connus  sous  le  nom  de  suove 
taurilia ,  reste  précieux  d'antiquité  romaine ,  re- 
gardé encore  comme  un  chef-d'œuvre. 

A  cette  église  furent  attachés  des  prêtres  socié- 
taires; ce  ne  fut  que  plus  tard,  comme  nous  le 
verrons ,  qu'elle  fut  érigée  en  collégiale. 

Un  titre  qui  existait  aux  archives  de  Beaujeu 
portait  :  c<;  Berardus  et  Vandelmodis  donaverunt 
«  ecclesia2  Bellijoci,  quam  fundaverunt  in  castello 
ce  Petrae  acutae ,  omnem  decimationem  de  illis 
c<  exertis  et  condeminis  quos  in  dominicatu  illo- 
«  rum,  ubicumque  laboratoe  fuissent,  de  conde- 
<c  minis  quae  sunt  in  parochia  de  Ronnensi  et  de 
ce  Draciaco,  et  de  multis  aliis  locis,  in  pago  Lugdu- 


«.  nensi,  etc....  m 


Selon  Duchesne  et  Paradin,  copiés  par  Louvet, 
Béraud  serait  mort  en  1  032 ,  ce  qui  ne  peut  être; 
et  en  ceci  ces  mêmes  auteurs  se  mettent  en  con- 
tradiction manifeste  avec  eux-mêmes:  car  ils  nous 
parlent  du  voyage  que  Béraud  fit  à  Rome  sous  le 
pontificat  de  Léon  IX ,  qui  occupa  la  chaire  de 
saint  Pierre  de  1  048  à  1  054  ,  puis  font  mourir  le 
sire  de  Beaujeu  en  1  032,  c'est-à-dire  seize  ans  avant 
le  pontificat  de  Léon  IX.  Rétablissons  donc  les  vé- 
ritables dates  ;  et  ici  Severt  sera  notre  guide,  car  il 
a,  je  crois,  mieux  connu  la  vérité  dans  cette  cir- 
constance. Il  nous  dit  que  le  voyage  de  Rome  eut 
lieu  en   1052,   ce  qui  convient  parfaitement  au 


40  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

règne  de  Léon  IX  et  à  rérection  de  l'église  du  châ- 
teau de  Beaujeu,  qui,  selon  tous  les  auteurs,  fut 
terminée  vers  1  068  par  les  successeurs  de  Béraud. 
La  mort  de  ce  seigneur  est  donc  postérieure  à 
l'année  1  052,  et,  quoiqu'il  soit  difficile  d'en  préciser 
l'époque,  tout  porte  à  croire  qu'il  survécut  peu  à  son 
voyage  de  Rome.  Il  devait,  en  effet,  être  fort  âgé 
à  cette  époque,  puisque  nous  voyons  ,  par  un  titre 
que  nous  citerons  plus  bas,  quen  1066,  c est-à- 
dire  quatorze  ans  après,  Guigues  de  Beaujeu  ,  son 
petit-fils,  mourut  à  Lyon  en  revenant  de  Rome 
pour  la  troisième  fois.  La  mort  de  Béraud  j)eut 
donc  être  fixée,  selon  nous,  vers  l'an  1055  ou  1056. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu  ])lus  haut ,  la  charte 
d'érection  de  l'église  du  château  de  Beaujeu  en  col- 
légiale donne  pour  femme  à  Béraud  Vandelmode, 
que  Severt  dit  être  d'une  famille  inconnue,  mais 
que  quelques  auteurs  croient  être  de  celle  de  Savoie. 

De  ce  mariage  sont  issus  : 

1°  IIuml)ert,  ({ui  continua  la  lignée; 

2"  Guichard,  qui,  selon  Guichenon ,  épousa 
Adelmodis,  d'une  famille  inconnue; 

3°  Etienne. 

A  ces  trois  enfants,  nommés  dans  les  titres  (pic 
nous  rapj)orterons,  Guichenon  en  ajoute  deux  autres, 
savoir  :  lluinfred,  dont  il  cite  une  donation  à  l'ab- 
baye de  Cluny,  de  l'an  977  ;  et  Guy  ou  Guigues, 
que  Dnchesne  dit  élre  nioil   ;i   Lyon  ot  avoir  été 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  41 

enterré  en  l'église  d'Ainay.  Or,  si  Humfred  a  fait 
une  donation  en  977,  il  est  évident  qu'il  ne  peut 
être  fils  de  lîéraud,  mort  vers  1  Ooo,  et  que  cet  acte 
doit  être  appli(|ué  à  Humfred  ou  Omfroy,  premier 
sire  de  Beaujeu  cité  par  nous.  Quant  à  Guigues,  il 
n'était  point  lils  de  Béraud  ,  mais  de  HumbertP'"; 
nous  le  retrouverons  plus  tard  en  cette  qualité, 
succédant  à  son  frère  Hugues. 

HUMBERT    I". 

Si  les  auteurs  qui  ont  écrit  de  la  généalogie  des 
sires  de  Beaujeu  ont  jeté  une  grande  confusion  sur 
cette  histoire,  c'est  surtout  au  règne  de  Hum- 
bert  P'  que  celte  confusion  arrive  à  son  comble. 
Ainsi  Guichenon ,  sans  s'inquiéter  des  impossi- 
bilités,  fait  vivre  ce  prince  en  977,  puis  lui 
donne  pour  femme  Ricoaire  de  Salornay,  bienfai- 
trice de  Cluny  sous  l'abbé  Hugues  ,  qui  mourut  en 
1  1  09.  Paradin  et  Severt,  loin  d"ado])ter  ce  système, 
lui  donnent  deux  femmes  :  Auxilie  de  Savoie,  puis 
Helmeest,  de  famille  inconnue,  et  lui  attribuent 
sept  enfants  ,  cinq  d' Auxilie  et  deux  d'Helmeest , 
sans  qu'aucune  preuve  vienne  à  l'appui  de  ces  asser- 
tions. Louvet  seul  a  eu  le  bon  esprit  de  ne  s'en 
rapporter  qu'au  seul  titre  authentique  qui  puisse 
nous  guider,  la  charte  d'érection  de  la  collégiale  de 
Beaujen.  Cet  acte,  selon  lui,  nomme  Hnml)ert  et  sa 


42  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

femme  Helmeest,  et  désigne  le  premier  comme  fils 
de  Béraud. 

Humbert  mom-ut,  selon  Severt,  en  1060. 

De  son  mariage  sont  issus  : 

1°  Hugues ,  qui  suit; 

'Z"  Guigues ,  rapporté  j)lus  bas,  comme  ayant 
succédé  à  son  frère  ; 

3°  Guicliard; 

4°  Etienne. 

HUGUES    I". 

Hugues  de  Beaujeu  moula  sur  le  siège  seigneu- 
rial à  la  mort  de  son  père.  Nous  ne  connaissons 
guère  de  lui  que  les  démarches  qu'il  Ht  auprès  de 
Dreux,  évèque  de  Màcon,  pour  obtenir  l'érection 
de  l'église  du  château  de  Beaujeu  en  collégiale  et 
f  installation  de  chanoines  institués  à  cet  effet.  René 
(jhopin  ,  cité  par  Louvet,  s'exprime  ainsi  sur  cette 
érection  :  «  Berardus,  BeUijoci  princeps ,  Vandel- 
«  moda  uxor  et  Iluniberlus  filius,  extruxerunt  pri- 
«  mum  Bellijoci  templum;  scd  Hugo,  Viscardus 
«  et  Stephanus,  fundatorum  nepotes,  eam  eccle- 
«  siam  cauonicorum  cnllegium  instituerunt.  » 

Dans  l'acte  d'érection  de  la  collégiale ,  les  })rinces 
s'expriment  ainsi  : 

«  Auctoritate  Drogonis  iiostri  prœsulis  AJatisco- 
"  neusis ,  et  ejus  jussu,  sub  Dei  et  sanctoe  Geni- 
«  tricis  ejus  atque  patronorum  jjrxdictoruni  ob- 


DES  SIRES  DE  KIsAUJEU.  43 

«  tentu,  in  ipsa  nostri  castri  ecclesia  clericos  sub 
ce  nomine  et  professione  canonicorum  imponi  et 
ce  attitulari  optamus  et  poscimus  qui  permanentes 
ce  in  Dei  Sanctorumque  famulatibus  ecclesias  et 
ce  terras  cum  omnibus  ad  eas  ]iertinentibus  in  suis 
ce  habeant  usibus,  etc....  ■» 

Hugues  ne  seigneuria  pas  longtemps  à  Beaujeu  ; 
car  Louvet  rapj)orte  qn'on  lisait  dans  le  livre  des 
obits  que  Guignes  de  Beaujeu,  retournant  de  Rome 
pour  la  troisième  fois,  après  avoir  appris  la  mort  de 
son  père,  tomba  malade  à  Lyon  en  1066,  et  fut 
enseveli  le  quatre  des  calendes  de  février ,  ce  qui 
fixerait  la  mort  de  Hugues  à  la  fin  de  l'année  1065. 
On  lisait  dans  l'Obituaire  :  FUI  kal.  decemb.  ohiit 
duminus  Hugo  Bellijocensis ,  autor  et  restitutor 
nustrœ  ecclesiœ. 

Et  maintenant  est-il  bien  prouvé  que  ce  Guigues 
de  Beaujeu  fut  fils  de  Hugues,  comme  Louvet 
vient  de  nous  le  dire?  Nous  aurions  de  fortes  rai- 
sons d'en  douter.  D'abord  il  n'est  fait  nulle  men- 
tion de  la  femme  de  Hugues  dans  l'acte  d'érection 
de  la  collégiale,  ce  qui  nous  porte  à  croire  que  ce 
prince  n'était  pas  marié,  car  il  était  d'usage  à  cette 
époque  de  nommer  la  femme  du  seigneur  dans  tous 
les  actes  de  fondation,  comme  nous  l'avons  vu  pour 
Vandelmode  et  Helmeest  ;  tandis  que,  au  contraire, 
ici  les  trois  frères,  Hugues,  Guichard  et  Etienne, 
sont  seuls  désignés  dans  l'acte  ;  si  Hugues  n'eut  pas 


44  Généalogie  historique 

d'eai'ants  ,  qu'était  donc  ce  Guignes  qui  lui  suc- 
céda? ne  devait-il  pas  être  fils  dHumbert  I"  et 
frère  de  Hugues  t*  Ceci  est  notre  opinion.  Selon 
nous,  ce  Guignes  est  le  même  que  celui  qui  est  in- 
diqué pai-  Duchesne  comme  étant  mort  à  Lyon  et 
enterré  à  Ainay,  et  qui  revenait  de  Rome  pour  suc- 
céder à  son  frère.  Louvet,  qui  cite  TObituaire  où  se 
trouve  la  mention  de  la  mort  de  Guignes ,  et  dans 
lequel  ce  prince  est  qualifié  de  fih  de  Hugues,  a-t-il 
bien  lu?  ou  même  a-t-il  lu?  Car  il  est  à  remarquer 
que,  contre  son  ordinaire,  Louvet  ne  cite  jias  textuel- 
lement l'article,  mais  en  fait  seulement  mention;  et 
ce  qui  nous  ferait  douter  de  l'autlienticilé  de  ce  pas- 
sage, c'est  que,  selon  Louvet,  fObituaire  fixerait 
l'année ,  tandis  qua  cette  époque  les  obituaires  se 
contentaient  d  indiquer  le  quantième  du  mois  où  le 
décès  avait  eu  lieu.  On  pourrait  donc  croire ,  sans 
trop  craindre  de  se  tromper,  que  Hugues  ne  fut 
pas  marié;  qu'à  sa  mort,  son  frère  Guignes,  qui  se 
trouvait  à  Rome,  s'empressa  de  revenir  et  fut  surpris 
j)ar  la  mort  à  son  passage  à  Lyon.  Le  séjour  de  ce 
prince  à  Rome  explique,  du  reste,  sulFisamment  sa 
non-comparution  à  l'acte  d'érection  de  la  collégiale 
de  Beau  jeu. 

GUIGUES. 

Quoi  cpi  il  en  soit  do  [Opinion  ijih"  nous  avons 
émise  sur  la  j)ositi()n  de  Guignes,  on  ne  pciil  douter 


DES  SIRES  DE   REAUJEU.  45 

qu'il  succéda  à  Hugues,  de  droit,  sinon  de  fait.  Au 
reste,  nous  ne  le  rapportons  ici  que  pour  mémoire. 
Le  seul  acte  qu'on  cite  de  lui  est  la  donation  qu'il 
fit,  avant  de  mourir ,  à  l'église  de  Beaujeu ,  du  clos 
des  Etoux  et  du  mas  de  Montmey  avec  toutes  ses 
appartenances. 

GUICHARD    I". 

Voici  encore  un  degré  qui  a  été  étrangement 
confondu  avec  ceux  qui  le  précèdent  ou  qui  le  sui- 
vent. Ainsi,  Severt  lui  attribue  les  faits  qui  convien- 
nent à  Guichard  II,  tels  que  la  fondation  de  l'église 
de  St-Nicolas  ;  puis  il  lui  donne  pour  femme  Lu- 
ciane  de  Rochefort,  qui  probablement  n'était  pas 
née  à  cette  époque.  Duchesne  le  fait  vivre  avant 
Béraud ,  et  Guichenon  avant  Humbert  F^  Au  mi- 
lieu de  cette  diversité  d'opinions,  on  peut  cepen- 
dant arriver  à  la  vérité  en  consultant  les  actes  et 
notamment  un  titre  de  l'église  de  St- Vincent  de 
Màcon ,  rapporté  par  Severt  lui-même  ;  on  y  lit  : 

<•■  Vicardus  de  Bellijoco  et  Ricoaria  ejus  uxor, 
ce  nobilissima  domina,  aliquot  dona  imperti  sunt 
«  ecclesiae  sancti  Vincentii  et  episcopo  de  rébus 
ce  quas  Guichardus  pater  annuatim  a  suis  colonis 
*c  percipiebat,  etc....  " 

D'après  1  énoncé  de  ce  titre,  Guichard  P""  était 
donc  fils  d'un  autre  Guichard,  lequel  devait  être 


46  GENEALOGrE  HISTORIQUE 

le  même  que  celui  que  nous  avons  vu  figurer  comme 
lils  d'Humbert  V  et  frère  de  Hugues  et  d'Etienne 
dans  l'acte  d'érection  de  la  collégiale.  Severt  lui- 
même  ,  malgré  ce  qu'il  a  dit  plus  haut,  est  obligé 
d'avouer,  après  avoir  cité  ce  titre,  que  Guichard, 
mari  de  Ricoaire  de  Salornay,  était  lils  d'autre  Gui- 
chard ,  fils  de  Humbert  et  de  Helmeest. 

Louvet  a  donc  raison  lorsqu'il  dit  que  Gui- 
chard P"^  succéda  à  son  oncle  Hugues,  ou  mieux  à 
Guigues. 

Du  mariage  de  Guichard  et  de  Ricoaire,  on  ne 
connaît  cpi'un  fils  : 

Humbert,  dont  l'article  suit. 

HUMBERT    II. 

Un  titre  de  l'an  1086,  vu  par  Louvet,  tout  en 
rappelant  ([ue  Humbert  II  était  fils  de  Guichard  et 
de  Ricoaire,  lui  donne  pour  femme  Auxilie  ou  Alix 
de  Savoie,  que  Guichenon  dit  être  fille  d'Ame  HI 
et  sœur  de  Humbert  III  dit  le  Saint,  tous  deux 
comtes  souverains  de  Savoie,  (iuichenon ,  tout  en 
constatant  justement  cette  alliance  ,  se  trompe 
seulement  en  faisant,  comme  Severt,  Humbert  II 
de  Reaujeu  fils  de  Luciane  de  Rochefort;  nous 
avons  démontré  cette  erreur  à  l'article  précédent. 

L'alliance  de  Humbert  avec  Auxilie  de  Savoie 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  47 

est  encore  constatée  par  un  acte  tiré  du  Cartu- 
laire  de  Beaujeu;  on  y  lit  : 

'c  Anno  ab  incarnatione  Domini  mxciv  et  Phi- 
«  lippi  I  régis  an.  32,  canonico  requisierunt,  etc..  : 
<■<■  dominas  Humbertus  et  uxor  sua  Auxilia  ac  in- 
«  fautes  eorum  ,  Hugo,  Guichardus,  Humbertus 
«  et  Guigo ,  obtulerunt  mansum  integrum ,  cum 
«  vineis,  pratis,  silvis,  etc..  » 

Cet  acte  de  1  094 ,  cité  par  Severt ,  le  jette  dans 
une  contradiction  complète  avec  lui-même ,  car  il 
veut  l'appliquer  à  Humbert  l^^,  qu'il  nous  a  dit  être 
mort  en  1  060.  Or,  en  supposant  même  que  Severt 
se  fût  trompé  sur  l'époque  de  la  mort  de  Hum- 
bert I",  on  croirait  diflicilement  que  ce  prince, 
monté  sur  le  siège  seigneurial  vers  10S6,  fût  en- 
core vivant  en  1094;  puis  à  quel  âge  aurait-il 
épousé  Auxilie  de  Savoie ,  dont  le  père  n'est  mort 
cpi'en  1 1 48  ?  puis,  enfin,  quelle  valeur  auraient  donc 
tous  les  titres  que  nous  avons  cités ,  et  que  devien- 
draient Hugues  et  Guichard ,  dont  les  règnes  sont 
légalement  constatés  par  les  titres  rapportés  à  leurs 
articles?  Disons  que  Severt  s'est  trompé  et  s'est 
laissé  embrouiller  par  la  conformité  des  noms  et  par 
la  confusion  des  actes,  qui  généralement  ne  por- 
taient pas  de  dates  à  cette  époque. 

Le  titre  précité  de  1  094  établit  donc  clairement 
l'alliance  de  Humbert  H  avec  Auxilie  de  Savoie , 
ainsi  que  l'existence  de  quatre  enfants  issus  de  ce 


48  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

mariage.  Cet  acte  nous  a  paru  avoir  une  origine 
assez  curieuse  pour  en  donner  ici  une  analyse. 

Herbert  d'Andillé  voulant  aller  à  Jérusalem  avec 
un  prêtre  nommé  Ranulphe ,  et  plusieurs  autres , 
vint  s'agenouiller  devant  l'autel  de  la  Vierge  du 
château  de  Beaujeu,  et  là,  pleurant  et  regrettant 
ses  péchés ,  promit  de  donner  aux  chanoines 
quelque  chose  de  ses  biens  sis  en  la  métairie  d'An- 
dillé ,  savoir  :  un  mas  avec  ses  appendices,  à  con- 
dition qu'il  le  retiendrait  tant  qu'il  le  voudrait ,  à 
titre  de  bénéfice;  mais  que ,  venant  à  mourir  sans 
enfants ,  il  appartiendrait  entièrement  à  l'église  de 
Beaujeu.  Sa  femme  se  soumit  aux  mêmes  condi- 
tions. Cet  acte  fut  écrit  à  Andillé ,  de  la  main  de 
Durand,  en  la  ])lace  d'Odon,  chancelier ,  l'an  I  087 , 
les  nones  d'octobre.  Sept  ans  après,  Herbert  et  sa 
femme  étant  morts  sans  enfants ,  les  chanoines  vou- 
lurent se  mettre  en  possession  des  biens  qu'on  leur 
avait  donnés;  mais  Humbertde  Beaujeu  s'y  opposa, 
disant  que  ses  prédécesseurs  avaient  eu  des  droits 
ou  coutumes .  justement  ou  injustement,  sur  le  mas 
qu'ils  réclamaient,  et  qu'il  n'entendait  pas  se  désister 
de  àes  prétentions  sans  recevoir  un  présent,  f.es  cha- 
noines consultèrent  alors  I^andry,  évêque  de  Màcon, 
renommé  par  l'étendue  de  ses  kmiières,  qui  leur 
conseilla  d'accéder  au  désir  du  sire  de  Beaujeu ,  ce 
qu'ils  firent.  Alors  Humbeit,  sa  femme  et  ses  en- 
fants, offrirent  le  mas  tout  (Miticr  an\  chanoines, 


DES  SIRKS  DE  BEAUJEU.  49 

avec  les  prés,  vignes,  bois  ,  etc..  Levêque  de  Ma- 
çon fut  prié  de  signer  à  l'acte. 

Hubert  de  Tliizy  donna  à  Humbert  II  la  part 
qu'il  possédait  au  château  de  Néronde ,  et  le  sire 
de  Beaujeu  la  donna  en  lîef  à  Guillaume  et  Ar- 
tliaud  Chauve  frères,  dont  les  enfants  lirent  plus 
tard  Ihommage  à  Guichard  II. 

La  mémoire  d'Auxilie  de  Savoie  resta  en  grande 
vénération  dans  le  Beaujolais;  sa  piété  et  sa  cha- 
rité nous  sont  connues  par  nombre  de  fondations 
et  de  bonnes  œuvres.  On  lisait,  dans  un  acte  con- 
servé longtemps  au  chapitre  de  Beaujeu,  qu'elle 
avait  fait  de  grands  biens  à  ladite  église ,  «  sçavoir, 
«  en  ornements ,  chasubles ,  chapes ,  étoles ,  mani- 
«  pules,  courtines,  tabernacles  et  parements  d'au- 
«  tel.  »  C'est  pourquoi  les  chanoines  de  ce  temps-là 
prièrent  leurs  successeurs  «  d'avoir  toujours  mé- 
«  moire  de  ladite  dame  au  jour  de  son  décès,  et 
ce  de  célébrer  tous  les  ans  son  anniversaire  avec 
ce   psalmes,  oraisons  et  aumône.  « 

De  son  mariage  avec  Auxilie  de  Savoie  Hum- 
bert eut  quatre  enfants,  tous  nommés  dans  le  titre 
de  1094,  savoir  : 

1  °  Hugues ,  abbé  de  St-Hilaire ,  nommé  le  pre- 
mier dans  l'acte  précité ,  sans  doute  à  cause  de  sa 
qualité  d'abbé  ; 

2°  Guichard,  qui  continua  la  lignée; 

3°  Humbert; 


50  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

A"  Guigues. 

Severt  donne  encore  deux  enfants  à  Humbert  i 
Létard  et  Vuicard  ;  mais  son  opinion  n'est  appuyée 
sur  aucun  titre. 

GUICHARD    II. 

Il  serait  difficile  détahlir  en  quelle  année  Gui- 
chard  II  monta  sur  le  siège  seigneurial  de  Beaujeu; 
toujours  est-il  que  ce  fut  postérieurement  à  l'an- 
née 1094,  puisque  nous  avons  vu  plus  haut  qu'à 
cette  époque  son  père  était  encore  vivant.  Tout 
porte  à  croire  cependant  que  ce  fut  peu  d'années 
après. 

Quoique  les  seigneurs  de  Beaujeu  fussent  de 
haute  naissance  et  qu'avant  Guichard  II  ils  eussent 
déjà  beaucoup  agrandi  leur  domination,  ce  fut  sous 
son  règne  seulement  que  cet  état  commença  à 
prendre  un  accroissement  qui  présageait  sa  gran- 
deur future.  I/illustre  naissance  d'Auxilie  de  Sa- 
voie sa  mère ,  falliance  qu'il  contracta  lui-même 
avec  la  fiancée  de  Louis-le-Gros ,  roi  de  France,  la 
bravoure  héréditaire  de  sa  famille ,  qui  brillait  en 
lui  avec  plus  declat,  et  la  faveur  dont  il  jouit  au- 
près du  roi  de  France,  contribuèrent  puissamment 
à  augmenter  son  autorité.  Tous  les  seigneurs  des 
environs,  dont  la  plupart  avaient  besoin  de  pro- 
tection ,  vinrent  se  mettre  sous  la  sienne,  lui  firent 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  51 

foi  et  hommage  et  le  reconnurent  pour  leur  suze- 
rain. Sa  domination  s'étendit  sur  différentes  parties 
du  Forez  et  du  Maçonnais  ,  et  en{in  sur  quelques 
points  de  la  Dombes ,  qui  devint  dès-lors  l'objet  de 
sa  convoitise  et  de  celle  de  ses  successeurs. 

Guichard  eut  une  armée  à  lui ,  comme  on  peut 
le  voir  par  les  titres  de  remise  de  fiefs  que  nous 
rapporterons  plus  bas,  et  sur  lesquels  il  se  retenait 
toujours  d'être  logé,  lui  et  son  armée,  dans  les 
châteaux,  bourgs  et  terres  inféodés.  Tout  porte  à 
croire  enfin  quil  eût  reculé  au  loin  les  limites  de  sa 
seigneurie ,  si  des  idées  religieuses  qui  lui  vinrent  à 
la  suite  dune  maladie  de  langueur  n'avaient  arrêté  le 
cours  de  son  ambition  ;  mais ,  une  fois  entré  dans 
cette  voie  nouvelle,  le  reste  de  sa  vie  fut  consacré 
aux  œuvres  de  piété  et  de  charité  ;  les  austérités  du 
cloilre  même  ne  lui  parurent  pas  trop  rudes  pour 
expier  ce  qu'il  regardait  comme  un  trop  grand 
amour  de  vaine  gloire. 

Guichard  reçut  en  son  château  de  Beaujeu  la 
visite  du  pape  Innocent  II ,  fuyant  la  persécution 
de  l'anti-pape  Anaclet.  Paradin  rapporte  cet  évé- 
nement à  l'année  1132,  c'est-à-dire  au  moment 
où  le  pape  ,  assuré  de  la  protection  du  roi  de 
France,  retournait  à  Rome  pour  y  faire  recon- 
naître son  autorité.  Cet  historien  raconte  qu'au 
moment  où  Guichard  apprit  que  le  pape  arrivait 
et  gravissait  déjà  la  rampe  escarpée  qui  conduit 


S2  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

au  château,  le  sire  de  Beaujeu,  occupé  à  sa  toi- 
lette et  seulement  à  demi -rasé,  s'élança  sur-le- 
champ  au-devant  du  pontife;  et  comme  il  lui  fit 
des  excuses  sur  le  désordre  dans  lequel  il  se  pré- 
sentait ,  le  pape  lui  répondit  en  riant  qu'il  le  trou- 
vait fort  bien  comme  cela,  puisque  ce  désordre 
même  témoignait  de  son  empressement. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  anecdote,  qui  scan- 
dalise fort  Louvet ,  la  date  assignée  par  Paradin  à 
cette  visite  ne  paraît  pas  bien  certaine.  Severt  la 
fixe  à  l'année  1129,  c'est-à-dire  à  l'arrivée  du  pape 
en  France,  et  nous  sommes  de  son  a^^s.  Un  écrit, 
affiché  autrefois  dans  féglise  de  St-Nicolas  de  Beau- 
jeu,  vient  corroborer  cette  dernière  opinion,  car 
on  y  lisait  :  «  La  dédicace  de  legUse  paroissiale  de 
St-Nicolas  de  Beaujeu  est  célébrée  chacun  an 
le  1  3  de  février,  et  fut  consacrée  par  un  pape 
nommé  Innocent  II,  auparavant  notre  Clément, 
l'an  de  grâce  1 1  29 ,  étant  chassé  de  son  siège 
par  Anaclet,  anti-pape,  et  s'en  retournant  à 
Rome,  après  avoir  fait  quelque  séjour  en  l'abbaye 
de  Cluny;  passant  par  ce  bourg  de  Beaujeu,  le 
sieur  baron  dudit  Beaujeu  le  reçut  honorablement, 
et  pria  Sa  Sainteté  de  vouloir  bien  bénitre  ladite 
i  église  ou  chapelle  de  St-?Sicolas  par  lui  construite 
c  et  édifiée  à  neuf.  Auparavant  l'c^glise  paroissiale 
c  étoit  St-Martin  des  Etoux,  qui  fut  lors  réduite 
dépendante  de  celle-ci.  » 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  53 

Cet  écrit  fixe  la  date  de  1 1 2  9  ,  et  c'est  l'impor- 
tant; car,  pour  ce  qu'il  dit  que  cette  année-là  le  pape 
retournait  à  Rome,  il  se  trompe  évidemment,  puis- 
que c'est  au  contraire  l'année  de  sa  venue  en  Fiance. 

L'église  de  St-Nicolas  de  Beavjjeu,  dont  il  est 
parlé  dans  l'écrit  ci-dessus ,  avait  été  bâtie  peu  de 
temps  auparavant  par  notre  Guichard;  et  voici 
comment  la  tradition  du  pays  raconte  le  fait  : 

L'étroite  vallée  qui  se  trouve  au-dessous  du  châ- 
teau de  Beaujeu,  et  où  coule  la  rivière  d'Ardière , 
était  à  cette  époque,  dit-on  ,  fermée  vers  sa  sortie 
du  côté  de  la  plaine  par  une  chaussée  naturelle,  en 
sorte  que  les  eaux  de  la  rivière,  retenues  par  cet 
obstacle ,  formaient  un  lac  d'une  certaine  étendue. 
Le  château ,  placé  sur  un  rocher  au  midi ,  et  le 
village  des  Etoux  avec  son  église  paroissiale  au 
nord  ,  dominaient  ce  lac. 

Or  il  arriva  qu'un  fils  du  sire  Guichard ,  reve- 
nant de  la  chasse  et  voulant  laisser  boire  son  cheval 
qui  était  fort  altéré,  celui-ci  l'emporta  au  milieu  du 
lac  où  le  jeune  prince  disparut  dans  la  profondeur 
des  eaux.  A  peine  cette  nouvelle  fut-elle  parvenue 
à  sa  mère  qu'elle  s'élança  au  bord  'du  lac ,  et  là , 
tombant  à  genoux,  elle  fit  vœu  de  bâtir  à  saint  Nicolas 
une  belle  église  à  l'endroit  même  où  son  fils  repa- 
raîtrait. A  peine  ce  vœu  fut-il  prononcé ,  qu'on  vit 
reparaître  le  jeune  prince  à  la  surface  de  l'eau. 
Fidèle  à  accomj)lir  le  vœu  de  la  princesse,  Gui- 


54  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

chard  fit  rompre  l'obstacle  qui  retenait  les  eaux 
dans  la  vallée,  et  fit  bâtir  l'église  de  St-Nicolas  au 
lieu  où  elle  est  encore  maintenant,  puis  profita  du 
séjour  que  fit  au  château  de  Beaujeu  le  pape  Inno- 
cent II  pour  la  faire  consacrer  par  le  pontife. 

Nous  avons  dit  que  Guicliard  augmenta  consi- 
dérablement l'étendue  et  la  puissance  de  sa  sei- 
gneurie. En  effet,  on  peut  en  juger  par  l'extrait 
suivant  d'un  registre  qui  était  déposé  aux  archives 
du  chapitre  de  Beaujeu,  sous  ce  titre  :  «  Istaesunt 
«  acquisitiones  quae  subsequuntur,  quas  fecit  Gui- 
(t  chardus  dominus  Bellijoci,  Humberti  Bellijocen- 
«  sis  filins.  M 

Guillaume,  surnommé  l'Allemand,  comte  de 
Màcon,  transmit  à  Guichard  de  Beaujeu  la  terre  de 
Cenves  en  Maçonnais,  avec  toutes  ses  apparte- 
nances et  dépendances,  pour  les  grands  services 
qu'il  lui  avait  rendus  et  pour  se  libérer  de  cinq 
cents  sous  qu'il  tenait  de  lui  en  fief.  Cette  cession 
fut  faite  à  Salins,  en  présence  d'L  irich  de  la  Poype, 
de  Léopold  de  Lons,  de  Hugues  de  Ville,  de  Gau- 
bert  de  Montmorey,  d'Humbert  de  Salins  et  de  Gui- 
chard d'Anton,  de  la  part  du  comte  de  Màcon  ;  et 
de  celle  du  sire  de  Beaujeu,  Robert-l'Enchaîné, 
Guillaume  son  fils,  Girin  de  Verneys  et  Robert 
d'Andilly.  Plus  tard,  selon  le  Cartulairc  de  l'église 
de  Beaujeu,  cet  accord  fut  ratifié  par  Keynold  de 
Màcon  ,  fils  de  Guillaume,  qui  reçut  la  loi  et  hom- 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU  85 

mage  du  sire  de  Beaujeu  dans  le  cloître  de  l'église 
St- Vincent  de  Màcon ,  en  présence  d'Adelard  de  la 
Sales ,  d'Oger  de  Veyle  et  d'Humbert  de  Mont- 
morey ,  témoins  du  comte,  et  de  Guichard  de 
Piseys ,  de  Bernard  de  Bésornay,  de  Robert-l'En- 
chainé ,  de  Guillaume  son  fils  et  d'Humbert  d'An- 
dilly,  témoins  du  sire  de  Beaujeu. 

Eustacbe,  comte  de  Forez,  lui  remit  en  fief  le 
bourg  de  St-Trivier,  et  plus  tard  Guigues  d'Albon, 
successeur  d'Eustache ,  fit  don  au  même  Guichard 
de  tout  ce  qu'il  possédait  encore  au  château  de 
Ferreux,  la  presque  totalité  ayant  déjà  été  cédée  à 
Humbert  de  Beaujeu.  Le  même  Guigues  fit  encore 
cession  au  sire  de  Beaujeu  de  tout  ce  qu'il  possédait 
au  château  de  Chamelet  et  dans  toute  la  chàtel- 
lenie  dudit  château  ;  et  comme  Guichard  de  Beau- 
jeu  se  trouvait  alors  à  Lyon,  il  en  fit  sur-le-champ 
la  foi  et  hommage  en  présence  de  Godemar  Durel, 
de  Berlion  de  Moirans ,  d'Aymar  son  frère  et 
d'Ildrien  d'Ogerolles,  témoins  du  comte  de  Forez, 
et  de  Hugues  de  Beaujeu,  abbé  de  St-Just,  frère 
de  Guichard,  d'Etienne  de  Marchampt,  de  Hu- 
gues de  Ronchivol,  de  Bernard  de  Verneys,  de 
Varnier  de  Roanne  et  de  Durand  de  Rochefort, 
témoins  du  sire  de  Beaujeu. 

Guillaume ,  comte  de  Chàlon ,  donna  en  fief 
audit  Guichard  le  château  de  la  Bussière  avec  son 
casement  et  dépendances,  pour  le   tenir  comme 


56  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

le  possédaient  les  déchaussés.  Cette  cession  fut 
faite  à  Marizy,  en  présence  de  Bernard  Gros,  de 
Ijéonard  de  Digoine,  de  Bernard  de  Longemont, 
de  Gauthier  de  Moyria  et  de  Robert  de  Bucy, 
pour  le  comte  de  Chàlon  ;  et  d'Etienne  d'Andilly , 
de  Barthélémy  de  Ligy ,  d'Eudes  de  Marchampt , 
d'Arthaud  de  la  Bussière,  de  Guichard-l'Enchainé, 
et  de  Pons  de  Montbons ,  de  la  part  du  sire  de 
Beaujeii. 

Arthaud  Le  Blanc ,  vicomte  de  Chàlon ,  lui 
donna  la  moitié  du  château  de  Riottier  et  la  moitié 
de  la  chàtellenie  dudit  lieu.  Par  clause  spéciale 
il  fut  convenu  que,  si  l'un  des  deux  copropriétaires 
voulait  vendre  sa  portion,  il  ne  pourrait  le  faire 
qu'au  refus  de  l'autre  de  l'acquérir. 

Robert  Ruil  céda  à  Guichard  le  tiers  de  ce  qui 
lui  appartenait  au  château  de  Lay,  et  ce  jiour  ter- 
miner les  différends  qui  existaient  entre  eux;  de 
plus,  ledit  Ruil  se  reconnut  homme-lige  dudit  sei- 
gneur de  Beaujeu. 

Arnoulph ,  seigneur  d'Urfé  ,  surnommé  Raybes 
(en  latin  Râbles),  donna  le  château  dUrfé,  qui 
était  de  franc-alleu,  audit  Guichard ,  qui  le  lui  ren- 
dit en  fief,  sous  condition  de  foi  et  hommage,  etc. 
Cette  remise  fut  faite  au  château  de  Perreux,  en 
présence  d'Etienne  de  Marchampt,  de  Durand 
■  des  Tours,  de  Humbert  de  la  Douze  et  de  Bernard 
de  Verneys ,   témoins  du  sire  de  Beaujeu  ;  et  de 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  57 

Hugues  de  Verneys,  d'Humbert  son  frère,  de  Du- 
rand de  Changy  et  de  Gérard  de  Pastoi-et ,  de  la 
part  du  seigneur  d'Urfé. 

Paltomer  et  Guefïier,  frères,  donnèrent  à  Gui- 
chard  tout  ce  qu'ils  possédaient  en  la  Grange  des 
Ouches  et  à  Villers,  et  le  même  seigneur  le  leur 
remit  en  fief  à  condition  de  le  lui  rendre  toutes 
les  fois  qu'il  voudrait  y  entrer  avec  son  armée. 

Hugues  et  Guillaume  Bouchard  cédèrent  tout 
ce  qu'ils  possédaient  à  Ferreux  et  le  reçurent  en 
fief  dudit  Guichard ,  avec  condition  de  foi  et  hom- 
mage ,  etc.. 

Rolland-le-Chauve  donna  en  alleu  au  sire  de 
Beaujeu  tout  ce  qu'il  possédait  au  château  de  Cha- 
mosset ,  et  le  reçut  de  lui  en  fief 

Guillaume-le-Gros  donna  en  alleu  au  même 
Guichard  la  moitié  du  château  de  Néronde  et  la 
moitié  de  ladite  chàtellenie  ;  plus,  les  fiefs  de  Milon, 
de  Rudiniac  et  de  Bruns.  Il  reçut  le  tout  en  fief 
dudit  seigneur ,  se  reconnut  son  homme-lige  avec 
promesse  que,  lorsque  ledit  seigneur  de  Beaujeu 
voudrait  aller  deux  ou  trois  fois  lan  au  château  de 
Néronde  avec  deux  ou  trois  cents  chevaliers,  ledit 
château  lui  serait  ouvert  et  qu'il  serait  pourvu  de 
vivres  à  ses  gens  par  ladite  chàtellenie. 

Archimbauld-le-Blanc  donna  en  alleu  à  Gui- 
chard de  Beaujeu  le  petit  château  appelé  Gavages 
avec  ses  appartenances  et  dépendances  ;  plus,  Mon- 


58  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

tagny  et  tout  ce  qu'il  possédait  depuis  la  vallée  de 
Marzé  et  la  Dune  jusqu'à  la  Bussière,  et  depuis 
Marcilly  jusqu'à  Sle -Marie -de-la- Forest.  Après 
quoi  ledit  Guichard  lui  reaiit  le  tout  en  fief,  sous 
la  condition  que,  si  ledit  Arcliimbauld  venait  à 
mourir  sans  enfants  légitimes ,  ledit  sire  de  Beau- 
jeu  lui  succéderait  en  tout.  Cet  accord,  par  lequel 
Arcliimbauld  se  reconnaissait  homme-lige  de  Beau- 
jeu,  fut  passé  à  Propières  en  présence  de  témoins. 
Robert-l'Enchaîné,  voulant  faire  le  voyage  de 
Jérusalem,  pria  le  seigneur  de  Beaujeu  de  venir  le 
visiter  dans  sa  maison  de  Montmerle ,  et  pour  l'a- 
mour qu'il  lui  portait,  et  en  mémoire  des  bienfaits 
qu'il  avait  reçus  de  lui,  il  lui  donna  en  alleu  le  châ- 
teau de  Montmerle  et  sa  chàtellenie  avec  ses  ap- 
partenances, et  encore  tout  ce  qu'il  possédait  à 
Chàtillon,  tant  au  château  qu'en  la  chàtellenie,  et 
tout  ce  qu'il  possédait  en  alleu  en  autres  lieux,  le 
tout  avec  le  consentement  de  sa  femme  qui  voulait 
accompagner  soiidit  mari  à  Jérusalem.  Tous  les 
biens  composant  cette  donation  furent  immédiate- 
ment donnés  en  fief  à  Guillaume,  Bertrand  et  Bé- 
rard-rEuchaîné ,  fils  desdits  donateurs ,  et  encore 
en  bas  âge,  qui  dès-lors  devinrent  hommes-liges  du 
seigneur  de  Beaujeu.  Toutes  ces  choses  se  passè- 
rent à  Montmerle,  en  la  maison  dudit  Robert,  le 
jour  et  fête  des  saints  martyrs  Fabien  et  Sébastien  ; 
et  le  lendemain  Robert,  sa  femme  et  ses  enfants 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  69 

Guillaume  et  Bertrand  se  mirent  en  chemin  pour 
Jérusalem.  Les  témoins  qui  assistèrent  à  ces  con- 
trats furent,  de  la  part  du  seigneur  de  Beaujeu, 
Etienne  de  Marchampt,  Durand  des  Etoux,  Etienne 
de  Francheleins,  Pons  de  Montbons;  et  de  la  part 
de  Robert ,  Hugues  de  Gardvénerie ,  Aymon  son 
fils ,  Hugues  de  Mizérieu ,  Guicliard  de  Mizérieu , 
et  Arthaud  son  frère. 

Arthaud  de  la  Forest  donna  à  Guicliard  de 
Beaujeu,  en  alleu,  Frosges  et  ses  dépendances  et 
les  reçut  immédiatement  en  fief,  sous  la  condition 
que  ledit  Arthaud  lui  ouvrirait  et  remettrait  Frosges 
toutes  les  fois  qu'il  voudrait  y  entrer  avec  son  ar- 
mée. Ce  contrat  fut  passé  à  Beaujeu  en  la  maison 
de  Girard  de  Corcelles ,  présents  le  neveu  dudit 
Arthaud,  Hugues  de  la  Bussière,  Simon  de  Ger- 
molles  et  Etienne  de  Marchampt 

Durand ,  surnommé  Chair-Salée ,  donna  en 
alleu  au  seigneur  de  Beaujeu  tout  ce  qu'il  possé- 
dait en  la  Grange  de  St-Priest,  que  le  même  sei- 
gneur lui  remit  en  fief,  recevant  en  échange  son 
serment  de  fidélité. 

Le  seigneur  Pierre ,  archevêque  de  Lyon ,  donna 
audit  Guichard  et  à  Humbert  son  fils  cinquante 
sols  annuels,  en  deçà  du  Mont-d'Or,  pour  le  fief  de 
Guichard  Grappe,  afin  d'éteindre  un  différend  qui 
existait  entre  eux  relativement  audit  fief 

On  voit  par  l'extrait  ci-dessus  combien  tous  les 


60  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

seigneurs  qui  avoisinaient  le  sire  de  Beaujeu  étaient 
jaloux  d'acquérir  son  amitié  ou  de  se  mettre  sous  sa 
protection ,  et,  nous  devons  le  dire,  celte  confiance 
était  complètement  justifiée  ;  car  Guichard,  grand, 
généreux  el  esclave  de  sa  parole,  prit  toujours  à 
tâche  de  maintenir  ses  alliances  et  de  faire  respecter 
les  personnes  et  les  propriétés  de  ceux  qui  avaient 
eu  recours  à  lui. 

Guichard  combla  l'Eglise  de  biens  immenses. 
Une  de  ses  plus  belles  fondations  religieuses  fut, 
sans  contredit,  celle  du  prieuré  de  Joug-Dieu,  situé 
près  du  lieu  où  plus  tard  \  illefranche  s  éleva.  Nous 
allons  apjirendre  de  Guichard  lui-même  les  motifs 
de  cette  fondation  et  l'origine  du  nom  qu'il  donna 
à  ce  monastère  ;  voici  comment  il  s'exprime  dans  la 
charte  quil  fitexpédier  à Tyron-au-Perche en  1 1  1  8  : 
c<  Une  nuit,  dit-il,  étant  seul  dans  mon  apparte- 
«  ment  de  Thamais ,  j'eus  la  vision  suivante  :  six 
«  hommes  vénérables,  tout  brillants  de  lumière,  se 
«■  présentèrent  à  ma  vue,  ayant  des  jougs  à  leur  cou 
«  et  tirant  une  charrue  sur  laquelle  étoit  apj)uyé  le 
"  saint  homme  Bernard ,  abbé  de  Tyron ,  un  ai- 
"  guilloii  à  la  main ,  avec  lequel  il  les  piquoit  pour 
«  leur  faire  tracer  un  sillon  droit.  A  mesure  qu'ils 
«  avançoient,  je  voyois  sortir  de  terre  des  fruits  en 
«;  abondance.  Aj)rès  avoir  longtemps  réfléchi  sur 
«  cette  vision,  j'allai  trouver  ledit  abbé  Bernard, 
«  à  qui  j'offris  ce  même  lieu  de  Thamais,  avec  ses 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  61 

c«  dépendances,  pour  y  mettre  des  hommes  qui, 
rc  sous  le  joug  du  Seigneur,  prieroient continuelle- 
ce  ment  pour  moi  et  les  miens ,  ce  qu'il  m'accorda 
ce  volontiers.  Et ,  pour  conserver  la  mémoire  de  la 
et  vision  dont  je  viens  de  parler,  je  veux  que  ce 
ce  monastère  s'appelle  le  Joug -Dieu.  « 

Celte  charte  fut  donnée  en  présence  de  Hum- 
bert,  de  Guichard,  de  Gauthier,  d'Alix  et  de  INIarie 
de  Beaujeu,  enfants  de  Guichard,  et  de  Rondon  de 
Marzé ,  de  Pierre  de  Villefranche ,  de  Guy  de 
Courtiamble,  de  Girard  dePresle,  d'Y  ver  de  Cour- 
ville,  de  Geoffroy  de  Beauvoir,  d'Anlezin  de  Ma- 
zille ,  d'Humbert  de  Malespine ,  de  Rolïroy  de  la 
Vieuville,  de  Guillaume  de  Chantemerle,  de  Payen 
deMassieu,  de  Sulpice  de  Varennes,  d'Etienne  de 
Marchampt ,  de  Durand  d'Estols  ,  de  Bérald  de 
Bile ,  de  Hugues  de  Chaunes,  d'Amblard  de  Beau- 
regard  ,  et  d'Humbert  de  la  Vauguyon. 

Plus  tard ,  ce  prieuré  fut  érigé  en  abbaye  sous 
Guillaume  HI,  abbé  de  Tyron,  comme  nous  l'ap- 
prenons par  une  bulle  du  pape  Lucien  HI ,  adressée 
à  l'abbaye  de  Joug-Dieu  en  1 1  82.  Enfin,  en  1  680, 
cette  abbaye  fut  sécularisée,  et  réunie  à  la  collégiale 
de  Villefranche. 

Par  titre  de  1117,  Guichard  de  Beaujeu  et 
Hugues  son  frère,  abbé  de  St-Just,  engagèrent  au 
profit  de  l'église  de  St- Vincent  de  Màcon  tout  ce 
qu'ils  possédaient  à  droit  ou  à  ton( juste  vel  injuste) 


62  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

au  village  d'Avenas  près  Beaujeu.  Cet  abandon  fut 
fait  sous  la  garantie  de  David  de  Margaion,  de 
Bernard  de  Verneys  et  d'Etienne  de  Marchampt, 
qui  s'engagèrent  à  demeurer  en  otage  en  cas  de 
non-exécution. 

Par  une  charte  de  l'an  1130,  on  voit  que  la 
chartreuse  de  Portes,  en  Bugey,  se  plaît  à  recon- 
naître Guichard  de  Beaujeu  comme  un  de  ses  prin- , 
cipaux  bienfaiteurs. 

Le  sire  de  Beaujeu  ayant  eu  quelques  démêlés 
avec  l'archevêque  de  Lyon,  ils  convinrent  de  s'en 
remettre  à  la  décision  du  pape  Innocent  II  qui 
ordonna ,  par  bulle  donnée  à  St-lNIichel  de  la  Cluse 
le  3  des  noues  d'avril  1 1  32,  et  adressée  aux  évéques 
d'Autun ,  de  Viviers  et  de  Grenoble  ,  ainsi  qu'à 
l'abbé  de  Savigny,  que  les  châteaux  de  Lissieu  et 
de  Lilliers  seraient  démolis. 

Enfin,  notre  Guichard,  accablé  d'une  maladie 
longue  et  douloureuse  et  qui  ne  lui  laissait  aucun 
espoir  de  guérison,  se  retira  au  monastère  de  Cluny, 
où  peu  après  il  prit  l'habit  de  religieux.  C'est  là 
qu'il  finit  ses  jours  en  1137,  tout  occupé  de 
l'œuvre  de  son  salut. 

Pierre-Ie-Vénérajjle  ,  abbé  de  Cluny ,  nous  re- 
présente ce  prince  comme  possédant  toutes  les 
qualités  qui  distinguent  les  grands  hommes,  brave, 
loyal  et  généreux  à  l'excès  envers  ceux  qui  recon- 
naissaient son  autorité  ;  il  se  fit  aimer  de  ses  sujets, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  63 

estimer  de  ses  alliés  et  craindre  de  ses  ennemis.  Sa 
libéralité  envers  l'Eglise  fut  immense,  et  il  la  dota 
par  ses  fondations  d'une  manière  toute  royale. 
L'abbé  de  Cluny  ne  lui  reproche  qu'un  peu  trop 
d'ambition,  et  encore  est-il  forcé  d'avouer  qu'il  a 
expié  amplement  cet  amour  de  domination  par 
l'humilité  de  ses  dernières  années.  L'Obituaire  de 
Beaujeu  l'appelle  princeps  famosissimus. 

Guichard  II  avait  épousé  Luciane  de  Rochefort 
de  Montlhéry,  fille  de  Guy  de  Monllhéry,  comte 
de  Rochefort-en-Juéline,  seigneur  de  Gournay-sur- 
Marne  et  de  Cressy,  surnommé  le  Rouge,  sénéchal 
de  France,  et  d'Elisabeth  de  la  Ferté-Bauhin,  dame 
de  Cressy  et  comtesse  douairière  de  Corbeil. 

Luciane  de  Rochefort  avait  été  fiancée  précé- 
demment avec  Louis  VI  dit  le  Gros,  roi  de  France; 
mais  les  casuistes  ayant  élevé  une  difficulté  relati- 
vement au  degré  de  parenté  qui  existait  entre  les 
futurs  époux,  ces  fiançailles  furent  cassées  par  le 
pape  Pascal  II ,  pendant  la  tenue  du  concile  de 
Troyes  qu'il  présidait. 

D'après  Louvet,  quatre  enfants  seraient  nés  du 
mariage  de  Guichard  et  de  Luciane,  savoir  :  Hum- 
bert,  Martin,  Baudouin  et  Gonthier.  Mais  Louvet 
ne  connaissait  pas,  je  crois,  la  charte  de  fondation 
de  Joug-Dieu ,  que  nous  avons  citée ,  et  qui  nous 
guidera  ici  plus  sûrement,  puisqu'elle  nomme  une 
partie  de  la  descendance  de  Guichard.  Guichenon, 


64  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

qui  connaissait  probablement  ce  titre,  la  suivi  et 
donne  huit  enfants  à  Guichard ,  savoir  : 

1  °  Humbert ,  qui  suit  ; 

2°   Guichard; 

3°  Martin,  sur  lequel  on  lisait  dans  le  livre  des 
obits  de  Beaujeu  :  Obiit  v  kaî.  martii,  Guibors  uxor 
Martini  de  Bellijoco; 

A°  Baudouin,  cité  en  ces  termes  dans  l'Obituaire  : 
8°  kal.  augusti^  obiit  Bauduinus ,  puer,Jilius  Gui- 
char  di  domini  Bellijoci; 

5°  Sibille ,  qui  épousa  Guy  d'Albon ,  premier 
du  nom,  comte  de  Forez  et  de  Lyon  :  c'est  elle 
qui ,  selon  de  la  Mure ,  fonda  le  prieuré  de  Beaulieu 
en  Forez; 

6°  Gauthier  ou  Gonthier  :  c'est  de  lui,  dit-on, 
qu'a  pris  son  nom  la  montagne  de  Gonty  près  de 
Beaujeu  ; 

1°  et  8°  Alix  et  Marie. 

HUMBERT    III. 

Humbert  III  succéda  à  son  père  en  1137,  et  ici 
encore  nos  auteurs  sont  en  désaccord;  car  Duchesne 
et  Guillaume  Paradin  le  nomment  second  du  nom, 
ce  qui  est  impossible ,  comme  nous  lavons  vu. 
Severt,  tout  en  adoptant  le  même  système,  va  plus 
loin  et  le  fait  père  d'un  autre  Humbert  qui,  selon 
lui,  serait  le  fondateur  de  l'église  de  Belleville.  Or 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  63 

ces  deux  Humbert  ne  sont  qu'une  seule  et  même 
personne ,  comme  nous  le  verrons  par  la  teneur 
des  actes  que  nous  aurons  à  citer  dans  le  cours 
de  cet  article. 

Pierre-le-Vénérable ,  abbé  de  Cluny,  dont  Hum- 
bert était  devenu  le  parent  par  son  mariage  avec 
Blanche  de  Chàlon,  nous  fait  connaître  ce  prince 
en  disant  de  lui  que,  «  lié  au  monde  par  deux  fortes 
«  chaînes,  la  jeunesse  et  la  richesse,  il  vécut  quelque 
«  temps  en  grande  licence  et  liberté.  >j  Mais  une 
vision  qu'il  eut  changea  le  cours  de  son  existence  etle 
ramena  à  des  idées  religieuses ,  qu'il  suivit  avec  la 
même  ardeur  qu'il  avait  mise  à  satisfaire  ses  plaisirs. 
Une  fois  entré  dans  cette  voie  nouvelle  et  emporté 
j)ar  la  fougue  de  son  imagination,  il  dépassa  le  but, 
et  faillit  amener  la  ruine  de  sa  famille  et  de  ses 
états.  Voici  comment  cet  événement  arriva  :  Hum- 
bert ayant  eu  quelques  démêlés  avec  un  seigneur 
de  Forez,  marcha  contre  lui,  lui  livra  bataille,  et 
perdit  dans  le  combat  un  brave  et  loyal  chevalier 
appelé  Geoffroy  d'Iden.  Deux  mois  après,  et  comme 
Humbert  de  Beaujeu  se  disposait  à  accompagner 
Amé  de  Savoie  dans  une  de  ses  guerres,  l'ombre 
de  Geoffroy  d'Iden  lui  apparut  pendant  la  nuit,  et 
lui  annonça  que  s'il  persistait  dans  le  projet  de  faire 
partie  de  cette  exj)édition,  il  y  perdrait  certaine- 
ment sa  fortune  et  même  la  vie.  Effrayé  de  cette 
vision,  le  sue  de  Beaujeu,  après  en  avoir  conféré 

5 


66  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

avec  Guichard  de  Marzé,  son  conseiller  el  son  ami, 
fit  vœu  d'aller  à  Jérusalem  visiter  le  St-Sépulcre , 
ce  qu'il  exécuta  aussitôt.  Arrivé  en  Palestine,  Hum- 
bert,  emporté  par  son  zèle  et  oubliant  sa  femme  et 
ses  enfants ,  prit  1  habit  des  Templiers  et  prononça 
les  vœux  de  cet  ordre. 

Cette  nouvelle  étant  parvenue  en  Beaujolais,  y 
excita  une  vive  sensation  et  éveilla  l'ambition  et  la 
cupidité  des  seigneurs  du  pays,  presque  tous  jaloux 
de  la  puissance  du  sire  de  Beaujeu.  Chacun  voulut 
profiter  de  son  absence ,  soit  pour  abaisser  ce  pou- 
voir, soit  pour  augmenter  le  sien  propre,  soit  enfin 
pour  secouer  un  joug  qui  souvent  paraissait  un 
peu  lourd.  Les  choses  en  vinrent  au  point  que  la 
seigneurie  de  Beaujeu  en  fut  ébranlée  jusqu'à  sa 
base  et  menacée  d'une  ruine  totale.  C'est  alors  que 
Blanche  de  Chàlon,  femme  d  H unil)ert,  justement 
effrayée  de  l'avenir  de  ses  enfants,  et  voyant  que  ni 
ses  vertus  ni  sa  bonté  n'avaient  pu  désarmer  ses 
ennemis  ou  faire  taire  leur  ambition ,  résolut  de 
s'adresser  à  l'autorité  ecclésiastique  pour  faire  an- 
nuler les  vœux  de  son  mari  et  obtenir  son  retour 
dans  ses  élats.  Guillaume  Paradin,  en  ses  Mémoires 
sur  Ihistoire  de  Lyon ,  nous  donne  des  détails  assez 
étendus  sur  cette  négociation.  Après  avoir  raconté 
le  voyage  d'Humberl ,  sa  prise  d'habit  chez  les 
Templiers  et  les  malheurs  qui  en  furent  la  suite  : 
«   Sa  femme,  dit-il,  avec  deux  de  ses  enfants  s'en 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  67 

allèrent  remonstrer  à  Eraclius ,  archevesque  de 
Lyon  et  à  son  frère  Pierre ,  lors  abbé  de  Cluny, 
qui  lors  florissoyent  en  sainteté  et  exemplarité  de 
vie  et  prélature,  comme  plusieurs  seigneurs  leurs 
voisins  faisoyent  sur  eux  de  grands  ettvahisse- 
menls  et  destrousses,  occupants  leurs  droits  de 
fait  et  de  force,  et  travaillants  leurs  hommes  et 
subiects  sans  qu'il  y  eust  personne  qui  s'opposast 
à  telles  violences,  en  l'absence  du  seigneur,  qu'ils 
scavoyent  estre  en  estrange  et  loingtaine  région 
et  avoir  renoncé   au  monde,  ayant  seulement 
laissé  le  régime  et  gouvernement  de  sa  maison 
et  enfants  à  une  femme  :  laquelle ,  quoyqu'elle 
fust  de  grands  et  illustres  parents ,  la  pluspart 
suyvoient  les  entreprinses  d'oultre  mer,  de  mode 
que  ceux  qui  infestoyent  la  mère  et  les  enfants 
de  Beaujeu  ne  respecloyent  grandement  son  sexe 
ny  le  bas  aage  de  ses  pelits-enfants.  A  ces  causes 
les  supplia  (comme  ils  luy  appartenoyent  de 
proche  parentage)  de  donner  ordre  que  le  prince 
Humbert,  son  mary,  lui  fust  rendu,  autrement 
sa  maison,  elle  et  ses  enfants  esloyent  en  branle 
d'une  grande  ruine.  « 
Les  deux  prélats,  touchés  de  cette  triste  jiosition, 
interposèrent  leurs  bons   offices  auprès  du  pape 
Eugène  IL  Pierre-le- Vénérable  suivit  cette  affaire 
avec  tout  le  zèle  de  sa  charité  :  ses  efforts  furent 
couronnés  d'un  plein  succès,  et  le  pape  ayant  relevé 


68  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Humbert  de  ses  vœux,  et  lui  ayant  ordonné  de  re- 
venir en  ses  états ,  ce  prince  obéit,  et  sa  présence 
excita  en  Beaujolais  un  enthousiasme  difficile  à 
décrire  :  «  Ce  fut,  dit  Pierre-le- Vénérable,  un  sujet 
«  de  triomphe  pour  le  clergé ,  les  moines  et  les 
«  paysans;  les  brigands,  au  contraire,  ajoute-t-il, 
«  les  pillards  des  biens  des  églises ,  des  veuves  et 
«  de  tout  le  pauvre  peuple  qui  était  sans  défense, 
«  tremblèrent  en  le  voyant  reparaître.  Il  ne  trompa 
«  l'attente  ni  des  uns,  ni  des  autres  ;  il  atterra  telle- 
«  ment  le  vicomte  de  Màcon,  ce  loup  qui  le  matin, 
f<  le  soir  et  la  nuit  ravageait  nos  terres,  qu'il  pou- 
fc  vait  dire  avec  Job  :  Je  brisais  les  mâchoires 
«  du  méchant  et  j'arrachais  la  proie  de  ses  dents. 
ce   C'est  ce  qu'il  fit,  en  deçà  et  au-delà  de  la  Loire.  » 

Bientôt  tout  fut  rétabli  en  bon  ordre  dans  le 
pays.  La  fermeté  du  prince  était  connue,  aussi  les 
soumissions  ne  se  firent  pas  attendre,  et,  parmi  les 
plus  puissants ,  ceux  mêmes  qui  avaient  osé  con- 
voiter la  riche  proie  de  la  seigneurie  de  Beaujeu, 
se  trouvèrent  heureux  d'obtenir  par  de  nombreux 
sacrifices  l'alliance  et  la  protection  dHumbert. 

Cependant  ce  prince  ne  se  regardait  pas  comme 
libéré  envers  Dieu  du  vœu  qu'il  avait  fait,  «  et,  pour 
"  expiation  de  la  faute  qu'il  se  disoit  avoir  commise 
"  d'avoir  laissé  la  religion  du  Temple,  »  il  résolut  de 
faire  une  fondation  pieuse,  digne  de  lui  et  du  motif 
fjui  le  faisait  agir.  Il  consulta  Hérarlius  do  Mont- 


DES    SIRES    DE    BEAL'JEU.  gg 

boissier,  archevêque  de  Lyon,  qui  lui  conseilla  de 
Cl  mettre  sus  une  compaignie  et  congrégation  de  cha- 
"  noynes  réguliers  de  St-Augustin  au  lieu  de  Bel- 
<i  leville  en  Beaujolois.  »  Humbert  goûta  ce  projet 
et  disposa  tout  à  cet  effet,  en  sorte  qu'en  1158  il 
jeta  les  fondements  de  la  magnifique  église  de 
Belleville.  Les  travaux  furent  poussés  avec  activité, 
et  en  1  1  64  elle  fut  dédiée  à  la  vierge  Marie  par 
Ponce,  évèque  de  Màcon.  Déjà  six  chanoines  de 
l'ordre  de  St-Augustin  y  avaient  été  établis  :  le 
prince  leur  avait  fait  construire  des  bâtiments  com- 
modes ;  il  dota  l'église  de  riches  ornements  ,  et  y 
établit  un  asile  pour  les  criminels  et  les  débiteurs. 
En  1164,  Humbert  de  Beaujeu,  trouvant  son 
œuvre  digne  d'une  destination  plus  élevée  que  celle 
qu'il  lui  avait  d'abord  assignée ,  voulut  élever  la 
congrégation  de  moines  en  abbaye  ;  il  se  rendit  à 
Lyon,  où  il  traita  cette  affaire  avec  l'archevêque  et 
le  chapitre  assemblé.  Par  ce  traité  il  demeura  con- 
venu que  les  jirieurs  de  St-Irénée  seraient  à  per- 
pétuité titulaires  de  ladite  abbaye,  ou  que  du  moins 
la  nomination  leur  en  appartiendrait.  En  consé- 
quence, Etienne,  qui  pour  lors  était  prieur,  fut 
installé  sur-le-champ  premier  abbé  de  Belleville. 
Humbert  HI  parut,  en  1153,  à  l'assemblée  qui 
fut  tenue  en  l'église  de  St- Vincent  de  Màcon  pour 
aviser  au  moyen  de  chasser  de  la  Bourgogne  les 
routiers  qui  dévastaient  les  terres  de  l'Eglise,  et  no- 


70  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

tamment  celles  de  l'abbaye  de  Cluny.  Cette  as- 
semblée, qui  dura  trois  jours,  était  composée  de 
tout  ce  que  le  clergé  et  la  noblesse  du  pays  avaient 
de  plus  distingué  :  on  y  remarquait  Pierre-le-Véné- 
rable ,  abbé  de  Cluny  ;  Odon ,  cardinal-légat  du 
St-Siége;  Héraclius,  archevêque  de  Lyon,  avec  ses 
suffragants ,  les  évéques  d'Autun ,  de  Màcon  et 
de  Cliàlon  ;  Guillaume  ,  comte  de  Bourgogne  ; 
Guillaume ,  comte  de  Chàlon  ;  Humberl  de  Beau- 
jeu:  Jocerand  Gros,  seigneur  de  Brancion  ;  Hugues 
de  Berzé,  Hugues  de  Scalziac,  et  beaucoup  dau- 
tres  puissants  seigneurs. 

On  prit  à  cette  conférence  les  mesures  les  plus 
sages  pour  la  sûreté  de  l'abbaye  de  Cluny  et  du  pays 
en  général.  Chaque  seigneur  promit  d'emj)loyer 
tout  son  pouvoir  pour  arriver  à  ce  but. 

La  dévotion  d'Humbert  ne  maîtrisa  pas  toujours 
son  ambition  :  il  se  ligua  avec  Gérard  ,  comte  de 
Màcon,  son  parent  et  son  allié,  contre  Rainald  HI 
ou  lleignauld ,  seigneur  de  Beaugé.  (^es  princes 
portèrent  en  Bresse  la  ruine  et  la  dévastation ,  et 
ravagèrent  cette  malheureuse  province  ])ar  le  fer  et 
par  le  feu.  Ulrich,  fils  de  Rainald,  tenta  vainement 
de  s'opposer  à  ce  torrent  dévastateur;  il  fut  battu  et 
fait  prisonnier.  Son  père,  qui  se  voyait  encore  me- 
nacé dun  autre  côté  par  Guichard,  archevêque  de 
Lyon,  qui  s'avançait  aussi  en  armes,  eut  recours  au 
roi  r>ouis-le-Jeuno.  aucpiel  il  raconta  ses  désastres, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  7  1 

le  priant  de  le  secourir  et  de  lui  faire  rendre  son 
lils.  Le  roi  écrivit  au  sire  de  Beaujeu  pour  en  ob- 
tenir la  délivrance  d'Ulrich,  mais  cette  lettre  resta 
sans  effet  et  Rainald  fut  obligé  de  faire  sa  paix  lui- 
même  ,  au  prix  d'immenses  sacrifices  :  il  céda,  pour 
la  rançon  de  son  fils,  ses  châteaux  de  Thoissey  et  de 
Lent  au  sire  de  Beaujeu  qui,  comme  on  le  voit, 
poursuivait  avec  persévérance ,  et  par  tous  les 
moyens  possibles ,  la  possession  de  la  principauté 
de  Bombes ,  objet  constant  de  l'ambition  de  sa 
famille. 

La  résistance  d'Humbert  à  la  volonté  du  roi 
nous  prouve  quelle  était  déjà  à  cette  époque  la 
puissance  des  seigneurs  de  Beaujeu.  On  peut  au 
reste  s'en  faire  une  idée  en  lisant  la  lettre  qu'Etienne, 
abbé  de  Cluny,  écrivait  au  roi  pour  l'engager  à 
venir  en  Bourgogne  afin  d'arrêter  les  ravages 
commis  par  les  Brabançons  et  faire  reconnaître 
l'autorité  de  Dreux,  archidiacre  de  Lyon,  dont  le 
pape  avait  cassé  l'élection.  Il  promit  au  roi  un  heu- 
reux succès  de  son  voyage,  «  attendu,  ajoute-til, 
«  que  le  sire  de  Beaujeu  tiendroit  pour  le  parti  de 
«  Sa  Majesté.  "  Reconnaissons  cependant  que  les 
sires  de  Beaujeu  n'usèrent  d'indépendance  que  pour 
leurs  démêlés  particuliers  avec  leurs  voisins,  et  qu'ils 
restèrent  constamment  attachés  à  leurs  souverains 
qui  savaient  pouvoir  parfaitement  compter  sur  eux 
dans  l'occasion  ,  et  qui  se  plurent  toujours  à  leur 


72  GÉNÉALOGIE  HISTORIQL'E 

donner  des  marques  de  leur  confiance.  C  est  ainsi 
que  nous  voyons  le  roi  revêtir  notre  Humbert  de 
pleins  pouvoirs  pour  terminer  un  grave  différend 
survenu  en  1 1  71  entre  Liébaud,  abbé  de  Tournus, 
et  les  habitants  de  cette  ville,  mission  dont  le  sire 
de  Beaujeu  s'acquitta  à  la  satisfaction  de  tous. 

Humbert  de  Beaujeu  et  Guy  de  Forez  accompa- 
gnèrent le  roi  Louis-le-Jeune  dans  la  guerre  que  fit 
ce  prince  au  comte  d'Auvergne  et  au  comte  du 
Puy,  et  doù  il  ramena  prisonniers  Ponce  vicomte 
de  Polignac  et  son  fils  Héracle.  Comme  l'armée, 
au  retour  de  cette  expédition ,  se  trouvait  à  Mont- 
brison,  Guy  de  Forez,  ne  jugeant  pas  à  propos  de 
se  prévaloir  du  don  que  le  roi  lui  avait  fait  de 
l'abbaye  de  Savigny  en  Lyonnais,  la  rendit  à  Hum- 
bert de  Beaujeu ,  «  parce  qu'elle  lui  appartenoit  et 
«  à  ses  prédécesseurs  de  toute  ancienneté,  »  dit  le 
titre  de  cession,  qui  fut  fait  en  léglise de  Ste-Marie- 
Magdeleine,  hors  la  ville  de  Montbrison  ,  en  pré- 
sence de  Guy  de  Garlande,  de  Guy-le-Bouteiller 
et  de  Guy  de  Chevreux,  cousin  d  Humbert  de  Beau- 
jeu,  tous  de  la  maison  du  roi,  de  l'abbé  et  du  prieur 
de  Savigny  et  de  Bertrand  de  Tarare;  les  autres 
témoins  de  la  suite  du  comte  de  Forez  sont  :  Gui- 
chard  d'Yoing,  Ponce  de  Rochebaron  et  Ponce 
d'Albigny  ;  ceux  du  sire  de  Beaujeu,  Ardoin  de  la 
■  Salle,  Adelard  son  cousin,  Hugues  de  Vinzelles, 
Maveul  et  Guillaume  de  Vinzelles.  Tl  est  à  remar- 


DES  SIRES  DE   BEAUJEU.  7.3 

quer  que  dans  ce  titre  Humbert  est  qualifié  de  cou- 
sin par  le  roi. 

Guichard,  fils  de  notre  Humbert,  étant  mort, 
son  père  le  fît  transporter  à  Belleville  où  il  fut  en- 
seveli. Les  religieux  reçurent  à  cette  occasion  un 
surcroit  de  dotation  ,  composé  des  moulins  de 
Belleville,  des  meix  de  Fontanelle  et  de  Poimier, 
du  clos  de  Brouilly,  des  fours  de  Belleville,  des 
profits  du  marché  et  de  tout  ce  que  le  seigneur  pos- 
sédait aux  Carriges.  C'est  à  la  suite  de  ces  funé- 
railles que  Humbert  IH  fit  jurer  à  son  fils,  nommé 
aussi  Humbert,  et  qui  devait  être  son  successeur, 
de  maintenir  la  fondation  qu'il  avait  faite,  ainsi  que 
les  droits  et  prérogatives  des  religieux  de  Belleville. 
Ce  serment  fut  fait  sur  les  saints  Evangiles,  en 
présence  de  Guichard,  archevêque  de  Lyon,  et 
d'Anthelme,  évèque  de  Belley,  prieur  de  Portes. 

Tout  porte  à  croire  que  Humbert  HI  céda  de 
son  vivant  le  siège  seigneurial  à  son  fils ,  comme 
nous  le  verrons  à  l'article  suivant,  ou  que  tout  au 
moins  il  l'associa  à  son  pouvoir. 

L'Obituaire  de  Beaujeu  fixe  le  décès  d'Hum- 
bert  in  à  l'avaut-veille  des  ides  de  septembre  1179. 

Ce  prince  avait  épousé,  comme  nous  l'avons  dit, 
Blanche  de  Chàlon  ,  fille  d'Hugonin ,  et  nièce  de 
Guillaume  comte  de  Chàlon.  De  ce  mariage  Lou- 
vet  fait  naître  seulement  deux  enfants,  Guichard 
dont  nous  avons  rapporté  la  mort,  et  Humbert  qui 


74  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

succéda  à  son  père.  Mais  Guichenou  nous  paraît 
mieux  instruit,  et  nomme  quatre  enfants  issus 
d'Humbert  et  de  Blanche,  savoir: 

1  °  Guichard ,  décédé  avant  son  père  ; 

2°  Humbert,  qui  suit; 

3°  Hugues,  qui  fut  marié,  et  ne  laissa  qu'une 
fiUe  mariée  à  Archambauld  \  I ,  vicomte  de  Com- 
born; 

4°  Guy ,  nommé  avec  ses  frères  dans  une 
charte  de  1194. 

HUMBERT    IV. 

Dans  un  traité  de  l'an  1 1  7  S ,  passé  entre  Gui- 
chard, archevêque  de  Lyon,  et  Humbert,  seigneur 
de  Beaujeu,  on  lemarque  que  ce  prince  y  est  ap- 
pelé le  Jeune;  ce  qui  semble  prouver  qu'à  cette 
époque  Hunii)ert  HI  était  encore  vivant,  et  con- 
corde parfaitement  avec  l'Obiluaire  de  Beaujeu  cité 
plus  haut  ;  et  comme  le  même  titre  qualifie  ce 
même  Humberl-le-Jeune  de  seigneur  de  Beaujeu, 
nous  pouvons  donc  croire  qu'il  avait  été  associé  au 
pouvoir  par  son  ])ère ,  ou  que  celui-ci  s'était  démis 
volontairement  de  son  autorité  en  faveur  de  son 
fils. 

Ce  traité  de  1175  mérite  encore  d'être  cité  par 
les  clauses  quil  renferme.  On  y  voit  qu  Ilumbcrt- 
le-Jeune,  seigneur  de  Beaujeu,  et  Guichard,  ar- 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  75 

chevêque  de  Lyon,  promettent  de  se  défendre  l'un 
l'autre  contre  leurs  ennemis,  et  de  se  prêter  leurs 
châteaux  pour  s'en  servir  en  temps  de  guerre ,  soit 
qu'ils  se  trouvent  situés  dans  l'archevêché  de  Lyon, 
ou  dans  les  évêchés  d'Autun  ou  de  Màcon,  et  que 
chaque  archevêque  ou  chanoine  de  Lyon  serait 
tenu  de  jurer  et  maintenir  ce  traité  à  l'époque  de 
son  élection,  sous  toute  réserve  de  la  fidélité  due 
au  pa])e ,  à  l'empereur  et  au  roi  de  France. 

Mais  ce  traité,  qui  assurait  la  paix  entre  l'arche- 
vêque de  Lyon  et  la  sirerie  de  Beaujeu,  ne  parut 
pas  sans  doute  à  Humbert  l'avoir  engagé  vis-à-vis 
des  autres  évêques  ses  voisins ,  car  en  1 1  80  il  se 
ligua  avec  plusieurs  autres  seigneurs  et  commit 
grand  nombre  d'exactions  envers  les  églises  de 
Bourgogne,  qui  furent  obligées  d'avoir  recours  au 
roi  pour  faire  cesser  ce  pillage.  Philippe-Auguste 
ne  balança  pas  à  marcher  au  secours  des  églises  op- 
primées; en  effet,  nous  lisons  dansNicolle  Gilles: 
«  Il  alla  contre  Imbert  de  Beaujeu  et  le  comte  de 
«  Chàlon  qui  persécutoient  les  églises  de  leurs  terres, 
"  contre  les  immunités  que  le  roi  leur  avoit  données, 
ce  et  faisoient  plusieurs  exactions  et  pilleries.  Il  prit 
«  et  abattit  leurs  places  et  châteaux,  jusqu'à  ce 
«  qu'ils  vindrent  à  merci  et  qu'ils  restituassent  aux 
«   églises  ce  qu'ils  leur  avoient  oté.  » 

Humbert  IV  marcha  sur  les  traces  de  ses  prédé- 
cesseurs, s'occu])a  beaucoup  de  l'agrandissement  de 


76  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

ses  états ,  et  reçut  l'hommage  d'un  grand  nombre 
de  seigneurs  qui  venaient  s'engager  eux-mêmes  afin 
de  se  procurer  l'utile  protection  du  sire  de  Beaujeu. 
Ainsi  nous  voyons  Arnauld  de  la  Porte  et  son  frère 
lui  donner  en  alleu  et  recevoir  de  lui  en  fief, 
moyennant  hommage ,  tout  ce  qu'ils  possédaient  à 
Parigny.  Etienne,  Pierre  et  Bernard  Gemme  frères 
firent  de  même  pour  leur  terre  de  Baleure  (Bal- 
leorum).  Etienne  de  Villars  suivit  le  même  exemple 
pour  son  château  de  Monteil.  Beaucoup  d'autres 
encore  sont  nommés  dans  les  chartes  du  temps. 

En  outre  de  cette  augmentation  de  puissance , 
le  sire  de  Beaujeu  accroissait  aussi  chaque  jour  son 
domaine  ])articulier  par  de  nombreuses  acquisitions. 
Nous  en  citerons  quelques-unes,  assez  curieuses  par 
leurs  stipulations  et  comme  monuments  des  mœurs 
du  temps.  « 

Archimbauld  le-Blanc,  voulant  aller  à  Jérusalem, 
lui  vendit  tout  ce  qu'il  j)ossédait  sur  les  bords  de 
la  Loire  ,  consistant  en  plaines ,  montagnes  ,  bois, 
eaux ,  fiefs ,  serviteurs  et  servantes.  Et  comme  ce 
voyage  devait  entraîner  Archimbauld  dans  de 
grandes  déj)enses,  Ilumberl  de  Beaujeu  lui  prêta 
sur  la  garantie  de  sa  terre  de  Chevagny  cinq  mille 
sols,  cent  sols  de  la  monnaie  de  Cluny,  cinq  cents 
sols  forts  de  la  monnaie  de  Lyon  ,  et  trois  marcs 
d'argent.  11  demeura  convenu  que  nul  autre  que 
Archimbauld  lui-même  ne  pourrait  dégager  ladite 


DES   SIRES  DE  BEAUJEU.  77 

terre  de  Chevagny,  qui  appartiendrail  de  plein  droit 
au   sire  de  Baujeu  en  cas  de  décès  de  l'emprunteur. 

Il  fit  ainsi  de  nombreuses  acquisitions  de 
Guillaume  et  Hugues  de  Marchampt,  de  Hugues 
de  Charrin,  d'Arthaud  Morel,  etc.. 

Humbert  passe  généralement  pour  être  le  fon- 
dateur de  Villefranclie ,  qui  plus  tard  devint  la  ca- 
pitale du  Beaujolais.  S'il  ne  jeta  pas  les  premiers 
fondements  de  cette  ville ,  au  moins  fit-il  ceindre 
de  murailles  le  bourg  qui  en  fut  le  premier  noyau 
et  lui  accorda-t-il  de  nombreux  privilèges,  comme 
on  peut  le  voir  au  chapitre  de  Villefranclie. 

Selon  Guichenon  ,  Humbert  IV  épousa ,  vers 
1 1  64,  Agnès  de  Thiern,  comtesse  de  IVIontpensier 
en  Auvergne  ,  veuve  de  Raymond  de  Bourgogne, 
comte  de  Grignon ,  et  fille  de  Guy  de  Thiern , 
comte  de  Montpensier. 

De  ce  mariage  sont  issus  : 

1  °  Guichard,  dont  l'article  suit  ; 

2°  Pierre,  prieur  de  la  Charité-sur-Loire; 

3°  Guichard,  appelé  plus  communément  Wui- 
card,  selon  l'ancienne  prononciation,  pour  le  dis- 
tinguer de  son  frère  nommé  plus  haut.  Ce  prince 
est  nommé  dans  un  traité  de  1 1  96  entre  le  chapitre 
de  Beaujeu  et  le  sieur  Blain  de  Bocci.  Wuicard 
mourut  sans  alliance,  et  laissa  tout  ce  qu'il  possé- 
dait dans  le  comté  de  Thiern  et  en  Bresse  à  son 
neveu  aussi  appelé  Wuicard,  que  l'on  croit  issu 


78  cénéalogie  historique 

des  vicomtes  de  Coniborn,  descendus  de  Hugues 

de  Beaujeu,  fils  de  Humbert  III.  Plus  tard,  Gui- 

chard  III  rentra  dans  cet  héritage  par  suite  d  un 

arrangement. 

k°  Alix,  mariée  à  Renaud  de  Nevers,  comte  de 
Tonnerre.  Devenue  veuve  en  1  i  99,  elle  se  fit  reli- 
gieuse à  Fontevrault. 

GUICHARD    III. 

Guichard  III  succéda  à  son  père  vers  l'an  1200. 
Le  premier  titre  que  nous  connaissions  de  lui  est 
une  reconnaissance  de  1 202  ,  par  laquelle  il  con- 
fesse tenir  en  fief  des  ducs  de  Bourgogne,  Belleville, 
Thizy  et  Ferreux.  La  même  année  et  au  mois  de 
novembre  il  donna  une  charte,  datée  de  Cluny, 
pour  terminer  le  différend  qui  existait  entre  lui  et 
Hugues,  abbé  dudit  Cluny,  relativement  à  des 
droits  fort  onéreux  que  les  sires  de  Beaujeu  pré- 
tendaient sur  les  terres  de  l'abbaye,  et  dont  Hugues 
contestait  la  validité.  LafTaire  fut  portée  devant 
six  arbitres,  dont  trois  chevaliers  et  trois  moines; 
mais  ces  juges  n'ayant  pu  s'entendre,  Guichard 
termina  railaire  lui-même  en  renonçant  à  tous 
les  droits  qui  faisaient  l'objet  de  la  discussion  : 
c<  Volo,  »  dit-il  dans  l'acte ,  «  malas  consuetudines 
«  radiciter  amputare  et  bonos  usus  antecessorum 
«  meorum  flrmiter  cnstodire.  » 


DES    SIRES   DE    BEAUJEU.  79 

Guichard  n'usa  pas  toujours  de  la  même  mo- 
dération ,  car  il  voulut  s'emparer  de  vive  force  de 
la  seigneurie  de  Thiern  sur  le  vicomte  Guy,  son 
cousin.  Celui-ci  n'était  pas  de  force  à  résister  à  un 
adversaire  aussi  puissant;  mais  le  vicomte  eut  re- 
cours à  Renaud,  archevêque  de  Lyon,  et  à  Guy, 
comte  d'Auvergne,  qui  parvinrent,  après  une  lutte 
assez  acharnée,  à  faire  relâcher  la  proie  dont  le  sire 
de  Beaujeu  s'était  déjà  emparé. 

Il  eut  aussi  une  guerre  assez  vive  avec  Guignes, 
comte  de  Forez,  pour  les  délimitations  de  leurs 
états  et  pour  certains  fiefs  que  chacun  des  deux 
seigneurs  prétendait  lui  appartenir.  Enfin  leurs 
amis  parvinrent  à  les  accorder,  et  il  intervint  un 
traité  j)ar  lequel  Guignes  de  Forez  et  son  fils  re- 
mettent à  Guichard  les  terres  qu'il  réclamait,  à  la 
réserve  de  l'hommage  dû  par  le  seigneur  de  Beaujeu 
pour  quelques  fiefs  nommés  dans  l'acte  Chassa- 
menta. 

De  son  côté,  Guichard  remit  au  comte  de  Forez 
les  fiefs  de  Néronde,  de  St-Maurice ,  des  Oches, 
d'Urfé,  d'Arnaud,  de  St-Marcel  et  de  Charusselas, 
se  réservant  seulement  le  fief  de  St-Just-la-Pendue. 

Ce  même  traité  fixa  les  limites  des  deux  états, 
et  chacun  des  contractants  prit  l'engagement  de  ne 
rien  acquérir  au-delà  de  ces  limites. 

Plus  tard  Renaud  de  Forez,  archevêque  de  Lyon 
et  tuteur  de  son  neveu ,  voulut  contester  ce  traité  ; 


80  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

mais,  au  moment  où  l'on  allait  prendre  les  armes, 
le  roi  intervint,  et  chargea  Raimond,  évéque  de  Cler- 
mont ,  le  duc  de  Bourgogne  et  Guy  de  Dampierre 
de  les  mettre  d'accord  ,  ce  qui  eut  lieu ,  et  le  traité 
fut  maintenu. 

Guichard  avait  précédemment  et  du  vivant  de 
son  père,  le  jour  de  saint  Laurent  1  193,  reconnu 
et  juré  les  privilèges  de  l'abbaye  de  Belleville,  pro- 
mettant solennellement  à  iabbé  et  aux  religieux  de 
les  laisser  jouir  de  tout  ce  qui  leur  avait  été  donné 
par  Humbert  de  Beaujeu  son  aïeul,  leur  fondateur, 
et  par  Humbert  de  Beaujeu  son  père,  déclarant  que 
cette  église  servirait  d'asile  «^  à  tous  ceux  qui  s'y 
«  réfugieroient,  et  à  toutes  les  choses  qui  y  seroient 
«  déposées.  ^  Enfin,  il  déclara  choisir  cette  église 
pour  sa  sépulture  et  celle  de  sa  postérité. 

Après  avoir  terminé  quelques  dillérends  avec 
Jean,  archevêque  de  Lyon,  par  un  traité  où  il  s'en- 
gage à  lui  faire  rhommage  pour  son  château  de 
Lissieu,  Guichard  se  rendit,  sur  l'ordre  du  roi, 
auprès  du  pape  et  de  l'empereur  de  Constantinople. 
Le  choix  d'un  pareil  ambassadeur  était  digne  et  de 
la  France  et  de  remj)ire  d'Orient;  car  Guichard,  en 
outre  de  sa  haute  naissance  et  des  talents  que  les 
historiens  se  sont  plu  à  lui  reconnaître,  était  beau- 
frère  de  Philippe-Auguste,  de  Baudouin  et  de  Henri, 
comtes  de  Hainaut  et  de  Flandres,  tous  deux  suc- 
cessivement empereurs  de  Constantinople.  Le  sire 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  81 

de  Bcaujeu  partit  donc  pour  cette  ambassade  avec 
sa  femme  et  mie  suite  digne  de  sa  haute  position.  Il 
fut  traité  à  Constantinoj)le  comme  devait  l'être  l'allié 
de  l'empereur  et  du  roi  de  France.  C'est  alors  qu'il 
fit  construire  dans  cette  ville  la  fameuse  lourde  Beau- 
jeu,  dont  il  est  si  souvent  parlé  dans  nos  chroniques. 
Guichard,  revenant  de  son  ambassade,  traversa 
l'Italie,  et,  passant  à  Assise,  alla  visiter  saint  François 
qui  édifiait  alors  le  monde  par  sa  sainteté  :  ravi  de 
l'ordre  et  de  la  piété  qui  régnaient  dans  cette  commu- 
nauté, le  sire  de  Beaujeu  conçut  le  désir  d'introduire 
des  moines  de  cet  ordre  dans  ses  états.  Saint  Fran- 
çois ,  ayant  approuvé  ce  projet,  lui  donna  trois 
frères,  que  le  prince  amena  avec  lui  et  installa  dans 
son  château  de  Pouilly  en  Beaujolais.  Plus  tard  il 
les  transporta  à  Villefranche,  qui  commençait  à  de- 
venir une  ville  d'une  certaine  importance ,  et  les 
plaça  dans  un  vieux  château  qu'il  possédait  là  ;  d'oii 
cette  partie  de  la  ville  prit  le  nom  de  Minorette, 
du  nom  des  frères  qu'on  appelait  de  l'ordre  mineur. 
Sur  les  murs  de  cet  édifice  se  lisait  encore,  il  y  a  cent 
ans,  cette  inscription  :  «  Guichard  III  de  Beaujeu, 
«  revenant  ambassadeur  de  Constantinople,  amena 
«  trois  compagnons  de  saint  François  d'Assise , 
«  fonda  leur  couvent  à  Pouilly-le-Chastel  l'an  1209, 
«  où  ils  demeurèrent  six  ans ,  de  là  furent  amenés 
«  et  fondés  en  ce  lieu  par  le  même  Guichard  l'an 
«   1216,  lequel  fit  clore  la  ville  de  murailles,  w 


82  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Le  père  Fodéré,  dans  son  Histoire  des  couvents 
de  Saint-François,  explique  ainsi  le  transfert  des 
moines  de  Pouilly  à  \  illefranche.  On  dit  que  les 
bons  Pères  eurent  quelques  démêlés  avec  le  châ- 
telain de  Pouilly,  qui  les  prit  en  haine  et  imagina 
mille  moyens  de  leur  nuire.  Lorsque  les  moines 
étaient  dehors,  soit  pour  quêter,  soit  pour  accom- 
plir quelque  fonction  de  leur  ministère,  il  faisait 
lever  le  pont-levis ,  et  les  Pères  étaient  obligés  de 
coucher  dehors.  D'autres  fois ,  lorsqu'il  aj)prenait 
qu'ils  avaient  le  projet  de  sortir,  il  ne  permettait 
pas  l'ouverture  des  portes  ;  souvent  même  il  les 
retenait  ainsi  plusieurs  jours,  au  risque  de  les  faire 
mourir  de  faim  en  les  empêchant  d'aUer  quêter  leur 
nourriture.  Enfin,  les  choses  en  vinrent  au  point 
que  plainte  fut  portée  au  sire  de  lieaujeu,  qui  les  fit 
transférer  à  Villefranche  ,  où  ils  eurent  un  fort  bel 
établissement. 

Fidèle  à  ses  devoirs  envers  son  roi,  le  sire  de 
lîeaujeu  accompagna  le  prince  Louis,  qui  fut  en- 
suite le  roi  Louis  VIII,  dans  sa  croisade  contre  les 
Albigeois  en  1 21  3  :  il  y  assista  avec  grand  nombre 
de  seigneurs  de  la  jnemière  noblesse.  On  y  re- 
marquait plusieurs  évêques ,  les  comtes  de  Saint- 
Paul,  de  Ponthieu ,  de  Sées,  d'Alencon  ;  les  sires 
de  Montmorency,  le  vicomte  de  Melun  ,  etc.. 
■  La  campagne  terminée,  le  prince  Louis  se  rendit 
en  Angleterre  oii  l'ajjpelaient  les  hauts  barons  pour 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  83 

le  couronner  au  préjudice  de  leur  roi  Jean,  contre 
lequel  ils  s'étaient  insurgés.  Le  sire  de  Beaujeu  ac- 
compagna le  fils  de  son  roi  dans  cette  nouvelle  ex- 
pédition, assista  au  couronnement  qui  eut  lieu  à 
Londres  au  mois  de  juin  1216  ,  et  se  rendit  au 
siège  de  Douvres  où  il  tomba  malade,  fit  son 
testament  le  1  8  septembre  1216  et  mourut  peu 
de  jours  après.  Ses  ossements  furent  rapportés 
en  France,  et  inhumés  partie  à  Cluny  et  partie  à 
Belleville. 

Guichard  avait  épousé  Sibille  de  Hainaut  et  de 
Flandres  ,  fille  de  Baudouin-le-Courageux  ,  comte 
de  Hainaut,  et  de  Marguerite  de  Flandres.  Ainsi 
elle  était  sœur  de  Baudouin  et  de  Henri,  tous  deux 
empereurs  de  Constantinople ,  et  aussi  d'Isabeau , 
femme  de  Philippe-Auguste,  roi  de  France.  Gui- 
chenon  fixe  ce  mariage,  nous  ne  savons  trop  sur 
quelle  autorité,  à  l'an  1 1  9S ,  et  dit  que  la  princesse 
apporta  en  dot  2,000  marcs  d'argent. 

Paradin,  et  après  lui  Severt,  Sainte-Marthe,  Le 
Laboureur  et  plusieurs  autres ,  se  sont  étrangement 
mépris  sur  la  naissance  de  Sibille  de  Flandres,  qu'ils 
font  fille  de  Ferrand  de  Portugal,  premier  mari 
de  Jeanne,  comtesse  de  Flandres,  laquelle  était 
fille  de  Baudouin  de  Hainaut  et  de  Flandres ,  et 
empereur  de  Constantinople.  Ces  auteurs  ont  évi- 
demment été  induits  en  erreur  par  une  inscription 
qui  existait  au  couvent  des  Cordeliers  de  Ville- 


84  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

franche.  Or  cette  inscription ,  comme  l'observe 
judicieusement  Guichenon,  ne  mérite  aucune  con- 
ilance,  étant  d'une  facture  et  d'une  écriture  mo- 
dernes, fausse  de  tous  points,  et  faite  probablement 
par  quelque  moine  ignorant.  Louvet,  qui  sest  livré 
sur  ce  point  de  notre  histoire  à  de  grandes  re- 
cherches, est  complètement  de  l'avis  de  Guichenon, 
et  établit  clairement  la  fausseté  de  l'assertion  émise 
par  les  différents  auteurs  que  nous  avons  cités. 
Nous  ne  le  suivrons  j)as  dans  la  longue  dissertation 
qu'il  nous  a  laissée  à  ce  sujet:  disons  seulement 
que  le  mariage  de  Guichard  de  Beaujeu  avec  une 
fille  de  Jeanne  de  Flandres  est  im])ossible ,  puis- 
qu'elle ne  laissa  d'enfants  ni  de  Ferrand  de  Por- 
tugal, ni  du  prince  Thomas  de  Savoie  qu'elle  avait 
épousé  en  secondes  noces  ;  que  sa  succession  ayant 
passé  à  sa  sœur  Marguerite ,  femme  de  Guillaume 
de  Damj)ierre ,  ceux-ci  ne  furent  jamais  troublés 
dans  cet  héritage  par  les  sires  de  Ik'aujeu,  qui  au- 
raient eu  certes  bon  droit  à  le  faire  si  Guichard 
avait  épousé  une  fille  de  la  comtesse  Jeanne. 

Tous  les  enfants  issus  du  mariage  de  Sibille  de 
Flandres  avec  Guichard  de  Beaujeu  sont  rappelés 
dans  le  testament  de  ce  dernier ,  avec  la  mention 
des  legs  qu'il  leur  fait,  savoir: 

1  °  Humbert,  dont  l'article  suit,  et  que  son  père 
institue  son  héritier  pour  toute  la  terre  de  Beaujolais  ; 

2°   Guichard,  à  qui  il  donna  la  terre  de  Mont- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  85 

pensier  et  qui  fut  auteur  de  la  branche  qui  prit 
ce  nom ,  aussi  rapportée  plus  bas  ; 

3°  Henri ,  à  qui  il  donna  ses  terres  de  Bugey  et 
Valromey,  à  la  charge  d'en  faire  Thommage-lige 
au  comte  de  Savoie  :  il  mourut  sans  alliance  ; 

4°  Louis,  qui  fut  chanoine  et  chantre  du  cha- 
piti'e  de  Lyon ,  puis  évèque  de  Bayeux  :  il  légua  à 
Amé  de  Talaru  la  maison  de  Beaujeu  sise  à  Lyon ,  et 
au  chapitre  de  Beaujeu  cent  sols  de  rente ,  que  Hum- 
bert  son  frère  échangea  contre  la  dîme  d'Ouroux; 

S°  Agnès  ,  qu'il  prie  Louis  de  France  son  neveu , 
et  héritier  présomptif  de  la  couronne  ,  de  voiJoir 
bien  marier  selon  sa  condition  ;  et  dans  le  cas  où  il 
ne  voudrait  pas  s'en  charger  et  s'en  trouverait  empê- 
ché, il  lègue  à  ladite  Agnès  mille  marcs  d'argent 
j)our  sa  dot  :  elle  épousa  Thibaut  I V^  du  nom,  comte 
de  Champagne  et  de  Brie ,  et  roi  de  Navarre  ; 

6°  Marguerite,  fiancée  à  Henri,  fils  de  Guillaume, 
comte  de  Màcon  :  le  testateur  ordonne  que ,  dans 
le  cas  où  ce  mariage  aurait  lieu,  toutes  les  choses  ci- 
devant  promises  par  lui  soient  fidèlement  données  ; 
et,  dans  le  cas  contraire,  il  lègue  à  Marguerite, 
comme  à  sa  sœur  nommée  plus  haut,  mille  marcs 
d'argent  :  ce  mariage  n'eut  pas  lieu  ; 

7°  Philippine,  que  son  père  recommande  et 
lègue  à  sa  tante  la  comtesse  de  Tonnerre,  pour  la 
faire  religieuse  à  Fontevrault  ; 

8**  Sibille,  la  plus  jeune  de  ses  filles,  qu'il  laisse 


86  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

à  la  garde  de  sa  mère  et  à  qui  il  donne  cinq  cents 
marcs  d'argent  pour  sa  dot.  EUe  épousa  le  1 Ô 
janvier  1  228  Rainald,  sire  de  Beaugé  IV®  du  nom , 
fils  d'Ulrich  de  Beaugé  et  d'Alexandrine  de  Vienne. 
A  l'époque  de  ce  mariage ,  Humbert  de  Beaujeu 
ajouta  à  la  dot  de  sa  sœur  une  rente  de  quarante 
livres  monnaie  de  Lyon ,  le  château  de  Chàtillon- 
les-Dombes,  et  l'hommage  d'Ame  de  Coligny.  Et 
comme  Rainald  de  Beaugé  prétendait  encore  à  un 
surcroit  de  dot,  le  sire  de  Beaujeu  promit  que,  à  son 
retour  de  l'Albigeois,  il  s'en  rapporterait  à  ce  que 
décideraient  à  ce  sujet  l'évèque  de  Màcon  et  Odon 
de  Montagu.  Pour  sûreté  de  cette  promesse  ,  il 
donna  pour  caution  Jean  de  Chastelux,  Hugues 
Palatin,  Thomas  de  Marzé,  Josserand  de  Pizeys, 
Barthélemi  de  l'Escluse  ,  Humbert  de  Noailly  , 
Hugues  de  Ronchivol,  Etienne  de  Marzé,  Pierre 
de  Chàlillon,  R.  de  Banains,  B.  de  Saint-Sorlin , 
Guichard  son  frère,  Girin  de  Marzé,  et  les  châte- 
lains de  Belleville,  de  Beaujeu  et  d'Alloignet,  qui 
tous  promirent  d'aller  en  otage  à  Beaugé  ou  à 
Màcon,  dans  le  cas  où  le  sire  de  Beaujeu  ne  tien- 
drait pas  sa  promesse. 

Guichard,  après  avoir  ainsi  relaté  tous  ses  enfants 
dans  son  testament  et  fixé  la  dot  de  chacun  d'eux, 
déclare  qu'il  veut  et  ordonne  que  ses  deux  enfants, 
G.uichard  et  Henri ,  soient  confiés  à  la  garde  de 
leur  mère  ,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  atteint  l'âge  de 


DES    SIRES    DE    BEAL'JEU.  87 

gérer  leur  bien  ;  et  dans  le  cas  où  sa  dite  femme 
viendrait  à  se  remarier,  veut  que  son  fils  Guichard 
et  sa  terre  de  Montpensier  restent  sous  la  garde  du 
prince  Louis  de  France,  et  que  son  fils  Henri  soit 
sous  celle  de  l'archevêque  et  du  chapitre  de  Lyon  ; 
ordonne  que  la  paix  qu'il  a  établie  avec  son  cousin 
Guichard  reste  ferme  et  stable ,  et  défend  à  son  fils 
et  héritier  Humbert  de  rien  toucher  à  sa  succession, 
que  préalablement  il  n'ait  payé  toutes  ses  dettes  et 
satisfait  à  toutes  clameurs.  Il  ordonne  de  plus  que 
la  porte  de  sa  grande  tour  du  château  de  Beau] eu 
soit  fermée  à  clé  et  murée  d'un  mur  en  pierre ,  que 
la  clé  en  soit  confiée  au  chapitre  dudit  Beaujeu, 
qui  ne  devra  la  remettre  que  trois  ans  après  son 
décès,  et  non  point  avant,  à  son  fils  et  héritier,  qui 
alors  seulement  pourra  l'ouvrir  et  prendre  posses- 
sion des  richesses  qu'elle  contient,  à  l'excejuion 
d'un  flambeau  d'argent  qu'il  donne  à  l'église  de 
St-Rigaud  pour  faire  prier  pour  le  repos  de  son 
àme.  Il  prie  aussi  son  fils  de  conserver  soigneuse- 
ment les  anneaux  d'or  et  autres  joyaux  qu'il  lui 
laisse ,  et  de  ne  les  engager  sous  quelque  prétexte 
que  ce  soit.  Enfin ,  Guichard  termine  ce  testament 
en  priant  le  prince  Louis  de  vouloir  bien  y  apposer 
son  seing  et  cachet. 

Sibille,  veuve  de  Guichard  IV,  survécut  à  son 
mari  ;  l'Art  de  vérifier  les  dates  indique  sa  mort  le 
9  janvier  1 226 ,  et  se  fonde  sur  une  vieille  chro- 


88  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

nique  manuscrite  qui  ajoute,  en  parlant  de  cette 
princesse  :  <:<■  Ce  fut  une  très  bonne  et  très  dévole 
«  dame;  »  éloge  naïf,  qu'elle  parait  du  reste  avoir 
mérité  par  ses  vertus  et  sa  charité. 

Louvet,  dont  les  recherches  nous  ont  toujours 
paru  très  exactes ,  prétend  au  contraire  que  Sibille 
vivait  encore  en  1 240,  et  assure  avoir  vu  un  titre  de 
cette  dite  année  par  lequel  Sibille  de  Flandres , 
veuve  de  Guichard  de  Beaujeu ,  et  Humbert  sieur 
dudit  Beaujeu,  achètent  conjointement  une  partie 
de  la  dinie  des  Ardillats  jiour  l'église  de  Beau- 
jeu,  etc..  Entre  ces  deux  autorités,  il  nous  serait 
fort  diflicile  de  prononcer. 

HUMBERT   V. 

Humbert  V  succéda  à  son  père  immédiatement 
après  la  mort  de  celui-ci ,  mais  toutefois  sous  la 


BRAKCIIE  DE  BEAUJEU  MONTPE?<SŒR. 

Guichard,  fils  puîiK'  de  Guichard  III,  sire  de  Beaujeu  et  de 
Sibille  de  l'iaudres,  eut  en  partage,  comme  nous  l'avons  dit  plus 
h.iiil ,  la  terre  et  seigneurie  de  Montpensier ,  et  fut  auteur  de  la 
branche  qui  en  prit  le  nom,  et  dont  nous  trailous  ici.  Nous 
savons  peu  de  chose  de  la  vie  de  ce  Guichard,  et  ne  le  connaissons 
guère  que  par  quelques  actes  que  nous  allons  rajqiorter  ici. 

11  épousa  en  1225  Catherine  de  Clermout,  dame  de  iMont- 
ferrand  et  d'IIermenc ,  fille  de  Guillaume  comte  d'Auvergne  et 
de'I\Ionirerrand,  dauphin  d'Auvergne,  et  d'Isabeaude  Danqiierre. 

Par  l'acle  de  ce  mariage  Guichard  fit  donation  à  ladite  Cathe- 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  89 

garde  du  chapitre  de  Beaujeii,  qui  conserva  exacte- 
ment la  clé  de  son  trésor  pendant  trois  ans,  ainsi 
que  le  prescrivait  le  testament  de  Guicliard.  C'est 
pendant  cet  espace  de  temps  qu'Humbert  épousa 
Marguerite  de  Beaugé.  Guichenon  dit  que  ce  ma- 
riage eut  lieu  le  15  juillet  1218,  et  que  Guy  de 
Beaugé,  père  de  Marguerite,  lui  constitua  en  dot 
mille  livres  fortes  et  la  ville  de  MireLel  (Miribel)  avec 
ses  dépendances ,  sous  la  condition  toutefois  qu'il 
pourrait  retenir  ladite  seigneurie  tant  que  bon  lui 
semblerait,  en  payant  chaque  année  à  Humbert  de 
Beaujeu  la  somme  de  cent  livres  fortes.  Il  fut  encore 
convenu  que,  dans  le  cas  où  Guy  de  Beaugé  vien- 
drait à  mourir  sans  enfants  mâles ,  la  terre  de 
Beaugé  appartiendrait  en  toute  propriété  à  Hum- 
bert de  Beaujeu  et  à  sa  femme  Marguerite.  Ces 
conventions  furent  faites  et  scellées  à  Belleville. 


rine  son  épouse  de  la  moitié  de  tous  ses  biens  présents  et 
à  venir,  à  la  réserve  seulement  de  sa  seigneurie  de  IMoutpensier. 
Le  comte  de  Clermont,  de  son  côté,  fit  don  à  sa  fille  de  la  ville  et 
seigneurie  de  Montferrand  en  Auvergne,  sous  la  réserve  de 
7  livres  de  rente  dues  à  la  maison  des  Chartreux ,  de  2îj  livres 
de  rente  pour  la  dot  de  Marguerite  de  Clermont  sa  nièce ,  et  de 
quelques  héritages  dont  le  comte  de  Clermont  se  réservait  l'usu- 
fruit. Ces  conventions  furent  modifiées  plus  tard  ,  et  il  intervint 
successivement  deux  traités  à  cet  effet.  Par  le  premier  ,  du  mois 
de  juillet  1230,  Guillaume  de  Clermont  abandonna  ses  réserves 
sur  la  seigneurie  de  Montferrand,  moyennant  une  sonmie  de  700 
livres  et  une  rente  de  100  livres,  assise  sur  la  terre  de  Mont- 


90  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

La  cession  de  la  terre  de  Miribel  entraînait  celle 
de  son  prieuré  qui  dépendait  de  l'abbaye  de  l'Ile- 
Barbe,  dont  Guignes  était  alors  abbé.  Ce  prélat, 
qui  redoutait  l'ambition  des  sires  de  Beaujeu,  vit  ce 
changement  de  mauvais  œil,  et  éleva  de  nombreuses 
difficultés  pour  la  prise  de  possession;  mais  Humbert 
et  Marguerite  sa  femme  le  calmèrent  en  reconnais- 
sant, par  un  traité  de  1  222,  lui  devoir  l'hommage 
de  leur  terre  de  Miribel.  Ce  traité  fut  encore  con- 
firmé au  mois  de  juillet  1 229  par  Marguerite  seule, 
entre  les  mains  de  Guillaume,  abbé  de  l'Ile-Barbe, 
successeur  de  Guignes. 

Un  des  premiers  actes  d'Humbert  V  après  son 
mariage  fut  le  renouvellement  d'hommage  à  la  du- 
chesse de  Bourgogne  pour  les  fiefs  de  Belleville,  de 
Thizy,de  Ferreux  et  de  Lay,  ainsi  que  son  père  l'avait 
consenti  :  hommage  de  pure  forme  ,  mais  qui  assu- 


peusier.  Sibille  de  Flandres  et  Humbert,  sire  de  Beaujeu,  se  portè- 
rent garants  de  ce  traité ,  dont  le  comte  de  Clermont  ne  tarda 
pas  à  se  repentir.  En  edet,  peu  apri's  il  en  attaqua  la  validité  et 
il  demeura  convenu  que  les  prétentions  respectives  seraient  jugées 
par  des  arbitres  «ju'ils  désignèrent,  et  qui  furent  :  Etienne  de  Cha- 
teldon ,  chevalier  ;  Robert  Dupuis,  chanoine  de  Clermont,  et  le 
vicomte  de  Comborn.  Ce  tribunal  amiable  fit  signer  aux  parties, 
au  mois  d'avril  1231,  uu  nouveau  traité  par  lequel  Guichard  de 
Beaujeu,  seigneur  de  Montpensier ,  et  Catherine  sa  femme,  pro- 
mirent d'ac(|uitler  ce  f|ui  était  dû  à  la  chartreuse  et  à  Marguerite 
de  Clermont,  de  payer  au  comte  1,600  livres  monnaie  de  Clei^ 
mont ,  et  de  lui  assigner  100  livres  de  rente  ,  sa  vie  durant,  sur 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  91 

rait  au  sire  de  Beaiijeu  un  appui  que  ses  discussions 
continuelles  avec  les  comtes  de  Forez  lui  avaient 
rendu  nécessaire.  Cet  hommage  eut  lieu  en  1218. 
Humbert  servit  avec  distinction  le  roi  Philippe- 
Auguste,  et  s'acquit  une  gloire  durable  sous  ses 
successeurs.  Louis  V[II  ayant,  en  1  226,  fait  prêcher 
une  croisade  contre  les  Albigeois  sur  les  instances 
de  Romain ,  cardinal  de  Saint-Ange  ,  que  le  pa])e 
avait  envoyé  en  France  avec  pouvoir  de  détruire  , 
d arracher,  de  planter,  d'édifier,  etc.,  le  sire  de 
Beaujeu  prit  la  croix  des  mains  du  légat  et  se  ren- 
dit à  Bourges  où  l'armée  se  rassemblait.  Là  se 
trouvait  toute  la  plus  illustre  noblesse  de  France  : 
on  y  remarquait  Philippe,  comte  de  Boulogne  et  de 
Clermont;  Pierre,  comte  de  Bretagne;  Robert, 
comte  de  Dreux  ;  les  comtes  de  Chartres ,  de  Saint- 
Paul,  de  Rouci  et  de  Vendôme  ;  Mathieu  de  Mont- 


les  fours  de  Moatferrand.  Ils  promirent  encore  que ,  si  Catherine 
mourait  sans  enfants ,  la  seigneurie  de  Montferrand  retoui'uerait 
à  sa  famille. 

Quelques  autem-s  prétendent  fjue  Guichard  épousa  en  secondes 
noces  Eléouore  de  Savoie  ,  mais  rien  ne  justitie  cette  opinion. 

De  son  mariage  avec  Catherine  de  Clermont  sont  issus  : 

1"  Humbert ,  qui  suit  : 

2"  Eric,  seigneur  d'Hermenc,  qui,  selon  MM.  de  Ste-Marthe, 
fut  maréchal  de  France  ,  mort  sans  enfants  au  siège  de  Tunis  en 
1270.  Par  un  titre  du  mois  de  mars  1255,  Raoul,  vicomte  de  la 
Roche  d'Agoul ,  prit  en  fief  d'Eric  de  Beaujeu ,  seigneur  d'Her- 
menc ,  la  seigneurie  de  Sal-le-Haut  et  Sal-le-Ras ,   Ncuffontaine  , 


92  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

morency,  connétable  de  France;  Robert  de  Cour- 
tenay,  Enguerrand  de  Couci,  les  vicomtes  de  Sainte- 
Suzanne  et  de  Chàteaudun,  Savari  de  Mauléon, 
Thomas  et  Robert  de  Couci,  Gauthier  de  Joigny, 
Gauthier  de  Rinel,  Henri  de  Sully,  Philippe  de 
Nanteuil,  Etienne  de  Sancerre,  Guy  de  la  Roche, 
René  d'Amiens ,  Robert  de  Poissy  ,  René  de  Mont- 
faucon,  Bouchard  de  Marly  et  Florent  de  Hangest. 
Le  nom  de  Beaujeu  brilla  entre  tous;  Humbert 
soutint  dignement  la  réputation  de  ses  ancêtres; 
lorsque  l'armée  des  Croisés  mit  le  siège  devant 
Avignon,  il  s'y  couvrit  de  gloire,  et,  malgré  son 
jeune  âge,  révéla  dès -lors  les  talents  militaires 
qui  plus  tard  lui  valurent  l'épée  de  connétable. 
Cette  conduite  lui  attira  l'estime  et  la  confiance  du 
roi,  dont  il  possédait  déjà  l'amitié.  Aussi,  lorsque 
Louis  VIII  à  la  fin  de  la  campagne  abandonna  le 


Ayelle,  la  Sauvade,  Nardonne,  la  FayoUe,  etc.  ,  et  lui  en  fit  aussitôt 
l'homniagc.  Eric  eut  pour  femme  Aldengarde  d'Aubusson,  fille 
de  llegiiuud  ,  vicouite  d'AuLusson  ,  comme  ou  le  voit  par  ua  titre 
du  mois  d'octobre  12G2,  portant  reconnaissance  de  la  seigneu- 
rie de  Massignat  que  sadile  femme  lui  avait  apportée  en  dot. 
Aldengarde  survécut  à  son  mari  et  se  remai-ia  à  Raoul  de  la  Roche 
d'Agoul ,  cité  ])lus  haut.  Eric  brisa  les  armes  de  Beaujeu  d'un 
semé  de  billelles  de  sable  sui-  le  fond  et  d'une  bordm-e  aussi  de 
sable. 

3"  Louis ,  chevalier ,  seigneur  de  .Monlferrand  .  épousa  Mai'- 
guerite  de  Bonney,  dame  de  Broc  et  de  Prencreux.  De  ce  uiai'iage 
sont  issues  trois  filles  : 


DES    SIRES   DE    BEAUJEU.  93 

Languedoc  pour  venir  mourir  à  Montpensier,  il  y 
laissa  Humbert  de  Beaujeu  en  qualité  de  gouver- 
neur, ou,  pour  mieux  dire,  de  lieutenant-général  de 
cette  province. 

C'est  en  cette  qualité  qu'il  commanda  l'armée 
qui,  en  1227,  recommença  la  guerre  contre  les 
Albigeois.  Blanche  de  Castille,  devenue  régente 
par  la  mort  de  Louis  VIII ,  ordonna  au  sire  de 
Beaujeu  de  mettre  le  siège  devant  le  château  de 
la  Bessade ,  où  commandait  Pons  de  Villeneuve , 
ayant  sous  lui  Olivier  de  Thermes  et  un  grand 
nombre  de  chevaliers  et  de  seigneurs  renommés 
pour  leur  bravoure. 

Humbert  conduisit  l'attaque  en  capitaine  brave 
et  expérimenté  :  elle  fut  terrible;  la  défense  fut 
héroïque;  cependant  les  assiégés  succombèrent,  et 
le  vainqueur,  peu  touché  de  tant  de  bravoure,  les 


a.  Blanche,  mariée  à  Guy  de  Cliauvigny,  seigneur  de  Leuroux  ; 

b.  Marguerite,  épouse  d'Hélie,  vicomte  de  Ventadoui"  ; 

c.  Marie,  religieuse  en  l'abbaye  de  Longehamp  près  St-Cloud, 
ou  elle  mourut  en  1337. 

Guichenon  donne  encore  à  Louis  de  Beaujeu  un  fils  nommé 
Louis  ,  marié  à  Dauphine  de  Broc  ;  et  de  ce  mariage  serait  né  , 
selon  lui,  un  fils  également  du  nom  de  Louis.  Mais  il  règne  dans 
cette  partie  du  travail  de  l'historien  une  telle  confusion  de  noms 
et  de  dates,  qu'il  nous  est  impossible  de  l'adopter.  Nous  préférons 
suivre  l'opinion  de  Duchesne  et  de  Louvet ,  qui  ne  donnent  que 
trois  filles  à  Louis  de  Beaujeu. 

4"   Guillaume,  que  Guichenon  dit   avoir  été  grand-maître  des 


94  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

fit  tous  inhumainement  massacrer ,  sans  distinction 
dage  ni  de  sexe.  L'évèque  de  Toulouse,  qui  était 
avec  les  assiégeants,  essaya  vainement  d'obtenir 
grâce  pour  les  femmes  et  les  enfants  ;  ses  suppli- 
cations furent  inutiles ,  l'œuvre  de  destruction  s'ac- 
complit: «  Le  vainqueur,  dit  Mathieu  Paris,  pas- 
«  sant  au  fil  de  l'épée  tous  les  malheureux  habi- 
cc  tants ,  ou  les  faisant  assommer  à  coups  de  bâton , 
«  ou  les  brûlant  à  petit  feu  comme  hérétiques.  « 
C'est  de  ce  dernier  suj)plice  que  périt  le  diacre 
Géraud  de  Mota. 

Cabaret,  Grave  et  Montech  tombèrent  au  pou- 
voir du  vainqueur  et  subirent  le  même  sort.  Si 
nous  en  croyons  Mathieu  Paris,  ces  atrocités  furent 
cruellement  vengées;  car,  selon  lui,  Raymond  de 
Toulouse,  ayant  apj)ris  que  les  Français  devaient 
l'investir  dans   les  lignes  qu'il    occupait   près  de 


Templiers  en  1288  et  tué  au  siège  d'Antioche  en  1291 .  Lii  concor- 
dance des  dates  paraît  venir  à  l'appui  de  cette  opinion. 

Le  plus  ancien  titre  que  l'on  connaisse  (l"llunil)erl  de  Beaujeu 
I\Iontp<Misier,  cslde  12  j():  c'est  lui  cautionncnienl  de  la  somme  de 
1 ,000  livres  pour  Guichard  de  Beaujeu,  son  cousin,  envers  Etienne 
de  Varey,  citoyen  de  Mâcon. 

Humbert  avait  accompagné  sou  oncle  le  connétable  à  la  croisade 
d'Egypte ,  et  avait  donné  pendant  cette  malheureuse  guerre  de 
nombreuses  preuves  de  courage.  Il  suivit  également  saint  Louis 
dans  son  expédition  de  Tiuiis  ,  et  assista  h  la  mort  du  roi .  Humbert 
jouit  d'utie  grande  faveur  sous  le  successeur  de  Louis  IX  ;  aussi, 
lorsque  en  1273  ce  mouaripe  vint  à  Lyon  pour  y  visiter  le  pape 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  95 

Castel-Sarrazin ,  leur  aurait  dressé  une  embûche 
dans  une  forêt  voisine,  les  aurait  taillés  en  pièces,  et 
aurait  fait  souffrir  d'affreuses  tortures  aux  prison- 
niers. 

La  campagne  terminée ,  Humbert  en  profita 
pour  venir  en  Beaujolais  mettre  ordre  à  ses  pro- 
pres affaires.  C'est  pendant  le  séjour  qu'il  y  fit 
qu'il  passa  un  traité  avec  Alix  de  Vienne ,  comtesse 
de  Màcon,  et  Jean  de  Braine  son  mari,  qui  lui 
remirent  le  château  de  Semur  en  Maçonnais,  en 
paiement  de  mille  marcs  d'argent  pour  lesquels 
le  sire  de  Beaujeu  le  tenait  engagé. 

Cependant  la  guerre  avec  le  comte  de  Tou- 
louse n'était  point  terminée.  Si  les  deux  partis 
avaient  suspendu  les  hostilités,  ce  n'était  que  pour 
satisfaire  à  l'exigence  de  quelques  seigneurs  qui,  se 
trouvant  épuisés  d'hommes  et  d'argent ,  voulaient 


Grégoire  X  qui  y  présidait  un  concile ,  il  confia  à  Humbert  le 
commandement  général  des  troupes  préposées  à  sa  garde  et  à 
celle  du  pape  ;  enfin  il  lui  remit  l'épée  de  connétable  après  la 
mort  de  Gilles-le-Brun ,  seigneur  de  Trasignies. 

Humbert  servit  avec  distinction  Philippe-le-Hardi  dans  sa  guerre 
d'Aragon,  et  se  signala  enti-e  autre  à  la  prise  de  Pampelune.  Le 
roi,  voidant  récompenser  ses  services  ,  lui  donna  les  terres  et  sei- 
gneuries de  la  Roche  d'Agoul  en  Auvergne  ,  avec  le  château  de 
Poensac  et  de  Montil-le-Dégelé ,  et  le  nomma  son  exécuteur  tes- 
tamentaire :  il  l'avait  été  de  Guy  VI,  comte  de  Forez,  en  1275. 

Le  connétable  mourut  en  128B  ,  après  avoir  été  marié  à  Isabeau 
de   Mello  ,  dame   de   St-Maurice-en-Puisaye  ,  Tirouville ,  Basois , 


96  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

retourner  en  leurs  seigneuries  pour  rétablir  leurs 
affaires.  Mais,  en  1229,  la  reine  régente,  sollicitée 
de  nouveau  par  le  cardinal-légat,  et  ayant  appris 
d'un  autre  côté  que  Ra3mond  selait  emparé  de 
Castel-Sarrazin,  ordonna  la  reprise  des  hostilités. 
Le  commandement  de  l'armée  fut  encore  confié 
à  Humbert  de  Beaujeu,  à  qui  la  reine  envoya  des 
renforts  de  troupes.  Bon  nombre  de  seigneurs  gas- 
cons ,  qui  avaient  pris  la  croix,  vinrent  rejoindre 
l'armée;  les  archevêques  d'Auch  et  de  Bordeaux 
suivirent  cet  exemple.  La  campagne  devait  être 
décisive,  car  personne  ne  se  faisait  plus  illusion  sur 
les  projets  des  sectaires,  qui  tendaient  plutôt  à 
un  ])ouleversement  social  qu'à  une  réforme  reli- 
gieuse :  c'était  une  guerre  à  mort  entre  la  féodalité 
et  les  niveleurs,  ou,  pour  mieux  dire,  entre  ceux  qui 
possédaient  et  ceux  qui  ne  possédaient  pas. 


Villeneuve-la-Guyaril,  St-Brice,  etc.,  veuve  en  premières  noces 
de  Guillaume  III"  du  lumi,  comte  de  .loigny ,  et  fille  de  Guillaume 
de  Mello  II""  du  nom ,  seigneur  desdils  lieux,  mort  en  Chypre  en 
1247.  Après  la  mort  de  son  mari,  Isabenu  fit  l'aveu  de  ses  fiefs  de 
Châtel-Odou  et  de  Joserand  (jui  formaient  son  douaire.  Voici 
cet  acte  tel  qu'il  existe  aux  archives  du  rovaume  : 

«  Ysabeaux  de  Mello ,  coutesse  de  Jouguy  et  dame  de  St- 
«  Morise  ,  faisons  assavoir  que  comme  nostre  chier  sire  noble 
c<  hom  Humhers  de  Beaujeu ,  jadis  sire  de  Montpancers  et  cones- 
«  table  de  France  ,  lieust  aquis ,  durant  le  mariage  entre  nous 
«  et  lui,  Cliastel-Odon  et  le  chaslel  Joserant,  et  les  appartenances, 
a  mananz  et  estanz  dou  fié  noble  prince  Robei't ,  conte  d'Artoys, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  97 

L'armée  ainsi  reconstituée,  Humberl  entra  en 
camj)agne,  sempara  de  vive  force  de  Castel-Sar- 
razin  et  s'avança  jusqu'à  Pecli-Amalri,  près  de  Tou- 
louse. Alors  commença  une  guerre  de  dévasta- 
tion sans  exem})le  chez  les  peuples  civilisés  et  qui 
donne  une  triste  idée  de  cette  époque.  Voici  ce 
que  raconte  à  ce  sujet  un  auteur  contemporain  : 
ce  Tous  les  matins,  dès  l'aurore,  on  disoit  la  messe, 
<c  où  chacun  assistoit  très  dévotement.  On  prenoit 
«  ensuite  un  léger  repas,  et,  après  avoir  posté  de 
Cl  tous  côtés  divers  escadrons  pour  tenir  ceux  de  la 
ce  ville  en  respect,  on  détachoit  trois  sortes  de  gens, 
ce  destinés  chacun  pour  leurs  fonctions  et  munis 
«  des  instruments  nécessaires.  Les  uns  avec  la 
ce  pioche  démolissoient  et  renversoient  les  maisons, 
ce  les  autres  avec  le  hoyau  déracinoient  et  arra- 
cc  choient  les  vignes;  d'autres  enfin,  avec  la  faux, 


«  pour  raison  de  noble  darae  Agnès,  dame  de  Borbou,  sa  femme, 
«  nous  reconnoissons  que  nous  ,  pour  raison  dud.  fié,  avons  juré 
<c  féauté. ...  et  pour  lehane  nostre  fille  et  fille  doudit  conestable. . . 
«  Donées  a  Montpancer  le  mercredi  après  la  feste  de  St  Martin 
«  d'iver,  en  l'aTx  nostre  Seigneur  mil  deus  cens  quatre  ving  cinc.  » 
De  ce  mariage  est  issue  une  seule  fille ,  qui  suit  : 
Jeanne ,  qui  épousa  Jean  II  du  nom  ,  comte  de  Dreux  et  de 
Braine  ,  grand  chambrier  de  France ,  à  qui  sa  femme  porta  les 
terres  de  la  branche  de  Beaujeu  Montpensier ,  c'est-à-dire  un  des 
plus  beaux  héritages  de  France.  En  elle  s'éteignit  cette  branche 
de  l'illustre  famille  de  Beaujeu. 


98  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

«  ruinoient  le  travail  et  l'espérance  des  laboureurs. 
"  La  nuit  seule  interrompoit  cet  exercice,  qui  re- 
"  commencoit  le  lendemain  avec  le  même  ordre, 
«  ou  plutôt  avec  la  même  barbarie.  Près  de  trois 
tt  mois  se  passèrent  à  donner  cet  étrange  spectacle 
"   aux  habitants  de  Toulouse.  » 

Nous  terminerons  ce  douloureux  récit  par  un 
simple  rapprochement  : 

A  cette  même  époque,  l'Orient  frémissait  sous 
l'épée  sanglante  de  Gengiskau,  et  les  cœurs  les  plus 
endurcis  s'émouvaient  au  récit  des  affreux  ravages 
que  commettait  ce  conquérant.  La  France  avait- 
elle  beaucoup  à  s'enorgueillir  d'un  degré  de  civili- 
sation plus  avancé  ? 

Après  ces  atroces  exécutions ,  les  prélats  et  les 
seigneurs  gascons  se  retirèrent  avec  les  gens  qu'ils 
avaient  amenés.  Humbert,  avec  le  reste  de  l'armée, 
s'avança  vers  Pamiers ,  soumit  tout  le  pays  de  Foix 
jusqu'au  Pas-de-la-Barre ,  mit  des  garnisons  dans 
les  villes  susceptibles  de  défense ,  et  congédia  ses 
troupes.  La  paix  fut  conclue  peu  de  temj)s  après. 

Cette  expédition  terminée,  llumbert  revint  en 
Beaujolais  où  ses  affaires  avaient  grand  besoin  de 
sa  présence.  Il  les  trouva  dans  un  état  déplorable  : 
la  justice  se  rendait  mal,  chacun  de  ses  officiers 
agissait  à  sa  guise,  et  enfin  ses  dettes  s'étaient  ac- 
crues d'une  manière  effrayante.  Grand,  généreux 
et  aimant  le  luxe,  Humbert  était  mam-ais  mena- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  99 

ger ,  dit  un  auteur  du  temps.  Mais  nous  lui  devons 
cette  justice ,  que,  pour  subvenir  à  ce  luxe ,  jamais 
il  n'employa,  pour  se  procurer  de  l'argent,  les 
moyens  que  les  mœurs  du  temps  n'autorisaient 
que  trop.  Et  si  nous  sommes  en  droit  de  lui  repro- 
cher la  cruauté  dont  il  usa  envers  les  peuples  du 
Languedoc ,  nous  devons  avouer  qu'il  ne  s'appro- 
pria jamais  rien  de  la  dépouille  des  vaincus. 

Dans  la  pénurie  où  se  trouvait  Humbert ,  il  s'a- 
dressa aux  abbés  de  Joug-Dieu  et  de  Belleville,  ainsi 
qu'au  doyen  de  Beauj  eu,  leur  demandant  de  souffrir 
qu'il  fil  une  taille  ou  corvage,  pour  une  fois  seu- 
lement ,  sur  le  bétail  de  leurs  hommes  et  tenan- 
ciers. Les  abbés  devaient  tout  ce  qu'ils  possédaient 
à  la  munificence  des  sires  de  Beaujeu;  cependant 
ils  voulurent  résister,  et  ne  consentirent  enfin  qu'à 
regret  à  ce  que  leur  demandait  le  fils  de  leurs 
bienfaiteurs.  Humbert,  sans  rancune  de  cette  o])- 
position  ,  et  touché  au  contraire  du  consentement 
qu'il  avait  enfin  obtenu,  accorda  en  1234,  à  ces 
deux  abbayes  et  au  chapitre  de  Beauj  eu  ,  de  nou- 
veaux et  nombreux  j)riviléges. 

Les  sommes  qu'il  ])ercut  de  cette  taille  ne  suffi- 
sant pas  à  combler  le  déficit  de  son  trésor,  Hum- 
bert engagea  à  Amé,  comte  souverain  de  Savoie, 
les  châteaux  de  Virieu,  de  Chàteauneuf,  de  Cordon 
et  de  la  Bordonnière,  avec  leurs  appartenances  en 
Bugey,    moyennant   2,500   livres    viennoises.    Il 


I  00  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

recul  encore  200  marcs  d'argent  de  Tarchevëque 
et  de  l'Eglise  de  Lyon,  pour  l'engagement  qu'il 
leur  lit  de  tous  les  hommages  qui  lui  étaient  dus 
entre  le  château  d'Oingt  et  la  Saône. 

Ces  premiers  soins  accomplis,  le  sire  de  Beau- 
jeu  songea  à  accommoder  les  différends  qu'il  avait 
avec  plusieurs  voisins,  et  notamment  avec  le  comte 
de  Forez.  Une  discussion  vive  et  longue  s'était  en- 
gagée entre  eux  relativement  au  château  de  Cou- 
zan,  que  Hugues  Damas,  seigneur  puissant  et  re- 
douté de  ses  voisins,  avait  remis  à  Humbert  de 
Beaujeu,  pour  le  recevoir  de  lui  en  fief.  Le  comte 
de  Forez  se  plaignit  hautement,  prétendant  (jue  le 
seigneur  de  Couzan  était  son  vassal ,  et  que  le  sire 
de  Beaujeu  contrevenait  aux  anciens  traités  qui 
défendaient  à  chacun  d'eux  d'acquérir  aucun  lief 
sur  leurs  seigneuries  resj)ectives.  Plusieurs  arran- 
gements furent  tentés  inutilement.  Enfin,  Hum- 
bert voulant,  comme  nous  l'avons  dit,  terminer 
autant  que  possible  toutes  ses  querelles  particu- 
lières, signa,  au  mois  de  décembre  1239,  un 
traité  par  lequel  il  renonça  à  Ihommage  de  Cou- 
zan, s'engagea  à  obtenir  de  la  comtesse  de  Nevers 
la  remise  des  droits  (pi'elle  pouvait  avoir  sur  ledit 
fief,  et  renouvela  au  comte  de  Forez  l'hommage 
des  châteaux  de  Chamelet ,  St-Trivier  et  Ample- 
puis,.  qui  lui  étaient  dus,  dit  le  traité,  de  toute 
ancienneté.  Eiifui,  })ar  une  dernière  clause,  il  fut 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  1  0  I 

convenu  qu  Humbert  de  Beaujeu  donnerait  an  fils 
du  comte  de  Forez  sa  fille  en  mariage  aussitôt 
qu'elle  aurait  dix-sept  ans,  et  lui  constituerait  pour 
dot  la  seigneurie  de  Grandris  et  1 ,000  marcs  d'ar- 
gent. Le  comte,  de  son  côté,  remit  an  sire  de 
Beaujeu  tout  ce  qu'il  avait  aux  fiefs  de  Cbambost 
et  de  la  Plaigne.  Ce  traité  fut  juré  sur  les  saints 
Evangiles ,  et  les  contractants  promirent  d'en  pren- 
dre lettres  testimoniales  de  l'archevêque  et  du  cha- 
pitre de  Lyon  ,  comme  aussi  de  faire  approuver  le 
tout  par  le  roi. 

L'ordre  rétabli  dans  le  Beaujolais ,  Humbert  en- 
treprit le  pèlerinage  pieux  de  Saint- Jacques-de-Com- 
postelle,  et  l'accomplit  dévotement.  Un  souvenir 
de  ses  campagnes  de  Languedoc  le  poussa-t-il  à 
cet  acte  de  dévotion  ? 

Cependant  Baudouin  de  Courtenai,  empereur 
de  Constantinople  ,  venait  d'atteindre  sa  majorité  , 
et,  quittant  la  Flandres,  se  disposait  à  retourner 
dans  ses  états.  Il  voulut  y  paraître  avec  un  cortège 
digne  de  son  rang.  En  conséquence ,  il  emmena 
avec  lui  un  grand  nombre  de  chevaliers  français  , 
tous  distingués  par  leur  naissance  et  leur  puissance. 
Humbert  de  Beaujeu,  son  parent,  figurait  à  la  tète 
de  ce  somptueux  cortège.  Il  assista  au  couronne- 
ment de  Baudouin  ,  qui  eut  lieu  dans  l'église  de 
Ste- Sophie,  au  mois  de  décembre  12.^9. 

Peu  après  son  retour  de  Constantino])le  ,  le  sire 


102  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  Beaujeu  reçut  des  maius  du  roi  saint  Louis  le- 
pée  de  connétable  ,  récompense  dont  il  s'était  mon- 
tré digne  par  sa  bravoure,  ses  talents  militaires  et 
sa  fidélité  à  son  roi.  Louis  comptait  avec  raison  sur 
cette  épée ,  qu'il  savait  devoir  se  tirer  bientôt  pour 
lui  en  Palestine  et  se  teindre  du  sang  musulman; 
car  déjà  alors  tout  se  préparait  dans  le  conseil  pour 
cette  croisade ,  à  laquelle  le  saint  roi  se  croyait 
appelé:  entreprise  fatale  à  la  chrétienté,  mais  où  la 
bravoure  française  brilla  d'un  tel  éclat  qu'elle  fit 
l'admiration  du  monde  entier,  même  après  les  dé- 
sastres de  la  Massoure. 

La  croisade  fut  décidée  ;  toute  la  noblesse  fran- 
çaise y  prit  part.  Les  préparatifs  furent  longs,  et 
duièrent  jilusieurs  années  ;  le  roi  ne  voulut  partir 
qu'après  avoir  assuré  la  paix  de  son  royaume  et 
pourvu  à  l'ordre  intérieur.  Enfin  ,  le  1  2  j  uin  1 248 , 
le  roi ,  suivi  de  toute  sa  cour,  se  rendit  à  St-Denis, 
])rit  les  insignes  du  pèlerinage  ,  et  se  mit  immédia- 
tement en  route.  Il  j)assa  ])ar  Cluny ,  où  il  fit  ses 
adieux  à  sa  mère  qui  l'avait  accompagné  jusque  là, 
et  se  rendit  à  Lyon  en  traversant  le  Beaujolais  par 
l'ancienne  voie  romaine ,  seule  communication  qui 
existât  alors  entre  ces  deux  villes.  Ilumbert,  accom- 
pagné de  ses  chevaliers .  attendait  le  roi  et  avait 
[)ris  toutes  ses  précautions  pour  assurer  la  paix 
dans  sa  seigneurie  qu'il  ne  devait  plus  revoir.  L'ar- 
mée poursuivit  sa  route,  s'enibar({ua  le  2b  août ,  ei 


DES  SIRES  DE  BEAU  JEU.  103 

arriva  en  Chypre  où  elle  passa  rhi\  er.  L  elé  suivant 
elle  se  remit  en  mer ,  el,  après  une  traversée  des 
plus  pénibles ,  aborda  en  Egypte  en  face  de  Da- 
niiette. 

Le  débarquement  des  troupes  s'était  opéré  sans 
grandes  difficultés.  L'ennemi,  promptement  mis  en 
fuite,  s'était  retiré  à  une  certaine  distance  du  ri- 
vage et  se  contentait  de  harceler  les  chrétiens,  qui 
eurent  ainsi  tout  le  temps  de  débarquer  leurs  ba- 
gages et  de  former  un  camp.  On  songea  ensuite  à 
la  sûreté  personnelle  du  roi,  dont  la  témérité  le  je- 
tait souvent  un  peu  aveuglément  au  milieu  des  plus 
grands  dangers.  Sa  personne  fut  mise  sous  la  garde 
de  «  huit  bons  chevaliers  el  vaillans,  dit  Join ville, 

<  qui  avoient  eu  et  gaigné  maintes  foiz  le  pris 
d'ai-mes ,  tant  decza  la  mer  que  oultre  mer  ;  et 
les  souloit-on  appeler  les  bons  chevaliers,  d'entre 

<  lesquels  y  estoient  messire  Geoffroy  de  Sargines  , 
messire  Mahon  de  Marby,  messire  Philippe  de 
Nantuel,  messire  Imbert  de  Beaujeu,  connes- 
table  de  France,   w 

L'ordre  fut  donné  à  l'armée  de  ne  bouger  de  ses 
retranchements  jusqu'à  l'arrivée  de  l'arrière-garde , 
que  des  vents  contraires  avaient  retenue  en  mer. 
Les  seuls  chevaliers  commis  à  la  garde  du  roi 
avaient  la  permission  de  sortir  avec  leurs  gens 
pour  repousser  les  partis  ennemis ,  qui  parfois 
s'avançaient  près   du  camp.   Or  il  arriva  que   le 


104  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

sire  Gauthier  d'Aiitrèclie,  emporté  par  sa  valeur 
bouillante  et  ne  pouvant  supporter  cette  inaction, 
sortit  secrètement  suivi  d'un  seul  écuyer  nommé 
Castillon ,  s'avança  dans  la  plaine ,  et  ayant  aperçu 
un  parti  de  Sarrasins,  l'attaqua  vaillamment  et  sans 
balancer;  mais,  succombant  sous  le  nombre  et  ;ia- 
vré  de  tant  de  coups  qu'il  ne  pouvait  plus  parler, 
il  allait  périr  lorsque  le  sire  de  Beaujeu  l'aperçut, 
s'élança  à  son  secours  plus  rapide  que  la  foudre , 
culbuta  les  ennemis,  et  ramena  le  j)auvre  chevalier 
qui  survécut  peu  à  ses  blessures. 

L'armée ,  cependant ,  après  avoir  occupé  Da- 
miette  pendant  quelque  temps ,  marcha  sur  le 
Caire  et  arriva  au  Thanis  ,  cette  rivière  rapide  et 
profonde  (jui  arrêta  les  Croisés  si  longtemps.  Hum- 
bert  de  Beaujeu  découvrit  enfin  un  gué,  par  le  se- 
cours d'un  Arabe  qu'il  avait  gagné  :  la  ca\  alerie  y 
passa  tout  entière.  Le  comte  d'Artois ,  qui  com- 
mandait lavant-garde ,  arriva  le  ])remier  sur  la  rive 
opposée,  suivi  des  Templiers  et  de  quelques  cheva- 
liers, et  malgré  le  serment  qu'il  avait  fait  au  roi  de 
ne  rien  entreprendre  avant  son  arrivée ,  il  fondit  sur 
les  ennemis  et  les  chargea  avec  furie,  llunibert  de 
Beaujeu  était  à  ses  côtés.  Ce  trait  d'audace  fut  d'a- 
bord couronné  d'un  plein  succès  :  l'ennemi ,  épou- 
vanté, fuyait  de  toutes  parts  ;  le  comte  d'Artois,  le 
suivant  l'épée  dans  les  reins,  en  lit  un  grand  car- 
nage ri  eiiha  |)êlc-mèle  avec  hii  dans  la  ville  do  la 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  05 

Massoure.  Cependant  les  inlidèles ,  revenus  de  leur 
première  terreur,  et  s'apercevant  enfin  combien 
les  chrétiens  étaient  peu  nombreux ,  se  rallient 
aussitôt  ;  la  voix  des  chefs  est  écoutée ,  l'ordre  est 
rétabli  dans  leurs  rangs,  et  ils  reviennent  à  la  charge. 
Le  comte  d'Artois  est  cerné  par  une  troupe  innom- 
brable ,  presque  tous  ses  chevaliers  tombent  à  ses 
côtés  ;  les  Templiers  sont  écrasés.  Au  plus  fort  du 
combat ,  Humbert  se  trouva  séparé  du  prince  et 
dans  l'impossibilité  de  le  rejoindre.  Il  eut  bientôt 
pris  son  parti ,  et  s'élançant  au  milieu  des  ennemis, 
il  s'ouvrit  un  large  passage  pour  aller  chercher  du 
secours  auprès  du  roi.  Mais  là  aussi  la  fortune  était 
devenue  contraire  :  le  loi ,  entouré  de  nombreux 
ennemis ,  combattait  en  simple  chevalier  à  la  tète 
de  quelques  braves.  Humbert  de  Beaujeu  rejoint 
en  arrivant  le  sire  de  Joinville  ,  et  tous  deux  jugent 
d'un  coup  d'oeil  l'imminence  du  danger.  En  eftet , 
une  foule  immense  de  Sarrasins  bien  armés  s'avan- 
çait en  masse  serrée  pour  envelopper  le  roi  ;  un 
pont  étroit  les  sépare  seul  de  lui.  Nos  deux  preux, 
suivis  de  quelques  écuy ers,  leur  barrent  le  chemin 
et  soutiennent  seuls ,  en  cet  étroit  passage ,  tout 
l'effort  des  ennemis.  La  nuit  seule  mit  fin  à  cet  af- 
freux combat;  mais  l'armée  chrétienne  était  anéan- 
tie, et  la  peste  acheva  ce  que  le  fer  de  l'ennemi  n'a- 
vait pu  atteindre. 

Nous  ne  suivrons  pas  les  dernières  péripéties  de 


1  06  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

cette  expédition  calamiteuse  ,  qui  finit  par  la  capti- 
vité du  roi  et  la  destruction  de  l'armée.  Joinville , 
le  naïf  historien  et  l'ami  de  saint  Louis ,  nous  en  a 
laissé  tous  les  détails.  Nous  avons  cru  devoir  nous 
borner  à  en  rapporter  seulement  ce  qui  pouvait 
intéresser  la  gloire  du  sire  de  Beaujeu,  que  nous 
ne  retrouvons  plus  qu'une  seide  fois  depuis  la 
bataille  de  la  iNIassoure  :  c'est  lorsque  Joinville  le 
rencontra,  blessé  et  presque  mourant,  près  de  Da- 
miette.  A  partir  de  cette  époque ,  l'histoire  contem- 
poraine garde  le  plus  profond  silence  sur  ce  prince. 

Selon  quelques  auteurs,  il  mourut  à  Damiette, 
en  1  2o0  ,  des  suites  de  ses  blessures  et  de  la  con- 
tagion; selon  d'autres,  ce  fut  en  Chypre  qu'il  j)erdit 
la  vie ,  à  son  retour  en  France.  Son  corps  fut  ap- 
porté à  Cluuy ,  où  il  est  inhumé. 

Marguerite  de  Beaugé  survécut  j)eu  à  son  mari, 
et  mourut  en  l2ol.  Cette  princesse  a  laissé  une 
réputation  de  piété  et  de  vertu.  Elle  lit  plusieurs 
fondations  qui  viennent  à  l'appui  de  cette  opinion  : 
elle  créa  et  dota,  en  1230,  la  chartreuse  de  Po- 
letins  en  Bresse,  et  lui  assura,  avant  de  mourir, 
le  maix  de  la  Bèce  es  paroisses  de  Blacé  et  St-Julien- 
sous-Montmelas.  Cette  donation  fut  passée  le  1®' 
janvier  1  251  ,  sous  le  sceau  des  abbés  de  Belleville 
et  de  Joug-Dieu.  C'est  à  ce  monastère  de  Poletins 
que  Marguerite  voulut  être  enterrée. 

De  son  mariage  avec  Humbert  V  sont  issus  : 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  107 

1  °  Guicliard ,  qui  succéda  à  son  père ,  et  dont 
l'article  suit  ; 

2°  Isabeau,  mariée  d'abord  à  Simon,  seigneur 
de  Luzy  et  de  Semur-en-Brionnais,  puis  à  Renaud, 
premier  du  nom,  comte  de  Forez,  en  1247  :  elle 
fut  dame  de  Beaujeu  après  la  mort  de  son  frère 
Guichard ,  comme  nous  le  verrons  ])kis  bas  ; 

3"  Florie,  mariée  en  1243  à  Aymard  de  Poi- 
tiers ,  comte  de  Valentinois  et  de  Diois  :  elle  eut  en 
dot  la  seigneurie  de  Belleroche  en  Beaujolais  ; 

4°  Béatrix ,  qui  épousa  Robert  de  Montgascon , 
seigneur  dudit  lieu ,  d'Ennazat ,  de  Montredon  et 
de  Pontgibaut  ; 

5°  Guy,  évêque  d'Auxerre,  qui  fut  l'un  des 
chefs  de  l'armée  que  Charles  d'Anjou,  frère  de  saint 
Louis,  mena  en  Sicile  en  126S  ; 

6°  Jeanne  ,  religieuse ,  puis  prieure  de  la  char- 
treuse de  Poletins. 

Claude  Pa  radin  et  Se  vert  nomment  encore  trois 
filles,  mais  leur  opinion  n'est  appuyée  sur  aucun 
titre. 

GUICHARD  IV. 

Guichard  IV  succéda,  en  1  250 ,  à  son  père  Hum- 
bert  en  la  seigneurie  de  Beaujeu,  mais  non  en  la 
dignité  de  connétable,  comme  le  prétendent  Se- 
verl ,  la  Chronique  manuscrite  de  Belleville  et  l'Art 


108  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

de  vérifier  les  dates.  Ce  fut  Gilles-le-Brun ,  sei- 
gneur de  Trasignies ,  qui  reçut  i'épée  de  connétable 
après  la  mort  d'Humbert.  Jamais,  d'ailleurs,  Gui- 
chard  IV  ne  prit  cette  qualité  dans  les  différentes 
chartes  que  nous  avons  de  lui.  L'histoire  ne  le  re- 
pi'ésente  point  comme  un  prince  guerrier,  mais 
sage  dans  les  conseils,  pieux  et  dévoué  aux  intérêts 
de  ses  sujets,  à  qui  il  accorda  d'immenses  privi- 
lèges. 

Le  premier  acte  que  nous  ayons  de  Guichard 
est  un  aflranchissement,  du  mois  de  mars  1 232,  en 
faveur  de  la  prieure  et  des  religieuses  de  Poletins  : 
il  leur  remit  tout  ce  qui  lui  restait  au  maix  de  la 
Bèce ,  à  la  réserve  de  la  justice  sur  les  adultères, 
homicides  et  larrons.  Cette  cession  fut  faite  par  les 
conseils  de  (Guillaume  de  Chabeu ,  palatin  de 
Riotiers;  de  Hugues  ])alatin ,  de  Guichard  et  de 
Hugues  de  Marzé,  chevaliers,  ses  conseillers,  et 
sous  les  sceaux  des  abbés  de  Belleville  et  de  Joug- 
Dieu. 

La  même  année,  et  au  mois  de  juin,  il  accorda 
des  privilèges  à  la  ville  de  Miribel. 

Les  Chartreux  de  Montmerle,  qu  il  affectionnait, 
eurent  part  à  ses  libéralités  ;  car  nous  voyons  un 
titre  (bi  mois  d'avril  12.34,  par  lequel  il  leur  ac- 
corde l'exemjition  de  son  péage  de  Belleville  pour 
toutes  les  denrées  qu'ils  feraient  venir  par  la  Saône. 

A.U  mois  de  novembre    12f)0.  il  confirma   aux 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  09 

habitants  de  Villefranche  les  privilèges  qui  leur 
avaient  été  ci-devant  accordés  par  ses  prédéces- 
seurs, et  notamment  ])ar  Humbert  de  Beaujeu, 
connétable ,  son  père.  Cette  reconnaissance ,  ti-op 
longue  pour  être  rapportée  ici ,  se  verra  en  entier 
à  l'article  de  Villefranche.  Elle  offre  des  passages 
curieux  à  méditer,  et  peut  donner  une  idée  assez 
exacte  des  mœurs  du  temps.  A  cet  acte  intervinrent 
vingt  chevaliers  des  plus  qualifiés  de  la  seigneurie 
de  Beaujeu,  qui  en  jurèrent  le  maintien  et  l'obser- 
vation. Parmi  eux  on  distingue  Hugues  palatin, 
seigneur  de  St-Bernard;  Hugues  deMarzé,  Etienne 
de  Pizevs,  Guillaume  de  Marzé,  Guichard  de  la 
Douze  ,  Josserand  de  Francheleins,  Barthélémy  de 
Laye ,  Guy  de  Mont-d'Or ,  Hugues  de  Thélis , 
Hugues  de  Taney ,  Girin  de  Vaux ,  Guillaume  de 
Verneys  ,  Dalmas  de  Rabutin,  et  Etienne  de  Fou- 
gères. 

Au  mois  de  mai  1 264,  le  sire  de  Beaujeu  vendit 
le  château  de  St-Bernard  sur  la  Saône  aux  doyen 
et  chapitre  de  Lyon,  moyennant  le  prix  de  5,500 
livres  viennoises.  Il  l'avait  acquis  précédemment 
du  palatin  de  Riotiers. 

Guichard  n'eut  d'autres  démêlés  avec  ses  voisins 
que  ceux  qui  résultèrent  de  l'ancienne  prétention 
des  sires  de  Beaujeu  à  l'hommage  des  sires  de 
Thoire  et  de  Villars  ;  mais  il  n'insista  pas ,  et  les 
choses  se  terminèrent  sans  effusion  de  sang. 


110  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Enfin,  au  mois  de  janvier  1264,  le  roi,  qui 
avait  souvent  pris  les  conseils  de  Guichard  ,  l'en- 
voya comme  ambassadeur  en  Angleterre  ,  oiî  il 
mourut  le  9  mai  1263.  «  H  fut  fort  plaint  et  re- 
«  gretté  de  toute  manière  de  gens ,  »  dit  une  vieille 
chronique  manuscrite ,  «  car  ce  fust  en  son  temps 
«  ung  sage  prince  et  de  bonne  conduite  :  par  quoy 
ce  ce  fust  une  moult  grant  perte  tant  pour  le 
c<  royaume  que  pour  son  pays  et  ses  parens.  «  Son 
corps  fut  apporté  à  Belleville  et  inhumé  dans  le- 
glise,  entre  le  grand  autel  et  celui  de  St-Pierre,  où 
sa  veuve  lui  fit  élever  un  fort  beau  monument ,  dé- 
truit ensuite  par  les  huguenots. 

Guichard  avait  é])ousé  Blanche  de  Chàlon,  dame 
de  Broyé  et  de  Fontainc-Màcon,  veuve,  à  ce  que 
l'on  croit,  de  Béraud  de  Mercœur.  Uuchesne,  Se- 
vert  et  Guichenon  se  sont  évidennnent  trompés,  en 
disant  que  lîlanche  n'épousa  Béraud  de  Mercœur 
qu'après  la  mort  de  Guichard  de  Beaujeu  son  j)re- 
mier  mari.  Justel  nous  apj)rcnd  que  Béraud  mou- 
rut en  l2ol  ;  et  Louvet,  en  suivant  Justel ,  nous 
paraît  être  dans  le  vrai  en  faisant  de  ce  Béraud  le 
premier  mari  de  Blanche. 

Cette  j)rincesse  eut  pour  douaire  la  seigneurie 
de  Belleville.  Après  la  mort  de  son  mari,  elle  re- 
nonça au  monde ,  se  retira  à  Lyon  et  y  fonda  le 
monastère  de  la  Déserte;  ce  que  Rubis  nous  aj)- 
prend  en  ces  termes  :  f<  Cependant  je  ne  veux  ou- 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  1  1  I 

blier  que  ce  fut  régnant  en  France  le  bon  roy 
saint  Louys ,  que  Madame  Blanche  de  Chalon ,  re- 
laissée de  Guychard  IV  du  nom,  sire  de  Beau- 
joulois ,  et  fille  de  ce  Jean  de  Bourgoigne  qui 
esj)ousa  Maliaut,  contesse  de  Chalon  ,  et  à  cause 
d'elle  fut  conte  de  Chalon ,  quictant  le  monde 
fonda  l'abbaye  des  Dames  de  la  Déserte,  où  elle 
se  retira  avec  bon  nombre  d'autres  bonnes  dames 
pour  y  passer  le  reste  de  leurs  jours  soubs  la  reigle 
de  Madame  Ste  Clere  ;  et  fut  ce  lieu  de  sa  re- 
traicte  appelé  la  Déserte ,  parce  que  c'estoit  lors 
un  lieu  désert  hors  la  ville  et  esloigné  de  voi- 
sins. Il  est  aujourd'huy  dans  l'encloz  de  la  ville, 
et  ne  s'y  veoit,  ny  en  la  vie  ny  en  l'habit  des 
dames,  aucun  vestige  ny  marque  de  Ste  Clere.  » 
Blanche  ne  quitta  pins  son  monastère  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  vers  l'année  1 304.  Elle  laissa  de 
grands  biens  à  cette  communauté,  ainsi  qu'aux  Cor- 
deliers  de  Villefranche. 

On  connaît  deux  testaments  de  Guichard  IV.  Par 
le  premier,  sans  date  ,  déposé  aux  archives  de  l'é- 
glise collégiale  de  Beaujeu,  il  déclare  que  s'il  meurt 
sans  enfants  il  donne  ses  terres  de  Beaujeu  et 
d'Auvergne  à  sa  sœur ,  celles  de  Bugey  à  Guichard 
de  Comborn,  fils  de  Guichard;  et,  si  sa  sœur  dé- 
cédait sans  lignée ,  il  fait  son  héritier  universel  ce 
même  Guichard  de  Comborn ,  à  condition  que  sa 
mère  vivrait  en  paix  avec  l'église  de  Cluny,  en  la- 


112  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUK 

quelle  il  veut  être  enterré,  et  qu'il  gratifie,  à  cet 
effet,  de  dix  livres  de  rente.  Il  laisse  la  somme  de 
six  livres  à  l'église  collégiale  de  Beaujeu  ;  aux  Tem- 
pliers de  Jérusalem,  son  cheval  et  son  palefroi  avec 
leurs  selles,  son  épée  et  son  bouclier,  enfin,  à 
l'Hôtel-Dieu  de  Jérusalem,  sa  cuirasse  et  ses  cuis- 
sards. Il  confirme  à  Eustache  de  Cliastelux  la  terre 
dont  il  l'avait  gratifié ,  et  ordonne  qu'il  sera  délivré 
aux  Chartreux  d'Arvières  autant  de  terre  qu'il  en 
faut  pour  faire  labourer  une  charrue  ;  recommande 
l'exécution  de  son  testament  à  Hugues  de  Poudras, 
à  Hugues  de  Uonchivol ,  à  Guichard  de  Marzé ,  et  à 
Umphred  de  jMarchampt  son  maître  d'hôtel ,  leur 
enjoignant  de  garder  soigneusement  ses  châteaux  et 
forteresses  jusqu'à  l'exécution  de  sesdiles  volontés. 
Par  un  second  testament  du  samedi  après  la 
Toussaint  1263  ,  étant  au  moment  d'aller  en  An- 
gleterre ,  il  nomma  son  héritière  universelle  Isabelle 
de  lîeaujeu,  comtesse  de  Porez ,  sa  sœur,  et  après 
son  décès  Guyot  de  Forez  son  fils,  et,  à  défaut  de 
celui-ci,  Louis  et  Guichard  de  Forez,  ses  autres 
enfants.  11  légua  à  Humbert  de  Beaujeu ,  seigneur 
de  Montpensier  ,  son  cousin ,  ses  terres  de  Valro- 
mey  et  Bugey,  ainsi  que  tous  les  châteaux,  fiefs  et 
hommages  qu'il  possédait  entre  les  rivières  d'Allier 
et  de  Loire,  à  la  charge  par  ledit  Humbert  de  don- 
ner à  Louis  et  Fric  de  Beaujeu,  ses  frères,  60  livres 
de  rente  à  chacun.    Il   lit  aussi  quelques  légats  à 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  113 

Fouques  de  Montgascon  et  à  Aymar  de  Poitiers 
ses  neveux ,    ainsi  qu'à  Blanche   de   Cliàlon   son 
épouse ,  à  qui  il  confirma  la  jouissance  de  sa  sei- 
gneurie de  Belleville  pour  son  douaire.  Il  donna 
au  sire  de  Thoire  et  de  Villars  le  village  de  St- 
Germain  en  Bresse,  et  fit  quelques  libéralités  aux 
églises  de  Belleville,  de  Joug-Dieu,  de  Grandmont, 
à  l'Hôtel-Dieu  d'Aigueperse,   à   la  chartreuse  de 
Poletins;  à  sa  sœur,  prieure  dudit  Poletins;  à  l'é- 
glise de  la  Boisse,  aux  Frères  mineurs  de  Ville- 
franche,  à  Guignes  de  Villon,  à  Hugues  et  à  Gui- 
chard  palatin,  à  Girard  de  Martigny,  à  Aymond 
palatin,  à  Etienne  de  Pizeys,  à  Hugues  de'Pizeys 
doyen  de  Beaujeu,  et  au  monastère  de  Gigny.   Il 
ordonna  ,  enfin  ,  que  les  Juifs  seraient  chassés  de 
toutes  ses  terres.  Les  exécuteurs  de  sa  volonté  fu- 
rent l'évéque  de  Màcon ,  Hugues  de  Pizeys  doyen 
de  Beaujeu,  son  chapelain,  et  Etienne  de  Pizeys, 
chevalier. 

En  Guichard  IV  finit  l'illustre  famille  de  Beau- 
jeu  ,  dont  les  biens  immenses  passèrent  dans  celle 
des  comtes  de  Forez  par  Isabelle  de  Beaujeu. 


'i'^Sît^S^ 


SECONDE  RACE  DE  BEAUJEU, 

ISSUE  DES  COMTES  DE  FOREZ  ET  D'ISABELLE  DE  BEAUJEU 


Nous  avons  dit,  à  l'article  de  Humbert  V  de  Beau- 
jeu,  que,  pai  l'accord  fait  entre  kii  et  Guignes  IV, 
comte  de  Forez,  au  mois  de  décembre  1239  ,  il 
demeura  convenu  qu'Humbert  donnerait  une  de 
ses  filles  en  mariage  au  fils  de  Guigues.  C'est  en 
vertu  de  ce  pacte  qu'Isabelle  de  Beaujeu  épousa, 
en  1247,  le  second  fils  de  Guigues,  nommé  Re- 
naud, qui  devint  lui-même  comte  de  Forez  par  le 
décès  de  son  frère  aîné.  Isabelle,  instituée  héritière 
de  son  frère  Guichard  IV,  sire  de  Beaujeu,  recueillit 
sa  succession  et  devint  dame  de  Beaujeu,  mais  non 
sans  conteste  ;  car  ses  neveux ,  Aymar  de  Poitiers 
et  Fouques  de  Montgascon,  lui  disputèrent  ce  riche 
héritage  au  nom  de  leurs  mères,  Florie  et  Béatrix  de 
Beaujeu,   sœurs  d'Isabelle,   et  lui  intentèrent  un 


116  GBIVEALOGIE  HISTORIQUE 

procès  en  revendication  de  leurs  parts  en  la  sirerie 
de  Beaujeu.  L'aiî'aire  prit  une  telle  gravité  qu'elle 
fut  portée  à  la  cour  du  roi  saint  Louis,  qui  en  remit 
l'examen  à  Philippe,  doyen  de  Bourges,  et  à  Re- 
naud de  INIormand,  chevalier.  Leur  rapport  de 
l'année  1268  provoqua  un  arrêt  du  parlement  de 
Paris,  de  la  Pentecôte  1269,  par  lequel  il  fut  dit 
que  la  terre  de  Beaujeu  n'était  pas  divisible,  et 
qu'elle  appartenait  à  Isabelle  comme  ainée  de  la  fa- 
mille. 

Devenus  paisibles  possesseurs  de  la  seigneurie  de 
Beaujeu  et  de  la  partie  de  Bombes  qui  en  dépen- 
dait, Renaud  de  Forez  et  Isabelle  sa  femme  lirent 
d'assez  nombreuses  donations  aux  corps  religieux,  et 
notamment  aux  chartreuses  de  Poletins,  au  couvent 
de  Chassagne  et  autres.  Ils  reçurent,  en  1271, 
l'hommage  d'Humbert ,  sire  de  Thoire  et  de  Vil- 
lars ,  ])our  les  bourgs  de  Villars ,  la  Poype  de  Mon- 
thieu,  et  les  châteaux  de  Loyes,  de  Montellier  et  de 
Corsieu  ,  ainsi  que  pour  la  maison  de  Ste-Olive.  Ils 
confirmèrent  ensuite  les  j)riviléges  des  habitants  de 
Villeneuve  ,  de  Lent  et  de  Chalamont  en  Dombes. 

Isabelle  ayant  négocié  le  mariage  de  son  fils 
Louis  avec  Eléonore  de  Savoie ,  prit  la  résolution 
de  lui  relâcher  ses  terres  de  Beaujolais  et  de 
Dombes  en  faveur  d'à  ne  aussi  brillante  alliance  ; 
ce  qui  eut  lieu  en  1272,  sous  la  réserve  des  châ- 
teaux de  Pouilly  et  de  Moutnielas   en  Beaujolais , 


DES    SIRES    DE    liEAL'JEU.  I  1  7 

et  de  Lent  en  Dombes,  qu'elle  garda  sa  vie  durant. 
Le  comte  de  Savoie  donna  à  Louis  de  Forez  l'in- 
vestiture de  Chàteauneuf,  de  Virieu-le-Grand  et 
de  Cordon,  qui  étaient  de  son  fief.  Enfin,  le  jeune 
prince  prit  possession  de  la  baronnie  de  Beaujeu  et 
de  ce  qui  en  dépendait  en  Dombes.  Sa  mère  Isabelle 
en  instruisit  sur-le-champ  le  duc  de  Bourgogne  par 
la  lettre  suivante  : 

«  A  son  très  chier  seignor  et  haut  baron  Robert, 
duc  de  Bourgoigne  ,  Isabels,  contesse  de  Forets 
et  dame  de  Belgeu,  veraye  amor;  com  nos  aions 
doné  et  octroie  à  Lois,  nostre  chier  fils,  la  terre 
et  la  baronie  de  Belgeu ,  et  l'aions  mis  en  posses- 
sion des  chastels ,  des  villes  et  des  appartenances  : 
nos  vos  prions,  Sire,  que  vostre  plaisir  soit  que  vos 
li  recevoiez  à  vostre  home ,  quar  nos  volons  et 
commandons  que  il  face  à  vos  homaige  et  feaulté, 
en  celle  manière  que  nostre  deuancier  l'ont  faict 
es  vostres.  Douées  le  mercredy  deuant  Pasques 
flories,  l'an  de  Nostre  Seignor  mil  deux  cent 
sexante  et  douze  à  Sarien  le  Contey.  >:> 

LOUIS. 

Aussitôt  après  la  cession  faite  par  Isabelle  de  Beau- 
jeu  à  son  fils  ,  celui-ci,  accompagné  de  sa  mère ,  vint 
prendre  possession  de  la  baronnie  de  Beaujolais, 


1  1  8  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

et,  quittant  le  nom  de  Forez,  prit  celui  de  Beaujeu 
avec  les  armes  pleines  de  cette  famille.  Sa  mère  , 
qui  pour  lors  était  veuve,  se  fixa  auprès  de  lui,  et 
])araît  ne  pas  avoir  été  étrangère  à  son  gouverne- 
ment; car  on  la  voit  figurer  plusieurs  fois  dans  des 
chartes  du  temps,  notamment  dans  l'aveu  rendu 
l'an  12.74  par  Gauthier  de  Chàtillon  «  à  la  dame 
ce  comtesse  de  Forez  et  dame  de  Beaujeu ,  et  à 
"  Louis,  seigneur  de  Beaujeu,  son  fils.  «  Etait-ce 
une  simple  déférence  de  son  fils,  ou  cette  princesse 
avait-elle  conservé  une  partie  de  ses  droits  sur  le 
Beaujolais?  Il  est  difficile  de  décider  celte  question. 
Louis  de  Beaujeu  eut  un  grave  différend  avec 
Henri,  seigneur  de  Varax,  et  Girard  son  fils,  sur- 
nommé la  Guêpe.  Les  griefs  dataient  de  loin ,  et 
remontaient  à  plusieurs  générations.  Enfin  Phi- 
lippe, comte  de  Savoie,  les  accommoda  et  leur  fit 
souscrire  un  traité  à  Bourg  le  jour  de  saint  André 
apôtre,  1277.  Ij'extrait  de  ce  traité,  que  nous  em- 
pruntons à  Louvet ,  va  nous  faire  connaître  les 
détails  de  cette  affaire.  Il  demeura  donc  convenu 
"  que  Henri  de  Varax  et  son  fils  Girard  quittoient 
«  et  remeitoient  à  la  dame  Isabelle  de  Beaujeu  et 
«  à  son  fils  les  quatre-vingts  grosses  bètes  qui  au- 
«  trefois  avoient  été  prises  i)ar  Humbert  de  13eaujeu, 
«  père  de  ladite  dame,  dans  la  terre  dudit  seigneur 
"  de  Varax,  et  lui  quittoient  tout  le  dommage  que 
«  ledit  Humbert  avoit  causé  dans  sadite  terre,  qu'il 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  119 

<  estimoit  à  mille  livres  viennoises.  Ledit  Henri 
«  et  son  fils  quittèrent  encore  les  dix-sept  mas  de 

<  terre  dont  ils  demandoient  la  restitution  à  ladite 
<■  dame.  Ledit  Henri  leur  quitta  encore  tout  le 

<  dommage  que  le  châtelain  de  Chalamont  avoit 
<■  fait  en  sa  terre,  qu'il  estimoit  trente  livres  vien- 
'  noises.  Ils  leur  quittèrent  encore  l'affront  et  l'in- 
'  jure  qu'ils  avoient  reçus  en  la  prise  et  contreprise 

dudit  Henri  par  ledit  seigneur  de  Beaujeu.  Le 
seigneur  La  Guespe  remit  encore  au  seigneur  de 

<  Beaujeu  le  dommage  qui  leur  avoit  été  fait  par 

<  ses  gens  dans  le  fief  du  comte  de  Savoie.  Ils  re- 
'  mirent  encore  la  main-levée  et  les  cautions  don- 
t  nées  par  Barthélémy  Magny ,  bourgeois  de  Ville- 
c  franche  ,  que  le  sieur  La  Guespe  avoit  pris  et 
'  mené  prisonnier  à  Prusilly.  Ils  quittèrent  encore 
'  les  mains-levées  et  cautions  données  sur  toutes 
■<■  les  métairies  par  les  sept  hommes  de  Chalamont, 

<  ou  de  la  chàtellenie  de  Chalamont,  que  ledit  I^a 
'  Guesj)e  avoit  pris  et  menés  prisonniers  à  Pru- 
i  silly.  Et  ])Our  l'amende  et  l'honneur  de  ladite 

<  comtesse  et  de  son  fils ,  ledit  sieur  La  Guespe 
'  lui  doit  faire  hommage  de  cent  sols  viennois  an- 
nuels qu'il  a  pris  en  fief  de  ladite  dame  ,  et  tant 
qu'il  vivra  sera  homme  de  ladite  dame,  et  après 
son  décès  il  le  deviendra  de  son  fils.  A  la  pareille, 

'  ladite  dame  et  son  fils  quittèrent  et  remirent 
<■  audit  seigneur  de  Varax  et  à  son  fils  toute  la 


120  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

haine,  rancœur,  injures  et  torts  qu'eux  et  les 
leurs  avoient  faits  jus([u'au  jour  présent  dudit  ac- 
cord ,  en  sorte  que  tout  dommage  fut  compensé 
de  part  et  d'autre.  Et  après  fat  ordonné,  du  con- 
sentement des  parties,  qu'on  choisiroit  huit  prud'- 
hommes, quatre  de  chaque  côté,  qui  jureroient 
ez  mains  du  seigneur  Guignes  de  \'illars  et  du 
châtelain  de  Bourg,  de  bien  et  fidèlement  limiter 
et  faire  la  séparation  du  mas  de  Rosine;  et  au  cas 
que  si  ces  huit  prud  hommes  disent  que  ledit 
mas  appartient  à  ladite  comtesse,  il  lui  demeu- 
reroit,  sinon  seroit  restitué  et  rendu  au  sieur  de 
Varax ,  et  aussi  le  mas  ap])elé  Rosanice  demeu- 
reroit  en  paix  audit  seigneur;  et  pour  ce  qui  est 
du  péage,  que  le  sieur  de  Varax  prétendoit,  il 
s'en  tiendroit  à  ce  que  le  sieur  -Ciuigues  de  \  illars 
et  le  châtelain  de  Bourg  en  ordonneroient ,  en 
sorte  qu'il  seroit  terminé  par  arbitrage.  D  autre 
part,  le  seigneur  comte  de  Savoie  remit  et  quitta 
à  ladite  dame  comtesse  et  à  son  fils  tous  les  torts 
et  griefs  quils  avoient  commis  dans  son  iief,  et 
pareillement  ladite  dame  et  son  fils  quilloient  en- 
tièrement tout  ce  que  le  chacipol  de  Chàtillon 
et  ses  gens  avoient  tait  aux  gens  du  seigneur  de 
Beaujeu.  Ce  qui  fut  juré  de  })art  et  d'autre  sur  les 
saints  Evangiles  et  signé  et  scellé  des  seings  et 
sceaux  des  deux  parties,  auxquels  Jacques  .lust, 
juge  en  toutes  les  terres  de  Viennois  et  de  Bourg 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  121 

«  pour  le  comte  de  Savoie,  ap})osa  le  sceau  de  la  cour 
«.  dudit  seigneur  comte ,  à  la  ])rière  des  deux  parties, 
«  pour  marque  d'une  longue  durée,  et  à  ce  que  au- 
«  cune  desdites  parties  ne  présume  de  venir  au  con- 
te  traire.  " 

Nous  nous  sommes  un  peu  étendu  sur  cet  ac- 
cord et  en  avons  rapporté  ce  long  extrait,  pour  mon- 
trer quelle  était  à  cette  époque  la  manière  d'être  des 
seigneurs  entre  eux  et  la  nature  des  querelles  qui 
souvent  venaient  ensanglanter  le  sol  seigneurial. 

Au  mois  de  novembre  1  282  il  intervint  un  traité 
entre  Louis,  seigneur  de  Beaujeu,  et  l'abbé  de 
Cluny  ,  relativement  au  droit  de  guet  et  garde  que 
ledit  seigneur  prétendait  avoir  dans  les  doyennés  et 
prieurés  de  Cluny,  situés  entre  les  rivières  de  Loire 
et  de  Saône.  Par  ce  traité  l'abbé  racheta  ce  droit 
moyennant  la  somme  de  cinq  cent  cinquante  livres 
viennoises;  mais  ]ilus  tard  ce  droit  fut  méconnu  :  les 
gens  du  sire  de  Beaujeu,  ne  tenant  aucun  compte 
de  ce  rachat,  imposèrent  aux  tailles  les  habitants 
des  doyennés  de  Limas  et  d'Arpayé ,  dépendant  de 
Cluny,  et  y  mirent  des  capitaines  pour  y  com- 
mander. Un  procès  s'ensuivit;  mais  enfin  un  nouvel 
accord  fut  conclu ,  par  lequel  la  nomination  des 
capitaines  fut  attribuée  à  l'abbé  de  Cluny  ,  à  la 
charge  par  eux  toutefois,  après  leur  nomination, 
de  jurer  fidélité  aux  sires  de  Beaujeu.  Quant  à  la 
taille ,  il  fut  convenu  que  les  habitants  n'en  seraient 


122  GÉKÉALOGIE  HISTORIQUE 

chargés  que  dans  le  cas  d'une  guerre  dans  le  pays, 
jiour  le  roi  ou  pour  ledit  seigneur. 

Louis  donna,  en  1  286,  au  chapitre  de  Beaujeu, 
la  forêt  de  Ronzière,  pour  l'anniversaire  fondé  en 
ladite  église  par  son  oncle  Guichard,  et  pour  faire 
prier  pour  lame  de  ses  père  et  mère  et  de  sa  sœur 
Marguerite. 

Le  lundi  après  la  St-Nicolas  d'hiver  1  288 ,  il 
fonda,  de  concert  avec  févèque  dAutun,  le  cha- 
pitre d'Aigueperse  en  Beaujolais,  sous  le  vocable 
de  Ste-Marie--Madeleine  ,  et  le  composa  d'un  doyen 
et  de  onze  chanoines ,  dont  (juatre  à  la  no- 
mination dudit  seigneur  ;  et  au  cas  où  le  nombre 
viendrait  à  s'augmenter,  il  demeura  convenu  que 
le  sire  de  Beaujeu  aurait  toujours  la  nomination  du 
tiers  des  titulaires.  Il  gratifia  ces  chanoines  de  la 
justice,  juridiction  et  droits  quil  pouvait  avoir  lui- 
même  dans  la  ville  d'Aigueperse ,  leur  attribuant  la 
connaissance  des  causes  civiles  et  criminelles,  avec 
pouvoir  de  nommer  et  instituer  un  prévôt  et  un 
juge  à  vie  jtour  l'exercice  de  ladite  justice;  se 
réservant  cependant  que,  si  la  sentence  ordonnait 
la  mutilation  des  membres  ou  la  mort,  les  olficiers 
seuls  du  sire  de  Beaujeu  auraient  pouvoir  de  l'exé- 
cuter, et  «pie,  dans  ce  cas,  le  juge  d'Aigueperse 
serait  tenu  de  livrer  le  coupable,  nu,  en  chemise 
et  caleçon,  sur  les  limites  de  sa  juridiction  ,  pour 
être  procédé  à  l'exécution  de  la  sentence.  La  moitié 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  123 

(les  biens  meubles  des  condamnés  devait  appartenir 
au  chapitre,  et  l'autre  moitié  au  seigneur.  Quant 
aux  immeubles,  ils  devaient  revenir  à  celui  à  qui 
appartenait  la  directe  ou  censive  du  lieu  où  ils 
étaient  situés;  le  juge  ou  prévôt  dudit  Aigueperse 
était  tenu  de  recevoir  les  amendes,  et  d'en  re- 
mettre le  montant  moitié  au  chapitre  et  moitié  au 
seigneur,  qui  se  réservait,  dans  tous  les  cas,  le 
ressort  en  cas  d'appel  des  sentences.  Louis  accorda 
encore  aux  chanoines  le  droit  de  nommer  des  fores- 
tiers dans  tous  leurs  bois  et  garennes,  et  sur  les  ri- 
vières et  eaux  coulantes  des  paroisses  de  St-Bonnet, 
d' Aigueperse  et  de  St-Igny ,  et  depuis  la  métairie  de 
Ceux  jusqu'à  la  maison  des  Replats  qui  apparte- 
nait à  Pierre  de  Viendos ,  chevalier ,  se  réser 
vant  pour  lui  et  ses  successeurs  le  droit  de  pèche 
pour  son  gite  lorsqu'il  passera  ou  séjournera  audit 
lieu,  ou  la  dame  de  Beaujeu,  ou  quelqu'un  de  leurs 
enfants.  Les  chanoines  eurent  le  droit  de  con- 
struire un  cloître  dont  l'intérieur  devait  être  exempt 
de  toute  juridiction  quelconque  de  la  j)art  des 
seigneurs  de  Beaujeu,  et  jouir  des  mêmes  privi- 
lèges que  les  églises.  Ils  reçurent  encore  soixante- 
dix  souldées  à  prendre  sur  la  terre  de  Chevagny, 
située  en  la  paroisse  d' Aigueperse. 

Louis  de  Beaujeu  eut  des  démêlés  assez  graves 
avec  Humbert  de  Villars  et  Humbert  de  Montluel, 
d'où   s'ensuivit  une   guerre  assez  acharnée.   Mais 


124  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

leurs  amis  parvinrent  à  leur  faire  nommer  des  arbi- 
tres, qui  furent  Humbert  dauphin  de  Viennois, 
Jean  de  Chàlon  comte  d'Auxerre ,  et  noble  homme 
Guy  de  St-Trivier,  à  qui  ils  remirent  leurs  pleins 
pouvoirs  en  1291  ,  avec  promesse  d'accepter  leur 
sentence  sous  peine  de  trois  mille  marcs  d'argent 
d'amende.  Comme  il  n'advint  aucune  sentence  à  la 
suite  de  ce  compromis ,  il  est  à  croire  que  chacune 
des  parties  se  iponlra  peu  désireuse  de  s'y  sou- 
mettre, et  que,  pour  éviter  de  plus  grands  maux, 
les  arbitres  ne  jugèrent  pas  convenable  de  s'en 
occuper  davantage. 

Un  traité  ayant  eu  lieu  en  1 294  entre  Amé  V 
dit  le  Grand  ,  comte  de  Savoie,  et  Pliilippe  de  Sa- 
voie, prince  d'Achaie,  son  ne\eu  ,  le  sire  de  Beau- 
jeu  et  son  fils  Guichard  y  assistèrent  comme  parents. 

La  seigneurie  de  Miribol ,  possédée  par  les  sei- 
gneurs de  Beaujeu,  s'étendait  jusqu'à  Lyon  et  em- 
brassait même  les  faubourgs  de  St-Clair,  de  la 
Croix-Rousse  et  des  Broteaux  du  Rhône.  Ce  voi- 
sinage était  vu  de  mauvais  œil  par  les  archevêques; 
aussi  la  justice  de  Miril)el  eut  souvent  de  graves 
démêlés  avec  celle  de  l'église  de  Jiyon,et  j)lus  dune 
lois  l'animosité  avait  porté  les  deux  ])artis  à  des  ex- 
trémités Hicheuses.  A  lepoque  où  nous  sommes  , 
l'exaspération  était  parvenue  à  son  comble.  Louis 
de  Beaujeu,  sous  prétexte  d'une  nouvelle  injustice, 
fil  irruj)tion  sur  les  terres  de  l'archevêque ,  mit  tout 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  125 

à  sac  et  se  retira ,  emmenant  avec  lui  grand  nombre 
de  prisonniers  et  tous  les  bestiaux  dont  il  put  s'em- 
parer. L'archevêque  de  Lyon  essaya  vainement  de 
résister,  il  n'était  pas  en  mesure  de  le  faire,  et  n'eut 
d'autre  ressource  que  les  censures  ecclésiastiques; 
il  fulmina  l'excommunication  contre  le  sire  de 
Beaujeu. 

Ce  prince  avait  épousé,  en  1272,  Léonore  de 
Savoie,  fille  de  Thomas  de  Savoie,  comte  de  Mau- 
rienne,  de  Flandres,  de  Hainault  et  prince  de  Pié- 
mont, et  de  Béatrix  de  Fiesque.  Cette  princesse 
reçut  en  dot  sept  mille  livres ,  pour  sûreté  des- 
quelles Louis  de  Beaujeu  son  mari  lui  assigna  les 
seigneuries  de  Miribel  et  de  Montanay  en  Bresse, 
celles  de  Chalamont  en  Bombes ,  de  Meximieux  et 
du  bourg  de  St-Christophe  en  la  Valbonne. 

Par  son  testament  du  mois  de  mai  1295,  Louis 
ordonna  que  son  corps  fût  transporté  à  Belleville 
pour  y  être  placé  au  même  tombeau  que  son  oncle 
Guichard.  Il  veut  que  son  héritier  commence  par 
payer  tous  ses  légats ,  aumônes  et  dettes  quelcon- 
ques ;  il  ordonne  ensuite  la  fondation  d'un  anniver- 
versaire  dans  ladite  église  de  Belleville  pour  le  repos 
de  son  àme  et  de  celles  de  ses  prédécesseurs  les  sires 
de  Beaujeu,  ainsi  que  la  célébration  d'une  messe 
quotidienne  pour  le  même  objet ,  et  laisse  pour 
cela  à  ladite  église  douze  livres  viennoises  de  re- 
venu. Suivent  ensuite  de  nombreux  legs  aux  églises 


1  26  GKNÉALOGIE  HISTORIQUE 

(le  Bcaiijeu,  de  Cluny ,  de  Joug-Dieu,  de  l'Ile- 
Barbc,  de  Savigny ,  de  la  Chassagne,  de  St-Ram- 
bert,  de  Grammont,  à  la  charge  par  elles  de  jnier 
pour  son  àme;  d'autres  encore  aux  monastères  d'Al- 
verin,  de  Poletins,  des  Cordeliers  de  Villefranche, 
des  Cordeliers  et  des  Jacobins  de  Lyon,  de  Màcon 
et  de  Montbrison.  Il  nomme  son  héritier  universel 
Guichard  son  fils  aîné ,  et  lui  substitue,  à  défaut  de 
lignée,   Humbert ,  Thomas.    Guillaume,   Louis, 
puis  leurs  sœurs  Marguerite,  Aliénor,  Jeannette, 
Isabelle ,  Béatrix  et  Catherine.  Il  ordonne  à  son  fils 
et  héritier  de  se  gouverner  par  les  conseils  de  sa 
mère  et  de  Guy  de  St-Trivier.  Il  lègue  à  Ilumbcrt, 
à   Thomas,  à  Guillaume  et  à  Louis  de  Beaujeu 
trois  cents  livres  viennoises  de  revenu  annuel  et 
viager.  Il  déclare  que  sa  fille  Marguerite  a  reçu ,  à 
l'époque  de  son  mariage ,  tant  de  la  fortune  pater- 
nelle que  des  deniers  de  l'illustrissime  ]Marguerite , 
reine  de  France ,  la  somme  de  dix  mille  livres  tour- 
nois, plus  deux  cents  livres  viennoises  de  revenu 
sur  le  château  de  Monlmclas.  A  ces  sommes  le  tes- 
tateur ajoute  encore  cinquante  livres  viennoises  une 
fois  payées.  Il  donne  à  sa  fille  Aliénor  huit  mille 
livres  viennoises  pour  se  marier,  et  veut  que  ses 
quatre  autres  filles  soient  religieuses,  leur  léguant 
à  chacune  cent  livres    tournois  de  dot,  et  char- 
geant son  héritier  de  faire  tous  les  frais  nécessaires 
pour  leur  entrée  en  religion.  Il  reconnaît  par  ce 


DES    SIRES    DE    BEAUJEU.  127 

testament  la  dot  de  sa  femme  et  lui  lègue  à  litre 
de  douaire  ,  pour  sa  vie  seulement ,  les  terres  de 
Chamelet,  de  Pouilly-le-Chastel  et  du  Crozet  en 
Bombes ,  ainsi  que  la  leyde  du  blé  et  le  revenu  des 
moulins  de  Villefranche. 

Il  nomma  pour  ses  exécuteurs  testamentaires 
frère  Bernard  de  Géliles,  cordelier  ;  Etienne  de 
Montgiraud ,  sacristain  de  St-Paul  de  Lyon,  Eléo- 
nore  de  Savoie  sa  femme,  et  le  seigneur  de  St-Tri- 
vier.  Il  termine  en  priant  le  roi  de  France  de  faire 
exécute)-  fidèlement  sesdites  volontés .  par  voie  de 
censure  ecclésiastique  s'il  est  nécessaire.  Ce  tes- 
tament fut  signé  par  Sortyrand  de  Marchampt, 
Artaud  de  Verneys,  Guillaume  de  Cbaney,  Hum- 
bert  de  Saligny,  Biaise  de  Jarest  et  Hugues  Boscby, 
chevaliers  ;  et  Mayeul  de  Vinzelles  ,  chanoine  de 
Màcon;  Pierre  de  la  Bruyère,  son  chapelain;  Gui- 
chard  de  la  Val,  Aymond  de  la  Palu,  Pereau  de 
Chabeu,  Pierre  de  Verneys,  Simon  de  Chaney  et 
Guillaume  de  Montjay,  damoiseaux. 

Louis  de  Beaujeu  mourut  le  23  août  1296, 
laissant  de  son  mariage  avec  Eléonore  de  Savoie 
onze  enfants,  tous  nommés  dans  son  testament, 
savoir  : 

l '^  Guichard ,  qui  continua  la  lignée  et  dont 
l'article  suit. 

2°  Humbert,  seigneur  de  la  Juliane,  chanoine 
de  Lyon  en   1  308 ,  puis  marié  à  une  dame  dont 


128  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUI': 

on  ignore  la  famille.  Il  fut  blessé  à  la  bataille  de 
Varey,  et  mourut  à  Ambrun  peu  de  temps  après 
des  suites  de  ses  blessures.  Son  corj)S  fut  apporté  à 
Villefranche,  et  inhumé  aux  Cordeliers  dans  le 
tombeau  de  sa  mère. 

S'»  Thomas,  qui  mourut  le  24  juin  1 300,  et  fut 
enterré  au  tombeau  de  sa  mère. 

4"  Guillaume ,  chanoine ,  comte  et  précentem* 
de  l'église  de  St-Jean  de  Lyon ,  prévôt  de  Notre- 
Dame  de  Fourvière.  C'est  en  cette  qualité  qu'il  fut 
arbitre  avec  Girard  de  Roussillon ,  chevalier,  sei- 
gneur d'Anjou  en  Dauphiné ,  des  différends  sur- 
venus entre  l'église  de  Lyon  et  Aymond ,  seigneur 
de  Roussillon  en  Dauphiné.  Il  fut  aussi  chanoine 
d'Amiens,  puis  enfin  évéque  de  Bayeux  le  1  3  fé- 
vrier 1330,  ])ar  promotion  du  pape  Jean  XXII. 
Guillaume  de  Beaujeu  mourut  le  7  septembre  1  337, 
et  fut  inhumé  avec  ses  frères  susnommés. 

5"  Louis,  chanoine  et  archidiacre  de  Troyes, 
qui,  d'après  Severt,  aurait  attaqué  à  main  armée 
le  cardinal  de  Talleyrand  Périgord,  évéque  d'Al- 
bane  et  légat  du  pape,  lorsqu'il  retournait  à  Home 
pour  rendre  compte  de  sa  mission,  et  au  moment 
où  il  arrivait  à  (^liàiillon-sur-Seine.  La  suite  du 
légat  aurait  été  maltraitée  et  mise  en  fuite ,  le  car- 
dinal lui-même  emmené  prisonnier,  ce  qui  aurait 
valu  à  Louis  de  Beaujeu  et  à  ses  complices  une 
bulle  d'excommunication  fulminée  contre  eux. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  29 

6°  Marguerite,  clame  de  St-Julien  ,  mariée  le 
mardi  avant  la  fête  de  la  Nativité  de  la  Vierge  1290 
avec  Jean  de  Chàlou,  seignem'  de  Rochefort,  puis 
comte  d'Auxerre. 

L'an  1  308  ,  le  dimanche  après  la  Ste-Croix,  elle 
fut  médiatrice  avec  Amé-le-Grand,  comte  de  Savoie, 
d'un  différend  survenu  entre  Jean  de  Chàlon  son 
mari  et  Hugues  de  Vienne,  seigneur  de  Pagny. 

7"Eléonore,  qui  épousa  l'an  1296  HumbertV^ 
du  nom,  sire  de  Thoire  et  de  Villars,  fils  d'Humbert 
et  de  Marguerite  de  la  Tour-du-Pin.  Son  douaire 
lui  fut  assigné  le  25  avril  1332  sm- le  château  de 
Trévoux  et  la  seigneurie  du  Chàtelard,  avec  les 
villages  de  Marsieu  et  de  St-Germain  en  Bombes. 
En  1296  elle  avait  renoncé  à  tous  ses  droits  ma- 
ternels au  profit  de  son  frère  Guichard. 

8°  Catherine ,  qui  épousa,  le  dimanche  de  l'As- 
somption 1305,  Jean  de  Chàteauvilain ,  chevalier, 
seigneur  de  Semur,  Luzy,  Bourbon-Lancy,  etc. 
Le  douaire  de  Catherine  de  Beaujeu  fut  assigné 
sur  la  terre  de  Semur ,  puis  sur  la  seigneurie 
d'Huchon,  par  titre  du  jeudi  après  l'octave  de  la 
St-Martin  d'hiver  1  320. 

Louvet  se  trompe  en  donnant  pour  femme  à 
Jean  de  Chàteauvilain  Jeanne  de  Beaujeu ,  sœur 
de  Catherine.  Duchesne,  qui  a  dressé  la  généalogie 
de  Chàteauvilain,  a  mieux  connu  la  chose,  et  Gui- 
chenon  a  adopté  son  avis. 


1  30  GKNÉALOGIE  HISTORIQUE 

9°  Jeanne  ou  Jeannette,  religieuse,  puis  prieure 
à  la  chartreuse  de  Poletins  de  1  31 1  à  1315. 

10"  Béatrix,  chartreuse  à  Poletins. 

1  I  °  Isabelle ,  religieuse  en  l'abbaye  de  Brienue 
près  d'Anse,  en  Lyonnais. 

Eléonore  de  Savoie  survécut  peu  à  son  mari ,  et 
mourut  le  16  décembre  1296.  Elle  fut  enterrée 
dans  l'église  des  Cordeliers  de  \  illefrancbe,  où  on 
lui  éleva  un  fort  beau  tombeau. 

GUICHARD  V  DU  NOM,  DIT  LE  GRAND , 

COIV'KÉTABLE. 

Guichard  V  succéda  à  son  père  Louis  en  1296; 
et ,  aussitôt  après  sa  prise  de  possession ,  il  se  rendit 
auprès  du  roi  Philippe-le-Bel  qui  venait  de  le  retenir 
pour  son  chambellan.  Ce  fut  en  cette  qualité  qu'il 
reçut  le  serment  de  fidélité  au  roi,  prêté  par  Henri 
de  Villars,  archevêque  de  Lyon.  Le  sire  de  Beaujeu, 
tenant  en  main  le  livre  des  saints  Evangiles,  pro- 
nonça lui-même  la  formule  du  serment  ainsi  conçue  : 
«  Vous  promettez  feauté  au  Roy  qui  cy  est,  luy 
ft  garder  vie  et  membres  et  de  son  fils  héritier  roy 
et  de  France,  de  garder  riionneur  de  son  royaume, 
«  et  hiy  donner  conseil  à  votre  sens,  s'il  le  vous 
ce  demande  ;  ^  à  quoi  l'archevêque  répondit:  «  Je  le 
Cl  promets,  w 


DES  SIRES  DE  BEATJJEU.  1  31 

Cette  cérémonie  eut  lieu  à  Orléans  le  mardi-gras 
de  l'année  1298. 

Guicliard,  désireux  de  terminer  les  anciennes 
querelles  de  sa  famille  avec  l'archevêque  de  Lyon, 
profita  de  cette  occasion  pour  faire  quelques  ou- 
vertures de  paix  qui  furent  accueillies  favorable- 
ment. L'abbé  de  Cluny  fut  choisi  pour  médiateur, 
et  il  demema  convenu  que  le  sire  de  Beaujeu  donne- 
rait à  l'archevêque  la  seigneurie  de  Lissieu,  et  la  re- 
prendrait de  lui  en  fief  avec  hommage  à  l'église  de 
Lyon.  Et  comme  l'archevêque  prétendait  à  l'hom- 
mage de  Villefranche ,  de  Pouilly-le-Chàtel  et  de 
Chamelet,  on  lui  abandonna  par  compensation  les 
forteresses  de  Varennes  et  de  Bully.  Ce  traité  était 
onéreux  pour  Guichard,  mais  il  tenait  à  faire  lever 
l'excommunication  dont  son  père  avait  été  frappé 
avant  sa  mort  :  ce  qui  eut  lieu  aussitôt  après  la 
conclusion  de  cet  arrangement,  qui  fut  signé  par 
Geoffroy  de  Clermont ,   doyen  de  Vienne  ;  Jean , 
comte  de  Forez;  Louis  de  Villars ,  archidiacre  de 
Lyon;  Jean  de  Villars,  chambrier  de  Lyon;  Thi- 
baud  de  Vassalieu  et  Guichard  de  la  Beaume,  cha- 
noines et  comtes  de  Lyon;  Guillaume  de  Fran- 
cheleins,  Hugues  de  Bosches,  Hugues  de  Fondras, 
Omfroy    de   Marchampt ,   Guichard    de    Marzé , 
Etienne  Blains,  Ogier-le-Sauvage ,   chevaliers,  et 
Robeit  d'Amanzé,  chanoine  de  Montbrison.   Les 
cautions  de  l'archevêque  de  Lyon  furent  :  Etienne 


1  32  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  Vassalieu  ;  Guicliard  d'Ars ,  chevalier,  et  Hugo- 
net  de  Moinay,  damoiseau.  Celles  du  sire  de  Beaujeu 
furent  :  Miles  de  Vaux  et  Josserand  de  Marcliampt, 
chevaliers,  et  Guichard  de  la  Beaunie,  damoiseau. 
Malgré  ce  traité,  il  était  difficile  que  la  paix  durât 
longtemps.  Il  existait  entre  les  deux  seigneuries  de 
Lyon  et  de  Beaujeu  trop  de  points  de  contact  pour 
qu'il  ne  s'élevât  pas  à  chaque  instant  des  conflits 
de  juridiction,  sur  lesquels  aucune  des  deux  par- 
ties n'était  disposée  à  céder.  Les  limites  d'ailleurs 
n'étaient  pas  déterminées  d'une  manière  fixe,  et  il 
était  tel  quartier  de  la  ville  de  Lyon ,  du  côté  de 
Dombes,  dont  on  aurait  eu  peine  à  connaître  la 
directe  :  «  en  sorte ,  dit  Paradin ,  que ,  tout  ainsi 
ce  que  le  ciel  ne  peut  endurer  deux  soleils,  aussi  ne 
te  se  pouvoient  endurer  ces  deux  grands  seigneurs  en 
et  une  mesme  cité.  »  Paradin  avait  raison;  car,  peu  de 
tempsaprèslasignaturedutrai  té  mentionné  ci-dessus, 
il  arriva  que  l'archevêque  voulut  contester  au  sire  de 
Beaujeu  le  droit  de  lever  des  cens  et  servis  sur  les 
Bi'oteaux  situés  près  du  ])ont  du  l\hône ,  et  dé- 
fendit aux  propriétaires  desdits  terrains  d'obtem- 
pérer à  toute  demande  de  cette  nature  émanant 
des  officiers  de  Beaujeu.  il  défendit  aussi  auxdits 
officiers  de  procéder  à  l'ouverture  des  testaments 
dans  certains  quartiers  de  la  ville  qu'ils  prétendaient 
être  de  la  seigneurie  de  Beaujeu,  ce  qui  n'avait  lieu, 
disait  l'archevêque ,   qu'au  préjudice  de  ses  droits 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  133 

et  revenus.  Guichard  refusait  absolument  Je  faire 
droit  à  ces  réclamations,  lorsque  les  officiers  de 
Beaujeu  vinrent  ajouter  un  nouveau  grief,  en  s'em- 
paraut  du  corps  d'un  criminel  que  la  justice  de 
Lyon  avait  fait  pendre  à  la  côte  St-Sébastien,  et  le 
transportant  à  un  gibet  situé  sur  les  limites  de 
Beaujeu.  Tout,  enfin,  semblait  devoir  amener  une 
rupture;  car  l'archevêque  reprochait  encore  à  Guy 
de  St-Trivier,  ami,  allié  et  sujet  du  sire  de  Beau- 
jeu,  d'avoir  fait  bâtir  un  chàteau-fortà  Beauregard, 
d'avoir  fait  un  barrage  tendant  du  bourg  dudit 
Beauregard  à  la  rivière  de  Saône ,  et  d'avoir  fait 
l'hommage  du  tout  au  sire  de  Beaujeu  ;  tandis  que, 
selon  les  prétentions  de  l'Eglise  de  Lyon ,  ce  lieu 
faisait  partie  de  sa  seigneurie.  Enfin  on  prit  les 
armes ,  et  les  sujets  de  Beaujeu ,  comme  ceux 
de  l'Eglise,  eurent  beaucoup  à  souffrir  des  suites 
de  cette  querelle.  Les  campagnes  furent  dévastées , 
les  animaux  enlevés,  grand  nombre  de  prisonniers 
furent  emmenés ,  et  mille  excès  furent  commis  de 
part  et  d'autre.  De  guerre  lasse ,  et  lorsque  la  proie 
manqua  au  ravisseur,  on  songea  à  un  arrangement. 
Il  eût  été  plus  naturel  et  surtout  j)lus  humain  de 
commencer  par  là.  L'archevêque  de  Vienne,  le 
dauphin  de  Viennois,  le  sire  de  Thoire,  et  Guichard 
de  Marzé,  sénéchal  de  Toulouse,  furent  choisis  pour 
arbitres.  Leur  sentence  fut  prononcée  au  jardin  du 
Temple  de  Lyon  par  le  sénéchal  de  Toulouse,  au 


1  34  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

mois  de  juin  1298.  Il  fut  jugé  qure  1  archevêque 
retirerait  la  cléfense  aux  habitants  des  Broteaux  de 
payer  les  cens  et  servis  dus  au  sire  de  Beaujeu ,  que 
tous  les  bestiaux  seraient  rendus,  que  le  pendu  qui 
avait  été  enlevé  serait  replacé  au  gibet  de  Saint- 
Sébastien,  et  que,  dit  Paradin,  s  il  estait  deia  con- 
sommé, il  senferoit  un  Jantosm.e  pour  être  mis  à 
sa  place  ;  que  l'excommunication  prononcée  contre 
ceux  qui  étaient  chargés  de  l'ouverture  et  de  la 
publication  des  testaments  serait  levée ,  et  que  les 
seigneurs  de  Beaujeu  resteraient  possesseurs  de  ce 
droit  comme  par  le  j)assé;  (jue  le  seigneur  de  Saint- 
Trivier  reconnaîtrait  la  moitié  de  son  château  de 
Beauregard  au  sire  de  Beaujeu,  et  l'autre  moitié  à 
l'archevêque;  qu'en  conséquence  il  ferait  arborer 
sur  ses  tours  l'étendard  de  Beaujeu  et  celui  de  l'ar- 
chevêque, à  la  seule  diflerence  que  celui  de  Beaujeu 
y  resterait  trois  jours ,  et  celui  de  l'archevêque 
cinq,  en  signe  de  supériorité. 

La  teneur  de  ce  jugement  peut  donner  à  penser 
que  tous  les  torts  n'étaient  j)as  du  côté  du  sire  de 
Beaujeu. 

L'année  suivante  il  eut  quelques  démêlés  avec 
ses  cousins  qui  pensaient  toujours  à  attaquer  l'arrêt 
du  parlement  qui  avait  adjugé  la  succession  de 
Guichard  IV à  Isabelle,  aïeule  de  Guichard  V;  et, 
malgré  le  peu  de  fondement  de  leurs  prétentions, 
ce  doriiior.  pom  on  fiiiii  à  tout  jamais,  leur  donna 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  135 

cinq  mille  livres  viennoises ,  selon  Guichenon ,  et 
quinze  mille,  selon  Louvet.  Cet  arrangement  eut 
lieu  en  1299. 

Au  mois  de  décembre  1  301  ,  Louis  de  Villars 
étant  archevêque  de  Lyon,  Guichard  lui  céda  la 
plus  grande  partie  des  droits  qu'il  possédait  sur  la 
ville  de  Lyon  ,  tant  en  terre  que  sur  Veau,  depuis 
le  vieux  fossé  vers  St-Sébastien ,  et  depuis  le  Rhône 
jusqu'à  la  Saône,  ainsi  que  les  cens  à  lui  dus  sur 
vingt-quatre  moulins  construits  sur  le  Rhône.  L'ar- 
chevêque en  échange  lui  abandonna  la  moitié  de  la 
seigneurie  de  Meximieux,  le  château  de  Chalamont 
et  le  donjon  de  Montmerle. 

Guichard  se  montra  toujours  grand  dans  ses 
transactions  et  généreux  avec  sa  famille.  C'est  ainsi 
qu'il  donna  à  ses  frères  ,  Humbert ,  Thomas  et 
Guillaume,  qui  avaient  été  assez  mal  traités  par  le 
testament  de  leur  père,  les  châteaux  de  Joux,  d'Am- 
])lepuis,  de  St-Bonnet-le-Troncy,  de  Claveysolles , 
d'Allognet  et  de  Cenves,  et  cent  cinquante  livres 
viennoises  à  prendre  tous  les  ans  dans  la  maison 
pour  leur  entretien.  Cette  cession,  du  1  S  des  ca- 
lendes de  juin  1302,  fut  faite  en  viager  et  à  la 
charge  que  la  justice  des  terres  cédées  serait  exercée 
par  les  baillis  de  Beaujolais  au  nom  desdits  Hum- 
bert, Thomas  et  Guillaume  de  Beaujeu. 

L'an  1306,  le  pape  se  rendit  arbitre  entre  le 
comte  de  Savoie  et  le  daujiliin  ,  et  nomma  pour 


136  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

l'examen  des  points  en  litige  Jacques  de  Bocsezel 
et  Jean  de  Revel,  baillis  de  Savoie  et  de  Dauphiné, 
qui  devaient  agir  par  les  conseils  des  abbési  de 
Cluny  et  de  Citeaux.  Le  traité  qui  intervint  fut  juré, 
pour  le  comte  de  Savoie,  par  Guichard  de  Beaujeu. 

La  même  année  il  reçut  une  mission  du  roi 
Philippe-le-Bel ,  qui  le  priait  de  vouloir  bien  faire 
remettre  à  ses  officiers  de  justice  un  certain  nombre 
de  faux-monnayeurs  qui  avaient  contrefait  la  mon- 
naie de  l'Etat ,  et  qui  étaient  détenus  au  château 
de  Chalamont ,  «  sans  que  cette  rémission ,  dit  la 
ft  lettre,  puisse  porter  préjudice  à  sa  seigneurie,  ni 
«c  à  ses  successeurs  au  temps  à  venir.  « 

Guicliard  avait  refusé  de  faire  hommage  de 
Meximieux  et  de  Chalamont  à  Louis  de  \  illars ,  qui 
prétendait  y  a^  oir  droit  au  terme  de  l'échange  qu'ils 
avaient  fait.  L'archevêque  irrité  fexcommunia.  Ef- 
frayé de  cette  mesure  rigoureuse,  le  sire  de  Beau- 
jeu  se  soumit  et  fit,  en  1  307, Ihommage  demandé, 
en  se  reconnaissant  cassai  de  l'Eglise  en  ces  termes  : 
"  Nos  Guichardus,  dominus  Bellijoci,  conlitemur 
«  esse  vassalum  doniini  archiepiscopi  Lugdunensis 
fc  et  ecclesiae ,  j)ropter  villas  de  Maximiaco  ,  de 
«■  Chalamonte ,  et  eorum  territoriis ,  proesentibus 
«■  Humberto  et  Guillermo  de  Bellijoco.  » 

Guichard  de  Beaujeu  lîgura  dans  la  réclamation 
(jue  la  noblesse  de  Lyon  et  partie  du  clergé  de  ladite 
ville  adressèrent  au   roi  pour  lui  demander  l'abro- 


DES  SIRES  DE  BKAUJEU.  13  7 

gation  de  la  seconde  Pliilip])ine  qui  conférait  à  l'ar- 
chevêque de  Lyon  des  droits  exorbitants,  et  lui 
reconnaissait  une  souveraineté  à  laquelle  ils  ne 
pouvaient  se  soumettre,  déclarant  vouloir  rester 
dans  la  mouvance  directe  du  roi ,  ce  qui  était  leur 
droit,  et  ne  relever  que  de  lui  et  du  royaume  de 
France.  Ceux  de  la  noblesse  qui  signèrent  avec 
Guichard  de  Beaujeu  furent  :  le  comte  de  Forez, 
les  seigneurs  de  Lavieu ,  d'Izeron  ,  de  Chagnon , 
de  Vaudragon,  de  Grésieu,  de  Chamousset,  de 
Talaru,  de  Faverges,  du  Brueil,  d'Oingt,  du  Bois, 
de  Chàtillon-d'Azergues ,  d'Albon ,  de  Polognay  , 
de  St-Forgeux,  d'Ailly,  de  Lissieu,  de  Montagny, 
de  Roussillon  et  de  Jarest. 

Cette  protestation  produisit  un  effet  immense  : 
l'archevêque,  désapprouvé  par  le  pape  et  par  son  pa- 
rent le  comte  de  Savoie ,  fit  au  roi  l'abandon  de  la 
justice  séculière  de  Lyon ,  et  cette  ville  se  trouva 
enfin  réunie  au  royaume  de  France.  (Avril  1312.) 

L'église  collégiale  de  Beaujeu,  qui  avait  toujours 
été  fort  affectionnée  de  ses  seigneurs ,  reçut  de 
grands  bienfaits  de  Guichard.  Il  y  fonda  entre 
autres  la  chapelle  de  St-Laurent  avec  l'entretien  de 
deux  prêtres  auxquels  il  assigna  annuellement  onze 
ànées  de  blé,  douze  ànées  de  vin  pur  et  seize  livres 
viennoises. 

Il  termina  quelques  différends  qu'il  avait  avec  le 
seigneur  de  Thoire  et  l'abbé  de  l'Ile-Barbe,  et  fixa 


138  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

les  limites  de  sa  seigneurie  du  côté  d'Anse  avec 
l'archevêque  de  Lyon. 

L'an  131.^,  le  roi  Louis-le-Hutin  accorda  au 
sire  de  Beaujeu,  qui  était  son  chambellan,  le  droit 
de  connaissance  et  de  correction  pour  le  crime  de 
fausse-monnaie,  dans  ses  terres  et  partout  oiî  il  avait 
droit  de  justice. 

Les  longues  querelles  qui  avaient  divisé  les 
comtes  de  Savoie  et  les  dauphins  avaient  été  suivies , 
en  1  304,  d'un  traité  entre  Amé  V  dit  le  Grand  et  le 
dauj)hin  Jean  II.  Il  fut  convenu  entre  autres  que  le 
dauphin  se  départirait  de  ses  prétentions  sur  Ihora- 
mage  du  Faucigny,  et  de  tout  ce  qu'il  réclamait  sur 
Meximieux  et  le  bourg  de  St-Christophe.  Ce  traité 
étant  resté  sans  effet,  le  ])ape  Clément  V  voulut  ré- 
tablir la  j)aix  entre  les  parties  belligérantes,  et  par 
sa  bulle  datée  de  St-Cyr  près  Lyon,  du  mois  de 
mars  1 306  ,  ordonna  une  trêve  entre  ces  deux 
j)rinces  et  les  seigneurs  de  Vaud,  de  Beaujeu,  de 
Genève  et  de  Mercœur,  leurs  alliés.  Il  fut  encore 
convenu  que  la  ville  d'Ambronay  demeurerait  au 
comte  de  Savoie.  Tout  seml)lait  sarranger  ainsi; 
mais  quelques  années  après  des  religieux  du  cou- 
vent d'Ambronay,  vendus  au  dauj)hin,  lui  livrèrent 
la  ville  après  avoir  pendu  leur  abbé  qui  n'avait  pas 
voulu  treuq)er  dans  cette  trahison.  Le  dauphin  ac- 
courut en  ])ersonne  pour  eu  profiter,  mit  le  siège 
devant  Miribel  qui  aj)partenait  au  sire  de  Beaujeu; 


DES  SIRES  DE   BEAUJEU.  1  39 

et  comme  la  place  paraissait  devoir  tenir  longtemps, 
il  gagna  le  châtelain,  qui  la  rendit  aussitôt,  ce  qui 
n'empêcha  pas  le  dauphin  de  le  faire  pendre,  pré- 
tendant que  "  combien  que  la  trahison  fut  pro- 
«  fitable,  il  ne  fallait  pas  laisser  vivre  les  traîtres.  » 

Cependant  le  comte  de  Savoie,  en  apprenant  la 
lâche  trahison  d'Ambronay,  y  marche  promptement, 
s'en  empare  et  réunit  toutes  ses  forces  pour  venger 
cette  injure.  11  appelle  auprès  de  lui  Louis  de 
Savoie,  prince  de  Morée ,  son  neveu;  Louis  de 
Savoie,  baron  de  Vaud,  son  frère;  Léopold  d'Au- 
triche ,  son  gendre  ;  le  comte  d'Auxerre  ;  Robert , 
duc  de  Bourgogne  ;  Guichard  ,  sire  de  Beaujeu  ,  et 
enfin  tous  les  feudataires  de  Savoie.  Le  sire  de 
Beaujeu  était  le  plus  animé  des  alliés;  il  avait  sur 
le  cœur  la  perte  de  Miribel,  et  brûlait  de  se  venger. 
L'armée  se  mit  en  campagne,  et  à  son  approche  le 
dauphin  abandonna  le  pays,  laissant  les  places 
livrées  à  leurs  propres  ressources.  Le  siège  est  mis 
devant  St-Germain-d'Ambérieu,  qui  succombe 
après  une  vive  résistance  et  est  livré  au  pillage.  La 
ville  d'Ambérieu  subit  bientôt  le  même  sort. 

La  mort  du  dauphin  ,  qui  arriva  peu  après 
la  prise  d'Ambérieu,  suspendit  les  hostihtés;  et 
comme  Amé-le-Grand  suivit  de  près  son  ennemi 
au  tombeau ,  elles  ne  furent  reprises  que  par  leurs 
successeurs.  On  se  borna  l'année  d'après  à  une  ex- 
pédition  contre   Genève  ,  où  fut  envoyé   Aymon 


1  40  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  Savoie ,  second  fils  d'Ame ,  avec  Guichard  de 
Beaujeu,  en  tjui  le  comte  avait  toute  confiance,  et 
qu'il  regardait  comme  son  fidèle  allié.  Ces  princes 
pénétrèrent  dans  le  Genevois,  dont  le  comte  s'était 
constamment  montré  ennemi  de  la  Savoie  dont  il 
relevait,  surprirent  le  château  de  Genève  sur  Giry 
de  Feuillens  qui  en  était  gouverneur,  et  le  firent 
démolir.  Ils  terminèrent  leur  campagne  par  la  prise 
du  château  de  Sessains. 

Le  comte  de  Genève  en  appela  au  dauphin  de  la 
guerre  qu'on  lui  faisait.  Celui-ci  fit  de  grands  pré- 
paratifs et  entra  en  campagne.  Les  deux  armées  se 
trouvèrent  en  présence  au  mois  de  février  I  325  , 
dans  la  plaine  de  St-Jean-le-Vieux ,  sous  les  murs 
du  château  de  Varey,  dont  le  comte  de  Savoie  fai- 
sait le  siège.  Edouard,  fils  et  successeur  d'Amé-le- 
Grand ,  commandait  en  personne.  Sa  valeur  per- 
sonnelle et  celle  de  ses  chevaliers  lui  inspirèrent 
trop  de  confiance ,  et  lui  firent  négliger  les  [)ré- 
cautions  qu'aurait  dû  lui  inspirer  la  vue  d'une 
armée  aussi  nombreuse  que  celle  du  dauphin;  cette 
confiance  le  perdit.  TjCs  Dauphinois  attacpièrent  à 
l'improviste.  Le  comte  Edouard,  le  comte  de  Bour- 
gogne et  Guichard  de  Beaujeu,  à  la  tète  de  quel- 
ques chevaliers,  soutinrent  vaillamment  le  premier 
choc,  repoussèrent  l'ennemi  et  espérèrent  lui  instant 
rétablir  l'ordre  dans  le  combat;  mais  une  partie 
de  l'armée  seulement  avait  eu  le  temps  de  prendre 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  41 

les  armes.  Les  Dauphinois  pénétrèrent  dans  les 
lignes  du  comte  de  Savoie,  et  la  déroute  devint 
générale.  Ce  prince  se  battit  en  désespéré,  et  s 'étant 
élancé  au  plus  épais  de  la  mêlée ,  il  fut  enveloppé 
par  la  troupe  d'Auberjon  de  Maleys  et  du  seigneur 
de  Tournou.  Après  la  plus  vigoureuse  résistance,  il 
succombait  et  était  emmené  prisonnier.  Mais  ses 
chevaliers  ne  l'avaient  point  abandonné  :  Guichard 
de  Beaujeu,  Hugues  de  Bocsezel  et  le  seigneur 
d'Entremont  s'élancèrent  à  son  secours  et  parvin- 
rent à  le  dégager.  Guichard  fut  fait  prisonnier  en 
voulant  soutenir  la  retraite  du  prince.  Le  comte 
d'Auxerre ,  le  comte  de  Tonnerre ,  Hugues  de 
Marzé,  Angelin  l'Anglais,  de  Forges,  Girard  de 
Chaintré,  et  beaucoup  d'autres,  subirent  le  même 
sort.  Humbert  de  Beaujeu  fut  blessé  mortellement. 
La  captivité  de  Guichard  dura  peu.  Il  promit  sa 
rançon  et  engagea  pour  sûreté  de  sa  parole  au 
dauphin  ses  châteaux  de  Ferreux,  de  Thizy  et  de 
Lay.  Plus  tard  il  fut  convenu,  par  l'entremise  du 
comte  de  Forez,  d'Aimar  de  Poitiers  et  de  Guillaume 
de  Beaujeu,  que  pour  cette  rançon  Guichard  cé- 
derait au  dauphin  les  seigneuries  et  châteaux  de 
Meximieux  et  du  bourg  St-Christophe ,  le  lief  de  la 
grande  rue  de  Villars ,  de  la  maison  de  Loyes  et 
des  Poypes  de  Monthelier,  de  Corsieu  et  de  Mon- 
thieu,  ainsi  que  les  arrière-fiefs  de  Chàtillon-la- 
Palud  et  de  Gordans  que  lui  devait  le  sire  Thoire  ; 


1  42  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

qu'il  prendrait  en  fief  duclit  dauphin  son  château 
de  MiriJjel ,    et   promettait  de  le  servir  envers  et 
contre  tous,   à  la  réserve  du  roi  de  France,  de 
l'Eglise  de  Lyon,  du  duc  de  Bourgogne,  du  comte 
de  Clermont,  et  des  abbés  de   l'Ile-Barbe  et  de 
Cluny.  Ce  traité  fut  accepté,  et  les  gentilshommes 
de  la  suite  de  Guichard  furent  libres  sans  rançon. 
En  lisant  ces  conditions,  on  pourrait  s'étonner  à 
bon  droit  de  ne  pas  voir  figurer  le  comte  de  Savoie 
dans  les  réserves  que  se  fit  Guichard,  s'il  n'était 
évident  au  contraire  que  c'est  contre  ce  prince  que 
le  traité  était  dirigé  ;  le  dauphin,  son  ennemi  mor- 
tel, voulait  non-seulement  recevoir  une  riche  ran- 
çon ,  mais  se  procurer  un  allié  de  ])lus  pour  l'exé- 
cution de  ses  desseins  contre  les  terres  de  Savoie. 
IjC  comte  Edouard  se  montra  plus  généreux,  car  il 
indemnisa  largement  le  sire  de  Beaujeu  des  pertes 
qu'il  pouvait  avoir  éj)rouvées  dans  celte  guerre ,  en 
lui  cédant  en  toute  propriété  les  terres  et  châteaux 
de  Coligny-le-JNeuf  et  de  Buenc,  à  la  charge  du  fief, 
et  j)rometlant  de  lui  payer  cpiarante  mille  livres  vien- 
noises à  charge  de  l'hommage  de  Lent  et  de  Thoissey. 
En  132G,  et  par  fentremise  du  légat  du  pape, 
on  fixa  une  délimitation  entre  les  terres  du  comte 
de  Savoie,  du  dauphin  et  du  sire  de  Beaujeu,  en 
Bresse  et  en  Valbonne.  Montluel  demeura  au  dau- 
phin ,  Rillicux  à  l'abbé  de  l'Ile-Barbe  ;  le  lac  des 
Cherres  fut  cédé  au  dauphin  en  échange  d  xVvancey, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  143 

qui  fut  donné  à  Guicharcl  de  Beaujeu;  les  îles  et 
Broteaux  du  Rhône  furent  partagés  entre  eux  ;  le 
château  de  Jonage  appartint  au  comte  de  Savoie. 

Guichard ,  que  le  roi  appelait  souvent  dans  ses 
conseils,  le  servit  également  bien  de  son  épée  dans 
les  nombreuses  guerres  de  cette  époque.  Devenu 
grand-maître  des  Templiers ,  il  se  signala  dune 
manière  glorieuse,  en  1  328,  à  la  bataille  de  Mont- 
Cassel,  où  il  commandait  le  troisième  corps  de  ba- 
taille de  l'armée  française,  et  oii  il  contribua  puis- 
samment à  rallier  les  troupes  autour  de  la  personne 
du  roi,  après  avoir  soutenu  un  des  premiers  le 
choc  imprévu  des  Flamands  à  la  tète  du  camp. 

Enfin ,  ce  prince  qui ,  par  sa  sagesse  dans  les 
conseils  et  sa  bravoure  dans  les  combats ,  sut  mé- 
riter de  ses  contemporains  le  surnom  de  Grand, 
mourut  à  Paris  le  18  septembre  1331,  après  avoir 
servi  cinq  rois,  Philippe-le-Bel ,  Louis-le-Hutin , 
Philippe-le-Long ,  Charles-le-Bel  et  Philippe  de 
Valois,  sans  que  sa  faveur  reçût  jamais  la  moindre 
altération  sous  ces  différents  rois,  dont  il  fut  cham- 
bellan et  l'un  des  principaux  et  plus  fidèles  con- 
seillers, ce  II  mourut,  dit  Louvet,  plein  d'honneur 
«  et  de  gloire  ;  et  comme  il  avait  semé  des  lauriers 
c<  toute  sa  vie,  il  recueillit  des  palmes  à  sa  mort.  » 
Froissart  cite  souvent  sa  valeur  et  sa  prudence, 

Guichard  fut  inhumé  à  Belleville  en  un  tombeau 
qu'il  avait  fait  ériger  de  son  vivant. 


1  44  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

On  lui  fit  cette  épitaphe  : 

Ter  et  milleno  primo  ,  ter  quoque  deno  , 
Princeps  Guichardus  ,  leo  corde  ,  gigas ,  leopardus  , 
Bellatorque  audax  et  nobilitalis  amator, 
Nunquain  devictus  Lello  per  milites  ictus  ; 
Vincitur  a  morte ,  cœli  pateant  sibi  portse. 

Louvet  croit  devoir  en  citer  ces  deux  traductions 
françaises,  qu'il  attribue  à  un  poète  quil  ne  nomme 
pas  : 

L'an  trois  cent  trente-un  après  mille ,  Guichard  , 
Prince ,  lion  de  cœur ,  géant  et  léopard  , 
Hardi  guerrier,  aimant  noblesse  vertueuse  , 
Non  vaincu  des  soldats  en  guerre  furieuse  , 
Est  vaincu  de  la  mort  ;  qu'au  haut  ciel  azuré 
A  toujours,  mais  en  heur  soit  son  lieu  assuré. 

Voici  la  seconde  : 

L'an  mil  trois  cent  et  trois  fois  dix 
L'n  y  ad  joute  ,  le  prince  Guichard  , 
Lion  en  cœur,  grand  et  puissant  jadis  , 
Noble  seigneur,  hardi  comme  un  léopard  , 
Chevaleureux  ,  aimant  armes ,  noblesse  , 
Oucques  vaincu  ne  fut  en  prouesse 
Par  coups  de  lance  ,  arc  ou  flèche  ; 
Mais  Atropos  ,  qui  tout  oppresse  , 
Le  vint  sommer  d'aller  au  bas  palus  ; 
Fuir  ne  peut ,  mais  prions  que  son  âme 
Soit  mise  en  paradis  là  sus 
Avec  Dieu  et  la  glorieuse  Dame. 

Par  son  testament  du  1  8  mai  1331,  Guichard 
de  Beaujeu  substitua  tous  ses  enfants  les  uns  aux 


DES  SIRES  DE   BEAUJEU.  1  45 

autres,  ainsi  que  leurs  descendants  par  ordre  de 
priraogénitiue ,  à  la  seigneurie  de  Beaujolais  et  de 
Dombcs  :  substitution  qui  n'empêcha  pas  ces  sei- 
gneuries de  passer ,  soixante-dix  ans  après ,  entre  les 
mains  d'un  prince  puissant  qui  les  convoitait  depuis 
longtemps.  Le  testament  rappelle  tous  les  enfants 
de  Guichard,  et  contient  de  nombreux  legs  pieux 
en  faveur  de  tous  les  établissements  religieux  de 
Beaujolais  et  de  Dombes.  Chaque  curé  reçut  un 
secours;  les  hôpitaux  de  Lyon,  de  Villefranche  et 
autres  ne  furent  point  oubliés ,  et  de  nombreuses 
fondations  eurent  lieu.  Les  différents  seigneurs  qui 
l'avaient  accompagné  dans  ses  guerres  recurent 
de  larges  indemnités  des  pertes  qu'ils  avaient  pu 
éprouver.  Il  laissa  à  sa  sœur  Marguerite ,  veuve  du 
comte  d'Auxerre,  son  château  de  Montmelas  sa  vie 
durant.  Le  douaire  de  Jeanne  de  Chàteauvilain  ,  sa 
femme,  fut  augmenté  du  château  de  Thoissey  et  de 
la  chàtellenie  de  St-Bonnet-le-Troncy  et  Clavey- 
soUes.  Ses  exécuteurs  testamentaires  furent  :  Guil- 
laume d'Auray ,  évèque  de  Bethléem  ;  Guillaume  de 
Beaujeu,  évêque  de  Bayeux,  son  frère;  Jeanne  de 
Chàteauvilain,  sa  femme;  Girard  de  Romans,  ju- 
risconsulte; Pierre  de  Montceau,  sacristain  de  Beau- 
jeu  ;  Hugues  de  Marzé ,  Etienne  de  Laye  et  Girard 
de  Chaintré,  chevaliers.  Priant  Pierre  de  Savoie 
archevêque  de  Lyon ,  Aymond  comte  de  Savoie , 
et  Jean  comte  de  Forez,  ses  cousins,  de  vouloir 

10 


1  46  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

bien  aider  de  leurs  conseils  les  exécuteurs  lestamen 
taires  sus-nommés  et  veiller  à  la  stricte  exécution 
de  ses  volontés. 

Ce  testament  fut  ouvert  le  lundi  après  la  tète 
de  la  Toussaint  1331,  par  Pierre  de  St-.Toyre,  tré- 
sorier de  Lauzanne ,  officiai  de  Lyon ,  et  Pierre  de 
Montceau,  juge  de  Beaujeu;en  présence  d'Aymond 
comte  de  Savoie,  de  Jeanne  de  Cliàteauvilain  ;  de 
Guillaume,  évèqiie  de  Bayeux;  de  Jean,  comte  de 
Forez;  dEdouard  de  Beaujeu,  lîls  aine  du  défunt  ; 
(U;  ^larguerite  de  Bt^anjeu,  comtesse  d'Auxerre; 
de  la  dame  de  Villars,  et  do  Marguerite  de  Beaujeu, 
dame  de  Montmorency. 

Guichard  fut  marié  trois  fois  :  la  j)iemière ,  en 
1  300,  avec  Jeanne  de  Genève,  1111c  de  Rodolphe, 
comte  de  Genève,  et  de  Marie  de  Coligny.  Elle  lui 
apporta  en  dot  la  terre  de  Varey  avec  1  4,000  sols. 
Cette  princesse  mourut  en  1  303. 

Sa  seconde  femme  fut  Marie  de  Cliàtillon ,  llUe 
de  Gaucher  de  Chàtilk)n  ,  comte  de  Porcéan,  con- 
nétable de  France,  et  d'Isabeau  de  Dreux.  Ce 
mariage  eut  lieu  l'an  1308.  Lu  testament  de  cette 
princesse  est  de  1317.  Elle  mourut  le  Vendredi- 
Saint  de  la  même  année,  et  fut  enterrée  à  Belleville. 

Enfin,  Guichard  se  maria  en  troisièmes  noces,  le 
25  novembre  1317,  avec  Jeanne  de  Cliàteauvilain, 
dame  de  i^Iontenguillon  et  de  Semur,  fille  de  Jean 
de  Cliàteauvilain,  chevalier,  seigneur  de  Luzy,  Se- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  A7 

mur  et  Bourbon-Lancy,  et  d'Isabeau  de  Touroude. 
Elle  apporta  en  dot  les  terres  et  seigneuries  de 
Semur  et  de  Montenguillon,  par  suite  du  traité  fait 
entre  elle  et  Jean  de  Chàteauvilain  son  frère,  le 
jeudi  après  la  Chaire  de  saint  Pierre  1339,  con- 
firmé ensuite  en  1364. 

De  ces  trois  mariages  successifs  Guichard  laissa 
neuf  enfants,  que  nous  allons  rapporter. 

De  Jeanne  de  Genève  est  issue  : 

1°  Marie  de  Beaujeu,  rappelée  au  testament  de 
son  père,  qui  lui  lègue  quarante  livres.  Elle  épousa, 
en  1331,  Jean  l'Archevêque,  seigneur  de  Parthe- 
nay,  fils  de  Guillaume  l'Archevêque  et  de  Jeanne 
de  Montfort. 

De  Marie  de  Chàtillon  sont  issus  : 

2°  Edouard ,  qui  succéda  à  son  père ,  et  dont 
l'article  suit  ; 

3°  Marguerite,  ou  Marie  selon  Paradin,  rappelée 
par  son  père,  qui  lui  lègue  cinquante  livres  tournois. 
Elle  épousa,  du  consentement  du  roi  Philippe  de 
Valois,  Charles,  seigneur  de  Montmorency,  cham- 
bellan, grand  panetier,  maréchal  de  France  et  lieu- 
tenant-général pour  le  roi  aux  frontières  de  Flandres 
et  de  Picardie.  En  faveur  de  ce  mariage,  le  roi 
donna  à  Marguerite  de  Beaujeu  deux  mille  livres  pa- 
risis,  par  lettres  du  1  ^^  juin  1  330.  Elle  mourut  sans 
enfants,  la  veille  des  Rois  1  336,  et  fut  inhumée  en 
l'abbaye  de  Notre-Dame-du-Val. 


1  48  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

4°  Aliénor  ou  Eléonore,  religieuse ,  puis  prieure 
à  la  chartreuse  de  Poletins.  Son  père  lui  laisse  par 
testament  et  sa  vie  durant  «  un  habit  garni  et  ac- 
«  compli  selon  la  décence  de  sa  personne ,  de  son 
"  état  et  de  sa  religion ,  »  payable  tous  les  ans  par 
son  héritier  au  jour  de  saint  Michel. 

De  Jeanne  de  Chàteauvilain  sont  issus  : 

5°  Guichard ,  auquel  son  père  donna  par  testa- 
ment les  châteaux  de  Ferreux,  de  Luzy  et  d'Ar- 
cinges.  Il  se  distingua  dans  toutes  les  guerres  de 
cette  malheureuse  éj)oqne ,  et  acquit  la  réputation 
d'un  brave  et  preux  chevalier. 

Amé  VI,  comte  de  Savoie,  surnommé  le  Vert, 
conçut  pour  lui  la  plus  grande  estime  et  lui  en 
donna  une  preuve  éclatante  en  le  nommant  chef  de 
la  députation  chargée  par  lui,  en  1  352 ,  d'aller  de- 
mander la  main  de  Jeanne  de  Bourbon  :  il  s'acquitta 
de  celte  mission  avec  l'abbé  de  St-Michel  de  la 
Cluse  et  les  seigneurs  de  \\iHln  et  de  Grammont. 
Guichard  fut  l'un  des  principaux  capitaines  du 
roi  Jean;  il  se  signala  au  combat  d'Ardres,  et  ])rit 
part  à  toutes  les  batailles  qui  eurent  lieu  contre  les 
Anglais.  Enfin  ,  il  accompagna  le  roi  à  la  funeste 
journée  de  Poitiers ,  où  il  perdit  la  vie  en  com- 
battant vaillamment.  Il  fut  chargé  ce  jour-là  d'aller 
reconnaître  la  })osition  de  l'ennemi  avec  tAistache 
de  Ribaumont  ,  Jean  de  Landas  el  Guichard 
d'Angles,  tous  chevaliers  des  ])lus  renommés.   Le 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  I  49 

raj)j)ort  qu'ils  llrent  au  roi  semblait  lui  promettre 
la  victoire  ;  jamais  défaite  plus  sanglante  ne  vint 
affliger  la  France;  la  fleur  de  sa  chevalerie  y  périt. 
Guichard  combattait  «  en  la  bataille  du  roi ,  et  là , 
f<  dit  Froissart,  furent  occis,  dont  ce  fut  pitié  et 
c<  dommage ,  le  gentil  duc  de  Bourbon ,  et  assez 
«  près  de  lui  messire  Guichard  de  Beaujeu  et 
c<  messire  Jean  de  Landas.  ^ 

Guichard  avait  épousé  à  Paris,  le  1 4  mai  1  343, 
Marguerite  de  Poitiers ,  fille  de  Louis  de  Poitiers , 
comte  de  Valentinois ,  et  de  Marguerite  de  Vergy. 
Elle  lui  apporta  en  dot  le  château  de  Fouvens  ;  elle 
fit  de  grands  biens  aux  religieux  de  St-François  de 
Charlieu ,  et  de  belles  fondations  dans  leur  église 
où  elle  fut  inhumée.  Son  fils  Edouard  confirma 
ces  donations  le  1  3  juin  1  393. 

De  ce  mariage  sont  issus  : 

a.  Edouard,  qui  devint  seigneur  de  Beaujeu, 
comme  nous  le  verrons  plus  bas  ; 

b.  Philippe,  mort  jeune  et  inhumé  à  Belleville; 

c.  Marie,  alliée  en  1372  à  Jean  de  Montagu, 
chevalier,  seigneur  de  Sombernon  :  elle  eut  en  dot 
Courcelles,  Villebeuf  et  St-Aignan; 

d.  Alix,  mariée  d'abord  à  Josserand  de  Lavieu, 
chevalier,  seigneur  de  Fougerolles ,  puis  à  Etienne 
de  Sancerre,  chevalier,  seigneur  de  Charenton  ; 
enfin  à  Louis,  seigneur  de  Cousans,  dont  elle  était 
veuve  en  141  8  ; 


1  50  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

e.  Jeanne,  clame  de  Chazelles  ,  femme  de  Hu- 
gues, seigneur  de  St-Trivier  en  Dombes,  fils  de 
Jean  W  du  nom  ; 

f.   Marguerite,  religieuse   au   couvent  de  Mar- 
cigny  ; 

6°  Guillamne ,  seigneur  d'Ample})uis,  auteur  de 
la  branche  de  Linières,  rapportée  ci  au  bas. 

7°  Robert,  destiné  à  l'état  ecclésiastique  par  le 
testament  de  sou  père,  qui  lui  laisse  les  revenus 
d'Arcinges,  montant  à  trois  cents  livres  viennoises; 
et  au  cas  où  ce  revenu  ne  sortit  pas  exactement , 
charge  Guicliard,  seigneur  de  Ferreux,  de  le  par- 
faire. Robert  ne  voulut  point  entrer  dans  les  ordres, 
et  obtint  par  arrangement  la  seigneurie  de  Joux- 
sous-Tarare,  de  St-Bonnet-le-Troncy,  de  Clavey- 
solles  et  de  CoUignac.  Il  servit  vaillamment  et  fut 
tué  à  la  bataille  de  Briguais ,  dite  des  Tard-Penus. 


BRANCHE  DES  SEIGNEURS  D'AIIPLEPUIS  ET  DE  LIMEHES , 

ISSUE    DE    GUILLAUME    DE    UEAUJEU. 

Guillaume  fie  Beaujeu,  sixième  enfant  de  Ricliard-le-Grand , 
eut  en  partage  les  seigneuries  d'.Vniplepuis ,  de  Chevagnv  et  de 
Chamelet.  Il  servit  le  roi  avec  distinction,  et  fut  tué  à  la  l>ataille 
de  Poitiei'S.  Son  corps  ,  rapporté  à  Believille ,  fui  inhumé  dans 
l'église. 

Guillaume   eut  successivement  trois  femmes,  et  ne  laissa  des 

enfants  que  de  la  dernière.  Il  épousa  d'abord  N de  Villedieu, 

puis  Agnès  de  St-Germain ,  dame  en  partie  de  Lastours ,   l'autre 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  0  1 

De  son  mariage  avec  Agnès  de  Vienne,  dame  de 
Chandenay,  il  laissa  deux  fils  et  deux  filles,  savoir  : 

a.  Guicbard ,  seigneur  de  Joux  ,  de  Belleville 
et  de  St-Bonnet,  qui  accompagna  Louis,  duc  de 
Bourbon,  en  Afrique  et  y  mourut,  le  6  septembre 
1390,  sans  avoir  été  marié  ; 

h.  Jean ,  mort  sans  postérité  ; 

c.  Marguerite,  dame  de  Joux  après  la  mort  de 
ses  frères,  mariée  le  1  6  décembre  1  391  avec  Louis 
de  Listenois ,  chevalier,  seigneur  de  Montagu  et  de 
Chatel-Oudon ,  chambellan  du  roi  Charles  VI  ; 

d.  Jeanne,  qui  eut  la  seigneurie  de  Collignac 
par  suite  du  partage  qui  fut  fait  avec  sa  sœur  après 
la  mort  de  leurs  frères.  Elle  fut  femme  de  Jean, 
seigneur  de  Cusance  et  de  Beauvoir. 

Après  la  mort  de  Robert,  Agnès  de  Vienne  sa 
veuve  eut  procès  avec  Edouard ,  alors  seigneur  de 


moitié  appartenant  à  Jeanne  sa  sœui- ,  femme  de  Jean  de  Laye , 
seigneur  de  St-Lager.  Enfin  ,  sa  troisième  femme  fut  Marguerite 
de  la  Gorse  ,  d'où  sont  issus  : 

1°  Edouard,  dont  l'article  suit  ; 

2"  Guichard ,  mort  sans  alliance. 

ÉDOUâRU. 

Fils  et  hci'itier  de  Guillaume  de  Beaujeu,  Edouard  épousa 
Jacfjueline  de  Linières  sa  cousine,  fille  de  Pliilippe  de  Linièi'es  et 
de  Jacqueline  de  Chambly.  Elle  lui  apporta  en  dot  la  seigneurie 


I  S2  GÉNÉALOGIE  HISTORIQLE 

Beaujeu,  pour  une  somme  de  quatre  mille  livres  d'or 
que  lui  devait  ledit  seigneur ,  et  relativement  aux 
seigneuries  de  Claveysolles,  de  St-Bonnet-le-Troncy 
et  de  St-Nizier-d'Azergue,  auxquelles  elle  prétendait. 
Il  fut  convenu  qu'on  s'en  rapporterait  à  des  arbitres, 
qui  furent  nommés  le  dimanche  avant  la  Nativité 
1395.  Ce  furent  noble  et  puissant  chevalier  Robert 
de  Trazettes ,  Philippe  Hugan  et  Pierre  Fantachin, 
licenciés. 

8°  Louis,  seigneur  d'Allognet,  destiné  aussi  à 
l'état  ecclésiastique  auquel  il  renonça.  Il  se  signala 
dans  plusieurs  rencontres  ,  et  est  souvent  cité  par 
Froissart  comme  un  bon  et  loyal  chevalier.  Il  mou- 
rut en  Afri([ue,  et  son  corps  apporté  à  Raguse  y  fut 
enterré  en  habit  de  cordelier  dans  le  couvent  de 
cet  ordre.  Il  laissa  de  son  mariage  avec  Jeanne  de 
Beaujeu  sur  Saône  une  iille,  qui  suit: 


(le  la  Coiu--le-Comte  en  Normandie ,  pour  laquelle  il  prêta  foi  et 
hommage  le  18  novembre  1449. 

De  ce  mai-iage  soûl  issus  : 

l"  François,  marié  à  Anne  de  Culanl,  puis  à  Françoise  de  Maillé , 
(lame  de  Chùteauroux.  Aucun  enl'aut  n'éUmt  né  de  ces  deux 
nxaiiages,  la  succession  de  François  passa  à  Jac(]ues  sou  frère,  (]ui 
suit. 

2"  Jacques,  dont  l'article  suit. 

3"  Anne  ,  (|ui  fut  mariée  trois  fois  :  la  première  avec  Philippe 
de  Culant ,  sénéchal  de  Limousin  et  maréchal  de  France  ;  la 
deuxième  avec  Louis  de  lieauveau  ,  seigneur  de  Champigny  et 
de  la   Roche-sur- Yon  ,    sénéchal    d'Anjou   et  de    l^rovencc  :    la 


DES  SIRES  DE  BEATJJEU.  1  S3 

Antoinette ,  mariée  avec  Jacques  d'Aigueil  , 
écuyer.  Elle  mourut  en  1385,  et  fut  enterrée  au 
prieuré  de  St-Mamez  en  Beaujolais. 

9°  Blanche,  que  son  père  destinait  au  cloître, 
lui  laissant  pour  cela  trente  livres  de  rente  viagère. 
Mais  Blanche  eut  comme  ses  frères  Robert  et  Louis 
peu  de  disposition  pour  la  renonciation  au  monde,  et 
se  maria  à  Mabrion,  seigneur  de  Linières.  Ce  ma- 
riage fut  fait  sous  les  auspices  de  la  reine  de  Navarre, 
de  la  comtesse  de  Savoie  et  du  comte  de  Sancerre , 
cousin  du  seigneur  de  Linières.  Le  contrat  fut  passé 
les  19  et  27  juillet  1 346",  et  constate  que  Blanche 
de  Beaujeu  reçut  cinq  mille  cinq  cents  livres  de 
dot  et  l'assurance  d'un  douaire  de  douze  cents 
livres.  Les  cautions  du  payement  de  la  dot  furent 
Guillaume  de  Chàteauvilain,  seigneur  de  Pleurre,  et 
Guillaume  deMello,  seigneur  d'Epoisses;  et  pour  la 


troisième  avec  Jean  de  Baudricourt ,  seigneur  de  Choiseuil ,  de 
la  Fausche,  etc.,  chambellan,  bailli  de  Chaumont  ,  maréchal  de 
France  ,  gouverneur  pour  le  roi  au  duché  de  Bom-gogne. 

4"  Marie,  qui  épousa  Guillaume  de  Suilly,  chevalier  ,  seigneur 
de  Volon. 

JACQUES. 


Il  fut  marié  à  Jacqueline  Juvénal  des  Ursins,  fille  de  Guillaume 
Juvénal  des  Ursins,  baron  de  Traiuel,  chancelier  de  France.  Par 
son  testament  du  lii  soptemhre  1488  Jacques  do  Beaujeu  institua 


1  54  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

restitution ,  le  cas  échéant ,  le  seigneur  de  Grassey 
et  Louis  de  Brosses ,  chevaliers. 

Plus  tard,  Blanche  de  Beaujeu  intenta  un  procès 
à  Antoine,  sire  de  Beaujeu,  en  revendication  de 
partie  de  la  sirerie  de  Beaujeu;  procès  renouvelé 
par  ses  descendants,  et  sur  lequel  nous  reviendrons. 

Outre  ces  neuf  enfants  légitimes ,  Guichard 
laissa  encore  un  fils  naturel  nommé  Jean  de  Beau- 
jeu,  vivant  en  1348. 

EDOUARD    I". 

Edouard ,  fils  aîné  de  Guichard  V  et  de  Marie 
de  Chàtillon,  naquit  le  jour  de  Pâques  1316  et 
avait  quinze  ans  lorsqu'il  ])rit  possession  des  sei- 
gneuries de  Beaujeu  et  de  Bombes.  Dès  son  début, 
il  annonça  les  dispositions  qui  plus  tard  devaient 


son  fils  Philibert  héritier  universel ,  et  en  cas  de  mort  substitua 
toute  sa  fortune  à  Anne  de  Beaujeu,  dame  de  Baudricourl,  sa  sœur, 
et  à  son  di'faul  à  Marie  ,  femme  de  Jean  de  Cliùleauueuf ,  et  aux 
enfants  de  Catherine ,  femme  de  Charles  d'Amboise ,  ses  deux 
nièces ,  fdles  de  ladite  Anne  ,  dame  de  Baudricourl  :  le  tout  avec 
défense  à  son  héritier  et  aux  substitués  do  remettre  ses  biens  à 
Marie  de  Beaujeu  sa  sœur  ,  femme  de  Guillaume  de  Suilly,  ni 
aux  siens  ;  et  au  cas  où  il  serait  contrevenu  à  sa  volonté  ,  déclare 
qu'il  fait  le  i-oi  son  héritier. 

De  son   mariage  avec   .Marguerite  .luvénal  des  Ursins  est  issu  : 

i'hilibert ,  dont  l'article  suit  : 

['lus  ,    deux  filles  nalurellcs  ,  dont  liuie  appelée  Jeanne  épousa 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  ?)5 

faire  de  lui  un' grand  homme.  Loin  de  se  livrer  à  la 
dissipation  et  aux  plaisirs,  il  porta  toute  son  atten- 
tion sur  l'état  de  ses  affaires  et  pourvut  à  tout.  Le 
trésor  de  Guichard  était  fort  obéré ,  et  les  intérêts 
usuraires  qu'il  payait  absorbaient  tous  ses  revenus. 
Edouard  voulut  se  libéier,  et  pour  y  arriver  il  ven- 
dit en  1  333  à  Guillaume  de  Sure,  archevêque  de 
Lyon,  sa  terre  et  seigneurie  de  Miribel  avec  son 
mandement,  la  terre  de  Montaney  et  la  garde  de  l'Ile- 
Barbe  et  de  Vimy,  moyennant  la  somme  de  trente 
mille  florins  d'or  et  le  château  de  Ternant.  Cette 
vente  fut  faite  de  l'avis  de  Girard  de  Chaintré,  cu- 
rateur du  jeune  sire  de  Beaujeu.  Ses  plus  fortes 
dettes  payées,  il  songea  à  accroître  ses  revenus  et 
à  augmenter  son  domaine.  Le  comte  de  Savoie  était 
tout  disposé  à  lui  faire  la  remise  des  châteaux  de 
Coligny  et  de  Buenc ,   qu'il  avait  promis  à   Gui- 


David   de   Leanlny ,   seigneur   de   Liixou  ;    l'autre ,    Philiberte , 
morte  sans  alliance. 


PHILIBERT. 


Philibert  de  Beaujeu,  baron  de  Liuières  et  d'Amplepuis ,  sei- 
gneur de  Chaumont ,  d'Allognet ,  de  ftleillan ,  de  Charenton ,  de 
Thizy,  de  Chamelet ,  de  Montmelas,  etc.  ,  fut  conseiller  et  cliam- 
l>ellaii  du  roi  François  I^''  et  sénécbal  d'Auvergne.  Il  voulut  inten- 
ter un  procès  au  duc  de  Bourbon  en  revendication  des  terres  de 


156  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

chard  V  pour  l'indemniser  des  perles  qu'il  avait 
éprouvées  dans  la  guerre  contre  le  dauphin.  Cette 
remise  fut  faite  à  Edouard  de  Beaujeu,  le  5  juillet 
1337,  par  le  comte  Aymond,  fils  d'Edouard  de 
Savoie,  qui  se  rendit  à  Ambournay,  où  il  reçut  la 
promesse  du  sire  de  Beaujeu  pour  les  hommages 
de  Thoissey  et  de  Lent ,  selon  qu'il  avait  été  con- 
venu. Il  fut  encore  arrêté  que  cet  hommage  serait 
semblable  pour  la  forme  à  ceux  que  devaient  à  la 
couronne  de  Savoie  Louis  de  Savoie ,  seigneur  de 
Vaud,  Jacques  de  Savoie,  prince  de  Piémont,  et  le 
comte  de  Genève  ;  à  la  réserve  par  le  sire  de  Beau- 
jeu  de  la  fidélité  qu'il  devait  au  roi  de  France,  aux 
ducs  de  Bourgogne  et  de  Bourbonnais ,  à  l'arche- 
vêque de  Lyon  et  aux  abbés  de  Cluny  et  de  l'Ile- 
Barbe.  Cet  hommage  neutlieu  que  le  26  juin  1  343, 
en  la  chapelle  de  l'abbé  d'Iiaulecombe,  eu  présence 


Beaujolais  et  de  Dombes,  selon    la    substitutiou  de  Guicbard-le- 
Grand.  Voici  ce  (|u'en   dit   une  vieille  cbronique  manuscrite  : 

«'  Il  est  à  savoir  que  par  un  débat  qu'eut  le  ieu  sieur  de  Li- 
ft nières  avec  feu  M.  le  duc  ,  en  présence  du  feu  roi  Louis ,  lui  fut 
«  reproclié  eiilr'autres  choses  qu'il  et  ses  prédécesseurs  injus- 
«  lement  déteuoient  ladite  sirie  de  IJeaujoIois  et  qu'il  la  portoit 
«  sans  titre  raisonnable  ,  dont  il  seroit  dainpné  ,  et  que  icelle 
<•<  sirie  lui  appartenoit  et  que  le  roy  en  étoit  bien  informé  ;  et  après 
f<  aucimes  paroles  ledit  feu  ^l.  le  duc  dit  en  riant  audit  sieur 
«  de  Linières  s'il  le  vouloit  quitter  poui-  un  brasselel  d'or  qu'il 
f(  avoit  sur  lui ,  où  il  y  avoit  le  beau  balay  et  le  diamant ,  et 
«   plusieurs  autres  belles  bagues  ,  <]ui  valoient  quaranle  ou  rin- 


DES  SIRES  DK  BEAUJEU.  157 

des  évéques  de  Sions,  de  Maurienne,  de  Grenoble, 
de  Genève  et  de  Belley.  Ajirès  avoir  constaté  que 
les  châteaux  de  Lent  et  de  Thoissey  étaient  allo- 
diaux  et  libres  de  toute  servitude,  le  sire  de  Beaujeu 
se  constitua  homme  et  vassal  du  comte  de  Savoie 
pour  les  châteaux  qu'il  dit  tenir  de  lui  en  fief. 

Edouard  de  Beaujeu  acquit  du  seigneur  Etienne 
de  Laye  la  terre  et  seigneurie  d'Hérons,  en  la  pa- 
roisse d'Aignereins  près  Villeneuve  en  Bombes, 
avec  les  revenus ,  droits ,  corvées  ,  etc. ,  et  tous  les 
domaines  en  terres  labourables,  prés,  pàquiers, 
vierres,  forêts,  chasse,  choses  cultes  et  incultes; 
plus ,  la  justice  haute  et  basse  et  droits  qu'il  avait 
sur  les  hommes  taillables  et  non  taillables ,  et  tout 
ce  qui  lui  appartenait  audit  lieu.  En  échange,  le 
seigneur  de  Laye  reçut  la  justice  haute  et  basse  des 
paroisses  de  St-Lager  et  Cercler  en  Beaujolais,  avec 


(juante  mille  ccus.  Mais  ledit  de  Linières  lui  répondit  qu'il  ne 
le  quitteroit  pas  pour  deux  fois  autant  ;  mais  il  lui  fut  répondu 
par  le  sieur  dit  duc  qu'il  ne  voudroit  lui  en  avoir  Laillé  un  cha- 
peau de  paille  ;  et  lors,  pour  complaire  au  roy  ou  autrement, 
ledit  sieur  de  Linières  lui  dit  plusieurs  grands  outrages  ,  à  quoy 
le  roy  prit  plaisir,  et  le  duc  fut  très  mal  coûtent  dudit  feu  sieur 
de  Linières.   » 

Le  procès  fut  poursuivi  devant  le  parlement,  et  terminé  enûn 
par  un  arrangement  du  5  octobre  1516  et  confirmé  pardevant 
Blain  et  Montent,  notaires,  le  2  juin  1518.  Philibert  reçut  les 
seigneuries  d'Allognet ,  de  Lay  et  d'Ussel,  avec  une  rente  de  1,500 
livres  dont  il  se  contenta  pour  tout  droit.  Il  acheta  ensuite  dudit 


158  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

tous  droits  en  dépendant,  hommages,  renies, 
usages,  corvées,  journaux,  services  forcés,  soit 
en  deniers,  blé,  froment,  seigle  ,  orge,  avoine,  vin, 
poules,  poulets,  chapons,  huile,  miel,  cire,  et 
toutes  sortes  de  légumes;  plus,  le  droit  de  bâtir 
bourgs  clos  et  fermés ,  y  accorder  foires  et  marchés 
avec  franchises ,  sauf  au  seigneur  de  Beaujeu  la  su- 
périorité et  le  ressort.  Le  seigneur  de  Laye  prit  le 
tout  en  Uef  et  en  fit  immédiatement  foi  et  hom- 
mage, se  reconnaissant  homme-lige  du  sire  de  Beau- 
jeu. 

Dès  l'année  1332,  Edouard  de  Beaujeu  avait 
commencé  à  se  signaler  dans  les  armes  sous  le 
comte  d'Eu.  En  1339  il  suivit  le  roi  Philippe  de 
Valois  dans  les  guerres  de  Flandres,  et  l'année 
ajirès  il  se  convril  de  gloire  par  la  défense  de  Mor- 
tagne  sur  l'Escaul,  dont  le  roi  lui  avait  confié  la 


duc  le  château  et  seigneurie  de  Tiiizy  ;  et  de  Claire  de  Villars  , 
veuve  de  Philippe  du  Crozet ,  seigneur  de  Gregnin ,  la  seigneurie 
de  Montmelas. 

n  avait  {'pousé  le  10  octoln-e  liiOl  Catherine  d'Amboise ,  (îlle 
de  Charles  d'Amboise  ,  cli(;valier,  seigneur  de  Chauraont,  cl  de 
Catherine  de  Cliauvigiiv.  PhililxM'l  de  Picaujcu  mourut  sans  en- 
f'auls  vers  l'an  liJ42,  et  en  lui  sV'teignit  l'illustre  nom  de  lieaujeu. 
Callierine  d'Amboise  se  l'emaria  avec  Louis  de  Clèves ,  comte 
d'Auxerre ,  fils  d'Engiiliert  de  Clèves  ,  comte  de  ÎS'evers.  et  de 
Charlotte  de  Bourbon.  I.a  riche  succession  de  Philibert  de 
lieaujeu. fut  vivement  disputée.  Sa  veuve  en  réclamait  la  majeui-e 
partie,  tant  |)ar  suite    de  la  donation  (|ue  sondit  mari   lui  avait 


* 

DES  SIRES  DE  BEAUJEL'.  159 

garde.  Prévenu  que  le  comte  de  Hainault ,  à  la  tète 
d'une  troupe  brave  et  déterminée,  devait  venir  l'at- 
taquer ,  Edouard  prit  toutes  les  précautions  que  sa 
prudence  lui  suggéra  et  attendit  l'ennemi.  Celui  ci 
arriva  bientôt,  et  attaqua  la  place  avec  furie.  Beau- 
jeu  défendit  lui-même  le  point  le  plus  faible,  qui 
était  à  la  porte  dite  de  Mandé.  <:<  Le  sire  de  Beau- 
ce  jeu,  dit  Froissart,  vint  cette  part  très  bien  pourvu 
ce  de  deffendre ,  car  bien  savoit  qu'il  n'avoit  que 
c  faire  d  autre  pari,  et  tenoit  un  glaive  roide  et  fort 
c<  à  un  long  fer  bien  acéré ,  et  dessous  ce  fer  avoit 
ce  un  havet  aigu  et  prenant ,  si  que  quand  il  avoit 
ce  lancé  et  il  pouvoit  saclier  en  fichant  le  havet  en 
ce  plates  ou  en  haubergeon  dont  on  étoit  armé, 
ce  il  convenoit  qu'on  se  venist  ou  que  on  fust  ren- 
cc  versé  en  l'eau.  Par  cette  manière  en  attrapa- t-il 
ce  et  noya  ce  jour  plus  d'une  douzaine.  " 


faite  le  4  lévrier  1540  des  terres  de  Chamelet,  d'Allognet, 
d'Ussel  et  de  Lay,  que  de  son  chef  à  elle,  comme  proche  parente, 
par  Catherine  de  Chauvigny  sa  mère.  D'un  autre  côté ,  la  maison 
de  Choiseuil  et  celle  de  Bartoii  de  Montbar,  issues  de  Louis  de 
Suilly ,  mari  de  Marie  de  Beaujeu ,  venaient  aussi  en  revendica- 
tion des  biens  du  baron  de  Linières.  Un  premier  arrêt  du  parle- 
ment de  Paris  ordonna  le  partage  de  la  succession  ;  mais  l'affaire 
ayant  été  évoquée  au  conseil  du  roi  et  renvoyée  au  parlement  de 
Grenoble ,  la  totalité  des  biens  fut  adjugée  par  ai-rèt  du  4  juin 
1573  à  Charles-Ludovic  duc  de  Nevers ,  qui  en  vendit  la  majeure 
partie  à  Claude  de  Rébé ,  par  conh'at  du  10  mars  1578,  au  prix 
de  120,000  livres. 


1  60  GÉNÉALOGIE   HISTORIQUE 

Voyant  qu'il  fallait  renoncer  à  emporter  la  place 
d'assaut,  le  comte  de  Hainault  la  lit  attaquer  par  le 
moyen  d'une  machine  de  guerre  qui  lançait  des 
pierres  et  incommodait  fort  les  assiégés.  Ceux-ci 
lui  opposèrent  une  machine  semblable  et  la  firent 
jouer.  Les  deux  premiers  coups  réussirent  assez 
bien  ;  c<  mais  la  tierce  pierre,  ajoute  Froissart ,  fut 
c<  si  bien  appointée  qu'elle  férit  lengin  parmi  la 
«  flèche  et  la  rompit  en  deux  moitiés.  »  Le  comte 
de  Hainault,  déses[)érant  d'emporter  une  place  aussi 
vaillamment  défendue ,  prit  le  parti  de  se  retirer. 

Edouard  de  Beaujeu  ne  cessa  de  serWr  son  roi. 
La  malheureuse  bataille  de  Crécy  lui  offrit  bientôt 
l'occasion  de  cueillir  de  nouveaux  lauriers.  Il  y  pa- 
rut accompagné  de  neuf  bacheliers  et  de  cinquante- 
six  écuyers ,  sous  les  ordres  du  duc  de  jNormandie, 
qui,  plus  tard,  fut  le  roi  Jean.  Les  Anglais ,  après 
être  venus  jusqu'à  Poissy  et  sous  les  murs  de  Paris, 
se  retiraient  sur  la  Flandres,  et  avaient  déjà  j)assé 
la  Somme.  l^hilipj)e  de  Valois  les  suivait  de  près  et 
ne  cherchait  que  l'occasion  de  combattre,  «  espè- 
ce rant,  dit  Froissart,  contrevenger  l'honneur  de  son 
ce  royaume,  et  la  grand'  destruction  que  les  Anglois 
te  y  avoicnt  faite.  »  Edouard  d'Angleterre  l'atten- 
dait dans  uue  position  avantageuse  qui  dominait  le 
village  de  Crécy ,  et  tenait  son  armée  préparée  au 
combat.  Le  samedi  26  août  1  346  ,  le  roi  de  France 
sortit  d  Abbeville  et  s'avança  sur  l'armée  anglaise. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  61 

Arrivé  à  une  certaine  distance,  il  envoya  qualité 
moult  vaillants  chevaliers ,  le  seigneur  Lemoyne 
de  Basèle,  le  seigneur  Miles  de  Noyers,  le  sire  de 
Beaujeu  et  le  seigneur  d'Aubigny,  pour  reconnaître 
la  position  de  l'ennemi.  Basèle  rendit  compte  de 
leurs  observations,  et  conseilla  au  roi  de  ne  pas 
attaquer  ce  jour-là  :  «  car,  dit-il,  aincois  que  vos 
«  batailles  soient  ordonnées  il  sera  tard ,  si  seront 
«■  vos  gens  lassés  et  travaillés  et  sans  arroy,  et  trou- 
«  verez  vos  ennemis  frais  et  pourvus  ;  si  pouvez 
c<  lendemain  au  matin  ordonner  vos  batailles  et  par 
ce  plus  grand  loisir  aviser  vos  ennemis  par  quel  côté 
«  on  les  pourra  combattre,  car  soyez  sur  qu'ils  vous 
«  attendront.  » 

Cet  avis  sembla  d'abord  prévaloir,  mais  la  bra- 
voure française  l'emporta  sur  la  prudence,  et  le 
combat  s'engagea.  On  sait  quelle  en  fut  l'issue  fu- 
neste. Trente  mille  Français  et  la  fleur  de  la  che- 
Valérie  restèrent  sur  la  place.  Philippe  de  Valois, 
après  avoir  fait  des  prodiges  de  valeur,  abandonna 
le  champ  de  bataille,  et  suivi  de  Jean  de  Hainault, 
de  Charles  de  Montmorency,  et  des  sires  d  Aubigny, 
de  Beaujeu  et  de  Montfort,  qui  n'avaient  j)as  quitté 
ses  côtés  pendant  le  combat,  se  retira  au  château 
de  Broyé,  dont  il  se  fit  ouvrir  les  portes  en  s'écriant  : 
«  Ouvrez,  c'est  la  fortune  de  la  France.  » 

En  1347,  Edouard  de  Beaujeu  reçut  la  récom- 
pense de  ses  services  et  fut  créé  maréchal  de  France 

li 


1  62  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

sur  la  démission  de  Charles  de  Montmorency,  son 
beau-frère.  Il  avait  alors  trente-un  ans  et  com- 
mandait une  compagnie  de  cent  hommes  d'armes, 
parmi  lesquels  se  trouvait  une  partie  de  la  noblesse 
de  Beaujolais  et  de  Dombes.  On  y  remarquait 
entre  autres  Guillaume  de  Beaujeu,  Jean  de  Thélis, 
le  bâtard  de  Beaujeu,  Jean  de  Varennes,  Guillaume 
de  Forges ,  Jean  d'Ars ,  Bertrand  du  Saix ,  Robert 
de  Beaujeu  et  autres. 

C'est  en  sa  nouvelle  qualité  qu'Edouard  accom- 
pagna le  roi  qui  se  rendait  au  secours  de  Calais 
assiégé  par  les  Anglais.  Arrivé  en  face  de  l'ennemi , 
Philippe  de  Valois  reconnaissant  l'impossibilité  de 
ratta([uer  ou  de  le  forcer  dans  ses  retranchements , 
lui  envoya  les  sires  de  Charny,  deRibaumont,  de 
Nesle  et  le  maréchal  de  Beaujeu  pour  lui  offrir  la 
bataille;  l'Anglais  refusa  énergiquement,  et  finit  en 
disant  :  «  Si  dites  à  mon  adversaire  que  si  il  ni  ses 
«  gens  ne  peuvent  par  là  passer,  que  ils  voisent  au- 
tc  tour  pour  quérir  la  voie.  «  Le  roi  fut  obligé  de 
se  retirer  et  d'abandonner  les  malheureux  Calaisiens 
à  toutes  les  horreurs  d'un  siège,  qui  ne  devait  finir 
que  par  le  dévouement  sublime  d'Eustache  de  St- 
Pierre. 

Amé  VI ,  comte  de  Savoie ,  surnommé  le  comte 
Vert,  se  disposait  à  châtier  les  Valaisans  insurgés 
contre  leur  évèque.  Le  maréchal  de  Beaujeu  lui 
amena  des   troupes ,  et  combattit  à  ses  côtés.  Le 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  63 

comte  assiégea  Sions,  monta  le  premier  à  l'assaut, 
et,  malgré  la  résistance  désespérée  des  assiégés,  em- 
porta la  place. 

C'est  cette  même  année  que  le  roi  fit  don  au 
maréchal  de  Beaujeu  de  la  ville  et  cliàtellenie  de 
Chàteauneuf  en  Maçonnais. 

Edouard  fit  le  voyage  de  la  Terre-Sainte  en  1350, 
et  emmena  à  ses  frais  grand  nombre  de  chevaliers 
et  d'écuyers.  Il  y  resta  peu  de  temps,  et  après  quel- 
ques faits  d'armes  revint  consacrer  son  épée  et  sa 
vie  au  service  de  la  France.  A  peine  arrivé,  il  reprit 
les  armes.  Philippe  de  Valois  était  mort,  Jean  son 
fils  lui  avait  succédé.  Ce  prince  résistait  avec  énergie 
aux  prétentions  et  aux  attaques  des  Anglais  ;  il  pour- 
vut avec  soin  aux  commandements  les  plus  impor- 
tants. «  Il  envoya  à  St-Omer  ce  vaillant  chevalier, 
ce  messire  Edouard,  seigneur  de  Beaujeu,  pour  être 
«  là  capitaine  de  toutes  gens  d'armes  et  de  fron- 
ce tières  contre  les  Anglois.  »  Edouard  répondit  di- 
gnement à  la  confiance  de  son  souverain ,  et  com- 
battit maintes  fois  les  ennemis  avec  avantage. 

Jean  de  Beauchamp  commandait  Calais  pour  le 
roi  d'Angleterre ,  et  tentait  souvent  des  coups  de 
main  sur  les  terres  de  France.  Or,  dans  la  nuit  de 
la  Pentecôte  de  l'an  1  3.52,  il  sortit  de  la  ville  avec 
trois  cents  cavaliers  et  deux  cents  archers.  Il  vint  à 
marche  forcée,  et  au  point  du  jour  se  trouva  aux 
portes  de  St-Omer.  Sa  troupe  se  dispersa  dans  la 


1  (>4  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

plaine,  et  y  fit  un  riche  butin.  Beauchamp  se  remit 
en  route  en  bon  ordre  pour  retourner  à  Calais ,  se 
faisant  précéder  par  ses  gens  de  pied  qui  emme- 
naient les  prises  qu'on  avait  faites. 

Le  sire  de  Beaujeu  était  encore  dans  son  lit 
lorsqu'il  apprit  cette  nouvelle.  Il  se  leva  et  s'arma 
à  la  hâte,  fit  sonner  la  trompette  et  prévenir  tous  les 
chevaliers  et  écuyers  qui  se  trouvaient  à  St-Omer; 
mais  ne  voulant  pas  attendre  que  toute  la  garnison 
fut  réunie,  il  s'élança  hors  de  la  ville  suivi  de  cent 
hommes  bien  armés  et  bien  montés  et  bannière  en 
tète.  Il  eut  bientôt  retrouvé  la  trace  des  Anglais,  et 
les  suivit  avec  rapidité.  Derrière  lui,  et  à  difterentes 
distances ,  arrivaient  successivement  Guichard  de 
Beaujeu  son  frère  qui  le  suivait  de  très  près,  puis 
le  comte  de  Porcéan,  Guillaume  de  Bourbon,  Bau- 
douin d'Ennekins,  Drues  de  Koye,  Guillaume  de 
Craon ,  Oudart  de  Henty,  Guillaume  de  Bailleul, 
Hector  Kieret,  Hugues  de  Longueval ,  le  sire  de 
Sains,  Baudouin  de  Hellebourne,  le  sire  de  St-Dizier, 
le  sire  de  Sl-Sauf-I^ieu,  Robert  de  Barentin,  Bau- 
douin de  Cuvilier,  et  plusieurs  autres  chevaliers. 

Cependant  les  Anglais  se  retiraient  en  bon  ordre 
<;t  étaient  déjà  près  du  village  d'Ardres,  à  quatre 
lieues  de  St-Omer,  lorsqu'ils  aperçurent  les  en- 
seignes de  Beaujeu.  Rassurés  par  le  petit  nombre 
dhommes  qui  accompagnaient  Edouard ,  ils  réso- 
lurent de  les  attendre  et  de  les  combattre;   mais 


DES  SIRES   DE   BEAUJEU.  I  G5 

comme  lems  chevaux  étaient  harassés  de  fatigue 
par  suite  de  la  course  qu'ils  avaient  faite  la  nuit 
précédente,  ils  mirent  pied  à  terre,  et,  profitant  d'un 
large  fossé  qui  entourait  un  pré,  se  placèrent  der- 
rière ce  retranchement  et  attendirent  les  Français. 
Edouard  arriva  sur  le  revêtement  du  fossé  ;  mais 
présumant  que  ses  gens  ne  pourraient  le  faire  fran- 
chir à  leurs  chevaux,  tant  à  cause  de  sa  largeur  que 
de  l'humidité  du  terrain  qui  n'offrait  pas  de  prise, 
il  fit  mettre  pied  à  terre ,  tira  son  épée ,  et  se  retour- 
nant vers  son  porte-enseigne ,  il  s'écria  :  «  Avant , 
ce  bannière ,  au  nom  de  Dieu  et  de  saint  George  !  « 
Il  s'élança  en  même  temps  et  franchit  le  fossé  en 
face  des  Anglais;  mais  en  touchant  terre  son  pied 
glissa,  et  il  tomba.  Un  homme  d'armes  des  ennemis 
s'élança  sur  lui  et,  avant  qu'on  put  le  secourir,  lui 
plongea  son  épée  au  défaut  de  la  cuirasse.  Le  coup 
était  mortel  :  Edouard  se  retourna  deux  ou  trois 
fois,  et  resta  sans  mouvement.  A  la  vue  de  leur 
chef  étendu  sur  la  place,  tous  les  gens  du  maréchal 
franchirent  le  fossé  et  volèrent  à  son  secours.  La 
mêlée  fut  terrible ,  et  l'acharnement  égal  de  part  et 
d'autre.  Les  Français,  moins  nombreux  que  leurs 
ennemis,  allaient  succomber,  presque  tous  étaient 
blessés  ;  Baudouin  de  Cuvilier  avait  perdu  un  œil , 
beaucoup  avaient  été  tués,  lorsque  Guichard  de  Beau- 
jeu  arriva  à  bride  abattue,  fit  franchir  le  fossé  à  sou 
clieval,  et  vit  avec  désespoir  son  frère  couché  àlerre 


166  GÉNÉALOGIE   HISTORIQUE 

et  baigné  dans  son  sang.  Celui-ci  respirait  encore, 
et  reconnaissant  Guichard  :  «  Beau-frère,  lui  dit-il, 
c<  je  suis  navré  à  mort,  ainsi  que  je  le  sens  bien,  si 
«  vous  prie  que  vous  releviez  la  bannière  de  Béan- 
te jeu,  qui  oncques  prise  ne  fut,  et  pensez  de  moi 
ce  contrevenger  ;  et  si  de  ce  chamj)  partez  en  vie,  je 
«  vous  prie  que  vous  soigniez  d'Antoine  mon  fils , 
ce  car  je  le  vous  recharge,  et  mon  corps  faites-le 
«  porter  en  Beaujolois,  car  je  veux  gésir  en  ma  ville 
c<  de  Belleville  ;  de  longtemps  a  y  ai-je  ordonné 
«  ma  sépulture.  « 

Guichard  promit  à  son  frère  d'exécuter  toutes 
ses  volontés,  et  ne  songea  plus  qu'à  le  venger.  Tl 
releva  l'enseigne  de  Beaujeu,  et  la  confia  à  un  de 
ses  meilleurs  écuyers.  Une  partie  des  renforts  étaient 
arrivés  ;  la  fureur  des  Français  n'avait  jilus  de 
bornes  :  ils  s'élancèrent  sur  les  ennemis  au  cri  de 
Beaujeu!  Les  Anglais  se  tenaient  serrés  et  en  bon 
ordre ,  résolus  à  soutenir  vaillamment  lattaque. 
Guichard  de  Beaujeu,  l'épéc  à  la  main,  les  joignit 
le  premier,  s'ouvrit  un  large  passage,  et  s'attacha  à 
Jean  de  Beaucharap  qu'il  alla  trouver  jusque  sous  sa 
bannière.  Chacun  combattait  à  outrance ,  honmie 
conlre  homme ,  j)oitrine  contre  j)oitrine  ;  lutte 
acharnée,  dans  laquelle  le  désir  de  la  vengeance 
d'un  côté  et  la  nécessité  de  l'autre  enfantèrent  des 
prodiges  de  valeur.  Guichard,  entoiu'é  parles  enne- 
mis,  grièvement  blessé  ei  (ouxert  de  sang,  allait 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  G7 

succomber,  lorsqu'il  fut  délivré  par  le  comte  de 
Porcéan ,  Guillaume  de  Bourbon  et  Baudouin 
d'Ennekins,  qui  furent  obligés  de  le  porter  hors  du 
combat ,  pour  lui  un  petit  rafjraichir,  car  il  était 
tout  essanê. 

La  vaillance  était  égale  de  part  et  d'autre  et  le 
sort  du  combat  était  encore  incertain ,  lorsque  les 
brigands  (soldats  armés  de  brigandines),  arrivant  de 
St-Omer,  rejoignirent  les  Français.  Ce  renfort  leur 
assura  la  victoire.  Les  Anglais  tinrent  encore  long- 
temps, mais  ils  furent  tous  pris  ou  tués.  Parmi  les 
prisonniers  se  trouvèrent  Jean  de  Beaucbamp , 
Louis  de  Clifford ,  Olivier  de  Beaucestre  ,  Philijipe 
de  Beauvei't,  Louis  Tuiton,  Alexandre  Ansiel  et 
beaucoup  d'autres  chevaliers.  Mais  cette  victoire 
fut  chèrement  achetée;  Edouard  de  Beaujeu  mou- 
rut pendant  le  combat  :  «  Le  gentil  chevalier  qui 
«  si  vaillant  homme  fut,  et  si  prud'homme,  dévia 
«  là  sur  la  place.  » 

Une  partie  des  Français  se  mirent  à  la  poursuite 
de  ceux  des  Anglais  qui  emmenaient  le  butin,  les 
défirent,  et  ramenèrent  le  convoi  à  St-Omer.  On  y 
apporta  le  même  jour  le  corps  du  malheureux 
Edouard  de  Beaujeu,  qui  fut  embaumé  et  conduit 
à  Belleville,  selon  ce  qu'il  avait  ordonné.  Guichard 
fut  aussi  transporté  avec  peine  à  St-Omer,  où  il  fut 
longtemps  à  se  remettre  de  ses  blessures. 

Ainsi  mourut  le  maréchal  Edouard  de  Beaujeu, 


^  68  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

à  làge  de  trente-six  ans ,  frappé  au  milieu  d'une  car- 
rière qu'il  parcourait  avec  éclat  et  qui  semlslait  lui 
promettre  les  plus  hautes  destinées.  Sa  mort  excita 
des  regrets  universels,  et  il  fut  pleuré  amèrement 
des  populations  de  ses  états,  qui,  connaissant  sa 
justice,  sa  générosité  et  sa  loyauté  chevaleresque, 
fondaient  sur  son  règne  l'espoir  d'un  bonheur  au- 
quel le  peuple  était  peu  accoutumé  à  cette  époque 
de  troubles. 

Edouard  avait  testé  le  27  mai  1  3A6 ,  et  fait  de 
nombreux  legs  aux  églises  et  communautés  de  ses 
seigneuries.  La  chapelle  de  Notre-Dame  de  Mont- 
merle  lui  dut  l'établissement  et  la  dotation  de  six 
prêtres  de  St-Augustin. 

Il  avait  épousé,  le  6  novembre  1  338,  Marie  du 
Thil ,  dame  de  Bourboille ,  de  la  Roche-?S  olay,  de 
Montagny  et  de  Carisy,  fille  de  Jean,  seigneur  du 
Thil  en  Auxois ,  et  d'Agnès  de  Frolois. 

De  ce  mariage  sont  issus  : 

1°  Antoine,  dont  l'article  suit; 

2°  Marguerite,  née  à  Montmerlc  le  20  octobre 
1  346  ,  et  mariée,  à  Belley,  le  1  6  juillet  1362  ,  à 
Jacques  de  Savoie,  prince  d'Achaïe  et  de  Morée, 
à  qui  elle  porta  les  seigneuries  de  Berzé,  Cenves  et 
Juliénas.  Marguerite,  étant  veuve,  prit  l'habit  du 
tiers-ordre  de  St-François  et  passa  le  reste  de  sa 
vie  dans  une  grande  dévotion.  Fille  avait  en  deux 
enfants  do  son  niariago.  Aîné  cl  Fouis  de  Savoie. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  69 

Le  testament  de  cette  princesse  est  du  21  octobre 
1  388.  Marie  du  Thil  eut  la  garde  et  tutelle  de  ses 
enfants,  dont  elle  administra  les  biens  avec  une 
vive  sollicitude.  Elle  fit  de  grandes  économies  ,  et 
de  leurs  produits  acheta  plusieurs  seigneuries  en 
Maçonnais. 

Cette  princesse  mourut  au  château  de  Pouilly  le 
k  mars  1  389. 

ANTOINE. 

Antoine  de  Beaujeu  naquit  au  château  de  Pouilly 
en  Beaujolais ,  le  1  2  août  1  343  ;  et  en  1  348  ,  le 
1  0  février,  alors  qu'il  n'était  âgé  que  de  cinq  ans , 
son  mariage  fut  accordé,  à  Romenay,  du  consente- 
ment et  de  Tordre  d'Edouard  son  père,  avec  Jeanne 
d'Antigny,  fille  de  Guillaume ,  seigneur  d'Antigny 
et  de  Ste-Croix,  et  de  Marguerite  de  MontJjelliard, 
qui  devait  apporter  en  dot  la  seigneurie  de  Boisivan 
en  Bresse  cliàlonnaise  ;  son  père  s'engageant  encore 
à  lui  donner  le  château  de  Ste-Croix ,  dans  le  cas 
où  il  n'aurait  pas  d'enfant  mâle,  outre  la  moitié  des 
biens  de  Marguerite  de  Montbelliard,  mère  de  la- 
dite fiancée.  Antoine  de  Beaujeu  reçut  l'assurance 
des  seigneuries  de  Beaujeu ,  de  Belleville  et  Ville- 
franche,  après  le  décès  de  son  père,  et,  en  attendant, 
ime  terre  de  cinq  cents  livres  de  rente.  Le  douaire 
de  la  fiancée  fut  assigné  sur  le  château  de  Cha- 


170  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

melet.  Ce  traité  fut  passé  en  présence  de  Hugues 
fie  la  Roche,  Etienne  de  la  Beaume,  Girard  de 
Thurey,  Guillaume  de  la  Beaume,  Etienne  de  Laye 
et  Hugues  de  Gletteins.  Des  raisons  qui  nous  sont 
inconnues  empêchèrent  ce  mariage  d'avoir  lieu. 

Marie  du  Thil,  tutrice  du  jeune  prince,  voulant 
prévenir  toute  difficulté,  fît  limiter  plusieurs  points 
de  ses  seigneuries.  C'est  ainsi  qu'en  1  3o3  on  fixa 
les  limites  de  la  prévôté  de  Limas  avec  la  seigneurie 
de  Riottiers ,  qui  appartenait  à  l'archevêque  de 
Lyon.  Guillaume  de  Thurey,  doyen  de  l'église 
de  Lyon ,  et  Etienne  de  Laye ,  chevalier ,  furent 
chargés  de  cette  opération. 

En  même  qualité  elle  fit  don  ,  en  1  3  5  7 ,  à  Etienne 
Perret,  de  la  J^oype  ou  fort  de  Frans  sur  la  Saône, 
«  pour  le  récompenser,  dit  Louvet,  des  services 
«  qu'il  avait  rendus  à  feu  sire  Edouard  de  Béan- 
te jeu  son  mari.  ■>>  Ces  biens  avaient  été  achetés 
d'Etienne  de  Gletteins,  chevalier,  par  Guichard  de 
Beaujeu,  en  1  32.^. 

En  1358  Antoine  confirma  les  privilèges  de 
Beaujeu,  et  fonda  à  l'église  collégiale  de  cette  ville 
la  chapelle  de  St-Jean  l'évangéliste.  Le  revenu  en 
fut  assigné  sur  le  péage  de  Belleville.  L'église  de 
Villefranche  reçut  aussi  une  dotation  de  ce  prince 
par  la  fondation  de  la  chapelle  de  St-Jacques  et  de 
St-Antoine,  pour  deux  j)rétres  qui  devaient  chaque 
']()\\r  célébrer  une  messe  pour  le  re[)os  de  l'àme  des 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  171 

sires  de  Beaujeu,  et  à  chacun  desquels  on  assigna 
pour  ce  service  six  livres  viennoises ,  deux  ànées 
de  froment  et  quatre  de  seigle ,  plus  six  ànées  de 
vin,  à  prendre  aussi  chaque  année  sur  le  péage  de 
Belleville. 

Le  comte  Vert  institua,  en  1362,  l'ordre  du 
Collier,  dit  de  l'Annonciade.  Le  nombre  des  che- 
valiers fut  fixé  à  quinze,  le  souverain  compris,  et 
ils  furent  tous  choisis  parmi  la  première  noblesse  et 
la  plus  illustre.  Antoine  de  Beaujeu  fut  nommé  le 
troisième  ;  les  seigneurs  de  Chàlon ,  de  Chalamont , 
de  Vienne,  de  Grançon,  etc.,  ne  vini'ent  qu'après; 
le  comte  de  Savoie  et  le  comte  de  Genève  furent 
les  deux  premiers.  Cette  marque  d'estime  d'un  sou- 
verain tel  qu'Ame  VI  prouve  de  quelle  considé- 
ration jouissait  déjà  le  jeune  sire  de  Beaujeu. 

Quelques  démêlés  ayant  eu  lieu  en  1  363  entre 
les  habitants  de  Villefranche  et  d'Anse,  Antoine  de 
Beaujeu,  d'accord  avec  l'Eglise  de  Lyon,  nomma 
pour  terminer  ce  différend  Jean  de  Thélis  etHum- 
bert  d'Albon ,  chevaliers. 

L'année  suivante  il  rejoignit  l'armée  royale  qui 
tenait  la  campagne  en  Normandie,  et  se  signala  à  la 
bataille  de  Cocherel,  sous  les  ordres  deDuguesclin. 
Froissart  le  cite  avec  éloge  :  «  Là  furent  moult  bons 
«  chevahers  du  côté  des  François... ,  le  jeune  sire  de 
"  Beaujeu,  messire  Antoine,  qvii  là  leva  bannière.  » 

La  paix  qui    avait  suivi  la  mort  du  roi  Jean 


172  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

n'avait  pas  été  sans  dangers  pour  la  France  ;  les 
grandes  Compagnies,  ramassis  de  tout  ce  que  l'armée 
avait  de  plus  aventureux,  parcouraient  les  provinces 
qu'elles  dévastaient  et  mettaient  à  rançon.  Rendre 
de  pareilles  gens  à  l'existence  civile  était  chose  im- 
possible ;  l'habitude  des  combats  et ,  disons-le ,  du 
pillage,  leur  avait  créé  une  vie  trop  selon  leur  goût 
pour  qu'ils  pussent  y  renoncer.  Beaucoup  de  capi- 
taines expérimentés,  vieillis  dans  la  guerre,  beau- 
coup de  nobles ,  étaient  parmi  eux  ,  beaucoup 
d'autres  venaient  journellement  les  rejoindre.  Ces 
bandes,  sans  discipline,  pouvaient  menacer  le  trône 
même  et  devenir  pour  la  France  plus  dangereuses 
que  les  Anglais.  On  voulut  s'en  délivrer;  Bertrand 
Duguesclin  accomplit  cette  diflicile  entreprise  en 
utilisant  leurs  services.  Il  les  rejoignit  dans  les 
plaines  de  Chalon-sur-Saône,  et  sut  faire  vibrer 
dans  leurs  cœurs  ce  qui  pouvait  y  rester  encore 
d'honneur  et  de  loyauté.  Il  fut  accueilli  avec  en- 
thousiasme, et  tous  jurèrent  de  le  suivre  et  de 
combattre  avec  lui.  Profitant  de  cet  élan ,  il  les  con- 
duisit en  Espagne,  dont  il  leur  avait  j)roniis  la  con- 
quête. Il  tint  sa  parole,  et  sut  faire  triomplier  la 
cause  d'Henii  de  Transtamare  contre  Pierre-le- 
Cruel.  Duguesclin,  avant  de  partir,  avait  fait  un 
appel  à  la  chevalerie  française;  presque  toute  la 
jeune  noblesse  avait  entendu  sa  voix,  et  était  venue 
se  ranger  sous  ses  étendards.  Antoine  de  Beaujeu 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  173 

fut  des  premiers  à  répondre  à  cet  appel;  il  suivit 
son  illustre  chef  en  Espagne,  et  s'y  distingua  dans 
nombre  d'occasions. 

Après  cette  mémorable  conquête  de  l'Espagne , 
le  sire  de  Beaujeu  combattit  sous  les  ordres  du  duc 
de  Berry  dans  la  Guyenne  et  le  Quercy,  et  mena 
deux  cents  lances  au  secours  du  duc  de  Bourbon 
qui  assiégeait  le  château  de  Belleperclie  occupé 
par  les  Anglais.  Enfin,  il  fit  la  guerre  en  Limousin 
et  en  Auvergne,  et  suivit  toujours  Duguesclin  dans 
cette  mémorable  guerre  où  l'illustre  connétable 
reconquit  une  partie  de  la  France. 

Antoine  de  Beaujeu ,  revenant  de  Guyenne , 
mourut  à  Montpellier  le  1  2  août  1  374,  jour  anni- 
versaire de  sa  naissance  et  de  son  mariage.  Ce 
prince  n'avait  que  trente-un  ans ,  et  sa  mort  excita 
des  regrets  universels.  Beau,  bien  fait,  spirituel,  il 
sut ,  par  les  hautes  qualités  dont  il  était  doué ,  se 
concilier  l'amitié  des  rois  de  France,  d'Espagne  et 
d'Aragon  et  du  comte  de  Savoie ,  Amé  VI ,  qui  se 
plut  souvent  à  lui  en  donner  des  marques.  Son 
corps  fut  apporté  à  Belleville,  et  inhumé  dans  l'église 
auprès  de  ceux  de  sa  famille. 

Il  avait  épousé,  en  1  372,  Béatrix  de  Chàlon,  fille 
de  Jean,  seigneur  d'Arlay,  d'Argueil  et  de  Cuiseau, 
et  de  Marguerite  de  Mello.  Elle  apporta  en  dot  à 
son  mari  dix  mille  six  cents  florins  d'or  de  Flo- 
rence, à  prendre  sur  les  terres  de  Viteaux,  de  l'Ile 


174  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

sous-Monlréal  et  de  Lorme,  et  cinq  cents  livres  de 
rentes  en  fonds  de  terre  assis  sur  le  château  de 
Broyé.  Son  douaire  fut  fixé  à  mille  livres  de  rentes 
à  prendre  sur  la  terre  de  Chamelet.  Les  cautions 
de  la  dot  furent  Galois  de  la  Beaurae ,  Guy  de 
Vienne,  Philippe  de  Vienne,  seigneur  de  Piniont, 
et  Robert  de  Beaujeu,  chevaliers  ;  en  présence  de 
Hugues  de  Gletteins,  Jean  de  Châles  et  Geoffroy 
de  St-Jean,  chevaliers.  Ces  conventions  furent  faites 
à  Besançon,  par-devant  Jean  Laurent,  notaire,  le 
12  août  1372. 

Antoine,  par  son  testament  de  1374,  institua 
son  héritier  l'enfant  dont  sa  femme  pouvait  être  en- 
ceinte, au  cas  que  ce  fût  un  mâle  ;  et,  par  un  codi- 
cille du  jour  de  sa  mort,  il  lui  substitua  Edouard  de 
Beaujeu,  seigneur  de  Ferreux,  son  cousin.  Parle 
même  acte  il  donne  en  legs  à  sa  sœur  Marguerite 
de  Beaujeu,  princesse  d'Achaie  et  de  Morée  ,  les 
châteaux  de  lîerzé ,  de  Semur  et  de  Juliénas  ;  à 
Béatrix  de  Chàlon  sa  fenmie,  ceux  de  Pouilly  et  de 
Cliaraelet;  et  à  Jean  de  Nagu  son  écuyer,  cinq 
cents  francs  d'or  et  la  chàtellenie  de  Thizy.  Il  or- 
donne ensuite  diverses  œuvres  pies,  et  finit  en  re- 
mettant à  ses  sujets  le  droit  qu'ils  avaient  à  j)ayer 
à  l'avènement  de  son  successeur ,  ajoutant  que 
«  mieux  valoit  avoir  un  ami  sur  la  place  que  de 
(<■  l'argent  en  son  coflVe.  >j 

Aucun  enfant  n'étant  né  de  ce  mariage ,  la  suc- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  175 

cession  passa  à  Edouard,  seigneur  de  Ferreux,  dont 
l'article  suit. 

EDOUARD    II. 

Le  testament  d'Antoine  de  Beaujeu,  rédigé  sur 
les  bases  de  la  substitution  établie  par  Guichard-le- 
Grand  ,  appelait  à  la  succession  Edouard  son  cou 
sin,  fils  de  Guichard,  seigneur  de  Ferreux,  tué  à 
la  bataille  de  Foitiers ,  et  de  Marguerite  de  Foitiers. 
Averti ,  au  château  de  Ferreux  qu'il  habitait ,  de 
la  mort  de  son  cousin  ,  Edouard ,  s'empressant  de 
venir  recueillir  ce  riche  héritage ,  arriva  à  Lyon , 
obtint  le  décret  de  l'official  de  cette  ville ,  celui  du 
juge  ordinaire  de  Beaujolais  ,  et  ordonna  à  Jean  de 
Thélis,  à  Guichard  de  Marzé,  à  Hugues  de  Gletteins 
et  à  Jean  de  Châles,  chevaliers ,  de  faire  exécuter  le 
testament  d'Antoine  de  Beaujeu.  En  conséquence, 
ces  seigneurs  le  mirent  en  possession  des  terres  et 
seigneuries  de  Beaujolais  et  de  Dombes,  à  Belleville, 
le  l^""  septembre  1374.  Mais,  à  peine  assis  sur  le 
siège  seigneurial ,  ce  haut  poste  lui  fut  vivement 
disputé  j)ar  Robert  de  Beaujeu,  seigneur  de  Joux 
sur-Tarare,  son  oncle,  d'une  part;  et,  d'autre  part, 
par  Marguerite  de  Beaujeu,  princesse  d'Achaie,  sa 
cousine  ,  sœur  d'Antoine  de  Beaujeu. 

Marguerite  réclamait  l'héritage   de   son   frère  , 
comme  plus  proche  parente ,   et  se  rendit  à  Faris 


176  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

OÙ  elle  intenta  un  procès  à  Edouard.  Cette  affaire 
n'eut  pas  de  suite  ;  un  arrangement  fut  conclu,  qui 
reconnaissait  et  approuvait  le  legs  à  elle  fait  par  son 
frère  ,  des  châteaux  de  Berzé  ,  Cenves  et  Juliénas , 
et  y  ajoutait  une  somme  de  vingt  mille  francs  d'or, 
pour  complément  de  ce  qui  pouvait  lui  être  dû. 
Marguerite  ,  de  son  côté ,  se  désistait  de  ses  préten- 
tions sur  la  baronnie  de  Beaujolais.  Ce  traité  fut 
approuvé  par  le  roi  Charles  V,  et  vérifié  en  la  cour 
de  parlement  le  29  juillet  1  375. 

Le  procès  avec  Robert  fut  plus  difficile  à  arran  - 
ger.  Les  choses  semblaient  devoir  être  poussées  vi- 
vement, et  le  parlement  était  saisi.  Mais  Edouard 
voulait  en  finir,  et  termina  par  l'abandon  de  la  terre 
et  château  de  Coligny  ,  avec  une  somme  de  quatie 
mille  florins  d'or.  Ce  prince  traita  également  avec 
Blanche  de  Beaujeu,  sa  tante,  pour  les  réclamations 
c|u'elle  prétendait  avoir  à  faire  sur  la  succession  de 
Guichar(l-le-(jrand  son  j)ère,  et  mit  fin  ainsi  au 
jirocès  quelle  avait  intenté  à  Antoine  de  Beaujeu, 
et  qu'elle  suivait  contre  son  successeur. 

D'après  ce  que  nous  venons  de  rapporter  d'E- 
douard de  Beaujeu ,  il  semblerait  qu'on  dût  le 
considérer  comme  un  prince  grand,  généreux  et 
ami  de  la  justice;  malheureusement  l'inflexible  vé- 
rité nous  force  à  dire  qu'il  n'en  était  rien.  Violent, 
despote  ,  adonné  à  tous  les  vices  ,  sans  frein  lorsqu'il 
s'agissait  d'assouvir  ses  passions,  ne  reculant  devant 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  177 

aucun  moyen  de  se  procurer  de  l'argent,  son  règne 
fut  une  véritable  calamité  pour  ses  sujets,  dont  la 
résistance  énergique  le  força  souvent  de  renoncer 
à  ses  entreprises  téméraires  contre  leurs  franchises. 
Disons-le  cependant,  Edouard,  au  milieu  de  tous  ses 
vices,  avait  conservé  une  des  qualités  héréditaires  de 
sa  famille ,  la  bravoure.  Il  en  donna  des  preuves 
nombreuses  en  1  375  ,  en  combattant  les  Anglais  à 
l'entreprise  de  St-Sauveur ,  où  il  se  trouva  à  la  tète 
de  sept  chevaliers  et  de  cinquante-six  écuyers ,  et 
plus  tard  encore  au  siège  de  Cariât  où  il  suivit  le  duc 
Louis  II  de  Bourbon. 

Edouard  avait  refusé  à  Béatrix  de  Chàlon,  veuve 
d'Antoine  de  Beaujeu,  la  restitution  de  sa  dot.  La 
réclamation  de  cette  princesse  fit  naître  de  volu- 
mineuses procédures  ;  plusieurs  arrêts  du  parlement 
furent  rendus ,  la  médiation  des  ducs  de  Bourgogne 
et  de  Bourbon  fut  invoquée.  Enfin  Béatrix  obtint 
un  arrêt  de  provision  ;  mais  Edouard  maltraita  les 
huissiers  qui  vinrent  le  lui  signifier  :  le  sang  coula, 
et  plusieurs  personnes  furent  tuées.  Un  arrêt  de 
prise  de  corps  fut  décerné  contre  lui ,  et  il  se  dé- 
fendit contre  les  officiers  de  justice  et  sergents  qui 
étaientvenus  pour  le  mettre  à  exécution.  Cependant 
force  demeura  à  la  loi ,  et  Edouard  fut  conduit 
dans  les  prisons  du  Chàtelet.  Le  comte  de  Savoie 
sollicita  sa  grâce  et  obtint  pour  lui  des  lettres  de 
rémission,  datées  du  mois  de  juillet  1388,  portant 

12 


178  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

j)our  condition  :  «  qu'il  souffrira  lever  dans  sa  sei- 
cc  gneurie  de  Beaujeu  les  aides  que  Sa  Majesté  y 
c<  a  imposées,  comme  aussi  les  arrérages  de  ces 
ce  rentes,  faute  de  quoi  ladite  grâce  sera  de  nul 
«  efï'et.  » 

Nonolistant  cet  incident ,  le  procès  avec  Béatrix 
continua ,  et  ne  fut  terminé  qu'en  1  402  par  Ijouis 
de  Bourbon,  alors  sire  de  Beaujeu.  Indépendamment 
de  ces  procès  de  famille ,  Edouard  eut  de  graves 
démêlés  avec  le  sire  de  Villars ,  et  se  vit  au  moment 
d'avoir  avec  lui  une  guerre  sérieuse.  Voulant  ce- 
pendant féviter,  il  s'adressa  à  Amé  VII  de  Savoie, 
seigneur  de  Bresse,  qui  se  trouvait  à  Bourg.  Ce 
prince  accej)ta  volontiers  le  rôle  de  médiateur ,  et 
leur  fit  signer  un  traité  par  lequel  ils  s'obligeaient 
à  désarmer,  et  promettaient  mutuellement  de  ne 
se  faire  la  guerre  qu'a])rès  une  déclaration  signifiée 
un  an  d'avance. 

Peu  reconnaissant  des  services  que  venait  de  lui 
rendre  le  comte  de  Bresse,  Edouard  lui  refusa 
riiommage  qu'il  devait  à  la  couronne  de  Savoie 
pour  les  châteaux  de  Thoissey,  de  Lent,  de  Coligny 
et  de  Buenc,  qu'on  lui  réclamait  selon  les  anciens 
traités,  et  notamment  ceux  de  1337  et  de  1377. 
Amé  VII  instruisit  son  père ,  le  comte  Vert,  de  ce 
refus,  et  lui  envoya  Etienne  de  la  Beaume  pour 
avoir  son  avis.  Le  comte,  indigné  de  ce  mantpie  de 
foi ,   répondit  à  son   fils  d'agir  avec   vigueur.  Le 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  179 

jeune  prince  rassembla  ses  troupes,  et,  suivi  du 
comte  de  Genève,  de  Hugues  de  Chàlon,  de  Jean 
et  de  Philippe  de  Montbelliard ,  de  Gauthier  de 
Vienne  et  de  beaucoup  d'autres  seigneurs,  entra  en 
Dombes ,  enleva  d'assaut  le  château  de  Beauregard, 
fit  capituler  celui  de  Lent,  puis  alla  mettre  le  siège 
devant  Thoissey.  Edouard,  étourdi  de  la  rapidité 
de  cette  attaque  et  de  la  vigueur  de  l'exécution, 
implora  les  bons  offices  des  ducs  de  Bourgogne  et 
de  Bourbon.  Ces  deux  princes  lui  obtinrent  une 
tiève  d'un  an  ;  elle  fut  convenue  à  Morges  le  î)  dé- 
cembre 1  380 ,  et,  comme  l'année  suivante  elle  était 
j)rès  de  finir,  le  duc  de  Bourgogne  envoya  auprès 
du  seigneur  de  Bresse  Bertrand  de  St-Pasteur  et 
Renaud,  seigneur  de  Montconis,  chevaliers,  pour 
demander  encore  une  prolongation  d'une  année, 
ce  qui  lui  fut  accordé.  Amé,  comte  de  Bresse, 
profita  de  cette  suspension  d'armes  pour  aller  com- 
battre à  Rosebeck  aux  cotés  de  Charles  V. 

La  trêve  expira ,  et  Amé ,  revenu  de  Flandres , 
reprit  les  hostilités  contre  Edouard  de  Beaujeu;  il 
s'empara  successivement  de  Thoissey,  de  Mont- 
merle  et  de  Chalamont.  Mais  à  peine  eut-il  obtenu 
ce  premier  succès,  qu'il  apprit  la  mort  du  comte 
Vert  son  père,  et  fut  obligé  de  se  rendre  à  Cham- 
béry  pour  recueillir  l'héritage  qui  lui  était  dévolu 
et  placer  sur  sa  tête  la  couronne  de  Savoie.  Les  ducs 
de  Berry,  de  Bourgogne  et  de  Bourbon,  ainsi  que  le 


1  80  GÉNÉALOGIE   HISTORIQUE 

sire  de  Coucy,  profitèrent  de  cette  suspension  pour 
tâcher  d'obtenir  une  paix  durable  à  Edouard  :  ils 
envoyèrent  des  ambassadeurs  à  Cliambéry,  le  duc 
de  Bourbon  et  le  sire  de  Coucy  s'y  rendirent  même 
en  personne  et  obtinrent  enfin  un  traité  qui  fut 
signé  le  3 1  mai  1  383,  par  lequel  le  comte  de  Savoie, 
en  considération  du  roi  et  des  seigneurs  susnom- 
més, consentit  à  relâcher  à  Edouard  toutes  les  places 
qu'il  lui  avait  prises  en  Donibes,  à  la  réserve  du  châ- 
teau de  Beauregard  dont  il  garda  la  jouissance  sa 
vie  durant,  et  à  la  charge  par  le  sire  de  Beaujeu 
d'ajouter  aux  hommages  de  Thoissey,  de  Lent, 
de  Buenc  et  de  Coligny,  celui  de  la  seigneurie  de 
Montmerle.  Ce  traité ,  avantageux  pour  Edouard , 
parut  le  satisfaire,  et  il  en  témoigna  la  plus  vive 
reconnaissance  au  duc  de  Bourbon  ;  néanmoins  il 
trouva  encore  le  moyen  d'ajourner  l'hommage  con- 
venu. 

A  peine  cette  affaire  arrangée,  il  en  surgit  une 
autre  non  moins  grave  avec  le  duc  de  Bourgogne; 
voici  à  quel  sujet  :  Edouard  avait  placé  à  Coligny 
un  châtelain  nommé  Bérard  de  Chadrion,  seigneur 
de  ]\ouchival.  Ce  caj)itaine  reconnut  bientck  que 
plusieurs  droits  et  redevances  attachés  à  cette  sei- 
gneurie tombaient  en  désuétude,  et  se  livra  à  de 
nombreuses  recherches  de  titres  poiu-  opérer  leur 
rentrée.  Le  peuple  de  Coligny  i)rit  de  l'ombrage  de 
cette  recherche,  de  laquelle  il  voyait  déjà  sortir  un 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  181 

surcroit  de  charges.  On  s'irrita,  on  menaça  de  part 
et  d'autre,  et  enfin  deux  habitants,  nommés  Hum- 
bert  Pommier  et  Barthélemi  Forquet,  gagnèrent 
un  certain  Colin  Larcher,  qui ,  assisté  de  quelques 
bandits ,  assassina  le  châtelain  de  Ronchival  au  mo- 
ment où  il  se  rendait  à  la  messe  ;  ils  le  percèrent  de 
vingt-neuf  coups  de  dague.  Ceci  ce  passait  en  1  392. 
Le  sire  de  Beaujeu,  apprenant  ce  malheureux 
événement ,  envoya  sur  les  lieux  Guillaume  de  la 
Goutte  et  Humbert  de  Francheleins  pour  informer 
sur  cette  affaire.  Les  assassins  s'étaient  réfugiés  en  . 
Bourgogne,  où  les  commissaires  d'Edouard  les  firent 
arrêter  et  transférer  dans  les  prisons  de  Chalamont. 
La  duchesse  de  Bourgogne ,  en  l'absence  du  duc  , 
réclama  les  prisonniei^s  comme  ayant  été  arrêtés  sur 
ses  terres ,  et  ordonna  au  parlement  de  Dole  d'in- 
former contre  le  sire  de  Beaujeu  et  contre  La- 
goutte  et  Francheleins  ses  gentilshommes.  Le  bailli 
de  Beaujolais,  muni  de  la  procédure,  se  rendit  à 
Dijon  pour  justifier  Edouard;  la  duchesse  ne  voulut 
pas  l'entendre,  et  exigea  avant  tout  la  restitution  des 
prisonniers.  On  céda,  et  ils  furent  acheminés  sur 
Dijon  ;  mais  en  passant  à  Chàlon  ils  sont  enlevés  par 
le  bailli  de  cette  ville ,  et  les  j)oursuites  continuent. 
Edouard,  inquiet  de  cette  mésaventure,  se  rendit 
en  personne  à  St-Denis  pour  faire  agréer  ses  excuses 
au  duc  de  I^ourgogne ,  qui  lui  accorda  une  sur- 
séance, à  la  charge  de  lui  remettre  la  terre  de  Co- 


1  82  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

ligny  à  titre  de  provision  ;  ce  à  quoi  le  sire  de  Beau- 
jeu  consentit.  Il  j)Oursuivit  ensuite  la  main-levée  de 
cette  terre ,  offrant  de  s'en  rapporter  à  des  arbitres 
ou  au  jugement  du  duc  lui-même.  Aucun  de  ces 
moyens  ne  fut  agréé,  et  de  nombreuses  procédures 
eurent  lieu ,  qui  duraient  encore  lorsque  Edouard 
fit  la  cession  de  ses  seigneuries  au  duc  de  Bourbon. 
Celui-ci  abandonna  le  procès  d'assassinat,  et  la  terre 
de  Coligny  revint  aux  enfants  de  Robert  de  Beaujeu 
à  qui  elle  avait  été  cédée. 

Si  Edouard  n'était  pas  aimé  de  ses  voisins,  il 
était  abhorré  de  ses  sujets  :  les  vexations  journa- 
lières qu'ils  éprouvaient  par  suite  du  despotisme 
cruel  et  de  la  rapacité  de  ce  prince  les  avaient 
exaspérés.  Ils  s'étaient  toujours  montrés  attachés  et 
dévoués  à  leurs  seigneurs  ,  chez  qui  ils  avaient 
trouvé  jusqu'à  ce  jour  justice  et  protection  ;  ils  su- 
rent résister  avec  énergie  à  la  tyrannie  d'Edouard. 

La  haine  des  habitants  de  Villclranche  contre 
leur  seigneur  datait  de  loin  ;  elle  avait  commencé 
par  la  défiance,  du  jour  où  ce  prince  avait  j)ris  pos- 
session de  l'héritage  d'Antoine  de  Beaujeu.  Un  des 
j)remiers  actes  de  ses  prédécesseurs  avait  toujours 
été  de  jurer  les  privilèges  de  Villefranche,  sorte  de 
charteoctroyéepar  Humbert  IV,  et  qui  avait  puis- 
samment contribué  à  la  prospérité  de  cette  ville 
naissante.  Edouard  ne  voulut  jias  rem})lir  cette  for- 
malité, ([ui  s  ('lait  toujours  faite  avec  une  grande 


DES  SIRES   DE  BEAUJEU.  183 

solennité  et  l'assistance  de  vingt  chevaliers.  Il  se 
contenta  de  faire  reconnaître  les  privilèges  par  ses 
officiers ,  qui  se  réunirent  avec  les  échevins  de  la 
ville  à  l'auberge  ayant  pour  enseigne  :  Au  mouton  : 
«  In  domo  albergariœ  ad  signum  mutonis,  in  aulà 
«  posteriore  dicti  hospilii.  »  L'acte  de  reconnais- 
sance fut  ensuite  présenté  à  Edouard  sous  ce  titre  : 
Lihertas  et  franchesia  FillœJ'ranchœ  hœc  est  talls. 
Edouard  ne  tint  aucun  compte  de  cette  recon- 
naissance, et  ses  officiers  se  livrèrent,  d'après  son 
ordre ,  à  mille  exactions  pour  lui  procurer  de  l'ar- 
gent ,  les  revenus  de  ses  seigneuries  ne  pouvant 
suffire  à  payer  ses  débauches.  Les  habitants  de 
Villefranche  résistèrent,  et  le  sol  de  la  ville  fut 
souvent  ensanglanté.  Edouard  lui-même  ne  fut  pas 
respecté  et  faillit  périr  j)ar  l'émeute  ;  il  ne  dut  son 
salut  qu'à  la  vitesse  de  son  cheval  et  à  la  précaution 
qu'il  prit  de  s'enfermer  dans  son  château  de  Beau- 
regard.  Enfin  les  choses  en  vinrent  au  point  qu'un 
soulèvement  général  était  imminent,  lorsque  Phi- 
lippe de  Thurey,  archevêque  de  Lyon,  offrit  sa  mé- 
diation ,  qui  fut  acceptée  de  part  et  d'autre.  I^es 
parties  com])arurent  devant  lui,  et  furent  admises  à 
présenter  leius  griefs.  Ceux  des  habitants  de  Ville- 
franche  le  furent  par  Guyonnet  de  la  Bessée ,  Pey- 
ronnet  Rochette ,  Peyronnet  Gerbaut  dit  Gastier  et 
Jean  de  Valsonne,  échevins  de  ladite  ville.  Ils  arti- 
culèrent de  nombreuses  plaintes  contre  leur  sei- 


1  84  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

gneiir,  à  qui  ils  reprochaient  :  1°  d'avoir  enfreint 
leurs  privilèges,  après  avoir  refusé  de  les  jurer  à  son 
avènement,  ainsi  qu'il  le  devait,  à  l'exemple  de  ses 
prédécesseurs  ;  2°  de  faire  arrêter  pour  dettes  les 
hommes  de  Villefranche ,  tandis  qu'il  ne  devait  le 
faire  que  pour  cause  d'homicide ,  larcin ,  ou  autre 
cas  grave  trouvé  en  flagrant  délit;  3°  d'avoir  taxé 
à  cinq  livres  et  plus,  aux  péages  de  Thoissey  et  de 
Montréal ,  des  habitants  de  Villelranche  et  de  la 
banlieue  ;  4°  de  refuser  caution  pour  les  gens  dé- 
crétés d'accusation  ;  5°  de  faire  payer  jusqu'à  soixante 
sols  d'amende  pour  voies  de  fait  entre  particuliers 
lorsqu'il  y  avait  eu  emploi  de  couteau  et  efl'usion 
de  sang ,  quand  même  il  n'existait  pas  de  partie 
plaignante  ;  6°  de  taxer  à  sept  sols  d'amende  pour 
coups  de  pierre,  de  bâton,  ou  de  poing,  et  souf- 
flets, tandis  que  le  droit  était  de  Irois  sols;  7°  de 
prélever  la  langue  de  tout  bœuf  abattu  dans  Ville- 
franche  ;  S°  d'avoir  j)rèlevé  deux  cents  francs  et 
plus  de  taxes  illégales,  sous  prétexte  d'entretien  des 
murs  de  ville  ;  9°  d'avoir  jeté  la  communauté  de  la- 
dite ville  dans  un  grand  embarras  financier  en  la 
forçant  de  répondre  poiu'  lui  envers  André  de 
Thin,  Lombard  (banquier),  demeurant  à  Avignon, 
dune  somme  de  trois  mille  francs,  et  doni  ledit 
seigneur  n'avait  remboursé  ni  le  capital  ni  les  in- 
térêts; 10°  de  faire  son  séjour  habituel  au  château 
de  Beauregard,  d'où  ses  gens  venaient  chaque  nuit 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  1  85 

dévaster  les  foins  et  fourrages  des  habitants  de 
Villefranche  ;  1 1  °  d'avoir  fait  illégalement  arrêter 
Etienne  de  la  Croix ,  Vérand  Glotton  ,  Perrin 
Bastier  et  autres  bourgeois ,  et  de  les  avoir  fait  com- 
paraître à  Beauregard,  quoiqu'ils  fussent  justiciables 
de  Villefranche,  ce  qui  leur  avait  fait  dépenser  plus 
de  mille  francs  ;  1 2°  d'avoir  extorqué  par  force  et 
menace  de  prison  à  Vincent  de  Valsonne  et  à  Vin- 
cent de  Juis ,  bourgeois  de  Villefranche ,  cent  dix 
livres  tournois ,  quoiqu'on  n'eût  rien  à  leur  l'e- 
procher  :  toutes  choses  vexatoires  et  contraires  aux 
libertés  et  franchises  de  leur  ville. 

Le  sire  de  Beaujeu,  de  son  côté,  répondit  qu'il 
n'avait  jamais  prétendu  violer  les  privilèges  de  Ville- 
franche  ;  que  les  habitants  étaient  véritablement 
exempts  de  péages  et  de  leydes  sur  les  terres  de 
Beaujolais,  mais  nullement  sur  celles  de  Bombes 
qui  n'étaient  pas  spécifiées  dans  l'acte  de  leurs  pri- 
vilèges; que  pendant  deux  cents  ans  et  plus  ses 
prédécesseurs  avaient  toujours  perçu  sept  sols  pour 
toute  clameur  et  rixe,  sans  qu'il  y  eiît  réclamation  à 
ce  sujet;  que  les  habitants,  pour  jouir  de  leurs  pri- 
vilèges, devaient  préalablement  lui  jurer  fidélité,  ce 
qu'ils  n'avaient  pas  fait,  quoique  requis;  que,  loin 
de  là,  ils  lui  avaient  toujours  montré  la  plus  vive 
opposition  et  s'étaient  même  ameutés  plusieurs  fois 
contre  lui,  et  notamment  un  jour  qu'il  se  rendait 
de  Villefranche  à  Beauregard  suivi  d'un  seul  gen- 


186  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

tilhomme  et  d'un  valet  de  chambre  ;  que  les  habi- 
tants ,  à  troupes  et  armes,  l'avaient  poursuivi  et 
s'étaient  emparés  des  clés  de  la  ville  dont  ils  avaient 
refusé  l'entrée  à  ses  gens,  disant  qu'ils  lui  en  feraient 
autant  à  lui-même  s'il  se  présentait,  et  qu  Us  feraient 
en  sorte  de  lui  faire  la  seigneurie  ;  qu'ils  avaient 
injurié  et  maltraité  ses  gens,  et  nommément  le 
sieur  Etienne  Piset  son  sergent,  qui  avait  été  blessé 
grièvement  par  un  nommé  Guichard  Cropet  ;  que 
ses  officiers  ayant  fait  arrêter  ledit  Cropet,  et  vou- 
lant le  faire  mettre  en  prison,  les  habitants  avaient 
fermé  les  portes  de  la  ville ,  soulevé  la  pojjulation , 
frappé  et  maltraité  les  officiers  et  mis  le  prisonnier 
en  hberté,  pendant  tpie  lui  sire  de  Beaujeu  était 
présent  en  personne  dans  la  ville  ;  qu'ils  sétaient 
imposés  eux-mêmes  jiour  les  réparations  des  murs 
et  fortifications  de  la  ville  et  pour  subvenir  à  diffé- 
rents actes  de  bienfaisance,  et  que  cependant  ces 
fonds  avaient  été  détournés  de  leur  destination  ; 
qu'enfin  les  gens  de  Villelianche,  n'ayant  pas  qua- 
lité pour  demander  et  obtenir  des  lettres  de  sauve- 
garde du  roi ,  l'avaient  cependant  fait  et  avaient 
apposé  les  panonceaux  royaux  au  détriment  de  la 
juridiction  seigneuriale.  Il  concluait  enfin  à  être  dé- 
chargé de  toutes  les  réclamations  des  habitants  de 
Villefranche,  et  à  ce  que  ceux-ci  fussent  au  contraire 
tenus  de  lui  payer  une  forte  amende  pour  les  torts 
qu'ils  lui  avaient  faits. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  187 

Cette  défense  était  misérable  et  bien  digne  du 
sujet  qui  l'avait  fait  naître. 

L'archevêque  de  Lyon,  assisté  du  bailli  de  Ma- 
çon et  du  sénéchal  de  Lyon ,  rendit  son  jugement, 
et  décida  que  l'exemption  de  péage  s'étendrait  pour 
les  habitants  de  Villefranche  tant  sur  les  terres  de 
Beaujolais  que  sur  les  terres  de  Bombes,  à  l'ex- 
ception des  ports  de  la  Marche  et  de  Chavagneux, 
acquis  postérieurement  à  la  date  des  privilèges  ;  que 
la  prétention  du  seigneur  sur  les  langues  de  bœuf 
serait  examinée  plus  tard.  L'éponge  fut  j)assée  sur 
tous  les  autres  griefs,  et  les  habitants  donnèrent 
quatre  cents  livres  à  Edouard ,  à  titre  de  don ,  pro- 
mettant de  ne  pas  user  de  la  sauvegarde  royale  et 
de  ne  plus  y  recourir  à  l'avenir.  Ce  jugement  fut  pro- 
noncé à  Villefranche  le  25  mai  1  399,  «  danslejar- 
«  dind'Hugonet  Baudet,  proche  la  maison  des  Frères 
c<  mineurs ,  en  présence  des  échevins  de  la  ville.  « 

Les  traités  d'Edouard  lui  profitaient  peu;  ne  se 
décidant  à  les  conclure  que  lorsqu'il  était  aux  abois, 
il  tâchait  toujours  d'en  éluder  fexécution  :  c'est  ainsi 
qu'après  avoir  consenti  l'hommage  au  comte  de 
Savoie ,  il  refusa  de  remplir  cette  formalité  aussitôt 
que  ce  prince  eut  relâché  les  places  qu'il  tenait.  Le 
comte  se  disposa  à  venir  en  personne  et  à  la  tète  de 
son  armée  exiger  par  la  force  ce  c^u'on  lui  refusait 
au  mépris  des  traités.  Edouard  cependant  poursui- 
vait le  cours  de  ses  excès,  et,  ne  tenant  aucun  conij)te 


188  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  ce  qu'il  avait  promis  et  des  leçons  qu'il  avait 
reçues ,  écrasait  ses  sujets  de  nouvelles  taxes  et 
multipliait  chaque  jour  davantage  ses  vexations.  Son 
château  de  Pouilly  était  devenu  un  repaire  de  gens 
sans  aveu  et  de  bandits ,  toujours  prêts  à  exécuter 
ses  volontés.  Ce  lieu,  jadis  respecté  et  honoré,  n'était 
plus  qu'un  objet  de  terreur  pour  les  environs,  et 
chaque  jour  une  soldatesque  elîréiiée  en  sortait 
pour  se  livrer  au  pillage  et  à  la  dévastation.  Edouard 
ne  mettait  plus  de  bornes  à  ses  passions,  rien  ne  lui 
coûtait  pour  les  assouvir  ;  elles  le  conduisirent  à  sa 
ruine.  Guyonnet  de  laBessée,  premier  échevin  de 
Villefranche ,  homme  riche  et  considéré,  avait  une 
lille  belle  et  sage,  qui  faisait  sa  gloire  et  son  bonheur . 
les  partis  les  plus  beaux  avaient  été  refusés  ;  la 
jeiuie  lille  n'avait  pas  encore  trouvé  quelqu'un  digne 
de  son  choix.  Edouard,  épris  de  ses  charmes,  em- 
ploya tous  les  moyens  de  séduction  que  lui  offrait 
sa  puissance;  promesses,  menaces,  tout  fut  inutile. 
Irrité  de  cette  résistance,  le  sire  de  Beaujeu  se  rend 
à  Villefranche  accompagné  de  ses  sbires,  et  là,  en 
plein  jour,  il  fait  enlever  publiquement  M^^^  de  la 
Bessée  et  la  fait  conduire  à  son  château  de  Pouilly. 
Le  désespoir  du  malheureux  père  fut  à  son  comble  ; 
après  avoir  vainement  suj)plié ,  il  en  vint  aux  me- 
naces, et  le  peuple  de  \  illefranche  lui  était  dévoué. 
Mais  les  précautions  étaient  trop  iiien  prises  au  châ- 
teau de  Pouilly  pour  (pi'il  put  être  enlevé  |)ar  ntj 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  189 

coup  de  main.  Guyonnet  de  la  Bessée  eut  recours  à 
la  justice  du  roi  ;  elle  ne  lui  fit  pas  défaut.  Edouard 
fut  ajourné  au  parlement  de  Paris  ;  le  sire  de  Beau- 
jeu  fit  prendre  l'huissier  chargé  de  cette  citation, 
et.  après  lui  avoir  fait  avaler  sa  commission  avec  les 
sceaux  qui  y  étaient  appendus,  le  fit  jeter  dans  les 
fossés  du  château  où  il  se  brisa  la  tête.  Ce  nouvel 
attentat  avait  comblé  la  mesure  ;  on  envoya  des 
troupes  contre  Edouard ,  qui  fut  arrêté ,  conduit  à 
Paris  et  jeté  dans  un  étroit  cachot.  Il  dut  s'attendre 
à  n'en  sortir  que  pour  porter  sa  tête  sur  l'écbafaud  ; 
la  nature  de  ses  crimes  exigeait  un  sévère  exemple. 
Dans  cette  extrémité  il  eut  recours  à  Louis  II  de 
Bourbon,  son  protecteur,  qui  déjà  plusieurs  fois  lui 
avait  rendu  deminents  services,  et  l'avait  tiré  des 
positions  fâcheuses  où  l'avaient  jeté  son  imprudence 
et  sa  mauvaise  foi.  Il  vint  encore  à  son  secours, 
mais  cette  fois  ses  services  ne  furent  pas  aussi  dés- 
intéressés que  par  le  passé.  Louis  II  de  Bourbon 
était  devenu  comte  de  Forez  par  son  mariage  avec 
Anne ,  héritière  de  cette  province.  La  couronne  ba- 
ronniale  de  Beaujolais,  jointe  à  celle  de  Forez,  lui 
donnait  une  puissance  redoutable  ;  il  dut  désirer 
cette  réunion,  et  l'occasion  était  belle;  il  sut  habile- 
ment en  profiter.  Edouard  concevait  que  le  moins 
qui  put  lui  arriver  était  la  confiscation  de  ses  états; 
il  craignait  })lus  que  cela.  Le  rapt  et  le  meurtre  dont 
il  était  accusé  pouvaient  le  conduire  à  l'échafaud. 


190  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

Edouard,  étant  sans  enfants,  accueillit  donc  avec 
empressement  les  ouvertures  qui  lui  furent  faites, 
et  consentit  volontiers  à  racheter  sa  tète  par  l'aban- 
don de  ses  seigneuries  au  duc  de  Bourbon.  L'acte 
en  fut  dressé  et  signé  le  23  juin  1 400.  Cette  cession 
fut  complète,  et  comprit  tout  ce  cpie  possédaient  les 
sires  de  Beaujeu  tant  en  Beaujolais  et  en  Bombes 
que  partout  ailleurs.  Edouard  eut-il  le  droit  de 
disposer  ainsi  de  cet  héritage,  au  mépris  de  la 
substitution  établie  par  le  testament  de  Guichard- 
le-Grand  ?  c'est  ce  que  la  puissance  du  duc  de  Bour- 
bon ne  permit  pas  même  de  mettre  en  doute.  Les 
seuls  seigneurs  de  Beaujeu  Linières  essayèrent  timi- 
dement quelques  réclamations ,  et  on  les  fit  taire  en 
leur  jetant,  comme  par  dérision,  quelques  misé- 
rables bril)es  de  ce  riche  héritage. 

tidouard  recouvra  sa  liberté  aussitôt  qu'il  eut 
signé  la  spoliation  de  sa  famille  et  se  retira  au  châ- 
teau de  Ferreux  où  il  mourut,  six  semaines  après, 
de  honte  et  de  regrets ,  laissant  une  mémoire  exé- 
crée et  dont  le  souvenir  est  resté  longtemps  dans 
les  campagnes  du  Beaujolais,  où  l'on  chantait  en- 
core au  dix-septième  siècle  : 

Sire  roi  ,  sire  roi ,  faites-nous  justice 

De  ce  larron  Edouard  qui  nous  prend  nos  filles. 

Edouard ,  Edouard ,  laisse-uous  nos  filles. 

Il  avait  épousé,  le  1  -4  novembre  1  370,  Eléonore 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  191 

de  Beaufort,  fille  de  Guillaume  Roger  IP  du  nom, 
comte  de  Beaufort,  vicomte  de  Turenne,  frère  du 
pape  Grégoire  XI,  et  d'Aliénor  de  Comminges.  Un 
seul  enfant  naquit  de  ce  mariage  et  reçut  le  nom 
de  Guicliard,  mais  il  mourut  la  même  année  de  sa 
naissance.  Eléonore  survécut  huit  ans  à  son  mari , 
«  et  passa  ses  jours,  dit  Louvet,  dans  un  extrême 
«  déplaisir  de  voir  ainsi  sa  maison  abattue,  w 

En  Edouard  s'éteignit  la  branche  ainée  de  l'il- 
lustre maison  de  Beaujeu ,  dont  les  sires  avaient 
brillé  pendant  plus  de  quatre  cents  ans  parmi  la 
plus  haute  noblesse  par  leur  puissance ,  leurs 
alliances,  les  services  qu'ils  avaient  rendus  à  l'Etat , 
et  la  gloire  qu'ils  avaient  acquise  dans  les  guerres 
nombreuses  de  cette  longue  période. 


SIRES    DE   BEAUJEU 


DS    LA    FAMILLE    DE    BOURBON. 


En  écrivant  la  Généalogie  historiaue  des  sires  de 


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Beaujeu  de  la  famille  de  Bourbon ,  notre  intention 
n'est  point  de  donner  une  biographie  complète  de 
ces  princes;  le  rôle  qu'ils  ont  joué  dans  l'histoire 
de  France  est  trop  grand  pour  que  nous  puissions 
les  suivre  au  milieu  d'événements  dont  le  récit  nous 
éloignerait  complètement  de  notre  sujet  et  du  plan 
que  nous  nous  sommes  tracé.  Nous  avons  voulu 
écrire  l'histoire  du  Beaujolais,  et  rien  de  plus  ;  et  si 
jusqu'à  présent  nous  avons  suivi  les  seigneurs  de 
Beaujeu  hors  de  leur  province,  c'est  que  leur  vie 
était  peu  connue  et  disséminée  dans  nos  anciennes 
chroniques.  En  réunissant  ces  faits  épars  d'une  ma- 
nière plus  complète  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'à  ce 
jour,  nous  avons  voulu  seulement  épargner  au  lec- 

13 


1  94  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

leur  une  recherche  pénible,  et  mettre  sous  ses  yeux 
le  tableau  complet  de  ce  qui  pouvait  l'intéresser  dans 
la  vie  chevaleresque  de  nos  seigneurs.  La  même 
excuse  n'existerait  pas  pour  les  ducs  de  Bourbon , 
leur  histoire  est  partout  et  nul  ne  l'ignore.  Nous  de- 
vons donc  nous  borner  à  les  représenter  comme 
sires  de  Beaujolais,  et  restreindre  notre  récit  aux 
actes *de  ces  princes  dans  leur  seigneurie,  ou  aux 
événements  qui  peuvent  y  avoir  quelque  rapport. 

LOUIS  II  DE  BOURBON  , 

SIRE    DE   BEAUJEU. 

La  cession  d'Edouard  au  duc  de  Bourbon  fut- 
elle  un  bonheur  pour  le  Beaujolais?  il  est  difiicile 
de  se  le  persuader  ;  car,  si  la  puissance  du  seigneur 
jette  quelque  éclat  sur  ses  provinces ,  cet  éclat  ne 
tombe  guère  que  sur  celle  qui  en  est  la  principale 
et  comme  le  chef-lieu.  Or,  le  Beaujolais  comptait 
pour  trop  peu  dans  les  immenses  domaines  du  duc 
de  Bourbon  jiour  (juil  ne  fût  pas  comme  absorbé 
par  eux.  Les  anciens  seigneurs  de  Beaujeu  étaient 
identifiés  avec  le  pays,  ils  y  faisaient  leur  demeure 
et  y  avaient  leur  sépulture;  c'étaient,  en  un  mot, 
les  hommes  du  pays ,  une  race  toute  nationale ,  et 
leurs  sujets  pouvaient  à  bon  droit  compter  sur  leur 
affection  et  s'enorgueillir  des  honneurs  qui  déco- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  195 

raient  la  couronne  baronniale  de  Beaujeu.  Le  passé 
attestait  cette  vérité;  car,  si  l'on  retranche  Edouard  II 
de  la  longue  suite  des  seigneurs  que  nous  avons 
nommés,  on  conviendra  qu'il  est  difficile  d'avoir  été 
gouverné  avec  plus  de  justice  et  de  modération  que 
ne  l'avait  été  le  Beaujolais.  Le  despotisme  du  seul 
Edouard  II  suffit  cependant  pour  anéantir  tous  ces 
souvenirs  et  faire  accueillir  avec  empressement  un 
changement  qui  devait  anéantir  la  nationalité  du 
Beaujolais,  en  le  fondant,  pour  ainsi  dire,  dans  les 
vastes  apanages  de  Bourbon.  Néanmoins,  disons-le, 
la  gloire  dont  s'était  couvert  le  duc  de  Bourbon , 
sa  haute  réputation  de  sagesse  et  sa  bonté  bien  con- 
nue, durent  puissamment  contribuer  à  affaiblir  les 
craintes  que  quelques  esprits  auraient  pu  concevoir 
pour  l'avenir  du  ])ays. 

Aussi  l'avènement  de  Louis  de  Bourbon  excita 
en  Beaujolais  et  en  Bombes  un  enthousiasme  diffi- 
cile à  décrire.  Les  peuples  de  ces  deux  provinces  se 
voyaient  délivrés  de  la  tyrannie  d'Edouard,  et  n'igno- 
raient pas  les  hautes  qualités  qui  distinguaient  leur 
nouveau  seigneur  :  une  ère  nouvelle  s'ouvrait  pour 
eux,  qui  leur  promettait  justice  et  protection.  Louis 
de  Bourbon  ,  le  vainqueur  de  Rosebeck ,  celui  que 
pendant  sa  captivité  ses  ennemis  mêmes  appelaient 
le  roi  d'honneur  et  de  liesse,  avait  déjà  mérité  le 
surnom  de  Bon  que  le  peuple  de  ses  nouvelles  pro- 
vinces lui  confirma.  Ce  prince  descendait  de  saint 


196  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

Louis  au  quatrième  degré ,  ainsi  qu'on  le  voit  par 
le  tableau  suivant  : 

Saint  Louis  ,   roi  de  France ,  qui  eut  de  Marguerite   de  Provence  : 


Robert  ,  comte  de  Clermont , 
baron  de  Bourbon  ,  né  en 
1236  ,  mort  en  1317  , 


—         Béatrix  de  Bourgogne  : 


Louis  I''' ,  dit  le  Grand  ,  pair  et 
grand  cliambrier  de  France  , 
comte  de  Clermont  et  de  la 
Marche,  né  en  1280,  mort  en 
1341, 


—         Marie  de  Hainault  : 


Pierre  I",  duc  de  Bourbon  , 
comte  de  Clermont ,  pair  et 
grand  chambrier  de  France  , 
tué  à  la  bataille  de  Poitiers , 


—  Isabelle  de  Valois 


Louis  II,  surnommé  le  Bon,  duc 
de  Bourbon  ,  comte  de  Cler- 
mont, de  Forez  ctdeChâteau- 
Chinon,  baron  de  Beaujolais, 
seigneur  de  Mercœur  ,  du 
pays  de  Combraillcs  et  de 
Dombes,  pair  et  grand  cham- 
brier de  France ,  gouverneur 
et  admiiiistralcurdu  royaume 
conjointement  avec  les  ducs 
d'Anjou,  de  Berry  et  de  Bour- 
gogne ,  pendant  la  minorité 
cl  l'interdiction  du  roi  Cliar- 
Ics  VI;   né  le  13  août  1337, 


irié  à  Anne  d'Auvergne  et  de  Forez. 


Louis  prit  possession  de  ses  nouvelles  seigneuries, 
et  dès  le  1  6  août  1 400  renouvela  les  foi  et  hom- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  197 

mage  dus  au  duc  de  Bourgogne  pour  les  villes  et 
châteaux  de  Belleville,  Tliizy  et  autres,  comme  ses 
prédécesseurs  les  sires  de  Beaujeu  l'avaient  toujotirs 
fait,  à  l'exception  d'Edouard  II  qui  s'y  était  refusé, 
ce  qui  avait  contraint  le  duc  de  Bourgogne  à  faire 
saisir  lesdites  seigneuries.  La  main-levée  en  fut 
donnée  le  même  jour  oiî  Louis  de  Bourbon  renou- 
vela cet  hommage. 

Le  1  8  octobre ,  étant  à  Montbrison  ,  il  confirma 
les  privilèges  de  Beaujeu  et  de  Villefranche  en  pré- 
sence du  seigneur  de  Norry,  de  Robert  de  Chalus, 
de  Jean  de  Vénissy,  de  Denis  de  Beaumont,  bailli 
de  Forez,  de  Mathieu  Guyonnet,  chantre  de  Mont- 
brison, et  d'Etienne  d'Entragues,  conseiller  du  duc. 
L'acte  de  ces  privilèges  fut  reçu  à  Villefranche  par 
les  mêmes  échevins  qui  les  avaient  défendus  si  éner. 
giquement  contre  Edouard  II,  et  dont  l'un  d'eux, 
Guyonnet  de  la  Bessée,  avait  si  puissamment  con- 
tribué à  la  chute  de  ce  prince. 

Le  21  juin  1401  le  duc  de  Bourbon  termina 
un  différend  avec  l'abbé  de  la  Chassagne,  qui  avait 
fait  construire  un  étang  en  la  chàtellenie  de  Chala- 
mont,  sur  la  directe  dudit  seigneur;  ce  à  quoi  le 
châtelain  de  Chalamont  s'était  opposé.  Le  duc  ac- 
corda la  permission  demandée;  le  couvent,  par  re- 
connaissance ,  se  mit  sous  sa  sauvegarde  et  nomma 
une  de  ses  chapelles  du  nom  de  Bourbon,  avec 
promesse  d'y  célébrer  chaque  année  une  messe  à 


198  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

l'intention  dudit  seigneur  et  de  ses  descendants. 

L'année  d'après ,  il  réunit  à  sa  seigneurie  de 
Bombes  les  villes  et  châteaux  de  Trévoux ,  d'Am- 
bérieux  et  du  Chàtelard,  qui  lui  furent  vendus  par 
Humbert  VII ,  sire  de  Thoire  et  de  Villars ,  au  prix 
de  trente  mille  livres  d'or.  L'acte  en  fut  passé  à 
Trévoux  le  vendredi  après  la  fête  de  saint  Laurent 
1 402 ,  ce  aux  maisons  basses  du  sire  de  Villars  ,  en 
«  la  chambre  derrière  la  chapelle,  »  en  présence  de 
Philibert  de  l'Espinasse,  seigneur  de  Cormoranche, 
de  Hugues  de  Bochu,  chevalier,  et  de  Dalmas  de 
la  Porte,  écuyer.  Moyennant  cette  vente,  le  duc  de 
Bourbon  promit  au  sire  de  Thoire  de  le  protéger, 
de  lui  donner  conseil  et  de  «  lui  garder  l'honneur 
ce  de  son  corps  et  de  son  état,  comme  il  feroit  de 
«  son  ])ropre  lils.  » 

Il  acquit  encore,  en  1 406,  le  péage  de  la  Marche- 
sur-Saône  du  seigneur  Amj)lioux  de  St-Abondant, 
moyennant  la  somme  de  cent  livres  tournois. 

Après  l'avènement  de  Louis  de  Bourbon  au  siège 
seigneurial  de  Beaujolais  et  de  Bombes,  Amé  VIII, 
duc  de  Savoie,  lui  avait  renouvelé  la  demande  de  foi 
et  hommage  pour  les  seigneuries  de  Lent,  Thoissey, 
Beauregard,  Chalamont,  Montmerle  et  Villeneuve, 
selon  le  traité  de  1337  :  hommage  si  obstinément 
refusé  par  Edouard  II,  et  auquel  Louis  de  Bourbon 
paraissait  peu  disposé  à  se  soumettre.  Le  duc  de 
Savoie  pressa   plus  vivement,  el    enfin   le  (hic  de 


DES  SIRES   DE  BEAUJEU.  1  ^9 

Bourbon  refusa  ouvertement  :  la  guerre  fut  déclarée. 
Ame  de  Viry,  capitaine  expérimenté,  eut  le  com- 
mandement de  l'armée  de  Savoie  :  à  la  tète  de  mille 
chevaux,  il  s'empara  de  Lent  et  de  Clialamont,  tra- 
versa la  Saône,  prit  Anse  et  Belleville,  et  alla  mettre 
le  siège  devant  Thoissey.  Le  duc  de  Bourbon , 
qui  était  à  Vichy,  apprit  cette  irruption  et  envoya 
le  comte  de  Clermont  son  fils,  avec  le  seigneur  de 
Chàteaumorand,au  secours  de  ses  places  de  Beau- 
jolais et  de  Bombes.  Ils  reprirent  Anse  et  Belleville 
et  joignirent  Viry  devant  Thoissey  dont  il  pressait 
vivement  le  siège,  le  contraignirent  à  le  lever  et  le 
poursuivirent  jusqu'à  Ambronay  en  Bugey. 

Le  duc  de  Bourbon  avait  fait  un  appel  à  ses  alliés, 
et  bientôt  on  vit  accourir  à  son  secours  les  ducs  de 
Bavière  et  de  Bar ,  les  comtes  d'Eu ,  de  St-Paul , 
d'Harcourt  et  d'Alençon,  le  connétable  d'Albret,  le 
sire  de  Coucy  et  nombre  d'autres  seigneurs  non 
moins  puissants.  D'un  autre  côté,  les  ducs  de  Bour- 
gogne et  de  Berry  ne  firent  pas  défaut  au  duc  de 
Savoie  et  embrassèrent  franchement  sa  cause.  Mais, 
avant  d'en  venir  à  une  guerre  qui  menaçait  d'em- 
braser le  pays,  ils  voulurent  tenter  les  voies  de 
conciliation ,  et  leurs  paroles  de  paix  furent  favora- 
blement accueillies.  On  convint  d'ouvrir  des  confé- 
rences à  Villars  en  Bresse,  où  chacun  des  deux  prin. 
ces  ferait  exposer  ses  griefs  par  l'organe  de  ses  dé- 
putés. Le  duc  de  Bourbon  y  envoya  Jean  Leviste , 


200  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

chancelier  de  Bourbonnais ,  Guichard  d'Urfé ,  et 
Philij)pe  de  l'Espinasse  ,  bailli  de  Beaujolais.  Le 
duc  de  Savoie  tut  représenté  par  Guillaume  Mar- 
chand son  chancelier,  Henri  de  Menthon  et  Hugo- 
nin  de  Chandée.  Ils  demeurèrent  d'accord ,  le  2 
mars  1 408 ,  que  l'hommage  demandé  était  vérita- 
blement dû  au  duc  de  Savoie ,  mais  ne  purent 
s'entendre  sur  la  manière  dont  il  devait  être  rendu, 
le  duc  de  Bourbon  refusant  obstinément  de  le  faire 
en  personne,  et  insistant  en  outre  pour  qu'on  lui  fît 
la  remise  de  son  château  de  Beauregard.  Les  con- 
férences furent  suspendues  ;  mais  comme  les  bases 
du  traité  avaient  été  ])osées  par  la  reconnaissance 
du  droit,  on  les  reprit  l'année  suivante  avec  une 
|)lus  grande  solennité.  T^es  députés  du  duc  de  Bour- 
bon furent  :  Louis  de  Bourbon,  comte  de  Vendôme  ; 
Jean  de  Montagu ,  vidame  de  Laonais  ;  Guichard 
Dau])hin,  seigneur  de  Jaligny;  Louis  de  Lystenois, 
sire  de  JNIontagu;  Gauthier  de  Passac,  seigneur  de 
la  Crozette;  l'Hermite,  seigneur  de  la  Faye,  et  Jean 
de  Chàteaumorand.  Ceux  du  duc  de  Savoie  furent: 
Louis  de  Savoie ,  prince  de  Morée  ;  Odo  de  V  illars, 
seigneur  de  Baux;  Jean  de  la  Beaume,  seigneur  de 
V^alfin;  Girard,  seigneur  de  Termier;  Humbert  de 
Villers-Sexel,  seigneur  de  St-lIij)poly te;  Guichard 
Marchand,  chancelier  de  Savoie;  Antoine,  seigneur 
de  Groslée,  et  Humbert,  bâtard  de  Savoie,  sei- 
gneur de  Montagny  et  de  Corbières. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  201 

La  mission  des  députés  était  difficile.  Si  d'un  côté 
le  droit  du  duc  de  Savoie  à  l'hommage  réclamé  était 
constant,  de  l'autre  l'amour-propre  du  duc  de  Bour- 
bon se  trouvait  en  jeu,  et  tout  portait  à  croire  qu'il 
ne  se  résoudrait  jamais  à  faire  cet  acte  de  soumission. 
Bien  des  expédients  furent  proposés,  mais  toujours 
sans  succès.  Enfin  un  biais  fut  trouvé,  qui,  tout  en 
maintenant  la  supériorité  du  duc  de  Savoie ,  ména- 
geait jusqu'à  un  certain  pointla  susceptibilité  du  duc 
de  Bourbon.  Il  fut  convenu  que  l'hommage  pour  les 
villes  et  châteaux  stipulés  au  traité ,  et  tout  ce  que  le 
duc  de  Bourbon  possédait  en  fief  et  arrière-fief  dans 
l'empire  sur  la  rive  gauche  de  la  Saône  et  comme 
provenant  des  anciens  sires  de  Beaujeu ,  serait  fait 
au  nom  dudit  duc  par  Jean,  comte  de  Clermont, 
son  fils  aîné ,  héritier  futur  de  Bombes ,  dans  les 
mêmes  formes  qui  avaient  été  observées  autrefois. 
Le  château  de  Beauregard  devait  être  rendu  sans 
aucune  indemnité,  ce  à  quoi  le  duc  de  Savoie  ne 
s'était  jamais  opposé ,  ne  gardant  cette  place  que 
comme  une  garantie.  Cet  arrangement  satisfit  tout 
le  monde,  et  fut  conclu  le  8  mai  1409.  Le  duc  de 
Bourbon  le  ratifia  par  lettres  données  à  Villefranche 
le  20  du  même  mois  ;  le  duc  de  Savoie  y  acquiesça 
aussi  avec  empressement.  Enfin,  le  28,  l'hommage 
réclamé  depuis  si  longtemps  eut  lieu  à  Châtillon- 
les-Dombes ,  où  le  comte  de  Clermont  se  rendit 
en  personne,  accompagné  de  Girard  Dupuis,  évê- 


202  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

que  de  St-Flour;  de  Louis  de  Bourbon,  comte  de 
Vendôme  ;  de  Guillaume  de  Layne,  gouverneur  de 
Dauphiné  ;  de  Robert  de  Chalus ,  seigneur  de  Bo- 
théon  ;  de  Jean  Leviste ,  docteur  ès-lois ,  chancelier 
de  Bourbonnais  ;  de  Guichard ,  seigneur  d'Urfé  ; 
de  Philibert  de  Lespinasse,  bailli  de  Beaujolais; 
d'Antoine  de  Fougères,  seigneur  d'Yoingt;  de  Ro- 
bert de  Trazette,  seigneur  de  l'Etoile,  et  de  Henri 
de  Varennes,  seigneur  de  Rappetour.  Le  duc  de  Sa- 
voie attendait  le  comte  de  Clermont,  accompagné 
de  tout  ce  que  sa  cour  avait  de  plus  distingué.  La 
foi  et  hommage  eut  lieu  ,  en  présence  de  la  suite 
des  deux  princes ,  «  en  la  grande  rue  de  Chàtillon 
«  au-devant  de  la  Halle ,  "  et  immédiatement  après 
le  duc  de  Savoie  donna  au  comte  de  Clermont  l'in- 
vestiture de  la  seigneurie  de  Beauregard ,  en  lui 
remettant  une  épée  nue. 

Ce  traité  pacifia  la  vieille  querelle  qui  existait  de- 
puis si  longtemps  entre  les  sires  de  Beaujeu  et  les 
comtes  de  Savoie,  et  délivra  le  j)ays  d'une  guerre 
désastreuse  qui  pouvait  attirer  les  plus  grandes  ca- 
lamités sur  le  peuple  de  la  province. 

Pendant  ces  discussions  ,  Louis  de  Bourbon 
ne  laissait  pas  de  s'occuper  des  améliorations  à 
apporter  dans  l'administration  de  ses  terres  de 
Beaujolais.  Voulant  mettre  ordre  aux  abus  qui 
se  commettaient  journellement  dans  ses  bois  et 
forets,   il  rendit  à  ce  sujet  une  ordonnance  dont 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  203 

on  ne  saurait  trop  louer  la  sagesse.  Elle  dénote 
une  connaissance  déjà  assez  approfondie  de  l'amé- 
nagement des  bois  ;  mais  ce  qui  frappe  surtout 
en  la  lisant,  c'est  la  stricte  justice  qui  a  présidé  à 
sa  rédaction  et  le  soin  avec  lequel  les  intérêts  de 
tous  y  sont  ménagés.  On  peut  en  juger  par  cet 
article  : 

ce  Item,  nous  ne  devons  nul  bois  de  nos  fourests  ; 
«  mais  si  nous  voulons  donner  à  aucuns  pour  bas- 
ce  tir,  nous  leur  donnerons  de  l'argent  pour  achetter 
«  des  marchands,  et  se  payera  parles  mains  du  tliré- 
cc  sorier ,  et  ainsi  ne  seront  pas  foulés  les  marchands 
«  ni  les  fourestiers.   ^ 

Cette  ordonnance ,  trop  longue  pour  être  rappor- 
tée ici  en  entier,  se  trouvera  aux  preuves,  à  la  fin 
de  l'ouvrage. 

Louis  de  Bourbon ,  dont  les  sentiments  de  fidé- 
lité au  roi  ne  s'étaient  jamais  démentis  et  qui  lui 
en  avait  donné  des  preuves  si  éclatantes,  eut  la 
faiblesse  à  la  fin  de  ses  jours  d'adhérer  à  la  ligue 
que  formèrent  les  seigneurs  contre  le  malheureux 
Charles  VI ,  sous  prétexte  que  le  duc  de  Bourgogne 
cherchait  à  s'emparer  du  pouvoir,  ligue  qui  fut  si 
fatale  à  la  France  et  faillit  rendre  les  Anglais  maîtres 
de  tout  le  royaume.  Mais  à  peine  parti  de  Moulins 
à  la  tète  de  ses  vassaux ,  le  duc  de  Bourbon  tomba 
malade  à  Montluçon  où  il  mourut  dans  de  grands 
sentiments  dq  piété ,  le  1 9  août  1 41 0  ,  laissant  aux 


204  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

hôpitaux  et  aux  monastères  de  ses  seigneuries  de 
nombreuses  preuves  de  sa  générosité. 

11  avait  épousé  le  4  juillet  1  368  Anne,  dauphine 
d'Auvergne ,  fille  de  Béraud  dit  le  Grand ,  comte  de 
Clermont,  dauphin  d'Auvergne  et  sire  de  INIercœur, 
et  de  Jeanne,  comtesse  de  Forez.  De  ce  mariage  il 
eut  deux  fils  :  le  premier,  Jean ,  devait  lui  succéder 
dans  ses  duchés  de  Bourbonnais,  d'Auvergne,  etc.  Le 
second,  Louis,  devait  être  baron  de  Beaujeu  et  en 
avait  reçu  le  nom  et  le  titre  à  sa  naissance  ;  mais 
étant  mort  avant  son  père ,  Jean ,  le  fils  aîné ,  dont 
l'article  suit,  se  trouva  seul  appelé  à  recueillir  les 
hoiries  paternelle  et  maternelle. 

JEAN, 

DUC  DE  BOURBON    ET   d'aUVERGNE  ,    COMTE  DE   FOREZ,    BARON  DE 
BEAUJEU   ET  SEIGNEUR    DE  D0M6ES. 

Au  milieu  des  troubles  qui  divisaient  la  France , 
Jean  de  Bourbon  demeura  ferme  dans  le  parti  du 
roi  contre  la  faction  de  Bourgogne.  Cette  ligne  de 
conduite  n'était  pas  sans  danger  pour  lui.  Les  états 
du  duc  de  Bourgogne  touchaient  ses  terres  de  Beau- 
jolais, et  il  pouvait  tout  craindre  d'un  voisin  aussi 
puissant.  Sa  prudence  vint  à  son  secours,  et,  profi- 
tant d'un  moment  oii  les  partis  semblaient  enclins 
à  la  paix ,  il  parvint  à  conclure  une  trêve  avec  son 
redoutable  voisin.  Elle  fut  signée  le  6  juin  1414 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  205 

et  comprit,  d'un  côté,  le  duché  de  Bourbonnais,  le 
comté  de  Forez,  les  seigneuries  de  Beaujolais,  de 
Chàteau-Chinon  et  de  Gombrailles  ;  et,  de  l'autre,  le 
duché  de  Bourgogne  et  le  comté  de  Charollais. 

Jean,  tranquille  sur  ses  états,  ne  songea  plus  qu'à 
consacrer  son  épée  et  sa  vie  au  service  du  roi ,  et 
signala  sa  bravoure  avix  sièges  de  Compiègne  et 
d'Arras  où  il  se  couvrit  de  gloire.  Moins  heureux , 
il  perdit  la  liberté  à  la  funeste  bataille  d'Azincourt 
et  devint  prisonnier  des  Anglais;  captivité  qui  dura 
jusqu'à  sa  mort  et  qui  eût  pu  devenir  funeste  pour  les 
peuples  de  ses  seigneuries,  sans  la  prudence  de  Marie 
de  Berry  qui  sut  conj  urer  les  orages  qui  se  formaient 
incessamment  autour  d'elle. 

Marie  de  Berry,  que  nous  venons  de  nommer, 
épouse  de  ce  brave  et  malheureux  prince ,  eut  le 
gouvernement  de  ses  biens  et  seigneuries  pendant 
son  absence.  Douée  d'un  esprit  juste  et  sage,  elle 
comprit  toute  l'importance  de  la  trêve  conclue 
avec  le  duc  de  Bourgogne ,  en  renouvela  les  con- 
ditions le  1  7  février  1417,  et  y  fit  comprendre 
le  bailliage  de  Màcon  qui  avait  été  omis  dans  le 
premier  traité.  Pour  plus  de  sûreté,  la  duchesse 
eut  soin  de  faire  renouveler  cette  trêve  de  temps 
en  temps.  C'est  ainsi  qu'elle  le  fut  par  lettres  don- 
nées à  Bourbon-Lancy  le  28  avril  1 420,  et  par  d'au- 
tres signées  au  château  de  Chantelles  le  1^''  juillet 
1423. 


206  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Pendant  que  la  duchesse  de  Bourbon  s'assurait 
ainsi  l'amitié  du  duc  de  Bourgogne ,  elle  se  vit  au 
moment  d'avoir  une  querelle  sérieuse  avec  Amé  VIII 
duc  de  Savoie.  Voici  à  quel  sujet.  Les  officiers  de 
Dombes  faisaient  battre  monnaie  à  Trévoux.  Le 
duc  de  Savoie  en  ayant  été  informé,  ordonna  à  Hu- 
gonin  de  Chandée,  lieutenant-général  au  gouver- 
nement de  Bresse ,  de  faire  connaître  à  la  duchesse 
qu'il  ne  souffrirait  pas  cette  innovation,  attendu  que 
la  seigneurie  de  Trévoux  et  autres  terres  de  Dombes 
acquises  de  la  maison  de  Thoire  relevaient  de  la 
souveraineté  de  Savoie  tout  aussi  bien  que  celles 
qui  provenaient  directement  de  la  maison  de  Beau- 
jeu.  Chandée  dépécha  en  conséquence  Jacques  de 
Loriol,  juge  de  Bresse,  avec  ordre  de  porter  les 
plaintes  du  duc  de  Savoie  et  den  demander  répa- 
ration. 

Jja  duchesse  répondit  que  le  duc  son  mari  ne 
déniait  nullement  l'hommage  dû  à  la  couronne  de 
Savoie  pour  les  terres  de  Dombes  provenant  de  la 
maison  de  Beaujeu,  mais  qu'il  ne  reconnaissait 
aucun  supérieur  pour  celles  acquises  des  sires  de 
Thoire  et  de  Villars  qui  n'étaient  pas  du  fief  de 
Savoie ,  et  que  si  elle  faisait  battre  monnaie  à  Tré- 
voux elle  suivait  en  cela  l'exemple  de  ses  prédéces- 
seurs ,  aux  droits  desquels  elle  avait  succéilé.  Le 
duc  de  Savoie  n'insista  pas,  soit  qu'il  eût  l'intention 
de  se  départir  de  cette  prétention,  soit  qu'il  remît 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  207 

à  vider  cette  affaire  que  le  duc  Jean  eût  recouvré  sa 
liberté.  Son  attention,  du  reste,  eut  à  se  porter  sur 
un  objet  plus  important. 

Les  officiers  du  bailliage  de  Bresse  avaient  trou- 
blé ceux  du  duc  de  Bourbon  dans  le  droit  de  res- 
sort de  la  seigneurie  de  Buenc,  et  exercé  celui  de 
juridiction  à  Baneins,  aux  Feuillées,  à  Marsolas  et 
à  Verfey,  au  préjudice  des  officiers  de  Bombes. 
Sur  les  plaintes  de  la  duchesse,  ou  indiqua  une 
conférence  à  Vimy  (Neuville)  pour  éclaircir  l'af- 
faire et  arriver  à  un  arrangement.  Cette  assemblée 
eut  lieu  le  19  août  1425.  Les  députés  de  la  du- 
chesse de  Bourbon  furent  :  Renaud  de  la  Bussière, 
bailli  de  Beaujolais  ;  Jean  de  Changy  ;  Jean  de 
Marzé ,  chevalier;  Pierre  de  Briandas,  juge  ordi- 
naire de  Beaujolais;  Guichard  Bastier,  docteur  ès- 
lois;  Etienne  de  Bar,  conseiller  du  duc;  Jean  de 
Namy,  juge  d'appel  de  Beaujolais;  Dalmas  de  la 
Porte ,  seigneur  de  Chavagneux  ;  Guichard  de 
Gletteins ,  châtelain  de  Chalamont  ^  Guillaume  de 
Nolay,  écuyer ,  capitaine  châtelain  de  Trévoux  ; 
Méraud  du  Bourg ,  procureur  général ,  et  Philippe 
de  Rancé,  trésorier  de  Beaujolais.  Ceux  du  duc  de 
Savoie  furent  :  Hugonin  de  Chandée  ,  bailli  de 
Bresse;  Humbert  Maréchal,  seigneur  de  Meximieux j 
Jacques  de  Loriol ,  juge  de  Bresse  ;  Lavaudrain ,  sei- 
gneur de  Crangeac  ;  Guillaume  de  Genost;  Claude 
Martin  et  Geoffroy   Guyot ,  docteurs  ès-droit ,  et 


208  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Jean  Favre ,  procureur  général  de  Bresse.  Rien  ne 
fut  décidé  dans  cette  réunion  ;  il  fut  impossible  de 
s'entendre,  les  esprits  étaient  trop  montés  pour 
pouvoir  délibérer  froidement  :  on  le  sentit,  et  l'af- 
faire fut  ajournée.  On  la  reprit  en  1428.  Parmi  les 
députés  on  remarque,  du  côté  du  duc  de  Bourbon  : 
Jean  Roux,  juge  ordinaire  de  Beaujolais;  Jean  du 
Breuil ,  maître  des  comptes;  Pierre  de  Ponceton, 
avocat  fiscal ,  et  Jean  de  Briandas. 

Cette  conférence  n'eut  pas  un  meilleur  résultat 
que  la  première  et  ne  servit  au  contraire  qu'à  aigrir 
les  esprits ,  à  tel  point  que  plusieurs  seigneurs  de 
Bresse  et  de  Bugey,  croyant  faire  leur  cour  au  duc 
de  Savoie  ou  tout  au  moins  n'en  être  pas  désa- 
voués ,  imaginèrent  de  faire  une  entreprise  sur  les 
terres  de  la  seigneurie  de  Dombes.  Le  chef  de  cette 
coalition  fut  François  de  la  Palu,  chevalier,  sei- 
gneur de  Varambon  ,  à  qui  se  réunirent ,  entre 
autres,  Jean  de  Menthon,  Jean  de  Chàlillon  en 
Genevois ,  Jean  de  Vaugrigneuse  ,  le  bâtard  de 
Cornillon,  Humbert  du  Bourg  seigneur  de  Sainte- 
Croix,  Pierre  de  Chassipol ,  Oger  du  Saix,  le  bâ- 
tard de  Loysey,  IMolon  le  iils ,  Jean  fils  du  seigneur 
de  Chàteauvieux ,  Humbert  de  Balmey,  Claude  de 
la  Teyssonière,  Guillaume  et  Antoine  seigneurs 
du  Bost  ,  le  bâtard  de  Glareins  surnommé  la 
Mouche,  Pierre  de  Buisadam  seigneur  de  la  Pé- 
rouse,  le  bâtard  de  Blonnay,  Pierre  d'Oncieux , 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  209 

le  seigneur  de  Corrobert,  le  bâtard  de  Juys,  le 
bâtard  de  Chàtillon-la-Palu ,  Antoine  de  Villette  , 
le  bâtard  de  Biolières,  et  plusieurs  autres  seigneurs. 
Réunis  à  leurs  gens,  ils  marchèrent  sur  Trévoux , 
emportèrent  la  ville  d'assaut,  la  livrèrent  au  pillage, 
et  se  répandirent  ensuite  en  différents  lieux  de 
Dombes  qu'ils  traitèrent  de  même.  Le  château  de 
Trévoux  résista  seul  aux  attaques  réitérées  des  aven- 
turiers. 

La  duchesse  de  Bourbon  se  plaignit  vivement  au 
duc  de  Savoie  de  cette  attaque  insolente  faite  en 
pleine  paix ,  et  demanda  qu'on  lui  livrât  les  cou- 
pables pour  en  faire  une  justice  exemplaire.  Le  duc 
désavoua  hautement  Varambon  et  ses  complices , 
mais  se  réserva  leur  punition.  Des  ordres  furent 
donnés  en  conséquence,  et  les  procédures  com- 
mencèrent. Marie,  mécontente  de  ces  lenteurs,  re- 
nouvela ses  plaintes;  et  comme  elle  insistait  davan- 
tage, on  convint  de  s'en  remettre  à  la  décision 
d'arbitres  choisis  par  les  deux  partis  :  ce  furent  Amé 
de  Talaru,  archevêque  de  Lyon  ;  Jacques  de  Mau- 
voisin  ,  abbé  d'Ambronay,  et  Humbert  de  Groslée, 
chevalier,  seigneur  de  Vireville,  bailli  de  Màcon 
et  sénéchal  de  Lyon. 

Ces  arbitres  se  réunirent  à  Lyon  le  1  8  mai  1 431  ; 
la  duchesse  de  Bourbon  et  le  duc  de  Savoie  se 
firent  représenter  par  leurs  députés.  Les  confé- 
rences furent  longues  et  orageuses  ;  enfin  ,  cepen- 


210  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

dant,  les  arbitres  prononrèrent  et  furent  d'avis  que 
le  duc  de  Savoie  devait  abandonner  les  coupables. 
Varambon  fut  condamné  à  payer  trente  mille 
francs  pour  le  dommage  qu'il  avait  occasionné  à 
Trévoux  et  en  Dombes. 

Comme  on  le  voit,  Marie  de  Berry  mettait  tous 
ses  soins  à  pacifier  les  mauvaises  affaires  qui  lui 
survenaient  :  l'absence  de  son  mari  ne  lui  per- 
mettait guère  de  faire  plus.  Aussi ,  à  peine  eut-elle 
obtenu  ce  qu'elle  désirait  du  duc  de  Savoie ,  qu'elle 
renouvela  encore  sa  trêve  avec  le  duc  de  Bour- 
gogne; ce  qui  n'empécba  pas  François  l'A ragonais 
de  s'emparer  de  INIarcigny  par  un  coup  de  main  , 
et  Antoine  de  Juys  et  Philibert  de  Rosset,  écuyers, 
de  venir  occuper  de  vive  force  la  Roche  de  Solutré 
près  Màcon.  Cette  affaire  s'arrangea  amiablement 
par  un  traité  signé  à  Màcon  le  24  mars  1432  et 
ratifié  à  Villefranche  le  29  du  même  mois  par 
Charles  de  Bourbon  ,  comte  de  Clermont,  qui  ve- 
nait d'être  nommé  gouverneur  des  terres  et  seigneu- 
ries de  son  père. 

La  même  année,  la  duchesse  de  Bourbon  eut 
encore  de  nouvelles  plaintes  à  porter  contre  les 
sujets  de  Savoie  ;  car  les  seigneurs  de  Romans  et  de 
Glareins,  s'étant  emparés  de  nuit  et  par  escalade  du 
Chàtelard  en  Dombes ,  le  pillèrent  et  se  retirèrent 
ensuite.  La  seule  satisfaction  que  purent  obtenir 
Blain  le  Loup,  chevalier,  et  Jean  Dubreuil,  con- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  21  1 

seillers  de  la  duchesse,  fut  la  promesse  du  duc  de 
Savoie  de  punir  les  coupables. 

Deux  ans  après ,  en  1  433,  le  duc  Jean  de  Bour- 
bon mourut  en  Angleterre  sans  avoir  pu  obtenir  sa 
liberté.  Une  lettre  de  ce  mallieureux  prince ,  écrite 
de  Londres  à  Amé  de  Savoie,  fait  connaître  les 
tristes  préoccupations  qui  assaillaient  son  esprit 
pendant  sa  longue  captivité;  il  se  plaint  surtout  de 
ses  proches  qui  semblent  attacher  peu  de  prix  à  sa 
liberté ,  et  offre  au  duc  de  Savoie  de  lui  vendre  ses 
terres  de  Bresse. 

De  son  mariage  avec  Marie  de  Berry,  fille  de 
Jean  de  France,  duc  de  Berry,  et  de  Jeanne  d'Ar- 
magnac, il  laissa  plusieurs  enfants,  entre  autres  : 

l"  Charles,  dont  l'article  suit; 

2°  Louis,  comte  de  Montpensier,  tige  de  la 
première  branche  de  Bourbon  Montpensier,  dont 
il  sera  parlé. 

CHARLES, 

DUC   DE  BOURBONNAIS    ET   d'aUVERGNE,   BARON  DE  BEAUJED  , 
SEIGNEUR  DE  DOMBES. 

A  peine  Charles  de  Bourbon  eut-il  succédé  à 
son  père  Jean,  mort  en  captivité,  qu'il  se  trouva 
deux  ennemis  puissants  sur  les  bras ,  les  ducs  de 
Bourgogne  et  de  Savoie.  Tout  semblait  cependant 
devoir  assurer  la  paix  entre  eux  ;  car,  aussitôt  après 
la  mort  du  duc  Jean  ,  on  avait  renouvelé  la  trêve 


212  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

entre  les  maisons  de  Bourgogne  et  de  Bourbon, 
par  l'entremise  d'Arthur  de  Bretagne ,  comte  de 
Richemont,  connétable  de  France.  Aucun  sujet 
de  dissension  n'existait  non  plus  entre  les  ducs  de 
Savoie  et  de  Bourbon;  quelques  points,  à  la  vé- 
rité ,  étaient  restés  en  litige  entre  eux  ,  mais  il  était 
convenu  qu'on  les  examinerait  plus  tard  ,  et  qu'on 
s'en  rapporterait  à  la  décision  d'arbitres  nommés  à 
cet  effet. 

L'ambition  du  duc  de  Bourgogne  ne  s'arran- 
geait pas  de  cet  état  de  choses  ;  il  convoitait  une 
partie  du  Beaujolais  qu'il  trouvait  fort  à  sa  conve- 
nance ,  et  l'occasion  lui  paraissait  favorable  pour  s'en 
emparer.  Il  se  rendit,  en  conséquence,  à  Cham- 
béry  où.  il  conclut  une  ligue  offensive  et  défen- 
sive avec  le  duc  de  Savoie ,  prenant  pour  base  le 
refus  présumé  du  duc  de  Bourbon  de  faire  en  per- 
sonne les  hommages  dus  à  la  Bourgogne  et  à  la 
Savoie,  comme  les  avaient  faits  les  anciens  sires  de 
Beaujeu.  Il  fut  convenu  qu'on  l'y  contraindrait  par  la 
force,  que  les  deux  princes  s'entr'aideraient  mutuel- 
lement, et  que  ce  que  chacun  d'eux  prendrait  sur 
le  seigneur  de  Beaujeu  lui  demeurerait  en  propre, 
savoir  :  au  duc  de  Bourgogne  la  rive  droite  de  la 
Saône ,  et  au  duc  de  Savoie  la  rive  gauche.  Chacun 
d'eux  s'interdisait  la  faculté  de  traiter  sans  le  con- 
sentement de  son  allié. 

Ce  plan  était  bien  conçu,  car  effectivement  le 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  213 

duc  de  Bourbon  n'était  nullement  disposé  à  com- 
paraître en  personne  dans  les  hommages  demandés. 
Mais  il  comprit  le  danger  de  sa  position  ,  et  vit 
que  la  première  chose  qu'il  avait  à  faire  était  d'ar- 
river à  diviser  ses  ennemis.  Ne  pouvant  cependant 
refuser  l'hommage  au  duc  de  Savoie  ,  il  s'avisa 
d'un  expédient  pour  échapper  à  la  question  per- 
sonnelle. En  conséquence,  il  fit  donation  pleine 
et  entière  de  ses  terres  de  Beaujolais  et  de  Bombes 
à  Philippe  de  Bourbon  son  second  fils ,  l'émancipa 
immédiatement  et  lui  donna  pour  tuteur  Jacques 
de  Chàtillon ,  chevalier,  seigneur  de  Dampierre. 
Ces  actes  furent  passés  au  château  de  Moulins ,  le 
1  b  janvier  1 434.  A  peine  ces  dispositions  prises  , 
Charles  de  Bourbon  s'empressa  d'en  faire  part  au 
duc  de  Savoie ,  en  lui  annonçant  l'hommage  pro- 
chain que  Philippe  son  fils  aurait  à  lui  faire  pour 
les  terres  de  Bombes  provenant  de  la  maison  de 
Beaujeu,  et  lui  offrant,  pour  ce  qui  concernait 
Trévoux,  Ambérieux  et  le  Chàtelard  acquis  du  sire 
de  Thoire,  de  s'en  remettre  à  la  décision  d'arbitres 
nommés  à  cet  effet. 

Cette  marche  habile  produisit  son  effet  :  le  duc 
de  Savoie  n'avait  plus  aucun  motif  de  faire  la  guerre, 
aussi  congédia-t-il  sur-le-champ  les  troupes  qu'il 
avait  assemblées  sur  la  frontière. 

Le  duc  de  Bourgogne  cependant,  qui  n'avait  au- 
cune connaissance  de  ce  qui  se  passait  et  qui  s'atten- 


21  4  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

dait  à  voir  le  duc  de  Savoie  exécuter  le  traité  qu'ils 
avaient  conclu,  entra  en  Beaujolais  à  la  tête  d'un 
corps  de  troupes  considérable,  s'empara  de  quelques 
châteaux,  et  vint  au  mois  de  juin  mettre  le  siège 
devant  Belleville.  Le  duc  de  Bourbon  ne  pouvant 
arriver  en  Beaujolais  assez  vite  pour  arrêter  les  pro- 
grès des  Bourguignons,  préféra  opérer  une  diversion  ; 
en  conséquence  il  partit  de  Moulins  en  toute  hâte 
à  la  tète  de  son  armée  et  se  jeta  en  Charollais  oîi  il 
prit  plusieurs  places,  annonçant  en  même  temps  au 
duc  de  Bourgogne  que  ce  n'était  que  par  représailles 
et  lui  faisant  quelques  ouvertures  de  paix.  Celui-ci , 
ne  se  voyant  pas  soutenu  par  la  Savoie,  accueillit 
cette  proposition  avec  empressement,  et  par  l'en- 
tremise de  Guy  de  Pontaliié  seigneur  de  Talmey, 
de  Louis  de  Chantemerle  seigneur  de  la  Clayette , 
et  du  bailli  de  Dijon ,  la  paix  fut  conclue  à  Nevers , 
où  les  deux  j)rinces  se  rencontrèrent  et  se  festoyèrent 
avec  une  grande  magnificence. 

Le  21  novembre  de  la  même  année  1434, 
Charles  de  Bourbon  promit  au  duc  de  Savoie ,  par 
lettres  datées  à  Anse,  que  son  fils  accomjilirait  fidè- 
lement riiommage  du  à  la  couronne  de  Savoie. 

Cependant,  deux  ans  après,  cette  formalité  n'ayant 
pas  encore  été  accomplie ,  le  duc  de  Savoie  députa 
Jean  du  Saix,  seigneur  de  Banains,  pour  en  ré- 
clamer l'accomplissement  et  prendre  jour  pour  ter- 
miner tous  les  différends  qui  pouvaient  exister  entre 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  21  5 

les  maisons  de  Savoie  et  de  Bourbon.  Ces  deux  de- 
mandes parurent  justes,  et  on  se  disposa  à  y  faire 
droit.  Philippe  de  Bourbon  étant  trop  enfant  pour 
faire  l'hommage  lui-même,  le  seigneur  de  Dampierre, 
son  tuteur,  fut  chargé  de  le  remplacer  et  se  rendit 
à  Turin  auprès  du  prince  de  Piémont,  lieutenant 
du  duc  de  Savoie  son  père,  entre  les  mains  duquel 
il  renouvela  l'hommage  pour  les  terres  et  châteaux 
de  Thoissey,  Lent,  Montmerle,  Villeneuve,  Cha- 
lamout  et  Beauregard,  avec  leurs  appartenances. 
Cette  cérémonie  eut  lieu  le  21  juillet  1436.  On 
convint  ensuite  que  les  députés  chargés  de  régler 
les  autres  différends  se  réuniraient  à  St-Trivier  au 
mois  de  novembre  suivant. 

L'époque  arrivée,  les  députés  se  rendirent  de 
part  et  d'autre  au  lieu  indiqué.  Comme  d'ordinaire, 
l'assemblée  fut  orageuse.  On  s'entendit  cependant  sur 
les  entreprises  de  juridiction  faites  parles  ofllciers 
de  Bresse  sur  ceux  de  Dombes,  et  ce  point  fut  réglé  ; 
mais  il  n'en  fut  pas  de  même  en  ce  qui  concernait 
le  droit  de  battre  monnaie  à  Trévoux  et  l'hommage 
des  terres  de  Dombes  venues  de  la  maison  de  Thoire. 
La  même  difficulté  subsista  également  relativement 
à  la  souveraineté  de  Buenc  et  à  la  garde  du  doyenné 
de  Montbertod.  Voyant  qu'on  ne  pouvait  s'entendre, 
ces  questions  furent  encore  ajournées  à  une  autre 
réunion. 

La   même  année  et  au  mois  de   décembre  le 


216  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

duc  de  Bourbon  accorda  aux  habitants  de  Beau- 
jolais, moyennant  la  somme  de  quatre  cent  cin- 
quante écus  royaux,  le  privilège  de  chasser  aux 
bêtes  sauvages  noires  et  rousses ,  comme  loups , 
sangliers  et  cerfs.  Cette  concession  assez  curieuse 
sera  rapportée  aux  preuves. 

Fatigué  cependant  des  réclamations  du  duc  de 
Savoie  et  voulant  enfin  s'assurer  la  souveraineté  de 
Trévoux,  d'AmbérieiLx  et  du  Chàtelard,  le  duc 
de  Bourbon  s'adressa  directement  à  l'empereur  Al- 
bert II  pour  en  avoir  la  confirmation.  Mais  l'em- 
pereur répondit  par  ses  lettres  du  1 2  juin  1  439  que 
le  duc  de  Savoie  serait  oui  dans  ses  moyens  et  dé- 
fenses, ce  qui  fit  encore  ajourner  cette  interminable 
affaire.  Le  madheur  des  temps  en  détourna  bientôt 
les  esprits,  et  ces  deux  princes  prirent  une  part  trop 
active  aux  événements  de  cette  époque  pour  avoir 
le  temps  de  s'occuper  de  leurs  difl'érends. 

On  y  revint  néanmoins  quelques  années  après. 
Le  duc  Anié  de  Savoie  venait  d'être  élu  pape  au 
concile  de  Bàle,  sous  le  nom  de  Félix  V.  Louis,  son 
fils  et  successeur,  demanda  au  duc  de  Bourbon 
l'hommage  dû  à  cha(|ue  changement  de  règne  ;  il 
comprit  dans  la  demande  les  terres  provenant  des 
sires  de  Thoire.  On  convint  d'une  conférence  ;  elle 
eut  lieu  à  Villefranche  le  25  février  1441  ,  et  le 
duc  de  Bourbon  y  assista  pour  et  au  nom  de  Phi- 
lippe son  fils,  baron  de  Beaujolais.  On  reconnut 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  217 

d'abord  en  principe  que  l'honimage  était  dû  par  les 
seigneurs  de  Beaujolais  et  de  Bombes  pour  les  châ- 
teaux et  villes  de  Thoissey,  Lent,  Clialamont,  Ville- 
neuve et  Beauregard,  selon  la  forme  des  anciens  trai- 
tés. Abordant  ensuite  la  question  des  terres  et  sei- 
gneuries provenant  de  Tboire-Villars,  on  arriva  à  la 
conclusion  d'un  traité  qui  semblait  devoir  anéantir 
tout  germe  de  querelle  et  de  guerre  pour  l'avenir.  Le 
seigneur  de  Beaujeu  déclara  prendre  en  fief  du  duc 
de  Savoie  le  Chàtelard  et  Ambérieux,  et  reçut  de  lui 
en  augmentation  la  tierce  partie  du  péage  de  trois 
mille  livres  que  ledit  duc  levait  sur  la  Saône  depuis 
St-Jean-de-Losne  et  Màcon  jusqu'à  Lyon.  La  sou- 
veraineté de  Buenc,  l'Abergement  et  Boha  resta  à  la 
Savoie,  et  Trévoux,  ainsi  que  son  mandement,  de- 
meura au  même  titre  à  Philippe  de  Bourbon  avec  le 
droit  d'y  faire  battre  monnaie ,  à  la  condition  que 
celle  de  Savoie  y  aurait  cours.  Moyennant  cet  arran- 
gement ,  le  duc  de  Savoie  renonça  pour  lui  et  les 
siens  à  tout  droit  de  souveraineté  qu'il  avait  prétendu 
sur  la  Bombes  tant  de  son  chef  que  comme  vicaire 
général  de  l'empire.  On  convint  que  le  seigneur  de 
Beaujeu  ratifierait  ce  traité  lorsquil  aurait  atteint 
l'âge  de  quinze  ans ,  et  serait  tenu  de  passer  recon- 
naissance de  cet  hommage  avec  dénombrement,  for- 
malité qui  devait  se  renouveler  à  chaque  mutation. 
Les  limites  de  Bresse  et  de  Bombes  durent  être  fixées 
par  des  commissaires  nommés  à  cet  effet. 


21  8  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Ainsi  furent  réglés  les  anciennes  prétentions  et 
les  droits  que  les  ducs  de  Savoie  dune  part  et  les 
sires  de  Beaujeu  d'une  autre  disaient  avoir  sur  la 
souveraineté  de  Bombes  :  question  ardue,  qu'aucun 
historien ,  selon  nous ,  n'a  traitée  de  bonne  foi ,  la 
partialité  ayant  presque  toujours  dicté  leurs  juge- 
ments. Cependant  les  titres  abondent  pour  léclair- 
cir  :  les  archives  de  Savoie  et  les  inventaires  de  la 
Chambre  du  trésor  de  Villefranche  peuvent  fournir 
à  celui  qui  entreprendra  consciencieusement  cette 
tâche  les  documents  les  j)lus  complets  pour  arriver 
à  la  vérité.  Notre  intention  n'est  ])as  dans  ce  mo- 
ment-ci d'aborder  un  pareil  sujet ,  nous  n'avons 
voulu  écrire  que  l'histoire  du  Beaujolais,  et  n'avons 
parlé  de  la  Bombes  qu'en  raison  de  sa  proximité  et 
parce  que  les  événements  qui  s'y  passaient  ne  pou- 
vaient être  indifférents  au  Beaujolais  dont  presque 
toute  la  noblesse  possédait  des  terres  sur  les  deux 
rives  de  la  Saône.  Observons  seulement,  sur  cette 
question,  que  pendant  l'existence  de  l'ancienne  race 
de  Beaujeu  les  prétentions  de  la  Savoie  à  la  souve- 
raineté de  Doinbes  semblaient  avoir  une  certaine 
consistance;  mais  que,  lorsque  la  maison  de  Bour- 
bon lui  eut  succédé,  ces  prétentions  durent  perdre 
beaucoup  de  leur  valeur,  attendu  que  derrière  le 
duc  de  lîourbon  se  trouvait  toujours  le  roi  de 
France. 

Le   traité   de    Villefiauclie   comblait    les   vœux 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  219 

du  duc  Charles,  qui  se  voyait  enfin  souverain  de 
Bombes,  titre  que  ses  prédécesseurs  avaient  tou- 
jours ambitionné  de  pouvoir  porter  sans  conteste. 
Pour  en  témoigner  sa  reconnaissance  au  duc  de 
Savoie,  il  se  rendit  en  personne  à  Charnbéry  où  ces 
deux  princes  confirmèrent  le  traité,  le  1  7  septembre 
1 441 ,  en  la  chambre  de  parade  et  en  présence  de 
toute  la  cour  de  Savoie.  Le  23  décembre  suivant, 
on  ajouta  à  ce  même  traité  que  si  jamais  le  duc  de 
Bourbon  ou  ses  successeurs  voulaient  vendre  leurs 
terres  de  Bombes,  il  serait  loisible  au  duc  de  Savoie 
de  les  acquérir.  Le  6  avril  1  449,  Louis  de  Chan- 
temerle ,  bailli  de  Màcon ,  reçut  une  procuration 
pour  faire,  au  nom  de  Philippe  de  Bourbon,  l'hom- 
mage convenu. 

Après  un  accord  aussi  solennel,  on  devait  espérer 
qu'il  n'existait  plus  aucun  sujet  de  brouille  entre  les 
deux  princes  ;  mais  tout  n'avait  pas  été  prévu  dans 
le  traité  de\illefranche.  Le  duc  de  Savoie  réclama 
encore  l'hommage  des  châteaux  de  Béreins  et  de  Bé- 
seneins ,  la  dime  de  Bouligneux,  la  garde  de  l'église 
de  Clémencia,  le  guet  du  château  de  Biottiers  et 
le  ressort  de  la  souveraineté  de  Ste-Olive.  On  vou- 
lut traiter  l'affaire  à  l'amiable  et  plusieurs  confé- 
rences eurent  lieu  à  Villars  et  à  Lyon ,  mais  elles 
n'amenèrent  aucun  résultat;  les  prétentions  grandis- 
saient de  part  et  d'autre  et  tout  semblait  annoncer 
une  rupture,  lorsque  le  duc  de  Bourgogne  offrit  sa 


220  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

médiation  qui  fut  acceptée.  Il  indiqua  lui-même 
une  nouvelle  conférence  à  Màcon ,  où  chacun  des 
deux  princes  envoya  ses  députés  le  1  6  octobre  1 448  ; 
mais  on  ne  trouva  pas  leurs  pouvoirs  suffisants ,  et 
l'affaire  fut  ajournée  indéfiniment.  On  se  contentade 
prononcer  une  sursèaiice  à  toute  voie  de  fait,  ce  à 
quoi  les  deux  parties  consentirent  par  déférence 
pour  le  duc  de  Bourgogne. 

Philippe  de  Bourbon,  baron  de  Beaujeu,  mou- 
rut avant  son  père,  et,  quoiqu'on  ignore  lepoque 
précise  de  la  mort  de  ce  jeune  prince,  on  ne  peut  la 
fixer  que  de  1  449  à  1 453  ;  car  à  la  première  de  ces 
deux  dates  il  avait  donné  une  procuration  au  sei- 
gneur de  Chantemerle ,  et  à  la  seconde  le  duc 
Charles  son  père  annoblit  par  lettres  du  mois  d'août 
Claude  et  Antoine  Guichard ,  fils  de  feu  Jean,  en 
son  vivant  capitaine  châtelain  de  Villeneuve  en 
Dombes,  ce  qu'il  n'aurait  pu  faire  si  Philippe  son 
fils  eût  encore  été  vivant. 

Charles  de  Bourbon  mourut  au  château  de  INIou- 
lins  le  4  décembre  1  456,  et  fut  inhumé  au  prieuré 
de  Souvigny.  11  avait  épousé  à  Autun,  le  1  7  sep- 
tembre 1426,  Agnès  de  Bourgogne,  fille  de  Jean 
duc  de  Bourgogne  et  de  Marguerite  de  Bavière.  Il 
laissa  de  ce  mariage  une  nombreuse  postérité , 
entre  autres  : 

1°  Jean  qui  lui  succéda,  et  dont  l'article  suit; 

2°  Charles,  cardinal-archevêque  de  Lyon,  qui 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  221 

revendiqua  l'héritage  après  la  mort  de  son  frère, 
et  dont  nous  parlerons  en  son  lieu  ; 

3°  Pierre,  qui  succéda  à  ses  frères  à  défaut  de 
descendants  directs,  et  dont  l'article  viendra. 


JEAN  II , 

DUC  DE  BOURBON  ,  BARON  DE  BEACIEC  ,  SEIGNEUR  DE  DOMBES. 

Jean  II  de  Bourbon ,  surnommé  le  Jièau  des 
Anglais,  visita  peu  sa  seigneurie  de  Beaujolais.  Le 
premier  acte  que  nous  connaissions  de  lui  est  une 
exemption  de  péage  accordée  en  1 459  aux  Célestins 
de  Lyon  par  tout  son  pays  de  Beaujolais.  Il  y  parut 
cependant  en  1463,  et  confirma  les  privilèges  de 
Villefranche  et  de  Beaujeu.  Ses  démêlés  avec  le  duc 
de  Savoie  recommencèrent  avec  plus  de  violence 
que  jamais.  Celui-ci,  comme  nous  l'avons  dit,  ré- 
clamait l'hommage  des  châteaux  de  Béreins ,  de  Bé- 
seneins,  etc.,  non  spécifiés  au  traité  de  Villefranche. 
Le  refus  de  Jean  de  Bourbon  irrita  son  adversaire, 
et  la  tranquillité  du  pays  allait  se  trouver  de  nou- 
veau comjiromise  après  dix  ans  de  paix.  On  fit  de 
part  et  d'autre  de  grands  pré])aratifs  de  guerre  et  on 
allait  en  venir  aux  mains,  lorsque  le  roi,  voulant  em- 
pêcher l'effusion  du  sang,  dépêcha  Antoine  de 
Chabannes,  lieutenant-général  au  gouvernement  de 
Lyonnais,  pour  tâcher  de  rétablir  la  bonne  harmonie 


222  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

entre  les  deux  princes.  S'il  ne  réussit  pas  complète- 
ment dans  sa  mission,  au  moins  parvint-il  à  leur  faire 
signer  une  trêve  qui  devait  expirer  à  la  St-Michel 
1458,  et  qui  fut  ensuite  prorogée  jusqu'au  mois 
d'août  1459.  Elle  fut  signée  pour  le  duc  de  Bour- 
bon par  Guillaume  de  Ferrières,  chevalier,  seigneur 
de  Presle  et  de  Cliampleny ,  son  conseiller,  cham- 
bellan, bailli  de  Beaujolais  ;  et  pour  le  duc  de  Sa- 
voie, par  Jean  de  Seyssel,  chevalier,  seigneur  de 
Barjat,  maréchal  de  Savoie. 

La  tranquillité  qu'on  pouvait  se  promettre  de  ces 
trêves  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Les  habitants  de 
Thoissey  et  ceux  de  Chàiillon-les-Dombes  ayant  eu 
querelle  pour  le  libre  commerce  des  blés,  ils  prirent 
les  armes  chacun  de  leur  côté  et  se  livrèrent  à  de 
nombreuses  violences  sur  les  communes  de  St- 
Etienne,  du  Chàtelard  et  de  Corgenon.  Les  troupes 
de  Savoie  se  mêlèrent  de  la  querelle  et  firent  une 
tentative  sur  le  château  d'Ambérieux ,  puis  se  ré- 
pandirent par  toute  la  Dombes  et  juscpi'à  Beau- 
regard.  Le  duc  de  Bourbon  cependant ,  loin  d'op- 
poser aucune  résistance,  avail  retiré  toutes  ses 
troupes  et  les  tenait  cantonnées  en  Beaujolais,  sur 
l'ordre  du  roi,  qui  voyait  ces  dissensions  de  mauvais 
œil  et  voulait  amener  les  deux  princes  à  un  accom- 
modement. Il  chargea  de  cette  négociation  Ama- 
nieu  d'Albret,  seigneur  d'Orval,  le  bailH  de  Rouen 
et  Tristan  l'Hermite ,  prévôt  des   maréchaux  de 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  223 

France.  Us  obtinrent  le  renouvellement  de  la  trêve, 
qui  plus  tard  fut  encore  j)rorogée  jusqu'au  mois  de 
mai  1461  par  les  soins  d'Elie  de  Ponipadour,  évè- 
que  de  Viviers. 

Enfin  Louis  XI,  dans  Tintérêt  de  tous,  offrit  sa 
médiation  qui  fut  acceptée.  Il  nomma  des  arbitres, 
mais  il  fut  impossible  de  s'entendre.  Plusieurs  con- 
férences avaient  eu  lieu,  mais  plus  on  discutait  plus 
les  esprits  s'aigrissaient;  tout  finit  par  être  remis  en 
question.  Les  députés  du  duc  de  Bourbon  repro- 
chaient à  la  Savoie  de  n'avoir  pas  tenu  les  promesses 
faites  à  Guichard  de  Beaujeu  après  la  bataille  de 
Varey,  et  d'avoir  exigé  des  seigneurs  de  Beaujeu 
des  hommages  qui  n'étaient  pas  dus.  Ceux  du  duc 
de  Savoie  répondaient  que  les  traités  avaient  été 
fidèlement  exécutés,  que  tout  s'était  passé  dans  le 
temps  avec  nn  accord  mutuel  et  que  l'hommage 
n'avait  eu  rien  de  forcé ,  n'étant  que  le  résultat  de 
conventions  acceptées  sans  contrainte.  Enfin  les 
arbitres,  au  moment  de  prononcer,  décidèrent  que 
les  pouvoirs  des  députés  étaient  insuffisants  ;  on  en 
fit  venir  de  plus  amples  qui  parurent  encore  trop 
restreints,  et  on  finit,  comme  toujours,  par  une 
trêve  qui  fut  jurée  de  part  et  d'autre.  Les  choses 
demeurèrent  ainsi  dans  le  même  état  d'indécision 
où  elles  étaient  depuis  si  longtemps. 

Tout  le  désir  du  duc  de  Bourbon  était  d'arriver 
à  un  affranchissement  complet ,  et  à  l'agrandisse- 


224  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

ment  de  sa  puissance  et  de  sa  domination  en 
Bombes.  Il  convoitait  depuis  longtemps  le  comté 
de  Villars,  et  saisit  avec  empressement  l'occasion  de 
l'acquérir.  Il  l'acheta  d'Antoine  de  Lévis,  comte  de 
Villars,  le  7  mai  1 473  ;  mais  comme  cette  terre  était 
située  en  Bresse,  le  duc  de  Savoie  s'opposa  à  sa  prise 
de  possession. 

Jean  de  Bourbon  avait  conservé  jusque-là  une 
réputation  sans  tache.  Ses  nombreuses  victoires  sur 
les  Anglais,  suivies  de  la  conquête  de  la  Guyenne, 
le  faisaient  considérer  comme  un  des  sauveurs  de 
la  France,  comme  le  jilus  ferme  appui  du  trône. 
Sa  fidélité ,  qu'on  aurait  du  croire  à  l'épreuve ,  ne 
put  résister  à  une  injustice.  Louis  Kl  lui  retira  le 
gouvernement  de  la  Guyenne,  dont  il  avait  été 
pourvu  après  la  conquête.  Le  duc  jura  de  se  venger, 
et  devint  un  des  premiers  moteurs  de  la  ligue  dite 
du  bien  public  :  ligue  qui  aurait  infailliblement 
conduit  le  roi  à  sa  perte ,  si  la  profonde  politique 
de  Louis  XI  n'était  parvenue  à  diviser  les  chefs, 
à  en  gagner  quelques-uns  et  à  s'en  servir  pour 
écraser  les  autres.  A  peine  le  roi  eut-il  appris  que 
Bourbon  se  disposait  à  marcher  contre  lui ,  qu'il  en- 
gagea Galéas  Visconti,  duc  de  Milan,  à  venir  s'em- 
parer des  terres  du  duc.  La  même  proposition 
fut  faite  au  duc  de  Savoie,  qui  refusa  noblement 
cette  occasion  de  venger  ses  vieilles  querelles. 
L'armée  milanaise  arriva  en  Dombes  ,  traversa  la 


DES  SIRES  DE  REAUJEU.  22 S 

Saône  et  se  jeta  en  Beaujolais,  où  elle  prit  plusieurs 
villes  qu'elle  pilla  ;  les  cam])agnes  furent  dévastées. 
Le  Forez  subit  le  même  sort,  et  ne  dut  sa  déli- 
vrance qu'à  la  victoire  remportée  par  les  paysans 
des  montagnes  de  Pilât ,  au  lieu  nommé  encore 
aujourdlmi  le  Cimetière  des  Lombards. 

Le  duc  de  Bourbon  avait  été  un  des  premiers  à 
prendre  les  armes ,  il  fut  aussi  le  premier  à  se  lais- 
ser séduire  par  la  politique  astucieuse  de  Louis  XI, 
à  qui  il  tâcha  de  faire  oublier  sa  trahison  paroles 
services  immenses  qu'il  lui  rendit  en  ces  temps  de 
troubles  et  de  guerres  civiles. 

Enfin  ,  comblé  de  biens  et  d'honneurs  et  revêtu 
de  la  dignité  de  connétable,  ce  prince  mourut  à 
Moulins  le  1  ^"^  avril  1488  ,  ne  laissant  aucun  en- 
fant légitime ,  quoiqu'il  eût  été  marié  trois  fois  : 
d'abord  à  Jeanne  de  France,  fille  de  Charles  VII , 
puis  à  Catherine  d'Armagnac -Nemours,  enfin  à 
Jeanne  de  Bourbon  sa  cousine,  fille  de  Jean  de 
Bourbon-Vendôme  et  d'Isabelle  de  Beauveau.  Marie 
de  Bourbon  sa  fille  naturelle  épousa  Jacques  de 
Ste-Colombe  ,  seigneur  du  Thil  en  Beaujolais. 

On  possède  de  ce  prince  quelques  monnaies  que 
l'on  croit  fiappées  à  Trévoux.  D'un  côté  on  voit  le 
duc  de  Bourbon  en  jiied  ,  portant  le  collier  de  l'or- 
dre de  St-Michel  au  cou  et  une  épée  nue  à  la  main , 
son  écu  semé  de  France ,  et  la  devise  Deus  noster 
refu^ium  et  çirtus  in  tribalationihus  ;  au  revers  est 


226  GENEALOGIE  HISTORIQL'E 

récusson  de  Bourbon  avec  la  cotice  en  bande,  1  ecu 
accompagné  en  chef,  en  pointe  ,  à  dextre  et  à  se- 
nestre  de  quatre  grenades  allumées ,  accostées  cha- 
cune d'une  fleur  de  lis  avec  l'exergue  Joannes  dux 
Borhonii  et  Alverniœ^Trivolci  dominus.  Il  est  assez 
curieux  de  voir  le  duc  de  Bourbon  négliger  ses 
autres  qualités  pour  prendre  celle  de  seigneur  de 
Trévoux. 

CHARLES  DE  BOURBON, 

nVilO-N  UK   B1:AIJ1;1  ,   CAUUIXAL,  AlU.IIEVKC'lli  DE  LYON. 

A  la  mort  de  Jean  II ,  duc  de  Bourbon  ,  décédé 
sans  postérité,  Charles  son  frère,  cardinal  et  arche- 
vêque de  Lyon,  se  trouvant  l'aîné ,  prétendit  à  l'hé- 
ritage en  vertu  des  substitutions  existantes;  mais 
Pierre  de  Bourbon  son  frère,  par  les  conseils  de 
Anne  de  France  sa  femme ,  s'empara  de  la  succes- 
sion ,  jeta  des  garnisons  dans  les  places  fortes  ,  puis 
consentit  à  négocier  avec  le  cardinal.  Celui-ci  n'op- 
posa qu'une  (aible  résistance,  et  finit  par  se  con- 
tenter de  la  jouissance  du  Beaujolais  sa  vie  durant, 
avec  une  pension  de  20,000  livres.  Il  est  difficile 
de  reconnaître  à  cette  facilité  l'ancien  favori  de 
Louis  XI ,  celui  qui  s'était  identifié  à  sa  j)olitique, 
qui  avait  soutenu  à  ses  cotés,  soit  au  conseil,  soit 
sur  les  champs  de  bataille ,  les  luttes  acharnées 
qui  avaient,  rouipli  ce  règne  orageux ,  celui   enfin 


DES  SIRES  DE  P.EAUJEU.  227 

qui  avait  adopté  cette  devise  si  audacieuse  et  si 
peu  éj)iscoj)ale  :  nespoir  ne  peur.  C'est  qu'alors 
Charles  était  usé  par  les  fatigues  d'une  vie  agitée  , 
accablé  par  les  infirmités  et  menacé  d'une  mort 
prochaine.  Retiré  à  Lyon  où  il  s'occupait  à  faire 
construire  le  palais  archiépiscopal,  seul  monument 
dont  il  ait  doté  la  ville,  malgré  ses  immenses  ri- 
chesses, il  mourut  six  mois  après  le  traité  qui  le 
dépouillait  de  fhéritage  de  son  frère,  sans  que  nous 
connaissions  aucun  acte  de  lui  comme  seigneur  de 
Beaujolais. 

Ce  prélat  laissa  de  Gabrielle  Bartine  une  fille 
naturelle  qui  fut  légitimée  par  Charles  VIII  et 
mariée  à  Gilbert  de  Chantelot ,  seigneur  de  la 
Douze  en  Beaujolais. 

PIERRE  II  DE  BOLIRRON, 

BAKUN  DE  BEAU.IF.C,  SEIGNEUR  U£  DOMBKS. 

Jean  de  Bourbon  étant  mort  sans  enfants,  et  le 
cardinal  l'ayant  suivi  de  près  au  tombeau  ,  sa  riche 
succession  resta  sans  conteste  à  Pierre  son  frère  , 
que  de  son  vivant  il  avait  déjà  revêtu  du  titre  ho- 
norifique de  comte  de  Beaujeu  ,  sous  lequel  il  est 
connu  dans  l'histoire.  Pierre  II  a  laissé  peu  de 
traces  de  sa  domination  dans  le  Beaujolais;  on  ne 
trouve  guère  de  lui  que  quelques  rares  actes  que 
nous  alloi'is  rapporter  :  exemption    de    péage  ac- 


228  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

cordée  le  14  août  1471  aux  dames  religieuses  de 
St-Pierre  de  Lyon ,  pour  toutes  les  denrées  néces- 
saires à  l'approvisionnement  de  leur  monastère; 
pouvoir  de  tester,  donné  à  un  bâtard  de  la  pa- 
roisse de  Ferreux;  et  enfin  lettres- patentes  de 
1  494,  qui  enjoignent  aux  habitants  de  Villefranche 
de  contribuer  à  la  construction  de  la  chaussée  con- 
duisant de  cette  ville  à  Beauregard.  Etant  à  Mou- 
lins, en  1499,  il  accorda  à  la  ville  de  Villefranche 
une  somme  de  1 ,200  livres  pour  être  employée  à 
la  construction  du  portail  de  son  église.  Il  avait 
donné  en  1 494  la  seigneurie  d'Oingt  à  son  neveu 
Mathieu ,  bâtard  de  Bourbon,  pour  en  jouir  sa  vie 
durant. 

Pierre  II  eut  aussi  quelques  démêlés  avec  le  duc 
de  Savoie,  pour  les  points  qui  étaient  restés  en  li- 
tige sous  le  règne  de  son  prédécesseur.  En  1  496  il 
nomma ,  pour  les  terminer ,  Jean  de  Ferrières , 
chevalier,  bailli  de  Beaujolais ,  et  Perrin  Gayant. 
Mais,  après  plusieurs  conférences  infructueuses,  les 
choses  en  demeurèrent  au  même  j)oint ,  le  duc  de 
Bourbon  prenant  toujours  la  qualité  de  souverain 
de  Dombes ,  et  le  duc  de  Savoie  continuant  à  por- 
ter le  même  titre  en  vertu  des  hommages  réclamés 
et  de  la  non-exécution  des  traités. 

La  fortune  avait  élevé  Pierre  de  Bourbon  à  une 
trop  grande  iiauteur  pour  qu'il  songeât  beaucoup 
à  sa  baronnie  de  Beaujolais.  Favori  de  Louis  XI  et 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  229 

époux  de  sa  fille  x\nne  ,  il  partagea  avec  cette  prin- 
cesse la  régence  du  royaume  pendant  la  minorité 
de  Charles  VIII,  et  (ut  encore  revêtu  des  mêmes 
pouvoirs  lors  du  voyage  que  ce  monarque  fit  à  Na- 
ples.  La  guerre  et  la  politique  remplirent  sa  vie,  et 
les  services  qu'il  rendit  à  la  France  lui  méritèrent  à 
juste  titre  la  haute  renommée  dont  il  jouit  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  à  Moulins  le  1  0  octobre  1503. 

Pierre  de  Bourbon  avait  épousé  à  Jargeau  le  3 
novembre  1473  Anne  de  France,  fille  de  Louis  XI 
et  de  Charlotte  de  Savoie.  Par  une  clause  expresse 
du  contrat  le  roi  exigea  que,  dans  le  cas  où  aucun 
enfant  ne  naîtrait  de  ce  mariage,  les  biens  de  Bour- 
bon feraient  retour  à  la  couronne.  Pierre  n'ignorait 
pas  que  cet  engagement  de  sa  part  ne  pouvait  pré- 
judicier  aux  droits  de  la  branche  de  Montpensier, 
le  cas  échéant;  néanmoins,  avant  de  signer,  il  ajouta 
ces  mots  :  «  en  tant  qu'il  peut  toucher  audit  futur 
«  époux  pour  le  présent  et  l'avenir.  » 

De  ce  mariage  naquit  une  fille  unique,  Susanne 
de  Bourbon,  qui  épousa  Charles  de  Bourbon-Mont- 
pensier,  dont  l'article  suit. 

CHARLES  m  , 

DUC  UË  BUURBOK,  BARON'  UE  BEAUJEU  ,  SEIGKEDB  DE  DOMBES  , 
CONNÉTABLE    DE  FRANCK. 

A  la  mort  de  Pierre  II  de  Bourbon ,  Susanne  sa 
iille  se  trouva  seule  héritière  de  tous  ses  biens.  Anne 


230  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  France,  veuve  du  duc,  eut  pour  son  douaire  la 
baronnie  de  Beaujolais  et  la  seigneurie  de  Dombes. 
Mais  à  peine  la  jeune  princesse  fut-elle  mise  en  pos- 
session du  riche  héritage  de  son  père  qu'elle  se  le  vit 
disputer  par  Charles  de  Bourbon-jMontpensier  son 
cousin  ,  qui,  se  trouvant  le  parent  mâle  le  plus  rap- 
proché, se  prétendit  le  véritable  et  seid  héritier  en 
vertu  d'anciens  usages  et  de  la  substitution  établie 
dans  la  famille.  Il  descendait  de  Jean  P^'de  Bourbon, 
baron  de  Beaujeu,  ainsi  qu'il  suit  : 

Jean   I''' ,   que  nous  ;nons   rapporté  plus'  ha\il  ; 

I 
Louis,  suinouiiiicle  Bon,  que  nous  avons  indiqué  cunnue  auteur 
(le  la  branche  de  Bourbon-Montpensier,  et  qui,  de  (ial)rielle  de 
la  Tour,  eut  : 

(lilbert,  qui  de  Claire  de  tion/.ague  laissa 


r.liarles  ,  dont  il  e>t  ici  question. 

Les  prétentions  de  ce  prince  à  l'héritage  de 
Jiourbon  ne  laissèrent  pas  d'inquiéter  Anne  de 
France.  Un  procès  à  soutenir  lui  ])résentait  un 
double  danger,  car  non-seulement  son  issue  pou- 
vait éti'e  douteuse ,  mais  il  pouvait  éveiller  des  pré- 
tentions puissantes  qu'il  était  urgent  de  détourner. 
La  politique  habile  de  la  princesse  sut  conjurer  le 
danger  par  un  accommodement  avec  Charles  de 
Bourbon.  Il  fut  convenu  qu'il  épouserait  Susanne 
sa  cousine,  et  qiu>  dans  le  cas  où  elle  décéderait  sans 


DES  SIRES  DE  BEADJEU.  231 

enfants,  il  demeurerait  iiéritier  de  tous  ses  biens. 
Cet  accord  lut  conclu  à  Paris  le  26  février  1  504 
en  présence  de  tous  les  parents  paternels  et  mater- 
nels ,  et  le  mariage  fut  célébré  au  château  de  Parc- 
lès-Moulins  le  10  mai  1  305.  Anne  de  France  con- 
serva la  jouissance  des  terres  de  Dombes  et  de 
Beaujolais,  et  les  actes  y  furent  passés  tant  en  son 
nom  qu'en  celui  de  Susanne  et  de  Charles  de 
Bourbon. 

Dès  l'année  1  504  la  princesse  douairière  avait 
rendu  quelques  ordonnances  toutes  favorables  au 
peuple  de  Beaujolais  :  une  entre  autres,  en  date  du 
1  '  août,  enjoint  à  toute  personne,  de  quelque  qua- 
lité qu'elle  soit,  de  payer  taille,  dons  et  octrois  dans 
les  chàtellenies  où  sont  situés  ses  biens.  La  plupart 
des  gens  riches  de  la  province  fixaient  leur  domicile 
à  Lyon,  ville  exempte  de  taille,  et  échappaient  ainsi 
à  cet  impôt  en  se  prévalant  du  privilège  de  bour- 
geois de  Lyon.  L'ordonnance  de  la  duchesse,  en  les 
forçant  à  payer  cet  impôt,  apporta  un  notable  sou- 
lagement au  j)euple  sur  qui  auparavant  retombait 
toute  la  charge. 

Au  mois  de  novembre  1514,  Anne  de  France , 
étant  à  Moulins ,  accorda  à  la  ville  de  Villefranche 
le  droit  de  surmonter  ses  armoiries  du  chef  de 
Bourbon  ,  c'est-à-dire  de  France  à  la  cotice  de 
gueules. 

Vn  événement  qui  se  [)assa  en  Beaujolais  vers 


232  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

ce  temps-là  nous  donne  une  idée  de  la  manière  dont 
se  rendait  la  justice  criminelle  à  cette  époque.  Jean 
Tiraudet,  notaire  à  Villefranche,  ayant  tué  Antoine 
Charreton,  aussi  notaire  au  même  lieu,  sollicita  et 
obtint  des  lettres  de  grâce  qui  furent  adressées  au 
sénéchal  de  Lyon.  Depuis,  non  content  de  cette 
faveur  et  désirant  un  acquittement  complet,  il  appela 
au  parlement  des  premières  procédures,  et,  usant 
des  lettres  de  cléricature  qu'il  avait  obtenues ,  de- 
manda à  être  rendu  à  ses  juges  naturels.  L'archevê- 
que de  Lyon  abonda  dans  ce  sens,  et  le  fit  réclamer 
par  son  procureur.  Le  parlement  passa  outre ,  dé- 
clara que  l'accusé  ne  pouvait  jouir  du  privilège  de 
clerc  et  le  condamna  à  être  ])endu,  ce  qui  fut  exé- 
cuté à  \  illefranche  en  loi  A. 

Charles  de  Bourbon  était  né  avec  tous  les  avan- 
tages qui  font  les  grands  hommes  ;  sa  beauté ,  sa 
grâce  et  son  affabilité  lui  gagnaient  tous  les  cœurs. 
La  hauteur  de  son  esprit,  son  instruction  et  la  rec- 
titudede  son  jugement  le  faisaient  aussi  ])uissanl  dans 
le  conseil  que  sa  bravoure  brillante  le  rendait  ter- 
rible sur  le  champ  de  bataille.  Né  pour  les  armes, 
il  se  montra  général  consommé  dès  làge  de  vingt- 
quatre  ans.  La  conquête  de  Gênes,  de  la  Lombardie, 
et  enfin  la  victoire  de  Mariguan,  mirent  le  sceau  à 
sa  gloire.  L'épée  de  connétable  avait  été  la  juste 
récompense  de  sa  bravoure,  de  ses  talents  et  des 
services  qu'il  avait  rendus  à  lEtat. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  233 

jNonimé  gouverneur  du  Milanais  que  son  épée 
avait  donné  à  la  France,  il  sut,  par  sa  prudence, 
défendre  sa  conquête  contre  la  ligue  formidable  qui 
s'était  formée  pour  l'accabler.  Abandonné  des  Suisses 
qui  formaient  la  majeure  partie  de  son  armée,  en- 
fermé dans  Milan  avec  ses  seuls  hommes  d'armes  et 
quelques  chevaliers  jaloux  de  servir  sous  ses  ordres, 
ne  recevant  de  France  aucun  secours  d'hommes 
ni  d'argent,  il  sut  se  suffire  à  lui-même.  Il  emprunta 
en  son  nom  personnel  des  sommes  considérables  , 
fit  relever  les  fortifications,  ajouta  à  leur  force, 
parvint  à  jeter  la  désunion  parmi  les  assiégeants, 
à  dissoudre  la  ligue  des  confédérés  qui  déjà  se 
croyaient  sûrs  de  la  victoire,  et,  au  moment  où  ils  se 
retiraient,  fondit  sur  leur  arrière-garde  qu'il  tailla 
en  j)ièces.  Tant  de  succès  l'avaient  rendu  l'idole  du 
soldat  et  du  peuple.  La  noblesse ,  toute  militaire , 
en  avait  fait  son  héros  et  se  disputait  Ihonneur  de 
servir  sous  son  étendard.  La  cour  en  ])rit  de  l'om- 
brage :  François  P'',  ce  roi  si  chevaleresque,  n'était 
pas  insensible  aux  traits  de  la  jalousie,  on  parvint  à 
en  faire  naître  dans  l'àme  de  ce  prince  contre  le  duc 
de  Bourbon  ;  il  fut  rappelé,  et  eut  Lautrec  jiour 
successeur. 

Charles  parut  à  la  cour,  qui  pour  lors  séjournait 
à  Lyon,  avec  autant  de  calme  que  s'il  n'eût  pas  eu 
à  se  plaindre  de  fi  njusti ce  qu'il  venait  d'éprouver. 
«  \a'  roi,  dit  Fleuranges  dans  ses  Mémoires,  lui  fit 


234  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

«  merveilleusement  bonne  chère;  «  mais  peu  à  peu 
il  se  refroidit,  et  le  connétable  se  serait  trouvé  con- 
fondu dans  la  foule  des  courtisans ,  si  son  caractère , 
ses  exploits  et  fopinion  publique  ne  lui  eussent 
assigné  le  premier  rang  dans  l'Etat  après  le  roi. 

Le  prince  supporta  noblement  cette  froideur  et 
se  borna  à  demander  le  remboursement  des  som- 
mes qu'il  avait  empruntées  pour  la  défense  de  Milan, 
ainsi  que  le  paiement  des  traitements  qui  lui  étaient 
dus  comme  connétable ,  chambrier  de  France  et 
gouverneur  du  Languedoc.  Il  n'obtint  qu'un  refus. 
Charles  ne  daigna  ])as  se  plaindre,  et  alTecta  au  con- 
traire toute  la  magnilicence  d'un  prince  qui  n'a  nul 
besoin  des  grâces  de  la  corn-. 

Ce])endant  un  événement  heureux  sembla  de- 
voir le  consoler  des  déboires  dont  on  cherchait  à 
l'accabler.  Susanne  venait  de  lui  donner  un  tils  après 
douze  ans  de  mariage  stérile;  le  duc,  au  comble 
du  bonheur,  pria  le  roi  d'être  le  parrain  de  son  enfant 
avec  Anne  de  France,  duchesse  douairière.  Toute 
la  cour  se  rendit  à  Moulins  pour  assister  à  cette  cé- 
rémonie ;  le  roi  y  fut  reçu  avec  une  magnificence 
et  un  luxe  inconnus  même  à  la  cour.  «  Bourbon , 
«  dit  un  historien,  semblait  un  puissant  monarque 
"  qui  reçoit  chez  lui  son  égal,  et  non  un  sujet 
«  honoré  de  la  présence  de  son  souverain.  ^>  Le  roi 
en  fut  irrité,  et  ses  préventions  contre  le  duc  s'en 
accrurent  d'autant.  T>e  chancelier  Duprat,  l'amiral 


DES  SIRES  DE  I5EAUJEU.  235 

Bonnivet  et  le  maréchal  de  Chàtillon ,  ennemis  jurés 
(lu  connétable,  profitant  de  cette  circonstance,  ache- 
vèrent de  le  ruiner  dans  l'esprit  du  roi  en  lui  faisant 
considérer  toute  celte  noblesse,  dont  la  somptuosité 
n'était  entretenue  que  par  la  libéralité  de  Bourbon, 
comme  un  instrument  prêt  à  servir  les  projets  am- 
bitieux de  ce  prince. 

Il  faut  avouer  que  le  caractère  du  connétable 
était  peu  propre  à  dissiper  ces  préventions  :  haut  et 
fier  avec  ceux  qui  voulaient  s'arroger  sur  lui  quel- 
que supériorité,  bon,  humain  et  affable  avec  ceux 
qui  ne  cherchaient  pas  à  braver  sa  puissance,  il 
humilia  souvent  les  favoris  du  roi,  et  se  gêna  peu, 
même  avec  le  monarque,  qui,  à  la  suite  de  quelques 
mots  assez  vifs  échangés  entre  eux,  l'avait  surnommé 
le  prince  mal  endurant.  Les  ])réventions  de  Fran- 
çois I^',  excitées  par  Duprat,  dégénérèrent  en  anti- 
pathie. Cet  avide  ministre  cependant  avait  fait  quel- 
ques démarches  auprès  du  connétable  pour  gagner 
ses  bonnes  grâces,  dans  l'espoir  d'acquérir  de  lui  les 
terres  de  Thiers  et  de  Thouri,  objets  de  sa  convoitise. 
Mais  Bourbon  n'avait  répondu  à  ses  avances  que 
par  le  plus  sanglant  mépris.  Duprat  n'eut  plus  qu'à 
poursuivre  son  œuvre  de  vengeance,  tant  pour 
satisfaire  sa  propre  haine  que  pour  éloigner  de  la 
cour  un  homme  dont  l'intégrité  et  la  puissance  pou- 
vaient devenir  dangereuses  aux  dilapidateurs  de  la 
fortune  publique. 


236  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Accablé  de  dégoûts,  le  connétable  s'était  retiré 
dans  ses  terres  où  il  ne  s'occupait  que  du  bonheur 
de  tout  ce  qui  l'entourait ,  lorsqu'un  nouveau 
malheur  vint  l'y  atteindre,  qui  mit  le  comble  à  son 
désespoir.  Après  avoir  perdu  l'enfant  que  Susanne 
lui  avait  donné,  il  eut  la  douleur  de  perdre  aussi 
cette  princesse  à  laquelle  il  était  tendrement  attaché. 
Tous  les  malheurs  semblaient  ainsi  fondre  à  la  fois 
sur  cet  infortuné  ])rince ,  dont  la  destinée  avait 
paru  si  belle  et  dont  la  fin  devait  être  si  funeste. 

Charles-Quint  venait  de  révéler  au  monde  et  son 
ambition  et  la  puissance  de  son  génie.  Elevé  à  l'em- 
pire malgré  les  jirétentions  de  François  I"  à  cette 
couronne,  la  rivalité  de  ces  deux  monarques  allait 
inonder  l'Europe  de  sang. 

Le  roi,  dans  la  lutte  acharnée  qu'il  se  disposait  à 
soutenir,  fit  appel  à  tout  ce  que  la  France  avait  de 
plus  distingué.  Le  connétable,  faisant  trêve  à  sa  dou- 
leur et  mettant  tout  ressentiment  de  côté ,  fut  des 
premiers  à  se  rendre  à  l'armée  ;  il  n'y  arriva  que  j)our 
recevoir  un  aflVont.  Le  commandement  de  l'avant- 
garde  lui  aj)partenait  de  droit  en  sa  qualité  de  con- 
nétable, on  le  donna  au  duc  d'Alençon,  et  lui  même 
fut  contraint  de  servir  au  corps  de  bataille  sous  les 
ordres  du  roi.  Bourbon  ressentit  vivement  ce  nouvel 
outrage,  qui  le  blessa  jusqu'au  fond  du  cœur;  il  n'en 
servit  pas  avec  moins  de  zèle  et  contribua  j)uissam- 
ment  aux  succès  de  celte  cam])agne  ,  succès  qui 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  237 

eussent  été  d'une  bien  autre  importance  si  sa  voix 
eût  pu  se  faire  écouter  dans  les  conseils  du  roi. 

Après  la  campagne,  Charles  revint  à  Moulins  où 
il  vécut  pendant  quelque  temps  dans  la  retraite ,  ne 
se  doutant  pas  de  l'orage  qui  grondait  sur  sa  tète. 
Louise  de  Savoie ,  duchesse  d'Angoulème  et  mère 
du  roi,  descendait,  ainsi  que  Susanne  de  Bourbon, 
de  Charles  V ,  duc  de  Bourbon ,  et  d'Agnès  de 
Bourgogne,  dont  la  fille  Marguerite  avait  épousé 
Philipj)e  de  Savoie,  père  de  la  duchesse  d'Angou- 
lème. La  mort  de  Susanne  laissait  cette  princesse 
seule  héritière  des  biens  de  Bourbon  qui  n'étaient 
pas  d'apanage ,  en  supposant  que  la  substitirlion 
n'existât  pas  dans  la  branche  de  Montpensier  ;  toute 
la  question  était  là. 

Le  chancelier  Duprat,  dans  sa  haine  contre  le 
connétable,  avait  réuni  tous  les  titres  qui  pouvaient 
lui  être  opposés.  La  duchesse  d'Angoulème  cepen- 
dant, avant  de  commencer  une  instance  juridique 
en  revendication  des  droits  qu'elle  prétendait  avoir 
sur  la  succession  de  Susanne ,  fit  une  démarche  toute 
de  conciliation  auprès  du  duc  Charles.  Elle  lui  pro- 
posa de  désigner  lui-même  le  tribunal  auquel  leur 
contestation  serait  soumise,  promettant  de  s'en  rap- 
porter au  jugement  qui  interviendrait,  et  souscri- 
vant d'avance  l'engagement,  si  sa  demande  obtenait 
gain  de  cause,  de  lui  laisser  l'usufruit  avec  la  liberté 
de  tester  en  faveur  de  leurs  parents  communs,  dé- 


238  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

clarant,  en  un  mot,  qu'elle  ne  cherchait  qu'à  assurer 
le  droit  de  ses  héritiers.  Le  connétable  rejeta  avec 
hauteur  toute  proposition  d'accommodement,  di- 
sant être  sûr  de  son  droit  et  ne  reconnaître  d'autres 
tribunaux  que  les  parlements  où  se  trouvaient  ses 
juges  naturels.  Le  procès  commença. 

La  conduite  de  Louise  de  Savoie  a  été  interprétée 
bien  diversement  par  les  historiens  qui  ont  traité  ce 
sujet  :  les  uns  l'ont  taxée  d'avarice  et  d'ambition, 
d'autres  veulent  qu'éprise  du  duc  de  Bourbon  elle 
ait  cherché  à  l'efliayer  par  ce  procès  pour  l'amener 
à  demander  sa  main,  mais  que,  rej)oussée  avec  froi- 
deur, elle  se  soit  livrée  à  tout  ce  que  l'amour  dé- 
daigné put  lui  inspirer  de  haine  ;  ({uelques  autres 
enfin  n'ont  vu  dans  cette  revendication  que  l'exer- 
cice d'un  droit  que  l'on  pouvait  croire  fondé.  Ob- 
servons d'abord  que  les  auteurs  qui  ont  le  j)lus  mal- 
traité la  duchesse  d'Angoulème  se  sont  en  général 
laissé  séduire  par  les  brillantes  qualités  du  duc  de 
Bourbon,  par  ses  malheurs  inouïs  et  par  l'influence 
immense  qu'il  a  eue  sur  les  destinées  de  la  France. 
Les  historiens  les  plus  anciens  d ailleurs,  tel  que 
Marillac,  étaient  ses  ciéatures  ;  les  modernes  les  ont 
suivis,  et  entraînés  par  la  richesse  du  sujet  se  sont 
livrés  à  un  enthousiasme  que  l'impartiale  histoire 
doit  proscrire,  et  qui  les  a  rendus  injustes  envers 
la  duchesse  d'Angoulème. 

Quanta  nous,  sans  chercher  à  justifier  cette  prin- 


DES  SIRES  DE   HEAUJEU.  239 

cesse  des  torts  qu'on  peut  lui  reprocher,  nous  de- 
vons avouer  que  sa  conduite  dans  cette  affaire  de 
revendication  s'explique  assez  naturellement,  et  ne 
doit  pas  assumer  sur  sa  mémoire  un  blâme  aussi 
complet  que  celui  dont  jtiusieurs  historiens  ont 
cherché  à  la  couvrir.  Duprat,  ancien  praticien, 
habile  à  faire  plier  le  sens  des  lois  selon  le  besoin 
qu'il  en  avait,  et  animé  d'un  désir  immodéré  de  ven- 
geance, dut  facilement  persuader  à  Louise  de  Sa- 
voie que  ses  droits  à  la  succession  de  sa  nièce  étaient 
fondés  sur  des  titres  inattaquables.  Sa  démarche 
auprès  du  duc  de  Bourbon ,  et  la  nature  des  pro- 
positions désintéressées  qu'elle  lui  fit,  viennent  à 
l'appui  de  cette  opinion.  Le  refus  hautain  de  ce 
prince  ne  laissait  plus  d'autre  alternative  que  d'aller 
en  avant  ;  lempire  que  Duj)rat  exerçait  sur  l'esprit 
léger  du  roi  fit  le  reste. 

La  cause  fut  appelée  au  parlement  de  Paris,  le 
1 1  août  1  S23  ,  avec  tout  l'appareil  qui  convenait 
à  la  qualité  des  parties.  La  France  entière  resta  en 
suspens  devant  cette  grande  question  :  à  qui  doivent 
appartenir  le  Bourbonnais,  l'Auvergne,  la  Marche, 
le  Forez,  le  Beaujolais,  la  Dombes,  le  comté  de 
Clermont  en  Beauvoisis,  le  duché  de  Chàtellerault, 
et  grand  nombre  d'autres  seigneuries  toutes  impor- 
tantes par  leur  titre  et  leur  étendue?  L'avocat  Mon- 
tholon,  qui  depuis  fut  garde-des-sceaux ,  défendit 
le  connétable;  Poyet,  le  futur  chancelier,  plaida 


240  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

pour  la  duchesse  d'Angoulème.  L'attaque  fut  habile, 
et  fit  valoir  avec  talent  les  droits  de  parenté  qu'on 
invoquait.  Montholon,  dans  sa  défense,  s'attacha 
à  la  loi  salique  qui  de  tout  temps  avait  régi  la  mai- 
son de  Bourbon,  et  cita  à  l'appui  tous  les  pactes  de 
famille  qui  en  avaient  été  la  suite.  Les  juges  parurent 
indécis. 

Pendant  ces  débats,  Anne  de  France  se  mourait. 
La  plaie  que  la  mort  de  sa  fille  avait  ouverte  dans 
son  cœur  était  encore  saignante  lorsqu'elle  vit  son 
gendre,  qu'elle  chérissait  tendrement,  au  moment 
de  succomber  sous  le  poids  d'un  j)rocès  qui  pouvait 
l'accabler  ;  elle  ne  put  résister  à  la  douleur  et  à  l'in- 
quiétude qui  la  dévoraient,  et  succomba  ajirès  avoir 
fait  un  testament  qui  instituait  le  connétable  héri- 
tier de  tous  ses  biens.  Sa  tendresse  pour  lui  ne  s'était 
jamais  démentie,  et  elle  avait  déversé  sur  lui  toute 
celle  qu'elle  portait  à  sa  fille.  Ciiarles,  de  son  coté, 
avait  testé  le  même  jour  que  sa  belle-mère  et  l'avait 
instituée  son  héritière  en  cas  qu'elle  lui  survécût, 
et  à  son  défaut  faisait  passer  tous  ses  biens  à  ses 
deux  neveux,  Charles  et  Louis  de  Bourbon,  à  la 
charge  de  donner  cent  mille  livres  à  la  duchesse  de 
Lorraine,  sa  sœur  pin'née. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  qu'avant  de 
mourir  Anne  de  France  avait  donné  au  connétable 
le  conseil  de  se  jeter  dans  les  bras  de  Charles-Quint, 
et  de  venir  réclamer  par  la  force  ce  qu'on  lui  refu- 


DES  SIRES  DE  REAUJEU.  241 

sait  par  justice.  S'il  en  est  ainsi ,  le  malheureux 
prince  n'aurait  que  trop  bien  suivi  ce  conseil  ;  mais 
cette  assertion  nous  a  paru  dénuée  de  preuve.  Ce 
dont  on  ne  peut  douter,  c'est  de  la  sincérité  des 
larmes  que  le  connétable  versa  sur  la  tombe  d'une 
belle- mère  qui  lui  avait  donné  de  si  nombreuses 
preuves  d'affection. 

Le  procès  cependant  allait  changer  de  face.  Du- 
prat  fut  effrayé  de  l'indécision  du  parlement ,  et 
jugea  que,  pour  mieux  perdre  le  connétable,  il 
fallait  faire  intervenir  le  roi.  En  conséquence,  Lizet, 
avocat  général  et  âme  damnée  du  chancelier,  de- 
manda la  suspension  de  l'instance  entre  la  duchesse 
d'Angouléme  et  le  connétable ,  et  réclama  au  nom  du 
roi  la  reversion  des  biens  de  Bourbon  à  la  couronne. 
Mettant  de  côté  toutes  les  donations  existantes ,  il 
soutint  que  l'Auvergne,  donnée  en  apanage  à  Jean 
de  France,  duc  de  Berry,  aurait  dii  être  réunie  à  la 
couronne  après  la  mort  de  ce  prince  décédé  sans 
enfants,  ce  qui  n'avait  pas  eu  lieu,  par  une  simple 
tolérance  qui  ne  devait  préjudicier  en  rien  aux  droits 
du  roi.  Quant  aux  autres  biens  du  connétable,  il 
soutenait  que  Pierre  de  Bourbon  avait  consenti 
qu'ils  lissent  retour  à  la  couronne  dans  le  cas  où  il 
ne  laisserait  pas  d'enfants,  et  que,  Susanne  sa  fille 
étant  décédée  sans  enfants,  c'était  le  cas  de  faire 
l'application  de  cette  clause;  qu'à  la  vérité  Louis  XII 
avait  renoncé  à  son  bénéfice,  mais  que  cette  renou 

16 


242  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

ciation  ne  pouvait  s'entendre  qu  en  faveur  de  Su- 
sanne  et  non  point  de  ses  héritiers. 

La  défense  combattit  ce  système  avec  chaleur. 
Elle  opposa  les  donations  de  Charles  VI  et  de  Char- 
les VII,  et  démontra  que  Louis  II  de  Bourbon  n'avait 
consenti  au  retour  à  la  couronne  que  dans  le  cas 
d'extinction  de  postérité  masculine.  Elle  prouva  que 
jamais  Pierre  II  n'avait  eu  le  pouvoir  de  priver  la 
branche  de  Montpensier,  issue  comme  lui  de  Jean  II 
de  Bourbon ,  de  l'expectative  des  biens  auxquels 
elle  était  substituée,  et  que  la  clause  insérée  par  le 
prince  lui-même  à  son  contrat  de  mariage,  portant 
en  tant  quil  peut  toucher  audit  futur  époux  pour 
le  présent  et  l avenir ,  n'avait  eu  dautre  but  que  de 
consacrer  ce  principe. 

Malgré  toutes  ces  raisons ,  Montholon  prévoyait 
une  délaite,  le  bon  droit  ne  lui  paraissant  pas  suffi- 
sant pour  lutter  avec  succès  contre  les  intrigues  du 
chancelier.  Il  demanda  et  obtint  des  délais.  Enfin, 
après  onze  mois  de  lutte,  intervint  un  arrêt  j)ortant 
que  les  ])arties  seraient  appointées  au  conseil ,  et 
qu'en  vertu  de  ce  principe ,  que  jamais  le  roi  ne 
plaide  dessaisi,  tous  les  biens  en  litige  seraient  mis 
en  séquestre.  Le  connétable  était  ruiné ,  il  sentit 
naître  en  lui  un  désir  immodéré  de  vengeance  ;  mais 
sa  prudence  lui  lit  dissinuiler  ses  projets.  Afi'ectant 
même  une  entière  confiance  en  la  justice  du  roi, 
il  vendit,  npnobstant  le  séquestre,  sa  chàtellenie  de 


DES  SIRES  DE  ISEAUJEU.  243 

Thizy  en  Beaujolais  à  Philibert  de  Beaujeu,  che- 
valier, seigneur  de  Linières,  et  lui  échangea  ses 
seigneuries  d'Alloignet  et  de  Coux  contre  celle  de 
Rochefort ,  en  se  réservant  la  foi  et  hommage. 
Charles-Quint,  profitant  de  Incitation  violente  du 
duc,  lui  fit  les  premières  avances.  Après  quelques 
hésitations,  un  engagement  secret  les  lia  :  ils  trai- 
tèrent de  pair  à  pair.  Le  roi  d'Angleterie ,  qui  avait 
toujours  admiré  la  brillante  valeur  de  Bourbon, 
adhéra  à  ce  traité,  par  lequel  le  duc  devait  épouser 
Eléonore  d'Autriche,  sœur  de  l'empereur,  et  possé- 
der en  toute  souveraineté,  après  la  conquête  de  la 
France,  toutes  les  provinces  qui  avaient  appartenu 
à  sa  famille.  Le  Beaujolais,  dont  le  revenu  était 
estimé  vingt  mille  écus,  devait  former  le  douaire 
de  la  future  duchesse.  Par  une  clause  spéciale  il 
fut  reconnu  que,  si  l'empereur  ainsi  que  l'archiduc 
son  frère  mouraient  sans  enfants,  Eléonore  hérite- 
rait de  rem])ire  d'Autriche. 

François  I^''  se  disposait  à  franchir  les  Alpes  pour 
aller  rétablir  sa  puissance  dans  le  Milanais,  où  ses 
généraux  avaient  été  constamment  battus  depuis 
le  rappel  du  connétable.  Celui-ci  conçut  le  projet 
hardi  d'enlever  le  roi  pendant  le  voyage;  mais,  au 
moment  de  mettre  son  plan  à  exécution,  sa  trahison 
fut  découverte  par  les  seigneurs  de  Matignon  et 
d'Argouges ,  qu'il  avait  engagés  à  livrer  la  Nor- 
mandie aux  Anglais.  I^e  duc,  i>révenu  de  la  décou- 


244  GÉ1NÉA.LOGIE    HISTOIUQUE 

verte  de  ses  projets,  n'eut  que  le  temps  de  fuir, 
presque  seul  et  au  milieu  de  mille  dangers. 

Ce  malheureux  prince  avait  promis  à  l'empereur 
de  lui  livrer  une  partie  de  la  France,  et  d'aller  le 
joindre  à  la  tête  de  la  noblesse  de  ses  provinces; 
il  avait  même  espéré  un  instant ,  comme  nous 
l'avons  vu,  lui  mener  le  roi  prisonnier.  Charles- 
Quint,  à  la  suite  de  toutes  ces  promesses,  ne  vit  ar- 
river qu'un  fugitif  et  un  proscrit.  L'accueil  qu'il  lui 
fit  se  ressentit  de  la  triste  jjosition  du  duc ,  et  il  ne 
fut  plus  question  de  l'exécution  du  traité  qui  avait 
lié  ces  princes.  Bourbon  comprit  dès-lors  qu'il  était 
à  la  merci  de  Charles-Quint,  qui  ne  l'employa  plus 
que  comme  l'instrument  de  ses  projets  ambitieux 
sur  la  France. 

A  peine  le  duc  de  Bourbon  eut-il  quitté  sa  patrie, 
que  le  roi  fit  occuper  par  ses  troupes  les  provinces 
(jui  avaient  apjiartenu  à  ce  prince.  Des  garnisons 
furent  mises  dans  les  villes  et  châteaux  de  Beaujo- 
lais et  de  Dombes.  Jacrpies  de  Chabanne,  seigneur 
de  la  Palisse,  maréchal  de  France,  vint  y  recevoir 
le  serment  des  nobles  et  des  communautés.  Le  par- 
lement commença  les  procédures  contre  le  trans- 
fuge ;  mais  les  longues  formalités  qu'exigeait  sa  qua- 
Hté  de  prince  du  sang  ne  permirent  de  terminer  ce 
jHOcès  (pi'après  sa  mort. 

Bourbon  cependant  avait  obtenu  le  commande- 
ment des  armées  imj)ériales  en  Italie,  honneur  qu'il 


DKS  SIRES  DE  BEAUJEU.  2.45 

dut  partager  avec  Pescaire  et  Lannoi.  La  victoire 
suivit  son  nouvel  étendard,  et  l'on  sait  quelle  fut 
l'issue  de  cette  guerre  Funeste  qui  se  termina  par  la 
bataille  de  Pavie  où  tout  fut  perdu  yôr^  ï honneur. 
A})rès  le  triste  avantage  d'avoir  fait  son  roi  pri- 
sonnier ,  Charles ,  se  voyant  négligé  de  l'empereur, 
haï  des  Français  dont  il  avait  déserté  la  cause,  et 
méprisé  de  tous,  voulut  tenter  un  dernier  effort, 
éblouir  et  étonner  le  monde  par  de  nouveaux  ex- 
ploits, et,  dùt-il  trahir  Charles-Quint  comme  il  avait 
trahi  François  P',  s'élever  enfin  un  trône  qu'il  ne 
devrait  qu'à  son  épée,  et  se  faire  pardonner  ses  trahi- 
sons à  force  de  gloire.  Il  commandait  à  Milan,  mais 
que  faire  avec  une  armée  sans  paie,  sans  vivres  et 
dont  le  dévouement  pouvait  devenir  douteux  ? 
Bourbon  conçut  un  dessein  audacieux  et  digne  de 
son  caractère  aventureux.  Le  pape  avait  déclaré  la 
guerre  à  l'empereur.  Bourbon,  saisissant  ce  prétexte, 
marche  sur  Rome  malgré  les  ordres  contraires  qu'il 
avait  reçus ,  et  promet  le  pillage  de  cette  ville  opu- 
lente à  ses  soldats.  Tous  le  suivent  avec  enthou- 
siasme, aucun  obstacle  ne  peut  l'arrêter,  aucune 
défense  de  l'empereur  ne  peut  ralentir  sa  marche.  Il 
traverse  l'Apennin  au  cœur  de  l'hiver,  culbute  et 
renverse  tout  ce  qui  s'oppose  à  son  passage,  et  arrive 
enfin  au  pied  des  remparts  de  la  ville  éternelle ,  à 
laquelle  il  se  dispose  à  donner  l'assaut  dès  le  lende- 
main 6  mai  1527.  Privé  d'artillerie ,  c'rst  le  seul 


246  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

moyen  qu'il  ait  d'emporter  cette  place ,  défendue 
par  une  garnison  nombreuse.  Au  point  du  jour,  tout 
est  disposé  pour  l'assaut  ;  le  vaillant  Bourbon  ne 
veut  céder  à  personne  l'honneur  d'arriver  le  pre- 
mier sur  le  rempart.  Arrachant  une  échelle  des 
mains  d'un  soldat,  il  s'élance  l'épée  à  la  main  ;  mais 
à  [)eine  il  touche  au  sommet  qu'un  coup  d'arque- 
buse, tiré,  dit-on,  par  un  moine,  l'atteint  dans  la 
poitiine  et  le  renverse  mort  au  jiied  de  la  muraille. 
La  fureur  de  ses  soldats  ne  connaissant  plus  de 
bornes ,  la  ville  est  emportée  et  livrée  à  toutes  les 
horreurs  du  pillage. 

Le  corps  du  malheureux  prince  fut  privé  de  sé- 
pulture, et  ses  écuyers  obtinrent  avec  peine  la  per- 
mission de  déposer  son  cercueil  au-dessus  de  la 
porte  de  l'église  de  Gaéte ,  où,  plus  d'un  siècle 
après,  Guichenon  le  vit  encore.  On  y  avait  placé 
cette  inscription: 

Francia  me  diô  la  luce  , 
Spafia  fiUTça  y  Ventura  , 
lluiiia  nii'  (liù  la  muerte  , 
Gaëla  la  sepullui-a. 

Ses  comj)agnons  d'armes  lui  consacrèrent  cette 

autre  épilaphe  : 

Aucto  iniperio  , 
Gallo  vicio  , 
Siiperatà  Itali.î  , 
l'ontilice  obsi'sso  , 
Roiuà  capta , 
Borl)oiiius  liif  jiicct. 


DES  SIHES   DE   HEAUJEU.  247 

Son  cœur  fut  apporté  à  l'église  métropolitaine  de 
Besançon  par  Simon  Gauthier,  ('-cuycr,  seigneur 
d'Ancin,  son  maître  d'hôtel,  etdé[)Osé  à  la  sacristie 
en  grande  pompe. 

Ainsi  finit,  en  aventurier,  un  prince  que  sa  valeur 
brillante,  son  génie  et  sa  naissance  appelaient  à  être 
le  second  personnage  du  royaume,  le  plus  ferme 
soutien  de  l'Etat  et  la  gloire  de  sa  patrie.  Ce  z'ole 
eût  pu  paraître  assez  beau  à  tout  autre ,  mais  son 
àme  flère  et  indomptable  as|)irait  plus  haut.  Le 
premier  rang  seul  lui  paraissait  digne  de  lui.  Charles, 
dévoré  d  ambition  ,  possédant  le  sentiment  de  sa 
force,  rêvait  un  trône  qu'il  savait  j)Ouvoir  défendre 
j)ar  son  épée  et  gouverner  par  la  ])uissance  de  son 
génie.  Incapable  de  plier,  l'injustice  du  roi  le  brisa 
et  le  jeta  dans  un  abîme  où  il  entraîna  la  France  , 
au  milieu  d'un  flot  de  sang  et  de  larmes. 

Les  procédures  continuèrent  nonobstant  la  mort 
du  duc  de  Bourbon  ;  le  parlement  prononça  enfin 
et  ordonna  la  confiscation  de  tous  ses  biens  au. pro- 
fit de  la  couronne,  par  aiTèt  du  26  juillet  1  S27. 
Le  25  aoiit  suivant  le  roi  fit  cession  à  Louise  de 
Savoie  sa  mère,  duchesse  d'Angoulême,  du  comté 
de  Forez,  de  la  seigneurie  de  Dombes  et  de  la  ba- 
ronnie  de  Beaujolais,  pour  en  jouir  sa  vie  durant, 
à  la  charge  de  retour  après  la  mort  de  cette  prin- 
cesse. 

Peut-être  irouvera-t-on  que  nous  nous  sommes 


248  GENÉAL.   HIST.   DES  SIRES  DE  BEAIIJEU. 

étendu  un  peu  longuement  sur  la  vie  si  agitée  du  duc 
de  Bourbon  ;  mais  tous  les  événements  qui  l'ont  rem- 
plie ont  eu  sur  l'avenir  du  Beaujolais  une  influence 
trop  directe ,  pour  que  nous  ayons  cru  pouvoir  les 
passer  sous  silence.  En  amenant  cette  province 
sous  la  domination  immédiate  du  roi ,  ils  lui  pré- 
paraient un  sort  funeste  par  les  nombreux  démem- 
brements qui  en  furent  la  suite,  et  la  perte  des  pré- 
cieux privilèges  qui  avaient  si  puissamment  contribué 
à  la  prospérité  du  pays. 

LOUISE  DE  SAVOIE , 

DDCHESSË  d'aNGOCLÊME  ,  BARONNE  UE  BEAUJOLAIS. 

Nous  avons  peu  de  choses  à  dire  de  la  domination 
de  Louise  de  Savoie  en  Beaujolais.  Les  seuls  actes 
de  son  autorité  qui  soient  venusjusquànous  consis- 
tent en  des  lettres  de  commission  portant  ordre  de 
lever  le  dixième  du  revenu  des  nobles  et  tenant  fief 
de  la  province,  pour  coopérer  à  la  rançon  du  dau- 
phin et  du  duc  d'Orléans  détenus  en  Espagne,  et 
en  quelques  ventes  de  j  ustices  opérées  au  détriment 
de  la  baronnie. 

Louise  de  Savoie  mourut  le  22  septembre  1 .531 , 
et  le  roi  prit  possessiou  du  Beaujolais  et  de  la 
Dombcs. 


^^m^^^^^^^^i^&^&Mmm^^mEBE&EmE^mwMm^i 


UNION  DU  BEAUJOLAIS  A  LA  COURONNE, 


de  1S31    à  1360, 


SOUS    LFS  ROIS  FRANÇOIS  !"'•   HENRI  II  ET    FRANÇOIS  II- 


Les  beaux  jours  du  Beaujolais  étaient  passés.  Si 
la  domination  des  ducs  de  Bourbon  lui  avait  fait 
perdre  de  son  importance ,  au  moins  son  intégrité 
avait  été  respectée.  Le  domaine  de  l'Etat  s'était  même 
accru  etles  officiers  de  sajustice  avaient  conservéleur 
ancien  pouvoir  sur  les  terres  de  Dombes  qui  étaient 
venues  successivement,  au  fur  et  à  mesure  d'acqui- 
sition, se  ranger  sous  leur  juridiction.  Cet  ordre 
de  choses  allait  recevoir  de  graves  atteintes  ;  Louise 
de  Savoie  venait  d'ouvrir  une  voie  dangereuse. 

Les  commencements  de  la  domination  royale 
s'annoncèrent  cependant  d'une  manière  favorable , 
le  bailliage    fut  érigé  en   siège    royal    jiar  lettres- 


250  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

j)atentes  données  à  Chàteauljriant  en  1532,  et  au 
mois  de  mai  1533,  le  roi,  étant  à  Lyon ,  ronfirma 
les  privilèges  de  Villefranche.  L'acte  en  fut  enregis- 
tré en  la  chambre  des  comptes  dudit  lieu,  le  21 
janvier  1  534.  Mais  bientôt  commença  un  système 
de  ruine  pour  ce  malheureux  pays  :  des  commis- 
saires nommés  par  le  roi  vendirent  à  tout  venant 
le  domaine  de  la  baronnie;  les  seigneuries,  les 
justices,  les  péages,  les  grefles,  tout  fut  converti  en 
argent,  et,  si  quel([ue  chose  resta  invendu,  c'est  uni- 
quement j)arce  qu  il  ne  se  présenta  pas  d'acquéreur. 
Ce  système  destructeur,  suivi  pendant  près  de  trente 
ans ,  amena  dans  l'état  du  pays  une  perturbation 
difficile  à  décrire.  Chaque  seigneur  devenant  justi- 
cier créa  une  sorte  de  tribunal  informe,  dont  les 
offices  étaient  remplis  par  des  gens  sans  instruction, 
sans  habitude  des  affaires,  et  dont  la  plupart  refou- 
laient des  villes  où  leur  peu  de  capacité  ne  leur  avait 
pas  permis  de  trouver  de  l'emploi.  Nous  aurons 
occasion  de  revenir  sur  les  graves  inconvénients  qui 
résultèrent  de  cet  état  de  choses ,  alors  (jue  nous 
verrons,  cent  ans  plus  tard,  ces  mêmes  démembre- 
ments se  renouveler.  L'aliénation  des  péages  n'en- 
traina  pas  de  moindres  inconvénients  :  la  perception 
des  droits,  livrée  à  la  cupidité  des  acquéreurs,  ne 
tarda  pas  à  devenir  une  source  continuelle  de  vexa 
lions  et  d'arbitraire, qui  souvent  amenèrent  deslutles 
sanglantes. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  251 

Toutes  ces  aliénations ,  cependant,  avaient  été 
faites  sous  condition  de  droit  de  rachat.  Plus  tard, 
et  alors  que  le  Beaujolais  fut  rentré  sous  la  domi- 
nation de  ses  seigneurs  légitimes,  nous  verrons  exci- 
per  de  cette  clause  pour  réparer,  autant  que  possi- 
ble, le  mal  qui  avait  été  fait. 

En  opérant  ces  ventes ,  le  roi  avait  outre-passé 
ses  pouvoirs.  La  baronnie  de  Beaujolais  était,  par 
son  titre,  classée  au  nombre  des  grandes  seigneuries, 
et  par  cela  même  indivisible  en  son  corps  selon  les 
anciennes  lois  du  royaume,  comme  on  peut  le  voir 
par  les  Etablissements  de  saint  Louis,  où  il  est  dit  au 
livre  I"  que  la  haronnie  ne  part  mie.  Ce  principe , 
toujours  reconnu  jusque-là,  avait  servi  de  base  à  tous 
les  arrêts  de  cours  souveraines  intervenus  entre  les 
héritiers  de  la  maison  de  Beauj eu,  et  notamment  à 
celui  de  la  Pentecôte  1269  qui  exclut  les  héritiers 
de  Guichard  IV  pour  adjuger  la  totalité  de  la  sei- 
gneurie à  Isabeau  de  Beauj  eu  sa  sœur  aînée,  par  le 
motif  que  cette  baronnie  n'était  pas  divisible.  Or, 
François  I"  ,  en  aliénant  les  seigneuries ,  opéra  un 
véritable  partage  avec  les  acquéreurs,  en  leur  cédant 
des  droits  de  justice  qui  ne  pouvaient  appartenir 
qu'aux  officiers  de  la  province.  Il  dépassa  ainsi  les 
limites  que  les  lois  du  royaume  avaient  tracées  à  la 
puissance  royale. 

La  Bombes  jusque-là  avait  été  soumise,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit,  aux  mêmes  officiers  de  justice 


252  GÉNEALOCrE  HISTORIQUE 

que  le  Beaujolais.  François  I"  sépara  les  deux  juri- 
dictions, créa  pour  la  Dombes  une  justice  particu- 
lière, et  par  ses  lettres-patentes  données  à  Evreux 
au  mois  d'avril  1  o43  défendit  aux  officiers  du  Beau- 
jolais de  s'immiscer  en  rien  aux  aftaires  de  Dombes. 
Cette  séparation  fut-elle  utile  à  cette  dernière  pro- 
vince? il  nous  est  permis  d'en  douter. 

En  1  542  les  villes  closes  du  Beaujolais  furent 
taxées  à  une  imposition  de  720  livres  répartie  entre 
elles ,  pour  subvenir  à  la  solde  de  trente  hommes 
de  guerre  à  ])ied  pendant  quatre  mois.  Ce  même 
impôt  fut  renouvelé  l'année  suivante  pour  la  même 
cause.  Le  5  mars  1  5  5  I  les  villes,  bourgs  et  bourgades 
de  tout  le  royaume  ayant  été  taxés  pour  subvenir 
à  la  solde  arriérée  des  reitres,  Villefranche  fut  im- 
posé à  2,000  livres,  Belleville  à  1,000,  les  autres 
bons  bourgs  et  villes  du  bailliage  payèrent  ensem- 
ble 1,500  livres. 

Cependant  les  héritiers  du  connétable  j)oursui- 
vaient  la  restitution  de  son  héritage.  Louis  de  Bour- 
bon, prince  de  la  Roche-sur-^  on,  se  présentait  pour 
le  recueillir:  il  était  fils  de  Louis  de  Bourbon,  prince 
de  la  Roche-sur- Yon ,  et  de  Louise  de  Bourbon- 
]Montj)ensier ,  sœur  du  connétable  ;  il  réclamait  la 
succession  comme  neveu  et  comme  héritier  testa- 
mentaire. Ce  prince  appartenait  à  la  branche  de  Bour. 
bon-Vendôme,  et  descendait  de  saint  Louis  ainsi 
({u  il  suit  : 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  253 

Louis  IX,    roi  de  France,  qui  laissa  de  Margiicrile  de  Provence  , 

Robert  de  France  ,  —  Béatrix  de  Bourgogne , 

Louis  I<^'  de  Bourbon  ,  —  Marie  de  Hainault , 

I 
Jacques  de  Bourbon  ,  —  Jeanne  de  Châtillon , 

Jean  de  Bourbon,  —  Catlierine  de  Vendôme , 

I 

Louis  de  Bourbon,  —  Jeanne  de  Laval  , 

Jean  de  Bourbon,  —  Isabelle  de  Beauvcau , 

1 
Louis  l'î''  de  Bourbon-Vendôme,  —  Louise  de  Bourbon, 

Louis  II ,  dont  nous  allons  parler. 

Avant  de  dire  quelle  fut  l'issue  des  réclamations 
du  prince  de  la  Roche-sur- Yon,  nous  allons  donner 
l'historique  de  la  succession  qu'il  revendiquait. 

En  signant  en  1  î)26  le  malheureux  traité  de  Ma- 
drid, François  Pavait' été  contraint  d'en  accepter 
toutes  les  clauses.  L'une  d'elles  assurait  au  duc  de 
Bourbon  la  restitution  de  tous  ses  biens  dans  le 
délai  de  six  semaines.  A  peine  le  roi  eut-il  recouvré 
sa  liberté,  que  cette  promesse  subit  le  sort  de  celles 
qui  avaient  été  faites  à  Charles-Quint  :  on  ne  songea 
nullement  à  l'exécuter.  L'année  suivante  et  après 
la  mort  du  duc  de  Bourbon  devant  Rome,  Louise 
sa  sœur  ,  veuve  du  prince  de  la  Roche-sur- Yon , 
s'adressa  à  l'empereur  pour  réclamer  son  interven- 


254  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

lion  afin  d'obtenir  du  roi  rexécution  du  traité  de 
Madrid  en  ce  qui  concernait  la  succession  de  son 
frère.  L'empereur ,  par  une  lettre  de  Valladolid  en 
date  du  dernier  juillet  1327,  assura  à  la  princesse 
qu'il  emploierait  tous  ses  efforts  pour  lui  j)rocurer 
satisfaction. 

Les   choses   demeurèrent  en  cet    étal  jusqu'au 
traité  de  Cambrai,  signé  le  5  août  1 .329  par  Louise 
de  Savoie ,  au  nom  du  roi  son  fils ,  et  par  Margue- 
rite d'Autriche,  douairière  de  Savoie,  au  nom  de 
lempereur  son  neveu.  Par  ce  traité  la  mémoire  du 
connétable  fut  réhabilitée,  toutes   les  procédures 
faites  contre  lui  annulées,  et  ses  héritiers  admis  à 
faire  valoir  leurs  droits  à  sa  succession.  François  I" 
ratifia  l'abolition  des  peines  ])rononcées  contre  le 
connétable,  mais  refusa  d'abandonner  sa  succession. 
Il  0])j)osa  aux  héritiers  toutes  les  anciennes  préten- 
tions qu'il  avait  élevées,  tant  en  son  nom  qu'en  celui 
de  sa  mère,  pendant  le  procès.  L'empereur  n'admit 
aucune  de  ces  raisons,  et  insista  plus  vivement;  il 
devint  difficile  à  François  I"  de  résister  plus  long- 
temps, car  ses  fils  étaient  encore  en  otage,  et  on 
paraissait  mettre  pour  })remière  condition  de  leur 
liberté  la  justice  à  rendre  à  la  maison  de  Bourbon. 
Le  roi  parut  céder,   et  par  ses  lettres   données  à 
Angouléme  le  1  7  mai  1o30  accorda  par  ])rovision 
à  la  princesse  de  la  Roche-sur-^  on  et  à  sou  fils  le 
duché  de  (]hàtellerault.  le  comté  de  Forez,  la  ba- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  255 

ronnie  de  Beaujolais  et  la  seigneurie  de  Dombes. 
Les  princes  furent  rendus  à  la  liberté,  et  le  6  août 
suivant  le  roi  révoqua  ses  lettres  d'Angoulème, 
remettant  sous  sa  main  les  terres  sus-nommées. 
L'empereur  réclama  de  nouveau,  mais  les  choses 
en  restèrent  au  même  point. 

•Louise  de  Savoie  mourut  en  1531  ,  sans  que  sa 
mort  amenât  aucun  changement  dans  la  position  du 
jeune  Louis  de  Bourbon.  Ce  prince  cependant , 
commençant  à  désespérer  du  succès  de  ses  réclama- 
tions, sentit  la  nécessité  de  se  rapprocher  delà  cour. 
L'amiral  Chabot,  alors  tout-puissant  auprès  du  roi, 
offrit  à  Louis  la  main  de  Jacqueline  de  Longwy  sa 
belle-sœur.  C'était  un  moyen  assuré  d'avoir  un  appui 
auprès  du  roi,  et  peut-être  de  gagner  ses  bonnes 
grâces;  le  prince  accepta.  Il  ne  fut  pas  trompé  dans 
son  attente  :  Chabot  le  servitchaudement,  et  en  1  S38 
il  fut  mis  en  ])ossession  des  seigneuries  de  Mont- 
pensier,  d'Auvergne,  de  la  Tour,  de  la  Bussière, 
et  de  la  Roche-en-Rénier.  Le  comté  de  Montpensier 
fut  érigé  en  titre  de  duché-pairie. 

Louis  servit  le  roi  avec  zèle  et  distinction ,  et  se 
fit  remarquer  dans  toutes  les  guerres  où  il  fut  em- 
ployé. Le  roi  parut  lui  avoir  rendu  l'ancienne  faveur 
dont  avait  joui  sa  famille,  et  cette  faveur  ne  se  dé- 
mentit pas  sous  les  deux  règnes  suivants,  sans  qu'on 
songeât  pour  cela  à  lui  restituer  la  succession  de 
Bourbon,   objet  constant  de  ses  désirs  et  de  ses 


2S6  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

réclamations.  Une  circonstance  vint  encore  affai- 
blir le  peu  d'espoir  qu'il  avait  conservé  jusque-là  : 
François  II  donna  à  sa  mère  Catherine  de  INIédicis 
la  jouissance  des  terres  de  Bombes,  de  Beaujolais 
et  de  Forez,  par  lettres-patentes  du  mois  de  janvier 
1559.  Une  nouvelle  occasion  de  servir  le  roi  pou- 
vait seule  ramener  l'espoir  dans  le  cœur  de  Mont- 
pensier,  elle  ne  tarda  pas  à  se  présenter. 

La  réforme,  ou  nouvelle  religion,  comme  on 
l'ajjpelait  alors,  faisait  en  France  des  progrès  ef- 
frayants ;  partout  où  elle  surgissait,  les  troubles  et  les 
révoltes  embrasaient  le  pays:  l'Anjou,  la  Touraine 
et  le  Maine  étaient  en  feu.  Le  roi  avait  besoin  d'un 
homme  habile  et  dévoué  ])our  éteindre  cet  incendie; 
il  jeta  les  yeux  sur  le  duc  deMontj)ensier,  qui  accepta 
avec  reconnaissance  cette  tâche  difficile.  Le  prince 
fut  pourvu  du  gouvernement  de  ces  provinces,  aux- 
quelles on  ajouta  celle  de  Blois,  le  Perche,  le  pays 
Charlrain,  le  Vendômois  et  le  Loudunois.  La  con- 
fiance du  roi  ne  fut  point  troiupée  :  Louis,  par  sa 
fermeté,  ramena  les  factieux  à  l'obéissance,  punit  les 
chefs  de  la  révolte,  combattit  et  vainquit  ceux  qui 
tentèrent  de  résister,  et  rétablit  le  calme  et  la  sou- 
mission dans  ces  belles  provinces. 

Tant  de  services  méritaient  une  récompense , 
Montpensier  lobtint  enfin  :  le  roi  consentit  à  un 
traité  qui  terminait  l'ancienne  discussion  de  l'héri- 
tage du  connétable.  Nous  en  rapportons  ici  les  prin- 


DES  SIRES  DE  BEAU  JEU.  257 

cipales  dispositions  :  après  avoir  relaté  dans  un  long 
préambule  tontes  les  différentes  vicissitudes  qu'avait 
subies  cette  affaire,  et  rapporté  toutes  les  raisons 
employées  tant  j)ar  l'attaque  que  par  la  défense,  le 
roi  déclare  que,  sur  la  nouvelle  demande  du  duc  de 
Montpensier  et  après  avoir  pris  l'avis  de  son  conseil 
et  des  princes  du  sang,  il  consent  à  transiger  et 
composer  avec  ledit  duc  sur  tous  leurs  différends. 
Ces  préliminaires  posés,  il  demeura  convenu  que 
toutes  les  terres  et  seigneuries  que  le  roi  François  I" 
avait  précédemment  rendues  à  Louis  de  Bourbon 
par  ses  lettres-patentes  d'août  1538  demeureraient 
définitivement  acquises  audit  prince ,  et  de  plus 
que  la  seigneurie  de  Dombes  et  la  baronnie  de 
Beaujolais  lui  seraient  immédiatement  i-emises  pour 
les  posséder  et  en  jouir  au  même  titre  et  aux  mêmes 
conditions  que  les  tenaient  les  anciens  seigneurs,  et 
notamment  Charles  de  Bourbon  le  connétable.  En 
ce  qui  touchait  les  aliénations  faites  dans  ces  deux 
provinces  par  les  rois  François  I"  et  Henri  II,  ainsi 
que  par  Louise  de  Savoie,  le  roi  prit  l'engagement 
de  racheter  celles  de  Dombes  de  ses  propres  deniers 
dans  lespace  de  quatre  ans,  mais  laissa  au  duc  de 
Montpensier  à  racheter  à  ses  frais  celles  de  Beau- 
jolais. Il  dut  posséder  cette  baronnie  avec  tous  ses 
droits  et  profits,  émoluments  de  greffes,  amendes, 
confiscations,  même  celles  procédant  de  crimes  de 
lèse-majesté  divine  et  humaine,  etc.,  avec  la  justice 


17 


2o8  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

haute,  moyenne  et  basse  dont  les  officiers ,  payés  et 
nommés  par  le  seigneur,  seraient  néanmoins  pourvus 
de  commissions  royales. 

Ce  traité,  qui  rendait  enfin  le  Beaujolais  à  ses 
seigneurs  légitimes,  fut  passé  à  Orléans  le  27  sep- 
tembre 1  o60  par-devant  Gilles  Ménagier  et  Fran- 
çois Stuard,  notaires  au  chàtelet  de  ladite  ville,  et 
signé  par  le  roi  François  II  et  par  Jacqueline  de 
Longwy  au  nom  du  duc  de  JMontpensier  son  mari, 
occupé  au  service  du  roi ,  en  présence  des  cardi- 
naux de  Lorraine  et  de  Tournon,  etc.. 

Le  roi  étant  mort  huit  jours  après,  Charles  IX 
son  successeur  ratifia  ce  traité  par  lettres  du  1  7  dé- 
cembre suivant,  enregistrées  au  parlement  de  Paris 
le  14  juillet  1561. 

LOUIS  DE  BOURBON-MONTPENS[ER. 

Les  peuples  du  domaine  de  Bourbon  éprouvèrent 
une  vive  satisfaction  de  se  retrouver  sous  la  puis- 
sance de  leurs  anciens  seigneurs.  Louis  était  pré- 
cédé d'une  réputation  de  prucïhommie  qui  donnait 
tout  à  espérer  à  ses  sujets.  La  gloire  qu'il  s'était  ac- 
quise à  Renty,  à  Jarnac  et  à  Moncontour  avait  rendu 
son  nom  populaire  ,  et  contribua  encore  à  le  rendre 
plus  cher  aux  habitants  du  Beaujolais.  Le  régime 
royal ,  d'ailleurs ,  leur  avait  été  trop  peu  favorable 
pour  qu'ils  ne  sentissent  pas  tout  le  prix  du  chan- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  259 

gement  qui  venait  de  s'opérer,  et  qui  les  replaçait 
dans  leur  ancien  état. 

Le  duc  dépêcha  à  Villefranclie  François  de  St- 
Hilaire,  écuyer,  seigneur  dudit  lieu,  son  maître 
d'hôtel  et  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre 
du  roi, et  Etienne  Fergon,  son  conseiller  et  secré- 
taire, pour  prendre  possession  en  son  nom  de  la 
baronnie  de  Beaujolais  et  de  la  principauté  de 
Bombes.  L'arrivée  de  ces  envoyés  excita  un  en- 
thousiasme général  ;  ils  firent  connaître  la  ferme 
volonté  du  prince  de  maintenir  les  privilèges  et 
franchises  de  la  baronnie,  ainsi  que  son  désir  de 
procéder  au  rachat  des  justices  et  droits  vendus  par 
le  gouvernement  royal.  Cette  dernière  mesure  eut 
l'approbation  de  tous  les  bons  esprits,  qui  sentaient 
l'importance  de  maintenir  l'intégrité  de  la  province 
et  l'unité  de  la  justice.  Quelques  seigneurs  seuls  en 
furent  contrariés,  qui  avaient  cru  s'élever  beaucoup 
en  joignant  à  leur  fief  quelques  droits  de  justice 
qui  leur  coûtaient  plus  qu'ils  ne  rapportaient,  et 
n'étaient  réellement  pour  eux  qu'une  satisfaction 
d'amour-propre  et  de  vanité. 

Louis  de  Montpensier  confirma  les  privilèges 
de  Villefranche,  et  fit  procéder  immédiatement  au 
rachat  des  démembrements.  Celte  opération  offrait 
bien  des  difficultés.  Toutes  les  ventes  faites,  soit 
par  Louise  de  Savoie,  soit  par  le  roi  François  I"  et 
ses  successeurs,  avaient  bien  été  consenties  sous  la 


260  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

réserve  du  droit  de  rachat  perpétuel  ;  mais  il  fallut 
lutter  contre  la  mauvaise  volonté  des  détenteurs,  et 
souvent  contre  leur  mauvaise  foi.  De  nombreux  pro- 
cès eurent  lieu ,  qui  révélèrent  les  prétentions  les 
plus  exorbitantes  de  la  part  des  accpiéreurs,  dont 
la  plupart  ne  cédèrent  qu'à  la  force  et  lorsque  l'ab- 
sorption entière  de  leur  fortune  ne  leur  permit  plus 
de  pousser  plus  avant  les  plaidoiries. 

Malgré  tous  ces  obstacles,  le  prince  n'en  conti- 
nua pas  moins  son  œuvre  avec  persévérance ,  et  par- 
vint enfin  à  faire  rentrer  la  majeure  partie  des  alié- 
nations. Parmi  les  traités  qui  furent  faits  à  l'amiable, 
on  peut  citer  le  rachat  des  seigneuries  de  Pouilly- 
le-Chàtel  et  de  Laye,  consenti  le  1  5  janvier  1  561 
par  noble  Jean  Fournel,  lieutenant-général  civil  en 
la  sénéchaussée  de  Lyon  ;  celui  de  la  seigneurie  de 
Chamelet,  consenti  par  Pierre  Vincent,  bourgeois 
de  Lyon ,  le  19  des  mêmes  mois  et  an  ;  celui  du 
greffe  de  la  prévôté  de  Beaujeu,  qui  avait  été  vendu 
à  M'  Claude  Lafond  ;  enfin  celui  des  dîmes  de  Ville- 
franche  ,  consenti  par  les  consuls  et  éclievins  de  la 
ville  de  Lyon  en  leur  qualité  de  recteurs  du  grand 
Hôpital  du  pont  du  Rhône. 

Pendant  que  les  commissaires  du  duc  de  Mont- 
pensier  travaillaient  à  l'œuvre  de  rachat  et  que  tout 
semblait  annoncer  pour  le  Beaujolais  un  sort  pros- 
père, le  pays  éprouva  une  de  ces  secousses  dont 
nul  n'est  à  labri  dans  les  temps  de  guerres  civiles. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  261 

Lyon  venait  de  tomber  au  pouvoir  des  protestants; 
le  baron  des  Adrets  s'en  était  emparé  par  surprise, 
et  après  une  faible  résistance,  le  30  avril  1562. 
Le  1  7  mai  suivant  cet  audacieux  partisan  lit  signi- 
fier à  Villefranche  qu'on  eût  à  lui  en  ouvrir  les 
portes ,  son  intention  étant  d'y  mettre  garnison  afin 
d'assurer  ses  communications  avec  la  Bourgogne , 
menaçant  la  ville  d'une  ruine  complète  en  cas  de 
résistance.  Le  corps  de  ville  s'assembla  et  députa 
les  sieurs^Claude  Chapuis  et  Claude  Favre,  tous 
deux  échevins,  auprès  du  baron  des  Adrets,  dont 
ils  n'obtinrent  que  des  injures  et  des  menaces. 
Voyant  qu'ils  n'avaient  rien  à  espérer  de  ce  côté , 
ils  s'adressèrent  au  comte  de  Saulx,  commandant 
pour  le  roi  à  Lyon ,  afin  de  lui  demander  secours 
et  protection  ;  mais  ce  seigneur  réj)ondit  que ,  pri- 
sonnier lui-même  des  rebelles,  il  ne  pouvait  rien. 
Cette  réponse  ne  dut  pas  surprendre  les  députés , 
car  personne  n'ignorait  que  le  comte  de  Saulx  était 
très  favorable  à  la  nouvelle  religion.  Ils  revinrent 
donc  à  Villefranche ,  et  firent  part  à  leurs  col- 
lègues du  peu  de  succès  de  leur  mission.  On  ré- 
solut de  se  défendre  ,  et  toutes  les  dispositions 
furent  prises  en  conséquence.  Le  commandement 
de  la  ville  fut  confié  au  sieur  de  Vaurion,  gentil- 
homme brave  et  expérimenté ,  et  l'on  se  disposa  à 
recevoir  fennemi.  Il  ne  se  fit  pas  attendre.  Le  22 
mai ,   dans  la  matinée ,  les  sieurs  de  Blaccons  et 


262  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  St-Aubin  se  présentèrent  devant  les  faubourgs 
avec  deux  cents  hommes  de  pied,  cinq  cents  che- 
vaux ,  quatre  pièces  de  canon  de  gros  cahbre  et  six 
pièces  de  campagne.  L'attaque  commença  immé- 
diatement sur  toute  la  ligne  comprise  entre  les 
portes  dites  d'Anse  et  de  Fayette.  La  ville  tint  bon 
pendant  deux  jours;  mais  la  troisième  nuit  les 
assiégeants  étant  parvenus  à  incendier  la  porte  de 
Fayette,  l'épouvante  devint  générale  et  la  résis- 
tance fut  dès- lors  jugée  inutile. 

Au  point  du  jour  le  conseil  s'assembla ,  et  il 
fut  résolu  qu'on  traiterait  avec  l'ennemi.  Celui-ci 
accepta  sur-le-champ  les  conditions  proposées  :  il 
fut  convenu  qu'on  respecterait  les  j)ersonnes  et  les 
choses,  que  les  chefs  seuls  auraient  le  droit  d'entrer 
dans  la  ville ,  que  leurs  troupes  camperaient  hors 
des  murs,  et  qu'on  leur  fournirait  des  vivres  et 
tout  ce  dont  ils  auraient  besoin.  Mais  à  peine  les 
officiers  furent-ils  entrés  que  leurs  troupes  les  sui- 
virent tumultueusement,  s'emparèrent  de  tout  ce 
(pii  était  à  leur  convenance  et  vécurent  ainsi  à 
discrétion  pendant  cinq  jours,  durant  lesquels  la 
population  catholique  souffrit  horriblement.  Les 
armes  et  les  chevaux  furent  enlevés  ,  les  églises 
complètement  dévastées  et  ruinées ,  et  enfin  toutes 
les  autorités  furent  taxées  à  des  sommes  assez  con- 
sidérables pour  le  lemj)S  :  le  sieur  de  Gasj)ard,  lieu- 
tenant-général, à  cinquante  écus  ;  le  sieur  Poyet, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  263 

* 

procureur  du  roi,  à  cent  écus;  le  corps  de  ville,  à 
mille  écus,  etc..  Enfin  le  sixième  jour  l'ennemi 
se  retira,  emportant  un  butin  considérable  et  lais- 
sant cent  hommes  de  garnison.  Les  protestants  de 
la  ville,  en  assez  grand  nombre,  profitèrent  de  ce 
renfort  pour  établir  des  prêches  et  voulurent  forcer 
les  catholiques  à  y  assister.  La  résistance  de  ceux-ci 
engendra  des  querelles,  et  on  porta  plainte  à  Lyon 
contre  les  récalcitrants.  M.  de  Soubise,  qui  y  com- 
mandait, ayant  fait  venir  cinq  mille  Suisses ,  envoya 
deux  mille  hommes  d'infanterie  et  cinq  cents  che- 
vaux en  Bourgogne ,  dans  l'espoir  de  reprendre 
Cbalon  dont  M.  de  Tavannes  s'était  emparé. 
L'armée  protestante,  partie  de  Lyon  sous  le  com- 
mandement de  M.  de  Ponconnat ,  se  rendit  devant 
Tournus  où  elle  rencontra  M.  de  Tavannes  qui 
remporta  sur  eux  un  avantage  assez  marqué ,  pen- 
dant qu'un  corps  détaché  de  son  armée,  faisant  un 
détour  par  Cluny,  enlevait  Màcon  par  surprise. 
La  position  des  Suisses  devenait  assez  critique , 
lorsqu'ils  recurent  une  lettre  du  roi  qui  leur  faisait 
de  vifs  reproches  de  ce  qu'ils  apportaient  la  guerre 
au  sein  de  son  royaume ,  nonobstant  les  traités 
existants.  Ils  prirent  le  parti  de  se  retirer  et  se  ren- 
dirent à  Villefranche ,  où  ils  arrivèrent  le  5  juillet  et 
séjournèrent  vingt-huit  jours.  Une  partie  d'entre 
eux  cependant  regagna  la  Suisse ,  et  il  ne  de- 
meura à  Villefranche  que  cinq  enseignes  d'un  can- 


264  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

ton  j)rotestant  avec  la  garnison  lyonnaise  qu'on  y 
avait  mise  précédemment. 

M.  de  Tavannes  cependant  s'était  rapproché,  et 
avait  établi  son  camp  à  Believille.  Les  protestants 
de  Villefranche,  sachant  qu  il  attendait  des  renforts 
considérables,  s'en  émurent  et,  craignant  les  repré- 
sailles, se  disposèrent  à  se  retirer  sur  Lyon,  avec 
l'intention  bien  formelle  toutefois  de  piller  la  ville 
avant  de  partir.  Les  Suisses  parvinrent  à  s'y  op- 
poser, et  ne  leur  laissèrent  que  la  satisfaction  de 
brûler  les  portes  de  la  ville  au  moment  de  leur 
sortie,  le  8  septembre. 

M.  de  Tavannes  vint  placer  son  camp  près 
d'Anse  ;  mais ,  ému  de  pitié  par  tout  ce  qu'avait 
souffert  la  malheureuse  ville  de  Villefranche,  il  ne 
voulut  pas  permettre  à  ses  soldats  d'y  passer  ni  d'y 
séjourner,  et,  dans  tous  les  mouvements  de  troupes 
qui  eurent  lieu  pendant  son  séjour  dans  la  j)rovince, 
il  usa  toujours  de  la  même  humanité.  11  quitta  le 
Beaujolais  au  mois  d'octobre  pour  aller  s'emparer 
de  Vienne,  et  l'armée  ne  revint  en  Lyonnais  que 
vers  le  mois  de  décembre.  Quatre  cornettes  de 
reilres  vinrent  tenir  garnison  à  \  illefranche  et  y 
commirent  mille  excès,  rançonnant  les  habitants  et 
dévastant  le  pays;  enfin  M.  de  Nemours  y  étant 
venu  séjourner  pendant  une  semaine ,  suivi  de  six 
enseignes  de  vieilles  bandes  venant  de  Piémont,  de 
nombreuses  querelles  surgirent  entre  les  reîlros  et 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  265 

les  nouveaux  arrivants  ;  on  se  battit  dans  les  rues , 
plusieurs  maisons  furent  démolies,  et  quinze  à  seize 
reîtres  furent  tués.  Au  printemps  l'armée  retourna 
en  Daupliiné,  et  Viilefranche  demeura  occupé  par 
une  garnison  darquebusiers  de  M.  de  Rochebonne 
qui  achevèrent  de  ruiner  ce  malheureux  pays  en  lui 
occasionnant  une  dépense  de  plus  de  quatre-vingt 
mille  ùa.ïxcs, sans  coiîipter, d\t\e  chroniqueur  auquel 
nous  empruntons  ces  détails,  les  ruines  et  pillages. 

Le  roi,  touché  de  tant  d'infortunes,  accorda  aux 
habitants  du  Beaujolais,  par  ses  lettres  du  29  avril 
1  563,  une  exemption  de  taille  pour  un  an  ;  mais 
cette  mesure  bienfaisante  fut  révoquée  peu  après,  et 
la  taille  payée  comme  à  l'ordinaire. 

L'année  suivante,  au  mois  de  juin,  le  duc  de 
Montpensier  fit  son  entrée  solennelle  à  Viilefranche, 
accompagné  du  prince  son  fils.  Les  peuples  de  ces 
contrées,  oubliant  pour  un  instant  les  maux  dont 
ils  venaient  d'être  frappés,  se  portèrent  en  foule  sur 
le  passage  de  leur  seigneur  et  saluèrent  son  arrivée 
comme  un  bienfait.  Huit  mille  personnes  allèrent 
au-devant  de  lui  jusqu'au  pont  de  Joug,  enseigfies 
déployées  et  tahourins  haslants. 

Cependant  la  coupe  d'amertume  n'était  pas  épui- 
sée pour  le  Beaujolais,  la  peste  lui  manquait  encore  ; 
elle  s'y  déclara  vers  la  fin  de  juin,  et  en  moins  de 
trois  mois  enleva  à  la  seule  ville  de  Viilefranche  plus 
de  deux  mille  personnes. 


266  GENEALOGIE  HISTORIQUE 

Nous  ne  savons  trop  quelles  mesures  furent  prises 
contre  le  terrible  fléau  ;  la  seule  qui  soit  arrivée  à 
notre  connaissance  est  celle  qui  résulte  des  lettres 
adressées,  le  1  3  juillet  1  S 64,  par  le  duc  de  Mont- 
pensier  au  bailli  de  Beaujolais ,  lui  ordonnant 
d'entretenir  exactement  la  propreté  de  la  rue  par 
laquelle  les  pères  Cordeliers  ont  accoutumé  de 
passer  allant  en  procession  à  l'église  paroissiale 
de  Ville  franche,  défendant  à  toutes  personnes  de 
t  tenir  en  ladite  rue  immondices,  ordures,  bêtes 
<  ou  sang ,  ni  faire  aucune  chose  qui  cause  in- 
commodité, puanteur  ou  infection.  » 
Cette  mesure  était  certainement  fort  sage,  mais 
il  est  remarquable  de  la  voir  limitée  à  la  seule  rue 
fréquentée  par  les  pères  Cordeliers. 

Le  1  "  août  de  la  même  année ,  le  duc  de  Mont- 
pensier  reçut  les  foi  et  liommage  de  messire  Simon 
de  Pierre- Vive,  abbé  de  Joug-Dieu,  pour  les  terres, 
seigneurie  et  justice  de  ladite  abbaye. 

Au  commencement  de  l'année  1  366 ,  le  roi  ayant 
réuni  à  ]\1  oulins  les  principaux  seigneurs  du  royaume 
pour  les  consulter  sur  les  édits  et  ordonnances  con- 
nus encore  sous  le  nom  d^ ordonnances  de  Mou- 
lins, Louis  de  Montpensier  profita  de  cette  cir- 
constance pour  adresser  au  roi  un  long  mémoire 
contenant  tous  ses  griefs  sur  le  peu  de  soin  qu'on 
avait  mis  à  exécuter  le  traité  passé  à  Orléans  entre 
le  roi  François  II  et  la  duchesse  de  Montpensier, 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  267 

au  nom  de  son  mari.  Il  s'y  plaignit,  entre  autres 
choses ,  «  de  n'avoir  pas  encore  tiré  un  sol  de  re- 
«  venu  de  la  baronnie  de  Beaujolois ,  ayant  été 
«  contraint  de  l'employer  au  rachat  du  domaine  de 
«  ladite  baronnie  ,  d'où  il  n'a  voit  pu  tirer  une  seule 
«  pièce  sans  procès  ,  de  sorte  qu'il  y  avoit  mis  plus 
«  de  cinquante  mille  livres  de  ses  autres  deniers , 
«  et  étoit  encore  en  procès  aux  requêtes  du  palais 
"  et  au  privé  conseil  pour  la  poursuite  d'aucuns 
et  desdits  rachats  ,  etc " 

La  reine-mère ,  craignant  que  le  mécontente- 
ment du  duc  ne  finit  par  altérer  la  fidélité  dont  il 
avait  donné  tant  de  preuves ,  lui  écrivit  de  sa  main 
pour  lui  promettre  que  justice  lui  serait  rendue, 
et  les  choses  en  restèrent  là. 

Les  troubles  qui  agitaient  l'Etat  se  firent  vive- 
ment sentir  en  Beaujolais,  où  la  division  d'opinion 
religieuse  était  fort  grande  :  aussi  le  pays  fut-il  sou- 
vent couvert  de  troupes  qui  y  firent  beaucoup  de  dé- 
gâts. Le  peuple,  inquiété,  s'occupa  peu  de  la  culture 
des  terres,  et  la  cherté  des  blés  amena  la  famine 
en  1S73.  Guillaume  Paradin  nous  a  laissé  un  ta- 
bleau effrayant  de  cette  calamité,  ainsi  que  de  la 
mortalité  qui  en  fut  la  suite.  Plus  d'un  tiers  de  la 
population  périt  de  faim,  ou  frappé  par  la  conta- 
gion ;  la  désolation  fut  à  son  comble.  «  Joint  à  cela  , 
"  ajoute  Paradin  ,  que  nous  estions  affligez  de 
«  guerre,  et  alloient  gens  d'armes  par  les  champs, 


268  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

«  faisant  infinis  excez.  ■»  Ainsi ,  la  guerre ,  la  fa- 
mine et  la  peste  semblaient  conjurés  contre  ce 
malheureux  pays  qui  avoit  déjà  tant  souflert. 

Louis  visita  peu  sa  seigneurie  de  Beaujolais  :  sa 
vie  fut  trop  absorbée  par  les  graves  intérêts  qui  agi- 
taient alors  la  France,  pour  lui  laisser  le  temps  daller 
juger  par  lui-même  des  résultats  qu'avait  })U  })ro- 
duire  dans  ses  états  la  sage  administration  qu'il  y 
avait  introduite.  Ce  prince  mourut  comblé  d'hon- 
neurs, au  château  de  Champigny,  le  23  septembre 
1  S 82,  emportant  comme  son  plus  beau  titre  celui 
de  bon  <:?mc  qu'il  avait  mérité  par  sa  justice,  sa 
bonté  et  ses  vertus.  Il  fut  inhumé  dans  la  sainte 
cha])elle  de  Champigny,  quil  avait  fait  édifier. 

Le  duc  Louis  avait  été  marié  deux  fois  :  I  °  avec 
Jacqueline  de  Longvvy,  comtesse  de  Bar-sur-Seine, 
princesse  remarquable  par  son  esprit ,  sa  prudence 
et  son  courage;  2°  avec  Catherine  de  Lorraine, 
fille  de  François,  duc  de  Guise,  et  d'Anne  d'Est- 
Ferrare  son  épouse.  Le  contrai  fut  passé  à  Angers 
le  4  février  1570,  avec  stij)ulation  de  trois  cent 
mille  francs  de  dot  dont  le  roi  fournit  le  tiers.  Le 
duc  de  jMontpensier  n'eut  point  d'enfants  de  ce  se- 
cond mariage. 

Il  laissa,  de  Jacqueline  de  Longvvy,  cinq  Ulles 
et  un  fils  qui  fut  : 

François,  dont  l'article  suit. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  2G9 

FRANÇOIS  DE  BOURBON-MONTPENSIER. 

François  de  Bourbon-Montpensier,  connu  d'a- 
bord sous  le  nom  de  prince  dauphin ,  succéda  aux 
charges  et  dignités  de  son  père,  en  même  temps  qu'il 
recueillit  son  héritage.  Sa  valeur  et  ses  talents  lui 
avaient  valu,  fort  jeune,  le  gouvernement  de  Dau- 
phiné  et  1  honneur  d'être  souvent  appelé  aux  con- 
seils de  la  couronne,  qu'il  servit  toujours  avec  une 
fidélité  dont  on  trouve  peu  d'exemples  à  cette  épo- 
que. Pourvu  d'un  commandement  important  dans 
les  armées,  il  se  couvrit  de  gloire  aux  batailles  de 
Jarnac  et  de  Moncontour,  et  mit  le  sceau  à  sa  répu- 
tation à  celle  d'Ivry,  où  il  contribua  puissamment 
à  la  victoire.  La  vie  de  ce  prince  illustre  appartient 
à  l'histoire  et  se  trouve  partout  ;  nous  devons  donc 
nous  dispenser  dentrer  ici  dans  des  détails  qui 
n'offriraient  rien  de  nouveau  au  lecteur,  et  qui  ne 
serviraient  qu'à  nous  éloigner  de  notre  sujet.  D'ail- 
leurs les  graves  intérêts  dont  François  fut  chargé 
ne  lui  permirent  pas  de  s'occuper  beaucoup  de  ses 
seigneuries ,  dans  lesquelles  cependant  il  opéra 
quelque  bien. 

Après  avoir  continué  en  Beaujolais  l'œuvre  de 
rachat  des  justices  et  seigneuries  entreprise  par  sa 
famille,  il  fît  publier  le  1"  mai  1  584  un  règlement 
seigneurial  par  lequel  il  supprima  cette  multitude 


270  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

de  justices  basses  dites  de  soixante  sous,  qui,  sous 
le  nom  de  prévotés  ou  chàtellenies ,  embrassaient 
tout  le  Beaujolais.  Il  les  réduisit  à  six  grandes  pré- 
vôtés, Villefranclie,  Belleville,  Beaujeu,  Chamelet, 
Ferreux  et  Lay.  Après  avoir  fixé  le  territoire  et  les 
limites  des  prévôtés,  il  institua  dans  chacune  d'elles 
un  juge,  sous  le  titre  de  juge  ordinaire,  avec  toutes 
les  attributions  des  prévôts  royaux  dans  les  do- 
maines du  roi ,  et  telles  qu  elles  sont  déterminées 
par  les  édits  de  Crémieu ,  Laon ,  Paris ,  Vincennes , 
et  celui  de  1381.  Cette  nouvelle  forme  présentait 
d'assez  grands  avantages  sur  l'ancienne,  en  plaçant 
des  justices  ordinaires  dans  les  diflérentes  parties 
de  la  province,  dans  les  villes  principales,  à  des 
distances  combinées  et  assez  rapprochées  pour  faire 
trouver  à  tous  les  habitants  des  montagnes  du 
Beaujolais  une  justice  de  première  instance  pres- 
que dans  leurs  foyers.  Chacune  de  ces  prévôtés 
était  assez  importante  ])Our  offrir  aux  praticiens 
des  bénéfices  convenables  ,  et  aux  plaideurs  l'assu- 
rance que  leurs  intérêts  seraient  scrupuleusement 
surveillés  ])ar  un  juge  instruit  et  indépendant: 
avantage  que  ni  les  uns  ni  les  autres  ne  pouvaient 
que  rarement  obtenir  de  la  justice  particulière  des 
seigneurs. 

Après  une  vie  glorieuse,  François  de  Montpen- 
sier  trouva  la  mort  à  làsieux  le  4  juin  1  592  ,  à  la 
suite  d'une  maladie  qu'il  avait  contractée  au  siège 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  271 

de  Rouen  ,  dont  la  réduction  lui  tenait  fort  à  cœur. 
Ce  prince  avait  épousé  Renée  d'Anjou,  fille  unique 
et  héritière  de  Nicolas  d'Anjou ,  marquis  de  Mé- 
zières  en  Rrenne,  comte  de  St-Fargeau,  et  de 
Gabrielle  de  Marevil.  De  ce  mariage  naquit  un  fils 
unique  , 

Henri ,  dont  l'article  suit. 

HENRI  DE  BOURBON-MONTPENSIER. 

Henri  était  né  le  1  2  mai  1573,  et,  du  vivant  de 
son  père  et  de  son  aïeul ,  avait  reçu  de  nombreuses 
faveurs  de  la  cour.  Plus  tard  il  succéda  aux  diffé- 
rents gouvernements  dont  son  père  avait  été  investi, 
et  se  montra  toujours  digne  du  nom  qu'il  portait, 
par  sa  valeur  et  ses  talents  militaires.  Blessé  dange- 
reusement d'une  arquebusade  au  siège  de  Dreux, 
il  parut  avec  éclat  en  la  guerre  de  Savoie  et  la  con- 
quête de  la  Bresse.  Le  roi  le  fît  chevalier  du  St-Es- 
prit,  et  lui  confia  les  missions  les  plus  difficiles. 
Sa  mort,  arrivée  le  27  février  1608,  affligea  pro- 
fondément Henri  IV ,  c[ui  avait  pour  ce  prince 
un  tendre  attachement:  aussi  disait-il  de  lui,  «  qu'il 
«  avait  toujours  aimé  Dieu,  servi  son  roi,  bien 
«  fait  à  plusieurs  et  jamais  fait  tort  à  personne.  " 
Cet  éloge ,  confirmé  par  tous  les  historiens,  ne  nous 
empêchera  pas  de  dire  que  si  Henri  de  Montpen- 
sier  fut  un  brave  chevalier ,  un  général  distingué  et 


272  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

un  habile  diplomate ,  il  fut  un  détestable  seigneur 
pour  les  peuples  de  ses  terres.  Le  Beaujolais  ,  ce 
pays  si  fertile ,  auquel  il  fallait  peu  de  chose  pour 
réparer  tous  les  malheurs  que  lui  avait  attirés  la 
guerre  civile,  reçut  de  ce  prince  un  échec  dont  il  ne 
put  se  relever.  Le  système  suivi  par  François  I"  et 
ses  successeurs  avait  aflaibli  la  baronnie,  en  lui  fai- 
sant perdre  sou  unité  par  la  vente  des  seigneuries  ; 
mais  ce  mal  avait  été  promptement  réparé  par  les 
seigneurs  de  Montpensier ,  qui  avaient  mis  tous 
leurs  soins  à  racheter  les  démembrements  opérés 
par  le  gouvernement  royal.  Henri ,  loin  de  suivre 
l'exemple  de  ses  pères,  ne  songea  qu'à  battre  mon- 
naie avec  les  justices,  qu'il  aliéna  à  tous  ceux  qui  en 
voulurent.  Des  commissaires  furent  nommés  en 
1  600  ;  on  fit  des  inventaires  estimatifs  de  tout  ce 
qui  pouvait  produire  quelque  argent,  et  comme  les 
ventes  n'allaient  pas  assez  vite  au  gré  des  vendeurs, 
on  prit  le  parti  de  mettre  les  justices  à  l'enchère. 
Dès-lors  le  pays  changea  pour  ainsi  dire  de  face,  il 
perdit  sa  force  et  son  unité.  La  multij)licité  des 
justices  entraîna  des  abus  sans  nombre,  en  con- 
fiant le  jugement  des  causes  à  des  gens  inhabiles  et 
qui  souvent  manquaient  de  probité.  Laissons  parler 
sur  ce  sujet  un  magistrat  distingué  du  Beaujolais, 
qui  disait  en  1  779  :  «  Une  fatalité  fit  changer  de 
«  système  aux  successeurs  de  François  de  Montpen- 
«  sier ,  et,  dès  le  commencement  du  siècle  dernier. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  273 

ce  l'un  d'eux  nomma  des  commissaires  pour  aliéner 
«  dans  le  Beaujolais  tout  ce  qu'on  pourrait  trouver 
ce  à  démembrer. 

c<  On  ne  manqua  pas ,  dans  le  temps ,  de  cou- 
c<  leurs  pour  adoucir  tout  ce  que  cette  révolution 
ce  avait  de  révoltant  et  d'irrégulier.  Il  suffit  de  dire 
ce  que  dans  les  procès-verhaux  de  l'état  des  alié- 
cc  nations^  qui  existent  encore  en  la  chambre  du 
et  trésor  de  Villefranche ,  on  voit  les  deux  corn- 
et missaires  choisis  épuiser  avec  la  plus  grande  sa- 
ct  gacité  les  précautions  et  les  mesures  pour  déro- 
ct  ber  au  parlement  la  connaissance  de  ces  démem- 
ct  brements. 

ce  C'est  cependant  de  ce  nombre  étonnant  d'alié- 
ct  nations,  de  démembrements  des  six  grandes  pré- 
ct  votés,  poussés  jusqu'aux  moindres  divisions, 
ce  continués  pendant  un  siècle  et  demi,  toutes  les 
et  fois  que  l'occasion  sen  est  ])résentée ,  qu'est  sor- 
te tie  presque  toute  celte  effrayante  quantité  de 
«  hautes  justices  dans  le  Beaujolais ,  dont  la  plupart 
et  seraient  bien  embarrassées  de  justifier  aux  yeux 
ce  de  la  loi  leur  existence  juridique ,  et  leur  scission 
et  légale  des  six  grandes  prévôtés  de  la  baronnie. 

ce  Cette  foule  affligeante  de  prétendues  hautes 
ce  justices  a  couvert  les  montagnes  du  Beaujolais 
ce  de  praticiens  isolés,  qui  dans  la  même  heure 
ce  font  les  fonctions  de  notaire,  déjuge,  de  premier 
ce  en  ordre,  de  procureur  postulant ,  de  greffier  et 


i8 


'-^74  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

«  même  d'huissier.  N'étant  contenus  par  aucun 
c<  lien,  par  l'œil  d'aucun  supérieur,  ni  par  l'émula- 
«  tion  el  le  bon  exemple,  ils  joignent  souvent  l'i- 
«.  gnorance  la  moins  excusable  aux  pratiques  les 
«  j)lus  réprébensibles. 

c<  Il  n'est  pas  dans  le  royaume  de  province  plus 
«  profondément  affligée  des  désordres  occasionnés 
«  journellement  par  cette  multijdication  effrénée  de 
fc  hautes  justices  ,  de  praticiens  qui  leur  sont  indis- 
ci  pensables.  S'il  est  un  vrai  fléau  dont  la  baronnie 
«■  de  Beaujolais  ait  à  porter  ses  plaintes  aux  pieds  du 
«  trône,  c'est  sans  contredit  de  celui  qu'entraînent 
«  les  démembrements  continuels  de  justices,  de- 
«  mandés  et  accordés  trop  légèrement,  contre  le 
«  vœu  des  ordonnances. 

et  En  exposant  les  justiciables  à  une  instruction 
ce  vicieuse ,  à  des  procédures  irrégulières  ,  à  des  sti- 
«  pulaiions  louches  et  défectueuses,  à  des  procès 
«  ruineux  qui  eu  sont  toujours  la  suite ,  à  la  pirate- 
ce  rie  des  praticiens  sans  occupation  comme  sans 
ce  territoire,  on  ne  peut  imaginer  combien  ces  jus- 
ce  tices  de  foyer  deviennent  coûteuses  à  ceux  qui 
ce  ont  le  malheur  de  les  obtenir,  et  qui  finissent 
ce  toujours  par  les  voir  ou  désertes ,  ou  du  moins 
ee  exercées  par  des  avocats  et  praticiens   appelés 
ce  des  grandes  villes,  dont  le  transport  et  les  lu- 
ce  mièrcs  ne  manquent  jamais  de  devenir  bien  plus 
ce  dispendieux  aux  plaideurs  que  la  justice  ordinaire 
ce  des  grandes  prévôtés. 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  275 

«  C'est  avec  le  ])lus  grand  regret  que  nous 
«  voyons  chaque  jour  le  tableau  des  ahus  des  jus- 
«  tices  de  villages ,  peint  avec  amertume  par  le 
«■  célèbre  Loyseau,  être  jjrécisément  celui  de  la 
«  province  de  Beaujolais  confiée  à  notre  vigilance. 

ce  Mais  ce  qui  a  singulièrement  droit  d'exciter 
«  nos  plaintes,  c'est  la  manière  dont  la  justice  cri- 
ce  minelle  se  traite  dans  ce  dédale  des  hautes  justices 
ce  de  nos  villages.  Les  enclaves  étant  trop  multi- 
cc  pliées  et  conséquemment  trop  bornées,  les  pro- 
c<  duits,  les  amendes  et  émoluments  de  la  justice 
<«  n'y  sauraient  dédommager  des  frais  de  l'instruc- 
cc  tion  criminelle ,  du  jugement  et  de  la  translation 
ce  des  accusés.  Le  premier  soin  de  tout  seigneur 
c<  est  donc  de  favoriser  l'évasion  du  prisonnier ,  de 
f<  se  combiner  sur-le-champ  avec  son  juge,  ou  un 
ce  premier  en  ordre  peu  délicat,  pour  obtenir  de 
ce  sa  lâche  complaisance  un  procès-verbal  de  bris 
ce  de  prison ,  dressé  avec  art. 

ce  Le  juge  soumis  à  une  destitution  arbitraire 
Cl  craint  de  n'écouter  que  son  devoir;  il  cherche  à 
ce  épargner  des  frais  à  son  seigneur ,  parce  qu'il 
ce  appréhende  de  la  part  de  celui-ci  la  révocation 
ce  d'une  qualité  et  d'un  titre  auxquels  son  amour- 
ce  j)ropre  met  un  prix  et  attache  un  tribut  de  con- 
ce  sidéra  tion.  La  notoriété  publique  vient-elle  ac- 
ce  cuser  le  seigneur  et  son  juge ,  et  leur  adresser  un 
ce  reproche  de  connivence?  ils  se  sont  mis  l'un  et 


276  GÉNÉALOGIE    HISTORIQUE 

"  l'autre  à  l'abri  des  recherches  et  de  l'animadver 
«  sion  de  leurs  supérieurs  par  ces  procès- verbaux  , 
f<  enfants  secrets  du  dol  et  de  la  fraude.  C'est  ainsi 
«  que  le  crime  reste  impuni  dans  toutes  nos  jus- 
«  tices  de  villages,  et  que  la  sûreté  publique  y  est 
«  violée  impunément;  c'est  ainsi  qu'une  des  pre- 
<c  mières  et  des  plus  importantes  obligations  du 
«  seigneur  haut  justicier  s'élude  constamment  dans 
«  le  Beaujolais.  Il  est  à  naître  que  dans  dix  ans  il 
«  soit  sorti  une  seule  procédure  criminelle  en  règle 
Cl  et  parfaite  d'une  de  nos  justices  de  villages. 

<c  Les  juges  des  prévôtés  de  Beaujolais  payant 
K.  finances,  et  ayant  des  provisions  cjui  les  rendent 
«■  inamovibles  dans  leur  office ,  ils  n'ont  pas  les 
"  mêmes  chaînes  dans  leurs  devoirs.  Le  crime  s'y 
«■  poursuit,  y  reçoit  sa  j)unition  ,  et  le  bien  s'y  fait 
ce  sans  les  ménagements  coupables  et  particuliers 
«  aux  justices  de  villages » 

Ce  tableau  affligeant  de  l'état  du  Beaujolais  fut 
lédigé  par  ]NL  Vaivolet ,  alors  lieutenant  particulier 
au  bailliage,  et  signé  le  7  septembre  1  779  })ar  tous 
les  membres  dudit  corps,  alln  des'oj>poser  à  l'érec- 
lion  d'une  justice  à  St-Nizier-d'Azergues  en  faveur 
(le  M.  de  la  Porte,  seigneur  dudit  St-]Nizier.  On 
voit,  par  cette  pièce,  que  l'œuvre  de  démembrement 
du  Beaujolais  n'avait  pas  discontinué  depuis  Henri 
de  IMoiitpensicr. 

Ce  prince  avait  éj)ousé,  à  Rouen,   le  27  avril 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  277 

1  597,  Henriette-Catherine  de  Joyeuse,  fille  unique 
et  héritière  de  Henri  duc  de  Joyeuse  ,  comte  de 
Bouchage ,  maréchal  de  France ,  et  de  Catherine 
de  Nogaret  de  la  Valette.  De  ce  mariage  naquit 
une  fille  unique,  nommée  : 
Marie ,  dont  l'article  suit. 


MARIE  DE  BOURBON-MONTPENSIER. 

Marie  de  Bourbon ,  dernière  héritière  dn  nom  et 
de  la  fortune  de  Montpensier,  naquit  au  château 
de  Gaillon  en  Normandie,  le  1  5  octobre  1  605.  A 
peine  cette  princesse  eut-elle  atteint  l'âge  de  deux 
ans  qu'elle  fut  fiancée  au  duc  d'Orléans ,  second 
fils  de  Henri  IV.  Mais  le  jeune  prince  étant  mort 
quatre  ans  après,  on  la  destina  à  Gaston  de  France, 
troisième  fils  du  roi ,  et  devenu  duc  d'Orléans  par 
le  décès  de  son  frère.  Le  mariage  eut  lieu  à  Nantes 
le  6  août  1626.  Le  bonheur  que  cette  alliance 
semblait  promettre  à  Gaston  ne  fut  pas  de  longue 
durée  ;  car  la  ])rincesse  Marie ,  ayant  mis  au  monde 
une  fille  le  29  mai  1627  ,  mourut  le  4  juin  sui- 
vant, n'ayant  pas  encore  atteint  sa  vingt-deuxième 
année  Cette  mort  causa  le  plus  violent  désespoir 
au  duc  d'Orléans,  et  sa  douleur  fut  vivement  ])ar- 
tagée  par  tous  les  peuples  dépendant  de  la  domina- 
tion de  Montpensier.  On  fondait ,  avec  raison ,  de 


278  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUF. 

grandes  espérances  sur  l'avenir,  par  la  connaissance 
qu'on  avait  des  hautes  vertus,  de  la  bonté  et  de 
l'esprit  de  la  duchesse  d'Orléans.  Maintenant  qu'une 
tutelle  était  ouverte  de  nouveau,  toute  amélioration 
devenait  impossible,  et  les  maux  qu'avait  occa- 
sionnés le  passé  ne  devaient  plus  se  réparer. 

La  fille  unique  de  iNIarie  de  Montpensier  et  de 
Gaston  d'Orléans  reçut  le  nom  de  : 

Anne-Marie-Louise. 

ANNE-MARIE- LOUISE  U ORLÉA.NS  , 

DUCHESSE    l)li    MONTPENSIER, 

Plus  conuue  sous  le  nom  de  Mademoiselle. 

Au  milieu  d'une  vie  aussi  agitée  que  le  fut  celle 
de  Mademoiselle,  le  Beaujolais  dut  occuper  une 
bien  jietitc  place  dans  les  préoccupations  de  cette 
princesse.  Ses  nombreux  ])rojets  d'établissements, 
ses  intrigues  ])olitiques,  et  enfin  ses  amours  avec 
Lauzun,  occupèrent  trop  complètement  sa  vie  pour 
lui  laisser  le  temps  de  connaître  et  d'étudier  les 
abus  qui  existaient  dans  ses  nombreuses  seigneu- 
ries. Son  immense  fortune  lui  aurait  permis,  sans 
doute ,  de  remédier  au  mal  toujours  croissant  du 
démembrement  seigneurial  du  Beaujolais.  Quel- 
ques plaintes  arrivèrent  bien  jusqu'à  elle,  mais  le 
conseil  qui  l'entourait  trouva  le  moyen  de  détour- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEL'.  2-79 

ner  son  attention  ,  et  le  mal  continua.  Quelques 
bonnes  ordonnances  furent  cependant  rendues  en 
faveur  du  Beaujolais.  C'est  ainsi  que  nous  voyons , 
depuis  1  620  jusqua  1  640,  établir  des  règlements 
sages  relatifs  à  la  mouture  des  grains  ,  au  poids 
des  farines  et  du  pain,  ainsi  qu'à  l'aunage  des  étoffes, 
afin  de  prévenir  les  fraudes  trop  fréquentes  qui 
avaient  lieu. 

Quelques  œuvres  de  bienfaisance  nous  prouvent 
que  cette  princesse  eût  fait  beaucoup  pour  ses  sei- 
gneuries ,  si  elle  n'eût  suivi  que  l'impulsion  de  son 
cœur.  Elle  accorda  au  Beaujolais  de  nombreux  se- 
cours en  1  629  ,  à  la  suite  de  réj)idémie  qui  ravagea 
la  province  cette  année-là.  Une  rente  perpétuelle 
de  300  livres  fut  fondée  par  elle,  le  1 1  août  1  669, 
pour  l'entretien  des  enfants  trouvés  de  Villefranclie, 
et  enfin  beaucoup  de  familles  pauvres  reçurent  des 
secours  et  des  pensions.  Ces  bienfaits  acquirent  à 
Mademoiselle  l'affection  du  Beaujolais,  et,  quoique 
le  pays  eût  eu  assez  à  souffrir  de  la  mauvaise  admi- 
nistration du  Conseil ,  la  mort  de  cette  princesse , 
arrivée  en  1  693  ,  excita  des  regrets  universels  dans 
le  Beaujolais.  Cette  province  allait  encore  une  fois 
changer  de  dynastie,  et  ces  sortes  de  changements 
lui  avaient  toujours  été  défavorables.  Plus  la  race 
des  seigneurs  se  rapprochait  du  trône ,  plus  les 
intérêts  du  Beaujolais  s'étaient  trouvés   négligés. 

C'est  encore  ce  qui  arriva  en  cette  circonstance. 


280  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

Par  son  testament  Mademoiselle  de  Montpensier 
institua  pour  son  héritier  universel  Philippe  d'Or- 
léans ,  Monsieur ,  frère  unique  du  roi.  Quelques 
parties  de  son  riche  héritage  furent  seules  exceptées 
de  cette  donation.  La  Bombes  fut  donnée  au  duc 
du  Maine  ,  fils  naturel  de  Louis  XIV. 

Ici  doit  se  borner  notre  tâche  en  ce  qui  concerne 
l'histoire  des  sires  de  Beaujeu.  Si  déjà,  sous  la  do- 
mination des  maisons  de  Bourbon  et  de  Montpen- 
sier ,  notre  récit  a  perdu  de  l'intérêt  qui  sattache 
naturellement  à  une  race  peu  connue  et  inhérente 
au  pays,  on  comprendra  facilement  que  tout  ce  que 
nous  aurions  à  dire  de  la  maison  d'Orléans  ne 
rentrerait  nullement  dans  le  plan  que  nous  nous 
sommes  projiosé.  T^a  vie  de  ces  princes  est  troj)  in- 
timement liée  à  l'histoire  de  France  pour  pouvoir 
la  rattacher  à  celle  d'une  petite  ])rovince  dont  ils 
s'occuperont  jieu,  absorbés  qu'ils  étaient  par  la  po- 
litique et  les  grands  intérêts  de  leur  position. 

Une  autre  cause  encore  doit  nous  déterminer  à 
borner  là  notre  récit  :  c'est  que,  à  partir  du  règne  de 
Louis  XIV'  jusqu'en  1789,  la  France  n'éprouva 
aucune  de  ces  secousses  qui  se  font  sentir  jusque 
dans  les  plus  jjelites  provinces,  et  y  causent  de  ces 
agitations  dont  l'historien  est  obligé  de  rendre 
compte.  Notre  province  jouit,  pendant  celte  pé- 
riode d'un  siècle,  du  calme  général  qui  régnait 
dans  tout  le  royaume,  et  on  n'y  trouverait  à  enre- 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  281 

gistrer  aucun  fait  capable  d'attacher  le  lecteur.  Les 
seuls  événements  cjui  portèrent  quelques  troubles 
dans  le  pays  furent  occasionnés  par  la  querelle  des 
parlements  ;  le  récit  que  nous  en  ferons  a  sa  place 
marquée  naturellement  au  chapitre  de  Villefranche. 
Nous  nous  bornerons  donc ,  en  ce  qui  concerne 
la  maison  d'Orléans,  à  une  simple  notice  généalo- 
gique. 


<SifS8S}iS<<SJiS55S55SiJSJS5ïS;jSï$S5!S<SSiSS?ïS;«<$S{SS5*S> 


MAISON    D'ORLEANS. 


Avant  de  donner  la  liste  généalogique  des  ba- 
rons de  Beaujolais  de  la  maison  d'Orléans,  nous 
devons  observer  que  leur  domination  sur  la  pro- 
vince fut  toujours  empreinte  d'une  extrême  dou- 
ceur. Ils  connaissaient  malheureusement  peu  les 
intérêts  du  pays  ;  à  peine  quelques-uns  d'entre  eux 
avaient  visité  le  Beaujolais  en  passant,  et  cepen- 
dant ils  furent  toujours  très  bons  pour  ses  habi- 
tants, allégèrent  leurs  charges  autant  que  possible, 
maintinrent  leurs  privilèges  avec  exactitude,  et 
rendirent   enfin   leur  joug  seigneurial  aussi   léger 


284  GÉNÉALOGIE  HISTORIQUE 

que  possible.  Le  seul  reproche  fondé  qu'on  puisse 
leur  faire  ,  et  il  est  grave ,  c'est  d'avoir  continué 
l'œuvre  de  démembrement  des  justices  avec  une 
persistance  vraiment  déplorable,  qui  ne  tendait  à 
rien  moins  qu'à  la  désorganisation  complète  du 
pays.  En  1788,  le  dernier  baron  de  Beaujolais 
était  en  voie  de  traiter,  avec  un  certain  nombre 
de  gentilshommes ,  de  tout  ce  qui  restait  de  l'an- 
cienne seigneurie  :  encore  quelques  années,  et  l'œu- 
vre de  destruction  était  consommée,  mais  le  souffle 
de  la  Révolution  qui  s'éleva  emporta  la  baronnie , 
le  vendeur  et  bon  nombre  de  ceux  qui  se  promet- 
taient d'acquérir. 

PHILIPPE  D'ORLÉANS, 

MONSIEIK,  FlîKKK   L'MyLK    I»E  LOCIS    XIV. 

Né  le  2. 1  sej)tembre  1  640,  mort  le  9  juin  1  70 1  ; 
baron  de  Beaujolais  en  I  693  ; 

Marié,  1°  le  31  mars  1661  .  à  Henriette-Anne 
d'Angleterre;  2"  le  I  6  noveml)re  1671  ,  à  Elisa- 
beth Charlotte  de  Bavière,  dont  il  eut  entre  autres 
enfants  : 

IMiilippe ,  qui  suit. 

PHILIPPE  II   irORLÉANS, 

KÉtibiNT   Itl'   ItOVAlME. 

Né  le  2  août  1  674  ,  mort  le  2  décembre  I  723  ; 


DES  SIRES  DE  BEAUJEU.  285 

succéda  à  son  père  en  la  baron  nie  de  Beaujolais 
en  1701; 

Marié  le  1  8  février  1  692  à  Françoise-Marie  de 
Bourbon,  légitimée  de  France,  dite  Mademoiselle 
de  Blois  ,  fille  de  Louis  XIV  et  de  Madame  de 
Montespan.  De  ce  mariage  est  issu,  entre  autres 
enfants  : 

Louis ,  qui  suit. 


LOUIS  D'ORLÉANS. 

Né  le  4  août  1  703  ,  mort  le  4  février  1  752  ; 
baron  de  Beaujolais  en  1  723  ; 

Marié  le  14  juin  1  724  à  Auguste-Marie-Jeanne, 
princesse  de  Bade,  dont  il  eut  : 

Louis-Philippe  ,  qui  suit. 

LOUIS-PHILIPPE   D'ORLÉANS. 


Né  le  1  2  mai  1  725  ,  mort  en  1  785  ;  baron  de 
Beaujolais  en  1752. 

Marié  le  1  7  décembre  1  743  à  Louise-Henriette 
de  Bourbon-Conti,  dont  il  eut  entre  autres  en- 
fants : 

Louis-Philippe  Joseph  ,  qui  suit. 


286 


GENEALOGIE  HISTORIQUE 


LOLIS-PIIILIPPE-JOSEPH  D'ORLÉANS. 

Né  le  13  avril  1  747,  décapité  à  Paris  le  6  no- 
vembre 1  793  ;  baron  de  Beaujolais  en  1  785. 

Marié  le  o  avril  1  769  à  Louise-Marie- Adélaïde 
de  Bourbon-Penthièvre. 


PIECES     JUSTIFICATIVES. 


PRIVILEGES  ET  FRANCHISES  DE  VILLEFRANCHE, 


charte  de  1260, 


»VEC  LES    AIllinlONS   UUl    V   ONT   ETK   FAITES  PAR   LA   SUITE. 


PRIVILEGIA     VILLAEFRANCHAE. 


Quoniam,  propter  vitœ  humanae  brevitatem,  humanae 
notitia  quandoque  dépérit  et  déficit  actionis,  idcirco  bo- 
norum  virorum  provida  circumspectio  stabilivit  gesta  ho- 
minum  mandari  litteris  et  ad  perhempne  (1)  testimoniuni 
sigillis  auctenticis  roborari,  ignotescat  (2)  igitur  prœsen- 
tibus  et  discant  posteri  quôd  doniinus  Humbertus,  pater, 
doniinus  Bellijoci,  qui  fuudator  extitit  Villœfranchas ,  in 


(1)  Pour  perenne. 
(2j  Pour  innote.icat. 


19 


290  PIECES  JCSTIFICATIVES. 

ipsa  fuadatione  dédit  et  constituit  villam  franchani  libe- 
ram  et  jurejtirando  firmavit  cum  viginti  niilitibus  se 
franchesiam  et  libertatcni ,  quœ  in  praesenti  scripto  siibse- 
quitur  ,  omnibus  babitatoribus  dictas  \illae  inviolabiliter 
in  perpetmira  custodire.  Dominus  verô  Guicbardus  postea 
existens,  dominus  qui  prrediclo  Humberto  successif ,  vo- 
lait et  praecepit  camdem  libertateni  ascribi  litteris  et  idem 
juramentum  libertalis  tenendœ  firraiter  praestitit  cum  vi- 
ginti niilitibus,  tactis  Evangeliis  sacrosanctis ,  ad  utilitatem 
et  commodum  et  anlificationcm  dicta^  Villapfranchap ,  cui 
domino  Guichardo  successit  H umbertus  dominus  Bellijoci, 
conestabulus  rcgni  Franciae,  et  istam  libertatem  redactani 
in  litteris  sigillo  suo  confirmavit. 

Nos  vero  Guicbardus,  dominus  Bellijoci,  fllius  quon- 
dam  dicli  domini  Humberli  conestabuli  regni  Francife, 
habito  priùs  consilio  cum  deliberatione  providà,  liberta- 
tem et  franchesiam  istam,  qua?  subscquitur ,  ad  opus  et 
commodum  et  a-dificatioMem  dicta-  \)rv  juramentum  nos- 
trum  tcucndaiu  in  purpelnum,  sigilli  noslri  munimine 
duxinms  confinnandam. 

Libcrlas  autem  et  franchesia  talis  est  : 

1.  Dominus  Bellijoci  non  potest  nec  débet  facere  tal- 
liara,  exactiouem,  collectam,  seu  alia  qua?libct  gravamina 
quibuscumque  nominibus  censeantur,  burgensibus  Villae- 
franchae,  nec  ab  eis  (1)  per  vim  aliquid  extorquere  vel 
auferre.  Et  burgcnses  eidcm  domiiu)  Bellijoci  non  tenentur 
dare  aliquam  pecuniam  vel  t[uodlibel  aliud,  nisi  de  ipso- 
rum  spontaneà  processcrit  voluntate. 

2.  Quicumque  tcnet  pedam  intcgram  débet  ex  eà  duo- 
decira  denarios  (2)  :  peda  intégra  est  de  quatuor  teysis  (3) 


(1)  Infra  villam  vel  extra  ,  ajoute  la  cli.irte  de  1369. 

(2)  He  servit io ,  ajoute  la  niônio  rharte. 

(3)  Toisi-:  eWv  était  lit-  M'pl  pieds  et  demi  <!:ins  le  Beaujolais. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  291 

in  frontc,  et  ità  débet  teysa  très  denarios;  si  non  est  in- 
tégra, secundùm  quod  tenet  débet  (1). 

Si  quis  emerit  domum  in  villa  vel  pcdam,  tenetur  do- 
mino de  tertio  decimo  denario  (2)  et  non  idtra,  ipsi  (3) 
vel  ejus  ballivo. 

3.  Si  quis  autem  pro  sepulturà  suà  legaverit  Ecclesise  vel 
sacerdoti  domum  vel  pedam  infra  villam ,  benè  potest  hoc 
facere,  sed  infra  annum  et  diem  débet  vendi  laico  homini 
qui  possit  et  debcat  domino  tanquàm  burgenses  alii  res- 
pondere  (4). 

4.  Si  moriatur  aliquis  sine  testamento  et  sine  omni 
herede,  burgenses  sanioris  consiUi  qui  sunt  in  viJlà  per 
se,  sine  familià  (5)  domini,  debent  capere  et  custodire  res 
defuncti  per  annum  et  diem  post  mortem  defuncti,  et 
debent  priùs  satisfacere  burgensis  mortui  creditoribus  et 
cuilibet  conquerenti  de  usuris  et  de  maleficio  et  Ecclcsiœ 
pro  anima  suà.  Reliqua  vero  debent  cedere  (6)  in  bonis 
Bellijocensis  domini. 

5.  Si  sine  testamento  moritur  et  heredes  habet ,  propin- 
quior  succedit  ei  in  hereditate. 

6.  Si  testamentura  composuerit  qualecumque  sit,  invio- 
labiliter  observetur,  dùm  tamen  per  duos  testes  vel  très 
légitimas  probetur,  viros  vel  raulieres. 


(1)  La  charte  des  privilèges  de  Belleville  contenait  une  disposition 
pareille. 

(2)  Pro  laudibus.  (Charte  précitée.) 

(3)  Domino.  (Même  charte.) 

(4)  Facere  usagium  villa, ,  dit  la  même  charte. 

(5)  On  entend  ordinairement  par  les  mots  familia  Homini ,  les 
serfs  du  seigneur.  V.  Ducange  et  Baluze,  Ca/ntuL,  t.  ii,  p.  1147. 
Mais  ici  il  s'agit  évidemment  des  officiers  de  ce  seigneur.  La  charte 
de  1369  ajoute  :  sine  mandate  et  familid  domini. 

(6)  Cadere.  (Même  charte.) 


292  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

7.  Quiciimque  per  annuin  et  diem  in  villa  steterit  et 
fidelitatem  domini  et  villas  francliesiam  jiiraverit  (1),  de 
pedagio  et  lediis  imiuunis  est,  et  eodem  gaudet  privilégie 
quo  et  alii  burgenses  (2);  et  ità  nuUus  mercator  ViUa?fran- 
chae  quicumque  fuerit,  sive  carnifex ,  sive  alius,  dmiimodo 
fidelitatem  doniini  et  x'ûlve  franchcsiam  juraverit,  ad  per- 
solvendiuii  ledias  et  pedagia  non  tenelur. 

8.  Si  aliquo  loco  burgensi  res  sua  ablata  fuerit,  si  juri 
stare  velit,  Bellijocensis  dominus  débet  ei  faccre  reddere 
res  suas,  si  potest  (3),  et  non  débet  inire  runi  raplore  con- 
cordiam  sine  assensu  et  voluiitate  aiuillontis  (4).  Si  auteni 
amittens  in  terra  Bellijoccnsis  doniini  rationabile  vadium 
inveniatvel  extra,  potest  illud  capere  per  se  ipsuin  sine 
ballivo  et  nuncio  ejus  (5). 

9.  Siniilitcr  in  eodem  juraniento  et  in  eàdcm  franchesià 
continetur  quod  Bellijoccnsis  dominus  vel  ejus  niandatuni 
vel  ballivus  (6)  burgensem  VillaRfranchœ  non  capiat  nec 
capi  faciat  (7)  propter  pccuniam  suam  vel  j)ropter  aliam 
causaiu,  nec  cqumu,  nec  asinmn,  nec  iiliquid  quod  ejus 


(i)  La  charte  de  133 i  ,  qui  contient  déjà  presque  toutes  les  modifi- 
cations précédentes  ,  ajoute  :  vel  usagium  villa  fecerit. 

(2)  La  même  charte  et  celle  de  lôfiD  ,  au  lieu  de  cette  dernière 
phrase  ,  contiennent  celle  suivante  :  Et  dominus  dcbet  euin  rei/uirere 
et  facere.  deliberari  pro  passe  suo  à  t)uocum(/ue  captus  fiiirit  vel  de- 
tentus. 

(3)  Cum  suis  expensis  propriis  ,  ajoutent  les  chartes  précitées. 

(4)  Quousque  res  ablata  restitula  fuerit  amittenli.  (Eod.  loc.) 

(5)  Ces  derniers  mots  sont  remplacés  par  vel  mandata  ejus  ;  cl  Ton 
ajoute  :  Et  si  alii/uis  eidim  liuri;<-nsi  in  rapiendo  vadium  aliquam 
vim  vel  violentiam  inférât  ,  dominus  liellijoci  débet  illam  vim  vel 
violenliiim  reniovere  et  vim  passa  facere  emendare.  (Eod.  loc.) 

(6)  /-"'(■/  ienens  curiam  domini.  (Même  charte.) 

(7)  Seii  capi  patiatur.  (Même  charte.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  293 

sit,  nec  ejus  doniuin  firmet  (1),  nisi  taie  lualeliciuin  perpe- 
traverit  et  légitimé  probatum  fuerit  pro  quo  sit  in  usagio' 
Villœfranchae  quôd  pecunia  sua  vel  ipse  debeal  devolvi  ad 
manus  doniini,  scilicet  pro  homicidio  et  latrocinio  et  con- 
siniilibus  (2);  nec  débet  Bellijocensis  dominus  burgensi 
Villefi'ancliœ  facere  placitum  (3)  per  violentiam,  nec  ab 
ipso,  nisi  quod  voluerit  ei  gratis  dare,  exigei'e  violenter. 
10.  Sinxiliter  in  usagio  et  franchesià  Villœfranchae  con- 
tinetur  quod  si  burgensis  burgensi  injuriam  (4)  fecerit  vel 
alius  qui  infra  villam  (5)  inheibitet  et  coram  amicis  suis 
burgensibus  concordare  voluerit  aulequàni  clamor  ad  prae- 
posituni  vel  ad  doininum  vel  ad  auditorem  causaruin  sua- 
ruin  devolvatur,  sine  omni  occasione  (6)  possunt  mutuo 


(1)  Fel  firmari  fuciat  ;  quod  si  factuin  fuei  il ,  dominus  habeal  pro 
non  facto  et  burgensi  facial  emendari.  (Eod.  loc.) 

('i)  «  Tune  dominus  corpus  ejus  capiat  et  bona  mobilia  ipsius  de- 
"  linquentis.  Nec  débet  dominus  haberc  res  immobiles  ipsius  delin- 
"  ([uentis,  exceptis  delinquentibus  in  criminibus  Liesa;  majestatis, 
«  hereseos  et  publicorum  dcpopulatorum  et  consimilium  delictorum. 
"  Si  quis  burgensis  commisit  aliquod  dclictum  pro  quo  dcbeat  con- 
II  demnari  et  res  ipsius  ad  manus  domini  devolri  secundùm  tenorem 
Il  praesentis  privilegii  ,  creditores  cjvisdem  dcbent  primo  solvi  de 
Il  debitis  suis  quœ  debebal  eis  ante  commissum  perpetratum,  de  rébus 
Il   ipsius  delinquentis.  »  (Eod.  loc.) 

(ô)  Movere  causam.  n  Dominus  Bellijoci  non  débet  movere  causam 
«  vel  placitum  coulra  aliquem  burgensem  Villœfraneha;,  nec  sustinere 
Il  quôd  aliquis  ballivius  vel  aliquis  de  familiâ  domini,  vel  quilibet  alius 
•I  moveat,  nisi  ipse  sufficienter  caverit,  si  cavere  potest,  quôd  cau- 
II   sam  légitimé  persequalur.  »  (Mêmes  chartes.) 

(4)  Ce  mot ,  pris  dans  un  sens  général ,  veut  dire  tout  ce  qui  est  fait 
contrairement  au  droit.  (V.  les  lois  romaines  ,  lib.  47  ,  tit.  x.) 

(5)  Fel  in  ballivid  de  Lymans.  (Mômes  chartes.) 

(6)  Ce  mot ,  dans  cet  article  ainsi  que  dans  l'art.  21 ,  peut  être  pris 
dans  le  sens  de  tribut  ou  prestation ,  que  l'on  percevait  en  certaines 


294  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

concordare  ;  et  tune  si  non  comparuerint  corani  praeposito 
vel  coram  domino,  vel  coram  auditore  causarum  suaruni, 
actor  vel  reus  in  emendà  aliquà  vel  claniore  (1)  non  te- 
nentur. 

11.  Biirgenses  Villefranchae  non  tenentiu'  ire  in  chaval- 
giam  (2)  nisi  de  gratià. 

12.  Si  dominus  Bellijoci  adducit  excrcituni  suuni  apud 
Villamlranchani  ad  moranduiu  pro  utilitate  suà  et  tcrrsp 
suae,  benè  potest  hoc  facere  sub  tali  pacto  quod  danipnuni 
non  infcrat  burgensibus  vel  rébus  eorum  (3). 

13.  Si  burgensis  Villsefranchae  terrani  emerit  à  milite  vel 
à  quocunique  alio  ad  scrvitium,  de  servitio  tenetur  ci  tan- 
tùm  (û);  et  si  emerit,  tenetur  tantùm  de  laudibus  et  ven- 
ditionibus  et  non  de  alià  recognitione  quocunique  modo 
deveniat  ad  luni,  excepta  pcrnmtalione  et  gagerià,  quia 
tune  tenetur  in  inediis  laudibus. 


occasions:  par  exemple,  pour  cause  de  guerre,  au  profit  du  seigneur. 
(V.  Ducange.) 

(t)  In  clamore  ve.l  emcndd  propler  hoc  pradicto  domino.  (Mêmes 
chartes).  —  Le  sens  ordinaire  de  clarnor  est  action  ,  mais  ici  il  n'est 
qu'une  redondance  du  mot  entendu  et  a  la  même  signification,  signi- 
fication que  lui  donnaient  fréquemment  les  coutumiers  de  la  Bour- 
gogne, du  Bourbonnais  et  de  la  Bresse.  (V.  Revel ,  question  26, 
p.  116.) 

(2)  Chavalchiam ,  chevalchiam.  (Mêmes  chartes.) 

(3)  «  Dominus  Bellijoci  débet  habere  credentiam  in  Villâfranchâ 
"  per  quatuordecim  dies  et  non  plus,  et  non  alius  nisi  ipsc.  «  (Même» 
chartes.) 

(4)  «  Et  si  oppositum  fuerit  eidem  burgensi  quod  ipse  cessavit  in  so- 
"  lutione  cjusdem  servilii ,  non  crodatur  opponenli  nisi  de  duobus 
"  annis,  nisi  lofjitimè  probavcrit  quôd  nionuit  ipsum  burgenscm  ad 
"  solvendum  scrvitium  prœdictum  et  quôd  burgensis  ipsuni  solvcre 
"  contradixit  ;  et  super  pra-dictis  duobus  annis  crcdatur  jurainenio 
"   ipsius  burgensis  de  pcrjurio  non  rcprehempsi .   si  uionitio  cl  con- 


PIÈCES  JTJSTIFIC.VTIVKS.  ti^S 

14.  Miles  (1)  non  débet  esse  prœpositus  (2). 

15.  Si  coram  prœposito  clanior  motus  fuerit,  coram  ipso 


causa  agatur. 


16.  Si  qxiis  burgensis  extra  \illam  alicui  fecerit  inju- 
riam  et  clanior  factus  fuerit  infra  Villainfranchani,  ibi  (3) 


causa  agatur. 


17.  Si  miles  burgensem  percutiat,  dominus  débet  ha- 
bere  sexaginta  solidos,  et  burgensis  pcr  se  suam  capiat 
ultionem  (4). 

18.  Si  burgenses  commune  faciunt  ad  opus  villœ ,  nec 
prœpositus  nec  villicus  (5)  débet  interesse. 


«  tradictio  solutionis  dicti  servitii  non  extiterit  probata  contra  ipsum. 
«  Et  si  emerit  aliquam  possessionem,  tenctur  tantùm  de  laudibus  et 
'  venditionibus  iibi  consueverunt  levari  extra  villam ,  et  infra  villam 
<(  in  mediis  laudibus  tantùm;  et  ipsam  terram  vel  possessionem  vel 
"  rem  potest  dare  burgensis  ad  supraservitium  de  suâ  propriâ  vo- 
«  luntate  ;  et  de  re  ad  superservitium  data  débet  dictus  burgensis 
"  habere  laudes  et  venditiones ,  et  investire  tanquam  dominus.  » 
(Mêmes  chartes .) 

(1)  5iVe  domicellus.  (Mômes  chartes.) 

(2)  Fillœfranchœ.  (Mêmes  chartes.) 

(3)  Ce  mot  est  supprimé  dans  les  chartes  précitées. 

(4)  «  Si  miles  vel  domicellus  aliqueni  burgensem  percutiat,  dominus 
it  débet  habere  pro  emendâ  ad  voluntatem  suam  ,  et  burgensi  pér- 
it cusso  ad  dictum  duorum  burgensium  sanioris  consilii  de  villa  in- 
"  juria  cmcndetur  :  vel  ad  sacramentum  ipsius  burgensis  percussi,  si 
"  burgenses  nollent  se  intromittere  de  hoc  propter  amorem  vel  tijno- 
"  rem  militis  vel  domicelli.  Et  si  burgensis  vim  repellendo  aliquam 
'<  vim  vel  violentiam  fecerit  eidem  militi  vel  domicello,  non  teneatur 
"   domino  ad  emendam  ,  nec  militi  vel  domicello  nec  complieibus  eo 

•<    rumdeai.   »  (Mêmes  chartes.) 

(5j  Les  titres  de  villicus,  syndic  du  village  (v.  la  Thaumassière  , 
p.  22),  segregallus ,  seiieschallus  (v.  t.  x  au  S  pi  cilége  à' kchery  , 
]i.  183)  et  de  chacipolus ,  appartenaient  à  des  officiers  qui  remplis- 
Miicnt  les  mêmes  fonctions,  celles  de  percevoir  les  revenus  du  fisc  sci 


296  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

19.  Si  prîçpositus  vel  segregallus  (1)  reqnisiti  fuerint  à 
burgensibus  quod  accipiant  vatUmonia  (2)  ab  illis  qui 
commune  nolunl  solvere,  facere  debeut  sine  contradic- 
tione  et  mercede. 

20.  Si  pra-positus  vel  chacipolus  (3) ,  vel  eorum  familia, 
fecerint  injuriam  burgcnsi  vel  accusaverint  ipsimi  super 
aliquo  makficio,  ipse  tenctur  fidejubere  coram  mandato 
domini  sicut  alius  simplex  homo;  et  si  non  probaverit 
quod  objicit,  débet  lalioneui  reportare  (4)  elbiu-gensi  suf- 
ficienter  eiiiendare. 

21.  Si  leno  vel  meretrix  (5)  alicui  burgensi  convitia 
dixerit ,  et  ipse  burgensis  vel  aUquis  de  amicis  suis  percu- 


gneurial  et  d'a(lniiiiib.tifr  la  juslicc.  Aussi  les  chartes  de  1260  à  1376 
emploient-elles  l'une  ou  l'autre  indifféremment  ;  les  deux  premières 
ont  mOme  disparu  dans  les  dernières  chartes  ,  pour  faire  place  exclu- 
sivement au  mot  chacipolus.  Néanmoins  il  est  probahlc  que  dans  le 
principe  le  mot  vilUcus  désignait  l'officier  chargé  particulièrement  de 
la  perception  des  droits  payés  au  seigneur  à  cause  de  la  voirie  (v.  lîou- 
quel ,  Préface,  p.  11),  et  celui  de  chaci  palus ,  roflieier  préposé  à  la 
garde  du  château  et  qui  percevait  sur  les  hommes  du  fief  certaines 
prestations  en  indemnité  de  l'asile  qu'ils  y  trouvaient  en  temps  de 
guerre.  (V.  Revel  ,  Stululs  de  Bresse  ,  p.  165.) 

(1)  Voyez  la  note  ci-dessus. 

(2)  Captant  pignnra.  (Chartes  précitées.) 

(3)  Voyez  ci-dessus  la  note  de  l'art.  18. 

(4)  Ces  dcuv  derniers  mots  ont  disparu  dans  les  chartes  précitées. 
Aussi,  aux  mots  accusaverint  super  aliipio  male/icio,  a-t-on  sub- 
stitué simplement  causant  moverinl.  (V.  le  Glossaire  de  Ragueau, 
v"  Talion).  Cet  article  est  terminé  dans  les  chartes  postérieures  parées 
mots  :  ((  Si  verô  causa  movcalur  super  aliquà  injuria  cl  infra  annum 
"  et  diem  à  tempore  facta;  injuria;  non  fucrit  tcrminata  ,  postea  non 
«  audiatnr  passus  super  eu ,  nisi  istud  propler  dcfeetum  judicis  acci- 
ic   derit  sive  culpam.  " 

(5)  Garcio  vel  garda.  (Mêmes  chartes.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  297 

tiat  eos  vel  de  paluià,  vel  de  pugno  (1)  ,  sine  occasione 
doiuini  est  et  non  tenetur  de  emendà;  et  de  convitio,  cre- 
datur  sacraiiiento  burgensis  quôd  ci  dixit  convitium. 

22.  De  verberatiirà  cum  sanguine  si  clanior  factus  fuerit, 
dominus  sexaginta  solidos  habere  débet ,  si  probatum  fue- 
rit légitimé  per  lestes  quod  ille  de  quo  daiuor  factus  fuerit 
fecerit  sanguineni  conquercnti  (2);  nisi  sit  sanguis  nai'is 
vel  esgrosotura  (3).  Si  vero  clamor  indè  factus  non  fuerit, 
nihil  potest  petere  dominus  vel  aliquis  pro  eo. 

23.  De  verbcraturà  sine  sanguine  et  sine  pugno  (4)  si  cla- 
mor factus  erit ,  débet  habere  dominus  très  solidos  (5)  ;  et 
pro  modo  verberaturœ  débet  verberato  per  manus  burgen- 
simn  (6)  verberis  injuria  placitari  de  pugno  (7)  très  soli- 
dos fortium  (8) ,  de  palmà  septem  (9)  solidos. 

24.  Quislibet  burgensis  potest  habere  mensuram  suam, 
si  sit  Icgalis  (10)  ;  in  falsis  mensuris  et  idnis  habet  dominus 
septem  soUdos.  Et  si  dicatiu*  mensura  falsa  vel  ulna ,  vo- 
centur  meliores  burgenses  et  iUe  cujus  est  mensura  vel 
ulna  aleschandiler ,  et  cum  illis  biu-gensibus  eschandiletur 
ut  videatiu'  utrùm  sit  falsa  vel  non  (1 1). 


(1)  Vel  de  pede.  (Mêmes  chartes).  Les  mots  siqe  occasione.  dnmini 
sont  supprimés. 

(2)  De  baculo  vel  gladio.  nVIêmes  chartes.) 

(ô)Egroysura.  (Charte  de  i  569).  Les  coutumes  de Thoissey  de  1310 
avaient  une  disposition  semblable. 

(4)  Ces  deux  derniers  mots  sont  supprimés. 

(5)  Sejitem  solidos  et  nec  ampliùs.  (Mômes  chartes. j 

(6)  Sauioris  consilii  de  villd  injuria  emendari.  (Mêmes  chartes.) 

(7)  Ce  qui  indique  qu'il  s'agit  de  l'amende  accordée  au  seigneur. 

(8)  Ce  mot  est  supprimé. 
(9    Très. 

(10)  •'  Et  de  illâ   non  tenetur  dare    aliquid    domino  vel  mandate 
"  ejus.  Il   (Mêmes  chartes.) 

(H)  (1  Et  si  aliquis  de  familiâ  domini  ceperit  aliquam  mensuram  vel 


298  PIÈCES  JUSÏTFICATIVES. 

25.  In  aliis  clamoribus  habet  doiuinus  1res  solidos  et 
non  plus  (1). 

26.  Si  qiiis  portaverit  pannuni  infra  operatorium  ad 
faciendum  induiuentum  ,  non  débet  a  adiari  ab  eo  in  opé- 
ra torio,  nisi  ab  illo  cujus  pannus  erat,  si  non  fuerit  pa- 
gatus. 

27.  Quicumque  ad  forum  Villapfrauchse  venire  voluerit, 
quamvis  debituni  in  villa  debeat  (2) ,  veniens  et  rediens 
cuni  rcbus  suis  salvis  débet  remeare. 

28.  Si  alicui  buriiensi  dcbetur  debituni  ab  homine  ex- 
traneo  et  reddi  conlradieatur  in  die  fori  ^^3) ,  burgensis 
prœposito  vel  ehacipolo  débet  conqueri,  et  nisi  velit  satis- 
facere,pr£epositus  vel  cbacipolus  débet  ei  forun»  prohibere, 
sine  dono  et  iiiercede.  Et  si  post  proliibilioneni  ad  forum 
redicrit  ipse  cum  rébus  suis,  potest  à  creditore  vel  à  man- 
dato  ipsius  sine  familià  domini  licite  detineri  et  vadiari  (4). 

29.  Nemo  pro  debito  quod  débet  de  indumento  quod 
iiulutuin  habet  potest  vadiari,  ncc  de  ostio  doniiïs  suœ 
potest  vadiari,  nec  donms  liriuari  pro  debito  (5),  dùm  mo- 


«  ulnam,  débet  caiu  tradere  alicui  burgensi  fide  digno  iiicontinenli  qui 
«  custodiat  illam  quousquc  cschandillolur.  Kt  primo  idem  burgensis 
«  consiniileni  niensiirani  uicnsuralam  ad  mcnsuraiu  captam  débet  ei 
"  cujus  capta  est  mensura  ,  ut  ipse  non  perdat  vcuditionem  suam.  » 
(  Eod.  loc.) 

(I)  «  In  aliis  autem  rainutis  clamoribus  in  praesenti  scripto  non 
«   expressis,  habet  dominus  très  solidos  et  non  plus.  »  (MOnies  chartes.) 

(2j  Nisi  forum  sibi  fuerit  probibitum.  (Mômes  chartes.) 

(3)  Ces  mots  sont  supprimés. 

(4)  En  ce  qui  concerne  la  personne  du  débiteur,  celte  disposition 
a  été  modifiée  dans  les  chartes  suivantes,  ainsi  qu'il  suit  :  "  Et  ipsum 
«  potest  dictus  créditer  facere  detineri,  si  voluerit,  per  pra-positum 
«   vel  familiare  domini.  » 

(.1)  »  Nisi  pro  scrvitio  domûs  vel  conducio  ,  nec  res  ejus  immobiles 
•t   vendi  vel  distrahi,  nisinominatimfuerintobligata.  »  (Mêmes chartes.) 


PIÉCI'S  JUSTIFICATIVES.  299 

bile  habet  undè  satisfaciat  creditori;  sed  si  mobile  non 
habet ,  oninia  ininiobilia  potest  creditor  sine  auttoritate 
doniini  capere  el  eliani  vendere,  distrahere  (1)  et  detinere. 

30.  Si  quis  injuriam  passus  fuerit  et  de  injuria  clanio- 
rem  fecerit,  convictus  de  injiurià  (2)  débet  solvere  clanio- 
reni  et  non  alius. 

31.  Prappositus,  segrcgallus  (.3)  vel  aliquis  de  faniilià  do- 
mini  pro  se  vel  pro  domino  non  potest  ferre  testimonium 
contra  burgensem  in  curià  domini  accusatum. 

32.  Quicumque  in  villam  istam  venire  voluerit  (4) ,  do- 
minus  débet  eum  retinere  si  paratus  sit  conquerenti  cui- 
libet  stare  juri.  Si  jiu-i  stare  nolit,  conducere  débet  eum 
dominus  ad  locum  securum,  nisi  sit  latro  publicus  vel 
homicida. 

33.  Si  servus  in  Villamfrancliam  per  annum  et  diem 
moram  fecerit  absque  calumpnià  (5) ,  secundùm  villse 
franchesiam  liber  est  et  in  numéro  burgensium  compu- 
latur  (6). 

34.  Si  creditor  débitons  pignus  capiat  et  debitor  credi- 
tori pignus  auferat,  si  clamor  deveniat  ad  prœpositum, 
débet  per  prEepositum  pignus  creditor  rchabere ,  et  in  tri- 
bus solidis  in  manu  preepositi  debitor  condenipnatur  (7). 


(1)  Usque  ad  valorem  debili  sui.  (Mêmes  chartes.) 

(2)  Actov  vel  reus.  (Mêmes  chartes.) 

(3)  A  la  place  de  ce  mot ,  il  y  a  chacipolus. 

(4)  Ad  morandum.  (Mêmes  chartes.) 

(5)  11  s'agit  là  d'une  action.  (V.  les  Capitules  de  BaUize,  t.  ii,  p.  970.) 

(6)  Cet  article  a  été  ainsi  modifié  :  «  Si  quis  homo  ex  quâcumque 
■'  parte  venerit  in  Villamfrancham  et  franchesiam  villse  juraverit ,  in 
"   numéro  burgensium  computetur.  »  (Mêmes  chartes.) 

(7)  Il  Et  si  creditor  clamorem  fecerit  de  debitore  suo  antequnm  ad 
«  pignus  ejus  defecerit,  creditor  tenetur  solvere  clamorem.  «  (Mêmes 
charte.s.  ) 


300  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

35.  Adulteri  si  rationabilitcr  de  adulterio  convicti  fue- 
rint,  si  braceis  (1)  tractis  inveuti  fucrint  et  per  testes  pro- 
batum  fuerit,  vel  si  nudus  cimi  niidà  inveniatm-,  et  pars 
de  vestibus  aniborum  in  uno  lecto  jacentium  subripia- 
tur  (2),  pro  convictis  habeantur,  et  timc  tcneantur  secun- 
dùm  voluntateui  ipsorum  vel  nudi  per  villani  currere ,  vel 
ciirsuiii  rediniere  ad  voluntateni  doinini  Bellijoci. 

36.  HoniicidEe  et  latrones  sunt  in  manu  doniini,  et  non 
debent  in  villa  remanere  nisi  ad  voluntateni  biu-u;ensiuiii. 

37.  Si  quis  puellani  per  vini  delloraverit,  débet  eam 
ducere  in  iLxoreni,  si  sit  par  ei,  vel  ad  burgensium  con- 
silium  mari  tari  (3).  Et  si  indè  clamor  factus  fuerit  quia 
non  vult  pra'dicta  facere  et  probatuni  fuerit ,  de  consilio 
burgensium  à  domino  et  per  dominum  emendetur  (4). 

38.  Si  vert)  puella  vel  aliqua  mulier  dicit  sibi  fmsse  vio- 
ientiam  illatam  ab  aliquo  in  tali  loco  id)i  potuit  clamare  et 
audiri  ab  aliquibus,  si  non  clamaverit  non  débet  ei  credi; 
et  si  est  in  loco  ubi  nonpossit  audiri,  non  credatur  ei  nisi 
probatum  fuerit. 

39.  Si  milites  debitum  burgensi  dcbeant  de  equo  vel 
runcino,  diun  desupcr  fuerint,  non  vadientur ,  et  de  rébus 
aliis  possunt  vadiari. 

40.  Quicinuque  cxtraneus  ad  forum  V'illaefrancba:'  ve- 
nerit,  si  in  foro  ledias  dederit,  de  pedagio  non  tenctur. 
De  residuo  quod  in  foro  vendcre  non  potest ,  débet 
pedagium  si  villani  transeat. 


(1)  Bracis  ,  bruchis.  (Mêmes  chartes.) 

(2)  Ce  dernier  membre  île  phrase  est  supprima.  (Mômes  chartes.) 

(3)  Facere  danalinnem  filiœ  profiter  nuptias.  (V.  le  mot  marilare 
dans  les  Glossaires.) 

('i)  «  Puella;  vim  passas  injuria  sibi  factâ  et  in  voluiilule  domini  ipse 
«  remaneat  ad  consilium  bur(;ensium  pra'dicluruui.  »  (Charte  de 
1S76.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  301 

41.  Bellijocensis  doniinus  débet  habere  credentiam  in 
Villàfranchà  per  quatuor  deceni  dies,  et  non  alius  nisi  ipse. 

42.  Miles  (1)  non  débet  habere  doniuni  in  Villàfran- 
chà (2). 

43.  Si  quis  possessionem  aliquani,  domuni  vel  agrum 
vel  pratum  tenet  ab  aliqno  domino  et  vendere  voluerit, 
liberi  et  absoluti  et  sine  contradictione  doniini  vendere 
potest  cui  voluerit  (3) ,  dumniodo  tali  personœ  vcndatur 
quae  respondeat  domino  de  jure  suc  sicut  vcnditor  respon- 
dere  tenobatiu-. 

44.  Si  quis  enscm  (4)  vel  gladium  evaginaverit  ad  per- 
cutiendum  et  non  perçussent,  sexaginta  solidos  solvat  vel 
pugnum  (5). 

45.  Si  vcrô  aliquis  burgensis  Villaefranchœ  voluerit  se 
ad  alium  locum  transferre,  dcbet  tenere  et  habere  pacificè 
omnes  res  suas  quas  habcbat  in  dominio  Bellijoci  et  de  eis 
voluntatem  suam  facere ,  dunmiodo  faciat  usagium  villae 
sicuti  alii  burgenses  de  villa  (6). 


(1)  Sive  domicellus.  (Mêmes  chartes.) 

(2)  Nisi  magnam  domuin  de  Liergos.  (Mômes  chartes.) 

(ô)  Le  surpkis  est  supprimé  et  remplacé  par  la  disposition  suivante  : 
<(  Nec  potest  idem  dominus  rem  venditam  retinere.  Et  si  praediclus 
'<  dominus  prsedictum  emptorem  offerentem  quod  débet  ei  pro  re 
«  vendilâ  nolit  investire  ,  dominus  Bellijoci  vel  ballivus  ejus  ad  re- 
<(  questam  ipsius  emptoris  débet  compellere  eumdcm  dominum  rei 
"  venditae  quod  ipsum  emptorem  investiat  de  eâdem,  nisi  ipse  dominus 
«  ostendat  causam  rationabilem  quare  ipsum  emptorem  non  debeat 
«   investire.  »  (Mêmes  chartes.) 

(4)  Cutellum.  (Chartes  précitées).  —  V.  Coutumes  de  iîjom,  art.  21 
(1270)  ;  la  Thaumassihe  ,  p.  457.  —  Nota.  Ces  coutumes  ont  plu- 
sieurs dispositions  semblables  à  celles  de  cette  charte. 

(5)  A  la  place  de  ce  mot  il  y  a  :  Et  emendet  injuiiam  patieritl. 
(Chartes  précitées.) 

(6)  Ce  dernier  membre  de  phrase  est  supprimé. 


302  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

46.  Judnei  verô  non  debent  ibi  commorari  nec  stare  (1), 
el  eis  credi  non  debetur  super  debitis  ipsoruin  contra  bur» 
genses  Villtefranchae,  nisi  tanquam  christiani  et  per  chris- 
tianos  probaverint. 

47.  Si  burgensis  Villœfranchag  ante  domum  suam  lo- 
giani  fecerit,  non  tenctur  domino  assignare  servitiuin  de 
eà,  nisi  logia  sit  lucrativa,  et  tune  assignaudum  est  servi- 
tiuni  secundùm  mensuram  pedœ,  et  alter  anlc  domum 
alterius  non  débet  aliquid  asservisare,  si  ille  cujus  est 
voluerit  retinere. 

48.  Quicumque  habet  domum  in  villa  et  facit  usagium, 
immunis  est  à  lediis  villae,  et  etiam  bordelarius  faciens 
usagia,  et  à  pcdagiis  in  terra  Bellijoci. 

49.  De  pomis,  piris,  castancis  et  consimilibus  fructi- 
bus  (2)  non  débet  levari  Icdia. 

50.  Si  burgensis  Villfefrancb.'p  aliquam  injuriam  fecerit, 
qu;e  non  sit  bomicidium  vol  furtum,  et  clamor  iiidè  fiât, 
praeposilus  potest  pelure  quod  lidejubcat  :  si  non  velit  fide- 
jubere,  habet  recursum  ad  bona  sua;  et  si  non  habeat 
bona ,  corpus  in  lionesto  loco  ponat  in  domo  praepositi  vel 
cliacipoli,  dùm  taiiien  fidcjubcat  primo  qui  clamorcm  fecit. 
Et  si  aliquis  de  burgensibus  velit  ipsum  fidejubere  (3)  ad 
ipsum  liabendum  ad  ralioncni  (4) ,  potcrit  ipsum  habere. 
Si  clamor  non  fiât,  praepositus,  vel  alius  pro  eo,  non  se 
débet  intromittere  (5). 


(1)  'I  Ncc  corionarii  ludereinoîidom,  nec  corsini  dcbcnt  commorari 
«   in  Villàfranchâ  nisi  de  voluntate  domini  et  burgciisium  dicta:  villse.  « 

Le  surplus  de  l'article  est  supprimé.  (Mêmes  chartes.) 

(2)  Et  miniilis  fruclibus.  (Charte  de  lii76.) 

(3)  De  stando  juri  vel  habere  corpus  ejus  personnaliter. 

(4)  Âd  catam  diem.  (Mêmes  chartes.) 

(5)  «  Omnes  autem  capti  apud  \  illanifranchaiii  lemporr  inutalionis 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  303 

51.  Si  miles,  ecclesia,  vel  alius  dederit  aliquam  lerram 
ad  servitium  burgensi  Villaefranclias ,  qualecumque  servi- 
liuni  fuerit ,  postea  contra  burgcnsem  vel  heredem  non 
potest  reclamare  (1). 

52.  Si  qiiis  rem  suam  vendiderit,  postea  non  audiatur 
reclamans  (2). 

53.  Si  burgenses  de  aliqiiibus  rébus  faciant  commuta- 
tionera  inter  se,  non  teneutur  dare  laudes,  nisi  de  hoc 
quod  compensatum  fuerit  de  re  eàdem  in  pecunià  nume- 
ratà  (3). 

54.  Qiiicumque  burgensis  potest  habere  furnum  infra 
villam  pro  quinque  solidis  Viennensibus  (4)  de  servitio, 
et  quilibet  potest  coquere  ubi  voluerit  ,  et  non  tenetur 
dare  pro  turcà  (5)  nisi  unum  (6)  Viennensem  et  sine 
esponià  (7) ,  et  asinata  frumenti  débet  coqui  pro  sex 
denariis  Vienn.  Et  qui  habuerit  furnum  potest  ilJum  re- 
linquere  et  dimittere  si  sibi  placuerit,  et  de  dicto  servitio 
non  tenetur.  Item,  quislibet  burgensis  potest  molere  ubi 


«  domini  deliberentur,  nisi  taie  delictum  perpelraverint  pro  quo  mor- 
"  tein  menierint ,  et  tune  promittant  pro  ipsâ  delibeiatione  sine  re- 
«   ditu  transfretare.  "  (Mêmes  chartes.) 

(1)  n  Nec  ad  se  rem  asservisiatain  revocare  ,  née  ipsum  burgensem 
'  vei  suos  convenire  ,  nec  citare  ,  nec  facere  vexari ,  occasione  ipsius 
'<  rei,  extra  balliviam  in  quâ  res  ipsa  extitit,  nec  eidem  domino  teneatur 
«  idem  burgensis  extra  dictam  balliviam  super  hoc  respoudere.  » 
(Mêmes  chartes.) 

(2;  V.  pour  le  sens  des  mots  réclame,  réclamer,  au  moyen-âge, 
les  anciens  coutumiers. 

(3)  «  Nec  debent  domini  ipsarum  rerum  ipsam  permutationem  ali- 
«   quatenùs  impedire.  »  (Mêmes  chartes.) 

(4)  Pro  duohus  solidis  et  sex  denariis  (ortium. 

(5)  Turtâ. 
(6}  Denarium. 

il)  Ce  mot  est  supprimé.  (Mêmes  chartes.) 


304  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

voluerit  et  habere  asinuni  ad  portandum  bladum  ad  mo- 

landum  (1),  qui  eat  per  villam  ad  quaprendum  bladuiu. 

55.  Sigilluni  comniunitatis  Villcefrancbae  per  duos  bur- 
genses  villae  qui  ab  aliis  eligantur  (2)  débet  cuslodiri  : 
qui  duo  jurent  quod  bonà  fide  sigillabunt  ea  qua^  pcrli- 
nebunt  ad  coiuiiiunitatcui  dictœ  villae.  Et  quod  fuit  retro- 
actis  temporibus  sigillatuni  concediiuus ,  volunius  et 
etiani  confiriuamus ,  quod  habeat  roboris  firniitatem  (3). 
Et  dicti  duo  burgenses  possunt  permutari  de  anno  in  an- 
num,  et  aliquid  non  débet  capi  de  sigillo  (4). 

56.  Si  burgensis  Villœfranchae  (5)  in  curtili ,  nemore, 
vineàvclprato  suo  alicpiem  sibi  injuriantem  invcuerit,  licèt 
invcntus  neget,  burgensi  juranti  hoc,  si  claniorem  fecerit, 
crcdatur ,  dùni  tamen  non  sil  suspcctus  de  perjurio. 

57.  Si  miles,  clericus,  burgensis  vel  quislibet  alius  ven- 
didcrit  terrani,  donmm,  pratuni,  vineam  vel  possessio- 
neni  alicui ,  veniens  corani  domino  rci  venditor  cum  cm- 
ptore,  se  devestieus  curam  eo  ad  opus  cmptoris,  laudibus 
oblalis  domino  rei,  dominus  rem  venditam  sibi  vel  alii  non 
potest  rctinere  (6). 


(1)  Id  molendinum. 

(2)  Unà  cum  prœposito. 

(ô)  «  Crcdatur  eiilem  sigillo  sicut  sigillo  domini  et  sigillo curiae  suse... 
«  Unus  duorum  burgensium  Iiabcal  et  custodiat  penès  se  in  donio  suâ 
«   coffincllum  in  quo  ser^-al)itu^  dictnm  sigilhim.  »  (Mi^nies  chartes.) 

(fi)  «  Va  aliquis  de  Viliafranehâ  non  débet  darc  pro  dicto  sigillo  nisi 
«  duodecim  denariosforliuni,  qui  pro  voluntate  burgensium  ad  muros 
i(  villa;  vel  ad  gaylias  ponantur  et  expediantur.  Burgenses  \illa;fran- 
«  cliaî  non  tcncnlur  dare  per  sigillo  curiae  domini  BcUijoci  nisi  unum 
«  dcnarium  N'ieuncnseni  pro  quâlibet  librâ  eontent;\  in  lilteris  super 
Il  mutuo  confectis ,  cl  duos  denarios  Viennenscs  pro  quâlibet  librâ 
«  contenta  in  littcris  super  conquerementis  confectis  sigillo  dicta; 
«   curia;  sigillandis.  »  (Mêmes  chartes.) 

(5)  In  domo 

(6)  «  Si  quis  burgensis  Villsefraneli.Tc  vel  aliquis  de  LvmanI/,  reddit, 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  305 

58.  In  villii  non  debent  vendi  carnes  taurorum  seu 
boum  non  padorum  (1)  à  Pascbà  usque  ad  festum  beali 
Michaelis;  et  carnes  leprosae  (2)  pro  sanis  et  poranae  (3) 
pro  niasculis  non  debent  vendi.  Et  carniiîces  non  debent 
dimittere  carnes  caprorum  seu  aliaruni  bcstiarum  per 
aliquani  morani  temporis  vel  horœ  in  aquà,  seu  per  hie- 
meni,  vel  per  œstateni  (4). 

59.  Sirniliter  sub  eodem  juramento  continetur  quôd 
Belli  jocensis  dominus  sit  dominus  Villaefranchce;  sed  ante- 
quàm  burgenses  ejusdem  villœ  tencantur  ei  jurare  homi- 
niuni  et  fidebtatem ,  sirniliter  tenetur  ipse  dominus  eis 
jurare  cum  viginti  niilitibus  villas  franchesiam  et  liberta- 
tem  sicut  in  prgesenti  scripto  plenissimè  continetur. 

60.  Si  quis  burgensis  obierit  et  testaraentum  fecerit  et 
executores  ordinaverit  et  habeat  fiLios  vel  filias,  volumus 
quôd  dicta?  filiae  maritentur  de  consilio  executorum  bur- 
gensis defnncti.  Et  si  decesserit  intestatus,  filia  vel  filiae 
debent  maritari  ad  consilium  sex  burgensium  de  villa  sa- 
nioris  consilii  et  parentum  (5).  Et  si  liberi  dicti  burgensis 


"  tradit  seu  obligat  titulo  pignoris  vel  hypothecse ,  domiim  suam  , 
«  terram,  pratum  seu  possessioncmaliquam  niobilcm  vel  immobilem, 
"  cùm  nihil  debeat  et  hoc  sit  in  fraudem  aliorum  creditorum ,  si 
'I  claraor  indè  fiât  et  probatum  fiierit  legilimè  ,  obligans  et  oui  obli- 
«  gatur,  iiterque  in  triginla  solidis  puniatur  et  dicta  obligatio  nuUa 
"   sit  nisi  in  hoc  quod  in  veritate  debetur.  «  (Mêmes  chartes.) 

(1)  Ces  derniers  mots  ont  été  retranchés. 

f2)  ï'el  grenatœ.  niillo  tempnre. 

(3)  Et  carnes  suwn  pro  masculis. 

(1)  «  Quaesi  fecerint  et  cnienti  carnes  non  hoc  dixerint,  in  tribus 
«  solidis  domino  teneantur  et  burgensi  ementi  ad  emendam.  »  (Mêmes 
chartes.) 

(5)  (c  Mandato  vel  consensu  dicti  domini  Bellijoci  super  his  minime 
"    requisito.  »  (Mêmes  chartes.) 

20 


30G  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

sintininoris  aetatis,  nondebent  maritari  quousque  pervene- 
rint  ad  œtatem  discretionis  (1). 

61.  Si  burgensis  filiam  suam  maritaverit,  de  dote  suà 
débet  esset  contenta ,  et  nihil  poterit  petere  in  hereditate 
paternà  (2)  nisi  pater  decesserit  intestatus  et  sine  herede 
proprii  corporis  (3),  vel  nisi  ei  adventaverit  de  escliattà  (4) 
patris,  raatris,  fratrum  vel  parentum. 

62.  Si  miles  vel  alius  quislibet  extraneus  debeat  debi- 
tuni  alicui  biirgensi  ViUaefrancbae ,  prfepositus  vel  chaci- 
polus  debent  ire  cum  crcditore,  sine  aliquà  contradic- 
tione ,  sine  donc  et  sine  niercede,  ad  gagiandnm  debitorem 
et  eum  gagiare. 

63.  Si  quis  burgensis  uxoreni  suam  perçussent  seu  ver- 
beraverit,  dominus  indè  non  débet  recipere  clamorem  (5) 
nec  levarc,  nisi  dictus  burgensis  verberaverit  eam  usque 
ad  mortem. 

64.  Item,  si  aliquis  burgensis  petram  et  barulmn  (6) 
levaverit,  et  iUe  contra  queni  pra'dicta  facta  sunt  per- 
cussus  vel  la?sus  non  fucrit,  si  clamor  faclus  fuerit,  non 
tenetur  dictus  burgensis  nisi  solutioni  usque  ad  septem 
solidos  pro  clamore  (7);  et  si  clamor  factus  non  fuerit, 
burgensis  domino  vel  ballivis  suis  in  aiiquo  non  tenetur. 

65.  Burgensi  mcrcator  pannorum  vel  telaruin  vel  con- 
similis  naturae,  bonas  famae  et  laudabilis  opinionis,  de  pcr- 


(1)  Celte  dernière  partie  de  Tarticle  a  été  supprimée. 

(2)  Vel  materna  ,  nisi  ei  reliclum  fuerit. 

(3)  «  Aliis  tamen  liberis  ,  uno  vel  pluribus  existcntibus  burgensis 
defuncti.  »  Ces  mots  sont  substitués  à  ceux  qui  précèdent. 

(4)  Echeytia. 

(5)  Nec  eniendam  petere.  (Mêmes  chartes.) 

(6)  Ejecerit  vel 

(7)  «  Teneatur  domino  in  septem  solidis  pro  emcndà,  et  ipsi  contra 
qiioni  facta  sunt  prsedicta  injuriam  emendare.  » 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  307 

jurio  non  reprehenso,  per  scripta  sua  (1)  usque  ad  cen- 
tum  solidos  fortiuni  Lugdunenses  (2)  débet  fides  plenis- 
sinia  adhiberi  (3). 

CG.  Cinn  aliqua  domus,  terra,  pratuin,  vinea,  nemus, 
seii  pignora  alia  (4) ,  pro  vendendo  per  forum  Villsefran- 
cha"  sidihastata  fuerint,  ballivi  vel  eorumfamiliaper  se  vel 
per  alios  ea  eniere  nonpoterunt,  seu  etiam  aliqua  de  dictis 
pignoribus  retinere. 

67.  Si  burgensis  facit  testamentum  in  scriptis  vel  sine 
scriptis,  et  facit  heredem  (5)  et  retinet  pro  anima  suà  ali- 
quam  simimam  pecuniae  seu  aliqua  immobUia,  dominus 
exindè  aliquas  laudes  non  débet  percipere  vel  habere, 
nisi  testator  prœcepit  dictas  res  vendi  vel  aliqua  de  eis- 
dem,  et  de  re  vendità  dominus  habebit  laudes  suas. 

68.  Volunt  enini  et  annuunt  corani  nobis  Guichardo, 
domino  Bellijoci,  burgenses  Villœfranchse  quôd  Matheus, 
incuratus  ecclesia^  PoUyaci,  castri  nostri  clericus,  et  he- 
redes  sui ,  habeant  domum  quam  habet  sitam  apud  Villam- 
francham  juxta  domum  liberorum  Guicliardi  de  la  Bruailli 
et  juxta  domum  quondam  Johannis  de  Templo,  liberam, 
quitani  et  absolutam  ab  omnibus  usagiis  et  consuetudi- 
nibus  universis  et  singulis  (6). 


(1  )  f'tl  sine,  scriptis. 

(2)  Per  juiamentuin  suum. 

(5)    <f  Similiter  heredi  burgensis  defuncti  bonne  fainsp  cuni  scriptis 

paternis  usque  ad  summam  sexaginta  solidoruni  fortium  per  jura- 

mentuni  su um  débet  credi.  i>  (Mêmes  cliartes.) 

(4)  Mobilia  vel  iinmobilia.  (Mêmes  chartes.) 

(5)  Ces  deux  derniers  mots  ont  été  supprimés. 

(6)  «  Volumus  etiam  et  concedimus  nos  dictus  dominus  Bellijoci  et 
burgenses  praedicti  quôd  dominus  Guido  ,  dominus  Sancti  Triverii, 
seu  ejus  heredes  et  successores,  habeant  in  perpetiium  domum  quam 
ipse  dominus  Sancti  Triverii  quondam  liabebat  apud  Villamfran- 
cham  ante  ecdesiam  juxta   domum  liberorum  magistri  Johannis 


308  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

69.  Si  quis  burgensispro  dcbito  quod  sibi  debehir  sav- 
sierit  aliquam  rein,  domiim,  agruui,  vineam  vel  pratiiin 
vel  aliud  mobile  vel  immobile  auctoritate  domini,  primus 
saysitor  débet  primo  solvi  per  integrmn  de  debito  suo  (1), 
et  de  residuo  alii  saysi tores  (2). 

70.  Consuetudiues  autem  extra  ^illam  approbamus  et 
coiifirmamus  (3). 

71.  Et  burgenses  Villt-efranchae  possuut  et  debent  alter 
altcrum  gagiarc  (4)  per  feroset  nmidinas  pro  suis  debitis; 
et  iii  hoc  niliil  polest  petcre  dominus  BcUijoci  (5). 

Haec  autem  omnia  qua?  superiùs  dicta  sunt  juravimus 
nos  Guicliardus,  dominus  BcUijoci,  filins  qnondam  prœ- 
dicti  Humbcrii  concstabuli  regni  Franci;v,  tactis  Evangeliis 
sacrosanctis,  cum  vigiuti  mililibus,  inviolabiliter  in  perpe- 
tuum  observare. 

Sunt  autem  nomina  corum  qni  nobiscum  juraverunt: 
Hugo  Palaliuus ,  dominus  Sancti  Bernardi  ;  Guillelmus 
d"i liens;  Hugo  Palatinus;  Hugo  de  Marzeis;  Stephanus 
de  Pyzeis;  Guillclnuis  de  Marzeis;  Guichardus  de  la 
Douza  ;  Joceranus  Franchileins  ;  Bartholomeus  de  Laya; 


<f  Pollicart  et  juxia  domum  .Taccpieli  ^  esti ,  cum  cjiisdein  domfis  ap- 
«  penditiis  cl  pcrlincnliis  univcrsis,  libcraiii ,  quictam  et  absolulam 
«  ab  omnibus  usagiis  diclae  rilla;.  »  —  CeUe  disposition  est  la  même 
dans  les  deux  chartes  de  lôôl  et  de  l.>59. 

(1)  IVisi  res  ifisa  saysila  prias  fuerit  alii  obligata. 

(2)  «  Et  occasione  ipsius  saj-sina;,  dominus  rel  ballivus  ejus  nihil 
«  potest  pelere  à  saysitore  vel  ab  eo  contia  quem  faela  est  saysina.  » 
(Mûmes  chartes.) 

(3)  «  Omnes  consuetudines  autem  approbata;  et  obtenta;  in  fran- 
«  chesiâ  dicta- Yilla-francha;  et  extra  ,  qua;  in  pra-senti  scripto  et  extra 
«  minime  nominanlur  ,  sicut  hactenùs  obscrvala'  sunt  approbamus  et 
i(  etiam  confirmamus.  u  (Mômes  chartes.) 

(4)  Fadiare. 

(5)  Fet  hallivus  ejus.  (Mimes  chartes.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  309 

Guigo  (le  Monte  Aiu'eo;  Stephanus  Salvaios,  Tbouias  de 
Sancto  Saturniiio;  Hugo  de  Telys;  Hugo  de  Taney;  Pe- 
trus  de  Ronens;  Girinus  de  Vallibus;  Guillelnms  de  Ver- 
neyo;  Pontius  Gemnos;  Daliuatius  Rebutini,  et  Stepba- 
nus  de  Feugieres. 

Et  ut  niagis  firma  quœ  praemissa  sunt  hal)eantur,  nos 
Guicbardus,  dominus  Bellijoci,  ad  majorem  firniitateni  et 
niajus  testimonium ,  prœsentem  cartulani  sigilli  nostri  mu- 
nimine  duximus  roborandam. 

Datum  anno  Domini  M-CC.  sexagesimo,  mense  novem- 
bri. 


DISPOSITIONS   NOUVELLES  INSEREES  DANS   lA  CHARTE   DE 
CONFIItMATION    DE  1  33  i  . 


1.  Si  quis  burgensis  condiderit  testanienluni,  hercdes 
seu  executores  ejusdeiu  possunt  facere  aperire  et  publi- 
care  dictum  testamentiun  ubi  voluerunt,  nec  debent  com- 
pelli  auctoritate  domini  vel  ejus  mandati  ,  nisi  ad  reques- 
tani  alicujus  cujus  intersit  ad  publicationeni  ipsius  testa- 
menti  faciendani.  Et  si  prœdictum  testamentum  aperia- 
tur  in  curià  domini  Bellijoci,  judex  ipsius  curise  vel  alius 
pro  eo  non  débet  petere  vel  levare  pro  publicatione  testa- 
menti  sigillando  ultra  quadraginta  solidos  Vienn.,  et  sic  des- 
cendendo  ad  minores  et  médiocres  burgenses ,  secundùm 
quôd  prœdicto  judici  secundùm  faciUtates  defuncti  justum 
videbitur  recipiendum  pro  sigillandis  publicationibus  tes- 
tamentorum  bm-gensium  praedictorum. 

2.  Judex  curiœ  domini  non  débet  nec  potest  aliquem 
burgensem  ViUaefranchœ  conipellere  auctoritate  domini  vel 


310  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

suâ  ad  confirmandani  sibi  tutelam  vel  curam  alicujus  pn- 
pilli  vel  minoris,  nec  petere  vel  levare  ultra  viginti  solidos 
Vienn.  pro  sigillandis  inventario  super  bonis  et  hereditate 
^licujus  burgensis  defuncti  confecto ,  et  sic  descendendo 
ad  minores...  (  ut  suprà). 

3.  Dominus  Beliijoci,  vel  prsepositus ,  vol  chacipolus  ip- 
sius  vel  aliquis  pro  eo,  vel  noruine  ipsius,  non  potest  nec 
débet  capere  vel  capi  facere  nec  saysire  nec  saysiri  facere 
per  se  vel  pcr  aliiun  aliqna  bona  niobilia  vel  imniobilia 
alicujus  burgensis  defuncti  pro  aliquo  malcficio  vel  delicto 
seu  quàlibet  alià  occasione  vel  causa,  nisi  super  eisdem 
dictus  burgensis  in  vitâ  suâ  conventus  fuerit  vel  convictus 
et  quod  taie  fuerit  dclictuiu  seu  maleficium  vel  alia  occasio 
pro  quibus  persona  burgensis  et  res  ejus  secundùni  teno- 
reni  privilogii  pra'sentis  debeat  ad  nianus  doniiui  deveuire. 

4.  Si  sajsina  aliqua  facta  fuerit  pcr  prspposituni  vel  cha- 
cipoluin  vel  per  tdiuni  nomine  doniini  Beliijoci,  ad  instan- 
tiani  alicujus,  super  aliquibus  rébus,  quàni  citô  partes  con- 
corda\cTuiil  pro  quibus  saysina  facta  est,  ex  tune  inconti- 
nenti  praepositus  desa}  sire  teneatiur  res  saysitas  sine  dono 
et  mercede  ad  instantiam  illius  qui  saysiri  fecit,  recepto 
tanion  jure  suo  doniini  si  quod  liabet  in  dicta  saysinâ. 

5.  Si  aliquis  lati'o  fuerit  captus  in  terra  doniini  Beliijoci 
et  furatus  fuerit  res  alicujus  burgensis  et  confessus  fuerit, 
res  quas  furatus  est  reddantur,  si  estant,  eidem  burgensi; 
si  non  oslaul,  de  bonis  ipsius  latronis,  .si  qua^  liabcl ,  fur- 
tuni  reslitualur. 

6.  Si  burgensis  aliqueni  perçussent  in  die  fori  vel  in  die 
nundinaruni  ejusdeni  villfp,  nihil  phis  débet  ex  illà  inju- 
ria quàiii  (Icberet  sine  foro  et  iiundinis  supradictis. 

7.  Si  ({uis  burgensis  aliquod  pignus  mobile  vel  immobile 
vendiderit  vel  vendi  feccrit  in  foro  vel  in  nundinis,  et  ille 
infra  aiuium  et  diem  non  appellaverit  de  venditione  pigao- 
risfactà  contra  ipsum .  seu  quiHquaru  rationis  conira  die- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  31  1 

taïuvenditionem  dixerit  si  prœsensin  provinciàfuerit,  dein- 
ceps  super  praedictis  nuliatenùs  audiatur. 

8.  Prcppositus,  chacipolus  vel  aliquis  de  familià  domini 
non  frangant  nec  capiant  nec  donent  paneni  pistorum  vel 
pistorissarum  propter  parvitudiuem  panis  vel  aliquam 
alianx  ingratitudineru ,  nisi  de  consilio  trium  biirgensium 
qui  cum  pra?posito  videant  et  judicent  quid  de  pane  illo 
sit  faciendum. 

9.  Nullus  revenditor  piscium  Villœfranchae  potest  nec 
débet  emere  pisces  aliquos  de  piscatoribus  riverise  à  riverià 
citrà ,  nisi  ad  comestionem  suam  iisque  ad  horam  nonani , 
nisi  einerit  illos  à  piscatoribus  in  riperià.  Nec  in  piscatorià 
ViUœfranchas  possunt  aliqui  participando  emere  pisces  à 
piscatoribus,  nisiununi  et  unum  (1);  et  si  contra  fecerint, 
pisces  amittant. 

10.  Si  miles  vel  quilibet  alius  aliquem  burgensem  Villae- 
franchae  super  aliquà  re  vel  possessione  quam  tenet  ab  eo  ad 
servitium  impediat  vel  perturbel,  etburgensis  ofterat  se  da- 
turum  eidem  impedienti  idoneam  cautionem  de  stando  juri 
corara  ipso  infra  baUivium,  et  iUe  impediens  nolit  désis- 
tera à  perturbatione  ipsius,  illud  impedimentum  et  per- 
turbatio  debent  per  dominuni  Bellijoci  removeri. 

11.  Burgensis  ViUfefranchee  non  débet  in  causam  trahere 
aliquem  burgensem  dictœ  villœ  extra  curiam  domini  Belli- 
joci, dùm  tamen  burgensis  contra  quem  agitur  paratus  sit 
in  ipsà  curiâ  stare  juri,  nisi  in  causa  malrimoniali  et 
super  usurarum  pruvilate. 

12.  Et  quod  cuilibet  burgensi  liberum  sit  absque  timoré 
alicujuspœnaevel  cauliouis  prcesland*  à  qiidlibel  inlerlocu- 
toriâ  et  definitivâ  sentenliâ  contra  ipsum  latà  ad  domi- 
nuni Bellijoci  tantùm  infra  tempus  legitimum  appellare. 


{V^Nisi  biiii  et  ii/n'^  (Cliaile  de  1376.  j 


3  1  2  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

13.  Aliquis  cpii  non  est  in  œtate  discretionis ,  in  clamore 
vel  emendà  domino  vel  ejus  ballivio  non  tenetur. 

14.  Qui  de  nocte  extra  horam  invenerit  aliquem  in  domo 
suà  sine  igné ,  capere  potest  ipsuin  sine  auctoritate  et  man- 
dato  domini;  et  si  se  defendat  contra  doniinuni  ejusdem 
domùs,  et  ipse  doniinus  vel  aliquis  de  fauiilià  ejus  vul- 
neret  ipsum  capiendo  vel  retinendo  eumdem,  propter 
hoc  doniino  vel  ejus  ballivio  in  aliquo  non  tenetur,  et  ip- 
sum captum  débet  rcddere  praeposito  vel  chacipolo. 

15.  Aliquis  burgensis  Villœfranchœ  non  débet  vendere 
vinum  ad  polum  in  Villàfranchà  nec  augere  pretium  ullra 
quatuor  denarios  forliuni ,  videlicet  quodlibet  seylerium  in 
quàlibet  doliatà  vini. 

16.  Nullus  burgensis  Villapfranchap  tenetur  aliquem  de 
familià  suà  pro  aliquo  furto  sibi  facto  capere  vel  retinere , 
licèt  ipsum  furantcm  invcncrit,  et  in  hoc  domino  vel  balli- 
vio ejus  in  aliquo  non  tenetur. 

17.  Domiuus  BeUijoei  non  débet  i/ir/ff/rere  super  rébus 
immobilibus  alicujus  burgensis  Villœfranchte ,  nisi  de  vo- 
luntate  burgensis  contra  quem  est  inquisitio  facienda. 

18.  Claves  portarum  Villa>francha>  debent  custodire  ali- 
qui  biu-genses  à  praeposito  et  ab  aliis  burgensibus  dcputati, 
et  dominus  non  potest  alicui  asservisiare  turres  dictae 
villoe,  et  quod  portae  conununes  ejusdem  villœGrmatœnon 
leneantur  sive  clausœ  propter  commune  dehilum  dic- 
ta? villa',  vel  propter  debitum  alicujus  burgensis,  nisi  de 
voluntate  et  consensu  sex  burgensium  dicta?  villae. 

19.  Si  quis  habet  domum  infra  villam  coopertam  de 
paleà,  ipsam  faciat  rooperiri  de  tcgulis  infra  duosannos, 
alioquin  diniatur. 

20.  Duniiiius  Bellijoci  vel  ballivius  ejus  non  possunt  im- 
ponere  aliquam  pa>nam  alicui  burgensi  in  aliquo  casu.nec 
percipcre  aliqiiid  sub  pœnà;  quod  si  factum  fuerit,  pœna 
non  levetur. 


PIÈCKS  JUSTIFICATIVES.  313 

21.  Si  doiilinus  Bellijoci  nmtetur  prœpositum  Villtefran- 
chœ  vel  balliviuni  in  terra  suà  vol  judiceiu  in  curià  suà,  ipsi 
debent  jurare  in  manu  quatuor  burgeusiuni  de  villa  se 
tenere  statuta,  libertateiu  et  franchesiam  in  prajsenti  scripto 
contenta. 


^3^3^^3^3^3^^^^3^S^^3 


PRIVILEGES    DE   VILLEFR ANCHE, 


JLl\tS    FAR  i;UlCHAni>  ,   SIUE  IiK  liEAUJEU. 


en    l'260. 


TRADUCTION. 


La  vie  de  l'homme  est  si  courte,  que  la  connaissance  de 
ses  actions  tombe  parfois  dans  l'oubli.  Aussi  les  sages 
hommes  ont-ils  voulu,  dans  leur  prudente  circonspection, 
que  ces  actions  fussent  transmises  par  les  lettres,  conservées 
et  attestées  par  l'authenticité  des  sceaux. 

Que  les  vivants  sachent  donc  et  que  leur  postérité  ap- 
prenne que  Humbert,  notre  aïeul,  sire  de  Beaujeu  et  fon- 
dateur de  Villefranche ,  a  affranchi  cette  ville  dès  son  ori- 
gme  et  jura  avec  vingt  chevaliers  qu'il  conserverait  perpé- 
tuellement et  inviolablement  à  tous  les  habitants  la  fran- 
chise et  liberté  telle  qu'elle  va  être  transcrite  dans  la  pré- 
sente charte. 


316  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Guichard  ,  son  successeur ,  voulut  et  ordonna  que  cette 
franchise  fût  conservée  par  écrit  et  jura  aussi  avec  vingt 
chevaliers,  la  main  sur  les  saints  Evangiles,  que,  pour  l'avan- 
tage et  la  prospérité  de  Villcfranche ,  il  la  respecterait 
toujours. 

Humbert ,  sire  de  Beaujeu ,  connétable  de  France  et  suc- 
cesseur de  Guichard ,  confirma  également  les  privilèges  ac- 
cordés et  fit  apposer  son  sceau  à  la  charte. 

Nous  Guichard,  sire  de  Beaujeu,  fils  dudit  Humbert 
connétable  de  France,  après  en  avoir  nuircmcnt  délibéré  en 
notre  conseil,  nous  avons  prêté  serment  de  conserver  à  per- 
pétuité pour  l'utilité  et  prospérité  de  cette  ville  la  liberté 
et  franchise  suivante,  et  l'avons  corroborée  de  notre  sceau. 

Cette  liberté  et  franchise  est  ainsi  conçue  : 

1.  Le  sire  de  Beaujeu  ne  peut  ni  ne  doit  lever  siu"  les  bour- 
geois de  Villcfranche  aucune  taille,  exaction,  collecte,  ou 
leur  imposer  toutes  autres  charges,  sous  {[uelques  noms  que 
ce  soit,  pas  plus  que  les  dépouiller  violenuueut  d'une  chose 
quelconque ,  comme  aussi  ces  bourgeois  ne  sont  pas  tenus 
de  lui  donner  une  somme  quelconque  d'argent  ou  toute 
autre  chose  :  un  pareil  don  ne  pourra  provenir  que  de  leur 
pure  volonté. 

2.  Quiconque  tient  une  pie  entière  doit  douze  deniers  : 
la  pie  entière  est  de  quatre  toises  de  face  ;  ainsi  il  est  dû 
trois  deniers  par  toise.  Si  la  pie  n'est  pas  entière ,  on  doit 
suivant  l'étendue  que  l'on  occupe. 

Si  quelqu'un  achète  une  maison  en  ville  ou  une  pidée,  il 
ne  payera  au  seigneur  ou  à  son  bailli  que  le  treizième  de- 
nier. 

3.  Si  quelqu'un  a  légué  à  l'Eghse  ou  au  prêtre  pour  sa 
sépulture  une  maison  ou  une  pide  situées  dans  la  ville,  il  a 
pu  le  faire  ,  mais  dans  l'an  et  jour  elle  doit  être  vendue  à 
un  laïque  qui  puisse  et  doive ,  connue  les  autres  bom'geois, 
s'acquitter  envers  le  seigneur  des  redevances  qui  lui  sont 
dues. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  317 

4.  Si  quelqu'un  meurt  sans  testament  et  sans  aucun  hé- 
ritier ,  les  bourgeois  du  plus  sage  conseil  qui  soient  en  ville 
devront  prendre  d'eux-mêmes,  sans  l'intervention  des  offi- 
ciers du  seigneiu",  et  garder  pendant  an  et  jour  à  dater  du 
décès,  les  biens  du  défunt.  Ils  devront  d'abord  désintéresser 
ses  créanciers  et  toute  personne  qui  se  plaindrait  d'avoir 
éprouvé  du  dommage  par  suite  d'usure  ou  d'un  délit.  Us 
devront  aussi  faire  un  don  à  l'Eglise  pour  son  âme.  Le  sm*- 
plus  des  biens  appartiendra  au  sire  de  Beaujeu. 

5.  Si  un  bourgeois  meurt  sans  testament  et  qu'il  ait  des 
héritiers ,  le  plus  proche  lui  succède  dans  l'hérédité. 

6.  S'il  a  fait  un  testament,  qu'il  soit  observé  sans  res- 
triction, quel  qu'il  soit,  pourvu  cependant  qu'il  soit  prouvé 
par  deux  ou  trois  témoins  légitimes ,  hommes  ou  femmes. 

7.  Quiconque  a  résidé  pendant  an  et  jour  dans  la  ville  , 
prêté  serment  de  fidélité  au  seigneur  et  juré  la  franchise  de 
la  ville,  est  exempt  du  péage  et  des  leudes  et  jouit  du  même 
privilège  que  les  autres  bourgeois.  Ainsi  aucun  des  mar- 
chands de  Villefranche ,  quel  qu'il  soit,  boucher  ou  autre  , 
s'il  a  prêté  ce  double  serment,  ne  sera  tenu  de  payer  de 
pareils  droits. 

8.  Si  dans  un  lieu  quelconque  un  bourgeois  a  été  dé- 
pouillé d'une  chose  qui  lui  appartenait  et  s'il  s'adresse  à 
la  justice,  le  sire  de  Beaujeu  doit  la  lui  faire  rendi-e,  s'il 
peut ,  et  il  ne  doit  conclure  aucun  accord  avec  le  ravisseur, 
sans  l'assentiment  et  la  volonté  du  spolié.  Mais  si  ce  der- 
nier trouve  dans  la  terre  de  Beaujeu  ou  au  dehors  un  gage 
raisonnable,  il  peut  lui-même  le  prendre  sans  l'autorisation 
du  baUli  ou  de  son  lieutenant. 

9.  La  même  franchise  accordée  et  jurée  porte  aussi  que 
le  sire  de  Beaujeu,  ou  son  heutenant,  ou  le  bailli,  ne  peut 
s'emparer  ni  ordonner  que  l'on  s'empare  de  la  personne 
d'un  bourgeois  de  Villefranche  à  raison  des  redevances  pé- 
cuniaires dues  audit  seigneur,  ou  pour  toute  autre  cause; 


318  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ni  ordonner  que  l'on  prenne  sou  cheval,  son  âne  ou  toute 
autre  chose  qui  lui  appartienne;  ou  bien  que  l'on  ferme  sa 
maison,  à  moins  que  l'on  n'ait  prouvé  légitimement  qu'il  a 
commis  im  délit  poiu-  lequel  c'est  l'usage  à  VUlefranche  de 
mettre  ses  biens  (pecunia)  et  sa  personne  à  la  disposition 
du  seigneur,  savoir:  pour  homicide,  vol,  ou  autres  délits 
semblables.  Le  sire  de  Beaujeu  ne  doit  intenter  contre  un 
bourgeois  de  ViUefranche  aucune  action  vexatoire,  ni  l'o- 
bliger par  ce  moyen  à  donner  autre  chose  que  ce  qu'il  veut 
lui  donner  gratuitement. 

10.  L'usage  et  francliisc  de  ViUefranche  veut  également 
que  si  un  bourgeois  ou  tout  autre  habitant  fait  tort  à  im 
autre  bourgeois  et  qu'il  veuille  traiter  en  présence  d'amis 
avant  que  l'action  ait  été  portée  devant  le  prévôt ,  le  sei- 
gneur ou  l'auditeur  de  ses  causes  (le  juge),  les  parties  peu- 
vent le  faire  sans  être  tenues  à  aucune  redevance  envers  le 
seigneur.  Dans  ce  cas,  n'ayant  pas  comparu  devant  ces 
magistrats,  le  demandeur  ou  le  défendeur  ne  sont  somuis 
à  aucune  amende. 

1 1 .  Les  bourgeois  de  ViUefranche  ne  sont  pas  tenus 
d'aller  à  la  chevauchée  (1);  s'ils  le  font,  ce  ne  sera  que  par 
pure  faveur. 

12.  Si,  pour  veiller  à  sa  sûreté  et  à  ceUe  de  sa  terre,  le 
sire  de  Beaujeu  conduit  son  armée  près  de  ViUefranche  et 
l'y  fait  séjourner,  il  peut  le  faire,  mais  sous  la  condition 
qu'il  ne  causera  aucun  dommage  aux  bourgeois  ou  à  leurs 
biens. 

13.  Si  xm  boiu-geois  a  acheté  d'un  chevalier  ou  de  tout 
autre  une  terre  à  charge  de  redevance,  il  ne  sera  tenu 
de  rien  autre  chose  envers  lui.  Il  devra  les  lods  et  ventes 


(1)  C'est-à-dire  ,  de  monter  à  cheval  pour  accompagner  le  seigneur 
dans  ses  guerres /jz-iVcm. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  3  1  9 

pour  son  acquisition,  sans  autre  reconnaissance.  Il  en  sera 
de  même  de  toute  acquisition  de  possession ,  à  l'exception 
cependant  de  l'échange  et  de  la  gagerie  (1) ,  car  dans  ce 
dernier  cas  l'acquéreur  sera  tenu  seulement  de  la  moitié 
des  lods. 

14    Un  chevalier  ne  peut  être  prévôt  de  Villefranche. 

15.  Si  une  action  a  été  portée  devant  le  prévôt,  qu'elle 
soit  également  débattue  devant  lui. 

16.  Si  un  bourgeois  a  fait ,  hors  de  la  viUe,  tort  à  quel- 
qu'un, et  qu'une  action  ait  été  intentée  à  raison  de  ce  fait, 
qu'il  y  soit  statué  à  Villefranche. 

17.  Si  un  chevalier  frappe  im  bourgeois,  le  seigneur  doit 
avoir  soixante  sous ,  et  que  le  bourgeois  prenne  lui-même 
vengeance  de  cette  injure. 

18.  Si  les  boiu-geois  veulent,  poiu-  pourvoir  aux  besoins 
et  à  la  sûreté  de  la  ville,  percevoir  un  impôt  général,  le  pré- 
vôt ni  le  receveur  fiscal  ne  doivent  s'en  mêler. 

19.  Si  le  prévôt  ou  le  sénéchal  ont  été  requis  parles 
bourgeois  pour  qu'ils  prennent  des  gages  de  ceux  qui  ne 
veident  pas  contribuer  à  cet  impôt,  ils  doivent  le  faire  sans 
opposition  et  récompense. 

20.  Si  le  prévôt,  le  chassipol  ou  leiu-s  officiers  ont  com- 
mis une  injure  envers  un  bourgeois,  ou  l'ont  accusé  de 
quelque  délit,  ils  doivent  donner  caution  devant  le  lieute- 
nant du  seigneur  comme  un  autre  simple  particulier.  S'ils 
n'ont  pas  prouvé  leur  accusation ,  ils  doivent  supporter  la 
peine  du  talion  et  indemniser  suffisamment  le  boiu-geois. 

21.  Si  un  homme  ou  une  femme  de  mauvaise  vie  a  inju- 
rié un  bourgeois  et  que  le  bourgeois  ou  quelqu'un  de  ses 


(1)  Le  gage  pouvait  Cire  vendu  au  créancier  lorsque  le  débiteur  (d'un 
cens  ,  d'une  rente)  ne  le  retirait  pas  dans  le  délai  convenu.  —  V.  Little- 
ton  ,  section  îî'J  ,  et  de  Laurière  sur  le  (ilossaire  de  Ragucnau,  v"  Morl- 
gogf. 


320  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

amis  lui  ait  donné  un  soufflet  ou  un  coup  de  poing ,  le  sei- 
gneiu-  pour  ce  fait  n'aura  aucun  droit  à  exercer  et  ne  perce- 
vra aucune  amende.  Quant  au  fait  de  l'injure ,  l'on  devra 
croire  au  serment  du  bourgeois. 

22.  Si  du  sang  a  été  versé  par  suite  de  coups  (1)  et 
qu'une  plainte  ait  été  portée,  le  seignem"  doit  avoir  soixante 
sous,  s'il  est  légitimement  prouvé  par  témoins  que  celui 
contre  qui  la  plainte  est  portée  a  par  ses  coups  fait  saigner 
le  plaignant,  à  moins  que  le  sang  ne  vienne  des  narines  ou 
d'une  égratignure.  Si  aucune  plainte  n'a  été  portée ,  le  sei- 
gneur ni  personne  pour  lui  ne  peut  demander  quelque 
chose. 

23.  S'il  n'y  a  pas  eu  de  sang  versé  ni  coups  de  poing  et 
qu'une  plainte  ail  été  portée,  le  seigneur  doit  a^uir  trois 
sous,  et,  suivant  la  nature  des  coups  donnés,  le  frappé  doit 
obtenir  ,  d'après  l'appréciation  des  bourgeois  et  par  leur 
pouvoir,  réparation  de  l'injure  qu'il  a  reçue.  Pour  im  coup 
de  poing,  le  seigneur  aura  trois  sous  forts;  poiu-un  souiilct, 
sept  sous  (2). 

24.  Tout  bourgeois  peut  avoir  une  mesure  chez  lui, 
pourvu  qu'elle  soit  légale.  Le  seigneur  a  sept  sous  pour 
toutes  mesures  ou  aunes  fausses.  Si  on  prétend  qu'une  me- 
sure ou  une  aune  est  fausse ,  il  faut  appeler  les  meilleurs 
bourgeois  et  celui  à  qui  elle  appartient ,  et  l'échantillonner 
en  leur  présence,  afin  que  l'on  voie  si  elle  est  fausse  ou 
non. 

25.  Pour  les  autres  plaintes,  le  seignetir  n'a  que  trois 
sous. 

26.  Si  quelqu'un  a  porte   de  l'étofTc  dans  un  ouvroir 


(1)  Uailure ,  suivant  une  ancionnc  copie  de  1001. 

(2)  Le  tc\lo  porte  sept ,   mais  les  eliartes  préeitéos  eorilieiiuent  le 
mol  il  ni  s. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  321 

pour  qu'on  lui  fasse  un  habit,  on  ne  pourra  le  lui  saisir  (1)  ; 
il  y  a  néanmoins  exception  en  faveur  de  celui  à  qui  appar- 
tenait l'ctofte  et  qui  n'a  pas  été  payé. 

27.  Toute  personne  venant  à  la  foire  de  Villefranche  ne 
devra  subir ,  soit  en  allant ,  soit  en  revenant ,  aucune  at- 
teinte dans  sa  personne  et  dans  ses  biens,  lors  même 
qu'il  serait  débiteur  d'un  bourgeois  de  cette  ville  (2). 

28.  Si  un  étranger  est  débiteur  d'un  bom-geois  et  s'il  re- 
fuse de  le  payer  un  jour  de  foire,  le  créancier  devra 
s'adresser  au  prévôt  ou  au  chassipol;  et  si  le  débiteur  per- 
siste dans  son  refus,  ces  magistrats  devront  gratuitement 
lui  défendre  de  revenir  à  la  foire  ;  s'il  ne  tient  pas  compte 
de  cette  défense,  le  créancier  ou  son  mandataire  pourront, 
sans  l'intervention  des  officiers  du  seigneur,  saisir  et  déte- 
nir sa  personne  et  ses  biens. 

29.  Aucun  débiteur  ne  peut  voir  saisir  comme  gage  de 
sa  dette ,  ni  les  vêtements  qu'il  porte,  ni  la  porte  de  sa  mai- 
son; on  ne  peut  pour  même  cause  fermer  sa  maison,  pourvu 
qu'il  ait  du  mobilier  suffisant  poiu  désintéresser  son  créan- 
cier. S'il  n'a  pas  de  mobilier,  le  créancier  pourra,  sans 
l'autorisation  du  seigneur,  s'emparer  de  tous  ses  immeu- 
bles, les  détenir  ou  les  vendre. 

30.  Si  quelqu'un  a  souffert  une  injiu-e  et  qu'une  plainte 
ait  été  portée,  celui  qui  en  a  été  convaincu  doit  seul  suppor- 
ter les  frais  de  la  plainte. 

31.  Le  prévôt,  le  sénéchal,  ou  tout  autre  officier  du  sei- 
gneur, ne  pourra  pour  lui  ou  pour  le  seigneur  porter  témoi- 


(1)  Le  gager. 

(2)  Souvent  les  officiers  du  seigneur  ont  ^iolé  ce  privilège  pour  cause 
des  tailles  :  mais  toujours  ils  ont  été  rappelés  à  son  observation ,  sur 
les  plaintes  des  échevins.  Divers  titres  sur  ce  sujet  existent  dans  les 
archives  de  Villefranche. 

21 


322  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

gnage  contre  un  bourgeois  accusé  devant  la  cour  de  ce 
seigneur. 

32.  Le  seigneur  devra  protéger  et  défendre  toute  per- 
sonne qui  voudra  habiter  Villefrancbe ,  si  elle  est  prête  à 
répondre  en  justice  à  ceux  qui  se  plaignent  d'elle.  Si  elle 
ne  veut  pas  comparaître  en  justice ,  il  doit  la  conduire  en 
lieu  siir,  à  moins  que  ce  ne  soit  un  voleur  public  ou  un 
homicide. 

33.  Si  un  serf  a  demeuré  à  ViUcfranchc  pendant  an  et 
jour  et  sans  poursuite  de  son  seigneur,  il  est  libre  suivant 
la  franchise  de  la  ville  et  est  compté  au  nombre  des  bour- 
geois. 

31.  Si  un  créancier  prend  gage  de  son  débiteur  et  que 
celui-ci  le  lui  enlève,  le  prévôt,  à  qui  plainte  aura  été  por- 
tée, devra  le  faire  renilre  au  créancier,  et  le  débiteur  sera 
condamné  en  trois  sous  qui  seront  remis  en  les  mains  du 
prévôt. 

35.  Si  un  homme  et  une  femme  accusés  d'adultère  ont 
été  raisonnablement  convaincus  du  crime,  si  par  exemple 
il  est  établi  par  témoin  qu'on  les  a  trouvés  avec  les  hauts- 
de-chausses  tirés ,  ou  s'ils  ont  été  trouvés  nus ,  ou  bien  en- 
core si,  couchés  tous  les  deux  dans  le  même  lit,  une  par- 
tie de  leurs  vêtements  a  été  enlevée,  qu'ils  soient  considé- 
rés comme  convaincus  du  délit,  et  dans  ce  cas  qu'ils  soient 
tenus ,  à  leur  choix  ,  de  courir  nus  par  la  ville  ,  ou  de 
racheter  cette  course  au  prix  fixé  arbitrairement  par  le  sire 
de  Beaujeu  (1). 

36.  Les  homicides  et  les  voleurs  sont  au  pouvoir  du  sei- 
gneur, et  ils  ne  peuvent  rester  dans  la  ville  qu'avec  la  vo- 
lonté des  boiu-geois. 


(i)  Voyez  dans  le  Glossaire  de  Rapnoan  plusieurs  dispositions  seui- 
blablps,  ri  les  Coiiliimos  de  Rioni  ,  ail.  21. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  323 

37.  Si  quelqu'un  a  violé  une  jeune  fille,  il  doit  l'épouser 
si  elle  est  de  même  condition,  ou  la  doter  suivant  l'appré- 
ciation des  bourgeois.  Si  le  coupalile  ne  veut  faire  ni  l'un 
ni  l'autre  et  que  cela  soit  établi  sur  la  plainte  qui  en  a  été 
faite,  le  seigneur  devTa,  sur  l'avis  des  bourgeois,  le  con- 
damner à  l'amende. 

38.  La  fdle  ou  la  femme  qui  prétend  avoir  été  victime 
d'une  violence  de  la  part  d'un  individu  dans  un  lieu  où 
elle  a  pu  crier  et  être  entendue ,  ne  devra  pas  être  crue,  si 
elle  n'a  pas  crié;  si  c'est  dans  un  lieu  où  elle  n'a  pu  être  en- 
tendue, on  ne  devra  néanmoins  la  croire  que  sur  preuves. 

39.  Le  bourgeois  créancier  d'un  cbevalier  ne  pourra 
prendre  poiur  gage  le  cbeval  ou  le  roussin  sur  lequel  il  se- 
rait monté,  mais  il  pourra  prendre  toute  autre  cbose. 

40.  Tout  étranger  venu  à  la  foire  de  Villefranche  qui 
aura  pajé  les  laides,  sera  exempt  de  péage,  mais  devra  ce 
dernier  droit  pour  les  marchandises  qu'il  n'aura  pas  ven- 
dues à  la  foire ,  s'il  les  transporte  ailleurs. 

41 .  Le  sire  de  Beaujeu  doit  avoir  crédit  (1)  à  Villefranche 
pendant  quatorze  joiu-s  ;  ce  droit  n'est  réservé  qu'à  lui 
seul. 

42.  Un  chevalier  ne  doit  avoir  une  maison  à  Ville- 
franche. 

43.  Toute  personne  pourra  librement,  irrévocablement 
et  sans  opposition  du  seigneur  duquel  elle  la  tient,  vendre 
à  qui  elle  voudra  sa  maison,  sa  terre,  son  pré  ou  toute 
autre  possession,  pourvu  que  l'acquéreur  puisse,  comme 
le  vendeur,  répondre  envers  ce  seigneur  des  redevances 
qui  lui  sont  ducs. 


(1)  Ce  droit  consistait  à  prendre  du  pain  ,  de  la  viande  et  autres  den- 
rées nécessaires  à  la  nourriture  des  gens  de  la  maison  du  seigneur, 
avec  terme  certain  d'en  payer  le  prix. 


32-4  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

44.  Celui  qui  aura  tiré  l'épée  ou  le  glaive  pour  frapper, 
et  cependant  n'aïu-a  pas  frappé,  devra  payer  soixante  sous, 
ou  avoir  le  poing  coupé  (1). 

45.  Si  mi  boiu-geois  de  Villefranche  veut  aller  habiter  un 
autre  lieu ,  il  conservera  tous  ses  biens  situés  dans  le  do- 
maine du  sire  de  Beaujeu  et  pourra  en  disposer  à  sa  volonté, 
pourvu  qu'il  se  conforme  aux  usages  de  la  ville. 

46.  Les  Juifs  ne  peuvent  habiter  ni  séjourner  à  Ville- 
franche  ;  et  l'on  ne  doit  leur  accorder  aucune  confiance 
lorsqu'ils  prétendent  être  créanciers  de  bourgeois  ,  à  moins 
qu'ils  ne  le  prouvent  comme  chrétiens  et  par  des  chré- 
tiens. 

47.  Si  un  bourgeois  de  Villefranche  a  fait  ime  loge  (2) 
devant  sa  maison ,  il  ne  de^Ta  pour  cela  aucune  redevance 
au  seigneur,  à  moins  qu'il  ne  tire  un  profit  de  cette  loge. 
Dans  ce  cas,  la  redevance  sera  proportionnée  à  l'étendue  de 
la  pédée.  Personne  ne  devra  prendre  à  charge  de  rente  un 
espace  ([uelconque  devant  la  maison  d'autrui ,  si  le  pro- 
priétaire de  cette  maison  veut  le  retenir  aux  mêmes  con- 
ditions. 

48.  Tout  propriétaire  d'une  maison  en  ville,  et  même  le 
bordelier,  s'ils  rem})lisscnt  les  conditions  prescrites  par 
l'usage  de  la  ville ,  sont  exempts  des  laydcs  que  l'on  lève 
en  ville  ainsi  que  des  droits  de  péage  que  l'on  perçoit  dans 
la  terre  de  Beaujeu. 

49.  On  ne  doit  lever  aucune  layde  sur  les  pommes ,  les 
poires,  les  châtaignes  et  autres  fruits  semblables. 

50.  Si  un  bom-geois  de  Villefranche  s'est  rendu  coupable 


(1)  11  y  a  dans  le  Icxtc  pugniim  .  mais  le  deriiier  u  semble  avoir  rem- 
placé un  a.  Si  Ton  devait  lire  pugnam  ,  il  faiidrail  traduire  ou  se  justi- 
fier par  le  duel. 

(2)  Espèce  de  tente  où  les  marchands  e\i)osaicnl  leurs  marchandises, 
surtout  les  jours  cle  foire. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVKS.  32  5 

d'un  fait  illicite,  qui  ne  soit  cependant  ni  un  liomicide  ni 
un  vol,  et  que  plainte  soit  portée,  le  prévôt  peut  obliger 
l'accusé  à  donner  caution  de  sa  comparution  en  justice  : 
s'il  s'y  refuse,  cet  officier  aura  recours  à  ses  biens;  s'il  n'a 
pas  de  biens,  il  s'emparera  de  sa  personne  et  la  déposera 
dans  un  lieu  convenable,  soit  dans  sa  maison,  soit  dans 
celle  du  chassipol;  mais,  dans  ces  divers  cas,  le  plaignant 
devra  aussi  préalablement  fournir  caution.  Néanmoins,  si 
un  bourgeois  veut  le  cautionner  pour  avoir  sa  propre  per- 
sonne pendant  un  temps  raisonnable,  il  pom-ra  l'obtenir. 

Si  aucune  plainte  n'est  élevée  <à  raison  de  ce  fait  , 
le  prévôt ,  ni  personne  pour  lui ,  ne  doit  s'en  mêler. 

51.  Si  un  cbevalier,  féglise  ou  tout  autre  a  cédé  à  un 
bourgeois  de  Villefranche  à  charge  de  redevance  une  terre 
quelconque ,  de  quelque  nature  que  soit  la  redevance , 
il  ne  pourra  par  la  suite  poursuivre  le  bourgeois  ou  son 
héritier  pour  reprendre  la  terre. 

52.  Si  quelqu'un  a  vendu  sa  propriété ,  qu'il  ne  soit  pas 
entendu  dans  la  réclamation  qu'il  formerait  ensuite  pour 
la  reprendi'e. 

53.  Si  les  bourgeois  font  entre  eux  des  échanges,  ils  ne 
sont  tenus  de  payer  des  droits  de  laodsque  pour  les  soultes. 

54.  Tout  bourgeois  peut  avoir  un  four  en  ville  pour  une 
redevance  de  cinq  sous  viennois  ;  comme  aussi  chacun  peut 
cuire  où  il  voudra ,  et  Ton  n'est  tenu  de  donner  pour  une 
Iourte  qu'un  denier  viennois  sans  y  ajouter  une  épogne. 
On  doit  cuire  une  ànée  de  froment  pour  six  deniers 
viennois.  Celui  qui  aura  un  fom-  pourra  le  délaisser,  s'il 
lui  plaît ,  et  se  décharger  ainsi  de  la  redevance.  Tout  bour- 
geois peut  faire  moudre  où  il  voudra ,  et  avoir  un  âne  pour 
aller  chercher  le  blé  en  ville  et  le  porter  au  moulin. 

55.  Le  sceau  de  la  commune  de  Villefranche  doit  être 
gardé  par  deux  boiu-geois  élus  par  les  autres:  ces  boiirgeois 
jureront  de  sceller  avec  bonne  foi  les  titres  qui  apparticn 


326  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

dront  à  la  commune.  Nous  voulons  aussi  tpie  les  titres  sur 
lesquels  ce  sceau  a  déjà  été  apposé  aient  une  force  et  une 
authenticité  pleine  et  entière.  Ces  boiu^geois  pourront  être 
changés  d'année  en  année,  et  l'on  ne  de^Ta  percevoir  aucun 
droit  de  sceau. 

56.  Si  im  bourgeois  trouve  dans  son  jardin,  son  bois,  sa 
vigne  ou  son  pré,  quelqu'un  qui  lui  cause  du  dommage  et 
qu'une  plainte  soit  portée  ,  il  faut,  malgré  la  dénégation  de 
l'auteur,  croire  au  serment  du  bourgeois,  pourvu  qu'il  ne 
soit  pas  suspect  de  parjure. 

57.  Si  un  chevalier,  un  clerc,  un  bourgeois  ou  tout  autre, 
après  avoir  vendu  une  terre,  une  maison,  im  pré,  ime 
vigne  ou  toute  autre  possession,  se  présente  devant  le  sei- 
gneur avec  l'acquéreur  et  s'en  dessaisit  au  profit  de  ce  der- 
nier, le  seigneur,  à  qui  l'on  a  olïcrt  ses  droits  de  laods  et 
ventes,  n'a  pas  le  droit  de  retenir  la  chose  vendue. 

58.  On  ne  doit  pas  vendre  à  Villefranche  de  la  viande 
de  taureaux  à  partir  de  Pâques  jusqu'à  la  fcte  de  St-Michel, 
et  en  aucun  temps  de  la  viande  grente  pour  de  la  saine, 
et  de  la  chair  de  truie  comme  chair  de  porc  mâle. 

Les  boucliers  ne  doivent,  ni  en  été  ni  en  hiver,  mettre 
dans  feau  pondant  le  moindre  temps  la  viande  de  chèvres 
et  d'autres  animaux. 

59.  La  même  charte  jurée  contient  encore  que  le  sire  de 
Beaujeu  est  seigneur  de  Villefranche;  mais,  avant  que  les 
bourgeois  lui  prêtent  serment  d'hommage  et  de  iklélilé,  le 
seigneur  devra  avec  vingt  chevaUers  jurer  de  conser\  er  et 
d'observer  inviolablement  la  liberté  et  franchise  de  Ville- 
franche  telle  qu'elle  est  pleinement  contenue  dans  la  pré- 
sente charte. 

60.  Si  un  boiu-geois  est  mort  en  laissant  un  testament  et 
après  avoir  nommé  des  exécuteiu-s  testamentaires  et  qu'il 
ait  des  fils  ou  des  filles ,  nous  voulons  que  les  filles  soient 
dotées  suivant   l'avis  des  exécuteurs  testamentaires.  S'il 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  327 

meurt  intestat,  ses  filles  seront  dotées  suivant  l'avis  de  six 
bourgeois  du  plus  sage  conseil  et  des  parents.  Si  les  enfants 
sont  en  minorité,  on  ne  devra  les  doter  avant  qu'ils  n'aient 
atteint  l'âge  nubile. 

61.  Si  un  bourgeois  a  doté  sa  fille,  elle  devra  se  conten- 
ter de  sa  dot  et  ne  poiuTa  rien  demander  de  plus  dans 
l'hérédité  paternelle.  Elle  héritera  néanmoins ,  si  son  père 
est  mort  intestat  et  sans  héritier  direct.  Elle  pourra  égale- 
ment recueillir  par  échoile  (1),  à  défaut  du  père,  delamère, 
des  frères  et  des  parents. 

62.  Si  mi  chevalier  ou  tout  autre  étranger  est  débiteur 
d'un  bourgeois  de  ViUefranche ,  le  prévôt  ou  le  chassipol 
doit,  sans  opposition  et  sans  récompense,  accompagner  le 
créancier  et  aller  prendre  gage  du  débiteur  pom-  sûreté  de 
la  créance. 

63.  Si  un  bourgeois  a  frappé  son  épouse ,  le  seigneur 
ne  devra  accueillir  aucune  plainte  à  raison  de  ce  fait,  ni 
percevoir  aucune  amende ,  à  moins  que  mort  ne  s'en  soit 
suivie. 

64.  Le  bourgeois  qui  aura  jeté  une  pierre  ou  levé  un 
bâton  contre  quelqu'un  sans  cependant  l'avoir  frappé  ou 
blessé,  ne  sera  tenu  qu'à  une  amende  de  sept  sous,  si 
plainte  a  été  portée  ;  mais  il  ne  sera  rien  dû  au  seigneur  ou 
à  ses  baillis,  si  aucune  plainte  n'a  été  formée. 

65.  On  doit  ajouter  foi  pleine  et  entière  jusqu'à  con- 
currence de  cent  sous  forts  de  Lyon  aux  écrits  du  bourgeois, 
marchand  de  draps  ou  de  toiles  ou  de  toutes  autres  mar- 
chandises de  semblable  nature,  pourvu  qu'il  jouisse  d'une 
bonne  réputation  et  qu'il  n'ait  pas  été  puni  pour  par- 
jure. 


(Ij  Par  succession  collatérale  qui  arrive  quasi  sorte. — V.  le  Glos- 
saire de  Ragneau,  y"  Echoile. 


328  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

66.  Lorsqu'une  maison,  une  terre,  un  pré,  une  vigne, 
un  bois  ou  tous  autres  gages  ont  été  siibhaslés  (1)  pour  être 
vendus  à  la  foire  de  Villefranche ,  les  baiUis  ou  leurs  ser- 
gents ne  pourront  par  eux-mêmes  ou  par  d'autres  s'en  ren- 
dre acquéreurs  ou  en  retenir  quelque  chose. 

67.  Si  un  bourgeois  a  fait  un  testament  écrit  ou  non 
écrit,  institué  un  héritier  et  fait  réserve  pour  de  pieuses 
offrandes  d'une  somme  quelconque  ou  de  quelque  valeur 
immobilière ,  le  seigneur  ne  percevra  à  l'occasion  de  cette 
réserve  aucun  droit  de  laods,  à  moins  que  le  testateur  n'ait 
ordonné  la  A'ente  de  la  chose  qui  en  fait  l'objet  :  dans  ce  cas 
le  seigneur  percevra  son  droit  de  laods  jusqu'à  concurrence 
de  la  vente. 

68.  En  présence  de  nous  Guichard ,  sire  de  Beaujeu,  les 
bourgeois  de  ViUefranche  ont  consenti  à  ce  que  Mathieu, 
curé  de  l'église  de  Pouilly,  clerc  de  notre  château,  possédât 
ainsi  que  ses  héritiers,  avec  exemption  de  toutes  coutumes 
et  charges,  la  maison  qui  hii  appartient  à  ViUefranche, 
limitée  d'un  côté  par  celle  des  enfants  de  Guichard  de  la 
BruaiUe,  et  de  l'autre  par  celle  de  feu  Jean  du  Temple. 

69.  Si  un  bourgeois,  pour  obtenir  payement  de  sa 
créance,  a  saisi,  avec  laulorisation  du  seigneur,  une  maison, 
un  champ,  une  vigne,  un  pré  ou  toute  antre  chose  mobi- 
lière ou  inunobihère ,  le  premier  saisissant  devra  d'abord 
être  payé  de  l'intégralité  de  sa  créance;  le  surplus  appar- 
tiendra aux  autres  créanciers  saisissants. 

70.  Nous  approuvons  et  confirmons  également  les  coutu- 
mes que  l'on  observe  hors  de  la  ville. 

71.  Les  bourgeois  de  ViUefranche  peuvent,  pour  la  ga- 
rantie de  leurs  créances,  prendre  gage  les  uns  des  autres 


(i)  L.i  suhlia.station  ,  dont  l'origine  rst  roiiKiinc .  él.iil  iiiie  vente 
publique  et  judiciaire  des  biens  du  dt-bilcur  sur  la  poursuite  du  eréan- 
cier.   —  \  .   Kevel,  Usages  de  Bresse. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  329 

pendant  les  joui's  de  foire  ou  marché,  et  le  sire  de  Beau- 
jeu  ne  peut  à  cette  occasion  percevoir  aucune  rétri- 
bution. 

Nous,  Guicliard,  sire  de  Beaujeu  ,  fils  de  feu  Hunibert, 
connétable  de  France,  avons  juré  sur  les  saints  Evangiles, 
avec  vingt  chevaliers,  d'observer  inviolablement  et  perpé- 
tuellement toutes  les  dispositions  qui  précèdent. 

Les  chevaliers  qui  ont  juré  avec  nous  sont  ceux  ci-des- 
sous dénommés  : 

Hugues  Palatin,  seigneur  de  St-Bernard  ;  Guillaume 
d'Yllins  ;  Hugues  Palatin  ;  Hugues  de  Marzé  ;  Etienne  de 
Pizey;  Guillaume  de  Mai'zé;  Guicliard  de  la  Douze;  Joce- 
rand  de  Francheleins  ;  Barthélemi  de  Laye;  Guigue  de 
Mont-d'Or  ;  Etienne  Salvaing  ;  Thomas  de  St-Saturnin  ; 
Hugues  de  Télis  ;  Hugues  de  Taney  ;  Pierre  de  Ronens  ; 
Girin  de  Vaux  ;  Guillaume  de  Verney  ;  Ponce  Gemnos  ; 
Dalmas  de  Rebutin,  et  Etienne  de  Feugières. 

Et  pour  donner  à  la  présente  charte  et  aux  dispositions 
qu'elle  contient  plus  de  force  et  d'authenticité,  nous  l'avons 
corroborée  de  notre  sceau. 

Donné  en  l'an  de  Notre-Seigneur  mil  deux  cent  soixante, 
au  mois  de  novembre. 

La  présente  charte  fut  successivement  jurée  et  confirmée: 

1°  Par  Renaud,  comte  de  Forez,  et  Isabelle  son  épouse, 
sœur  et  héritière  de  Guichard; 

2°  Par  Louis,  leur  fils  ; 

3°  Par  Guichard,  fils  et  successeur  de  Louis; 

4°  Par  Edouard,  fils  et  successeur  de  Guichard.  —  L'acte 
qui  contient  cette  dernière  confirmation,  et  que  la  viUe  con- 
serve dans  ses  archives,  est  en  date  du  12  mars  1331. 


330  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 


DISPOSITIONS    NOUVELLES    INSEREES    DANS    LA    CUARTE    DE 
CONFIRMATION    DE     1331. 


1.  Si  ua  bourgeois  de  Villefranche  a  fait  un  testament, 
les  héritiers  ou  les  exécuteurs  du  même  peuvent  faire  ou- 
vrir et  publier  ledit  testament  dès  qu'ils  le  voudront  ;  on 
ne  doit  les  y  forcer  par  l'autorité  du  seigneur  ou  de  son 
délégué  ou  lieutenant  qu'à  la  requête  de  quelqu'un  à  qui  il 
importe  de  faire  publier  le  testament,  et,  si  le  susdit  testa- 
ment s'ouvre  dans  la  salle  ou  cour  du  seigneur  de  Beaujeu, 
le  juge  de  la  coin*  même  ou  un  autre  pour  lui  ne  doit  pas 
demander  ou  prélever,  poiu:  la  publication  même  du  testa- 
ment à  sceller,  au-delà  de  qutu-ante  écus  de  Vienne,  et 
ainsi  en  descendant  aux  bourgeois  inférieurs  et  médiocres, 
selon  ([ue  le  juge  ci-dessus  nommé  trouA  cra  juste  qu'on 
doit  recevoir,  selon  la  ficulté  du  défunt,  pour  le  scellé  des 
pid)lications  des  testaments  des  bourgeois  susdits. 

2.  Le  juge  de  la  cour  du  seignem:  de  Beaujeu  ne  peut 
ni  ne  doit  faire  forcer  lui  bourgeois  de  Villefranche,  par 
l'autorité  du  seigneur  ou  par  la  sienne,  à  s'assurer  la  tulélc 
ou  le  soin  de  quelque  pupille  ou  mineiu",  ni  demander  ni 
lever  au-dessus  de  vingt  écus  de  Vienne  pom*  sceller  l'in- 
ventaire fait  sur  les  biens  et  rhérilage  de  quelque  bourgeois 
défunt,  et  en  descendant  ainsi  aux  inférieurs  et  aux  bourgeois 
de  classe  moyenne,  selon  que  le  juge  croira  devoir  recevoir 
selon  la  faculté  des  mêmes  iiuUvidus. 

3.  Le  seigneur  de  Beaujeu,  ouïe  prévôt,  ou  son  chassipol 
ou  quelque  autre  à  sa  place  ou  au  nom  du  seigneur  même» 
ne  peut  ni  ne  doit  prendre  ni  faire  prendre ,  ni  saisir  ni 
faire  saisir  par  soi  ou  par  un  autre ,  les  biens  meubles  ou 
inuneubles  de  quelque  bourgeois  défunt ,  pour  qtielque 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  331 

méfait  ou  délit,  soit  qu'il  l'ait  occasionné  ou  qu'il  en  ait 
été  cause,  si  ledit  bourgeois  n'a  pas  été  interpellé  sur  ces 
mêmes  choses  de  son  vivant,  ou  s'il  n'a  pas  été  convaincu 
que  tel  a  été  le  délit  ou  forfait ,  ou  qu'il  y  ait  eu  un  autre 
prétexte  ou  cause  par  laquelle  cette  personne  bourgeoise  et 
sa  propriété  doivent  venir  aux  mains  du  seigneur,  selon  la 
teneur  du  présent  privilège. 

4.  Si  une  saisie  a  été  faite  par  leprévôt  ou  par  le  cliassipol, 
ou  par  un  autre,  au  nom  du  seigneur  de  Beaujeu,  à  la 
sollicitation  de  quelqu'un ,  sur  des  choses  qui  ont  bientôt 
concilié  les  parties  pour  lesquelles  la  saisie  a  été  faite,  alors 
que  le  prévôt  soit  tenu  aussitôt  de  se  dessaisir  des  choses 
saisies ,  sans  don  ni  récompense ,  à  la  sollicitation  de  celui 
qui  a  fait  saisir,  après  avoir  toutefois  reçu  son  droit  et 
celui  du  seigneur,  s'il  en  a  dans  la  saisie. 

5.  Si  un  voleur  a  été  pris  dans  la  terre  du  seigneur  de 
Beaujeu  et  qu'il  ait  dérobé  des  objets  de  quelque  bourgeois 
de  Villefranche  et  qu'il  ait  avoué  qu'il  a  volé  ses  propriétés, 
qu'on  les  rende  au  même  boiu-geois  si  elles  existent,  et,  si 
elles  n'existent  pas ,  que  la  chose  volée  soit  restituée  sur  les 
biens  du  volem*  même  ,  s'il  en  a. 

6.  Si  un  boiirgeois  de  Villefranche  a  frappé  quelqu'un  un 
jour  de  marché  ou  un  jour  de  foire  de  la  même  ville,  il  ne 
doit  pas  plus  pour  cette  injure  qu'il  ne  devrait  sans  le  mar- 
ché ou  sans  les  foires  ci-dessus  nommés. 

7.  Si  un  bourgeois  de  Villefranche  a  vendu  un  gage, 
une  caution  hypothèque,  meuble  ou  immeuble,  ou  s'il  l'a 
fait  vendre  au  mai-ché  ou  dans  les  foires  de  Villefranche , 
et  si  celui  contre  qui  ou  pour  qui  ou  un  autre  pour  lui  n'a 
pas  appelé,  au  bout  d'un  an  et  un  jour,  de  la  vente  de  la 
caution  de  l'hypothèque  faite  contre  lui,  ou  quiconque  a 
allégué  une  raison  contre  ladite  vente,  s'il  a  été  présent 
dans  la  province ,  qu'on  ne  l'écoute  en  aucune  manière  sur 
les  choses  dites  ci-dessus. 


332  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

8.  Que  le  prévôt  ou  le  chassipol,  ou  quelqu'un  des  serfs 
du  seigneur,  ne  rompent,  ne  prennent,  ne  donnent  du 
pain  des  boulangers  ou  des  boulangères  à  cause  de  la  peti- 
tesse du  pain,  ou  de  quelque  autre  désagrément,  que  d'après 
l'avis  de  trois  bourgeois  qui  voient  et  qui  jugent  avec  le 
prévôt  de  ce  que  l'on  doit  faire  de  ce  pain. 

9.  Aucun  revendeur  de  poisson  de  Villefranche  ne  peut 
ni  ne  doit  acheter  des  poissons  des  pêcheurs  de  rivière 
de  la  rive  en  deçà ,  si  ce  n'est  pour  son  comestible ,  jusqu'à 
neuf  heures,  à  moins  quil  ne  les  ait  achetés  des  pécheurs 
sur  la  rivière  ou  rive;  ni  des  individus  ne  peuvent,  ayant 
part  à  la  pêcherie  ou  au  marché  au  poisson  de  Villefranche, 
acheter  des  poissons  (jue  de  deux  à  deux;  et,  s'ils  font  le 
contraire,  qu'ils  perdent  les  poissons. 

1 0.  Si  un  chevalier  ou  quelque  autre  empêche  ou  trouble 
un  bourgeois  de  Villcfi-anche  sur  une  chose  ou  sur  quel- 
que possession  qu'il  tient  de  lui  à  redevance,  et  que  le 
bourgeois  oll'rc  de  donner  à  ce  même  o])posant  une  cau- 
tion convenable  de  faire  droit  devant  lui  dans  le  bailliage 
où  la  chose  même  existe ,  si  l'opposant  ne  veut  pas  se  dé- 
sister du  trouble  qu'il  cause,  cet  empêchement  et  ce  trou- 
ble doivent  être  écartés  par  le  seigneur  de  Bcaujeu. 

1 1 .  Un  bourgeois  de  Villefranche  ne  doit  pas  traîner  en 
cause  ou  faire  assigner  un  bourgeois  de  ladite  ville  hors 
de  la  cour  ou  du  tribunal  du  seigneur  de  Beaujeu,  pourMi 
cependant  que  ce  bourgeois  contre  lequel  on  agit  ou  plaide 
soit  prêt  à  faire  droit  dans  la  cour  même;  si  ce  n'est  dans 
une  cause  de  mariage,  et  concernant  la  perversité,  le  dérè- 
glement des  usures. 

12.  Et  qu'il  soit  libre  à  tout  bourgeois,  sans  crainte  de 
quelque  peine  ou  de  quelque  caution  à  fournir,  d'appeler, 
de  rappeler  d'une  sentence  quelconque  interlocutoire  et 
défijiilise  portée  contre  lui  au  seigneur  de  Beaujeu,  seule- 
ment dans  le  temps  prescrit  parla  loi. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  333 

13.  Quelqu'un  qui  n'est  pas  dans  l'âge  de  discrétion 
n'est  pas  tenu,  envers  le  seigneur  ou  son  bailli,  à  une  ré- 
clamation ou  à  une  amende  ou  réparation. 

14.  Celui  qui  aura  trouvé  quelqu'un,  de  nuit,  à  une 
heure  indue,  dans  sa  maison,  sans  feu,  peut  le  prendre, 
l'arrêter,  sans  l'autorité  et  sans  l'ordre  du  seigneur;  et  s'il 
se  défend  contre  le  maître  de  la  même  maison ,  et  que  le 
maître  lui-même  ou  quelqu'un  de  la  famille  le  blesse  en  le 
saisissant  ou  en  le  retenant ,  il  n'est  tenu  en  rien  pour  cela 
au  seigneur  ou  à  son  bailli,  et  il  doit  remettre  le  prisonnier 
au  prévôt  ou  au  chassipol. 

15.  Un  bourgeois  ne  doit  pas  vendre  son  vin  à  pot  dans 
Villefranche ,  ni  en  augmenter  le  prix  au-dessus  de  quatre 
deniers  forts ,  c'est-à-dire  à  chaque  sey tier  dans  un  tonneau 
de  vin. 

16.  Aucun  bourgeois  de  Villefranche  n'est  tenu  de  pren- 
dre ni  de  retenir  quelqu'un  de  ses  serfs  ou  domestiques 
pour  quelque  vol  qui  lui  a  été  fait,  quoiqu'il  fait  trouvé 
sur  le  fait,  et  en  cela  il  n'est  tenu  en  rien  au  seigneiu-  ou  à 
son  bailli. 

17.  Le  seigneur  de  Beaujeu  ne  doit  faire  des  enquêtes 
sur  des  objets  d'iimiieubles  de  quelques  bourgeois  que 
d'après  le  consentement  et  la  volonté  du  boiu-geois  contre 
qui  se  doit  faire  cette  perquisition. 

18.  Des  boiu'geois  députés  par  le  prévôt  et  par  d'autres 
bourgeois  doivent  garder  les  clefs  des  portes  de  Villefran- 
che ,  et  le  seignevu"  ne  peut  affermer  à  personne  les  tours 
de  ladite  ville.  Qu'on  ne  tienne  serrées  ou  fermées  toutes 
les  portes  de  la  même  ville  à  cause  du  tribut  commun  de  la- 
dite ville ,  ou  à  cause  du  délit  de  quelque  bourgeois ,  si  ce 
n'est  du  consentement  et  de  la  volonté  de  six  bom-geois  de 
ladite  ville. 

19.  Si  quelqu'un  a  une  maison  dans  la  ville  couverte  de 
paille,  qu'il  la  fasse  couvrir  de  tuiles  dans  deux  ans;  sinon, 
que  dès-lors  elle  soit  démolie. 


334  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

20.  Le  seigneur  de  Beaujeu  ou  ses  baillis  ne  peuvent  ni 
ne  doivent  faire  imposer  aucune  amende  ou  peine  à  un 
bourgeois  de  Villefranche ,  en  quelque  cas  que  ce  soit ,  ni 
rien  percevoir  sous  peine  d'amende.  Que  si  cela  s'est  fait, 
on  n'est  pas  passible  de  l'amende. 

21.  Si  le  seigneur  de  Beaujeu  cliange  le  prévôt  de  Ville- 
franche,  ou  le  bailli  dans  sa  terre,  ou  le  juge  dans  sa  cour, 
le  prévôt,  le  bailli  et  le  juge,  dans  le  changement  même, 
doivent  lui  jurer  en  main,  c'est-à-dire  en  présence  de  qua- 
tre bourgeois  de  la  ville ,  qu'ils  ne  viennent  pas ,  en  ce  qui 
regarde  leur  charge,  s'opposer,  agir  contre  les  statuts,  les 
libertés  et  la  fi-ancliise  contenus  dans  le  présent  écrit. 

Dans  la  suite  de  la  charte  il  est  dit  qu'une  contestation 
s'était  élevée  entre  les  bourgeois  et  Louis  fils  d'Isabelle,  au 
sujet  des  terres  qu'ils  possédaient  dans  les  bailUes  de  Ly- 
mans  (Limas)  et  de  Pouilly-le-Chàtel ,  et  qu'ils  tenaient  au- 
trefois du  domaine  direct  du  sire  de  Beaujeu,  et  pour  les- 
quelles ils  lui  ])ayaicnt  des  redevances.  Louis,  en  raison  de 
la  mort  d'Isabelle,  ordonna  qu'on  levât  sur  ces  terres  des 
droits  de  reconnaissance  (recognitiones),  et  fit,  sur  le  refus 
des  bourgeois,  prendre  des  gages.  Cependant,  après  en- 
quête et  déhbération  en  conseil,  il  se  départit  à  toujours 
de  ses  prétentions  sm'  ce  sujet. 

Il  réduisit  également  de  douze  deniers  viennois  à  six 
les  droits  qu'il  prélevait  des  bourgeois  dans  la  baillie  de  Li- 
mas, pro  qnalibet  saysina  el  pro  c/ualibet  desaysina,  faite 
par  lui  ou  ses  gens  (génies  suas). 

Edouard  a  donné  cette  confirmation  de  l'autorité  et  con- 
sentement de  Girard  de  Chaintré,  chevalier,  son  curateur, 
et  eu  présence  de  noble  homme  Guirhard  de  Cbaintré,  son 
bailli,  et  de  Pierre  Barrai,  juge  des  causes  d'appel,  et  de  Per- 
raud  Servazous,  prévôt  de  Villclranche. 

Antoine  a  succédé  à  Edouard  son  père  ;  il  a  donné  sa 
confirmation  le  26  novembre  1.S59,  avec  l'autorilé  et  li- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  335 

cence  de  Jean  de  Thélis,  chevalier,  son  curateur,  et  en 
présence  d'autre  Jean  de  Thélis ,  d'Aimon  de  la  Bessée , 
chantre  de  Beaujeu  et  juge  des  causes  d'appel,  et  de  Hugues 
Gaufroy  dit  Maqiiabrous,  prévôt  de  Villefranche. 

Antoine  de  Beaujeu  accorda,  le  16  janvier  1369,  les  nou- 
veaux privilèges  dont  nous  allons  faire  mention  ;  ils  furent 
concédés  en  présence  de  sept  bourgeois,  stipulant  et  ac- 
ceptant pour  la  ville.  En  voici  la  teneur: 

1.  Le  seigneur  de  Bcaujeii  renonce  au  droit  de  prise  et 
crédit  pour  14  jours,  qu'il  avait  sur  toutes  les  denrées  et 
marchandises. 

2.  Le  seigneur  ou  ses  gens  ne  prendront  plus  à  l'avenir, 
à  titre  de  provision,  les  boeufs,  chevaux,  mules,  ânes, 
porcs,  brebis,  ou  tous  autres  animaux,  les  chars,  les  char- 
rettes, le  blé,  le  vin,  le  pain,  les  ustensiles,  leshts  (^gausa- 
pia,  ;nrtp/?as),  les  tonneaux,  les  tonnes,  lesbennes,  barils,  etc., 
et  tous  autres  ustensiles;  les  vases,  les  vaisselles  d'or  ou 
d'argent,  etc 

3.  Le  seigneur  ou  ses  gens  ne  pourront  faire  arrêter  ou 
permettre  qu'on  arrête  et  détienne  un  bomgeois,  ni  placer 
des  sergents  [seii  vaslalores)  sur  et  dans  leiu-s  biens  ou 
dans  leurs  maisons ,  pour  quelque  cause  que  ce  soit ,  à 
l'exception  cependant  des  cas  d'homicide,  de  vol,  de  trahi- 
son ou  autre  délit  majeur.  Dans  ces  derniers  cas,  une  in- 
formation légale  devra  précéder  l'arrestation,  à  moins  que 
le  bourgeois  ne  soit  pris  en  flagrant  délit  ;  alors,  il  devTa  le 
faire  expédier  incontinent.  Le  seigneur  pourra  aussi  exer- 
cer ses  exécutions,  pour  ses  créances,  en  denrées  ou  argent 
liquide. 

4.  Tout  bourgeois  pourra  désormais  vendre  son  vin  en 
gTos  ou  en  détail,  à  tel  prix  qu'il  lui  plaira,  pourvu  qu'il  se 
serve  d'une  mesure  légale. 

5.  Si  le  seigneur  ou  ses  gens  s'emparaient,  en  violation 
des  privilèges ,  de  la  personne  ou  des  biens  d'un  bourgeois. 


336  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

les  bourgeois  ou  leiu-s  gens  pourraient  le  reprendre  ou  le 
retenir,  et  ils  ne  seront  pas  tenus  poiu-  cette  recousse  ou  re- 
tenue de  payer  une  amende  quelconque.  Si,  en  ftiisant  cette 
recousse  ou  retenue ,  ils  ont  conunis  quelque  injure  envers 
le  seigneur,  soit  en  parole ,  soit  en  action ,  ils  ne  pourront 
être  arrêtés  pour  cette  félonie  et  ne  devront  payer  aucune 
amende ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  eu  alors  homicide  ou  mutila- 
tion de  membres,  ou  injiures  contre  la  personne  du  sei- 
gneur. 

6.  Si  un  bourgeois  appelé  devant  le  prévôt  confesse  sa 
dette ,  il  ne  de^Ta  pour  cela  lui  donner  une  chose  quel- 
conque. 

7.  Les  sires  de  Bcaujeu  devaient  fournir  aiLx  bourgeois 
des  étalons  pour  toutes  les  mesures,  soit  pour  le  blé,  le  vin, 
l'huile,  soit  pour  les  étoffes,  soit  pour  les  choses  qui  s'esti- 
ment au  poids.  Mais  en  bvrant  ces  étalons  ils  percevaient 
un  droit,  surtout  lorsque  les  derniers  étalons  étaient  moins 
grands  que  les  précédents.  Le  seignciu"  les  exempte  de  ces 
droits. 

8.  Si  im  bourgeois  était  pris  pour  les  faits  et  dettes  du 
seigneur,  celui-ci  devra  le  racheter,  le  rendre  à  la  hberté 
et  l'indemniser  de  toutes  ses  dépenses  et  de  tous  les  dom- 
mages, comme  de  ce  qu'il  aurait  payé  pour  lui. 

9.  Les  consuls,  économes  ou  écheviris  nonunés  par  les 
bourgeois,  poiuront  de  leur  propre  autorité  se  réunir  cha- 
que semaine,  au  jour  qui  leur  conviendra,  et  en  tel  lieu 
qu'ils  auront  désigné  ,  pour  y  tenir  leur  assemblée.  Us 
pourront  y  délibérer  et  traiter  de  toutes  les  affaires  de  la 
ville  et  des  bourgeois,  rendre  toutes  ordonnances  contre 
toutes  personnes,  lorsqu'ils  croiront  devoir  le  faire,  excepté 
toutefois  contre  le  roi  des  Français  et  le  sire  de  Beaujeu. 

Lesdits  consids,  à  leur  entrée  en  fonctions,  devront  prê- 
ter serment  au  sire  de  Beaujeu  de  le  servir  fidèlement  en 
tout  ce  tpii  ne  sera  pas  contraire  auxdits  privilèges. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  337 

Donné  à  Belle  ville  en  présence  de  Jean  de  Thélis,  sei- 
gneur de  l'Espinasse ,  lieutenant  du  sire  de  Beaujeu  et 
gouverneur  général  de  ses  terres,  Guillaume  de  Monceaux, 
juge  ordinaire,  Vincent  d'Ogeret,  prévôt,  et  Aimon  de  Ros- 
set,  son  lieutenant. 


CONFIRMATION    I)i: 


137G. 


La  confirmation  du  22  décembre  1376  a  été  donnée  par 
Edouard  II,  sire  de  Beaujeu,  successeur  d'Antoine,  qui 
venait  de  mourir,  en  présence  de  Geoffroy  Peyse,  Gui- 
chard  de  Montapert ,  Guyonnet  de  Rivière  et  Jean  de  Bar- 
berelle,  bourgeois  et  consuls  de  Ville francbe ,  et  de  plu- 
sieurs autres  bourgeois,  auxquels  lecture  des  privilèges  a 
été  donnée  en  langue  française. 

Le  sire  de  Beaujeu  pouvait  être  contraint  à  l'observation 
des  privilèges  par  tous  justiciers,  officiers,  toutes  cours.  Il 
soumet,  dans  le  même  but,  ses  biens  et  sa  personne  shjlis, 
slalutis  ,  orcUnationibus  régis  nostri  Francorum  ejusque 
ballioi  Matisconensis. 

Girard  de  Ste-Colombe,  chevalier,  bailli  de  toute  la  terre 
de  Beaujeu,  Guicliard  Gacier,  procureur  général  de  ladite 
terre,  Jean  de  Beaujeu,  notaire,  prévôt  de  Villefranche,  et 
Guillaume  de  Monceaux,  juge  ordinaire,  ont  prêté  serment, 
en  leur  qualité ,  d'observer  et  conserver  les  privilèges. 

Donné  à  Villefranche,  in  domo  alhergariœ,  ad  signum 
mutonis:  dans  fauberge  ayant  pour  enseigne ,  au  mouton, 
le  22  décembre  1376. 

22 


338  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Louis  de  Bourbon,  seigneur  de  Beaujeu,  a  confirmé  les 
privilèges ,  libertés  et  franchises  ,  à  Montbrison,  le  18  oc- 
tobre 1400. 

Anne,  dauphine,  veuve  de  Louis,  les  a  confirmés  le  5 
novembre  1413. 

Charles,  duc  de  Bourbonnais,  les  a  confirmés  au  mois 
d'août  1434.  Us  le  furent  régulièrement  à  chaqpie  géné- 
ration. 


QQ&QQ^QQQQQQQQQQQQQQQQQQlQyQ^QQQQQQQQ 


CONCESSION  ET  VENTE  DU  DROIT  DE  CHASSE 


AUX    HABITANTS    DU    BEAUJOLAIS. 


143U. 


Charles,  duc  de  Bourbonnois  et  d'Auvergne,  comte  de 
Clermont,  de  Forests,  seigneur  de  Beaujeu,  pair  et  cham- 
bellan de  France:  à  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  ver- 
ront, salut.  Sçavoir  faisons,  receuë  par  nous  et  ouïe  l'hum- 
ble supplication  et  requeste  de  nos  hommes  subjetsdenos- 
tre  païs  de  Beaujolois,  tant  bourgeois  et  habitans  de  nos 
villes  closes,  comme  autres  habitans  audit  païs,  en  partie 
du  royaume  ,  contenant  que  jaçoit  que  d'ancienneté  nos- 
dits  hommes  et  subjets,  qui  à  présent  sont,  et  leurs  prédé- 
cesseurs, eussent  accoutumez  de  chasser  et  pi-endre  à  force 
et  par  manière  de  chasse ,  et  à  engins  à  ce  propices  et  con- 
venables, toutes  manières  de  bestes  sauvages,  noires  et 
rousses,  comn^e  loups,  sangliers,  cerfs  et  autres  :  pour 
obvier  aux  dégâts  et  consomptions  de  leurs  biens  champes- 
tres,  bestiaux,  et  leurs  semences,  et  autres  fruits  de  quoy 
ils  vivent,  et  en  leurs  soutenances,  et  icelles  bestes  sauva- 


340  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ges  poursuivre  et  prendre  par  les  forests  et  détroits  dudit 
païs,  et  autres  pour  cela  où  elles  alloient  cbeoir  et  mourir, 
en  rendant  toutefois  et  payant  à  nos  châtelains ,  prévôts  et 
officiers  des  lieux  esquels  iceUes  bestes  étoient  prinses,  ou 
plus  prochains  d'iceux,  les  di'oits  d'ancienneté  accoutumez: 
c'est  à  sçavoir,  des  bêtes  noires,  comme  sangliers  et  truyes, 
d'une  chacune  prinse ,  la  hure  et  les  quatre  pieds  ;  et  des 
bestes  rousses,  l'épaule  droite;  et  le  résidu  desdites  bestes 
sauvages  demeure  esdits  preneurs  ;  et  de  cette  usanee  eus- 
sent jouy  par  long-temps  paisiblement,  jusque  feu  nostre 
cousin  messire  Edoiiard,  lors  seigneur  de  Beaujeu,  pour  au- 
cun débat  qui  survint  entre  luy  et  lesdits  hommes  et  sub- 
jets de  Beaujolois,  leur  en  fit  ou  fit  faire  certaines  inhibi- 
tions et  défenses,  moyennant  lesquelles,  et  autres  débats  et 
controverses  mises  entr'eux,  furent  lesdits  subjets  démis  et 
dépointez  de  ladite  usanee  et  coutume  de  chasser  et  pren- 
dre lesdiles  bestes  sauvages  et  autres,  laquelle  chose  leur 
a  esté  et  leur  est  très  préjudiciable  et  dommageable  en  leurs- 
dits  fi-uits  et  biens,  et  leur  fuit  et  porte  de  grands  et 
excessifs  dommages  ,  et  leur  dégàte  et  consomme  telle- 
ment et  quotidiennement,  que  bonnement  ne  nous  peu- 
vent payer  nos  servis ,  cens ,  rentes ,  redevances ,  ny  aussi 
supporter  les  autres  nécessitez.  Et  pour  ce  nous  ont  suppliés 
et  requis  très  humblement,  à  grande  instance ,  qu'il  nous 
plût  sur  ce  leur  pourvoir  de  nostre  grâce  et  miséricorde , 
attendu  mesme  que  n'avons  accoutumé  faire  nostre  demeu- 
rance  en  nostre  dit  pais  de  Beaujolois;  pourquoy,  nous,  ces 
choses  considérées,  voulons  et  désirons  obvier  auxdits 
dommages,  gàts  et  consomptions  de  biens  et  vivres  qui 
surviennent  et  se  contiennent  par  lesdites  bestes  sauvages  , 
à  faulc  (le  chasse,  connue  dit  est  ;  ouï  aussi  l'advis  elle 
rapport  tant  des  gens  de  nostre  conseil  estans  entre  nous , 
comme  de  nostre  dit  païs  de  Beaujolois  :  avons  doimé  et 
octroyé,  donnons   et  orlrnynns  par  ces  présentes  ,   pour 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  341 

nous  et  nos  successeurs  sieurs  deBeaujolois,  etmesmenient 
pour  et  au  nom  de  nostre  très  cher  et  très  aimé  fils  Philippes 
de  Bourbon  sieur  de  Beaujeu,  pour  lequel  avons  prins  et 
prenons  en  main,  à  nosdits  hommes  et  siiljjets  d'icelle  sei- 
gneurie de  Beaujolois ,  en  partie  du  royaume ,  et  leurs 
successeurs  perpétuellement ,  licence  et  permission  et 
congé  de  chasser  et  prendre  lesdites  bestes  sauvages ,  noi- 
res, rousses  et  autres,  à  force  de  gens,  hayes,  engins,  et 
chiens,  tels  comme  à  eux  affiert,  et  qu'ils  ont  accoutumé 
d'avoir  et  faire  le  temps  passé,  pour  eux  garder  desdits 
dommages  et  gàts  de  leursdits  biens ,  fruits  et  vivres  ;  et 
celles  qu'ils  poiu"suivront  et  prendront,  retenir  et  appliquer 
à  eux,  où  elles  voisent  cheoiret  mourir;  par  quoy  rendant, 
ou  en  quelque  jurisdiction  que  la  beste  cherra  et  sera 
prinse,  les  di'oits  susdits  :  c'est  à  sçavoir,  de  chacune  beste 
noire  de  porcelin  sauvage ,  la  hure  et  les  quatre  pieds  ;  et 
de  chacune  beste  rousse  prinse ,  l'épaule  droite  ;  le  surplus 
demeure  auxdits  chasseurs.  Retenu  toutefois  et  expressément 
réservé  à  nous  et  à  nostredit  fils  sieur  de  Beaujeu,  et  ses 
successeurs  soient  audit  païs  de  Beaujolois,  ou  que  nostre 
très  chère  et  très  aimée  compagne  la  duchesse,  ou  nostre  fils 
Phihppes  de  Bourbon  seigneur,  ou  la  dame  de  Beaujeu,  ou 
les  enfans  du  seigneur  de  Beaujeu  y  soient,  tant  que  ce  du- 
rera, et  ils  y  seront,  les  hommes  susdits  n'auront  ou  feront 
ladite  chasse  :  et  de  nostre  présente  grâce  accordée  et  oc- 
troyée ne  jouiront  ou  s'aideront  aucunement  quant  à  chasser 
celuy  temps  durant,  sinon  qu'ils  ayent  lors  licence  expresse 
de  ce  foire  :  ainsi  lesdits  supplians  jouiront  de  ladite 
chasse,  tant  que  nous  et  nostredit  fils  seigneur  de  Beaujeu  , 
nostre  compagne,  et  sieur  et  dame  qui  est  sieur  de  Beaujeu, 
ou  leurs  enfans,  ne  se  tiendront  au  païs  de  Beaujolois;  et 
lesquelslîommessupplians,  par  le  moyen  de  nosdits  congé, 
octroy,  et  à  cause  d'iceux  ainsi  par  nous  à  eux  faits,  nous 
rendront  et  payeront  pour  une  fois  la  sonnne  de  quatre 


342  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

cens  cinquante  écus  ou  réaux  de  soixante-quatre  au  marc  : 
c'est  à  sçavoir,  la  moitié  à  Pasques  prochaines  ,  et  l'autre 
moitié  à  la  St-iMicbel  ensuivant,  es  mains  de  nostre  amé 
et  féal  secrétaire  et  trésorier  de  Beaujolois  Philippes  de 
Rancé,  lequel  en  tiendra  compte,  et  leur  baillera  décharge 
et  acquit ,  qui  leur  sera  valal)le  envers  nous  ,  nostredit 
fils,  et  nosdits  successeurs  à  toujouis.  Si  donnons  en  man- 
dement, etc 

Donné  en  nostre  châtel  de  Moidins ,  au  mois  de  décem- 
bre mil  quatre  cens  trente-six.  Par  Monseigneur  le  duc  en 
son  conseil:  signé  Trichon,  et  scellé. 


Les  habitants  du  Beaujolais  ayant  été  troublés  dans  leur 
droit  de  chasse  par  Pierre  de  St-Romain,  commissaire  du 
duc  de  Bourbon,  il  intervint  arrêt  du  parlement  de  Paris 
en  date  du23  mai  1494,  coufirnialif  dcl  acte  de  privilège  et 
taisant  défense  à  tout  officier  du  sire  de  Beaujeu  de  trou- 
bler à  l'avenir  les  habitants  du  Beaujolais  dans  l'exercice  de 
leur  droit  de  chasse. 


Henri  de  Bourbon  ,  duc  de  Montpensier  et  baron  de 
iJcaujolais,  coniirma  de  nou\eau  ce  pri\ilége  le  16 janvier 
lôOH. 


aoooao^:o;aQjSQsao!Ooa.!aQaooaoaQQooa:oao,afio.o  0.0.0.00 


PERMISSION 
ACCORDFE   A    LA   VILLE   DE    VILLEFRANCHE 


DECORER  SES  ARMES  DU  CHEF  DE  BOURBON. 


1S14. 


Anne  de  France,  duchesse  de  Bourbonnois  et  d'Auvergne, 
comtesse  de  Clenuont,  de  Forets,  de  la  Mtu'che  et  de  Gien, 
vicomtesse  de  Cariât,  de  Murât,  de  Chàtelleraut ,  dame  de 
Beaujolois,  d'Annonay,  de  Roche-Reynier  et  de  Bourbon- 
Lancy ,  sçavoir  faisons,  à  tous  présens  et  advenir,  que  nous 
réduisans  à  mémoire  la  bonne  loyauté ,  parfaite  amour  et 
vraye  obéissance  que  nos  chers  et  bien  amez  les  échevins , 
bourgeois,  nianans  et  habitans  de  nostre  ville  de  Villefran- 
che  en  nostre  pa'is  et  baronnie  de  Beaujolois,  ont  toujours 
montrées  envers  feu  nostre  très  cher  seigneur  et  époux  le 
duc,  que  Dieu  absolve,  nous  et  autres  nos  prédécesseurs 
de  la  maison  de  Bombon  ont  et  continuent  de  bien  en, 
mieux  envers  nous;  considérant  aussi  que  ladite  ville  est 
la  principale  et  capitale  duditpaïs,  et  qu'elle  est  remplie 
de  plusieurs  bons  et  notables  personnages  de  divers  estais, 


ikh  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

lesquels,  comme  reprcsentans  le  coqis  et  communautez  de 
ladite  ville,  ont  de  longue  ancienneté  accoutmué  d'avoir  les 
armes  de  ladite  ville  :  à  sçavoir,  est  un  écu  de  gueules  ,  à 
une  tour  d'argent.  Voulant  de  nostre  part,  pour  considéra- 
tion et  reconnoissance  des  choses  dessus  dites ,  icelles  ar- 
mes leur  décorer,  et  lesdits  éclievins,  manans  et  habitans 
accroître  en  honneur  et  en  dignité ,  et  les  faire  ptu-ticipans 
en  nos  bienfaits  et  libéralitez ,  à  ce  que  cy-après  soient 
toujours  plus  enclins  de  persévérer  en  leurdite  obéissance; 
à  iceux,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  niouvans,  avons 
de  nostre  grâce  ,  lil)éralité,  plaine  puissance  et  aulhorité  , 
donné  et  octroyé ,  donnons  et  octroyons  par  ces  présentes, 
un  chef  des  armes  de  la  maison  de  Bourbon,  et  desnostres, 
par- dessus  les  leurs ,  selon  la  forme  et  manière  qu'elles 
sont  cy  peintes  et  figurées;  voulans  et  octroyans  que  les- 
dites  armes  ils  puissent  dorénavant  à  perpétuel  avoir,  pren- 
dre et  porter,  et  icelles  mettre  et  afficher  aux  portaux,  tours 
et  autres  Hcux  de  ladite  ville,  et  ailleurs  où  ils  voudront 
et  que  bon  leur  semblera,  et  tout  ainsi  qu'on  a  accoutumé 
de  faire  aux  autres  bonnes  viUes  de  ce  royamue,  en  man- 
dant à  tous  nos  justiciers,  officiers  et  sujets,  que  lesdits 
échevins,  manans  et  habitans  de  Villefranrhe  et  leurs  suc- 
cesseurs, ores  et  pour  le  temps  à  venir,  ils  ne  troublent  et 
n'empêchent  en  l'effet  et  contenu  desdites  présentes,  mais 
les  en  laissent  jouir  paisiblement,  sans  aucunement  venir 
au  contraire  :  car  tel  est  nostre  plaisir;  et  afin  que  ce  soit 
chose  ferme  et  stable  à  toujours,  nous  avons  fait  mettre 
nostre  scel  à  cesdites  présentes,  sauf  en  autres  nostre  droit, 
et  l'autruy  en  toutes. — Donné  en  nostre  chàtcl  de  Mouhns,  au 
mois  de  novembre,  l'an  de  grâce  mille  cinq censet  quatorze, 
par  Madame  la  duchesse;  les  sires  de  Coidan  et  de  Mortare, 
le  premier  président  des  comptes,  et  de  Brigneu,  maistre 
des  eaux  et  forêts  de  Beaujolois  et  autres  présens.  Signé 
Billon,  et  scelle  du  sceau  de  la  princesse. 


■t^<^4^^ft5S*»"l^,^*^^.#«îS(<S^«^!ttés«*l^*55lS*lfJ^«ê9^ 


TRADUCTION  DE  LA  TRANSACTION 

PASSEE  ENTRE 
LES  CURES  DE  VILLEFRANCHE  ET  LES  FRERES  RELIGIEUX  DE  RONCEVAUX 

on  l'année  1239. 


Emerique  par  la  permission  divine  archevêque,  quoi- 
que indigne,  de  la  première  église  de  Lyon,  à  tous  ceux  qui 
verront  les  présentes  lettres,  salut  éternel  dans  le  Seigneur. 
Faisons  savoir  à  votre  université  que,  lorsque  la  noble 
dame  Sybille,  dame  de  Beaujeu,  et  le  noble  homme  Hum- 
bert  son  fils,  eurent  donné  poiu"  le  salut  de  leurs  âmes  et 
de  celles  de  leurs  parents  à  perpétuité  à  l'hôpital  de  Ronce- 
vaux,  pour  aumône  perpétuelle,  cette  maison  qu'on  appelait 
l'hôpital  de  Villefranche  avec  toutes  les  appendices  ou 
dépendances  de  la  même  maison,  afin  que  l'office  divin 
pût  y  être  célébré  par  les  frères  résidants  à  Roncevaux ,  et 
afin  qu'on  put  y  montrer  des  œuvres  de  miséricorde,  selon 
ce  que  contenaient  les  lettres  de  ladite  dame  et  de  son  fiJs, 
que  nous  avons  vues;  nous,  cédant  à  leurs  prières  et  en 
considération  de  leur  piété,  prévenant  leur  dévotion,  leur 


346  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

pieuse  volonté  et  donation  faite  par  eux,  nous  avons  ac- 
cordé ,  nous  voulons  et  nous  ordonnons  que  lesdits  frères 
construisent  dans  ledit  lieu  une  chapelle,  et  qu'ils  aient  un 
cimetière  selon  la  donation  faite  ci-dessus ,  ils  puissent 
célébrer  les  divins  mystères  et  exercer  les  oeuvres  de  cha- 
rité. Mais  comme  l'église  paroissiale  de  Villefranche,  ou  le 
chapelain  au  nom  de  ladite  égUse,  percevait ,  dans  le  lieu 
précité,  les  droits  parrochiaux,  sous  quelque  dénomination 
qu'ils  soient  censés  être ,  et  qu'on  administre  tous  les  sa- 
crements de  l'Eglise  à  tout  le  monde,  tant  aux  grands  qu'aux 
petits,  aux  malades,  aux  sains,  aux  résid;mts  et  aux  pas- 
sants, aux  connus  et  aux  inconnus  :  pour  qu'à  l'avenir  il  ne 
puisse  s'élever  ou  naître  de  dispute  ou  de  dift'ércnd  sur  la 
chapelle  et  le  cimetière  susdits  entre  les  frères  de  Ronce- 
vaux  qui  y  résident  et  ledit  chapelain  de  Villefranche ,  par 
l'intervention  de  notre  autorité  et  par  la  concession  expresse, 
il  a  été  ainsi  arrêté  entre  eux,  savoir:  que  les  susdits  frères 
puissent  y  construire  librement  et  sans  contradiction  une 
chapelle  et  y  avoir  un  cimetière,  et  que  tout  ce  qui  leiu- 
arrive  ou  leur  provient  de  ladite  chapelle,  construite  ou  à 
construire,  en  offrandes,  en  collectes  ou  prières  (absoutes), 
en  droits  mortuaires,  processions,  comestibles,  blé,  chan- 
delles, argent,  et  en  d'autres  choses  quelconques,  tout  dol, 
fraude  et  collusion  étant  écartés ,  le  tout  soit  partagé  de 
bonne  foi  en  commun  par  la  moitié  entre  l'église  ou  le 
chapelain  de  Villefranche  et  l'hôpital  ou  les  frères  ci- 
dessus  nommés,  en  sorte  que  le  diapolain  de  Ville- 
franche  ait  la  moitié,  et  l'hôpital  l'autre  moitié  ;  à  l'ex- 
ception que  le  chapelain  ou  l'égUse  de  Villefranche  ne 
percc\Ta  rien  des  frères  qui  portent  le  signe  ou  le  symbole 
(!('  l'habit.  On  ne  doit  présenter  le  signe  ou  le  syml)ole  de 
l'ordre  et  l'iiabit  do  l'ordre  à  personne  en  fraude ,  ni  le 
revêtir,  ni  le  donner  à  quelqu'un,  après  qu'il  aura  été 
malade,  que  d'après  l'ordre  du  chajielain  de  Villefranche, 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  347 

à  moins  qu'il  ne  soit  paroissien  d'une  autre  paroisse  et  qu'il 
ne  demeure  encore  dans  une  autre  paroisse;  et  cependant, 
s'il  meurt,  qu'on  le  partage  entre  l'hôpital  et  l'église.  Mais 
si  un  homme  bien  portant,  en  santé,  venait  pour  recevoir 
la  marque  et  l'habit  de  l'ordre  et  qu'il  meure  après  une 
année  d'épreuve,  que  toute  la  charité  qu'il  aura  faite  soit 
partagée  de  bonne  foi  et  sans  fraude  entre  ladite  église  et 
l'hôpital.  Après  une  année  d'épreuve,  s'il  veut  rester  avec 
le  symbole  et  l'habit  de  Tordre ,  l'église  ci-dessus  mention- 
née ne  percevra  rien  de  ce  qui  le  concerne  humainement, 
de  ce  qui  peut  lui  appartenir  comme  honmie.  Ni  le  parois- 
sien de  Villefranche  ne  sera  reçu  dans  l'hôpital  pour  la 
sépulture  ou  pour  l'habit  sans  la  permission  du  chapelain, 
si  ce  n'est  seulement  ceux  qui  résident  dans  l'hôpital. 

Tous  les  jours  de  fêtes  de  neuf  leçons  et  tous  les  diman- 
ches, le  prêtre  qui  célébrera  dans  ladite  chapelle,  quand  il 
voudra  commencer  la  messe,  défendra  à  haute  voix  aux 
paroissiens  de  Villefranche  (excepté  à  ceux  qui  résident 
dans  riiôpital)  d'y  assister  à  l'office  divin ,  mais  qu'ils  ail- 
lent à  leur  église,  connue  ils  le  doivent;  et  si,  outre  sa  défense 
et  celle  du  chapelain  de  Villefranche  qui  fera  la  prohibition, 
lorsque  et  conune  qnelqu'un  le  voudra  ou  lorsque  quelques- 
uns  desdits  paroissiens  y  viendront,  s'ils  font  quelque  of- 
frande, quelque  don  (comme  il  a  été  dit),  qu'on  le  partage 
par  moitié.  Ledit  hospitalier  ,  ou  le  prêtre  qui  pour  im 
temps  servira  dans  la  chapelle  susdite ,  ne  visitera  pas 
hors  de  fhôpital,  il  ne  donnera  la  pénitence  ou  l'eucha- 
ristie, ou  les  autres  saci'ements,  ou  ne  les  offrira  à  personne 
qu'à  ceux  l'ésidant  dans  fhôpital;  il  n'envaliira  ni  exercera 
nuls  autres  droits  parrochiaux  ;  et  tout  ce  qu'il  rece\Ta  ou 
percevra,  en  visitant  fhôpital,  en  administrant  la  pénitence 
ou  feucharistie ,  ou  les  autres  sacrements ,  sera  partagé 
entre  fhôpital  et  l'égHse  de  Villefranche.  De  même,  il  ne  se 
fera  pas  de  baptême  dans  la  chapelle  de  fhôpital,  mais  on 


348  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

portera  ceux  qui  doivent  être  baptisés  (ou  les  enfants  à 
baptiser)  à  l'église  de  Villefranche.  Qu'on  ne  reçoive  pas  à 
l'office  divin  les  excommuniés,  ni  les  juifs  (puisqu'on  ne 
le  doit  pas),  ni  les  femmes  qui  relèvent  de  couche,  excepté 
celles  qui  accoucheront  dans  l'hôpital.  Un  jour  de  diman- 
che ou  de  quelque  fête  deneuf  leçons,  le  prêtre  ne  conmien- 
cera  pas  ou  ne  célébrera  pas  la  messe  dans  ladite  chapelle 
que  l'évangile  de  la  grand'messe  n'ait  été  chanté  dans  l'é- 
glise de  Villefranche.  Le  vendredi-saint  on  ne  donnera, 
dans  la  susdite  chapelle ,  la  croix  à  baiser  à  aucun  des 
paroissiens  de  Villefranche,  si  ce  n'est  à  ceux  qui  résident 
dans  le  susdit  hôpital.  L'hospitaUer  ou  le  prêtre  qui  servira 
dans  ladite  chapelle,  suivant  le  temps,  et  le  directeur  dudit 
hôpital,  toutes  les  fois  qu'on  l'y  établira  de  nouveau,  et 
tous  ceux  qui  y  portent  et  qui  ont  le  caractère  et  l'habit 
de  l'ordre,  jureront  sur  les  saints  Evangiles  de  Dieu  qu'ils 
s'en  tiendront  et  répondront  de  bonne  foi  sur  toutes  les 
choses  susdites.  Chaque  chapelain  de  Villefranche  (s'il  lui 
plaît),  pour  conserver  son  droit,  transmettra  et  aura  dans  la- 
dite chapelle  son  nonce,  qui  doit  être  reçu  avec  bonté  et 
sans  contradiction,  et  qui  doit  remettre  en  plein  le  droit  au 
chapelain  de  Villefranche. 

Mais  les  frères  de  Roncevaux  ou  un  autre  poiu"  eux  n'ob- 
tiendront jamais  le  privilège  contre  les  choses  énoncées  ci- 
dessus  ou  contre  quelques-unes  d'elles,  et  s'ils  l'ont  obte- 
nu ou  s'ils  l'obtiennent,  qu'ils  y  renoncent;  et  s'ils  ne  veu- 
lent pas  y  renoncer,  ce  qui  pourrait  leur  être  utile  (ou  valoir) 
ne  leur  servira  de  rien. 

Pour  nous,  après  avoir  considéré  et  connu  évidemment 
en  cela  l'utilité  et  l'avantage  des  frères  tant  dudit  hôpital 
que  de  l'église  do  Villefranche,  nous  prescrivons,  ordon- 
nons et  confirmons,  de  notre  autorité  onliiiairo,  toutes  les 
choses  pré-énoncées  et  chacune  en  particulier.  Et  en  témoi- 
gnage de  tontes  les  choses  susdites,  de  notre  ordonnance 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  349 

et  de  notre  ratification,  nous  avons  jugé  devoir  apposer  à 
la  présente  page  notre  sceau,  avec  le  sceau  de  la  comtesse 
de  Beaujeu,  du  grand  prieur  de  Roncevaux,  d'Etienne,  juré 
de  Villefranclie  ,  qui  ont  approuvé  et  accordé  toutes  les 
choses  dites  ci-devant.  Donné  et  fait  le  jour  de  la  lune 
après  la  mi-carême,  l'année  de  l'incarnation  du  Seigneur 
1239,  au  mois  de  mars. 


ANCIENNE    BULLE 

ACCORDEE  PAR  LES  TRES  EMINENTS  S5.  SEIGNEURS  CARDINAUX  DE  LA 
SAINTE  EGLISE  ROMAINE,  Cl- DESSOUS  NOMMES,  EN  FAVEUR  DE  LA 
CHAPELLE  DE  L'HOPITAL  DE  LA  BIENHEUREUSE  MARIE  Dt  RONCEVAL- 


1S21. 


Raphaël  d'Hostie ,  Dominique  de  Portu  et  Nicolas  d'Al- 
bane,  évéques;  Antoine,  du  titre  de  Ste  Praxède;  Pierre, 
du  titre  de  St  Eusèbe;  Laurent,  du  titre  des  quatre  Saints 
couronnés;  Adrien,  du  titre  de  Ste  Sabine;  Jean,  du  titre 
de  Ste  Balbine;  Boniface,  du  titre  des  Sts  Nérée  et  Acbilée; 
Scaramucius ,  du  titre  de  St  Cyriaque  ;  Iberius  Pompée ,  de 
la  basilique  des  douze  Apôtres;  Dominique,  du  titre  de 
St  Clément;  Laurent,  du  titre  de  Ste  Anastasie  ;  Seroman- 
dus,  du  titre  de  St  Pancrace;  Egidius,  du  titre  de  St  Mathieu; 
Christophe,  du  titre  de  Marie  in  Ara  cœli,  prêtre;  Marc,  de 
Ste  Marie  inviolala;  Jean,  des  StsCôme  et  Damien;  Nico- 
las, desSts  Vilte  et  Marcel,  martyrs;  Hercule,  de  Ste  Agathe; 
François,  de  St  Théodore,  et  Jean,  de  St  Onuphre,  diacres, 
cardinaux ,  par  la  miséricorde  divine  ,  de  la  sainte  Église 
romaine:  à  tous  et  à  chacun  en  particulier  qui  verront  les 


352  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

présentes  lettres,  salut  en  Notre-Seigneur.  Plus  nous  enga- 
geons fréquemment  les  esprits  des  fidèles  aux  oeuvres  de 
charité ,  plus  nous  pourvoyons  d'une  manière  salutaire  au 
salut  des  âmes.  Désirant  donc  que  dans  la  chapelle  de 
l'hôpital  de  la  bienheureuse  Marie  de  Ronceval,  hors  et 
proche  des  murs  de  la  ville  de  Villefranche  du  diocèse  de 
Lyon,  les  fidèles  de  Jésus-Christ  la  vénèrent  toujours  par 
des  honneurs,  par  des  hommages  fréquents  et  convenables 
et  qu'ils  la  réparent,  la  conservent  et  la  maintiennent  dans 
ses  structures  et  ses  édifices ,  et  aussi  qu'elle  soit  décem- 
ment munie  et  fournie  de  hvres,  de  calices,  de  luminai- 
res, d'ornements  ecclésiastiques  et  d'autres  choses  qui  y 
sont  nécessaires  au  culte  divin,  et  que  les  fidèles  de  Jésus- 
Christ  y  affluent  d'autant  plus  volontiers  par  dévotion,  et 
désirant  qu'ils  tendent  et  prêtent  plus  facilement  des  mains 
nuxiliatrices  pour  la  réparation,  pour  la  conservation,  pour 
l'entretien  et  pour  les  dons  ci-nommés,  et  aussi  pour  la 
subvention  ou  le  soutien  et  secours  des  pamTes  infirmes 
qui  sont  maintenant  et  pour  un  temps  dans  ledit  hôpital , 
qu'ils  s'y  verront  plus  abondannncnt  rafraîchis,  rassasiés 
de  ce  don  de  la  grâce  céleste.  Nous,  cardinaux  ci-dessus 
nommés,  c'est-à-dire,  chacun  de  nous  en  particulier,  prê- 
tant l'oreille  aux  supplications  qui  nous  ont  été  humble- 
ment présentées  là-dessus  par  notre  vénérable  honmie  bien- 
aimé  en  Jésus-Christ,  Etienne  Dojet,  administrateur  de 
l'hôpital  même;  nous  confiant  en  la  miséricorde  de  Dieu 
tout-puissant  et  en  l'autorité  de  ses  bienheureux  apôtres 
Pierre  et  Paul:  à  tous  et  à  chaque  fidèle  de  Jésus-Christ  des 
deux  sexes,  vraiment  pénitents  et  confessés,  qui  visiteront 
dévotement  tous  les  ans  l'hôpital  et  la  chapelle  du  même, 
à  chaque  fête  et  chaque  jour,  savoir  :  de  l'Assomption  de  la 
bienheureuse  Vierge  Marie  ,  de  la  Commémoration  des 
Morts,  de  St  Biaise,  du  dimanche  où  l'on  chante  Lœtare, 
et  de  l'Annonciation  de  la  même  bienheureuse  Marie,  de- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  353 

puis  lespreniièresvèpresjusqu'aux secondes  inclusivement, 
et  qui  présenteront  des  mains  secourables  aux  prémisses, 
c'est-à-dire  au  susdit  hôpital,  et  qui  réciteront  dévotement 
une  fois  l'Oraison  dominicale  avec  la  Salutation  angélique 
pour  le  salut  de  l'âme  du  même  Etienne  lorsqu'il  sera  parti 
de  cette  vie  et  de  celle  de  son  père  dernièrement  décédé, 
de  ses  autres  parents,  de  ses  frères  et  de  ses  proches,  ot  pour 
le  salut  des  âmes  de  tous  les  fidèles  défunts  qui  reposent 
dans  la  susdite  chapelle  et  dans  son  cimetière  :  nous  accor- 
dons miséricordieusement  dans  le  Seigneur  l'indulgence  de 
cent  jours  sur  les  pénitences  qui  leur  sont  enjointes,  poux 
chaque  fête  et  chaque  jour  précités  où  ils  feront  cela.  Les 
présentes  pour  durer  à  perpétuité  dans  les  temps  futurs. 
En  foi  desquelles  nous  avons  ordonné  de  faire  notre  présente 
lettre  de  cette  manière,  et  nous  y  avons  fait  apposer  nos 
sceaux. 

Donné  à  Rome  dans  nos  appartements,  l'an  de  la  nati- 
vité du  Seigneur  quinze  cent  vingt-un,  le  23  du  mois  de 
mai,  neuvième  année  du  pontificat  du  très  saint  Père  en 
Jésus-Christ  et  de  notre  seigneur  Léon  X,  pape  par  la  pro- 
vidence divme. 


S5 


^s^a^^^t^a^^^^^^s^^^ 


LETTRES  DF  PHILIPPE-LE-BEL  \  GUICHARD 
DE  BEAUJEU, 

RIIATIVFS  A  L'rXTRADITION  DE  QUUQUFS.  FAUX  MONNAYFURS. 
18  f.-vrici-  l.iOi. 


Philipes,  par  lu  grâce  de  Dieu,  ;i  tous  ceux  à  qui  ces  pré- 
sentes lettres  viendront,  salut.  Comme  notre  amé  et  féal 
conseiller,  Guichard,  sire  de  Beaujeu,  ait  et  tient  qu'en 
son  cliàtel  de  Clialamont  hors  de  notre  royaume.  Vilains 
de  Pauvres-Roches,  Simon  Viel  et  Guillemin  Moiron,  poiu- 
la  suspétion  de  certains  crimes,  et  pour  ce  qu'ils  étoient 
suspensonnés  d'avoir  faussé  notre  monnoye  et  nos  coins, 
eussions  requis  ledit  seigneur  que  il,  lesdits  suspensonnés, 
nous  renvoyât,  parce  qu'à  nous  et  non  pas  à  autres  appar- 
tient la  connoissance  et  punition  des  fausseurs  de  notre 
monnoye  et  de  nos  coins,  et  ledit  sire  les  nous  veuille  ren  • 
voyer:  Nous  faisons  à  savoir  que  notre  entente  n'est  ne  ne 
voulons  que  cette  rémission  soit  préjudiciable,  ne  fasse  en 
rien  préjudice  audit  seigneur,  ne  à  sa  seigneurie,  ne  à  sa 


356  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

instance ,  ne  à  ses  successeurs  au  temps  à  venir.  En  témoi- 
gnage de  laquelle  chose  nous  avons  fait  mettre  notre  sccl  à 
ces  présentes  lettres.  Donné  à  St  Germain-en-Laye,  le  dix- 
huitième  jour  de  février,  l'an  de  grâce  mille  trois  cents  et 
quatre. 


»^*««i?»^««Ê«?>w?.sï:^.sts?s^„■«^^ 


DON  FAIT  PAR  OUDARD  (Edouard)  SIEUR  DE  BEAUJEU 

DE  SA  TERRE  ET  SEIGNEURIE  DE  BEAUJEU  ET  AUTRES   TERRES  SISES  TANT 
AU  ROYAUME  QU'EN  LTMPIRE  ,  A  M.  LE  DUC  Dl   BOURBON  ET  SA  EEMME. 

23  jiii;:    1  iCO. 


A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  Jehan  sei- 
gneur de  Folleville,  chevalier,  conseiller  et  chambellan  du 
roy  nostre  sire,  et  garde  de  la  prévosté  de  Paris,  salut.  Sa- 
voir faisons  que  pardevant  Richard  deBailly  et  Jean  Pièce, 
clercz,  nottaires  jurez  du  roy  nostre  dict  seigneur,  en  son 
chastellet  de  Paris, 

Fut  personnellement  estably  noble  et  puissant  seigneur, 
monseigneur  de  Beaujeu,  lequel  de  son  bon  gré,  bonne  vo- 
lonté ,  propre  mouvement ,  de  sa  certaine  science ,  sans 
force,  fraude,  faction,  erreur,  lésion,  inadvertance,  cir- 
convention  et  décevance,  induction  ou  contraincte  aucune, 
luy  sur  ce  bien  conseillé,  pourveu  et  advisé,  par  bon  et 
meur  advis,  conseil  et  délibération ,  comme  bien  et  deue- 


358  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

ment  acertainé  de  son  faictet  desondroict  en  cette  partie. 
Considérant  et  attendu  l'amour,  lignage  et  affinité  qui 
toujours  ont  été  et  sont  encores  à  présent ,  et  seront ,  au 
plaisir  de  Dieu,  au  temps  à  venir,  entre  très  haidt,  très 
noble  et  très  puissant  seigneur  et  prince  ,  monseigneur 
Louis,  duc  de  Bourbonnois,  comte  de  Foretz,  pair  et  cham- 
brier  de  France ,  madame  Anne ,  dauphine ,   duchesse  de 
Boiu-bonnois,  sa  fenmie,  et  messeigneurs  Jehan  monsei- 
gneur de  Bourbonnois  comte  de  Clcrmont,  et  Louis  mon- 
seigneur, leurs  enians,  et  ledict  monseigneur  de  Beaujeu 
et  lem-3 prédécesseurs;  elles  grandz  plaisirs,  aydes  et  se- 
cours et  courtoisies   que  ledict  monseigneur  le   duc   de 
Bourbonnois  a  faictz   audirt   monsieur  de  Beaujeu  ,   par 
plusieurs  fois,  cl  en  maintes  manières,  au  temps  passé,  en 
ses  grandz  besongnes,  ;dl'aires  et  nécessités,  faicts  chacmi 
jour,  et  espère  que  encores  face.  Pour  contemplation  de 
quoy  et  que  ledict  monseigneur  de  Beaujeu  n'a  de  présent 
aucuns  enfans  naturclz  et  légitimes,   nez  et  procréez   en 
loyal  mariage,  et  par  plusieurs  autres  excuses,  motifs  et 
considérations,   à  ce  le  mouvans  et  pour  ainsy  que  luy 
plaisoit  et  le  peut  et  le  veut  faire,  reconnoist  et  confesse 
pardovant  lesdictz  nottaires  jurez,  comme  pardevant  nous, 
en  droit  jugement  a\oir  donné,  quitté,  transporté  et  dé- 
laissé ,  et  par  la  teneur  de  ces  présentes  lettres  donne , 
cedde,  quitte,  transporte  et  délaisse,  à  héritage,  perpé- 
luellcuient  et  hérédilablcmont,  en  nom  et  à  tiltre  de  pure, 
simple,    vrave  et  absohie    donnation   et  irrévocablement 
faicte  entre-vifs,  sans  avoir  espérance  à  jamais,  à  md  jour, 
la  révoquer,  rappeUer,  adnuUer,  desbattre  ou  contredire  ne 
venir  en  contre,  mais  l'aura  et  tendra  vallable,  par  toutes 
les  meilleures  formes  et  manières  que  faire  se  peut,  doibt, 
pourra   et   debvra  ,   de  droict ,    coustmne    et    usaige    de 
pays; 

Auxdicis  mon.seigiuMir  le  duc  de  Bdiirbiniiiois,  pour  ce 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  3S9 

présent  pardevant  lesdictz  nottaires ,  prenant  et  acceptant 
cette  présente  donnation  ,  et  à  madame  la  duchesse  sa 
femme ,  pour  eux,  pour  leurs  dictz  enfants  nez  et  à  naistre 
de  leur  loyal  mariage ,  et  pour  leurs  hoirs ,  successeurs  et 
ayans  cause,  à  tousjoiu-s  au  temps  à  venir;  icelluy  monsei- 
gneur le  duc  de  Boiu-bonnois ,  et  lesdictz  nottaires ,  stipu- 
lans  et  acceptans  poiu-  eux ,  leurs  hoirs  ou  ayans  cause  ; 

La  baronnie ,  terre ,  seigneurie ,  circonstances  et  apparte- 
nances et  appendances  quellesconques  dudict  Beaujeu,  et 
telles  autres  terres  qu'il  a  et  tient  à  présent ,  en  quelque 
lieu  que  ce  soit ,  tant  au  royaume  de  France ,  comme  en 
l'empire ,  avecques  toutes  les  noblesses ,  seigneuries ,  jus- 
tice haute ,  moyenne  et  basse ,  mère ,  mixte  et  impère ,  do- 
maines, patronages,  ressorts,  droictz,  hommes  et  femmes 
de  corps,  fiefs,  arrière-fiefs,  cens,  rentes  en  grains,  en 
chappons,  en  volailles,  en  deniers,  revenus,  prouffictz,  es- 
moUumens,  et  toutes  les  appartenances  quellesconques  des 
dictes  baronnie  et  terre,  au  bon  plaisir  et  asseurement,  tou- 
tes voyes,  de  nostre  sire  le  roy,  de  ce  qui  est  tenu  de  luy  en 
fief,  et  des  autres  seigneurs ,  desquelles  les  terres ,  rentes 
et  possessions  dessus  déclarées  sont  tenues  et  mouvans  en 
fiefs. 

Cette  présente  donnation  faicte  par  ledict  monseigneur 
de  Beaujeu  auxdictz  monseigneur  le  duc  de  Bourbonnois  et 
madame  la  duchesse  sa  femme,  pour  eux,  leurs  dictz  enfans, 
hoirs  et  ayans  cause,  luy  mouvant  à  ce  pour  les  causes  et 
moyens  devant  dictz ,  au  cas  toutes  voyes  que  icelluy  mon- 
sieur de  Beaujeu  et  noble  dame,  madame  Alléonor  de 
Beaufort,  sa  femme,  iroient  de  vie  à  trespassement  sans 
avoir  aucuns  enfans  masles  ou  femelles,  un  ou  plusieurs, 
ou  posthumes,  nez,  procréez,  ou  engendrez  de  luy  en  leur 
mariage;  pour  d'icelles  baronnie,  terre  et  seigneurie  de 
Beaujeu,  et  des  autres  terres  et  possessions  dessus  dictes  , 
de  leurs  circonstances  et  appendances  et  appartenances 


360  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

quellesconques,  joiiir  et  user  et  paisiblement  posséder  par 
ledict  monseigneur  le  duc  de  Bourbonnois,  par  ladicte 
dame  la  duchesse  sa  femme,  leiu-s  enfans,  successeurs, 
hoirs  et  ayaus  cause,  comme  vrays  seigneurs,  propriétaires 
et  possesseurs,  après  le  trespas  toutes  voyes  d'icelluy  mon- 
seigneur de  Beaujcu.  Lequel  monseigneur  de  Beaujeu  a 
voidu  et  consenti  expressément  que  tantost  et  incontin;\nt 
après  ce  que  il  seroit  allé  de  vie  à  trespassement,  ledict 
monseigneur  de  Bourbon,  ladicte  dame  la  duchesse  sa 
femme,  lem's  dictz  enfans  et  leurs  ayans  cause,  leurs  agens 
ou  officiers  par  eus,  de  leur  propre  autorité,  sans  congié 
ouhcence  d'autruy  et  sans  autre  solennité  faire,  puissent 
prendre  ou  faire  prendre  de  faict,  appréhender  et  avoir  la 
possession  et  saisine,  foy,  hommage  et  souftVance,  desdic- 
tes baronnie,  terre,  noblesses,  seigneuries  et  autres  choses 
quellesconques  dessus  déclarées,  et  des  circonstances,  dé- 
pendances et  appartenances  d'iceiles,  ainsi  par  luy  données 
et  transportées  andicl  monseigneur  de  Bourbonnois  et  à  la- 
dicte madame  la  duchesse  sa  femme,  poiu-  eux,  pour 
leurs  dictz  enfans,  hoirs  et  ayans  cause,  pour  en  faire, 
jouir,  user,  exploiter  et  posséder  à  leur  prouffict,  comme 
de  leiu"  propre  chose,  si  connue  vrays  seigneurs,  proprié- 
taires et  possesseurs  peuvent  et  doivent  faire  de  leur  pro- 
pre. Et  s'il  advenoit  que  ladicte  madame  de  Beaujeu,  qui  est 
à  présent,  allasl  de  vie  à  trespassement  sans  a\oir  enfans 
et  hoirs  de  son  corps,  nez  et  procréez  dudict  mariage  d'i- 
ceUuy  monseigneur  de  Beaujeu,  son  mary,  et  d'elle, 
comme  dict  est,  que  ledict  monseigneur  se  mariast  et, 
eust  enfans  nez,  jirocréez  en  mariage,  masle  ou  masles, 
les  filles  qui  vssiront  dudict  second  mariage  ne  viendront 
point  à  la  succession  et  héritage  dudict  monseigneur  de 
Beaujeu  ;  ainçois,  au  cas  dessus  dict,  l'aisnée  desdictes 
filles,  qui  vssiroit  dudict  second  mariage,  seroit  mariée,  et 
conveniiblement  selon  son  estât,  aux  taux  et  dépens  du- 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  361 

dict  monseigneur  le  duc  de  Bourbonnois,  de  ruadicte  dame 
la  duchesse,  de  leurs  dictz  enfans,  hoirs  et  ayans  cause; 
et  les  autres  fiUes,  se  une  ou  plusieurs  en  avoient,  seroient 
mises  en  religion  honorablement,  selon  Testât  de  leurs 
personnes ,  en  leur  baillant  et  ordonnant  pension  ou  pen- 
sions raisonnables  par  lesdicts  monseigneiu"  le  duc  de 
Bourbonnois,  madame  la  duchesse,  leurs  enfans,  hoirs 
ou  ayans  cause.  Et  se  d'icelluy  second  mariage  ils  avoient 
enfans  masles ,  iceux  enfans  masles  succéderoient  à  leur 
dict  père,  et  seroit  en  ce  cas  icelle  dounation  nulle. 

Outre,  ledict  monseigneur  de  Beaujeu,  pom-  greigneur 
seureté  des  choses  dessus  dictes,  et  afin  qu'elles  ayent  et 
sortissent  mieux  leiu"  plain  efi'ect,  a  juré  par  son  serment, 
pour  ce  faict  solennellement  aux  saints  évangilles  de  Dieu, 
et  promis  par  la  foy  de  son  propre  corps ,  pour  ce  baillée 
corporellement  ez  mains  desdiclz  nottaircs  jurez,  comme 
en  la  nostre  souveraine  pour  le  roy  nostre  dict  seigneur, 
qu'il  n'a  faict,  ne  fera ,  ne  entend,  ne  entendra  à  faire  au- 
cuns contrats,  promesses,  conventions  ou  obligations  et 
autres  choses  quellesconques  desdictes  baronnie,  terre,  no- 
blesses et  seigneuries  dessus  déclarées,  pourquoy  ladicte 
donnation  fust  ou  soit  aucunement  eslraincte,  empeschce 
ou  annulée  ;  et  au  cas  qu'il  procédcroit  de  faict ,  ou  s'efibr- 
ceroit  de  faire  le  contraire,  en  quelque  manière  que  ce 
fust  ou  peust  être,  dés  maintenant  pour  lors,  et  dès  lors 
comme  pour  maintenant,  il  révoqua  et  baiUa,  et  par  ces 
présentes  lettres  révoque  et  annuUe,  du  tout  en  tout,  ce 
qui  seroit  faict  et  procédé  contre  et  au  préjudice  des  choses 
dessus  dictes,  etc 

En  tesmoing  de  ce,  nous,  à  la  relation  desdictz  nottaires, 
avons  mis  à  ces  lettres  le  scel  de  ladicte  prévosté  de  Paris, 
qui  furent  faictes  et  passées  doubles,  de  l'accord  et  conven- 
tion de  toutes  partyes;  c'est  à  sçavoir:  les  unes  par  mon- 
dict  seigneur  de  Beaujeu,  et  les  autres  par  mondict  seigneur 


'^  ^'^  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

de  Bourbomiois,  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens,  le  mer- 
credy,  veille  de  la  Nativité  de  Sainct  Jehan-Baptiste,  vinet- 
Iroisiènie  jour  du  mois  de  Juin. 

11.  DE  Baillv.       J.  Pièce. 


STATUTS  ET  ORDONNANCES 


CONCERNANT  L'ETA  T  ET  OFFICE  UU  MAITRE  DES  EAUX  ET  FORETS- 


1407. 


Louis,  duc  de  Boui-bonnois,  comte  de  Forez,  baron  et 
seigneur  de  Beaujeu,  pair  et  chambrier  de  France  ,  à  tous 
ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut:  Sçavoir  fai- 
sons que,  pour  obvier  aux  grands  abus  et  entreprises  qui 
au  temps  passé  ont  été  faits  et  procm-és  au  fait  de  nos  fou- 
rests  et  eaux  de  Beaujollois,  tant  par  les  maîtres,  gardes  fou- 
restiers  et  autres  officiers  desdites  eaux  et  fourests  qui  ont 
induemcnt  poigé ,  prins  et   levé  trop  excessives  sommes 

de  deniers  sur  les et  plusiem-s  autres  droits  et  émo- 

lumens  non  dus  sur  lesdites  fourests  et  eaux,  au  préjudice 
de  nous  et  des  fermiers  et  adccnseurs  d'iceUes  eaux  et  fou- 
rests ,  comme  par  plusieurs  personnes  qui  en  iceUes  ont 
follement  usiupé  et  mesfait ,  ou  autrement  y  ont  porté 
très  grand  dommage  ,   non  doutant  corrections  ni  pugni- 


364  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

tions  de  nous  ne  de  justice  :  nous  avons  leiies,  tenues  et 
avisées  et  fait  aviser  par  notre  grand  conseil  appelé  pour 
ce  pardevant  nous,  certaines  ordonnances  qui  ja  piéça 
avoient  été  faites  par  nous  et  notre  dit  conseil ,  et  icelles 
par  délibération  de  notre  conseil  en  aucun  de  leiu-s  ar- 
ticles, et  puis  à  nous  amendées  et  eu  état  dû  et  convenable 
rédigés  en  la  forme  et  manière  qui  s'ensuit  : 

Et  premièrement,  le  maître  des  fourests,  de  deux  en  deux 
mois,  visitera  lesdites  fourests  par  lui  ou  son  lieutenant,  et 
en  les  visitant  tiendra  son  siège  ez  lieux  accoutumés  d'an- 
cienneté à  ses  dépens. 

Item ,  tous  ormeaux  versés  et  rompus  et  bois  abbattus 
de  coignèe,  quand  ils  sont  trouvés  par  le  maître  des  fou- 
rests ou  son  lieutenant  en  visit^nt  les  fourests,  ou  par  les 
fourcstiers,  seront  mis  par  écrit,  par  qualité,  quantité  et 
déclaration  de  lieu,  et  mis  en  vente  par  crie  et  étrousse 
aux  ])lus  ofi'rants,  cz  assises  dudit  maître  des  fourests. 

Item,  ledit  maître  des  fourests  aura  son  papier  ordinaire, 
auquel  seront  écrits  par  la  main  du  clerc  de  sa  cour,  qui 
aura  serment  à  nous,  tous  les  procès  et  exploits  qui  faits 
seront  audit  oflice. 

Item,  menus  bois  à  rhautlage  seront  vendus  cz  assises 
et  p;ir  la  main  dudit  mailrt'  des  fourests  ou  son  lieutenant, 
au  plus  offrant,  comme  dit  est,  et  tous  mis  et  enregistrés 
audit  papier  ordinaire,  et  avant  l'étrousse  sera  vu  et  visité 
par  ledit  maître  des  fourests  ou  son  lieutenant. 

Item,  les  fourestiers  rapporteront  leurs  prises  par  ser- 
ment, sans  fraude,  auxdites  assises,  par  écrit  sous  leurs 
sceaux  ;  et  se  ils  sont  trouves  en  coulpe  ou  en  fraude  ,  ils 
seront  privés  de  leurs  oflices  et  pugnis  de  leurs  biens  en 
amende  arbitraire  envers  nous,  laquelle  amende  écherra 
en  la  transaction  de  notre  conseil. 

Item,  les  fourestiers  auront  copie  des  privilèges  des 
usages  de  leurs  gardes,  et  pour  exprès  se  prendront  garde 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  365 

lesdits  fourestiers  comme  lesdits  usagiers  useront  de  leurs 
droits;  et  se  ils  sont  trouvés  abusant  contre  la  teneur  de 
leurs  privilèges,  le  fourestier  fera  la  prise  et  rapportera  en 
la  Chambre  de  nos  comptes,  à  Villefranclie ,  en  fera  partie 
pour  nous,  et  cependant  cliaira  la  main  dudit  usage  et 
dudit  abus  ,  connoitra  ladite  Chambre  ;  et  ne  seront  tenus 
prendre  bois  dudit  usage,  se  n'est  par  la  main  dudit  maître 
des  fourests,  et  aussi  ne  mettant  auxdites  fourests  bètes 
en  plus  grand  nombre  qu'ils  ne  doivent. 

Item,  si  les  fourestiers,  en  tous  leurs  gardes,  trouvent 
de  nouveaux  édifices  de  maisons  ou  autre  ouvrage  à  un 
aisseu,  douelle,  planchier,  roues  ou  chavance,  ou  autres 
ouvrages  de  bois,  ils  le  pourront  prendre  ou  arrêter  et 
rapporter  la  prise  ez  assises  dudit  maître  des  fourests,  lequel 
sçaura  et  enquerra  de  quel  bois  et  fourest  est  venu  ledit 
ouvrage,  et  d'où  l'auront  eu  ceux  sur  qui  y  aura  été  trouvé; 
et  qui  ne  pourra  montrer  son  titre  raisonnable ,  ledit  maî- 
tre des  fourests  pourra  le  condamner  à  amende  selon  le 
cas. 

Item,  toute  personne  qui  sera  trouvée  en  fourfait  de  bois 
prendre  et  ambler  en  nos  fourests,  payera  pour  un  plançon 
soixante  sols,  pour  estime  vingt-cinq  sols,  pour  une  cha- 
vance (1)  de  bois  mort  en  bois  menu  à  échauftage  dix 
sols ,  car  c'est  la  coutume  ancienne ,  et  pardessus  payera 
l'amende  et  autre  pugnition  selon  le  cas  et  la  faculté. 

Item ,  toute  personne  qui  sera  trouvée  par  nuit  forfaisant 
ez  dites  fourests,  il  perdi-a  ses  bœufs,  chavances  etferre- 
mens  pour  le  délit,  lesquels  bœufs  seront  par  ce  à  nous  , 
et  la  chavance  et  ferremens  seront  au  fourestier  pour  la 
peine  et  diligence. 


(1)  Voifnrp. 


366  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Item,  qui  trouvera  homme  par  nuit  abbatant  bois  auxdi- 
tes  fourests  à  la  coignée,  il  payera  soixante  sols  pour  cause 
de  la  nuit,  et  en  outre  payera  l'amende  de  forfait  selon  le 
bois  qu'il  abbatra,  ainsi  connue  si  fait  et  abbatu  l'avoit  par 
jour,  ou  sera  le  cas  criminel  ou  arbitraire  à  nous;  et  se  il 
l'abbat  à  la  scie,  est  plus  grand  que  de  la  coignée,  parce  que 
la  coignée  appelle  le  fourestier. 

Item,  si  le  fourestier  trouve  bêtes  à  garde  faites  en  nos 
taillis  et  revenues,  chacune  bcte  et  son  segant,  s'il  y  est, 
payera  sept  sols;  et  se  il  n'y  a  garde  faite,  chacune  bête 
payera  douze  deniers,  et  pour  chacune  fois  que  trouvés  y 
seront. 

Item,  les  hommes  de  nos  vavasspurs,  ne  autres  fors  que 
les  nôtres  sans  moyens,  n'ont  point  do  pâturages  en  nos 
bois;  et  se  trouvés  y  sont,  en  quelque  saison  que  ce 
soit,  ils  payeront  [lour  chacune  bête  l'amende  comme 
dessus. 

Item ,  de  demy  en  demy  an  ledit  maître  des  fourests  tau- 
xara  ses  exploits  et  les  baillera  à  lever  aux  fourestiers  du 
lieu  ,  et  les  sommes  desdits  exploits  avec  tout  autre  émolu- 
ment des  fourests,  par  partie  et  par  écrit  sons  le  scel,  rap- 
portera à  notre  trésorier  de  BeaujoUois,  lequel  sera  chargé 
d'en  compter  en  recette  et  dépense. 

Item,  les  fourestiers  ne  pourront  vendre  bois,  ne  avoir 
connoissance  de  cause,  fors  ([n'en  prendre,  arrêter,  adjour. 
ner  et  rapporter  audit  maître  des  fourests,  et  seront  crus 
de  leurs  prises,  par  serment,  en  la  manière  accoutmnée. 

Item,  se  adcenseront  et  vendront  les  bois  et  paissons,  ez 
chàtellenies  et  mandeniens  où  elles  seront  assises. 

Item,  se  les  paissonniers  ou  leurs  députés,  durant  leur 
temps ,  trouvent  porccaux  ou  bêtes  en  leurs  paissons  ou  en 
leur  paisson  appanage,  chacune  bête  avec  son  segant  et 
chacun  porc  payera  douze  deniers,  dont  à  nous  les  deux 
parts  et  au  marchant  le  tiers  pour  chacune  fois  que  trouvés 
y  seront. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  3(37 

Item ,  a  été  ordonné  que  des  restes  des  grosses  ventes  de 
vingt-quatre  livres  en  sus,  le  maître  des  fourests,  pour 
le  scel  et  écritui'es ,  aura  cinq  sols  ;  si  elle  excode  trente 
livres,  sept  sols  six  deniers;  de  quarante  livres,  dix  sols  ; 
et  pour  la  plus  grande  vente ,  vingt  sols. 

Item,  semblablement  de  la  vente  des  menus  bois  reve- 
nants. 

Item ,  les  restes  des  paissons  sont  tauxés  comme 
ventes. 

Item,  des  ormeaux,  vesliers,  mort-bois  ou  bois  par 
terre,  néant,  si  le  prix  ne  excède  dix  livres;  en  cedit  cas, 
dix  sols  potir  lettres. 

Item ,  tous  dépens  seront  nuls  sur  les  achetteurs  et  ne 
seront  tenus  de  rien  payer  fors  tant  seulement  ledit 
restas,  le  prix  à  quoi  elle  sera  mise,  et  les  quittances  du 
trésorier,  dont  l'on  payera  audit  trésorier,  pour  chacune 
quittance  particulière,  quatre  blancs  seulement,  et  pour 
chacune  quittance  générale,  cinq  sols  tournois  par  mise 
que  de  vingt  livres ,  et  au-dessous  on  ne  payera  rien  de 
quittance  générale. 

Item,  poiu*  les  ventes  criées  par  trois  mois,  en  toutes  les 
chàtellenies ,  esquels  lieux  les  ventes  seront  aussi  au  jour 
des  foires  et  marchés. 

Item,  le  maître  des  fourests  et  le  clerc,  ne  châtelain  ne 
fourestier,  n'auront  nul  droit  de  cire  d'abeilles  trouvées 
d'espaves  ez  fourests  ne  ez  bois  abbatus,  mais  seront  recueil- 
lies par  nos  gens  à  notre  profit ,  et  en  comptera  le  tréso- 
rier. 

Item,  les  fourestiers  seront  tenus  à  chaque  fois  qu'ils 
trouveront  les  bétes  ez  taiUis  de  les  mener  en  justice,  en 
lieux  hors  du  bois,  afin  de  sçavoir  à  qui  elles  sont  pour  le 
rapporter  plus  sûrement  ;  et  au  cas  qu'ils  ne  les  pourront 
bouter  hors  des  bois,  ils  feront  crier  deux  ou  trois  fois, 
par  trois  fois,  se  il  y  viendra  nuls  de  côté  pour  mieux 
prouver  leurs  prises. 


368  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Item,  de  mettre  ez  ordonnances  ceux  qui  abbatront  le 
bois  à  la  scie  pour  en  faire  pugnition  corporelle,  de  ôter 
membres  selon  les  instructions  royaux. 

Item ,  que  le  marchand  des  ventes  est  tenu  de  garder  le 
bois  de  sa  vente  d'entoiu",  et  d'autant  comme  l'on  peut  oire 
le  coup  de  la  coignée. 

Item,  soit  mémoire  au  fourcsiier  de  bien  garder  les  reve- 
nues des  taillis,  à  peine  de  nous  rendre  le  dommage. 

Item,  chacun  fourcsiier  est  tenu  d'aller  deux  fois  le  jour 
en  sa  fourest,  le  soir  et  le  matin,  et  de  rapporter  de 
quinze  en  quinze  joiu"S  ses  prises. 

Item,  que  l'on  baille  à  notre  trésorier  de  Beaujolois  deux 
fois  l'an  les  nouvelles  ventes  et  exploits,  c'est  à  sçavoir 
quinze  jours  avant  Noël,  et  quinze  jours  avant  la  St-Jean- 
Baptiste. 

Item ,  que  les  petites  garennes  soient  baillées  à  cens  et 
aussi  les  petits  étangs. 

Item ,  ne  se  pourront  vendre  taillis,  bois  versés  ne  abba- 
tus  de  nuit,  de  grosses  ventes,  ne  autrement,  sans  le  seing 
du  martel  ou  ladveu  de  la  garde  de  iceluy;  et  qui  le  sera 
autrement,  il  le  mandera  judicialement. 

Item,  quand  il  faudra  faire  grosses  ventes  en  hautes 
fourests,  là  iront  pour  faire  les  grosses  ventes  le  maître 
desfourests,  la  garde  du  martel  et  l'arpenteur  ou  le  tréso- 
rier avec  les  deux  d'iceux ,  pour  voir  et  aviser  le  lieu  le  plus 
profitable  ))our  nous,  et  là  feront  laver  par  ledit  arpenteur 
telle  quantité  que  bon  leur  semblera  à  vendre  et  la  mettront 
à  renchérir,  et  seront  vendues  les  layes  d'icelle  vente  le 
plus  profitablement  pour  nous;  et  sera  baillé  un  martel  au 
marchand  d'icelle  ,  pour  faire  tétrousse  pour  signer  son 
bois  s'il  le  requiert. 

Item,  que  les  ventes  soient  coupées  près  de  la  terre  pour 
les  revenues,  laquelle  sera  gardée  pour  le  temps  dû  et 
accoutumé. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  369 

Item,  que  nous  ne  devons  nul  bois  de  nos  fourests;  mais 
si  nous  voulons  donner  à  aucuns  pour  bâtir,  nous  leur 
donnerons  de  l'argent  pour  acheter  des  marchands,  et  se 
payera  par  la  main  du  trésorier,  et  ainsi  ne  seront  pas  foulés 
les  marchands  ni  les  fourestiers  selon  le  terme  des  ventes. 

Item,  que  tout  bois  qui  sera  nécessaire  pour  nos  bâti- 
mens  et  ouvrages  sera  advisé  par  le  charpentier  et  maître 
de  nosdits  ouvrages,  et  sera  délivré  par  le  maître  des 
fourests  et  par  la  garde  du  martel. 

Item,  semblablement  seront  gouvernés  les  étangs,  eaux, 
moulins  et  garennes,  et  seront  remis  et  sustenus  en  état  et 
appoissonnés  par  le  conseil  de  la  Chambre  de  nos  susdits 
comptes.  Des  profits  qui  en  y  seront,  et  aussi  des  mises 
qui  y  seront  nécessaires,  compteront  les  maîtres  des  fourests 
et  eaux,  le  trésorier  ou  receveur  pour  la  certification  dudit 
maître  des  fourests  par  le  contreroUe  du  maître  des  fourests; 
et  sera  deffendu  par  tout  notre  pays  de  BeaujoUois  que  en 
quelque  rivière  que  ce  soit,  il  ne  soit  pescheurs  si  hardis 
de  peschier,  si  ce  n'est  des  filets  de  droite  maison,  dont  le 
patron  leur  sera  donné  par  les  gens  de  notre  conseil;  et 
sera  tenu  ledit  maître  des  fourests  d'apporter  l'état  des 
appoissonnements  sous  son  scel  une  fois  l'an  et  seing  dudit 
clerc,  et  des  garennes  et  moulins  pareillement,  afin  que  si 
aucunes  choses  y  sont  faites ,  il  y  soit  pourvu  par  les  ordon- 
nances des  gens  de  la  Chambre  de  nosdits  comptes,  qui 
le  feront  faire  par  le  trésorier  ou  ceux  à  qui  il  appar- 
tiendra. 

Item,  seront  tenus  les  maîtres  et  clercs  des  fourests  de 
jurer,  garder  et  tenir  lesdites  ordonnances  sur  peine  de 
perdre  leurs  offices ,  et  d'amendes  arbitraires  au  cas  qu'ils 
seront  délinquans  au  contraire. 

Item,  que  le  clerc  dudit  maître  des  fourests  qui  écrira  au 
papier  des  fourests  sera  tenu  de  nous  faire  serment. 

Item,  que  cettes  ordonnances  soient  pubhces  en  ladite 

'24 


370  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

Chambre  des  comptes  et  par  toutes  les  châtelleuies  de 
Beaujollois,  mises  en  un  tableau  pour  en  prendre  copie  qui 
voudra,  afin  que  les  délinquans  soient  pugnis. 

Item ,  semblablement  chacmi  an ,  aux  lieux  où  les  choses 
seront  baillées. 

Lesquelles  dessus  transcrittes  et  tous  les  points  et  articles 
d'icelles  nous  avons  agréables ,  et  icellcs  avons  louées  et 
approuvées  et  confirmées,  et  par  ces  présentes  louons, 
agréons,  approuvons,  ctc 

Doimé  le  25'  jour  de  juillet  l'an  mil  quatre  cent  sept, 
par  M.  le  duc,  à  la  relation  de  M.  Norrj-,  M.  de  l'Espinace 
et  plusieurs  autres  présens. 

Signé  :  G.  Denis. 


~^^M^^^m^^^mM'3^m^m^s^m^m^^m^^^m^ 


LETTRES   PATENTES  DE  FRANÇOIS  F^ 


PORTANT  SEPARATION  Dl  S  PAYS  DH  DOMBtS  FT  DE  BEAUJOLAIS- 


Avril   1S4:!. 


François,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,  seigneur 
de  Donibes,  à  tous  présents  et  à  venir ,  sçavoir  faisons  : 

Nous  avoir  reçu  l'humble  supplication  de  nos  chers  et  bien 
anicz  les  manants  et  habitants  de  notre  pays  de  Dombes , 
contenant  qu'en  l'an  mil  cinq  cent  vingt-trois,  à  la  réduc- 
tion d'iceluy  pays  à  notre  couronne ,  plusieurs  privilèges  et 
libertés  leur  ont  été  concédés,  et  entr'autres  qu'ils  auroient 
un  gouverneur  pour  nous ,  qui  auroit  la  garde  et  gouver- 
nement dudit  pays ,  et  que  iceluy  pays  seroit  exempt, 
comme  il  étoit  auparavant,  de  toutes  contributions,  de 
tailles  et  aydes,  excepté  seulement  d'un  don  et  octroy 
gracieux,  qu'ils  seroicnt  tenus  de  nous  faire,  de  huit  à 


37'i  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

neuf,  en  assemblant  à  ces  fins  les  estais  dudit  pays,  en  la 
ville  de  Trévoux,  capitale  dudit  pajs,  comme  au  temps 
que  ledit  pays  étoit  tenu  par  les  feux  ducs  de  Bourbonnois 
et  leurs  prédécesseurs,  seigneurs  dudit  pays,  et  en  outre 
que  les  appellations  interjettées  du  juge  d'appeaux  et  autres 
juges  sul)allcrnes  ressortiroient  au  conseil  suprême  dudit 
pays  de  Dombes  par  nous  estably  en  la  ville  de  Lyon ,  où 
lesdites  causes  seroicnt  jugées  et  décidées  en  dernier  et 
souverain  ressort,  ce  qui  a  été  observé  du  depuis  et  entre- 
tenu. Joint  que  ledit  pays  de  Dombes  est  entièrement  séparé 
dudit  pays  de  Beaujolois  par  le  moyen  de  la  rivière  de  la 
Saône  qui  divise  lesdits  deux  pays;  et  quant  à  la  juridic- 
tion, les  causes  dudit  pavs  de  Dombes  sont  décidées  en 
dernier  ressort  audit  conseil  de  Dombes ,  et  celles  dudit  pays 
de  Beaujolois,  en  notre  cour  de  parlement  à  Paris,  et  leur 
jussion  généralement,  confirmé,  approuvé,  et  rattiffié  tous 
et  chacun  les  autres  privilèges,  franchises  et  libertés  dont 
ils  avoient  accoutumé  dejouiretuseravantladi  le  réduction, 
entre  lesquels  ils  avoient  joui  desdites  libertés,  exemptions 
et  franchises  avec  le  scel  sur  ce  par  nous  ordonné  pour 
sceller  et  expédier  les  arrêts  et  ordonnances  dudit  conseil, 
sous   lequel  scel  et   chancellerie    ils  avoient    accoutumé 
prendre  et  obtenir  toutes  lettres  de  justice,  aussi  étoient 
exempts  de  toutes  garnisons  de  gens  de  guerre  et  sembla- 
blement  du  payement  de  nos  droits  d'imposition  foraine;  et 
néantiiiuiiis,  sous  coideur  que  le  bailly  de  Beaujolois  est 
pareilleuienl  baillv  de  Dombes,  lesdits  habitants  de  Beau- 
jolois, pour  eux  décharger  de  leiu-s  tailles  sur  lesdits  sup- 
pliants, se  sont  eftbrcés  et  s'efforcent  chacun  jour,  par  toutes 
voves  et  manières,  les  comprendre  et  accueillir  au  départe- 
ment de  leurs  tailles  et  autres  aydes  qu'ils  nous  doivent, 
au  lieu  desquelles  tailles  et  aydes  lesdits  suppliants  nous 
fuiiriiissoiriil  ledit  oclrov  et  don  gratuit  jukiiicI  hhdits  de 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  373 

Beaujolois  ne  contribuent  aucunement  ;  et  d'abbondant, 
pour  incorporer  à  leur  pays  iceluy  de  Donibes ,  ont  pris 
naguères,  sous  ombre  de  quelque  commission  adressée 
audit  bailly  de  Beaujolois,  pour  tenir  prêt  et  faire  marcher 
le  ban  et  arrière-ban  dudit  pays  de  Beaujolois,  voulu  éten- 
dre lesdites  lettres  et  commission  sur  iceluy  pays  de  Dom- 
bes  et  sur  les  gentilshommes  et  autres  tenants  fiefs  audit 
pays  ,  combien  qu'auxdites  lettres  ne  fut  faite  aucune 
mention  expresse  dudit  pays  de  Dombes,  comme  à  la  vérité 
n'avons  entendu; 

Et  poiu"  le  deffaut  desdits  habitants  de  Dombes  de  com- 
paroir et  obéir  auxdites  lettres ,  auroit  ledit  bailly  de 
Beaujolois  ou  son  lieutenant  fait  procéder  par  saisie  et  main 
mise  sur  les  fiefs  desdits  suppliants  non  comparants,  en 
laquelle  venu  en  notre  connoissance ,  nous  aurions  par 
nos  lettres  patentes  de  déclaration  fait  lever  et  ôter  et 
deffendu  audit  bailly  de  Beaujolois  que,  sous  les  com- 
missions à  luy  décernées  concernant  ledit  pays  de 
Beaujolois ,  il  n'eût  à  comprendre  ledit  pays  de  Dom- 
bes ;  et  encore  depuis,  sous  ombre  d'autres  lettres  par 
nous  octroyées  audit  bailly  de  Beaujolois  ,  pour  lever 
sur  les  villes  clauzes  dudit  pays  de  Beaujolois  la 
somme  à  laquelle  elles  auroient  été  cottisées  pour  la 
soude  de  cinquante  mille  hommes,  iceux  dudit  pays  de 
Beaujolois  y  voulu,  y  accueilly  lesdits  suppliants,  en  se 
déchargeant  d'autant  qu'ils  auroient  chargé  lesdits  sup- 
pUants,  dont  toutefois  ledit  bailly  de  Beaujolois  ou  son 
lieutenant,  vu  lesdits  privilèges  et  libertés  desdits  sup- 
pliants, aiu-oient  débouté  lesdits  de  Beaujolois  et  par  sa 
sentence  ordonné  que  lesdits  suppliants  ne  seroient  tenus 
contribuer  avec  lesdits  de  Beaujolois ,  lesquels  se  seroient 
portés  pour  appelants ,  ])endan(  lequel  appel  ils  auroient 


374  ♦  PIÈCES  JUSTIFICATIVES. 

SOUS  leur  faux  donné  à  entendre,  et  au  dcsçu  desdits  sup- 
pliants, obtenu  secondes  lettres  addressantes  au  lieutenant 
du  sénéchal  de  Lyon,  l'un  des  conseillers  dudit  consed  de 
Donibes,  pour  mettre  ladite  appellation  au  néant  et  con- 
traindre lesdits  suppliants  à  payer  la  sonnue  à  laquelle  ils 
auroient  été  cottisés  par  lesdits  de  Beaujolois; 

Et  en  outre  auroient  scmblablenient ,  depuis  ledit  temps 
en  ça,  lesdits  de  Beaujolois  mis  et  fait  loger  audit  pays  de 
Dombes,  toujours  bonne  partie  des  garnisons  de  nos  or- 
donnances ,  aucune  fois  par  vertu  de  nos  lettres  addres- 
santes simplement  au  bailly  de  Beaujolois  et  de  Dombes 
par  inadvertance  desdites  libertés ,  privilèges  et  coutumes , 
par  lesquels  ils  en  sont  exempts  ;  et  aussi  depuis  trois  ans 
en  ça  se  seroicnt  efl'orcés  faire  payer  auxdits  suppliants 
ledit  droit  d'imposition  foraine,  néantmoins  l'exemption 
d'iceluy  à  cause  dudit  don  gratuit. 

Et  outre  la  garde  du  sccl  duclit  parlement  et  dernier 
ressort  de  Dombes  ,  fait  difliculté  leur  octroyer  toutes 
lettres  de  justice  qui  leur  est  gros  donuuages  et  intérêts, 
parrequ'il  les  faudroit  aller  quérir  en  nos  autres  chancelle- 
ries à  cent  lieues diccllcs,  et  auparavant  ladite  réunion  ils 
avoient  accoutumé  prendre  audit  dernier  ressort  et  cour 
de  parlement  de  Dombes. 

A  CETTK  CAUSIC  , 

Nous  auroient  lesdits  supphants  requis,  pour  les  relever 
des  frais  et  soulager  comme  nous  leur  avons  promis,  aux- 
ijuelles  pour  obvier  à  telles  et  semblables  entreprises  sur 
eux,  contre  leursdits  privilèges,  libertés  et  coutmues,  par 
lesdits  de  Beaujolois  et  autres,  nous  leur  voidussions,  en 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  375 

leiir  confirmant  Iciirsdits  privilèges ,  libertés  et  coutumes, 
faire  une  générale  déclaration  et  ordonner  que  suivant 
iceux  privilèges ,  libertés  et  coutiunes  ,  ledit  pays  de 
Dombcs  soit  entièrement  distrait ,  distinct  et  séparé  dudit 
pays  de  Beaujolois ,  tant  pour  raison  de  ladite  contribu- 
tion de  taille,  ayde,  ban  et  arrière-ban  et  autres  cboses,  et 
(jue,  suivant  leiu-sdits privilèges,  libertés  et  coutumes,  ils 
fussent  exempts  desdites  aydes ,  tailles ,  impositions  fo- 
raines ,  réceptions  et  assiettes  de  garnisons  et  autres  sub- 
sides et  charges  quelconques;  ot  qu'outre  qu'en  ladite 
chancellerie  de  Dombes,  ils  puissent,  sous  le  scel  d'iceUes, 
prendre  et  lever  toutes  lettres  de  justice,  comme  ils  fai- 
soient  par  cy  devant,  ainsi  qu'il  est  coutume  de  prendre 
en  nos  chancelleries ,  ordonné  par  nos  parlements;  et  pour 
montrer  le  bon  vouloir  qu'ils  ont  de  nous  aider  et  subve- 
nir ,  nous  ont  libéralement  ofi'ert  et  présenté  la  somme  de 
deux  mille  écus  qu'ils  ont  mise  ez  mains  de  notre  amé  et 
féal  conseiller  trésorier  receveur  général  de  nos  finances 
extraordinaires  et  parties  casuelles, maître  Jean  La  Guette, 
ainsy  qu'il  nous  est  apparu  par  sa  quittance  qui  l'en  rendra 
comptable. 

Pour  ce  est-il  que ,  nous  inclinant  à  la  suppUcation  et 
requeste  desdits  suppliants,  voulant  iceux,  poiu-  la  bonne  et 
grande  loyauté  qu'ils  nous  ont  paru  devant  portée ,  favora- 
blement traiter  à  iceux,  par  ces  causes  et  autres  bonnes 
considérations  à  ce  nous  mouvant,  avons,  de  certaine 
science,  plaine  puissance  et  autorité  royale,  confirmé,  loué, 
ratiffié,  louons,  confirmons  et  ratifiions  tous  et  chacun  leurs 
dessus  dits  privilèges,  franchises,  exemptions,  coutumes  et 
libertés,  à  eux  par  cy  devant  données  et  octroyées,  tant 
par  nous  que  par  nos  prédécesseurs,  seigneurs  dudit  pays, 
dont  ils  ont  justement  et  duëment  joui ,  et  aux  temps  de 


376  PIÈCES  JUSTIFICATIVES, 

ladite  réduction,  et  en  la  manière  que  dit  est  suivant  iceux  ; 
avons  dit  et  déclaré,  disons  et  déclarons,  voulons  et  nous 
plaît  que  ledit  pays  de  Douibes  est  et  soit  distinct  et  séparé 
d'avec  celui  dudit  Beaujolois,  et  que  lesdits  habitants  soient 
exempts,  francs  et  quittes  de  toutes  contributions,  de  tail- 
les, aydes  ,  subsides,  impositions  foraines,  réceptions  et 
assiettes  de  garnisons,  sinon  en, temps  d'éminents  périls  de 
guerre  audit  pays  et  pour  la  sûreté,  conservation  et  deffense 
d'iceluy,  et  de  toutes  autres  charges  et  subsides  quelcon- 
ques, fors  dudit  don  gratuit,  au  temps  et  par  la  forme  con- 
tenue en  nosdites  lettres,  sans  que  ,  sous  couleur  des 
conmiissions  par  nous  envoyées  auxdits  baillys  de  Beaujo- 
lois et  Dombes,  tant  par  le  fait  desdits  ban  et  arrière-ban, 
soit  de  nos  gens  de  guerre  et  garnisons,  emprunts,  que 
autres  charges  et  impositions  quelconques,  ledit  pays  de 
Dombes  puisse  être  aucunement  cottisé  aux  charges  et  au- 
trement accueillv,  compris  et  entendu  sous  les  commissions 
expédiées  pour  ledit  pays  de  Beaujolois  et  Dombes,  aux- 
quelles ne  voulons  par  eux  être  obéi  autrement,  ainsapede, 
et  ensemble  des  autres  dites  charges,  ils  soient  quittes, 
immunes  et  exempts,  sinon  qu'il  en  fût  besoin  pour  grand 
péril  de  guerre,  et  pour  la  luition  d'iceluy  tant  seulement, 
auquel  cas  leur  sera ,  les  aflaires  ofi'rant  pour  nous  pour- 
voir de  commissaires  et  commissions  spéciales,  séparées 
et  à  part  de  celles  dudit  Beaujolois  dérogeantes  aiLxdits  pri- 
vilèges, franchises,  libertés  et  coutumes,  ainsi  que  nous 
verrons  être  ailairé  par  raison,  pour  ladite  fois  et  sans  pré- 
judice de  leursdites  coutumes,  hbertés  et  franchises. 

Voulons  aussi  et  nous  plaît  qu'ils  puissent  et  leur  soit 
loisible  prendre  sous  le  scel  de  notre  chancellerie  estably 
audit  parlement  et  dernier  ressort  de  Dombes  dont  est  garde 
notre  amé  et  féal  conseiller  en  notredit  parlement  de  Dom 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES.  377 

bes  et  notre  lieutenant  général  en  la  sénéchaussée  de  Lyon 
M*  Jean  du  Peyra,  toutes  lettres  de  justice  à  ce  pertinentes 
et  nécessaires,  et  que  selon  nos  ordonnances  on  a  accou- 
tumé prendre  et  expédier  en  nos  autres  chancelleries  ,  les- 
quelles seront  signées  par  notre  greffier  estably  audit  par- 
lement, en  l'absence  de  nos  secrétaires. 

Si  donnons  en  mandement  à  nos  amez  et  féaux,  etc.... 

Donné  à  Evreux ,  au  mois  d'avril ,  l'an  de  grâce  mil  cinq 
cent  quarante- trois  et  de  notre  règne  le  trentiesme. 


25 


APPENDICE. 


APPENDICE. 


NOTICE  SUR  UNE  PEINTURE  SUR  VERRE, 

PROVENANT    DE    L'ANCIENNE   MAISON    DE    LA    BESSEE, 
A    VILLEFRANCHE. 


Tous  les  collectionneurs  de  livres  sur  l'histoire  des 
provinces  connaissent  un  volume  in-4'',  de  187  pages, 
intitulé  :  3Ié moires  contenans  ce  qu  il  y  a  de  plus  remarquable 
dans  Villefranc/ie ,  capitale  du  Beaujolais.  Villefranche , 
Antoine  Baudrand  (1),  imprimeur  de  la  ville,  1671.  Cet 
ouvriige,peu  intéressant  au  fond,  est  généralement  attribué 
au  père  Jean  de  Bussières,  jésuite;  mais  il  serait,  je  crois. 


(1)  Les  éeheviiis  de  Villefranche  appelèrent  Antoine  Baudrand  dans 
leur  ville  en  1669  .  pour  y  établir  une  inipiimcrie.  La  première  pièce 


382  APPE:sr)iCE. 

difficile  d'élablir  sui"  quelle  preuve  cette  assertion  peut  être 
fondée.  Le  livre  porte  pour  signature  les  initiales  L.  I.  S., 
et  aucune  de  ces  lettres  ne  peut  convenir  aux  noms  du  père 
de  Bussières.  Tous  les  ouvrages  de  cet  auteur,  et  ils  sont 
nombreux,  portent  son  nom  et  sa  qualité  sur  le  titre,  et  si 
parfois  il  a  employé  les  initiales,  comme  abréviation,  au 
bas  de  quelques  cpitrcs  dédicatoires,  il  s'est  toujours  servi 
des  lettres  voulues,  c'est  à-dire  I.  D.  B.  S.  I.  (i).  Comment 
croire  d'ailleurs  qu'il  eût  cherché  à  dérouter  ses  lecteurs, 
et  renié  un  ouvrage  qu'il  aurait  entrepris  par  ordre  de 
l'échevinage  ?  Ceci  nous  paraît  difficile  à  croire. 

Une  autre  raison  vient  encore  fortifier  nos  doutes.  Le 
père  de  Bussières  avait  beaucoup  écrit,  et,  quoi  qu'on  puisse 
penser  maintenant  du  mérite  de  son  style ,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  de  son  temps  il  s'était  acquis  un  nom  hono- 
rable dans  les  lettres  :  le  révérend  Père  le  savait ,  et  la 


sortie  de  ses  presses  fui  une  liste  Jos  celievins  depuis  1576,  in-4',  de 
18  pages,  le  litre  eouipris.  La  liste  est  précédi-c  d'une  épître  dcdica- 
ti)ire  adress:'e  à  MM.  François  Mignot,  eseuyer,  sieur  de  Hussy  et  de  la 
AJartizièrc,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  lieutenant-géuLMal  civil  cl 
criminel  au  bailliage  de  Beaujolais:. Ican  de  Phélines,  sieurdu  Marlelet, 
avocat  en  |i:irleineiil  :  Antlioine  du  Sauzey,  sieur  de  .louxtecrol,  et  Ray- 
mond de  Mcaux,  tous  quatre  cchevins  alors  en  exercice. 

Celle  plaquette  est  devenue  excessivement  rare.  L'exemplaire  que 
je  possède  e>l  celui  qui  fut  oiïcrt  à  .Ican  de  Pliclincs,  qui  y  a  ajouté  de 
sa  main  ses  iitialilcs  de  capitaine-enseigne  de  la  \ille  de  \  illefrandie, 
avocat  de  ladite  ville  et  des  pauvres.  M.  de  Phélines  mourut  très  âgé, 
et  laissa  une  graiulc  rcpulaliou  de  talents  cl  de  vertus. 

(1)  A  ovez  l'cpitre  dédieatoiie  des  Flosctili  hi.\turiarum. 


APPENDICE.  383 

modestie  n'était  pas  son  fait  ;  nombre  de  passages  de  ses 
œuvres  en  font  foi.  Or,  comment  se  ferait-il  qu'il  eût  terminé 
ses  Mémoires  parles  paroles  suivantes  :  Excusez  mon  peu 
de  suffisance  à  écrire  ce  qui  demandoil  un  esprit  plus  élevé 
que  le  mien?  Non,  cette  phrase  ne  peut  être  du  père  de 
Bussières,  elle  eût  été  d'ailleurs  déplacée  dans  la  bouche 
d'un  homme  de  64  ans,  qui  avait  passé  sa  vie  à  écrire  et 
s'était  fait  une  réputation  dans  la  littérature  (1).  Il  faut 
donc,  selon  moi,  renoncer  à  lui  attribuer  les  Mémoires  sur 
ViUefranche ,  et  reconnaître  que  l'auteur  de  cet  ouvrage 
nous  est  parfaitement  inconnu. 

Quoi  qu'il  en  soit  du  volume  dont  nous  venons  de  parler, 
les  bibliophiles  en  recherchent  volontiers  les  exemplaires 
grands  de  marges  et  bien  complets  sous  le  rapport  des  gra- 
vures. Ces  dernières  doivent  être  au  nombre  de  quatre.  En 
face  de  la  page  88  on  en  remarque  une  assez  singulière,  repré- 
sentant un  homme  revêtu  du  costume  des  nobles  au  qua- 
torzième siècle  et  coifï'é  d'un  chaperon  à  volets  (2);  il  joue 


(1)  La  famille  de  Bussières.  dont  les  descendants  avaient  supprimé 
rS  final  de  leur  nom,  était  originaire  de  Reaujeu.  Elle  a  donné  plusieurs 
prévôts  à  cette  ville,  et  fourni  quelques  chanoines  de  mérite  à  son  cha- 
pitre. Plus  tard,  au  dix-septième  siècle,  les  Bussières  s'établirent  à 
ViUefranche  oii  ils  occupèrent  di\  ers  emplois  au  tribunal  de  l'Election. 
Ils  possédaient  en  Beaujolais  le  fief  du  t.liâtclard.  Celte  famille  s'est 
éteinte ,  au  siècle  dernier,  en  celle  de  IVIignot  de  Bussy. 

(2)  Les  volets  étaient  des  pièces  d'élolfes  richement  brodées  ou 
enibordurées,  qui  senaienl  à  ombrager  la  télé.  C'est  cet  ornement  qui 
a  donné  lieu  aux  lambrequins,  dont  phis  tard  on  a  fait  Taccouipa- 
gnenient  obligé  des  armoiries. 


384  APPENDICE. 

aux  échecs  avec  une  jeune  fille  vêtue  en  riche  bourgeoise 
du  temps;  au  bas  est  écrit  :  Edouard,  prince  de  Beaujeu, 
jouant  aux  échals  (sic)  avec  la  fille  de  la  Bessée.  Voici  ce 
que  dit  à  ce  sujet  l'auteur  du  livre  :  ■■  Cette  famille  de  la 
<■  Bessée  fut  encore  en  considération  auprès  d'Edouard, 
<i  dernier  seigneur  de  la  maison  de  Beaujeu  ,  jusque-là 
<<  qu'une  fille  de  la  Bessée  fut  assez  heureuse  de  mériter 
»  les  bonnes  grâces  de  ce  prince  ;  en  sorte  que  bien  sou- 
<>  vent  il  se  plaisoit  à  jouer  aux  échets  avec  elle,  ainsi  qu'il 
«  paroît  dans  des  anciennes  vitres  de  la  maison  de  la 
«  Bessée;  et  conmie  la  figure  est  curieuse  par  la  rareté  des 
"  habits  de  ce  temps-là  ,  on  en  verra  ici  la  planche.  » 
L'auteur  des  Mémoires  borne  là  son  singulier  récit,  et  l'on 
ne  sait  trop  d'où  peut  provenir  cette  réticence.  Les  événe- 
menls  qui  suivirent  étaient  certes  de  nature  à  être  rap- 
portés, car  la  passion  d'Edouard  pour  M"*  de  la  Bessée  fut 
la  cause  de  la  perte  de  la  maison  de  Beaujeu,  et  amena  pour 
la  province  un  changement  de  dynastie  en  faisant  passer  la 
couronne  baronniale  du  Beaujolais  sur  la  tète  de  Louis  II 
de  Bourbon.  Reprenons  donc  le  récit  du  chroniqueur  où 
il  fa  laissé. 

Edouard  de  Beaujeu  avait  eflectivement  distingué  M"*  de 
la  Bessée,  et  en  était  devenu  éperdument  amoureux.  11  allait 
la  voir  fréquemment  chez  son  père,  un  des  hommes  les 
plus  considérés  de  la  ville  (1).  Ces  visites,  souvent  répétées. 


(1)  Celle  famille  de  la  Bessée  était  des  plus  anciennes  du  Beaujolais; 
elle  y  tenait  le  premier  rang  parmi  la  hourgcoisie  dès  l'an  1200,  à  une 


APPENDICE.  38S 

auraient  dû  éveiller  les  soupçons  de  Guyonnet  de  la  Besséc; 
mais  ici,  comme  il  arrive  presque  toujours,  la  vanité  l'em- 
porta sur  la  prudence,  et  le  père  s'aveugla  sur  les  dangers 
que  pouvait  courir  sa  fille  avec  un  homme  aussi  dissolu 
qu'Edouard  :  il  ne  larda  pas  à  se  repentir  de  cette  faiblesse. 
La  passion  d'Edouard  grandissait  chaque  jour,  elle  ne  con- 
nut bientôt  plus  de  bornes.  Après  avoir  épuisé  tous  les 
moyens  de  séduction,  il  employa  la  violence,  enleva  pu- 
bliquement M""  de  la  Bessée  au  moment  où  elle  revenait 
de  la  messe,  et  la  conduisit  à  son  château  de  Pouilly. 
Guyonnet  de  la  Bessée ,  premier  échevin  de  Villefranche , 
arma  les  habitants  de  la  ville ,  se  mit  à  leur  tête  et  tenta 
une  attaque  sur  le  château  de  Pouilly.  Les  bourgeois  furent 
repoussés.  Guyonnet  en  appela  à  la  justice  du  roi;  Edouard 


époque  où  ce  titre  de  bourgeois  comportait  un  véritable  état  dans  la 
hiérarchie  sociale.  On  voit  des  la  Bessée  dans  toutes  les  charges  muni- 
cipales et  de  judicalures  ,  dans  les  chapitres  de  Beaujeu ,  de  Joug- 
Dieu ,  etc.  On  est  fort  incertain  sur  l'époque  où  ils  acquirent  la  no- 
blesse, tout  porte  à  croire  que  ce  fut  peu  après  la  catastrophe  dont  nous 
avons  parlé.  Cette  famille  s'est  éteinte  au  commencement  du  dix- 
septième  siècle.  La  maison  qu'elle  possédait  à  Villefranche  existe  encore, 
et  a  conservé  un  cachet  de  moyen-âge  fort  remarquable  ;  son  pro- 
priétaire actuel,  M.  Bonnefond,  notaire,  conserve  avec  grand  soin  ces 
vestiges  d'une  époque  intéressante  pour  l'art.  Au-dessus  de  la  porte 
d'entrée  on  voit  l'écusson  de  la  Bessée,  avec  le  casque,  les  lambre- 
quins ,  etc.  :  il  est  fort  beau  comme  composition  et  magnifiquement 
fouillé.  Il  a  malheureusement  un  peu  souffert  des  injures  du  temps,  et 
plus  encore  de  celles  des  hommes.  Je  le  crois  de  1550  environ.  La 
Bessée  portait  pour  armes  :  Fascé  de  gueules  et  d'argent  de  8  pièces, 
au  lion  du  second  émail ,  brochant. 


386  APPENDICE. 

fut  assigaé  à  comparaître  devant  le  Parlement.  L'huissier 
qui  lui  apporta  l'assignation  fut  tué,  après  avoir  souffert  les 
plus  horribles  tortures.  Des  troupes  fiu-ent  envoyées  contre 
Edouard,  qu'on  transféra  à  Paris  où  il  fut  enfermé  dans  un 
cachot.  Peu  après,  il  se  trouva  trop  heureux  de  racheter 
sa  tête  en  faisant  abandon  de  toutes  ses  seigneuries  à 
Louis  II  de  Bourbon  qui,  à  ce  prix,  lui  obtint  sa  grâce. 
Guyonnet  de  la  Bessée  reçut,  à  titre  de  réparation,  la  sei- 
gneurie de  St-Georges-de-Rogneins.  L'histoire  non  plus 
que  la  tradition  ne  nous  apprennent  rien  du  sort  de  M"«  de 
la  Bessée.  Guichcnon,  Louvet  et  quelques  autres  historiens 
parlent  assez  longuement  de  la  révolution  qu'éprouva  la 
province  par  suite  de  ce  rapt.  J'en  ai  donné  les  détails  en 
son  lieu  (1). 

Le  court  récit  qu'on  vient  de  lire  a  peu  de  rapports,  on 
en  conviendra,  avec  ce  que  rapporte  l'auteur  des  Mémoires. 
Aussi ,  lorsque  j'écrivis  l'Histoire  du  Beaujolais ,  je  m'atta- 
chai peu  à  ce  que  j'avais  lu  de  ces  anciennes  vifres  où  était 
représenté  Edouard  de  Beaujeu  jouant  aux  échecs  avec 
M""  de  la  Bessée,  et  je  regardai  l'existence  de  ce  petit  vitrail 
connue  fort  problématique,  en  sorte  que  je  n'en  fis  aucune 
mention.  Je  ne  tardai  pas  à  être  détrompé  :  au  mois  de  no- 
vembre dernier  (1852),  au  moment  où  l'impression  de  mon 
ouvrage  touchait  à  sa  fin,  je  découvris  cette  peinture  sur 
verre  chez  un  marchand  de  curiosités  de  Lyon  et  j'en  fis 


(1)  Tome  l'''.  p;i(,'cs  187  cl  siiivatilcs. 


lllSTOini':    1)1     HHM.IOl.MS  par  M   le  II""  Fcni  ,!,■  bi  H<nlic  Li    (mrllr 


VITRF.    1)F,    l,.\    MAISON    DH    LA    liKSSF.K 

Haiileiir  3.t  cenl'^  laraeur   55  rctil" 


Imprimerie  6c  Louis  fernn  a  l.yon 


APPENDICE.  387 

l'acquisition.  Elle  est  d'une  assez  belle  conservation,  et  mé- 
rite l'épithète  de  curieuse  que  lui  donne  l'auteur  des  Mé- 
moires. Elle  est  beaucoup  plus  coinplc'tc  qu'on  ne  la  voit 
dans  la  graviu-e  dont  j'ai  parlé.  L'aj^partement  où  se  trouve 
Edouard  de  Beaujeu  avec  M"'' de  la  Bcssée  est  représenté  en 
entier  avec  ses  ornements,  et  d'une  fenêtre  ouverte  on  aper- 
çoit l'église  de  Villcfranche  telle  qu'elle  devait  être  avant 
sa  reconstruction  qui  date  de  1450  environ.  De  chaque  côté 
des  fenêtres  se  trouvent  des  lions,  type  des  armoiries  de  la 
famille  de  la  Bessée.  L'appartement  est  entouré  d'un  divan, 
et  les  murs  sont  recouverts  d'une  tenture  à  ramage.  Les 
croisées  sont  garnies  de  vitres  en  losanges,  sans  aucune 
peinture.  Quelques  légères  difi'érences  se  remarquent  dans 
le  costume  d'Edouard,  entre  notre  peinture  et  la  gravure 
précitée  :  la  plus  saillante  consiste  en  ce  que  la  bordure 
du  vêtement  n'est  pas  en  hermine  comme  la  gravure  l'a 
donnée,  mais  en  une  autre  fourrure  qui  paraît  être  de  la 
martre.  Les  poses  et  les  attitudes  sont  les  mêmes.  Le  peintre 
du  vitrail  ne  manquait  certainement  pas  d'un  certain  talent, 
mais  nous  devons  cependant  avouer  qu'il  laissait  à  désirer 
sous  le  rapport  de  la  correction  :  son  trait  est  sec,  anguleux, 
et  tend  toujours  à  outrer  les  choses  soit  dans  les  figures, 
soit  dans  les  draperies.  Ce  défaut  nuit  beaucoup  à  la  figure 
de  M""  de  la  Bessée,  chez  laquelle  on  retrouve  des  traits 
charmants  pour  peu  qu'on  adoucisse  quelques  exagérations 
qui  évidemment  n'existaient  pas  dans  la  nature.  Ce  même 
défaut  a  tourné  à  l'avantage  du  peintre  dans  le  portrait 
(l'Edouard  ;  il  l'a  peint  avec  une  énergie  vraiment  effrayante. 


388  APPENDICE. 

C'est  bien  ce  prince  faux,  rusé,  dissolu,  adonné  à  tous  les 
vices,  mais  résolu,  audacieux,  et  ne  reculant  jamais  ni  de- 
vant un  danger  ni  devant  un  forfait.  Le  front  hardi,  l'œil 
ardent  et  plutôt  dirigé  sur  M"^  de  la  Bessée  que  siu-  son  jeu, 
les  pommettes  saillantes,  les  lèvres  minces  et  crispées,  le 
menton  effilé,  une  attitude  nerveuse  où  règne  la  passion, 
cette  figure  est  tout  un  poème  dont  nous  connaissons  la  fin 
terrible.  Là  le  peintre  a  fait  preuve  d'un  véritable  talent,  et 
a  représenté  Edouard  tel  que  l'histoire  nous  l'a  fait  con- 
naître. Rien,  dans  la  gravure  si  terne  et  si  froide  qui  accom- 
pagne les  Mémoires ,  ne  peut  donner  l'idée  de  cette  figure. 

L'exécution ,  connue  peinture  sur  verre,  laisse  peu  à  dé- 
sirer :  c'est  une  grisaille  d'un  bistre  assez  bien  nuancé  ;  les 
ornements  sont  d'un  jaune  cni  très  vif  On  ne  remarque 
rien,  dans  les  procédés  employés,  qui  difi'ère  de  la  méthode 
suivie  alors  pour  les  grandes  verrières;  les  clairs  y  sont 
enlevés  à  la  pointe  sèche,  et  souvent  avec  beaucoup  de 
finesse. 

Maintenant ,  peut-on  assigner  une  date  positive  à  notre 
vitrail?  L'histoire  du  pays  peut  seule  nous  guider  dans  cette 
recherche,  et,  en  rapprochant  les  faits,  nous  pourrons 
arriver  peut-être ,  sinon  à  une  date  tout-à-fait  précise ,  au 
moins  à  fixer  à  peu  près  l'époque  où  il  a  dû  être  exécuté. 
Nous  allons  l'essayer. 

Comme  premier  point  de  départ,  posons  d'abord  en 
principe  qu'on  ne  pouf  raisonnablement  supposer  que  cette 
peinture  soit  postérieure  à  renlèvemcul  de  M"''  de  la  Bessée. 
Ce  rapt  avait  porté  trop  de  déshonneur  et  de  désolation 


APPENDICE.  389 

dans  cette  famille ,  pour  qu'elle  eût  cherché  plus  tard  à  en 
perpétuer  le  souvenir.  C'est  donc  au  temps  des  fréquentes 
visites  d'Edouard  dans  la  maison  de  la  Bessée  que  la  pein- 
ture a  dû  être  exécutée,  à  cette  époque  où,  dissimulant  ses 
projets,  le  sire  de  Beaujeu  pouvait  laisser  croire  à  Guyonnet 
de  la  Bessée  que  ses  assiduités  n'étaient  qu'un  hommage 
rendu  à  la  beauté  et  à  l'esprit  de  sa  fiUe,  et  une  marque  de 
haute  considération  accordée  au  père.  Cherchons  l'époque 
où  ces  visites  devaient  avoir  lieu. 

L'abandon  que  fit  Edouard  de  toutes  ses  seigneuries  au 
duc  de  Bourbon  est  daté  du  23  juin  1400.  Sa  résistance, 
son  ajournement  sans  succès  au  Parlement,  son  arrestation, 
son  transfèrement  à  Paris,  et  les  négociations  qu'il  entama 
avec  le  duc  de  Bourbon ,  durent  prendre  un  espace  de 
temps  assez  considérable,  à  une  époque  où  les  distances  se 
parcouraient  lentement  et  où  les  formalités  judiciaires 
étaient  hérissées  de  longueurs.  On  peut  donc,  sans  crainte 
de  se  tromper,  faire  remonter  l'enlèvement  de  M"^  de  la 
Bessée  à  l'automne  de  1399.  Or  déjà  à  cette  époque  Edouard 
devait  avoir  renoncé  à  ses  visites  à  M"^  de  la  Bessée,  attendu 
qu'une  discussion  vive  s'était  élevée  entre  lui  et  l'échevinage 
relativement  à  des  droits  que  le  sire  de  Beaujeu  voulait  per- 
cevoir sur  les  habitants  de  Villcfranche  :  question  qui  amena 
un  soulèvement  populaire  et  dans  laquelle  Guyonnet  de  la 
Bessée,  premier  échevin,  prit  vigoureusement  le  parti  des 
bourgeois  contre  le  seigneur.  Cette  affaire  fut  terminée 
par  un  arbitrage  le  25  mai  1399.  Edouard  se  montra  fort 
mécontent  du  jugement,  et  dut  être  fort  irrité  contre  la 


390  APPENDICE. 

Bessée  qui  avait  porté  lui-même  la  parole  devant  les  ar- 
bitres pour  soutenir  les  franchises  de  la  ville.  Qui  sait 
même  si  l'enlèvement  de  M"""  de  la  Bessée  ne  fut  pas  l'eflet 
de  la  haine  que  le  sire  de  Beaujeu  avait  vouée  au  père, 
plutôt  que  le  résultat  de  la  passion  qu'il  avait  conçue  pour 
la  jeune  fille?  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  troubles 
qui  agitaient  le  pays  duraient  depuis  un  an  environ ,  et  que 
dès-lors  la  bonne  entente  qui  avait  existé  entre  Edouard  et 
Guyonnet  de  la  Bessée  ne  peut  être  postérieure  à  l'année 
1397.  C'est  donc  cette  année-là  ou  l'année  précédente  que 
notre  vitrail  a  dû  être  exécuté.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse 
lui  assiuner  une  autre  date. 


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PON-^'nCA'.  !N?T|TIJTE  OF  MEDIAEVAL  STUDIES 
S  PARK  CRESC£NT 
TOrioNTO— 5,    CANADA 

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