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Full text of "Histoire du bouddhisme dans l'Inde. Traduite du néerlandais par Gédéon Huet"

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s 


3 


MINISTÈRE  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE 


ANNALES   DU   MUSÉE  GUIMET 


BIBLIOTHÈQUE    D'ÉTUDES 
TOME  ONZIÈME 


HISTOIRE  DU  BOUDDHISME 

DANS  L'INDE 


HISTOIRE 


DU 


BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


PAR 


H.  KERN 

PROFESSEUR   A   l'uNIVERSITÉ   DE    LEIDE 
CORRESPONDANT     DE     l'iNSïITUT     DE     FRANCE 

TRADUITE    DU    NÉERLANDAIS 


GEDEON   HUET 

BIBLIOTHÉCAIRE   A  LA  BIBLIOTHÈQUE  NATIONALE 


TOME  DEUXIÈME 

AVEC  UNE   CARTE   DE  l'iNDE   ANCIENNE 


PARIS 
ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

28,    RUE   BONAPARTE,     Vf 

1903 


-36 


L'INDE  ANCIENNE 


4 


LIVRE  TROISIÈME 


LE   SANGHA 


CHAPITRE   PREMIER 


MOINES     ET     ERMITES 


Dès  une -époque  très  ancienne,  on  trouve  dans  l'Inde  des 
moines  mendiants  et  des  ermites,  qui  quittaient  les  agita- 
tions du  monde  pour  se  vouer  à  une  vie  purement  spirituelle 
et  comtemplative.  Des  ascètes  errants  sont  mentionnés  dans 
les  Brâhmanas,  sous  les  noms  de  Carakas  et  de  Çramanas,  et 
il  est  parlé,  quoique  avec  peu  d'estime,  d'un  maître  des 
Carakas  dans  un  des  recueils  plus  récents  d'hymnes  védi- 
ques \  L'Aitareya-Brâhmana  cite  un  hymne  dans  lequel  il 
est  difficile  de  méconnaître  une  désapprobation  détournée  de 
la  tendance  à  se  soustraire  à  la  vie  de  famille  ^  Nous  ne 
devons  donc  pas  nous  étonner  de  trouver,  déjà  dans  les  codes 
les  plus  anciens,  une  longue  série  de  préceptes  réglant  la 


1.  Vâjasaneyi-Samhitâ  30,  18. 

2.  Ait.  Br.  1,  13,  1.  De  môme  la  légende  très  ancienne  de  Jaratkâru  dans 
Mahâ-Bhârata  I,  1056,  ss.  et  1820,  ss.  a  été  exploitée  comme  un  argument 
contre  le  célibat  perpétuel. 

Tome  11.  * 


2  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

manière  de  vivre  des  différentes  classes  d'hommes  qui 
avaient  renoncé  au  monde. 
2  En  général,  on  peut  dire]qu'une  vie'contemplative  *  et  plus 
ou  moins  ascétique  était  considérée  comme  la  digne  conclu- 
sion de  la  carrière  pénible  de  l'Arya.  L'éducation  môme  du 
jeune  Ârya,  surtout  de  l'Arya  brahmanique,  telle  qu'elle  est 
prescrite  dans  les  codes,  était  moins  organisée  en  vue  de  la 
vie  utile  de  membre  de  la  société,  qu'en  vue  de  la  prépara- 
tion à  une  vie  purement  spirituelle,  placée  à  la  fin  de  l'exis- 
tence. Il  est  vrai  que  la  loi  exigeait  que  le  jeune  homme, 
après  avoir  terminé  ses  études,  se  mariât,  afin  de  perpétuer 
la  race,  qu'il  devînt  citoyen  et  père  de  famille  ;  mais  cette  vie 
dans  la  société  ordinaire,  en  communauté  avec  elle,  était 
présentée  d'ordinaire  comme  une  lourde  charge,  nullement 
comme  un  but  désirable. 

Là  où  les  classes  influentes  de  la  nation  avaient  de  telles 
conceptions  de  la  vie  de  famille,  il  n'est  pas  étonnant  qu'on 
ait  admis  des  exceptions  à  la  règle  du  mariage  obligatoire, 
des  exceptions  telles  qu'elles  eussent  fini  par  ruiner  la  règle 
si  la  nature  n'avait  été  plus  forte  que  la  doctrine.  «  Chaque 
Ârya  est  soumis  absolument  à  l'obligation  de  devenir,  après 
avoir  fini  ses  études,  un  membre  de  la  société  ;  mais  chacun 
peut,  s'il  le  veut,  se  soustraire  à  cette  règle  sévère  »,  voilà 
le  court  résumé  de  la  loi  indienne,  qui  par  son  caractère 
équivoque  semble  préparer  la  doctrine  bouddhique  selon  la- 
quelle tout  jugement  affirmatif  est  condamnable  et  toute 
antinomie  admissible.  Si  donc  un  Ârya  désire  rester  à  per- 
pétuité un  étudiant,  brahmacârin^  rien  ne  l'en  empêche, 
pourvu  qu'il  passe  toute  sa  vie  chez  son  maître,  ou,  après 
la  mort  du  maître,  dans  la  famille  de  celui-ci  *.  D'après 
quelques  autorités  cette  condition  n'est  pas  même  néces- 
saire,   et   si  un  homme  estime   que  sa  vie  d'étudiant  l'a 

1.  Âpastamba,  II,  9,  21,  6;  Manu,  2,  247;  Gautama,  3,  7.  Un  précepte  abso- 
lument contraire  est  donné,  dans  les  termes  les  plus  formels,  dans  Manu  6, 
35-37. 


LE  SANGHA  3 

assez  purifié  et  mûri,  il  peut  embrasser  immédiatement  l'état 
d'ascète  errant  ou  de  moine  ^  Ceci  déjà  démontre  que  Fétu-  • 
diant  est,  au  fond,  un  candidat  à  l'état  monastique,  et  que  la 
vie  maritale  officiellement  prescrite,  doit  être  considérée 
comme  un  intermède  gênant.  *  Le  novice  bouddhique,  le  3 
Crâmanera  (c'est-à-dire  petit  ascète),  n'étant  qu'une  copie  du 
Brahmacârin,  et  le  moine  qui  a  fait  ses  vœux  répondant  au 
Sannyâsin  *,  il  importe  de  connaître  les  règles  qui  concernent 
ces  étudiants  et  ces  moines. 


1.  —  BrahmacArins.  —  Moines.  —  Ordres  monastiques.  — 
Le  Sa5îgha  ex  sa  loi  fondamentale. 

La  vie  d'étudiant  d'un  Arya  commence  par  une  cérémonie 
appelée  upanayana^  qui,  d'après  la  règle  habituelle,  a  lieu 
dans  la  huitième,  onzième  ou  douzième  année,  selon  que  le 
jeune  homme  appartient  à  une  famille  de  brahmanes,  de 
princes,  ou  de  Yaiçyas.  Cependant  l'Upanayana  peut  encore 
avoir  lieu  quand  le  brahmane  n'a  pas  atteint  seize  ans,  le 
chevalier  vingt-deux,  le  Yaiçya,  vingt-quatre.  Le  disciple  doit 
loger  chez  le  maître  :  il  doit  lui  obéir  et  le  servir.  C'est  un 
de  ses  devoirs  les  plus  stricts  de  rester  absolument  chaste  : 
défense  de  toucher,  de  regarder  une  femme,  s'il  y  a  danger 
pour  sa  chasteté.  Il  doit  s'efforcer  sérieusement  de  dominer 
sans  cesse  sa  langue,  son  estomac  et  ses  mains.  Le  jeu,  les 
travaux  servîtes,  l'appropriation  d'objets  qui  ne  lui  ont  pas 
été  offerts,,  les  mauvais  traitements  infligés  à  des  êtres 
vivants,  les  paroles  blessantes,  tout  cela  lui  est  absolument 
défendu;  de  même,  l'usage  des  liqueurs  fortes  et  du  vin,  du 
moins  s'il  s'agit  de  brahmanes.  Il  doit  s'abstenir  de  sel,  de 
miel,  de  viande,  d'épices;  il  ne  doit  pas  dormir  pendant  la 

2.  C'est  ainsi  que  le  commentateur  explique  la  règle  d'Âpastamba  II,  9,  21,  8. 
iManu  2,  248  et  Gautama  3,  8  peuvent  s'expliquer  de  môme. 
1.  Appelé  aussi  parivrâjaka^  bhikshu,  yati,  miikta. 


4  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

journée,  ni  faire  usage  de  parfumeries,  ni  s'orner  ou  se  servir 
d'onguents;  il  doit  éviter  en  général  tout  ce  qui  pourrait  être 
favorable  à  la  mollesse,  de  même  la  danse,  le  chant  et  la 
musique  instrumentale.  Qu'il  évite  soigneusement  tout  ce 
qui  est  inconvenant,  les  mauvaises  manières,  qui  indiquent 
un  manque  de  respect,  telles  que  cracher,  bailler,  rire 
bruyamment  etc.  Si  ses  supérieurs  lui  adressent  la  parole, 
il  doit  se  lever  avant  de  répondre.  11  doit  se  placer  sur  un 
4  siège  moins  élevé  que  celui  de  son  maître,  *  se  lever  plus  tôt, 
se  coucher  plus  tard.  Il  doit  s'efforcer  de  faire  ce  qui  est 
agréable  et  utile  à  son  maître,  car  celui-ci  est  son  père  spi- 
rituel. Le  nom  même  du  maître  ou  des  parents  de  celui-ci 
lui  doit  être  trop  vénérable  pour  être  prononcé  ^  Quanta 
son  extérieur,  il  doit  porter  la  chevelure  nouée  en  tresse,  ou 
bien  la  raser  complètement,  en  dehors  d'une  touffe  au  som- 
met de  la  tête.  Son  vêtement  de  dessus  consiste  en  une  peau 
d'antilope,  de  cerf  tacheté  ou  de  bouc  ;  le  vêtement  de  dessous 
est  de  chanvre,  de  lin,  d'écorce  d'arbre,  de  laine,  de  coton, 
sans  teinture,  ou  d'une  couleur  tannée,  c'est-à-dire  teint 
avec  une  couleur  rouge  empruntée  à  un  arbre  s'il  s'agit 
d'un  brahmane;  avec  de  la  garance,  s'il  s'agit  d'un  Ksha- 
triya  ;  avec  du  safran  d'Inde  s'il  s'agit  d'un  Vaiçya. 

Un  des  devoirs  les  plus  caractéristiques  de  l'étudiant,  c'est 
qu'il  doit  mendier  chaque  jour  sa  subsistance.  Ce  qu'il  re- 
cueille de  cette  manière  est  offert  à  son  maître  ;  lui-même 
ne  mange  qu'après  avoir  obtenu  la  permission  de  celui-ci.  Si 
le  maître  est  absent,  l'élève  doit  demander  la  permission  de 
prendre  son  repas  à  la  femme  ou  au  fils  de  celui-ci,  à  un 
condisciple  ou  à  une  autre  personne  respectable.  Il  doij 
manger  silencieusement  et  sans  gloutonnerie. 

Douze  années  étaient  d'ordinaire  considérées  comme  né- 
cessaires pour  l'étude  de  chaque  Yeda.  Comme  on  n'était  pas 

1.  S'il  est  nécessaire  de  se  servir  de  ce  nom,  il  faut  avoir  recours  à  un 
synonyme. 


LE  SANGHA  5 

obligé  d'étudier  plus  d'un  Veda,  un  jeune  homme  de  caste 
brahmanique  pouvait  avoir  fini  ses  études  à  l'âge  de  vingt 
ans,  et  retourner  chez  lui,  pour  se  marier  immédiatement  et 
entrer  ainsi  dans  la  seconde  période  de  la  vie. 

Ainsi  l'éducation  du  jeune  Ârya  était  basée  sur  des  études 
régulières,  mais,  d'autre  part,  elle  n'était  pas  moins  bien 
conçue  pour  l'habituer  à  la  frugalité,  à  la  continence,  à 
l'obéissance;  il  faut  ajouter  qu'il  était  un  mendiant  dans  le 
sens  littéral  du  mot,  de  sorte  que  la  chasteté  ^  et  la  pauvreté 
étaient  les  conditions  principales  de  la  vie  de  Brahmacârin. 

*  Pour  celui  qui  désirait  rester  Brahmacârin  pour  toute  la  5 
vie,  les  préceptes  énumérés  plus  haut  restaient  valables.  Le 
moine  mendiant  proprement  dit,  bhikshuy  différait  du  Brahma- 
cârin à  vie,  principalement  en  ceci  qu'il  n'était  pas  obligé 
d'obéir  à  un  maître. 

Les  règles  de  conduite  du  Bhikshu  peuvent  être  résumées 
ainsi  *  :  il  n'a  ni  maison  ni  biens  meubles  ;  il  mène  une  vie 
errante,  sauf  pendant  la  saison  des  pluies,  pendant  laquelle 
il  doit  avoir  un  séjour  fixe;  il  mendie  sa  nourriture  dans  les 
villages,  une  fois  par  jour;  il  doit  abandonner  tout  désir, 
dominer  sa  langue,  ses  yeux,  ses  actions;  et  observer  la  con- 
tinence la  plus  absolue >  il  porte  un  vêtement  pour  couvrir 
sa  nudité,  ou  bien  des  haillons  abandonnés  qu'il  a  lavés 
d'abord  '^  ;  il  doit  se  raser  la  tête,  ou  ne  porter  qu'une  touffe 
au  sommet;  il  doit  éviter  d'endommager  les  semences  ou  de 
faire  du  mal  à  un  être  quelconque,  bienveillant  ou  hostile,  et 
s'abstenir  de  toute  action  qui  aurait  un  but  précis;  sans  s'at- 
tacher à  ce  qui  est  vrai  ou  faux,  au  plaisir  ou  à  la  douleur,  aux 
Yedas,  à  ce  monde  ou  au  monde  à  venir,  qu'il  cherche  l'Esprit  ^ 


2.  Le  terme  indigène  est  Brahmacarya,  qui  signifie  proprement  vie  spiri- 
tuelle en  général,  mais  qui  a  été  employé  souvent,  surtout  dans  la  langue 
postérieure,  dans  le  sens  plus  restreint  de  chasteté. 

1.  Gautama  111;  Âpastamba  II,  9,  21,  9-17;  Manu,  6,  41-86. 

2.  D'après  Âpastamba  II,  9,  2i,  12  le  moine  mendiant  peut  vivre  nu. 

3.  Ou  ce  qui  revient  au  même,  qu'il  cherche  à  comprendre  sa  propre  essence. 


6  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Comme  on  voit,  l'étudiant  et  le  moine  sont  étroitement 
apparentés,  de  sorte  que  le  premier  peut  être  considéré 
comme  un  jeune  moine,  placé  sous  surveillance,  le  second 
comme  un  Brahmacârin  majeur  et  se  suffisant  à  lui-même. 
Il  n'est  pas  absolument  défendu  au  moine  de  recueillir,  si 
cela  lui  plaît,  des  leçons  de  sagesse  de  la  bouche  d'autres 
sages.  Il  pouvait  le  faire  sans  renoncer  à  son  indépendance. 
Il  n'est  pas  impossible  que  bien  souvent  des  moines  soient 
devenus  les  disciples  volontaires  de  tel  ou  tel  maître  illustre, 
et  que  ces  groupes  aient  formé  le  noyau  de  sectes  particu- 
6  lières,  qui,  après  la  mort  du  chef  vénéré  *  ou  même  pendant 
sa  vie,  se  seront  développées  en  congrégations  avec  une 
règle  particulière,  en  ordres  monastiques  avec  des  signes  dis- 
tinctifs  adoptés  par  tous  les  membres. 

Il  est  impossible  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances 
de  déterminer  quand  sont  nés  les  premiers  ordres  monas- 
tiques dans  l'Inde.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'Açoka  distingue 
trois  de  ces  congrégations  ^  :  la  congrégation  bouddhique, 
désignée  par  excellence  comme  le  Sahgha,  la  congrégation 
brahmanique  des  Ajîvikas  ^  et  celle  des  Nirgranthas  ou 
Jainas  vivant  nus.  Ce  sont  justement  ces  trois  ordres  qu'on 
retrouve  mentionnés  fréquemment  dans  les  plus  anciens  do- 
cuments de  l'Eglise,  de  sorte  qu'après  un  intervalle  de  plus 
de  deux  siècles  et  demi  ^  la  situation  était  restée  la  même,  h 
moins  qu'on  n'admette  que  les  auteurs  de  ces  livres  n'avaient 
aucun  souvenir  d'un  état  antérieur  à  celui  du  troisième  siècle 
avant  J.-C.  Quoi  qu'il  en  soit,  d'après  les  renseignements  des 
écrits  canoniques,  les  Ajîvikas  formaient  déjà  une  eongré- 

1.  Sur  la  colonne  de  Delhi  (Cunningham,  Corpus,  Inscript.  Indic.  planche  XX) . 

2.  Ce  mot  vient  probablement  d'âjîvaîn,  durant  toute  la  vie  (c'est-à-dire, 
restant  brahmacârin  durant  toute  la  vie). 

3.  Toujours  dans  Thypothèse  que  les  données  singhalaises  sont  justes:  Açoka' 
fut  sacré,  comme  roi,  dans  la  218"  année  après  le  Nirvana;  l'inscription  de 
Delhi  est  de  la  28e  année  après  le  couronnement;  il  faut  ajouter  au  total  les 
45  ans  qu'on  suppose  comme  intervalle  entre  le  commencement  de  l'enseigne- 
ment public  et  la  mort  du  Buddha, 


LE  SANGHA  7 

gation  florissante  du  temps  où  Buddha  demeurait  sur  la 
terre  ;  avec  l'un  d'eux,  Upaka,  il  eut  une  rencontre  mémo- 
rable, avant  de  mettre  en  mouvement,  à  Bénarès,  la  roue 
de  la  Loi.  Quant  aux  Nirgranthas,  les  plus  anciens  livres 
bouddhiques  les  représentent  constamment  comme  des 
rivaux  dangereux  et  dépourvus  de  tout  scrupule.  Mainte  ins- 
titution de  l'Église  a  été  empruntée,  d'après  la  déclaration 
expresse  de  l'Ecriture  Sainte,  à  d'autres  ordres  monastiques 
avec  ou  sans  modifications  ;  la  célébration  même  du  sabbat 
ou  Uposatha  *,  et  la  prédication  qui  l'accompagne,  sont 
empruntées  à  un  usage  qui  existe  chez  d'autres  sectes.  L'ori- 
gine de  cette  institution  est  racontée  *  en  substance  de  la 
manière  suivante  * 

Un  jour  le  Seigneur  se  trouvait  près  de  Râjagrha  sur  le 
Pic  du  Vautour.  Dans  ce  temps-là,  les  moines  des  autres 
sectes  avaient  l'habitude  *  de  se  réunir  et  de  prononcer  un  ser-  7 
mon,  le  jour  de  pleine  lune,  le  jour  de  nouvelle  lune  *  et  le 
8^  jour  de  chaque  moitié  de  mois.  Alors  les  gens  venaient 
de  toutes  parts,  pour  écouter  la  prédication,  de  sorte  qu'ils  ^ 
eurent  de  l'attachement  pour  les  moines  des  autres  sectes, 
et  que  celles-ci  réussirent  à  exercer  une  grande  influence. 
Un  jour  que  le  roi  de  Magadha,  Bimbisâra,  réfléchissait  dans 
la  solitude,  l'idée  lui  vint  que,  puisque  les  moines  des  autres 
sectes  se  réunissaient  à  jour  fixe,  prononçaient  des  sermons 
et  réussissaient  ainsi  à  se  créer  une  clientèle,  il  ne  serait  pas 
mauvais  que  les  fils  de  Çâkya  suivissent  cet  exemple.  Il  alla 
voir  le  Buddha  et  lui  communiqua  l'idée  qui  lui  était  venue. 
Après  avoir  été  fortifié  et  réconforté  par  un  discours  édifiant 
du  Seigneur,  le  roi  prit  congé.  Le  Maître,  par  suite  de  cette 
rencontre,  convoqua  ses  disciples,  et,  après  avoir  prononcé 
un  discours  édifiant,  il  dit  :  «  Moines,  je  vous  permets  de  vous 

4,  Chez  les  Bouddhistes  du  Nord  :  Poshadha,  ce  qui  n'est  qu'une  forme  sans- 
crite mal  refaite  surle'prâkrit  po5aci/ia. 

5.  Mahâ-Vagga^  2,  1,  ss. 

1.  Littéralement  :  le  jour  où  ranciçn  et  la  nouveau  mois  se  rencontrent, 


8  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

réunir  le  jour  de  la  pleine  lune,  de  la  nouvelle  lune,  et  le 
huitième  jour  de  chaque  demi-lune  ».  Par  suite  de  cette  per- 
mission, les  moines  se  réunissaient  aux  jours  déterminés, 
mais  restaient  assis  sans  rien  dire,  de  sorte  que  les  gens  qui 
étaient  venus  pour  entendre  le  sermon,  se  fâchèrent  et  dirent 
que  les  fils  de  Çâkya,  dans  les  réunions  du  sabbat,  restaient 
cois  comme  des  cochons  muets,  tandis  que  c'était  leur  devoir 
d'adresser  la  parole  à  la  foule  assemblée.  Les  moines,  en 
apprenant  ces  plaintes,  les  communiquèrent  au  Maître,  et 
par  suite,  le  Maître  dit  à  ses  disciples  :  «  Moines,  je  vous 
permets  de  prononcer  un  sermon  dans  les  réunions  aux  jours 
fixés.  » 

Qu'on  considère  ce  récit  comme  historique  ou  non,  en 
tout  cas  il  faut  reconnaître  que  l'Eglise,  en  ce  qui  concerne 
l'institution  de  l'Uposatha,  n'a  aucune  prétention  à  l'origi- 
nalité. Et  cet  exemple  n'est  pas  isolé.  L'organisation  entière 
de  la  congrégation,  tout  l'ensemble  des  règles  pour  les  moines 
8  et  les  religieuses,  *  s'il  faut  en  croire  les  livres  canoniques, 
^  s'est  formé  comme  par  hasard.  Le  Maître  n'est  pas  tant  un 
législateur,  qu'un  gardien  de  la  loi;  il  promulgue  peu  ou 
point  d'ordonnances,  il  ne  fait  que  sanctionner  l'opinion 
publique  :  ce  que  celle-ci  désapprouve,  il  le  condamne;  ce 
qu'elle  approuve,  il  l'érigé  en  règle  pour  ses  disciples.  Il  est 
vrai  qu'il  parle  parfois  *  des  préceptes  de  discipline  ecclésias- 
tique, promulgués  par  lui-même  et  contenus  dans  le  Prâ- 
timoksha,  mais  ces  préceptes  mômes  étaient,  s'il  faut  en 
croire  le  canon,  des  règles  de  conduite  admises  par  diffé- 
rentes classes  d'ascètes  ou  par  toute  société  bien  élevée,  et 
qui  furent  déclarées  obligatoires  pour  les  fils  et  les  filles  de 
Çâkya  par  suite  de  circonstances  purement  fortuites. 

Les  récits  ou  fables  dogmatiques  ^  sur  l'origine  ou  plutôt 
la  promulgation  des  différentes  règles  de  discipline,  ne  brillent 


1.  Entre  autres  Mahâ-V.,  2,  3,  1. 

2.  Dans  le  Sutta-Vibhanga,  de  même,  en  partie,  dans  le  Mahâ-  et  Culla-Vagga. 


LE  SANGHA  9 

pas  par  la  variété.  La  plupart  des  articles  du  Prâtimoksha 
sont  dus  à  Finconduite  toujours  renouvelée  de  six  moines  ^ 
Ce  qui  caractérise  ces  mauvais  sujets,  c'est  qu'ils  agissent 
toujours  ensemble  (de  même  que  les  six  hérésiarques  adver- 
saires du  Buddha),  pour  commettre  quelque  action  inconve- 
nante. La  marche  ordinaire  du  récit  est  que  les  membres 
plus  sensés  de  la  Congrégation  ou  d'autres  personnes  expri- 
ment leur  indignation  sur  la  conduite  des  Six;  on  raconte 
au  Buddha  l'acte  universellement  blâmé,  celui-ci  juge,  lui 
aussi,  que  l'affaire  est  scandaleuse,  réprimande  les  coupables 
et  défend  aux  autres  de  commettre  de  pareils  actes.  Quelques 
exemples  suffiront  pour  caractériser  ces  sortes  de  récits. 

Un  jour  \  les  Six  commirent  l'inconvenance  d'introduire, 
en  mangeant,  toute  la  main  dans  la  bouche.  Les  gens  trou- 
vèrent cela  scandaleux;  *  les  moines  convenables  jugèrent  9 
eux  aussi  que  ce  geste  n'était  pas  correct,  et  racontèrent  la 
chose  au  Maître,  qui  convoqua  immédiatement- le  chapitre, 
réprimanda  les  Six,  et  promulgua  ensuite  cette  règle  de  la 
puérilité  civile  et  honnête  :  ne  pas  introduire,  quand  on 
mange,  toute  la  main  dans  la  bouche.  De  même  on  raconte 
qu'un  jour  les  Six  claquèrent  des  lèvres  en  mangeant  :  cet 
événement  remarquable  donna  lieu  à  la  promulgation  d'une 
défense  de  claquer  des  lèvres  en  mangeant. 

Parmi  ces  récits  qui  tendent  à  rappeler  ou  à  expliquer 
l'occasion  qui  donna  lieu  à  la  proclamation  de  tel  ou  tel 
article  du  règlement,  il  y  en  a  plusieurs  qui  ne  s'accordent  pas 
avec  le  sens  véritable  de  l'article,  mais  correspondent  à  une 
explication  erronée.  C'est  ainsi  qu'il  y  a  un  article  *  qui  pres- 
crit, dans  les  termes  les  plus  clairs,  qu'un  moine  doit  s'abs- 

3.  Le  nombre  six  se  trouve  fréquement  chez  les  Indiens  comme  un  nombre 
néfaste  :  le  sixième  jour  après  la  naissance  est  considéré  comme  particulière- 
ment dangereux  pour  les  enfants;  ce  jour  çst  personnifié  par  la  redoutable 
déesse  Shashthî,  une  forme  de  Durgâ. 

4.  Sulta-V.  IF,  p.  195. 

1.  Pâtimokkha  Pâcitliya  43;  Sulla-V.  Il,  p.  94. 


10  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

tenir  de  s'asseoir,  en  indiscret,  dans  une  maison  oii  l'on  est 
en  train  de  manger.  Les  commentateurs  ont  compris  que  le 
moine  devra  s'abstenir  de  s'asseoir  dans  une  maison  oii  le 
mari  et  la  femme  dorment  ensemble,  et  racontent  une  histo- 
riette comme  quoi  le  vénérable  fils  de  Çâkya,  Upananda,  fut 
trouvé  avec  une  femme  mariée  dans  la  chambre  à  coucher 
de  celle-ci,  et  refusa  de  s'en  aller  malgré  les  exhortations  du 
maître  de  la  maison.  Tout  le  récit  repose  sur  un  contre-sens, 
et  a  dû  être  imaginé  par  des  gens  qui  avaient  cessé  de  com- 
prendre la  portée  de  certains  passages.  Nous  ne  nions  pas, 
évidemment,  la  possibilité  de  pareilles  rencontres  entre  des 
chefs  de  famille  et  des  Saints,  mais  les  auteurs  du  récit  n'ont 
pas  eu  besoin  de  puiser,  pour  de  pareils  sujets,  aux  traditions 
du  passé  :  ils  ont  dû  trouver  les  exemples  plus  près  d'eux, 
dans  leur  propre  entourage. 

Toutes  ces  explications  pseudo-historiques,  qui  ont  pour 
point  de  départ  un  contresens  dans  l'interprétation  du  règle- 
ment ne  sont  pas  seulement  des  fictions,  mais  encore  des  pro- 
ductions d'une  époque  postérieure.  Certaines  preuves  de 
l'ignorance  des  auteurs  des  deux  Vaggas  et  du  Sutta-Yibhariga 
sont  tellement  fortes,  qu'elles  ne  peuvent  s'expliquer  que 
10  dans  la  supposition  que  ces  deux  ouvrages  *  *  sont  d'une  date 
bien  plus  récente  que  le  règlement  lui-même. 

Le  règlement  de  discipline  pour  les  moines  et  les  reli- 
gieuses, qui  peut  être  considéré  comme  la  loi  constitution- 
nelle de  l'ordre,  est  connu  sous  le  titre  de  Prâtimoksha,  en 
pâli  :  Pâtimokkha  ^.  La  signification  de  ce  titre  n'était  déjà 

1.  Ils  forment  une  partie  considérable  du  Vinaya-Pitaka,  c'est-à-dire  de  la 
partie  de  l'Ecriture  Sainte  qui  a  pour  sujet  le  Vinaya  (la  discipline). 

2.  Le  texte  pâli  a  été  publié  par  le  prof.  I.  Minayef,  avec  une  traduction 
russe  ;  cette  édition  comprend  aussi  le  règlement  pour  les  religieuses  ;  une 
autre  édition,  ne  comprenant  que  la  partie  destinée  aux  moines,  a  été  publiée 
par  J.  F.  Dickson  M.  A.,  dans  Jown.  Roy.  As.  Soc.  VIII,  p.  62-130  (new. 
séries),  avec  une  traduction  anglaise.  Le  Sutta  Vibhahga,  qui  cite  tous  les  arti- 
cles du  Prâtim.,  a  été  publié  par  le  prof.  H.  Oldenberg,  à  qui  Ton  doit  égale- 
ment l'édition  des  deux  Vaggas. 


LE  SANGHA  11 

plus  claire  pour  l'auteur  (ou  les  auteurs)  du  Mahâ-Vagga  \ 
Ce  fait,  joint  à  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  sur  les  contresens 
dans  l'interprétation  d'un  grand  nombre  d'articles,  nous  per- 
met de  conclure  qu'entre  la  rédaction  du  règlement,  au  moins 
pour  le  fond,  et  la  composition  des  autres  livres  du  Yinaya, 
il  y  a  un  long  intervalle,  peut-être  deux  siècles  ^. 

Nous  trouvons  une  autre  preuve  de  l'antiquité  relativement 
très  grande  du  Prâtimoksha  dans  la  grande  ressemblance 
entre  les  rédactions  septentrionale  et  méridionale  de  cette  loi 
fondamentale  de  l'Église.  Il  y  a,  il  est  vrai,  des  différences, 
en  ce  qui  concerne  le  nombre  et  l'ordre  des  articles  ^  mais 
ces  différences  sont  insignifiantes,  eu  égard  à  la  grande  diver- 
gence qui  existe  d'ordinaire  entre  les  textes  canoniques  du 
Nord  et  ceux  du  Midi.  *  On  peut  considérer  comme  à  peu  près  11 
certain  que  la  rédaction  en  pâli  est  la  plus  ancienne,  ne  fut- 
ce  que  pour  cette  raison  qu'elle  est  la  plus  courte  ;  la  rédaction 
chinoise  vient  après  et  par  la  concision  et  par  Tordre  des 
articles  ;  les  deux  autres  rédactions  appartiennent  à  des  types 
plus  divergents.  Dans  un  chapitre  ultérieur  nous  donnerons 
le  contenu  entier  du  Prâtimoksha;  nous  aurons  alors  l'occa- 
sion de  mentionner  les  principales  divergences  dans  les 
rédactions  :  nous  n'avons  donc  pas  besoin  de  donner  ici 
d'autres  détails. 

3.  Voir  cet  ouvrage,  2,  3,  4.  Mokkha  y  est  expliqué  comme  «  principal  »,  ce 
qui  montre  qu'on  confondait  le  mot  avec  le  scr.  mukhya  {maitkhrja).  Tous  les 
savants  sont  d'accord  que  cette  explication  ne  vaut  rien.  Buddhagosha 
embrouille  toutes  sortes  d'étymologies  ;  cependant  il  semble  avoir  appris 
quelque  part  que  le  mot  veut  dire  quelque  chose  comme  «  protéger  »  (pâti), 
mais  il  confond  ce  pâti  avec  la  particule  pâti  de  pâtimokkha,  cf.  Minayef,  Prâ- 
tijnoksha-SiUra,  p.  I,  note. 

4.  Ceci  ne  nous  donne  cependant  pas  une  date  fixe  :  voir  l'opinion  du  prof. 
Oldenberg  sur  ce  point,  dans  son  édition  du  Maha-V.,  p.  XXXVII. 

5.  Le  Prât.  des  moines  compte,  dans  la  rédaction  pâlie,  227  articles,  dans  la 
rédact.  chinoise,  250,  dans  la  tibétaine  253  ;  celle  qui  a  été  suivie  dans  la 
Mahâvyulpatti,  259.  Le  texte  chinois  a  été  traduit  par  le  Rév.  S.  Béai,  dans 
sa  Catena  of  Buddhist  Scriptures,  p.  204;  une  analyse  du  texte  tibétain  a  été 
donnée  par  Csoma  Kôrôsi  dans  les  Asiat.  Rescarches,  vol.  XX;  les  données 
empruntées  à  la  Mahâvyutpalti  se  trouvent  chez  Minayef. 


12  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Le  Seigneur  a  ordonné,  lisons-nous  *,  que  le  règlement 
devra  être  lu  (ou  plutôt  récité)  dans  une  réunion  du  chapitre 
comptant  au  moins  quatre  personnes,  deux  fois  par  mois, 
rUposatha  du  15^  (ou  14")  de  chaque  moitié  de  mois.  A  la  fin  de 
chaque  division  ou  titre,  le  moine  qui  récite  la  formule 
demande  si  l'un  des  vénérables  frères  réunis  a  transgressé  un 
des  articles  :  si  oui,  le  péché  devra  être  confessé  publiquement 
dans  le  chapitre  ;  si  non,  on  continue  la  lecture  des  articles. 
Le  règlement  est  donc  en  même  temps  un  formulaire  pour  la 
confession  publique.  Cependant,  comme  il  est  prescrit  que 
chaque  péché  doit  être  confessé  aussitôt  qu'il  est  commis,  et 
que  le  formulaire  n'est  lu  que  deux  fois  par  mois,  il  est  clair 
que  la  question  incessamment  répétée,  si  l'une  des  personnes 
présentes  se  sent  coupable,  est  plutôt  un  rappel  solennel  qu'une 
exhortation  à  l'examen  de  conscience^.  En  somme,  le  Prâti- 
moksha,  pour  le  fond  et  pour  la  forme,  est  un  règlement  de 
discipline,  une  véritable  ordonnance  de  police,  contenant  une 
énumération  de  plusieurs  délits  et  transgressions,  rangés  par 
rubriques,  avec  indication  de  la  pénalité  ou  de  la  pénitence 
qu'entraîne  chaque  faute. 

Il  importe  de  ne  pas  perdre  de  vue  le  véritable  caractère  du 
règlement,  car  autrement  on  ne  pourra  jamais  découvrir  le 
véritable  sens  du  titre.  Sur  ce  point,  les  savants  ne  sont  pas 
encore  d'accord.  Une  chose  est  certaine,  c'est  que  les  auteurs 
42  duMahâ-Yaggan'en  avaient  plus  la  moindre  notion.*  L'auteur 
d'un  livre  célèbre  *  des  Bouddhistes  septentrionaux  arrive  à  la 

1.  Mahd-V.  2,  4,  2. 

2.  Ainsi  s'explique  le  fait  que  les  moines  se  confessent  mutuellement  avant 
la  lecture  du  règlement. 

1.  Abhidharmakoçavy âkhy a  âe  Y a.comitraL,  cité  par  Minayef,  Prât.  S.  p.  121. 
Cet  auteur,  lui  aussi,  mêle  toutes  sortes  d'explications  :  une  purement  artifi- 
cielle, d'après  laquelle  prâti  se  partage  en  pra,  en  avant,  avant,  et  ati,  plus 
loin  ;  et  une  autre,  nullement  impossible  en  elle-même,  selon  laquelle  prâii 
équivaut  à  prati;  un  a  long  de  cette  sorte  est  propre  au  prâkrit  ;et  comme 
les  termes  sanscrits  des  Bouddhistes  septentrionaux  sont  traduits  d'un  prâkrit 
(le  plus  souvent  de  la  façon  la  plus  ignorante),  une   pareille  monstruosité 


LE  SANGHA  13 

conclusion  qu'il  faut  dériver  le  mot  de  pratimuc,  «  aban- 
donner »,  et  que  le  règlement  est  ainsi  appelé  parce  que  celui 
qui  le  pratique  abandonne  le  péché.  Mais,  dans  la  langue  des 
anciens  écrits  bouddhiques,  on  emploie  en  ce  sens  exclusi- 
vement pramiic,  non pratimuc.  Et  la  signification  donnée  ne 
s'accorde  nullement  avec  le  composé  prâtimoksha-samvara- 
samvrta^  car  samvara  signifie  garde,  protection,  précau- 
tion, «  et  samvrta^  couvert,  défendu,  protégé.  »  On  trouve 
donc  dans  prâtimoksha  l'idée  d'une  chose  qui  peut  couvrir, 
ou  protéger.  Comme  le  mot,  d'après  l'étymologie,  peut  signi- 
fier «  une  chose  qu'on  met,  qu'on  porte  sur  soi,  équipement  » 
que  ce  soit  un  vêtement,  ou  une  cuirasse,  une  armure,  et 
comme  les  termes  synonymes,  tels  que  kavaca  et  kanciika^ 
jaquette,  cotte  d'armes,  cuirasse,  peuvent  aussi  s'employer 
au  figuré  ^  il  est  permis  d'en  conclure  qu'il  en  est  de  même 
de  prâtimoksha  ou  prâtimoksha.  On  peut  citer  à  l'appui  de 
cette  explication  le  fait  que  le  Bodhisatva  est  qualifié  ^,  de 
sannâhasiisanîiaddhavarmitakavacita,  c'est-à-dire  «  bien 
équipé  d'une  armure,  cuirassé,  bardé.  »  Comme,  en  outre, 
un  des  termes  les  plus  habituels  pour  exprimer  «  protection, 
défense  »,  c'est-à-dire  rakshâ^  a  le  sens  plus  restreint  de 
«  talisman,  formule  magique  »,  en  même  temps  que  celui  de 
«  police,  soin  de  la  sûreté  publique  »,  il  ne  serait  pas  impos- 
sible que  Prâtimoksha-Sûtra  fût  une  modification  ingénieuse 
de  rakshâ-siUra,  règlement  de  police*,  *  ce  qui  n'empêche  pas  13 

n'aurait  rien  d'extraordinaire  dans  le  pseudo-sanscrit  du  canon  septentrional. 
On  trouve  d'ailleurs  aussi  l'orthographe  avec  a  bref.  Si  Ton  admet  d,  prâtimoksha 
est  un  adjectif  qui  signifie  «  appartenant  au  prâtimoksha,  du  prâtimoksha.  « 

2.  Kavaca,  signifie  particulièrement  «  foruiule  magique  protectrice  ;  » 
kancuka  dans  le  composé  dharma-kancuka  «  la  cuirasse  de  la  vertu.  » 

3.  Lalita-Vistara,  217. 

1.  Les  notices  confuses  de  Buddhaghosha  aussi  bien  que  de  Yacomitra  indi- 
quent un  vague  souvenir  d'anciennes  explications  qui  donnaient  à.  prâtimoksha 
le  sens  de  rakshâ,  quoique  le  premier  ne  semble  pas  avoir  compris  que  sa  source 
voulait  indiquer  pâti  =  rakkhati,  et  non  un  composé  pâtirakkhati.  Le  dernier 
a  quelque  idée  que  prâtimoksha  sert  à  protéger  «  le  corps  et  les  paroles». 
Remarquons  en  passant  qu'on  ne  peut  rien  conclure  du  Dhammapada,  str. 


14  HISTOIRE  DU  BOUDDHISiME  DANS  LINDE 

qu'on  ait  pu  considérer  en  même  temps  le  Prâtimoksha  comme 
une  cuirasse  destinée  à  protéger  le  religieux  contre  les  ten- 
tations du  péché,  comme  une  armure  impénétrable  lors  des 
soudaines  attaques  de  Mâra. 


2.  —  Eri^ites.  —  Règles  de  la  vie  ascétique. 

On  ne  doit  pas  confondre  avec  les  moines  mendiants  pro- 
prement dits,  Bhikstms,  des  codes  indiens,  les  ermites  qui 
mènent  une  vie  de  mortification  dans  la  solitude,  afin  de 
s'habituer  au  renoncement  au  monde  et  de  se  préparer  au 
Ciel  ^  Quoiqu'il  leur  soit  permis  de  mendier  leur  nourri- 
ture \  ils  ne  le  font  que  par  exception.  Les  règles  aux- 
quelles ils  doivent  se  conformer  sont  ainsi  résumées  dans 
le  code  de  Gautama  *  : 

L'ermite  vit  dans  la  foret,  se  nourrissant  de  racines  et  de 
fruits,  et  pratiquant  l'ascétisme.  Il  doit  allumer  un  feu  d'après 
la  règle  des  Çramanas  (pour  y  préparer  l'offrande  du  matin 
et  celle  du  soir).  Il  mange  des  légumes  sauvages;  il  est  obligé 
d'honorer  régulièrement  les  dieux,  les  esprits  des  ancêtres, 
les  hommes,  les  Bhûtas  ^  et  les  Voyants  (qui  ont  révélé  le 
14  Yeda)  ^  *  Il  doit  accueillir  hospitalièrement  tous  les  hommes 


375,  où  le  mot  se  trouve  :  il  peut  être  dans  ce  passage  un  adjectif  employé 
substantivement,  et  indiquer  très  bien  le  règlement  ainsi  intitulé.  En  outre, 
le  passage  est  une  interpolation  :  dans  la  strophe  précédente  il  est  dit  qu'il  y  a 
une  chose  nécessaire,  tandis  que  la  strophe  superflue  en  énumère  quatre  (la 
seule  chose  nécessaire  est  de  se  choisir  des  amis  vertueux). 

2.  On  les  appelle  d'ordinaire  Vaikhânasa  ou  Vânaprastha. 

3.  Manu,  6,  27. 

4.  Gautama,  3,  21—35;  comp.  Àpastamba,  II,  9,  21,  18  et  ss.  et  Manu, 
6,  1-29. 

5.  C'est-à-dire  «  êtres,  créatures  »  ;  le  terme  comprend  les  esprits  terrestres 
et  célestes,  et  les  animaux. 

6.  Àpastamba,  II,  9,  24,  13  ss.  il  est  dit  que  les  Rshis  ont  créé  le  monde 
avec  Brahma  et  que  leurs  corps  brillent  au  ciel  sous  forme  d'étoiles  écla- 
tantes. On  voit  que  le  neda  comprend  tout  ce  qui  est  visible  et  connaissable, 


LE  SANGHA  15 

(sauf  ceux  avec  lesquels  il  est  défendu  d'avoir  contact).  Au 
besoin  il  peut  manger  la  chair  d'animaux  tués  par  des  bêtes 
féroces.  Il  ne  peut  ni  entrer  dans  un  village,  ni  marcher  sur 
un  champ  ensemencé.  11  porte  sa  chevelure  en  tresses,  et  est 
vêtu  d'écorce  d'arbre  et  de  peaux  de  bêtes. 

Quoique  les  ermites  soient  comptés  parmi  les  Çramanas  à 
cause  de  leur  manière  de  vivre,  ils  ressemblent  moins  que 
les  Sannyâsins  aux  moines  bouddhiques.  On  pourrait  plutôt 
les  considérer  comme  répondant  aux  Agnikas  ou  Jatilas  aux 
cheveux  tressés,  auxquels  appartiennent  les  trois  Kâçyapas  de 
Gayâ,  Nadî  et  Uruvilvâ  K  Gomme  les  Agnikas,  ainsi  que  nous 
le  verrons  plus  tard,  sont  admis,  sans  temps  d'épreuve 
préalable,  dans  la  congrégation  des  fils  de  Çâkya,  on  peut 
risquer  la  conclusion  que,  dans  la  Congrégation,  l'ermite  était 
hautement  estimé  et  était  mis  à  peu  près  sur  le  même  rang 
que  le  moine.  Tous  les  deux,  l'ermite  et  le  moine,  ont  ceci 
en  commun,  qu'ils  croient  avoir  trouvé  dans  un  ascétisme 
systématique,  poussé  plus  ou  moins  loin,  le  moyen  d'atteindre 
le  but  qu'ils  se  proposent. 

Les  Bouddhistes  possèdent  un  ensemble  complet  de  règles 
de  la  vie  ascétique  dans  les  Dhutâiigas  ^,  au  nombre  de  treize 
chez  les  Bouddhistes  du  Sud,  de  douze  chez  ceux  du  Nord. 


tous  les  phénomènes  matériels  et  spirituels.  Le  dharma  des  Bouddhistes  est 
exactement  la  même  chose  que  le  veda  :  le  mot  seul  diffère. 

1.  Les  Kâçyapas  ou  Kâçyapas  doivent  être,  d'après  les  règles  de  la  mytho- 
logie, des  ermites,  car  Kaçyapa  est  le  Prajâpati,  le  Patriarche  ou  Créateur,  et 
est  par  conséquent  identique  à  Brahma.  Or  Brahma  est  un  ermite  à  longue 
barbe,  selon  Tusage.  Le  moine,  Sannyâsin,  qui  doit  être  rasé,  est,  selon  l'opi- 
nion commune,  supérieur  à  Termite;  par  une  conséquence  naturelle  le  Buddha 
est  supérieur  à  Brahma;  en  d'autres  termes,  tous  les  deux  sont  le  même  être 
physique  ou  métaphysique,  conçu  dans  des  états  divers. 

2.  Ou  Dhûtângas.  Dhuia,  dhûla  signifie  «  rejeté  en  secouant  »  ;  de  là  dhûta- 
pâpa,  «  quelqu'un  qui  a  rejeté  les  péchés,  ou  le  Péché;  »  le  neutre  dhutam, 
dhûtam,  signifie  «  l'état  dans  lequel  on  se  trouve  après  avoir  rejeté  »  (c'est-à- 
dire  le  Péché,  le  monde).  On  peut  donc  rendre  les  Dhûtângas  par  «  les  subdivi- 
sions du  renoncement  au  monde  ».  Dans  les  écrits  brahmaniques  avadhûta 
signifie  de  même  «  une  personne  qui  a  renoncé  à  tout  ». 


16  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Nous  les  passerons  successivement  en  revue,  en  suivant 
l'ordre  habituel  des  textes  pâlis  \ 

I.  Porter  un  habit  composé  de  haillons  ramassés  sur  un 
fumier  ou  un  tas  de  sable  (pâmsukûlika) .  Les  moines,  en 
15  général,  *  ne  suivaient  nullement  cette  règle;  et  il  n'est  pas 
non  plus  permis  de  croire  que  l'usage  fût  général  à  une 
époque  ancienne.  Il  est  probable  que  ceux-là  seuls  qui  se 
vouaient  à  un  ascétisme  plus  rigoureux  avaient  l'habitude 
de  se  vêtir  d'une  façon  aussi  misérable,  et  que  l'Eglise,  pour 
les  contenter,  admit  cet  usage,  et  le  reconnut  même  comme 
particulièrement  méritoire,  quoique  strictement  non  néces- 
saire. La  tradition  dit  qu'il  y  a  une  école,  celle  des  Kâçya- 
pîyas,  qui  observe  les  Dhutâiigas  plus  que  les  autres  K  Ceci 
est  probablement  exact,  en  tant  que  mythe  :  tous  les  Kaçya- 
pas  sont  ermites,  en  leur  qualité  de  patriarches  ou  de  créa- 
teurs du  monde. 

IL  La  possession  de  trois  vêtements  (traicîvarika^  pâli 
tecîvarika).  La  règle  qui  défend  de  posséder  plus  de  trois 
vêtements  ^,  conformes  à  un  modèle  donné,  est  obligatoire 
pour  tous  les  membres  du  Sangha,  et  chaque  candidat  à  l'or- 
dination doit  en  être  fourni.  On  peut  se  demander  si  le 
véritable  sens  de  cet  Aiiga  ne  reviendrait  pas  à  ceci  :  qu'il 
faut  se  contenter  de  trois  vêtements  :  ainsi  compris,  le  pré- 
cepte est  dirigé  contre  le  luxe  dans  l'habillement.  La  nudité 
complète  est  dénoncée  comme  indécente  et  n'est  pas  permise. 

III.  Ne  prendre  d'autre  nourriture  que  celle  qu'on  a  reçue 
comme  aumône  (paindapâtika).  Celui  qui  pratique  stricte- 
ment ce  précepte  n'accepte  pas  d'invitation  à  dîner,  ne  prend 
pas  sa  part  des  mets  dont  les  fidèles  ont  fait  don  à  la  Con- 


3.  Hardy,  E.  M.  9;  73;  97;  Burnouf,  Introd.  304;  Vassilief,  B.  172;  Beal, 
Catena,  256. 

1.  Beal,  0.  c.  De  même  dans  ce  qu'on  appelle  la  «  tradition  »  méridionale, 
Kâçyapa,  ou  Kaçyapa  (Kassapa)  est  le  principal  représentant  de  la  théorie  des 
Dhutângas  :  Dîpavathsa,  4,  3. 

2.  Sauf  exception. 


LE   SANGHA  17 

grégation,  s'abstient  en  un  mot  de  tout  luxe  en  fait  de  nour- 
riture. 

IV.  En  mendiant  sa  nourriture,  aller  régulièrement  de 
maison  en  maison,  chez  les  pauvres  aussi  bien  que  chez  les 
riches,  sans  négliger  personne.  C'est  la  signification  que  les 
Singhalais  donnent  au  terme  sapadâna-cârika  (les  Bouddhistes 
du  Nord  disent  sâvadânam-carati  ^).  Ce  précepte  ne  diffère 
pas,  au  fond,  de  la  règle  précédente  ;  il  est  donc  très  naturel 
que  cet  article  manque  dans  la  liste  septentrionale.  *  16 

V.  Rester  assis,  pendant  le  repas,  à  la  même  place  (pâli 
ekâsanika).  C'est  l'explication  que  les  docteurs  de  l'Eglise 
donnent  du  mot,  eka  signifiant  «.  un  »,  et  âsana  «  siège  ». 
Leur  explication  .repose  sur  une  confusion  de  deux  mots,  qui 
ont  en  pâli  le  même  son,  âsana;  la  forme  sanscrite  serait 
aikâçanika,  dérivé  à'ekâçana  «  manger  seul  »  :  ceci  est  évi- 
demment la  signification  vraie,  l'ascète  étant  obligé  de  prendre 
son  repas  dans  l'isolement  \  Peut-être  a-t-on  donné  au  pré- 
cepte, de  propos  délibéré,  un  sens  nouveau. 

YI.  jNe  manger  que  dans  une  seule  écuelle  ou  pot  à 
aumônes  {ipèli  pattapindika).  Cet  article  manque  dans  la  liste 
septentrionale. 

YII.  Défense  de  prendre  un  second  repas  après  celui  de  la 
matinée  [khalupaçcâdbhaktika]  ^  La  scolastique  singhalaise 
a  raffiné  d'une  façon  caractéristique  cette  simple  défense. 
Elle  a  cru  y  découvrir  que  le  moine  qui  veut  observer  la 
règle  dans  le  degré  supérieur,  ne  peut  manger  que  la  pre- 
mière bouchée,  et  rien  de  plus,  même  si  la  première  poignée 
de  nourriture  qu'il  prend  est  impure  ;  le  moine  qui  observe 

3.  Mahâvaslu  (éd.  Senart)  I,  301.  Comp.  Mahâvyutpatli  (éd.  Minayef)  263,  44; 
Jât.  V,  p.  358. 

1.  Déjà  Burnouf, /n^7'od.  307  a  émis  cette  hypothèse;  comp.  Manu,  6,  59,  où 
il  est  dit  en  termes  non  équivoques  que  le  moine  mangera  isolément.  On  pour- 
rait au  besoin  admettre  ekâsana,  toujours  dans  le  sens  de  «  s'asseoir  seul  ». 

2.  Khalu  doit  être  compris  ici  comme  un  terme  prohibitif,  nishedhe^  comme 
disent  les  savants  indiens.  Paçcâdbhakta  peut  signifier  à  volonté  «  repas  pos- 
térieur »  et  «  après  le  repas .  » 

Tome  II.  î 


18  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

la  règle  dans  le  degré  moyen  peut  manger  ce  qui  est 
impur,  mais  rien  de  plus  ;  celui  qui  observe  la  règle  dans  le 
degré  inférieur  peut  continuer  à  manger  tant  qu'il  reste  assis 
à  la  même  place  ^  Il  importe  de  fixer  l'attention  sur  de  sem- 
blables théories  de  l'Église  méridionale,  qui  représente, 
sans  nul  doute,  très  fidèlement  l'ancien  esprit  bouddhique. 

VIII.  Vivre  dans  la  solitude  [âranyaka). 

IX.  Vivre  au  pied  d'un  arbre  [vrkshamûlika). 

X.  Coucher  à  la  belle  étoile  [âbhyavakâçika). 

17      XI.  Vivre  dans  un  cimetière  [çmâçânika;  pâli  sosânika.)  * 

XII.  Passer  la  nuit  là  où  l'on  a  été  conduit  par  le  hasard 
[yâthâsamstarika^  pâli  yathâsanthatika). 

XIII.  Dormir  assis  [naishadika  pâli  nesajjtika). 

Dans  la  liste  septentrionale,  comme  on  le  voit,  on  ne  trouve 
pas  les  articles  IV  et  VI  ;  par  contre,  elle  a  un  autre  article 
[nâmatika-anga)^  qui  prescrit  l'emploi  du  feutre  [namatà)  *. 

D'après  la  théorie,  toutes  ces  subdivisions  de  la  règle  ascé- 
tique peuvent  être  observées  par  les  moines,  douze  par  les 
novices-hommes,  huit  parles  religieuses,  sept  par  les  novices 
femmes,  et  deux  par  les  laïques  ;  ce  qui,  selon  une  manière 
de  calculer  habituelle  aux  Bouddhistes,  donne  en  tout  42  ar- 
ticles ^.  Les  articles  7-11  ne  sont  pas  applicables  aux  reli- 
gieuses ;  la  pratique  des  articles  11-13  leur  est  même  expres- 
sément interdite,  ce  qui  revient  à  dire  qu'elles  ne  sont  tenues 
qu'à  observer  les  six  premiers  articles,  et  qu'en  aucun  cas 
elles  ne  peuvent  vivre  en  ermites.  Le  novice  peut  observer 

3.  Ces  absurdités  scolastiques  se  trouvent  chez  Hardy  E.  M.  99. 

1.  Le  mot  namataka  n'est  pas  inconnu  aux  Méridionaux  :  Culla-Vagga  10,  10 
il  est  défendu  aux  religieuses  de  porter  du  namataka;  5,  19,  le  Buddha  en 
permet  Tusage  aux  moines,  quoique  peut-être  pas  pour  des  vêtements  ;  Buddha- 
gosha  l'explique  par  «  étoffe  de  poil  de  chèvre  ».  On  le  mentionne  encore  5,  H. 

2.  Les  Singhalais  surtout  s'entendent,  en  matières  chronologiques,  à  multi- 
plier les  nombres  d'années  ;  par  exemple  ils  laissent  les  9  Nandas  régner 
ensemble  pendant  une  période  de  22  ans,  et  les  mêmes,  chacun  à  part,  pen- 
dant une  période  d'égale  longueur  :  ce  qui  donne  pour  le  règne  des  Nandas, 
44  ans.  Nous  reviendrons  sur  ce  point. 


LE  SANGHA  19 

tous  les  préceptes, sauf  le  second;  évidemment  parce  qu'il  n'a 
pas  encore  fait  de  vœux  solennels,  et  n'appartient  pas  encore, 
strictement  parler,  au  Sangha.  Les  laïques  peuvent  suivre 
les  préceptes  5  et  6,  mais  aucun  autre. 

Il  ne  semble  pas  difficile  de  reconnaître  le  principe  fonda- 
mental des  Dhutângas  :  ils  forment  une  somme  de  règles  ascé- 
tiques, à  l'usage  de  moines  et  d'ermites.  Des  douze  articles 
de  la  liste  septentrionale,  les  six  derniers  sont  rédigés  exclu- 
sivement en  vue  de  ceux  que  leur  caractère  poussait  à  une 
vie  d'ascétisme  outré  dans  la  solitude  ou  dans  des  lieux  sau- 
vages. Le  fait  que  de  tels  ermites  pouvaient  faire  partie  de  la 
Congrégation  est  prouvé  par  les  règles  spéciales  que  le  Buddha 
établit*  en  leur  faveur* ;  on  les  appelle  «  moines  vivant  dans  18 
la  solitude  »  {âranyakabhikshu)  et  ils  peuvent  être  rapprochés 
des  Vaikhânasas  ou  des  Vânaprasthas.  Ils  doivent  se  munir 
d'une  provision  d'eau  et  de  vivres,  ou  du  moins  s'arran- 
ger pour  qu'ils  puissent  les  fournir  au  besoin  ;  ils  doivent 
savoir  allumer  le  feu  et  connaître  les  constellations,  afin  de 
pouvoir  déterminer  le  jour  du  mois  —  toutes  choses  utiles 
au  Yânaprastha,  qui  doit  faire  des  sacrifices  journaliers  et 
recevoir  des  hôtes,  mais  parfaitement  superflues  pour  le 
membre  d'un  couvent.  On  raconte  l'occasion  qui  donna  lieu  à 
la  promulgation  de  règles  particulières  à  ces  sortes  d'ascètes  ; 
il  arriva  un  jour,  dit-on,  qu'un  grand  nombre  d'ascètes  se 
trouvaient  dans  la  solitude,  sans  posséder  des  provisions  et 
sans  avoir  les  connaissances  énumérées  plus  haut.  Vinrent 
des  brigands,  qui  demandèrent  à  ces  vénérables  personnages  : 
((  Avez-vous  de  l'eau?  «  Réponse  :  «  Non  ».  —  «  Avez- 
vous  du  feu  ?  ))  Réponse  :  «  Non.  »  —  «  Dans  quelle  constel- 
lation se  trouve  la  lune  ?»  —  «  Nous  ne  le  savons  pas  »  etc . 
Les  brigands  se  fâchèrent  et  rossèrent  les  ascètes  d'impor- 
tance. Ceux-ci  racontent  l'histoire  aux  autres  moines,  qui  la 
transmettent  au  Maître  :  celui-ci  promulgue  les  préceptes 

1.  Culla-Vagçja,  8,  6. 


20  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

enumérés  plus  haut.  L'absurdité  de  cette  historiette  est  trop 
évidente  pour  qu'on  ait  besoin  d'y  insister.  La  vraie  raison 
qui  conduisit  à  l'admission  des  règles  plus  strictes  d'ascé- 
tisme, semble  bien  avoir  été  le  désir  de  rendre  facile  aux 
ermites  l'entrée  dans  la  doctrine  du  salut. 

La  vie  au  pied  d'un  arbre  ^,  est  mentionné,  dans  la  formule 
de  l'ordination,  comme  une  des  quatre  mortifications  indis- 
pensables au  moine  ;  mais  comme  le  Buddha  des  livres  cano- 
niques enlève  d'une  main  ce  qu'il  donne  de  l'autre,  il  est 
permis  au  fils  de  Çâkya  d'adopter  un  genre  de  vie  moins  dur. 
Un  exemple  plus  saillant  encore  de  cette  casuistique  accom- 
modante se  rencontre  à  propos  de  l'article  I"  qui  recommande 
de  porter   des  vêtements  composés   de   haillons  ramassés. 
Néanmoins,  le  Maître  défend  quelque    part  ^  expressément 
19  de  se  vêtir  entièrement  de  la  sorte*  —  quel  que  soit  le  sens 
précis  de  l'expression  —  et  cela  à  propos  de  l'événement  que 
voici  :  Un  jour,  un  moine   se  promenait,  vêtu  ainsi  complè- 
tement de  haillons,  et  portant  une  tête  de  mort  comme  pot 
à  aumônes.  Une  femme  fut  tellement  effrayée  à  ce  spectacle^ 
qu'elle  poussa  un  cri,  croyant  qu'un  diable  lui  était  apparu. 
Les  gens  s'indignèrent,  et  dirent  :  «  Comment  est-il  possible 
que  des  fils  de  Çâkya  *  portent  une  tête  de  mort  en  guise 
de  pot  à  aumônes,  comme  s'ils  étaient  des  diables?»  On 
apprit  au  Seigneur  ce  qui  était  arrivé,  et  il  dit  :  «  Moines  il  ne 
faut  pas  porter  une  tête  de  mort  en  guise  de  pot  à  aumônes  ; 
celui  qui  le  fait,  commet  une  faute.  Il  n'est  pas  non  plus 
permis  de  se  vêtir  entièrement  de  haillons  ramassés  sur  un 
tas  d'ordures  ;  celui  qui  le  fait,  commet  une  faute.  » 

Ce  qui  fait  l'intérêt  de  ce  récit,  c'est  qu'il  semble  contenir 
une  allusion  à  certains  ascètes  porteurs  de  crânes,  les  Kâpâ- 
likas  ou  Kapâladhârins  ;  d'oii  l'on  peut   conclure  que  ces 

2.  La  même  façon  de  vivre  est  mentionnée  Manu,  6,  26,  à  l'endroit  où  il  est 
question  des  différentes  sortes  de  demeure  du  Yaikhânasa. 

3.  Culla-Vagga,b,  10. 

1 .  Ce  pluriel  paraît  bizarre . 


LE  SANGHA  21 

sortes  de  saints  terrestres  et  d'adorateurs  de  Çiva  existaient 
déjà  du  temps  de  la  rédaction  duGulla-Yagga. 

Quoique  tous  lesDhutâiigas  ne  soient  pas  également  obli- 
gatoires, la  pratique  n'en  est  pas  moins  méritoire.  Tous  les 
Buddhas  antérieurs  les  appréciaient  hautement  et  y  atta- 
chaient une  grande  valeur  \  L'exercice  en  est  accompagné 
de  vingt-huit  vertus,  et  tout  homme  qui  les  observe  complè- 
tement peut  être  sûr  qu'il  possédere  dix-huit  bonnes  qua- 
lités. C'est  ce  qu'enseigna  le  vénérable  Nâgasena  au  Roi 
Milinda,dans  une  des  conversations  qu'ils  eurei\t  ensemble  ^ 
Le  Père  de  l'Église  avait  prouvé  par  des  faits  que  des  laïques, 
eux  aussi,  avaient  plusieurs  fois  réussi  à  atteindre  le  Nirvana 
définitif  :  des  millions  et  des  millions  d'hommes  et  de  dieux 
avaient  réussi,  après  avoir  goûté  les  joies  de  la  vie  séculière 
et  sans  avoir  jamais  embrassé  l'état  monastique,  à  parvenir 
au  véritable  Nirvana.  Le  Roi  demande  alors  à  quoi  sert  tout 
cet  ascétisme,  et  Nâgasena  répond,  non  pas  directement,  *  20 
cela  serait  contraire  à  ses  habitudes,  mais  d'une  façon  éva- 
sive,  que  les  règles  monastiques  sont  accompagnées  de  vingt- 
huit  faveurs.  Il  les  énumère,  mais  nous  n'avons  pas  besoin 
de  répéter  ici  cette  énumération. 

Dès  l'origine,  comme  nous  pouvons  l'inférer  des  plus 
anciens  documents,  le  Saiighaaété  une  fusion  ou  une  réunion 
de  trois  classes  d'ascètes  ou  de  Çramanas,  qui  correspondent 
aux  Parivrâjakas,  aux  Vaikhânasas  et  aux  Brahmacârins  à 
perpétuité.  Dans  le  système  plus  développé  du  Mahâyâna, 
on  les  retrouve  encore  sous  les  noms  pompeux  de  Bodhi- 
satvas,  de  Pratyekabuddhas  et  de  Disciples  ^  Tous  désirent 
atteindre  le  môme  but,  quoique  d'une  façon  différente. 

1.  Dans  le  passage  du  Mahâvastu  cité  plus  haut  (p.  IS,  note  3)  un  Pratyeka- 
buddha  mène  la  vie  d'un  ermite  solitaire  qui  sàvadànafn  pindàya  carati. 

2.  Mil.  P.  351. 

1.  Comp.  la  note  2  de  la  p.  précédente  et  1. 1,  p.  390. 


CHAPITRE  II 


ADMISSION  DANS  L  ORDRE,  —  NOVICIAT.  —   ORDINATION. 


L'entrée  de  la  Congrégation  est  permise  à  toute  personne, 
quel  que  soit  son  rang  ou  sa  position  sociale,  sauf  plusieurs 
exceptions.  Sont  exclus  :  les  soldats,  les  brigands,  les  ban- 
dits échappés  de  prison,  les  voleurs  qui  ont  été  mis  au 
pilori,  ou  qui  ont  été  fustigés  ou  marqués,  les  personnes 
atteintes  de  la  lèpre,  grave  ou  légère,  de  crétinisme, 
de  phtisie,  ou  d'épilepsie;  les  débiteurs  en  fuite  et  les 
esclaves.  Il  est  expressément  défendu,  en  outre,  d'admettre 
à  l'ordination  proprement  dite  (upasampadâ)  les  individus 
qui  ont  tué  leur  père  ou  leur  mère,  ceux  qui  ont  tué  un 
Arhat  *,  ceux  qui  ont  violé  une  religieuse,  ceux  qui  ont  causé 
un  schisme  dans  la  communauté,  ceux  qui  ont  versé  le  sang, 
les  hermaphrodites,  les  boiteux,  les  paralytiques,  les  mutilés, 
les  aveugles,  les  muets,  les  sourds,  les  bossus,  ceux  qui  sont 
atteints  de  maladies  graves,  les  apostats  qui  ont  passé  à  une 
21  autre  secte,  *  les  personnes  qui  se  sont  introduites  dans  la 
communauté  d'une  façon  détournée,  les  animaux  \  Si  de 
tels  individus  ont  reçu  l'ordination,  ils  doivent  être  exclus  de 
la  communauté  après  coup.  En  ce  qui  concerne  les  femmes 
qui  se  présentent  à  l'Upasampadâ,  elles  doivent  être  saines, 
non  mutilées,  ne  pas  être  issues  de  la  caste  des  soldats, 

1.  Arhat  a  évidemment  ici  rancien  sens  de  «  maître  »,  Guru. 
1.  Mahâ-V.  1,  39  et  ss.  ;  Hardy  £.  M.  17. 


LE  SANGHA  23 

n'être  ni  esclaves,  ni  débitrices  en  fuite  ^  Nul  ne  peut  être 
reçu  comme  Çrâmanera  ou  novice,  à  moins  d'avoir  obtenu  la 
permission  de  ses  parents  et  d'être  âgé  de  sept  ans  au  moins. 

La  plupart  des  exceptions  à  la  règle  de  l'admission  géné- 
rale, que  nous  venons  d'énumérer,  sont  faciles  à  expliquer. 
Cependant  les  rédacteurs  du  Yinaya-Pilaka  se  sont  empressés 
de  justifier  les  exceptions  par  des  historiettes  inventées  après 
coup.  D'après  eux,  au  début,  on  avait  admis  toutes  les  caté- 
gories énumérées;  ce  n'est  que  graduellement,  lorsque  des 
conséquences  malheureuses  se  firent  sentir,  qu'on  proclama 
les  prohibitions.  Nous  avons  vu,  dans  la  légende  duBuddha, 
comment  celui-ci  fit  admettre  son  propre  fils  Râhula  en 
qualité  de  Çrâmanera,  et  comment  lui-même  fixa  plus  tard, 
après  avoir  entendu  les  réclamations  de  Çuddhodana  à  ce 
propos,  la  règle  qu'aucun  mineur  ne  pourrait  être  admis, 
qu'avec  permission  des  parents.  Non  moins  remarquables 
sont  les  autres  historiettes,  qui  doivent  servir  à  expliquer 
l'origine  de  telle  ou  telle  exception.  C'est  ainsi  que  le  récit 
suivant  ^  est  destiné  à  apprendre  à  la  postérité,  comment  il 
s'est  fait  que  des  personnes  atteintes  de  certaines  maladies  ne 
sont  pas  admises  dans  la  Congrégation . 

Une  fois  il  y  avait  dans  le  pays  de  Magadha  cinq  maladies 
répandues  :  lèpre,  crétinisme,  lèpre  légère,  phtisie  et  épi- 
lepsie.  Les  patients  vinrent  chercher  du  soulagement  chez 
Jîvaka,  mais  celui-ci  les  renvoya,  ayant  trop  à  faire  comme 
médecin  ordinaire  du  roi  Bimbisâra,  du  harem  de  celui-ci  et 
de  la  Congrégation  dont  le  Buddha  était  le  chef  *.  Les  gens 
comprirent  que,  dans  ces  circonstances,  *  il  était  dans  leur  22 
propre  intérêt  de  se  faire  admettre  parmi  les  fils  de  Çâkya, 
car,  une  fois   devenus  moines,  ils  avaient  le  droit   d'être 

2.  Les  vingt-quatre  empêchements  {antarâyika  dhamma)  à  Tordination  d'une 
novice-femme  sont  énumérés  Culla-V.  10,  17. 

3.  Mahâ-V.  1,39. 

4.  Le  narrateur  sous-entend  que,  dans  ce  temps-là,  Jîvak^  était  le  seul  et 
uni(|;ue  médecin  connu,      • 


24  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

traités  par  le  célèbre  médecin.  Ils  devinrent  donc  membres 
de  la  communauté  et  furent  soignés  par  le  médecin  particu- 
lier du  roi  et  du  clergé.  Il  arriva  justement  que  beaucoup  de 
moines  tombèrent  malades,  de  sorte  que  Jivaka  accablé 
d'ouvrage,  ne  fut  plus  en  état  de  soigner  convenablement  le 
roi.  Un  individu  atteint  des  cinq  maladies  *  énumérées,  alla 
voir  Jivaka,  pour  implorer  son  secours  médical  :  celui-ci 
avait  à  ce  moment-là  trop  à  faire  pour  soigner  le  malade. 
L'homme  devint  moine,  et  fut  vite  guéri,  grâce  aux  soins  de 
ses  frères  et  à  l'art  du  médecin.  A  peine  fut-il  guéri,  qu'il 
quitta  l'ordre  et  se  mit  à  se  promener  sur  le  grand  chemin. 
Jivaka,  rencontrant  l'homme,  ne  fut  pas  peu  étonné,  et  lui 
demanda  :  «  Me  trompé-je?  Ne  vous  êtes-vous  pas  fait  rece- 
voir moine  ?  »  La  réponse  fut  affirmative.  «  Et  pourquoi 
l'avez-vous  fait?  »  demanda  le  médecin.  L'homme  aux  cinq 
maladies  lui  expliqua  ses  raisons.  Jivaka  se  fâcha,  et  se 
plaignit  au  Buddha,  de  ce  qu'on  eût  admis  dans  l'ordre  un 
homme  atteint  de  cinq  maladies  ;  il  pria  qu'on  prit  des 
mesures  pour  que  pareil  fait  ne  pût  se  renouveler.  Il  s'éloi- 
gna, après  que  le  Maître  Feût  fortifié  et  réconforté  d'un 
discours  édifiant.  Ceci  fut  cause  que  le  Seigneur  s'adressa 
aux  moines  réunis,  disant  :  «  Un  homme  atteint  des  cinq 
maladies  ne  peut  être  reçu  moine;  celui  qui  l'admet  aux 
vœux  monastiques  commet  une  faute.  » 

Un  autre  récit,  destiné  à  justifier  historiquement  l'exclusion 
des  soldats  ^  revient,  en  résumé,  à  ceci  : 

Il  arriva  une  fois  que  le  roi  Bimbisâra  envoya  des  troupes, 

pour  réprimer  des  troubles  dans  un  pays  près  de  la  fron- 

23  tière.  *Les  plus  intelligents  partni  les  soldats  comprirent  que 

c'était  un  péché  de  faire  la  guerre  et  résolurent  d'embrasser 

1.  Il  semble  que  ce  soit  pour  abréger  le  récit,  sans  se  soucier  de  la  vraisem- 
blance, que  le  narrateur  a  représenté  son  personnage  comme  infecté  des  cinq 
maladies  à  la  fois.  Cette  complication  de  maladies  n'empêche  d'ailleurs  pas 
Je  patient  d'aller  et  de  venir. 

2.  Mahà-V.  1,  40. 


LE  SANGHA  25 

l'état  monastique.  Ils  demandèrent  à  être  admis  dans  la  con- 
grégation des  fils  de  Çâkya,  ce  qu'on  leur  permit.  Lorsque 
les  commandants  de  l'armée  apprirent  que  plusieurs  soldats 
avaient  déserté,  et  quelle  en  était  la  cause,  ils  en  furent 
étonnés,  et  communiquèrent  le  fait  au  roi  Bimbisâra,  qui,  à 
son  tour,  mit  au  courant  les  fonctionnaires  chargés  de  rendre 
la  justice.  Ceux-ci  jugèrent  que  les  moines  devaient  être  sévè- 
rement punis,  mais  Bimbisâra  se  contenta  de  se  plaindre  au 
Buddha,  et  donna  à  entendre  que,  pour  l'avenir,  les  Vénérables 
devaient  s'abstenir  d'admettre  des  soldats  dans  l'Ordre. 
Lorsque  le  Roi,  après  avoir  écouté  le  sermon  obligatoire,  fut 
parti,  le  Seigneur  parla  aux  moines  et  dit  :  «  Aucun  soldat, 
moines,  ne  peut  embrasser  l'état  monastique.  » 

Plus  singulier  encore  est  le  fait  historique  que  voici,  qui 
amena  l'exclusion  des  animaux  \ 

Certain  Nâga  ^  se  dégoûta  de  son  état  de  Nâga  et  voulut 
devenir  homme.  Pour  en  venir  à  ses  fins,  il  se  fit  admettre 
parmi  les  fils  de  Çâkya,  l'état  monastique  étant  un  moyen 
convenable  pour  se  délivrer  de  la  nature  de  Nâga  et  s'huma- 
niser complètement.  Un  jour,  il  arriva  que  le  frère  dont  il 
partageait  la  cellule,  se  leva,  et  sortit.  Le  Nâga,  se  voyant 
seul,  s'endormit  tranquillement.  C'est  une  particularité  des 
Nâgas  qu'ils  possèdent  le  pouvoir  de  prendre  une  forme 
humaine,  sauf  en  deux  cas  :  pendant  le  sommeil  *  et  pen-  24 
dant  la  copulation  ;  alors  leur  véritable  nature  se  mani- 
feste. Dès  que  le  Nâga  se  fut  endormi,  tout  le  couvent  fut 
rempli  du  corps  du  serpent,  tellement,  que  les  replis  sortaient 
des  fenêtres.  A  cette  vue,  le  moine  revenu  do  sa  prome- 
nade,  fut  épouvanté.    Il   donna   l'alarme,    et    les    autres 


l.Mahâ'V,  1,63. 

2.  Les  Nâgas  sont  des  êtres  à  forme  de  serpent,  qui,  dans  certaines  circons- 
tances, peuvent  prendre  une  forme  humaine  ;  ils  vivent  dans  le  monde  sou- 
terrain et  au  fond  des  eaux  et  jouent,  comme  nous  Tavons  vu,  un  rôle  assez 
important  dans  l'histoire  du  Buddha  ;  on  les  compte  parmi  ses  admirateurs 
les  plus  ardents,  quoique  quelques-uns  d'entre  eux  lui  soient  hostiles. 


26  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

moines  accoururent  pour  voir  ce  qui  était  arrivé.  Le  bruit 
éveilla  le  Nâga  et  celui-ci  se  leva.  A  la  demande,  qui  il 
était,  il  répondit  qu'il  était  un  Nâga,  et  lorsqu'on  lui 
demanda  la  raison  de  sa  conduite,  il  ne  refusa  pas  de  donner 
les  éclaircissements  nécessaires.  Les  moines  avertirent  le 
^Maître,  qui  convoqua  immédiatement  le  chapitre.  Adressant 
d'abord  la  parole  au  Nâga,  il  dit  que  les  Nâgas  ne  sont  pas 
aptes  à  suivre  les  règles  de  la  discipline  ascétique  ;  et  il  lui 
conseilla  en  même  temps  de  venir,  à  l'avenir,  assister  quatre 
fois  par  mois  aux  réunions  religieuses,  afin  d'être  délivré  de 
sa  nature  de  Nâga  et  d'obtenir  la  qualité  d'homme.  Profon- 
dément affligé,  les  larmes  aux  yeux  et  se  lamentant,  le  Nâga 
s'éloigna.  Alors  le  Seigneur  prit  de  nouveau  la  parole,  ren- 
seigna les  moines  sur  les  particularités  physiologiques  des 
Nâgas,  et  finit  par  dire  qu'aucun  animal  ne  peut  être  admis 
à  l'ordination,  et  que,  si  l'ordination  avait  eu  lieu,  l'animal 
devait  être  expulsé  de  la  communauté. 

L'entrée  dans  l'Ordre  s'appelle  d'ordinaire  jomyrû/y^,  (pâli 
pabbajjâ)  ;  l'admission  de  nouveaux  membres  pravrâjana 
(pâli  'pahhâjand).  On  distingue  de  la  Pravrajyâ  l'ordination 
ou  Upasampadâ  *. 

Du  temps  de  la  fondation  de  l'Ordre,  on  ne  faisait  proba- 
blement d'autre  différence  entre  Pravrajyâ  et  Upasampadâ 
que  celle  qui  découle  du  sens  primitif  des  mots  eux-mêmes  ; 
le  premier  signifie,  en  effet,  l'acte  de  quitter  sa  demeure  pour 
mener  une  vie  errante  ou  ascétique  ;  le  second  équivaut  sim- 
25  plement  à  «  entrée  ».  D'après  la  légende,  *  le  Seigneur,  dès 
qu'il  eut  reçu  la  qualité  de  Buddha,  convertit  par  l'exposé  de 
sa  doctrine,  les  Cinq,  puis  Yaças  et  les  amis  de  celui-ci,  de 
sorte  qu'il  se  vit  bientôt  entouré  de  soixante  disciples.  Ces  dis- 
ciples parcourent  en  un  laps  de  temps  incroyablement  court 

1.  Ce  terme  est  plus  rare  chez  les  Bouddhistes  septentrionaux  ;  on  le  trouve 
cependant  parfois,  par  exemple  Kâranda-Vyûha  96.  Chez  d'autres  sectes,  le 
terme  le  plus  habituel  pour  «  consécration  du  moine  »  est  dîkshâ,  le  mot 
sanscrit  habituel  pour  «  admission  ». 


LE  SANGHA  27 

les  quatre  degrés  de  la  sanctification  *,  et  demandent  au 
Maître  de  leur  accorder  la  Pravrajyâ  et  l'Upasampadâ  en  même 
temps,  à  quoi  le  Seigneur  répond  :  «  Viens,  moine  !  c'est  une 
bonne  doctrine  que  le  Dharma  ;  mène  une  vie  spirituelle  % 
pour  éviter  la  souffrance.  »  Après  quelque  temps,  les  moines 
qui  ont  été  envoyés  pour  répandre  la  doctrine  %  reviennent, 
avec  les  personnes  qui  désirent  recevoir  la  Pravrajyâ  et 
l'Upasampadâ  auprès  du  Buddha  ;  ce  qu'ils  désirent,  c'est 
d'être  reçus  et  ordonnés  par  le  Buddha  en  personne.  Le 
Maître  a  l'idée  qu'il  serait  convenable  de  donner  aux  moines 
la  permission  d'accomplir  la  Pravrajyâ  et  l'Upasampadâ 
dans  les  endroits  et  pays  mêmes  où  ils  répandent  la  doctrine. 

Il  communique  le  résultat  de  ses  réflexions  aux  moines,  et 
conclut  :  «  Je  vous  permets,  moines,  d'accomplir  l'admission 
et  l'ordination  dans  les  différents  pays  ou  contrées.  Ceci  aura 
lieu  ainsi  :  d'abord,  vous  devez  faire  raser  au  candidat  la 
chevelure  et  la  barbe  ;  vous  lui  ferez  revêtir  l'habit  de 
moine  ;  il  jettera  le  manteau  sur  une  épaule,  tombera  aux 
pieds  des  moines,  et,  accroupi,  tendant  respectueusement 
en  avant  les  mains  jointes,  il  dira  :  «  Je  me  réfugie  près 
du  Buddha  ;  je  me  réfugie  près  du  Dharma;  je  me  réfugie 
près  du  Sangha  »,  et  ainsi  jusqu'à  trois  fois.  Il  vous  est  per- 
mis de  faire  accomplir  la  Pravrajyâ  et  l'Upasampadâ  con- 
formément à  cette  formule.  »  —  Plus  tard,  à  ce  qu'on  dit, 
le  Maître  révoqua  cet  ordre,  en  tant  qu'il  décréta  que  l'Upa- 
sampadâ devait  s'accomplir  en  plein  chapitre,  et  sur  une 
proposition  formelle  *. 

Même  sous  cette  forme  plus  régulière,  plus  pompeuse,  *  26 
l'Upasampadâ  n'est  au  fond  que  l'ordination  solennelle  qui 
accompagne  la  Pravrajyâ  \  Supposons  qu'une  personne  au- 

1.  Jâtaka,  Introd.  82. 

2.  Ou  :  mène  une  vie  de  chasteté  {brahmacarya) . 

3.  Mâha-V.  I,  12  j  comp.  Jâtaka^  passage  cité. 
A.Mahâ-V.  1,28. 

i.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  le  laïque  Bhanduka  reçut  à  la  fois  la  Prav- 


28  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

dessous  de  vingt  ans  voulût  renoncer  au  monde  et  fît  con- 
naître son  désir  de  devenir  religieux  :  dans  ce  cas,  l'ordination 
ne  pouvait  avoir  lieu,  mais  la  Pravrajyâ  n'en  avait  pas  moins 
été  accomplie.  On  comprend  qu'il  eût  été  impossible  de  refu- 
ser l'admission  en  de  telles  conditions,  et  qu'en  même  temps 
on  ait  donné  à  cette  admission  temporaire  le  nomdePravrâ- 
jana.  Cependant  cette  sorte  d'admission,  elle  aussi,  était  liée 
à  des  conditions,  sur  lesquelles  nous  reviendrons. 

Les  néophytes  qui  avaient  appartenu  à  une  autre  secte 
devaient  se  soumettre  aux  mêmes  conditions  que  les  néo- 
phytes ordinaires,  mais  devaient  subir  en   outre  un  temps 
d'épreuve  de  quatre  mois  ^  Dans  une  assemblée  du  chapitre, 
le  candidat  doit  manifester  son  désir  d'être  admis,  en  accom- 
plissant les  formalités  ordinaires  et  humiliantes;  et  deman- 
der jusqu'à  trois  fois  qu'on  lui  accorde  un  temps  d'épreuve 
de  quatre  mois.  Un  des  moines,  doué  de  l'éloquence  néces- 
saire, appuie  la  requête,  et  propose  d'accorder  au  candidat 
la  faveur  demandée.  Si   personne  n'élève  d'objection,   on 
admet  la  requête.  Naturellement,  pendant  le  temps  d'épreuve, 
le  candidat  doit  faire  preuve  d'une  bonne  conduite  et  de  con- 
victions assurées.  Deux  sectes  étaient  exemptées  du  temps 
d'épreuve  :  les  Agnikas  ou  adorateurs  du  feu,  porteurs  de 
tresses,  et  les  membres  de  la  famille  des  Çâkyas.  Les  Agnikas 
étaient  exemptés  comme  partisans  de  la  doctrine  du  salut 
par  les  œuvres,   les    Çâkyas   parce   que   le  Buddha   avait 
voulu  accorder  un  privilège  spécial  à  ceux  de  sa  race.  On  ne 
voit  pas  bien  pourquoi  les  premiers  étaient  exemptés  d'une 
épreuve  préliminaire  en  entrant  dans  une  secte  qui  soute- 
nait justement  le  contraire  de  la  doctrine  du  salut  par  les 
œuvres  :  probablement  parce  qu'on  pouvait  être  assuré  de  la 
rigidité  de  leurs  principes  moraux. 

rajyâ  et  TUpasampadâ,  et  la  dignité  d'Arhat  par  dessus  le  marché.  Ceci  avait 
lieu  du  temps  d'Açoka  :  Dipavafnsa,  12,  62  et  ss. 

2.  Mahâ-V.  1,38.  Le  temps  d'épreuve  s'appelle paï'iyd^a,  terme  qui  signifie 
aussi  isolément  temporaire,  infligé  comme  pénalité. 


LETSANGHA  29 

*  Il  ne  faut  pas  confondre,  comme  on  le  fait  souvent,  avec  27 
les  nouveaux  convertis  et  les  néophytes,  les  Çrâmaneras.  Le 
Çrâmanera  est  un  élève-prêtre,  un  novice,  un  séminariste, 
en  un  mot,  le  pendant  du  Brahmacârin  des  Âryas,  mais, 
strictement  parlant,  il  n'appartient  pas  encore  à  la  Congré- 
gation. On  l'élève  pour  qu'il  puisse  devenir  moine,  mais  il  ne 
Test  pas  encore;  il  ne  peut  assister  à  la  lecture  du  Prâti- 
moksha  *,  ni  suivre  le  second  article  des  Dhutâiigas  %  ce  qui 
prouve  qu'il  ne  pouvait  porter  l'habit  complet  de  l'ordre, 
quel  que  soit  l'usage  actuel. 

Comme  le  Brahamacârin,  le  novice  ne  peut  être  reçu  avant 
sa  huitième  année,  et  de  même  que  le  Brahmacârin  doit 
s'être  appliqué  pendant  douze  années  au  moins  à  l'étude, 
avant  d'être  admis,  par  le  baptême,  comme  membre  de  la 
société,  le  novice  ne  peut  être  ordonné  avant  sa  vingtième 
année,  comme  membre  de  la  Congrégation. 

Pas  n'est  besoin  de  beaucoup  de  formalités  pour  être  admis 
comme  Çrâmanera.  D'après  la  règle  actuellement  observée 
à  Ceylan,  le  jeune  garçon  fait  connaître  son  projet  d'em- 
brasser la  vie  religieuse  à  l'un  des  moines  plus  âgés.  Il  vient 
chez  celui-ci,  après  s'être  baigné,  la  tête  rasée,  et  lui  adresse 
la  demande  d'être  revêtu  de  l'habit  jaune  qu'il  a  lui-même 
apporté.  Le  prêtre  le  revêt  de  l'habit,  et  lui  récite  ou  lui  fait 
réciter  le  credo  des  trois  articles.  Puis  le  novice  doit  réciter 
le  Décalogue  bien  connu  (Daçaçîla)  et  promettre  de  l'observer 
à  l'avenir  ^ 

On  ne  dit  pas  si,  par  «  vêtement  jaune  »  il  faut  entendre 
l'habit  tout  entier  composé  de  trois  pièces,  le  véritable  vête- 
ment de  l'ordre.  S'il  en  est  ainsi,  l'usage  est  un  abus  d'une 
époque  plus  récente,  car  la  règle  citée  du  Dhutânga  ne  s'ap- 
plique pas  aux  novices.  On  leur  enseignait  le  décalogue  \ 

1.  Mahâ'V.  2,  36. 

2.  Voir  plu9  haut. 

3.  Hardy,  E.  M.  23. 

4.  Mahâ-V,  1,  56. 


30  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

mais  ils  n'avaient  pas  besoin  de  le  réciter  au  moment  de  l'or- 
dination. 
28  *  Pour  ces  raisons,  on  a  à  certains  égards  le  droit  de  parler 
de  la  Pravrajyâ  d'un  novice  %  quoique  la  cérémonie  de  la 
barbe  rasée  ne  puisse  avoir  lieu,  naturellement,  quand  il 
s'agit  de  jeunes  garçons  de  huit  ans.  Chez  les  Indiens  païens, 
il  est  d'usage  d'accomplir,  dans  la  seizième  ou  dix-huitème 
année,  la  cérémonie  duGodâna,  c'est-à-dire  de  la  barbe  rasée  ^ 
C'est  un  fait  remarquable,  qu'à  une  certaine  occasion,  le 
Buddha  prescrit  ^  «  qu'aucun  garçon  au-dessous  de  quinze  ans 
accomplis  ne  peut  être  admis  à  la  Pravrajyâ  »,  ce  qui  fait 
penser  involontairement  à  une  tentative  des  Bouddhistes  en 
vue  de  créer  une  prescription  ressemblant  à  certains  égards 
au  Godâna.  La  différence  entre  l'admission  d'un  Çrâmanera  et 
la  Pravrajyâ  d'un  «  garçon  »  de  quinze  ans  n'est  pas  claire; 
mais  en  Chine  existe  l'usage  de  raser  complètement,  à  l'âge 
de  quinze  ans,  la  tête  du  novice,  qui  acquiert  ainsi  les  droits 
du  moine  \  Ce  dernier  détail  est,  ou  bien  mal  exprimé,  ou 
un  abus  postérieur. 

Les  obligations  du  novice  sont  identiques  à  celle  du  Brah- 
macârin  :  il  doit  vivre  dans  un  était  de  continence  et  de  chas- 
teté absolues;  il  doit  mendier  sa  substance  journalière;  il 


1.  Il  est  inexact  de  dire,  comme  le  fait  Childers,  Pâli  Dict.  305,  que  le  Çrâ- 
manera est  un  membre  du  Sahgha,  et  que  le  Çrâmanera  serait  un  «  doyen  », 
le  Thera  «  un  prêtre  ».  Çrâmanera  est  régulièrement  et  continuellement  opposé 
à  Bhikshu  ;  tandis  que  Thera  est  un  ecclésiastique  plus  âgé,  opposé  à  Anuthera 
et  Nava, 

2.  Par  exemple  Pâraçkara-Grhyasûtra,  1,  2,  3  ;  Âçvalâyana-Grhyasûtra,  1, 19. 
On  peut  se  demander  si  le  sens  primitif  n'a  pas  plutôt  été  une  opération  exé- 
cutée sur  les  cheveux  pendant  des  deux  côtés  du  visage  ;  mais  nous  ne  pouvons 
ici  examiner  cette  question. 

3.  Mahâ-V.  1,  50;  nous  ne  comprenons  pas  l'expression  kâke  uttepetum; 
kâka  rappelle  kâkapaksha,  mèche  de  cheveux  sur  la  tempe  d'un  jeune  garçon. 

4.  D'après  Smith,  China,  cité  par  Hardy,  E.  M.  18.  De  même,  dans  le  Tibet, 
le  Çrâmanera  peut  recevoir  dans  sa  seizième  année  ce  qu'on  appelle  une  seconde 
ordination  :  à  partir  de  ce  moment,  il  est  obligé  de  suivre  cent  douze  des  deux 
cent  cinquante-trois  des  articles  du  Prâtimoksha  ;  Koeppen,  Rel.  des  B.  II,  265. 


LE  SANGHA  31 

doit  non  seulement  être  un  disciple  zélé  et  régulier,  mais 
encore  un  serviteur  soumis  de  son  maître.  On  comprend  qu'il 
soit  défendu  à  un  moine  d'avoir  auprès  de  lui  plus  d'un  Çrâ- 
manera  en  qualité  de  serviteur  et  de  pupille  ^. 

*  L'ordination  d'un  moine  a  lieu  dans  une  réunion  du  cha-  29 
pitre,  en  présence  de  dix  membres  au  moins.  Les  formalités 
en  usage  sont  décrites  dans  les  saintes  écritures  *,  par  con- 
séquent anciennes.  Avec  quelques  suppléments  insignifiants 
on  les  trouve  réunis  dans  un  manuel  du  cérémonial,  intitulé 
Kammavâcâ,  dont  le  premier  chapitre  contient  le  formulaire 
de  rUpasampadâ  ^  A  ce  formulaire,  nous  empruntons  la  des- 
cription qui  suit. 

Le  candidat  doit  d'abord  choisir  son  Upâdhyâya  ^  A  Ceylan, 
cela  se  fait  actuellement  dans  une  réunion  plénière  du  cha- 
pitre, mais  le  formulaire  proprement  dit  ne  décide  rien  à  cet 
égard  \  Après  le  choix  de  FUpâdhyâya,  on  s'assure  de  ce  que 
le  candidat  est  déjà  en  possession  du  pot  à  aumônes  et  des 
vêtements  nécessaires.  Le  moine  qui  prend  la  parole  ^  de- 

5.  Voir  Mahâ-V.  1,  32,  où  Ton  indique  comme  cause  de  cette  défense  un 
cas  d'immoralité  qui  se  serait  présenté.  Pas  n'est  besoin  de  recourir  à  des 
anecdotes  immorales  et  révoltantes,  pour  comprendre  qu'il  est  peu  compatible 
avec  le  genre  de  vie  d'un  Çramana  d'avoir  plus  d'un  serviteur  à  la  fois. 

1.  Surtout  Mahâ-V.  1,  28,  30,  76,  77. 

2.  Ce  chapitre  a  été  publié  par  M.  Dickson  (texte  et  traduction  anglaise), 
dans  le  Journ.  Roy.  As.  Soc,  Vil,  1-16  (New  ser.);  une  édition  antérieure, 
sous  le  titre  Kammavâkya,  avec  traduction  latine,  a  été  publiée  par  le  prof. 
F.  Spiegel.  Une  description  de  la  cérémonie  se  trouve  aussi  chez  Bigandet,  11, 
272  ;  Hardy,  E.  M.  44. 

3.  C'est-à-dire,  maître,  directeur,  supérieur  spirituel;  c'est  aussi  le  titre  du 
chef  ou  de  l'abbé  d'un  couvent,  nommé  actuellement  à  Ceylan  Mahânâyaka. 
L'Upàdhyâya  préside  le  chapitre. 

4.  Le  passage  donné  par  Dickson,  p.  3  n'appartient  pas  au  formulaire,  qui 
ne  commence,  conformément  à  la  règle,  qu'à  partir  des  mots  :  «  Gloire  à 
Buddha.  »>  —  Les  Singhalais  ne  s'opposent  pas  à  la  présence,  lors  de  la  cérémo- 
nie, de  Çrâmaneras  et  de  laïques;  ce  qui  prouve  qu'ils  n'observent  plus  les 
anciennes  prescriptions. 

5.  Le  moine  qui  prend  la  parole  doit  être  capable  de  bien  s'exprimer.  Selon 
l'usage,  ce  moine  est  l'Âcârya,  le  précepteur  du  candidat;  âcârya  est  aussi  le 
titre  du  prieur  d'un  couvent;  mais  au  fond,  celui  qui  prend  la  parole  n'est 


32  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

mande  :  «  Est-ce  là  votre  pot  à  aumônes?  »  —  «  Oui,  sei- 
gneur. »  —  «  Est-ce  là  votre  manteau?  »  —  «  Oui,  seigneur.  » 

—  «  Est-ce  là  votre  vêtement  de  dessus?  »  —  «  Oui,  seigneur.  » 

—  «  Est-ce  là  votre  vêtement  de  dessous?  »  —  Oui,  sei- 
gneur ».  Puis,  le  moine  prie  le  candidat  de  s'éloigner  et  de 

30  se  tenir  debout  à  une  certaine  distance,  *  et  dès  que  le  candi- 
dat s'est  conformé  à  cette  demande,  le  moine  communique 
au  chapitre  que  le  candidat  désire  être  ordonné  sous  le  véné- 
rable N.  N.  Puis  il  déclare  qu'il  va  instruire  le  candidat,  si 
l'assemblée  le  permet  :  il  se  retourne  vers  le  candidat  et 
l'exhorte  à  donner  une  réponse  véridique  aux  questions  sui- 
vantes :  «  Êtes-vous  affligé  d'une  des  affections  que  voici  : 
lèpre,  goitre,  lèpre  légère,  phtisie,  épilepsie?  »  —  Après  une 
réponse  négative,  il  continue  :  «  Étes-vous  un  être  humain? 
du  sexe  mâle?  votre  propre  maître?  vous  n'avez  pas  de 
dettes?  vous  n'êtes  pas  soldat  du  Roi?  vous  avez  l'autorisation 
de  vos  parents?  vous  êtes  âgé  de  vingt  ans  accomplis?  il  ne 
manque  rien  à  votre  équipement  (c'est-à-dire  pot  à  aumônes 
et  costume)?  »  Quand  le  candidat  a  donné  une  réponse 
satisfaisante  à  toutes  ces  questions,  il  doit  donner  son  propre 
nom  et  celui  de  son  Upâdhyâya;  après  quoi  le  moine  qui 
prend  la  parole  se  tourne  vers  l'assemblée  et  déclare  qu'il  a 
instruit  le  candidat,  et  qu'il  propose,  si  le  chapitre  approuve, 
de  procéder  à  un  examen  ultérieur.  C'est  ce  qui  se  fait.  Le 
candidat,  s'étant  approché,  adresse  au  chapitre,  jusqu'à  trois 
fois,  l'humble  prière  de  vouloir  bien  lui  conférer  l'ordination 
désirée.  Le  moine  qui  a  la  parole  répète  la  demande,  ainsi 
que  les  questions  déjà  faites,  mais  cette  fois  au  milieu  des 
moines  réunis.  Puis  il  déclare  que  le  candidat  possède  toutes 
les  qualités  désirées,  et  propose  de  laisser  se  faire  l'ordina- 
tion, le  vénérable  N.  N.  étant  supérieur.  «  Que  celui  qui  est 

qu'un  karmâcârya,  maître  des  cérémonies.  A  Ceylan,  lors  de  l'ordination,  il  y  a 
deux  «  tutors  »,  comme  M.  Dickson  les  appelle;  en  Birmanie,  où  l'on  est  mieux 
au  courant  et  où  l'on  se  conforme  davantage  aux  vieux  usages,  il  n'est  ques- 
tion que  d'un  moine  qui  prend  la  parole,  le  karmâcârya  :  Bigandet,  l .  c. 


LE  SANGHA  33 

pour,  se  taise,  que  celui  qui  est  contre,  parle.  »  Si  la  formule 
qui  propose  l'admission  a  été  répétée  trois  fois  sans  que  per- 
sonne prenne  la  parole,  celui  qui  a  la  parole  conclut  : 
«  Gomme  l'assemblée  garde  le  silence,  je  dois  admettre  que 
la  demande  du  candidat  a  été  accordée.  » 

Une  fois  ces  formules  prononcées,  on  mesure  la  longueur 
de  l'ombre,  on  proclame  la  saison,  l'heure  du  jour  et  le 
numéro  d'ordre  de  l'assemblée  \*  Suit  un  discours,  adressé  au  31 
candidat  nouvellement  admis,  où  on  l'exhorte  à  se  contenter 
des  quatre  choses  nécessaires,  et  à  s'abstenir  des  quatre 
péchés  capitaux. 

La  première  chose  nécessaire,  quand  on  renonce  au  monde 
est  :  de  vivre  des  restes  d'aliments  qu'on  a  reçus  en  aumône. 
«  Pendant  toute  votre  vie  *,  ce  doit  être  votre  préoccupation  ; 
vous  devez  considérer  comme  un  luxe  ^  un  repas  offert  à 
la  Congrégation,  un  repas  offert  pour  une  raison  spéciale, 
une  invitation  à  dîner,  une  distribution  de  vivres  par  voie  de 
tirage  au  sort  ^  des  repas  donnés  une  fois  tous  les  quinze 
jours,  les  jours  de  sabbat  et  le  premier  du  mois.  » 

La  seconde  chose  nécessaire,  quand  on  renonce  au  monde 
est  :  de  porter  des  vêtements  composés  de  haillons  ramassés 
dans  la  rue  (ou  sur  un  tas  d'ordures).  «  Pendant  toute  votre 
vie,  ce  doit  être  votre  préoccupation  ;  vous  devez  considérer 


1.  Il  n'est  pas  question  d'un  calcul  de  Tannée.  M.  Dickson  remarque  :  «  The 
hour,  day  and  month  are  carefully  record ed,  in  order  to  settle  the  order  of 
seniority  araong  the  newly  ordained  priests.  »  Mais,  pour  constater  Tancien- 
neté,  on  n'avait  pas  besoin  de  toutes  ces  complications,  on  n'avait  qu'à  faire 
suivre  les  noms  de  numéros  d'ordre,  1,  2,  3,  etc. 

1.  Cette  formule  est  en  contradiction  absolue,  quant  à  la  lettre  et  à  l'esprit, 
avec  la  liberté  qu'a  le  moine  de  renoncer  à  la  vie  religieuse. 

2.  Atirekalâbha,  proprement  gain  superflu,  ce  qui  est  plus  que  le  nécessaire. 

3.  Actuellement,  à  Ccylan,  cela  se  fait  ainsi  :  Quelques  laïques  qui 
désirent  régaler  les  moines,  écrivent  chacun  son  nom  sur  une  feuille  qui  sert 
de  billet  de  loterie  (çalâkâ)  ;  on  met  les  billets  dans  un  pot,  et  chaque 
religieux  en  retire  une  feuille  ;  puis  chacun  d'eux  se  rend  à  la  maison  de  la 
personne  dont  il  a  tiré  le  nom,  pour  recevoir  son  repas. 

Tome  II.  3 


34  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

comme  un  luxe  :  un  habit  de  toile,  de  coton,  de  soie,  de 
laine  ou  de  quelque  espèce  de  chanvre  ». 

La  troisième  chose  absolument  nécessaire  est  :  d'habiter 
au  pied  d'un  arbre.  «  Pendant  toute  votre  vie,  ce  doit  être 
votre  préoccupation  ;  pour  vous  ce  sera  un  luxe  de  demeurer 
dans  un  couvent,  un  sanctuaire  *,  un  temple  (ou  :  palais,  tour) 
une  maison  en  pierre,  une  grotte.  » 

La  quatrième  chose  nécessaire,  est  :de  n'employer  comme 
remède  que  de  l'urine  de  vache.  «  Pendant  toute  votre  vie,  ce 
doit  être  votre  préoccupation  ;  du  luxe  sont  :  le  ghee^  le  beurre 
le  miel  ou  le  sucre  ^  » 

A  chacune  de  ces  observations,  le  nouvel  ordonné  répond 

32  qu'il  s'y  conformera  ;  *  puis  on  lui  inculque  la  nécessité  de 

s'abstenir  des  quatre  péchés  capitaux,  dans  l'ordre  suivant  : 

«  Le  moine  ordonné  ne  doit  pas  avoir  des  rapports  charnels 
avec  un  être  du  sexe  féminin.  Le  moine  qui  commet  ce 
péché  n'est  plus  un  ascète,  un  fils  de  Çâkya.  De  même  qu'un 
individu  qui  à  la  tête  séparée  du  tronc  ne  peut  continuer  à 
vivre,  le  moine  qui  a  commis  ce  péché  capital  ne  peut  plus 
être  un  ascète,  un  fils  de  Câkya.  Vous  devez  éviter  ce  péché 
votre  vie  durant  ^  » 

«  Le  moine  ordonné  ne  doit  s'approprier  aucun  objet, 
quel  qu'il  soit,  même  un  brin  d'herbe,  qui  ne  lui  a  pas  été 
donné.  Le  moine  qui  commet  ce  péché  %  n'est  plus  un  ascète 

4.  Addhayoya^  mot  dont  la  vraie  signification  est  inconnue  ;  on  l'explique 
«  bâtiment  en  forme  de  Garuda  >-  ;  et  comme  un  pareil  bâtiment  est  nommé 
nettement  un  Caitya,  nous  avons  traduit  «  sanctuaire  ».  Nous  rencontrerons 
le  mot  dans  la  suite. 

5.  Comme  remèdes,  bien  entendu  ;  le  moine  bien  portant  ne  doit  absolu- 
ment pas  manger  de  ces  substances. 

1.  Cette  prescription  est  aussi  claire  que  possible,  contrairement  à  la  phra- 
séologie ordinaire  des  Bouddhistes,  et  contrairement  aussi  à  la  pratique,  qui 
permet  de  renoncer  au  vœu  religieux. 

2.  Le  texte  dit,  d'une  manière  plus  détaillée  :  le  moine  qui  s'approprie 
comme  un  voleur  un  quart  ou  une  chose  qui  a  la  valeur  d'un  quart,  sans 
qu'elle  lui  a  été  donnée..  »  M.  Dickson  remarque  à  ce  propos  que  le  quart  est 
1/4  de  pagode  (pièce   d'or   qui  vaut  environ  dix  francs.)  Cette   explication. 


LE  SANGHA  35 

un  fils  de  Çâkya.  De  même  qu'une  feuille  flétrie,  arrachée  de 
la  tige,  ne  peut  reverdir,  le  moine  qui  a  commis  ce  péché 
capital  ne  peut  rester  un  ascète,  un  fils  de  Çâkya.  Vous  devez 
éviter  ce  péché  votre  vie  durant.  » 

«  Le  moine  ordonné  ne  doit  pas  ôter  la  vie  sciemment  à  un 
être  vivant,  fut-ce  une  fourmi.  Le  moine  qui  détruit  une  vie 
humaine,  ne  fût-ce  que  paravortement,  n'est  plus  un  ascète, 
un  fils  de  Gâkya.  De  même  qu'un  rocher  une  fois  fendu  ue 
peut  être  rétabli  dans  son  ancien  état,  le  moine  qui  a  commis 
ce  péché  capital  ne  peut  rester  un  ascète,  un  fils  de  Çâkya. 
Vous  devez  éviter  ce  péché  votre  vie  durant.  » 

«  Le  moine  ordonné  ne  doit  pas  se  vanter  de  posséder  un 
pouvoir  surnaturel.  Si,  dans  une  mauvaise  intention,  con- 
trairement à  la  vérité,  il  prétend  posséder  un  tel  pouvoir,  il 
n'est  plus  un  ascète,  *  un  fils  de  Çâkya.  De  même  qu'un  pal-  33 
mier,  dépouillé  de  sa  couronne,  ne  peut  plus  repousser,  de 
même  un  moine  qui  a  commis  ce  péché  capital,  ne  peut  plus 
être  un  ascète,  un  fils  de  Çâkya.  Vous  devez  éviter  ce  péché 
votre  vie  durant .  » 

A  chacune  de  ces  exhortations,  le  jeune  moine  répond  par 
un  solennel  «  Oui,  Seigneur,  !  »  et  la  cérémonie  est  terminée. 

L'ordination  des  religieuses  se  fait  de  la  même  manière,  à 
peu  près,  que  celle  des  moines.  Au  lieu  d'Upâdhyâya,  celle 
qui  préside  le  chapitre  s'appelle  Pavattini,  c'est-à-dire  direc- 
trice \  Les  questions  auxquelles  doit  répondre  la  postulante 
sont  plus  nombreuses,  car  elle  doit  être  libre  des  vingt-quatre 
empêchements  ^  Dès  que  la  proposition  d'ordonner  la  postu- 
lante a  été  faite  et  admise,  la  future  religieuse  doit  se  rendre 
au  chapitre  des  moines,  et,  avec  les  marques  habituelles  de 
soumission  servile,  supplier  qu'on  lui  accorde  le  rang  de 
religieuse,    conformément    à  la    décision    du  chapitre  des 

semble  arbitraire  :  le  quay^t  peut  aussi  bien  être  un  pâo  indien,  c'est-à-dire 
environ  la  valeur  de  5  centimes. 

1.  Culla-V.  10,  17.  * 

2.  Voir  plus  haut,  p.  21. 


36  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

nonnes.  Suivent  les  mêmes  formalités  que  lors  de  l'ordination 
d'un  moine.  Les  vœux  que  doit  faire  la  nouvelle  ordonnée 
diffèrent  quelque  peu  de  ceux  du  moine  ;  la  seconde  des 
quatre  choses  nécessaires  ne  lui  est  pas  applicable  ;  en  re- 
vanche, elle  doit  éviter  huit  péchés  mortels  ;  les  quatre 
mentionnés  plus  haut,  et  quatre  autres,  dont  nous  parlerons 
plus  tard,  à  propos  du  Prâtimoksha. 

Très  différente  de  l'ancienne  ordination,  de  nos  jours  encore 
en  usage  dans  la  fraction  méridionale  de  l'Eglise,  est  celle 
qui  était  habituelle  au  Népal  au  moyen  âge  ^  et  qu'on  appe- 
lait Pravrajyâ.  La  cérémonie  dure  trois  jours,  et  consiste  en 
actes  symboliques,  et  en  témoignages  de  respect  rendus  à  des 
choses  et  des  personnes  sacrées  ;  le  décalogue  bouddhique  et 
quelques  autres  formules  ne  manquent  pas,  mais  l'ensemble 
porte  l'empreinte  indéniable  d'une  doctrine  fort  différente,  à 
tendances  mystiques,  et  prouve  que  la  simple  vie  monastique, 
telle  qu'on  l'avait  pratiquée  anciennement,  avait  perdu  son 
34  attrait.  *  Comme  cette  tendance  s'accorde,  avec  la  direction 
générale  qui  prédomine  dans  l'histoire  du  Bouddhisme  septen- 
trional, la  Pravrajyâ  selon  le  rite  du  Népal  méritait  d'être 
mentionnée,  au  moins  en  passant. 

Les  vœux  monastiques  ne  sont  pas  obligatoires  pour  toute 
la  vie.  Dès  qu'un  moine  juge  le  joug  de  la  discipline  trop  lourd 
à  porter,  il  a  la  liberté  de  quitter  l'ordre,  après  avoir  fait 
connaître  régulièrement  son  projet,  et  après  avoir  reçu  per- 
mission du  chapitre.  S'il  veut,  plus  tard,  être  réadmis  dans 
l'ordre,  il  doit  prononcer  de  nouveaux  vœux.  Dans  l'Indo- 
Chine  et  à  Ceylan,  le  nombre  des  personnes  qui  n'ont  porté 
l'habit  de  l'ordre  que  pendant  un  temps,  est  fort  considérable, 
comparé  à  celui  des  personnes  qui  restent  dans  le  clergé 
pendant  toute  leur  vie  ^  Dans  le  Népal,  le  candidat  avait 
môme  la  liberté  de  se  retirer  dès  les  premiers  jours  qui  sui- 

« 

3.  Oécrite  d'après  le  Pûjâ-kanda  par  Hodgson,  Essays,  p.  139. 
l.Hardy,  £.  M.  46. 


LE   SANGHA  37 

vaient  son  ordination.  ^  Quand  un  homme,  après  avoir  observé 
pendant  au  moins  quatre  jours,  les  règles  de  l'ordre,  ne  se 
sent  pas  de  vocation  véritable  pour  la  vie  religieuse,  il  doit 
se  rendre  près  de  son  Guru  ^  dans  le  Yihâra,  et  lui  dire  : 
«  Maître,  je  ne  me  sens  pas  capable  d'embrasser  plus  long- 
temps la  vie  monastique;  reprenez  mon  vêtement  de  dessus, 
et  les  autres  insignes  de  l'ordre  ;  et  apprenez  moi  les  règles 
de  conduite  du  Mahâyâna,  après  m'avoir  délivré  de  la  règle 
des  Disciples  \  »  —  Le  Guru  répond  :  «  En  effet,  en  ces  temps 
dégénérés,  il  est  difficile  d'observer  les  vœux  monastiques; 
suivez  donc  les  règles  de  conduite  du  Mahâyâna.  Mais,  !ont 
en  abandonnant  la  Pravrajyâ,  vous  n'êtes  pas  affranchi  de 
l'observation  des  commandements  suivants  :  Ne  pas  tuer.  Ne 
pas  voler.  Ne  pas  commettre  d'adultère.  Ne  pas  mentir.  Ne 
pas  boire  des  boissons  enivrantes.  Etre  bienveillant  envers 
tous  les  êtres.  L'observation  de  ces  commandements  équi- 
vaudra pour  vous  à  une  Pravrajyâ  ;  et,  si  vous  les  suivez,  vous 
obtiendrez  la  délivrance.  » 

*  On  peut  dire  que  la  facilité  avec  laquelle  le  moine  quitte  3o 
l'habit  pour  reprendre  le  costume  laïque,  prouve  en  faveur 
de  la  modération  du  Bouddhisme  ;  mais  il  n'en  est  pas 
moins  clair  qu'un  état  intermittent  de  sainteté  se  concilie 
difficilement  avec  l'esprit  des  vœux  que  doit  faire  le  religieux 
ou  la  religieuse.  On  peut  même  se  demander  si  ces  règles 
qui  permettent  de  quitter  l'ordre,  existaient  déjà  à  l'époque  la 
plus  ancienne. 

2.  Hodgson,  Ess.  145. 

3.  Identique  à  TÂcârya  :  le  maître. 

4.  C'est-à-dire  faites  que  je  devienne  un  Bodhisatva  terrestre,  dont  la  tache 
principale  consiste  à  prêcher  la  vérité  et  à  se  préoccuper  des  besoins  spirituels 
des  fidèles.  Les  mots  «  règle  des  Disciples  »  désignent  la  vie  monastique, 
appelée  aussi  Ilînaydna. 


CHAPITRE  III 


ÉQUIPEMENT,  DEMEURES,  NOURRITURE  ET  MÉDICAMENTS 


1 .  —  Habillement  ;  autres  fournitures  et  objet  'de  nécessité 

journalière. 

Le  costume  officiel  du  moine  [civara)  consiste  en  trois 
morceaux  [tri-cîvara)  :  un  vêtement  de  dessous,  un  vêtement 
de  dessus,  et  un  froc  ou  capuchon.  Le  vêtement  de  dessous  ^ 
doit  être  porté  de  façon  à  ne  laisser  voir  aucune  partie  du 
corps,  du  nombril  au  genou  :  c'est  une  sorte  de  pagne.  L'habit 
de  dessus  ^  doit  couvrir  le  corps,  des  épaules  au  genou,  mais 
de  façon  à  laisser  à  découvert  le  haut  du  corps,  du  côté  droit, 
et  tout  le  bras  droit.  L'habit  ou  Saûghâti  va  jusqu'au  dessous 


1.  Antaravâsaka,  dit  aussi  nivâsana  ou  nivâsa^  au  moins  chez  les  écrivains 
septentrionaux.  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  69;  Hodgson,  Ess.  141  ;  Comp.  Hardy  E. 
M.  115. 

2.  Uttarâsanga.  Hiuen  Thsang,  Voy.  du  Pèl.  Bud.  II,  33  donne  comme  noms 
des  trois  vêtements  Sanghâti,  Uttarâsanga  et  Sankakshikâ;  mais,  II,  69,  Saii- 
ghâti,  Sankakshikâ  et  Nivâsana  ;  il  est  permis  de  conclure  que  l'auteur  se  con- 
tredit, —  à  moins  que  la  confusion  ne  soit  imputable  aux  rédacteurs  de  ses 
écrits  —  mais  non  que  Sankakshikâ  désigne  le  même  objet  qu'Uttarâsahga. 
Comme  vêtement  des  religieuses,  le  Sankakshikâ  dans  la  forme  pâlie  sancac- 
chika  est  mentionné  Culla-V.  10,  17,  2;  c'est  un  autre  vêtement  que  TUttarâ- 
sanga,  Sanghâti  et  Antaravâsaka.  En  général,  la  plus  grande  confusion  règne 
en  ce  qui  concerne  les  noms  des  vêtements  et  les  règlements  qui  s'y  rapportent. 
Un  autre  nom  de  l'habillement  de  dessus  en  général,  ou  d'un  yêtement  de  dessus 
particulier,  est  ecy«r«,  Hodgson,  Ess,,\.  c, 


LE   SANGHA  39 

des  genoux  ;  d'après  les  uns  c'est  un  manteau  ;  on  le  confond 
souvent  avec  l'Uttarâsanga  ^ 

*La  couleur  des  vêtements  est  jaune  au  Midi,  rougeâtre  au  36 
Nord.  Hiuen  Thsang  dit  que  de  son  temps  la  couleur  variait 
du  jaune  au  rouge  *  ;  dans  l'Inde  propre,  elle  doit  avoir  été 
habituellement  rouge,  car  on  trouve  fréquemment  le  nom 
de  «  robes  rouges  »  [raktapatà)  appliqué  aux  moines  et  reli- 
gieuses bouddhiques  ^  Un  terme  qui  désigne  les  deux  cou- 
leurs, est  kâshâya^  «  de  couleur  tannée  »,  ce  qui  comme 
notre  «  robe  noire  »  désigne  en  général  le  vêtement  ecclé- 
siastique. Nous  avons  déjà  appris  à  connaître  le  mot  en 
traitant  de  l'Upanayana  du  Brahmacârin. 

En  dehors  des  trois  vêtements  exigés,  les  moines  et  les 
religieuses  peuvent  se  servir  d'un  manteau  contre  la  pluie, 
varshâçati  (pâli  vassikasâtikâ)  et  d'une  chemise  de  bain  (pâli 
udakasâtikâ) ,  que  les  fidèles  leur  offrent  ^  On  mentionne 
encore  un  sixième  vêtement,  sankacchika. 

Une  cérémonie  originale  consiste  dans  la  distribution  des 
vêtements,  qui  a  lieu  vers  la  fin  de  la  saison  de  retraite,  — 
ce  qu'on  appelle  le  déploiement  du  Kathina  \  A  cette  occasion, 
la  coutume  exige  que  les  fidèles  offrent  aux  religieux  des 

3.  Corap.  Kœppen,  Rel.  d.  B.  II,  267.  Bigandet,  II,  274  décrit  ainsi  les  trois 
vêtements  :  The  Tsirvaran  or  yellow  garment,  is  composed  first  of  a  pièce  of 
cloth  bound  to  the  loins  with  a  leathern  girdle,  and  falling  down  to  the  feet; 
second,  of  a  cloak  of  a  rectangular  form,  covering  the  shoulders  and  breast, 
and  reaching  sorohemat  below  the  knee;  and,  third,  of  another  pièce  of  cloth 
of  the  same  shape,  which  is  folded  many  times  and  thrown  over  the  right 
shoulder,  the  two  ends  hanging  down  before  and  behind. 

1.  Mém.  I,  70. 

2.  C'est  une  circonstance  digne  de  remarque  que  le  même  surnom  [raktava- 
sana),  d'après  un  dictionnaire,  fut  autrefois  donné  aux  brahmanes  dans  la  qua- 
trième période  de  la  vie,  celle  où  ils  étaient  Bhikshus  :  Hemacandra,  809;  rakta- 
patà est  employé  quand  il  s'agit  de  Bouddhistes  par  Çahkara,  comment,  sur 
Bâdarâyana,  2,  2,  35;  de  religieuses,  Kâda7nbari 'i3i  \  raktâmbara,  Sarvadar- 
çana-Sangraha,  24. 

3.  Il  faut  distinguer  ces  vêtements,  selon  Mahâ-V,  8,  15.  Cf,  Culla-V.  10, 
17,2,  i;Mahâ-V.  8,20,23. 

4.  M(fhâ-V,  7,  1,  ss,  Hardy,  E.  M.  121, 


40  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

morceaux  d'étoffe,  destinés  à  être  découpés  en  vêtements.  Le 
don  ne  peut  être  reçu  qu'officiellement,  dans  une  réunion  du 
chapitre,  de  cinq  personnes  au  moins.  L'étoffe  doit  être  immé- 
diatement transformée  en  vêtements  par  les  moines,  avec 
l'aide  des  laïques,  et  peinte  en  jaune  :  en  vingt-quatre  heures 
tout  doit  être  achevé.  Cet  usage  est  commun  aux  deux  frac- 
tions de  FEglise,  et  doit  être  très  ancien,  puisqu'on  trouve 
dans  toutes  les  rédactions  du  Prâtimoksha  des  règles  relatives 
auKathina  °. 
37  *  D'autres  prescriptions  relatives  à  la  façon  dont  les  vête- 
ments doivent  être  reçus  en  don,  portés,  confectionnés, 
seront  mentionnées  quand  nous  traiterons  du  Prâtimoksha. 
Pour  le  moine,  la  chaussure  doit  être  considérée  comme 
un  luxe.  D'ordinaire,  dans  les  pays  méridionaux,  il  va  nu- 
pieds,  bien  que  l'emploi  de  sandales  d'une  semelle  et  de 
pantoufles  soit  autorisé.  Il  y  a  des  prohibitions  relatives  à  des 
chaussures  de  toute  sorte,  de  toute  forme  et  de  toute  couleur, 
possibles  et  impossibles  *  ;  c'était  nécessaire  parce  que  les 
éternels  Six  faisaient  ou  se  faisaient  faire  à  telle  ou  telle 
occasion,  des  chaussures  contraires  au  modèle  reçu  ^  non 
pas  tant  à  ce  qu'il  semble,  pour  scandaliser  le  Maître,  que 
pour  donner  aux  rédacteurs  des  livres  sacrés  l'occasion  de 


5.  Beal,  Catena,  216 ,  Vassilief  fî,  85  et  88,  où  l'on  fait  la  remarque  que  la 
cérémonie  du  Kathina  trahit  son  origine  étrangère  par  le  fait  que,  chez  les 
Bouddhistes,  les  règles  qui  la  concernent  sont  très  confuses.  Cette  supposition 
est  très  vraisemblable;  mais  on  avait  en  même  temps  le  droit  de  demander 
quelles  règles  et  quels  dogmes  ne  sont  pas  confus  dans  le  Bouddhisme,  et  ce 
qu'il  contient  d'original,  en  dehors  justement  de  cette  confusion.  Les  Septen- 
trionaux possèdent  un  Kathina-Avadâna,  dans  lequel  on  explique  que  c'est 
une  œuvre  pie  que  d'offrir  aux  moines  des  vêtements  et  d'autres  objets  de  pre- 
mière nécessité  :  Hodgson,  Ess.,  19;  comp.  Burnouf,  InLrod.  39.  —  Au  moment 
du  voyage  de  Fa  Hian  dans  l'Inde,  c'était  la  coutume  que  les  nobles,  les 
bourgeois  et  les  brahmanes  offraient  des  vêtements  au  clergé.  C'est  évidem- 
ment le  Kathina  :  Beal,  Travels  of  Fah-Hian,  60. 

1 .  C'est  ainsi  que,  parmi  les  sandales  prohibées,  on  met  celles  faites  en  peau 
de  hibou. 

2.  Mahâ-V.  5,  1-8  ;  cf.  Bigandet,  II,  286  ;  Hodgson  ;  passage  cité. 


LE  SANGHA  41 

dire  quelles  chaussures  sont  conformes  à  la  règle  orthodoxe, 
et  qu'elles  ne  le  sont  pas.  Dans  le  Népal,  les  sandales  étaient 
en  bois. 

L'emploi  de  parasols  n'est  pas  permis  en  règle  générale, 
aux  fils  de  Çâkya.  En  effet,  un  jour,  les  Six  se  pavanaient, 
en  grands  seigneurs,  un  parasol  à  la  main.  Ce  fait  excita 
tellement  l'indignation  des  Ajîvikas,  qu'ils  firent  connaître 
à  un  laïque  orthodoxe  le  scandale  que  leur  causait  cette 
attitude  inconvenante.  Le  laïque  raconta  la  chose  au  Sei- 
gneur, qui,  fidèle  à  son  rôle  d'écho  de  l'opinion  publique, 
proclama  immédiatement  la  prohibition  :  «  Vous  ne  devez  pas 
porter  de  parasol,  moines  ;  celui  qui  le  fait,  se  rend  coupable 
d'un  délit.  »  Cependant  il  permit  plus  tard  de  porter  un  para- 
sol quand  on  se  promenait  dans  le  jardin  du  couvent,  *  et  38 
hors  du  jardin  en  cas  de  maladie  *. 

Les  moines  peuvent  aussi  employer  un  éventail,  ou  une 
feuille  de  palmier  en  tenant  lieu  ^  puis  des  chasse-mouches 
très  simples  consistant  en  une  plume  de  paon,  ou  bien  faites 
avec  la  racine  à' Andropogon  muricatus  ou  de  l'écorce  ^. 

En  dehors  du  costume  nécessaire,  l'équipement  d'un  ascète 
consiste  en  une  sébille  ou  pot  à  aumônes,  un  couteau,  une 
aiguille,  une  ceinture  et  un  filtre.  Le  pot  à  aumônes  ^  est 
porté  parfois  en  une  sorte  de  réseau  ou  d'étui  ^;  d'ordinaire 
les  moines  singhalais  le  portent  suspendu  au  cou  par  une 
corde,  et  sous  les  vêtements,  de  sorte  qu'on  ne  le  voit  qu'au 

1.  Culla-V.  5,  23.  Les  moines  birmans,  malgré  leur  fidélité  aux  vieux 
usages,  se  permettent  de  porter  un  parasol  en  papier,  voir  Bigandet,  II,  286, 
qui  ajoute,  qu'ils  le  font  uniquement  pour  protéger  la  tête  contre  le  soleil  : 
il  faut  se  rappeler  que  dans  les  pays  de  civilisation  indienne,  le  parasol  est 
un  signe  de  dignité. 

2.  Une  feuille  du  palmier  tâla  (palmier  de  Paimyre)  :  de  là  le  nom  de  Tala- 
poins,  qui  désigne  les  moines  en  Indo-Chine.  Voir  Bigandet,  1.  c. 

3.  Culta-V.  5,  22  et  ss. 

4.  Pâtra,  pâli  patta  ;  aussi  pinda-pâtra.  »  The  patta  is  an  open-mouthed  pot 
of  a  truncated  spheroidal  form.  »  Bigandet,  II,  273. 

5.  Un  tel  réseau,  thavika,  a  été  porté  d'abord,  à  ce  qu'il  semble,  par  les 
frères  vivant  en  ermites.  Culla-V.  %,  6.  Hardy,  E.  M.  n'en  parle  pas. 


42  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

moment  de  l'acceptation  de  l'aumône  ;  ceci  est  contraire  aux 
vieux  usages,  car  sur  des  statues,  le  pot  à  aumônes  est  visible. 

Le  couteau  sert  à  raser  les  cheveux  et  la  barbe.  La  pres- 
cription porte  que  les  cheveux  ne  peuvent  être  plus  longs 
que  deux  pouces,  mais  la  règle  habituelle  est  que  les  cheveux 
et  la  barbe  sont  rasés  tous  les  quinze  jours.  Le  plus  souvent 
les  frères  se  rasent  les  uns  les  autres. 

Le  filtre  sert  à  filtrer  l'eau,  pour  qu'on  ne  tue  pas  les  ani- 
malcules en  buvant. 

Parmi  les  insignes  de  la  dignité  de  moine,  on  compte  au 
Népal  le  Khikkhari  (sanscr.  khakkhara)^  un  bâton  dont  le 
bouton  représente  un  temple.  Quelque  chose  d'analogue  est 
39  le  sceptre,  *  employé  aussi  comme  bâton  magique,  le  Vajra  : 
c'est  au  fond  la  pierre  de  foudre,  l'âme  d'Indra,  symbole 
du  tonnerre  *.  Chez  les  Méridionaux  il  est  souvent  question 
d'un  bâton  porté  par  les  ascètes,  kattara-danda,  kattara- 
yatthi  ^ 

Le  chapelet  est  commun  aux  deux  fractions  de  l'Eglise. 
Il  est,  en  effet,  à  peu  près  indispensable  au  moine,  qui 
s'abîme  dans  les  profondeurs  du  Samâdhi,  pour  s'élever 
ensuite  aux  régions  célestes,  bien  au-delà  du  fourmille- 
ment terrestre  ;  car  la  Samâdhi  ne  consiste  que  dans  la  répé- 
tition à  voix  basse  de  sentences  déterminées.  Afin  de  déter- 
miner les  progrès  qu'on  fait  dans  un  pareil  exercice  philoso- 
•  phique,  le  chapelet  est  très  utile  \  Cependant  l'usage  n'en 
est  pas  restreint  aux  moines,  ni  même  aux  Bouddhistes  ;  il  était 
à  peu  près  général  dans  l'Inde  du  moyen  âge.  Il  est  cependant 
douteux  que  l'objet  soit  d'invention  indienne. 

Un  objet  d'une  toute  autre  sorte  est  le  cure-dents  ou  brosse 
à  dents  :  c'est  un  bâtonnet  ou  une  branchette,  dont  on  apla- 
tit ou  mâche  un  des  bouts,  afin  de  s'en  servir  comme  brosse  à 
dents.  Ce  dantakâshtha  (pâli  dantakattha  ou  dantapond)  — 

1.  Hodgson,  Ess.  I.  c.  Vassilief,  B.  193. 

2.  Voir  par  exemple  Jât.  V,  132;  Childers,  Dict.  s,  v,  kattaro. 

3.  Bigandet,  II,  302, 


LE  SANGHA  43 

c'est  ainsi  qu'on  appelle  la  brosse  à  dents  —  était  (et  est 
encore)  d'un  usage  général  dans  l'Inde,  et  a  été  introduit  par 
les  Bouddhistes  à  l'étranger.  L'occasion  qui  donna  lieu  à 
l'emploi  de  dantakâshthas  par  les  frères,  fut  celle-ci  :  cer- 
tains moines  n'en  faisaient  pas  usage  et,  par  suite,  eurent 
l'haleine  mauvaise.  On  mit  le  Seigneur  au  courant,  qui  énu- 
méra  immédiatement  cinq  désavantages  qui  étaient  la  consé- 
quence du  fait  qu'on  n'employait  pas  la  brosse  à  dents,  et  cinq 
avantages  qui  découlaient  de  l'emploi  ;  puis  il  permit  aux 
moines  de  l'employer.  Mais  les  Six  abusèrent  de  nouveau  de 
cette  permission.  Ils  employèrent  de  très  longues  brosses  à 
dents,  et  s'en  servirent,  un  jour,  pour  battre  un  novice. 
Le  Maître  l'apprit,  et  défendit  de  se  servir  de  bâtonnets  trop 
longs  :  ils  ne  pouvaient  être  plus  longs  que  huit  pouces  \ 


*  2.  —  Demeures  fixes  dans  la  saison  de  la  retraite.  —  Bâti-  40 
MENTS.  —  Couvents  et  ermitages.  —  Salles  de  réunion.  — 
Fondation  de  paroisses.  —  Population  des  étarlissements 
ecclésiastiques. 

Parmi  les  ascètes,  il  y  en  avait  qui  se  contentaient  de  vivre 
au  pied  d'un  arbre,  aux  endroits  où  l'on  brûlait  les  cadavres 
ou  absolument  en  plein  air  ;  d'autres  préféraient,  cependant, 
avoir  un  toit  au-dessus  de  la  tête  :  parmi  ces  derniers,  les  uns 
vivaient  isolés  dans  des  cabanes,  au  milieu  de  la  nature  sau- 
vage ;  d'autres  se  réunissaient  dans  tel  ou  tel  bâtiment.  Dans 
la  légende,  le  Buddha  voyage  incessamment  d'un  couvent  à 
l'autre  ;  les  hérésiarques  eux-mêmes  y  figurent  comme  habi- 
tant des  couvents.  De  plus,  nous  savons  par  une  notice  qui 
se  trouve  dans  un  des  plus  anciens  livres  canoniques,  que  les 
hérétiques  avaient  l'habitude  d'occuper  des  demeures  fixes 

4.  Cutla-  V.  5,  31  ;  d'après  une  source  chinoise,  le  bâtonnet  ne  peut  être  plus 
long  que  douze  pouces,  ni  plus  court  que  huit,  et  doit  avoir  la  grosseur  du 
petit  doigt;  Stan.  Julien,  Voy.  des  Pèl.  Boud.  Il,  55.  , 


44  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

pendant  la  saison  des  pluies  ;  en  effet,  une  autre  source,  le 
code  de  Gautama,  nous  apprend  que  les  moines  brahma- 
niques, au  moins  pendant  la  saison  des  pluies,  ne  peuvent 
pas  mener  une  vie  errante.  Primitivement,  les  fils  de  Câkya, 
ainsi  nous  l'apprend  le  récit  officiel,  erraient  à  travers  le  pays 
pendant  toutes  les  saisons.  Les  gens  blâmèrent  cette  con- 
duite et  y  opposèrent  l'exemple  donné  par  les  hérétiques  : 
le  Buddha  ordonna  alors  aux  moines  de  se  choisir  une  demeure 
fixe  pendant  la  saison  des  pluies  \  Telle  est  l'histoire  de  l'éta- 
blissement de  la  saison  de  retraite  (Yarshika,  pâli  Yassa, 
Yassâvâsa),  institution  prescrite  aux  moines  d'entre  les 
Âryas  par  Gautama  le  Sage  ;  et  introduite  parmi  les  fils  de 
Çâkya  par  Gautama  le  Buddha. 

On  n'était  pas  d'accord,  à  l'origine,  au  sujet  de  la  saison 
de  retraite;  ce  qui  s'exprime  dogmatiquement  en  disant  que 
le  Seigneur  permit  un  Yassa  plus  long  et  un  Yassa  plus 
court;  le  premier  commençait  le  lendemain  de  pleine* lune  en 
Ashâdha,  la  seconde  un  mois  plus  tard  ;  tous  les  deux  duraient 
41  jusqu'à  la  pleine  lune  de  Kârttika  ^  *  Chez  les  Bouddhistes 
du  Nord  de  l'Inde,  au  vn^  siècle,  ainsi  que  nous  le  savons  par 
•  Hiuen  Thsang,  la  saison  de  retraite  durait  trois  mois,  envi- 
ron du  20  juillet  au  20  octobre.  Il  dit  à  ce  sujet  *  :  «  Afin 
d'obéir  aux  préceptes  sacrés  du  Buddha,  les  moines  indiens 
occupent  des  demeures  fixes,  le  1""  jour  de  la  première  moitié 
du  mois  Çravana,  correspondant  au  16^  du  5^  mois  chinois; 
ils  les  quittent  le  15®  jour  de  la  seconde  moitié  du  mois 
Açvayuja,  correspondant  au  15^  du  8'  mois  en  Chine.  »  A 
Ceylan,  la  saison  de  retraite  dure  actuellement  quatre  mois^ 
Il  n'était  pas  nécessaire  que  les  moines,  pendant  ou  hors 
delà  saison  des  pluies,  fussent  réunis  en  grand  nombre  ;  car 


1.  Mahâ-V.  3,  1. 

2.  Mâha-V.  3,  2. 

1.  Voy.  des  Pèl.  Boud.  II,  492. 
2.Chilclers,  Pâli  DicL  554. 


LE  SANGIIA  45 

un  chapitre  de  quatre  personnes  suffisait  pour  assister  à  la 
récitation  semi-mensuelle  du  Prâtimoksha. 

A  Ceylan,  c'est  justement  au  commencement  de  la  saison 
de  retraite  que  les  moines  ont  l'habitude  de  quitter  leur  cou- 
vent, pour  aller  habiter  des  cabanes  temporaires.  Où  et  com- 
ment les  frères  étaient  logés,  dans  les  premiers  temps  après 
l'origine  de  la  secte,  c'est  ce  qu'il  est  impossible  de  décider 
d'après  les  données  que  nous  possédons  ;  mais  il  est  indéniable 
que  même  les  plus  anciens  livres  canoniques  font  fréquem- 
ment mention  de  couvents  magnifiquement  installés.  Univer- 
sellement célèbres  étaient  le  Jetavana  et  le  Pûrvârâma  à 
Çrâvastî,  l'un  fondé  par  le  millionnaire  Anâthapindika, 
l'autre  par  la  pieuse  Yiçâkhâ.  Nous  lisons  qu'un  Jaïque,  un 
certain  Udayana,  dans  le  même  pays  et  à  peu  près  vers  la 
même  époque,  avait  l'intention  de  fonder  un  couvent  pour  la 
Congrégation,  et  fit  venir  les  moines  pour  recevoir  la  dona- 
tion et  prêcher  devant  lui  ^ 

A  cette  occasion,  on  parle  de  la  fondation  d'un  couvent 
comme  d'une  chose  habituelle,  journalière  \  *  Parfois  de  pa-  42 
reils  édifices  étaient  donnés  à  la  Congrégation  en  son  ensem- 
ble, celle  des  moines  aussi  bien  que  celle  des  religieuses;  par- 
fois à  des  individus  plus  ou  moins  nombreux,  ou  même  à  un 
novice  individuellement.  A  propos  de  couvents,  Yihâras,  il 
est  fait  mention  de  sanctuaires  \  de  temples  ^  de  maisons  en 
pierres,  de  grottes  ou  cryptes,  de  cellules,  de  chambres,  de  * 


3.  Mahd-V.  3,  5.  Comme  mobile  de  la  personne  qui  fait  construire  un  cou- 
vent ou  un  temple,  on  indique  le  désir  de  faire  son  salut.  Culla-V.  6,  1,  4. 

4.  Le  premier  fondateur  de  couvents  (60  à  la  fois)  était  un  maître  de  corpo- 
ration de  Râjagrha,  d'après  Culla-V.  6,  1,  contrairement  à  la  légende  qui 
attribue  cet  honneur  à  Anâthapindika.  Avant  la  fondation  du  premier  cou- 
vent, les  moines  n'avaient  pas  de  logement  fixe  {çayanâsana,  pâli  senâsana), 
mais  habitaient  sous  les  arbres,  sur  les  montagnes,  dans  des  cavernes,  des 
grottes,  des  cimetières,  des  plaines  boisées,  en  plein  air,  sur  des  tas  de 
paille.  Tel  était  évidemment  l'état  de  choses  dans  Tan  zéro. 

1.  Addhayoga. 

2.  Prâsâda,  «  bâtiment  élevé,  palais,  temple.  » 


46  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

salles  pour  solennités,  de  chambres  pour  chauffage,  de  ca- 
binets richement  ornés,  de  cabinets  d'aisances,  de  colonnades 
oîî  Ton  pouvait  se  promener,  de  salles  de  récréation,  de  fon- 
taines, de  chambres  rafraîchies  par  des  fontaines,  d'étuves, 
d'étangs,  de  pavillons,  de  jardins,  de  pavillons  bâtis  dans  les 
jardins. 

Au  début  de  cette  énumération,  il  est  fait  mention  de  trois 
ou  quatre  genres  d'édifices  \  dont  on  ne  peut  déterminer  le 
caractère  avec  exactitude,  mais  l'impression  générale  est  que 
l'architecture  indienne  avait  déjà  atteint  une  grande  perfec- 
tion lorsque  le  Vinaya-Pitaka  fut  rédigé  \  et,  d'après  le  même 
canon,  déjà  du  temps  du  Maître.  Nous  nous  arrêterons  un  ins- 
tant aux  noms  qui  semblent  admettre  plus  d'une  signification. 
Le  terme  Addhayoga  est  trop  obscur  pour  qu'on  y  puisse 
voir  un  synonyme  de  Stûpa  :  cependant  le  fait  que  le  Stûpa 
43  n'est  pas  compris  dans  l'énumération,  reste  frappant.  *  Peut- 
être  pourrait-on  indiquer  la  raison  qui  a  amené  l'auteur  du 
morceau  cité  à  éviter  le  mot  Stûpa  :  c'est  le  Buddha  lui-même 
qui  parle;  comme  d'après  la  tradition  officielle,  de  pareils 
monuments  n'avaient  été  élevés  qu'après  la  mort  du  Maître, 
il  était  difficile  d'employer  dans  le  passage  cité  un  mot  aussi 
connu. 


3.  Vihâra,  addhayoga,  prâsâda,  maison  en  pierre  [harmya]  et  grotte  (guhâ) 
sont  énumérés  ailleurs  {Culla-V.  6,  2)  comme  les  cinq  sortes  de  lieux  de  retraite 
ou  de  repos  {layana,  pâli  lena)  que  le  seigneur  avait  permis  à  ses  disciples. 

4.  Dans  une  description  des  monastères  royaux  au  Siam  par  Msgr.  Pallegoix 
[Annales  de  la  propagation  de  la  foi,  janv.  1854  ;  cité  par  nous  d'après  Kœppen, 
Rel.  des  B.,  379)  on  reconnaît  plusieurs  des  objets  nommés  dans  l'énumération 
citée  plus  haut.  «  Pour  se  faire  une  idée  de  ces  établissements  religieux,  il 
faut  s'imaginer  un  vaste  terrain,  sur  lequel  s'élèvent  une  vingtaine  de  belvé- 
dères à  la  chinoise;  plusieurs  grandes  salles  alignées  sur  les  bords  du  fleuve, 
un  local  destiné  à  la  prédication,  deux  beaux  temples,  dont  l'un  sert  de  sanc- 
tuaire à  l'idole  de  Bouddha,  l'autre  d'oratoire  aux  Bonzes  ;  deux  cents  jolies 
maisonnettes,  partie  en  briques,  partie  en  planches,  qui  sont  la  demeure  des 
Talapoins;  des  étangs,  des  jardins,  une  douzaine  de  belles  pyramides  dorées, 
ou  revêtues  de  porcelaine  (Dagops),  un  clocher,  des  mâts  de  pavillon,  des  lions 
etc.  » 


LE  SANGHA  47 

Des  Prâsâdas  (temples  ou  tours),  servant  à  des  usages 
ecclésiastiques,  sont  déjà  mentionnés  à  une  époque  relative- 
ment ancienne.  La  fondation  du  Lohaprâsâda  à  Geylan,  où, 
de  nos  jours  encore,  a  lieu  la  récitation  semi-mensuelle  du 
Prâtimoksha,  est  attribuée  au  roi  Dutthagâmani  K  Dans 
rindo-Ghine,  ce  mot,  transformé  par  la  prononciation  en 
Prachadi,  Prachiadi,  désigne  des  bâtiments  en  forme  de  tour, 
hauts  de  plusieurs  étages;  bien  que  les  spécialistes  y  recon- 
naissent des  modifications  du  Stûpa,  il  est  pourtant  difficile 
de  méconnaître  la  ressemblance  extérieure  de  la  tour  indo- 
chinoise (ou  tour  à  reliques),  avec  le  Lohaprâsâda.  Quand  on 
remarque  que  ce  dernier  bâtiment  sert  aux  réunions  du  cha- 
pitre, on  arrive  à  la  conclusion  que  le  mot  pourrait  se  tra- 
duire à  peu  près  par  «  église  »,  ce  mot  représentant  égale- 
ment l'idée  d'un  lieu  de  réunion,  habituellement  orné  d'une 
tour  ^ 

Les  grottes  ou  cryptes  mentionnées  dans  Fénumération, 
ne  sont  pas  des  grottes  naturelles,  car  celle-ci  ne  se  construi- 
sait pas.  Il  est  probable  que  le  mot  désigne  des  chambres 
taillées  à  mains  d'homme  (au  moins  en  partie)  dans  la  roche 
vive,  telles  qu'on  en  a  découvertes  à  Barâbar  et  à  Nâgârjuni, 
dans  le  Bihâr,  l'ancien  Magadha  ^  Ces  sortes  de  grottes  sont 
considérées  par  les  spécialistes  comme  les  premiers  modèles 
de  cette  architecture  particulière  à  l'Inde,  qui  a  produit  plus 
tard  les  célèbres  temples  creusés  dans  le  roc.  Les  cryptes  de 
Barâbar  et  de  Nâgârjuni  ont  été  donnés,  en  partie  par  le  roi 
Açoka,  en  partie  par  son  petit-fils  Daçaratha,  *  aux  Ajîvikas,  44 

1.  Mahdvamsa,  ^.  161;  comp.  Lassen,  Indisclie  Aller thumskunde^  11,420. 
D.  vivait  environ  150  ans  après  Açoka,  par  conséquent  vers  Tan  100  avant  J.-C. 
Probablement  c'est  le  même  édifice  qui  est  désigné  Dipavamsa,  XIX,  1;  mais 
le  nom  n'est  pas  indiqué  dans  ce  passage.  Le  bâtiment  avait  neuf  étages. 

2.  En  malais,  pancaprasada  désigne  une  sorte  de  pyramide  avec  escaliers  ; 
dans  rAgni-Purâna  il  est  question  d'une  espèce  particulière  de  temple  dédié  à 
Vishnu,  orné  de  pancâprâsâda,  cinq  tours. 

3.  Voir  Cunningham,  Archaeological  Survey,  1,  44,  et  Corpus  Inscriptioîium, 
du  même,  I,  30. 


48  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

par  conséquent  non  à  des  Bouddhistes  ;  mais  on  peut  très  bien 
admettre  que  vers  le  même  temps,  dans  la  secondé  moitié  du 
m^  siècle  avant  notre  ère,  les  fils  de  Çâkya  auront  reçu  en 
don  de  pareilles  grottes,  de  la  part  d'un  protecteur  quelconque. 
Il  n'est  même  pas  invraisemblable  qu'il  aura  existé,  dès  cette 
époque,  des  couvents  plus  considérables.  D'après  la  plus 
ancienne  chronique  singhalaise  \  Açoka  n'a  pas  fondé  moins 
de  84,000  ^  couvents.  La  tradition  septentrionale  a  une  version 
divergente  de  ce  récit  :  elle  sait  qu'Açoka  fit  bâtir  84,000  Stu- 
pas, un  dans  chaque  ville  du  Jambudvîpa;  ils  furent  tous 
contruits  dans  l'espace  d'un  seul  jour  ^ 

A  une  époque  qui  suit  immédiatement  celle  d'Açoka,  appar- 
tiennent les  couvents  creusés  dans  le  roc,  a  Ajanta,  dont  les 
plus  anciens  sont  supposés  dater  de  200  ans  environ  avant 
notre  ère  \  Ces  couvents,  au  nombre  de  vingt-quatre,  com- 
prennent plusieurs  cellules.  Ils  ont  d'ordinaire  une  forme 
carrée,  et  sont  soutenus  par  des  colonnes,  les  unes  placées 
de  manière  à  séparer  la  grande  salle  du  milieu  des  deux  ailes, 
les  autres  rangées  par  quatre  lignes  parallèles.  Dans  les 
grandes  grottes,  l'entrée  est  précédée  d'une  galerie  ouverte, 
taillée  dans  le  roc,  avec  des  cellules  des  deux  côtés  ;  la  grande 
salle  est  placée  au  milieu,  avec,  derrière,  une  petite  chambre 


1.  Dîpavamsa,  6,  98. 

2.  Le  texte  porte  réellement  84,  mais  Tensembledu  récit  montre  que  84=84000. 
Le  terme  pour  «  couvent  »  est  ârâma,  jardin;  les  84,000  couvents  du  verso 
98  se  réduisent  dans  le  vers  suivant  à  1,  un  seul  :  on  dit  nettement  :  »  Après 
que  le  Roi  eut  construit  pendant  Tespace  de  trois  ans  le  (ou  wn)  couvent 
{vihâra)^  il  fit  célébrer,  lorsque  le  jardin  (couvent,  ârâma)  fut  achevé,  une 
fête  religieuse  qui  dura  une  semaine. 

3.  Açoka- Avadâna,  chez  Burnouf,  Inlrod.  373  ;  Voy.  des  Pèl.  B.  T,  138  ;  II,  417. 
Dans  le  dernier  passage  cité  des  Voy.  ces  Stupas  sont  dits  avoir  été  construits 
à  main  d'homme;  mais  les  deux  autres  récits  disent  le  contraire  :  les  ar- 
chitectes étaient  des  lutins  ou  des  esprits,  Comp.  Legge,  Fa-Hiens  Records^ 
69  et  80. 

4.  On  trouve  des  figures  et  des  descriptions,  dans  J.  Fergusson,  Hislory  of 
Indian  Architecture  (édit.  1876)  p.  122-159.  Comp.  Hunter,  Impérial  Gazetteer 
ofindia,  I,  89. 


LE  SANGHA  49 

et  un  sanctuaire,  qui  contient  une  image  de  Buddha,  assis 
sur  son  trône.  *  Les  murs  ont  été  évidés  de  trois  côtés  de  45 
manière  à  former  des  cellules  pour  les  moines.  La  forme  la 
plus  simple  d'un  couvent  est  une  galerie  ouverte,  creusée 
dans  un  pan  de  rocher  à  pic,  avec  des  cellules  qui  y 
accèdent  par  derrière.  Quelques-unes  seulement  de  ces  grottes 
semblent  entièrement  terminées,  mais  presque  toutes  mon- 
trent des  traces  de  peinture,  aux  murs,  aux  voûtes,  aux 
colonnes,  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur.  Même  les  sculptures 
ont  été  coloriées.  Diverses  inscriptions,  en  prâkrit  et  en  sans- 
crit, perpétuent  les  noms  des  pieux  fondateurs  *. 

L'expression,  sinon  la  plus  fréquente,  du  moins  la  moins 
équivoque  pour  couvent  est  Sanghârâma,  c'est-à-dire  Enclos 
du  Sangha  ^  Un  autre  terme  très  usité  était  Yihâra,  mais, 
quand  on  fait  abstraction  de  la  légende  et  de  l'époque  à  demi 
mythique,  on  trouvera  le  mot  employé  plus  souvent  dans  le 
sens  de  pagode  ou  temple,  que  dans  celui  de  couvent,  non 
seulement  au  Nord,  mais  aussi  au  Sud.  Hiuen  Thsang  dis- 
tingue régulièrement  un  Yihâra  d'un  couvent.  C'est  ainsi 
qu'il  dit  quelque  part  ^  que  «  le  roi  Çîlâditya  avait  fait  cons- 
truire, à  côté  du  couvent  de  Nâlanda,  un  Vihâra  de  cuivre, 
haut  de  cent  pieds,  dont  la  magnificence  était  renommée 
partout.  »  De  même  à  Geylan  :  là  aussi,  par  Yihâra  on  entend 
habituellement  une  pagode,  ornée  de  statues  *.  Les  Yihâras 
de  Geylan  sont  d'ordinaire  des  bâtiments  avec  des  murs  blan- 
chis à  la  chaux  et  des  toits  couverts  de  tuiles,  même  là  oii 
les  demeures  des  moines  sont  insignifiantes  et  temporaires. 
A  l'entrée,  on  voit  d'ordinaire  des  figures  sculptées,  qui  repré- 
sentent les  gardiens  du  temple.  Autour  du  Saint  des  saints 
il  y  a  d'ordinaire  un  espace  étroit  orné  de  sculptures   et  de 

1.  On  donnera  d'autres  détails  sur  les  temples  creusés  dans  le  roc,  à  Ajanta 
et  ailleurs,  dans  le  chapitre  sur  le  culte. 

2.  Devenu  en  chinois  Seng-kia-lan. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  221. 

4.  Hardy,  E.M.  129  ;  comp.  200,  où  est  prise  la  description  qui  suit. 

Tome  II.  4 


50  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'IiNDE 

peintures  ;  mais  souvent  le  tout  est  plongé  dans  une  obscurité 
mystérieuse,  bien  faite  pour  remplir  d'une  terreur  religieuse 
l'âme  du  croyant,  quand  il  entre  subitement,  au  sortir  du 
plein  jour  ;  la  nuit,  en  venant  du  dehors,  le  scintillement  des 
46  lampes  *  doit  produire  la  même  impression.  En  face  de  la 
porte  principale  est  une  autre  ouverture,  fermée  d'un  rideau; 
quand  on  le  retire,  on  voit  une  image  du  Buddha,  qui  remplit 
presque  toute  la  chambre  ;  devant  la  statue  est  un  autel,  où 
sont  déposées  des  fleurs.  Les  murs  sont  couverts  de  tableaux, 
représentant  quelque  épisode  de  la  vie  du  Buddha,  ou  d'une 
de  ses  existences  antérieures,  comme  Bodhisatva.  Les  Yihâras 
sont  souvent  bâtis  sur  des  rochers  ou  en  d'autres  endroits 
pittoresques.  Le  jardin  qui  les  entoure  est  planté  d'arbres 
dont  les  fleurs  sont  employées  comme  offrandes.  Quelques 
uns  des  principaux  Yihâras  (à  Ceylan)  sont  des  grottes,  en  par- 
tie naturelles,  en  partie  aménagées  à  main  d'homme.  ' 

Comme  Yihâra  peut  signifier  aussi  bien,  «  temple  »  que 
«  couvent  »  il  est  difficile  parfois  de  décider  dans  quel  sens  le 
mot  est  employé  :  cependant  il  semble  toujours  désigner  un 
bâtiment  considérable. 

On  peut  supposer  que  d'ordinaire  le  Yihâra  et  le  véri- 
table couvent,  Saiigharâma,  auront  été  construits  l'un  à  côté 
de  l'autre,  et  nous  savons  de  science  certaine  que,  dans  bien 
des  cas,  il  en  était  réellement  ainsi.  Il  en  était  ainsi  à  Nâlanda  ; 
de  même  à  Sârnâth,  près  Benarès  *,  otj,  du  temps  de  Hiuen 
Thsang,  on  voyait  à  côté  du  couvent,  (un  bâtiment  considé- 
rable, habité  par  1500  moines)  s'élever  un  Yihâra  haut  de 
200  pieds,  au  milieu  duquel  était  placée  une  statue  de  Buddha, 
en  cuivre  jaune. 

Les  grands  couvents,  ou  les  groupes  de  grandes  demeures 
monastiques  se  trouvaient,  au  moyen  âge,  dans  l'Inde 
propre,  plutôt  qu'à  Ceylan  et  en  Indo-Chine.  A  Ceylan  il  y  a, 
il  est  vrai,  des  couvents  anciens  et  magnifiques,  dont  quelques 

1.  V.  des  PU.  B,  II,  355. 


LE  SANGHA  51 

uns,  au  cinquième  siècle,  lors  du  voyage  de  Fa  Hian,  étaient 
habités  par  5000,  3000,  et  2000  frères,  mais  des  bâtiments 
aussi  considérables  sont  rares,  et  l'ont  toujours  été.  De  nos 
jours,  les  ecclésiastiques  vivent  dans  des  demeures  petites, 
mais  propres,  qu'on  appelle  Pansai  (pâli  :  pannasâlâ)^  ce  qui 
signifie  proprement  «  cabane  de  feuillage.  «  En  Birmanie,  *  les  47 
couvents  sont  petits,  mais  d'autant  plus  nombreux,  car  on 
les  trouve  en  grand  nombre  dans  chaque  ville  et  dans  les 
environs.  On  les  appelle  Kiaong,  de  même  que  la  demeure 
de  l'ecclésiastique  attaché  à  chaque  village.  Le  Kiaong,  orné 
d'un  triple  toit,  est,  du  reste,  facile  à  reconnaître  à  son  mât 
colorié  et  doré  en  partie,  orné  d'un  cygne  *  symbolique,  et 
d'élégantes  banderoUes.  A  moitié  caché  par  le  feuillage, 
l'aimable  demeure  semble  inviter  le  voyageur  fatigué  qui 
peut  toujours  être  sûr  d'y  trouver  un  bon  accueil.  Dans 
cette  demeure  pacifique  sont  également  logés  les  novices,  qui, 
surtout  dans  la  saison  des  pluies,  apprennent  sous  la  direction 
des  vénérables  moines,  la  lecture,  l'écriture,  un  peu  de  calcul 
et  le  catéchisme.  Telle,  à  peu  près,  est  l'esquisse  idyllique 
qu'on  nous  donne  des  Kiaongs  %  esquisse  qui  nous  rappelle 
involontairement  les  ermitages  indiens,  Açramas  ou  Açra- 
mamandalas,  parfois  des  cellules  isolées,  parfois  des  sortes  de 
villages,  bâtis  dans  un  endroit  boisé,  ou  des  Aryas  plus  âgés, 
surtout  des  brahmanes,  tantôt  accompagnés  de  leurs  femmes, 
tantôt  seuls,  passaient  paisiblement  les  derniers  jours  de 
leur  vie,  s'occupant  d'oeuvres  pies  et  enseignanx  aux  enfants 
et  aux  adolescents  le  Veda  et  la  sagesse  des  pères.  L'hospi- 
talité envers  les  étrangers,  quel  que  fût  leur  état,  leur  rang 
ou  leur  caste,  était  un  des  premiers  devoirs  de  ces  paisibles 
ermites. 

Bien  différents  des  Kiaongs  de  Birmanie,  les  couvents  du 
Siam  ne  sont  pas  nombreux,  mais  beaucoup  plus  grands. 

\.  Le  hamsa,  oiseau  consacre  à  Brahma,  et  image  du  SoleiK  On  peut  souvent 
traduire  le  mot  par  Phénix. 
2.  Bigandet,  II,  266.         • 


82  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Des  cellules  faites  pour  n'être  habitées  que  par  un  seul 
moine,  des  kutis^  sont  fréquemment  mentionnées.  Les  dimen- 
sions, prescrites  dans  le  Prâtimoksha,  sont  douze  empans 
de  mesure  Sugata  en  longueur,  sept  en  largeur.  Même  en 
supposant  que  l'empan  ait  ici  la  valeur  habituelle  de  douze 
pouces,  soit  un  pied,  il  faut  admettre  que  la  kuti  est  assez 
grande  pour  une  seule  personne  \  Du  reste,  ce  n'est  que 
48  par  une  fiction  qu'on  peut  dire  qu'un  ascète*  qui  habite,  soit 
une  pareille  cellule,  soit  un  couvent,  «  n'a  pas  de  maison  ». 

Le  bâtiment  pour  les  réunions  du  chapitre  s'appelle  en  pâli 
d'ordinaire  Uposâthâgara,  c'est-à-dire  «  maison  oii  l'on  célèbre 
le  sabbat*  ».  On  pourrait  aussi  le  traduire  par  «  église  »,  de 
même  que  Prâsâda,  mot  que  nous  avons  déjà  rencontré 
comme  nom  d'un  bâtiment  où  se  célèbre  l'Uposatha. 

En  dehors  du  Yihâra  ou  temple,  les  maisons  et  les  cellules 
des  moines,  et  le  bâtiment  pour  célébrer  l'Uposatha,  on  trouve 
sur  le  terrain  d'un  couvent  des  Stupas  ou  Dagobs  %  sur 
lesquels  nous  reviendrons  plus  tard,  des  jardins,  des  étangs, 
des  mâts  où  l'on  suspend  des  banderoles,  des  arbres  Bodhi, 
souvent  aussi  des  cloches. 

Au  sujet  de  la  formation  des  paroisses,  chacune  avec  son 
bâtiment  pour  l'Uposatha,  et  autres  bâtiments  sacrés,  on 
trouve  dans  les  livres  canoniques  des  renseignements  inté- 
ressants à  plus  d'un  titre  \  Comme  presque  tous  les  établis- 
sements et  préceptes  de  l'Église,  la  délimitation  de  paroisses 
fixes  et  la  célébration  en  commun  des  jours  d'Uposatha,  sont 
indirectement  l'œuvre  des  Six.  Ces  incorrigibles  vauriens 
vrais  moines  à  rebours,  proclamèrent  «  vers  ce  temps-là  » 

3.  Dans  un  commentaire  du  Prâtimoksha  on  indique  qu'un  empan  de  mesure 
Sugata  =  4  pieds,  6  pouces  (mesure  anglaise),  les  Singhalais  actuels  l'allon- 
gent jusqu'à  6  pieds  (Dikson,  Journ.  Roy.  As.  Soc,.  VIII,  126).  Un  bâtiment  de 
telles  dimensions  peut  difficilement  s'appeler  kuti  (littéralement  cabane). 

1.  Chez  les  Singhalais  :  poëga. 

2.  Pâli  :  thûpa  et  dhâtugabbha,  sanscrit  dhâtugarbha,  proprement  «  reli- 
quaire ».  En  singhalais  dâgaba,  d'où  dérive  notre  «  dagob  ». 

3.  Mahâ-V.  2,  5-9.  Comp.  Dîpavamsa,  14,  22  ss. 


LE  SANGHA  53 

le  formulaire  du  Prâtimoksha,  chacun  pour  sa  propre  com- 
munauté. Quand  on  donna  connaissance  de  ce  fait  au  Maître, 
celui-ci  défendit  d'agir  ainsi,  mais  permit  aux  moines  «  de 
prendre  part  en  communauté  plénière  à  la  célébration  de 
rUposatba  ».  —  Mais  que  fallait-il  entendre  par  «  commu. 
nauté  plénière  »,  une  seule  localité,  ou  le  pays  tout  entier? 
Les  moines  demandèrent  sur  ce  point  des  renseignements  au 
Maître,  qui  répondit  «  qu'une  pleine  communauté  ne  com- 
prenait qu'une  localité  ».  Or,  vers  ce  temps-là,  demeurait 
près  de  Râjagrha  le  vénérable  Kappina  le  Grand*.  A  l'esprit 
de  celui-ci  *  se  présenta  un  doute,  s'il  devait  se  rendre  à  49 
l'Uposatha,  et  prendre  part  à  la  cérémonie  du  Sangha.  Le 
Seigneur,  qui  pénétrait  les  pensées  les  plus  intimes  de  Kap- 
pina, quitta  immédiatement  le  Pic  du  Vautour  *  et  se  pré- 
senta en  un  moment  devant  le  Sage.  Le  Maître  s'assit  sur  le 
siège  qui  lui  fut  offert,  reçut  la  salutation  du  Vénérable,  et 
parla  ainsi  :  «  Est-ce  qu'un  doute  ne  s'est  pas  présenté  à  votre 
esprit,  Kappina,  si  vous  deviez  vous  rendre  à  l'Uposatha,  et 
prendre  part  à  la  cérémonie  du  Sangha?  »  — Après  une  ré- 
ponse affirmative,  il  continua  :  «  Si  vous  autres,  brahmanes, 
vous  ne  célébrez  pas  le  sabbat,  qui  le  fera?  ^  Rends-toi, 
brahmane,  à  la  célébration  de  l'Uposatha  ;  prends  garde  de  ne 
pas  la  négliger  ».  Kappina  promit  d'agir  conformément  à  ces 
instructions  ;  sur  quoi  le  Seigneur  le  réconforta  et  le  fortifia 
par  un  sermon  édifiant,  pour  repartir  aussi  rapidement  qu'il 
était  venu,  et  paraître  de  nouveau  sur  le  Pic  du  Vautour. 


4.  Nommé  aussi  Kapphina,  Kashphina,  dans  les  sources  septentrionales. 

1.  On  n'ajoute  pas  que  l'auteur  du  récit  l'a  accompagné  dans  ce  voyage;  mais 
on  ne  peut  douter  de  son  omniscience,  omniscience  qu'il  avait  du  reste  en 
commun  avec  tout  romancier.  —  D'après  la  doctrine  des  Mahâyânistes,  con- 
tenue dans  le  Saddharma-Pundarîka,  Çâkyamuni  demeure  en  réalité  tou- 
jours sur  le  Pic  du  Vautour,  et  c'est  seulement  en  vertu  d'une  illusion  que 
les  hommes  croient  l'avoir  vu  ailleurs.  Leur  Çàkya-muni  est  le  Muni  drtn*  le 
moine,  dont  parle  Manu,  8,  91. 

2.  Il  est  impossible  d'imaginer  une  reconnaissance  plus  précise  que  celle-ci, 
faite  par  le  Buddha,  de  la  primauté  spirituelle  accordée  aux  brahmanes. 


54  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  X)ANS  L'INDE 

Alors  cette  pensée  se  présenta  aux  moines  :  «  le  Seigneur  a 
ordonné  qu'une  communauté  plénière  s'étendra  sur  une  loca- 
lité; mais  jusqu'oii  s'étendra  la  localité  elle-même?  »  —  Le 
Seigneur  interrogé  par  eux,  déclara  :  «  Je  vous  permets, 
moines,  de  fixer  entre  vous  les  limites  d'un  territoire  (ou 
d'une  paroisse,  village,  sîmâ)  de  la  manière  que  voici  :  on 
doit  d'abord  marquer  les  limites  par  des  signes  fixes,  tels  que 
montagnes,  pierres,  forêts,  arbres,  routes,  fourmilières, 
rivières  ou  étangs.  Une  fois  les  limites  marquées,  un  moine, 
possédant  les  aptitudes  et  les  dons  nécessaires  pour  cela,  doit 
adresser  la  parole  aux  moines  assemblés  et  proposer  que  la 
la  réunion  approuve  de  fonder,  dans  les  limites  fixées,  une 
paroisse,  destinée  à  la  cohabitation  et  à  la  célébration  de 
50  rUposatha  ».  — *  Bientôt  les  Six  abusèrent  scandaleusement 
de  l'autorisation  accordée  :  ils  délimitèrent  des  paroisses 
beaucoup  trop  grandes,  d'une  étendue  de  quatre,  de  cinq, 
même  de  six  Yojanas.  La  conséquence  inévitable  fut  que 
des  moines  se  présentèrent  à  l'assemblée  quand  on  était  déjà 
en  train  de  réciter  le  règlement,  —  d'autres  lorsque  la  réci- 
tation était  déjà  achevée.  On  se  plaignit  au  Maître  de  cet 
inconvénient,  et  il  décida  qu'une  paroisse  ne  pourrait  avoir 
une  étendue  de  plus  de  trois  Yojanas.  Les  Six  ne  se  tinrent 
pas  encore  tranquilles  :  ils  délimitèrent  une  paroisse  dont 
les  bornes  s'étendaient  au-delà  d'une  rivière.  Les  consé- 
quences ne  se  firent  pas  attendre  :  il  arriva  que  des  moines 
qui  se  rendaient  à  TUposatha,  furent  entraînés  par  le  cou- 
rant, ou  bien  y  perdirent  leurs  pots  à  aumônes  et  leurs  vête- 
ments. Le  Maître,  après  avoir  entendu  les  plaintes  qui  s'éle- 
vaient à  ce  sujet,  défendit  expressément  de  fonder  une  paroisse 
dont  les  limites  s'étendraient  au-delà  d'une  rivière  ;  cela  ne 
serait  permis  que  dans  le  cas  oii  il  y  aurait  sur  la  rivière  un 
bac  ou  un  pont.  Alors  se  présenta  un  autre  cas  :  des  moines 
récitaient  le  Prâtimoksha  à  l'intérieur  de  leurs  cellules,  ou 
sans  avertissement  général  préalable,  de  sorte  que  les  autres 
moines  ne  savaient  pas  oii  le  service  avait  lieu.  On  se  plaignit, 


LE   SANGHA  55 

et  le  Buddha  prohiba  de  semblables  pratiques  :  il  ordonna 
que  la  réunion  des  moines  désignerait,  comme  localité  où 
aurait  lieu  l'Uposatha,  un  édifice  spécial,  que  ce  fût  un  Yihâra, 
ou  un  iVddhayoga,  ou  un  Prâsâda,  ou  une  maison  en  pierre, 
ou  une  crypte,  après  proposition  faite  en  ce  sens  par  un  des 
frères,  qui  aurait  les  qualités  nécessaires  pour  figurer  comme 
orateur,  et  après  approbation  consécutive  du  chapitre.  Alors 
il  arriva  que  dans  un  certain  territoire  on  établit  deux  maisons 
pour  célébrer  l'Uposatha,  avec  cette  conséquence  que  les 
moines  se  réunissaient  à  la  fois  dans  les  deux  édifices.  Dès 
que  le  Buddha  eut  connaissance  de  ce  fait,  il  défendit  do 
placer  dans  un  seul  et  même  territoire  (ou  paroisse)  deux 
édifices  pour  l'Uposatha,  et  il  ordonna  que,  dans  ce  cas,  l'un 
des  deux  devrait  être  mis  hors  d'usage,  après  une  propo- 
sition faite  en  ce  sens  par  un  frère,  ayant  les  qualités  requises 
pour  la  faire,  et  l'approbation  consécutive  du  chapitre.  Puis, 
un  autre  cas  se  présenta  :  dans  un  certain  territoire  *,  on  avait  51 
choisi,  pour  la  célébration  de  l'Uposatha,  un  local  trop  petit. 
Dans  le  cas  oii  les  moines  se  présentaient  en  grand  nombre, 
pour  assister  à  la  cérémonie,  quelques-uns  d'entre  eux  étaient 
obligésfde  s'asseoir  sur  un  sol  non  consacré,  en  écoutant  la 
lecture  du  Prâtimoksha.  On  se  demandait,  dans  ces  circons- 
tances, si  ces  moines  pouvaient  être  considérés  comme  ayant 
réellement  célébré  l'Uposatha.  Instruit  de  ce  cas,  le  Maître 
déclara^  que  le  fait  de  s'asseoir  à  tel  endroit,  plutôt  qu'à  tel 
autre,  était  indifférent,  pourvu  que,  de  sa  place,  un  homme 
pût  bien  entendre  la  récitation  du  formulaire;  cependant,  il 
donna  la  permission  au  chapitre  d'ajouter  à  l'édifice  un  parvis, 
aussi  grand  qu'on  voudrait,  après  proposition  faite  en  forme 
convenable  par  un  moine  habile  et  approbation  par  l'as- 
semblée. 

Comme  complément  des  données  des  Ecritures  saintes, 
relativement  à  la  fondation  des  paroisses,  les  chroniques 
de  Ceylan  fournissent  quelques  renseignements,  nulle- 
ment négligeables,  quoiqu'il  faille  s'en  servir  avec  précau- 


56  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LliNDE 

tion  *.  Après  que  le  roi  Devânâmpriya  ïishya,  sous  le  règne 
duquel  le  Bouddhisme  fut  introduit  dans  Fîle,  eut  fait  don  à 
Mahendra,  l'apôtre  de  Ceylan,  et  aux  moines  qui  l'accompa- 
gnaient, du  couvent  Tishyârâma,  et  qu'il  lui  eut  demandé  si 
la  doctrine  du  Buddha  était  suffisamment  établie  ainsi,  le 
vénérable  Mahendra  répondit  :  «  Pas  encore  ;  pour  qu'on  puisse 
célébrer  le  sabbat  et  d'autres  cérémonies  ecclésiastiques,  il 
faut  fixer  d'abord  les  limites  d'une  paroisse,  conformément  à 
l'ordre  du  Seigneur,  alors  seulement  la  religion  sera  établie  ; 
alors  seulement  le  Yihâra  sera  fixe,  le  couvent  solidement 
fondé.  »  Le  prince  déclara  alors  à  l'apôtre  qu'il  donnerait 
volontiers  le  terrain  nécessaire,  et  demanda  même  que  son 
peuple,  qui  avait  embrassé  avec  lui  la  religion,  eût  le  droit  de 
demeurer  à  l'intérieur  d'un  territoire  ainsi  fixé  :  le  clergé 
n'aurait  qu'à  décider  que  la  fondation  d'une  paroisse  se  fit.  Le 
vénérable  apôtre  abandonna  alors  à  Sa  Majesté  le  soin  de 
fixer  les  limites.  C'est  ce  qui  eut  lieu.  De  grand  matin,  le  roi, 
magnifiquement  habillé,  et  assis  sur  son  char,  accompagné 
de  ses  ministres  et  de  ses  femmes,  de  troupes  à  pied,  à  cheval, 
52  sur  des  chars  *  ou  sur  des  éléphants,  et  entouré  d'une  suite 
nombreuse,  se  rendit  au  couvent  pour  y  prendre  avtc  lui  le 
vénérable  Mahendra,  et  les  autres  ecclésiastiques.  Accompa- 
gné d'eux,   il   se  rendit  au  bord  de  la  rivière.  Là  il  mit  la 
main   à  une  charrue  en  or,    à  laquelle  étaient  attelés  les 
éléphants  Mahâpadma  et  Kunjara,  magnifiquement  capara- 
çonnés, et  il  commença  à  tracer  ainsi  un  sillon,  en  prenant 
comme  point  de  départ  le  bord  de  la  rivière.  C'était  un  spec- 
tacle magnifique,  que  de  voir  le  puissant  souverain,  accom- 
pagné des  moines  et  de  sa  force  armée,  en  train  de  tracer  un 
sillon  profond  dans  le  sol  fertile.  Des  vases  richement  peints, 
des  drapeaux  de  différentes  couleurs,  de  la  poudre  de  santal 
jaune,  des  bâtons  en  or  et  en  argent,  des  miroirs  brillants. 


1.  Dîpavamsa,  14,  26,   ss. ;   Mahâvamsa,   p.   108   ss.   Comp.  Bodhi-vamsa, 
p.  133  ss. 


LE  SANGHA  57 

de  petits  paniers  remplis  de  verdure  et  de  fleurs,  des  arcs 
d'honneur  ornés  de  banderoUes,  tout  contribuait  à  rehaus- 
ser la  splendeur  de  la  procession,  tandis  que  les  sons  de  la 
musique,  entrecoupés  par  les  cris  de  joie  et  les  chants  de 
triomphe  d'une  multitude  immense,  augmentaient  encore 
l'impression  que  produisait  la  cérémonie.  Pendant  tout  ce 
temps,  le  roi  ne  cessait  de  tracer  le  sillon,  jusqu'à  ce  que, 
ayant  fait  le  tour  de  la  ville,  il  arriva  à  l'endroit  près  de  la 
rivière  qu'il  avait  pris  comme  point  de  départ.  Alors  la  terre 
trembla  ;  c'était  là  un  miracle  dont  la  multitude  ne  pouvait 
méconnaître  la  signification,  et  joyeux,  ils  se  disaient  les  uns 
aux  autres  :  «  Il  y  aura  un  couvent  dans  la  paroisse  *.  » 
Après  que  la  limite  eut  été  ainsi  fixée,  le  roi  demanda  au 
vénérable  Mahendra  de  la  confirmer  et  de  consacrer  le  terri- 
toire, dans  lequel  le  Yihâra  serait  fondé.  On  agit  conformé- 
ment aux  désirs  du  Roi.  Au  jour  fixé,  il  y  eut  une  réunion 
générale  de  tous  les  moines,  dans  laquelle  Mahendra  consa- 
cra le  territoire,  et  confirma  la  paroisse  qu'on  habiterait  à 
l'avenir. 

Il  n'est  pas  bien  clair  pourquoi  le  roi  lui-même  délimita 
d'une  façon  aussi  solennelle  un  territoire  qui  devait  avoir 
depuis  longtemps  des  limites  fixes  comme  commune  civile. 
Peut-être  faut-il  admettre  qu'il  fixa  certaines  limites,  à 
l'intérieur  desquelles  les  moines  auraient  la  permission  de 
demeurer,  de  bâtir  des  sanctuaires,  etc.,  et  de  prêcher  au 
peuple,  *  et  que  le  territoire  ainsi  marqué  était  tout  simple-  53 
ment  la  ville  ou  le  village,  avec  le  terrain  circonvoisin.  Par 
une  cérémonie  religieuse  un  pareil  terrain  était  consa- 
cré comme  champ  d'action  pour  la  congrégation,  comme 
paroisse.  En  tout  cas,  il  est  évident  que  c'est  la  commune  ou 
la  communauté  de  village    qui  a   servi   de    modèle   à    la 

1.  Et  plus  haut  on  vient  de  nous  dire  qu'il  y  avait  déjà  un  couvent,  le 
Tishyârdma.  Dans  un  chapitre  postérieur,  19,  20,  la  fondation  du  Tishyârâma 
est  attribuée  à  un  autre  Tishya,  qui  vivait  plus  de  cent  ans  plus  tard.  Fa 
Hian  décrit  une  donation,  Travels,  161. 


58  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

paroisse.  Le  mot  simâ  suffit  à  lui  tout  seul  à  le  prouver  * . 
La  permission  accordée  par  un  représentant  de  l'autorité  au 
clergé  d'établir  quelque  part  une  paroisse,  n'a  pas  pour  con- 
séquence nécessaire  qu'on  lui  accorde  des  terrains  pour  bâtir. 
Ces  terrains,  avec  les  bâtiments  qui  s'y  élèvent,  sont  accordés 
par  un  don  spécial  des  propriétaires,  qui,  dans  bien  des  cas 
sont  les  princes  eux-mêmes  %  dans  d'autres,  des  particu- 
liers qui  désirent  imiter  l'exemple  donné  par  Anâtbapindika 
et  Yiçâkhâ.  Parmi  les  pieux  donateurs,  on  trouve  même  des 
moines  et  des  religieuses  ^  Comment  des  gens,  qui  ne  pou- 
vaient rien  posséder  en  propre,  en  dehors  des  huits.  objets 
nécessaires  et  de  quelques  autres  objets  insignifiants,  ont 
pu  faire  bâtir  des  couvents,  des  églises,  etc.  —  voilà  une 
énigme  que  nous  ne  savons  résoudre.  On  ne  peut  pas  dire 
que  ce  fut  seulement  plus  tard,  dans  les  temps  de  corruption, 
que  la  possession  des  biens  terrestres  fut  jugée  compatible 
avec  les  vœux  d'un  ascète,  car  c'est  l'Ecriture  Sainte  qui 
mentionne  ces  libéralités.  En  supposant  qu'une  personne 
opulente  se  dépouille  de  son  bien  au  profit  d'un  couvent,  etc., 
non  pas  avant,  mais  immédiatement  après  avoir  prononcé 
les  vœux  de  moine  ou  de  religieuse,  on  peut  éviter  la  diffi- 
culté, mais  non  la  résoudre. 

Sur  le  terrain  des  Yihâras  de  Geylan  se  trouve  d'ordinaire 
un  petit  temple  païen.  Les  prêtres  ou  sacristains,  dits  Kapu- 
vas,  qui  y  sont  attachés,  ne  se  distinguent  pas,  par  leur  cos- 
54  tume,  du  reste  de  la  population.  *  On  dit  que  leurs  invoca- 
tions et  prières  sont  conçues  en  sanscrit  *.  Parfois  on  trouve 

1.  Sîmâ  signifie  le  territoire  de  la  Qpmmunauté  de  village,  de  la  commune; 
le  mot  a  passé  du  sanscrit  en  vieux  javanais  et  en  balinais,  avec  la  même 
signification. 

2.  En  somme,  Fa  Hian  est  dans  le  vrai,  quand  il  dit  :  «  Depuis  le  Nirvana 
de  Buddha,  les  princes  et  les  nobles  ont  fondé  des  Vihâras  pour  le  clergé,  et 

s 

les  ont  dotés  de  terres,  de  jardins,  d'ouvriers  et  de  bœufs  pour  labourer  la 
terre.  »  Travels  of  Fah  Hian,  55. 

3.  Mahâ-V.  3,  5,  13. 
1.  Hardy,  E.  M.  201. 


LE  SANGHA  59 

un  Vihâra  et  un  sanctuaire  païen  sous  le  môme  toit,  comme 
à  Lankâ-tilaka,  près  de  Kandy.  Nous  savons  par  Hiuen- 
Thsang  que,  sur  le  continent  de  l'Inde,  oii  l'Hindouisme  était 
la  religion  régnante,  des  temples  des  dieux  étaient  placés 
auprès  et  pour  ainsi  dire  à  l'ombre  des  Vihâras  ^.  Non  loin  de 
Çrâvastî  était  un  Yihâra  auprès  duquel,  vers  l'Orient,  s'éle- 
vait un  temple  païen  :  «  Quand  le  soleil  levant  répand  sa 
lumière,  l'ombre  du  temple  n'atteint  pas  le  Yihâra,  mais 
quand  il  jette  ses  derniers  rayons,  au  moment  de  dispa- 
raître sous  l'horizon,  l'ombre  du  Vihâra  couvre  le  temple  », 
dit  le  pèlerin.  On  a  trouvé  ailleurs  d'autres  exemples  de  bonne 
harmonie  contre  les  différentes  sectes,  particulièrement  à 
Java  et  au  Cambodge,  autrefois,  et  de  nos  jours  dans  l'île  de 
Bali.  C'est  un  fait  remarquable  qu'une  charte  royale  de 
donation  en  vieux  javanais,  de  l'an  782  de  Çaka  (860  après 
J.-C),  contient  des  réglementations  relatives  à  la  fondation 
d'un  temple  de  Buddha  et  à  une  fête  annuelle  qui  devra 
y  être  célébrée,  puis  d'autres,  relatives  à  des  terres,  à 
réserver  pour  un  temple  de  Çiva  et  de  Durgâ,  et  désignant 
le  brahmane  qui  consacrera  ce  sanctuaire  ^ 

L'étendue  et  la  population  des  Sanghârâmas  ont  été  natu- 
rellement très  inégales.  Il  y  avait  des  maisons  religieuses 
qui  comptaient  à  peine  une  dizaine  d'habitants,  tandis  que 
de  grands  établissements  ecclésiastiques  en  abritaient  deux 
mille  ou  davantage.  Il  en  est  de  même  aujourd'hui.  Au  Tibet 
il  y  a  des  couvents  qui  contiennent  plusieurs  milliers  de 
moines;  près  de  Lhassa  il  y  en  a  un, 'dont  on  estime  la  popu- 
lation à  16,000  habitants.  ^Du  temps  oii  Fa  Hian  visitait 
Geylan,  il  y  avait  dans  un  de  ces  couvents,  sur  l'Abhayagiri 
près  Anurâdhapura,  5,000  moines;  dans  le  Mahâ-Yihâra  *  il  55 
y  en  avait  3,000,  et  dans  un  troisième,  probablement  à  Ma- 


2.  Voy.  desPèl.  B.,  II,  284. 

3.  Verslarjen    en    Mededeelingen  der  kon.    Akademie    van   Wetenschappen 
[afdeeling  Lellerkunde),  X,  82  (2"  série). 


60  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

hintale  2,000  \  Dans  le  célèbre  couvent  de  Nâlanda,  qui  con- 
sistait en  réalité  dans  un  groupe  de  petites  congrégations, 
Hiuen  Thsang  trouva  de  même  plus  de  10,000  frères;  dans 
celui  du  Parc-aux-Gerfs,  près  de  Bénarès,  1,500,  tandis  que 
l'ensemble  de  la  population  des  20  congrégations  de  Mathurâ 
ne  dépassait  pas  3,000  frères.  D'une  grandeur  moyenne 
étaient  les  100  couvents  près  de  Kanauj,  avec  une  population 
totale  de  10.000  frères. 

C'est  aux  pèlerins  chinois  que  nous  devons  les  renseigne- 
ments les  plus  dignes  de  foi  sur  l'état  des  couvents  dans  les 
premiers  siècles  du  moyen  âge.  Au  vn*  siècle,  parmi  tous  les 
Sanghârâmas,  celui  de  Nâlanda  tenait  le  premier  rang.  Les 
frères  établis  là  étaient  tous  partisans  du  Mahâyâna,  et,  con- 
formément à  la  tendance  de  cette  école,  ils  étaient  plutôt  des 
savants  monastiques  que  des  mendiants  à  idées  étroites.  Tout 
le  couvent  était  organisé  de  telle  sorte,  qu'on  pourrait  le 
qualifier  d'Université  bouddhiste  :  les  internes  pourraient  être 
comparés  aux  fellows  et  tutors  des  Universités  anglaises  et 
les  externes  aux  simples  étudiants.  A  Nâlanda,  on  n'étudiait 
pas  seulement  FEcriture  Sainte  bouddhique,  mais  aussi  les 
livres  sacrés  des  brahmanes  et  des  sciences  séculières,  telles 
que  l'arithmétique,  la  logique,  la  médecine.  L'Upâdhyâya 
ou  recteur  Çilabhadra,  vénérable  vieillard  d'une  conduite 
irréprochable,  était  le  plus  savant  de  tous,  mais  beaucoup 
d'autres  frères  avaient  une  réputation  de  savants  ;  une  dizaine, 
Hiuen  Thsang  compris,  étaient  en  état  d'expliquer  50  ouvrages 
religieux  ou  scientifiques;  500  connaissaient  à  fond  une  tren- 
taine de  livres,  et  un  millier  en  avaient  étudié  vingt.  Tous  les 


1.  Travels  of  Fah  Hian,  151,  158  ss.  A  propos  du  Mahâ-Vihâra,  le  traduc- 
teur remarque  que  le  bâtiment  «  est  enclos  d'une  muraille,  formant  un  rec- 
tangle de  105  mètres  sur  66.  Il  y  a  une  porte  et  une  petite  loge  à  l'entrée  ;  au 
milieu  du  mur,  à  peu  près,  quelques  marches  y  conduisent.  Les  angles  de 
ces  marches  sont  dans  un  état  parfait  de  préservation...  Quelques  prêtres 
sont  encore  attachés  au  temple,  mais  ils  semblent  pauvres,  et  leurs  demeures 
ont  l'air  misérable.  » 


LE  SANGHA  61 

jours,  une  centaine  de  chaires  étaient  occupées,  et  les  cours 
qu'on  y  donnait  étaient  suivis  avec  ferveur  par  des  étudiants 
attentifs. 

*  Les  moines  de  Nâlanda  ne  se  distinguaient  pas  seule-  56 
ment  par  le  savoir;  ils  étaient  vertueux;  les  mœurs  y  étaient 
sévères,  de  telle  façon  que  depuis  la  fondation  du  couvent, 
vieux  de  700  ans,  nul  n'avait  jamais  transgressé  les  règles 
de  la  discipline.  Le  roi  donnait  continuellement  des  preuves 
de  son  estime  et  de  son  respect,  et  avait  destiné  les  revenus 
de  cent  villes  à  l'entretien  des  moines.  Régulièrement,  dans 
chaque  ville  \  200  familles  apportaient  chaque  jour  plu^ 
sieurs  hectolitres  de  riz,  de  beurre,  de  lait  ^  Par  suite,  les 
étudiants  n'avaient  pas  besoin  de  mendier,  et  pouvaient 
se  procurer  sans  peine  les  quatre  choses  absolument  néces- 
saires :  le  boire  et  le  manger,  des  vêtements,  des  objets  de 
literie  et  des  médicaments.  C'est  avant  tout  à  la  libéralité 
du  roi  qu'ils  devaient  leurs  progrès  dans  les  études  et  leur 
brillant  succès  ^. 

En  général,  les  ecclésiastiques,  oii  qu'ils  fussent  établis, 
menaient  une  vie  facile.  «  Libéralement  »,  nous  dit  Fa 
Hian  \  »  on  leur  donne  des  chambres,  des  lits,  des  vêtements, 
de  la  nourriture,  de  la  boisson.  Il  en  est  de  même  partout. 
De  leur  côté,  les  moines  s'occupent  d'oeuvres  de  miséricorde, 
de  la  récitation  de  l'Écriture  sainte,  ou  de  pieuses  médita- 
tations.  Quand  un  ecclésiastique  étranger  vient  chez  eux,  les 
anciens  sortent  pour  le  recevoir  et  le  conduisent  à  l'intérieur 
du  couvent,  en  portant  pour  lui  son  manteau  et  son  pot  à 
aumônes.  Puis  ils  lui  offrent  de  l'eau  pour  se  laver  les  pieds, 
et,  s'il  vient  entre  les  heures  du  repas,  ils  lui  préparent  un 


i.  Ceci  est  ou  bien  mal  traduit,  ou  bien  du  bavardage  vide  de  sens. 

2.  Le  vrai  fils  de  Çâkya  doit  se  priver  de  beurre  aussi  bien  que  de  lait; 
mais  en  lisant  toute  cette  description,  nous  ne  devons  pas  oublier  que  les 
Mahâyânistes  peuvent  à  peine  être  considérés  comme  des  ascètes. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  151;  III,  45. 

4.  Travels,  56. 


62  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

repas  particulier.  Quand  Fhôte  s'est  un  peu  reposé,  ils  lui 
demandent  son  ancienneté,  pour  lui  donner  d'après  son  rang 
une  chambre  avec  les  objets  nécessaires,  en  tout  conformé- 
ment aux  préceptes  de  la  Loi.  «  Les  prescriptions  auxquelles 
ce  passage  fait  allusion,  sont  celles  que  le  Buddha  a  données 
relativement  à  la  réception  des  moines  qui  viennent  d'ail- 
leurs. De  quelle  façon  les  habitants  d'un  couvent  doivent  se 
conduire  lors  de  la  réception  des  hôtes,  et  quelles  sont  les 
57  règles  que  ceux-ci  ont  à  observer  de  leur  côté,  *  tout  cela  a  été 
indiqué  par  le  Maître  avec  les  détails  les  plus  minutieux  *. 
*  A  la  tête  d'un  couvent  est  placé  un  abbé,  ou  plutôt  un  di- 
recteur, Upâdhyâya  ou  Nayâku,  ou  bien  Mahânâyaka,  c'est- 
à-dire  conducteur  principal.  Les  deux  termes  étaient,  et  sont 
encore,  en  partie,  communs  à  Ceylan  aussi  bien  que  sur  le 
continent  de  l'Inde.  Le  poste  d'honneur  qu'occupait  le  direc- 
teur était  dû,  soit  à  la  confiance  de  ses  frères,  soit,  comme 
c'est  de  nos  jours  le  cas  habituel  en  Birmanie,  au  fondateur 
du  couvent  ou  au  seigneur  qui  a  le  droit  de  collation  ^. 

Comme  sous-directeur,  on  prenait,  d'après  Iliuen-Thsang, 
une  personne  lettrée,  qui  était  chargée  de  la  direction  des 
affaires  du  couvent,  et  en  revanche  exempte  des  devoirs  mo- 
nastiques. Il  semble  être  identique  avec  le  Karmâcârya, 
appelé  aussi  Acârya  tout  court,  qui  prend  la  parole  lors  de  la 
.  consécration  du  nouveau  moine.  Il  est  l'orateur  et  en  même 


1.  Culla-V.  8,  2  et  1.  Entre  autres,  on  prescrit  comment  le  nouvel  arrivé  doit 
se  laver  les  pieds,  de  telle  manière  qu'il  verse  Feau  d'une  main,  et  se  lave 
les  pieds  de  l'autre  ;  comment  il  doit  nettoyer  ses  souliers  ou  ses  sandales  ;  il 
doit  demander  si  la  chambre  qu'on  lui  donnera  est  déjà  occupée  ou  non  ; 
demander  où  les  convenances  lui  permettent  d'aller,  oti  non;  quelles  familles 
appartiennent  à  la  secte;  où  se  trouve  le  water-closet \  où  se  trouve  l'urinoir; 
où  il  peut  trouver  à  boire  et  à  manger,  à  quelle  heure  on  a  l'habitude  de  ' 
rentrer  et  de  sortir  —  et  autres  recommandations  excellentes,  telles  qu'on  en 
donnerait  à  un  jeune  collégien,  qui  va  passer  quelques  jours  chez  des  amis, 
mais  dont  il  serait  ridicule  de  prétendre  qu'un  prophète  était  nécessaire  pour 
les  révéler. 

2.  Bigandet,  II,  266. 


LE  SANGHA  63 

temps  le  maître  de  cérémonies;  cette  expression  est  d'ailleurs 
la  traduction  littérale  de  Karmâcàrya  ^ 

Une  hiérarchie  régulière,  en  dehors  de  celle  qui  dérive  de 
l'âge  et  de  la  science,  n'existait  ni  dans  les  couvents  de  l'Inde, 
ni  de  nos  jours  à  Ceylan.  Pour  être  sous-directeur,  il  fallait 
pouvoir  expliquer  une  des  grandes  divisions  de  l'Ecriture 
vSainte  ;  une  personne  versée  dans  deux  divisions,  recevait  la 
solde  (?)  d'un  supérieur;  à  mesure  qu'on  était  versé  dans 
trois,  dans  quatre,  dans  cinq,  dans  six  divisions,  on  avait  le 
droit  successivement,  d'être  servi  par  des  domestiques  ordi- 
naires, *  d'être  servi  par  des  «  purs  *  »,  de  se  servir  d'un  char 
traîné  par  un  éléphant,  enfin  de  se  faire  suivre  d'une  suite 
nombreuse.  Tout  ceci  est  en  contradiction  formelle  avec  la 
lettre  et  l'esprit  de  la  Discipline. 

La  domesticité,  le  corps  d'ouvriers  et  le  reste  du  personnel 
attaché  aux  établissements  religieux,  étaient  parfois  très 
nombreux.  Dans  une  inscription  trouvée  à  Mahintale  (Cey- 
lan), on  énumère  individuellement  plus  de  trois  cents  per- 
sonnes, attachées  au  sanctuaire,  parmi  lesquelles  un  secré- 
taire, un  trésorier,  un  médecin,  un  chirurgien,  un  peintre  en 
bâtiments,  douze  cuisiniers,  douze  couvreurs,  dix  charpen- 
tiers, six  charretiers,  deux  jardiniers  (qui  devaient  livrer  tous 
les  mois  deux  cents  fleurs  de  lotus)  et  vingt-quatre  domes- 
tiques ^ 

Nous  ne  devons  pas  croire  que  tous  les  moines  ont  vécu 
dans  des  couvents.  Même  à  l'époque  la  plus  florissante  de 
ces  institutions,  en  ce  qui  concerne  l'Inde  propre  et  Ceylan, 
il  y  avait,  d'après  le  témoignage  de  Hiucn-Thsang,  peut-être 

3.  Stanislas  Julien  dit  que  le  titre  du  sous-directeur  est  en  sanscrit  Karma- 
dâna  {Voy.  des  Pel.  B.  l,  143;  II,  78);  ce  mot  nous  est  inconnu  dans  ce  sens. 
V  1.  Stan.  Julien,  Voy.  Il,  78,  explique  «  purs  »  par  «  brahmanes  ».  Ceci  est 
inadmissible,  d'abord,  parce  que  Tusage  indien  ne  donne  pas  la  qualification 
de  «  purs  »  aux  seuls  brahmanes;  ensuite,  parce  que  les  brahmanes  ne  peu- 
vent faire  oflBce  de  serviteurs  ;  ils  ne  peuvent  servir  un  roi  qu'en  sacrifiant 
leur  rang,  à  fortiori,  un  moine. 

2.  Hardy,  E.  M.,  310. 


64  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

autant  de  moines  vivant  en  dehors  des  couvents,  que  dedans. 
Les  moines  vivant  isolément  étaient  ou  bien  des  ermites  et 
des  reclus,  ou  bien  des  prêtres  de  village. 


3.  —  Nourriture  et  médicaments. 

L'article  39  du  titre  5  de  la  constitution  canonique  des  fils 
de  Çâkya  dit  :  «  Si  un  moine,  à  moins  d'être  malade,  demande 
pour  lui-même  et  consomme  des  friandises,  telles  que  du 
ghee,  du  beurre,  de  l'huile,  du  miel,  du  sucre,  du  poisson,  de 
la  viande,  du  lait  et  du  lait  caillé,  c'est  un  péché  qui  doit 
être  réparé  [par  la  confession].  »  Gomment  concilier  cet  article 
avec  le  récit  suivant  lequel  le  Buddha,  ainsi  que  nous  l'avons 
59  vu  plus  haut  ^  refuse  d'accorder  la  requête  de  Devadatta,  * 
demandant  qu'on  érige  en  loi  pour  les  moines  l'abstinence 
absolue  de  nourriture  animale?  Le  Maître,  dans  cette  occa- 
sion, permet  de  manger  du  poisson  et  de  la  viande.  Il  est  vrai 
qu'on  rattache  à  cette  permission  une  condition  incompré- 
hensible, mais  dans  cette  condition  il  n'est  pas  fait  mention 
du  cas  de  maladie. 

Il  n'est  pas  difiicile  de  découvrir  la  cause  de  cette  contra- 
diction. D'abord,  c'est  un  trait  caractéristique  du  Sangha, 
que,  tout  en  prenant  l'apparence  d'une  règle  revêtue  des 
formes  les  plus  scolastiques,  il  aboutit  en  fait  à  l'absence  de 
toute  règle,  et  qu'il  considère  cette  irrégularité  comme  l'idéal 
delà  sagesse;  ensuite,  l'explication  dogmatique  et  pseudo- 
historique de  l'article  cité  du  règlement  %  nous  donne  une 
autre  clef.  On  y  raconte,  en  effet,  qu'un  jour  les  infatigables 
Six  demandèrent  des  friandises  et  s'en  régalèrent.  Le  public 
en  fut  indigné,  et  ne  put  comprendre  comment  des  fils  de 
Çâkya,  des  ascètes  pouvaient  faire  une  chose  semblable.  Les 


3.  Tome  I,  186. 

1.  Sutta-Vibhanga,  tome  II,  p.  87  (édit.  du  prof.  Oldenberg). 


LE  SANGHA  65 

frères  plus  réservés,    en    entendant   les  gens    se  plaindre 
de  la  sorte,  racontèrent  l'affaire    au  Seigneur,    qui,  fidèle 
écho  de  l'opinion  publique,  témoigna  son  profond  mécon- 
tentement de  ce  qui  venait  de  se  passer,  et  proclama  ensuite 
l'article  en  question.   Or,  bien  des  faits  montrent  que  les 
Indiens,  au  cours  de  l'histoire,  ont  de  plus  en  plus  jugé  méri- 
toire d'imiter  les  lois  brahmaniques,  relativement  sévères, 
sur  la  nourriture,  même  quand  ils  appartenaient  à  une  caste 
à  laquelle  ces  lois  n'étaient  nullement  destinées.  Ils  en  vin- 
rent même  à  trouver  ces  règles  pas  assez  sévères,  et  à  pré- 
férer des  préceptes  destinés  aux  ermites  ou  à  d'autres  ascètes. 
Le  brahmane  peut  manger  de  la  viande  et  du  poisson,  sauf 
exceptions  nettement  marquées  ^;  l'ascète  doit  s'abstenir  de 
viande  et  de  miel  ^  Le  Prâtimoksha  défend  également  l'usage 
de  la  viande  et  du  miel  :  on  peut  en  conclure  que,  du  temps 
de  la  rédaction  de  ce  règlement  des  ascète.i  qui  ne  voulaient 
pas  blesser  les  convenances,  qui  désiraient  être  considérés 
comme  ânjas  *,  étaient  obligés  de  s'abstenir  de  ces  sortes  de  60 
mets,  de  peur  d'être  condamnés  par  l'opinion  publique.  La 
défense  de  boire  du  lait  dénote  môme  chez  le  fils  de  Çâkya 
une    abstinence    plus    sévère   que   chez   l'ascète    brahma- 
nique *. 

Les  Indiens  eux-mêmes  reconnaissent  que  l'usage  de  man- 
ger rarement  de  la  viande  ou  de  s'en  abstenir  complètement 
ne  date  que  de  TAge  de  fer,  ou,  comme  disaient  les  Boud- 
dhistes, de  la  période  qui  suivit  le  Nirvana  du  Buddha.  Dans 
les  anciens  poèmes  et  dans  les  codes,  on  trouve  de  nombreux 
exemples  de  saints,  qui  ne  se  contentaient  pas  de  manger 
toutes  sortes  de  viandes,  mais  allaient  jusqu'à  tuer  les  ani- 

2.  Gautama,  17,  27-38;  Âpastamba,  I,  S,  17,29,  ss.;  Manu,  5,  27. 

3,  Manu,  6,  14;  conip.  Âpastamba,  II,  9,  22,  2;  une  seule  exception  est  per- 
mise par  Gautama,  3,  31. 

1.  Sous  le  nom  d'ascétisme  {tapas) ^  le  brahmane  entend  le  fait  de  vivre 
en  continence  ;  de  se  baigner  trois  fois  par  jour;  de  porter  des  vêtements 
humides;  de  coucher  sur  la  terre  dure;  de  jeûner.  Gautama,  19,  15. 

Tome  II.  b 


66  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

maux  ^  L'époque  encore  plus  ancienne  des  Yedas,  lorsque 
les  sacrifices  d'animaux  faisaient  partie  du  culte,  peut  être 
mentionnée  pour  mémoire.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  de  voir 
le  Buddha  manger  de  la  chair  de  porc  et  montrer  ainsi  ipso 
facto  qu'il  n'était  pas  bouddhiste  :  ce  repas  eut  lieu  avant  le 
Nirvana,  avant  l'âge  actuel  du  monde,  du  temps  où  le  Sage 
Agastya  but  la  mer,  où  Hercule  mangea  gloutonnement  chez 
Admète,  où  Lycaon  offrit  à  Jupiter  de  la  chair  humaine  — 
en  un  mot,  en  Fan  zéro. 

En  fait,  les  fils  de  Çâkya  se  sont  conformés,  en  ce  qui  con- 
cerne la  nourriture  animale,  à  l'usage  de  chaque  pays,  car  c'est 
leur  habitude  de  suivre  l'exemple  de  leur  entourage.  Dans 
la  pieuse  Birmanie,  les  moines  mangent  de  la  viande,  tout  en 
s'excusant  par  cet  argument  que  le  péché  —  même  de  tueries 
animaux  —  ne  retombe  pas  sur  eux,  mais  sur  les  bouchers. 
Ils  n'ajoutent  pas  que  c'est  leur  devoir  à  eux  de  détourner  les 
bouchers  de  commettre  ce  péché  ^.  A  Ceylan,  les  laïques  se  plai- 
gnent de  ce  que  les  moines  sont  tellement  friands  de  viande  et 
61  de  carry*,  et  qu'ils  méprisent  les  légumes  \  Dans  l'île  de 
Bali,  les  Bouddhistes  se  distinguent  des  Çivaïtes  entre  autres 
par  ceci,  qu'ils  mangent  toutes  sortes  de  nourriture,  tandis  que 
les  autres  se  conforment  plus  ou  moins  aux  usages  indous.  Il 
y  a  tout  lieu  de  croire  que  les  prescriptions  sévères  du  règle- 
ment sont  dues  à  la  nécessité  de  tenir  tête  à  la  concurrence 
dangereuse  ^  des  Jainas,  ces  rivaux  à  la  fois  détestés  et  re- 

2.  Très  remarquable  est  l'exemple  cité  du  Sage  Agasti(  l'étoile  Canopus), 
Manu,  5,  22. 

3.  Bigandet,  II,  294.  Nous  avons  entendu  développer  une  autre  théorie  par 
deux  Birmans  assez  instruits,  qui  avaient  passé  quelque  temps  en  Europe. 
A  la  demande,  comment  leurs  compatriotes  pensaient  en  général  au  sujet  de 
la  nourriture  animale,  ils  répondirent  :  Nous  pouvons  manger  de  la  viande  et 
du  poisson,  pourvu  que  nous  ayons  toujours  présente  à  Tesprit  cette  pensée 
que  c'est  un  péché  d'agir  ainsi.  —  Il  faut  ajouter  que  ces  Birmans  étaient  des 
laïques,  et  n'étaient  par  conséquent  pas  tenus  d'observer  les  règles  monas- 
tiques sur  la  nourriture. 

1.  Hardy,  E.  Af.,  92. 

2.  Cette  concurrence  était  particulièrement  forte  à  Vaicâlî,  et  ce  n'est  pro- 


LE   SANGHA  67 

doutés;  car  ceux-ci  poussent,  comme  on  sait,  la  protection 
des  animaux  jusqu'à  l'absurdité.  Si  l'un  de  ces  concurrents 
gênants  faisait  aux  fils  de  Çâkya  le  reproche  que  dans  les 
vœux  du  jeune  moine  le  poisson,  la  viande,  le  beurre,  etc., 
étaient  qualifiés  des  termes  trop  doux  de  «  luxe  »,  de  «  su- 
perfluilés  »,  on  pouvait  renvoyer  le  critique  à  la  pres- 
cription du  Prâtimoksha  :  sur  cette  cuirasse  de  la  vertu 
ascétique  la  plus  irréprochable,  les  flèches  empoisonnées 
de  tous  les  assaillants  devaient  s'émousser. 

En  apparence  isolée,  sans  lien  soit  avec  le  règlement,  soit 
avec  les  vœux,  soit  avec  la  décision  dans  le  cas  de  l'exigence 
de  Devadatta,  est  la  défense  faite  aux  moines  de  manger  de 
la  chair  humaine.  Cette  prescription,  du  moins,  avait  le 
mérite  de  sembler  entièrement  neuve.  L'anecdote,  imaginée 
pour  justifier  cette  défense,  démontre  clairement,  même  à 
ceux  qui  ne  le  sauraient  pas,  que  la  chair  humaine  n'était 
nullement  une  friandise  journalière  des  Indiens,  et  qu'une 
seule  fois,  un  seul  moine  malade,  sans  qu'il  y  eût  de  sa  faute, 
dans  les  circonstances  les  plus  extraordinaires,  en  goûta, 
croyant  prendre  un  remède.  L'historiette  ^  est  si  frappante 
et  si  caractéristique  qu'il  serait  dommage  de  la  passer  sous 
silence. 

Une  fois  que  le  Seigneur  séjournait  à  Bénarès,  il  s'y  trou- 
vait un  couple  pieux,  Suppiya  et  Suppiyâ,  humbles  serviteurs 
de  l'Eglise  *,  riches  en  charité  et  en  bonnes  œuvres.  Une  fois  62 
que  Suppiyâ  était  venue  au  couvent,  allant  de  cellule  en 
cellule,  pour  voir  s'il  y  avait  des  frères  malades  et  si  elle 
leur  pouvait  être  utile  en  leur  donnant  des  friandises  ou  des 
remèdes,  il  se  trouva  qu'un  des  moines  venait  de  prendre 


bablement  pas  un  hasard  si  cette  ville  est  mise  en  avant,  toutes  les  t'ois  qu'il 
est  question  de  querelles  des  frères  entre  eux,  ou  avec  des  hérétiques  (non  des 
brahmanes  naturellement),  en  ce  qui  concerne  la  conservation  du  sel,  les  repas 
aux  heures  indues,  l'usage  du  lait  caillé,  et  d'autres  points  de  discipline 
ascétique. 
3.  Mahâ-V.  G,  23. 
\ 


68  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

une  purgation.  Celui-ci  lui  dit  :  «  Ma  sœur  \  je  viens  de 
prendre  une  purgation,  et  j'aurais  besoin  d'un  médicament 
pour  en  combattre  l'effet  trop  violent  ».  —  «  C'est  bien,  véné- 
rable seigneur,  on  vous  le  donnera  ».  —  Après  ces  paroles, 
la  bonne  dame  rentra  chez  elle  et  envoya  immédiatement 
un  de  ses  domestiques,  pour  voir  si  l'on  pourrait  trouver 
quelque  part  de  la  viande.  L'homme  parcourut  toute  la  ville 
de  Bénarès,  mais  ne  trouva  nulle  part  l'occasion  d'acheter  de 
la  viande.  Il  rentra  chez  sa  maîtresse  les  mains  vides,  et  lui 
dit  :  «  Madame,  on  ne  peut  trouver  nulle  part  de  la  viande  ; 
c'est  aujourd'hui  un  jour  oii  il  est  défendu  d'abattre  des  ani- 
maux ^  ».  —  Alors  la  bonne  Suppiyâ  se  dit  à  elle-même  :  si  le 
frère  malade  ne  reçoit  pas  de  médicament  pour  combattre 
les  efTets  trop  violents  de  la  purgation,  son  état  empirera,  il 
mourra  peut-être  ;  et  il  ne  serait  pas  gentil  de  ma  part  de  ne 
pas  lui  faire  porter  une  chose  que  je  lui  ai  promise.  Alors 
elle  prit  une  résolution  courageuse,  elle  saisit  un  feoutcau, 
coupa  un  morceau  de  chair  de  sa  cuisse,  et  le  donna  à  sa  ser- 
vante, en  disant  ;  «  Voilà,  tu  porteras  cette  viande  à  tel  monas- 
tère, et  tu  le  donneras  à  un  moine  malade,  que  tu  y  trouveras  ; 
si  quelqu'un  me  demande,  dis-lui  que  je  suis  indisposée  ».  — 
En  disant  cela,  elle  tenait  sa  cuisse  recouverte  sous  sa  robe, 
et  se  mit  sur  un  lit  de  repos.  En  attendant,  Suppiya  rentra,  et, 
ne  voyant  pas  sa  femme,  il  dit  à  la  servante  :  «  Où  est  Sup- 
piyâ? »  —  «  Elle  se  repose  dans  la  chambre  intérieure  », 
répondit  la  domestique.  —  Suppiya  s'y  rendit,  et  dit  à  sa 
femme  :  «  Pourquoi  êtes-vous  couchée?  »  —  «  Je  ne  suis  pas 
63  bien  ».  —  «  Qu'avez-vous?  »  —  *  Elle  raconta  alors  à  son 
mari  ce  qui  s'était  passé.  Un  saint  enthousiasme  s'empara 
de  l'esprit  de   Suppiya,  lorsqu'il  apprit  cette  histoire  tou- 

1.  Les  moines  disent  «  Ma  sœur  »  à  toute  femme. 

2.  Dans  un  édit  d'Açoka  dont  nous  possédons  plus  d'une  rédaction,  on 
indique  les  jours  où  il  est  défendu  de  tuer  et  de  vendre  du  poisson  ;  et  de 
même,  les  jours  où  il  est  défendu  de  tuer  et  de  vendre  d'autres  animaux. 
Cunningham,  C077).  Inscr.  Ind.  pi.  XXI. 


LE  SANGHA  69 

chante  :  «  Quel  dévouement  rare  et  admirable  !  »  s'écria-t-il, 
«  quelle  foi  incomparable  possède  Suppiyâ,  elle  qui  donne  sa 
propre  chair  !  Que  ne  donnerait-elle  pas?  «  —  Joyeux,  il  se 
rendit  auprès  du  Seigneur,  et,  après  l'avoir  salué  et  avoir 
pris  place  à  une  distance  respectueuse,  il  l'invita  à  dîner,  en 
même  temps  que  la  Congrégation  des  moines,  pour  le  lende- 
main. L'invitation  fut  acceptée,  et  Suppiya,  après  les  saluta- 
tions ordinaires,  retourna  chez  lui.  Le  lendemain,  dès  l'aube, 
il  fit  préparer  les  mets  les  plus  exquis;  puis  il  fit  dire  au 
Maître  que  le  repas  était  servi.  Lorsque  le  Tathâgata,  arrivé 
chez  Suppiya,  eut  pris  place  avec  sa  suite,  le  maître  de  la 
maison  vint  le  recevoir,  mais  sa  femme  ne  parut  pas,  ce  qui 
fut  cause  que  le  Buddha  demanda  :  «  Oiî  est  Suppiyâ?  »  — 
«  Elle  est  indisposée,  Seigneur  ».  —  «  Qu'elle  vienne  ici  ». 
—  «  Elle  ne  peut  venir,  Seigneur  ».  —  «  Qu'elle  se  fasse  alors 
porter  ici  »,  dit  le  Maître.  Afin  de  satisfaire  au  désir  nettement 
exprimé  du  Buddha,  l'hôte  fit  amener  sa  femme.  A  peine  fut- 
elle  amenée  dans  la  chambre  et  eut-elle  contemplé  le  visage 
du  Seigneur,  que  la  plaie  béante  fut  complètement  guérie. 
Les  époux  ne  purent  trouver  des  paroles  assez  fortes  pour 
exprimer  l'étonnement  que  leur  causait  la  puissance  miracu- 
leuse du  Tathâgata.  Pleine  de  joie,  la  femme  servit  person- 
nellement la  Congrégation  dont  le  Buddha  est  le  chef,  et  ce 
ne  fut  qu'après  la  fin  du  repas  qu'elle  prit  place  à  une  dis- 
tance respectueuse.  Le  Buddha,  après  avoir  réjoui  ses  hôtes 
par  un  discours  approprié,  se  leva  de  son  siège  et  partit.  Ce 
fut  à  propos  de  cet  événement,  que  le  Buddha  réunit  les 
moines  en  chapitre  et  leur  demanda  :  «  Qui  de  vous,  moines, 
a  demandé  de  la  viande  à  la  pieuse  Suppiyâ?  »  —  «  Moi, 
Seigneur  »,  dit  le  frère  qui  avait  été  malade.  —  «  Avez-vous 
mangé  la  viande  qui  vous  était  apportée,  moine  ?»  —  «  Oui, 
Seigneur  »,  fut  la  réponse.  —  «  Avez-vous  bien  examiné  ce 
que  c'était?  »  —  «  C'est  ce  que  je  n'ai  pas  fait.  Seigneur  ».  — 
Alors  *  le  Tathâgata  le  blâma,  disant  :  «  Comment  est-il  64 
possible,  sot  que  vous  êtes,  de  manger  de  la  viande  avec  si 


70  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

peu  d'attention  ?  Vous  avez  mangé  de  la  chair  humaine,  sot. 
Voilà  une  action  qui  n'est  pas  faite  pour  disposer  favora- 
blement les  ennemis  de  la  Foi,  sot  ».  Ayant  ainsi  repris  le 
moine  malade,  il  se  retourne  vers  l'assemblée,  et  dit  :  «  Il  y 
a  des  personnes,  moines,  si  croyantes  et  si  pieuses,  qu'elles 
sont  capables  de  donner  en  sacrifice  leur  propre  chair  ;  vous 
ne  devez  pas  manger  de  la  chair  humaine  :  celui  qui  en 
mange  commet  une  faute  grave.  Vous  ne  devez  pas  non  plus 
manger  sans  avoir  préalablement  fait  attention  à  ce  que  vous 
mangez,  moines.  Celui  qui  agit  ainsi  commet  une  faute  grave.  » 

Ceux  qui  mettent  en  doute  l'infaillibilité  historique  des 
écrits  canoniques  ne  verront  dans  ce  récit  qu'une  preuve 
assez  superflue  du  fait  que  les  moines  eussent  été  incapables, 
tout  aussi  bien  que  leurs  compatriotes  et  leurs  contemporains 
en  général,  de  manger  sciemment  de  la  chair  humaine.  En 
outre,  la  réprimande  infligée  à  quelqu'un  qui  a  péché  par 
ignorance,  est  en  contradiction  avec  la  décision  rendue  lors 
de  la  demande  de  Devadatta  :  «  la  viande  est  permise,  non 
vue,  non  mentionnée,  non  soupçonnée  ».  Le  moine  ne  soup- 
çonnait nullement  qu'il  mangeait  de  la  chair  humaine,  et 
même  s'il  l'avait  soupçonné,  il  n'avait  pas  l'expérience  néces- 
saire pour  la  reconnaître  * . 

Le  récit,  que  nous  venons  de  citer,  est  suivi  immédia- 
tement d'une  série  d'autres  contes,  qui  doivent  expliquer 
pourquoi  les  religieux  ne  doivent  pas  manger  la  chair  d'élé- 
phants, de  chevaux,  de  chiens,   de  serpents,   de  lions,   de 


1.  Le  Roi  Milinda  (Milindra)  fixe  quelque  part  {Mil.  P.  158)  l'attention  du 
vénérable  Nâgasenasur  deux  paroles  du  Seigneur,  absolument  contradictoires  : 
Tune  dit  :  «  qui  pèche  ignorant,  ne  pèche  pas  »  ;  l'autre  :  «  celui  qui,  ignorant 
ce  qu'il  fait,  tue  un  être  vivant,  se  prépare  un  haut  degré  de  péché  ».  Le  Père 
de  l'Église,  avec  son  escobarderie  ordinaire,  se  débarrasse  de  la  contradiction 
en  disant  :  «  Il  faut  distinguer,  ô  Roi  ;  on  peut  pécher  sans  intention,  et  on 
peut  pécher  non  sans  intention;  c'est  du  péché  sans  intention  que  le  Sei- 
gneur a  dit  :  l'ignorant  ne  pèche  pas  ».  —  L'Indou  qui  a,  sans  le  savoir, 
goûté  dune  nourriture  défendue,  doit  faire  pénitence  en  jeûnant  sévèrement, 
afin  qu'il  apprenne  à  être  prudent  :  Manu,  5,  20. 


LE  SANGHA  71 

tigres,   de  panthères,  d'ours   et  d'hyènes.  En   abrégé,  ces 
récits  reviennent  à  ceci  : 

Une  fois,  du  temps  du  Buddha,  il  arriva  que  des  éléphants 
du  Roi  moururent  *.  Les  gens  en  mangèrent  la  chair,  car  il  y  65 
avait  justement  une  famine  dans  le  pays,  et  en  donnèrent 
aux  moines,  lorsque  ceux-ci  faisaient  leur  tournée  habituelle 
pour  mendier  leur  nourriture.  Les  gens  —  on  ne  dit  pas  si  ces 
gens-là  étaient  les  mêmes  qui  avaient  donné  l'aumône  — en 
furent  indignés,  et  ne  pouvaient  pas  comprendre  comment 
des  ascètes,  tels  que  les  fils  de  Çâkya,  pouvaient  manger  de 
la  viande  d'éléphant.  En  effet,  les  éléphants  étaient  la  pro- 
priété du  roi  ;  si  le  roi  venait  à  savoir  qu'on  avait  mangé  la 
chair  de  ses  éléphants  morts,  il  serait  immanquablement 
furieux.  On  raconta  la  chose  au  Maître,  qui  rendit  la  déci- 
sion :  «  Il  est  défendu  de  manger  de  la  chair  d'éléphant; 
celui  qui  le  fait  commet  une  faute  ». 

Vers  ce  temps-là  moururent  les  chevaux  du  Roi  :  suit, 
mutaiis  mutandis^  le  même  récit. 

Une  fois  qu'il  y  avait  une  famine,  les  gens  mangèrent  de 
la  viande  de  chien  et  en  donnèrent  aux  moines.  Le  public  fut 
indigné  et  ne  put  comprendre  comment  des  fils  de  Çâkya, 
des  ascètes,  pouvaient  prendre  une  nourriture  aussi  dégoû- 
tante. L'affaire  est  soumise  au  Seigneur  :  il  est  de  l'avis  du 
public  et  défend  aux  moines  de  manger  de  la  viande  de  chien. 
Vers  la  même  époque,  lors  de  circonstances  analogues,  on 
mangea  la  chair  des  serpents,  et  l'on  en  distribua  en  aumônes. 
Le  public  ne  négligea  pas  de  faire  connaître  sa  désappro- 
bation, pour  la  même  raison  que  ci-dessus.  Une  raison  vint 
s'y  ajouter.  Supassa,  roi  des  Nâgas,  se  rendit  chez  le  Seigneur, 
et  lui  demanda  de  la  façon  la  plus  respectueuse  qu^il  lui  plût 
de  défendre  l'usage  de  la  viande  de  serpent,  vu  qu'il  y  en 
avait  parmi  les  Nâgas  plusieurs  qui  étaient  incrédules,  ou 
même  hostiles  à  la  foi  *  :  ceux-ci  pouvaient  faire  du  tort  aux 

1.  Les  nuages  sombres  sont  ennemis  de  la  lumière  solaire;  mais  il  y  a  aussj 
des  nuages  clairs  et  blancs.    . 


72  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

moines  qui  ne  seraient  pas  sur  leur  garde.  Après  avoir  pré- 
senté sa  requête  et  avoir  été  réconforté  par  une  allocution  du 
66  Seigneur,   le    Prince  des    Serpents  partit,  en  faisant  *  des 
démonstrations  de  son  grand  respect.  Ceci  donna   lieu  au 
Maître  de  convoquer  ses  moines  et  de  leur  défendre  de  manger 
la  chair  des  serpents  \  Vers  ce  temps-là  quelques  chasseurs 
tuèrent  un  lion,  ils  mangèrent  la  chair  et  en  donnèrent  à  des 
moines.  Au  moment  où  ceux-ci,  après  avoir  pris  leur  repas, 
se  promenaient  dans  une  forêt,  des  lions,  flairant  la  chair  de 
lion  qui  avaient  été  mangée,  coururent  vers  eux.  On  raconta 
l'affaire  au  Seigneur,  qui,  à  propos  de  cette  aventure,  défendit 
aux  moines  de  manger  de  la  viande  de  lion.  —  Suit  enfin  le 
môme  récit,  au  sujet  des  tigres,  des  panthères,  des  ours  et 
des  hyènes. 

Dans  les  codes  indous,  c'est  une  règle  générale  que  les 
animaux  pentactyles  ne  sont  pas  mangeables,  sauf  des  excep- 
tions déterminées  ^  Or  il  existe  une  règle  scolastique  d'inter- 
prétation légale,  expliquée  par  Patanjali  (le  même  que  nous 
avons  déjà  appris  à  connaître  comme  auteur  d'un  manuel 
aphoristique  du  Yoga),  dans  son  grand  commentaire  sur 
Pânini  ^  Il  dit  ce  qui  suit  :  «  De  la  détermination  de  ce  qui 
est  mangeable,  on  conclut  à  ce  qui  est  défendu  comme  non- 
mangeable;  par  exemple,  quand  il  est  dit  :  «  Cinq  espèces  * 
sont  mangeables  »,  on  conclut  que  les  autres  espèces  ne  sont 

1.  On  pourrait  objecter  que  la  viande  d'éléphant,  de  cheval,  de  serpent,  etc., 
est  comprise  sous  la  dénomination  générale  de  «  viande  »,  et  que  par  consé- 
quent la  défense  de  manger  de  la  viande  en  général  entraînait  d'elle-même  la 
défense  de  la  viande  d'éléphant,  etc.  Mais  les  règles  du  sens  commun  ne  sont 
pas  applicables  à  la  philosophie  supra-sensible  ou  transcendante,  bouddhique 
ou  autre. 

2.  Cinq  espèces  sont  exceptées,  Yâjnavalkya,  I,  177,  à  savoir  :  les  lièvres, 
les  tortues,  les  iguanes,  les  hérissons  et  les  porc-épics;  six  dans  Manu,  5, 
18  et  dans  Gautama,  17,  27,  c'est-à-dire  les  précédents,  plus  les  rhinocéros; 
les  mêmes,  avec  l'adjonction  d'un  animal  maintenant  inconnu,  dans  Âpas- 
tamba,  I,  5,  17,  37. 

3.  Introduction,  fol.  10  a  (édit.  de  Bénarès). 

4.  Ce  nombre  est  justement  celui  donné  dans  Yâjnavalkya,  passage  cité. 


LE  SANGHA  "^^ 

pas  mangeables  ;  en  revanche,  l'indication  d'une  variété  parti- 
culière comme  non-mangeable,  nous  indique  en  même  temps 
les  variétés  mangeables.  Quand  il  est  dit  :  «  le  porc  domes- 
tique ne  peut  être  mangé  »,  on  en  conclut  qu'il  est  permis 
de  manger  le  sanglier.  »  —  En  applicant  cette  règle,  *les  fils  67 
de  Buddha  semblent  avoir  donné   une    nouvelle    forme    à 
un  vieux  précepte  :  ils  ont  expressément  énuméré  quelques 
animaux  pentadactyles  comme  nourriture  défendue.  En  ce  qui 
concerne  les  serpents,  les  chevaux  et  les  éléphants,  les  Indous 
les  considèrent  également  comme  de  la  nourriture  défen- 
due ;  les  sauvages  et  les  Cândâlas  peuvent  en  manger,  mais 
ce  sont  gens  qu'on  considère  comme  placés  en  dehors  de  la 
société,  par  conséquent,  en  dehors  de  la  loi.  Les  gens  qui 
blâmaient  si  ouvertement  les  moines  de  ce  qu'ils  mangeaient 
la  chair  de  pareils  animaux,  et  dont  les  sentiments  étaient 
partagés  par  le  Buddha,  étaient  évidemment  des  Indous.  Il 
eût  été  bien  plus  commode,  pour  les  auteurs  des  écrits  cano- 
niques de  dire  tout   simplement  :   «  Nous,   fils  de  Çâkya, 
nous  nous  empressons  de  suivre  l'usage  général  du  pays  », 
mais  de  cette  manière  on  n'eût  jamais  pu  écrire  de  gros 
livres,  avec  un   contenu  en   apparence  nouveau.  La  pro- 
lixité et  la  minutie  sont  des  qualités  aux  yeux  des  Boud- 
dhistes. Nous  verrons  plus  tard  quelle  conclusion  on  peut 
tirer  de  ce  fait  en  ce  qui  concerne  la  période  de  l'histoire 
indienne  à  laquelle  il  faut  rapporter  les  écrits  canoniques. 
Le  moine  doit  se  procurer  sa  nourriture  quotidienne  par 
son  propre  effort.  Il  faut  prendre  cette  expression  dans  le 
sens  bouddhiste;  autrement,  on  serait  tenté  d'entendre  par 
«  propre  effort  »  un  travail  manuel  et  intellectuel,  et  non 
des  tournées  pour  aller  recevoir  des  aumônes.  Le  moine  n'a 
pas  le  droit  de  demander  l'aumône  en  paroles,  comme  le 
font  par  exemple  les  Brahmacârins  ;  mais,  comme  tout  homme 
qui  le  voit  passer  le  matin  avec  son  pot  à  aumônes,  sait  à 
quoi  s'en  tenir,  on  peut  de  plein  droit  donner  au  fils  de  Çâkya 
le  nom  de  mendiant  :  il  mendie  en  esprit.  Il  y  a  des  gens  qui 


74  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

pensent,  avec  le  poète  grec,  qu'il  est  moins  important  de 
paraître  vertueux,  que  de  l'être  *  ;  mais  le  Bouddhiste  admet 
un  principe  de  conduite  différent,  et  assure  qu'il  est  indif- 
férent d'être  mendiant  ou  de  ne  pas  l'être,  pourvu  qu'on  n'en 
ait  pas  l'apparence.  Il  n'est  pas  convenable  de  demander 
quelque  chose  directement  ;  c'est  ce  que  le  Seigneur,  le  «  Dieu 
68  suprême  des  dieux  »  *  a  dit  lui-même  ^  dans  le  passage  pro- 
phétique et  poétique  que  voici  : 

Les  gens  sensés  ne  mendient  pas, 

La  mendicité  est  désapprouvée  par  les  gens  comme  il  faut  2; 

Les  gens  comme  il  faut  se  tiennent  debout  dans  une  [silencieuse]  attente. 

C'est  là  la  façon  de  mendier  des  gens  comme  il  faut. 

On  peut  conclure  de  ce  passage  que  le  métier  de  moine 
est  une  «  mendicité  honnête  » . 

L'apparence  extérieure  du  vrai  moine  doit  être  calme  et 
tranquille;  elle  doit  refléter,  pour  ainsi  dire,  la  paix  qui 
habite  son  âme.  Telle  est  l'image  que  nous  présentent  quel- 
ques lignes  classiques  du  Lalita-Yistara  '\  où  il  est  raconté 
comment  le  Bodhisatva,  encore  affligé  par  les  sombres  appa- 
ritions qu'il  vient  de  contempler,  est  réconforté  par  le  spec- 
tacle d'un  Bhikshu,  qui,  «  calme  et  doux,  réservé  et  chaste, 
les  yeux  non  pas  dirigés  fièrement  en  haut,  mais  regardant 
modestement  devant  lui  \  plein  de  grâce  dans  l'attitude,  dans 
la  démarche,  dans  le  regard,  dans  la  manière  de  porter  la 
cape,  le  pot  à  aumônes  et  la  tunique,  se  trouvait  sur  la 
route  )j. 

1.  Oô  yàp  Soxstv  àptato;  àW  slvai,  6éXsu  Eschyle. 

1.  Mil.  P.  230. 

2.  L'original  porte  :  ârya. 

3.  Page  230. 

4.  Yugamâtraprekshin  et  yugamâtradarçin  ou  yiiqamâtradrç  comme  on  lit 
Caraka,  1,  8  est  une  expression  qui  n'est  pas  seulement  applicable  à  des 
religieux;  dans  Caraka,  passage  cité,  on  l'applique  au  médecin  bien  élevé. 
La  vraie  signification  de  yugamâtra  peut  être  :  «  la  longueur  d'un  joug  », 
ou  «  seulement  un  joug  »,  ou  «  la  distance  de  deux  [pieds]  ». 


LE  SANGHA  75 

Ces  traits  de  l'antique  Bhikshu  indien  ne  se  retrouvent 
plus  qu'en  partie  dans  le  clergé  singhalais  de  nos  jours. 
«  Dans  presque  toutes  les  localités  »,  dit  un  témoin  digne  de 
foi  ^  «  on  peut  voir  fréquemment  les  fils  de  Buddha,  quand 
ils  vont  de  maison  en  maison  avec  leur  pot  à  aumônes,  pour 
mendier  leur  nourriture.  D'ordinaire  ils  s'avancent  d'un  pas 
mesuré,  sans  faire  grande  attention  à  ce  qui  se  passe  autour 
d'eux.  Ils  vont  nu-tête  et  le  plus  souvent  nu-pieds.  Dans  la 
main  droite,  ils  ont  un  éventail  *,  qu'ils  tiennent  devant  les  69 
yeux,  quand  une  femme  se  présente,  afin  d'éviter  des  pensées 
charnelles  ». 

Quand  il  est  malade,  le  moine  peut  prendre  du  ghee^  du 
beurre,  de  l'huile  \  du  miel  et  du  sucre,  en  tant  que  médi- 
caments ^  De  même  le  Seigneur  a  permis  l'usage  médical 
de  cinq  graisses,  à  savoir  la  graisse  d'ours,  l'huile  de  poisson, 
l'huile  de  marsouin,  le  saindoux  et  la  graisse  d'âne;  de  même 
l'usage  de  diverses  racines,  qui  tiennent  une  grande  place 
dans  la  pharmaceutique  indienne,  telles  que  le  gingembre, 
le  safran  d'Inde,  le  calamus  et  l'andropogon.  La  préparation 
et  l'emploi  d'extraits  amers  ou  de  thés,  tirés  de  Vazadira- 
chta^  etc.,  l'emploi  de  feuilles,  de  fruits,  de  gommes  possé- 
dant des  vertus  curatives  ;  de  sels,  de  poudres,  d'onguents  pour 
les  yeux,  même  de  la  chair  crue  et  du  sang;  l'utilisation  de 
poudres  à  priser  et  de  pipes  pour  humer  la  fumée  %  tous  ces 
moyens  ont  été  autorisés  par  le  Buddha.  De  plus,  la  méde- 
cine, avec  son  autorisation,  emploie  les  moyens  suivants  : 
des  frictions  avec  des  onguents,  trois  sortes  de  ventouses, 
autant  de  sortes  de  bains  de  sueur,  des  douches,  des  saignées; 

5.  Hardy,  E.  M,  309. 

1.  Sutta-V.  II,  p.  88  on  nomme  cinq  sortes  d'huile  :  huile  de  sésame,  de 
grain  de  moutarde,  de  madhuka  (bassia),  de  ricin  et  huile  de  poisson  ou 
graisse  de  quadrupède. 

2.  Mahâ-V.  6,  1  ss. 

3.  L'usage  de  fumer  des  pipes  était  connu  aux  anciens  Indiens,  quoiqu'ils 
se  servissent  d'autres  herbes  que  le  tabac.  On  trouve  une  description  détaillée 
de  pipes  dans  le  plus  ancien  ouvrage  indien  sur  la  médecine,  Caraka,  1,  5. 


76  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

l'emploi  de  la  lancette  pour  enlever  les  tumeurs,  des 
liquides  corrosifs,  des  gargarismes,  des  bandages,  des 
remèdes  pour  purifier  les  blessures,  des  alcalis  corrosifs,  des 
purgations,  des  clystères.  Cette  énumération  suffira  pour 
donner  quelque  idée  de  l'état  de  la  médecine  indienne,  à 
l'époque  oii  fut  rédigé  l'écrit  canonique  *  auquel  nous 
empruntons  ces  détails. 

4.  Mahâ-V,  6,  14. 


CHAPITRE   IV 


LE   RÈGLEMENT 


*  Le  Prâtimoksha,  qui  doit  être  récité  deux  fois  par  mois  70 
dans  une  réunion  du  chapitre,  comprenant  au  moins  quatre 
personnes,  est  divisé  en  dix  sections  ou  titres. 

1.  Examen  préliminaire,  concernant  les  conditions  requises 
pour  que  la  réunion  du  chapitre  ait  lieu  d'une  manière  com- 
plètement régulière. 

2.  Introduction. 

3.  Les  péchés  capitaux,  qui  ont  pour  conséquence  l'ex- 
pulsion de  la  communauté  {parâjita-dharmâs^  pârâjika- 
dharmâs;  pâli  pârâjikâ  dhammâ)  *  ; 

4.  Les  actions  qui  ont  pour  conséquence  une  exclusion 
temporaire  de  la  communauté  (sanghâvaçesha^  pâli  sanghâ- 
disesa  ^). 

1.  Parâjita  signifie  «  chassé  »;  pârâjikâ  «  digne  d'être  chassé  ou  expulsé  ». 
Le  commentateur  cité  par  Minayef,  p.  65,  ne  comprend  plus  rien  de  la  signi- 
fication primitive  du  mot  ;  Fauteur  du  Sutta-V.  I,  p.  28  ne  l'explique  pas 
non  plus. 

2.  L'explication  de  ces  deux  termes  est  incertaine.  Pour  les  accorder 
ensemble,  on  est  bien  obligé  d'admettre  que  le  mot  pâli  adisesa  répond  à  un 
sanscrit  atiçesha  ;  aliçesha  et  avaçesha  signifient  :  «  reste,  reliquat.  »  Cette 
signification  n'est  pas  bien  admissible  ici;  nous  risquons  la  supposition  que 
atiçesha  et  avaçesha  ont  eu  également  le  sens  de  «  mise  à  part,  séparation  »  ; 
la  preuve  que  les  idées  sont  apparentées  est  fournie,  entre  autres,  par  le  mot 
viçesha,  «  diflérence,  distinction»;  il  n'est  nul  besoin  de  démontrer  qu'il  y  a 
un  lien  entre  les  idées  de  «  distinction  »  d'un  côté,  et  «  séparation,  mise  à 
part  »  de  l'autre.  Nous  osons  à  peine  pensera  une  corruption  du  mot  viçlesha^ 
«  mise  à  part,  séparation  ». 


78  HISTOIRE  DU^  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

5.  Les  cas  indéterminés  {aniyata-dharma). 

6.  Les  actions  punies  par  la  confiscation  d'un  objet  pos- 
sédé par  le  délinquant  (/iam«r^zX:a  =*,  pâli  nissaggùja  pûcit- 
tiya), 

7.  Les  actions  pour  lesquelles  il  faut  faire  pénitence 
[prâyaçcittika^  pâli  pâcittiya), 

8.  Les  actions  qu'il  faut  confesser  {pratideçaniya^  pâli 
pâtidesaniya). 

71  *  9.  Ce  qui  appartient  à  une  bonne  éducation  {çaikshya, 
pâli  sekhiyà). 

10.  Ce  qui  se  rapporte  à  l'arrangement  des  différents 
{adhikaranaçamatha^  pâli  adhikaranasamathd). 

Avant  de  donner  tout  le  formulaire  d'après  la  leçon  méri- 
dionale, en  notant  les  variantes  les  plus  importantes  des  deux 
autres  rédactions  *,  nous  décrirons,  d'après  un  témoin  ocu- 
laire ^  la  cérémonie  de  la  récitation,  telle  qu'on  la  célèbre  de 
nos  jours  à  Ceylan. 

Les  moines  commencent  par  se  mettre  à  l'écart  deux  par 
deux,  afin  de  se  confesser  l'un  à  l'autre  leurs  péchés,  à 
genoux,  et  à  voix  basse.  Dès  que  la  confession  est  terminée, 
ils  prennent  place  sur  des  nattes,  sur  lesquelles  est  étendue 
du  calicot  blanc,  placés  en  deux  rangées,  l'une  en  face  de 
l'autre.  Le  moine  le  plus  ancien  est  placé  en  tête  d'une  ran- 
gée ;  celui  qui  vient  après  lui,  en  tête  de  la  rangée  opposée  ; 
le  troisième  en  rang  après  le  premier,  le  quatrième  après 
le  second,  et  ainsi  de  suite.  L'ancien  reste  assis,  tandis  que 
les  autres  viennent  s'agenouiller  devant  lui,  et  lui  rendent 
hommage  en  ces  paroles  :  (^  Avec  permission.  Pardonne-moi, 
Seigneur,  tous  mes  péchés,  en  actions,  en  paroles,  ou  en 
pensées.  »  L'ancien  répond  :  «  Je  vous  pardonne,  cher  frère  ; 


3.  Naisargika,  comme  on  écrit  d'ordinaire,  est  une  fausse  orthographe,  et 
un  tout  autre  mot. 

i .  Pour  abréger,  nous  désignerons  la  rédaction  chinoise  par  C,  celle  de  la 
Mahâvyutpatti  par  M. 

2.  J.  F.  Dickson,  dans  Journal  Roy.  As.  Soc,  vol.  VIII  (new  séries). 


LE    SANGIIA  19 

accorde  (ou  accordez)  le  pardon.  «  Tous  disent  alors  :  «  Avec 
permission.  Je  vous  pardonne,  Seigneur.  » 

Alors  le  second  en  rang  se  remet  à  sa  place,  et  tous  ceux 
qui  sont  plus  jeunes  que  lui  s'agenouillent  devant  lui  pour 
demander  et  accorder  le  pardon.  Puis  le  troisième  en  rang 
reprend  sa  place,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  que  le  plus 
jeune  des  frères  se  soit  agenouillé  devant  le  plus  jeune  moins 
un.  L'action  de  s'agenouiller,  de  demander  et  d'accorder  le 
pardon,  se  répète,  par  conséquent,  autant  de  fois  qu'il  y  a  de 
moines  assemblés  moins  un.  Après  que  tous  se  sont  assis, 
ils  s'agenouillent  de  nouveau  *,  et  s'unissent  dans  un  hommage  72 
commun  au  Buddha,  ainsi  conçu  :  «  Hommage  au  Seigneur, 
le  Saint,  le  trois  fois  Sage  !  [répété  trois  fois).  Je  crois  que 
notre  Seigneur,  saint,  parfaitement  sage,  doué  de  science  et 
de  bonne  conduite,  le  parfait  connaisseur  de  l'univers,  le 
dompteur  non  surpassé  des  hommes,  le  maître  des  hommes 
et  des  dieux  est  Buddha  le  Seigneur.  C'est  pourquoi,  durant 
toute  ma  vie,  jusqu'à  mon  Nirvana,  je  veux  chercher  mon 
refuge  dans  le  Buddha. 

Aux  Buddhas  du  passé, 
A  ceux  qui  viendront, 
Aux  Buddhas  du  présent, 
J'apporte  toujours  mon  hommage. 

Je  n'ai  nul  refuge  ailleurs, 

Buddha  est  mon  meilleur  refuge, 

Aussi  sincèrement  que  je  le  confesse, 

Puissent  le  salut  et  la  bénédiction  m'accompagner  ! 

Je  me  courbe,  la  tête  penchée, 

Devant  la  poussière  de  ses  pieds  ; 

Si  j'ai  péché  contre  lui,  • 

Puisse-t-il  me  pardonner! 

«  Je  crois  que  le  Dharma  a  été  bien  établi  par  notre  Sei- 
gneur,  clair  pour  tous,  non    lié  au  temps,    convaincant, 


80  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

apportant  avec  lui  les  preuves  (de  sa  vérité),  devant  être 
reconnu  comme  vrai  par  tous  les  hommes  sensés  au  fond  de 
leur  âme.  C'est  pourquoi,»  durant  toute  ma  vie,  jusqu'à  mon 
Nirvana,  je  veux  chercher  mon  refuge  dans  le  Dharma. 

Aux  Dharmas  du  passé, 
A  ceux  qui  viendront, 
etc.  1. 

((  Je  crois  à  la  Communauté  des  disciples  du  Seigneur,  celle 
qui  marche  en  sainteté  et  en  équité,  sur  le  vrai  et  bon  che- 
73  min,  la  Communauté  *  qui  consiste  en  quatre  fois  deux  [degrés 
d']êtres  spirituels,  en  huit  sortes  d'êtres  spirituels  ^  cette 
Communauté  qu'il  faut  invoquer,  recevoir  d'une  façon  hos- 
pitalière, honorer  avec  des  offrandes,  et  saluer  les  mains 
jointes;  le  champ  incomparable  de  bonnes  œuvres  pour  le 
monde.  C'est  pourquoi,  pendant  toute  ma  vie,  jusqu'à  mon 
Nirvana,  je  veux  chercher  mon  refuge  dans  la  Communauté 
(Sangha). 

Aux  Sanghas  du  passé 
etc.  2. 

Buddha,  Dharma,  les  Pratyekas  ^ 
Et  le  Sangha  sont  mes'maîtres. 
Je  suis  leur  serviteur  plein  d'humilité. 
J'honore  hautement  leur  vertu. 

J'honore  hautement  la  trinité  [qui  sert  de]  refuge. 

1.  Ce  couplet  et  les  deux  qui  suivent,  sont  pareils  aux  trois  qui  précèdent, 
sauf  que  «  Buddha  »  est  remplacé  par  «  Dharma  »,  et  que,  dans  le  troisième 
couplet,  le  second  vers  est  ainsi  conçu  :  «  Devant  le  Dharma,  le  trois  fois 
excellent.  » 

1.  Les  huit  sortes  d'Arhats  ou  Saints  des  Buddhistes  peuvent  être  comparés 
aux  huit  Vidyeçvaras  ou  catégories  de  Délivrés  des  moines  çivaïtes  {Sarvadar- 
çàna-Sangraha,  p.  81,  85;  cf.  89).  Nous  considérons  les  huit  Vasus,  les  esprits 
divins  de  l'Univers,  comme  le  point  de  départ  mythologique  de  ces  huit  êtres 
spirituels   (pui^ushas). 

2.  Ce  couplet,  et  les  deux  autres  qui  suivent,  correspondent,  mutatis  mutati- 
dis,  k  ceux  adressés  au  Dharma. 

3.  On  se  rappelle  que  Devadatta,  lui  aussi,  est  un  des  Pratyeka-buddhas. 


LE  SANGHA  81 

Et  la  trinité  des  propriétés  *, 

L'indifférence  enfin 

Le  Nirvana,  j'obtiens  le  triple. 

Hautement  célébrée  soit  la  première  trinité, 
Hautement  célébrée  soit  en  même  temps  la  seconde, 
Ainsi  que  l'indifférence  ; 
Hautement  célébré  soit  par  moi  le  Nirvâiia. 

J'honore  les  Buddhas  miséricordieux, 

Dharmas  et  Pratyeka-buddhas, 

Et  les  Sanghas  aussi,  en  humilité  ; 

Je  me  courbe  devant  la  trinité  des  Sages  ^. 

*       Je  respecte  les  paroles  et  les  leçons  du  Maître;  74 

J'honore  les  sanctuaires, 
Mon  supérieur,  mon  maître. 
Puisse  la  profondeur  de  ma  contrition 
Délivrer  mon  esprit  du  péché  ! 

Après  cet  hymne,  les  moines  se  lèvent,  et  reprennent  leurs 
places.  L'Ancien,  ou  celui  qui  le  remplace,  se  met  au  haut 
des  deux  rangées,  entre  les  deux,  sur  un  coussin  plus  élevé 
que  celui  des  autres  moines.  Devant  lui  se  place  un  moine 
plus  jeune.  Ce  dernier  pose  les  questions  contenues  dans  la 
première  partie  du  formulaire  qui  suit;  le  premier  répond. 

La  rédaction  chinoise,  elle  aussi,  débute  par  un  hymne, 
commençant  par  ces  mots  : 

Je  me  courbe  en  adoration  devant  le  Buddha, 
Devant  le  Dharma  et  le  Sangha 

4.  C'est-à-dire,  l'irréalité,  la  misère  et  rinconstance  de  toute  chose. 

5.  Il  est  difficile  de  savoir  au  juste  ce  qu'on  entend  par  les  Trois  Sages  : 
certainement  pas  Pânini,  Kâtyâyana  et  Patanjali,  qu'on  désigne  ainsi  dans  la 
littérature  indienne.  Peut-être  faut-il  entendre  sous  cette  désignation  les 
personnifications  du  passé,  du  présent  et  de  l'avenir,  du  commencement,  du 
milieu  et  de  la  fin  :  autrement  dit,  Brahma,  Vishnu  et  Çiva,  la  Trimûrti. 
Comme  Trimûrti  est  un  des  surnoms  du  Buddha,  on  peut  considérer  les  trois 
Sages  comme  les  trois  aspects  ou  phases'  d'un  seul  et  même  être,  le  Buddha. 

Tome  II.  6 


82  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Puis,  on  célèbre  d'une  façon  assez  étendue  l'excellence  du 
règlement,  et  chacun  est  exhorté  à  en  suivre  les  préceptes. 
A  la  fin  on  déclare  : 

Le  Tathâgata  a  ordonné  que  ces  articles 

Seront  récités  publiquement  deux  fois  par  mois. 


1.  —  Examen  préliminaire. 

Le  moine  qui  fait  les  questions,  sera  désigné  par  la  let- 
tre B;  celui  qui  répond,  par  la  lettre  A.  Tous  les  deux 
parlent  agenouillés  *. 

B.  Gloire  au  Seigneur,  le  Saint,  le  parfaitement  Sage  ! 
Ecoutez  moi,  honorable  assemblée  !  Si  l'assemblée  l'approuve, 
je  poserai  des  questions  au  vénérable  A. 
75  *  A.  Gloire  au  Seigneur,  le  Saint,  le  parfaitement  Sage! 
Écoutez-moi,  honorable  assemblée  !  Si  rassemblée  l'ap- 
prouve, je  répondrai  aux  questions  que  me  posera  le  véné- 
rable B.  concernant  la  discipline. 

B  Le  balai  et  la  lampe, 

De  l'eau,  et  un  siège, 
Cela  s'appelle  les  préparatifs 
De  la  célébration  de  TUposatha. 

Avec  permission.  Le  balai.  —  A.  Et  le  balayage  *.  —  B. 
Et  la  lampe.  —  A.  Et  l'action  d'allumer  la  lampe.  Comme  le 
soleil  brille  encore,  la  lampe  n'est  pas  nécessaire  ^  —  B. 

1.  a.  estrancien,  et  c'est  lui  qui  devrait  présider,  B.,  plus  jeune,  devrait 
tenir  la  parole  et  réciter  le  règlement.  Chez  les  Singhalais,  c'est  juste  le 
contraire. 

1.  Nous  donnons  la  traduction  littérale,  autant  que  possible. 

2.  Cette  information  supplémentaire  contredit  absolument  les  paroles  ver- 
sifiées. L'habitude  des  moines  de  Ceylan,  de  se  réunir  le  jour,  s'écarte  de 
l'usage  ancien  ;  voir  Mahâ-V.  2,  26,  9,  où  la  lampe  est  justement  mentionnée 
comme  un  objet  nécessaire  pour  la  célébration  de  l'Uposatha. 


LE  SANGHA  83 

Et  de  reau^  et  un  siège.  —  A.  En  dehors,  d'un  siège,  (il  faut 
aussi)  qu'on  mette  de  l'eau,  pour  boire  et  pour  d'autres 
usages.  —  B.  Cela  s'appelle  les  préparatifs  de  la  célébration 
de  rUposatha.  —  A.  Ces  quatre  actions,  le  nettoyage  avec  le 
balai,  etc.,  doivent  avoir  lieu  avant  la  réunion  du  chapitre, 
et  s'appellent  pour  cette  raison,  les  préparatifs  de  la  céré- 
monie du  sabbat.  Ce  qui  concerne  les  travaux  préparatoires 
est  ainsi  épuisé  ^  — 

B.  Vote  et  justification,  indication  de  la  saison, 

Dénombrement  des  moines,  et  une  allocution, 
Voilà  ce  qu'on  appelle  la  condition  préalable 
A  la  célébration  de  l'Uposatha. 

Vote  et  justification  \  —  A.  Un  cas  de  vote  et  de  justifi- 
cation, de  moines  ayant  voix  au  chapitre,  d'émission  du  vote, 
*  ne  se  présente  pas  ici  *.  —  B.  Indication  de  la  saison,  —  76 
A.  Indiquer  la  saison,  en  mentionnant  quelle  partie  des  trois 
saisons,  hiver,  été,  saison  des  pluies,  s'est  écoulée,  et  quelle 
partie  doit  s'écouler  encore.  Or,  notre  Loi  admet  trois  saisons  ; 
dans  la  saison  actuelle,  l'hiver,  il  y  a  huit  jours  de  sabbat; 
de  ceux-ci  un  est  passé,  nous  fêtons  le  second,  et  il  en  reste 


3.  Tout  ce  qui  précède,  mais  surtout  la  dernière  phrase,  ressemble  à  un 
texte  avec  commentaire,  beaucoup  plus  qu'à  un  catéchisme  par  demandes  et 
réponses. 

4.  Chanda-pârisuddhi.  Mahâ-V.  2,  26,  une  célébration  du  Sabbat  par  une 
réunion  qui  n'est  pas  en  nombre,  mais  devenue  nécessaire  par  les  circonstan- 
ces, est  appelée  Pârisuddhi-Uposatha.  Art.  22,  un  frère  malade  qui  ne  peut 
assister  à  l'Uposatha,  fournit  sa  pârisuddhi.  Dans  le  dernier  cas,  on  peut 
traduire  le  mot  par  «  excuse  »,  mais  dans  le  premier  cette  signification  ne 
convient  pas  bien,  le  sens  est  plutôt  «  validation  ».  Dans  les  deux  cas  «  justi- 
fication »  ne  serait  pas  déplacé.  Il  semble  qu'on  ait  confondu  deux  sens  de 
chandapârisuddhi  :  à  savoir,  «  la  déclaration  (faite  par  quelqu'un)  de  sa 
bonne  volonté  »  et  «  la  déclaration  (donnée  par  quelqu'un)  de  son  avis  », 
c'est-k-dire  «  l'action  de  voter  ». 

1.  La  traduction  n'est  pas  sûre.  Probablement  on  ne  veut  dire  autre  chose 
que  ceci  :  «  le  cas  que  des  moines  ayant  voix  au  chapitre  ont  à  émettre  leur 
vote,  à  voter,  ne  se  présente  pas  ici  » . 


84  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

encore  six.  —  B.  Dénombrement  des  moines.  —  A.  Le  nombre 
des  moines,  réunis  dans  cette  maison  du  chapitre  est  x.  — 
B.  Une  allocution,  —  A.  Une  allocution  doit  être  faite  aux 
religieuses;  mais,  comme  en  ce  moment  il  n'y  a  pas  de  reli- 
gieuses présentes,  Tallocution  n'a  pas  lieu.  —  B.  Voilà  ce 
qu'on  appelle  la  condition  préalable  à  la  célébration  de 
rUposatha.  — A.  Ces  cinq  actions,  le  vote,  etc.,  doivent  avoir 
lieu  avant  la  récitation  du  Prâtimoksha;  c'est  pourquoi  on 
les  appelle  la  condition  préalable  à  la  célébration  de  l'Upo- 
satha.  Les  conditions  préalables  sont  ainsi  épuisées. 

B       Un  jour  de  sabbat,  le  nombre  requis  des  moines 

Autorisés  [est  présent,]  nulle  faute  commise  par  tous  ensemble 
N'est  constatée,  nulle  personne  qu'on  doive  éviter 
N'est  présente,  ainsi  l'assemblée  peut  être  dite  légale. 

Un  jour  de  sabbat,  — A.  Il  y  a  trois  jours  oii  l'on  célèbre  le 
sabbat  :  le  14'  ou  15*  jour  (de  la  demi-lune)  ou  un  jour  de 
réunion  extraordinaire  ^  :  aujourd'hui  c'est  un  sabbat  du  45. 
—  B.  Le  nombre  requis  des  moines  autorisés  [est  présent],  — 

A.  Quand  assistent  à  la  célébration  du  sabbat  autant  de  moines 
qu'il  est  nécessaire,  au  moins  quatre,  autorisés  et  capables, 

77  non  excommuniés  par  l'Église,  et  quand  ces  moines  *  sont 
établis  dans  la  même  paroisse,  ou  à  une  distance  de  deux 
aunes  et  demi  tout  au  plus  en  dehors  de  la  limite  fixée  *.  — 

B.  Nulle  faute  commise  par  tous  ensemble  n^est  constatée,  — 
A.  Il  n'y  a  pas  de  faute  commise  par  tous  également,  par 


2.  Sâmaggî  (sanscr.  sâmagrî) .  Ce  mot  signifie  aussi  bien  «  concorde  »  que 
«  plénitude  [d'une  assemblée]  » .  «  Cette  double  signification  a  donné  lieu  à 
Texplication  d'après  laquelle  le  Sâmaggi-uposatha  serait  un  sabbat  de  récon- 
ciliation ;  mais  la  même  autorité  qui  nous  apprend  cela,  dit  en  même  temps 
que,  lors  de  la  clôture  solennelle  de  la  période  de  retraite,  une  réunion  a  lieu 
le  jour  de  Sâmaggi-pavârana  (voir  Minayef,  Prât.,  p.  27).  Il  en  résulte  que  le 
Sâmaggî  est  simplement  une  assemblée  plénière,  qui  se  réunit,  non  tous  les 
14  ou  13  jours,  mais  à  de  longs  intervalles.  Sang  ha- Sâmaggî  signifie  simple- 
ment :  approbation  générale  du  chapitre.  Mahd-V.  2,  36. 

1.  C'est  l'explication  généralement  admise;  la  justesse  en  est  contestable. 


LE  SANGHA  85 

exemple  en  ce  qui  concerne  le  fait  de  manger  à  des  heures 
défendues^  ou  quelque  chose  de  pareil.  —  B.  Nulle  personne 
qu'on  doive  éviter  n'est  présente.  — A.  Les  vingt  et  une  classes 
de  gens  qu'il  faut  éviter  et  tenir  à  une  distance  de  deux  aunes 
et  demi,  tels  que  laïques,  eunuques,  etc.,  ne  sont  pas  pré- 
sentes ^  — B.  Ainsi  l'assemblée  peut  être  dite  légale.  — 
A.  Quand  une  célébration  en  commun  du  sabbat  satisfait  à  ces 
conditions,  alors  l'assemblée  est  dite  légale.  —  Ce  qui  con- 
cerne la  légalité  est  ainsi  épuisé. 

Après  avoir  épuisé  les  travaux  préparatoires  et  les  condi- 
tions préalables,  je  réciterai,  avec  la  permission  des  moines 
assemblés,  qui  viennent  de  se  confesser,  le  «  Prâtimoksha  ». 

Ici  se  termine  la  première  partie,  dont  le  contenu,  dans 
la  rédaction  chinoise,  est  plus  concis,  sans  différer  beaucoup 
quant  au  fond.  Pour  qu'on  puisse  comparer,  nous  la  don- 
nons ici  : 

«  Les  moines  sont-ils  réunis?  »  —  Oui.  —  «  Tout  est-il 
prêt?  »  (des  sièges,  de  l'eau,  des  balais,  etc.).  —  Oui.  — 
«  Que  toutes  les  personnes  non  consacrées  s'éloignent.  » 
(S'il  y  en  a,  elles  doivent  partir  ;  s'il  n'y  en  a  pas,  qu'on  le 
dise).  ((  Y  a-t-il  parmi  les  moines  assemblés  quelqu'un  qui 
demande  l'absolution?  »  (Si  oui,  qu'il  le  dise.)  —  «  11  faut 
adresser  une  allocution  aux  religieuses.  »  *  (S'il  n'y  a  pas  de  78 
religieuses  présentes,  qu'on  le  dise).  —  «  Sommes-nous  d'ac- 
cord sur  ce  que  nous  avons  à  faire?  Nous  devons  réciter  le 
règlement  dans  une  réunion  légale  du  chapitre.  —  Véné- 


2.  Les  vingt  et  une  classes  de  personnes  qui  composent  le  profanum  vul- 
gus  sont  énumérés  ainsi,  Mahâ-V.,  2,  36  et  Minayef,  Prat.,  p.  28  :  les  laïques, 
les  religieuses,  les  religieuses  postulantes,  les  novices-hommes,  les  novices- 
femmes,  ceux  qui  ont  renoncé  à  la  règle  monastique,  ceux  qui  ont  commis  un 
péché  capital,  les  excommuniés  pour  avoir  caché  leur  faute,  pour  avoir  refusé 
(le  faire  pénitence,  pour  n'avoir  pas  voulu  rétracter  leurs  erreurs,  ceux  qui 
prennent  faussement  la  qualité  de  religieux,  les  apostats  qui  ont  passé  à  une 
autre  secte,  les  eunuques,  les  animaux,  les  matricides,  les  parricides,  les 
meurtriers  d'Arhats,  les  violateurs  de  religieuses,  les  auteurs  de  schismes  dans 
la  communauté,  ceux  qui  ont  fait  verser  le  sang,  les  hermaphrodites. 


86  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

rables  frères,  écoutez.  Aujourd'hui,  le  15  de  la  moitié  lumi- 
neuse du  mois  (ou  :  le  14  de  la  moitié  obscure),  que  l'as- 
semblée écoute  attentivement  la  récitation  des  Règles.  » 


2.  —  Introduction. 

Dès  que  les  questions  et  les  réponses  sont  terminées,  les 
deux  moines  agenouillés  se  lèvent.  B,  prend  place  au  bout 
inférieur  de  la  rangée,  A,  au  milieu,  et  commence  à  réciter 
ce  qui  suit  : 

«  Gloire  au  Seigneur,  etc.  —  Écoutez-moi,  assemblée 
honorée.  C'est  aujourd'hui  le  sabbat,  le  jour  de  pleine  lune. 
Si  l'assemblée  le  juge  convenable,  le  sabbat  sera  célébré 
etlePrâtimoksha  récité.  Les  conditions  préalables  à  la  tenue 
d'un  chapitre  sont-elles  remplies?  Vénérables  frères,  si  vous 
déclarez  que  vous  êtes  purs,  je  réciterai  le  formulaire.  » 

—  «  Nous  serons  tous  tranquilles,  nous  écouterons  bien  et 
nous  serons  attentifs.  » 

«  Si  quelqu'un  a  commis  une  faute,  qu'il  l'avoue.  Sinon, 
qu'on  se  taise.  De  votre  silence,  vénérables  frères,  je  pourrai 
conclure  que  vous  êtes  purs  \  Dans  une  réunion  comme 
celle-ci,  chaque  question  est  faite  trois  fois.  Si  quelqu'un, 
après  qu'une  question  a  été  faite  trois  fois,  évite,  de  propos 
délibéré,  de  confesser  sa  faute,  il  se  rend  coupable  d'un  men- 
songe prémédité.  Or,  un  mensonge,  vénérables  frères,  est 
un  empêchement  pour  le  Dharma,  a  dit  notre  Seigneur.  C'est 
pourquoi,  un  moine  qui  a  conscience  d'avoir  commis  une 
faute,  et  qui  veut  se  purifier,  doit  s'avouer  coupable  ^  :  il 
aura  ainsi  l'âme  en  repos.  « 

«  L'introduction,  chers  frères,  est  récitée.  Je  vous  demande 
donc  :  êtes-vous  purs  ?  Je  vous  le  demande  pour  la  seconde 

1.  Pariçuddha. 

2.  Manu  lui  aussi,  enseigne  (II.  229)  qu'on  se  purifie  d'une  faute  commise  en 
Favouant, 


LE  SANGHA  87 

fois.  Je  VOUS  lô  demande  pour  la  troisième  fois.  *  Vous  gar-  79 
dez   le    silence,  vénérables  frères,  c'est  pourquoi,  je  dois 
admettre  que  vous  êtes  purs.  » 

La  rédaction  chinoise  n'offre  que  des  variantes  insigni- 
fiantes ;  elle  revient  à  peu  près  à  ceci  :  «  Vénérables  frères, 
je  désire  réciter  le  Prâtimoksha.  Réfléchissez  tous  sur  ces 
préceptes.  Si  quelqu'un  a  commis  une  faute,  qu'il  montre  son 
repentir;  sinon,  qu'il  garde  le  silence.  Si  un  autre  nous 
adresse  une  question,  nous  sommes  obligés  de  donner  une 
réponse  véridique;  si  nous  autres  moines,  vivant  en  com- 
munauté, avons  conscience  d'avoir  fait  le  mal,  et  si  nous 
négligeons  de  l'avouer,  nous  commettons  un  mensonge.  Or, 
le  mensonge  est  un  empêchement  pour  le  Dharma,  a  dit  le 
Buddha.  C'est  pourquoi  le  religieux  qui  a  conscience  d'avoir 
commis  une  faute  et  désire  l'absolution,  doit  avouer  immé- 
diatement sa  faute  :  après  quoi  il  aura  le  repos  et  la  paix.  » 

((  Après  avoir  récité  l'Introduction,  vénérables  frères,  je 
vous  le  demande  à  tous  :  Cette  assemblée  est-elle  pure?  (la 
question  est  répétée  jusqu'à  trois  fois.)  Vous  vous  taisez,  véné- 
rables frères;  l'assemblée  est  pure.  Qu'il  en  soit  ainsi!  Je 
passe  à  l'énumération  des  quatre  péchés  capitaux.  » 


3.  —  Péchés  capitaux,  qui  ont  pour  conséquence  l'expulsion 
de  la  communauté. 

On  traite  maintenant  des  quatre  péchés  mortels. 

1.  Quand  un  moine,  qui  s'est  engagé  à  vivre  conformément 
aux  règles  de  la  discipline  monastique,  sans  avoir  (formel- 
lement) renoncé  à  cette  discipline  et  avoué  publiquement  sa 
faute,  a  des  rapports  charnels  avec  un  être  du  sexe  féminin, 
à  quelque  espèce  qu'il  appartienne,  il  commet  un  péché  mor- 
tel, et  est  expulsé  de  la  communauté. 

2.  Quand  un  moine,  dans  un  village  ou  dans  un  désert, 
s'approprie  comme  un  voleur  une  chose  (jui  ne  lui  a  pas  été 


88  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

80  donnée,  *  de  sorte  que  la  justice  pourrait  le  faire  arrêter  afin 
de  le  faire  mettre  à  mort,  de  l'emprisonner  ou  de  l'exiler,  en 
déclarant  qu'il  est  un  brigand,  un  imbécile,  un  sot,  un  vo- 
leur ;  —  quand  un  moine  se  rend  coupable  d'un  vol  sembla- 
ble, il  commet,  etc. 

3.  Quand  un  moine  tue  un  être  humain  de  propos  déli- 
béré, ou  cherche  un  porteur  de  poignard  *  (pour  tuer)  quel- 
qu'un ou  fait  devant  quelqu'un  l'éloge  de  la  mort,  ou  exhorte 
quelqu'un  à  mourir,  en  disant  :  «  Mon  ami,  à  quoi  bon  cette 
misérable  et  pitoyable  vie?  mieux  vaudrait  pour  vous  être 
mort  que  vivant;  »  quand  un  moine,  le  voulant  et  le  sachant, 
de  propos  délibéré,  en  s'y  prenant  de  différentes  manières, 
fait  ainsi  l'éloge  de  la  mort,  ou  exhorte  quelqu'un  à  mourir  % 
il  commet,  etc. 

4.  Quand  un  moine  prétend  posséder  une  puissance  surhu- 
maine et  l'intuition  supérieure  que  donne  une  science  uni- 
verselle, tandis  qu'il  a  personnellement  la  conscience  qu'il 
ne  les  possède  pas,  en  disant  :  «  je  sais  ceci  et  cela,  je  com- 
prends ceci  et  cela  )),et  quand  plus  tard,  trouvé  coupable  lors 
d'une  enquête  ou  autrement,  il  désire  se  purifier,  et  déclare  : 
«  vénérables  frères,  j'ai  prétendu  savoir  ce  que  je  ne  savais 
pas,  comprendre  ce  que  je  ne  comprenais  pas;  j'ai  proféré 
des  sottises  et  des  mensonges  »  ;  alors,  sauf  dans  le  cas  oii 
il  aurait  été  sous  l'empire  d'une  illusion,  il  commet  ^  etc. 

1.  Satthahâraka,  sanscr.  çastradhâraka,  un  porteur  de  poignard  ou  de  cou- 
teau, un  bi^avo.  Le  fait  que  hâraka  signifie  «  porteur  »>  est  prouvé  d'ailleurs 
par  l'article  16  de  la  sixième  partie.  Dans  Sutta-V.,  I,  p.  68,  il  y  a  des  contes 
ridicules  au  sujet  de  moines  qui  se  font  tuer  parce  qu'ils  sont  las  de  la  vie  : 
il  est  évident  que  notre  article  ne  veut  dire  rien  de  semblable.  Cependant  le 
passage  cité  prouve  que  le  suicide  est  formellement  désapprouvé. 

2.  D'après  Sutta-V.,  I,  p.  71.  les  Six  se  servirent  de  ce  moyen.  Il  arriva 
une  fois  qu'ils  étaient  —  tous  les  six  ensemble,  naturellement  —  follement 
épris  de  la  femme  d'un  laïque.  Afin  de  se  débarrasser  du  mari,  ils  allèrent  le 
voir,  et  lui  dépeignirent  avec  tant  de  talent  les  misères  de  l'existence  terrestre 
et  les  joies  du  Ciel,  que  le  pauvre  sire  tomba  malade  et  mourut  bientôt. 

3.  D'après  Manu  également,  II,  56,  c'est  un  péché  mortel  si  quelqu'un  se 
donne  pour  supérieur  à  ce  qu'il  est  en  réalité. 


LE  SANGHA  89 

Ce  sont  là,  vénérables  frères,  les  quatre  péchés  mortels. 
*  Le  moine  qui  a  commis  un  de  ces  quatre  péchés,  ne  peut  81 
plus  vivre  avec  les  frères;  il  reste  pour  toujours  un  excom- 
munié, avec  qui  on  ne  peut  plus  cohabiter.  Je  vous  demande 
donc,  vénérables  frères,  si  vous  êtes  purs.  Je  vous  le  demande 
pour  la  seconde  fois.  Je  vous  le  demande  pour  la  troisième 
fois.  Vous  gardez  le  silence,  vénérables  frères;  c'est  pourquoi 
je  dois  admettre  que  vous  êtes  purs. 

L'introduction  a  été  récitée  ;  les  quatre  péchés  mortels  ont 
été  énumérés.  Or,  vous  savez,  vénérables  frères,  qu'il  y  a 
13  actions  qui  ont  pour  conséquence  une  exclusion  tempo- 
raire de  la  communauté  ;  2  cas  indéterminés  ;  30  actions 
qui  sont  punies  de  confiscation  ;  92  actions  pour  lesquelles 
il  faut  faire  pénitence  ;  4  actions  qu'il  faut  confesser  ;  les 
actes  qui  se  rapportent  à  une  bonne  éducation;  7  points 
qui  se  rapportent  à  l'arrangement  des  différends. 


4.  —  Actions  qui  ont  pour  conséquence  une  exclusion 
temporaire  de  la  communauté. 

Maintenant,  vénérables  frères,  nous  allons  traiter  des 
13  actions  qui  ont  pour  conséquence  une  exclusion  tempo- 
raire de  la  communauté. 

1.  La  pollution  volontaire,  sauf  pendant  le  rêve,  est  un 
délit  qui  a  pour  conséquence  l'exclusion  temporaire  de  la 
communauté. 

2.  Quand  un  moine,  cédant  à  son  désir  et  animé  d'une 
passion  mauvaise,  s'oublie  jusqu'à  toucher  corporellement 
une  personne  du  sexe  féminin,  de  manière  à  lui  prendre  la 
main,  la  tresse  des  cheveux,  ou  à  saisir  quelque  autre  partie 
du  corps,  c'est  un  délit,  etc. 

3.  Quand  un  moine,  cédant  à  son  désir  et  animé  d'une 
passion  mauvaise,  parle  à  une  femme  en  se  servant  d'expres- 
sions lestes,  qui  se  rapportent  au  jeu  amoureux,  telles  qu'un 


90  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

jeune  homme  en  emploie  en  parlant  à  une  jeune  fille,  c'est 
un  délit,  etc. 
82  *  4.  Quand  un  moine,  cédant  à  son  désir  et  animé  d'une 
passion  mauvaise,  essaie  de  faire  croire,  en  parlant  à  une 
femme,  que  c'est  chose  louable  de  satisfaire  ses  désirs,  en 
usant  des  paroles  qui  ont  rapport  au  jeu  amoureux,  et  dit  : 
«  Ma  sœur,  le  service  le  plus  excellent  que  vous  puissiez 
rendre,  c'est  de  satisfaire  à  cet  égard  une  personne  aussi 
morale,  aussi  vertueuse,  aussi  chaste  que  moi,  »  —  c'est  un 
délit,  etc. 

5.  Quant  un  moine  s'oublie  jusqu'à  jouer  le  rôle  d'entre- 
metteur, en  procurant  un  homme  à  une  femme,  ou  une  femme 
à  un  homme,  qu'il  s'agisse  d'un  mariage  légal,  ou  d'une 
union  illégitime,  même  si  la  femme  est  une  fille  publique, 
c'est  un  délit,  etc. 

6.  Quand  un  moine,  à  l'aide  de  secours  qu'il  a  demandés, 
fait  bâtir  une  cabane,  destinée  à  lui-même,  et  sans  propriétaire, 
cette  cabane  doit  avoir  les  dimensions  déterminées;  ces 
dimensions  sont  :  longueur,  12  empans  de  mesure  Sugata  *, 
largeur  en  dedans,  7  empans  de  mesure  Sugata.  Il  doit  inviter 
les  frères  à  indiquer  l'endroit  convenable  pour  la  construc- 
tion. Le  terrain  qu'ils  choisiront  doit  être  libre  de  toute  ser- 
vitude, et  telqu'il  reste  quelque  espace  autour  de  la  cabane 
011  l'on  pourra  se  promener.  Si  un  moine  fait  bâtir  une 
cabane  sur  un  terrain  qui  n'est  pas  libre  de  servitude  et  qui 
n'est  pas  entouré  d'un  espace  suffisant,  ou  sans  avoir  invité 
les  frères  à  indiquer  l'endroit  convenable  pour  la  construc- 
tion, où  s'il  dépasse  les  dimensions  fixées,  c'est  un  délit,  etc. 

7.  Quand  un  moine  fait  construire  à  son  usage  un  grand 
couvent,  sur  un  terrain  appartenant  à  un  seigneur,  il  doit 
inviter  les  frères  à  indiquer  l'endroit  convenable  pour  la 
construction,  etc.  [comme  dans  l'article  précédent)  ^ 


1 .  Voir  plus  haut,  I,  p.  "77. 

2.  Dans  le  Sutta-W^  I,  p.  155,  on  raconte  qu'un  certain  laïque  voulait  faire 


LE  SANGHA  91 

8.  Quand  un  moine,  méchamment,  sous  l'empire  de  la 
haine  et  du  dépit,  accuse  faussement  un  autre  moine  d'avoir 
commis  un  péché  capital,  dans  l'espérance  de  lui  faire  perdre 

sa  chasteté,  et  que  plus  tard,  *  lors  d'une  enquête  *  ou  autre-  83 
ment,  il  est  prouvé  que  l'accusation  était  fausse  et  que  le 
moine  reconnaît  son  tort,  c'est  un  délit,  etc. 

9.  Quand  un  moine,  méchamment,  sous  l'empire  de  la 
haine  et  du  dépit,  accuse  faussement  un  autre  moine  d'avoir 
commis  un  péché  capital,  en  s'emparant  faussement  d'un 
détail  d'une  autre  affaire  quelconque  dans  le  but  de  lui  faire 
perdre  sa  chasteté  ^  et  que  plus  tard,  lors  d'une  enquête  ou 
autrement,  il  est  prouvé  que  l'accusation  était  fausse,  et 
que  le  moine  avoue  son  tort,  c'est  un  délit,  etc. 

10.  Quand  un  moine  essaye  de  troubler  la  paix  de  la  com- 
munauté, ou  saisit  l'occasion  que  lui  offre  un  détail  en  dis- 
cussion qui  pourrait  causer  des  discordes,  et  s'y  entête,  les 

bâtir  un  couvent  pour  le  vénérable  Channa,  et  que  Channa  eut  Timprudence 
de  faire  nettoyer  le  terrain  de  sa  propre  autorité,  et  de  faire  abattre  un  arbre 
sacré,  ce  qui  indigna  le  public.  La  suite  de  Thistoriette  est,  comme  toujours 
en  pareil  cas,  rétablissement  de  la  règle. 

1.  La  machination  est  tellement  absurde  que  même  les  auteurs  du  Sutta-V. 
I,  p.  160,  ont  essayé  d'expliquer  l'article  comme  s'il  y  avait  :  «  lui  faire  per- 
dre son  bon  renom  de  chasteté  ».  Mais  le  texte  ne  dit  pas  cela.  Probablement 
l'article  a  été  emprunté  à  quelque  code,  avec  des  modifications  qui  lui  ont 
fait  perdre  tout  sens  raisonnable.  Si  le  code  disait  par  exemple  «  dans  le  but 
de  lui  faire  perdre  sa  propriété  »  ou  quelque  chose  d'analogue,  l'article  serait 
explicable. 

2.  Sutta-V.  1,  p.  166  donne  de  cet  article  Texplication  historique  que  voici. 
Quelques  moines,  voulant  accuser  leur  frère  Dabba  Mallaputta  d'actes 
inconvenants  avec  une  certaine  religieuse  Mettiyâ,  virent  un  jour  un  bouc 
qui  se  conduisait  d'une  façon  indécente  avec  une  chèvre.  Les  moines  ingé- 
nieux eurent  l'idée  de  donner  au  bouc  le  nom  de  «  Dabba  »,  et  à  la  chèvre 
celui  de  «  la  religieuse  Mettiyâ  ».  Cette  religieuse  avait,  en  effet,  quelque 
temps  auparavant  et  à  leur  instigation,  accusé  faussement  le  pieux  Dabba, 
de  même  que  la  misérable  Cincâ  avait  jadis  accusé  le  Buddha.  Alors  les 
moines,  la  conscience  en  repos,  se  mirent  à  raconter  :  «  Maintenant,  nous 
avons  pourtant  vu  de  nos  propres  yeux  que  Dabba  se  conduisait  d'une  façon 
inconvenante  avec  la  religieuse  Mettiyâ  ».  —  Le  chaste  Dabba  figure  ailleurs 
comme  chargé  de  distribuer  les  vivres  aux  moines  (Jâtaka,  I,  123). 


92  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

• 

frères  doivent  l'exhorter  à  ne  pas  persister,  en  disant  :  «  vis 
en  paix  avec  la  communauté,  vénérable  frère  ;  c'est  en  pra- 
tiquant l'unité  et  la  concorde,  en  évitant  les  querelles  et  en 
suivant  la  même  doctrine,  que  la  communauté  demeure  en 
paix  ».  Si  le  moine,  ainsi  exhorté,  persiste  dans  son  entête- 
ment, il  doit  être  exhorté  trois  fois  à  y  renoncer.  S'il  y 
renonce  après  la  troisième  exhortation,  c'est  bien;  sinon, 
c'est  un  délit,  etc. 

11.  Quand  un  ou  plusieurs  moines  suivent  l'exemple  de  ce 
moine  et  prennent  son  parti,  en  disant  :  «  Vénérables  frères, 

84  n'adressez  pas  d'exhortations  *  à  ce  frère;  il  parle  selon,  la 
loi  et  les  règlements  de  discipline  ;  il  agit  avec  notre  appro- 
bation et  d'après  notre  avis;  il  nous  connaît;  ce  qu'il  dit 
exprime  aussi  nos  sentiments  à  nous  »  ;  alors,  les  autres 
moines  doivent  les  exhorter  ainsi  :  «  Ne  dites  pas  cela,  véné- 
rables frères;  cet  homme  ne  parle  pas  selon  la  loi,  ni  selon 
les  règlements  de  discipline;  ne  désirez  pas  que  la  discorde 
régne  dans  la  communauté  ;  vivez  en  paix  avec  la  commu- 
nauté, vénérables  frères  ;  car  c'est  en  pratiquant,  etc.  [comme 
plus  haut).  Si  les  moines,  ainsi  avertis,  persistent  dans  leur 
entêtement,  ils  doivent  être  exhortés  trois  fois  à  y  renoncer. 
S'ils  y  renoncent  après  la  troisième  exhortation,  c'est  bien, 
etc.  [comme plus  haut). 

12.  Quand  un  moine  ne  veut  pas  qu'on  le  réprimande,  de 
sorte  que,  exhorté  par  ses  frères  à  se  conformer  ainsi  qu'eux 
aux  règles  de  discipline  contenus  dans  le  règlement,  il  se 
donne  des  airs  comme  s'il  était  au-dessus  de  toute  critique, 
et  dit  :  «  Ce  n'est  pas  à  vous,  vénérables  frères,  de  me  dire 
ce  qui  est  bien  et  ce  qui  est  mal;  moi,  de  mon  côté,  véné- 
rables frères,  je  ne  vous  dirai  pas  non  plus  ce  qui  est  bien  ou 
mal  ;  cessez  de  m'exhorter  »  ;  alors  les  autres  doivent  lui  dire  : 
«  Vous  ne  devez  pas  vous  donner  des  airs  comme  si  vous 
étiez  au-dessus  de  toute  critique,  vénérable  frère  ;  vous  devez 
vous  montrer  accessible  aux  bons  conseils  ;  vous  devez  parler 
aux  frères  comme  il  convient  entre  frères  unis  dans  la  même 


LE  SANGHA  93 

foi;  il  vous  parleront  aussi  comme  il  convient  entre  frères 
unis  dans  la  même  foi  ;  en  effet,  la  communauté  du  Seigneur 
ne  peut  croître  et  fleurir  qu'autant  que  les  frères  s'exhortent 
et  s'édifient  mutuellement  ».  Si  le  moine,  ainsi  exhorté, 
persiste  dans  son  entêtement,  etc.  [comme plus  haut). 

13.  Quand  un  moine,  qui  demeure  dans  le  voisinage  d'un 
village  ou  d'une  localité,  a  une  conduite  immorale  et  souille 
des  familles,  de  telle  sorte  que  sa  conduite  immorale  est 
publique  et  connue,  et  que  la  honte  dont  il  a  couvert  des 
familles  est  publique  et  connue,  les  frères  doivent  le  répri- 
mander ainsi  :  «  vénérable  frère,  vous  êtes  un  homme  d'une 
conduite  immorale;  vous  souillez  les  familles;  votre  con- 
duite immorale  est  publique  et  connue,  et  la  honte  dont 
vous  avez  couvert  des  familles,  également.  *  Quittez  cette  lo-  85 
calité,  ne  restez  plus  ici.  »  Si  le  moine  dit  aux  frères  qui  le 
réprimandent  :  «  Certains  religieux  s'abandonnent  au  plaisir, 
d'autres  aux  sentiments  de  haine,  d'autres  à  l'aveuglement 
spirituel,  ou  à  la  crainte  ;  à  cause  de  ces  défauts,  les  uns  sont 
chassés,  les  autres  non  ;  »  alors  les  frères  doivent  le  répri- 
mander et  dire  :  «Ne  dites  pas  que  des  religieux  s'abandonnent 
au  plaisir,  à  la  haine,  à  l'aveuglement  spirituel,  à  la  crainte, 
bien  qu'il  soit  vrai,  vénérable  frère,  que  vous  êtes  un  homme 
d'une  conduite  immorale,  un  homme  qui  souille  les  familles, 
de  telle  sorte  que  votre  conduite  immorale  et  la  honte  dont 
vous  avez  couvert  des  familles  sont  publiques  et  connues. 
Quittez  cette  localité,  ne  restez  plus  ici.  »  Quand  le  moine, 
ainsi  exhorté,  persiste  dans  sa  conduite,  etc.  [comme  plus 
haut  ^) 

1.  On  ne  s'explique  pas  bien  comment  un  religieux,  qui  s'est  rendu  cou- 
pable d'actes  d'immoralité  grossière  n'a  pas  commis  un  péché  mortel.  Les 
auteurs  du  Sutla-V.,  p.  179,  semblent  avoir  vu  la  difficulté,  et  racontent  dans 
une  fable  historique  la  conduite  scandaleuse  de  certains  religieux  «  éhontés  », 
mais  de  telle  façon  qu'on  ne  peut  pas  accuser  ces  «  éhontés  »  d'avoir  commis 
littéralement  le  premier  péché  mortel.  On  raconte  que,  dans  des  familles, 
ces  religieux  se  mettaient  sur  une  même  chaise  avec  des  femmes  mariées, 
des  jeune  filles  et  des  servantes;  qu'ils  s'étendaient  avec  elles  sur  le  même 


94  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Ainsi,  vénérables  seigneurs,  sont  épuisés  les  treize  actions 
qu'on  punit  d'exclusion  temporaire  de  la  communauté.  Dans 
les  neuf  premiers  cas,  la  punition  a  lieu  après  la  première 
transgression;  dans  les  quatre  derniers,  après  la  troisième 
transgression.  Si  un  religieux  se  sait  coupable  d'une  de  ces 
actions,  et  n'avoue  pas  sa  faute,  il  doit  subir  une  exclusion 
forcée  [parivâsa)  durant  autant  de  jours  qu'il  a  tenu  sa  faute 
cachée;  ces  jours  écoulés,  il  doit  se  soumettre  à  une  péni- 
tence [mânatta)  de  six  jours.  Après  avoir  accompli  cette  péni- 
tence, il  est  réhabilité  dans  un  chapitre  de  vingt  religieux. 
86  *  Même  s'il  n'en  manquait  qu'un  au  nombre  requis  de  vingt 
religieux,  le  moine  ne  peut  être  réhabilité  légalement,  et  les 
frères  [qui  prononceraient  la  réhabilitation  dans  une  assem- 
blée qui  ne  serait  pas  en  nombre]  devraient  être  blâmés. 
C'est  la  forme  qu'il  faut  observer  dans  le  cas  donné. 


5.  —  Cas  indéterminés. 

Maintenant,  vénérables  frères,  nous  traiterons  des  deux  cas 
indéterminés. 

1.  Quand  un  moine  s'isole  avec  une  femme,  en  secret,  et 
dans  un  endroit  caché,  qui  est  propre  à  ce  but,  et  est  vu 
ainsi  d'une  femme  laïque  digne  de  foi,  qui  l'accuse  soit  d'un 
péché  capital,  soit  d'une  action  punie  d'exclusion,  ou  bien 
d'une  action  à  la  suite  de  laquelle  il  faut  faire  pénitence, 
alors  ce  moine,  s'il  avoue,  doit  être  puni  pour  l'un  de  ces 
trois  délits  (d'après  sa  propre  confession)  ;  ou  (bien  dans  le 

lit,  sous  la  même  couverture  et  le  même  manteau,  mais  on  ne  dit  pas  en 
autant  de  termes  qu'ils  péchaient  contre  le  premier  commandement.  Tout 
cela  cependant  ne  suffit  pas  pour  obscurcir  le  sens  très  clair  de  Texpres- 
sion  «  souiller  les  familles  ».  On  est  bien  obligé  d'admettre  que  la  commu- 
nauté, d'après  les  circonstances,  mesurait  avec  deux  mesures.  Elle  s'est 
d'ailleurs  mise  à  découvert  elle-même,  en  mettant  dans  la  bouche  du  moine 
débauché  les  paroles  qu'on  lit  dans  le  texte  de  l'article.  —  Dans  C  et  M  les 
articles  12  et  13  sont  intervertis. 


LE  SANGHA  95 

cas  OÙ  il  n'avouerait  pas)  il  doit  être  condamné  d'après  la 
gravité  du  délit  (rangé  sous  l'une  des  trois  catégories  énu- 
mérées)  *  dont  la  femme  digne  de  foi  Fa  accusé  *.  Ceci  est  un  87 
cas  indéterminé. 

2.  Si  l'endroit  est  ouvert,  et  non  propre  au  but,  mais  tel 
qu'on  peut  y  parler  à  une  femme  en  termes  voluptueux,  et  si 
un  moine  se  met  à  un  tel  endroit,  seul  avec  une  femme,  et 
s'il  y  est  vu  par  une  femme  laïque  digne  de  foi,  qui  l'accuse 
d'une  action  qui  entraîne  ou  bien  l'exclusion  temporaire,  ou 
bien  une  pénitence,  alors  ce  moine,  s'il  avoue,  doit  être  con- 
damné pour  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux  actions  ;  ou  bien 
(s'il  n'avoue  pas),  il  doit  être  condamné  pour  (l'une  ou  l'autre) 
action  dont  la  femme  digne  de  foi  l'accuse.  Ceci  aussi  est  un 
cas  indéterminé. 

Les  deux  cas  indéterminés,  vénérables  frères,  sont  épuisés. 
Je  vous  demande  par  conséquent,  etc. 


6.  —  Actions  punies  de  confiscation. 

Maintenant,  vénérables  frères,  nous  allons  traiter  des 
trente  actions  punies  de  confiscation. 

4.  Quand  un  vêtement  vient  d'être  terminé  \  le  moine, 
quand  il  a  pris  Kathina,  ne  peut  garder  un  vêtement  superflu 
que  pendant  dix  jours  au  plus  ;  s'il  dépasse  ce  terme,  il  est 
puni  de  confiscation  ^ 


1.  C.  s'écarte  un  peu,  mais  le  contenu  de  Tarticle  y  est  tellement  confus, 
que  nous  devons  probablement  admettre  des  erreurs  de  traduction,  soit  en 
chinois,  soit  en  anglais. 

1.  Le  texte  porte  :  nitthitacîvarasmim,  tandis  que  nous  suivons  les  com- 
mentateurs, en  traduisant  comme  si  on  lisait  :  nitthite  cîvarasmim.  On  peut 
se  demander  si  Ton  a  le  droit  de  traduire  ainsi  ;  si  l'on  suit  l'habitude  d'ex- 
pression générale  aux  langues  de  l'Inde,  on  ne  peut  traduire  autrement  que  : 
«  Quant  un  Kathina,  où  un  vêtement  a  été  terminé,  a  été  pris  par  un 
moine.  » 

2.  Cet  article  est  la  modification  d'une  disposition  plus  ancienne  qui  con- 


96  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

2.  Quand  un  vêtement  est  terminé,  et  qu'un  moine  a  pris 
Kathina,  si  alors  le  moine  dépose  ses  trois  vêtements  d'uni- 
forme, ne  fût-ce  que  pour  une  nuit,  sauf  avec  la  permission 
du  chapitre,  il  est  puni  de  confiscation. 

3.  Quand  un  vêtement  est  terminé,  et  qu'un  moine  a  pris 
Kathina,  si  alors  ce  moine  reçoit  de  l'étoffe  pour  un  vêtement, 
en  dehors  de  l'époque  réglementaire,  il  peut,  s'il  le  veut, 
l'accepter,  et  s'en  faire  faire  immédiatement  un  vêtement  ; 
s'il  n'a  pas  reçu  assez  d'étoffe  (pour  un  vêtement  complet)  il 
peut  la  garder  pendant  un  mois  au  plus,  dans  l'espérance 
qu'on  complétera  ce  qui  manque;  s'il  garde  l'étoffe  plus  long- 
temps, même  dans  cette  espérance,  il  est  puni,  etc. 

4.  Si  un  moine  fait  laver,  teindre  ou  battre  un  vieux  vête- 
ment par  une  religieuse  qui  ne  lui  est  pas  apparentée,  il  est 
puni,  etc. 

88  *5.  Si  un  moine  reçoit  un  vêtement  des  mains  d'une  reli- 
gieuse qui  ne  lui  est  pas  apparentée,  à  moins  que  ce  ne  soit 
en  échange,  il  est  puni,  etc.  ^ 

6.  Si  un  moine  demande  un  vêtement  à  un  bourgeois  ou 
à  une  bourgeoise  qui  ne  lui  sont  pas  apparentés,  sauf  lors 
d'une  occasion  convenable,  il  est  puni  de  confiscation.  On 
doit  entendre  par  occasion  convenable  le  cas  où  il  aurait 
perdu  son  vêtement,  ou  qu'on  le  lui  aurait  volé. 

7.  Si  une  personne,  bourgeois  ou  bourgeoise,  qui  ne  lui 
est  pas  apparentée,  offre  à  un  moine  une  grande  quantité 
de  vêtements,  le  moine  n'en  peut  choisir  que  deux  pièces,  un 
vêtement  de  dessus  et  un  de  dessous^.  S'il  en  choisit  davan- 
tage, il  est  puni,  etc. 

8.  Si,  pour  venir  en  aide  à  un  moine,  une  personne,  bour- 


tient  simplement  ceci  :  «  Si  un   moine  porte  un  vêtement  superflu,   il  est 
puni  de  confiscation.  »  Sutta-V.  I,  p.  195. 

1.  Dans  C.  les  articles  4  et  5  sont  intervertis. 

2.  La  traduction  anglaise  de  C  donne  ici:  «  juste  ce  qu'il  faut  pour  compen- 
ser ce  qu'il  a  perdu,  »  mais  il  semble  qn'il  y  ait  là  une  erreur,  M  était 
d'accord  avec  la  rédaction  en  pâli. 


LE  SANGHA  97 

geois  OU  bourgeoise,  qui  n'est  est  pas  de  sa  parenté,  organise 
une  quête  dans  le  but  exprimé  d'acheter,  avec  l'argent  ainsi 
réuni,  un  vêtement  destiné  à  ce  moine,  et  si  alors  le  moine, 
sans  invitation  préalable,  va  voir  cette  personne,  et  fait 
connaître  de  quelle  façon  il  voudrait  que  le  vêtement  fût 
fait,  en  disant  :  «  Votre  Seigneurie  devrait  acheter,  avec 
l'argent  réuni,  tel  ou  tel  vêtement  à  mon  usage  »,  abusant 
ainsi  de  la  bienveillance  (d'autrui),  il  est  puni,  etc. 

9.  Si,  pour  venir  en  aide  à  un  moine,  deux  bourgeois  ou 
bourgeoises,  qui  ne  sont  pas  de  sa  parenté,  organisent  une 
quête,  chacun  de  son  côté,  dans  le  but  exprimé  d'acheter, 
chacun  de  son  côté,  avec  l'argent  que  chacun  a  réuni,  un 
vêtement  pour  ce  moine,  et  si  alors  ce  moine,  sans  invitation 
préalable,  va  voir  ces  personnes,  et  fait  connaître  de  quelle 
façon  il  voudrait  que  le  vêtement  fût  fait,  disant  :  «  Les 
Messieurs  (ou  les  Dames)  devraient,  en  mettant  ensemble 
l'argent  qu'ils  ont  réuni  chacun  de  son  côté,  acheter  tel  ou 
tel  vêtement  *,  afin  qu'ils  puissent  me  couvrir  ensemble  89 
d'un  seul  vêtement  \  »  abusant  ainsi  de  la  bienveillance 
(d'autrui),  il  est  puni,  etc. 

10.  Si,  pour  venir  en  aide  à  un  moine,  un  roi,  un  grand 
du  royaume,  un  brahmane  ou  un  bourgeois,  envoie,  par  un 
messager,  de  l'argent  pour  acheter  un  vêtement,  avec  l'ordre 
d'acheter,  avec  cet  argent,  un  vêtement  destiné  a  ce  moine, 
et  quand  le  messager,  arrivé  chez  le  moine,  dit  :  «  Révérend 
Père,  on  vous  apporte  ici  de  l'argent  pour  acheter  un  vête- 
ment; veuillez  l'accepter,  Révérend  Père  »,  alors  le 
moine  doit  dire  au  messager  :  «  Nous  n'acceptons  pas  cet 
argent,  mon  ami,  mais  nous  voulons  bien  accepter  un 
vêtement  au  moment  requis,  et  dans  une  forme  conve- 
nable. »  Si  le  messager  demande  au  moine  :  «  Révé- 
rend Père,  avez-vous  un  mandataire?   »  alors,  moines,   le 


1.  Sous-entendu  :  de  qualité  supérieure,  au  lieu  de  deux  vêtements  de  qua- 
lité ordinaire. 

Tome  II.  7 


98  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

moine,  s'il  a  besoin  d'un  vêtement,  doit  indiquer  un  manda- 
taire, soit  un  religieux,  soit  un  laïque,  en  disant  :  «  Cette 
personne,  mon  ami,  est  le  mandataire  des  religieux  ».  Si 
alors  le  messager,  ayant  mis  le  mandataire  au  courant  de 
l'affaire,  revient  chez  le  moine,  pour  lui  dire  :  «  Révérend 
Père,  le  mandataire  indiqué  par  vous  a  été  mis  par  moi  au 
courant;  veuillez,  Révérend  Père,  vous  adresser  à  lui;  au 
moment  requis,  il  vous  procurera  le  vêtement  »,  qu'alors, 
moines,  le  moine,  s'il  a  besoin  du  vêtement,  se  rende  chez 
le  mandataire,  et  l'avertisse  deux  ou  trois  fois,  de  cette 
manière:  «J'ai  besoin  d'un  vêtement,  mon  ami.  »  S'il  obtient 
le  vêtement  après  avoir  averti  deux  ou  trois  fois,  c'est  bien  ; 
sinon,  qu'il  avertisse  silencieusement,  quatre,  cinq,  six  fois, 
tout  au  plus  ;  s'il  obtient  ainsi  le  vêtement,  c'est  bien.  S'il 
ne  réussit  pas  encore  à  l'obtenir,  et  s'il  fait  de  nouvelles 
démarches  jusqu'à  ce  qu'il  l'obtienne,  il  est  puni  de  confisca- 
tion. S'il  n'obtient  pas  le  vêtement,  il  doit  s'adresser  en 
personne  à  l'homme  qui  a  donné  l'argent  pour  le  vêtement, 
ou  bien  envoyer  un  messager,  qui  dira  :  «  L'argent  que 
Votre  Seigneurie  a  envoyé,  afin  qu'on  achetât  un  vêtement 
pour  ce  moine,  ne  lui  a  été  d'aucune  utilité  ;  Votre  Seigneu- 
rie devra  prendre  garde  qu'elle  ne  perde  pas  cette  somme.  » 
Telle  est  la  forme  convenable  en  pareil  cas. 
90  *  11.  Quand  un  moine  se  fait  faire  une  couverture  en  y 
mêlant  de  la  soie,  il  est  puni,  etc. 

12.  Quand  un  moine  se  fait  faire  une  couverture  en  laine 
noire  unie,  il  est  puni,  etc. 

13.  Quand  un  moine  se  fait  faire  une  nouvelle  couverture, 
on  doit  prendre  une  moitié  de  laine  noire  unie,  un  quart  de 
laine  blanche  et  un  quart  de  laine  brune.  Si  le  moine  la 
fait  faire  autrement,  il  est  puni,  etc. 

14.  Une  nouvelle  couverture  qu'un  moine  s'est  fait  faire 
doit  lui  servir  pendant  six  ans.  Si,  pendant  ce  délai,  il  se  fait 
faire  une  nouvelle  couverture  sans  permission  du  chapitre, 
qu'il  se  soit  débarrassé  ou  non  de  l'ancienne,  il  est  puni,  etc. 


LE  SANGHA  99 

15.  Si  un  moine  se  fait  faire  une  carpette  pour  s'asseoir, 
il  doit  pour  l'enlaidir,  de'couper  dans  une  vieille  carpette  un 
morceau  grand  comme  un  carré  d'un  empan  de  mesure 
Sugata.  S'il  la  fait  faire  autrement,  il  est  puni,  etc. 

16.  Quand  un  moine,  pendant  qu'il  est  en  route,  reçoit 
en  aumône  de  la  laine,  il  peut,  s'il  veut,  l'accepter  et  la 
porter  lui-mêriie  pendant  2  yojanas  au  plus,  s'il  n'y  a  per- 
sonne autre  pour  la  porter.  S'il  porte  la  charge  plus  loin, 
même  dans  le  cas  oii  un  porteur  est  introuvable,  il  est 
puni,  etc. 

17.  Quand  un  moine  fait  laver,  teindre  ou  carder  de  la 
laine  par  une  religieuse  qui  ne  lui  est  pas  apparentée^  il  est 
puni,  etc. 

18.  Quand  un  moine  accepte  ou  fait  accepter  pour  lui  de 
l'or  ou  de  l'argent  ou  permet  qu'on  le  garde  pour  lui,  il 
est  puni,  etc. 

19.  Quand  un  moine  s'occupe,  d'une  façon  ou  d'une  autre, 
de  l'emploi  d'espèces  monnayées,  il  est  puni,  etc. 

20.  Quand  un  moine  s'occupe  du  commerce,  d'une  façon 
ou  d'une  autre,  il  est  puni,  etc. 

21.  Un  pot  à  aumônes  superflu  peut  être  gardé  pendant 
dix  jours  au  plus;  si  ce  terme  est  dépassé,  on  est  puni,  etc. 

22.  Si  un  moine,  quand  son  pot  à  aumônes  est  réparé  en 
moins  de  cinq  endroits,  s'en  procure  un  nouveau,  il  est  puni 

de  confiscation  *.  Il  doit  déposer  ce  pot  (nouveau)  dans  une  91 
réunion  des  moines,  et  on  lui  donnera  alors  le  pot  le  plus 
délabré  qui  se  trouve  dans  la  réunion^  en  disant  :  «  Ce  pot, 
frère,  vous  le  garderez  jusqu'à  ce  qu'il  se  casse.  »  Telle  est 
la  forme  convenable  dans  ce  cas. 

23.  Les  remèdes  que  des  moines  malades  peuvent  prendre, 
comme  àxxghee^  du  beurre,  de  l'huile,  du  miel,  et  du  sucre, 
peuvent  être  acceptés  et  gardés  pendant  une  semaine  au 
plus  ;  si  ce  délai  est  dépassé,  on  est  puni,  etc.  ^ 

1.  Cet  article  est  le  26°  dans  C,  le  30»  dans  M. 


100  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

24.  Un  mois  avant  la  fin  de  l'été,  un  moine  peut  chercher 
à  se  procurer  un  manteau  contre  la  pluie,  et  quinze  jours 
avant  cette  date  il  peut  le  mettre.  S'il  se  procure  un  manteau 
plus  d'un  mois  avant  cette  date,  et  s'il  commence  à  le  mettre 
plus  de  quinze  jours  auparavant,  il  est  puni,  etc.  ^ 

25.  Quand  un  moine,  après  avoir  donné  un  habit  à  un 
autre,  le  lui  ôte  plus  tard  ou  le  lui  fait  ôter,  par  colère  ou 
dépit,  il  est  puni,  etc. 

26.  Quand  un  moine  demande  pour  lui-même  du  fil  et  s'en 
fait  faire  un  vêtement  chez  un  tisserand,  il  est,  etc.  ^ 

27.  Si,  pour  venir  en  aide  à  un  moine,  un  bourgeois 
ou  une  bourgeoise,  qui  n'est  pas  de  sa  parenté,  fait  tisser 
un  vêtement  chez  le  tisserand,  et  si  alors  ce  moine,  sans 
invitation  préalable,  se  rend  chez  ce  tisserand,  et  lui  fait 
savoir  comment  il  voudrait  que  le  vêtement  fût  fait,  en 
disant  :  «  Mon  ami,  le  vêtement  que  vous  tissez  m'est  des- 
tiné; faites-le  long  et  large,  solide,  d'un  tissu  excellent,  orné 
d'une  belle  bordure,  élégamment  dessiné  et  travaillé,  alors 
nous  vous  donnerons  quelque  chose  comme  récompense 
spéciale  »  ;  si  le  moine,  après  avoir  ainsi  parlé,  donne  une 
récompense  spéciale,  ne  fût-ce  qu'un  seul  repas  reçu  en 
aumône;  il  est  puni,  etc.  *. 

92  *  28.  Quand  dix  jours  avant  la  pleine  lune  de  Kârttika,  un 
moine  reçoit  un  vêtement  auquel  il  ne  s'attendait  pas,  il  peut, 
s'il  veut,  l'accepter,  et  le  garder  jusqu'au  moment  de  la  dis- 
tribution (habituelle)  des  vêtements.  S'il  le  garde  plus  long- 
temps, il  est  puni,  etc.  ^ 

29.  Quand  le  moine,  à  la  fin  du  temps  de  retraite  qui  tombe 
le  jour  de  la  pleine  lune  de  Kârttika,  se  rend  dans  la  solitude, 
pour  aller  habiter  des  ermitages  dangereux  et  exposés  à 
des  périls,  il  peut,  s'il  le  veut,  laisser  à  la  maison  un  de  ses 

2.  Dans  C  article  27,  dans  M  28. 

3.  Article  23  dans  C  et  M. 

4.  Article  24  dans  C  et  M. 
1.  Dans  M  c'est  l'article  26. 


LE  SANGHA  101 

trois  vêtements,  et,  s'il  a  une  raison  valable,  s'en  séparer 
pour  six  jours  au  plus.  S'il  s'en  sépare  pendant  un  temps 
plus  long,  sans  l'autorisation  des  frères,  il  est  puni,  etc. 

30.  Quand  un  moine,  de  propos  délibéré,  s'approprie  un 
profit  destiné  à  l'Église,  il  est  puni,  etc. 

Ainsi,  vénérables  frères,  sont  épuisées  les  30  actions  qui 
entraînent  la  confiscation.  Je  vous  demande  donc,  etc. 


7.  —  Actions  pour  lesquelles  il  faut  faire  pénitence. 

Maintenant,  vénérables  frères,  nous  allons  traiter  des  92  ^ 
actions  pour  lesquelles  il  faut  faire  pénitence. 

i.  Quand,  de  propos  délibéré,  on  profère  un  mensonge,  il 
faut  faire  pénitence. 

2.  Quand  on  tient  des  propos  injurieux,  il  faut,  etc. 

3.  Quand  on  dit  du  mal  d'un  moine,  il  faut,  etc. 

4.  Quand  un  moine  lit  littéralement  à  une  personne  non 
consacrée  le  texte  de  la  loi,  il  faut,  etc.  ^. 

*  5.  Quand  un  moine  dort  pendant  plus  de  deux  ou  trois  93 
nuits  près  d'une  personne  non  consacrée,  il  faut,  etc. 

6.  Quand  un  moine  dort  près  d'une  personne  du  sexe 
féminin,  il  faut,  etc.  K 

7.  Quand  un  moine  adresse  une  allocution  longue  de  plus 
de  cinq  ou  six  phrases  en  s'adressant  à  une  personne  du  sexe 
féminin,  sauf  en  présence  d'un  homme  capable  de  comprendre 
ce  qui  se  dit,  il  faut,  etc.  ^. 

8.  Quand  un  moine  déclare  à  une  personne  non  consacrée 
qu'il  possède  des  facultés  surhumaines,  (même)  si  c'est  la 
vérité,  il  doit,  etc.  ^ 

2.  La  rédaction  chinoise  compte  90  articles  ;  dans  M,  il   y  en  a  94  {Mahâ- 
vyutpatti  261). 

3.  Cet  article  est  le  6"  dans  C,  le  8»  dans  M. 

1.  Art.  5  et  6  sont  5  et  4  dans  C,  54  et  65  dans  M. 

2.  Art.  7  et  9  sont  intervertis  dans  C  et  M, 

3.  Art.  6  dans  iVf. 


102  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

9.  Quand  un  moine  raconte  à  une  personne  non  consacrée 
un  péché  grave  d'un  des  frères,  il  doit,  etc. 

10.  Quand  un  moine  creuse  la  terre  ou  la  fait  creuser,  il 
doit,  etc.  \ 

11.  Celui  qui  endommage  une  plante  ou  une  créature 
quelle  qu'elle  soit,  doit,  etc. 

12.  Celui  qui  accuse  faussement  et  cause  du  chagrin, 
doit,  etc.  ^ 

13.  Celui  qui  excite  au  mécontentement  et  murmure, 
doit,  etc. 

14.  Si  un  moine  place  ou  fait  placer  en  plein  air  un  lit, 
une  chaise,  un  matelas  ou  un  coussin,  objets  qui  sont  la  pro- 
priété de  la  communauté,  et  si,  en  s'en  allant,  il  ne  les  enlève 
pas  ou  ne  les  fait  pas  enlever,  ou  s'éloigne  sans  saluer  per- 
sonne, il  doit,  etc. 

15.  Si  un  moine,  à  l'intérieur  de  la  maison  commune,  fait 
son  lit,  ou  le  fait  faire,  et  si,  en  s'en  allant,  il  ne  l'enlève  pas, 
ou  ne  le  fait  pas  enlever,  ou  s'éloigne  sans  saluer  personne, 
il  doit,  etc. 

16.  Si  un  moine,  à  l'intérieur  de  la  maison  commune,  fait 
son  lit,  après  avoir,  de  propos  délibéré,  délogé  un  autre,  qui 
occupait  la  même  place,  sans  autre  mobile  que  de  faire  partir 
celui  qu'il  gêne  ainsi,  il  doit,  etc. 

17.  Quand  un  moine,  par  colère  ou  dépit,  jette  ou  fait  jeter 
un  autre  hors  de  la  maison  commune,  il  doit,  etc. 

94  *  18.  Si  un  moine,  dans  une  chambrette  de  l'étage  supé- 
rieur de  la  maison  commune,  se  jette  impétueusement  sur 
un  lit  ou  une  chaise,  dont  les  pieds  ne  sont  pas  solides  (?)  ou 
permet  qu'un  autre  s'y  jette,  il  doit,  etc. 

19.  Un  moine,  qui  se  fait  bâtir  un  grand  couvent,  dans 
un  endroit  où  se  trouve  peu  de  bois  [de  construction],  peut 
en  faire  venir,  en  quantité   équivalente  à   deux    ou   trois 


4.  C'est  l'art  73  dans  M. 

5.  Les  articles  12  et  13  sont  intervertis  dans  C  et  M, 


LE  SANGHA  103 

charges  de  bois  de  charpentes,  assez  pour  les  encadrements 
de  la  porte,  la  barre  de  fermeture  et  les  fenêtres  ;  s'il  en  fait 
venir  davantage,  môme  dans  un  endroit  oii  il  y  a  peu  de  bois, 
il  doit,  etc.  K 

20.  Si  un  moine  arrose  ou  fait  arroser  de  l'herbe  ou  de  la 
terre  avec  de  l'eau  où  se  trouvent  des  animalcules,  il  doit,  etc. 

21.  Si  un  moine,  sans  permission,  adresse  une  allocution 
spirituelle  aux  religieuses,  il  doit,  etc. 

22.  Si  un  moine,  môme  avec  permission,  prononce  l'allo- 
cution après  le  coucher  du  soleil,  il  doit,  etc. 

23.  Quand  un  moine  se  rend  à  une  demeure  de  religieuses 
pour  leur  adresser  une  allocution  spirituelle,  à  moins  d'une 
occasion  exceptionnelle,  il  doit,  etc.  Par  «  occasion  excep- 
tionnelle, »  on  entend  dans  ce  cas  :  quand  une  religieuse 
est  malade  ^ 

24.  Quand  un  moine  soutient  que  c'est  dans  un  but  per- 
sonnel que  des  frères  adressent  des  allocutions  spirituelles 
aux  religieuses,  il  doit,  etc. 

25.  Quand  un  moine  donne  un  vêtement  à  une  religieuse 
qui  ne  lui  est  pas  apparentée,  sauf  en  cas  d'échange,  il  doit 
faire  pénitence. 

26.  Quand  un  moine  coud  un  vêtement  on  le  fait  coudre 
pour  une  religieuse  qui  ne  lui  est  pas  apparentée,  il  doit,  etc. 

*  27.  Quand  un  moine  fait  un  arrangement  avec  une  reli-  95 
gieuse,  pour  aller  avec  elle  le  môme  chemin,  ne  fût-ce  que 
jusqu'au  village  le    plus   voisin,   sauf  dans  une    occasion 

1.  Le  commentaire  historique  du  Sutta-V.  II,  p.  47,  revient  à  ceci  qu'un 
certain  moine  Channa  fit  couvrir  et  récrépir  plusieurs  fois  de  suite  un 
couvent  déjà  achevé  qu'on  avait  construit  pour  lui,  de  telle  façon  que  le 
bâtiment  perdit  l'équilibre  et  croula.  C  dit,  d'après  Beal  :  «  Quand  un  moine 
fait  ou  fait  faire,  pour  un  bâtiment  dépendant  d'un  grand  couvent,  une 
porte,  une  fenêtre  ou  des  ajustements  servant  d'ornementation,  il  peut 
employer  une  quantité  de  bois  taillé  équivalente  à  deux  ou  trois  charges  ; 
s'il  y  en  a  davantage,  il  doit,  etc.  ».  Les  articles  19  et  20  sont  intervertis 
dans  M. 

2.  Cet  article  manque  daps  C  et  M, 


104  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

exceptionnelle,  il  doit,  etc.  Par  occasion  exceptionnelle  on 
entend  dans  le  cas  donné  :  quand  le  chemin  ne  peut  être 
parcouru  qu'en  société,  à  cause  de  l'insécurité  et  du  danger 
universellement  connus. 

28.  Quand  un  moine  fait  un  arrangement  avec  une  reli- 
gieuse, pour  s'embarquer  avec  elle  dans  un  môme  bateau, 
pour  descendre  ou  remonter  une  rivière,  sauf  dans  le  cas  où 
ils  ne  feraient  que  la  traverser,  il  doit,  etc.  * . 

29.  Quand  un  moine  mange,  de  propos  délibéré,  des  mets 
qui  lui  ont  été  procurés  par  une  religieuse,  sauf  en  cas  d'in- 
tention expresse  du  généreux  donateur,  il  doit,  etc.  ^ 

30.  Quand  un  moine  s'assied  dans  la  solitude  à  côté  d'une 
religieuse,  il  doit,  etc.  ^. 

31.  Un  moine  qui  n'est  pas  malade,  peut  prendre  un  seul 
repas  dans  un  endroit  oîi  l'on  distribue  (journellement)  de 
la  nourriture  ;  s'il  en  prend  davantage,  il  doit,  etc. 

32.  Celui  qui  prend  part  à  un  repas  en  grande  compagnie, 
sauf  lors  d'une  occasion  convenable,  doit,  etc.  Par  occasion 
convenable  on  comprend  dans  le  cas  donné  :  lors  d'une 
maladie,  lors  de  la  distribution  et  de  la  confection  des  vête- 
ments, en  voyage,  à  bord  d'un  vaisseau,  lors  d'une  occasion 
exceptionnelle,  lors  d'un  repas  offert  aux  Çramanas  \ 

33.  Quand  on  assiste  à  plusieurs  repas,  l'un  après  l'autre, 
sauf  lors  d'une  occasion  convenable,  on  doit,  etc.  Par  «  occa- 

96  sion  convenable  >>  *  on  entend  dans  ce  cas  :  lors  d'une  mala- 
die, lors  de  la  distribution  et  de  la  confection  des  vêtements  ^ 

1.  Cet  article  est  le  27°  dans  M. 

2.  Cet  article  est  le  30*  dans  M. 

3.  Pour  ceci  M  a  deux  articles,  218  et  29,  qui  reviennent  au  même;  dans  C 
c'est  le  26«  article. 

4.  Dans  M  et  C  cet  article  est  le  36^  ;  chez  Beal,  ou  dans  le  texte  quïl  a 
suivi,  il  y  a  une  faute  :  il  dit  :  «  s'éloigner  d'un  repas  »,  au  lieu  de  «  prendre 
part  ».  L'article  suivant  de  P  répond  à  32  dans  C,  33  dans  M.  —  Le  repas 

,  offert  aux   Çramanas   {çramana-hhakta)   est    une   imitation   du   brâhmana- 
bhojana,  le  régal  offert  aux  brahmanes. 
1.  Dans  M.  cet  art.  est  le  31%  dans  C.  le  32-, 


LE  SANGHA  lOS 

34.  Quand  quelqu'un  régale  un  moine  qui  vient  chez  lui 
de  gâteaux  ou  de  gruau,  le  moine  peut,  s'il  le  veut,  accepter 
deux  ou  trois  assiettées  pleines  ;  s'il  en  accepte  davantage, 
il  doit,  etc.  Ces  deux  ou  trois  assiettées  pleines,  il  doit  les 
rapporter  chez  lui,  et  les  partager  avec  les  frères.  Telle  est  la 
forme  convenable  ^ 

35.  Quand  un  moine,  après  avoir  mangé,  accepte  de  la 
nourriture  cuite  ou  bouillie,  qui  ne  serait  pas  un  restant,  il 
doit,  etc. 

36.  Quand  un  moine  en  invite  un  autre,  qui  a  déjà  mangé, 
à  prendre  de  la  nourriture  cuite  ou  bouillie,  qui  ne  serait  pas 
un  restant,  en  disant  :  a  Viens,  frère,  mange  !  »  de  propos 
délibéré,  et  dans  un  but  quelconque,  il  doit,  etc. 

37.  Le  moine  qui  mange  en  dehors  des  heures  prescrites, 
doit,  etc. 

38.  Le  moine  qui  mange  des  mets  qu'il  a  gardés  (de  la 
veille)  doit,  etc. 

39.  Quand  un  moine,  qui  n'est  pas  malade,  demande  pour 
lui-même  des  friandises  comme  du  ghee^  du  beurre,  de 
l'huile,  du  miel,  du  sucre,  du  poisson,  de  la  viande,  du  lait, 
du  lait  caillé,  et  les  mange,  il  doit,  etc.  ^ 

40.  Quand  un  moine  introduit  dans  sa  bouche  en  guise  de 
nourriture  une  chose  qui  ne  lui  a  pas  été  donnée  en  aumône, 
sauf  de  l'eau  et  une  brosse  à  dents,  il  doit,  etc. 

41.  Le  moine  qui,  de  sa  propre  main,  procure  de  la  nour- 
riture cuite  ou  bouillie  à  un  gymnosophiste  (ou  moine  Jaina 
vivant  nu),  ou  à  un  moine  errant  (brahmanique),  ou  à  une 
religieuse  errante,  doit,  etc. 

42.  Si  un  moine  dit  à  un  autre  «  Viens  cher  frère,  allons 
au  village  ou  à  la  ville,  pour  mendier  notre  nourriture  »  ; 

et  si  alors,  *  qu'il  lui  ait  procuré  ou  non  l'occasion  de  recevoir  97 
quelque  chose  en  aumône,  il  le  renvoie,  sans  alléguer  d'autre 


2.  Art.  33-35  de  M=P  34-36. 

3.  Dans  C  et  M  les  art.  39  et  40  sont  intervertis . 


106  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

raison  que  celle-ci  :  «  Allez-vous-en,  cher  frère  ;  cela  ne  me 
plaît  pas,  de  causer  ou  de  m'asseoir  en  votre  compagnie;  il 
m'est  plus  agréable  de  causer  ou  de  m'asseoir  seul,  »  il 
doit,  etc.  \ 

43.  Quand  un  moine  prend  place  d'une  façon  indiscrète 
dans  une  maison  où  les  gens  sont  en  train  de  prendre  leur 
repas,  il  doit,  etc.  ^ 

44.  Quand  un  moine  s'assied  avec  une  femme  dans  la 
solitude,  dans  un  endroit  couvert,  il  doit,  etc.  ^ 

45.  Quand  un  moine  assiste  comme  invité  à  un  repas 
commun,  et,  sans  prendre  congé  d'un  des  frères  présents, 
se  met  à  aller  de  porte  en  porte,  avant  ou  après  l'heure  de 
midi,  sauf  lors  d'une  occasion  convenable,  il  doit,  etc.  On 
entend  par  occasion  convenable  dans  le  cas  donné  :  l'époque 
où  des  vêtements  sont  distribués  et  confectionnés  ^. 

47.  Un  moine,  qui  n'est  pas  malade,  peut  accepter  une 
invitation  à  dîner  pour  l'espace  de  quatre  mois  ;  s'il  dépasse 
ce  terme,  sauf  en  cas  d'une  invitation  renouvelée  ou  perpé- 
tuelle, il  doit,  etc.  ^ 


1.  Dans  C  art.  46  et  42  sont  intervertis  ;  42  manque  dans  M.  Selon  Sutta-V. 
II,  p.  93  la  cause  qui  fait  que  Tun  des  deux  moines  renvoie  l'autre,  est  que  le 
premier  voudrait  plaisanter,  folâtrer  et  faire  des  choses  indécentes  avec  une 
femme.  C'est  un  trait  caractéristique  de  la  chaste  imagination  de  ces  saints 
terrestres,  qu'ils  pensent  perpétuellement  à  des  femmes,  et  toujours  en  y 
associant  les  idées  les  plus  inconvenantes. 

2.  Dans  M  cet  article  est  divisé  en  deux,  47  et 43,  qui  reviennent  au  même. 
Nous  avons  déjà  parlé  de  l'interprétation  erronée  qu'on  a  donnée  de  cet 
article,  plus  haut,  p.  9. 

3.  On  dirait  que  cet  art.  eût  dû  rendre  superflu  l'art.  30.  Cela  aussi  est 
caractéristique . 

4.  Dans  M  art.  51,  dans  C  42. 

5.  Les  prescriptions  de  cet  article  se  contredisent.  C  est  encore  un  peu 
moins  clair;  par  prudence  nous  reproduisons  la  version  anglaise,  sans  la  tra- 
duire :  «  If  a  Bikshu  (1.  Bhikshu)  be  asked  to  receive  such  things  as  are 
allow^ed  during  time  of  sickness,  extending  over  a  period  of  four  months,  he 
may  accept  the  invitation  for  this  period,  even  though  he  be  at  the  time  in 
good  health,  but  if  he  exceeds  such  a  term,  except  there  be  a  perpétuai  invi- 
tation, or  a  new  invitation,  or  a  partial  invitation,  or  a  gênerai  invitation,  it 


LE  SANGHA  107 

48.  Quand  un  moine  va  regarder  une  armée  en  marche, 
sauf  pour  une  raison  valable,  il  doit,  etc. 

49.  Mais,  si  ce  moine  a  quelque  raison  pour  se  rendre  à 
l'armée,  *  il  peut  se  rendre  dans  le  camp  pendant  deux  ou  98 
trois  nuits  ;  s'il  reste  plus  longtemps,  il  doit,  etc. 

50.  Quand  un  moine  qui  passe  deux  ou  trois  nuits  dans  le 
camp,  va  regarder  la  marche  au  combat,  les  avant-postes,  la 
mise  en  ordre  de  bataille  ou  l'inspection  des  troupes,  il 
doit,  etc.  *. 

51.  Celui  qui  prend  des  boissons  fortes  ou  du  vin,  doit, 
etc.  ^ 

52.  Celui  qui  pousse  quelqu'un  du  doigt,  doit,  etc. 

53.  Celui  qui  fait  des  plaisanteries  dans  l'eau,  doit,  etc. 

54.  Celui  qui  se  conduit  d'une  façon  irrespectueuse, 
doit,  etc. 

55.  Quand  un  moine  veut  faire  peur  à  un  autre,  il 
doit,  etc. 

56.  Quand  un  moine,  sans  être  malade,  désirant  se  chauf- 
fer, fait  ou  fait  faire  du  feu,  sauf  pour  une  raison  valable,  il 
doit,  etc. 

57.  Quand  un  moine  se  baigne  plus  d'une  fois  dans  les 
quinze  jours,  sauf  en  dehors  du  temps  fixé,  il  doit,  etc.  Par 
le  temps  fixé,  on  entend,  dans  le  cas  donné,  les  deux  mois  et 
demi  de  chaleur,  c'est-à-dire  le  mois  et  demi  qui  précèdent 
la  fin  de  l'été,  et  le  premier  mois  de  la  saison  des  pluies,  puis 
quand  il  se  sent  échauffé,  quand  il  est  malade,  quand  il  a 
un  travail  à  exécuter,  en  voyage,  dans  une  averse. 

58.  En  recevant  un  vêtement  nouveau,  le  moine  doit  em- 
ployer un  des  trois  moyens  pour  l'enlaidir  :  de  l'indigo,  de 


is  pachittiyâ.  »  On  devrait  conclure  de  cet  article,  qu'un  moine,  même  en 
bonne  santé,  peut  manger  des  choses  qui  ne  sont  permises  qu'aux  malades, 
pourvu  qu'il  soit  invité  à  en  manger. 

1.  Articles  48-50  correspondent  à  45-47  dans  M  ;  chez  Beal,  49  manque  par 
hasard. 

2.  Article  79  dans  M. 


108  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

la  boue,   ou  de  la  suie.  S'il  met  un  vêtement  nouveau  sans 
l'avoir  préalablement  enlaidi,  il  doit,  etc. 

59.  Quand  un  moine,  après  avoir  lui-même  destiné  un 
vêtement  à  un  moine,  une  religieuse,  une  religieuse  postu- 
lante, un  novice-homme,  une  novice-femme,  en  fait  usage 
sans  avoir  révoqué  *  expressément  (son  intention),  il  doit,  etc. 
99  *  60.  Quand  un  moine  cache  ou  fait  cacher  le  pot  à 
aumônes,  le  vêtement,  la  carpette,  l'étui  à  aiguilles,  ou  la 
ceinture  d'un  autre  moine,  ne  fût-ce  que  par  manière  de 
plaisanterie,  il  doit,  etc.  *. 

61.  Le  moine  qui,  de  propos  délibéré,  tue  un  animal, 
doit  etc. 

62.  Le  moine  qui,  de  propos  délibéré,  emploie  de  l'eau  où 
sont  des  animalcules,  doit,  etc. 

63.  Le  moine  qui,  de  propos  délibéré,  agite  de  nouveau  une 
question  légalement  vidée,  doit,  etc. 

64.  Le  moine  qui,  de  propos  délibéré,  tient  cachée  une 
faute  grave  d'un  des  frères,  doit,  etc. 

65.  Le  moine  qui,  de  propos  délibéré,  consacre  comme 
religieux  un  individu  au-dessous  de  vingt  ans,  la  personne 
ainsi  consacré,  et  les  frères  qui  prennent  part  à  la  cérémonie, 
méritent  tous  d'être  blâmés  :  c'est  là  la  pénitence  à  appliquer 
dans  le  cas  donné. 

66.  Quand  un  moine,  sachant  à  qui  il  a  affaire,  fait  un 
arrangement  avec  une  bande  de  voleurs  pour  voyager  avec 
eux,  ne  fût-ce  que  jusqu'au  village  le  plus  prochain,  il 
doit,  etc. 

67.  Quand  un  moine  fait  un  arrangement  avec  une  femme 
et  voyage  avec  elle,  ne  fût-ce  que  jusqu'au  village  le  plus 
prochain,  il  doit,  etc. 

4.  Ou  :  sans  rétractation.  La  signification  indiquée  de  paccuddhâra  dans  le 
texte,  sanscr.  pratyuddhâra,  est  prouvée  par  le  rapprochement  avec  chanda- 
pratyuddhâra,  leçon  de  M.  pour  punakammâya  ukkoteyya  dans  art.  63. 

1.  Aux  articles  51-60  correspondent  dans  M  79,  63,  64,  78,  66,  52,  60,  58, 
68,  67;  dans  C  51,  53,  52,  54,  55,  57,  56,  60,  59,  68. 


LE  SANGHA  109 

68.  Quand  un  moine  parle  ainsi  :  «  Je  comprends  la  Loi, 
proclamée  par  le  Seigneur,  de  telle  façon,  que  les  actions 
que  le  Seigneur  a  qualifiées  d'empêchements  (pour  la  déli- 
vrance), ne  sont  pas  susceptibles  d'être  des  empêchements 
pour  celui  qui  les  commet  »  ;  alors  ce  moine  doit  être  ainsi 
admonesté  par  les  frères  :  «  Ne  dis  pas  cela,  vénérable  frère, 
ne  blasphème  pas  le  Seigneur  ;  il  n'est  pas  bon  de  blasphé- 
mer le  Seigneur.  En  effet,  le  Seigneur  ne  parlerait  pas  ainsi  ; 
plus  d'une  fois,  cher  frère,  le  Seigneur  a  déclaré  quels  sont 

les  empêchements,  et  ces  actions  *sont  bien  réellement  sus-  100 
ceptibles  d'être  des  empêchements  pour  celui  qui  les  com- 
met. »  Quand  le  moine,  ainsi  admonesté  par  les  frères,  per- 
siste, .etc.  [comme  dans  Vart.  10  du  titre  IV). 

69.  Quand  un  moine,  de  propos  délibéré,  mange,  demeure 
et  dort  en  compagnie  d'un  autre  moine,  qui  soutient  de 
telles  doctrines,  tandis  que  le  coupable  n'a  pas  montré  de 
repentir,  ni  rétracté  ses  opinions,  il  doit,  etc. 

70.  De  même,  quand  un  moine-postulant  parle  ainsi  {etc., 
comme  art.  68).  Et  quand  ce  moine-postulant,  ainsi  répri- 
mandé, persiste  dans  ses  opinions,*  ceux-ci  doivent  lui  dire  : 
«  A  l'avenir,  monsieur  le  postulant,  vous  ne  devez  plus  sou- 
tenir que  le  Seigneur  est  votre  Maître  ;  vous  perdez  égale- 
ment le  privilège,  que  possèdent  les  autres  moines  postu- 
lants, de  dormir  pendant  deux  ou  trois  nuits  chez  les  frères  ; 
allez  vous  en,  et  puis,  disparaissez  *.  »  Le  religieux  qui,  de 
propos  délibéré,  parle  à  quelqu'un  qui  a  été  chassé  de  la 
sorte,  ou  le  reçoit  comme  disciple,  ou  bien  mange  ou  dort 
avec  lui,  doit,  etc.  ^ 

71.  Quand  un  frère,  invité  par  les  frères  à  accomplir  les 
devoirs  religieux  de  la  communauté,  parle  ainsi  :  «  Je  ne 

m 

1.  Au  fond^  il  y  a  dans  le  texte  une  expression  qui  correspond  à  notre 
«  crève  ».  Vinassa,  sanscr.  vinaçya,  est  évidemment  un  impératif,  et  non 
un  participe,  comme  le  semblent  croire  les  traducteurs. 

2.  Art.  6i-70  =  61,  41,  53,  65,  72,  71,  65,  83,  56,  57  dans  M;  61,  62,  64,  —  ?, 
65,  63,  66,  68,  69,  70  dans  C. 


no  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

puis  accepter  cet  article  du  règlement,  tant  que  je  n'aurai 
pas  consulté  un  autre  moine  habile,  profondément  versé  dans 
la  Discipline  »,  il  doit,  etc.  Un  moine  qui  pratique,  moines, 
doit  apprendre,  se  renseigner,  demander  des  explications. 
Telle  est,  dans  le  cas  donné,  la  forme  convenable. 

72.  Quand  un  moine,  lors  de  la  récitation  du  Prâtimoksha, 
parie  ainsi  :  «  A  quoi  bon  la  récitation  de  pareils  détails  de 
discipline,  secondaires  et  très  secondaires,  qui  ne  font  que 
causer  une  impression  désagréable,  que  gêner,  que  vexer?  », 

iOl  *  c'est   un  outrage   fait   aux  règles  de  la  discipline,  et  il 
doit,  etc. 

73.  Quand  un  moine,  lors  delà  récitation  semi-mensuelle 
du  Prâtimoksha,  parle  ainsi  :  «  Je  sais  déjà  d'avance  quel 
article  du  règlement  on  va  réciter  »,  et  quand  les  autres 
remarquent  que,  pendant  la  récitation  du  règlement  il  s'est 
déjà  assis  deux  ou  trois  fois,  ou  même  plus  souvent  \  et  que 
par  conséquent  il  persiste  dans  sa  conduite  inintelligente,  on 
doit  le  condamner  d'après  la  loi,  comme  coupable  de  la  trans- 
gression qu'il  a  commise  dans  le  cas  donné,  et  on  doit  en 
outre  déclarer  qu'il  est  un  sot,  en  ces  termes  :  «  Vous  n'y 
gagnez  rien,  vénérable  seigneur;  ce  sera  à  votre  détriment, 
si,  pendant  la  récitation  du  Prâtimoksha,  vous  n'écoutez  pas 
avec  l'attention  convenable  ».  C'est  là  le  châtiment  d'une 
sotte  conduite. 

74.  Quand  un  moine,  par  colère  et  par  dépit,  donne  à  un 
autre  un  coup,  il  doit,  etc. 

75.  Quand  un  moine,  par  colère  et  par  dépit,  lève  contre 
un  autre  le  poing  fermé,  en  manière  de  menace,  il  doit,  etc. 

76.  Quand  un  moine,  sans  fondement,  accuse  un  autre 

1.  On  s'attendrait  à  ce  que  le  texte  portât  :  «  qu'il  a  déjà  dit  deux  ou  trois 
fois  la  même  chose  »>,  mais  le  terme  employé  {nisinnapubbam)Tie  permet  pas 
cette  traduction.  La  version  anglaise  de  C  ne  donne  aucune  lumière,  étant 
du  pur  galimatias.  L'article  manque  dans  Af,  peut-être  parce  qu'il  était 
inintelligible . 


•    LE  SANGHA  111 

d'une  action  qui  a  pour  conséquence  l'exclusion  de  la  com- 
munauté, il  doit,  etc. 

77.  Quand  un  moine  met  un  autre  moine  dans  un  état 
d'âme  désagréable,  sans  autre  but  que  de  lui  faire  passer 
quelques  mauvais  moments,  il  doit,  etc. 

78.  Quand  un  moine  écoute  en  cachette  des  frères  qui  se 
disputent,  qui  se  querellent  et  qui  s'injurient,  dans  le  seul 
but  d'écouter  ce  qu'ils  disent,  il  doit,  etc. 

79.  Quand  un  moine,  après  avoir  d'abord  émis  un  vote 
favorable  pour  une  décision  légale,  *  murmure  plus  tard,  il  402 
doit,  etc. 

80.  Quand  un  moine,  pendant  que  le  chapitre  délibère  sur 
la  décision  à  prendre  dans  une  affaire,  sans  émettre  son  vote, 
se  lève  de  sa  place  et  s'en  va,  iFdoit,  etc.  \ 

81.  Quand  un  moine,  après  qu'une  réunion  plénière  a, 
d'un  vote  unanime,  accordé  un  habit  à  quelqu'un,  se  met  plus 
tard  à  murmurer,  et  dit  :  «  Les  membres  du  chapitre  donnent 
aux  profits  accordés  au  clergé  une  destination  selon  la 
faveur  personnelle  dont  une  personne  jouit  auprès  d'eux  », 
il  doit,  etc. 

82.  Le  moine,  qui,  de  propos  délibéré,  destine  à  une  per- 
sonne particulière  un  profit  appartenant  au  clergé,  doit,  etc.  ^ 

83.  Le  moine  qui  franchit  le  seuil  de  pierre  ^  d'un  roi, 
d'une  tête  couronnée,  au  moment  oià  le  roi  n'est  pas  encore 
sorti,  et  où  les  insignes  royaux  n'ont  pas  encore  été  apportés 
dehors,  sans  expérience  (?)  antérieure,  doit,  etc.  *. 

1.  Art.  71-80  correspondent  à  75, 10,  —,  48,  49,  69,  62,  76,  63,  77  de  M;  à  1i, 
72,  73,  78,  79,  80,  —,  77,  76,  75  de  C. 

2.  Art.  8t  est  le  74^  de  C  ;  82  manque  ;  les  deux  articles  manquent  dans  M. 

3.  Littéralement  un  terme  ou  une  barre  de  fermeture  en  pierre. 

4.  Dans  cette  traduction  il  y  a  plusieurs  détails  doutelhc.  D'après  Texpli- 
cation  de  Sutta-V.  II,  p.  157,  l'article  contient  une  défense  faite  à  un  moine, 
de  franchir  le  seuil  de  la  chambre  à  coucher  du  roi,  tant  que  le  prince  est  au 
lit  avec  sa  femme.  Ceci  est  inadmissible,  d'abord  parce  que  les  mots  du  texte 
ne  permettent  pas  cette  interprétation,  ensuite  parce  que  c'est  absurde.  Pro- 
bablement on  veut  dire  qu'un  moine  ne  doit  se  présenter  au  palais  qu'au 


112  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

84.  Quand  un  moine  ramasse  ou  fait  ramasser  nn  bijou  ou 
quelque  autre  objet  précieux,  à  moins  que  ce  ne  soit  dans  la 
cour  du  couvent  ou  à  l'intérieur  de  la  maison  commune,  il 
doit,  etc.  S'il  ramasse  ou  fait  ramasser  un  bijou  ou  quelque 
autre  objet  précieux  dans  la  cour  du  couvent  ou  à  l'intérieur 
de  la  maison  commune,  il  doit  le  garder,  afin  que  le  proprié- 
taire puisse  venir  le  reprendre.  Telle  est,  dans  le  cas  donné, 
la  forme  convenable. 
103  *  85.  Le  moine  qui,  sans  saluer  un  frère  présent,  se  rend  au 
village  à  une  heure  indue,  sauf  pour  une  raison  absolument 
nécessaire,  doit,  etc. 

86.  Quand  un  moine  se  fait  faire  un  étui  à  aiguilles,  en 
os,  en  ivoire  ou  en  corne,  on  casse  l'étui  en  guise  de  punition. 

87.  Quand  un  moine  se  fait  faire  un  lit  de  repos  neuf  ou 
une  chaise  neuve,  les  pieds  doivent  avoir  une  hauteur  de 
huit  pouces  de  mesure  Sugata,  sans  tenir  compte  de  la  ter- 
minaison pointue  en  bas.  Quand  cette  longueur  est  dépas- 
sée, on  coupe  un  morceau,  en  guise  de  punition. 

88.  Quand  un  moine  fait  bourrer  de  duvet,  de  coton  un  lit 
de  repos  ou  une  chaise,  on  arrache  le  duvet  en  guise  de  puni- 
tion. 

89.  Une  carpette  qu'un  moine  se  fait  faire,  doit  avoir  la 
mesure  prescrite.  Les  mesures  sont  :  en  longueur,  2  empans 
de  mesure-Sugata  ;  en  largeur  1  empan  et  demi  ;  le  rebord, 
1  empan.  Si  la  carpette  est  trop  grande,  on  en  coupe  un 
morceau. 

90.  Un  vêtement  pour  couvrir  une  maladie  de  la  peau, 
qu'un  moine  se  fait  faire,  doit  avoir  la  mesure  prescrite.  Les 

moment  où  le  roi  donne  audience  publique  au  parvis.  Nous  suivons  la  leçon 
anîhataratanake ;  pour  le  sens  de  niharati^  comp.  Culla-V.  8,  1.  Dans  la 
forme  la  plus  ancienne,  l'art,  ne  contenait  probablement  qu'une  défense 
faite  aux  ascètes  de  se  présenter  à  une  cour  luxueuse  quand  ce  n'est  pas 
absolument  nécessaire.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  tous  les  mots  placés 
dans  le  texte  entre  muddhâvasittassa  et  indakhîlam  sont  interpolés,  car,  c'est 
contraire  à  l'usage  constamment  observé  en  prose,  de  séparer  ainsi  le  mot 
régi  du  mot  régissant. 


LE  SANGHA  113 

dimensions  sont  :  longueur,  4  empans  de  mesure-Sugata  ; 
largeur,  2  empans.  Si  le  vêtement  est  fait  plus  grand  que  ces 
dimensions,  il  faut  en  couper  un  morceau,  en  guise  de 
punition. 

91.  Un  manteau  contre  la  pluie  qu'un  moine  se  fait  faire, 
doit  avoir  la  mesure  prescrite.  Les  dimensions  sont  :  lon- 
gueur, 6  empans  de  mesure-Sugata;  largeur,  2  empans  et 
demi  de  mesure-Sugata  *.  Si  le  manteau  est  fait  plus  grand 
que  ces  dimensions,  on  en  coupe  un  morceau,  en  guise  de 
punition. 

92.  Quand  un  moine  se  fait  faire  un  vêtement  qui  a  les 
mêmes  dimensions  que  le  vêtement  d'un  Sugata,  ou  des 
dimensions  plus  grandes,  on  en  coupe  un  morceau,  en  guise 
de  punition.  Les  dimensions  du  manteau  de  prophète  d'un 
Sugata  sont  :  longueur,  9  empans  de  mesure  Sugata  ;  lar- 
geur, 6  empans  ^ 

*  Ainsi,  vénérables  frères,  sont  énumérées  les  92  actions  104 
pour  lesquelles  il  faut  faire  pénitence.  Je  vous  demande,  etc. 


8.  —  Actions  qu'il  faut  confesser. 

Maintenant,  vénérables  frères,  on  va  traiter  des  quatre 
actions  qu'il  faut  confesser. 

1 .  Quand  un  moine  accepte  personnellement,  de  la  main 
d'une  religieuse,  qui  ne  lui  est  pas  apparentée,  et  qui  vient 
d'entrer,  de  la  nourriture  cuite  ou  bouillie,  et  la  mange,  il 
doit  confesser  sa  faute,  en  disant  :  «  Vénérables  frères,  j'ai 
commis  une  action  blâmable,  inconvenante,  qui  doit  être 
confessée;  je  reconnais  ma  faute.  » 


1.  Si  Tempan  de  mesure-Sugata  =  4  1/2  pieds  de  mesure  anglaise,  ou  bien 
7  pieds,  comme  disent  les  Singhalais  (voir  plus  haut  p.  47),  un  manteau  contre 
la  pluie  aurait  une  longueur  de  27  ou  de  36  pieds.  Inutile  d'insister. 

2.  Art.  85-92  =  82,  59,  80,  84,  85,  86,  87,  89,  88,  90  dans  M;  81,  82,  83,  86, 
84,  85,  87,  88,  89,  90  dans  C. 

Tome  II.  8 


114  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

2.  Quand  des  moines  sont  invités  à  dîner  chez  une  famille 
et  qu'il  se  trouve  là  une  religieuse  qui  prend  des  airs  comme 
si  elle  avait  des  ordres  à  donner,  en  criant  :  «  Donnez  par-ici 
de  la  soupe  ;  donnez  par-là  du  riz,  »  les  moines  doivent 
chasser  cette  religieuse,  en  disant  :  «  Eloignez-vous,  sœur, 
jusqu'à  ce  que  les  frères  aient  fini  de  manger.  »  Si  aucun 
des  moines  présents  n'a  pris  la  parole  pour  chasser  cette 
religieuse,  tous  doivent  avouer  leur  faute,  en  disant  :  «  Véné- 
rables frères,  nous  avons  commis  une  action  blâmable, 
inconvenante,  qui  doit  être  confessée  ;  nous  reconnaissons 
notre  faute.  » 

3.  Quand  un  moine,  se  trouvant  dans  une  famille  bien 
élevée,  accepte  de  sa  propre  main  et  mange  de  la  nourriture 
cuite  ou  bouillie,  sans  invitation  préalable  et  sans  être 
malade,  il  doit,  etc. 

4.  Quand  un  moine  qui  habite,  dans  le  désert,  un  ermitage 
peu  sûr  et  dangereux,  accepte  de  sa  propre  main  et  mange 
de  la  nourriture  cuite  ou  bouillie  dont  il  n'a  eu  aucune 
expérience  antérieure,  quand  il  n'est  pas  malade,  il  doit,  etc. 

Ainsi  sont  énumérées,  vénérables  frères,  les  4  actions  qui 
doivent  être  confessées.  Je  vous  demande  donc,  etc. 


9.  —  Ce  qui  se  rapporte  a  une  bonne  éducation. 

405  *  Maintenant,  vénérables  frères,  on  va  traiter  des  actions  * 
qui  ont  rapport  à  une  bonne  éducation. 

Il  faut  considérer  ceci  comme  une  règle  de  bonne  éduca- 
tion ^  : 

1 .  Avoir  bien  soin  que  le  vêtement  de  dessous  soit  de  tout 
côté  mis  proprement. 

1.  Le  nombre  des  art.  n'est  pas  indiqué:  il  est  de  75  dans  P,  100  dans  C, 
107  dans  M. 

2.  On  répète  ces  mots  pour  chaque  article  ;  pour  abréger,  nous  les  laissons 
de  côté  dans  la  suite. 


LE  SANGHA  115 

2.  Avoir  bien  soin  que  les  vêtements  de  dessus  soient 
partout  mis  proprement. 

3.  Entrer  dans  une  maison  bien  habillé. 

4.  S'asseoir  dans  une  maison  bien  habillé. 

5.  Entrer  dans  une  maison  avec  précaution  ^ 

6.  S'asseoir  dans  une  maison  avec  précaution. 

7.  Entrer  dans  une  maison  le  regard  baissé. 

8.  S'asseoir  dans  une  maison  le  regard  baissé  *. 

9.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  le  regard  (fièrement) 
dirigé  en  haut. 

10.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  le  regard  (fièrement) 
dirigé  vers  le  haut  ". 

11.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  en  riant  à  gorge 
déployée. 

12.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  en  riant  à  gorge 
déployée  ^ 

13.  Entrer  dans  une  maison  en  faisant  peu  de  bruit. 

*  14.  S'asseoir  dans  une  maison  en  faisant  peu  de  bruit.         106 

15.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  en  balançant  le  corps. 

16.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  en  balançant  le  corps. 

17.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  en  balançant  les  bras. 

3.  Ou  :  bien  couvert  (de  manière  à  ne  découvrir  aucune  partie  du  corps  qui 
doit  rester  couverte).  Beal  a  :  «  Not  to  enter  a  layman's  house  with  the  robes 
gathered  round  the  neck  »  ;  ce  galimatias  veut  probablement  dire  :  que  le 
corps  doit  être  couvert  jusqu'au  cou. 

4.  Articles  7  et  8  de  C  =r  23  et  24  de  P. 

5.  Beal  traduit  ces  deux  articles  :  «  Not  to  enter  a  layman's  house  in  a 
bouncing  raanner.  Not  to  sit  down  in  a  layman's  house  in  the  same  manner.  » 
On  ne  voit  pas  bien  comment  on  peut  s'asseoir  «  in  a  bouncing  manner.  »  On 
peut  supposer  que  le  traducteur  chinois  n'a  pas  compris  qu'utkshipta  signifie 
«  lancé  en  haut,  dirigé  vers  le  haut  »,  ou  bien  que  le  traducteur  anglais  n'a 
pas  rendu  le  sens  de  C.  C  peut  aussi  avoir  voulu  rendre  anatikshiptakena, 
correspondant  à  anatikshiptacakshus  de  Lalit.  F.,  II,  p.  186.  L'auteur  de 
Sutta-V.,  II,  p.  186,  doit  avoir  eu  sous  les  yeux  un  passage  identique,  ou  à 
peu  près,  ce  qui  ne  l'a  pas  empoché  de  se  méprendre,  lui  aussi,  sur  le  sens 
d'ukkhitiakâya. 

6.  Articles  24  et  25  de  C.  Les  articles  13-20  correspondent  aux  articles  22, 
23,  14-17,  20,  21,  de  C. 


116  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

18.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  en  balançant  les  bras. 

19.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  en  balançant  la  tête. 

20.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  en  balançant  la  tôte. 

21.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  les  mains  placées  sur 
les  côtes  *. 

22.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  les  mains  placées 
sur  les  côtes. 

23.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  voilé. 

24.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  voilé. 

25.  Ne  pas  entrer  dans  une  maison  accroupi. 

26.  Ne  pas  s'asseoir  dans  une  maison  en  croisant  les 
jambes  (ou  les  bras). 

27.  Accepter  la  nourriture  donnée  avec  une  estime  recon- 
naissante. 

28.  Accepter  la  nourriture  donnée  en  ayant  conscience  (des 
dimensions)  du  pot  à  aumônes. 

29.  Accepter  la  nourriture  donnée  avec  juste  autant  de 
sauce  qu'il  faut  (et  non  davantage). 

30.  Accepter  la  nourriture  donnée  de  manière  qu'elle  aille 
juste  jusqu'au  rebord  du  pot  (sans  le  dépasser)  ^ 

31.  Manger  la  nourriture  donnée  avec  une  estime  recon- 
naissante. 

32.  Manger  la  nourriture  donnée  en  ayant  conscience  (des 
dimensions)  du  pot  à  aumônes. 

33.  Manger  la  nourriture  donnée  telle  qu'elle  se  trouve 
(régulièrement). 

34.  Manger  la  nourriture  donnée  avec  juste  autant  de 
sauce  qu'il  faut. 

35.  Manger  la  nourriture  donnée  sans  enlever  d'abord 
quelque  chose  du  tas  (du  milieu). 

1.  Cette  traduction  n'est  pas  certaine,  et  ne  repose  que  sur  l'autorité  des 
commentateurs.  Étymologiquement,  l'expression  employée  dans  le  texte  na- 
kkhamhhakato  peut  signifier  difiBcilement  autre  chose  que  :  «  non  pas  raide 
comme  un  pieu.  » 

2.  Les  articles  21-30  sont  dans  C  :  21,  22,  7,  8,  ~,  —,  26,  27,  28,  — . 


LE  SANGHA  117 

36.  Ne  pas  cacher  sous  le  riz,  la  sauce  ou  les  épices,  dans 
l'espoir  d'en  obtenir  davantage. 

*  37.  Ne  pas  demander  pour  soi-même  de  la  sauce  ou  du  107 
riz,  ni  les  manger,  à  moins  qu'on  ne  soit  malade. 

38.  Ne  pas  regarder  avec  envie  le  pot  d'autrui. 

39.  Ne  pas  prendre  des  bouchées  trop  grandes. 

40.  Façonner  chaque  bouchée  de  riz  avec  les  doigts,  de 
manière  à  en  faire  une  petite  boule  *. 

41.  Ne  pas  ouvrir  la  bouche  avant  d'avoir  avalé  la  bouchée 
précédente. 

42 .  Ne  pas  mettre  toute  la  main  dans  la  bouche  en  mangeant. 

43.  Ne  pas  parler  avec  la  bouche  pleine. 

44.  Ne  pas  manger  de  manière  à  jeter  les  bouchées  dans 
la  bouche. 

45.  Manger  chaque  bouchée  de  suite,  sans  s'arrêter. 

46.  Ne  pas  manger  de  manière  à  ce  que  la  bouchée  fasse 
saillie  derrière  les  mâchoires. 

47.  Ne  pas  secouer  les  mains  en  mangeant. 

48.  Ne  pas  laisser  tomber  le  riz  en  mangeant. 

49.  Ne  pas  tirer  la  langue  en  mangeant. 

50.  Ne  pas  claquer  des  lèvres  en  mangeant. 

51.  Ne  pas  lapper  en  mangeant. 

52.  Ne  pas  lécher  les  doigts  en  mangeant. 

53.  Ne  pas  lécher  l'assiette  en  mangeant. 

54.  Ne  pas  lécher  les  lèvres  en  mangeant. 

55.  Ne  pas  prendre  d'une  main  sale  la  cruche  à  eau. 

56.  Ne  pas  verser  à  l'intérieur  de  la  maison  l'eau  mêlée  de 
riz  dans  laquelle  on  vient  de  laver  l'assiette  ^ 

57.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  tient  un 
parasol  à  la  main,  à  moins  qu'il  ne  soit  malade. 

1.  Articles  33-39  correspondent  aux  articles  30,  29,  31,  33,  32,  34,  36  de 
C;  les  articles  31,  32,  40  manquent  ou  ne  sont  pas  nettement  reconnaissable» 
dans  la  version  de  Beal. 

2.  Articles  41-56  =  dans  C.  39,  -,  38,  37,  —,  —,  45,  46,  44,  42,  43,  —,  — 
—,  47,  48.  Articles  49-51  de  C.  =  74,  75,  73  de  P.  * 


118  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

58.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  tient  un 
bâton  à  la  main,  à  moins,  etc. 
408      *  59.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à,  un  homme  qui  tient  un 
couteau  à  la  main,  à  moins,  etc. 

60.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  tient  une 
arme  à  la  main,  à  moins,  etc. 

61.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  chaussé  de 
pantoufles,  à  moins,  etc. 

62.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  chaussé  de 
sandales,  à  moins,  etc. 

63.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  assis  sur  un 
char  (ou  sur  un  animal  servant  de  monture),  à  moins,  etc. 

64.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  couché  dans 
son  lit,  à  moins,  etc. 

65.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  assis  les 
jambes  croisées  (ou  :  les  bras  croisés),  à  moins,  etc. 

66.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  a  la  tête 
ceinte  d'un  turban,  à  moins,  etc. 

67.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  a  la  tête 
voilée,  à  moins,  etc. 

68.  Ne  pas  adresser,  étant  assis  sur  le  sol,  un  sermon  à 
un  homme  qui  est  assis  sur  une  chaise,  à  moins,  etc. 

69.  Ne  pas  adresser,  étant  assis  sur  une  chaise  basse,  un 
sermon  à  un  homme  qui  est  assis  sur  une  chaise  plus  haute, 
à  moins,  etc. 

70.  Ne  pas  adresser  debout  un  sermon  à  un  homme  qui 
est  assis,  à  moins,  etc. 

71.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  à  la  suite 
duquel  on  marche,  à  moins,  etc. 

72.  Ne  pas  adresser  un  sermon  à  un  homme  qui  est  sur  la 
grande  route,  quand  on  marche  soi-même  dans  un  sentier 
de  côté  (et  :  inégal),  à  moins,  etc.  *. 

1.  Aux  art.  57-72  correspondent  dans  C  les  art.  100,  96,  97,  99,  57-59,  87,  -, 
54,  55,  88,  89,86,  90,  91. 


LE  SANGHA  119 

73.  Ne  pas  faire  ses  besoins  ou  faire  de  l'eau  debout,  à 
moins  qu'on  ne  soit  malade. 

74.  Ne  pas  faire  ses  besoins  ou  faire  de  l'eau  ou  cracher 
sur  la  verdure,  à  moins  qu'on  ne  soit  malade. 

75.  Ne  pas  faire  ses  besoins  dans  l'eau,  ou  faire  de  l'eau 
ou  cracher  dans  l'eau,  à  moins  qu'on  ne  soit  malade. 

*  Ainsi,  vénérables  frères,  sont  énumérées  les  actions  qui  109 
ont  rapport  à  une  bonne  éducation.  Je  vous  demande  donc,  etc. 

La  rédaction  chinoise  de  ce  titre  compte,  comme  nous 
l'avons  dit,  cent  articles.  Cette  plus  grande  étendue  n'est  pas 
due  à  une  plus  grande  richesse  de  prescriptions  relatives  à 
l'habillement,  à  la  nourriture,  etc.,  mais  à  l'adjonction  d'une 
série  d'articles  (n°'  60-85)  tous  relatifs  au  décorum  qu'il  faut 
observer  à  l'égard  des  lieux  consacrés.  Nous  faisons  suivre 
ici  ces  prescriptions  pour  ne  rien  omettre. 

60.  Ne  pas  demeurer  à  l'intérieur  d'un  temple,  à  moins 
•  que  ce  ne  soit  pour  le  surveiller. 

ôl.lVe  pas  garder  des  objets  précieux  ou  des  espèces  mon- 
nayées dans  un  temple,  à  moins  que  ce  ne  soit  pour  les 
surveiller. 

62.  Ne  pas  entrer  dans  un  temple  avec  des  souliers  de 
cuir  aux  pieds. 

63.  Ne  pas  entrer  dans  un  temple  en  tenant  à  la  main  des 
souliers  de  cuir. 

64.  Ne  pas  faire  le  tour  d'un  temple  avec  des  souliers  de 
cuir  aux  pieds.  , 

65.  Ne  pas  entrer  dans  un  temple  avec  des  bottes  aux 
pieds. 

66.  Ne  pas  entrer  dans  un  temple  en  tenant  des  bottes  à 
la  main. 

67.  Ne  pas  manger  ni  salir  le  sol  sous  un  temple. 

68.  Ne  pas  aller  le  long  d'un  temple  avec  une  bière  por- 
tant un  cadavre  ou  avec  un  cercueil. 

69.  Ne  pas  déposer  une  bière  portant  un  cadavre  ou  un 
cercueil  au  pied  d'un  temple. 


120  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  TINDE 

70.  Ne  pas  brûler  un  cadavre  sous  un  temple. 

71.  Ne  pas  brûler  un  cadavre  devant  un  temple. 

72.  Ne  pas  porter  un  cadavre  autour  d'un  temple,  ni  le 
brûler  devant  l'une  des  quatre  façades  de  l'édifice,  de  manière 
que  l'odeur  puisse  y  pénétrer. 

73.  N'admettre  les  vêtements  ou  le  lit  d'un  mort  sous  un 
temple,  qu'après  les  avoir  préalablement  purifiés  et  encensés 
d'une  manière  convenable. 

74.  Ne  pas  faire  ses  besoins  au  pied  d'un  temple. 

75.  Ne  pas  faire  ses  besoins  en  tournant  le  visage  vers  un 
temple. 

76.  Ne  pas  faire  ses  besoins  devant  l'une  des  quatre  façades 
d'un  temple,  de  manière  que  l'odeur  puisse  y  pénétrer. 

110       *  77.  Ne  pas  entrer  dans  un  water-doset  en  portant  une 
statue  de  Buddha. 

78.  Ne  pas  se  nettoyer  les  dents  sous  un  temple. 

79.  Ne  pas  se  nettoyer  les  dents  le  visage  tourné  vers  un 
temple. 

80.  Ne  pas  se  nettoyer  les  dents  devant  l'une  des  quatre 
façades  d'un  temple. 

81.  Ne  pas  cracher  sous  un  temple. 

82.  Ne  pas  cracher  en  passant  devant  une  des  quatre 
façades  d'un  temple. 

84.  Ne  pas  s'accroupir  tourné  vers  un  temple. 

85.  Ne  pas  placer  une  statue  de  Buddha  dans  une  chambre 
plus  basse  que  celle  où  l'on  demeure  soi-même. 

En  dehors  de  cette  série  d'articles,  il  y  en  a  trois  autres, 
qui  manquent  dans  le  texte  pâli.  Dans  ces  trois  articles 
(n°^  93-95)  on  prescrit  :  de  ne  pas  tenir  les  mains  jointes  en 
marchant  sur  la  voie  publique  ;  de  ne  pas  se  tenir  une 
branche  d'arbre  au-dessus  de  la  tête,  sauf  pendant  une  grande 
chaleur;  de  ne  pas  mettre  le  pot  à  aumônes  dans  un  sac  de 
toile,  ni  de  le  porter  au  bout  d'un  bâton,  mais  de  le  porter 
sur  l'épaule,  suspendu  à  une  bande. 


LE   SANGHA  121 


10.  —  Ce  QUI  SE  RAPPORTE  A  l' ARRANGEMENT  DES  DIFFÉRENDS. 

Maintenant,  vénérables  frères,  nous  allons  traiter  des 
sept  points  qui  se  rapportent  à  l'arrangement  des  différends. 

Afin  d'arranger  et  de  terminer  des  différends,  on  doit  : 
1.  faire  droit  à  quelqu'un  après  qu'il  s'est  présenté  devant  le 
tribunal;  2.  faire  droit  après  avoir  rappelé  (le  fait  commis 
ou  le  devoir  de  l'intimé);  3.  faire  droit  sans  erreur;  4.  requé- 
rir (contre  l'intimé);  5.  recueillir  les  votes;  6.  prononcer  la 
sentence  contre  le  coupable  ;  7.  ne  plus  s'occuper  de  l'affaire  \ 

*  Ainsi,  vénérables   frères,    sont  épuisés  les  sept   points  111 
qui  se  rapportent  à  l'arrangement  des  différends.  Je  vous  de- 
mande donc,  etc.  —  Suit  une  courte  énumération  des  titres 
traités,  analogue  à  celle  que  nous  avons  vue  à  la  fm  du 
troisième  titre. 


11.  —  Le  règlement  des  Religieuses. 

Le  Prâtimoksha  des  religieuses  est  conçu  entièrement  sur 
le  même  plan  que  celui  des  moines  ;  il  a  le  môme  nombre  de 

1.  D'après  les  récits  dans  Culla-V.  4,  1-14,  les  sept  points  indiqués  seraient 
autant  de  manières  différentes  de  mettre  fin  à  un  procès.  Il  est  au  contraire 
évident  que  ce  ne  sont  que  les  sept  phases  consécutives  d'un  seul  et  même 
procès.  La  preuve  en  est  fournie  par  le  Culla-V.  lui-même,  1,  2  et  18;  à  sam- 
mukhâ-vinaya,  sati-vinaya  et  amûlha-vinaya  correspondent  codetabbo, 
sâretahho,  âpattim  âropetabho  (par  une  personne  qui  est  avyagra  =  mnûdha). 
Alors  vient  la  proposition  de  l'avocat,  in  casu  l'orateur  du  chapitre,  et  cette 
proposition  contient  toujours  une  requête  (contre  l'accusé).  Puis  on  fait 
voter  l'assemblée,  à  la  suite  de  quoi  le  frère-orateur  pi;ononce  la  sentence. 
—  Dans  M  l'ordre  des  points  diffère  un  peu,  le  n^  4,  pralijhâ-kârakay  étant 
transporté  à  la  fin  ;  la  cause  de  ce  déplacement  est  facile  à  deviner  :  le  terme 
peut  aussi  signifier  «  exécution  d'une  requête  (formulée  contre  l'accusé)  » 
et  l'on  a  compris  «  exécution  de  la  sentence  ».  —  La  suite  des  points  dans  C 
est  encore  différente  :  du  reste,  ou  bien  la  rédaction  chinoise  est  inintelligible, 
ou  bien  la  version  anglaise  Ta  rendue  telle. 


122  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

divisions  ou  de  titres,  et  il  est  en  grande  partie  identique  *. 
Ceci  s'applique  surtout  aux  règles  concernant  la  civilité  et  la 
juridiction  ecclésiastique.  Dans  les  autres  titres  divers  articles 
ont  subi  les  modifications  qui  résultaient  de  la  nature  du  sujet. 
Quelques  prescriptions  ont  dû  être  omises,  pour  des  raisons 
faciles  à  concevoir;  d'autres  ont  été  ajoutées.  Parfois,  mais 
non  toujours,  on  peut  soupçonner  les  mobiles  qui  ont  amené 
les  rédacteurs  du  règlement  à  insérer  tel  ou  tel  article  con- 
cernant spécialement  les  religieuses.  La  suite  des  articles, 
dans  les  deux  règlements,  montre  de  grandes  différences, 
sans  que  la  cause  en  soit  facilement  explicable.  Le  nombre 
des  articles  dans  les  textes  diffère  ^  :  dans  les  uns,  on  cite 
412  quatre  péchés  capitaux,  dans  les  autres  huit,  *  c'est-à-dire  les 
mêmes  qui  se  trouvent  dans  le  règlement  des  moines,  puis 
quatre  autres.  Voici  le  contenu  de  ces  prescriptions  jugées 
nécessaires  aux  religieuses. 

4.  Quand  une  religieuse,  sensuelle,  permet  qu'un  homme 
sensuel  lui  touche,  ou  tâte,  ou  saisisse,  ou  effleure,  ou  com- 
prime le  corps»au-dessous  de  l'épaule,  et  au-dessus  du  genou, 
elle  commet  un  péché  capital,  et  est  expulsée. 

2.  Quand  une  religieuse,  de  propos  délibéré,  évite  soit  de 
réprimander  elle-même,  soit  de  dénoncer  à  la  communauté, 
une  religieuse  qui  a  commis  un  péché  mortel,  et  que,  plus 
tard,  la  coupable  étant  en  vie,  ou  morte,  ou  expulsée^  ou 
passée  à  une  autre  secte,  elle  dise  :  «  Je  savais  bien  ce  que 
c'était  que  cette  religieuse;  mais,  parce  que  c'était  une  sœur 
(dans  la  foi)  je  n'ai  voulu  ni  la  réprimander  moi-même,  ni  la 
dénoncer  à  la  communauté  »,  elle  commet,  elle  aussi,  un 
péché  mortel,  etc. 

1.  Nous  ne  pouvons  parler  ici  que  de  la  rédaction  en  pâli,  la  seule  qui' 
nous  soit  accessible. 

2.  Chez  Minayef  Prât.,  p.  94  et  Sutta-V.  II,  p.  211  et  ss.,  où  les  chiffres  des 
péchés  capitaux,  actions  punies  d'exclusion  temporaire,  actions  punies  de 
confiscation,  etc.,  sont  respectivement  IV,  XVII,  XXX,  CLXVI,  VIII,  en  tout 
225  articles  ;  307,  en  y  ajoutant  les  75  règles  de  civilité  et  les  7  points  con- 
cernant la  justice  ;  cf.  Buddhaghosha,  cité  Siitta-V.  II,  p.  370. 


LE   SANGHA  123 

3.  Quand  une  religieuse  suit  un  moine  qui  a  été  excom- 
munié par  le  chapitre  en  réunion  plénière,  et  à  l'unanimité, 
d'après  la  loi,  le  droit  et  l'ordre  du  Maître,  tandis  qu'il  reste 
indifférent  et  impénitent  et  est  fui  par  les  autres,  alors  les 
religieuses  doivent  lui  parler  ainsi  :  «  Ce  moine,  vénérable 
sœur,  a  été  excommunié  par  le  chapitre,  en  réunion  plénière 
et  à  l'unanimité,  d'après  la  loi,  le  droit  et  l'ordre  du  Maître  ; 
il  reste  indifférent,  impénitent  et  il  est  fui  par  les  autres  ;  ne 
le  suivez  pas,  vénérable  sœur.  »  Et  si  la  religieuse,  quand  on 
lui  parle  ainsi,  persiste,  elle  doit  être  exhortée  trois  fois  à  se 
repentir.  Si,  à  la  troisième  exhortation,  elle  se  repent,  c'est 
bien  ;  sinon,  elle  commet,  etc. 

4.  Quand  une  religieuse,  sensuelle,  permet  qu'un  homme 
sensuel  lui  prenne  la  main  ou  le  bout  de  son  manteau,  ou  lui 
parle  longuement,  ou  si  elle  va  à  un  rendez-vous,  ou  si  elle 
permet  qu'un  homme  lui  rende  visite,  ou  si  elle  s'assied  en 
cachette  auprès  de  lui  ou  lui  *  abandonne  son  corps,  afin  qu'il  113 
commette  de  l'iniquité,  elle  commet  un  péché  mortel,  etc. 

Ceci  suffira,  comme  échantillon  de  l'ensembje,  et  prouvera, 
en  même  temps,  que  le  règlement  des  religieuses  correspond 
pour  l'esprit,  la  tendance  et  la  forme,  à  celui  des  moines.  De 
môme,  les  circonstances  extérieures,  qui,  selon  l'Ecriture 
Sainte,  ont  donné  lieu  à  la  proclamation  des  prescriptions,, 
sont  absolument  conformes  aux  événements  qui  ont  donné 
lieu  au  Prâtimoksha  des  moines.  La  différence  est  seulement 
celle-ci,  qu'au  lieu  de  six  moines,  nous  rencontrons  toujours 
six  religieuses,  qui,  animées  toutes  les  six  d'un  zèle  infati- 
gable, commettent  continuellement  des  délits  plus  ou  moins 
graves,  et  réunissent  ainsi  des  matériaux  pour  le  Prâti- 
moksha. Egalement  méritoire,  quoique  d'une  façon  indi- 
recte, fut,  à  cet  égard,  la  conduite  d'une  religieuse,  nommée 
Nandâ  la  Laide,  pour  la  distinguer  d'une  autre  Nandâ,  sur- 
nommée la  Jolie.  Ce  qui  frappe  le  plus,  dans  l'histoire  de  tous 
ces  personnages,  c'est  que,  en  dehors  d'un  nombre  considé- 
rable de  peccadilles,  ils  commettent  tranquillement  des  péchés 


124  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

mortels,  sans  que  cela  ait  pour  eux  des  conséquences  désa- 
gréables, et  sans  qu'ils  en  soient  moins  estimés.  Les  Six 
moines  volent  et  tuent,  les  Six  religieuses  se  prostituent, 
Nandâ  la  Laide  enfreint  les  articles  2  et  3  que  nous  venons 
de  traduire,  et  tous  ces  gens  n'en  restent  pas  moins  dans  la 
communauté  \  Au  premier  abord  on  croirait  que  ces  faits 
s'expliquent  par  une  théorie  d'après  laquelle  on  pardonne 
son  péché  à  qui  pèche  pour  la  première  fois  :  mais  cette 
théorie  serait  contraire  aux  paroles  du  règlement  et  des 
vœux  monastiques  ^ 

Parfois,  on  serait  tenté  de  croire  que  le  règlement  n'exis- 
tait que  pour  la  forme.  C'est  ainsi  que  nous  lisons  quelque 
part  ^  que  les  Six  moines  commirent  un  jour  un  vol.  Ils 
furent  par  suite  dans  un  état  d'âme  désagréable,  sentirent 
quelque  chose  qui  ressemble  à  un  remords,  en  pensant  que 
le  Seigneur  avait  prescrit  une  règle  de  discipline  relative  au 
114  vol,  et  se  demandèrent  *  s'ils  n'avaient  pas  commis  un  péché 
capital  *.  On  raconta  la  chose  au  Maître,  qui  déclara,  dans  la 
forme  ordinaire  :  «  Vous  avez  commis  un  péché  capital, 
moines.  »  Ce  fut  tout. 

Si  l'on  suppose  que  de  tels  récits  sont  historiques,  il  fau- 
drait en  conclure,  que,  déjà  pendant  la  vie  du  fondateur  de 
l'Ordre,  le  règlement  avait  la  même  force  obligatoire  que  de 
nos  jours,  par  exemple,  les  traités  de  la  diplomatie  euro- 
péenne. Si  l'on  rejette  ces  récits  comme  des  fictions,  ils  n'en 
gardent  pas  moins  de  la  valeur,  comme  preuves  irréfraga- 
bles du  degré  de  sérieux  avec  lequel  la  communauté  con- 
sidérait les  prescriptions  du  Seigneur. 

Le  Prâtimoksha  des  religieuses  a  été  composé  après  que 
celui  des  moines  eut  été  rédigé,  mais  il  n'y  a  pas  lieu  d'ad- 
mettre qu'il  ait  été  composé  longtemps  après  celui-ci.  Dans 

1.  Sutta-V.  I,  56  et  72;  II,  p.  216  ss. 

2.  Voir  plus  haut,  p.  32. 

3.  Sutta-V.  I,  p.  56. 

1.  La  règle  était  donc  déjà  prescrite,  et  leur  était  connue. 


LE   SANGHA  125 

Tune  et  dans  l'autre  collection  il  est  question  d'autres  ordres 
religieux  \  Un  article  qui  prouve  clairement  que,  du  temps 
de  la  promulgation  ou  de  la  rédaction  du  règlement  des  filles 
de  Çâkya,  il  y  avait  d'autres  congrégations  de  femmes,  est 
l'article  7  de  la  division  concernant  les  actions  qui  ont  pour 
conséquence  l'exclusion  temporaire  %  ainsi  conçu  : 

«  Quand  une  religieuse,  sous  l'empire  du  dépit  ou  de  la 
colère,  parle  ainsi  :  «  Je  renonce  au  Buddha,  je  renonce  au 
Dharma,  je  renonce  au  Saiigha,  je  renonce  à  la  doctrine  ;  les 
filles  de  Çâkya  sont-elles  donc  les  seules  femmes  ascètes  ?  il 
y  a  d'autres  femmes  ascètes,  qui  sont  pudiques,  ponctuelles, 
dociles;  chez  celles-là  je  veux  mener  une  vie  de  chasteté  », 
alors  elle  doit  être  exhortée  ainsi  par  les  autres  religieuses  : 
«  Ne  dites  pas  cela,  vénérable  sœur,  que  vous  renoncez  au 
Buddha,  que  vous  renoncez  au  Dharma,  que  vous  renoncez 
au  Saiigha,  etc.  {comme  plus  haut);  assez,  vénérable  sœur; 
c'est  une  bonne  doctrine  que  le  Dharma,  menez  une  vie  de 
chasteté  pour  mettre  fin  à  la  misère.  »  Et  quand  cette  reli- 
gieuse, ainsi  réprimandée  par  les  sœurs,  persiste,  elle  doit 
être  exhortée  trois  fois  à  se  convertir.  *  Si  elle  se  repent  à  la  115 
troisième  exhortation,  c'est  bien;  sinon,  elle  se  rend  coupable 
d'une  action  qui  a  pour  conséquence  l'éloignement,  l'exclu- 
sion temporaire  de  la  communauté.  » 

12.  —  Punitions  ecclésiastiques  et  moyens  de  coercition. 

Les  punitions  ecclésiastiques  et  les  moyens  de  coercition 
dont  il  est  fréquemment  question  dans  le  règlement,  se  dis- 
tinguent en  général  par  une  douceur  particulière,  bien  que 
la  sévérité  varie  d'après  la  nature  du  délit  commis.  On  peut 
expliquer  cette  douceur  en  partie  par  l'esprit  qui  anime  la 
Congrégation,  mais  elle  est  aussi  la  conséquence  inévitable  de 

1.  Voir  plus  haut,  p.  96,  titre  Pdcittiya,  article41. 

2.  Sutta-V,  II,  p.  235;  Minayef,  p.  99. 


126  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

rimpuissance  où  se  trouve  un  ordre  religieux  d'infliger  des 
châtiments  draconiens  quand  il  ne  dispose  pas  du  bras  sé- 
culier. Là  où  le  Bouddhisme  est  devenu  une  religion  d'État, 
comme  en  Birmanie  et  au  Siam,  les  infractions  à  la  discipline 
ecclésiastique  et  les  erreurs  doctrinales  sont  fréquemment 
punies  de  mort  par  ordre  du  souverain  *. 

La  punition  la  plus  sévère  est  l'exclusion  irrévocable,  qui 
est  prononcée,  ou  doit  l'être,  à  l'égard  de  celui  ou  de  celle  qui 
commet  un  des  péchés  capitaux  ;  dans  un  seul  cas,  un  novice 
est  chassé  pour  toujours  ^  De  plus,  tous  les  individus  appar- 
tenant aux  catégories  qui  ne  sont  pas  autorisées  à  entrer 
dans  la  Congrégation  et  à  prononcer  des  vœux  solennels, 
sont  irrévocablement  exclus  quand  ils  ont  été  admis  par 
erreur  ou  par  surprise.  Cette  punition  est,  au  fond,  la  seule 
criminelle  ;  les  autres  ont  un  caractère  correctionnel,  ou  sont 
des  moyens  de  coercition. 

Parmi  les  punitions  correctionnelles,  la  première  place 
appartient  à  l'exil.  Elle  est  appliquée,  au  moins  dans  la 
légende,  dans  un  cas  où  des  moines  mènent  une  vie  scan- 
116  daleuse,  un  cas  comme  celui  *  de  l'article  13  du  titre  Saii- 
ghâdisesa.  En  comparant  cet  article  à  l'explication  histo- 
rique *  on  arrive  au  résultat  que  l'exil  et  l'exclusion  temporaire 
reviennent  au  même. 

On  peut  mettre  fin  à  l'exil  quand  le  coupable  fait  preuve 
de  repentir  et  quand,  pendant  un  certain  laps  de  temps,  qui 
n'est  pas  déterminé  avec  précision,  il  ne  commet  pas  de 
nouveaux  délits.    S'il   refuse,  au  contraire,  de  s'amender, 

■  1.  Au  commencement  du  xix^  siècle,  les  partisans  d'une  secte  métaphysique 
qui  n'admettait  que  rAbhidharma,  et  rejetait  les  autres  livres  de  TÉcriture 
Sainte  comme  une  compilation  de  fables  et  d'allégories,  furent  mis  à  mort 
par  ordre  du  roi  :  Hardy,  E.  M.,  33i. 

2.  Titre  Pâcittiya,  art.  70  (plus  haut,  p.  100). 

1.  Culla-V.  1,13  etSutta-V.  I,  p.  179.  Strictement  parlant,  les  deux  cou- 
pables du  récit,  Açvajit  et  Punarvasuka,  ne  sont  pas  exilés,  mais  abandonnés; 
ils  restent  là  où  ils  se  trouvaient,  tandis  que  les  frères  fuient  leur  société. 
Néanmoins  le  terme  employé  {pabbâjaniya-kamma)  désigne  clairement  Texil. 


LE  SANGHA  127 

alors  l'exil  continue,  et  c'est  sa  propre  faute  si  la  punition 
infligée  se  transforme  de  fait  en  une  expulsion  définitive  ^ 

L'éloignement  temporaire,  appelé  en  général  nissârana^ 
se  distingue  difficilement  de  l'exil.  Cette  punition  peut  être 
de  différents  degrés,  et  durer  plus  ou  moins  longtemps.  Elle 
consiste  d'ordinaire  en  un  painvâsa,  une  séparation,  arrêts, 
ou  temps  d'épreuve,  de  cinq  à  dix  jours  ^  On  considère 
comme  une  punition  moins  grave  le  mânatta  (sanscr. 
mânâpya),  une  pénitence  de  six  jours,  qui  est  appliquée, 
par  exemple,  dans  le  cas  prévu  à  l'article  1  du  titre  Saii- 
ghâdisesa.  Le  délinquant  doit  commencer  par  avouer  sa 
faute,  et  demander  lui-même,  dans  la  forme  convenable,  la 
permission  de  subir  la  pénitence  de  six  jours.  A  ces  fins,  il 
paraît  devant  le  chapitre,  jette  son  habit  sur  une  épaule, 
tombe  humblement  aux  pieds  des  religieux  plus  anciens,  et 
dit  alors,  accroupi  et  les  mains  jointes  :  «  Vénérables  Sei- 
gneurs, j'ai  commis  un  àéWi  [indication  du  fait)  que  je  ne 
cache  pas  ;  je  prie  le  chapitre  de  vouloir  m'imposer  un 
Mânatta  de  six  jours,  pour  le  délit  que  je  viens  de  confesser 
ici.  ))  Après  avoir  répété  cette  requête  jusqu'à  trois  fois,  le 
moine  orateur  fait  une  proposition  conforme  à  l'assemblée, 
en  la  répétant  également  jusqu'à  trois  fois,  sur  quoi  la 
requête  est  accordée  *,  à  moins  qu'une  voix  ne  s'y  oppose  \  117 
Si  le  coupable  tient  sa  faute  cachée,  on  lui  impose  d'abord 
un  parivâsa  d'un  jour  ou  plus,  selon  ce  qu'il  a  plus  ou  moins 
longtemps  celé  son  péché.  Une  fois  la  période  de  pénitence 
terminée,  le  pécheur  est  réhabilité  par  le  chapitre  réuni, 
pourvu  qu'il  en  fasse  la  demande  en  forme  convenable. 

Une  punition  assez  semblable  à  l'exil  est  le  ban  ou  excom- 
munication [utkshepana)^  qu'on  applique  dans  le  cas  où  un 

2.Culla-V.\,i%. 

3.  Parfois  moins  longtemps,  si  la  punition  est  suivie  de  mânatta. 

1.  C'est  le  fait  d'infliger  la  punition  qui  s'appelle  mânattam  dâ,  et  non  celui 
de  la  subir,  comme  le  croit  Childers,  Pâli  Dict.  23,  ainsi  qu'il  ressort  de 
Culla-V.  3,  1  où  la  formalité  est  décrite. 


128  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

coupable  ne  veut  pas  reconnaître  qu'il  a  tort  et  refuse  ener- 
giquement  de  s'amender.  Un  cas  de  ce  genre  est  celui  décrit 
dans  l'article  63  du  titre  Pâcittiya  du  Prâtimoksha.  L'excom- 
munication peut  toujours  être  levée,  dès  que  le  coupable  se 
repent,  et  fait,  dans  une  réunion  du  chapitre,  dans  la  forme 
convenable,  une  demande  en  ce  sens. 

D'autres  moyens  de  maintenir  la  discipline  sont  l'avertis- 
sement et  la  mise  sous  tutelle.  Le  premier  moyen  est  em- 
ployé à  l'égard  de  moines  querelleurs,  qui  peuvent  mettre 
en  danger  la  concorde  qui  doit  régner  entre  les  frères  ;  de 
moines  stupides  et  ignorants  qui  commettent  continuelle- 
ment des  délits  et  n'ont  aucun  mérite  ;  de  religieux  qui  sont 
trop  familiers  avec  les  laïques  et  se  laissent  voir  en  mauvaise 
société;  de  religieux  qui  n'observent  pas  assez  les  règles  de 
morale  et  de  bonne  conduite,  ou  qui,  par  présomption, 
tombent  dans  l'hérésie,  ou  parlent  en  termes  méprisants  du 
Buddha,  de  la  Loi  et  de  l'Eglise.  Tout  moine  qui  reçoit  un 
avertissement  officiel,  perd  pour  un  temps  les  privilèges  de 
son  état,  tels  que  la  consécration  de  nouveaux  moines, 
l'instruction  des  élèves  et  des  novices,  le  droit  de  faire  des 
allocutions  aux  religieuses,  la  vie  comniune  avec  les  frères  ^ 
Quand  un  individu  ainsi  averti  se  conduit  convenablement 
et  montre  qu'il  revient  vers  le  bien,  il  peut  demander  solen- 
nellement à  une  réunion  du  chapitre  qu'on  veuille  bien 
lever  sa  punition. 

La  mise  sous  tutelle  consiste  en  ceci,  qu'un  individu 
118  est  *  privé  de  la  liberté  de  ses  mouvements  et  mis  sous  la 
surveillance  d'autres  religieux,  d'une  vertu  éprouvée  et 
d'une  sagesse  généralement  reconnue.  Nous  lisons  que 
ce  châtiment  fut  appliqué  à  l'égard  d'un  moine  stupide  et 
ignorant,  qui  commettait  perpétuellement  des  délits,  et 
n'avait  aucun  mérite  ;  dans  un  cas,  par  conséquent,  où  l'on 
applique  également  l'avertissement  *. 

2.  Culla-V.  V.  1,  5. 
1.  Culla-V.  1,9  et  il. 


LE  SANGHA  129 

Parfois  la  punition  du  coupable  consiste  en  ceci,  que  le 
chapitre  lui  impose  l'obligation  de  demander  pardon  à  la 
personne  lésée.  Une  telle  demande  d'excuses  est  imposée  au 
religieux  qui  a  injurié  un  laïque  ^ 

En  quelques  passages,  il  est  fait  mention  d'un  moyen  de 
contrainte  qu'on  appelle  simplement  danda,  c'est-à-dire 
punition.  Elle  a  pour  conséquence  qu'un  moine  perd  le 
droit  d'être  traité  avec  respect  par  les  religieuses.  Ce  furent 
de  nouve^au  les  Six  qui  s'attirèrent  cette  punition,  par  suite 
de  leur  conduite  grossièrement  indécente  ^  11  ne  semble 
pas  que  les  Six  se  soient  souciés  de  cette  punition,  de  même 
que  Téclipse  momentanée  des  six  hérésiarques,  lors  du 
grand  miracle  de  Çrâvastî,  ne  les  empêcha  pas  de  se  mon- 
trer, plus  tard,  de  nouveau  hostiles  au  Buddha. 

Une  peine  beaucoup  plus  grave  que  le  simple  danda  est 
le  hrahmadanda^  une  sorte  de  malédiction  spirituelle,  dont 
il  est  fréquemment  fait  mention  dans  les  écrits  brahma- 
niques. On  ne  dit  pas  ce  qu'il  faut  avoir  fait  pour  s'attirer 
le  brahmadanda ;  nous  lisons  seulement  que  le  Buddha, 
avant  son  Nirvana,  donna  ordre  à  Ananda  d'en  frapper  le 
moine  Ghanna  \  Ananda  qui,  depuis  vingt  ans,  avait  été  dans 
la  confidence  du  Maître,*  n'avait  pourtant  jamais  de  sa  vie  H9 
entendu  parler  d'une  punition  pareille,  car  il  demanda  en 
quoi  elle  consistait.  La  réponse  fut  :  que  personne  ne  pourrait 
parler  à  Channa,  l'exhorter  ou  l'instruire.  C'est  donc  une 

2.  Culla-V.  1,  18. 

3.  CuUa-V.  10,  9. 

4.  Il  peut  sembler  étrange  que  le  Maître  n'infligea  pas  lui-même  cette  puni- 
tion, avant  son  décès  ;  mais  c'est  une  règle  générale  qu'il  reste  en  dehors  de 
tout  acte  ecclésiastique.  C'est  ainsi  qu'il  institue  la  célébration  du  sabbat, 
après  avoir  entendu  la  remontrance  de  Bimbisâra,  mais  il  n'y  prend  jamais 
part.  11  prêche  et  fait  briller  sa  bienfaisante  lumière  spirituelle;  il  va  d'un 
Vihâra  à  l'autre,  prend  part  à  des  repas,  voit,  grâce  à  son  œil  céleste,  tout  ce 
qui  se  passe  sur  la  terre  et  dans  la  communauté,  mais  reste  en  dehors  des 
agitations  humaines,  sauf  une  fois,  quand  il  voulut  réconcilier  des  moines  qui 
se  disputaient,  et  encore  n'est-ce  pas  un  acte  ecclésiastique  proprement  dit  ; 
comp.  tome  1,  p.  159. 

Tome  H,  y 


130  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

sorte  de  mort  civile.  Ce  n'est  pas  étonnant  si  Ghanna,  ayant 
appris  de  la  bouche  d'Ananda  que  le  Seigneur  lui  avait  infligé 
cette  punition,  tomba  à  terre,  comme  écrasé.  Heureusement 
il  reprit  plus  tard  ses  sens,  de  sorte  qu'il  eut  l'occasion  de 
devenir  par  la  suite  un  grand  saint.  Alors  la  malédiction 
cessa  d'elle-même,  et  on  n'eut  pas  besoin  de  l'en  décharger 
solennellement  \ 

La  confession  fait  également  partie  des  moyens  discipli- 
naires. En  théorie,  toutes  les  transgressions  qu'énumère  le 
règlement,  doivent  être  confessées  dans  les  réunions  semi- 
mensuelles.  En  efl'et,  à  la  fin  de  chaque  titre,  on  demande 
aux  moines  admis  si  l'un  d'eux  s'est  rendu  coupable  de  telle 
ou  telle  action.  Cependant,  comme  on  est  obligé  de  confesser 
une  transgression  immédiatement,  et  qu'on  ne  peut,  par 
conséquent,  pas  toujours  attendre  que  la  réunion  ait  lieu,  on 
s'explique  que,  du  moins  quand  il  s'agit  de  fautes  de  médiocre 
importance,  il  suffise  de  s'adresser  à  un  moine  plus  âgé  et  de 
se  confesser  à  celui-ci.  La  forme  ordinaire  est  que  le  pénitent, 
agenouillé,  et  levant  respectueusement  les  mains  jointes, 
dit  :  «  Vénérable  frère,  je  confesse  ici  tous  les  péchés  que 
j'ai  commis  ;  je  vous  demande  l'absolution  »  ;  sur  quoi  le 
confesseur  répond  :  «  C'est  bien  ;  ayez  soin  de  ne  pas  trans- 
gresser les  prescriptions  de  la  Loi,  et  appliquez-vous  à  les 
observer  fidèlement  à  l'avenir  ».  Une  pénitence  spéciale  n'est 
pas  prescrite  ^ 

1.  Culla-V,  II,  12,  IS. 

2.  Bigandet,  II,  284;  Hardy,  E.  M.  145. 


CHAPITRE  V 


VIE   JOURNALIERE   DU   MOINE 


*  La  vie  de  Tascète,  ermite  ou  moine,  dans  sa  forme  idéale,  120 
est  une  aimable  idylle.  Douce  et  calme  elle  s'écoule,  pareille 
à  un  ruisseau  au  doux  murmure,  dont  la  surface  limpide  et 
égale  est  l'image  de  l'âme  pure  et  tranquille  du  saint  ter- 
restre. Sans  besoins  et  sans  souhaits,  sauf  pour  le  salut  des 
créatures,  sans  richesses  et  sans  soucis,  il  passe  ses  jours, 
qu'il  consacre  au  salut  des  êtres  autant  qu'il  peut  faire  sans 
se  souiller  des  impuretés  du  monde,  ou  se  laisser  séduire  par 
ses  vanités.  «  Le  Buddha  a  dit  :  Celui  qui  se  fait  raser  la  tête 
pour  devenir  un  ascète,  et  accepte  la  Loi  de  Buddha,  doit 
renoncer  à  toute  richesse  mondaine,  mendier  sa  subsistance, 
ne  prendre  de  la  nourriture  qu'une  fois  par  jour,  demeurer 
sous  un  arbre,  et  n'avoir  plus  aucun  souci.  La  sensualité  et 
la  concupiscence  sont  les  seules  causes  de  toute  folie  et  de 
tout  désordre  dans  le  monde  \  » 

Le  genre  dévie  des  ascètes,  anciens  ou  modernes,  orientaux 
ou  occidentaux,  est  tellement  identique  quant  au  fond,  qu'il 
peut  sembler  inutile  de  peindre  l'existence  journalière  des 
fils  de  Çâkya  ;  cependant  il  y  a,  outre  la  ressemblance  géné- 
rale, des  différences  de  détail,  dont  l'originalité  nous  oblige 


1.  Sûtra  de  42  articles,  chez  Beal,  Caiena,  p.  192.  Ce  Sûtra  fut  introduit  en 
Chine  vers  70  après  J.-C.  Le  texte  original  est  perdu;  la  traduction  chinoise 
est  la  plus  ancienne  conservée. 


132  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

à  donner  une  courte  esquisse  de  la  vie  monastique  dans  le 
Bouddhisme  ^ 

De  grand  matin,  avant  le  lever  du  soleil,  l'ascète  se  réveille. 
421  Après  s'être  levé  et  s'être  nettoyé  les  dents  %  il  s'occupe  *  en 
balayant  une  partie  du  terrain  autour  du  couvent,  et  cherche 
ensuite  de  l'eau  potable  qu'il  filtre  après.  Ces  occupations 
terminées,  il  cherche  un  endroit  isolé,  pour  y  réfléchir  dans 
la  solitude  sur  ses  devoirs  et  ses  manquements.  Bientôt  il 
entend  la  cloche,  et  sait  ainsi  qu'il  est  temps  de  se  rendre  au 
Dagob  ou  bien  à  l'arbre  Bodhi,  pour  y  offrir  des  fleurs  au 
Buddha,  réfléchir  sur  les  perfections  de  celui-ci  et  demander 
l'absolution  de  ses  propres  fautes.  Après  avoir  accompli  ce 
pieux  devoir,  il  cherche  d'autres  endroits  consacrés  au  culte,  y 
étend  un  morceau  de  toile  ou  une  toison  en  guise  de  carpette, 
et  adore  agenouillé,  en  touchant  la  terre  de  son  front.  Cela 
fait,  il  doit  consulter  son  calendrier,  afin  do  déterminer  à 
l'aide  de  celui-ci  et  de  la  longueur  des  ombres,  l'heure  du 
jour;  en  même  temps  il  peut  trouver  dans  le  calendrier  la 
datq^  Sur  ces  entrefaites,  le  moment  est  venu  où  le  moine 
doit  prendre  son  pot  à  aumônes  et  faire  sa  tournée  journalière. 

En  faisant  cette  tournée  pour  mendier  sa  subsistance,  le 
moine  décent  doit  observer  naturellement  les  règles  du 
décorum^  et  éviter  surtout  de  regarder  les  femmes,  les  élé- 
phants, les  chevaux,  les  voitures  et  les  soldats.  Après  avoir 
reçu  les  aumônes,  il  retourne  à  son  ermitage.  S'il  lui  arrive 
de  sortir  en  société  de  son  supérieur  et  de  son  maître,  il 
porte  le  pot  à  aumônes  et  le  manteau  de  celui-ci.  Revenu 
chez  lui,  il  remet  le  manteau  à  sa  place,  prend  un  siège 
pour  son  supérieur,  lui  lave  les  pieds,  lui  demande  s'il  a 
soif,  lui  donne  une  brosse  à  dents,  et  lui  offre  la  nourriture 
reçue  en  aumône.  Avant  le  repas,  il  doit  se  réciter  à  lui- 

2.  L'esquisse  qui  suit  est  empruntée  à  un  ouvrage  singhalais,  intitulé 
Dinacariyâva,  d'après  la  traduction  de  Hardy,  E.  M.  24;  comp.  Mil.  P.  2. 

3.  D'après  l'exemple  des  Brahmanes  :  Colebrooke,  On  the  religions  céré- 
monies of  theJH?idus,  dans  As.  Res.  V,  345  ss. 


LE  SANGHA  133 

même  quelques  vers  ou  sentences,  dans  ce  genre  :  «  C'est 
par  précaution  que  je  prends  mon  sobre  repas,  non  pour  me 
gorger  ou  me  gaver,  non  pour  embellir  ou  orner  (mon 
corps),  juste  autant  qu'il  faut  pour  conserver  le  corps  et 
rester  en  vie,  pour  pouvoir  m'abstenir  de  faire  du  mal  aux 
autres  et  mener  une  vie  spirituelle  ;  ainsi  j'apaise  la  vieille 
douleur  (de  la  faim)  et  je  préviendrai  la  douleur  nouvelle, 
je  ne  veux  qu'entretenir  mon  existence,  *  vivre  d'une  façon  122 
tranquille  et  irréprochable  *.  »  En  mangeant,  il  doit  surtout 
prendre  garde  de  ne  pas  négliger  les  règles  de  civilité  conte- 
nues dans  le  Prâlimoksha. 

Après  ]e  repas,  l'assiette  est  lavée,  essuyée  et  serrée  ;  un 
supérieur  ou  un  maître  ne  fait  pas  cela  lui-même,  un  disciple 
se  chargeant  de  ce  travail.  Ce  dernier  se  prépare  maintenant 
à  prendre  quelque  repos  ;  il  se  lave  la  figure,  met  son  vête- 
ment de  dessus,  prend  congé  de  son  supérieur  et  cherche 
un  endroit  tranquille  et  ombragé  dans  le  voisinage  du  cou- 
vent. Là  il  se  repose  pendant  quelque  temps,  se  récitant  à 
lui-même  des  strophes  appropriées  et  se  demandant  en 
silence  s'il  a  manqué  à  son  devoir,  et  si  oui,  jusqu'à  quel 
point  ^;  c'est  là  aussi  qu'il  doit  s'exercer  à  cultiver  dans  son 
âme  le  sentiment  de  bienveillance  universelle.  Après  un 
repos  d'nne  heure  environ,  il  se  met  à  étudier,  c'est-à-dire  à 
lire  ou  à  transcrire  quelque  livre  de  l'Ecriture  Sainte.  La 
journée  se  termine  par  la  lecture  en  commun  d'un  chapitre 
d'un  des  livres  sacrés. 

Si  l'on  compare  cette  esquisse  à  ce  qu'on  nous  apprend 
sur  les  occupations  journalières  des  fidèles  septentrionaux 
de  Çâkya,  et  d'après  un  de  leurs  manuels  ^,  il  y  a  peu  de 
différence  quant  au  fond.  Au  Nord,  il  y  a  plus  de  mysti- 

i.  Journ.  Roy.  As.  Soc,  VIII,  129  (New  séries). 

2.  Comme  un  modèle  de  méditations  dévotes  à  Theure  du  délassement 
[divâvihâra)  on  peut  citer  les  réflexions  mélancoliques  de  Çâriputra,  dans  le 
Lotus,  chap.  3,  st.  3-22. 

3.  Chez  Beal,  Catena,  239, 


134  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

cisme,  mais  en  môme  temps  plus  d'onction;  au  Sud,  plus  de 
sobriété  et  moins  de  complication,  mais  avec  plus  de  séche- 
resse scolastique.  Tandis  qu'à  ceux  qui  suivent  le  canon  pâli 
on  ne  prescrit,  pour  la  récitation  journalière,  qu'un  petit 
nombre  de  vers,  l'ascète  de  l'Église  septentrionale  accomplit 
presque  tous  ses  actes  en  récitant  des  strophes  appropriées, 
suivies  de  quelques  syllabes  mystiques  et  de  l'exclamation 
123  païenne  :  Svâhâ  \  *  L'extrait  suivant  du  manuel  dont  nous 
venons  de  parler  fournira  la  preuve  de  ce  que  nous  venons 
d'avancer. 

Dès  que  le  moine  se  réveille,  il  doit  se  réciter  attentive- 
ment à  lui-même  les  vers  suivants  : 

Dès  que  je  me  réveille  de  mon  sommeil 

Je  veux  prier  que  l'armée  des  créatures 

Se  réveille  à  la  sagesse,  qui  apporte  la  délivrance 

Et  est  illimitée  comme  le  vaste  Univers  *. 

Puis  il  répète  jusqu'à  sept  fois  :  Oui  !  —  (quelques 
syllabes  mystiques)  —  Amen  ! 

Cependant  la  cloche  sonne  :  tous  doivent  quitter  le  lit 
sans  tarder,  en  chantant  un  hymne.  Après  avoir  quitté  le 
lit,  on  récite  de  nouveau  une  strophe  ;  de  môme  en  s'habil- 
lant  ;  en  marchant  ;  en  se  lavant  la  figure  ;  en  buvant  de 
l'eau  ;  en  étendant  la  natte  oii  l'on  s'assied  ;  en  entrant 
dans  le  sanctuaire  ;  en  s'inclinant  devant  l'image  du  Buddha. 
Cette  dernière  action  est  accompagnée  des  vers  que  voici  : 

Roi  de  la  Loi,  Seigneur  sublime, 
Sans  pareil  dans  l'Univers  entier  ! 
Maître,  guide  des  hommes  et  des  dieux, 
Notre  Père  et  de  tout  ce  qui  vit! 

4.  Cette  exclamation  est  employée  lors  du  sacrifice,  surtout  ceux  à  Agni. 
On  peut  la  traduire  par  «  Amen  ». 

1.  On  peut  comparer  cette  prière  du  matin  en  vers  à  la  Gâyatrî  au  dieu 
solaire  Savitar,  Rgveda,  3,  62,  10  j  comp.  Colebrooke,  As.  iîes.,  V,  345  ss. 
[Mise,  Ess.,  I,  29.) 


LE  SANGHA  135 

Je  m'incline  avec  une  vénération  profonde  ; 
Que  le  fruit  de  mes  œuvres 
Puisse  bientôt  se  perdre  à  jamais!  ^ 
L'Éternité  ne  suffit  pas  pour  vous  louer. 

Innombrable  sont  les  cas  dans  lesquels  il  faut  réciter  à  voix 
basse  une  strophe  appropriée  :  en  voyant  un  stûpa  ;  en  ou- 
vrant l'Ecriture  ;  en  prenant  le  pot  à  aumônes  ;  en  marchant 
sur  la  route  ;  en  entrant  dans  un  village  ;  en  s'arrêtant 
devant  une  porte;  avant  le  repas  ;  après  le  repas;  en  se  net- 
toyant les  dents  ;  en  se  lavant  les  mains  ;  *  en  se  lavant  les  124 
pieds;  avant  et  après  qu'on  se  livre  à  la  méditation;  enfin 
quand  on  va  se  coucher. 

2.  C'est-à-dire  ;  puissé-je  ne  pas  renaître,  mais  atteindre  le  Nirvana. 


CHAPITRE  VI 


LE   CULTE 


Comme  système  philosophique,  le  Bouddhisme  est  indépen- 
dant de  tout  culte,  tout  autant  que  le  Vedânta,  par  exemple, 
ou  le  Yoga  ;  imitateur  du  bhikshu  des  Aryas,  le  fils  de  Çâkya 
est  tout  aussi  affranchi  de  cérémonies  extérieures  que  son 
modèle.  Mais,  si  le  moine,  in  abstracto^  n'a  pas  besoin  de 
culte  extérieur,  il  peut  le  tolérer,  sous  la  conviction  que 
tous  les  êtres  n'ont  pas  atteint  à  la  hauteur  vertigineuse  de 
sagesse  oii  il  est  placé  lui-môme.  La  Congrégation  avait,  dès 
le  début,  des  partisans  laïques,  sans  lesquels,  d'ailleurs,  elle 
serait  morte  de  faim  ;  et  ne  fût-ce  que  pour  contenter  ceux-ci, 
il  pouvait  sembler  utile  de  ne  pas  prescrire  tous  les  signes 
extérieurs  d'adoration.  En  outre,  il  est  probable  qu'il  y  a 
toujours  eu  quelques  ascètes  d'une  intelligence  moins  philo- 
sophique, et  attachés  aux  bonnes  œuvres;  nous  avons  déjà 
vu  qu'on  attachait  à  cette  tendance  une  valeur  relative. 

De  quelque  façon  qu'on  se  représente  le  développement  du 
culte  bouddhique,  on  ne  peut  nier  que  le  clergé  aussi  bien 
que  les  laïques,  reconnaît  des  sanctuaires,  et  leur  rend  des 
hommages  extérieurs;  à  ce  point  de  vue,  on  est  autorisé  à 
traiter  du  culte,  sinon  comme  d'une  partie,  du  moins  comme 
d'un  appendice  du  Sarigha. 


LE  SANGHA  137 


1.  —  Objets  du  culte.  Reliques.  Différentes  sortes  de  reliques. 
Sources  de  l'histoire  des  reliques  et  des  sanctuaires. 

Les  objets  les  plus  vénérés  du  culte,  pour  les  Bouddhistes, 
les  conceptions  idéales  suprêmes  dans  un  certains  sens,  sont 
les  trois  Joyaux,  comme  pour  les  Indous  les  trois  Vedas,  et, 
*  sous  forme  personnelle,  Brahma,  Vishnu  et  Çiva.  Dans  le  125 
canon  pâli  *,  on  adresse  à  la  Trinité,  Buddha,  Dharma  et 
Saiigha,  les  vers  suivants  : 

Tous  les  êtres  réunis  ici, 

Terrestres  aussi  bien  qu'aériens, 

Portons  au  Tathâgata,  honoré  des  Dieux  et  des  hommes, 

Au  Buddha  notre  hommage  !  Salut  ! 

Tous  les  êtres  réunis  ici, 

Terrestres  aussi  bien  qu'aériens, 

Portons  au  Tathâgata  honoré  des  Dieux  et  des  hommes. 

Au  Dharma  notre  hommage  ! 'Salut  ! 

Tous  les  êtres  réunis  ici. 

Terrestres  aussi  bien  qu'aériens, 

Portons  au  Tathâgata,  honoré  des  Dieux  et  des  h.ommes. 

Au  Sangha  notre  hommage  !  Salut  ! 

On  pourrait  dire  que  les  trois  Joyaux  sont  les  choses  saintes 
primaires,  originales  ;  tous  les  autres  objets,  plus  matériels, 
de  culte  ou  d'adoration,  sont  des  choses  saintes  secondaires, 
dérivées.  Au  point  de  vue  bouddhique,  les  objets  du  culte  sont 
ceux  qui,  en  tant  que  restes  matériels,  éveillent  et  perpétuent 
le  souvenir  des  saints  personnages,  dont  ils  proviennent  ;  ou 
bien  ceux  qui  ont  été  construits  en  l'honneur  de  saints  per- 
sonnages, par  une  postérité  reconnaissante.  D'après  la  décla- 

i.  Khuddaka-Pâtha,  publié  par  Childers,  Journ.  Roy.  As.  Soc,  IV,  318  (New 
séries).  On  trouve  une  rédaction  septentrionale  du  même  hymne  dans  Mahâ- 
vastu,  I,  290. 


138  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

ration  de  Buddha  lui-même  à  Ananda,  selon  ce  que  dit  la  lé- 
gende, on  peut  grouper  les  objets  du  culte  en  trois  classes. 
4.  ÇâHrikà  restes  corporels;  2.  Uddeçaka^  tout  ce  qui  a  été 
élevé  ou  construit  pour  honorer  le  souvenir  d'une  personne  ; 
3.  Pâribhogika^  tous  les  objets  dont  un  mort  bienheureux 
s'est  servi  pendant  sa  vie  ou  qui  ont  été  consacrés  par  sa  pré- 
sence. Les  objets  de  la  première  classe  sont  donc  des  reli- 
ques; ceux  de  la  seconde,  des  monuments  et  des  statues  ;  ceux 
de  la  troisième  seraient  pour  nous  ou  des  reliques  ou  des 
endroits  consacrés. 
426  *  Cette  classification  consacrée  des  objets  du  culte  est  assez 
pratique,  cependant  on  est  en  quelque  cas  embarrassé  quand 
il  s'agit  de  rappliquer.  C'est  ainsi  qu'on  pourrait  discuter  sur 
la  question  dans  quelle  classe  il  faut  ranger  l'ombre  que  le 
Buddha  a  laissée  en  divers  endroits.  C'est  une  trace  plutôt 
qu'un  reste,  et  à  ce  point  de  vue  on  serait  tenté  de  la  ranger 
dans  la  troisième  classe.  En  tout  cas,  l'objet  est  une  relique, 
et  saint  et  vénérable  à  ce  titre. 

Nous  devons  la  plupart  des  renseignements  historiques 
concernant  les  reliques  et  les  sanctuaires  vénérés  par  les 
Buddhistes,  dans  l'Inde  et  dans  les  pays  voisins,  aux  pèlerins 
chinois,  Fa  Hian  et  Hiuen  Thsang,  et  aux  chroniques  Dîpa- 
vamsa  etMahâvamsa,  rédigées  à  Ceylan.  Quelque  importants 
que  soient  ces  renseignements,  ils  datent  d'une  époque  rela- 
tivement tardive,  lorsque  la  vénération  des  reliques  et  l'archi- 
tecture sacrée  étaient  déjà  complètement  constituées  ;  sur  le 
développement  des  formes  du  culte,  ces  écrits  ne  nous 
apprennent  à  peu  près  rien.  D'autant  plus  précieux  est  ici  le 
secours  que  nous  apporte  l'archéologie.  La  mise  à  jour  de 
constructions  ruinées  et  ensevelies  sous  la  terre,  la  description 
d' œuvres  d'art  encore  debout,  la  comparaison  des  formes  de 
l'art  ecclésiastique  aux  différentes  époques,  le  déchiffrement 
d'innombrables  inscriptions,  en  un  mot,  les  recherches  inces- 
santes dans  le  domaine  de  l'archéologie  indo-bouddhique,  ont 
révélé  une  foule  de  détails  intéressants.  Il  y  a  encore  bien 


LE  SANGHA  139 

des  lacunes  à  combler,  bien  des  points  obscurs  à  élucider; 
mais,  dans  les  grands  traits,  on  peut  déjà  se  faire  une  idée  du 
développement  de  l'art  religieux,  et,  de  ce  qui  y  est  étroite- 
ment relié,  le  culte  matériel  des  Bouddhistes.  C'est  sur  les 
origines  que  plane  encore  la  plus  grande  obscurité,  —  ce  qui 
n'étonnera  personne  qui  sait  distinguer  des  fables  dogmatiques 
de  véritables  récits  d'histoire. 

L'examen  des  monuments  antiques  n'a  pas  seulement 
donné  des  résultats  importants  pour  Thistoire  de  l'art,  il 
nous  a  aussi  appris  quels  objets  et  quels  symboles  étaient 
vénérés  comme  sacrés  à  différentes  époques.  *  Du  fait  que  127 
des  objets  déterminés  du  culte  sont  figurés  sur  des  sculp- 
tures, on  peut  tirer  des  conséquences  sur  le  développement 
du  culte  en  général.  11  est  bien  entendu  d'ailleurs  que,  dans 
ces  déductions.  Il  faut  procéder  avec  beaucoup  de  prudence. 

Parmi  les  témoignages  les  plus  anciens  relatifs  à  Texis- 
tence  d'objets  reconnus  comme  sacrés  et  adorés,  sont  ceux 
fournis  par  les  Stupas  de  Bharhut  et  de  Sanchi.  Ce  sont 
surtout  les  sculptures  du  premier  de  ces  monuments  dont 
nous  aurons  à  invoquer  continuellement  le  témoignage. 


2.  —  Reliques  corporelles. 

Sur  les  sculptures  de  Bharhut  on  ne  trouve  pas  figurés 
des  objets  sacrés  de  cette  nature,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
ranger  dans  cette  classe  la  coiffure  qui  fut  lancée  vers  le 
ciel  par  le  Bodhisatva,  lorsqu'il  devint  ascète,  puis  saisie 
par  les  Dieux  et  conservé  comme  un  souvenir  éternel  \  Un 
des  bas-reliefs  ^  nous  rappelle  cet  événement  remarquable. 
A  droite,  la  scène  représente,  sur  une  petite  échelle,  le  palais 
d'Indra,  avec  la  légende  :  Palais  Vijayanta;  à  côté,  à 
gauche,  un  bâtiment  en  forme  de  coupole,  sous  lequel  on 

1.  Tome  I,  livre  1,  chap.  l,p.  51. 

2.  Cunningham,  Slûpa  uf  Bharhut,  109  et  planche  XVI, 


140  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

garde  la  fameuse  coiffure  ;  au-dessus,  les  légendes  :  Siidharmâ^ 
la  salle  des  Dieux,  et  :  Fête  de  la  touffe  de  cheveux  (ou  du 
toupet).  Sous  le  bâtiment,  on  voit  les  Nymphes  célestes, 
dansant  et  chantant. 

Il  faut  distinguer  de  cette  relique  céleste  les  cheveux  du 
Tathâgata  et  d'autres  saints,  qu'on  conserve  sur  la  terre.  Il 
est  impossible  de  dire  à  quelle  époque  des  reliques  de  cette 
sorte  ont  reçu  une  consécration  ecclésiastique.  Dans  le  récit 
bien  connu  de  la  conversion  des  deux  marchands  Trapusha 
et  Bhallika,  le  Seigneur ,  sur  leur  demande ,  s'arrache 
128  quelques  cheveux  de  la  tête,  *  et  les  leur  donne  comme  des 
reliques.  Plus  tard,  revenus  dans  leur  pays,  les  deux  pieux 
marchands,  ainsi  qu'on  sait,  ont  élevé  des  Stupas  pour  y 
conserver  ces  reliques  \  Cependant,  dans  des  rédactions 
plus  anciennes  de  la  légende  %  on  ne  dit  pas  un  mot  de 
cheveux,  ou  d'autres  souvenirs;  tandis  que,  d'un  autre  côté, 
Hiuen  Thsang  ^  nous  donne  une  tradition  plus  développée. 
Les  deux  marchands,  en  effet,  n'auraient  pas  seulement  reçu 
des  cheveux  et  des  ongles  du  Tathâgata,  mais  encore  son 
bâton  et  son  pot  à  aumônes  ;  il  se  défit  même,  pour  leur  faire 
plaisir,  de  trois  vêtements  *,  et  déclara,  à  leur  demande  de 
quelle  façon  on  pouvait  le  mieux  l'honorer,  qu'on  devait  éle- 
ver un  Stûpa  pour  chacun  de  ces  objets  sacrés.  Les  deux 
marchands  accomplirent  cette  œuvre  dès  qu'ils  furent  rentrés 
dans  leur  patrie,  et  eurent  ainsi  le  mérite  d'être  les  premiers 
à  fonder  des  Stupas  en  l'honneur  du  Tathâgata.  —  Le  fait  que 
tous  ces  détails  manquent  dans  les  variantes  plus  anciennes 
de  la  légende,  fait  naître  le  soupçon  que  le  culte  des  cheveux 


1.  Tomel,  p.  80. 

2.  Mahâ-V.,  I,  4;  Lalita-V.  500. 

3.  Mém.,  T.  33. 

4.  C'est-à-dire  froc,  vêtement  de  dessus,  et  Sankakshikâ,  probablement 
un  manteau  couvrant  l'épaule.  On  ne  dit  rien  de  son  vêtement  de  dessous  : 
il  faut  admettre  qu'il  le  garda  sur  lui,  le  moine  bouddhique  ne  pouvant 
se  montrer  nu. 


LE   SANGIIA  141 

sacrés  ne  s'est  développé  que  plus  tard.  Il  est  vrai  que  les 
cheveux,  c'est-à-dire  les  rayons  du  Dieu  du  jour,  avaient 
été  honorés  depuis  longtemps,  mais  non  sous  forme  évhé- 
mériste.  ' 

D'autre  part,  il  est  indubitable  que  la  vénération  de  che- 
veux comme  reliques  est  relativement  ancienne,  car  on  la 
trouve  chez  les  deux  divisions  de  l'Eglise.  C'est  ainsi  que 
nous  savons  qu'une  poignée  de  cheveux,  fut  donnée  par  le 
Seigneur,  étant  à  Geylan,  à  Sumanas,  le  prince  des  Dieux, 
qui  la  garda  dans  une  cassette  en  or,  renfermée  dans  un 
Stûpa  de  saphir  ^  Dans  l'Inde  septentrionale,  du  temps  du 
pèlerin  déjà  nommé,  Kanauj,  Oudhe,  Kauçâmbî,  Srughna, 
le  pays  des  Yi  jis,  etc.  *  se  glorifiaient  de  posséder  des  che-  129 
veux  et  des  ongles  du  ïathâgata  ^  ;  toutes  ces  reliques 
étaient  contenues  dans  des  Stupas,  dont  l'un,  à  Kanauj, 
passait  pour  faire  des  miracles  :  quand  un  malade,  animé 
d'une  foi  profonde,  faisait  respectueusement  le  tour  du 
monument,  la  santé  et  la  joie  de  vivre  lui  revenaient  infail- 
liblement. 

Les  reliques  principales  sont  celles  qu'on  appelle  des 
çarîras  :  ce  sont  les  ossements  et  autres  restes  osseux  d'un 
cadavre  brûlé.  Parmi  ceux-ci  les  quatre  dents  canines  du 
Tathâgata  tiennent  une  première  place.  De  ces  quatre  dents, 
l'une  est  honorée  chez  les  Dieux,  l'autre  chez  les  Nàgas,  ou 
esprits  des  eaux,  la  troisième  fut  transportée  au  Gândhâra, 
dans  le  Nord-Ouest,  la  quatrième  dans  le  Kalinga,  au  Sud- 
Est  ^  Les  deux  premières  reliques  n'ont  pas  d'histoire  ;  on 
sait  peu  de  chose  de  la  troisième  ;  mais  la  dernière  a  eu 
de  nombreuses  vicissitudes.  Au  récit  de  ces  vicissitudes 
anciennes  est  consacrée  toute  une  chronique ,  intitulée 
Dalada-vamsa^  c'est-à-dire  a  histoire  de  la  dent  » .  Cet  écrit, 

s.  Mahâvamsa,  4. 

1.  Voy.  des  Pèl.  Boud.,  II,  216,  265,  268,  277,  287,  406.  A  Mathurà,  il  y  avait 
une  chapelle  destinée  exclusivement  aux  reliques  des  ongles  :  II,  210. 

2.  Comp.  tome  I,  p.  231. 


142  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

rédigé  vers  310  en  vieux  singhalais,  et  traduit  en  pâli, 
vers  1200,  sous  le  titre  de  Dâthadhâtu-vamsa^  c'est-à-dire 
«  Chronique  de  la  relique  de  la  dent,  »  contient  une  histoire 
assez  étendue,  dont  voici  Tanalyse  \ 

Durant  huit  siècles  la  dent  sacrée  avait  reposé  tranquil- 
lement à  Dantapura,  capitale  du  Kaliiiga  ^  lorsque  l'empe- 
reur Pându,  qui  régnait  à  Pâtaliputra  %  se  laissa  malheu- 
reusement amener  par  les  brahmanes  à  détruire  la  vénérable 
relique.  Il  avait,  en  effet,  appris  que  son  vassal  Guhaçiva, 
130  adorait  un  morceau  d'os,  *  sur  quoi  il  fit  marcher  une  armée 
contre  le  Kaliiiga,  pour  s'emparer  de  ce  morceau  d'os.  Les 
troupes  envoyées,  avec  leur  général,  loin  de  faire  du  mal  à 
la  dent,  se  convertirent  à  la  foi  salutaire  du  Buddha.  L'Em- 
pereur donna  alors  l'ordre  de  jeter  la  relique,  qui  avait  été  em- 
portée à  sa  résidence,  dans  une  fournaise  ardente,  mais  voilà 
qu'une  fleur  de  lotus  surgit  du  milieu  des  flammes,  avec  la 
dent,  qui  reposait  intacte  dans  le  calice  de  la  fleur.  On 
essaya  ensuite  d'écraser  la  dent,  placée  sur  une  enclume  :  ce 
fut  en  vain.  On  la  jeta  dans  un  égout,  et  l'on  obtint  pour  tout 
résultat  que  ce  réceptacle  d'immondices  fut  rempli  d'une 
odeur  suave,  pareille  à  celle  des  fleurs  célestes.  Bref,  la  reli- 
que fit  tant  de  miracles,  que  l'âme  endurcie  de  l'Empereur 
Pându  en  fut  touchée,  et  qu'il  se  convertit  à  la  vraie  foi. 
Après  une  tentative  malheureuse  des  rois  de  Çrâvasti,  qui 
essayèrent  de  s'emparer  de  la  dent  par  violence,  elle  fut  trans- 
portée, au  début  du  quatrième  siècle  de  notre  ère,  à  Ceylan, 


3.  Hardy,  E.  M.,  225. 

4.  Ce  nom  signifie  «  Ville  de  la  dent  »  ou  «  Ville  de  l'ivoire  »  ;  des  détails 
sur  l'histoire  de  la  ville  se  trouvent  dans  Dhammap.,  417  ;  Jât.,  II,  367;  Mahâ- 
bodhivamsa,  66,  Comp.  Vassilief,  Buddh.,  207.  —  Le  nom  habituel  de  cette 
capitale  est  Kalinga-nagarî,  ou  Kalinga-nagara  ;  c'est  ce  qu'on  lit  dans  l'ins- 
cription de  Mahâmeghavâhana,  roi  du  pays,  qui  se  trouve  à  Khandagiri,  et 
dans  le  Râmâyana;  le  nom  actuel,  Kalingapatam,  en  est  un  synonyme. 

5.  Nous  n'avons  d'ailleurs  aucun  renseignement  sur  un  roi  de  ce  nom, 
régnant  à  Pâtaliputra,  au  troisième  siècle  après  J.-C. 


LE   SANGHA  143 

par  la  fille  du  roi  Guhaçiva  du  Kaliiiga  dont  nous  venons  de 
parler. 

Ici  se  termine  le  récit  de  la  chronique. 

Un  siècle  après  le  transport  de  la  relique  à  Ceylan,  FaHian 
la  vit  dans  la  chapelle,  où  on  la  conserve  encore  aujour- 
d'hui \  C'était  alors  l'habitude  de  faire  tous  les  ans,  au  milieu 
du  troisième  mois  de  l'année,  une  grande  procession  en 
l'honneur  de  la  dent,  également  vénérée  des  laïques  et  des 
religieux.  Au  xiv^  siècle,  la  relique  fut  transportée  sur  le 
continent,  mais  ramenée  peu  de  temps  après  par  Parâkrama- 
Bâhu  IV.  En  1560,  la  dent  tomba  entre  les  mains  des  Por- 
tugais, qui  la  brûlèrent,  quoique  les  Singhalais  nient  le  fait, 
et  disent  que  la  dent  était  alors  cachée,  de  sorte  qu'elle 
échappa  au  danger.  Lors  de  la  prise  de  Kandy  par  les  Anglais, 
en  1815,  ceux-ci  se  rendirent  maîtres  de  la  précieuse  relique. 
Elle  fut  égarée  pendant  la  révolte  de  1818,  *  mais  retrouvée  131 
entre  les  mains  d'un  religieux,  une  fois  les  troubles  apaisés, 
et  ramenée  à  son  ancienne  place,  dans  la  chapelle.  De  ce 
moment  jusqu'en  1847,  le  gouvernement  anglais  a  mis  la 
relique  sous  sa  garde  officielle,  il  se  chargea  même  du  soin 
de  la  montrer  de  temps  en  temps  aux  fidèles.  Comme  cette 
exposition,  par  ordre  officiel,  d'une  relique  non  chrétienne, 
causait  du  scandale  dans  certains  milieux,  on  résolut  à  la  fin 
de  la  rendre  au  clergé  indigène. 

Cette  célèbre  relique  du  Tathâgata,  que  les  gens  de  Kandy 
considèrent  comme  le  palladium  de  leur  pays,  est  un  mor- 
ceau d'ivoire  jaunâtre  \  un  peu  recourbé,  long  de  deux 
pouces,  d'un  diamètre  d'un  pouce  en  bas.  On  le  conserve 
dans  un  sanctuaire  près  du  palais  des  anciens  rois  de  Kandy, 
clans  une  petite  chapelle  dont  les  murs  sont  recouverts 
d'étoffes  d'or  et  de  châles  magnifiques.  Sur  une  table  d'argent 

1.  Travels,  153,  155  ss.  (traduction  de  Legge,  p.  104  s.). 

1.  Gomme  danta  signifie  aussi  bien  «  dent  »  qu'  «  ivoire  »,  ce  n'est  pas,  lit- 
téralement parlant,  une  supercherie  d'appeler  l'objet  une  «  dent  ».  On  sait 
que  le  Bodhisatva  entra  sous  forme  d'éléphant  dans  le  tlanc  de  sa  mère. 


144  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

sont  placés  six  reliquaires  en  forme  de  Stupas,  enfermés  les 
uns  dans  les  autres,  et  dont  le  premier,  qui  renferme  tous 
les  autres,  est  en  argent,  et  a  une  hauteur  de  plus  de  cinq 
pieds.  C'est  dans  le  reliquaire  placé  à  l'intérieur  des  autres 
que  se  trouve  la  dent.  Le  reliquaire  extérieur  est  recouvert 
de  bijoux  et  d'ornements  de  toute  sorte  ^ 

Les  notices  relatives  à  la  dent  canine,  donnée  au  pays  de 
Gândhâra,  sont  extrêmement  maigres  et  confuses.  Fa  Hian 
parle  d'une  dent  conservée  dans  un  Stûpa  à  Nagara  ou  Naga- 
rahâra,  non  loin  de  la  ville  actuelle  de  Jelâlâbàd,  et  il  n'est 
pas  impossible  que  ce  fût  là  la  dent  canine  en  question, 
quoique  la  ville  ne  fît  pas,  à  proprement  parler,  partie  du 
Gândhâra,  au  moins  dans  ce  temps-là.  Quoiqu'il  en  soit, 
quelques  siècles  plus  tard,  cette  relique  aussi  avait  disparu. 
Huien  Thsang  témoigne  que,  de  son  temps,  on  voyait  à  Na- 
gara, les  restes  d'un  antique  Stûpa,  qui,  selon  la  tradition, 
avait  jadis  contenu  une  dent  du  Buddha.  La  dent,  remar- 
quable par  sa  splendeur,  ne  s'y  trouvait  plus;  on  ne  semble 
132  plus  avoir  su  ce  qu'elle  était  devenue,  *  ce  qui  ne  prouve  pas 
précisément  un  grand  intérêt,  de  la  part  des  indigènes,  pour 
'  les  vicissitudes  d'une  relique  si  remarquable  *.  Des  savants 
ont  émis  la  conjecture  ingénieuse,  que  la  dent  disparue  était 
la  même  qui  fut  offerte,  en  530  après  J.-C,  à  l'Empereur  de 
Chine  par  une  ambassade  persane  ^ 

Nous  avons  des  renseignements  beaucoup  plus  exacts  et 
plus  dignes  de  foi  sur  une  dent  du  Buddha  qui  était  exposée 
dans  un  Yihâra  près  de  Kanauj.  Elle  avait  la  longueur  d'un 
pouce  et  demi,  était  d'une  couleur  blanche  jaunâtre,  et 
répandait  une  lueur  extraordinaire,  dont  la  couleur  changeait 
pendant  le  courant  de  la  journée.  L'affluence  des  fidèles, 
qui  venaient  chaque  jour  répandre  des  fleurs  et  brûler  de 


2.  Turnour,  Journ.  As.  Soc.  Bengal,  VI,  866  ;  Hardy,  E.  M.,  224. 

1.  Fa  Hian,  Travelê,  44  (chez  Legge,  38);  Hiuen  Thsang,  Mém.,  I,  97. 

2.  Kœppen,  Rel.  d.  B.,  520. 


LE  SANGHA  145 

l'encens,  était  si  grande,  qu'on  avait  été   obligé  de  régiei' 
l'entrée,  et  de  ne  l'ouvrir  que  contre  payement  d'une  pièce 
d'or,  que  chacun,  d'ailleurs,  donnait  avec  plaisir.  A  cette 
excellente  relique  se  rattachait  une  longue  légende,  qu'Hiuen 
Thsang  n'a  pas  manqué  de  nous  transmettre  ^  Jadis,  lorsque 
la  race  des  Ki-li-to  '*  opprimait  la  Loi  de  Buddha  dans  le 
Kashmir  et  chassait  les  religieux,  un  des  moines  s'enfuit 
vers  l'Inde.  Pendant  ce  temps,  le  roi  de  Hematâla  en  Tokha- 
ristan,  apprit  avec  indignation  les  atrocités  que  les  Ki-li-to 
avaient  commises  contre  la  foi.  Brûlant  d'ardeur  de  châtier 
ces  misérables,  il  marcha  immédiatement  contre  eux,  avec 
une  armée  de  dix  mille  hommes,  mais  résolut  en  même 
temps,    pour   augmenter   les  chances  de    réussite,   d'avoir 
recours  à  une  russe  de  guerre.  Il  se  déguisa  en  marchand, 
et  apporta  avec  lui  une  masse  d'objets  précieux,  sous  pré- 
texte  de    vouloir   les    offrir   à    l'orgueilleux  souverain  du 
Kashmir.  Celui-ci,  qui  en  reçut  bientôt  la  nouvelle,  en  fut 
très  heureux,  et  envoya  ses  ministres,  *  pour  accueillir  solen-  133 
nellement  le  soi-disant  marchand.  Le  roi  déguisé  de  Hema- 
tâla parut  devant  le  trône  du  Ki-li-to,  et,  debout,  dans  toute 
la  majesté  de  sa  figure  imposante,   il  lança  des  reproches 
amers  contre  l'usurpateur  :  celui-ci  fut  tellement  eiïrayé, 
qu'il  tomba  par  terre,  comme  inanimé.  Le  héros  de  Hema- 
tâla lui  enleva  la  tête  d'un  seul  coup,  et,  se  tournant  vers  les 
assistants,  il  s'écria  :  «  Je  suis  venu  pour  punir  les  misérables 
qui  veulent  exterminer  la  religion  de  Buddha,  mais  je  ne 
vous  rends  pas  responsables  de  ce  crime,  le  roi  seul  fut  cou- 
pable. Soyez  donc  sans  crainte,  je  me  contenterai  d'exiler 
les  mauvais  conseillers,  dont  les  avis  pernicieux  ne  furent  que 
trop  suivis  par  le  roi;  je  laisserai  les  autres  tranquilles  ». 

Après  le  châtiment  des  Ki-li-to,  le  roi  fit  bâtir  un  couvent, 
et  rappela  dans  le  pays  les  religieux  qui  avaient  été  chassés. 

3.  Vie,  248. 

4.  Telle  est  la  transcription  chinoise  ;  la  forme  indigène  du  nom  n'est  pas 
connue  avec  certitude. 

Tome  II.  10 


146  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Ce  moine  dont  nous  avons  parlé,  qui  s'était  enfui  dans  l'Inde, 
apprenant  que  la  tranquillité  était  rétablie  dans  le  Kashmir, 
se  hâta  de  reprendre  le  bâton  de  voyageur,  et  de  retourner 
dans  sa  patrie.  En  route,  il  eut  une  rencontre  singulière  :  un 
troupeau  d'éléphants  s'avança  de  son  côté,  en  poussant  des 
hurlements,  de  sorte  que  le  voyageur,  effrayé,  grimpa  sur  un 
arbre.  Cela  ne    le   sauva  pas .  :  les  éléphants  renversèrent 
l'arbre,  et  l'un  d'eux  plaça  le  moine  sur  son  dos,  et  l'emporta 
jusqu'à  ce  qu'on  vint  dans  une  grande  forêt,  où  gisait  un 
éléphant  blessé.  Porté  près  de  celu-ci,  le  religieux  vit  qu'un 
morceau  pointu  de  bambou  avait  pénétré  dans  la  chair  de 
l'animal  :  rapidement,  il  retira  le  bois  de  la  plaie  et  la  banda 
avec  des  morceaux  d'étoffe  qu'il  arrachait  de  son  habit.  L'état 
de  l'éléphant  blessé  s'améliora  rapidement,  la  douleur  violente 
s'apaisa,  et  le  malade  put  reprendre  des  forces  grâce  à  un 
sommeil  bienfaisant.  Le  lendemain  matin,  les  autres  élé- 
phants s'empressèrent  de  montrer  au  moine  combien  ils  lui 
étaient  reconnaissants,  apportèrent  les  fruits  les  plus  exquis^ 
et  lorsqu'il  eut  fini  son  repas,  un  des  éléphants  tendit  au 
blessé  une  cassette  en  or,  que  celui-ci  s'empressa  d'offrir  au 
moine. 
134      *  Avant  que  le  religieux  eût  pu  ouvrir  la  cassette,  les  élé- 
phants le  prirent,  à  tour  de  rôle,  sur  leur  dos,  et  le  ramenèrent 
ainsi  dans  sa  patrie.  En  ouvrant  la  cassette,  on  vit  qu'il  s'y 
trouvait  une  dent  du  Buddha.  C'est  ainsi  que  la  relique  vint 
dans  le  Kashmir. 

Longtemps  après  ces  événements,  peu  de  temps  avant  la 
visite  du  pèlerin  chinois  à  la  cour  du  roi  Harsha,  nommé 
aussi  Çilâditya,  à  Kanauj,  ce  prince  était  devenu  possesseur 
de  l'inestimable  relique,  et  voici  comment.  Il  avait  entrepris 
un  voyage  aux  limites  du  Kashmir,  dans  le  but  de  voir  et 
d'adorer  la  dent  sacrée.  Il  demanda  poliment  une  autorisation 
en  ce  sens,  mais  les  gens  du  Kashmir  se  montraient  peu 
enclins  à  lui  accorder  cette  faveur.  Ils  poussèrent  l'avarice 
jusqu'à  cacher   la   dent,  jusqu'à  ce  que  le  roi  du  pays,  qui 


LE  SANGHA  14'7 

craignait  la  puissance  de  Çilâditya,  fit  rechercher  la  relique 
et  la  céda  au  roi  de  Kanauj,  qui,  avec  une  légitime  fierté, 
rapporta  ce  don  précieux  dans  sa  capitale  *. 

Une  autre  dent  de  Buddha  se  trouvait,  dans  la  première 
moitié  du  vn^  siècle,  à  Bamian,  où  l'on  montrait  aussi  la 
dent  d'un  Pratyeka-buddha,  dont  on  ne  donne  pas  le  nom. 
Ce  dernier  objet  était,  à  certains  égards,  le  plus  remarquable 
des  deux  :  il  n'avait  pas  moins  de  cinq  pouces  en  longueur  et 
de  quatre  pouces  en  largeur.  Le  Nouveau-Monastère  (Nava- 
Sanghârâma)  à  Balkh  possédait  une  des  dents  de  devant  du 
Tathâgata;  et  à  Kapiça,  Hiuen  Thsang  vit  une  des  dents  de 
lait  du  Bodhisatva  enfant  ^. 

Peu  d'endroits  pouvaient  se  vanter  de  posséder  les  reliques 
aussi  nombreuses  et  aussi  remarquables  que  la  région  de 
Nagarahâra,  au  sud  du  fleuve  KabuL  A  une  certaine  dis- 
tance de  la  capitale,  à  Hidda,  il  y  avait  un  Stûpa  fait  de  sept 
matières  précieuses,  et  qui  contenait  *  l'os  du  sommet  du  135 
crâne  du  Tathâgata  *.  Cet  os  était  haut  d'un  pied  et  avait 
2  pouces  de  circonférence,  était  d'une  couleur  blanche  jau- 
nâtre, et  montrait  encore  nettement  les  trous  oii  se  plaçaient 
les  racines  des  cheveux.  Une  particularité  de  cette  relique 
était,  qu'on  pouvait  s'en  servir  pour  mesurer  la  valeur  morale 
d'une  personne.  A  cet  effet,  on  n'avait  qu'à  préparer  un  mor- 
ceau d'emplâtre  mou  avec  une  poudre  odorante  ;  à  l'aide  de 
ce  petit  appareil,  on  prenait  une  empreinte  de  la  relique. 


1.  Le  nom  du  roi  du  Kashmir  n'est  pas  indiqué;  les  seuls  qui  puissent  entrer 
en  ligne  de  compte  sont  Durlabhavardhana  et  son  fils  Pratdpâditya.  Ni  Tun  ni 
Tautre  n'étaient  Bouddhistes  ;  on  comprend  donc  que  la  relique  ait  été  cédée 
facilement. 

2.  Voy.  des  Pèl.  B.  l.  70,  374,  65;  II,  53. 

1.  Ce  qu'on  appelle  l'Ushnîsha,  un  des  signes  distinctifs  du  Grand  Homme. 
Ailleurs  Hiuen  Thsang  (Mém.,  il,  142)  le  décrit  comme  un  cône  charnu,  mais 
comme  il  ajoute  en  môme  temps  qu'une  statue  du  Buddha  avait  un  diamant 
placé  au  sommet  de  ce  soi-disant  cône,  rUshnîsha,  à  l'origine,  ne  peut  guère 
avoir  été  un  morceau  d'os;  le  mot  signifie  proprement  «  turban.  »> 


148  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Selon  que  la  personne  avait  plus  ou  moins  de  mérite  moral, 
l'empreinte  donnait  une  image  différente  ^ 

Au  même  endroit,  dans  deux  autres  chapelles,  qui  étaient 
aussi  faites  de  sept  matières  précieuses,  on  gardait  un  autre 
morceau  de  l'os  du  crâne,  et  les  prunelles  du  Tathâgata, 
grandes  comme  des  mangues  ^.  Il  y  avait  là  encore  d'autres 
objets  sacrés,  de  la  troisième  classe,  dont  nous  parlerons 
plus  tard. 

Parmi  les  nombreux  monuments  sacrés  dont  pouvait 
s'enorgueillir  le  pays  de  Nagara,  l'os  du  sommet  du  crâne 
tenait  sans  conteste  la  première  place,  et  était,  par  consé- 
quent, le  plus  honoré.  Le  roi  du  pays,  dit  Fa  Hian  \  savait 
apprécier  ce  morceau  de  choix  à  sa  juste  valeur,  et  de  peur 
que  l'os  ne  fût  volé  ou  remplacé  par  une  pièce  fausse,  il  avait 
désigné  huit  personnes,  appartenant  aux  familles  les  plus 
honorables  de  la  ville,  qui,  chaque  soir,  devaient  apposer  des 
scellés  sur  la  porte  de  la  chapelle.  De  grand  matin,  les  huit 
surveillants  vérifient  si  le  scellé  que  chacun  d'eux  a  apposé 
136  la  veille,*  est  entier.  Ils  ouvrent  ensuite  la  porte,  se  lavent  les 
mains  avec  de  l'eau  parfumée,  et  prennent  l'os  du  Buddha, 
pour  le  poser  sur  un  siège  élevé,  érigé  en  dehors  de  la  cha- 
pelle. Sur  le  trône  est  placé  une  table  circulaire,  faite  de  sept 
matières  précieuses,  qui  porte  une  cloche  de  verre.  Une  fois 
la  relique  mise  sous  la  cloche,  quelques  fonctionnaires,  dési- 
gnés à  cet  effet,  montent  sur  une  tour  élevée,  où  ils  battent 
une  grosse  caisse,  sonnent  de  la  conque  et  font  retentir  des 
cymbales.  Dès  que  le  roi  a  entendu  ce  signal,  il  se  rend  au 
Yîhâra,  pour  y  sacrifier  des  fleurs  et  des  parfums,  et  courber 
sa  tête  dans  la  poussière,  en  adorant.  Chaque  matin,  le  roi 
fait  ainsi  ses  dévotions,  avant  de  se  consacrer  aux  soins  du 
gouvernement.  Son  exemple  est  suivi  des  nobles  et  des  bour- 

2.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  102. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  77;  II,  102;  l'auteur  veut  peut-être  dire  des  noyaux  de 
mangue  :  ce  serait  déjà  assez  grand. 

4.  Travels,  41  (Legge,  37). 


LE  SANGHA  149 

geois,  qui  viennent  régulièrement  adorer  la  relique,  avant  de 
vaquer  à  leurs  occupations  ordinaires. 

La  belle  île  de  Geylan  était  déjà  en  possession  d'ossements 
sacrés  longtemps  avant  que  la  célèbre  dent  y  eiit  été  trans- 
portée. En  première  ligne,  il  faut  mentionner  la  vertèbre 
cervicale  du  Tathâgata,  ossementque  le  Père  ^  Sarabhû  avait 
lui-même  jadis  enlevé  du  bûcher  et  apporté  à  Geylan  ^  Ce 
fait  est  d'autant  plus  remarquable  que  la  doctrine  du  Buddha 
ne  fut  introduite  dans  le  pays  qu'environ  250  ans  plus  tard. 
Le  même  Sarabhû  fit  fonder  à  Mahiyaiigana  un  Stûpa  haut 
de  12  pieds,  pour  abriter  la  relique.  Plus  tard,  on  battit  par- 
dessus ce  Stûpa  un  autre,  haut  de  30  pieds,  construit  par 
ordre  d'Abhaya,  un  frère  cadet  du  roi  Devânâmpriya  Tishya, 
et  enfin,  un  troisième,  haut  de  80  pieds,  par  dessus  le  se- 
cond, par  ordre  de  Dushta-Gâmani  ^ 

*  Déjà  depuis  le  temps  d'Açoka  —  disent  les  chroniqueurs  137 
—  l'île  de  Geylan  possédait  également  la  clavicule,  droite  du 
Tathâgata.  La  relique  se  trouvait  originairement  dans  le  Sanc- 
tuaire de  l'os  du  crâne,  érigé  dans  le  paradis  des  Dieux; 
mais  Mahendra,  l'apôtre  de  Geylan,  ayant  envoyé  le  novice 
Sumanas  au  Giel,  avec  la  mission  de  demander  quelque 
relique  précieuse,  Indra,  le  roi  des  dieux,  avait  eu  l'amabilité 
de  céder  la  clavicule  K  En  outre,  il  y  avait  tout  un  Drona 
plein  d'ossements  dans  un  Stûpa  à  Ruanvelli,  (jadis  Hema- 
vâlî)^  un  endroit  particulièrement  vénéré,  parce  qu'il  avait 
été  autrefois  visité  par  Gautama  Buddha  et  ses  trois  prédé- 
cesseurs. On  ne  dit  pas  nettement  à  quelle  intervention  était 

1.  Nous  traduisons  ainsi  le  sanscrit  Sthavira,  pâli  Thero,  c'est-à-dire  «  an- 
cien n  y  senior.  Le  mot  prêtre,  bien  que  de  valeur  correspondante  quant  à  Téty- 
mologie,  donnerait  lieu  à  des  méprises,  à  cause  de  l'extension  et  de  la  modi- 
fication du  sens. 

2.  Mahâvamsa,  p.  4. 

3.  La  chronique  Dîpavarnsa,  plus  ancienne,  et  qui  doit  avoir  été  écrite  entre 
300  et  430  de  notre  ère  (voir  ce  que  dit  le  professeur  Oldenberg,  dans  la 
préface  de  son  édition,  p.  9)  ne  dit  rien,  ni  de  Sarabliû,  ni  de  la  relique. 

1.  Dipav.,  13,  15;  Mahâvamsa,  p.  115. 


130  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

due  le  don  de  ce  Drona  :  ce  qu'on  peut  conclure  avec  le  plus 
de  vraisemblance  des  notices  confuses  que  nous  possédons, 
c'est  que  ce  fut  Açoka  qui  céda  ces  reliques  à  Sumanas,  l'en- 
voyé de  Mahendra  :  en  tout  cas  Açoka  donna  quelques  osse- 
ments ^ 

On  n'a  conservé,  comme  c'est  assez  naturel,  que  de  faibles 
restes  des  Tathâgatas  antérieurs.  Nous  savons  seulement 
que  le  squelette  complet  de  Kaçyapa-Buddha  était  enterré 
sous  une  tour,  près  de  Çrâvasti  ^ 

Beaucoup  plus  nombreux  sont  les  restes  des  Saints  plus 
récents,  tels  que  les  Disciples  et  les  imitateurs  du  Maître.  A 
Yaiçâlî  on  montra  à  Fa  Hian  une  tour,  sous  laquelle  repo- 
sait la  moitié  du  corps  d'Ananda,  tandis  que  l'autre  moitié 
était  conservée  dans  la  Magadha  \  La  ville  de  Mathurâ  possé- 
dait des  Stupas  consacrés  à  la  mémoire  de  Çâriputra  et  de 
Maudgalyâyana,  de  Pûrna-Maitrâyanîputra,  d'Upâli,  d'Ananda 
et  de  Râhula,  dont  les  ossements  étaient  conservés  dans  ces 
bâtiments.  Parmi  ces  sanctuaires,  celui  d'Ananda  était  parti- 
138  culièrement  vénéré  des  religieuses.  *Les  ongles  et  la  barbe 
du  Père  de  l'Eglise  Upagupta,  disciple  de  Çânavâsa,  étaient 
honorés  dans  la  même  ville.  On  y  trouvait  également  un 
Stûpa  consacré  aux  reliques  du  Bodhisatva  Manjuçrî  et  d'au- 
tres Bodhisatvas  qui  ne  sont  pas  nommés  *.  Le  corps  entier 
de  Kâçyapa  le  Grand  reposait  dans  un  ravin  profond  du 
mont  Kukkuta-pâda  ^  Un  Stûpa  «  dans  un  bois  »  du  pays 


2.  Dîpav.,  17,  10  ;  Mahâv.,  p.  106. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  126.  Travels,  83. 

4.  Travels,  96,  100.  Le  voyageur  n'oublie  pas  de  mentionner  qu'Ânanda  lui- 
même  était  l'auteur  de  cette  division  de  son  corps.  La  môme  histoire  est 
racontée  dans  Târanâtha,  Gesch.  d.  B.,  9.  Lorsque  le  saint  mourut  après  avoir 
converti  500  sages  dans  une  île  au  milieu  du  Gange,  son  corps  fut  consumé 
par  auto-combustion,  et  éclata  comme  une  boule  de  pierre  précieuse,  en  deux 
moitiés,  que  les  flots  portèrent  aux  deux  rivages  :  les  habitants  de  Vaicâlî 
reçurent  une  moitié,  l'autre  vint  dans  la  possession  d'Ajâtaçatru. 

1.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  208;  I,  104.    ^ 

2.  Travels,  132  (chez  Legge,  92  ;  celui-ci  identifie  à  tort  Mahâ-Kâçyapa  avec 


LE  SANGHA  151 

de  Konkan  contenait  les  reliques  de    Çrutavimçatikoti  \ 
Les  reliques  les  plus  anciennes  et,  à  ce  point  de  vue,  les 
plus  remarquables,  sont  celles  que  prétendent  posséder  les 
habitants  de  l'île  de  Ramri,  sur  la  côte  d'Aracan.  Ce  sont  les 
restes  du  corps  du  Buddha  avant  qu'il  eût  paru  comme  Gau- 
tama-Buddha,   et  lorsqu'il  vivait  sur  la  terre  sous  forme 
d'un  oiseau  ou  d'un  quadrupède.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
qu'on  a  trouvé  dans  les  restes  des  vieux  temples  bouddhiques 
de  l'île  des  objets  sacrés  de  cette  nature  :  plumes,  poils,  os 
d'animaux,  etc.  Il  est  vrai  que  les  Singhalais  nient  l'authen- 
ticité de  ces  reliques,  mais  on  peut  s'expliquer  leurs  déné- 
gations par  un  sentiment  d'envie,  et  il  serait  absurde  de 
prétendre  que  ces  restes  matériels  des  existences  antérieures 
du  Buddha  sont  moins  réels  que  les  550  Jâtakas  eux-mêmes. 
On  ne  peut  douter  de  l'existence  de  ces  plumes,   etc.,   de 
même  qu'on  ne  peut  douter  de  l'existence  de  certaines  ruines 
à  l'endroit  où,   à  ce   qu'on  dit,    s'élevait  autrefois  la  ville 
fameuse  de  Kapilavastu.  Quand,  de  l'existence  de  pareilles 
ruines,  que  Fa  Hian   et  Hiuen  Thsang  ont  vues  de  leurs 
propres  yeux,  on  veut  conclure  à  l'authenticité  de  la  tradi- 
tion relative  aux  Çâkyas,  etc.,  il  est  difficile  de  voir  com- 
ment on  peut  douter  sérieusement  de  la  vénérable  tradition 
des  indigènes  de  Ramri,  qui,  eux  aussi,  peuvent  montrer  des 
restes  incontestables  d'objets  corporels.  *  Peut-être  la  critique  139 
européenne,  qui  est  en  état,  ou  se  croit  en  état,  de  retrouver 
un  noyau  historique  dans  la  biographie  du  Buddha  de  l'âge 
actuel  du  monde,  sera-t-elle  un  jour  capable  de  distinguer 
les  reliques   authentiques  des  reliques  falsifiées  et  apocry- 
phes. 


le  Buddha  Kâçyapa,  et  lit,  également  à  tort,  Gurupâda  au  lieu  de  Kukkuta- 
pâda.) 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.,  111,  148.  Le  personnage  désigné  est  Çrona-kotivimça, 
«  celui  qui  se  promène  dans  le  bocage  »,  Schiefner,  Lebensb.,  283;  en  pâli, 
Sona-Kolivisa,  Mahâ-V.,  5,  1,  où  Ton  raconte  sur  ce  personnage  une  histo- 
riette identique  à  celle  qu'on  trouve  Voy.  111,  67, 


152  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


3.  —  Sanctuaires.  —  Noms  et  classification  des  édifices.  — 
Stupas:  leur  caractère  et  leur  origine.  —  Indication  des 
bâtiments  les  plus  célèbres  de  cette  classe.  —  résultats 
donnés  par  les  fouilles. 

Le  nom  le  plus  général  pour  un  sanctuaire  est  Caitya. 
Sous  ce  nom,  on  ne  comprend  pas  seulement  les  édifices, 
mais  aussi  des  arbres  sacrés,  des  pierres  commémoralives, 
des  statues,  des  inscriptions  religieuses,  des  lieux  sacrés. 
Tous  les  édifices  qu'on  considère  comme  des  monuments 
consacrés  peuvent  être  appelés  des  Caityas ,  bien  qu'ils 
portent  encore  d'autres  noms,  d'après  la  classe  à  laquelle  ils 
appartiennent.  D'autre  part,  un  Caitya  n'est  pas  nécessaire- 
ment un  édifice. 

Les  noms  les  plus  usuels  pour  les  différentes  classes  d'édi- 
fices religieux,  sont,  chez  les  Bouddhistes,  Stûpa  et  Vihâra  : 
ce  dernier  terme,  comme  nous  l'avons  remarqué,  désigne 
aussi  bien  un  couvent  qu'un  temple  avec  une  statue  du 
Buddha.  La  distinction  qu'on  fait  au  Népal  entre  Vihâra  et 
Caitya,  est  plus  ou  moins  arbitraire,  et  résulte  en  outre 
d'une  confusion  des  différentes  classes  d'édifices  sacrés.  Ils 
donnent  le  nom  de  Caitya  à  un  sanctuaire  ayant  la  forme  d'un 
tas  de  riz  et  consacré  à  Âdi-buddhîi  ou  aux  cinq  Dhyâni- 
buddhas,  et  ils  appellent  Vihâras  les  sanctuaires  ou  temples 
de  Çâkya  et  des  six  autres  Mânushi-buddhas,  ou  d'autres 
saints.  Ces  Yihâras  s'appellent  chez  eux  aussi  Kûtâgâras, 
c'est-à-dire  tours,  belvédères,  bien  que  ces  tours  ne  soient 
d'ordinaire  qu'une  partie  des  Vihâras.  Au  milieu  des  Vihâras 
il  y  a  parfois  un  Caitya,  ou  bien  un  Kûtâgâra  *. 

On  peut  conclure  de  ces  données,  que  les  Kûtâgâras  ne 
140  sont  pas  autre  chose  que  des  tours  à  reliques  *  ou  des  Prà- 

1.  Hodgson,  Ess.  49,  82,  ss.,  comp.  30. 


LE  SANGHA  153 

sâdas,  au  moins  par  leur  forme,  et  que  les  Gaityas  ont  l'appa- 
rence de  véritables  Stupas.  La  raison  qui  a  fait  éviter,  au 
Népal,  le  terme  de  Stûpa,  est  probablement  celle-ci,  que, 
d'après  la  notion  orthodoxe,  chaque  Stûpa  devait  contenir 
des  reliques,  et  que  cela  était  impossible  quand  il  s'agissait 
d'édifices  en  honneur  d'Adi-buddha.  Les  figures  et  descrip- 
tions des  vieux  Gaityas  du  Népal,  d'une  clarté  parfaite, 
mettent  hors  de  doute  l'identité,  quant  à  la  forme,  du  Stûpa 
et  du  Çaitya. 

«  Le  Çaitya,  »  dit  le  plus  grand  connaisseur  du  Bouddhisme 
du  Népal  \  semble  être  la  seule  forme  de  temple  exclusive- 
ment bouddhiste.  Il  consiste  en  un  hémisphère  solide,  au- 
dessus  duquel  s'élève  le  plus  souvent  un  cône  ou  une  pyra- 
mide carrée,  avec  des  étages  faisant  escalier.  Les  étages  ou 
degrés  du  cône  ou  de  la  pyramide  sont  au  nombre  de  treize, 
et  doivent  représenter  les  treize  cieux  des  Bodhisatvas  dans 
la  cosmographie  bouddhique  ^  Le  cône  ou  la  pyramide  se 
termine  par  un  palus^  qui  ressemble  beaucoup  à  un  iingam, 
et  qui  est  d'ordinaire  recouvert  d'un  parasol.  Cette  partie  de 
l'édifice  représente  le  ciel  Akanishtha,  le  plus  élevé,  celui 
d'Adi-buddha.  Les  cinq  rayons,  sont  un  symbole  des  demeures 
des  5  Dhyâni-buddhas.  Entre  l'hémisphère  et  le  cône  (ou  la 
pyramide)  il  y  a  une  sorte  de  goulot  carré,  dont  chaque  côté 
montre  une  paire  d'yeux,  symbole  de  l'omniscience.  L'hé- 
misphère s'appelle  le  garbha;  le  goulot  gala^  le  cône  ou  la 
pyramide  cxXdâmani  (bijou  du  sommet  du  crâne). 

On  n'a  qu'à  comparer  cette  description  aux  dessins  des 
Gaityas  les  plus  anciens  et  les  plus  simples  du  Népal,  par 
exemple  celui  du  Matirâjya  près  Pâtan  %  et  aux  conditions 


1.  Hodgson,  Ess.,  30. 

2.  Ce  n'est  pas  la  forme  la  plus  simple  :  voir  par  exemple  la  figure  du 
Matirâjya-Caitya  dans  D^  D.  Wright,  History  of  Népal,  pi.  X  :  comp.  pi.  IV 
et  IX,  où  Ton  trouve  des  sommets  plus  compliqués. 

3.  Wright,  Hist.  of  N.  p.  16  dit  :  A  huge  Buddhist  temple  of  the  most  pri- 
mitive description.  This  temple  is  merely<i  mound  or  dôme  of  brickwork, 


154  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

441  que  doivent  posséder  les  Stupas  les  plus  orthodoxes  *  pour 
se  convaincre  que  les  Caityas  du  Népal  sont,  quant  à  la 
forme,  de  véritables  Stupas. 

Si  le  Caitya,  tel  que  nous  venons  de  Fesquisser,  est  un  vrai 
Stûpa,  ce  n'est  pas  un  Dagob,  si  l'on  donne  à  ce  mot  le  sens 
exact  qu'il  a  dans  la  terminologie  de  l'art  ecclésiastique.  Le 
Dagob,  Dhâtugarbha,  s'appelle  ainsi  parce  qu'il  «  garde  des 
reliques  en  son  sein  ».  Mais,  dans  la  langue  des  hommes, 

»  dhâtu  ne  signifie  pas  du  tout  «  relique  »,  à  moins  que  ce  ne 
soit  par  manière  de  plaisanterie  allégorique  :  le  sens  véritable 
est  «  élément  »  et  le  dhâtugarbha  est  «  ce  qui  garde  dans  son 
sein  les  éléments  ».  Au  fond,  les  gens  du  Népal  auraient  très 
bien  pu  donner  à  leurs  Gaîtyas  le  nom  de  Dhâtugarbhas.  Le 
véritable  Dhâtugarbha  d'Âdi-buddha,  autrement  dit  Brahmâ, 
le  Créateur,  est  le  Brahmânda,  Tœuf  du  monde  qui  contient 
tous  les  éléments  et  que  l'horizon  partage  en  deux  moitiés. 
C'est  là  le  vrai  Dhâtugarbha  :  les  édifices  n'en  sont  que 
l'imitation. 

Dans  un  sens  évhémériste-bouddhiste,  la  plupart  des  Stupas 
sont  des  Dagobs,  parce  qu'ils  contiennent  des  reliques  de 
Saints  plus  ou  moins  fameux  *.  Comme  un  pareil  sanctuaire 
contient  des  dhâtus,  on  peut  donner  à  l'ensemble  le  nom  de 
Dhâtugarbha,  de  manière  que  Dagob  et  Stûpa  (pâli  :  Thûpa) 
sont  employés  comme  synonymes.  Dans  un  sens  plus  res- 
treint, le  Dagob  est  la  partie  du  Stûpa  qui  contient  les  reli- 
ques, Varca. 


covered  with  earth.  There  is  a  small  shrine  at  each  of  the  cardinal  points; 
and  on  the  top  what  looks  like  a  wooden  ladder. 

1.  Tous  les  Stupas  ne  sont  pas  des  Dagobs;  plusieurs  ne  furent  fondés  que 
pour  rappeler  le  souvenir  d'un  événement  plus  ou  moins  important,  qu'on 
croyait  avoir  eu  lieu  à  l'endroit  où  s'élevait  le  Stûpa.  C'est  ainsi  qu'il  y  avait 
un  Stûpa  là  oti  le  Maître  avait,  pour  la  première  fois,  mis  en  mouvement  la 
roue  de  la  Loi,  près  de  Bénarès,  un  autre  s'élevait  non  loin  de  là,  à  l'endroit 
ou  500  Pratyekabuddhas  étaient  entrés  ensemble  dans  le  Nirvana  :  Voy.  des 
Pél.  B.  II,  355  ss. 


LE  SANGHA  155 

En  général  on  peut  définir  les  Dagobs  ^  comme  des  édifices 
sacrés  du  Bouddhisme,  tantôt  solides  et  pleins,  tantôt  ayant 
à  l'intérieur  un  espace  vide  plus  ou  moins  grand,  qui,  dans 
quelques  cas,  était  muré  ou  rendu  inaccessible  d'une  autre 
façon,  et  qui  dans  d'autres  cas  était  muni  de  portes  qui  en 
permettaient  l'entrée.  *  Les  édifices  pouvaient,  en  outre,  142 
différer  par  la  forme  et  l'ornementation,  par  l'étendue  du 
bâtiment  principal  ou  le  nombre  des  bâtiments  secondaires, 
par  le  fait  que  le  Dagob  était  ou  bien  placé,  isolé,  en  plein 
air,  ou  bien  à  l'intérieur  d'un  temple,  aménagé  à  cet  effet, 
et  qui,  dans  ce  cas,  était  le  plus  souvent  creusé  dans  le  roc. 
En  comparant  toutes  les  formes  du  Dagob,  même  les  plus 
divergentes,  on  peut  les  ramener  sans  peine  à  deux  types 
principaux,  qui  se  rapprochent,  soit  de  l'hémisphère,  soit  du 
cône.  Dans  le  dernier  cas,  la  forme  ressemble  à  la  pyramide; 
dans  le  premier,  à  la  coupole  ou  à  la  cloche. 

Sur  l'origine  des  Stupas,  la  légende  *  nous  donne  des  ren- 
seignements extrêmement  intéressants.  Peu  de  temps  avant 
le  Nirvana,  le  Maître  révéla  à  Ananda  le  fait,  qu'on  avait 
l'habitude  d'ériger  des  Stupas,  pour  les  rois  défunts,  le 
Buddha,  et  les  autres  Saints,  et  il  donna  Tordre  qu'on  traitât 
son  corps  comme  celui  d'un  Roi.  Après  la  mort  du  Seigneur, 
les  fidèles  érigèrent  dix  de  ces  monuments  :  huit  pour  les 
Dronas  contenant  des  reliques,  un  neuvième  pour  l'urne,  et 
un  dixième  pour  les  charbons  du  bûcher  ^ 

Comme  on  voit,  la  légende  nous  dit  bien  quels  personnages 
ont  droit  à  un  Stûpa  après  leur  mort,  mais  nullement  que  ce 
n'est  qu'après  le  Nirvana  du  Buddha  de  l'époque  actuelle 


2.  Ce  qui  suit  est  emprunté  à  peu  près  littéralement  au  texte  explicatif, 
rédigé  par  le  Dr.  Leemans,  qui  accompagne  le  recueil  de  planches  :  Boro- 
Boedoer  op  het  eiland  Java,  p.  386  (traduction  française,  p.  409). 

1.  Tome  I.  p.  223  et  230,  Mahâparin.  S.  chap.  5  et  6. 

2.  Remarquons,  en  passant,  que  ce  récit  est  en  contradiction  avec  la  tra- 
dition, d'après  laquelle  Trapusha  et  Bhallika  auraient  érigé  les  premiers 
Stupas  en  l'honneur  du  Seigneur. 


156  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

qu'on  aurait,  pour  la  première  fois,  érigé  des  édifices  de 
celte  sorte.  Au  contraire,  il  est  question  de  Stupas  comme 
de  monuments  déjà  existants,  quelque  singulier  qu'il  paraisse 
qu'Ananda,  qui  n'était  plus  un  enfant,  mais  qui  avait  atteint 
V'd^e  respectable  de  80  ans,  eût  encore  besoin  d'être  ren- 
seigné sur  la  nature  de  ces  édifices.  Pour  compléter  les  don- 
nées qu'on  trouve  dans  la  légende  et  dans  les  autres  sources 
bouddhiques,  on  peut  ajouter  que  chez  les  Indiens  brah- 
143  maniques,  déjà  à  une  époque  relativement  ancienne,  *  il  est 
fait  mention  d'élévations  de  terre  {kuhjas),  sous  lesquelles 
on  gardait  les  restes  de  cadavres  brûlés  *,  à  l'endroit  où  les 
restes  des  ossements  étaient  enterrés  après  la  crémation, 
on  mettait  une  motte  de  terre,  et  l'on  y  plantait  des  épines, 
de  la  mousse  et  un  arbre,  ou  bien  on  y  érigeait  une  éléva- 
tion en  briques  ou  une  colonne.  L'emplacement  du  bûcher 
qui  avait  servi  à  brûler  le  cadavre  était  désigné  de  la  môme 
manière  ^.  Des  mausolées,  érigés  en  l'honneur  de  princes  ou 
de  nobles  hindous  ne  sont  pas  rares.  Tous  ces  monuments 
sont  des  Caityas. 

Tous  ces  faits  réunis  nous  amènent  à  la  conviction, 
qu'il  y  avait  dans  l'Inde  des  collines  artificielles,  avec 
ou  sans  maçonnerie,  dans  laquelle  le  peuple  reconnaissait 
des  tombeaux.  Dans  la  plupart  des  cas,  on  n'aura  pas  su 
qui  reposait  en  cet  endroit,  et  l'on  fut  ainsi  amené  à  les 
assigner  aux  héros  fameux,  historiques  ou  mythiques,  des 
anciens  âges  :  mais  cela  ne  veut  pas  dire  que  le  peuple  se 
soit  trompé  sur  la  véritable  destination  de  ces  Stupas.  Il  va 
de  soi  que  ces  tumuli  avaient  un  caractère  sacré  :  la  véné- 
ration des  morts,  la  reconnaissance  respectueuse  à  l'égard 
des  leçons  et  des  grandes  actions  des  ancêtres  constituent 

1.  Mahâ-Bhârata,  l,  150,  13. 

2.  Colebrooke,  Essays  on  the  religion  and  philosophy  of  the  Hinclus,  p.  108. 
Dans  Âçvalâyana  Ch'hya  SiUra,  4,  5,  on  ne  dit  rien  de  l'érection  d'un  monu- 
ment ;  mais  l'antiquité  de  l'usage  de  désigner  une  tombe  par  une  colonne  ou 
un  pieu  [sthûnâ)^  est  prouvée  par  Rgveda,  10,  18,  13. 


LE    SANGHA  157 

un  des  traits  les  plus  saillants,  et  Ton  peut  ajouter,  les  plus 
touchants,  de  l'ancien  paganisme. 

Mais  c'est  une  toute  autre  question  de  savoir  si  toutes  les 
constructions  en  forme  de  Stûpa  étaient  des  monuments 
fune'raires,  et  si  le  Dagob  primitif  n'était  pas  un  monument  . 
d'une  toute  autre  nature  :  à  mesure  que  l'évhémérisme  se 
développait  chez  les  Buddhistes,  la  ressemblance  extérieure 
suffisait  pour  qu'ils  vissent  dans  tout  Stûpa  un  reliquaire, 
élevé  à  la  mémoire  d'un  saint  du  temps  jadis.  La  ressem- 
blance entre  le  Dagob  et  la  colline  funéraire  *  est  d'ailleurs  144 
indéniable  :  la  coupole  correspond  au  tumulus;  la  barrière 
qui  entoure  la  coupole  au  cercle  de  pierres  ;  la  pointe  à  la 
colonne  ou  au  pieu  placé  au  sommet  de  la  colline.  De  cette 
ressemblance  d'aspect,  on  a  conclu  à  une  identité  de  nature 
et  de  destination,  et  il  est  assez  généralement  admis  que  le 
Dagob  bouddhique  doit  son  origine  à  d'anciens  usages  relatifs 
à  la  vénération  du  souvenir  des  morts.  Cette  théorie,  cepen- 
dant, n'est  pas  restée  sans  contradiction,  et  l'on  a  essayé  de 
démontrer  que  le  vrai  modèle  du  Stûpa  doit  être  cherché  dans 
l'Agnyagâra,  l'endroit  où  se  conserve  le  feu  sacré  *.  On  peut 
alléguer  en  faveur  de  cette  opinion  bien  des  arguments, 
comme  en  faveur  des  autres  théories,  mais  il  reste  la  diffi- 
culté d'expliquer  comment  alors  le  Dagob  a  pu  se  modifier 
tellement,  que  les  Bouddhistes  eux-mêmes  voient  dans  cer- 
taines formes  très  nettement  des  représentations  du  Meru  ^ 

1.  Senart,  Essai  sur  la  légende  du  Buddha,  406-419  (2^  édition). 

2.  Ceci  est  le  cas  non  seulement  chez  les  Bouddhistes  du  Nord,  mais  encore 
chez  ceux  du  Sud  :  la  pagode  Senbyu  à  Mengun  est  «  destinée  à  donner  une 
représentation  symbolique  complète  du  mont  Meru  »,  Sladen,  Journ.  R.  As. 
Soc,  IV,  408  (New  Scr.)  ;  il  est  inadmissible  de  dire  que  les  gens  qui  ont 
conçu  ce  plan  ne  savaient  pas  ce  qulls  faisaient;  le  Sat  Mehal  Prdsâda,  tour 
de  7  étages  à  Pollanarua  à  Ceylan,  est  tout  aussi  nettement ^un  Meru  :  même 
ouvrage,  p.  412.  Dans  le  Tibet,  chaque  temple  érigé  près  d'un  couvent  est 
une  représentation  du  Meru.  M.  Fergusson  (ouvrage  cité,  p.  423)  fait  quelques 
objections  au  symbolisme  de  la  pagode  Senbyu  :  cependant  le  Svastika,  la 
roue,  etc.,  etc.,  sont  aussi  des  symboles,  et  on  ne  peut  pas  dire  que  les 
Bouddhistes  soient  ennemis  du  symbolisme. 


158  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Il  est  possible  qu'un  architecte,  en  imitant  des  formes  sa- 
crées traditionnelles,  en  saisisse  mal  le  sens,  et  leur  donne 
une  signification  qu'elles  n'avaient  pas  à  l'origine  ;  mais  sa 
façon  de  comprendre,  môme  si  elle  est  erronée,  ne  peut 
manquer  d'influer  sur  son  plan.  Ce  que  la  tradition  ou  sa 
propre  imagination,  lui  font  voir  dans  son  modèle,  il  l'expri- 
mera dans  son  œuvre  :  un  édifice  ne  jaillit  pas  spontané- 
ment du  sol,  il  porte  la  trace  d'avoir  été  produit  par  un 
être  conscient.  On  n'a  donc  jamais  le  droit  de  traiter  la 
théorie  personnelle  de  l'artiste  comme  si  elle  n'existait  pas  ; 
et  nous  ferons  bien  d'examiner  quelles  idées  les  Bouddhistes 
eux-mêmes  attachent  à  leurs  Stupas. 
145  *  La  conception  que  l'Eglise  a  tenu  à  répandre  dans  le 
public,  est  sans  doute  celle-ci,  que  les  Stupas  étaient  desti- 
nés à  contenir  les  reliques  du  grand  Maître  et  de  ses  disciples. 
A  ce  point  de  vue,  ils  devaient  figurer  des  monuments  funé- 
raires, mais  avec  cette  différence  essentielle,  qu'on  pouvait 
en  ériger  un  nombre  indéfini  à  la  mémoire  d'une  seule  et 
même  personne  ;  en  effet,  on  pouvait  diviser  les  soi-disant 
reliques  à  l'infini,  tout  comme  les  atomes  de  matière  et  de 
lumière  répandus  dans  l'espace.  Ceci  est  une  théorie, 
celle  qui  sert  à  l'usage  journalier  ;  une  autre  est  admise  par 
le  livre  le  plus  sacré  des  Mahâyânistes,  le  Lotus  de  la  vraie 
Loi.  Là  *  nous  lisons  comment  Çâkyamuni  fait  paraître 
miraculeusement  un  grand  Stûpa,  dont  les  parasols  super- 
posés s'élèvent  jusqu'au  ciel  des  Dieux  des  quatre  points 
cardinaux,  et  qui  contenait  le  corps  du  Tathâgata  éteint 
Prabhûtaratna.  Quand  le  Stûpa,  grâce  au  pouvoir  miraculeux 
de  Çâkyamuni,  s'est  ouvert,  les  quatre  groupes  d'auditeurs 
voient  le  Tathâgata  Prabhûtaratna,  à  l'état  de  Nirvana,  assis 
sur  son  siège,  le  corps  amaigri  et,  comme  plongé  dans  une 
méditation  profonde.  A  peine  est-il  devenu  visible  aux 
quatre  groupes  d'auditeurs,  qu'il  élève  la  voix  pour  acclamer 

1.  Chapitre  xi. 


LE  SANGHA  159 

Çâkyamuni  et  pour  déclarer  qu'il  est  venu  pour  assister  à  la 
prédication  du  Dharma.  Immédiatement  le  Tathâgata  éteint 
cède  au  Seigneur  la  moitié  de  son  siège,  de  sorte  que  tous 
les  deux  trônent,  l'un  à  côté  de  l'autre,  au  milieu  du  grand 
Stûpa. 

On  ne  peut  nier  que  cette  description  renferme  des 
éléments  cosmologiques,  et  il  est  impossible  de  ne  voir  dans 
le  Stûpa  miraculeux  que  la  transformation  de  la  colline 
tumulaire.  Il  est  vrai  qu'on  peut  considérer  la  terre  entière, 
sur  laquelle  s'étend  la  couverture  de  nuages,  comme  un 
grand  charnier,  et  cette  conception  peut  avoir  joué  un  rôle 
secondaire  dans  la  formation  du  récit  ;  mais  ce  n'était  cer- 
tainement pas  la  conception  principale  ;  car,  comment  expli- 
quer alors  que  Çâkyamuni  et  le  Tathâgata  éteint  (ce  dernier 
représente  *  certainement  la  Lune^  au  moment  de  la  conjonc-  146 
tion)  sont  assis  ensemble  au  milieu  du  Stûpa?  L'endroit  où 
le  soleil  et  la  lune  cohabitent  temporairement,  sont  en  amâ- 
vâsya,  est,  d'après  les  idées  indiennes,  une  constellation  ou 
subdivision  du  chemin  céleste;  un  tel  endroit  céleste  s'ap- 
pelle, entre  autres,  un  dhishnya.  Mais  dhishnya  signifie  aussi 
un  endroit  où  l'on  allume  le  feu,  une  motte  de  terre  %  recou- 
verte de  sable  par  en  haut,  là  où  l'on  place  le  feu  ;  on  peut 
l'appeler  un  autel  du  feu.  La  principale  différence  entre 
le  dhishnya  et  Vagnyagâra  semble  être  que,  chez  le  pre- 
mier, le  feu  se  place  au  sommet,  tandis  que  le  second 
contient  le  feu  à  l'intérieur.  Il  n'est  pas  impossible  que  les 
idées  aient  été  prises  l'une  pour  l'autre,  ou  confondues  de 
propos  délibéré.  Il  ne  serait  pas  non  plus  étrange  ou  inouï 

l.Dans  le  Lotus  (traduction  de  Burnouf,  p.  157),  Devadatta  est  représenté 
comme  faisant  partie  de  l'auditoire,  ce  qui  est  en  contradiction  apparente 
avec  le  fait  que  son  nom  est  passé  sous  silence  dans  Ténumération  des  per- 
sonnes présentes  :  on  doit  en  conclure  que  Devadatta  et  Prabhûtaratna  sont 
uns  :  dans  un  sens  plus  restreint,  Devadatta  est  la  Lune  en  opposition, 
Phabhûtaratna  la  Lune  en  conjonction. 

2.  Le  mot  Stûpa  lui  aussi  signifie  motte  de  terre,  de  même  que  tout  objet  se 
terminant  en  pointe  ou  ayant  la  forme  d'un  pain  de  sucre. 


160  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

qu'on  eût  cherché  à  établir  un  rapport  mystique  entre  la 
grande  coupole  dont  la  terre  est  la  base  et  le  ciel  la  voûte  ; 
où  se  manifeste  la  lumière  dans  toutes  ses  formes,  comme 
soleil,  lune,  étoiles^  comme  éclair,  comme  feu  du  foyer  et 
comme  lumière  spirituelle  —  et  la  colline  tumulaire  sous 
laquelle  sommeille  l'étincelle  éteinte  de  la  vie.  A  ce  point 
de  vue,  le  grand  Stûpa  original  serait  la  voûte  céleste,  qui 
s'étend  au-dessus  des  vivants  et  des  morts,  l'espace  qu'on 
peut  diviser  en  trois  couches,  terre,  atmosphère  et  éther 
supérieur  ;  ou  bien  en  sept  couches,  représentant  les  sept 
cieux  ou  les  sept  orbites  planétaires,  ou  bien  en  neuf,  parce 
qu'il  y  a  neuf  Grahas^,  ou  bien  en  treize,  nombre  des  Viçva- 
devas,  des  Dieux  universels,  parties  personnifiées  du  grand 
Tout.  Chez  plusieurs  peuples  de  l'antiquité,  les  chambres  ou 
147  caveaux  tumulaires  se  construisaient  *  de  façon  à  imiter 
nettement  la  maison  du  vivant  ;  mais  la  grande  maison  d'un 
homme  et,  en  tout  cas,  de  l'Homme  pris  collectivement, 
n'est  autre  chose  que  l'espace  qui  a  pour  base  la  surface 
terrestre. 

Celui  qui  croit  que  le  symbolisme  est  chose  secondaire 
dans  la  construction  d'un  sanctuaire,  peut  se  convaincre  du 
contraire  en  étudiant  la  façon  dont  très  anciennement,  à 
l'époque  védique,  on  construisait  un  autel  de  briques.  Dans 
ce  travail,  connu  sous  le  nom  d'  «  amoncellement  du  feu  » 
{agnicayana), tous  les  actes  ont  un  sens  profond;  les  briques 
elles-mêmes  qu'on  emploie  reçoivent  des  noms  symboliques  ' . 
Du  reste,  on  ne  peut  identifier  le  Stûpa  ou  Dagob  avec  l'entas- 
sement de  briques  {cili),  car  la  forme  est  complètement  difte- 

3.  Les  grahas  sont  :  le  soleil,  la  lune,  les  cinq  planètes,  Râhu  et  Ketu.  Les 
autels  du  feu,  déjà  connus  à  l'époque  védique,  construits  en  briques,  avaient 
3  ou  5  couches  :  les  dernières,  d'après  les  explications  d'un  commentaire, 
doivent  représenter  les  années  d'un  lustre  :  Weber,  Indische  Studien,  XIII 281. 

1.  Un  excellent  aperçu  de  VAgnicayana  a  été  donné  par  Weber,  Ind.  Slud., 
XIII  217-292.  Le  caractère  cosmologique  des  vers  de  la  Vâjasaneyi-Samhitâ,  XT 
ss.  est  évident;  quant  à  l'explication  des  actes  symboliques,  on  peut  surtout 
renvoyer  au  Çatapatha-Brâhmana,  10,  1,  3. 


LE  SANGHA  161 

rente.  L'autel  construit  a  la  forme  d'un  oiseau,  parfois  la 
forme  nettement  caractérisée  de  Suparna  ou  de  Garuda.  Si 
TAddhayoga  des  Buddhistes  est  réellement,  comme  on  dit, 
une  construction  en  forme  de  Suparna  ou  de  Garuda  ^  il 
n'y  a  pas  de  doute  que  l'Addhayoga  ne  doive  son  origine 
à  l'autel  de  briques  entassées.  Malgré  toutes  les  différences 
entre  le  Dagob  et  la  Citi,  les  deux  constructions  ont,  pour 
des  raisons  faciles  à  comprendre,  quelques  détails  en  com- 
mun, entre  autres  quelques  symboles  et  le  cercle  de  pierres  \ 
Quelle  que  soit  la  conception  fondamentale  du  Stûpa,  que 
le  Dagob  soit  un  monument  de  morts  illustres,  l'imitation 
du  grand  Dhâtugarbha  universel,  ou  de  la  demeure  terrestre 
du  feu,  ou  un  peu  de  tout  cela  à  la  fois,  en  tout  cas  on  peut 
admettre,  *  en  s'appuyant  à  la  fois  sur  la  tradition  bouddhique  148 
et  les  autres  données,  que  l'adoration  des  Stupas  a  ses  ori- 
gines dans  une  antiquité  très  reculée. 

'  La  forme  la  plus  ancienne  du  Stûpa,  en  remontant  le  plus 
haut  possible  dans  le  passé,  est  celle  qu'on  trouve  représentée 
dans  différentes  sculptures  de  Bharhut  et  de  Sanchi  *.  Ces 
représentations,  qui  ne  diffèrent  que  par  des  détails  secon- 
daires, nous  font  voir  une  base  en  forme  de  disque  ou  de 
carré,  à  double  saillie,  entourée  ou  non  d'un  cercle  de 
colonnes.  Sur  cette  base  repose  un  hémisphère,  coupole  ou 
dôme,  au-dessus  duquel  s'élève  une  pièce  qu'on  peut  assez 
justement  appeler  un  col,  parce  qu'elle  fait  jonction  entre  la 
coupole,  ou  le  tronc,  et  le  sommet.  Ce  sommet  consiste  en 
trois  ou  quatre  blocs  ou  dalles  qui  se  surplombent  en  faisant 
escalier.  Sur  le  sommet  est  placé  ce  qu'on  nomme  le  parasol, 


2.  Weber,  ouvrage  cité.  Dans  la  Vâjasaneyi  Samhitâ,  27, 45,  Agni  est  dit  supar- 
nacit,  terme  à  double  sens  :  «  entassé  comme  un  Suparna  »  et  «  visible  comme 
Suparna  (aux  belles  ailes)  ».  L'explication  d'Acldhayoga  dans  Sacred  Books 
oflheEast.WW,  174,  note,  diffère  pourtant  de  celle  qu'on  trouve  chez  Childers. 

3.  Quand  il  s'agit  de  Tautel  du  feu,  ces  pierres,  plantées  perpendiculai- 
rement dans  le  sol,  s'appellent  pariçrit. 

1.  Cunningham,  S.  of  Bh.  pi.  XIII  et  XXXh,  Bliilsa  Topes,  i>l.  lU  et  XlII. 

Tome  II.  Il 


162  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

et  au-dessus  de  ce  parasol  un  second  ^;  ces  deux  parasols 
sont  ornés  de  couronnes  et  de  rubans  ou  de  banderolles. 

Parmi  les  Dagobs  les  plus  anciens  et  les  mieux  conservés, 
celui  qu'on  trouve  à  Kârli,  dans  un  temple  creusé  dans  le 
roc,  mérite,  d'après  le  jugement  des  spécialistes,  la  première 
place.  Il  est  placé  sous  la  demi-coupole  au  bout  de  la  galerie 
principale  \  et  a  la  forme  d'une  cloche  élevée,  au-dessus  de 
laquelle  se  trouve  une  petite  pyramide  renversée  ;  sur  la 
pyramide  est  placé  un  grand  parasol  ouvert  en  bois,  main- 
tenant à  moitié  pourri  '*. 

On  retrouve  la  forme  de  coupole  dans  les  Caityas  du  Népal, 
comme  on  se  rappellera,  et  dans  plusieurs  Dagobs  de  Ceylan. 
Dans  les  temples  souterrains  de  Tîle,  la  coupole  repose  sou- 
vent sur  un  cylindre  solide.  Les  deux  Dagobs  dans  les  temples 
de  Dambulu  montrent  une  grande  ressemblance  avec  celui 
de  Kârli.  Dans  les  sanctuaires  non  creusés  dans  le  roc,  le 
Dagob  est  d'ordinaire  placé,  isolé,  dans  l'enceinte  des  édifices 
149  sacrés.  *  Des  Stupas  en  forme  de  cloche  ne  sont  pas  inconnus 
dans  l'île  ',  mais  l'hémisphère,  qu'on  comparait  à  une  bulle 
d'eau,  était  considéré  comme  la  forme  la  plus  orthodoxe, 
comme  on  le  voit  par  le  récit  d'une  chronique  ^  L'architecte 
du  Mahâthûpa,  interrogé  par  le  roi  Dushta-Gâmani  sur  la 
forme  qu'il  comptait  doiiner  au  sanctuaire,  puisa  avec  la 
main  de  Teau  dans  un  vase  plein,  puis  y  laissa  retomber  l'eau, 
de  manière  qu'une  bulle  parut  à  la  surface.  «  C'est  là  la 
forme  que  je  donnerai  à  l'édifice  »,  dit  l'architecte.  Plus  tard, 
lorsque  le  travail  fut  assez  avancé  pour  qu'on  pût  songer  à 
renfermer  les  reliques  dans  le  sanctuaire,  le  roi  voua  son 

2.  Le  second  parasol  n'est  pas  visible  sur  toutes  les  figures. 

3.  Cette  galerie  est  divisée  par  deux  rangées  de  colonnes  en  trois  nefs, 
comparables  à  celles  des  églises  chrétiennes;  la  demi-coupole  rappelle 
le  chœur. 

4.  Fergusson,  History  of  Eastern  and  Jndian  Architecture,  citée  dans 
Hunter,  Gazetteer,  V,  256;  Leemans,  Boro-B.,  388  (trad.  franc.,  p.  411). 

1.  Voir  Leemans,  Boro-B.,  391  (trad.  franc.,  p.  414)  et  les  auteurs  cités. 

2.  Mahavamsa,  175,  lèo,  193. 


LE  SAiNGHA  163 

royaume  au  Buddha,  avec  ces  paroles  :  «  Trois  fois  je  voue 
mon  empire  au  Sauveur,  au  Maître,  au  porteur  du  triple 
parasol,  le  parasol  des  dieux,  des  hommes,  de  la  délivrance 
éternelle  ^  » 

Au  v"  et  au  vn^  siècle,  au  moment  où  Fa  Hian  et  Hiuen 
Thsang  visitaient  la  terre  sainte  de  Çâkya,  Tlnde  était  encore 
riche  en  Dagobs  et  autres  Stupas,  dont  maintenant  on  ne 
trouve  que  des  ruines.  C'est  entre  autres  le  cas  pour  les  Stûpâs 
de  Sârnâth,  près  Bénarès,  et  de  Çrâvastî.  De  leurs  descriptions 
peu  complètes,  on  peut  conclure,  que  ces  édifices  ressem- 
blaient plutôt  à  des  tours  rondes  qu'à  des  hémisphères,  et  en 
tout  cas  ce  n'étaient  pas  des  Dagobs,  mais  des  édifices  élevés 
pour  rappeler  tel  ou  tel  événement  de  la  vie  du  Tathâgata 
ou  d'autres  saints.  On  n'élevait  pas  seulement  de  pareils 
monuments  à  des  personnes,  réelles  ou  imaginaires,  mais 
ai]ssi  à  des  objets,  comme  l'Abhidharma-,  le  Yinaya-  et  le 
Sûtra-Pitaka  \ 

*  C'est  un  fait  remarquable  que  les  pèlerins  chinois  ne  150 
mentionnent  pas  les  Stupas  de  Bharhu.t  et  de  Sanchi,  si 
remarquables  parmi  les  édifices  du  même  genre.  On  serait 
tenté  de  conclure  de  leur  silence  que  ces  bâtiments  étaient  en 
ruines  déjà  de  leur  temps.  Ce  ne  serait  pas  très  étrange  : 
Hiuen  Thsang  lui-même  raconte  comment  dans  le  Gândhâra, 
un  pays  où  autrefois  la  foi  était  si  florissante,  un  millier  de 
couvents  étaient  vides  et  abandonnés  et  les  Stupas  en  ruines  *. 
Dans  le  même  royaume,  à  Peshawer,  se  trouvait  encore  au 
iv^  siècle  le  pot  à  aumônes  du  Buddha  ;  plus  de  deux  siècles 
après,  au  moment  où  Hiuen  Thsang  visita  la  ville,  la  relique 


3.  Le  symbolisme  des  trois  parasols  n'a  pas  besoin  d'explication. 

4.  Travels,  57.  Hiuen  Thsang,  Mém.  I,  209  ne  mentionne  pas  ce  détail,  mais 
dit  que  ceux  qui  étudient  rAbhidharma  honorent  à  Mathurâ  par  des  sacrifices 
Çâriputra  ;  ceux  qui  étudient  le  Vinaya,  Upâli,  et  ceux  qui  étudient  les  Sûtras, 
Pûrnamaitrâyanîputra,  saints  dont  les  reliques  étaient  conservées  dans  des 
Stupas  érigés  dans  cette  ville. 

1.  Mém.,  I,  105. 


164  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L1NDE 

avait  été  enlevée,  et  il  ne  restait  plus  que  des  ruines  du  Stûpa 
qui  l'avait  contenue  ^  Près  de  là,  il  y  avait  un  célèbre  Stûpa, 
érigé  par  le  roi  Kanishka,  d'après  la  prédiction  du  Maître. 
En  effet,  en  voyageant  un  jour  à  travers  ce  pays,  il  avait  dit 
à  son  compagnon  Ananda  :  «  Quatre  cents  ans  après  mon 
Nirvana  il  y  aura  dans  ce  royaume  un  roi  puissant,  nommé 
Kanishka,  qui  érigera  un  sanctuaire  en  cet  endroit.  »  La  pré- 
diction s'accomplit  :  sous  le  règne  de  Kanishka,  il  s'éleva  à 
la  même  place  un  temple,  et  un  Stûpa,  qui  contenait  dix  bois- 
seaux de  reliques.  On  considérait  cette  tour  comme  la  plus 
haute  de  l'Inde  :  elle  mesurait  plus  de  470  pieds  d'après  Fa 
Hian^  Quand  HiuenThsang  vint  à  Peshawer,  l'édifice  venait 
justement  d'être  endommagé  par  le  feu  ;  il  avait  déjà  souffert 
trois  fois  de  cette  manière.  Quand  on  songe  que  Kanishka 
vivait  dans  le  premier  siècle  de  notre  ère,  de  sorte  qu'il  n'y  a 
guère  plus  de  trois  siècles  entre  son  règne  et  le  pèlerinage 
de  Fa  Hian,  on  ne  s'étonne  pas  que  celui-ci  ait  encore  vu 
l'édifice  dans  son  état  primitif. 

Non  loin  de  Peshawer,  à  Pushkalâvatî,  il  y  avait  plusieurs 
Stupas,  qui,  pour  différentes  raisons,  étaient  très  remarqua- 
bles. Un  avait  été  bâti  par  Açoka,  à  l'endroit  où  Çâkya,  dans 
151  une  de  ses  préexistences  comme  Bodhisatva,  *  s'était  exercé 
dans  la  vertu  et  avait  donné  ses  deux  yeux  en  aumône.  Deux 
autres  méritent  une  mention  spéciale,  comme  ayant  été 
fondés  d'avance  par  les  dieux  Brahma  et  Indra.  Ils  étaient 
d'une  beauté  extraordinaire  et  étaient  construits  en  pierres 
précieuses.  Malheureusement,  les  pierres,  après  le  Nirvana 
du  Seigneur,  se  transformèrent  en  pierres  ordinaires.  Au 
moment  où  le  pèlerin,  à  qui  nous  devons  ce  récit,  vit  ces 
monuments  de  piété  divine,  ils  étaient  en  ruines.  Enfin,  nous 
devons  mentionner  encore  un  quatrième  Stûpa,  fondé  à  l'en- 
droit où  jadis  la  Mère  du  Diable,  qui  mangeait  les  petits 

2.  Travels,  36;  Voy.  des  PU.  B.,  Il,  106. 

3.  Travels,  34,  traduction  de  Legge,  p.  34  :  «  more  than  four  hundred  cubits 
high  »  ;  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  84;  II,  106. 


LE    SANGIIA  165 

enfants,  avait  été  amenée  parle  Tathâgala  à  renoncer  à  cette 
mauvaise  habitude  '. 

De  telles  actions  glorieuses  du  ïathâgata  ou  Bodhisatva, 
transmises  fidèlement  à  la  postérité  par  la  tradition,  à  tra- 
vers des  milliers  d'années,  étaient  si  nombreuses,  que  per- 
sonne ne  s'étonnera  de  voir  les  pèlerins  mentionner  conti- 
nuellement des  Stupas,  fondés  en  souvenir  de  faits  pareils. 
Près  de  l'antique  Simhapura,  localité  que  les  savants  identi- 
fient avec  le  village  actuel  de  Mânikiâla,  entre  Hasan  Abdâl 
et  Jhelum,  s'élevait*  un  Stûpa  à  l'endroit  où  le  Bodhisatva,  par 
charité^  avait  sacrifié  le  sang  de  son  propre  corps,  pour  nour- 
rir une  tigresse  affamée.  L'endroit,  encore  du  temps  d'Hiuen 
Thsang,  montrait  les  traces  du  fait  qui  s'y  était  jadis  passé  : 
le  sol,  aussi  bien  que  l'herbe  et  les  broussailles,  avaient  une 
couleur  rouge  pâle,  comme  si  l'on  les  avait  teintés  de  sang  '\ 
C'est  la  découverte  de  ce  Stûpa,  que  les  antiquaires  reconnais- 
sent dans  celui  de  Mânikiâla,  qui  a  été  le  point  de  départ  des 
recherches  si  actives  et  si  intéressantes  de  l'archéologie  in- 
dienne. En  dehors  du  grand  Stûpa,  on  trouve  à  Mânikiâla  les 
restes  de  quatorze  édifices  plus  petits  de  la  même  classe  et 
de  quinze  couvents  *.  Comme  le  prouvent  les  objets  trouvés 
lors  des  fouilles  exécutés  dans  ces  monuments,  *  ils  datent  152 
du  temps  de  Kanishka,  ou  d'un  peu  après,  car  on  y  trouve 
des  monnaies  et  des  inscriptions  avec  le  nom  de  ce  roi,  et  des 
monnaies  romaines  de  César  et  d'Antoine. 

Quelques  grands  que  soient  les  mérites  de  Kanishka  en  ce 
qui  concerne  la  fondation  de  Stupas  et  de  couvents,  et  quelque 

1.  Voy.des  Pèl.  B.,  II,  120. 

2.  Mém.,  I,  164  ;  Travels,  32. 

3.  Elphinstone  fut  le  premier  à  fixer  l'attention  sur  ces  restes,  en  1810;  ce 
n'est  qu'après  1830  qu'ils  furent  examinés  parles  généraux  Ventura  et  Court, 
par  Masson,  et  d'autres.  Voir  Wilson,  Ariana  Antiqua,  55;  Ventura  et  Priu- 
sep  dans  Journ.  Roy.  As.  Soc.  Beng.,  III,  p.  313;  même  ouvrage,  Court, 
p.  556.  Comp.  Arch.  Su7'v.,  XIV,  1.  Sur  les  édifices  sacrés  de  l'Inde  du  Nord- 
Ouest  en  général,  voir  l'ouvrage  cité  de  Wilson  et  celui  de  Ritter,  Die  Stupas 
oder  (lie  arch ilectonisehen  Denhnale  an  der  indo-baktrischen  Konigsslrasse. 


166  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

éloge  qu'en  fassent  les  voyageurs  chinois,  ils  ne  pouvaient 
rivaliser  avec  ceux  d'Açoka,  auquel  on  attribuait  presque 
tous  les  édifices  sacrés  du  Bouddhisme  dans  l'Inde.  La  tradi- 
tion dit  que  le  Roi,  afin  de  pouvoir  bâtir  les  84,000  Dagobs 
bien  connus,  résolut  de  faire  ouvrir  les  Stupas  qui  existaient 
déjà.  En  effet,  après  le  Nirvana^  les  reliques  du  ïathâgata 
avaient  été  partagées  en  huit  groupes,  et  au-dessus  de  chaque 
groupe  on  avait  élevé  un  Dagob.  De  ces  huit  Stupas,  Açoka 
en  fit  ouvrir  sept,  pour  en  retirer  les  reliques  et  les  distribuer. 
Un  Stûpa  seulement  resta  miraculeusement  intact  ;  ce  fut  la 
tour  à  reliques  de  Râmagrâma.  Le  Nâga  qui  surveillait  la  tour 
prit  la  forme  d'un  brahmane  et  conduisit  le  roi  à  sa  demeure, 
où  il  lui  montra  ses  ustensiles  et  appareils  pour  le  culte  ;  puis 
il  lui  dit  :  «  Si  vous  pouvez  me  surpasser  en  ceci,  détruisez  le 
Stûpa:  je  m'y  résigne.  »  Le  roi  vit  que  les  ustensiles  n'étaient 
pas  faits  de  main  d'homme,  et  revint  chez  lui  sans  avoir  mis 
son  projet  à  exécution.  Le  sens  de  cette  parabole  ou  de  ce 
fait  historique  présenté  sous  forme  allégorique  nous  échappe; 
mais  il  est  évident  qu'il  y  a  là  autre  chose  qu'un  conte  à  dor- 
mir debout  qu'on  faisait  aux  pèlerins  ^ 
153  *  Ce  Dagob,  seul  épargné  d'entre  les  huit  anciens  *,  était, 
on  le  comprend,  fort  vénéré  des  Bouddhistes  de  tout  pays,  et 
était  un  lieu  de  pèlerinage  fort  visité,  bien  que  la  région 
entière  fût  déserte.  Il  en  était  de  même  à  Kapilavastu,  où 
l'on  trouvait  plus  de  monuments  en  forme  de  Stupas,  que 

1.  Divyâvadâna,  379,  402  (comp.  Burnouf,  Introd.,  372);  Travels,  90  (Legge, 
69)  ;  Voy.  des  Pèl.  B.,  11,326  ss.  et  420  ;  Dipavamsa,  VI,  96  ;  Mahâvamsa,  185.  Il  y 
a  quelques  divergences  dans  les  deux  traditions  ;  Hiuen  Thsaug  confond  Açoka 
avec  Ajâtaçatru  ;  ou  bien  la  confusion  ne  serait-elle  qu'apparente,  et  conserve- 
rait-elle la  trace  d'un  fait  historique?  Fa  Hian  dit  quelque  part  {Travels,  127) 
qu'Açoka,  enfant,  rencontra  un  jour  Çàkya.  —  Au  lieu  d'  «  ouvrir  »  les  pèle- 
rins chinois  disent  «  détruire  »,  au  moins  dans  la  traduction  anglaise. 

1.  Au  fond  il  y  avait  encore  un  autre  Stûpa  d'entre  les  huit,  échappé  non  à 
l'ouverture,  mais  aux  auteurs  de  la  légende  citée,  car  il  y  avait,  dans  le  pays 
des  Mallas,  encore  au  vu»  siècle,  un  Stûpa,  fondé  par  le  brahmane  Drona, 
l'édifice  s'appelait  ordinairement  Drona-Stûpa  :  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  383; 
comp.  Burnouf,  Intr.,  372. 


LE    SANGHA  161 

d'habitants  ^  Une  solitude  désolée  était  aussi  Kuçinagara, 
pâli  Kusinârâ,  autrefois  la  capitale  des  Mallas,  dit-on, 
mais  localité  peu  peuplée  du  v^  au  vu®  siècle.  Là,  à  l'en- 
droit 011  le  Tathâgala,  entre  les  arbres  Sâl  était  entré  dans 
le  Nirvana,  on  trouvait  un  couvent  avec  une  statue,  et  dans 
le  voisinage  on  trouvait  quelques  Stupas  et  couvents  ', 
érigés  sur  les  lieux  où  la  légende  place  les  événements  des 
derniers  jours  et  ce  qui  passa  immédiatement  après  la 
crémation   du  cadavre. 

De  l'autre  côté  du  Gange,  dans  le  Magadha,  le  berceau  du 
Bouddhisme,  où  les  noms  de  Gayâ,  Râjagrha,  la  Nairanjanâ, 
Uruvilvâ,  le  Bois  de  Bambous,  nous  rappellent  les  scènes 
les  plus  aimables  de  la  vie  du  Gotamide,  les  localités  sacrées 
ne  manquaient  naturellement  pas,  mais  le  nombre  des 
Stupas  n'était  pas  grand.  Le  pays  était  plus  riche  en  cou- 
vents, et  surtout  en  traditions.  Au  reste,  quelques  localités 
du  Magadha,  surtout  Gayâ,  étaient  encore  plus  sacrées  pour 
les  Indiens  païens  que  pour  les  Bouddhistes,  ce  que  Hiuen 
Thsang  savait  très  bien  \ 

Le  Stûpa  le  plus  célèbre  de  Ceylan  était  le  Grand  Stûpa, 
Mahâthûpa ,  érigé  au  Nord  d'Anurâdhapura  au-dessus 
d'une  empreinte  du  pied  du  Tathâgata.  Cet  édifice,  haut 
de  470  pieds,  était  orné  *  de  plaques  d'or  et  d'argent  et  154 
brillait  de  toutes  sortes  de  pierres  précieuses  \  Lors  de  la 
pose  des  fondements  de  ce  sanctuaire ,  le  roi  Dushta- 
Gâmani  invita  des  Pères  illustres  de  toutes  les  régions  de 
rinde,  qui  vinrent  avec  une  suite  nombreuse,  afin  d'assister 
à  la  cérémonie.  Le  roi  fit  d'abord  tracer  sur  le  sol  le  contour 


2.  Travels,  85;  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  309. 

3.  Travels,  93;  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  334. 

4.  Mém.,  1,456.  Pour  les  sanctuaires  bouddhiques  de  Gaj'â,  nous  renvoyons 
à  Cunningham  Mahâhodhi,  or  the  Greal  Buddhist  Temple  imder  the  Bodhi 
Tree  of'Bodh  Gayâ;  et  à  Râjendralâla  Mitra,  Buddha  Gayd. 

1.  Travels,  150  (chez  Legge,  p.  102:  «  400  cubits  high.  »)  Comp.  Knighton 
dans  jQurn.  As.  Soc.  Beny.,  XVI,  222. 


168  HISTOIRE  DU  BOLDDIllSME  DANS  I/INDE 

de  l'édifice,  et  posa  la  première  pierre,  au  centre.  Puis  il 
témoigna  son  respect  aux  religieux  assemblés,  surtout  à 
Priyadarçin  de  Çrâvastî.  Celui-ci  prit  la  parole  pour  pro- 
noncer une  formule  de  bénédiction  et  expliquer  l'Écriture 
au  Roi.  Puis,  il  se  tourna  vers  la  foule  réunie,  et  prêcha,  de 
sorte  que  plusieurs  religieux  atteignirent  un  degré  supérieur 
de  sainteté.  Une  invitation  adressée  par  le  prince  aux  moines 
réunis,  d'user  de  son  hospitalité  jusqu'à  l'achèvement  de 
l'édifice,  invitation  dont  quelques-uns  seulement  des  étran- 
gers purent  profiter,  mit  fin  à  la  cérémonie  d'inauguration. 
Un  des  premiers  travaux  fut  la  construction  du  Dagob. 
Au  milieu  de  ce  sanctuaire  bâti  en  matières  de  choix, 
on  plaça  un  arbre-Bodhi  en  pierre  précieuse,  avec  une 
élévation  du  côté  de  l'Orient,  où  brillait  l'image  du  Buddha, 
assis  dans  l'attitude  qu'il  avait  à  Uruvilvâ  lorsque  la  lumière 
de  la  sagesse  commença  à  briller  en  son  âme.  A  côté  de  lui, 
on  voyait  d'un  côté  Brahma,  avec  un  parasol,  de  l'autre  côté 
Indra,  conformément  aux  récits  historiques  d'un  des  livres 
les  plus  anciens  du  canon  pâli.  Afin  de  se  procurer  la 
relique  nécessaire,  on  envoya  l'Ancien  Sonottara,  âgé  de 
seize  ans,  qui  devait  s'emparer  d'une  relique  conservée 
chez  les  Nâgas  ^.  L'envoyé  de  seize  ans,  rusé  comme  un 
jeune  Mercure,  fut  bientôt  maître  de  la  relique  et  la  porta 
au  temple.  La  relique  fut  mise  dans  une  cassette  et  prit, 
155  à  la  demande  du  roi,  *  l'apparence  qu'avait  le  Buddha,  au 
moment  de  l'illumination  parfaite.  Pendant  une  semaine, 
Dushta-Gâmani  céda  sa  souveraineté  à  la  relique,  qui  fut 
adorée  pendant  ce  temps  par  le  peuple.  Le  huitième  jour,  la 
cellule  fut  fermée  à  l'aide  d'une  pierre  *.  D'autres  Dagobs 

2.  Lassen,  Indische  Aller Ihumskunde,  II,  425,  remarque  que  nul  ne  peut 
prononcer  ses  vœux  s'il  n'est  âgé  de  vingt  ans  ;  à  seize  ans,  par  conséquent, 
on  ne  peut  être  un  religieux,  et  encore  moins  un  Ancien.  La  remarque,  en 
elle-même,  est  très  juste,  et  le  récit  une  fiction,  mais  on  peut  se  demander 
s'il  n'y  avait  pas,  dans  la  réalité,  des  exceptions. 

1.  Mahâvamsa,  172  ss.  Lassen,  passage  cité  ;  comp.  Dîpav.,  19,  2-10. 


LE  SANGHA  469 

de  Ceylan,  qui  ont  conservé  encore  une  partie  de  leur 
ancienne  splendeur,  sont  ceux  du  monastère  de  Jetavana, 
haut  de  269  pieds,  et  le  ïhûpàrâma  ^ 

Le  Dekkhan  avait  lui  aussi  ses  Dagobs,  parmi  lesquels  de 
très  remarquables,  comme  le  prouvent  les  restes  du  Stûpa 
d'Amarâvati  ^  A-t-on  le  droit  d'identifier  cet  édifice  avec  le 
monastère  d'Avaraçilâ,  dont  parle  Hiuen  Thsang  *,  comme 
le  supposent  certains  savants?  C'est  quelque  peu  douteux.  Il 
dit  que  le  couvent  était  déchu  de  son  ancienne  splendeur  et 
entièrement  abandonné  ;  et  il  est  fort  possible  que  le  Dagob 
fût  déjà  alors  une  ruine,  de  sorte  qu'il  n'a  pas  attiré  son 
attention.  Et  qui,  du  reste,  aurait  fixé  l'attention  du  pèlerin 
sur  ces  ruines,  puisque  le  couvent  n'était  plus  habité? 

Les  notices  des  pèlerins  chinois  contiennent  beaucoup  de 
détails  intéressants  sur  la  hauteur,  les  matériaux  de  cons- 
truction et  les  ornements  des  Stupas,  mais  ne  suffisent  pas 
pour  nous  faire  connaître  la  forme  exacte  de  tous  ces  édifices. 
Il  est  probable  que  tous  les  Dagobs  n'avaient  pas  la  forme 
d'un  demi-ellipsoïde,  reposant  sur  une  base  ;  quelques-uns 
auront  eu  la  forme  d'une  cloche,  d'une  pyramide  ou  d'une 
demi -sphère  surélevée,  car  on  trouve  toutes  ces  formes 
ailleurs.  Plusieurs  Dagobs,  dans  l'Indo-Chine,  se  présentent 
comme  des  cônes  ou  des  pyramides,  s'élevant  librement,  au 
milieu  de  chapelles  qui  les  entourent.  C'était  là  la  forme, 
entre  autres,  du  Dagob  de  Pagan  ^  :  l'édifice  s'élevait  sur  une 
base  carrée,  avec  deux  ailes  carrées,  une  de  chaque  côté. 
Cela  rappelle  les  deux  ailes  de  l'oiseau,  représentées  dans 
l'autel  du  feu  construit  en  briques.  A  l'Ava,  les  Dagobs, 

2.  Hardy,  E.  M.  220,  Knighton,  dànsJourn.  As.  Soc.  Beng.,  XVI,  217et224, 
pi.  II  et  III.  —  Une  description  complète  des  Stupas  nommés  dans  le  texte, 
et  d'autres  édifices  sacrés  près  d'Anurâdhapura,  dans  Smither,  Architectural 
remains,  Anurâdhapiira . 

3.  Décrits  par  Fergusson,  Trpe  and  Serpent  Worship,  et  Hist.  of  Ind. 
Archit.  (1876)  ;  par  Burgess  dans  ses  Notes  on  the  Amarâvati  Stûpa, 

4.  Mém.,  II,  111. 

5.  Voir  la  gravure  Journ.  Roy.  As   Soc,  IV,  424  (New  séries). 


470  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

156  de  forme  conique  *,  construits  en  maçonnerie  massive, 
s'élèvent  sur  une  haute  terrasse  ;  au  sommet  de  l'édifice  est 
placé  un  parasol  en  fils  de  fer  entrelacés  et  dorés.  Le  magni- 
fique Shve-Dagon  à  Rangoon  répond  à  cette  description, 
avec  cette  différence  que  la  base  est  octogone  \  Qu'on  rem- 
•  place  le  cône  par  une  demi-sphère  surélevée,  reposant  sur 
une  base  octogone,  et  l'on  a  le  Liiigam.  Ce  n'est  donc  pas 
étonnant  si  les  Hindous  de  Gayâ  croient  tout  simplement  que 
les  petits  modèles  de  Stupas  trouvés  dans  les  fouilles,  sont 
des  Liiigams  %  dont  la  parenté  avec  la  Sûrmî,  déjà  nommée 
dans  les  écrits  védiques,  et  avec  l'obélisque  des  Égyptiens, 
est  d'ailleurs  indéniable. 

Il  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  nous  étendre  ici  sur 
d'autres  tours  à  reliques  bouddhiques,  comme  on  en  trouve  au 
Siam  et  à  Java,  et  dans  lesquelles  on  a  vu,  à  tort  ou  à  raison, 
des  modifications  du  Stûpa  à  forme  demi-ellipsoïde  ^  Remar- 
quons en  passant  que  les  édifices  du  Cambodge,  entre  autres 
ceux  d'Angkor-Wat,  dans  lesquels  on  avait  cru  reconnaître 
des  traits  proprement  bouddhiques,  sont,  d'après  les  derniè- 
res recherches,  au  moins  en  majeure  partie,  d'origine  çivaïte. 

Les  fouilles  entreprises  à  Mânikiâla  et  ailleurs,  afin  d'exa- 
miner l'intérieur  des  Dagobs,  ont  amené  la  découverte  de 
bien  des  objets  intéressants  pour  l'archéologie  et  l'histoire. 
Lors  de  l'ouverture  d'un  Dagob  de  Raigam  Korle  à  Ceylan, 
qui  eut  lieu  en  1820,  sous  la  surveillance  de  Layard,  on  trouva 
à  l'intérieur  une  petite  cellule  carrée,  en  maçonnerie.  Au 
milieu  était  une  urne  en  pierre,  avec  un  couvercle  également 
en  pierre.  L'urne  contenait  un  petit  morceau  d'os,  et  quelques 

1.  Hunter,  Gazetteer,  VIII,  303.  Le  sanctuaire  aurait  été  fondé  en  588 
avant  J.-C,  par  deux  frères,  marchands  de  leur  métier,  qui  reçurent  quelques 
cheveux  de  Gautama  comme  reliques.  Ce  sont  évidemment  nos  vieilles  con- 
naissances, Trapusha  et  Bhallika,  qui  habitaient  malheureusement  le  pays  du 
Nord,  ce  qui  ne  s'applique  pas  précisément  à  Rangoon. 

2.  Cunningham,  Archaeol.  Survey,  III,  87. 

3.  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  Leemans,  Boro-B.,  et  aux  ouvrages  y  cités, 
p.  393  (traduction  française,  p.  417). 


LE    SANGHA  Hl 

feuilles  d'or  battu^  puis,  quelques  anneaux,  trois  perles  fines, 
des  petites  boules  en  cristal  et  en  cornaline,  *  des  morceaux  157 
de  ruMs,  de  saphir  et  de  verre,  une  petite  pyramide  en  ciment, 
quelques  statuettes  du  Nâga  sacré  en  terre  glaise  ;  enfin  deux 
lampes,  l'une  en  cuivre,  l'autre  en  terre  glaise,  d'une  forme 
encore  usitée  maintenant  à  Ceylan  \ 

A  Mânikiâla,  on  trouva  à  l'intérieur  du  Stûpa,  à  dix  pieds 
environ  au-dessous  du  niveau  du  sol,  une  cellule  carrée  en 
maçonnerie,  ayant  comme  couvercle  un  bloc  de  pierre  avec 
inscriptions.  Au  milieu  de  la  cellule  se  trouvait  une  urne  ou 
boîte  ronde,  en  cuivre,  autour  de  laquelle  on  avait  disposé 
symétriquement  huit  pièces  de  monnaie.  L'urne,  entourée 
d'une  toile  de  lin,  contenait  une  autre  urne  en  argent;  l'in- 
tervalle entre  les  deux  était  rempli  d'une  pâte  de  couleur 
ambrée.  L'argent  était  devenu  si  fragile,  que,  lorsqu'on 
voulut  retirer  l'urne  d'argent  de  l'urne  de  cuivre,  le  fond 
resta  attaché  à  la  pâte.  Dans  la  boîte  en  argent,  il  y  avait  une 
autre  boîte,  beaucoup  plus  petite,  en  or,  contenant  des 
monnaies  romaines  en  argent  et  quatre  petites  en  or  du  type 
gréco-bactrien  ou  indo-scythe;  déplus,  deux  perles  fines 
et  deux  pierres  précieuses  ^ 

On  croit  avoir  remarqué  que,  dans  les  Stupas,  les  preuves 
d'une  haute  antiquité  sont  d'autant  plus  rares,  qu'on  y  trouve 
plus  de  restes  d'ossements,  de  cendres,  de  cheveux,  etc.  Ce 
résultat  est  peut-être  dû  à  des  observations  incomplètes, 
quoique  le  fait  en  lui-môme  n'ait  rien  d'inexplicable. 


1.  Hardy,  £.  M.,  221. 

2.  Court  et  Prinsep,  passages  cités.  C'est  dans  des  urnes  ou  boîtes  de  ce 
genre  qu'on  conservait  des  reliques  comme  particulièrement  belles,  Hiuen 
Thsang  {Mém.,  1,  102)  cite  celles  qui  contenaient  des  morceaux  du  crâne,  des 
pupilles,  etc.,  du  Tathàgata. 


172  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


4.  —  Statues  et  temples. 

Sur  Jes  bas-reliefs  de  Barhut,  les  figures  du  Buddha  man- 
quent entièrement.  Ceci  n'est  pas  dû  au  hasard,  car  on  ne  l'a 
pas  figuré  même  là  où  il  est  censé  être  présent.  Un  des  bas- 
i58  reliefs  ^  représente  Ajâtaçatru  *,  en  adoration,  devant  les  traces 
des  pieds  du  Seigneur;  cependant  l'inscription  dit,  de  la 
façon  la  moins  équivoque  :  «  Ajâtaçatru  apporte  au  Seigneur 
son  hommage  (ou  adoration)  ».  Ceci  n'est  pas  un  exemple 
unique  :  une  autre  fois*,  on  voit  les  traces  sacrées,  reconnais- 
sablés  à  la  roue  solaire,  figurées  au  bas  d'un  trône  ou  d'un 
autel,  au-dessus  duquel  s'étend  un  parasol  orné  de  festons. 
Une  personne  de  rang  élevé  est  agenouillée  devant  le  feston,  et 
touche  les  traces  de  ses  mains.  Les  plus  anciens  temples  sou- 
terrains de  l'Inde  occidentale,  certainement  un  peu  posté- 
rieurs au  sanctuaire  de  Bharhut,  sont  également  dépourvus 
de  tout  ce  qui  pourrait  ressembler  à  une  image  du  Seigneur. 
Ces  faits,  —  on  pourrait  facilement  en  ajouter  d'autres,  — 
militent  en  faveur  de  l'opinion  de  certains  savants  ^  d'après 
laquelle  la  vénération  de  statues  du  Buddha  ne  se  serait  géné- 
ralisée que  longtemps  après  Açoka.  De  même,  les  légendes, 
relatives  aux  premières  images  du  Buddha,  semblent  dater 
d'une  époque  relativement  récente;  elles  sont  en  outre  con- 
tradictoires, bien  que  certains  traits  mythiques  se  laissent 
expliquer  sans  difficulté.  Le  Divya-Avadâna  raconte  que  le  roi 
Bimbisâra  reçut  un  jour  de  son  voisin,  le  roi  Rudrâyana,  — 
nom  qui  semble  une  corruption  d'Udayana  —  un  cadeau  tel- 
lement précieux,  qu'il  ne  savait  par  quoi  y  répondre.  A  la  fin, 
il  s'adressa  au  Seigneur,  qui  lui  donna  le  conseil  de  faire 

3.  Cunningham,  S.  ofBh.,  pi.  XVI. 

1.  Cunningham,  planche  citée  et  p.  114. 

2.  Fergusson,  dans  Jomm.  Roy.  As.  Soc,  Vil,  42  (New séries);  Senart,  Essai, 
367;  Koeppen,  Bel.  d.  B.,  407. 


LE  SANGHA  113 

transporter  sur  la  toile  Timagedu  Tathâgata  ;  ce  fut  plus  facile 
à  dire  qu'à  faire,  car  les  Tathâgatas  sont  difficiles  à  approcher  ^ 
Le  roi  Bimbisâra  invita  alors  le  Seigneur  à  venir  dîner  chez 
lui,  pour  que  les  peintres  eussent  Toccasionde  faire  son  por- 
trait. Mais  les  Buddhas  sont  des  êtres  tellement  magnifiques 
qu'on  ne  peut  se  rassasier  de  leur  vue,  et  par  suite  les  peintres 
ne  purent  jamais  saisir  le  vrai  moment.  LeBuddha*,  s'aper-  io9 
cevant  de  leur  embarras,  fit  apporter  une  toile,  y  laissa 
tomber  son  ombre  et  dit  aux  peintres  :  Remplissez  ce  con- 
tour de  couleurs  et  écrivez  au-dessous  les  trois  formules 
qui  composent  le  Credo^  les  préceptes  moraux  et  la  série 
des  douze  causes  et  effets  \  —  Ceci  nous  apprend  :  l"*  que 
pour  dessiner  une  image  du  soleil,  le  mieux  qu'on  puisse 
faire,  c'est  d'en  observer  le  reflet  sur  une  surface  unie  d'eau, 
de  mercure,  etc.;  2°  que  nous  devons  au  soleil  la  division  du 
temps  en  passé,  présent  et  avenir,  symbolisés  par  Buddha, 
ou  le  Créateur,  Dharma  ou  le  monde  phénoménal,  et  Saiigha, 
la  Mort  qui  réunit  toutes  les  choses  ;  que  nous  devons  au  même 
soleil,  comme  créateur  du  temps,  les  préceptes  moraux  dont 
l'expérience  a  attesté  l'efficacité  ;  enfin  que  nous  devons  au 
brillant  Buddha,  comme  à  la  lune,  Bimbisâra,  la  division 
en  douze  mois  du  cercle  toujours  renouvelé  de  l'année  ;  ce 
mouvement  perpétuel  de  la  Roue  de  la  Loi  nous  inculque  la 
vérité  :  «  tout  ce  qui  existe  doit  périr  »,  la  devise  des  Yogins  ^  ; 


3.  Ceci  est  très  juste,  à  tous  les  points  de  vue  :  le  soleil  est  trop  lumineux 
pour  qu'on  en  puisse  faire  une  représentation  exacte;  et  comme  lumière  inté- 
rieure, comme  huddhi^  le  Buddha  est  entièrement  invisible. 

1.  Burnouf,  Introd.,  341. 

2.  Utpannam  nirudliyate.  Le  Yoga  indien  a  probablement  aussi  peu  inrenté 
cette  devise  que  Salluste  son  lieu  commun  :  omnia  orla  occidunt  et  aucta 
senescunt,  car  le  fond  cosmologique  et  mythologique  de  ce  théorème  philoso- 
phique est  évident;  du  reste,  toute  la  philosophie  indienne  n'est  qu'un  déve- 
loppement pathologique  de  la  mythologie.  Mais  cette  formule  exprimait  la 
thèse  fondamentale  de  la  conception  du  monde  selon  le  Yoga,  analogue  au 
itivxa  psï  d'Heraclite,  et  opposée  à  celle  des  Sdhkhyas,  qu'on  peut  comparer 
aux  Éléates;  voir  l'observation  concise  mais  frappante  du  commentaire  du 


174  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L^INDE 

3°  que,  du  temps  où  fut  re'digée  l'allégorie  que  nous  venons 
de  communiquer,  il  existait  des  figures  peintes  du  Bouddha, 
avec  des  inscriptions  édifiantes. 

Relativement  à  Torigine  des  statues  du  Seigneur  en  bois 
et  en  or,  il  y  a  aussi  des  récils  allégoriques  ou  mythiques, 
en  versions  divergentes  ;  ils  sont  tien  intéressants,  pourvu 

•  qu'on  n'y  cherche  pas  «  un  noyau  historique  ».  Fa  Hian 
avait  entendu  raconter  la  version  suivante  à  Çrâvasti  ^ 
Lorsque  le  Seigneur,  après  le  grand  miracle  opéré  dans  celte 

160  ville,  disparut  pour  trois  mois,  *  afin  d'enseigner  le  Dharma  à 
sa  mère  dans  le  Paradis  des  Dieux,  le  roi  Prasenajit  eut  un 
tel  désir  de  voir  le  Maître,  qu'il  sculpta  son  image  en  bois  de 
santal  jaune,  et  le  plaça  sur  le  trône  que  le  Maître  avait 
abandonné.  Lorsque  celui-ci,  revenu  du  Paradis,  rentra  dans 
le  Vihâra,  la  statue  se  leva  immédiatement  pour  aller  à  sa 
rencontre,  mais  le  Buddha  dit  :  «  Retournez  à  voire  place. 
Après  mon  Nirvana  vous  serez  le  modèle  des  statues  que  les 
quatre  classes  (d'auditeurs)  m'érigeront  ».  Hiuen  Thsang 
raconte  à  peu  près  la  même  chose,  mais  chez  lui  le  roi 
s'appelle  Udayana.  C'était  celui-ci,  en  effet,  qui,  désireux  de 
contempler  le  Seigneur,  pria  Maudgalyâyana  de  faire  monter 
miraculeusement  au  Ciel  un  habile  artiste,  afin  que  celui-ci 
pût  voir  le  Buddha  et  sculpter  sa  statue  en  bois  '.  C'est  ce 
qui  se  fit.  Quand  le  Tathâgata,  revenu  sur  la  terre,  vit  sa 
statue  qui  se  leva  de  son  siège,  il  dit  d'un  ton  aimable  : 
«  Etes-vous  fatigué  d'illuminer  les  hommes?  Continuez  de 
répandre  votre  lumière,  et  éclairez  la  postérité  la  plus 
reculée  ».  La  biographie  tibétaine  s'accorde  avec  ce  récit 
quant  au  fond;  les  mots  essentiels  sont  :  «  Le  roi  de  Bénarès, 
Udayana,  pensant  au  Seigneur,  fil  sculpter  son  image  en  bois 


Nyâya  Sûtra,  I,  29.  Le  fait  que   les  Bouddhistes  ont  la  même  devise  prouve 
qu'ils  sont  des  imitateurs  du  Yoga. 

3.  Travels,  75. 

l.  Mém,  I,  284.  Une  encyclopédie  chinoise  dit  que  la  statue  était  en  or. 


LE   SANGHA  HS 

de  santal  jaune  ^.  »  Les  Singhalais  savent  que,  du  vivant  du 
Gotamide,  son  image  fut  faite  par  ordre  du  roi  de  Kosala  % 
donc  de  Prasenajit.  Hiuen  Thsang  raconte  que  le  roi  Prase- 
najit,  en  apprenant  qu'Udayana  avait  fait  faire  une  statue  du 
Buddha  en  bois  de  santal  jaune,  fit  lui  aussi,  à  la  même  occa- 
sion, faire  une  statue,  de  la  même  matière  *.  Ceci  rappelle 
une  notice  de  Tencyclopédie  chinoise,  d'après  laquelle  le  roi 
de  Perse  *  fit  faire  une  statue  du  Buddha  en  or,  dès  qu'il  eut  161 
appris  qu'Udayana  en  possédait  une  semblable  \ 

Ce  que  les  Buddhistes  racontent  du  Buddha,  les  Jainas  le 
racontent  du  Jina,  connu  aussi  sous  le  nom  de  Yardhamâna 
et  le  titre  de  Mahâvîra.  Lorsque  le  Jina  demeurait  sur  la 
terre,  le  roi  Udayana  gouvernait  le  pays  de  Sindhu-Sauvîra  ; 
il  embrassa  la  doctrine  de  Mahâvîra  et  fit  sculpter  l'image  de 
celui-ci  en  bois  de  santal  jaune.  Pour  la  possession  de  cette 
image,  il  y  eut  une  grande  guerre  entre  Udayana  et  le  roi 
Pradyota,  bien  connu  par  l'histoire  de  Jîvaka  ^ 

Dans  les  fouilles  faites  à  Mathurâ  on  a  trouvé  plusieurs 
statues,  du  Jina  Vardhamâna  aussi  bien  que  du  Buddha  ;  ces 
statues  ont  des  souscriptions  avec  des  dates  précises  ^  Malheu- 
reusement, il  y  a  des  doutes  quant  au  moment  oii  a  com- 


2.  Schiefner,  Tib.  Lebensh.  273.  Ailleurs,  dans  le  même  ouvrage,  p.  235, 
Udayana  est  nommé  roi  de  Kauçâmbî. 

3.  Hardy,  E.  M.,  199. 

4.  Mém.  I,  296. 

1.  L'explication  de  cette  fable  n'est  pas  sûre;  probablement  elle  veut  insi- 
nuer que  Mithra  et  Buddha  sont  tous  les  deux  le  soleil  doré  et  représentent 
au  fond  la  même  conception.  Une  statue  assise  du  Buddha,  trouvée  dans  les 
ruines  d'un  temple  près  de  Caboul,  a  des  flammes  qui  s'élèvent  sur  les 
épaules;  Journ.  As.  Soc.  Bengal,  III,  pi.  XXVI  ;  Prinsep  (o.  c.  p.  455)  remar- 
que à  ce  propos  :  «  The  lambent  flame  on  the  shoulders  is  a  peculiarity  not 
observed  in  any  image  or  drawing  of  Buddha  that  I  hâve  seen.  It  seems  to 
dénote  a  Mithraic  tinge  in  the  local  faith.  The  solar  dise  or  glory  behind  the 
figure  is  a  common  appendage  to  sacred  persons  in  every  creed.  » 

2.  Cunningham,  Archaeol.  Survey,  III,  47. 

3.  Cunningham,  Archaeol.  Survey,  III,  30-37.  Ce  sont  les  statues  du  Jina 
qui  sont,  de  beaucoup,  les  plus  nombreuses. 


176  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'LNDE 

mencé  l'ère  qui  y  est  indiquée  ;  cependant,  il  est  à  peu  près 
sûr  que  ces  antiquités  ne  remontent  pas  plus  haut  que  le  pre- 
mier siècle  après  J.-C,  et  que  quelques-unes  se  rapportent 
aux  n^  et  ni^  siècles.  Comme  on  ne  peut  supposer  que  les  sta- 
tues découvertes  à  Mathurâ  soient  justement  les  plus  anciennes 
qu'on  ait  exécutées,  nous  pouvons  admettre  que  déjà  bien 
avant  notre  ère  on  a  honoré  des  statues  du  Buddha.  On  peut 
aller  plus  loin  encore  et  soutenir  que  le  modèle  des  statues 
du  Buddha,  au  moins  de  celles  qui  le  représentent  debout, 
existait  dans  l'Inde  longtemps  déjà  avant  la  fondation  de 
l'ordre.  Lors  de  la  construction,  dont  nous  avons  déjà  parlé, 
de  l'autel  védique  en  briques,  le  prôtre,  au  moment  où  l'on 
162  posait  la  première  couche  de  briques,  devait,  *  au  nom  de 
celui  qui  ordonnait  le  sacrifice,  accomplir  le  rite  suivant  *  : 
la  tête  tournée  vers  la  région  du  ciel  où  se  lève  le  soleil,  il 
met,  sur  une  poignée  d'herbe  ^,  juste  au  milieu,  une  feuille 
de  lotus,  sur*  cette  feuille  une  plaque  d'or  qu'il  portait  au  cou, 
et  sur  cette  plaque  «  un  homme  en  or  »,  représenté  debout,  et 
dont  la  tête  est  tournée  vers  l'Orient  %  le  tout  en  chantant 
l'hymne  au  Purusha  ou  celui  au  Lumineux.  Puis,  le  prôtre 
s'arrête  un  moment,  pendant  que  la  personne  qui  a  ordonné 
le  sacrifice  rend  humblement  hommage  à  la  statue,  en  pro- 
nonçant trois  versets  pour  conjurer  les  Serpents. 

Il  est  expressément  dit  «  que  l'homme  en  or  »  est  le  sym- 
bole de  Prajâpati,  d'Agni  et  de  celui  qui  ordonne  le  sacrifice  \ 
c'est-à-dire  des  trois  manifestations  de  la  lumière  éternelle 
et  substantiellement  une.  Prajâpati,  le  Seigneur  des  Créa- 
tures, est  Brahma  le  Créateur,  et  représente  comme  tel  le 

1.  Weber,  Ind.  Stud.  XIII,  248  et  les  sources  citées. 

2.  C'est  dans  ce  prêtre  qu'il  faut  chercher  l'origine  de  rhomme  qui  offrit  au 
Gotaraide,  au  moment  oii  celui-ci  s'avança  pour  monter  sur  le  trône  de  la 
Science,   huit  poignées  d'herbe;    tome  I,  p.  64,  comp.  Lalita-V.  357. 

3.  Le  Bodhisatva,  lui  aussi,  tourna  la  tête  vers  l'Orient,  tome  I,  p.  65. 
Chacun  sait,  du  reste,  qu'en  sa  qualité  de  Grand-Homme  (Mahâ-purusha)  il 
est  d'une  couleur  dorée. 

4.  Weber,  Ind.  Streifen,  l,  60  et  ss. 


LE  SANGHA  177 

passé  ;  les  Bouddhistes  l'appellent  Buddha.   Agni,  dans  un 
sens  plus  restreint,  le  feu  terrestre  et  atmosphérique,  repré- 
sente ce  qui  est  temporaire  et  sublunaire,  le  monde  des  phé- 
nomènes, le  présent;  les    Bouddhistes  donnent   au  monde 
phénoménal  le  nom  de  Dharma.  Celui  qui  ordonne  le  sacri- 
fice est  l'homme  lui-même  dont  la  véritable  substance  est  la 
lumière  intérieure,  l'élément  réellement  immortel   en   lui, 
d'après  les  anciennes  idées  indiennes.  L'immortel  abstrait  est 
remplacé  chez  les  Bouddhistes  et  d'autres   sectes,  par  les 
immortels,  les  morts    réunis.  Que  la  réunion  de  tous  les 
morts  fût  appelée  immortelle,  amrta^  parce  que  les  morts 
ne  peuvent  plus  mourir,  parce  que  la  mort  est  éternelle  et 
immortelle,  ou  bien  parce  qu'ils  ont  obtenu  la  vie  éternelle, 
importait  peu  ;   dans   tous  les  cas,  on  pouvait  considérer  le 
Sarigha,  les  réunis,  comme  l'élément  vraiment  spirituel.  La 
statue  est  en  or,  parce  que  «  Prajâpati  est  d'or  »  ^  ;  il  l'est, 
parce  que  d'après  la  conception  naturaliste,  la  plus  ancienne, 
il  est  le  soleil.  *  Naturellement  le  Buddha,  lui  aussi,  doit  163 
avoir  une  couleur  dorée  ;  nous  savons,  en  effet,  qu'il  se  dis- 
tinguait par  une  belle    couleur  dorée,  sauf  au  moment  oii, 
vers  le  jour  le  plus  court  de  l'année,  il  tomba,  épuisé  parles 
jeûnes,  à  la  fin  de  sa  course  ;  alors  la  couleur  était  devenue 
pâle.  De  là  la  couleur  dorée  de  la  première  statue  du  Buddha  ; 
et  il  est  très  naturel,  que,   en  imitation  de  cette  statue,  la 
plupart  des  images  de  Buddha,  encore  aujourd'hui,  soient 
d'or,  ou  dorées,  ou  au  moins  de  couleur  jaune.  Mais,   en 
dehors  du  Brahma  visible,  il  y  a,  à  l'intérieur  de  l'homme, 
un  Brahma  invisible,  le  Logos.  Un  de  ses  noms  est  Buddha, 
le  conscient,    ou  Muni,  le  voyant,  le  penseur;  ou,    si  l'on 
veut,  Buddha  est  la  personnification  de  Buddlii,  conscience, 
intelligence,   esprit.  Si  l'on  attribue   la   couleur  dorée  à  ce 
Brahma  ou  Buddha  invisible,  c'est,  ou  bien  pour  exprimer 
symboliquement  l'unité  substantielle  de  la  lumière  extérieure 

5.  Çatapatha-Brâhmana,  10,  1,  4,  9;  comp.  10,  1,  3. 

Tome  11.  M 


J78  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

et  de  la  lumière  intérieure,  des  deux  Créateurs,  ou  bien, 
parce  que,  comme  le  dit  le  Çatapatha-Brâhmana,  «  Fesprit 
vital  est  de  l'or.  » 

Le  résultat  auquel  nous  amènent  ces  considérations,  c'est 
que  les  premiers  fils  deÇàkya,  qui,  en  leur  qualité  de  Yogins, 
étaient  philosophes,  honoraient,  comme  objet  suprême  du 
culte  spirituel,  le  Buddha  invisible,  ou,  comme  ils  disaient, 
le  Tathâgata  qui  a  atteint  le  Nirvana  ;  que,  d'autre  part,  pour 
encourager  la  piété,  ils  ne  désapprouvaient  pas  absolument 
la  personnification  d'une  idée  ou  d'un  idéal  ;  en  d'autres 
termes,  qu'ils  faisaient  exactement  ce  qu'ont  fait  tous  les 
philosophes  indiens  depuis  2,S00  ans  au  moins.  L'absence 
d'images  du  Seigneur  à  Bharhut  et  ailleurs  ne  suffit  pas  à 
prouver  que  tous  les  Bouddhistes,  dans  la  haute  antiquité, 
désapprouvaient  les  images  du  Seigneur.  Ce  qui  est  sûr,  c'est 
que  les  statues  du  Buddha  se  rattachent  étroitement  au  culte 
de  Brahma  et  du  Purusha;  en  outre,  que  l'absence  des  images 
du  Maître,  justement  sur  les  monuments  les  plus  anciens  est 
inexplicable,  si  les  initiés  croyaient  réellement  que  le  Buddha 
était  un  homme  ;  pourquoi  ne  l'aurait-on  pas  figuré,  aussi 
bien  qu'Ajâtaçatru  et  Prasenajit,  et  nombre  de  dieux  et  de 
déesses?  Les  sculpteurs  ne  manquaient  pas  d'imagination; 
car  on  trouve  à  Bharhut  une  représentation  du  Bodhisatva, 
164  au  moment  oii  il  est  sur  le  point  de  pénétrer  *  dans  le  flanc 
de  sa  mère,  sous  forme  d'éléphant,  conformément  à  la 
tradition  *. 


1.  s.  of  Bh.  pi.  XXVIII,  où,  la  superscription  doit  se  traduire  :  «  la  Concep- 
tion du  Seigneur  »,  ce  qui  est  tout  autre  chose  que  le  «  dream  »  de  Cunning- 
ham.  Le  Rév.  Beal  fait  une  remarque  critique  assez  singulière  [TravelSj  85)  : 
«  The  fable  relates  that  Bodhisatwa  descended  from  the  Tusita  heaven,  in  the 
shape  of  a  white  éléphant,  surrounded  by  light  like  the  sun,  and  entered  the 
left  side  of  his  mother.  But  in  the  text  he  is  described  as  descending  seated 
on  an  éléphant,  which  account  seems  far  more  natural.  »  C'est,  en  effet,  très 
naturel,  qu'un  être  qui  doit  encore  être  conçu,  monte  sur  un  éléphant,  et 
pénètre  ainsi  dans  le  sein  de  sa  mère;  rien  de  plus  naturel  et  de  plus  histo- 
rique qu'une  telle  chevauchée. 


LE  SANGHA  179 

Nous  trouvons,  chez  un  auteur  païen  du  vi^  siècle,  une  des- 
cription concise,  mais  classique,  du  type  d'après  lequel  il 
faut  faire  une  statue  de  Buddha  conformément  aux  règles  de 
l'art  ^  Il  dit  :  «  Buddha  doit  être  assis  sur  un  siège  de  lotus, 
comme  s'il  était  le  Père  de  l'univers  (Brahma);  ses  mains  et 
ses  pieds  doivent  être  marqués  de  lotus;  il  doit  avoir  les 
cheveux  courts  et  un  visage  calme  ».  C'est  un /ait  remar- 
quable qu'une  des  plus  anciennes  statuettes  du  Buddha  trou- 
vées jusqu'ici  '\  h  comme  souscription  :  «  Image  du  Seigneur, 
le  Patriarche  (Bhagavato-Pitàmahasija)  ».  Si  la  statuette  elle- 
même  et  une  expression  édifiante  ajoutée  à  la  légende  («  pour 
délivrer  de  la  souffrance  »)  ne  montraient  que  nous  avons 
affaire  au  Buddha,  chacun  croirait  que  l'inscription  désigne 
Brahma,  le  Père  des  créatures,  car  le  nom  le  plus  ordinaire 
du  Créateur  est  justement  Pitâmaha.  Un  autre  détail,  qui 
doit  frapper  tout  le  monde,  est  le  «  siège  de  lotus  »  ou  le 
«  coussin  de  lotus  »  commun  au  Buddha  et  à  Brahma  \  Le 
siège  de  lotus  s'appelle  Padmâsana,  mais  ce  mot  désigne 
aussi,  chez  les  Yogins,  une  façon  j)articulière  de  s'asseoir. 
C'est  pourquoi  il  est  dit  du  Maître  des  Yogins,  Çiva,  qu'il 
est  Padmâsana,  comme  Brahma  et  le  Soleil,  qui  portent  tous 
les  deux  le  même  surnom.  Un  autre  nom,  Yajrâsana  «  trône 
de  diamant  ou  d'adamant  ^  »,  était  donné  au  siège  que  le 
Sage  suprême  occupait  à  Gayâ. 

*  On  peut  résumer  ainsi  les  traits  qui  distinguent  les  sta-  16S 
tues  qui  représentent  le  Buddha  assis  :  la  tête  est  entourée 
d'une   couronne  de  rayons  ou  d'un    disque  lumineux.  La 
chevelure  est  très  courte,  bouclée  vers  la  droite;  le  plus  sou- 


2.  Varâha-Mihira,  Brhat-Samhitâ,   58,   44.   Comp.    Hemâdri,    Caturvarga- 
Cintâmani,  II,  1,  U9;  1037. 

3.  Cunningham,  ArchaeoL  Survey,  III,  pi.  XVIII. 

4.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  la  statue  de  «  l'homnie  en  or  »  est  posée  sur 
la  plaque  d'or,  placée  elle-même  sur  une  feuille  de  lotus. 

l).  En  même  temps  :  trône  de  Téclair;  voir  un  essai  d'explication  de  ce  nom 
chez  Senart,  Ess.  425. 


180  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

vent  on  voit  huit  rangées  de  petites  boucles,  les  trois  rangées 
supérieures  formant  comme  une  tresse  au-dessus  des  autres; 
comme  couronnement  cette  coiffure  a  une  sorte  de  chignon, 
de  calotte,  ou  d'après  d'autres,  un  os  qui  s'élève  au  som- 
met du  crâne,  FUshnisha  \  Entre  les  sourcils,  un  peu  au- 
dessus  de  la  racine  du  nez,  se  montre  Vilrnâ,  représentée 
tantôt  conyne  une  mouche,  tantôt  comme  un  cercle  formé 
par  quelques  petits  cheveux.  Les  yeux  sont  d'ordinaire  bais- 
sés, parfois  seulement  ouverts  à  moitié,  comme  d'un  homme 
plongé  dans  la  Samâdhi.  Toute  l'expression  du  visage  est 
tranquille,  calme  et  douce,  comme  chez  le  moine  dont  l'appa- 
rition fit  naître  chez  le  Prince  Siddhârthala  pensée  d'embras- 
ser la  vie  religieuse.  Les  oreilles  sont  tirées  en  bas.  L'ample 
vêtement  a  été  jeté  sur  l'épaule  gauche  de  manière  à  décou- 
vrir le  bras  droit  et  la  partie  droite  du  haut  du  corps  ;  il 
recouvre  le  reste  du  corps  jusqu'aux  chevilles,  où  il  retombe 
en  formant  des  pointes  ^. 

Le  Tathâgata  est  souvent  représenté  debout,  surtout  quand 
on  veut  le  montrer  enseignant.  Une  statue  très  remarquable 
de  cette  classe  se  voyait  autrefois  à  Peshawer,  près  d'un 
grand  Stûpa,  bâti  par  Kanishka.  La  statue  était  en  marbre 
blanc,  et  haute  de  18  pieds,  c'est-à-dire  qu'elle  était  de  gran- 
deur naturelle,  car  le  Gotamide  avait  cette  stature.  Elle  était 
tournée  vers  le  nord,  et  répandait  une  lumière  aveuglante  ; 
166  *  mais  ce  qu'il  y  avait  de  plus  merveilleux,  c'est  que  la  statue 
changeait  déplace  pendant  la  nuit  et  se  promenait  de  gauche 
à  droite  autour  du  grand  Stûpa.  Peu  de  temps  avant  l'arrivée 
de  Hiuen  Thsang  à  Peshawer,  il  était  arrivé  qu'une  bande 
de  malfaiteurs  avait  voulu  pénétrer  dans  le  Stûpa  pour  y 
voler,  mais  voilà  que  subitement  la  statue  s'avança,  de  sorte 

1.  C'était  rexplication  qu'on  donnait,  entre  autres,  à  Hidda,  où  l'on  montrait 
cet  os  merveilleux  du  sommet  du  crâne. 

2.  La  statue  très  ancienne,  trouvée  à  Caboul  (voir  plus  haut,  p.  161),  présente 
des  traits  qui  lui  sont  propres,  entre  autres  celui-ci,  que  le  vêtement,  plié 
d'une  façon  pittoresque,  couvre  les  deux  épaules. 


LE  SANGHA  181 

que  les  voleurs,  épouvante's,  prirent  la  fuite,  tandis  que  le 
Buddha  retourna  à  sa  place  habituelle  ^  Une  autre  statue, 
qui  était  de  grandeur  naturelle,  en  laiton,  ornait  le  Yihâra 
du  Parc-aux-Cerfs,  près  de  Bénarès  :  elle  représentait  le 
Tathâgata  tournant  la  roue  de  la  Loi  ^  Remarquables  à 
cause  de  leurs  dimensions  étaient  aussi  deux  statues  à  Ba- 
mian.  L'une,  de  pierre,  mais  de  «  couleur  d'or  »  (probable- 
ment dorée)  était  haute  de  cent  cinquante  pieds  ;  l'autre, 
haute  de  cent  pieds,  était  en  laiton. 

11  y  a  aussi  des  statues  qui  représentent  le  Tathâgata  cou- 
ché, la  tête  tournée  vers  le  nord,  au  moment  où  il  atteint  le 
Nirvana.  On  voyait  à  Bamian  une  statue  dans  cette  attitude, 
qui  avait  la  longueur  colossale  de  mille  pieds  ^  A  Kuçinagara, 
l'endroit  où  avait  eu  lieu  le  fait  mémorable  de  l'entrée  dans 
le  Nirvana,  il  y  avait  une  statue  semblable,  comme  en  té- 
moigne Hiuen  Thsang  *.  Son  prédécesseur  et  compatriote. 
Fa  Hian,  n'en  parle  pas,  quoiqu'il  ait  visité  le  lieu  saint.  Le 
même  voyageur  ne  vit  à  cet  endroit  que  deux  arbres  scU^  con- 
formément à  la  tradition  ^  tandis  que,  quelques  siècles  plus 
tard,  on  en  montra  quatre.  A  Sankissa,  l'antique  Sâiikâçya, 
on  a  trouvé,  il  y  a  quelques  années,  un  morceau  de  sculp- 
ture, *  représentant  le  Nirvana  :  le  Tathâgata  est  couché  sur  167 
le  flanc  droit,  la  main  droite  posée  sous  la  tête  *. 

Près  de  la  môme  ville  de  Sâiikâçya,  où  le  Seigneur,  après 
avoir  séjourné  pendant  trois  mois  auprès  des  Dieux,  dans  la 
salle  Sudharmâ,  redescendit  sur  la  terre  par  trois  esca- 
liers, on  voyait,  du  temps  des  pèlerins  chinois,  un  Buddha 
debout,  en  pierre,  et  des  deux  côtés  Brahma  et  Indra,  le 

1.  Ce  n'est  pas  un  miracle,  mais  une  chose  habituelle,  que  le  soleil  fasse  le 
tour  du  grand  Dhâtugarbha,  dont  le  Merii  est  le  sommet.  De  môme,  il  arrive 
fréquemment  que  le  soleil  levant  chasse  les  voleurs.  —  B.  Voy.  des  Pèl.  II.  111. 

2.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  355. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  11,38. 

4.  Mém.  I,  334. 

5.  Travels,  94. 

1.  Cunningham,  Archaeol.  Siirvey,  XI,  28. 


182  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

premier  tenant  un  chasse-mouches  blanc,  le  second  avec  un 
parasol  ^  Les  escaliers  originaux,  construits  par  Yiçvakar- 
man,  l'architecte  des  Dieux,  n'existaient  plus  au  vu"  siècle 
après  J.-C.  ;  c'est  pourquoi  plusieurs  princes,  regrettant  de 
ne  plus  voir  ces  escaliers,  en  avaient  fait  construire  de  nou- 
veaux, sur  le  fondement  des  anciens,  semblables  aux  origi- 
naux, sauf  en  ceci  qu'ils  n'avaient  qu'une  hauteur  de  70  pieds. 
Déjà  du  temps  d'Açoka,  ainsi  qu'assure  Fa  Ilian,  les  trois 
escaliers  avaient  disparu,  à  l'exception  de  sept  marches. 
Açoka,  désireux  de  savoir  jusqu'à  quelle  profondeur  les 
escaliers  pénétraient  dans  la  terre,  mit  des  gens  à  l'œuvre 
pour  fouiller  et  examiner  le  sol.  Ceux-ci  creusèrent  dans  la 
terre,  jusqu'à  ce  qu'ils  furent  arrêtés  par  une  fontaine  d'eau 
jaune,  dont  ils  ne  purent  atteindre  le  fond,  circonstance  bien 
faite  pour  fortifier  la  foi  du  souverain.  Il  fit  construire  à  cet 
endroit  un  temple,  au  milieu  duquel  il  fit  placer  la  statue 
dont  nous  venons  de  parler,  haute  de  seize  pieds  ;  et  près  du 
temple  il  dressa  une  colonne,  hîiute  de  70  pieds,  au  sommet 
de  laquelle  était  un  lion  couché.  A  propos  de  ce  lion  de  pierre, 
on  raconte  un  détail  intéressant.  Une  fois  que  les  fils  de  Gâkya 
avaient  un  différend  avec  les  hérétiques,  au  sujet  du  droit, 
qu'on  leur  contestait,  d'habiter  en  ce  lieu,  on  s'accorda  de 
faire  dépendre  l'issue  du  débat  de  quelque  miracle.  A  peine 
168  avait-on  conclu  cet  arrangement  provisoire,  que  le  lion,  * 
placé  sur  la  colonne,  fit  entendre  un  rugissement  formidable, 
de  sorte  que  les  hérétiques  se  désistèrent  de  leur  demande  \ 
On  se  tromperait,  si  l'on  tirait  de  cette  légende  la  conclu- 

2.  Travels,  64-67,  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  238.  Sur  les  antiquités  trouvées  dans  des 
fouilles  faites  à  Sâhkâçya,  on  peut  voir  un  rapport  dans  Cunningham,  Archaeol. 
Survey,  XI,  22.  —  Une  figure  des  escaliers,  ou  plutôt  de  Téchelle,  se  trouve 
dans  Cunningham,  S.  of  Bh.  pi.  XVIT. 

1.  Le  général  Cunningham  a  trouvé,  dans  les  fouilles  qu'il  a  faites  à  San- 
kissa,\une  colonne  ayant  un  éléphant  comme  chapiteau,  et  en  tire  la  conclu- 
sion que  Fa  Hian  a  pris  un  éléphant  pour  un  lion  ;  Archaeol.  Survey,  I,  278  ; 
XI,  22.  Malheureusement,  Hiuen  Thsang,  lui  aussi,  a  vu  un  lion  sur  la 
colonne. 


LE  SANGHA  183 

sionqup  les  Bouddhistes  n'attribuent  un  pouvoir  miraculeux 
qu'à  leurs  pro[)res  sanctuaires.  Il  y  avait  à  Pushkalâvatî  un 
temple  païen,  au  sujet  duquel  Hiuen  Thsang  affirme  perti- 
nemment qu'on  y  voyait  journellement  des  miracles  ^  Le  fait 
que  des  statues  des  ortliodoxes  faisaient  des  miracles  est  telle- 
ment naturel  qu'il  est  inutile  d'y  insister.  Nous  ne  recher- 
cherons pas  non  plus  jusqu'à  quel  point  le  pouvoir  surnaturel 
des  statues,  des  temples  et  des  Dagobs  était  soutenu  par  cer- 
tains artifices  ;  devant  des  gens  comme  les  pèlerins  chinois 
on  n'avait  en  tout  cas  pas  besoin  de  recourir  à  de  pareils 
moyens  :  ils  voyaient  tout  ce  qu'on  voulait  leur  faire  voir. 
Cependant  les  Indiens  n'étaient  dénués  ni  deThabileté  néces- 
saire aux  tours  de  passe-passe,  ni  de  finesse  diplomatique. 
Un  exemple  de  la  fusion  harmonique  de  ces  deux  qualités 
nous  est  fourni  par  la  description,  que  donne  Hiuen 
Thsang  ^  d'une  image  peinte  du  Buddha,  haute  de  seize 
pieds,  près  du  Peshawer.  L'œuvre  était  ainsi  faite,  qu'au- 
dessus  delà  poitrine  on  voyait  deux  corps  qui  se  réunissaient 
par  en  bas  pour  n'en  former  qu'un  seul.  (En  effet,  on  peut 
tracer  une  limite  entre  les  deux  moitiés  du  jour,  et  entre 
l'ancienne  et  la  nouvelle  année,  quoiqu'au  fond  elles  se  con- 
fondent). L'histoire  de  cette  image,  telle  qu'on  la  trouvait  dans 
les  anciennes  descriptions  du  pays,  était  celle-ci.  Il  y  avait 
un  homme  qui  subvenait  à  ses  besoins  par  un  travail  manuel, 
Une  fois  qu'il  était  parvenu  à  grand  peine  à  gagner  un  écu, 
il  eut  envie  de  faire  faire  une  image  de  Buddha,  et  s'adressa  à 
cet  effet  à  un  peintre,  en  lui  déclarant  d'avance  *  que  sa  169 
pauvreté  ne  lui  permettait  pas  de  donner  pour  le  tableau 
plus  d'un  écu.  Le  peintre,  touché  par  la  bonne  volonté  de 
l'homme,  promit  d'exécuter  l'ouvrage  au  prix  offert.  Or,  il 
y  avait  un  autre  pauvre,  qui,  lui  aussi,  s'adressa  au  peintre, 
avec  la  môme  demande,  et  reçut  une  promesse  identique. 


2.  Mém.  I,  119. 
3.Mém,  1,110, 


184  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Une  fois  le  tableau  terminé,  et  les  deux  ouvriers  étant  venus 
le  voir,  l'artiste  montra  le  portrait,  en  disant  :  «  Voilà  l'image 
que  vous  m'avez  commandée.  )>  Les  deux  pauvres  gens  se 
regardèrent  avec  un  certain  embarras,  sur  quoi  le  peintre, 
qui  soupçonnait  bien  ce  qui  se  passait  en  leur  âme,  leur  dit  : 
«  A  quoi  pensez-vous?  Pour  l'argent  que  j'ai  reçu,  je  vous 
ai  livré  ce  que  je  vous  ai  promis  :  et  pour  le  prouver,  l'image 
va  subir  une  transformation  merveilleuse.  »  A  peine  avait-il 
prononcé  ces  paroles,  que  l'image  se  divisa  en  deux  corps, 
qui  s'illuminaient  l'un  l'autre.  Impossible  de  décrire  le  trans- 
port d'allégresse  qui,  à  cette  vue,  s'empara  de  l'âme  des 
deux  pauvres  journaliers. 

A  côté  de  cette  image,  étaient  placées  deux  statues,  l'une 
haute  de  quatre  pieds,  l'autre  de  six,  qui  représentaient  le 
Buddha  tel  qu'il  était  assis,  les  jambes  croisées,  sous  l'arbre 
de  la  Science,  et  qui,  à  ce  qu'assure  Hiuen-Thsang*,  étaient 
d'une  ressemblance  frappante.  Au  moment  où  le  Dieu  du 
jour  les  illumine  de  ses  rayons,  elles  répandent  une  aveu- 
glante lumière  dorée;  mais  dès  que  l'ombre  se  déplace,  degré 
par  degré,  les  veines  de  la  pierre  prennent  une  teinte  rouge- 
bleuâtre.  Des  vieillards  racontaient  que,  des  centaines  d'an- 
nées avant  la  création,  dans  les  crevasses  et  les  creux  des 
deux  pierres  se  trouvaient  des  fourmis  couleur  d'or,  dont  la 
grandeur  variait  d'un  pouce  à  un  grain  de  blé.  Dans  les 
allées  qu'elles  perçaient  dans  la  pierre,  elles  avaient  laissé 
du  sable  mêlé  d'or,  et  formé  ainsi  les  deux  statues  du  Buddha 
que  le  pèlerin  a  vues  de  ses  propres  yeux. 
D'autrefois  le  Buddha  est  représenté  avec  deux  compa- 
170  gnons  :  parfois  se  sont  Brahma  et  Indra,  parfois  les  deux  * 
chefs  des  disciples,  Çâriputra  et  Maudgalyâyana  ;  parfois  aussi 
le  Dharma  et  le  Sarigha.  Quelquefois  il  est  question  d'un 
groupe  de  quatre  statues,  représentant  Çâkya  et  les  trois 
Buddhas  antérieurs;  ailleurs  des  statues  des  sept  Buddhas*. 

1.  Mém.  I,  109. 

1 .  Voy.  des  Vèl  B.  I,  84,  133,  205. 


LE  SANGHA  185 

Parmi  les  saints  dont  les  images  étaient  hautement  hono- 
rées, après  celles  du  grand  Maître,  dans  Téglise  du  Nord 
aussi  bien  que  dans  celle  du  Midi,  il  faut  mentionner  en 
première  ligne  le  Bodhisatva  Maitreya,  le  futur  Sauveur. 
Particulièrement  célèbre  était  la  colossale  statue  en  bois 
doré,  haute  d'environ  cent  pieds,  qui  s'élevait  dans  une  des 
vallées  du  Dardistân,  l'ancien  royaume  d'Udyâna.  Afin  de  se 
procurer  le  portrait  de  Bodhisatva,  ^qui  n'a  pas  encore  paru 
sur  la  terre  S  l'Arhat  Madhyântika,  grâce  à  son  pouvoir  surhu- 
main \  fît  monter  au  Ciel  un*sculpteur,  qui  put  y  contempler 
Maitreya  de  ses  propres  yeux.  Après  trois  voyages  de  ce  genre 
au  ciel  des  Tushitas,  l'artiste  réussit  à  faire  une  effigie  par- 
faitement ressemblante.  Aux  jours  de  fête,  elle  répandait 
une  lumière  brillante,  et  les  princes  de  tous  les  pays  rivali- 
saient en  offrandes  :  c'était  au  moins  encore  le  cas  au  v^  siècle. 
Le  Bodhisatva  mérite,  en  effet,  les  honneurs  les  plus  extraor- 
dinaires :  car  si,  semblable  en  cela  au  jour  de  demain,  il  doit 
continuellement  paraître,  et  n'a  jamais  paru,  il  veille  néan- 
moins sur  le  développement  de  l'Église  *;  il  anime,  pour  171 
ainsi  dire,  les  croyants,  en  ranimant  leur  espérance,  et  les 
empêche  ainsi  de  s'attiédir  dans  leur  zèle. 

A  côté  de  Maitreya,  chez  les  Bouddhistes  septentrionaux,  les 
Bodhisatvas  Avalokiteçvara  et  Manjuçrî  étaient  extrêmement 

2.  D'après  le  Saddharma-Pundarîka,  dans  lequel  il  joue  un  rôle  assez  im- 
portant, il  est  assis  avec  Çâkyamuni  au  sommet  du  Grdhrakûta,  où  est  placée 
Faction  de  la  pièce.  On  n'en  saurait  conclure  que  Maitreya  vit  sur  la  terre; 
mais  seulement,  que  le  vrai  Grdhrakûta  ne  doit  pas  se  chercher  dans  ce  monde, 
ce  qui  n'empôche  pas  qu'on  montrait  à  Bénarès  l'endroit  où  Maitreya  avait 
jadis  reçu  une  prophétie. 

3.  Voy.  des  Pel.  B.  II,  149;  Fa  Hian  (Travels,  18)  parle  seulement  «  d'un 
certain  Arhat  ».  Le  récit  n'est  qu'une  variante  de  l'histoire  du  portrait  du 
Buddha;  voir  plus  haut,  p.  160.  Une  fois  qu'on  a  un  modèle,  on  peut  en  mul- 
tiplier à  volonté  les  empreintes,  et  les  adapter  aux  cas  particuliers,  grâce  à 
quelques  petits  changements.  Une  empreinte  de  ce  genre  est  la  légende,  d'après 
laquelle  l'Arhat  Devasena  fit  monter  au  ciel  des  Tushitas  le  vénérable  Guna- 
prabha,  afin  de  contenter  le  désir  delui-ci  de  contempler  Maitreya.  Devasena 
lui-même  faisait  fréquemment  des  excursions  au  Ciel.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  221. 


186  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

considérés.  A  quelque  époque  qu'on  fasse  remonter  leur  culte, 
c'est  chose  certaine  qu'il  était  autorisé  par  les  livres  cano- 
niques dès  le  m^  siècle.  A  une  certaine  distance  de  Kapiça, 
dans  une  vallée  haute,  s'élevait  la  statue  d'Avalokiteçvara. 
Si  quelqu'un  en  la  contemplant  sentait  naître  le  désir  sincère 
de  contempler  le  puissant  Bodhisatva,  celui  ci  sortait  de  la 
statue,  se  montrait  dans  toute  sa  majesté  et  adressait  au 
fidèle  quelques  paroles  aimables  *.  D'autres  statues,  aussi 
magnifiques,  se  trouv-aient  dans  l'antique  royaume  d'Udyâna, 
dans  le  Kashmir,  à  Kanauj,  àGayâ  ^  Sur  la  limite  occiden- 
tale du  Magadha,  dans  un  charmant  paysage,  se  dressait  fiè- 
rement, au  sommet  d'une  colline,  un  couvent,  nommé  Ka- 
pota-sanghârâma,  c'est-à-dire  «  le  Monastère  aux  Pigeons  ». 
Là  s'élevait  une  statue  en  bois  de  santal  d'Avalokiteçvara,  le 
Bodhisatva  dont  le  pouvoir  divin  excite  le  respect  universel. 
De  tout  temps,  on  voyait  là  une  foule  de  gens  qui  avaient 
préalablement  jeûné  pendant  une  semaine,  ou  môme  pen- 
dant deux  semaines,  afin  de  faire  connaître  leurs  désirs  au 
grand  Saint.  Ceux  qui  étaient  animés  d'une  foi  sincère, 
voyaient  alors  Avalokiteçvara,  resplendissant  de  lumière, 
sortir  de  son  effigie,  pour  leur  adresser  la  parole  avec  bien- 
veillance. De  nombreuses  personnes  purent  môme  le  con- 
templer dans  toute  sa  majesté.  Le  Bodhisatva  était  aussi 
consulté  comme  un  oracle  (entre  autres  par  Hiuen  Thsang)  de 
la  manière  suivante.  Placé  à  une  certaine  distance,  en  dehors 
d'un  grillage  en  fer,  celui  qui  désirait  être  renseigné  sur 
l'avenir,  jetait  des  guirlandes  de  fleurs  vers  la  statue,  et  si 
elles  restaient  suspendues  aux  mains  et  aux  bras,  c'était  un 
172  présage  favorable  ^  *  Une  autre  statue  du  saint  se  trouvait 
dans  un  couvent  du  pays  des  Mahrattes  ^  De  nos  jours,  on 


1.  Voy.  desPèl.  B.  11,45. 

2.  Voy.  des  Pêl.  JB.  I,  88;  II,  141,  182,  249;  1, 141. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  172. 
1.  Voy,  des  Pèl.  B,  ÏII,  151. 


LE  SANGHA  181 

représente  parfois  Avalokiteçvara  avec  dix  ou  onze  visa- 
ges %  qui,  tournés  vers  toutes  les  directions,  sont  superposés 
trois  par  trois,  de  manière  que  l'ensemble  forme  un  cône  \ 
Cette  pluralité  de  visages  est  l'expression  plastique  de  l'uni- 
versalité d' Avalokiteçvara  ;  c'est  la  représentation  figurée 
de  son  surnom  Samantamukha,  «  celui  dont  le  visage  est 
tourné  de  tous  les  côtés  »  ^.  Ce  surnom  est  sans  doute' très 
ancien,  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  fût  absolument  néces- 
saire d'exprimer  cette  universalité  dans  la  statuaire,  d'une 
façon  aussi  platement  littérale;  on  n'en  voit  pas  non  plus 
trace  dans  la  description  des  statues  chez  le  pèlerin  chinois. 

Manjuçri  est  mentionné  souvent  par  Hiuen  Thsang  avec 
le  plus  profond  respect;  mais  il  n'est  pas  question  de  ses 
statues,  il  n'est  parlé  que  de  reliques  du  saint,  qui  reposaient  à 
Mathurâ  dans  un  Dagob.  Des  représentations  postérieures  de 
Manjuçrî  nous  représentent  le  Bodhisatva  comme  ayant 
quatre  mains,  dans  lesquelles  il  tient  un  rosaire,  un  livre 
etc.  ^  La  statue  javanaise  de  Manjuçri  qui  fut  élevée  par 
Adityavarman  et  consacrée  l'an  1265  de  Çaka  (1343  après 
Jésus-Christ),  n'a  que  deux  bras  et  ne  se  distingue  par 
rien  de  monstrueux  ®. 

Les  cinq  Dhyâni-Buddhas  ou  Jinas,  Yairocana,  Akshobhya, 


2.  Dix  est  le  nombre  des  directions,  à  savoir  les  huit  points  cardinaux, 
zénith  et  nadir.  Onze  est  le  nombre  des  Rudras.  Ceci  montre  que  le  Bodhi- 
satva est  un  Rudra  ou  Çiva  déguisé.  On  peut  douter  que  cette  conception  de 
la  nature  réelle  d'Avalokiteçvara  soit  la  plus  ancienne,  mais  il  est  facile  de  voir 
comment  elle  a  pu  naître.  Un  des  surnoms  de  Çiva  est  Drshti-guru,  c'est-à-dire  \ 
«  maître  de  la  vue  »  (en  tant  qu'éther);  avalokita  pris  comme  substantif 
neutre  signifie  aussi  «  vue,  l'action  de  voir  »  ;  d'autre  part,  içvara^  «  seigneur  », 
est  synonyme  de  guru,  «  maître  »;  de  sorte  que  les  deux  noms,  quant  à  la 
signification,  se  valent. 

3.  Kœppen,  Rel.  d,  B.  II,  24.  Une  figure  un  peu  différente  dans  Arch.  Surv. 
of.  W.  India,  n»  9,  pi.  XXIV. 

4.  Ce  surnom  lui  est  donné  dans  le  Saddharma-Pundarîka,  chapitre  XXIV; 
comp.  Beal,  Catena^  384. 

5.  Koeppen,  Rel.  d.  B.  II,  22. 

6.  La  statue  est  maintenant  au  musée  de  Berlin, 


188  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

/  Ratnasambhava,  Amitâbha  ou  Amitâyus  et  Amoghasiddhi,  de 
173  même  que  leurs  fils,  les  Bodhisatvas  *  Samantabhadra,  Vajra- 
pâni,  Ratnapâni,  Padmapâni  et  Yiçvapâni  \  et  leurs  épouses 
j     ou  Taras  ^  ou,  comme  diraient  les  Hindous,  leurs  Çaktis  ou 
!     forces,  c'est-à-dire,  Yajradhâtvîçvarî,  Locanâ,  Mâmakî,  Pân- 
darâ  ou  Pândurâ  et  Tara,  sont  surtout  des  objets  du  culte 
dans  le  Népal,  le  Tibet  et  la  Mongolie.    Les  images    des 
I     premiers  montrent  le  type  ordinaire  du  Buddha.  Leurs  sièges, 
*     qui  reposent  sur  des  coussins,  garnis  d'une  bordure  de  feuilles 
de  lotus  recourbées  vers  le  bas,  sont  distingués  par  des  figures 
animales  placées  dos  à  dos.  Des   lions,  des  éléphants,  des 
chevaux,  des  cygies  ou  hamsas,  et  des_  Garudas  sont  respec- 
tivement les  attributs  de  Yairocana,  d'Akshobhya,  etc.  La 
tête  est  entourée  d'une  gloire,  qui,  chez  Amoghasiddhi,  pré- 
sente cette  particularité  qu'elle  est  couronnée  et  entourée  de 
serpents.  Les  Buddhas  diffèrent  entre  eux  par  la  position  des 
mains  et  par  la  couleur.   Vairocana  est  blanc,  Akshobhya, 
bleu,  Ratnasambhava  jaune  doré,  Amitâbha  rouge,  Amogha- 
siddhi, vert.  De  ces  cinq  Buddhas,  le  second  est  placé  dans 
les  temples  du  côté  de  l'Orient,  le  troisième  du  côté  du  Midi, 
le  quatrième  du  côté  de  l'Ouest,  le  cinquième  du  côté  du 
Nord  ;  il  faut  donc  admettre  que  le  premie  occupejt'  le  cen- 


1.  Comp.  t.  I,  p.  323;  Waddell,  Lamaism,  336,  349. 

2.  Tara  signifie  étoile,  étoile  fixe.  Ce  fait  seul  indique  que  les  Dhyâni- 
Buddhas  sont  des  lunes,  c'est-à-dire  période  de  la  lune,  par  ex.  les  cinq 
Tithis  ;  chez  les  Indiens,  iârâ  et  candra  (lune)  vont  toujours  ensemble.  Ces  cinq 
êtres  célestes  sont,  dans  le  macrocosme,  les  seigneurs  des  cinq  périodes  ;  dans 
le  microcosme,  les  cinq  Indras,  c'est-à-dire,  les  cinq  indriyas^  organes  des 
sens,  qu'on  appelle  aussi  «  divinités  »,  devatâs.  D'après  l'Aitareya-Brâhmana, 
8,  28,  les  cinq  devatâs  qui  composent  le  brahma  seraient  :  l'éclair,  la  pluie, 
la  lune,  le  soleil  et  le  feu;  même  si  cette  explication  était  exacte,  elle  ne  s'ap- 

I    pliquerait  pas  aux  cinq  divinités  du  brahma  en  tant  que  microcosme;  dans  le 

I  microcosme,  les  cinq  devatâs  ne  peuvent  guère  être  que  les  cinq  sens,  et  il 
\  \  est  évident  que  le  passage  cité  désigne  le  brahma  vivant,  c'est-à-dire,  le  mi- 

II  crocosme.  Le  terme  hindou  çakti  indique  encore  plus  nettement  le  caractère 
il  allégorique  des  Indras,  car  çakti  signifie  «  force  »,  comme  anciennement 
)'  indriya.  ■ 


LE  SANGHA*  189 

tre  \  Les  Taras  ont  chacune  la  même  couleur  que  les  Buddhas 
qu'elles  accompagnent,  de  même  que  leurs  fils,  les  Bodhi- 
satvas,  qui  sont  représentés  debout  *. 

*  Le  culte  des  Dhyâni-Buddhas  et  de  leurs  Çaktis  ne  s'est  174 
développé,  sans  doute,  que  tardivement  (bien  entendu,  dans 
la  forme  que  nous  connaissons  maintenant).  Deux  d'entre 
eux,  Amithâbha  ou  Amitâyus,  et  Akshobhya,  figurent  déjà 
dans  le  Lotus  \  quoiqu'ils  ne  soient  pas  nommés  Dhyâni- 
Budd>*is.  Chez  les  Japonais,  Amitâbha  occupe  un  rang  très  V^- 
élevé,  tout  à  fait  distinct  de  celui  des  quatre  autres.  Parmi  les 
statues  de  Boro-Budur,  on  a  cru  les  reconnaître  tous  les  cinq, 
et  l'on  a  cité  en  faveur  de  cette  opinion  des  arguments  qui 
doivent  être  pesés  avec  soin,  bien  qu'ils  ne  soient  pas  tout  à 
fait  décisifs  ^.  En  tout  cas,  le  résultat  n'aurait  rien  d'étonnant, 
car  c'est  un  fait  bien  établi  que  les  Bouddhistes  de  Java  appar- 
tenaient à  la  fraction  septentrionale  de  l'Église.  On  pourrait 
aussi  citer  en  faveur  de  cette  opinion  le  fait  qu'une  statue  de 
la  déesse  Mâmaki,  la  Tara  de  Ratnasambhava,  a  été  trouvée  : 
a  Java  "*. 

Des  statues  des  Buddhas  antérieurs  à  Çâkya  se  rencontrent 
dans  le  Népal  ;  à  Gayâ  il  y  avait  une  statue  de  Kâçyapa 
Buddha\ 

Les  productions  de  la  peinture  et  de  la  sculpture  reli- 
gieuse des  Bouddhistes  sont  infiniment  nombreuses  et  indici- 

3.  Hodgson,  Ess.  30.  40.  Traiis.  of  Roy.  As.  Soc.  II,  pi.  I.  Wright,  Hist. 
of  Nep.  pi.  VI,  où  Vairocana  est  placé  au  milieu,  comp.  Leemans,  Boro-B 
448  (trad.  franc,  p.  475).  Chez  les  Mongols,  Akshobhya  est  le  premier  (Burnouf 
Intr.,  116),  dans  un  certain  sens,  il  Test  aussi  au  Népal. 

4.  Wright,  p.  G. 

1.  Lolus,  p.  113  et  251. 

2.  W.  von  Humboldt,  Kawisprache,  I,  124;  comp.  Leemans,  Boro-B.  450 
(trad.  franc,  p.  477).  Le  colonel  Yule  suppose  que  ce  sont  les  cinq  Buddhas 
Krakucchanda,  Konâgamana,  Kâçyapa,  Çâkya  et  Maitreya;  Journ.  Roy.  As. 
Soc.  IV  (New  séries)  421. 

3.  Raffles,  Hist.  of  Java,  II,  la  planche  qui  suit  la  page  54.  Comp.  aussi  Frie- 
derich,  dans  Verhandelmyen  van  het  Bataviaasch  Genootschap,  XXVI,  15. 

4.  Voy.  d.  Pèl.  B.  II,  473. 


190  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

blement  monotones.  Il  est  presque  incroyable  quel  nombre 
énorme  de  statuettes  et  de  dessins,  en  l'honneur  du  Maître, 
un  seul  croyant  faisait  parfois  exécuter.  Peu  de  temps  avant 
sa  mort,  Hiuen  Thsang  fit  noter  que,  sa  vie  durant,  il  n'avait 
pas  fait  modeler  moins  de  100  millions  de  statuettes  et  peindre 
moins  de  10  millions  de  portraits  du  Buddha,  sans  compter 
un  millier  de  portraits  de  Maitreya,  dessinés  sur  soie.  On 
pourrait  dire,  sans  être  tout  à  fait  injuste,  qu'un  pareil  zèle 
est  excessif;  mais  on  devra  reconnaître  en  même  temps 
175  qu'une  telle  activité  *  eût  été  impossible  sans  une  admiration 
et  un  amour  sincères  envers  le  Maître.  Là  où  il  y  a  admira- 
tion et  amour,  il  y  a  nécessairement  dévouement  et  effort, 
et  c'est,  après  tout,  de  ces  sentiments  que  dépend  en  grande 
partie  le  salut  de  toute  société  humaine. 

Tous  les  connaisseurs  sont  d'accord  sur  la  valeur  relative- 
ment élevée  de  l'art  bouddhique.  Surtout  les  artistes  tibé- 
tains, chinois  et  Japonais,  ont  excellé  dans  l'art  de  modeler, 
de  ciseler,  de  sculpter  et  de  fondre  des  œuvres  plastiques  ;  ils 
ne  possèdent  pas  seulement  une  admirable  habileté  technique, 
mais  encore  un  certain  sentiment  des  exigences  élevées  et 
sévères  de  l'art.  Sauf  quelques  représentations  plus  ou  moins 
monstrueuses,  moins  dues  cependant  au  mauvais  goût  qu'au 
symbolisme  *,  le  type  des  statues  est  purement  humain,  de 
sorte  que  les  Buddhas,  à  ce  point  de  vue,  peuvent  soutenir 
la  comparaison  avec  les  Mithras  et  les  Apollons.  L'anthro- 
pomorphisme, appliqué  aux  figures  mythologiques,  va  si 
loin,  qu'on  représente  les  Nâgas  ou  serpents  comme  des 
hommes  ordinaires,  distingués  seulement  par  une  petite 
couronne  de  serpents  ;  on  peut  les  mettre  sur  la  même  ligne 
que  les  Naïades  grecques  ^ 

1.  Des  représentations  du  Buddha  avec  quatre  ou  six  bras  se  trouvent  à 
Boro-Budur.  pi.  CCLXXX  et  les  deux  suivantes;  de  même  pi.  CCLIV;  on  voit 
dans  la  plupart  de  ces  bas-reliefs  une  représentation  du  Buddha  comme  Ava- 
târa  de  Vishnu.  Cf.  Leemans,  Boro-B.  634  (trad.  franc,  p.  665). 

2.  Un  bon  aperçu  de  Fart  bouddhique  dans  l'Inde  et  de  l'influence  de  l'art  grec 


LE  SANGHA  191 

Les  statues  dont  parlent  les  pèlerins  chinois,  étaient  en 
pierre,  en  bois  de  santal,  en  laiton  ou  quelque  autre  métal. 
Il  est  souvent  question  de  statues  en  or,  mais  il  est  probable 
que  les  plus  grandes  d'entre  ces  statues  étaient  seulement 
dorées.  De  nos  jours  encore,  la  statue  principale  des  temples 
est  le  plus  souvent  en  bois,  recouvert  de  laiton  ou  de  feuilles 
d'or^  ou  bien  en  fer  de  fonte,  ou  en  bronze,  recouverts  de 
dorure.  Un  goût  particulier  pour  les  statues  en  argent  est 
attribué,  au  roi  de  Kapiça  :  tous  les  ans  ce  prince,  dont 
Hiuen  Thsang  loue  particulièrement  la  piété  et  la  bienfai- 
sance, faisait  faire  une  statue  du  Buddha,  haute  de  18  pieds  \ 
On  mentionne  souvent  de  petites  statuettes  en  pierre 
précieuse. 

*  Les  édifices  où  Ton  voit  la  statue  du  Buddha  vivant  s'ap-  176 
pellent  des  Yihâras,  de  même  que  les  stations  oii  il  se  repo- 
sait pendant  sa  carrière  terrestre.  Si  Ton  entend  aussi  par 
ce  nom  des  couvents,  c'est  une  extension  de  sens,  analogue 
à  la  signification  spéciale  que  nous  donnons  à  l'expression 
«  maison  de  Dieu  ».  On  peut  se  demander  si  Ton  peut  don- 
ner légitimement  le  nom  de  Yihâra  aux  temples  creusés 
dans  le  roc,  qui  contiennent  un  Dagob,  mais  non  une  statue. 
En  tout  cas,  ce  sont  des  temples  ou,  si  l'on  veut,  des  églises. 

Le  plus  grand  des  temples  creusés  dans  le  roc,  en  tant 
qu'ils  sont  d'origine  bouddhiste,  est  celui  deKârli,  entre  Bom- 
bay et  Poona.  Ce  sanctuaire  est  conçu  d'après  un  plan  qui 
rappelle  singulièrement  celui  des  anciennes  églises  chré- 
tiennes :  il  consiste  en  une  grande  nef  principale  et  deux 
nefs  latérales,  et  se  termine  par  une  abside,  oii  se  trouve  le 
Dagob.  Les  dimensions  de  l'intérieur  sont  de  126  pieds  en 
longueur,  et  de  plus  de  45  pieds  en  largeur,  dont  25  pour  la 
nef  principale,  de  sorte  que  chaque  nef  latérale  n'a  qu'une 


sur  les  statues  du  Buddha  se  trouve  dans  A.  Grûnwedel,  Buddhistische  Kiinst 
in  Indien  et  Mythologie  du  Bouddhisme  au  Tibet  et  en  Mongolie. 
3.  Voy.  des  Pèl.  C,  II,  41. 


192  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

largeur  de  10  pieds.  De  chaque  côté,  quinze  colonnes  sépa- 
rent la  nef  principale  des  nefs  latérales  ;  chaque  colonne  se 
compose  d'une  base  élevée,  d'un  fût  octogone,  et  d'un  chapi- 
teau richement  orné,  sur  lequel  sont  placés  deux  éléphants 
agenouillés,  qui  portent  sur  le  dos  deux  figures,  soit  un 
homme  et  une  femme,  soit  deux  femmes.  Les  sept  colonnes 
derrière  le  Dagob  sont  de  simples  fûts  octogones,  sans  base 
ni  chapiteau  ;  les  quatre  colonnes  placées  sous  la  galerie 
d'entrée  diffèrent  beaucoup  des  colonnes  de  l'intérieur.  La 
voûte  a  la  forme  d'une  demi-ellipse,  de  telle  façon  que  la 
hauteur  est  égale  à  la  moitié  du  grand  axe  de  l'ellipse.  A 
l'endroit  où  se  trouve  l'autel  dans  les  églises  chrétiennes,  s'é- 
lève le  Dagob,  dont  nous  avons  donné  une  description  plus 
haut.  Juste  en  face  de  ce  Saint  des  Saints  est  l'entrée  princi- 
pale, à  côté  de  laquelle  sont  deux  entrées  latérales,  toutes 
les  trois  sous  une  même  galerie,  au-dessus  de  laquelle  est  une 
seule  grande  fenêtre,  en  forme  de  fer  à  cheval.  Le  péristyle 
est  beaucoup  plus  large  que  le  bâtiment  principal;  il  mesure 
52  pieds.  Il  est  limité  au  devant  par  deux  puissants  piliers, 
sans  base  ni  chapiteau,  qui  soutiennent  la  masse  rocheuse. 
Au-dessus  de  cette  partie,  qui,  d'après  les  spécialistes,  a  dû 
177  être  ornée  autrefois  d'une  galerie  en  bois,  *  est  une  rangée 
de  quatre  petites  colonnes,  placées  entre  des  pilastres  ;  par  là 
la  lumière  pénétrait  jusqu'à  la  grande  fenêtre.  En  dehors  du 
péristyle  est  une  colonne  à  32  côtés  ou  rainures,  couronnée 
de  quatre  lions.  L'impression  que  produit  l'intérieur  du 
temple  est  grandiose  et  puissante;  la  pleine  lumière  tombe, 
par  une  seule  ouverture,  directement  sur  le  Saint  des  Saints, 
tandis  que  le  reste  de  l'édifice  est  plongé  dans  un  mysté- 
rieux clair-obscur  ^ 

Au   même  ordre    d'architecture,  appartiennent   les    cinq 
temples  creusés  dans  le  roc  à  Ajanta,  là  où  l'on  trouve  les 


1.  Fergusson,  History  of  E.  and  I.  Architecture,  citée  dans  Hunter,  Gazet- 
teer,  V,  256. 


LE  SANGHA  193 

24  couvents  déjà  mentionnés  plus  haut.  Ces  temples  sont 
d'ordinaire  deux  fois  plus  longs  que  larges  ;  le  plus  grand  a 
une  longueur  de  94  pieds  et  demi,  sur  une  largeur  de  41  pieds 
et  demi.  La  division  de  l'espace  intérieur,  l'emplacement  du 
Dagob  et  la  forme  de  l'ensemble  s'accordent  avec  ce  qu'on 
voit  à  Kârli  ;  dans  les  temples  les  plus  anciens,  les  colonnes 
n'ont  ni  base,  ni  chapiteau.  Les  sanctuaires  plus  anciens  se 
distinguent  par  ceci  que  la  façade  seule  est  ornée  de  sculp- 
tures, tandis  que  dans  les  plus  récents,  les  murs,  les  chapi- 
teaux, même  les   Dagobs,   sont    couverts   d'ornements   en 
relief.  La  sculpture,  qui  consiste  surtout  en  images  du  Bud- 
dha  et  d'autres  saints,  n'a  que  peu  de  valeur  artistique,  les 
peintures,  au  contraire,  qu'on  trouve  surtout  dans  les  cou- 
vents, sont  très  appréciées.  En  dehors  des  portraits  peints 
du  Buddha  ^  et  de  ses  élèyes,  on  y  voit  des  représentations 
de  rues,  de  processions,  de  batailles,  d'intérieurs,  de  chasses 
d'animaux,  etc.  ^ 

Ces  temples  et  couvents  d'Ajanta,  remarquables  aussi  à  ce 
titre  qu'ils  donnent  une  image  nette  du  développement  de 
Fart  bouddhique  dans  l'Inde,  de  l'an  200  avant  J.-C.  à  l'an  600 
après  notre  ère,  sont  à  ce  qu'on  croit,  identiques  à  ceux  dont 
Hiuen  Thsang  fait  mention  dans  sa  description  *  du  pays  des  178 
Mahrattes  *.  A  la  limite  orientale  de  cet  empire,  —  telle  est 
en  résumé  sa  notice  —  se  trouve  une  chaîne  de  montagnes, 


2.  A  Bharhut,  comme  nous  Favons  déjà  dit,  on  ne  trouve  pas  encore  d'image 
du  Buddha. 

3.  Burgess,  dans  Ilunter,  Gazelteer,  I,  91  :  comp.  Fergusson,  Hist.  of  Ind. 
Architecture,  122-159  (èdit.  1876)  et  l'article  de  celui-ci  «  On  the  portrait  of 
Chosroes  II  at  Ajanta,  »  dans  Journ.  Roy.  As.  Soc.  XI,  158  (New  Séries),  de 
môme  que  Burgess,  Archaeol.  Surv.  of  W.  India,  n»  9. 

1.  Mém.  II,  151.  Faute  de  documents  suffisants,  il  est  difficile  de  décider  si 
le  Couvent  aux  Pigeons  de  Kâçyapa  Buddha,  que  décrit  Fa  Ilian  {Travels,  139) 
sans  l'avoir  vu,  doit  son  origine  à  des  renseignements  confus  sur  Ajanta.  Le 
Rév.  Beal,  p.  c,  croit  que  l'auteur  a  voulu  désigner  le  temple  connu  sous 
le  nom  de  Kaildsa,  à  Ellora;  mais  c'est  là  un  sanctuaire  çivaïte;  on  devrait 
plutôt  songer  à  des  grottes  plus  anciennes  à  Ellora. 

Tome  II.  11 


194  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

OÙ  des  roches  escarpées  s'élèvent  au-dessus  d'une  sombre 
vallée.  Là  il  y  avait  autrefois  un  couvent  dont  les  salles 
étaient  creusées  au  fond  des  crevasses  qui  s'enfonçaient  dans 
le  roc,  et  dont  les  tours  et  les  coupoles  étaient  construites  de 
manière  à  s'adosser  au  roc.  Le  couvent  avait  été  fondé  par 
l'Arhat  Acâra.  Ce  qui  étonne  quelque  peu,  c'est  que  l'auteur 
parle  du  couvent  comme  s^il  n'existait  plus,  tandis  qu'immé- 
diatement après  il  donne  une  description  animée  du  Vihâra, 
qui  s'y  rattachait.  «  Ce  Yihâra  »  —  dit  le  pèlerin  —  «  est  d'une 
hauteur  d'environ  100  pieds  ;  au  milieu  s'élève  une  statue, 
du  Buddha  en  pierre,  haute  de  70  pieds.  Elle  est  surmontée 
de  sept  calottes  en  pierre,  qui  sont  suspendues  en  l'air,  à  un 
intervalle  de  3  pieds  l'une  de  l'autre,  sans  aucune  attache 
apparente.  D'après  les  anciennes  descriptions  du  pays,  elles 
sont  soutenues  par  la  puissance  des  vœux  de  l'Arhat.   » 

En  faisant  le  tour  du  temple  on  voyait,  sur  les  murailles, 
des  sculptures,  représentant  des  scènes  de  Jâtakas,  de  même 
que  les  événements  qui  précédèrent  l'élévation  du  Bodhi- 
satva  au  rang  d'Arhat,  et  les  miracles  qui  suivirent  le  Nir- 
vana. Devant  les  portes  du  couvent,  on  voyait  quatre  élé- 
phants de  pierre,  tournés  vers  les  quatre  points  cardinaux. 
A  ce  que  disaient  les  gens  du  pays,  les  éléphants  poussaient 
de  temps  en  temps  des  rugissements  formidables,  de  sorte 
que  la  terre  en  tremblait.  On  ne  parle  pas  de  peintures  ; 
mais  ce  silence  ne  prouve  pas  que  les  peintures  murales 
d'Ajanta  sont  postérieures  à  Hiuen  Thsang. 

On  trouve  des  temples  creusés  dans  le  roc,  semblables  à 
ceux  d'Ajanta,  à  Bâgh,  à  une  hauteur  de  850  pieds  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer.  Parmi  ces  œuvres,  qui  datent  à  ce 
179  qu'on  suppose,  de  500  à  700  après  J.-C,  *  ce  sont  surtout 
les  restes  d'admirables  fresques  et  des  piliers  taillés  dans  la 
roche  vive  qui  ont  attiré  l'attention  ^ 

Souvent  les  Stupas  servent  aussi  à  abriter  des  statues,  que 

1.  Hunter,  Gazetteer,  1,290  et  les  auteurs  cités. 


LE  SANGIIA  195 

la  statue  principale  soit  placée  dans  une  chambre  voûtée  ou 
dans  une  petite  chapelle  sous  le  Dagob,  comme  c'est  sou- 
vent le  cas  en  Indo-Chine  ",  ou  dans  une  niche,  comme 
dans  les  Stupas  du  Népal.  Le  sanctuaire  à  Boro-budur,  qui 
a  la  forme  du  Meru  et  consiste  en  douze  terrasses  superpo- 
sées, à  peu  près  comme  les  pyramides  à  terrasses  d'Abousir, 
de  Sakkara  et  de  Meidoum  en  Egypte,  porte,  sur  les  cinq 
terrasses  inférieures,  quelques  centaines  de  niches,  couron- 
nées de  petites  coupoles;  dans  chacune  de  ces  niches  il 
y  a  une  statue  du  Buddha  assis.  Des  statues  analogues  se 
trouvent  aussi  dans  les  édicules  des  terrasses  supérieures, 
édicules  en  forme  de  coupoles  ou  de  cloches,  qui  se  dis- 
tinguent surtout  des  coupoles  des  terrasses  inférieures  en 
ceci,  qu'elles  sont  évidées  en  grande  partie,  et  que  les  parois 
sont  percés  d'ouvertures  en  forme  de  losange.  La  grande 
coupole  du  centre  contient  un  Buddha  inachevé,  pour  ainsi 
dire  embryonnaire,  de  même  que  la  Grande  Mère,  la  Magna 
Dea,  la  divine  Maya,  contient  le  Bodhisatva  dans  son  sein  ; 
ce  détail  a  donné  lieu  à  diverses  conjectures  ^. 


5.  —  x4.RBRES  DE  LA  SciENCE.  Le  TrÔNE  DE  LA   SaGESSE. 

Empreintes  et  localités  sacrées.  La  roue.  Figures  symboliques. 

Parmi  les  vrais  Caityas  il  faut  compter  l'arbre  sacré,  qui 
tient  une  place  si  importante  dans  toutes  les  mythologies. 
Les  sculptures  à  Bharhut  nous  montrent  les  Arbres  de  la 
Science,  les  Bodhis,  de  six  d'entre  les  sept  Mânushi-Bud- 
dhas  ''  :    ceux   de    Kâçyapa,  Konagamana,   *  Kakusandha,  180 

2.  Voir  la  coupe  de  la  Pagode  Thopinya  à  Pagan,  Journ.  Roy.  As.  Soc.  IV, 
425  (New  séries). 

3.  Leemans,  Doro-B.  456-459  (trad.  franc.,  p.  483-486). 

4.  Ces  Buddhas  dits  «  humains  »  représentent  d'une  façon  symbolique  les 
sept  Manus.  Comme  manu  signifie  entre  autres  le  «  pensant  »  et  buddha  «  le 
conscient,  le  sage  »,  on  peut  considérer  les  deux  mots  comme  synonymes. 
Or,  de  Manu  dérive  aussi  bien  mânusha,  que  mânava,  homme  ;  si  Ton  avait 


196  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LlNDE 

Yipaçyin,  Yiçvabhû  et  Çâkyamuni.  Le  Bodhi  du  dernier,  du 
plus  célèbre  des  sept  Buddhas,  est,  comme  on  sait,  le  Pipai, 
qui  était  déjà  particulièrement  vénéré  à  une  époque  très 
ancienne  ;  c'était,  comme  on  voit  par  la  Katha-Upanishad  \ 
Tarbre  éternel  du  monde,  d'où  sort  toute  vie. 

Des  figures  de  l'arbre  sacré,  avec  le  trône  de  la  sagesse 
placé  au  pied,  se  trouvent  fréquemment  à  Bharhut  ;  dans  la 
représentation  la  plus  achevée  ^  nous  voyons  deux  parasols 
placés  au  sommet  de  l'arbre,  et  des  drapeaux  entre  les 
branches.  Dans  les  deux  angles  supérieurs  du  bas-relief 
flottent  deux  figures  ailées  (analogues  à  nos  anges)  tenant  à 
la  main  des  guirlandes  ou  des  banderoles.  Sous  chaque  ange 
se  tient  une  figure  virile,  beaucoup  plus  haute  que  les  deux 
anges  flottant  en  l'air.  Ces  deux  figures  élèvent  de  la  main 
droite  un  objet  qui  a  la  forme  d'un  rameau  cassé  par  le  bout 
et  quelque  peu  recourbé,  tandis  qu'ils  tiennent  le  pouce  et 
l'index  de  la  main  gauche  appliqués  contre  la  bouche,  en 
signe  d'étonnement  ^  Le  tronc  de  l'arbre  est  entouré  d'une 
rangée  de  colonnes,  qui  supporte  une  balustrade,  ornée  de 
niches  en  forme  de  fer  à  cheval,  dont  chacune  contient  un 


parlé  des  7  Mânava-Buddhas,  chacun  eût  trop  vite  compris  le  sens  de  la 
devinette,  et  elle  eût  perdu  tout  son  sel.  Parmi  ces  7  Manus  (autrement  : 
Buddhas),  représentants  d'une  nouvelle  période  et  législateurs,  proclamateurs 
du  Dharma,  il  n'y  a  qu'un  seul  Manu  (autrement  dit  Buddha)  qui  soit  devenu 
célèbre,  seules  ses  décisions  ont  encore  force  de  loi. 

1.  K.  Up.  6,  1  ;  on  trouve  la  même  idée  encore  plus  développée  dans 
Bhagavad-Gîtâ  {Mahâ-Bhârata,  6,  39,  1)  et  dans  le  commentaire  sur  le  passage 
cité;  l'explication  du  scholiaste  est  intéressante,  non  parce  qu'il  connaît 
l'histoire  de  l'arbre  du  monde,  mais  parce  qu'il  reflète  l'idée  qu'on  s'en  faisait 
de  son  temps,  et  qu'on  trouve  dans  cette  idée  l'explication  des  étages  des 
Dagobs  superposés  en  escalier.  Dans  Hemâdri,  Caturvarga-Cintâmani,l,  994, 
c'est  Janârdana  (Vishnu,  l'Esprit  suprême)  qui  est  dit  symbolisé  par  le  Pipai. 

2.  Cunningham,  S.  of  Bh.,  pi.  XXX. 

3.  Ces  deux  figures  colossales  sont  évidemment  deux  seigneurs  d'impor- 
tance, et  en  outre  des  Dieux,  car  ils  ne  sont  pas  placés  sur  la  terre.  De  la 
description  du  Mahâstûpa  à  Ceylan  (voir  plus  haut,  p.  154)  on  peut  conclure 
que  ces  figures  doivent  représenter  le  Grand  Brahma  et  Indra  :  car  là  on 
trouvait  ces  deux  Dieux  représentés  chacun  à  côté  du  BodhL 


LE  SANGHA  197 

parasol.  Sur  le  sol,  près  du  pied  de  l'arbre,  est  un  siège,  le 
Bodhimanda,  devant  lequel  sont  agenouillées  deux  per- 
sonnes de  grandeur  ordinaire,  en  avançant  les  mains  jointes. 
A  gauche  de  Tune  est  une  femme  debout  *,  et  à  droite  de  181 
l'autre  un  prince  des  Nâgas,  les  bras  croisés.  On  reconnaît  le 
Nâga  à  une  couronne  de  serpents,  placées  sur  sa  coiffure. 
En  outre,  il  y  a,  à  droite,  au  sommet  d'une  colonne  isolée, 
un  éléphant,  qui  avance  sa  trompe,  dans  laquelle  il  tient  une 
guirlande  ou  une  banderole. 

On  trouve  à  Bharhut  des  représentations  moins  compli- 
quées des  Bodhis  *  :  les  plus  simples  sont  celles  où  manque 
la  structure  architecturale  qui  entoure  l'arbre.  C'est  toujours 
le  cas  pour  les  arbres  de  la  Science  des  Buddhas  plus  anciens. 

Le  Trône  de  la  Sagesse  ressemble  beaucoup   à  un  autel 
carré  en  pierre;  la  face  supérieure  et  horizontale  est  ornée 
de    fleurs  et    de  branchettes.  Un  des  bas-reliefs  ^   montre 
quatre  sièges  placés  l'un  à  côté  de  l'autre,  et  qui  ressem- 
blent plutôt  à  un  sopha  :  ils  sont  placés  dans  un  édifice 
semblable  à  celui  que    nous  venons   de   décrire,   et  dont 
la  balustrade,  autant  qu'on  peut  la  voir,  est  ornée  de  trois 
niches  en  forme  de  cloches.  Ce  sont  les  trônes  des  qua- 
tre derniers  Buddhas  ^  :  le  plan  horizontal  des  sièges  est^ 
orné  de  fleurs,  de  feuilles  et   de   branchettes,  tandis  que  I 
sur  le  côté  antérieur  vertical  sont  figurées  des  mains  *.  Sur  [ 
une  autre  représentation  du   trône  de  Buddha  on  trouve,  \ 
sur  le  plan  horizontal,  deux  mains,  des  fleurs  et  des  bran- 
chettes; sur  la  face  antérieure,  des  représentations  de  Harii- 
sas,  les  oiseaux  de  Brahma  ^ 

Le  trône  authentique  du  Gotamide  sous  le  Pipai  à  Gayâ, 
trône  sur  lequel,  d'après  Ïïiuen-Thsang,  tous  les  Buddhas 


1.  Par  exemple,  pi.  XXXI. 

2.  PI.  XXXI. 

3.  Cunningham,  S.  of  Bh.  H2  ;  comp.  Voy.  des  Pèl.  D.  II,  106. 

4.  En  sanscrit,  les  mots  qui  signifient  «  main  »,  signifient  aussi  «  rayon  ». 

5.  S.  ofBh.  pi.  XVI.  Le  bas-reliefreprésentcAjâtacatru  vénérant  le  Sri-noar. 


198  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

antérieurs  ont  atteint  la  parfaite  sagesse,  et  tous  les  Buddhas 
postérieurs  l'atteindront,  est  appelé  aussi  Vajrâsanaj)ar  le  pè- 
182  lerin  chinois  ^  *  Aujourd'hui  le  sanctuaire  consiste  en  des  es- 
caliers qui  s'élèvent  autour  d'un  Pipai,  placé  sur  une  éminence 
haute  de  trente  pieds  ;  l'arhre,  quoique  aujourd'hui  languis- 
sant, était  encore  en  pleine  croissance  en  l'an  1811  de  notre 
ère  *;  on  croyait  alors  qu'il  était  vieux  de  plus  d'un  siècle. 
Une  greffe  du  vrai  Bodhi  à  Gayâ  a  été  apportée  par  Mahendra, 
fils  d'Açoka  et  apôtre  de  Ceylan,  à  Anurâdhapura,  où,  près 
du  chapitre  de  Lohaprâsâda,  de  nos  jours  encore  un  Pipai 
répand  son  ombre  ^  En  général,  on  peut  dire  qu'un  Bodhi  est 
placé  près  de  chaque  couvent  et  de  chaque  temple  bouddhique, 
sauf  dans  les  contrées  oii  le  climat  l'exclut. 

Plus  rares  que  les  représentations  des  arbres  de  la  Science 
sont  à  Bharhut  les  figures  des  traces  sacrées  d-es  pieds  du 
Buddha  ;  on  en  trouve  cependant.  Dans  le  bas-relief  qui 
représente  le  roi  Ajâtaçatru  vénérant  le  Seigneur,  on  voit, 
devant  un  siège  en  forme  d'autel,  au-dessus  duquel  s'étend 
un  parasol,  comme  un  rideau  de  nuages,  deux  empreintes 
de  pieds,  marquées  de  la  roue  solaire. 

La  plus  célèbre  de  ces  empreintes  est  celle  sur  la  Mon- 
tagne d'Adam,  qui  a  été  souvent  décrite  ^  Fa  Hian  dit  que 
le  Tathâgata,  lors  d'une  de  ses  visites  dans  l'île,  posa  un  cTe 
ses  pieds  au  Nord  d' Anurâdhapura,  et  l'autre  sur  le  sommet 

6.  Mém.,  I,  458.  Un  autre  nom  est  Narasimhâsana,  c'est-à-dire,  siège  de 
l'Homme-lion  (Vishnu),  ou,  au  point  de  vue  évhémtTisle,  du  Lion  d'entre  les 
hommes,  Lalita-V^,  427.  Près  de  cet  endroit  est  la  localité  appelée  encore 
aujourd'hui  Vishnupada,  dénomination  qui  a  un  rapport  étroit  avec  Gayâ  et 
l'Ascension  (Samârohana)  ;  comp.  t.  I,  p.  240.  Hiuen  Thsang  dit  expressément 
{Vie,  140)  que  le  trône  fut  bâti  au  commencement  de  l'époque  actuelle  du 
monde,  c'est-à-dire,  au  commencement  de  la  création. 

1.  Beal,  Travels,  126.  Déjà  au  vif  siècle,  l'arbre  Bodhi  était  protégé  par  de 
hautes  murailles  en  briques,  Voy.  des  Pèl.  B,,l,  139. 

2.  M.  Dickson,  M.  A.,  appelle  ce  Pipai  «  le  plus  ancien  arbre  historique  du 
monde  »  ;  mais  le  Bodhi  à  Gayâ  est  encore  plus  ancien,  Journ.  Roy.  As.  Soc. 
VIII,  62  (New  séries). 

3.  Burnouf,  Lotus,  622  et  les  écrits  cités  ;  comp.  Hardy,  Man.  of  B.,  212. 


LE  SANGHA  199 

d'une  haute  montagne,  à  une  distance  de  15  Yojanas  du  pre- 
mier point.  Cette  montagne  est  évidemment  la  Montagne 
d'Adam,  que  le  Mahâvamsa  appelle  Pic  de  Sumano  \  La 
trace  sacrée,  qui  est  visitée  tous  les  ans  par  des  pèlerins 
de  différentes  religions,  —  les  Çivaites  soutiennent  que  c'est 
une  trace  du  pied  de  Çiva,  et  les  Musulmans  qu'Adam  a  laissé 
cette  empreinte  *  —  a  une  longueur  de  plus  de  cinq  pieds  et  183 
une  largeur  de  deux  pieds  et  demi,  ce  qui  est  assez  bien  en 
rapport  avec  ce  qu'on  nous  dit  de  la  stature  de  Gautama. 

Bien  que  les  Singhalais  voient  dans  cette  empreinte  la 
marque  visible  de  la  destinée  de  leur  île  comme  domaine  du 
Buddha,  et  un  gage  que  sa  religion  y  restera  florissante,  ils 
ne  sont  pas  les  seuls  qui  puissent  se  vanter  de  posséder  de 
pareilles  traces  sacrées.  On  en  trouve  en  Indo-Chine,  oii  le 
Dharma  n'est  pas  moins  honoré  qu'à  Ceylan;  et  il  en  était 
de  même  autrefois  dans  l'Inde.  Dans  le  royaume  d'Udyâna, 
sur  une  grande  pierre  près  du  bord  septentrional  de  la  rivière 
Suvat,  Fa  Hian  et  Hiuen  Thsang  virent  une  empreinte  des  pieds 
du  Buddha,  qui  présentait  cette  particularité  qu'elle  semblait 
plus  longue  ou  plus  courte  à  mesure  que  le  spectateur  avait 
une  foi  plus  ou  moins  vive  \ 

Non  moins  remarquable  au  point  de  vue  historique,  était 
l'empreinte  des  deux  pieds  du  Buddha  qu'on  voyait  non  loin 
de  Pâtaliputra.  L'empreinte  avait  une  longueur  d'un  pied 
huit  pouces,  une  largeur  de  six  pouces;  ce  sont  de  petites  pro- 
portions, comparées  à  celles  de  l'empreinte  de  la  Montagne 
d'Adam.  La  plante  de  chaque  pied  était  marquée  d'une  roue 
avec  mille  rayons;  les  sommets  des  orteils  par  des  fleurs 
portant  le  signe  de  la  croix,  des  figures  pisciformes,  etc.  Ce 
sont  ces  traces  que  laissa  le  Tathâgata,  lorsque  sur  le  point 
d'entrer  dans  le  Nirvana,  parti  de  Vaiçâlî,  il  arriva  à  cet 
endroit.  C'est  alors  que,  s'arrêtant  sur  le  bord  méridional 

4.  Travels,  dSO;  Mahâvamsa,  7.  A  Ceylan,  on  appelle  la  trace  sacrée  Çrî- 
pâda,  c'est-à-dire  «  pied  illustre  ;  »  Târanâtha,  264,  dit  Çrîpâdukâ. 
1.  Travels,  27;  Voy,  des  Pèl.  B.,l,  86. 


200  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

du  Gange,  debout  sur  une  grande  pierre  carrée,  il  regarda 
avec  attendrissement  Ananda,  et  dit  :  «  C'est  la  dernière  fois 
que  je  vois  le  Trône  de  diamant  et  Râjagrha.  ^  » 
184  L'empreinte  la  plus  colossale,  sinon  la  plus  célèbre,  *  était 
celle  qu'Hiuen  ïhsang  vit  dans  le  Parc  aux  Cerfs  à  Bénarès. 
Là  on  montra  au  voyageur  un  endroit  où  les  quatre  derniers 
Buddhas  avaient  laissé  la  trace  de  leur  pied.  La  longueur  de 
l'empreinte  était  de  500  pieds,  la  profondeur  de  7.  Au-dessus  de 
cet  endroit  on  avait  érigé  les  statues  de  ces  quatre  Buddhas, 
représentés  comme  marchant  ^  On  voyait  des  traces  sem- 
blables à  Tâmralipti.  On  peut  comparer  à  ces  traces  celles 
des  pieds  du  roi  Pûrnavarman  à  Tjampéa,  Djambou  et  Be- 
kasih  dans  l'île  de  Java  (une  de  ces  empreintes  a  la  forme 
d'un  pied  d'éléphant).  Ces  empreintes  sont  d'origine  vish- 
nouïte,  et  Pûrnavarman  est  comparé  expressément  àVishnu, 
le  marcheur  par  excellence,  de  sorte  qu'il  est  probable  qu'il 
n'est  autre  chose  qu'une  forme  humaine  de  l'aimable  Dieu 
du  jour. 

Chez  les  Népalais,  les  représentations  des  pieds  du  Buddha 
et  de  Marijucri  s' appeWent pâdukâ^  mot  qui  signifie  d'ordinaire 
«  chaussure,  sandale,  soulier  ^  ».  Sur  ces  représentations  sont 
figurés  les  deux  pieds,  vus  d'en  haut,  placés  dans  un  cercle 
entourés  de  huit  pétales  de  fleurs.  Les  pieds  du  Buddha  sont 
marqués  par  des  figures  en  forme  d'arbre  ;  ceux  de  Man- 
jucrî,  chacun  par  un  œil  à  moitié  fermé,  qui  rappelle  un 
croissant  '\ 

2.  Voy.  des  Pèl.  p.,  I,  138. —  Pour  se  rendre  compte  de  l'absurdité  de  ce 
récit,  on  n'a  qu'a  se  rappeler  la  situation  respective  de  Vaiçâlî,  Pàtaliputra  et 
Kuçinagara,  où  eut  lieu  le  Nirvana.  Dans  la  légende  olGRcielle  (tome  I,  p.  201) 
ritinéraire  du  Buddha  est  beaucoup  plus  naturel. 

1.  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  133,  183;  dans  un  autre  passage,  II,  358,  il  n'est  ques- 
tion que  d'une  statue. 

2.  Un  fait  remarquable,  c'est  que,  dans  plusieurs  idiomes  de  l'Archipel 
Indien,  çri-pâdukâ  est  employé  avec  le  sens  du  sanscrit  çrîpâda.  Les  pâdukâs 
de  Râma,  que  son  frère  considérait  comme  des  remplaçants  de  Rama  lui- 
même,  sont  connues.  Comp.  plus  haut,  p.  182,  note  4. 

3.  Wright,  Hist.  of  Népal,  pi.  VII.  Nous  ne  savons  pas  encore  dans  quelle 


LE  SANGHA  ^01 

Au  fond,  on  trouve  partout  des  traces  de  la  présence  du 
Seigneur  (dans  le  passé),  mais  la  tradition  n'a  pas  gardé  avec 
une  égale  fidélité  le  souvenir  de  tous  les  endroits  où  Çâkya- 
muni  et  les  Buddhas  antérieurs  se  sont  tenus  debout,  ont  été 
assis,  se  sont  reposés  ou  promenés.  De  même,  toutes  les 
localités  ne  sont  pas  également  vénérables.  Le  Tathâgata  lui- 
même,  peu  de  temps  avant  son  extinction,  a  déclaré  à 
Ananda  qu'il  y  a  quatre  endroits  que  les  fidèles  *  doivent  185 
contempler  avec  un  respect  profond  :  1.  l'endroit  oii  le  Tathâ- 
gata est  né  ;  2.  celui  où  il  a  atteint  la  sagesse  accomplie  ;  3.  ce- 
lui où  il  a  mis  en  mouvement  l'incomparable  roue  de  la  Loi  ; 
4.  celui  où  il  s'est  éteint  à  jamais.  Tout  homme,  ajouta-t-il, 
toute  personne,  ecclésiastique  ou  laïque,  qui  fait  un  pèle- 
rinage à  ces  endroits,  et  quitte  ce  monde  dans  une  foi  tran- 
quille, arrivera  au  ciel  \ 

Ces  quatre  lieux  de  pèlerinage  sont,  comme  on  sait,  Kapi- 
lavastu,  Gayâ,  le  Parc  aux  Cerfs,  près  de  Bénarès,  et  Kuci- 
nagara.  Ce  sont  par  hasard  des  lieux  très  saints,  même  pour 
les  Hindous,  pourvu  que,  pour  Kapilavastu  on  lise  Kapila- 
sthâna,  autrement  dit  Hardvâr,  dans  le  voisinage  de  l'antique 
Brahmapura  et  de  Mâyâpura,  la  ville  de  Maya  ^  De  même, 
on  peut  à  Kuçanagara  ou  Kuçinagara,  substituer  Kuçasthalî 
un  des  noms  de  la  localité  mythique  Dvârakâ,  située  en 
Occident,  ainsi  qu'il  convient,  puisque  le  soleil  se  couche 
dans  l'Occident.  —  Dans  chacun  des  lieux  particulièrement 
saints,  chaque  pouce  de  terrain  presque  avait  été  témoin 
d'actes  semblables  de  la  vie  de  Tathâgata,  durant  sa  der- 
nière apparition  sur  la  terre  aussi  bien  que  pendant  ses  exis- 
tences antérieures.  Ecoutons  Fa  Hian,  au  sujet  de  Gayâ  ^  : 

mesure  on  peut  identifier  Manjucrî  avec  Râma-candra  ;  en  tout  cas,  c'est  un 
porteur  de  lumière  pour  l'Univers,  un  corps  céleste;  ce  qui  le  prouve,  du 
reste,  c'est  l'histoire  de  sa  marche  chez  Wright,  p.  78. 

1.  Mahâparin.  S.  dans  Journ.  Roy.  As.  Soc,  VllI,  241  (New  séries);  traduit 
par  Rhys  Davids  dans  la  collection  Sacred  Books  of  the  East,  t.  X[. 

2.  Hunter,  Gazetteer,  IV,  1. 

3.  Travels,  120.  Comp.  Voy.  des  Pèl.  C,  II,  455  ss. 


202  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

((  Tout,  dans  l'enceinte  de  cette  ville,  est  désert  et  aban- 
donné. Vingt  li  vers  le  Sud,  nous  arrivons  à  l'endroit  où  le 
Bodhisatva,  durant  sa  vie  terrestre,  passa  six  ans  dans  les 
macérations.  A  trois  li  de  là,  en  allant  vers  l'Occident,  nous 
arrivons  à  l'endroit  oii  le  Gotamide  descendit  dans  l'eau 
pour  se  baigner,  et  où  l'envoyé  céleste  lui  tendit  une  branche 
d'arbre  pour  l'aider  à  sortir  de  l'eau.  Allant  deux  li  vers  le 
Nord,  nous  trouvons  l'endroit  oii  les  jeunes  filles  du  village 
offrirent  au  Buddha  du  riz  au  lait.  Deux  li  plus  loin  vers  le 
Nord,  il  prit  ce  repas,  assis  sur  une  pierre,  sous  un  grand 
arbre,  le  visage  tourné  vers  l'Orient.  L'arbre,  aussi  bien  que 
la  pierre  s'y  trouvent  encore  aujourd'hui.  La  pierre  mesure 
environ  6  pieds  en  carré,  et  2  pieds  en  hauteur.  Dans  l'Inde 
486  centrale  *  la  chaleur  et  le  froid  sont  si  bien  tempérés  que  les 
arbres  peuvent  vivre  des  milliers  et  des  myriades  d'années. 
En  allant  de  là  vers  le  Nord-Est,  à  une  distance  d'un  demi 
yojana,  nous  arrivons  à  une  cellule  creusée  dans  le  roc,  oii 
le  Bodhisatva  s'assit,  les  jambes  croisées  et  le  visage  tourné 
vers  l'Occident.  Ainsi  assis,  il  pensa  en  lui-môme  :  «  S'il 
m'est  donné  d'atteindre  à  la  parfaite  sagesse,  puisse  une 
révélation  spirituelle  se  faire.  »  Immédiatement,  sur  le 
rocher  se  montra  l'ombre  du  Buddha,  longue  de  trois  pieds 
environ.  Cette  ombre  est  encore  nettement  visible  ». 

Le  pèlerin  poursuit  encore  longtemps  son  énumération, 
mais  nous  ne  le  suivrons  pas.  Il  suffit  d'ajouter,  qu'à  tous 
ces  endroits,  et  d'autres  encore,  connus  dans  la  légende, 
s'élevaient  des  Stupas  et  des  statues  du  Buddha.  Une  de  ces 
statues  avait  été  érigée  grâce  aux  efforts  du  Bodhisatva 
Maitreya  *.  En  ce  qui  concerne  le  principal  objet  du  culte, 
l'incomparable  arbre  de  la  Science,  Hiuen  Thsang  témoigne 
que,  pendant  la  vie  du  Tathâgata,  il  était  haut  de  plusieurs 
centaines  de  pieds,  mais  que,  lors  de  sa  visite  à  lui,  Hiuen 
Thsang,  à  Gayâ,  Farbre  n'avait  plus  que  cinquante  pieds, 

1.  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  142. 


LE    SANGHA  203 

des  rois  mal  intentionnés  Fayant  fait  abattre  plusieurs  fois. 

*  Le  Parc  aux  Cerfs,  à  Bénarès,  était,  lui  aussi,  riche  en  187 
lieux  saints  et  en  légendes,  En  dehors  des  événements  con- 
nus à  tous  de  la  vie  du  Buddha,  tels  que  la  mise  en  mouve- 
ment de  la  roue  suprême  ^  et  la  rencontre  avec  les  Cinq, 
qui  avait  suivi,  les  souvenirs  qui  s'y  rattachaient  se  rappor- 
taient tous  à  des  temps  préhistoriques,  comme  on  pouvait  s'y 
attendre,  l'action  de  beaucoup  de  Jâtakas  étant  placée  sous 
le  règne  du  roi  Brahmadatta,  il  y  a  quelques  millions  d'an- 
nées. Entre  autres,  on  savait  montrer  l'endroit  où  fut  prédit 
au  futur  Çâkya  qu'il  était  destiné  à  devenir  Buddha  ;  cet 
événement  eut  lieu  à  une  époque  où  Kâçyapa  Buddha  tour- 
nait la  roue,  et  oii  la  durée  de  la  vie  humaine  était  de 
vingt  mille  ans  ^  Il  y  a  encore  d'autres  récits  de  ce  genre. 
Nous  avons  déjà  fait  connaissance  avec  les  quatre  derniers 
Buddhas  et  les  empreintes  de  leurs  pieds.  Aux  endroits  où 
s'élevaient  trois  Stupas,  les  trois  derniers  Buddhas  s'étaient 
assis,  et  s'y  étaient  délassés.  Non  loin  de  là  il  y  avait  encore 
un  Stûpa  à  l'endroit  où  il  avait  été  prédit  à  Maitreya  qu'il 
était  prédestiné  à  devenir  Buddha.  Au  premier  abord,  il 
paraît  difficile  à  expliquer  comment  Maitreya,  qui,  jusqu'à 
présent,  n'a  jamais  paru  sur  la  terre,  peut  avoir  reçu  l'an- 
nonce d'une  prédiction  semblable  à  Bénarès  ;  et  les  détails 
qu'on  ajoute  relativement  à  cette  prophétie,  rendent  la 
chose  encore  plus  incompréhensible.  On  raconte  en  effet 
que  le  Buddha  avait  jadis,  sur  le  Pic  du  Vautour  près  de 
Râjagrha,  révélé  aux  moines,  qu'un  jour,  lorsque  les  hommes 
atteindront  l'âge  de  80  mille  ans  ^,  Maitreya  naîtra,  avec 
un  corps  couleur  d'or  fin,  très  brillant,  etc.  La  tradition 
ajoute,  que  Maitreya,  après  avoir  entendu  ces  paroles,  se 
leva  de  son  siège.  Maintenant,  on  peut  se  demander  comment 

1.  C'est-à-dire  le  parcours  du  cercle  diurne  le  plus  6Iev6,  pendant  le  jour  le 
plus  long  de  l'année. 

2.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  358. 

3.  Autant  dire  :  jamais. 


204  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

une  prédiction  faite  sur  le  Pic  du  Vautour  peut  être  entendue 
près  de  Bénarès?  et  comment  le  Pic  du  Vautour  peut-il  être 
une  localité  terrestre  si  Maitreya  se  trouve  sur  cette  mon- 
188  tagne?  *  De  tous  les  côtés  on  rencontre  des  difficultés  K  On 
ne  peut  douter  de  Tauthenticité  de  la  prédiction,  car  les 
deux  voyageurs  chinois  ont  visité  la  localité,  et  Font  vue  de 
leurs  propres  yeux,  aussi  bien  que  Kapilavastu  et  les  traces 
du  Gotamide  ^  Près  de  cet  endroit  il  y  en  avait  un  autre 
oii  le  Buddha  avait  jadis  fait  une  prédiction  au  roi  des  ser- 
pents Elâpatra.  C'était  le  même  roi  des  serpents,  qui,  avec 
deux  autres  esprits  des  eaux,  Anavatapta  et  Muculinda, 
lors  du  partage  des  ossements  du  Seigneur,  en  avait  reçu 
pour  sa  part  un  drona  ^. 

Parmi  les  endroits  remarquables  du  Parc  aux  Cerfs  il  faut 
encore  mentionner,  en  passant,  l'étang  dans  lequel  le  Tathâ- 
gata  se  baignait  ;  un  autre  dans  lequel  il  lavait  son  froc  ;  un 
troisième  dans  lequel  il  nettoyait  son  pot  à  aumônes. 

Kapilavastu  pouvait  rivaliser  avec  Gayâ  pour  le  nombre 
des  localités  célèbres,  dont  la  plupart  étaient  marquées  par 
des  Stupas.  On  montrait  même  l'endroit  où  le  Sage  Asita 
avait  calculé  Thoroscope  du  jeune  prince  \  Or,  chez  les 
Indiens,  il  ne  pouvait  absolument  être  question  d'horoscope 
à  une  époque  antérieure  à  200  avant  J.-C.^  et  cet  art  n'a  été 
introduit  dans  le  pays  que  dans  les  premiers  siècles  de 
notre  ère  ;  mais  la  «  critique  »  peut,  si  elle  le  veut,  admet- 

1.  Dans  le  Loltis^  chap.  i,  str.  94,  Maitreya  apprend  la  prédiction  de  la 
bouche  de  Manjuçrî,  mais  p.  186  il  dit  Tavoir  apprise  de  Çâkyamuni;  la  scène 
est  placée  sur  le  Pic  du  Vautour  qui,  comme  on  le  voit  d'un  bout  à  Tautre 
du  Lotus,  n'est  pas  la  localité  terrestre. 

2.  Travels,  131  ;  Mém.,  I,  356. 

3.  Travels,  p.  c,  comp.  Mem„  I,  348.  Elâpatra  est  une  mauvaise  forme 
sanscrite,  qu'on  retrouve  dans  le  Mahâ-Bhârata  et  le  IJarivamsa,  refaite  sur 
une  forme  magadhique  Elâpata  (à  Bharhut,  pi.  XVI,  Eràpata).  La  vraie  forme 
est  Airâvata.  La  planche  le  représente  agenouillé  devant  le  trône  Bodhi. 
Fa  Hian  {Travels,  90)  distingue  le  roi  de  Râmagrâma  de  Tesprit  des  eaux  ; 
c'est  de  la  critique  à  rebours. 

4.  Travels,  SQ. 


LE  SANGHA  205 

tre  qu'on  a  confondu  la  prédiction  astrologique  avec  une 
simple  prédiction  d'après  les  marques  corporelles.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  Kuçinagara. 

Quoique  les  quatre  localités  dont  nous  venons  de  parler 
fussent  les  principaux  lieux  de  pèlerinage,  d'autres  régions 
et  d'autres  villes  pouvaient  se  vanter  d'avoir  donné  hospi- 
talité au  Seigneur  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  *,  189 
non  seulement  dans  le  Madhyadeça,  où  tant  de  souvenirs  se 
rattachent  aux  noms  de  Çrâvastî,  de  Kauçâmbi,  de  Vaiçâli, 
etc.,  mais  aussi  à  Ceylan  et  dans  le  Nord-Ouest  de  l'Inde. 
Dans  l'île  qui  a  conservé  le  plus  fidèlement  les  plus  anciennes 
traditions  de  l'Église,  il  y  a,  en  dehors  des  deux  empreintes 
du  pied  du  Buddha,  un  autre  lieu  saint  :  c'est  celui  où  le 
ïathâgata  monta  un  jour  sur  un  trône,  placé  à  l'ombre 
d'un  râjâyatana  \  afin  de  faire  briller  sa  lumière  sur  les 
Nâgas  ou  Serpents,  qui  étaient  alors  les  seuls  habitants  de 
l'île.  Le  trône  était  de  lapis-lazuli,  et  un  don  des  Nâgas, 
tandis  que  l'arbre  y  avait  été  apporté  par  le  dieu  Succès 
(Samiddhi).  Lorsque  le  Tathâgata  partit  pour  la  seconde 
fois  du  Jetavana  pour  Ceylan,  afin  de  prêcher  la  loi  aux 
Serpents,  il  était  accompagné  du  Succès,  qui  lui  tenait  un 
arbre  Râjâyatana  comme  parasol  au-dessus  de  la  tête,  tandis 
que  tous  les  deux  volaient  à  travers  Tair  vers  le  but  de  leur 
voyage.  Le  même  arbre,  qui  était  autrefois  placé  dans  le 
parc  de  Jetavana,  fut  plus  tard,  en  même  temps  que  le  trône 
en  lapis-lazuli,  confié  par  le  Gotamide  aux  Serpents,  avec 
l'ordre  exprès  de  vénérer  ces  deux  objets  sacrés. 

Dans  le  Nord-Ouest  de  l'Inde,  près  de  Peshawcr,  il  y  avait 
un  Pipai  à  l'ombre  duquel  les  quatre  derniers  Tathâgatas  se 
sont  assis,  et  les  996  qui  viendront  s'asseoiront  également. 
Il  n'est  pas  étonnant  qu'un  arbre  si  vieux  fût  haut  de  près  de 
cent  pieds.  Iliuen  Thsang  a  vu  et  l'arbre  et  les  quatre  statues 

1.  Arbre  appelé  aussi  Khîrapâla,  qui  correspond  au  singhalais  Kiripelu  ; 
Dipav.  2,  50  ;  comp.  Mahâo.  7,  105. 


206  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

des  Buddhas  du  passé  ^  Dans  le  Magadha,  près  d'une  cre- 
vasse dans  laquelle  reposait  le  corps  de  Kâçyapa  le  Grand,  il 
y  avait  un  endroit  où  ce  successeur  du  Maître  avait  Fhabi- 
'  tude  de  se  laveries  mains  ;  tous  les  ans,  les  pèlerins  de  divers 
pays  venaient  là  pour  honorer  Kâçyapa,  à  l'heure  du  crépus- 
cule, quand,  immédiatement  après  le  coucher  du  soleil, 
paraissent  les  Arhats  ^ 
190  Un  arbre  particulièrementvénéré  était  celui  de  Pi-so-kia(?)*, 
qui  était  sorti  d'un  morceau  du  cure-dents  de  Buddha.  Sou- 
vent abattu  par  les  incrédules  et  les  envieux,  Tarbre  repoussait 
toujours,  témoignage  vivant  de  la  force  indestructible  de  la  foi  ^ . 
Les  arbres,  les  trônes,  les  localités  sacrées,  sont  rangés, 
d'après  le  système  reçu,  parmi  les  Paribhoga-dhâtus,  les 
objets  sacrés  d'utilité  ou  d'usage  journalier,  et  à  bon  droit, 
quand  on  se  place  au  point  évhémériste.  En  effet,  ce  sont  des 
choses  qui  ont  servi  au  Buddha  ou  à  l'un  des  Saints.  Celui 
qui  ne  voit,  d'autre  part,  dans  des  Caityas  de  cette  classe  que 
des  objets  naturels  qui  portent  un  caractère  sacré,  parce 
qu'ils  éveillent,  involontairement,  des  idées  supérieures,  et 
sont  comme  des  images  de  conceptions  élevées,  dira  plutôt 
que  ce  sont  des  moyens  non-artificiels  pour  évoquer  des  sou- 
venirs. Remarquons  en  passant  que  le  mot  «  utilité  »  n'éveille 
nullement  l'idée  d'  «  utilité  à  l'égard  du  Buddha  »,  de  sorte 
que  tout  le  terme  «  Paribhoga-dhâtu  »  n'est  .peut-être  qu'une 
des  nombreuses  expressions  équivoques  de  la  langue  <(  spi- 
rituelle » . 

On  pourrait  se  demander  dans  quelle  classe  il  faut  ranger 
la  roue  de  la  Loi,  mise  en  mouvement  pour  la  première  fois 
par  le  Buddha  à  Bénarès.  En  tout  cas,  les  imitations  qu'on 
en  trouve  doivent  être  comptées  parmi  les  monuments.  Une 
représentation,  aussi  naturelle  et  symbolique  que  possible, 

2.  Vie,  83. 

3.  Travels,  133. 

1.   Travels,  72  (Legge,  54  lit  Shâ-che)  ;  Voy.   des  Pèl,  B.   IT,  292;  comp., 
III,  354. 


LE  SANGHA  207 

se  trouve  à  Bharhut,  avec  la  légende  «  la  roue  du  Dharma 
du  Seigneur  ».  La  roue,  ornée  d'une  banderole,  se  trouve 
sous  un  parasol  dans  un  temple  ;  de  chaque  côté,  un  homme, 
tenant  les  bras  croisés  sur  la  poitrine.  La  partie  inférieure  du 
bas-relief  montre  un  roi  assis  dans  un  char  attelé  de  quatre 
chevaux,  et  sa  suite;  la  légende  nous  apprend  que  nous 
sommes  en  présence  de  Prasenajit,  roi  de  Kosala.  Sur  une 
autre  planche,  la  roue  est  placée  au  sommet  d'une  haute 
colonne  ;  il  en  est  de  môme  ailleurs,  entre  autres  à  Sanchi 
et  à  Gayâ,  et  d'après  Fa  Hian  aussi  à  Çrâvastî  ^. 

La  roue,  en  elle-même,  n'éveille  pas  l'idée  *  du  dévelop-  191 
pement  d'un  sermon  ou  du  dévidage  d'un  texte  ;  un  pareil 
symbole  n'est  respectable,  en  lui-même,  qu'à  titre  de  monu- 
ment religieux.  Ce  qui  est  le  point  principal  pour  le  croyant, 
la  première  prédication  à  Bénarès,  n'est  pas  exprimé,  pas 
même  indiqué  dans  les  images  ;  le  spectateur  doit  le  suppléer 
lui-même.  Ce  n'est  qu'en  mettant  la  roue  en  rapport  avec  la 
légende  qu'on  obtient  une  roue  de  la  Loi  spécifiquement 
bouddhique,  tandis  que  la  roue,  comme  symbole  du  temps, 
est  bien  connue,  même  en  dehors  de  l'Eglise. 

Les  figures  symboliques,  dont  les  Bouddhistes  font  un  usage 
si  fréquent,  ne-différent  guère,  quant  à  la  nature  et  l'origine, 
de  celles  qu'on  trouve  chez  d'autres  Indiens,  soit  Hindous,  soit 
Jaïnas.  Mais,  de  même  que  les  Çivaïtes  ont  une  préférence 
spéciale  pour  certaines  figures,  les  Yishnouïtes  pour  d'autres, 
les  Jaïnas  pour  d'autres  encore,  de  môme,  chez  les  fils  de 
Çâkya,  certains  symboles  ou  certains  signes  sectaires  sont 
plus  appréciés  que  d'autres.  L'origine  de  tous  ces  symboles 
se  perd  dans  la  nuit  des  siècles,  et  nous  ne  pouvons  pas 
nous  étonner  si  la  véritable  signification  d'un  grand  nombre 
d'entre  eux  reste  non  seulement  mystérieuse  pour  nous,  mais 
était  encore  peu  claire  pour  ceux  qui  s'en  servaient.  La  forme 
môme  d'une  seule  et  même  figure  présente  souvent  tant  de 

2.  St.  ofDh.,  pi.  XIII,  XXXI,  XXXIV;  Travels,  75. 


208  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DAxNS  L'INDE 

variantes,  qu'on  se  demande  quel  est  le  type  primitif.  Et  ces 
divergences  ne  se  rencontrent  pas  seulement  quand  on  com- 
pare les  figures  symboliques  des  Indiens  en  général,  —  pour 
ne  pas  parler  d'autres  peuples  de  l'antiquité  —  mais  aussi 
sur  les  monuments  bouddhiques  eux-mêmes.  Pour  ne  pas 
dépasser  les  limites  de  cette  étude,  nous  nous  bornerons  à 
mentionner  les  principales  figures,  et  à  les  comparer,  autant 
que  possible,  à  celles  qui  sont  employées  chez  les  Indiens 
non  Bouddhistes  \ 

Une  des  ligures  symboliques  les  plus  ordinaires  de  l'Inde 
est  la  croix.  Svastika,  c'est-à-dire,  «  signe  du  salut  ».  Déjà 
du  temps  d'Açoka  il  en  existait  au  moins  quatre  variétés, 
192  dont  on  en  trouve  deux  sur  l'inscription  de  Jaugada,*  et  une 
à  Barâbar  ;  la  quatrième  peut  être  dérivée  avec  certitude  de 
la  troisième  ^  Le  Svastika  ne  diffère  d'une  croix  droite  à 
branches  égales  que  par  cette  particularité  que  chaque  branche 
est  terminée  par  une  petite  barre.  Désignons  les  extrémités 
des  branches  par  N.,  E.,  S.  et  0.  —  sans  soutenir  du  reste 
que  la  croix  ait  désigné  primitivement  les  quatre  points  car- 
dinaux —  nous  constatons  alors,  que  les  petites  barres  sont 
tantôt  dirigées  de  gauche  à  droite,  tantôt  en  sens  inverse, 
selon  que  la  croix  se  trouve  au  début,  c'est-à-dire  à  gauche, 
d'un  texte  ou  d'une  ligne  d'écriture,  ou  qu'elle  se  trouve  à  la 
fin  ^  Une  variété  présente  la  transformation  des  lignes  droites 
en  lignes  courbes,  de  sorte  que  le  Svastika,  au  début  d'un 
texte,  ressemble  à  notre  S,  coupé  à  angle  droit  par  un  autre 
S;  à  la  fin  d'un  texte  on  a  la  même  figure,  mais  renversée  ^ 

1.  Ce  sujet  a  été  traité  avec  plus  de  détails  par  Sjkes,Journ.  Rot/.  As.  Soc, 
VI,  454;  Burnouf,  Lotus,  625;  Senart,  Essai,  345.  Comp.  aussi  Waddell,  Bud- 
dhism  of  Tibet,  388  ss. 

i.  Cunningham,  Corp.  Inscr.,  pi.  XIII  et  XVI. 

2.  Chez  Burnouf,  p.  c,  la  premère  forme  est  le  n"  1,  la  seconde,  le  n^  4. 

3.  Ainsi  :  ^Ç  et  ^^.  Si  Ton  prolonge  les  extrémités  en  les  recourbant,  on 
obtient  la  forme  ^,  qui  n'est  pas  rare  à  la  fin  des  manuscrits  d'une  époque 
récente.  Ce  signe  s'appelle  Çrîvatsa,  et  est  la  marque  distinctive  de  Çîtala,  le 
10«  Arhat  de  la  période  actuelle  Avasarpinî  :  voir  la  figure  chez  Colebrooke, 


LE  SANGHA  209 

Le  plus  ancien  exemple  à  nous  connu  du  Svastika  sur  un 
monument  non  bouddhique,  se  trouve  à  Khandagiri  :  il  a  la 
forme  décrite  en  premier  lieu.  L'inscription  mentionne  les 
hauts  faits  du  roi  Mahâ-Meghavâhana  du  Kalinga;  ce  roi, 
comme  le  montre  le  début  du  document,  était  un  Ârhata 
ou  Jaïna. 

Le  Yajra,  symbole  du  marteau  ou  du  carreau  de  la  foudre, 
l'arme  d'Indra,  de  Thor  et  de  Jupiter,  ne  se  trouve,  semble- 
t-il,  que  chez  les  Bouddhistes  du  Nord,  chez  qui  on  l'emploie 
surtout  comme  sceptre  magique.  Peut-être  une  figure  qui  se 
trouve  à  la  suite  du  Svastika,  dans  l'inscription  de  Barâbar, 
citée  plus  haut,  est-elle  une  variante  de  ce  symbole.  Chez 
les  Hindous,  *  le  Yajra  est  représenté  d'ordinaire  comme  une  193 
croix  de  saint  André.  On  se  demande  si  une  croix  verticale, 
comme  on  en  voit  figurée  sur  d'anciennes  monnaies  boud- 
dhiques doit  représenter  un  Yajra  \ 

Une  troisième  figure,  très  compliquée  s'appelle  Nandyâ- 
varta  ^  Gomme  le  mot  âvarta  exprime  l'idée  de  «  tourner  » 
et  comme  le  nom  s'applique  aussi  à  certains  grands  coquil- 
lages qui  figurent  dans  les  cérémonies  du  sacre  d'un  roi  % 
il  est  probable  que  cette  figure  se  rapporte  à  la  conque  céleste 
Pâncajanya,  la  trompette  retentissante  de  l'air,  et  aux  mou- 
vements serpentins  de  l'éclair  qui  l'accompagnent.  Au  milieu 
de  la  figure  on  reconnaît  le  Svastika,  de  sorte  qu'elle  pourrait 
bien  n'être  autre  chose  que  ce  dernier  signe,  mis  en  mouve- 
ment, et  particulièrement  la  croix  tournant  vers  la  droite. 

Le  Yardhâmana,  comme  on  le  voit  représenté  sur  quelques 
anciennes  monnaies  de  Kadphisès,  ressemble  quelque  peu  à 
un  trident  reposant  sur  un  cercle.  Dans  les  bas-reliefs,  plus 

On  the  sect  of  Jains  ;  le  premier  Svastika  dénote  Supârçva,  le  7*  Arhat.  Comp. 
Hemacandra,  Abhidânacintâmani,  47. 

1.  Cunningham,  Archaeol.  §urvey,  XIV,  pi.  X;  Prinsep-Thomas,  Indian 
Antiq.,  II,  pi.  XIX. 

2.  Pour  la  figure,  nous  renvoyons  à  Burnouf  et  Colebrooke,  passages  cités. 

3.  Dtpav.,  12,  1.  Mahâvamsa,  76.  Buddhagosha  dans  Sutta-V.,  I,  p.  322. 

Tom«II.  14 


210  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

anciens,  la  dent  du  milieu  est  si  petite,  comparée  aux  deux 
dents  extrêmes,  que  la' figure  mérite  à  peine  le  nom  de  tri- 
dent; sur  une  représentation,  la  figure  est  renversée;  sous 
cette  forme,  on  la  trouve  fréquemment  comme  bijou  servant 
de  pendant  d'oreille  \  Dans  les  monuments  encore  plus 
anciens,  notamment  dans  l'inscription  d'Açoka  à  Jaugada, 
et  dans  celle  de  Mahâ-Meghavâhana,  l'adorateur  des  Arhats, 
on  ne  voit  aucun  renflement  entre  les  deux  extrémités 
recourbées.  On  peut  donc  conjecturer  que  la  figure  représente 
un  croissant,  mot  qui  est  d'ailleurs  la  traduction  exacte  de 
Yardhamâna,  «  l'être  croissant  ».  Le  petit  renflement  ou 
194  excroissance  au  milieu  s'explique  aussi  facilement  *  que  le  nez 
ou  le  profil  partiel  que  nous  figurons  fréquemment  dans  nos 
représentations  du  croissant.  Une  autre  forme  de  Yardha- 
mâna consiste  en  une  faucille  avec  le  côté  creux  tourné  vers 
le  haut,  et  dans  le  creux  une  figure  dont  il  est  impossible  de 
déterminer  le  sens  :  ce  qui  y  ressemble  le  plus  serait  une 
flamme  recourbée.  Ce  ne  serait  nullement  étrange  que  l'on 
eût  confondu  ou  identifié  le  Yardhamâna  avec  le  trident,  car 
la  faucille  lunaire  aussi  bien  que  le  trident  sont  des  symboles 
de  Çiva.  Quant  au  nom  de  Mani,  il  permet  des  explications 
diverses,  dont  aucune  n'est  satisfaisante  au  point  de  vue  du 
Bouddhisme  évhémériste. 
/  L'arbre  sacré,  un  des  symboles  les  plus  vénérés  de  l'Eglise, 
est  représenté  de  diverses  manières  :  tantôt  les  feuilles  sont 
nettement  reconnaissables,  tantôt  vaguement  indiquées  ou 
pas  indiquées  du  tout;  la  pièce  essentielle  est  un  mât  ou 
tronc,  avec  ou  sans  branches  et  feuilles,  qui  s'élève  au-dessus 

4.  S.  ofBh.,  pi.  XXX  et  XLIII.  Le  général  Cunningham  (S.  of  Bh.  III) 
appelle  cette  figure  Triratna,  «  les  trois  joyaux  »  ;  le  Rév.  Béai  la  nomme 
Mani,  «  pierre  précieuse,  amulette  du  cou  »  {Catena,  149),  nous  ne  savons 
d'après  quelle  autorité.  Le  même  mot  que  AJani  est  le  vieux  norrois  men, 
dans  Brîsingamen,  le  bijou  qui  orne  le  cou  de  Freya  ;  très  étroitement 
apparenté  est  le  latin  monile  ;  dans  le  Heliand  (vieux  saxon)  hals-meîii.  — 
La  figure  renversée,  le  pendant  d'oreille,  doit  être  TAvatainsa,  qui  figure,  de 
même  que  le  Nandyâvarta,  dans  le  sacre  d'un  roi. 


LE  SANGHA  211 

d'une  base  ou  d'une  terrasse  carrée  \  Les  exemples  les  plus 
schématiques  se  trouvent  sur  les  inscriptions  jaïnites  de  Khan- 
dagiri  ^  Une  fois  la  figure  (en  commençant  par  le  bas)  con- 
siste en  un  carré,  que  deux  poutres  divisent  en  quatre  quar- 
tiers. La  poutre  du  milieu  s'élève  au-dessus  du  carré;  sur  ce 
prolongement  est  placée  une  pyramide  renversée.  Une  autre 
fois,  la  base  est  un  parallélogramme,  deux  fois  plus  large 
que  haut,  divisé   en  huit  parties;  la  partie  supérieure  est 
semblable  à  celle  de  la  figure  précédente,  sauf  deux  traits 
ajoutés,  et  tine  ligne  de  plus  dans  la  pyramide  renversée. 
Quand  on  compare  ces  figures  à  la  représentation  tibétaine 
du  système  du  monde  ^  on  est  frappé  de  la  ressemblance  : 
au-dessus  d'un  carré  est  placé  un  prolongement  du  Meru, 
que  nous   appellerons  le  col;   sur  le  col,  dont  la  face  su- 
périeure est  censée  représenter  le  Paradis  d'Indra,  repose  une 
pyramide  renversée,  avec  pointe  aplatie,  qui  représente  les 
cieux.  Quand  on  supprime  par  la  pensée  la  partie  arrondie 
des  Stiîpas  en  forme  de  coupole,  tout  le  haut,  col,  pyramide 
renversée  et  parasols  ou  cieux  *,  répond  à  la  représentation  195 
tibétaine,  sauf  le  nombre,  d'ailleurs  variable,  des  cieux  (dais) 
ou  parasols  \  De  cette  façon,  l'Arbre  et  le  Stûpa,  s'ils  n'ont 
pas  la  même  origine,  seraient  du  moins  sortis  de  conceptions 
analogues.  Dans  la  Katha-Upanishad,  —  nous  avons  eu  déjà 
occasion  de  le  rappeler  —  le  Pipai  est  l'arbre  éternel  du 
monde  ;  cette  même  source  nous  fait  connaître  une  propriété 
mystique  du  Pipai  :  les  racines  sont  en  haut,  et  les  branches 


1.  Des  arbres  qui  diffèrent  remarquablement  entre  eux,  se  trouvent,  entre 
autres,  représentés  sur  les  monnaies  figurées  chez  Prinsep-Thomas,  Ind. 
Ant.  I,  pi.  XIX. 

2.  Cunningham,  Corpus  Inscr.^  p.  c. 

3.  Voir  la  planche  dans  Joinm.  Roij.  As.  Soc.  IV  415  (new  séries),  et  Wad- 
dell,  Buddhism  of  Tibet,  la  figure  de  la  page  79. 

1.  Le  mot  indien  pour  parasol,  chatb'a,  signifie  proprement  ce  qui  recouvre, 
*  couverture  ;  sans  doute  la  conception  des  cieux  ou  hhûmis  (mot  qui  signifie, 
«  étages,  couches  »,  et,  au  singulier  «  le  sol,  la  terre  »)  est  plus  récente. 


212  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

en  bas  ^  Si  Ton  prend  le  Pipai  pour  un  arbre  réel,  c'est 
absurde;  mais  quand  on  songe  à  l'immense  ciel  nuageux, 
que  représente  l'arbre,  l'idée  s'éclaircit  :  la  pyramide  est 
renversée,  la  base  en  haut  et  le  sommet  en  bas  \  Le  Pipai 
sacré  s'appelle,  dans  l'inscription  bouddhique  du  temple  du 
soleil  à  Gayâ,  Kalpavrksha  \  «  l'arbre  qui  remplit  tous  les 
souhaits  ».  Or  le  Kalpavrksha,  littéralement  «  Arbre  sécu- 
,      laire  »,  est  bien  connu  des  Hindous,  et  très  populaire  chez 
(       eux  ;  ils  connaissent  aussi  une  figure  Çrîvrksha,  «  Arbre  de 
!       la  Fortune  »  ou  «  Arbre  de  la  Splendeur  »,  identifié  par  les 
I       uns  avec  le  Bilva  [aegle  marmelos)^  par  les  autres  avec  le 
Pipai,    c'est-à-dire  le   Bodhi  ^    Les  idées  monde   et   vie, 
196  durée  de  la  vie  et  bonheur  de  la  vie,  vie  et  fin  de  la  vie  *, 
se  relient  entre  elles  si  involontairement,  que,  sans   s'en 
apercevoir,  on  peut  finir  par  identifier  les  symboles  qui  rap- 
pellent à  la  fois  la  vie  et  la  mort,  quelle  qu'en  soit  d'ail- 
leurs l'origine  *.  Si,  au  contraire,  l'arbre  et  le  Stûpa  (ajoutons- 
y  le  Liiigam)  sont  uns,  au  fond,  une  différentiation*  posté- 


2.  Comp.  plus  haut,  p.  180.  Dans  Chândogya  Up.  8,  5,  3  on  dit  que  le  Pipai 
produit  le  Soma  (c'est-à-dire  le  suc  céleste  fécondant,  la  pluie)  ;  il  est  donc  la 
couverture  de  nuages  ou  le  ciel  qui  s'étend  par  dessus  la  terre;  le  sanscr. 
nabhas,  le  slavon  nebo  et  le  grec  vécpo;  montrent  la  parenté  des  concep- 
tions . 

3.  Disons,  en  passant,  que,  déjà  dans  les  écrits  védiques,  on  compare  le 
Pipai  au  lingam,  la  Çamî  à  la  yoni.  Cette  dernière  sera  probablement  la  terre, 
le  lihgam  le  jet  fécondant,  jet  de  lumière  solaire  ou  jet  d'eau,  qui  pénètre 
dans  le  sol.  De  là  la  ressemblance  entre  le  Lingam  et  le  Dagob,  tel  que  le 
dernier  se  présente  dans  le  temple  souterrain  de  Kârli. 

4.  Cunninghara,  Archaeol.  Survey,  III,  pi.  XXXV. 

5.  On  ne  sait  pas  bien  s'il  y  a  rapport  entre  cette  identification  de  Çrîvrkska 
avec  BiJva  et  le  fait  que  l'arbre  Bodhi  est  placé  dans  le  voisinage  d'Uru- 
vilvâ  (c'est-à-dire  Uru-bilwâ).  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  Bilva  se  trouve 
mentionné  comme  une  sorte  dé  Kalpavrksha,  car,  «  il  donne  tout  ce  qu'on 
désire  et  chasse  la  pauvreté  ».  Wilson,  Works  (éd.  Rost),  II,  217. 

1.  Les  équations  suivantes  ne  sembleront  ni  cherchées  ni  artificielles  : 
Pipai  =  Çrîvrksha  (arbre  de  la  Fortune)  =  Kalpavrksha  (arbre  séculaire)  = 
Bodhidruma  (arbre  de  la  science,  de  la  conscience)  =  vie  =  existence  dans 
le  monde  =  monde  =  Dhâtugarbha  =  Stûpa  =  Cailya. 


LE  SANGHA  213 

rieure  de  conceptions,  qui  pouvaient  sembler  profondément 
divergentes,  s'explique  aussi  ^ 

On  ne  peut  soutenir  que  les  Bouddhistes  eux-mêmes  ont 
reconnu  l'identité  ou  la  parenté  de  l'Arbre  et  du  Stûpa;  au 
moins,  on  n'en  peut  donner  de  preuve.  On  serait  même  tenté 
de  citer  comme  présomption  du  contraire,  le  fait  que  la  figure 
spéciale  du  Stûpa,  consistant  en  trois  hémisphères  ^  se 
trouve  représentée  à  côté  du  Bodhi.  Malheureusement,  ce  fait 
ne  prouve  rien,  vue  la  tendance  des  Bouddhistes  à  dire  deux 
fois  la  même  chose,  et  à  couper,  en  apparence,  les  choses  en 
deux,  en  employant  deux  mots  au  lieu  d'un.  Ils  distinguent 
entre  Maya  et  Mahâ-Mâyâ,  Meru  et  Sumeru,  ïishya  et  Pusha, 
Içvara  etMaheçvara,  etc.,  ils  pouvaient,  par  conséquent,  se 
livrer  à  la  même  tendance  innocente  pour  la  multiplication 
quand  il  s'agissait  de  figures,  aussi  bien  que  quand  il  s'agis- 
sait de  mots. 

Un  symbole  qui  se  trouve  souvent  sur  d'anciennes  mon- 
naies bouddhiques,  sans  que  nous  en  puissions  donner  une 
explication  suffisante  tirée  des  écrits  du  Bouddhisme,  est  le 
taureau.  Ce  symbole  est  encore  plus  fréquent  chez  les 
Çivaïtes  de  toute  secte,  et  chez  les  Jainas  aussi  la  vénération 
du  taureau  est  légitime,  le  premier  Arhat  de  l'âge  actuel  du 
monde  s'appelant  Taureau  [vrshabha)  et  ayant  un  taureau 
comme  signe  distinctif.  Le  taureau  hindou  est,  en  même 
temps,  symbole  de  la  Loi,  et  peut-être  quelques  fractions  de 
l'Église  l'ont-elles  considéré  comme  tel.  Des  images  de  tau- 
reaux sur  des  temples  ne  sont  pas  rares. 


2.  Quant  à  nous,  nous  croyons  cette  hypothèse  plus  probable  que  la  pre- 
mière. Pour  le  Lihgam,  il  ne  faut  surtout  pas  perdre  de  vue,  qu'il  est 
employé  comme  monument  funéraire;  le  sens  vrai  du  mot  est  d'ailleurs 
«  signe  distinctif  ». 

3.  Parfois  on  trouve,  au-dessus  des  trois  mondes,  les  signes  du  soleil  et  de 
la  lune. 


214  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


197  *  6.  —  Reliques  d'objets  d'usage  journalier.  —  Ombres  con- 
sidérées COMME  reliques.  —  DÉVELOPPEMENT  NATUREL  ET 
ARTIFICIEL   DU  CULTE  DES  RELIQUES. 

Toutes  sortes  de  restes  des  vêtements  et  des  ustensiles  des 
saints  sont  considérés  comme  de  précieuses  reliques,,  que  les 
deux  divisions  de  l'Eglise  vénèrent  également.  Et  cette  véné- 
ration est  ancienne  ;  nous  en  avons  la  preuve  par  les  récits 
des  pèlerins  chinois  et  des  chroniques  de  Ceylan. 

Fa-Hian  vit,  non  loin  de  Nagara,  le  bâton  du  Tathâgata. 
Cette  relique,  en  bois  de  santal,  recouvert  de  fer,  avait  une 
longueur  de  plus  de  19  pieds  *.  Ceci  peut  nous  donner  une 
idée  approximative  de  la  stature  de  Gautama.  Nous  disons  : 
approximative,  et  non  :  absolument  exacte,  attendu  qu'il 
n'est  pas  absolument  sûr  jusqu'à  quel  point  du  corps  le 
bâton  s'élevait.  Chez  les  Aryas,  c'est  une  règle  que  le  bâton 
du  Brahmane  atteint  la  hauteur  du  sommet  du  crâne;  celui 
du  Kshatriya,  celle  du  front;  celui  du  Vaiçya,  celle  du  nez. 
Comme  le  Buddha,  d'après  sa  propre  déclaration,  était  à  la 
fois  Brahmane  et  Kshatriya,  on  ne  sait  quelle  règle  appliquer. 
L'incertitude  devient  encore  plus  grande,  quand  on  tient 
compte  d'une  notice  chinoise,  d'après  laquelle  le  bâton 
n'allait  que  jusqu'à  la  poitrine  ^  De  toute  façon,  la  stature  du 
Gotamide  était  plus  que  gigantesque  ;  probablement  le  bâton 
représentait  la  hauteur  totale  de  la  personne,  qui,  comme  on 
sait,  était  de  18  pieds  (ou  mains)  ;  peu  de  détails  sont  aussi  bien 
certifiés  que  cette  stature,  si  du  moins  on  accorde  un  mini- 
mum de  vérité  historique  à  la  tradition  commune  des  deux 
fractions  de  l'Église. 

A  quelque  distance  de  l'endroit  oii  l'on  montrait  aux  voya- 

1.  Travels,  44  (Legge,  p.  39  «  16  or  17  cubits  »);   comp.  Hiuen-Thsang, 
Mém.,  I,  103. 

2.  Voir  une  note  dans  Travels,  44. 


LE  SANGHA  215 

geurs  le  bâton  du  Buddha,  il  y  avait  un  temple  où  étaient 
conservés  son  manteau  et  son  froc  ^  ;  les  deux  objets  étaient 
en  coton  fin  *  et  d'une  couleur  rouge  jaunâtre.  Quand  dans  le  198 
pays  la  sécheresse  durait  trop  longtemps,  les  habitants 
notables  de  la  contrée  se  réunissaient,  afin  d'exposer  et 
d'adorer  le  vêtement  du  Tathâgata,  et  alors  une  pluie  abon- 
dante ne  manquait  pas  de  descendre  sur  le  sol.  Ce  n'était  pas 
le  seul  profit  qu'on  tirait  de  ces  reliques  :  à  bien  des  égards, 
c'était  une  charge  lucrative  de  les  surveiller.  Le  roi  de  Kapiça, 
qui,  au  vn^  siècle,  possédait  Nagara,  avait  nommé  sept 
ecclésiastiques  *  pour  surveiller  les  reliques.  Ces  gens,  qui 
trouvaient  gênante  la  foule  incessante  des  adorateurs,  avaient 
imaginé  le  moyen  suivant  de  gagner  du  temps  et  de  l'ar- 
gent :  ils  avaient  dressé  un  tarif  complet,  calculé  d'après  le 
plus  ou  moins  de  profit  ou  de  jouissance  que  les  fidèles 
tiraient  de  chaque  relique  ;  de  sorte  qu'une  personne  qui  ne 
tenait  qu'à  voir  le  morceau  d'os  du  sommet  du  crâne,  avait 
à  payer  une  pièce  d'or  (valeur  d'environ  12  francs)  ;  celui, 
au  contraire,  qui,  pour  s'assurer  du  degré  de  son  propre 
mérite  moral,  voulait  prendre  une  empreinte  de  la  relique, 
devait  payer  cinq  pièces  d'or. 

Le  pot  à  aumônes  du  Tathâgata  se  voyait  encore  au 
v^  siècle,  à  Peshawer.  Fa-Hian  donne  la  description  sui- 
vante de  cet  objet  remarquable.  Le  pot  peut  contenir  environ 
2  Tau  (20  livres)  ^;  il  a  une  couleur  mêlée,  dans  laquelle 


3.  C'est  ce  que  dit  Hiuen-Thsang,  Mém..,  I,  103;  Fa-Hian  ne  parle  que  du 
manteau.  11  est  difficile  de  dire  quelle  est  la  différence  entre  le  manteau  et  le 
froc  (Kâshâya). 

1.  Stan.  Julien,  Voy.  des  Pèl.  B.,II,  103,  les  appelle  des  Brahmanes;  on  peut 
se  demander  si  c'est  exact,  quoique  ce  ne  serait  nullement  impossible;  les 
brahmanes  attachés  à  des  temples  sont  considérés  par  les  autres  comme  la 
lie  de  leur  caste,  et  il  est  fort  possible  qu'il  y  en  ait  eu  parmi  ceux-là  qui 
aient  consenti  à  remplir,  dans  les  sanctuaires  bouddhiques,  des  postes  de  sa- 
cristains bien  rentes. 

2.  Travels,  38.  Le  savant  traducteur  remarque  que  la  dimension  doit  être 
exagérée,  à  moins  que  la  relique  ne  soit  fausse.  Nous  croyons,  au  contraire, 


216  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

prédomine  le  noir  ;  la  paroi  est  épaisse  de  deux  pouces  envi- 
ron, lisse  et  brillante.  De  pauvres  gens  peuvent  remplir  ce 
pot  en  n'offrant  que  quelques  fleurs,  tandis  que  maint  richard 
n'y  arrive  pas,  en  y  versant  cent,  mille  ou  même  dix  mille 
boisseaux.  Deux  siècles  plus  tard,  au  moment  où  Hiuen- 
199  Thsang  visita  Peshawer,  le  pot  n'y  était  plus  *  :  il  était  alors 
conservé  à  la  cour  du  roi  de  Perse,  où  il  était  parvenu  après 
bien  dijis  traverses  *.  A  ce  qu'on  dit,  ce  pot  avait  été  conservé 
primitivement  dans  le  pays  de  Vaiçâlî,  avant  d'arriver  à 
Peshawer  dans  le  Gândhâra,  et  Fa-Hian  avait  entendu  à 
Ceylan  un  religieux  de  l'Inde  ^  qui,  assis  sur  un  trône 
élevé,  récitait  un  livre  sacré  ou  plutôt,  comme  on  verra, 
un  oracle  sibyllin.  Cet  oracle  disait,  que  le  pot,  autrefois 
conservé  dans  le  |iays  de  Yaiçâlî,  se  trouvait  à  ce  moment 
(v^  siècle)  sur  les  limites  du  Gândhâra  ;  après  cent  ans,  on  le 
transporterait  au  pays  des  Yu-chi  occidentaux  ;  un  siècle 
plus  tard,  dans  le  Khotan,  encore  un  siècle  plus  tard,  à  Kha- 
rachar;  puis,  de  cent  ans  en  cent  ans,  le  pot  se  trouverait 
successivement  en  Chine,  à  Ceylan,  dans  l'Inde,  pour  arriver 
enfin  au  Paradis.  Cette  prédiction  paraîtra  parfaitement  juste, 
pourvu  qu'on  tienne  compte  des  connaissances  géographiques 
imparfaites  du  prophète  indien  :  le  grand  pot  à  aumônes  du 
moine  couleur  d'or  doit  avoir  paru  à  l'Orient,  à  Yaiçâlî, 
avant  d'être  visible  aux  hommes  à  l'Occident,  dans  le  Gân- 
dhâra. De  l'Ouest,  le  pot  marche  vers  le  Nord-Ouest,  puis 
vers  le  Nord,  le  Nord-Est,  l'Est,  où  est  la  Chine,  le  Sud,  où 
est  Ceylan  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  qu'il  disparaisse 
dans  le  Paradis.  On  ne  nous  dit  pas  pendant  combien  de 
temps  le  pot,  que  le  Tathâgata,  peu  de  temps  avant  son 
Nirvana,  avait  laissé  à  Yaiçâlî  comme  souvenir,  en  pre- 


que  la  dimension  a  été  énormément  rapetissée,  et  ne  doutons  pas  plus  de 
l'authenticité  de  cette  relique  que  de  celle  des  autres. 

1.  Mém.,  l,  106. 

2.  Travels,  161. 


LE  SANGHA  21? 

nant  congé  des  Lichavis,  y  est  resté  ^  ;  d'après  la  prophétie 
dont  nous  venons  de  parler,  on  peut  estimer  la  durée  de  ce 
séjour  à  cent  ans.  On  dit  expressément  que  ce  même  pot 
sera  un  jour  employé  par  Maitreya,  et  plus  tard  par  tous 
les  mille  Buddhas  *  :  c'est  là  une  affirmation  qui  était  à  peu 
près  superflue,  et  intéressante  seulement  en  tant  qu'elle 
répand  une  lumière  très  claire  sur  le  caractère  «  histo- 
rique »  du  pot  à  aumônes. 

Quand  on  parle  de  renseignements  historiques  dignes  de 
foi,  on  songe  malgré  soi  à  Ceylan,  dont  les  chroniqueurs 
brillent  par  le  sens  historique,  *  à  ce  qu'on  nous  assure  200 
incessamment.  Cette  île,  si  riche  en  reliques  de  difTérentes 
sortes,  pouvait  aussi  se  glorifier  de  posséder  plusieurs  objets 
qui  provenaient  des  Buddhas  antérieurs  à  Çâkyamuni.  On 
y  possédait  le  manteau  qui  protégeait  le  Buddha  Kâçyapa 
contre  la  pluie,  la  ceinture  de  Konâgamana,  la  cruche  à  eau 
de  Kakusandha  *.  Nous  n'osons  décider  si  la  ceinture  con- 
servée dans  la  Chapelle  de  la  Ceinture  (Kâyabandhanacetiya) 
était  celle  de  Konâgamana  ou  celle  de  Gautama  ^  La  che- 
mise de  bain  du  dernier  avait  été  laissée  par  lui  dans  l'île, 
après  une  de  ses  visites  ^ 

Une  relique  singulière  était  le  bonnet  que  portait  Sid- 
dhârtha,  quand  il  n'était  encore  qu'un  enfant.  Il  était  con- 
servé dans  un  Vihâra  à  Koiikanapura,  dans  une  boîte  magni- 
fique; les  jours  de  sabbat,  l'objet  sacré  en  était  retiré  et 
exposé  sur  un  socle  élevé.  On  offrait  des  fleurs  à  ce  bonnet, 
haut  de  deux  pieds  environ  *.  Des  reliques  non  moins  re- 
marquables, surtout  à  cause  des  récits  qu'on  y  rattachait, 
étaient  le  pot  de  fer  et  le  manteau  du  saint  Çânavâsa  %  con- 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.,  II,  396. 

4.  Travels,  103. 

1.  Dîpav,  17,  9. 

2.  Dîpav,  IS,  51. 

3.  Mahâvamsa,  105. 

4.  Voy.  des  Pèl.  B.,  III,  147. 

5.  Nommé  aussi  Çânavâsika  et,  en  pâli,  Sânavâsi. 


218  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

serves  dans  un  monastère  à  Bamian.  Le  manteau  était 
fait  de  çâna  (chanvre)  ®  et  avait  une  couleur  rouge-clair. 
Saint  Çânavâsa,  un  disciple  d'Ananda,  n'avait  cessé  de  porter 
ce  vêtement  pendant  1500  existences  :  le  vêtement  nais- 
sait toujours  avec  lui,  et  s'élargissait  spontanément,  à  mesure 
que  le  corps  de  Çânavâsa  s'accroissait;  lorsque  celui-ci,  con- 
verti par  Ânanda,  fut  devenu  moine,  le  vêtement,  qu'il  avait 
apporté  avec  lui  en  venant  au  monde,  se  transforma  de  lui- 
même  en  habit  monastique.  Lorsque  le  Saint  fut  sur  le  point 
d'entrer  dans  le  Nirvana,  il  exprima  le  souhait  que  Fhabit 
201  pût  durer  *,  jusqu'à  ce  que  la  doctrine  de  Çâkya  fût  éteinte. 
Et  comme  preuve  de  la  véracité  de  cette  tradition,  Hiuen 
Thsang  cite  le  fait,  que  le  froc,  quand  il  le  vit,  montrait  déjà 
des  traces  d'usure  \ 

En  énumérant  les  différents  objets  du  culte,  nous  ne  devons 
pas  passer  sous  silence  l'ombre  que  Gautama,  devenu  Buddha 
ou  n'étant  encore  que  Bodhisatva,  avait  laissée,  entre  autres 
à  Kauçâmbi,  à  Gayâ,  à  Nagara.  A  Kauçâmbî  on  montra  au 
pèlerin  chinois  une  grotte,  où  demeurait  autrefois  un  Nâga 
venimeux.  Jadis  le  Tathâgata  avait  dompté  le  monstre, 
et  laissé  sa  propre  ombre  sur  la  paroi  de  la  grotte.  La  grotte 
existait  encore  au  vu*'  siècle,  mais  l'ombre  n'était  plus  visible  ^ 
A  Gayâ,  au  contraire,  l'ombre  que  le  Bodhisatva  avait  laissée 
dans  une  cellule  creusée  dans  le  roc,  était  nettement  visible, 
comme  on  se  rappellera  ^.  D'après  une  version  un  peu  diffé- 
rente, le  Bodhisatva  aurait  laissé  son  ombre  ou  fantôme 
dans  la  grotte,  par  compassion  pour  un  Nâga  qui  habitait  la 
cellule.  Ne  pouvant  accorder  la  demande  du  Nâga,  qui  avait 

6.  Çânavâsa  peut  signifier  «  portant  un  vêtement  en  chanvre  »  ;  comp. 
Schiefner,  Lebensb.  308,  où  Ton  dit  nettement  que  le  futur  saint  fut  nommé 
ainsi  par  son  père,  parce  qu'en  naissant  il  était  revêtu  d'un  habit  de  chanvre. 

1.  Vie  de  H.  T.,  49. 

2.  Mém.  I,  286.  Le  voyageur  avait  peut-être  visité  la  grotte  à  l'heure  où 
l'ombre  n'était  pas  visible  ;  ou  bien,  on  lui  a  peut-être  dit  que  la  châyâ  (c'est- 
à-dire  fantôme)  du  Buddha  ne  se  voyait  jamais  dans  la  caverne, 

3.  Travels,  122. 


LE  SANGHA  219 

prié  le  Bodhisatva  de  lui  faire  atteindre  en  cet  endroit  la 
dignité  d'Arhat,  il  voulut  du  moins  lui  laisser  son  ombre 
pour  le  consoler  *.  Il  y  avait  une  caverne  semblable  près  de 
Nagara.  Le  prince  des  Nâgas,  Gopâla,  qui  avait  autrefois 
habité  cette  sombre  grotte,  avait  reçu  du  Tathâgata  la  pro- 
messe de  recevoir  son  ombre,  dès  que  le  moment  du  Nirvana 
serait  arrivé.  Dans  les  derniers  siècles  la  relique  était  devenue 
moins  nette  ;  on  voyait  quelque  chose,  mais  la  ressemblance 
était  très  vague  et  douteuse.  Ceux  seulement  qui  avaient  une 
foi  ardente  voyaient  nettement  l'ombre  (ou  fantôme).  Hiuen 
Thsang  en  fit  lui-même  l'expérience,  car,  visitant  la  caverne, 
après  avoir  bravé  bien  des  dangers,  il  eut  la  satisfaction  *  de  202 
pouvoir  contempler  une  magnifique  ombre  du  Buddha  *.  Il 
n'a  pas  rencontré  leNâga,  qui,  d'après  la  légende^  demeurait 
toujours  dans  la  grotte,  du  moins,  il  ne  le  dit  pas  expres- 
sément; mais  on  ne  peut  conclure  de  ce  silence  que 
l'honnête  pèlerin  a  compris  l'identité  du  Nâga  et  de  l'ombre. 
La  légende  en  question  est  tellement  typique  et  offre  tant  de 
points  de  ressemblance  avec  les  vieux  mythes  germaniques 
de  dragons  qui  surveillent  des  cavernes,  qu'elle  mérite  d'être 
rapportée.  Elle  est  conçue  à  peu  près  en  ces  termes  : 

Autrefois,  du  temps  oii  le  Tathâgata  vivait  dans  ce  monde, 
il  y  avait  un  vacher  {gopâla)  qui  livrait  tous  les  jours  au  roi 
du  lait  et  de  la  crème.  Une  fois,  il  lui  arriva  de  négliger  ce 
devoir,  et  il  fut,  par  conséquent,  réprimandé  sévèrement  par 
le  Roi.  Plein  de  sentiments  de  vengeance,  de  dépit,  il  acheta 
pour  ses  pièces  d'or  des  fleurs,  qu'il  offrit  humblement  au 
Stûpa  de  la  Prédiction  ^  Il  fit  vœu  de  devenir  un  serpent  ou 
dragon  malfaisant,  afin  de  ruiner  le  royaume  et  de  tuer  le  roi. 
Immédiatement  après,  il  monta  sur  un  rocher  escarpé,  se 

4.   Voy.  des  Pel.  B.,  II,  458. 

1.  Voy.  des  Pèl.  B.,  I,  81;  II,  99. 

2.  Ce  Stûpa  avait  été  construit  à  l'endroit  où  le  Bodhisatva,  destiné  à  devenir 
un  jour  Çâkya  Buddha,  avait  reçu  la  prédiction  de  cette  destinée  de  la  bouche 
de  Dîpaùkara  Buddha. 


220  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

jeta  dans  l'abîme,  et  mourut.  Peu  de  temps  après,  il  vint 
demeurer  dans  la  grotte,  et  devint  un  prince  des  Nâgas.  Au 
moment  où  il  sortait  de  la  caverne,  afin  de  mettre  à  exécution 
son  vœu  criminel,  le  Buddha  vit  quels  projets  animaient  le 
Nâga,  et,  ému  de  compassion,  à  l'égard  du  serpent  aussi  bien 
qu'à  l'égard  des  habitants  du  pays,  il  quitta  rapidement  l'Hin- 
doustan,  et  alla  chercher  le  Nâga  dans  sa  caverne,  non  pour 
tuer  le  dragon,  comme  un  autre  Sigfrid  ou  un  autre  saint 
George,  mais  pour  lui  inspirer  des  sentiments  plus  doux.  A 
peine  l'animal  eut-il  vu  paraître  le  Tathâgata,  que  ses  noirs 
projets  se  dissipèrent  comme  le  brouillard  se  dissipe  devant 
le  soleil.  Il  accepta  le  commandement  qui  défend  de  tuer, 
203  promit  de  suivre  la  loi  établie,  *  et  dit  alors  au  Buddha  : 
«  Permettez  moi  de  demeurer  à  jamais  dans  cette  ca- 
verne, et  de  rendre  mes  hommages  aux  Saints,  vos  Disci- 
ples \  » 

«  Quand  je  serai  éteint  »,  dit  le  Seigneur,  «  je  vous  lais- 
serai mon  ombre.  Je  vous  enverrai  cinq  Arhats  ^,  qui  recevront 
toujours  vos  hommages.  Une  fois  la  voie  droite  éteinte,  ce 
pieux  devoir  ne  doit  pas  cesser.  Si  votre  esprit  amer  vous 
pousse  subitement  à  la  colère,  regardez  alors  mon  ombre  ; 
grâce  à  la  puissance  de  bienveillance  et  de  vertu  (qui  sort  de 
moi)  vos  projets  criminels  s'évanouiront  en  fumée.  Tous  les 
Buddhas  qui  devront  encore  paraître  durant  la  création 
actuelle,  auront  également  pitié  de  vous,  et  vous  laisseront 
leur  ombre  ». 

Ici  finit  la  légende;  mais  pour  l'intelligence  complète  du 
récit  nous  devons  ajouter,  qu'en  dehors  de  la  grotte  oii  pa- 
raissait l'ombre,  on  voyait  deux  pierres   carrées,  avec  les 

1.  Le  Nâga,  tant  que  dn\e  le  jour,  reste  dans  sa  caverne,  mais,  pendant  la 
nuit,  quand  les  étoiles  brillent  au  ciel,  il  s'échappe  pour  ainsi  dire  de  sa 
grotte,  lui,  l'animal  de  l'obscurité,  pour  ne  pas  manquer  à  l'appel.  C'est  là  la 
vraie  Loi  établie  {saddharma). 

2.  Naturellement,  les  cinq  planètes;  la  Lune  est  d'ordinaite  trop  brillante 
pour  que  le  Nâga  puisse  en  supporter  l'aspect. 


LE  SANGHA  221 

traces  des  pieds  du  Seigneur,  marquées  par  la  roue  ^ 
Tout  lecteur  quelque  peu  versé  dans  la  mythologie  aura 
remarqué  que  la  légende  du  serpent  qui  surveill^  des  vaches 
(ou  des  rayons)  contient  des  éléments  très  anciens.  11  n'y  a 
de  proprement  bouddhique  dans  le  récit  que  la  tendance  édi- 
fiante. Et  ce  qui  est  vrai  de  la  relique  de  Fombre  peut  s'ap- 
pliquer à  tous  les  restes  de  Buddha  et  des  Saints.  Des  images 
poétiques  ont  été  matérialisées  et  sont  devenues  des  fétiches 
miraculeux  qu'on  adore  à  genoux.  En  même  temps  que  le 
vieux  langage  symbolique  se  transformait  en  prose,  la 
mythologie,  devenue  prosaïque,  devint  la  philosophie  in- 
dienne ;  et,  pour  des  raisons  faciles  à  comprendre,  nous 
voyons  se  rattacher  à  celle-ci  la  tendance  didactique  qui 
consiste  à  tirer,  de  vieux  récits  considérés  plus  tard  comme 
des  fables,  une  morale  profitable  pour  la  vie  sociale.  Les  sages 
vénéraient  ces  récits  en  tant  qu'on  pouvait  les  faire  servir  à 
la  propagation  de  «  principes  »  moraux,  qu'ils  n'avaient  pas 
inventés,  à  vrai  dire  *, — les  philosophes  sont  d'ordinaire  peu  204 
inventifs  —  mais  qu'ils  avaient  rangés  sous  des  rubriques 
scolastiques,  et  qu'ils  pouvaient  par  conséquent  présenter, 
avec  une  certaine  fierté,  comme  leur  propre  œuvre.  Jusqu'à 
un  certain  point  ils  savaient  apprécier  les  sentiments  de  la 
foule,  et  surtout  cette  piété  à  l'égard  des  morts,  qui,  dans 
l'ancien  monde  païen,  se  reflète  si  admirablement  dans  les 
cérémonies  funèbres.  Eux-mêmes  incapables  d'émotions  — 
du  moins  quand  ils  avaient  atteint  le  plus  haut  degré  de  per- 
fection— ils  respectaient  les  émotions  des  humains  moins  dé- 
veloppés, qu'ils  regardaient  d'ailleurs  du  haut  de  leur  gran- 
deur, et  savaient  se  servir  de  la  piété  des  autres  comme  d'un 
levier  pour  atteindre  des  fins  utiles.  Une  part  de  mythologie, 
une  part  de  philosophie,  une  part  de  piété  —  voilà  les  éléments 
du  culte  des  reliques.  Si  les  reliques  bouddhiques  étaient 


3.  Les  deux  versions  de  la  légende,  données  dans  les  passages  cités,  offrent 
des  divergences  dans  les  détails. 


222  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

réellement  des  restes  vénérés  d'un  maître  illustre,  elles 
n'auraient  pas  toutes,  sans  exception,  des  dimensions  mons- 
trueuses. Qui  donc,  immédiatement  après  la  mort  d'un 
certain  docteur,  eût  osé  montrer  aux  croyants  ou  aux  incré- 
dules, aux  amis  ou  aux  ennemis,  un  morceau  d'os,  un  vête- 
ment, un  bâton,  —  pour  ne  pas  parler  d'une  ombre  —  et  le 
présenter  comme  un  reste  du  Maître,  tandis  que  tout  homme 
pouvait  voir  que  ce  n'était  pas  vrai  ?  C'est  seulement  en  pla- 
çant un  tel  Maître  dans  un  passé  lointain  qu'on  peut  trouver 
créance  chez  les  esprits  les  moins  intelligents,  et  encore  pas 
chez  tous.  Chez  ceux  qui  exhibèrent  les  premiers  les  reliques, 
il  ne  peut  être  question  de  reconnaissance  ou  de  piété.  Il  ne 
peut  pas  non  plus  être  question  de  falsification  ou  de  reliques 
fabriquées,  car  on  ne  peut  dire  qu'un  objet  est  faux  que  lors- 
qu'il a  l'air  d'un  objet  authentique,  sans  l'être.  La  dent,  la 
pupille,  le  pot  à  aumônes,  le  bâton,  etc.,  du  Buddha  n'ont 
jamais  ressemblé  à  la  dent,  etc.,  du  soi-disant  personnage 
humain  Gautama  ou  Çâkya,  et  nul  ne  le  savait  mieux  que 
ceux  qui  les  premiers  exhibèrent  ces  souvenirs  du  Seigneur, 
et  qui  devaient  être  naturellement  des  fils  pieux  de  Çâkya  — 
ou  du  moins  se  présenter  comme  tels. 

Pour  résumer,  il  y  a  au  fond  du  culte  des  reliques  un  sen- 
timent universellement  humain;  l'exploitation  de  ce  senti- 
naent  est  bouddhique. 


205  *  7.  —  Jours  fériés.  —  Fêtes.  —  Assemblée  quinquennale. 

Congrès  annuel. 

L'Église  a  emprunté  à  d'autres  sectes  l'usage  de  fêter 
régulièrement  le  sabbat,  quatre  fois  par  mois.  Pendant  deux 
de  ces  dimanches  —  on  peut  bien  employer  le  mot,  —  le 
14^  ou  15^  jour  de  chaque  moitié  du  mois,  doit  avoir 
lieu  la  récitation  du  Prâtimoksha,  cérémonie  destinée  uni- 
quement  aux  religieux.  Par   contre,    chaque  dimanche  la 


LE  SANGHA  223 

prédication  est  autorisée,  et  c'est  là  une  cérémonie  destinée 
autant,  sinon  plus,  aux  laïques  qu'aux  moines. 

Les  quatre  dimanches  ne  sont  pas,  dans  tous  les  pays 
bouddhiques,  distribués  de  la  môme  manière  dans  le  courant 
du  mois.  A  Ceylan,  en  Birmanie  et  dans  le  Népal,  on  célèbre 
le  jour  de  la  nouvelle  lune,  le  huitième  jour  de  la  lune,  le 
jour  de  la  pleine  lune  et  le  jour  du  dernier  quartier;  au 
Tibet,  par  contre  \  on  a  choisi  le  14%  15%  29'  et  30'  jour  du 
mois.  Il  est  probable  que  cette  divergence  tient  à  quelque 
obscurité  dans  l'Ecriture  Sainte.  Nous  savons  par  le  canon 
pâli  que  l'Uposatha  était  célébré,  par  les  fils  de  Çâkya, 
imitant  en  cela  les  hérétiques,  «  le  quatorzième,  quinzième 
et  huitième  jour  de  la  moitié  de  chaque  mois  »  ^  Lorsque  le 
Maître  permit  plus  tard  qu'on  récitât  le  Prâtimoksha  le 
jour  d'Uposatha  (ou  :  un  jour  d'Uposatha),  quelques  moines 
eurent  l'idée  qu'on  leur  avait  permis  de  réciter  le  règlement 
trois  fois  pendant  la  moitié  d'un  mois,  c'est-à-dire  le  qua- 
torzième, le  quinzième  et  le  huitième  jour.  En  tout,  la  réci- 
tation aurait  lieu  six  fois  par  mois.  Ce  n'était  nullement 
l'intention  du  Maître;  afin  de  prévenir  pour  la  suite,  toute 
incertitude,  il  s'expliqua,  en  déclarant  expressément  :  «  Je 
vous  permets,  moines,  de  réciter  le  règlement  une  fois  pen- 
dant la  moitié  du  mois,  le  14'  ou  15' jour  ».  On  ne  devait  donc 
pas  comprendre  les  mots  «  le  quatorzième,  quinzième  », 
comme  s'ils  étaient  réunis  par  la  particule  conjonctive  «  et  », 
mais  comme  séparés  par  la  particule  disjonctive  «  ou  ».  Le 
8'  jour  ne  fut  pas  mentionné,  *  et  l'on  décida  ainsi  tacitement  20G 
que,  ce  jour-là,  en  tout  cas,  on  ne  devait  pas  réciter  le  règle- 
ment*. On  n'avait  pas  besoin  de  prendre  une  décision  nouvelle 
concernant  l'Uposatha  habituel  qu'on  célébrait  le  8' jour:  ce 
jour-là  n'avait  pas  donné  lieu  à  des  difficultés  ;  ce  jour  de 
chaque  moitié  du  mois  était  fixé. 

1.  D'après  Koeppen,  Rel.  de  B.,  564. 

2.  Ma/m- F.,  2,  1. 

1.  MaM-r.,2,  4.  ; 


224  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

La  même  indécision  dans  les  expressions,  qui  causa  jadis 
l'erreur  des  auditeurs  du  Maître,  nous  arrête  quand  nous 
lisons  quelques  phrases  dans  un  des  édits  d'Açoka,  oii  il  est 
question  de  la  façon  de  célébrer  les  grandes  fêtes  et  les  Upo- 
sathas  ^  Le  texte  énumère  «  les  trois  grandes  fêtes  qui  se 
célèbrent  tous  les  quatre  mois,  le  jour  de  pleine  lune  de 
Pausha,  trois  jours,  le  quatorzième,  le  quinzième,  le  jour 
de  nouvelle  lune,  et  constamment  (ou  régulièrement)  chaque 
Uposatha  ^  »  Un  peu  plus  loin,  nous  lisons  :  «  le  huitième 
jour  de  la  moitié  du  mois,  le  quatorzième,  le  quinzième  ». 
Quand,  pour  nous  fixer,  nous  ouvrons  les  écrits  des  héréti- 
ques, nous  voyons  que  ceux-ci  ne  sont  pas  non  plus  d'accord 
sur  tous  les  points.  Les  jours  de  repos  habituels  pour  l'élève 
sont  fixés  le  jour  de  la  nouvelle  lune,  le  8^  jour,  le  jour  de  la 
pleine  lune,  et  8  jours  après  \  c'est-à-dire  slux  jours  fixés 
pour  l'Uposatha  bouddhique  à  Ceylan,  en  Birmanie  et  dans 
le  Népal.  Cependant,  un  des  livres  qui  font  autorité  pose 
comme  règle  que  lors  de  la  nouvelle  lune  on  donne  deux  jours 
de  vacances,  à  savoir,  d'après  le  commentateur,  le  14' jour  de 
la  moitié  obscure  du  mois  et  le  jour-même  de  pleine  lune  ^; 
un  autre  code  permet,  mais  n'exige  pas,  deux  jours  de  repos 
lors  de  la  nouvelle  lune".  De  ces  jours  de  congé,  deux  seu- 
lement, celui  de  la  nouvelle  et  celui  de  la  pleine  lune,  coïn- 
cident avec  un  acte  religieux  ;  c'est  de  ces  jours  qu'on  peut 
rapprocher  les  deux  Uposathas  désignés  pour  la  récitation  du 


2.  Chez  Cunningham,  Corpus  Inscr.^  le  5^  édit  de  Delhi  et  ceux  qui  y  cor- 
respondent. 

3.  Nous  ne  sommes  pas  sûrs  du  vrai  sens  de  dliuvâye  (ou  dhitvâya)  anu- 
posatham.  Très  probablement,  les  mots  «  trois  jours  »  se  rapportent  à  ce  qui 
précède,  car  lors  de  la  pleine  lune  de  Pausha  il  y  a  trois  jours  de  vacances. 

4.  Suivant  Manu,  4,  113,  oti  il  faut  prendre  le  terme  ashtakâ  dans  le  sens 
d'ashtamî,  ainsi  qu'il  ressort  du  vs.  128  et  de  Yajnavalkya,  1, 146  ;  le  commen- 
taire le  comprend  de  la  même  façon. 

5.  Âpastamba,  1,  3,  9,  28  et  la  note  de  Bùhler,  dans  Sacred  Books  of  the  Easl, 
II,  36. 

6.  Gautama,  16,  36. 


LE    SANGHA  225 

Prâtimoksha.  *  Quant  aux  deux  jours  de  repos  lors  de  la  nou  207 
velle  lune,  on  peut  les  considérer  comme  le  dédoublement 
d'une  date.  Le  jour  de  la  conjonction,  la  vieille  June  rencon- 
tre la  nouvelle  *  ;  de  là  vient  que  le  sacrifice  qui  se  célèbre 
ce  jour-là  est  dit  avoir  lieu  à  la  fin  de  la  moitié  (obscure) 
de  la  lune,  tandis  que  la  lune  est  alors  darça^  à  peine  visible. 

C'est  cette  double  nature  du  jour  darça  qui  a  donné  pro- 
bablement lieu  à  l'expression  n  le  quatorzième,  quinzième 
jour  »,  si  mal  comprise  de  certains  moines.  On  n'a  aucune  rai- 
son de  supposer  que  lenombre  des  dimanches,  chez  les  Boud- 
dhistes, ait  été  jamais  inférieur  à  quatre.  On  pourrait  plutôt 
supposer  le  contraire;  en  effet,  l'explication  donnée  par  le 
Maître  n'avait  évidemment  d'autre  but  que  d'empêcher  les 
disciples  de  célébrer  l'Uposatha  pendant  deux  jours  lors  de 
la  nouvelle  et  deux  jours  lors  de  la  pleine  lune,  au  lieu  de 
se  borner  à  un  jour  à  chacune  de  ces  dates  \ 

L'Uposatha  est  un  jour  de  repos  :  le  commerce  et  l'indus- 
trie s'arrêtent;  la  chasse  et  la  pêche  sont  interdites^;  les  • 
écoles  et  les  tribunaux  ferment.  C'est  aussi  d'après  une  vieille 
tradition*,  un  jour  de  jeûne;  celui  qui  célèbre  strictement  le 
sabbat,  après  avoir  déjeuné  de  grand  matin,  s'abstiendra  de 
prendre  de  la  nourriture  depuis  le  lever  jusqu'au  coucher  du 
soleil;  il  est  défendu  de  faire  la  cuisine  le  jour  du  sabbat, 
de  sorte  que  la  nourriture  qu'on  prend  de  grand  matin  ou 
dans  la  soirée  doit  avoir  été  préparée  la  veille. 

Dès  que  le  laïque  a  mis  de  grand  matin  son  habit  du 
dimanche  et    qu'il  a  mangé   quelque    chose,  il    quitte   sa 

1 .  Comparer  Texpression  grecque  svtj  xal  vsa,  «  vieille  et  jeune  ». 

2.  FaHian  {Travels,  155)  parle  du  «  8^,  14^  et  15'  jour  du  mois.  »  Ceci  est 
évidemment  un  lapsus  (quelqu'en  soit  l'auteur)  pour  «  moitié  du  mois  ».  Le 
Mahâ-V.,  livre  canonique  bien  antérieur  à  l'arrivée  de  Fa  Hian  à  Ceylan,  ne 
parle  même  pas  de  mois. 

3.  Dans  l'édit  cité  plus  haut  d'Açoka,  on  trouve  la  défense  de  tuer  et  de 
vendre  le  poisson  les  jours  de  sabbat  et  de  fête  ;  il  est  également  défendu  de 
tuer  ces  jours-là  d'autres  animaux. 

4.  Comp.  Çatapatha-Brâhmana,  9,  5,  1,  6. 

Tome  II.  Il 


226  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

demeure,  et  va  visiter  un  moine  ou  une  religieuse,  ou  bien 
un  laïque  connaissant  les  Écritures,  afin  de  lui  faire  savoir 
qu'il  veut  faire  le  vœu  de  respecter  les  commandements. 
Après  avoir  récité  la  triple  formule  du  Credo  et  les  cinq  com- 
mandements, ou  bien,  s'il  veut  se  conduire  d'une  façon  par- 
208  ticulièrement  méritoire  *,  les  huit  commandements,  il  revient 
chez  lui,  afin  de  passer  la  journée  dans  des  méditations 
pieuses,  ou  bien  il  va  assister  à  la  prédication  \ 

L'assistance  au  sermon  est  un  acte  très  méritoire.  Le  Bud- 
dha  y  attachait  tant  d'importance,  que,  comme  on  se  rappelle, 
il  quitta  expressément  le  Pic  du  Yautour,  afin  de  démontrer 
à  Kappina  le  Grand  que  nul  ne  devait  se  croire  affranchi  de 
cette  obligation,  et  que  les  Brahmanes,  à  cet  égard,  devaient 
donner  l'exemple. LesSinghalaiSjChezquisurvitencorel'esprit 
du  Bouddhisme  primitif,  disent  que  la  récompense  d'une  célé- 
bration convenable  du  sabbat  consiste  en  16  points,  dont  cha- 
cun est  partagé  en  16  subdivisions,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à 
•ce  que  le  mérite  soit  partagé  en  16xl6X  16  subdivisions  ^ 
Le  sermon  ou  la  prédication  de  l'Ecriture  ^  était  autrefois, 
autant  qu'on  peut  savoir,  exclusivement  l'œuvre  des  moines, 
Aujourd'hui,  à  Ceylan,  il  arrive  assez  souvent  que  des 
laïques  vont  de  maison  en  maison,  pour  lire  à  haute  voix  de 
petits  traités  en  langue  vulgaire.  En  Birmanie  également, 
il  arrive  parfois  que  des  laïques  fassent  fonction  de  prédi- 
cateurs *.  Dans  le  Népal,  oii  l'ordre  monastique  a  depuis 
longtemps  cessé  d'exister,  tous  les  prédicateurs,  nommés 
Vajrâcâryas,  sont  laïques  et  mariés. 

L'époque  spécialement  destinée  à  la  prédication  est  la  sai- 
son des  pluies.  D'après  FaHian  \  c'était  l'habitude  à  Mathurâ, 


1.  Hardy,  E.  M.  237. 

2.  Hardy,  £.  itf.  240. 

3.  Connue  chez  les  Singhalais  sous  le  nom  de  bana^  pâli  bhâna^  d'où  bhâna'- 
vâra,  chapitre  de  l'Écriture  Sainte  (proprement  «  tour  de  prédication  »). 

4.  Hardy,  E.  M.  235. 

0.  Traduction  de  Legge,  p*  45. 


LE  SANGHA  227 

que  les  familles  pieuses  et  notables  invitassent  les  religieux, 
dans  le  premier  mois  après  le  temps  de  retraite,  à  commen- 
cer leur  œuvre  pastorale.  Les  vénérables  Seigneurs  organi- 
saient alors  un  grand  repas  en  commun,  et  tenaient  une 
grande  réunion  pour  ouvrir  la  période  de  la  prédication.  A 
la  fin,  on  se  rendait  au  Stûpa  de  Çaripûtra  *,  le  patron  des  209 
moines  *,  afin  d'offrir  des  fleurs  et  des  parfums,  et  le  soie,  il  y 
avait  grande  illumination.  Ce  que  le  voyageur  dit  deMathurâ 
était  sans  doute,  en  ce  qui  concerne  l'essentiel  des  cérémonies, 
vrai  de  l'Inde  en  général,  et  concorde  avec  les  usages  obser- 
vés encore  aujourd'hui  à  Ceylan,  comme  nous  verrons  tantôt. 

Si  le  sabbat  hebdomadaire  est  un  jour  de  repos  et  dedélas- 
ement  pour  le  peuple,  cela  est  encore  plus  vrai  des  grandes 
fêtes,  qui  sont  des  Uposathas  en  grand.  Les  anciens  Indiens 
déjà  avaient  trois  grandes  fêtes,  placées  au  début  des  trois 
périodes  de  quatre  mois  dans  laquelle  est  partagée  l'année. 
Ces  trois  dates,  célébrées  par  des  offrandes,  tombaient  les 
jours  de  pleine  lune  de  Phâlguna,  d'Âshâdha  et  de  Kârttika; 
parfois  un  mois  plus  tard,  en  Caitra,  Çrâvana  et  Mârgaçir- 
sha  ^  Ces  trois  fêtes  étaient  destinées  à  inaugurer  le  prin- 
temps, la  saison  des  pluies  et  l'hiver. 

On  retrouve  ces  fêtes  chez  les  Bouddhistes  ^]  ils  ont  con- 
servé fidèlement  la  division  rituelle  de  Tannée;  du  moins  ils 
partagent  eux  aussi  l'année  ecclésiastique  en  trois  saisons  : 
hiver,  été  et  saison  des  pluies  ''.  Une  source  chinoise  du  sep- 
tième siècle  fixe  autrement  l'ordre  des  saisons,  mais  s'accorde 
pour    le    reste  avec    les  autres  renseignements.  Elle  dit  : 

1.  D'ordinaire,  c'est  Pûrna-Maitrâyanîputra  qui  est  nommé  comme  le  plus 
grand  prédicateur  d'entre  les  Disciples,  voir  Lo^w5,  121;  Dîpav.  4,  4. 

2.  Âryavidyâsudliâkara^  69l 

3.  On  les  retrouve  aussi  dans  l'édit  d'Açoka,  cité  plus  haut,  qui  men- 
tionne en  outre  comme  grande  fête  la  pleine  lune  en  Pausha  ;  à  cette  date  se 
termine  le  cours  des  études  védiques,  et  il  y  a  quelques  jours  de  vacances,  des 
vacances  de  Noël  comme  nous  dirions;  Manu,  4,  97,  Âpastamba,  1,  3,  10,  2; 
comp.  plus  haut  la  note  p.  139. 

4.  Burnout",  Introd.^  569. 


228  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

((  D'après  la  sainte  doctrine  du  Tathâgata  une  année  se  com- 
pose de  trois  saisons:  du  16*  du  premier  mois  jusqu'au  15* 
du  cinquième  mois,  c'est  la  saison  chaude;  du  16®  du  cin- 
quième mois  jusqu'au  15®  du  neuvième,  c'est  la  saison  des 
pluies;  du  16^  du  neuvième  mois  jusqu'au  15'  du  premier 
mois,  c'est  l'hiver  '\  » 
210  *  Au  milieu  de  Kârttika  commence  pour  le  moine  une  nou- 
velle période,  le  temps  de  retraite,  qui  met  fin  au  cours  des 
études  annuelles.  La  clôture  solennelle  du  temps  de  retraite, 
connu  sous  le  nom  de  Pravârana  (en  pâli  :  Pavàranâ)  se  fait, 
d'après  les  prescriptions,  sur  la  proposition  d'un  moine  doué 
du  talent  de  la  parole,  dans  une  réunion  capitulaire  de  cinq 
personnes  au  moins.  La  proposition  est  suivie  par  une  de- 
mande de  décharge  d'un  Ancien,  soutenue  par  un  moine  plus 
jeune.  Pour  tout  le  reste,  la  cérémonie,  pavârana-kammay  a 
la  forme  traditionnelle  que  nous  connaissons  déjà. 

Le  jour  qui  termine  l'année  ecclésiastique  et  en  ouvre  une 
nouvelle  est  en  môme  temps  un  Uposatha,  et  l'on  récite  le 
règlement.  C'est  une  grande  fête  pour  tous  :  on  distribue  le 
Kathina  à  la  Congrégation;  les  moines  reçoivent  des  invita- 
tions à  dîner  ;  le  public  s'amuse  en  organisant  des  processions 
pendant  le  jour  et  des  illuminations  pendant  la  nuit. 

Sauf  une  légère  différence  dans  la  date,  cette  fôte  de  Kârt- 
tika correspond  entièrement  à  la  «  fête  des  lampes  »,  Dipâlî 
(en  hindi  :  Dîvâlî)  des  Hindous  *.  Dans  l'Hindouslan  propre- 
mentdit,  on  la  célèbre  le  premier  jour  de  lanouvelle  lune  en 
Kârttika;  chez  les  Mahrattes  pendant  les  deux  derniers  jours 
d'Âçvina  et  le  premier  de  Kârttika  ;  chez  les  Tamils,  le  4'  jour 
après  la  pleine  lune  d'Açvina;  ^  dans  les  sources  sanscrites 

5.  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  63. 

1.  Appelée  aussi  en  sanscrit  Dîpotsava  et  Dîpânvitâ;  en  mahrate  :  Divâli;  en 
tamil  on  trouve  les  formes  corrompues  Tibâvalî,  Tîvâlî. 

2.  Winslow,  Tajnil  Dict.  i.  v.  Les  Mahrattes  ont  une  seconde  fête  des 
lampes,  un  mois  après  la  première.  Dans  le  Népal  on  célèbre  la  fête  le  13  Kârt- 
tika ;  Wright,  Hist.  of.  N.  39.—  Sur  la  fête  des  lanternes  au  Tibet,  voir  Wad- 
dell,  o.c.  511. 


LE  SANGHA  229 

on  fixe  la  date  de  la  célébration  aussi  bien  à  la  nouvelle  lune 
de  Kârttika  qu'à  celle  d'Açvina.  La  façon  dont  les  flindous 
célèbrent  la  Dîpâlîest  à  peu  près  partout  la  même.  De  grand 
matin,  après  s'être  baignés  dans  le  Gange  ou  dans  une  autre 
rivière,  ils  mettent  leurs  plus  beaux  habits,  font  une  liba- 
tion aux  mânes  des  ancêtres,  et  honorent  le  soir  la  déesse 
Çrî  (la  Fortune),  l'épouse  de  Vishou,  le  Dieu  qui,  le  jour  de 
la  fête,  a  vaincu  le  démon  Naraka  («  fils  de  Fenfer  »)  *  et  211 
ramené  ainsi  dans  l'univers  la  lumière  et  la  vie.  Le  soir,  on 
allume  dans  les  maisons,  les  rues  et  les  places  publiques,  des 
lampes  et  des  lanternes,  afin  de  transformer  la  nuit  en  jour. 
Les  gens  manifestent  leur  allégresse  de  bien  des  façons, 
mais  on  voit  peu  de  traces  de  cette  joie  brutale  et  grossière 
qu'on  remarque  trop  souvent  en  Europe,  dans  les  fêtes  popu- 
laires analogues.  Il  est  vrai  que  bien  des  flindous,  ce  jour- 
là,  honorent  la  Fortune  d'une  façon  peu  louable  en  s'adonnant 
aux  jeux  de  hasard.  Chez  les  Tamils,  on  trouve  l'usage  re- 
marquable d'allumer  les  lampes  dès  le  matin  :  on  honore 
ainsi  Vishnu  qui  s'éveille  de  son  sommeil  et  revient  à  la  vie. 
On  célèbre  le  retour  de  la  Grande  Lumière,  et,  du  point  de 
vue  bouddhique,  le  retour  du  Maître  revenant  des  Champs 
Elysées. 

Tandis  que  le  nouvel  an  ecclésiastique  est  fêté  par  les 
Bouddhistes  méridionaux  le  jour  de  pleine  lune  de  Kârttika, 
ceux  du  Nord,  au  moins  au  vii^  siècle,  le  célébraient  le  jour 
de  la  nouvelle  lune,  comme  laDîvâlî*.  Le  même  auteur  chi- 
nois à  qui  nous  devons  ce  renseignement,  nous  apprend 
que,  le  jour  de  la  clôture  du  temps  de  retraite,  c'était  une 
habitude  que  les  religieux  et  les  laïques  visitassent  la  localité 
sacrée  de  Gayâ  :  ils  en  revenaient  après  avoir  déposé  leurs 
offrandes  et  y  avoir  séjourné  pendant  une  ou  deux  nuits  ^ 

Près  de  cette  même  localité  de  Gayâ,  on  célébrait,  à  la 
date  du  Nirvana,  une  grande  fête  de  l'Arbre.  Le  Pipai  sacré, 

1.  Voir  plus  haut,  p,  41.  p 

2.  Voy.  des  Pèl.,  B.  II,  459, 


230  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

qui,  à  ce  momojit,  changeait  de  feuilles,  était  alors  l'objet 
des  hommages  des  princes  et  des  bourgeois,  des  religieux 
et  des  laïques,  qui  s'étaient  réunis  de  près  et  de  loin.  On 
arrosait  l'arbre  d'eau  et  de  lait  parfumés,  une  musique 
mélodieuse  se  faisait  entendre,  de  longues  rangées  de  cierges 
odoriférants  et  de  torches  ornées  de  fleurs  remplaçaient  la 
lumière  du  jour,  et  chacun  s'empressait  d'apporter  des 
offrandes  ^.  Gomme  on  n'était  pas  d'accord  sur  la  date  du 
212  Nirvana,  —  *  quelques-uns  le  mettaient  le  8^  jour  après  la 
pleine  lune  en  Kârttika,  d'autres  le  dernier  de  Vaiçâkha  \ 
' —  il  nous  est  difficile  de  décider  à  laquelle  des  deux  dates 
il  faut  rapporter  la  fête  de  l'Arbre.  On  peut  dire  seulement 
que  le  changement  des  feuilles  indique  un  renouvellement 
delà  nature,  un  nouvel  an.  De  même,  les  fêtes  que  les  Mallt^s 
de  Kusinârâ  célébrèrent  après  le  Nirvana  du  Tathâgata,  en 
jouant  de  la  lyre,  en  chantant,  en  dansant,  semblent  se  rap- 
porter bien  plus  à  une  solennité  joyeuse  qu'à  un  événement 
funèbre  "^ 

La  fête  indienne  du  printemps,  Holi,  sanscr.  ïïolâkâ, 
appelée  aussi  Dolotsava,  peut  être  décrite  d'un  mot  :  elle 
Ressemble  exactement  à  un  mardi-gras  européen,  aussi  par 
la  libre  gaieté  et  la  folle  joie  ^  On  la  fête  lors  de  la  pleine 
lune  de  Phâlguna  (mars),  c'est-à-dire  qu'elle  coïncide  avec 
de  commencement  d'une  des  trois  périodes  de  quatre  mois 
(Câturmâsyas).   En  pays  tamil,    on   appelle    la   fête    ordi- 

[    3.  Voy.  desPèl.B.  II,  462. 

1.  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  335.  Une  troisième  opinion  est  celle  des  Bouddhistes 
méridionaux,  d'après  lesquels  cet  événement  avait  eu  lieu  le  jour  de  pleine 
lune  de  Vaiçâkha,  de  grand  matin;  Sutta-V.,  1,283. 

•  2.  Tome  I,  p.  228,  —  Fa  Hian  [Travels,  159)  raconte  qu'un  roi  de  Ceylan, 
après  la  mort  d'un  Saint  terrestre,  «  consulta  immédiatement  l'Écriture,  afin 
de  savoir  comment' les  cérémonies  funéraires  devaient  avoir  lieu  conforme- 

^metitaux  règles  fixées  pour  les  Saints.  »  Ce  détail  prouvé  bien  que  les  céré- 
monies joyeuses  célébrées  lors  du  Nirvana  du  Tathâgata  n'étaient  nullement 
habituelles . 

3.  Une  bonne  description  de  cette  fête  se  trouve  dans  Wilson,  Works,  II, 
222;  comparer,  pour  d'autres  sources,  la  note  de  l'éditeur,  le  D""  Rost,  p.  ,236, 


LE  SANGHA  231 

nairement  Kâma-dahana,  c'est-à-dire  combustion  du  dieu 
de  l'Amour  :  ce  nom  rappelle  que  Kâma,  accompagné  du 
Printemps  et  de  Zéphyr,  avait  une  fois,  lors  du  réveil  de  la 
nature,  essayé  de  troubler  Çiva  dans  ses  exercices  ascétiques, 
mais  qu'il  fut  lamentablement  consumé  par  le  feu  en  pu- 
nition de  cette  tentative  audacieuse.  A  cette  combustion 
de  Kâma  se  rattache  très  étroitement  l'usage,  observé  dans 
l'Hindoustan  et  dans  le  Bengale,  de  livrer  aux  flammes 
une  Holikâ,  «  poupée  en  paille  *.  »  En  langage  bouddhique, 
«  combustion  de  Kâma  »  se  dirait  «  destruction  de  Mâra  »  ; 
car  Kâma  et  Mâra  *  sont  considérés  comme  synonymes,  et  213 
dahana  signifie  aussi  bien  «  destruction  »  que  «  combustion  ». 
La  destruction  mémorable  de  Mâra,  à  la  suite  de  laquelle 
le  Gotamide  devint  Buddha,  est  fêtée  annuellement  partons 
les  Bouddhistes,  en  mars  ou  avril  par  ceux  du  Midi,  un  peu 
plus  tôt  par  ceux  du  Nord.  Le  nom  de  la  fête  est,  à  Ceylan, 
Avarudu;  dans  l'Indo-Chine,  Sonkran,  une  corruption  du 
sanscrit  sankrânti^  c'est-à-dire  entrée  du  soleil  dans  un  signe 
du  zodiaque  (le  Bélier  *).  Ce  dernier  nom  suffit  pour  démon- 
trer l'origine  hindoue,  ou  si  l'on  veut  brahmanique,  de  la 
fête  du  printemps  au  Siam,  car  le  mot  est  sanscrit,  tandis 
que  la  langue  ecclésiastique  de  l'Indo-Chine  est  le  pâli  ;  en 
outre,  le  zodiaque  n'a  été  emprunté  par  les  Indiens  aux 
Grecs  que  longtemps  après  Alexandre  te  Grand.  Il  importe 
peu  que  les  Siamois  aient  emprunté  leur  fête  du  printemps 
directement  aux  Hindous  de  l'Inde  Antérieure,  ou  à  Tan- 


4.  De  là  le  nom  de  la  fête,  qui  se  trouve  déjà  dans  le  plus  ancien  commen- 
taire du  Jaimini-Sûtra.  Holâka  dans  le  sens  d'un  feu  de  fumier  se  trouve 
dans  Caraka.  Dolotsava  signifie  «  fête  du  renversement,  changement  de  la  sai- 
son »  ;  dolâ  signifie  aussi  «  balançoire,  balancement  »  ;  en  eff'et,  on  se  balance 
beaucoup  à  cette  fête,  mais  il  est  évident  que  tout  autre  jour  de  Tannée  serait 
tout  aussi  propre  à  cet  amusement,  qui  n'est  autre  chose  que  la  représentation 
symbolique  du  renversement  (ou  changement)  de  la  saison.  L'usage  est  an- 
cien, et  86  trouve  déjà  mentionné  dans  le  drame  Mâlavikâ,  3*  acte. 

1.  Davy,  Account  of  ihe  interior  of  Ceylon^  169;  Pallegoix,  Descriplion  dxi 
royaume  de  Siam,  I,  249, 


232  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

cienne  population  çivaïte  du  Cambodge  :  leur  fête  est  hin- 
doue, non  bouddhique.  Il  en  est  de  même  dans  d'autres  parties 
de  rindo-Chine  :  au  Pegu,  on  donne  lors  de  cette  fête  des  re- 
présentations mimées  de  la  lutte  entre  Rama  et  Râvana, 
comme  dans  l'flindoustan  ^ 

Sept  semaines  après  la  pleine  lune  do  Phâlguna,  la  ^^  de 
la  moitié  lumineuse  du  mois  de  Yaiçâkha,  les  anciens  Indiens 
célébraient  une  grande  fête  du  Soma  [sattra  ^),  qui  durait 
jusqu'à  la  pleine  lune  de  Yaiçâkha.  Cette  dernière  date  coïn- 
214  cide  avec  une  grande  fête  des  Vishnouïtes\  à  laquelle  *  répond 
entièrement  la  Yaiçâkha-pûjâ  (corrompue  en  Yisakha-buxa) 
au  Siam,  et  la  Yesâkha-pûjâ  célébrée  autrefois  à  Ceylan  *. 
Chez  les  Bouddhistes  méridionaux  on  fixe  à  cette  date  le  jour 
de  la  naissance  et  celui  de  la  mort  du  Seigneur  ^  On  peut  se 
demander  s'il  y  a  quelque  rapport  entre  la  Yaiçâkha-pûjâ  et 
la  fête  de  la  «  Procession  des  statues  »,  qu'on  célébrai'' 
annuellement  le  8'  jour  du  deuxième  mois  à  Pâtaliputra' 
ainsi  que  nous  Fapprend  Fa  Hian  ^  Si  l'on  admet  que  le  voya- 
geur a  voulu  indiquer  le  second  mois  du  calendrier  boud- 
dhique, la  procession  avait  lieu  le  8  Yaiçâkha,  c'est-à-dire 
qu'elle  ne  coïncidait  pas  avec  l'une  des  dates  mentionnées 
plus  haut.  Mais  la  différence  est  petite  et  peut  être  la  consé- 


2.  Koeppen,  Rel.  d.  B.  573,  fait  la  remarque  que  la  victoire  de  Râma  «  peut 
être  considérée  aussi  au  point  de  vue  brahmanique  (l'auteur  veut  dire  :  hin- 
dou) comme  le  triomphe  du  bon  principe  sur  le  mauvais  ».  Naturellement, 
tous  les  mythes  possibles  dans  lesquels  on  décrit  la  victoire  de  la  lumière  sur 
l'obscurité  peuvent  servir  de  texte  pour  un  sermon  ;  mais  cela  n'empêche  pas 
que  le  mythe  de  Râma  et  le  mythe  de  Buddha  ne  soient  différents  ;  le  dernier 
mythe  est  bouddhique,  le  premier  ne  Test  'pas. 

3.  Kâtyâyana-Çrautasûtra.,  24,  7,  1. 

4.  Pâncarâtra^  2,  7,  38,  où  nous  lisons  :  «  Se  baigner  en  des  lieux  sacrés  et 
distribuer  des  aumônes  lors  de  la  pleine  lune  des  mois  Âshâdha,  Kârttika, 
Mâgha  et  Yaiçâkha  est  un  excellent  moyen  pour  atteindre  la  béatitude  su- 
prême. » 

1.  Pallegoix,  Descript.,  p.  c;  Dipâv.  21,  28:  22,  60  ;  Mahâvamsa,  212,  222. 

2.  D'après  Lalita-V.  62,  le  15  Yaiçâkha  est  le  jour  de  la  conception. 

3.  Travels,  106. 


LE  SANGHA  233 

quence  de  faits  locaux.  Quoiqu'il  en  soit,  la  description  qu'on 
donne  de  la  procession  des  statues  montre  que  c'était  une 
fête  très  importante.  On  employait  pour  la  cérémonie  plu- 
sieurs chars  à  quatre  roues,  chacun  orné  d'une  tour  de 
cinq  étages  ^  :  cette  grande  carcasse  était  faite  en  bambou. 
Pour  la  consolider,  il  y  avait  au  milieu  un  axe  vertical,  cou- 
ronné d'un  ornement  en  forme  d'une  lance  à  trois  pointes 
(donc,  un  trident).  Cette  tour,  semblable  à  un  Dagob,  était 
recouverte  de  toile  blanche,  sur  laquelle  on  peignait  ensuite 
toutes  sortes  d'images  en  vives  couleurs.  Après  avoir  sculpté 
des  images  des  dieux  et  les  avoir  ornées  d'or,  d'argent  et  de 
lapis-lazuli,  on  les  mettait  sous  des  dais  de  soie  brodée.  Aux 
quatre  coins  on  plaçait  des  statues  représentant  le  Buddha 
assis,  avec  des  Bodhisatvas  qui  l'accompagnaient.  Il  y  avait 
peut-être  vingt  de  ces  chars  qui  faisaient  solennellement 
leur  entrée  dans  la  ville,  entourés  de  moines  et  de  laïques. 
On  avait  préparé  toutes  sortes  de  jeux  et  d'amusements  pour 
le  peuple,  tandis  que  les  religieux  offraient  des  fleurs  et  de 
l'encens.  Les  Brahmacârins  eux-mêmes  ne  négligeaient  pas 
d'offrir  leurs  hommages  à  chaque  statue  du  Buddha  qui  pas- 
sait. Pendant  toute  la  nuit,  la  foule  faisait  brûler  des  lampes, 
s'amusant  de  jeux  divers  et  apportant  des  offrandes.  —  *  Fa  215 
Hian  assista  à  une  fête  semblable,  mais  célébrée  à  une  autre 
date,  du  1  au  15  du  4^  mois,  dans  le  pays  de  Kia-cha  *. 

On  s'attendait  à  ce  que  les  Bouddhistes,  au  moins  ceux  du 
Nord,  eussent  célébré  une  fête  dans  le  courant  de  la  pre- 
mière semaine  après  la  défaite  de  Mâra  et  de  sa  suite,  car 
dans  cette  semaine,  qui  se  terminait  le  49^  jour  après  que 
Çâkya  eut  reçu  la  dignité  de  Buddha,  eut  lieu  la  mémorable 


4.  Donc,  un  Paiicaprâsâda. 

1.  Forme  donnée  par  Beal  Travels^  9.  Legge,  o.  c.  18  lit  K'ech-ch'd  ;  comp.  sa 
note.  —  L'apparence  bouddhique  donnée  par  le  voyageur  chinois  à  la  proces- 
sion de  Pâtaliputra  est  très  suspecte  :  nous  savons  par  lui-même  que,  de  son 
temps,  il  n'y  avait,  dans  cette  ville,  que  deux  couvents,  avec  une  population 
totale  de  6  à  700  moines,  nombre  absolument  insignifiant. 


234  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

conversion  des  deux  premiers  laïques^  Trapusha  et  Bhallika  ^ 
Cependant,  nous  n'avons  aucune  preuve  de  la  commémora- 
tion des  deux  marchands  lors  de  la  Yaiçâkha-pûjâ.  Une  sou- 
venance vague  de  la  fête  védique  du  Soma,  qui  était  un 
Tiirâyana^  a  été  peut-être  conservée  dans  le  nom  de  l'arbre 
sous  lequel  le  Buddha  a  passé  la  septième  semaine,  c'est-à- 
dire  Târâyana  ^  Les  Tibétains  expliquent  Târâyana  comme 
arbre  «  du  salut  »  ;  on  peut  aussi  exprimer  cela  par  les  mots 
pârâyana  ou  parâyana^  et  ce  mot  est  déclaré  expressément 
synonyme  de  Turâyana,  de  sorte  que  la  ressemblance,  frap- 
pante à  première  vue,  de  Târâyana  et  Turâyana  n'est  proba- 
blement pas  fortuite  \ 

L'ancienne  fête,  célébrée  lors  de  la  pleine  lune  d'Âshâdha 
est,  encore  de  nos  jours,  une  grande  solennité,  surtout  pour 
les  Vishnouïtes.  Chez  les  fils  de  Çâkya,  cette  date  devait  être 
doublement  sacrée,  d'abord  parce  que  c'est  à  ce  moment  que 
le  Maître  prononça  son  premier  sermon,  au  sujet  du  chemin  du 
juste-milieu,  et  ensuite  parce  que  c'est  le  commencement  des 
quatre  mois  que  dure  la  retraite.  En  effet,  c'est  alors  qu'on 
célèbre  au  Siam  la  fête  Khoo-Yasa  %  et  à  Ceylan  la  fête  nom- 
mée Perra-herra  ou  Aehala-Keliya,  c'est-à-dire,  jeu  d'Ashâ- 
216  dha  *.  C'est  la  fête  principale,  la  plus  magnifique  de  toutes 
celles  qu'on  célèbre  à  Ceylan;  il  est  d'autant  plus  étrange, 
semble-t-il,  qu'on  ne  la  célèbre  nullement  en  l'honneur  du 

2.  La  tradition  septentrionale  [Lalita-V.  493)  s'accorde,  à  cet  égard,  avec  l'in- 
troduction du  80e  Jâtaka.  Le  Mahâ-V.,  s'écartant  de  ces  deux  sources,  place 
l'événement  dans  la  quatrième  semaine. 

3.  La  tradition  méridionale  nomme  l'arbre  Râjâyatana,  dont  les  synonymes 
sont  Khîrapâla,  singh.  Kiripalu.  Râjâyatana  repond  ou  sanser,  î'o/a/ana,  râjâ- 
dana;  cette  dernière  forme,  comme  râjâdanî,  désigne  plusieurs  essences 
d'arbres,  et  est,  en  tout  ou  en  partie,  synonyme  de  Kshîravrksha,  «  arbre  à 
lait  »  ;  de  même  dans  Lalita-V.,  p.  c,  le  Târâyana  est  mis  en  rapport  immédiat 
avec  la  Kshîrikâ. 

4.  Il  reste  encore  à  examiner  pourquoi  on  a  pris  un  des  nombreux  arbres 
qui  sont  appelés  «  riches  en  lait  »  et  râjâdana  pour  en  faire  le  signe  distinctif 
delà  septième  semaine. 

5.  Pallegoix,  p.  c. 


LE  SANGHA  235 

Buddha,  mais  en  celui  de  Vishnu,  qui,  d'après  quelques-uns, 
serait  né  ce  jour-là  ^  Gomment  les  Singhalais,  si  irréprocha- 
blement orthodoxes,  ont-ils  eu  l'idée  de  fêter  Yishnu  ?  voilà 
ce  qu'on  est  en  droit  de  se  demander.  Dans  toute  la  légende, 
-Yishriu  ne  figure  pas  une  seule  fois  comme  personnage  agis- 
sant; il  n'est  pas  même  nommé,  sauf  dans  des  comparaisons, 
et  alors  même  on  le  désigne  par  un  synonyme.  D'où  vient  cette 
hésitation  à  nommer  l'aimable  Dieu  du  jour  ?-  La  même  ré- 
pugnance se  retrouve  d'une  façon  frappante  dans  le  Lotus.  Là, 
dans  la  scène  par  laquelle  le  livre  s'ouvre,  Çâkyamuni  trône 
dans  toute  sa  majesté  sur  le  Pic  du  Vautour,  entouré  de  Dis- 
ciples, de  Bodhisatvas,  d'hommes,  de  démons,  de  Nâgas, 
d'anges  de  différentes  sortes  et  classes,  et  aussi  de  dieux 
supérieurs,  comme  Indra,  le  Soleil,  Brahma  et  Çiva;  mais  le 
nom  de  Yishnu  n'est  pas  prononcé.  Gomme  Bhagavân  Vishnu 
ne  pouvait  être  inconnu  aux  auteurs  du  livre,  il  doit  ou  bien 
être  présent  sous  un  autre  nom  dans  l'assemblée  générale 
du  Pic  du  Vautour,  sous  le  nom  du  Soleil  ou  d'Indra  par 
exemple,  ou  bien  être  identique  à  Bhagavân  Çâkyamuni  lui- 
même.  Quand  on  tient  compte  du  fait  que  la  fête  la  plus  con- 
sidérable de  Geylan,  celle  qu'on  célèbre  le  jour  du  premier 
sermon,  lorsque  le  Dharma  fut  mis  en  mouvement,  n'a  pas 
lieu  en  honneur  du  Gotamide,  mais  de  Vishnu,  on  comprend 
ce  qui  en  est.  La  fête  la  plus  solennelle  du  Bouddhisme  n'est 
pas  bouddhique,  môme  de  nom;  et  il  n'est  pas  même  néces- 
saire qu'elle  le  soit,  car  Buddha  et  Vishnu  sont  identiques, 
ou,  plus  exactement,  le  premier  n'est  qu'une  manifestation, 
une  partie  du  second,  et  à  certains  égards  moins  vaste,  donc 
moins  sacré. 

Ce  qui  distingue  la  fête  de  Vishnu  qu'on  célèbre  à  Geylan 
de  la  fête  analogue  dans  l'Inde,  c'est  surtout  que  la  première 
coïncide  avec   l'ouverture  des  prédications  populaires.  Un 

1.  \)acvy y  Account,  170. 

2.  La  statue  de  Vishnu  est  cependant  placée,  dans  les  temples  de  Ceylan,  à 
côté  de  celle  du  Bu4dha,  et  le  dieu  lui-même  est  protecteur  de  l'Ue  :  Mahàv.^  52. 


236  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

témoin  compétent  ^  donne  une  description  animée  des  prédi- 
cations et  des  fêtes  pendant  le  temps  de  retraite  des  moines, 
que  nous  reproduisons  en  l'abrégeant  un  peu. 
217  *  La  saison  des  pluies,  vassa^  est  l'époque  oii  les  religieux 
prêchent  l'Ecriture  au  peuple.  L'endroit  oii  se  font  les  pré- 
dications, appelé  Banamaduva  (salle  oii  l'on  prêche),  est  d'or- 
dinaire un  bâtiment  temporaire,  dont  le  toit  s'élève  en  forme 
de  terrasses  superposées  en  se  rétrécissant,  de  manière  à 
faire  escalier,  ainsi  qu'une  pagode  ou  une  pyramide  en  esca- 
lier. On  trouve  ces  édifices  sur  le  terrain  de  la  plupart  des 
Yihâras,  mais  on  les  élève  aussi  ailleurs  temporairement, 
d'après  le  désir  des  personnes  qui  les  font  construire,  afin 
d'accomplir  une  bonne  œuvre.  Au  milieu  de  la  nef  il  y  a  une 
sorte  d'élévation  où  les  moines  prennent  place,  tandis  que  le 
peuple  est  assis  tout  autour  sur  des  nattes.  Les  piliers  et  la 
toiture  sont  recouverts  de  toile  blanche  ;  on  y  voit  suspendues 
des  lampes  et  des  lanternes  de  papier  colorié,  en  grand 
nombre  et  de  formes  diverses.  On  croit  que  c'est  une  chose 
méritoire  si  les  auditeurs  tiennent  une  lampe  à  la  main  ou 
sur  la  tête,  tandis  que  les  moines  font  leur  lecture.  Les 
femmes  y  figurent  dans  leurs  plus  beaux  atours,  les  hommes 
sont  habillés  de  coton  blanc  comme  neige.  De  temps  en 
temps,  on  entend  des  coups  de  tamtam  ;  la  trompette  sonne; 
le  tapage  de  la  musique,  le  bruit  des  voix  humaines,  le 
retentissement  des  coups  de  fusil,  le  scintillement  des  lampes, 
tout  cela  fait  une  impression  peu  en  rapport  avec  l'endroit 
et  la  cérémonie.  Parfois  on  voit  des  troncs  d'arbres  dénudés, 
recouverts  d'un  tissu  argenté,  et  dont  les  branches  sont 
chargées  de  différents  ornements  qui  ressemblent  à  des 
bijoux.  Ces  troncs  doivent  représenter  l'arbre  Kalpa,  qui 
donne  tout  ce  qu'on  désire;  avec  cette  différence  que  ces 
arbres  sont  plutôt  faits  pour  recevoir  que  pour  donner,  étant 
destinés  à  recevoir  les  offrandes  des  fidèles.  Par-ci  par-là,  de 

3.  Hardy,  E.  M.  232. 


LE   SANGHA  237 

manière  à  attirer  l'attention,  est  placé  un  vase  de  cuivre,  qui 
reçoit  les  aumônes  de  la  foule. 

A  une  prédication  qui  eut  lieu  à  Pantura,  en  1839,  on 
comptait  près  de  cent  religieux  présents.  La  chaire  était  pla- 
cée sur  un  axe,  de  sorte  qu  elle  tournait  perpétuellement  en 
rond.  Pendant  la  nuit,  on  allumait  des  feux  d'artifice.  *  Une  218 
personne  qui  devait  représenter  un  messager  céleste,  était 
vêtue  comme  un  chef  haut  placé.  Il  était  introduit  par  deux 
hommes  en  habit  royal,  ayant  chacun  une  couronne  sur  la 
tête  et  une  épée  à  la  main.  Un  suivant,  richement  attifé, 
était  monté  sur  un  éléphant;  un  autre  était  à  cheval .  Cinquante 
hommes,  revêtus  d'uniformes  anglais,  tiraient  continuelle- 
ment des  coups  de  fusil. 

Le  milieu  de  la  nef  est  souvent  occupé  par  plusieurs  moines 
à  la  fois.  Un  d'eux  lit  un  morceau  de  l'Écriture,  d'un  ton  qui 
tient  le  milieu  entre  la  récitation  et  le  chant.  Parfois,  un 
moine  récite  le  texte  original  en  pâli,  tandis  qu'un  autre 
traduit  au  fur  et  à  mesure  ce  texte  en  langue  vulgaire,  mais 
c'est  rare,  le  plus  souvent,  on  ne  récite  que  le  Pâli,  de  sorte 
que  le  peuple  ne  comprend  rien  à  ce  qui  se  dit.  Beaucoup 
d'auditeurs  s'endorment;  d'autres  mâchent  tranquillement 
leur  bétel.  Si  l'on  voit  parfois  des  preuves  du  peu  d'intérêt 
qu'on  prend  l'objet  principal  de  la  cérémonie,  on  n'aperçoit 
nulle  part  des  traces  de  cette  brutalité  dont  fait  souvent 
preuve  un  public  aussi  mêlé  dans  des  pays  bien  plus 
civilisés.  Près  de  la  salle,  il  y  a  des  boutiques  et  des  éta- 
lages, oii  l'on  peut  acheter  des  fruits,  des  gâteaux  de  riz 
et  d'autres  friandises;  parfois  aussi  des  vêtements  et  de 
la  vaisselle.  De  malheureux  aveugles  et  boiteux  sont  assis 
le  long  du  chemin,  pour  recevoir  des  aumônes;  de  sorte 
que  la  fête  est  considérée,  à  la  fois  comme  une  occasion 
de  s'amuser  et  de  faire  de  bonnes  œuvres  :  on  peut  la 
comparer  à  une  kermesse.  Toutes  les  fois  que  le  prédica- 
teur prononce  le  nom  de  Buddha,  toute  l'assemblée  s'écrie, 
comme  d'une  seule  voix:  Sâdhu  !  (c'est-à-dire  :  c'est  bien). 


HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LlNDE 

—  C'est  le  soir  de  pleine  lune  que  le  sermon  est  le  plus 
couru. 

En  dehors  des  trois  fêtes  principales,  un  édit  d'Açoka, 
cité  plus  haut,  mentionne  encore  une  quatrième  fête,  lors  de 
la  pleine  lune  de  Pausha.  On  peut  comparer  à  cette  fête 
la  célébration  du  jour  le  plus  court  de  l'année,  au  moment 
où  le  soleil  entre  dans  le  signe  du  Capricorne  *.  Les  Boud- 
219  dhistes  *,  semble-t-il,  ne  célèbrent  pas  cette  fête,  au  moins 
en  tant  que  fête  religieuse.  Les  Singhalais  reconnaissent 
quatre  grandes  fêtes,  mais  la  quatrième,  Alutsaul  Mangale, 
n'a,  autant  que  nous  sachions,  aucune  signification  ecclésias- 
tique \  Au  Siam  aussi  on  célèbre  quatre  grandes  fêtes 
annuelles,  mais  aucune  de  ces  quatre  fêtes  ne  coïncide  avec 
la  fin  de  décembre  ou  le  commencement  de  janvier  ^  Les 
fêtes  des  Tibétains,  des  Chinois,  des  Mongols  et  des  Japonais, 
sont  en  dehors  de  notre  cadre,  quelque  important  que  soit  le 
sujet  en  lui-même. 

Parmi  les  fêtes  religieuses  célébrées  h  Ceylan,  il  faut 
compter  l'exposition  solennelle  de  la  dent  du  Buddha,  qui 
avait  lieu  le  15^  jour  du  troisième  mois.  Dix  jours  d'avance, 
dit  Fa  Hian  ^,  une  proclamation  était  lancée  par  le  roi,  afin 
de  préparer  le  peuple  à  cet  événement  important.  Un  per- 
sonnage apte  à  cet  office,  revêtu  d'habits  princiers,  faisait  le 
tour  de  la  ville,  assis  sur  un  éléphant  magnifiquement  har- 
naché, et  rappelait  au  peuple,  en  battant  la  caisse,  com- 
ment le  Bodhisatva,  pendant  d'innombrables  âges  du 
monde,  avait  accompli  de  grandes  œuvres  de  miséricorde, 
jusqu'à  ce  que,  devenu  Buddha,  il  proclama  la  Loi,  con- 
vertit l'humanité  et  la  délivra  de  la  misère  ;  comment, 
après  avoir  prêché  pendant  49  ans,  il  atteignit  le  Nirvana,  il 

1.  Wilson,  Works,  II,  158,  où  Ton  indique  les  points  de  ressemblance  entre 
la  fête  indienne  et  le  Jul  des  anciens  Germains. 

1.  Davy,  Account,  167. 

2.  Pallegoix,  Descr.,  p.  c. 

3.  Travelst  155  (Legge,  105). 


LE  SANGHA  »  $39 

y  a  1497  ans  \  Après  avoir  rappelé  ces  souvenirs,  on  an- 
nonçait que,  dans  dix  jours,  la  dent  du  Buddlia  serait  décou- 
verte et  transportée  au  Yihâra  d'Abhayagiri  ;  chacun  était 
invité  à  réparer  les  routes,  à  orner  les  rues  et  à  répandre  des 
fleurs.  iVprès  que  la  cérémonie  avait  été  ainsi  annoncée,  on 
plaçait  par  ordre  du  roi,  des  deux  côtés  de  la  grande  route, 
des  images  des  500  métamorphoses  du  Bodhisatva. 

*  Autrefois  chez  les  Bouddhistes  (au  moins  chez  ceux  du  220 
Nord)  c'était  l'usage  que  le  Roi  convoquât  tous  les  cinq  ans 
une  grande  assemblée,  d'ordinaire  dans  l'un  des  trois  pre- 
miers mois  de  l'année.  Déjà  à  l'époque  védique  les  Indiens 
connaissaient  le  lustre,  aussi  bien  que  les  Romains,  et  dans 
les  édits  d'Açoka  *  il  est^question  plus  d'une  fois  de  fonction- 
naires royaux  et  d'inspecteurs  d'affaires  ecclésiastiques,  qui 
parcourent  le  pays  tous  les  cinq  ans,  par  ordre  d'Açoka,  avec 
la  mission,  entre  autres,  de  cultiver  la  piété  chez  ses  sujets  ^ 

Les  renseignements  fournis  par  les  pèlerins  chinois  sont 
beaucoup  plus  détaillés,  et  surtout  beaucoup  plus  nets.  Du 
temps  de  Fa  Hian  le  trône  du  Kia-cha  était  occupé  par  un  roi 
orthodoxe,  qui  avait  l'excellente  habitude  de  convoquer 
l'assemblée  quinquennale,  Pan-che-yu-sse  ^  Les  religieux 
de  l'Eglise  universelle  étaient  invités  à  se  trouver  à  l'assem- 


4.  Le  pèlerin  reproduit  les  paroles-mêmes  du  héraut  et,  comme  le  remarque 
le  traducteur,  ce  nombre,  placé  ici  dans  le  texte,  doit  nous  étonner.  D'après  le 
calcul  des  Singhalais  en  effet,  il  n'y  avait  qu'un  intervalle  de  950  ans  environ 
entre  Tan  543  avant  J.-C,  date  officielle  du  Nirvana,  et  l'an  410  environ  après 
J.-C,  date  de  la  visite  de  Fa  Hian.  Comme  la  chronologie  singhalaise  était 
déjà  fixée  longtemps  avant  l'arrivée  de  Fa  Hian,  on  peut  supposer  que  quelque 
Chinois  aura  corrigé  la  leçon  originale,  pour  la  mettre  plus  d'accord  avec  la 
date  reconnue  en  Chine. 

i.  Edit  III  chez  M.  Senart,  Inscriplions  de  Piyadasi,  I,  74-92  ;  édit  spécial  de 
Dhauli  et  de  Jaugada,  pi.  VIII  et  IX  dans  Cunningham,  Corpus  Inscr. 

2.  La  traduction  du  terme  anusamyâna  donnée  par  M.  Senart  (p.  9)  nous 
semble  inadmissible,  vue  la  signification  du  sanscrit  anusamyâna  et  celle  du 
pâli  anusamyâti. 

3.  Corruption  du  sanscrit  pancavarsha,  pancavarsika,  dans  Dîvyâvadâna^ 
242,  398,  403,  419,  429,  où  Açoka  est  représenté  célébrant  la  fête. 


240  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

blée.  On  ornait  les  sièges  des  vénérables  seigneurs  de  dra- 
peaux de  soie  et  de  dais.  En  outre,  on  dressait  un  trône  élevé, 
orné  d'or  et  d'argent.  Le  roi  ouvrait  la  cérémonie  en  faisant 
des  offrandes,  en  même  temps  que  les  dignitaires  qui  raccom- 
pagnaient ;  puis  il  exhortait  ses  ministres  à  continuer  dans  le 
même  esprit  Fœuvre  pie.  Toutes  ces  cérémonies  occupaient 
quelques  journées.  Puis  le  roi  cédait  son  palefroi  ;  le  vizir  et 
les  grands  du  royaume  suivaient  son  exemple,  etdonnaient  par 
dessus  le  marché  aux  moines  des  étoffes  de  laine  blanche  et 
toutes  sortes  d'objets  précieux.  Tout  cela  était  donné  en  public, 
mais  seulement  pour  la  forme,  ou  plutôt  mis  en  gage  :  plus 
tard,  on  rachetait  ces  objets  aux  moines  contre  payement 
d'une  certaine  somme  ^.  ^ 

Le  compatriote  de  Fa  Hian,  qui  entreprit  deux  siècles 
221  plus  tard  le  pèlerinage  en  Terre  Sainte,  *  parle  souvent  de  ces 
assemblées  quinquennales,  auxquelles  il  donne  le  nom  de 
Grande  Assemblée  de  la  Délivrance  (ou  de  laRédemption), 
Mahâmokshaparishad.  Le  roi  de  Bamian  qui  régnait  du  temps 
de  Hiuen  Thsang,  était,  lors  de  la  célébration  de  l'Assemblée 
de  la  Rédemption,  un  modèle  de  libéralité  :  «  11  donne  tout 
au  couvent  (où  se  tient  l'assemblée),  depuis  les  bijoux  de  la 
couronne  jusqu'à  sa  femme  et  ses  enfants;  après  avoir  épuisé 
toutes  les  ressources  du  trésor  royal,  il  se  donne  lui-même. 
Ensuite,  les  ministres  et  les  magistrats  viennent  voir  les 
moines,  et  leur  offrent  de  riches  présents,  afin  de  racheter 
les  membres  de  la  famille  royale  ^  »  La  cérémonie  roulait 
sur  un  jeu  de  mots  :  le  mot  Moksha,  qui  signifie  dans  un  sens 
élevé  «  Délivrance,  Rédemption,  »  veut  dire  proprement 
«  rachat  ».  On  peut  aussi  entendre  par  Moksha  «  abandon  «, 
et  le  nom,  pris  dans  ce  sens  là,  n'était  pas  moins  juste^  la 
fête  étant,  pour  les  grands  personnages,  une  occasion  de 
faire  abandon  de  leurs  biens.  En  effet,  des  largesses  princières 


4.  Travels,  15. 

1.  Vie  de  H.  Th,  374;  Mém.  I,  38. 


LE    SANGHA  241 

étaient  un  accompagnement  nécessaire  de  la  cérémonie.  Le 
roi  de  Kapiça,  un  zélé  adorateur  des  Trois  Joyaux,  convoquait 
régulièrement  une  assemblée  quinquennale,  et  distribuait 
alors  largement  des  aumônes  aux  pauvres,  aux  veuves,  aux 
orphelins  '. 

Le  roi  Harsha,  surnommé  Çilâditya  %  le  puissant  roi  de 
Kanauj  et  ami  de  Hiuen  Thsang,  avait  la  môme  habitude.  Le 
même  prince  convoquait  en  outre  annuellement  une  assem- 
blée d'une  toute  autre  nature,  à  savoir  une  sorte  de  congrès 
international  ou  de  concours,  où  des  religieux  de  tout  pays 
pouvaient  donner  au  public  des  preuves  de  leur  habileté  dans 
l'art  de  disputer  et  d'interpréter  les  textes.  Le  roi  lui-même 
était  juge  du  concours.,*  Il  appelait  près  de  lui,  sur  les  222 
marches  de  son  trône,  ceux  qui  avaient  donné  à  la  fois  des 
preuves  de  leur  talent,  et  s'étaient  signalés  par  leur  vertu  ; 
il  causait  un  moment  avec  eux,  ou,  comme  Hiuen  Thsang 
s'exprime  plus  solennellement,  «  il  recevait  de  leur  bouche 
l'enseignement  de  la  Loi  ».  Quant  à  ceux  qui  avaient  donné 
des  preuves  de  bonne  volonté  et  qui  étaient  d'une  conduite 
irréprochable,  mais  qui  n'avaient  pas  brillé  par  la  science  et 
l'érudition,  il  se  contentait  de  leur  donner  un  témoignage  de 
bonne  conduite,  ou,  pour  nous  servir  des  expressions  du  pèle- 
rin, «  des  assurances  d'estime  et  de  respect.  » 

Un  concours  particulièrement  brillant  fut  tenu  à  Kanauj, 
lorsque  Hiuen  Tsang  vint  dans  la  ville,  sur  l'invitation  de 
Çilâditya  \  La  réunion  eut  lieu,  à  ce  qu'il  semble,  lors  des 
fêtes  du  nouvel  an  ;  on  n'y  voyait  pas  moins  de  18  princes  de 

2.  Vie  de  IL  Th.  39^. 

3.  Voy.  des  Pèl.  H.  I,  113.  II,  252.  Le  Chinois  nous  raconte  aussi  qu'un  Çîlâ- 
ditya  antérieur,  roi  de  Mâlava,  convoquait  tous  les  ans  une  grande  Assem- 
blée de  la  Délivrance  (p.  205).  C'est  bien  possible;  cependant,  ce  prince,  tout 
en  étant  ce  qu'on  appelle  dans  l'Inde  un  Bauddha,  c'est-à-dire  un  Jaina, 
n'était  pas  ce  que  nous  appelons  un  Bouddhiste.  La  déclaration  du  voyageur, 
que  le  pieux  prince  était  un  adorateur  des  Trois  Joyaux,  ne  prouve  rien: 
Triratna  est  aussi  un  terme  connu  chez  les  Jainas. 

1.   Vie  de  H.  Th.  243. 

Tome  II.  il 


â42  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L^INDE 

rHindoustan,  3,000  moines  du  Hînayâna  et  du  Mahâyâna, 
2,000  brahmanes  et  Jainas,  et  environ  1,000  religieux  du  col- 
lège de  Nâlandâ. 

Sur  le  terrain  destiné  à  la  fêle,  le  roi  avait  fait  dresser 
deux  vastes  hangars,  dont  chacun  pouvait  loger  un  millier  de 
personnes,  et  qui  étaient  destinés  en  outre  à  abriter  la  statue 
du  Buddha.  Cette  statue,  fondue  en  or  le  jour-même,  fut 
mise  sur  un  éléphant  et  transportée  ainsi.  Le  roi,  qui  prenait 
lui-même  part  à  la  procession,  s'était,  pour  cette  occasion, 
déguisé  en  Indra,  avec  un  chasse-mouches  blanc  à  la  main, 
et  marchait  à  droite  delà  statue;  à  gauche  de  celle-ci  s'avan- 
çait le  roi  Kumâra  ^  qui  s'était  déguisé  en  Brahma,  et  por- 
tait un  parasol  magnifique.  Derrière  le  Buddha  marchaient 
gravement  deux  éléphants,  chargés  de  paniers  pleins  de 
fleurs;  derrière  ceux-ci  venaient  300  éléphants  pour  les 
hôtes. 

Le  cortège  s'étant  approché  d'un  terrain  clos  oii  devait  avoir 
lieu  la  cérémonie,  le  roi  donna  l'ordre  de  porter  la  statue  du 
Buddha  dans  le  temple  qu'on  y  avait  construit  à  cet  efl"et  et  de 
223  le  placer  sur  un  trône  magnifique;  *  après  quoi,  il  rendit 
hommage  àla  statue  en  même  temps  que  le  savant  docteur  chi- 
n£)is.  Puis  il  demanda  aux  différents  princes  de  faire  entrer 
les  moines  et  les  savants  les  plus  éminents  de  chaque  pays. 
Il  fit  donner  de  la  nourriture  à  ceux  qui  ne  pouvaient  être 
admis,  faute  de  place.  Ceux  qui  avaient  pu  entrer  étaient 
régalés  et  comblés  en  outre  de  dons.  Hiuen  Thsang  et  les 
autres  religieux  reçurent  à  cette  occasion  des  cadeaux  pré- 
cieux :  un  bassin  en  or  pour  le  culte  du  Buddha,  une  tasse, 
sept  aiguières,  un  bâton  de  moine,  le  tout  également  en  or, 
3,000  pièces  d'or  et  3,000  vêtements  de  coton  de  première 


2.  Roi  de  Kâraarûpa;  âon  vrai  nom  était  Bhâskaradyuti  ou  Bhdskaravar- 
man.  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  391  ;  Earshacarita,  187.  Le  pèlerin  ne  nous  cache 
pas  que  ce  prince  ne  croyait  pas  à  la  Loi  de  Buddha  :  ce  détail  ôte  toute  valeur 
à  l'apparence  bouddhique  de  la  mascarade* 


LE  SANGHA  243 

qualité.  Tous  ces  cadeaux  étaient  proportionnés  aux  mérites 
de  ceux  qui  les  recevaient  ^ 

Après  cette  distribution,  le  roi  pria  le  Maître  de  la  Loi  (ou, 
comme  nous  dirions,  le  docteur  en  théologie)  Hiuen  Thsang, 
de  vouloir  bien  présider  l'assemblée.  Celui-ci  occupa  alors  le 
siège  présidentiel,  et  fit  donner  lecture  de  ses  thèses  par  un 
docteur  en  théologie  de  l'université  de  Nâlandâ;  il  eut  soin, 
en  outre,  d'en  faire  afficher  une  copie  à  la  porte  de  l'enceinte, 
afin  de  provoquer  les  critiques  du  public,  ou  plutôt  en  guise 
de  défi;  car  la  pièce  portait  comme  souscription  :  «  Si  quel- 
qu'un découvre  dans  ce  qui  précède  un  seul  mot  erroné  et  se 
montre  capable  d'une  réfutation,  je  lui  donnerai  ma  tête  en 
signe  de  reconnaissance  ». 

Cet  écrit  resta  affiché  jusqu'au  soir,  sans  que  personne 
osât  relever  le  gant.  Le  docteur  attribua  ce  silence  à  l'invin- 
cibilité de  ses  thèses. 

Personne  n'ayant  pris  la  parole,  le  roi  leva  la  séance,  et 
chacun  retourna  chez  soi. 

Le  lendemain  matin,  on  rendit  de  nouveau  hommage  au 
Buddha;  on  organisa  de  nouveau  une  procession,  *  et  l'on  se  224 
réunit  comme  la  veille.  Les  choses  se  passèrent  ainsi  pen-  • 
dant  cinq  jours  de  suite,  sans  que  personne  osât  entrer  en 
lice  contre  le  terrible  docteur  du  Mahâyâna;  l'attitude  de 
celui-ci  exaspéra  tellement  les  partisans  du  Hînayâna  (que  le 
Chinois  traite  peu  charitablement  d'hérétiques),  qu'ils  tra- 
mèrent un  complot  pour  l'assassiner. 

Le  roi,  instruit  de  ce  qui  se  préparait  dans  l'ombre,  fit 
répandre  une  proclamation  ainsi  conçue  :  «  Les  partisans 
de  l'erreur  obscurcissent  la  vérité,  cela  s'est  vu  depuis  long- 
temps. Ils  calomnient  la  sainte  doctrine  et  séduisent  indi- 
gnement le  peuple.  S'il  n'y  avait  pas  de  sages  d'un  mérite 

1.  11  est  vrai  qu'il  est  défendu  aux  religieux  de  recevoir  de  pareils  cadeaux, 
mais  la  naïve  franchise  avec  laquelle  le  pèlerin  mentionne  ces  largesses 
semble  prouver  que  même  les  hommes  les  plus  pieux  ne  croyaient  pas  que  la 
prohibition  fût  applicable  aux  temps  dégénérés  dans  lesquels  on  vivait. 


244  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

supérieur,  comment  pourrait-on  découvrir  leur  mensonge? 
Le  Maître  de  la  Loi,  venu  de  la  Chine,  homme  doué  d'une 
rare  intelligence  et  dont  la  conduite  commande  l'estime  et 
le  respect,  voyage  dans  ce  royaume  pour  déraciner  les 
erreurs,  mettre  en  lumière  la  sublime  Loi  et  sauver  les 
aveugles  mortels  des  ténèbres  qui  les  enveloppent.  Cepen- 
dant, les  partisans  des  erreurs  les  plus  extravagantes,  au 
lieu  de  rougir  de  honte,  osent  former  des  complots  odieux 
et  menacer  sa  vie.  Tolérer  une  telle  conduite,  ce  serait  pro- 
mettre l'impunité  aux  plus  horribles  attentats.  Si,  dans  la 
multitude,  il  se  trouve  un  seul  homme  qui  attaque  ou  blesse 
le  Maître  de  la  Loi,  je  lui  trancherai  la  tôte,  et  je  ferai  cou- 
per la  langue  à  quiconque  se  rendra  coupable  envers  lui  de 
calomnie  ou  d'injure.  Tous  ceux  au  contraire  qui,  confiants 
en  ma  justice,  voudront  exprimer  leurs  opinions  d'une 
façon  convenable,  pourront  être  assurés  qu'ils  jouiront  d'une 
pleine  liberté  ». 

Cette   proclamation    eut  l'effet  désiré  :   les  partisans  de 
l'erreur  se  retirèrent  et  disparurent,  de  sorte  que  dix-huit 
jours  se  passèrent,  sans   que  personne  eût  le    courage  de 
;    commencer  une  dispute. 

Le  soir  qui  précéda  la  clôture  du  concours,  le  Docteur  pro- 
fita de  l'occasion  pour  exalter  encore  une  fois  le  Mahâyâna, 
et  pour  louer  avec  enthousiasme  les  perfections  et  les  mérites 
du  Buddha. 
Les  résultats  de  la  victoire  remportée  par  Hiuen  Thsang, 
225  furent  éclatants.  *  Innombrables  étaient  ceux  qui  abandon- 
nèrent les  vues  étroites  du  flînayâna  pour  embrasser  les 
principes  sublimes  du  Mahâyâna.  Le  roi  le  combla  d'hon- 
neurs, les  Mahâyânistes  le  surnommèrent  «  le  Dieu  du 
Mahâyâna  »,  tandis  que  les  Hinayânistes,  pleins  de  gratitude 
de  ce  qu'il  les  avait  délivrés  de  l'erreur,  lui  donnèrent  le 
titre  de  «  Dieu  de  la  Délivrance  ». 

Un  des  faits  les  plus  importants  qui   ressortent   du  récit 
qu'on  vient  de  lire  est  la  relation  tendue  entre  les  deux  grandes 


LE  SANGHA  245 

fractions  do  l'Église  septentrionale  qui  depuis  longtemps  se 
disputaient  la  prééminence.  Le  Docteur  ne  triompha  pas  des 
incrédules,  des  Jainas,  des  tenants  de  sectes  brahmaniques, 
mais  de  ses  propres  coreligionnaires.  Il  jubile  et  prétend  que 
Harsha  jubilait,  au  sujet  de  la  défaite  des  Bouddhistes  d'une 
doctrine  différente  de  la  sienne,  et  donne  à  entendre,  sans 
équivoque  ni  réftcence,  qu'il  les  croit  capables  d'assassinat. 
Quant  à  nous,  nous  croyons  qu'une  peur  quelque  peu  exces- 
sive avait  troublé  l'esprit  du  Docteur  chinois;  que  ses  adver- 
saires, partisans  du  Hînayâna,  n'étaient  pas  aussi  noirs  qu'il 
nous  les  dépeint  ^  ;  mais  nous  devons  remarquer  en  même 
temps  que  le  profond  mépris  qu'inspiraient,  aux  Mahâyânis- 
tes  plus  cultivés  et  plus  érudits,  leurs  coreligionnaires  d'une 
tendance  plus  ascétique,  perce  déjà  dans  le  Lotus,  Ces  mau- 
vaises relations  entre  les  deux  écoles  sont  un  fait  qu'on  ne 
peut  négliger  en  étudiant  l'histoire  ecclésiastique,  à  laquelle 
nous  passons  maintenant. 

1.  L'excellent  homme  avait  certainement  oublié  à  ce  moment  ce  qu'il  avait 
lui-même  témoigné  auparavant  au  sujet  des  Hînayânistes  du  couvent  du 
Bois  Noir  (Tâmasavana,  Mém.  I,  200)  :  qu'ils  se  distinguaient  par  la  pureté 

de  leur  vertu  et  la  noblesse  de  leur  aractère. 


LIVRE   QUATRIÈME 

HISTOIRE    ECCLÉSIASTIQUE 


CHAPITRE    PREMIER 

PREMIÈRE   PÉRIODE   JUSQu'a    AÇOKA 

j.  —  Sources.  Chronologie. 

*  Les  événements  les  plus  importants  de  Tépoque  primi-  226 
tive  de  l'Eglise  ont  été  transmis  à  la  postérité  dans  des  notices 
qui,  quoique  différant  beaucoup  entre  elles,  trahissent 
cependant  une  origine  commune.  C'est  une  question  très 
difficile  de  décider  laquelle  des  traditions  venues  jusqu'à 
nous,  dans  tel  cas  donné,  est  celle  qui  s'écarte  le  moins  de 
cette  source  primitive,  car  nous  n'avons  aucun  témoignage 
émanant  de  personnes  placées  en  dehors  de  la  Congrégation 
et  qui,  par  leurs  déclarations,  pourraient  influencer  notre 
jugement  en  tel  ou  tel  sens.  Le  plus  ou  le  moins  d'auto- 
rité que  nous  aurons  à  attribuer  à  telle  ou  telle  tradition 
dépendra  donc  entièrement  du  contenu  et  de  la  forme  de  la 
tradition  elle-même. 

Les  sources  pour  la  première  période  de  l'histoire  ecclé- 


248  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE  • 

siastique  peuvent  être  distinguées  à  première  vue  selon 
qu'elles  sont  d'origine  méridionale  ou  septentrionale,  et  cette 
distinction  s'applique  aussi  aux  époques  postérieures.  Il  faut 
remarquer  en  outre,  que  les  sources  de  la  première  classe 
ne  représentent  que  l'opinion  d'une  seule  des  sectes  du  clergé 
227  singhalais,  *  celle  du  Mahâviliâra  (le  Grand  Monastère  «  Mar- 
moutiers  »)  tandis  que  les  traditions  septentrionales  dérivent 
de  sectes  diverses  ^ 

Malgré  les  divergences  plus  grandes  qu'offrent  les  sources 
septentrionales,  elles  s'accordent,  à  peu  d'exception  près,  à 
placer  le  règne  d'Açoka  le  Maurya  plus  d'un  siècle  après  le 
Nirvana,  tandis  que  les  Singhalais  admettent  que  l'intervalle 
entre  les  deux  événements  a  été  deux  fois  plus  grand  ;  par 
suite  de  cette  divergence,  les  derniers  admettent  trois  Con- 
ciles de  la  première  époque,  tandis  que  les  Septentrionaux 
n'en  comptent  que  deux. 

En  comparant  les  indications  chronologiques  des  Boud- 
dhistes septentrionaux  avec  celles  des  Singhalais,  on  s'aper- 
çoit bientôt  que  les  derniers  ont  mis  beaucoup  plus  de  soin 
à  développer  (ou  à  conserver)  un  système  chronologique  que 
les  premiers.  Les  deux  chroniques  et  Buddhagosha  donnent 
une  liste  complète  des  rois  du  Magadha,  et  une  autre  des 
monarques  deCeylan,  depuis  l'an  1  jusqu'à  Açoka,  en  men- 
tionnant la  durée  de  chaque  règne.  Cette  liste  s'accorde  sur 
certains  points  avec  celle  qu'on  trouve  dans  les  Purânas  et 
dans  les  écrits  jainiques;  mais  sur  d'autres  points  elle  s'en 
écarte.  Il  est  difficile  de  dire  laquelle  des  trois  listes  est  la 
pire;  il  n'est  pa^  impossible  que  celle   des  Singhalais  soit 


1.  Dans  i^la  première  classe  il  faut  ranger  les  sources  suivantes  :  le  Culla- 
Vagga,  XI  et  XII;  les  chroniques  Dîpavanisa  et  Mahàvanisa;  le  Mahâbodhi- 
vamsa  ;  le  commentaire  par  Buddhagosha,  intitulé  Samanta-Pàsâdikâ  (édité 
par  le  prof .  Oldenberg  dans  Sutta-Vihhanga,  1,283  ss.);  dans  la  seconde 
classe:  Tappendice  à  la  biographie  de  Çâkyamuni,  chap.XIlI  (Schiefner,  305); 
THistoire  du  Bouddhisme  par  Târanàtha;  on  peut  y  joindre  les  renseignements 
fournis  par  Hiuen  Thsang  et  Fa  Hian. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  249 

encore  la  meilleure  -  ;  cependant  on  ne  peut  pas  s'y  fier  —  et 
c'est  tout  ce  qu'on  a  besoin  de  démontrer  ici. 

*  La  série  des  rois  du  Magadha  après  le  Nirvana  commence  228 
avec  Ajâlaçatru,  qui  avait  gouverné  8  ans  au  moment  de  la 
mort  du  Buddha,  qui  gouverna  encore  24  ans  après  et  fut 
assassiné  par  son  filsUdâyin,  Udayi-Bhadra  ou  Udaya-Bha- 
dra.  Celui-ci  fut  tué  à  son  tour  par  son  fils  Anuruddha,  après 
16  ans  de  règne.  Anuruddha  fut  tué  par  son  fils  Munda,  et 
celui-ci  subit  le  même  sort  de  la  part  de  son  fils  Nâga-Das- 
saka  ^  Le  total  des  années  de  règne  d' Anuruddha  et  Munda 
est  8  ans  ^  Nâga-Dassaka  occupa  le  trône  pendant  24  ans,  au 
bout  desquels  il  fut  déposé.  Suivirent  Çiçunâga  avec  un  règne 
de  18,  et  son  fils  Kâla-Açoka  avec  un  règne  de  28  ans.  A  ce 
dernier  succédèrent  ses  dix  fils,  gouvernant  à  la  fois,  qui  ré- 
gnèrent ensemble  pendant  22  ans,  pour  être  remplacés  par 
les  9  Nandas,  qui  eux  aussi  restèrent  au  pouvoir  pendant 
22  ans.  x41ors  Gandragupta,  fondateur  de  la  dynastie  des  Maur- 
yas,  s'empara  du  trône;  il  gouverna  pendant  24  ans^;  son 
fils  Bindusâra  pendant  28  ans.  Le  fils  du  dernier,  Açoka, 
monta  donc  sur  le  trône  Tan  214  après  le  Nirvana,  quoique, 
d'après  nos  sources,  il  ne  fût  couronné  comme  empereur  de 
l'Inde  entière  que  quatre  ans  plus  tard.  Tan  218  \ 

2.  Une  comparaison  critique  de  la  clwonologie  des  Singhalais  et  de  celle 
des  Jainas  se  trouve  dans  un  mémoire  du  prof.  Jacobi  dans  la  Zeitschrift 
der  Deutschen  morgenlandischen  Gesellschaft,  XXXIV,  185  (comparer  les  objec- 
tions du  prof.  Oldenberg,  même  vol.,  p.  751)  et  XXXV,  667. 

1.  Ou  Nâga-Dâsaka. 

2.  Buddhaghoshaa  18;  c'est  une  faute,  car,  en  additionnant  les  années  jus- 
qu'au départ  de  Mahendra,  on  aurait  246,  tandis  que  la  somme  doit  être  236, 
ainsi  que  le  dit  Buddhagosha  lui-même. 

3.  Mahâvamsa,  23,  dit  par  erreur  34. 

4.  Une  source  septentrionale  s'accorde,  en  partie,  avec  la  liste  que  nous 
venons  de  donner.  Les  noms  sont  :  Ajâtaçatru,  Udayi-Bhadra,  Munda  (c'est- 
à-dire  le  Chauve),  Kâkâvarnin  (c'est-à-dire,  celui  qui  a  la  couleur  de  la  Cor- 
neille, le  Noir),  Sahâlin  ou  Sapâlin,  Tulakuci,  Mahâmandala  (c'est-à-dire  celui 
qui  a  un  grand  cercle  ou  un  grand  disque),  Prasenajit,  Nanda,  Bindusâra, 
Açoka;  Burnouf,  Inlrod.  358;  comp.  Tàranâtha,  287,  où  l'on  trouve  quelques 
divergences. 


250  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Quel  lecteur,  en  parcourant  du  regard  cette  répétition 
monotone  de  parricides,  au  début  de  la  série,  n'a  songé 
immédiatement  à  la  déposition  d'Uranus  par  Saturne,  et  de 
celui-ci  par  Jupiter  ?  Gomme  mythe,  le  récit  est  irréprochable, 
comme  fait  historique  il  est  impossible,  et  il  est  facile  de  le 
démontrer,  à  l'aide  d'un  calcul  très  simple.  Rappelons-nous 
qu'Udâyin  est  né  le  jour  même  de  la  mort  de  Bimbisâra,  et 
mettons  en  avant  l'hypothèse/possible,  bien  qu'assez  peu  pro- 
bable, que  chacun  des  trois  parricides  qui  occupent  le  milieu 
229  de  la  série  ait  été  réjoui,  à  l'âge  de  dix-sept  ans,  *  par  la  nais- 
sance du  fils  destiné  à  l'assassiner,  il  s'ensuivra  qu'Udâyin, 
au  moment  oii  il  tua,  étant  âgé  de  32  ans,  son  père  Ajâta- 
çatru,  avait  un  fils  Anuruddha,  âgé  de  15  ans.  Celui-ci  com- 
mit le  parricide  habituel  16  ans  plus  tard,  lorsqu'il  avait 
atteint  l'âge  de  31  ans,  et  son  aimable  fils  Munda  celui  de 
14  ans.  Gomme  ce  dernier  fut  assassiné  8  ans  plus  tard  — 
après  avoir  commis  lui-même  un  parricide  dans  l'intervalle 
—  lui,  Munda,  doit  avoir  eu,  à  Tâge  de  22  ans,  un  fils,  Nâga- 
Dassaka,  déjà  capable  d'assassiner  son  père.  Nous  voyons 
donc  que  la  première  partie  de  la  liste  n'est  pas  digne  de  foi, 
quand  on  considère  les  chiffres  donnés  comme  exprimant  de 
véritables  dates  historiques;  à  tout  autre  point  de  vue,  les 
nombres  sont  peut-être  très  exacts  *. 

Les  autres  éléments  du  calcul  sont  également  suspects. 
D'après  la  chronique  la  plus  ancienne,  le  règne  de  Çiçunâga 
dura  dix  ans  et  non  dix-huit;  après  lui  vinrent  les  dix  frères, 
qui  régnèrent  pendant^2 ans;  ailleurs,  le  même  chroniqueur 
raconte  que  Çiçunâga  eut  comme  fils  et  successeur  Açoka, 
surnommé  Kâla^;  les  Nandas  sont  absolument  inconnus  à 
cet  auteur.  L'auteur  de  la  chronique  plus  moderne  déclare 

1.  Dîpav.  5,98,  comp.  5,  25  et  80;  4,  44.  On  voit  par  le  passage  5,  99  qu'on 
confondait  ou  identifiait  Çiçunâga  avec  son  fils  Kâla-Açoka,  peut-être  à  bon 
droit. 

2.  C'est-à-dire  le  Noir;  ce  qui  rappelle  Kâkavarnin,  «  de  la  couleur  de  la  cor- 
neille »;  conip.  la  note  4  de  la  p.  228. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  251 

que  les  dix  frères  sont  identiques  aux  neuf  Nandas  ^  et  donne 
aux  deux  groupes  le  môme  nombre  d'années  de  règne,  à 
savoir  22.  On  dirait  que  la  séparation  des  Dix  et  des  Nandas 
et  le  dédoublement  du  nombre  d'années,  ne  sont  que  des 
subterfuges,  imaginés  afin  de  couvrir  un  déficit  dans  le  cal- 
cul. 

Les  contradictions  de  la  tradition  méridionale  n'en  restent 
pas  là.  Les  Birmans  ne  donnent  à  Nâga-Dassaka  que  quatre 
ans  de  règne,  au  lieu  de  24,  il  serait  donc  mort  en  Tan  52 
après  le  Nirvana  ^  et,  bien  qu'ils  sachent  raconter  avec  toutes 
sortes  de  détails  circonstanciés  comment  le  peuple  se  souleva 
contre  la  dynastie  des  parricides  et  proclama,  à  l'unanimité, 
Çiçunâga  comme  roi,  *  ils  ne  font  pas  monter  ce  dernier  sur  230 
le  trône  avant  l'an  63  du  Nirvana  (toujours  dix  ans  plus  tôt 
que  d'après  la  chronique  plus  récente).  Ce  n'est  qu'en  rédui- 
sant les  années  à  des  minutes  ou  à  des  heures  qu'on  pour- 
rait expliquer  l'intervalle  entre  la  déposition  de  Nâga-Das- 
saka et  l'élévation  au  trône  de  Çiçunâga.  La  môme  source  ^ 
s'accorde  avec  la  liste  singhalaise  en  ce  qui  concerne  la  durée 
du  règne  de  Kâla-Açoka,  pour  s'en  écarter  immédiatement 
après,  en  donnant  neuf,  au  lieu  de  dix,  comme  nombre  *des 
fils  qui  succédèrent  à  ce  roi.  Le  premier  des  neuf  frères  s'ap- 
pelait Bhadrasena,  le  dernier  Dza  Nanda,  le  total  des  années 
de  leurs  règnes  étant  33.  En  comparant  ces  traditions,  toutes 
méridionales,  on  arrive  au  résultat  que  22  =  33  =  44,  et 
que  les  10  Frères  =--  les  9  Nandas. 

Ce  qui  frappe  le  plus  dans  les  traditions  des  Birmans,  c'est 
le  nom  de  Bhadrasena,  car  celui-ci  est  nommé  ailleurs  ^ 
comme  le  fils  ou  le  descendant  d'Ajâtaçatru,  Dans  le  Dîpa- 
vamsa,  comme  nous  l'avons  remarqué  en  passant,  Çiçunâga 

3,  Mahâvamsay  23. 

4.  Bigandet,  II,  114;  d'après  la  liste  singhalaise,  ce  serait  en  l'an  72. 

1.  Ouvrage  cité,  124.  Dans  le  Mahâhodhivamsn,  98,  on  donne  le  nom  de  cha- 
cun des  10  fils,  après  viennent  les  9  Nandas,  dont  on  donne  aussi  les  noms. 

2.  Çalapatha  Brâhmana^  5,  5,  5. 


252  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

est  confondu  ou  identifié  avec  Kâla-Açoka,  le  père  avec  le 
fils.  Posons  donc  Çiçunâga=Kâla-Açoka  ;  alors,  comme  Bha- 
drasenaestditle  fils  de  ces  deux  personnages  identifiés,  aussi 
bien  que  d'Ajâtaçatru.  Çiçunâga,  autrement  dit  Kàla-Açoka, 
sera  identique  à  Ajâtaçatru.  En  outre,  Udâyin  ou  Udayi-Blia- 
dra,  est  connu  à  tous  les  Indiens,  sauf  aux  Bouddhistes  % 
comme  fondateur  de  Pâtaliputra;  il  est  mentionné  comme 
tel  chez  Garga  %  qui  le  désigne  comme  fils  de  Çiçunâga. 
D'après  les  Bouddhistes,  c'est  Kâla-Açoka  qui  a  fondé  Pâtali- 
putra, ce  qui  nous  conduit  à  identifier  Kâla-Açoka,  fils  de 
Çiçunâga,  avec  Udayi-Bhadra  (Bhadrasena),  fils  d'Ajâtaçatru; 
ce  qui  nous  amène  de  nouveau  à  la  conclusion  que  Çiçunâga 
et  Ajâtaçatru  sont  uns,  comme  nous  l'avons  déjà  vu.  Chez  les 
Jainas,  Udayâçva  (autrement  dit  Udâyin)  est  donné  comme 
231  petit  fils  de  Bimbisâra  *,  et  dans  la  liste  singhalaise  il  figure 
à  la  môme  place.  Il  est  vrai  que  les  Purânas  nomment 
Udayâçva  comme  arrière-petit-fils  de  Bimbisâra;  mais  cela 
ne  détruit  pas  l'identification  d'Udaya-Bhadra  avec  Kâla- 
Açoka,  puisque  Hiuen  ïhsang  mentionne  expressément  *  un 
Açoka  comme  un  arrière-petit-fils  de  Bimbisâra  ;  ce  qui  est 
détruit,  c'est  l'accord  dans  les  traditions  à  l'égard  du  nombre 
de  générations  intermédiaires.  Or,  ce  nombre  peut  être 
réduit,  si  l'on  prend  comme  base  l'erreur  (ou  ce  qu'on  voudra 
appeler  ainsi)  du  Dîpavamsa,  d'après  laquelle  Çiçunâga  et 
Kâla-Açoka  sont  le  même  personnage.  Dans  ce  cas,  Ajâtaça- 
tru, Çiçunâga,  Kâla-Açoka,  Udâyi-Bhadra  —  nous  pouvons, 
en  passant,  placer  dans  la  compagnie  notre  vieille  connais- 
sance, Kâla-Udâyin,  le  messager  du  printemps  —  se  laisse- 
raient ramener  à  une  seule  personnification  portant  des  noms 
divers,  ou  bien  à  deux  personnifications. 
Même  en  admettant  que  les  rois  du  Magadha,  y  compris  le 

3.  Jacobi,  dans  la  Zeitschr.  der  Deutschen  Morgenl.  Gesellschaft^  XXXV,  668. 

4.  Brhat-Samhitâ,  préface,  36;  la  forme  Udadhî,  qu'on  y  lit,  est  évidemment 
une  corruption  ou  une  mauvaise  leçon  pour  Udayî. 

1.  Tomel,  p.  229, 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  253 

dernier  Nanda,  avec  les  chiffres  qui  expriment  la  durée  de 
leur  règne,  soient  autre  chose  que  de  simples  mythes,  nous 
arrivons  au  résultat  que  toutes  les  traditions  qui  les  concer- 
nent sont  trop  fabuleuses  pour  qu'on  puisse  les  prendre  pour 
base  de  recherches  historiques.  Avant  Candragupta  la  chro- 
nologie des  sources  indiennes  et  singhalaises,  sans  exception, 
n'est  pas  utilisable  pour  Thistorien.  Il  ne  s'ensuit  cependant  pas 
que  l'histoire  ecclésiastique  officielle  soit  indigne  de  con- 
fiance. Afin  de  juger  de  ce  point,  nous  devons  d'abord  faire 
connaissance  avec  les  deux  (ou  les  trois)  premiers  Conciles. 


II.  —  Le  premier  Concile. 

*  Nous  avons  déjà  raconté  *  comment  Kâçyapa  le  Grand,  232 
que  le  Seigneur  avait  désigné  comme  son  successeur  immé- 
diat, n'était  pas  présent  au  Nirvana,  comment  il  n'apprit  la 
triste  nouvelle  qu'une  semaine  plus  tard,  de  la  bouche  d'un 
Âjivika,  qu'il  avait  rencontré  en  route;  comment  Subhadra, 
qui  était  devenu  moine  peu  de  temps  auparavant,  étant  déjà 
âgé,  manifesta  une  joie  indécente  de  ce  qu'on  fût  délivré  de 
l'autorité  du  maître,  bien  qu'il  n'eût  pas  encore  eu  l'occasion 
de  subir  cette  autorité  ^ 

La  tendance  dangereuse  de  ces  propos  inconvenants  du 
vieux  Subhadra  n'échappa  pas  à  Kâçyapa  et  lui  causa  des 
soucis  bien  compréhensibles.  Il  craignit  qu'on  n'essayât 
d'enfreindre  la  Loi  et  les  institutions  ;  que  le  droit  et  la  règle 
ne  fussent  opprimés,  que  l'injustice  et  l'anarchie  ne  finissent 

1.  Tome  I,  p.  229. 

2.  D'après  une  tradition  septentrionale,  un  certain  Subhadra,  surnommé 
«  le  dernier  des  Disciples  «était  déjà  mort  avant  le  Buddha  (t.  1,  226);  le  fau- 
teur de  troubles  était  donc  probablement  un  homonyme  ;  dans  une  autre 
source,  mention  est  faite  de  Bhadra,  comme  incarnation  de  Satan,  comme  fau- 
teur de  troubles  et  semeur  de  zizanies,  l'an  137  après  le  Nirvana,  du  temps  du 
second  Kâçyapa,  c'est-à-dire  dans  une  autre  version  des  événements  du  temps 
du  concile  sous  Kâçyapa  le  Grand;  Târanâtha,  52  et  298. 


254  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

par  triompher.  Afin  de  prévenir  ces  malheurs,  il  proposa  aux 
moines  de  réunir  une  grande  assemblée,  où  l'on  sanctionne- 
rait, d'un  commun  accord,  la  Loi  et  les  règles  établies.  Les 
frères  ayant  approuvé  cette  proposition,  il  choisit  499  d'entre 
les  moines  les  plus  capables,  avec  exclusion  d'Ananda,  qui 
était,  il  est  vrai,  le  plus  savant  de  tous,  mais  n'avait  pas 
encore  atteint  la  dignité  d'Arhat.  Les  frères  furent  d'avis 
qu'il  fallait  négliger  ce  détail,  et  prièrent  Kâçyapa  d'admettre 
Ananda  à  l'assemblée.  Le  grand  patriarche  ne  fit  aucune 
objection,  d'autant  plus  qu'il  y  avait  juste  une  place  à  prendre 
et  que,  de  cette  manière,  il  y  aurait  un  nombre  complet  de 
500  moines  qui  assisteraient  à  l'assemblée,  sans  compter  le 
président. 

Après  ces  mesures  préliminaires,  il  fallait  fixer  le  lieu  oii 
233  se  réunirait  l'assemblée.  *  Le  sentiment  général  désigna 
Râjagrha  comme  la  localité  la  plus  convenable  et,  par  con- 
séquent, le  président  proposa,  dans  une  assemblée  du  cha- 
pitre, de  demeurer  pendant  la  saison  des  pluies  à  Râjagrha, 
et  de  réunir  là  le  Concile. 

Cette  proposition  étant  adoptée,  les  Anciens  partirent  pour 
Râjagrha,  dans  le  but  de  réunir  le  Concile  dans  le  cours  du 
deuxième  mois,  en  consacrant  le  premier  mois  à  la  répara- 
tion de  ce  qui  était  brisé  et  disloqué.  C'est  ce  qui  fut  fait  \ 

La  veille  de  la  première  réunion  de  l'assemblée,  Ânanda 
se  dit  en  lui-même  :  «  Il  ne  me  sied  pas,  à  moi  qui  ne  suis 
pas  encore  Arhat,  de  venir  demain  à  l'assemblée  ».  Il  resta 
éveillé  presque  toute  la  nuit,  pensant  à  l'état  de  son  corps, 

1.  Buddhaghosha  [Samanta-Pâsâdikâ,  dans  S.  Vibh.  I,  283  ss.,  comp.  Bodhi- 
vamsa,  p.  85  ss.)  raconte  en  détail  comment  Ânanda,  après  que  Kâçyapa  avec 
une  moitié  et  Anuruddha  avec  l'autre  moitié  des  moines  furent  partis  pour 
Râjagrha,  alla,  avec  le  pot  à  aumônes  et  le  vêtement  du  Maître  (de  Kusinârâ) 
à  Çrâvastî,  pour  se  rendre  ensuite  a  Râjagrha.  A  Çrâvasti  il  y  eut  de  grandes 
lamentations,  lorsqu'on  vit  Ânanda  sans  le  Maître  ;  le  Disciple  prononça  un 
sermon  sur  l'inconstance  des  choses,  nettoya  l'appartement  du  Buddha  dans 
le  couvent  de  Jetavana,  ainsi  qu'il  avait  l'habitude  de  faire,  fit  réparer  le 
couvent  et  p^tit  enfin  pour  Râjagrha. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  255 

jusqu'à  ce  qu'il  s'endormit  vers  la  matinée.  Et  voilà,  à 
peine  sa  tête  avait-elle  touché  le  coussin,  que  ses  pieds  ne 
touchèrent  plus  à  terre  ;  au  même  moment  qu'Ananda  était 
détache  de  la  terre,  son  esprit  ^  fut  délivré  des  impuretés,  de 
sorte  qu'il  vint  à  l'assemblée  revêtu  de  la  dignité  d'Arhat  ^ 

Au  commencement  du  Concile,  le  président  déclara, 
qu'avec  l'approbation  du  chapitre,  il  se  proposait  d'inter- 
roger Upâli  au  sujet  de  la  discipline,  sur  quoi  le  dernier 
répondit  que,  si  le  chapitre  l'approuvait,  il  était  prêt  à 
répondre.  Kâçyapa  prit  alors  de  nouveau  la  parole  *  et  234 
adressa  à  Upâli  cette  question  :  «  Vénérable  frère  Upâli,  oii 
a  été  proclamé  le  premier  des  (quatre)  articles  relatifs  aux 
péchés  mortels?  »  —  «  A  Vaiçâlî  ».  —  «  A  propos  de  quelle 
personne?  »  —  «  A  propos  de  Sudinna  (Sudatta),  le  fils  de 
Kalanda  ».  —  «  A  propos  de  quelle  affaire?  »  —  «  A  propos 
de  fornication  *  ».  —  C'est  ainsi  qu'Upâli  fut  interrogé  sur 
le  sujet  du  premier  des  articles  relatifs  aux  péchés  mortels, 
ainsi  que  sur  l'occasion  (qui  y  avait  donné  lieu),  la  personne, 
la  (première)  proclamation,  la  répétition  de  la  proclamation, 
la  faute  (dont  on  se  rend  coupable  en  chaque  cas),  et  les  cas 
de  non-responsabilité. 

Puis  vint  la  question  relative  au  lieu  où  avait  été  pro- 
clamé le  deuxième  article.  Upâli  répondit  :  «  A  Râjagrha  ».  — 
«  A  propos  de  quelle  personne?  »  —  «  A  propos  de  Dhanika, 


2.  C'est-à-dire  sa  luinière. 

3,  L'assemblée  fut  tenue  à  l'entrée  de  la  grotte  Saptaparna,  au  mont  Vai- 
bhdra.  C'est  là  qu'Ajâtaçatru  avait  fait  arranger  une  galerie  d'une  beauté 
enchanteresse,  munie  de  toutes  les  splendeurs  et  de  tous  les  conforts  imagi- 
nables. C'est  ce  que  dit  Buddhaghosha,  qui  ajoute,  qu'il  y  avait  alors  à  Ràja- 
giha  18  grands  couvents,  tous  très  délabrés  et  négligés;  les  moines  com- 
prirent qu'il  fallait  mettre  de  l'ordre  dans  ce  chaos,  autrement  les  hérétiques 
eussent  dit  :  «  les  disciples  de  l'ascète  Gautama  ont  eu  soin  des  couvents 
pendant  sa  vie,  mais  maintenant  qu'il  est  mort,  ils  les  négligent  ».  —  Une 
version  septentrionale  intéressante  de  ce  récit  se  trouve  dans  Mahâvaslu,  I, 
69  ss. 

1. L'historiette  racontée  Sutia-V.,  I,  p.  11. 


256  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

le  fils  du  potier  ».  —  «  A  propos  de  quelle  affaire?  »  —  «  A 
propos  de  vol  ^  ».  —  Puis  on  fit  les  mêmes  questions  que 
.  plus  haut.  L'interrogatoire  fut  continué  de  même  pour  les 
autres  articles,  et  l'on  apprit  de  la  bouche  d'Upâli  que  le 
troisième  cas  de  péché  mortel  ne  s'était  présenté  qu'à  Yai- 
çâli  ;  les  coupables  étaient  plusieurs  moines  qui  avaient  com- 
mis suicide  ^  Le  quatrième  article,  proclamé  par  le  Maître, 
également  à  Yaiçâli,  se  rapportait  au  cas  de  quelques  religieux 
qui  abusaient  de  la  bêtise  des  paysans  en  s'attribuant 
mutuellement  des  dons  surnaturels,  et  avaient  réussi  ainsi 
à  faire  bombance  aux  dépens  des  gens  \  De  la  même  façon 
que  le  titre  des  Péchés  mortels,  fut  traité  par  la  suite  le 
règlement  entier,  celui  des  moines  aussi  bien  que  celui  des 
religieuses. 

Après  qu'on  eut  traité  de  la  discipline  (le  Vinaya),  le  pré- 
sident proposa  de  passer  à  l'examen  du  Dharma,  le  dogme  ^; 
235  il  le  ferait  en  adressant  des  questions  àÂnanda,  *  auxquelles 
celui-ci  répondrait.  On  approuva  cette  proposition.  Le  pré- 
sident :  Vénérable  frère  Ananda,  oii  a  été  prononcé  le  Brah- 
majâla-Sutta?  *  »  —  «  Entre  Râjagrha  et  Nâlandâ,  près  de 
la  Perche  du  manguier  (Amrayashtikâ) .  »  —  ((A  propos  de 
quelle  personne?  »  —  «  A  propos  de  Suppiya,  le  moine 
mendiant  et  de  Brahmadatta,  l'étudiant  ».  —  C'est  ainsi  que 
Kâçyapa  demanda  l'occasion  et  la  personne  du  Brahmajâla- 
sutta.     Puis,    il  demanda  oii  et   en    quelle    compagnie  le 


2.  Le  cas  dont  traite  Sutta-V.,  I,  p.  41. 

3.  Sut  ta- V.,  I,  p.  68. 

4.  Sutta-V.,  I,  p.  87;  le  commentaire  historique,  donné  dans  ce  passage,  est 
en  contradiction  avec  les  termes  formels  du  règlement  et  de  la  formule  des 
vœux  monastiques,  qui  défendent  qu'on  s'attribue  à  soi-même  une  sagesse 
surnaturelle,  mais  qui  ne  parlent  pas  du  cas  où  quelqu'un  attribuerait  ce  don 
à  un  autre. 

5.  Le  Dharma  doit  ici  comprendre  l'Abhidharma  ;  dans  Culla-V.,  p.  293,  on 
dit  que  les  disciples  fixèrent  les  trois  Pitakas,  mais  ce  morceau  n'est  qu'une 
table  des  matières  et  ne  fait  pas  partie  du  véritable  texte. 

1.  C'est  le  premier  Sutta  du  Sutta-Pitaka. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  251 

Maître  avait  prononcé  le  Sâmanfia-phala  Sutta  ^  Ananda 
re'pondit  :  «  A  Râjagrha,  dans  le  verger  aux  manguiers  de 
Jîvaka  et  en  société  d'Ajâtaçatru  ».  —  Et  ainsi  on  continua, 
par  demandes  et  réponses,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  passé  en 
revue  les  5  collections  ^  qui  composent  le  Sutta-Pitaka. 

Ceci  fait,  Ananda  prit  la  parole,  pour  faire  une  communi- 
cation, ainsi  conçue  :  «  Le  Seigneur  m'a  parlé,  lors  de  son 
Nirvana,  de  la  possibilité  que  les  moines,  après  son  départ, 
eussent  le  désir  d'abolir  les  détails  secondaires  et  très  secon- 
daires de  la  discipline.  »  Cette  communication  amena  la 
question  si  lui,  Ananda,  avait,  à  cette  occasion,  demandé  au 
Seigneur  quels  étaient  ces  détails  secondaires  et  très  secon- 
daires; sur  quoi  Ananda  répondit  qu'il  avait  négligé  de  le 
faire.  Alors,  quelques  Anciens  se  mirent  en  avant  et  dirent 
que,  en  dehors  des  quatre  péchés  capitaux,  tout  était  secon- 
daire. D'autres  soutinrent  que  le  titre  des  quatre  péchés 
capitaux,  de  même  que  le  titre  suivant  devaient  faire  excep- 
tion, et  que  le  reste  devait  êlre  regardé  comme  secondaire. 

D'autres  prétendirent  excepter  les  trois  premiers  titres, 
d'autres  les  quatre  premiers,  d'autres  les  cinq  premiers, 
d'autres  encore  les  six  premiers,  en  considérant  le  restant 
comme  secondaire  \  Alors  le  président  prit  la  parole,  *  afin  236 
de  mettre  l'assemblée  en  garde  contre  toute  tentative  d'abolir 
les  détails  secondaires  et  très  secondaires  de  la  discipline. 
«  Nos  règles  de  discipline  »,  c'est  à  peu  près  ainsi  qu'il  s'ex- 
prima, «  sont  aussi  connues  des  laïcs  ;  ils  savent  très  bien 
ce  qui  nous  est  permis  à  nous,  fils  de  Çakya,  et  ce  qui  ne  l'est 
pas.  Si  nous  allons  abolir  les  règles  secondaires  et  très  secon- 
daires de  la  discipline,  on  dira  :  «  Ce  que  l'ascète  Gautama  a 

2.  Le  second  du  Dîrr/ha-Nikâya  ;  traduit  par  Burnouf,  Lotus,  449-482. 

3.  Nikâyas;  sur  les  subdivisions  de  ces  Nikàyas,  ou,  comme  disent  les 
Bouddhistes  septentrionaux,  Âgamas,voir  plus  bas. 

4.  Le  plus  ou  moins  d'importance  et  de  subordination  de  chaque  détail  est 
indiqué,  cela  va  de  soi,  par  la  punition  plus  ou  moins  grave  dont  est  suivie  la 
transgression.  C'est  ce  que  savaient  encore  les  rédacteurs  du  Prdtimoksha  ; 
les  auteurs  de  cette  partie  du  CuUa-Vagga  l'avaient  oublié. 

Tome  II.  17 


258  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

ordonné  à  ses  disciples  a  été  bien  vite  oublié  ;  tant  que  leur 
Maître  était  encore  de  ce  monde,  ils  suivaient  les  règles  de 
la  discipline,  et  à  peine    est-il  mort,   qu'ils    cessent   de  le 
faire  ».  Je  propose  donc,  si  l'assemblée  l'approuve,  de  ne 
rien  ajouter  à  ce  qui  a  été  prescrit,  de  n'en  rien  ôter,  et  de 
nous  tenir  aux  prescriptions  telles  qu'elles  ont  été  données.  » 
—  Cette  proposition,  répétée  jusqu'à  trois  fois  fut  acceptée*. 
Les   moines  ne  négligèrent  pas  de  reprocher  à  Ananda 
qu'il  eût  négligé  de  demander  au  Seigneur  en  quoi  consis- 
taient les  points  secondaires  et  très  secondaires  de  la  disci- 
pline. «  Vous  avez  eu  tort;  confessez  votre  faute  »,  lui  dirent- 
ils.  «  J'ai  négligé  de  le  faire  parce  que  je  n'y  ai  pas  pensé  », 
dit  Ananda;  «  je  ne  vois  pas  quel  mal  il  y  a  là-dedans,  mais, 
à  cause  de  l'estime  que  je  vous  porte,  je  dirai  seulement  que 
j'ai  commis  une  faute  ».  Alors  on  releva  d'autres  griefs  à  la 
charge  d'Ananda  :  1.  Qu'il  lui  était  arrivé  une  fois  de  mar- 
cher sur  le  manteau  de  pluie  du  Seigneur,  pendant  qu'il  le 
réparait;  2.  Qu'il  avait  été  cause  que  des  femmes  s'étaient 
inclinées  dans  la  poussière  devant  le  corps  du  Seigneur,  et 
avaient  ainsi  souillé  le  corps  de  leurs  larmes;  3.  Qu'il  avait 
négligé  de  supplier  le  Seigneur,  un  peu  avant  le  Nirvana,  de 
remettre  à  un  peu  plus  tard  l'heure  de  sa  mort  ^;  4.  qu'il 
avait  été  cause   de   l'admission  des  femmes  dans   l'ordre. 
Ananda  dit,  pour  s'excuser,  quant  au  premier  point,  que  s'il 
avait  marché  sur  le  manteau,  ce  n'était  par  manque  de  res- 
237  pect;  quant  au  second  point,  *  qu'il  avait  agi  ainsi  pour 
empêcher  les  femmes  de  venir  à  un  moment  inopportun.  Il 
répondit  au  troisième  reproche  qu'à  ce  moment  il  était  pos- 
sédé du  Diable;  quant  au  quatrième  fait,  il  rappela,  pour  se 
justifier,  que  Gautamî  avait  été  nourrice  du  Seigneur  et  s'était 

1.  Il  est  à  peine  nécessaire  dénoter  que  les  auteurs  de  ce  récit  considèrent 
involontairement  l'autorité  du  Buddha  comme  nulle,  l'opinion  publique,  au 
contraire,  comme  toute-puissante. 

2.  Nul  n'avait  été  présent  à  cette  occasion,  sauf  le  Maître  et  Ananda;  on  ne 
dit  pas  comment  les  frères  avaient  eu  connaissance  du  fait. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  259 

ainsi  rendue  méritoire.  Il  ne  pouvait  comprendre  quel  mal 
il  y  avait  en  tout  cela,  mais  finit  par  déclarer,  que,  par 
déférence  pour  les  vénérables  frères,  il  s'avouait  cou- 
pable. 

Ce  premier  Concile,  dans  lequel  «  la  discipline  »  fut  réglée 
d'un  commun  accord,  se  composait  de  oOO  moines;  c'est 
pourquoi  il  est  connu  dans  l'histoire  comme  le  «  Concile  des 
Cinq  Cents  \  » 

Tel  est,  en  résumé,  le  compte-rendu  que  donne  le  Culla- 
Yagga.  Nous  savons  par  d'autres  sources  ^  que  le  Synode 
dura  sept  mois.  Buddhagosha  nous  apprend  même  que  la 
nature  célébra  l'heureuse  fin  du  Concile  par  un  tremble- 
ment de  terre  solennel  et  par  plusieurs  miracles  par-dessus 
le  marché  ^  Parmi  les  illustrations  de  l'assemblée,  on  nomme, 
en  môme  temps  que  Kâçyapa  le  Grand,  Upâli  et  Ananda, 
aussi  Anuruddha,  Vâgîça,  Pûrna,  Kâçyapa  le  jeune  *, 
Kâtyâyana  et  Kotthita  ou  Kotlhika  ^ 

La  version  septentrionale  de  ce  récit,  telle  que  nous  la 
trouvons  dans  l'appendice  delà  biographie  de  Çâkyamuni,  se 
distingue  par  une  plus  grande  vivacité  du  récit  et  par  plus 
d'action  ;  en  même  temps,  la  tendance  didactique  est  moins 
apparente.  Elle  fait  l'impression  d'être  un  peu  plus  récente 
que  la  rédaction  du  Culla-Vagga,  mais  bien  plus  ancienne 
que  le  compte-rendu  détaillé  de  Buddhagosha.  Ce  récit  mérite 
d'être  donné  en  extrait,  afin  de  faire  ressortir  les  points  de 
ressemblance  et  de  différence. 

*  Après  que  la  plupart  des  Arhats  eurent  quitté  ce  monde,  238 
les    dieux   virent    avec    mécontentement  que   la    doctrine 
du   Seigneur   avait  été   abaissée,    et,    considérant  que  des 


1.  Dans  une   poésie  mnémonique,  citée  par  Buddhaghosa,  p.  c,  on  appelle 
cette  assemblée  aussi  «  celle  des  Anciens  ». 

2.  Entre  autres,  Dîpav.,  chap,  4,  et  5,  1-15;  Buddhaghosa,  p.  c. 

3.  La  clôture  de  l'assemblée  coïncida  avec  la  pleine  lune  de  Phâlguna. 

4.  Ici  encore  le  second  Kâçyapa  est  contemporain  du  premier. 

5.  Kosh^hila  ou  Kaush(hila  chez  les  Septentrionaux. 


260  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

moines  très  doués  avaient  disparu  eux-anssi  *,  ils  se  deman- 
dèrent avec  tristesse  qui  voudrait  se  charger  de  la  tâche  de 
réunir  la  doctrine  du  Maître.  Alors  Kâçyapa  dit  aux  moines  : 
((  Comme  les  dieux  manifestent  leur  mécontentement,  vous 
ne  devez  pas  partir.  »  Aussitôt,  il  fit  convoquer  par  le  serviteur 
Pûrna  ^  une  assemblée,  où  parurent  499  Saints,  qui  appri- 
rent de  la  bouche  de  Kâçyapa  le  but  de  la  réunion.  En  atten- 
dant celui-ci  envoya  de  nouveau  Pûrna,  avec  la  mission 
d'amener  aussi  Gavâmpati.  Gavâmpati,  qui  apprit  alors  pour 
la  première  fois,  de  la  bouche  du  messager,  que  le  Seigneur 
était  mort,  fut  tellement  ému,  qu'il  expira,  au  milieu  de 
quelques  miracles.  Par  suite,  Pûrna,  après  avoir  rendu  au 
corps  les  honneurs  requis,  revint  avec  le  pot  à  aumônes  et 
l'habit  monastique  du  mort  au  Bois  des  deux  arbres-Sâl,  afin 
d'apprendre  à  Kâçyapa  ce  qui  était  arrivé.  Le  Patriarche  ne 
fut  nullement  content,  et  proclama  un  ordre  d'après  lequel  il 
était  expressément  défendu  de  mourir  avant  d'avoir  accompli 
le  nécessaire.  Il  proposa  ensuite  à  la  réunion  de  partir  avec 
lui  pour  Râjagrha,  et  les  frères  ne  firent  à  cela  aucune  objec- 
tion; ils  désiraient  seulement  savoir  quelle  place  occuperait 
Ananda,  qui  pourtant,  lui  aussi,  était  un  docteur.  Le  prési- 
dent, qui  ne  voulait  pas  dépasser  le  nombre  fixé  des  membres, 
jugea  que  le  mieux  serait  de  charger  Ananda  du  service  de 
Teau  et  la  majorité  se  rallia  à  cet  avis. 

Quand  Ajâtaçatru  vit  Kâçyapa  le  Grand  à  Râjagrha,  il  pensa 
au  Seigneur,  et  tomba  de  son  éléphant  à  terre,  mais  le  Père 
de  l'Eglise  le  soutint  miraculeusement,  et  l'exhorta  à  ne  plus 
agir  ainsi.  A  la  demande  du  roi,  où  il  avait  l'intention  de  se 
239  rendre,  *  il  répondit  qu'il  voulait  aller  à  la  Grotte  aux  Banians, 
dans  les  monts  Videhaka. 
Ajâtaçatru  prit  soin  pour  que  tout  fût  prêt  dans  la  Grotte 

1.  Heureusement,  il  y  avait,  cent  ans  plus  tard,  encore  huit  Sthaviras  en 
vie,  capables  de  transmettre  la  doctrine  authentique. 

2.  Pûrna  est,  entre  autres,  le  nom  des  5«,  10^  et  15«  jour  de  la  moitié  du  mois  ; 
rassemblée  fut  ouverte  le  Séjour  de  la  lune  accroissante:  Bigandet,  II,  108. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  261 

aux  Banians  *  pour  le  jour  de  pleine  lune  du  mois  de  milieu 
du  temps  de  retraite  ^  En  attendant,  le  patriarche  délibéra 
avec  Aniruddha  et  lui  demanda  quels  docteurs  se  trouvaient 
parmi  les  moines.  Aniruddha  lui  déclara  que,  d'après  son 
avis,  Ananda  était  seul  digne  de  ce  titre.  Le  patriarche,  qui 
comprenait  bien  qu'il  ne  pourrait  maîtriser  Ananda  que  par 
de  dures  paroles,  dit  à  celui-ci-ci:  «  Ananda,  comme  je  suis  le 
chef  de  l'assemblée  et  que  nous  ne  pouvons  siéger  ensemble  % 
je  vous  ordonne  de  partir  d'ici.  »  Ananda  fut  troublé,  et 
s'écria  :  «  Pourquoi?  ô  Kâçyapa,  j'ai  marché  conformément 
aux  institutions,  leçons  et  usages  ;  je  n'ai  jamais  fait  de  mal 
à  la  Congrégation  ;  soyez  bienveillant  h  mon  égard.  »  Le 
Patriarche  répondit:  «  Ce  n'est  pas  étonnant  si  vous^  qui 
étiez  le  satellite  du  Seigneur,  et  l'accompagniez  partout, 
n'avez  pas  transgressé  les  institutions,  etc.  Mais  vous  avez 
péché  contre  la  Congrégation  :  je  vais  vous  le  prouver.  Allez 
chercher  une  tablette  {ou  :  une  ardoise).  »  Au  moment  oiî 
Ananda  se  leva,  la  terre  trembla,  et  les  Dieux  s'écrièrent 
en  se  lamentant  :  «  Hélas  !  Kâçyapa  a  raison,  et  Ananda 
recevra  une  sévère  réprimande.  »  Le  Patriarche  commençai 
énumérer  ses  griefs  :  «  Yos  transgressions,  Ananda,  sont  les 
suivantes  »,  dit-il  :  «  1.  Yous  avez  prêché 'la  doctrine  aux 


1.  Fa  Hian  [Travels  li8)  dit,  que  la  grotte,  qu'il  appelle  Che-ti  (?),  se  trou- 
vait du  côté  Nord  delà  montagne. 

2.  Ceci  suppose  un  Varshavâsa  de  trois  mois. 

3.  Le  crépuscule  (Kâçyapa)  et  la  Lune  (Ananda)  ne  peuvent  pas  se  supporter. 
Il  est  difficile  de  ne  pas  reconnaître  des  traits  mythiques  dans  la  tradition 
méridionale  chez  Bigandet  (II,  108)  :  l'Assemblée  (où  présidait  Crépuscule)  était 
déjà  ouverte;  chacun  était  à  sa  place,  sauf  Ananda.  Mais  voilà,  un  peu  plus 
tard,  qu'il  paraît  subitement  dans  rassemblée  :  «  the  appearance  of  his  face 
resembled  a  ripe  pal  m  fruit.  It  was  beautiful  as  the  moon  at  its  full,emerging 
from  the  bosom  of  a  cloud  ».  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  nature  multiple 
d'Ananda  :  en  tout  cas  il  est  une  sphère  lumineuse,  qui,  en  s'éteignant,  se  par- 
tage en  deux  moitiés  :  c'est-à-dire,  que  lorsqu'il  se  couche  à  l'Occident,  l'ho- 
rizon le  coupe  en  deux.  Les  Indiens,  en  effet,  disent  du  soleil  ou  de  la  lune, 
quand  ils  sont  (en  apparence) à  l'horizon,  que  ces  astres  sont  «moitié-dessus  » 
et  «  moitié-dessous  ». 


262  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

240  femmes,  *  été  cause  de  leur  admission  dans  l'Ordre.  2.  Vous 
avez  négligé  de  supplier  le  Seigneur  de  remettre  son  Nirvana 
à  plus  tard.  3.  Vous  avez  donné  au  Maître  une  réponse  éva- 
sive.  4.  Vous  avez  marché  sur  le  bout  de  son  manteau.  5. 
Yous  avez  donné  de  l'eau  trouble.  6.  Vous  avez  négligé  de 
vous  enquérir  des  finesses  des  prescriptions.  7.  Vous  avez 
révélé  des  mystères  à  un  couple  marié.  8.  Vous  avez  prêché 
la  doctrine  à  une  femme  d'apparence  jaune  (ou  pâle?).  » 

Ananda  demanda  pardon,  mais  Kâçyapa  ne  voulut  rien 
retirer  de  ce  qu'il  venait  de  dire,  et  répondit  :  «  Ananda, 
vous  avez  encore  des  passions;  moi  j'en  suis  délivré,  nous 
ne  pouvons  pas  demeurer  ensemble.  Par  conséquent,  allez 
vous-en  ».  Ananda  répéta  sa  prière  :  «  Kâçyapa,  ayez  pitié. 
Au  moment  du  départ  du  Seigneur,  celui-ci  dit  :  Ananda,  ne 
disparais  pas  du  monde  des  vivants  ;  je  vous  confie  à  Kâçyapa. 
Agissez  donc  selon  la  parole. du  Maître,  moi  je  m'engage 
pour  l'avenir  ».  —  «  Ne  pleurez  pas  »  reprit  le  Patriarche, 
«  et  partez.  Je  vous  punis,  pour  vous  donner  l'occasion  de 
montrer  votre  zèle  pour  la  religion  ».  Alors  Aniruddha  se 
mêla  à  la  conversation,  et  demanda  :  «  Comment  pourrons- 
nous  publier  le  Dharma  sans  Ananda?  »  Kâçyapa  répondit  : 
«  Quelques  bonnes  qualités  que  possède  Ananda,  tant  qu'il 
aura  de  la  passion,  il  ne  pourra  rester  avec  nous  ».  Se  tour- 
nant ensuite  vers  Ananda,  il  lui  dit  :  «  Allez,  et  revenez  dès 
que  vous  serez  devenu  un  Arhat  ». 

Les  larmes  aux  yeux,  et  dans  l'âme  un  souvenir  attendri 
du  Maître,  Ananda  partit  pour  le  pays  des  Vrjis  *.  Bientôt 
il  devint  Arhat,  et  retourna  à  la  Grotte  aux  Banians.  Là,  il 


1.  Malgré  des  divergences  de  détail,  les  deux  versions  s'accordent  en  ceci, 
qu'Ânanda  est  considéré,  dans  toutes  les  deux,  comme  un  personnage  indis- 
pensable. 11  en  est  autrement  dans  le  Mahâvastu  des  hétérodoxes  Lokottara- 
vâdins  :  dans  ce  livre,  lors  de  la  description  du  Concile,  Ananda  n'est  men- 
tionné qu'en  passant;  c'est  Kâtyâyana  qui  joue  le  premier  rôle.  A  d'autres 
égards  encore,  le  récit  du  Mahâvastu  (édit.  Senart,  1,  69  ss.)  est  très  carac- 
téristique. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  263 

fut  bien  reçu  par  Kâçyapa  le  Grand,  Kaundinya,  Aniruddha, 
Upâli,  Cunda,  Daçabala-Kâçyapa  (autrement  dit  Yâshpa),  les 
500  Arhats  ayant  à  leur  tête  les  16  Stha viras  %  *et  placé  sur  241 
le  trône  pour  prêcher  la  doctrine.  Invité  par  le  président,  il 
récita,  après  avoir  regardé  autour  ne  lui,  le  premier  Sûtra  : 
«  C'est  ainsi  que  j'ai  entendu  :  Jadis  le  Seigneur  était  dans  le 
royaume  de  Bénarès  dans  le  Parc  aux  Cerfs  ».  En  entendant 
ces  paroles,  les  Dieux  et  les  hommes  furent  remplis  de  tris- 
tesse, pensant  au  Seigneur. 

Après  qu'Ananda  eût  récité  le  Sûtra  tout  entier  *,  Kaun- 
dinya déclara  au  président  que  par  suite  de  cette  récitation, 
il  était  devenu  croyant  ^  Le  Patriarche  lui-même,  afin  de  ne 
pas  être  surpris  par  la  mort,  confia  la  collection  complète  des 
Sûtras  à  Ananda,  qui  promit  d'accomplir  cette  mission.  Après 
que  le  texte  de  tous  les  Sûtras  eût  été  fixé,  Ananda  déclara 
qu'il  n'y  avait  plus  de  Sûtras  à  examiner,  et  descendit  de  la 
chaire.  Le  président  monta  alors  lui-même  un  instant  en 
chaire,  afin  de  confier  à  Upâli  la  collection  du  Vinaya.  Alors 
ce  fut  Upâli  qui  occupa  le  siège.  En  attendant,  le  président 
avait    résolu  de  se  charger  lui-même   de    la   réunion  des 

2.  A  savoir  :  Râhula,  Pindola-Bhâradvâja,  Panthaka  le  Grand,  Panthaka  le 
Petit,  Gavâmpati  (ou  Gopa),  qui  était  déjà  mort,  mais  qui  doit  être  revenu  à 
la  vie  après  quelques  mois,  Pilindavatsa,  Kâlika,  Çarana,  Bhadra,  Vakula, 
Nâgamudra  ou  Nâgasena,  Ajita  et  encore  quelques  autres,  dont  les  noms  ne 
sont  pas  sûrs  :  Lehensb.   322. 

1.  En  théorie,  tous  les  Sûtras  avaient  donc,  déjà  pendant  la  vie  du  Buddha, 
la  forme  canonique.  Comme  tous  les  Sûtras  débutent  de  même  :  «  c'est  ainsi 
que  j'ai  entendu,  çrutam,  (ou  appris),  etc.,  »  il  est  impossible  qu'un  seul 
d'entre  eux  ait  été  mis  par  écrit  par  des  disciples  directs  du  Maître,  soit  pen- 
dant sa  vie,  soit  après  sa  mort,  car  ceux-ci  diraient  :  «  J'ai  assisté  »  ou  «  Je 
me  rappelle  »  ou  quelque  chose  d'analogue.  La  formule  avec  çrutam  n'a  pro- 
bablement d'autre  but  que  de  déclarer  que  les  Sûtras  sont  un  texte  tradi- 
tionnel et  sacré,  Çruti. 

2.  Kaundinya  était  le  premier  des  Cinq  et  était  autrefois  devenu  croyant 
en  écoutant  le  premier  sermon,  ainsi  qu'on  se  le  rappelle.  Dans  l'assemblée, 
personne  ne  se  le  rappelait  plus,  semble-t-il.  A  quoi  bon  autrement  la  décla- 
ration de  Kaundinya  au  président?  Ou  bien,  a-t-on  voulu  dire  que  K.  deve- 
nait périodiquement  croyant? 


264  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DAxNS  L'INDE 

Mâtrkâs  et,  après  être  monté  en  chaire,  il  réunit  les  Mâtrkas, 
qui  servent  à  conserver  sans  lacunes  le  Sûtra  et  le  Vinaya- 
Pitaka  \ 
242  *  La  version  qu'on  trouve  chez  Hiuen-Thsang  *  s'écarte  en 
quelques  détails  des  deux  rédactions  que  nous  venons  de  ré- 
sumer. Nous  en  donnons  ici  les  traits  principaux. 

Une  fois  que  Kâçyapa  le  Grand  était  assis  à  l'ombre  d'une 
forêt,  il  aperçut  une  lumière  brillante;  il  vit  de  son  œil 
céleste  que  le  Seigneur  s'éteignait  à  cette  heure,  entre  les 
deux  arbres-Sâl.  Il  se  mit  immédiatement,  avec  ses  suivants, 
en  route  pour  Kuçinagara.  En  chemin  il  rencontra  un  Âji- 
vika,  tenant  à  la  main  des  fleurs  célestes  ^  de  qui  il  apprit 
la  nouvelle  de  la  mort  du  Seigneur.  Alors  il  ne  put  se  retenir, 
et  s'écria  :  «  Le  Soleil  de  la  Raison  a  éteint  son  flambeau,  et 
le  monde  est  plongé  dans  l'obscurité.  »  En  attendant,  les 
moines  paresseux  se  livraient  à  une  joie  indécente,  en  pen- 
sant qu'ils  allaient  mener  maintenant  commode  et  joyeuse 
vie,  et  qu'ils  seraient  à  l'avenir  à  l'abri  des  punitions  s'ils 
enfreignaientle  règlement.  Kàçyapa  comprit  qu'il  était  néces- 
saire de  réunir  la  collection  des  dispositions  législatives.  A 
l'instant,  il  s'approcha  des  deux  arbres-Sâl,  fixa  son  regard 
sur  le  Buddha^  et  lui  rendit  hommage. 

Afin  de  convoquer  une  réunion  de  la  Loi,  le  Patriarche 
monta  sur  le  Sumeru  (le  Pôle  Nord),  sonna  la  grande  cloche 
et  convoqua  tous  les  Arhats  pour  qu'ils  eussent  à  se  rendre 
à  Râjagrha.  Ils  s'y  réunirent  au  nombre  de  999-^;  Ananda 

3.  Ces  mâtrkâs  (pâli  :  mâtikâ)  sont  les  titres  des  rubriques  et  des  articles; 
elles  forment  un  index,  une  Anukramanî,  comme  en  ont,  entre  autres,  les 
Vedas.  Quelques-uns  cependant  attachaient  à  Mâtrkâ  le  sens  d'Abhidharma; 
de  là  vient  que,  dans  une  autre  rédaction,  chez  Hiuen-Thsang,  Kâçyapa  figure 
comme  garant  de  la  tradition  de  TAbhidharma-Pitaka.  Corap.  sur  le  dernier 
sens  du  terme,  Burnouf,  Introd.  48;  317. 

1.  Voy,  des  PU.  B.  I,  J56.  III,  32. 

2.  Des  gouttes  de  rosée,  semble-t-il. 

3.  Ce  doublement  du  nombre  officiel  est  inutile  et  doit  être  rejeté;  toutes 
les  autres  rédactions  s'accordent  sur  le  nombre  500  ;  voir  plus  haut,  et  de 
même  Fa  Hian  {Travels,  118)  et  un  Avadâna  chez  Burnouf.  Introd.  434. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  26S 

fut  exclu,  parce  qu'il  n'était  encore  que  disciple  *  ;  et  toutes  ses 
remontrances,  disent  qu'il  avait  pendant  tant  d'années  fidèle- 
ment accompagné  le  Tathâgata,  ne  servirent  de  rien;  «  car  » 
faisait  remarquer  le  Patriarche,  «  bien  que  vous  soyez  devenu 
très  savant  à  force  d'accompagner  continuellement  le  Maître, 
néanmoins  les  désirs  sensuels  et  les  erreurs  spirituelles 
n'ont  pas  encore  été  réprimées  chez  vous,  et  les  liens 
qui  vous  rattachent  au  monde  n'ont  pas  encore  été 
dénoués  ». 

*  Ainsi  repoussé,  Ananda  se  mit  en  route  vers  un  endroit  243 
solitaire,  afin  d'arriver  à  l'état  d'Arhat.  Une  fois,  épuisé  de 
fatigue,  il  s'endormit.  A  peine  sa  tête  avait-elle  touché  le 
coussin  qu'il  devint  Arhat.  Immédiatement  il  se  mit  en 
route  vers  la  salle  des  séances  et  frappa  à  la  porte.  «  Tous 
vos  liens  sont-ils  déliés?  »  cria  le  président.  «  Oui  »  fut  la 
réponse.  «  Eh  bien!  »  reprit  le  Patriarche,  «  dans  ce  cas,  vous 
n'avez  pas  besoin  d'ouvrir  la  porte  pour  entrer  ».  En  effet, 
Ananda  entra  par  le  trou  de  la  serrure,  —  les  Arhats  pos- 
sèdent des  facultés  surhumaines —  salua  les  frères,  baisa  les 
pieds  du  président  et  prit  place,  après  avoir  été  amicalement 
accueilli  par  celui-ci. 

Alors  —  c'était  le  15^  jour  du  temps  de  retraite  —  le  pré- 
sident chargea  Ananda  de  la  récitation  du  Sûtra-Pitaka, 
Upâli  de  celle  du  Yinaya-Pitaka,  tandis  que  lui-même  se 
chargea  de  la  réunion  de  l'Abhidharma-Pitaka  \  Ananda  se 
leva,  tourna  le  visage  du  côté  du  mont  du  Nirvana  ^  fit  une 
humble  révérence,  et  monta  en  chaire  afin  de  réciter  les 
Sûtras,  que  l'assemblée  recueillit  de  sa  bouche  et  mit  par 
écrit.  Puis  Upâli  récita  le  Vinaya,  et  Kâçyapa  l'Abhidharma. 
Dans  l'espace  de  trois  mois,  tout  était  achevé;  les  copies 


4.  Il  n'avait  pas  encore   atteint  l'horizon.  —   D'après  la  légende  officielle, 
Ananda  était  alors  âgé  de  plus  de  80  ans. 

1.  Comp.  plus  haut,  la  note  3  de  la  p.  241. 

2.  Les  Indiens  appellent  l'horizon,  «  montagne  »  ;  le  «  mont  de  l'extinction  » 
est  l'horizon  occidental. 


266  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

des  livres  canoniques  furent  écrites  sur  feuilles  de  palmier, 
multipliées  et  répandues  ainsi  dans  l'Inde  entière. 

Le  caractère  absolument  irrationnel  des  personnages  de 
ces  récits  relatifs  au  premier  Concile,  caractère  qui  n'a  pas 
besoin  d'être  démontré  en  détail,  est  une  conséquence  natu- 
relle de  l'impuissance  des  conteurs,  dès  qu'ils  étaient  obligés 
de  donner  une  apparence  historique  à  des  personnifications, 
soit  de  phénomènes  naturels,  soit  de  conceptions  abstraites. 
A  mesure  que  le  fond  d'un  mythe  ou  d'une  allégorie  tombe 
en  oubli,  les  personnages  qui  y  figurent  prennent  une  appa- 
rence de  plus  en  plus  humaine,  jusqu'à  ce  qu'à  la  fin  ils  se 
présentent  comme  les  héros  d'un  roman  historique.  Les  récits 
du  premier  Concile  n'ont  pas  encore  atteint  ce  stage  final  : 
même  dans  la  rédaction  la  plus  récente,  les  personnages, 
malgré  leur  apparence  humaine,  se  conduisent  d'une  façon 
irrationnelle. 
244  *  Nous  croyons  que  tout  ce  qui  a  rapport  à  Kâçyapa  et 
Ananda  est  purement  mythique.  Le  Dieu  du  jour,  en  dispa- 
raissant, laisse  le  champ  libre  au  premier,  le  Crépuscule; 
mais  sa  domination  n'est  pas  de  longue  durée,  surtout  dans 
le  pays  où  naquit  le  mythe;  rien  d'étonnant,  par  conséquent, 
si  lui ,  le  grand  Patriarche,  ne  figure  ni  chez  les  Septentrionaux, 
ni  chez  les  Méridionaux,  dans  la  liste  des  docteurs  \  comme 
chef  de  la  communauté.  Le  souvenir  de  la  véritable  nature 
du  Patriarche  doit  avoir  survécu  longtemps  dans  l'Inde,  au 
moins  dans  certains  milieux;  on  peut  le  conclure  de  la 
légende  de  la  Montagne  de  la  Patte  du  Coq,  telle  que  la  donne 
Fa  Hian  :  «  A  l'intérieur  de  cette  montagne  repose  actuelle- 
ment Kâçyapa  le  Grand  ^  Il  s'est  frayé  un  chemin,  à  travers 

i .  Chez  les  premiers,  le  premier  docteur  et  chef  de  la  communauté,  à  partir 
de  l'an  1,  est  Ânanda;  chez  les  seconds,  Upâli.  Ceci  s'explique  par  plus  d'une 
raison,  entre  autres,  par  celle-ci  que  le  terme  Vinaya,  dans  un  sens  plus  res- 
treint «  ordre,  discipline  »,  a,  au  fond,  la  signification  plus  étendue  qui  possède 
disciplina  en  latin  :  vinaya  et  dharma  peuvent  donc  se  prendre  l'un  pour  Tautre. 

2.  Travels,  132.  —  Legge,  o.  c.  p.  93,  identifie,  à  tort,  Mahâkâçyapa  avec 
le  Buddha  Kâçyapa. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  267 

le  pied  de  la  montagne,  jusqu'à  Tintérieur;  l'entrée  est  main- 
tenant fermée.  A  une  grande  distance  de  cet  endroit  est  un 
profond  ravin  qui  renferme  le  corps  de  Kâçyapa  ^  ;  hors  du 
ravin  est  l'endroit  où,  pendant  sa  vie,  il  avait  l'habitude  de 
se  laver  les  mains.  A  l'intérieur  de  la  montagne,  dès  que  le 
soleil  est  couché,  se  réunissent  tous  les  Arhats  (c'est-à-dire 
les  étoiles)  pour  occuper  chacun  sa  place.  Tous  les  ans,  des 
pèlerins  bouddhiques  visitent  cette  localité,  afin  d'y  rendre  un 
culte  à  Kâçyapa.  S'il  y  en  a  parmi  eux  qui  doutent,  alors, 
dès  le  coucher  du  soleil,  on  voit  paraître  les  Arhats,  qui  se 
mettent  à  causer  entre  eux,  afin  de  dissiper  le  doute  et  les 
objections;  puis  ils  disparaissent.  » 

Autrement  dit  :  à  l'intérieur  de  la  montagne  règne  l'obscu- 
rité, qui,  depuis  l'origine  des  temps,  y  a  été  pour  ainsi  dire, 
emprisonnée,  sans  avoir  jamais  pu  s'échapper.  Si  l'on  jette 
un  regard  dans  une  des  crevasses  profondes  de  la  montagne, 
on  reçoit  comme  l'impression  *  d'une  masse  compacte  d'obs-  245 
curité  crépusculaire  qui  s'y  est  amoncelée,  et  qui,  dès  la 
tombée  de  la  nuit,  semble  sortir  des  profondeurs  de  la  terre, 
pour  se  répandre  dans  l'espace  et  régner  sur  le  firmament. 
Bientôt,  cependant,  les  aimables  étoiles  s'allument  au  ciel  et 
occupent  leurs  places  habituelles,  de  manière  à  ôter  tout 
doute  sur  la  fixité  des  lois  de  la  nature  ;  si  quelqu'un,  après 
que  le  crépuscule  a  répandu  son  manteau  grisâtre,  pouvait 
concevoir  des  craintes  et  douter  du  retour  du  jour,  elles  sem- 
blent dire  que,  de  même  qu'elles  reviennent  invariablement 
à  leur  poste  et  brillent  dans  la  nuit  pour  servir  de  guides  au 
voyageur  égaré,  de  même  la  Grande  Lumière,  bien  qu'entrée 
momentanément  dans  le  Nirvana,  ne  cessera  pas  de  faire 
sentir  son  action  bienfaisante. 

3.  D'après  une  autre  version  {Lebensb.  307),  Kâçyapa,  après  avoir  parcouru 
l'horizon  entier,  s'enveloppa  du  manteau  contre  la  poussière,  que  le  Seigneur 
venait  d'abandonner,  et  prononça  le  vœu  que  son  corps  ne  sortirait  pas  du 
Mont  de  la  Patte  du  Coq,  avant  la  venue  de  Maitreya.  Alors,  en  effet,  il  paraît 
comme  crépuscule  matinal. 


268  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

C'est  là,  croyons-nous,  la  grande  réunion  joiirnalière  des 
Arhats,  sous  la  présidence  de  Kâçyapa,  pendant  la  première 
heure  qui  suit  le  Nirvana.  Il  y  a  aussi,  nous  verrons  plus  tard, 
annuellement  un  synode  des  Saints,  au  commencement  de 
l'année  *. 

En  même  temps  que  le  premier  synode,  il  y  eut,  d'après 
une  tradition,  un  contre-synode,  aussi  à  Râjagrha.  Comme 
d'autres  traditions  placent  ce  contre-Concile  cent  ans  plus 
tard,  nous  en  parlerons  dans  le  paragraphe  suivant,  à  propos 
du  second  Concile. 

Les  considérations  que  nous  venons  de  présenter,  au  sujet 
du  premier  Concile  soi-disant  historique,  peuvent  se  résumer 
en  quelques  mots  :  dans  un  vieux  récit  mythique,  on  a  inséré 
quelques  théories,  qui  avaient  le  but  de  donner  un  caractère 
inviolable  à  certaines  règles  monastiques  et  à  certains  dogmes, 
préalablement  acceptés. 


2.  —  Deuxième  Concile. 

La  tradition  méridionale  place  ce  Concile  juste  un  siècle 
après  le  Nirvana;  quant  aux  Bouddhistes  septentrionaux,  ils 
ne  sont  pas  d'accord  sur  la  date  :  la  plupart  donnent  Tan  110, 
quelques-uns  115,  d'autres  210  ou  220;  quelques-uns  sou- 
246  tiennent  *  que  l'an  137  après  1^  Nirvana,  il  y  eut  une  réunion 
de  moines  célèbres  à  Pâtaliputra,  sous  le  règne  des  rois 
Nanda  et  Mahâpadma  *.  D'ordinaire  cependant,  les  Septen- 
trionaux admettent  que  le  Concile  eut  lieu  du  temps  du  pieux 
Açoka,  tandis  que  les  Méridionaux  disent  que  Kâla-Açoka 
régnait  alors. 

Le  récit  singhalais  des  événements  qui  ont  précédé  et 
accompagné  le;Second  synode,  est  le  plus  complet  de  tous. 

1.  Vassa  signifie  aussi  bien  «  saison  des  pluies  »  qu'  «  année  ». 
1.  Vassilief,  sur  Târanâtha,  291  et  298.  Dans  cette  assemblée  parut  aussi  — 
Kâçyapa  le  Grand  ! 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  269 

Avant  de  le  résumer,  nous  donnerons,  comme  introduction, 
d'après  la  plus  ancienne  chronique  de  Geylan  %  quelques 
renseignements  sur  les  principaux  personnages  qui  y  figurè- 
rent. 

Juste  100  ans  après  le  Nirvana,  les  fils  de  Vrji,  au 
nombre  de  12,000,  et  demeurant  à  Vaiçâlî,  déclarèrent 
permises  dix  choses,  qui  avaient  été  défendues  par  le  ïathâ- 
gata,  comme  contraires  au  dogme  et  à  la  discipline.  Pour 
combattre  cette  hérésie,  1,200,000  filsde  Çâkya  se  réunirent, 
sous  la  conduite  de  8  Anciens  de  grande  autorité  :  Sarvakâ- 
min,  Sâdha,  Revata,  Kubjaçobhita,  Yaças,  Çânavâsin  Sam- 
bhûta,  Vrshabhagâmin  et  Sumanas;  les  deux  derniers  étaient 
disciples  d'Anuruddha,  les  autres,  d'Ananda.  Ces  huit 
Anciens  déclarèrent  que  les  dix  choses  n'étaient  pas  permises, 
et  réunirent  un  Concile,  auquel  assistèrent  100  moines  choi- 
sis, à  Vaiçâli,  dans  la  salle  du  Belvédère  (Kûtâgâra).  L'auto- 
rité dont  étaient  revêtus  les  Anciens  était  due  à  leur  grand 
âge,  car  tous  avaient  encore  vu  le  Seigneur.  Sarvâkamin,  le 
principal  orateur,  avait  une  ancienneté  de  120  ans,  de  sorte 
qu'il  était  âgé  de  140  ans  au  moins  ^  Yaças  «  loué  par  le 
Seigneur  »  peut  difficilement  être  distinct  du  personnage 
connu  de  ce  nom,  qui  fut  un  des  premiers  disciples;  il  doit 
donc  avoir  en  plus  de  i60  ans  \  Sadha  était  déjà  mort 
avant  le  Buddha  ^  Même  les  plus  jeunes  parmi  les  Pères  de 


2.  Dipâv.  4,  47  et  5,  16. 

3.  Nous  savons  ce  détail  par  le  corapte-rendu  le  plus  authentique,  Culla-V., 
12,2,4. 

4.  On  le  dit  disciple  d'Ananda,  ce  qui  n'est  pas  impossible,  si  l'on  voit 
dans  ce  dernier  le  Dieu  de  la  Sagesse. 

5.  Mahâparin.  S.  chap.  2.  —  Une  pareille  extinction  ou  éclipse  temporaire 
d'un  saint  n'a  rien  d'extraordinaire.  On  se  rappelle  avec  quelle  rapidité 
l'hérésiarque  Pûrana  Kàçyapa  reparut  sur  la  scène  du  monde  ;  quant  à  la 
longue  durée  de  la  vie  des  Sages  de  cette  sorte,  orthodoxes  ou  hérétiques, 
il  suffît  de  remarquer  que  les  six  hérésiarques  bien  connus  jouissaient 
encore  d'une  florissante  santé,  500  ans  après  le  Nirvana,  et  avaient  encore, 
à  ce  moment-là,  un  aussi  grand  nombre  d'adhérents  que  du  temps  où  le 


2*0  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

247  l'Eglise* devaient  avoir  atteint  l'âge  de  120  ans  au  moins,  de 
sorte  que  l'assemblée  méritait  de  plein  droit  le  nom  de  «  Con- 
cile des  Anciens  ».  L'âge  particulièrement  élevé  des  Pères 
assemblés  n'est  pas  un  hasard,  un  détail  secondaire  du  récit, 
mais  le  point  capital  ;  si  ce  fait  n'eût  été  nettement  constaté, 
l'autorité  des  Sthaviras  eût  paru  nulle  et  sans  valeur.  En 
outre,  cet  âge  si  extraordinairement  vénérable  des  person- 
nages principaux  du  deuxième  Synode,  n'est  pas  un  trait 
propre  à  la  tradition  méridionale  ;  car  chez  les  Septentrio- 
naux, bien  qu'ils  placent  l'assemblée  sous  Açoka  le  Maurya, 
l'âge  des  Sthaviras  reste  le  même.  Ce  fait  seul  montre  déjà 
que  les  auteurs  du  récit  du  second  Concile  se  souciaient  moins 
de  l'exactitude  historique  que  du  dogme.  Le  récit  que  le 
canon  pâli  *  donne  de  la  suite  des  événements  revient,  en 
abrégé,  à  ceci  : 

Un  siècle  après  le  Nirvana  du  Seigneur,  les  fils  de  Vrji, 
moines  établis  à  Yaiçâli,  déclarèrent  que  dix  choses  étaient 
permises,  à  savoir  :  l'usage  du  sel  dans  une  corne;  des 
deux  pouces;  d'un  autre  village;  de  la  demeure;  de  l'appro- 
bation (ou  :  de  l'autorisation)  ;  de  l'observation  de  la  routine  ; 
du  lait  non  baratté  ;  du  vin  nouveau  de  palmier  ;  de  nattes 
pour  s'asseoir  non  uniformes  ;  de  l'or  et  de  l'argent  \ 

Vers  ce  temps,  Yaças,  fils  de  Kâkândaka,  vint  à  Vaiçâlî,  et 
prit  son  logement  dans  le  Grand  Bois  (Mahâvana),  dans  la 
salle  du  Belvédère.  A  cette  occasion,  il  remarqua  que  les 
moines  connus  sous  le  nom  de  fils  de  Yrji,  au  jour  du  sabbat, 
remplissaient  d'eau  un  bassin  de  cuivre,  le  plaçaient  au 
milieu  [du  cercle  formé  par  les  religieux,  et  disaient  alors 
aux  laïques  :  «  Donnez  quelque  chose,  bonnes  gens,  à  la  Con- 
grégation, ne  fût-ce  qu'un  seul  kârshâpana  ^,  une  moitié^ 

Buddha  les  éclipsa  pour  sa  splendeur.  Nous  devons  ce  renseignement  digne 
de  foi  à  Mil.  P.i. 

1.  Culla-Vagga,Xïl. 

2.  L'explication  de  ces  termes  est  donnée  plus  loin  dans  le  récit  lui-même. 

3.  Une  pièce  de  monnaie,  en  or,  en  argent,  ou  en  cuivre. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  271 

un  quart  *  ou  un  seizième  de  kârshâpana;  cela  sera  utile  à  248 
la  Congrégation.  »  En  entendant  cela,  Yaças,  plein  d'indi- 
gnation, dit  aux  laïques  :  «  Ne  donnez  rien,  bonnes  gens,  les 
fils  de  Çâkya  ne  peuvent  accepter  ni  or,  ni  agent;  les  fils  de 
Çâkya  ont  renoncé  aux  pierreries  et  aux  bijoux  en  or  ;  les 
fils  de  Çâkya  ne  possèdent  ni  or  ni  argent  \  »  Malheureuse- 
ment, ses  remontrances  ne  servirent  à  rien  ;  les  laïques  con- 
tinuèrent à  donner  de  l'argent. 

Une  fois  la  nuit  passée,  les  moines  partagèrent  la  mon- 
naie entre  eux,  et  offrirent  aussi  sa  part  à  Yaças,  en  lui 
disant  :  «  Yoilà,  cher  Yaças,  votre  part  de  la  monnaie  »  ; 
mais  il  repoussa  leur  offre  avec  mépris.  C'en  fut  trop  pour 
les  fils  de  Yrji,  et  ils  résolurent  de  lui  imposer  une  punition 
disciplinaire,  comme  ayant  blâmé  des  laïques  pieux,  pleins 
d'excellentes  intentions.  Ils  le  condamnèrent  à  demander 
pardon  aux  laïques.  Le  vénérable  Père  déclara  se  sou- 
mettre à  la  sentence,  mais  se  permit  de  faire  remarquer  aux 
fils  de  Yrji  que  le  Seigneur  avait  ordonné  qu'on  devait  donner 
à  un  religieux,  condamné  à  demander  pardon,  un  surveillant 
pour  l'accompagner.  On  ne  fit  sur  ce  point  aucune  difficulté, 
et  l'on  accorda  à  Yaças  ce  qu'il  demandait  justement. 

Dès  que  Yaças,  avec  le  surveillant  qui  l'accompagnait, 
était  arrivé  dans  la  ville  de  Yaiçâlî,  il  fit  un  discours  aux 
laïques,  et  leur  dit  :  «  Je  reconnais,  honorés  seigneurs,  que 
je  vous  ai  blâmés,  vous,  qui  êtes  cependant  des  laïques  bien 
intentionnés  et  pieux;  c'est  vrai;  mais  pourquoi  ?  Parce  que 
j'appelle  illégal  ce  qui  est  illégal,  la  loi,  la  loi  ;  parce  que 
j'appelle  le  désordre,  le  désordre,  et  la  discipline,  la  discipline. 
Une  fois,  honorés  amis,  le  Seigneur  se  trouvait  à  Çrâvastî 
dans  le  Jetavana,  le  jardin  d'Anâthapindika  ^  Là,  il  adressa 

1.  Cet  usage,  qui  excitait  à  un  si  haut  degré  l'indignation  de  Yaças,  est  pra- 
tiqué régulièrement  par  les  fils  de  Çâkya  à  Ceylan.  «  In  some  conspicuous 
place,  there  is  a  large  copper  pan,  into  which  the  alms  of  the  people  are 
thrown  ».  Hardy,  E.  M.  233. 

2.  C'est  ainsi  que  parle  un  témoin  oculaire,  un  disciple,  ou  un  personnage 


272  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

249  aux  moines  l'allocution  suivante  *  :  Le  soleil  et  la  lune,  moines, 
ont  leurs  quatre  fléaux,  par  suite  desquels  ils  ne  luisent  pas, 
ne  brillent  pas,  n'illuminent  pas.  Quels  sont  ces  quatre  fléaux? 
Les  nuages,  moines,  sont  un  fléau  pour  le  soleil  et  la  lune, 
par  suite  desquels  ils  ne  luisent  pas,  ne  brillent  pas,  n'illu- 
minent pas.  Le  brouillard,  moines,  est  un  fléau,  etc.  La 
fumée  et  la  poussière,  moines,  sont  des  fléaux,  etc.  Râhu 
(l'éclipsé),  le  prince  des  Ténébreux,  est  un  fléau,  etc.  Ce  sont 
les  quatre  fléaux,  par  suite  desquels  le  soleil  et  la  lune  ne 
luisent  pas,  ne  brillent  pas,  n'illuminent  pas.  De  même, 
moines,  il  y  a  quatre  fléaux,  par  suite  desquels  les  ascètes 
et  les  brahmanes  ne  luisent  pas,  ne  brillent  pas,  n'illuminent 
pas.  Quels  sont  ces  quatre  fléaux?  Il  y  a,  moines,  des 
ascètes  et  des  brahmanes  qui  boivent  de  Teau-de-vie  et  de 
l'arac,  qui  sont  adonnés  aux  boissons  fortes.  C'est  le  premier 
fléau  des  ascètes  et  des  brahmanes,  etc.  Ensuite  il  y  a  des 
ascètes  et  des  brahmanes  qui  se  livrent  aux  plaisirs  de 
l'amour  et  s'y  sont  adonnés.  C'est  le  second  fléau.  Encore, 
il  y  a  quelques  ascètes  et  brahmanes  qui  reçoivent  en  don  de 
l'or  et  de  l'argent,  etc.  C'est  le  troisième  fléau.  Enfin  il  y  a 
quelques  ascètes  et  brahmanes  qui  exercent  un  métier  incon- 
venant. Ce  sont  là  les  quatre  fléaux,  etc.  —  Après  avoir  ainsi 
parlé,  le  Seigneur,  notre  Maître,  ajouta  : 

Sousi'empirederamouretdelahainesontcertains  ascètes  etbrahmanes, 
Gens  qui,  dans  leur  folie,  sont  sous  le  charme  de  la  beauté  extérieure; 
Ils  boivent  de  Teau-de-vie  et  de  l'arac;  ils  ont  commerce  avec  des  femmes; 
Ils  acceptent  volontiers  l'or  et  l'argent,  ces  insensés  ! 
Quelques  ascètes  et  brahmanes  exercent  un  métier  de  bas  étage  ; 
Ce  sont-là  les  fléaux  énumérés  par  Buddha,  le  parent  du  Soleil  *. 

représenté  comme  tel.  Au  contraire,  la  formule  «  C'est  ce  que  j'ai  entendu  (ou  : 
appris)  »  ne  peut  être  employée  que  par  quelqu'un  qui  n'a  pas  vu  le  Seigneur. 
Comme  des  Anciens,  ayant  autorité,  vivaient  encore  100  ans  après  le  Nirvana, 
tous  les  Sûtras,  qui  débutent  par  cette  formule,  doivent  avoir  été  rédigés  plus 
d'un  siècle  après  le  Nirvana. 

1.  Ces  paroles  sont  mises  dans  la  bouche  du  Gotamide  lui-même,  ce  qui 
n'est  pas  très  adroit. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  273 

Comme  certains  ascètes  et  brahmanes  en  sont  entachés, 

Ils  ne  donnent  ni  chaleur  ni  lumière;  ils  sont  impurs,  sales,  pareils  aux 

[bêtes. 

Revêtus  d'obscurité,  esclaves  de  leurs  désirs,  non  libres, 

Ils  augmentent  l'horrible  cimetière  2,  et  restent  sujets  à  la  renaissance. 

«  Ainsi  dit  le  Buddha.  En  vérité,  honorés  Seigneurs,  *  je  2S0 
reconnais  que  je  vous  ai  blâmés,  vous  qui  êtes  des  laïques 
pieux  et  bienveillants,  parce  que  j'ai  appelé  illégal  ce  qui  est 
illégal,  la  loi,  la  loi;   parce  que  j'ai  appelé  le   désordre,   le 
désordre,  et  la  discipline,  la  discipline.  » 

Yaças  continua  son  discours,  en  racontant  une  autre  vieille 
histoire,  puisée  dans  ses  souvenirs  du  temps  (l'an  zéro)  où  le 
Buddha  était  encore  sur  la  terre  :  comment,  du  temps  où  le 
Seigneur  était  dans  le  Bois  de  Bambous  près  de  Râjagrha,  on 
avait  soutenu  dans  une  réunion,  à  la  cour,  que  les  fils  de  Çâkya 
acceptaient  réellement  de  l'or  et  de  l'argent  ;  comment  cette 
opinion  avait  été  contredite  par  un  maire  du  village,  Manicû- 
laka,  qui  soutint  mordicus  le  contraire  ;  comment  cet  homme 
respectable,  voyant  que  toute  son  éloquence  échouait  en  face 
de  l'incrédulité  et  de  l'entêtement  d'une  société  aussi  légère 
que  haut  placée,  s'était  rendu  en  personne  auprès  du  Buddha, 
pour  que  celui-ci  mit  fm  à  la  dispute  ;  comment,  en  effet,  le 
Maître  lui  avait  donné  complètement  raison.  A  cette  histo- 
riette, l'orateur  en  ajouta  une  autre,  également  puisée  dans 
ses  souvenirs  :  comment  le  Seigneur  avait  rejeté  l'or  et 
l'argent. 

Ce  discours  éloquent  de  Yaças  produisit  l'effet  voulu  :  les 
pieux  laïques  de  Vaiçâli  déclarèrent,  d'un  commun  accord, 
que  lui,  Yaças,  était  le  seul  véritable  ascète  et  vrai  fils  de 
Çâkya  ;  ils  qualifièrent,  au  contraire,  les  fils  de  Yrji  de  faux 
ascètes  et  de  fils  indignes  de  Çâkya.  Ils  invitèrent  le  Père  à 

2.  On  peut  comparer  à  cette  expression,  qui  n'est  pas  rare  dans  les  écrits 
bouddhiques,  Àpastamba,  II,  9,  23,  4  et  10,  e*t  les  notes  de  Bûhler,  dans  sa 
traduction.  La  formule  semble  dire  que  de  telles  personnes,  après  leur  mort, 
deviennent  des  revenants,  qui  hantent  les  cimetières. 

Tome  U.  i8 


274  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

rester  chez  eux  et  promirent   qu'ils  subviendraient   à    ses 
besoins.  Puis  le  Sthavira  retourna  au  couvent. 

Les  fils  de  Yrji,  curieux  de  savoir  comment  la  chose  s'était 
passée  demandèrent  au  surveillant,  à  son  retour,  si  Yaças 
avait  satisfait  à  ses  obligations.  «  La  chose  a  mal  tourné  pour 
nous  »,  fut  la  réponse;  «  ils  ont  dit  qu'il  était,  lui,  le  seul 
véritable  ascète  et  vrai  fils  de  Çâkya,  et  nous  ont  qualifiés  de 
faux  ascètes  et  de  fils  indignes  de  Çâkya  ».  Les  moines  ne 
furent  nullement  édifiés,  lorsqu'ils  apprirent  que  leur  frère 
Yaças  avait,  sans  leur  permission,  si  bien  renseigné  les  laï- 
ques, et  ils  résolurent  de  l'excommunier.  Ils  eussent  certai- 
nement donné  suite  à  ce  projet,  si  Yaças  ne  les  avait  préve- 
251  nus  *  en  s'élevant  subitement  en  l'air,  et  en  s'échappant 
ainsi  vers  la  ville  de  Kauçâmbi. 

De  cette  ville,  le  Père  de  l'Eglise  envoya  un  messager  aux 
religieux  du  Pâtheya,  ainsi  qu'à  ceux  d'Avanti  et  du  Dekkhan, 
afin  de  les  convoquer  pour  délibérer  sur  une  question  impor- 
tante, afin  que  le  droit  et  la  loi  ne  fussent  pas  opprimés, 
tandis  que  l'injustice  et  le  désordre  triompheraient.  Lui- 
même  se  rendit  en  attendant  chez  Sambhûta  Çànavâsin  *,  qui 
demeurait  alors  sur  le  mont  Adhoganga.  Il  communiqua  à 
celui-ci  la  conduite  téméraire  des  fils  de  Vrji  à  Vaiçâli,  en  le 
priant  ardemment  de  poser  la  question.  Çànavâsin  dit  qu'il 
était  de  la  même  opinion  que  Yaças.  En  attendant,  soixante 
religieux  du  Pâtheya,  tous  ermites,  tous  moines  mendiants, 
tous  portant  un  vêtement  de  haillons,  tous  munis  des  trois 
vêtements    réglementaires,    tous  Arhats,  se    réunirent  sur 
l'Adhoganga  ;  de  même,  88    religieux  d'Avanti  et  du  Dek- 
khan,   dont    quelques-uns  étaient  ermites,  d'autres  moines 
mendiants,  quelques-uns  portant  un   vêtement  de  haillons, 
d'autres  munis  des   trois  vêtements    réglementaires,   mais 
tous  Arhats. 

1.  Dans  une  poésie  mnémonique,  citée  Sutta-V.,  I,  p.  294,  il  est  appelé 
Sânasambhûta  (Çânasambhûta) ;  dans  les  sources  septentrionales,  la  plupart 
du  temps,  Çàçavâsa  et  Çânavâsika. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  2% 

Pendant  que  ces  religieux  délibéraient  entre  eux,  ils  abou- 
tirent à  la  conviction,  que  la  question  était  délicate  et 
scabreuse  ;  ils  comprirent  donc  qu'il  était  nécessaire  de  se 
créer  un  parti  favorable  à  leurs  vues,  afin  d'avoir  le  dessus 
dans  le  différend.  En  premier  lieu,  ils  résolurent  d'amener 
à  leur  parti  le  très  vénérable  Revata  de  Soreya,  un  homme 
très  savant,  lettré,  intelligent,  et  modeste,  très  versé  dans  la 
Loi  et  dans  la  discipline.  Le  frère  Revata,  qui,  grâce  à  son 
admirable  organe  auditif  céleste,  parvint  à  connaître  les  su- 
jets des  délibérations  des  Sthaviras,  et  qui  comprenait  bien 
que  la  question  était  délicate  et  scabreuse,  aima  mieux  ne 
pas  s'en  mêler.  Il  comprit  que  les  frères  viendraient  bientôt 
lui  demander  son  avis,  et,  afin  de  les  éviter,  il  décampa  et 
alla  de  Soreya  à  Sânkâçya. 

*  Lorsque  les  Sthaviras  arrivèrent  à  Soreya,  ils  apprirent  252 
que  Revata  était  parti  pour  Sânkâçya.  Ils  se  mirent  en  route 
pour  la  dernière  ville,  mais  ne  l'y  trouvèrent  pas  non  plus  : 
il  était  parti  dans  l'intervalle  pour  Kanauj.  On  alla  donc  à 
Kanauj.  Arrivés  là,  ils  apprirent  que  Revata  avait  quitté  la 
ville,  et  s'était  mis  en  route  pour  Udumbara.  A  Udumbara, 
nouveau  désappointement;  le  très  vénérable  religieux  était 
parti  pour  Argalapura.  Là  encore,  ils  ne  réussirent  pas  à  le 
rencontrer,  car  il  s'était  mis  en  route  pour  Sahajâti.  Ils  le 
suivirent  encore  là,  et  en  arrivant,  ils  apprirent  avec  satis- 
faction qu'il  s'y  trouvait,  en  effet.  Cependant,  on  ne  l'alla 
pas  trouver  immédiatement,  parce  qu'il  était  probablement 
occupé  à  donner  sa  leçon,  comme  Çânavâsin  le  fit  remar- 
quer à  Yaças.  C'était  en  effet  le  cas. 

La  leçon  terminée,  Yaças  se  présenta  devant  Revata,  et, 
après  l'avoir  salué  poliment  et  s'être  assis  à  une  distance  res- 
pectueuse, il  lui  demanda  :  a  Cher  Seigneur,  du  sel  dans 
une  corne,  est-ce  permis  ?»  —  «  Qu'est-ce  que  c'est,  du  sel 
dans  une  corne?  »  demanda  à  son  tour  Revata  K  —  «  Est-il 

1.  11  faut  que  Texpression  ait  été  bien  obscure,  puisqu'un  homme  aussi 
savant  que  Revata  ne  la  comprenait  pas. 


276  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

permis  de  conserver  du  sel  dans  une  corne,  afin  de  l'em- 
ployer plus  tard,  lorsqu'on  n'aura  pas  de  sel  sous  la  main? 

—  ((  Non,  certainement  non,  mon  cher.  »  —  «  La  pratique 
des  deux  pouces  est-elle  permise?  »  —  «  Qu'est-ce  que  c'est, 
la  pratique  des  deux  pouces?  »  —  «  Est-il  permis  de  prendre 
de  la  nourriture  après  l'heure  permise  (après  midi),  quand 
l'ombre  est  plus  longue  que  deux  pouces?  »  —  «  Non.  w  — 
«  La  pratique  d'un  autre  village  est-elle  permise?  »  — 
«  Qu'est-ce  que  c'est?  »  —  «  Et-il  permis,  après  qu'on  a 
mangé,  de  prendre  de  la  nourriture  qui  n'est  pas  un  restant, 
quand  on  a  le  projet  d'aller  visiter  dans  le  courant  de  la  jour- 
née un  autre  village?  »  —  «  Non.  »  —  «  La  pratique  de  la  de- 
meure est-elle  permise?  —  «  Qu'est-ce  que  c'est?  »  —  Est-il 
permis  que  plusieurs  demeures  (ou  couvents)  qui  sont  si- 
tués dans  la  même  paroisse,  célèbrent   l'Uposatha  en  dif- 

253  férents  endroits?  »  —  «  Non.  »  —  *  «  L'approbation  (ou  : 
autorisation)  est-elle  permise?  »  —  «  Qu'est-ce  que  c'est?  » 

—  «  Est-il  permis  à  un  chapitre  qui  n'est  pas  en  nombre, 
d'accomplir  un  acte  ecclésiastique  en  comptant  sur  l'appro- 
bation ultérieure  des  moines  qui  surviendront  plus  tard?  » 

—  «  Non.  »  —  ((  Est-il  permis  de  suivre  la  routine?  »  — 
(f  Qu'est-ce  que  c'est?  »  —  «  Est-il  permis  de  suivre  tel 
usage  uniquement  parce  que  le  supérieur  ou  le  maître  agit 
ainsi?  »  —  «  Cela  dépend  des  circonstances;  parfois  c'est 
permis,  parfois  non.  »  —  «  Du  lait  non  baratté,  est-ce  per- 
mis? »  —  «  Qu'est-ce  que  c'est?  »  —  «  Peut-on,  après  avoir 
mangé,  boire  du  lait,  qui  n'est  plus  à  l'état  de  lait,  mais  pas 
encore  à  l'état  de  caillebotte,.  à  moins  que  ce  ne  soit  un 
restant?  »  —  «  Non.  »  —  «  Peut-on  boire  du  vin  nouveau  de 
palmier?  »  —  «  Qu'est-ce  que  c'est?  »  —  «  Peut-on  boire 
cette  sorte  de  boisson  enivrante  qui  n'a  pas  le  caractère  de 
boisson  fermentée  et  n'est  pas  encore  devenue  du  vin?  »  — 
«  Non.  »  —  «  Une  natte  pour  s'asseoir  non  uniforme  est-elle 
permise?  »  —  «  Non,  mon  cher.  »  —  «  De  l'or  et  de  l'argent 
sont-ils  permis?  »  —  «  Non,  mon  cher.  »  —  «  Ce  sont  là 


HISTOIRE   FXCLÉSIASTIQUE  277 

les  dix  choses  que  les  moines  de  Yaiçâlî,  les  fils  de  Vrji, 
déclarent  permises.  Soulevons  donc  la  question,  avant  que 
le  droit  et  la  loi  ne  soient  opprimés,  etc.  »  Le  vénérable 
Revata  donna  alors  à  Yaças  la  promesse  de  son  appui. 

Sur  ces  entrefaites,  les  moines  de  Yaiçâlî  avaient  appris 
les  efforts  de  Yaças  pour  soulever  la  question  et  se  créer  un 
parti.  Sous  l'empire  des  mêmes  mobiles  qui  avaient  mis  en 
mouvement  leurs  adversaires,  ils  résolurent  de  faire  de  leur 
côté  des  efforts  pour  s'assurer  l'appui  du  savant  Revata.  Afin 
de  le  gagner,  ils  se  munirent  de  toutes  sortes  d'ustensiles  de 
la  vie  monastique  :  un  pot  à  aumônes,  un  habit,  une  natte 
pour  s'asseoir,  un  étui  à  aiguilles,  une  ceinture,  un  filtre,  un 
pot  à  eau,  et  se  rendirent,  ainsi  équipés,  à  bord  d'un  vais- 
seau à  Sahajâti.  Yenus  là,  ils  débarquèrent,  et  prirent  leur 
repas  sous  un  arbre. 

A  peu  près  vers  le  même  temps,  le  vénérable  Sâdha,  qui 
dans  la  solitude  se  livrait  à  des  méditations  profondes,  conçut 
des  doutes  sur  la  question  de  savoir  lequel  des  deux  partis, 
celui  des  moines  occidentaux  ou  celui  des  moines  du  Pâtheya, 
avait  le  droit  de  son  côté  *  *.  Après  avoir  réfléchi  un  254 
moment,  il  acquit  la  conviction  que  les  moines  orientaux 
représentaient  l'injustice  et  que  ceux  du  Pâtheya  défendaient 
la  Loi.  Alors  un  ange  descendit  du  ciel,  et  parut  devant 
Sâdha,  lui  criant  :  «  C'est  bien,  Sâdha  !  les  moines  orien-  , 
taux  représentent  l'injustice  et  ceux  du  Pâtheya  défendent 
la  Loi.  Reste  ferme  dans  la  doctrine  !  » 

Revenons  maintenant  aux  religieux  venus  de  Yaiçâlî. 
Ceux-ci  visitèrent  Revata  et  lui  offrirent  les  dons  qu'ils 
avaient  apportés  à  son  intention;  mais  il  refusa  de  les 
accepter,  parce  qu'il  possédait  déjà  un  vêtement  monastique 
complet  et  ne  désirait  rien  de  plus.  Alors  les  fils  de  Yrji 

1.  C'est  là  une  coïncidence  très  surprenante,  car  Sâdha  n'avait  reçu  aucun 
renseignement  sur  le  fait  que  la  question  avait  ét(^  soulevée  ;  du  moins  on 
n'en  dit  rien.  Ce  serait  simplement  ridicule  que  de  vouloir  chercher  dans  des 
fictions  aussi  maladroites  la  moindre  trace  d'histoire. 


278  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

essayèrent  de  corrompre  son  élève,  un  jeune  moine  âgé  de 
vingt  ans,  nommé  Uttara,  en  lui  offrant  tout  l'équipement, 
mais  lui  aussi  refusa,  pour  les  mêmes  raisons  que  son 
maître.  Ils  ne  se  laissèrent  pas  décourager  par  ce  refus,  mais 
firent  appel  à  un  antécédent.  «  Vénérable  frère  Uttara  », 
dirent-ils,  «  les  gens  ont  souvent  offert  au  Seigneur  un  équi- 
pement monastique  complet,  et,  s'il  l'acceptait,  ils  étaient 
très  heureux;  s'il  ne  l'acceptait  pas,  ils  l'offraient  au  très 
vénérable  Ananda,  car  c'était  comme  si  le  Seigneur  lui- 
même  avait  accepté.  C'est  pourquoi,  vénérable  seigneur 
Uttara,  recevez  ceci  ;  ce  seracomme  si  le  Sthavira  l'avait  reçu 
lui-même.  »  Uttara  céda,  et  accepta  un  seul  vêtement,  en 
disant  :  «  Dites-moi,  que  voulez-vous?  »  —  «  Rien  que  ceci, 
vénérable  frère  Uttara  »,  fut  la  réponse  :  «  Que  votre  maître 
déclare  dans  l'assemblée,  que  les  Buddhas  surgissent  dans 
les  pays  orientaux  ^;  que  les  religieux  orientaux  repré- 
sentent le  parti  de  la  Loi  et  que  ceux  du  Patheya  défendent 
l'injustice  ».  Uttara  promit  qu'il  ferait  comme  ils  dési- 
255  raient  *,  et  transmit  en  effet  la  demande  à  son  maître,  qui, 
loin  de  se  laisser  entraîner,  reprocha  à  son  élève  de  vouloir 
embrasser  le  parti  de  l'injustice.  Revata  fut  de  même  telle- 
ment indigné,  qu'il  renvoya  Uttara.  Celui-ci  revint_,  sans 
avoir  rien  obtenu,  chez  les  frères  de  Vaiçâlî,  qui,  bien  que 
.  très  désappointés  eux-mêmes,  essayèrent  de  le  consoler  et 
promirent  de  le  prendre  sous  leur  protection. 

Sur  ces  entrefaites,  le  moment  était  arrivé  de  la  réunion 
du  chapitre  qui  devait  décider  la  question.  Revata  prit  la 
parole,  et  proposa  d'ajourner  la  décision  et  de  transporter 
l'assemblée  à  l'endroit  oii  était  né  le  différend.  «  Car  »,  dit-il, 
«  si  nous  décidons  l'affaire  ici,  tel  ou  tel  parmi  les  moines 
voudra  revenir  sur  la  décision,  et  soulever  la  question  de 
nouveau  ».  Sa  proposition  fut  unanimement  adoptée,  et  les 


2.  Naturellement  :  ex  oriente  lux. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  279 

Sthaviras  se  mirent  en  route  pour  Vaiçâlî,  afin  de  terminer 
là  l'affaire. 

Dans  ce  temps-là  vivait  à  Vaiçâlî  un  Père  de  l'Église  pour 
la  terre  (entière)  ^  qui  avait  prononcé  ses  vœux  120  ans 
auparavant,  et  avait  été  compagnon  de  cellule  d'Ananda.  Il 
s'appelait  Sarvakâmin.  Lorsque  Revata  fut  sur  le  point  de  se 
rendre  au  Yihâra  où  demeurait  l'illustre  Père  de  l'Eglise, 
il  communiqua  son  projet  à  Çânavâsin,  et  pria  celui-ci  d'y 
venir  aussi  plus  tard,  afin  d'entendre  l'avis  de  Sarvakâmin 
sur  les  dix  arlicles.  Çânavâsin  ayant  consenti,  Revata  se 
rendit  au  Vihâra  de  Sarvakâmin.  Un  siège  avait  été  placé 
pour  ce  dernier  dans  le  Saint  des  Saints^  tandis  que  la 
chaise  destinée  à  Revata  était  placée  dans  le  parvis  du 
sanctuaire.  Comme  le  vieux  patriarche  ne  fit  pas  mine  de 
s'asseoir,  Revata,  lui  aussi,  resta  debout,  tandis  que  le  pre- 
mier ne  voulut  pas  s'asseoir,  tant  que  son  hôte  resterait 
debout.  A  la  fin,  vers  l'aurore  *,  Sarvakâmin  *  demanda  :  256 
«  A  quelle  chose,  honoré  Seigneur,  vous  appliquez-vous 
actuellement  avant  tout?  »  —  «  A  la  bienveillance  »,  répon- 
dit Revata.  —  «  C'est  une  belle  chose  que  de  s'appliquer  à  la 
bienveillance  ».  —  «  Oui  »,  répondit  Revata,  «  déjà  anté- 
rieurement, quand  j'avais  encore  une  famille,  je  m'appli- 
quais à  la  bienveillance,  c'est  pourquoi  je  le  fais  encore 
maintenant,  quoique  je  sois  déjà  un  Saint  depuis  longtemps. 
Mais  à  quoi  s'applique  actuellement  avant  tout  Votre  Emi- 
nence?  »  —  «  A  l'abstraction  parfaite  »,  dit  Sarvakâmin.  — 
«  C'est  là  l'œuvre  d'un  Grand  Homme  ^  que  de  s'appliquer 

1.  Une  sorte  de  grand-prêtre,  de  patriarche  ou  de  métropolite,  semble- 
t-il.  On  donne  un  titre  semblable,  comme  nous  verrons  plus  loin,  à  Nâgârjuna. 

1 .  Cette  attitude  des  deux  Pères  de  l'Église,  Tun  en  face  de  l'autre,  pendant 
une  nuit  entière,  jette  une  vive  lumière  sur  le  caractère  historique  des  deux 
personnages  et  de  tout  le  récit  par  dessus  le  marché. 

2.  Littéralement  :  du  Grand  Esprit  (Purusha).  En  effet,  le  Purusha  est 
appelé  Sarvakâmamaya  dans  MailrVUpanishad^  6,  30.  Cela  suffît  pour  qu  on 
puisse  rayer  Sarvakâmin  de  la  liste  des  personnages  historiques.  Le  caractère 
de  Revata  ou  Raivata  est  moins  clair  ;  comme,  pendant  toute  sa  vie,  il  s'est 


280  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

à  l'abstraction  parfaite  )>.  —  «  Oui,  déjà  auparavant,  lorsque 
j'avais  encore  une  famille,  je  m'appliquais  à  l'abstraction 
parfaite;  c'est  pourquoi  je  le  fais  encore  maintenant,  quoi- 
que je  sois  déjà  un  Saint  depuis  longtemps.  » 

Pendant  que  les  deux  Sthaviras  causaient  ainsi,  Çânavâsin 
survint.  Après  avoir  poliment  salué  Sarvakâmin,  il  se  mit 
à  une  distance  respectueuse,  et  commença  par  dire  que  les 
fils  de  Vrji  déclaraient  permises  dix  choses,  qu'il  énuméra.  Il 
désira  connaître  à  ce  sujet  le  jugement  du  grand  Patriarche, 
et  savoir  qui  avait  raison,  les  moines  du  Pâtheya  ou  les 
moines  occidentaux.  «  Quel  est  votre  propre  sentiment  ?  car 
vous  avez  appris  aux  pieds  du  Seigneur  la  Loi  et  la  disci- 
pline »,  dit  Sarvakâmin.  «  A  mon  avis  »,  dit  Çânavâsin, 
«  les  Orientaux  ont  tort  et  ceux  du  Pâtheya  défendent  le 
droit.  Néanmoins,  je  me  réserve  de  prononcer  mon  avis  lors 
de  la  décision  finale  ».  Sarvakâmin  déclara  être  du  même 
sentiment  et  fit  la  même  réserve. 
257  *  La  grande  assemblée  se  réunit.  La  discussion  se  prolon- 
gea indéfiniment,  sans  aboutir  à  un  résultat  \  Revata  proposa 
alors  de  nommer  une  commission,  qui  se  chargerait  de  ter- 
miner l'affaire.  Comme  membres  de  la  commission,  il  pro- 
posa de  nommer  quatre  religieux  orientaux  et  quatre  du 
Pâtheya;  du  côté  des  Orientaux  :  Sarvakâmin,  Sâdha, 
Kubja-çobhita  et  Yrshabhagâmin  ;  du  côté  du  Pâtheya  : 
Revata,  Çânavâsin,  Yaças  et  Sumanas.  En  outre,  le  véné- 
rable Ajita,  un  moine  qui  avait  dix  ans  d'ancienneté,  et  qui 
était  à  ce  moment  chargé  de  la  récitation  du  Prâtimoksha,  fut 
chargé  d'indiquer  la  place  que  chacun  devait  occuper.  Afin  de 
pouvoir  accomplir  les  travaux  en  toute  tranquillité,  on  choisit 


appliqué  à  la  maitrî,  il  doit  être  Mitra,  Maitreya  ou  un  Saint  (c'est-à-dire  : 
dieu)  du  même  groupe,  peut-être  le  même  que  Re vanta,  le  fils  du  Soleil.  On 
comprend  difficilement  à  quoi  servirait  tout  le  dialogue,  si  ce  n'est  à  donner 
une  indication  sur  la  signification  réelle  des  personnages. 
1 .  Cela  se  voit  souvent. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  281 

pour  lieu  de  réunion  le  couvent  Jardin  de  Sable  %  situé  dans 
un  endroit  charmant  et  tranquille,  loin  des  bruits  delà  ville ^ 

Avant  que  la  délibération  eut  commencé,  Revata  demanda 
au  chapitre  la  permission  d'adresser  à  Sarvakâmin  des  ques- 
tions sur  la  discipline  ;  et  celui-ci  se  déclara  prêt  à  répondre 
à  ces  questions,  si  l'assemblée  l'approuvait.  Revata  com- 
mença l'interrogatoire  ainsi  :  «  Pardon  !  Du  sel  dans  une 
corne,  est-ce  permis?  »  —  «  Qu'est-ce  que  c'est,  du  sel  dans 
une  corne  ?  »  demanda  à  son  tour  Sarvakâmin  \  —  «  Est-il 
permis  de  conserver  du  sel  dans  une  corne,  afin  de  pouvoir 
l'employer  plus  tard,  dans  le  cas  où  l'on  n'aurait  pas  de  sel 
sous  la  main?  »  —  «  Non,  ce  n'est  pas  permis.  »  —  «  Dans 
quel  endroit  cela  a-t-il  été  défendu?  »  —  «  A  Çrâvasti  (comme 
il  est  dit)  dans  le  Sutta-Vibhanga  ^  ». —  «  De  quoi  se  rend-on 
alors  coupable?  »  —  «  De  l'emploi  de  nourriture  mise  de 
côté.  »  —  «  Alors  je  propose  cette  conclusion  :  l'assemblée 
décide  que  ce  premier  point  est  contraire  à  la  Loi,  et  con- 
traire à  la  discipline,  *  un  écart  de  ce  qui  a  été  ordonné  par  258 
le  Maître.  Gomme  preuve  que  cette  résolution  a  été  prise,  je 
dépose  ce  premier  bulletin  de  vote.  » 

De  même  on  décida  les  autres  points,  et  ainsi  furent  con- 
damnées les  dix  choses  que  les  moines  de  Vaiçâli  avaient 
déclarées  permises  \ 

2.  Vâlukâ  ou  Vâlikâ-Ârâma. 

3.  Dans  Mahâvamsa,  20,  on  dit  plus  nettement  que  seule  la  Commission  des 
Huit  se  réunit  dans  le  Jardin  de  Sable,  et  que  le  Concile  eut  lieu  plus  tard 
dans  le  couvent  de  Grand-Bois. 

4.  Le  grand-prêtre  était  donc  tout  aussi  incapable  qu'auparavant  Revata 
lui-même,  de  deviner  le  sens  des  termes  employés.  Par  conséquent,  les  auteurs 
du  récit  se  doutaient  bien  que,  de  leur  temps,  personne  ne  savait  plus  à  quoi 
les  dix  formules  se  rapportaient  réellement. 

5.  On  veut  parler  de  la  défense  de  mettre  de  côté  de  la  nourriture,  art.  38 
du  titre  Pâcittiya  du  règlement  ;  voir  plus  haut.  Le  commentaire  historique  se 
trouve  Sutta-V.,  U,  p.  86.  Le  Sutta-V.  était  donc  déjà  rédigé  lorsque  fut 
fixée  la  rédaction  canonique  du  récit  du  Concile. 

i.  Les  points  2,  3,  7,  8  et  9  furent  jugés  contraires  aux  art.  37,  35,  encore  35, 
51  et  89  du  règlement,  titre  Pâcittiya;  le  point  10  contraire  à  l'art.  18,  titre 
Nissaggiya;  les  points  4  et  5  contraires  à  ce  qui  est  dit  Mahâ-V.,  2,  8,  3  et  9,  3, 


282  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Au  Concile  «  sur  le  Yinaya  »  assistèrent  700  moines,  en 
nombre  exact,  c'est  pourquoi  on  l'appelle  le  «  Concile  des 
Sept  Cents.  » 

Voilà  la  version  canonique  du  récit.  D'une  façon  mysté- 
rieuse, le  conclave  des  Huit  dans  le  Jardin  de  Sable  s'est  trans- 
formé en  un  Concile  complet  de  sept  cents  membres.  Les 
auteurs  plus  récents  font  évidemment  tout  ce  qu'ils  peuvent 
pour  métamorphoser  cette  fantasmagorie  en  une  scène  d'his- 
toire, et  ils  semblent  mieux  renseignés  à  mesure  qu'ils  sont 
plus  récents,  peut-être  par  suite  d'une  illumination  surna- 
turelle. Buddhaghosha  ^  raconte  que,  dans  ce  Concile,  toute 
l'Ecriture  Sainte  fut  de  nouveau  revue  et  expurgée,  ce  qui 
est  en  contradiction  absolue  avec  le  récit  très  détaillé  que 
nous  venons  de  donner  ;  car  il  en  résulte  justement  que  ni 
le  Prâtimoksha,  ni  lé  Sutta-Vibhanga  n'avaient  subi  la 
moindre  altération.  Dans  le  cas  contraire,  en  effet,  un  simple 
appel  au  texte  de  ces  écrits  n'eût  pas  suffi  pour  entraîner  la 
condamnation  des  dix  points  de  la  doctrine  hérétique  de  Vai- 
çâlî.  Le  même  auteur  (il  vivait  au  cinquième  siècle  après 
J.-C.)  nous  apprend  aussi  que  le  Concile  siégea  pendant  huit 
mois  ;  on  ne  sait  à  quelle  source  il  a  emprunté  ce  détail  ;  en 
tout  cas,  il  ne  l'a  pas  trouvé  dans  les  anciens  vers  mnémo- 
niques qu'il  cite  lui-même.  De  plus,  la  prétendue  révision  du 
Canon  aurait  eu  lieu  dans  le  Jardin  de  Sable.  La  chronique 
la  plus  ancienne  ^  ne  parle  pas  du  Jardin  de  Sable  et  du  con- 
259  clave  qui  s'y  serait  tenu  *  (cependant  il  est  probable  que  le 
récit  canonique  était  connu  de  l'auteur),  et  ne  mentionna  que 
la  réunion  des  Sept  Cents,  dans  la  salle  du  Belvédère  à 
Yaiçâlî.  La  chronique  plus  récente  *  coupe  le  Concile,  pour 

5  ;  contre  le  point  6  on  ne  put  citer  aucun  passage  de  l'Écriture  ;  il  ne  fut  pas 
décidé  à  ce  sujet  :  on  se  borna  à  déclarer  que  la  chose  était  tantôt  permise, 
tantôt  non. 

2.  Sutta-V.,\.  p.  294. 

3.  Difiâv.,  5,  29. 

1.  Mahâv.,  passage  cité. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  283 

ainsi  dire,  en  deux  sections  :  la  commission  des  Huit,  le  con- 
clave, qu'elle  place  dans  la  Cour  de  Sable  ;  l'assemblée  plé- 
nière,  à  Grand  Bois. 

L'inanité  de  ces  «  traditions  »  saute  aux  yeux,  quand  on 
se  rappelle  que  le  couvent  de  Grand  Bois,  la  salle  du  Belvé- 
dère, était  justement  entre  les  mains  des  fils  de  Yrji. 
Comment  auraient-ils  toléré,  dans  leur  propre  couvent,  la 
réunion  de  leurs  adversaires?  L'auteur  du  Mahâvamsa  a 
compris  qu'il  y  avait  là  une  difficulté,  et  il  a  imaginé  (ou 
emprunté  d'ailleurs)  l'historiette  que  voici  : 

Après  que  les  fils  de  Vrji,  furieux  de  n'avoir  pas  réussi  à 
gagner  Revata,  furent  revenus  à  Yaiçâlî,  ils  se  rendirent  à  la 
capitale  Pâtaliputra,  afin  d'exciter,  de  la  façon  la  plus  veni- 
meuse, le  roi  Kâla-Açoka  contre  leurs  adversaires.  «  C'est 
nous  »,  dirent-ils,  qui  sommes,  dans  la  terre  de  Vrji,  les  gar- 
diens de  l'appartement  du  Seigneur  à  Grand  Bois  ;  et  mainte- 
nant des  moines  de  la  campagne  vont  venir,  dans  le  but  de 
s'emparer  de  notre  couvent.  Veuillez  les  arrêter,  prince  !  » 
Après  avoir  ainsi  excité  le  roi  contre  les  orthodoxes,  ils 
retournèrent  à  Vaiçâlî.  En  attendant,  Revata  et  les  siens,  en 
tout  un  million  neuf  cent  mille  moines,  étaient  arrivés  à 
Vaiçâlî  ^  Le  roi,  —  évidemment  dans  le  but  d'empêcher 
cette  armée  monastique  d'occuper  Grand  Bois  —  envoya  des 
fonctionnaires  ;  mais  ceux-ci,  grâce  à  l'intervention  des  dieux, 
s'égarèrent  en  route.  En  attendant,  le  roi  eut,  pendant  la 
nuit,  un  songe,  qui  l'amena  à  partir  pour  Vaiçâlî  le  lende- 
main matin.  Arrivé  là,  il  réunit  le  chapitre  dans  le  couvent 
de  Grand  Bois,  *  et  après  avoir  entendu  les  deux  parties,  il  se  260 
déclara  en  faveur  des  orthodoxes.  Après  leur  avoir  fait  ses 
excuses  et  leur  avoir  exprimé  combien  il  était  attaché  à  leur 
cause,  il  leur  laissa  la  liberté  de  régler  les  prescriptions  à 

2.  Buddhagosha  {Sutta-V.,l,  p.  294),  après  avoir  dit  que  les  moines  s'étaient 
assemblés  au  nombre  exact  de  700,  ajoute  immédiatement  que  1,200,  000  moines 
s'étaient  réunis,  à  l'instigation  de  Yaças. 


284  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LLNDE 

leur  guise;  il  se  portait  garant  de  leur  sécurité'.  Puis  il 
repartit  vers  la  capitale.  Suit  immédiatement  le  récit  du  con- 
clave, où  furent  condamnés  les  10  points,  et  enfin  le  synode 
de  Grand  Bois. 

Le  rôle  de  défenseur  de  la  Foi,  que  joue  ici  Kâla-Açoka, 
est  contraire  à  celui  que  lui  attribue  Buddhagosha,  car  celui- 
ci  dit  que  le  roi  favorisait  le  parti  des  fils  de  Yrji.  Le  récit  de 
son  intervention  est  en  contradiction  directe  avec  le  compte- 
rendu  canonique  du  Concile.  Gela  ne  veut  pas  dire  que  la 
version  du  Mahâvamsa  soit  une  pure  invention  de  l'auteur 
de  la  chronique.  Au  contraire,  elle  n'est  que  la  copie  du 
récit  de  l'intervention  d'Açoka  le  Maurya,  lors  du  Goncile  de 
Pâtaliputra.  Kâla-Açoka  parle  comme  le  fait  Dharma-Açoka 
dans  l'inscription  de  Babhra,  et  quand  on  rattache  à  ce  fait 
la  circonstance  que  le  second  Goncile  eut  lieu,  d'après  les 
traditions  septentrionales,  sous  Açoka  le  Maurya,  on  est 
tenté  de  regarder  ces  dernières  traditions,  sur  ce  point  spé- 
cial, comme  plus  anciennes  et  moins  remaniées  que  celles 
des  Singhalais.  Au  lieu  d'admettre  que  les  Septentrionaux 
ont  confondu  *  deux  Açokas,  on  admettrait  plutôt  que  les 
Méridionaux,  ou,  pour  nous  exprimer  plus  prudemment,  les 
moines  du  Grand  Monastère,  ont  dédoublé  ^  le  Goncile 
unique  sous  Açoka,  et  ont  placé  chacun  de  ces  conciles  sous 
un  roi  différent,  mais  portant  le  nom  d'Açoka.  Réservons 
notre  jugement  final,  jusqu'à  ce  nous  ayons  parcouru  toutes 
les  pièces  du  procès,  autant  qu'elles  sont  à  notre  dispo- 
sition. 

Le  compte-rendu  officiel  nous  laisse  dans  l'incertitude  au 

sujet  du  sort  des  fils  de  Vrji,  après  la  condamnation  de  leurs 

thèses.  Jusqu'à  un  certain  point,  notre  curiosité  est  satis- 

261  faite  par  le  Dipavamsa.  *  Nous  y  lisons  *  comment  ces  reli- 

1.  Nous  verrons  dans  la  suite,  qu'il  ne  peut  être  question  de  confusion. 

2.  Le  fait,  que  deux  Conciles  subséquents  ont  eu  lieu  sous  deux  rois,  portant 
le  même  nom,  très  peu  usité,  est,  en  lui-même,  très  peu  vraisemblable. 

1.  Voyez  5,  31-39. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  28o 

gieux,  après  avoir  été  excommuniés  par  les  Sthaviras  % 
organisèrent  un  contre-concile,  et,  chose  remarquable,  cette 
assemblée  de  dissidents  est  connue  dans  l'histoire  comme 
«  le  Grand  Synode  »  et  eux-mêmes  comme  «  partisans  du 
Grand  Synode  »  (Mahâsanghîtikas)  ou  «  du  Grand  Sangha  » 
(Mahâsâiighikas).  On  énumère  longuement  les  iniquités  que 
commirent  les  schismatiques  :  ils  se  rendirent  coupables  de 
falsification  de  l'Ecriture  Sainte,  soit  par  le  bouleversement 
des  textes,  soit  par  des  omissions  et  des  interpolations,  soit 
par  le  rejet  de  parties  entières  du  canon,  et  par  la  composi- 
tion de  textes  nouveaux  ;  ils  allèrent  jusqu'à  changer  les 
termes  originaux,  les  genres  des  substantifs,  les  règles  du 
style  et  les  figures  de  rhétorique  ^ 

C'est  donc  chez  les  «  fils  de  Vrji  »  qu'il  faudrait  chercher 
l'origine  de  la  secte  hétérodoxe  des  Mahâsânghikas,  laquelle 
se  subdivisa  plus  tard  en  d'autres  sectes.  Malheureusement, 
la  même  chronique,  quelques  lignes  plus  loin,  nomme  les 
fils  de  Vrji  comme  une  subdivision  de  l'Eglise  orthodoxe  *. 
Dans  tout  cela,  nous  ne  saurions  trouver  trace  d'une  tradi- 
tion historique  :  nous  sommes  en  présence  d'une  fable 
dogmatique,  inventée  après  coup  pour  expliquer  un  état  de 
choses  existant,  dont  personne  ne  savait  plus  l'origine.  Les 
Mahâsânghikas,  «  les  partisans  de  la  Grande  Eglise  »  for- 
mèrent longtemps,  à  une  époque  déjà  historique,  une  subdivi- 
sion importante  de  l'Église;  ils  se  distinguaient  des  ortho- 
doxes, qui  se  présentaient  comme  Vieux  Croyants,  comme 
partisans  des  Sthaviras,  et  il  était  évident  qu'un  schisme  avait 
dû  avoir  lieu  jadis,  d'une  façon  ou  d'une  autre.  Une  fois  le 

2.  Parmi  lesquels  étaient  quatre  Orientaux,  comme  on  appelle  aussi  les  lils 
de  Vrji;  ceux-ci  furent  donc  condamnés  par  eux-mômes. 

3.  Le  seul  livre  des  Mahâsânghikas  ou  plutôt  d'une  subdivision  de  la  secte, 
les  Lokottaravâdins,  qu'on  ait  publié  jusqu'ici,  le  Mahâvastu,  est  en  effet 
rédigé  en  un  jargon  grotesque,  et,  sur  ce  point  du  moins,  il  y  a  quelque 
chose  de  vrai  dans  les  affirmations  du  chroniqueur  orthodoxe.  —  II  existe 
une  traduction  chinoise  du  Vinaya  des  Mahâsânghikas  (Béai,  Tinpitaka,  XLIIl) . 

4.  Voy.  5,45. 


286  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LlNDE 

262  temps  venu  *  où  tout  souvenir  des  faits  réels  qui  ont  donné 
lieu  à  un  schisme  est  effacé,  on  peut  convenablement  les 
remplacer  par  des  fables. 

Une  autre  rédaction  de  la  fable  au  sujet  de  l'origine  des 
Mahâsâiighikas,  est  donnée  par  Hiuen  Thsang  K  D'après  lui, 
le  Grand  Synode  était  contemporain  du  premier  Concile  sous 
Kâçyapa  le  Grand,  et  eut  lieu  à  Râjagrha.  Le  voyageur  a 
vu,  de  ses  propres  yeux,  le  Stûpa  érigé  en  cet  endroit  par 
Açoka,  en  souvenir  de  ce  contre-concile.  A  ce  Grand  Synode 
prirent  part  des  savants  et  des  non-savants,  au  nombre  de 
quelques  milliers,  qui  avaient  été  exclus  du  Concile  présidé 
par  Kâçyapa.  Comme  cette  assemblée  comprenait  aussi  bien 
des  laïques  que  des  religieux,  on  la  désigne  sous  le  nom  de 
«  Grand  Concile  »  ou  de  «  Grande  Eglise  » .  Le  canon  des 
livres  sacrés,  admis  dans  ce  Concile,  se  compose  de  cinq 
recueils,  tandis  que  les  Sthaviras,  sous  la  présidence  de 
Kâçyapa,  composèrent  trois  recueils  ^ 

Cette  fable  nous  apprend  qu'on  avait  perdu  tout  souvenir 
de  l'époque  oii  la  Congrégation  se  subdivisa  en  deux  sectes  ' 
principales.  Elle  est  très  préférable  à  la  version  singhalaise  : 
en  effet,  elle  place  l'origine  des  sectes  les  plus  anciennes  au 
commencement  des  choses,  dans  l'époque  préhistorique, 
crépusculaire,  oiî  régnait  Kâçyapa  \  L'absence  de  toute 
amertume  dans  les  expressions  et  de  toute  accusation  pué- 
rile contre  les   Mahâsânghikas  suffit  pour  nous  convaincre 

1.  Voy.  des  PU.  B.,  I,  158;  III,  37. 

2.  Les  3  Pitakas  sont  une  imitation  des  3  Vedas;  les  5  Pitakas,  des  5  Vedas 
(c'est-à-dire  :  les  quatre  recueils,  et  le  Mahâ-Bhârata^  destiné  à  un  public 
moins  restreint). 

3.  D'après  la  théorie  des  Mahâsânghikas  eux-mêmes,  il  y  a  trois  sectes  prin- 
cipales. 

4.  La  même  théorie  est  présentée,  sous  une  autre  forme,  dans  une  liste  tibé- 
taine des  18  sectes  :  là,  Kâçyapa  lui-même  est  nommé  comme  ancêtre  spiri- 
tuel des  Mahâsânghikas  :  Burnouf,  Introd.  446  et  452.  On  dirait  en  français  : 
«  L'origine  des  Mahâsânghikas  se  perd  dans  la  nuit  des  temps.  »  Il  y  a  d'autres 
sources  septentrionales  qui  placent  l'origine  des  schismes  100  ans  après  le 
Nirvana,  sous  Açoka  :  Târanâtha,  298. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  287 

que  la  fable  n'a  pas  été  détournée  de  son  sens  primitif  dans 
un  but  sectaire.  On  peut  admettre  avec  une  quasi-certitude 
qu  elle  est  plus  ancienne  que  la  tradition  singhalaise,  véri- 
table acte  d'accusation,  dans  lequel  le  but  poursuivi  est  par 
trop  visible. 

*  Quant  au  second  Concile,  le  voyageur  en  donne  le  récit  263 
suivant.  Un  siècle  après  le  Nirvana,  il  y  eut  à  Yaiçâli  des 
moines  qui  s'éloignaient  de  la  doctrine  du  Maître  et  enfrei- 
gnaient les  règles  de  la  discipline  \  Dans  ce  temps,  un 
vénérable  vieillard,  Yaças,  vivait  dans  le  Kosala  ;  un  autre, 
Sambhûta,  à  Matburâ  ;  un  troisième,  Revata,  à  Sahaja  ;  un 
quatrième,  Kubja-çobhita  %  à  Pâtaliputra  ;  tous  étaient  des 
élèves  d'Ananda.  Yaças  envoya  des  messagers,  afin  d'inviter 
les  Saints  à  une  réunion,  qui  se  tiendrait  à  Yaiçâli.  La  réu- 
nion comptait  699  moines  ;  pour  compléter  le  nombre, 
Kubja-çobhita,  qui  avait  vu,  avec  son  œil  céleste,  qu'on 
délibérait  sur  la  Loi,  parut  miraculeusement  au  milieu  de 
l'assemblée.  Là,  Sambhûta  proposa  de  réprimander  les 
moines  de  Yaiçâlî,  qui,  par  dix  pratiques,  avaient  désobéi 
aux  ordonnances  du  Maître.  En  conséquence,  la  «  grande 
assemblée  »  résolut,  quoique  avec  répugnance  et  alïliction, 
de  punir  sévèrement  les  transgresseurs,  ce  qui  eut  l'heureuse 
conséquence  que  les  coupables  abandonnèrent  complètement 
leurs  mauvaises  pratiques  ^ 

Le  récit  que  l'historien  ïâranâtha*  donne  des  événements, 
revient  à  ceci.  Le  vénérable  Dhîtika,  qui  demeurait  d'ordi- 
naire à  Kauçâmbî,  était  malade.  Les  moines  de  Yaiçâlî, 
jugeant  qu'un  Sthavira  souffrant  n'était  plus  capabe  de  faire 

1 .  Les  expressions  du  texte  dont  se  servait  Hiuen  Thsang  étaient  probable- 
ment les  mômes  que  dans  la  version  méridionale  :  apagataçâstrçâsana, 
udvinaya.  Mém.  I,  397.  Comp.  une  note  sur  Târanâtha,  290. 

2.  Ce  nom  n'est  pas  sûr,  étant  devenu  méconnaissable  dans  la  transcription 
chinoise  Fu-she-su-mi-lo. 

3 .  On  ne  trouve,  dans  cette  notice,  rien  de  semblable  à  la  tendance  veni- 
meuse du  Dîpavamsa. 

4.  Gesch.,  41. 


288  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

fonction  de  chef  de  la  doctrine,  méconnurent  son  autorité, 
et  déclarèrent  que  dix  pratiques  contraires  à  la  Loi  et  à  la 
264  discipline,  étaient  légales  ^  *  Après  que  TArhat  Yaças  et 
700  autres  Saints,  eurent  exprimé  leur  mécontentement, 
une  seconde  compilation  du  canon  fut  faite  dans  le  couvent 
de  Kusumapuri  \  sous  le  patronage  du  roi  Nandin,  de  la  race 
des  Lichavis.  Du  temps  oiî  furent  fixées  les  limites  des  pa- 
roisses des  six  villes,  les  700  Arhats,  tous  originaires  du 
diocèse  de  Yaiçâlî,  étaient  Bahuçrutîyas  ^  C'est  pourquoi 
cette  seconde  compilation  n'est  que  partielle.  D'après 
quelques-uns,  cette  seconde  compilation  du  canon  eut  lieu 
110  ans  après  la  mort  du  Buddha;  d'autres  disent  210  ou 
220  ans;  mais,  dans  la  dernière  hypothèse  (c'est  ainsi  que 
raisonne  Târanâtha)  il  faut  admettre  que  chaque  semestre  a 
été  compté  pour  une  année  entière. 

Il  y  a  moins  de  confusion  dans  une  notice  dans  l'appen- 
dice à  la  biographie  de  Çâkyamuni  ^  Yaças  et  les  autres 
disciples  d'Ananda,  en  tout  700  Arhats,  se  réunirent 
l'an  110  après  le  Nirvana,  à  Yaiçâlî,  et  firent  une  compila- 
tion critique  du  canon.  Une  autre  notice  *  nous  apprend 
que  la  seconde  compilation  eut  lieu  cent  ans  après  la  mort 
du  Maître,   sous  Sarvakâma  et  700  autres  Arhats  ^   Une 

5.  La  traduction  chinoise  des  «  dix  points  »,  d'après  le  Vinaya  de  la  secte 
Mahîçâsaka,  diffère  moins  de  l'explication  authentique,  donnée  plus  haut, 
que  la  traduction  tibétaine  du  Vinaya-kshudraka;  cette  dernière  a  souvent 
mal  compris  l'original.  Comme  preuve,  on  peut  citer  la  traduction  de  jalogi 
«  vin  nouveau  de  palmier  »  par  «  sangsue  »,  comme  si  l'original  portait 
jalaukâ;  l'article  est  maintenant  ainsi  conçu  :  «  sucer,  à  la  façon  d'une 
sangsue,  une  boisson  enivrante,  et  excuser  (cette  pratique)  sous  prétexte  de 
maladie  ».  «  Deux  pouces  »  est  devenu  (de  même  que  dans  la  traduction  chi- 
noise) «  remuer  la  nourriture  avec  deux  doigts  »,  annula  signifiant  aussi  bien 
«  doigt  »  que  «  pouce  »  (mesure);  Târanâtha,  4i,  comp.  288. 

1.  C'est-à-dire,  à  Pâtaliputra  :  c'est  une  erreur,  ainsi  que  la  mention  des 
Lichavis  le  prouve  surabondamment. 

2.  Nom  d'une  secte. 

3.  Ouvrage  cité,  309. 

4.  Dans  le  Tandjur,c\\é  par  Vassilief  sur  Târanâtha,  298. 

5.  On  trouve  d'autres  indications  encore  dans  Târanâtha,  290  ss. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  289 

poésie   mnémonique  en  pâli,   citée  par  Buddhaghosha,  dit 
que,  pendant  Je  second  synode,  celui  des  700,  la  seconde 
compilation  eut  lieu  par  les  soins  des  huit  Sthaviras,  Sar- 
vakâmin,  Sâdha,  etc.  Nous  avons  déjà  dit  que  cette  revision 
du  canon  ne  s'adapte  pas  bien  au  reste  du  récit  et  est  en 
contradiction  avec   le  compte  rendu  canonique  du  Concile. 
Au  fond,  quand  on  laisse  de  côté  les  détails  secondaires, 
les  traditions  septentrionale  et  méridionale  sont  d'accord.  La 
divergence  se  borne  au  fond  à  ceci  :  un  siècle  après  le  Bud- 
dha,    était-ce  Kâla-Açoka  qui    régnait,    ou  bien  Dharma- 
Açoka?*On  a  souvent  supposé  que  les  Bouddhistes  indiens  265 
auraient  confondu  deux  rois  homonymes  ;  mais  cela  ne  sem- 
ble pas  probable.  Une  confusion  suppose  une  erreur  invo- 
lontaire et  nous  n'en  trouvons  aucune  trace  chez  les  narra- 
teurs septentrionaux.  Au  contraire,  quand  ils  représentent 
Yaças  comme  prêtant  son  concours  lors  de   la  construction 
des  quatre-vingt-quatre  mille    Stupas,   il  est   inadmissible 
qu'ils  aient  confondu  l'Açoka  célèbre  avec  son  prédécesseur 
et  homonyme.  Quand  ils  racontent  que  le  Buddha  a  encore 
vu  Açoka  enfant  et  que  ce  môme  Açoka    régnait  encore 
cent  ans  plus   tard,  nous  avons  évidemment  affaire   à  un 
conte  absurde,  mais  il  reste  tout  aussi  absurde   quand  on 
l'applique  à  Kâla-Açoka  :  au  contraire,  il  devient  encore  un 
peu  plus  déraisonnable,  n'ayant  plus  aucun  but.  Quand  les 
Septentrionaux  font  vivre  l'apôtre  Madhyântika  du  temps 
d' Açoka  le  Maurya,  ils   sont  d'accord  avec  leurs  frères  du 
Midi  et,  en  outre,  ils  sont  conséquents  avec  eux-mêmes  en 
faisant  de  Madhyântika  un    contemporain  de  Çânavâsin  et 
un  disciple    d'Ânanda.  Qu'on  fasse  vivre  les  huit   Sthavi- 
ras ',  âgés  de  160  ou  de  140  ans,  sous  Açoka  P'  ou  sous 
Açoka  II,  cela  importe  peu,  les  deux  versions  étant  égale- 
ment fabuleuses. 

1.  Chez  les  Septentrionaux,  on  peut  citer,  comme  neuvième  Sthavira,  Pin- 
(jola-Bhàradviija,  qui  vivait  encore  sous  Dliarma-Açoka  ;  Divydvadâna,  390; 
Burnouf,  Introd.^  397. 

Tome'  11.  1»    . 


â90  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

On  trouve  dans  le  récit  du  Culla-Vagga,  quelques  détails 
qui  sont  évidemment  pris  sur  le  vif.  Ils  ne  prouvent  rien 
pour  le   caractère  historique   de  l'ensemble,   et   montrent 
seulement  que,   dans  les  synodes,  les  choses  se    passaient 
habituellement  de  cette  façon.  Qu'il  y  ait  eu  des  synodes  — 
qui  sait  combien  de  fois?  —  personne  ne  le  nie.  En  théorie, 
il  faut  qu'il  y  ait  eu  au  moins  autant  de  conciles  généraux 
qu'il  y  a  de  sectes  car  chaque  secte,  sauf  la  plus  ancienne, 
doit,    d'après    la   théorie,    son    origine   à    un   schisme,  et 
chaque  schisme  entraîne  une  revision  du  canon.  La  ques- 
tion n'est  pas  de  savoir  s'il  y  a  eu  de  temps  en  temps  des 
assemblées  ecclésiastiques,  qui  ont  pu  servir  de  modèles, 
lorsqu'on  rédigea  le  récit  des  deux  premiers  Conciles  %  mais 
seulement,  si  ces  deux  assemblées,  comme  elles  sont  décrites 
dans  les  notices  que  nous  possédons,  sont  historiques.  Nous 
ne  pouvons  découvrir  dans  ces  récits  autre  chose  que  des 
fictions  dogmatiques,  pour  lesquelles  des  mythes  didactiques 
plus  anciens  ont  fourni  des  matériaux. 
266      *  On  pourrait  encore  soulever,  contre  le  caractère  historique 
des  assemblées  à  Râjagrha  et  à  Vaiçâli,  bien  des  objections, 
que  nous  négligeons,  de  propos  délibéré,  à  l'exception  d'un 
seul  argument,  tiré  des  différentes  listes  des  docteurs  de 
l'Eglise,  listes  que  nous  allons  considérer  maintenant. 


4.  —  Généalogies  des  Docteurs. 
Histoire  des  plus  anciens  Pères  de  l'Eglise. 

Comme  chaque  école  ou  secte  des  fidèles  du  Veda  a  ses 
propres  généalogies  de  docteurs,  considérés  comme  faisant 
autorité5  de  même  les  Bouddhistes  possèdent  des  listes  de 
grands-maîtres,   qui,    dans  une   suite    ininterrompue,    ont 


2.  Au  fond,  trois  ConcileS)  car  la  Grande  Assemblée  était  pourtant  aussi  un 
Concile. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  29i 

propagé  la  vraie  doctrine,  et  qu'on  peut  assez  bien  qualifier 
de  Patriarches. 

Chez  les  Me'ridionaux,  la  chaîne  de  la  tradition,  depuis  le 
Buddha  jusqu'à  la  conversion  de  Ceylan,  se  compose  de 
cinq  anneaux,  qui  se  distribuent  sur  une  époque  de  235  années. 
Comme  le  quatrième  anneau  est  représenté  par  deux  per- 
sonnes, la  liste  comprend  six  noms  de  Patriarches,  à  savoir  : 
Upâli,  Dâsaka,  Sonaka,  Siggava  et  Candavajjî,  Tishya-Maud- 
galiputra  ^  Le  dernier,  qui  prononça  ses  vœux  dans  la  troi- 
sième année  de  Candragupta,  par  conséquent  en  314  ou  un 
peu  plus  tôt  ^  clôt  la  série,  en  ce  qui  concerne  le  continent 
de  l'Inde,  car  Mahendra,  qui  est  nommé  comme  successeur 
de  Tishya,  et  les  autorités  postérieures,  n'ont  de  valeur  que 
pour  Ceylan,  ou,  si  l'on  veut,  pour  la  division  méridionale 
des  croyants. 

Upâli  avait  une  ancienneté  de  soixante  ans  dans  la  seizième 
année  du  Nirvana  *  ;  il  avait  donc  été  converti  par  le  Buddha  267 
très  peu  de  temps  après  le  commencement  de  sa  carrière 
publique  \  Dans  la  même  année  16,  Upâli  consacra  l'habile 
Dâsaka,  auquel  il  livra  la  doctrine  sous  ses  neuf  formes, 
consistant  en  84  mille  subdivisions  et  3  Pitakas  -.  Après' 
avoir  désigné  Dâsaka  comme  son  successeur  dans  la  charge 


1.  Dans  les  vers  mnémoniques  cités  Sutia-V.  I,  292,  on  ne  mentionne  pas 
le  nom  de  Candavajji;  mais  il  se  trouve  dans  le  Dîpav.,  4,  46  et  5,  57.  La  forme 
sanscrite  de  Sonaka  est  probablement  Çaunaka  ;  de  Siggava,  Çaigrava. 

2.  D'après  Justin,  XV,  4,  Candragupta  doit  avoir  fondé  son  empire  peu  de 
temps  après  la  mort  d'Alexandre  le  Grand.  Cette  induction  est  confirmée  par 
un  autre  fait  :  Açoka  parle,  dans  un  édit  de  la  13»  année  de  son  couronne- 
ment, de  Magas,  roi  de  Cyrène,  comme  d'un  personnage  qui  est  encore  en 
vie.  Magas  mourut  en  258.  Si  l'on  ajoute  aux  années  de  règne  de  Candragupta 
et  Bindusâra  (24  -f  27  ou  28)  12  années  d'Açoka,  et  s'y  l'on  additionne  le 
total  avec  258,  on  obtient  321  ou  322,  comme  date  du  commencement  du 
règne  de  Candragupta. 

1.  Dîpav.,  4,28;  35,  5,  76. 

2.  Upâli  est  donc  aussi  versé  dans  le  Dharma— qui  était  proprement  la  spé^ 
cialité  d'Ânanda  —  que  dans  le  Vinaya. 


292  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

de  Maître  de  la  Discipline,  le  patriarche  mourut  en  Tan  30  ^ 

Dâsaka  avait  été  moine  pendant  40  ou  45  ans  \  lorsqu'à 
Girivraja  (Râjagrha)  il  consacra  comme  moine  Sonaka.  Cette 
consécration  est  placée  dans  Fan  10  du  règne  de  Nâga-Das- 
saka,  ce  qui  s'accorde  à  peu  près  avec  la  chronologie  de  la 
généalogie  royale.  Il  mourut  64  ans  après  sa  consécration, 
donc  Fan  60  après  le  Nirvana  après  avoir  nommé  Sonaka 
chef  de  la  Discipline. 

Sonaka  était  moine  depuis  40  ans  ^  lorsqu'il  consacra  le 
duumvirat  Siggava  et  Candavajji;  on  doit  placer  cet  acte 
40  ans  après  Fan  10  de  Nâga-Dassaka,  donc  vers  Fan  100  ^ 
Le  patriarche  vécut  jusqu'à  Fan  126  après  le  Nirvana,  car  il 
est  dit  qu'il  mourut  après  avoir  été  moine  pendant  soixante- 
six  ans. 

C'est  seulement  après  avoir  atteint  un  âge  très  avancé  que 
Siggava  consacra  Tishya-Maudgaliputra,  —  64  ans  après 
qu'il  eut  prononcé  lui-même  ses  vœux.  En  mourant,  douze 
ans  plus  tard,  il  désigna  Tishya  comme  son  successeur  '. 

Tishya  devint  donc  moine  164  ans  après  le  Nirvana,  et 
chef  de  la  discipline  douze  ans  après.  Il  mourut  80  ou  86  ans 
(après  avoir  prononcé  ses  vœux  ^).  Prenons  le  premier  chiffre 
268  et  admettons  que  Candragupta  *  soit  monté  sur  le  trône  l'an 
320  avant  Jésus-Christ,  alors  nous  devons  supposer  que  le 
patriarche  a  vécu  jusqu'en  238  qui  correspond  à  la  32''  année 
du  règne  d'Açoka  ^ 


3.  On  ne  tient  pas  compte  du  patriarche  Kàçyapa. 

4.  Le  premier  nombre  est  donné  Dipav.  5,  78;  le  second,  4,  41.  La  mention 
de  Pakunda,  comme  roi  de  Ceylan,  au  lieu  de  Panduvâsa,  semble  une  erreur. 

5.  Dîpav.,A,  44. 

6.  Exactement,  98  ;  nous  prenons  pour  plus  de  commodité  le  nombre  rond, 
donné  par  la  chronique,  bien  qu'il  doive  son  origine  à  une  faute  de  calcul. 

7.  Dïpav.,  5,  69,  93. 

8.  On  indique  deux  fois  le  premier  chiffre,  une  fois  le  second,   dans  une 
seule  et  même  chronique  :  5,  94,  95  et  107. 

1.  Les  modifications  que   subit  le  chiffre  final,  selon  qu'on  met  le  com- 
mencement du  règne  de  Candragupta  quelques  années  plus  tard,  ou  qu'on  pré- 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  293 

Dans  ce  qui  précède,  nous  avons  supposé  tacitement  que 
les  années  données  aux  patriarches  expriment  leur  ancien- 
neté, vu  que  ]a  chronique,  dans  un  vers  d'ailleurs  équi- 
voque -,  après  avoir  énuméré  les  années,  parle  à\ipasam- 
padâ.  Au  contraire,  si  l'on  suppose  que  les  années  représen- 
tent la  durée  totale  de  la  vie  de  chaque  personnage,  alors, 
comme  on  prononce  les  vœux  à  l'âge  de  20  ans,  la  différence 
totale,  pour  une  série  de  cinq  personnages,  sera  de  cent  ans, 
juste  la  différence  qu'on  obtient  quand  on  compare  le  calcul 
des  gens  de  Geylan  au  calcul  ordinaire  des  Septentrionaux, 
qui  placent  Dharma-Açoka  un  siècle,  non  deux,  après  le 
Buddha  \ 

Si  la  série  des  cinq  générations  de  Patriarches  est  authen- 
tique, l'histoire  du  concile  de  Vaiçâlî  ne  peut  être  vraie. 
Comment  supposer  que  le  Patriarche  de  l'an  100,  Sonaka^  ne 
soit  pas  nommé  parmi  les  8  Sthaviras,  qu'il  ne  soit  même 
pas  mentionné  parmi  ceux  qui  assistèrent  au  Concile  géné- 
ral. Concile  auquel  prirent  part  les  Orientaux  aussi  bien  que 
ceux  du  Pâtheya?  Comment  le  Chef  du  Vinaya,  de  cette  Dis- 

fère  86  à  80,  n'ont  pas  besoin  d'être  indiquées.  La  chronique  dit  que  le 
Patriarche  mourut  en  l'an  26  du  règne  d'Açoka,  {sic  ;  et  non  après  son  couron- 
nement, qui,  d'après  la  théorie  singhalaise,  tombe  quatre  ans  après  le  com- 
mencement de  son  règne)  :  de  cette  manière  on  obtient  un  résultat  différent, 
car  22  (c'est-à-dire  le  nombre  des  années  du  règne  de  Candragupta,  moins 
deux,  puisque  Tishya  prononça  ses  vœux  dans  la  troisième  année  de  Canda- 
gupta)  ajouté  aux  27  ans  de  son  fils  et  à  26  d'Açoka,  donne  75  et  non  80. 

2.  Ouvrage  cité,  5,  95  :  «  Upasampadâde  tous  ». 

3.  Dans  l'histoire  profane,  on  se  sert  du  même  artifice  pour  allonger  les 
dates.  C'est  ainsi  qu'il  est  dit  de  Pakunda,  qui,  après  avoir  exercé  pendant 
16  ans  le  métier  de  voleur  de  grand  chemin,  devint  à  37  ans  roi  de  Ceylan, 
qu'il  gouverna  pendant  70  ans,  et  atteignit  par  conséquent  l'âge  de  106  ans. 
Il  n'en  eut  pas  moins  pour  successeur  son  fils  Mutasîva,  qui  régna  pendant 
60  ans  ;  les  quatre  fils  de  Mutasîva  se  succédèrent  tour  à  tour  ;  le  dernier, 
Asela,  mourut  92  (suivant  d'autres  102)  ans  après  la  mort  de  son  père.  Par 
conséquent,  il  y  eut,  entre  la  naissance  de  Pakunda  et  la  mort  de  son  petit- 
fils,  Asela,  un  intervalle  de  258  (ou  268)  ans;  Dipav.  11,  1  ss.  17;  93;  18, 
45-48.  Si  l'on  diminuait  de  100  ans  cette  période  comprenant  258  (268)  ans 
pour  trois  générations,  ce  serait  encore  un  intervalle  suffisant. 


294  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

cipline,  qui  était  justement  l'objet  du  débat,  a-t-il  pu  être 
considéré  comme  non-existant?  Et  comment  Sarvakâmin 
pouvait-il,  à  ce  moment,  être  qualifié  de  Patriarche  univer- 
269  sel,  comme  si  Sonaka  n'existait  pas?  *  Il  est  évident  qu'il 
n'y  a  aucun  lien  entre  les  deux  «  traditions  »,  c'est-à-dire, 
fables  dogmatiques  :  l'une  des  deux  théories  annule  l'autre. 

Quand  on  compare  la  généalogie  de  l'Eglise  singhalaise 
à  celle  des  Septentrionaux,  le  caractère  apocryphe  des 
deux  listes  de  docteurs,  en  ce  qui  concerne  la  période  pré- 
historique (antérieure  à  Açoka)  et  môme  des  temps  plus 
récents,  ressort  avec  évidence.  Les  deux  généalogies,  en 
effet,  n'ont  pas  un  seul  nom  en  commun,  bien  qu'il  ne 
puisse  être  question  ici  d'une  différence  de  secte.  La  tradition 
orthodoxe  des  Septentrionaux  commence  avec  Kâçyapa, 
lequel  ne  peut  cependant  figurer  comme  successeur  du 
Buddha  qu'à  titre  honoraire,  car,  bien  qu'on  dise  de  lui 
qu'il  transmit  la  dignité  doctorale  à  Ananda,  il  est  affirmé 
expressément  que  celui-ci  remplit  cette  dignité,  pendant 
plus  de  40  ans  après  la  mort  du  Seigneur  *.  Ânanda,  qui 
était  donc  réellement  le  premier  Patriarche,  mourut  à  l'âge 
de  85  ans  ^ 

Il  y  a  une  notice  d'après  laquelle  le  patriarcat  de  Kâçyapa 
aurait  duré  pendant  dix  ans  ^  ;  mais  ceci  est  en  contradiction 

1.  Lebensb.  307  et  309. 

2.  Ânanda  fut  converti  en  même  temps  qu'Upâli,  45  ans  avant  le  Nirvana; 
ce  chiffre,  ajouté  à  40,  donne  85,  mais  dans  ce  cas  «  âge  »  signifie  «  ancien- 
neté ».  Ce  qui  est  amusant,  c'est  que,  d'après  la  source  citée  dans  la  note 
précédente,  Ânanda  naquit  le  môme  jour  que  Râhuia,  le  jour  même  où 
le  Gotamide  atteignit  la  dignité  de  Buddha  :  Ânanda  était  par  conséquent  un 
nourrisson  lorsqu'il  devint  disciple  du  Seigneur!  De  Lalita-V.  177  tt  Lebensb. 
238  on  doit  conclure,  au  contraire,  qu' Ananda  avait  le  même  âge  que  le  Bodhi- 
satva.  Au  point  de  vue  historique,  tout<îela  est  le  comble  de  l'absurdité  ;  d'une 
absurdité  telle,  que  les  Bouddhistes  eux-mêmes  ont  dû  s'en  apercevoir.  Cela  ne 
les  a  pas  empêchés  de  transmettre  fidèlement  ces  données  contradictoires. 

3.  Vassilief,  B.  38,  annulé  par  ce  qui  est  dit  p.  318.  En  effet,  le  crépuscule 
domine  pendant  un  laps  de  temps  très  court  :  à  ce  point  de  vue,  on  pourrait 
tenir  compte  de  Kâçyapa  comme  Patriarche. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  295 

avec  (Vautres  «  traditions  »,  et  repose  en  outre  sur  une  con- 
fusion d'idées.  Kâçyapa  occupait,  il  est  vrai,  le  siège  prési- 
dentiel lors  du  premier  synode,  mais  seuls  Ânanda  et  Upâli 
purent  donner  les  renseignements  nécessaires  sur  le  Dharma 
et  le  Vinaya.  Kâçyapa  était  le  président,  il  avait  convoqué 
les  Arhats  à  l'assemblée,  mais  était  incapable  d'allumer  la 
lumière  de  la  Foi.  Il  est  en  outre  connu  comme  un  ascète 
particulièrement  austère  *,  et  est  appelé  «  le  premier  des  par-  270 
tisans  de  la  théorie  du  Dhutânga  »  *  ;  il  était  donc  un  ermite, 
mais  un  ermite  n'est  pas  nécessairement  un  grand  docteur. 

Le  seul  capable  de  transmettre  convenablement  le 
Dharma,  était  Ananda,  le  très  savant,  comparable,  pour  la 
sagesse,  à  Brhaspati,  l'illustre  maître  des  Dieux;  et  il  est  . 
parfaitement  explicable  que  ce  soit  lui,  qui,  en  fait,  ouvre, 
d'après  les  Septentrionaux,  la  série  des  Docteurs  qui 
éclairent  le  monde,  après  le  départ  du  Maître  suprême,  de 
même  que  les  Singhalais  invoquent  l'autorité  d'Upâli,  qui 
était  le  plus  versé  dans  le  Yinaya.  —  Après  avoir  exercé 
pendant  40  ans  la  charge  de  Docteur,  Ânanda  la  transmit  à 
Yaças,  et  mourut  de  la  façon  miraculeuse  qu'on  sait,  par 
auto-combustion  ^  A  cette  occasion,  Madhyântika  (comme 
aussi  chez  les  Singhalais)  devint  Arhat. 

Yaças  s'occupait,  du  vivant  du  Buddha,  de  commerce 
maritime  ;  c'est  seulement  après  la  mort  de  celui-ci  qu'il 
devint  élève  d'Ananda.  On  l'identifie  quelque  part  avec 
Çànavâsika  ^  ;  il  est  difficile  de  dire  si  c'est  h  tort  ou  à  rai- 
son. Peut-être  faut-il  songer  à  un  duumvirat  ecclésiastique, 
comme  cela  semble  être  le  cas  pour  Siggava  et  Candavajjî. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Yaças  remit  le  patriarcat  à  Upagupta,  et 
celui-ci  le  transmit  à  Dhîtika.  D'après  la  tradition  suivie  ici, 

1.  Dîpav.  4,  3,  5,  7.  Comp.  Beal,  Caiena,  256. 

2.  Cet  événement  eut  lieu  peu  de  temps  avant  la  mort  d'Ajûtaoatru,  ce  qui 
ne  s'accorde  pas  avec  la  chronologie  singhalaise  :  Târanâtha,  10,  comp. 
Lebensh.  309. 

3.  Lebensh.  308. 


296  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  1/lNDE 

la  généalogie  est  donc  :   Ananda,  Yaças    (ou   Çânavâsika), 
Upagupta,  Dhîtika. 

Une  autre  liste,  quelque  peu  divergente  donne  :  Kâçyapa, 
Ananda,  Madhyântika,  Çânavâsa  et  Upagupta  '\  Elle  était  plus 
particulièrement  reçue  chez  les  gens  du  Kashmir,  qui  hono- 
raient Madhyântika  comme  l'apôtre  de  leur  pays.  Il  est  plus 
difïicile  d'expliquer,  comment,  dans  une  autre  liste  de  pa- 
271  triarches  *,  un  certain  Uttara  a  pu  être  placé  en  tête  :  il  y 
succède  au  Seigneur  avant  Kâçyapa  lui-même,  et  est  donné 
comme  le  maître  de  Yaças  \  Si  cette  tradition  vénérable  a 
quelque  valeur,  il  faut  en  conclure  que  TUttara,  représenté 
comme  un  élève  renvoyé  de  Revata,  et  avec  qui  nous  avons 
déjà  fait  connaissance,  est  un  autre  personnage. 

Il  y  a  une  certaine  confusion,  non  seulement  dans  l'ordre 
d'après  lequel  sont  rangés  les  cinq  premiers  Patriarches,  mais 
aussi  dans  les  événements  historiques  qui  les  concernent. 
Yaças,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  figure,  dans  toutes  les 
sources  septentrionales  à  nous  connues,  comme  contempo- 
rain du  second  Açoka,  de  celui  qui  est  connu  par  l'histoire, 
et  non,  comme  dans  les  sources  méridionales,  du  premier 
Açoka.  Cependant,  il  est  hors  de  doute  que  c'est  toujours  le 
môme  personnage  qu'on  désigne  sous  ce  nom  :  dans  toutes 
les  traditions,  quelques  divergentes  qu'elles  soient,  il  est 
représenté  à  la  fois  comme  protestant  énergiquement  contre 
les  nouveautés  des  moines  de  Vaiçâlî^  et  comme  très  âgé.  Il 
déclare  lui-même  quelque  part  ^  qu'il  est  le  plus  âgé  de  tous 
(à  l'exception  de  PindolaBhâradvâja  qui  avait  vu  le  Seigneur 
face  à  face).  C'est  grâce  au  pouvoir  magique  de  ce  vénérable 
vieillard  que  le  pieux  Açoka  fut  en  état  de  faire  paraître  par- 
tout dans  son  empire,  dans  l'espace  d'un  seul  jour,  des 
sanctuaires  remplis  de  reliques    du   ïathâgata  ^   D'autres 

4.  Vassilief,  B.  223  ;  ïiiranâtha,  14. 

1.  Târanâtha,  3,  4,  18. 

2.  Açoka- Avadâna  {Divyâvadâna  399)  chez  Burnouf,  Introd.  397. 

3.  Divyâv.  348,  chez  Burnouf,  o.  c,  373;  Târanâtha^  34;  comp.  31. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  297 

attribuent  ce  mérite  à  Upagupta  '%  de  sorte  qu'on  est  tenté 
de  croire  que  Yaças,  Çânavâsa  et  Upagupta  ont  été  considé- 
rés comme  les  trois  noms  d'un  seul  et  môme  personnage. 

Çânavâsa,  dont  les  renaissances  nombreuses  et  miracu- 
leuses ont  déjà  attiré  notre  attention,  est,  chez  tous  les  Boud- 
dhistes, rattaché  étroitement  à  Yaças  d'un  côté,  à  Ananda 
de  l'autre.  En  dehors  de  ses  renaissances,  il  s'est  rendu 
célèbre  par  un  autre  grand  miracle  :  de  la  caverne  oii  il 
était  assis  *  il  rayonna  avec  une  telle  splendeur  dans  toutes  272 
les  directions  de  l'espace,  que  la  lumière  de  deux  nains  qui 
voulaient  lutter  contre  lui  fut  complètement  éclipsée  \  Il  a 
atteint  un  âge  incroyablement  avancé^  car  sous  un  petit-fils 
d'Açoka,  nous  le  retrouvons  encore  comme  docteur  à 
Mathurâ,  dans  le  couvent  Çarâvati  ^  Ceci  ne  doit  pas  trop 
nous  étonner,  si  nous  nous  rappelons  comment  les  six  héré- 
siarques, Purâna  Kâçyapa  et  ses  compagnons,  étaient  encore 
à  l'œuvre,  avec  une  vigueur  toute  juvénile,  500  ans  après  le 
Nirvana  ^ 

Comme  successeur  de  Çânavâsa,  dans  le  patriarcat,  on 
nomme  Upagupta,  un  disciple  de  Yaças,  et,  d'après  quel- 
ques-uns, aussi  de  Madhyântika  \  C'était  lui  qui,  en  guide 
expérimenté,  indiqua  au  pieux  Açoka,  lorsque  celui-ci  con- 
çut le  projet  de  bâtir  des  Stupas,  l'emplacement  des  lieux 
saints,  en  commençant  par  Kapilavastu  et  le  parc  Lumbinî  ^  ; 
ce  qui  prouve  clairement,  que,  vers  ce  temps-là,  personne 


4.  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  418.  Ailleurs,  Upagupta  est  celui  qui  indique  au 
roi  la  situation  des  lieux  saints. 

1.  Târanâtha,  H. 

2.  Tdranàtha,  51,  coinp.  293.  Peut-être  le  personnage  (la  Lune?)  se  trou- 
vait-il à  ce  moment  dans  une  nouvelle  phase. 

3.  C'est  ce  que  nous  apprend  Mil.  P.,  4.  Inutile  de  dire  que  l'auteur  de 
ce  livre,  en  donnant  une  apparence  historique  à  de  pareilles  fables,  fait  tacite- 
ment connaître  ce  qu'il  pense  du  caractère  historique  des  hérésiarques  et  du 
Buddha  lui-même. 

4.  Ie6en*6,,309. 

5.  Biirnouf,  Introd.  382. 


29S  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

dans  le  pays,  sauf  Upagupta,  n'avait  la  moindre  idée  de 
l'emplacement  réel  de  Kapilavastu.  Upagupta  est  célèbre 
par  sa  lutte  contre  le  Diable,  et  la  victoire  brillante  que, 
dans  une  dispute  sur  la  religion,  il  remporta  sur  cet  ennemi 
né  de  la  vraie  lumière  \  11  est  également  le  héros  d'une 
légende  édifianle  qui  nous  fait  connaître  la  destinée  tragique 
de  la  courtisane  Vâsavadattâ  à  Mathurâ  \ 

Le  patriarche  suivant  s'appelait  Dhîtika,  et  était  le  fils  d'un 
brahmane  d'Ujjain.  On  dit  que  la  jeunesse  d'Açoka  coïncida 
273  avec  les  dernières  années  *  de  ce  Père  de  l'Eglise  \  ce  qui  ne 
s'accorde  pas  bien  avec  les  données  chronologiques  relatives 
à  son  prédécesseur  Upagupta,  encore  moins  avec  le  rensei- 
gnement qu'il  fit  de  nombreuses  conversions  dans  le  Tokha- 
ristân,  pays  oii  régnait  alors  le  roi  Minara.  Que  ce  soît  le 
roi  Ménandre,  vivant  au  second  siècle  avant  notre  ère,  ou 
quelque  autre  personnage,  qui  se  cache  sous  le  nom  de 
Minara,  il  peut  être  difficilement  question  de  la  prédication 
de  la  Foi  dans  ce  pays  avant  les  dernières  années  du  roi 
Açoka. 

Dhîtika  transmit  la  dignité  au  Noir  (Kâla)  de  Magadha,  et 
celui-ci  la  céda  à  Sudarçana.  Ce  dernier  passe  pour  avoir 
converti  le  roi  Kanishka  ^  Gomme  cet  illustre  patron  du 
Bouddhisme  vivait  au  premier  ou  deuxième  siècle  après  J. -G. , 
il  faut  admettre  de  toute  nécessité  la  perte  de  plusieurs  noms 
dans  la  liste,  —  à  moins  qu'on  ne  suppose  que  toute  la  série 
des  Patriarches  n'est  qu'une  accumulation  de  fictions  dogma- 
tiques. Rappelons  en  passant  que  Sudarçana  est  tantôt  repré- 
senté comme  un  roi  du  Kashmir,  qui  portait  dans  cette 
dignité  le  nom  de  Simha,  tantôt  comme  le  fils  d'un  commer- 


6.  Târanâtha,  16.  Dans  le  cours  du  récit,  on  voit  qu'Upagupta  n'était  pas  un 
de  ceux  qui  avaient  vu  le  Seigneur;  le  vieil  historien  Indradatta  ne  le  fait 
paraître  que  50  ans  après  le  Nirvana;  o.  c.  42. 

7.  On  trouve  la  légende  traduite  chez  Burnouf,  Introd.  146. 

1.  Târanâtha,  47;  comp.  23. 

2.  Lebensb,  310;  Târanâtha  S8. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  299 

çant  de  Bharoch,  ot  retournons  maintenant,  afin  de  ne  pas 
nous  avancer  trop  loin  dans  l'histoire,  à  Madhyântika,  per- 
sonnage extrêmement  intéressant,  bien  qu'il  ne  soit  pas  uni- 
versellement reconnu  comme  Patriarche. 

Madhyântika,  ou  Madhyânta  (c'est-à-dire  Celui  du  milieu 
du  jour)  n'est  pas  moins  connu  chez  les  Méridionaux  que 
chez  les  Septentrionaux.  Son  nom  vit  dans  le  souvenir  des 
Singhalais,  comme  celui  du  docteur  qui  consacra  Mahendra, 
l'apôtre  de  Ceylan.  Il  fut  un  de  ceux  qui  furent  envoyés  par 
ïishya  Maudgaliputra,  afin  de  prêcher  la  Foi  dans  tous  les 
pays  de  la  terre.  C'est  ainsi  qu'il  arriva  dans  le  Gândhâra  et 
dans  le  Kashmir,  6ù  il  dompta  un  Nâga  (esprit  des  eaux) 
furieux,  et  apporta  le  salut  à  des  êtres  innombrables  ^  Bud- 
dhagosha,  qui  est  particulièrement  bien  renseigné  sur  ces 
événements,  raconte  qu'il  y  avait  une  fois,  dans  le  Kashmir 
et  le  Gândhâra,  un  roi  des  Nâgas,  nommé  Aravâla  qui,  un 
jour  —  c'était  à  l'époque  de  la  moisson,  —  suscita  un  orage 
mêlé  de  grêle,  qui  détruisit  le  blé  mûr  dans  les  champs  *  et  274 
donna  naissance  à  une  flaque  d'eau  aussi  grande  qu'une  mer. 
Le  Sthâvira  Madhyântika  quitta  immédiatement  Pâtaliputra, 
prit  son  vol  à  travers  les  airs,  et  descendit  près  de  l'étang 
habité  par  Aravâla,  dans  l'Himalaya.  Quelques  jeunes  Nâgas, 
voyant  qu'un  étranger,  la  tête  rasée,  vêtu  de  haillons  et  d'une 
robe  couleur  de  tannin,  faisait  toutes  sortes  de  mouvements 
sur  l'eau  —  marchant,  s'arrêtant.  s'asseyant,  se  couchant 
—  vinrent  trouver  le  roi,  pour  lui  raconter  ce  cas  singulier, 
sur  quoi  Aravâla  devint  tellement  furieux,  qu'il  suscita  un 
terrible  orage,  accompagné  de  pluie  et  d'éclairs.  Ni  cet 
efl'royable  orage,  ni  les  troupes  que  le  roi  des  Nâgas  envoya 
contre  le  moine  chauve,  n'eurent  le  moindre  effet.  Madhyân- 
tika ne  se  soucia  pas  de  ces  efforts  pour  le  chasser  et,  avec 
un  sang-froid  admirable,  il  se  contenta  de  récitei^  une  poésie, 
ce  qui  fit  une  impression  écrasante  sur  le  roi  des  Nâgas,  qui, 

3.  Dîpav.  7,  23,  8,  2;  4.  Buddhaghosha,  dans  Siitfa-V.,  1,  p.  314. 


300  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

frappé  de  l'inanité  de  ses  efforts,  devint  tout  aiïligé  et  triste. 
L'apôtre  saisit  ce  moment  favorable  pour  édifier  et  récon- 
forter ce  tyran  humilié,  avec  cette  conséquence  heureuse 
que  le  Nâga  se  convertit  à  la  doctrine  du  Buddha,  avec 
84,000  des  siens  qui  furent  tous  confirmés  comme  laïques 
par  Madhyàntika.  Et  les  choses  n'en  restèrent  pas  là  :  d'autres 
habitants  des  Monts  Neigeux,  tels  que  lutins,  génies,  elfes, 
reçurent  joyeusement  la  triple  formule  du  salut  et  les  cinq 
commandements  moraux,  en  même  temps  que  le  lutin 
Pancaka,  avec  sa  femme  et  ses  500  enfants,  fut  élevé  au  pre- 
mier degré  de  sanctification.  En  outre,  Madhyàntika  défendit 
à  tous  les  esprits  des  eaux,  lutins  et  géants,  de  faire  à  l'ave- 
nir du  mal  aux  hommes  et  de  détruire  les  moissons.  Il  prê- 
cha dans  ce  pays  la  parabole  du  «  serpent  venimeux  »,  amena 
cent  mille  familles  à  embrasser  la  vie  monastique  et  fit  par- 
courirà  80,000  créatures  tous  les  degrésdela  sanctification  \ 
On  ne  dit  pas  que  l'apôtre  ait  converti  un  seul  être  humain. 
275  *  La  tradition  septentrionale,  qui  raconte,  au  sujet  de  l'apôtre 
du  Kashmir,  une  histoire  qui,  pour  le  fond,  revient  au  môme 
que  le  récit  que  nous  venons  de  donner,  nous  apprend  en 
outre  que  ce  fut  le  Buddha,  qui,  peu  avant  son  extinction, 
donna  l'ordre  à  Ananda  d'envoyer  Madhyàntika,  après  l'avoir 
consacré,  dans  le  Kashmir,  afin  de  convertir  le  roi  des  Nâgas 
flûlunta,  et  de  propager  la  doctrine  dans  ce  pays  *.  Quand  les 
jours  furent  accomplis,  l'apôtre  partit  pour  le  Kashmir,  vain- 
quit Hûlunta  et  prêcha  la  religion  avec  un  tel  succès,  que 
déjà  un  siècle  après  le  Nirvana,  beaucoup  de  couvents  flo- 
rissaient  dans  le  pays.  Ceci  est  confirmé  par  HiuenThsang, 
qui,  avec  une  exactitude  que  nos  autorités  singhalaises  pour- 


1.  Un  autre  apôtre,  Madhyama  (c'est-à-dire  Celui  du  milieu),  qui,  aussi 
dans  l'Himalaya,  lit  parcourir  à  800  millions  de  lutins  les  degrés  de  sanctifi- 
cation, n'est  évidemment  qu'un  double  de  Madhyàntika  :  Dîpav.  8,  10  ; 
Sutla-V.  p.  c. 

1.  Lebensb.  290,  309.  La  légende  rapportée  en  détail  dans  ïârânatha,  12,  a 
beaucoup  de  traits  en  commun  avec  la  version  de  Buddhagosha. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  301 

raient  lui  enviei%  nous  apprend  que  Madhyântika,  le  disciple 
d'Ânanda,  accomplit  la  conversion  du  roi  des  Serpents  en 
l'an  SO,  et  que  ce  prince  après  avoir  quitté  son  étang,  fonda 
oOO  couvents  ^. 

Avant  de  déployer  son  activité  dans  le  Kashmir,  Madhyân- 
tika demeurait  à  Bénarès.  A  cause  de  l'opposition  que  lui 
firent  les  gens  de  la  ville,  il  l'avait  quittée  et  pris  son  vol  à 
travers  les  airs,  vers  le  mont  septentrional  Uçîra,  avec 
une  suite  de  10,000  saints  ;  de  là,  il  partit  plus  tard  pour 
le  Kashmir.  On  prétend  qu'il  y  annonça  la  Loi  pendant 
vingt  ans,  jusqu'à  sa  mort.  Il  doit  donc  être  mort  avant  ses 
contemporains  Yaças  et  Çânavâsa,  ce  qui  n'est  nullement 
incroyable,  quoi  qu'on  pense  d'ailleurs  du  caractère  réel  de 
ces  personnages.  Quand  on  se  rappelle  que  Madhyântika 
était  déjà  un  Voyant,  et  a  dû,  par  conséquent,  avoir  atteint 
un  certain  âge,  au  moment  où  Ânanda  s'éteignit  si  magnifi- 
quement \  il  faut  supposer,  en  prenant  pour  base  la  chrono- 
logie des  Singhalais,  que  l'apôtre  arriva  à  un  âge  de  plus  de 
deux  siècles  et  demi.  Si  l'on  suit,  au  contraire  *,  le  calcul  le  276 
plus  ordinaire  chez  les  Septentrionaux,  on  peut  grouper  les 
chiffres  de  façon  que  Madhyântika  atteigne  l'âge  de  cent  ans 
environ . 

Il  n'en  est  pas  de  même  en  ce  qui  concerne  Yaças^  Çâna- 
vâsa et  Sarvakâmin  :  pour  ceux-ci  les  deux  séries  de  tradi- 
tions se  valent;  qu'on  place  des  Sthaviras,  âgés  de  150  ans, 
sous  Kâla-Açoka  ou  sous  Dharma-Açoka,  cela  revient  au 
même.  Quelque  préférence  qu'on  donne  à  l'une  ou  à  l'autre 
de  ces  deux  collections  de  fables,  chacun  reconnaîtra  que  les 
deux  traditions  sont  également  sans  valeur,  justement  dans 
le  détail  qui  déciderait  la  supériorité  historique  de  Tune  sur 
l'autre,  nous  voulons  dire  l'indication  de  l'âge  des  per- 
sonnages. 

2.  Vie  de  H .  Th.  95;  la  date  indiquée  s'accorde  avec  celle  donnée  par 
Târanâtha,  voir  chez  celui-ci  10,  et  comp.  12. 
3.Tàranàtha,  9. 


302  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

En  comparant  entre  elles  les  données  relatives  à  l'époque  du 
second  Concile,  on  s'aperçoit  biçn  qu'il  y  a  un  déplacement 
de  dates,  mais  sans  qu'on  puisse  dire  avec  certitude  quelle 
est  la  tradition  qui  a  conservé  la  forme  la  plus  ancienne  du 
récit.  Cependant,  nous  avons  montré  par  des  chiffres  évi- 
dents, que  les  Singhalais  ont  ajouté  cent  ans  au  moins  à 
l'intervalle  qu'on  peut  supposer  avec  vraisemblance  entre  la 
naissance  du  roi  de  Ceylan,  Pakundaka,  et  la  mort  de  son 
dernier  petit-fils,  Asela.  Si  l'on  diminue  de  cent  ans  ou  un 
peu  plus  le  chiffre  traditionnel,  décidément  impossible,  on 
déplace  en  même  temps  la  date  du  second  Concile  d'un 
nombre  d'années  correspondant  à  la  différence  entre  la  chro- 
nologie du  Nord  et  celle  du  Midi  \ 

Admettons  un  instant,,  pour  le  besoin  du  raisonnement, 
qu'il  y  ait  un  fond  de  vérité  historique  dans  le  récit  relatif  au 
277  second  Concile,  *  alors  il  faut  conclure  que  le  compte  rendu, 
tel  que  nous  le  possédons  dans  différentes  versions,  n'a  pu 
être  rédigé  que  longtemps  après  l'événement.  Ceci  est  encore 
plus  vrai  pour  les  légendes  sur  Yaças  et  Upagupta  et  sur  le 
rôle  qu'ils  ont  joué  lors  de  la  construction  des  84,000  Stupas 
par  ordre  d'Açoka.  Pour  qu'une  pareille  exagération  fût  pos- 
sible, il. faut  supposer,  semble-t-il,  qu'au  moment  de  l'inven- 
tion de  ces  récits  il  existait  déjà  beaucoup  de  Stupas  dans 
l'Inde,  et  qu'en  même  temps  l'époque  d'Açoka  appartenait  à 

1.  Le  Concile  eut  lieu  6  ans  avant  Tarrivée  au  trône  de  Pakundaka.  Entre 
cette  dernière  date  et  la  mort  d'Asela  s'écoulèrent  222  ans  (d'après  le 
Mahâv.  232),  de  sorte  qu'Asela  mourut  228  (ou  238)  ans  après  le  Concile  ou, 
après  soustraction  des  années  superflues,  128  (ou  138)  ans  après.  Entre  la 
mort  d'Asela  et  l'an  18  de  Dharma-Açoka  il  y  a  un  intervalle  de  92  (ou  102)  ans. 
D'après  ce  calcul,  Açoka  aurait  pris  le  pouvoir  ou  aurait  été  couronné  (les 
chroniques  singhalaises  jonglent  continuellement  avec  ces  deux  termes) 
110  (ou  120)  ans  avant  la  mort  d'Asela,  et  le  Concile  aurait  eu  lieu  quelques 
années  avant  le  commencement  du  règne  d'Açoka.  Or,  nous  avons  vu  que 
100  n'est  que  le  chiffre  le  plus  minime  qu'on  a  le  droit  de  soustraire  de  l'inter- 
valle traditionnel,  monstrueusement  allongé;  si  Von  prend  120,  le  second 
synode  tombe  sous  le  règne  de  Sa  Pieuse  Majesté.  Voir  Dipav,  chap,  11,  17  et 
18. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  303 

un  passé  lointain,  dont  tout  souvenir  direct  était  perdu.  Ce 
n'est  qu'après  un  semblable  intervalle  qu'il  est  possible  de 
faire  figurer  des  Saints,  qui  ne  sont  au  fond  que  des  figures 
mythiques  ou  des  mannequins  dogmatiques,  au  milieu  d'une 
génération  dont  les  représentants  les  plus  illustres,  rois, 
ministres  et  autres,  vivent  encore  dans  le  souvenir,  mais  dont 
l'état  réel  et  l'histoire  réelle  sont  à  peu  près  complètement 
oubliés.  Si  la  transformation  des  mythes  et  récits  légendaires 
transmis  par  la  tradition  s'est  faite  à  pareille  époque,  très 
postérieure  aux  événements,  des  divergences,  comme  celles 
que  nous  avons  remarquées  entre  les  rédactions  septentrio- 
nale et  méridionale,  ne  sont  plus  tout  à  fait  inexplicables. 

Les  circonstances  qui  ont  donné  lieu  à  l'adoption  de  deux 
dates  aussi  écartées  pour  le  deuxième  Concile,  sont  inconnues  ; 
on  ne  peut  certainement  pas  supposer  une  différence  de  secte. 
Toute  l'Église  du  continent  de  Tlnde  reconnaissait  comme 
règle  fondamentale  les  décrets  des  Anciens,  des  500,  avec 
Kaçyapa,  Ananda^  Upâli,  etc.,  en  tête,  et  des  100,  avec  Sar- 
vâkamin,  Yaças  et  les  autres.  Elle  était  donc  aussi  conforme 
à  la  vieille  Foi,  aussi  orthodoxe,  que  la  division  singhalaise. 

Entre  la  majorité  de  l'Église  de  l'Inde,  d'un  côté,  et  la  secte 
des  Sthaviras,  établie  à  Ceylan,  de  l'autre,  il  s'est  produit  à 
la  longue  une  divergence.  C'est  ainsi  que  s'explique  le  fait 
que  chacune  de  ces  deux  subdivisions  de  l'Eglise  reconnaît,-  en 
dehors  de  l'autorité  des  deux  premiers  Conciles,  celle  d'un 
Concile  plus  récent.  Le  troisième  Concile  de  l'une  des  deux 
subdivisions  n'est  cependant  pas  le  même  événement  que  le 
troisième  Concile  de  l'autre. 

Les  Singhalais  reconnaissent,  comme  troisième  synode 
officiel,*  celui  qui  se  serait  réuni,  à  Pâtaliputra,  18  ans  après  278 
le  couronnement  du  roi  Açoka.  Il  peut  sembler  étrange,  que, 
contrairement  aux  deux  premiers  Conciles,  celui-ci  ne  soit 
nullement  mentionné  dans  l'appendice  au  CuUa-Vagga.  S'il 
existait  un  compte  rendu  officiel  de  cette  assemblée,  ou 
quelque  récit  reconnu  comme  tel  par  le  commun  accord  des 


304  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

différentes  sectes  de  l'Eglise  singhalaise,  pourquoi  la  pièce 
n'a-t-elle  pas  été  jointe  aux  deux  autres  comptes  rendus  ?  Le 
premier  témoignage  relatif  à  cet  événement  important  est 
celui  duDipavamsa,  qui  n'a  pas  été  rédigé  avant  le  quatrième 
siècle  de  notre  ère,  par  conséquent  plus  de  500  ans  après  l'évé- 
nement *.  Il  est  indubitable  que  cette  chronique  a  emprunté 
bien  des  détails  à  des  sources  plus  anciennes;  mais  tant  que 
la  date  de  celles-ci  reste  entièrement  inconnue,  nous  ne  pou- 
vons juger  la  valeur  du  récit  que  nous  allons  résumer  que 
d'après  des  raisons  intrinsèques.  Remarquons  d'avance  qu'en 
tout  cas  le  Concile  de  Pâlaliputra  ne  peut  avoir  été  un  Con- 
cile général,  s'il  est  vrai  que,  peu  de  temps  après  le  concile 
desVaiçâlî,  le  Mahâsâfighikas  se  sont  séparés  des  orthodoxes, 
d'après  ce  que  racontent  les  sources  singhalaises  elles-mêmes. 

5. —  Concile  sous  TishyaMaudgaliputfj A. — Mission  des  apôtkes. 

Les  Sthaviras  qui  dirigeaient  le  deuxième  concile  prévi- 
rent qu'après  un  laps  de  118  ans,  il  s'élèverait  un  ascète,  qui, 
descendu  du  Ciel,  naîtrait  comme  homme  dans  une  famille 
brahmanique;  qui  aurait  pour  nom  Tishya  et  pour  surnom 
Maudgaliputra.  Il  était  prédestiné  qu'il  serait  reçu  dans 
l'Ordre  et  consacré  par  Siggava  et  Candavajjî,  et  que,  par 
la  suite,  il  confondrait  l'hérésie  et  confirmerait  la  vraie  Foi. 
Ces  choses  arriveraient  lorsque  le  roi  Açoka,  prince  pieux 
et  augmenta teur  du  domaine  de  la  Foi,  régnerait  à  Pâtali- 
putra. 

Lorsque  les  700  moines  qui  avaient  défendu  la  doctrine 
orthodoxe  à  Vaiçâlî,  étaient  tons  décédés  %  le  futur  Tishya 
descendit  du  Ciel,  naquit  comme  homme  et  sut,  à  l'âge  de 

1.  En  dehors  du  Dipâv.  5,  55,  le  concile  et  ce  qui  s'ensuit  sont  décrits 
Sumangala-Vilâsini,  29  et  ss.,  Sutta-V.,  I,  p.  2di,  Mahâv.  30  et  Saddhamma- 
Sangaha,  chap.  I. 

2.  Donc,  Siggava  et  Candavajjî  n'étaient  pas  du  nombre  des  100  :  ils  étaient 
encore  dans  les  limbes. 


HISTOIRE  ECGLESIASTIQLE  305 

seize  ans,  tout  le  Veda  par  cœur  \  *  et  de  plus,  les  poèmes  279 
épiques  et  la  glossologie.  Un  certain  jour,  il  soumit  au  P.  Sig- 
gava  quelques  questions  difficiles,  relatives  au  Veda.  Bien 
que  Siggava  n'eût  jamais  étudié  les  Vedas,  il  répondit  cou- 
ramment à  toutes  les  questions,  car,  grâce  à  la  quadruple 
sagesse  qu'il  possédait  en  qualité  d'Arhat,  il  connaissait  les 
trois  Vedas  par  intuition. 

A  son  tour,  le  Père  proposa  une  question  posée  par  le 
Buddlia,  une  sorte  de  devinette,  à  laquelle  le  jeune  étudiant 
ne  sut  pas  répondre.  La  conséquence  immédiate  fut  que 
Tishya  manifesta  son  désir  de  devenir  moine.  On  satisfit  son 
désir  ;  il  reçut  renseignement  de  Candavajji  et  fut  consacré 
prêtre  par  Siggava.  Ceci  arriva  dans  la  seconde  année  du 
règne  de  Gandragupta,  donc  de  218  à  212  avant  J.-G.  ^ 

Ce  prologue  ne  promet  pas  un  récit  bien  historique,  et 
Tishya,  surnommé  Maudgaliputra,  plutôt  que  descendu  du 
ciel,  semble  sorti  de  la  cervelle  Imaginative  d'un  moine 
quelconque  '\ 

Les  événements  qui  auraient  donné  lieu  à  la  réunion  d'un 
Concile  sous  la  direction  de  Tishya,  sont  décrits  avec  le 
plus  de  détail  par  Buddhaghosha,  et,  d'une  façon  beaucoup 
plus  succincte,  par  la  chronique  la  plus  ancienne,  laquelle, 


1.  Ce  qui  est  absurde,  car,  dans  Tlnde,  on  estime  le  temps  dont  on  a  besoin 
pour  étudier  un  seul  Veda  à  12  ans,  en  moyenne;  pour  tout  le  Veda,  c'est-à- 
dire  les  trois  Vedas,  on  Testime  à  36  ans. 

2.  Entre  cet  événement,  c'est-à-dire  la  consécration  de  Tishya  et  le  second 
Concile,  il  y  a  un  intervalle  de  64  ans,  en  non  de  118.  Ce  dernier  chiffre,  qui, 
d'après  le  calcul  singhalais,  indique  Tintervalle  entre  le  2^  Concile  et  Tavène- 
ment  d'Açoka,  ne  correspond,  dans  la  vie  de  Tishya,  à  aucun  faitimpor* 
tant.  En  tout  cas,  il  est  impossible  de  dire  que,  118  ans  après  le  2^  Concile, 
Tishya  «  surgit,  »  «  s'élève  »,  «  naît  »,  «  apparaît  »,  ou  quel  que  soit  le  terme 
qu'on  emploie  pour  traduire  uppajjati. 

3.  On  trouve  dans  Mil.  P.  3,  le  détail  important  que  Tishya  Maudgaliputra 
fut  vu  par  le  Buddha.  Cela  peut  être  vrai,  pourvu  qu'on  comprenne  que  c'est 
l'intellect  {buddhi)  qui  a  inventé  le  personnage  Tishya.  Le  poète  «  voit  »  son 
poème,  d'après  une  expression  indienne  ;  au  moyen  âge,  on  disait,  dans  diffé^ 
rentes  hmgues  européennes,  que  le  poète  «  trouve  »  son  poème. 

Tome  II.  20 


306  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

en  revanche,  semble  donner  au  moins  deux  versions  diffé- 
rentes. Nous  essayerons  de  fondre  ces  notices  diverses, 
partout  oii  cela  est  possible,  et  nous  laisserons  de  côté, 
280  autant  que  faire  se  peut,  les  récits  de  miracles,  *  dans 
lesquels  Buddhagosha  et  le  Mahâvamsa  sont  beaucoup  plus 
riches  que  la  chronique  plus  ancienne  *. 

Dans  la  neuvième  année  après  le  couronnement  d'Açoka, 
la  cinquième  après  sa  conversion,  le  nombre  de  ceux  qui, 
à  l'exemple  du  roi,  avaient  embrassé  le  Bouddhisme,  particu- 
lièrement parmi  les  brahmanes  et  les  barons,  était  devenu 
considérable.  A  mesure  que  les  profits  des  fils  de  Çàkya  aug- 
mentaient, ceux  des  moines  des  autres  sectes  diminuaient.  Le 
dommage  qui  en  résulta  pour  les  ascètes  hétérodoxes,  Gym- 
nosophistes.  Moines  blancs,  Porteurs  de  tresses,  Ajîvikas  et 
autres,  détermina  ces  Saints  terrestres  à  se  faire  admettre, 
pour  la  forme,  dans  la  congrégation  des  fils  de  Çàkya.  Dans 
peu  de  temps,  ces  faux  frères  eurent  le  dessus  ^  ;  dans  le  seul 
couvent  du  Jardin  d'Açoka,  à  PtUali  putra,  il  n'y  avait,  dans  l'an 
236  après  le  Nirvana,  pas  moins  de  60,000  (soixante  mille  !) 
moines.  Les  vrais  fils  de  Çâkya  ne  voulaient  avoir  rien  de 
commun  avec  ces  gens-là,  qui  s'étaient  introduits  subrepti- 
cement  dans  l'Ordre  et  y  propageaient   toutes   sortes   de 
mauvaises  pratiques  et  de  doctrines  erronées  ;  il  en  résulta 
que,  pendant  sept  années,  TUposatha  ne  fut  pas  célébré  dans 
le  Jardin  d'Açoka.  Le  roi,  averti  à  la  fin  de  ce  triste  état  de 
choses,  résolut  de  prendre  des  mesures  énergiques,  afin  de 
rétablir  la  discipline.  Il  donna  Tordre  à  un  de  ses  fonction- 
naires supérieurs,  de  faire  de  sorte  que  les  différends  entre 
les  moines  fussent  apaisés,  et  que  l'Uposatha  eût  lieu  régu- 
lièrement.  Le   fonctionnaire,  lorsqu'il  voulut  exécuter  les 
ordres  dont  il  était  chargé,  se  heurta  à  la  mauvaise  volonté 

1.  Dipav.  7,  34-59  ;  Sutta.-V.,  T,  p.  306-313  ;  Mahâv.  42-46. 

2.  On  pourrait  en  conclure  que,  vers  ce  temps-là,  le  nombre  des  vrais  fils 
de  Çâkya  était  encore  insignifiant,  quoiqu'on  puisse  penser  du  nombre  des 
laïques. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  307 

des  moines,  qui  refusèrent  obstinément  de  célébrer  l'Uposii- 
tha  avec  les  hérétiques.  Furieux  de  cette  résistance,  il  voulut 
procéder  d'une  façon  expéditive,  et  se  mit  à  sabrer  les 
hommes  pieux,  qui,  à  ses  yeux,  étaient  tout  simplement 
des  rebelles,  *  ou,  comme  dit  Buddhaghosha,  à  leur  couper  281 
la  tête,  jusqu'à  ce  que  le  tour  du  P.  Tishya  fût  venu.  Or  ce 
Tishya  n'était  pas  le  premier  venu,  mais  le  propre  frère  du 
roi,  et  le  fonctionnaire,  le  reconnaissant,  n'osa  continuer 
la  boucherie.  Il  revint  immédiatement  chez  son  maître,  auquel 
il  fit  un  récit  fidèle  des  événements.  Le  roi  apprit  avec  tris- 
tesse ce  qui  s'était  passé,  car  une  pareille  rigueur  n'était  nul- 
lement dans  ses  intentions ,  et,  afin  de  répal*er  le  mal  causé 
par  le  zèle  inconsidéré  de  son  serviteur,  il  se  rendit  en  per- 
sonne au  couvent.  Arrivé  là,  il  déclara  solennellement  que 
le  fonctionnaire,  en  agissant  avec  une  telle  sévérité,  avait 
outrepassé  les  ordres  royaux.  Il  prit  en  outre  la  liberté  de 
demander  à  qui,  d'après  les  moines,  la  faute  devait  être 
reprochée,  à  lui,  le  roi  lui-même,  ou  au  fonctionnaire. 
Quelques-uns  étaient  d'avis  que  la  faute  était  imputable  au 
roi  ;  d'autres,  que  celui-ci  ne  pouvait  être  chargé  du  péché, 
ayant  agi  dans  de  bonnes  intentions.  L'âme  d'Açoka  fut 
déchirée  par  le  doute.  Il  demanda  qui  serait  capable  de  mettre 
fin  à  ce  doute  cruel;  on  lui  désigna  alors  Tishya  Maudgalipu- 
tra,  qui  demeurait  de  l'autre  côté  du  Gange  (ou  :  en  amont  du 
Gange).  Le  roi  suivit  ce  conseil,  et  envoya  un  vaisseau,  pour 
lui  amener  le  grand  homme,  dont,  jusqu'à  ce  moment,  il 
avait  ignoré  complètement  l'existence  \ 

Lors  de  la  rencontre  entre  Açoka  et  le  grand  inconnu,  le 
premier  soupçonna  bien  que  son  visiteur  serait  capable  de 
mettre  fin  à  ses  doutes  et  de  terminer  en  même  temps  le 
différend,  mais  il  ne  voulait  procéder  qu'avec  prudence,  et 


1.  Dans  V Açoka- Avadâna,  chez  Burnouf,  Introd.  379,  Upagupta  est  le  grand 
homme  qui  se  rend,  en  vaisseau,  de  Mathurci,à  Pàtaliputra,  afin  d'aller  visiter 
le  roi. 


308  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  riNDE 

demanda  à  Tishya  de  lui  montrer  d'abord  un  échantillon  de 
son  pouvoir  magique.  Le  Père  acquiesça  avec  plaisir  à  cette 
demande  équitable,  raconta  ensuite  un  conte  d'animaux,  et 
déclara  enfin  que  le  roi  n'était  pas  coupable. 

Après  quelques  jours,  un  synode  fut  convoqué  par  le  roi. 
282  *  A  l'assemblée  assistèrent  1 ,000  moines,  que  ïishya  Maudgali- 
putra  avait  choisis  d'entre  un  nombre  de  60,000  (soixante- 
mille*).  Après  avoir  récité  le  traité  «  Kathâ-vatthu  »,  qui 
fait  partie  de  l'Abhidharma,  et  avoir  ainsi  écrasé  les  incré- 
dules, le  président  dirigea  d'une  façon  magistrale  le  troi- 
sième Concile,  dans  le  Jardin  d'Açoka,  à  Pâtaliputra.  Dans 
l'espace  de  neuf  mois,  les  travaux  furent  terminés,  et  la 
vénérable  assemblée  fut  close  au  milieu  d'un  tremblement 
de  terre  solennel. 

Tout  ce  récit,  du  commencement  à  la  fin  n'est,  —  le  lecteur 
l'aura  déjà  observé  lui-même  —  qu'un  entassement  d'impos- 
sibifités.  Il  est  impossible  qu'x\çoka,  qui  s'intéressait  telle- 
ment aux  choses  religieuses,  ait  ignoré  pendant  sept  années 
ce  qui  se  passait  dans  un  couvent,  situé  dans  sa  propre  capi- 
tale. Il  est  impossible  que  lui,  le  protecteur  de  la  Foi,  après 
avoir  gouverné  pendant  22  ans,  n'eût  jamais  entendu  parler 
d'un  homme  aussi  extraordinaire  que  Tishya  Maudgaliputra, 
qui  est,  par  dessus  le  marché,  présenté  comme  le  supérieur 
et  le  maître  de  Mahendra,  le  fils  du  roi  ^  Il  est  impossible 
que  tant  de  milliers  de  loups  se  soient  introduits  dans  le 
bercail  orthodoxe,  sans  être  découverts  et  expulsés  quelque 
temps  après  ;  même  si  les  fils  de  Çâkya  étaient  un  contre 
mille,  ils  n'avaient  qu'à  mettre  le  roi  au  courant  de  la  situa- 
tion, et  Açoka,  ou  tout  autre  roi  indien  à  sa  place,  eût  fait 
mettre  les  intrus  à  la  porte.  Il  est  à  peu  près  impossible  que 
les  neuf  dixièmes  du  monde  bouddhique  ignoraient  l'exis- 

1.  On  ne  dit  pas  d'où  sortaient  subitement  ces  60,000  fils  de  Çâkya,  qui 
restèrent  après  un  premier  triage  préliminaire  entre  les  vrais  et  les  faux 
frères. 

2.  Dîpav.  7,  26  ;  Mahâv.  40. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  309 

fonce  d'un  personnage  tel  que  Tishya  Maudgaliputra,  et, 
autant  que  nous  sachions,  l'aient  toujours  ignorée.  On 
s'explique,  en  outre,  difficilement,  comment  l'immense 
majorité  des  Bouddhistes  eussent  passé  sous  silence  le 
Concile  de  Pataliputra,  s'ils  en  avaient,  à  quelque  degré, 
admis  l'autorité,  comme  ils  admettaient  celle  des  deux  pre- 
miers Conciles. 

Tout  cela,  pour  ne  pas  parler  du  caractère  incohérent, 
absurde  et  puéril  du  récit  en  lui-même,  fortifie  la  première 
impression  qu'on  reçoit  en  lisant  le  récit  de  la  prédiction 
relative  à  la  descente  de  Tishya  Maudgaliputra.  Pour  le  dire 
en  un  mot  :  *  la  plupart  des  détails  qu'on  nous  donne,  rela-  283 
tivement  au  concile  de  Pataliputra,  sont  des  fables  dogma- 
tiques. Cependant,  le  récit  doit  contenir  un  fond  de  vérité  : 
en  effet,  les  preuves  qui  indiquent  qu'il  a  été  rédigé  avec  un 
but  précis,  ne  manquent  pas.  Quelle  a  été  au  juste  l'inten- 
tion qui  a  amené  cette  déformation  des  événements  réels, 
c'est  ce  que  nous  ne  pouvons  que  deviner. 

La  théorie  ecclésiastique  nous  apprend,  que,  dans  le  pre- 
mier Concile,  on  a  établi  le  texte  canonique  du  Yinaya  et  des 
Suttas.  Les  dogmes  qui  font  partie  de  l'Abhidharma  étaient 
contenus  dans  les  Suttas.  Le  deuxième  synode,  purement 
conservateur,  n'amena  aucun  changement.  C'est  lors  du  troi- 
sième Concile  qu'on  voit  paraître  subitement  un  «  traité  spé- 
cial »,  sur  des  questions  du  domaine  de  TAbhidharma.  Ce  livre, 
qui,  ne  fût-ce  que  pour  sa  forme,  ne  peut  être  rangé  parmi 
les  Suttas,  vient  tomber,  pour  ainsi  dire,  du  ciel  ainsi  que 
Tishya  Maudgaliputra  lui-même,  le  docteur  qui  «  révéla  »  ou 
((  publia  »  '  le  traité  Kathâ-vatthu.  Entre  les  traités  de 
TAbhidharma  et  Tishya-Maudgaliputra,  il  existe  un  lien 
intime,  on  peut  dire  nécessaire.  Car  Tishya,  ou  Upatishya, 
est    un    des    noms    de    Çâriputra   ",   renommé   comme   le 

1,  Dîpav.  7,  41. 

2.  Tishya,  comme  synonyme  de  Çâriputra,  se  trouve  dans  le  Lotus,   p.  58, 
où  Burnouf  a  traduit  le  mot  par  «  bienheureux  ». 


310  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  I/LNDE 

modèle  des  Abhidharmistes  et  reconnu  comme  tel  par  les 
religieux,  qui,  entres  autres  preuves  de  vénération,  avaient 
bâti  àMathurâ  une  tour  à  reliques  en  son  honneur  ^  D'autre 
part,  Mudgalaputra,  ou,  comme  on  l'appelle  le  plus  souvent, 
Maudgalyâyana  *  est  bien  connu  comme  un  grand  contem- 
platif, exemple  lumineux  pour  tous  ceux  qui  approfon- 
dissent le  Dhyâna.  Il  se  distinguait  en  outre,  de  môme 
284  que  Çâriputra,  *  par  la  facilité  avec  laquelle  il  pouvait  faire 
des  miracles.  D'après  l'usage  indien,  c'est  à  Tishya,  autre- 
ment dit  Çâriputra  \  et  à  Mudgalaputra,  qu'on  fait  remonter 
quelques-uns  des  sept  traités  sur  l'Abhidharma,  qui  sont 
communs  aux  Septentrionaux  et  aux  Méridionaux  ^.  Le 
grand  Tishya  Maudgaliputra,  dont  l'existence  ne  fut  révélée 
à  Açoka  que  22  ans  après  le  commencement  de  son  règne^ 
n'est  qu'un  mannequin  dogmatique,  composé  ingénieusement 
de  deux  moitiés,  dont  l'une  est  Tishya  (Çâriputra),  et  l'autre, 
Mudgalaputra.  Il  répond  à  ces  deux  personnages,  aussi  bien 
en  ((  révélant  »  ou  «  proclamant  »  ^  un  traité  sur  l'Abhi- 
dharma, qu'en  faisant  des  miracles  avec  la  plus  grande  faci- 
lité, sans  aucune  préparation,  ainsi  qu'Açoka  en  fut  témoin. 
En  résumé,  la  fable  d'un  Concile  général  sous  Tishya  Maud- 
galiputra est  destinée  à  commémorer  l'apparition  du  premier 
livre  consacré  exclusivement  à  l'Abhidharma,  livre  qu'on  at- 
tribuait, afin  d'en  rehausser  l'autorité,    à  deux  précurseurs 

3.  Fa  Hian.  Travels,  S7,  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  209. 

4.  II  s'appelle  Mudgalaputra,  entre  autres,  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  208,  217,  284; 
comp.  I,  103.  La  forme  Maudgaliputra  (Moggaliputra)  revient  au  même. 

1.  Culla-V.,  7,  4;  Sutta-V.,  I,  311. 

2.  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  les  titres  de  ces  ouvrages,  en  traitant  du 
canon;  Vassilief,  B.  107;  Burnouf,  hitrod.  448;  c'est  ainsi  que  le  livre  Dharma- 
skhandha  (pâli  :  Dhamma-sahgani),  a  été  proclamé,  ou  révélé,  par  Maudgal- 
yâyana, ou  par  Çâriputra  ;  le  Prajnapti-çâstra  (pâli  :  Puggala-paniiatti)  par 
Maudgalyâyana.  On  peut  voir  dans  Târanâtha,  56,  que  les  plus  orthodoxes 
d'entre  les  Bouddhistes  niaient  que  les  sept  Abhidharmas  fussent  l'œuvre  de 
Buddha;  l'école  des  Sautrântikas  niait  même  que  ces  sept  traités  remontassent 
à  Çâriputra  ou  à  quelque  autre  auteur  traditionnel. 

3.  Dîpav.  7,  56. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  311 

connus  et  inséparables  parmi  les  disciples  du  Seigneur.  Il 
n'est  nullement  impossible  que  l'ouvrage  ait  été  publié  en 
effet  du  temps  d'Açoka.  En  cela  nous  croyons  que  le  récit  est 
véridique. 

Si  la  solution  proposée  de  l'énigme  est  juste,  elle  ne  répond 
cependant  pas  encore  à  la  question  :  pourquoi  c'est  l'Église  sin- 
ghalaise  seulement,  ou  plutôt  une  secte  de  cette  Eglise,  celle 
du  Mahâvihâra,  qui  a  cru  nécessaire  d'imaginer  (ou  de  conser- 
ver soigneusement)  cette  fable.  *  Quel  intérêt  dogmatique  les  28o 
moines  du  Mahâvihâra  ou  du  Grand  Monastère,  et  peut-être 
aussi  les  autres  sectes  singhalaises  *,  pouvaient-elles  avoir  à 
représenter  une  assemblée  de  sectaires  comme  un  Concile 
général?  Il  est  difficile  de  résoudre  ce  problème,  à  l'heure 
actuelle,  vu  notre  connaissance  fort  imparfaite  des  dogmes 
particuliers  des  différentes  sectes.  Une  chose,  cependant,  est 
certaine  :  lors  du  triage  des  moines  orthodoxes  et  hétérodoxes, 
immédiatement  avant  le  Concile  de  Pâtaliputra  ^  triage  qui 
reposait  uniquement  sur  la  profession  d'un  point  du  dogme 
purement  métaphysique  et  oh  le  Yinaya  n'était  pour  rien, 
on  met  expressément  en  avant  que  le  Buddha  était  un  parti- 
san de  la  doctrine  du  Vibhajya  ^  [vibhajtjavâdà).  Le  moyen  de 
savoir  rapidement  et  sûrement  si  quelqu'un  est  orthodoxe, 
est  de  s'assurer  s'il  est  Yibhajyavâdin,  ou  non.  Or,  les  Yi- 
bhajyavâdins  forment  une  subdivision  du  Sthavira-vâda,  la 
doctrine  des  Yieux-Groyants*.  Il  semble  d'abord  singulier  que 


1.  Nous  disons  ceci  parce  que  nous  ne  savons  à  peu  près  rien  des  dogmes 
et  du  canon  des  autres  sectes  de  l'île. 

2.  Sutta-V.  1,  p.  312. 

3.  On  ignore  en  quoi  consistait  cette  doctrine. 

4.  Târanâtha,  270  ss.  D'après  les  Mahâsànghikas  (hétérodoxes),  les  Vi- 
bhajyavâdins  sont  une  des  trois  grandes  divisions  de  l'Église,  et  ils  en  font  déri- 
ver, entre  autres,  les  Mahîçâsakas  :  d'autres  placent  les  deux  sectes  sur  la  même 
ligne.  Fa  Hian  [Travels,  16j)  trouva  à  Ceylan  des  Mahîçâsakas;  il  ne  ressort 
pas  clairement  de  ses  paroles  si  c'étaient  les  moines  d'Abhayagiri  ou  bien  ceux 
du  Grand  Monastère  qui  appartenaient  à  cette  secte.  On  trouvera  d'autres 
détails  sur  cette  secte  ainsi  que  sur  les  autres,  dans  l'appendice. 


312  HISTOTRE  DU  BOUDDTTÏSME  DANS  L'INDE 

le  nom  des  Vibhajyavâdins,  dont  nul  ne  met  en  doute  l'ortho- 
doxie, ne  se  trouve  pas  dans  les  listes  singhalaises  connues^'  ; 
en  revanche,  les  moines  ne  cessent  de  se  glorifier  eux-mêmes, 
ainsi  que  les  religieuses,  parce  qu'ils  sont  de  si  bons  Vibhaj- 
yavâdins ^  On  reçoit  l'impression  que,  tout  en  étant  fiers 
de  leur  doctrine  du  Yibhajya,  considérée  comme  le  comble  de 
l'orthodoxie,  ils  n'aient  pas  voulu  qu'on  considérât  Yibhajya- 
286  vâdin  comme  un  nom  de  secte  ;  *  ils  tenaient  avant  tout  au 
titre  de  Vieux  Croyants,  partisans  de  la  doctrine  des  Sthavi- 
ras,  qui  ne  connaissent  ni  changement,  ni  même  l'ombre 
d'une  modification.  Plus  on  est  fier  d'une  prérogative,  moins 
on  est  sûr  de  la  voir  reconnaître  par  d'autres.  Les  religieux 
de  Ceylan  (ou,  plus  spécialement,  ceux  du  Grand  Monastère), 
devaient  prouver  deux  choses,  s'ils  voulaient  maintenir  leurs 
prétentions  à  une  pureté  extraordinaire  de  doctrine,  à  ren- 
contre d'autres  sectes,  non  moins  orthodoxes.  Ils  devaient 
d'abord  démontrer  que  la  doctrine  duVibhajya,  leur  doctrine 
à  eux,  était  l'expression  la  plus  pure  de  l'orthodoxie,  dans  le 
domaine  de  la  métaphysique  ;  cette  théorie  devait  donc  être 
représentée  comme  une  pierre  de  touche.  En  outre,  on  devait 
pouvoir  nommer  un  Concile,  qui,  justement  en  se  servant 
de  cette  pierre  de  touche,  avait  éliminé  les  éléments  hétéro- 
doxes et  rétabli  l'ancienne  doctrine  dans  toute  sa  pureté.  Si 
un  Concile,  —  obligé,  par  sa  nature  môme,  de  maintenir  et, 
au  besoin  de  restaurer,  la  doctrine  non  falsifiée,  originale  — 
si  un  Concile  avait  reconnu  la  doctrine  du  Vibhajya  comme 
la  seule  vraie,  il  allait  de  soi  que  cette  doctrine  remontait  au 
temps  du  Buddha,  et  descendait  de  lui,  fût-ce  par  des  inter- 
médiaires. C'est  ainsi  que  naquit  le  troisième  et  de'rnier 
Concile  général,  Concile  imaginaire,  sous  la  présidence  de 

5.  Entre  autres  Dipâv.  o,  45-50,  où  les  Kâçyapikas  sont  nommés  deux  fois 
de  suite,  comme  deux  sectes  différentes,  ce  qui  est  absurde  :  il  semble  qu'on 
ait  passé  expressément  un  nom  sous  silence,  et  mis  deux  fois  celui  des 
Kâçyapikas,  afin  d'obtenir  le  total  de  sectes  requis. 

6.  Dipav.  18,  1;  41,44. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  313 

Tishya  Maucigalipiitra,    personnage  non  moins  imaginaire. 

C'est  au  même  personnage  que  les  Singhalais  attribuent 
le  projet  d'envoyer  des  apôtres  dans  les  pays  voisins,  afin  d'y 
prêcher  la  Foi  '.  Il  semble  bien  un  peu  étrange  que  ce  chef 
des  croyants,  descendu  des  régions  célestes,  n'ait  eu  cette 
idée  excellente  que  lorsqu'il  était  déjà  âgé  de  70  ans;  encore 
plus  étrange,  que  FOrdre  existât  déjà  depuis  280  ans,  d'après 
la  chronologie  singhalaise,  sans  que  personne  eût  eu  l'idée 
de  répandre  la  doctrine  du  Salut  en  dehors  des  limites  du 
Madhyadeça  et  du  Magadha.  Mais  ce  qui  est  bien  plus 
extraordinaire,  c'est  que  les  Bouddhistes  qui  ont  réellement 
accompli  l'œuvre  de  conversion,  ne  savent  rien  d'une  mission 
des  apôtres  à  cette  époque,  et  ne  savent  rien  non  plus  de 
Tishya  Maudgaliputra  *  qui  aurait  envoyé  ces  apôtres,  ni  du  287 
Concile  qui  fut  le  point  de  départ  de  la  propagande  de  la  Foi 
parmi  les  païens  *.  Tout  cela  est  bien  fait  pour  nous  dispo- 
ser à  la  méfiance,  une  méfiance  qui  ne  disparaîtrait  que  dans 
le  cas  où  il  serait  prouvé  que  les  actes  de  ces  apôtres  portent 
l'empreinte  de  la  vérité  historique. 

On  peut  admettre,  en  général,  que  les  détails  qu'on  nous 
donne  sur  l'organisation  de  chaque  mission  sont  pris  dans  la 
réalité.  Chaque  apôtre,  est-il  dit,  était  assisté  de  quatre  auxi- 
liaires, puisqu'il  fallait  cinq  personnes  pour  accomplir  léga- 
lement la  cérémonie  de  la  consécration.  Cependant,  nous 
voyons  immédiatement  que  ce  n'était  pas  une  règle  absolue, 
puisque  Madhyântika,  l'apôtre  du  Gândhâra  et  du  Kashmir, 
accomplit  à  lui  seul  toutes  les  conversions  et  tous  les  miracles 
dans  les  contrées  qui  lui  étaient  assignées. 

Les  noms  inoubliables  des  apôtres  —  noms  qui  cependant, 

1.  Dîpav.  chap.  8.  Sulta-V.  I,  314. 

1.  D'après  ces  Bouddhistes,  des  apôtres  partirent  vers  les  16  rt'gions  de  Thori- 
zon,  immédiatement  apn'-s  la  disparition  de  Kâçyapa.  Cette  façon  de  se  repré" 
senter  les  choses  est  purement  mythique,  et  par  conséquent  poétiquement 
vraie;  au  contraire,  la  pseudo-histoire  fausse  à  la  fois  Thistoire  et  la  mytho- 
logie. —  Leben.sb.  308.  321. 


314  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

à  quelques  exceptions  près,  sont  tombés  en  oubli  chez  les 
neuf  dixièmes  des  Bouddhistes,  ou  n'y  ont  jamais  été  connus 
—  sont  Madhyântika,  Mahâdeva,  Rakshita,  Dharmarakshita 
le  Grec,  Dharmarakshita  le  Grand,  Rakshita  le  Grand, 
Madhyama,  Sona  et  Uttara,  et  enfin  Mahendra. 

Les  exploits  glorieux  de  Madhyântika  qui,  malgré  grêle  et 
coups  de  vent,  resta  immobile  à  son  poste,  exploits  non  moins 
célèbres  chez  les  Septentrionaux  que  chez  les  Méridionaux, 
ont  déjà  été  rapportés  avec  le  détail  nécessaire,  de  sorte 
que  chaque  lecteur  aura  pu  apprécier  le  caractère  mytholo- 
gique de  ces  hauts  faits,  absolument  purs  de  tout  mélange 
historique. 

Le  second  apôtre,  Mahâdeva,  fut  envoyé  dans  le  pays  de 
Maisore,  dans  le  Dekkhan.  A  la  suite  d'une  seule  récitation 
du  Devadûta-Sutta,  qui  dépeint  les  terreurs  de  l'Enfer,  il 
288  convertit  le  nombre  respectable  de  40,000  créatures  *  pour 
lesquelles  la  lumière  de  la  Loi  se  leva.  D'autres  créatures» 
en  nombre  égal,  embrassèrent  la  vie  religieuse. 

Des  conversions  non  moins  merveilleuses  furent  accom- 
plies par  le  troisième  missionnaire,  Rakshita,  qui  avait  pour 
champ  d'action  le  pays  de  Vanavâsî,  au  Nord-Ouest  du 
Maisore.  Elevé  dans  l'air  à  la  façon  d'un  météore,  il  prêcha 
avec  un  tel  succès  que  60,000  de  ses  auditeurs  parcouru- 
rent le  Dharma;  37,000  embrassèrent  l'état  monastique,  et 
500  couvents  ou  édifices  religieux  furent  fondés. 

Le  P.  Dharmarakshita,  qui  était  Grec,  prêcha  la  Foi  sur 
les  frontières  occidentales,  lui  aussi  avec  un  complet  succès. 
Il  rafraîchit  37,000  créatures  avec  le  nectar  de  la  Loi, 
pendant  que  mille  hommes  de  sang  royal  et  plus  de  6.000 
femmes  entrèrent  dans  l'Ordre  ^ 


1.  C'est  ce  que  dit  Buddhaghosha,  qui  aura  consulté  certainement  des  sources 
inconnues,  car  la  poésie  mnémonique  qu'il  cite  ne  parle  que  de  «  beaucoup  de 
gens  »  et  le  Dipavaiiisa  ne  donne  pas  non  plus  de  nombres  exacts.  Dans  la 
suite,  les  chiflres  de  Buddhaghosha  ne  seront  plus  cités  toutes  les  fois  qu'ils 
manqueront  dans  les  autres  versions. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  315. 

Le  vénérable  Dharmarakshita  le  Grand  remplit  sa  tâche 
d'apôtre  dans  le  pays  des  Mahrattes,  situe  au  nord  du  pays 
de  Vanavâsî.  Il  convertit  beaucoup  de  monde  en  racontant 
une  fable. 

Le  thaumaturge,  Rakshita  le  Grand,  se  rendit  comme  mis- 
sionnaire dans  le  royaume  des  Grecs  (en  Afghanistan  et  en 
Bactriane)  et  y  fit  de  nombreuses  conversions  en  récitant  un 
certain  Sutta. 

Madhyama,  dont  le  nom  est  rattaché  à  celui  de  quatre 
autres  soi-disant  compagnons  '\  convertit  dans  les  Monts 
Neigeux  une  foule  de  lutins*,  en  tout,  cinq  royaumes  ;  il  n'est  289 
pas  question  d'hommes,  et  c'eût  été  imprudent  d'en  parler  ; 
car  tout  le  monde  savait,  dans  l'Inde,  que  c'est  dans  ces 
régions  qu'on  trouve  les  royaumes  des  Lutins,  Elfes,  Génies, 
Esprits  des  Eaux,  etc. 

Le  couple  Sona  (ou  Souaka)  et  Uttara  se  rendit  dans  la 
région  de  Suvarnabhûmi  \  où,  grâce  à  son  pouvoir  magique, 
il  détruisit  les  démons.  Buddhaghosha  veut  que  Sona- 
Uttara  —  personnage  en  quelque  sorte  dédoublé,  il  en  parle 
souvent  au  singulier  ^  —  ait  chassé  une  géante,  qui  s'élevait 

2,  Ces  noms  sont  donnés  sous  des  formes  très  diverses  :  Mûlakadeva  ou  Ala- 
kadeva,  Kassapagotra  (de  la  lignée  de  Kaçyapa),  Dundubhisvara,  Durabhi- 
sara  etc.,  Sahadeva.  Dans  une  partie  de  ces  noms,  on  peut  encore  reconnaître 
des  noms  de  peuples  et  des  personnifications  de  la  région  dujNord  :  Alakadeva, 
le  dieu  d'Alakâ,  est  Kubera,  le  chef  de  la  région  du  Nord  ;  Kaçyapa  est  le  créa- 
teur et  le  patriarche  du  Kashmir,  et  Kassapagotra  correspond  donc  à  peu 
près  à  «  homme  du  Kashmir»;  Durabhisara  etc.  semble  une  corruption  de 
Dârvâbhisâra,  une  région  bien  connue  qui  fait  partie  du  Kashmir  ;  la  vraie 
leçon  est  probablement  Dundubhissara,  Dundubhîçvara,  le  Buddha  de  la 
région  du  Nord,  nom  dont  Dundubhissara  est  une  variante.  Le  premier  nom 
signifie  «  seigneur  du  tambour  »  :  Tautre  «  celui  qui  a  le  son  d'un  tambour  » 
—  lèvent  orageux  du  Nord.  Le  lien  entre  Madhyama  et  le  Kashmir  est  déjà 
indiqué  par  le  nom,  qui  n'est  évidemment  qu'une  variante  de  Madhyântika. 

1.  C'est-à-dire  le  Pays  de  l'or,  el  Dorado,  placé  d'ordinaire  dans  le  Nord- 
Est,  plus  tard  identifié  avec  l'Indo-Chine,  Malacca,  etc. 

2.  Qu'on  regarde  Sona-et-Uttara  comme  deux  personnages  ou  comme  un 
seul,  cela  ne  fait  pas  de  différence,  le  nombre  total  des  missions  est  toujours 

9.  Les  Indiens  divisent  la  terre  en  9  parties,  les  8  régions  et  le  centre;  chaque     . 
partie  est  soumise  à  trois  constellations. 


316  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

dcrOcéan  et  dévorait  les  enfants  \  Il  est  amusant  de  voir  que 
Fauteur  de  la  chronique  plus  récente  oublie  complètement 
plus  tard,  en  décrivant  le  Grand  Stûpa,  construit  sous  Dushta- 
Gàmani,  que  Sonottara  avait  été  un  apôtre  sous  Açoka  et  le 
mentionne  comme  un  Ancien,  âgé  de  seize  ans  *. 

Quant  à  Mahendra,  c'est  à  lui  qu'était  réservée  la  tâche 
d'introduire  la  vraie  Foi  à  Ceylan.  La  conversion  de  cette  île 
est  trop  importante  pour  être  racontée  en  quelques  mots,  et 
nous  en  renvoyons  à  plus  tard  le  récit  détaillé. 

A  l'exception  peut-être  de  l'histoire    de    cette  mission  à 

.  Ceylan,  tous  les  récits  relatifs  à  des  conversions  faites  par 
des  Sthaviras  légendaires,  sont  évidemment  des  contes,  et  il 
est  difficile  de  se  représenter  des  faits  historiques,  qui 
auraient  pu  donner  naissance  à  de  pareils  récits.  Ils  n'ont 
rien  de  commun  avec  l'histoire  réelle,  sauf  en  ceci  que  ce 
fut  un  état  de  choses  réel,  postérieur  de  quelques  siècles  aux 
événements  supposés,  qui  donna  occasion  à  l'invention  de 

290  pareilles  historiettes.  C'est  un  fait  historique  *  que  le  Boud- 
dhisme a  fleuri,  pendant  un  laps  de  temps  plus  ou  moins 
long,  dans  toutes  les  régions,  dans  tous  les  pays  que  nous 
venons  d'énumérer  \  Il  est  possible  qu'on  ait  placé  toutes 


3.  L'Hécate  indienne,  Durgâ,  est  la  forme  féminine  du  dieu  du  Temps, 
Çiva,  qui  demeure  dans  le  Nord-Est. 

4.  Mahâv.  185;  du  reste,  excellent  messager  de  la  lumière,  Sonottara,  pen- 
dant les  150  ans  qui  s'étaient  écoulés  entre  sa  mission  comme  apôtre  et  son 
activité  sous  Gâmani,  avait  eu  tout  le  temps  de  se  rajeunir  plus  d'une  fois, 
de  même  que  les  hérésiarques  ;  comp.  plus  haut,  p.  247.  —  Dipav.  XIX,  6,  ne 
mentionne  qu'Uttara,  et  en  même  temps  Dharmarakshita.  Ce  qui  est  encore 
plus  remarquable,  c'est  qu'à  cette  occasion,  le  Buddha,  le  Dharma  et  le 
Sahgha  furent  présents  en  personne. 

1.  La  même  idée  se  trouve  au  fond  du  récit  pseudo-historique,  d'après 
lequel  Tishya  Maudgaliputra  prévit  dans  son  esprit  «  dans  quels  pays  la  doc- 
trine s'établirait  à  l'avenir  ».  Des  Sages  comme  les  moines  bouddhiques,  qui 
devaient  justifier  leur  renom  d'omniscience,  et  qui  se  vantaient  de  tout  savoir 
sans  avoir  jamais  rien  appris,  comme  nous  l'avons  vu,  entre  autres,  dans  le 
cas  de  Siggava,  pouvaient  difficilement  avouer  qu'ils  ne  savaient  à  peu  près 
rien  de  la  façon  dont  la  Foi  s'était  propagée  aux  temps  anciens. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  317 

les  conversions  du  temps  d'Açoka,  parce  qu'on  avait  encore 
quelque  souvenir  des  missions  que  ce  roi  avait  envoyées 
dans  les  pays  étrangers. 

Les  matériaux  mythiques  dont  on  disposait  n'étaient  pas 
bien  nombreux,  xlfin  d'introduire  quelque  variété  et  quelque 
contraste  dans  le  tableau,  on  se  servit  du  moyen  ordinaire  : 
d'une  seule  figure  on  en  fit  deux,  ou  plus.  C'est  ainsi  qu'on 
obtint  Madhyântika  et  Madhyama,  de  même  qu'on  avait  à  la 
fois  un  Meru  et  im  Sumeru,  une  Mâyâ  et  une  Mahâ-Mâyâ, 
un  îçvara  et  un  Maheçvara,  un  Pusliya  et  un  ïishya.  Le 
seul  Rakshita  donne  quatre  variations,  Dharma-rakshita, 
etc.  C'est  faire  beaucoup  avec  peu  de  chose,  quoi- 
qu'en  fin  de  compte  le  résultat  ne  soit  pas  encore  bien 
fameux. 

Parmi  les  personnages  illustres  mentionnés  dans  ce  court 
récit  des  missions  à  Fétranger,  les  seuls  connus  aux  Boud- 
dhistes septentrionaux,  en  dehors  de  Madhyântika,  sont 
Mahâdeva  et  Uttara.  Le  rôle  que  saint  Mahâdeva  joue  dans 
la  tradition  septentrionale  %  n'est  pas  précisément  celui 
d'un  apôtre  de  la  vraie  religion.  Il  était,  par  son  origine,  le 
fils  d'un  marchand  originaire  de  Maruta  (Marunda)  ;  dans  sa 
jeunesse,  il  avait  tué  son  père,  sa  mère  et  un  saint  ^  ;  ensuite, 
pris  de  remords,  il  s'était  enfui  au  Kashmir.  Dans  ce  pays, 
où  nul  ne  connaissait  ses  antécédents,  il  fut  sans  peine 
admis  dans  la  congrégation  des  fils  de  Çâkya,  et  comme  il 
était  doué  d'une  grande  intelligence,  il  devint,  en  peu  de 
temps,  versé  dans  les  trois  Pitakas  *  et  un  virtuose  de  la  Con-  291 
templation  *.  Le  Diable  bénit  son  œuvre,  son  nom  devint 
célèbre  partout,  chacun  le  prit  pour  un  saint,  et  le  nombre 


2.  Tàran.  ^1,  293;  Vassilief,  B.  38. 

3.  Maheçvara,  c'est-â-dire  Çiva,  considéré  comme  le  Temps,  met  flti  à  ce 
qu'il  y  a  de  plus  ancien  et  de  plus  respectable. 

1.  Çiva  est  célèbre  comme,  «  seigneur  de  la  science  »  {vidyeça,  etc.),  comme 
maître  du  Yoga,  et  comme  connaisseur  des  trois  Vidyâs  ou  Vedas  (autrement 
dit,  les  trois  Pitakas). 


318  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

de  ses  admirateurs  augmenta  tous  les  jours  ^  Un  jour  qu'il 
se  trouva,  avec  un  grand  nombre  de  moines,  à  Malhurâ,  ou, 
suivant  d'autres,  à  Pâtaliputra,  et  que  ce  fut  son  tour,  lors  de 
la  célébration  de  l'Uposatha,  de  réciter  le  Prâtimoksha,  il 
ajouta,  la  récitation  finie,  un  verset  de  sa  propre  fabrication: 
«  Les  Dieux  eux-mêmes  sont  sujets  à  l'ignorance;  les  voies 
qui  mènent  au  but  final  dépendent  de  la  parole,  et  les  Arhats 
ne  peuvent  échapper  au  doute.  » 

Les  moines  plus  âgés  s'élevèrent  avec  force  contre  ces 
thèses  dangereuses,  et  ils  déclarèrent  ouvertement  qu'elles 
étaient  contraires  à  la  parole  du  Seigneur.  Les  frères  plus 
jeunes,  au  contraire,  prirent  parti  pour  Mahâdeva,  ce  qui 
amena  de  grandes  disputes.  Le  docteur  sceptique  poursuivit 
cependant  sa  critique  destructive,  en  donnant  de  fausses 
explications  des  textes  sacrés.  Après  sa  mort,  le  moine 
Bhadra,  qui  passait  généralement  pour  une  incarnation  du 
Diable,  se  chargea,  véritable  Méphistophélès  et  digne  repré- 
sentant de  «  l'Esprit  qui  nie,  »  de  découvrir  toutes  sortes  de 
contradictions  et  de  points  douteux  dans  l'Ecriture.  En  même 
temps,  il  publia  cinq  points,  qui,  d'après  lui,  remontaient  au 
Buddha  :  1.  réponse;  2.  ignorance  ;  3.  doute;  4.  recherche; 
5.  rétablissement  de  l'Etre.  En  conséquence,  on  vit  naître 
une  foule  d'opinions  diverses,  et  la  discorde  augmenta  de 
plus  en  plus.  Les  efforts  mis  en  œuvre  par  des  hommes 
saints  et  érudits,  pour  mettre  fin  à  ces  disputes,  échouèrent, 
parce  qu'un  grand  nombre  des  moines  subissaient  l'influence 
du  Diable.  Ce  ne  fut  qu'après  la  mort  de  Mahâdeva  et  de 
Bhadra  qu'on  reconnut  la  véritable  nature  de  ces  deux 
hérétiques. 
292  *  Bien  que  la  légende  que  nous  venons  de  résumer  soit  loin 
d'être  claire,  il  est  cependant  connu  d'ailleurs  que  Mahâdeva 
et  Bhadra  sont  des   noms  de  Çiva,  qui,  dans  sa  qualité  de 


2.  Historique  :  dans  le  Kashmir,  le    culte    de  Çiva   a    fait  grand  tort  au 
Bouddhisme. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  319 

dieu  du  Temps,  peut  être   appelé  le  Génie  de  la  destruc- 
tion. 

Une  autre  «  tradition  »  rend  Mahâdeva  responsable  du  pre- 
mier schisme,   qui  amena  la  séparation  des  moines   de  la 
Grande  Assemblée  d'avec  les  Sthaviras  *.  D'autres  versions 
ne  donnent  pas  son  nom  ;  on  y  lit  seulement  ce  qui  suit  :  Ce 
fut  cent  ans  après  que  le  Seigneur  eût  atteint  le  Nirvana 
définitif,   et  que  le  soleil  lumineux  se  fût  couché  ;  peu  de 
temps    après,   il  y   eut  un  schisme  dans  la  Congrégation, 
dans  le  royaume  de  Pâtaliputra,  sous  le  règne   d'Açoka  ^ 
Les  points  sur  lesquels  roulait  la  dispute  étaient  :  1.  occasion 
d'autres  ^  ;  2.  ignorance  ;   3.    doute  ;   4.    répétition     de  la 
recherche  ;  5.  origine  de  la  Voie  (cherchée)  dans  la  parole. 
Il  y   a   un  lien  indiscutable   entre   ces  cinq  points    ou 
articles  et  ceux  que  nous  avons  mentionnés  plus  haut.  On 
peut  également  les  rapprocher  des  cinq  subdivisions  d'un 
Adhikarana,    c'est-à-dire    question,    point    en    discussion, 
comme  on  les  emploie  dans  la  scolastique  de  la  Mîmâmsâ  : 
l.  le  sujet;  2.  le  doute  (l'objection);  3.  le  lien  (entre  le  sujet 
et  les  données  dont  on  dispose)  ;  4.  réfutation  du  doute  ; 
5.  jugement  final  \  Nous  retrouvons  ces  cinq  subdivisions 
dans  la   dialectique  indienne  sous  la    forme    modifiée  que 
voici:   1.  thèse;  2.  base  de  la  thèse;  3.  exemple  (cas  ana- 
logue) ;  4.  application  de  l'exemple  au  point  en  discussion  ; 

1.  La  tradition  suivie  par  Târanâtha  dit  la  même  chose,  sous  une  autre 
forme.  Mahâdeva,  d'après  Târanâtha,  aurait  vécu  du  temps  du  second  Kâçyapa. 
Ce  dernier  personnage  doit  avoir  été  créé  exprès  pour  servir  de  pendant  à 
Mahâdeva,  parce  qu'il  était  généralement  admis  que  Mahâdeva  el  Kâçyapa 
étaient  inséparables,  et  qu'il  existait  cependant  d'autres  versions  qui  pla- 
çaient le  premier  après  Açoka. 

2.  Vassilief,  B.  58;  comp.  224. 

3.  C'est  sans  doute  une  mauvaise  traduction  de  quelque  mot  sanscrit  qui 
signifiait  «  ouverture,  introduction,  »  ou  encore  d'upadeça,  «  proposition  » 
(par  ex.  d'un  problème  d'arithraétiqbfe);  et  aussi  :  «  leçon  donnée  à  apprendre  ». 

4.  Cette  méthode  est  une  application  de  la  procédure,  dont  les  subdivisions 
correspondantes  sont  :  le  fait  ;  la  plainte  du  demandeur;  témoignages  et 
preuves  de  fait  ;  défense  de  l'accusé  ;  sentence. 


320  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

5.  conclusion,  consistant  iormellement  dans  la  répétition  de 
la  thèse. 
293  *Une  des  thèses  de  Mahâdeva,  celle  qui  dit:  «  les  voies  qui 
mènent  au  hut  final  dépendent  de  la  parole  »,  ne  peut  man- 
quer de  nous  rappeler  que  Çiva,  en  sa  qualité  d'éther,  est, 
entres  autres,  l'élément  de  la  parole  (et  du  son).  Il  est  aussi 
le  père  de  la  l'étymologie,  de  la  grammaire  \  En  efFet,  les 
disputes  savantes  causées  par  les  théories  de  Mahâdeva  se 
rapportent  plutôt  aux  subtilités  techniques  de  la  grammaire 
et  de  l'étymologie,  qu'à  la  religion.  Târanâtha  dit  ^  : 

«  A  la  suite  des  nombreuses  opinions  particulières,  on  vit 
se  former  différentes  méthodes  d'étymologie,  et,  à  la  suite  de 
nombreuses  objections  et  de  malentendus,  la  discorde  ne 
fit  qu'augmenter.  Ceux  qui  enseignaient  les  Sûtras  dans  les 
langues  des  différents  pays,  introduisirent,  en  modifiant 
quelque  peu  l'alphabet  et  Tordre  des  mots,  plusieurs  syl- 
labes longues  et  brèves,  placées  au  début  des  mots.  » 

Quand  on  considère  la  diversité  de  la  nature  de  Çiva,  on 
ne  s'étonne  pas  que  le  Mahâdeva  des  Méridionaux  joue  un 
rôle  tout  différent  de  celui  d'hérésiarque. 

Saint  Uttara,  tel  qu'il  est  connu  des  Septentrionaux,  au 
premier  abord,  n'a,  lui  aussi,  pas  grand  chose  de  commun, 
ni  avec  Sona-et-Uttara,  ni  avec  Uttara,  l'élève  de  Revata.  On 
le  considère  comme  le  successeur  du  Seigneur,  antérieure- 
ment à  Kâçyapa  ^  Ceci  est  indiqué  par  le  nom  lui-même, 
car  ut lar a  signifie,  entre  autres^  le  «  suivant  ».  Il  figure 
aussi,  à  côté  de  Kâçyapa  et  de  Revata,  parmi  les  grands 
Arhats,  mêlés  dans  la  lutte  relative  aux  cinq  articles.  Mais  ce 


1.  Etude  très  importante  aux  yeux  des  grammairiens  scolastiques  de  l'Inde. 
Dès  l'époque  de  Patanjali  (ou  déjà  antérieurement),  on  a  soutenu  dans  l'Inde 
l'absurdité  que  la  grammaire  «  est  nécessaire  pour  arriver  à  la  béatitude 
céleste  ;  la  parole  est  Mahâdeva  (un  grand  Dieu)  »  dit  le  Sage  que  nous  venons 
de  nommer. 

2.  Passage  cité. 

3;  Târanâtha,  3,  18,  291,  299.' 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  321 

qui  est  le  plus  important,  c'est  qu'Uttara,  ou  Dharma-Uttara, 
est  l'ancêtre  spirituel  de  la  secte  des  Tâmraçâtîyas  (Robes 
rouges)  et  Sankrântikas  *  *.  Saint  Uttara  vivait  à  l'Orient,  294 
011  il  reçut  l'hospitalité  du  roiMahendra  *;  on  prétend  même 
que  ce  prince  bâtit  pour  lui  le  couvent  de  la  Patte-du-Coq, 
(Kukkutapâda)  ^ 

L'examen  comparé  des  légendes  ecclésiastiques,  nous 
a  conduit  à  un  résultat  à  bien  des  égards  négatif.  Néan- 
moins, bien  que  ne  pouvant  être  utilisées  directement  comme 
sources  historiques,  ces  légendes  sont  importantes,  comme 
produits  de  la  vie  spirituelle  des  fils  de  Çâkya  à  une  époque 
où  ils  étaient  déjà  solidement  établis  au  dehors  aussi  bien 
qu'à  l'intérieur  de  l'Inde.  La  plupart  de  ces  récits  ne  sont 
pas  tant  des  descriptions  d'événements,  que  des  explications 
après  coup  d'un  état  de  choses  déjà  existant  ;  explications 
qui  sont  présentées,  non  sous  forme  d'hypothèses  plus  ou 
moins  ingénieuses,  mais  sous  celle  de  récits,  dont  les  princi- 
paux éléments  consistent  en  mythes  anciens,  en  contes  popu-' 
laires  plus  modernes  et  en  allégories  inventées  de  propos- 
délibéré. 

L'idée  qu'il  y  a  trois  Conciles,  et  trois  Conciles  seulement,' 
a  été  suggérée,  selon  nous,  parles  fêtes  qui  ouvrent  les  trois 
saisons  liturgiques  de  l'année  (saisons  devenues  trois  siècles- 
dans  la  chronologie  des  Bouddhistes).  A  ces  moments,  le  passé 
est  séparé  de  l'avenir;  il  y  a  une  rupture  ^  —  un  déchire-' 
ment,  un  schisme  dans  le  Sangha,  dit  la  langue  ecclésias- 
tique des  Bouddhistes.  Mais  la  rupture,  une  fois  faite,  est  aus- 
sitôt réparée.  De  là  le  fait  que  Kâçyapa  et  les  siens  devaient 
réparer*  ce  qui  était  cassé  et  disloqué.  —  C'est  ainsi  que  295 


4.  Vassilief,  B.41,  42,  113,  118,  150,  232. 

1.  Indra  est  le  Prince  de  TOrient. 

2.  Aucune  source  historique  ne  fait  mention  d'un  roi  terrestre  Mahendra» 
régnant  à  Pâtaliputra,  ville  près  de  laquelle  était  situé  ce  couvent. 

3.  Cette  idée  est  exprimée  avec  une  clarté  parfaite  dans  Çatapatha-Brâhmana 
1,6,3,36. 

tottie  II.  21 


322  '       HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

s'explique  le  fait  que,  quel  qu'ait  été  le  nombre  réel  de 
synodes,  tenus  par  les  frères  ou  des  groupes  d'entre  eux, 
pour  fixer  le  canon,  une  théorie  inflexible  a  prescrit  un 
nombre  total  de  trois  synodes  seulement,  pendant  toute  l'his- 
toire ecclésiastique.  On  s'explique  aussi,  de  cette  manière, 
pourquoi  le  troisième  Concile  officiel  des  orthodoxes  septen- 
trionaux eut  lieu  plusieurs  siècles  après  le  Concile  que  les 
Singhalais,  tout  aussi  fiers  de  leur  orthodoxie,  présentent  de 
leur  côté  comme  le  dernier  faisant  autorité. 


296  *6.  —  Règne  d'Açoka.  —  Légendes  au  sujet  de  sa  jeunesse  et 

DE   SA  conversion.  —  SeS    ÉDITS.    —  RÉCITS  ROMANESQUES  SUR 
LES  DERNIÈRES  ANNÉES  DE  SA  VIE. 

Açoka,  ou,  comme  il  s'appelle  dans  ses  édits  :  Piyadassi 
(sanscrit  :  Priyadarçin)  ou  bien  Devânâmpriya  *  Piyadassi, 
ou  encore  Devânâmpriya  tout  court,  occupe  une  place  unique 
dans  l'histoire  ecclésiastique,  tant  parce  qu'il  est  célèbre,  chez 
les  Bouddhistes  de  tout  pays,  comme  le  plus  grand  bienfaiteur 
de  leur  religion,  que  parce  qu'il  nous  a  laissé,  dans  ses  édits, 
des  documents  d'une  authenticité  indiscutable,  qui  sont  d'une 
inappréciable  valeur  pour  la  science  des  antiquités  indiennes. 

Les  écrits  que  le  «  pieux  »  roi  fit  graver  dans  le  roc  ou  sur 
des  colonnes  de  pierre,  en  divers  endroits  de  son  vaste 
empire,  contiennent  en  grande  partie  une  énumération  de 
ses  grandes  et  bonnes  actions,  de  ses  efforts  pour  travailler 

1.  Ce  mot,  titre  honorifique  pris  par  plusieurs  rois,  et  qu'on  peut  assez 
bien  comparer  à  «  Sa  Majesté  Très  Chrétienne  »  et  autres  titres  analogues,  peut 
être  traduit  par  «  le  Pieux,  le  Dévot  »  ;  plus  tard  il  a  pris  le  sens  de  «  bête  » 
(comp.  la  nuance  quelque  peu  méprisante  qui  s'attache  parfois  en  français  au 
mot  «  dévot  »).  La  traduction  littérale  en  grec  :  6eoTç  cptXoç  «  cher  aux  dieux  », 
•est appliquée  dans  un  écrivaihgrec  aux  brahmanes  :  tô  [âpa/jiavwv  çûAovàvSpwv 
«piXoaocpwv  xal  Osotç  cpîXwv  ;  comp.  Colebrooke,  On  Ihe  sect  of  Jains.  Chez  les 
Jainas,  le  mot  est  très  usité  dans  uu  sens  qui  diffère  peu  ou  point  du  sanscrit 
bhadra. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  323 

au  salut  temporel  et  éternel  de  ses  sujets,  de  ses  mesures  en 
vue  de  leur  bonheur  corporel  et  spirituel  ;  le  tout  entremêlé 
d'exhortations  aux  membres  des  différentes  sectes,  leur 
recommandant  une  vie  vertueuse  et  la  tolérance  mutuelle. 

Bien  que  ces  édits  soient  d'une  valeur  inappréciable  pour 
l'étude  de  l'antiquité  indienne,  et  extrêmement  importants 
en  tant  que  témoignages  irrécusables,  constatant  l'existence 
de  certaines  idées  et  de  certaines  tendances  dans  certaines 
régions  de  la  société  indienne  au  troisième  siècle  avant  notre 
ère,  ils  nous  donnent  peu  ou  point  de  renseignements  sur 
rhistoire  du  temps.  Aucune  mention  n'y  est  faite  d'événe- 
ments politiques  ^,  *  le  sermonnaire  royal  garde  un  profond  297 
silence  sur  sa  propre  vie  ;  et  sans  la  lumière  que  nous  don- 
nent les  Purânas  et  les  chroniques,  nous  ne  saurions  même 
pas  les  noms  du  père  et  du  grand-père  du  roi  ;  bien  plus,  nous 
ne  saurions  même  pas  que  son  propre  nom  était  Açoka.  Si 
nous  voulons  retrouver  les  principaux  faits  de  son  règne  et 
les  principaux  traits  de  son  caractère,  nous  serons,  par  con- 
séquent, obligés  de  puiser  à  des  sources,  ou  peu  abondantes, 
ou  manifestement  troubles.  Un  récit  qui  s'appuie  sur  de 
pareilles  données  a  droit  à  l'indulgence  ;  dans  l'hypothèse  la 
plus  favorable,  il  ne  peut  être  qu'approximativement  exact. 

Açoka  était  fils  de  Bindusâra  et  petit  fils  de  Candragupta, 
le  fondateur  de  la  dynastie  des  Mauryas.  Au  moment  de  la 
mort  de  son  père  il  était  gouverneur  d'Ujjain.  C'est  ce  que 
disent  les  chroniques  singhalaises,  et  ce  n'est  nullement 
improbable  ^  Quelques  années  auparavant,  s'arrêtant  dans 
un  de  ses  voyages  à  Vedisa  %  il  y  avait  eu  une  amourette  avec 

2.  A  l'exception  de  la  conquête  du  Kalihga,  et  ce  fait  même  n'est  indiqué 
que  pour  servir  de  texte  à  un  sermon. 

1.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'Açoka  nomme  plus  tard,  dans  quelques-uns  de  ses 
édits,  Ujjain  et  Takshaçilâ  comme  chefs-lietix  de  gouvernements,  et  mentionne 
particulièrement  la  dernière  ville  comme  siège' du  prince  héritier. 

2.  Aujourd'hui  Bhilsa,  près  de  Sanchi,  endroit  célèbre  par  les  restes  d'ar- 
chitecture bouddhique  qu'on  y  trouve  ;  Mahâvarhsa  83  donne  à  la  ville  le  nom 
de  Cetiya-giri,  c'est-à-dire,  Mont-du-Caitya. 


324  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

la  fille  d'un  riche  marchand  :  de  cette  liaison  naquirent  un 
fils,  Mahendra,  et  une  fille,  Saiighamitrâ  ^ 

Ce  qui  semble  beaucoup  moins  croyable,  c'est  qu'Açoka, 
pour  se  rendre  maître  du  trône,  aurait  fait  mettre  à  mort 
99  de  ses  frères  sur  100;  il  n'aurait  épargné  que  Tishya,  né 
du  même  lit  que  lui —  personnage  que  nous  avons  déjà  ren- 
contré lors  de  la  révolte  des  moines  à  Pâtaliputra.  Il  aurait 
commencé  par  se  débarrasser  de  Sumanas,  le  fils  aîné  de 
Bindusâra,  et  aurait  assassiné  ensuite,  l'un  après  l'autre,  les 
98  autres  frères.  La  chronique  la  plus  ancienne  raconte  que 
298  les  assassinats  *  eurent  lieu  dans  la  quatrième  année,  c'est-à- 
dire,  d'après  le  système  singhalais,  dans  l'année  qui  suivit  la 
conversion;  mais  la  même  chronique  dit  ailleurs  qu'ils 
eurent  lieu  avant  le  couronnement*.  Une  autre  source  dit 
qu'Açoka  «  gouverna  pendant  quatre  ans  »,  occupé  à  les  assas- 
siner (les  99  frères)  »  ^ 

On  dit  que  le  fratricide  régna  quatre  ans,  avant  d'être 
solennellement  couronné.  Cependant,  une  des  chroniques  se 
contredit  sur  ce  point;  elle  dit  ^  :  «  Le  père  (d'Açoka)  nourrit 
60  mille  brahmanes  ;  lui-même  aussi  les  nourrit  pendant 
trois  ans  ».  Comme,  d'après  les  Singhalais  eux-mêmes,  le  roi 
se  serait  converti  trois  ans  après  son  couronnement  *,  il  s'en- 
suivrait que  le  commencement  du  règne  et  le  couronnement 
coïncideraient. 

La  confusion  des  sources  singhalaises  est  telle,  qu'on  se 
demande  s'il  faut  l'attribuer  à  l'extraordinaire  bêtise  des  écri- 
vains eux-mêmes,  ou  bien  au  fait  que  ceux-ci  supposaient 

3.  Dipâv.  6, 16.  Mahâv.  passage  cité.  Le  nom  Sanghamitrâ  a  un  caractère  par- 
ticulièrement bouddhique.  Comme  Açoka  ne  fut  converti  que  bien  plus  tard, 
il  faut  supposer  que  la  mère  vénérait  les  Trois  Joyaux.  Ceci  s'accorderait  avec 
ce  que  dit  le  Mahâv.  (passage  cité),  qu'elle  avait  fait  bâtir  un  Vihâra  à  Cetiya* 
giri. 

l.Dîpav.  1,31;  6,  22. 

2.Sutta-V.l,  p.  301. 

3.  Mahâv.  25. 

4.  Sutta-V.l,  p.  300; 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  325 

une  bêtise  toute  pareille  chez  leurs  lecteurs.  Toutes  ces 
sources  contiennent  une  description  des  privilèges  extraor- 
dinaires dont  jouissait  Açoka,  en  vertu  de  son  couronnement 
et  déjà  avant  sa  conversion.  Son  autorité  s'étendait  à  un 
Yojana  au-dessous  de  la  surface  du  sol,  et  à  une  égale  dis- 
tance au-dessus  de  la  surface,  dans  l'air.  Tous  les  jours,  les 
dieux  lui  apportaient  des  cruches  d'eau,  puisée  dans  le  lac 
Anavatapta,  dans  les  Monts  Neigeux;  puis  des  brosses  à 
dents  parfumées,  faites  des  branches  de  l'arbrisseau  à  bétel  ; 
des  myrobalans  et  des  mangues  mûres;  des  vêtements  de 
couleur  diverse;  de  la  canne  à  sucre,  des  noix  d'arec,  etc.  Les 
princes  des  Nâgas  livraient  des  poudres  et  des  huiles  parfu- 
mées; les  perroquets  apportaient  9,000  ^  charges  de  riz,  qui 
avait  été  préalablement  mondé  par  des  souris;  les  abeilles 
faisaient  du  miel  ;  les  ours  forgeaient  ;  des  oiseaux  chanteurs 
au  doux  ramage  payaient  leur  cens  au  puissant  empereur  en 
chantant  ^ 

*  On  pourrait  voir  dans  tout  ceci  une  description  allégorique  299 
de  la  puissance  d'un  autocrate,  à  qui  appartient  le  revenu  des 
mines  dans  les  entrailles  de  la  terre,  et  à  qui  l'on  apporte,  de 
toutes  les  provinces  de  l'empire,  un  choix  de  produits  :  des 
glaces  de  l'Himalaya,  des  fruits  exquis,  des  mets  et  des  tis- 
sus de  différentes  régions,  des  animaux  sauvages  pour  les 
ménageries  et  des  oiseaux  pour  les  volières.  Quel  que  soit  le 
nom  que  méritent  les  auteurs  de  pareils  récits,  ce  n'est  cer- 
tainement pas  celui  de  simples  chroniqueurs.  Nous  ne  sommes 
nullement  en  présence  d'une  naïveté,  quand  on  nous  raconte 
qu'Açoka  fit  chercher  Kâla  (c'est-à-dire  le  temps),  le  grand 
prince  des  Serpents,  dont  la  vie  est  d'un  âge  du  monde  et  qui 
a  vu  les  quatre  Buddhas  face  à  face,  et  le  pria  de  lui  montrer 
un  spectacle,  consistant  dans  l'apparition  du  «  Parfaitement 
Sage,  Buddha,  metteur  en  mouvement  de  la  roue  de  la  Loi^ 


5.  Allusion  aux  9  régions  de  la  terre. 

6.  Dîpav,  6,  2;  Sutta-V,^  passage  cité. 


326  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

dont  le  règne  ne  finit  pas  ».  Le  serpent  satisfit  à  ce  désir,  en 
faisant  paraître,  dans  un  décor  convenable,  un  magnifique 
Buddha,  avec  les  32  signes  distinctifs  requis.  Ce  fut  un  plai- 
sir pour  tous  les  yeux;  c'est  pourquoi,  on  célébra,  lors  de 
cette  fantasmagorie,  une  fête,  qui  reçut  le  nom  très  carac- 
téristique de  «  Fête  de  l'œil  »,  et  dura  une  semaine  *.  Dans 
les  sources  les  plus  anciennes,  ce  miracle  (c'est-à-dire  phé- 
nomène de  la  nature)  se  place  avant  la  conversion  du  roi; 
chez  Buddhagosha  aussi,  le  récit  précède  la  mention  de  la 
conversion  ;  dans  la  chronique  postérieure,  le  morceau  a  été 
déplacé,  afin  que  la  fantasmagorie  puisse  avoir  lieu  après  la 
conversion. 

Les  «  traditions  »  septentrionales,  d'ailleurs  divergentes 
entre  elles,  se  distinguent  par  une  certaine  couleur  roma- 
nesque, qui  ne  contribue  pas  à  les  faire  paraître  plus  dignes 
de  foi,  bien  qu'il  soit  juste  de.  reconnaître  qu'elles  sont 
300  moins  extravagantes  que  celles  du  Sud.  *  Nous  n'en  pouvons 
passer  le  contenu  sous  silence,  ne  fût-ce  que  pour  faire 
connaître  l'esprit  de  ces  contes  *. 

Bindusâra  avait,  d'une  jeune  fille  brahmanique  de  Campa 
(le  moderne  Bhagalpur),  deux  fils,  Açoka  et  Yigatâçoka  ^ 


1.  Sutta-V.  I,  pass.  cité.  Dîpav.  pass.  cité.  Mahâv.  29.  Il  est  évident,  non 
seulement  que  le  Buddha  n'est  ici  autre  chose  que  le  Soleil,  mais  encore  que 
l'inventeur  du  récit  avait  parfaitement  conscience  de  cette  signification,  quelle 
qu'ait  été  la  pensée  de  ceux  qui  le  copièrent.  Dîpav.  6,  14,  il  est  question 
«  d'un  magnifique  résultat,  obtenu  par  une  aumône  {ou  :  des  aumônes)  ».  Mal- 
heureusement le  roi  n'avait  pas  encore  à  ce  moment  eu  occasion  de  faire 
preuve  de  sa  générosité  à  l'égard  des  fils  de  Çâkya. 

1.  La  biographie  complète  d' Açoka,  est  contenue  en  7  récits  distincts, 
mais  qui  se  font  suite  et  dont  le  premier  porte  plus  particulièrement  le  titre 
d'Açoka-Avadâna,  faisant  partie  du  Divyâvadàna;  Târanâtha,  40;  Burnouf, 
Introd.  358-435  ;  comp.  149. 

2.  Burnouf  traduit  ce  nom  par  :  «  celui  dont  le  chagrin  est  éloigné  ».  Mais 
«  chagrin  »  est  f;oÂ;a  et  non  «poA;a;  c'est  là  un  fait  auquel  les  explications 
absurdes,  sérieusement  proposées  ou  non,  des  commentateurs  bouddhiques  ne 
peuvent  rien  changer.  Vigatâçoka  peut  signifier  :  «  Açoka  qui  est  parti,  »  ou, 
en  y  joignant  un   mot  comme  kâla  (temps)  :  «  (le  temps)  où  Açoka  était 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  327 

Afin  de  savoir  lequel  de  ses  fils  était  le  plus  apte  à  hériter  de 
TEmpire,  le  roi,  sur  le  conseil  d'un  certain  moine  mendiant, 
Pingalavatsâjîva,  mit  les  princes  (dont  le  nombre  n'est  pas 
indiqué)  à  l'épreuve.  Cette  soi-disant  épreuve,  qui  consistait 
au  fond,  dans  l'artifice  d'un  devin,  prédisant  l'avenir  d'Açoka 
d'après  certains  gestes  et  certaines  actions,  se  termina  à 
l'avantage  de  celui-ci.  Un  peu  plus  tard,  on  envoya  le  jeune 
prince  avec  une  armée  composée  de  quatre  corps  de  troupes, 
afin  de  soumettre  la  ville  de  Takshaçilâ  à  l'autorité  du  roi. 
Bien  qu'une  armée  composée  de  quatre  corps  de  troupes 
consiste  régulièrement  en  infanterie,  chars  de  guerre,  cava- 
lerie et  éléphants,  cette  armée  soi-disant  complète  n'avait  ni 
soldats,  ni  armes,  ni  chariots,  à  peu  près  rien,  en  un  mot. 
Heureusement,  cela  ne  fit  pas  de  difficulté,  Açoka,  grâce  à 
son  mérite  moral,  pouvant  exiger  l'apparition  d'armes  et  de 
soldats,  et  les  Dieux  lui  accordant  immédiatement  ce  qu'il 
exigeait.  Lorsque  le  prince,  avec  cette  force  formidable, 
parut  devant  Takshaçilâ,  les  habitants  se  rendirent,  de  sorte 
qu'il  eut  le  loisir  de  poursuivre  ses  conquêtes  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  soumis  la  terre  entière.  Sur  ces  entrefaites,  les  habitants 
de  Takshaçilâ  se  soulevèrent  de  nouveau.  Bindusâra  envoya 
cette  fois,  pour  les  soumettre,  son  fils  Susima  ^  mais  celui-ci, 
moins  heureux  que  son  frère,  ne  réussit  pas  à  s'emparer  de 
la  ville  *.  La  santé  du  roi  commença  à  décliner  pendant  ce  301 
temps,  et  celui-ci  comprit  que  le  moment  était  venu  pour  lui 
de  faire  des  arrangements  pour  l'avenir.  Il  résolut  de  nom- 
mer Susîma  son  successeur,  et  de  donner  à  Açoka  le  gou- 
vernement de  Takshaçilâ.  Les  ministres  ne  furent  pas  con- 
tents de  cet  arrangement,  et  imaginèrent  une  ruse.  Ils 
teignirent  Açoka  de  safran,  et  enduisirent  des  pots  de  fer  d'une 
solution  de  minium  —  le  sens  de  ce  détail  n'est  pas  clair  — 


parti  ».  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  le  véritable  caractère  de  cette  concep- 
tion allégorique. 
3.  Chez  les  Singhalais,  le  fils  aîné  s'appelle  Sumanas. 


328  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

puis  ils  dirent  au  roi  qu'Açoka  était  malade.  Au  moment  où 
le  roi  était  sur  le  point  de  rendre  Fâme,  ils  amenèrent  auprès 
de  lui  le  prince  en  habits  de  gala,  et  conseillèrent  au  roi  de 
placer  Açoka  sur  le  trône,  jusqu'au  moment  où  Susîma  serait 
revenu.  Le  roi  se  fâcha,  mais  le  prince  s'écria  :  «  Si  le  trône 
me  revient  légitimement,  puissent  les  Dieux,  dans  ce  cas, 
me  placer  le  diadème  sur  la  tête  !  »  A  peine  avait-il  prononcé 
ces  paroles,  que  les  Dieux  accoururent  et  accomplirent  son 
désir.  En  voyant  ce  miracle,  Bindusâra  eut  un  crachement 
de  sang  chaud,  et  rendit  l'âme.  A  la  nouvelle  de  ce  qui 
s'était  passé,  Susîma  était  revenu  immédiatement  à  Pâtali- 
putra  et  avait  essayé  de  s'emparer  de  la  ville,  mais  il  mou- 
rut misérablement  dans  un  puits,  que  le  rusé  Râdhagupta, 
le  ministre  d' Açoka  avait  creusé  pour  le  faire  périr  ^ 

D'après  une  autre  rédaction,  très  divergente,  de  ce  roman  ^ 
Açoka  était  le  fils  du  roi  Nemita  et  le  fruit  d'une  liaison 
adultère  avec  la  femme  d'un  marchand .  11  avait  six  frères 
aînés,  fils  d'autres  femmes  :  Lakshamana,  Rathika,  Çankhika, 
Dhamika,  Padmaka  et  Anûpa.  Lorsque  l'éducation  d'Açoka 
fut  achevée,  ses  frères  apprirent,  par  une  confidence   d'un 

302  vieux  devin  brahmanique  *,  que  le  jeune  prince  était  prédes- 
tiné à  monter  sur  le  trône.  En  attendant,  le  jeune  bâtard, 
très  doué,  se  rendit  utile  en  soumettant  les  Népalais  et  les 

^  Khasas  révoltés,  en  récompense  de  quoi  il  reçut  de  son  père 
la  ville  de  Pâtaliputra.  Là  il  vécut  pendant  quelques  années 
dans  le  luxe,  au  milieu  de  tous  les  plaisirs  de  la  jeunesse.  Il 
arriva  que  le  roi  Gamasa,  du  pays  de  Magadha,  étant  décédé, 
et  aucun  de  ses  fils  ne  voulant  monter  sur  le  trône,  le 
ministre  Gambhîraçîla  *  gouverna  le  pays  pendant  quelques 

1.  Ce  Râdhagupta,  dont  il  est  dit  qu'il  quitta  sa  retraite,  en  apprenant 
qu'Açoka  venait  de  monter  sur  le  trône,  présente  une  certaine  ressemblance 
avec  Vishnugupta,  autrement  dit  Cânakya  qui,  dans  d'autres  légendes 
indiennes,  figure  comme  conseiller  de  Candragupta. 

2.  Târanâtha,  26. 

1.  C'est-à-dire  :  «  l'Impénétrable,  le  Rusé  »  ;  c'est  encore  un  doublet,  semble- 
t-il,  de  Vishnugupta. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  329 

années.  Il  s'éleva  entre  lui  et  le  roi  Nemita,  un  différend 
qui  amena  une  guerre  sur  les  bords  du  Gange,  à  laquelle  les 
six  fils  aînés  de  Nemita  prirent  part.  Sur  ces  entrefaites^ 
Nemita  mourut.  Les  deux  ministres  du  roi  tinrent  la  nou^ 
velle  secrète,  afin  de  ne  pas  donner  du  courage  aux  gens  du 
Magadha,  et  essayèrent  de  gouverner  eux-mêmes  pendant 
quelque  temps,  mais  cela  ne  dura  qu'une  semaine,  la  nou- 
velle de  la  mort  du  roi  ayant  transpiré,  et  les  bourgeois  se 
refusant  à  obéir  plus  longtemps  aux  ordres  des  ministres. 
Juste  à  propos,  les  ministres  se  rappelèrent  que  le  moment 
prédit  par  le  devin  était  venu;  ils  firent  par  conséquent  venir 
Açoka,  et  le  placèrent  sur  le  trône.  Après  que  les  six  princes 
eurent  battu  les  gens  du  Magadha,  et  se  furent  emparés  des 
six  villes  %  ils  s'établirent  dans  ces  six  villes,  avec  leurs 
ministres,  sans  songer  à  marcher  au  Nord  du  Gange  ^  Après 
quelques  années,  qu' Açoka  passa  au  milieu  des  plaisirs  de 
l'amour,  ce  qui  lui  valut  le  nom  de  Kâma-Açoka  (c'est-à- 
dire  Açoka  de  l'amour),  il  se  querella  avec  ses  frères,  guer- 
roya contre  eux  pendant  quelques  années,  et  finit  par  les 
tuer,  en  même  temps  que  leurs  500  ministres. 

On  s'explique  difficilement,  comment  d'antiques  traditions 
écrites,  quelque  brèves  et  grossières  qu'on  se  les  représente, 
auraient  pu  donner  lieu  à  des  récits  aussi  divergents  *.  Des  303 
récits  écrits  ne  peuvent  se  modifier  ainsi  que  par  suite  de 
véritables  falsifications.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  témoignages 
relatifs  à  la  jeunesse  d'Açoka  se  contredisent  entre  eux  et  se 
détruisent  eux-mêmes,  et  comme  on  ne  peut  pas  rendre  de 
pareils  récits  plus  dignes  de  foi  en  les  soumettant  à  des  muti- 
lations arbitraires,  nous  ne  pouvons,  sans  d'autres  données 
—  qui  manquent  jusqu'ici  —  rien  décider  relativement  aux 
fratricides  d'Açoka.  Certainement,  après  avoir  entendu  de 
pareils  témoins  à  charge,  tout  juge  acquitterait  un  prévenu, 

2.  Çrâvastî,  Ayodhyâ,  Bénarès,  Vaiçâlî,  Râjagrha  et  Campa. 

3.  Malheureusement,  quatre  de   ces  six  villes    sont  justement  situées  au 
Nord  du  Gange. 


330  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

accusé  de  cent  *  fratricides.  Il  est  également  évident  que  la 
«  tradition  »  méridionale  ^  est  de  beaucoup  la  plus  extrava- 
gante des  deux.  C'est  à  celle-ci  que  nous  rendons  maintenant 
la  parole. 

Açoka,  après  avoir  régné  pendant  quatre  ans,  fut  couronné 
dans  sa  vingtième  année  pleinement  accomplie  ^  Si  cette 
expression  a  un  sens,  elle  veut  dire  qu'il  avait  atteint  l'âge  de 
vingt  et  un  ans  \  Il  est  vrai  que  cela  ne  s'accorde  pas  avec  un 
autre  renseignement,  d'après  lequel^  à  ce  moment  là,  il  aurait 
déjà  eu  un  fils,  Mahendra,  âgé  de  quatorze  ans,  mais  cela  ne 
fait  pas  de  difficulté,  puisque  les  Singhalais,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut,  font  jouer  des  rôles  de  parricides  à  de  tout 
jeunes  enfants,  et  revêtent,  ce  qui  est  tout  aussi  fort,  un  petit 
garçon  de  sept  ans,  de  la  dignité  d'Arhat,  ainsi  que  nous 
allons  le  voir.  L'histoire  de  ce  petit  prodige,  qui  serait  devenu, 
dans  la  main  de  quelques  moines,  un  instrument  pour  la 
conversion  d'Açoka,  est  un  modèle  du  genre  %  et  mérite 
bien  d'être  donné  ici,  dans  la  forme  la  moins  surchargée. 
304  *  Lorsque  Sumanas,  le  fils  aîné  de  Bindusâra,  fut  tombé 
entre  les  mains  impitoyables  d'Açoka,  Sumanâ,  la  femme  de 
Sumanas,  s'enfuit,  dans  un  état  de  grossesse  avancée,  vers 
un  village  habité  par  des  Cândâlas,  et  y  accoucha  d'un  fils, 
auquel  elle  donna  en  reconnaissance  de  la  protection  qui  lui 
avait  été  accordée  par  le  génie  d'un  arbre  banian,  le  nom  de 
Banian  (Nigrodha) .  Lorsque  le  petit  prince  fut  âgé  de  sept 

i.  Ce  nombre  rond  est  donné  par  le  Dîpav.  6,  21. 
■  2.  Nous  ne  savons  à  quelle  époque  remonte  cette  soi-disant  <itradition  »• 
Buddhaghosha,  qui  ne  manque  jamais  l'occasion  de  citer  d'anciennes  poésies 
mnémoniques,  n'en  peut  invoquer  une  seule  pour  l'histoire  d'Açoka.  La  chro- 
nique la  plus  ancienne  a  été  rédigée  peu  après  l'an  300  de  notre  ère. 

3.  Dipâv.,  6,  26. 

4.  Candragupta  était  encore  très  jeune  lorsqu'il  monta  sur  le  trône,  de  sorte 
que,  lorsqu'il  mourut  vingt-quatre  ans  plus  tard,  son  successeur,  Bindusâra, 
n'avait  probablement  atteint  qu'un  âge  d'un  peu  plus  de  vingt  ans.  Il  n'est 
nullement  improbable  que  ce  dernier,  après  un  règne  de  vingt-sept  ans,  ait  laissé 
un  fils  cadet,  âgé  de  vingt  ans. 

5.  Dîpâv.,  6,  34;  Sutta-V.,  I,  p,  301  ;  Mâhav.,  25. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  331 

ans,  il  fut  reçu  par  un  Ancien,  le  grand  Varuna  (l'Océan), 
dans  la  communauté  (du  Buddha).  Or,  il  arriva  que  le  petit 
garçon,  immédiatement  après  qu'on  lui  eut  rasé  les  cheveux, 
reçut  la  dignité  d'Arliat.Le  moinillon,  à  la  fois  Çrâmanera  et 
Arhat,  était  un  modèle  de  décorum  monastique,  et  fit,  un 
jour,  par  la  dignité  de  son  attitude,  une  telle  impression  sur 
Açoka,  que  celui-ci  le  fit  venir  et  le  pria  de  l'instruire. 
Banian  commença  en  prononçant  la  sentence  : 

Le  zèle  conduit  à  l'immortalité,  la  négligence  conduit  à  la  mort  ; 
Les  zélés  ne  meurent  pas;  les  négligents  sont  pareils  aux  morts  *. 

Cette  maxime  produisit  une  si  excellente  impression,  que  le 
roi  chercha  immédiatement  son  salut  dans  les  Trois  Joyaux  ^. 
11  se  fit  admettre  comme  laïque,  en  même  temps  que  ses 
femmes,  ses  enfants  et  ses  parents,  et  fit  célébrer  une  grande  • 
fête,  pour  marquer  sa  conversion  à  la  religion  du  Buddha. 
Depuis  ce  moment,  il  prit  l'habitude  de  régaler  tous  les  jours 
60,000  fils  de  Çâkya,  après  avoir  chassé  un  nombre  égal  de 
moines  hérétiques  (brahmaniques  et  autres)  ^  *  Ensuite  il  305 
fonda  le  couvent  Jardin  d'Açoka,  et  construisit  les  célèbres 
84,000  Yihâras,  avec  les  sanctuaires  y  attenant,  distribués 
sur  tout  le  territoire  de  l'Inde.  Afin  de  célébrer  cet  heureux 
événement,  il  y  eut  une  grande  fête,  qui  dura  une  semaine, 
et  à  cette  occasion  l'illustre  souverain  eut  la  satisfaction, 
que  les  simples  moines,  au  nombre  de  800  millions,  les 
moines  purifiés  de  toute  souillure,  au  nombre  de  100,000,  et 
les  religieuses,  au  nombre  de  96  fois  cent  mille,  tous  venus 
pour  assister  à  la  fête,  accomplirent,  pour  lui  faire  plaisir, 

1.  Ces  vers  se  trouvent  Dhammapada,  21. 

2.  La  conversion  eut  lieu,  à  ce  qu'on  dit,  trois  ans  après  le  couronnement. 

3.  Ceci  est  eu  contradiction  avec  les  propres  paroles  du  roi,  qui  déclare,  dans 
ses  édits,  jusqu'à  la  vingt-septième  année  de  son  couronnement,  qu'il  protège 
également  toutes  les  sectes,  et  qu'il  se  plaît  également  à  visiter  les  brahmanes 
et  les  ascètes.  Si  les  auteurs  singhalais  avaient  eu  encore  quelque  souvenir 
de  ces  édits,  ils  se  seraient  peut-être  abstenus  d'inventer  de  pareils  contes 
à  dormir  debout. 


332  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

un  miracle,  consistanl  en  ceci  que  tous  les  84  mille  Yihâras 
de  l'Inde  lui  apparurent,  devant  les  yeux  K  Pendant  que  le 
pieux  monarque  contemplait  avec  ravissement  ce  spectacle 
magnifique,  dans  le  couvent  Jardin  d'Açoka,  et  s'écriait 
avec  un  légitime  orgueil,  en  pensant  à  sa  libéralité  extrême 
envers  la  Congrégation  :  «  Je  suis  un  partenaire  de  la  reli- 
gion du  Buddha  »,  le  Sthavira  Maudgaliputra  Tishya  prit  la 
liberté  de  faire  remarquer  que  le  souverain  ne  pourrait  être 
qualifié  pleinement  de  «  partenaire  de  la  religion  »,  que  s'il 
pouvait  se  résoudre  à  céder  à  l'Église  son  propre  fils,  le 
prince  Mahendra,  et  sa  fille,  Saiighamitrâ.  Le  roi  satisfit 
volontiers  à  ce  désir,  après  s'être  assuré  que  ses  deux  enfants 

—  qui  par  un  heureux  hasard,  étaient  présents  sur  les  lieux 

—  n'auraient  aucune  objection  à  entrer  en  religion.  Le 
prince  et  la  princesse,  ainsi  que  le  mari  de  cette  dernière,  le 
prince  Agnibrahman,  et  le  prince  Tishya,  frère  d'Açoka,  né 
du  même  lit,  et  qui  jusque-là  avait  rempli  la  dignité  de  vice- 
roi,  prononcèrent  leurs  vœux.  Ceci  arriva  six  ans  après  le 

^  couronnement  d'Açoka.  A  cause  de  toutes  ces  preuves  de 
dévouement  à  la  Congrégation,  le  puissant  souverain  mérita 
pleinement  le  surnom  de  Dharma-Açoka. 

Les  Bouddhistes  septentrionaux  savent,  eux  aussi,  que  le 
roi,  après  sa  conversion  et  la  construction  des  84  mille  Stu- 
pas, reçut  le  nom  de  Dharma-Açoka,  comme  propagateur  et 
protecteur  du  Dharma,  tandis  qu'il  était  connu  auparavant 

306  comme  le  Cruel,  Canda-Açoka  ^.  *  Ils  aiment  à  s'étendre  sur 
les  atrocités  dont  le  jeune  roi  se  serait  rendu  coupable,  avant 
d'être  éclairé  par  la  lumière  de  la  Foi  ;  ils  dépeignent,  avec  les 
couleurs  les  plus  vives,  l'exécution  de  500  ministres,  déca- 
pités un  jour  par  le  roi  en  personne  ;  celle  de  500  de  ses 
femmes,  brûlées  vives  à  une  autre  occasion  ;  enfin  un  atelier 
de  tortures,  arrangé  par  le  roi  sur  le  modèle  de  l'enfer  de 


1.  Dîpâv.,  7,  1;  Sutta-V.  I,  p.  303;  ilfaMy.,  38. 

2.  Burnouf,  Introd.  375. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  333 

Yama,  qu'il  aurait  vu  lui-même  dans  une  de  ses  pérégrina- 
tions lointaines  ^  Cette  demeure  infernale,  vue  du  dehors, 
semblait  délicieuse  et  séduisante,  mais  malheur  à  celui  qui, 
trompé  par  les  apparences,  se  laissait  amener  à  entrer  dans 
le  perfide  séjour  !  Un  impitoyable  bourreau,  le  féroce  Girika, 
s'emparait  du  malheureux,  et  le  livrait  aux  tortures  les  plus 
épouvantables.  —  Un  beau  jour,  il  arriva  qu'un  certain 
Samudra  (c'est-à-dire  :  Océan),  un  moine,  qui  parcourait  le 
pays  pour  mendier  des  aumônes,  vint  à  Pâtaliputra,  et  vit  le 
splendide  édifice.  Sans  songer  à  mal,  Samudra  —  qui,  soit 
dit  en  passant,  était  un  fils  de  marchand,  né  en  mer,  d*oii 
son  nom  —  entra  dans  la  demeure  infernale,  d'une  beauté 
traîtresse.  Immédiatement,  le  bourreau  s'empara  de  lui,  et 
voulut  commencer  tout  de  suite  son  œuvre  de  tortionnaire  ; 
cependant,  il  se  laissa  fléchir,  et  accorda  au  moine  inoffen- 
sif un  délai  d'une  semaine.  Ce  délai  passé,  Girika  prit  sa 
victime,  et  la  jeta  dans  une  chaudière,  remplie  de  sang,  de 
graisse  et  d'excréments  ;  puis  il  voulut  allumer  le  feu.  Ce 
fut  en  vain,  le  feu  refusa  de  prendre  flamme,  et  pendant  ce 
temps,  le  moine,  tranquille  et  intact,  était  assis,  les  jambes 
croisées,  sur  un  coussin  de  lotus.  Le  cas  était  extraordinaire; 
on  fit  venir  le  roi,  et  lorsque  celui-ci  accourut,  avec  un  cor- 
tège de  quelques  milliers  d'hommes,  il  assista  à  plusieurs 
miracles,  plus  étranges  les  uns  que  les  autres.  Dans  une 
stupéfaction  profonde,  il  vit  le  moine  s'élever  de  la.  chau- 
dière en  l'air,  comme  un  cygne  qui  prend  son  vol;  et, 
avec  une  profonde  humilité,  il  demanda  au  saint  homme  qui 
il  était.  Samudra,  voyant  que  le  moment  opportun  était 
venu  *,  se  fit  connaître  comme  un  fils  de  Buddha,  et  profita  307 
de  cette  occasion  pour  rappeler  une  prédiction  du  Seigneur, 
qui  avait  dit  qu'un  siècle  après  le  Nirvana,  il  paraîtrait  à 
Pâtaliputra  un  roi  Açoka  qui  répandrait  les  reliques  du  Sei- 

1.  Burnouf,  Introd.  364  ;  Fa  Hian,  Trave  s,  127;  Voy.  des  Pél.  B.  II,  414.  Ver- 
sion très  divergente  chez  Târanâtha,  29. 


334  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

gneur.  Il  termina  son  discours  par  une  admonestation  sévère 
à  l'adresse  du  tyran,  l'exhortant  à  traiter  le  peuple  avec  dou- 
ceur et  non  avec  cruauté.  Le  roi  fut  profondément  ému  ;  il 
se  convertit,  chercha  son  refuge  dans  les  Trois  Joyaux  \  et 
fit  le  vœu  de  couvrir  la  terre  de  reliques  en  l'honneur  du 
grand  Maître.  Après  l'achèvement  des  édifices  sacrés,  appelés 
tantôt  Caityas,  tantôt  Stupas  ou  Vihâras,  une  grande  fête 
fut  célébrée.  Pendant  sept  jours  consécutifs,  le  roi  et  sa 
suite,  assis  sur  des  épaules  de  Génies  solidement  bâtis,  visi- 
tèrent ces  bâtiments,  dispersés  sur  la  surface  entière  de 
rinde.  Le  huitième  jour,  Açoka  manifesta  sérieusement  le 
désir  de  devenir  Buddha  lui-même.  Le  public  se  demanda  si 
ce  vœu  serait  exaucé,  doutant  encore  si  le  roi  était  arrivé  à 
la  sagesse  suprême.  Mais  dès  qu'un  tremblement  de  terre, 
accompagné  d'une  pluie  de  fleurs,  eut  suivi  les  paroles  du 
roi  et  confirmé  sa  prière,  toute  hésitation  cessa. 

C'est  une  entreprise  difficile  que  d'essayer  de  retrouver,  au 
fond  de  pareils  récits  qui,  par  opposition  aux  anciens  mythes, 
présentent  le  caractère  de  contes  populaires,  un  résidu  his- 
torique. D'autre  part,  il  est  certain  qu'ils  contiennent 
quelques  atomes  de  vérité,  entre  autres  le  fait  de  la  conver- 
sion d'Açoha  au  Bouddhisme  ;  on  pourra  donc  supposer,  avec 
quelque  vraisemblance,  que  le  petit-fils  de  Candragupta  a  eu 
une  jeunesse  orageuse,  et  que,  dans  le  commencement  de 
son  règne,  il  pécha  plutôt  par  sévérité  que  par  indulgence. 
On  peut  aussi  supposer  que  le  surnom  de  Dharma-Açoka  lui 
fut  donné  en  réalité,  bien  qu'on  puisse  se  demander  si  le 
public  l'appelait  ainsi,  pour  le  désigner  comme  un  protecteur 
du  Dharma  bouddhique  ^ ,  car,  compris  de  cette  façon,  le 

1.  Chez  Târanâtha,  31,  c'est  bien  le  moine  qui  amène  la  conversion  du  roi; 
mais  c'est  Yaças  ou  Yaçodhvaja  qui  figure  comme  confesseur  et  guide  spiri- 
tuel du  souverain. 

2.  Piyadassi  lui-même  emploie  souvent,  dans  ses  édits,  le  terme  dharma  de 
telle  façon  qu'on  peut  le  traduire  par  «  religion  »,  bien  entendu,  la  religion 
en  général,  considérée  comme  supérieure  aux  différences  sectaires:  ses  ordon- 
nances relatives  au  Dharma  sont  adressées  à  toutes  les  sectes  également.  Ce 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  335 

terme  n'est  l'antithèse  ni  de  Canda  «  le  Cruel,  »  ni  de  Kâma, 
«  l'Amour  ». 

*  Si  nous  ne  connaissions  Açoka  que  parles  sources  boud-  308 
dhiques,  celles  du  Nord  aussi  bien  que  celles  du  Midi,  nous 
devrions  en  conclure  qu'il  était  un  souverain  d'une  insigni- 
fiance rare,  remarquable  seulement  entant  qu'il  était  moitié 
monstre,  moitié  idiot.  Ses  coreligionnaires  ne  nous  ont  trans- 
mis de  lui  ni  une  bonne*  action,  ni  un  sentiment  élevé,  ni 
une  parole  frappante  *.  Afin  de  connaître  son  caractère 
comme  homme  et  comme  prince,  nous  n'avons  donc  d'autre 
ressource  que  ses  propres  exhortations  morales,  telles  qu'il 
les  fit  graver  sur  des  rochers  et  des  colonnes  de  pierre. 

On  a  étudié  soigneusement  les  édits  de  Devânâmpriya,  le 
Roi  Pieux,  aussi  et  même  surtout  pour  voir  quelles  données 
ils  pouvaient  offrir  pour  la  connaissance  de  l'état  de  l'Eglise 
à  cette  époque.  Quelques  savants  ont  même  cherché  dans 
ces  documents  officiels  une  sorte  de  résumé  de  la  morale 
bouddhique.  C'est  justement  ce  qu'on  n'y  trouve  pas.  Piyadassi 
parle  et  prêche  à  son  peuple,  non  pas  au  nom  de  l'Eglise  ou 
duBuddha,  mais  en  son  propre  nom.  Malgré  son  respect  pour 
le  Maître,  ce  n'est  pas  au  Buddha  qu'il  attribue  le  dévelop- 
pement et  la  floraison  de  la  vertu,  de  la  morale,  de  la  bien- 
veillance envers  tous  les  êtres  vivants,  mais  à  lui-même. 
S'il  ne  s'attribuait  pas  l'invention  des  idées  philanthropiques 
et  de  la  répugnance  à  tuer  les  êtres  vivants,  c'était  parce 
qu'en  le  faisant,  il  se  serait  rendu  ridicule  ;  car  de  son  temps, 
tout  le  monde  savait,  dans  l'Inde,  que  des  ascètes  de  toutes 

n'est  que  dans  les  manifestes  de  ses  dernières  années  qu'il  se  montre  intolé- 
rant et  fanatique. 

1.  Le  seul  écrivain  qui  le  loue  comme  un  prince  «  qui  tenait  fidèlement  sa 
parole  »  est  un  non-bouddhiste,  le  brahmane  Kalhana,  dans  Mja-Tarangini  l, 
m.  Le  même  écrivain  dit  aussi  qu' Açoka  «  après  que  sa  fureur  se  fût  éteinte, 
embrassa  la  doctrine  du  Jina  (Buddha)  et  construisit  dans  le  Kashmir  nombre 
de  Stupas.  »  Un  autre  poète,  Bàna,  parle  de  Canda- Açoka  comme  d'un  grand 
conquérant,  qui  pénétra  jusqu'au  royaume  des  Amazones;  ce  qui  semble  une 
variante  de  la  légende  d'Alexandre,  telle  qu'elle  circulait  au  moyen  âge. 


336  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDË 

les  écoles  propageaient  les  mêmes  idées.  Tout  ce  qu'il  pou- 
vait faire,  c'était  de  prendre  des  mesures,  afin  que  les  prin- 
cipes, que  reconnaissaient  les  ascètes  et  les  gens  éclairés, 
309  *  fussent  mis  en  pratique  dans  toutes  les  classes  de  la  popu- 
lation. Il  est  possible  que  le  royal  sermonnaire  ait  voulu 
favoriser  d'une  manière  détournée  la  vraie  Foi,  mais  cela 
n'empêche  pas  qu'il  se  fit  honneur  d'avoir  soin  des  intérêts 
spirituels  de  toutes  les  sectes,  sans  exception  *. 

Le  meilleur  aperçu  de  ce  que  Piyadassi,  jusqu'à  la 
28®  année  après  son  couronnement,  avait  fait  pour  assurer 
le  salut  temporel  et  éternel  de  ses  sujets,  se  trouve  dans  un 
des  édits  de  Delhi  %  dont  nous  laissons  suivre  le  résumé. 

Le  roi  commence  par  rappeler  au  peuple  que  les  rois 
d'autrefois  avaient  déjà  essayé  de  faire  progresser  le  peuple 
dans  le  Dharma,  sans  y  réussir.  Lui  aussi  avait  eu  la  même 
idée,  qui  s'était  déjà  présentée  à  l'esprit  des  rois  antérieurs  ; 
il  avait  songé  aux  moyens  de  s'assurer  le  concours  du  peuple, 
et  de  faire  en  sorte  que  celui-ci  progressât  dans  le  Dharma  et 
atteignît  dans  le  Dharma  un  niveau  plus  élevé.  Dans  cette 
vue,  il  avait  résolu  de  faire  faire  des  conférences  sur  le  Dharma 
et  de  donner,  au  moyen  d'édits,  un  enseignement  sur  le 
Dharma.  Cette  résolution  avait  été  exécutée.  Il  avait  aussi 
nommé  des  personnes  convenables  qui  devaient  instruire  et 
amender  la  foule,  et  surveiller  la  moralité  publique.  Il  avait 
nommé  des  fonctionnaires  pour  chaque  groupe  de  cent  mille 
âmes,  avec  ordre  de  conduire  le  peuple,  par  divers  moyens,  pres- 
crits par  le  roi,  dans  la  bonté  et  la  piété  ^  Dans  le  même  but, 

1.  M.  E.  Thomas,  dans  son  mémoire  «  The  early  faith  of  Açoka  »  [Journ,  R. 
As.  S.  New  ser.  IX,  155)  a  montré  avec  raison  que  les  idées  du  roi,  jusqu'à 
ses  dernières  années,  étaient  plutôt  jainiques  que  bouddhiques,  bien  que,  selon 
nous,  il  ne  soit  pas  prouvé  que  le  roi  Piyadassi  ait  jamais  appartenu  formelle- 
ment à  la  secte  des  Jainas. 
,  2,  Cunningham,  Corp.  Inscr.  édits  VII  et  VIII  de  Delhi. 

3.  Ces  fonctionnaires  devaient  avoir  soin  que  les  prisonniers  fussent  traités 
avec  humanité;  en  même  temps  ils  étaient  chargés  de  rendre  la  justice,  ainsi 
qu'il  ressott  du  IV»  édit  de  Delhi,  du  V«  de  Girnar,  etc. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  337 

il  avait  érigé  des  colonnes  du  Dharma  et  nommé  des  sur- 
veillants du  Dharma  \  Le  long  des  grandes  routes,  il  avait 
fait  planter   des  banians  *  pour  donner  de   l'ombre    aux  310 
hommes  et  aux  animaux  ;  fait  planter  des  bosquets  de  man- 
guiers; fait  creuser  des  puits  à  chaque  demi-^o^"  (1,500  mètres) 
et  construire  des  escaliers  (pour  permettre  aux  gens  de  des- 
cendre jusqu'à  l'eau)  ;  fait  construire  en  différents  endroits 
divers  établissements  où  les  hommes  et  le  bétail  pussent 
trouver  à  boire.  De  même  que  des  rois  antérieurs,  il  s'était 
efforcé,  de  plus  d'une  façon,  de  contribuer  au  bien  public  en 
établissant  de  pareilles  commodités,  et  il  l'avait  fait,  afin 
d'amener  les  gens  à  suivre  le  Dharma.  Aux  surveillants  du 
Dharma,  il  avait  indiqué  leur  tâche,  qui  s'étendait  à  toutes 
sortes  d'œuvres  de  bienfaisance,    et    cela  dans  toutes  les 
sectes,  chez  les  religieux  aussi  bien  que  chez  les  laïques.  Il 
avait  établi  de  ces  surveillants  pour  le  Saiigha  ;  de   même 
chez  lesÂjîvikas  brahmaniques  et  aussi  chez  les  Nirgranthas 
(Gymnosophistes  de  la  secte  desjainas)  et  chez  les  différentes 
sectes,  qui  avaient  chacune  leurs  propres  surveillants  du 
Dharma.  Les  surveillants,    aussi  bien  que  d'autres  person- 
nages étaient  chargés  de  la  distribution  des  aumônes,  de 
telle  façon  qu'ils  devaient  signaler  au  roi  aussi  bien  qu'à  ses 
épouses,  chaque  occasion  d'accomplir  une  action  charitable, 
dans  la  capitale  ou  dans  les  provinces.  En  même  temps,  ils 
étaient  chargés  de  distribuer  des  dons  au  nom  des  enfants  du 
roi  et  des  autres  princes  et  princesses  ;  tout  cela  afin  que 
l'activité  dans  le  Dharma  fût  montrée  et  que  le  Dharma  fût 
pratiqué  ;  afin  que  cette  activité,  cette  pratique  du  Dharma 
qui  consiste    en  charité,   véracité,  pureté,    mansuétude    et 
rectitude,  fût  augmentée  parmi  les  hommes.  Tout  le  bien 
que  le  roi  avait  fait,  avait  était  accueilli  volontiers  et  prati- 

4.  Il  est  traité  avec  plus  de  détail  de  rinstitution  de  ces  fonctionnaires, 
intitulés  Dharma-Mahâmâtras,  dans  l'édit  V  de  Girnar,  etc.  Nous  y  voyons 
qu'ils  étaient  établis  pour  surveiller  toutes  les  sectes,  ujèuie  dans  les  pays 
Toisins. 

Tome  11.  '25 


338  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L1NDE 

que  par  les  hommes,  de  sorte  qu'ils  avaient  déjà  fait  des 
progrès  et  qu'ils  en  feraient  encore  à  l'avenir,  dans  l'obéis- 
sance aux  parents  et  aux  maîtres,  dans  le  respect  pour 
vieillards,  dans  le  traitement  convenable  des  brahmanes 
et  des  ascètes,  des  pauvres  et  des  malheureux,  même  des 
esclaves  et  des  serviteurs. 

Ensuite  le  roi  déclare  que  le  Dharma  avait  augmenté 
parmi  les  hommes  de  deux  façons  :  d'abord  —  et  c'était  là 
le  moindre  résultat  —  par  des  règlements,  comme  la 
défense  de  tuer  certaines  espèces  d'animaux  *  et  par 
d'autres  édits  ;  en  outre  —  et  c'était  là  la  chose  capitale  — 
311  *  par  une  abstinence  volontaire,  à  savoir  que  les  hommes 
évitaient  de  faire  du  mal  aux  créatures  et  de  tuer  des 
animaux.  Il  exprime,  de  plus,  l'espoir  que  ses  fils  et  descen- 
dants suivront  l'exemple  donné  tant  que  le  soleil  et  la  lune 
existeront;  en  agissant  ainsi,  ils  obtiendront  leur  salut,  dans 
ce  monde  et  dans  l'autre.  A  la  fm,  il  dit  qu'il  a  fait  écrire 
l'édit  27  ans  après  son  couronnement  pour  être  gravé  à 
des  endroits  convenables,  sur  des  colonnes  de  pierre  ou  sur 
des  tables  de  pierre,  afin  qu'il  fût  durable. 

Les  faits,  énumérés  dans  cet  édit,  se  retrouvent,  pour  la 
plupart,  dans  d'autres  édits  antérieurs,  souvent  avec  plus  de 
détails.  C'est  ainsi  que  nous  lisons  dans  une  pièce  promul- 
guée la  13**  année  après  le  couronnement  \  que  le  roi  ne 
s'était  pas  contenté  de  faire  planter  des  arbres  et  creuser  des 
puits,  à  l'usage  des  hommes  et  du  bétail  ;  il  avait  eu  soin  de 
faire  planter  des  herbes  médicinales,  des  racines  et  des 
fruits  là  oii  ils  manquaient  ;  dans  son  propre  royaume,  aussi 
bien  que  dans  les  pays  voisins,  dans  l'Inde,  à  Ceylan,  et  dans 

1.  Dans  le  V®  édit  de  Delhi,  etc.,  qui  défend  absolument  de  tuer  certains 
animaux  et  ne  permet  de  tuer  d'autres  espèces  que  dans  des  limites  très 
restreintes. 

2.  Édit  II  de  Girnar,  etc.,  traduit  par  M.  Senart,  Inscriptions  de  Piyadasi^ 
p.  73;  et  par  Bûhler,  dans  la  Zeitschrift  dêr  DéUtschert  Morgenl.  Gesellschaft^ 
XXXVII,  95. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  339 

les  pays  du  roi  grec  Antiochus,  il  avait  eu  soin  de  faire  dis- 
poser des  remèdes  pour  les  hommes  aussi  bien  que  pour  le 
bétail. 

Une  ordonnance  de  l'an  26  contient  des  règlements  détail- 
lés, qui  défendent  absolument  la  capture  et  la  mise  à  mort 
de  certains  animaux,  et  ne  les  permet  pour  d'autres  espèces 
qu'à  certaines  époques.  Açoka  lui-même  prêcha  d'exemple, 
en  n'usant  que  modérément  de  la  nourriture  animale  ;  il  le 
ditlui-même  dans  un  autre  manifeste,  promulgué  12  ans  après 
son  couronnement  ^  «  Autrefois  »,  dit-il,  «  des  centaines  de 
milliers  d'animaux  étaient  abattus  journellement  dans  la  cui- 
sine du  roi  Piyadassi,  pour  être  servis  sur  la  table  royale  ;  mais 
actuellement,  au  moment  où  cet  édit  s'écrit  *,  on  n'abat  plus  312 
que  trois  animaux  pour  la  table  :  deux  paons  et  un  chevreuil  ; 
encore  le  chevreuil  n'est-il  pas  tué  régulièrement.  Dans  la 
suite,  on  s'abstiendra  également  d'abattre  ces  trois  ani- 
maux. » 

Le  changement  dans  les  idées  et  la  conduite  du  roi  eut 
lieu  d'après  son  propre  témoignage,  dix  ans  après  son  couron- 
nement *.La  pièce  peut  se  traduire  ainsi  :  «Autrefois,  les  rois 
entreprenaient  ce  qu'on  appelait  des  excursions  de  plaisir; 
la  chasse  et  autres  amusements  analogues  étaient  leur  dis- 
traction. Mais  le  roi  Piyadassi,  dans  la  onzième  année  après 
son  couronnement ,  est  parvenu  à  l'intuition  complète 
[sambodhi).  Alors  il  a  pris  le  chemin  du  Dharma,  qui  con- 
siste en  ceci,  qu'il  visite  et  comble  de  dons  les  brahmanes  et 
les  ascètes,  qu'il  visite  les  vieillards  et  leur  donne  de  l'ar- 
gent; qu'il  visite  les  gens  du  pays;  en  l'enseignement  du 
Dharma,  et  en  l'examen  du  Dharmas.  C'est  en  cela  que  le  roi 
Piyadassi,  en  ces  derniers  temps,  a  pris  le  plus  de  plaisir.  » 

3.  ÉditI  de  Girnar,  etc.,  chez  M.  Senart,  p.  61;  chez  Bûhler,  ouvrage  cité, 
p.  89. 

1.  Édit  VIII,  chez  M.  Senart  p.  196;  chez  Bûhler,  p.  422;  la  traduction 
«  dans  la  treizième  année  de  mon  sacre  »  chez  M.  Senart,  doit  être  un  lapsus^ 
dasavasâbhisita  ne  pouvant  avoir  ce  sens. 


340  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

On  ne  peut  conclure  avec  certitude  des  termes  de  ce  court 
manifeste  que  le  changement  dans  Tâme  du  roi  coïncida  avec 
sa  conversion  au  Bouddhisme.  On  n'y  parle  pas  non  plus  de 
tel  ou  tel  fait  qui  aurait  amené  ou  hâté  cette  conversion. 
On  peut  très  bien  supposer  que  le  roi,  déjà  sept  ans  plus 
tôt,  se  sera  réfugié  dans  les  Trois  Joyaux,  comme  le  pré- 
tendent les  Singhalais,  bien  qu'il  faille  admettre  alors  que 
cette  conversion,  pendant  sept  ans,  n'a  produit  aucun  effet. 
Dans  trois  édits  de  Fan  236  après  le  Nirvana  le  roi  indique 
lui-même  la  date  de  son  admission  comme  laïque,  malheu- 
reusement le  chiffre  reste  douteux,  de  sorte  qu'on  ne  peut 
arriver  encore  à  une  conclusion  certaine  ^  Pour  un  détail, 
313  la  pièce  que  nous  venons  de  traduire  donne  la  preuve  directe  * 
que  le  récit  singhalais  sur  l'expulsion  des  Brahmanes  par  le 
nouveau  converti,  trois  ans  après  le  couronnement  ou  après 
le  commencement  du  règne,  est  contraire  à  la  vérité.  Les 
termes  qu'emploie  le  roi  lui-même  ne  laissent  aucun  doute 
relativement  à  sa  tolérance  à  cette  époque  ;  il  n'y  a  même 
aucune  trace  d'une  faveur  particulière  accordée  par  le  roi  à 
ses  coreligionnaires,  aux  dépens  d'autres  sectes  ;  le  contraire 
est  vrai.  Du  reste,  un  édit  appartenant  à  la  même  série  que 
les  deux  pièces  précédentes  *,  montre  combien  Piyadassi  était 
encore  tolérant  à  ce  moment,  et  combien  il  tenait  à  déve- 
lopper la  tolérance  chez  ses  sujets.  Le  voici,  sauf  quelques 
lignes  de  la  fin  : 

«  Le  roi  Piyadassi  Devânâmpriya  honore  toutes  les  sectes, 
les  religieux  et  les  laïques;  il  les  honore  par  des  dons  géné- 
reux, et  par  toutes  sortes  de  témoignages  de  respect.  Cepen- 
dant, il  ne  tient  pas  tant  aux  dons  généreux  et  aux  témoigna- 


2.  Dans  les  inscriptions  déjà  mentionnées  de  Sahasram  et  de  Rupnath, 
publiées  d'abord  par  Bûhler  {Indian  Ant.  1877,  1878)  il  y  a  beaucoup  de 
points  obscurs  et  énigmatiques.  Nous  nous  bornons  à  renvoyer  le  lecteur  aux 
derniers  travaux  de  Bûhler  sur  ces  inscriptions  dans  V Indian  Ant.  de  1893, 
dans  lesquels  il  mentionne  les  objections  faites  à  ses  explications. 

1.  Èdit  Xll  de  Girnar,  etc.,  chez  M.  Senart,  p.  263  ;  chez  Bûhler,  p.  580. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  341 

ges  de  respect,  qu'à  ce  que  les  différentes  sectes  puissent 
augmenter  en  valeur  intrinsèque.  Or,  on  peut  augmenter  de 
différentes  manières  en  valeur  intrinsèque,  mais  la  base  de 
cette  amélioration  est,  en  général,  la  prudence  dans  les- 
paroles,  de  sorte  qu'on  ne  glorifie  pas  sa  propre  secte  et  qu'on 
ne  dénigre  pas  la  secte  d'autrui  ou  qu'on  ne  la  traite  pas 
avec  mépris,  quand  cela  ne  convient  pas;  au  contraire, 
quand  l'occasion  s'en  présente,  il  faut  respecter  des  sectes 
différentes.  En  se  conduisant  ainsi,  on  agit  dans  l'intérêt  de 
sa  propre  secte,  tout  en  donnant  une  preuve  de  bienveillance 
à  la  secte  d'autrui  ;  en  se  conduisant  autrement,  on  fait  du 
tort  à  sa  propre  secte,  tout  en  rendant  un  mauvais  service- 
à  celle  d'autrui.  Tout  homme  qui  exalte  sa  propre  secte  et 
blâme  celle  d'autrui,  agit  ainsi,  sans  doute,  par  attachement 
à  sa  propre  secte,  et  dans  le  désir  de  glorifier  sa  propre  secte. 
Cependant,  en  agissant  ainsi,  un  tel  homme  n'en  fera  que 
plus  de  mal  à  sa  propre  secte.  C'est  pourquoi  la  concorde 
est  bonne,  afin  que  tous  connaissent  le  Dharma  l'un  de 
l'autre,  et  l'écoutent  volontiers.  C'est  là,  en  effet,  le  désir 
de  Devânâmpriya,  que  toutes  les  sectes  soient  instruites  et 
pieuses.  »  - 

Tout  en  étant  tolérant  *,  le  roi  ne  manquait  pas  de  zèle  314 
pour  sa  propre  foi,  ce  qui  ressort  surtout  d'une  sorte  de  man- 
dement adressé  à  la  Congrégation  *.  Il  y  rend  témoignage 
de  son  respect  et  de  son  amour  pour  le  Buddha,  le  Dharma  et 
le  Saiigha,  et  reconnaît  que  tout  ce  que  Buddha  le  Seigneur 
a  dit  est  parole  d'évangile.  Il  fait  connaître  à  la  Congréga- 
tion que  quelques  ouvrages  religieux,  parmi  lesquels  un 
résumé  général  de  la  discipline,  et  un  sermon  moral  pro- 
noncé par  le  Buddha,  devront  ôtre  étudiés  et  appris  par  cœur, 
par  les  moines  et  les  religieuses,  ainsi  que  par  les  laïques  des: 
deux  sexes. 


1.  Corp.  hiscr.  97.  La  pièce  ne  contient  malheureusement  pas  d  indication 
de  l'année  du  règne.-^- ^  ^"    -  .  ,  .        , 


342  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Le  roi  de  Magadha  apparaît  ici,  non  seulement  comme  pro- 
tecteur, mais  encore  comme  régulateur  de  la  Foi,  et  tout  son 
respect  pour  la  Congrégation  ne  l'empêche  pas  de  prescrire 
quels  livres  de  l'Ecriture  Sainte  devront  être  étudiés  par  les 
fidèles,  de  sorte  qu'il  a  tout  l'air  de  se  mettre,  à  certains 
égards,  au-dessus  du  clergé.  Un  prince  sensé  se  serait  pro- 
bablement abstenu  de  manifester  un  pareil  «  désir  »  à  des 
brahmanes  :  du  moins,  nous  ne  connaissons  aucun  exemple 
d'un  tel  fait.  On  pourrait  donc  supposer  que  la  politique  ne  fut 
pas  tout  à  fait  étrangère  à  la  conversion  de  Piyadassi,  et  que 
c'est  pour  mieux  résister  à  une  aristocratie  spirituelle  trop 
influente,  comme  celle  des  brahmanes,  qu'il  favorisa  une 
secte  dont  l'obéissance  et  la  servilité  ne  laissaient  rien  à  dési- 
rer ^.  Cependant,  l'historien  sera  obligé  d'écarter  de  pareilles 
hypothèses,  tant  qu'il  ne  connaîtra  pas  des  faits  authentiques 
qui  prouveraient  que  c'est  la  raison  d'État  qui  a  amené 
l'Empereur  indien  à  favoriser  le  Sangha.  Les  mobiles  secrets 
de  l'acte  de  Piyadassi  nous  sont  inconnus,  et  il  n'est  pas  per- 
mis de  lui  attribuer  sans  preuve  des  sentiments  et  des  idées. 
Nous  ne  pouvons  juger  librement  que  ses  actes  —  dont  nous 
savons  peu  de  chose  —  et  ses  paroles,  et,  quant  à  ces  der- 
nières, il  est  indéniable  qu'elles  montrent  parfois  son  carac- 
tère sous  un  jour  peu  flatteur.  La  façon  dont  le  roi  parle  de 
la  conquête  du  Kaliiiga  produit  une  impression  qui  n'a  rien 
315  de  sublime.  *  Nous  laissons  suivre  ici  la  première  moitié  de 
l'édit  où  il  est  question  de  cet  événement  *. 

«  Dans  la  neuvième  année  après  son  couronnement,  le  roi 
Piyadassi  Devânâmpriya  a  conquis  leKalinga,  Plus  de  cent 


2.  Le  Buddha  permet  expressément  aux  moines  de  se  conformer  sur  un 
point  «  aux  volontés  des  rois  »  même  en  agissant  contrairement  à  ses  pres- 
criptions. Mahâ-V.,  3,  3. 

l.ÉditXIIl  de  Girnar,  etc.;  Senart,  p.  308;  Bûhler,  p.  586.  L'éditeur  des 
planches  et  le  traducteur  ont  rattaché  le  mot  athâvasâbhisitasa  (c'est  ainsi 
qu'il  faut  lire)  à  la  pièce  précédente,  ce  qui  est  grammaticalement  impos- 
sible, et,  en  outre,  en  désaccord  avec  le  fac-similé  de  l'édit  XII  de  Girnar. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  343 

mille  âmes  ont  été  déportées;  cent  mille  ont  été  tuées;  autant 
ont  péri.  Dès  que  Devânâmpriya  eût  reçu  la  nouvelle  de  la 
conquête  du  Kalinga,  il  a  montré,  vu  que  le  Dharma  (la  jus- 
tice) avait  subi  une  si  grave  atteinte,  son  amour  pour  le 
Dharma  et  promulgué  un  enseignement  sur  le  Dharma.  0  ! 
quels  remords  eut  Devânâmpriya  après  avoir  conquis  le 
Kalinga  !  Car  la  mort  violente,  la  mortalité  et  la  déportation 
d'hommes  lors  de  la  conquête  d'un  pays  qui  n'avait  jamais  été 
soumis,  produisirent  une  impression  pénible  sur  Devânâm- 
priya et  l'accablèrent.  »  Suit  un  tableau  des  horreurs  de  la 
guerre . 

Toutes  ces  paroles  ont  un  certain  air  d'hypocrisie,  dans  la 
bouche  d'un  homme  qui  a  lui-même  donné  Tordre  d'une 
pareille  guerre  d'extermination.  La  fin  de  Tédit,  où  il  est 
déclaré,  d'un  ton  onctueux,  que  des  conquêtes  faites  les  armes 
à  la  main  ne  méritent  pas  le  nom  de  conquêtes,  que  seule  la 
victoire  rettiportée  par  le  Dharma  (ou  :  du  Dharma)  peut  être 
appelée  une  vraie  conquête,  parce  que  seule  elle  a  de  la  valeur 
pour  la  vie  actuelle  et  la  vie  future,  ne  produit  pas  une 
impression  plus  favorable.  L'affirmation  qui  se  trouve  dans 
la  même  pièce,  qu'on  observe  les  leçons  de  Dharma  du  roi 
Piyadassi  Devânâmpriya  dans  différents  royaumes  de  l'Inde 
et  des  pays  voisins,  même  dans  les  territoires  du  roi  grec 
Antiochus,  et  de  quatre  autres  rois,  c'est-à-dire  Ptolémée, 
Antigone,  Magas  et  Alexandre  —  cette  affirmation  semble 
plutôt  due  à  la  vanité  du  roi,  qu'à  un  manque  de  véracité  de 
sa  part;  *  cependant,  elle  n'est  pas  faite  pour  nous  inspirer  316 
une  confiance  absolue  dans  tout  ce  qu'il  dit. 

Quoiqu'il  en  soit  de  l'idée  exagérée  que  l'Empereur  de 
l'Inde  nous  donne  de  son  œuvre  pie,  on  peut  cependant 
admettre  qu'il  a  fait  des  efforts  sérieux  pour  faire  pénétrer 
ses  idées  favorites  dans  d'autres  royaumes,  notamment  par 
l'envoi  d'ambassadeurs  et  de  missionnaires.  Parmi  les  pays 
énumérés  figure  aussi  Taprobane,  sans  qu'on  puisse  conclure 
des  termes  employés,  que  la  victoire  du  Dharma,  particuliè- 


34*  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

rement  du  Dharma  bouddhique,  fut  dans  cette  île  plus  décisive 
et  plus  brillante  qu'ailleurs.  Il  n'y  a  là  d'ailleurs  rien  d'éton- 
nant; l'introduction  de  la  Doctrine  salutaire  à  Geylan,  ne 
date,  officiellement,  que  de  l'an  18  après  le  couronnement 
d'Açoka,  tandis  que  la  série  d'édits  à  laquelle  appartient  la 
pièce  que  nous  venons  de  citer,  a  été  promulguée  peu  après 
l'an  12. 

Les  dernières  années  de  Piyadassi  lurent  empoisonnées 
par  des  catastrophes  domestiques.  Dans  la  29^  année  de  son 
règne  *,  mourut  la  sultane  favorite,  Asandhimitrâ.  Trois  ans 
plus  tard,  le  roi  éleva  à  la  dignité  de  première  épouse  une 
créature  indigne  ^  Cette  folle,  fière  de  sa  beauté,  était  jalouse 
de  Farbre-Bodhi,  parce  que  son  mari  lui  rendait  plus  d'hon- 
neurs qu'à  elle-même,  et,  entraînée  par  son  dépit,  elle  fit 
planter  autour  de  l'arbre  une  haie  d'épines,  de  sorte  qu'il 
languit  ^  Trois  ans  plus  tard,  l'illustre  souverain  s'éteignit, 
après  un  règne  de  37  ans  \ 
317  *Dans  les  légendes  septentrionales,  Tishyarakshâ  ou  Tishya- 
rakshitâ  joue  en  outre  le  rôle  d'une  Phèdre  à  l'égard  du 
prince  Dharmavivardhana,  surnommé  Kunâla  *,  fils  d'Açoka 
et  de  Padmâvati.  Dans  la  légende  vraiment  belle  de  Kunâla, 
on  raconte  que  Tishyarakshitâ  fut  prise  d'un  amour  subit 


1.  Mahâv.  IM,  on  ne  dit  pas  expressément  «  année  du  règne  »,  mais  cela 
doit  être  le  sens,  autrement  le  chiffre  est  faux. 

2.  Dans  le  texte,  il  faut  lire  naturellement  mahesitte.  L'expression  tassâ-rak- 
khâ  «  sa  protection  »,  traduite  par  Turnour  «  an  attendant  of  his  former  wife  » 
est  étrange.  De  deux  choses  Tune  :  ou  bien  ces  syllabes  sont  un  souvenir  du 
nom  Tissârakkhâ  (analogue  à  Tishyarakshitâ,  et,  plus  exactement,  Tishya- 
rakshâ, forme  donnée  par  Kshemendra,  Ti-chi-lo-cha,  c'est-à-dire  Tishya- 
rakshâ, chez  Hiuen  Thsang);  ou  bien  proviennent  d'une  notice  contenant  les 
mêmes  mots  que  le  Mahâvarhsa.  La  première  supposition  est  de  beaucoup  la 
plus  vraisemblable. 

3.  On  retrouve  le  récit,  avec  quelques  divergences,  chez  les  Septentrionaux, 
Divyâv.  397;  Burnouf,  Introd.  393. 

4.  Ceci  doit  s'être  passé  entre  231  et  226. 

i.  Il  devait  ce  surnom  à  ses  yeux  merveilleusement  beaux,  qui  ressemblaient 
à.ceux  de  l'oiseau  Kunâla.  . 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  345 

pour  son  beau-fils,  que  le  vertueux  jeune  homme  résista  à  la 
tentation,  et  que  la  femme  passionnée,  pour  se  venger,  ima- 
gina une  ruse  infernale.  Elle  fit  de  sorte  que  le  prince  ver- 
tueux et  aimé  de  tous,  tandis  qu'il  était  à  l'armée  devant 
Takshaçilâpour  réduire  la  ville  rebelle  %  eut  les  yeux  crevés 
par  la  main  du  bourreau,  d'après  un  ordre,  en  apparence 
émané  du  roi,  mais  qui  avait  été  rédigé  en  réalité  par  la 
reine,  qui  s'était  servie  subrepticement  du  sceau  royal.  Peu 
de  temps  après,  Kunâla  apprit  que  sa  belle-mère  était  la 
cause  de  son  malheur,  mais,  loin  de  la  maudire,  il  fit  des 
vœux  pour  son  bonheur,  et  attribua  la  catastrophe  qui  l'avait 
frappé,  à  ses  propres  actions  dans  une  vie  antérieure.  Il 
quitta  le  camp  avec  sa  fidèle  épouse,  Kâncanamâlâ,  et  con- 
duit par  elle,  il  finit  par  revenir,  en  mendiant,  à  la  capitale. 
Pour  ne  pas  faire  connaître  directement  son  triste  état  à  son 
père,  il  se  fit  conduire  par  sa  fidèle  compagne  au  palais,  et 
arrivé  dans  la  cour  qui  y  donnait  accès,  il  se  mit  à  jouer  de 
la  vinâ  et  à  faire  entendre  un  chant  mélancolique .  Le  chant 
fut  entendu  jusque  dans  la  chambre  à  coucher  du  roi,  qui, 
frappé  de  la  ressemblance  entre  la  voix  du  chanteur  et  celle 
de  Kunâla,  envoya  immédiatement  un  serviteur,  afin  de  savoir 
qui  chantait  ainsi.  Le  serviteur  revint,  disant  que  c'était  un 
pauvre  chanteur  populaire  aveugle,  avec  sa  femme,  mais  le 
roi,  comme  poussé  par  un  pressentiment  sinistre,  ordonna 
qu'on  lui  amenât  le  chanteur.  On  se  représente  le  triste 
dénouement.  *  D'abord  brisé  par  la  douleur,  puis  éclatant  318 
dans  une  colère  terrible,  le  malheureux  père  fit  venir  la 
misérable  Tishyarakshitâ,  pour  la  répudier  ignominieuse- 
ment et  la  condamner  à  mort.  Ce  fut  en  vain  que  le  généreux 
Kunâla  intervint  pour  la  sauver  :  «  agis  comme  l'honneur 
l'ordonne,  et  ne  tue  aucune  femme  !  )>  disait-il.  Sa  magnani- 


2.  Cette  ville,  ainsi  que  Vaiçâlî,  est  un  véritable  cZicAé  dans  les  récits  boud- 
dhiques :  Takshaçilâ  est  toujours  en  révolte,  et  le  prince  royal  l'assiège;: 
Vaiçâlî  est  toujours  un  nid  d'hérésies. 


346  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

mité  fut  inutile,  et  Tishyarakshitâ,  en  expiation  de  son  crime, 
fut  brûlée  vive  ^ 

Le  roman  de  Kunâla  offre  en  plusieurs  détails,  une  res- 
semblance frappante  avec  d'autres  récits,  eux  aussi  suspects, 
en  partie  :  les  racontars  sur  l'impératrice  Fausta,  la  femme 
de  Constantin  le  Grand,  et  Crispus,  le  fils  de  l'empereur,  tels 
qu'ils  avaient  cours  à  Constantinople,  au  iv^  siècle  de  notre 
ère  ^  La  ressemblance  est,  en  effet,  si  frappante,  qu'il  est  dif- 
ficile de  renoncer  à  l'idée  d'un  rapport  étroit  entre  le  récit 
indien  et  le  récit  byzantin.  Sauf  quelques  traits  empruntés 
au  Râmâyana,  le  roman  ne  fait  pas  l'impression  d'être  né  dans 
l'Inde.  Les  passions  et  les  sentiments,  bons  ou  mauvais, 
attribués  aux  personnages,  sont  si  vraiment  humains,  quelques 
idées  sont  si  parfaitement  contraires  au  Bouddhisme  %  qu'on 
est  bien  obligé  de  chercher  la  source  du  récit  en  dehors  de 
l'Inde,  probablement  à  Constantinople,  d'autant  plus  que 
c'était  un  supplice  habituel  dans  l'empire  byzantin  que 
d'avoir  les  yeux  crevés.  En  attendant  les  résultats  d'un  exa- 
men ultérieur,  nous  pouvons  constater  le  caractère  touchant 
de  la  légende  de  Kunâla,  tout  en  ajoutant  qu'elle  n'a  aucune 
valeur  comme  document  pour  l'histoire  réelle  d'x\çoka. 
319  *  Les  derniers  édits  d'Açoka,  découverts  jusqu'à  ce  jour, 
sont  de  l'an  256  du  Nirvana,  par  conséquent  de  la  dernière 

1.  Burnouf,  Introd.  403-413,  et  150;  Foy.  des  Pèl.  B.  II,  155;  Târan.  48. 

2.  Gibbon,  Décline  and  Fall  of  the  Roman  Empire,  chap.  xviii,  dit  à  ce  pro- 
pos ce  qui  suit  :  «  Ils  (les  auteurs)  attribuent  le  sort  infortuné  de  Crispus 
aux  artifices  de  sa  marâtre  Fausta,  dont  la  haine  implacable,  ou  l'amour 
désappointé,  renouvela,  daas  le  palais  impérial,  Tantique  tragédie  d'Hippolyte 
et  de  Phèdre  ».  Quant  à  la  fin  de  Fausta,  on  raconta  qu'elle  fut  étouffée  parla 
vapeur  d'un  bain,  chauffé  à  l'excès  —  supplice  qui  ressemble  assez  à  celui  de 
la  marâtre  indienne  qui  fut  brûlée  vive. 

3.  Il  est  difficile  de  se  représenter  quelque  chose  de  moins  bouddhique  que 
le  détail  qu'Açoka,  lorsqu'il  donna  sa  bénédiction  à  Kunâla,  lors  du  départ 
de  celui-ci  pour  l'armée,  «  pria  la  Divinité  »  en  ces  termes  :  «  Puisse  la  Divi- 
nité, qui  est  miséricordieuse  envers  le  Maître,  le  Dharma  et  le  Sangha,  puissent 
les  principaux  IJshis  (c'est-à-dire  Saints)  protéger  mon  fils  Kunâla  ».  Bur- 
nouf, 0.   c,  , 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  347 

année  de  son  règne.  Dans  ces  édits,  le  pieux  roi  exprime  des 
sentiments  dans  lesquels  l'un  verra  les  manifestations  d'un 
simple  fanatisme,  tandis  qu'un  autre  y  découvrira  celles  d'un 
zèle  religieux  véritable  et  qui  ne  recule  devant  rien.  En  effet, 
ces  pièces,  que  nous  avons  déjà  mentionnées  plusieurs  fois, 
contiennent,  entre  autres,  l'affirmation  que  ce  n'est  que 
depuis  son  entrée  dans  la  Congrégation,  il  y  avait  un  peu 
plus  d'un  an,  que  Devânâmpriya  avait  manifesté  un  zèle  qui 
faisait  un  contraste  favorable  avec  sa  tiédeur  du  temps  où  il 
n'était  encore  que  laïque.  Comme  exemple  de  ce  zèle,  le  texte 
cite  ce  fait,  que  le  roi  avait  aboli  les  dieux  qui  avaient  jusque 
là  été  honorés  dans  l'Inde. 

C'est  moins  encore  cette  preuve  de  zèle  religieux,  que  le 
ton  général  et  le  style  de  ces  documents  qui  donnent  l'im- 
pression que  les  facultés  intellectuelles  du  souverain,  à  ce 
moment,  n'étaient  plus  intactes.  Tous  ses  édits  offrent  plus 
ou  moins  les  traces  d'un  esprit  confus,  mais  les  trois 
derniers  morceaux  sont  des  modèles  de  galimatias.  Il  est 
donc  possible  qu'il  y  ait  beaucoup  de  vrai  dans  différentes 
traditions  septentrionales,  dans  lesquelles,  sous  une  forme 
romanesque  et  bien  des  expressions  énigmatiques,  on 
découvre  assez  facilement  le  fait  que  le  roi,  dans  ses  der- 
nières années,  fut  atteint  de  monomanie  religieuse  et  se 
livra  à  de  telles  prodigalités,  qu'on  fut  obligé  de  le  mettre 
sous  curatelle. 

Dans  un  de  ces  récits  *,  nous  lisons  :  «^  Quand  Açoka  eut 


1.  Lebensb.  310.  Une  autre  version  se  trouve  chez  Târanâtha,  38,  où  le  petit- 
fils  et  régent  s'appelle  Vâsavadatta.  On  représente  Sampadin  comme  le  fils  de 
Kunâla  (entre  autres,  Burnouf,  Introd.  427),  ce  qui  est  inconciliable  avec  les 
données  du  roman,  car,  au  moment  du  mariage  de  son  père  avec  la  marâtre, 
Kunâla  était  encore  un  prince  très  jeune,  et  un  peu  plus  tard,  au  moment  de 
la  catastrophe,  on  le  représente  comme  n'ayant  pas  encore  d'enfants,  quoique 
marié.  Un  enlant  âgé  de  trois  ans  tout  au  plus  —  supposé  que  Kunâla,  après 
avoir  été  moine,  se  soit  marié  de  nouveau  et  ait  eu  un  fils  —  ne  peut  faire 
fonction  de  régent  d'un  royaume. 


348  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L^INDE 

atteint  l'âge  de  114  ans  %  il  promit  de  donner  1,000  millions 
en  or  pour  la  Foi;  parvenu  à  l'âge  de  150  ans,  il  avait  en 
effet  donné  cette  somme,  moins  40  millions.  Il  réunit  le 
320  clergé  *  et  était  sur  le  point  de  partager  tous  ses  trésors, 
mais  son  petit-fils  Sampadin,  qui  était  trésorier,  l'en  empê- 
chant, il  ne  put  donner  que  du  myrobolan  pilé.  Après 
avoir  délibéré  avec  son  ministre  Râdhagupta,  il  donna 
tout  le  royaume  au  clergé.  Après  avoir  honoré  pendant 
117  ans  les  Stupas  du  Maître,  il  mourut,  et  renaquit  dans  le 
Giel.  » 

Ce  que  nous  lisons  dans  la  légende  d'Açoka,  est  beaucoup 
plus  détaillé;  en  voici  un  extrait  *. 

Lorsqu'Açoka  eut  dépensé  pour  la  religion  et  l'Eglise 
960  millions  en  or,  il  tomba  malade,  et  se  sentit  attristé  à 
la  pensée  qu'il  mourrait  bientôt.  Son  ministre  Râdhagupta, 
le  voyant  ainsi  abattu,  lui  demanda  :  «  Pourquoi,  ô  Seigneur  ! 
ce  visage,  qui,  semblable  au  dieu  du  jour,  brille  d'un  éclat 
si  fort  que  vos  ennemis  ne  peiivent  le  supporter,  et  qui  attire 
invinciblement  les  yeux  de  lotus  des  femmes,  est-il  recouvert 
de  larmes?  »  Le  roi  répondit:  «  ô  Râdhagupta,  je  ne  pleure 
ni  la  perte  prochaine  de  mes  trésors,  ni  celle  de  mon  empire, 
ni  la  fin  de  ma  vie  ;  je  suis  attristé,  parce  que  je  serai  obligé 
de  me  séparer  des  Aryas.  Alors,  hélas  !  je  ne  verrai  plus  la 
Congrégation  qui  possède  tant  de  vertus  et  qui  est  tellement 
honorée  chez  les  hommes  et  les  Dieux  ;  je  ne  pourrai  plus 
lui  montrer  ma  vénération  en  lui  offrant  le  boire  et  le  man- 
ger. J'avais  formé  le  projet  de  donner  1,000  millions  pour  le 
bien  de  la  religion,  et  je  ne  l'ai  pas  encore  fait.  »  Après 
avoir  parlé  ainsi,  il  se  dit  à  lui-même  :  «  Je  vais  réunir  les 

2.  Si,  conformément  à  une  indication  donnée  par  Târanâtha  lui-même,  on 
compte  un  an  pour  un  semestre,  on  obtient  57.  On  pourrait  voir  dans  ce 
chiffre  la  confirmation  de  la  tradition  d'après  laquelle  le  roi  avait  21  ans  au 
moment  où  il  monta  sur  le  trône,  car  la  durée  de  son  règne  fut  de  37  ans. 
Malheureusement  les  chiffres  qui  suivront  tantôt  sont  en  désacord  avec  ce 
calcul. 

1.  Divyâv.  XXIX  ;  Burnouf,  Introd.  426  ;  comp.  Voy.  des  PèU  B.  II,  429. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  349 

ilO  millions  (qui  manquent  encore)  afin  de  compléter  le 
don  ;  »  et  immédiatement  il  se  mit  à  envoyer  de  For  et  de 
l'argent  au  couvent  du  Jardin  du  Coq  (Kukkutârâma.) 

A  ce  moment,  Sampadin,  le  fils  de  Kunâla,  prenait  déjà 
part  au  gouvernement.  Sur  les  remontrances  pressantes  du 
ministre,  soutenant  qu'il  était  temps  de  mettre  fm  aux  pro- 
digalités du  vieux  roi,  le  co-régent  défendit  au  trésorier  de 
donner  à  l'avenir  *  de  l'argent  monnayé  à  son  grand-père.  321 
Faute  d'argent,  Açoka  envoya  au  couvent  les  plats  en  or 
dans  lesquels  il  mangeait.  On  ordonna  de  ne  lui  donner  à 
l'avenir  que  des  plats  en  argent  :  ceux-là  aussi  furent  portés 
par  son  ordre  au  Jardin  du  Coq.  On  lui  donna  des  plats  en 
fer,  mais  même  ceux-ci  n'étaient  pas  à  l'abri  de  sa  prodiga- 
lité. A  la  fin  on  prit  le  parti  de  lui  apporter  sa  nourriture 
dans  de  la  vaisselle  en  terre.  Le  vieux  souverain  en  conçut 
un  chagrin  profond,  et  comme  on  lui  avait  encore  laissé  une 
ombre  de  pouvoir,  il  convoqua  ses  ministres  et  les  représen- 
tants de  la  bourgeoisie,  et  dit  d'un  ton  affligé  :  «  Qui  est 
donc  roi  ici,  à  l'heure  qu'il  est  ?  »  Avec  tous  les  signes  exté- 
rieurs de  respect,  les  ministres  s'empressèrent  de  répondre  : 
«  Vous,  Seigneur.  »  Mais  le  roi  ne  se  laissa  pas  tromper  : 
«  Pourquoi  dites-vous  une  chose  contraire  à  la  vérité  pour 
être  polis  à  mon  égard?»  s'écria-t-il ;  «  je  suis  déchu  du 
pouvoir  ;  »  et,  montrant  la  moitié  d'un  myrobolan  qu'il 
tenait  à  la  main,  il  poursuivit  :  «  Je  ne  possède  plus  rien  dont 
je  puisse  disposer  en  maître,  sauf  cette  moitié  d'un  fruit  ! 
Ainsi,  après  avoir  exercé  jadis  un  pouvoir  illimité  dans  tout 
l'empire,  après  avoir  triomphé  dans  toutes  les  guerres, 
réprimé  tous  les  soulèvements,  brisé  tous  les  ennemis,  après 
avoir  consolé  les  pauvres  et  les  malheureux,  le  roi  Açoka  vit 
maintenant  sans  gloire  et  dans  la  misère  !  » 

Après  avoir  dit  ces  paroles,  il  appela  quelqu'un  placé  près 
de  lui,  et  lui  dit:  «  Mon  ami,  bien  que  je  sois  déchu  du  pou- 
voir, ayez  la  bonté,  en  égard  à  mes  mérites  antérieurs,  d'ac- 
complir ce   dernier  ordre  que  je  vous  donne.  Prenez  cette 


350  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

moitié  de  myrobolan,  allez  au  Jardin  du  Coq,  et  ofTrez-la 
à  la  Congrégation.  Apportez  en  même  temps  mon  salut 
respectueux  aux  vénérables  frères,  et  dites-leur  :  «  Voyez  en 
quoi  consiste  maintenant  toute  la  richesse  de  l'Empereur 
de  rinde  !  c'est  ma  dernière  aumône  ;  partagez  ce  fruit  entre 
vous,  de  manière  que  chacun  en  mange  un  morceau  !  » 

Le  serviteur  chargé  de  cette  mission,  s'en  acquitta  en  effet, 
il  apporta  la  moitié  de  fruit  au  couvent  et  la  donna  à  l'abbé, 
qui  ne  put  se  retenir  d'exprimer  ses  sentiments  de  compas- 
322  sion.  «  Qui  donc,  »  dit-il,  ne  se  sentirait  pas  ému*  dans  une 
circonstance  comme  celle  qui  se  présente  aujourd'hui? 
Açoka,  le  héros  des  Mauryas,  ce  modèle  d'un  prince  libéral, 
lui  qui  fut  jadis  l'Empereur  de  l'Inde  entière,  n'a  plus  rien 
qu'il  puisse  considérer  comme  lui  appartenant  en  propre 
qu'une  moitié  de  myrobolan  !  Privé  de  tout  pouvoir  par  ses 
propres  sujets,  il  ne  peut  donner  que  cette  moitié  d'un  fruit, 
pour  rendre  témoignage  de  sa  conviction  intime,  en  face 
d'un  entourage  aveuglé  et  orgueilleux.  »  Après  cette  plainte, 
on  pila  la  moitié  du  myrobolan,  et  chaque  frère,  à  son  tour, 
vint  en  goûter. 

Pendant  que  ceci  se  passait  dans  le  couvent,  le  roi  avait 
répété  sa  question  à  Râdhagupta  :  «  Dis-moi,  cher  Râdha- 
gupta,  qui  est  le  maître  dans  le  pays  ?  »  Le  ministre  répondit, 
avec  des  signes  de  profond  respect:  «  Seigneur,  vous  êtes  le 
maître.  »  —  «  Eh  bien  !  »  s'écria  le  souverain,  en  se  redres- 
sant avec  peine,  et  en  jetant  des  regards  autour  de  lui, 
((  ce  jour  je  lègue  à  la  Congrégation  des  suivants  du  Seigneur 
toute  l'étendue  du  pays,  d'océan  à  océan,  sauf  mon  trésor  !» 
L'acte  de  donation  fut  dressé  et  scellé,  et  à  peine  était-ce 
fait,  que  le  roi  rendit  l'âme.  Par  l'intercession  de  Râdhagupta, 
le  pays  fut  racheté  du  clergé  contre  payement  des  40  millions 
en  or  que  le  défunt  aurait  donnés,  s'il  n'en  avait  été 
empêché*. 

1*  Chez  Hiuen  Thsang,  Vie^  18^^  c'est  le  roi  lui-même  qui  fachète  le  pays* 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  351 

Si  l'on  compare  les  données  que  nous  devons  à  celte 
légende,  avec  la  déclaration  d'Açoka  qu'il  était  devenu 
membre  de  la  Congrégation,  on  arrive  à  la  conclusion,  que 
le  roi,  une  fois  devenu  moine,  avait  cessé,  en  fait,  de  tenir 
les  rênes  du  gouvernement,  ce  que  la  légende  dit  aussi, 
quoique  sous  une  autre  forme.  Ses  actes,  tels  qu'on  nous  les 
décrit,  et  quelque  exagérés  qu'ils  puissent  paraître,  sont 
conformes  à  ce  qu'on  peut  attendre  d'un  homme  dont  les 
facultés  mentales  sont  affaiblies  ;  ils  sont  également  conformes 
au  langage  de  ses  derniers  édits.  *  Ce  que  raconte  la  chro-  323 
nique  singhalaise  ne  peut  également  que  nous  confirmer  dans 
la  conviction  que  les  dernières  années  du  puissant  souverain 
furent  lamentables  :  après  avoir  tant  fait  pour  la  vraie  Foi, 
il  dut  supporter  qu'une  sotte  femme  fit  dessécher,  de  propos 
délibéré,  l'arbre  Bodhi. 

Enfin,  nous  voulons  mentionner  encore  un  autre  récit,  qui 
n'est  évidemment  pas  historique,  mais  doit  être  une  fable, 
imaginée  pour  exprimer  sous  une  forme  voilée  des  faits 
réels  \  Après  le  don  du  myrobolan,  le  roi  raconte-t-on,  un 
certain  jour  se  mit  tellement  en  colère  contre  une  esclave, 
qui,  vaincue  par  le  sommeil,  avait  laissé  tomber  un  chasse- 
mouches  sur  la  main  royale,  qu'il  creva  littéralement  de 
fureur  à  la  pensée  qu'une  misérable  esclave  montrait  si  peu 
de  respect  pour  celui  dont  de  puissants  rois  avaient  lavé  les 
pieds.  Comme  conséquence  de  sa  méchanceté,  il  renaquit 
à  Pâtaliputra  sous  forme  de  Nâga.  Le  seul  qui  pût  dompter 
le  Nâga  fut  le  Sthavira  Yaças,  qui  eut  assez  d'influence 
sur  le  monstre  pour  le  décider  à  ne  plus  tuer  d'oiseaux  et 
d'autres  créatures.  En  conséquence,  le  Nâga  s'abstint  de 
nourriture  et  mourut,  pour  renaître,  à  ce  qu'on  dit,  parmi 
les  dieux. 

Quelle  que  soit  l'incertitude  et  l'obscurité  de  tous  ces 
récits,  tous  s'accordent  à  représenter  la  fin  de  la  brillante 

1.  Târanâtha,  39. 


352  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

earrièrc     d'Açoka    comme    assombrie     et    enveloppée     de 
tristesse. 

Le  nom  d'Açoka  est  entouré,  dans  tous  les  pays  boud- 
dhiques, d'une  gloire  toujours  éclatante,  et,  au  point  de 
vue  de  l'Eglise,  il  a  droit  à  la  gratitude  des  fidèles.  On  Fa 
souvent  comparé  à  Constantin  le  Grand;  en  effet,  les  points 
de  ressemblance  sont  nombreux  et  frappants,  bien  qu'on  ne 
puisse  placer  les  deux  souverains  sur  la  même  ligne,  en  ce 
qui  concerne  les  talents  et  la  capacité  politique.  Cependant, 
quelque  insignifiant  et  enfantin  que  paraisse  Devânâmpriya 
Piyadassi,  comparé  à  Tempereur  romain,  qui,  malgré  tous 
ses  défauts,  fut  un  habile  capitaine  et  un  chef  de  gouverne- 
324  ment  énergique  *,  le  premier  a  encore  plus  de  droits  à  la  gra- 
titude de  ses  coreligionnaires  que  Constantin  à  celle  des 
Chrétiens.  Constantin  ne  fit  guère  que  suivre  un  courant 
puissant;  Açoka,  au  contraire,  protégea  une  doctrine  dont 
les  partisans,  de  son  temps,  n'étaient  probablement  pas  très 
nombreux.  Par  ses  relations  avec  les  pays  étrangers,  il  a 
sans  doute  contribué  à  la  propagation  de  la  doctrine  ;  peut- 
être  même  est-ce  lui  qui  a  posé  les  bases  du  développement 
prodigieux  de  la  véritable  Foi. 


CHAPITRE  II 


SECONDE    PÉRIODE  :    d'aÇOKA    A    KANISHKA 


Les  efforts  du  pieux  roi  pour  répandre  ses  idées  sur  le 
Dharma  au  moyen  de  missionnaires  envoyés  dans  divers 
royaumes  de  l'Inde  et,  au  dehors,  ne  pouvaient  qu'encoura- 
ger la  Congrégation,  et  contribuaient  en  tout  cas  à  préparer 
le  terrain  pour  les  conquêtes  pacifiques  de  l'Eglise.  Elle  se 
servit  des  circonstances  favorables,  pour  répandre  la  doc- 
trine salutaire  parmi  les  Indiens  et  les  barbares,  et  elle 
déploya  pour  cette  œuvre  un  zèle  qui  fut  couronné  du  succès 
le  plus  éclatant.  Les  quatre  siècles  qui  séparent  Açoka  de 
Kanishka,  ne  virent  pas  seulement  fonder  des  communautés, 
bâtir  des  sanctuaires  et  des  couvents  dans  Tlnde  entière, 
gagner  à  la  Foi  toute  l'île  de  Ceylan,  mais  encore  introduire 
la  doctrine  du  Buddha  dans  l'Afghanistan,  la  Bactriane  et  la 
Chine. 

La  période  que  nous  allons  traiter  est  donc  aussi  impor- 
tante que  n'importe  quelle  autre  de  l'histoire  de  l'Église  ;  il 
est  doublement  regrettable  que  les  renseignements  donnés 
par  les  sources  septentrionales  soient  si  effroyablement  con- 
fus. Sans  quelques  données  bien  rares,  mais  très  utiles, 
fournies  par  les  Indiens  païens,  et  sans  l'aide  des  inscriptions, 
des  monuments,  des  monnaies,  nous  serions  condamnés  à 
tâtonner  dans  la  nuit. 

*  Comparé  au  chaos   des  notices  septentrionales,  le  récit  325 
bien  ordonné  des  Singhalais  relatif  à  l'introduction  et  à  l'éta- 

Tome  U.  i3 


354  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

blissement  définitif  de  la  doctrine  dans  leur  île,  produit 
une  impression  très  favorable.  Bien  qu'il  ne  soit  pas  moins 
extravagant  que  les  récits  septentrionaux,  il  observe 
cependant,  jusqu'à  un  certain  degré,  la  distinction  des 
temps  et  des  lieux.  Dans  les  pages  suivantes,  les  qualités 
et  les  défauts  de  l'historiographie  singhalaisc  se  montreront 
d'eux-mêmes. 


1 .  —  Conversion  de  Ceylan.  —  L'apôtre  Mahendra.  —  DbvA- 

NÂMPRIYA  TiSHYA.     DuSHTA-GAMANI.    —  YaTTA-GâMANI.  — 

Rédaction  du  canon.   —  Liste  des  livres  canoniques.    — 
Ré voLUTioN  politique  .  —  Yrshabha. 

Peu  avant  le  Nirvana  le  Seigneur  avait  prédit  que  236  ans 
après  cet  événement,  la  lumière  de  la  Foi  serait  allumée  à 
Ceylan  par  Mahendra  *.  Cette  prédiction  s'accomplit  exacte- 
ment, comme  de  juste.  A  l'approche  de.  la  date  prédite,  le 
P.  Mahendra,  à  la  demande  de  son  supérieur  Tishya  Maudga- 
liputra  et  des  frères,  se  mit  à  la  tête  d'une  mission,  afin  de 
répandre  à  Ceylan  la  doctrine  du  Buddha.  Cependant,  avant 
de  commencer  le  voyage,  il  comprit  qu'il  ferait  mieux  d'at- 
tendre un  moment  plus  favorable;  il  prévoyait  en  effet 
que  le  vieux  roi  Mutasîva,  qui  avait  déjà  régné  depuis 
60  ans,  ne  vivrait  plus  longtemps,  et  comme  il  savait 
d^avance  que  le  fils  et  successeur  de  celui-ci,  Devânâmpriya 
Tishya,  serait  plus  facilement  gagné  à  la  nouvelle  doctrine 
que  son  vieux  père,  il  jugea  prudent  de  remettre  le  grand 
voyage  jusqu'au  moment  oîi  le  jeune  prince  monterait  sur 
le  trône.  En  attendant,  il  résolut  d'aller  visiter  sa  mère  sur 
le  mont  Yedisa  ^  accompagné  des  autres  membres  de  la 
mission  :  les  Pères  Itthiya(ou  Iddhiya),  Uttiya,  Bhadra-sâla, 

1.  Dîpav.  15,  71.  Nos  sources  sont  :  les  chap.  12-17  de  cette  chronique  ;  Bud- 
dhaghosha  dans  SiUta-V.  I,  p.  318-343;  Afa/my.  83-138  ;  Bodhiv.  115  ss; 
2»  Dans  le  Mahâv.,  le  mont  Cetiyai 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  3o5 

Sambala,  le  novice  Sumanas  et  le  laïque  Bhanduka  *.  En  326 
route,  en  voyageant  lentement  d'une  localité  à  une  autre, 
il  visita  ses  parents;  six  mois  se  passèrent  ainsi.  Venu  enfin 
à  l'endroit  où  demeurait  sa  mère,  il  établit  avec  ses  compa- 
gnons sa  demeure  dans  le  Vihâra  fondé  par  sa  mère  sur  le 
mont  Yedisa. 

Après  avoir  séjourné  là  durant  un  mois,  on  était  arrivé  au 
moment  de  la  pleine  lune  de  Jyaishtha  (mai-juin).  On  se  réu- 
nit pour  célébrer  l'Uposatha,  en  délibérant  sur  la  question 
quand  le  moment  serait  venu  pour  le  voyage  à  Geylan.  Indra, 
le  roi  des  Dieux,  qui  s'intéressait  vivement  au  grand  projet, 
vint  les  voir,  et  leur  apporta  en  premier  lieu  l'heureuse  nou- 
velle que  le  roi  Mutasîva  venait  de  décéder,  ensuite  il  leur 
apprit  que  le  Buddha  avait  prédit  qu'un  jour  le  moine 
Mahendra  introduirait  à  Geylan  la  doctrine  du  Jina  *  ; 
enfin  le  roi  du  ciel,  plein  de  bonne  volonté,  lui  offrit  son 
alliance. 

Toute  raison  pour  retarder  le  voyage  ayant  disparu,  le 
Père  Mahendra,  avec  son  escorte,  se  mit  immédiatement  en 
route  pour  accomplir  la  tâche  prescrite.  Semblable  à  un  vol 
d'oies,  ils  s'élevèrent  dans  les  airs,  et,  en  volant,  ils  arrivèrent 
encore  le  même  jour  de  pleine  lune  de  Jyaishtha,  dans  l'île, 
où  ils  descendirent  sur  le  mont  Missaka  ^ . 

A  ce  moment,  Devânâmpriya  Tishya,  qui  venait  d'être 
couronné  pour  la  seconde  fois,  il  y  avait  juste  un  mois,  se  trou- 
vait par  hasard  à  la  chasse,  dans  les  montagnes.  Afin  d'atti- 
rer le  roi  dans  le  voisinage  du  Père,  un  dieu  dut  prendre  là 

1 .  C'était  assez  superflu  ;  si  Mahendra  n'avait  déjà  connu  la  prédiction,  la 
mission  n'eût  pas  été  envoyée.  En  outre,  Indra  eût  tout  aussi  bien  pu  commua 
niquer  plus  tôt  l'heureuse  nouvelle;  car  le  vieux  roi  était  déjà  mort  depuis 
quelques  mois,  et  Devânâmpriya  Tishya  avait  été  couronné,  pour  la  première 
fois,  dans  le  second  mois  de  l'hiver;  Dîpav.  U,  14;  12,  43  ;  le  second  couronne- 
ment eut  lieu  dans  le  mois  de  Vaiçâkha  ;  ibid.  39.  Buddhaghosha  ne  parle  que 
de  cette  dernière  cérémonie.  Par  un  hasard  singulier,  le  premier  couronne- 
ment eut  lieu  au  moment  môme  où  Mahendra  partit  pour  aller  voir  ses  parents. 

2.  Aujourd'hui,  Mahintalci 


356  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

327  forme  d'un  daim  ^  ;  inévitablement,  le  roi  *,  en  poursuivant 
la  proie  qui  s'enfuyait  devant  lui,  dut  s'approcher  de  l'en- 
droit oii  était  assis  Mahendra.  Subitement,  il  s'entendit  ap- 
peler par  son  nom  :  «  Holà!  Tishya,  viens  ici  !  »  Le  roi,  qui 
n'était  pas  habitué  à  être  apostrophé  d'une  façon  si  fami- 
lière et  qui  voyait  au  même  moment  se  dresser  devant  lui  un 
homme,  avec  la  tête  rasée,  vêtu  de  haillons  et  d'un  habit 
couleur  de  tannin,  se  demandait  en  lui-même  qui  pouvait  être 
le  personnage  qui  osait  lui  parler  avec  une  telle  familiarité, 
lorsque  sa  curiosité  fut  satisfaite  par  l'étranger,  qui  se  fit  con- 
naître par  les  paroles  suivantes  : 

Nous  sommes  des  ascètes,  noble  Prince,  des  serviteurs  du  Seigneur  de 

[la  Loi. 

Qui,  pleins  de  miséricorde,  sommes  venus  de  Tlnde  par  amour  de  vous. 

Cette  rencontre  amena  une  conversation  sérieuse  entre  le 
roi  et  le  moine.  Peu  à  peu,  la  suite  royale,  au  nombre  de 
40  mille  hommes,  se  groupa  autour  des  deux  personnages 
principaux  ;  Mahendra  prêcha  un  sermon  ;  et  la  conséquence 
inévitable  fut  que  le  roi,  avec  toute  son  escorte,  prononça  la 
confession  de  foi. 

Le  lendemain,  de  grand  matin,  le  roi  envoya  une  voiture, 
pour  lui  amener  les  vénérables  seigneurs  ;  inutile  de  dire 
qu'ils  n'en  pouvaient  faire  usage.  Ils  renvoyèrent  par  consé- 
quent le  cocher,  en  le  priant  de  dire  au  roi  qu'ils  suivraient 
bientôt.  Puis,  ils  prirent  leur  vol  à  travers  les  airs  ;  rapides 
comme  les  oiseaux,  et  descendirent  là  oii  se  trouve  le  Premier 
Sanctuaire,  à  l'Est  d'Anurâdhapura;  c'est  justement  pour 
rappeler  cette  descente  remarquable  qu'on  a  donné  ce  nom 
au  sanctuaire. 

Sur  ces  entrefaites,  le  roi  avait  fait  dresser  une  tente 
magnifique  près  de  son  palais,  oii  il  attendait  ses  vénérables 

3.  Si  Açoka  avait  pu  prévoir  quel  rôle  ingénieux  les  dieux  joueraient  un 
jour  dans  les  légendes  de  ses  coreligionnaires,  il  y  eût  peut-être  regardé  à 
deux  fois  avant  de  les  abolir. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  357 

hôtes,  entouré  des  ministres,  de  la  reine,  des  princes,  des 
princesses  et  des  dames  du  harem.  Lorsque  Mahendraet  les 
siens  furent  arrivés  et  qu'ils  eurent  été  reçus  avec  les  marques 
de  respect  convenables,  on  leur  offrit  un  repas  exquis,  pen- 
dant lequel  le  roi  lui-même  les  servait.  Après  le  repas,  la 
reine  Anulâ  vînt  leur  présenter  ses  hommages,  accompagnée 
de  500  demoiselles  d'honneur.  Alors  Mahendra  commença 
à  prêcher  le  Dharma  et  à  raconter  des  histoires  de  revenants 
tellement  effroyables,  *  qu' Anulâ  et  ses  500  demoiselles  328 
d'honneur  atteignirent  le  premier  degré  de  sanctification. 

Au  moment  où  ceci  se  passait  dans  la  cour  intérieure,  une 
grande  foule  avait  afflué  en  dehors  du  palais.  Les  gens  de  la 
ville,  dont  la  curiosité  avait  été  excitée  par  les  récits  des 
témoins  de  la  rencontre  de  la  veille,  sur  la  montagne,  mani- 
festaient de  plus  en  plus  vivement  leur  impatience  de  voir  les 
moines  étrangers.  Le  roi,  pour  satisfaire  leur  désir  légitime, 
donna  l'ordre  de  répandre  du  sable  dans  les  écuries  d'élé- 
phants qui  étaient  placées  sur  le  parvis,  et  d'y  placer  des 
sièges  pour  les  religieux,  car  la  foule  était  trop  considérable 
pour  qu'il  fût  possible  de  la  recevoir  dans  le  palais.  Dès  que 
tout  fut  terminé,  Mahendra  se  rendit  au  parvis,  occupa  le 
siège  magnifique  qui  lui  était  destiné,  et  prêcha  sur  les  hor- 
reurs de  l'enfer,  en  y  rattachant  l'exposé  des  quatre  Vérités, 
Le  résultat  de  son  éloquence  fut  tel  qu'on  pouvait  s'y  attendre 
d'avance  :  un  millier  de  personnes  atteignirent  le  premier 
degré  de  sanctification.  L'affluence  des  curieux  devint  telle- 
ment grande  que  même  le  parvis  fut  insuffisant  pour  les 
contenir.  On  se  rendit  donc  au  parc  Nandana,  situé  au  Sud 
de  la  ville.  Là  aussi,  l'apôtre  infatigable  prêcha,  avec  non 
moins  de  succès,  car  cette  fois  encore,  un  millier  de  per- 
sonnes atteignirent  le  premier  degré  de  sanctification.  En 
attendant,  la  nuit  commençait  à  tomber,  et  les  moines  fai- 
saient déjà  des  préparatifs  pour  retourner  à  leurs  couchettes 
sur  la  montagne,  lorsque  le  roi  les  pria  de  passer  la  nuit 
dans  le  jardin  Meghavana;  cette  offre  gracieuse  fut  acceptée. 


338  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Le  lendemain  matin,  le  roi  se  rendit  en  personne  au  jar- 
din, afin  d'apprendre  comment  les  Pères  avaient  passé  la 
nuit  et  si  le  jardin  leur  plaisait.  Mahendra  ayant  dit  que  l'en- 
droit leur  avait  beaucoup  plu,  le  roi  se  fit  un  plaisir  de 
donner  le  jardin  à  la  Congrégation.  La  cession  solennelle  du 
Méghavana  —  là  oii  s'éleva  plus  tard  le  couveiit  dit  Jardin  de 
329  Tishya  ou  Grand  Monastère  (Mahâ-Yihâra /)  —  *  fut  accom- 
pagnée d'un  tremblement  de  terre  solennel.  Le  roi,  d'abord 
effrayé  parce  phénomène  extraordinaire,  fut  vite  tranquillisé 
lorsque  l'apôtre  lui  apprit  que  le  tremblement  de  terre  n'avait 
d'autre  but  que  de  lui  annoncer  que  la  Foi  avait  pris  solide- 
ment racine  dans  l'île  *. 

Le  lendemain,  Mahendra,  après  avoir  déjeuné  à  la  cour, 
prêcha  de  nouveau  dans  le  parc  Nandana;  de  même  les  jours 
suivants,  avec  cette  conséquence  que,  dans  l'espace  d'une 
semaine,  8,000  et  500  personnes  atteignirent  la  sanctification. 
C'est- alors  que  le  roi,  de  la  manière  que  nous  avons  déjà 
décrite,  délimita  la  paroisse  oii  fut  établi  un  Vihâra  à  l'usage 
des  moines.  Bientôt  après  vint  la  donation  d'un  autre  sanc- 
tuaire sur  le  mont  Cetiya^  sanctuaire,  qui,  avec  la  paroisse 
environnante,  fut  béni  par  Mahendra,  le  jour  de  pleine  lune 
d'Ashâdha,  juste  un  mois  après  que  l'apôtre  et  les  siens 
eurent,  pour  la  première  fois,  mis  le  pied  sur  le  sol  de  l'île. 
Le  même  jour,  le  prince  Arishta  prononça  ses  vœux,  en 
même  temps  que  55  autres  personnes  de  sang  royal,  de  sorte 
que  le  nombre  d'Arhats,  après  cette  cérémonie,  fut  de  62  ^ 
Ce  jour  coïncida  avec  le  commencement  du  temps  de 
retraite. 

Les  quatre  mois  de  la  saison  des  pluies  furent  passés  par 

1.  La  situation  en  est  indiquée  sur  la  carte  dans  E.  Tennent,  Ceylon,  II, 
611  3. 

1.  D'après  Dîpav.  13,  39  ss.  il  y  eut  huit  tremblements  de  terre  successifs, 
tandis  que  Mahâv.  106  parle  d'un  seul  tremblement  de  terre  en  huit  endroits 
différents. 

2.  Parmi  lesquels  61  moines  ;le  novice  Sumanas  doit  être  compté  comme  62^  ; 
autrement,  on  n'obtient  pas  le  nombre  requis. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  359 

les  moines  dans  le  Jardin  de  Tishya,  sur  le  Mont  Tishya. 
Après  la  fin  des  vacances,  le  jour  de  pleine  lune  de  Kârtlika, 
le  chef  de  la  mission  fit  connaître  à  Devânâmpriya  Tishya 
son  désir  de  retourner  sur  le  continent.  Le  pieux  roi,  qui 
avait  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  être  agréable 
aux  missionnaires  et  pour  leur  faire  plaisir,  et  qui,  avec  son 
peuple,  vénérait  si  sincèrement  les  Trois  Joyaux,  ne  lui  cacha 
pas  qu'une  pareille  demande  lui  paraissait  quelque  peu 
étrange,  et  demanda  quelle  était  au  fond  la  raison  qui  pous- 
sait le  Père  à  retourner  chez  lui.  Mahendra  répondit  : 
«  Illustre  roi  !  depuis  longtemps  nous  n'avons  vu  le  Buddha  *  330 
et  nous  ressentons  de  plus  en  plus  le  besoin  d'un  objet  que 
nous  puissions  adorer  et  honorer  ».  Le  roi,  fort  intelli- 
gent, devina  ce  qui  manquait  :  il  manquait  un  Stupa  avec 
des  reliques  du  Buddha  !  Immédiatement,  il  se  déclara 
prêt  à  faire  construire  un  pareil  sanctuaire,  à  un  endroit  que 
le  Père  n'avait  qu'à  choisir.  Il  ne  s'agissait  plus  que  de  se 
procurer  les  reliques  nécessaires.  A  cela  aussi  il  fut  pourvu  : 
Mahendra  envoya  immédiatement  le  novice  Sumanas,  avec 
l'ordre  de  demander  à  Açoka  et  au  roi  du  Ciel,  Indra,  quelques 
reliques  pour  le  Stûpa  qu'on  voulait  bâtir.  Sumanas  accom- 
plit sa  tâche  magnifique  avec  autant  de  finesse  que  de  rapi- 
dité, et  réussit  à  revenir  encore  le  même  jour  avec  les  reliques 
nécesaires.  On  enterra  les  restes  précieux  à  un  endroit  sacré, 
qui,  dans  des  siècles  antérieurs,  avait  été  visité  par  les  Bud- 
dhas  Kakusandha,  Konâgamana,  Kâçyapa  et  Çâkya;  et  l'on 
y  construisit,  comme  le  Gotamide  l'avait  prédit  236  ans 
auparavant,  le  couvent  Thûpârâma^  La  fondation  du  Stûpa 
fut  signalée  par  un  grand  tremblement  de  terre  et  d'autres 
phénomènes  qui   eurent  pour  résultat  qu'Abhaya,   frère  du 

1. Nommé  ainsi  d'après  le  Stûpa  y  attenant;  pour  la  situation,  voyez E. Tan- 
nent, 0.  c.  Un  dessin  (l(î  ce  Dagob,  le  plus  élégant  de  tous  ceux  qui  se  trou- 
vent à  Ceylan,  se  voit  dans  Journ.  As.  Soc.  Beng .  XVI,  pi.  m;  comparez 
les  descriptions  de  Knighton,  o,  c.  217,  et  surtout  de  Sniither,  Architectural 
Hem  (lins, 


369  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

roi,  et  mille  autres  personnes,  se  firent  admettre  dans  la  Con- 
grégation. 

En  même  temps,  la  reine  Anulâ  exprima  à  son  époux  le 
désir  de  renoncer  au  monde.  Par  suite,  Tisliya  demanda  au 
vénérable  Mahendra  d'admettre  Anulâ  dans  Tordre  des  reli- 
gieuses, mais  le  Sthavira  répondit  que  les  moines  n'avaient 
pas  le  droit  de  faire  prononcer  les  vœux  aux  femmes,  et 
donna  le  conseil  de  faire  venir  de  Pâtaliputra  sa  sœur,  la 
princesse  Saiighamitrâ.  Le  roi,  d'accord  avec  ses  ministres, 
résolut  d'envoyer  Arishta  auprès  d'Açoka,  afin  de  le  prier 
de  donner  son  consentement  à  l'envoi  de  Saiighamitrâ,  et  en 
même  temps  au  transport  de  Tarbre  Bodhi. 
331  *  Le  prince  Arishta  se  rendit  à  la  capitale  du  Magadha,  et 
arrivé  là,  il  fit  la  demande  dontTishya  et  Mahendra  l'avaient 
chargé.  Bien  qu  Açoka  fît  d'abord  quelques  objections,  il  finit 
par  céder  aux  instances  de  sa  fille,  et  accorda  la  double  requête 
de  son  ami  et  frère  dans  la  Foi.  A  la  tête  d'une  puissante 
armée,  il  quitta  sa  capitale,  emportant  avec  lui  une  branche 
de  l'arbre  sacré  et  escortant  Saiighamitrâ  avec  les  religieuses  ; 
puis  il  franchit  le  mont  Vindhya  et  traversa  la  forêt  sauvage 
duDekkhan  jusqu'à  la  mer.  Les  larmes  aux  yeux,  le  pieux 
roi  prit  congé  de  la  chère  branche,  et  suivit  longtemps  du 
regard  le  vaisseau  qui  transportait  cette  charge  précieuse. 

La  réception  du  Bodhi  eut  lieu  de  la  façon  la  plus  solen- 
nelle et  la  plus  magnifique.  Une  foule  nombreuse,  avec  le 
roi,  ses  femmes  et  ses  enfants  en  tête,  sortit  d'Anurâdhapura, 
pour  aller  à  la  rencontre  de  l'arbre  (ou  de  la  branche).  Le 
roi  donna  l'exemple  en  sacrifiant  des  guirlandes  de  fleurs  et 
des  parfums,  et  toute  la  ville  revêtit  des  habits  de  fête  \  Peu 
de  temps  après,  la  reine  Anulâ,  en  même  temps  que  ses  500 
demoiselles  d'honneur,  fut  reçue  dans  la  Congrégation,  et 

I .  La  branche  méridionale  fut  plantée  à  Meghavana  par  Saiighamitrâ  ;  Dîpav. 
H,  20.  Une  énumération  des  localités  de  Ceylan  où.  furent  plantées  des 
greffes  du  Bodhi  se  trouve  Mahâv.  131;  Bodhiv.  162;  Sutta-V,  I,  p.  130. 
Comp.  E.  Tennent,  pass.  cité. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  361 

devint  une  sainte.  Le  prince  Arishta,  lui  aussi,  prit  l'habit  ^, 
avec  500  compagnons. 

De  cette  manière,  la  conversion  de  Ceylan  fut  achevée  dans 
l'espace  de  six  mois,  par  le  zèle  et  le  pouvoir  miraculeux  de 
l'apôtre,  la  sagesse  et  la  piété  du  roi,  et  la  bonne  disposition 
du  peuple. 

Quelque  peu  différente  est  la  version  qu'Hiuen  Thsang 
avait  entendu  raconter  dans  l'Inde  ^.  Ceylan,  d'après  ce  récit, 
aurait  été  converti,,  dans  le  premier  siècle  après  le  Nirvana, 
parMahendra,  frère  cadet  d'Açoka,  qui,  accompagné  de  quatre 
autres  ascètes,  prit  son  vol  à  travers  les  airs,  afin  de  faire 
briller  dans  l'île  la  lumière  de  la  Foi.  *  La  mission  réussit  332 
complètement,  et  en  peu  de  temps  la  population  bâtit  par- 
tout des  couvents,  de  sorte  qu'au  vu*  sigcle  il  en  existait  une 
centaine.  Ailleurs,  le  même  voyageur  mentionne  la  parti- 
cularité que  Mahendra,  dans  sa  jeunesse,  par  son  orgueil 
démesuré,  son  luxe  extravagant  et  ses  cruautés  abominables, 
avait  à  un  tel  degré  excité  l'indignation  du  public,  qu'Açoka 
se  vit  obligé  de  le  faire  enfermer.  La  prison  eut,  sur  le 
prince,  une  influence  salutaire  :  dans  l'espace  d'une  semaine, 
il  devint  un  saint,  capable  de  faire  des  miracles.  Il  s'enfuit 
du  monde,  pour  aller  vivre  en  ermite  dans  les  grottes  de  la 
montagne  \ 

Dans  un  ouvrage  septentrional  de  date  postérieure  ^,  le 
récit,  sauf  quelques  traits,  est  devenu  à  peu  près  méconnais- 
sable. Il  revient  à  ceci  qu'un  marchand  de  l'Inde  un  jour  — 
c'était  sous  le  règne  d'Açoka,  —  montra  une  statue  du  Bud- 
dha  en  bois  au  roi  de  Ceylan,  Asana  Simhakoça,  et  raconta 
à  ce  propos  l'histoire  du  grand  Maître  et  de  ses  successeurs, 
jusqu'au  Père  de  l'Eglise  nommé  Noir  ^  Le  roi,  devenu  dési- 

2.  Ce  serait  pour  la  seconde  fois,  à  moins  qu'un  autre  prince  du  même  nom 
ne  soit  désigné. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  1,198;  III,  140. 
1.  0.  c,  II,  423. 

3.  Târanâtha,  44. 

3.  Kâla  ou  Krsbna  ;  une  autre  forme  est  Kâlika,  qui,  d'après  Lebensb.  308, 


362  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

,reux  de  mieux  approfondir  la  vraie  Foi  et  de  faire  la  con- 
naissance personnelle  du  Père  de  l'Eglise,  envoya  un  ambas- 
sadeur, afin  d'inviter  le  vénérable  Noir  à  visiter  l'île.  Dès 
que  ce  dernier  eut  reçu  l'invitation,  il  traversa  les  airs,  avec 
500  disciples  et  l'ambassadeur  qu'il  traînait  à  sa  suite,  et 
descendit  rapidement  sur  le  rivage  de  l'île.  De  là,  il  s'ache- 
mina vers  la  capitale,  au  milieu  de  phénomènes  lumineux 
multicolores  et  accompagné  du  roi,  qui  était  allé  à  sa  ren- 
contre. Pendant  trois  mois,  il  prêcha  la  Foi,  remplit  l'île 
de  Yihâras  et  de  moines,  tandis  qu'une  foule  de  créatures 
atteignirent  les  quatre  degrés  de  sanctification. 
333  *  Après  avoir  passé  en  revue  les  rédactions  principales  du 
récit,  il  nous  reste  à  nous  demander  ce  qu'il  peut  contenir  de 
vérité  historique.  IJous  pouvons  admettre  avec  certitude 
qu'on  a  inséré  dans  le  conte  divers  détails  empruntés  à  la 
vie  réelle.  A  une  époque  plus  récente,  il  était  de  règle  que 
les  missionnaires  essayassent  de  s'assurer  de  la  bienveillance 
et,  si  possible,  de  l'appui  d'un  souverain,  avant  de  commen- 
cer leur  œuvre  de  conversion  au  milieu  de  la  foule.  Ils  rece- 
vaient un  terrain  du  seigneur  du  pays,  pour  y  bâtir  des  sanc- 
tuaires, et  dès  qu'un  couvent  avec  entourage  existait,  une 
communauté  plus  ou  moins  florissante  se  groupait  ordinai- 
rement autour  de  ce  noyau.  C'était  moins  un  calcul  habile 
que  la  nécessité  et  l'expérience  qui  prescrivaient  cette  ligne 
de  conduite,  dans  des  pays  où  des  étrangers  (et  des  mission- 
naires sont  ordinairement  étrangers  au  pays  où  ils  viennent 
prêcher  leur  doctrine)  étaient  dépourvus  de  tout  droit  per- 
sonnel qui  eût  pu  les  protéger.  Il  y  a  un  point,  en  outre,  sur 
lequel  tous  les  récits  sont  d'accord  :  c'est  que  la  conversion  de 
Ceylan  eut  lieu  sous  le  règne  d'Açoka.  On  peut  donc  admettre 
cette  date  comme  historique  ;  tout  le  reste  du  récit  se  contre- 

convertissait  Taprobane,  pendant  que  Çarana  était  occupé  à  répandre  la 
doctrine  à  Ceylan.  Ceci  est  un  nouveau  spécimen  de  la  tendance  des  Boud- 
dhistes à  dédoubler  les  choses,  en  faisant  des  deux  noms  désignant  le  même 
objet  deux  objets  différents. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  363 

dit  lui-même,  et  n'est  qu'une  fiction  édifiante,  en  partie  my- 
thique et  relativement  ancienne,  peut-être  même  antérieure 
au  Bouddhisme;  en  partie  dogmatique,  et  plus  récente.  On 
peut  mutiler  et  gâter  de  pareils  contes  dogmatiques  en  biffant 
arbitrairement  tel  ou  tel  détail  *;  mais  on  se  trompe  quand 
on  croit  qu'un  conte  mutilé  ainsi  a  plus  de  valeur  histo- 
rique que  non  mutilé.  —  Revenons,  après  cette  digression,  à 
l'histoire  ecclésiastique  officielle,  telle  qu'elle  nous  a  été 
transmise  par  les  moines  du  Grand  Monastère. 

Pendant  les  quarante  années  du  règne  de  Devànâmpriya 
Tishya,  l'importance  et  l'influence  de  l'Eglise  ne  cessèrent 
d'augmenter.  Outre  la  fondation  des  couvents  du  Jardin 
de  Tishya  et  du  Mont  Cetiya,  outre  la  construction  du  Grand 
Stûpa  et  la  plantation  du  Bodhi  à  Meghavana,  on  attribue  à 
ce  premier  roi  croyant  de  Geylan  d'autres  constructions 
pieuses  *,  entre  autres  le  Jardin  du  Stûpa  (Thupârâma),  les  334 
Yihâras  du  Jardin  de  Tishya,  de  Vessagin  et  de  Golaka-tissa. 

Huit  ans  après  la  mort  de  Devànâmpriya  Tishya,  qui  fut 
remplacé  par  son  frère  Uttiya,  Mahendra  lui  aussi  mourut, 
soixante  ans  après  avoir  prononcé  ses  vœux.  Le  corps  fut 
livré  au  bûcher  avec  toutes  les  marques  de  respect  qu'on 
devait  au  grand  apôtre  et  sur  la  place  même  on  édifia  un 
Stûpa  pour  conserver  ses  reliques. 

Mahendra  et  ses  compagnons  avaient  apporté  avec  eux 
du  continent  la  tradition  religieuse  complète,  c'est-à-dire  le 
Vinaya-Pitaka,  les  cinq  recueils  du  Sutta-Pitaka  et  les  sept 
traités  de  l'Abhidharma-Pitaka.  Après  la  mort  de  l'apôtre  et 
de  l'illustre  Arishta,  la  lignée  de  la  tradition  authentique  fut 
continuée  par  Tishyadatta,  Kâla-sumanas,  Dirgha-sumanas, 


1 .  C'est  une  mutilation  purement  arbitraire,  et  par  conséquent  inadmissible, 
que  de  considérer,  par  exemple,  le  voyage  de  Mahendra  à  travers  les  airs 
comme  un  simple  ornement  du  récit,  d'importance  secondaire,  car  c'est 
justement  ce  détail  qu'on  met  en  lumière  à  plusieurs  reprises  et  avec  insis- 
tance. Nous  aurons  occasion  de  revenir  plus  tard  sur  Mahendra  et  les  quatre 
autres  moines,  c'est-à-dire  les  cinq  Indras  ou  Kuçikas  (tome  I,  324). 


364  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

et  autres  disciples  d'Arishta  et  par  leurs  descendants  spiri- 
tuels jusqu'aux  générations  les  plus  éloignées. 

Le  couvent  de  religieuses  d'Anurâdhapura,  dont  sainte 
Sanghamitrâ  était  la  prieure,  devenait  également  de  plus  en 
plus  florissant.  En  dehors  de  cette  maison,  il  semble  avoir 
existé,  au  moins  temporairement,  un  autre  couvent  de 
femmes  àRohana^  De  même  que  les  moines,  les  sœurs  se 
signalaient  par  la  science  et  la  piété,  et  la  vraie  tradition  fut 
transmise  par  une  série  d'excellentes  théologiennes. 

Les  rois  de  Ceylan  qui  viennent  ensuite  furent,  pour  la 
plupart  des  imitateurs  de  Devânâmpriya  Tishya,  et  se  ren- 
dirent utiles  en  construisant  des  couvents  et  des  sanctuaires  ; 
mais  nul  d'entre  eux  fut  comparable,  à  cet  égard,  à  Abhaya 
Dushia-Gâmani,  c'est-à-dire,  Gâmani  le  Mauvais  ^  Ce  sou- 
verain, qui  s'était  frayé  le  chemin  du  trône  en  assassinant 
32  princes,  est  mentionné  comme  le  vainqueur  et  le  succes- 
335  seur  d'Elâra,  un  conquérant  tamil  ^  Cet  Elâra  *,  qui  s'était 
emparé  du  trône  après  avoir  tué  Asela,  le  fils  de  Mutasiva  et 
le  frère  èe  Devânâmpriya  ïishya,  avait  cependant,  ainsi 
qu'on  le  reconnaît,  régné  équitablement  pendant  44  ans. 

Gâmani  le  Mauvais  serait  monté  sur  le  trône  436  (ou 
146)  ans  après  Tavénement  de  Devânâmpriya  Tishya,  qu'on 
place  vers  l'an  250  avant  Jésus-Christ.  Si  l'on  compte 
à  partir  de  cette  dernière  date,  le  début  du  règne  de  Gâmani 
sera  placé  vers  l'an  114  (ou  104),  mais  la  date  singhalaise  offi- 
cielle est  161  \  On  attribue  à  ce  prince  illustre  de  grands 

1.  Dîpav.  18,  23. 

2.  On  prétend  qu'il  devait  ce  surnom  à  un  acte  de  désobéissance  à  l'égard 
de  son  père;  Mahâv.  146. 

3.  Dîpav.  18,  53  ;  Mahâv.  55.  Les  invasions  des  Tamils  ont  été  un  fléau  chro- 
nique dans  l'histoire  de  Ceylan;  d'ordinaire  elles  étaient  accoiopagnées  d'un 
recul  du  Bouddhisme. 

1.  Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  du  caractère  fantaisiste  des  dates  assi- 
gnées à  Pakunda,  à  Mutasîva  et  aux  fils  de  celui-ci.  Comp.  Turnour,  Journ, 
As.  Soc.  Benq.  VI,  721,  où  l'on  nous  afiBrme  que  la  chronologie  singhalaise,  à 
partir  de  161,  est  confirmée  par  des  témoignages  extérieurs  :  malheureuse- 
ment, l'auteur  oublie  d'ajouter  quels  sont  ces  témoignages. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  365 

travaux  d'architecture,  notamment  le  Lohaprâsâda,  qui  ser- 
vait aux  réunions  du  chapitre,  et  le  Grand  Stûpa  ^  Les  ren- 
seignements sur  la  construction  de  ces  sanctuaires  sont 
tellement  confus  et  extravagants  qu'ils  ne  peuvent  avoir  été 
mis  par  écrit  que  plusieurs  siècles  après  les  dates  indiquées 
pour  ces  bâtiments^;  cependant  ils  sont,  à  certains  égards, 
trop  curieux  pour  être  passés  sous  silence. 

Après  la  pose  des  fondements  du  Grand  Stûpa  ^  qui  eut 
lieu  le  15  Yaiçâkha,  anniversaire  de  la  naissance  et  de  la 
mort  du  Buddha,  on  fit  de  tels  progrès,  qu'après  un  travail 
de  deux  mois,  on  put  délimiter  l'enceinte  du  sanctuaire,  ou 
comme  il  est  dit  ailleurs,  poser  les  pierres  fondamentales, 
ce  qui  veut  probablement  dire  qu'on  procéda  à  la  bénédic- 
tion de  l'enceinte  sacrée  et  au  placement  des  montants  en, 
pierre.  A  cette  cérémonie  furent  présents  des  Sthaviras  de 
toutes  les  régions  de  l'Inde  :  Indragupta,  Priyadarçin  et 
d'autres,  parmi  lesquels  le  Buddha,  le  Dharma  et  le  Sangha 
en  personne  n'étaient  pas  les  moins  remarquables.  Citragupta, 
lors  de  cette  cérémonie,  doit  s'être  dédoublé  et  Indragupta, 
triplé  *;  car,  dans  l'énumération,  on  nomme  le  premier  deux  336 
fois  et  le  second  trois  fois  *.  Si  nous  ne  voulons  pas  refuser 
toute  créance  aux  dires  véridiques  de  la  chronique  plus 
récente,  Indragupta  amena  avec  lui  80  (ou  8)  mille  moines, 
Mittanna  vint  avec  60  mille  des  100  mille  moines  qui  demeu- 
raient dans  le  Jardin  d'Açoka  à  Pâtaliputra  ;  chaque  Stha- 

2.  Ceci  doit  être  une  répétition  de  la  construction  du  même  édifice  par 
Tishya;  le  Lohaprâsâda  fut  encore  construit  deux  fois  dans  la  suite,  par 
Saddhâtissa  et  Çrî-Nâga;  Dipav.  20,  4;  22,  36;  nous  ne  parlerons  pas  des 
réparations. 

3.  Dipav.  19,  1  ;Mahâv.  165.  Comp.  Knighton  On  the  ruins  of  Anurâdha- 
pura{Journ.  As.  Soc.  Beng.  XVI,  220);  et  Smithers,  o.  c.  ;  le  Lohaprâsâda 
aurait  eu  primitivement  neuf  étages  contenant  chacun  cent  cellules. 

4.  Seconde  construction. 

1.  Citragupta  est  connu  par  d'autres  textes  comme  greffier  ou  secrétaire  du 
monde  souterrain;  il  est  parfois  identifié  avec  Yaraa,  le  juge  des  morts. 
Peut-être  est-ce  en  vertu  de  cette  double  qualité  qu'il  est  placé  deux  fois  sur 
la  liste . 


366  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L^NDE 

vira  était  de  même  escorté  de  plusieurs  milliers;  mais 
Mahâdeva  surpassa  tous  les  autres  :  sa  suite  se  composait 
de  4  millions  60  mille  religieux.  Ce  Mahâdeva,  autrement 
dit  Çiva,  aurait  dû  venir  du  Kailâsa,  car  chacun  sait  que  c'est 
laque  trône  Çiva;  mais,  par  erreur,  ou  pour  ne  pas  rendre  la 
plaisanterie  trop  claire,  le  chroniqueur  le  fait  demeurer  dans 
une  localité  inconnue,  Pallavabhâga,  tandis  qu'il  assigne  le 
Kailasa  comme  Vihâra  à  Sûryagupta  ^ 

De  pareils  contes,  on  peut  conclure  avec  certitude  que  ces 
édifices  existaient  longtemps  avant  la  rédaction  de  la  chro- 
nique la  plus  ancienne  ;  mais  c'est  là  tout  ce  qu'on  en  peut 
•   tirer  d'historique. 

Le  roi  Gâmani  le  Mauvais  mourut  après  un  règne  de 
24  ans  ;  le  trône  fut  occupé  ensuite  par  onze  monarques,  en 
partie  des  conquérants  étrangers,  jusqu'à  ce  qu'Abhaya,  sur- 
nommé Vatta-Gâmani,  monta  pour  la  seconde  fois  sur  le 
trône,  d'après  la  chronologie  officielle  vers  l'an  88,  ou,  en 
prenant  pour  point  de  départ  l'époque  de  Devânâmpriya 
Tishya,  vers  l'an  40  avant  J.-C. 

Sous  Vatta-Gâmani,  la  Congrégation  prit  une  résolution 
importante.  Jusque-là,  le  texte  du  canon  et  celui  du  commen- 
taire, intitulé  Attha-kathâ,  avaient  été  transmis  par  tradition 
orale;  mais  à  ce  moment,  les  moines,  convaincus  de  ce  qu'il 
y  a  de  périssable  dans  toute  chose  créée,  comprirent  combien 
337  il  serait  utile  de  mettre  par  écrit  les  Écritures  Saintes  *,  et 
convoquèrent  dans  ce  but  une  assemblée  ^  La  chronique  la 
plus  ancienne  en  reste  là,  mais  la  chronique  plus  récente  est 
beaucoup  plus  détaillée,  et  rattache  la  rédaction  écrite  du 
canon  et  du  commentaire  aux  querelles  entre  les  frères  ^  Le 
Prieur  du  Grand-Monastère  (Mahâ-Yihâra),  un  certain  Père 
Mahâtishya,  avait  été  excommunié  par  le  chapitre.  Un  dis- 

2.  Un  Sûryagupta  historique  vivait  après  Àrya  Asanga,  donc  après  Tan  500 
de  notre  ère  ;  Vassilief,  B.  207. 
l.Dtpav.  20  20  ;  Bigandet,  II,  141. 
2.  Mahâv.,  207. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  367 

ciple  qui  lui  était  resté  fidèle,  se  réfugia  dans  le  monastère 
nouvellement  fondé  d'Abhayagiri,  où  il  fut  reçu  avec  bien- 
veillance. Ce  fait  exaspéra  tellement  les  «  saints  »  du  Grand 
Monastère,  qu'ils  refusèrent  d'avoir  à  l'avenir  des  rapports 
avec  les  frères  d'Abhayagiri.  D'une  façon  ou  d'une  autre,  les 
moines  du  nouveau  Monastère  du  Midi  furent^  eux  aussi, 
entraînés  dans  la  querelle.  Ceci  donna  lieu  au  schisme  (et  à 
la  secte)  des  Dharmarucikas,  et  par  conséquent  un  Concile 
fut  nécessaire,  car  chaque  schisme  entraine  un  synode  : 
chaque  déchirure  doit  être  réparée.  C'est  dans  ce  Concile 
qu'on  décida  de  mettre  le  canon  par  écrit.  Comme  nous 
voyons  les  religieux  du  Grand  Monastère  et  ceux  d'Abhaya- 
giri se  combattre  comme  deux  sectes  ennemies,  encore  des 
siècles  après  cet  événement,  on  comprend  difficilement  com- 
ment cette  résolution  si  importante  a  pu  émaner  des  deux 
parties  à  la  fois;  et  même  en  l'absence  de  tout  autre  ren- 
seignement, on  serait  en  droit  de  supposer  que  seul  le  parti 
du  Grand  Monastère  était  représenté  à  l'assemblée. 

Nous  pouvons  aller  encore  un  peu  plus  loin.  Dans  un  com- 
mentaire du  Mahâvamsa  ^,  on  raconte  que  les  partisans 
d'Abhayagiri  séparaient  nettement  le  5^  livre  du  Yinaya- 
Pîtaka  *  des  quatre  autres,  parce  qu'ils  voulaient  se  tenir 
strictement  à  la  vieille  doctrine  ;  c'est  pourquoi  ils  se  don- 
naient le  nom  de  Dharmarucikas  '\  Quand  on  rapproche  ce 
fait  de  cet  autre  que  l'ancien  canon  septentrional,  lui  aussi, 
dhiin^uG  quatre,  et  non  ci?îç,  divisions  du  Yinaya,  et  qu'on 
se  rappelle  qu'en  règle  générale,  tout  canon,  dans  le  cours 
des  siècles,  tend  à  s'augmenter  et  non  à  se  rétrécir  *,  il  y  a  338 
toute  raison  d'admettre  que  les  partisans  d'Abhayagiri,  qui 
combattaient  l'adjonction  du  livre  Parivâra  comme  une  nou- 
veauté, avaient  droit  à  être  considérés  comme  étant  encore 


3.  Turnour,  introduction  à  son  édition  de  la  chronique,  p.  ci. 

4.  Intitulé  Parivâra. 

5.  Cest-k-dire  :  ceux  qui  se  plaisent  dans  le  Dharma. 


36B  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

plus  orthodoxes,  plus  «  vieux  croyants  »  que  leurs  adversaires 
acharnés.  Le  canon  pâli,  tel  que  nous  le  connaissons  et  le 
trouvons  constitué,  déjà  au  cinquième  siècle,  chez  Buddha- 
ghosha,  comprend  le  livre  Parivâra;  par  conséquent,  c'est  le 
canon  d'un  seul  parti  et  d'une  seule  secte  du  clergé  de  Cey- 
lan,  celle  du  Mahâvihâra  ;  il  ne  peut  donc  avoir  été  fixé  ou 
rédigé  avec  la  collaboration  des  autres  sectes  de  l'île  ^ 

On  peut  être  assuré  que  tout  ce  qui  est  raconté  relative- 
ment à  l'occasion  du  Concile  et  à  la  rédaction  du  canon  est, 
sinon  purement  imaginaire,  du  moins  détourné  de  son  sens 
primitif,  vu  que  notre  récit  provient  d'un  seul  parti.  Notre 
méfiance  à  l'égard  de  tout  ce  qui  provient  d'une  telle  origine, 
est  plus  que  justifiée,  quand  on  fait  attention  à  la  date  impos- 
sible qu'on  assigne  officiellement  au  concile,  à  savoir  455  ans 
après  le  Nirvana,  donc  89-88  avant  J.-C.  Or,  d'après  la  même 
chronologie  officielle,  c'est  dans  la  même  année  que  monta 
sur  le  trône  Yatta-Gâmani,  le  roi  qui  fonda  le  couvent 
d'Abhayagiri.  Il  faudrait  donc  admettre  que  la  querelle  éclata 
et  que  la  rédaction  des  livres  canoniques  eut  lieu  au  moment 
même  où  le  couvent  se  fondait!  —  Avant  d'entrer  dans  plus 
de  détails  sur  le  canon  des  Méridionaux,  ou,  pour  parler 
plus  exactement,  sur  celui  du  Grand  Monastère,  nous  con- 
tinuerons l'histoire  de  Yatta-Gâmani. 

Ce  roi  passe,  comme  nous  venons  de  le  voir,  pour  le  fon- 
dateur du  couvent  d'Abhayagiri.  Ce  sanctuaire  s'élevait  au 
même  endroit,  où,  quelques  siècles  auparavant,  leroiPakun- 
dakaou  Pandukâbhya,  qui  doit  avoir  vécu  vers  370-300  avant 
J.-C,  avait  fait  construire  un  couvent  pour  les  Nirgranthas  ou 
moines  Jainas  vivant  nus  ^  Détail  remarquable  :  on  prétend 

1.  Par  conséquent,  quand  il  est  question  de  la  «  tradition  méridionale  »,  il 
faut  savoir  ce  que  parler  veut  dire  ;  au  fond,  la  «  tradition  méridionale  »  est  la 
seule  subsistante  des  différentes  rédactions  qui  ont  existé  à  Ceylan. 

2.  Mahâv.  203,  206.  Dîpav.  19,  14.  En  contradiction  avec  ceci  est  ce  que  dit 
Knighton,  Journ.  Soc.  B.  XVI,  222,  où  il  est  dit  également  que  le  Dagob  qui 
s'y  trouve  avait  originairement  une  hauteur  de  405  pieds,  chiffre  qui  semble 
assez  apocryphe.  Actuellement  la  hauteur  est  de  240  pieds. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  369 

que  Vatta  -  Gâmani  construisit  la  demeure  des  frères 
d'Abhayagiri  *  à  l'endroit  môme  où  le  Nirgrantha  Giri  (c'est-  339 
à-dire  Montagne)  avait  e'tabli  sa  demeure;  c'est  à  cette  cir- 
constance que  le  couvent  aurait  du  son  nom  d'iVbhayagiri. 
Le  lien  entre  le  nom  Abhaya  (c'est-à-dire  sécurité,  paix)  et 
les  Jainas  est  évident  :  ces  moines  furent  toujours  animés 
d'un  esprit  pacifique  à  l'égard  de  tous  les  êtres  et  comptent 
parmi  leurs  Saints  un  personnage  qui  porte  le  nom  signifi- 
catif d'Abhayada,  «  celui  qui  donne  la  sécurité  ».  Le  couvent 
des  Jainas  sur  l'Abhayagiri  aura  donc  porté  ce  nom  dès  le 
commencement,  et  aura  été  enlevé  sous  Yatta-Gâmani  (ou 
n'importe  quel  autre  prince),  aux  anciens  possesseurs,  pour 
que  la  congrégation  des  fils  de  Çâkya  en  pût  jouir.  Sous 
l'histoire  de  la  querelle  entre  Abhayagiri  et  le  Grand  Monas- 
tère il  y  a  probablement  encore  d'autres  faits  que  ceux  que 
les  chroniques  partiales  veulent  bien  nous  révéler.  Quoiqu'il 
en  soit,  les  traditions,  bien  que  détournées  de  leur  sens  pri- 
mitif, qui  nous  sont  parvenues,  contiennent  des  indications 
suffisantes  sur  la  présence,  à  Geylan,  d'affreux  hérétiques, 
particulièrement  de  Jainas,  peu  avant  lé  commencement 
de  notre  ère  ;  elles  indiquent  en  même  temps  que  les  Jainas 
se  sont  établis  sur  l'île  avant  les  fils  de  Çâkya.  D'ailleurs,  les 
écrits  bouddhiques  les  plus  anciens  ne  dissimulent  nullement 
le  fait  que  le  Jainisme  est  plus  ancien  que  le  Bouddhisme. 
Nous  devons  maintenant  nous  arrêter  à  ce  que  disent  les 
chroniques  sur  le  canon  et  la  rédaction  qu'on  en  fit.  Les 
3  Pitakas,  tels  qu'ils  sont  adoptés  par  toute  l'Eglise  méridio- 
nale, et  ont  déjà  été  reconnus  au  cinquième  siècle  de  notre 
ère  par  la  secte  du  Mahâvihâra,  sont  rédigés  dans  ce  qu'on 
appelle  le  pâli,  un  dialecte  de  l'Inde,  dont  le  véritable  domaine 
géographique  n'a  pas  encore  été  fixé  avec  certitude;  tout 
ce  qu'on  sait,  c'est  que  ce  n'était  pas  la  langue  d'Açoka,  ou  du 
royaume  de  Magadha.  Néanmoins,  il  est  nullement  impos- 
sible qu'une  rédaction  des  textes  sacrés  en  pâli  ait  existé  du  • 
temps  d'Açoka,  et  soit  arrivée,  d'une  façon  ou  d'une  autre,  à 

Tome  II.  24 


370  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Geylan,  avec  les  premiers  missionnaires.  Le  commentaire, 
TAttha-kathâ,  était  rédigé  en  singhalais,  et  ne  peut,  par 
conséquent,  avoir  été  apporté  sous  cette  forme,  du  continent. 
La  manière  la  plus  simple  de  se  débarrasser  de  la  difficulté, 
340  *  est  d'admettre  que  la  matière  du  commentaire  venait  de 
l'Inde,  mais  a  été  plus  tard  mise  en  œuvre  dans  l'île,  peu 
importe  par  qui.  Buddhaghosha  *  explique  que  ce  commen- 
taire, qui  avait  été  régulièrement  approuvé  au  premier,  au 
deuxième  et  au  troisième  Concile,  avait  été  traduit  dans  la 
langue  du  pays  par  Mahendra,  à  l'usage  des  insulaires. 
Remarquons  en  passant  que  la  traduction  des  livres  sacrés 
eux-mêmes  eût  été  incomparablement  plus  utile,  puisqu'ils, 
tendent  au  salut  éternel  des  créatures,  et  qu'il  n'en  est  pas 
de  même  du  commentaire  ;  quant  à  l'affirmation  même  de 
Buddhaghosha,  la  première  partie  en  est  de  Fimagination 
pure  et,  par  conséquent,  la  seconde  partie  n'a  pas  la 
moindre  autorité,  tant  qu'elle  n'est  pas  confirmée  d'ailleurs. 
Ce  qui  semble  aussi  quelque  peu  étrange,  c'est  que  ce  com- 
mentaire avait  disparu  du  continent  de  f  Inde,  sans  laisser 
de  traces  ;  de  sorte  que  le  Mahâvamsa  ^  met  dans  la  bouche 
d'un  certain  Père  Revata,  qui  aurait  vécu  dans  l'Inde  au 
début  du  cinquième  siècle  de  notre  ère,  faffirmation  que 
voici:  «  Ici  (sur  le  continent)  »,  dit  Revata  à  l'illustre  Buddha- 
gosa,  «  le  texte  seul  du  canon  a  été  transmis  par  la  tradition  ; 
le  commentaire  ne  se  trouve  pas  ici  ;  plusieurs  ouvrages  de 
polémique,  dûs  à  des  docteurs  illustres,  manquent  égale- 
ment ici.  Ce  commentaire,  irréprochable  et  actuellement  en 
usage  à  Ceylan,  a  été  rédigé  en  singhalais  par  Mahendra,  qui 
avait  préalablement  consulté  la  doctrine  du  Buddha  et  les 
discours  qui  ont  été  mis  en  vers  par  Çâriputra  et  d'autres.  » 
Le  but  de  tous  ces  renseignements  est  évidemment  de  faire 
croire  que  tout  le  canon,  aussi  bien  que  le  commentaire, 


1.  Turnour,  dans  Journ.  As.  Soc.  Beng.  VII,  StO. 

2.  Chap.  37. 


IIISTOiRE  ECCLÉSIASTIQUE  311 

d'après  la  rédaction  de  la  secte  du  Mahâ-Yihâra,  avait  été 
fixé  dans  les  trois  premiers  Conciles,  que  le  synode  sous  Yatta- 
Gâmani  n'y  trouva  rien  à  changer  et  n'y  changea  rien  en 
effet,  se  bornant  uniquement  à  mettre  par  écrit  les  textes 
légalement  et  invariablement  établis.  Cependant,  nul  n'est 
garant  de  Texactitude  du  renseignement,  d'après  lequel  la 
rédaction  aurait  eu  lieu  à  ce  moment-là,  *  de  môme  qu'on  ne  341 
peut  citer  aucune  preuve  décisive  en  sens  contraire.  Nous  ne 
pouvons  examiner  le  contenu  des  livres  saints  ;  nous  nous 
bornerons  à  donner  un  aperçu  général  des  divisions  princi- 
pales du  canon  et  du  titre  qu'elles  portent  \ 

En  nous  basant  sur  les  renseignements  donnés  dans  l'ap- 
pendice du  Culla-Yagga  et  relatifs  au  premier  Concile, 
renseignements  que  nous  avons  résumés  plus  haut,  nous 
admettons  que  le  canon  mis  par  écrit  comprenait  en  premier 
lieu  les  5  livres  du  Yinaya  ^  dans  la  forme  dans  laquelle 
nous  les  possédons  aujourd'hui. 

Le  compte-rendu  canonique  du  premier  Concile  ne  dit  rien 
de  l'Abhidharma-Pitaka.  Nous  avons  déjà  trouvé  mentionné 
un  des  livres  de  ce  Pitaka  à  propos  du  3^  Concile  à  Pâtalipu- 
tra  ;  comme  cette  partie  du  canon  pâli  correspond  pour  le 
nombre  d'ouvrages  (sept]  ^  aux  anciens  Abhidharmas  des 
Septentrionaux  et  que  les  titres  sont  les  mêmes  pour  la  plus 
grande  partie,  on  peut  admettre  que  la  rédaction  pâlie, 
actuellement  existante,  de  ces  livres  remonte  jusqu'à  Yatta- 
Gâmani.  Nous  ne  pouvons  examiner  s'ils  sont  de  beaucoup 
antérieurs  à  celui-ci. 

1.  Nous  essayerons  de  mettre  plus  tard  en  lumière  les  points  de  concor- 
dance et  de  différence  que  présente  l'ancien  canon  du  Nord,  comparé  à  celui 
du  Midi,  en  ce  qui  concerne  les  divisions  et  les  titres. 

2.  Prâtimoksha  et  Sutta-Vihliahga ;  Mahâ-  et  Culla-Vagga  ;  Parivâra.  Ce 
dernier  livre,  sorte  de  résumé  des  quatre  premiers,  fut  rejeté  par  la  secte 
d'Abhayagiri.  L'aperçu  que  nous  donnons  dans  le  texte  se  rapporte  exclusi- 
vement au  canon  du  Mahâvihâra. 

3.  Dhamma-Safigani  ;  Vibhaùga;  le  traité  Kathâ-Vatthu  ;  Puggala-pannatti  ; 
Dhâtukathà  Yamaka  ;  le  traité  sur  les  Patthânas. 


312  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Il  est  beaucoup  plus  difficile  d'arriver  à  un  résultat  en  ce 
qui  concerne  le  Sutta-Pitaka,  caries  Docteurs  de  l'Église  des 
anciens  temps  n'étaient  nullement  d'accord  sur  ce  qu'il  fallait 
comprendre  sous  cette  rubrique.  Ce  n'est  pas  étonnant,  d'ail- 
leurs, car  les  écrits  les  plus  dissemblables  sont  mentionnés 
comme  faisant  partie  de  ce  vaste  Pitaka.  Un  des  écrits  énu- 
mérés,    par    exemple,    contient    une    explication   détaillée 
des    33    Suttas,   et    il   va   de    soi    qu'une    explication    de 
Suttas  peut  être  difficilement  rangée  parmi  les  Suttas  eux- 
mêmes,  qu'on  prenne  sutta  dans  le  sens  du  sanscrit  sûtra^ 
règle,  théorème,  ou  de  sûkta,  bon  discours,   belle  parole, 
342  évangile.  En  outre,  on  trouve  mentionné  quelques  livres  *  qui 
contiennent  des  recueils  d'hymnes:  ce  sont  là  des  sûktas^  non 
des  sûtras.  Bref,  différentes  subdivisions  du  Sutta-Pitaka  ne 
[présentent  aucune  analogie,  ni  pour  la  forme,  ni  pour  le  fond. 
D'après  le  Gulla-Vagga,  dès  l'origine,  c'est-à-dire  tel  qull 
fut  récité  par  Ananda,  sous  la  présidence  de  Kâçyapa  le 
Grand,  le  Sutta-Pitaka  contenait  5  collections  ou  recueils  \ 
et  Buddhagosha  explique  ceci  de  telle  façon  que  le  5^  recueil, 
—  contrairement  au  principe  qui  a  présidé  au  classement  des 
quatre    premiers  —    ne    serait  qu'un  titre   général    pour 
15  genres  d'ouvrages,  à  savoir:  1.  Khuddaka-Patha,  petits 
morceaux  envers  et  en  prose;  2.  Dhammapada,  anthologie 
de  poésies  gnomiques  ;  3.  Udâna,  effusions  lyriques  du  Gota- 

1.  DIgha-Nikâya  (recueil  de  Suttas  [discours  du  Maître]  de  grande  étendue)  ; 
Majjhima-N.  (recueil  de  Suttas  de  moyenne  étendue);  Samyutta-N.  (recueil 
de  Suttas  de  peu  d'étendue?)  ;  Anguttara-N.  (mélanges);  Khuddaka-N.  (recueil 
de  petites  choses  ;  ce  recueil  contient  justement  la  plus  grande  partie  de 
l'Ecriture  Sainte).  Les  quatre  premiers  Nikâyas  sont  aussi  appelés  parfois 
les  a  4  Âgamas.  »  Fa  Hian  donne  aux  subdivisions  du  canon  de  Ceylan  (c'est 
celui  de  la  secte  Mahîçâsaka  qu'il  a  en  vue)  le  nom  d'Âgamas,  conformément 
à  l'usage  des  Septentrionaux;  Travels,  165.11  donne  à  la  langue  dans  laquelle 
ces  livres  étaient  rédigés  le  nom  de  Fan,  par  lequel  les  Chinois  désignent  le 
sanskrit;  il  est  possible  que  le  voyageur  ait  considéré  comme  négligeable 
la  différence  entre  le  sanskrit  et  le  pâli  ;  mais  la  preuve  certaine  manque. 
Nous  ne  savons  pas  non  plus  si  les  livres  qu'il  se  procura  appartenaient  au 
canon  du  Mahâvihâra. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  373 

mide  ;  4.  Itivutlaka,  sentences  ou  proverbes  du  Maître; 
S.  Sutta-Nipâta,  poèmes  didactiques  ;  6.  Yimâna-vatthu, 
récits  relatifs  aux  séjours  célestes  ;  7.  Peta-vatthu,  histoires 
de  fantômes  ;  8.  Thera-gâthâ,  cantiques  de  moines;  9.  Theri- 
gâthâ,  cantiques  de  religieuses  ;  10.  Jâtaka,  contes  d'animaux 
et  nouvelles  ;  H.  Niddesa,  commentaire  du  Sutta-Nipâta  par 
Çâriputra  ;  12.  Patisambhidâ,  sur  les  qualités  spéciales  des 
Saints;  13.  Apâdana,  légendes;  14.  Buddha-Yamsa,  généa- 
logie des  24  Buddhas;15.  Gariya-pitaka,  court  récit  des 
bonnes  œuvres  du  Buddha  dans  sa  carrière  de  Bodhisatva^. 

En  ce  qui  concerne  ces  subdivisions,  il  y  a  chez  les  doc- 
teurs une  différence  d'opinion.  Quelques-uns  soutenaient  que 
les  douze  premières  rubriques  *  faisaient  partie  de  l'Abhi-  343 
dharma,  tandis  que  d'autres  étaient  d'avis  que  toutes  les 
quinze  rubriques  devaient  être  classées  parmi  les  Suttas  *.  Il 
est  évident  qu'on  n'eût  pu  discuter  sur  la  vraie  place  des 
douze  rubriques  si  Ton  n'avait  été  d'accord  qu'elles  faisaient 
en  tout  cas  partie  du  canon  ;  on  peut  donc  considérer  cette 
différence  d'opinion  parmi  les  docteurs  comme  une  preuve  du 
fait  que  le  canon  actuel  était  déjà  fixé  avant  Buddhaghosha 
(420  de  notre  ère) . 

Bien  qu'on  retrouve  la  plupart  de  ces  quinze  genres  d'ou- 
vrages ^  chez  les  Septentrionaux  comme  subdivisions  du 
Sûtra-Pitaka,  on  peut  se  demander  si  ce  classement  est  le 
plus  ancien.  En  effet,  les  Bouddhistes  du  Midi  aussi  bien  que 
ceux  du  Nord  connaissent  une  autre  division  de  l'Ecriture 
en  Aiigas,  subdivisions.  Les  Singhalais  comptent  9  Angas  : 
Sutta,    Geyya,   Veyyâkarana,     Gâthâ,    Udâna,     Itivuttaka, 


2.  Inutile  de  faire  remarquer  que  les  numéros  8,  9,  11  et  14  ne  peuvent 
d'aucune  manière  être  considérés  comme  «  la  parole  du  Buddha,  »  sauf  dans 
un  sens  mythique.  Néanmoins,  Buddhagosha  appelle  tout  cela  tranquillement 
«  la  parole  de  Buddha  w  [buddhavacanam) . 

1.  Buddhaghosha,  chez  Childers,  Pâli  Dict.  282. 

2.  Ou  seize  genres,  quand  on  compte  les  Suttas  des  quatre  premiers  recueils 
comme  un  genre  à  part. 


374  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Jàtaka,  Abbhuta-dhamma  etYedalla  ^  Sutta  figure  ici  comme 
une  subdivision,  et  non  comme  le  nom  général  du  recueil, 
ce  qui  devrait  être  le  cas  si  les  8  autres  Aiigas  faisaient  réel- 
lement partie  du  Sutta-Pitaka. 

Nous  nous  rés,ervons  de  revenir  sur  la  classification  des 
livres  saints  quand  nous  traiterons  de  l'ancien  canon  des  Sep- 
tentrionaux ;  nous  reprenons  maintenant  le  récit  des  événe- 
ments de  Ceylan,  en  tant  qu'ils  se  rattachent  à  l'histoire  de 
la  Congrégation. 

A  Yatta-Gâmani  succéda  son  fils  Mahâtishya  ;  à  celui-ci, 
un  de  ses  frères,  connu  dans  l'histoire  sous  le  nom  de  Nâga 
le  Brigand,  et  qui,  en  effet,  se  conduisit  pendant  douze  années 
comme  un  vrai  bandit.  On  raconte  qu'il  détruisit  18  Yihâ- 
ras,  par  vengeance,  parce  que  les  moines  avaient  autrefois, 
du  temps  où  il  vivait  en  vagabond,  refusé  de  lui  donner 
l'hospitalité  \ 

Un  des  descendants  de  Yatta-Gâmani,  Amanda-Gâmani, 
autrement  dit  Abhaya,  qui  monta  sur  le  trône  95  ans  après 
la  mort  du  premier,  par  conséquent  au  premier  siècle  de 
344  notre  ère,  défendit  *  de  tuer  des  êtres  vivants  dans  toute  l'île 
de  Ceylan.  Il  fit  planter  partout  diverses  espèces  d'arbustes 
utiles,  bienfait  auquel  il  devrait  son  nom  d'Amançla,  c'est-à- 
dire,  ricin  *.  Quelqu'ait  été  l'effet  pratique  de  la  défense 
proclamée,  le  roi  bienveillant  dut  bientôt  s'apercevoir  que 
des  ordonnances  ne  suffisent  pas  pour  exterminer  la  méchan- 
ceté du  cœur  de  l'homme  ;  il  fut  assassiné  par  son  propre 
frère,  Kanirajânu  ou  Kanijânu-Tishya  ^  L'histoire  de  Ceylan 
n'est  que  trop  riche  en  pareilles  aventures  :  elle  forme  une 
suite  monotone  de  meurtres  de  proches  parents,  de  mas- 
sacres, de  brigandages,  de  débauches,  d'effroyables  haines 

3.  Voir  pour  la  définition  de  ces  termes,  entre  autres,  Sumangala-Vilâsinî, 
23  et  ss. 

4.  Mahâv.  208,  comp.  Dîpav.  20,  24. 

1.  Dîpav.,  21,  37  ;  Mahâv.,  215. 

2.  Mâhav.  215;  dans  Dîpâv.  21,  38,  il  n'est  pas  question  de  l'assassinat. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  375 

sectaires,  le  tout  diversifie  par  rdnumération  de  couvents, 
de  temples  et  de  sanctuaires,  fonde's  par  des  princes,  des 
princesses  et  d'autres  grands  personnages. 

La  mort  d'Âmanda-Gâmanî  fut  suivie  d'un  temps  de  vio- 
lences, sur  lesquelles  le  chroniqueur  le  plus  ancien  n'insiste 
pas,  moins  peut-être  par  le  de'sir  d'étouffer  des  événements 
scandaleux,  qu'à  cause  du  peu  d'intérêt  que  lui  inspiraient 
les  événements  politiques,  en  tant  qu'ils  ne  touchaient  pas 
à  la  construction  de  couvents,  etc.  ;  or,  ces  constructions  se 
poursuivaient  assez  régulièrement.  C'est  ainsi  qu'il  prend 
la  peine  de  mentionner  que  le  roi  Çubha,  un  fils  de  portier, 
fit  bâtir  le  couvent  Çubha  (nommé  ainsi  d'après  lui), 
le  beau  couvent  Vilva,  et  plusieurs  cellules;  mais  il  ne  dit 
pas  que  ce  portier  et  fils  de  portier  avtiit  assassiné  son  maître, 
le  roi  Tishya-Yaçolâla,  comme  nous  le  lisons  dans  la  chro- 
nique plus  récente  ^.  C'est  seulement  cette  source  plus 
récente  qui  nous  apprend  que  Çubha,  à  son  tour,  fut  déposé 
et  assassiné  par  Vrshabha,  qui  dépassa  encore  son  prédé-. 
cessseur  par  la  piété  et  les  bonnes  œuvres,  sous  la  forme 
d'édifices  et  de  dons  à  des  ecclésiastiques  \  Ce  Yrshaba  était 
un  homme  du  bas  peuple  *,  qui  avait  déjà  donné  le  signal  345 
de  la  révolte  sous  Yaçolâla.  Le  récit  bizarre  *  donné  de  ce 
soulèvement  revient  à  ceci  : 

Il  existait  une  prédiction  d'après  laquelle  un  homme,  por- 
tant le  nom  de  Yrshabha,  monterait  un  jour  sur  le  trône.  Le 
roi  Yaçolâla  donna  par  conséquent  l'ordre  d'exterminer  tous 
les  hommes  de  l'île  qui  portaient  ce  nom  fatal.  Parmi  ceux 
que  l'ordre  menaçait  se  trouvait  aussi  un  homme  de  la  race 
des  Lambakarnas  ^  Averti  par  son  oncle   et  sa  tante,  il 

3.  Dîpav.,  21,  47  ;  Mâhav.,  218. 

4.  Pendant  son  règne,  qui  dura  quarante-quatre  ans,  il  célébra  tous  les  ans 
la  fête  de  Vaiçâkha;  on  en  conclurait  que  la  fête,  d'ordinaire,  n'était  pas  célé- 
brée aussi  régulièrement. 

1.  Mahâv.  219. 

2.  Probablement  synonyme  de  Mâtahga,  c'est-à-dire  Paria;  lambakama  et 
mâtanqa  ont  du  reste  tous  les  deux  le  sens  d'  «  éléphant  ». 


376  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

échappa  à  une  perte  certaine  en  se  réfugiant  au  Grand 
Monastère.  C'est  alors  seulement  que  notre  Yrshabha  enten- 
dit parler  de  la  fameuse  prédiction,  qu'il  ne  connaissait  pas 
encore.  Il  prit  son  courage  à  deux  mains,  osa  fomenter  un 
soulèvement,  et  se  mit  à  la  tête  de  quelques  gaillards  auda- 
cieux, à  l'aide  desquels  il  s'empara  de  plusieurs  villages. 
Après  avoir  lutté  pendant  dix  ans,  d'abord  contre  Yaçolâla 
et  ensuite  contre  Çubha,  il  disposa  à  la  fm  d'une  force 
suffisante  pour  marcher  sur  la  capitale,  s'en  emparer, 
tuer  Çubha  dans  son  palais  et  se  rendre  maître  du  parasol 
royal. 

On  peut  supposer  facilement  que  le  chroniqueur,  de  pro- 
pos délibéré  ou  non,  donne  une  idée  fausse  des  événements  ; 
il  est  plus  difficile  de  découvrir  le  véritable  enchaînement 
des  faits.  On  essayerait  en  vain  de  deviner,  d'après  des  don- 
nées aussi  imparfaites,  la  nature  et  la  portée  de  la  révolu- 
tion, de  même  qu'il  serait  inutile  d'approfondir  la  question 
jusqu'à  quel  point  le  clergé  a  eu  la  main  dans  tous  ces 
troubles  '\  A  en  juger  d'après  les  apparences,  il  observa  la 
neutralité,  et  choyait  également  tous  les  princes,  pourvu 
qu'ils  rendissent  des  services  à  la  religion  et  k  l'Eglise. 
L'état  florissant  de  la  religion  sous  Yrshabha  et  le  respect 
qui  entourait  le  clergé,  sous  ce  règne,  peuvent  se  mesurer 
346  aux  bonnes  œuvres  qui  ont  valu  à  ce  prince  *  une  place 
honorable  dans  les  chroniques  du  Grand  Monastère.  Il  fit 
bâtir  dix  Stupas  près  du  Yihâra  sur  le  mont  Getiya,  de  même 
qu'un  Yihâra  près  du  couvent  Jardin  d'Aiçvarya  et  une  mai- 
son pour  les  réunions  du  chapitre.  Partout,  dans  l'île,  on 
répara  les  couvents  qui  menaçaient  ruine  ;  le  roi  satisfit  aux 
besoins  des  moines  en  se  chargeant  de  les  loger  et  de  les 
;Vêtir.  Le  Jardin  du  Stûpa  fut  enrichi  d'une  chapelle,  et  ce 
couvent,  aussi  bien  que  ceux  du  Grand  Monastère  et  du  Mont 


:    3.Lassen,  Ind.  AU.  II,  1015,  présente  sur  cette  révolution  des  considérations 
qui  méritent  d'être  lues. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  377 

Cetiya  reçurent  en  don  chacun  mille  lampes  à  huile  qui  ne 
s'éteignaient  jamais  ^ 

Nous  arrêtons  ici,  au  moment  de  la  mort  de  Vrshabha, 
Fan  i  10  après  J.-C,  la  première  période  de  l'histoire  ecclé- 
siastique de  Ceylan  ;  non  que  cette  mort  fasse  époque,  mais 
afin  d'observer  le  synchronisme  dans  l'histoire  des  deux 
grandes  divisions  de  l'Eglise. 

Pendant  cette  période  de  trois  siècles  et  demi,  le  Boud- 
dhisme atteignit  dans  l'île,  sans  secousses  appréciables,  la 
hauteur  à  laquelle  il  s'est  maintenu  jusqu'aux  temps 
modernes  ^  Un  schisme  s'était  déclaré  dans  l'Eglise  sous  le 
règne  de  Yatta-Gâmani  ;  à  partir  de  ce  moment,  les  sectes  du 
Mahâvihâra  ou  Grand  Monastère  et  d'Abhayagiri  furent  l'une 
en  face  de  l'autre,  animées  de  sentiments  peu  amicaux;  nous 
verrons  dans  la  suite  de  cette  histoire  comment  les  haines 
théologiques  des  frères  amenèrent  de  temps  en  temps  des 
actes  de  violence  brutale  et  même  des  persécutions  haineuses. 


2.  —  Histoire  de  l'Église  sur  le  continent  de  l'Inde.  —  Les 

DERNIERS  MaURYAS.    PuSHYAMITRA.  CONQUÉRANTS   GRECS. 

—  Ménandre  ET  Nâgasena.  —  Conquérants  scYTmQUES  et 

'       AUTRES.   —    KaNISKHA.     TROISIÈME  CoNCILE.    LiSTE   DES 

LIVRES  DE  l'ancien    CANON.  SuRDlVISION  EN  AnGAS.  VaSU- 

MITRA  ET  PArÇVIKA.   AçVAGHOSHA. 

Après  la  mort  du  grand  protecteur  du  Dharma  (vers  231- 
226)  plusieurs  princes  de  sa  dynastie  se  succédèrent,  jusqu'à 
ce  que  *  (vers  182-178)  la  dynastie  des  Mauryas  fût  précipitée  347 
du  trône  et  remplacée  par  celle  de  Çuiigas.  Dans  la  source  la 


1.  Dîpav.,  22,  1,  Mahâv.  220. 

2.  De  nos  jours,  on  estime  le  nombre  total  des  Bouddhistes  dans  l'île  à  un 
milion  et  demi,  ce  qui  est  un  peu  plus  que  la  moitié  de  la  population  totale; 
Tautre  moitié  se  compose  de  Mahométans,  d'Hindous  et  d'un  petit  nombre  do 
Chrétiens. 


378  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

moins  indigne  de  confiance  *  les  noms  des  derniers  Mauryas 
sont  donnés  ainsi  :  Suyaças,  Daçaratha,  Saiigata,  Çâliçûka, 
Somavarman,  Çaçivarman  ^  et  Brliadrattia. 

Des  rois  de  cette  liste,  Devânâmpriya  Daçaratha  nous  est 
connu  par  trois  courtes  inscriptions  à  Nâgârjuni  %  qui  nous 
apprennent  qu'immédiatement  après  son  couronnement,  il 
donna  des  cryptes  pour  servir  de  demeures  permanentes  à 
des  moines  Âjîvikas.  Du  surnom  Devânâmpriya  et  du  fait 
que  ce  prince  a  fait  une  donation  à  une  certaine  classe  de 
gymnosophistes,  nous  ne  pouvons  tirer  aucune  conclusion 
quand  à  sa  religion  personnelle;  il  peut  avoir  été  un  Boud- 
dhiste sincère,  et  avoir  eu,  en  même  temps,  comme  son 
grand-père  durant  sa  période  libérale,  des  sentiments  bien- 
veillants à  l'égard  d'autres  ordres  monastiques. 

Le  prédécesseur  de  Daçaratha,  Suyaças,  pourrait  être  la 
même  personne  que  Kuçala,  mentionné  ailleurs  comme  suc- 
cesseur d'Açoka  *  ;  car  rien  n'est  plus  commun  que  de  voir 
un  prince  indien  porter  deux  noms  à  la  fois,  ou  même  davan- 
tage. Quelques  sources  bouddhiques  appellent  ce  successeur 
Sampadin,  le  fils  de  Kunâla.  Nous  avons  déjà  montré  plus 
haut  pourquoi  il  est  impossible  que  Sampadin  ait  été  le  fils 
de  Kunâla,  et  le  résultat  reste  le  même  en  présence  d'une 
autre  leçon  de  la  légende,  d'après  laquelle  ce  fils  de  Kunâla 
et  successeur  d'Açoka  s'appelle  Yigatâcoka  ^  Le  môme  Viga- 


1.  Vishnu-Purâna  (chez  Wilson,  470);  comp.  Burnouf,  Lotus,  118.  Nous  avons 
rectifié  tacitement  quelques  formes  impossibles. 

2.  Le  texte  porte  Çaça-dharman,  ce  qui  est  un  nom  impossible  ;  pour  la 
signification,  Çaçivarman  équivaut  à  Somavarman;  ce  sont  peut-être  deux 
noms  de  la  même  personne  ;  d'autres  leçons  donnent  Çatadhanvan  ou  Çata- 
dhara. 

3.  Corpus  Inscr.  133. 

4.  Lassen,  Ind.  Alt.  II,  284. 

5.  Târanâtha,  40,  50;  pour  varier,  le  même  auteur,  38,1e  mentionnant 
comme  co-régent.,  l'appelle  Vàsavadatta.  L'hypothèse  de  Lassen, /nd.  ^Z^.  II, 
361,  que  Suyaças  et  Sampadin  auraient  hérité  chacun  d'une  partie  de  l'empire 
d'Açoka,  de  sorte  que  le  premier  devint  roi  à  Pâtaliputra,  le  second  à  Vidiçâ, 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  379 

tâçoka  OU  Yitâçoka  figure  dans  un  autre  ouvrage  qui  a  tout 
autant  d'autorité  que  le  premier,  comme  un  frère  d'Açoka,  né 
du  même  lit  ^  *  Quand  on  tient  compte  du  fait  qu'on  attribue  348 
à  ce  Vigatâcoka  un  règne  de  76  ans,  tandis  que  l'intervalle 
complet  entre  la  mort  d'Açoka  et  la  déposition  du  dernier 
Maurya  n'est  que  de  48  ans  ;  quand  on  se  rappelle  en  outre  que 
Yigatâçoka  peut  signifier  «  lorsqu'Açoka  était  parti  »,  —  il 
est  évident  que  nous  avons  affaire  au  nom  d'une  époque,  non 
h  un  nom  d'homme.  Cette  époque  était  plus  récente  qu'Açoka 
et  venait  immédiatement  après  celui-ci  :  on  pouvait  donc  la 
considérer  comme  son  frère  cadet,  aussi  bien  que  comme  son 
petit-fils.  Le  fait  que  les  événements  qui  auraient  eu  lieu 
sous  ce  roi  allégorique  n'ont  laissé  aucun  souvenir,  est 
prouvé  par  le  conte  suivant,  le  seul  qu'on  ait  su  inventer 
pour  remplir  cette  lacune  de  76  ans.  Il  revient  à  ceci  :  il  y 
avait  dans  le  pays  d'Orissa  un  riche  brahmane,  Râghava,  qui 
se  convertit  aux  Trois  Joyaux.  Un  ange  lui  apparut  dans  un 
rêve,  pour  lui  annoncer  que  le  lendemain  matin  un  moine 
se  présenterait  chez  lui.  Au  moment  indiqué,  un  Père,  tout 
aussi  allégorique  que  le  roi  Yigatâçoka,  et  qui  se  nommait 
Sabbat  (Poshadha),  parut  en  effet;  il  fut  adoré  immédiate- 
ment par  le  brahmane,  qui  réunit  ensuite  80  mille  moines  et 
les  régala  pendant  trois  ans. 

Le  même  historien,  donne,  sur  l'autorité  des  Anciens,  au 
roi  Yigatâçoka  (dont  la  célébrité,  malgré  son  règne  de 
76  ans,  n'a  jamais  égalé  celle  du  roi  Soliveau,  dans  la  fable 
de  Jupiter  et  des  grenouilles)  un  fils  Yîrasena,  autrement  dit 
Indrasena,  qui  aurait  dominé  sur  la  terre  pendant  70  ans  *. 
Ce  nom  rappelle  celui  de  Yrshasena  dans  la  légende  d'Açoka, 
oii  la  liste  est  donnée  ainsi  :  Sampadin,  Brhaspati,  Ypsha- 

est  inadmissible,  car  Texistence  même  de  Sampadin  repose  sur  l'autorité  de 
la  légende  d'Açoka,  et,  dans  celle-ci,  il  figure  comme  co-régent  à  Pâtaliputra. 

6.  Divya-Avadâna,  370,  où  l'on  lit  Yigatâçoka  {sic)\  Burnouf,  Jntrod.  360; 
Vassilief,  remarque  sur  Târanâtha,  287. 

l.Târanâtha,  50. 


380  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

sena,  Pushyavarman  et  Pushyamitra  ^  Gomme  Yîrasenaest 
dit  le  père  de  Nanda,  et  comme,  en  outre,  il  règne  la  plus 
épouvantable  confusion  dans  la  chronologie,  on  n'a  aucune 
349  base  certaine  pour  l'hypothèse,  *  assez  acceptable  en  elle- 
même^  d'après  laquelle  Virasena  et  Yrshasena  seraient  des 
variantes  d'un  seul  et  même  nom  *. 

Quant  à  Çâliçuka,  qui  n'est  mentionné  que  dans  les  listes 
brahmaniques,  on  dit  quelque  part  qu'il  régnait  à  Pâtaliputra, 
qu'il  était  un  prince  ami  de  la  guerre  et  un  tyran,  un  partisan 
de  la  théorie  du  Dharma,  mais  inique  dans  ses  actions  ^  On 
peut  en  conclure  qu'il  passait,  à  tort  ou  à  raison,  pour  un 
Bouddhiste  ardent. 

Brhadratha  ou  Brhadaçva,  le  dernier  des  Mauryas,  fut 
précipité  du  trône,  vers  182-178,  par  le  commandant  en 
chef  des  troupes^,  Pushyamitra;  avec  cet  événement  la 
dynastie  fondée  par  le  vaillant  Candragupta  disparut  défi- 
nitivement de  la  scène  de  l'histoire,  pour  être  remplacée 
par  les  Çuiigas. 

Pushyamitra  était  un  partisan  de  l'ancienne  religion 
védique  ^  et  les  Bouddhistes  le  représentent  comme  l'ennemi 
de  leur  foi  et  un  sacrilège.  Ceci  n'est  certainement  pas  une 
fiction  pure,  bien  que  les  fables  enfantines  qu'ils  nous 
racontent  ne  méritent  pas  la  moindre  confiance  en  ce  qui 
concerne  les  détails.  C'est  ainsi  qu'ils  prétendent  qu'un  jour 
Pushyamitra,  désireux  d'éterniser  son  nom,  ainsi  que  l'avait 
fait  Açoka  \  tint  conseil  un  jour  avec  ses  ministres  sur  le 

2.  Divyâv.  433;  Burnouf,  Introd.  430;  Pushpadharman  et  Pushpamitra, 
dans  ce  passage,  sont  des  formes  impossibles  ;  Pucchavarman  (Vassilief,  sur 
Târanâtha,  287)  est  une  corruption  de  Pushyavarman. 

1.  Schiefner  sur  Târanâtha,  50;  dans  le  drame  Mâlavikâ  et  Agnimîtra  figure 
un  Vîrasena  comme  beau-frère  et  général  d'Agnimitra,  fils  de  Pushyamitra. 

2.  Garga,  cité  dans  la  préface  de  la  Brhat  Safnhitâ,  p.  36. 

3.  Patanjali  sur  Pânini,  3,  2,  123. 

'  4.  Si  le  roi  avait  réellement  cette  ambition,  il  semble  étrange  qull  n'ait  pas 
laissé  de  magnifiques  colonnes  monumentales  ou  des  inscriptions  gravées  sur 
le  roc. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  381 

meilleur  moyen  d'atteindre  ce  but.  Les  ministres  lui  auraient 
conseillé  de  faire  la  même  chose  pour  la  Foi  que  son  illustre 
prédécesseur,  «  un  prince  de  sa  propre  race  ».  — Cette  phrase 
déjà  montre  que  les  auteurs  du  récit  ne  savaient  plus  rien 
du  véritable  rapport  historique  entre  les  Mauryas  et  les  Çun- 
gas;  mais  continuons.  —  Le  roi  fut  d'un  autre  avis,  et  se  fit 
amener  par  un  brahmane  %  son  conseiller  spirituel  *,  à  mar-  350 
cher,  avec  une  armée  complète,  composée  de  fantassins,  de 
chevaux,  d'éléphants  et  de  chars,  contre  le  couvent  du  Jardin 
du  Coq,  près  de  Pâtaliputra,  afin  de  le  détruire.  Au  début, 
il  fut  arrêté  en  son  mauvais  dessein  parle  terrible  rugissement 
que  fit  entendre,  trois  fois  de  suite,  le  lion  de  pierre,  placé 
à  la  porte  du  couvent.  Alors  le  roi  (sur  qui  ce  rugissement 
semble  avoir  fait  peu  d'impression)  convoqua  jusqu'à  trois 
fois  le  chapitre  et  fit  savoir  aux  moines  qu'il  avait  l'intention 
d'abolir  la  religion  de  Buddha;  il  leur  demanda  ce  qu'ils 
aimeraient  le  mieux  voir  détruit  :  le  Stûpa  ou  le  couvent. 
Les  moines  aimèrent  mieux  voir  détruire  le  couvent.  Le  roi, 
suivant  le  vœu  du  chapitre,  fit  détruire  le  bâtiment  *  et 
massacrer  tous  les  moines  qui  l'habitaient.  Puis  il  alla  à 
Çâkala,  où  il  promit  une  récompense  de  cent  deniers  ^  d'or 
à  tout  homme  qui  lui  apporterait  la  tête  d'un  Çramana. 
Un  moine  offrit  volontairement  sa  propre  tête,  afin  d'épargner 
les  sanctuaires  et  les  vies  des  autres  frères;  la  conséquence 
fut  que  le  roi  fit  massacrer  tous  les  saints  du  pays.  Rencon- 
trant de  la  résistance,  il  alla  plus  loin,  jusqu'à  ce  qu'il 
arriva  à  la  fin  à  l'Océan  méridional,  où  il  fut  enfermé  dans 
un  rocher  avec  ses  troupes  et  ses  chars.  A  partir  de  ce 
moment,  Pushyamitra,  enfermé  dans  le  rocher,  reçut  le  sur- 


S,  Divyâv.  434;  Burnouf,  Inlrod.  430. 

1.  Le  couvent  était  complètement  en  ruines  du  temps  de  Hiuen  Thsang 
{Mém.  Il,  6);  le  voyageur  ne  dit  rien  d'une  destruction  violente. 

2.  On  ne  sait  pas  à  quel  moment  les  deniers  romains  furent,  pour  la  pre- 
mière fois,  imités  dans  l'Inde;  naturellement  des  siècles  après  Pushya- 
mitra. 


382  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

nom  de  Munihata  ^  Avec  lui  s'éteignit  la  dynastie  des 
Mauryas  (sic). 

Un  autre  récit  a  Fair  moins  absurde  *  :  «  Pushyamitra,  le 
roi  des  Brahmanes,  d'accord  avec  les  autres  hérétiques,  fit  la 
guerre,  incendia,  du  Madhyadeça  à  Jâlandhara,  une  foule  de 
Yihâras,  et  tua  aussi  quelques  moines,  bien  que  la  plupart 
eussent  réussi  à  se  réfugier  en  d'autres  pays.  Pushyamitra 
.  mourut  cinq  ans  plus  tard  dans  le  Nord  ».  Cette  persécution 
aurait  eu  lieu  cinq  siècles  après  le  Buddha,  par  conséquent 
351  100  ans  après  Kanishka  *.  Comme  ce  prince  vivait  plus  de 
trois  siècles  après  Pushyamitra,  le  récit  doit  être  une  fiction, 
et  cette  fiction  doit  avoir  été  mise  par  écrit  plusieurs  siècles 
après  Kanishka,  lorsqu'on  ne  savait  plus  que  Pushyamitra 
était  monté  sur  le  trône  peu  de  temps  après  Açoka. 

Ce  serait  excessif  de  nier  la  possibilité  d'une  persécution 
religieuse  sous  Pushyamitra,  bien  que  les  «  traditions  »  boud- 
dhiques elles-mêmes  soient  plutôt  contraires  que  favorables 
à  l'idée  d'une  persécution.  En  effet,  si  l'on  avait  conservé 
quelque  souvenir  des  faits  réels,  on  n'eût  pas  eu  besoin  de 
recourir  à  un  amalgame  de  contes  à  la  fois  impossibles  et 
puérils.  Cependant,  pour  plus  d'une  raison,  il  est  possible 
qu'il  y  ait  eu  dans  l'Hindoustan  proprement  dit,  immédiate- 
ment après  la  chute  des  Mauryas,  un  état  des  esprits  défa- 
vorable aux  fils  de  Çâkya.  La  bourgeoisie,  dans  les  sources 
bouddhiques,  est  fréquemment  représentée  comme  mécon- 
tente de  l'augmentation  trop  forte  du  nombre  des  moines, 
nombre  sans  aucun  rapport  avec  les  besoins  réels  des 
populations;  elle  se  rappelait  la  mauvaise  administration  et 
les  extorsions  des    Mauryas  \    et  n'avait  par  conséquent 

3.  Ceci  doit  signifier  «  celui  qui  tue  les  Sages  ».  Malheureusement,  le  mot, 
en  réalité,  veut  dire  juste  le  contraire  :  «  tué  par  le  Sage  »  ou  :  «  par  les  Sages  ». 

4.  Târanâtha,  81. 

1.  Une  remarque  de  Patanjali  sur  Pânini,  5,  3,  99,  tendrait  à  faire  croire  que 
ces  princes,  pour  se  procurer  de  l'argent,  s'étaient  réservé  le  monopole  de  la 
fabrication    des  idoles .    Ce  qu'on  peut,  en  tous  cas,  conclure  avec  certitude 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  383 

aucune  raison  d'être  particulièrement  charmée  d'une  classe 
de  gens  qui,  dans  leur  règlement,  il  est  vrai,  défendent 
d'accepter  le  moindre  don  en  or  et  en  argent,  mais  qui,  en 
même  temps,  considèrent  le  gaspillage  des  deniers  publics 
au  profit  de  la  Congrégation,  comme  la  plus  haute  qualité 
du  prince.  En  présence  d'un  pareil  état  de  l'opinion,  il  est 
possible  qu'il  y  ait  eu,  en  quelques  localités,  des  pillages  de 
couvents,  peut-être  avec  permission  tacite  des  gouvernants. 
Jusqu'ici,  cependant,  nous  n'avons  pas  le  semblant  d'une 
preuve,  même  des  faits  ainsi  réduits  ^ 

De  182  à  70  avant  J. -G.,  en  même  temps  que  la  dynastie  des 
Çuiigas  gouvernait  l'Hindoustan  proprement  dit,  nous  trou- 
vons en  Bactriane,  à  Kabul  et  dans  le  Nord-Ouest  de  l'Inde, 
des  rois  grecs  qui  poussèrent  leurs  invasions  et  leurs  con- 
quêtes jusqu'à  la  Yamunâ,  et  môme  *,  s'il  faut  en  croire  un  352 
récit  indien,  jusqu'à  Oudhe  et  Pâtaliputra.  Si  les  Grecs, 
dont  les  écrivains  brahmaniques  vantent  la  vertu  militaire 
tout  autant  que  le  génie  scientifique,  ne  s'étaient  fait  perpé- 
tuellement la  guerre  entre  eux  \  ils  eussent  probablement 
réussi  à  fonder,  au  cœur  du  pays,  un  empire  plus  solide  que 
celui  qui  fut  établi  quelques  siècles  plus  tard  par  les  Kushanas 
ou  Turushkas. 

Le  plus  célèbre  de  ces  rois  grecs  qui  ont  gouverné  une 
partie  de  l'Inde  est  Ménandre,  vers  150  avant  Jésus-Christ. 
On  a  reconnu,  sans  doute  avec  raison,  ce  nom  dans  celui  de 


de  cette  remarque,  c'est  que  le  trésor,  sous  leur  règne,  était  dans  un  état 
fort  délabré. 

2.  Il  y  a  plus  :  les  Bouddhistels  eux-mêmes  ont  une  théorie  d'après  laquelle 
îl  y  aurait  eu  trois  fois  des  persécutions  et  trois  fois  des  destructions  des 
sanctuaires.  Toutes  les  choses,  bonnes  ou  mauvaises,  sont  triples.  Ces  trois 
persécutions  —  c'est  un  fait  officiellement  admis  —  ont  eu  lieu  dans  Tinter- 
valle  entre  Nâgârjuna  et  Asahga,  c'est-à-dire  entre  150  et  550  après  notre  ère 
(Vassilief,  B.  203).  On  voit  que,  d'après  cette  doctrine,  il  n'y  a  plus  de  place 
pour  les  persécutions  de  Pushyamitra. 

1.  Ce  détail  se  trouve  également  dans  un  ouvrage  brahmanique  :  Garga 
dans  lirliat  Sayhhilâ,  préface,  pass.  cité. 


384  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Milinda  \  Une  anecdote  relative  à  ce  roi,  qui  nous  a  été 
transmise  par  Plutarque  ^  est  cligne  d'attention.  Lorsque 
Ménandre  de  Bactriane,  dit-il,  après  avoir  régné  conformé- 
ment à  la  justice,  mourut  au  camp  de  son  armée,  toutes  les 
villes  de  son  empire  se  chargèrent  en  commun  des  cérémo- 
nies funèbres;  à  cette  occasion,  il  s'éleva  une  dispute  sur  la 
possession  des  ossements  du  prince  bien-aimé;  on  y  mit  fin 
à  grand'peine  par  une  décision,  d'après  laquelle  chaque  ville 
reçut  une  part  égale  des  cendres  du  souverain  défunt.  Ce 
récit,  dont  nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  la  valeur  histo- 
rique, a  l'air  d'une  version  modifiée,  pour  ainsi  dire,  de  la 
légende  du  partage  des  reliques  du  Buddha,  et  il  est  difficile 
de  croire  qu'il  n'y  a  aucun  lien  entre  les  deux  récits.  En 
tout  cas,  leur  ressemblance  semble  indiquer  qu'il  y  a  eu  des 
relations  entre  Ménandre  et  les  Bouddhistes.  Dans  les  Ques- 
tions de  Milinda,  écrit  qui,  comme  on  sait,  représente  le  roi 
grec  comme  un  converti  du  Père  de  l'Eglise  Nâgasena,  on 
nomme  comme  une  de  ses  résidences  la  ville  de  Sâgala  *^,  et 
ce  détail  a  tout  l'air  d'une  tradition  authentique.  Il  n'en  est 
pas  de  même  de  la  chronologie;  mais  celle-ci  est  trop  impor- 
tant pour  ne  pas  s'y  arrêter. 
353  *  L'auteur  inconnu  des  Questions  fait  prédire  par  le  Buddha 
qu'un  certain  novice  renaîtrait  cinq  siècles  après  le  Nirvana; 
ce  personnage  devint  le  roi  Milinda.  Si  l'on  prend  pour  base 
la  date  singhalaise  du  Nirvana,  543  après  J. -G.,  Milinda  serait 
né  l'an  43  avant  notre  ère,  plus  d'un  siècle  trop  tard.  Si  l'on 
prend  comme  point  de   départ  le  couronnement  d'Açoka, 


2.  Forme  pâlie  ;  en  sanscrit  le  nom  est  Milindra,  comme  nous  l'avons  déjà 
vu  plus  haut;  peut-être  faut-il  admettre  une  forme  secondaire,  Minandra,  qui 
pouvait  facilement  donner  Minara  ;  sur  les  monnaies  le  nom  doit  se  lire, 
semble-t-il,  Menanda. 

3.  Reipubl.  gerendae  princ.  28;  comp.  Strabon.  XI,  516. 

4.  Sanscr.  Çâkala,  chez  les  auteurs  grecs  Sagala  Euthydemia,  ou  Sangala; 
la  ville  était  située  à  peu  près  à  remplacement  du  moderne  Amritsar  ;  comp. 
Vivien  de  Saint  Martin  dans   Voy.  des  Pèl.  B.  III,  327. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  38?: 

l'écart  devient  encore  plus  grand  * .  Si  Técrivain  avait  vécu 
vers  les  premières  années  de  notre  ère,  une  pareille  erreur 
eût  été  impossible.  Le  livre  doit  donc  avoir  été  composé  bien 
plus  tard,  certainement  pas  avant  l'an  100  de  notre  ère.  Un 
pareil  témoignage  n'a  aucune  valeur.  De  plus,  l'auteur  des 
Questions  représente  les  six  Hérésiarques,  Pûrana  Kassapa, 
etc.,  comme  étant  encore  en  pleine  activité  du  temps  de 
Milinda,  de  sorte  qu'il  se  moque  soit  de  l'Ecriture  Sainte, 
soit  de  son  lecteur  —  ou  des  deux  à  la  fois. 

Néanmoins  l'affirmation  que  Nâgasena  et  Ménandre  étaient 
contemporains  pourrait  reposer  sur  une  tradition  véridique. 
Mais,  cela  même  serait  impossible  si  Nâgasena  était  la 
même  personne  que  Nâgârjuna,  ainsi  qu'on  l'a  soutenu  par- 
fois ^;  car  toutes  les  sources,  bouddhiques  et  autres,  s'accor- 
dent à  placer  la  naissance  de  Nâgârjuna,  après  Kanishka, 
c'est-à-dire  au  2^  siècle  de  notre  ère. 

Il  faut  observer  pourtant  qu'on  ne  trouve  dans  les  sources 
bouddhiques*  aucune  preuve  de  cette  confusion  de  Nâgasena 
avec  Nâgârjuna,  quelques  embrouillées  et  peu  dignes  de 
confiance  qu'elles  soient  d'ailleurs.  Dans  un  livre  tibétain  ^ 
on  nomme  Nâgasena  parmi  les  16  apôtres  qui,  immédiate- 
ment après  la  disparition  de  Kâçyapa  dans  la  montagne, 
furent  envoyés  vers  toutes  les  régions  afin  de  proclamer  le 
Dharma  *.  Il  s'établit  sur  le  mont  Urumunda  près  de  Raja-  354 
grha  ^  (on  dirait  qu'une  montagne  n'est  pas  un  endroit  bien 
choisi  pour  convertir  les  hommes).  Go  Nâgasena,  connu  aussi 
sous  le  nom  de  Nâgamudra,  est  évidemment  une  figure 
mythologique,  ou  bien  une  simple   fiction,   imaginée  pour 


1.  Entre  cet  événement  (218  après  le  Nirvana)  et  Tan  500,  il  y  a  un  inter- 
valle de  282  années;  si  l'on  place  le  premier  point  vers  260  avant  J.-C,  Mé- 
nandre sera  reculé  forcément  au  premier  siècle  de  notre  ère. 

2.  Burnouf,  Introd.  270. 

3.  Schiefner,  note  43  de  Lebensb. 

1.  D'autres  disent  que  cette  montagne  était  près  de  Mathutà  :  Burnouf^ 
Inirod.  378;  comp.  Schiefner  sur  Târan.  2Hfi. 

Tome  11.  25 


386  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

masquer  la  complète  ignorance  de  ces  mêmes  moines  qui 
tenaient  à  leur  réputation  d'omniscience. 

Tout  autre  est  le  récit  qu'on  trouve  dans  un  autre  ouvrage 
tibétain  de  tout  autant  d'autorité  ^  :  on  y  raconte  qu'il  y  eut 
des  querelles  dans  la  Congrégation,  la  137^  année  après  le 
Buddha,  du  temps  des  rois  Nandin  (mieux  :  Nanda)  et  Mahâ- 
padma;  qu'il  y  eut  un  schisme  et  une  formation  de  sectes  du 
temps  des  Pères  de  l'Eglise  Nâgasena  et  Manoratha  ;  que, 
63  ans  après  ce  schisme,  le  Père  de  l'Église  Vatsîputra  ^ 
recueillit  la  Parole  du  Seigneur.  Bien  qu'il  soit  prouvé  par 
d'autres  témoignages  que  Nanda  Mahâpadma  (coupé  en  deux 
individus,  selon  l'habitude  des  Bouddhistes)  ne  peut  avoir  vécu 
postérieurement  aux  Mauryas,  un  historien  tibétain  *  fait 
vivre  ce  personnage  dédoublé  longtemps  après  Açoka.  On 
peut  se  demander  quelle  raison  a  amené  l'historien  à  com- 
mettre cet  anachronisme  monstrueux  et  à  intervertir  ainsi 
l'ordre  des  dynasties?  Si  l'on  veut  essayer  d'expliquer  cette 
singularité,  il  faut  se  rappeler  que  l'intervalle  entre  Buddha 
et  Kanishka,  chez  les  Septentrionaux,  est  de  400  ou  de 
300  ans.  Si  l'on  admet  ce  chiffre  de  400  ans,  Nanda  Mahâ- 
padma aura  vécu  263  (soit  400  moins  137)  ans  avant  Kanishka, 
et  Nâgasena  de  même.  Supposons  que  Kanishka  soit  monté 
sur  le  trône  l'an  78  après  J.-C,  comme  le  veulent  quelques 
savants,  nous  aurons  alors  pour  Nâgasena  la  date  de  185 
avant  J.-G.  %  et  dans  ce  cas  il  aurait  été  le  contemporain 
de  Ménandre  %  bien  que  plus  âgé  que  celui-ci. 

2.  Voyez  Vassilief  sur  Târan.  298. 

3.  On  semble  avoir  confondu  souvent  Vatsîputra  et  Vajjiputra. 

4.  Târan.  52,  55. 

5.  Si  Ton  prend  l'intervalle  de  300  ans,  le  Père  de  TÉglise  aura  vécu  85  ans 
avant  J.-C. 

6.  Malheureusement,  Tépoque  78  après  J.C.,  indiquée  pour  Kanishka,  est 
très  discutable.  D'après  les  dernières  recherches,  il  semble  plus  probable 
qu'il  a  régné  vers  le  milieu  du  ii^  siècle  de  notre  ère.  Si  Ton  part  de  cette 
dernière  hypothèse,  on  peut  admettre,  entre  Ménandre  (vers  150  avant  J.-C.) 
et  Kanishka,  un  intervalle  de  trois  siècles. 


nrSTOiRE  ECCLÉSIASTIQUE  387 

*  Si  nous  lisons  quelque  part  ^  que  Nâga,  le  savant  Père  355 
de  l'Eglise,  qui  tlorissait  sous  le  roi  Nanda,  donna  lieu  au 
schisme  des  quatre  écoles  et  fit  l'éloge  des  cinq  articles,  il  est 
évident  qu'on  a  voulu  désigner  le  même  individu  que 
Nâgasena  ;  mais  il  reste  douteux  si  ce  personnage,  aussi 
remarquable  comme  originateur  de  schismes  ^  que  comme 
Sage,  correspond  à  une  individualité  historique.  Nous 
croyons  que  si,  mais  nous  croyons  aussi  qu'il  n'a  jamais 
existé  un  illustre  Père  de  l'Église  bouddhique  nommé 
Nâgasena  ou  Nâga,  et  que  c'est  simplement  un  pseudonyme 
de  Patanjali,  l'auteur  du  manuel  du  Yoga  et  du  Mahâ- 
bhâshya,  qui  vivait  réellement  du  temps  de  Ménandre  ^  11 
faut  remarquer  que  les  Bouddhistes  ont  essayé  de  faire 
passer  tout  homme  célèbre  dans  l'Inde,  jusqu'à  leur  adver- 
saire irréconciliable,  Çankara,  pour  l'un  des  leurs  ;  de  même, 
Pànini,  Kâtyâyana  et  Patanjali  sont  placés  par  eux  parmi  les 
«  anciens  docteurs  )>,  à  côté  d'illustrations  bouddhiques  de 
bon  aloi  *. 

Si  nous  biffons  de  bon  cœur  le  Père  de  l'Eglise  Nâgasena 
ou  Nâga  de  la  liste  de  célébrités  bouddhiques,  et  si  nous  ma- 
nifestons quelques  doutes  au  sujet  des  «  sympathies  »  de 
Ménandre  pour  le  Bouddhisme,  vu  qu'on  ne  trouve  aucune 
trace  de  ces  sympathies  sur  les  monnaies  de  ce  souverain, 
nous  ne  nions  pas  que  les  fils  de  Çâkya,  déjà  du  temps  des 
rois  gretîs,  n'aient  fait  des  efforts  vigoureux  pour  répandre  la 
doctrine  salutaire  dans  les  régions  du  Nord-Ouest  de  l'Inde, 
leKashmir,  le  Kabul  et  la  Bactriane.  Dans  tous  ces  pays,  le 
Dharma  a  particulièrement  fleuri  pendant  des   siècles.  Le 


1.  Tàran.,  passage  cité. 

2.  D'autant  plus  remarquable  qu'il  donna  naissance  à  un  schisme,  non  en 
deux,  mais  en  quatre  écoles. 

3.  Il  s'appelait,  entre  autres,  Nâgeça,  maître  des  Nàgas;  et  aussi  Phanin; 
comp.  Vikramânkacarila  de  Billwma,  18,  82;  Hemâdri,  Caturvarga-Cintâmani, 
II,  1,  108. 

4.  Dans  le  dictionnaire  Ma/iâvyutpalti,  §  177. 


388  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DAxNS  LlNDE 

Kashmir  et  le  Gândhâra  furent  partout  renommés  comme  des 
356  pays  où  la  semence  de  la  Foi  *  avait  produit  une  riche 
moisson,  tellement  que  Buddhaghosha  les  met  sur  la  même 
ligne  que  Geylan  ;  de  son  temps  encore,  ces  pays  étaient 
illustrés  par  la  robe  couleur  de  tannin  des  moines  et  animés 
parle  souffle  des  prophètes  \  Nous  avons  déjà  parlé  de  la 
prétendue  conversion  du  Kashmir  et  du  Gândhâra  par 
Madhyântika,  et  des  Stupas  qu'Açoka  aurait  fait  bâtir  dans 
le  premier  de  ces  pays.  Si  Ton  peut  ajouter  foi  à  ce  que 
raconte  Thistoire  du  Kashmir,  le  fils  d'Açoka,  Jaloka,  qui 
succéda  à  son  père  dans  ce  royaume,  quoique  Çivaïte  de 
religion,  n'en  fît  pas  moins  bâtir  un  Yihâra  ^ 

11  est  certain  que  les  fils  de  Çâkya  avaient  déjà  pénétré  en 
Bactriane  au  second  siècle  avant  notre  ère  ;  un  auteur  grec  ^ 
de  Fan  80-60  d'avant  J.-C.  parle  de  philosophes  parmi  les 
Bactriens,  et  nomme  particulièrement  les  Mages  et  les  Sama- 
néens  :  ce  dernier  terme  désigne  sans  doute  les  moines  boud- 
dhiques *.  Peut-être  faut-il  rapporter  à  cette  époque  la 
fondation  du  Nouveau  Monastère  à  Balkh,  la  capitale  du 
pays,  monastère  si  célèbre  du  temps  de  Hiuen  Thsang  et 
encore  plus  tard,  par  les  pèlerinages  qu'on  faisait  vers  cet 
endroit,  du  fond  de  l'Inde,  de  Kabul  et  de  la  Chine  ^ 

Les  monuments  de  Kârli,  de  Nâsik,  d'Ajanta,  d'Amarâ- 
vatî,  dont  les  parties  les  plus  anciennes  remontent  à  l'an  200 


1.  Suita-VA.  p.  316. 

2.  Râja-tarangini^  1,  147. 

3.  Alexandre  Polyhistor,  chez  Cyrille,  Contre  Julien  (édit.  Aubert,  VII,  134), 
coiïip.  Clément  d'Alexandrie,  Stromatés,  I,  p.  339. 

4.  Nous  ne  voulons  pas  nier  la  présence  d'ascètes  jainiques  ou  brahma- 
niques en  Bactriane  ;  on  sait  de  science  certaine  qu'il  y  avait  des  Jainas  aussi 
bien  que  des  moines  çivaites  à  Kapiça,  du  temps  de  Hiuen  Thsang  {Mém.  I,  41)  ; 
de  nos  jours  encore,  il  y  a  un  couvent  de  moines  brahmaniques  à  Baku,  sur 
la  mer  Caspienne. 

5.  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  64  ;  nous  reviendrons  plus  tafd  sur  les  notices  arabes 
cxtrf'mement  intéressantes  relatives  au  Nouveau  Monastère  (Nava-Bihâraj 
chez  H.  Ths.  Nava-saiighârâma). 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  389 

avant  notre  ère,  rendent  témoignage  de  la  propagation  rela- 
tivement ancienne  de  la  doctrine  dans  le  Dekkhan.  Néanmoins 
la  presqu'île,  considérée  en  général,  n'a  pas  été  un  sol  favo- 
rable pour  le  Bouddhisme,  beaucoup  moins  que  pour  le 
Jainisme.  *  Les  Tamils  se  sont  toujours  montrés  les  adver-  357 
saires  résolus  de  la  vraie  Foi  ;  les  chroniques  singhalaises, 
entre  autres,  le  montrent  clairement. 

Si  nous  rentrons  dans  la  région  au  Nord  du  Vindhya,  nous 
trouvons  dans  les  Stupas  de  Sanchi,  Bhilsa  et  Bharhut  des 
restes  de  l'architecture  sacrée  des  Bouddhistes,  qui  datent  de 
Tan  200  avant  J.-G.  environ.  L'antiquité  d'autres  monu- 
ments, tels  que  ceux  près  de  Bénarès,  Sâiikâçya,  Çrâvastî, 
Mathurâ,  Gayâ,  est  trop  incertaine  pour  qu'on  puisse  en  tirer 
des  conclusions;  ils  ont  trop  souffert  ou  ont  été  trop  souvent 
restaurés.  En  général,  le  nombre  des  sanctuaires,  anciens 
ou  modernes,  tels  que  les  fouilles  les  ont  mis  au  jour  ou  que 
les  pèlerins  les  ont  décrits,  n'est  pas  grand,  quand  on  tient 
compte  de  l'immensité  du  territoire  sur  lequel  ils  sont  dispersés. 
Dans  certaines  localités,  on  trouve  un  groupement  de  cons- 
tructions, grandes,  moyennes  et  petites  ;  mais  ces  lieux  saints 
sont  situés  à  une  grande  distance  les  uns  des  autres,  comme 
des  oasis  dans  un  désert.  Si  l'on  rattache  ce  phénomène  au 
fait  que,  dans  les  légendes  aussi  bien  que  dans  des  sources 
parfaitement  dignes  de  foi,  certaines  villes  sont  représentées 
comme  extrêmement  favorables  au  Dharma,  d'autres  comme 
nettement  hostiles,  et  qu'il  est  très  rarement  question  des 
gens  delà  campagne,  on  arrive  au  résultat  que  la  Doctrine  n'a 
fleuri,  dans  le  Madhyadeça,  que  dans  certaines  localités,  tan- 
dis que  dans  l'île  de  Geylan,  le  Mâlava,  le  Sindh,  le  Kashmil 
et  le  Gândhâra,  elle  a  converti  des  populations  en  masse  *. 

1.  Pour  apprécier,  en  gros,  le  nombre  et  l'influence  des  Bouddhistes  dans 
rinde,  relativement  au  nombre  et  à  Tinfluence  des  païens,  il  faut  laisser 
entièrement  de  côté  les  sources  indigènes  et  ne  consulter  que  les  écrivains 
grecs.  On  verra  alors  que  les  Grecs  parlent  dix  fois  de  Brahmanes,  contre  une 
fojs  de  Bouddhistes, 


390  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Les  événements  politiques,  dans  l'Inde,  du  temps  des 
Çungas,  après  Pushyamitra,  et  des  rois  grecs,  après  Ménandre, 
sont  plongés  dans  l'obscurité.  On  connaît  des  noms  de  rois, 
et,  pour  quelques-uns  d'entre  eux,  les  années  du  règne,  mais 
rien  de  plus,  ou  à  peu  près.  Les  historiens  de  l'Eglise,  en  tant 
qu'ils  nous  sont  accessibles,  ignorent  même  ces  maigres 
3^8  détails.  D'autres  données  nous  apprennent  *  que  les  Çungas, 
vers  l'an  70-66  avant  J.-C,  furent  remplacés  par  la  dynastie 
des  Kânvas;  cette  dynastie,  peu  de  temps  après  (25-21  avant 
J.-C.)  fit  place  à  celle  des  Andhrabhrtyas,  qui  aurait  duré 
jusqu'à  l'an  33o  de  notre  ère  \ 

D'un  autre  côté,  la  puissance  des  rois  grecs  prit  fm  avant 
le  milieu  du  premier  siècle  avant  J.-C.  Leurs  successeurs 
furent  des  conquérants  scythes,  dont  nous  avons  les  noms 
sur  des  monnaies,  mais  dont  l'histoire  reste  encore  à  écrire  ^. 
Des  rois  parthes  semblent  également  avoir  régné  pendant  un 
laps  de  temps  plus  ou  moins  long  sur  le  Nord-Ouest  de  l'Inde. 
Les  monnaies  de  ces  princes  sont  des  imitations  grossières 
des  monnaies  grecques,  et  ne  nous  donnent  aucun  droit  de 
supposer  que  les  conquérants  auraient  adopté  telle  ou  telle 
religion  de  l'Inde,  jusqu'à  Kanishka  ^ 

Les  récits  incohérents  du  Tibétain  Târanâtha  ne  répandent 
aucune  lumière  sur  cette  période  de  deux  siècles  et  demi  ; 
tout  au  plus  pourrait-on  y  trouver  l'écho  des  querelles  inces- 
santes des  Saints  entre  eux.  Voici  ce  qu'il  ^  en  dit:  «  Vers  la 
fm  de  la  vie  du  roi  Vîrasena,  durant  tout  le  temps  des  rois 
Nanda-Mahâpadma,  et  vers  le  commencement  du  règne  du 


1.  Ceci  ne  semble  pas  exact  pour  l'Hindoustan  propre,  où  la  puissante 
dynastie  des  Guptas  ne  peut  s'être  emparée  du  pouvoir  après  319.  D'un  autre 
côté,  il  faut  reconnaître  que  ce  ne  fut  que  le  troisième  souverain  de  cette 
dynastie,  Candragupta,  qui  prit  le  titre  d'Empereur. 

2.  Comp.  Strabon,  XI,  8;  Trogue-Pompée,  Prolég.  XLI. 

3.  11  faut  faire  une  exception  pour  les  monnaies  de  Kadphisès,  qui  repré- 
sentent Çiva  avec  le  taureau  Nandin  ;  Thomas,  The  early  faith  of  Açoka,  o9, 

4.  Târanâtha,  61. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  391 

roi  Kanishka  ;  du  temps  donc  de  ces  quatre  rois,  eut  lieu  la 
grande  lutte  entre  les  religieux;  la  lutte  la  plus  violente  dura 
63  ans,  ou,  en  tenant  compte  des  disputes  qui  eurent  lieu 
un  peu  plus  tôt  ou  un  peu  plus  tard,  environ  100  ans.  Au 
moment  oii  l'on  mit  fin  h  cette  lutte,  lors  du  troisième  con- 
cile, toutes  les  sectes,  au  nombre  de  18,  furent  reconnues 
comme  représentant  la  doctrine  authentique  ;  le  Yinaya  fut 
rédigé  par  écrit  ;  quant  aux  Sûtras  et  à  l'Abhidliarma,  les 
parties  qui  n'étaient  pas  encore  rédigées,  furent  mises  par 
écrit,  et  les  parties  qui  l'étaient  déjà,  corrigées.  » 

*  L'époque  du  règne  de  Kanishka  est  incertaine  ^  D'après  359 
les  dernières  recherches,  il  doit  avoir  vécu  au  milieu  du 
deuxième  siècle  de  notre  ère.  Il  régnait  sur  un  vaste  territoire 
qui  comprenait,  entre  autres,  Kabul,   le  Kashmir,   le  Gân- 
dhâra,  l'Inde  occidentale  et  une  partie  du  Madhyadeça. 

Ce  souverain  puissant,  dont  le  souvenir,  dans  l'Eglise  sep-, 
tentrionale,  est  vénéré  presque  à  Fégal  de  celui  d'Açoka, 
n'était  pas  d'abord  un  partisan  de  la  vraie  Foi.  D'après 
quelques-uns  il  aurait  été  converti  par  le  Père  de  l'Eglise 
Sudarçana,  qui  avait  été  jadis  roi  dans  le  Kashmir  sous  le 
nom  de  Simha^  Les  pèlerins  chinois  rattachent  à  cette  con- 
version une  légende  et  une  prédiction  du  Buddha,  que  nous 
pouvons  passer  sous  silence  ^;  ils  établissent  un  lien  entre  cet 
événement  heureux  et  la  construction  du  Grand  Stûpa,  le 
plus  haut  de  l'Inde,  d'après  la  tradition  \  Dans  ce  cas-ci,  la 
tradition  bouddhique  est  vraie  pour  le  fond  et  elle  est  com- 
plètement confirmée  par  les  monnaies,  qui  prouvent  que  Ka- 
nishka était  un  adorateur  des  dieux  iraniens,  Mithra,  laLune, 
le  Soleil,  etc.,  et  qu'il  n'a  dû  embrasser  que  très  tard  la  vraie 

1.  Les  légendes  de  ses  monnaies,  en  caractères  grecs,  rappellent  Kanôshki 
prononcez  Kanîshki,  roi  des  Kushans.  La  race  à  laquelle  il  appartenait,  était, 
d'après  la  Ràja-tarahginî,  celle  des  Turushkas  ou  Turcs. 

2.  Târan.  58.  Lebensb.  310. 

3.  FaHian,  Travels,  34  et  Voy.  des  Pèl.  B.  Il,  107. 

4.  Voir  plus  haut,  p.  150. 


392  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

Foi  ;  car  le  nombre  des  monnaies  où  se  trouvent  des  sym- 
boles du  Bouddhisme  est  absolument  insignifiant  comparé  à 
la  masse  des  autres  ^.  Si  nous  admettons  donc  pour  le  troi- 
sième Concile  l'an  150  après  J.-C,  nous  ne  serons  pro- 
360  bablement  *  pas  très  éloignés  de  la  vérité,  bien  que  la  date 
soit  plutôt  fixée  trop  tôt  que  trop  tard. 

Sur  la  place  oii  le  synode  a  siégé,  les  savants  de  l'Église 
ne  sont  pas  tout  à  fait  d'accord.  L'un  indique  le  couvent  de 
Kuvana  près  de  Jâlandhara,  l'autre  le  Yihâra  de  Kundala- 
vana,  dans  le  Kashmir  \  Le  récit  confus  de  Hiuen  Thsang 
semble  emprunté  à  des  autorités  qui  auraient  voulu  désigner 
le  couvent  de  Tâmasa-vana  près  de  Jâlandhara  ^  Sur  l'occa- 
sion du  Concile,  il  nous  fait  un  récit  qui  mérite  de  trouver 
place  ici,  non  comme  histoire,  mais  comme  une  explication 
purement  théorique  d'un  fait,  dont  les  vraies  causes  étaient 
oubliées  du  temps  du  narrateur. 

Kanishka,  qu'on  représente  comme  un  personnage  qui 
aimait  à  lire  FEcriture  Sainte,  autant  que  ses  occupations 
multiples  le  lui  permettaient,  voyait  avec  une  inquiétude 
croissante  la  division  des  sectes.  D'accord  avec  le  vénérable 
Pârçvika  ou  Pârçva,  il  résolut  de  faire  expliquer  les  trois 
Pitakas  d'après  les  opinions  de  toutes  les  sectes.  D'abord,  le 
Roi  avait  l'intention  de  convoquer  le  synode  à  Râjagrha, 
dans  la  grotte  oii  Kâçyapa,  jadis,  avait  réuni  la  première 
collection  des  Ecritures,  mais,  par  suite  des  remontrances 
ardentes  de  Pârçvika,  qui  le  mit  en  garde  contre  une  ville 
pleine  d'incrédules,  il  renonça  à  son  premier  projet,  et 
résolut  de  convoquer  l'assemblée  dans  son  propre  royaume  ^ 

5.  Thomas,  The  early  faith  of  A.  72,  78. 

1.  Târanâtha,  59,  298.  Lehensh.  310. 

2.  Tâmasa-vana,  «  la  forêt  obscure  »  et  Kuvana  «  la  forêt  mauvaise  »  se 
ressemblent  beaucoup,  d'autant  plus  que  tâmasa  veut  dire  aussi  «  vilain 
homme  ». 

3.  On  se  demande  si  l'auteur  chinois  n'a  pas  inventé  ce  dernier  détail  lui- 
même;  il  y  a,  ea  effet,  un  autre  Râjagrha  non  loin  de  Jâlandhara,  au  Nord- 
Oiîest. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  393 

Il  fonda  dans  ce  but  un  couvent,  où  les  religieux  se  réunirent 
au  nombre  de  500,  sous  la  présidence  de  Vasumitra  *.  Ils 
rédigèrent  d'abord  le  traité  Upadeça,  commentaire  du  Sûtra- 
Pitaka,  *  en  cent  mille  çlokas  *  ;  puis  la  Yinaya-Vibbâshâ,  361 
commentaire  du  Yinaya-Pitaka,  aussi  en  cent  mille  çlokas; 
enfin  l'Abhidharma-Vibhâshci  sur  l'Abhidharma-Pitaka,  con- 
tenant le  même  nombre  de  çlokas. 

D'après  cette  façon  de  représenter  les  choses,  on  se  serait 
occupé,  pendant  le  Concile,  uniquement  de  la  composition 
des  trois  commentaires,  ce  qui  n'est  nullement  d'accord  avec 
les  autres  récits,  et  ce  qui,  en  soi,  n'a  pas  l'air  vraisemblable; 
il  suffit  de  remarquer  ce  qu'il  y  a  de  puéril  dans  l'harmonie 
obtenue  en  attribuant  à  trois  livres  différents  le  môme 
nombre  de  syllabes.  Moins  absurde  et  plus  simple  est  un 
autre  récit,  d'après  lequel  500  xA.rhats  sous  Pârçva  et  500 
Bodhisatvas  sous  Vasumitra  tinrent  le  troisième  Concile, 
pour  recueillir  les  Ecritures,  au  moment  où  les  18  sectes 
existaient  encore  ^  Târanâtha,  lui  aussi,  parle  de  500  Arhats, 
500  Bodhisatvas  et  500  Panditas,  en  ajoutant  la  remarque, 
assez  singulière,  qu'à  cette  époque  le  titre  de  Pandita  n'était 
pas  encore  en  usage.  La  chose  est  plus  simple  qu'il  ne  la  re- 
présente :  Bodhisatva  et  Pandita  sont  également  des  titres  de 
prédicateurs  érudits,  au  moins  d'après  le  langage  des  Mahâyâ- 
nistes  '\  de  sorte  que  l'historien,  au  lieu  de  :  «  500  Bodhi- 

4.  Voi/.  des  Pèl.  B.  II,  172-178.  Par  suite  d'un  lapsus,  Stan.  Julien  (et  non 
Hiuen  Tlisang,  comme  dit  Vassilief  sur  Târanâtha,  298)  écrit  Vasubandhu  pour 
Vasumitra.  La  traduction  chinoise  Chi-yeou,  qui  accompagne  le  nom,est  déci- 
sive, car  elle  désigne  toujours  Vasumitra,  tandis  que  Vasubandhu  s'appelle  en 
chinois  Chi-thsin,  ainsi  que  nous  l'apprend  l'index  môme  de  Stan.  Julien. 
Julien  lui-même,  à  bon  droit,  donne  Vasumitra,  Vie,  95. 

1.  Çloka  est  proprement  une  strophe  de  32  syllabes,  mais  les  Indiens  mesu- 
rent également  l'étendue  des  œuvres  en  prose  d'après  les  çlokas,  granthas,  ou, 
comme  disent  aussi  les  Bouddhistes,  «/d/M*.  Pour  compter  le  nombre  des  çlokas 
d'un  livre,  on  divise  par  32  le  nombre  total  des  syllabes  qu'il  contient. 

2.  Lebensb.  310. 

3.  Voir,  par  exemple,  LoLus,  142-144;  dans  les  strophes  22,  23  et  33,  le  texte 
porte  Pandita,  ce  que  Burnouf  traduit  par  «  sage  »,  comp.  167-179,  ouvrage 


394  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

satvas  et  500  Panditas  »  eût  dû  écrire  «  500  Bodhisatvas, 
autrement  dits,  Panditas  ». 

Nous  avons  déjà  vu  ce  que  le  même  historien  dit  des  tra- 
vaux du  Concile.  Il  n'est  nullement  impossible  qu'il  y  ait  eu 
une  revision  générale  du  Canon.  Les  parties,  rédigées  alors 
pour  la  première  fois,  peuvent  avoir  été  celles  qui  aupara- 
vant n'étaient  pas  généralement  reconnues  comme  cano- 
362  niques  *;  c'est  justement  une  assemblée  conciliante,  comme 
semble  l'avoir  été  le  dernier  Concile,  qui  eût  été  disposée, 
pour  rétablir  la  concorde  entre  les  frères,  à  légitimer  des 
ouvrages  d'origine  suspecte. 

Si  l'on  demande  quels  furent  les  livres  qu'on  reconnut 
alors  comme  faisant  partie  du  canon,  nous  ne  pouvons  don- 
ner à  cette  question  une  réponse  précise,  puisque  nous 
n'avons  aucune  liste  complète  de  ces  livres.  En  tout  cas, 
c'est  l'ancien  canon,  celui  des  Hinayânistes,  qu'il  faut  com- 
parer à  la  rédaction  en  pâli  ;  le  canon  postérieur  des  Mahâyâ- 
nistes  doit  être  entièrement  écarté  \  Malgré  la  prétendue 
reconnaissance  des  18  sectes,  comme  étant  toutes  également 
orthodoxes,  nous  croyons,  qu'en  fait,  on  n'approuva  formel- 
lement qu'une  rédaction  des  livres  sacrés,  sans  désapprouver 
les  autres.  Afin  de  donner  quelque  idée  du  vieux  canon  sep- 
tentrional comparé  à  celui  des  Méridionaux,  nous  sommes 


cité.  Il  est  naturellement  aussi  peu  question  ici  des  Bodhisatvas  mythiques  que 
des  Arhats  mythiques.  La  preuve  que  Bodhisatva  signifie  un  prédicateur  éru- 
die  est  fournie  par  le  fait  qu'un  des  ouvrages  de  i'Abhidharma  est  attribué, 
soit  àPûrna,  connu  comme  le  plus  éminent  des  prédicateurs,  soit  àVasumitra, 
qui  était  le  chef  des  Bodhisatvas. 

i.  Ce  nouveau  canon  n'est  pas  une  nouvelle  rédaction;  c'est  une  création 
entièrement  nouvelle,  bien  que  composée,  en  grande  partie,  d'éléments  plus 
anciens.  Nous  appelons  canon  tout  ce  qui  est  donné  comme  parole  du  Buddha 
et  de  ses  successeurs  immédiats.  Ce  que  les  Chinois  et  Japonais  appellent  les 
trois  Pitakas  n'est  nullement  un  canon,  mais  une  bibliothèque  de  toutes  sortes 
de  livres  des  deux  canons,  en  diverses  rédactions,  et  en  outre  d'écrits  religieux 
et  philosophiques  qui  font  aussi  peu  partie  des  3  Pitakas  que  les  ouvrages  de 
saint  Thomas  d'Aquin  ou  de  Bellarmin  font  partie  de  la  Bible. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  395 

obligés  d'insérer  ici  une  nomenclature  assez  sèche,  qu'on 
voudra  bien  excuser  comme  inévitable. 

En  essayant  de  déterminer  approximativement  quels  livres 
du  Vinaya  ont  pu  être  reconnus  comme  authentiques  par  le 
troisième  Concile,  il  faut  de  toute  nécessité  écarter  d'abord  la 
collection  tibétaine  ;  car  celle-ci  porte  des  traces  qui  indiquent 
qu'elle  a  été  fixée  beaucoup  plus  tard  dans  la  forme  actuelle. 
On  n'a  qu'à  comparer  la  rédaction  tibétaine  du  Prâtimoksha 
aux  rédactions  méridionale  et  chinoise,  pour  s'apercevoir  que 
la  différence  relativement  très  grande  entre  la  première  et  les 
deux  dernières  n'est  due  qu'à  des  modifications  et  des  rema- 
niements postérieurs  dans  la  première.  Les  Chinois  recon- 
naissent quatre  rédactions  du  Yinaya-Pitaka,  rédactions  qui 
appartiennent  à  autant  de  sectes;  trois  de  ces  sectes  sont 
orthodoxes  *,  tandis  que  la  quatrième  est  celle  des  Mahâsâii-  363 
ghikas,  les  schismatiques  de  Vaiçâlî  *.  Nous  n'avons  aucun 
renseignement  sur  les  différences  de  ces  rédactions  entre 
elles;  toutes  ont  ceci  en  commun  ^  que  le  Vinaya  est  divisé 
en  deux  parties  principales.  A  la  première  partie  appartient 
le  Prâtimoksha,  avec  les  éclaircissements  et  excursiis,  qui 
constituent  le  Vibhâga.  A  la  seconde  partie  appartient  tout 
ce  qui  touche  les  institutions  de  l'Ordre  (  Vinaya vastu),  telles 
que  l'entrée,  la  consécration,  le  séjour,  etc.  Si  l'on  compare 
maintenant  la  composition  du  Yinaya-Pitaka  des  Méridio- 
naux, on  voit  que,  pour  l'essentiel,  il  y  a  peu  de  différence. 
Le  Prâtimoksha  et  le  Yibhâga  correspondent  au  Pâtimokkha 
et  au  Vibhaiiga  ;  la  seconde  partie  au  Mahâ-  et  au  CuUa- 
Vagga.   Quand  on   laisse  de  côté  le  Parivâra,   qui  est  un 


1.  Vassilief,  R.,  89.  —  La  différence  entre  sectes  orthodoxes  et  sectes  schis- 
matiques s'eH'ace,  en  théorie,  dès  qu'on  admet  que  les  18  sectes  étaient  égale- 
ment orthodoxes. 

2.  Au  Vinaya  des  Lokottaravâdins,  une  secte  des  Mahâsâhghikas,  appartient 
un  Avadâna,  le  Mahàvastu.  Comme  nous  ne  savons  pas  quels  autres  livres  la 
même  secte  classe  dans  le  Vinaya,  il  est  dilïicile  de  déterminer  à  quelle  partie 
du  Vinaya  des  autres  sectes  nous  devons  comparer  ce  livre. 


396  Histoire  du  bouddhisme  dans  linde 

résumé  des  quatre   premiers  livres,    et  qui  n'est  même  pas 
reconnu  par  toutes  les  sectes  singhalaises,  le  Yinaya  méri- 
dional se  laisse,  lui  aussi,  diviser  en  quatre  parties,  chacune 
avec  son  titre.  Jugeant  d'après  la  rédaction  publiée  du  Prâti- 
moksha  chinois,  et  concluant  de  l'état  de  ce  texte  à  celui  des 
autres  livres  du  Yinaya.  nous  ne  croyons  nullement  impro- 
bable que  le  texte  d'après  lequel  a  été  faite  la  version  chi- 
noise du  règlement  et  des  autres    livres,    représentait    la 
rédaction  du  Vinaya-Pitaka  telle  qu'elle  avait  été  approuvée 
au  troisième  synode,  ou  du  moins  s'en  rapprochait  beaucoup. 
Quant  à  i'Abhidharma-Pitaka,  nous  savons  que  les  Sau- 
trântikas  ^  excluaient  tous  les  livres  qui  s'y  rapportaient  du 
canon  ;  ils  niaient   que   ces  écrits  «  contiennent  la  Parole 
proclamée  par  Buddha,  recueillie  par  Çâriputra  et  d'autres 
Disciples  du  Seigneur  »,  et  soutenaient  que  les  rédacteurs 
étaient  de  simples  croyants.  Quelles  que  soient  les  consé- 
364  quences  qu'on  tire  *  de  cette  opinion  des  Sautrântikas,  il 
est  indubitable  que  les  sept  Abhidarmas,  sous  une  forme  ou 
sous  une  autre,  sont  de  beaucoup    antérieurs   à  la  fin  du 
premier  siècle  de  notre  ère.  En  effet,  ce  n'est  pas  seulement 
par  le  nombre,  c'est  aussi  en  majeure  partie  par  les   titres 
que  les  septAbhidharmas  des  septentrionaux  correspondent  à 
ceux  du  canon  pâli  *  et  comme  on  en  attribue  quelques-uns  à 

3.  Târanâtha,  56;  la  place  que  cette  école  occupe,  relativement  aux  quatre 
autres,  sera  indiquée  dans  le  chapitre  suivant. 

1.  Les  titres  des  7  Abhidharmas  sont,  chez  les  Hînayânistes  naturellement, 
les  suivants  :  i.  Jhâna-Prasthâna  =  pâli:  Patthâna;  2.  Prakarana-pâda  = 
Kathâvatlhu-Pakarana ;  3.  Vijhâna-kâya  =  Vibhanga;  i.  Dharma-skandha  = 
Dhamma-sahgani;  5.  Sahgîti-Paryâya  =  Yamaka:  6.  Prajhapii  ou  Amrta- 
çâslra  =  Piiggala-Panhatti ;  7.  Dhâtu-kâya  =  Dhâtukathâ\  Vassilief  B.  107; 
note  sur  Târanâtha,  296.  La  paternité  de  ces  ouvrages  est  attribuée  à  :  1.  Kâ- 
tyâyana:  2.  Vasimitra;  3.  Devakshema  ou  Devaçârman;  4.  Maudgalyâyana 
ou  (selon  d'autres  :  et)  Çâriputra;  5.  Çâriputra;  d'après  quelques-uns  :  Koshthila; 
6.  Maudgalyâyana  ou  Goshtha;  7.  Pûrna,  le  modèle  des  prédicateurs,  ou  : 
Vasumitra,  le  premier  d'entre  les  Bodhisatvas.  11  doit  y  avoir  un  certain  lien 
entre  le  fait  que  l'ouvrage  n°  2  fut  «  proclamé  »  par  Tishya-Madgalyâyana,  le 
chef  du  troisième  synode  (tradition  méridionale),  et  cet  autre  fait  que  le  même 


ÏÎISTOlRÊ  ECCLÉSIASTIQUE  39Î 

Vasumitra,  on  peut  admettre  que  ces  ouvrages  ont  été,  en 
effet,  reconnus  comme  canoniques  au  troisième  Concile.  En 
effet,  Yasumitra  était  un  des  deux  présidents  de  l'assemblée, 
et  bien  qu'aucun  Abhidharma  ne  puisse  avoir  été  composé 
par  lui  pour  la  première  fois,  on  n'aurait  probablement  pas 
eu  l'idée  de  lui  attribuer  la  paternité  de  quelques-uns  de  ces 
livres,  si  lui  ou  son  parti  eussent  été  contraires  à  Tadmission 
de  l'Abhidharma  dans  le  Canon.  On  n'a  pas  encore  examiné 
les  points  où  la  rédaction  du  Nord  et  celle  du  Midi,  en  ce 
qui  concerne  les  sept  Abhidarmas,  s'accordent  ou  diffèrent 
entre  elles;  mais,  indépendemment  des  résultats  d'une  telle 
recherche,  on  peut  admettre  comme  vraisemblable  que, 
depuis  Kanishka,  on  n'a  pas  fait  de  changement  dans  la 
rédaction  du  Hinayàna.  Afin  de  déterminer  quels  remanie- 
ments ces  livres  ont  subis  avant  cette  date,  un  examen 
comparé  des  deux  canons  serait  nécessaire  ;  pour  le  moment, 
un  tel  examen  est  impossible. 

A  l'Abhidharma  appartient  également  un  écrit  en  14  cha- 
pitres, intitulé  Vibhâshâ,  et  qui  n'est  peut-être  qu'une  rédac- 
tion plus  ancienne  d'un  des  sept  ouvrages  que  nous  venons 
d'énumérer.  Ce  livre,  attribué  à  Kâtyâyana,  est  censé  con- 
tenir les  réponses  de  Buddha  aux  «  questions  de  Çâriputra  *.  »  365 
Or,  Açoka,  dans  sa  circulaire  au  clergé  *,  nomme  parmi  les 
écrits  dont  il  prescrit  l'étude,  les  «  Questions  d'Upatishya  » 
(autre  nom  de  Çâriputra),  qui  ne  sont  probablement  autre 
chose  que  la  Vibhâshâ  en  14  chapitres.  Cet  ouvrage,  à  en 
juger  d'après  les  spécimens  qui  en  ont  été  publiés  %  est  une 
sorte  de  catéchisme  de  l'Abhidharma,  ce  qui  s'accorde  très 
bien  avec  le  fait  que  l'étude  en  a  été  prescrite  à  la  fois  aux 
religieux  et  aux  laïques. 

ouvrage  fut  proclamé  par  Vasumitra,  un  des  chefs  du  troisième  synode  (tra- 
dition septentrionale). 

1.  Corpus  Inscr.,  96. 

2.  Vassilief  sur  ïàranàtha,  295.  —  Un  ouvrage,  intitulé  Questions  de  Cd7'ipu- 
<ra  est  mentionné  par  Bcal,  The  Uuddliist  Tripitaka,  p.  73. 


398  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Le  Sûlra-Pitaka,  reçu  au  troisième  Concile,  avait  sans 
doute  le  même  caractère  universel  que  celui  du  canon  pâli. 
D'après  une  théorie  septentrionale  de  date  postérieure,  on 
divise  les  produits  de  la  littérature  sacrée  en  douze  genres;  ce 
qu'on  exprime  ainsi  :  il  y  a  douze  formes  de  la  proclamation 
du  Dharma  \  On  dit  que  le  Hînayâna  et  le  Mahâyâna  ne  pos- 
sèdent chacun  que  neuf  de  ces  formes;  ce  galimatias,  traduit 
en  langage  intelligible,  signifie  .que  les  Hinayânistes  aussi 
bien  que  les  Mahâyânistes  reconnaissent  neuf  de  ces  Aiigas, 
de  même  que  leurs  frères  méridionaux;  ils  ne  diffèrent 
entre  eux  que  par  quelques  détails  dans  la  liste  des  Aiigas  *. 
366  *  Comme  premier  genre,  on  place  en  tête  de  la  liste  Sûtra, 
ce  qui  correspond  au  pâli  Sutta  (le  genre  Sutta,  lui  aussi, 
est  placé  en  tête  de  Ténumération  chez  les  Méridionaux).  Les 
Sûtras,  c'est-à-dire  règles,  préceptes,  axiomes,  peuvent  et 
doivent  occuper  la  première  place,  en  opposition  aux  com- 
mentaires plus  étendus. 

Les  Geyas,  pâli  Geyyas,  sont,  chez  les  Singhalais,  des 
Suttas  où  les  vers  alternent  avec  de  la  prose  ;  comme  exemple 
d'un  Geyya  on  peut  citer  le  morceau  intitulé  «  l'Exhortation 
à  Sigâla  »,  dans  lequel  les  paroles  du  Buddha  en  prose  sont 
toujours  répétées  sous  forme  métrique  *.  Malgré  cette  théorie, 
un  Geyya  ne  peut  être  un  Sutta,  car  on  place  les  deux  genres 
Tun  à  côté  de  l'autre;  c'est  comme  si  l'on  disait  que  le  bras 
est  une  main  avec  un  anneau  en  plus.  Les  Septentrionaux 
se  figurent  que  les  Geyas  sont  des  cantiques  de  louanges; 


3.  Dharma-pravacanani.  Dharma  (correspondant  à  Veda)  est  ici  tout  le  tré- 
sor des  œuvres  intellectuelles  (sacrées),  toute  la  littérature,  toute  la  science. 
L,es  noms  des  douze  formes  littéraires  sont  :  Sûtra,  Geya,  Vyâkarana,  Gâthâ, 
l[dàna,  Nidâna,  Avadâna,  Ityukta  ou  Itivrttika,  Jâtaka,  Vaipulya,  Adbhuta- 
dharma,  Upadeça;  Vassilief,  B.  109;  Hodgson,  £55. 14. 

4.  Dans  le  Lotus^  ouvrage  capital  du  Mahâyâna,  on  trouve  une  mention  des 
neuf  formes,  chap,  2,  str.  48;  les  noms  sont  cités  pour  la  plupart  dans  la 
str.  44. 

1.  C'est  la  forme  que  présentent  les  Vaipulya-Sûtras  du  Mahâyâna. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  399 

ce  qui  est  une  confusion  évidente  avec  le  genre  Gâthâ  -. 

La  troisième  classe  d'oeuvres  littéraires,  Yyâkarana  (cor- 
respondant au  pâli  Veyyâkarana)  comprend,  dans  le  système 
des  Méridionaux,  tout  TAbbidliarma-Pitaka,  en  outre  les 
Suttas  non  mêlés  de  vers,  et  tout  ce  que  le  Buddha  a  pro- 
clamé, en  tant  que  cela  ne  fait  pas  partie  d'un  des  autres 
Afigas.  Les  Septentrionaux  appliquent  cette  dénomination  à 
des  prédictions  des  Buddhas,  relatives  à  des  événements 
futurs  concernant  eux-mêmes  ou  d'autres  Saints.  C'est  là 
d'ailleurs  le  sens  qu'on  donne  au  mot  pâli  Vyâkarana, 
distinct  de  Veyyâkarana.  Toutes  sortes  de  significations  du 
mot  vyâkarana^  c'est-à-dire  «  analyse  »,  «  séparation  (de  la 
lumière  et  de  l'obscurité),  création  »,  et  «  révélation  »  ont 
été  tellement  embrouillées,  que  le  troisième  Aiiga  ne  repré- 
sente pas  un,  mais  trois  genres  littéraires,  ou  plus  ^. 

*  Les  Gâthâs  sont  des  chansons,  des  poésies,  des  vers.  367 
Naturellement,  il  y  a  des  livres  écrits  entièrement  en  vers; 
il  y  en  a  d'autres  dont  la  prose  forme  la  partie  principale, 
entrecoupée  de  distance  en  distance  par  des  morceaux  versi- 
fiés. Ces  sortes  d'ouvrages  en  prose  entremêlée  de  vers  sont 
plus  nombreux  dans  la  littérature  indienne  que  dans  aucune 
autre;  il  ne  faut  pas  les  confondre  avec  les  Geyas,  le  trait 
distinctif  de  ces  derniers  étant,  comme  nous  venons  de  le 
voir,  que  les  morceaux  versifiés  répètent  sous  une  autre 
forme  ce  qui  a  été  dit  en  prose.  Les  Singhalais,  avec  raison, 
comptent  parmi  les  Gâthâs  tous  les  livres  du  canon  qui  sont 

2.  De  là  vient  que  les  gens  du  Népal  définissent  les  Gâthâs  comme  des 
«  narrative  works  in  verse  and  prose  ».  Ils  se  trompent;  cette  définition  s'ap- 
plique aux  Geyas.  —  Hodgson,  passage  cité. 

3.  Le  Népalais  cité  par  Hodgson  (pass.  cité),  nomme  le  Lalita- Vis  tara  «  un 
Vyâkarana  du  genre  Gâtha  »,  Comme  Vyâkarana  et  Gâthâ  sont  juxtaposés» 
l'un  ne  peut  pas  (^tre  une  subdivision  de  l'autre.  Le  IaZi7a- F.  contient  un  texte 
double,  l'un  en  prose,  l'autre  en  Gâthâ  (c'est-à-dire  en  vers);  c'est  donc,  quant 
à  la  forme,  ce  que  les  Méridionaux  appellent  un  Geya.  C'est  en  même  temps, 
d'après  une  autre  classification,  un  Vaipulya-Sûtra  du  Mahâyâna,  et,  dans 
son  ensemble,  il  n'appartient  pas  à  l'ancien  canon. 


m  tlISTOmE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

écrits  exclusivemant  en  vers,  quelqu'en  soit  d'ailleurs  le 
titre,  par  exemple  le  Dhammapada,  les  Thera-gâthâs,  les 
Therî-gâthâs.  Nous  ne  savons  pas  si  les  Septentrionaux  ont 
conservé  des  Gâthâs  répondant  à  l'ancienne  définition;  on 
les  rencontre  d'autant  plus  fréquemment  comme  textes 
versifiés  répondant  aux  textes  en  prose  des  Vaipulya-Sûtras 
et  des  Avadânas  :  ces  livres,  dans  leur  ensemble,  sont  donc 
des  Geyas. 

Les  Udânas,  effusions  lyriques,  sont  communs  aux  deux 
divisions  de  l'Eglise.  Les  Méridionaux  possèdent  un  recueil 
spécial  de  82  Udânas,  extraits  pour  la  plupart,  sinon  tous, 
d'autres  ouvrages,  oii  ils  se  rencontrent  par  hasard.  Quelques 
unes  de  ces  effusions  ont  été  admises  dans  un  autre  recueil, 
le  Dhammapada  *.  Chez  les  Septentrionaux,  il  existe  une 
anthologie  semblable,  l'Udânavarga,  attribué  à  Dharma- 
trâta  ^ 

Nidâna  signifie,  en  général,  «  cause,  raison,  occasion  ». 
Les  Bouddhistes,  comme  les  Indiens  païens,  emploient  le  mot 
en  plus  d'un  sens;  mais  dans  ]a  liste  des  Aiigas,  il  signifie 
«  l'occasion  »,  par  exemple  l'occasion  qui  a  amené  un  dis- 
cours, un  dialogue.  LesNidânas  sont  donc  des  introductions, 
soit  à  un  discours,  soit  à  un  récit.  Les  Méridionaux  ne  con- 
sidèrent pas  les  Nidânas  comme  une  classe  spéciale  d'écrits, 
en  quoi  ils  ont  grandement  raison,  aucun  livre  ne  se  compo- 
sant exclusivement  d'introductions  ^ 
368  *  Les  Avadânas  (pâli  :  Apadânas)  sont  des  légendes,  des 
descriptions  des  actions  glorieuses  des  Saints  dans  des  exis- 
tences antérieures.  Les  Septentrionaux  ont  aussi  des  Avadâ- 


1.  Par  exemple^  les  vers  153  et  154.  Ces  effusions  présentent  cette  particu- 
larité qu'elles  ne  remontent  pas  seulement  au  Gotamide,  mais  qu'elles  sont 
inséparables  de  chaque  Buddha  :  Jâtaka,  introduction,  16. 

2.  Tàranâtha,  98.  L'auteur  de  la  collection  vivait  après  le  troisième  Con- 
cile. —  L'ouvrage  a  été  traduit  du  tibétain  en  anglais  parRockhill. 

3.  Dans  la  médecine,  Nidâna  forme  une  des  grandes  subdivisions  de  la 
science;  mais  là  le  terme  a  un  sens  tout  spécial,  celui  de  pathologie; 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  401 

nas  qui  traitent  des  aventures  de  rois  pieux,  tels  qu'Açoka. 
II  est  plus  que  douteux  que  des  ouvrages  d'une  date  relative- 
ment aussi  récente  aient  déjà  été  admis  dans  le  canon  du 
temps  de  Kanishka.  Même  des  légendes  de  Saints  plus 
anciens,  telle  que  l'histoire  d'Ânanda  dans  son  existence 
préhistorique,  peuvent  difficilement  être  considérées,  même 
en  théorie,  comme  des  parties  du  canon,  tel  qu'il  est  censé 
avoir  été  fixé  au  premier  Concile.  Les  Méridionaux  ne  con- 
naissent pas  les  Apadânas  en  tant  que  formant  un  Ariga  spé- 
cial, bien  qu'ils  possèdent  une  collection  de  ces  sortes  d'écrits. 
Tant  que  nous  n'aurons  pas  des  données  plus  précises,  il  est 
impossible  de  déterminer  à  quelle  époque  on  a  commencé  à 
introduire  subrepticement  dans  le  canon  ces  légendes  et  ces 
((  gestes  »,  dont  quelques-unes  peuvent  être  relativement 
anciennes. 

Itivrttika,  ou  mieux  Ityukta,  le  huitième  genre,  correspon- 
dant au  pâli  Itivuttaka,  Ilivrtta,  proprement  :  «  c'est  ainsi 
que  cela  se  passa  »,  est  une  histoire,  une  légende,  et,  en  effet, 
les  Bouddhistes  de  la  Chine  désignent  par  ce  nom  de  vieilles 
histoires.  De  même,  en  pâli,  itivutta  signifie  une  vieille  his- 
toire, une  tradition,  une  légende.  A  Itivuttaka  on  attache 
un  tout  autre  sens,  particulièrement  celui  de  sentence 
dogmatique,  de  maxime  concise,  prononcée  par  le  Buddha. 
Le  livre  du  canon,  qui  porte  ce  titre,  contient  110  aphoris- 
mes,  commençant  tous  par  les  mots  :  «  le  Seigneur  a  dit.  » 
La  définition  d'Ityukta  chez  les  Népalais,  qui  ne  connaissent 
pas  Itivrttika,  s'accorde  en  partie  avec  ces  sens  :  «  Ityukta 
est  tout  ce  qui  sert  de  conclusion  ;  l'explication  de  quelque 
discours  qui  précède  ».  Il  n'est  pas  difficile  de  découvrir 
qu'on  a  confondu  deux  mots  différents  et  deux  idées  diffé- 
rentes *.  Comme  classe  d'ouvrages,  *  Itivrttika  n'a  pas  grande  369 
raison  d'être  à  côté  d'Avadâna.  Bien  que  les  Chinois,  dilTé- 

1.  Le  sanscrit  a  deux  mots,  nettement  distincts  par  la  forme,  ilivrlta   et 
ityukta,  qui  donnent  tous  les  deux  en  prâcrit  itivutta. 

Tome  II.  n 


402  mSTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

rents  en  cela  des  Népalais  et  des  Méridionaux,  ne  connais- 
sent pas  Ityukta  comme  nom  d'une  certaine  classe  d'ou- 
vrages, la  chose  ne  leur  manque  pas;  car  le  «  Sûtra  des 
42  articles  »  n'est  autre  chose  que  ce  qu'on  appelle  en  pâli 
un  Itivuttaka  \  S'il  est  réellement  certain  que  ce  Sûtra  a 
été  introduit  en  Chine  vers  l'an  70  après  Jésus-Christ,  —  et 
la  couleur  archaïque  de  l'écrit  semble  bien  le  prouver  — 
on  peut  admettre  qu'il  a  fait  partie  du  canon  fixé  par  le 
Concile  sous  Kanishka. 

Nous  n'avons  pas  besoin  de  nous  étendre  ici  sur  les  Jâta- 
kas,  c'est-à-dire  les  fables  et  les  contes  moraux.  Depuis  un 
temps  immémorial  on  a  employé  la  fable  comme  moyen 
d'éducation  morale,  et  les  sculptures  des  plus  anciens  monu- 
ments bouddhiques,  comme  ceux  de  Bharhut  et  de  Sanchi, 
montrent  clairement  qu'on  attachait  une  grande  valeur  à  la 
fable,  qu'elle  avait  un  caractère  sacré,  et  qu'elle  est  proba- 
blement aussi  ancienne,  comme  partie  du  canon,  que  n'im- 
porte quel  autre  Aiiga.  Il  faudra  des  recherches  ultérieures 
pour  décider  quelle  rédaction  des  Jâtakas  remonte  au  troi- 
sième Concile. 

La  rubrique  Vaipulya  correspond,  quant  au  contenu,  à 
Yedalla,  terme  que  les  Méridionaux  appliquent  à  certains 
Suttas  dont  l'audition  procure  de  la  science  [veda)  et  du  plai- 
sir ^  Ceci  s'accorde  assez  bien  avec  la  définition  népalaise, 
d'après  laquelle  les  Yaipulyas  enseignent  comment,  dans  ce 
monde,  on  peut  acquérir  ce  qui  est  bon  et  utile.  Ils  con- 
tiennent donc  des  leçons  d'une  véritable  sagesse  pratique, 
qui  ne  sacrifie  pas  le  salut  spirituel  de  l'homme  à  ses  intérêts 
temporaires,  sans,  pour  cela,  perdre  ces  derniers  de  vue.  Faute 
des  données  nécessaires,  nous  n'osons  juger  jusqu'à  quel 
point  Vaipulya  est  une  traduction  heureuse  d'un  Yedalla 
370  prâcrit  et  pâli  *.  En  tout  cas,  les  Ruddhistes  du  Nord  con- 

1.  Beal,  Catena,  189. 

2.  Hardy,  E.  M.  172;  Childers,  Dict.  561.  L'explication  indigène  peut  être  à 
peu  près  juste,  quant  au  sens,  indépendamment  de  Fabsurde  étymologie. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  403 

naissent  aussi  le  mot  Vaidalya,  mais  certainement  pas  dans 
le  sens  d'une  chose  qui  procure  de  la  science  et  du  plaisir  \ 
Quel  que  soit  le  genre  que  les  Vaipulyas,  correspondant  aux 
Yedallas,  désignent  en  réalité,  ils  n'ont  de  commun  que  le 
nom  avec  les  Vaipulya-Sûtras  du  Mahâyàna. 

Les  Adbhuta-dharmas,  c'est-à-dire  «  phénomènes  extraor- 
dinaires de  la  nature  »,  sont  traités  dans  des  écrits  que  pos- 
sèdent les  deux  divisions  de  l'Eglise,  aussi  bien  que  les 
Indiens  païens.  Dans  les  canons  bouddhiques  il  n'y  a  pas 
d'ouvrage  spécial  sur  les  merveilles,  et  quand  les  Docteurs 
de  l'Eglise  prétendent  que  tous  les  Suttas  dans  lesquels  il 
est  question  de  pareils  sujets  doivent  être  comptés  parmi  les 
Adbhuta-dharmas,  il  va  de  soi  qu'il  n'existe  pas  de  rubrique 
spéciale  de  l'Ecriture,  pas  d'Aiiga,  où  se  trouve  ce  titre.  Les 
Indiens  païens  ont  une  classe  spéciale  pour  de  pareils 
ouvrages  ^. 

La  division  Upadeça,  c'est-à-dire  en  général  «  leçon, 
instruction  »,  n'est  pas  comptée  parmi  les  9  Arigas  par  les 
Méridionaux.  Les  Upadeças  sont  dits  contenir  un  examen 
analytique  de  la  doctrine,  ce  qui  nous  fait  croire  qu'ils  cor- 
respondent à  un  ouvrage  du  canon  pâli  intitulé  Niddeça  (Nir- 
deça),  ouvrage  contenant  un  commentaire  détaillé  de  Çâri- 
putra  sur  une  partie  du  Sutta-Nipâta. 

Indépendamment  de  la  division  en  neuf  Arigas,  il  y  a, 
pour  le  Sûtra-Pitaka,  une  division  en  quatre  Âgamas, 
recueils  de  la  doctrine  traditionnelle,  qui,  quant  aux  titres, 
correspondent  aux  quatre  premiers  Nikâyas  du  canon  méri- 
dional '\ 

1.  Vassilief  surTâranâtha,  302;  ce  passage  ne  donne  pas  le  moyen  de  déter- 
miner la  signification  exacte  du  mot,  et  tant  qu'on  ne  connaît  pas  la  signifi- 
cation d'un  mot,  tout  essai  d'étymologie  est  prématuré.  D'après  la  forme,  vai- 
dalya peut  aussi  bien  se  rattacher  à  vidalla  dans  sauvidalla  (comp.  vidvala, 
rusé),  qu'à  vidala  chitï'on,  copeau,  bambou  fendu. 

2.  Entre  autres,  un  Adbhuta-Brâhmana,  une  Adbhuta-çânti,  etc. 

3.  Voici  les  titres  :  Dîrgha-,  Madhyama-,  Samyukta-  et  Ekottarika-Àgama 
(pâli  Atiguttara);  Burnouf,  Introd.  48;  Vassilief,  B.  115;  Beal,  Tripitaka^  lll. 


404  HISTOIRE  DU  BOUDDHlSxME  DANS  L'INDE 

Quant  à  la  langue,  choisie  par  le  Concile  pour  la  revision 
371  du  Canon  *,  jusqu'ici  on  ne  peut  rien  déterminer  avec  certi- 
tude. Il  n'est  nullement  impossible  qu'on  ait  profité  de  Tocca- 
sion  pour  traduire  les  écritures  sacrées  du  mâgadhi  ou  de 
quelque  autre  dialecte  populaire,  en  sanscrit,  tant  bien  que 
mal.  Nous  nous  contentons  d'indiquer  ici  le  problème,  sans 
essayer  de  le  résoudre,  ne  pouvant  entrer  ici  dans  de 
pareilles  recherches. 

Le  troisième  Concile  n'a  eu,  autant  que  les  données  dont 
nous  disposons  nous  permettent  de  prononcer  un  jugement 
précis,  aucune  influence  décisive  sur  le  développement  pos- 
térieur de  l'Eglise.  Bien  loin  d'ouvrir  une  nouvelle  période, 
il  n'a  fait  qu'approuver  les  choses  anciennes.  Peu  de  temps 
après,  se  manifesta  une  nouvelle  tendance,  celle  du  Mahâyâna; 
une  tendance  qui,  préparée  depuis  plus  ou  moins  longtemps, 
se  développa  puissamment  au  troisième  siècle,  et  dans  les 
siècles  postérieurs,  fortifiée,  comme  elle  était,  et  par  le  Çi- 
vaïsme  qui  faisait  de  plus  en  plus  des  progrès,  et  par  l'Hin- 
douisme philosophique,  dont  l'expression  la  plus  pure  se 
trouvait  dans  la  Bhagavad-Gîtâ. 

Avant  de  prendre  congé  du  Concile  et  de  terminer  cette 
époque  de  l'histoire  ecclésiastique,  nous  devons  dire  quelque 
chose  des  deux  personnages  principaux,  Yasumitra  et  Pâr- 
çvika.  Le  premier,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  des  homo- 
nymes postérieurs  *,  est  connu  comme  l'auteur  d'un  ou  de 
plusieurs  Abhidharma-Sûtras  %  certainement  à  tort,  comme 
nous  l'avons  remarqué  plus  haut.  Le  second,  originaire  du 
môme  pays  de  Gândhâra  qui  produisit  tant  de  lumières  de 
l'Eglise,  avait  été  originairement  un  savant  brahmanique,  qui 
n'aurait  revêtu  la  robe  rouge  qu'à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  ^ 

1.  Un  d'eux  est  connu  corame  l'auteur  d'un  conmientaire  détaillé  {Mahâ- 
bhâshya)  sur  l'Abhidharma-Koça  de  Vasubandha  et  d'un  livre  sur  les  18  sectes  ; 
Tàran.  174  comp.  68. 

2.  Hiuen-Thsang,  Mém,  I,  119,  appelle  l'ouvrage  un  çâstra,  manuel  :  Pra- 
karanapàdaçâstra . 

3.  Voy.  des  PèL  B.  II,  114,  où  l'on  peut  lire  une  histoire  comment  des  ga^ 


HISTOIRE   ECCLÉSIASTIQUE  '    .405 

Quelques-uns  lui  attribuent  le  mérite  d'avoir  converti  le 
multiforme  Açvaghosha,  mais  d'autres  laissent  l'honneur 
de  cette  conversion  à  Ârya-Deva,  qui  vécut  un  siècle  plus 
tard*  *.  Il  est  dangereux  d'être  trop  affirmatif  au  sujet  d'une  372 
personnalité  aussi  légendaire  qu'Açvagliosha,  heureux  pos- 
sesseur de  neuf  noms  ;  Mâtrceta,  Pitrceta,  Durdharsha,  Dur- 
dharsha-Kâla,  Dhârmika,  Subhûti,  Maticitra,  Çûra  et  Açva- 
ghosha  *.  Nous  disons  seulement,  que,  selon  nous,  il  n'est 
pas  du  tout  un  homme,  mais  simplement  Kâla,  c'est-à-dire 
une  forme  de  Çiva.  Nous  verrons,  dans  le  chapitre  suivant, 
pour  quelles  raisons  cette  personnification  de  l'influence  du 
Çivaisme  a  été  placée  à  l'époque  de  Nâgârjuna.  Du  reste, 
l'identification  d'Açvaghosha  avec  Çiva  ne  mérite  même  pas 
le  nom  d'une  découverte  ingénieuse,  on  la  trouve  en  tout 
autant  de  mots  chez  Taranâtha  :   «  Lorsqu'il  (Kâla-Açva- 
ghosha)  fut  devenu  très  versé  dans  les  formules  des  Tantras 
et  des  Mantras  et  aussi  dans  la  dialectique,  il  fut  initié  dans 
ces  sciences  par  Çiva  lui-même.  »  Ces  paroles,  pour  être  du 
galimatias,  n'en  sont  pas  moins  intelligibles.  Probablement, 
Açvaghosha  est,  sinon  Avalokileçvara  lui-même,  du  moins 
le  nom  de  l'époque  où  fut  introduit  le  culte  de  ce  Bodhisa- 
tva  ^.  D'un  adversaire  du  Bouddhisme,  il  en  devint  plus  tard, 
à  ce  qu'on  dit,  un  partisan  zélé  :  c'est-à-dire,  les  mauvaises 

mins  traitèrent   le   vieillard,  devenu  moine,  de   pauvre    sire  et   de   sot,   et 
comment  cela  donna  lieu  à  son  nom  Pârçva. 

4,  Vassilief,  B.  79,  2il,  où  Ton  peut  lire  la  légende  de  la  conversion.  La 
même  k'-gende  est  racontée  par  Hiuen-Thsang,  Mém.  1,  434,  à  propos 
d'Ârya-Deva,  représenté  comme  contemporain  d'Açvaghosha,  Mém.  II,  214. 
Chez  le  môme  voyageur,  ce  n'est  pas  Açvaghosha  qui  figure  en  compagnie  de 
Çâriputra  et  de  Sanjaya,  ainsi  que  le  porte  la  traduction  française,  mais 
Açvajit;  Mém.  II,  52. 

1.  Taranâtha,  90. 

2.  De  là  vient  qu'on  raconte  qu'il  a  reçu  une  indication  de  Tara  (sa  Çakti, 
c'est-à-dire  Durgâ),  Taranâtha,  91 .  Il  est  aussi  connu  comme  le  premier  poète 
lyrique  «  qui  ait  délivré,  par  ses  hymnes,  le  Bouddhisme  de  ses  formes  sco- 
lastiques  et  pédantcsques,  et  l'ait  rendu  abordable  au  peuple,  qui  chantait 
ses  cantiques  en  l'honneur  du  Buddha,  »  Vassilief,  B.  48, 


406  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

relations  entre  les  moines  çivaïtes  et  bouddhiques  devinrent 
meilleures,  après  que  les  fils  de  Çâkya  eurent  introduit  chez 
eux  subrepticement  un  Çivaïsme  masqué.  Et  ce  fait  est 
historiquement  exact  :  les  fils  de  Çâkya  étaient  continuelle- 
ment engagés  dans  les  luttes  les  plus  violentes,  —  chaque 
page,  jpour  ainsi  dire,  de  leur  histoire  ecclésiastique  le 
prouve  —  contre  des  coreligionnaires  ou  contre  les  Jainas, 
mais  non  contre  les  Çivaïtes.  Dans  la  période  dont  nous 
allons  traiter  maintenant,  les  luttes  entre  les  frères,  et  dans 
le  Nord  et  dans  le  Midi,  furent  plus  âpres  que  jamais,  si 
bien  que,  même  si  les  fils  de  Çâkya  avaient  eu  la  science 
373  nécessaire  pour  lutter  contre  les  Indiens  païens  *,  le  temps 
leur  en  eût  manqué,  aussi  bien  que  l'envie  :  ils  étaient  trop 
occupés  à  se  combattre,  à  se  dénigrer,  à  s'injurier  entre  eux. 


CHAPITRE  III 


TROISIÈME   ÉPOQUE.    —    DE    KANISHKA    A    LA    FIN    DU    MOYEN    AGE 


1.  —  L'Église  a  Ceylan.  —  Hérésie  sous  Tishya.  —  Le  Stha- 
viRA  Deva.  —  Hérésie  sous  Meghavarna.  —  Troubles  dans 
l'Église  sous  Mahâsena;  destruction  du  MahâvihAra.  — 
État  florissant  d'Abhayagiri  ;  Buddhaghosha.  —  Renou- 
vellement DES  hérésies.  —  Invasions  étrangères.  —  ParA- 
krama-BAhu  le  Grand.  —  La  concorde  rétablie  dans 
l'Eglise.  —  Le  tyran  Mâgha  ;  persécution  ;  ParAkrama- 
Bahu  III.  —  Décadence  du  pays. 

Après  la  mort  de  Vrshabha,  souverain  de  basse  origine, 
mais  de  grand  mérite  personnel,  il  s'écoula  un  siècle,  pen- 
dant lequel  on  ne  peut  signaler  que  la  fondation  de  plusieurs 
sanctuaires  nouveaux  et  Tembellissement  ou  l'agrandisse- 
ment des  anciens  ^  Le  règne  de  Tishya,  qui  monta  sur  le 
trône  en  209  ou  217  ^  est  au  contraire  très  intéressant.  Vers 
cette  époque,  on  vit  paraître  une  sorte  d'hérésie,  appelée 
((  la  doctrine  du  Yetuliya  »  \  De  mauvais  moines  procla- 

1.  Sources:  Dîpav.  chap.  22;  Mahâv.  225  ss.  Comp.  Lassen,  Ind.  Alt.  II, 
1020  ss.,  IV,  279  3S. 

2.  Les  deux  chroniques  s'écartent  considérablement  l'une  de  l'autre  en  ce 
qui  concerne  la  suite  des  souverains  et  les  années  des  r(''gnes. 

3.  Forme  que  donne  le  Mdhav.,  on  peut  en  rapprocher  Vetulla,  dans  une 
variante  du  Dîpav.,  22,  45;  ailleurs,  ce  dernier  écrit  ne  parle  que  de  Vitanda- 
vâda,  a  chicane  ».  Cette  soi-disant  hérésie  n'est  pas  comptée  parmi  les 
trois  hérésies  de  Ceylan  officiellement  reconnues  :  1.  celle  des  Dharmarucikas; 

2.  celle  des  Sâgalikas;  3.  une  hérésie  anonyme,  sous  Agrabodhi. 


408  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

mèrent  des  principes  non  permis  et,  par  leurs  subtilités  et 
leur  manie  de  couper  des  cheveux  en  quatre,  ils  firent 
grand  mal  à  la  vraie  Foi.  Le  roi  sut  réprimer  cette  doctrine 
dangereuse,  avec  l'aide  de  son  ministre  Kapila,  et,  afin  de 
donner  aux  serviteurs  de  la  Parole  un  témoignage  brillant 
de  son  affection,  il  leur  donna  une  grande  somme  d'argent 
374  et  fit  payer,  dans  toute  l'île,  les  dettes  des  religieux  *.  Il 
prenait  également  soin  à  ce  qu'on  eût  toujours  sous  la  main 
une  quantité  suffisante  de  remèdes  pour  le  traitement  des 
malades  ;  il  avait  été  poussé  à  cette  bonne  action,  par  le 
Sthavira  Deva,  qui  lui  avait  prêché  le  Sûtra  «  sur  les 
malades  ». 

Cette  mention  flatteuse  de  Deva  *  autorise  la  supposition 
qu'il  n'était  pas  le  premier  venu,  et  en  effet,  les  Septentrio- 
naux, eux  aussi,  font  grand  cas  de  Deva,  ou,  comme  ils 
rappellent,  avec  adjonction  d'un  titre  honorifique  :  Arya 
Deva.  Toutes  les  sources  sont  d'accord  sur  ce  point  que 
Deva  était  originaire  de  Geylan,  et  un  contemporain  plus 
jeune  de  Nâgârjuna  %  dont  il  aurait  été  le  rival.  Nous 
devons  accueillir  avec  réserve  le  récit  d'après  lequel  il 
aurait  été  l'élève  de  Nâgârjuna,  de  môme  que  la  légende 
scolastique,  que  le  maître,  un  jour,  joua  le  rôle  d'avocat  du 
Diable  et  soutint  les  thèses  des  hérétiques  contre  Deva,  qui 
vainquit  brillamment  Nâgârjuna,  après  une  dispute  qui  avait 
duré  une  semaine  '\  Târanâtha  soutient  que  Deva  était,  du 
temps  de  Candragupta  *,  recteur  du  Collège  de  Nâlandâ. 
Ceci  ne  peut  être  vrai  si  l'ère  des  Guptas  commence  en 
319  après  J.-C,  mais  cette  inexactitude  n'ébranle  pas    le 

1.  Quelques  années  plus  tard,  il  flgure  de  nouveau  comme  prédicateur. 
Dîpav.  22,  50. 

2.  Lebensb.  310  ;  Târanâtha,  83  ;  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  186  ;  II,  432,  435. 

3.  Hiuen  Thsang  {Mém.  p.  c.)  raconte  en  détail,  comment  le  même  Deva 
monta,  à  Pâtaliputra,  dans  le  clocher,  et  y  sonna  la  grande  cloche,  malgré 
la.  défense  du  roi.  D'autres  racontent  la  même  anecdote  à  propos  d'Açva- 
ghosha. 

4.  Le  Candragupta  de  la  dynastie  des  Guptas. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  409 

témoignage  unanime  des  Septentrionaux,  d'après  lequel 
Nâgârjuna  vint  au  monde  après  le  Concile  sous  Kanishka. 
Il  est  donc  fort  possible  que  Deva  ait  été  un  contemporain 
plus  jeune  de  Nâgârjuna  '\  Il  faudra  faire  bien  des  réserves 
sur  la  théorie  des  Septentrionaux,  d'après  laquelle  Deva 
était  un  partisan  du  Mahâyâna  :  comme  nous  l'avons  déjà 
vu,  les  fils  de  Buddha,  et  les  Mahâyanistes  comme  les 
autres,  ont  le  faible  de  vouloir  compter  parmi  les  leurs  tous 
les  grands  hommes  *  et  les  principaux  dieux  par-dessus  le  375 
marché  ^  Il  est  probable  que  c'est  également  pour  mainte- 
nir intact  le  prestige  du  Mahâyâna  qu'on  a  représenté  la  dis- 
pute entre  Nâgârjuna  et  Deva  comme  une  discussion  pour 
rire.  Tout  le  récit  —  dont  personne,  croyons-nous,  ne 
défendra  le  caractère  historique  dans  la  forme  actuelle  — 
fait  l'impression  d'avoir  été  arrangé  de  manière  à  déguiser  la 
défaite  de  tel  ou  tel  docteur  Mahâyâniste  dans  une  polémique 
contre  Deva. 

Après  Tishya,  on  voit  se  succéder  quelques  princes,  qui, 
pendant  la  courte  durée  de  leur  règne,  manifestent,  selon 
leur  pouvoir,  leur  zèle  pour  l'Église,  jusqu'à  ce  que,  vers 
248,  Abhaya,  surnommé  Goshthaka  ou  Meghavarna,  un 
homme  du  bas  peuple,  comme  ses  prédécesseurs  immédiats, 
se  fut  emparé  du  trône.  En  251^  les  disputes  entre  les  moines 
du  Grand  Monastère  (Mahâ- Vihâra)  et  ceux  d'Abhayagiri  écla- 
tèrent de  nouveau  ^  Cette  querelle  donna  lieu  au  schisme  dit  • 


5.  Lebensb.  310  nous  lisons  que  Nâgârjuna  monta  au  Ciel  à  l'âge  de  soixante 
ans.  Admettons  qu'il  soit  mort  en  220  et  que  Deva  ait  prononcé  son  ser- 
mon devant  Tishya,  après  avoir  voyagé  dans  sa  jeunesse  sur  le  continent  de 
rinde,  alors  il  peut  très  bien  avoir  rencontré  son  soi-disant  maître  et  rival 
vaincu. 

1.  L'honnête  Hiuen-Thsang  (Mé;n.  I,  140)  déclare,  avec  la  plus  grande  naï- 
veté, que  les  Singhalais,  au  moment  oii  ils  venaient  d'être  convertis  par 
Mahendra,  suivaient  l'école  des  Sthaviras,  «  école  qui  se  rattachait  au 
Mahâyâna.  » 

2.  D'après  Mnhdv.  231,  où  il  est  question  du  renouvellement  de  Thérésie 
Vetuliya.  Le  récit  plus  détaillé  dans  le  commentaire  sur  la  chronique,  che? 


410  IIISTOTRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

des  Sâgalikas,  au  sujet  duquel  on  donne  les  détails  suivants. 
Des  moines  du  groupe  qui  devait  plus  tard  fonder  le  monas- 
tère de  Jetavana  s'étaient  séparés,  déjà  avant  la  fondation  de  ce 
couvent,  des  Dharmarucikas  et  s'étaient  rendus  au  Couvent 
du  Midi.  Ces  nouveaux  hérétiques,  connus  sous  le  nom  de 
Sâgalikas,  déclarèrent  que  les  deux  Vibhaiigas  du  Vinaya-Pi- 
taka  étaient  apocryphes,  et  ils  eurent  plus  tard  le  dessus 
dans  le  couvent  de  Jetavana,  qui  fut  fondé  vers  290  par  le 
roi  Mahâsena  et  achevé  en  302  par  le  fils  de  celui-ci.  La  date 
officielle  du  schisme  des  Sâgalikas,  nommés  plus  tard  Jeta- 
vanistes,  est  par  conséquent  2ol.  —  C'est  là  le  récit  du  com- 
mentaire du  Mahâvaihsa ,  mais  la  chronique  elle-même 
dit  que  les  moines  d'Abhayagiri  se  rendirent  de  nouveau 
coupables  de  l'hérésie  Vetuliya  ;  que  ceux  du  Grand  Monas- 
tère luttèrent,  au  contraire,  vaillamment  pour  la  pureté  de 
376  la  foi  *  et  surent  obtenir  qu'une  soixantaine  de  leurs  adver- 
saires fussent  enlevés  et  exilés  sur  le  continent.  Les  exilés 
trouvèrent  un  allié  dans  un  certain  Sthavira  de  la  côte  de 
Coromandel,  nommé  Saiighamitra,  qui  se  posa  en  leur  défen- 
seur. Il  se  rendit  à  Ceylan,  parut  fièrement  dans  une  assem- 
blée tenue  sous  la  présidence  de  Sarighapâli,  dans  le  Stûpâ- 
râma,  et  eut  l'audace  de  faire  la  leçon  aux  hommes  du 
Grand  Monastère  et  d'imposer  silence  à  leur  président. 

Il  semble  que  le  moine  étranger  était  soutenu  en  secret 
par  le  Roi  ;  ce  qui  est  sûr,  c'est  que  celui-ci  le  nomma  pré- 
cepteur de  ses  deux  fils,  Jyeshtha-Tishya  et  Mahâsena.  Saii- 
ghamitra ne  manqua  pas  de  tirer  parti,  autant  que  possible, 
de  sa  position  brillante  et  réussit  à  se  créer,  à  la  cour  et 
auprès  des  grands,  une  influence  qui  devait  devenir  plus  tard 
fatale  à  la  paix  de  l'Eglise. 

Bien  que  le  roi  fût  prévenu  d'une  façon  inexcusable  contre 
les  religieux  du  Mahâvihâra,  et  beaucoup  trop  influencé  par 

Turnour,  préface,    ci,  est  en  désaccord  sur  ce  point  avec  la  chronique  elle- 
même. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  411 

le  Père  étranger,  il  n'en  fut  pas  moins  un  roi  pieux,  qui  se 
rendit  utile  par  la  fondation  des  couvents  et  d'autres  sanc- 
tuaires, ainsi  que  par  de  riches  donations  à  la  Congrégation. 
Son  fils  Jyeshlha-Tishya,  qui  lui  succéda  en  261,  est  égale- 
ment mentionné  avec  éloge  ;  il  était  très  généreux  envers 
l'Eglise,  construisit  plusieurs  édifices,  entre  autres  le  couvent 
sur  le  mont  Pracîna-Tishya,  un  autel  de  pierre  autour  de  l'ar- 
bre Bodhi,une  salle  pour  célébrer  l'Uposatha  près  du  Couvent 
du  Midi  ^  Il  n'était  pas  en  de  très  bonnes  relations  avec  son 
frère  Mahâsena  et  son  ^ancien  précepteur;  le  dernier  préféra 
môme  se  réfugier  sur  le  continent,  immédiatement  après  que 
Tishya  fut  monté  sur  le  trône. 

Dès  que  le  frère  cadet  et  successeur  de  Tishya  eut  pris  le 
gouvernement  en  mains  (en  27o),  les  affaires  religieuses 
prirent  une  mauvaise  tournure,  le  parti  hétérodoxe  levant 
de  nouveau  la  tête  et  étant  soutenu  par  le  roi,  qui  avait 
d'ailleurs  de  bonnes  qualités.  Le  Dîpavamsa  —  qui  s'arrête  à 
la  mort  de  ce  roi  *  —  raconte  qu'il  y  avait  parmi  les  religieux  377 
de  vrais  et  de  faux  frères,  les  uns  étant  de  véritables  ascètes, 
les  autres  des  ascètes  pour  rire.  Ces  derniers  entraînèrent  le 
roi  aveuglé  et  poussèrent  l'audace  jusqu'à  proclamer  des 
thèses  directement  contraires  aux  préceptes  les  plus  clairs 
de  l'Ecriture  Sainte.  Ces  misérables,  parmi  lesquels  on 
nomme  l'odieux  Sona  et  Dur-mitra  \  osèrent  prétendre  que 
les  vœux  ne  peuvent  être  prononcés  que  par  une  personne 
qui  a  atteint  l'âge  de  vingt  ans  accomplis  après  la  naissance, 
tandis  que  l'Ecriture  dit  clairement  qu'on  peut  compter  les 
années  en  partant  de  la  conception  ^  Ils  proclamèrent  égale- 


1.  Une  donation  de  Jyeshtha-Tishya  est  mentionnée  dans  une  inscription, 
n"  67  chez  le  D""  E.  Mûller,  Ancient  Inscriptions  in  Ceylon. 

1.  C'est-à-dire  :  Mitra  de  Malheur  ;  ce  n'est  pas  un  nom,  mais  un  terme  inju- 
rieux, formé  sur  le  modèle  de  Saiigha-mitra. 

2.  Cotte  permission  est  donnée  dans  le  Mahâ-V.  1,  7o,  Nous  suivons  la  leçon 
du  professeur  Oldenberg  {Dîpav.  22,  72),  celle  du  texte  ne  donnant  aucun  sens 
satisfaisant. 


412  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

ment  l'effroyable  hérésie  que  des  religieux  peuvent  faire 
usage  d'éventails  en  ivoire  %  et  d'autres  erreurs  sembla- 
bles. 

Bien  que  le  chroniqueur  manifeste  son  indignation  dans 
les  termes  les  plus  forts,  il  n'insiste  pas  sur  les  événements. 
Ces  événements  étaient,  d'après  le  Mahâvamsa,  d'une  nature 
beaucoup  plus  grave  que  de  simples  querelles  sur  les  différen- 
tes sortes  d'éventails  et  le  calcul  de  Tâge  d'après  la  naissance 
ou  la  conception.  Saiighamitra,  qui  était  revenu  à  Ceylan 
immédiatement  après  la  mort  de  Jyeshtha-Tishya,  n'avait 
pas  perdu  la  confiance  de  son  élève,  et  il  n'hésita  pas  à 
abuser  de  son  influence  en  excitant  Mahâsena  contre  les 
religieux  du  Grand  Monastère.  Le  roi,  dans  un  moment 
d'égarement,  se  laissa  amener  à  publier  un  édit,  défendant 
à  toute  personne,  sous  peine  d'une  forte  amende,  de  faire 
des  dons  aux  religieux  du  Grand  Monastère.  La  conséquence 
fut  une  profonde  misère  des  orthodoxes;  ils  émigrèrent  vers 
le  Midi  de  l'île,  et  le  couvent  resta  pendant  neuf  années  sans 
habitants. 

Saiighamitra  ne  fut  pas  satisfait  de  ce  premier  succès  ;  il 
fit  croire  au  roi  que  toute  propriété  abandonnée  faisait 
378  retour  au  souverain,  *  et  obtint  par  ses  intrigues  la  démoli- 
tion du  Grand  Monastère.  Et  les  choses  n'en  restèrent  pas  là  : 
un  partisan  ardent  deSarighamitra,  l'odieux  Sona,  fit  détruire 
le  Lohaprâsâda  et  d'autres  bâtiments,  et  les  matériaux  pro- 
venant du  Grand  Monastère  démoli  furent  transportés  à 
Abhayagiri,  pour  servir  à  la  construction  d'un  temple  avec 
statue  du  Buddha,  d'une  terrasse  autour  de  l'arbre  Bodhi 
et  d'une  maison  pour  les  réunions  du  chapitre.  Ces  mesures 
portèrent  au  comble  la  splendeur  et  le  prestige  du  couvent 
d' Abhayagiri. 

D'autre  part,  des  actions  aussi  injustes  ne  pouvaient  man- 
quer d'amener  une  réaction.  Un  des  ministres,  Meghavarna, 

3,  D'après  une  des  leçons,  voir  les  notes  de  l'éditeur, 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  413 

se  mit  à  la  tête  des  mécontents,  et  provoqua  une  révolte,  qui 
se  termina  par  un  traité  entre  Mahàsena  et  le  révolté,  traité 
dans  lequel  il  était  stipulé  que  le  Grand  Monastère  serait 
rebâti.  Sur  ces  entrefaites,  Saiighamitra  avait  été  assassiné. 
Une  maîtresse  du  roi,  pleine  de  zèle  pour  la  foi  orthodoxe  et 
qui  ne  pouvait  se  consoler  de  la  destruction  du  Grand  Monas- 
tère, avait,  pour  manifester  sa  piété,  noué  une  liaison  avec 
un  charpentier,  et,  aidée  par  celui-ci,  elle  avait  tué  le  religieux 
détesté,  au  moment  où  il  se  mettait  en  route  pour  détruire 
le  Jardin  du  Stupa.  L'odieux  Sona  eut  le  même  sort, 
grâce  aux  machinations  de  la  pieuse  débauchée  et  de  son 
complice. 

Peu  de  temps  après  que  le  Grand  Monastère,  par  les  soins 
du  ministre  Meghavarna,  eut  été  suffisamment  restauré  pour 
loger  de  nouveau  les  anciens  hôtes,  après  neuf  années 
d'absence,  le  roi  Mahàsena  fit  commencer  la  construction  du 
monastère  de  Jetavana.  L'histoire  de  cette  fondation  est  assez 
singulière  et,  en  général,  tout  ce  que  les  chroniqueurs  du 
Grand  Monastère  nous  rapportent  sur  les  actions  et  les 
mobiles  du  roi  semble  suspect.  Un  certain  Père  Tishya,  du 
Couvent  du  Midi,  homme  mal  vu  à  cause  de  sa  conduite 
déplorable,  aurait  amené  le  souverain  à  construire,  au  pro- 
fit de  lui,  Tishya,  un  nouveau  couvent,  dans  la  paroisse 
même  du  Grand  Monastère.  Les  gens  du  Mahâvihâra  refusè- 
rent pertinemment  de  céder  un  pouce  de  leur  territoire,  et 
préférèrent  quitter  la  maison.  *  Ils  partirent,  mais  revinrent,  379 
—  sans  qu'on  voie  bien  pourquoi  —  neuf  mois  après.  Le 
fameux  Tishya  fut  cité  devant  le  tribunal,  et  condamné  à 
l'exil,  contrairement  à  la  volonté  expresse  du  roi;  mais  cette 
condamnation  n'empêcha  pas  la  fondation  du  couvent  de  Jeta* 
vana,  qui  fut  achevé  plus  tard  sous  Meghavarna,  le  successeur 
très  orthodoxe  de  Mahàsena.  Ce  couvent  devint  le  lieu  d'ori- 
gine de  l'hérésie  des  Sâgalikas,  qui,  comme  nous  l'avons  vu 
plus  haut,  sont  d'ordinaire  nommés  Jetavanistes  d'après  leur 
lieu  d'origine,  et  qui,  avec  les  schismatiques  d'Abhayagiri  et 


414  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

les  moines  orthodoxes  du  Grand  Monastère  constituent  les 
trois  sectes  de  Ceylan  \ 

Comme  tous  les  renseignements  dont  nous  disposons  éma- 
nent d'un  seul  parti,  nous  n'avons  pas  le  droit  de  juger  la 
politique  ecclésiastique  de  Mahâsena,  et  encore  moins  celui 
de  la  condamner.  Il  n'était  certainement  pas  un  ennemi  de 
la  religion  ou  de  l'Eglise  —  c'est  ce  que  montrent  ses  nom- 
breuses fondations  et  donations  —  mais  il  avait  peu  de  goût 
pour  les  gens  du  Grand  Monastère.  Il  protégeait  d'autant 
plus  volontiers  les  autres  Bouddhistes  de  son  royaume  ;  s'il 
s'est  laissé  entraîner  à  des  actes  de  violence,  nul  ne  l'approu- 
vera; des  fanatiques  seuls  pourraient  essayer  de  justifier  la 
destruction  de  couvents  et  de  sanctuaires.  Le  fait  en  lui- 
même  (et  ce  fait  n'est  pas  isolé)  est  caractéristique.  On  a 
parfois  prétendu  que,  du  temps  de  Pushyamitra  et  plus  tard, 
des  couvents  auraient  été  détruits  par  des  «  brahmanes  »  ; 
jusqu'à  ce  jour,  on  n'a  pu  donner,  à  l'appui  de  cette  affirma- 
tion, même  le  semblant  d'une  preuve  ;  mais  il  n'est  pas  dou- 
teux que  de  pareilles  violences  aient  souvenf  été  commises 
par  des  Bouddhistes,  animés  d'une  haine  fanatique  contre 
d'autres  Bouddhistes. 

Meghavarna,  fils  et  successeur  de  Mahâsena,  est  représenté 
comme  un  protecteur  des  partisans  du  Grand  Monastère.  Il 
les  remit  de  nouveau  en  possession  des  terres  confisquées,  fit 
reconstruire  les  cellules  détruites  et  le  Lohaprâsâda,  et  agran- 
380  dir  le  Grand  Monastère.  *  Cependant,  il  ne  semble  pas  avoir 
été  entièrement  soumis  aux  orthodoxes  extrêmes  ;  car  il 
acheva  la  construction  du  couvent  de  Jetavana.  C'est  sous 
son  règne,  en  309,  qu'eut  lieu  la  mémorable  translation  dans 
l'île  de  la  dent  du  Buddha,  de   même  que  l'érection  de    la 

i.  Un  auteur  birman  (Bigandet,  II,  142),  ne  mentionne  que  ces  trois  sectes; 
il  en  est  de  même  d'une  liste  tibétaine,  qui  trouvera  sa  place  dans  l'appendice. 
Un  troisième  schisme,  à  la  suite  duquel  le  nombre  des  sectes  s'éleva  à  quatre, 
eut  lieu  en  601  ;  Turnour,  introd.  en.  Les  idées  de  schisme  et  de  secte,  quex- 
prime  le  même  mot  bhedo,  ne  sont  pas  toujours  bien  distinctes. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  415 

statue  de  l'apôtre  Mahendra  et  de  ses  quatre  compagnons. 
On  peut  trouver  cet  hommage  un  peu  tardif,  soit  dit  en 
passant.  —  Le  nom  de  Matiendra  aussi  bien  que  l'existence 
môme  des  statues  nous  font  penser  involontairement  aux 
statues  des  cinq  Indras,  qui  semblent  se  rattacher  aux  Dhyâni- 
Buddhas  d'un  côté,  et  aux  cinq  Kuçikas,  c'est-à-dire  Indras, 
connus  à  Java,  de  l'autre  ^ 

Il  serait  assez  intéressant  de  savoir  lequel  des  trois  partis 
religieux  a  eu  la  plus  grande  part  dans  la  translation  de  la 
dent  et  dans  l'érection  des  statues  de  Mahendra  et  de  ses  com- 
pagnons. D'après  les  informations  recueillies  par  Hiuen 
Thsang  pendant  son  séjour  dans  l'Inde,  les  moines  du  Grand 
Monastère  se  tenaient  strictement  au  Hînayâna,  tandis  que 
ceux  d'Abhayagiri  étudiaient  aussi  bien  le  Hînayâna  que  le 
Mahâyâna.  Bien  que  ces  expressions  ne  soient  pas  heureuse- 
ment choisies,  cette  notice  n'en  contient  pas  moins  une  indi- 
cation que  les  religieux  d'Abhayagiri  entretenaient  des  rela- 
tions avec  leurs  frères  du  continent,  et  ne  pouvaient,  par  con- 
séquent, rester  complètement  étrangers  aux  idées  qui  prenaient 
de  plus  en  plus  le  dessus  dans  l'Eglise  de  l'Inde,  c'est-à- 
dire  celles  du  Mahâyâna,  qui  s'est  toujours  efforcé  de  déve- 
lopper, autant  que  possible,  la  dévotion  populaire.  Tout  en 
supposant  que   les   mesures  en  faveur  du   culte  extérieur 

1.  Comp.  tome  I,  p.  324,  et  plus  haut,  p.  333.  Mahendra  est  sjnnonyme  de 
Vajrapâni,  et  c'est  aussi  le  nom  d'un  Dhyâni-Bodhisatva,  fils  du  Dhyàni-Buddha 
Akshobhya.  L'apôtre  Mahendra,  lui  aussi,  est  dit  le  fils  du  maître  des  Çrama- 
nas  ou  des  Buddhas  [Maliâv.  239).  Si  Ton  ajoute  le  novice  Sumanas  aux 
5  autres  missionnaires,  on  a  les  6  Abhijnâs  personnifiées  (à  côté  des  5  Abhij- 
nàs).  Les  paroles  de  l'ancienne  poésie  mnémonique  dans  Sutta-V.  I.  313,  319 
sont  conçues  de  telle  façon  qu'on  y  voit  encore  la  trace  du  caractère  mytho- 
logique et  allégorique  des  5  Sages  (autrement  dits  Dhyâni-Buddhas).  C'est  ainsi 
qu'on  s'explique  que  les  apôtres  volent  à  travers  les  airs,  comme  des  hamsas 
(parmi  lesquels  Brahma  est  le  plus  élevé)  et  rapidement  comme  la  pensée  ; 
comp.  Mailrî-Upanishad  S,  34.  Dans  le  macrocosme,  Hamsa  signifie  le  soleil» 
la  lune,  et  les  autres  phénomènes  lumineux;  dans  le  microcosme,  les  sens;  le 
«  Haiirisa  supérieur  »  signifie,  dans  le  premier  cas,  le  Soleil,  dans  le  second,  la 
Raison,  la  lumière  intérieure. 


416  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

381  *  auront  été  dues,  avant  tout,  au  zèle  des  moines  d'Abhaya- 
giri,  on  n'a  pas  besoin  d'admettre  que  ceux  du  Grand  Monas- 
tère se  soient  élevés  violemment  contre  ces  nouveautés  : 
tout  en  étant  des  ascètes  attachés  aux  vieilles  traditions,  ils 
ne  le  cédaient  à  personne  pour  le  culte  des  reliques  et  du 
grand  apôtre,  dont  ils  ont  transmis  si  fidèlement  à  la  posté- 
rité l'histoire  fabuleuse.  En  outre,  l'influence  du  Grand 
Monastère  ne  peut  avoir  été  prépondérante  à  cette  époque. 
Il  est  vrai  que  le  roi  Buddhadâsa  (339-368)  *  fît  agrandir  le 
couvent  et  fit  donation  aux  moines  des  revenus  de  deux  vil- 
lages, mais  le  témoignage  non  suspect  de  Fa  Hian  montre 
assez  que  les  moines  du  Mahâvihâra,  au  commencement  du 
cinquième  siècle,  n'occupaient  plus  la  première  place,  ainsi 
qu'ils  l'avaient  fait  dans  l'époque  antérieure  à  Mahâsena.  Au 
moment  oii  ce  Chinois  séjournait  à  Ceylan,  entre  410  et  414  ^ 
le  couvent  d'Abhayagiri  avait  5,000  habitants,  tandis  que  le 
Grand  Monastère  n'en  avait  qu'un  peu  plus  de  la  moitié, 
3,000.  Le  premier  couvent  était  de  beaucoup  le  plus  magni- 
fique et  le  plus  riche  des  deux,  et  c'est  au  même  couvent 
que  la  dent  du  Buddha  était  transportée  lors  des  processions 
solennelles  ^.  Tout  ceci  tend  à  confirmer  le  sentiment  que 
les  religieux  d'Abhayagiri  avaient  alors  le  dessus,  et  en 
même  temps  qu'ils  représentaient  une  tendance  apparentée 
au  Mahâyâna. 

1.  Ce  nom  signifie:  «  humble  serviteur  de  Buddha  ».  De  pareils  noms  en 
-dâsa  (sauf  quand  il  s'agit  de  Çûdras)  n'ont  été  à  la  mode  dans  l'Inde  qu'après 
l'apparition  de  l'Hindouisme  proprement  dit,  lorsque  le  culte  en  humilité 
{hhaktï)  occupa  le  premier  plan.  Le  Mahâyâna  n'est  que  le  pendant  boud- 
dhique de  l'Hindouisme  du  moyen  âge,  né  vers  la  même  époque,  sorti  des 
mêmes  besoins,  fruit  du  même  développement  historique.  Le  nom  Buddha- 
dâsa se  trouve  déjà  dans  une  inscription  datant  du  règne  de  Jyeshtha- 
Tishya,  n^  67,  dans  E.  MûUer,  Anc.Inscr.  inCeylon.  L'apparition  de  Buddha- 
dâsa comme  nom  royal  vers  le  milieu  du  quatrième  siècle  est  un  petit  détail 
significatif,  qui  montre  qu'entre  le  développement  de  l'Inde  et  celui  de  Ceylan 
il  y  a  un  lien  indissoluble. 

2.  Travels,  173  (Legge,  102). 

3.  Ibid.,  151,  157,  159  (Legge,  104,  ss.). 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE     *  417 

Durant  le  séjour  de  Fa  Hian  à  Ceylan,  Mahânâman 
occupait  le  trône  (410-432).  Ce  prince,  célébré  par  le  voya- 
geur comme  «  un  homme  qui  croyait  sincèrement  au  Bud- 
dha  »,  s'était  fravé  le  chemin  du  trône  en  assassinant  son 
frère  Upatishya  (368-410),  *  de  complicité  avec  la  femme  de  ce  382 
dernier,  qui  épousa  immédiatement  après  le  nouveau  roi  *. 
Le  pieux  Mahânâman  se  rendit  très  utile  envers  FEglise  en 
général  :  il  fonda  entre  autres  sur  le  mont  Koti  un  couvent 
qui  dépendait  d'Abhayagiri  ^  La  reine,  une  Malabare,  ne 
semble  pas  avoir  embrassé  la  doctrine  de  Çâkya,  ou  bien 
elle  conserva  assez  d'attachement  au  culte  dans  lequel  elle 
avait  été  élevée,  pour  faire  construire  sur  le  mont  Dharma- 
rakshita  un  monastère  pour  des  moines  d'une  autre  religion 
(Çivaïtes  ou  Jaïnas). 

C'est  sous  le  règne  de  Mahânâman  que  se  place  l'activité 
du  célèbre  Buddhaghosha  dans  l'île.  D'après  le  récit  de  tout 
point  enjolivé  de  la  chronique,  il  était  originairement  un 
brahmane,  qui  aurait  été  converti  à  la  vraie  foi  par  un  cer- 
tain Père  Revata,  et  que  Te  môme  Revata  aurait  amené  à 
étudier  et  à  traduire  en  pâli  l'Atthakathâ,  rédigée  primitive- 
ment en  singhalais  ^  Le  jeune  savant  passa  du  continent 
dans  l'île,  et  s'établit  au  Grand  Monastère.  Après  avoir 
donné  une  première  preuve  de  son  savoir  en  composant 
le  Yisuddhi-Magga,  une  sorte  d'encyclopédie  du  dogme,  il 
reçut  la  permission  de  traduire  l'Atthakathâ  en  pâli.  Il 
accomplit  cette  tâche  d'une  façon  si  brillante,  que  les 
moines    stupéfaits    crurent  qu'il    était    le   Messie  attendu, 

1.  Upatishya  est  célébré  comme  un  lioimne  très  pieux  et  couime  un  obser- 
vateur du  Décalogue  ;  cela  veut  dire  qu'il  était  un  Edouard  le  Confesseur 
singhalais. 

2.  Le  Mahâv.  250  parle  île  trois  Vihàras  sur  le  mont  Koli. 

3.  Voir  plus  haut,  p,  336.  D  après  le  Mahdv.  250  et  le  commentaire,  Buddha- 
ghosha était  né  «  près  de  la  terrasse  du  Bodhi  »,  à  Gayà  :  hasard  singulier 
pour  un  personnage,  né,  non  bouddhiste,  mais  brahmane.  D'après  les 
Birmans,  il  serait  né  à  Thaton  en  Birmanie  ;  Bigandet,  II,  145.  Comp.  Lasscn, 
Ind.  AU.  IV,  372. 

Tome  11.  17 


418  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Maitreya.  Après  avoir  achevé  son  œuvre,  il  partit  pour 
rinde,  ou,  d'après  un  autre  récit,  pour  la  Birmanie,  afin  d'y 
prêcher  la  vraie  foi.  C'est  la  dernière  version  qui  est  la  plus 
vraisemblable,  vu  que  les  Birmans  suivent  le  canon  méri- 
dional, et  qu'on  a  toute  raison  de  croire  que  c'est  de  la  Bir- 
manie que  ce  canon  s'est  peu  à  peu  répandu  au  Siam,  au 
383  Cambodge,  etc.  ;*  encore  au  onzième  siècle,  les  Bouddhistes 
du  Cambodge  appartenaient  à  la  division  septentrionale  de 
l'Église  \   . 

Dhâtusena  régna  de  459  à  477.  Ce  prince  éminent  fit  embel- 
lir le  couvent  d'Abhayagiri,  et  l'enrichit  d'une  magnifique 
statue  du  Buddha,  avec  des  yeux  en  pierre  précieuse,  des 
cheveux  en  or,  et  un  habit  d'étoffe  précieuse  ^  On  éleva 
aussi  des  statues  à  Maitreya  et  à  Mahendra,  tandis  que  la 
dent  du  Buddha  et  l'arbre  sacré  étaient  vénérés  de  la  façon 
la  plus  solennelle.  Le  roi  montra  son  zèle  pour  la  pureté  de 
la  foi,  en  prenant  des  mesures  sévères  contre  les  religieux  du 
mont  Cetiya,  oii  la  vieille  héré^e  Dharmarucika  se  mon- 
trait de  nouveau  ;  à  la  demande  des  orthodoxes,  il  fit  chasser 
les  frères  du  couvent. 

Toutes  les  actions  de  Dhâtusena  n'étaient  pas  louables.  Sa 
fille  ayant  été  maltraitée  par  son  mari,  cousin  du  roi  et 
général  en  chef  des  troupes,  il  fit,  pour  se  venger,  dépouiller 
de  ses  vêtements  et  brûler  vive  la  mère  de  son  gendre,  peut- 
être  en  imitation  du  pieux  Açoka,  au  sujet  duquel  la  légende 
raconte  quelque  chose  d'analogue.  Exaspéré  par  cet  acte  de 
cruauté,  le  général  s'entendit  avec  Kâçyapa,  le  fils  aîné  du 
roi,  pour  chasser  le  tyran  du  trône,  et  un  soulèvement  mit 
bientôt  fin  au  règne  de  Dhâtusena,  qui  fut,  par  ordre  de 


1.  Des  renseignements  confus  de  Târanâtha,  262,  on  peut  du  moins  conclure 
qu'au  Tibet  on  n'avait  pas  perdu  le  souvenir  de  la  propagation  du  Mahâyâna 
dans  rindo-Chine.  Comp.  Lassen,  Ind.  Alt.  IV,  710. 

2.  Non  moins  magnifique  était  la  statue,  au  même  endroit,  que  décrit  Fa 
Hian,  chap.  XXXVllI;  elle  était  en  jaspe,  étincelante  d'or,  d'argent  et  de  pierres 
précieuses,  et  tenait  à  la  main  une  perle  d'une  valeur  inappréciable. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  419 

son  fils,  jeté  en  prison,  où  on  le  laissa  mourir  de  faim  ^ 

L'odieux  Kâçyapa  finit  en  49S  par  le  suicide  *,  après  avoir  384 
eu  le  dessous  dans  un  combat  contre  son  frère  cadet,  Maud- 
galyâyana.  Le  nouveau  roi  sévit  avec  la  plus  grande  violence 
contre  les  partisans  de  son  prédécesseur,  et  fit  massacrer  froi- 
dement un  millier  d'hommes.  Il  était  un  Bouddhiste  zélé  et 
un  grand  ami  du  clergé .  C'est  sous  son  règne  qu'un  cheveu 
célèbre  du  Buddha  fut  apporté  dans  l'île  du  continent  de 
rinde  et  conservé  dans  un  Stûpa  construit  à  cette  intention  *. 

Vers  le  milieu  du  xvi^  siècle  (545),  on  vit  renaître  un  ins- 
tant l'abominable  hérésie  Vetuliya,  dont  on  accusa  les 
moines  d'Abhayagiri.  Le  roi,  Çîlâkala,  se  décida  nettement 
pour  les  orthodoxes  et  prit  des  mesures  sévères.  Les  écrits 
hérétiques  furent  condamnés  au  feu,  et  le  mouvement  se 
trouva  ainsi  étouffé  dans  l'œuf. 

Plus  d'un  demi  siècle  plus  tard,  sous  le  roi  Agrabodhi  I", 
la  paix  de  l'Eglise  fut  de  nouveau  troublée,  cette  fois  par 
deux  moines  du  diocèse  de  Jetavana.  Ces  religieux  profondé- 
ment pervers  n'eurent  pas  honte  de  répandre  la  calomnie 
que  les  schismes  antérieurs  avaient  été  la  conséquence  de 
l'inconduite  des  moines  du  Mahâvihâra;  ils  soutinrent  obsti- 
nément leurs  doctrines  hérétiques  dans  leurs  propres  Ni- 
kâyas  ^  Le  mouvement,  cependant,  ne  semble  pas  avoir  été 
très  important,  on  n'en  entend  plus  parler  plus  tard. 

Quelque  défavorables  que  soient  les  couleurs  dont  les 
historiens  du  Grand  Monastère  dépeignent  les  iniquités  des 


3.  Mahâvamsa,  XXVIII,  81  ss. 

1.  Mahâvamsa,  XXXIX,  49  ss.  —  Les  cheveux  étaient  fort  recherchés  couime 
reliques,  vers  cette  époque.  Au  commencement  du  vi«  siècle,  le  roi  de 
Siam  envoya  une  ambassade  en  Chine,  afin  d'offrir  à  l'Empereur  un  cheveu 
duGotamide;  ce  cheveu  avait  une  longueur  de  14  pieds.  Quelques  années 
auparavant,  en  Chine  môme,  à  Nankin,  on  avait  mis  à  jour  un  pareil  cheveu 
en  fouillant  dans  une  vieille  pagode;  il  avait  une  longueur  de  12  pieds,  était 
bouclé  et  indéfiniment  allongeable  ;  Beal,  Introd.  des  Travels,  xxxii. 

2.  Peut-on  conclure  de  ceci  que,  vers  ce  temps,  il  existait  à  Ceylan  dos 
rédactions  divergentes  des  Nikâyas?Cela  gcmble  douteux. 


420  HISTOIRE  Ml  BOUDDHISME  DANS  LliNDË 

dissidents,  surtout  celles  des  gens  d'Abhayagiri,  rien  ne 
montre  que  les  derniers  fussent  moins  zélés  pour  la  Foi  que 
385  les  premiers  *.  Il  ne  peut  être  question  chez  eux  d'une  atti- 
tude hostile  au  Dharma.  Il  en  est  autrement  des  conquérants 
étrangers,  le  plus  souvent  des  ïamils,  qui,  par  leurs  inva- 
sions répétées,  ont  si  souvent  fait  le  malheur  de  l'île  si  riche 
et  si  belle,  et  qui  y  ont  dominé  pendant  des  temps  plus  ou 
moins  longs.  Cependant,  l'inimitié  de  ces  intrus  à  l'égard  de  la 
vraie  foi,  ne  se  manifesta  pas  avant  le  milieu  du  ix^  siècle. 
C'est  alors  que  la  ville  de  PoUanarua  K^  ville  qui  était  alors 
la  capitale  de  l'île,  fut  prise  par  le  roi  de  Madurâ  dans  le 
pays  de  Pândya  ;  à  cette  occasion,  les  ornements  sacrés,  de 
même  qu'une  statue  d'or  du  Buddha  et  la  tasse  en  pierre 
précieuse  que  le  Gotamide  avait  jadis  reçue  des  surveillants 
des  quatre  points  cardinaux,  furent  enlevés.  On  ne  dit  pas 
que  les  ennemis  triomphants,  qui  retournèrent  chez  eux, 
après  avoir  reçu  une  lourde  contribution  de  guerre  et  char- 
gés d'un  riche  butin,  se  soient  rendus  coupables  de  persé- 
cution des  religieux,  ou  de  violation  des  monastères.  Il  est 
vrai  qu'il  est  question  de  mauvais  traitements  infligés  aux 
ecclésiastiques,  lors  d'une  autre  invasion  desTamils  duCoro- 
mandel,  au  commencement  du  xn^  siècle. 

Ces  invasions  incessamment  répétées  d'étrangers,  qui, 
même  quand  ils  ne  persécutaient  pas  les  ecclésiastiques, 
n'en  professaient  pas  moins  une  autre  religion,  étaient  bien 
faites  pour  rendre,  aux  yeux  des  vrais  Singhalais,  la  cause 
de  leur  nationalité  inséparable  de  celle  de  leur  culte.  Les 
différences  entre  les  sectes  s'effaçaient  de  plus  en  plus;  les 
religieux  du  Grand  Monastère,  d'Abhayagiri  et  de  Jetavana» 
quels  que  fussent  les  griefs  qu'ils  pussent  avoir,  de  longue 
date,  les  uns  contre  les  autres,  n'en  étaient  pas  i^ioins  égale- 
ment des  enfants  de  Ceylan  et  des  fils  de  Buddha,  et  nous  ne 


1 .  On  donne  comme  forme  sanscrite   :  Pulastipura,  comme  forme  pâlie 
Pulatthipura. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  421 

pouvons  donc  pas  nous  étonner  d'apprendre  que  les  trois 
partis  se  réunirent  et  finirent  par  n'en  former  qu'un  seul, 
celui  du  Grand  Monastère.  Cet  événement  eut  lieu  en  1161  ^ 
A  cette  époque  régnait  Parâkrama-Bàhu  P'',  le  nom  le 
plus  brillant  dans  la  longue  série  des  rois  de  Geylan.  Grand 
dans  la  paix  comme  dans  la  guerre,  *  il  gouverna  son  royaume  386 
d'une  manière  digne  d'exciter  l'admiration  de  la  postérité. 
Naturellement,  nous  n'avons  à  considérer  ici  que  ses  actes 
et  ses  mesures  relatifs  à  l'Église. 

Un  de  ses  premiers  soins  fut  de  rétablir  l'unité  de  l'Église  : 
il  convoqua  à  Anurâdhapura  un  synode,  où  les  différents  partis 
se  réconcilièrent.  Tous  ceux  qui  refusaient  de  se  soumettre, 
furent  mis  à  la  raison  par  des  moyens  énergiques.  Une  fois 
encore  l'esprit  de  résistance  se  réveilla  à  Abhayagiri,  mais 
le  Patriarche  Kâçyapa  réussit  à  l'étouffer  rapidement,  avec 
l'aide  du  roi  ^ 

En  outre,  le  roi  régla  les  revenus  des  religieux  et  nomma 
des  fonctionnaires  chargés  de  surveiller  les  temples  et 
d'avoir  soin  que  les  bibliothèques,  faisant  partie  des  cou- 
vents, fussent  fournies  des  livres  religieux  nécessaires. 
En  différents  endroits,  il  fit  construire  250  maisons 
conventuelles,  qui  devaient  servir  de  demeures  aux  moines 
et  à  leurs  serviteurs  ;  on  y  trouvait  de  grandes  salles,  et  elles 
étaient  assez  vastes  pour  loger  des  hôtes  de  passage.  Pour  les 
besoins  des  religieux  d'un  rang  plus  élevé,  on  fonda  huit 
bâtiments  à  trois  étages,  chacun  avec  une  demeure  spéciale 
pour  l'abbé  ou  patriarche.  A  chacun  de  ces  palais  monas- 
tiques était  jointe  une  galerie  avec  les  statues  des  principaux 
dieux,  et  une  riche  bibliothèque.  Enfin,  le  roi  fit  bâtir  une 
grande  tour  de  douze  étages,  destinée,  entre  autres,  à  loger 
les  visiteurs  du  temple,  venus  du  dehors,  lors  des  fêtes  reli- 


2.  Bigandet,  II,  142,  donne,  comme  nom  du  prince  :  Sahghabodi,  ce  qui  n'était 
pas  le  nom  véritable,  mais  le  surnom. 
1.  Mahâvamsa,  73,  4-10;  78,  5-11. 


422  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

387  gieuses.  *  Si  les  renseignements  ne  sont  pas  exagérés,  Parà- 
krama-Bâliu,  pendant  la  durée  de  son  règne  (1153-1184)  a 
construit  101  Stupas,  3,001  petites  chapelles,  chacune  avec 
une  statue,  et  dressé  le  plan  de  73  Stupas  et  de  3,001  galeries 
contenant  des  statues. 

Inutile  de  dire  qu'on  prenait  soin,  de  la  façon  la  plus 
libérale,  des  besoins  des  moines,  quant  aux  vêtements  et  à 
la  nourriture.  On  se  préoccupait  même  avec  sollicitude  du 
traitement  des  malades  et  de  l'irrigation  des  terres  apparte- 
nant à  l'Eglise.  Les  intérêts  mêmes  des  quelques  brahmanes 
résidant  dans  Tile  ne  furent  pas  oubliés;  le  roi  fit  fonder 
pour  eux  un  hôpital. 

Parâkrama-Bâhu  n'était  nullement  un  ennemi  de  la  splen- 
deur extérieure  du  culte.  Une  révolte  ayant  éclaté  dans  les 
provinces  méridionales,  et  les  insurgés,  battus  par  les  troupes 
royales,  ayant  [pris  la  résolution  désespérée  de  quitter  leur 
pays  en  emportant  leurs  trésors  et  le  pot  à  aumônes  du  Bud- 
dha,  le  roi,  averti  de  ce  projet  par  ses  espions,  mit  tout  en 
œuvre  pour  empêcher  un  pareil  désastre.  Il  y  réussit  :  la 
relique  fut  sauvée  et  apportée  à  la  capitale  par  les  troupes  du 
roi.  Ce  fut  une  vraie  marche  triomphale,  et  au  moment  où 
l'armée  s'approchait  de  la  ville,  le  roi  lui-même,  revêtu  d'un 
magnifique  costume  de  cérémonie,  s'avança,  accompagné 
de  la  reine  et  d'une  suite  nombreuse,  afin  de  saluer  la 
relique  et  l'amener  solennellement  dans  la  ville.  Plus  tard, 
il  fit  bâtir  un  Dagob  pour  l'abriter,  dans  le  voisinage  de  son 
palais. 

Sous  Parâkrama-Bâhu  le  Grand,  l'île  était  arrivée  au 
comble  de  la  puissance  et  de  la  splendeur  extérieure.  Bientôt 
elle  descendit  à  pas  rapides  de  cette  hauteur  un  instant  occu- 
pée. La  trop  grande  prospérité  énerva  le  peuple,  ainsi  que 

388  cela  a  eu  lieu  partout  et  toujours  *.  Un  demi-siècle  ne  s'était 
pas  écoulé  après  la  mort  de  Parâkrama-Bâhu,  que  le  pays 
fut  jeté,  par  la  domination  étrangère,  dans  un  abîme  de 
misères.  «  Les  habitants  de  Geylan  »,  dit  en  se  lamentant  un 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  423 

chroniqueur,  «  étaient  devenus  désespérément  corrompus,  de 
sorte  que  les  dieux  retirèrent  leur  protection  à  l'île  ;  les  vices 
des  impies  étaient  arrivés  à  un  tel  point,  que,  comme  châti- 
ment du  Ciel,  un  roi,  nommé  Mâgha,  du  Kalinga,  envahit 
l'île  avec  une  armée  de  24,000  hommes,  qui  répandit  partout 
la  ruine  et  opprima  la  religion.  »  Nombre  de  Dagobs  furent 
détruits,  et  les  maisons  des  ecclésiastiques,  les  chapelles,  les 
temples,  transformés  en  casernes.  Le  droit  et  la  loi  furent 
piétines,  et  la  différence  des  castes  honteusement  effacée  \ 

Ce  triste  état  de  choses  dura  plus  de  20  ans,  jusqu'à  ce  que 
Vijaya-Bâhu  eût  réussi  à  rétablir  le  gouvernement  et  la  reli- 
gion indigènes,  vers  1250.  Ce  prince  excellent  ne  fit  pas  seu- 
lement rebâtir  les  sanctuaires  endommagés  ou  détruits,  mais 
il  fit  faire  en  outre  de  nombreuses  copies  des  Ecritures 
Saintes,  de  sorte  que  chaque   communauté  en  obtint  une  ^ 

Son  fils,  Parâkrama-Bâhu  III,  était  un  digne  successeur  de 
son  grand  homonyme  (1267-1301).  Il  était  célèbre,  non  seu- 
lement comme  bon  souverain,  mais  aussi  comme  auteur  et 
comme  savant,  profondément  versé  dans  les  18  sciences  des 
brahmanes.  Très  humain,  *il  abolit  ^  dans  son  royaume  la  389 
peine  de  mort  et  la  mutilation  des  criminels;  il  donna  une 
preuve  de  l'intérêt  éclairé  qu'il  portait  à  la  religion,  non  en 
distribuant  des  aumônes,  mais  en  prenant  des  mesures  pour 
que  les  religieux  fussent  instruits  convenablement  %  afin 
qu'ils  pussent  à  leur  tour  instruire  le  peuple  et  le  pénétrer 


1.  MahâvaiUsa,  80,  34  ss.  —  Il  est  difTicile  dédire  qu'elle  était  la  religion  du 
conquérant;  Knighton,  152,  dit  qu'il  propagea  «  la  religion  païenne  »  ;Lassen 
suppose  que  Mâgha  introduisit  «  la  religion  brahmanique»,  supposition  assez 
absurde,  sïl  est  vrai  que  l'envahisseur  a  aboli  les  castes.  Le  chroniqueur  se 
borne  à  dire  que  Mâgha  était  un  hérétique.  Il  était  peut-ôtre  un  Jaina,  ou  bien 
un  Lokdyata. 

2.  Mahâvamsa,  81,  10  ss. 

1.  Mahâvamsa,  83,  3  ss. 

2.  Faute  de  professeurs  suffisamment  instruits  dans  l'île-mérae,  le  roi  fit 
venir  du  Dekkhan  cinq  docteurs  capables,  parmi  lesquels  un  certain  Dhar- 
maktrti;  Mahâvamsa,  84,  11  ss. 


424  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

de  principes  moraux.  On  parle  avec  éloges  de  sa  piété  sin- 
cère. Lors  d'une  terrible  sécheresse  qui  avait  causé  une 
famine,  il  ordonna  une  grande  cérémonie  religieuse,  au  cours 
de  laquelle  a  le  dieu  Maitreya  »  et  d'autres  divinités  furent 
honorés,  la  dent  du  Buddha  fut  montrée  au  peuple,  et  des 
prières  pour  la  pluie  furent  récitées  '. 
390  *  L'illustre  Parâkrama-Bâhu  III  mourut  en  1301.  L'histoire 
de  l'Eglise  dans  les  deux  siècles  suivants,  jusqu'à  l'arrivée 
des  Portugais  en  1505,  est  peu  intéressante.  Lors  d'une  inva- 
sion des  Pândyas,vers  1314,  la  précieuse  dent  fut  enlevée  par 
les  ennemis  et  emportée  au  continent,  mais  rendue  peu  de 
temps  après.  Parmi  les  princes  assez  insignifiants  qui  se  suc- 
cédèrent sur  le  trône,  Parâkrama-Bâhu  YI  (1410-1462)  est 
vanté  comme  très  généreux  pour  le  clergé  :  pendant  son 
règne,  il  distribua  trente  mille  costumes  monastiques  et  beau- 
coup d'autres  aumônes. 

Nous  terminons  cet  aperçu  de  l'histoire  ecclésiastique  sin- 
ghalaise  au  moment  de  l'arrivée  des  Portugais,  à  peu  près 
contemporaine  avec  celle  des  Mahométans,  ou,  comme  on 
dit,  des  Maures.  Depuis  le  commencement  de  cette  nouvelle 
époque,  le  Christianisme  et  l'Islamisme  ont  fait  de  nombreux 
prosélytes,  la  première  religion  surtout  parmi  les  classes 
inférieures  et  les  femmes  *;  mais  le  Dharma  est  resté  le 
culte  d'une  grande  partie  de  l'aristocratie  et  des  personnes 
de  vieux  sang  singhalais  ^ 


3.  Mahâvamsa,Sli,  1,  ss. 

1.  D'après  les  propres  paroles  d'un  auteur  indigène,  cité  plus  en  détail 
par  Knighton,  History  of  Ceylon,  235. 

2.  Cependant,  le  seul  ennemi  redoutable  que  les  Portugais  aient  rencontré  à 
Ceylan,  Théroïque  et  rusé  Râja-Siihha,  était  un  brahmane,  qui  ne  cachait  pas 
son  adversion  pour  le  Bouddhisme. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  425 


*  2.  —  Histoire  intérieure  de  l'Église  indienne.  —  Hînayana  391 
ET  Mahâyâna.  —  Les  quatres  écoles  philosophiques.   — 
Nâgârjuna  ;  SES  contemporains  et  ses  successeurs.  —  Etat 

DES  partis  au   cinquième    SIÈCLE.    CaNON   DES  MaHÂYANISTES. 

—  Floraison  de  la  scolastique  bouddhique.  — Asanga  et 
Vasubandhu.  —  Décadence  de  la  science  ecclésiastique 
après  Dharmakîrti.  —  Tantrisme  et  magie.  —  Les  quatre 
systèmes  philosophiques  au  Népal.  —  Sécularisation  de 
l'ordre  monastique  dans  cette  contrée. 

L'histoire  intérieure  de  l'Eglise  indienne  après  Kanishka 
est  dominée  pendant  quelques  siècles  parla  lutte  entre  Jes 
partisans  du  Hînayana  et  de  Mahâyâna  \  deux  tendances  reli- 
gieuses, auxquelles  les  autres  sectes  finirent  peu  à  peu  par 
se  rallier.  C'est  ainsi  que  les  dogmes  particuliers  des  sectes 
perdirent  peu  à  peu  leur  signification,  à  moins  qu'ils  ne 
prissent  place  comme  théorèmes  dans  un  des  quatre  systèmes 
philosophiques,  que  les  deux  partis  reconnaissaient  comme 
leurs  points  d'appui  métaphysiques.  En  outre,  les  Mahâyâ- 
nistes  jugèrent  qu'une  défense  scolastique  de  leurs  opinions 
ne  suffisait  pas  :  ils  composèrent  un  nouveau  canon. 

Le  Hînayana  peut  être  considéré  comme  une  simple  con- 
tinuation de  la  forme  la  plus  orthodoxe  du  Bouddhisme 
ancien.  Ses  partisans  étaient  donc  les  conservateurs,  et  s'ils 
ont,  eux  aussi  *,  développé  de  nouveaux  systèmes  métaphy-  392 

1.  Hina  signifie  «  plus  bas,  moindre,  inférieur  »;  Mahâ:  «  grand,  considé- 
rable ».  Une  telle  antithèse  ne  semble  pas  flatteuse  pour  les  Hînayânistes,  et 
Ton  peut  supposer  que  la  dénomination  provient  de  leurs  adversaires  Si  c'est 
vrai,  les  Mahâyânistes  doivent  avoir  donné  à  mahâ  le  sens  de  «  considérable». 
On  peut  se  demander  si  c'est  bien  là  le  sens  primitif  de  mafia.  En  tenant 
compte  des  nombreux  points  de  contact  entre  les  Mahâyânistes  et  les  Mahâ- 
sâhghikas,  il  serait  possible  qu'on  eût  attaché  au  mot  «  grand  »  l'idée  de 
«  vaste,  large,  plus  général  ».  On  désigne  aussi  les  Hînayânistes  par  le  terme 
de  «  Crâvakas  »,  c'est-à-dire  :  «  auditeurs,  disciples  », 


426  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

siques,  ce  n'était  qu'afin  de  pouvoir  maintenir,  avec  autant 
plus  de  force,  les  principes  anciens.  Le  Mahâyâna  est  une 
extension  du  dogme,  surtout  dans  une  direction  ritualiste, 
en  même  temps  moins  scolastique  et  plus  populaire.  Nous 
laisserons,  pour  un  moment,  la  parole  aux  Mahâyânistes 
eux-mômes,  afin  de  voir  de  quelle  manière  ils  défendent 
leur  propre  point  de  vue  \ 

«  Les  Çrâvakas  antérieurs,  c'est-à-dire  les  Vieux  Boud- 
dhistes, ne  reconnaissaient  ni  un  centre  de  la  conscience 
subjective  (âlaya)  ni  les  obscurcissements  de  l'âme;  ils 
n  avaient  aucune  idée  du  non-moi  dans  la  nature;  ils  niaient 
l'existence  des  trois  corps  ^  du  Buddha,  les  trois  degrés  (de 
sagesse)  et  ne  croyaient  pas  que  le  Mahâyâna  ^  fût  la  parole 
du  Buddha.  Quant  au  dernier  point,  ils  (les  anciens  Çrâvakas) 
disaient  que  le  Mahâyâna  n'avait  pas  été  proclamé  par  le 
Buddha,  vu  qu'il  n'était  pas  contenu  dans  leurs  trois  Pitakas 
à  eux,  Çrâvakas;  que  cette  doctrine  indique  une  autre  voie  de 
la  délivrance,  en  représentant  la  récitation  des  Dhâranîs,  les 
bains  dans  les  eaux  du  Gange,  etc.  comme  des  moyens  d'eiïa- 
cer  les  péchés;  qu'elle  rejette,  comme  le  fait  1»  Yedânta,  la 
série  des  causes  et  effets,  la  foi  aux  quatre  vérités  et  aux 
Trois  Joyaux  *  et  qu'elle  enseigne,  à  la  façon  des  Lokâyatas 
(Epicuriens  matérialistes)  que  tout  est  vanité.  Môme  si  les 

1.  Vassilief,  B.  262. 

2.  Ces  trois  corps  sont  :  1.  Nirmâna-kâya,  le  corps  de  Buddha  incamé; 
2.  Dharma-kâya,  le  corps  abstrait,  éternel;  3.  Sambhoga-kâya,  le  corps  des 
bienheureux,  qui  sont  entrés  dans  Féternité;  Vassilief,  B.  127;  une  théorie  un 
peu  différente  dans  Voy.  des  Pel.  B.  1,  231  ;  II,  241. 

3.  Ici  le  mot  signifie  :  l'essence  de  la  doctrine  Mahâyâniste. 

4.  Ceci  est  dit  d'une  façon  trop  générale,  et  n'est  pas  tout  à  fait  juste.  Les 
Nidânas  aussi  bien  que  les  4  vérités  sont  proclamés  dans  le  Lotus,  un  des 
livres  canoniques  les  plus  considérables  des  Mahâyânistes  (p.  109  de  la  traduc- 
tion de  Burnouf).  Il  est  vrai  que  celui  qui  proclama  le  premier  ces  principes 
fut  le  Sugata  Mahâbhijnâjnânâbhibhû,  qui  a  vécu  dans  un  passé  infiniment 
éloigné,  à  l'origine  des  temps,  et  que  ces  théories  sont  représentées  d'une  façon 
détournée  comme  des  doctrines  vieillies;  mais  dans  un  autre  livre  cano- 
nique, le  Lalita-Vistara,  c'est  bien  le  Gotamide  qui  trouve  ces  formules. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  427 

livres  du  Mahâyâna  remontent  à  Tune  des  18  sectes 
(anciennes),  on  ne  peut  les  considérer  comme  la  parole  du 
Buddha,  vu  que,  ni  lors  de  la  première  réunion  de  l'Ecriture 
bouddhique  *,  ni  lors  des  compilations  postérieures,  on  n'en  393 
trouve  la  moindre  trace.  L'opinion  des  Mahâyânistes  sur 
l'éternité  du  Sambhoga-kâya  du  Buddha  est  en  contradiction 
avec;  la  doctrine  que  ce  qui  est  composé  ne  peut  être  éter- 
nel *.  La  doctrine  de  la  vie  bienheureuse  des  Bodhisatvas 
est  en  contradiction  avec  l'idée  de  la  misère  et  de  l'impureté 
de  toute  chose  terrestre.  L'opinion  d'après  laquelle  l'esprit 
du  ïathâgata  est  allié  à  tous  les  autres  esprits,  et  que  l'intel- 
ligence emprunte  (sa  lumière  à  l'esprit)  est  en  contradiction 
avec  le  dogme  de  la  non-existence  de  l'âme.  D'après  la  doc- 
trine du  Mahâyâna,  le  Buddha  ne  s'enfonce  pas  tout  entier 
dans  le  Nirvana,  car  on  prédit  aux  Arhats  qu'ils  deviendront 
un  jour  des  Buddhas  ;  or,  ceci  est  en  contradiction  avec  l'idée 
du  repos  (éternel)  auquel  les  Arhats  arrivent,  comme  on 
l'admet,  lors  du  Nirvana. 

«  En  outre,  les  Çrâvakas  blâment  les  Mahâyânistes,  parce 
que  ces  derniers  rabaissent  les  Arhats,  parlent  d'un  culte 
dû  à  des  personnes  séculières,  louent  les  Bodhisatvas  plus 
que  le  Buddha  Ijui-même,  prétendent  que  Çâkyamuni  n'était 
qu'une  figure  apparente;  préfèrent  la  continuelle  contem- 
plation et  le  non-agir  ^  ainsi  que  l'absence  de  causes  et 
d'effets  ^    soutiennent  que  tous  les  péchés,  même  les  plus 


1.  Cette  objection  repose  sur  la  même  confusion  qu'on  trouve  fréquemment 
cliez  des  écrivains  européens,  qui  croient  que  l'idée  «  éternité  »  est  identique 
à  celle  de  «  vie  éternelle  ».  Nul  homme,  versé  quelque  peu  dans  le  langage 
figuré  des  Indiens,  ne  peut  s'imaginer  que  le  terme  Sambhoga-kdya,  pris  en 
lui-même,  désigne  un  corps  réel.  Sambhoga  désigne,  d'après  un  diction- 
naire indien,  entre  autres  «  la  doctrine  du  Jina  »;  ainsi  compris,  le  concept 
est  identique  au  Dharma,  considéré  comme  legs  du  Maître. 

2.  C'est-à-dire  qu'ils  mettent  la  vie  contemplative  au-dessus  de  la  vie  pra- 
tique, sans  pour  cela  dénier  toute  valeur  à  cette  dernière. 

3.  Ceci  semble  signifier  qu'ils  mettent  en  doute  la  nécessité  et  l'inévitabilité 
des  conséquences  de  nos  actions. 


428  HISTOIRE  DU  BOUDDrilSME  DANS  L'INDE 

graves,  peuvent  être  effacés,   rejettent  la  doctrine  des   16 
genres  des  4  vérités,  ne  l'admettent  au  moins  pas  comme 
une  vérité  absolue,  etc.  Pour  toutes  ces  raisons,  ils  arrivent  à 
la  conclusion  que  les  Mahâyânistes  doivent  leur  origine  à  un 
esprit  malin,  qui  a  mis  par  écrit  toutes  sortes  d'absurdités, 
afin  de  duper  les  simples  d'esprit.  » 
394      Les  Mahâyânistes  se  défendent  contre  ces  accusations  *,  en 
soutenant  que  leur  doctrine  a  un  caractère  extraordinaire  et, 
pour  cette  raison,  ne  pouvait  être  accessible  aux  compila- 
teurs ordinaires  *  des  Sûtras,  qu'il  fallait  pour  cela  l'interven- 
tion de  Bodhisatvas,  comme  Samantabhadra,   etc.  Ils  mon- 
trent que  leur  doctrine  doit  être  mise  sur  la  même  ligne  que 
le  Mahâvastu  des  Mahâsâiighikas,  livre  dans  lequel  il  est  déjà 
question  des  dix  degrés  des  Pâramitâs  ^  Ils  ajoutent  que 
deux  subdivisions  de  cette  secte  principale,  les  Pûrva-  et 
Apara-çailas,  possédaient,  rédigés  dans  un  dialecte  prâkrit, 
les    Sûtras  de    la  Prajna-Pâramitâ  et    d'autres   Sûtras    du 
Mahâyâna. 

Les  Mahâyânistes  soutiennent  en  outre  qu'ils  sont  des  Boud- 
dhistes au  même  titre  que  les  Çrâvakas,  puisqu'ils  regardent 
le  Buddha^comme  leur  maître,  que  leur  doctrine  n'est  pas 
en  contradiction  avec  l'essence  de  sa  doctrine,  et  qu'elle  ne 
s'écarte  pas  non  plus  des  quatre  règles,  au  sujet  desquelles 
tous  les  Bouddhistes  sont  d'accord.  Les  16  genres  de  vérités 
des  Çrâvakas,  de  même  que  la  série  des  causes  et  des  effets 
ne  peuvent  avoir  qu'une  vérité  relative,  mais  dans  les  consi- 
dérations métaphysiques  les  plus  élevées,  on  a  besoin  d'autres 

1.  C'est-à-dire  très  médiocres. 

2.  Les  dix  degrés  de  l'état  de  Bodhisatva  sont  décrits  en  détail  dans  Mahâ- 
vastu (éd.  Sénart,  I,  p.  63-192);  les  noms  donnés  dans  ce  texte  sont;  Durârohâ, 
Baddhamânâ,  Pushpamanditâ,  Rucirà,  Citravistarâ,  Rûpavatî,  Durjayâ,  Jan- 
manideça,  Yauvarâjyabhûmi,  Abhishekabhûmi.  —  Des  noms  entièrement  dif- 
férents sont  donnés  dans  le  Daçabhûmîçvara,  à  savoir  :  Pramuditâ,  Vimalà, 
Prabhâkarî,  Arcishmatî,  Sudurjayâ,  Abhimukhî,  Dûrangamâ,  Acalâ^  Sâdhu- 
matî,  Dharmameghâ  (J.  R.  A.  S.  1875,  p.  4);  comp.  Yyâdi,  dans  la  note  sur 
Jiemacandra  (éd.  Bohtlingk  et  Rieu,  p,  316). 


Histoire  ecclésiastique  4â9 

dogmes  que  celui  de  la  Misère,  —  d'autant  plus  qu'on  peut 
dire  des  Çrâvakas  aussi  qu'ils  reconnaissent  une  vérité  rela- 
tive et  une  vérité  supérieure.  Le  dogme  de  la  révélation  sur- 
naturelle du  Buddha  est  une  conséquence  inévitable  de  la 
nécessité  d'expliquer  les  miracles  que  les  Çrâvakas  eux- 
mêmes  attribuent  à  Çâkyamuni  dans  sa  carrière  historique  '. 
Comment  eùt-il  pu  agir  ainsi,  s'il  n'avait  été  qu'un  simple 
mortel  ?  Quant  à  reffacement  des  péchés,  *  par  des  bains  395 
dans  le  Gange  et  autrement,  on  l'a  permis  comme  une 
manifestation  de  piété,  ou  par  indulgence. 

A  chacun  des  deux  grands  partis  religieux  se  rapportent 
deux  écoles  philosophiques  :  celles  des  Vaibhàshikas  et  des 
Sautrântikas  se  rattachent  au  tlînayâna,  celles  des  Mâdhya- 
mikas  et  des  Yogâcâras  au  Mahâyâna. 

Les  Vaibhàshikas,  aussi  bien  que  les  Sautrântikas,  sont 
réalistes  *  :  les  deux  écoles  reconnaissent  l'existence  réelle 
du  monde  extérieur,  mais,  tandis  que  les  premiers  sou- 
tiennent que  seuls  les  objets  de  la  perception  immédiate 
existent,  les  seconds  admettent  que  les  objets  ne  sont  connus 
que  comme  des  images  et  dans  l'esprit.  Les  Vaibhàshikas 
divisent  les  substances  en  éternelles  et  en  non-éternelles; 
dans  cette  dernière  classe  on  range  tout  ce  qui  est  composé. 
Les  Sautrântikas  distinguent  le  composé  du  non-composé; 
les  cinq  Skandhas  appartiennent  à  la  première  classe  ;  à  la 
seconde,  toutes  les  idées  abstraites,  lesquelles,  cependant,  ne 
sont  pas  considérées  comme  des  substances. 

3.  Quand  un  homme  comme  Iliuen  Thsang,  bien  que  Mahàyaniste  lui-môme, 
s'exprime  souvent  comme  s'il  considérait  Çâkya  comme  un  mortel  ordinaire, 
il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  qu'il  parle,  absolument  de  la  mt^me  façon,  de 
Çivaet  d'autres  dieux.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu'en  décrivant  la  grande  sta- 
tue de  Çiva  à  Bénarès,  il  dit  qu'en  voyant  le  Dieu,  on  ressent  un  respect 
sacré  «  comme  s'il  vivait  encore  ».  Mém.  I,  35i.  —  Les  Mahâydnistes  pourraient 
m(^me  invoquer  l'autorité  du  Buddha  lui-nu^me,  qui  déclare  expressément,  en 
réponse  à  une  question  qu'on  lui  fait,  qu'il  n'est  pas  un  homme,  Afif/uitam- 
Nikâya,  II,  p.  38. 

1.  Vassilief,  B.  226-286;  Çahkara  *ur  ]e  Brahma-Sûlra,  2,  2,  18,  ss.;  Sarva- 
darçana-Sangraha^  9-24. 


430  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Chacune  de  ces  écoles  a  sa  théorie  particulière  sur  l'Ecri- 
ture Sainte.  Les  Vaibhâshikas  nient  absolument  l'autorité 
des  Sûtras,  et  ne  reconnaissent  que  celle  des  Abhidharmas^ 
On  pourrait  les  appeler  les  rationalistes  du  Bouddhisme.  En 
conséquence,  ils  considèrent  le  corps  de  Çâkyamuni  comme 
celui  d'un  homme  ordinaire,  qui,  après  avoir  atteint  l'état 
de  Buddha,  obtient  le  Nirvana  relatif  ^,  et,  après  sa  mort,  le 
Nirvana  absolu,  le  Néant.  Ce  qu'il  y  avait,  de  divin  dans  le 
Buddha  se  réduisait  à  ceci,  qu'il  savait  tout  de  lui-même  et 
n'avait  pas  besoin  de  rien  apprendre  des  autres. 

Les  Sautrântikas  refusent  toute  autorité  aux  Abhidharmas 
ets'en  tiennent  aux  Sûtras*.  Leur  Buddha  est  celui  de  l'Ecri- 
ture Sainte,  doué  de  dix  forces  {Daçabala)^  de  quatre  certi- 
396  tudes,  de  trois  sortes  de  méditation  *,  et  de  la  pitié  univer- 
selle *. 

Le  nom  de  Vaibhâshikas,  d'après  des  auteurs  bouddhiques 
plus  récents,  s'appliquerait  en  général  à  tous  les  Yieux 
Croyants  et  aux  18  sectes  ^  Sous  cette  forme  l'affirmation 
peut  difficilement  être  juste,  vu  qu'aucune  secte  ancienne,  à 
ce  qu'on  sache,  ne  rejetait  l'autorité  du  Sûtra-Pitaka.  Néan- 
moins, il  pourrait  y  avoir  quelque  vérité  au  fond  de  cette  op- 
nion.  Le  terme  Yibhâshâ,  d'où  les  Vaibhâshikas  tirent  leur 
nom,  est,  en  effet,  synonyme  de  Vibhâga,  pâli  :  Vibhanga, 
c'est-à-dire  «  explication  ».  Vaibhâshika  et  Vibhajyavâdin 
signifient  donc  la  même  chose  ^  Or,  nous  savons  que  le  parti 
présenté  comme  orthodoxe  dans  l'Eglise  singhalaise,  imposa 
le  Vibhajyavâda  comme  pierre  de  touche  de  l'orthodoxie, 
lors  de  son  troisième  Concile,  non-canonique.  Cette  doctrine 

2.  Yassilief,  B.  90. 

3.  Autrement  dit:  Jîvanmukti. 

4.  Comp.  Târanâtha,  56. 

1.  Cette  liste  des  18  marques  spirituelles  du  Buddha  est  une  variante  de  celle 
qu'on  trouve  à  la  fois  chez  les  Méridionaux  et  dans  le  Ijalita-Vistara;  comp. 
1. 1,  271  ;  301  ;  412. 

2.  Vassilief,  B.  266. 

3.  Vibhajya  dérive  de  la  même  racine  que  Vibhâga. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  431 

Vibhajyavâda  est  purement  métaphysique,  et,  bien  qu'on 
n'ait  pas  rejeté  expressément  le  Vinaya-Pitaka  et  le  Sutta- 
Pitaka  —  les  deux  seuls  recueils  mentionnés  lors  des  deux 
premiers  Conciles  —  ces  deux  parties  de  l'Ecriture  n'en  sont 
pas  moins  considérés  comme  secondaires,  et  Ton  voit  paraître 
subitement  un  traité  sur  l'Abhidharma,  le  Kathâvatthu,  pro- 
clamé par  le  président  même  de  l'assemblée,  Tishya  Maudga- 
liputra,  qui  descendit  parmi  les  hommes,  du  haut  du  monde 
éthéré  de  Brahma,  expressément  en  vue  de  cette  doctrine.  Le 
livre,  qui  correspond  chez  les  Septentrionaux  au  Kathâvatthu, 
est  attribué  à  Vasumitra,  le  chef  des  Bodhisatvas,  lors  du 
troisième  concile  des  Septentrionaux  *.  Les  deux  notices  ont 
tout  l'air  de  n'être  que  des  variantes  d'une  seule  et  môme 
fable  dogmatique,  bien  qu'il  soit  actuellement  impossible 
d'indiquer  les  faits  qui  ont  donné  lieu  à  la  fiction  *.  Nous  sup-  397 
posons  qu'à  une  certaine  époque,  entre  Açoka  et  Kanishka, 
une  secte  purement  rationaliste,  ou,  si  l'on  veut,  Abhidhar- 
miste,  est  devenue  assez  puissante  pour  faire  admettre 
l'Abhidharma,  au  lieu  du  Vinaya  et  des  Sûtras,  comme  centre 
de  gravité  de  l'orthodoxie  dogmatique;  pas  assez  puissante,  • 
cependant,  pour  pouvoir  ou  oser  ajouter  à  Ceylan  le  compte- 
rendu  du  troisième  concile,  reconnu  par  elle  (celui  qui  eut 
lieu  sous  Dharma-Açoka),  aux  récits  canoniques  dans  le 
Yinaya;  de  sorte  qu'elle  dut  se  contenter  de  déclarer  que  le 
Buddha  lui-même  était  un  Vibhajyavâdin.  Les  Vibhajyavà- 
dins  septentrionaux,  autrement  dits  Vaibhâshikas,  prirent  la 
liberté  de  rejeter  tout  le  Sûtra-Pitaka. 

Tandis  que  nous  considérons  le  système  des  Vaibhâshikas 
comme  une  suite  de  celui  des  antiques  Vibhajyavâdins,  nous 
croyons  que  la  doctrine  des  Sautrântikas  est  un  développe- 
ment systématique  de  celle  des  Sûtravâdins  et  de  quelques 


4.  On  dit  que  les  Vaibhâshikas  considèrent  comme  autorité  principale  le 
livre  Vaibhdshya.  Ce  livre  correspond,  au  moins  pour  le  titre,  au  livre  Vi- 
bhahga  de  1  Abhidharma  méridional. 


432  lïISTOmE  DU  BOUDDHISME  DANS  LInDE 

sectes  qui  s'y  rattachaient  étroitemeut  *.  Les  Sûtravâdins 
sont,  d'après  la  liste  singhalaise  la  plus  ancienne,  des  des- 
cendants éloignés  des  Sthaviras  (Vieux  Croyants),  bien  que, 
sur  quelques  points,  ils  se  soient  écartés  de  la  doctrine  véri- 
table et  orthodoxe  des  Anciens,  de  même  que  les  sectes 
apparentées  des  Saiikrântikas  et  Sarvâstivâdins.  Les  moines 
du  Mahâvihâra  se  présentent  comme  les  représentants  les 
plus  purs  du  Sthaviravàda,  tandis  qu'en  réalité,  comme  nous 
avons  essayé  de  le  démontrer,  ils  ne  peuvent  être  considérés 
que  comme  des  branches  plus  jeunes  du  vieux  tronc,  et 
qu'ils  sont  plus  particulièrement  des  Yibhajyavâdins.  Gomme 
il  était  de  l'intérêt  des  Yibhajyavâdins  singhalais  de  ne 
pas  être  considérés  comme  des  partisans  d'une  secte,  —  ce 
qui,  à  leurs  yeux  équivalait  à  la  désignation  de  schisma- 
tiques  —  leur  division  des  18  sectes  mérite  moins  de  con- 
fiance que  celle  qu'on  trouve  chez  les  hétérodoxes  Mahâsâii- 
398  ghikas,  *  en  tant  que  ceux-ci  ne  sont  pas  eux-mêmes  inté- 
ressés à  la  question.  Or,  les  Mahâsâiighikas  divisent  les  18 
sectes  non  en  deux,  mais  en  trois  groupes  principaux:  1, 
Sthaviras;  2.  Mahâsânghikas ;  3.  Yibhajyavâdins.  Aux  Stha- 
viras se  rattachent  les  Sautrântikas  —  les  Sûtravâdins  des 
Singhalais  ;  les  Yibhajyavâdins  forment  un  groupe  principal 
auquel  appartiennent  les  Mahîçâsakas,  les  Kâçyapiyas,  les 
Dharmaguptakas  et  lesTâmraçâtîyas.  Le  principe  sur  lequel 
repose  la  division  adoptée  par  les  Mahâsânghikas,   est  in- 


1.  Târan,  274  représente  les  Sautrântikas  comme  une  branche  des  Tâmraçâ- 
tîyas  qui,  d'après  lui,  sont  identiques  aux  Uttarîyas  et  Sahkrântikas,  mais, 
d'après  d'autres  autorités,  ces  sectes  diffèrent  entre  elles;  voy.  l'Appendice, 
et  comp.  Vassilief,  113.  Comme  la  liste  la  plus  ancienne,  celle  du  Dîpavarhsa, 
545,  donne  les  Sûtravâdins  comme  une  branche  des  Sarvâstivâdins  (Réalistes), 
et  que,  dans  l'énumération  donnée  par  les  hétérodoxes  Mahâsânghikas,  les 
Sautrântikas  sortent  immédiatement  des  Réalistes,  les  deux  listes  s'accordent 
si  l'on  identifie  les  Sautrântikas  et  les  Sûtravâdins.  Les  listes  de  Târanâtha 
omettent  entièrement  les  Sûtravâdins,  et  déjà  pour  cette  seule  raison,  on  ne 
peut  les  considérer  comme  exactes,  vu  qu'elles  contredisent  l'autorité  la  plus 
ancienne. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  433 

connu,  et  l'on  n'a  pas  le  droit  de  conclure  qu'ils  tenaient 
les  Vibhajyavàdins  et  les  sectes  qui  en  descendaient,  Mahî- 
çâsakas,  etc.,  pour  moins  orthodoxes  que  les  Sthaviras  et  les 
embranchements  de  ce  groupe,  les  Sarvàstivâdins  et  Sau- 
trântikas.  Il  est  fort  possible  que  par  cette  classification  on 
ait  voulu  mettre  en  lumière  le  fait  que  les  Yibhajyavàdins 
et  leurs  descendants  étaient  des  rationalistes,  les  Sthaviras 
et  leurs  descendants  des  partisans  de  la  doctrine  telle  qu'elle 
était  contenue  dans  l'Écriture  Sainte ,  à  l'exclusion  des  7 
Abhidharmas  K 

Les  sectes  dans  lesquelles  il  faut  chercher  l'origine  des 
Yaibhâshikas  et  des  Sautrûntikas  existaient  déjà  avant  Ka- 
nishka,  mais  le  développement  systématique  de  leurs  prin- 
cipes, puisés  dans  différentes  parties  de  l'ancien  canon,  date 
du  temps  oii  les  deux  écoles  se  sont  posées  en  adversaires 
de  la  nouvelle  tendance,  représentée  par  les  Mâdhyamikas  et 
les  Yogâçâras.  On  n'a  pas  encore  recherché  quels  change- 
ments furent  faits  par  les  Yaibhâshikas  dans  les  Abhi- 
dharmas. 

Nettement  opposés  aux  philosophes  réalistes  du  Hînayâna 
sont  les  idéalistes,  Yogâçâras  et  Mâdhyamikas,  les  défenseurs 
du  Mahâyâna.  Ces  deux  écoles  sont  parfois  prises  l'une  pour 
l'autre  et  chacune  d'elle  représente  plusieurs  variétés  de 
doctrine,  de  sorte  qu'il  est  difficile  d'indiquer  brièvement  les 
traits  principaux  des  deux  systèmes.  En  général,  on  peut 
dire  que  les  Yogâçâras  reconnaissent  l'existence  do  la  faculté 
de  connaissance  dans  l'intelligence,  de  renchaînement  des 
pensées  ^  ;  *  d'après  quelques-uns  d'entre  eux,  les  pensées  ont  399 
quelque  chose  de  vrai;  d'après  d'autres,  elles  n'ont  rien  de 
vrai.  Les  Mâdhyamikas  dénient  l'existence  réelle  de  toute 
chose  ;   leur  devise  est  «  tout  est  vanité  »,  ce  (fui  revient  ii 

1.  On  peut  nier  rauthenticité  des  1  traités  sur  l'Abliiilharina,  et  pourtant 
reconnaître  que  les  principes  développc'^s  dans  ces  traités  sont  orthodoxes. 

2.  C'est  pourquoi  on  les  nomme  Yijnànavàdins,  partisans  de  la  théorie  de 
rintelligence. 

Toinu  il.  m 


434  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

reconnaître  une  existence  purement  apparente.  Il  y  a  cepen- 
dant des  Mâdhyamikas  qui  reconnaissent  la  conscience, 
mais  nient  tout  le  reste.  Parmi  les  Mâdhyamikas,  on  compte 
aussi  les  Svatantrikas,  qui  admettent  que  «  chaque  chose 
devient  »  ou  «  existe  d'elle-même  »  *. 

La  différence  essentielle  entre  le  système  des  Yogâcâras  et 
celui  des  Mâdhyamikas  peut  s'exprimer  ainsi  :  les  premiers 
reconnaissent  l'existence  d'une  série  de  pensées,  qui,  prises 
dans  leur  ensemble  constituent  ce  qu'on  appelle  intelligence, 
faculté  de  connaissance;  les  derniers  ne  nient  pas  chaque 
pensée  considérée  à  part,  en  tant  que  phénomène,  mais  ils 
posent  que  le  phénomène  est  une  apparence,  et  l'apparence 
un  non-être,  de  sorte  que,  tout  en  admettant  le  phénomène, 
ils  concluent  que  le  phénomène  nest  pas. 

Le  système  des  Mâdhyamikas  est  le  développement  le  plus 
conséquent  du  point  de  vue  idéaliste  du  Bouddhisme,  de  la 
théorie  du  Nom  et  de  la  Forme.  En  un  mot,  c'est  la  forme 
bouddhique  du  Yedânta  scolastique. 

Les  Yogâcâras,  c'est-à-dire  «  étudiants  du  Yoga  »,  s'ac- 
cordent en  ceci  avec  les  Yogins  de  l'école  de  Patanjali,  qu'ils 
reconnaissent  l'existence  des  phénomènes  spirituels;  ils  s'en 
écartent,  en  tant  qu'ils  nient  l'existence  des  choses  en  dehors 
de  l'esprit. 

La  première  floraison  du  Mahâyâna  est  attribuée,  d'après 
toutes  les  sources  connues,  à  l'influence  de  Nâgârjuna,  le 
fondateur  du  système  des  Mâdhyamikas  ^  On  ajoute  cepen- 
dant qu'il  avait  un  précurseur  dans  le  brahmane  Râhula  ou 
Râhula-Bhadra,  connu  aussi  sous  le  nom  du  Grand  Brah- 
mane ou  Çri-Saraha,  qui  aurait  exercé  à  Nâlandâ  les  fonc- 
400  tions  de  professeur  ^  Ce  savant  brahmane  *  aurait  été  initié 


1.  Vassilief, /?.  288,  309;  Çahkara,  pass.  cité;  Sarvadarçana-S.  22,  24. 

2.  Târanâtha,  69;  comp.  61;  Lebensb.  310. 

3.  Comme   Fa  Ilian,  qui  visita  Nâlandâ  au  commencement  du   cinquième 
siècle,  ne  parle  pas  d'une  université  en  cet  endroit,  on  peut  admettre  que  toute 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  435 

à  la  doctrine  parle  SageKrshna,  qu'il  ne  faut  pas  confondre, 
dit  Târanâtha,  avec  cet  autre  Krshna  ou  Kâla_,  qui  est  men- 
tionné dans  la  liste  des  patriarches  ou  docteurs  principaux. 
Cependant  c'est  à  Ganeça  et  à  d'autres  Dieux  supérieurs  que 
le  grand  brahmane  eut  les  plus  grandes  obligations;  c'est 
d'eux,  en  effet,  qu'il  reçut  les  Sûtras  et  Tantras  du  Mahâyâna  *. 
Ces  légendes  contiennent,  d'après  nous,  l'aveu  dissimulé  du 
fait  que  la  Bhagavad-Gîtâ,  révélée  par  Krshna,  a  exercé 
une  certaine  influence  sur  les  Mâdhyamikas,  mais  que  le 
Çivaïsme  a  eu  une  part  encore  beaucoup  plus  grande  dans  le 
développement  du  Mahâyâna  en  général.  Nous  verrons  tantôt, 
par  nombre  de  faits,  combien  les  Çivaïtes  et  les  Mahâyânistes 
sont  étroitement  apparentés  ^ 

Pour  en  revenir  à  Nâgârjuna,  ce  grand  personnage  ecclé- 
siastique ^ ,  né  dans  le  Berar,   du  temps  du  Concile  sous 

mention  de  Nâlandà  comme  une  université  célèbre,  avant  le  milieu  du 
cinquième  siècle,  est  un  anachronisme. 

1.  Târanâtha,  66;  69;  105.  Il  y  a,  chez  le  même  auteur,  p.  93,  une  version 
singulièrement  différente,  d'après  laquelle  Râhula-Bhadra  aurait  été  un  Çûdra 
et  élève  d'Ârya  De  va. 

2.  Les  points  de  ressemblance  entre  la  Bhagavad-Gîtâ  et  le  Lotus  sont  nom- 
breux, mais  ils  trahissent  plutôt  une  origine  commune,  qu'un  emprunt  direct. 
Par  exemple  :  Çâkyamuni  s'appelle  le  père  du  Monde,  qui  délivré  ses  enfants 
chéris  du  Samsara;  qui,  bien  que  siégeant  toujours,  en  réalité,  sur  le  Pic  du 
Vautour,  semble,  pour  le  bien  du  monde,  se  promener  parmi  les  hommes  ; 
Lotus,  XXV,  st.  6;  10;  20;  comp.  Bhag.  IV,  6;  IX,  17;  XI,  43;  XII,  7.  Buddha 
est  égal  {sama)  pour  tous  les  êtres.  Lotus  V;  comp.  Bhag.  IX,  29;  XII,  13. 
Çâkyamuni,  afin  de  donner  une  preuve  de  son  pouvoir  miraculeux,  étend  sa 
langue  jusqu'à  l'extrémité  de  l'Univers,  Loius  XX;  Krshna  (Vishnu)  fait  la 
même  chose,  Bhag.  XI,  30;  l'idée  qu'il  y  a  plusieurs  degrés  d'une  vie  pieuse 
et  sage  [Lotus  III),  se  trouve  aussi  Bhag.  XII,  12. 

3.  Târanâtha  dit  de  lui  (p.  69):  «  toutes  les  écoles  le  reconnaissaient  pour 
leur  chef.  »  Ceci  rappelle  le  titre  de  «  Père  de  l'Église  pour  toute  la  terre  »  donné 
à  Sarvakâmin  (voir  plus  haut,  p.  255).  hsinsla.  Râja-larangint,  173,  Nâgârjuna 
est  appelé  un  Bodhisatva  ekabhûmiçvara.  Ce  dernier  pourrait  signifier  :  «  sei- 
gneur unique  de  la  terre  »,  mais  aussi  «  seigneur  d'un  degré  ».  Les  propriétés 
d'un  Bodhisatva  du  premier  degré  sont  décrits  d'une  façon  aussi  détaillée  que 
confuse  dans  le  Mahdvastu,  édit.  Senart,  I,  p.  18-84.  Le  nom  de  Nàgârjunaest 
célébré  encore  aujourd'hui  par  les  bardes  du  Kashmir,  selon  Bûhler,  Indische 
Studien,  XIV,  408. 


436  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LlNDE 

Kanishka,  fut  un  disciple  du  brahmane  Râhula-Bhadra  et  le 
fondateur  du  système  Mâdhyamika.  A.  l'âge  de  60  ans,  il 
mourut  et  atteignit  le  ciel  Sukhâvatî  \  Gomme  ses  princi- 
401  paux  disciples,  *  auxquels  la  renommée  attribuait  la  propaga- 
tion des  idées  Mahâyânistes  dans  l'Inde,  on  nomme  Arya 
Deva,  Nâgabodhi,  Buddhapâlita,  etc. 

Supposons  que  Nâgârjuna  soit  né  vers  l'an  160  après  J.-C, 
et  qu'il  soit  mort  après  avoir  été  moine  pendant  soixante  ans, 
il  ne  sera  pas  impossible,  comme  nous  l'avons  déjà  remar- 
qué, qu'il  ait  connu  le  Singhalais  Deva.  A  ce  point  de  vue,  le 
récit  que  nous  venons  de  résumer  n'aurait  rien  d'invraisem- 
blable. Au  contraire,  les  traditions  chez  Târanâtha  ont  le 
caractère  d'allégories  ou  de  contes.  En  effet,  d'après  ces  récits, 
Nâgârjuna  aurait  atteint  un  âge  de  600  moins  71  ou  de  600 
moins  29  ans,  dont  il  aurait  passé  200  ans  dans  l'Hindoustan 
propre,  200  dans  le  Midi,  et  129  ou  171  sur  le  mont  Çrî-par- 
vata  *.  Hiuen  Thsang  le  nomme  une  des  lumières  du  monde 
à  côté  de  Deva,  de  Kumâralabdha  et  d'Açvaghosha  ^ 

Dans  la  masse  des  légendes  qui  circulent  sur  Nâgârjuna, 
il  y  a  probablement  plus  de  vérité  qu'il  ne  semble  au  premier 
abord  ;  il  s'agit  seulement  de  rechercher  quelle  sorte  de  vérité 
ces  récits  ont  voulu  transmettre  à  la  postérité,  et  il  n'est  pas 
facile  de  le  deviner.  Nous  ne  nous  arrêterons  ici  qu'à  quelques 
détails  de  sa  biographie  ^  D'abord,  le  séjour  du  prélat  «  que 
toutes  les  sectes  reconnaissent  comme  leur  chef  »,  sur  le 

4.  Lehensb.  310.  Sukhâvatî  est  le  ciel  d'Amitâbha.  En  sa  qualité  de  Bodhi- 
satva,  Nâgârjuna  ne  put  atteindre  le  Nirvana,  car  celui-ci  n'existe  que  pour 
les  Buddhas  et  les  Arhats.  —  Les  Màdhyaaiikas  conséquents  nient  môme 
ridée  de  Nirvana  qui,  d'après  eux,  n'est  qu'une  conséquence  de  l'aveuglement; 
Beal,  Catena,  p.  125. 

1.  Târanâtha,  13.  Une  autre  autorité,  Bodhibhadra,  lui  fait  atteindre  l'âge 
de  100  ans;  Vassilief,  B.  318. 

2.  Mém.  II,  214. 

3.  Vassilief,  B.  210.  Les  biographies  de  Nâgârjuna,  Deva  et  Açvaghosha 
existaient  déjà  avant  les  années  387-418  de  notre  ère,  car  à  cette  époque  elles 
furent  traduites  en  chinois.  Une  biographie  en  Kashmirien  est  mentionnée  par 
Biihler,  Indische  Sludlen^  XTV,  408. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  437 

mont  Çrîparvata.  Il  y  a  plusieurs  montagnes  de  ce  nom  : 
l'une,  dans  le  Kashmir,  était  un  séjour  de  moines  çivaïtes  ; 
l'autre,  dans  l'Inde  méridionale,  était  encore  plus  renommée 
à  cause  du  sanctuaire  de  Çiva  qui  s'y  trouvait  et  qui  portait 
le  nom  de  Mallika-Arjuna  *.  En  second  lieu,  les  Bouddhistes 
racontent  que,  cent  ans  après  sa  mort,  on  érigea  des  temples 
en  son  honneur,  'partout  dans  l'Inde  méridionale.  En  troi- 
sième lieu,  les  Hînayânistes  lui  attribuent  le  livre  canonique 
Prajnâ-Pâramitâ.  Quand  on  se  rappelle  que  Prajnâ  *  est  la  402 
Nature,  l'aspect   féminin  de    Çiva,  en  un  mot,  Durgâ;  que 
des  écrits  d'une  telle  étendue  sont  d'ordinaire  attribués  au 
Temps,  plus  ou  moins  personnifié;  que  la  Prajnâ-Pâramitâ 
et  autres  écrits  du  canon  Mahâyâniste  sont  apparentés  à  la 
littérature  des  Tantras,  sur  laquelle  nous  reviendrons;  que 
les  Tantras  sont  censés  révélés  par  Çiva,   ce  qui  distingue 
nettement  ces    écrits  du  Mahâ-Bhârata  et   autres  ouvrages 
brahmaniques  *  ;  alors  on  arrive  à  la  conclusion  que  presque 
tout  ce  qu'on  raconte  de  Nâgârjuna,  ne  se  rapporte  pas  à  un 
moine  du  deuxième  siècle,  mais  à  Çiva.  Le  Nâgârjuna  idéal 
fonda  le  Mahâyâna,  comme  Çiva  fonda  l'Hindouisme,  la  reli- 
gion qui  n'était  pas  seulement  destinée  aux  Âryas,  mais  à  la 
foule. 

Du  Nâgârjuna    historique,   on    sait    peu   de    chose.  Les 
ouvrages   qu'on  lui  attribue  dans   sa  biographie  ancienne, 

4.  Râja-taranqinî^  3,  271;  4,  390.  Le  Dr.  Fitz-Edward  Hall  dans  la  préface 
de  la  Vâsavndattâ,  11. 

1.  Par  Brahmanisme  nous  entendons  la  forme  religieuse  prédominante 
depuis  la  fin  de  l'époque  védique  jusqu'au  premier  développement  de  l'Hin- 
douisme, dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère.  Le  Brahmanisme  plus  ancien, 
qui  vient  immédiatement  après  l'époque  védique,  e^t  représenté  par  les  Brâh- 
manas  et  les  Upanishads;  le  Brahmanisme  plus  récent,  par  les  parties  les  plus 
anciennes  du  Mahâ-Bhârata  et  de  Manu.  Le  Bouddhisme  plus  ancien  correspond 
au  Brahmanisme  plus  récent  et  est  sorti  des  mêmes  sources;  le  Mâhâyana  cor- 
respond à  l'Hindouisme.  De  même  que  le  Bouddhisme  plus  ancien,  quelque  peu 
modifié,  s'est  maintenu  par  ci  et  par  là  jusqu'à  nos  jours,  de  même,  dans  plu- 
sieurs familles  brahmaniques,  le  Brahmanisme  s'est  conservé,  au  inoins  dans 
ses  formes  extérieures, 


438  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

sont  perdus  ;  il  est  vrai  qu'il  y  a  d'autres  écrits,  qui  portent 
maintenant  son  nom. 

L'histoire  d'Arya  Deva  est  aussi  rattachée  à  celle  de  Mahâ- 
deva.  La  ressemblance  des  noms  peut  avoir  été  la  cause  de 
ce  fait.  On  le  considère  comme  l'auteur  de  quelques  écrits 
de  polémique  de  peu  d'étendue. 

La  troisième  lumière  du  monde,  le  Bfiadanta  ^  Kumâra- 
labdha,  qui  brillait  en  Occident  en  même  temps  que  Nâgâr- 
juna,  était  le  fondateur  reconnu  de  l'école  des  Sautrântikas. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  dans  ce  renseignement,  c'est 
403  la  théorie  que  l'école  des  Sautrântikas  serait  née  *  en  même 
temps  que  celle  des  Mâdhyamikas.  Il  est  difficile  de  décider 
jusqu'à  quel  point  cette  théorie  est  vraie,  d'autant  plus  que 
Târanâtha  fait  vivre  le  Bhadanta,  qu'il  appelle  Kumâra- 
lâbha,  du  temps  de  Kâlidâsa,  donc  au  vi*  siècle,  peu  de 
temps  avant  l'époque  oii  Mahomet  se  posa  en  prophète  *.  En 
face  de  récits  aussi  contradictoires,  il  est  difficile  d'arriver  h 
une  conviction.  Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  de  la  qua- 
trième lumière  du  monde,  Açvaghosha. 

Comme  maîtres  parmi  les  Vaibhâshikas  on  nomme  avec 
éloges  les  Bhadantas  Dharmatrâta,  Ghoshaka,  Buddhadeva 
et  Yasumitra.  Le  premier,  né  dans  le  Gândhâra,  est  connu 
comme  un  des  quatre  ornements  de  l'école  des  Vaibhâshi- 
kas. S'il  est  vrai  qu'il  a  été  un  disciple  de  Deva,  il  doit  avoir 
fleuri  dans  la  première  moitié  du  m''  siècle.  On  lui  attribue 
le  livre  Mahâ-Vibhâshâ.  Quelques-uns  le  considèrent  comme 
l'auteur  d'une  anthologie  d'effusions  lyriques  du  Seigneur, 


2.  Le  titre  de  Bhadanta,  qui  appartenait  originairement  aussi  bien  aux  moines 
Jainas  et  aux  Âjîvikas  qu'aux  fils  de  Çâkya,  semble,  dans  Tépoque  qui  nous 
intéresse  ici,  avoir  été  appliqué  particulièrement  aux  Sautrântikas  (Burnouf, 
Introd.  567),  bien  qu'on  trouve  aussi  ce  titre  donné  à  des  Vaibhâshikas. 

1.  D'après  l'historien  tibétain  (79)  le  prophète  arabe  s'appelait  réellement 
Kumârasena,  et  était  un  Sautràntika  très  savant,  mais  incrédule,  qui,  après 
avoir  été  expulsé  de  la  communauté,  prit  le  nom  de  Mamathar,  se  livra  à  la 
magie  avec  l'aide  du  diable,  etc. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  43^ 

intitulée  Udânavarga  \  D'après  Hiuen-Thsang,  il  était  l'au- 
teur d'un  Samyuktâbhidharma-Çâstra  ^. 

On  sait  peu  de  chose  sur  Ghoshaka  (ou  Goshaka)  et  Bud- 
dhadeva.  Le  premier  aurait  vécu  à  Bénarès  ;  le  second  était 
un  Bhadanta  du  pays  des  ïokhars  ou  Turcs.  Hiuen  Thsang 
mentionne  un  certain  Ghosha,  comme  doué  des  quatre  pro- 
priétés distinctives  d'un  Arhat,  mais  ajoute  qu'il  était  un 
contemporain  d'Açoka  '\ 

Vasumitra,  originaire  de  Maru,  est  distingué  expressé- 
ment du  président  homonyme  du  troisième  Concile,  et  d'un 
autre  Vasumitra,  qui  aurait  vécu  au  vi''  ou  vu^  siècle.  D'après 
Târanâtha,  celui  dont  il  s'agit  ici  aurait  fleuri  sous  le  fils  de 
Kanishka  ^ 

*  Les  nuages,  qui  nous  dérobent  les  luttes  des  partis,  ne  404 
commencent  à  se  lever  qu'au  v®  siècle,  grâce  au  Chinois  Fa 
Hian.  Ce  pèlerin  s'est  donné  la  peine  de  réunir  des  données 
de  statistique  au  sujet  de  la  population  des  couvents,  dans  les 
pays  qu'il  a  visités,  et  il  manque  rarement  d'indiquer  en 
même  temps  à  quel  parti  appartenaient  les  religieux.  En 
prenant  pour  base  les  chiffres  qu'il  donne,  on  arrive  au  résul- 
tat que  les  Hinayânistes  avaient  alors  la  majorité,  mais  une 
petite  majorité.  Comme  leMahâyâna  était  déjà  alors  dans  un 
état  florissant,  même  hors  de  l'Inde,  entre  autres  en  Chine 
et  dans  le  Khotan,  nous  pouvons  en  conclure  que  la  nouvelle 
tendence  avait  fait,  dans  l'espace  de  trois  siècles  environ, 
des  progrès  gigantesques,  et  était  sur  le  point  de  dépasser 
les  Çrâvakas. 

Le  récit  du  voyageur  chinois  contient  en  outre  des  détails 
importants  sur    les    habitudes   spéciales   aux  deux   partis. 


2.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  tibétain,  et  du  tibétain  en  anglais,  parRock- 
hil.  C'est  le  pendant  du  Dhammapada  en  pâli. 

3.  Târanâtha,  67,  297.  Voy.  des  VU.  B.  II,  105,  119.  Vassilief,  50,  270. 

4.  Târanâtha,  4,  61,  67.  Vassilief,  U.  50,  266,  2Sl.  Burnouf, /w/rod.  567.  Voy. 
des  Pèl.D.  II,  159. 

6;  Târanâtha,  60,  68  J 


440  HTSTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

En  parlant  de  la  yille  de  Mathurâ,  il  raconte  que  les  parti- 
sans de  rAbhidharma  rendent  un  culte  religieux  à  l'Abhi- 
dharma-Pitaka;  ceux  du  Vinaya,  au  Yinaya-Pitaka  ;  mais 
que  les  Mahâyânistes,  au  contraire,  vénèrent  la  Prajnâ-Pâra- 
mitâ,  Manjuçrî  et  Avalokiteçvara  ^ 

Non  moins  curieux  sont  les  détails  que  le  pèlerin  donne 
sur  les  deux  couvents  de  Pàtaliputra,  avec  une  population 
totale  de  six  à  sept  cents  moines.  S'arrôtant  dans  l'un  des 
deux  couvents  —  celui  des  Mahâyânistes  —  le  voyageur  se 
procura  une   copie  du  règlement   d'après  la  rédaction  des 
Mahâsâiighikas.  Il  déclare,  un  peu  naïvement  (probablement 
sur  l'autorité  des  moines)  que  cette  rédaction  était  la  même 
que  celle  qui  avait  été  approuvée  par  le  premier  grand  Con- 
cile, celui  qui  s'était  réuni  du  temps  du  Buddha  lui-même.  Il 
remarque,  en    outre,    que    les   18    sectes   ont  chacune    son 
propre  chef  ;   qu'elles  sont  d'accord  en  admettant  les  Trois 
Joyaux,  bien  qu'elles  dilTèrent  sur  des  points    secondaires 
du  dogme,  et  aussi  par  la  sévérité  plus  ou  moins  grande 
405  avec  laquelle  elles  appliquent  les  règles  de  conduite  *.  La 
rédaction  du  règlement  dont  nous  venons  de  parler  passait 
«  généralement  »  pour  la  plus  correcte  et  la  plus  complète  \ 
Tout  ce  que  le  pèlerfn  dit  (ou  répète)  au  sujet  du  premier 
Concile  a  pour  nous  peu  de  valeur;  nous  sommes  là-dessus 
mieux  instruits  par  d'autres  sources.  Ce  n'est  pas  là  que  se 
trouve  l'intérêt  de  son  récit  naïf,  mais  dans  la  conclusion  ' 
qu'on  peut  en  tirer,  à  savoir  que  les  Mahâyânistes  du  cou- 
vent étaient  des  Mahâsârighikas.   Ceci   nous  confirme  dans 
l'opinion  que  des  liens  étroits  rattachaient  les  Mahâyânistes 
aux  Mahâsârighikas  ;  nous  avons  vu,  en  effet,  que  les    pre- 
miers avaient  conscience  de  celte  filiation. 

Fa  Hian  réussit  à  se  procurer  une  autre  copie  du    règle- 
ment. Elle  contenait  la  rédaction   des  Sarvâstivâdins,  qui 


1.  Tmvels,  59. 
1.  O.c.  142. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  441 

étaient  rangés  parmi  les  Vieux-Croyants  et  les  orthodoxes. 
Ces  Sarvâstivâdins  de  Pâtaliputra  étaient  tellement  «  vieux 
jeu  »,  qu'ils  transmettaient  le  règlement  par  voie  orale, 
comme  les  Brahmanes  le  font  encore  aujourd'hui  pour  les 
Yedas. 

Du  temps  du  voyageur  chinois,  le  Mahâyâna  était  com- 
plètement développé  :  il  avait,  en  partie,  ses  propres  objets 
de  culte  et  reconnaissait  comme  le  plus  saint  de  ceux-ci,  la 
Prajnâ-Pâramitâ.  C'est  par  le  livre  de  ce  nom  que  s'ouvre  le 
canon  Mahâyâniste,  qui,  bien  que  composé,  en  grande  partie, 
d'éléments  plus  anciens,  a  subi  tant  de  modifications  et  d'in- 
terpolations, qu'on  peut  le  considérer  comme  une  nouvelle 
révélation,  rédigée  en  vue  des  besoins  de  l'époque.  Certains 
ouvrages  de  ce  canon  sont  si  peu  nouveaux,  qu'on  rencontre, 
presque  à  chaque  page,  des  passages  en  vers  ou  en  prose,  qui 
se  retrouvent  à  peu  près  mot  à  mot  dans  le  canon  pâli.  Un 
livre  de  ce  genre  est  le  Lalita-Yistara,  qui  n'est,  au  fond, 
qu'une  rédaction  spéciale  d'un  écrit  qui  existait  déjà,  sous 
d'autres  titres,  chez  quelques  sectes  plus  anciennes  ^  Un 
autre  ouvrage  *,  le  Daçabhûmîçvara,  correspond,  pour  406 
l'essentiel,  à  une  division  du  Mahâvastu  (I,  76  ss.)  des  Mahâ- 
sâtighikas. 

En  énumérant  les  livres  canoniques  les  plus  remar- 
quables \  nous  commencerons  par  les  neuf  livres  principaux 
que  les  Népalais  appellent  les  Neuf  Dharmas  (abréviation  de 
Dharma-paryâyas) . 


2.  Les  Mahâsdhghikas  l'appelaient  «  Les  Grandes  Actions  »  ;  les  Sarvâstivâ- 
dins (orthodoxes)  «  La  Grande  Magnificence  »  ;  les  Hâçyapîyas  (également 
orthodoxes),  o  La  Préhistoire  du  Buddha  »  ;  les  Dharmaguptas  «  Les 
Renaissances  du  Buddha  Çâkyarauni  »;  les  Mahîçdsakas  «  Le  Fond  du  vase 
du  Vinaya  »;  la  rédaction  d'après  laquelle  a  été  faite  la  traduction  chinoise 
avait  pour  titre  :  Abhinishkramana-Sûtra,.  c'est-à-dire  :  Sûtra  du  Renoncement 
au  Monde,  Vassilief,  li.  114. 

1.  Du  temps  de  Hiuen  Thsang,  on  ne  comptait  pas  moins  de  124  écrits,  fai- 
sant partie  de  ce  canon  {Vie,  295);  dans  le  dictionnaire  Mahâvyutpatti,  S  65, 
on  trouve  une  liste  de  86  titres. 


442  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

1.  Prajnâ-Pâramitâ,  la  Parfaite  Sagesse.  —  Par  cette 
sagesse ,  on  entend  la  toute-puissante  Mère-Nature ,  la 
somme  de  toutes  les  forces  spirituelles  et  physiques  de  la 
matière.  Elle  est,  au  figuré,  la  déesse  de  la  Nature,  et  par 
conséquent  une  abstraction  de  l'ensemble  des  phénomènes. 
Phénomène  et  apparence,  illusion,  mâyâ^  sont  des  termes 
qui,  chez  les  idéalistes  indiens,  reviennent  au  même,  de 
sorte  que  Prajriâ  et  Mâyâ  expriment  la  même  idée  ^.  La 
Prajnâ  est  —  c'est  là  le  fond  de  la  doctrine  —  «  la  produc- 
trice de  tous  lesTathâgatas,  la  mère  de  tous  les  Bodhisatvas. 
Pratyekas  et  disciples  ».  Quand  elle  passe  de  Fétat  de  repos 
—  c'est-à-dire  d'abstraction,  —  à  celui  de  mouvement,  on 
voit  paraître  d'abord  le  Buddha,  c'est-à-dire  l'intellect  actif, 
pour  se  réunir  d'abord  à  elle  ;  de  cette  union  naît  le  monde 
de  l'expérience.  C'est  ainsi  que  Prajnâ  est  à  la  fois  la  mère 
et  la  femme  du  Buddha  ^  Ce  matérialisme  idéaliste,  loin 
d'être  nouveau,  quant  à  son  principe  ou  même  quant  à  sa 
forme,  se  perd  dans  la  nuit  des  temps,  et,  pour  ce  qui  con- 
cerne les  Bouddhistes  en  particulier,  déjà  dans  la  forme  la 
plus  ancienne,  à  nous  connue,  de  sa  légende,  le  Gotamide 
est  le  fils  de  Mâyâ,  autrement  dit  Prajnâ,  et  le  mari  de 
Yaçodharâ,  c'est-à-dire  au  fond  de  la  Terre-Mère,  qu'on  iden- 
tifie avec  la  Nature  et  la  Matière  —  Upmja  disent  les  Mahâyâ- 
nistes.  Il  existe  plusieurs  rédactions  de  la  Prajnâ-Pâramitâ, 
dont  la  plus  longue  compte  100  mille,  la  plus  courte  100  cou- 
plets; les  Népalais  et  Tibétains  considèrent  comme  particu- 
lièrement sacrée  la  rédaction  en  8,000  vers  *. 
407  *2.  Saddharma-Pundarîka,  le  Lotus  du  bon  (ou  véritable) 
Dharma  (et  :  de  l'existence  réelle).  Ce  livre,  particulière- 
ment sacré,  qui,  dans  les  temples  chinois,  est  toujours  placé 

2.  A  un  autre  point  de  vue  encore,  les  deux  termes  se  touchent,  mâyâ  signi- 
fient «  ruse  »  et  prajha  »  sagesse. 

3.  Hodgson,  Ess.  56,  61,  12. 

4.  Conip.  Vassilief,  B.,  145-193,  où  Ton  traite  d'une  façon  détaillée  du  con^ 
tenu  des  livres  canonique»  i 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  443 

t 

sur  la  table  devant  les  idoles,  contient  principalement  une 
série  de  tableaux  merveilleux  ou  de  fantasmagories,  entre- 
coupées de  dialogues,  le  tout  tendant  à  montrer  Çâkyamuni 
dans  toute  sa  splendeur  et  à  remplir  le  croyant  de  respect 
pour  cet  être  multiforme  et  incompréhensible.  La  scène  est 
placée  sur  le  Pic  du  Vautour.  Une  petite  partie  est  consacrée 
à  la  glorification  d'Avalokiteçvara,  mais  cette  partie  semble 
avoir  été  ajoutée  postérieurement. 

«  3.  Lalita-Yistara,  l'histoire  du  Gotamide  dans  son  dernier 
état  de  Bodhisatva,  depuis  sa  descente  du  ciel  pour  sauver 
l'humanité,  jusqu'à  la  fondation  du  Saiigha. 

4.  Saddharma-Laiikâvatâra,  la  Révélation  du  vrai  Dharma 
à  Ceylan.  Ce  livre  sert  particulièrement  à  démontrer  la  non- 
existence  du  monde  réel.  Entre  autres,  on  y  enseigne  que  le 
Tathâgata  (c'est-à-dire  la  Raison)  est  créé  et  incréé,  non- 
éternel  et  non-non-éternel,  que  son  siège  (c'est-à-dire  l'âme, 
le  sens  intérieur)  est  la  base  du  bien  et  du  mal  *. 

5.  Suvarna-Prabhâsa,  c'est-à-dire  Splendeur  de  l'Or, 
ouvrage  qui  présente,  pour  la  forme,  une  grande  ressem- 
blance avec  le  Lotus,  et  dans  lequel,  comme  dans  le  Lotus, 
la  scène  est  placée  sur  le  Pic  du  Vautour.  Il  contient  un  cer- 
tain nombre  de  légendes  édifiantes,  qui  doivent  recomman- 
der les  vertus  spéciales  du  Bodhisatva,  des  éloges  du  Buddha 
et  du  Mahâyâna  ^ 

6.  Ganda-Vyûha,  la  Structure  du  monde,  comparée  à 
une  bulle  d'eau.  Ecrit  hautement  idéaliste,  dans  lequel  il 
est  démontré  comment  le  monde  est  une  création  du  sens 
intérieur,  de  l'imagination,  et  comment  seul  le  Tathâgata 
(c'est-à-dire  la  Raison  personnifiée)  est  capable  de  com- 
prendre toute  chose  \ 

7.  Tathâgataguna-Jnâna,  la  Connaissance  des  propriétés 

1.  Comp.  Burnouf,  Introd.  514. 

2.  Un  aperçu  du  contenu  est  donné  par  Burnouf,  Introd.  529. 

3.  Hodgson,  £"5*.,  16,  attribue  l'ouvrage  à  Asahga»  qui  vivait  au  vi«  siècle, 
probablement  ù  tort. 


444  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

408  du  Tathâgata  *,  c'est  probablement  le  même  ouvrage  que  le 
Tathâgata-Guhyaka,  Doctrine  secrète  relat>ive  au  Tathâgata  \ 
En  résumé,  c'est  une  description  des  propriétés  merveilleuses 
et  de  l'activité  de  l'intelligence,  biiddhi.  «  Le  Buddha  con- 
siste au  fond  en  un  corps  spirituel^  qui  n'est  pas  né,  qui 
n'est  sorti  de  rien  et  qui  n'est  limité  par  rien.  »  Il  est  difficile 
d'exprimer  plus  clairement,  autant  qu'un  style  d'oracle  le 
permet,  que  le  Buddha  n'est  autre  chose  que  la  pensée  per- 
sonnifiée. 

8.  Samâdhi-râja,  sur  la  méditation  mystique,  par  laquelle 
on  élève  l'esprit  aux  sphères  supérieures. 

9.  Daçahhûmîçvara,  le  Seigneur  des  10  degrés;  sur  les 
degrés  des  Bodhisatvas  ou  des  mondes  ^ 

Sauf  les  deux  derniers  numéros,  les  Dharmas  que  nous 
venons  d'énumérer  figurent,  sous  la  dénomination  de  Sûtras 
ou  de  Sûtrântas,  dans  une  énumération  plus  étendue,  qui 
indique  aussi  les  écrits  suivants  : 

10.  Nirvàna-Çâstra,  traitant  particulièrement  du  mérite 
moral.  Le  trait  le  plus  frappant  de  cet  écrit,  est  la  thèse  sui- 
vante :  toutes  les  créatures  ont  la  nature  d'un  Buddha,  mais, 
comme  on  ne  peut  posséder  parfaitement  cette  nature  quand 
on  a  un  corps  imparfait,  on  peut  dire  que  la  nature  d'un 
Buddha  n'existe  pas. 

jl.  Yimalakîrti;  sur  le  néant  absolu  des  êtres  animés, 
pareils  à  des  images  d'un  rêve. 

12.  Sandhi-Nirmocana,  «  sur  la  décomposition  des  combi- 
naisons». Ce  traité  contient  une  analyse  des  concepts  fonda- 
mentaux ou  catégories  de  Tintelligence  humaine  ;  c'est  une 
sorte  de  «  Critique  de  la  raison  pure  ». 


1.  Hodgson,  £"«5.  49,  dit  que  ce  dernier  ouvrage  est  un  Tantra,  mais  alors 
on  comprend  difficilement  comment  on  peut  le  ranger  parmi  les  Dharmas; 
en  effet,  les  Dharmas  sont,  selon  les  Népalais,  comparables  aux  Purânas,  non 
aux  Tantras. 

2.  Hiuen-Thsang,  Mém.  T,  273,  appelle  cet  ouvrage  Daçabhûmi-Sûtra.  Comp. 
n.  J.  A.  s.,  1875,  p.  4. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  445 

13.  Karanda-Vyûha,  «  la  Construction  de  la  corbeille  » 
(c'est-à-dire  la  formation  de  l'Univers).  Dans  ce  livre,  surtout 
écrit  en  vue  de  la  glorification  d'Avalokiteçvara,  on  enseigne, 
comment,  à  l'origine  des  choses,  parut  le  Buddha  primitif, 
Adibuddha,  sous  la  forme  d'une  flamme  ;  comment  *  il  409 
s'appelle  aussi  Svayambhû,  «  celui  qui  est  né  de  lui-môme  », 
etÂdinâtha  «  le  premier  Seigneur  ».  De  sa  méditation,  nom- 
mée «  la  Création  du  Monde  »,  naît  Avalokiteçvara,  qui  crée 

à  son  tour  et  forme  de  ses  yeux  le  soleil  et  la  lune,  de  son 
front  Çiva,  de  ses  épaules  Brahma,  de  son  cœurNârâyana,  et 
de  ses  dents  Sarasvatî,  la  déesse  de  l'éloquence.  Cet  ouvrage, 
qui  semble  relativement  récent,  existe  en  deux  rédactions, 
l'une  en  vers,  l'autre  en  prose  ^ 

14.  Angulimâli-Sûtra,  la  légende  d'Angulimâlinou  Angula- 
mâla,  brigand  et  assassin  qui,  comme  on  sait,  fut  converti, 
par  le  Buddha.  Cet  écrit,  qui  enseigne  qu'Aiigulimâlin  et 
Manjuçrîsont  l'incarnation  d'autres  Buddhas%  a,  entre  autres 
le  but  de  démontrer  qu'il  n'y  a  qu'un  moyen  de  salut,  et  que, 
le  Mahâyâna  est  supérieur  au  Hînayâna. 

15.  Karunâ-Pundarîka,  leLotus  de  la  Miséricorde.  Légendes 
des  mille  Buddhas,  et  indications  sur  la  manière  de  devenir 
un  Buddha  ^.  Tous  les  Buddhas  des  dix  Cieux  apparaissent 
dans  une  fantasmagorie,  grâce  au  pouvoir  miraculeux  de 
Çâkyamuni  \ 

16.  Ratna-Kûta,  «  l'Amas  de  joyaux  ».  Collection  de  49  trai- 
tés sur  des  sujets  mystico-philosophiques  et  moraux. 

17.  xlvatamsaka  «  la  Couronne  ».  Sur  l'omniprésence  et 
la   puissance   miraculeuse  de   Çâkyamuni,  se   manifestant 


1.  On  en  trouve  un  aperru  chez  Burnouf,  Introd.  221. 

2.  On  semble  vouloir  dire  que  Manjuçrî,  c'est-à-dire  la  Lune,  n'a  pas  de 
lumière  propre,  mais  la  reçoit  du  soleil. 

3.  C'est-à-dire  sur  la  manière  dont,  après  la  mort,  on  est   placé  parmi  les 
astres. 

4.  C'est-à-dire,  au  point  de  vue  philosophique  ou  idéaliste  :  ils  apparaissent 
grâce  à  la  perception,  à  l'imagination» 


446  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L^INDE 

dans  des  tableaux  splendides  de  la  nature.  —  C'est  une  suite 
de  fantasmagories,  comme  le  Lotus. 

i8.  Sarvabuddha-vishayâvatâra,  «  Introduction  à  la  con- 
naissance du  domaine  de  tous  les  Buddhas  ». 

19.  Manjucrî-Vikrîdita,  «  le  Jeu  (c'est-à-dire  les  phantas- 
magories  ou  apparences)  de  Manjuçrî.  »  On  raconte  dans  ce 

410  livre  comment  Manjuçrî  *  convertit  une  femme  sensuelle  ; 
par  suite,  elle  dut  s'exercer  dans  la  patience,  prit  l'appa- 
rence d'une  malade  et  convertit  dans  cet  état  un  capitaine  *. 

20.  Mahâ-Bherî,  «  le  Grand  Tambour  ».  Traité  d'idéalisme 
transcendant.  Le  Tathâgata  (c'est-à-dire  la  Conscience  con- 
sidérée d*une  façon  abstraite  et  en  même  temps  personnifiée, 
le  Purusha  des  Yogins,  le  Kûtastha  d'autres  sectes  indiennes^ 
possède  une  béatitude  constante  (obscurcie  seulement  en 
apparence  parce  que  le  Purusha  entre  en  contact  avec  le 
monde)  ;  il  possède  un  moi  pur,  non  le  Nirvana.  Tous  les 
êtres  animés  ont  l'essence  d'un  Buddha. 

21.  Mahâ-Samaya,  titre  de  deux  ouvrages  différents,  dont 
l'un  est  peut  être  identique  au  n**  8  (Samâdhi-Râja).  Le  prin- 
cipal sujet  en  est  le  pouvoir  de  faire  des  miracles,  qu'on 
acquiert  par  l'exercice  de  Samâdhi. 

La  plupart  des  ouvrages  que  nous  venons  d'énumérer  con- 
tiennent, comme  subdivision,  une  collection  de  Dhâranis  ou 
de  formules  servant  de  talismans,  dont  il  existe  aussi  des 
recueils  spéciaux.  Ces  sentences  consistent  en  des  vocatifs  de 
mots  féminins,  dans  lesquels  on  peut  reconnaître  des  noms 
de  Svâhâ,  l'épouse  d'Agni,  et  de  Dâkshâyanî  ou  Durgâ,  qu'on 
identifie  avec  la  première.  Ce  sont,  par  conséquent,  des  invo- 
cations des  forces  élémentaires,  représentées  comme  de  diffé- 
rentes Mères,  qu'on  peut  considérer  comme  autant  de  subdi- 
visions de  la  seule  véritable  Mère,  la  Nature. 


1 .  Ce  mot  est  évidemment  une  mauvaise  traduction  du  sanscrit  nâyaka^  qui 
doit  ici  signifier  «  amant  »,  quoiqu'il  puisse  aussi  signifier  «  capitaine  ».  Inu- 
tile de  donner  ici  des  explications  sur  cette  histoire  peu  décente. 


HISTOIRE  ECCLESIASTIQUE  44T 

Les  Dhâranîs  protègent  rhomme  contre  les  éléments,  et 
forment,  pour  ainsi  dire,  le  complément  pratique  de  la  con- 
naissance théorique  de  la  Prajnâ-Pàramitâ  ^ 

La  croyance  dans  la  vertu  des  formules  talismaniques  n'est 
pas  seulement  propre  aux  Mahâyânistes,  ainsi  qu'on  Ta  par- 
fois soutenu.  *  L'exercice  avec  les  cercles  universaux,  chez  411 
les  Bouddhistes  du  Midi,  repose  sur  le  même  principe  :  là  aussi 
le  dévot  méditatif  doit  réciter  mentalement  tous  les  noms 
des  éléments.  Qu'on  murmure  ces  substantifs,  qui  peuvent 
être  de  tous  les  genres,  au  nominatif,  ou  bien  qu'on  prononce 
au  vocatif  les  noms  féminins  qui  désignent  les  forces  élémen- 
taires, cela  revient,  au  fond,  au  même.  Dans  les  deux  cas,  on 
attribue  à  l'énumération  de  certains  mots  une  vertu  spéciale, 
qui  donne  à  l'homme  une  force  exceptionnelle. 

Le  nouveau  canon  des  Mahâyânistes  était  sans  doute  des- 
tiné à  remplacer  les  anciens  livres,  à  les  rendre  inutiles  et, 
en  même  temps,  à  y  ajouter  ce  dont  on  croyait  avoir  besoin 
pour  la  défense  des  dogmes  particuliers  du  parti.  On  n'aban- 
donna pas  les  vieux  principes;  on  se  borna  à  les  développer 
dans  un  sens  spécial,  on  les  élargit.  En  un  mot,  on  donna 
une  édition  nouvelle  et  corrigée  de  la  Révélation.  L'ancienne 
division  des  livres  sacrés  en  trois  Pitakas  ne  pouvait  s'appli- 
quer au  nouveau  canon  *  ;  elle  avait  aussi  peu  de  sens  pour  la 
nouvelle  école  que  les  trois  Vedas  pour  l'Hindouisme.  D'après 
une  théorie  aussi  subtile  que  fausse,  les  Hindous  prétendent 
qu'ils  suivent  le  Veda,  vu  que  tous  leurs  Castras  dérivent  du 
Yeda  par  des  intermédiaires.  Malheureusement,  cette  théorie 
est  absolument  contredite  par  le  fait  que  des  Castras,  tels  que 


2.  Le  lien  étroit  qui  existe  entre  Iq,  Prajnâ-Pâramitd  théorique  et  les  Dhâ- 
ranîs pratiques,  est  indiqué  d'une  façon  frappante  par  le  nom  de  Rakshâ-Bha- 
gavatî,  c'est-à-dire  Notre-Dame-Protection,  qu'on  donne  au  livre  Prajfiâ-Pdra 
mita.  Ilakshâ  et  Dhàranî  reviennent  au  même. 

i.  Hiucn  Thsang  {Vie,  295)  parle  des  Sûtras,  des  textes  relatifs  au  Vinaya 
et  des  traités  philosophiques  (c'est-à-dire  des  Abhidharmas)  des  anciennes 
sectes;  les  Mahâyânistes  n'avaient  que  des  Sûtras. 


448  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

les  Purânas  et  les  Tantras,  se.  présentent,  de  la  façon  la  plus 
indubitable  et  la  plus  expresse,  comme  de  nouvelles  révéla- 
tions. Les  brahmanes  seuls  observent,  jusqu'à  un  certain 
point,  les  vieux  usages,  et  suivent,  dans  une  certaine  mesui*e, 
le  rituel  védique.  De  même,  les  Mahâyânistes  se  conforment 
à  quelques  anciennes  prescriptions  de  discipline,  tout  en 
négligeant  absolument  les  autres. 

Comme  le  Mahâyâna  n'est  pas  né  subitement,  aussi  peu 
que  l'Hindouisme,  il  est  très  difficile  de  déterminer  exacte- 
ment l'époque  où  s'est  formé  le  nouveau  canon.  Le  détail 
412  infini  *  et  la  prolixité  des  textes,  de  même  que  l'emploi 
fréquent  du  genre  Geya  *  pour  les  Mahâvaipulya-Sûtras,  ou 
textes  développés,  semblent  indiquer  la  rédaction  relative- 
ment tardive  du  nouveau  canon,  mais  ne  suffisent  pas  pour 
fixer  les  limites  exactes  de  l'époque.  Quand  on  compare  le 
style  des  Sûtras  du  Mahâyâna  à  celui  de  plusieurs  Sutlas  du 
canon  pâli,  entre  autres  à  celui  du  Sâmanna-Phâla,  on  observe 
que  les  deux  sortes  de  Sûtras  sont  à  peu  près  également  pro- 
lixes, mais  que  les  premiers  se  distinguent  en  outre  par  la 
longueur  des  phrases  ^  Cette  dernière  particularité  est  de 
nouveau  une  preuve  de  développement  postérieur.  Des  don- 
nées plus  utiles  que  ces  observations  générales  nous  sont 
fournies  par  les  traductions  chinoises,  dont  la  date  est  indi- 
quée régulièrement.  En  nous  basant  sur  ces  indications  et 
sur  quelques  notices  de  ïâranâtha,  nous  croyons  pouvoir 
admettre  que  le  canon  Mahâyâniste  a  été  rédigé  entre  l'an 
150  et  l'an  400  de  notre  ère. 
Les  doctrines  fondamentales  du  Mahâyâna,  telles  qu'elles 

1.  Genre  que  les  Septentrionaux  confondent  parfois  avec  Gâthâ;comp.  plus 
haut,  p.  366. 

2.  Dans  le  Mahâbhâshya  de  Patanjali,  le  plus  ancien  des  ouvrages  conservés 
de  rinde  païenne  dont  le  style  puisse  être  dit  prolixe,  les  phrases  ont  encore 
une  longueur  modique,  elles  sont  plus  courtes  que  dans  la  plupart  des  Suttas 
plus  étendus  du  canon  pâli.  Néanmoins,  nous  n'oserions  tirer  de  cette  circons- 
tance la  conclusion  que  ces  Suttas  auraient  été  rédigés  après  Patanjali  (ISO 
avant  J.-C). 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  449 

se  révèlent  dans  les  deux  livres  principaux  du  canon,  la 
Prajnâ-Pâramitâ  et  le  Saddharma-Pundarîka,  peuvent  se 
caractériser  ainsi.  Comme  religion,  le  système  est  une  divi- 
nisation du  Tout,  comprenant  l'esprit  et  la  matière  ;  une  divi" 
nisation  consistant  dans  la  personnification  des  phénomènes 
et  des  forces  qui  en  sont  la  base,  et  aussi  d'idées  abstraites, 
surtout  de  l'homme  idéal.  Les  personnifications,  les  types  de 
Fhumanité  s'appellent  des  Buddhas;  ces  types  sont  supé- 
rieurs aux  types  des  phénomènes  matériels,  et  sont,  par  con- 
séquent, souverainement  adorables.  Le  Buddha  n'est  pas  un 
homme,  mais  l'homme  en  soi.  Comme  philosophie,  le 
Mahâyâna  réduit  la  Nature  universelle,  dans  sa  forme  per- 
ceptible, à  une  apparence.  Comme  morale,  il  met  au  premier 
plan  la  miséricorde  ;  la  doctrine  du  Yoga  et  du  Bouddhisme 
ancien  ne  s'écartant  de  cette  vue  *  qu'en  ceci,  que  ces  sys-  413 
tèmes  recommandent  la  miséricorde  surtout  comme  une  pré- 
paration à  la  pensée,  comme  un  moyen  d'amener  le  Sage  à 
la  sérénité  dont  il  a  besoin  dans  ses  calmes  méditations. 
Comme  société  religieuse,  enfin,  le  Mahâyâna  fait  une  grande 
place  aux  laïques;  il  s'efforce,  consciemment  ou  inconsciem- 
ment, d'élargir  la  Congrégation,  de  manière  à  en  faire  une 
association  religieuse  universelle. 

Un  siècle  environ  après  le  voyage  de  Fa  Hian  en  Terre 
Sainte,  la  scolastique  et  la  science  eurent  leur  plus  belle 
floraison  ;  une  floraison  commune  aux  deux  partis.  Les  plus 
grands  savants  et  les  écrivains  les  plus  éminents  du  Boud- 
dhisme vécurent  au  vi^  et  au  vii^  siècles,  qui  forment  juste- 
ment la  période  la  plus  brillante  de  la  littérature  médiévale 
de  l'Inde  païenne  ;  fait  remarquable,  qui  prouve  que  le  déve- 
loppement de  l'Eglise  marchait  du  môme  pas  que  celui  de 
l'ensemble  de  la  civilisation  indienne. 

Au-dessus  des  autres  hommes  célèbres  de  l'histoire  ecclé- 
siastique de  ce  temps-là  se  placent  les  deux  frères  xVrya 
Asaiiga  et  Vasubandhu,  du  Gândhâra. 

On  raconte  qu'Asanga  appartenait  d'abord  à  la  secte  des 

Tonio  II.  29 


450  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Mahîçâsakas,  mais  se  convertit  plus  tard  au  Mahâyâna.  Il 
vécut  longtemps  -dans  un  couvent  près  d'Oudhe,  et  plus  tard 
dans  le  Magadha,  où  il  mourut,  dans  un  âge  avancé  à  Râ- 
jagrha  \  On  attribue  à  ce  grand  maître  des  Yogâcâras  le 
mérite  d'avoir  rétabli  la  gloire  du  Mahâyâna,  qui  s'était 
affaiblie  pendant  quelque  temps.  Son  ouvrage  principal  est  un 
manuel  du  Yoga,  inspiré  par  Maitreya,  ou,  comme  nous 
dirions  :  par  l'espérance  de  temps  meilleurs  ^ 
Non  moins  célèbre  est  Vasubandhu,  le  frère  cadet  d'Asaiiga. 
414  Dans  sa  jeunesse,  il  fit  un  voyage  au  Kashmir  *,  afin  d'y  pro- 
fiter de  l'enseignement  de  Sanghabhadra,  un  savant  Hînayâ- 
niste.  Après  avoir  étudié  pendant  quelques  années  dans  ce 
pays  et  après  avoir  travaillé  comme  prédicateur,  il  partit 
pour  Oudhe,  où  il  a  demeuré  longtemps.  Partisan  de  la  secte 
réaliste  des  Sarvâstivâdins,  il  fut  d'abord  un  adversaire 
acharné  du  manuel  du  Yoga  de  l'idéaliste  Asaiiga;  mais 
plus  tard  il  se  convertit  au  Mahâyâna  et  devint  le  docteur  le 
plus  célèbre  de  l'Inde  entière.  Quelques-uns  disent  qu'après 
sa  conversion,  il  devint  professeur  à  l'Université  de  Nâlandâ, 
et  qu'il  mourut  au  Népal,  dans  l'âge  avancé  de  80  ou  de 
100  ans  ^ 


l.HiuenThsang,  Vie,  83, 114,  118.  Lebensb.  SlO.Târan.  104,126, 167.  Il  aurait 
atteint  l'âge  de  150  ans,  chiffre  qu'il  faut  diviser  par  2,  d'après  le  procédé  de 
Târanâtha.  Il  était  de  20  ans  plus  âgé  que  Vasubandhu;  un  élève  de  celui-ci, 
Gunaprabha,  fut  le  Guru  de  Harsha,  surnommé  Çîlâditya,  dont  Târanâtha,  sui- 
vant son  habitude  bien  connue,  fait  deux  personnages  (126,  146).  Gunaprabha 
mourut  avant  l'arrivée  au  trône  de  Çîlâditya  (vers  610).  On  peut  donc  placer 
Asafiga  de  485  à  560  ou  environ.  Les  Tibétains  le  font  naître  500  ans  après 
Kanishka  (900  ans  après  B.). 

2.  D'autres  ouvrages  de  lui  sont  mentionnés  par  Hiuen  Thsang,  pass.  cités  et 
Târan.  112. 

1.  Târan.  118.  Hiuen  Thsang,  pass.  cités.  Vassilief,  B.  210,  215.  H  existe  une 
biographie  chinoise  de  Vasubandhu,  rédigée  entre  557  et  588,  et  traduite,  à  ce 
qu'on  dit,  du  sanscrit.  Si  ce  dernier  détail  est  exact,  il  faut  admettre  que  le 
traducteur  s'est  fréquemment  écarté  de  son  original,  car  la  biographie  contient 
tant  de  preuves  d'ignorance  des  mœurs  indiennes  que  l'ouvrage,  tel  que  nous 
le  possédons,  ne  peut  avoir  été  écrit  par  un  Indien. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  451 

L'ouvrage  principal  de  Vasubandhu  est  un  «  Trésor  de  la 
Métaphysique  »  (Abhidharma-Kosha).  En  outre,  il  écrivit  un 
certain  nombre  de  manuels,  destinés  à  servir  de  commen- 
taires sur  les  textes  du  Maliâyâna  ^.  Sa  mémoire  était  véné- 
rée également  par  les  deux  partis  de  l'Eglise. 

On  vit  sortir  de  l'école  d'Asanga  et  de  Vasubandhu  un 
grand  nombre  de  savants  écrivains,  dont  les  noms  sont  à 
peine  moins  connus  que  ceux  des  deux  grands  maîtres  eux- 
mêmes.  Dignâga,  Gunaprabha,  Sthiramati,  Saiighadâsa, 
Buddhadâsa,  Dharmapâla,  Çilabhadra,  Jayasena,  Candra, 
Gunamati,  Yasumitra,  Bhvaya,  Buddhapâlita,  et  beaucoup 
d'autres  hommes  éminents,  religieux  ou  laïques,  partisans 
du  Hîna-  ou  du  Mahâyâna,  furent  des  ornements  du  Boud- 
dhisme. 

Dignâga,  originaire  deKânci  dans  l'Inde  méridionale,  dis- 
ciple d'Asanga  (d'après  d'autres,  de  Vasubandhu)  est  surtout 
connu  comme  auteur  d'un  traité  de  logique.  Comme  il  était 
un  contemporain  de  Gunaprabha,  dont  la  date  peut  être 
déterminée  assez  facilement,  il  doit  avoir  vécu  de  S20  à 
600  environ  ^  *  Ce  Gunaprabha,  né  à  Mathurâ,  sortait  de  415 
l'école  de  Vasubandhu.  Il  devint  le  guru  du  roi  Çrî-Harsha, 
et  compta  parmi  ses  élèves  Mitrasena,  le  même  qui,  plus  tard, 
âgé  de  quatre-vingt-dix  ans,  donna  des  leçons  à  Hiuen  Thsang, 
au  moment  oii  celui-ci  étudiait  dans  l'Inde.  Gunaprabha 
avait  été,  dans  sa  jeunesse,  un  partisan  du  Mahâyâna,  mais 
passa  plus  tard  au  Hinayâna.  Il  a  écrit  une  centaine  de 
traités  \ 

A  peu  près  en  même  temps  que  Dignâga  et  Gunaprabha 
fleurirent  Sthiramati  et  Sanghadâsa,  le  premier  dans  l'Inde 
orientale,  le  second  au  Kashmir.  Sthiramati,  professeur  à 

2.  Entre  autres,  sur  la  Prajnâ-Pàramitâ,  le  Lotus,  etc.  Vassilief,  B.  222,  comp. 
99.  Voy.  des  Pèl.  B.  l,  115;  II,  274. 

3.  Târan.  127, 131 .  Vassilief,  B.  78,  20Q.  Lebensb.  310. 

1.  Târanâtha,  126,  146.  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  106,  comp.  109.  Vassilief,  paas. 
cités. 


452  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Nâlandâ  au  moment  où  Hiuen-ïhsang  visita  ce  collège,  écrivit 
des  commentaires  sur  tous  les  ouvrages  de  Yasubandhu,  puis 
une  explication  du  texte  canonique  Ratna-kûta.  Il  était  aussi 
versé  dans  l'Abhidharma  de  l'ancienne  que  dans  celui  de  la 
nouvelle  école  ^.  Saiighadâsa,  originaire  d'une  famille  brah- 
manique de  rinde  méridionale,  a  surtout  travaillé  dans 
le  Kashmir,  où  il  a  contribué  beaucoup  à  la  propagation  du 
Mahâyâna.  Ce  dernier  renseignement  ne  s'accorde  pas  bien 
avec  un  autre,  d'après  lequel  il  aurait  été  partisan  de  la  secte 
réaliste  des  Sarvâstivâdins  ^,  et  aurait  porté  le  titre  de  Bha- 
danta. 

Vers  la  même  époque  environ  que  Saiigbadâsa  on  place 
Buddhadâsa,  sorti  de  l'école  d'Asaiiga,  qui  maintint  la  gloire 
de  la  doctrine  dans  l'Inde  occidentale  \ 

Un  élève  de  Dignâga  fut  Dharmapâla,  de  Kâncî,  homme 
très  savant  et  professeur  à  Nâlandâ  du  temps  d'HiuenThsang. 
Après  avoir  rempli  ses  fonctions  de  professeur  pendant  plus 
de  trente  ans,  il  se  rendit,  vers  la  fin  de  sa  vie,  à  Suvarna- 
dvipa  (probablement  la  Ghersonèse  d'Or  ou  bien  Sumatra). 
Adversaire  ardent  des  Hinayânistes,  il  écrivit  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  entre  autres  un  commentaire  sur  les 
aphorismes  du  système  Mâdhyamika,  pour  défendre  les  prin- 
cipes idéalistes  ^ 
416  *  Parmi  les  savants  qu'Hiuen  Thsang  apprit  à  connaître  à 
Nâlandâ,  entre  les  années  630  et  640,  se  distinguait  surtout 
le  vénérable  vieillard  Çîlabhadra,  le  recteur  de  l'Université. 
A  cause  de  son  âge  avancé,  le  recteur  ne  put  se  charger  lui- 
même  d'instruire  le  Chinois  dans  le  Yogaçâstra  ;  il  le  ren- 
voya par  conséquent  à  son  élève  Jayasena,  un  laïque  très 


2.  Vassilief,  B.  18.  Târanâtha,  127,  129,  135, 137.  Voy.  desPèl.  B.  III,  164,  où 
il  est  dit  que  Sthiramati  vécut  pendant  quelque  temps  à  Valabhî,  46.  —  Une  in- 
scription {Ind.  Ant.  VI,  12)  prouve  qu'il  avait  fondé  en  cet  endroit  un  couvent. 

3.  Târanâtha,  104,  127,  13S. 

4.  Târanâtha,  pass.  cités. 

5.  Târan.  160;  Voy.  des  Pèl.  B.  I,  123, 191  ;  III,  46,  119. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  453 

capable,  originaire  du  Surâshtra  *.  Un  autre  savant  laïque 
de  ce  temps-là,  dont  les  Bouddhistes  sont  également  fiers,  est 
Candraou  Candra-Gomin,  auteur  d'une  grammaire  et  d'écrits 
sur  la  médecine,  les  arts  du  dessin  et  la  métrique.  Il  était  un 
défenseur  ardent  de  l'idéalisme  d'Asaiiga  ^. 

A  Nâlandâ,  le  pèlerin  chinois  semble  avoir  rencontré 
aussi  Gunamati,  bien  qu'il  faille  conclure  d'autres  rensei- 
gnements, que  ce  religieux  a  vécu  pendant  quelque  temps 
en  Valabhî  et  dans  le  Midi.  D'après  quelques-uns  il  était  un 
disciple  de  Vasubandhu,  ce  qui  peut  être  difficilement  vrai 
au  sens  littéral.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  qu'il  a  écrit  un  commen- 
taire sur  le  Trésor  de  Métaphysique  de  Vasubandhu  ^  et  qu'il 
peut  être  considéré  comme  le  maître  de  Vasumitra.  Ce  der- 
nier, qu'on  pourrait  appeler  Vasumitra  III,  pour  le  distin- 
guer de  ses  deux  homonymes  antérieurs,  est  l'auteur  d'un 
commentaire  sur  le  même  Trésor.  C'est  peut-être  le  même 
personnage  que  le  réaliste  Vasumitra  qui  brillait  au  Kash- 
mir,  du  temps  de  Hiuen  Thsang  \ 

Deux  illustres  Mahâyânistes,  qui  se  sont  combattus 
âprement  dans  leurs  écrits,  furent  Bhavya  ou  Bliâvaviveka 
et  Buddhapâlita.  Le  premier  qui  a  aussi  soutenu  des  polé- 
miques contre  Gunamati  et  Dharmapâla,  aurait  vécu  au  Dek- 
khan,  comme  chef  spirituel  de  50  couvents.  *  On  le  considère  417 
comme  le  fondateur  d'une  école  spéciale  des  Mâdhyamikas*. 

1.  Voy.  des  Pèl.  fî,  I,  144,  152;  III,  78.  Târanâtha,  205,  mentionne  un  Çîla- 
bhadra  contemporain  de  Çrî-Ilarsha,  roi  du  Kashmir.  C'est  ou  bien  un  autre 
personnage,  ou  bien,  ce  qui  est  plus  vraisemblable,  l'historien  a  confondu  Çrî- 
Ilarsha  de  Kanauj  avec  le  roi  du  Kashmir  qui  portait  le  même  nom,  mais  qui  a 
vécu  bien  plus  tard. 

2.Vassilief,  52,  207.  Târan.  150. 

3.  Voy.  des  Pèl.  B.  II,  442;  III,  46,  164.  Lebensb.  310.  Târan.  159.  Burnouf, 
Introd.  566. 

4.  Burnouf,  Introd.  566.  Voy.  1,  94.  Târanâtha,  174,  l'appelle  un  contempo- 
rain d'Amara-Siniha,  mais  celui-ci  doit  avoir  été  antérieur  de  quelques  géné- 
rations. 

1 .  Sur  Buddhapâlita,  Târ.  135,  137.  Sur  Bhavya,  Vassilief,  B.  207.  Burnouf, 
Introd.  560.  Târan.  136,  160.  Voy.  des  Pèl,  B.  lll,  H2. 


454  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Cette  longue  énumération,  qui  ne  comprend  que  les  noms 
les  plus  connus,  sera  suffisante  pour  donner  une  idée  de 
l'activité  des  deux  partis  aux  vi^  et  vn^  siècles.  Les  sectes 
anciennes  se  rattachèrent  peu  à  peu  à  l'un  des  deux  grands 
partis  ;  plusieurs  existaient  encore  du  temps  du  voyage 
d'Hiuen  Thsang,  mais  comme  de  simples  ordres  monas- 
tiques %  qui  se  distinguaient  entre  eux  par  quelques  traits 
extérieurs,  mais  qui,  quant  au  dogme,  étaient  soit  des  Çrâ- 
vakas,  soit  des  Mahâyânistes  ^ 

Comme  Fa  Hian,  Hiuen  Thsang  donne  une  statistique  de 
la  population  des  couvents,  en  indiquant  la  secte  à  laquelle 
les  moines  appartenaient,  et,  le  plus  souvent,  le  parti 
auquel  ils  se  rattachaient.  Il  est  indubitable  qu'il  compte 
souvent  parmi  les  Mahâyânistes  des  sectes  qui  appartenaient 
au  parti  contraire  *;  mais,  même  en  défalquant  les  milliers 
qui  n'étaient  partisans  du  Mahâyâna  que  dans  l'imagination 
de  l'écrivain  ou  de  l'autorité  qu'il  suivait,  on  arrive,  après 
addition  faite,  au  résultat  que  les  Hinayânistes  étaient  alors, 
sur  le  continent  de  l'Inde,  en  minorité. 

En  général,  le  nombre  des  couvents  et  des  moines  boud- 
dhistes avait  beaucoup  augmenté,  durant  les  deux  siècles 
qui  séparent  Fa  Hian  de  Hiuen  Thsang  en  supposant,  bien 
entendu,  que  les  chiffres  des  deux  auteurs  sont  également 
dignes  de  foi  ^  Ce  n'est  que  comme  exceptions  très  rares 

2.  Comp.  Târan.  174,  274. 

3.  Les  sectes  dont  Tauteur  fait  mention,  en  difïerents  endroits  de  son 
ouvrage,  comme  existant  encore  de  son  temps,  sont  les  Sthaviras,  Sarvâsti- 
vâdins,  Sammitîyas,  Mahîçâsakas,  Kâçyapjyas,  Dharmaguptas,  Mahâsâhghi- 
kas,  Lokottaravâdins,  Mahâvihâristes,  Abhayagiristes. 

4.  C'est  ainsi  qull  déclare  que  les  Sthaviras,  ou  Vieux-Croyants,  ceux  du 
continent  aussi  bien  que  ceux  de  Ceylan,  étaient  Mahâyânistes.  Il  le  t'ait  plu- 
sieurs fois  à  propos  des  Sthaviras,  mais  non  pour  ceux  de  Tâmralipti  et 
du  pays  de  Dravida. 

5.  Ce  n'est  certainement  pas  le  cas  pour  ceux  relatifs  à  Ceylan,  ne  fût-ce 
que  pour  cette  raison  que  seul  le  premier  pèlerin  a  visité  l'île.  Le  premier 
auteur  donne,  pour  Ceylan,  le  chiffre  de  50  à  60,000  moines,  le  second  pas 
plus  de  10,000,  distribués  en  100  couvents. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  455 

que  nous  trouvons  des  traces  de  déclin.  Il  en  est  ainsi  dans 
le  pays  de  Tâmralipii,  qui,  au  v'  siècle,  possédait  24  cou- 
vents, *  et  qui,  deux  cents  ans  plus  tard,  n'en  avait  plus  418 
que  10,  avec  un  millier  de  moines  en  tout.  La  décadence 
était  encore  plus  marquée  à  Peshawer  et  dans  tout  le 
royaume  de  Gândhâra.  Dans  cette  région,  l'état  de  la  Foi 
n'était  pas  déjà  bien  brillant  du  temps  de  l'ancien  voyageur, 
malgré  la  richesse  en  reliques  ;  au  moment  de  la  visite  de 
Hiuen  Thsang,  le  Bouddhisme  y  était  à  peu  près  éteint.  Dans 
le  pays  voisin  d'Udyàna  Jp  population,  au  vn'  siècle,  passait 
encore  pour  croyante;  mais  des  500  couvents  qui  y  brillaient 
au  commencement  du  v^  siècle,  le  voyageur  ne  retrouva 
plus  qu'un  petit  nombre  *.  Tout  considéré,  on  peut  admettre 
que  c'est  au  vi^  siècle  queleBuddhisme  atteignit,  dans  l'Inde, 
le  plus  haut  degré  de  splendeur. 

Jusque  dans  le  viu^  siècle  des  hommes  capables  soutinrent 
l'honneur  de  l'Église,  sans  être  cependant  capables  d'égaler 
la  gloire  de  leurs  précurseurs  de  la  période  classique.  Le 
plus  célèbre  d'entre  eux  fut  Dharmakîrti,  un  maître  de  l'école  . 
idéaliste  des  Yogâcâras  et  auteur  de  sept  traités  sur  la 
logique,  explications  du  Pramâna-Samuccaya  ou  Encyclo- 
pédie de  la  logique  de  Dignâga  ^  Ce  Dharmakîrti,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  son  homonyme  postérieur,  que  nous 
avons  rencontré  dans  l'histoire  ecclésiastique  de  Ceylan, 
fleurit  dans  la  seconde  moitié  du  vn®  siècle,  en  même  temps 
ou  un  peu  plus  tôt  que  Kumârila,  le  célèbre  docteur,  réfor- 
mateur de  la  Mîmâmsâ  védico-athéistique.  Kumârila  et  le 
Yedântin  Çankara  (né  en  788)  sont  représentés  par  les  Boud- 
dhistes comme  les  adversaires  les  plus  redoutables  de  leur 
foi.  D'après  une  fable,  qu'on  trouve  aussi  bien  chez  les  Boud- 
dhistes du  Népal  que  chez  les  Ilindous  d'autres  régions  de 

1.  Mém.  I,  132. 

2.  Vassilief,  fi.  208.  Tàran.  115-201.  Lebensb.  310,  où  il  est  appelé  un  élève 
d'Açoka,  par  quoi  il  faut  entendre  qu'il  appartenait  à  Técole  philosophique 
fondée  par  celui-ci. 


456  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

l'Inde,  Çaiikara  aurait  détruit  dans  l'Hindôustan  la  religion 
du  Buddha  et  les  livres  sacrés  ^  Le  conte  est  absurde,  car 
Çankara  combattit  tous  les  systèmes,  sauf  le  Yedânta,  et  Ton 
419  ne  voit  pas  pourquoi  sa  polémique  *  aurait  fait  plus  de  tort 
aux  fils  de  Çâkya  qu'aux  Çivaïtes,  par  exemple,  qu'il  com- 
battit ni  plus  ni  moins  que  les  Bouddhistes.  La  fable  est  en 
outre  en  contradiction  avec  des  faits  connus  :  le  Bouddhisme 
a  vécu,  dans  l'Inde,  huit  siècles  encore  après  Çankara  ;  qui 
plus  est,  il  a  eu  une  période  de  floraison  de  850  à  1050,  sous  la 
dynastie  des  Pâlas.  Nous  retrouvons  ici  le  phénomène  que 
nous  rencontrons  continuellement  dans  l'historiographie 
indienne  :  certaines  situations  historiques  sont  simplifiées, 
réduites  à  un  seul  fait,  et  un  nom  historique  symbolise  les 
idées  dominantes  de  toute  une  époque.  Cependant,  il  y  a  dans 
ces  contes  pseudo-historiques  sur  Çankara  et  Kumârila  un 
grain  de  vérité  :  leurs  écrits  étaient  des  signes  du  temps, 
et  après  eux,  sinon  précisément,  par  eux,  la  valeur  interne 
du  Bouddhisme  diminua.  Târanâtha  avait  donc  raison  de 
dire  :  «  Dans  les  temps  avant  le  grand  professeur  Dharma- 
kîrti,  la  doctrine  du  Buddha  brillait  comme  le  soleil  ;  après 
lui,  il  y  eut  plusieurs  grands  savants  qui  ont  rendu  à  la 
doctrine  des  services  signalés,  mais  il  n'y  en  eut  pas  de 
comparables  aux  professeurs  antérieurs,  et,  s'il  y  en  eut,  les 
circonstances  les  empêchèrent  de  donner  à  la  doctrine  le 
même  lustre  qu'auparavant.  » 

L'historien  fait  suivre  ces  paroles  de  quelques  remarques 
sur  le  développement  de  plus  en  plus  prononcé  de  la  magie, 
remarques  qui  sont  confirmées  par  des  faits  connus 
d'ailleurs. 

«  Depuis  l'époque  d'Ârya  Asaiiga  »,  dit-il  \  «  jusqu'à 
celle  de  Dharmakîrti,  il  y  eut  des  savants  très  versés  dans 
les    formules   magiques,    mais   l'Anuttara-Yoga    (le    Yoga 


3.  Hodgson,  Ess.  12,  14,  48. 
l.P.  201. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  451 

suprême),  ne  fut  révélé  qu'à  ceux  qui  en  étaient  dignes,  et 
ne  faisait  pas  un  objet  d'enseignement  journalier.  A  partir 
de  cette  dernière  époque,  cependant,  les  Tantras  de  l'Anut- 
tara-Yoga  furent  de  plus  en  plus  répandus,  et,  à  mesure  que 
les  Yoga-Tantras  furent  employés  davantage,  l'enseignement 
et  l'étude  des  Kriyâ-lantras  et  des  Caryâ-tantras  furent  de 
plus  en  plus  négligés.  C'est  également  la  raison  pourquoi, 
durant  la  domination  des  princes  de  la  dynastie  des  Pàlas, 
il  y  eut*  de  nombreux  Mantra-Yajrâcâryas  \  qui  accomplirent  420 
divers  actes  merveilleux  et  réussirent  à  obtenir  plusieurs 
Siddhis  (forces  magiques)  ». 

Nous  avons  eu  plusieurs  fois  l'occasion  de  remarquer  que 
la  magie  remonte  à  une  antiquité  sans  date,  comme  la  con- 
ception même  du  monde  dont  elle  est  une  conséquence.  Tout 
ascétisme,  philosophique  ou  non,  s'efforce  de  réprimer  le 
naturel  et  l'humain,  afin  d'obtenir  le  surnaturel  et  le  sur- 
humain, bien  qu'en  réalité  il  n'aboutisse  qu'à  un  résultat 
dénaturé  et  inhumain.  Le  système  du  Yoga  de  Patanjali,  de 
môme  que  la  légende  du  Buddha  et  la  théorie  des  Karma- 
sthânas,  prouvent  que  la  puissance  surhumaine  est  un  élément 
de  la  sagesse  supérieure  du  vrai  Yoginet  du  véritable  Arhat. 
Jusqu'à  ce  point  le  «  Yoga  suprême  »  n'était  pas  une  nou- 
veauté; c'est  l'extension  qu'on  lui  donna,  l'importance  attri- 
buée à  une  subdivision  de  la  science,  considérée  désormais 
comme  la  chose  capitale,  c'est  la  création  d'un  système  com- 
plet de  magie,  que  nous  appellerons  le  Tantrisme,  qui  appar- 
tient à  une  époque  postérieure.  Quand  il  est  question  du 
développement  du  Tantrisme,  on  pense  à  l'époque  o£i  il 
devient  prédominant,  non  à  celle  des  origines,  qui  se  perdent 
dans  la  nuit  des  temps.  Ce  que  dit  Tàranâtha  de  ce  premier 
développement  est,   autant  qu'il    est  possible    de    vérifier, 

1.  C'est-à-dire  :  maîtres  dans  la  magie.  VajrâcArya  signifie,  au  fond  :  «  maître 
du  sceptre  niagique,  vajra  ».  Dans  le  Nepdl,  où  le  monachismo  est  éteint 
depuis  longtemps,  tous  les  ecclésiastiques  s'appellent  Vajrdcârya».  Hodgson, 
Ess.  41  ;  52  ;  63  ;  69  ;  99. 


458  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  UINDE 

d'accord  avec  les  faits  historiques.  L'époque  florissante  des 
Tantras  peut  difficilement  se  placer  avant  l'an  700  de  notre 
ère,  car,  si  ces  écrits  avaient  eu  des  succès  dans  l'Inde  au 
moment  où  les  pèlerins  chinois  visitaient  la  Terre-Sainte, 
ils  les  auraient  certainement  rapportés  dans  leur  pays  2. 

Les  Tantras  peuvent  se  définir,  en  général,  comme 
«  manuels  de  magie  ».  Selon  le  but  qu'on  veut  atteindre,  les 
livres  diffèrent  et  sont  dédiés  à  des  Bodhisatvas  différents. 
Parfois  l'initié  désire  obtenir  d'une  manière  surnaturelle  des 
dons  matériels,  tels  que  :  le  pouvoir  de  se  mouvoir  aussi 
421  rapidement  que  la  pensée  ;  *  celui  de  devenir  invulnérable  ; 
l'élixir  de  vie;  le  pouvoir  de  se  rendre  invisible  ;  celui  de 
faire  de  l'or  ^  Une  autre  fois,  on  veut  vaincre  ses  ennemis, 
conjurer  des  esprits,  dominer  les  éléments;  ou  bien  évoquer 
un  Buddha  ou  un  Bodhisatva,  afin  d'obtenir  de  lui  la  solu- 
tion d'un  doute.  Enfin,  un  individu  peut  s'efforcer  de  s'unir, 
déjà  pendant  cette  vie,  à  une  divinité  quelconque. 

Les  formalités  et  artifices  qui  sont  joints  aux  Tantras 
s'accordent,  en  grande  partie,  avec  ceux  que  doit  observer 
celui  qui  met  en  pratique  les  Karmasthânas.  Il  est  d'abord 
indispensable  que  le  Tantriste  ait  un  maître,  car  sans  initia- 
tion préalable  il  ne  peut  rien  faire.  Après  une  sorte  d'examen 
provisoire  qui  doit  constater  que  l'élève  possède  les  qualités 
requises  pour  être  admis,  le  maître  décrit  un  cercle  magique, 
afin  de  bannir  tous  les  obstacles.  Puis  on  construit  un  autel 
pour  les  offrandes,  et  enfin  a  lieu  l'initiation  proprement 
dite.  Puis  l'initié  se  livre  à  la  méditation.  Ensuite  on  décrit 
de  nouveau  des  cercles,  on  construit  de  nouveau  des  autels, 
etc  ;  toutes  sortes  de  cérémonies  sont  encore  à  observer. 

2.  D'après  la  remarque  de  Vassilief,  B.  184. 

1.  Vassilief,  B.  185,  où  il  est  dit  qu'il  y  a  huit  de  ces  pouvoirs;  nous  ne  sau- 
rions y  voir  que  des  variantes  des  Siddhis  ou  perfections  de  l'art,  dont  la  liste 
est  donnée  p.  199  :  conjuration  des  esprits;  longue  vie;  élixir  qui  donne 
l'immortalité;  art  de  trouver  des  trésors:  jonglerie  par  l'évocation  de  fan- 
tasmagories ;  art  de  faire  de  l'or;  transformation  de  la  boue  en  or  ;  la  pierre 
philosophale. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  459 

Par  la  nature  intime  aussi  bien  que  par  le  but,  les  Tantras 
des  Bouddhistes  et  leur  magie  —  les  premiers  représentent  la 
science,  la  dernière  l'art  —  correspondent  au  système  du 
Tantra  chez  les  Hindous.  Les  deux  système^  sont  des  pro- 
duits de  la  même  époque,  expressions  de  la  même  tendance, 
conséquences  d'un  état  de  choses  analogue.  D'après  la  décla- 
ration d'un  brahmane  %  le  Tantrisme  des  Hindous  a  pour 
but  :  de  procurer,  moyennant  le  culte  de  la  Çakti  de  Çiva, 
Durgâ  —  celle  que  les  Mahâyânistes  appellent  Prajnâ-Pâra- 
mitâ,  —  moyennant  des  formules  magiques,  des  prières  pro- 
noncées à  voix  basse,  des  méditations,  des  cérémonies,  des 
offrandes,  des  aumônes  etc.,  au  croyant  des  jouissances,  des 
biens  terrestres,  des  mérites  moraux  ou  la  délivrance.  *  Cette  422 
définition  est  juste,  pourvu  qu'on  ne  l'applique  pas  à  la 
classe  la  plus  ancienne,  la  plus  respectable  des  Tantras,  ceux 
par  lesquels  on  veut  obtenir,  selon  la  théorie  védique,  la 
science  sacrée.  Mais  il  y  a  d'autres  Tantras  qui  enseignent 
toutes  sortes  d'artifices  magiques  et  de  jongleries,  et  qui  sont 
accompagnées  des  cérémonies  les  plus  écœurantes  et  les 
plus  abominables.  Une  troisième  sorte  ne  diffère  de  la  seconde 
que  par  Finsertion  de  sentences  védiques,  placées  au  milieu 
de  prières  d'une  tout  autre  origine. 

Les  Tantras  de  la  première  classe  ne  sont,  au  tond,  que 
des  remaniements  des  théories  du  Yoga,  du  Vedânta,  ou  d'un 
mélange  des  deux  systèmes,  rédigés  sous  \me  forme  plus 
ou  moins  populaire,  de  manière  à  les  rattacher  au  culte,  aux 
pratiques  religieuses,  exclues  des  manuels  philosophiques. 
On  pourrait  les  appeler  des  Tantras  brahmaniques/  en  tout 
cas,  ils  ne  sont  pas  çivaïtes,  ils  sont  d'une  autre  sorte  que  les 
deux  dernières  classes  de  Tantras.  Seuls  les  livres  de  ces  der- 
nières classes  peuvent  donner  un  véritable  pouvoir  magique; 
l'usage  en  est  strictement  défendu  aux  membres  des  trois 
castes  supérieures,  comme  étant  contraires  aux  Vedas  et  aux 

2.  Yajneçvara  dans  Aryavidyâ-Sudhàkara^  159. 


.      460  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

Dharmaçâstras,  à  la  religion,  aux  traditions  et  aux  institu- 
tions juridiques  des  Aryas.  Un  Arya  qui  exécute  des  opéra- 
tions magiques  perd  sa  caste  *.  Ces  sortes  de  Tantras  sont 
destinés  exclusivement  aux  Çûdras,  c'est-à-dire,  dans  le 
sens  le  plus  large  :  à  tous  les  Hindous  qui  n'appartiennent 
pas  aux  trois  castes  supérieures;  ils  ont  été  révélés  à  leur 
usage  exprès  par  Çiva  ^ 

Quand  on  se  rappelle  combien  le  Çivaïsme  et  le  Mahâyâna 
sont  étroitement  apparentés,  et  quelle  place  importante  les 
Dhârariis  occupent  déjà  dans  les  œuvres  canoniques  des 
Mahâyânistes,  on  ne  s'étonne  pas  en  voyant  le  Tantrisme 
occuper  la  première  place  dans  le  Buddhisme,  pendant  les 
sept  derniers  siècles  de  son  existence  sur  le  sol  de  l'Inde. 
423  Târanâtha  mentionne  une  série  de  professeurs  fameux,  * 
depuis  l'origine  de  la  dynastie  des  Pâlas  (800  environ)  jus- 
qu'à extinction  de  la  Foi  au  seizième  siècle,  et  il  les  célèbre 
tous  comme  versés  dans  la  magie.  L'étude  des  livres  cano- 
niques et  de  la  philosophie  peut  n'avoir  pas  été  négligée 
entièrement,  mais  on  n'entend  pas  parler  de  systèmes  nou- 
veaux \  à  moins  qu'on  ne  veuille  considérer  comme  des 
créations  nouvelles  les  quatre  systèmes  philosophiques 
reconnus  au  Népal  :  ceux  des  Svâbhâvikas,  Aiçvarikas, 
Kârmikas  et  Yâtnikas  ^ 

Les  Svâbhâvikas  ou  partisans  de  la  doctrine  de  la  sponta- 
néité, soutiennent  qu'il  n'y  a  qu'une  substance,  la  matière, 


1.  Yajneçvara,  pass.  cité.  Comp.  Kathâsarit-Sâgara^  83,  37.  Aufrecht,  Cata- 
logus  codicum  Sanscriticorum,  p.  109. 

2.  Le  terme  «  brahmanistes  »  que  le  lecteur  peut  trouver  parfois  appliqué 
à  tous  les  Hindous,  repose  sur  une  confusion  de  mots.  Les  Çûdras  n'oni  jamais 
été  ni  védiques,  ni  brahmaniques  ;  qui  plus  est,  ils  n'ont  jamais  pu  Têtre.  De 
nos  jours,  il  est  vrai,  les  Çûdras  sont  tellement  émancipés,  au  moins  à  Cal- 
cutta, qu'ils  osent  imprimer  et  publier  des  textes  védiques. 

1.  Dans  un  aperçu  des  sectes  du  xiv«  sièclfe,  dans  le  Sarvadarçana-Sangraha, 
on  ne  parle  que  des  4  écoles  :  Vaibhâshikas  etc. 

2.  Nous  avons  emprunté  Tesquisse  de  ces  systèmes  à  Hodgson,  Ess.  23,  41, 
55,  73. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  461 

et  lui  reconnaissent  deux  états  ou  manières  d'être  :  repos  et 
mouvement.  La  matière  est  éternelle,  de  môme  que  les 
forces  de  la  matière,  qui  ne  possèdent  pas  seulement  l'acti- 
vité, mais  aussi  l'intelligence.  L'état  naturel  de  ces  forces 
est  le  repos.  Quand  ces  forces  passent  de  leur  état  naturel  et 
durable  de  repos  à  l'état  occasionnel  et  passager  de  mouve- 
ment, on  voit  naître  toutes  les  belles  formes  de  l'Univers,  ni 
par  création  divine,  ni  par  hasard,  mais  d'elles-mêmes  ^;  et 
toutes  ces  belles  formes  cessent  d'exister  dès  que  ces  mêmes 
forces  passent  de  nouveau  de  l'état  de  mouvement  à  celui  de 
repos.  La  plus  grande  béatitude  de  l'homme  est  le  repos 
éternel,  par  lequel  il  échappe  aux  inconvénients  continuels 
qui  sont  la  conséquence  de  l'état  de  mouvement.  Si  le  repos 
éternel  est  identique  à  l'anéantissement,  ou  non,  c'est  là 
une  question  sur  laquelle  les  sentiments  des  savants  de  la 
secte  sont  partagés;  mais  tous  sont  d'accord  que  même 
l'anéantissement  est  préférable  à  la  renaissance  indéfinie. 

Les  Aiçvarikas  ou  déistes  reconnaissent  une  existence 
immatérielle,  une  existence  matérielle,  et  un  Dieu,  auquel 
ils  dénient  cependant  la  providence  et  le  gouvernement  du 
monde.  Ils  croient  que  la  délivrance  est  une  dissolution  de 
l'individu  dans  la  Divinité.  Cet  état  désirable  de  béatitude, 
de  repos,  peut  être  acquis  par  des  exercices  ascétiques  et 
par  la  méditation  *,  par  suite  desquels  les  facultés  humaines  424 
sont  agrandies  à  l'infini,  de  telle  sorte  qu'on  mérite  d'être 
vénéré  comme  un  Buddha  sur  la  terre. 

Les  Kârmikas  enseignent  que  tout,  et  en  premier  lieu 
tout  ce  que  supporte  chaque  individu,  est  la  conséquence 
d'actes  antérieurs  et  du  mérite  moral  qui  les  suivait  {karman)  ; 
les  Yâtnikas  dérivent  tout  de  l'effort  conscient  [ijatna].  Les 
premiers  ont  adopté  comme  devise  la  sentence  bien  connue 
des  Hindous  :  «  ce  qu'on  appelle  la  Destinée  n'est  autre 
chose  que  ce  qu'on  a  fait  dans  une  existence  antérieure.  » 

3.  Svabhâvât,  d'où  le  nom  du  système. 


462  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Les  Yâtnikas  croient  à  peu  près  la  même  chose,  mais 
attachent  plutôt  de  la  valeur  à  Feffort  intellectuel,  tandis  que 
les  Kârmikas  mettent  en  évidence  le  principe  moral,  et 
disent  :  «  Çâkya,  qui,  d'après  les  Svâbhâvikas,  est  né  de 
lui-même  et  d'après  d'autres,  d'Adhi-Buddha,  a  accom- 
pli telles  ou  telles  actions  et  en  a  recueilli  tels  et  tels 
fruits.  » 

Aucun  de  ces  quatre  systèmes,  tels  que  nous  les  avons 
esquissés,  ne  porte  des  empreintes  particulières  du  Boud- 
dhisme, bien  que  leurs  doctrines  ne  soient  pas  en  contradic- 
tion avec  celui-ci.  Les  Svâbhâvikas  invoquent  une  sentence 
des  Lokâyatas  ou  Epicuriens  matérialistes  :  «  Qui  a  donné 
leur  tranchant  aux  épines?  qui  la  riche  variété  aux  quadru- 
pèdes et  aux  oiseaux  ?  qui  la  douceur  à  la  canne  à  sucre  et  le 
goût  piquant  à  l'Azadirachta?  Tout  cela  est  né  de  lui- 
même  ^  ».  Les  trois  autres  systèmes  sont  représentés  en 
toutes  sortes  de  nuances  dans  l'Hindouïsme  ^  Les  quatre 
écoles  n'ont  fait  qu'appliquer  au  Bouddhisme  des  théories 
indiennes.  Néanmoins,  elles  conservent  les  Trois  Joyaux.  Par 
Buddha,  elles  entendent  l'esprit  ;  par  Dharma,  la  matière; 
par  Sangha,  l'union  de  l'esprit  et  de  la  matière,  d'oii  naît  le 
monde  des  phénomènes.  L'école  athée  place  le  Dharma  avant 
le  Buddha;  tandis  que  les  déistes  commencent  l'énuméra- 
tion,  à  la  façon  ancienne,  en  mettant  le  Buddha  en  tête  ^ 
425  *  La  dernière  personne  de  la  Triade,  le  Sangha,  n'a 
gardé  au  Népal  qu'une  signification  purement  théorique  ; 
en  fait,  la  Congrégation  a,  depuis  des  siècles,  cessé  d'exister. 
Dans  ce  pays,  en  effet,  le  Bouddhisme  a  subi  une  dernière 
transformation  ;  il  s'est  complètement  sécularisé,  les  moines 


1.  Reproduit  en  partie  dans  le  Buddha-Caritra  chez  Hodgson,  Ess.  74. 

2.  Parmi  les  philosophes  hindous,  les  Naiyâyikas,  entre  autres,  sont 
déistes;  les  Mînaiiisakas  et  d'autres  écoles  correspondent  aux  Kârmikas. 

3.  Pour  Tusage  journalier  et  le  culte,  on  entend  par  Buddha  le  fondateur 
de  la  doctrine  ;  par  Dharma,  la  Loi  ;  par  Sangha,  la  Congrégation  :  Hodgson, 
Ess.  27. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  463 

ont  disparu  et  le  clergé  se  compose  d'hommes  mariés  et 
pères  de  famille  * . 

Déjà  du  temps  du  roi  Amara-Malla  de  Kâthmându  (vers 
1550)  nous  trouvons  l'exemple  d'un  docteur  bouddhique, 
nommé  Abhaya-Râja,  dont  on  raconte  qu'il  demeura,  avec  une 
de  ses  trois  femmes,  pendant  quelques  années  à  Gayâ  dans  le 
Magadha,  comme  serviteur  fidèle  du  Buddha  ^  Un  jour,  il 
entendit  une  voix  céleste,  qui  lui  annonça  que  le  Grand 
Buddha  avait  reçu  favorablement  son  pieux  hommage,  et  lui 
ordonna  de  retourner  maintenant  au  Népal,  où  le  Grand 
Buddha  viendrait  le  visiter.  La  voix  qui  parlait  ainsi  était 
celle  d'une  Nymphe  céleste,  servante  du  Grand  Buddha. 
Revenu  dans  son  pays,  Abhaya-Râja  fit  bâtir  un  temple 
bouddhique  de  trois  étages  et  érigea  une  chapelle  avec  une 
statue  de  Çâkyamuni. 

Combien  faibles  sont  dans  ce  récit  les  traces  du  Boud- 
dhisme ancien  !  L'Eglise  singhalaise  est  restée  bien  plus 
fidèle  à  l'esprit  antique.  Et  cependant,  à  Ceylan  même,  le 
clergé  a  perdu  beaucoup  de  son  influence,  puisqu'il  a  aban- 
donné la  prédication  de  la  doctrine  aux  laïques  ^  L'ordre 
des  religieuses  est  depuis  longtemps  éteint  dans  l'île  et  le 
nombre  des  moines  n'est  plus  qu'un  vingtième  peut-être  de 
ce  qu'il  était  à  l'époque  florissante  de  la  Congrégation. 


1.  Quelques-uns  d'entre  eux  portent  cependant  le  nom  de  bhiksku,  «  moine  ». 
La  vie  de  renoncement  monastique  est  encore  suivie  de  nos  jours  par  ceux 
qui  choisissent  ce  qu'on  appelle  «  la  consécration  deÇâkya  »,  mais  pour  trois, 
douze  ou  trente  jours  au  plus,  c'est-à-dire  dans  le  but  déterminé  de  quitter  la 
vie  régulière  aussi  rapidement  que  possible.  Voir  Bhagvanlàl  Indraji  dans 
VArchaeoL  Su7'v.  ofW.  India,  n"  9,  p.  97. 

2.  Wright,  History  of  Népal,  204. 

3.  S.  Hardy,  E.  M.  242.  On  estime  le  nombre  total  des  moines  dans  file  à 
2,500  ;  môme  si  l'on  double  ce  chiffre,  il  est  insignifiant,  comparé  aux  50  ou 
60,000  du  temps  de  Fa  Hian. 


464  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


426  *  3.  —  Destinées  DE  l'Église,  considérées  dans  leurs  rapports 

AVEC  LES  événements  POLITIQUES.  —  PROTECTEURS  PRINCIERS  ET 

AUTRES.  —  Fondation  du  Collège  de  NâlandA  et  légende  qui 
s'y  rattache.  —  Epoque  de  Harsha.  —  Première  apparition 
hostile  des  Arabes.  —  Dharmakîrti  ;  décadence  interne  et 
externe.  —  Etat  de  l'Eglise  sous  les  Pâlas  et  les  Senas. 
—  Conquête  du  Magadha  par  les  Musulmans.  —  L'Église  a 
Kashmir  jusqu'au  commencement  de  la  domination  musul- 
mane. —  Fin  de  la  domination  hindoue  dans  l'Orissa.  — 
Restes  du  Bouddhisme  au  Népal.  —  Conclusion. 

Après  avoir  donné  un  aperçu  du  développement  de  la  Foi 
dans  la  division  septentrionale  de  l'Eglise  dans  l'Inde,  nous 
essayerons  de  mentionner,  autant  que  possible  dans  Tordre 
chronologique,  les  faits  qui  peuvent  répandre  quelque 
lumière  sur  l'histoire  externe,  fort  mal  connue,  de  l'Église. 

Le  puissant  Kanishka  eut  pour  successeur  Huvishka, 
dont  le  gouvernement  peut  se  placer  vers  l'an  190  de  notre 
ère  *.  Sur  les  monnaies  de  ce  roi  on  ne  trouve  aucune  trace 
du  Bouddhisme  :  les  noms  qu'on  y  rencontre  sont  ceux  de 
divinités  grecques,  iraniennes  et  çivaïtes  ^  ;  de  sorte  qu'il  ne 
semble  avoir  jamais  protégé  particulièrement,  à  la  différence 
de  son  prédécesseur,  la  vraie  Foi.  Cependant,  nous  n'avons 
aucune  raison  de  douter  de  l'exactitude  du  renseignement 
-  du  chroniqueur  du  Kashmir,  quand  il  dit  que  le  Bouddhisme, 
durant  le  règne  heureux  des  princes  Turushkas,  était  très 
puissant.  Il  ajoute  que    ces  vertueux  souverains  eurent  le 

427  mérite  de  fonder  des  Caityas  *,  aussi  bien  que  des  collèges  ou 

1.  D'après  des  inscriptions  à  Mathurâ,  Cunningham,  Arch.  Surv.  III,  30. 
Dans  la  Rajatarahgini  168,  la  suite  des  rois  Kushans  ou  Turushkas  est  la 
suivante  :  Jushka,  Hushka,  Kanishka.  Jushka,  dont  on  n'a  pas  encore  décou- 
vert de  monnaies,  fonda  la  ville  de  Jushka-pura  avec  un  couvent,  puis  la  ville 
Jayasvâmipura.  JayaâVâmin  est  un  surnom  de  Çiva. 

2.  Thomas,  The  early  faith  of  Açoka,  72. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  465 

couvents  non-bouddhiques  \  et  cela  aussi  est  probablement 
une  tradition  authentique,  cette  sorte  de  tolérance  envers 
toutes  les  opinions  étant  la  règle,  non  l'exception  chez  les 
rois  indiens  ^. 

La  domination  des  Turushkas  s'étendit  jusque  sur  le 
Madhyadeça.  On  en  trouve  les  preuves  dans  les  inscriptions 
votives  à  Mathurâ,  qui  vont  de  l'an  5  à  281  (de  leur  ère). 
Ces  courts  morceaux  ont  révélé  que  le  Bouddhisme,  durant 
cette  époque,  était  florissant  dans  cette  ville,  bien  qu'ils 
prouvent  en  même  temps  que  les  Jainas  y  avaient  le 
dessus . 

Non  moins  importants  que  les  documents  fournis  par 
Mathurâ  sont  les  inscriptions  des  temples  creusés  dans  le 
roc  à  Kârli.  Elles  nous  font  connaître  quelque  chose  de 
l'état  de  la  religion  dans  les  régions  voisines  de  la  côte  occi- 
dentale. La  mention  qui  y  est  faite  du  roi  Çrî  Pulimâvi  ou 
Palumâvi  Yâsishthîputra  %  qui  doit  être  identique  au  Siri- 
Polemios,  le  contemporain  du  géographe  Ptolémée,  prouve 
que  quelques-unes  de  ces  inscriptions  votives  datent  de  la  pre- 
mière moitié  du  second  siècle.  Une  de  ces  inscriptions  nous 
apprend  que  le  sanctuaire  de  Kârli  appartenait  à  la  secte  des 
Mahâsâiighikas  \  Une  preuve  de  la  bonne  entente  des  sectes 

1.  Mja-tarangini,])às?i.  cité.  Târanâtha.  62,  raconte  qu'un  fils  deKanishka  — 
il  ne  donne  pas  le  nom—  entretint  pendant  cinq  ans  5  Arhats  et  10,000  moines 
ordinaires  à  Pushkalàvatî.  Malheureusement,  le  renseignement  est  trop 
vague  pour  qu'on  puisse  lui  attribuer  quelque  valeur. 

2.  Le  roi,  en  sa  qualité  de  souverain,  est,  d'après  le  droit  indien,  le  protec- 
teur de  la  religion  de  ses  sujets.  Quand,  dans  un  pays,  il  y  a  plusieurs 
religions  dillérentes,  le  roi  doit  les  soutenir  également.  C'est  le  principe 
d'après  lequel  l'État  moderne  a  un  budget  des  cultes  pour  les  différentes 
confessions. 

3.  Burgess,  Archaeol.  Surv.  of  W.  India^  n"  10,  p.  34  et  36.  Dans  les  manus. 
crits  du  Vdyu-Purâna  le  nom  de  ce  roi  de  la  dynastie  Andhrabhrtya  s'écrit 
Pulomâvit  et  Patumàvi  (Wilson,  Vishnupurâna^  473). 

4.  Burgess,  pass.  cité.  Deux  des  pieux  donateurs  portent  des  noms  persansi 
IIarapharana(Uorophernè3,  Ilolopherne),  et  Sotapharana  ;  c'étaient  des  laïques 
originaires  d'Abulàmâ,  localité  dont  la  situation  n'est  pas  connue,  mais  dont 
le  nom,  en  tout  cas,  n'est  pas  indien. 

Tome  il.  30 


466  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

vers  cette  époque  se  trouve  dans  une  inscription  ^  par  laquelle 
un  certain  Usavadâta,  gendre  du  satrape  Nahapâna,  nous 
apprend  qu'il  a  cédé  les  revenus  de  16  villages  aux  dieux  et 
428  aux  brahmanes,  et  a  doté  en  outre  8  brahmanes  *;  en  même 
temps,  il  déclare  qu'il  donne  un  village  à  la  Congrégation. 
On  peut  supposer  que  ce  grand  personnage  n'était  pas  lui- 
même  un  Bouddhiste,  vu  qu'il  avait  fait  aux  païens  des  lar- 
gesses bien  plus  grandes  qu'aux  vrais  croyants. 

Parmi  ceux  qui  se  sont  rendus  très  méritoires  envers 
l'Église,  on  compte,  outre  les  princes,  des  brahmanes.  A 
chaque  page  presque  de  l'ouvrage  de  Târanâtha,  on  trouve 
des  noms  de  brahmanes,  dont  l'Eglise  a  toujours  hautement 
vénéré  la  mémoire.  Gomme  bienfaiteur  et  protecteur  de  la 
religion,  surtout  du  Mahâyâna,  l'auteur  tibétain  nomme  le 
brahmane  Vidu  à  Pàtaliputra,  qui,  du  temps  du  fils  de 
Kanishka,  aurait  fait  faire  mille  copies  des  Ecritures  Saintes. 
Vers  la  même  époque,  dans  le  Surâshtra,  le  Mahâyâna  fut 
protégé  par  le  brahmane  Kulika  *.  De  tels  récits  peuvent 
être  des  légendes,  ils  n'en  ont  pas  moins  de  la  valeur  comme 
des  essais  d'explication  de  certaines  situations  historiques. 
Une  des  légendes  les  plus  importantes  de  cette  catégorie,  est 
l'histoire  des  deux  frères  Mudgara-Gomin  et  Çaiikarapati,  deux 
brahmanes  du  Magadha,  dont  le  premier  était  un  adorateur 
de  Çiva,  le  second,  de  Buddha  ^  Un  jour,  au  moment  où  le 
succès  du  Mahâyâna  déplaisait  fort  aux  Çrâvakas,  il  arriva  que 
les  deux  frères,  sur  le  conseil  de  leur  mère,  se  rendirent  au 
mont  Kailasa,  oii  Çiva  trône  dans  la  neige  éternelle.  Arrivés 
sur  la  montagne,  les  frères  virent  d'abord  la  déesse  Durgâ, 
cueillant  des  fleurs,  puis  Nandi,  le  taureau  de  Çiva,  et  à  la 
fin  le  grand  Dieu  lui-même^  assis  sur  son  trône  et  prêchant 
la  doctrine.  Ganeça  prit  les  nouveaux  arrivés  amicalement 


5.  Burgess,  o.  c.  p.  33. 

1.  Târanâtha,  62. 

2.  /6irf.,65. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  467 

par  la  main,  et  les  conduisit  jusque  dans  la  présence  de 
Mahâdeva.  Lorsque  celui-ci  eut  déclaré  spontanément  qu'on 
ne  pouvait  arriver  à  la  délivrance  que  par  le  chemin  du 
Buddha  *,  Mudgara-Gomin  et  Çankarapati  furent  remplis  de  429 
joie.  Très  contents  de  leur  voyage,  ils  retournèrent  dans 
leur  pays  et  rendirent  toutes  sortes  de  services  à  la  religion  : 
d'abord  en  composant  des  hymnes  qui  devinrent  si  popu- 
laires, qu'on  pouvait  les  entendre  chanter  dans  les  palais 
aussi  bien  que  dans  les  plus  humbles  cabanes  ;  en  outre,  en 
nourrissant  à  Gayâ  500  moines  ordinaires  et  autant  de 
Mahâyânistes  à  Nâlandâ.  Cette  fable  nous  apprend  que  les 
Mahâyânistes  avaient  conscience  d'un  certain  lien  fraternel 
qui  les  unissait  aux  Çivaïtes.  Du  reste,  ce  détail  était  univer- 
sellement connu  :  les  Hinayânistes  de  l'Orissa  disaient 
ouvertement,  du  temps  oii  Hiuen  Thsang  était  dans  l'Inde, 
que  les  religieux  de  Nâlandâ  ne  différaient  en  rien  des 
moines  Çivaïtes  \ 

Dans  l'Inde  Occidentale,  on  trouve,  du  deuxième  au  qua- 
trième siècle,  une  série  de  Satrapes,  que  leurs  monnaies 
font  connaître  comme  des  partisans  du  Bouddhisme.  Il  en 
est  de  même  d'Amoghabhûti,  roi  du  pays  de  Kuninda  ^  qui, 
à  en  juger  d'après  le  type  de  l'écriture  qu'il  emploie  sur  ses 
monnaies,  aurait  pu  régner  avant  la  fin  du  second  siècle  ^. 

Dans  la  péninsule  méridionale,  le  vieux  sanctuaire  d'Ama- 
râvatî  avait  conservé  toute  sa  splendeur  au  second  siècle. 
Les  nombreuses  inscriptions  qui  y  ont  été  découvertes  ne 
permettent  aucun  doute  à  ce  sujet.  L'une  d'entre  elles 
remontant  au  règne  du  roi  Çri-Pulimâvi,  dont  nous  avons 

1.  Vie  de  H.  TU.,  220. 

2.  Ou  :  pays  de  Kulinda  ;  chez  les  Grecs,  Kylindrine,  au  Sud-Est  du 
Kashmir. 

3.  Les  dates  déduites  de  raisons  purement  paléographiques  sont  toujours 
incertaines.  Comp.  Thomas,  On  the  idenlily  of  Xandrames  and  Kvananda 
(dansJoMrn.  R.  As.  Soc.  I.  447)  et  Lassen. /«</.  Alt.^  Il,  819.  Les  leçons  de 
ces  savants  diflérent  beaucoup  ;  d'aprrs  nous,  on  lit  sur  ces  monnaies,  plus 
ou  moins  nettement  :  Kâjnah  Kunindasa  Amojj'habhùtisa. 


^■î 


468  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

parlé  plus  haut,   contient  une   indication  prouvant  que  ce 
couvent,  comme  celui  de  Kârli,  appartenait  aux  Mahâsân- 
gliikas,  et  plus  particulièrement  à  une  subdivision  de  cette 
grande  secte,  les  Caitikas  \ 
La  domination  des  Indo-Scythes  et  autres  étrangers  dans 
430  le  Nord-Ouest  de  l'Inde  *  et  une  partie  du  Madhyadeça,  fit 
place  à  celle  de  la  dynastie  indigène  des  Guptas,  qui  furent, 
pendant  plus  d'un  siècle  et  demi,  les  princes  les  plus  puis- 
sants  de  l'Inde    entière  *.  Bien   qu'eux-mêmes  attachés  à 
l'Hindouisme  sous  une  forme  ou  une  autre,  les  Guptas  per- 
mettaient aux  dissidents  parmi  leurs  sujets,  tels  que  Jainas 
et  Bouddhistes,  l'exercice  tranquille  de  leur  religion.  C'est 
ainsi  que  nous  savons,  par  une  inscription  de  Sanchi,  que  le 
couvent  établi  à  cet  endroit  reçut  une  donation  d'un  vieux 
guerrier,  qui,  sous  la  bannière  glorieuse  de  Candragupta, 
avait  assisté  à  mainte  bataille  et  qui  était  en  grande  faveur 
auprès  de  son  souverain  ^ 

Fa  Hian  ne  nous  apprend  à  peu  près  rien  sur  l'état  poli- 
tique du  pays  au  commencement  du  v^  siècle,  moment  où  il 
visita  la  Terre  Sainte.  Il  parle  souvent  d'Açoka  et  de  Ka- 
nishka,  mais  on  s'aperçoit  que  les  rois  de  son  propre  temps 
ne  l'intéressaient  nullement.  Sur  l'état  de  la  science  il  garde 
également  un  silence  profond.  D'ailleurs,  la  période  brillante 
de  la  scolastique  bouddhique  n'avait  pas  encore  commencé, 
et  la  célèbre  Université  de  Nâlandâ  n'était  pas  encore  fon- 
dée ;  du  moins,  elle  était  insignifiante  ^ 

Deux  siècles  plus  tard,  Hiuen  Thsang  y  trouva  une  multi- 
tude de  couvents,  qui  avaient  chacun  son  histoire  ofïicielle, 
comme  le  nom  Nâlandâ  lui-même.  D'après  le  témoignage 

4.Burgess,  Archaeol.  Swv.  of  S.  India,  n"  3,  p.  26  ;  comp.  p.  41,  où  l'un  des 
religieux  est  qualifié  de  Cetiavâdaka,  «  partisan  de  la  secte  des  Caitikas  ». 

1.  Le  commencement  de  Tère  des  Guptas  tombe  en  Tan  319. 

2.  Journ.  As.  Soc.  Bengal,  VI,  pi.  XXV. 

3.  S'il. en  avait  été  autrement,  Fa  Hian,  qui  a  été  à  Nâlandâ,  en  eût  bien  fait 
mention  en  quelques  mots.  On  pourrait  s'y  attendre  d'autant  plus,  qu'il  fait 
une  mention  expresse  du  fameux  cSllège  de  Pâtaliputra  {Travels^  105). 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  469 

des  vieillards,  l'endroit  devait  ce  nom  à  un  certain  Nâga,  qui 
vivait  dans  un  temps  où  le  futur  Buddha  *  vivait  encore  sur  431 
terre  comme  Bodhisatva  *.  Les  différents  couvents  qui  s'éle- 
vaient là  avaient  été  fondés  successivement  par  quelques 
rois  du  pays;  le  plus  ancien  par  Çakrâditya,  qui  régnait  peu 
après  le  Nirvana  ^  Son  fils,  petit-fils,  arrière  petit-fils,  etc., 
dont  les  noms  sont  Buddhagupta,  Tathâgatagupta,  Balâditya 
ou  Balâditya,  Vajra,  ajoutèrent  chacun  un  nouveau  bâti- 
ment aux  constructions  plus  anciennes.  —  Ces  noms 
désignent-ils  des  personnages  historiques?  Voilà  ce  qu'on  ne 
peut  ni  nier  ni  confirmer.  Une  chose  est  certaine  :  c'est  que 
Târanâtha  ne  les  connaît  pas  et  qu'aucun  d'eux  ne  peut 
avoir  vécu  peu  de  temps  après  le  Nirvana  \ 

En  comparant  les  renseignements  donnés  par  les  deux 
voyageurs  chinois,  on  arrive  au  résultat,  que  la  célébrité  de 
Nâlandâ,  comme  école  savante,  ne  date  que  du  milieu  du 
V*  siècle,  ou  de  plus  tard.  Dans  la  première  moitié  du  vu''  siè- 
cle, le  collège  mahâyâniste  du  Nâlandâ  avait  atteint  le  plus 
haut  degré  de  splendeur  interne  et  externe.  Pûrnavarman, 
alors  roi  duMagadha,  était  un  grand  protecteur  de  la  science 
et  ne  laissait  passer  aucune  occasion  d'honorer  les  hommes 
de  talent.  Il  avait  été,  pris  d'une  telle  admiration  pour  le 
savant  laïque  Jayasena,  qu'il  voulut  lui  donner  le  titre  de 
Premier  parmi  les  Docteurs  du  royaume,  avec  un  riche  trai- 
tement, consistant  dans  les  revenus  de  vingt  grandes  villes  . 
—  s'il  faut  en  croire  Hiuen-Thsang.  Jayasena  était  trop 
modeste  et  trop  peu  mondain  pour   accepter  les  honneurs 

1.  Ces  vieillards  doivent  avoir  été  âgés  de  quelques  millions  d'années,  car 
autrement  on  ne  voit  pas  bien  comment  leur  déclaration  pourrait  avoir  plus 
de  valeur  que  celle  du  premier  venu. 

2.  Mém,  II,  42.  Ni  les  écrits  pâlis,  ni  les  Purânas,  ni  les  traditions  des  Jainas 
ne  connaissent  un  roi  de  ce  nom,  qui  aurait  vécu  peu  après  le  Nirvana. 

3.  Il  est  ditlicile  d'identifier  Buddhagupta  avec  le  Budhagupta  do  la  dynastie 
des  Guptas,  le  nom  et  la  généalogie  dilléraut  également.  Comme  simple  nom 
d'homme  chez  les  Bouddhistes,  Buddhagupta  se  rencontre  fréquemment  dans 
les  inscriptions.  • 


470  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  iTaNS  L'INDE 

qu'on  voulait  lui  accorder,  et  plus  tard,  après  la  mort  de 
Pûrnavarman,  il  refusa  également  une  offre  encore  plus 
séduisante,  qui  lui  avait  été  faite  par  le  roi  Çîlâditya  *. 
Çîlâditya,  plus  connu  sous  le  nom  de  Çrî-Harsha,  roi  de 
432  Kanauj  *,  fut,  de  610  à  640  environ,  le  potentat  le  plus 
puissant  de  FJnde.  Il  avait  fait  des  dépenses  immenses  et 
avait  été  reconnu  comme  empereur  par  un  grand  nombre 
de  rois,  ses  vassaux.  Il  favorisa  le  Bouddhisme,  au  moins 
pendant  une  certaine  période  de  sa  vie,  mais  était  du  reste 
extrêmement  tolérant  envers  toutes  les  opinions,  sauf  envers 
les  Hînayânistes,  s'il  faut  en  croire  Hiuen  Thsang.  Il  aurait 
adressé  au  pèlerin  chinois  les  paroles  suivantes,  témoignant 
d'autant  de  courtoisie  à  l'égard  de  son  hôte  que  de  mépris  à 
l'égard  des  honnêtes  Çrâvakas  :  «  Maître,  »  ditHarsha,  «  votre 
traité  est  admirablement  beau;  moi,  votre  élève,  ainsi  que 
les  docteurs  qui  m'entourent^  nous  ne  pouvons  que  le  louer  ; 
.  mais  je  crains  que  ces  hérétiques  {sic)  du  Hînayâna  n'en 
persistent  pas  moins  dans  leur  entêtement  stupide.  »  Ce 
mépris  du  roi  pour  ses  propres  coreligionnaires,  quand  ceux- 
ci  se  rattachaient  au  Hînayâna,  fut  partagé  par  sa  sœur,  qui 
suivait  la  secte  des  Sammitîyas  * .  En  apprenant  comment 
Hiùen  Thsang  avait  développé  les  principes  sublimes  du 
Mahâyâna  et  couvert  de  mépris  les  idées  étroites  et  mes- 
quines du  Hînayâna,  elle  se  montra  ravie  et  ne  cessa  de  le 
.     combler  de  louanges  "^ 

Le  frère  aîné  de  Harsha  avait  été  assassiné  jadis  traîtreu- 
sement de  la  façon  la  plus  abominable  par  le  roi  de  Karna- 
Suvarna  (aujourd'hui  le  sud-ouest  du  Bengale).  De  là  une 


4.  Voy.  des  Pèl.  B.,  1,213. 

1 .  Ceci  semble  étrange,  car  les  Sammitîyas  étaient  Hînayânistes,  comme  le 
voyageur  lui-même  le  savait  fort  bien  {Vie,  401).  Cette  dame,  dont  le  pèlerin 
ne  donne  pas  le  nom,  ne  peut  être  uae  autre  queRâjyaçrî,  la  sœur  unique  de 
Harsha  et  veuve  de  Grahavarman,  celle  dont  les  aventures  sont  racontées 
dans  l'Histoire  de  Harsha  par  Bâna. 

2.  Vie,  241.  • 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  Ali 

haine  inextinguible  entre  les  deux  princes,  haine  dont  par- 
lent à  la  fois  le  voyageur  chinois  et  le  poète  Bâna.  Le  pre- 
mier ajoute  que  le  traître,  qu'il  nomme  Çaçânka,  était  par 
dessus  le  marché  un  ennemi  de  la  vraie  foi,  qui  persécutait 
la  vraie  religion  et  poussait  la  méchanceté  si  loin  qu'il  osa 
porter  une  main  sacrilège  sur  une  pierre  sacrée  à  Kuçina- 
gara  ^.  De  pareils  faits,  on  peut  conclure  peu  de  chose  *,  433 
tant  qu'on  ne  sait  quelle  religion  professait  Çaçânka  —  sup- 
posé qu'il  en  professât  une.  En  tout  cas,  cette  persécution  a 
été  passagère,  car  au  moment  oii  Hiuen  Thsang  visita  le 
royaume  de  Karna-Suvarna,  il  y  trouva  une  dizaine  de 
couvents,  habités  par  des  moines  de  la  secte  des  Sammi- 
tîyas,  et  il  n'est  plus  parlé  de  persécutions  * . 

Sur  l'état  de  la  religion  dans  les  régions  méridionales,  le 
récit  du  voyage  du  pèlerin  chinois  donne  quelques  détails, 
d'où  l'on  peut  conclure  que  cet  état  n'était  pas  également 
florissant  partout.  Dans  le  Kalinga,  il  y  avait  500  moines; 
dans  le  Kosala,  1,000;  dans  l'Andhra  septentrional,  3,000  ; 
dans  l'Andhra  méridional  ou  Dhanakataka,  1,000;  de  nom- 
breux couvents  y  étaient  en  ruines.  La  situation  était  meilleure 
dans  le  pays  de  Dravida  avec  la  capitale  Kâncî  :  il  y  avait  là 
bien  10,000  moines.  D'autant  plus  lamentable  était  l'état  de 
choses  dans  le  Cola  et  dans  le  Malabar.  Au  contraire,  la  reli- 
gion était  florissante  dans  le  Konkan  et,  en  général,  dans  les 
pays  occidentaux,  surtout  dans  le  Sindh;  il  en  était  de  môme 
dans  le  Mâlava. 

Dans  le  Kashmir,  où  régnait  Durlabha-vardhana  (594-630 
de  notre  ère),  le  Bouddhisme  se  maintenait,  à  côté  du  Çivaïsme 
de  plus  en  plus  puissant  et  des  autres  sectes  païennes.  La 
tolérance  mutuelle  entre  les  différentes  sectes  religieuses,  • 
était  parfaite  ;  pour  caractériser  l'état  de  choses  dans  ce 
royaume,  il  suffît  de  mentionner  la  donation  d'un  village  aux 


3.  Mém.  I,  349,  422;  comp.  248. 
1.  Mém.  11,83. 


472  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

brahmanes,  faite  par  le  roi  Durlabha-vardhana,  et  la  consé- 
cration, .par  le  même  roi,  d'un  temple  à  Yishnu,  dans  la  capi- 
tale Çrîn^agara,  tandis  que  sa  femme  Anafigalekhâ  fondait  un 
Vihâra  *.  —  Au  Népal,  les  Buddhistes  et  les  païens  vivaient 
tout  atissi  paisiblement  à  côté  les  uns  des  autres.  Parmi  les 
premiers,  on  comptait,  du  temps  où  Hiuen-Thsang  visitait, 
le  pays,  environ  deux  mille  moines,  qui  étudiaient  aussi  bien 
le  Mahâyâna  que  le  Hinayâna.  Peu  de  temps  avant  l'arrivée 
du  pèlerin,  on  avait  vu  sur  le  trône  un  roi  très  savant,  Amçu- 
varman,  connu  comme  auteur  d'un  ouvrage  grammatical. 
434  *  Le  voyageur  ne  nous  dit  pas  qu'elle  était  la  religion  d'Amçu- 
varman  (nous  savons  d'ailleurs  qu'il  était  Çivaïte);  le  roi 
régnant  était  un  fidèle  \ 

Si  l'on  excepte  le  cas  douteux  du  roi  Çaçâiika,  les  notices 
du  voyageur  chinois  ne  contiennent  rien  d'où  l'on  devrait  con- 
clure qu'il  aurait  remarqué,  dans  les  pays  de  l'Inde  visités 
par  lui,  quelques  tendances  hostiles  à  la  Doctrine,  soit  chez 
les  princes,  soit  chez  le  peuple.  A  considérer  l'ensemble, 
l'avenir  de  la  Doctrine  pouvait  sembler  plus  brillant  que 
jamais  auparavant,  peut-être.  Cependant,  dans  le  Nord-Ouest, 
un  ennemi  allait  paraître  :  l'Islamisme.  Au  moment  où  Hiuen 
Tsang  admirait  les  curiosités  qu'offrait  le  magnifique  Nou- 
veau Monastère  à  Balkh,  il  ne  pouvait  soupçonner  que, 
quelques  années  plus  tard,  avant  qu'il  serait  rentré  lui-même 
dans  sa  patrie,  le  couvent  tomberait  entre  les  mains  des  sec- 
taires du  prophète  de  la  Mecque.  L'an  644,  Balkh  fut  conquis 
par  Othman;  le  grand  prêtre,  auquel  les  écrivains  arabes 
donnent  le  titre  de  Barmek  ^,  se  convertit  à  l'Islamisme,  et 
devint  l'ancêtre  de  la  famille  des  Barmécides.  Vingt  ans 
après  environ  (dans  l'an  41  de  l'Hégire),  le  sanctuaire  fut 

1.  Râja-t.,  4,  3  9s.  —  Dans  le  courant  du  même  siècle,  la  reine  Prakâça- 
Devî  fit  également  construire  un  couvent;  elle  était  l'épouse  de  Candrâpîda 
(680-689),  connu  comme  fondateur  d'un  temple  de  Vishnu,  ouv7\  cilé,  80. 

1.  Mém.  I,  407. 

2.  Probablement  le  sanscrit  paramaka  «  supérieur.  » 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  473 

ruiné  ;  il  est  vrai  qu'il  fut  rebâti  plus  tard,  mais  cette  fois 
pour  servir,  semble-t-il,  de  temple  du  Feu  ^ 

La  conquête  du  Sindh  par  les  Arabes  \  en  712,  porta  au 
Bouddhisme  dans  l'Ouest  de  l'Inde  un  coup,  dont  il  n'a  jamais 
su  se  rétablir.  Le  coup  fut  d'autant  plus  cruel,  que  le  Sindh 
avait  toujours  été  un  terrain  très  fertile  pour  la  vraie  Foi. 

C'est  de  la  fin  du  môme  siècle  (le  huitième),  qu'on  peut 
dater  —  nous  avons  déjà  pu  le  remarquer  plus  haut  —  la 
décadence  interne  de  l'Église.  Dans  le  Dekkhan,  cette  déca- 
dence *  se  manifesta  surtout  dans  l'impuissance  des  polé-  435 
mistes  en  face  des  argumentations  d'un  Kumârila  et  d'un 
Çankara.  Il  est  vrai  que  Târanâtha  sait  raconter  divers  récits, 
relatifs  aux  victoires  éclatantes  que  Dharmakîrti  aurait  rem- 
portées dans  des  tournois  scolastiques  où  il  aurait  eu  pour 
adversaires  Kumârila  et  Çankara  *,  mais  il  ne  cache  pas  que 
l'époque  de  splendeur  avait  pris  fin  avec  le  môme  Dharma- 
kîrti. Sans  soutenir  que  Çankara  ait  eu  la  moindre  influence 
directe  sur  les  destinées  de  l'Eglise,  on  peut  admettre  comme 
assez  vraisemblable  qu'il  a  contribué  à  diminuer  l'autorité 
des  fils  de  Çâkya,  bien  que  les  riches  donations  faites  à  deux 
monastères  à  Dambal  dans  le  Dekkhan,  dans  l'an  1095  de 
notre  ère,  prouvent  combien  peu  il  peut  être  question 
d'extermination  ^ 

La  religion  n'était  pas  non  plus  menacée,  au  moins  provi- 
soirement, dans  la  partie  orientale  de  l'Inde.  La  foi  y  trouva 
môme  de  puissants  protecteurs  dans  les  rois  de  la  dynastie 

3.  C.  Barbier  de  Meynard,  Dictionnaire  géographique,  historique  et  littéraire 
de  la  Perse  [extrait  de  Yaqout)  569,  où  l'on  trouve  encore  beaucoup  d'autres 
détails  int(';ressants,  bien  qu'en  partie  erronés,  puisés  dans  des  auteurs  arabes. 
Le  nom  du  couvent,  Nawbehâr,  n'est  pas  persan,  comme  le  croyaient  les 
Arabes,  et  ne  peut,  par  conséquent,  signifier  Nouveau  Printemps  ;  il  est  indien: 
Naw-Bihàr  (sanscr.  Nàva-VihAra),  synonyme  de  Nava-Sahghârâraa. 

4.  Voir  M.  Elphinstone,  Ilistory  of  India  (5"  éd.  par  CowcU),  306-312,  et  les 
auteurs  cités. 

1.  P.  174,  180. 

2.  Fleet,  dans  Ind.  Ant.  X,  185. 


474  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L  INDE 

des  Pâlas,  qui  ont  régné  de  800  environ  à  1050  dans  le  Gauda 
et  les  régions  avoisinantes.  Plusieurs  inscriptions  rendent 
témoignage  du  pieux  attachement  des  Pâlas  à  la  doctrine 
de  Çâkya  \  et  l'historien  tibétain,  qui  s'étend,  avec  la  pro- 
lixité confuse  qui  lui  est  ordinaire,  sur  les  mérites  de  ces 
princes,  n'oublie  pas  non  plus  de  parler  des  couvents  et  des 
séminaires  qu'ils  ont  fondés  *.  Les  professeurs  célèbres,  le 
plus  souvent  Tantristes  et  partisans  de  la  Prajnâ-Pâramitâ, 
ne  manquèrent  pas  sous  la  dynastie  de  Pâlas.  La  magie  fut 
:  également  étudiée,  durant  cette  époque,  par  des  hommes 
éminents. 

Aux  Pâlas  succédèrent,  dans  la  domination  de  la  partie 
orientale  de  l'Inde,  les  Senas,  qui  durent  succomber  à  leur 
tour,  vers  l'an  1200,  devant  la  puissance  de  Mahomet,  Sul- 
tan de  Delhi.  On  ne  reproche  aux  Senas,  qui  professaient 
eux-mêmes  l'Ilindouisme,  aucun  acte  de  violence  à  l'égard 
436  des  dissidents  *,  et  ce  n'était  pas  leur  faute,  mais  celle  des  cir- 
constances, si  le  Bouddhisme,  sous  leur  domination,  subit  un 
terrible  mouvement  de  recul.  Ce  que  Târanâtha  raconte  relati- 
vement à  l'état  de  l'Eglise  sous  les  Senas  et  les  gouverneurs 
musulmans  qui  vinrent  après  eux,  est  évidemment  basé 
sur  des  données  dignes  de  foi,  et  s'accorde,  à  bien  des  égards 
avec  ce  que  nous  savons  d'ailleurs.  Son  récit  revient  à  ceci  *. 
Du  temps  des  Senas,  les  dissidents  augmentèrent  peu  à 
peu,  même  dans  le  Magadha,  et  il  y  eut  un  grand  nombre 
de  partisans  de  l'Islam.  Dans  le  couvent  de  Gayâ  on  recueil- 
lit dix  mille  moines  du  Sindh  %  mais  la  plupart  des  autres 


3.  Cunningham,  Archaeol.  Surv.  III,  133;  XI,  172-182,  Corap.  Târanâtha, 
202,  252. 

4.  Parmi  les  couvents  ainsi  fondés,  le  monastère  Vikrama-çîla  eut  une  cer- 
taine célébrité.  II. était  établis  sur  une  montagne  dans  le  pays  de  Magadha, 
sur  la  rive  septentrionale  du  Gange.  Les  prieurs  de  ce  couvent  étaient  tous 
Mantra-Vajrâcâryas,  c'est-à-dire,  maîtres  de  Tart  magique;  Târanâtha,  257. 

1.  P.  254. 

2.  Peut-être  ceux  qui  s'étaient  enfuis  lors  de  la  conquête  du  pays  en  712. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  475 

écoles  scientifiques  dépérirent.  Lors  de  la  conquête  du 
Magadha  par  les  Musulmans  (1200),  beaucoup  de  moines 
furent  tués,  et  les  couvents  d'Udandapurî  et  de  Yikrama-çîla 
ruinés;  le  premier  fut  transformé  en  forteresse.  Le  savant 
Çâkyaçrî  se  réfugia  dans  l'Orissa,  et  partit  plus  tard  de  là 
pour  le  Tibet  ;  Ratnarakshita  son  alla  au  Népal;  Jnânâkara- 
Gupta  et  un  grand  nombre  de  savants  se  rendirent  au  Sud- 
Ouest  de  ITnde;  Buddhamitra  et  quelques  autres  cher- 
chèrent un  abri  dans  le  Midi,  tandis  que  Saiigama-Çrîj flâna 
et  les  siens  s'enfuirent  en  Birmanie,  au  Cambodge,  et  dans 
d'autres  pays  ^  Dans  le  Magadha,  la  doctrine  avait  été 
détruite,  ou  à  peu  près. 

Une  des  conséquences  des  événements  du  Magadha  fut 
que  les  croyants,  réfugiés  dans  le  Dekkhan,  fondèrent,  entre 
autres  dans  le  Vijayanagara,  leKalinga,  le  Konkan,  un  grand 
nombre  de  collèges,  bien  que  sur  une  petite  échelle.  De  cette 
manière,  la  doctrine  fut  de  nouveau  introduite  dans  le 
Sud  de  l'Inde,  sans  qu'elle  ait  jamais  pu  atteindre  à  Tancienne 
splendeur.  Si  l'historien  tibétain  était  bien  informé  *,  il  y  437 
avait  encore  de  son  temps,  au  commencement  du  dix-sep- 
tième siècle,  de  ses  coreligionnaires  dans  le  Dekkhan,  mais 
nous  n'avons  pas  d'autres  preuves  que  la  doctrine  s'y  soit 
maintenue  pendant  si  longtemps  *. 

Dans  le  Kashmir,  l'Église  a  longtemps  conservé  les  posi- 


Si  cette  hypothèse  est  exacte,  il  faut  placer  cette  immigration  longtemps 
avant  la  domination  des  Senas  dans  le  Magadha. 

3.  Beaucoup  de  religieux  du  Magadha  étaient  originaires  de  Tlndo-Chine  ; 
«  surtout  du  temps  des  Senas  la  moitié  du  clergé  établi  dans  le  Magadha 
venait  de  l'Indo-Chine  »  ;  Târandtha,  262.  —  Il  va  de  soi  que  Gayd  continua 
détre  un  lieu  de  pèlerinage  pour  les  croyants  d'autres  pays;  cela  se  voit,  du 
reste,  dans  des  inscriptions,  entre  autres  dans  une  datée  de  1813  Nirvana, 
année  qui  correspond  probablement  à  1116  de  notre  ère,  d'après  Bhagvdnlàl 
Indraji  {Ind.  Ant.  1881,  déc). 

1.  Chez  les  auteurs  indions,  il  est  souvent  question  des  Bauddhas,  quand  ils 
veulent  parler  en  réalité  de  Jainas. 


476  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

tions  qu'elle  y  occupait  anciennement  ^.  Les  rois  païens  don- 
naient souvent  des  preuves  de  bonne  volonté  et  n'oubliaient 
pas  les  intérêts  spirituels  de  leurs  sujets  bouddhiques.  Lalitâ- 
ditya  (693-729),  qui  fit  sculpter  des  statues  et  bâtir  des  temples 
en  grand  nombre,  en  l'honneur  de  Yishnu,  de  Çiva  et  du  Dieu 
solaire,  fonda  aussi  un  grand  couvent  à  Hushkapura,  avec  des 
Stupas.  Son  ministre  Caiikuna,  un  Tokhâr  d'origine,  montra 
son  zèle  pour  la  vraie  Foi  en  bâtissant  des  couvents  et  des  Stu- 
pas ;  de  même  son  beau-frère  îçânacandra,  un  médecin.  On 
érigea  une  multitude  de  statues  du  Buddha  en  or.  Ajoutons 
qu'un  certain  prince  de  Lâta,  Kayya,  fit,  lui  aussi,  construire 
un  couvent  vers  la  même  époque,  et  l'on  arrivera  à  la  con- 
clusion que  la  Foi,  au  commencement  du  huitième  siècle, 
était  très  respectée  dans  le  Kashmir.  Les  choses  restèrent  en 
état  pendant  quelques  siècles  encore.   Jayâpîda    (751-782), 
était  un  adorateur  de  Yishnu,  auquel  il  érigea  des  statues, 
mais  il  fonda  en  même  temps  un  Yihâra  ^  La  reine  Diddâ, 
qui  gouverna  le  pays  avec  habileté  de  980  à  1003,  fonda  un 
grand  nombre  de  temples  et  de  collèges  brahmaniques,  mais 
aussi   un  couvent  \  Il  y  a  de  rares  exemples  de  rois  du 
Kashmir,  qui,  par  préjugé  antithéologique  ou  par  méchan- 
ceté,   ont  fait  preuve  de  sentiments    hostiles  à  l'égard  de 
l'Eglise,  mais  on  voit  qu'alors  ils  n'épargnaient  pas  non  plus 
les  dieux   du   paganisme.    Kshemagupta,  par  exemple,   fît 
non  seulement   brûler,     pendant    son     règne    assez    court 
(950-958)  le  couvent  de  Jayendra,  mais  démolir,  en  outre, 
plusieurs  anciens  temples  des  dieux  ^  Çri-Harsha  (1088-1103), 
438  prince  très  doué  *,  mais  dont  les  qualités  brillantes  furent 
obscurcies  par  la  débauche,  la  légèreté  et  la  faiblesse,  alla 
jusqu'à  enlever  les  trésors  de  tous  les  temples  et  à  souiller  les 

2.  Du  temps  d'Hiuen  Thsang,  on  y  trouvait  une  trentaine  de  couvents,  avec 
une  population  totale  de  5,000  moines  environ;  Méin.  1,  168. 

3.  Bâja-t.  4,  188  ss.  ;  506. 

4.  0.  c.  6,  303. 

5.  0.  c.  6.  ni. 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  477 

images  de  la  façon  la  plus  scandaleuse.  Rien  d'étonnant  à 
ce  que  ce  Harsha,  «  un  vrai  Turc  »,  comme  Tappelle  le  chro- 
niqueur, ce  prince  qui  ne  reculait  pas  devant  l'assassinat  de 
brahmanes,  ait  pillé  également  des  sanctuaires  bouddhiques. 
Il  n'épargna  que  deux  statues  des  dieux,  de  même  que  deux 
statues  de  Buddhas,  ces  derniers  notamment  à  la  suite  des 
supplications  d'un  chanteur  populaire  et  d'un  Çramana  *. 
Mais  c'étaient  là  des  accès  passagers,  et  qui  faisaient  plus  de 
tort  aux  auteurs  de  pareils  excès  qu'à  la  religion.  Peu  de 
temps  après  la  mort  de  Harsha,  le  roi  Sussala  reconstruisit  le 
couvent  bâti  par  Diddâ,  et  sous  son  successeur  nous  lisons 
qu'on  réparait  et  construisait  des  couvents  aussi  bien  que  des 
temples  ^  Ce  ne  fut  que  deux  siècles  plus  tard,  vers  1340, 
que  le  Musulman  Shah  Mîr  s'empara  du  pouvoir.  Depuis  ce 
temps,  l'Islamisme  est  la  religion  dominante  de  la  vallée  de 
Kashmir  ^ 

Pendant  leç  siècles  de  luttes  sanglantes  entre  Musulmans 
et  Hindous,  luttes  où  les  deux  partis  ont  rivalisé  d'héroïsme, 
d'abnégation,  de  mépris  de  la  mort,  les  Bouddhistes  brillent 
par  leur  absence.  Le  Jainisme  a  tenu  bon  pendant  les  temps 
d'épreuve  et  sous  les  circonstances  les  plus  défavorables  ; 
son  ancien  rival  a  succombé. 

D'après  Târanâtha,  vers  1450,  un  roi  du  Bengale  aurait 
rétabli  les  temples  détruits  et  la  terrasse  de  l'arbre  Bodhi  à 
Gayâ.  Dans  l'Orissa,  la  lumière  de  la  Foi  se  ranima  encore 
une  fois,  au  milieu  du  xvi"  siècle,  sous  le  dernier  roi  indi- 
gène du  pays,  Mukunda  Deva  Hariçcandra,  un  Hindou.  Il 
était  connu  par  sa  libéralité  à  l'égard  du  clergé  *  et  fonda  439 
quelques  temples  bouddhiques  et  quelques  petits    collèges. 


1.  0.  c.  7,  1092,  1241. 

2.  0.  c.  8,  2416. 

3.  D'après  les  renseignements  les  plus  récents,  les  confesseurs  des  diffé- 
rentes religions  se  partagent  ainsi  :  Musulmans,  918,000  ;  Hindous,  506,000  ; 
sectes  diverses,  89,000  ;  Bouddhistes  (surtout  dans  le  Ladakh),  20,000.  Le  roi 
actuellement  régnant  est  un  Hindou. 


478  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Lorsqu'il  succomba,  en  1568,  devant  les  forces  du  souverain 
musulman  du  Bengale,  TOrissa  perdit  à  tout  jamais  son 
indépendance  et  les  restes  des  croyants  se  fondirent  dans  la 
masse  des  populations  païennes  ^  . 

Dans  le  Népal,  les  fils  de  Çâkya,  qui  avaient  été  chassés 
des  plaines  de  l'Hindoustan  et  du  Bengale,  trouvaient  un 
accueil  hospitalier  chez  leurs  coreligionnaires,  et  une  pro- 
tection auprès  des  rois  hindous.  Il  est  vrai  que  le  Boud- 
dhisme du  Népal  a  pris  une  forme  particulière  et  que  l'orga- 
nisation primitive  de  la  Congrégation  n'existe  plus  dans  le 
pays;  mais  nous  devons  attribuer  cette  transformation  à 
toute  autre  cause  qu'à  une  pression  venant  du  dehors.  Il  y 
a  toujours  eu,  au  Népal,  un  esprit  de  tolérance,  particulière- 
ment chez  les  souverains  hindous  ^ 


Notre  aperçu  de  l'histoire  ecclésiastique  se  termine  ici. 
Cette  esquisse,  quelque  incomplète  qu'elle  soit,  a  du  moins 
montré,  que  la  Congrégation,  dans  son  pays  d'origine,  n'a 
pas  manqué  d'appuis  puissants  et  de  hautes  protections. 
«  Les  profits  et  les  hommages  honorifiques  » ,  qu'elle 
avait  enviés  dès  le  commencement  aux  hérétiques,  lui 
ont  été  largement  accordés  par  les  princes  et  par  la  bour- 
geoisie aisée.  Tout  cela  ne  l'a  pas  empêchée  de  s'étein- 
dre dans  l'Inde  (à  l'exception  de  Ceylan  et  du  Népal), 
après  une  lente  diminution  de  forces,.  Quelques-uns  jugeront 

1.  L'Orissa  est,  de  nos  jours  encore,  rempli  de  moines,  mais  ce  ne  sont  pas 
des  Bouddhistes,  voir  Hunter,  Gazetteer,  VII,  202. 

2.  Une  preuve  signalée  de  cette  tolérance  fut  donnée  par  le  roi  Prakâça- 
Malla,  un  Çivaïte  zélé,  vers  le  milieu  du  siècle  dernier.  La  mission  catholique 
ayant  été  expulsée  du  Tibet  en  1754,  il  lui  donna  non  seulement  un  refuge, 
mais  encore  deux  pièces  de  terre.  Les  deux  chartes  de  donation,  écrites  sur 
cuivre,  d'après  l'usage  indien,  étaient  en  1848  dans  la  possession  du  docteur 
Hartman,  évêque  catholique  de  Patna.  On  trouve  ces  pièces,  copiées  et  tra- 
duites par  B.-H.  Hodgson,  dans  Journ.  As.  Soc.  Bengal,  XVII,  2,  226. 


0 


HISTOIRE  ECCLÉSIASTIQUE  419 

que  le  Dharma  était  trop  élevé  pour  les  Indiens,  d'autres 
qu'il  était  trop  inférieur  pour  eux  ;  mais  tous  doivent  recon- 
naître le  fait  *,  qu'a  la  longue  le  Bouddhisme  n'a  pu  conten-  440 
ter  les  Indiens,  qu'ils  fussent  d'origine  arienne  ou  dravi- 
dienne.  Il  a  eu  d'autant  plus  de  succès  chez  des  peuples  de 
race  différente,  mais,  chose  frappante,  chez  la  très  grande 
majorité  de  ces  races  dans  une  forme  plus  rapprochée  de 
l'Hindouisme  que  de  la  doctrine  du  Bouddhisme  primitif. 
L'histoire  de  l'Eglise  aU  Tibet,  en  Chine,  au  Japon,  etc., 
n'est  certainement  pas  moins  remarquable  que  le  récit  de 
ses  vicissitudes  dans  son  pays  d'origine  ;  elle  sort  cependant 
du  cadre  de  cet  ouvrage,  auquel  nous  mettons  fin  en  remer- 
ciant le  lecteur  bienveillant,  qui  a  bien  voulu  nous  suivre 
jusqu'ici. 


APPENDICE 


LES    SECTES 


*  Le  nombre  de  sectes  *  est  fixé  par  convention  à  18;  de  441 
même  qu'il  y  a,  en  théorie,  18  Puranas,  et  qu'on  admet  par- 
fois 18  castes.  Les  faits  sont,  dans  les  trois  cas,  contraires  à 
la  théorie.  Si  l'on  fait  l'addition  des  noms  dans  les  différentes 
listes,  dont  il  n'y  a  pas  deux  qui  soient  d'accord,  le  total 
est  supérieur  au  chiffre  officiel.  Dans  une  des  listes,  la  plus 
ancienne  de  toutes,  on  dit  expressément  qu'il  y  a  18  sectes, 
et  l'on  affirme  en  môme  temps  qu'il  y  en  a  24. 

Dans  la  plus  ancienne  liste  qui  nous  soit  connue  ^, 
l'Eglise  est  divisée  en  deux  fractions  principales,  dont  l'une 
est  orthodoxe,  l'autre  hétérodoxe.  Rigoureusement,  seule  la 
secte  fondamentale  de  la  fraction  orthodoxe  a  le  droit  d'être 
considérée  comme  absolument  pure  dans  la  doctrine.  Ces 
deux  fractions  sont  :  les  Sthaviras,  les  Anciens,  ou  Sthavira- 
vâdins,  partisans  de  la  doctrine  des  Anciens  et  les  Mahàsàn- 
ghikas,  ceux  de  la  Grande  Eglise.  Les  premiers  se  subdivi- 
sèrent en  deux  groupes  :  lesMahiçàsakasetlesVrjiputrakas  \ 

1.  Bhedas,  mot  qui  signifie  «  divisions  »,  et  qui  est  tantôt  pris  dans  le  sens 
de  «  schismes  »,  donc  de  sectes  hétérodoxes,  tantôt  dans  celui  de  a  variétés, 
subdivisions  »  de  l'Église.  On  emploie  aussi  le  mot  vâda^  qu'on  peut  traduire 
par  «  doctrine  ». 

2.  Dîpav.  5,  39. 

3.  Ce  dernier  nom  semble  assez  étrange,  vu  que  ce  sont  justement  les  Vrji- 
putrakas  qui  figurent  dans  la  légende  ecclésiastique  connue  auteurs  du  pre- 
mier schisme,  100  ans  après  le  Nirvana.  Chez  Vassilief,  B.  230,  la  secte  des 

Tome  11.  ■" 


482  •    HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

442  Des  Mahîçâsakas  sortirent  les  Sarvâstivâdins,  Kâçyapikas  *, 
Kâçyapikas  *,  Sankrântikas  et  Sûtravâdins  ;  des  Vrjiptitras  : 
les  Dharma-Uttarikas,  Bhadrayânikas,  Shannagarikas  et  Sam- 
mitîyas.  En  tenant  compte  des  sectes-souches,  on  obtient 
donc  douze  sectes  sur  dix-huit  qui  professent  à  différents 
degrés  la  foi  des  Anciens.  Les  six  sectes  qui  se  rattachent  à 
la  Grande  Eglise  sont,  en  dehors  des  Mahâsâiighikas  primi- 
tifs eux-mêmes,  les  Gokulikas  ^  dont  descendent  les  Ba- 
huçrutas  ^  et  les  Prajnaptivâdins  ;  les  Ekavyavahàrikas  ;  les 
Caitikas. 

A  ces  dix-huit  sectes  il  faut  en  ajouter  six  autres  :  lesHai- 
mavatas  (ceux  de  THimâlaya),  Râjagirikas(ceuxdeRâjagiri), 
Siddhârthas,  Pûrva-çailas  (ceux  du  Mont  Oriental),  Apara- 
çailas  (ceux  du  Mont  Occidental),  et  Apara-Râjigirikas  (ceux 
.  de  Râjagiri-Occidental).  Les  cinq  premiers  noms  se  trouvent 
aussi  dans  le  Mahâvamsa,  qui  donne  comme  sixième  les  Yâda- 
rikas.  Tous  ces  noms,  sauf  celui  de  Siddhârtha,  dérivent  des 
endroits  oii  les  moines  étaient  établis. 

Les  chroniques  singhalaises  ne  nous  apprennent  rien  sur 
le  rapport  de  ces  six  sectes  supplémentaires  avec  les  deux 
grandes  subdivisions  de  l'Eglise.  Dans  un  ouvrage  de  Yasu- 
mitrasur  les  18  sectes,  on  attribuait  aux  Caitikas,  Pûrva-  et 
Apara-Çailas  un  seul  et  même  père  spirituel.  Ce  fondateur 
de  trois  sectes  aurait  été  originairement  un  Tirthika,  et  se 
serait  rattaché  plus  tard  aux  Mahâsârighikas  \  Quelque  apo- 


Vatsîputrîyas  occupe  la  place  de  celle  des  Vrjiputras.  Comme  la  forme  pâlie 
est  Vajjiputta,  la  confusion  des  deux  noms  était  facile,  mais  il  est  incertain  de 
quel  côté  se  trouve  la  faute. 

1.  On  voit  que  le  même  nom  est  donné  deux  fois  de  suite,  ce  qui  ne  peut 
être  exact.  Il  est  difficile  de  savoir  quel  nom  a  été  laissé  de  côté,  de  propos 
délibéré  ou  non;  peut-être  celui  des  Vibhajyavâdins.  La  liste  donnée  Mâhav. 
22  ne  donne  aucune  lumière. 

2.  Chez  Vassilief,  B.  227,  Kukkulikas,  mais  la  forme  Gokulika  se  trouve  aussi 
dans  quelques  listes  septentrionales. 

3.  Mahâv.  pass.  cité,  donae  Bâhulikas. 

4.  Vassilief,  B.  228. 


APPExNDlCE  483 

cryphe  que  soit  ce  récit  relatif  à  ce  singulier  ci-devant  Tîr- 
thika,  dont  on  ne  donne  môme  pas  le  nom  ^  il  n'en  est  pas 
moins  certain  qu'il  existe  un  lien  géograpliique  entre  les  trois 
sectes  que  nous  venons  d'énumérer.  Nous  avons  vu,  en  efTet,  . 
que  le  couvent  d'Amarâvatî  appartenant  aux  Mahâsâiighikas, 
était  habité  particulièrement  par  des  Cailikas  ^  *  Or,  les  443 
couvents  du  Mont  Oriental  et  Mont  Occidental  étaient  situés 
près  de  Dhanakataka  ou  Dhanyakataka,  capitale  de  l'Andhra 
méridional,  ainsi  que  nous  l'apprend  Hiuen  Thsang,  et  Ama- 
râvatî  n'en  peut  avoir  été  bien  éloigné.  Quand  le  voyageur 
nous  apprend  que  les  moines  de  Dhanakataka  étaient  de  son 
temps  partisans  du  Mahàyâna,  ce  renseignement  ne  saurait 
nous  étonner,  vu  le  lien  qui  existe  entre  les  Mahâsâiighikas 
et  les  Mahâyânistes. 

Des  Pûrva-çailas  seraient  sortis  les  Râjagirikas,  que  tous, 
cependant,  ne  comptent  pas  parmi  les  18  sectes  *. 

Les  llaimavatas  sont  considérés  par  quelques-uns  comme 
formant  une  branche  de  la  tige  des  Anciens,  mais  les  Mahâ- 
sâiighikas,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  les  comptaient 
parmi  les  leurs  ^ 

Après  que  ces  18  sectes  (24,  si  l'on  compte  les  sectes  sup- 
plémentaires) se  furent  développées  dans  l'Inde,  la  tige 
ancienne  eut  deux  nouveaux  rejetons  à  Ceylan  :  les  Dharma- 
rucikas  et  les  Sâgalikas  •*;  les  premiers  sont  identifiés  avec  la 
secte  d'Abhayagiri  ;  les  derniers,  avec  les  Jetavanistes.  Quant 
à  la  secte  du  Mahâvihâra,  on  en  parle  partout,  sauf  dans  les 

0.  Târanâtha,  283,  nomme  Mahùdeva  comme  fondateur  des  Caitikas  et 
Pûrva-çailas. 

6.  Voir  plus  haut,  p.  429. 

1.  Târanâtha,  pass.  cité.  —  La  situation  de  Ilâjagiri,  nommé  dans  Daçaku- 
mâra-Caritn,  32,  comme  un  lieu  de  séjour  pour  des  ascètes,  est  incertaine. 
L'ancien  Râjagrha  s'appelle  maintenant  Râjgir  ;  il  n'est  cependant  pas  pro- 
bable qu'il  s'agisse  ici  de  cette  localité,  car  dans  ce  cas  on  devrait  trouver 
quelque  part  une  forme  secondaire  llâjagrhikas. 

2.  Vassilicf,  B.  230. 

3.  Ma/iâv.,  passage  cité. 


484  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

chroniques  singhalaises,  comme  d'une  secte  distincte.  C'est 
un  fait  frappant,  vu  que  ces  chroniqueurs  appartenaient  jus- 
tement au  Mahâvihâra.  La  raison  du  fait  qu'ils  sont  seuls  à 
ne  pas  parler  de  la  secte,  doit  bien  être  qu'ils  voulaient  se 
^  donner  eux-mêmes  pour  les  héritiers  de  la  doctrine  vraie  et 
non  falsifiée  des  Anciens. 

La  classification  des  sectes  d'après  le  système  des  Vieux 
Croyants  du   continent   *,  ne   diffère  pas  beaucoup  de  celle 
qu'on  trouve  dans  la  chronique  singhalaise  la  plus  ancienne. 
Eux  aussi  admettaient  deux  divisions  principales  :  Sthaviras 
etMahâsânghikas.  Des  premiers  sortirent  :  les  Sarvâstivâdins, 
Yatsîputriyas,   Dharma-Uttariyas,    Bhadrayâniyas,  Sammi- 
444  tîyas  (ou  Sammatiyas),  *  Mahiçàsakas,  Dharmaguptas,  Suvar- 
shakas  ou  Kâçyapiyas  et  Uttariyas.  Des  Mahâsâiighikas  déri- 
vent :  les  Ekavyavahârikas,  Lokottaravâdins,  Bahuçrutîyas, 
Prajnaptivâdins,  Caitikas,  Pûrva-çailas  et  xVpara-çailas.  Si 
l'on  tient  compte  du  fait  que  les  Vatsiputras  et  les  Yrjipu- 
tras  (pâli  :  Yajjiputtas)  ne  sont  évidemment  que  des  variantes 
du  même  nom  —  quelle  que  soit  la  leçon  la  plus  ancienne 
des  deux  —  on  voit  que   la  différence  se  borne  à  l'omission 
des  Shannagarikas,  Sankrantikas  et  Sûtravâdins,  que  la  chro- 
nique compte  également  parmi  les  Sthaviras.  La  différence 
devient  encore  plus  minime,  si  l'on  admet,  sur  l'autorité  de 
Târanâtha,  que  les  Uttariyas  sont  identiques  aux  Sankranti- 
kas K  Dans  l'énumération  des  Mahâsânghikas,  les  deux  listes 
sont  également  d'accord,  en  grande  partie.  Dans  une  des  deux 
listes  manquent  les  Lokottaravâdins,  dans  l'autre,  les  Goku- 
likas.  L'existence  de  ces  deux  sectes  est  certifiée  par  d'autres 
documents,   de    sorte    que  nous  devons   admettre,  ou  bien 
qu'une  des  deux  listes  est  incomplète,  ou  bien  que  les  Goku- 
likas  sont  identiques  aux  Lokottaravâdins.  Ce  dernier  arrange- 

4.  Târanâtha,  270. 

1.  Un  troisième  nom  de  cette  secte  est  Tâmraçâtîya,  c'est  ce  que  dit  du  moins 
Târanâtha,  273;  mais,  d'après  les  Sammitîyas,  les  Tâmraçâtîyas  sont  dis- 
tincts des  Sankrântivâdins. 


APPENDICE  483 

ment  ne  peut  ôlre  prouve  jusqu'ici  ;  cependaiilTàranâlha  dit 
que  les  Lokotlaravâdiïis  sont  appelés  aussi  Kaukkulapadas, 
c'est-à-dire  «  ceux  de  la  Patte  du  Coq  ».  Si  l'on  compare  ù 
cette  forme  celle  de  Kukkutika  ou  Kukkulika  pour  Gokulika, 
on  arrive  à  la  supposition  qu'il  s'est  produit  une  confusion 
entre  Gokulika  (en  bon,  sanscrit  :  Gaukulika)  et  Kaukkutika 
(prâkrit  :  Kokkudika)  ^  • 

Dans  le  système  des  Sammitîyas,  on  distingue  quatre 
groupes  principaux  ^  de  croyants  :  1.  Sarvâstivâdins;  2. 
Vatsîputrîyas ;  3.  Haimavatas  ;  4.  Mahâsânghikas. 

Au  premier  groupe  appartiennent  sept  sectes,  à  savoir,  en 
dehors  des  Sarvâstivâdins  primitifs,  les  Yibhajyavâdins, 
Bahuçrutîyas,  Dharmaguptakas,  Tâmraçâtîyas,  Kâçyapîyas, 
et  Saiikrantikas;  au  second  groupe  :  les  Vatsîputrîyas  et  leurs 
rejetons  :  les  Dharma-Utlarîyas,  Bhadrayânikas  et  Sammi- 
tîyas. Le  troisième  groupe  ne  comprend  *  que  les  Ilaima-  443 
vatas  ;  le  quatrième  :  les  Mahâsânghikas  primitifs,  les 
Ekavyavahârikas,  Gokulikas,  Bahuçrutîyas,  Prajnaptivâdins 
et  Çaitikas. 

Dans  le  premier  groupe,  les  Bahuçrutîyas  sont  tout  à  fait 
de'placés;  dans  d'autres  listes^  on  les  compte  parmi  les  Mahâ- 
sânghikas, parmi  lesquels  ils  figurent,  du  reste,  une  seconde 
fois  dans  la  liste  des  Sammitîyas  eux-mêmes.  Au  lieu  des 
Bahuçrutîyas  on  s'attendrait  avoir  mentionner  les  Mahîçâ- 
sakas,  secte  trop  considérable  pour  qu'elle  puisse  manquer. 
La  différence  entre  le  système  des  Sammitîyas  et  celui  des 
Sthaviras  consiste  surtout  en  ceci,  que  les  derniers  placent 
l'une  à  côté  de  l'autre  les  deux  grandes  branches  des  Vieux- 
Croyants,  au  lieu  de  les  faire  sortir  du  môme  tronc,  et  qu'ils 
ne  représentent  pas  les  Mahîçâsakas  comme  les  ancêtres 
immédiats  des  Sarvâstivâdins.  Du  reste,  les  noms  dans  les 
deux  groupes  (analogues  aux  deux  groupes  que  les  Sthaviras 


2.  Conip.  la  noie  de  \'assiliof  sur  Tàranûlha,  227. 

3.  Tiiranâtha,  2"Î1. 


486  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

admettent  pour  leur  première  grande  subdivision)  reviennent 
à  peu  près  au  même.  S'il  est  vrai  que  les  Sankrântikas  sont 
identiques  aux  Tâmraçâtîyas,  il  doit  y  avoir  une  erreur  dans 
la  liste  des  Sammitiyas  ;  peut-ôtre  faut-il  lire  Sautrântikas 
(Sûtravâdins)  pour  Sankrântika.  Nous  avons  déjà  émis  une 
hypothèse  sur  la  raison  pourquoi  les  Yibhajyavâdins 
manquent  dans  la  liste  de  la  chronique  de  Ceylan.  Quant 
aux  subdivisions  des  Mahâsâiighikas,  les  Sammitiyas  sont 
entièrement  d'accord  avec  les  Sthaviras  de  Ceylan. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  appris  à  connaître  que  des  témoi- 
gnages de  gens  à  peu  près  orthodoxes  ;  nous  verrons  main- 
tenant quelle  est  la  théorie  des  Mahâsânghikas  *.  Ceux-ci 
admettent  trois  grandes  divisions  :  Sthaviras,  Mahâsânghikas 
et  Yibhajyavâdins  ^  Les  Sthaviras  sont  divisés  d'abord  en 
Sarvâstivâdins  et  Yatsîputriyas  ;  division  qui  serait  absolu- 
ment d'accord  avec  celle  du  Dipavamsa,  si  la  chronique 
n'avait  inséré  entre  les  Sthaviras  et  les  Sarvâstivâdins  la 
secte  intermédiaire  des  Mahiçâsakas.  Cette  insertion  a  été 
faite  probablement  pour  des  raisons  dogmatiques,  car  elle 
446  contredit  non  seulement  le  système  *  des  Mahâsânghikas, 
mais  encore  celui  des  Sthaviras  du  continent  et  celui  des 
Sammitiyas.  Le  témoignage  des  Mahâsânghikas  a,  dans  cette 
question,  une  valeur  d'autant  plus  grande,  qu'ils  n'avaient 
aucun  intérêt  à  rajeunir  ou  à  vieillir  les  Mahiçâsakas. 

Donc,  d'après  le  système  des  partisans  de  la  Grande 
Eglise,  on  a  vu  sortir  des  Sthaviras  primitifs  les  Sarvâstivâ- 
dins et  les  Yatsîputriyas  (autrement  dits  Yajjiputtas).  Les 
Yatsîputriyas  se  divisèrent  en  Sammatîyas,  Dharma-Utta- 
rîyas,  Bhadrayânikas  et  Shannagarikas.  Pour  ce  qui  con- 
cerne les  Yatsîputriyas  (Yajjiputtas)  et  leurs  descendants,  les 
partisans  de  la  Grande  Eglise  sont  donc  entièrement  d'accord 
avec  les  Sthaviras  de  Ceylan. 

1.  Pass.  cité. 

2.  On  ne  dit  pas  expressément  que  cet  ordre  est  chronologique;  il'est  cepen- 
dant fort  possible  que  ce  fût  l'intention  du  rédacteur. 


APPENDICE  487 

Dans  le  second  groupe  principal,  on  classe  les  Mahâsâfi- 
ghikas  primitifs,  les  Pûrva-çailas,  Apara-çailas,  Râjagirikas, 
Haimavatas,  Caitikas,  Sarikrântikas  et  Gokulikas.  On  n'ex- 
plique pas  comment  on  a  pu  classer  ici  les  Saiikrântikas  ;  il 
est  probable  que  c'est  une  faute,  et  qu'il  faut  lire  Lokottara- 
vâdins  *,  si  toutefois  ces  derniers  ne  sont  pas  identiques  aux 
Gokulikas.  Le  fait  que  les  Haimavatas  figurent  ici  comme 
subdivision  des  Mahâsârighikas,  devient  moins  surprenant, 
quand  on  se  rappelle  que  les  rédacteurs  des  listes  précédentes 
ne  savaient  évidemment  sous  quelle  rubrique  il  fallait 
classer  ce  nom. 

Le  troisième  groupe  comprend  les  Vibhajyavàdins  et 
leurs  descendants  spirituels,  les  Mahîçâsakas,  Kâçyapîyas, 
Dharmaguptakas  et  Tâmraçâtiyas.  Dans  les  listes  émanant 
des  Sthaviras  et  des  Sammitiyas,  ces  sectes,  ainsi  que  le 
groupe  principal,  les  Vibhajyavàdins,  sont  comptées  parmi 
les  sectes  des  Yieux-Croyants,  ou  insérées  parmi  ces  der- 
nières. Quel  est  le  classement  qui  mérite  la  préférence, 
c'est  ce  que  personne  ne  saurait  dire,  tant  que  les  dogmes 
particuliers  à  chaque  secte  seront  aussi  mal  connus  qu'ils  le 
sont  maintenant  ^. 

Dans  l'ouvrage  sur  les  subdivisions  de  l'Eglise,  attribué  à 
Yasumitra  *,  on  expose  un  système  *  qui  s'écarte  quelque  447 
peu  de  ceux  que  nous  venons  de  traiter.  Nous  en  donne- 
rons ici  une  exquisse.  Originairement,  il  n'y  avait  que  des 
Sthaviras.  De  ces  Anciens  se  séparèrent,  en  l'an  100  après 
le  Nirvana,  sous  Açoka,  les  Mahâsâiighikas.  Les  xVnciens 
restèrent  ce  qu'ils  étaient,  jusqu'à  ce  qu'ils  se  séparèrent,  au 
m'  siècle,  en  deux  groupes,  les  Sarvâstivâdins,  appelés  aussi 


1.  Une  note  de  Schiefner,  pass.  cité,  montre  d'ailleurs  que  le  nom  de  San- 
krantivddin  ne  repose  que  sur  une  conjecture. 

2.  Un  aperçu  de  ces  dogmes,  d'après  Vasumitra  III,  se  trouve  chez  Vassilief, 
B.  234-258;  comp.  Rockhill,  llie  Life  of  tke  Bttddha  and  the  early  Ilislory  of 
his  order,  181-196. 

1.  Vassilief,  B.  223  ss. 


488  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

Hetuvâdins  (rationalistes)  ou  Yibhajyavâdins  d'un  côtc^  et 
les  Haimavatas,  de  l'autre.  Dans  le  même  siècle,  on  vit  sor- 
tir des  Sarvâstivâdins  les  Yatsîputrîyas  et  les  Mahîçâsakas,  et 
des  Yatsîputrîyas  se  développèrent  par  la  suite  les  Dharma- 
Uttarîyas,  Bhadrayânikas,  Sammitîyas  %  et  Shannagarikas. 
Des  Mahîçâsakas  sortirent  les  Dharmaguptakas.  Quelque 
temps  après  avoir  produit  les  Yatsîputrîyas  et  les  Mahîçâ- 
sakas, les  Sarvâstivâdins  produisirent  un  nouveau  rejeton, 
la  secte  des  Kâçyapîyas,  autrement  dits  Suvarshakas.  Des 
mêmes  Sarvâstivâdins  se  développèrent  au  iv*  siècle  les 
Sankrântikas,  qu'on  identifie  avec  les  Sautrântikas  et  qui 
avaient  pour  père  spirituel  Dharma-Uttara  ^  De  cette 
manière,  on  obtient  onze  sectes  sorties  des  Anciens  ;  le  total 
des  sectes  des  Yicux-Groyants,  en  y  comptant  les  Anciens 
primordiaux,  est  douze. 

Chez  les  Mahâsânghikas  il  y  eut,  par  la  suite,  également  des 
sectes,  tout  comme  chez  les  Yieux-Groyants.  Au  second  siècle 
se  formèrent  les  Ekavyavahârikas,  Lokottaravâdins  etKukku- 
likas  ou  Kukkutikas.  Les  choses  n'en  restèrent  pas  là  ;  dans 
le  même  siècle,  surgirent  les  Bahuçrutîyas,  Prajnaptivâdins, 
et,  vers  200  après  le  Nirvana,  les  Gaitikas  ou  Gaityaçailas, 
les  Apara-çailas  et  les  Pûrva-çailas  \  Gette  énumération 
448  donne,  en  dehors  de  la  secte  originaire,  huit  subdivisions  *, 
donc,  avec  la  tige  primitive,  neuf  sectes  *;  c'est-à-dire,  trois 


2.  Nommés  aussi,  d'après  Bhavya,  Âvantakas  (ceux  du  pays  d'Avanti)  et 
Kaurukullas.  D'après  Târanâtha,  272,  les  Âvantakas  et  Kaurukullas  sont  deux 
subdivisions  différentes  des  Sammitîyas, 

3.  Ici  les  deux  sectes  des  Sankrântikas  et  Sûtravâdins  ont  été  réduites  à  une 
seule.  Elles  étaient,  sans  aucun  doute,  très  étroitement  apparentées. 

4.  Le  texte,  chez  Vassilief,  B.  229,  porte  Uttara-çaila,  Mont  Septentrional,  ce 
qui  est  inexact;  nous  savons  par  Hiuen-Thsang  qu'il  y  avait  des  couvents  sur 
le  Mont  Occidental  et  sur  le  Mont  Oriental,  près  de  Dhanakataka. 

1.  Il  n'en  est  pas  ainsi  dans  une  traduction  chinoise,  où  il  est  dit  :  «  Les  Mahâ- 
sânghikas se  divisèrent  en  quatre  sectes,  et  en  outre  en  cinq,  ce  qui  fait  sept 
sectes.  »  C'est  là  de  l'arithmétique  transcendante  ;  chez  les  incrédules, 
4+5  =  9. 


APPENDICE  489 

de  trop  pour  le  système  des  18  sectes.  En  admettant  Fiden- 
tification,  toujours  quelque  peu  incertaine,  des  Lokottaravâ- 
dins  avec  les  Kukkulikas,  et  en  laissant  de  côté  les  Pûrva-  et 
Apara-çailas,  qui  se  distinguaient  certainement  très  peu  des 
Gaitikas,  on  obtint  le  nombre  de  six,  ce  qui,  avec  les  douze 
sectes  des  Vieux-Croyants,  donne  le  nombre  total  de  dix- 
huit. 

Afin  d'être  complet,  nous  donnerons  encore  une  liste, 
bien  qu'elle  soit  évidemment  de  date  postérieure  et  arti- 
ficielle à  excès.  On  trouve  dans  cette  liste,  reconnue  au 
Tibet  ^  comme  exprimant  la  théorie  des  Sarvâstivâdins, 
non  seulement  les  noms  des  18  sectes,  partagées  en  quatre 
groupes,  mais  encore  l'indication  des  quatre  disciples  du 
Seigtieur  qui  furent  les  ancêtres  spirituels  de  ces  groupes. 
Le  premier  groupe,  composé  de  sept  subdivisions,  comprend 
les  Ârya-Sarvâstivâdins  et  a  pour  ancêtre  spirituel  Râhula. 
Le  second  groupe,  celui  des  Arya-Sammitiyas,  comprend 
trois  sectes,  ayant  pour  ancêtre  spirituel  Upâli.  Le  troisième 
groupe,  composé  de  cinq  subdivisions,  est  celui  desMahâsàn- 
ghikas,  dont  Kâçyapa  est  le  patriarche  ;  le  même,  naturelle- 
ment, qui  fut  aussi  président  du  premier  Concile,  quelque 
absurde  que  cela  puisse  paraître.  Le  dernier  groupe,  dont 
Kâtyâyana  est  le  fondateur,  comprend  les  trois  sectes  pure- 
ment singhalaises  du  Muhàvihâra,  d'Abhayagiri  et  de  Jeta- 
vana.  Lo  fait  que  ces  trois  dernières  sectes,  parmi  lesquelles 
les  Jetavanistes  ne  sont  pas  mentionnés  avant  Fan  300  de 
notre  ère,  figurent  dans  la  liste,  prouve  que  celle-ci  est 
d'une  origine  relativement  récente.  Afin  de  rendre  l'aperçu 
plus  facile,  nous  donnons  ici  un  tableau  du  système  de  ces 
Sarvâstivâdins  : 

2.  Burnouf,  Lotus,  357;  Introd.  445.  Vassilief,  C.  2G7.  Comp.  Tàranâtha,  272, 
où  Vinîtadcva  est  nommé  comme  rédacteur.  Cet  auteur,  très  versé  dans  la 
magie,  vivait  après  Dharmakîrti,  o.  c,  198. 


490 


HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 


449     *  1.  Mûla-Sarvâstivâdins. 

2.  Kâçyapîyas. 

3.  Mahîçâsakas. 

4.  Dharmaguptas. 

5.  Bahuçrutîyas. 

6.  ïâmraçatîyas. 

'    7.  Vibhajyavâdins. 

8.  Kaurukullakas . 

9.  Avantakas. 

10.  Valsîputrîyas. 

11.  Pûrva-Çailas. 

12.  Apara-Çailas. 

13.  Haimavatas. 

14.  Lokottaravâdins. 

15.  Prajnaptivâdins. 

16.  Mahâvihâra-vasins. 

17.  Abhayagiri-vâsins. 

18.  Jetavanîyas. 


Sarvâstivâdins, 

ancêtre  spirituel  :  Râhula. 


Sammitîyas  ; 

ancêtre  spirituel  :  Upâli. 


Mahâsâiighikas  ; 

ancêtre  spirituel  :  Kâçyapa. 


Sthaviras  ; 

ancêtre  spirituel  :Kâtyâyana. 


Il  y  a,  dans  cette  liste,  bien  des  traits  originaux.  Ce  qui 
est  très  ingénieux  et  surprenant,  c'est  que  l'ancêtre  spiri- 
tuel des  Kâçyapîyas  n'est  pas,  comme  on  s'y  attendrait, 
Kâçyapa  \  mais  Râhula,  tandis  que  Kâçyapa  figure  comme 
patriarche  des  Mahâsânghikas.  Cela  ne  serait  pas  étonnant 
si  c'étaient  les  partisans  de  la  Grande  Eglise  eux-mêmes  qui 
faisaient  remonter  si  haut  leur  généalogie  ;  mais  ce  qui  est 
singulier,  c'est  que  ce  soient  les  Sarvâstivâdins  qui  le  font. 
Très  naïve  est  la  théorie  d'après  laquelle  Kâtyâyana,  un 
disciple  du  Buddha  et  un  des  grands  hommes  du  premier 
Concile,  serait  l'ancêtre  des  trois  sectes  de  Ceylan.  Les 
auteurs  de  la  liste  avaient  évidemment  oublié  la  parenté 
entre  les  Sarvâstivâdins  et  les  Sthaviras  ;  ils  paraissent  avoir 
ignoré  l'existence  de  Sthaviras  sur  le  continent.  Comme  du 


1.  D'autres  autorités    bouddhiques    dérivent,    en  efl'et,   les  Kâçyapîyas  de 
Kâçyapa;  Târanâtha,  273. 


APPENDICE  491 

temps  d'Hiuen  Thsang,  les  Sthaviras  se  trouvaient  encore 
en  divers  pays  continentaux  *,  il  en  résulte  que  la  liste  que  450 
nous  venons   de  donner  ne  peut   avoir  été  composée   que 
longtemps  après  le  septième  siècle. 

Des  dix-huit  sectes,  il  n'en  serait  resté  que  sept  du  temps 
des  Pâlas  *.  Le  fait,  considéré  en  lui-môme,  n'est  nullement 
impossible  ;  mais  l'autorité  d'un  écrivain  qui  ne  montre  nulle 
part  la  moindre  notion  d'une  différence  entre  le  nombre 
conventionnel  et  le  nombre  réel  des  sectes,  est  trop  faible 
pour  qu'on  puisse  y  rattacher  la  moindre  valeur.  Ce  que  dit 
le  môme  auteur,  à  savoir  que,  depuis  l'apparition  du 
Mahâyâna,  aucun  religieux  de  ce  parti  ne  s'est  attaché  à 
l'une  des  sectes  anciennes,  ne  s'accorde  pas  bien  avec  le 
témoignage  de  Hiuen  ïhsang,  d'après  lequel  les  Sthaviras 
dans  le  Samalata,  le  Kalinga  et  ailleurs  étaient  partisans 
du  Mahâyâna  ^  On  ne  s'explique  pas  comment  cette  secte, 
la  plus  antique  de  toutes,  ait  pu  adopter  le  Mahâyâna  ;  et  il 
est  plus  prudent  de  ne  pas  se  fier  absolument,  toutes  les 
fois  que  le  Mahâyâna  est  en  jeu,  au  témoignage  de  ce 
Mahâyâniste  exalté.  Il  ne  s'ensuit  pas  que  la  théorie  de 
Târanâtha  soit  absolument  exacte,  bien  qu'on  doive  recon- 
naître que  l'indifférence  à  l'égard  des  anciennes  distinctions 
de  sectes  était  conforme  à  l'esprit  du  Mahâyâna.  En  outre, 
le  Tibétain  ne  s'exprime  pas  clairement,  car  il  dit  que  «  quel 
que  fût  le  système  auquel  appartenaient  le  Mahâ-  et  le 
Hinayâna,  on  ne  pouvait  môler  la  discipline  et  la  pratique, 
par  suite  de  quoi  il  faut  effectuer  le  classement  des  quatre 
écoles  principales  d'après  la  distinction  des  règles  de  disci- 
pline ».  Ces  phrases  confuses  semblent  vouloir  dire  que  les 
sectes  renoncèrent  à  leurs  dogmes  particuliers  après  s'être 
jointes,  soit  aux  Çrâvakas,  soit  aux  Mahâyânistes,  et  qu'elles 
ne  continuaient   à  se  distinguer  que   par   certaines   règles 


1.  Tàrandtha,  27  i. 

2.  Mém.  II,  82,  92,  lui,  16:î. 


492  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

de  discipline  et  par  certaines  observances  extérieures. 
Plus  d'une  fois,  il  est  question  de  livres  sacrés,  particuliers 
à  telle  ou  telle  secte.  Il  faut  entendre  par  cela  d'abord  les 
451  rédactions  plus  ou  moins  divergentes  *  du  même  document 
sacré,  et,  en  second  lieu,  des  livres  qui  n'étaient  reconnus 
que  par  telle  ou  telle  secte.  Hiuen  Thsang  collectionna  dans 
l'Inde,  en  dehors  des  Sûtras  du  Mahâyâna,  dont  il  n'est 
pas  question  ici^  des  livres  du  Tripitaka  de  quelques  sectes 
particulières.  Il  rapporta  en  Chine  Jo  ouvrages  du  canon 
de  Sthaviras  *  ;  autant  des  Sammitîyas;  22  des  Mahiçâsakas; 
17  des  Kâçyapîyas  ;  42  des  Dharmaguptas;  67  des  Sarvâsti- 
vâdas.  De  ces  chiffres,  bien  entendu,  nous  ne  pouvons  pas 
tirer  des  conclusions  sur  le  nombre  d'ouvrages  que  contenait 
le  Tripitaka  de  chaque  secte;  ils  indiquent  seulement  com- 
bien d'ouvrages  le  voyageur  a  pu  se  procurer.  Nous  avons 
déjà  vu  qu'un  pèlerin  antérieur,  Fa  Hian,  a,  lui  aussi, 
réuni  quelques  textes  du  canon  des  Mahâsânghikas,  Sarvas- 
tivâdas  et  Mahiçâsakas. 

La  tendance  à  distinguer  par  des  signes  extérieurs  des 
différences  de  caste,  de  religion,  de  secte,  etc.,  tendance 
plus  marquée  chez  les  Indiens  que  chez  aucune  autre  race, 
se  trouve  aussi  chez  les  Bouddhistes,  contrairement  à  la 
nature  essentielle  de  toute  confraternité  ;  elle  n'est  proba^ 
blement  qu'un  abus  relativement  récent.  Quelques-uns  de 
ces  signes  distinctifs  ont,  sans  aucun  doute,  réellement 
existé;  d'autres  sont  le  produit  d'un  esprit  de  système  poussé 
jusqu'à  la  manie.  Une  fois  les  18  sectes  distribuées  théori- 
quement en  quatre  groupes,  —  et  cela  a  dû  se  faire  à  une 
époque  relativement  tardive,  car  ni  Vasumitra  ni  Hiuen 
Thsang  n'ont  connaissance  de  ce  système,  —  on  jugea 
nécessaire  que  chacun  des  groupes  eût  sa  langue  particu- 

1.  Vie,  295.  Stan.  Julian  donne  «  Sarvàstivâdas  j»  comme  traduction  de 
«  Chang-tso-pou  ».  Un  peu  plus  loin,  il  traduit  par  le  même  mot  le  terme 
«  Choue-i-tsie-yeou-pou  ».  11  doit  y  avoir  là  une  erreur;  dans  Tindex,  «  Chang- 
tso  »  est  traduit  par  «  Slhavira  »;  Chang-tso-pou  »  par  «  Sthavira-nikâya  ». 


APPENDICE  493 

lière,  de  même  que  dans  les  pièces  de  théâtre  indiennes 
les  personnages  parlent  sanscrit  ou  tel  ou  tel  dialecte, 
d'après  le  rang  qu'ils  occupent  dans  la  société.  Dans  la 
théorie  des  Sarvâstivâdins,  telle  que  la  donne  Vinîtadeva  % 
ceux-ci  s'attribuent  naturellement  le  beau  rôle,  et  parlent 
sanscrit,  ou  plutôt,  ils  ont  leurs  livres  sacrés  rédigés  en  sans- 
crit, preuve  évidente  que  les  auteurs  de  la  liste  n'avaient 
plus  le  moindre  souvenir  des  rédactions  plus  anciennes  de 
l'Ecriture  *.  La  même  ignorance  grossière  se  retrouve  dans  452 
la  théorie  d'après  laquelle  les  Mahâsâiighikas  se  seraient  ser- 
vis (primitivement)  du  prâkrit.  Il  y  a  un  grand  nombre  de 
langues /Jr«/:n7,  de  sorte  qu'il  est  aussi  vague  de  dire  que  les 
Mahâsânghikas  se  servent  du  prâkrit,  qu'il  le  serait,  par  exem- 
ple, de  proclamer  que  la  littérature  islandaise  est  rédigée  en 
un  idiome  germanique.  Ce  qui  est  encore  plus  absurde,  c'est  la 
théorie  d'après  laquelle  les  Sammitîyas  auraient  rédigé  leurs 
livres  en  apabhraihça,  la  langue  des  animaux,  tandis  que 
l'apabhramça  n'est  qu'un  dialecte  quelconque,  qui  passe 
pour  étant  de  basse  origine,  et  qui,  par  conséquent,  n'est  pas 
mis  sur  le  môme  rang  qu'un  prâkrit,  c'est-à-dire  une  langue 
régionale,  cultivée  et  descendant  du  vieil-indien.  Le  système 
arrive  au  comble  de  l'absurdité,  quand  il  soutient  que  les 
Sthaviràs,  c'est-à-dire  les  trois  sectes  monastiques  de  Ceylan, 
se  servent  du  dialecte  paiçâcî,  encore  inférieur  à  l'apa- 
bhramça. Il  est  évident  que  ses  études  sur  la  magie  n'ont  pas 
préservé  le  professeur  Vinîtadeva  d'une  ignorance  sans  bornes. 
De  pareilles  niaiseries  n'ont  d'autre  mérite,  que  de  nous 
faire  connaître  l'ignorance  des  écrivains  bouddhistes  plus 
récents.  Il  serait  néanmoins  prématuré  de  conclure  que  tous 
les  renseignements  sur  les  signes  distinctifs  des  sectes  sont 
également  dénués  de  valeur.  Nous  examinerons  donc  quels 
autres  traits  particuliers  sont  attribués  aux  quatre  groupes 
principaux. 

2.  Voir  le  tableau  donné  plus  haut;  Vassilief,  D.  267. 


494  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

L'habit  monastique  des  Sarvâstivâdins  avait  ceci  de  parti- 
culier, qu'il  se  composait  de  neuf  à  vingt-cinq  morceaux 
d'étoffe  ;  celui  des  Mahâsânghikas  avait  de  sept  à  vingt-trois 
morceaux  ;  celui  des  Sammitiyas,  de  cinq  à  vingt  et  un  ; 
celui  des  Sthaviras  se  composait  d'autant  de  morceaux  que 
celui  des  Sammitîyas.  Ce  dernier  détail  est  inexact  :  les 
moines  de  Geylan  portent  un  habit  composé  de  trente  mor- 
ceaux \  Les  autres  renseignements  deviennent  donc 
suspects  ^ 

En  outre,  on  indique  comme  signes  distinctifs  :  le  nénu- 
phar, le  lotus,  la  pierre  précieuse  et  des  feuilles  d'arbres 
pour  les  Sarvâstivâdins,  la  coquille  de  moule  pour  les  Mahâ- 
sânghikas, la  feuille  de  bétel  pour  les  Sammitîyas,  la  roue 
453  pour  les  Sthaviras.  *Dans  cette  liste  manquent  tant  de  sym- 
boles connue,  entre  autres  le  Svastika,  que  nous  ne  lui  pou- 
vons accorder  la  moindre  confiance. 

Les  sectes  se  seraient  même  distinguées  par  la  forme  des 
noms  de  leurs  adhérents.  Ainsi  les  Sarvâstivâdins  auraient 
choisi  des  noms  se  terminant  en  mati,  çri,  prabha,  kirti 
et  bhadra.  Les  noms  des  Mahâsânghikas  se  terminaient  en 
mitra,  jîiâna,  gupta  etgarbha;  ceux  des  Sthaviras  en 
deva,   âkara,  varman,   sena,  jîva  et  bala. 

Tout  ce  qui  est  dit  ici  des  noms  propres  est  contraire  aux 
faits  que  nous  connaissons.  Par  exemple  :  aucun  des  trois 
Yasumitras  connus  par  l'histoire  ecclésiastique  n'appartenait 
à  la  Grande  Eglise.  Çilabhadra,  le  recteur  de  Nâlandâ, 
était  Mahâyâniste  ;  Devaçarman,  l'auteur  d'un  traité  sur 
l'Abhidharma,  était  un  Sammitiya  *  ;  le  mot  çarman,  qu'on 
trouve  fréquemment  dans  des  noms  de  religieux  bouddhiques, 
manque  dans  la  liste.  Le  savant  Dharmapâla,  un  nom  illustre 
dans    l'histoire    ecclésiastique,    était    Mahâyâniste.    Quant 

1.  s.  Hardy,  E.  M.,  116. 

2.  On  ne  parle  pas  de  la  différence  de  couleur,  beaucoup  plus  frappante 
cependant. 

1.  Vo7j.  des  PU.  B.  I,  123;  II,  291. 


APPENDDICE  495 


aux  Slhaviras  de  Ceylan,  on  trouve  parmi  eux  une  grande 
variété  de  noms  ;  les  noms  se  terminant  en  deva,  âkara, 
etc.,  sont  une  infime  minorité.  Le  fait  que  la  terminaison 
deva  n'a  rien  de  caractéristique,  est  prouvé  par  le  nom  de 
Vinîtadeva  lui-môme,  à  qui  Ton  attribue  la  liste  que  nous 
avons  résumée  dans  le  tableau  donné  plus  haut.  C'est  plus 
qu'assez  pour  montrer  que  la  théorie  est  entièrement  chimé- 
rique et  no  mérite  aucune  confiance.  On  semble  l'avoir 
formée  en  prenant  quelques  noms  de  personnages  célèbres 
dont  la  secte  était  connue,  et  en  tirant  de  ces  noms  pris  par 
hasard  une  règle  générale.  C'est  ainsi  que  l'ancêtre  théorique 
des  Sarvâstivàdins  porte  le  nom  de  Râhula  ou  Râhula-Bha- 
dra  ;  on  fit  donc  de  la  terminaison  b  hadra  un  signe  distinc- 
tif  de  la  secte,  bien  que  le  Grand  Brahmane  Râhula-Bhadra, 
qu'il  soit  ou  non  une  fiction,  est  représenté  comme  Mahàyà- 
niste  *.  Un  autre  personnage  connu,  Gunaprabha,  était  par  454 
hasard,  lui  aussi,  un  Sarvàstivâdin  *  ;  c'est  ainsi  qu'on  a  pu 
placer   prabha  parmi  les  désinences  caractéristiques. 

En  ce  qui  concerne  le  nombre  des  adhérents  de  chaque 
secte,  nous  possédons  quelques  renseignements  qui  ne 
sont  pas  à  dédaigner,  mais  datent  d'une  époque  où  les 
Çrâvakas  étaient  déjà  en  minorité,  comparés  aux  Mahâyâ- 
nistes.  Des  chiffres  donnés  dans  la  Vie  et  dans  les  Mémoires 
de  Hiuen  Thsang,  on  peut  conclure  que  dans  ITIindoustan 
proprement  dit,  dans  tout  l'Ouest  et  dans  une  partie  de  l'Est 
de  l'Inde,  les  Sammitîyas  étaient  de  beaucoup  les  plus  nom- 
breux. Dans  le  Màlava,  ils  étaient  au  nombre  de  20,000  ; 
dans  la  royaume  de  Yalabhî,  de  6,000  ;  dans  le  Sindh,  de 
10,000  ;  dans  le  pays  deBénarès,  de  3,000;  dans  leYaiçûkha, 
également  de  3,000  ;  dans  le  Hiranyaparvata,  de  4,000.  Bref, 
il  y  avait  environ  60,000  Sammitîyas,  tandis  que  la  secte  qui 
les  suivait  de  plus  près,  celle  des  Sthaviras,  qu'on  rencon- 
trait surtout  dans  le  Samatata,  le  Kalinga,  le  pays  de  Dra- 

1.  Voy.  des  rèl.  ii.  II,  220. 


496  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  L'INDE 

vida,  à  Bharoch  et  a  Surate,  n  atteignait  pas  au  nombre 
de  16,000.  Quant  aux  Sarvâstivâdins,  on  n'en  indique  que 
2,000  dans  le  Hiranyaparvata  et  une  centaine  dans  le 
Guzerate,  quoiqu'ils  fussent  plus  nombreux  hors  de  l'Inde  ; 
c'est  ainsi  qu'il  y  en  avait  environ  10,000  dans  le  Kashgar, 
5,000  dans  le  Kuche,  2,000  dans  l'Oki-ni.  Le  total  des 
Mahiçâsakas,  Kâçyapiyas,  Dharmaguptas  et  Mahâsâiighikas, 
tous  dans  l'Udyâna,  était  insignifiant.  On  trouvait  quelques 
dizaines  de  Mahâsâiighikas  dans  une  partie  du  Tokharistân. 
HiuenThsang  ne  mentionne  pas  des  Lokottaravâdins  comme 
ayant  habité  Tlnde  ;  on  en  trouvait  quelques  milliers  à  Bamian. 

En  différents  passages,  on  indique  en  général  auquel  des 
deux  grands  partis  appartenaient  les  religieux,  sans  rensei- 
gnement précis  sur  la  secte  spéciale.  Même  quanti  on  oppose 
tous  les  Hinayânistes  dont  la  secte  n'est  pas  déterminée  aux 
Sammitiyas,  ces  derniers  sont  encore  en  majorité. 

Les  renseignements  du  pèlerin  chinois  sont  naturellement 
incomplets,  même  pour  le  septième  siècle.  On  n'en  peut  rien 
conclure  relativement  à  l'état  de  choses  plus  ancien.  Nous 
avons  déjà  résumé  ce  que  dit  Fa  Hian  relativement  à  l'état 
455  des  sectes.  *  Les  inscriptions,  dessins  et  sculptures  des 
temples  creusés  dans  le  roc  et  des  autres  sanctuaires  con- 
tiennent quelques  données  utilisables,  dont  la  valeur  ne 
pourra  être  pleinement  appréciée  que  le  jour  où  l'on  aura 
relevé  systématiquement  les  signes  particuliers,  propres  à 
chaque  secte.  Les  sanctuaires  de  Kârli,  Nâsik  et  Amarâvati 
appartenaient,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  à  des  subdivi- 
sions du  groupe  des  Mahâsârighikas.  On  ne  sait  pas  à  quelle 
secte  ou  à  quelles  sectes  ont  appartenu  primitivement  les 
couvents  et  les  temples  d'Ajanta  ;  à  une  époque  postérieure, 
les  Mahâyânistes  y  furent  prédominants,  ce  qui  est  prouvé 
par  les  représentations,  qu'on  y  a  trouvées,  du  Bodhisatva 
Padmapâni  ou  Avalokiteçvara  et  de  Manjughosha  *.    Nous 

1.  Voir  Burgess,  Archaeol  Surv.  ofW.  Inclia,  11°  9,  p.  42,  62,  64. 


APPENDICE  497 

n'osons  rien  affirmer  au  sujet  du  Stûpa  de  Bharhut.  La  for- 
mule sucidànanij  «  don  pur  »,  «  don  émanant  d'un  cœur 
pur  »,  qu'on  trouve  fréquemment  dans  les  inscriptions  décou- 
vertes en  cet  endroit^  se  retrouve  à  Amarâvatî  ^,  mais  tant 
qu'il  ne  sera  pas  prouvé  d'ailleurs  que  cette  formule  était 
propre  à  certaines  sectes,  on  ne  peut  en  tirer  des  conclusions. 
Les  sanctuaires  de  Sàiikâçya  étaient  placés  sous  la  garde  des 
Sammitîyas,  la  seule  secte  mentionnée  dans  la  région.  A  Çrâ- 
vastî  aussi,  il  n  y  avait,  au  septième  siècle,  que  des  Sammi- 
tîyas, d'ailleurs  en  très  petit  nombre.  Comme  la  vraie  religion 
y  avait  déjà  presque  disparu  du  temps  de  Fa  Hian,  il  serait 
possible  qu'il  y  eût  eu  autrefois  à  Çrâvasti  des  couvents  rele- 
vant de  plusieurs  sectes.  On  ne  sait  nullement  à  quelle  secte 
ont  appartenu  les  moines  de  Sanchi  ;  dans  l'inscription  du 
temps  des  Guptas,  citée  plus  haut,  les  frères  qui  y  demeurent 
sont  appelés  Ârya-Saiiglia,  Congrégation  des  Vénérables  ou 
Vénérable  Congrégation,  tout  court.  Or,  nous  savons  par 
l'histoire  ecclésiastique  que  Mahendra,  l'apôtre  de  Ceylan, 
entreprit  son  voyage  aérien  en  partant  du  sanctuaire  que  sa 
mère  avait  fondé  près  de  Bhilsa,  et  s'il  était  sûr  que  les  pre- 
miers apôtres  de  la  Foi  dans  l'île  étaient  issus  du  couvent  de 
Bhilsa  ou  de  Sanchi,  on  aurait  le  droit  de  supposer  *  que  les  456 
moines  de  la  maison-mère  étaient  des  Sthaviras.  Dans  l'état 
actuel  de  la  question,  il  est  cependant  prudent  de  ne  pas 
risquer  des  suppositions  et  d'attendre  le  résultat  des  recher- 
ches ultérieures. 

Les  deux  grandes  divisions  de  l'Eglise,  les  Sthaviraifâdins 
et  les  Mahâsanghikas,  semblent  avoir  rivalisé  d'activité  et  de 
zèle  pour  la  propagation  de  la  Foi.  Elles  ont  toutes  les  deux 
rendu  des  services  à  l'art  religieux,  les  Mahâsanghikas  aussi 
bien  que  leurs  rivaux,  car  leurs  sanctuaires  de  Kârli,  Nàsik 
et  Amarâvatî  ne  sont  pas  inférieurs  aux  œuvres  des  ortho- 
doxes, s'ils  ne  les  surpassent  pas.  Ce  n'est  que  justice  de 

2.  Par  ex.  Burgess,  Archaeol,  Surv.  of  S,  India,  n»  3,  p.  39,  41. 

Tome  II.  31 


498  HISTOIRE  DU  BOUDDHISME  DANS  LINDE 

rendre  à  toutes  les  sectes,  orthodoxes  ou  non,  l'honneur  qui 
leur  est  dû  ;  et  si,  dans  les  pages  qui  précèdent,  nous  n'y  avons 
pas  réussi,  ce  n'est  pas  faute  de  bonne  volonté,  mais  faute 
des  documents  nécessaires. 


Fin  du  tome  II 


INDEX 


DES  NOMS  PROPRES  ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


[Les  chiffres  renvoient  à  la  pagination  de  l'original,  indiquée  en  marge 
de  la  traduction  .'\ 


Abhâsvaras  (les),  293. 

Abhaya  (prince  du  Magadha),  123,  ss. 
—  (roi  de  Ceylan),  II,  136.  — 
(Âmanda-Gâmani),  II,  343.  —  (voir 
Dushta-Gâmani).  —  (Meghavarna), 
II,  374.  376.  —  (Vatta-Gâmani),  II, 
336,  ss. 

Abhayagiri,  II,  54.  219.  337.  ss.,  375, 

378,  ss. 

Abhayagiriens  (secte  de  Ceylan),  II, 

379,  s.  443. 
Abhaya-Râja,  II,  425. 
Abhibhû,  265. 

Abhidharma,  283,  332,  ss.  II,  243.  269. 
282,  s.  —  les  sept  traités,  284,  364. 

Abhidharma-Kosha,  II,  414. 

Abhidharma-Pitaka,  74.  283.  lï,  149. 
243.  335.  341.  —  n'est  pas  reconnu 
par  les  Sautrântikas,  363.  395  — 
vénéré  religieusement,  404. 

Abhidharma- Vibhâshâ,  II,  361.  364. 

abkijkâ,  297. 

âcârya  ou  karmâcârya,  II,  57. 

Aciravati  ;  voir  Ajiravatf . 


Açoka  (Dharraa-Açoka),  215.  249,  ss. 

264.  270.  445.  II,'  43,  s.  152.  227,  s. 

264,   s.  280,   ss.   —  histoire  de  son 

règne,  296,  ss. 
Açoka   (Jardin  d',   couvent),  II,  280, 

ss.  305.  336. 
açublia,  369. 

Açvaghosha,  II,  371,  s.  401. 
Açvajit(unde3Cinq),57.84.  92.  176. 
Âçvayuja  ou  Açvina  (le  mois),  96.  II, 

41.  210.  etc.  ' 
Acvins  (les),  103,  254. 
Acyuta  (le  marchand),  110.  —  (l'as- 
cète), 310.  317. 
Acyutas  (les),  294. 
Adam  (Pic  d'),  270.  II,  182. 
Adbhuta-dharma  (Abbhuta-dhamma), 

II,  343.  370. 
Addhayoga,  II,  42.  50.  147. 
adhikaranaçamatha,  II,  71  ;  comp.  110. 
adhyâtmika,  352. 
Adhogahga,  II,  251. 
Âdibuddha,  274,  s.  286.  II,  139,  s.  424. 
Âgamas  (les  quatre),  II,  370. 
AggjUava,  165. 
Agnibrahman,  II,  305. 


l.'^Lcfl  litres  des  ouvrages  consultas  cl  les  noms  dos  ailleurs   cil<^8   ne  sont  pas  com|tris  duns 
l'Index.  On  ne  renvoie  aux  notes  qu'wcopUonnellcmcnt. 


500 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Agnikas  (les),  II,  14.  26. 

Agnishvâttas  (les),  291. 

Agrabodhi,  II,  384. 

ahimsâ,  15. 

Aiçvarikas  (les),  274  ;  leur  système, 

II,  423. 
Ajanta,  II,  44.  177,  s.  356.  455. 
Ajâtaçatru,  128.  135.  178,  ss.  230,  II, 

157,  s.  182.  228,  ss. 
Ajirawatî,  115. 
AJita  (un  moine),  II,  257. 
Ajita    Keçakambala    (Kesakambalî), 

143. 
Âjîvaka  ou  Âjivika,  14.  82.  113.  229. 

II,  6.  37.  44.310. 
Akâçânantya,  294. 
Akanishthas   (les),  293.  —  leur  ciel, 

II,  140*. 
Âkincanya,  294. 
Akshobhya  (Dhyâni-Buddha),  323.  II, 

172, s. 
Âlakamandâ,  224. 
Âlâra;  voir  Ârâla. 
Alavaka,  165,  ss. 
Âlavî  ;  voir  Âtavî. 
âlaya,  II,  392. 
AUakappa,  231. 

Âmanda-Gâmani;  voir  Abhaya. 
Amarâ,  446,  s.  450. 
Amara-Malla,  II,  425. 
Amarâvatî,  II,  155.  356.  429.  442.  455. 
Ambapâlî  ou  Ambapâlikâ  ;  voir  Âm- 


Amitâbha  (Dhyâni-Buddha),  ou  Ami- 

tâyu,  323.  II,  172,  ss. 
Amittatapâ,  309,  s.  317. 
Amoghabhûti,  II,  429. 
Amoghasiddha  (Dhyâni-Buddha),  117. 

323.  II,  172,  s. 
Amrapâlî  ou  Âmrapâlikâ,  123,  s.  135. 

209,  ss. 
Âmrayashtikâ,  203.  II,  235. 
Amrtâ,  243.  245. 

Amrtodana,  37.  73.  117,  s.  243,  245. 
Anâgâmin,  103.  106.   149.  297.  320.  — 

caractérisé,  384. 
Ânanda,  25.  73.  117,  ss.  133,  ss.  140, 

ss.  157.  163. •172.   201,  ss.  265.  327. 

II,  118,  s.   —  son  rôle  lors  du  pre- 


mier Concile,   233,    ss.  —  sa  place 

dans  la  série  des  docteurs,  269. 
Anangalekhâ,  II,  433. 
Anantanaya  (partie  de  TAbhidharma- 

P.)>  74. 
Anantanemi,  25. 
Anâthapindada;  voir  le  suivant. 
Anâthapindika,  106,  ss.    145.  175,  s. 

215.  II,  41,  etc. 
Anavamâ  (fleuve),  50. 
Anavamadarçin  (un  Buddha),  320. 
Anavatapta  (lac),  21.  79.  147.  152.  II, 

298.  —(un  Nâga),  II,  188. 
Andhakavinda,  115. 
Andhra(paysd'),  II,  433.  Comp.  Dha- 

nakataka. 
anga  (partie  de  TÉcriture-Sainte),  II, 

343.  365,  ss. 
Anga  (pays  d'),  97.  175. 
Ahgulimâla,  172,  s. 
Ahgulimâli-Sûtra,  II,  409. 
Animisha  (sanctuaire),  74. 
Aniruddha;  voir  Anuruddha. 
Anulâ,  IL  327,  s.  330. 
Anûpa  (le  prince),  II,  301. 
Anupama,  323. 
Anupamâ,  53,  note. 
Anupiyâ  ou  Anupya,  53.  117,  119,  s. 

178. 
Anurâdhapura,  II,  54.  153.  182.  327. 

331,  ss.—  Concile  à  A.,  386. 
Anuruddha  (Aniruddha),  52.  117,  ss. 

159.  162.  176.  227,  ss.   317.  II,  239, 

s.  etc. 
Anuruddha    (roi    du    Magadha),   II, 

228,  s. 
ApadânaouAvadâna,II,  342.  368,  etc. 
Apara-Çailas  (secte  des),  II,  394.  Voir 

aussi  TAppendice,  et  comp.  Avara- 

çilâ. 
Apara-Râjagirikas  (secte  des),  II,  442. 
Aparinirmita-Vaçavartins  (les),  291. 
appamanhâ,  369. 
Apramânâbhas  (les),  293. 
Apramânaçubhas  (les),  293. 
Ârâla  Kâlâma  (Kâlâpa),  55,  s.  80.  219. 

241,  s. 
Aranemi,  117. 

Arati  (fille  du  Diable),  76.  78. 
Aravâla,  II,  273,  vg. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


501 


Arbre  (symbole  de  T),  II,  194  ss. 

Arbuda  (enfer),  298. 

Ârdrâ  (constellation),  241,  s, 

Argalapura,  II,  252. 

Arhat,    passim  ;  son   rang    dans   le 

système  du  monde,  294  ;  facultés 
distinctives,  296,  ss.  —est  un  saint 

du  degré  suprême,    320 ,   384  ;   — 

deux  sortes  d'Arhats,  388. 
Arishta,  II,  329,  331,  334. 
Arthadarçin  (un  Buddha),  320. 
Arûpâvacara,  291.  351. 
ârya,  23,  296,  etc,  —  titre  de  saints 

de  différents  degrés,  385,  ss. 
Ârya-Deva;  voir  Deva. 
Asandhimitrâ,  II,  316. 
Asaiiga,  II,  413,  ss. 
Asanjna-satvas  (les),  293. 
Asankhya  (un),  330. 
Asela,  II,  268,  note,  276,  334. 
Ashâdha  (constellation)  ;  Uttara-A.  49. 
Ashâdha  (le  mois),  20.  22.  81.  84.  II, 

40.  209.  295.  etc. 
ashtaçîla,  425. 
Asita,  voir  Dévala. 
Assaji  =  Açvajit . 
Asuras;  leur  rang  dans  le  système 

du  monde,  205. 
Atapas  (les),  293. 
Âtavî,  164,  s. 
âtikrântahhâvanîya,  386. 
âtman,  4,  ss.   337.  352. 
Attha-kathâ,  II,  336.  339.  382. 
Avalokiteçvara  (Bodhisatva),  324,  ss. 

381.  400.  416.  Il,    171,  s.  404.  455. 

etc.  Comp.  Padmapâni. 
Avantakas  (secte  des),  II,  449. 
Avanti,  H,  251 . 
Avara-çilâ,  II,  155. 
Avatau*isaka  (titre),  II,  409. 
avaiâra,   19.  71.    91.  101,    234.   275, 

etc. 
âvenika-dharmas  (les  dix-huit),  272. 
Avîci  (un  enfer),  298.  303. 
Avrhas  (les),  293. 


B 


Babhra,  II,  260. 
Bdgh,  II,  178. 


Bahuçruta's  ou  Bahuçrutîya's  (secte)  ; 

voir  l'Appendice. 
Bahaputrâ  (sanctuaire),  212. 
Bailva  (village),  211,  s. 

Balâditya  ou  Bâlâditya,  II,  431 .  x      4  ^ 

Bâlakalonakâra,  159.  (fll^f^*^* 

Bambous  (Bois  des),  Venuvana^/izO. 

122.    136.   143.    168,    ss.    18o/l97. 

214,  etc. 
Bamian  (ville),  II,  166.  200.  221.  etc. 
Bâna-,  II,  432. 
Banian  (un  Arhat),  II,  304. 
Banians  (Grotte  des),  II,  239. 
Banians  (Jardin  des)  (à  Kapilavastu), 

162. 
Barâbar,  II,  43.  192. 
Belvédère  (salle  du),  Kûtâgâra-çâlâ, 

135,  ss.  214.  11,246,  s. 
Bénarès,  85.   97.  130,  etc.  —  est  une 

des  six  grandes  villes,  224. 
Berar,  II,  400. 

Bhadanta  (titre),  II,  402;  comp.  415. 
Bhaddiya,  voir  Bhadrika. 
Bhadra  (un  laïque),  208.  —  (un  roi), 

243.  —  (un  moine),  II,  291,  vg. 
Bhadrâçvas  (les),  290. 
Bhadrakalpa,  19.  246.  253.  331. 
Bhâdrapada  (le  mois),  II,  295. 
Bhadra-sâla,  II,  325. 
Bhadrasena,  II,  230. 
Bhadravargîyas  (les),  86. 
Bhadra vatikà,  131,  s. 
Bhadrayânikas      ou    Bhadrâyanîyas 

(secte  des)  ;  voir  l'Appendice. 
Bhadrika  (un  Çâkya),  52.  118,  vg.  -- 

(un  des  Cinq),  57.  84. 
Bhagavat  (titre),  235. 
Bhàgîrathî,  149. 

Bhallika,  75.  79.  s.  II,  127.  215. 
Bhândagrâma,  214. 
Bhanduka,  II,  325. 

Bharadvâja  (un  des  Sept  Sages),  245. 
Bhàradvdja;  voir  Pindola-Bh.  —  (un 

brahmane),  161 .  —  (un  fils  de  Kar- 

nika),  243.  s. 
Bhâratavarsha,  290. 
Bhargas  (pays  des),  156. 
Bharhut,   107.   247.   256.    321,   s.    II, 

127.  148.  157,  s.  17»,  ss.  190,  357. 
Bba(a,  âl6. 


Î02 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


bhautika,  352. 

bhâvanâ,  369. 

Bhâvaviveka  ou  Bhavya,  II,  414.416. 

Bhesakalavana,  156. 

bhikshu,  II,  5.13.  68,  124.  —  âranyaka- 
th.,  II,  18. 

Bhilsa,  II,  357,  455.  Comp.  Sanchi. 

Bhoga-grâma  et  -nagara,  214.  216. 

Bhoja,  28. 

Bhrgu,  118.  158. 

Biliâr,  II,  43. 

Bijou  du  sommet  de  la  tête  (sanc- 
tuaire du),  51.  II,  137. 

Bimbâ,  25. 

Bimbisâra,  25.  53,  ss.  83.  88,  ss.  123. 
128,  ss.  145.  169.182.  191,  s.  II,  7. 
21,  ss.  158.  230. 

Bindusâra,  11,228.297.  300. 

bodhapakshika  ;  voir  bodhipakshika. 

Bodhi  (arbre),  25,  s.  75.  II,  48.  182. 
316.  etc.  —  transplanté  à  Ceylan, 
331.  —  (sagesse),  I,  276.  301. 

Bodhimanda  (le),  II,  180. 

bodhipakshika  (les  37  facultés  dites), 
301,  ss.  412.  414. 

Bodhisatva,  19,  ss.  etc.  —  Caractère 
et  propriétés  d'un  B.,  299,  ss.  — 
ftitre  d'honneur  donné  à  des  ecclé- 
siastiques), II,  361.  396.  etc. 

Bodhisatvas  (fils  des  Dhyâni-Bud- 
dhas),  324. 

Bodhisatva  (carrière  du),  319. 

bodhyahgas  (les  sept),  302.  415.  Comp. 
sambodhyanga. 

Bois  Froid  (couvent),  voy.  Çîtavana. 

brahma  (le),  7.  13.  336. 

Brahma  (le  dieu),  61.  67.  80.  227. 
281.  292.  Il,  151.  162,  ss.  etc. 

Brahmas  (les);  leur  rang  dans  le  sys- 
tème du  monde,  294. 

brahmacârin,  II,  2,  ss.  20.  27. 

Brahmadatta,  25. 

Brahma  (ciel  de),  291.  294.  377. 

Brahma-pârishadyas  (les),  292.    377. 

Brahma-purohitas,  292.  377. 

6ra/ima-ui/idra,  370.  393. 

Brhadratha,  II,  347.  349. 

Brhaspati,  118.  245.  279.  327.  Il, 
270.  etc. 

Brhatphalas  (les);  voir  Vehapphalas. 


Buddha,  passim.  —  Sa  légende;  voir 
la  table  des  matières  du  t.  I.  — 
Signes  extérieurs,  266,  ss.  —  ca- 
ractères spirituels,  270,  ss.  —  his- 
toire des  dents  du  B.,  II,  129,  ss. 

Buddhas  (les)  ;  leur  rang  dans  le 
système  du  monde,  294.  —  les 
24  Buddhas,  19.  320;  leurs  arbres, 
321.  —  les  derniers  Buddhas  ou 
Mânushi-Buddhas,  321,  ss.  II,  139. 

Buddhadâsa,  II,  381.  414. 

Buddhadeva,  II,  403. 

Buddhaghosha:  II,  340.  382.  etc. 

Buddhagupta,  II,  431. 

Buddhamitra,  II,  436. 

buddhântaram,  64,  note. 

Buddhapâlita,  II,  401.  414.  416. 

Buddha- Variisa  (écrit),  II,  342. 

Bulis  (les),  231. 


Çaçânka,  II,  432,  ss. 

çaikshya,  sekhiya  (préceptes),  II,  71. 

—  énumérés,  105,  ss. 
Caitikas  (secte    des),    II,  429.   Voir 

aussi  l'Appendice. 
Caitra  (le  mois),  II,  209. 
caitta,  352. 

caitya\  signification  II,  139,  ss. 
Çakas  (les),  247.  Comp.  Scythes. 
Çaka  (ère  de).  H,  359. 
Çâkala,  Sâgala,  II,  350.  352. 
Çâkî  (une  brahmane),  55. 
Çakra=  Indra,  53. 
Çakrâditya,  II,  431. 
Cakrâvartin,    22.    177.    217.    —    Ses 

signes  distinctifs,  267. 
Çâkya;  nom  de  famille  du  Buddha, 

247.  274. 
Çâkyas  (les),  20.    30.  32.  34.  ss.,  56. 

etc.  —  leur  privilège,  II,  26. 
Çâkyaçrî,  II,  436. 
Çâkyamuni,    247.    275.    319.  II,    145. 

180.  —  Une  apparence,  393. 
Çâkyasimha,  247. 
Çàliçûka,  II,  347.  349. 
Câliyâ,  162.  170. 
Camasa,  II,  302. 
çamatha,  388,  ss. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


503 


Campa,  122.  195.  II,  300.  —  une  des 

six  grandes  villes,  1,  224. 
Çdnavâsa,  Çânavdsika  ou  Çânavâsin, 

216.    II,    138.    200.     246.    251,    ss. 

265.  270.  Comp.  Sambhûta. 
Çahkhika,  II,  301. 
Çandavajji,  II,  266,  s.  278. 

Candra  (un  Kinnara),  104.  --  C.  ou 
Candra  Gomin  (un  savant),  11,414. 
416. 

Candragupta  (le  Maurya) ,   II.    228. 

266.  279.  297.  —  (le  Gupta),  11,430. 
Çankara,  II,  418,  s.  435. 
Çahkarapati,  II,  428,  s. 
Cahkuna,  II,  437. 

Câpâla  (sanctuaire),  212,  s. 
Cara  ou  Câru,  242,  s. 
Carakas  (les),  II,  1. 
Çarâvatî  (couvent),  II,  272. 
Çâriputra,   92.    103.    105.    152.    176. 

180,  ss.  204.   215.  317.  II,  137.  208. 

283,  364.  etc. 
çâriras  (les),  II,  129. 
çârîrika  (reliques),  II,  125. 
Cariya-Pitaka,  II,  342. 
•Cârumat,  243. 

Cdrvâkas  (les),  278.  Comp.  Lokâyatas. 
Çatânîka,  25. 
Cedi  (pays  de),  304.  310. 
Cetiya,  242.  —  (montagne  à  Ceylan), 

II,  329.  333.  383. 
Chanda  ou  Chandaka,  25,  38,  ss.  47. 

ss.  57.  137. 
Channa,  voir  Chanda.  —  (Un  moine), 

11,118,  s. 
Chevelure  (sanctuaire  de  la),  51 . 
Chevriers  (banian  des),  74,  ss.  213. 
Çiçunàga,  II,  228,  ss. 
Çikhandin,  79. 
Çikhin  (=  Brahma),  293.  —  un  Bud- 

dha,  110.  265,  320,  ss. 
çikshâpadas  (les  dix),  424. 
Çîlabhadra,  II,  55.  414.  416. 
Çîlâditya,    II,  45.   134.    221.  ss.   431, 

ss.  Comp.  Ilarsha. 
Çllâkala,  II,  384. 
Cincâ,  155,  s.  317.  II,  83. 
Çinçapâ  (bois),  214.  216. 
Cinq  (les),  57.  59.  84.  193.  II,  187,  etc. 
Çîtavana,  106.  117. 


Citragupta,  II,  335. 

citta^  351,  s. 

Çiva,  II,  292,  s.  etc. 

cîvara  et  tri-civara,  II,  35. 

Çobhita  (un  Buddha),  320,  s. 

Cola  (pays  et  nation),  II,  433. 

Coq  (Jardin  du),  voir  Kukkutâràmâ. 

Corneille  (la),  Kâka,  132. 

çramana,  II,  1,  13,  s.  20.304. 

pmmanera,  II,  3.  21.  27. 

çrâvaka,  390. 

Çrdvakas  (=  Hînaydnistes),    II,  392, 

ss.  404. 
Çrdvana  (mois),  96.  II,   41,  209.  etc. 
Çrdvastî,   18.  25.    106.    ss.   122.    142, 

etc.  —  le    miracle  de  Ç.,  145,  ss. 

172,    ss.    455.  —   est  une"  des  six 

grandes  villes,  224. 
Çrenika  (ou  Çrenya)  =  Seniya,  123. 

133. 
Çrîmatî,    Sirimâ  (sœur    de  Jîvaka), 

168.  —  comme  déesse,  256. 
Çrînagara,  II,  433. 
Çrîparvata,  II,  401. 
Çrî-Saraha,  II,  399. 
Çrîvatsa  (symbole),  269,  II,  192,  n. 
Çrona-kotivimça,  176.  II,  138. 
Çruta-vimçatikoti  ;    déformation    du 

nom  précédent,  II,  138. 
Çubha  (roi  de  Ceylan),  II,  344,  vg. 
Çubha  (couvent),  II,  344. 
ÇubhakrtsnasofSubhakinnas(les),293 
Çuddhd,'245. 

Çuddhdnivdsas  (les),  294. 
Çuddhodana,   20.  25,  ss.  58.   95,  ss. 

117,  s.  137,  ss.   243.  245.  317.  etc. 
Çukld,  245. 

Çuklodana,  117,  s.  243.  245. 
Çukrodana,  243. 

Culla-Vagga  ;  livre  du  canon,  II,  363. 
Cunda  (le  forgeron),  217,  ss.  —  (un 

ecclésiastique),  II,  240. 
Çuhga  (dynastie),  II,  347,  ss. 
Çûra,  II,  372. 


Dabba  Mallapulta;  H,  83  note. 
Daçabala;  faculté  du  Buddha,  271.  II, 
3*59. 


504 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Daçabhûmîçvara  (livre),  II,  406.  408. 
daçaçîla  (leDécalogue),  424.  II,  27. 
Daçaratha  (le  Maurya),   II,  43.    347. 
Dagobs  (description  de  quelques),  II, 

176.  Comp.  dhâtugarhha. 
Dâkshâyanî,  II,  410. 
Dambal,  II,  435. 
Dambulu,  II,  148. 
Dandapâni  (un  Çâkya),  35,  ss. 
Dantapura,  II,  129. 
Dés  ka,  II,  266,  s. 
T)r.i        n  (mont  du),  156. 
/>■    ».  )gue,  voir  daçaçîla. 
Deva  ou  Ârya  Deva,  II,  371.  374,  s. 

401,  s. 
Devas  (les  33),  291;  leur  rang  dans 

le  système  du  monde,  294. 
Devaçarman,  II,  453. 
Devadatta,  37.   117,  ss.  138.  178,   ss. 

257.  II,  59,61. 
Devahrada,  23.  25.  137. 
Dévala,  surnommé  Asita  ou  Kâla,  25. 

27.  58.  II,  188. 
Devânâmpriya  (surnom),  256.  II,  296. 

308.  347. 
Devânâmpriya-Tishya,    II,     51,   136, 

325  ss. 
dhamma  ;  voir  dharma. 
Dhammapada  (livre  du   canon),  II, 

342. 
Dhanakataka,  II,  433.  443. 
Dhananjara,  111. 
Dlianika  (fils  d'un  potier),  II,  234.  — 

un  prince,  301. 
Dhâranîs  (les),  398,  ss.  II,  392.  410. 
dharmaAi.,  etpassim;  sens  divers  du 

mot,  280;  est  un  des  Trois  Joyaux, 

281,  ss.  —  sens  du  terme  dans  les 

édits  de  Piyadassi,  II,  309. 
dharmacakra  ou    roue    du   dh.^    81; 

figure  qui  le  représente,  II,  190. 
Dharmadarçin  (un  Buddha),  320. 
Dharmaguptakas  (secte  des),  II,  398. 

444. 
Dharmakâya,  278.  325.  II,  396. 
Dharmakîrti,  II,  418,  ss.  435. 
dharmâlokamukhas   (les  cent    huit), 

405,  ss. 
Dharmapâla  ;  voir  Mahâ-Dharmapâla. 

—  un  savant,  II,  414,  ss. 


Dharmarakshita,  II,  287,  s.  —  le  Grec, 

II,  287,  s.  —  une  montagne,  II,  382. 
Dharmarâja,  275,  281,  283. 
Dharmarucikas  (les),  II,  337.  375.  383. 

443. 
Dharmasenâpati,  92, 
Dharmatrâta,  II,  403. 
Dharma-Uttarikas  ou  -Uttarîyas  (secte 

des)  ;  voir  TAppendice. 
Dharma- Vivardhana,  II,  317. 
Dhârmika,  II,  372. 

dhâtugarhha;  signification,  II,  141,  s. 
Dhâtusena,  II,  383. 
Dhautodana,  243. 
Dhîtika,  215.  II,  263.  270.  272. 
dhutâhga  ou  dhûtânga^  II,  14,  ss.  27. 

270. 
Dhvaja,  28. 
dhyâna,  292.  375,  ss.  394.  —  dans  la 

cosmologie,  292. 
Dhyâni-Biildhas.iles),   274.   323.    II, 

139,  s.  172,  ss. 
Diddâ,  II,  437,  s. 
Digambaras    (les),     14.     94.    Comp. 

Moines  vivant  nus. 
Dignâga,  II,  414,  s.  418. 
Dîpâlî  ou  Dîvâlî  (fête).  II,  210. 
Dîpankara  (un  Buddha),  102.  320,  s. 
Dîrgha-Sumanas,  II,  334. 
Dravida  (pays  de),  II,  433. 
Drona  (un  brahmane),  231. 
Dronâ,  245. 
Dronodana,  117.  245. 
Durdharsha  et  D.  Kâla  ;  voir  Açva- 

ghosha. 
Durgâ,  II,  402,  410,  etc. 
Durlabha-vardhana,  II,  433. 
Dushta-Gâmani  (G.  le  Mauvais),   II, 

136.  149.  153.  289.  334,  ss. 


Ekavyavahârikas    (secte   des)  ;    voir 

TAppendice. 
Elâpatra,  II,  188. 
Elâra,  II,  334. 
Enfers  (différentes  sortes  d'— ,  et  leurs 

noms),  298. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


505 


Fa-Hian,  325.  II,  149.  etc.  —  son 
séjour  à  Ceylan,  381  ;  ce  qu'il  vit 
dans  rinde,  404,  ss. 

Forces  (les  dix),  271,  ss.  —  (les  cinq), 
302. 


Gaggarâ  (étang),  122. 

Gambhîraçîla,  II,  302. 

Gandaka,  149,  s. 

Ganda-Vyûha  (livre),  II,  407. 

Gandhamâdana,  121.  150. 

Gândhâra  (pays  de),  231.  II,  129.  131. 

150.  199.  371.  418.  etc. 
Gandharvas  ;  leur  rang  dans   le  sys- 
tème du  monde,  294. 
Ganeça,  II,  400.  428. 
Gardabha,  166. 
Garga  (étang),  122. 
Garudas;  leur  rang  dans  le  système 

du  monde,  295. 
Gâthâ  (un  ahga  de  l'Écriture  Sainte), 

II,  343.  367. 
Gauda,  II,  435. 
Gautama   (un  législateur),  II,  40.  — 

Le   Buddha  nommé  ainsi,  19.  55. 

57,  ss.  82,  s.  112.  146.  148.  192,  ss. 

etc.  —  Origine  et  sens  primitif  du 

mot,  245. 
Gautama-dvdra,  et  -tîrtha,  207. 
Gautamî  (la  matrone),  30.  32.  52.  140, 

ss.  194.  II,  237.  —  (la  Svelte),  I,  42. 
Gavâmpati,  85,  s.  II,  238. 
Gayâ,  57.  63.  82.  II,  171,  etc.   -  lieu 

de  pèlerinage,.  185. 
Gayaçiras  ou  Gayàçîrsha  (mont),  87. 

188.  240,  s. 
Geya  ou  Geyya  (un  anga  de  TÉcriture 

Sainte),  II,  343.  366.  412. 
Ghatîkâra,  51.  62. 
Ghoshaka  ou  Goshaka,  II,  403. 
Ghoshavata    ou    Ghoshita    (jardin), 

157.  178. 
Ginjaka,  II,  306. 
Girika,  11,306. 
Girimekhala,  66.  69,  s. 


Girivraja,  II,  267. 

Goçâliputra  Maskarin,  143. 

Godâna  (partie  du  monde),  289. 

Godhî,  37.  118. 

Gokulikas  (secte  des)  ;  voir  l'Appen- 
dice. 

Gopà,  35,  ss.  52.  73. 

Gopâla  (légende  de),  II,  201,  s. 

Gosâla  Makkhalî;   voir  Goçâliputra. 

Gotama,  245,  s. 

Gotrabhû,  387,  s. 

Grand  Bois,  voir  Mahâvana. 

Grand  Monastère,  voir  Mahâ-vihâra. 

Grdhrakûta,  Pic  du  Vautour,  184.  194. 
201.  215!  II,  6.  49.  407. 

Guhaçiva,  II,  129,  s. 

gunadhara,  45. 

Gunamati,  II,  414.  416^ 

Gunaprabha,  II,  414,  s. 

Guptâ,,43.  198. 

Guptas  (dynastie  des),  II,  430. 

Gymnosophistes,  113.  143. 


II 


Hahava  (un  enfer),  298. 

Haimavatas  (secte  des)  ;  voir  l'Ap- 
pendice. 

Ilarsha;  voir  Çîlâditya.  —  H.  ou  Çrî- 
Ilarsha,  roi  du  Kashmir,  II,  437,  s. 

Ilematâla,  II,  132. 

Hidda,  II,  134. 

Hînayâna,  II,  222,  ss.  —  doctrine  du 
II.,  391,  395,  ss. 

Hiranyaparvata,  II,  454. 

Hiranyawatî,  214,  216,  s.  221. 

Iliuen  Thsang,  248,  s.  325,  etc.  —  son 
triomphe  à  Kanauj,  II,  222,  ss,  432; 
état  de  la  religion  au  temps  de  son 
séjour  dans  l'Inde,  417,  ss.  433. 

Ilolâkà  ou  Iloli  (fête),  II,  212. 

Huhava  (un  enfer),  298. 

Ilulunta,  215.  II,  275. 

Hushkapura,  II,  437. 

Huvishka,  II,  426. 


Içwara  =  Çiwa,  H,  290. 
Iddhiya  of  I^iya,  II,  335. 


506 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Ikshvdku,  243.  —  mukha,  ib. 
Indra,  41.  SI.  53.  61.  67.  79.  227.  309. 

314,   ss.   II,    137.   155.  etc.   Comp. 

Çakra. 
Indragupta,  II,  335. 
Itivrttika,  Itivuttaka  ou  Ityukta,  II, 

342,  s.  368,  s. 


Jainas  (religion  des),  14.  94.  111,  113. 

143.   428.  etc.  —  à  Ceylan,  II,  339. 

427. 
Jâlandhara,  II,  350,  360. 
Jàlin,  304,  ss. 
Jambudvîpa,  20.  231.  243.   264.  289. 

s.  etc. 
Janapada-kalyânî,  104.120. 
Jana-vâsabha  ou  -vrshabha,  192. 
Jeta  (le  prince),  107. 
Jetavana  (près  de  Çrâvastî),  107,  ss. 

146,  ss.   160.    162.   166.    ss.  197.  II, 

248.  etc.  —  (Couvent  à  Ceylan),  II, 

155.  375.  379,  s.  384. 
Jetavanistes  ou  Jetavanîyas  (secte  à 

Ceylan),  II,  379.  443.  448,  s. 
Jina,  82.  217. 
Jînarshabha,  196,  note.  Comp.  Jana- 

vàsabha. 
Jîvaka,  122,  ss.  168,  193.  195.  II,  21, 

s.  235. 
Jnânâkara-Gupta,  II,  436. 
Jnâtiputra,  Nâtaputta,  143. 
Joyaux  (les  Trois),   91,  191,  281,  ss. 

II,  124.  304.  307  etc.  —  rejeté  s  par 

les  Mahâyânistes,  392. 
Jûjaka,  309,  ss.  317. 
Jyaishtha  (le  moine),  II,  295. 


Kaçyapa  (un  des  sept  Sages),  245. 

Kâcyapa  ou  Kaçyapa  (un  des  7  Bud- 
dhas),  51.  102.  110.  243.  320,  ss. 
II,  136.  174.  179.  187.200.  330.  - 
Daçabala-K.,  193.  Comp.  Vâshpa. 
—  roi  d'Uruvilvâ,  86.  88,  s.  II, 
14.  -  K.  de  Gayâ,  86.  88,  s.  II 
14.  —  K.  de  la  rivière;  (Nadî-K.)  86. 
II,  14,  —  K.  le  Grand,  94.  105.  121. 


176.  215.  229,  s.  II,  138.  139;  pré- 
sident du  premier  Concile,  232,  ss. 
262  ;  fondateur  de  sectes,  449.  — 
K.  le  jeune,  II,  237.  —  K.  roi  de 
Ceylan,  II,  383.  —  K.,  religieux  de 
Ceylan,  II,  386.  —  Pûrana-K.  94. 
143,  ss.  192.  225.  II,  272.  353. 

Kâçyapîyas  ou  Kâçyapikas  (secte), 
II,  15.  398.  Voir  aussi  l'Appendice. 

Kadphisès,  II,  193. 

Kailâsa,  II,  428.  etc. 

Kâka,  voir  Corneille  (la). 

Kâkândaka,  II,  247. 

Kakuda  (un  laïque),  208.  —  K. 
Kâtyâyana,  143. 

Kakudha  Kolyaputra,  177,  s. 

Kakusandha  (=  Krakucchanda),  320, 
ss.  II,  180.  200.  330. 

Kakutsthâ,  219,  s. 

Kàla,  frère  de  Prasenajit,  148,  ss.  — 
K.  ou  Kâlika,  prince  du  monde 
souterrain,  64.  66,  s.  II,  299. 

Kâla-Açoka,  II,  228,  ss.  259,  s.  264,  s. 

Kâla-Sumanas,  II,  334. 

Kâla-Udâyin  (Kâlodâyin)  ;  voirUdâyin. 

Kalandaka-nivapa  ou  -nivâsa,  120. 

Kâlasûtra  (enfer),  298. 

Kâlika,  successeur  de  Dhîtika,  215. 

Kaliiiga,  231.  305.  II,  129.  192.  314, 
s.  388.  433.  etc. 

Kàlihga  (un  laïque),  208. 

Kali-yuga,  246.  253. 

kalpa  (âge  du  monde),  329,  ss. 

Kalyâna,  242,  s. 

Kâmâvacara,  290,  s.  351. 

Kanakamuni  ;  voir  Konâgamana. 

Kanauj,  II,  128.  132.  134.  171.  221. 
432.  etc. 

Kâncî,  II,  414,  s.  433.. 

Kandy,II,  131. 

Kanijânu  ou  Kanirajânu  Tishya,  II, 
344. 

Kanishka,  II,  150.  152.  165.  273.  351, 
ss.  368, ss.  391.  420.  Concile  sous  K., 
360  ss. 

Kantaka,  Kanthaka  ou  Kanthaka 
(cheval),  25.  44.  47. 

Kâpâlikas  ou  Kapâladhârins,  II,  19. 

Kapiça,  II,  134.  171.  175.  198.221. 
etc. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


507 


Kapila  (un  ministre),  II,  373. 
Kapilabhadrâ,  194. 
Kapilasthâna,  II,  185. 
Kapilavastu,20.23.  25,  ss.  56.  74.  97, 
ss.  117.  198,  ss.  231.  etc.  Situation. 
248,  ss.  II,  272;  lieu  de  pèlerinage, 
185. 
Kapota  -  sahghârâma    (Couvent   des 

Pigeons),  II,  171. 
Kappina  le  Grand,  II,  48,  s.  208. 
Karandaka  -  nivâpa  ;     voir     Kalan- 

daka-n. 
Kàranda-Vyûha   (le   livre),    381.    II, 

408. 
Kârli,  II,  148.  176.  357.  427.  429.  455. 
karma,  (le),    9.    II,    424;    la    théorie 

du  k.,  I,  358,  ss. 
karmasthâna,  393,  ss.  II,  420,  s. 
karmavâda,  429. 

Kârmikas  (système  des),  II,  424. 
Karna-Suvarna,  II,  432,  s. 
Karnika,  243. 
Kârttika  (le  mois),  96.  II,  40.  92.209. 

295. 
Karunâ-Pundarîka  (le  livre),  II,  409. 
kâshâya,  II,  36. 
Kashmir  (le),  215.  II,  273,  ss.  290.  etc. 

histoire  ecclésiastique  du  K.,  437,  s. 
Kassapa;  voir  Kâçyapa. 
Katamoraga    Tishyaka  ou    Katamo- 

raka,  186. 
Kathâ-vatthu  (traité),   II,  282,  s.  396. 
Kathina,  II,  36.  87.  210. 
Kalissabha,  208. 
Kâtyâyana,     176.    II,    237,    364.     — 

comme  fondateur  de  sectes,  449. 
Kauçâmbî,  25.     117.    120.    132.  142. 

157,  ss.  178.  180.  Il,  128.  etc.  —  est 

une  des  six  grandes  villes,  I,  224. 
Kaukkutapâdas  (secte  des),  II,  444. 
Kaumârabhrtya,  125.  127.  129.  134. 
Kaundinya,  surnommé  Âjnâta,  28,  vg. 

40!  *57.  84.  176.  215.  II,  240.  Comp. 

Kondanna. 
Kayya,  II,  437. 

Ketumâla  (partie  du  monde),  290. 
khakkhara,  II,  38. 
KhandadevI,  mère  de  Khandadravya, 

186."  194. 
Khandadravya,  voy.  Khandadevf. 


Khantlagiri,  II,  192.  194. 

Khassas  (peuple  des),  II,  302. 

Khuddaka-Pâtha  (livre),  II,  342. 

Ki-li-to,  II,  1*32,  s. 

Kimbila,  159. 

kleça,  369;  les  cinq  k.,  370. 

Koçala  ou  Kosala  (pays  de),  110.  446. 

199.  II,  170.  433. 
Kodyas  :  voir  Kolyas. 
Kokâlika,  186,  ss. 
Koli,  37. 
Kolita,  92,  n. 

Kolyas  (race  des),  37.  137.  231.  249. 
Konàgamana,  Kanakamuni  (un  Bud- 

dha),   110.    320,  s.  II,  179,  s.    200. 

330. 
Kondaiina;    voir  Kaundinya.  —  Un 

Buddha,  320. 
Konkan,  II,  433.  936.  Koiikanapura, 

II,  200. 
Koshthila,  Kotthika  ou  Kotthita,  176. 

II,  237. 
Koti  (mont),  II,  382. 
Kotigrâma,  207,  ss. 
Krakucchanda  ;  voir  Kakusandha. 
Krkin,  243. 

Krshna  (Vishnu),  234,  ss.  etc. 
Krshnâjinâ,  304,  ss. 
kriyâvâda,  ^2% . 
Kshemagupta,  II,  437. 
Kubjaçobhita,  II,  246.  257.  263. 
Kuçi  (pays  de),  216. 
Kuçinagara,  Kusinàrâou  Kuçanagara, 

214.  217.  219,  ss.  252.  II,'l53.  166. 

etc.  —  lieu  de  pèlerinage,  185. 
Kukkuta  (mont),  431. 
Kukkutapâda  (Mont  de  la  Patte  du 

Coq),*  II,  138,  244. 
Kukkutârâma  (Jardin  du   Coq),  194. 

II,  32*1.  350. 
Kukkutikas  ou  Kukkulikas  (secte),  II, 

444.  447. 
Kulika,  II,  428. 
Kumâra  (un  roi),  II,  222. 
Kumdralabdha  ou  Kumdraldbha,   II, 

401,  ss. 
Kumdrila,  II,  418,  s.  435. 
Kumbhdiulas  (les);  leur  rang  dans  le 

système  du  monde,  295. 
Kundla,  II,  317,  ss.  347. 


508 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Kundala-vana,  II,  360. 

Kuninda  (pays),  II,  429. 

Kusâvatî,  224. 

Kushanas  (les),  II,  352. 

Kusinârâ;  voir  Kuçinagara. 

Kusumapurî  ;  II,  264. 

kûtâqâra,  II,  139. 

Kûtàgâra-çâlâ  ;  voir  Belvédère  (salle 

du). 
Kuvana,II,  360. 


Lakshana,  28. 

Lakshmana,  II,  301. 

Lalitâditya,  II,  437. 

Lalita-Vistara  (livre),  11,407. 

Lambakarnas  (les),  345 . 

Lanka,  nom  de  Ceylan,  290. 

Lâta,  II,  437. 

Lichavis  (les),  123.   210,    s.  230.   244. 

429.  II,  199. 
Locanâ,  II,  173. 

Lohaprâsâda,  II,  182.  335.  378,  s. 
Lokântarika  (un  enfer),  289.  298. 
Lokâyatas  ou  Lokâyatikas(les),  278,s. 

370.   Il,  392,  424.   Comp.  Cârvâkas. 
Lokottara  (région  mystique),  351. 
Lokottaravâdins  (secte   des),  II,  240, 

note.  Voir  aussi  l'Appendice. 
Lumbinî  (nom  de  femme),  37.  —  (bois), 

23.  25.29.11,272. 


M 


madhubhûmika,  386. 
Madhyadeça,  20.  II,  427.  430.  etc. 
Madhyama,  II.  287,  s. 
Mâdhyamikas    (école  philosophique), 

275,  s.  II,  395,  398,  ss. 
Madhyântika,  215.  II,  170.  265.  270. 

273,  ss.  287. 
Mâdrî,  304,  ss. 
Madurâ,  II,  385. 
Magadha,  53.  56.  89.  97.  123.  130.  133, 

ss.  201,  ss.  etc. 
Mâgha  (un  roi),  II,  388. 
Mahâ-Bherî  (le  livre),  II,  410. 
Mahâdeva  (l'apôtre),  II,   287.    —  un 

hérésiarque,    II,   290,    ss.;    —   un 


Sthavira,   II,  336  ;  —  nom  de  Çiva, 

ib.  etc. 
Mahâ-Dharmapâla  (un  roi),  103.  106. 
Mahâ-Kâla  (prince  du  monde  souter- 
rain), 67. 
Mahâ-Meghavâhana,  II,  192. 
Mahâ-Mucala,  242. 
Mahânâman  (un  Çâkya),  52.   117,  s. 

162,  ss.  119,  s.  —  (un  des  Cinq),  57. 

—  (roi  de  Ceylan),  II,  381,  s. 
Mahâpadma  (roi),  25,  II,  246.  354.  — 

(un  Bodhisatva),  I,  156.  —  (un  en- 
fer), I,  299. 
mahâpurusha,  53.  58. 
Mahâ-raurava  (un  enfer),  298. 
Mahâ-sammata,  242. 
Mahâ-samaya  (le  livre),  II,  410. 
Mahâsâhghikas  (une  des  sectes  princi- 
pales), II,   261,  s.  277.  394.  397,  s. 

404,  s.  427.  Voir  aussi  l'Appendice. 
Mahâsena,  II,  375,  ss. 
Mahâstûpa  ouMahâthûpa,  II,  149, 153. 
Mahâtishya    (moine),    II,     337.      — 

(prince),  II,  343. 
Mahaushadha,  446. 
Mahâ-vagga;     livre     du    canon,   II, 

363. 
Mahâvaipulya-Sûtra,  II,  410. 
Mahâvana  (Grand  Bois),  couvent,  135. 

137,  ss.  213.  II,  259. 
Mahâvastu  (le  livre),  319.  394.  II,  406, 

s.  240,  note. 
Mahâvihâra   ou  Grand  Monastère,  à 

Ceylan,  92.   II,  54.    227.    285.  328- 

337,  ss.  375,  ss.  397. 
Mahâvihâra  (secte  du),  II,  284.  379. 

443. 
Mahâvîra,  14.  II,  161. 
Mahâyâna,  390.  II,  34.55.  222,  ss.  — 

caractérisé,  392.  398,  ss.  —  canon 

du  —,  406,  ss. 
Maheçvara  (Çiwa),  II,  290. 
Mahendra  (apôtre  de  Ceylan),  251.  II, 

51,  s.   137.  266.  273.  287.  289.  297. 

303.  324,  ss.  —  sa  statue,  380.   383. 
Mahîçâsakas  (secte  des),  II,  398,  413. 

Voir  aussi  l'Appendice. 
Mahintale,  II,  55. 
Mahiyangana,  II,  136. 
Maisore,  II,  287^ 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


509 


Maitreya,  292.  300.  II,  170,  ss.  186,  s. 

199.  382,  s.  413. 
Makula  (mont),  142. 
.Mâlava,  II,  357.  433.  etc. 
Mâlinî,  199. 
Mallas  (les),  53.  117.  122.  214.  225.  225, 

ss.  244.  etc. 
Mallika-Arjuna,  II,  401. 
Mdmakî,  II,  173. 
mânâpya,  II,  116. 
mânattay  II,  85, 116. 
Mandhâtar,  242,  s. 
Mangala  (un  Buddha),  320,  s. 
Manguiers  (Bosquet  des),  193.  197. 
Mânikiâla,  II,  151.  156.  s. 
Manjerika,  67. 
Manjuçrî    ou    Manjughosha    (Bodhi- 

satva),  326,   ss.  II,  138.  171,  s.  184. 

404.409.  455. 
Manjuçrî- Vikrîdita  (le  livre),  II,  409. 
Manoratha,  II,  354. 
Mantrin,  28. 
Manu,  280. 
manvantara,  64,  n. 
Mâra,  48,   ss.  66,   ss.  146.    162.  167. 

172.  213.  236.  etc. 
Mârgaçira  ou  Mârgaçîrsha  (le  mois), 

II,  209.  295. 
Maruta  (Marunda),  II,  290. 
Màthara,  148. 

Mathurâ,  II,  55.  137.  161.  172.  208.  etc. 
Maticitra  et  Mâtrceta,  surnoms  d'Aç- 

vaghosha,  II,  372. 
Mâtrkas  (les),  II,  241. 
Maudgalyâyana  (un  des  deux  disci- 
ples principaux),  92.  103.  136.144, 

s.    151,    162.  176.  179,    ss.   215.    II. 

137, 160,  283.  —  (roi  de  Ceylan),  384. 
Mauryas  (dynastie  des),  231.  II,  347. 

etc. 
Mâyd,  Mahà-Mâyd  ou  Devî  Mâyâ,  20, 

ss.  59.  118.  248.  317.  11,178.  290. 
Meghavana  (à  Ceylan),  II,  328.  333. 
Mcghavarna  (surnom  d'Abhaya),    II, 

375.  —  (un  ministre),  378.  —  (un 

roi),  379. 
Ménandre,  II,  273.  352,  s.  Comp.  Mi- 

linda. 
Meru,  266,  s.  289.  II,  144.  290. 
Mettiyâ,  II,  83. 


Midi  (couvent  du),  à  Ceylan,  II,  375, 

ss. 
Migâra;  voir  Mrgâra. 
Milinda,  Milindra,   354,   ss.   446.   II, 

19.  352.  Comp.  Ménandre. 
Minara,  II,  273. 
Missaka  (mont),  II,  326. 
Mittanna,  II,  336. 
Moggallâno  ;  voir  Maudgalyâyana. 
Moines  vivant  nus  (ordre  des),  111, 

143.  175,  etc. 
moksha,  72.  362. 
Moksha-parishad,  II,  221. 
Mrgaçiras  (constellation),  242. 
Mrgadâva  (Parc-aux-Cerfs),  près  de 

Bénarès,  60.    81.   241.  II,   55.  166. 

etc.  — Près  de  Bhesakalavana,  1,156. 
Mrgadhara  (=  Mrgâra),  110.  ] 
Mrgâra,  110,  ss.  —  La  mère   de  M. 

(Viçâkhâ),  112.  143. 
Mucaia,  242. 
Mucalinda,  Mucilinda  ou  Muculinda, 

75.  78.  242.11,188. 
Mudgara-Gomin,  II,  428,  s. 
mudrâ,  402. 

mukta,  255.  II,  3.  note. 
mukli,  362.  428. 

Mukunda  Deva  Hariçcandra,  II,  438. 
Mukutabandhana    (sanctuaire) ,    229. 
Mumla  (un  roi),  II,  228,  s. 
Mutasîva,  II,  325.  334. 


N 


Nâdikâ  ou  Nâtika,  208,  s. 

Nâga  (être  mythique),  70,  78.  etc.  — 
histoire  du  —  qui  devint  moine,  II, 
21,  s.  —  (un  roi  de  Ceylan),  343.  — 
(un  Père  de  l'Église),  355  ;  rang  des 
Nâgas  dans  le  système  du  monde, 
295. 

Nâgabodhi,  II,  401. 

Nâga-dassaka,  II,  228,  s.  267. 

Nâgamudra,  II,  354. 

Nagara  ou  Nagarahâra,  II,  131.  134, 
s.  197,3. 

Nâgârjuna,  11,  353.  372.  374,  a.  —  Sa 
vie  et  ses  œuvres,  399,  ss. 

Nâgârjuni,  II,  43.  347. 


510 


INDEX  DES  NOMS  PROPBES 


Nâgasena,  354,  ss.  446.  II,  18.  352,  ss. 

Nahapâna,  II,  427. 

Nairanjanâ,  58,  ss.  75. 

naissargika,nissaggiya  (délits),  II,  70  ; 
énumérés  86,  ss. 

Nakula  (le  père  et  la  mère  de),  157. 

Nâlâgiri,  131,  185,  ss. 

Nâlaka,  27.  Comp.  Naradatta. 

Nâlandâ,  203,  s.  II,  45,  s.  55.  222.  235. 
374.  399.  414,  ss.  429,  ss. 

nâmarûpam  ;  voir  Nom-et-forme . 

Nanda  (fils  de  Çuddhodana),  104.  120, 
s.  —  (un  roi  du  Magadha),  II,  246. 
354;  comp.  Nandin. 

Nandas  (les  Neuf),  II,  228,  ss. 

Nandâ  (une  religieuse),  208,  s.  — deux 
religieuses  portant  ce  nom,  II,  113. 

Nandi  (taureau),  II,  428. 

Nandika  (un  moine),  159. 

Nandin  (un  roi  du  Magadha),  II,  264. 
354.  Comp.  Nanda. 

Nandyâvarta  (symbole),  269.  II,  193. 

Nârada  (un  Buddha),  320. 

Naradatta,  25. 

Narasitûiia»  101. 

Nârâyana,  14,  52».  s.  101.  118.  234,  s. 

Nasik,  II,  356.  455. 

Nata,  215. 

Nâtaputta;  voir  Jnâtiputra. 

Nava-Sahghârâma  (Nouveau  Monas- 
tère) à  Balkh,  II,  134.  356.  434. 

Nâyaka  ou  Mahâ-nâyaka,  II,  57. 

Nemita,  II,  301,  s. 

Népal,  249.  274.  II,  33,  s.  148.  423. 
425.  etc. 

Neranjarâ;  voir  Nairanjanâ. 

nibutta;  voir  nirvrta. 

Nidâna  (un  an.ça  de  TEcriture  Sainte), 
II,  367. 

nidânas  (les),  338. 

Niddesa,  II,  342.  370. 

Nikata,  208. 

Nikâyas  (les),  II,  370;  comp.  342, 
note. 

Niranjanâ  =  Nairanjanâ,  63. 

Nirarbuda  (un  enfer),  298. 

Nirgrantha  (nom  d'un  ordre  monas- 
tique), 14.  113.  143.  429.  II,  6.  — 
Protégé  par  Açoka,  310.  —  Jadis 
établi  à  Ceylan,  338.  ^ 


Nirmânaratis  (les),  291. 

Nirvana,  42.  147.  etc.  —  la  théorie  du 

N.   développée,  361,   ss.  --  époque 

du  N.  du  dernier  Buddha,  250,  ss. 
Nirvâna-çâstra  (le  livre),  II,  408. 
Nirvrti;  synonyme  de  Nirwâna. 
nirvrta,  42. 

nissaggiya  ;  voir  naissargika. 
nissârana,  II,  116. 
niyama,  424. 
Nom-et-forme,    334  ;    développement 

de  la  théorie,  335,  ss. 
Nouveau  Monastère,  voy.  Nâva-san- 

ghârâma. 
Nûpura  (?),  244. 


0 


Orissa,  79.  II,  348.  438,  s.  etc. 
Oudhe,  II,  128.  413.  etc. 


pâcittiya   {prdyaçcittika)   (délits),  II, 

70;  énumérés  92,  ss. 
Padma(un  enfer),  298.  — (un  Buddha) 

32(f. 
Padmâ  (une  recluse),  55. 
Padmaka,  II,  301 .      . 
Padmapâni;  voir  Avalokiteçvara. 
padmâsanOy  II,  164. 
Padmâvatî,  H,  317. 
Padmottarâ  (un  Buddha),  320. 
Pakudha;  voir  Kakuda. 
Pakundaka,   II,  268,   note.  276.  338. 

Comp.  Pandukâbhaya. 
Pâlas  (dynastie  des).  II,  419.  423.  435. 

450. 
Pâli  (langue   ecclésiastique),  II,  339. 
Pancaka,  II,  274. 
Pan-che-yu-sse,  II,  220. 
Pândarâ  ou  Pândurâ,  II,  173. 
Pândava  (rocher),  54.  56. 
Pandu  (l'empereur),  II,  129,  s. 
Pandukâbhaya,  II,  338.   Comp.  Pa- 

kundaka. 
Pândya  (pays  et  peuple),  II,  385.  390. 
pârâjika  (péchés),  II,   70  ;  énumérés, 

79,  ss. 
Parâkrama-Bâhu ,   I,  le    Grand,   II, 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


511 


385,  ss.  —  P.  III,  388,  S8.  —  P.  IV, 

130.  —  P.  VI,  390. 
pâramis  (les  ou)  pâramilâs;  au  nom- 
bre de  dix,  67.  301.   318.  431;  au 

nombre  de  six,  415,  ss.  —  II,  394. 
Parc-aux-Cerfs,  voir  Mrgadâva. 
Pârçva  of  Pârçvika,  II,   360,  ss.  371. 
paribhoga    {-dhâttts)    ou  pâribogika 

(reliques),  II,  125.  190. 
Pàrileyaka,  160. 

Parinirmita-Vaçavartins  (les),  291. 
parinirvâna  et  mahâ-p.,  362. 
Parîttâbhas  (les),  et  Paritta-çubhas, 

293. 
Parivâra  (livre  du  Vinaya),  II,  336  ; 

comp.  337. 
painvâsa,  II,  85.  116. 
parivrâjaka,  II,  3,  note.  120. 
Pâtaligrâma,  204,  s. 
Pâtaliputra,  II,  230.  246.  —  Concile  à 

P.,  282. 
Patanjali,  II,  355.  399.  420.  etc. 
Pâtheya  (religieux  du),  II,  251.  253,  ss. 
pâtidesaniya,  pratideçanîya   (délits), 

II,  70  ;  énumérés,  104. 
patisambhidâ,  296.  —  Nom  d'un  genre 

d'écrits,  II,  342. 
Pausha  (le  mois),  96.  II,  206. 
Paundravardhana,  176. 
Pâvâ,*2l4,218.  229. 
pavârana,  pravârana,  II,  210. 
Pâvârika,  203. 
pavattini,  II,  33. 

Personnalité  (théorie  de  la),  353,  ss. 
Peshawer,  II,  150.    165,  s.  168.  !89. 

198,  s.  418. 
Peta-vatthu  (genre  d'écrits),  II,  342. 
Phâlguna  (le  mois),  96.  98.  II,  209,  ss. 
Phusatî,  304.  317. 

Pic  du  Vautour,  voir  Grdhra-kûta. 
Pilindavatsa,  176. 
Pimlola-Bîiâradvâja,  144.  II,  271. 
Pifigalavatsâjîva,  II,  300. 
Pippalivana,  231. 
Pitaka;  les  trois  Pitakas;   voir  Tri- 

pitaka;  — les  cinq  P.,  400,  s.  II,  262. 
Pitdmaha,  II,  164. 
Pitrceta,  H,  372. 
Piyadassi,   II,    296.    308,    ss.   Comp. 

Açoka. 


Pollanarua,  II,  385. 

Potala,  243,  s. 

Prabhùtaratna  (un  Tathâgata),  II,  145. 

Prâcînavariiça,  159. 

Pradyota,  25.  130.  ss. 

prajnâ,  II,  401,  s.  406. 

prajhâjyotis,  386. 

Prajnà-Pâramitâ,  II,  394.  410.  —livre 

de  ce  nom,  401.  404.  406.  435. 
Prajnaptivàdins     (secte    des)  ;     voir 

l'Appendice. 
Pramâna-Samuccaya  (écrit   de  Dig- 

nâga),  II,  418. 
Pramitâ,  243. 
prânâyâma,  403. 
Pràsâda,  II,  43.  48.  50.  140. 
Prasenajit,  25.  110.  146,   ss.  198,  ss. 

II,  160.  190. 
Prasthâna  (traité  de  rAbhidharma),74; 

comp.  II,  341,  note  et  364,  note. 
prâthamakalpika,  386. 
Pratâpa  (un  enfer),  298. 
pratideçanîya  ;  voir  pâtidesaniya. 
Prâtimoksha  (Pâtimokkha),  II,  8.  10, 

ss.  36.  41.  47,  s.   59.  100.   etc.  — 

traduction  du   P.,  74.    —  un    des 

livres  du  Vinaya,  363. 
Pratyekabuddhas  (les),  199.  223.  348. 

etc.  —  leur  rang  dans  la  série  des 

êtres,  294;  propriétés  distinctives, 

295,  s. 
pravârana;  voir  pavârana. 
pravrâjana  {pahhâjana),  II,  24.  26. 
pravrâjyâ  [pabbajjâ),  II,  24,  ss. 
prâyaçcittika  ;  voir  pâcittiya. 
Prêtas  (les)  ;  leur  rang  dans  le  système 

du  monde,  295. 
Priyadarçana  (Piyadassana)  =  Piya- 
dassi. 
Priyadarçin  (un  Buddha),  320.  —  (un 

religieux),  II,  154.  335,  s.  —  Voir 

aussi  Piyadassi. 
Pulastipura,  II,  385,  note. 
Pulimâvi  ou  Pulumâvi  Vâsishthlpu- 

tra,  II,  427.  429. 
Punarvasu  (constellation),  110.  125. 
Punarvasu-mitra,  110. 
Pûrna,  86.   110.    II,   237.  —   P.  Mai- 

tràyanlputra,  I,  176.  H,  137. 
PùrniUune  servante),  6i,  s. 


112 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Pûrnajit,  85. 
Pûrna-vardhana,  110  s. 
Pûrnavarman  (roi  du  Magadha),  II, 

431. 
puruslia,  1.  II,  410.  Comme  divinité, 

53,  note. 
Purushottama,  53,  note. 
Pûrva-çailas  (secte  des),  II,  394.  Voir 

aussi  l'Appendice. 
Pûrvârâma  (couvent),  112.  II,  41. 
Pushkalàvatî,  II,  150.  168. 
Pushya  (une  étoile),  21.  246.  —(un 

Buddha),  320.  Comp.  Tishya. 
Pushyamitra,  II,  348,  ss.  379. 


R 


Râdhagupta,  II,  301.  320,  ss. 

Ragâ  (fille  du  Diable),  76.  78. 

Râghava  (un  brahmane),  II,  348. 

Râhu,  53.  105.  266,  s.  etc. 

Râhula  (fils  du  Buddha),  34.  42.  73. 
105.  177.  217.  317.  II,  137.  —  fon- 
dateur de  sectes,  449.  —  R.  ou 
Râhula-Bhadra  (un  brahmane),  II, 
399,  s. 

Râhula  (la  mère  de),  33.  44.  101.  103, 
105.  Comp.  Yaçodharâ. 

Raivata  (un  Sage),  55.  —  (un  Buddha), 
320,  s.  Comp.  Revata. 

Râjagirikas  (secte  des);  voir  l'Appen- 
dice. ' 

Râjagrha,  25.  53,  ss.  88,  ss.  95,  ss. 
107,  s.  120.  122,  ss.  134,  ss.  180.  etc. 

—  une  des  six  grandes  villes,  224. 

—  Concile  àR.,  II,  233,  ss. 
Râjâyatana,  75.  78.  II,  189;  215,  note. 
Rakshita,  II,  287,  s.  —  R.  le  Grand,  ib. 
Râma  (un  brahmane),  28.  —  (le  père 

d'Udraka),  57.  81.  -  (le  héros  du 

Râmâyana),  235. 
Râmagrâraa,  231.  II,  152. 
Raptî  (rivière),  249. 
Râshtrapâla  (fils  d'Udayana),  157. 
Rathika,  II,  301. 
Ratnacankrama  (sanctuaire),  74. 
Ratnaka,  150. 

Ratna-kûta  (le  livre),  II,  409.  415. 
Ratnapâni  (Bodhisatva),  324.  II,  173. 


Ratnarakshita,  II,  436. 


Ratnasambhava  (Dhyâni-Buddha) , 
323.  II.  172,  s. 

Raurava  (un  enfer),  298. 

Renaissance  (théorie  de  la),  358,  ss. 

Revata  (un  des  8  Sthaviras),  II,  246. 
251,  ss.  263.  271.  293.  —  (un  reli- 
gieux), II,  340.  382. 

Roca,  243.  Comp.  Roja. 

Rohinî  (constellation),  94.  122.  124. 
(rivière),  249. 

Roja  =  Roca,  242. 

Romaka,  290. 

Rshipatana  (près  Benares),  60.  81.  83. 
Comp.  Mrgadâva. 

Ruanwelli,  H,  137. 

Rudraka  ;  voir  Udraka. 

Rudrâyana,  II,  158. 

7'ûpa  (un  des  cinq  Skandhas),  343,  s. 

Rûpa-dhâtu,  partie  de  FUnivers, 
292,  s. 

Rûpâvacara,  291,  s.  351. 


Sable  (Jardin   de),  couvent  près  de 

Vaiçâlî,  II,  257,  s. 
Saddharma-Lankâvatâra  (le  livre),  II, 

407. 
Saddharma-Pundarîka  (le  livre),  326. 

451.  II,  407. 
Sâdha,  298.  II,  246.  253,  s. 
Sâgala  ;  voir  Çâkala. 
Sâgalikas    (schismatiques),    II,   375. 

379.  443. 
Sâgaradatta,  186. 

Sahaja  ou  Sahajâti,  II,  252,  s.  263. 
Sâketa,   111.    125.    —    une    des    six 

grandes  villes,  224. 
Sakrdâgâmin,   103.  209.  297.  320  ;  — 

caractérisé,  384. 
Sâlavatî,  124,  s. 
samâdhi,   375,   ss.   394;    degrés,  377; 

multiplié,  381. 
Samàdhi-Râja  (le  livre),  II,  408. 
Samantabhadra  (Bodhisatva),  324.  II, 

172,  s.  394. 
Samantamukha,    surnom   d'Avaloki- 

teçvara,  II,  172. 
Samatata  (province),  II,  450.  454. 
Sambalâ,  11,325. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


Mi 


Sambhoga-kâya,  II,  393.  396. 

Sambhûta,  II,  263.  Voir  Çànavâsa. 

sambodhyaîiga  =  bodhyahga^  413. 

Sammatîyas  ou  Sammitîyas  (secte 
des),  432,  s.  Voir  aussi  TAppen- 
dice. 

Sampadin,  II,  320,  347. 

samsara,  9,  367. 

samskâra,  33,  un  des  cinq  Skandhas, 
342;  analyse,  345,  ss. 

Samudra  (un  moine),  II,  306. 

Samudradatta,  186. 

Sanivarta  (une  époque),  329. 

Sanchi,  II,  127.  148.  190.  357.  430. 
435.  Comp.  Bhilsa. 

Sandhi-Nirmocana  (le  livre),  11,408. 

Sahgama-Çrîjnâna,  II,  436. 

Sangha,  un  des  Trois  Joyaux,  89. 
281,  ss.  —  Organisation  et  carac- 
tère, II,  6.  20.  124,  s.  —  Protégé 
par  Açoka,  310. 

Sanghabhadra,  II,  414. 

Sahghadâsa,  II,  414,  s. 

sanghâdisesa,  saiighâvaçesha  (délits), 
II,  70;  énuiïiérés  81,  ss. 

Sahghamitra   (un  moine),  II,  376,  ss. 

Sahghamitrâ  (une  abbesse),  II,  297, 
305.  330,  s. 

Sahghapâli,  II,  376. 

Sahghârâma,  II,  45,  54. 

Sahghâta  (un  enfer),  298. 

sanghâti,  II,  35. 

sahghâvaçesha  ;    voir   sanghâdisesa. 

Sanja,  304,  ss. 

Sanjaya  ou  Sanjayin  (docteur),  92,  s. 
—  hérésiarque,  surnommé  Belat- 
thiputta  (Vairattiputra),  143. 

Sanjlva  (un  enfer),  298. 

sanjhâ,  un  des  cinq  Shandhas,  342  ; 

analyse,  344,  ». 
Sanjnâsanjnins  (les),  294. 
Sânkâçya   ou  Sankissa,  147.  153.  II, 

166,  s.  251,  s. 
Saiikrântikas  (secte  des),  II,  293.  397. 

Voir  aussi  rAppendice. 
sannyâsin,  II,  3.  14, 
Santushia,  208. 
Santusiiita,  80. 
Sarabhû,  il,  136. 
Sârandada  (sanctuaire),  202.  212. 


Sarasvatî  (déesse  de  la  Sagesse  et  des 
Lettres),  327  etc. 

Sârnâth,  II,  46,  149. 

Sâriputto  ;  voir  Çâriputra.  , 

Sarvabuddha-vishayâvatâra  (le  livre), 
II,  409. 

Sarvakûma  ou  Sarvakâmin,  II,  246. 
255,  ss.  264.  268. 

Sarvârthasiddha,  ou  Siddhârtha,  29. 

Sarvâstivâdins  (secte) ,  II ,  397,  s. 
414,  s.  Voir  aussi  l'Appendice. 

Sattamba  (sanctuaire),  212. 

Satyâbhas  (les),  294. 

Satyaloka,  294. 

Sautrântikas  (secte  et  école  philoso- 
phique), II,  363.  395,  ss.  402. 

Scythes  (les),  247,  II,  358.  etc. 

sekhiya;  voir  çaikshya. 

Senas  (dynastie  des),  II,  435,  s. 

Seniya  ;  voir  Çrenika. 

Shannagarikas  (secte  des)  ;  voir  l'Ap- 
pendice. 

Siddhârtha  (le  prince),  29,  35,  ss.  54. 
66,  ss.  85.  99.  101.  243.  247.  —  sens 
du  mot,  300;  —  son  bonnet,  II, 
200.  —  (un  Buddha),  320. 

Siddhârtha  (secte) .  Voir  l'Appen- 
dice. 

siddhi,  II,  420. 

Sigâla,  431,  ss. 

Siggava,  II,  266,  s.  278. 

simâ,  II,  49.  53. 

Siiîiha,  429,  s. 

Simhahanu,  243  s. 

Siifahanâda,  44. 

Sitbhapura  (dans  le  Panjâb),  II,  151. 

Siihhasvara,  243. 

Sindh  (royaume),  II,  433,  s.  436. 

Sindhu-Sauvtra  (pays  de),  II,  161. 

Sirimâ  ;  voir  Çrîmatt. 

Six  (les),  II,  8,  8S.  36.  39.  48.  50.  59. 

113.  118. 
Skanda,  104.  124,  s. 
skandhas  (les  cinq),  334.  340.  etc.  — 
développement  de    la   théorie  .des 
cinq  s.,  341,  ss. 
Sona  (un  moine  scélérat),  II,  377,  s. 
Soila-Uttara  (Sonottara),  II,  154.  S.  et 

Û.,  II,  287,289.  293,  s. 
Sonaka,  II,  266,  ss. 


Tome  II. 


n 


514 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


Srotaâpanna   (Sotdpanna),    297.    320, 

etc.  ;  caractérisé,  383,  ss. 
Srughna  (province),  II,  129. 
sthavira  ou  thero,  II,  136,  n. 
Sthaviras  (les  huit),  II,  246,  ss.  265. 

292.  ~  (les  seize),  II,  240,  note. 
Sthaviras  ou    Sthaviravâdins    (secte 
des),  II,  285.  397.  s.  Voir  aussi  l'Ap- 
pendice.   Leur   système  s'appelle 
Sthaviravàda,  II,  397. 
Sthiramati,  II,  414,  s. 
Stûpa,  223.  231.  II,  42.  127,  ss.  etc.  — 

Caractère  et  origine/ 139,  ss. 
Stûpârâma;  voir  Thûpârâma. 
Subhadra   (un   laïque),  208.   —  (un 

moine),  218.  225,  s.,  11,232. 
Subhadra,  108. 
Subâhu,  84,  s. 
Subhûti,  II,  372. 
Sudarças  (les),  293. 
Sudarçana  (un  prince),  224.   —  (un 

Père  de  l'Église),  II,  273.  359. 
Sudatta  (un  brahmane),  28.   —  (un 
marchand,  surnommé  Anâthapin- 
dika),  106,  s.  151.  208,  s. 
Sudharmâ  (salle  des  dieux),  II,  127. 

167. 
Sudinna,  II,  234. 
Sugata,  77,  et  passim. 
Sujâta  (fils    de  Krkin),   243.  —  (un 

Buddha),  320. 
Sujâtâ,  60,  ss.  79.  111.  208.  221. 
Sukhâvatî  (un  ciel),  II,  400. 
Suraâgadhâ,  176. 

Sumanas  (un  Buddha),  320,  s.  —  (un 
dieu),  II,  128.  —  (un  novice),  II,  325. 
330.  —  (un  sthavira),  II,  246.  257. 
—  (Frère  d'Açoka),  II,  297.  304. 
Sumanâ,  II,  304. 
Sumano  (mont),  270.  II,  182. 
Sumedha  (un  Buddha),  320. 
Sumeru,  289.  II,  242.  290. 
Sundarî,  173. 
Sundarikà,  122. 
Sunirmita,  80. 
Sunîtha,  205,  s. 

Supassa  (prince  des  Nâgas),  II,  65. 
Suppiya  et  Suppiyâ,  II,  61,  ss. 
Suprabuddha,  37.  118.  137.  163. 
Supratishtha  (?),  88. 


Surâshtra,  II,  416.  428. 

Sûryagupta,  II,  336;  comp.  la  note. 

Susîma,  II,  300,  s. 

Sussala,  II,  438. 

Sûtra,  283.  etc.  —  (Comme  anga  de 

l'Écriture-Sainte),  II,  343.   365.  — 

S.  ou  Sutrânta  (chez  les  Mahâyâ- 

nîstes),  II,  408,  ss. 
Sûtra-Pitaka,    283,    s.    II,    149.  241. 

243.  335.  —  du  canon  pâli,  342,  s.  — 

Le  S. -P.  rejeté  par  les  Vaibhâshikas, 

II,"  397. 
Sûtravâdins    (secte  des),    II,    397,    s. 

Voir  aussi  l'Appendice. 
Sutta  ;  voir  Sûtra. 
Sutta-Nipâta  (partie  du  canon  pâli), 

II,  342. 
Suvarnabhûmi,  II,  289. 
Suvarnadvîpa,  II,  415. 
Suvarna-prabhâsa  (livre),  II,  407. 
Suvarnaprabhâsâ  (épouse  de  Kâlika), 

66. 
Suyâma(un  brahmane),  28.  —(un  des 

Gardiens  du  monde),  80. 
Svâbhâvikas  (système  des),  II,  423. 
svâhâ,  II,  122.  410. 
Svastika  (symbole),  269.  Il,  191,  s. 
Svatantrikas  (les),  II,  399. 
Svayambhû,  281.  —  S.  Nâtha,  286. 


Takshaçilâ  (Taxila),  125,8.  II,  300,  s. 

Tâmasa-vana  ou  forêt  obscure  (cou- 
vent de),  II,  360. 

Tâmraçâtîyas  (secte  des),  II,  293.  398. 
Voir  aussi  l'Appendice. 

Tâmraliptî,  11,417. 

Tantras  et  Tantrisme,  II,  420,  ss. 

Tapa  (un  enfer),  298. 

tapas,  59. 

Tara,  II,  173.  —  Les  Taras  ou  Çaktis, 
11,173. 

Târâyana,  79.  11,215. 

Tathâgata,  77,  et  passim. 

Tathâgatas  (les  seize),  322,  n. 

Tathâgataguna-Jnâna  (le  livre),  II,  407. 

Tathâgatagupta,  II,  431 . 

Thera-  et  Therl-gâthâ,  parties  du 
canon  pâli.  II,  342. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


515 


Thero  =  Sthavira. 

Thûpârâma,  Stûpâràma,  II,  15o.  330. 
334.  376. 

Tîrthakas  (les),  Tîrthikas  ou  Tîrthya- 
kas,  143,  s. 

Tishya  (étoile),  21.  118.  246.  —(épo- 
que), 246.  253.—  (unÇâkya),  118.— 
(un  Buddha),  320.  —  (un  religieux), 
II,  378,  g.  —  (frère  d'Açoka),  II, 
281.  297.  305.  —  (un  roi  de  Cey- 
lan),  H,  373.  ss.  —  (Maudgalipu- 
tra),  II,  266,  s.  273.  278,  ss.  305. 
325.  396.  —  (ou  Upatishya),  11,283. 
—  (surnommé  Jyeshtha),  II,  376. 

Tishyadatta,  II,  334. 

Tishya  (Jardin  de)  à  Ceylan,  II,  328, 
s.  333. 

Tishyarakshitâ,  II,  317,  ss. 

Tokharistân  (pays),  II,  273. 

Trapusha,  75.  79,  s.  II,  127.  215. 

Tri-pitaka,  283.  II,  267.  392, 

Tri-ratna;  voir  Joyaux  (les  Trois). 

Trshnâ  (fille  du  Diable),  76.  78. 

TÙrushkas  (les),  247.  II,  352.  426. 

Tushitas  (les),  291,  s.  II,  170. 

Tushta,  208. 


U 


Uçîra  (le  mont),  II,  275. 

Udâna  (un  anga  de  rÉcriture  Sainte), 

II,  342,  s.  367. 
Udandapurî,  II,  436. 
Udayana  (un  roi),  25.  157.  II,  160,  s. 

—  (un  fondateur  de  couvent),   II, 

41.  —  (un  sanctuaire),  I,  212. 
Udayi-Bhadra  ou  Udâyin,  195.   198. 

II,  228,  s. 
Udâyin  ou  Kâla-U.,  25.  95,  ss.  138. 
uddeçaka  (reliques),  II,  125. 
Udraka,   57.  81.  241,  s.  Comp.   Ru- 

draka. 
Udumbara,  II,  252. 
Udyûna  (royaume),  II,  170,  s.  183.  418. 
Ugrasena,  134,  ss. 
Ujjayint  ou  Ujjain,  25.  130,  s.  290.  II, 

297.  etc. 
Upacara  ou  Upacâru,  242,  s. 
Upacârumat,  243. 
Upadeça  (comme  anga)^  II,  360*  378; 


upddisesa  ou  upadhiçesha,  362. 

upâdhydya,  II,  29,  s.  33.  55.  57. 

Upagupta  (Père  de  l'Église),  216.  II, 
138.  270,  ss. 

Upaka,  82.  II,  6. 

Upâli,  119.  176.  Il,  137.  etc.  —  son 
rôle  dans  le  premier  Concile,  233, 
ss.  —  Sa  place  dans  la  série  des 
docieurs,  266,  s.  —  comme  fonda- 
teur de  sectes,  449. 

Upananda,  II,  9. 

upasampadâ,  II,  20,  s.  24,  ss.  29,  ss. 

Upatishya  (ou  Çâriputra),  II,  283.  365. 
—  (roi  de  Ceylan),  11,381. 

Upavâna  (?),  221. 

Upavartana,  220. 

upâya,  II,  406. 

uposatha;  institution  de  Tm.,  11,6, 
ss.  48,  ss.  75.  —  célébration,  205, 
ss.  —  maison  où  se  célèbre  Vupo- 
satha,  II,  48. 

Uposatha  (un  roi),  242. 

Uruvelâ  ou.  Uruvilvâ,  25.  29.  57,  ss. 
78.  86.  238.  etc. 

Usavadâta,  II,  427. 

Utpala  (un'enfer),  298. 

Utpalavarnd  (une  religieuse),  194. 
317. 

Utposhadha  (un  roi),  243.  Comp.  Upo- 
satha. 

Uttara  (disciple  de  Revata),  II,  254, 
s.  271.  —  Père  de  l'Église,  271.  290. 
293,  s. 

Uttara-Kurus  ou  Ilyperboréens,  289,  s. 

uttarâsaiiga^  II,  35. 

Uttarîyas  (secte  des),  II,  444. 

Uttiya  (un  moine),  II,  325.  —  (un  roi), 
II,  334. 


Vaçavartin,  48.  —  (un  archange),  80. 

Vûdarikas  (secte)  ;  voir  l'Appendice. 

Vjîglça,  II,  237. 

Vaibhdshikas  (école  philosophique), 
II,  395,  ss.  403. 

Vaiçâkha  (ville),  II,  189.  454.  — , 
(mois),  1,  21.  60.  s.  98.  ill,  s.  II 
213,  s.  -  V.-pûjd  (fête),  214.* 

Vaiqdlt,  55.  67.  94.  128,  ss.  134,  ss.  etci 


M6 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


—  Concile  de  V.,  II,  246,  ss.  278. 

vaiçârady a,  212. 

Vaidehî(mèred'Ajâtaçatru),  191.195,  s. 

vaikhânasa,  II,  18.  20. 

Vaipulya  (un  ahga  de  l'Écriture 
Sainte),  II,  369,  s.  Comp.  Vedalla. 

Vaipulya-Sûtras  (les),  II,  370. 

Vairocana  (Dhyâni-Buddha),  323.  II, 
172,  s. 

Vajra  (un  roi),  II,  431.  —  (symbole), 
II,  192,  s.  —  (sceptre  magique),  II, 
39. 

Vajrâ  (une  religieuse),  356. 

Vajrâcârya,  II,  208,  420. 

Vajradhâtvîçvârî,  II,  173. 

Vajrapâni  (Bodhisatva),  324.  II,  173. 

Vajrâsana,  II,  104.  181. 

Valabhî,  II,  416.  454. 

vânaprastha,  II,  18. 

Vanavâsî,  II,  288. 

Vappa;  voir  Vâshpa. 

Vara-Kalyâna,  242,  s. 

Vara-Roja,  242. 

Vardhamâna  (un  Jina),  14.  II,  161.  — 
(symbole),  269.  Il,  193. 

Varshakâra,  201,  s.  205,  s. 

Varuna  (un  dieu),  102.  286.  etc.  — 
(un  Ancien),  II,  304. 

Vâsavadattâ,  II,  272. 

Vasavatti;  voir  Vaçavartin. 

Vâshpa  (un  des  Cinq),  57.  84.  193,  II, 
240.  Comp.  Daçabala-Kâçyapa. 

Vasishtha,  244,  s. 

vassa  ou  vassavâsa^  II,  40.  217. 

Vasubandhu,  II,  413,  ss. 

Vasumitra  (contemporain  de  Ka- 
nishka),  II,  360,  s.  364.  371.  396.  — 
V.  de  Maru,  II,  403.  —  V.  (com- 
mentateur de  Vasubandhu),  II. 
414.  416.  —  V.  (auteur  d'un  livre 
sur  les  18  sectes),  II,  442.  446. 

Vasupâla,  196,  s. 

Vatsîputra,  II,  354. 

Vatsîputrîyas  (secte),  II,  443,  s. 

Vedalla  (un  anga  de  TÉcriture-Sainte), 
II,  343.  369.  Comp.  Vaipulya. 

vedanâ  (un  des  cinq  skandhas),  342'; 
analyse,  343,  s. 

Vedânta,  3.  334.  II,  392.  418.  etc. 

Vedisa,  II,  297,  325,  s. 


Vehapphalas,  Brhatphalas  (les),  293. 

Veluvana  ou  Venuvana;  voir  Bam- 
bous (Bois  des). 

Veranja,  162. 

Vessabhû;  voir  Viçvabhû. 

Vessantara  ;  voir  Viçvantara. 

Vethadvîpa,  231. 

Vetuliya  (hérésie),   II,  373.  375.  394. 

Veyyàkarana,  Vyâkarana,  (un  aiiga 
de  rÉcriture- Sainte),  II,  343.  366. 

Vibhâga  ou  Vibhanga  (partie  du  Vi- 
naya),  II,  363.  375.  396. 

Vibhajya-vâda  et  V.-vâdin,  II,  285, 
s.  396.  445,  s. 

Viçâkha,  110.  128. 

Viçâkhâ,  109,  ss.  143.  II,  41. 

Viçvabhû  (un  Buddha),  110.  320,  ss. 
n,  180. 

Viçvakarman,  41.  153.  309.  II, 
167. 

Viçvâmitra  (maître  d'école),  33. 

Viçvantara,  Vessantara,  70  ;  sa  lé- 
gende, 303,  ss. 

Viçvapâni  (Bodhisatva),  324.  II,  173. 

Videhaka  (monts),  II,  239. 

Vidu,  II,  428. 

Vidû(labha,  199. 

Vigatâçoka,  Vîtâçoka,   II,    300.    347. 

Vihâra,  11,45,  s.  etc.  —  Sens  du  mot, 
139,  ss. 

Vijaya-Bâhu,  II,  388. 

Vijayanagara,  II,  436. 

vijnâna  (un  des  cinq  skandhas),  340. 
342;  analyse,  349,  ss. 

Vijnânântya    (région  éthérée)  ,   294. 

Vikramaçîla,  II,  434,  s. 

Vilva  (couvent),  II,  344. 

Vimala,  85,  s. 

Vimalakîrti  (le  livre),  II,  408. 

Vimâna-vatthu  (écrit  du  canon  pâli), 
II,  342. 

vimoksha  et  vimukti,  381. 

Vinaya,  283,  s.  II,  234.  258.  —  V.- 
Pitaka,  I,  283,  s.  II,  149.  241. 
243 .  334  ;  existe  en  rédactions  di- 
vergentes, 362,  ss.  —  reçoit  des 
honneurs  religieux,  404. 

Vinaya- Vibhâshâ,  II,  361. 

Vinîtadeva,  II,  451,  vg. 

vipaçyanâ,  388. 


ET  DES  TERMES  TECHNIQUES 


517 


Vipaçyin  (un  Buddha),  20.  ilO.  320. 

ss.'ll,  180. 
VIrasena,  II,  348. 
Virûdhaka,  199,  s.  244. 
Vivarta  (époque),  329. 
vivâsa,  250,  s. 
Vishnu,  53.  91.    101.  234,  ss.  etc.  - 

fête  de  V.  à  Ceylan,  II,  216.      . 
Vitâçoka;  voir  Vigatâçoka. 
Vrji  (les  fils  de),  11,246,  ss. 
Vrjis   (les),  201,    s.    214,    ss.  II,  129. 
Vrjiputrakas  (secte  des)  ;  voir  Append. 
Vrshabha  (roi  de  Ceylan) ,   II ,    344, 

ss.  373. 
Vrshabhagârain   (un  des  huit  Stha- 

viras),  II,  246.  257. 
Vrshasena,  II,  348. 
Vyâkarana;  voir  Veyyâkarana. 


Yaças,  85,    s.    II,  246,    ss.  263,   ss. 

270,  ss.  323. 
Yaçodharâ,   25.   34.   37.  41.  73.  163. 

198.  317. 


Yaçolâla,  II,  344,  s. 

Yaçovatî  =  Yaçodharâ. 

Yâjnavalkya,  6,  ss. 

Yakshas  (les)  ;  leur  rang  dans  le  sys- 
tème du  monde,  295. 

ya7na,  424. 

Yama,  94.  282,  s.  291.  etc.  —  (enfer 
de),  II,  306. 

Yâmas  (les)  et  Yâmyas,  291. 

Yashlivana,  88,  ss. 

ya/i,428.  II,  3,  note. 

yalna  II,  424. 

Yâtnikas  (système  des),  II,  424. 

Yava-koti,  290. 

Yoga,  11;  .système  philosophique, 
334.  366,  ss. 

Yoga  (manuel  du),  par  Asahga,  II, 
413. 

Yogâcâras  (école  philosophique  des), 
II,  395,  398,  ss.  413.418. 

yogâhgas  (les  huit),  391,  ss. 

Yogin,  288,  ss.  366,  ss.   II,  399,  etc. 

Yugandhara  (monts),  49.  267. 

yiujas  (les  huit),  330. 


ERRATUM 


p.  9,  1.  19  en  haut  :  puérilité  civile  et  honnête,  l,  civilité  puérile  et 

honnête. 
P.  136,  1.  11  en  bas  :  prescrire,  /.  proscrire. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

DU  TOME  II 


LIVRE  TROISIÈME 

Pages 
LE  SANGHA i.245 

CHAPITRE  1er.  Moines  et  ermites 1-22 

Brahmacârins.  Moines.  Ordres  monastiques.  Le  Sangha 

et  sa  loi  fondamentale 3 

Ermites.  Règles  de  la  vie  ascétique 23-37 

CHAPITRE  IL  Admission  dans  l'ordre.  Noviciat.  Ordination.  14 

CHAPITRE  III.  Équipement.  Demeures.  Nourriture  et  médica- 
ments         38-7G 

Habillement.  Autres  fournitures  et  objets  de  nécessité 
journalière , 38 

Demeures  fixes  dans  la  saison  de  retraite.  Bâtiments. 
Couvents  et  ermitages.  Salles  de  réunion.  Fondation 
de  paroisses.  Population  des  établissements  ecclésias- 
tiques    43 

Nourriture  et  médicaments 64 

CHAPITRE  IV.  Le  règlement 77-130 

Examen  préliminaire 82 

Introduction 86 

Péchés  capitaux,  qui  ont  pour  conséquence  l'expulsion 

de  la  communauté 87 

Actions  qui  ont  pour  conséquence  une  exclusion  tempo- 


520  TABLE  DES  MATIÈRES 

.Pages. 

raire  de  la  communauté 89 

Cas  indéterminés 94 

Actions  punies  de  confiscation 95 

Actions  pour  lesquelles  il  faut  faire  pénitence 101 

Actions  qu'il  faut  confesser 113 

Ce  qui  se  rapporte  à  une  bonne  éducation 114 

Ce  qui  se  rapporte  à  l'arrangement  des  différends \2i 

Le  règlement  des  Religieuses 121 

Punitions  ecclésiastiques  et  moyens  de  coercition 125 

CHAPITRE  V.  Vie  journalière  du  moine 131-135 

CHA.  .  i  RE  VI.  Le  culte 136-245 

Objets  du  culte.  Reliques.  Différentes  sortes  de  reliques. 

Sources  de  Thistoire  des  reliques  et  des  sanctuaires. . .  137 

Reliques  corporelles 139 

Sanctuaires.  Noms  et  classification  des  édifices.  Stupas  : 
leur  caractère  et  leur  origine.  Indication  des  bâti- 
ments les  plus  célèbres  de  cette  classe.  Résultats  don- 
nés par  les  fouilles 152 

Statues  et  temples 172 

Arbres  de  la  Science.  Le  Trône  de  la  Sagesse.  Empreintes 

et  localités  sacrées.  La  roue.  Figures  symboliques 195 

Reliques  d'objets  d'usage  journalier.  Ombres  considérées 
comme  reliques.  Développement  naturel  et  artificiel  du 

culte  des  reliques 214 

Jours  fériés.    Fêtes.  Assemblée  quinquennale.  Congrès 

annuel 222 


LIVRE  QUATRIÈME 

HIS JOIRE  ECCLÉSIASTIQUE 247-479 

CHAPITRE  P^  Première  période  jusqu'à  Açoka 247-352 

Sources.   Chronologie 247 

Le  premier  Concile 253 

Deuxième  Concile 268 

Généalogies  des  Docteurs.  Histoire  des  plus  anciens  Pères 

de  l'Église 290 

Concile  sous  Tishya  Maudgaliputra.  Mission  des  apôtres.  304 
Règne  d'Açoka.  Légendes  au  sujet  de  sa  jeunesse  et  de  sa 


TABLE  DES  MATIÈRES  521 

Pages. 

conversion.  Ses  édits.  Récits  romanesques  sur  les  der- 
nières années  de  sa  vie 322 

CHAPITRE  II.  Seconde  période  :  d'Açoka  a  Kanishka 353-406 

Conversion  de  Ceylan.  L'apôtre  Mahendra.  Devanâmpriya 
Tishya.  Dushta-Gàmani.  Vatta-Gâmani.  Rédaction  du 
canon.  Liste  des  livres  canoniques.  Révolution  poli- 
tique. Vrshabha 354 

Histoire  de  TÉglise  sur  le  continent  de  l'Inde.  Les  der- 
niers Mauryas.  Pushyamitra.  Conquérants  grecs.  ^ 
Ménandre  et  Nâgasena.  Conquérants  scythiques  et 
autres.  Kaniskha.  Troisième  Concile.  Liste  des  livres  de 
l'ancien  canon.  Subdivision  en  Angas.  Vasumitra  et 
Pârçvika.  Açvaghosha 377 

CHAPITRE  III.  Troisième  période  :  de  Kanishka  a  la  fin  du 

MOYEN  AGE 407-479 

L'Église  à  Ceylan.  Hérésie  sous  Tishya.  Le  Sthavira  Deva. 
Hérésie  sous  Meghavarna.  Troubles  dans  l'Église  sous 
Mahâsena  ;  destruction  du  Mahâvihâra.  État  florissant 
d'Abliayagiri;  Buddhaghosha.  Renouvellement  des 
hérésies.  Invasions  étrangères.  Parâkrama-Bâhu  le 
Grand.  La  concorde  rétablie  dans  l'Église.  Le  tyran 
Mâgha;  persécution  ;  Parakrama-Bâhu  IIL  Décadence 
du  pays 407 

Histoire  intérieure  de  l'Église  indienne.  Hînayâna  et 
Mahâyâna.  Les  quatre  écoles  philosophiques.  Nûgâr- 
juna;  ses  contemporains  et  ses  successeurs.  État  des 
partis  au  cinquième  siècle.  Canon  des  Mahàyânistes. 
Floraison  de  la  scolastique  bouddhique.  Asanga  et 
Vasubandhu.  Décadence  de  la  science  ecclésiastique 
après  Dharmakîrti.  Tantrisme  et  magie.  Les  quatre 
systèmes  philosophiques  au  Népal.  Sécularisation  de 
Tordre  monastique  dans  cette  contrée 425 

Destinées  de  l'Église,  considérées  dans  leurs  rapports 
avec  les  événements  politiques.  Protecteurs  prin- 
ciers et  autres.  Fondation  du  collège  de  Nûlandîl 
et  légende  qui  s'y  rattache.  Époque  de  Harsha.  Pre- 
mière apparition  hostile  des  Arabes.  Dharmakîrti; 
décadence  interne  et  externe.  État  de  l'Église  sous  les 
PîUas  et  les  Seiias.  Conqut^te  du  Maghada  par  les 
Musulmans.  L'Église  au  Kashmir,  jusqu'au  commence- 
ment de  la  domination  musulmane.  Fin  de  la  domina- 


522  TABLE  DES  MATIÈRES 

Pages. 

tion  hindoue  dans  l'Orissa.  Restes  du  Rouddhisme  au 

Népal.  Conclusion 464 

Appendice.  Les  sectes * 481 

Index  des  noms  propres  et  des  termes  techniques 499 


Le  Puy-en-Velay.  —  Imprimerie  Régis  Marcliessou,  boulevard  Garnot,  23i 


o 


BL 
U20 
KU 
t. 2 


Kern,  Hendrik 

Histoire  du  bouddhisme 


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