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HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN
BIBLIOTHEQUE D'HISTOIRE RELIGIEUSE
HISTOIRE
DU
BRÉVIAIRE ROMAIN
PIERRE BATIFFOL
TROISIÈME ÉDITION REFONDUE
PARIS
Librairie Alpb. PICARD & Fils,
Auguste PICARD, successeur
82, RUE BONAPARTE
Librairie VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA & G'
90, RUE BONAPARTE
6
1911
OANNI BAPTISTAE DE ROSSI
ROMANO
ÀVANÏ-PROPOS
DE LA TROISIÈME ÉDITION (1911)
Pour nombreux que soient les auteurs qui, au
xvi" siècle et dans la première moitié du XYii*,
ont écrit sur la liturgie, et, à ce propos, sur l'of-
fice divin, il sera permis de dire que le premier de
ceux qui ont porté dans cette étude les préoccu-
pations qui sont les nôtres, est le vénérable et
aimable cardinal Bona. Il n'était que général des
Cisterciens quand il publia le livre, longtemps
classique, qui s'intitule le plus souvent De diviria
psalmodia (Rome 1653). L'auteur fut fait cardinal
en 1669 et mourut en 1674. Il avait beaucoup lu,
il rapportait ce qu'il avait lu avec candeur et
onction. Le point de vue où il se place est celui
de l'édification et son érudition est une industrie
de son zèle, mais cette érudition est riche et de
bon aloi.
Dom Mabillon est le maître véritable de nos
études. Il faut regretter qu'il n'ait pas pu se con-
HISTOIRE DU I5BÉVIAIRE EOMAIN. «
II AVAXT-PHOPOS j
sacrer davantage à la liturgie romaine. Du moins ;
lui doit-on la publication des principaux Ordi^ \
nés romani dans son Musaemn italiciun (Paris ]
1687). Son traité De liturgia gallicana (Paris \
1685), qui n'est qu'un appendice à son édition des j
œuvres de saint Germain, est une œuvre magis-
trale. Il y expose tout ce que les textes appren- ;
nent de Fancienne liturgie gallicane; il y édite le :
texte des sacramentaires existants; enfin, il fait ■
pour l'office gallican ce qu'il a fait pour la messe, et ^
cela nous vaut une dissertation intitulée De cursu '\
gallicano, qui, dans sa brièveté, est un modèle, j
Ce que notre Mabillon n'a pas fait pour la li- ^
turgie romaine, le théatin Tomasi l'entreprit à;
Rome. Pour ne rien dire de ses publications con-^
cernant la messe, c'est lui qui imprima les textes <
qu'il estimait représenter au mieux l'ancien office l
romain, et parmi ces textes en premier lieu l'an- |
tiphonaire de la basilique de Saint-Pierre, dontj
nous aurons souvent l'occasion de parler, Re-\
sponsoralia et Antiphonaria Romanae Ecclesiae]
a sancto Gregorio magno disposita, cum appen-\
dice monumentorum veteriun et scholiis (Rome?
1686). Cette publication, comme toutes les autresl
de Tomasi, a pris place dans l'édition de sesj
œuvres complètes donnée par Yezzosi (Rome 1747-'^
DE LA TROISIÈME ÉDITION (1911). III
1754). Tomasi, fait cardinal en 1712, mourut en
1713 : il avait, par ses publications documentaires,
choisies et fidèles, amassé des matériaux dont
nous usons encore; lui-même s'était borné à les
annoter sobrement et sûrement.
A la même Jignée appartient le bénédictin alle-
mand Dom Gerbert, dont nous citerons les Mo-
numenta veteris liturgiae alemannicae (Sant-
Blasien 1779).
En France, l'érudition, au début du xviii® siècle,
produisit deux livres d'une valeur durable. En
première ligne, le Tractatus de antiqua Ecclesiae
disciplina in divinis celebrandis officiis (Lyon
1706) de Dom Martene. L'auteur est souvent
comme écrasé par l'abondance des textes; toute-
fois ce regret ne porte que sur le dossier des
pièces justificatives, car l'exposition est, en même
Kemps que d'une admirable richesse d'informa-
ion, d'une ordonnance et d'une clairvoyance qui
ont du livre de Dom Martene un livre avec lequel
m doit compter constamment aujourd'hui encore.
En seconde ligne, je voudrais qu'on range le
Commentaire historique sur le Bréviaire (Paris
1727), traduit en latin peu après (Venise 1734),
du sorbonniste Grancolas. Il doit beaucoup à Dom
Martene; tout de même, il a son érudition propre.
k
IV AVANT-PROPOS
et sa finesse. Il est instructif, même après Dom
Martene.
Au xix^ siècle, la France, si je ne m^abuse, a
donné l'éveil au renouveau des études liturgiques,
comme à plusieurs autres renouveaux. Les Institu-
tions liturgiques (Paris 1840) de D^m Guéranger
ont en cela fait époque. L'histoire de la liturgie au
xvii^ et au xviii^ siècle y est traitée avec force et
avec savoir : cette partie, qui a beaucoup fait pour
l'extermination des Bréviaires gallicans de l'an-
cien régime, est la meilleure des Institutions. On
peut dire aussi sans paradoxe que la Paléogra-
phie musicale de Solesmes et les Mélodies gré-
goriennes de Dom Pothier sont la suite des In-
stitutions liturgiques de Guéranger.
D'autre part, et, en quelque sorte, dans la ligne
directe de Mabillon et de Martene, nous avons eu
Les origines du culte (Paris 1889) de M^"" Du-
chesne. Ce livre offre pour l'histoire de la liturgie
latine avant Charlemagne une classification cri-
tique des sources et des rites d'une sûreté ad-
mirable. Ce qui a trait à l'office divin y est cepen-
dant sacrifié; je n'ose m'en plaindre, car, sans
cette lacune, mon Histoire du Bréviaire romain
n'aurait plus été à faire. On verra de reste, en la
lisant, tout ce que je dois aux Origines du culte
DE LA TROISIEME EDITION
et au Liber pontiflcalis, et la dépendance de ma
méthode envers Al^"" Ducheshe.
Quelques travaux allemands ne sont pas négli-
geables. On ose à peine mentionner Roskovâny,
auteur d'une compilation intitulée De coelibatu
et hreviario en treize volumes, parus à Pesth
entre 1861 et 1888, et dans lesquels ce bon évêque
a jeté pêle-mêle comme dans des tiroirs tous les
documents qu'il rencontrait se rapportant à l'his-
toire du Bréviaire et du célibat. On y peut pui-
ser, à condition de ne pas se fier à l'exactitude
du compilateur. Nous devons à un rédemptoriste,
le P. G. Schober, un travail, d'humble apparence,
mais excellent, intitulé : Explanatio critica
editionis Breviarii romani quae a S. R. C. uti
typica declarata est (Ratisbonne 1891) : l'auteur,
dans son introduction, esquisse un abrégé de
l'histoire du Bréviaire, où pour la première fois
sont mis en lumière les projets de Benoît XIV,
que Guéranger avait ignorés ou laissés dans l'om-
bre. Deux ans après la publication de mon His-
toire du Bréviaire romain (Paris 1893), un béné-
dictin de Beuron, Dom Baeumer, a publié une
Geschichte des Rr évier s (Fribourg 1895), qui,
depuis, a été traduite en français par un béné-
dictin de Farnborough, Dom Biron (Paris 1905).
VI AVANT-PROPOS
C'est là encore une compilation sur le Bréviaire
romain et autour du Bréviaire romain. Je l'ai lue
attentivement, ai-je besoin de le dire? J'y ai trouvé
mainte indication instructive, j'y ai trouvé des
parti pris, j'y ai trouvé à mon adresse personnelle
des critiques parfois de mauvaise humeur, j'ai
tâché de profiter de tout, et je ne veux avoir que
de la gratitude à cet homme excellent, puisque je
lui survis.
Mon Micro logus, je veux dire mon Histoire
du Bréviaire romain, dont la première édition
française avait paru en 1893, la seconde en
1895, et dont une édition anglaise avait été pu-
bliée en 1898, à Londres chez Longmans, par les
soins de M. Baylay, était épuisé en français de-
puis quelques années : on me pressait de divers
côtés de le réimprimer, mais il me fallait pour
cela copier à Rome quelques documents d'archi-
ves, pousser l'étude des Bréviaires manuscrits,
reviser avec un soin extrême la documentation de
mon livre. Je me mis au travail en 1904, puis
d'autres tâches vinrent à la traverse, et des sou-
cis plus pressants. Cette nouvelle édition parait
donc après sept années de métier.
La bienveillance avec laquelle, voici tantôt
vingt ans, on avait accueilli cette Histoire, tenait
DE LA TROISIÈME EDITION (1911). VII
à l'intérêt que nos lecteurs attachaient au Bré-
viaire lui-même, et au sentiment aussi que nous
avions en commun avec eux, envers ce vieux livre
de la piété romaine. Newman anglican avait pu
dire : « Il y a tant d'excellence et de beauté dans
les offices du Bréviaire, que, si des controversis-
tes romains le présentaient à un protestant comme
le livre des dévotions romaines, ce serait créer
indubitablement un préjugé en faveur de Rome. »
La restauration, dans leur beauté primitive, des
mélodies grégoriennes, nous a fait goûter davan-
tage la vérité de ce sentiment : mais, au delà
de la « cantilène romaine », il y a l'inspiration de
la lettre des répons et des antiennes, il y a l'orga-
nisation delà psalmodie, il y a la pédagogie des
leçons, il y a plus au fond une conception tradi-
tionnelle de la prière publique et de son objet et
de ses sources, il y a une âme, c'est l'âme ro-
maine. A la retrouver et à la comprendre, nous
communions à une piété ancienne que nous devi-
nions et que nous aimions d'instinct. C'est là le
bienfait de toute histoire de la liturgie.
Mes lecteurs m'ont su gré aussi d'avoir tenté
une histoire critique du Bréviaire. Les travaux
des consulteurs de Benoît XIV me dispensaient
d'instituer une sorte de commentaire de crédibilité
VIII AVANT-PROPOS
des légendes ou de légitimité de certaines fêtes :
je n'avais qu'à rapporter le sentiment de ces
consulteurs autorisés entre tous. Par histoire
critique j'entends la méthode qui consiste, étant
donné une institution de l'Église, à rechercher
quels en ont été les états successifs depuis son
origine jusqu'à nos jours, à assigner à chaque
développement sa date, à décrire les péripéties
par lesquelles chaque développement se produit,
s'impose ou s'élimine. Certains âges sont des
âges d'inspiration créatrice, d'autres de cor-
rection et de systématisation, d'autres de pau-
vreté, de décadence, et les âges où l'on restaure
ne sont pas toujours les meilleurs, quand ces res-
taurations procèdent du dédain ou de l'ignorance
de la tradition. Dans une institution comme l'of-
fice divin, où la lex orandi dans ses éléments
formels est seule en jeu, on ne s'attend pas à
ce que l'immobilité soit la loi. On accepte donc
que l'étude en soit rétrospective, qu'elle soit une
discipline franchement historique, et peut-être en
ceci réside l'intérêt supérieur des études liturgi-
ques à l'heure actuelle.
Par là apparaîtra, j'ose penser, l'unité de mes
propres travaux depuis vingt ans, car cette His-
toire du Bréviaire romain a été le prélude d'au-
DE LA TROISIÈME ÉDITION (1911). IX
très recherches, où la même méthode était appli-
quée (servatis sevvandis) à l'histoire d'autres
institutions de l'Église et à la notion même d'E-
glise et de catholicisme. Un jour viendra où le
bénéfice qu'on se félicite de trouver dans une
histoire du Bréviaire, on se félicitera de le trou-
ver dans une histoire des ordinations, par exemple,
ou dans une histoire des origines du dogme de la
Trinité. Et quand on sera unanime à penser de
la sorte, il y aura pour la vérité que le catholi-
cisme possède par tradition héritée des premiers
jours, une singulière plus-value.
Nous n'en sommes encore, à l'heure présente,
qu'à peiner pour assurer ce progrès à venir. Je
devais aux lecteurs qui ont aimé cette Histoire
du Bréviaire romain et qui lui ont pardonné ce
qu'elle avait de prématuré, de la reviser avec un
soin extrême. J'admire, sans en être, hélas, les
gens qui n'ont pas à se corriger, et qui ne font
jamais que du définitif. Pour nous, historiens, si
la courbe des grandes lignes est aisée à tracer,
les détails sont toujours à vérifier, et les détails
sont infinis. Les grandes lignes du livre ont été
maintenues ; les thèses fondamentales fortifiées ;
la justification documentaire contrôlée et enrichie.
Sur plusieurs points, on a atténué les assertions
X AVANT-PROPOS DE LA TROISIEME EDITION (1911).
premières, et volontiers, on mettrait ces correc-
tions-là sous le couvert de ces paroles d'or de
Thomassin : « La plus part des gens aiment un
air décisif, qui donne des résolutions précises sur
toutes les choses qu'on propose, sans qu'il reste
aucun doute dans l'esprit... Ce n'est pas pourtant
la manière dont il faut s'y prendre pour pénétrer
bien avant dans la connoissance de l'ancienne dis-
cipline. Comme c'est un païs éloigné du nostre,
et assez remply de ténèbres, il faut y aller pas à
pas et avec beaucoup de précaution. »
Les premières éditons de ce livre étaient dédiées
à J, B. De Rossi, auprès de qui j'ai travaillé jadis
de 1887 à 1889, à Rome : on ne sera pas surpris
que son nom se lise toujours en première page .
Ce livre juvénile s'est fait dans l'enchantement de
Rome, la Rome de De Rossi et de Léon XIIL Plus
tard, Léon XIII, pensant à une correction nou-
velle du Bréviaire, nomma une commission à la
tête de laquelle il plaça M*^"" Duchesne, et, si les
noms des consulteurs ne furent pas publiés, du
moins j'ai pu connaître l'un de ces noms. De
Rossi n'est plus là! Que du moins le rappel de
son souvenir, ici, témoigne de mon inaltérable fi-
délité à l'esprit qui était le sien.
Paris, 30 septembre 1910.
HISTOIRE
DU
BRÉVIAIRE ROMAIN
CHAPITRE PREMIER
LA GENÈSE DES HEURES.
La distribution de la prière chrétienne entre les
différents temps de la journée a donné naissance aux
« heures » , entre lesquelles on discerne trois cycles :
r le cycle nocturne ; 2° le cycle de tierce, sexte, none ;
3^ le cycle de prime et de compiles. Chacun de ces
cycles a sa date et son origine propres.
Le cycle nocturne a pour élément premier la « vi-
gile », qui se célébrait primitivement dans la nuit du
samedi au dimanche , étant bien entendu que , à la
façon romaine aussi bien que juive de compter, le
jour allait du soir au soir, et que, par conséquent, le
dimanche commençait le samedi soir. D'où vint aux
chrétiens, dès le premier siècle, l'inspiration de se
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 1
1 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
réunir ainsi la nuit pour veiller et prier ensemble ' ?
Les origines de cette vigile dominicale sont fort
obscures.
Les écrivains ecclésiastiques postérieurs ont cepen-
dant cherché à expliquer cette vigile , et voici leur
interprétation. Le « jour du Seigneur » était la com-
mémoraison de la résurrection du Christ et comme
une pâque hebdomadaire. Or la fête chrétienne de
Pâques avait une solennelle vigile (elle était occupée
par la cérémonie du baptême solennel des catéchu-
mènes). On se persuada que, la nuit du samedi saint
au dimanche de Pâques étant celle où le Christ
était sorti du tombeau , ce serait en une pareille nuit
qu'il réapparaîtrait dans le monde, comme l'ange
exterminateur qui, jadis, chez les Juifs, la nuit même
de la première de toutes les Pâques, avait frappé les
premiers-nés de l'Egypte. Cette nuit de Pâques, cette
nuit dont le prophète (croyait-on) avait prédit qu'elle
s'illuminerait comme le jour. Et nox sicut dies illu-
minahitur- ^ il importait de ne point dormir, mais
de veiller et de prier jusqu'à l'aurore, dans l'attente
du passage de Dieu. Et de là était venue l'institution
1. M«'- DucHESNE, Origines du culte- (Paris 1898), p. 219,
l'etrouve cette assemblée de nuit déjà dans la lettre de Pline
relative aux chrétiens. Epistul. X, 96 : « ... Stato die anle
lucein convenire, carmenque Ghristo quasi deo dicere secum
invicem » etc. Mais ce texte peut s'entendre de l'initiation
baptismale. Il reste que les chrétiens auraient célébré au
moins le baptême « ante lucem ». Quant à la réunion eucha-
ristique, son nom de SsTuvov donne lieu de penser qu'elle se
célébrait l'après-midi, passé trois heures (none).
2. Ps. GXXXVIII, 12.
LA GENESE DES HEURES. Ô
de la vigile pascale. Puis la vigile pascale avait en-
fanté la vigile dominicale. C'est ainsi que saint Au-
gustin appelle la vigile pascale « la mère de toutes les
saintes vigiles », et saint Jérôme, après Lactance, ex-
plique la vigile par l'attente du retour du Christ, en
donnant cette explication pour une tradition aposto-
lique ^ .
1. Augustin. Sermo GGXIX : « B. Pauius dicit : ïn mgillis
saepiiis [II Cor. xi, 27] : quanto ergo alacrius in hac vigilia
[paschae] velut matre omnium sanctarum vigiliarum vigilare
(lebemus, in qua totus mundus vigilat? » Prisgillian. Trac-
tât. 6 (édit. ScHEPSS, p. 80) : «... ut dolegatas inpascha Domini-
uigilias imitantes conversantes in ignorantiae noete peruigile
tis ad Deum... » — Hieronym. Comment, in Mat. IV, 25 :
« Traditio ludaeorum est Ghristum média nocte venturum in
similitudinem aegyptii temporis, quando pascha celebratum
est etexterminator venit, etDominus super tabernacula trans-
iit et sanguine agni postes nostrarum l'rontium consecrati
sunt. Unde reor et traditionem apostolicam permansisse ut
in die vigiliarum paschae ante noctis dimidium populos dimit-
tere non liceat, exspectantes adventum Christi. Et postquam
illud tempus transierit securitate praesumpta festum cuncti
aguni diem. Unde et psalmista dicebat : Media nocte siirge-
tiam ad confitendum tibi super iudicia iiistiflcationis tuae. »
Cf. Lactant. Divin, institut. VII, 19; Isidor. Etymolog. VI,
17. — Trace de cette même croyance dans un Pontifical de
Poitiers, ms. conservé maintenant par la Bibliothèque de l'Ar-
senal, à Paris, n" 227, fol. 178, ms. du x^ siècle : « Omni sol-
licitudine procuretur ut gloria in excelsis deo ea nocte
[sancti sabbati] ante^ non incipiatur quam stella appareat in
caelum, ea sciUcet ratione ne populi ante médium noctis ab
ecclesia dimittantur. Si quidem traditio apostolica est média
nocte in huius sacratissimae noctis vigilia Dominum ad iudi-
cium esse venturum... Enimvero sicut veracium personarum
relatione traditur, qui nostro tempore de Hieiusalem adve-
nerunt, hac auctoritate et traditione fidèles populi illic in-
structi, in sabbato vigiliarum paschae in ecclesiam conve-
nientes quasi Dominum excepturi ac velut ad eius iudicium
properaturi, omni devotione et sollicitudine intenti cum silen-
4 HISTOIRE bÙ BREVIAIRE ROMAIN.
Cette explication, pour autant qu'elle dérive la vi-
gile dominicale de la vigile pascale, a pour elle les
analogies liturgiques. A Rome, écrit M^"" Duchesne,
« l'office du samedi saint et de la veille de la Pente-
côte, dans la partie qui précède la bénédiction des
fonts baptismaux, nous a conservé le type des anti-
ques vigiles telles qu'on les célébrait, tous les di-
manches, aux premiers siècles du christianisme »*.
A l'imitation de la vigile pascale, la vigile domini-
cale aurait dû durer toute la nuit pour mériter le
nom qu'on lui donne parfois de Travvu;)^!?^. Pratique-
ment, la vigile dominicale s'ouvrait au chant du coq.
Mais on consacrait à la prière le commencement de
la nuit, l'heure où s'allument les premières lampes :
cette heure s'appelait en grec Xu/^vixov, en latin lucer-
nare. Ce que l'on appellera du nom de vêpres est
l'ouverture de la vigile nocturne : vêpres appartient à
la nuit. Saint Méthodius (f 311) compare la vie des
vierges à une vigile qui, comme toute vigile, aurait
trois moments, dont le premier est la vigile du soir ^.
Saint Ambroise écrit : « Je me pris à méditer le ver-
set que nous avions chanté le soir aux vigiles, vesperi
in ngiliis^ ».
lio et tremore horam in euangelio designatara praestolantur.
Glerus etiam ea nocte cum suo pontifice in ecclesia degens
predictam cum pavore et devotione expectat horam : nec ante
ingrediuntur ad missas quam una ex lampadibus in sepulchro
Domini per angelicara illuminetur administrationem. »
1. Origines, p. 219.
2. Athanas. ^poif. ad Constantium, 25; Apol. de faga^ 24.
3. Method. Sympos. v, 2.
4. Amrros. Epistul. XX-IX, 1.
LA GENESE DES HEURES 5
Le programme des vigiles comportait la lecture
des saintes Écritures \ puis des prières adressées à
Dieu, des chants. La lecture des saintes Ecritures
était un exercice pris aux synagogues juives. Autant
doit-on en dire des prières adressées à Dieu, dont
les synagogues avaient de si beaux modèles, par
exemple le Kaddisch, qui se récitait au service du
matin, et qui remonte peut-être au premier siècle :
le président de l'assemblée prononce la prière ou in-
vocation ou bénédiction, et à chaque demande l'as-
semblée répond Amen ou une doxologie^. La litanie
chrétienne ne sera pas autre chose.
Ce simple Amen, primitif vestige de la liturgie
chrétienne, atteste que cette liturgie est dialoguée ; et
pareillement les acclamations comme In saecula ^,
Le chant fut compris lui aussi comme un dia-
1. Sur la lecture des saintes Écritures, voyez Euseb. De
martyr. Palaestinae, 13, 8,
2. W. BoussET, Die Religion des Judentums (Berlin 1903),
p. 156. Le texte du Kaddisch chez F. E. Warren, The li-
tiirgy and ritiial of the antenicene Church (London 1897),
p. 214-215.
3. Sur l'emploi de l'acclamation Amen, voyez Dom Cabrol,
Dictionnaire d'archéologie chrétienne, art. « Amen ». — Une
autre acclamation liturgique est l'expression : In saecula ou
In saecula saeculorum. Elle est fréquente dans les épîtres du
N. T. et inséparable de Amen. Gai. i, 5; Rom. xi, 36; xvi
27; Phili. iv, 20; Eph. m, 21; I Tim. i, 17 (cf. vi, 16)
II Tim. IV, 18; Ileh. xiir, 21; I Pet. iv, 11; v, 11; Apoc. i, 6
v, 13; VII, 12. Dans lud. 25, on trouve la formule la plus com-
plète. Tertullien, De spectaculis, 25, nous apprend que l'accla-
mation eiç aîûvaç lu altôvoiv était celle dont le public usait dans
les spectacles, par exemple, les combats de gladiateurs, pour
faire une ovation, et Tertullien veut que les chrétiens réser-
vent cette acclamation au Christ-Dieu seul.
b HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
logue. Le nombre des gens qui savaient lire étant
petit, les livres étant rares, le texte des psaumes
étant souvent obscur, la psalmodie n'était point exé-
cutée à l'unisson, mais en solo, par un clerc. Il disait
le psaume sur une mélopée tantôt simple comme
une déclamation, et tantôt plus ornée. L'usage se
partagea entre ces deux genres d'exécution. Au
iv^ siècle, à Alexandrie, saint Athanase voulait que
le lecteur du psaume donnât à sa voix des flexions si
courtes qu'il parût dire plutôt que chanter : « Tarn
modico flexu vocis faciebat sonar e lectorem psalmi,
ut pronuncianti çicinior esset quam canenti » \
Cependant, l'assemblée écoutait en silence le lec-
teur du psaume dire ou chanter le psaume. Mais le
psaume se terminait toujours par une sorte de refrain
ou d'acclamation, que l'assemblée chantait à l'unis-
son, comme dans les litanies. La doxologie Gloria
Patri et Filio et Spiritui sancto est une acclamation
de ce genre.
Au cours du psaume, on prit l'habitude d'intercaler
de semblables refrains, destinés à être repris à l'u-
nisson par l'assemblée, après chaque verset ou cou-
ple de versets^. Ces refrains portaient le nom d'^èxpo-
1. Augustin. Confess. x, 33.
2. Voyez un exemple de cette psalmodie dans le papyrus
gnostique de Bruce (Amélineau, Notice sur le papyrus gnos-
ïique Bruce [Paris 1891], p. 160-170) : « Alors il commença de
chanter un hymne en rendant gloire à son Père : Je te rends
gloire, etc. Alors il fit répondre par trois fois à ses disciples :
Amen, amen, amen. Il dit de nouveau : Je te chanterai un
hymne de louanges, ô Dieu, mon père, car c'est toi, etc. Alors
par trois fois ils dirent ; O Dieu immuable, etc. » Et après
LA GENESE DES HEURES, 7
axi/ia ^ « Je pris ma place au trône, écrit saint Atha-
nase, et ordonnai à un diacre de dire un psaume et
à l'assemblée de répondre : Quoniam in saeculum
misericordia eius'^ ». Et saint Augustin : « Evodius
prit- le psautier et se mit à chanter un psaume auquel
nous répondions, toute la famille ensemble : MiserU
cordiam et iudicium cantabo tibi, Domine^ ». Cette
manière de psalmodier est attestée comme un usage
par TertuUien, vers Fan 200^. Les chrétiens l'avaient
sans doute prise aux Juifs ^.
chaque couplet les disciples reprennent : « O Diou immuable,
telle était ta volonté immuable! »
1. Constitut. apostol. II, 57, 6 : 6 Xaô; xà àxpocrxîxia 07ro<|iaX-
)iiw. Rapprochez Marc. Vita s. Porphyrii Gazensis, 11 {Acta
ss. februarii, t. III, p, 657),
2. Athanas. Apolog. de fiiga, 24. Athanase dit du diacre :
àvaYivcôaxsiv 'i^%\\i.à-^. Il dit du peuple : uTraxoOsiv. Cf. Ioan,
GiiRYsosT. In I Cor. homil. xxxvi, G : ô ^âïXtùy <|yà>Xsi {jlovo;,
xàv uàvxeç OTcy)/waiv, w; èl évbç <rT6(xaTo; ii çwvrj çlpsTat. Notez
bien que les femmes ne prennent pas part au chant à l'église.
Didascalia CCCXVIII Patnim (éd. Batiffol, 1887), p. 18 :
ruvat^t T:aç(xyyy£>leaQoLi èv èxxXvidta \i.r\ XaXstv, jatîte ou[jL«|'àXXetv,
[A^T£ <7uvu7iaxo-j£iv, Si ^ii [xovov ciyàv.
3. Augustin. Confess. ix, 12 : « Psalterium arripuit Evo-
dius et cantare coepit psalmum. Gui respondebamus omnis
domus ». (Remarquez que là où Athanase dit àvaytvwcrxeiv,
Augustin dit cantare). Et encore Enarrat. in psalm. xlvi, 1 :
In hoc psalmo quem cantatum audivinius, cui cantando re-
.>pondimus. » Enarrat. in psalm. xcix, 1 : « Psalmum, fratres,
cum cantaretur audistis. »
4. Tertull. De orat. 27 : « Diligentiores in orando subiun-
gere in orationibus Alléluia soient, et hoc genus psalmos quo-
rum clausulis respondeant qui simul sunt ».
5. PiiiLON cité par Euseb. //. E. ii, 17, 22 : evà; [xexà
pu6[j,ou xo(7(xîu); è7ri4'âXXovTo;, ol Xoiuot xa6' yjor-jxiav àxpoto[xevoi xôiv
uptùv xà àxpoxsXsTjxia (juveIyjxoOsiv. Philon parle des Thérapeu-
tes. Quoi qu'il en soit, l'idée d'intercaler toute prière ou tout
8 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
Dans les communautés monastiques égyptiennes de
la fin du iv^ siècle, au témoignage de Jean Gassien, on
était resté fidèle à la plus sévère, à la plus ancienne
forme de la psalmodie. L'office, tant le vespéral que
le nocturne , consistait à exécuter douze psaumes ' .
Et ce nombre douze paraît bien anciennement fixé,
puisque les Egyptiens aimaient à dire que la fixation
en remontait au temps de saint Marc, leur premier
évêque, et qu'elle avait été révélée par un ange du
ciel. Ces douze psaumes étaient exécutés en solo par
un lecteur, ou plutôt par quatre lecteurs qui se re-
layaient, chacun d'eux ne devant pas avoir plus de
trois psaumes à exécuter à la suite ^. Quand le psaume
était long, chaque dix ou douze versets on faisait une
courte pause, pour favoriser la méditation : « Non
eniin midtitudine versuum, sed mentis intellegentia
delectantur. » Aucune doxologie à la fin du psaume,
mais simplement une oraison^. Puis on passait à la
discours chrétien de doxologies, remonte à la première heure
du christianisme. Voyez I Clem. xxxviii, 4; xliii, 6; l, 7;
LViii, 2; LXi, 3; lxiv.
1. Gassian. Institut, coenob. u, 5 : « Unus in médium psal-
mos Domino cantaturus exsurgit. Gumque sedentibus cunctis,
ut est moris nunc usque in Aegypti partibus, et in psallentis
verba omni cordis intentione defixis, undecim psalmos oratio-
num interjectione distinctos contiguis versibus parili pronun-
iiatione décantasse t, duodecimum sub alleluiae responsione
consummans... caerimoniis finem imponit. »
2. In. 11.
3. II). 8 : « Illud etiam quod in hac provincia (à Marseille)
vidimus, ut uno cantante in clausula psalmi omnes adstan-
tes concluant cum clamore Gloria Patri et Filio et Spirifui
sancto, nusquam per omnem Orientem audivimus, sed cum
omnium silentio ab eo qui cantat finito psalmo orationem
LA GENESE DES HEURES. \3
lecture qui comprenait deux leçons, l'une de l'Ancien
Testament, l'autre du Nouveau, tous les jours, sauf le
samedi et le dimanche où elles étaient l'une et l'autre
du Nouveau Testament ^ Les moines restaient tout le
temps de la psalmodie et des leçons dans un silence
absolu : on n'entendait qu'une voix, on eût pu croire
qu'il n'y avait qu'une âme, si tendue était l'attention
de l'assemblée ^.
Jusqu'ici nous avons parlé de psaumes et de psal-
modie comme s'il s'agissait exclusivement des psau-
mes de l'Ancien Testament. Mais il n'est pas douteux
que, au iv® siècle, le Glor^ia in excelsis était compté
comme un des psaumes de l'office matinal ^. De
même, on comptait parmi les psaumes de vêpres le
petit hymne que voici '* :
Nous te louons, nous te chantons, nous te bénissons pour
ta grande gloire. Seigneur roi. Père du Christ l'agneau im-
maculé qui efface le nér.hé du monde^ A toi, la louange, à
toi, l'hymne, à toi, la gloire, à toi, qui es Dieu et Père, par le
Fils d.ms le saint Esprit, dans les siècles des siècles. Amen.
succedere ; hac vero glorificatione Trinitatis tantummodo so-
lere antiphona terminari. »
1. Id. 6. — 2. Id. 10.
3. Pseudo-Athanas. De virginilate, 20 (éd. Von der Goltz,
1905, p. 55); Constitut. apostol. vu, 47 (éd. Funk, p. 455).
4. Constitut. apostol. vu, 48 (Funk, p. 457). Voir les notes
de Funk sur les deux passages. — Observer que la doxologie
Gloria Patii per Filium in Spiritu sancto est une formule plus
ancienne que Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. Philo -
STORG. H. E. m, 13; Theodoret. //. E. ii, 19; Basil. De Spi-
ritu sancto, 3.
•'as.
10 HISTOIRE DU BRKVIAIIÎE ROMAIN.
Ces deux chants sont deux raretés eucologiques.
On en rapprochera un ^troisième chant, qui est
attesté par saint Basile ' comme un psaume pour
Faction de grâces du lucernaire ou de vêpres, et qui
était, assure-t-il, très populaire et très ancien :
Lumière joyeuse de la sainte gloire de l'immortel Père cé-
leste et saint, béni Jésus Christ ! Nous voici au coucher du
soleil; la lumière du soir s'allume. Nous chantons le Père et
le Fils et le saint Esprit de Dieu. Il est digne en toute occa-
sion que tu sois chanté par des voix saintes, Fils de Dieu, o
toi qui donnes la vie. Et voilà pourquoi le monde te glorifie-.
C'est ce qu'on appelait des « psaumes privés ». Ces
sortes de psaumes avaient été au ii® et au m® siècle
en grande faveur tant chez les catholiques que chez
les hérétiques. Dans un fragment d'un traité anonyme
romain Contre l'hérésie d'Artémon cité par Eusèbe,
le controversiste oppose aux nouveautés unitaires de
cet hérésiarque de la fin du second siècle l'autorité
des papes Victor et Zéphyrin qui l'ont condamné, celle
de saint Justin, de saint Clément, de saint Irénée, de
Méliton, qui ont si nettement affirmé la divinité du
Christ, «... et tant de psaumes et de chants chrétiens,
composés depuis l'origine [de l'Église] par des fidè-
les, et qui célèbrent le Christ Verbe de Dieu en le
1. Basil. De Spiritu sancto, 73,
2. Le texte grec dans Christ et Paranikas, Anthologia
graeca carminum chrisUanorum (Leipzig 1871), p. 40, Je ne
vois pas que du texte de saint Basile on soit en droit de
conclure que ce petit psaume <I>to; IXapbv àyiaç ôô^ç soit
l'hymne d'Athénogène.
LA GENÈSE DES HEURES. 11
proclamant Dieu lui-même ^ ». Paul de Samosate, qui
l'ut évêque d'Antioche de 260 à 270, avait supprimé
dans l'Eglise d'Antioche « les psaumes qui s'y chan-
taient en l'honneur de Notre Seigneur Jésus Christ ».
Ainsi s'expriment les évêques dans la sentence de dé-
position de Paul de Samosate. Et quel prétexte celui-ci
avait-il mis en avant pour autoriser cette suppres-
sion? C'est que ces psaumes n'étaient point les vieux
psaumes davidiques : « Ils étaient nouveaux et l'œu-
vre d'hommes nouveaux 2. »
Il s'est conservé dans un papyrus de la collection
de l'archiduc Rainer une composition de ce genre
qui vient d'Egypte, et date des premières années du
iv° siècle. C'est une façon de psaume avec sa doxolo-
gie destinée à être reprise par l'unisson des fidèles.
0 toi qui es né à Bethléhem, et qui as habité à Nazareth
en Galilée, nous avons vu le signe dans le ciel.
L'astre a paru, et les bergers, qui passaient la nuit dans
les pâturages, ont été saisis de surprise. Et, tombant à genoux,
ils ont dit :
Gloire au Père, alléluia. Gloire au Fils et au Saint-Esprit,
alléluia, alléluia, alléluia -^
On connaît les noms de quelques auteurs de psau-
mes nouveaux de cette sorte. Athénogène, un martyr
1. EusEU. //. E. V, 28, 5 : i};aXji.oi xal (oôai.
2. EuSEB. //. E. VII, 30, 10. Le document cité ajoute que
Paul avait substitué aux psaumes composés à la louange du
(^.hrist, des psaumes composés à sa propre louange et qu'il
faisait chanter par des femmes : èv (xédYi tîq èxx^ridta ^i/aXfAtoosîv
i\ yuvatxaç ';rapaox£-jàÇa>v. Or nous savons 'qu'on ne tolérait pas^
nies voix de femmes dans les assemblées chrétiennes. •«^
\\ 3. Le texte grec dans Harnagk, Geschichte der allchr. LUI.
12 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
du temps de Septime Sévère, était auteur d'un psaume
célèbre encore au iv*' siècle pour l'expression remar-
quable qu'y trouvait la foi au saint Esprit \ Au té-
moignage du fragment de Muratori, Marcion avait,
dès la seconde moitié du ii^ siècle, mis en circulation
un Liber psalmo?mm de sa façon. Saint Denys d'A-
lexandrie (f 265) parle avec éloge des « nombreux
psaumes si chers encore à tant de fidèles », qu'avait
composés un évêque égyptien de la première moitié du
m'' siècle, Népos ^. Valentin, le grand gnostique ro-
main du milieu du second siècle, avait aussi composé
des psaumes que Tertullien a connus^. Bardesane,
vers 200, était l'auteur d'un recueil de cent cinquante
psaumes, très répandus dans les Eglises de langue
syriaque : c'était tout un psautier^.
Une poésie lyrique chrétienne originale s'épanouit
ainsi au second et au troisième siècle. Au iv® siècle,
les Donatistes et les Ariens se servirent de pareils
psaumes pour propager leurs doctrines : Arius avait
composé sur des airs nouveaux des « cantiques de
marins», des « cantiques de voyageurs», qui « in-
sinuaient son impiété dans les cœurs simples par le
charme de leur musique •* ». C'en fut assez pour dé-
(1893), t. I, p. 467, et dans Dom Leglercq, art. « Anlipho-
iiaire », du Dicl. arch. chréù. t. I, p. 2441-3, qui donne de ce
texte un commentaire très intéressant.
1. Basil. De Spiritu sancto, 73.
2. EusEB. H. E. VII, 24, 4 : TcoXXyj; d-aXfjLwSîaç.
3. Tertull. Da carne Chi'isti, xvii, 20. Cf. Philosophiim.
VI, 37 et surtout v, 1.
4. SOZOM. //. E. III, 16.
5. SOGRAT. H. E. VI, 8; Philostorg. //. E. II, 2.
LA GENESE DES HEURES
courager l'Église catholique qui se résolut à s'en te-
nir aux seuls « psaumes de David ». Jamais les
hymnes métriques de saint Grégoire de Nazianze ni
de Synésius n'ont eu les honneurs de la liturgie. Dès
cette époque, la seconde moitié du i\° siècle, les
psalmi idiotici ou « psaumes privés » étaient éli-
minés de l'usage liturgique catholique. Mais ils n'ont
point entièrement péri. Le beau psaume du soir, « Lu-
mière joyeuse... », fait encore partie de l'office ca-
nonique de l'Eglise grecque. Le psaume du matin,
Gloria in excelsis, éliminé de l'office de laudes, a
trouvé, dès avant le vi*^ siècle, une place dans Vordo
romain de la messe.
L'office vigilial, qui avait été à l'origine propre à
la solennité du dimanche, fut introduit de bonne heure
dans la solennité des fêtes de martyrs : chaque anni-
versaire de martyr fut solennisé comme le jour du
Seigneur par une synaxe liturgique précédée d'une
vigile. L'antiquité de ces anniversaires est attestée
par un document de Tan 155, la lettre encyclique
des fidèles de Smyrne annonçant le martyre de leur
évêque saint Polycarpe : on y trouve exprimée déjà
comme un usage la pensée de célébrer le natale du
martyr par une réunion des fidèles au lieu même où
repose son corps '. C'est ce même usage auquel fait
allusion le récit de la passion de saint Cyprien :
Cyprien emprisonné dans la demeure du gouverneur,
1. Martyviiim Polycarpi, xviit, 3 (éd. Funk, p. 3.36).
14 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
le peuple chrétien a attendu toute la nuit devant la
porte : « ... ante fores principis excuhahat ». C'était
comme une vigile anticipée : « Concessit eitunc dwina
bonitas vere digno, ut Dei populus etiam in sacer-
dotis passions çigilaret^ ». L'auteur de la passion
de saint Saturnin de Toulouse formule cet usage en
termes excellents quand il écrit : « L'anniversaire
des jours où les martyrs ont été couronnés dans le
ciel, nous les solennisons par des vigiles et par la
messe : lllos dies, quibus in doniinici nominis confes-
sione luctantes, beatoque obitu regnis caelestibus re-
nascentes ... coronantnr, çigiliis hymnis ac sacra-
mentis etiam solemnibus honoramus ^. » Ces vigiles
des martyrs ne se célébraient pas dans les églises
urbaines, mais hors les murs, dans le cimetière où
le martyr était enterré ^.
Enfin les dimanches et les anniversaires des mar-
tyrs n'étaient pas les seules solennités qui, dans l'an-
cienne Eglise, eussent leurs vigiles, « nocturnae con-
s>ocationes », comme les appelle Tertullien ^ : il s'y
était ajouté de bonne heure les jours de station. De
1. Pont. Vita Cypriani, 15.
2. RuiNART, Acta sincera, p. 109. Cf. Concil. carthag. III
(anno 397), can. 47 : « Liceat legi passiones martyrum, cum
anniversarii dies eomm celebrantur » (Mansi, t. III, p. 891).
3. CoNSïANTiNi IMP. EpistuL dans Euseb. Vita Const. ii, 40 :
Toùç TOTTOuç oï Toîç awtxaat Tûv {jLapTupwv'teT({xyivTai. Cf. ibid. IV, 23
et H. E. VII, 11, 11 et 13, 3.
4. Tertull. Ad uxorem, ii, 4. Tertullien suppose le mari
païen d'une femme chrétienne : « Quis sinat coniugem suam...
circuire? Quis nocturnis convocationibus, si ita oportuerit, a
latere suo adimi libenter feret? Quis denique solemnibus
paschae abnoctantem securus sustinebit? » Tertullien dit ail-
leurs « coetus antelucani ». Apologet. 2.
LA (GENÈSE DES HEURES. 15
même que les Juifs jeûnaient « deux fois par sabbat »,
les chrétiens jeûnaient deux fois par semaine : la Di-
dache^ à la fin du premier siècle, mentionne déjà ces
deux jours de jeûne; le Pasteur d'Hermas, vers Fan
140, en parle aussi en leur donnant pour la première
fois le nom de station (ffjj^yj^). Au troisième siècle,
les stations du mercredi et du vendredi étaient dans
l'usage catholique ^ Or une station n'allait pas sans
une vigile. Ce fut pendant une vigile de vendredi
que saint Athanase fut attaqué dans Féglise de Théo-
nas, la nuit du 8 au 9 février 356^.
II
Vigiles dominicales, vigiles cimitériales , vigiles
stationales, on ne trouve pas trace d'autres assem-
blées eucologiques publiques dans la littérature des
trois premiers siècles.
Nous disons prières publiques. Car assurément les
vigiles dominicales, stationales et cimitériales n'é-
taient qu'une partie de la prière chrétienne : c'était la
prière solennelle, en commun, présidée par l'évêque
et ses clercs. Chaque fidèle, dans le recueillement de
sa demeure, était libre et même requis de prier.' La
prière privée comptait au moins une prière du matin
et une prière du soir. Tertullien en parle comme d'un
1. Doctv. apost. VIII, 1. Herm. Similitud. v, 1 et 2. Ter-
TULL. De ieiiin. 14. Ad uxorem, ii, 4. De oratione, 19.
2. Athanas. Apologia de fiiga, 24 : Nù? [xèv yàp y^ôyi ^v, xal
Toû XaoO xiveç èuavvuxiîîov upoffSoxa)(Aévyi; auvà^etoç : des fidèles
passaient à veiller la nuit qui précédait la synaxe.
16 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
devoir naturel : « Omni die guis dubitet prosternere
se Deo çel prima saltem oratione qua lucem ingredi-
mur? » Il en parle comme d'exercices auxquels on ne
peut se dérober : « ... legitimis orationihus, quae sine
ulla admonitione debentar ingressu lucis et noctis » ^.
Nous verrons que les fidèles avaient le zèle d'y ajouter
parfois une prière à la troisième, à la sixième et à la
neuvième heure du jour. Mais tous ces exercices étaient
purement privés, et distincts des séances qui réunis-
saient la communauté des fidèles dans une église ur-
baine, ou, hors les murs, sur une tombe de martyrs,
pour la solennité d'une vigile.
Ainsi en fut-il jusqu'au iv^ siècle. Mais maintenant
ce service public de la prière va changer. L'ère cons-
tantinienne s'ouvre, des conditions matérielles et so-
ciales nouvelles vont produire dans la liturgie des
développements nouveaux.
Le iv^ siècle, en effet, voit naître une architecture
ecclésiastique. Le cadre étroit et pauvre où s'est si
longtemps resserré le culte chrétien, dans l'exiguïté
des églises anciennes, — telle celle du mont Sion à
Jérusalem, ou le vieux Saint-Théonas à Alexandrie,
ou Saint-Théophile à Antioche, — ce cadre s'élargit
soudain dans la magnificence des basiliques constan-
tiniennes : ainsi la Basilica aurea de Saint-Jean de
Latran, ainsi le Dominicum d'Alexandrie, ainsi l'A-
nastasis de Jérusalem, ainsi les Saints-Apôtres de
Constantinople, et tant d'autres. Quelle joie religieuse
ces beaux édifices devaient verser dans Tâme des
1. De oratione, 23 et 25.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 49
L'histoire des heures à Rome s'éclaire seulement à
la fm du iv*" siècle ^ Pour saint Jérôme, l'observance
de tierce, de sexte, de none, et tout autant de la psal-
modie du lucernaire et de la psalmodie matinale,
est, dans la vie d'une romaine comme Paula, comme
Eustochium, comme Laeta, un exercice privé et in-
dividuel. Dans la solitude recueillie de la demeure
maternelle, la fille de Laeta pratique ces exercices, en
compagnie de la « ^irgo veterana » , nous dirions de
l'institutrice, qui ne la quitte pas : « Assiiescat ad
oratlones et psalmos nocte consurgere, mane hyinnos
canere, tertia, sexta, nona hora stare in acte quasi
bellatricem Christi, accensaque lucernula reddere
sacriflcium s>espertinum'^ ». En dehors des messes,
1. Les Canons dits de saint Hippolyte que, voici une quin-
zaine d'années, on croyait pouvoir citer comme un document
disciplinaire romain contemporain de TertulHen, ont, depuis,
donné lieu à trop de doutes sur leur date, sur leur lieu d'ori-
gine, sur leurs sources, pour qu'il y ait aujourd'hui prudence
à les citer en témoignage des usages liturgiques proprement
romains. Nous ne leur emprunterons pas un seul trait. Obser-
vons toutefois que l'état liturgique qu'ils attestent est un état
arcliaïque, qui, dans ses grandes lignes, répond bien à l'état
antérieur à la paix constantinienne. Ms"" Duchesne, Origines
du culte, p. 504-521, reproduit la version qu'en a donnée Dom
Haneberg d'après l'arabe. Un texte meilleur (en allemand) est
donné par W. Riedel, Die Kirchenrechtsquellen des Patriar-
chats Alexandrien (Leipzig 1900), p. 193-230.
2. Hieronym. Epistul. cvii, 9, à Laeta. Voyez aussi xxir, 37,
à Eustochium. — Comparez ce qu'écrit Pelage, en 414, à la
vierge Démétriade retirée à Rome : « Débet aliquis esse deter-
histoire du bréviaire romain. 4
oO HISTOIIIE DU BRKVIAinE ROMAIN.
il n'y a point d'autre office public auquel elle ait à
assister qu'aux vigiles K
Mais à ces vigiles solennelles des dimanches et des
stations, qui se célèbrent dans telle ou telle église,
tous les fidèles se transportent. La foule est considé-
rable, l'attraction énorme, et quelquefois le désordre
regrettable 2. Saint Jérôme recommande à Laeta de
ne point permettre à sa fille d'y aller sans elle ; il lui
prescrit de l'y tenir toujours à ses côtés : « Vigiliarum
minatus et constitutus horarum numerus... Optimum est ergo
huic operi matutinum deputari tempus,... usqiie ad horam ter-
tiam... In secretiori domus parte ora clause cubiculo tuo. »
Epistul. ad Demetriad. 23 {P. L. XXXIII, 1115). — Rappro-
chez Vita S. Melaniae iunioris, 47 (éd. Rampolla, 1905, p. 26) :
« Regulam vero nocturnis temporibus hanc instituerat, ut sine
intermissione complerentur tria responsoria, très lectiones et,
cum matutini fièrent, quindecim antiphonae ». Par responsoria
on peut entendre des psaumes chantés en solo, et par anti-
phonae des psaumes chantés à l'unisson et à deux chœurs.
Mélanie célèbre en outre tierce, sexte, none et Vhora lucer-
naria. Plus loin, 64 (p. 37) : « Gonsuetudo erat ei per vigilias
sanctorum quinque légère lectiones ». Ainsi pour la vigile
de saint Etienne, elle fait lire le récit de l'invention des
reliques du saint, et tire des Actes des apôtres le récit de
sa passion. — On remarquera que pour les heures, l'ordre
suivi par Mélanie à Jérusalem est le même qu'indique Jé-
rôme. Le card. Rampolla, p. 262, conjecture qu'elle suivait
à Jérusalem l'usage pratiqué par elle à Rome.
1. Cf. Vita S. Melan. iun. 5 (éd. Rampolla, p. 5) : « Occasio
evenit ut dies solemniset commemoratio sanctiLaurentii mar-
tyris ageretur. Beatissima vero fervens spiritu desiderabat ire
et in sancti martyris basilica pervigilem celebrare noctem ; sed
non permittitur a parentibus, eo quod nimis tenera et delicati
corporis hune laborem vigiliarum ferre non posset. Atilla ti-
mens parentes et desiderans placere Deo, permansit tota nocte
vigilans in oratorio domus suae. »
2. HiERONVM. Contra Vigilant. 7.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 51
dies et soleinnes pernoctationes sic virguncula nostra
celehret, ut ne transverso quidem ungue a matre dis^
cedatK » Il justifierait, en parlant ainsi, Vigilantius,
qui avait demandé la suppression de roffice nocturne
des vigiles, à cause des scandales auxquels il donnait
lieu. Mais c'eût été faire là une concession bien vaine
à la malice de quelques libertins, « culpa iuvenuni
vilissUnarumque mulieriun ^ ».
Il ne faudrait cependant point croire que les vigiles
solennelles romaines de la fin du iv*' siècle, si fré-
quentées fussent-elles, eussent le même attrait que
les vigiles qui se célébraient ailleurs quotidiennement,
par exemple, à Constantinople du temps do saint
Jean Glirysostome, ou à Milan du temps de saint Am-
broise. La musique grecque, ce « canendi mos orien-
taliuni partium » , comme disait saint Augustin parlant
des vigiles ambrosiennes, ce ce melos cantilenarum »
qui donnait un charme si émouvant à l'office noc-
turne quotidien des basiliques milanaises, était une
innovation inconnue à Rome. A l'époque du pape
Damase et de saint Jérôme, aucune trace à Rome
de la psalmodie à deux chœurs : rien, semble-t-il,
que des psalmi responsorii, des psaumes exécutés
comme des litanies.
C'était à des diacres que revenait la charge d'exé-
cuter ainsi les psaumes. Plusieurs inscriptions men-
tionnent dans des épitaphes de diacres le succès qu'ils
avaient dans ce genre de ministère. Ainsi celle du
1. Id. Epistul. cvii, 9.
2. Id. Contra Vigilant. 9.
52 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
diacre Redemptus, inscription damasienne du cime-
tière de Calliste :
... Redemptum
levitam i subito rapiiit sibi regia caeli :
diilcia nectareo promebat mella canore,
prophetam celebrans placido modulamine senem :
haec fuit insontis vitae laudata inventas^.
Le vieux prophète dont il est question ici n'est autre
que David, auteur des psaumes.
Hic levilarum primus in ordine virens
davidici cantor carminis iste fuit^,
dit l'inscription d'un autre diacre, contemporain
de Redemptus. Le chant des psaumes davidiques
était, du temps de Damase, exécuté en solo par les
diacres romains, et selon une méthode assez sévère
1. Le mot levita, dans la langue de Damase et de .Jérôme,
désigne toujours le diacre. Hieronym. Epislul. gxlvi, 2.
Voyez l'épitaphe damasienne du diacre Florentins. De Rossi,
Jnscriptiones, t. II, p. 92.
2. De Rossi, Roma sotterranea, t. III (1877), p. 239.
3. Id. ibid. p. 242. — Saint Jérôme, qui n'avait pas plus
de tendresse pour les prêtres que pour les diacres de Rome,
donne à entendre que l'art de ces derniers prêtait à des cri-
tiques comme les épitaphes n'ont pas l'habitude d'en énoncer :
(( ... Nec in tragoedorum modum guttur et fauces dulci medi-
camine colliniendas, ut in ecclesia théâtrales moduli audian-
tur. » IIiERONYM. loc. cit. Cf. NiCETAS Remes. De bono psal-
inodiae, 13 (éd. Burn, p. 80) : « Sonus etiam vel melodia
consentiens sanctae religioni psallatur, non quae tragicas dif-
ficultates exclamet, sed quae in nobis veram christianitalem
demonstret, non quae aliquid théâtrale redoleat sed com-
punctionem peccatorum faciat ».
LÈS ORIGINES DE L OFFICE ROMAIN. 53
pour être qualifiée de « modiilamen placidum^ ».
Ainsi, rÉglise romaine se montre, vers l'an 400,
sensiblement en retard sur les autres Églises; elle a
été longtemps fermée à l'influence du monachisme^,
puis le clergé romain était attaché plus qu'aucun au-
tre à ses usages liturgiques : la correction du psautier
exécutée par Jérôme [a. 383), à la demande du pape
Damase, trouva dans ce clergé une opposition très
vive, et l'on sait à quelles injures s'élevait à ce sujet
la verve de Jérôme. On n'a donc pas lieu de s'étonner
que, en ces matières liturgiques, Rome ait été long-
temps une Eglise plus archaïsante qu'aucune autre.
A quelle époque le « canendi mos orientalium par-
tium », ou psalmodie chorale antiphonée, pënétra-t-il
à Rome? On ne saurait le déterminer avec précision.
Le Liber pontificalis semble attribuer cette innova-
tion au pape Célestin (422-432) : ce pape, y est-il dit,
fit chanter les cent cinquante psaumes de David avant
le sacrifice de la messe, usage inconnu avant lui. La
seconde édition du Liber ajoute que ce chant institué
1. De Rossi, Inscriptiones chrisUanae, t. II (1888), p. 450 :
« Anonymus in codice Goloniensi 45, fol. 17, cecinit de Davide :
Myslica dulcisonis depromil carmina fibris...
reddens mellifluum dulci modulamine cantum. »
Citons encore les vers qui servent de prologue à des psau-
tiers carolingiens (ibid. p. 449) :
Psallere qui dociiit dulci modulamine sanctus"-
2. Voyez cependant Augustin. De moribus Eccl. cath. i, 33.
Gard. Rampolla, Sancta Mèlatiict giutiiore senatrice romana
(Rome 1905), p. 155.
54 HISTOIHE DU BRÉVIAIRE IlOMAtN.
par Célestin était le chant antiphoné ^ . La psalmodie
chorale passait donc à Rome, au vi^ siècle (vers 530),
pour une institution du pape Célestin. L'indice tardil"
fourni par le Liber est en somme très léger, et je
m'y arrête d'autant moins que ce malheureux texte a
prêté aux interprétations les plus contradictoires^.
1. A. P. t. I, p. 230 : « ... Conslituil ut psalmi Darid (X
aiite sacriflcium psalli antephanatim ex omnibus, quod aille
non flebat. )>
Cette même seconde édition du Liber interpole dans la
notice du pape Damase les lignes que voici : « Gonstituit ut
psalmos die noctuque canerentur per omncs ccclesias, qui
hoc praecepit presbiteris vel episcopis aut monasteriis. »
M-"" Duchesne (t. I, p. 215) croit que cette interpolation e^i
due à l'influence de la correspondance aix)cryphe soi-disant
échangée entre Jérôme et Damase. Je le crois aussi, et peut-
être cette correspondance a-t-elle compté une pièce de plus,
une lettre de Damase adressée « presbiteris, episcopis, mona-
steriis )), perdue.
La correspondance apocryphe de Damase et de Jérôme
compte deux lettres. La première est de Damase (Jaffé, 242:
p. L. XIII, 440), demandant à Jérôme, supposé être alors à
Jérusalem, de lui faire connaître la « Graecoriim psallentiam )>,
parce que, à Rome, on en est encore à lire le dimanche une
épître de l'apôtre et un chapitre d'évangile « et nec psallen-
tium mos (onetur nec hymni decus in ore nostro cognosci-
tur ». — Jérôme (7^. L. XXX, 294-295) répond à Damase qu'il
a traduit pour lui le psautier sur les Septante « propter fa-
stidium Romanorum ». Il ajoute : « Precatur ergo cliens tuus
ut vox ista psallentium in sede romana die noctuque canatur.
et ut in fine cuiusque psalmi, sive matutinis horis sive ve-
spertinis, coniungi praecipiat apostolatus tui ordo : Gloria Pa-
tri. » Jérôme demande enfin que, aux heures de nuit, on use
comme répons de VuUeluia, « ut in omni loco communiler
respondeatur nocturnis temporibus ».
Ces deux lettres apocryphes sont antérieures à la rédaction
du Liber (vers 530), mais pas de beaucoup, croirais-je.
2. Je ne pense pas qu'on puisse dire avec M" Duchesne
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 55
On doit attacher plus d'intérêt à l'établissement
des vigiles quotidiennes. Avec saint Jérôme à la fin
du iv^ siècle, il n'était question encore que de vigiles
dominicales et stationales (festivae dies). Mais les
jours ordinaires, ceux qu'on appelait au v^ siècle jours
privés [privatae dies)^ ne comportaient point jusque-
là de vigiles. Et c'est seulement au cours du v^ siè-
cle qu'à Rome ils commencèrent d'en avoir. La plus
ancienne attestation qu'on ait de vigiles quotidiennes
à Rome est dans la règle de saint Benoît. Ayant à
déterminer le programme des vigiles des privatae
dies^ saint Benoît prescrit d'y chanter chaque jour
un des cantiques de l'Ancien Testament, « ainsi, dit-
il, que fait l'Eglise romaine, céleris diebus canticum
uniunquemque die siio ex prophetis, sicut psallit Ec-
clesia romana, dicantur • ». D'où nous inférons qu'à
la fin du v^ siècle l'Église romaine avait un office
canonique quotidien, en d'autres termes, des vigiles
pour les jours privés. L'Église romaine venait tard
au régime adopté depuis le siècle précédent à Jéru-
salem, à Antioche, à Constantinople, à Milan. Cette
nouveauté ne laissait pourtant pas que de s'adapter
sans effort aux usages romains antérieurs. Les vigiles
stationales, en effet, étaient coordonnées à la messe
stationale : ensemble elles se célébraient dans une
basilique désignée, toute l'Église étant censée y
(L. P. 1. 1, p. 231) : (( ILfaut voir ici le conmiencement de ce que
nous appelons l'office divin». Car la réforme attribuée à Gé-
lestin vise une psalmodie qui fait corps avec la liturgie de la
messe.
1. RegiiL 13 (éd. WoelfFltx, 1895, p. 26).
56 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
prendre part, pape, clergé, fidèles \ Les vigiles quo-
tidiennes, au contraire, se coordonnaient à la messe
privée célébrée dans chaque titre presbytéral; et
de même que la messe privée était célébrée par le
prêtre du titre assisté seulement de ses acolytes, et
qu'elle n'avait qu'une assistance privée, — quelques
fidèles du quartier ou des pèlerins, — ainsi la vigile
quotidienne était célébrée dans chaque titre presby-
téral par les seuls clercs attachés au titre, et elle
n'avait pour assistance que les laïcs de bonne vo-
lonté.
Ces vigiles quotidiennes, instituées au v*' siècle,
vont constituer longtemps le principal de l'office des
clercs romains. Appliquons-nous à relever le peu de
traces qu'elles ont laissées dans l'histoire et dans
le droit.
Le Liber poiitificalis rapporte que le pape Hormis-
das (514-523) « composuit clerum et psalmis erudi-
çit^ ». S'il s'était agi de former les clercs à la con-
naissance des saintes lettres, on n'aurait point parlé
seulement de psaumes. 11 s'agit ici de psaumes à
chanter. Cette exécution du chant des psaumes est
donc un devoir auquel il est nécessaire de former ou
même de ramener le clergé, erudwit... composuit.
Il est permis de voir dans ces efforts du pape Hor-
1. S. Léo. Episliil. ix 2 (Jaffé, 406) : « Cum solemnior
quaeque festivitas conventum populi numerosioris indixerit,
et ea fidelium multitudo convenerit quam recipere basilica
simul una non possit, sacriflcii oblatio indubitanter itcre-
tur... »
2. L. P. t. I, p., 269.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 57
misdas le même dessein qu'exprime, à la même épo-
que, l'empereur Justinien dans sa loi de 528, quand
il rappelle les clercs au devoir de psalmodier quo-
tidiennement les vigiles dans l'église à laquelle ils
sont attachés.
Une formule autrement précise du même devoir
apparaît dans un fragment de décrétale incorporé
par Gratien : elle porte, selon les manuscrits, tan-
tôt le nom du pape Gélase, tantôt le nom d'un pape
Pelage. En réalité, on ne sait à qui l'attribuer sû-
rement, mais on sera d'accord pour y voir un texte
canonique, contemporain de Justinien, ou de peu
postérieur. Qu'y lisons-nous? Un évêque suburbicaire
a promis au Saint-Siège de faire célébrer dans son
église par ses clercs l'office des vigiles quotidiennes.
Les clercs, trouvant l'obligation trop onéreuse, ne se
sont point rendus à l'invitation de leur évêque. Ce-
lui-ci en réfère au pape, lequel enjoint à l'évêque de
rappeler, par tous les moyens en son pouvoir, ses
clercs à leur devoir liturgique, qu'il définit : « ... ut
cottidianis diebus vigiliae celebrentur in ecclesia ^ ».
On voudrait connaître le programme de ces vigiles
quotidiennes qui étaient ainsi au v^ au vi^ siècle.
1. Friedberg, t. I, p. 316 : « Eleuterius frater et coepisco-
pus noster queritur, clericos suos sibi contra canones super-
bire, et id, quod nobis iubentibus facta in scrinio cautione
promisit, ut cottidianis diebus vigiliae in eius celebrentur
ecclesia, illis contempnentibus inplere non posse, sed magis
unumquemque suis (postposito ecclesiae servitio) vacare ne-
gotiis. Et ideo experientia tua eos, qu'os tibi esse ostenderit
contumaces, débita obiurgatione conpesce, et modis omnibus
vigiliis vacare coupelle. »
58 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
tout l'office des clercs romains. Un document, étroi-
tement apparenté au fragment de décrétale que je
viens de citer, va nous l'apprendre. C'est une for-
mule du Liber diurnus, la formule même de cette pro-
messe ou caution que les évêques suburbicaires don-
naient au pape, en recevant de lui leur consécration :
cette formule décrit l'office liturgique auquel les
évêques suburbicaires s'engagent en leur nom et
au nom de leurs clercs. C'est le plus ancien ordo que
nous possédions de l'office romain.
lUud etiam prae omnibus spondeo atque promitto me omni
tempore per singulos dies, a primo gallo usque mane, cum
omni ordine clericorum meorum vigilias in ecclesia celebrare,
ita ut minoris quidem noctis, id est a pascha usque ad ae-
quinoctium XXIV" die mensis septembris, très lectiones et
très antiphonae atque très responsorii dicantur; ab hoc vero
aequinoctio usque ad aliud vernale aequinoctium et usque ad
pascha, quatuor lectiones cura responsoriis et antiphonis suis
dicantur; dominico autem in omni tempore novem lectiones
cum antiphonis et responsoriis suis persolvere Deo profite-
mur i.
En tout temps de Tannée chaque jour, du premier
chant du coq au lever du soleil, tout le clergé, évêque
en tête, se réunit à l'église pour célébrer les vigiles.
Tous les dimanches de Tannée, ces vigiles compren-
nent une psalmodie antiphonée et neuf leçons et leurs
1. Lib. diurnus, m, 7 {P. L. GV, 71, ou édition Sickel
[Vienne 1889], p. 77-78). Le ms. du Liber diurnus, conservé
aux archives du Vatican, date des environs de l'an 800. La for-
mule citée fait partie d'un groupe qui, au jugement de
M. Sickel (p. xxx), a été introduit dans le Liber avant la fin
du Yir siècle.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 59
répons. Chaque jour, une psalmodie antiphonée,
plus des leçons et leurs répons variant en nombre
suivant la saison : trois leçons de Pâques au 24 sep-
tembre, quatre leçons du 24 septembre à Pâques.
1° Chaque jour, il y a office vigilial. La décrétale
anonyme de Gratien nous l'avait dit déjà; mais le Li-
ber diurnus précise, il marque que cet office a lieu
tous les jours de Tannée, en quelque saison que ce
soit; que cet office commence au premier chant du
coq; et que cet office est obligatoire à tout l'ordre
des clercs.
2<^ Cet office vigilial est célébré « a primo gallo
usque mane », du premier cliant du coq au lever du
soleil. Le Liber diurnus ne mentionne pas, il est
vrai, l'office de laudes ; mais saint Benoit, qui prescrit
les laudes matinales au lever du soleil, à l'issue de
l'office vigilial nocturne, nous a donné à entendre que
tel était aussi l'usage de l'Eglise romaine. Nous con-
jecturerons donc que l'ofl^ice de laudes fait corps avec
l'office vigilial.
3° Par contre, le Liber diurnus ne dit pas un mot
de l'o fi ice de vêpres. La décrétale citée par Gratien
n'en parle pas davantage. Or on se rappelle si les con-
ciles espagnols et les conciles franks du vi'' siècle,
d'accord avec le droit byzantin contemporain, distin-
guaient nettement les çespertina des matutina officia.
Ce contraste est très remarquable ^
1. Baeumer, t. I, p. 261, insiste avec raison sur ce faiL que
saint Benoît a façonné l'office de vêpres tout différemment de
ce qu'il était de son temps. Ajoutons que le type de vêpres
réalisé par saint Benoît est celui qui s'introduira à Rome au
cours du VI ir siècle.
60 HISTOIIIE DU BHÉVIAIRE ROMAIN.
4** L'office vigilial, de Pâques au 24 septembre où
les nuits sont le plus courtes, compte trois leçons,
trois répons, trois antiennes ; du 24 septembre à Pâ-
ques où les nuits sont le plus longues, il compte
quatre leçons; tous les dimanches, uniformément, il
compte neuf leçons. Le sens des mots responsor ii et
antiphonae reste problématique. Faut-il entendre par
responsorii des répons, au sens que le mot aura plus
tard ? Ou simplement faut-il entendre par responsorii
les psaumes qui sont dits en solo par opposition aux
psaumes qui sont dits à deux chœurs alternant? Je
ne le saurais dire.
5° Les leçons, au nombre soit de trois, soit de
quatre, soit de neuf, doivent être empruntées à l'Écri-
ture sainte. Il est certain cependant que, du temps
de saint Grégoire, elles étaient empruntées aussi à
des textes extracanoniques. « On nous a rapporté,
écrit-il, que notre très révérend frère et coévêque
Marinianus fait lire aux vigiles notre commentaire sur
Job; cela nous a déplu, car cette œuvre n'est point
faite pour le peuple... Dites-lui de faire lire aux vigi-
les notre commentaire sur les psaumes, qui est plus
capable de former aux bonnes mœurs les esprits des
séculiers'. »
1. Gregor. Epislul. XII, 24 : « ... Quia Marinianus )egi
commenta beati lob publiée ad vigilias faciat, non grate sus-
cepi, quia non est illud opus populare... Sed die ei ut com-
menta psalmorum legi ad vigilias faciat » (Jaffé, 1857). — Le
décret dit du pape Gélase (492-496), Decretum de libris reci-
piendis et non recipiendis, peut remonter pour certains de ses
éléments jusqu'au pape Damase (366-384), mais il est dans sa
LES ORIGINES DE l'oFFICE HOxMAIN. 61
Nous avons dit que les vigiles des « jours privés »,
les vigiles fériales, étaient l'office du prêtre et des
clercs attachés à chaque titre ou église paroissiale. Il
faut faire parmi ces clercs inférieurs une place excep
tionnelle aux lecteurs. Ils appartenaient aux titres
non aux régions. Des inscriptions du iv® siècle men
tiennent un lector tituli pallacinae (Saint-Marc)
unLECTOR TITULI FAscioLAE (Saints-Néréc-et-Achillée)
un LECTOR DE puDENTiANA. Daus uue iuscriptiou du
vu" siècle, on relève la mention d'un lector tituli
SANCTAE caeciliae'. Il y a à remarquer ce détail im-
portant que, au iv^ siècle, les lecteurs sont à Rome
des hommes faits et même d'un âge plutôt mûr : si le
lecteur de la basilique de Sainte-Pudentienne a vingt-
quatre ans, celui de la basilique de Fasciola a qua-
rante-six ans. Au vu" siècle, au contraire, les lecteurs
sont des enfants : le lecteur de la basilique de Sainte-
Cécile a douze ans. Entre le iv" et le vu" siècle, le lec-
rédaction définitive contemporain du pape Ilormisdas (514-
523). Or il y est dit que les « opuscula atque tractatus ortho-
doxoruni patrum, qui in nullo a sanclae romanae Ecclesiae
consortio dcviaverunt » sont à lire : on peut entendre à lire
publiquemenl. Le décret, au contraire, est sévère aux « gesta
inartyrum » : car ils ne jjortent pas de noms d'auteurs, et
qu'il y en a que les hérétiques ont fabriqués : « In sancta
romana Ecclesia non leguntur. » Néanmoins, cette sévérité est
en train de fléchir. Ainsi les actes de saint Silvestre « a
multis in urbe Roma catholicis legi cognoviraus et pro anti-
quo usu multae hoc imitantur Ecclesiae ».
1. De Rossi, Biilletino, 1883, p. 20.
62 HISTOIRE nu ninVviAinE romain.
torat romain s'est transformé, et il s'est transformé
parce que le chant romain lui aussi s'est transformé.
On a rompu avec cette antique et sévère méthode de
chant, qu'une inscription damasienne, nous l'avons
vu, qualifiait de « modulamen placidum ». La psal-
modie chorale a enfin conquis droit de cité romaine.
Et voilà pourquoi les clercs à la voix grave et virile
ont cédé la place à des chœurs de voix souples el
fraîches d'enfants, ainsi que cela se pratiquait depuis
longtemps partout dans la catholicité, et par exemple
en Afrique, témoin les douze petits carthaginois
[infantulos vocales strenuos atque aptos modulis
cantilenaé) dont Victor de Vite, en 486, raconte le
touchant courage *.
Sur la fin du vi" siècle, nous voyons à Rome les
collèges d'enfants chanteurs devenir comme les sé-
minaires du clergé romain. Le pape Deusdedit (615-
618) avait, dit son épitaphe, débuté ainsi à l'ombre
de la basilique de Saint-Pierre :
Hic vir ab exortu Pétri est nutritus ovili,..
eœcuvians Christi cnntibus hymnisonis -.
Dans le même sens, on rapporte du pape Léon II
(682-683) que, tout jeune, il avait été remarqué pour
son chant (cantelena ac psalmodia praecipuus)\ du
pape Benoît II (684-685), qu'il s'était distingué dès
1. ViCT. Vit. De persecut. vand. m, 39-40 (édit. Petsghenig).
Victor de Vite note que ces petits clercs vivent en collège :
« Una degunl, simul vescuntur. » Cf. Gregor. Turonen. In
gloria martyr. 76.
2. De Rossr, Inscripfiones, t. II, p. 127.
LES ORIGINES DE l'ofFICE ROMAIN. 63
son enfance dans le chant [in cantilena a puerili
etate)\ du pape Sergius (687-701), que tout jeune on
Tavait confié au prieur des chantres pour le former,
parce qu'il était appliqué et bien doué pour le chant
[quia studiosus erat et capax in officio cantelenae ,
priori cantorum pro doctrina est traditus) ^ .
Voici donc apparaître au vu*' siècle le chant ro-
main, et avec le chant voici tout de suite apparaître
une école de chantres.
Chaque titre avait ses lecteurs. On voulut que les
deux grandes basiliques de Rome, celle du Vatican et
celle du Latran, eussent leurs lecteurs groupés en
une sorte de collège pareil à ces scolae lectorum qui
existaient à Milan, à Lyon, à Reims, à Constantino-
ple 2... Les deux collèges de lecteurs formés ainsi, et
destinés à porter ensemble le nom, d'abord d'Orpha-
notrophium^y plus tard de Scola cantorum, consti-
tuèrent deux établissements distincts : l'un bâti en
1. L. P. t. I, p. 359, 363, 371.
2. De Rossi, Bulletino, 1883, p. 19.
3. L. P. t. II, p. 92 : « [Sergius II] papa scolam cantorum
quae pridem orphanotropheum vocabatur, cum prae nimia
vetustate emarcuerat et pêne in ruina posita atque contracta
a priscis temporibus videretur, Dei annuente clemenlia, a fun-
damentis in meliorem, ut olim fuerat, statum noviter restau-
ravit. » En réalité, comme le note Ms"- Duchesne (p. 102), la
Scola cantorum est mentionnée dans une lettre du pape Paul
I-- à Pépin le Bref (JafTé, 2371), et dans les ordines du viii"
et du ixe siècles. Le pape Léon III (795-816), prenant soin
d'un orphelin qui sera plus tard Sergius II, le confie à la Scola
cantorum : « Tune praesul eum scolae cantorum ad erudien-
dum communes tradidit litteras et ut mellifluis instrueretur
cantilaenae melodiis ». L'enfant dépasse vite « omnes scolae
puerulos ». L. /-*. t. II, p. 86.
64 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
avant de Saint-Pierre, l'autre à proximité du pa-
triarchium du Latran ^ 11 en était du moins ainsi au
ix^ siècle, au moment où (a. 872) Jean Diacre écrivait
la vie du pape saint Grégoire , auquel il attribue la
fondation de la S cola cantorum.
On ne peut pas ne pas être frappé de ce fait : au
siècle de saint Grégoire (f 604) remonte l'apparition
simultanée à Rome de la cantilène et de l'école des
chantres. La Scola cantorum a-t-elle été pour autant
une institution de ce grand pape? — Jean Diacre l'af-
firme : « Dans la maison du Seigneur, comme un très
sage Salomon, sachant la componction qu'inspire la
douceur de la musique, saint Grégoire compila dans
l'intérêt des chantres le recueil appelé antiphonaire,
qui est d'une si grande utilité. Il institua également
la Scola cantorum, qui maintenant encore exécute
le chant sacré dans la sainte F^glise romaine suivant
les enseignements reçus de lui. Il lui assigna diverses
propriétés et lui fit bâtir deux demeures, l'une située
au pied des degrés de la basilique de l'apôtre saint
Pierre , l'autre dans le voisinage des édifices du pa-
lais patriarcal du Latran. On y montre encore aujour-
d'hui le lit sur lequel il se reposait en donnant ses
leçons de chant ^ ; et le fouet dont il menaçait les en-
1. Voyez sur rétablissement proche du Latran la note de
M^' Duchesne, t. II, p. 102. Le Liber diurniis contient une l'or-
mule concernant un fonds indûment soustrait à VOrphanotro-
phium, et on y lit : « Dumque necessitate victus arctatur locus,
frequentia cessavit infantium, quibus deerat expensae provi-
dentia. Ne ergo cantorum deficeret ordo atque Dei Ecclesiae
contumelia irrogaretur.. . »
2. Au VII* siècle, on conservait le lit sur lequel, croyait-on,
LA GENÈSE DES HEURES. 17
fidèles! A Alexandrie, les fidèles sont si impatients
de s'y rassembler que, au cours du carême de 354, ils
supplient leur évêque, saint Athanase, de leur ouvrir
le Dominicum, encore que cette basilique ne soit
pour lors ni consacrée ni même terminée, et saint
Athanase est impuissant à résister à leur requête ^ .
Ne se retrouverait-on dans la maison du Seigneur
qu'à de rares intervalles? Tant de jours, tant d'heures,
ces grandes et saintes nefs resteraient-elles silencieu-
ses et veuves de toute prière? N'y avait-il point des
âmes prêtes à y entretenir la prière perpétuelle?
On ne pouvait plus compter sur le gros des fidèles.
Les chrétiens, en devenant plus nombreux, n'étaient
pas devenus plus fervents. Ils négligeaient maintenant
même la synaxe liturgique du dimanche, à la grande
tristesse de leurs pasteurs ^. Mais aussi, à mesure que
l'Eglise en s'étendant s'était attiédie, il s'était formé
dans son sein un groupement des âmes les plus zélées
et les plus ferventes : des hommes et des femmes,
vivant au milieu du monde et sans se dégager des
obligations et des relations de la vie ordinaire, mais
s'engageant par une sorte de vœu, par une profes-
sion publique, à être chastes toute leur vie, à jeûner
toute la semaine, à prier tout le jour. On les appelait,
en Syrie, « monazontes » et a parthenae » : c'é-
taient les vierges et les ascètes. Ils formaient comme
1. Athanas. Apolog. ad Constant. 14. Athanase dit des
églises plus anciennes : xôiv èxxXv](jttov ôXîywv xat ppaxutaTwv
oOdûv, elles étaient rares et très petites.
2. Ghrysostom. Homil. IV in Annam, 1. Ilomil. de bapt.
(]hristi et de epiph. 1.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAm. 2
18 HISTOIHE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
une confrérie sans hiérarchie et sans lien, un tiers
état entre la cléricature et la laïcité, n'ayant, je parle
des ascètes, aucun des pouvoirs des clercs, et rien
que des devoirs plus stricts que les laïcs. Ils n'étaient
pas des cénobites, ils étaient déjà des réguliers. Ces
ascètes et ces vierges, nous les trouvons constitués
de cette sorte dans toutes les grandes Eglises d'O-
rient de la première moitié du iv'' siècle, à Alexandrie,
à Jérusalem, à Antioche, à Edesse.
Or, à ces ascètes, à ces vierges, leur règle faisait
un devoir de prier tous les jours, de ne point se con-
tenter des vigiles solennelles de l'Eglise, mais de cé-
lébrer entre eux des vigiles quotidiennes. Leur vie
devait être une vigile perpétuelle. Dans ce traité De
la virginité qui porte le nom de saint Athanase et qui
est en réalité une œuvre ascétique, peut-être cappa-
docienne des environs de 370, il est prescrit aux vier-
ges de se lever chaque nuit pour un office, purement
privé celui-ci, et qui n'est que l'office vigilial rendu
quotidien ^ Un peu plus tard, saint Jean Chrysos-
tome écrit des ascètes d'Antioche : « A peine le coq
a-t-il chanté, ils se lèvent. A peine sont-ils levés, ils
entonnent les psaumes de David, et avec quelle suave
harmonie! 11 n'y a ni harpe, ni flûte, ni tel autre ins-
rument de musique qui donne un chant pareil à celui
que l'on entend monter, dans le silence et dans la so-
1. Pseudo-Athanas. De virginilat. 20 (p. 55). Ceiofiice con-
siste à réciter debout autant de psaumes qu'on peut, chaque
psaume étant accompagné d'une prière à genoux (xaxà tl^aXjjLov
z\)Xh xat -^w^vl^aioL éTciTeXeîaôto). Après ctiaque trois psaumes,
un alléluia.
LA GENÈSE DES HEURES. 19
litude, des lèvres de ces saints. De même quand ils
chantent avec les anges, oui, avec les anges, le Lau-
date Dominum de caelis, tandis que nous, hommes
du siècle, nous reposons encore ou qu'à demi éveillés
nous ne songeons qu'à nos misérables desseins. Au
point du jour seulement ils se reposent, et encore à
peine le soleil a-t-il paru, ils se remettent à la prière
et exécutent leurs laudes matinales ^ ».
Saint Jean Chrysostome, et aussi le pseudo-Atha-
nase auteur du traité De la virginité ^ poursuivent en
disant que ce n'est pas seulement chaque matin, au
chant du coq et à l'aurore, que les ascètes et les vier-
ges se livrent ainsi entre eux à la psalmodie, mais
encore, et quotidiennement, à la troisième, à la sixième
et à la neuvième heure du jour ^. Aussi bien était-ce
une vieille coutume chrétienne que de consacrer par
quelque prière tierce, sexte et none. La piété chré-
tienne avait rattaché des souvenirs chrétiens à ces
trois moments, qui divisaient le jour en trois étapes :
à la troisième heure (neuf heures du matin), le souve-
nir de la condamnation du Sauveur; à la sixième
(midi), le souvenir de sa crucifixion; à la neuvième
(trois heures), le souvenir de sa mort^. Et chacune
1. Ghrysostom. Homil. XIV in I Tim. 4. J'ai résumé briè-
vement un long développement de saint Jean Chrysostome,
qui est curieux à lire dans son texte et en entier. P. G. LXII,
575-577.
2. Chrysostome [homil. cit. 4) énumère exactement : 1° la
psalmodie au chant du coq, 2" la psalmodie au lever du jour,
ejxat éwôivat, 3° tierce, 4" sexte, 5" none, 6" la psalmodie du
soir, sO^al sauepivat.
3. Clément. Stromal. vu, 7 (éd. Staehlin, t. II, p. 30-31).
20 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de ces heures, en sonnant aux horloges publiques,
devait rappeler aux fidèles qu'il ne fallait point laisser
leur cœur se distraire des mystères de la foi : « Très
istas horas ut insigniores in rehus humanis, quae
diem distrihuunt, quae publiée résonant, ita et so-
lemniores fuisse in orationibus dinnis [intellega-
mus] ^ »
Ce qui n'était pour les fidèles du m® siècle que la
matière d'un conseil ^ était devenu pour les ascètes et
les vierges du iv^ une règle. Ascètes et vierges priaient
à tierce, à sexte et à none, comme ils priaient à vêpres
ou à laudes : la psalmodie, et la psalmodie en com-
mun, les réunissait à chacune de ces différentes heu-
Cyprian. De clomin. oratione, 34. Ces thèmes ont été repris
souvent, voyez les textes chez von der Goltz, p. 101-113.
1. Tertull. De ieiiin. 10, — Saint Epiphane {Haer. XXIX, 9)
témoigne que les Juifs de son temps avaient une prière le
matin au point du jour, le soir à la tombée de la nuit, et en-
core au milieu du jour. Cette départition de la prière est celle
qu'indique déjà le psaume liv, 18 : « Vespere et mane et me-
ridie narrabo et annuntiabo, et exaudiet vocem meam ». Le
texte cxviii, 164 : « Septies in die laudem dixi tibi », n'expri-
mait qu'un nombre symbolique. Cf. IV Reg. v, 10 et Prov.
XXIV, 16. Gassian. Institut, coenob. m, 4 : « Qui typus licet
ex occasione videatur inventus et recenti memoria... statutus
appareat », etc. Il n'en aura pas moins une influence sensible
sur la distribution des heures de l'office canonique.
2. Tertull. De oratione, 25 : « Non erit otiosa extrinsecus
observatio etiam horarum quarumdam. Istarum dico commu-
nium, quae diu inter spatia signant, tertia, sexta, nona... Elsi
simpliciter se habeant sine uUius observationis praecepto, bo-
num tamen sit aliquam constituere praesumptionem, qua et
orandi admonitionem constringat et quasi lege ad taie munus
extorqueat a negotiis interdum... Exceptis utique legitimis ora-
tionibus, quae sine ulla admonitione debentur ingressu lucis
et noctis. »
LA GENÈSE DES HEURES. 21
res, comme elle les réunissait au chant du coq ou à
l'heure du lucernaire ^ .
Il restait un progrès à accomplir, et que, l'Église
offrant l'hospitalité de ses nefs à ces ascètes et à ces
vierges, le clergé prît la direction de ces exercices à
l'origine surérogatoires et privés. Cette évolution
s'accomplit vers le milieu du iv® siècle. Sozomène
nous apprend d'un évêque de Syrie, Zenon, évêque
de Maiuma, lequel mourut centenaire vers 380, que
jamais il n'avait manqué d'assister aux services « des
psaumes du matin et des psaumes du soir ^ ». C'est la
plus ancienne attestation de la quotidienneté d'un
exercice psalmodique public du matin, au chant du
coq, et du soir, au coucher du soleil. Pareille attesta-
tion dans un document d'origine syrienne, le second
livre des Constitutions apostoliques : on fait un devoir
à l'évêque d'inviter et avec instance son peuple à être
assidu à l'église « à l'aurore et le soir de chaque jour ».
Donc chaque jour le peuple se réunira dans les
églises à l'aurore et le soir, pour psalmodier et prier :
le matin on dira le psaume (lxii) Deus deus meus ad
te de luce vigilo^ le soir le psaume (cxl) Domine cla-
maçi ad te^.
1. Pseudo-Athanas. 12 (p. 46). Gregor. Nyss. Vita Macri-
nae (P. G. XLVI, p. 976). Augustin. Civ. Dei, xxii, 8 (éd.
Hoffmann, t. II, p, 599).
2. SozOM. H. E. VII, 28 : éwOivwv r\ éo-Ttsptvôiv vifxvwv.
3. Constitut. apostol. ii, 59 (éd. Funk, p. 171). Ce texte a pour
source la Didascalia apostol. ii, 59 (P'unk, p. 170). Or, la
Dldascalia (m® siècle) ne parle de réunir les fidèles que le
dimanche, et ne dit rien d'une assemblée du matin et du soir.
On saisit là le changement qui a pris place au iv" siècle. —
22 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Si cet usage prit naissance en Orient, il ne mit pas
longtemps à se propager dans toute l'Église. Dès 360
saint Hilaire écrivait : « Progressas Ecclesiae in ma-
tutinorum et vespertinorum hymnorum delectationc
maximum misericordiae Dei signum est. Dies in ora-
tionibus Dei inchoatur^ dies in hymnis Dei claudi-
tur y^ ^ Saint Basile l'introduisit à Césarée, malgré
l'opposition d'une partie du clergé, que heurtait dans
ses vieux us cette innovation liturgique (375) 2. A Mi-
lan saint Ambroise, évêque depuis 374 et ami de saint
Basile, inaugura l'usage oriental des vigiles quoti-
diennes : « Hoc in tempore, écrit Paulin, biographe
de saint Ambroise, primum... vigiliae in ecclesia
mediolanensi celehrari coeperunt^. » A Constanti-
nople, saint Jean Chrysostome l'importera d'Antio-
che, et l'imposera à un clergé, qui, dit un vieil au-
teur, fut fort chagriné de ne plus pouvoir dormir à
son habitude toute la nuit '*. A Jérusalem, où les as-
Pour la distribution du psautier entre les divers jours du
temps selon les besoins spirituels du chrétien, on peut lire de
saint Athanase son Epistula ad Marcellinum, notamment 22
et 23.
1. HiLAR. In psalm. lxiv, 12. Cf. Augustin. Confess. v.
9 : « Bis in die, mane et vespere, ad ecclesiam tuam sine ulla
intermissione venientis, non ad vanas fabulas et aniles lo-
quacitates, sed ut te audiret in tuis sermonibus, et tu illam in
suis orationibus. » Epistul. xxix, 11 : « Acta sunt vespertina,
quae cotidie soient, nobisque cum episcopo recedentibus fra-
tres eodem loco hymnos dixerunt, non parva muititudine
utriusque [sexus] ad obscuratum diem manente atque ps;d-
lente. »
2. Basil. Epistul. ccvii, 2-4.
3. Paulin. Vita Ambr. 13.
4. Pallaek Dialog. hist. 5.
LA GENÈSE DES HEURES. 23
cètes et les vierges étaient plus nombreux que nulle
part ailleurs, cet office public quotidien prit une so-
lennité plus grande aussi.
Une pèlerine espagnole, qui visita les saints lieux
vers 385-388 et dont nous possédons le journal de
voyage ^ , nous a laissé une description détaillée du
service quotidien de la grande église de Jérusalem,
VAnastasis'^.
Voici pour l'office vespéral, qu'elle place vers qua-
tre heures du soir :
A la dixième heure, écrit-elle, l'heure que l'on ap-
pelle ici « licinicon » et que nous appelons chez nous
a lucernare », la foule se porte à l'Anastasis. Tous les
cierges sont allumés, il fait une lumière infinie. On
chante alors les psaumes du soir [psalmi lucernares),
qui sont des psaumes longuement antiphonés^. Au
moment voulu, on a prévenu l'évêque ; il descend ; il
s'assoit sur son siège élevé, les prêtres autour de
lui à leurs places. Le chant des psaumes et des anti-
phones s'achève : alors l'évêque se lève et il reste
debout devant la balustrade, pendant qu'un diacre
fait la commémoraison de chacun, et que les pisinni
1. J.-F. Gamurrini, 5. Silviae aqiiitanae peregrinatio ad
loca sancta (Rome 1887). Je cite l'édition de P. Geyer, Iti-
nera hierosolymitana (Vienne 1898). En 1903, Dom Férotin a
fait la preuve que la Peregrinatio devait être attribuée, non à
sainte Silvia d'Aquitaine, mais à une vierge espagnole, Ethe-
ria. M. Karl Meister a depuis (1909) voulu dater la Peregrinatio
du vr siècle : nous ne croyons pas qu'il ait convaincu personne.
Voyez Revue biblique, 1910, p. 432-445.
2. Peregrinatio, 24 (Geyer, p. l\-lk).
3. Je reviendrai plus loin à ce détail important.
24 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
OU jeunes enfants, qui sont là très nombreux, à chaque
nom répondent Kyrie eleison : leurs voix sont in-
finies. Le diacre ayant achevé son énumération, l'é-
vêque prononce une oraison : c'est l'oraison pour
tous : les fidèles aussi bien que les catéchumènes
s'y associent. Puis l'évêque prononce l'oraison pour
les catéchumènes, et ceux-ci, sur le signe que leur
en donne le diacre, inclinent la tête pendant que l'é-
vêque dit la « benedictionem super cathecuminos ».
Enfin l'évêque prononce l'oraison pour les fidèles, et,
à leur tour, ceux-ci s'inclinent, au signe du diacre,
sous la bénédiction épiscopale. L'office est fini, cha-
cun s'en va après avoir baisé la main de l'évêque :
« Et sic fit missa Anastasi*. »
Dans cette courte description de vêpres, nous dis-
tinguons la psalmodie et les oraisons. Les oraisons
sont la conclusion de l'office : elles sont prononcées
par l'évêque. Entre la psalmodie et les oraisons se
place une brève litanie, dite par un diacre auquel
répondent les enfants. La psalmodie est le corps de
l'office. Notons qu'à cet office du soir sont assignés
des psaumes déterminés, psalmi lucernares, comme
à l'office du matin seront assignés d'autres psaumes,
psalmi matutini : entendons par là des psaumes ayant
par leur contenu quelque rapport avec la fin ou le
commencement de la journée.
1. L'office de l'Anastasis est accompagné de deux prières,
l'une nnte crucem, l'autre post crucem : l'Anastasis étant le
sanctuaire qui recouvre le saint sépulcre, le sanctuaire de
la croix est à côté, c'est celui où se conserve la vraie croix.
Par ante crucem est désigné l'atrium du sanctuaire, et par
post crucem le chevet du sanctuaire.
LA GENÈSE DES HEURES. 25
Voici pour l'office nocturne :
Chaque nuit, avant le chant des coqs toutes les
portes de l'Anastasis s'ouvrent; les monazontes et les
parthenae arrivent; et non seulement eux, mais en-
core de simples fidèles, hommes et femmes, qui veu-
lent faire vigile {laie i qui volunt maturius vigilare).
De ce moment-là au lever du soleil, on psalmodie^ ;
à la fm de chaque psaume, on prononce une oraison
[cata singulos ymnos fit oratio). Ces oraisons sont
dites par les prêtres et les diacres qui, tous les
jours, au nombre de deux ou trois, sont désignés
pour venir présider l'office des monazontes.
Mais, au moment où le jour point, on commence à
dire les matutinos ymnos. L'évêque arrive à ce mo-
ment avec ses clercs, et, debout derrière la balus-
trade, il dit une oraison pro omnibus, puis pj^o cate-
chumenis, puis pro fidelibus. 11 se retire ensuite, et
chacun vient lui baiser la main et se faire bénir par
lui. L'assemblée est congédiée au jour venu, « iam
luce ».
1. Textuellement : « Dicuntur ymni, et psalmi respondun-
tur, similiter et antiphonae, et cata singulos ymnos fit ora-
tio. )) Dans ce passage, comme dans maint auteur ancien, ym-
niis est synonyme de psalmus. Quand la Peregrinatio écrit :
« Dicuntur ymni », elle pense, croyons-nous, aux psaumes dits
en solo. Par « psalmi responduntur », elle désigne les refrains
chantés à l'unisson par les fidèles, et que nous avons vus
clore ou entrecouper le solo. Par « antiphonae », elle désigne
la psalmodie à deux chœurs alternants, dont nous parlerons
plus loin. — Rapprochez Augustin. Epistul. xxix, 11 : « Po-
meridiano die maior quam ante meridiem adfuit multitudo,
et usque ad horam, qua cum episcopo egrederemur, legeba-
tur alternatim et psallebatur; nobisque egressis duo psalmi
lecti sunt. »
2G HISTOIRE DU nnÉviAiRE romain,
Dans cette description, distinguons encore. D'a-
bord le nocturne : des psaumes suivis chacun d'une
oraison, c'est l'ordre aussi relevé par Cassien dans
les monastères d'Egypte. Le nombre des psaumes
était de douze en Egypte. Cet office nocturne consti-
tue la vigile quotidienne. Puis, aulever du jour (ubice-
peint lucescere), les laudes. L'évêque s'y rend, comme
il s'est rendu à vêpres. Vêpres et laudes se détachent
du nocturne, comme si vêpres et laudes, en se con-
fondant avec la prière du soir et la prière du matin,
avaient un caractère d'obligation que le nocturne n'a
pas. Ce nocturne, en effet, ou vigile quotidienne,
proprement, est un office où ne viennent que quelques
fidèles, en dehors des ascètes de profession. Mais il
y a foule à vêpres et, semble-t-il, à laudes. Le di-
manche, le nocturne est le traditionnel office de la vi-
gile dominicale : ce jour-là, il y a foule au nocturne,
« une multitude aussi nombreuse qu'elle le serait à
Pâques », dit la Peregiinatio^.
Voici pour sexte et none.
A la sixième heure, les monazontes et les pai"
thenae se retrouvent dans la basilique de l'Anastasis :
1. Nicetas, évêque de Remesiana, vers 400, dans son ser-
mon De vigiliis, 3 (éd. Burn, 1905, p. 58), écrit : « Nec sane
onerosum vel difficile videri débet etiam delicatis corporibus
in septimana duarum noctium, id est sabbati atque dominici,
portionem aliquam Dei ministerio deputare ». Il s'étonne que
certains chrétiens trouvent importun l'office des vigiles ré-
duit à cela : « Mirari me fateor esse aliquos qui sacras vigi-
lias tam spiritali opère fructuosas, orationibus hymnis lectio-
nibusque fecundas, aut superfluas aestimant aut otiosas, aut
id quod est deterius, importunas. » Id. 1 (p. 56).
LA GENÈSE DES HEURES. 27
on psalmodie ^ L'évêque est averti, il arrive, et, sans
s'asseoir, debout devant la balustrade, comme le ma-
tin, il prononce de même l'oraison. Il se retire en-
suite et chacun vient lui baiser la main. A la neu-
vième heure a lieu le même office qu'à la sixième. La
Peregrinatio ne parle point de réunion psalmodique
à tierce.
Tel était le service quotidien introduit avec les
ascètes et les vierges dans la publicité des basiliques.
Veut-on voir maintenant comment il s'y combinait
avec l'antique usage de la vigile ? La Peregrinatio va
nous l'apprendre.
Le septième jour, c'est-à-dire le dimanche , avant
le chant des coqs, la multitude, tout ce que la basi-
lique en peut contenir, aussi nombreuse qu'elle le
serait à Pâques, se réunit à l'Anastasis, mais devant
l'église, à la clarté des lanternes. Les fidèles arri-
vent longtemps à l'avance, craignant d'arriver passé
le chant des coqs. Ils s'assoient. On chante des
psaumes ^, chaque psaume suivi d'une oraison dite par
un prêtre ou par un diacre, car il y a toujours là des
prêtres et des diacres « parati ad vigilias ». La cou-
tume veut qu'avant le chant des coqs on n'ouvre pas
les portes de la basilique. Mais sitôt qu'il a retenti,
1. Textuellement : « Dicuntur psalmi . et antiphonae ». Il
n'est plus question de psaumes à répons. La raison en est
sans doute que cet office de sexte et de noue n'est suivi que
par les ascètes, qui, sachant les psaumes par cœur, peuvent
les chanter intégralement, tandis que le bon peuple ne peut
que chanter son refrain.
2. Textuellement : « Dicuntur ymni, nec non et antiphonae,
et fiunt orationes cata singulos ymnos vel antiphonas ».
28 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
l'évêque arrive : toutes les portes s'ouvrent, la foule
entre ; des luminaires infinis sont allumés. Le peuple
entré, un prêtre dit un psaume auquel l'assemblée
répond^ ; après le psaume, une oraison. Puis un dia-
cre dit un second psaume, suivi d'une oraison. Puis
un clerc quelconque un troisième psaume, suivi d'une
troisième oraison. A la suite, la commémoraison ou
prière pour tous, comme plus haut. Ces trois psaumes
et ces trois oraisons achevés, les encensoirs sont ap-
portés; la basilique s'emplit de leur parfum. C'est
le moment où l'évêque prend l'évangile en main et
fait la lecture 2. Après quoi, il bénit les fidèles, l'office
est fini. L'évêque se retire; les fidèles aussi retour-
nent chez eux et vont dormir. — Mais les monazontes
restent dans la basilique pour psalmodier jusqu'au
jour, chaque psaume suivi d'une oraison dite par
quelque prêtre ou diacre. Il reste aussi quelques sim-
ples fidèles, hommes ou femmes, ceux qui veulent^.
1. Textuellement : « Dicet psalmum quicumque de presby-
teris, et respondent omnes; post hoc fit oratio. » Nous re-
trouvons ici la psalmodie en solo et à répons.
2. Voici enfin une leçon, mais à Jérusalem, dans la basi-
lique de l'Anastasis, le dimanche matin, on lit toujours la
même leçon, qui est le récit de la résurrection du Sauveur :
« Legit resurrectionem domnus episcopus ipse... Lecto euan-
gelio exit episcopus et ducitur cum ymnis ad crucem », l'é-
glise adjacente à l'Anastasis, « et omnis populus cum illo. Ibi
denuo dicitur unus psalmus et fit oratio. Item benedicet fi-
dèles et fit missa. »
3. Textuellement encore : « Psalmi dicuntur et antiphonae
usque ad lucem, et cata singulos psalmos vel antiphonas fit
oratio. » La Peregrinatio ajoute, au sujet de cette psalmodie
qui suit la psalmodie à laquelle l'évêque a assisté : « Vicibus
cotidie presbyteri et diacones vigilant ad Anastasim cum po-
LA GENÈSE DES HEURES. 29
Dans cette description si détaillée et si vivante, on
distingue nettement la superposition des deux litur-
gies : la liturgie de la totalité des fidèles, la liturgie
des ascètes et des vierges. Ces deux liturgies se
juxtaposent le dimanche de telle sorte que l'une est
obligatoire et suivie par le clergé et par tous les
fidèles, et que l'autre, qui cependant suit la première,
reste facultative, et ne retient que les plus fervents
pour y prendre part et quelques clercs pour la pré-
sider.
La quotidienneté des vigiles n'était point la seule
innovation due à l'influence des ascètes et des vierges.
On leur devait une transformation profonde de la
psalmodie ecclésiastique.
Ce qu'était le chant antique des psaumes, on l'a vu
plus haut : mais on ne saurait trop répéter la for-
mule qu'en donne saint Augustin d'après saint Atha-
nase : « Tarn modico flexu çocis faciehat sonare lec-
torem psalmi, ut pronuncianti vicinior esset quam
canenti. » C'est la vieille manière. Or, si un pareil
chant pouvait suffire à fixer l'attention d'une assem-
blée très restreinte et très serrée, et à remplir la ca-
pacité d'une petite église, il n'en allait pas de même
d'une grande foule ni d'une vaste basilique. Dans de
pareils vaisseaux la voix grêle d'un lecteur devenait
piilo. De laicis etiam, viris et mulieribus, si qui volunt, usque
ad lucem loco sunt; si qui nolunt, revertuntur in domos suas
et reponent se dormito. » ■
30 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
impuissante à dominer le confus murmure du peu-
ple. « Quantum laboratur in ecclesia ut fiât silen-
tium cum lectiones leguntur^ » observe un évêque
du iv^ siècle ^ . Dans des assemblées, que le même
auteur compare à une mer mouvante et bruyante ^,
il fallait que le chant devînt plus puissant, puissant
comme le bruit des grandes eaux elles-mêmes. A
la psalmodie en solo, psalmus responsorius, se subs-
titua la psalmodie en chœur, antiphona.
Ici plus de solo : toute l'assemblée prend part au
chant, partagée en deux chœurs ou « systèmes »,
chantant l'un le premier verset du psaume, l'autre le
second, et ainsi de suite ^. L'antiphone consiste en ce
que les deux chœurs se répondent verset par verset :
ainsi la décrit saint Isidore, et avant lui, saint Ba-
sile^. Saint Isidore ajoute que cette psalmodie venait
1. Ambros. In ps. I enarrat. 9.
2. Hexaemeron, m, 15.
3. NiCET. Remesian. De psalm. hono, 13 (Burn, p. 80) :
« ... Omnes quasi ex uno ore eundemque psalmorum sonuni,
eandemqiie vocis modiilationem aequaliter proferamus : qui
aiitem aequare se non potest ceteris, melius est ei tacere, aiil
lenta voce psallere, qiiam clamosa voce omnibus perstrepere;
sic enini et niinislerii iinpleat offîcium et psallenli fraternitati
non obstrepal. Non enim omnium est habere vocem tlexibi-
lem vel canoram ».
4. Basil. Epistul. ccvii, 3 : ôi^rj SiavefxriôevTsç, àvTulaXXouffiv
àXXiQXoiç. Notons que saint Basile, comme la Peregrinatio, at-
teste que tous les psaumes ne sont pas tous antiphonés, mais
qu'une bonne partie des psaumes est exécutée en « répons » :
ETieiTa TràXiv èraTpé'l'avxe; évl xaxàpxetv ^oO [xéXou; ol XotTiol Oixy]-
Xo\>ai (ibid.). — Isidor. Elymolog. vi, 19, 7 : « Antiphona ex
i^raeco interpretatur vox reciproca, duobus scilicet clioris al-
ternatim psallentibus ordine commutato, sive de uno ad
unum : quod genus psallendi Graeci invenisse traduntur. »
LA GENÈSE DES HEURES. 31
des Grecs, et rien n'est plus juste, les témoignages
s'accordant à attribuer à Diodore l'introduction du
chant antiphoné dans l'Eglise d'Antioche.
S'il faut en croire Théodore de Mopsueste, bien en
situation de connaître les choses d'Antioche puisqu'il
y passa sa jeunesse dans les confréries de Diodore,
l'antiphone avait été empruntée par celui-ci à l'usage
des Églises de langue syriaque ^ . Saint Basile con-
firme le témoignage de Théodore de Mopsueste,
quand il écrit que de son temps (375) les Églises de la
vallée de l'Euphrate exécutaient la psalmodie à deux
chœurs comme les Eglises grecques de Palestine et de
Syrie ^. A Antioche, plus tard, on voulut donner à
l'antiphone une origine plus indigène et plus glorieuse :
oh raconte qu'elle remontait à saint Ignace, à qui une
vision avait montré les anges chantant ainsi à deux
chœurs les louanges de la sainte Trinité ; il avait réa-
lisé cette vision du ciel dans son Église d'Antioche^.
Reçu à Antioche en même temps que la quotidien-
neté de l'office, le chant antiphoné des psaumes con-
quit bientôt sa place dans toutes les grandes Églises
de l'Orient. Saint Basile, dans cette même lettre qui
a été citée à plusieurs reprises déjà, se défend contre
les critiques de quelques clercs d'avoir introduit une
1. Theodor. apud Niget. Thesaur. v, 30.
2. Basil. Epistut. ccvii, 3.
3-. SoGRAT. //. E. vi, 8. Par contre, on en vint bientôt à se
représenter le ciel comme un chœur chantant. Saint Augus-
tin, Epist. GLix, 3, raconte le songe d'un chrétien qui croit
entrer dans la cité céleste : « ... ubi audire coepit sonos sua-
vissimae canlilenae, ultra solitam notamque suavitatem...
hymnos beatorum atque sanctorum )>.
32 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
singularité de son fait dans l'Église de Césarée en y
introduisant le chant antiplioné des psaumes ^ . « Cette
psalmodie nouvelle n'est point une singularité, écrit-
il, puisqu'elle est à cette heure (375) pratiquée dans
toutes les Églises de Dieu : les clercs, qui sont ten-
tés de rompre avec moi pour ce motif, devront rom-
pre au même titre avec les Églises d'Egypte, de
Palestine, de Syrie et de l'Euphrate. » L'antiphone
était reçue à Constantinople du temps de saint Jean
Chrysostome, à Jérusalem du temps de la Peregri-
natio, à Milan du temps de saint Ambroise et par
ses soins.
Il y a plus. Le chant antiphoné apparaît tout de
suite comme une mélodie variée, pathétique. Le chant
des psaumes, après avoir commencé par être une dé-
clamation, est devenu de la musique. En 387, lorsque
Flavien, évêque d'Antioche, se rend à Constantinople
pour demander la grâce des habitants d'Antioche me-
nacés de la colère de Théodose, pour mieux toucher
le cœur du prince, il demande « aux jeunes gens qui
ont coutume de chanter à la table du palais d'exécu-
ter les psalmodies suppliantes d'Antioche ». C'étaient
des mélodies de deuil et de supplication, c'était de
l'art. Théodose est saisi par le caractère de cette mu-
sique religieuse si expressive et si nouvelle; des
larmes d'émotion tombent dans la coupe qu'il tenait
1. Nicetas lui fait écho, De psalm. bono, 2 (éd. Burn, p. 68) :
« Scio nonnullos non solum in nostris sed etiam in orientali-
bus esse partibus, qui superfluam nec minus congiuentem di-
vinae religioni estiment psalmorum et hymnorum decantatio-
nem. »
LA GENÈSE DES HEURES. 33
à la main ^ . Lorsque saint Jean Chrysostome sera fait
évêque de Gonstantinople, il installera la musique
antiochienne dans son Église et donnera la direction
des chœurs à un eunuque de l'impératrice 2, quelque
chose comme le maître de chapelle de la cour.
Le chant antiphoné recevait à Milan un développe-
ment semblable à celui que nous constatons à An-
tioche. Saint Ambroise, pour augmenter l'éclat des
vigiles quotidiennes de son Église, y faisait exécuter
les psaumes v< secundum morem orientalium par^
tium ». Et cette innovation s'étendait rapidement à
« presque toutes les Églises de l'Occident "^ ». « Com-
bien j'ai pleuré, écrivait plus tard saint Augustin,
combien j'ai pleuré au son de cette psalmodie, re-
mué que j'étais par les voix de ton harmonieuse
Église : Quantum flevi... suaire sonantis Ecclesiae
tuae çocibus commotus acriter in hymnis et canticis
tuis! Voces illae influehant aurihus meis et eliqua-
batur çeritas in cor meum, et exaestuabat inde af-
1. SOZOMEN. H. E. VII, 23 : cxéxeuov {Xc^toSiat; xtaiv ôXoçupTtxûç
Tcpbç rà; Xixàç xexp^P^évoi.
2. SocRAT. H. E. VI, 8, Notons toutefois que la chorale de
cet eunuque ne prenait part qu'aux vigiles du samedi et du
dimanche.
3. Augustin. Confess. ix, 7 : « Tune [a. 385] hymni et psalmi
ut canerentur secundum morem orientalium partium, ne po-
pulus maeroris taedio contabesceret, institutum est, et ex
illo in hodiernum retentum, multis iam ac paene omnibus
gregibus tuis et per cetera orbis imitantibus. » Paulin. Vita
Ambrosii, 13 : « Hoc in tempore primum antiphonae, hymni ac
vigiliae in ecclesia Mediolanensi celebrari coeperunt. Guius
celebritatis devotio usque in hodiernum diem non solum in
eadem ecclesia, verum per omnes paene Occidentis provin-
cias manet. »
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 3
34 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
fectus pietatisy et ciirrebant lacrimae, et bene mihi
erat cutn eis ^ ». Et cependant le même Augustin n'est
pas loin de considérer cette psalmodie musicale
comme une invasion inquiétante de l'art dans l'aus-
térité traditionnelle du culte. « Pardonnez-moi ma
sévérité si ma sévérité est une erreur, je voudrais
bien souvent éloigner de mes oreilles, et des oreilles
de l'Eglise elle-même, toute la mélodie douce de ces
chants avec laquelle on exécute maintenant la psal-
modie davidique. » Et ce lui est l'occasion de rappe-
ler le mot de saint Athanase, — « qui tam modico
flexu çocis faciehat sonare lectorem psalmi, ut pro-
nuncianti çicinior esset quam canenti », — et d'ajou-
ter : Le goût d' Athanase était le plus sûr 2.
Ce qu'était cette musique antiochienne et cette
musique milanaise, il ne nous appartient pas ici de
le rechercher. Nous ne devons que remarquer le scru-
pule dont était tourmenté le génie de saint Augus-
tin. Il regrettait la simplicité première de la psalmo-
die, se rendant, semble-t-il, mal compte que cette
simplicité n'était plus séante à la pompe du culte
1. Augustin. Confess. ix, 6.
2. Id. X, 33 : « Erro nimia severitate, sed valde interdum,
ut melos omnes cantilenarum suavium, quibus daviticum psal-
terium frequentatur, ab auribus meis removeri velim atque
ipsius Ecclesiae, tutiusque mihi videtur quod de alexandrino
episcopo Athanasio saepe dictum commemini... Verum tamen
cum reminiscor lacrimas meas, quas fudi ad cantus Ecclesiae
in primordiis recuperatae fidei meae, et nunc Ipsum quod
moveor non cantu, sed rébus quae cantantur, cum liquida
voce et convenientissima modulatione cantantur, magnam in-
stitut i huius utilitatem rursus agnosco. » — Sur le sentiment
d'AthaMase, voyez son Epistula ad Marcellinum, 27-29.
LA GENÈSE DES HEURES. 35
chrétien triomphant. L'art chrétien naissait sous
toutes ses formes : architecture, peinture, cérémo-
nial. A ces foules nouvelles de fidèles il fallait l'at-
trait et le prestige d'une musique pénétrante et or-
née, comme l'était aussi l'éloquence de saint Jean
Chrysostome, celle de saint Ambroise, et tout de
même celle de saint Augustin.
in
L'œuvre liturgique du iv^ siècle est accomplie. Elle
a consisté à organiser la quotidienneté d'un double
service psalmodique : d'une part, le cours [cursus)
nocturne, comprenant les vêpres, l'office nocturne au
chant du coq, enfin les laudes matinales; d'autre part,
le cours diurne, comprenant les trois psalmodies de
tierce, de sexte et de none.
Mais il arrive que, à dater du règne de Théodose
et du moment où le catholicisme devient la religion
sociale du monde romain, une scission profonde se
produit dans la société religieuse. Les ascètes et les
vierges, qui ont vécu jusqu'ici dans la communauté
des fidèles, abandonnent le siècle pour passer au dé-
sert. Le cénobitisme se constitue en une société chré-
tienne distincte, en dehors de la société catholique
séculière.
Cette sécession opérée, un double or do psallendi
apparaît, celui des clercs et celui des moines.
En aucune église, nous ne retrouverons l'office tel
qu'il était célébré dans l'Anastasis de Jérusalem au
36 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROUMAIN.
temps de la Peregrinatio : tierce, sexte, none ne sont
nulle part de l'office public du clergé. Nous voulons,
dit une loi de Tempereur Justinien datée de 528, que
« tous les clercs constitués dans chaque église chan-
tent eux-mêmes les nocturnes, les laudes, les vêpres » .
Car, ajoute l'empereur, « il est absurde que les clercs,
à qui incombe le devoir de la psalmodie, fassent
chanter à leur place des gens à gage ; et que les laïcs
si nombreux, qui pour le bien de leurs âmes se mon-
trent assidus à venir à l'église prendre part à la psal-
modie, y paissent constater que les clercs constitués
pour cet office ne le remplissent point ». La loi pres-
crit en conséquence que les clercs de chaque église
seront requis, par l'évêque du lieu et par le prévôt
de chaque église, de prendre part à la psalmodie :
ceux qui se seront montrés infidèles à ce service seront
mis hors le clergé ^ Où nous voyons que dans fOrient
grec, au commencement du vi® siècle, chaque église
a son cours nocturne, c'est-à-dire son office vespéral,
nocturne et matinal, auquel les fidèles aiment encore
à assister et que les clercs ont l'obligation de chanter,
car ils sont payés pour cela. Aucun cours diurne.
1. Coil. lustinian. I, 3, 41 (éd. Krueger, p. 28) : « Ad hoc
sancimus, ut omnes clerici per singulas ecclesias constiiuli
per se ipsos et nocturnas et matutinas et vespertinas preces
cantent, neve in consumendis tantummodo rébus ecclesiasti-
cis clerici esse videantur... Absurdum etenim est, cum ipsis
nécessitas incumbat, scriptos [= Ypauxou;] eorum loco canere.
Nam si multi laici, ut animae suae consulant, ad sacrosanc-
tas ecclesias confluentes studiosos se circa psalmodiam osten-
dunt, quemadmodum non absurdum est clericos, qui ad hoc
ordinati sunt, munus suum non implere? Quamobrem omni-
modo clericos canere iubemus. »
LA GENESE fiES HEURES. 37
Pareil usage dans les Gaules ^ .
« Nous voulons, dit le concile de Braga de 561, qu'il
n'y ait qu'un seul et même ordo psallendi pour les
offices du matin et du soir, et nous repoussons les
usages des monastères que l'on voudrait mêler à la
règle de nos églises ^ ! » On ne saurait plus fortement
exprimer la distinction du monastique et du clérical.
« Nous voulons, dit le quatrième concile de Tolède,
en 633, qu'il n'y ait qu'un ordo psallendi pour l'Es-
pagne et pour la Gaule dans les offices du soir et du
matin, in çespertinis matutinisque officiis^ ». Ainsi
l'entend le concile d'Agde de 506, quand il prononce
qu'il doit y avoir en Narbonnaise comme partout,
« sicut ubique fit », chaque jour un office chanté le
matin et un office chanté le soir, offices auxquels
assiste le clergé, évêque en tête '*. Si, dans quelques
1. Voyez Mauillon, Z)e ciirsu gallicano disqiiisitiô, ap. Mi-
giie, P. L. LXXII, 381 et suiv.
2. Mansi, Concilioi'um collectio (Venise 1759), t. IX, p. 777;
Friedberg, Corpus iuris canonici (Leipzig 1881), t. I, p. 31 :
« Unus idem psallendi ordo in matutinis vel vespertinis offîciis
teneatur,... neque monasteriorum consuetudines cum eccle-
siasUca régula sint permixtae. »
3. Mansi, t. X, p. 616 ; Friedberg, t. I, p. 31 : « Unus igitur
ordo orandi atque psallendi nobis per omnem Hispaniam
atquc Galliam conservetur, unus modus in missarum solem-
nitatibus, unus in vespertinis matutinisque offîciis, nec diversa
sit ultra in nobis ecclesiastica consuetudo, qui in una fide
continemur et regno. »
4. Mansi, t. VIII, p. 329; Friedberg, t. I, p. 1415 : « Et quia
convenit ordinem Écclesiae ab omnibus aequaliter custodiri,
studendum est, ut sicut ubique fit, et post antiphonas collec-
tiones per ordinem ab episcopis vel presbyteris dicantur, et
hymni malutini vel vespertini diebus omnibus decantentur, et
38 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
églises, à Arles par exemple au temps de saint Cé-
saire , il est question de faire célébrer dans la cathé-
drale un cours diurne (tierce, sexte, none), nous
sommes dûment prévenus que cet exercice monas-
tique est réservé, en fait, aux pénitents ou aux fidèles
d'une rare ferveur * .
Tel était au vi^ siècle Vordo psallendi des clercs.
Quant aux anniversaires des martyrs, auxquels
maintenant s'ajoutaient des anniversaires de trans-
lations de martyrs, des anniversaires de saints non
martyrs, et des anniversaires de dédicaces d'églises,
— ce serait une erreur de penser sur la foi des
martyrologes, comme le Martyrologe hiéronymien
(vi^ siècle), qu'ils sont communs à toute la chrétienté.
in conclusione matutinarum vel vespertinariim missarum post
hymnos capitella de psalmis dicantur, et plebs collecta ora-
tione ad vesperam ab episcopo cum benedictione dimittatur. »
Nous reviendrons plus loin sur les indications liturgiques
fournies par le 30" canon d'Agde. — Rapprochez la descrip-
tion de la psalmodie en usage à Saint-Martin de Tours, descrip-
tion donnée dans canon XIX (18) du concile de Tours de 567.
Mansi, t. IX, p. 796. Maassen, Concil. merov. (1893), p. 127.
Y joindre les indications du De cursii stellarum de Grégoire
de Tours (éd. Arndt, des M. G., p. 870-872).
1. Vita Caesarii, 13 (Bolland. Acia SS. Augiistl, t. VI,
p. 67) : « De profectibus cunctorum sollicitus et providus pa-
stor, statiin instituit, ut cotidie tertiae sextaeque et nonae
opus in Sancti Slephani basilica clerici cuni hymnis cantarent,
ut si quis forte saecularium vel paenitentium sanctum opus
exsequi ambiret, absque excusatione aliqua cotidiano in-
teresse possit officio. » — Grégoire de Tours attribue à l'un
de ses prédécesseurs sur le siège de Tours, Injuriosus (f 545),
l'institution de l'usage de célébrer tierce et sexte : « Hic in-
stituit tertiam et sextam in ecclesia dici, quod modo in Dei
nomine persévérât. » Hist. Franco?', x, 31.
LA GENESE DES HEURES. 39
Le nombre des fêtes « catholiques », fêtes fixes de
Notre- Seigneur (Noël et Epiphanie) ou fêtes des
grands apôtres (saints Jacques, Jean, Pierre et Paul,
auxquels est joint saint Etienne) ^ est encore fort
restreint ^. Mais chaque Eglise a ses anniversaires
locaux^. En règle générale, là où est la « confession »
ou tombeau du saint, et encore là où se trouve une
« mémoire » du saint, c'est-à-dire quelque relique, là
se célèbre son natale : la fête a toujours ainsi quelque
attache topographique, comme au temps où elle se
célébrait dans les cimetières, ad corpus. De là vient
que les communautés monastiques, celles que décrit
Jean Cassien, ne fêtent point les saints ; et ce sera
une originalité de la règle bénédictine que d'intro-
duire dans la liturgie monastique les natalitia sanc-
torum^ qui sont jusque-là le propre des vieilles
Eglises riches de martyrs locaux. Les calendriers
1. Gregor. Nyss. In laudem fratris Basilii, 1.
2. Le pape Sirice, écrivant en 385 à Himerius, évêque de Tar-
ragone (Jaffé, 255), parle des « Natalitiis Christi seu Appa-
ritionis, necnon et apostolorum seu martyrum festivitatibus ».
Il n'est pas question encore de saints non martyrs. La pre-
mière mention que nous en connaissions, est relevée en Pales-
tine, à propos de saint Hilarion (f 371). Sozom. //. E. m, 14
[P. G. LXVII, 1077). On ne peut donc plus dire, comme Mar-
ïENE, De antiquis Ecclesiae ritibus (Rouen 1700), p. 550, que
saint Martin (f 400) est le premier confesseur dont on ait lèté
l'anniversaire.
3. SozoMÈNE (//. E. V, 3). au V siècle, parlant de deux lo-
calités voisines, Gaza et Maiuma, si voisines quelles n'ont
qu'un municipe, mais qui forment pourtant deux Églises in-
dépendantes, témoigne que ces deux Églises ont chacune leurs
anniversaires respectifs, comme elles ont chacune leur clergé
et leur évêque : "^Exaxipa ISta èTrîaxouov xai xXr,pov îyz\. vcal
7tavy)")fupetç [xapTupwv xai {jLveîa; twv nap' aOxotç Yevo(ji,£V(ov Upécov.
40 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
des Eglises donnent donc la liste des anniversaires
et indiquent en même temps la basilique ou l'oratoire
où ils se célèbrent. Un calendrier, établi pour l'Église
de Tours par l'évêque Perpetuus (460-490), nous a
été conservé par Grégoire de Tours. A Tours, le
natale de saint Jean l'évangéliste se célèbre dans la
basilique de Saint-Martin ; celui de saint Pierre et de
saint Paul, dans la basilique des Saints-Pierre-et-
Paul; celui de saint Martin, celui de saint Brice,
celui de saint Hilaire, dans la basilique de Saint-Mar-
tin; celui de saint Litorius, dans la basilique de Saint-
Litorius : tandis que les fêtes de Noël, de l'Epi-
phanie, de Pâques, de la Pentecôte se célèbrent dans
l'église cathédrale ^
A pareille date, Vordo psallendi des moines était
arrivé au terme de son développement. L'influence des
moines de Palestine avait été ici prépondérante. Les
cénobites d'Egypte, en effet, sur la fin du iv^ siècle, au
moins ceux que nous fait connaître Jean Cassien^, ne
pratiquaient en commun que le cours nocturne et dans
la forme archaïque que nous avons décrite plus haut.
Pour eux, point de cours diurne : les « antelucanae
1. Histor. Francor» x, 31 : « De vigiliis. Natale Domini iii
ecclesia. Epiphania in ecclesia. Natale sancti lohannis ad ba-
silicam domni Martini. Natale sancti Pétri episcopatus ad
ipsius basilicam. Sexto kalendas aprilis resurrectio Domini
nostri lesu Ghristi ad basilicam domini Martini. Pascha in
ecclesia... », etc.
2. Pallad. Hist. laus. xxiii, 3 (éd. Preuschen, 1897, p. 84),
témoigne que les ermites n'avaient de synaxe en commun à
l'église que le samedi et le dimanche, pour la liturgie eucha-
ristique.
GENESE DES HEURES.
orationes » , comme dit quelque part archaïquement
Cassien, une fois terminées, les cénobites égyptiens
allaient à leurs travaux manuels, et ce qu'ils fai-
saient de prières dans le courant de la journée n'était
plus qu'œuvre individuelle et libre , « voluntariuni
rnunus «^ Les moines de Palestine, au contraire,
avaient l'office tel que les ascètes et les vierges le
pratiquaient à Jérusalem du temps de la Peregri-
natio : le cours nocturne, comprenant les vêpres
[vespertina solemnitas) au coucher du soleil, le noc-
turne (nocturna solemnitas) et les laudes matinales ;
le cours diurne comprenant tierce, sexte et none"^.
Cependant les moines de Bethléhem avaient ajouté
un exercice au cours diurne^. L'institution n'était
pas ancienne, puisque Jean Cassien l'avait vu établir
à l'époque où il séjournait à Bethléhem, vers 382.
L'origine en est fort prosaïque. A Bethléhem, rapporte
Cassien, quand l'office nocturne et les laudes étaient
terminés, les moines allaient prendre quelque re-
1. Gassian. Institut, m, 2 : « Apud illos [i. e. Aegyptios]
haec officia quae Domino solvere per distinctiones horarum et
temporis intervalla cum admonitione compulsoris adigimur,
per totum diei spatium iugiter cum operis adiectione spon-
tanée celebrantur... Quamobrem exceptis vespertinis noctur-
nisque congregationibus, nulla apud eos per diem publica
sollemnitas absque die sabbato vel dominica celebratur, in
quibus hora tertia sacrae communionis obtentu conveniunt. »
Autant SozoMEN. H. E. m, 14 (P. G. LXVIT, 1072).
2. Gassian. m, 3 : « In Palaestinae vel Mesopotamiae mo-
nasteriis ac totius Orientis supra dictarum horarum sollem-
nitatem, trinis psalmis cotidie finiuntur. »
3. Voyez J. Pargoire, « Prime et compiles », dans la Revue
iVhist. et de litt. religieuses, t. III (Paris 1898), p. 281-288.
42 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
pos : « Reliquas horas refectioni corporum deputatas
a maiorihus nostris invenimus. » Mais il arrivait que
les moines prenaient prétexte de cette indulgence
pour faire la grasse matinée et ne se réveiller qu'au
coup de tierce. On a coupé court à ce relâchement
en plaçant un office au lever du soleil, un office de
trois psaumes, semblable par conséquent à l'office des
trois autres heures diurnes. Ce fut l'origine de primée
Cassien observe que cet office de prime ne fut pas
accueilli partout en Orient, les plus vieux monas-
tères voulant rester fidèles aux vieilles règles : mais
il constate que, en Gaule, la propagation de prime
ne souffrit pas de difficulté, dans les monastères, s'en-
tend 2.
1. Cassian. III, 4 : « Gum... neglegentiores quique indu-
tias somni longius protelarent, quippe quos vel cellas pro-
gredi, vel de suis stratis consurgere ante horam tertiam niilla
conventus ullius nécessitas invitaret,... decretum est diutino
tractatu et consul tatione sollicita, ut, usque ad ortum solis...
fessis corporibus refectione concessa, invitati post hacc religio-
nis huius observantia, cuncti pariter e suis stratis consurge-
rent, ac tribus psalmis et orationibus celebratis, secundum
modum, qui antiquitus in observatione tertiae vel sextae tri-
nae confessionis exemplo statutus est, et somno deinceps
finem et initium operationi aequali moderamine simul face-
rent. »
2. Id. ihiû. 4 : « Cum hic idem typus de Oriente proce-
dens hue usque fuerit ulilissime propagatus, in nonnuUis nuoc
usque per Orientera antiquissimis monasteriis, quae nequa-
quam vetustissimas régulas patrum violari patiuntur, minime
videtur admissus. » — Baeumer, 1. 1, p. 230, note que, au vr siè-
cle, à s'en rapporter à Grégoire de Tours, prime ne devait pas
exister dans les églises du clergé séculier du nord de la Gaule.
Par contre, p. 240, il en trouve une trace certaine dans l'anti-
phouaire de Bangor (ms. de la fin du vir siècle), qui représente)
LA GENÈSE DES HEURES. 43
L'ollice de vêpres ne concordait pas avec la fin de
la journée. Après vêpres avait lieu le repas du soir :
le coucher venait ensuite. I^a journée de l'homme de
Dieu lînirait-elle autrement que par une prière?
Ne convenait-il pas que le religieux recommandât
à Dieu la nuit et le repos qu'elle amenait? Quand la
nuit commence, écrit saint Basile, il faut demander
à Dieu qu'il garde notre repos de toute faute et de
tout mauvais songe : et voilà pourquoi on dit alors
le psaume xc [Qui habitat in adiutorio altissimi)^ .
On a vu avec raison dans ces mots de saint Basile
la plus ancienne attestation de la prière du coucher,
prière monastique attestée aussi par l'auteur de la
vie de saint Hypace, qui écrivait entre 447 et 450, et
qui donne à cette prière le nom de -irpoiôuTcvia, premier
sommeil^. Mais Cassien l'ignore. En Occident, at-on
dit, saint Benoît le premier la fit rentrer dans le
la liturgie des monastères irlandais du vi*' et du vu'' siècle.
Mais, là, prime est appelée secunda, car les laudes étaient
vraiment la première prière du matin.
1. Basil. Regul. fus. tract, xxxvii, 5 : Kai TcâXtv t^ç vjvttôç
ol.çyp]xv^r\c, r\ a'iTTjaiç toù àTrpodxoirov yifxîv xal çavtaaiwv èXeuôépav
•juàp^ai Tï)v àvà7iau(nv, )>£YO[X£vou xal sv rauTY) t^ wpa àvayxaito;
ToO a' tl'a^fJi-o'^- L'autour des Regulae fus. tract, xxxvii, 3-5,
énumère en fait d'heures !•• tov ôp6pov, 2° xriv xpixyiv œpav, 3° Trjv
sxxrjv, 4" TY)v swàrriv, 5" l'heure irriç (7U[X7ï)>r]p(oèeî(rYi; xyjç r)(xépaç,
6" l'heure x-^; vuxxb; àpxo[i.évyiç, 7° xo [^.scrovOxxtov, 8° enfin l'heure
qui précède xbv opôpov. Ce texte donne l'impression qu'il y est
parlé de prières conseillées plutôt que régulières.
2. Acta sanctorum iunii, t. III, p. 325, saint Hypace est pré-
senté ^âlliùv xal e-j-/6{xevo<; ôpOpivà [laudes := prime], xpîxYiv,
£xxr)v, èvvàxrjv, Xu^vcxà [vêpres], upioGuTivia [complies], (xsctovOx-
xia. Compléter par l'article « Apodeipnon « du ûict. arch.
rhret. t. I. p. 2579-2582, du P. Pargoire.
44 HISTOIRE DU BRÉVIA.IHE ROMAIN.
cours des offices, en lui donnant le nom qu'elle a
gardé de completorium ^ compiles, achèvement. Il est
possible que saint Benoît n'ait fait que se conformer
à un usage existant déjà, et dont témoigne son
contemporain, qui ne fut pas vraisemblablement son
disciple, Cassiodore'.
Le cycle de l'office monastique était maintenant
complet, que personne n'a plus harmonieusement dé-
crit que Cassiodore ;
Psalmi... nobis gratas faciunt esse vigilias, quando
silenti nocte psallentibus choris huinana vox erumpit
in musicam, verbisque arte modulatis ad illuiii redire
lacit a quo pro salute humani generis divinum venit elo-
quium. Gantus quia aures oblectat et animas instruit,
fit vox una psallentium, et cum angelis Dei quos au-
dire non possumus laudum verba miscemus... Eis [vid.
psalmis] Palris et Filii et Spirilus sancti una gloria
sociatur, ut pcrlecta corum praeconia comprobentur.
Ipsi enim diem venlurum matulina exsultatione conci-
liant; ipsi nobis priniain diei horara dedicanl; ipsi nobis
terliani horam consecrant; ipsi sextam in panis con-
1. CASSiODOii.JÇ'xjoo.viï. inpsalt. ps. 118, vers. 164 : « Seplies
in die laudem dixi libi... Si ad littcram hune numerum
velimus advertere, soptem illas signiflcat vices quibus se
monachorum pia devotio consolatur, id est matutinis, tortia,
sexla, nona,lucernaria, completoriis, nocturnis. Hoc et sancti
Ambrosii hymnus in sexlae horae decantatione iestatur. »
Cassiodore fait allusion à l'hymne Bis ternas horas expli-
cans, qu'il attribue à saint Ambroise, mais qui est plutôt du
temps de Cassiodore lui-même. On y lit : « ... Prophetae dicti
memores [Ps. cxviii, 164], | solvamus ora in canticis | prece
iiiixta davidicis, | ut septies diem vere ... [ laeti solvamus
debitum. » Baeumer, t. I, p. 240, signale dans l'antiphonaire
de Bangor une prière ad initium noctis, trace primitive de
complies en Occident.
r
LA GENÈSE DES HEURES. 45
fractione laetificant; ipsi nobis nona ieiunia resolvunt;
ipsi diei postrema concludunt ; ipsi noctis adventu ne
mens nostra tenebretur efficiunt ^
Du point où nous sommes parvenus, nous em-
brassons d'un regard le développement qui constitue
la genèse des heures. Une pensée primitive chré-
tienne, peut-être la pensée de la fin du monde et du
retour du Christ, a créé l'antique vigile, c'est-à-dire
roffîce vespéral, nocturne et matinal du dimanche.
La célébration de cet office a été étendue par l'Eglise
aux jours de station et aux anniversaires des mar-
tyrs. Les confréries d'ascètes et de vierges, au
iv*" siècle, l'ont rendue quotidienne. Le désir d'honorer
Dieu à chacune des heures qui partageaient la jour-
née a créé tierce, sexte, none, pieux exercices restés
dans l'antiquité chrétienne propres aux moines. Les
deux exercices de prime et de compiles sont nés
des conditions de la vie cénobitique. On reconnaît
dans ces grands traits la part de l'ancienne Église
et la part du monachisme, restées tranchées jus-
qu'au VI® siècle.
1. Gassiodor. Exposit. in psalt. praef. — Pour une com-
paraison de l'office selon saint Benoit et de l'office romain,
Amalar. Supplément, ad lih. IV De officlis, publié par Mauil-
LON, Vetera Analecta (Paris 1723), p. 93-100.
CHAPITRE II
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN
Nous avons étudié la liturgie des heures, sa forma-
tion et son développement hors de l'Église romaine,
pour être mieux à même de distinguer ce qui, dans
Fusage intérieur de l'Eglise romaine, appartient à la
tradition locale de ce qui appartient à la tradition uni-
verselle ^ . Nous voici désormais à Rome : à l'aide des
textes antérieurs au viii® siècle que la littérature
romaine fournit, nous avons à décrire le dévelop-
pement de la liturgie des heures à Rome, les états
successifs par lesquels elle a passé avant d'arriver à
se fixer dans cet ordo psallendi tout ensemble em-
prunté et original qui sera l'office canonique romain
du temps de Charlemagne.
L'organisation intérieure particulière à l'Église de
Rome devant conditionner l'histoire de l'office divin
à Rome, il importe d'en rappeler les éléments.
On trouve à Rome quatre sortes d'églises, d'abord
1. J'ai négligé le document qui porte en titre Origo cantuum
et cursuum ecclesiasticorum (P. L. lxxii, 605), dont on a un
ms. du VIII* siècle (British Muséum, Nero, A. II), mais qui est
un document sans valeur pour notre sujet. Baeumer, t. I,
p. 5 et 235.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 47
les églises qui porteront un jour le nom de basiliques
îpatriarcales : la basilique constantinienne du Latran,
la basilique libérienne ou Sainte -Marie -Majeure, la
basilique sessorienne ou Sainte-Croix en Jérusalem,
la basilique constantinienne du Vatican sur le tombeau
de l'apôtre saint Pierre, la basilique constanti-
nienne de Saint-Paul sur la voie d'Ostie au tom-
beau de l'apôtre saint Paul, la basilique constanti-
nienne de Saint-Laurent sur le tombeau du grand
martyr romain, enfin la basilique de Saint-Sébastien
ad catacumbas au lieu où furent déposés un temps
les corps de saint Pierre et de saint Paul ; — basili-
ques exceptionnelles, dont les unes, celles de l'inté-
rieur de la ville, le Latran, la Libérienne, la Sesso-
rienne, étaient pour Rome ce que les « grandes
églises » étaient à Alexandrie, à Antioche, à Car-
thage, les autres, les suburbaines, étaient d'augustes
basiliques cimitériales, et plus que toutes auguste
et vénérée, la basilique du Vatican ^
Puis viennent les titres ou tituli : on en comptait
vingt-cinq au vi^ siècle, et le nombre, qui paraît
s'être fixé dès le iv^ siècle, s'élèvera à vingt-huit,
mais très tard, au xi*' siècle. Ces titres, dispersés
dans l'enceinte de Rome, sont comme des églises
paroissiales, des quasi-diocèses, dit le Liber pontifi-
calis : ils assurent le service baptismal, le service
pénitentiel et le service des sépultures des fidèles de
Rome. Chaque titre a un prêtre à sa tête.
1. Augustin. Epistul. xxix, 10 : « ... de basilica beati apo-
stoli Pétri..., qiiod remotus sit locus ab episcopi conversa-
tione... »
48 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Troisièmement les diaconies. Depuis le iii^ siècle,
la ville de Rome est partagée en sept régions ecclé-
siastiques, ayant chacune un diacre à sa tête. Ces
sept diacres n'étaient, à l'origine, attachés à aucune
église; ils administraient des sortes de bureaux de
charité, et leur compétence s'étendait à la gestion
des hospices de pauvres et de pèlerins, à la distribu-
tion des aumônes. Plus tard, c'est-à-dire postérieu-
rement au v" siècle et avant la fin du vii% le nombre
des régions restant toujours de sept, le nombre des
diaconies s'élève graduellement jusqu'à seize, et sous
le pape Hadrien il est porté à dix-huit. En même
temps chaque diaconie aura une église à elle, qui
portera le nom de diaconie.
Enfin les divers sanctuaires des cimetières subur-
bains constituent un quatrièriie groupe d'églises, dont
la desservance appartient au clergé des titres.
Ainsi le clergé romain est partagé en deux clergés :
le clergé des titres, le clergé des régions : à ces deux
clergés, au moins à dater du iv'^ siècle et jusqu'au viii^,
va incomber l'office divin, quitte à ce qu'un jour vienne
où l'on fasse appel à un tiers clergé, qui sera le per-
sonnel monastique ^ .
1. Voyez, sur cette distribution du clergé romain, le Liber
pontificalis (éd. Duchesne), t. I, p. 164 et 364. Mabillon,
Musaeum italicum, t. II, p. xi et suiv., et le premier para-
graphe des Ordines romani les plus anciens : « Primo om-
nium observandum est septem esse regiones ecclesiastici or-
dinis urbis Romae », etc.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 65
fants y est encore conservé et vénéré comme une reli-
que, aussi bien que son antiphonaire authentique. Par
une clause insérée dans l'acte de donation, il régla
sous peine d'anathème que ces propriétés seraient ré-
parties entre les deux fractions de la Scola comme
récompense du service quotidien ^ » Le Liber ponti-
ficalis (sa notice de saint Grégoire est du vu'' siècle)
ne dit pas un mot de cette prétendue fondation 2.
— On a les décisions d'un concile tenu en 595 à
Rome par saint Grégoire, et qu'y lit-on? Que « dans
la sainte Eglise romaine, c'est une coutume ancienne
et fort répréhensible » de faire chanter les diacres et
autres personnes engagées dans le ministère du saint
autel ; il s'ensuit que, dans la promotion au diaconat,
on se préoccupe souvent moins des cœurs que de la
voix; grave abus, auquel on coupera court en inter-
saint Grégoire était mort. Voyez dans De Rossi, Inscriptiones,
t. IL p. 227, le texte de l'itinéraire dit de Salzbourg : « Perge ad
porticum Petronellae, gaudensque ascende ad Gregorii lec-
tura patris sancti, in quo spiritum reddidit Deo... Au \iv siè-
cle, on ne parlait pas du lit sur lequel Grégoire se reposait
en donnant des leçons de chant un fouet à la main !
1. lOAN. DiAC. II, 6 (P. L. LXXV, 90) : « ... antiphona-
rium centonem cantorum studiosissimus utiliter compilavit;
scolam quoque cantorum, quae hactenus eisdem institutioni-
bus in sancta romana Ecclesia modulatur, constituit; eique-
cum nonnullis praediis duo habitacula, scilicet alterum sub
gradibus basilicae beati Pétri apostoli, alterum vero sub La-
tcranensis patriarchii domibus fabricavit, ubi usque hodie lec-
tus eius in quo recubans modulabatur, et flagellum ipsius quo
pueris minabatur, veneratione congrua cum authenlico an-
tiphonario reservatur... »
2. Rien dans la Vila anliquissima publiée par dom Gasquet,
A Ufe of pope St. Gregory the great (Westminster 1904), com-
posée vers 713 par un moine du monastère de Whitby.
HISTOIRE DU RRKYIAIRE ROMAIN. 5
66 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIX-
disant aux diacres de chanter, et en les confinant
dans le ministère sacré ; quant au chant, il sera exé-
cuté par les sous-diacres, ou, « si la nécessité l'exige »,
par les ordres mineurs ; « Psalmos çero ac reliquas
lectiones censeo per subdiaconos çel si nécessitas
fuerit per minores ordines exhiheri^ . » Remarquez
bien le s>el si nécessitas fuerit : les psaumes et les
leçons (autres que celles de l'Evangile, à la messe)
seront dans la sainte Église romaine de droit la partie
des sous -diacres, et par exception, ou quand on ne
pourra faire autrement, celle des lecteurs. Assuré-
ment, il y a dans cette ordonnance de saint Grégoire,
non pas en tant qu'elle enlève le chant aux diacres,
mais en tant qu'elle l'attribue aux sous-diacres, une
disposition singulière, et il ne paraît pas qu'elle ait eu
un effet ni plein ni durable : mais il reste que cette
ordonnance va contre l'hypothèse de l'institution par
saint Grégoire d'un collège de lecteurs ou même de
simples chantres. — Que donc le pape saint Gré-
goire le Grand (à moins que ce ne soit le pape Gré-
goire III, 731-741) ait doté V Orphanotrophium, et
1. P, L. LXXVII, 1335 (Jaffé, 5 juillet 595) : « In sancta
romana Ecclesia..., dudum consuetudo est valde reprehen-
sibilis exorta, ut quidam ad sacri altaris ministerium can-
tores eligantur, et in diaconatus ordine constituti modulationi
vocis inserviant, quos ad praedicationis officium eleemosyna-
rumque studium vacare congruebat. Unde fit plerumque ut
ad sacrum ministerium dura blanda vox quaeritur, quaeri con-
grua vita negligatur, et cantor minister Deum moribus stimu-
iet, cum populum vocibus détectât. Qua in re praesenti dé-
crète constituo ut in hac sede sacri altaris ministri canlare
non debeant, solumque euangelicae lectionis otficium inter
missarum solemnia exsolvant. Psalmos vero », etc.
LES OMIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 67
que Jean Diacre, en 872, ait vu le document de cette
dotation, rien n'est plus plausible : le reste des infor-
mations de Jean Diacre sur l'origine grégorienne de
la Scola représente l'opinion de la seconde moitié
du IX® siècle, et cette opinion, nous allons le voir,
dépend de l'attribution à saint Grégoire du « chant
grégorien ».
Si le souvenir de l'institution par saint Grégoire de
la Scola cantorum est une tradition tard précisée,
que faut-il penser de la tradition qui attribue à ce
pontife la création du texte et de la musique des an-
tiennes et des répons de l'office? — Dom Morin a
réuni tous les textes qui font de saint Grégoire l'au-
teur de cette création ^ Le lecteur sans prévention
y peut voir ceci : de même que Vordo de la messe
était attribué à saint Grégoire, de même les pièces
de chant qui faisaient partie de cet ordo lui étaient
attribuées ; l'authenticité du sacramentaire grégorien
entraînait celle de l'antiphonaire. Ainsi l'entend Eg-
bert, évêque d'York (732-766), le plus ancien au-
teur qui témoigne de l'origine grégorienne de l'anti-
phonaire. Parlant du jeûne des quatre-temps, il
écrit : « C'est saint Grégoire qui, dans son antipho-
naire et son missel, a désigné la semaine qui suit
la Pentecôte comme celle où l'Église d'Angleterre
devait l'observer : non seulement nos antiphonaires à
nous l'attestent, mais aussi ceux que nous avons con-
1. G. Morin, Les véritables origines du chant grégorien:
(Maredsous 1890), p. 7-33. Le mémoire de Dom Morin est une
réponse à F. A. Geyaert, Origines du chant liturgique de
l'Eglise latine (Gand 1890).
68 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
suites avec leurs missels correspondants dans les ba-
siliques des saints apôtres Pierre et Paul : Nostra
testantur antiphonaria, sed et ipsa quae cum
missalibus suis conspeximus apud apostolorum Pé-
tri et Pauli limina^. » Tant vaut l'authenticité du
sacramentaire, tant vaut l'authenticité de l'antipho-
naire : or l'on sait quels droits restreints a le sacra-
mentaire à s'appeler grégorien, puisqu'il est partie
plus ancien, partie plus récent que saint Grégoire 2.
— Mais quand le sacramentaire serait absolument
grégorien, et quand l'antiphonaire le serait aussi,
nous ne serions pas en droit de dire que la composi-
tion des antiennes et des répons de l'office est de saint
Grégoire, car dans la langue du viii® siècle, et préci-
sément dans le texte cité d'Egbert d'York, antipho-
naire désigne le recueil des pièces notées de la messe,
notre Liber gradualis^ et non le recueil des pièces
notées de l'office. Et, par là, toute la question de l'o-
rigine du recueil des antiennes et répons de l'office
reste en dehors de la perspective d'Egbert, et donc
pour nous sans solution.
1. Egbert. De instUuiione calh. xvi, 2 {P. L. LXXXIX,
441). MORIN, p. 28.
2. DucHESNE, Origines, p. 117-119 : « Une autre erreur dont
il faut se garder, c'est de considérer ce livre [le sacramen-
taire grégorien] comme l'œuvre de saint Grégoire lui-même...
On fera bien de prendre le sacramentaire grégorien comme
correspondant à l'état de la liturgie romaine au temps du
pape Hadrien « [772-795]. Dom Morin, p. 69 : « Le travail
de Grégoire fut [pour le chant grégorien] une œuvre d'orga-
nisation et de refonte plutôt que de composition proprement
dite... Je crois que le travail opéré sur le sacramentaire nous
fournit la plus juste idée de ce qui fut fait pour le chant.'*
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 69
L'opinion qui attribue exclusivement à saint Gré-
goire la lettre et la note des antiennes et des répons
de l'office romain étant écartée \ voici ma thèse :
Il était bien plus dans le vrai ce liturgiste anonyme
du viii^ siècle, plus ancien par conséquent que Jean
Diacre et peut-être qu'Egbert d'York, plus familier
aussi, il semble bien, avec les souvenirs et les usages
de la basilique Vaticane, quand il attribuait, non pas
à un pontife, mais à plusieurs, à saint Léon (-f- 461),
au pape Gélase [j- 496), au pape Symmaque (f 514),
au pape Jean (-[- 526), au pape Boniface II (f 533), et
seulement enfin à saint Grégoire (590-604), la création
collective de la cantilène romaine des antiennes et des
répons. Encore n'est-ce point entre les mains de saint
Grégoire que cette création s'achevait : elle allait se
continuer par les soins du pape Martin {f 653), et
plus encore par les soins de maîtres obscurs, dont
notre liturgiste donne les noms, Catalenus, Mauria-
nus et les autres ^. Sans doute, il ne faut pas prendre
1, Cette conclusion négative n'est pas si nouvelle qu'on a
bien voulu dire. Le sage Grancolas disait déjà, voici deux siè-
cles, Comment, p. 93 : « Antiphonarium romanum plerumque
s. Gregorio tribuitur, verum id certo affirmare non possu-
mus. » Dom Leglergq, art. « Antiphonaire «, du Dict. arch.
chrél. t. I, p. 2443-2461, donne un très érudit exposé de la
controverse depuis le xyh" siècle jusqu'à nos jours, et se
rallie à ma solution, qu'il qualifie de « solution éclectique,
point rigide du tout et assez accommodante pour mettre tout
le monde d'accord ».
2. Anonym. Gcrbert. v, 6. Voyez le texte plus loin, p. 177.
Dom MoRiN, p. 23 : « Ce fragment si curieux sent plutôt le
Yiii* siècle pour le style comme pour le fond : il est évi-
demment apparenté à VOrdo des monastères bénédictins de
Rome publié par D. Martène d'après un ms. de Murbach du
70 HISTOIRE DU BIIÉVIAIRE ROMAIN.
à la lettre toutes les affirmations de ce liturgiste ano-
nyme. Quand il affirme que le pape Damase, avec
l'aide de saint Jérôme, introduisit à Rome Vordo psal-
lendi de Jérusalem, il s'inspire des lettres apocryphes
attribuées à Damase et à Jérôme que nous avons dé-
noncées plus haut, et qui, du reste, n'ont pas trait à
l'office romain, non plus qu'à la cantilène romaine.
Ce qu'il dit du « cantus annalis » institué par saint
Léon, par le pape Gélase, par le pape Symmaque
même, s'accorde mal avec les textes que nous avons
étudiés. Retenons ce seul fait, mais qui est capital, à
savoir que notre liturgiste tenait ce « cantus annalis »
de l'Église romaine pour une création ancienne, pour
une création successive et collective, pour une créa-
tion dont saint Grégoire n'avait été avec beaucoup
d'autres que le collaborateur \
Cette opinion s'accorde avec celle du plus grand
viiie siècle... )) {P. L. LXVI, 998). Et p. 67 : « Ce document est
l'œuvre de quelque moine frank du viir siècle, qui est allé
examiner de près l'usage et la tradition des monastères ro-
mains... Il semble tout particulièrement au fait des traditions
qui avaient cours dans les monastères situés près de Saini-
Pierre. C'est là apparemment qu'il a dû puiser ces détails trop
peu remarqués jusqu'ici sur les divers personnages qui ont
élaboré le chant liturgique de Rome. » Baeumer, t. I, p. 320.
incline à croire ce document plus ancien. Le dernier pape
mentionné est le pape Martin (f 653), aucune allusion au pape
Hadrien (772-795). On pourra dater le document de l'entre-
deux.
1. Coïncidence très frappante, le sentiment de ce liturgiste
frank, qui lui a été inspiré par ce qui se disait et se savait dans
les monastères de Rome voués au chant liturgique, se rac-
corde à ce qui se lit dans les prologues en vers qui, plus tard,
apparaissent en tête du Liber gradualis de Rome, et dont
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 71
liturgiste de l'école carolingienne, au ix® siècle, ce-
lui-ci encore antérieur à Jean Diacre : Amalaire, par-
lant de l'office romain d'après ce qu'il en a étudié à
Rome même, affirme que les répons de l'office ro-
main ont été composés « a magistris sanctae ro-
manae Ecclesiae^ ».
le plus célèbre est celui qu'on attribue au pape Hadrien I"
(772-775) :
Gregorius praesul meritis et nominc dignus, ^
unde genus ducit summum conscendit honorem :
qui renovans monumenla patrum ianiorque priorum [?]
munere caelesti fretus ornans sapienter,
composuit scolae canlorum hune rite libellum,
quo reciprocando moduletur carmina Ghristo.
MoRiN, p. 26. L'expression « renovans monumenta patrum »
reparaît dans un autre prologue, donné par l'antiphonaire
de Saint-Gall :
Ipse patrum monumenta sequens renovavit et auxit.
carmina in ofTiciis retinet quae circulus anni.
MoRiN, p. 69. Ainsi au temps d'IIadrien P'- encore on voyait
dans le Liber gradualis une œuvre de saint Grégoire et de
compositeurs plus anciens. On ne retint bientôt plus que le
nom de Grégoire. Puis on attribua au Liber responsalis le
même auteur qu'au Liber gradualis.
1. Amalar. De ordine antiphonarii, 43. Amalaire distingue
« auclores Lcclionarii et Antiphonarii, ac missalis, enim auc-
torem credimus esse beatum papam Gregorium ». De eccl.
off. IV, 30. Agobard (779-840) connaît l'attribution à saint Gré-
goire du Liber resp., et il la présente comme l'opinion de « quel-
ques-uns » qu'il ne croit pas devoir endosser. Agorard. De
correct, antiphon. 15 : « Verum quia Gregorii praesulis nomen
titulus praefati libelli praetendit, et hinc opinione sumpta
putant eum quidam a beato Gregorio romano pontifîce et il-
lustrissimo doctore compositum... » Les mots « Gregorii prae-
sulis nomen » trahissent l'influence du prologue Gregorius
72 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE R03IAIN.
Je me résume : le Liber responsalis de Rome est
l'œuvre de tradition des maîtres chanteurs de l'É-
glise romaine, il est fixé au vii^-viii'^ siècle, et il
n'a été attribué à saint Grégoire qu'à partir du ix*' siè-
cle, par assimilation avec le Liber gradualis gré-
gorien.
II
« Omni tempore per singidos dies, a primo gallo
usque mane, cum omni ordine clericorum, vigilias
in ecclesia celebrare^ », telle était la formule de l'u-
sage, que nous avons vu en vigueur à Rome au
vi^ siècle. Il n'a été question jusqu'ici que de clercs.
Le moment est venu où pour la première fois dans
l'histoire de la liturgie romaine, l'influence monas-
tique apparaît.
On sait quel accueil les clercs romains avaient fait
à saint Jérôme, le premier prédicateur du mona-
chisme à Rome : saint Jérôme ne s'est pas fait faute
de nous l'apprendre, et du même coup de rendre à
ses adversaires peau pour peau. On connaît moins
telle et telle préface du sacramentaire léonien^, pré-
faces que l'on croit pouvoir faire remonter au déclin
du iv^ siècle, qui, en toute hypothèse, ne sont pas
postérieures à la première moitié du vi'', et où des
prêtres romains ne craignent pas d'exprimer liturgi-
praesul, et la confusion qui en est née. Walafrid Strabon
(807-849) dépend lui aussi du prologue Gregorius praesul.
Dom MORIN, p. 14-15.
1. Libej^ diurnus, III, 7.
2. P. L. IV, 28, 64, 65, 74.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 73
quement leurs doléances. Elles sont très vives. « Ce
sont de véritables déclamations contre les moines...
On fait remarquer à Dieu que son Église contient
maintenant de faux confesseurs, mêlés aux vrais; on
parle beaucoup des ennemis, des calomniateurs, des
orgueilleux qui s'estiment meilleurs que les autres et
les déchirent, qui se présentent sous des dehors pieux,
mais avec l'intention de nuire. On proclame la néces-
sité de se défendre contre eux ^ . »
Si l'on peut prendre de tels propos liturgiques pour
l'expression publique de l'opinion, ne fût-ce que d'une
partie du clergé romain, il n'y a pas lieu de s'étonner
que le monachisme ait mis longtemps à se faire ac-
cepter à Rome^. Le monachisme toutefois réussit à
s'implanter, à durer, si mesurée que fût la place que
le clergé romain lui laissait prendre. En 556, l'élec-
sition du pape Pelage fut tenue en échec par l'oppo-
sition des moines romains^. Sous saint Grégoire,
la faveur des moines fut grande. Mais cette pros-
périté sur la fin du vi° siècle est de courte durée; la
faveur que leur valut particulièrement la protection
de saint Grégoire cesse sitôt la mort de ce pape
(604); une sensible réaction la suit. Les clercs qui
rédigent cette partie du Liber pontificalis trahis-
1. DuciiESNE, Origines,^. 135.
2. Peut-être à cet état de choses se rattachait la constitution
perdue du pape Innocent I"" (401-417) /)e regulis monasterio-
riim. L. P. t. I, p. 220.
3. L. P. t. I, p. 303 : « Monasteria et multitudo religioso-
rum, sapientium et nobilium subduxerunt se a communione
eius )) (Pelage). On voit là, en 556, l'importance des monas-
tères et la multitude des moines à Rome.
74 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
sent en plus d'un endroit le sentiment que cette réac-
tion leur inspire. On les voit féliciter le pape Sa-
binien (604-606) d'avoir, dans son court pontificat, et
évidemment à rencontre de saint Grégoire son pré-
décesseur, rempli l'Église de clercs [Ecclesiam de
clero implevit) ; et le pape Deusdedit (615-618) de leur
avoir rendu les charges et les revenus qu'ils possé-
daient jadis, grande marque d'amour du clergé [Hic
clerum multum dilexit, sacerdotes et clerum ad loca
pristina revocant] ^ . Ce qui s'était produit à l'élec-
tion de Pelage, en 556, ne se renouvela plus, passé le
vi'^^ siècle. Mais avait-on besoin de missionnaires pour
les lointaines contrées de l'Occident, avait-on besoin
de gardiens pour les sanctuaires les plus abandonnés
de la banlieue romaine, le pape les demandait au
monachisme.
Le premier monastère dont on constate l'établisse-
ment dans la ville éternelle, remonte au temps de
Xistus ni ('432-440). Ce pape confie à des moines la
garde du cimetière ad Catacumhas , sur la voie
Appienne^. L'objet de cette fondation est difficile à
déterminer : s'agissait-il d'assurer la desservance li-
turgique du sanctuaire ou d'en assurer simplement la
garde? On ne saurait le dire. La pensée de saint
Léon (440-461), successeur immédiat de Xistus III,
1. L. P. t. I, p. 315, 319.
2. L. P. t. I, p. 234, et la note de M^' Duchesne, p. 236 :
« Voici, dans le L. P. au moins, le premier exemple de ces
monastères fondés auprès des basiliques suburbaines, pour y
entretenir l'office divin avec une régularité qu'on n'eût pu
obtenir du seul clergé paroissial. » Cf. H, Grisar, Histoire de
Rome et des papes au moyen âge (éd. franc. 1906), t. I, p. 114.
LES ORIGINES DE L OFFICE ROMAIN. 75
jàS plus claire. Il établit un monastère d'hommes au-
[près de la basilique de Saint-Pierre ^ . Or, il n'est pas
{permis de penser que ces moines sont là pour le ser-
[vice des catéchumènes, des pénitents et des défunts,
|ce service étant réservé aux prêtres ^. Il n'est pas da-
jvantage permis de penser qu'ils sont là pour la garde
^de la basilique et spécialement de la confession du
l^prince des apôtres, ce soin étant dévolu par une cons-
ititution de saint Léon lui-même à des clercs d'un
[caractère spécial, les cuhieularii'^ . Ces moines sont
[là pour prier. Leur monastère est, croit-on , le mo-
nastère de Saints- Jean-et-Paul au Vatican.
La fondation, au v® siècle, de ce monastère ainsi
rattaché à la basilique de Saint-Pierre est un fait très
important. Ce monastère, en effet, est le plus ancien
des monastères basilicaux de Rome, et le type sur
lequel est fondé peu après le monastère annexé à
Saint -Laurent -hors -les -murs, sous le pape Ililaire
(461-468)'*. Saint Grégoire nous apprend l'existence
id'un monastère debout de son temps, annexé à Saint-
;Jean de Latran, « monasterium Laieranense'^ ». La
[fondation du monastère de Saints-André-et-Barthé-
lemy, annexé à Saint- Jean de Latran, est attribuée
au pape Honorius (625-638)^'.
1. L.P. 1. 1, p. 239.
2. H. p. 249. — 3. Id. p. 239.
4. hl. p. 245.
5. GREnOR. Dialog. II, prolog.
6. L. P. p. 324 : « Fecit aulem in domum suam iuxta Late-
ranis monasterium in honore sanctorum Andreae et Bartho-
lomei, qui appellalur Ilonorii, ubi praedia et dona simul
obtulil. » Ce même « monasterium Ilonorii » est mentionné
76 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le Liber pontificalis ^ dans la vie du pape Léon 111
(795-816), donne une liste des monastères romains de
la fin du viii^ siècle. Rome, à ce moment, n'en comp-
tait pas moins de quarante-neuf. Sur le nombre, il y
a des couvents de femmes; il y a des couvents indé-
pendants d'hommes ; mais il y a aussi nombre de
monastères unis à des basiliques. Ceux-là seuls nous
intéressent :
Monasterium sancti Pancratii qui ponitur iuxta basi-
licam Salvatoris.
M. sanctorum Andreae et Bartholomei qui appella-
tur Honori.
M. sancti Stephani qui ponitur iuxta Lateranis.
M. prinii martyris Stephani qui ponitur ad beatum
Petrum apostolum.
M. sanctorum lohannis et Pauli qui ponitur iuxta
beatum Petrum apostolum.
M. sancti Martini qui ponitur ubi supra.
M. sancti Stephani ubi supra qui appellatur cata
Galla Patricia.
M. sancti Gesarii qui ponitur ad beatum Paulum apo-
stolum.
M. sancti Stephani ubi supra.
M. sanctorum Gosme et Damiani qui ponitur iuxta
Praesepem.
M. sancti Andrée qui appellatur massa Iuliana [ubi
supra].
M. sancti Adriani qui ponitur iuxta Praesepem.
M. sancti Gassiani qui ponitur iuxta sanctum Lau-
rentium foris murum.
M. sancti Stephani qui ponitur ubi supra.
M. sancti Victoris qui ponitur ad sanctum Pancratium.
(viir siècle) dans l'itinéraire dit d'Einsiedeln. Urliciis, Coder
lirais Romae topographicus (Wurzbourg 1871), p. 73 et 74.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 77
M. sancli Andrée qui ponitiir iuxta basilicam Aposto-
lorum.
M. sancti Agapiti qui ponitur iuxta titulum Eudoxie.
M. sanctorum Eufemie et Archangeli qui ponitur
iuxta titulum Pudentis.
M. sancti Donati qui ponitur iuxta titulum sanctae
Priscae.
M. Hierusalem qui ponitur ad beatum Petrum apo-
stolum.
Si nous mettons à part ce dernier monastère qui
pt vraisemblablement un couvent de femmes, sui-
rant une conjecture de M^"" Duchesne, nous avons
"au total dix-neuf monastères annexés à des basi-
liques ^ . La basilique du Vatican en a quatre : Saints-
Jean-et-Paul date du v^ siècle ; Saint-Etienne-Majeur
passe pour avoir été fondé par Galla, fille du consul
et patrice Symmaque, au cours du vi^ siècle; Saint-
Etienne-Mineur date du pape Etienne II (752-757) ;
Saint-Martin remonte à l'époque du pape Grégoire III
(731-741)^. La basilique du Latran en a trois : Saint-
1. L. P. t II, p. 22-25.
2. Saints-Jean-et-Paul était sur l'emplacement actuel de la
chapelle Sixtine; Saint-Étienne-Mineur là où est aujourd'hui
la sacristie de Saint-Pierre; les deux autres monastères, au
chevet de la basilique. Saint-Étienne-Mineur était surnommé
de Agiilia (Urlichs, p. 228), l'obélisque encore aujourd'hui
debout.
Voyez L. P. t. I, p. 451, un texte important annexé à la no-
tice d'Etienne II : « Officia quod per multo tempore relaxati
fuerant nocturno tempore nocturnis horis explere fecit et
diurno officio similiter restauravit ut ab antiquitus fuerat.
Et a tribus monasteriis qui a prisco tempore in ecclesia beati
Pelri apostoli eundem offîcium persolvunt adiungens quar-
tum, ibidem monachis qui adhuc in ipso coniungerentur offi-
cio instituit, atque abbatem super eos ordinavit. Et multa dona
78 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Pancrace, plus ancien que le pape saint Grégoire par
qui il est appelé monasterium Lateranense\ Saints-
André-et-Barthélemy et Saint-Etienne sont récents.
Les deux monastères de Saint-Paul-liors-les-murs ,
c^est à savoir Saint-Césaire et Saint-Etienne, sont des
restaurations de Grégoire II (715-731). De même, les
trois monastères de Sainte-Marie-Majeure : Saint-
André, Saint- Adrien, Saints-Côme-et-Damien ^
Quelques textes du Liber ponliflcalis permet-
tent de caractériser ces monastères basilicaux du
VIII® siècle.
La communauté est exempte de l'autorité du prêtre
du titre qu'elle dessert, <<segregaium a iure potestatis
preshiteri tituliv), lisons-nous dans un texte qui est
comme la bulle de fondation du monastère annexé à
l'église de Saint-Ghrysogone par Grégoire III (731-
741). La communauté possède des biens fonds donnés
par le pape ou par des particuliers, et elle vit du re-
venu de ces biens fonds : « Pro sustentatione [le pape]
praedia et dona atque familiam largitus est; et
diversi alii fidèles et amatores domini nostri lesu
Christi. . . praedia et dona devotissime contuleruiit^ . »
Jusqu'ici rien ne différencierait ce monastère d'un
monastère bénédictin, mais voici où la distinction
commence. Lorsque Paul P'' fonde le monastère de
ibi largitus est, tam universa quae in monasterio necessaria
sunt monachis, quamque foris inmobilia loca, qui in psal-
lentio beati apostolorum principis Pétri cum supradictis tribus
monasteriis usque in hodiernum diem constituit. »
1. L. P. t. II, p. 43 et suiv.
2. L. P. 1. 1, p. 418.
I
LES ORIGINES DÉ l'oFFICE ROMAIN. 79
Saints-Étienne-et-Silvestre, en 791, monastère qui n'est
annexé à aucune basilique, il semble bien, à en juger
par la bulle d'érection du monastère, que le pape ne
nomme point l'abbé et que la communauté se gou-
verne elle-même ^ Au contraire, chaque fois qu'il est
question de monastères basilicaux, comme ceux du
Vatican ou du Latran, il est spécifié que l'abbé
est choisi et investi par le pape. Il y a plus : cet abbé
à la nomination du pape n'est point un moine de pro-
fession, c'est, si l'on peut dire, un prélat de la car-
rière. Dans les dernières années du viii^ siècle, sous
Léon 111, la charge d'abbé du monastère de Saint-
Etienne-Majeur, un des quatre monastères annexés à
Saint-Pierre, devient vacante. Qui le pape nomme- t-il?
Un clerc romain élevé dans le patriarchium du La-
tran, déjà prêtre : il s'appelle Pascal, c'est un prédi-
cateur éloquent, il sera pape à la mort d'Etienne IV
(817) : « ... ei monasterium beati Stephani priini mar-
tyris qui appellatur Maiorem, iuxia hasilicam beaii
Pétri principis apostolorum, ad regendum commi-
sit'^. » Enfin ces moines eux-mêmes, ces moines que
gouverne un abbé séculier, ces moines ne sont pas
proprement des moines : Etienne III (768-772), venu
de Sicile à Rome tout jeune, a été placé par le pape
Grégoire III (731-741) dans le monastère attaché
à Saint- Chrysogone, et là il est devenu clerc et
moine [illicque clericus atque monachus est effectus).
En étant moine, nul doute qu'il ne soit davantage
1. JaffÉ, 2346.
2. L. P. t. II, p.
80 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
clerc, car nous voyons le pape Zacharie (741-752)
l'enlever à son monastère pour l'attacher au service
de la chambre pontificale (in Lateranensis patriarchii
cubiculo esse praecepit) , après quoi il deviendra
prêtre du titre de Sainte-Cécile ^ Saint Chrodegang
ne concevra pas autrement les chanoines réguliers
(clerici canonici) qu'il établira à Metz, sur le modèle,
assure-t-il, de ce qu'il a vu pratiquera Rome^.
Or, quel est le rôle de ces moines basilicaux ro-
mains du viii^ siècle? Former les jeunes clercs à la
vie et à la science ecclésiastiques, en concurrence
avec le Vestiarium du palais pontifical? Héberger les
pèlerins qui viennent visiter les sanctuaires aposto-
liques^? Sans doute. Mais la charge principale de ces
moines est de chanter l'office. Et comme ils sont
clercs et moines, leur office sera double. Clercs, ils
prennent part à l'office quotidien des clercs, j'entends
l'office vigilial. Moines, ils y ajoutent l'office diurne
propre aux moines, tierce, sexte et none. Parlant de
la restauration par Grégoire II (715-731) des monas-
\. L.P. 1. 1, p. 468.
2. Paul. diag. Gesla episcoporum melensium (P. L. XGV,
709) : « Hic clerum adunavit et ad instar coenobii intra
claustrorum septa conversari fecit... Ipsumque clerum abun-
danter lege divina romanaque imbutum cantilena morem
atque ordinem romanae Ecclesiae servare praecepit. » La vie
du pape Grégoire IV (827-844) donne aux moines basilicaux
romains le nom de « monachi canonici ». L. P. t. II, p. 78.
3. L. P. t. II, p. 52 : « [Paschalis] gratiam hospitalitatis in
peregrinis et claudis qui ob"amorem beati Pétri apostoli de
longinquis regionibus ad eius limina occurrebant, uiiliter prae-
parans necessaria subministrabat ». Pascal était alors abbé
de Sain t-É tienne-Majeur.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 81
Itères de Saint-Paul-hors-les-murs , rhistoriographe
pontifical écrit :
... Monasteria que secus basilicam sancti Pauli apo-
stoli erant ad solitudinem deducta innovavit; atque
ordinatis servis Dei monachis congregationem post
longum tempus constituens, ut tribus per diem vici-
bus et noctii matiitinos dicerent.
Et comme on pourrait ne pas attribuer à ses expres-
sions toute leur valeur, il les répète peu après, en mar-
quant mieux ainsi le caractère canonique :
... Monasterium iuxta [ecclesiam sanctae Dei gene-
tricis ad praesepe] positum sancti Andreae apostoli,
quod Barbare nuncupatur, ad nimiam deductus de-
sertionem, in quibus ne unus habebalur monachus,
restaurans, monachos faciens, ordinavit ut teriiam
sextam et nonam vel matiitinos in eadem ecclesia
sanctae Dei genetricis cotidianis agerent diebus; et
manet nunc usque pia eius ordination
En d'autres termes, les moines de Saint-Paul et de
Sainte-Marie-Majeure chantent dans la basilique l'of-
fice vigilial nocturne [noctu matutinos) ; et, en outre,
tierce, sexte, none, le jour [tribus per diem vicihus].
Ceci au commencement du viii^ siècle.
Encore quelques années, et il ne s'agira plus seule-
ment de tierce, sexte et none, mais encore de prime
et de vêpres. Voici comment s'exprime l'historio-
graphe du pape Hadrien P'" (772-795) :
Hic... dum per aima exquisitione sua repperuisset
monasterium quondam Honorii papae in nimia deso-
1. L. P. t. I, p. 397-398,
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 6
82 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
latione per quandam neglegentiam evenire, divina in-
spiratione motus, a noviter eum aedificavit atque dita-
vit, et abbatem cum ceteros monachos regulariter
ibidem vila degentes ordinavit. Et constituit eos in
basilica Salvatoris quae et Gonstantiniana iuxta Late-
ranense patriarchio posita offîcio celebrari, hoc est
matutino, ora prima et tertia, sexta seu nona, etiam et
vespertina, ab uno choro, qui dudum singulariter in
utrosque psallebant, monachi monasterii sancti Pan-
cratii ibidem posito, et ab altero clioro monachi iam-
fati monasterii sancti Andreae et Bartholomei qui
appellatur Honorii papae, quatenus piis laudibus navi-
lerque psallentes, hymniferis choris Deique letis reso-
nent cantibus, reddentes Domino glorificos melos pro
sepius memorali venerandi pontiflcis nomen, scilicet in
saecula memorialem eius pangenles carminibus '.
Le texte spécifie que les moines des deux monas-
tères du Latran auront à chanter l'office en chœur
dans la basilique, l'office nocturne des vigiles et l'of-
fice diurne de tierce, sexte et none, auquel s'ajou-
tent dès lors prime et vêpres^.
1. L.P. t. I, p. 506.
2. Même formule au sujet des moines attachés à la basili-
que de Saint-Marc : « Matutino, hora prima, tertia et sexta
atque nona seu vespera. » Ibid. p. 507, Même formule au sujet
du monastère de filles attaché à la basilique de Sainte-Eu-
génie : « Hora prima, tertia, sexta, nona, vespera et matu-
tino. » Ibid. p. 510. Voyez (ibid. p. 501 et 511) ce qui est dit
de l'ofTice des monastères du Vatican et de Sainte-Marie-
Majeure : le pape Hadrien régularise partout l'office chanté
dans les basiliques. Voici le texte (p. 501) qui concerne le'
Vatican : « Constituit in monasterio sancti Slephani cata
Barbara patricia, situm ad beatum Petrum apostolum, con-
gregationem monachorum, ubi et abbatem idoneam personam
ordinans, statuit ut sedulus laudes in ecclesla beati Pétri per-
solvant, sicut et cetera tria monasteria; ut duo monasleri'a per
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 83
On saisit dans ces divers textes la trace de révo-
lution liturgique qui s'est accomplie à Rome, entre
la fin du vii^ siècle et le milieu du viii*', sous Tinfluence
monastique : j'entends la juxtaposition journalière de
Toffice vigilial traditionnel des clercs et des heures
monastiques. N'y a-t-il même que juxtaposition ? Et
l'office vigilial des clercs, tel que le formulait le Li~
ber diurnus^ n'a-t-il point subi une transformation
profonde? La distribution des psaumes et des leçons
à l'office vigilial, cette distribution que nous verrons
être, à Rome, à la fin du viii^ siècle, si sensiblement
différente de ce qu'elle était au vi*' siècle à en juger
par le Liber diurnus, n'est-elle point le fait des moines
basilicaux ^ ?
Cette évolution liturgique, accomplie à l'intérieur
des basiliques romaines entre la fin du vii*^ siècle et
le milieu du vin% est due à l'influence prépondérante
de l'usage de la basilique vaticane. Il est certain que,
déjà sous Grégoire III (731-741), tous les jours, à
Saint-Pierre, les moines des trois monastères alors
existant auprès de la basilique chantaient vêpres de-
vant la confession du prince des apôtres. Nous le
savons par le texte d'un synode romain de l'an 732 :
Tria illa monasLeria qiiae secus basilicam apostoli
simt constituta, sanctorum lohannis et Pauli, sancti
latera ipsius ecclesiae Deo nostro canant laudes ; quoniam ip-
sum monasterium in inagna desidia et negleclus incuria posi-
tus erat, et nullum offîcium divino cuitu ibidem exhibebatur. »
1. Notez que les textes produits par nous pour Rome au
Yiii' siècle ne mentionnent pas complies. Vêpres est alors la
seule evening prayer.
84 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Slephani, et sancti Martini, id est eorum congregatio,
omnibus diebus dum vesperas explevevint ante con-
fessionem... ^
Et ce même pape Grégoire III, lorsqu'il fonde le
monastère de Saint-Chrysogone, édicté que les moines
dudit monastère chanteront les louanges de Dieu,
dans la basilique de Saint-Chrysogone, non seule-
ment la nuit, mais encore le jour, selon l'usage de la
basilique de Saint-Pierre :
Constituens monachorum congregationem, ad persol-
vendas Deo laudes in eumdem titulum, diurnis atque
nocturnis temporibus ordinatam, secundum instar of-
ficiorum ecclesie beati Pétri apostoli.
Il restaure et il organise les monastères du Latran :
Congregationem monachorum... constituit ad persol-
venda cotidie sacra ofticia laudis divine in basilica
Salvatoris domini nostri lesu Christi, quae Constanti-
niana mencupatur, iuxta Lateranis, diurnis nocturnisque
temporibus ordinata, iuxta instar offîciorum ecclesie
beati Pétri apostoli 2.
La liturgie pratiquée à Saint-Pierre devenait le ca-
non même de la liturgie. Les monastères qui desser-
vaient la basilique étaient les plus anciens de Rome,
puisqu'ils remontaient à saint Léon : leur usage était
1. Ce texte est emprunté à un règlement établi par un synode
du clergé romain; ce règlement fut gravé sur des tables de
marbre dans la basilique de Saint-Pierre, et ces tables sont
encore en partie conservées. Voyez tout le texte reproduit par
DucuESNE, L. P. t. I, p. 422-424.
2. L. P. t. I, p. 418-419.
LES ORIGINES t>E L OFFICE ROMAIN. 85
me tradition, et leur tradition avait, à Rome même,
me exceptionnelle autorité. Leurs abbés ou recteurs,
[ui étaient des clercs, nous l'avons vu, cumulaient
leur fonction d'abbé avec celle d'archichantre de
Saint-Pierre : ils étaient les maîtres liturgistes de
l'Église romaine. Le liturgiste anonyme frank, dont
j'ai dit un mot déjà au paragraphe précédent et à
qui je reviendrai bientôt, nous a conservé le nom
de trois de ces recteurs, et il les place à la suite des
papes Léon, Gélase, Symmaque, Jean, Boniface, Gré-
goire, Martin, comme les plus récents et les plus au-
torisés îiturgistes et cantilénistes de l'Église ro-
maine :
Post istos quoque Galalenus abba, ibi deserviens
ad sepulcrum sancti Petii, et ipse quidem anni circuli
cantum diligentissime edidit.
Post hune quoque Maurianus abba, ipsius sancti
Pétri apostoli serviens, annalem suum cantum et ipse
nobile ordinavit.
Post hune vero domnus Virbonus abba et omnem
cantum anni circuli magnifiée ordinavit ^
Ce qu'était Rome pour la piété et pour l'imagina-
tion des peuples latins d'Occident du haut Moyen
Age ^, on l'a dit bien des fois, mais jamais mieux que
1. Anonym. Gerbert. v, 6 (plus loin, p. 177). Il faut lire
« domnus Virbonus » et non « Domnus vir bonus ». L'emploi
de domnus est un indice que cet abbé vivait encore quand le
document a été écrit.
2. J. GuiRAUD, Rome ville sainte au V siècle [Compte rendu
du IV^ congrès scient, internat, des cath. Fribourg 1897, p. 106
et suiv.). Cf. Vita aniiquissima S. Gmgorii, 28 (éd. Gasquet,
p. 37) : « ... Romne quae urbium caput est orbisque domina ».
86 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de rudes inscriptions ne le disaient à Rome aux pèle-
rins :
Quis negetlias arces insf ai' esse poli?
lisait-on au vi® siècle sur la porte de Rome dite porte
de saint Pierre ^ Ou encore :
Nimc caêlo est similis, nunc inchjfa Roma vere[nda],
cuius claustra docent inliis inesse Deiim-.
On lisait sur l'arc triomphal de la basilique du Va-
tican :
Quod duce te mundus sarrexit in astra triumphans
hanc Constantinus victor tibi condidit aulam ='\
Saint-Pierre était par excellence le sanctuaire de
la catholicité latine, et le tombeau de l'apôtre la pierre
angulaire de l'Église d'Occident.
Magna quidem serval venerabile Roma sepulchrum
in quo pro Christi nomine passus ohit^!
Tous les yeux étaient tournés vers cette confession
auguste. Des pèlerins lui venaient chaque jour des
L'auteur écrit vers 713, à Whitby. Rapprochez l'inscription
dédicatoire du Codex Amiatinus, offert à la basilique de Saint-
Pierre par Geolfrid, abbé de Wearmouth, en 716 : « Corpus
ad eximii merito venerabile Pétri | dedicat ecclesiae quem ca-
put alta fides... » Cf. mon article « Amiatinus » Am Diction-
naire de la Bible de Vigolroux, où j'ai résumé le travail de
M. de Rossi.
1. De Rossi, Inscriptiones, t. II, p. 99. — 2. Ibid.
3. Urlichs, p. 60.
4. De Rossi, p. 113, inscription de l'église Saint-Pierre, à
Spolète (v* siècle).
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 87
r
^B extrémités de la Bretagne, comme des vallées de la
^f Loire et du Rhin. Pour ces pèlerins la liturgie pra-
^ tiquée à Saint-Pierre était le canon de la liturgie.
L'illustre abbé de Wearmouth, le maître de Bède,
Benoît Biscop (628-690), était de ces pèlerins du
vii^ siècle , dévots au tombeau du prince des apô-
Itres : cinq fois il fit le pèlerinage d'Angleterre à
Rome. A Rome, il avait demandé le plan de son ab-
baye de Wearmouth. En souvenir de Rome, il avait
voulu qu'elle portât le vocable de Saint-Pierre. A
Rome, il avait acheté les livres de ses moines. A
Rome enfin, il avait demandé son office et sa canti-
lène. Davantage, il avait demandé au pape Agathon
(678-681) de lui donner des clercs romains, qui vien-
draient à Wearmouth former les moines anglo-
saxons à l'instar des moines romains. Accédant à
cette prière, le pape avait confié cette mission au
« vénérable Jean, archichantre de l'église de l'apôtre
saint Pierre et abbé du monastère de Saint-Martin »,
un des quatre monastères vaticans. Benoît Biscop
avait amené de Rome en Bretagne ledit abbé Jean,
pour que, à Wearmouth, il dressât les moines à
chanter l'office ainsi qu'on le chantait à Saint-Pierre
de Rome \
1. Bed. Hist. Anglor. iv, 18 {P. L. XCV, 199) : «... vir
venerabilis lohannes archicantator ecclesiae sancti apostoli
Pétri, et abbas monasterii beati Martini, ... venerat a Roma
per iussionem papae Agathonis... quatenus inmonasterio [ab-
batis Biscopi] cursum canendi annuum, sicut ad sanctum
Petrum Romae agebatur, edoceret. Egitqiie abbas lohannes
ut iussionem acceperat pontifiais, et ordinem videlicet ritum-
que canendi ac legendi viva voce praefati monasterii cantores
88 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Ce point est très instructif et n'a point jusqu'ici été
assez remarqué, que la basilique de Saint-Pierre, avec
sa scola et ses grands-chantres, a été le lieu d'ori-
gine de l'office canonique romain. Le fait était ac-
compli, dans le troisième quart du vii^ siècle, grâce à
cet irrésistible mouvement de dévotion et d'admiration
qui portait les moines d'au delà les monts à ne consi-
dérer plus comme office romain que l'office des moines
de Saint-Pierre ; à emprunter à cet office basilical la
distribution de ses psaumes, de ses leçons, le texte de
ses antiennes et de ses répons, le cycle de ses fêtes,
entendez les fêtes du temps. Tel était l'éclat et telle
l'autorité du canon de l'office basilical de Saint-
Pierre, à une époque où pourtant il n'était point encore
codifié, puisque l'abbé Jean dut, à Wearmouth, se ré-
soudre à en écrire au moins un directoire pour la
commodité des monastères anglo-saxons. Le jour où
l'office de Saint-Pierre se trouva codifié, le jour où les
Libri responsales ou antiphonaires dits plus tard
de saint Grégoire, mais en réalité de Saint-Pierre,
purent se répandre, ils feront la conquête des Églises
franques ^ .
Mais avant de voir ce succès de l'office basilical
romain, il nous reste à expliquer comment s'était
formé et développé l'office des églises cimitériales,
d'un mot le sanctoral de l'Eglise romaine, et comment
il fut introduit dans l'office basilical romain.
edocendo, et ea quae totius anni circulus in celebratione die-
rum festorum poscebat, etiam litteris mandando. »
1. Sur la pénétration (avant Pépin) du romain dans le gal-
lican, voyez D. Morin, « Fragments inédits d'antiphonaire
gallican », Revue bénédictine, 1905, p. 329-357.
LES ORIGINES DE l'oFIICE ROMAIN. 89
III
Les fêtes de saints, à Rome comme dans toutes les
Églises chrétiennes, étaient à l'origine des anniver-
saires de martyrs indigènes. Et ainsi l'histoire des
fêtes romaines de saints est liée à l'histoire des cime-
tières et des basiliques cimitériales de la banlieue ro-
maine.
Les églises inti^a muros ne furent pas d'abord mises
sous le vocable des saints. Les églises presbytérales
ou titres portaient le nom du fidèle ou du pape qui les
avait établies à ses frais. On disait, au iv*" et au v^ siècle,
le titre de Vestina, le titre de Lucina, le titre de Fas-
ciola, le titre de Damase, le titre de Pudens, le titre de
Clément..., pour désigner ces églises paroissiales ^
Plus tard seulement, au déclin du vi' siècle et au cours
du vii% les églises des diaconies furent fondées sous
des vocables de saints : on eut intima muros les basili-
ques de Saints-Côme-et-Damien, de Saint-Adrien, de
Saints-Sergius-et-Bacchus, de Sainte-Lucie...-, par
assimilation aux basiliques suburbaines élevées sur le
tombeau des martyrs et pour ce fait nommées de
leurs noms.
C'est, en effet, dans les seuls cimetières suburbains
que se célébraient à l'origine les anniversaires des
martyrs, de même que les anniversaires des défunts
de chaque famille. Un texte peu explicite attribue au
1. Voyez les souscriptions du synode romain de l'année 499,
sous le pape Symmaque, dans les Variae de Cassiodore
(édit. MoMMSEN des M, G.), p. 410-415.
90 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
pape Félix (269-274) l'institution de synaxes liturgi-
ques sur la tombe des martyrs; mais, comme on l'a
fait observer, ce texte ne témoigne rigoureusement
que de l'usage romain du commencement du vi*' siècle,
c'est-à-dire l'usage contemporain de la rédaction de
ce passage du Liber ^. On sait cependant, grâce à
Prudence, que cet usage existait au commencement
du v*^ siècle : le jour anniversaire de la mort d'un
martyr, la messe était célébrée, soit sur l'autel dos
basiliques cimitériales qui s'élevaient au-dessus du
tombeau, soit dans la crypte elle-même (si elle exis-
tait encore), sur un autel placé à côté du tombeau. La
messe ad corpus, si restreint pouvait être le nombre
des assistants, était par la force des choses une messe
quasi privée ; l'autre, au contraire, célébrée dans une
enceinte souvent fort vaste, ou même à ciel ouvert
sur l'aire du cimetière, était une missa publica. Le
peuple pouvait y assister en foule. Parlant de l'anni-
versaire de saint Hippolyte, sur la voie Tiburtine,
Prudence distingue soigneusement la crypte où est le
corps du martyr et où les fidèles viennent journelle-
ment et individuellement prier :
Haud procul extrcmo culta ad pomaeria vallo
mersa latebrosis crypta patet foveis...
et la basilique, celle de Saint-Laurent, élevée au rez
du sol, où, le jour anniversaire du martyr, le peuple
et les pèlerins viennent en foule assister aux solen-
nités liturgiques :
\. L. P, t. I, p. 158.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 91
lam ciim se rénovât deciirsis mensibus annus
natalemque diem passio festa refert...
urbs augiista suos vomit effunditqiie Quirites...
Exsultant fremUus variariim hinc inde viarum..,
Stat sed iiixta aliiid quod tanta freqiientia iemplum
tune adeat, cnltii nohile regifico...
Plena lahorantes aegre domiis accipit undas
arctaque confertis aestuat in foribiis i.
La vie de sainte Mélanie nous a appris que la fête
de saint Laurent est solcmnisée par une messe, que
précède une vigile nocturne ^. On le savait grâce à
l'auteur du traité De haeresi praedestinatorum,
qui, écrivant au y° siècle, rapporte, en effet, que
la basilique des saints Processus et Martinien, au
deuxième mille de la voie Aurélienne, a été enlevée
à la secte hérétique des Tertullianistes, qui y avaient
installé leur culte (392-394). Cette expulsion date au
plus tard du pontificat d'Innocent V^ (401-417). Et
notre auteur en écrit ceci : « Martyrum suorum
Deus excuhias catholicae festivitati restituit ^. » Le
mot excubiae est le synonyme de vigiliae.
1. Prudent. Perisiephanon, xi, 153 et suiv. Cf. card. Ram-
POLLA, p. 267.
2. Voyez plus haut, p. 50.
3. Praedestinat. i, 86 {P. L. LUI, 617). Saint Jérôme
écrivait, en 403, Epistula GVII, 1 : « Auratum squalet Capi-
tolium. Fuligine et aranearum telis omnia Romae templa coo-
perta sunt. Movetur urbs sedibus suis, et inundans populus
ante delubra semiruta, currit ad martyrum tumulos. » Rappro-
cher de ce texte la préface que donne le sacramentaire îéo-
nien {P. L. LV, 91) pour la messe du « Natale S. Xisti
in coemeterio Callisti, et Felicissimi et Agapiti in coemeterio
Praetextati, via Appia ». Elle commence ainsi : « Quoniam
inter innumeras toto mundo martyrum palmas, quibus urbis
huJus praecipue coronatus est ambitus... ».
92 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
S'il est permis de chercher dans les usages d'au
delà les monts un commentaire des usages romains,
volontiers nous le trouverions dans la description
que donne Sidoine Apollinaire des vigiles célébrées
au tombeau de saint Just, à Lyon, au jour anniversaire
de ce martyr. Il écrit : « Nous nous étions rendus au
tombeau de saint Just, avant le jour, pour l'anniver-
saire {processio anteliicana, solemnitas anniver-
sarid). La foule était énorme, tellement que la basi-
lique et la crypte et les portiques ne la pouvaient
contenir. On célébra d'abord les vigiles : les psaumes
furent chantés par les chœurs alternant de moines et
de clercs [Cultu peracto vigiliaram, quas alternante
mulcedine monachi clericique psahnicines concele-
bra{>erunt...). Et les vigiles terminées, chacun alla
se promener, à son gré, mais sans trop s'éloigner,
car il fallait être revenu à tierce pour la messe solen-
nelle (... ad tertiam praesto futiiri, cum sacerdotibus
res diçina facienda) ^ .
A Rome, au cours du iv*^ siècle, non seulement les
cryptes historiques des catacombes avaient été dispo-
sées pour le culte ainsi entendu, mais des basiliques
avaient été construites sur l'aire de la plupart des
cimetières. J'ai nommé Saint-Laurent sur la voie Ti-
burtine, il faudrait en nommer bien d'autres : Saint-
Silvestre au cimetière de Priscille, Saints-Nérée-et-
Achillée au cimetière de Domitille.... Le soin que les
plus anciens calendriers (tel le calendrier Philoca-
lien^, de l'année 354) mettent à marquer le locus de-
1. SiDON. Episiul. CVII, 9.
2. Plus exactement, les deux tables d'anniversaires (Depo-
I
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 93
positionis des saints qu'on fête, est une preuve que
ces fêtes de saints se célébraient précisément au /o-
cus depositionis. Le sacramentaire que Ton appelle
léonien, et qui est le plus ancien missel romain que
l'on possède (il est sûrement antérieur à saint Gré-
goire et certaines pièces du recueil peuvent dater de
la fin du iv'' siècle), indique pour toutes les fêtes de
saints qu'il comprend le lieu où elles sont célébrées,
et c'est toujours dans un cimetière suburbain qu'il
donne rendez-vous aux fidèles. Des homélies du pape
saint Grégoire on peut tirer des indications ana-
logues : en effet, si le pape prêche au peuple pour le
natale d'un martyr, on est sûr que c'est dans la basi-
lique cimitériale de ce martyr, c'est-à-dire dans
une église extra muros. Ceci au commencement du
vii^ siècle.
En cessant toutefois, à dater de 410 et de la prise
de Rome par les Goths d'Alaric, d'être les cimetières
ordinaires des paroisses romaines, et en devenant
par ce fait de simples lieux de pèlerinage, les cata-
combes perdirent nombre de leurs visiteurs et de
leurs desservants. Les fossores disparaissent au
v^ siècle. L'usage de célébrer dans ces nécropoles
des messes anniversaires privées pour les défunts
s'éteint au siècle suivant, où nous voyons le pape
Jean III (561-574) s'appliquer à en restaurer la dé-
votion, et obligé, pour qu'au moins le dimanche les
saints mystères soient célébrés dans les anciens ci-
silio episcoporum et Depositio martyrum) contenues dans
le recueil chronographique de l'an 354 : ces deux tables sont
reproduites par M^^ Duchesne, L. P. t. I, p. 10-12
94 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
metières suburbains, de faire les humbles frais de
ce service*. Avec le vi*" siècle commence l'époque de
la ruine lente et de l'oubli 2. Le siège de Rome par
les Goths, en 537, contribue plus qu'aucune autre
cause : « Nam et ecclesias et corpora martyrum ex-
terminatae sunt a Gothis », écrit l'historiographe du
pape Silvère (536-537) ^.
Dum periliira Gethae posuissent castra sub urbe
moverunt sanctis hella nefanda prias ;
istaque sacrilego verteriint corde sepulchra
martyribiis qiiondam rite sacrala piis.
Ainsi parlait une inscription du cimetière lorda-
nodum, sur la via Salaria nova, pour rappeler les
restaurations entreprises après les dévastations des
Goths ^•. Les Lombards du temps de saint Grégoire et
ensuite ne furent pas plus respectueux que les Goths.
Au milieu de tant de paniques et de ruines, que
devait devenir le culte des martyrs? Allait-on, puis-
que le locus depositionis devenait inaccessible, cesser
de fêter l'anniversaire du saint? Le culte des saints
ne pouvait-il donc pas immigrer à l'intérieur de Rome
et à l'abri de ses murs ?
Cette immigration du culte des martyrs à Tinté-
1. L. P. t. I, p. 305 : « Hic amavit et restauravit cymiteria
sanctorum martyrum », etc.
2. L. P. t. I, p. 464 : « neglectus atque desidia autiquita-
tis » (notice du pape Paul P"").
3. L. P. t. I, p. 291.
4. De Rossi, Inscriptiones, t. II, p. 100. Cf. L. P. t. I,
p. 293, note 11 du commentaire de Ms' Duchesne.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 95
rieur de Rome coïncide avec Tépoque où les églises
romaines commencent à se décorer de noms de saints.
Les églises de diaconies, fondées au déclin du vi^ siè-
cle et au VII*', l'ont été, nous l'avons vu, sous des
vocables de saints. Vers le même temps, les titres
presbytéraux se donnent à leur tour des martyrs
pour éponymes, le titulus Pudentis devenant Sainte-
Pudentienne, le titulus Prlscae Sainte-Prisca, le
titulus Anastaslae Sainte- Anastasie, le titulus dé-
mentis Saint-Clément. Cette transformation des
vocables basilicaux est achevée au viii^ siècle. La
même pensée qui a fait donner aux églises de dia-
conies le nom de saints étrangers à Rome a fait,
et ce dès le v^ siècle, consacrer des basiliques de
l'intérieur de Rome sous le vocable de la vierge
Marie et des saints apôtres. L'anniversaire de la
dédicace de ces églises urbaines coïncidait le plus
souvent avec la date fixée par les martyrologes à
l'anniversaire des saints dont ces églises portaient
le vocable. Les fêtes des saints non indigènes s'éta-
blirent ainsi les premières dans les églises de l'in-
térieur de Rome. Puis, à dater du vii^ siècle, les
reliques des martyrs suburbains, en 648 celles des
saints Primus et Félicien, du xv® mille de la voie
Nomentane, en 682 celles des saints Simplicius,
Faustinus et Viatrix, du V*' mille de la voie de Porto...,
commencent à être transférées dans les basiliques
de la ville. Au viii^ siècle, à la suite du siège de
Rome par Astolphe et les Lombards (756), les corps
des principaux martyrs des catacombes les plus voi-
sines de Rome se trouvèrent transportés à l'abri
96 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
des murs de la ville K Et leur culte les y suivit.
Les fêtes des saints en cessant d'être des fêtes ci-
mitériales, ne perdirent pas encore leur caractère
strictement local. Là où était la relique, là se célébrait
la fête ; et, par analogie, à l'église qui portait le nom
du saint appartenait en propre sa fête. La fête du
saint devenait une sorte de station. Ainsi les fêtes de
la vierge Marie étaient célébrées à Sainte-Marie- Ma-
jeure; les fêtes des saints Côme et Damien dans la
basilique de Saints-Côme-et-Damien ; la fête des
saints Simplicius et Faustinus dans la basilique de
Sainte-Bibiane, et ainsi des autres. Dans VOrdo ro-
main de la bibliothèque de Montpellier, qui est du
viii*' siècle^, on lit la rubrique suivante : l'archidiacre,
1. De Rossi, Roma sotterranca, t. I, p. 221. — En 731-741,
sous Grégoire III, des anniversaires se célébraient encore
avec des vigiles dans les cimetières : « ... disposuit ut in cimi-
teriis circumquaque positis Romae in die nataliciorum eorum
luminaria ad vigilias faciendum... deportentur » (L. P. t. I,
p. 421). En lbl-161, sous Paul I^--, tout culte cesse : « ... cer-
nens plurimaeorundem sanctorum cymiteriorum loca ... demo-
litione atque iam vicina ruine posita, protinus eadem sancto-
rum corpora de ipsis dirutis abstulit cymiteriis : quae cum
hymnis et canticis spiritalibus infra hanc civitatem Romanam
introducens, alia eorum per titulos ac diaconias seu monaste-
ria et reliquas ecclesias cum condecenti studuit recondi ho-
nore » (L. P. t. I, p. 464).
2. Ordo de Montpellier, fol. 92 : « Tune archidiaconus
accepto ipso calice vadet iuxta altare in dexteram partem,
et tenens ipsum calicem in manibus suis pronuntians ven-
turam stationem dicendo : Illa feria venieiite natale est illius
sancti sive martinim sive confessorum in illo et in illo loco,
et respondent omnes Deo gratias. » — Cette rubrique se trouve
déjà et plus nette encore dans le sacramentaire gélasien
(vir siècle) : « ... in illo igitur loco, vel in illa via, illa feria,
hanc eamdem festivitatem solita devotione celebremus. » P. L.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 97
à la messe solennelle pontificale, avant de distribuer
la communion aux fidèles, doit annoncer la prochaine
station en ces termes : « Tel jour est l'anniversaire
[natale) de tel saint, soit martyr, soit confesseur, qui
se célébrera en tel ou tel lieu ». Ce qui prouve bien
que les fêtes du sanctoral, même célébrées intra
miiros, restaient des fêtes locales ^ Autre preuve
du même fait dans la vie du pape Grégoire III
(731-741). Ce pape construit dans la basilique de
Saint-Pierre un oratoire « en l'honneur du Sauveur,
de la vierge Marie, des apôtres, des martyrs, des con-
fesseurs et de tous les justes » ; il établit que « chaque
jour » , après que les « vêpres auront été dites
devant la confession » de saint Pierre, les moines des
« trois monastères attachés à la basilique » se ren-
dront au nouvel oratoire, et là « chanteront trois
psaumes^ », en l'honneur des saints dont ce sera la
fête [quorum natalicia fuerint). En d'autres termes,
l'ofiice de « tous les jours » ne faisant aucune mention
des saints dont est marquée la fête au calendrier ro-
LXXIV, 1155. Par contre, dans le sacramentaire grégorien ou
mieux sacramentaire du pape Hadrien, cette rubrique a dis-
paru.
1. Ordo de Montpellier, fol. 95, au sujet de la fête de la Pu-
rification : « Postea quidem die secundo mense februario quod
est IIII non. ipsius mensis colleguntur omnes tam clerus ro-
manae Ecclesiae quam et omnes monachi monasteriorum cum
omni populo suburbano seu et copiosa multitudo peregrinorum
de quacumque provintia congregati venientes ad ecclesia beali
Adriani mane prima... Et procedunt omnes cura magna reve-
renlia ad sanctam Mariam maiorem... »
2. Textuellement : « Très psalmos et euangelia matutina Deo
canant. »
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 7
98 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
main, le pape Grégoire III institue un office commé-
moratif à part pour les saints, afin que ces saints^ fêtés
ailleurs, ne soient point oubliés dans la basilique de
Saint-Pierre ^ Commentant ce texte de la vie de Gré-
goire III, M^"" Duchesne écrit : « La fondation litur-
gique de Grégoire III n'est pas mentionnée dans les
vies des papes ses successeurs, ni dans aucun texte,
à ma connaissance. 11 est probable que l'on se sera
affranchi de bonne heure d'un service assez oné-
reux^. » Ne serait-ce pas plutôt que cette fondation
ou rubrique de Grégoire III aura été transformée en
1. L. P. t. I, p. 421 : « ... [constituit ut] pro celebranda sol-
lemnia vigiliarum atque missarum Ghristi domini Dei nostri
sancteque eius genetricis, sanctorum apostolorum vel omnium
sanctorum ac confessorum, perfectorum iustorum, toto in orbe
terrarum requiescentium, ut in oratorio nomini eorum dedi-
cato intro ecclesiam beati Pétri, sub arco principali, a mona-
chis vigiliae celebrentur et a presbiteris ebdomadariis mis-
sarum sollemnia. » — Le synode de 732 est plus explicite : «... ut
sanctorum festa celebrentur in oratorio quod a me construc-
tum est in honore Salvatoris, sanctae Dei genitricis sem-
perque virginis Mariae dominae nostrae, sanctorumque apo-
stolorum, martyrum quoque et confessorum Ghristi, perfectorum
iustorum, intro ecclesiam sancti Pétri apostolorum principis,
et ut tria illa monasteria... très psalmos et euangelia matu-
tina Deo canant. His expletis presbyter qui in hebdoma fue-
rit, ... in eundem oratorium in honorem Salvatoris, Dei geni-
tricis, sanctorum apostolorum, martyrum et confessorum,
perfectorum iustorum, quorum natalicia fuerint [missam fa-
ciet]. » Et au canon de ladite messe, à « Imprimis gloriosae
seraper Virginis... et omnium sanctorum », il ajoutera : « Sed
et natalicium célébrantes sanctorum tuorum martyrum ac
confessorum, perfectorum iustorum, quorum solemnitas hodie
in conspectu gloriae tuae celebratur... » Cité par Duchesne,
L. P. t. I, p. 422.
2. L. P. p. 423.
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 99
le autre qui seule a persisté? Et quelle autre institu-
)n sera-ce que la célébration à Saint- Pierre des
\talitîa des saints du calendrier romain?
Passiones sanctorum vel gesta ipsorum usque Adriani
tempora tantummodo ibi legebantur ubi ecclesia ipsius
sancti vel litulus erat : ipse vero a tempore suo ren-
nuere ^ iussit, ut [pour el'] in ecclesia sancti Pétri le-
gendas esse constituit.
Ainsi s'exprime VOrdo de la Vallicellane publié par
'omasi^. Ce n'est qu'un indice. Ce qui est plus
qu'un indice, c'est que les liturgistes carolingiens, qui
vont transporter en France l'office canonique romain,
ne connaîtront point d'autre régime que celui-là : le
sanctoral devenu partie intégrante de l'office cano-
nique^.
1. Rennuere, désapprouver. Lo Decretum Gelasii de lihris
recipiendis, parlant de la chronique et de l'histoire d'Eusèbe,
déclare qu'on ne les condamne pas : « ... usque quaque non
dicimus rennuendos. »
2. TOMASi, Opéra omnia, éd. Vezzosi (Rome 1747-1764),
t. IV, p. 325. Cet ordo est tiré du ms. D. 5 (x-xr siècle),
de la Vallicellane, à Rome. J'ai collationné le texte sur le ms.
— Le renseignement qu'il nous donne est confirmé par ce pas-
sage d'une lettre du pape Hadrien à Gharlemagne : « Pas-
siones sanctorum martyrum sancti canones censuerunt ut liceat
eas etiam in ecclesia legi, cum anniversarii dies eorum cele-
brantur. »
3. Amalar. De ord. antiph. 28 : « Multa officia sanctorum
indidi in nostro antiphonario ex romano, quae non habet me-
tensis antiphonarius. Cogitavi cur ea omitterem, cum eadem
auctoritate fulciantur qua et illa quae scripta invenimus in
metensi antiphonario, scilicet sanctae matris nostrae roma-
nae Ecclesiae. » Cf. Mansi, t. XII, p. 395, canon 13 du concile
de Glovesho, en 747 : « ... Dominicae dispensationis festivi-
tates... in cantilenae modo celebrentur, iuxta exemplar vide-
100 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le moment était venu, en effet, et il coïncide (autre
et significative rencontre) avec le pontificat des suc-
cesseurs immédiats de Grégoire III, où le canon de
l'office observé à Saint-Pierre allait faire la conquête
des Églises franques; où le même sentiment qui avait
popularisé au cours du vu'' siècle en Angleterre
le cursus et la cantilène de Saint-Pierre, allait faire
adopter ce même cursus et cette même cantilène par
les évêques franks ; et où il n'y aurait pas que des
basiliques romaines comme Saint-Chrysogone, mais
bien encore de lointaines cathédrales, comme celles
de Metz et de Rouen, où l'office divin se célébrerait
désormais « iuxta instar officiorum ecclesie beati Pé-
tri apostoli ». En France, comme cent ans aupara-
vant en Angleterre, cette propagation de la liturgie
romaine est le fait de l'initiative individuelle : la liturgie
romaine attire les dévotions à elle par la vertu de
saint Pierre et par la vertu de sa beauté propre ^ . Saint
Chrodegang est, comme était Benoît Biscop, tout pé-
nétré de dévotion aux choses de Rome et de saint
licet quod scriptum de romana habemus Ecclesia. Itemque
ut per gyrum totius anni natalitia sanctorum iino eodem die,
iuxta martyrologium ejusdem romanae Ecclesiae, cum sua
sibi convenienti psalmodia seu cantilena venerentur. »
1. Au ix*" siècle, il en sera autrement, témoin la lettre par
laquelle le pape Léon IV (847-855) reproche à Honorât (abbé
de Farfa, pense-t-on) de n'avoir que de l'aversion pour la
« dulcedinera gregoriani carminis cum sua quam in ecclesia
traditione canendi legendique ordinavit et tradidit », si bien
que l'abbé est en désaccord avec le siège de Rome et autant
avec « omni pêne occidentali ecclesia ». Léon IV entend im-
poser « traditionem nostri sancti praesulis » sous peine d'ex-
communication. Voyez le texte de cette lettre dans {M. G.)
Epistolae karoUni aevi, t. III (1899), p. 603-604,
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 101
^ierre : au retour d'un pèlerinage au tombeau du
prince des apôtres, en 754, désireux d'assurer la ré-
gularité de l'office tant nocturne que diurne dans la
cathédrale de Metz, il institue une communauté de
clercs sur le modèle des communautés monastiques
attachées à Rome à la desservance des basiliques, et
il impose à ces clercs réguliers Vordo romain de
l'office et la cantilène romaine : « Clerum abundari'
ter lege divina romanaque imbutum cantilena^ mo-
rem atque ordinem romanae Ecclesiae servare prae^
cepit, quod usque ad id tempus in metensi Ecclesia
factum minime fuit^, » Le grand évêque de Metz n'est
pas mort que son exemple est imité par Remedius,
archevêque de Rouen ; lui aussi, au retour d'un pèle-
rinage à Rome, en 760, il amène à Rouen, avec l'auto-
risation du pape Paul, le secondicier de la Scola can-
toram pour initier ses clercs aux « modulations de la
psalmodie » romaine. Puis, le chantre romain ayant
dû peu après revenir à Rome, Remedius envoie ses
clercs terminer leur formation à Rome dans la Scola
cantorum'^. Il veut avoir à Rouen, comme Chrode-
1. Paul. diag. Gesta episcoporum metensium {P. L. XGV,
709). Cf. MONACH. Sangallen. De gestis Caroli, i, 11 (P. L.
XGVIII, 1378).
2. Jaffé, 2371 (P. L. XGVIII, 200). Paul I- écrit à Pépin
qui lui a demandé de veiller à achever la formation des
moines de l'archevêque Remedius : « ... praesentes Deo ama-
bilis Remedii, germani vestri, monachos Simeoni scolae can-
lorum priori contradere, ad instruendum eos in psalmodiae
modulatione. » Le secondicier qui avait été envoyé à Rouen
s'appelait Simôon. Il a été rappelé à Rome par la mort du pri-
micier, qui s'appelait Georges, et auquel il succède. « Defunclo
praefato Géorgie, et in eius idem Simeon, utpote sequens
102 HisroinE du bréviaire romain.
gang à Metz, le pur ot^do et la pure cantilène de
Saint-Pierre ^ A son tour enfin, Pépin étend à toutes
les Églises franques la réforme inaugurée à Metz
et à Rouen , et enjoint à tous les évêques franks de
renoncer à Vordo gallican pour apprendre le chant
romain et célébrer désormais Toffice divin en confor-
mité avec le Saint-Siège. Ce sont les termes de Char-
lemagne renouvelant, en 789, le décret de Pépin?.
Dès le milieu du viii^ siècle, c'est la conséquence
qu'il faut tirer de ces quelques faits si considérables,
l'office romain, qui supplante ainsi en France le vieil
office gallican, est codifié. L'antiphonaire dit gré-
gorien, en réalité de Saint-Pierre, est écrit et fermé.
De fait, vers l'année 760, le pape Paul I" envoie au
roi Pépin un exemplaire de l'antiphonaire ou recueil
des antiennes et des répons de l'office romain ^ .
illius, accedens locum, ideo pro doclrina scolae eum ad nos
accersivimus. » Les moines rouennais viendront à Rome; le
pape les confie à Siméon, « eosque optime collocantes, solerli
indiistria eamdem psalmodiae modulationem instrui praece-
pimus ».
1. Rapprochez Gesla ahbatum Fontanellensium [ Saint-
Wandrille], 16 (Pertz, {M. G.) Scriptores, t. II [1829], p. 292) :
« [Gervoldus abbas reliquit] antiphonarium romanae Eccle-
siae volumen unum. » Voyez ibid. ce qui est rapporté de son
amour de la cantilène. Gervoldus meurt en 806.
2. P. L. XGVII, 180, et Pertz, M. G. Leg. t. I (1835), p. 44 :
« Omni clero. Ut cantum romanum pleniter discant, et ordi-
nabiliter per nocturnale vel gradale officium peragatur, secun-
dum quod beatae memoriae genitor noster Pippinus rex decer-
tavit ut fieret, quando gallicanum tulit ob unanimitatem
apostolicae sedis et sanctae Dei ecclesiae pacificam concor-
diam. »
3. Jaffé, 2351 {P. L. LXXXIX, 1157) : « Direximus etiam
praecellentiae vestrae et libros, quantos reperire potuimus.
L
LES ORIGINES DE l'oFFICE ROMAIN. 103
En 754, saint Chrodegang avait rapporté pareilles
pandectes à Metz. C'est cette œuvre liturgique, codi-
fiée ainsi pour la première fois, ou du moins nous
apparaissant telle pour la première fois vers 750, qu'il
nous reste à décrire en détail, en restituant dans la
mesure de nos ressources historiques l'économie de
cet office romain, qui ravissait si fort les pèlerins nos
aïeux du viii° siècle, qu'ils n'hésitèrent point à lui
sacrifier la tradition propre de leurs Églises.
id est antiphonale et respoiisale, insimul artem grammaticam,
Aristotelis, Dionysii Areopagiti libros, geometricam, ortho-
graphiam, grammaticam, omnes graeco eloquio scriptores,
iiecnonet horologiiim nocturnum. » — L'antiphonaire rapporté
de Rome à Gorbie par l'abbc Wala, sous Grégoire IV, portait
le nom du pape Hadrien. On y lisait en titre : « Incipit re-
sponsoriale de circulo anni lemporibus ter beatissimi et apo-
stolici domini Adriani papae per indictionem septimam « [783-
784]. Et à la fin : « Hoc opus summus parât pontifex dominus
Adrianus sibi memoriale per saecla. » Amalar. De ord. an-
tipli. prolog.
CHAPITRE III
l'office romain du temps de charlemagxe.
Pour décrire l'office romain du temps de Charle-
magne, des Antiphonalia et des Responsalia ^ pure-
ment romains, comme ceux dont parle le concile de
Glovesho en 747^ ou ceux que Chrodegang rapporta
de Rome à Metz en 754, ou ceux que Pépin reçut du
pape Paul P'' vers 760, ou celui que l'abbaye de Cor-
bie possédait « signé » du pape Hadrien en 783, nous
seraient infiniment précieux. Nous ne les avons mal-
heureusement pas^.
1. Précisons les termes. Nous savons par Amalaire [De ord.
antiph. prolog-) que les Romains de son temps distinguent
1° le Cantatortiim ou livre des chants de la messe, qu'Ama-
laire appelle graduel {Gradale), 2" le Responsoriale ou livre
des répons de l'otfice, 3" VAntiphonariiis ou livre des antiennes
de l'office. Amalaire, fidèle à l'usage frank, bloque les répons
et les antiennes et donne au recueil le nom d'AiiUphonarius.
Paul P"", envoyant à Pépin les livres d'office romains, distin-
gue « Antiphonale et responsale ». Jaffk, 2351. Tenons-nous
à la terminologie d'Amalaire.
2. L'antiphonaire publié sous le nom de saint Grégoire par
les éditeurs bénédictins de ses œuvres, est un ms. de la fin du
IX" siècle, Bibl. Nat. lat. 17436, provenant de l'abbaye de Saint-
Corneille, à Gompiègne. G'cst un texte romano-frank appro-
prié à l'usage d'une église du Nord de la France. Il est réim-
primé dans P. L. LXXVIII. 726-850.
l'office romain du temps de charlemagne. 105
En revanche, nous avons l'œuvre du liturgiste frank
Amalaire ^ Né dans la seconde moitié du vin" siè-
cle, disciple d'Alcuin à Tours, très en cour auprès de
Charlemagne qui le fit archevêque à Trêves (vers
809), Amalaire est le plus grand liturgiste de son
temps et de son pays. Il connaît Rome pour l'avoir
visitée une première fois, croit-on, sous le pape
Léon m (795-816). Il y est revenu, sous le pape Gré-
goire IV, en 831. II s'y est appliqué à l'observation
des usages liturgiques ; il a interrogé notamment l'ar-
chidiacre Théodore, dont il. rapporte les réponses.
Entre les exemplaires romains de l'antiphonaire,
comme entre l'usage romain du temps et ces exem-
plaires de dates diverses, Amalaire constate de mul-
tiples divergences. La raison en est aisée à con-
jecturer : la lettre, la note, l'ordre ont varié même à
Rome entre 750 et 830. Amalaire nous l'apprend :
étant en 831 à Rome, il a demandé au pape Gré-
goire IV un exemplaire du chant suivi à Rome, et le
pape lui a répondu qu'il n'en avait pas qu'il pût offrir
à l'empereur, Louis le Débonnaire, ayant donné le
seul qu'il eût de disponible à l'abbé de Gorbie, Wala,
quand naguère il était venu en ambassade à Rome.
Amalaire recourt au monastère de Gorbie, où il
consulte l'antiphonaire donné par Grégoire IV : un
exemplaire, en quatre volumes, trois pour l'office noc-
1. Voyez Dom Morin, « La question .des deux Amalaires »,
Revue bénédictine, t. VIII (1891), p. 433-442 et « Amalaire,
esquisse biographique», ibid. t. IX (1892), p. 337-351. Voyez
aussi la notice de E. Duemmler, dans {M. G.) Epistolae karolini
aevi, t. III (1899), p. 240-241.
106 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
turne, un pour l'office diurne, portant en tête une
inscription (nous Favons citée plus haut) qui attri-
buait au pape Hadrien cette codification. Or, poursuit
Amalaire, l'antiphonaire de Corbie et ceux de Metz
différaient « non solum in ordine, verum etiam in
çerbis et multitudine responsoriorum et antiphona-
riim quas nos non cantamus ». Il est vrai que l'an-
tiphonaire de Metz parut à Amalaire sur beaucoup de
points mieux ordonné : « In multis rationahilius
statuta reperi nostra volumina quam essent illa » ^ .
Amalaire était donc en présence d'un problème de
critique, qu'il résolut ingénument par de l'éclectisme
en constituant un antiphonaire romain propre à Metz,
qui de longtemps allait être l'édition modèle du chant
ecclésiastique ^. C'est cette édition quasi critique qu'il
commente dans son livre De ordine antiphonarii
publié entre 827 et 833. Nous y trouvons, puisque
d'ailleurs nous possédons les répons et les antiennes
dont parle Amalaire, de précieuses indications pour
reconstituer l'office authentiquement romain ^.
1. De ord. an^ipi^. prolog. — Amalaire encore (/6/'i. 68), par-
lant des antiennes dont le texte est pris aux évangiles de
chaque jour, raconte qu'il demanda aux « maîtres de l'Église
romaine », s'ils les chantaient, et ceux-ci répondirent non. Et il
ajoute : « Nostri tamen magistri dicunt se eas ab eis perce-
pisse per primos magistros quos melodiam cantus Romani
docuerunt infra terminos Francorum. Deus scit si isti fallant,
aut si ipsi fefellissent qui gloriati sunt se eas percepisse a
magistris romanae Ecclesiae, aut Romani propter incuriam et
neglegentiam eas amisissent... »
2. Voyez SangaUen. monach. i, 11 {P. L. XGVIII, 1378).
3. Walafrid. Straiî. De eccl. ver. exord. 25 {P. L. CXIV,
956) ; « Et quia gallicana Ecclesia viris non minus perilissi-
l'office HOMAIN J3U TEMPS DE CHARLEMAGNE. 107
De plus, nous avons un repère excellent dans un
manuscrit, tardif sans doute, il est du xii^ siècle,
mais très authentiquement romain, puisque c'est un
antiphonaire qui a été à l'usage de la basilique de
Saint-Pierre de Rome^ Encore sera-t-il nécessaire
de tenir compte de l'influence en retour que la litur-
gie carolingienne a eue sur la liturgie de Rome, l'u-
sage romano-frank ayant unifié la tradition liturgique
romaine elle-même, — phénomène qui n'est pas spé-
cial à l'antiphonaire, puisqu'il s'est produit pareille-
ment pour les sacramentaires.
Nous prenons donc pour base de notre description
les indications fournies par Amalaire comparées aux
indications de l'antiphonaire de Saint-Pierre. Nous
les compléterons par celles que l'on peut relever dans
les Ordines romani les plus anciens et purement ro-
mains, tel VOrdo de Saint- Amand 2, tel VOrdo d'Ein-
mis instructa, sacrorum officiorimi instrumenta habebat non
minima, ex eis aliqua Romanorum offîciis immixta dicuntui'.
quae plerique et verbis et sono se a caeteris cantibus discer-
nere posse fateantur. Sed privilegio romanae sedis observato,
et congruentia rationabili dispositionum apud eam factarum
persuadente, factura est ut in omnibus pêne Latinorum ee-
clesiis consuetudo et magisterium eiusdem sedis praevale-
ret, quia non est alia traditio aeque sequenda... » Walafrid
a été fait abbé de Reichenau en 838, et est mort en 849.
1. Il a été publié par Tomasi, t. IV, p. 1-170. Il est coté
Archives de Saint-Pierre, B, 79. C'est un manuscrit petit in
folio, de 196 feuillets, avec en titre, au dos « Graduale anti-
quuni ». Tous les chants sont notés. Le feuillet 197 est un
feuillet de garde sur lequel une main postérieure a transcrit
les répons et les antiennes de la fête de la Transfigura^
lion.
2. DucHESNE, Origines, p. 439-463.
108 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
siedeln \ tel VOrdo /"' de Mabillon dans ses parties
originales ^, tel enfin VOrdo que nous avons appelé
l'Anonyme de Gerbert, et que nous reproduirons plus
loin dans ses parties essentielles.
Telles sont les sources principales où nous puise-
rons les éléments de la restitution que nous devons
essayer de Toilice romain du temps de Charlemagne.
I
L'office commun du temps, et, d'abord, le cours
nocturne : il comprend vêpres, le nocturne propre-
ment dit, et les laudes.
L'office de vêpres a pour incipit le verset Deus in
adiiitoriuiriy entonné parle président du chœur, suivi
d'un Gloria Pairi"^. De même commenceront les lau-
des, de même aussi les heures diurnes''*. On peut
conjecturer que cet incipit est un vestige : Deus in
adiatoriamy en effet, est le début du psaume lxix qui
a dû être chanté, autrefois en entier. Le même phé-
1. De Rossi, Inscriptiones, t. II, p. 34-35.
2. P. L. LXXVIII, 937-968.
3. Sur le Sicat erat, voyez Concil. Vaseuse (Vaison), a. 529,
can. 5 : « Et quia non solum in sede apostolica, sed etiam
per totam Orientem et totam Africam vel Ilaliam, propter
hereticonim aslutiam qui Dei filium non semper cum pâtre
fuisse sed a tempore coepissc blasphémant, in omnibus clau-
sulis post gloriam Sicut erat in prlnclplo dicatur, etiam et
nos in universis ecclesiis nostris iioc ita dicendum esse decre-
vimus. » Mansi, t. VIII, p. 727. Maassen, {M. G.) Concil. aevi
merov. (1893), p. 57.
4. Saint Benoît connaît le Deus in adiutorium, mais il l'affecte
seulement à prime, tierce, sexte, none. Régula, 18 (éd. Wcelf-
FLiN, 1895, p. 29).
l'office romain du temps de charlemagne. 109
nomène se sera produit pour cet incipit qui s'est
produit pour les Introït de la messe : on n'en a con-
servé que le premier verset et la doxologie ^ .
La psalmodie de vêpres compte cinq psaumes inva-
riablement, il est vrai que ces cinq psaumes sont
antiphonés : « Cotidianus usiis noster tenet ut quin"
que psalmos cantemus in vespertinali synaxi... ;hos
qulnque psalmos antiphonatim cantare solemus^ »
dit Amalaire^.
Le texte du psautier n'est pas à Rome le même qu'au
delà des monts. On use à Rome du psautier romain
tel qu'il fut corrigé par saint Jérôme en 383, à la de-
mande du pape Damase, ce texte représentant la ver-
sion anté-hiéronymienne (faite sur les Septante)
simplement retouchée : on l'appelle proprement le
Psalterium romanum. Une seconde édition du psau-
tier fut donnée par saint Jérôme en 392, qui représente
une correction plus sévère faite, à Bethléem, avec l'aide
des Hexaples : elle aurait, dit-on, été adoptée à Tours,
au VI® siècle, pour de là se propager en pays gallican,
1. A l'appui de cette conjecture voyez Chrodegang. Ré-
gula, 14 : « Nocturnis horis cum ad opus divinum de lecto
surrexit clerus, primum signum sibi sanctae crucis imprimat
per invocationem sanctae Trinitatis. Deinde dicat versum Do-
mine labia mea aperies... Deinde psalmum Deus in adiuto-
rium meum intende totum cum Gloria. Et tune provideat sibi
corpoream necessitatem naturae,etsic ad oratorium festinet... »
Le psaume Deus in adiutorium était ainsi chanté hors du
chœur, au dortoir. Cette observation vaut, chez Chrodegang,
seulement pour l'office nocturne proprement dit. Autant chez
saint Dunstan, De regimine monac/iorum (P. L. GXXXVII,
479).
2. Amalar. De eccl. off. iv, 7. De oi'd. antiph. 6.
110 HISTOIHE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
d'où son nom de Psalterium gallicanum^ . Ce psau-
tier gallican évincera peu à peu le psautier romain en
Italie et finalement à Rome. Mais, au viii'' siècle,
Rome ne pratiquait encore que son vieux Psalterium
romanum^ et c'est à lui qu'est emprunté le texte des
antiennes et des répons, des graduels aussi et autres
pièces de la messe, qui est pris au psautier.
Antiphoner un psaume c'est, au vin^ siècle comme
au IV®, le chanter à deux chœurs alternant, un verset
l'un, un verset l'autre : ainsi les liturgistes comme
Amalaire peuvent définir V antiphona comme la défi-
nissait saint Isidore. Cependant au viii*^ V antiphona
est quelque chose de plus^ Elle désigne une courte
1. Walafrid. Strab. De rch. eccl. 25 : « Psalmos autem,
cum secundum LXX interprètes Romani adhuc habeant, Galli
et Germanorum aliqui secundum emendationem quam Hiero-
nymus pater de LXX editione composuit, psalterium cantant.
Quam Gregorius turonensis episcopus a patribus romanis
mutuatam in Galliarum dicitur ecclesias transtulisse. » Cf. le
fragment de Bernon de Reichenau, P. L. GXLII, 1174, — On
ne doit pas prendre à la lettre l'assertion de Walafrid con-
cernant Grégoire de Tours. L'histoire du texte de la Bible à
l'époque mérovingienne est « celle de la pénétration de la
France par les textes espagnols, anglo-saxons et irlandais ».
S. Berger, Histoire de la Vulgate (Paris 1893), p. 61. — Saint
Jérôme a donné une troisième version du psautier, celle-ci
d'après l'hébreu, qui n'est pas entrée dans l'usage liturgique.
2. L'antienne, avec ce sens nouveau, apparaît pour la pre-
mière fois, au vi" siècle, dans saint Benoît {Regul. 9), et à la
même époque dans un sermon de saint Césaire d'Arles :
« Quam multi rustici et quam multae mulieres rusticanae can-
tica diabolica, amatoria et turpia memoriter retinent et ore
décantant!... Quanlo celerius et melius quicumque rusticus
vel quaecumque mulier rusticana, quanto utilius poterat et
symbolum discere, et orationem dominicam, et aliquas anti-
phonas, et psalmos L"™ vel XG"™, et parare et tenere et fre-
L OFFICE RO^FAIN DU TEMPS DE CHARLEMAGNE. 'lll
irase musicale écrite sur des paroles qui ne sont pas
Nécessairement prises au psaume, ni même au psau-
ier : le psaume se chante sur le ton de cette courte
phrase, qui est chantée en tête du psaume, qui est
jpétée à la fin du psaume, et qui est répétée au cours
lême du psaume. On voit qu'il s'est produit là une
confusion du psalmus responsorius et de la psalmodie
intiphonée ancienne, cette dernière ayant incorporé
refrain qui constituait le psalmus responsorius et
lyant donné à ce refrain fort improprement le nom
'antienne^. — L'usage de répéter l'antienne après
ïhaque verset du psaume, bien qu'il se soit perdu de
>onne heure, a laissé maintes traces. Ainsi, à la fm
lu ix^ siècle, les chanoines de Saint-Martin de Tours
répétaient encore l'antienne après chaque verset de
►saume, au moins aux nocturnes de la fête de saint
[artin : « ... unamquamque antiphoiiam per singa-
\os psalmorum versus repetendo canehant, » est-il
[it dans la vie de saint Odon de Cluny^. Par contre,
ruentius dicere! » Pseudo-Augustin. Sermo GGCIII, 3 {P, L.
:XXIX, 2325).
1. Voyez Dom Leclergq, art. « Antienne y>, du Dict. arch.
ïhrét. t. I, p. 2292. F. -A. Geyaert, La mélopée antique dans
chant de l'Église latine (Gand 1895), p. 83, cité par Dom L.
2. lOANN. MONACH. Vita Odonis, 10 {P. L. GXXXIII, 48) :
Quia eiusdem officii antiphonae, uti omnibus patet, brèves
3unt, et eius temporis noctes longiores, volentes officium ad
lucem usque protendere, unamquamque antiphonam per sin-
ilos psalmorum versus repetendo canebant. Fiebat namque
Jis labor improbus. » Le biographe d'Odon atteste la conser-
rvation de l'usage ancien au moins pour le jour de la solennité
de saint Martin; mais la raison d'être de cet usage lui a
échappé, et l'exphcation qu'il en donne est un contresens.
Cf. Dom Leglercq, art. cit. p. 2309 et suiv.
112 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
au commencement de ce même siècle , un clerc de
Ratisbonne se plaint que ses confrères chantent l'of-
fice sans dévotion, exécutent les psaumes à la course,
et, pour revenir plus tôt à leurs affaires, suppriment
la répétition des antiennes, ignorant la raison d'être
de ces répétitions instituées par les saints docteurs
pour la consolation des âmes : « Nesciunt quia sancti
doctores et eruditores Ecclesiae instituerunt modula-
tionem in antiphonarum i>el responsorioram repeti-
tione honestissima, quatenus hac dulcedine animus
ardentius accenderetur \ » — A Rome, la coutume
avait prévalu vite de supprimer ces répétitions. Mais
la rubrique écrite ne sera point supprimée. Au
XII® siècle, pour des solennités comme Noël, elle porte
encore que, au nocturne, les antiennes doivent être
répétées, au commencement du psaume, puis au
cours du psaume aux endroits marqués, puis à la fin
du psaume, puis après le Gloria Patri, enfin après le
SicuteraV^, J'emprunte cette rubrique à l'antipho-
1. Benedictio Dei, praef. (P. L. GXXIX, 1399). Cf. Amalar.
De ord. antiph. 3 : « Et ex senis antiphonis, quas vicissim
chori per singulos versus repelunt... »
2. ToMASi, t. IV, p. 37 : « In nocte natalis Domini, ad omnes
antiphonas vigiliae, chorus choro respondet, et sic omnes an-
tiphonas cantamus ante psalmos, et infra psalmum ubi inve-
niuntur, et in fine psalmi, et post Gloria Patrie et post Sicut
erat. Sed chorus, cuius est versus infra psalmum, qui est an-
tiphona, incipit antiphonam, aller respondet : et qui incepit,
finit eam. Si duae antiphonae notantur sub uno psalmo, pri-
ma antiphona cantatur in principio et in fine psalmi, et post
Gloria, et post Sicut erat; secunda antiphona cantatur infra
psalmum tantum, ubi invenitur. » Cf. Id. p. 21, pour le Bene-
dictiis du premier dimanche de l'A vent : « Hoc die antipho-
namus » : suivent quatre antiennes.
I „.......,.„.„..„„„....„„.
^^Hrnaire de Saint-Pierre. On peut voir là un premier in-
^^P dice que l'office romain, en devenant l'office des églises
franques, s'était écourté et appauvri.
Les cinq psaumes antiphonés de vêpres une fois
achevés, le président du chœur récitait une leçon
brève tirée de l'Ecriture sainte : « Sequitur lectio
breçis a pastore prolata » , dit Amalaire ^ . La règle de
saint Benoît marque ici une leçon, sans la qualifier
de brève, et la fait suivre d'un répons, d'un hymne,
d'un verset^. L'office romain, au contraire, la fait
guivre seulement d'un verset, comme Vespertina
oratio ascendat ad te domine etc., ou Dirigatur ora-
tio mea sicut incensum etc. ^ ; ce verset, au lieu
d'être chanté, était récité comme la leçon''*. Sitôt le
verset dit^, le Magnificat était chanté avec ses an-
tiennes.
1. De ceci. off. IV, 7. De ord. antiph. 6.
2. Regul. 17 : « Vespertina autem synaxis qiialtiior psalmis
cuiri antefanas terminetur, post quibus psalmis lectio reci-
tanda est, inde responsorio, ambrosiano, versu, canticum de
Evangelio, letania et oratione dominica, et fiant missae. »
Saint Benoît, cependant, marque au nocturne des nuits d'été (à
cause de la brièveté de la nuit, la psalmodie n'est pas suivie
de trois leçons), que « pro ipsis tribus lectionibus una de ve-
teritestamcnto memorie dicatur quam brevis responsorius sub-
sequatur ». Regul. 10. Nous tenons là le prototype des leçons
brèves et des répons brefs.
3. Ces versets, qui ont passé dans l'office romain, étaient
ceux qui se disaient à Metz. « Nam in romano antiphonario
inveni versus Exaltabo te deiis meus rex meus, et Magnus
domlnus nos ter, » dit Amalaire, De ord. antiph. 6.
4. « Nescio cur non cantentur ». De eccl. off. iv, 7.
5. Amalaire écrit : « Audivi olim responsorios cantari apud
quosdam post lectionem vespertinalem, qui continentur in
aliquibus antiphonariis; sed apud nonnullos modo ac pêne
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 8
114 HISTOIRE DU 15HÉVIAIRE ROMAIN.
Le Magnificat terminé, on disait le Kyrie eleison
à l'unisson \
Ceci est un vestige d'une des formes les plus an-
ciennes de la prière publique, la litanie. Saint Benoît
lui donne son vieux nom de litania, de supplicatio
litaniae^. Amalaire la décrit longuement 3. La litanie
est constituée par une série d'invocations ou versets,
dont la suite forme un canon très anciennement ar-
rêté : ce canon, un peu différent de celui d' Amalaire
et plus développé, constitue nos actuelles Preces
feriales^.
La litanie s'achève, le président du chœur se lève,
prononce le Dominas çobiscum et dit la collecte.
Quand elle est dite, il prononce le Benedicamus do-
mino^ et le chœur répond Deo gratias. L'office vespé-
ral prend fîn^'.
omnes, post lectionem sequitur coniunctini versus, » De eccl
off. IV, 7. Peut-être saint Benoît représente-t-il ici l'usage ro-
raaiiT tombé en désuétude peu après.
1. De eccl. off. iv, 7 : « Post hune hymnum per noctes do-
minicas aliquibus in locis dicitur Kyrie eleison, ut audivi Ro-
mae, et postea collecta ». Au sujet de la collecte, ibid. h :
« Ilaec oratio in omni tempore subsequitur, id est Paschali,
Pentecostes, dominicis diebus et festis. » Amalaire semble
excepter les fériés.
2. Regul. 9, 12, 13 etc.
3. De eccl. off. iv, 4.
4. Baeumer, t. II, p. 429-441, a une étude spéciale sur les
preces feriales. Il cite les plus anciens mss. liturgiques les
contenant : viir-ix"^ siècle (Saint-Gall 20 et 349, Vérone 106).
Voyez le ms. F 18 (xiir s.) de l'archive de Saint-Pierre de
Rome, fol. 199, analysé par A. Ebner, Quellen und Forschun^
gen (Freiburg 1896), p. 192.
5. De eccl. off. i\, 4 : « Quam orationem praecedit salutatio,
et subsequitur benedictio, quam et gratiarum actio sequitur. »
l'office romain du temps de charlemagne. 115
Compiles, dont il est naturel de parler à cette place
était un exercice purement conventuel, la prière du
coucher des moines qui recommandent à Dieu le
sommeil auquel ils vont se livrer * .
Amalaire ne marque pas que compiles se chante en
un local autre que le chœur. L'Anonyme de Gerbert,
plus archaïque, nous montre les moines se réunissant
au réfectoire : « Colliguntur ad collectam : semper
lectiones ad collectam leguiitur, et ibi fructuin quod
eis Deus dederit manducanliir et hihent. Postea pul-
sato signo canuntur completorio ubi dormiunt in
dormitorio^^ ». En tête de compiles, Amalaire place
une leçon brève, comme nulle autre heure n'en a à
pareille place. Cette leçon brève, en effet, représente
la fin de la lecture qui accompagne ou qui suit le
La litanie était la conclusion primitive de vêpres, comme do
laudes, et des petites heures. Ainsi chez saint Benoît. Mais saint
Benoît lui-même (Regul. 13) ajoute un Pater à vêpres et à
laudes : « In ultimo ordine oratio dominica omnibus audien-
tibus dicalur a priore propter scandalorum spinas quae oriri
soient ». Durand, Rational. iv, 14, 17, a noté une singulière
rubrique de son temps (xirr siècle) : « In ecclesia lateranensi
nunquam dicitur oratio [— la collecte], sed in missa [?] et in
omnibus horis loco orationis alta voce pronuniiatur oratio do-
minica, quae in Novo Testamento prima oratio fuit. Nam et in
primitiva Ecclesia sic fiebat. » Un document romain contem-
porain du pape Alexandre III (1159-1181), le Libei' de ecclesia
lateranensi du diacre Jean, donne la même information.
P. L. LXXVIII, 1385. Ici encore saint Benoît serait-il un té-
moin de l'usage romain archaïque? Grangolas, p. 104, le croit.
1. De oi'd. antiph. 7 : « Quot latentes insidiae possunt in-
gruere super dormientes per ipsum diabolum, et per sua
membra, et pericula vermium ac bestiarum, non valeo expla-
nare. »
2. Anonym. Gerbert. iv, 2. Voyez plus loin, p. 174.
116 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
repas du soir : « Ante istud officium conveniunt
in unum fratres ad lectionein, » dit Amalaire ^
Le Pater et le Confiteor, par lesquels le moine de-
mande à Dieu le pardon de ses péchés, ne sont
mentionnés ni par Amalaire, ni par nos documents
romains ^. La psalmodie de complies se compose de
quatre psaumes, un nombre qui ne se retrouve à au-
cune autre heure canonique, quatre psaumes invaria-
bles et ceux-là mêmes que nous y récitons encore ^.
Pas de leçon brève ^, pas de répons par conséquent,
mais un verset et le cantique Nunc dimittis, suivi ,
sans Kyrie eleison, d'une oraison : « Tantummodo
postulatio pro custodia deprecetur'^ ». Et, ajoute
Amalaire, après cette oraison le grand silence com-
mençait et le sommeil qui est l'image de la mort.
L'anonyme de Gerbert disait plus simplement : « Et
tune çadunt cum silentio pausare in lectula sua ».
1. De off. eccl. iv, 8.
2. Grancolas, Comment, p. 110 : « Pater ante completorium
in recentioribus lantum monasticis conslitutionibus reperilur :
Pius eniin IV Breviario romano illud inseruit, et secreto re-
citari iussit, ut doceret id offîcii partem non esse, et niinqiiani
eo loco recitatum fuisse. »
3. Notez que du psaume xxx (In te domine) on ne chante
que six versets (sur vingt-cinq),
4. Grancolas, Comment, p. 119 : « Oratio Visita in nullcj
romano ordinario, vel collectario, neque in alicujus antiqui-
tatis ordinario monastico invenilur, alque forlassis aFratribus
Minoribus romano officio inserta fuit. »
5. De ord. antiph. 1 : « In isto ofTicio... non est confabula-
tio lectionis. » Au contraire, saint Benoît qui fait chanter trois
psaumes (sine antefana dicendi sunt), place à la suite un
hymne, une leçon, un verset, le Kyrie eleison et la « bénédic-
tion » (Benedicamus domino). Régula, 17.
l'office romain du temps de charlemagne. 117
L'office nocturne proprement dit commençait au
milieu de la nuit, « nocle média », qu'il ne faut pas
nécessairement identifier avec minuit. L'heure pou-
vait varier, l'on sait que les jours de grandes solennités
l'office commençait de meilleure heure que les jours
ordinaires ^ Au son de la cloche, — la cloche des
vigiles romaines était au viii^ siècle quelque chose
d'historique^, — clercs et moines arrivaient à la
basilique. L'office s'ouvrait par le verset Domine la-
hia mea aperies dit par le président du chœur et
suivi du Gloria Patri ^. Immédiatement après le
Gloria Patri, le psaume Venite exultemus ou invi-
tatoire. Le Venite exultemus est déjà marqué par
saint Benoît « cum antefana » ^*.
Cette admirable pièce n'est point, comme on l'a dit
souvent, un reste de « l'ancienne manière de chanter
ce que nous appelons les antiennes », mais bien un
1. Anonym. Gerbert. iv, 3. Voyez plus loin, p. 174.
2. L. P. t. I, p. 454 : « ... beatissimus papa [Stephanus II,
752-757] fecit super basilicam beati Pétri apostoli turrem...,
in qua tribus posuit campanis, qui clero et populum ad offi-
ciuin Dei invitarent. » Sous Etienne III (768-772), dans le récit
de la conspiration de Sergius et de Christophe, on voit Ser-
gius tenter de pénétrer à Saint-Pierre « nocte, qua hora cam-
pana insonuit » {ibid. p. 479).
3. De ord. antiph. 1 : « In dominica nocte congrue, iuxla
consuetudinem romanae Ecclesiae a somno surgentes dicimus
primo Domine labia mea aperies, et post hune versum glorifi-
camus sanctam Trinitatem. » Saint Benoît {Regiil. 9) marque
le Domine labia mea aperies, mais, avant le Gloria, il inter-
cale le psaume m, Domine qiiid muUiplicali sunf, qui est un
psaume très accommodé au réveil des moines. Peut-être n'en
est-il resté à Rome que le Gloria, d'autant qu'Amalaire ne
place pas ici Deiis in adiutorium.
4. Ilefful. 9.
118 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
reste de l'ancienne manière de chanter les psalmi re-
sponsorii; c'est très justement que l'auteur frank du
VIII® siècle, connu sous le nom de Magister ano-
nymus, à qui nous devons le plus ancien commen-
taire de la règle bénédictine, donne à Finvitatoire le
nom de « responsorium orationis^ ». Ici, en effet, un
soliste chante d'abord le refrain, lequel n'est point
une antienne véritable, mais un acrostichion^ et le
chœur répète à l'unisson le refrain. Puis, au lieu que
ce soit le chœur qui chante le psaume, c'est le soliste
qui l'exécute, et le chœur ne fait que répéter à chaque
coupure du psaume le refrain du début. Nous retrou-
vons là l'antique psalmodie ecclésiastique ^.
L'invitatoire exécuté, le chant des psaumes com-
mence. Le nocturne compte douze psaumes, douze
psaumes qui ne sont point antiphonés, c'est-à-dire
entrecoupés d'antiennes comme l'ont été ceux de vê-
pres, mais chantés d'un trait. Chaque quatre psau-
mes, on intercale un Gloria Patri^.
La distribution des psaumes aux divers nocturnes
de la semaine^, était réglée d'après ce principe que le
1. Magistvi régula, 44 (A L. LXXXVIII, 1006).
2. Détail bien curieux, Amalaire a entendu chanter l'invi-
tatoire à Constantinople en guise d'introït : « Hune psalmum
audivi Gonstantinopoli in ecclesia Sanctae Sophiae in princi-
pio missae celebrari. » De orcl. antiph. 21.
3. Amalar. De off. eccl. iv, 9 : « Sequuntur duodecim psalmi
sine antiphona, cum tribus glorificationibus sanctae Trinitatis
per ternas divisiones quatuor psalmorum. »
4. Cette distribution est un trait caractéristique de l'office
romain. La psalmodie à Rome est réglée et non point laissée
à l'arbitre du chœur, soit pour le choix, soit pour le nombre
des psaumes chanlés^. Il y a trace d'un usage plus ancien, ana-
l'office romain du teîvips de charlemagne. 119
psautier était divisé en deux parties : la première
s'arrêtait au DUit Dominas (Ps. cix) exclusivement
et était attribuée à l'office nocturne : la seconde, à
partir du Dixit Dominus, était attribuée à l'office
diurne. A Rome, écrit un liturgiste du xiv" siècle, « le
psautier est intégralement récité chaque semaine, ...
et la première partie du psautier divisée en sept noc-
turnes, dix-huit psaumes pour le dimanche, douze
pour chaque férié, à la réserve de quelques psaumes
destinés aux heures diurnes^ ». Cette distribution,
qui subsiste encore aujourd'hui dans le Bréviaire ro-
main, est celle qu'a connue Amalaire.
Les douze psaumes du nocturne une fois chantés,
on passait aux leçons. La psalmodie était séparée de
la lecture simplement par un verset ^. Cependant,
entre le verset et le commencement de la leçon, on
plaçait en France un Pater, tandis que, à Rome, on
plaçait une courte absolution comme celle-ci : înter-
cedente beato principe apostolorum Petro, saWet et
logue à cehii que décrit Gassien, dans certains exemplaires
du psautier où cliaque psaume est accompagné d'une orai-
son. ToMAsi, t. II, a publié un texte de ce type. €'est ce qu'on
appelle psalterium cum orationibiis interiectis. On en a des
mss. du Yiir et du xr siècle. Baeumer, 1. 1, 360. — Sur la liberté
de la psalmodie au vi" siècle, voyez saint Benoît, Regul. 18 :
«... Hoc praecipue commonentes, ut si cui forte haec distribu-
tio psalmorum displicuerit, ordinet, si nielius aliter iudicave-
rit; dum omniniodis adtendatur, ut onmi ebdomada psalterium
ex integro numéro CL psalmorum psallatur, et dominico die
semper a caput reprendatur ad vigilias... »
1. Radulph. De canon, observant. 10.
2. Amalar. De ord. antiph. 1. Autant chez saint Benoît, Re-
uni. 11.
120 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
custodiat nos Dominus ^ . Les leçons vont être lues au
pupitre [analoglum). Le clerc ou frère qui va les lire
demande au préalable la bénédiction du président du
chœur par la formule Iiibe domne benedicere. A
quoi le président répond par une courte bénédiction,
dans le style de celles qui nous servent encore ^. Et
le chœur répond Amen.
Puis la lecture commence, empruntée au texte oc-
current de TEcriture sainte.
La distribution de TEcriture sainte entre les divers
temps de l'année était chose réglée par l'usage tradi-
tionnel ^, et cet usage lui-même dépendait de l'écono-
mie liturgique de toute l'année (Avent, Carême, temps
pascal, etc.). Aussi ne doit-on pas s'étonner de voir
concorder dans cette distribution l'usage romain et
les usages monastiques. Isaïe était pour le temps de
l'Avent. De Noël à la Sexagésime, on lisait Jérémie,
Ézéchiel, Daniel et les Petits Prophètes. A la Sexa-
gésime, le Pentateuque, Josué, les Juges, jusqu'à la
semaine sainte; — de Pâques à la Pentecôte, le"s
1. Amalar. Id. prol. Cf. De eccl. off. m, 6 : « Nam quod
Galli, fiiiilis psalmis noclurnalibus, solemus canlare oralio-
neni dominicam, romana Ecclesia praetermittit ».
2. Baeumer, l. I, p. 385, citant Smaragd. (ix" siècle), Regul. 9
(P. L. GII, 831), et le Rltuale Dunelmense.
3. Voyez ce qu'en dit le pape Grégoire II, en 716, pour le-
évêqucs de Bavière. Il enjoint « sacrificandi et ministrandi sive
etiam psallendi ex figura et traditione sanctae apostolicae et
romanae sedis Ecclcsiae ordine ». Il entend que les clercs
« ...cetera diurnarum atque nocturnarum horarum officia, sive
etiam lectionem sacrorum libroruin Novi atque Vetcris Tcsta-
menti ordinabiiia praedicamenta studeant observare secundum
traditum apostolicae sedis antiquitatls ordinern... » Jaffé, 215:5
(P. L. LXXXIX, 531).
L OFFICE ROMAIN DU TEMPS DE CHAIILEMAGNE. 121
Actes des apôtres, les épîtres catholiques, l'Apoca-
lypse; — puis, pour l'été, les Rois et les Paralipo-
mènes ; — du commencement de l'automne au 1" dé-
cembre, les livres sapientiaux, Job, Tobie, Esther,
Judith, Esdras, les Macchabées K
L'usage de lire l'Écriture sainte à la suite de la
psalmodie nocturne datait, à Rome, du vn^ siècle,
seulement, s'il faut s'en rapporter au témoignage
(a. 787) de Théodemar, abbé du mont Cassin ^.
La leçon durait un temps convenable et jusqu'à ce
que le président du chœur fît signe au lecteur de
s'arrêter. Le lecteur terminait uniformément par la
formule Tu autem..., à quoi le chœur répondait Deo
gratias^. Les trois leçons du nocturne étaient cha-
cune suivie d'un répons.
Ce serait une inexactitude que d'identifier le répons
1. On comparera la distribution {Onlo canonis decanfandi in
ccclesia sancti Pétri) que donne l'Anonyme de Gerbert (dans
notre Hist. du Bréviaire, 1'" et 2" édit., p. 339), et celle qu'Ama-
laire tient de l'archidiacre Théodore (/>e ord. antiph. prolog.).
2. Théodemar. Epistula ad Caroliim regem, P. L. XGV,
1584 : « ... necdum eo tempore in Ecclesia romana, sicut nunc
leguntur, sacras Scripturas legi mos fuisse ; sed post aliquod
lempus hoc instilutum esse, sive a bealo papa Gregorio, sive
ut ab aliis adfirmatur ab Honorio. Qua de re maiores nostri
instituerunt ut hic in sacro nostro coenobio, quod iuxta sanc-
tum illius corpus iustitutum est, très cottidianis diebus aestivo
in t'^- ^,ore ex Veteri Testamento lectiones in codice legantur,
ne a sancta romana Ecclesia discrepare viderentur. » Duemm-
LER, {M. G.) Epist. karol. aevi, t. II (1895), p. 510.
3. Mautene, De antiq. Eccles. discipl. p. 33 : « In Turo-
nensi S. Martini basilica qui choro praeerat alta voce clania-
bat Fac finem, statimque lector parebat. Vidi in majori mona-
sterio vêtus lectionarium in ci; jus leclionum fine legitur Fac
finem. »
122 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
romain avec le psalmus responsorius de l'ancienne
Eglise : nous avons retrouvé ce dernier très exacte-
ment dans rinvitatoire, or rien ne ressemble moins
à rinvitatoire qu'un répons. Le répons est, en réa-
lité, une sorte de graduel, et l'on sait que le graduel
est à Rome la forme la plus ancienne du chant musi-
cal ecclésiastique ^ . Il s'est produit ici un déplacement
de sens comparable à celui qui s'est produit pour le
mot antienne : le graduel de la messe, qui n'était
point un psalmus i-esponsorius, fut appelé répons, et
Amalaire ne le désigne pas autrement ^. Puis l'usage
s'en perdit : on eut le graduel de la messe, on eut le
répons de l'office, et l'identité originelle du graduel
et du répons finit par ne plus être remarquée. Il se
pourrait que le répons, tant à la messe qu'à l'office,
fût une création proprement latine, et dans ce sens
s'entendrait le texte d'un contemporain de saint Gré-
goire, saint Isidore de Se ville : « Responsoria ah
Italis longo ante tempore sunt reperta'^ ».
Trois éléments composaient le répons : le respon-
sorium proprement dit, le verset, la doxologie. Les
répons étaient exécutés de la manière suivante qui
était la vieille manière, et, au dire d' Amalaire, la ma-
nière propre à Rome. Le préchantre chantait le texte
initial du répons [responsorium) en solo, et le chœur
après lui le répétait à l'unisson; puis le préchantre
chantait le verset, et le chœur répétait le respon-
1. DucHESNE, Origines, p. 107.
2. Amalar. De eccl. ojf, m, 11.
3. IsiDOR. De eccl. off. m, 11.
l'office rOxMAin du temps de charlemagne. 123
sorium intégralement comme devant. A Rome,
des papes modernes, dit Amalaire, avaient donné à
chaque répons un Gloria, tandis que la règle de
saint Benoît (ch. 9) ne donne de Gloria qu'au troi-
sième et dernier répons. Après la doxologie, le chœur
répétait le responsorium ^ .
En passant de Rome en France, le responsoral ro-
main a subi plus d'une mutilation. Amalaire nous
apprend que dans sa province, pour abréger, on ne
répétait pas le responsorium intégralement, mais on
le reprenait i( per latera », c'est-à-dire au milieu, ou
au tiers. Il fallait donc avoir des versets qui s'ac-
commodassent à ces rentrées : première cause de
remaniements^. Puis à Rome, nombre de répons
avaient non pas un verset, mais deux, mais trois,
davantage peut-être. Ces versets faisaient corps avec
le répons, et n'étaient pas tous, comme le suppose
Amalaire des versets de rechange pour les répons
qui revenaient plusieurs fois une même semaine. Si
1. De ord. aniiph. prolog. : « ... Altero ordine cantamiis
nostros responsorios quam Romani. Illi a capite incipiunt
responsorium finito versu : nos versum finilum informamus
responsorium per latera eius. » Ici. 1 : « Priscis temporibus
non cantabalur Gloria post versum, sed repetebatur respon-
sorius... A modernis aulem apostolicis additus est hymnus
[Gloria Palri] post versum. » \yALAFRii). Stra». De reb.
eccl. 25 : « Ilunc itaque hymnum [Gloria P.] nonnuUi omni-
bus pêne psalmis, et interdum incisionibus psalmorum coap-
tant, responsoriis vero paucioribus, ut illi (pu staluta patris
Benedicti in horis sequuntur canonicis. Romani eum in psalmis
rarius, in responsoriis crebrius itérant. » L'usage gallican a
prévalu sur le romain.
2. Voyez la lettre de Hélisachar à Nidibrius publiée dans
.1/. G.) Epistolae harolini aevi, l. III (1899), p. 307 309.
124 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
tel est resté le beau répons Aspiciens a longe, si ce
répons a trois versets, et si les Romains ont pu dire à
Amalaire que c'était « propter honorent magnae fe-
stis>itatis », il est vraisemblable que d'autres fêtes n'é-
taient pas moins honorées. Nous entrevoyons ainsi que
le responsoral qui nous est parvenu est bien écourté,
appauvri, en comparaison de ce quïl a dû être.
La lettre des répons était coordonnée à l'Ecriture
occurrente. On avait les répons prophétiques; on
avait les répons tirés de la Genèse; on avait les re-
sponsoria Regum, les responsoria de Sapientia, les
responsoria de lob, de Tobia, de ludith, de Ilester,
de Maccabaeis. Les responsoria de p salmis accom-
pagnaient les leçons du Nouveau Testament. L'en-
semble des répons tirés d'un même livre s'appelait
Historia ^ .
Sur le troisième répons de la troisième leçon , le
nocturne était achevé. Douze psaumes, trois leçons,
trois répons constituaient donc le nocturne, tant do-
minical que férial. Mais, tandis que c'était là tout l'of-
fice nocturne férial, à l'office nocturne dominical s'a-
joutaient encore six psaumes, six leçons et six répons
partagés en deux séances ou nocturnes. Les trois
psaumes de la première séance étaient antiphonés
comme ceux des vêpres; les trois psaumes de la se-
conde étaient alleluiatisés, c'est-à-dire qu'ils avaient
un alléluia pour toute antienne 2. A chacun de ces
1. Amalar. De ord. antiph. 53 et suiv,
2. De ceci. off. IV, 9 : « Sequentes très psalmi cum anli-
phona... très novissimi psalmi cum alléluia... Sedetur ad lec-
tionem post psalmos, praecedit versus lectionem. »
l'office romaïn du temps de chahlemagne. 125
deux nocturnes, comme au premier, la psalmodie se
terminait par un verset, lequel était suivi de même
des leçons. On lisait les saints Pères : « Tractatus
sanctorum Hieronymi, Ambrosii, caeierorumque pa-
ir um prout or do poscit leguntur », dit l'Anonyme de
Gerbert. Cet usage était sûrement antérieur au pape
saint Grégoire, qui le mentionne expressément ^ ;
saint Benoît le prescrit dans sa règle.
Un exemplaire de la sainte Bible suffisait aux be-
soins du premier nocturne ; pour les deux autres noc-
turnes, au contraire, une véritable bibliothèque n'eût
pas été de trop. Aussi voyons-nous le pape Zacharie
(741-752) faire don à la basilique de Saint-Pierre de
tous les manuscrits qu'il possédait pour servir à
l'office nocturne des dimanches et des fêtes : « Hic in
ecclesia principis apostoloriim omnes codices domui
suae proprios qui in circulo anni leguntur ad matu-
tinos armariorum ope ordinaçit'^ . » — En ce même
siècle cependant, siècle de codification liturgique, on
entreprit de publier des recueils de sermons. De là
1, Gregor. Epistul. XII, 24 : « Die [Marianiano episcopo] ut
commenta psalmorum legi ad vigilias faciat. » Benedict.
Regul. 9 : « Codices autem leganlur in vigiliis tam Veteris
'J'estamenti qiiam Novi divinae auctoritatis, sed et expositiones
carum quae a nominatis doctorum orthodoxis catholicis patri-
bus faclae sunt. » Voyez le précieux lectionnaire vii^-viii^ siècle
de Fleury, Orléans ms. 154 {olim 131).
2. /.. P. t. I, p. 432. Cf. t. II, p. 132 et 195. Le ms. Vatican,
lat. 3835 et 3836 (viir siècle) est un homiliaire en deux volu-
mes, écrit par un copiste qui signe « Agimundus pbr » et
copié pour une église de Rome, la « basilica apostolorum
Philippi et lacobi » (Saints-Apôtres). Voyez-en la description
dans H. Ehrensberger, Libri liturgici Bibliothecae Aposto-
licae Vaticanae (Freiburg 1897), p. 148-149.
k
126 HISTOIRE DU BRÉVIAIHE ROMAIN.
les homiliaires et sermonnaires, dont on sait s'ils sont
nombreux dans nos bibliothèques : Omeliae swe
iractatus beatorum Ambrosii, Augustini, Hieronymi,
Fulgentii, Leonis, Maximiy Gregorii et aliorum ca-
iholicorum et venerahilium patrum legendae per to-
lius anni circulum, lisons-nous en tête d'un de ces
homiliaires pris au hasard (ms. n° 29 de la biblio-
thèque de Montpellier, ix" siècle). Quelques-uns de ces
recueils ont un nom. Le nom d'Alain, qui fut abbé de
Farfa dans la seconde moitié du vin*^ siècle (f 770),
est resté attaché à un homiliaire compilé par lui, et
dont on a un manuscrit de la fin du viii*^ siècle ^
Autant en avait fait Bède [\ 735) et aussi Alcuin
[\ 804) 2. Le nom de Paul Diacre, le plus lettré et le
plus renommé des moines du mont Cassin, et l'un
des meilleurs érudits de 1' « officine des lettres » de
Charlemagne, a fait la fortune d'un autre homiliaire,
publié à l'instigation et avec une préface de Charle-
magne en personne. Charlemagne avait donné à Paul
Diacre la mission « utstudiose catholicorum Patrum
dicta percurrens, veluti e latissimls eorum pratis
certos quosque flosciilos léger et, et in unum quae-
que essent utilia quasi sertum aptaret... » ^. L'homi-
1. Munich, 4564. Baeumer, t. I, p. 410. Voyez le texte de
l'homiliaire d'Alain dans P. L. LXXXIX, 1198. Cf. A. Ratti,
(( L'omeliario detlo di Carlo Magno e l'omeliario di Alano di
Farfa », dans les Rendiconti del R. Istiluto lombardo. '1900.
cité dans Baeumer, loc. cit.
2. Dom MORIN, « L'homiliaire d'Alcuin retrouvé » (c'est le
ms. lat. 14302, xir* siècle, de la Bibl. ISiâl.), Revue bénédictine,
1892, p. 491-497.
3. L'empereur poursuit : « Qui [Paul Diacre] nostrae cel-
l'office romain du temps de charlemagne. 127
liaire impérial eut vite fait de supplanter les autres,
et de lui est dérivé en partie l'homiliaire actuel de
l'Église romaine.
La neuvième leçon dominicale était suivie de son
répons, le neuvième ^ A Rome, encore du temps d'A-
malaire, il n'était aucunement question de substituer
à ce neuvième répons, ou de lui donner comme com-
plément le Te Deiim. La liturgie romaine du temps
d'Amalaire réservait le Te Deum au nocturne des
seules fêtes des saints papes ^. On doit dire que cet
situdini dévote parère desiderans, Iractnlus alqiie sermones
diversorum catholicoriim patriini perlegens, etoplima quaeque
decerpens, in duobus voluminibus per tolius anni circuluni
congruentcs cuiquo fesiivilati dislincle et absque viliis nobis
obtulit lecliones. Quarum omnium tcxtum nostra sagacilaio
perpendenles, nostra eadem volumina aucloritate constabili-
mus, vestraeque religioni in Ghristi ecclesiis tradimus ad
legendum. » Pertz, {M. G.) Leges, t. I, p. 45. L'homiliaire est
imprimé dans P. L. XGV, 1159 sqq. Mais le texte imprimé
par Migne renferme des additions postérieures (xr-xiii" siè-
cle) fusionnées avec l'homiliaire primitif : on ne peut donc,
au Jugement de l)om Morin, y voir l'homiliaire même de Paul
Diacre. Pour une restitution de l'homiliaire de Paul Diacre,
1". WiEGAND, Das JlomUiariiim Karls des Grossen aiif seine
ursprûngliche Gestalf hin-iintersiicM (Leipzig 1897), et Dom
Morin, « Les sources non identifiées de Fhom. de P. D. », Re-
vue bénédictine, 1898, p. 400-403.
1. De eccl. off. iv, 9 : « Coniungunt nos novem lectionos
conversalioni novem ordinum angelorum. Coniungunt nos no-
vem responsorii gaudiis eorumdem novem ordinum angelo-
rum. » Baeumer, t. I, p. 412, note que, pour le troisième noc-
turne du dimanche, les lectionnaires ont des homélies sur
l'évangile du jour, mais aussi des « exposiiiones epistolarum
vel apocalypsis », c'est-à-dire des homélies sur l'épître du
jour. Ces dernières se maintinrent jusqu'à Innocent IIL
2. De ord. antiph. prolog. : « Interrogavi si canerent per
dominicas noctes Te Deum laudamus. Responsum est : Tan-
128 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
« hymne » n'appartenait point à la tradition liturgi-
que romaine ^
A défaut du Te Deum, à Rome, le neuvième répons
terminait l'office nocturne dominical. Pour commen-
cer laudes, on attendait que le soleil parût. La pause
était plus ou moins longue selon la saison : les clercs
et les moines l'employaient à se remettre en haleine :
« Nocturnis finitis, si lux non statùn superç>eneril
faciunt modicum inters^allum, propter nécessitâtes
fratriiniy et iterum ingrediuntur ad matutinis lau-
dibus complendas », dit encore l'Anonyme de Gerbert
dans son latin de frère lai! A Rome, on tenait si fort
à commencer laudes au soleil levant, que, arrivait-il
aux nocturnes de n'être point achevés quand le so-
leil paraissait, l'on devait couper court au nocturne
pour attaquer laudes sans plus tarder^. Comme vé-
lum in nataliliis pontificum Te Deum laudamus canimus. »
Saint Benoît le prescrit à l'office nocturne dominical. Regul.
11 : « Post, quartum autem responsorium incipiat abbas
ymnum Te Deum laudamus. »
1. En pays gallican, on tenait le Te Deum pour l'œuvre col-
lective de saint Ambroise et de saint Augustin. Mais personne
ne songe plus à attribuer ce centon à saint Ambroise ni à saint
Augustin. On a renoncé également à l'attribuer à Nicétius,
évêque de Trêves (537-566), le Te Deum étant sûrement
antérieur au vi* siècle. L'attribution la plus plausible est celle
qu'a proposée Dom Morin et que fait valoir A. E. Burn, Niceta
of Remesiana his life and works (Cambridge 1905), p. xGii-
cxxv : l'auteur du Te Deum est Nicétas.
2. De ord. antiph. 4 : « Sancta romana Ecclesia hoc specia-
lim nobis insinuât per suam consuetudinem. Ipsa enim quo-
tocunque ordine vel numéro lectionum viderit maturam pro-
cedere, ut audivi, dimittit nocturnale oftîcium, et incipit
matutinale. »
r/oFFICE ROMAIN DU TFAFPS DE CHARLEMAGNE. 129
près, laudes débutaient par le verset Deiis in adia-
torium suivi du Gloria Patri. Comme à vêpres, la
psalmodie comptait cinq psaumes : invariablement les
psaumes matutinaux Deus deus meus, Laudate domi-
num de caelis, Cantate domino, Laudate dominum
in sanctis. 11 s'y ajoutait, le dimanche, le Dominus
régnant et le Benedicite; aux fériés le Miserere et
l'un des six autres cantiques de l'Ancien Testa-
ment... ^ La psalmodie était, comme celle de vêpres,
antiphonée. Comme à vêpres, la psalmodie s'achevait
sur une leçon brève, un verset. Puis le Benedictus,
antiphoné^. Enfin le Kyrie eleison et le Pater. Ama-
laire ne parle pas de faire réciter ici la collecte.
Avec l'office de laudes s'achevait le cours nocturne,
et les moines pouvaient maintenant aller prendre
quelque repos.
1. De eccl. off. iv, 10 et 12, — Cf. Benedigt. Regiil. 13 :
« Nani ceteris diebus [privatis] canticum unumqiiemque die
suo ex prophctis, sicut psallit Ecclesia romana, dicanhir. »
Saint Benoît marque pour les laudes du dimanche, outre le
Miserere et le ps. cxvii [Confite mini), les pss. lx [Deus niise-
realiir nostri) et lxii {Deus deus meus). Il ajoute : « Inde be-
nodicones (le cantique Benedicite de Daniel) et laudes ^les
pss. gxlviii-c:l), lectio de Apocalypsin una ex corde (une le-
çon brève), et responsorium, ambrosianum (un hymne), ver-
sum, canticum de Evangelio, letania et completum est. » Pas
trace de collecte. — Cf. D. G. M. « L'uniformité dans les
laudes du dimanche, du iv* au vir siècle. » Revue bénédictine,
1889, p. 301-304.
2. De ord. antiph. 2 : « Post hos psalmos canitur aliqua
lectio... Post quam lection^m dicitur versus [Dominus régna-
vit...\ Post hoc tempus sequitur ut hymnus dicatur [Benedic-
tus...]. » Aux laudes fériales, Amalaire indique le verset Re-
pleti sumus mane, et il ajoute : « In romano vero antiphonario
inveni plures. » De ord. antiph. 5.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 9
130 HISTOIRE DU BIIEVIAIRE ROMAIN.
La journée était au cours diurne, c'est-à-dire aux
trois heures de tierce, sexte et none. Chacune des
trois avait même programme. En tète, le verset Deus
in adiiitorium, le Gloria Palvi, et trois psaumes à la
suite ^ Trois psaumes, ou plutôt trois sections de
psaume, trois octonaires du psaume Beati immacu-
lali. Trois psaumes non antiphonés. Après la psal-
modie, une leçon brève, un verset, le Kyrie eleison
et le Pater ^. Le programme des trois petites heures
diurnes était ainsi complètement indépendant de
celui de Toffice nocturne, et il était invariable.
De même que complies, prime était un exercice
surtout conventuel. C'était la prière du lever des
moines, comme complies était la prière de leur cou-
cher. « Ista prima ibi cantatur ubi dormiunt, » dit
encore l'Anonyme de Gerbert. Et, ce qui prouve que
les petites heures diurnes avaient commencé par
être de même purement conventuelles, prime comme
elles comptait trois psaumes : c'étaient pour prime
le psaume Deus in nomine tuo sahum me fac et
les deux premiers octonaires du Beati immacii-
lati^. Comme elles, prime débutait par le Deus in
1. Ardon. Vita s. Benedicti anianen. 52 {P. L. GUI, 379) :
« Officia [diurna] iuxta romanum psalmo cxviii persolven-
tur. »
2. Amalar. De eccl. off. iv, 3 et 4. Saint Benoît, Regul. 17,
énumère, après les trois psaumes, une leçon, un verset et lo
Kyrie eZeiso/i simplement : « ternos psalmos, lectione etversii,
Kyrie eleison et missas. » Pas trace de collecte.
3. On ajouta plus tard à cette psalmodie de prime le diman-
che les cinq psaumes xxi-xxv, qui ont été, par Pie V, re-
portés sur la semaine. Je ne trouve pas l'origine de cette
surcharge.
L'OFFICE ROMAIN DU TEMPS DE CHARLEMAGNE. 13i
adiatûrium... Gloria Patri, Comme elles, prime
s'achevait par un verset, le Kyrie eleison et le Pate7\
Mais à prime point de leçon brevet Amalaire joint
à cette psalmodie la récitation du symbole des apô-
tres^. Il y joint le chant du Miserere, et, entre le
Miserere et le symbole, il place des versets expri-
mant des sentiments de pénitence et de pardon,
comme Vi^et anima mea et laudabit te et iudicia tua
adiiivahant me^. Il n'est point question du Confi-
teor"".
L'office qui précède est distinct de l'exercice qui
va suivre; du moins a-t-il été distinct à l'origine,
1. De ord. antiph. 6 : « Psalmus Deus in nomine tiio... prae-
ponitur cxviir. » De eccl. off. iv, 2 : « Deinde sequitur versus
Exsiirge Domine adiuva nos... Postea inchoamus implorare
misericordiam Domini per Kyrie eleison, et Christe eleison, et
iteruni Kyrie eleison.... Ac deinde sequitur oratio dominica. »
De ord. antiph. 6 : « In prima non recitatur lectio. »
2. De eccl. off. iv, 2 : « Post orationem dominicam sequitur
nostra credulitas quam sancli Apostoli constituerunt. »
3. De eccl. off. iv, 2 : « Sequitur psalmus quem David can-
tavit postquam paenitendo conversus est a malo adulterii et
homicidii. »
4. Mais il en est question dans la règle de saint Ghrode-
gang (ch. xix) : « Gonvenientes cleri ad primam canendam in
ecclesia, completo ofTicio ipso, ante psalmum quinquagesi-
mum, douent confessiones suas vicissim, dicentes : Confiteor
Domino et tibi, frater, quod peccavi in cogitatione, et locu-
tione, et opère : propterea, precor te, ora pro me. Et ille
respondet : Misereatur tui omnipotens Deus, et indulgeat tibi
omnia peccata tua : liberet te ab omni malo, conservet te in
omni bono, et perducat te ad vitam aeternam. Et ille dicit :
Amen. Supplici corde certatim pro se orantes, hoc sibi fa-
ciunt. Hoc expleto, conveniunt ad capitulum. « Cf. Dunstan.
De reglmine monach. 1 {P. L. GXXXVII, 482) : « Post hoc (à
l'issue du capitulum) quicunque se reum alicuius culpae
agnoâcit, veniam humiliter postulans, petat indulgentiam ».
132 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
témoin la règle de saint Chrodegang, qui, faisant ré-
citer la psalmodie de prime à l'église, place au cha-
pitre l'exercice qui l'accompagne, et qui s'ouvre par
la lecture du Martyrologe, suivie du verset Pretiosa
in conspectu Domini^ de l'oraison Sancta Maria et
omnes sancli ou tout autre analogue. La lecture du
martyrologe n'était pas la raison d'être de cet exer-
cice, placé ainsi au début de la journée pour que la
tâche de chacun y fût déterminée, et la bénédiction
de Dieu appelée sur l'œuvre des mains de ses servi-
teurs. De là le prononcé de trois fois le verset
Deus in adiutorium^ ^ puis Gloria Patriy le Kyrie^ le
Pater ^ suivi du psaume Respice in seivos tuos^ et de
l'oraison Dirigere et sanctificare...'^. Les moines ba-
silicaux de Rome ne levaient point le chapitre sans
avoir fait une lecture dans la règle de saint Benoît,
c'est ce que nous apprend l'Anonyme de Gerberf*.
Amalaire parle seulement d'une lecture; mais pour
1. L'Anonyme de Gerbert, v, 4 (plus loin, p. 176), marque
que telle est la formule de prière par laquelle le cuisinier de
semaine inaugure sa semaine le dimanche matin, et qu'il en
va de même, à Saint-Pierre, chaque samedi (tierce), pour les
mansionarii de semaine. « Statim dicit qui ingreditur Deus in
adiutoriiim meum intende, et ista oratione ter cum omnibus
repetitur. »
2. Saint Chrodegang fait réciter tout le psaume : « Re-
spice in servos tuos pariter usque in fmem psalmi, subiungen-
tes Gloria. Deinde prior dicit : Dirigere... « Regiil. 18. Cf.
DuNSTAN. De regimine monach. 1 (P. L. GXXXVII, 482).
3. De eccl. off. iv, 2.
4. Anonym. iv, 1 (plus loin, p. 174) : « Ibidem pro invicem
capitulo dicto orant. Statim ibi redeunt et prior cum ipsis et
ib legunt regulam sancti Benedicti... »
l'office romain du temps de charlemagne. 133
Amalaire c'est là un usage né dans les monastères ^
La description du commun du temps est achevée.
Ai-je besoin de faire remarquer, en terminant, com-
bien l'on y distinguait encore la juxtaposition des
cycles? Le vieux cycle ecclésiastique des vigiles noc-
turnes (vêpres^, nocturnes, laudes), le cycle suréro-
gatoire des 'prières piurnes (tierce, sexte, none), le
cycle tout monastique des exercices conventuels
(prime et complics)?
II
Le cycle des fêtes du temps commençait à l'Avent.
L'usage de solenniser les quatre dimanches qui précè-
dent le grand anniversaire de Noël, usage d'origine
gallicane mais ancien, s'était introduit à Rome dès
avant le temps de saint Grégoire, encore que posté-
rieurement à saint Léon^. Ces quatre dimanches
étaient des solennités stationales : le premier, station
1. De eccl. off. iv, 2 : « ... Mus inolevit ut per monasteria
Deo devota legatur lectio in capitule. »
2. Par vêpres, il faut entendre les premières vêpres. Car
toute fête commence aux vêpres de la veille, et en règle doit
finir aux vêpres du jour en les excluant : donc point de
secondes vêpres. Voyez Theodulph. Capitula ad preshijteros
(P. L. GV, 198) : « Gonveniendum est sabbato die cum lumi-
naribus cuilibet chrisliano ad ecclesiam, conveniendum est
ad vigilias sive ad matutinum officium. Goncurrendum est
etiam cum oblationibus ad missarum solemnia. » Et c'est tout
pour le dimanche, à la fin du viir siècle (a. 797). De là la for-
mule empruntée au 15" canon de Laodicée : « A vespera ad
vesperam dies dominica servetur. »
3. Dom Gabrol, art. « Avent », du Dictionn. iVarchéol.
clirét. t. I, p. 3223-6.
134 HISTOIRE DU BnÉVIAIRE ROMAIN.
à Sainte-Marie-Majeure ; le second, à Sainte-Croix-en-
Jérusalem; le troisième, le plus solennel, le dimanche
Gaudete, à Saint-Pierre ^ L'office de ces dimanches
était pour la psalmodie l'office dominical du commun.
Les leçons étaient, les trois premières, de l'Ecriture
occurrente (Isaïe); les cinq suivantes, des expositions
tirées des saints Pères; la neuvième, une homélie sur
l'évangile de la messe stationale. Les répons devaient
donner à l'office sa physionomie propre ; et cela est si
vrai que tout l'office tirait son nom de l'incipit du
premier répons; pour désigner l'office du premier
dimanche de l'Avent, on disait : l'office Aspiciens a
longe. Amalaire ne dit pas autrement^.
Je regrette infiniment, n'étant point musicien, de
jouir mal de la mélodie de ces compositions respon-
sorales, et d'en être réduit à les juger comme nous
jugeons des parties chorales des tragédies antiques.
Mais, à ce simple critérium, comme il reste encore de
beautés à ces répons du propre du temps, humbles
centons qui arrivent à parler un langage dramatique
et éclatant, et à ranimer dans le sanctuaire des basi-
liques comme le dialogue du chœur de la tragédie an-
tique! Ainsi cet admirable répons du premier
dimanche de l'Avent, le répons Aspiciens a longe ^
où, prêtant à Isaïe un rôle qui rappelle une scène cé-
lèbre des Perses d'Eschyle, la liturgie fait adres-
ser au chœur par le préchantre ces paroles énigma-
tiques :
1. Le quatrième n'eut pas de station avant le xii^ siècle.
TOMASI, t. IV, p. 30.
2. De ord. antiph. 8.
l'office rOxMAin du temps de charlemagne. 135
Aspiciens a longe ecce video Dei potentiam venien-
tem, et nebulam totam terram tegentem. Ite obviam
ei et dicite : Nuntia nobis si tu es ipse qui regnaturus
es in populo Israël.
Et tout le chœur reprend, comme s'il découvrait lui
aussi ce que le prophète découvre :
Aspiciens a longe ecce video Dei potentiam venien-
tem et nebulam totam terram tegentem.
LE PRKGHANTRE.
f. Quique terrigenae et filii hominum, simul in unum,
dives et pauper!
LE CHOEUR.
Ite obviam ei et dicite.
LE PRÉCHANTRE.
f. Qui régis Israël, intende. Qui deducis velut ovem
loseph! Qui sedes super Gherubim!
LE CHOEUR.
Nuntia nobis si tu es ipse qui regnaturus es in po-
pulo Israël.
Mais qu'a-t-on besoin d'interroger ainsi l'horizon ?
Celui qui vient est connu, il n'y aura pas de triomphe
assez beau pour saluer sa venue :
LE PRÉ CHANTRE.
jl^. Tollite portas, principes, vestras et elevamini por-
tae aeternales, et introibit.
LE CHOEUR.
Qui regnaturus es in populo Israël.
136 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
J.E PRKGHAM'IIE.
Gloria Patri et Filio et Spiritui saiicto.
Et la phrase du début reprend en ensemble :
LE CHC*:UR.
Aspiciens a longe. . Ite obviani ei... in populo Israël.
Ce répons du premier dimanche de l'Avent, Ama-
laire le commente avec une juste admiration', car il
est un des plus parfaits modèles de ce genre de
compositions. Sans doute, il en est nombre d'autres
dont l'inspiration est loin d'être ni si large, ni si bril-
lante. Ajoutez que, dès la fin du v-iii^ siècle, on goû-
tait moins, semble-t-il, ces compositions : on les vou-
lait plus brèves, elles devenaient étriquées et froides.
Le répons Aspiciens a longe, tel que nous venons de
le citer, tel qu'il est encore dans notre office actuel,
compte trois versets ; mais à Rome on n'en chantail
déjà que deux 2; et la règle était déjà posée, à Rome
même, de n'en donner plus qu'un aux répons. Le ré-
pons Aspiciens a longe est demeuré, avec ses trois
versets, comme le spécimen d'une espèce disparue
déjà au temps d'Amalaire. Tels quels, c'est-à-dire rac-
1. De ord. antiphon. 8.
2. De ord. antiph. prolog. : « Interrogavi archidiaconiim
Theodorum... quot versus cantaret romana Ecclesia in respon-
sorio Aspiciens a longe... Respondit : Duos. Sciscitatus suni
cur duos cantasset extra solitum more m in illo responso-
rio. Respondit : Propler lionorem magnae festivitatis. Reper
postea non solum in isto, id est Aspiciens a longe, très versus,
ut in nostro antiphonario continetur, sed etiam in aliis multisi
in romano antiphonario aut duos aut très scriptos. »
l'office romain du temps de charlemagne. 137
courcis, mutilés, les répons romains ont duré jusqu'à
nos jours; malgré bien des oppositions, ils se sont
maintenus dans l'office privé lui-même. L'habitude où
nous sommes de ne redire habituellement que les plus
médiocres nous dispose mal à goûter la saveur de ces
petites œuvres antiques, dont quelques-unes (on en
citera) sont de purs chefs-d'œuvre littéraires.
Les quatre dimanches del'Avent étaient considérés,
à Rome, au viii*^ siècle et encore au xii^, comme
les étapes d'un temps d'allégresse, où tout était à la
joie de la venue prochaine du Rédempteur. Le troi-
sième, le dimanche Gaudete, avec sa station à Saint-
Pierre, était le point culminant de cette montée joyeuse
vers Bethléhem. Les six jours qui précédaient le 24 dé-
cembre antiphonaient leurs psaumes fériaux de vêpres
et de laudes d'antiennes où rayonne déjà la lumière
de l'étoile : Rorate caeli..., Haurietis aquas in gau-
dio..., Constantes estote videhitis..., Consurge con-
siirge indaere...y Elevare elevare consurge Hier a-
salem... L'antienne du Magnificat des vêpres de la
dernière semaine d'attente était, dès le viii^ siècle,
prise à cette série d'antiennes que nous appelons les
« grandes antiennes >> : 0 Sapientla..., 0 Adonai...,
0 radix lesse..., 0 clans..., 0 oriens..., 0 rex gen-
\tiiun..., 0 virgo virginam..., d'un si pur et si antique
[symbolisme ^ .
La station de Noël était à Sainte-Marie-Majeure,
jsans doute depuis l'époque de la reconstruction de la
rbasilique sous le vocable de la Vierge Marie au
1. Dq ord. antiph. 13.
138 HISTOIRE DU BRÉVIAIHE ROMAIN.
v^ siècle, sous Xistus III (432-440). Avec Noël, pour la
première fois, nous sommes en présence d'un office
nocturne, qui n'est ni le dominical, ni le férial : un
triple nocturne, neuf psaumes et neuf leçons^. La
présence du pape ajoutait l'éclat d'un cérémonial
majestueux à celui des psaumes antiphonés^. C'é-
tait, une vigile glorieuse, qui méritait d'être ce qu'elle
était dès lors, la fête liturgique modèle, dont toutes
les autres, Pâques et la Pentecôte mises à part, ne
seraient que des répliques^.
1. Ordo de Montpellier, fol. 87 : « In vigilia natalis Domini
incipiente nocte mox ingrediuntur ad vigilias, deinde cxpletis
psalmis viiii cum lectionibus vel responsuriis seu et inalu-
linis cum antiphonis ad ipsum diem pertinentibus, expectantes
domnum apostolicum modice requiescunt. Adpropinquante
vero gallorum cantu, ipso domno apostolico cum episcopis
vel reliquis sacerdotibus cum cereis vel multis luminibus
procedente, surgentes préparant se qualiter ad missas iugre-
diantur, et mox ut gallus cantaverit domnus apostolicus
cum omnl ordine sacerdotum ad missas ingreditur. »
2. Amalaire {De ord. antiph. 15) note qu'il a trouvé dans
l'antiplionaire romain, pour la nuit de Noël, deux offices noc-
turnes. Le premier était chanté par le pape à Sainte-Marie-
Majeure. Le second était ctianté par les clercs à Saint-Pierre.
Chacun de ces offices avait ses répons et ses antiennes. Ama-
laire nous apprend {ih. 19) que l'office de Saint-Pierre a été,
en France, attribué à l'octave de Noël, c'est-à-dire à la tète
dite de la Circoncision. L'Orrfo de Montpellier (fol. 93) ne con-
naît qu'un même office pour Noël et l'octave : « Post nativita-
tem vero Domini usque in ociabas praeler sanctorum festivi-
tatibus psalmi antiphonae responsuria seu lectiones in nocle
et in die de ipso Domini nalali sunt canendi. In octabas au-
tem Domini quod est kal. ianuar. ordinem que Domini natale
in omnibus observant. »
3. De ord. antiph. 15 : « Sicut per novenarium numerum,
qui celebratur in nativitate Domini grattas agimus de Del
descensione..., ita per eumdem numerum grattas agimus in
festivitatibus sanctorum. »
l'office romain du temps de charlemagne. 139
L'Epiphanie était plus que toute autre une réplique
de Noël. La station était ce jour-là à Saint-Pierre; et
l'office était, comme le 25 décembre, un office de neuf
psaumes et neuf leçons, avec tous ses psaumes anti-
phonés ^ .
Le carême romain, dès le iv^ siècle, comptait six
semaines ; l'usage d'assigner une station à chacun des
jours de ces six semaines, de même qu'aux trois di-
manches in quinquagesima, in sexagesima, in sep-
tuagesima^ n'a pas d'attestation plus ancienne que le
VII'' siècle environ^. La Septuagésime, comme un der-
nier regard jeté sur Bethléhem, était un dimanche de
joie, où antiennes et répons retentissaient encore de
l'alleluia de NoëH : rubrique qui persista à Rome jus-
qu'à l'époque d'Alexandre II (1061-1073) '*. Mais, passé
la Septuagésime, l'Eglise entrait dans sa tristesse;
plus d'alleluia^. Les jeûnes allaient s'y ajouter^. Puis,
à partir du dimanche de la Passion, plus même de
Gloria Patri aux répons.
1. L'omission de l'invitatoire était un usage frank. « Nostra
regio in praesenli ofïicio solita est... omittere... invitatorium. »
De ord. antipli. 21.
2. DuGiiESNE, 0/-i^mes, p. 234-23G.
3. De ord. aniiph. 30.
4. Microlog. p. 47.
5. Amalar. Epistul. ad Hilvinum (éd. Duemmler, p. 248) :
« leiunaraus de alléluia viiii ebdomadas. »
(j. Ot'do de Montpellier, fol. 96 : « Graeci a sexagesima de
carne levant ieiunium; monachi vero et Romani devoti vel
boni christiani a quinquagesima; ruslici autem et reliquus vul-
gus a quadragesima. Primum autem ieiunium quarta et sexta
feria post quinquagesimam, id est una ebdomada ante qua-
dragesima, apud eo|i publicae agitur. »
140 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
L'office de ces neuf dimanches avant Pâques était
l'office dominical ordinaire de dix-huit psaumes et
neuf leçons ; l'office des stations de carême était
l'office férial de douze psaumes et trois leçons. Les
répons donnaient à ces différents offices leur ca-
ractère distinctif; car, outre les responsoria de
Abraham, de loseph, etc., correspondant à l'Ecri-
ture occurrente jusqu'à la semaine sainte, les di-
manches et les stations d'avant Pâques avaient une
série de répons pénitentiaux : Ecce nunc tempus ac-
ceptabile..., Emendemus in melius...y Paradisi por-
tas.,., tous répons qui ont passé dans le Bréviaire
romain, mais qui sont inférieurs à la plupart des
répons de l'Avent. Par contre, les répons du temps
de la Passion constituent un ensemble de premier
ordre. Nous avons presque tous au Bréviaire ces
admirables répons dont Amalaire dit expressément
qu'ils sont l'œuvre des maîtres de l'Église romaine ^ .
In proximo est tribulatio mea, Domine, et non est qui
adiuvet, ut fodiant manus meas et pedes meos. Libéra
me de ore leonis, ut narrera nomen tuum fratribus meis.
— Deus deus meus, respice in me : quare me dereliqui-
sti longe a salute mea? — Libéra me de ore leonis... —
In proximo est tribulatio mea, et non est qui adiuvet!
1. De ord. antiph. 43 : « In duabus ebdomadibus anle
Pascha Domini undecunque potuit colligere compositor an-
tiphonarii sermones convenientes passioni Domini, super eos
fecit sonum cantus habitera ad id terapus, id est lugubrem,
iuxta numerum necessariorura responsoriorura et antiphona-
rura... Gorapositi sunt a raagistris sanctae romanae Eccle-
siae, in quibus [= responsoriis] corapunctio traditionis eius
[= Christi] frequentatur, et dolor crucifixionis eius stimulât
corda fidelium. »
l'office romain du temps de charlemagne. 141
Ils expriment la plainte du Christ au jardin des
Oliviers, du Christ trahi et abandonné, « compunctio^
ncm traditionis eiiis », pour employer le mot d'Ama-
laire.
Dixerunt impii non recte cogitantes : Gircumveniamus
iustum, quoniam conirarius est operibus nostris. Pro-
mittit se scientiam Dei habere! Filium Dei se nominat!
Et gloriatur patrem se habere Deum ! Videamus, si ser-
mones illius veri sint. Et si est verus filius Dei, liberet
illum de manibiis nostris. Morte turpissima condemne-
mus eum ! — Haec cogitaverunt. Et erraverunt : excae-
cavit enim illos malitia eoruin, et nescierunt sacramenta
Dei. — Morte turpissima condemnemus eum !
Ils expriment les mauvais sentiments de la foule
indécise encore, et son ironie, et sa brutalité — Et
le Christ reprenant dans un autre répons :
Adtende Domine ad me, et audi voces adversariorum
meorum. Numquid redditur pro bono malum? Quia fo-
derunt foveam animae meae. — Homo pacis meae in
quo sperabam, qui edebat panes meos, ampliavit ad-
versum me supplantationem. — Numquid redditur pro
bono malum? — Adtende Domine ad me, et audi voces
adversariorum meorum...
On entrait dans la grande semaine : l'office du
lundi, du mardi, du mercredi saints était l'office fé-
rial : douze psaumes, trois leçons. Et l'on arrivait
ainsi au triduum des trois dernières fériés de la se-
maine sainte, où l'office devait prendre l'ampleur des
plus solennels anniversaires.
L'office des trois derniers jours de la semaine sainte
est minutieusement décrit par les Ordines /^omaniles
I
142 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
plus anciens et les plus purs, celui d'Einsiedeln, celui
de Saint-Amand. Cet ofFice était sûrement une pure
création romaine. Le jeudi, le vendredi, le samedi
saints, l'office devait commencer au milieu de la nuit,
et, contrairement à l'ordinaire, on ne disait ni le Deus
in adiiUoriurUy ni l'invitatoire, mais on attaquait la
psalmodie sans prélimiijaire. L'office était de trois
nocturnes, chacun de trois psaumes antiphonés. Puis
le verset, et le lecteur se levait pour la leçon; mais il
ne demandait point de bénédiction pour la commencer
et ne prononçait point le Tu autem en la terminant.
Les leçons, au premier nocturne, étaient des Lamen-
tations de Jérémie à chacun des trois jours; celles du
second nocturne étaient de saint Augustin ; celles du
troisième, des épîtres de saint Paul. Les psaumes ni
les répons ne comportaient de Gloria Patri. A la
suite des trois nocturnes, laudes antiphonées. Pour
clore les laudes, point de Kyrie eleison comme d'or-
dinaire, mais simplement l'oraison Christus factus
est. Et toute l'assemblée se retirait en silence. — A
l'office nocturne du jeudi saint, qui se célébrait à
Saint-Jean-de-Latran, la basilique était illuminée
comme à l'ordinaire. A l'office du vendredi saint, à
Sainte-Croix-en-Jérusalem, on éteignait l'une après
l'autre toutes les lumières, de sorte qu'à la fin du Be-
nedictus de laudes il n'en restât plus qu'une allumée,
que l'on faisait alors disparaître derrière l'autel [re-
servetur absconsa usque in sabbato sancto). C'était
le signe que la lumière du monde était éteinte, le
Christ mort, et que les ténèbres se faisaient sur toute
la terre. L'office nocturne du samedi saint se célébrait
l'office romain du temps de charlemagne. 143
dans robscurité [tantiim iina lampada accendatur
pr opter legendum ^).
L'Eglise romaine n'aurait même pas eu besoin de
celte symbolique mise en scène pour frapper l'esprit
de ses fidèles. Tout le drame de la passion du Sauveur
était dans les répons de son office.
Eram quasi agnus innocens, ductiis sum ad immo-
landum et nesciebam. — Gonsilium fecerunt inimici mei
adversum me dicentes : Venite, mittamus lignum in
paneni eius, et conteramus eum de terra viventium. —
Omnes inimici mei adversum me cogitabant mala mihi,
verbum iniquum mandaverunt adversum me. — Venite,
mittamus lignum in panem eius, et conteramus eum de
terra viventium. — Eram quasi agnus innocens, etc.
Puis, après cette plainte du Christ, l'émotion de sa
mère appelant au secours les apôtres qui ont fui :
Vadis propitiatus ad immolandum pro omnibus. Non
tibi occurrit Petrus, qui dicebat mori tccum? Reliquit te
Thomas, qui aiebat : Omnes eum eo moriamur? Et ne
unus ex illis? Sed tu solus duceris, qui castam me con-
fortasti, filius et Deus meus ! — Promittentes tecum in
carcerem et in mortem ire, relicto te fugerunt. — Et
ne unus ex illis... ! — Vadis propitiatus ad immolan-
dum, etc.
L'horreur de la conscience humaine à la vue d'une
telle iniquité :
1. L'extinction des cierges, l'un après l'autre, cela aux noc-
turnes du jeudi, du vendredi, du samedi, est un usage frank,
attesté par AmaJaire, De ord. antiph. 43. Cet usage a évincé
l'usage romain, attesté au ix® siècle par l'archidiacre Théo-
dore (ibid.).
144 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Barrabas latro dimittitur et innocens Ghristus occidi-
tur. Nam et ludas armidoctor sceleris, qui per pacem
didicit facere bellum, osculando tradidit dominum lesuin
Ghristum. — Verax datur fallacibus, pium flagellât im-
pius. — Osculando tradidit... — Barrabas latro dimitti-
tur, etc.
Le tressaillement de la nature elle-même et de la
Loi :
Tenebrae factae sunt, etc.
Et vélum templi scissum est, etc.
Et après cet orage de douleur, de trahison, de sang,
après cet ébranlement de la terre et du ciel, l'apaise-
ment dans les larmes :
Recessit pastor noster, etc.
Ecce quomodo moritiir iustus, etc.
Domine, post passionem luam et post discipuloi^um
fugam, Petrus plorabat dicens : Latro te confessus est,
et ego te negavi. Mulieres te praedicaverunt, et ego
renui. Putas, iam vocabis me discipulum tuum? Aut
iterum constitues me piscatorem mundi? Sed repoeni-
tentem suscipe me, Domine, et miserere mei. — Ego
dixi in excessu meo : omnis homo mendax. — Putas iam
vocabis me...? — Domine post passionem tuara, etc.
L'office nocturne de ces trois jours devenait la
grande représentation du mystère douloureux de la
passion, de la mort, de l'ensevelissement du Sauveur,
et des pathétiques regrets de l'humanité pénitente. Il
s'achevait, le samedi saint au matin, dans l'obscurité
et dans les larmes de laudes : Sedentes ad monumen-
tum lamentabantur fientes Dominum ^
1. Ant. du Benedictus.
l'office romain du temps de charlemagne. 145
De toute la journée du samedi saint, aucune autre
cérémonie ne rappellerait les fidèles à la basilique.
Mais le soir de ce jour, à trois heures de l'après-midi,
commencerait la vigile pascale. Point de bénédiction
de feu nouveau ou de cierge pascal, usages venus de
France à Rome après le viii^ siècle, mais, et c'était
d'antique usage romain, la longue séance de leçons et
de répons, que nous avons encore à l'office liturgique
du samedi saint, et qui représente au mieux le plus
ancien état de toute vigile. Deux sous-diacres, portant
des torches, venaient se mettre devant l'autel, au
pied du trône pontifical, et éclairaient le lecteur. Les
leçons commençaient, sans aucune annonce ni béné-
diction : In principîo creavit Deus caelum et ter-
ram, etc. Chaque leçon était lue d'abord en grec, puis
en latin. Elle était suivie de VOremus, du Flectamus
genua et de l'oraison. Chaque trois leçons, un répons,
exécuté d'abord en grec, puis en latin. Qu'était-ce que
cet office, sinon un office nocturne diminué de sa psal-
modie? en d'autres termes, moins les psaumes, une
vigile sur le patron des vigiles du iv^ siècle? A cet of-
fice vigilial s'ajoutait le baptême des catéchumènes,
qui se célébrait dans le baptistère du Latran, tandis
que dans la basilique le peuple et la Scola cantorum
chantaient les litanies, répétant jusqu'à quinze fois
les mêmes invocations. Arrivé enfin à \Agnus Dei de
cette longue litanie, le maître de la Scola disait Ac~
cendite ; la basilique s'illuminait pour la rentrée pro-
cessionnelle du cortège pontifical ramenant les nou-
veaux baptisés. Et la messe, la première messe de
Pâques, commençait au chant du Gloria in excelsis
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 10
I
146 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
et de l'alleluia. On devait être à ce moment fort au
delà de minuit ^
Il semblerait donc que cette liturgie de la nuit pas-
cale, qui n'était que l'antique vigile, dût dispenser de
l'office nocturne canonique : il n'en était rien, car, à la
suite de la vigile, l'office nocturne quotidien mainte-
nait sa place. Dans la nuit même de la Résurrection,
dit VOrdo de Saint-Amand, on se lève après le chant
des coqs; on arrive à l'église, et, après une prière,
on s'embrasse en silence. Puis commence l'office noc-
turne, le Deiis in adiutorium, l'invitatoire alléluiatisé,
trois psaumes alléluiatisés, le verset... ^, trois leçons
et leurs répons. Puis laudes alléluiatisées. Le Bene-
dictus chanté, on ne disait point le Kyrie, mais l'an-
tienne Haec diesy et la collecte •^ Cet office nocturne
canonique était, on le voit, un office de trois psaumes,
trois leçons, trois répons. La raison de cette brièveté
était que, commençaini post gallorum cantum, et non
plus média nocte, il eût été impossible de lui donner
l'ampleur de l'office de Noël à neuf psaumes, neuf
leçons, neuf répons^*. Toute l'octave de Pâques, on
1. Cet office du samedi saint est longuement décrit et com-
menté par Amalaire, De eccl off. i, 18-31.
2. Ici VOrdo de Saint-Amand insère une oraison : « Et oratio-
nem dat presbyter », qui est le Pater sans doute.
3. De eccl. off. iv, 23 : « Habemus scriptum in romano or-
dine, ut non dicatur Kyrie eleison sive Christe eleison ad ul-
lum cursum in memoratis diebus, sed sine rctractatione can-
temus Ilaec dies... GoUectam solam solet sacerdos dicere in
fine oftîcii. »
4. Grangolas, p. 332 : « Unus tantum nocturnus dicitur,
quia ferme dies erat quando incipiebatur ofTicium noctis, eral-
que hora laudum... »
l'office 150MAIN DU TEMPS DE CHARLEMAGNE. 147
répéterait ce même nocturne de trois psaumes et trois
leçons, d'après cette règle que l'office de l'octave de-
vait être la réplique de l'office de la fête.
L'octave de Pâques, ou, comme on disait alors, les
sept dies baptismales^ amenaient avec eux un office
exceptionnel. Les Ordines romani^ qui fournissent
de si minutieux renseignements sur la liturgie des
trois derniers jours de la semaine sainte et sur celle
de Pâques, non seulement ne mentionnent point
les trois heures de tierce, sexte et none, mais ne
disent rien des vêpres : point de vêpres publiques
prévues pour le jeudi saint, ni le vendredi saint,
aucune sorte de vêpres pour le samedi saint '.
Par contre, ces mêmes ordines prescrivent des vê-
pres pour chacun des dies baptismales. La chose
serait pour nous surprendre, si ces vêpres pas-
cales étaient un office analogue aux vêpres que
nous avons rencontrées dans le commun et dans le
propre du temps. Mais ces vêpres pascales ont avec
les vêpres de l'office canonique le nom seul de
commun. — Le soir de Pâques, par exemple, où
1. Les Ordines purement romains, celui d'Einsiedeln et celui
de Saint-Amand, ne font aucune allusion à l'office diurne.
VOrdo de la Vallicellane écrit : « Prima, nec tertia, nec sexta,
nec nona, a sancto pascha usque in octavas non cantatur. »
Par contre VOrdo romanus /"* de Mabillon, qui représente
pour la liturgie pascale l'usage romain tei qu'il s'observe
ailleurs qu'à Rome, fait mention de l'office diurne. Le jeudi
saint : « Ipsa vero die omne diurnale offîcium insimul canunt. »
Le vendredi saint : « Vesperam dicit unusquisque privatim. »
Le samedi saint, rien. L'antiphonaire de [Saint-Pierre donne
cette rubrique : « Primam, tertiam, sextam et nonam, usque
ad pascha secreto dicimus; similiter vesperum parasceven ».
TOMASI, t. IV, p. 90.
148 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
l'ofïice stational se célébrait à Saint-Pierre, le clergé
arrivait processionnellement précédé de la croix et de
Tencens, et venait se ranger dans le presbyterium,
autour de l'autel majeur. Le Kyrie eleison ouvrait
l'office: puis on exécutait le Dixit Dominus, et, à la
suite, le Confitebor et le Beatus vir^ soit trois psau-
mes alléluiatisés. Entre le second et le troisième
de ces psaumes, se plaçait un groupe de versets :
Domînus regnavit décore induit ... Parata sedes tua
ex tune... Elevaf^erunt flumina Domine ..., autant
d'allusions à la résurrection et au triomphe du
Christ. La psalmodie terminée, un long chant de
l'alleluia exécuté, « cum melodias simul cum infan-
tibus », dit Y Or do de Saint- Amand. Enfin, le Magni-
ficat antiphoné, et, pour terminer, une oraison. Voilà
un programme extraordinaire de vêpres. Et ce n'en
est encore qu'une partie. La procession, en effet, re-
prend sa marche, et le clergé, quittant le presby-
terium, c'est-à-dire l'abside de la basilique, vient se
ranger en avant de l'arc triomphal, à l'entrée de la
nef, au pied de la grande croix suspendue à l'arc dans
l'axe de la nef. Là s'exécute un psaume alléluiatisé,
la Laudate pueri^ puis pour la seconde fois le Magni-
ficat antiphoné, et, pour la seconde fois aussi, une
oraison. La procession se dirige alors vers les fonts
baptismaux, où se chante un cinquième psaume,
Vin exitu alléluiatisé; puis, une troisième fois, le
Magnificat antiphoné et une oraison. Ce sont les ru-
briques d'Amalaire^ L'Ordo de Saint-Amand, qui
1. De ord. antiph. 52 : « De glorioso ofTicio quod fit circa
L OFFICE îlOMAiN I)t TEMPS DE CHARLEMAGNE. 149
représente une liturgie plus ancienne, fait chanter
devant les fonts un long verset grec. — Au total,
nous sommes, avec ces vêpres pascales, loin des vê-
pres canoniques : sans doute, les vêpres pascales
comptent cinq psaumes, et de ceux que l'office cano-
nique réserve à ses vêpres; mais ces trois stations, ces
trois Magnificat, ces versets latins et grecs, tout cela
est d'une liturgie romaine plus ancienne, et d'un
temps où les vêpres étaient sans doute encore incon-
nues à Saint-Pierre.
Au dimanche in albis depositis, l'exceptionnel office
de Pâques et des dies baptismales faisait place à l'of-
fice ordinaire des dimanches et des fériés^ ; le temps
pascal n'avait plus à lui en propre que ses antiennes
et ses répons. La fête de l'Ascension de Notre-Sei-
gneur se célébrait quarante jours après Pâques ; elle
était, comme Noël et l'Epiphanie, une fête de neuf
psaumes, neuf leçons, avec ses antiennes et ses ré-
pons propres ^.
Cinquante jours après Pâques, la Pentecôte rame-
nait l'office de trois psaumes, trois leçons. La Pente-
côte, en effet, Pascha Pentecosten, comme l'appelle
vespeiiinales terniinos in paschali hebdomada in roniana
Ecclesia... » Pour une description plus détaillée, voyez D. G. M.
« Les vêpres pascales dans l'ancienne liturgie romaine », Revue
bénédictine, 1889, p. 150-157.
1. De ord. antipli. prolog. : « Interrogavi quotus ordo re-
sponsoriorum celebraretur in dominica nocte quam solemus
nominare octavas Paschae. Responsum est : Novenarius, in
ea cantamus de auctoritate ». Sur les répons De aiictoritate,
voyez ibid. 33.
2. De ord. antiph. 56.
150 HISTOIIIE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Tantiphonaire de Saint-Pierre, avait comme Pâques
sa vigile liturgique de six fois deux leçons en grec et
en latin, avec leurs répons, et les oraisons qui les
accompagnaient; et cette vigile liturgique, comme
celle de Pâques, était suivie du baptême des catéchu-
mènes : aln vigilia Pentecoste sicut in sabbato sancto
ita agendum est, « dit VOrdo de Saint-Amand. L'office
canonique devait donc être pareil à celui de Pâques,
et cet office abrégé se répéter durant toute l'octave de
la Pentecôte. Il semble cependant qu'on ait hésité
quelque temps à assimiler ainsi quant à l'office Pâques
et la Pentecôte : l'antiphonaire de Saint-Pierre atteste
que l'office de la Pentecôte et de son octave était bien
de trois psaumes, trois leçons; mais à Rome on as-
sura Amalaire que l'office de la Pentecôte était un
office à neuf répons, c'est-à-dire l'office dominical
ordinaire ',
Nous sommes au terme du cycle des fêtes du temps,
puisque la fête de la Trinité est une fête bien posté-
rieure au viii^ siècle. Nous avons vu l'office canonique
romain se ramener à quatre types liturgiques :
1^ L'office férial de douze psaumes et trois leçons ;
2"* L'office dominical de dix-huit psaumes et neuf
leçons ;
S"* L'office des fêtes de neuf psaumes et neuf leçons ;
4° L'office pascal de trois psaumes et trois leçons.
1. De ord. antiph. prolog. : « Similiter interrogavi oflîcio
Pentecosles. Responsum est : Novem cantamus, ut in caete-
ris dominicis in noctibus. » Cf. ibid. 57. Ici encore l'usage
gallican a passé dans l'usage romain, postérieurement à Ama-
laire.
l'office romain du temps de charlemagne. 151
Or, et il n'est pas inutile de préjuger ici une ques-
tion qui se présentera plus tard à notre attention,
ces quatre types liturgiques se retrouvent formulés
dans un décret de Grégoire VIT :
1° Omnibus diebus... XII psalmos et III lectiones
recitamus ;
2^ In dominicis diebus XVI II psalmos et IX lec-
tiones celebramus:
3° Si festintas est,... IX lectiones dicimus;
4° In die Resurrectionis usque in sabbatum in albis
et in die Pentecostes usque in sabbatum eiusdem, III
psalmos et III lectiones legimus. — J'ai reproduit les
termes mêmes du décret^. On en conclura que l'office
romain du viii^ siècle était encore à Rome, au xi*^ siè-
cle, dans son économie générale^, intact; et que les
|liturgistes se sont trompés, qui ont voulu voir dans ce
lécret une réforme de Grégoire VII réglant à nouveau
ît fixant l'office, alors qu'il ne faisait que confirmer
l'usage du viii'^ siècle. — On en conclura, en outre, et
jeci pour confirmer ce qui a été avancé précédemment
le la fixation de l'office canonique romain aux vii^ et
'iii*^ siècles, que ces quatre types liturgiques consti-
tuent un système d'office différent de celui que for-
lulait au commencement du vu® siècle le Liber diur-
uts, et qui peut se résumer ainsi en ce qui concerne
'office férial :
1. Friedberg, t. I, p. 1416.
2. Notez que, au temps de Grégoire VII, l'office de la Pen-
[tecôte et de son octave est devenu pareil à l'office de Pâques
Jt de son octave. C'est là un de ces accidents qui ne font pas
tort à l'économie générale.
152 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
l'' A Pascha ad aequinoctium fil lectiones.
l"" Ab aequinoctio ad Pascha IV lectiones.
En d'autres termes, la fixation de l'office canonique
du temps que nous venons de décrire date du
vii^-viii^ siècle.
III
Aux environs de 750, l'office des saints, maintenu
jusqu'alors en dehors de l'office quotidien des basi-
liques urbaines, et fidèle en cela à sa tradition d'office
cimitérial, s'est fait sa place dans l'office des basi-
liques. Cette place devait être d'abord petite, à côté
du grand office quotidien. Loin de se substituer à
Tolïice dominical ou fërial, l'office sanctoral s'y super-
posa. Puis il se fondit dans le grand office quotidien ^
A Rome toutefois la superposition primitive de
Foflice sanctoral à l'office férial laissera des traces
durables. Amalaire a relevé dans l'antiphonaire de
Corbie [ex romano antlphonario qui ad nos per~
^>eniL), c'est-à-dire dans l'antiphonaire du pape Ha-
drien, une précieuse indication qu'il présente ainsi :
In praeclarissimis festivitatibus sanctorum consue-
tudo est sanctae mfttris nostrae romanae Ecclesiae duo
officia peragere in nocte, quorum officia praetitulantur
De vigiliis. Primum eorum quod canitur in inilio noctis,
1. De ord. anttph. 28 : « Multa officia sanctorum indidi in
nostro antiphonario ex romano, quae non Iiabet metensis an-
tiphonarius. Gogitavi cur ea omitterem, cum eadem auctoritate
fulciantur qua et illa quae scripta invenimus in metensi an-
tiphonario, scilicet sanctae njatris nostrae romanae Eccle-
siae. »
l'office romain du temps de charlemagne. 153
sine Alléluia peragitur. Alterum vero, quodhabet initium
circa médium noctis et finitur in die, habet in terlia
nocturna in suis antiphonis Alléluia... ^
Cette indication est éclairée par ce que rapporte
Amalaire de la fête de saint Pierre :
Ex romano antiphonario posui duas vîgilias in nostro
antiphonario. Primam solet Apostolicus facere in initio
noctis, quae fit sine invitatorio, quoniam ea hora non
invitatur populus ad vigilias. ... [Media nocte] ingreditur
clerus et populus ad secundam vigiliam, et cantatur in-
vitatoriuni 2.
Il ressort de ces deux textes que les fêtes sancto-
rales les plus solennelles avaient, à Rome, deux offi-
ces nocturnes, l'un à la tombée de la nuit, sans invi-
tatoire, l'autre au milieu de la nuit, avec invitatoire.
Je conjecture que l'office célébré sans invitatoire à la
tombée de la nuit était l'office propre du saint, la
vigile; que l'office avec invitatoire célébré au milieu
1. De ord. antiph. 59.
2. De ord. antiph. 60. Comparer VOvdo romanus de la Valli-
cellane : « De festis sanctorum, qualiter apud Romanos cele-
brentur. In primis congregant se adecclesiam sero, ad vigilias
peragendas illius sancti cuius natalis fuerit, ingredientesque
ad vigilias Domine labia mea aperies et invitatoriuni non
dicunt, sed statini incipiunt antiph. in psalmos cuiuscumque
fuerit aut apostolorum aut cuiuslibet sanctorum. Qui voluerint
viiii lectiones facere, viiii psalmos décantent; qui vero vu,
cantent vi [sic]; qui vero v, similiter vi [sic]. ... Item in
nocle festivitatis ipsorum ad nocturnos in Vcnite eocultemus
antiphona id est invitatorium de sanctis..., psalmos cotidianos
deferunt, et versus de sanctis, lectiones aut m, aut v, aut vu,
aut si voluerint viiii ad ipsum natalicium pertinentes legun-
tur... »
I
154 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de la nuit était roflice férial, transformé maintenant
en office du saint ^ .
Mais le nocturne férial devait finir par être évincé
même de cette part précaire qui lui demeurait : tout
vestige de la dualité et de la concélébration de rolïice
férial et de l'office sanctoral s'effaça : il n'y eut plus
qu'un office nocturne, et cet office fut dévolu au saint.
Les liturgistes carolingiens ne reçurent pas d'autre
usage que celui-là^. Sans doute, ces doubles vigiles
n'étaient point données à toutes les fêtes majeures
indistinctement; au ix^ siècle, les fêtes des saints
Pierre et Paul, de saint André, de saint Laurent, de
l'Assomption, de la nativité de saint Jean-Baptiste,
étaient les seules qui eussent pareille solennité. Mais
cette solennité persistait, et elle était un reste de
l'ancienne rubrique'^. Passé le xiii^ siècle, elle dispa-
raîtra à Rome, et il n'en restera plus que l'expression
liturgique, inexplicable autrement, d'office double.
1. De ord. antiph. 17 : « Sunt festivitates quarum officia cele-
brantur nocturnalia circa vespertinam horam, quae vulgo ap-
pellantur propria; et in posteriore parte noctis canitur alteriim
officium sive de propria feria seu de comraunibus sanctis. »
2. De eccl. off. iv, 35 : « In festivitatibus qiias recolimus,
recolimus per novenarium numerum. » UOrdo romaniis de la
Vallicellane, que je viens de citer, établit qu'à Rome le canon
de neuf leçons, neuf répons, ne s'était pas imposé d'abord.
On y lit même expressément : « lectiones vero aut m aut v
aut Yii aut viiii in vigilia sanctorum aut ubilibet contigerit
leguntur, nam iv aut vi vel viii nuUo modo, quia anliquitus
talis consuetudo non fuit ».
3. De ord. antiph. 62 : « Duo nocturnalia officia inveni in
romano antiphonario in vigilia sanctae Mariae de Assumptione
eius : idcirco et nos duplicia officia jposuimus in festivitate in
nostro antiphonario. »
l'office romain du TEiMPS DE CHARLEMAGNE. 155
Quelles étaient les fêtes de saints célébrées à Rome?
L'antiphonaire de Saint-Pierre fournit un calendrier
pirement romain de roffice, calendrier du xii^ siècle
qui peut être aisément remis dans un état plus ancien
de trois siècles ; il suffît de le comparer aux listes
de fêtes fournies par le sacramentaire dit grégo-
rien, qui représente le sanctoral romain contempo-
rain du pape lladrien (772-795), et subsidiairement
aux listes de fêtes des évangéliaires carolingiens,
comme l'évangéliaire d'Ada à Trêves, manuscrit des
premières années du ix^ siècle. On élimine ainsi du
calendrier de l'antiphonaire de Saint-Pierre les fêtes
postérieures au début du ix"^ siècle ^ .
Janvier.
1. Octave de N. S. S^"" Martine.
6. Epiphanie de N. S.
13. Octave de l'Epiphanie.
14. S. Félix, prêtre,
16. S. Marcel, pape.
18. S'^Prisca.
20. S. Fabien, pape, et S. Sébastien.
21. S'^ Agnès.
22. cS'. Vincent et S. Anastase.
1. Nous avons imprimé eh lettres capitales les fêtes portées
au sacramentaire grégorien et au cornes d'Ada, en italiques
les fêtes données par ce seul dernier. K. Menzel, Die Trierev
Ada-Handschrtf (Leipzig 1889), p. 16-27. Cf. Dom Morin, « Le
plus ancien cornes ou lectionnaire de l'Eg-lise romaine », Re-
vue bénédictine, 1910, p. 41-74, pour un état antérieur du ca-
lendrier romain (vr-vir siècle).
156 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
25. Conversion de S. Paul.
28. S'*' Agnès, pour la seconde fois K
Février.
2. Purification de Marie.
5. S"' Agathe.
11. S. Valentin, prêtre.
22. Chaire de S. Pierre.
24. S. Mathias, apôtre ^.
Mars.
12. S. Grégoire, pape.
25. Annonciation de Marie ^.
Avril.
14. SS. TiBURCE, Valérien et Maxiime.
23. S. Georges.
25. S. Marc, évangéliste.
28. S. Vital, martyr ^.
Mai.
1. SS. Philippe et Jacques, apôtres.
3. Annonciation de la Croix. SS. Alexandre et
SES compagnons.
1. L'antiphonaire de Saint-Pierre a en outre : — S. Téles-
phore (2), S. Maur (15), S. Antoine (17), S. Aquilas (18), S. Ma-
rins et S*" Marthe (19), S*" Émérentienne (23), SS. Papias el
Maur (29), SS. Gyr et Jean (31).
2. De même : — S. Siméon (2), S. Biaise i(3), S*» Scolas-
tique (10).
3. De même : — les quarante niartvrs (10), S. Benoît (21).
4. De même : — S. Glet (26).
l'office nOMAIN DU TEMPS DE CHÀRLEMAGNE. 157
6. S. Jean devant la Porte latine.
10. SS. Gordien et Epimaque.
12. S. Pancrace. SS. Nérée et Achillée.
19. S^*^ PUDENTIENNE.
25. s. Urbain, pape ^
Juin.
1. S. NiCOMÈDE.
2. SS. Pierre et Marcellin.
9. SS. Primus et Félicien.
12. SS. Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire.
18. SS. Marc et Marcellien.
19. SS. Gervais et Protais.
24. Nativité de S. Jean-Baptiste.
26. SS. Jean et Paul.
28. S. Léon, pape.
29. SS. Pierre et Paul.
30. S. Paul 2.
Juillet.
2. SS. Processus et Martinien.
6. Octave de SS. Pierre et Paul.
10. Les sept frères.
15. S. Cyr,
21. S'^Praxede,
23. cV. Apollinaire.
1. De même : — translation de S. Etienne (5), S. Michel (S),
s. Boniface (14), S. Eleuthère, pape (26), S. Jean, pape (27),
S' Pétronille (31).
2. De même : — S. Érasme (2), S. Barnabe (11), SS. Vit et
Modeste (15).
158 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
25. S. Jacques, apôtre.
29. S. Félix, pape. SS. Simplicius, Faustinus et
Béatrix.
30. SS. Abdon et Sennen^
Août.
1. S. Pierre aux liens.
2. S. Etienne, pape.
6. S. XiSTUS, pape. SS. Félicissimus et Acîapit.
8. S. Cyriaque.
10. S. Laurent.
11. S. TiBURCE.
13. S. HlPPOLYTE.
14. S. EUSÈBE.
15. Assomption de Marie.
18. S. Agapit.
22. S. Timothée.
25. S. Barthélémy, apôtre.
28. S. Hermès. S. Aucjustin, évéque.
29. Décollation de S. Jean-Baptiste. S*'' Sabine.
30. SS. Félix ET Adauctus^.
Septembre.
8. Nativité de Marie. S. Adrien.
11. SS. Protus et Hyacinthe.
1. De même : — S*'' Ruflne (10), SS. Nabor et Félix, S. Pie,
pape (12), S. Anaclet (13), S. Alexis (17), S»« Symphorose (18),
S'" Madeleine (1i2), S*" Christine (24), S. Pasteur (26), S. Panta-
léon (27), S. Nazaire, S. Victor, pape (28).
2. De même : — SS. Macchabées (1), invention de S. Etienne
(3), S. Justin (4), S.' Donat (7), S. Romain (9), SS. Euplus et
Leucius (12), S'« Aure (24), S'" Balbine (28), S. Paulin (31).
l'office romain du temps de charlemagne. 159
14. Exaltation de la Croix. SS. Corneille et
Cyprien.
15. S. NiCOMÈDE.
16. S**^ EupHÉMiE. S'® Lucie et S. Géminien.
21. S. Mathieu, apôtre.
27. SS. Come et Damien.
29. S. Michel, archange ^.
Octobre.
7. S. Marc, pape.
14. S. Calliste, pape,
18. S. Luc, évangéliste.
25. SS. Chrysanthe et Darie.
28. SS. Simon et Jude, apôtres 2.
Novembre.
1. Fête de tous les saints. S. Césaire.
8. Les quatre couronnés.
9. S. Théodore.
11. S. Martin, évêque. S. Mennas.
22. St« Cécile.
23. S. Clément, pape. S'*' Félicité.
24. S. Chrysogone.
1. De même : — S. Gilles (1), S. Antonin (2), S. Gorgo-
nius (9), S. Maurice (22), S. Lin, pape, S'^ Tliècle (23), S. Eus-
tache (25), S. Jérôme (30).
2. De même : — SS. Serge etBacchus (7), SS. Denis, Rusti-
que, Éleuthère (9), S. Évariste, pape (26), S. Germain de Ga-
poue (30), S. Quentin (31).
160 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
29.
S. Saturnin.
30.
S. Andréa
Décembre.
13.
S'^ Lucie.
21.
S. Thomas, apôtre.
25.
Nativité de N. S. S'^ Anastasie
26.
S. Etienne.
27.
S. Jean, évangéliste.
28.
Les saints Innocents.
31.
S. Silvestre, pape'^.
Aux yeux de quiconque est familier avec la topo-
graphie romaine du vu*' siècle 3, une série de noms se
détache tout de suite du catalogue que nous venons
de dresser : les noms des martyrs romains rappelant
les plus célèbres sanctuaires cimitériaux de l'Eglise
romaine. — Saint Silvestre et saint Marcel, papes,
avaient leur basilique (S. Silçestri ecclesiam) au cime-
tière de Priscille sur la voie Salaria nova. Sainte Prisca
(à qui la piété des fidèles avait uni saint Aquilas, en
souvenir de Rom. xvi, 3) était enterrée au cimetière
de Priscille aussi. Saints Nérée et Achillée, ensemble
avec sainte Pétronille, enterrés dans la sépulture des
Flaviens chrétiens, avaient donné leurs noms à la
1. De même : — S. Tryphon (10), S. Martin, pape (12), S. Jean
Ghrysostome (13), S*« Catherine (25).
2/De même : — S'« Bibiane (2), S*" Barbe, S*-^ Julienne (4),
S. Sabas (5), S. Nicolas (6), S. Ambroise, S. Savin (7), S. Da-
niase, pape (11), S. Eustrate (13), S. Grégoire de Spolète (23),
S»" Eugénie (25).
3. De Rossi, Roma sottermnea, t. I, p. 175-183.
l'office romain du temps de charlemagne. 161
basilique cimitériale de Domitille, sur la voie Ar-
déatine. Saint Fabien, pape, appartenait à la crypte
pontificale du cimetière de Calliste, comme aussi les
papes Etienne et Xistus. Saint Sébastien avait sa ba-
silique sur la voie Appienne, ad Catacumhas\ sainte
Agnès, sur la voie Nomentane; saint Valentin, sur
la voie Flaminienne; saints Tiburce et Valérien, au-
dessus du cimetière de Prétextât, sur la voie Ap-
pienne; saint Alexandre, que l'on confondait dès le
vu" siècle avec le pape Alexandre, avait sa basilique
au septième mille de la voie Nomentane ; saints Gor-
dien et Épimaque avaient la leur sur la voie Latine ;
saint Pancrace, sur la voie Aurélienne; saint Urbain,
qui était enterré dans la crypte pontificale du cime-
tière de Calliste, avait un oratoire à son nom au cime-
tière de Prétextât; saints Pierre et Marcellin avaient
leur basilique sur la voie Lavicane, iad duas lauros\
saints Marc et Marcellien, sur la voie Ardéatine;
saints Processus et Martinien, sur la voie Aurélienne ;
les saints sept frères, enfants de sainte Félicité,
avaient leur souvenir uni à la petite église de Sainte-
Félicité, sur la voie Salaria nova; saint Félix, épo-
nyme du cimetière ad insalatos, y avait sa basilique,
au troisième mille de la voie de Porto. Au cinquième
mille de la même voie, le cimetière Generosae gardait
saints Simplicius, Faustinus et Viatrix; au second
mille, ad ursum pileatum, était la sépulture des saints
Abdon et Sennen. Saints Félicissimus et Agapit ap-
partenaient au cimetière de Prétextât, sur la voie Ap-
pienne. La basilique de saint Cyriaque et de ses com-
pagnons était au septième mille de la voie d'Ostie.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 11
162 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Saint Hippolyte avait donné son nom à un cimetière
voisin de celui de saint Laurent, sur la voie Tiburtine.
La basilique de saint Hermès était au cimetière Ba-
sillae, sur la voie Salaria antiqua; celle des saints Fé-
lix et Adauctus au cimetière Commodillae, sur la voie
d'Ostie. Les saints Protus et Hyacinthe appartenaient
au cimetière Basillae. Le pape Corneille avait une
basilique à son nom sur le cimetière de Calliste: le
pape Marc avait donné le sien à la basilique du cime-
tière Balbinae, sur la voie Ardéatine; le pape Cal-
liste, à celle du cimetière Calepodii, sur la voie Au-
rélienne. Une église s'élevait sur la voie Salaria nova,
au nom des saints Chrysanthe et Darie. Sainte Cé-
cile était la sainte la plus populaire du cimetière de
Calliste. Au cimetière Trasonis, sur la voie Salaria
nova, appartenait l'église de saint Saturnin. — Au
dixième mille de la voie Cornelia, était la basilique
de sainte Rufine ; au premier mille de la voie Pré-
nestine, celle de saint Agapit; au dixième mille de
la voie Aurélienne, celle de saint Basilide. Ajou-
tez-y les saints Jean et Paul, seuls d'entre tous les
martyrs de Rome à avoir été enterrés intra muros :
j'ai nommé la belle basilique du Caelius, le titulus
Pammachii.
Au temps où s'écrivaient les itinéraires de pèlerins
que nous possédons, itinéraires contemporains de
Benoît Biscop, c'étaient là les sanctuaires visités et
fêtés, ceux dont les anniversaires ne pouvaient pas
disparaître, et n'ont point disparu en effet, recueillis
xju'ils ont été par la liturgie de l'office. Et je ne parle
pas des fêtes de saint Pierre, de saint Paul et de saint
l'office romain du temps de charlemagne. 163
Laurent, rattachées aux trois basiliques les plus fa-
meuses des abords de Rome.
Les anniversaires que nous venons d'énumérer for-
maient le vieux sanctoral romain, le sanctoral des
cimetières. D'autres souvenirs ou d'autres préoccupa-
Lions avaient provoqué la création de fêtes plus ré-
centes. Le titulus Pudentis, en devenant au viii^ siècle
titulus sanctae Pudentianae, du nom d'une martyre
« Polentiana » enterrée au cimetière de Priscille,
avait introduit dans le sanctoral urbain la fête de sainte
Pudentienne. De même, au titulus Pvaxedis^ devenu
vers le même temps titulus sanctae Praxedis, on de-
vait la fête urbaine de sainte Praxède. Au titulus dé-
mentis se rattachait, dès avant la fin du iv^ siècle,
l'anniversaire de saint Clément. La basilique des
Santi-Quattro, au Caelius, vieille église anonyme,
avait épousé le souvenir énigmatique des martyrs dé-
signés sous le nom de /F coronati. Saint-Étienne-le-
Rond, au Caelius encore, avait, sous le pape Théodore
(642-649), recueilli les reliques et l'anniversaire des
saints Primus et Félicien de Nomento, apportés du
quatorzième mille de la voie Nomentane. La chapelle
domestique de la domus Pinciana des Anicii, sur le
Pincio, restaurée au viii*^ siècle par le pape Hadrien,
avait introduit à Rome le vocable et la fête de saint
Félix de Noie. La basilique ad aquas S allias , bâtie
au milieu du vii^ siècle, l'avait été sous le vocable de
saint Anastase le Perse (t 627), auquel on avait joint
bientôt l'espagnol saint Vincent, à cause de son chef
transféré là même, ad aquas Salnas. Sainte Agathe
de Catane avait, au vi^ siècle, donné son nom à une
164 HISTOIRE Dt BRÉVIAIHE ROMAIN.
petite église arienne de la Suburra; saint Georges, le
héros légendaire de l'Orient grec, à une petite église
du Vélabre, enrichie au viii^ siècle du chef de son
saint éponyme; saints Gervais et Protais, deux mila-
nais, au titulas Vestinae (ceci dès le v^ siècle) devenu
au viii'^ le titulas actuel de saint Vital, un ravennate
tenu pour père de saint Gervais et de saint Protais ;
saint Apollinaire, un ravennate aussi, à un oratoire
construit par le pape Honorius (625-G38) sur l'atrium
de Saint-Pierre ; sainte Sabine, une martyre om-
brienne, au titulus Sahinae de l'Aventin, enrichi de ses
reliques vers la fin du vu*' siècle; saint Adrien, de Ni-
comédie, à l'antique Curia hostilia transformée au
vii^ siècle en basilique; sainte Eupliémie, de Nicomé-
die elle encore, à une église élevée ou restaurée au
vii^ siècle ; saints Çôme et Damien, les deux médecins
« anargyres » si populaires dans tout l'Orient grec, à
la basilique aménagée par le pape Félix IV (526-530)
dans Vaula des archives romaines; saint Césaire de
Terracine, à une petite basilique du Palatin; saint
Chrysogone de Sirmium, au vieux titulus Chrysogoni
du Transtevere : sainte Lucie de Syracuse, au couvent
grec De renatis, fondé vers le viii*' siècle ; sainte Anas-
tasie de Sirmium, au vieux titulus Anastasiae du
Palatin. — Il s'agit là, on le voit, de martyrs étran-
gers qu'un vocable monumental ou qu'une translation
de reliques a faits romains ^ .
Les autres fêtes du calendrier romain n'ont plus ce
1. Voyez M. Armellini, Le cî^ese di Roma dalle loro orlgini
sino al secolo XVI (Rome 1887), s. v.
l'office romain du temps de charlemagne. 165
caractère local et monumental qui en fait des anni-
versaires proprement romains. La fête de l'exaltation
de la Croix (14 sept.) est une fête de Jérusalem, l'an-
niversaire de la dédicace des basiliques constanti-
niennes du Calvaire : elle est introduite à Rome au
VII® siècle ^ La fête de l'invention ou annonciation de
la Croix (3 mai) paraît être à Rome une importation gal-
licane, peu antérieure au vii^ siècle^. — M^'" Duchesne
pose en thèse que « l'Église de Rome ne parait avoir
solennisé aucune fête de la Vierge avant le vii'^ siècle,
alors qu'elle adopta les quatre fêtes byzantines » ^, la
Nativité (8 sept.), l'Annonciation (25 mars), la Purifi-
cation (2 février), la Dormition ou Assomption (15
août), qui toutes quatre se célébrèrent à Sainte-
Marie-Majeure : elles n'ont pas à Rome d'attestation
plus ancienne que la vie du pape Sergius P"" (687-701) '*,
— Les fêtes d'apôtres, et en première ligne celle de
saint André, frère de saint Pierre, puis à la suite
celles de saint Jean, des saints Philippe et Jacques,
celle de saint Pierre aux liens, étaient des anniver-
1. L. P. t. I, p. 374.
2. Duchesne, Origines, p. 264. — Plus tard, en dépendance
de la légende dite de Judas-Gyriaquo, on attribua la création
de la fôte au pape contemporain de l'invention, Eusèbe (310).
Microlog. 55 : « Eusebius papa a beato Petro Iricesimus se-
cundus, constituit ut omnes Ghristiani inventionem sanclae
crucis V nonas maii solemniter celebrarent. Unde et nos illani
cum pleno officio observare debemus, ...Exaltatio autem sanc-
tae crucis non adeo generaliter et solemniter celebratur, et
hoc fortasse ideo quia nullum inde tam spéciale statutum ut
de inventione reperitur. »
3. Duchesne, Origines, p. 259,
4. L. P. t. I, p. 381.
166 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
saires de dédicace de basiliques urbaines, et remon-
taient pour Rome au vi^ siècle au plus tôt ^ .
La fête de la Toussaint était l'anniversaire de la dé-
dicace du Panthéon, consacré par Boniface IV (608-
615) au vocable beatae Mariae et omnium sajicto-
rum^.
Nous avons vérifié le principe qui, antérieurement
au milieu du viii*' siècle, ne permettait pas à une
fête de saint de n'être point localisée dans une basi-
lique déterminée, soit cimitériale, soit urbaine.
Plus tard, lorsque ce principe aura cessé de dominer
la liturgie sanctorale, mais seulement alors, apparaî-
tront les fêtes sans attache monumentale. Les grands
souvenirs monastiques provoqueront l'institution de
fêtes comme celles de saint Benoît, de saint Maur,
de saint Antoine, de saint Sabas, de sainte Scolasti-
que ; la littérature légendaire créera les fêtes de saint
Nicolas, de sainte Barbe, de sainte Catherine, de
saint Eustache, de saint Maurice, de sainte Christine,
de saint Christophe, de saint Alexis...; l'admiration
et la reconnaissance littéraires, celles de saint Jus-
tin, de saint Paulin, de saint Jean Chrysostome, de
saint Jérôme, de saint Ambroise... Toutefois, les
fêtes marquées au calendrier ou dotées d'un office
dansFantiphonaire, n'étaient pas, pour autant, toutes
observées : une grande liberté régnait encore, chaque
1. DuGHESXE, Origines, p. 265.
2. L. P. t. I, p. 317. La dédicace était marquée au 13 mai.
Sigebert de Gembloux rapporte que, en 835, Louis le Débon-
naire d'accord avec le pape Grégoire IV fixa pour la France
et l'Allemagne la fête de tous les saints au l*' novembre.
P. L. GLX, 159.
l'office romain du temps de ciiarlemagne. 167
ôglise, chaque monastère suivait sa dévotion, et le
sanctoral était en somme beaucoup plus réduit qu'il
ne semblerait au premier regard^.
De là vient qu'on n'éprouvait pas le besoin de sé-
rier le degré de solennité des fêtes, sinon d'une façon
très vague encore. Amalaire distingue dans l'usage
romain les fêtes « praeclarissimes » ^, et attribue
à ces fêtes un double office nocturne. L'usage romain
reconnaissait donc des fêtes moindres. Un petit nom-
bre de fêtes de saints avaient une octave ^.
1. De eccl. off- iv, 36 : « Non valemus omnium sanctorum
uatalitia celebrare. » De ord. aiilipli. 28 : « Multa officia sanc-
lorum indidi in nostro Antiphonario ex romano quae non
liabet metensis antiphonarius... Addidimus etiam pauca quae
nostra regio sola continet. »
2. De ord. anfiph. 59. Amalaire donne ainsi « duo noctur-
iialia officia » à la fête des saints Pierre et Paul, à la fête de
saint Laurent, à l'Assomption, à la fête de saint André (ibid.
00-63). Hayton, évêque de Bâle (f 836), donne une liste des
fêtes chômées : Noël, saint Etienne, saint Jean, saints Inno-
cents, Octava Domini, Epiphanie, Purification, Pâques, les
Rogations, Ascension, Pentecôte, saint Jean-Baptiste, « duo-
decim apostolorum, maxime tamen sanctorum Pétri et Pauli
qui Europam sua praedicatione illuminaverunt », .Vssomption,
saint Michel, « dedicatio cuiuscunque oratorii seu cuiusiibet
sancti in cuius honore eadem ecclesia fundata est, quod vi-
cinis tantum circummorantibus indicendum est )>. Les autres
fêtes sanctorales, comme saint Rémi ou saint Martin, « non
sunt cogendae ad feriandum, nec tamen prohibendum, si plèbes
lioc caste et zelo Dei cupiunt exercere ». Ahython. Capilulare,
8 (P. L. GXV, 12). Comparez le canon 36 du concile de
Mayence de 813, Mansi, t. XIV, p. 73, et notamment ceci : « Et
ïllas festivitates martyrum, vel confessorum, observare decre-
vimus, quorum in unaquaque parochia sancta corpora re-
quiescunl. »
3. De eccl. off. iv, 36 : « Solemus octavas natalitiorum ali-
quot sanctorum celebrare, eorura scilicet quorum festivitas
168 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAÏN.
L'office sanctoral, entendez Toffice des fêtes ma-
jeures, était conçu sur le modèle de l'office de Noël,
de l'Epiphanie, de l'Ascension : un office de neuf
psaumes, neuf leçons, neuf réponse Les neuf leçons
étaient empruntées aux actes du saint; de même
le texte des antiennes, des répons et des versets.
Les neuf psaumes n'étaient point indéterminés : les
fêtes d'apôtres, les fêtes de martyrs, les fêtes de
confesseurs, les fêtes de vierges, avaient chacune
les leurs. L'office commun se ramenait à ces quatre
types : apôtres, martyrs, confesseurs, vierges. Cet
office commun, outre sa psalmodie de neuf psau-
mes, comportait les antiennes, les versets et les
répons appropriés, soit aux apôtres, soit aux mar-
tyrs, soit aux confesseurs, soit aux vierges ^. On
remarque que cet office commun dépend, pour une
bonne part tant de ses antiennes que de ses répons,
des offices propres : ainsi l'office du commun des
apôtres de l'office de la fête de saint Pierre, l'of-
fice du commun des vierges de l'office de sainte
Agnès. Les offices propres avaient servi de modèle
aux offices communs, qui ne dataient, eux, vrai-
semblablement que de l'époque de la codification du
sanctoral. Les offices propres, écrits pour des fêtes
locales, représentaient chacun la tradition de basili-
ques différentes, .le ne dissimule pas 'que cette vue
est hypothétique : néanmoins, elle s'accorde assez
apud nos clarior habetur, vcluli est in octavis apostoloruni
Pétri et Pauli. »
1. De ord. antiph. 15.
2. TOMASI, t. IV, p. 150-157.
l'office romain du temps de charlemagne. 169
bien avec quelques observations aisées à vérifier.
L'office des saints Pierre et Paul appartenait à la
basilique de Saint-Pierre. Ici point de trace de textes
légendaires : les leçons sont empruntées aux Actes
des apôtres et aux Pères les plus classiques, saint
Augustin, saint Léon, saint Jérôme'. Les antien-
nes et les répons sont des centons scripturaires : Si
diligis me Simon Petre, — Domine, si tu es, iuhe
me venire, — - Tu es Petrus et super hanc petram,
— Beatus es Simon Petre, etc., — ou s'inspirent
de très près de l'Ecriture : Tu es pastor ovium,
princeps apostolorum, tihi tradidit omnia régna
mundi, etc. Au choix sévère du texte de cette lit-
térature liturgique, on reconnaît l'école à qui nous
devons le texte du responsoral du temps. Il n'y a
qu'un répons de l'office du 29 juin qui ne soit point
biblique, et il est comme la marque même de la
basilique vaticane pour laquelle il a été composé : le
répons Qui regni claires, en effet, reproduit le texte
de linscription métrique gravée, par le pape Sim-
plicius (468-483), au-dessus de l'entrée de la basi-
lique '^.
Qui regni claves et curam tradit ovilis,
qui caeli terraeque Petro commisit habenas,
ut resevet clausis, ut solvat vincla ligatis,
Simplicio nunc ipse dédit sacra iura tenere,
praesale quo cultus venerandae cresceret aulae.
1. ToMASi, t. IV, p. 319-320, cite les le(,^ons données à ces
deux fêtes par l'homiliaire ms. Vatican, lat. 3835 (ix^ siècle).
Ehrensberger, p. 148. Voyez plus haut, p. 125.
2. De Rossi, Inscriptiones, t. II, p. 55.
170 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Ce même répons Qui regni claçes a pour verset un
distique : /
Solve iuhente Deo terrarum, Pelre, catenas,
qui facis ut pateant caelcstia régna beatis,
qui se lisait au vu*" siècle dans la basilique de Saint-
Pierre « in icona sancti Pétri » ^ .
L'office des saints apôtres Pierre et Paul est avec
l'office de saint Jean-Baptiste un des rares offices
sanctoraux fidèles à la tradition de l'office du temps.
Les autres offices propres sacrifient au goût de la
légende et de la littérature légendaire. Les antiennes
et les répons de l'office de saint André sont emprun-
tés aux Acta Andreae apocryphes. Les actes de saint
Laurent ont fourni le texte des antiennes et des répons
de son office. De même, pour sainte Cécile, pour saint
Sébastien, pour sainte Agnès, pour saints Jean et
Paul, et bien d'autres. Or, on se le rappelle, VOrdo
romanus de la Vallicellanc nous a appris que les pas-
sions et gestes des saints ne se lisaient à Rome que
dans l'église du saint, et qu'il en fut ainsi jusqu'au
pape Hadrien (772-795), qui les fit lire à Saint-Pierre.
On peut donc supposer que les antiennes et les répons
pris à ces textes hagiographiques étaient propres,
jusque-là et respectivement, aux diverses basiliques.
Les mauvais textes n'eussent pas manqué à des
fêtes comme celles de la Vierge : elles nous ont valu
1. De Rossi, ihid. p. 254, Dom Moiiix (d'après W. Lovison)
montre que l'antienne de la croix, 0 magnum pietatis opus,
est un distique pris à une inscription de l'oratoire de la croix
au baptistère de Saint-Pierre. Revue bénédictine, 1910, p. 401.
171
au contraire les plus purs, les plus gracieux répons
du responsoral :
Vidi speciosam sicut columbam ascendentem super
rivos aquarum, cuius inaestimabilis odor erat magnus
in vestimentis eius, et sicut dies verni circumdabant
eam flores rosarum et lilia convallium. Quae est ista
quae ascendit per desertum sicut virgula fumi ex aro-
matibus myrrhae et thuris? Et sicut dies verni...
Ou d'autres, inspirés de plus loin par l'Écriture, et
pénétrés d'une piété théologique et tendre :
Pulchra facie, sed pulchrior fide, beata es virgo
Maria : respuens mundum laetaberis cum angelis, inter-
cède pro omnibus nobis. Sancta et immaculata virgi-
nitas, quibus te laudibus referam nescio. Intercède...
Le beau répons :
Gaude, Maria Virgo ! cunctas haereses sola intere-
misti, qui Gabrieb's archangeli dictis credidisli, dum
virgo Deum et hominem genuisti, et post partum virgo
inviolata permansisti. — Gabrielem archangelum cre-
dimus divinitus te esse afl'atum, uterura tuum de Spiritu
sancto credimus impraegnatum. Erubescat ludaeus
infelix, qui dicit Ghristum ex loseph semine esse
natum !
imposé, dit-on, par un chantre aveugle-né, avait été
exécuté pour la première fois au Panthéon, sous Bo-
niface IV (608-615) ^
On ne s'étendra pas davantage sur le sanctoral ro-
main de la fm du viii® siècle. Mais ce qui vient d'en
1. ToMASi, t. IV, p. 212, renvoie à Floravante Martinelli,
Roma ex ethnica sacra (Rome 1653).
172 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
être dit suffit à montrer comment, l'office sanctoral,
accession tardive à l'office canonique des basiliques,
n'avait pu s'y faire sa place qu'en restreignant ce vieil
office.
Cependant l'office romain, dans cet ensemble que
nous venons de décrire, était arrivé à un état de per-
fection qui ne devait être ni dépassé ni maintenu, mais
qui méritait incontestablement l'exceptionnelle fortune
que lui fît l'admiration des Églises anglo-saxonne,
franque et germanique. Œuvre anonyme lentement
faite, œuvre singulière où vivait l'âme de Rome!
Rome, en effet, y avait mis le meilleur de sa littéra-
ture et de son histoire : son psautier, sa bible, ses
pères, ses martyrs. Elle y avait mis la marque de sa
piété directe et simple, plus historique que subtile;
de son esthétique restée sensible aux compositions
sobres, larges et harmonieuses; de sa langue brève,
claire, concrète, biblique de lexique, rythmique de
nombre. Elle y avait mis enfin et surtout sa cantilène,
— ce plain-chant grégorien que la renaissance a dé-
daigné, que le xvii® siècle (dans la tradition duquel
nous vivons encore) n'a plus compris, mais qu'il
suffit d'avoir entendu exécuter dans sa notation vraie
par les moines de Saint-Anselme au mont Aventin
pour y retrouver, avec en plus le charme délicat de
l'archaïsme, quelque chose des élégances et des émo-
tions qui ravissaient les pèlerins de Saint-Pierre.
L OFFICE ROMAIN DU TEMPS DE CHAIILEMAGNE. l/Ô
EXCURSUS A.
Anonyme de Gerbert {Extraits).
Saint-Gall, Stiltsbibliothek, ms. n" 3i9 : 120 fol. (paginés). ix« siècle.
Kol. 49-118 : fragments anonymes publiés ])ar Gerbert, Monumenta
i^eteris liturgiae alemannicae (Sant-Blasien 1779) : fol. 49, Cantatur
autem omnis scriptura..., ap. Gerbert, t. II, p. 181 ; - fol. 50, Inci-
piunt capitula de libris novi ac veteri testamenli plenitudi nem...,
ap. Gerbert, ibid.; — fol. 54, Incipit instructio ecclesiastici ordinis
qualiler in coenobiis..., ap. Gerbert, p. 175-177; — fol. 67, Incipit
capilulare ecclesiastici ordinis qualiter sancta atque apostolica...,
et immédiatement après, fol. 100, ttem de curso divino..., ap. Ger-
lîERT, p. 168-173; — fol. 404, Item, incipit de convivio sive prandio
atque coenis monachorum qualiter in monasteriis..., ap. Gerbert,
p. 183-185.
Voy. G. SciiERRER, Verzeichniss der Hss. der Stlflsbibliothek von
st. Gallen, p. 122. Le texte des extraits que nous donnons ci-après a
(té collationné pour nous sur le ms. par M. Fâli, conservateur de la
bibliothèque de Saint-Gall.
I
Cantatur autem omnis scriptura sancti canonis ab initio anni
usque ad finem, et sic ordo est canonis decantandi in ecclesia
sancti Pétri. Quinque libri Moyse cum lesu Nave et ludicuni in tem-
pore veris. Septeni diebus anie initium quadragesimae usque ad
octavam diem ante pasclia liber Isaiae proplietae, unde ad passio-
nem Gliristi convenit. Et lamentationes leremiae. In diebus a pasclia
epistolae apostolorum et actus atque apocalypsin usque pentecosten.
In tempore aestus libri Reguni et Paralipomenon usque ad médium
autunini, hoc est usque quinto decimo kalendas novembris. Deinde
libri Salomonis, Mulierum atque Machabaeorum, et liber Tobi usque
ad calendas decembris. Ante autem natale domini nostri Ihesu Christi
Isaias leremias et Daniel usque ad epiphauiam. Postea Ezechiel et
prophetae minores atque lob usque in idus februarias. Psalmi omni
tempore, euangelia et apostoli similiter, tractatus prout ordo poscit,
passiones martyrum et vilae patruni cathoiicorum leguntur.
IV
Item de cursu diurno vel nocturno qualiter lieras canonicas nun
liantur in sancta sedis romanae ecclesiae sive in monasteriis con-
stitutis.
[1.] In priniis prima sic temperantur ut sic canatur quando ora
prima diei fuerit expleta si tamen necesse fuerit aliquam operam
cum festinatione facere, sin autem quomodo ora diei secunda ex-
pleta fuerit. Sic cantatur apud eos prima, hoc est primitus dicit prior
174 HISTOIRE DU BHÉVIAIRE ROMAIN.
DELS IN ADiLTORUM MEiM iNTENDK, et indc caetcri quod sequilur. Ista
prima ibi cantatur uhi dormiunt et ibidem pro invicem capltulo
dicto orant. Statim ibi sedeunt et prior cum ipsis et ibi legunt regu-
lam sancti Benedicti, et a priore vel cui ipse iusserit per singulos
sermones exponitur, ita ut omnes intelligant ut riullus Irater se de
ignorantiam regulae excusare possit. Inde accepta benedictione
vadunl sive ad ciandum vel vestiendutn alque lavandum, et abent
spatium ad lioc facienduni usquc ad oram terciam. Si est consuetudo
apud ipsos ut ille arctiiclavus qui claves ecclesiae sive misteriuni
sacrum sul) cura sua habet, ipse cuslodit et oras canonicas ad cnr
sum celebrandum quando signum pulsare debeat ut reddantur. El
neque ad tertiam nec ad sexta neque ad nonam vel ad vesperam
nec ad complelorio neque ad matutinis non dicit prior quando inci-
pit apud illos domine labi.v mea apeuies, ni tantum ad nocturnas.
[2.] Completorio autem tempore aestatis quomodo sol occumbit
colliguntur ad collecta. Tangit autem fratcr cui est cura iniuncla
cyrabalum aut tabula, et colliguntur fralres in unum locum et i)rior
ipsorum cum ipsis sedens. Et omne sive eslate sive hibernum tem-
pore semper leccionem ad collectam leguntur, et ibi Iructum quod
eis Deus dederit manducantur et bibent. Postea pulsato signo canun-
tur completorio ubi dormiunt in dormitorio, et extrême versu dicun-
tur antequam dormiant, hoc est pone domine custodiam ori meo, et
tune vadunt cum silentio pausare in lectula sua.
[3.] Pansant autem usque nocte média si solemnitas praecipua non
l'uerit, si vero dominica vel alla grandis solemnitas evenerit tempo-
rius surgunt. Et habent positum ubi dormiunt tintiuabulum talem
qui ad excitandum eos pulsatur, et postea modico intervalle l'acto
surgunt fratres. Cui autem opus exire ad necessaria seu urina dige-
rendum, et ad introitum ecclesiae habeant vasculum positum cum
aqua ubi lavent manus suas vel faciès et tergant linteo iuxla posito.
Et iterum cum pulsatum fuerit aliud signum ad psallendum parati
ingrediuntur monaci, et prior statim dicit prolixe domine i.abia mea
APERiEs sub GLORIA PATRi Icule decaulautes et in fine alléluia conclu-
dentes. Cantat statim cui iussum fuerit invitatorio, quod est veniti:
ExuLTEMus DOMINO, cum antiphoua ceteris respondentibus. Et omni
officie suo quod supra scriptum est complebuntur. Nocturnis autem
finitis si lux statim non supervenerit faciunt modicum intervallum
ut superius dictum est propter nécessitâtes fratrum, et iterum ingre-
diuntur ad matutinis laudibus explendas.
[4.] Si autem cottidianis dies fuerint tempoie hyberni, post noctur-
nis finitis iterum pansantes usquequo lux apparere incipiat, et sic
ingrediuntur ad celebrandum matulinorum laudibus. Sic autem est
semper solicitus ille frater cui cura commissa est ut semper signum
competenti ora insonare debeat. Si autem exinde aliqua negligentia
ut adsolet fragililate huraana ei evenerit ut ante oram aut post oraia
pulsaverit, poenitentia ei exinde indicit prior suus. Et propterea vel
revcrentia Dei hoc semper inetitatur et in his sit solicitus ut omnia
semper oneste vel eompetenter et secundum ordinem explicantur,
et Deus semper in omnibus magnifiée laudetur.
l'office romain du temps de charlemagne. 175
Item incipit de convivio sive prandio atque coenis monachorum
qualiter in monasteria romanae ecclesiae coostitutis est consuetudo.
[1.] Quando autetn ad prandium accedunt dicit prior oralionem
cum fratribus, lioc est oculi omnium totam cum gloria patri subsé-
quente prolixe dicuntur et poslea in fine alléluia canuntur. Et dicit
sacerdos orationem talem vocem ut cuncti audiantur et respondeant
AMEN HOC BENEDICANTCR NOBIS DOMINE DONA TUA, VCi aliaS SUnt plurimaS
quae ad liunc cibum sunt deputatas. Etsedeunt postea omnes in loco
suo. Habent auteni prope mensa abbatis catiiedra taie ex alto stabi-
lita cum analogio ubi librum ponitur, et sedeunt cum legunt. Et
slatim cum primum cibum ponunt ministri et signum insonuerit ut
signetur a comedendum, respondent omnes deo gratias, priore si-
gnante aut presbytère vel cui iusserit, tali voce signatur ut univers!
audiaut et respondent amen. In ipso inicio comedentium est prae-
paralus lector qui statim petit benedictionem dicit iuiîe domne bene-
diceue, senior aulem dicit salvet nos dominus, ei respondent omnes
AMEN, et ingreditur ad legendum et legit quamdiu illum cilmm man-
ducaiit. Et postea si longo prandio habuerint ut diucius sedeant vel
si alium ministrationem ministrentur, tangit prior mensa ut sileat
ipse lector modicum. Et si fuerint pisces vel etiam si volatilia man-
(lucant, cum minislratur et insonuerit signum ut benedicatur, re-
spondent omnes deo grattas, et benedicit prior aut cui iusserit dicente
CKEATURAM SUAM CREATOR OMNIUM DOMINUS RENEDICAT, et rCSpOndeUt
omnes amen et manducantur. Si item alius cibus fuerit dicit oratio-
nem, hoc est PRECIBUS SANCTAE DEIGEN1TR1CIS MARIAE ET NOS ET DONA SUA
CHRISTUS FILIUS DEI BENEDICAT, respondCUt OmUCS AMEN.
[2.] Et ad aliam miuistrationem iteruni legit lector tamdiu quousque
praecipiat ei abba ut finiatur, aut si ille congruam finem invenerit, si
benedictio sonaverit, in extrême sermone repetit ipsum iterum secun-
dum vicem prolixe, et respondent omnes ueo gratias, et descendit. Si
aulem longa fuerit lectio et vel benc finierit sernionem, repelit ipsum
et postea dicit tu autem domine domine miserere nobis, et respondent
omnes amen. Sic et ad nocturnis vel ad collecta vel ubi praeceptum
legerint divinum ista est consuetudo ut semper quando incipit légère
petita benedictione dicit iube domne benediceue. Quando fiuierit lector
lectionem deo (;ratias respondent, et descendente eo vadit ante men-
sam abbatis et dat ei benedictionem unde manducat et bibit. Surgen-
tibus autem fratribus dicent lente confiteantur tibi domine adiungentes
(iLORiA patri et ad finem alléluia canentes. Et si maiorem refectionem
habuerint ut eis exinde superfuent, dicit prior vel cui cura commissa
est orationem fragmenta quae superakunt servis suis curistus filius dei
MULTIPLEXIT et BENEDICAT ET ABUNDAUE FACIAT QDI EST BENEDICTUS SAECULA
SAECULORUM. Et rcspondeutibus omnibus amen vadunt in oratorio ad
orationem Dominium gratias agentes, et ibi dicent post finitam oratio-
nem DisPERsiT DEDIT complclo offlcio cibi.
[3]. Item ad sera coenantibus cum ingressi fuerint ubi reflciantur
dicant subtrahendo moras orationem edent pauperes adiungentes gloria
170 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
PATUi et in fine canentes alléluia, et dicit senior oratioiiem, sic tamen
ut cuncti audiant et respondeant ami:\, hoc est tua nos domiî^e, vel
alias sunt multas secundum tempus. Sedentes autem in sedilia sua
faciunt similiter slcut et in prandio in die. Et si contigerit ut nox per-
veniet coenantibus et lumen necesse sit accendere, iile autem frater
qui lumen adportat statim cum ingreditur in domo prope seniores di-
cit tali voce ut omnes audiant lumen ciiristi, et dicunt omnes deo gra-
TiAs, et iterum ipse incurvatus dicit iube domne benedicere, senior
autem dicit in nomine domiisi sit, et respondent amen, et sic ponit lu-
men in locum suum ut luceat omnibus in domo. Et si miscere iussum
iueritfratribus ut bibant, vadit minister ad ministerium et tangit di-
gito suo calicem, et respondent omnes deo gratias, signât et respon-
dent omnes amen, et sic bibent cum benedictione. Et si fructum Do-
niinus dederit dicit senior ita orationem fructls suos dominus omnipotens
BENEDiCAT, et respoudeut omnes amen, sic fît de omnia administralio-
nem. Cum autem refectio expleta fuerit, lacto signo ut surgant, ille
frater qui in quoquina septimanam facit quando fratres reficiunt sem-
per cum aliis ministris ad mensain seniorum sive fratrum administrât,
cum autem surgunt a mensa ille frater curvat se contra oriente super
genua sua et rogat pro se orare dicens domni orate pro me, et dicit
senior salvet nos dominus, ille frater surgens dicit prolixa voce deo
GRATiAs, statim omnes fratres incipiunt canere semper tibi domine ora-
TiAS, ita finitum dicit prior cum fratribus miserator et misericors domi-
nus prolixe cum gloria, adiungentes et in finem alléluia sive qui dat
ESCAM OMNI GARNI C0NF1TEMINI DOMINO COELI QUONLVM BONUS QUONIAM IN
saeculum misericordia eius, et dicit sacerdos orationem hoc est satiastf
NOS DOMINE, linita respondent omnes amen, et sic vadunt ad orationem
et orant sicut supra scriplum est.
[4.] Ille autem septimanarius qui ingreditur quoquinam in die do-
minica ingreditur vel egreditur iuxta id quod in régula sancti Bene-
dicti continelur scriptum. Matutinis finitis statim in oratorio qui
egreditur postulat pro se orare dicens domni orate pro me, orantes au-
tem dicit senior salvum fac servum tuum, ille vero subsequens dicit
cum omnibus fratribus benedictus es domine deus, hoc usque tercio
repetens accepta benedictione egreditur. Statim dicit qui ingreditur
DELS in adiutorium meum INTENDE, et ista oratione tertia cum omnibus
repetitur, et sic accepta benedictione intrat ad serviendum fratribus
suis. Sic et in ecclesia beati Pétri apostoli presbyter septimanam facit,
vel mansionarii qui lumen vel ornatura ipsius ccclesiae custodiunt,
die sabbati ora tercia consignant officia sua ad parcs suos, et sic dc-
scendunt et vadunt in domos suas, et illi alii cum presbytère vel pares
suos usque ad alio sabbato serviunt et faciunt similiter, et sic in om-
nibus officiis honesle vel ordinabiliter Deo conservantur.
[5.] Et si fortasse ista quae de multis pauca conscripsimus alicui
displicuerit, non sit piger sed habeat prudentiam, sic habent alii sa-
cerdotes vel patres seu et monachi devoti qui recto ordine vivere atque
custodire cum divina auctoritate desiderant, quomodo illi vadunt.
istam sanctam doctrinam ad suam utilitatem vel suos seu et multorum
aedificationem cum magno labore ipsam défèrent, ut hic postmodum
l'office romain du temps de chaulemagne. 177
vel in futurum perpetualiter gaudeant atque letentur in conspeclu
Dei et angelorum vei omnium sanctorum eius. Vadat sibi ipsa lloma,
aut si pigetniisso suo fideli in loco suo trasniittatet inquirat diligenter
si est ita aut non est quod de pluribus parum conscripsimus, aut si
non ita ibidem celebratur. Vel si bene cum sancta intentione vel de-
volione inquisierat, et adliuc in centupluui melias unde in opère Dei
proficiat invenerit, tune postmodum fortasse isla audiat despicere vel
(lerogare vel etiaai tantos et taies sanctos |)atres contra se adversare
praesuniat qui istam sanctam normam instituerunt.
[G.j id est primus beatus Damasus papa adiuvanle sancto Hieronymo
presbytero vel ordinem ecclesiaslicum descriptum de Hierosolyma
permissu sancti ipsius Damasi transmitlentem instituit et ordinavit.
Post luinc beatissimus Léo papa annalem cantum omnem instituit,
atque opuscula in canonica instilutione luculentissima edidit, quam
si (juis ea usque ad unum iota nnnreceperit vel veneraverit anatliema
sit. Deinde beatus Gelasius papa similiter omnem annalem caalum seu
et decretalia canonuni honeste atque diligenlissime l'acte in sede beati
Pétri apostoli conventu sacerdotum plurimorum conscripsit. Post
hune Siniachus papa similiter et ipse annalem suum cantum edidit.
Iterum posl liunc loliannes papa similiter et ipse annum ciiculi can-
lum vel omni ordine conscripsit. Post liunc Bonil'acius papa, qui in-
spirante sancto spiritu et regulam conscripsit et cantiiena anni circuli
ordinavit. Post lios quoque beatus Gregorius papa qui afllatu sancto
spiritu magnam atque altissimam gratiam ei Dominus contulit ut
super librum beati lob moralia tibica invesligatione tripliciter atque
septil'ormem expositlonem lucidaret, super Ezecliiel quoque propheta
|)rima parte seu et extrema luculentissima expositione declaravit, quid
super euangelia quadraginta humiliarum expositione fecerit notum
est omnibus cliristianis quam pulchre explanarit, (|uid inde aliquo-
rum libris opérante sancto Spiritu digcssit vel aliarum multarum
sanctarum scripturarum interpretatus est christianis in mundo tegen-
tibus patefactum est, et cantum anni circuli nobile edidit. Post hune
Martinus papa similiter et ipse anni circuli cantum edidit. Post isios
(îuoque Catalenus abbas ibi deserviens ad sei)u!crum sancti Pelri et
ipse quidem annum circuli cantum diligenlissime edidit. Post hune
quoque Maurianus abba ipsius sancti Pelri apostoli servions annalem
suum cantum et ipse nobile ordinavit. Post hune vero dominus Vir-
bonus abba et omnem cantum anni circuli magnifiée ordinavit.
[7.] Si quis postquam ista cognoverit custodire velcelebrare in quan-
tum Deo iubente voluerit neglexerit, aut si melius aliunde scire vel
accepisse exemplum fortasse iaclaverit, dubium non est quod ipse
sibi lallit et in caligine erroris semetipsum infeliciter demergit, qui
tantos et taies patres sanctos auctores ausus sit despicere vel dero-
gare. Nescio qua (ronte vel temerilate praesumptuoso spiritu ausi sunt
beatum Hilarium atque Martinum sive Germano vel Ambrosio seu plu-
res sanctos Dei. quos scimus de sancto sede romana a beato Petro
apostolum successoribus suis directes in terra ista occidentali et vir-
tutibus atque miraculis coruscare, qui in nullo a sancta sede romana...
deviarint... [J'abrège toute cette fin.] Cum istos praeciaros confessores
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 12
178 HISTOIRE DU RRÉVIAIRE ROMAIN.
Christi quos superius nominavimus sciamus fréquenter eos Romam
ambulasse, et apud beatos papatus vel cliristianis imperatoribus col-
loquium habuisse, vel si qui a sancta romana sede deviabant saepe
recorrexisse apud nos manifestum est... Oportet eos diligenter in-
quirere et imitare atque custodire sicut et sancta romana ecclesia cu-
stodit ut teneant et ipsi unitatem catholicae fidei. Amen.
CHAPITRE IV
l'office iMODERNE
ET LES BRÉVIAIRES DE LA COUR ROMAINE.
On lit dans une bulle du 7 juin 1241, adressée par le
pape Grégoire IX aux Frères Mineurs : « Nous vous
autorisons à vous contenter d'observer Vofflce mo-
derne; vous l'avez dans vos bréviaires y corrigé soi-
gneusement par nous, et conforme à l'usage de l'E-
glise romaine ^ » Ces quelques mots pourraient servir
d'épigraphe au présent chapitre, car tout entier il va
consister à rechercher quel était l'usage de l'Eglise
romaine jusqu'au xiii^ siècle; ce qu'était cet office
non romain que le pape appelait du nom d'office mo-
derne; enfin ce qu'il faut entendre par « bréviaire »
de cet office moderne.
1. PoTTHAST, 11028 : « Vestrae itaque precibus devolioiiis
inducti, ut observantia moderni officii, quod in breviariis ve-
stris exacla diligentia correctum a nobis ex statuto regulae
vestrae iuxta Ecclesiae romanae morem — excepto psalterio
— celebrare debetis, sitis contenti perpetuo..., Tobis auctori-
tate praesenlium indulgemus, » Les mots « excepto psalterio »
signifient que les Mineurs sont autorisés à user du psautier
gallican, tandis que , à Rome, on se sert encore du psautier
dit romain.
180 HISTOIRE DU BIlÉVIAIRE ROMAIN.
I
L'office romain, celui que nous venons de décrire,
tel qu'il nous est apparu codifié au temps de Charle-
magne, était encore en vigueur à Rome dans l'usage
des principales basiliques à la fin du xii^ siècle.
Nous possédons, en effet, un livre d'offices de la
basilique de Saint-Pierre, l'antiphonairc publié par
le cardinal Tomasi. Ce monument si important de
la liturgie basilicale romaine est du xii^ siècle. On
a suffisamment indiqué au chapitre précédent la con-
formité de son texte et de ses rubriques avec les
renseignements fournis par Amalaire, pour pouvoir
dire qu'il est une première preuve que l'office romain
du xii^ siècle était substantiellement conforme à l'of-
fice romain tel qu' Amalaire nous l'a présentée
Une lettre célèbre d'Abélard, lettre remontant à
1140 environ, atteste que la basilique de Saint-
Pierre n'était pas seule à pratiquer l'ancien office,
puisque , au dire d'Abélard , tel était également le
cas de la basilique du Latran : « Ecclesia latera-
1. Le cardinal Tomasi l'avait observé déjà {Opéra, t. IV.
p. xxxii) : « ... illa propemodum omnia, ooquc fero ordinc
digesla in eo reperiuntur, quae de roniano antiphonario Iradi-
dit Amalarius, unde cuique constare potes t nostri antiphona-
rii ritus saeculo xii Romae usurpatos ab illis non distaro.
qui in moribus Romanorum erant saeculo ix. » Le cardinal
Tomasi (pas plus que moi) ne voulait pas dire que l'offlce
que représente l'antiphonaire de Saint-Pierre est un office
qui n'a varié en rien depuis le viir siècle, mais ces varia-
tions sont de détail, les grandes lignes sont restées immobiles.
l'office moderne. 181
nensis, quae mate?' est omnium, antiquum officium
tenet ». Sans doute, et nous nous empressons de
l'ajouter, Abélard, dans ce texte même, assure que
la basilique du Latran est seule à Rome à observer
l'ancien office ; il assure qu'aucune des filles de cette
mère de toutes les églises ne suit son exemple, et
pas même la « romani palatii basilica )■>, entendant
par là la chapelle intérieure du palais de Latran. Et
en cela Abélard est contredit par la teneur de l'anti-
phonaire de Saint- Pierre, qui atteste que la basi-
lique du Vatican était fidèle comme la basilique du
Latran au vieil office. Il reste du moins que, à Saint-
Jean de Latran, c'était bien encore V antiquum of-
ficium qu'on observait ^ .
Une autre preuve est fournie par les Ordines ro-
mani du XII® siècle, lesquels, en décrivant le cérémo-
nial pontifical, décrivent en diverses occasions l'office
tant des vêpres que des nocturnes et des laudes so-
lennelles, au même titre que la messe elle-même. Or,
leur description s'applique à un ordo de l'ofTice qui
est substantiellement Vordo du viii^ siècle. Nous en
avons pour témoins deux Ordines romani^ bien con-
nus, du xii*" siècle^. L'un, celui du chanoine Benoît,
chanoine de la basilique de Saint- Pierre et « ro-
1. Abaelard. Epistiil. X : « Antiquam certe romanae Sedis
consuetudinem nec ipsa civitas [= Rome] tenet, sed sola
ecclesia lateranensis, quae mater est omnium, antiquum tenet
ofticium, nulla filiarum suarum in hoc eam sequente, nec ipsa
etiam romani palatii basilica. » P. L. GLXXVIII, 340.
2. Mabillon, Musaeum italicum, t. II, p. 118 et suiv. VOrdo
du chanoine Benoît est reproduit dans P. L. GLXXIX, 731-
762.
182 HISTOIRE DIT BREVIAIRE ROMAIN.
manae Ecclesiae cantor » : il a été écrit un peu
avant 1143 : c'est VOrdo romanus Xï de Mabillon.
L'autre, VOrdo romanus XII de Mabillon, a pour au-
teur Cencius, celui-là même qui, chancelier de l'É-
glise romaine, rédigea en 1192 le Liber censuum.
Au total, nous avons là le coutumier des cérémonies
pontificales du temps d'Innocent II (f 1143) et d'In-
nocent III (1198-1216). Or ce cérémonial s'adapte à
l'ancien office, tel que nous l'avons décrit, et non à
l'office moderne tel que nous aurons à le décrire.
Insistons sur cette matière. La digression, si c'est
une digression, ne laisse pas d'appartenir à notre
sujet. Et voyons quel était, au xii® siècle, le cérémo-
nial des offices auxquels le pape et la curie prenaient
part.
Le pape et la curie — la curie représentant mainte-
nant le clergé régionnaire d'autrefois — n'assistaient
en corps à l'office public quotidien d'aucune basi-
lique. Ils ne prenaient part qu'à l'office solennel de
certaines fêtes, en certaines basiliques. A ces fêtes,
on conservait le vieux nom de stations. Et l'on dis-
tinguait deux sortes de stations, les stations diurnes
qui ne comportaient que la messe stationale, et les
stations nocturnes ou grandes stations, qui compor-
taient les vêpres la veille au soir, l'office nocturne
au milieu de la nuit, la messe solennelle au matin ^ .
1. Il n'est pas question encore de secondes vêpres à Rome,
au xir siècle. Un texte souvent allégué du pape Alexandre III
ne va pas contre notre assertion : « Licet scriptum sit De
vespere in vesperam celebrabitis sabbata vestra, festorum
lamen principium et finis iuxta eorum qualitatem et iuxta
l'office moderne. 183
Ces stations nocturnes étaient en fort petit nombre,
et elles étaient propres aux plus grandes fêtes : le
troisième dimanche de l'Avent, Noël, l'Epiphanie
l'Ascension, la Pentecôte, la nativité de saint Jean-
Baptiste, la fête des saints Apôtres Pierre et Paul,
l'Assomption, la fête de saint André. Mais dans ces
vigiles se déployait toute la pompe du cérémonial
pontifical.
Le pape part de son palais du Latran, Xa patriar-
chium. Il est vêtu d'une chasuble blanche, coiffé du
regnum, la tiare à une couronne, monté sur un cheval
à housse écarlate. En tête du cortège marche un
sous-diacre portant la croix pontificale. Puis douze
porte-drapeaux. A la suite, les évêques étrangers pré-
sents à Rome. Puis les abbés des monastères ro-
mains, et les cardinaux, soit prêtres, soit évêques. A
la suite, les scriniarii et les advocati^ les sous-
diacres régionnaires et les sous-diacres basilicaux, la
Scola cantorum. Enfin, deux à deux, aux côtés du
pape, les cardinaux diacres. Le préfet de Rome, vêtu
d'un manteau précieux, et avec lui les juges en chape,
ferment la marche. L'archidiacre, une férule à la
main, ordonne la procession. Les maiorentes, en
manteau de soie, une canne à la main, font la police ^.
On s'achemine dans cet ordre vers la basilique où
diversarum regionum consuetudinem débet atlendi... » Fried-
BERG, t. II, p. 271. Ce texte, en effet, implique que l'usage
des secondes vêpres n'est pas universel, et ne prouve pas
que Rome l'ait encore accepté. Nous verrons les Frères
Mineurs, au xiir siècle, le faire prévaloir.
1. Cetmcius, 7. Benedict. 21.
184 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Ton va célébrer la station. Sur le seuil de ladite basi-
lique les chanoines — ils tiennent la place des moines
basilicaux du viii*^ siècle — attendent l'arrivée du
pape. Celui-ci arrive avec son cortège; il descend de
cheval et dépose la tiare. Les chanoines lui pré-
sentent l'eau bénite et l'encens. Le pontife met de
l'encens dans l'encensoir et jette de l'eau bénite sur la
foule. Puis on entre processionnellement dans la ba-
silique, d'où, après une courte prière, on passe au se
cretarium ou sacristie. Là, tous les ordres ayant re-
vêtu leurs ornements, le pape donne la paix aux deux
évêques qui doivent l'assister pendant l'office, puis aux
cardinaux, au préfet de Rome, aux autres « princes
laïcs ». Le doyen des sous-diacres régionnaires fait
l'appel des divers lecteurs et chantres qui vont pren-
dre part à l'exécution de l'office. Le pape se lève
alors, et, entre les deux évêques qui l'assistent, pro-
cessionnellement, mitre en tête, il rentre dans la ba-
silique. Des cuhicularii tiennent un dais {mappula)
étendu et élevé au-dessus de sa tête, et l'accompa-
gnent ainsi jusqu'à l'autel. Le pontife s'assoit au
siège central du preshyterium, et l'office commence,
l'office de vêpres ^
Lorsque les vêpres seront terminées, le pape ne
reviendra pas au patriarchium du Latran, — je le
suppose venu à Saint-Pierre. — H y a, dans les dé-
pendances de la basilique de Saint-Pierre, des appar-
tements pour le pape : ils ont été construits par
Grégoire IV (827-844), précisément pour que le sei-
1. Benedict. 46, 47.
l'office moderne. 185
^neur apostolique puisse s'y retirer et s'y reposer
dans les intervalles des offices ^ Les autres person-
nages de la cour sont logés « in domo aguliae », la
maison de l'obélisque. Le patron de l'auberge [do~
minus hospitii) est tenu de leur fournir des « lits
avec de bons draps », de servir leur table, et de
garder leurs chevaux dans ses écuries 2.
Au milieu de la nuit, au son de la cloche, tout le
monde se relève, et le pape se rend avec la curie au
secretarium, qui, à Saint-Pierre, est une vaste cha-
pelle à l'angle sud-ouest de l'atrium. Là, chacun se
revêt de ses ornements, et la procession se met en
ordre. On présente au pape un encensoir. Quatre
porte-flambeaux se mettent devant lui. Le cortège
s'ébranle, en silence, à la lueur des cierges. On tra-
verse le portique de la basilique processionnellement.
On entre. On passe devant l'autel de saint Grégoire
que le pape encense, premier reposoir, dans le bas-
côté de gauche. Puis, devant l'autel des saints Simon
ot Jude, au bas de la grande nef, où est conservé le
saint sacrement, que le pape encense, deuxième re-
posoir. Puis devant l'autel de sainte Véronique, dans
le bas-côté de droite : là sont le suaire et la lance de
la passion, que le pape encense, troisième reposoir.
Puis, remontant la grande nef, la procession ar-
rive à l'arc triomphal, et s'arrête devant l'autel de
saint Pasteur, que le pape encense, quatrième re-
posoir. D'autel en autel, le pape et son cortège sont
1. L. P. t. II, p. 81.
2. Benedict. 7.
186 HISTOIRE DU BRÉVIAIHE ROMAIN.
arrivés à la confession de saint Pierre. On descend les
marches qui y conduisent; le pape encense l'autel
élevé sur le tombeau du prince des apôtres ; puis il
s'assoit, quatre cierges posés devant lui.
Alors, devant la confession de saint Pierre, com-
mence la première vigile, — cette première vigile
que nous avons notée au viii'^ siècle comme un reste
de la distinction originelle de l'office des saints et de
l'office férial , et dont le souvenir seul a passé dans la
liturgie franque avec le nom d'offiices doubles. — Au-
cun invitatoire à cette première vigile. Le grand chan-
tre commence avec la Scola cantorum immédiate-
ment par l'antienne du premier psaume du premier
nocturne. Il y a trois nocturnes, chacun de trois
psaumes et de trois leçons. Les chanoines basilicaux
disent les leçons. L'archidiacre prononce la clau-
sule : Tu autem Domine... hsi Scola cantorum chante
les répons. Après la troisième leçon du troisième
nocturne, le Te Deum. A peine le Te Deum est-il fini,
un sous-diacre régionnaire apporte un sacramen-
taire, un des deux évêques assistants le tient ou-
vert devant le pape, et le pape prononce l'oraison du
jour. L'archidiacre dit Benedicamus Domino, et le
seigneur apostolique bénit l'assistance. La première
vigile est terminée ^ .
La procession reprend sa marche. Le pontife quitte
la confession et monte au grand autel de la basilique
et 'encense. Puis il vient s'asseoir devant les cancels
de l'autel : les cardinaux diacres sont à ses côtés.
1. Benedict. 8.
l'office moderne. 187
les cardinaux -évêques et prêtres s'assoient avec
les chanoines aux sièges du chœur ou presbyterium.
Quatre cierges sont posés devant le pontife. C'est lui
qui entonne le Domine lahia mea aperies. La Scola
cantorum exécute aussitôt l'invitatoire, puis les trois
psaumes du premier nocturne et leurs antiennes. Les
chanoines de la basilique lisent les leçons et chantent
les répons de ce premier nocturne. Au second et au
troisième nocturne, les leçons sont dites, la quatrième
par les scriniarii^ la cinquième par le premier des
cardinaux-évêques, la sixième par le premier des
cardinaux-prêtres, la septième par le premier des car-
dinaux diacres, la huitième par le premier des sous-
diacres, la neuvième par le pape en personne. Deux
cierges sont posés sur le pupitre. Chaque lecteur, à
son tour, prononce aussi le îuhe domne benedicere, et
le pape bénit. Le pape, à son tour, prononce aussi le
lube domne benedicere^ mais personne ne le bénit,
« si ce n'est le Saint-Esprit » ; et les assistants, après
une courte pause, répondent Amen. A l'issue de la
neuvième leçon, le Te Deum est exécuté par la Scola.
Immédiatement à la suite, les laudes, psaumes et
antiennes chantés par la Scola. Puis le verset. Puis le
Benedictus et ses antiennes. Quand il est achevé,
l'évêque assistant ouvre le sacramentaire devant le
pape, qui y lit l'oraison, et l'office se termine comme
ci-dessus^. Après quoi, dit Cencius, « Dominas papa
intrat lectum », et toute la curie en fait autant, pour
revenir au matin célébrer la messe solennelle.
1. Benedigt. 9.
188 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Tel est le cérémonial d'une statio noctarnalis
comme celle qui se célèbre à la fête de saint Pierre.
Ces longues et solennelles vigiles nocturnes ne vont
pas sans illuminations : il y a deux cent cinquante
lampes allumées dans la basilique. Le peuple vient
en foule. A certaines fêtes, le sénéchal du palais
apostolique doit jeter des poignées de deniers sur les
rangs compacts de la foule, pour la disperser et
ouvrir ainsi un passage au cortège pontifical ^
Or, et nous reprenons ici la suite de la discussion,
ce cérémonial du xii*^ siècle s'applique à un office qui
est, dans ses grandes lignes, le même que celui du
viii^ siècle, le même pour le nombre des psaumes, des
leçons, des répons, le même pour les rubriques de l'in-
cipit et de la conclusion de l'ofTice, le même surtout
pour l'absence des éléments que nous verrons être ca-
ractéristiques de l'office moderne. Ne sommes-nous
pas en droit de conclure à l'identité de l'office basili-
cal du temps d'Amalaire et de l'office pontifical du
temps du chanoine Benoît et de Cencius?
Mais à cette identité on fait une grave objection.
Les liturgistes, leur opinion a été embrassée par
le pape Pie V ^, les liturgistes sont d'accord pour at-
tribuer au pape Grégoire VII une réforme de l'office
romain. Dom Guéranger rend ainsi compte de cette
réforme : « Les grandes affaires qui assiégeaient un
pape, au xi® siècle, les détails infinis d'administration
1. Cencius, 37; Benedigt. 74, 76.
2. Dans la bulle Quod a nobis (1568) par laquelle est pro-
mulguée la publication du Bréviaire romain.
l'office moderne. 189
dans lesquels il lui fallait entrer ne permettaient plus
de concilier avec les devoirs d'une si vaste sollicitude
l'assistance exacte aux longs offices en usage dans les
siècles précédents. » Voilà pourquoi Grégoire VII
« abrégea l'ordre des prières et simplifia la liturgie
pour l'usage de la cour romaine » ' .
Ces considérations ne nous arrêteront pas. Est-ce
donc seulement à dater du xi® siècle que les papes ont
été assiégés de grandes affaires, et qu'ils ont eu à
entrer dans les détails infinis de l'administration? Dom
Guéranger ne voudrait pas nous le laisser penser. Il
est très certain par ailleurs que, du temps des immé-
diats prédécesseurs de Grégoire VII, le pape et la
curie, dévots à l'obligation de réciter l'office divin
sans négliger les devoirs de leur sollicitude, s'acquit-
taient privément de leur office. Saint Léon IX (1048-
1054) est loué, dans sa Vie, de ce que tous les jours il
satisfaisait à l'obligation de la récitation intégrale du
psautier, comme on aimait à dire, entendant par psau-
tier l'office diurne et nocturne ; de ce qu'il le récitait
aux heures compétentes, y compris les heures de
nuit; de ce qu'il le récitait dans son oratoire en com-
>agnie d'un seul clerc, et de ce qu'il ne l'omit ja-
lais^. Où l'on voit comment un pape du xi^ siècle,
issiégé autant qu'aucun autre de grandes affaires,
îonciliait sans effort les devoirs d'une si vaste solli-
citude, je ne dis pas avec l'assistance quotidienne aux
1. Guéranger, Institutions liturgiques, t. I, p. 281.
2. WiBERT. Vita S. Leonis, 12 et 13 (P. L. GXLIII, 501 et
»02).
190 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
longs offices des basiliques, ce qui n'avait jamais été
l'usage, pas même dans les siècles précédents, mais
avec la récitation exacte de l'office divin en son parti-
culier ^ .
En second lieu, il serait bien invraisemblable que
ce fût précisément saint Grégoire VII qui eût porté la
main sur le vieil ordo romain de l'office. Ce serait, en
effet, au moment où ce pape s'employait à introduire
en Espagne, quoi donc? l'ancien office romain; au
moment où il félicitait le roi d'Aragon et le roi de
Castille de leur zèle à établir l'office suivant l'ordre
romain, « romani ordinis officium », l'office romain
selon l'ancienne coutume, « ex antiquo more^ » ; ce
serait à ce moment que Grégoire VII aurait abrégé
et simplifié la liturgie pour l'usage de la cour ro-
maine ?
Dépassons ces considérations préliminaires : la
question est de saisir sur le fait cette réforme de
Grégoire VII : Guéranger y vient et cite comme
témoin le Micrologus, lequel, assure-t-il, « donne à
1. h' Ordo romanus X de Mabillon {Miisaeum italic. t. II.
p. 97 et suiv.), document de la fin du x« siècle, décrit les cé-
rémonies auxquelles prend part le pape les trois derniers
jours de la semaine sainte. On y relève les rubriques suivan-
tes : (( Antequam dominus papa exeat de caméra, dicit ter-
tiam... Intrat ecclesiam sancti Thomae et dicit cum capellanis
suis nonam... Dominus papa cum clero intrat secretarium, et
abstracta planeta cum pallio, sedeat in sede sua, et lotis pe-
dibus ministri calcient eum quotidiana calciamenta; veniens
ad faldistorium dicit nonam; et post paululum reindutus pla-
neta et pallio, praeeunte cum cruce et evangelio ad altare
procédant... »
2. 19 et 20 mars 1074. Jaffé, n. 4840 et 4841.
l'office moderne. 191
entendre que c'est sur l'office sanctionné par Gré-
goire VII qu'il a établi ses observations ».
Le Micrologus est un très précieux commentaire
liturgique de Vordo romain tant de la messe que de
l'office. On l'a longtemps attribué à Yves de Chartres;
dom Morin a prouvé qu'il est l'œuvre, non d'un fran-
çais, mais d'un allemand, l'œuvre de Bernold de
Constance (f 1100), moine de l'abbaye de Saint-Bla-
sien'. Or, sur quel texte Bernold a-t-il établi ses
observations? Je le vois citer les antiphonaires manus-
crits [omnes authentici antiphonarii...y antiqui anti-
phonarii). Je le vois décider iuxta romanam con-
suetudinem...y iuxta traditionem sanctae romanae
Ecclesiae..., romano more... » Il nomme le sacramen-
taire grégorien et l'antiphonaire grégorien. Il emploie
une fois l'expression à'officiiim gregorianum. Mais
toute cette littérature grégorienne s'entend de ^aint
Grégoire le Grand [Saiictus Gregorius papa . . .,Beatus
Gregorius papa.. . Sanctus Gregorius papa prim us) .
Chaque fois qu'il est question de Grégoire VII, Ber-
nold le marque expressément pour le bien distinguer
de Grégoire Y^ [Gregorius papa septimus... Grego-
Ilus huius nominis papa septimus... Reçerendae
ïemoriae Gregorius papa...); et il ne lui donne
imais la qualification de saint. Or Bernold, traitant
^ Vordo de l'office canonique, attribue la disposition
e l'office dont il traite, non point à Grégoire, mais
à saint Grégoire, à saint Grégoire P"". Ainsi il écrit :
1, Dom Morin, « Que l'auteur du Micrologus est Bernold de
(Constance », Revue bénédictine, 1891, p. 385 et suiv. Le texte
du Micrologus est reproduit dans P. L. GLI, 977-1022.
192 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
« Sciendum est quod sanctus Gregorius ita eccle-
siastica officia ordinaçit* ... » Et il n'attribue à son
contemporain Grégoire VII que deux décrets, dont
on va voir s'ils affectent l'ensemble de l'office cano-
nique romain.
Premier décret : ] Gregorius, huius nominis papn
septimus apostolicae sedi praesidens, conslituit ut sanc-
torum 'omnium romanorum ponlificum et martyrum le-
stivitates solemniter ubique cum pleno offîcio celebren-
tur2.
Deuxième décret : ] Gregorius papa in apostolica
sede constitutus..: promulgavit : « A die, inquit, Rcsur-
rectionis usque in sabbatum in albis et a die Pentecostes
usque in sabbatum eiusdem hebdomadae, très psalmos
ad nocturnas, tresque lectiones antiquo more cantamus
et legimus. Omnibus aliis diebus per totum annum,
si festivitas est, novem psabnos et novem lectiones et
responsoria dicimus; aliis autem diebus duodecim
psalmos et très lectiones recitamus; in diebus domi-
nicis octodecim psalmos, excepto die Paschae et die
Pentecostes, et novem lectiones dicimus. Hoc etiain
usquequaque iuxta romanum ordinem ita fieri sta-
tuimus, ut supra notavinms. In octava Paschae histo-
riam Dlgmis es Domine et Apocalypsin iuxta ordin ein
incipimus s. »
1. Mlcrolog. 61 et 50.
2. Id. 43.
3. Id. 54. Dom Morin, « Règlements inédits du pape saint
Grégoire VII pour les chanoines réguliers », Revue bénédic-
tine, 1901, p. 177-183, a retrouvé dans un ms. contemporain
Vatican, lat. 629) le document dont ce deuxième décret est
extrait. A partir de ad novem lectiones dicimus (ligne 11), on
lit dans le texte nouveau : «.Illi autem qui in diebus coti-
dianis très psalmos et très lectiones videntur agere, non ex
régula sanctorum patrum sed ex fastidio et neglegentia com-
l'office moderne. 193
Par le premier décret, — ce décret appartient peut-
être au synode romain de 1078, — Grégoire VII étend
à toute la chrétienté l'obligation de célébrer la fête des
papes martyrs : ce décret, qui est un acte de la lutte
de Grégoire VII pour la suprématie du Saint-Siège,
ne touche pas à l'office proprement romain.
Par le deuxième décret, — ce décret appartient
vraisemblablement au synode romain de 1074, — Gré-
goire VII décide que le jour de Pâques et les six fériés
de l'octave de Pâques, de même que le jour de la Pen-
tecôte et les six fériés de l'octave, l'office nocturne
n'aura que trois psaumes, trois leçons et trois répons;
tandis que, le reste de l'année, l'office nocturne des
fêtes compte neuf psaumes, neuf leçons et neuf répons,
celui des fériés douze psaumes, trois leçons et trois
répons, celui des dimanches dix-huit psaumes, neuf
leçons et neuf répons. Mais cet ordo de l'office noc-
turne est précisément celui que nous avons vu en vi-
gueur à Rome au temps d'Amalaire, au commence-
ment du ix^ siècle ^ . Et Grégoire VII nous dit lui-même
qu'en édictant ces rubriques, il n'innove en aucune
façon, « antiquo more cantamus et legimiis n, écrit-il ;
c'est l'antique usage romain et nous n'y changeons
probanlur facere. Romani autem diverse modo agere cepe-
riint, maxime a temporequo Teulonicis concessum est regimen
iiostrae Écclesiae. Nos autem et ordinem romanum et anti-
qiiiim morem invesiigantes statuimus fieri nostrae Ecclesiae
sicut superius praenotavimus, aiitiquos imitantes patres. »
Nous allons retrouver ce texte chez Gratien.
1. Exception faite pour l'office de la Pentecôte et de son
octave, qui était à Rome, au ix« siècle, au temps d'Amalaire,
un office de neuf leçons.
-HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 13
194 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
rien. Il insiste même : Nous ordonnons que l'on ne
fasse pas autrement, et que l'on se tienne à Vordo
romanus, qui n'a point cessé d'être la règle de nos
usages, et qui est pour nous Vantiquus mos, ainsi que
nous aimons à le répéter. Sont-ce là les expressions
d'un pape qui réforme et qui innove? Ne sont-ce pas
plutôt les expressions d'un pape qui condamne toute
tentative de modifier l'ancien usage?
Et en effet, le texte cité par Bernold est un texte
tronqué, que nous avons complet dans Gratien^ Et
nous y voyons que, du temps du pape Grégoire VII,
des clercs ont été tentés par la brièveté de l'office
nocturne de la semaine de Pâques et de la semaine
de la Pentecôte : trois psaumes et trois leçons!
Et ils ont introduit l'usage de raccourcir sur ce pa-
tron l'office de tous les jours, ajoutons et l'office des
saints '^.
1. De consecr. v, 15. Friedberg, t. I, p. 1416.
2. L'office des fêtes de saints était raccourci, lui aussi, sur
le patron de la semaine de Pâques. Saint Pierre Damien
(f 1072), qui témoigne de la liturgie immédiatement antériouro
au pontificat de Grégoire VII (1073-1085), raconte dans un do
ses opuscules la vision d'un clerc de la basilique de Saint -
Pierre, qui, une nuit, vit le prince des apôtres officier dans
sa basilique. « B. Petrus apostolus ad ecclesiam suam venit,
cui protinus omnium successorum suorum, pontificum vide-
licet romanorum, chorus infulatus ac festivus occurrit : ipse
quoque beatus Petrus, cum eatenus videretur indutus hebrai-
cis vestibus (sicut in picturis ubique conspicitur), tune et pliry-
gium suscepit in capite, et sicut caeteri sacerdotalibus infulis
est indutus in corpore. Tune responsorium illud quod dicitur
Tu es pastor ovium melodiis atque mellifluis coeperunt into-
nare clamoribus, sicque illum usque ad sacerdotalis chori
consistorium deduxerunt. Quo perveniens ipse apostolorum
princeps nocturnum est exorsus offîcium dicens Domine labia
L'oFFrCE MODERNE. 195
Illi autem, qui in diebus cottidianis très tantummodo
psalmos et très lectiones celebrare volunt, non ex régula
sanctorum patrum, sed ex fastidio conprobantur hoc fa-
cere. Romani vero cliver so modo agere coeperunt, ma-
xime a tempore quo Teiitonicis concessum est regimen
nostrae ecclesiae i. Nos autem...
En d'autres termes, Grégoire VII n'est pas touché
des raisons que peuvent avoir des clercs d'abréger la
longueur de l'office et d'en simplifier la disposition. Il
voit là un signe de relâchement, et il n'entend point y
condescendre, pas plus en tolérant la coutume qui vou-
drait s'introduire ou s'imposer, qu'en prenant l'initia-
tive d'une réforme régulière qui s'en inspire. Et il
conclut :
Nos autem et ordinem romanum investigantes et anti-
quum morem nostrae Ecclesiae, imitantes antiquos pa-
tres, statuimus fieri sicut superius praenotavimus.
Le texte de Gratien est donc plus énergique encore
quele texte de Bernold^. Grégoire VII, en fait d'office,
s'en rapportée l'antique usage de l'Église romaine;
il veut rester fidèle aux anciens Pères.
mea aperies; deinde très psalmos totidemque lectiones ac re-
sponsoria quae in apostolorum natalitiis recensentur canonico
more persolvit. Omnibus itaque per ordinem rite decursis,
matutinis quoque laudibus consequenter expletis, eiusdem
ecclesiae tintinnabulum sonuit, et continuo presbyter qui haec
videbat evigilans somnium terminavit. » Opiisciil. xxxiv, p. ii,
n. 4.
1. Les mots que nous imprimons en italique ne sont pas
dans le texte critique de Friedberg, ni dans les variantes de
son appareil critique, mais ils se lisent dans l'édition romaine
(1582) de Gratien.
2. Nous avons vu ce texte de Gratien corroboré par celui
des règlements inédits découverts par Dom Morin.
196 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
Disons donc que ni Bernold de Constance dans le
MicrologuSy ni Grégoire VII lui-même dans ses dé-
crets, ne parlent d'aucune réforme de Toffice tradi-
tionnel faite à Rome au cours du xi*^ siècle. Ils témoi-
gnent davantage combien, à Rome, on tenait à Vordo
romanus ancien de roffice, c'est-à-dire à Vordo ro-
manus que nous avons vu établi dès la fin du viii^ siè-
cle, et que nous avons vu persister au cours déjà
avancé du xii®, soit dans l'usage quotidien de Saint-
Jean de Latran et de Saint-Pierre, soit dans le céré-
monial pontifical.
II
L'expression de jnodernum officium, nous l'avons
vue employée par Grégoire IX au xiii® siècle. Nous
rencontrons un siècle plus tôt une expression équiva-
lente dans la lettre déjà citée d'Abélard, où nous
voyons distinguer par lui V antiquum officium, — c'est
le nom qu'il donne très justement à l'office pratiqué
de son temps à Saint-Jean de Latran, — et une « cou-
tume tant des clercs que des moines, coutume an-
cienne déjà et encore permanente, « consuetudo tam
clericorum quant monachorum longe ante habita et
nunc quoque permanens ». Pour quiconque est fami-
liarisé avec la terminologie du droit canonique, ces
expressions d'Abélard reviennent à dire qu'il y a un
canon ancien de l'office, et qu'il y a une coutume qui
s'est introduite postérieurement à la promulgation
de ce canon, et qui est ancienne, et qui est générale,
et qui est en pleine vigueur. Ne croyez pas, d'ail-
l'office moderne. 197
leurs, que cette coutume ait rien de l'unité de Vanti-
quum officium : Abélard nous apprend sans plus tar-
der que la diversité la plus grande existe dans les
usages des clercs, sans parler de ceux des moines :
« ïn divinis offlciis... dwersas et innumeras Ecclesiae
consuetudines inter ipsos etiam clericos^. » Voici
donc, au xii^ siècle, nettement défini l'office moderne
par rapport à l'ancien office romain.
Dégageons les caractéristiques les plus générales
de cet office moderne non romain.
Nous possédons un petit traité liturgique du xii^ siè-
cle, qui est à cet office moderne ce que les traités
d'Amalaire et de Bernold sont au pur office romain
ancien. Ce petit traité est le Nationale de Jean Beleth.
Jean Beleth était-il normand, poitevin, parisien, ou
amiénois? Les dates mêmes de sa vie sont indécises,
et l'on ne sait de lui que deux choses sûres : qu'il
écrivit son livre à Paris, « apud nostram Lutetiam »,
comme il dit; et qu'il était, lui-même le dit aussi,
contemporain de la bienheureuse Elisabeth de Schô-
nau, laquelle mourut en 1165^. Le Rationale a dû
être écrit entre 1161 et 1165. C'est un livre plein de
savoir et aussi de grâce littéraire.
1. Abaelard. Epistul. X.
2. Ilist. lut. de la France, t. XIV, p. 218-222. Le texte du
Rationale, tel qu'il est imprimé depuis le xvr siècle, et repro-
duit dans P. L. GGII, 13-166, est sujet à caution. — Il con-
vient de rapprocher du Rationale de Jean Beleth le De eccle-
siasticis officiis de Jean d'Avranches {P. L. GXLVII, 27-62).
Jean d'Avranches est mort archevêque de Rouen en 1079. Son
traité liturgique est dédié à l'archevêque de Rouen Maurille
(f 1067), à qui il succéda.
198 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROaiAlN.
Il décrit roffice pratiqué à Paris vers le milieu du
xïi'^ siècle. Ce lui est une occasion de nous apprendre
que les clercs de son temps étaient loin d'être aussi
exactement fidèles que le devoir l'eût voulu. Sans
doute ils n'allaient pas jusqu'à imiter ces prélats et ces
clercs du xi^ siècle dont parle la Benedictio Dei, qui
s'attardaient la nuit à boire jusqu'au chant du coq et
exécutaient l'office nocturne Dieu sait comme, avant
de se coucher, et le matin s'acquittaient de l'office
diurne en même temps que de leur toilette ^ Ils ne
commettaient pas davantage la faute contre laquelle
saint Pierre Damien met en garde les clercs du
XI*" siècle, tentés de réciter le matin en une fois tout
l'office, pour aller ensuite plus librement à leurs af-
faires séculières^. Mais la tiédeur des contemporains
de Jean Beleth n'en était pas moins attristante à son
cœur dévot. « Hélas ! écrit-il, la raison d'être du
culte divin est à ce point perdue de vue, que les éco-
liers se lèvent aujourd'hui de meilleure heure que les
ministres de l'Église, et que les passereaux chan-
tent plus tôt que les prêtres, tant la charité s'est
refroidie dans le cœur des hommes! » Et ailleurs :
« Combien en est-il parmi nous qui se lèvent allè-
grement avec le soleil pour l'office? A ce point, ici,
nous ressemblons aux prétendants de Pénélope, nali
in medios dormire diesl Et que parlé-je de l'office
nocturne? Combien en est-il qui s'acquittent cons-
ciencieusement de l'office diurne? Non vraiment,
1. P. L. GXXIX, 1401.
2. Petr. Damian. Opuscul, xxxiv, 5.
l'oitice moderne. 199
s'il est permis de dire ce qui est, peu, bien peu^ ! »
L'office moderne, c'est la première caractéristique
qu'on lui reconnaîtra, avait dû s'accommoder à cette
paresse des clercs, en s'abrégeant. Au xi*' siècle,
nous l'avons vu déjà, on avait voulu ramener l'office
nocturne du temps et des saints à ne compter plus
que trois psaumes et trois leçons, comme c'était de
rt'gle pour la semaine de Pâques et pour la semaine
de la Pentecôte. Cette pratique était trop manifeste-
ment contraire à toute tradition pour prévaloir : on
se rapelle en quels termes Grégoire VII la condamne.
Mais si l'on ne touchait point au psautier, on pouvait
toucher au lectionnaire, qui était compressible.
L'abréviation de l'office porta donc principalement
sur le lectionnaire. Que l'on compare les homiliaires
du ix^ siècle, par exemple l'homiliaire de Paul Dia-
cre, aux homiliaires du xi® et du xii^ siècle, et l'on
verra la différence de longueur des leçons indiquées à
deux siècles de distance pour une même fête^. Un des
points de la réforme de Cluny fut d'essayer de réta-
blir les longues leçons tombées désormais en désué-
tude : de faire, par exemple, de l'épître aux Romains
la matière de six leçons, de lire toute la Genèse au
chœur en une semaine. On se défiait de la tendance
à abréger les leçons : on ne voulait pas que les plus
brèves durassent moins de temps qu'il n'en fallait
au frère, chargé d'aller une lanterne à la main s'as-
surer que personne ne dormait, pour faire le tour du
1. lOAN. Beleth. Rationale, 20.
2. Baeumer, t. II, p. 39-45.
200 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
chœur : « Ne fiant ita brèves ut ille frater qui civ'
cam facit cum ahsconsa, non possit per totum cho-
rum et extra circuisse, exploraturus scilicet si quis
forte obdormierit inter legendum ». Ces longues lec-
tures de Cluny passaient pour singulières et exagé-
rées : la première question^posée à Udalric, dans son
exposition des coutumes de Cluny, est celle-ci : 's. Au-
dio lectiones vestras in hieme et in privatis noctihus
multum esse prolixas\.. »
Il était naturel que l'ancien office romain, introduit
en France avec son propre du temps et son propre des
saints^, s'ouvrît à des fêtes locales nouvelles. Ama-
laire l'avait entendu ainsi, et tous les liturgistes, soit
séculiers, soit réguliers, avec lui. On eut donc des
fêtes de saints locaux, comme saint Maurice, saint
Rémi, saint Léger, saint Germain, saint Ouen, saint
Boniface, saint Médard, saint Michel in mari... Mais
1. Udalric. Consiietudines Cluniaceiises, i, 1.
2. N'oublions pas que le calendrier sanctoral romain laissait
une grande latitude aux églises particulières : cela qui était
vrai au viii« siècle, l'était encore au xr. Jean d'Avranches, par-
lant des fêtes sanctorales « quae more dominicali celebran-
tur », c'est-à-dire des fêtes de neuf leçons, en donne une liste
assez courte, qu'il clôt par ces mots : «... Et aliae quae pla-
cuerint » (p. 84 [p. 61 de Migne]). Il éo'it sur ce même article :
« Oportet nos festivitates sanctorum discernere qualiter eele-
brantur, ne sint nobis fastidiosae, si superflue agimus; aut si
nimis reticemus, eorum iuvamine careamus » (p. 79 [p. 59]). —
A Rome, à pareille époque, on faisait effort pour empêcher l'of-
fice dominical d'être supplanté par un office sanctoral : « luxta
romanam consuetudincm, in omni dominica ccclesiaslico con-
ventui cum ofTicio dominicali satisfacimus, nisi aliqua multum
celebris festivitas in ipsa die occurrat, ut festuni loannis Bap-
tistae vel sancti Pétri aposloli. » Bernold. Micrologus, 62.
l'office moderne. 201
on se plut aussi, contrairement aux usages romains \
à donner des octaves aux fêtes sanctorales qui pas-
sèrent au premier rang, des octaves où tous les
odices étaient huit jours durant dévolus au saint.
Tel fut, dès le xi^ siècle, le cas de l'Assomption, de
la Toussaint, de la saint Pierre, de la saint André,
de la saint Michel, de la saint Martin, de la nati-
vité de saint Jean-Baptiste, des patrons de chaque
église-.
Puis on créa des fêtes d'un intérêt général. Ainsi
la fête de la Trinité, établie pour la première fois à
Liège, sous l'évêque Etienne (903-920), propagée par
Cluny, adoptée au xii'' siècle par la plupart des égli-
ses, mais repoussée longtemps par le Saint-Siège.
On prête au pape Alexandre II (1061-1073) ce propos
significatif : interrogé sur le point de savoir si l'on
devait fêter la sainte Trinité, il aurait répondu qu'il
n'en voyait pas plus la raison que de fêter l'Unité^.
1. Bernold. Micrologus, 44 : « luxta romanam auctoritatem
nullorum sanctorum octavas observare debemiis, nisi unde
certain aliquam traditionem a sanctis Patribus habemus. Eorum
quoque octavas celebramus, nullam cotidianam mentionem
per interiacentes dies agi mus, quia nullam auctoritatem indo
habemus, exceptis de S. Maria et de y. Petro, quorum et
alio tempore non ccssanius frequentare. »
2. lOAN. ADllINCEN. De off. cccL p. 80 [p. fiO-61].
3. Microlog. 60 : « Quidam offîcium de sancta Trinitate in
octava Pentecostes instituunt,... sed non est authenticum. Nani
(juidam Leodicensis Stephanus idem olïicium, sicut et historiam
les répons] de inventione s. Stephani, composuisse asseritur,
quae utraque ab apostolica sede respuuntur. Unde piae
laemoriae Alexander papa de hac re inquisitus, respondit iuxta
lomanum ordinem nullum diem adscribi debere solemnitati
sanctae Trinitatis, sicut nec sanctae unitatis, praecipue cum
202 HISTOIRE DU JJIIÉVIAIIIE ROMAIN.
Ainsi la fête de la Transfiguration de Notre- Sei-
gneur, attestée pour la première fois en Espagne au
ix^ siècle, adoptée et propagée par Cluny, le texte do
FolTice étant l'œuvre, dit-on, d'un abbé de Cluny,
Pierre le Vénérable (-j- 1157) '.
Ainsi la fête de la conception de saint Jean-Baptiste
in omiii dominica, imo cotidie, utriusque memoria celebretiir...
Incongruum ergo videlur unani dominicam cum oratioriibus
Albini et cantu Stepliani de sancta Trinitate celebrari. » -
Jean Beleth note les scrupules du pape Alexandre II, mais il
passe outre : « Solet in octava Pentecostes cantari et legi do
Trinitate, quantumvis Alexander papa interrogalus an etiam
lieri debeat, dixerit se nescire dieni peculiarem de Trinitate,
nec de unitate. » Rationale, 62. — Durand de Monde, dans sou
Rationale, vi, 114, note les scrupules d'Alexandre II, il note
aussi que la fête de la Trinité est reçue « in plerisque locis )>.
Il attribue les répons, les antiennes, la messe et la séquence
de la Trinité à Alcuin, dont il fait un contemporain du pape
Alexandre IL II y a, en effet, une messe De sancta Trinitate
dans le sacramentaire d'Alcuin (P. L. CI), mais il ne s'agit
pas d'une fête propre.
Marte NE, De antiq. Eccl. discipl. p. 545 : « In vetustissimo
sacramentorum libro monasterii S. Dionysii in Francia ante
annos 800 exarato [= ix'^ siècle], in altero Turonensis eccle-
siae ejusdem circiter aetatis, in Garnotensi S. Pétri annorum
700 [= xr siècle], missa intégra habetur de SS. Trinitate, de
qua etiam Joannes Abrincensis scribit... sed et Rupertus [=
Robert de Tuy, f 1135] in lib. xi de divinis officiis c. 1. [P. L.
CLXX, 293] de hoc festo tamquam ubique recepto loquitur. »
Martene cite en outre un texte de Catulfus, Instructio episto-
laris ad Carolum regem, Gharlemagne (P. L. XGVI, 1366),
qui me semble établir au contraire que la fête n'existait pas,
puisque Gatulfus demande à Gharlemagne d'instituer une
fête « in honore sanctae trinitatis et unitatis, et angelorum, et
omnium sanctorum ».
1. Inconnue au Micrologiis, pas mentionnée par Jean d'AA ran-
clies; acceptée par Jean Beleth, Rationale, 144. Sur l'origine
espagnole de la fête de la Transfiguration, Baeumer. 1. I,
p. 428.
l'office moderne. 203
(24 septembre) et la fête de la conception de Marie
(8 décembre) . De ces deux fêtes, d'origine irlandaise,
et attestées au ix°-x® siècle, la première a disparu,
tandis que la seconde, après une éclipse momentanée
au xi*^ siècle, est relevée en Angleterre par Elsin, abbé
de Ramsay (1080-1087), propagée en Angleterre et
déjà très discutée dans la première moitié du xii*^ siè-
cle, propagée en France dans le même temps, et
(vers 1140) combattue avec éclat par saint Bernard
apprenant que Lyon l'a adoptée. « Avant d'agir
ainsi, dit saint Bernard aux Lyonnais, il fallait con-
sulter l'autorité du Siège apostolique et ne pas se
mettre précipitamment et inconsidérément à la re-
morque de quelques gens simples et ignorants... Je
m'en rapporte pour tout ceci comme pour tout le
reste, à l'autorité et au jugement de l'Eglise romaine,
prêt à corriger selon son avis mon propre senti-
ment ^ » La fête ne sera pas de longtemps encore
reçue à Rome.
11 y a une troisième caractéristique, la plus impor-
tante. Jean Beleth, si fidèle qu'il veuille être à l'usage
romain, est obligé de concédera l'usage non romain
l'introduction des hymnes dans l'ollice canonique. 11
1. S. Bernard. Epistul. CLXXIV, 9. Sur les origines de
la fête H. Thurston, « The irish origins of our Lady's Con-
ception feast », dans le Month, mai 1904. E. Vagandard, « Les
origines de la fête et du dogme de l'immaculée Conception »,
dans la lievu% du clergé français, avril 1910. Les plus anciens
textes dans II. Thurston et T. Slater, Eadmeri moiiachi
caiifuariensis Tractalus de conceptione S. M. (Froiburg 1904).
204 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
le fait de mauvaise grâce. « A vêpres, dit-il, les cinq
psaumes une fois chantés, on dit une leçon brève sans
lube et sans Ta autem\ c'est le capitule. A la suite du
capitule se place un répons », — à Rome, du temps
d'Amalaire et plus tard, le capitule de vêpres n'avait
pas de répons, — « et au lieu du répons, on dit aussi
un verset et un hymne. Après quoi, l'antienne et le
Magnificat. Mais la plupart du temps le Magnificat^
qui est l'hymne de la bienheureuse vierge Marie,
tient lieu d'hymne, et l'on n'en chante pas d'autre :
Magnificat loco hymni ponitur, ut praeterea nullus
alius canatur ^ ». Ainsi, Jean Beleth, vers 1105,
témoigne que les hymnes ont forcé l'entrée de l'oilice
des séculiers, encore que cette nouveauté n'ait pas
l'autorité d'une règle partout observée. Jean Beletli
est réactionnaire. Mais Abélard, qui appartient au
parti opposé, donne clairement à entendre dans sa
lettre à saint Bernard, vers 1140, que les hymnes
ont dans l'office une place autrement large que
celle que Jean Beleth leur voudrait laisser ^. Et, par
l'Eglise, Abélard entend ici l'usage général des sé-
1. lOAN. Beleth. Hationale, 52 : « ... hoc est capitulum, ac
deinde responsoriuin, vel cius loco versus cum hymiiis et
antiphona, ac deinceps Magnificat. Plerunique tameii liymnus
B. Mariae, videlicet Magnificat, loco hymni ponitur, ut prae-
tei-ea nullus alius canatur. »
2. Epistul. X : « ... hyninos solilos respuistis, et quosdai
apud nos inauditos, et fere omnibus ccclesiis incognitos, al
minus sufficientes, introduxistis. Unde et per totum annum ii
vigiliis tara feriarum quam feslivitatum uno hyrfino et eodena^
contenti estis, cum Ecclesia pro diversitate feriarum vel fesli-
vitatum diversis utatur hvmnis... » P. L. GLXXVIII, 339.
l'office moderne. 205
culiers comme des réguliers qu'il oppose aux singu-
larités de Clairvaux.
Comment s'était formé l'hymnaire de l'Église, et
sous quelles influences était-il entré dans l'office
moderne?
On a expliqué au premier chapitre de cette histoire
comment les essais primitifs de poésie lyrique chez
les Grecs chrétiens avaient été proscrits de l'usage
liturgique dès le début du iv^ siècle, et comment les
hymnes d'un Synésius ou d'un Grégoire de Nazianze
n'y furent jamais introduits. Chez les Latins, la
poésie lyrique chrétienne devait avoir une tout autre
fortune .
En 386, voyant Milan infestée d'Ariens que la pré-
sence et l'appui de la cour de Valentinien rendaient
plus insolents et plus redoutables, Ambroise mit
la doctrine du consubstantiel en un chant pour le
peuple : « Qidd enim potentius, pouvait répondre
saint Ambroise aux ennemis qui l'accusaient d'avoir
séduit le peuple par ses vers, quid poteiitius quam
confessio Trinitalis quae cotidie totius populi ore
celebi^atur ^ ! » Il n'est nullement question de chant
liturgique, ni que ce carinen antiarien (car il ne s'a-
git encore que d'un seul carmen, le Veni redemptor
gentium) ait figuré au programme des vigiles mila-
naises, en concurrence avec la psalmodie davidique.
Ce noël n'était pas le seul cantique populaire com-
posé par saint Ambroise. Saint Augustin connaît de
1. Sermo contra Auxentium, 34.
206 HISTOIRE DU BRÉVIAIHE IlOMAIiX.
lui et cite un autre cantique, celui-ci en forme de
prière du matin : l'hymne Aeterne rerum conditor.
Le même Augustin en mentionne un troisième, une
sorte de prière du soir, comme le précédent était une
prière du matin. Dans ses Confessions, écrites en
397, il raconte qu'à la mort de sa mère Monique, il
n'avait trouvé quelque apaisement à sa douleur qu'à
se redire les beaux vers d'Ambroise :
Deus Creator omnium
polique reclor, vestiens
diem decoro lumine,
noctem soporis gratia :
Artus salutis ut quies
reddat laboris usui,
mentesque fessas allevet,
luctusque solvat anxios ^!
Un dernier cantique de saint Ambroise, celui-là
encore mentionné par saint Augustin, était tout en-
tier au souvenir de la mort rédemptrice de Jésus-
Christ : lam surgit hora tertia. Et nous voyons que,
dans ces trois cantiques, — mettons à part le Veni
redemptor gentium, — saint Ambroise avait voulu
donner au peuple comme un abrégé à son usage de
l'eucologie des clercs et des ascètes : le peuple prie-
rait au chant du coq, il prierait à l'heure de tierce, il
prierait au lucernaire, et il prierait dans une langue
nouvelle et toute différente de celle de la liturgie.
A la forme métrique adoptée par Ambroise, son
nom resta attaché. Les hymnes en dimètres iambi-
1. Confession, ix, 12.
l'office moderne. 207
ques prirent et gardèrent le nom à'amhrosiani. Le
pape Gélase (492-496), composant des hymnes, ne
croyait pouvoir les composer que selon la formule
métrique de saint A^mbroise : « Fecit et hymnos in
similitudinem Ambrosiï^ ». Ils ne nous ont point
été conservés ; mais on ferait un recueil des hymnes
d'auteurs inconnus du v*' et du vi'^ siècle, que la tra-
dition a attribués à Ambroise, et qui ne sont ambro-
siens que par leur forme métrique. Au commence-
ment du vi^ siècle, ils formaient vraisemblablement
une collection, sous le nom de saint Ambroise. Et
cette collection très répandue en Italie, en Gaule, en
Espagne, sollicitait une place dans Vordo psallendi^.
Saint Benoît (-J- 543) la lui fit. Au nocturne, entre
l'invitatoire et les psaumes; à laudes, après le répons
du capitule; à prime, à tierce, à sexte, à none, entre
le Deiis in adiutorium et les psaumes; à vêpres,
après le répons du capitule; à complies, entre la fin
du dernier psaume et le capitule, saint Benoît pres-
crit de chanter un hymne, et cet hymne il l'appelle
invariablement du nom di ambrosianus . Il ne spécifie
is davantage. Mais Aurélien, évêque d'Arles (546-
II), qui rédige quelques années à peine plus tard
le adaptation de la règle bénédictine pour les mo-
Lstères de pénitents et de vierges de sa ville épisco-
iale, décrit à son tour Yor^do psallendi qu'il leur
ipose; et dans cet ordo il fait, lui aussi, figurer des
rmnes, dont il a soin de donner les premiers mots
_1. L. P. 1. 1, p. 255.
2. U. Chevalier, Poésie Litm^gique (Tournai 1894), p. xiii-
208 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
en guise de titre. Nous y retrouvons le Deas creator
omnium et le lam surgit hora teriia de saint Am-
broise. A la suite les ambrosiens anonymes que
voici :
Fulgentis auctor aetheris.
lam sexta sensim vol'vitur.
Ter hora trina volvitur.
Deiis qui certis legibus.
Splendor paternae gloriae.
Aeterne lacis conditor.
0 rex aeterne domine.
Hic est dies ver us Dei.
Magna et mirabilia.
Dès 567, c'est-à-dire quinze ans après la mort
d'Aurélien d'Arles, un concile tenu à Tours parle des
« hymnes ambrosiens reçus dans le canon », — c'est-
à-dire, on peut conjecturer, mis à la suite des psau-
mes, — et qui se chantent à Tours. Il ajoute qu'il n'y
a pas lieu de s'en tenir aux seuls hymnes ambrosiens;
car, du moment qu'il en existe d'auteurs autres que
saint Ambroise, et que ces hymnes sont assez beaux
pour mériter d'être chantés, il convient de les rece-
voir, à la seule condition que les noms de leurs au-
teurs soient inscrits en tête de chacun d'eux ^
L'exemple donné par Tours n'était pas sans rencon-
trer en mainte Église une résistance déclarée. C'était
1. Mansi, t. IX, p. 803 : « Licet liymnos ambrosianos habea-
mus in canone, tamen, quoniam reliquorum sunt aliqui qui
digni sunt forma cantari, volumus libenter amplecti eos prae-
terea, quorum auctorum nomina fuerint in limine praeno-
tata... »
1
l'office moderne. 209
à cette innovation que fait allusion le concile de
Braga, en 563, quand il interdit de rien chanter de
poétique dans l'assemblée des fidèles ^ Cette résis-
tance, faite ainsi au nom de la tradition liturgique,
tenait encore ferme au siècle suivant. On en peut
juger par l'énergie avec laquelle le concile de Tolède
de G3o la condamne. Nous possédons, y est-il dit,
quelques hymnes composés à la louange de Dieu, des
apôtres et des martyrs : tels sont les hymnes des
bienheureux docteurs Hilaire et Ambroise. Et ces
hymnes sont réprouvés par quelques personnes, sous
prétexte que l'on doit recevoir dans la liturgie le texte
seul de l'Écriture sainte. Que diront-elles du Gloria
Patri? Et du Gloria in excelsis? Et des leçons de
l'office? Et des collectes? Donc, il ne faut pas plus
condamner les hymnes que les oraisons, et, en cela,
la Gaule et l'Espagne doivent avoir le même usage :
« plectendi qui hymnos reicere fuerint ausi ^ » . C'est
dire qu'au vii*^ siècle, les hymnes avaient cause ga-
gnée en Gaule et en Espagne. Autant en doit-on
dire de l'Irlande, témoin l'antiphonaire de Bangor
(vu*' siècle)^.
Mais l'Église romaine s'en était tenue à la discipline
dont témoigne le concile de Braga : « Nihil poetice
1. Mansi, t. IX, p. 778 : « Placuit ut extra psalmos vel
canonicariira scripturarum novi et veteris testamenti, iiiliil
poelice composihim in ecclesia psallatur, sicut et sancti prae-
cipiiint canones. »
2. Mangi, t. X, p. 623.
3. P. L. LXXII, 579-606. T.e ras. appartient à la bibliothè-
que Ambrosienne, à Milan. F. E. Warren, The Antiphonary
of Bangor (Londres 1893).
HISTOIRE nu BRÉVIAIRE ROMAIN. 14
210 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
compositum in ecclesia psallatur, sicut et sancti-
praecipiunt canones ^ . » Et, sur ce point, l'Église
romaine tint bon jusqu'à la fin du. xii*^ siècle : le
chanoine Benoît et Cencius, non plus qu'Amalaire
ni le Micî'olos^us, ne mentionnent d'hymnes dans
l'office romain. L'antiphonaire de Saint-Pierre, au
xii*" siècle, indique le Telucis ante terminum comme
étant chanté à compiles. De même, il indique le
Nunc sancte nobis spùntus comme appartenant à
tierce. Mais, au moins pour ce dernier, la rubrique
est décisive : « In choro hune hymnum non dici-
miiSf sed in aliis oratoriis decantamus^. » L'anti-
phonaire de Saint -Pierre n'a pas d'autre mention
d'hymnes.
Cependant l'hymnaire monastique s'était déve-
loppé et constitué ^. Au xi'' siècle, il comportait un
1. Même rigueur à Lyon : « Reverenda concilia patrum de-
cernunt nequaquam plebeios psalmos in ecclesia decantandos
et nihil poetice compositum in divinis laudibus usurpandum ».
rappelle à ses clercs l'archevêque de Lyon Agobard, au
ix" siècle, dans son opuscule De divina psalmodia {P. L.
GIV, 327). Voyez encore son De correctione anfiphonarii
[ibid. p. 329 et suiv.), où il s'élève si vivement contre l'intro-
duction dans l'offîce de répons ou d'antiennes dont le texte
n'est pas pris aux livres saints : « Antiphonarium haheamus
omnibus humanis flgmentis et mendaciis expiirgatum, et pcr
totum anni circulum ex purissimis sanctae Scripturae verbis
suffîcientissime ordinatum » (ch. xix [p. 338]). Baeumer, t. I,
p. 369 : « Il est étrange [mais non!] que dans les statuts des
évêques Hayton de Bâle (f 836) et Riculf de Soissons (f 902).
où les livres liturgiques sont énumérés, il ne soit fait aucune
mention d'hymnaire. »
2. TOMASi, t. IV, p. 168.
3. Je me réfère au bréviaire Gassinésien ms. de la Mazarino.
dont il sera question plus loin. Rapprochez la lettre de Théo-
l'office moderne. 211
hymne invariable à chacune des petites heures : le
lam lucis orto sidère à prime ; le Nunc sancte nobis
spûitus, à tierce : le Hector potens çerax Deus, à
sexte ; le Rerum Deus tena.x vigor, à none ; et soit le
Te lucis ante terminum^ soit le Christus qui lux es
et diesy à complies. Autant d'ambrosiens anonymes
non postérieurs au vi'' siècle. Pareils ambrosiens for-
maient riiymnaire des fériés :
Lundi. Somno refectis artuhus (Noct.).
— Splendor paternae gloriae (Laud.).
— Immense caeli conditor (Vesp.).
Mardi. Consors paterni luminis (Noct.).
[Aies diei nuntius] (Laud.).
— Telluris ingens conditor (Vesp.).
Mercredi. Rerum creator optime (Noct.).
— [Noxet tenebrae et nubila] (Laud.),
— Caeli Deus sanctissime (Vesp.).
Jeudi. Nox atra rerum contegit (Noct.).
— Lux ecee surgit aurea (Laud.).
— Magnae Deus potentiae (Vesp.).
Vendredi. Tu Trinitatis unitas (Noct.).
— Aeterna caeli gloria (Laud.).
— Plasmator hominis Deus (Vesp.).
domar à Gharlomagnc : « In fîdem sacrae eiusdem regulao
ymnos, qui secundum instilula beati Patris noslri [= Beno-
dicti] per singiila officia velfeslivilales cantaridebent. adncxui-
mus » {P. L. XGV, 1584). Baeumer, t. I, p. 369, énumère
quelques-uns des plus anciens hymnaires mss. (viir-ix'= siècle).
Il y a plus ancien, le ms. Vatican. Reginen. 11 (vr-vir siècle),
qui conlient un hymnaire joint à un psautier gallican. Eh-
RENSBERPrER, p. 3-4.
212
HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
Samedi. Siunmae Deiis clementiae (Noct.).
— Aurora iam spargit poliim (Laud.).
— 0 lux beata trinitas (Vesp,).
Dimanche. Primo dierum omnium (Noct.).
— Aeterne rerum conditor (Laud.).
— Lucis Creator optime (Vesp.).
Les hymnes du propre du temps étaient empruntés
à la même collection à.' ambrosiani :
AVENT.
NOEL.
Epiphanie.
Carême.
Conditor aime siderum (Vesp.).
Verbum supernum prodiens (Noct. .
Vox clara ecce intonat (Laud.).
Veni redemptor gentium (Vesp.).
Christe redemptor omnium (Noct.).
[A solis ortus cardinej (Laud.).
lesus refulsit omnium (Vesp.).
[Hostis Herodes impie] (Noct.).
Illuminans altissimus (Laud.).
Audi bénigne conditor (Vesp.).
Ex more docti mystico (Noct.).
Iam Christe sol iustitiae (Laud.).
Pâques.
Ad caenam agni providi (Vesp.).
— Hic est dies i^erus Dei (Noct.).
— Aurora lucis rutilât (Laud.).
Ascension. [Festum nunc célèbre...] (Vesp.).
— Optatus votis omnium (Noct.).
— Iam Christus ascenditpolum (Laud. .
On n'insistera pas sur Thymnaire du propre des
saints, qui dans tout hymnaire est la partie la moins
fixée, encore que l'on doive observer que l'hymnaire
était formé pour la plus grande part d'hymnes dans la
l'office moderne. 213
formule de saint Ambroise: Stephano primo maiiy ri,
— Amore Christi nobilisy — Agnes beatae çirginis,
— Apostolorum passio, — Apostolorum supparens,
— Martine conf essor Dei, — Post Petruni primum
priiicipem, — Ad Christi laiidem virginis, etc.
Les divers ambrosiens que l'on vient de citer for-
ment comme le noyau de Tliymnaire. On y a reconnu
les hymnes authentiques de saint Ambroise. A la
suite, un groupe d'hymnes écrits selon la formule pro-
sodique de saint Ambroise, exactement fidèles aux
règles de la quantité, du mètre et de l'hiatus. Et enfin
on y voit apparaître, et en nombre, des hymnes ryth-
miques, c'est-à-dire des hymnes qui n'ont de commun
avec le dimètre iambique que le nombre total des
syllabes, et où la quantité ni l'hiatus ne sont plus
observés, « ut sunt carmina çulgarium poetarum »,
comme dit Bède ^ Toutefois, en se montrant fidèles
au type ambrosien, celui-là même que saint Benoît
avait entendu recevoir dans Vordo psallendi de ses
moines, les lettrés du viii^ et du ix® siècle crurent
pouvoir faire une place dans leur hymnaire à des com-
positions, quelques-unes plus récentes, d'un caractère
littéraire plus sensible.
Prudence avait composé un recueil d'hymnes, sorte
de psautier laïque-, le Cathémérinon, où il avait dé-
1. Bed. De art. metric. 24. Cf. Walafrid Strab. De eccl.
ver. exord. 25. {P. L. GXIV, 955) : « Sciendum tamen raul-
tos putari ab Ambrosio factos, qui nequaquam ab illo sunt
edili. Incredibile enim videtur illum taies aliquos fecisse, qua-
les multi inveniuntur, id est qui nullam sensus consequentiam
liabenles,' insolitam Ambrosio in ipsis dictionibus ruslicitalGni
demonstrant. »
214 HISTOIRE DU BRÉVIAIHE ROMAIN.
ployé les ressources d'une métrique savante et d'une
rhétorique de métier. L'Eglise avait peu goûté ces
virtuosités. La strophe saphique elle-même n'avait
pas trouvé grâce à ses yeux sévères. On n'avait pris
à Prudence que des strophes écrites en dimètres iam-
biques, c'est-à-dire selon la formule ambrosienne :
le Aies diei nuntius, pour les laudes du mardi; le
Noa: et tenebrae et nuhila^ pour les laudes du mer-
credi; et enfin, d'un hymne languissant et froid sur
l'Epiphanie, les quelques strophes qui forment le
Salvete flores martyr um, court chef-d'œuvre.
A Sédulius le pèle versificateur du Carmen pas-
chale, on avait emprunté quelques strophes de son
hymne alphabétique sur la vie et les miracles du
Christ, pour former l'hymne des laudes de Noël, A
solis ortus cardine, d'une part, et l'hymne des ma-
tines de l'Epiphanie, Hostis Herodes impie^ d'autre
part, deux hymnes selon la formule ambrosienne.
A Fortunat appartiennent les deux hymnes du di-
manche de la Passion. Il avait composé l'une en
l'honneur d'ime relique de la vraie croix donnée par
l'empereur Justin à sainte Radegonde; et il l'avait
écrite en iambiques ambrosiens : Vexilla régis pro-
deunt. L'autre, qui se rapportait à la même inspira-
tion, était écrite dans le mètre des chants que chan-
taient, dit-on, les soldats romains dans les triomphes,
le tétramètre trochaïque catalectique :
Paiige, liiigua, gloriosi praelium certaminis,
et super cruels tropaeo die triumphum nobilem,
qualiter redemptor orbis immolatus vicèrit ^
1. L'hymne Quem terra pondus aethera est attribué à For-
l'office moderne. 215
Enfin, riiymnaire s'était ouvert aux poètes de la
renaissance carolingienne, familiers avec les mètres
de la poésie lyrique païenne. Ainsi Paul Diacre, qui
n'avait pas écrit que selon la formule ambrosienne
l'hymne de la fête de saint Benoît, Fratres alacri
peclore^ mais qui était Fauteur de l'hymne de la fête
de la nativité de saint Jean-Baptiste, en strophes sa-
phiques^ :
Vt queant Iaxis resonare fibris
mira gestorum famiili tiiorum
solve polluLi labii reatum,
sancte loannes !
et l'hymne (l'authenticité en est controversée) des vê-
pres de l'Assomption de la Vierge, celle-ci en stro-
phes alcaïques :
Qiiis possit amplo famine praepotens
digne fateri praemia virginis,
per quam veteniae sub laqiieo necis
orbi retento reddita vita est.
Ainsi Raban Maur, ou tout au moins son école, à
liDial. Mais colle, allribulion nianqiio d'autorité. Il faut en dire
autant du Qua Christus hora sitiit et de VAgnoscat omne sae-
Ciilum. Autant, et ajiTC plus de décision, de VAve mai'is Stella.
Voy. Léo, Venanti Fortunati opéra poet. (Berlin 1881), p. 384-
386.
1. loAN. Beleth. Rationale, 135 : « Paulus, historiographus
diaconus romanae curiae, monachus cassinensis, cum die
quodam paschalem cereum consecraret, fauces eius raucae
factae sunt, cum prius esset salis vocalis. Ut ergo vox ei re-
slitueretur, in honorem sancti loannis hymnum hune compo-
siiil : Ut queant Iaxis... »
216 HISTOIRE DU BRÉVIAIIIE ROMAIN.
qui revenait l'hymne des vêpres de l'Ascension, en
strophes asclépiades :
Fcstuni mine célèbre niagnaque gaiidia
roinpeUiml aiiimos carmina promere,
ciini Christiis soliiim scandit ad ardiuim
caeloTum pins arbiter i.
A cette même renaissance carolingienne on attri-
buera les hymnes suivants : — en strophes saphiques,
le Nocte siu'gentes vigilemus oimies et le Ecce iam
noctis tenuatar umbra, que l'on met sous le nom de
saint Grégoire; le Quod chorus vatam venerandus
olim (Raban Maur), de la fête de Purification; le
Christe sanctorum decus angelorum (Raban Maur),
de la fête de saint Michel ; le Martyris Christi coli-
miis trlumphum, de la fête de saint Laurent; le
Christe sanctorum decus atque çirtus, de la fête de
saint Benoît; le Iste confessor domiiii sacratus du
commun des confesseurs, et le Virginis proies opi-
fexque niatris, du commun des vierges; — en stro-
phes asclépiades, le Gaude viscerihus mater in
intimis, de la fête de la Nativité, et le Sanctorum
meritis inclyta gaudia^ du commun des martyrs.
Mettons à part de ces œuvres limées de lettrés deux
admirables choses, dans leur rudesse de facture :
l'hymne de la Dédicace (vu'' siècle), écrit sur le mo-
dèle du Pange lingua de Fortunat :
Urbs beata lerusalem, dicta pacis visio,
1. DuEMMLER, Poetae latini aevi karolini (Berlin 1880), t. I,
pp. 48, 83, 84, et t. II, p. 249.
l'office moderne. 217
qiiae constniitiir in caelis vivis ex lapidibus,
et angelis coornata ut sponsata comité!
et l'hymne, en trimètres iambiques, attribué à Pau-
lin d'Aquilée (f 802), la solennité des saints apôtres
Pierre et Paul, où Ton sent passer comme le souffle
de la dévotion écuménique pour Rome :
0 Roma felix, quae tuorum principum
es purpurata pretioso sanguine,
excellis omnem niundi pulchritudinem '.,.
Cet hymne est imité de l'hymne aux apôtres Pierre
et Paul, Aiwea luce et décore roseo, qui passe pour
l'œuvre d'Elpis, femme de Boëce. ,
A la fin du viii^ siècle et au commencement du ix%
sous l'influence de l'Église romaine, opposée à admet-
tre l'hymnaire dans sa liturgie, on put croire que
l'hymnaire allait être éliminé de l'usage ecclésiastique.
Les Eglises franques y renoncèrent en adoptant la li-
turgie romaine. Mais ce ne fut qu'un moment. Déjà,
dans la première moitié du ix*^ siècle, Walafrid
Strabon témoigne que beaucoup d'Eglises avaient
repris l'hymnaire, puisque celles qui ne chantaient pas
d'hymnes étaient comme l'exception : « Quamvis in
quibusdam ecclesiis hymni metrici non cantentur. . . , »
écrit-il 2. Il n'est pas hypothétique de voir dans ce
1. Voy. L. Traubë, 0 Roma nobilis, philol. Untersuchungen
(Munich 1891), pp. 3-13. — Comparez le sentiment exprimé par
le Decretum Gelasii : « [Petrus et Paulus] pariter supradictam
romanam Ecclesiani Christo domino consecrarimt, aliisque
omnibus in universo mundo urbibus sua praesentia atque
triumpiio praetulerunt ». Preusgiien, p. 149.
2. Walafr. Strab. De rer. ecclesiast. exordiis, 25 {P. L.
218 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
succès de l'hymnaire une preuve de Finfluence mo-
nastique ^ Au XI*' siècle, cette intrusion était un fait
acquis à peu près partout, sauf à Rome ^.
La modification du calendrier, l'abréviation du lec-
tionnaire, l'adoption de l'hymnaire monastique sont
les trois caractéristiques saillantes de l'office moderne
non romain. Il reste à signaler quelques détails pro-
CXIV, 954) : « Notandum hymnos dici non iantuni qui melris
vol rythmis decurruni, qiialcs composueruni Ambrosius,
Hilarius, et Beda Anglorum palcr, et Prudenliiis Hispaniamm
scolasticus, et alii mulli... El quamvis in quibusdara eccle-
siis hymni metrici non cantonhir... » Walafrid rapporte que
saint Paulin, patriarche d'Aquilée (f 802), était de ceux qui
voulaient mettre des hymnes partout, « saepius et maxime in
privatis missis... hymnos vel ab aliis vel a se compositos celé-
brasse ».
1. Voyez pour le x" siècle, Dunstan. De regimine monacho-
rum, 2 (P. L. GXXXVII, 485).
2. A Rome même il faut dislinguer. Grangolas, Comment.
p. 84 : « Gonslanter adfirmaudum est, xii" saociilo nullos in
Ecclesia S. Pétri recilalos fuisse [hymnos], alque cum Ulricus
in Gonsuetudinibus Gluniacensibus hymnorum Ecclesiae ro-
manae meminit, de singularium aliarum Ecclesiarum hymnis
agere voluisse. » Dans les règlements inédits de Grégoire VII
publiés par Dom Morin, Revue bénédictine, 1901.. p. 183, on lit :
« Ymnos in ecclesia per tolum annum , per omnes lioras
diei et noctis regularis décantât auctoritas, solis tribus diebus
in anno exclusis, hoc est cena D. parasceven et sabbato
sancto. » Mais les mots regularis auctoritas témoignent qu'il
s'agit là de l'usage monastique ou privé, et non point des
grandes basiliques. Ita Morin lac. cit. — La même exception
peut valoir contre le texte (a. 1086 environ) des Consuetudines
cfuniacenses, 52, que nous oppose Ghevalier, p. xxiv.
l'office moderne. 219
près aussi à cet office moderne, et dont il fera la for-
tune : j'entends le symbole Quicunque vult, les suf-
frages que nous appelons Commemorationes, l'office
quotidien de la sainte Vierge, l'office quotidien des
défunts.
Un concile d'Autun, de 670 environ, est la plus an-
cienne attestation canonique que nous ayons du Qui-
cunque çult ' . Il y est dit : « Si guis presbyster aut
diaconuSy subdiaconus clericus symbolum, quod
sancto inspirante Spiritu apostoli tradiderunty et
fidem sancti Athanasii praesulis irreprehensibiliter
non recensueril, ah episcopo condemnetur » ^.
Ce vieux symbole gallican, que Ton trouve dans
les psautiers gallicans les plus anciens transcrit à la
suite des psaumes et des cantiques, le Quicunque vult
n'était pas reçu à Rome dans la liturgie. Ni Ama-
laire, ni le Micrologus ne le mentionnent. A prime,
l'office romain fait réciter un symbole, mais c'est le
symbole des apôtres, « credulitas nostra quam sancti
apostoli constituerunt », dit Amalaire ^. Le Quicun-
que s'est introduit dans la liturgie des Eglises franques
au ix^ siècle. Hayton, évêque de Baie (f 836), impose
à ses clercs l'obligation, non seulement de le savoir
1. Dom MoiiiN, « Le symbole de saint Atlianase et son pre-
mier témoin, saint Gésaire d'Arles », dans la Revue bénédictine,
1901, p. 3'i:7-363, a montré que saint Gésaire est le premier
(542) qui ait cité le Quicunque vult. A. Burn, An introduction
to the creeds (London 1899), p. 151. Sur l'origine du Quicun-
que, voyez TixEROxNT, art. « Athanase (Symbole de saint) »,
dans le Dictionnaire de théologie de Vacant.
2. Mansi, t. XI, p. 125. Burn, p. 156.
3. .\malar. De off. eccl. iv, 2.
fe
220 HiSTorRE DU bréviaire romain.
par cœur, mais de le réciter chaque dimanche à
prime : « Fides sancti Athanasii... omni die dominico
ad horam primam recitetur » ^ Au siècle suivant,
Cluny fait sien cet usage, et même impose la récita-
tion du Quicuiique ^ult tous les jours à prime : Textus
fldei a s. Athanasio conscriptus [cuius nonnullae
Ecclesiae nec meminerunt nisi in sola dominicà]
nullo die ohmittatur'^ ».
Deuxièmement, les suffrages.
Amalaire ne prescrit nulle part de faire, à vêpres
ni à laudes, mémoire de la sainte Vierge ni d'aucun
saint. Il n'en est pas question davantage dans le cé-
rémonial pontifical du chanoine romain Benoît, au
commencement du xii'' siècle. — Par contre, l'antipho-
naire de Saint-Pierre prescrit de faire mémoire de
la croix aux vêpres et aux laudes du temps pascal,
et le chanoine Benoît de même : « In omnibus matu-
tinis laudihus et vespertinis horis fit commemo ratio
passionis Christi et resurrectionis^ antiphona Cru-
cem sanctam et Noli flere, cum çersibus et orationi-
bus siiis'^ ». A Rome encore Fantiphonaire de Saint-
Pierre prescrit d'autres commémoraisons, et d'abord
I.IIayton. Capilulare,k. P.L. GXV,11. — Mahtene, Deanllq.
Eccl. discipl. p. 47 : « In percelebri S. Martini Turonensis
Ecclesia ex coramuni totius capituli canonicorum consensu
anno 922 statutuni fuit, ut « cantarent fratres generaliter ad
« horam primam tam festis diebus quam et quotidianis catlio-
« licam fidem, quam S. Athanasius, Spiritu sancto dictante,
« composuit, id est, Quicumque vult salviis esse ». Gujus insli-
tutionis decretum extat in pervetusto ejusdem Ecclesiae cliar-
tario. »
2. Udalric. Consuetud. cluniacen. i, 2.
3. BeXEDICT. .55. Cf. TOMASI, t. IV, p. 100.
I^'OFFICE MODERNE. 221
une mémoire de la Vierge et de tous les saints, puis
celle des apôtres Pierre et Paul ; elles sont marquées
à l'issue de vêpres et de laudes tous les jours de l'an-
née, sauf du dimanche de la Passion à la Pentecôte,
d'une part, et le temps de Noël, d'autre part ^ —
Exception faite pour la mémoire de la croix, qui
peut tirer son origine des rubriques des vêpres pas-
cales de Rome, il semble que l'usage des mémoires
communes soit un usage gallican et monastique ^ im-
porté à Rome au cours du xi° siècle seulement, et
1. TOMASI, t. IV, pp. 22, 27, 30, 52, 100.
2. Udalric. Consuetiid. cluniacen, i, 3 : « Ad matutinas et
vesperas, post suffragia sanctorum... » Abaelard. Epistul. VIII
(à saint Bernard, contre les innovations de Glairvaux) : « ... ea
quae suffragia sanctorum dicuntur, omnino a vobis fieri inter-
dixistis, quasi... vos suffragiis sanctorum minus egeatis. Et,
quod mirabile est, cum omnia oratoria vestra in memoria
matris dominicac tundetis, nullani eius commemorationem,
sicut nec caetcrorum sanctorum, ibi frequenlatis. »
Gerhard. Vitas. Udalrici (l'évêque d'Augsbourg, f 973), 2 :
« Cursus scilicet cotidianus cum matriculariis in choro eiusdeni
matriculae [la cathédrale] ab eo cautc observabatur... Insuper
autem unum cursum in honore sanclae Mariae genitricis Dei,
et alterum de sancta cruce, tertium de omnibus sanctis, et alios
psalmos plurimos... omni die explere solitus erat, nisi eum
impediret aliqua inevitabilis nécessitas. » P. L. GXXXV, 1016.
Fulbert. Garnot. Epistul. LXIII, ad Hildegardiim (P. L.
CXLI, 232) : « De vario numéro psalmorum qui adiciuntur a
quibusdam in tempore ieiunii per singulas horas canonicas,
in fine, post orationem dominicam et capitula quae sequuntur
[entendez les Preces feriales], regulam non invenio. Psalmi
quidem meo arbitratu superflui essenl, nisi eos tutaret psal-
inistarum devotio. Finitis autem capitulis, post orationem
dominicam, ubi dicitur Domine exaiidi orationem meam,
statim esset subdenda oratio quae ex libre sacramentario
recitatur. Patere tamen ecciesiam retinere suum usum ad
praesens. »
222 HISTOIRE DU BRKMAFIIE ROMAIN.
dont la première attestation romaine est le Microlo-
gus.
Troisièmement, roffîce quotidien de la sainte
Vierge.
La plus ancienne attestation que l'on ait de roincc
quotidien de la sainte Vierge est du xi° siècle et re-
vient à l'abbaye italienne de Fonte Avellano, en d'au-
tres termes à la congrégation des Camaldules issue
de Cluny '. On attribue généralement, à la suite du
cardinal Baronius^, l'institution de cet office quoti-
dien à saint Pierre Damien, lequel, avant d'être fait
cardinal et évêque d'Ostie, appartenait à Fonte Avel-
lano : cette attribution n'est pas clairement éta-
blie. Ce qui est sûr, c'est que saint Pierre Damien a
plus qu'aucun autre travaillé à propager cet office. 11
1. M. Edmund Bishop, — dans son Introduction à l'édilion
de The Prymer oj' Lay Folks' Prayer Book (London 1897) de
M. LiTTLEHALES, dans les Early English Text Society (Orig.
Séries, n" 109), — produit des altestalions un peu plus ancien-
nes. Ainsi le texte de la vie de S. Ulric, évêque d'Augsbourg,
que nous avons cité (p. 221) comme attestation des mémoires
communes ou suffrages. Ce témoignage se rapporte aux envi-
rons de 970. J'hésite à identifier le cursus in honore sanctae
Mariae avec un office plein, l'office de la sainte Vierge.
M. BiSHOP cite un trait de la vie de Bérenger, évêque do
Verdun (9'iO-962), et les coutumes d'Einsiedeln (en 990-995).
Avons-nous affaire là à l'ofïîce quotidien de la Vierge? Le
texte des coutumes d'Einsiedeln ne parle de faire réciter
« très lectiones » « de sancta Cruce et de sancta Maria » que
le vendredi et le samedi, « si sanctorum natalitia non affiie-
runt ». Bishop, p. xxvi et xxvii. Mais je n'oserais pas m'ins-
crire délibérément contre le sentiment de M. Bishop, qui est
notre maître à tous.
2. Annales, t. XVII, p. 119.
L OFFICE MODERNE. 223
raconte que la règle de le réciter avait été établie
dans un monastère de sa congrégation, le monastère
de Saint- Vincent : « Statutum erat atque iam
per triennium fere servatum ut cum horis canonicis
cottidie B. Mariae semper nrginis officia diceren-
tut'. » A l'instigation d'un mauvais religieux, les
moines y renoncèrent, sous le prétexte que c'était là
s'imposer une surérogation nouvelle et onéreuse
[no{>ae adinventionis pondus). Mais aussi, à peine y
eurent-ils renoncé, tentations, orages, brigands, les
pires calamités fondirent sur le couvent ^ Cela se pas-
sait vers 1056. Ailleurs, dans son opuscule sur les
heures canoniques, saint Pierre Damien recommande
la récitation de l'office quotidien surérogatoire de la
sainte Vierge comme un exercice très propre à as-
surer la persévérance finale des clercs, et à consoler
leur dernier moment. Ce lui est une occasion de ra-
conter l'histoire dun pauvre clerc, qui, à son heure
dernière, ne sachant sur quelle bonne œuvre compter,
ne pouvait que rappeler à la vierge Marie, « porte du
1. Epistnl. VI, 32 [P. L. CXLIV, 431). La lettre est adressée
aux moines du monastère de Saint-Barnabe de Gamugno, mais
elle vise un fait qui s'est passé « in monasterio B. Vincent ii.
quod non procul a monte qui dicitur Petra Pertusa cernitur
conslilutum ». Voyez p. 430, Le mauvais moine « coepit
conqueri satis semperque sufficere quod sanctus praeclpit
Benedictus, nec novae adinvcntionis pondus debere super-
poni, nec nos esse antiquis Patribus sanctiores, qui videlicct
haec superstitiosa ac supervacua iudicantes, psallendi nobis
melam omnemque vivendi regulam praefixerunt; hac sane
debere nos esse contentos, ne ab illa incautius déclinantes,
per anfractus et invia ducamur erronei ».
224 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
ciel et fenêtre du paradis », la fidélité par lui mise à
réciter tous les jours son office : « Sept fois le jour,
j'ai dit tes louanges, et, si indigne pécheur que je
fusse, je n'ai point fraudé dans le service des heures
canoniques de tes louanges. » C'est ce que saint Pierre
Damien appelle « cottidiana canonicis horis officia
in MaiHae laudibus freqiientare^ ». Et il assure que
la miséricorde de Dieu fut acquise à ce clerc pé-
cheur par l'intercession de la Vierge qu'il avait si
dévotement servie"^. Ailleurs enfin, ceci dans la vie
de saint Pierre Damien par le moine Jean, son dis-
ciple, un chapitre entier est consacré à nous appren-
dre avec quel zèle le saint cardinal avait travaillé
au salut des âmes par la dévotion à la croix et par la
dévotion à la bienheureuse vierge Marie, et com-
ment il s'était appliqué particulièrement à répandre
parmi les clercs séculiers si relâchés de son temps
l'usage de réciter tous les jours l'office de la sainte
1. Opusciil. X, 10 {P. L. GXLV, 230) : « ... septies in die
laiidem dixi libi et... omnibus canonicis horis tuae laudis ol)-
soquium non fraudavi ». « Hoc procul dubio novimus qiiia
quisquis cottidiana praediclis horis officia in eius laudibus lic-
quentare sluduerit, adiutricem sibimet ac patrocinaturaiu
ipsiiis iudicis matrèm in die necessitatis acquirit. »
2. Pierre Diacre, au commencement du xir siècle, atloslr
que l'ofTice quotidien de la Vierge était pratiqué au Mont-Cas-
sin, et il attribue ce point de règle au pape Zacharie (f 75-2).
Cette attribution apocryphe montre que l'on avait cherché dos
autorités pour imposer cet oHîce surérogatoire. Voyez Bishop,
p. xxviii. Le texte de Pierre Diacre est cité par Martem .
De aiitiq. monast ritibus, I, 2, 17. Hugues, abbé de Cluii\
(f 1109), introduisit l'office quotidien de la Vierge à Gluin.
mais seulement pour les moines infirmes. Bishop, p. xxx.
l'office moderne. 225
Vierge que récitaient les moines de Fonte Avellano ^ .
La seconde moitié du xi^ siècle est le moment, en
effet, où l'olRce quotidien de la Vierge se propage, en
Italie, en France, en Allemagne, en Angleterre. Au
xii^ et au xiii^ siècle, il était l'objet d'une ferveur gé-
nérale^. A Rome cependant, pareil office demeura
longtemps encore inconnu : l'antiphonaire de Saint-
Pierre n'en a pas trace , et la première attestation
qu'on en ait ne remonte pas plus haut que le pon-
tificat d'Innocent IIP.
Nous arrivons, quatrièmement enfin, à l'olfice des
morts.
L'usage d'accompagner au chant des psaumes le
convoi d'un mort est un usage liturgique attesté dès
le III'' siècle. De même l'usage d'offrir le saint sacri-
fice de la messe pour le soulagement de l'âme du
mort, « sacrificium pro dormitione » , suivant la belle
expression de saint Cyprien. Le sacramentaire géla-
sien, au vii^ siècle, parle de messes pour le troisième
jour après la déposition, de messes de huitaine, de
messes de trentaine, sans compter la messe de la
déposition et les messes anniversaires''. Mais ni les
1. lOANN, MONAGH. VUtt B. PctH Damicuii, 15 (P. L. GXLIV,
132) : « Omnium horarum officia in lionore almae Dei geni-
Iricis in pluribus ecclesiis [inslituit]. »
2. BisHOP, p. xxx-xxxvii. Cf. P. Lejay, « Les accroissemenls
de l'office quotidien », dans la Revue du clergé français,
t. XL (1904), p. 130 : « Les plus anciennes formes des heures
de la Vierge se trouvent dans les mss. anglais Royal 2 B V et
Tiberius A III, tous deux du xi'' siècle, publiés en 1902 par
M. Dewick dans la collection de la société Henry Bradshaw. »
3. Radulph. De canon, observant. 20.
4. De Rossi, Roma sottcrranea, t. III, p. 495 et suiv.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 15
226 HISTOIRE DU liUÉVIAlRE ROMAIN.
obsèques proprement dites, ni ces messes, n'avaient
rien de commun avec ce qui sera l'olfice des morts.
Il était cependant bien naturel qu'entre le moment
où le fidèle avait rendu le dernier soupir et le moment
où il était enterré, il y eût une prière dite; et bien
naturel aussi que cette prière fut une psalmodie.
Ce sentiment attendit longtemps avant de trouver
son expression liturgique canonique. Le pénitentiel
de Théodore de Cantorbery if 690) et celui d'Egbert
d'York (f 766) témoignent ensemble qu'à cette
époque il n'y avait point à Rome de vigile des morts.
« Selon l'Eglise romaine , y lisons-nous , la coutume
est de porter le mort à l'église, de lui oindre de
chrême la poitrine, et de célébrer la messe pour
lui, puis de le porter en terre avec des chants, et,
quand il est descendu dans sa tombe, de prononcer
une oraison. Le jour même, puis le troisième, le neu-
vième, le trentième après, on dit une messe, et
au bout de l'an, si l'on veut ^ ». C'est tout, et il n'est
pas question de quelque vigile que ce soit. Ceci au
vu'' siècle.
Pour trouver l'oliîce des morts constitué, il faut des-
1. Theodor. Paenitential. 5. Egbert. PaeniteiitiaL i, 3(i.
Voici le texte de Théodore (il est remployé par Egbert) : « Sc-
'cimdiim romanam Ecclesiam mos est monachos vel religiosds
defunctos in ecclesiam porlare, et cum chrismale migeic
pectora, ibique pro eis missas celebrare, deinde cum cantatioiu'
porlare ad sepulluras; et cum positi fuerint in sepulcris, fun-
ditur pro eis oratio ; denique humo vel petra operiuntur. Prima
et tertia et nona nec non trigesima die pro eis missa agatur.
Exinde post annuni, si voluerint, servelur... » [P. L. XCIX..
i)29j.
l'office moderne. 227
cendre jusqu'au viii° siècle^ et au temps d'Amalaire.
Alors seulement, à côté de Vordo sepulturae, nous
trouvons un véritable office canonique des morts, offi-
ciumpro mortuîs'^. L'antiphonaire de Saint-Pierre et
les Ordines romanP en donnent les rubriques et le
texte.
Le corps du défunt est porté, le soir, à la basilique
de Saint-Pierre. On traverse, au son des cloches, l'a-
trium de la basilique, et l'on s'arrête au seuil de celle
des cinq portes qui s'appelle la porte du Jugement
1. M. BisHOP, p. XVII, signale un office des morts au viir siè-
cle dans les usages du Mont-Gassin. Il s'agit de la Disciplina
casinensis de Pierre Diacre publiée par Hergott, Velus dis-
ciplina monastica (Paris 1726), p. 3 : « Gum frater ad exiluni
propinquaverit, omnis congregatio ante eum psalmos decan-
tet; illoque sejiulto, post vesperum septem psalmos cum lita-
niis, omni corpore in tcrram prostrati, décantent. »
2. Amalaire, se référant à un texte semblable à celui (pii
vient d'être elle du pénitent iel de Théodore, écrit : « Habe-
mus scriptum in quodam sacramentario quod officia morluo-
rum agenda sunt circa tertiam diem et septimam et tricesi-
mam. » Et il ajoute : « Quod non ita intelligo, quasi ille qui
tertia die agere vult officia mortuorum, debeat prae termitière
priores duos dies sine supplicationibus », etc. Ainsi au temps
d'Amalaire l'usage prescrit par Théodore s'était transformé,
et l'office était prescrit comme jadis la simple messe. De eccl.
off. IV, 42. Il écrit ailleurs : « Post officia sanclorum inserui
ofTicium pro mortuis. » De ord. antiph. 65, Et plus loin :
« Invcni in romano et in metensi antiphonariis ordinem scrip-
tum, quomodo fungi officio conveniat circa fines hominum et
circa sepulturam eorum. Ex utrisque collcgi ea quae recta mihi
vidcbantur et rationabili cursui congruere, atque ea redactain
unum corpus posui sub uno textu in fine antiphonarli nostri. »
[d. 79. Rapprochez {M. G.) Epistolae karolini aevi, t. III,
p. 307, Tart. XI de la lettre de Grimaltus et Tatto, moines de
Reichonau {a. 817).
3. Mabillon, Mus. ituL t. II, p. 115 et suiv. (Ordo X).
228 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
(porta iudicii}^^ parce que c'est celle des morts. Là
on chante le psaume Miserere avec les deux an-
tiennes :
Qui cognoscis omnium occulta, a deliclo meo munda
me. Tempus mihi concède ut repaenitens clamem : Pec-
cavi tibi.
Indue eum, Domine, in montem haereditatis tuae,
et in sanctuarium quod praeparaverunt manus tuae,
Domine i.
La porte s'ouvre, le corps entre dans le « sanc-
tuaire », et l'office commence. — C'est une vigile,
qui comporte, comme toute vigile, des vêpres, trois
nocturnes et les laudes. Les vêpres ont leurs cinq
psaumes antiphonés, un verset, le Magnificat anti-
phoné, suivi du Kyrie eleison et de l'oraison domi-
nicale. Point d'hymne, point de leçon brève : nous
avons là l'office romain dans son état le plus pur.
Les trois nocturnes commencent sans invitatoire : il
n'y a pas de place pour le Venite exultemus dans
une vigile funèbre^. Chaque nocturne compte trois
psaumes antiphonés, trois leçons tirées du livre de
Job (neuf leçons en tout), chacune suivie d'un ré-
pons tiré aussi du livre de Job^. Le neuvième répons
est le répons Ne recorderis peccata mea : notre ré-
pons Libéra n'appartient pas à l'office du temps de
1. TOMASI, t. IV, p. 163.
2. N'oublions pas que les vigiles sancloralcs qui se superpo-
saient à l'office quotidien n'avaient pas non plus d'invilaloiie.
3. De ord. antiph. 73 : « In septembri mense, iuxta doctri-
nam romanae Ecclesiae, canimus... responsorios... de lob... in
quibus dolor et planctus continelur. »
l'office moderne. 229
Charlemagne^ Après les nocturnes, laudes : cinq
psaumes antiphonés, un verset, le Benedictus anti-
phoné, le Kyrie eleison et l'oraison dominicale. — ■
La vigile du mort est terminée. Au matin, la messe
sera dite devant le corps, et la messe suivie de la
diaconia ou absoute, et de l'enterrement.
Ce pathétique office de la vigile des morts, créé à
Rome au viii^ siècle, a été reçu en même temps que
l'ensemble de l'office romain par les Eglises franques
avant la fin de ce même siècle. Amalaire l'a trouvé
tel dans les antiphonaires de Metz, tel dans celui de
Corbie. Aucune modification essentielle n'y fut intro-
duite : il resta au delà des monts ce que la liturgie
romaine l'avait fait, et notamment sans hymnes.
Mais au lieu d'être, comme à Rome, un complément
des obsèques, le prélude de la messe d'enterrement,
il fut considéré comme le complément nécessaire de
toute messe soit de déposition, soit d'anniversaire.
La vigile des morts en vint même à être célébrée quo-
tidiennement, tant dans les monastères que dans les
chapitres et églises paroissiales^. A Cluny, les vêpres
1. L'antiphonaire de saint Pierre ne le connaît pas encore.
Voyez TOMASi, 1. IV, p. 164.
2. M. Lejay, p. 119, croit que l'attestation la plus ancienne
de l'office quotidien des défunts est fournie par le rituel d'An-
gilbert, pour Saint-Riquier, aux alentours de l'an 800. Ce
rituel, publié pour la première fois par M. Bishop {Downside
Review, 1895), d'après un rns. du xi' siècle, parle de célébrer
(( ob memoriam cunctorum fidelium, per singulos dies ac
noctes, vespertinos, nocturnos atque matutinos ». Rapprochez
Amalar. De eccl. off. iv, 42 : « Sunt etiam loca in quibus ge-
neraliter pro omnibus defunctis omni tempore, excepto Pen-
tecostes et festis diebus, in officio vespertinali et matutinali
230 HISTOIRE DU BREVIAIRE ROMAIN.
des morts suivent les vêpres du jour et les laudes les
laudes. Quant aux nocturnes, on les récite chaque
soir après le repas, au chœur : « Post caenam cum
psalmo nO in ecclesiam reditur...; agitur officium {>el
quod a nostratibus ngilia çulgo appellatuj\ . . ; ipsuiir
quoque officUim nunquam agitur modo nisi cum
no^ein lectionibus et responsoriis et collectis quae
ipsum officium sequuntur^ ». C'est, on le voit, rofFice
nocturne intégral avec ses neuf psaumes, ses neuf
leçons et ses neuf répons. — Saint Pierre Damien
fournit la preuve que cet office quotidien des morts
était, au xi*" siècle, pratiqué en Italie comme en France ^,
et que même certains clercs , trouvant lourd le devoir
de réciter et l'office canonique du jour et l'office des
morts, s'en tenaient à ce seul dernier plus court et
plus facile^. Il rapporte ce fait d'un « certain frère »
qui avait accoutumé de n'user ni de l'office du temps,
ni de l'office des saints, mais seulement de l'office des
défunts : ce frère mourut, et, aussitôt qu'il parut devant
le tribunal de Dieu, les démons lui reprochèrent avec
force que « négligeant la règle de l'institution ecclé-
oralur. Sunt et alia in qiiibiis missa pro iisdem cottidie ceh -
bratur. Sunt etiam et alia in quibus in initio mensis noveiu
psalmi, novem lecliones totidemqiie responsorii pro eis can-
tantur. »
1. Udalrig. Consuetud. cluniacen. i, 3.
2. Pour la France, voyez le De off. ceci. p. 31 de Jean d'A-
vranches (P. L. CXLVII, 39) : « Aj^enda mortuorum sic per
totum annum celebratur, excepto a Pascha usque ad Pente-
costen, et a Nativitate usque ad octavam Epiphaniae, et om-
nibus festis... »
3. L'office des défunts, chez Jean d'Avranches, n'a que trois
leçons au nocturne.
l'office moderne. 231
siastique, il avait refusé de rendre à Dieu les devoirs
de la liturgie ordinaire ». Mais la vierge Marie, et,
avec la « bienheureuse reine du monde, tous les chœurs
des saints » intervinrent pour sauver l'âme de cet ami
des morts ^ C'est du moins ce que racontait à saint
Pierre Damien un doux voyant, son ami l'évêque de
Cumes, sans que ni l'un ni l'autre entendissent par là
encourager la pratique de l'office quotidien des moris
au détriment de l'office canonique, « ecclesiasticae
institutionis regulam ».
Autre légende du même temps. On racontait qu'un
pèlerin de Rodez, en revenant de Jérusalem, s'était
trouvé aborder à une île désolée où un solitaire ha-
bitait. Le saint homme avait donné l'hospitalité au
pèlerin égaré, et lui avait demandé, puisqu'il était
d'Aquitaine, s'il connaissait un monastère qui s'ap-
pelait Cluny, et Odilon qui en était l'abbé. — Oui,
avait répondu le pèlerin. — Écoute donc, avait repris
l'autre : nous sommes ici tout proche des lieux où les
âmes des pécheurs expient la peine temporaire de
leurs fautes; et Ton peut, d'où nous sommes, les
entendre gémir de ce que les fidèles et en particulier
les moines de Cluny sont si avares de prières à les
soulager et à les délivrer. Va trouver l'abbé de Cluny.
et enjoins-lui de ma part de redoubler, lui et sa con-
grégation, d'oraisons, de vigiles, d'aumônes, pour
racheter les âmes en peine... Au récit de ce pèlerin.
1. Petm. Damian. Opusciil. xxxiv, p. 2" (Disputatio), n. 5 :
« Frater quidam, non cotlidiano, non cerle solemni sanctorum,
sed solo ntebatur et delectabatur officio^defunctorum. »
232 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
saint Odilon (f 1049) établit que, dans tous les mo-
nastères de sa congrégation, le lendemain de la fête
de tous les saints serait consacré à la commémo-
raison des fidèles défunts * .
La dévotion à la Sainte Vierge, la dévotion aux
âmes du Purgatoire, n'épuisaient pas la piété des
moines et des clercs. On surajoutait à l'office quo-
tidien, maintenant, la récitation des quinze psaumes
graduels, avant matines, des psaumes pénitentiels,
à l'issue de prime; de psaumes en nombre indéter-
miné à l'intention des bienfaiteurs, « psalmi fami-
liares^ »... Ces surérogations du x^, du xi^ siècles,
1. lOTSALD. Vita Odilonis, ii, 13 : « Hac igitur occasionc |
sanctiis Paler générale propositum per omnia monasteria sua ■
conslituit, ut sicut in capite kalendarum novembrium festivi-
tas agitur omnium sanctorum, itaetiam insequenti die memoria
generaliter ageretur pro requie omnium fidelium animarum,
privatim et publiée missae cum psalmis et eleemosynis celc-
brarenlur. » — Cf. Udalhig. Consiietud. cluniacen. i, 42,
2. La récitalion des quinze psaumes graduels chaque jour
avant l'ofïîce de matines est un usage que M. Bishop, p. xv, ;:
fait remonter à saint Benoît d'Aniane, sur la foi d'un texte
de Ardo, Vita S. Bcnedicti Anianen. 52 (P. L. GUI, 378).
A Benoît d'Aniane encore, M. Bishop, p. xix, fait remonter la
récitation des psaumes pénitenticls {psalmi spéciales) à l'issue
de prime, sur la foi de la 15* résolution du concile d'Aix-la-
Chapelle de 817 (Heurgott, p. 29). — Quoi qu'il en soit de ce
second point, il est sûr que la récitation des psaumes graduels
et pénitent iels chaque jour était un usage établi au x" siècl(!
(témoin la Concordia regularum bénédictine, citée par Bishop.
p. XXII, et DuNSTAN. De regimin'e monach. 1 {[P. L. GXXXVIII,
480 et 481]), et qu'au siècle suivant, il est dans la vie monasti-
que répandu partout (Lejay, p. 126-127). On y surajoutait après
chaque heure de l'office deux ou trois psaumes, psalmi f'ami-
liares, à l'intention des bienfaiteurs du monastère (Dunstan.
ibid. Bishop, p. xxi). Il y eut aussi, en concurrence ave(
l'office des défunts et de l'office de la Vierge, un office de
I
l'office moderne. 233
compriment l'office traditiomiel, le déséquilibrent.
Les monastères les plus réguliers aspirent à une ré-
forme ^ Mais ces surérogations sont, la plupart du
temps, le prix des fondations dont vit le monastère :
ces prières sont comme des hypothèques. Il fau-
dra attendre les ordres mendiants pour avoir une
réforme de la prière.
III
Nous touchons à l'évolution liturgique qui se pro-
duit à Rome au xiii^ siècle et qui va donner naissance
au « Bréviaire » de la cour romaine. En d'autres
termes, nous avons à raconter comment s'est formé
le « Bréviaire » de cet office moderne que nous venons
tous les saillis, un office de la Croix, un office de la Trinité
un office du Saint-Esprit [Id. p. xxv).
1. Vita S. Bcrnardi ahh. Tironensis, 61-62 {Acta SS. apri-
Us, t. II, p. 237) : « Non habenlibus illis iindo viverent nisi la-
borc maimum acquirerent, ipsa nécessitas insistere laboribus
imperabat, ac multiplex prolixitas familiarium psalmorum,
quos tune temporis dicebant, eos magna parte diei ab operis
studio detinebat. » Les moines se plaignant, Bernard leur ré-
pond : « Psalmos quidera, qui per omnia fere monasteria ex
more decantantur, nisi Dominus aliquid revelet, vereor omil-
tere. » Or, dans la huitaine, il arriva que personne ne se ré-
veilla dans le monastère, sinon après le lever du jour, si
bien que ce jour-là, les moines se trouvèrent avoir à chanter
jusqu'à plus de midi. « Quae soporis oppressio rêvera fuit
relinquendi siipradictos psalmos divinitus missa revelatio ..
Domnus autem Bernardus ab illo tempore hos psalmos dicere
praetermisit, et discipulis suis ut ab illis deinceps quiescerent
imperavit, dixitque se pro certo scire quod Deus malebat illos
laborando sibi victura acquirere, quam tam multiplicibus psal-
modiis insistere. » — Saint Bernard, abbé de Tiron, est mort
en 1117.
234 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de décrire, et comment ce « Bréviaire » a été adopté
par la curie.
La récitation quotidienne de l'office divin exigeait
que les clercs, qui maintenant y étaient individuelle-
ment astreints , en possédassent le texte ; et ce texte
constituait une immense écriture. La psalmodie pro-
prement dite requérait un psautier; les antiennes, un
antiphonaire ; les répons, un responsoral: les leçons,
une bible, un homiliaire, un passionnaire; ajoutons-y
un collectaire ou recueil d'oraisons, un hymnaire, un
martyrologe. Tel de ces livres pouvait être en plusieurs
tomes ' . Je veux que des monastères, que des chapitres
n'aient point de peine à acquérir et à entretenir un
si volumineux et si coûteux ensemble. Mais les hum-
bles prieurés, mais les paroisses rurales, mais les
clercs pauvres? Il y a surtout nécessité, du moment
où l'oflice divin devient un devoir commun à tous, d'en
rendre la récitation plus aisée à chacun. De là une
série d'essais de codification, d'oii sortira un jour le
« Bréviaire ».
1. Ahyto. Capitulare, 6 {P. L. CV, 703) : « ... Quae ipsis
sacerdotibiis necessaria sunt ad discendum, id est sacramon-
tariiim, lectionarium, antiphonarium, baptisteriiim, compiitus,
canon paenitentialis, psalterium, homiliae per circulum anni
dominicis dicbus et singnlis festivitatibus aptae. » Cf. Beleth.
Ratlonalc, 60. — Voyez dans Ehrensberger, p. 92, la descrip-
tion d'un passionnaire, Vatican, lat. 5696 (xr-xii" siècle) qui
appartenait à la basilique romaine de Sainte-Marie ad Martyre >^
(le Panthéon). Ibid. p. 143, d'un lectionnaire, copié par « Adi-
nolfus presbyter et monachus », pour le monastère de Saint-
Grégoire au Gaelius, Vatican, lat. 1274 (x" siècle). Ibid.
p. 144, d'un lectionnaire qui a appartenu à ce même monas-
tère de Saint-Grégoire, Vatican, lat. 1189 (x*-xr siècle).
l'office moderne. 235
Quand on parcourt les catalogues anciens de biblio-
thèques, on constate l'apparition, au xi^ siècle, d'une
catégorie nouvelle dans la bibliographie liturgique.
Les antiphonarii, tels qu'on les rencontrait à Rome
au VIII*' siècle, ont disparu : mais il est question fré-
quemment de libri nocturnales ou libin matutinales .
Ces recueils sont généralement en trois volumes,
et la plupart sans note {ahsqae cantu). Ils renferment
les leçons, tant du temporal que du sanctoral, pour
toute l'année. Chaque leçon est accompagnée de son
répons. Aux leçons et répons s'ajoutent quelquefois
les antiennes et les psaumes. Et enfin à cet ensemble
on trouve joint, non seulement le collectaire, mais
tout ce qui concerne, non plus seulement l'office noc-
turne (matines et laudes), mais encore les petites heures
et les vêpres. On a alors des recueils liturgiques ré-
pondant à la description suivante : Libri nocturnales
absqiie cantu, primus ab ad{>entu Domini usque ad
pascJuij secundus a pascha usque ad adventum Do-
mini, tertius de sanctis per anni circulum, cum psal-
terio et ymnario officiali^ .
Ces sortes de recueils liturgiques sont nombreux
encore dans nos collections de manuscrits : ils sont
généralement du xi% du xii^ siècle, même du xiii^^.
1. G. Becker, Calalo^i bibliothecanim antiqui {Bonw 1885),
|»|). 172, 234, 252, 270.
2. A la mémo époque, ime évolution pareille se produit pour
l(^s livres de la messe, et on voit apparaître le « missale plé-
num ». A. Ebner, Quellen und Forschiingen zur Geschichte
und Kiinstgeschichte des Missale Romanum im Miltelalter
(Freiburg 1896), p. 359-363 : « Die Entwicklung des Sacramen-
tars zum Vollmissale. »
236 HISTOIRE BU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Mais ils ne laissent pas d'être fort volumineux encore,
puisqu'ils donnent le texte intégral de l'office canoni-
que ^ Ce sont éminemment des livres de chœur. Il
fallait autre chose pour l'office récité privément, il
fallait en arriver à un petit livre capable d'être porté
à la ceinture par un anneau. Du « liber' nocturnalis
pleniter scriptiis » ^ on éliminera d'abord tout ce qui
est notation de chant. Il suffira même de transcrire
les premiers mots de chaque antienne, de chaque ver-
set, de chaque répons, l'usage étant censé en avoir ap-
pris au clerc le texte intégral. On aura ainsi, à côté des
gros « libri nocturnales » du chœur, de petits livres,
qui seront des abrégés, des « epitomata swe hrena-
ria », comme dit un catalogue de la fin du xi^ siècle '^
1. Voyez Biblioth. Nat. 796, un manuscrit de ce genre (il ne
renferme que le propre du temps), xir siècle, à l'usage peut-
être de Saint-Victor, à Paris.
2. Begker, p. 252.
3. Begker, p. 174. Mélanges Julien Ilavet (Paris 1895),
p. 201-209, j'ai décrit un bréviaire primitif de ce type, écrit an
Mont-Gassin vers_ 1099-1100. C'est le ms. 364 de la Biblio-
thèque Mazarinc. Le ms. Vatican, lat. 4928, qui provient du
monastère de Sainte-Sophie de Bénévent, date de 1113 envi-
ron, et est un bréviaire de ce même type primitif. En tête, uu
calendrier. A la suite : « Incipit breviarium sive ordo ofïicio-
rum per totam anni decursionem. In primis 'feabbafo ante ad-
ventum... » Puis le psautier, puis l'hymnaire, puis le colloc-
taire, enfin les leçons suivies de leurs répons. Baeumer, t. II.
p. 64, cite quelques mss. analogues : Trêves, 428 (fin du xir ) ;
Sainl-Gall, 413 et 416 (fin du xi% commenc. du xir); Gasanalc
B, IV, 21 et B, II, 1 (xi* siècle). Je signalerai encore : Paris.
Biblioth. Nat. 10477 (écrit en 1182, pour des Ghartreux ;
13223 (xir, Poitou); 743 (xii% Saint-Martial de Limoges)
1253 (xr, même provenance); 1256 et 1257 (xii% Tulle); 17991
(xir, peut-être Hautvilliers) ; 13221 (xii% Gorbie); 12035 (xiiS
l'office moderne. 237
Ce mot liturgique nouveau de hreviariam, au mo-
ment où il se répand, aux xi^-xii'' siècles, achemine à
une chose plus nouvelle encore. Ces livres d'office
portatifs, ces hreviaria ne servent pas aux clercs à
prendre part à l'office du chœur, mais bien à réciter
l'office divin hors du chœur, dans leur particulier ou
en voyage. Parmi les livres que possédait, au xii*' siècle,
la cathédrale de Durham, il en est un, qui est un bré-
viaire, et qui justifie pleinement cette interprétation,
puisqu'il est qualifié de petit bréviaire de voyage
(breçiarium par^mm itinerarium)\' kw. xiii® siècle,
en 1227, un concile de Trêves veut que les clercs aient
des bréviaires de l'office « quand ils sont en voyage » ^.
Ainsi s'introduit un office autre que l'office du chœur,
et dont ces hreviaida itineraria^ ou encore hreviaria
portatilia ^, seront le livre. 11 devait arriver que l'u-
sage de ce livre s'étendrait rapidement, et que cet
office diminué évincerait du chœur même l'offiice tra-
ditionnel.
L'influence de la curie fut grande, fut décisive sur
Picardie); 12601 (xii*, Picardie). A signaler encore : Troycs,
1159, 1467, 1608, 2044, 2061, 1836 (tous xir, provenant de Clair-
vaux), 571 (xr-xir, Troyes); Orléans, 123 (xir, Fleury); Saint-
Omer, 354 (xir, Saint-Bertin).
l.BEGKER,p.244. Cf. Ususordiniscistercien.%%{P.L.GhXNl,
1464) : « [Monachus egrediens de monasierio] Tam die quam
nocte dura non equitaverit, stans horas si non multum giava-
tur dicat. » Cette règle cistercienne est celle de saint Etienne
Harding, abbé de Cîteaux (f 1134).
2. Canon 9 (Mansi, t. XXIII, p. 33) : « Item praecipimus etiam
districte, ut omnes sacerdotes habeantbreviaria sua, in quibus
possint horas suas légère quando sunt in itinere. »
3. Martene, Thésaurus novus anecdotorum, t. IV, p. 1757,
238 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
ce mouvement de transformation. Le pape et les
clercs de la curie récitaient l'office quotidien privé-
ment. En outre, les déplacements et voyages du pape
et de sa cour étaient perpétuels. La chapelle du pape
ne pouvait donc s'astreindre à l'office canonique du
chœur. Un liturgiste de la seconde moitié du xiv*" siècle,
très instruit et très épris des choses romaines, Raoul
de Rivo, prévôt de Tongres au diocèse de Liège
(♦j- 1403), nous édifie sur l'usage propre de la chapelle
pontificale. Autrefois, écrit-il, quand les pontifes ro-
mains résidaient au Latran, on observait dans leur
chapelle l'office romain; mais on l'observait moins
complètement que dans les églises collégiales de la
ville de Rome. Les clercs de la chapelle du pape, soit
d'eux-mêmes, soit sur l'ordre du pontife, abrégeaient
toujours l'office romain, et souvent le modifiaient sui-
vant les convenances du seigneur pape et des cardi-
naux^. Ce témoignage est très instructif, mais j'ai
peur que Raoul de Tongres n'ait joué sur les mots
hreviarium et hreviare. On fera prudemment de
retenir de son témoignage seulement ceci : dès avant
que les papes eussent quitté Rome pour Avignon, la
1. Radulph. De canonum observanUa, 22 : « Naiii uliin.
quando Romani Ponlifices apud Lateranum residebant, in oo-
rum capella servabatur romannm offîcium non lia comi)l(lc
sicut in aliis Urbis ecclcsiis collegiatis. Immo clerici capol la-
res, sive de mandate Papae, sive ex se, officimn romannm
semper breviabant et saepe alterabant, prout Domino Papjuî
et Gardinalibus congruebat observandum. Et huius offîcii oi -
dinarium vidi Romae a tempore Innocenli III recollectum. »
Nous citons Raoul de T. d'après Hittorp, De cath. Eccl. div.
officiis (Cologne 1568) et la Max. hibl. vet. Patriim, t. XXVI
(Lyon 1677).
l'office moderne. 239
curie avait un office différent de celui des églises de
la ville de Rome, différent quant à l'étendue et quant
aux rubriques \
Raoul de Tongres va préciser l'origine de cet usage
de la curie et son témoignage ici n'est plus une induc-
tion reposant sur un jeu de mots, mais un fait : car,
écrit Raoul de Tongres, « j'ai vu à Rome un ordinaire
de cet office [palatin] compilé du temps d'Inno-
cent III » (1198-1216). Raoul a beaucoup consulté à
Rome même et compulsé les livres d'office des églises
(Romae plura ex diversis ecclesiis et libris scriptitaçi),
et son témoignage est formel : « Huius ofpcii ordina-
rium vidi Romae a tempore Innocenta III j^ecol-
lectum ». De plus, ce témoignage est confirmé par
plusieurs indices : on trouve, en effet, la trace de
rubriques, et non des moindres, qui portent le nom
d'Innocent III, et qui paraissent se rattacher à une
organisation générale de l'office. Ainsi l''introduction
de l'ollice quotidien de la Vierge et des défunts dans
l'office canonique est rapporté à Innocent III ; de même
les rubriques concernant la récitation des psaumes
pénitentiels et des psaumes graduels en carême^.
^^^Bl. Hauuli'H. 22 : « Aliae nationes orbis romani libros et
^^^Kîcia sua habent e directe ab ipsis ecclesiis romanis, et non
l^^fcapella papae, sicut ex libris et tractatibus Amalarii, Wala-
fridi, Micrologi, Gemmaeetceterorumde offîcio divino scriben-
tium colligitur evidenter, His praemissis vidcamus an dicti Fra-
tres qui singularem usum cum régula servant singulari, an
ceterae nationes et religiosi magis appropinqucnt in divino
olïîcio ad ordinem sanctae romanae Ecclesiae. »
2. Radulph. 15, 21, 22. -*» Le couvent de Saint-Damien,
près d'Assise, possède un ms. du Bréviaire, qu'on dit avoir
olé celui de sainte Claire. Il a été écrit en 1227. Ce n'est pas
240 HISTOIUE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
On est en droit d'affirmer qu'Innocent III régla la
récitation de l'office pour la curie, et d'espérer que
l'on retrouvera peut-être un jour quelque manuscrit
de cette première édition du Bréviaire pontifical.
On peut même circonscrire le temps où s'est fixé
cet ordinaire nouveau de l'office. Nous avons une bulle
dlnnocent III datée du 25 mai 1205 : Baudoin, fait
empereur de Constantinople le 9 mai 1204, a écrit au
pape pour lui demander « des missels, des bréviaires
et les autres livres qui renferment l'office ecclésias-
tique selon l'institution de la sainte Église romaine :
postulavit missalla, hreviaria caeterosque libros, in
quibus officium ecclesiasticuin secundum instituta
sanctae romanae Ecclesiae continetur, saltem pro
exemplaribus, ad partes illas faceremus transmitti ».
Et le pape se met en quête auprès des évêques de
France, pour que l'on veuille bien procurer à l'empe-
reur les livres qu'il demande, « et orientalis Ecclesia
in dinnis laudibiis ab occidentali non dissonet ^ ».
proprement un Bréviaire, car il renferme aussi des messes.
Mais on y trouve en maint endroit la trace de l'activité li-
turgique d'Innocent III. On lit en tête : « Incipit ordo et offi-
tium breviarii romane ecclesia curie quem consuevimus
observare tempore Innoccntii tercii pape et aliorum pontifi-
cum. » Voyez A. Gholat, Le Bréviaire de sainte Claire (Paris
1904), p. 44. Plusieurs rubriques sont présentées comme de>
règles édictées par Innocent III, « et hoc secundum precop-
tum Innocentii pape ». Op. cit. p. 57-59. Toutefois ce ms. in-
téressant à bien des titres ne nous donne pas un véritable
exemplaire du Bréviaire d'Innocent III.
1. POTTHAST, n° 2512 (P. L. GCXV, 637) : « ... Memoralos
quoque libros, quibus non solum abundare sed superabun-
dare vos novimus, ad partes illas, saltem pro exemplaribus.
l'office moderne. 241
S'il y avait eu à Rome, en 1205, un ordinaire romain
de récente promulgation, Innocent III aurait-il re-
couru aux évoques de France pour fournir à Baudoin
des livres d'office « secuiidum instituta sanctae ro-
manae Ecclesiae » ?
On peut de là conjecturer que l'ordinaire d'Inno-
cent III est postérieur à 1205. Ne serait-il même point
postérieur à 1210? Nous allons voir que cette conjec-
ture n'est pas sans fondement ^ .
iiiitterc procurelis. » — La Bibliothèque Nationale possède
quatre bréviaires (ce ne sont pas des bréviaires romains, mais
ù l'usage de Paris), qui ont appartenu tous quatre aux « maî-
tres pauvres de Sorbonne étudiant dans la faculté de théolo-
gie » : le 15613 (xiir); le 16304 (xiir); le 16307 (xiir); le 16308
(xiir). Le premier est estimé « precium X libre » (xiv) ; le
second, « pretii XXX solidorum » (xiii*) ; le troisième, « precii
XL solidorum » (xiv*) ; le quatrième, « pretii XXX solidorum »
(xiv«).^
1. Par induction j'étais arrivé à placer entre 1210 et 1216
l'ordinaire d'Innocent III. Salimbene paraît le placer en 1215.
Voici le curieux texte de SaUmbene : « Anno Domini mgcxv.
Iiinocentius papa tertius apud Lateranum sollemne concilium
fclebravit. Hic etiam ofïîcium ecclesiasticum in melius correxit
fl ordinavit et de suo addidit et de alieno dempsit; nec
adhuc est bcno ordinatum secundum appetitum multorum el
etiam secundum rei veritatem, quia multa sunt superflua, que
magis tedium quam devolionem faciunt tum audientibus quam
dicentibus illud, ut prima dominicalis, quando sacerdotes de-
bent dicere missas suas et populus eas expectat nec, est qui
celebret, occupatus in prima. Item dicere xviii psalmos in
dominicali et nocturnali officio ante Te Deum laiidamiis; et
ita aestivo tempore, quando pulices molestant, et noctes sunt
brèves et calor intensus, ut yemali, nonnisi tedium provocat.
Sunt adhuc multa in ecclesiastico otfitio que possent mutari
in melius. Et dignum esset, quia plena sunt ruditatibus, quam
vis non cognoscantur ab omnibus. « Fr. Salimb. Chronica
(éd. des M. G. 1905), p. 31.
HISTOrUE DU BUÉVIAinE ROMAIN. 16
242 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
L'ordinaire d'Innocent III aurait pu rester propre à
la chapelle papale et ne pas sortir du palais de La-
tran : il allait au contraire être propagé avec une
étonnante rapidité dans la chrétienté latine. Cette
propagation fut l'œuvre, non point des papes (au dé-
but du moins), mais des enfants de saint François.
Raoul de Tongres nous apprend, en effet, que l'office
abrégé des clercs palatins fut adopté par les Frères
Mineurs : « Huius officii ordinariam vidi Romae a
tempore Innocenta III recollectuiHy.. et illud offi-
cium brenatum secuti sunt Fratres Minores ». Mais
nous le savons mieux encore par la règle francis-
caine ^ La seconde règle (1210-1221) prescrit aux
clercs de l'ordre de faire l'office selon la coutume des
clercs, et d'avoir à cet effet les livres nécessaires^.
Il n'est parlé là ni de l'ordinaire de Rome, ni de bré-
viaires. Dans la troisième règle (1223), au contraire,
il est prescrit aux clercs de l'ordre de faire l'office
1. P. UnALD, Les opuscules de S. François d'Assise (Paris ':
1905), p. 14-16. Le texte de la première (1209) des trois règles ,
est perdu. Cf. Bonavent. Vita S. Francisci, 41 (Ac/a sanct. |
octobr. l. II, p. 751) : « Vacabanl ibidem divinis precibns
incessanter, mentaliter potins quem vocaliter, studio inten-
dentes oralionis devotae, pro eo quod nondum ecclesiasticos
libros habebant in quibus possont horas canonicas decantare. »
2. Wadding. Annales Minorum (édit. de Rome 1731), t. I,
p. 68: « Glerici faciant ofïicium et dicant pro vivis et pro mor-
tuis secundum consuetudinem clericorum... Et libros necessa-
rios ad implendum eorum ofTicium possint habere. » La rèirb'
ajoute que pour les manquements et les négligences, lo
Mineurs doivent dire chaque jour le Miserere et le Pater;
pour les défunts, le De profundis et le Pater. On, conclura
de là que la règle supprime la récitation quotidienne des
psaumes pénitentiels et de Foffice des morts.
l'office moderne. 243
selon l'ordinaire de la sainte Eglise romaine, à con-
dition de rester fidèle au texte du psautier « gal-
lican » en usage partout, sauf à Rome; les Mineurs
pourront posséder à cet effet des bréviaires dudit
office ^ En d'autres termes, il existe en 1223 des bré-
viaires de l'office divin selon l'ordre de la sainte
Eglise romaine, et ces livres nouveaux sont adoptés
par la famille franciscaine. Raoul de Tongres écrira :
« Et illud officium brenatum secuti sunt Fratres
Minores, inde est quod hreviaria eormn et lihros
officii intitulant secundum consuetudineni romanae
Curiae » -.
Mais ce Bréviaire de la cour romaine ne fut pas
adopté tel qu'il était du temps d'Innocent III : les Mi-
neurs le corrigèrent à leur usage, et les modifications
introduites par eux constituèrent une véritable se-
conde édition du Bréviaire de la curie, édition ap-
prouvée parle pape Grégoire IX, en 1241, et qui était
l'œuvre du général des Mineurs, Aimon : « Brena^
rium a fratre Aymone sanctae recordationis^ prae-
decessore meo, pio correctum studio, et per sedem
apostolicam confirmatum, et approhatam postea per
1. Wadding. t. II, p, 65 : « Glerici facianl divinnni ofriciuiii
sGciiiidiim orclinom sanctae romanae Ecclesiae, exceplo psal-
terio, ex quo habcre poternnt breviaria. « Gf la bulle d'Inno-
cent IV, du 14 novembre 1245 (Potthast, 11962; Waddinct,
t. III, p. 129). Ubald, p. 84 et 250, traduit ex quo par « dès
que », entendant par là que les Bréviaires coûtent cher et
ne s'acquièrent pas facilement.
2. Radulph. 22. Il faut noter que les Mineurs ne chan-
tent pas l'office, mais le récitent. Gela est expressément
marqué pour les Clarisses. Ubald, p. 250.
244 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
capitulum générale » ^ Ainsi s'exprime Jean de
Parme, en 1249, dans une lettre circulaire où il en-
joint aux Mineurs de se servir du bréviaire d'Aimon
et de Grégoire IX, et de n'y rien changer, soit dans
la note, soit dans la lettre, soit dans les hymnes,
soit dans les antiennes, soit dans les leçons. Pour
ce qui est des fêtes locales de saints, les Mineurs,
par déférence pour l'usage du lieu où ils résident,
devront les célébrer; mais ces fêtes locales, si solen-
nelles soient-elles dans le pays, ne dépasseront jamais
pour les Mineurs le rite semi-double ; elles n'auront
pas d'office propre, mais n'auront droit qu'à l'office
du commun des saints, et rien n'en devra figurer
dans les livres des Mineurs, exception faite pour l'of-
fice nouveau de saint Antoine de Padoue, « quousque
de ipso melius ordinetur » ^.
1. Wadding. t. III, p. 299. Nous avons cité plus haut la
bulle de Grégoire IX (Potthast, n° 11028).
2. Wadding. Annales Minonim, t. III, p. 208-209, donne le
texte de la lettre de Jean de Parme, a. 1249, aux Mineurs de
Toscane : « Quia, sicut indubitanter cognovi, nonnulli Fra-
trum offîcium divinum, quod de régula nostra secundum ordi-
nom sanctae romanae Ecclesiae celobrare debemiis, in littera
mutare interdum, sed et in cantu maxime variare praesu-
munt..., districte duxi praesentibus iniungendum quod, prae-
ter id solum quod ordinarium missalis et brcviarium a fratre
Aymone sanctae recordationis praedecessore meo pio correctum
studio, et per Sedem Apostolicam confirmatum et approba-
tum postea nihilominus per générale Capitulum, noscitur con-
tinere, ut nihil omnino in cantu vel littera sub alicuius festi
sèu devotionis oblentu, in hymnis, scu responsoriis, vel anti-
phonis, seu prosis, aut lectionibus, vel aliis quibuslibet, —
beatae virginis antiphonis, videlicet Reglna coeli. Aima re-
demptoris, Ave regina coelorum et Salve regina, quae post
completorium diversis cantantur teraporibus, et ofTicio beati
l'offtce moderne. 245
Voilà donc une sorte de seconde édition du Bréviaire
de la cour romaine, une édition à l'usage des Mineurs,
une édition dont les Mineurs vont faire en quelques
années l'universelle popularité et que bientôt la cour
elle-même adoptera pour son usage ^ .
L'adoption par la curie du Bréviaire des Mineurs
prit place entre le pontificat de Grégoire IX (1227-
1241) et celui de Nicolas III (1277-1280), mais on n'en
Antonii [canonisé en 1232] quousqiie de ipso melius ordine-
lur, tantum exceptis, — in choro cantari vel legi, nisi forte
aliciibi compellat libroriim nostrorum defecius, aut in libris
ordinis illa scribi, antequam per Gapitulum Générale recepta
fuerint, raodo aliqiio permittatis. »
La lettre ajoute plus loin : « ... Natalitia vero sanctorum
specialia iuxta ordinarii traditionem, secundum regiones di-
versas diversimodo celebranda, iuxta morem et breviarium ho-
strum sanctorum commune tantummodo faciatis,... ita tamen
quod solemnitatem et modum semiduplicis ofTicii nostri apud
nos festa huiusmodi non excédant, quantumcumque ab aliis
solemnia iudicentur... »
l. Il y a tFace de retouches apportées en 1260 au Bréviaire
d'Aimon. Voyez Wadding. Annales Minorum, t. IV, p. 129,
ad ann. 1260 : « Actum etiam in eodem Gapitulo [= à Nar-
bonne] de ritibus, et cultu variorum sanctorum. Ordinatum
est ut fieret ofTicium duplex deinceps de sanctissima Trini-
tate in octava Pentecostes. Secundo, quod de quatuor praeci-
puis Ecclesiae doctoribus Augustino, Hieronymo, Ambrosio,
Gregorio, fieret semiduplex. Tertio, de sancto Bernardo fieret
festum die suo, videlicet XIII kalend. seplembris. Quarto, de
sancta Glara fieret officium duplex... Quinto, quod antipho-
nae consuotae sanctae Mariae Virginis dicerentur post com-
plelorium, excepte dumtaxat triduo ante Pascha Resurrec-
tionis... » P. 128 : « Praeterea iussum est, ut libri omnes
rituales corrigerentur ad exemplaria illorum, qui correcti erant
ex Pontificis et Ordinis praescripto per Haymonem Anglicum,
olim Ministrum Generalem, quos etiam Ordinarium Romanum
admisit... »
h
246 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
a pas relevé trace jusqu'à présent dans les registres
pontificaux. Raoul de Tongres nous apprend seule-
ment que Nicolas III « fit supprimer dans les églises de
Rome tous les antiphonaires et autres livres de l'an-
cien office, et ordonna que désormais les églises de
Rome se servissent des livres et bréviaires des Mi-
neurs, dont il confirma lui aussi la règle ». Et c'est
pourquoi, ajoute Raoul, a aujourd'hui à Rome tous les
livres sont nouveaux et franciscains ^ ». Ainsi par Ni-
colas III, un franciscain, le grand office romain, ce-
lui du temps de Charlemagne et d'Hadrien, était sup-
primé dans les basiliques romaines qui lui étaient
restées fidèles jusque-là, et Nicolas III substituait à
cet ancien office le Bréviaire ou somme de l'office mo-
dernisé, tel que les Mineurs l'observaient depuis Gré- -
goire IX.
Le Bréviaire palatin d'Innocent III est devenu le '
Bréviaire des Mineurs. Avec Nicolas III le Bréviaire
1. Radulph. 22 : « Nicolaus papa III, nationo romanus
de génère Ursinorum, qui coopit anno 1277 et palatium apud
S. Petrum construxit, fecit in ecclesiis urbis amoveri... libros
officii antiques..., et mandavit ut de caeterd ecclesiae urbis
uterentur... breviariis Fratrum Minorum, quorum regulam
etiam confirmavit. Unde hodie in Roma omnes libri sunt novi
et franciscani. » — Cette afïirmation de Raoul de Tongres ne
doit pas être prise trop strictement au pied de la lettre, car,
cent ans après Nicolas III, le pape Grégoire XI (1370-1378)1
imposait l'office du Bréviaire à la basilique du Latran, qui,
jusque-là, avait résisté à l'innovation : « Ut membra capitii
se conforment, praesenti institutione decernimus, quod tamf
nocturnum quam diurnum in Lateranensi ecclesia cum nota
dicatur iuxta rubricam, ordinem, sive morem sanctae romanno
Ecclesiae, seu capellae domini nostri Papae. » Constitution es
lateranenses, 1, dans Mabillon, Mus. italicum, t. II, p. 577.
l'office moderne. 247
des Mineurs devient le Bréviaire de l'Eglise romaine,
et il n'y aura désormais plus d'autre office romain
que selon cette forme nouvelle. En 1337, le Saint-
Siège étant fixé à Avignon, Benoît Xll supprime les
vieux livres tant des clercs que des églises d'Avignon,
pour leur imposer le Bréviaire de la curie. Benoît XII
traite fort durement les vieux livres d'office, il les
qualifie de « pristinis i>eterum codicum rudimen-
tis » : il loue au contraire les nouveaux d'être « conve-
nientes et aptos » ^ .
Qui voudrait savoir quels sont ces livres conformes
à l'usage de la curie et de l'Eglise romaine n'aurait
qu'à jeter les yeux sur les anciens catalogues de la
bibliothèque des papes avignonnais : il n'y trouverait
plus les livres qui servaient jadis à l'office divin, libri
responsales, libri noctiumales, etc., mais, en foule,
des livres qui s'intitulent Breviarium ad usum roma-
nurriy Brenarium de caméra, Breviarium pro ca-
méra'^. La révolution liturgique, qui substituait le
1. Martene, Thésaurus novus anecdotorum, t. IV, p. 558 :
« Ordinamus atque constituimus quod amodo imiversi et sin-
guli clerici ac personae ecclesiasticae praedictae civitatis et
dioecesis a consuetis offîciis liberi et immunes existant, et
pristinis veterum codicum rudimentis omissis,... offîcium divi-
num diurnum pariter et nocturnum dicere valeant iuxta ordi-
nem, morem sou statutum, quo Ecclesia utitur et curia romana
supradicta... Statuimus ut in universis et singulis ecclesiis
eiusdem civitatis et dioecesis, quarum libri ex antiquitatis in-
commodo renovationis vel reparationis remedio indigent, illi
ad quos pertinet emant seu fieri faciant libros convenientes
et aptos, qui dictae Ecclesiae et curiae romanae usui con-
gruant opportuno. «
2. F. Ehrle, Historia hibliothecae romanorum pontificum
(Ronie 1890), t. I, pp. 200, 214, 404, 547, etc.
248 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Bréviaire de la cour romaine au vieil oj^do psallendi
de Saint-Pierre, était un fait accompli.
Nous avons à décrire ce Bréviaire ^
Le Bréviaire de la curie ^ se décompose en cinq
parties : le calendrier, le psautier, le temporal, le
propre des saints, le commun des saints.
Le calendrier est généralement en tête du ma-
nuscrit. Le psautier vient immédiatement après le
calendrier. Il arrive quelquefois que le psautier soit
intercalé au milieu du volume, entre le propre du
1, Pour la description du Bréviaire romain des Mineurs et de
la curie, j'ai consulté un grand nombre de Bréviaires manus-
crits. M. Léopold Delisle avait bien voulu me communiquer l'in-
ventaire descriptif par lui dressé des Bréviaires que possède
la Bibliothèque Nationale. Mes observations ont porté particu-
lièrement sur les mss. suivants : — Bibliothèque Nationale
1049 (xv% après 1458); 1314 (fin xv«); 1262 (xv% Rodez); 1289
(fin xv); 1290 (xv); 13244 (xv^; 1260 {a. 1458, Rodez); 1323G
(xv% Rodez) ; 16309 (xiv% Saintes) ; 1058 (fin xv% Sarlat) ; 1288
(fin xiv% Rouen) ; 756 {a. 1406, Florence) ; 760 (xv% Milan) ;
1045 (xiv*"); 1064 (comm. xv% espag.iol); 1282 (xiV, espagnol);
17993 (xiv% italien); 1280 (xiv''-xv% italien); 1281 (xiv*'-xv% ita-
lien); 1044 (xv% allemand); 10481 (vers 1340); 9423 (xiv^). Cf.
H. Ehrensberger, Bihliotheca liturgica manuscripta (Karls-
ruhe 1889), p. 22^30, inventaire descriptif des Bréviaires mss.
de la bibliothèque de Karlsruhe. Ehrensberger encore, Librl
liturgici, p. 190-308, inventaire descriptif des Bréviaires mss.
de la Bibliothèque Vaticane. A signaler les Vatican, lai. 601 'i
{a. 1474); 6069 (a. 1318): 7692 {a. 1462); Ottohoni. 511 [a. 1471)
et 545 (a. 1465). — On consultera l'important travail de 0.
Mercati, Appunti per la storia ciel Breviario romano net
secoli XIV-XV, tratti dalle Ruhricae Novae (Rome 1903), tirage
à part de la Rassegna gregoriana de 1903.
l'office moderne. 249
temps et le propre des saints. D'ordinaire, le psau-
tier ne porte pas de titre; quelquefois, cependant,
on lui en donne un, comme Incipit psalmista cum
iiwitatoriis et ymnis, ou Incipit psalterium ordina-
tum, ou même Incipit psalterium secundum morem
romane Curie. Voici pour la première fois les
hymnes introduits dans l'office romain ^ . Les psau-
mes et les « cantiques )) sont présentés dans l'ordre
où ils servent à l'office dominical et férial, et l'on y
intercale, à leur place respective, le Te deum, le
Quicunque^ les hymnes, invitatoires, antiennes,
versets, capitules de l'office dominical et férial, tant à
matines, laudes et vêpres^, qu'aux petites heures. Les
hymnes du propre du temps et des saints sont placés
en tête ou à la fin du psautier.
Le texte du psautier est pour les Mineurs le texte
de la version dite gallicane : à Rome, au moins pour
les basiliques, le texte de la version dite romaine se
maintient dans l'usage liturgique jusqu'à la fin du
xv** siècle^.
11. Les hymnes sont mentionnés, au moins aux petites heures
i temps de Grégoire X (1271-1276), sans I'OrfZoroma/iH5 XIII,
2. Radulph. 10 : « In festivitatibus qiioque ad secundas vespe-
s, Fratrum Minorum usus ponit psalmos dominicales, ultimo
cundum festivitatem mutato. Gallici vero in maioribus festi-
tatibus per psalmos Laudate solemnizant. Sed Alemanni ubi
possunt se tenent ad feriales. » Cette observation de Raoul
vaut pour la fin du xiv" siècle. En fait, l'usage de solenniser
les secondes vêpres s'introduit à Rome au xiir siècle. Sous
Grégoire X (1271-1276) les secondes vêpres sont un usage
attesté pour la liturgie papale par YOrdo romanus XIII, 25,
3. ToMASi (t. II, praef.) cite un psautier écrit en 1480 pour
250 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le propre du temps est la partie qui donne son
nom à l'ensemble du livre : Incipit ordo Breviarii
secundum consuetudinem romane Curie, ou Incipit
Breviarium Fratrum Minorum secundum consuetu-
dinem romane Curie (pas avant le xv*^ siècle), ou
même Incipit Breviarium secundum consuetudinem
romane Ecclesie.
Le temporal contient l'office propre du temps
depuis le premier dimanche de l'Avent jusqu'au der-
nier dimanche après la Pentecôte : antiennes, leçons,
répons, oraisons. Les leçons scripturaires du tem-
poral sont distribuées selon l'ordre traditionnel, mais
elles sont chacune à peine de quelques lignes. Les
sermons ou les homélies ne sont guère plus longs ^.
Ils sont empruntés de préférence aux docteurs de
l'Église, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augus-
tin, saint Grégoire, joignons-y saint Léon et saint
Jean Chrysostome. Pas de nom plus moderne que
saint Grégoire^.
Une nouveauté importante caractérise le temporal
du Bréviaire de la curie, l'introduction de la fête de
la Trinité et de la fête du Corpus Christi.
lo chapitre de Sainte-Marie-Majeure : le texte est celui du
I»sautier romain « secundum consuetudinem clericorum roma-
nae urbis eiusque districtus ».
1. Radulph. 22 : « Aliae nationes... et Lateranensis <l
aliae romanae ecclesiae habent sermones et homilias intégras
passionesque sanctorum... Sed Fratres Minores causa brevi-
tatis capellam sequendo hoc alteraverunt. »
2. M. Gholat, op. cit., p. 59-61, signale dans le « Bréviaire
de sainte Glaire » des sermons d'Innocent III : il y voit une
trace du remaniement liturgique opéré par Innocent III.
l'office modernk. 251
L'oilice de la Trinité [Gloina tihi Trinitas aequalis)
manquait certainement au Bréviaire d'Innocent III et
à celui de Grégoire IX; il a été introduit dans Toffice
des Mineurs par leur chapitre de Narbonne, en
1260, mais Ton trouve encore au commencement du
xiV siècle des Bréviaires manuscrits qui ne l'ont pas.
« Romani nunquam de Trinitate célébrant festum, »
dit Durand en 1286^ , tandis que, sur la fin du
XI v'' siècle, Raoul de Tongres écrit : « Hodiernis tem-
poribus Romae et in curia romana solemnis habetur
festivitas sanctae Trinitatis » ^.
L'office du Corpus Christi (Sacerdos in aeternum) ,
œuvre de saint Thomas d'Aquin, manque à certains
Bréviaires du commencement du xiv^ siècle : la fête,
inaugurée à Liège, en 1246, confirmée, à la suite du
miracle de Bolsène, par Urbain IV (1264), négligée
vers la fin du xiii*^ siècle, fut remise en honneur par
Clément V (1311) et par Jean XXII (1316) 3. A ces deux
1. Durand. Rationale, vi, 114, 7. Deux offices de la Trinité,
'un (Gloria tibi Trinitas), qui a passé dans le Bréviaire actuel,
mvre d'Etienne de Liège, s'il faut en croire Durand (vi, 114, 6),
î'est-à-dire remontant au x^ siècle; — l'autre (Sedenti super
lolium), œuvre de Jean de Peckham (f 1292). Baeumer, Ge-
ichichte, p. 362-363. (Cette indication de Baeumer ne se lit pas
lans l'édition française.)
2. Radulph. 16. Il mentionne ibid. la fête du Corpus Christi.
3. Baronius, Annales, t. XXII, p. 140, reproduit l'essentiel
ie la bulle d'institution d'Urbain IV. Sur l'office composé par
saint Thomas, voyez sa vie par Guillaume de Tocco, 18 {Acta
is. martii, 1. 1, p. 665) : « Scripsit officium de Gorpore Ghristi
le mandalo Papae Urbani, in quo omnes quae de hoc sunt
jacramento veteres figuras exposuit, et veritates quae de nova
junt gratia, compilavit. » Urbain IV avait été jadis archidiacre
Ide Liège, avant de devenir évêque de Verdun et finalement
252 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
solennités près, le temporal, tout réduit et altéré qu'il
est dans son lectionnaire, est le temporal de l'ancien
office romain ' .
Le sanctoral porte en titre quelquefois : Incipit
proprium sanctorum totius anni secundum usum
romane Curie^ plus souvent : Incipiiint festwitates
sanctorum per [totum) anni circulum. Le commun
des saints porte en titre : Incipit commune sancto-
rum, ou Incipit commune sanctorum per [totum]
anni circulum. Le commun des saints comprend l'of-
fice des apôtres, des évangélistes, d'un et plusieurs
martyrs, des confesseurs pontifes et non pontifes,
des vierges martyres et non martyres, des non
vierges, auxquels s'ajoute l'office de la dédicace et
l'office de la vierge Marie. L'office des morts est placé
parfois à la fin du psautier, plus souvent à la fin du
commun des saints, après l'office de la Vierge.
L'office sanctoral, soit commun, soit propre, compte
neuf leçons : les fêtes sanctorales de trois leçons ont
pape. Il avait connu les révélations de la bienheureuse Jeanne
de Mont-Gornillon à Liège même, révélations dont les pre-
mières remontent à 1208. — On sait que la bienheureuse
Jeanne avait fait composer un office du saint Sacrement par
un jeune clerc de Liège, frère Jean, qui était aussi innocent
que peu lettré, nous dit la vie de la Bienheureuse. L'office
fut fait tant bien que mal et quelque temps en usage. Actn
ss. april. t. I, p. 460 et suiv. Dom Morin, « L'office cistercien
pour la Fête-Dieu, comparé avec celui de Thomas d'Aquin ».
Revue bénédictine, 1910, p. 236-246, montre que saint Thomas
a emprunté plus qu'on ne croyait à cet ancien office cistercien.
1. Notons cependant que les anciennes vêpres pascales soni
tombées en désuétude. Radulph. 16 : « Quas vesperas iideni
Fratres maie alteraverunt. »
l'office moderne. 253
disparu de l'usage, et les saints n'ayant droit qu'à
une commémoraison ne passent pas une demi-dou-
zaine^. Des neuf leçons dont se composent les offices
sanctoraux, les six premières sont empruntées à l'his-
toire du saint; les trois dernières sont généralement
d'une homélie sur l'évangile de la messe.
Les leçons tirées de la vie des saints ont toujours
été une pierre d'achoppement. J'ai trouvé, en marge
d'exemplaires tardifs du Bréviaire, des annotations
comme celles-ci aux légendes des saints : Neud-
quam.... Fabula..., Apocrypha..., Falsa narratio....
Fabula anilis..., Officium stolidum et ridiculum...\
ces notes marginales sont de clercs de la Renais-
sance. Bien avant la Renaissance, Raoul de Tongres
reproche au Bréviaire des Mineurs d'avoir accueilli
1. VOi'do romaniis XV de Mabillon meniionne une décré-
lalc de Clément VI (1342-1352), qui règle que chaque saint a
droit à sa fête, et donc que la fête est transférée en cas de
concurrence : « Tenet haec rulDrica per extravagant em D. dé-
mentis Papae VI, qui ordinavit quod non fiât de sanctis ali-
^qua commemoralio nec in duplicibus, nec in semiduplicibus,
h1 quodlibet festum habeat diem suum prout alii sancti
labent. » Je cite le texte tiré des Rubricae novae. MERCAïr,
14. On lit à la suite : « Item prefatus ponlifex maximns
îcrevit quod numquam fiât commemoralio alicuius fesli
)rum qui cadunt in maioribus et principalioribus festivita-
ibus, sed huiusmodi commemoratio transferatur et suis locis
temporibus fiant de eo IX lectiones sicut de aliis festis.
Stiam festum quantumcumque simplex fuerit, nullo modo
ranseat per commemorationem, sed post in suo ordine cele-
retur cum IX lectionibus et responsoriis prout fit in aliis
îstis. » Cette décrétale de Clément VI soulevait des difficultés
LUS nombre. Radulph. 17 : « Dicti Fratres extra usum anti-
fcuum romanum in novem lectionibus valde abutuntur, et eorum
msus non est sequendus, sed omnino detestandus. »
254 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
les apocryphes condamnés par le catalogue du pape
Gélase, et des actes comme ceux de saint Georges, de
sainte Barbe, de sainte Catherine, « œuvres apo-
cryphes, méprisables, et remplies de récits incroya-
bles w, sans parler de tant de passions insérées dans
les éditions particulières et locales, reproduites sans
discernement et qui ne sauraient être lues à l'othce
sans péril ' .
Le calendrier sanctoral du xiii** siècle n'est pas
aussi différent que l'on croirait du calendrier que
donnait au xii^ siècle l'antiphonaire de Saint-Pierre.
Certains noms que porte l'antiphonaire de Saint-
Pierre ont été éliminés du calendrier de la curie, une
quinzaine au totaP. D'autres s'y trouvent ajoutés
comme saint Basile, saint Paul ermite, saint Ignace,
saint Gilbert de Sempringham, saint Bernard, sainte
Justine, saint Rémi, saint Hilarion, saint Léonard,
saints Vital et Agricol, saint Brice, saint Pierre d'A-
lexandrie, sainte Lucie, saint Thomas de Cantorbery,
et un groupe de papes anciens (saints Hygin, Mar-
cellin, Félix, Silvère, Zéphirin, Pontien, Miltiade).
L'accroissement est en tout d'une dizaine de fêtes, à
peine, ceci au xiii'^ siècle.
L'on se tromperait à croire que le calendrier de l.i
curie se soit beaucoup accru du xiii^ au xv^ siècle.
Le xiii^ siècle lui a donné la fête de la Conception de
la Vierge*^; les fêtes des Mineurs, saint François
1. Radulph. 12.
2. Saints Télesphore, Aquilas,Papias, Siiiiéon,Eiipliis cL Lcii-
ciiis, Aiirc, Balbine, Thècle, Eiistache, etc.
3. Au moment ou saint Thomas rédige la III ' de la Somme
l'office moderne. 255
(canonisé en 1228), sainte Claire (can. 1255), saint
Antoine de Padoue (can. 1232), sainte Elisabeth de
Thuringe (can. 1235); à leur suite saint Dominique
(can. 1234), saint Pierre Martyr (can. 1253), saint
Louis, roi de France (can. 1297). — Le xiv® siècle a
donné la fête des Stigmates de saint François (1304),
saint Thomas d'Aquin (can. 1323), saint Louis,
évêque de Toulouse (can. 1317), la fête de sainte
Marie-aux-Neiges ^ — A la fin du xv° siècle, dans
lés Bréviaires incunables, nous constatons l'accession
de fêtes, à vrai dire, plus nombreuses, la Transfi-
guration de N. S. (1457) 2, la Présentation de la
Théologique, entre 1268 et 1274, la fête de l'Immaculée Con-
ception n'est pas reçue à Rome. Thom. Summ. Theol. IIP, q.
XXVII, a. 2, ad 3 : « Licet romana Ecclesia conceptionem B.
Virginis non celebret, tolérât tamen consuetudinem aliquarum
ecclesiarum illud festum celebrantium. Unde talis celebrilas
non est totalitor reprobanda. » La fête de l'Immaculée Con-
ception sera confirmée par Sixte IV, en 1496. On lui don-
nera pour office l'office de la Nativité, mais on en connaît un
autre, propre, composé sous Sixte IV, par Léonard de Nogarol,
protonotaire. Voyez le texte de cet offîce propre dans le Bré-
' riaire ms. Biblioth. Nat. 1314, fol. 620, et une lettre de
éonard de Nogarol à Sixte IV dans le Vatican, lat. 7692, fol. 2.
1. Voyez Biblioth. Nation. 1050 {a. 1478), fol. 374 : « Inci-
[iunt festa noviter promulgata fidelibus, et primo ad honorem
^ancte atque individue Trinitatis. » A la suite : « Offîcium cor-
>oris D. N. I. G. secundum consuetudinem sancte romane
Pcclesie. » Puis la Visitation, puis sainte Marie-aux-Neiges,
ifm la Conception de la Vierge. Cf. Radulph. 22 : « Sed
i'ratres ... in eorum usu adducunt locales Romanos ». Suit une
Iste, qui vaut pour la fin du xiv siècle, et un peu trop poussée,
crois.
2. Martene, De ant. Eccl. discipl. p. 375 : « ... cuius insti-
tutionem Gallixto Papae III refert Platina : additque ab eo-
lem conscriptum esse offîcium ecclesiasticum de ea die, et
256 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Vierge (1460) \ la Visitation (1475) 2, sainte Brigitte
(can. 1419), saint Nicolas de Tolentino (can. 1447),
saint Bernardin (can. 1450), saint Vincent Ferrier
(can. 1455), saint Joseph, sainte Anne, sainte Ju-
lienne, saint Patrice, saint Anselme, saint Jean
Chrysostome, quelques autres peut-être ; mais en
définitive le nombre des fêtes accueillies par les
papes dans leur Bréviaire est un nombre restreint,
cum indulgentiis promulgatum iisdem, quae concessae siinl
in solemnitate Gorporis Ghristi. Gallixti Bullatn protulit Odo-
ricus Rainaldus ad annum 1457, n. 73. Verum longe antiquio-
rem esse hanc festivilalem constat... » Voyez la bulle de Cal-
liste III dans Baronius-haynaldi, Annales, t. X, p. 128-132.
1. Marte NE, De antiq. Eccl. discipl. p. 594 : « Pium II, ad
instantiam Willelmi ducis Saxoniae 21 mensis noverabris idem
festum cum vigilia celebrandum instituisse anno 1460 [refert
Scultingus]. » Il y a une bulle la concernant de Paul II, 16
septembre 1464.
2. Martene, De ant. Eccl. discipl. p. 571 : « Girca huius
diei officium haec ex veteri Breviario Romano scribit Scultin-
gus : Huius gloriosae Visitationis ofTicii compositionem Urba-
nus VI domino Adae Gardinali Angliae doctori in theologia
commisit, ut ex scripturis evangelicis, sanctorum Patrum coni-
mentai'iis et doctorum approbatorum assertionibus historiam
huius festi Visitationis scriberet et dictaret, et eidcm ollicio
notam congruam applicaret. Volens quoque Gardinalis prac-
fatus vesligia Patrum sequi, et mandatis apostolicis obcdiic.
iuxta dictamen domini Bonaventurae Gardinalis de offîcio
S. Francisci praedictum ofTicium compilavit, et notam consi-
milem sibi sumpsit. » Le cardinal d'Angleterre est le cardinal
Adam Easton. Baeumer, t. II, p. 109. Mercati, p. 19, cite 1<'
texte d'une des Riihricae novae, qui date l'inslitulion de la féh^
de la Visitation (avec le rang de double) de l'an XI d'Urbain VI
(1389) et du 8 avril. La bulle d'Urbain VI fut confirmée par
Boniface IX, 9 nov. 1389. Mais la rubrique ajoute que la curie
« non consuevit facere olficium Visitationis Mariae », ceci
vers 1400. La fête fut imposée seulement sous Sixte IV, 1475.
l'office moderne, 257
restreint surtout si on le compare au nombre des fêtes
que les Bréviaires qui ne sont point proprement de la
curie ont admises dans leurs calendriers *.
Mais si les fêtes sanctorales, dans l'office de la cour
romaine, n'ont point démesurément crû en nombre,
du moins elles ont crû en solennité 2. Toutes les fêtes
de la Vierge sont doubles majeures, à l'égal de Noël
ou de Pâques; autant la Saint-Pierre, la Saint-Jean,
la Toussaint. Les fêtes des apôtres, des évangé-
listes, des docteurs ^, la Saint-Laurent, la Saint-Mi-
r. chel, la commémoraison des morts, la dédicace des
iasiliques de Saint-Pierre, de Saint-Paul et du La-
•an, les deux fêtes de la Croix ^, les octaves de la
aint-Pierre, de l'Assomption, de la Nativité, sont
oubles. Les dimanches ne sont que semi-doubles.
1, Voyez par exemple Biblioth. Nat. 1345 (xv), roffîce do
ici sagesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ; 1144 (xv), l'office
de l'invention de l'Enfant Jésus ; 13244 (xv®), l'office du nom
de Jésus et l'office des sœurs de la Vierge Marie.
2. Voyez plus loin, p. 266-7, l'extrait des Rubricae novae sur
le degré des fêtes.
3. Quatre docteurs : saint Ambroise, saint Jérôme, saint Au^
gustin, saint Grégoire, Leurs fêtes ont été élevées au rite double
par Boniface VIII : « anno domini 1295 statuit festa apostolorum
quatuor evangelistarum ac quatuor doctorum, videlicet Gre-
gorii, Augustini, Ambrosii et leronimi, sub honore festi du-
plicis ab omnibus universaliter celebrari ». L. P. t. II, p. 469.
4. Voyez Biblioth. Nation. 16309, fol. 322 : « Incipit offîcium
sancte crucis completum a fratrc Bonavenlura ad preces do-
mini Ludovici. » Biblioth. Mazarin. 366, fol. 293 (le ms. n'est
pas folioté) : « Inventio sancte crucis est duplex festum, et
habet officium proprium secundum curiam romanam... quod
officium publicatum fuit et mandatum celebrari per sanctissi-
mum dominum nostrum Gregorium XI penultima aprilis
1377. » Cf. Mercati, p. 17.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 17
258 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
On peut calculer que le nombre des fêtes sanctorales
de neuf leçons approche de 150 dès la fin du xiii^ siè-
cle, soit 150 fêtes (plus les octaves) évinçant l'office
temporal.
Puis l'office quotidien se surcharge de l'office de la
Vierge, récité tous les jours, à l'exception des solen-
nités majeures, des trois derniers jours delà semaine
sainte, de la semaine de Pâques et des fêtes de la
Vierge ^ L'office férial se surcharge de l'office des
morts, de la récitation des psaumes pénitentiels et
graduels ^. Il se surcharge des preces à laudes, à
vêpres, aux petites heures ^. Il est vrai que, dès le
1. Les Constitutiones Lateranenses de Grégoire XI (1370-
1378) prescrivent aux chanoines de la basilique du Latran, en
même temps que la récitation « cum nota » du Bréviaire de
la curie, la récitation « sine nota » de l'ofTice de la Vierge :
« Officium beatae Mariae Virginis sine nota, aperte tamen et
spatiose proferatur. » Const. lateran. 1 (Mabillon, Mus. itol.
II 577)
2. Les psaumes pénitentiels sont récités à l'issue de primo,
mais seulement en carême : « Hoc officium dici débet posl
primam, ...ut vidi notatum in quodam ordinario romano. Sed
Innocentius III mandavit suis capellaribus ut solum in quadra
gosima diceretur, et hoc sequuntur Fratres Minores. » Ra-
DULPH. 21.
3. Voici ce qu'on lit dans le Bréviaire de sainte Glaire :
« Dominus papa Innocentius precepit, cum ad matutinas lau-
des in ferialibus dicitur Miserere mei deus in inceptione [ =
le premier des cinq psaumes de laudes], in suffrages ipsius
laudum post capitula in fine diceretur psalmus De profundis,
et post capitula Domine deus virtutum, Exurge Christe, Do-
mine exaudi orationem. In omnibus aliis horis dictis capitulis
dicitur psalmus Miserere mei deus cum Gloria, postea Domine
deus virtutum..., Exurge christe..., Dominus vobiscum..., Ex-
cita domine quaesumus vel alla oratio que competit. — Gan-
ticum graduum dicitur ante omnia ofTitia. — Et post laudes
l'office moderne. 259
xiv^ siècle, on s'aperçoit combien ces surcharges
sont onéreuses ; Raoul de Tongres reproche aux Mi-
neurs de s'être excessivement relâchés dé l'obligation
à l'office de la Vierge; il leur reproche d'avoir multi-
plié les fçtes sanctorales de neuf leçons \ pour se
soustraire à l'obligation de réciter les psaumes péni-
tentiels et graduels et l'office des morts, — « des
morts auxquels ils causent un continuel préjudice^ ».
Nous n'en avons pas fini avec les pieuses suréro-
gations. Guillaume Durand note qu'une « louable cou-
tume » s'est introduite, en vertu de laquelle tout prê-
tre qui récite les heures canoniques dise à voix basse
le Pater en commençant et en finissant. Pareille-
ment, en commençant et en finissant les heures de la
sainte Vierge, il dit \Ave ^.
diei (licuntur laudes pro defunctis. Post vesperas autem diei
vesperas dicimus defunctorum. Ante completorium facimub vi
gilias trium lectionum pro defunctis. » Gholat, p. 58.
1. Mergati, p. 13, à propos de la bulle de Clément VI, note
que Jean XXII (1316-1334) avait, avant lui, porté un rude coup
à l'ofTice temporal, en supprimant les fêtes sanctorales sim-
ples ou de trois leçons et en les élevant au rang de fêtes de
neuf leçons, ce qui substituait l'office sanctoral à l'office fé-
rial. Ms*- Mercati cite le texte pris aux Rubricae novae : « De
festivitatibus III lectionum nulla fit mentio, quoniam prorsus
abuse sunt et iuxta mandatum sanctissimi D. D. loannis
pape XXII [qui] iussit fieri IX lectiones, nisi officium fieret
de feria. » Clément VI (1342-1352) alla plus loin, en décrétant
que, aux coramémoraisons, se substituerait un office de neuf
leçons à réciter le premier jour libre.
2. Radulph. 15, 21, 22.
3. Durand. Rationale, v, 2, 6 : « Laudabili consuetudine
inductum est ut sacerdos ante canonicarum horarum initia et
in fine dominicam orationem (le texte dit dominicae orationis,
qui est une mauvaise lecture, je crois), et ante horas B. M. V.
260 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Chaque jour, à Tissue de complies, on récite une
antienne à la sainte Vi-erge. Cette antienne est varia-
ble selon le temps : Jean de Parme, dans la lettre
déjà citée, énumère les quatre antiennes adoptées par
les Mineurs, le Regina caeli, VAlma redemptoris,
\Ave Regina, le Salve Regina \ elles seront adop-
tées par les papes en 1350.
et in fine Ave Maria voce submissa praemittat. » — Voyez le
résumé de l'histoire de Y Ave Maria àdiws Dom Berlière, arf.
« (Salutation) Angélique » du Dictionnaire de théologie de
Vacant. On sait que la clausule Sancta Maria etc. est plus
récente (xv^ siècle) que le texte même de la salutation angéli-
que Ave Maria (xir siècle). L'usage de dire au commence-
ment de chaque heure le Pater et VAve apparaîtra seulement
au début du xvi^ siècle. Grancolas, p. 74 : « Additamentum
Sancta Maria in nulla precum Formula ante annum 1508 re-
peritur : tune vero usurpari coeptum, Sancta Maria Mater
Dei ora pro nobis peccatoribus. Amen. Franciscani addiderunt
postea, et in hora rnortis nostrae, atque ita in Breviario anni
1515 legitur, eaque de caussa Cardinalis S. Grucis, qui Fran-
ciscanus fuerat, Breviario suo inseruit, Piusque Papa V Are
et Sancta cum Franciscanorum additamento Bomano Brevia-
rio inseri voluit. »
1. W^ADDiNG. Annales Minorum, t. III, p. 208, — Le Regina
caeli est une antienne des vêpres pascales donnée déjà au
XIV siècle par l'antiphonaire de Saint-Pierre. Tomasi, t. IV,
p. 100. Le Salve Regina, popularisé au xii'' siècle par saint
Bernard, est l'œuvre d'un moine de Beichenau, Hermann Gon-
tract (-|- 1054). W. Brambagh, Die verloren geglaubte Jlistoria
de sancta Afra und das Salve Regina des Hermannus Con-
tractas (Karlsruhe 1892), p. 13-14. On ignore l'origine de
VAve Regina, comme aussi des six vers hexamètres qui com-
posent VAlma redemptoris (Hermann Gontract?). — Mergati.
p. 23, extrait des Rubricae novae cette indication que VAlma
est chantée de l'Avent à la Purification, le Salve de la Purifi-
cation au mercredi saint, le Regina de Pâques au samedi de
la Trinité, VAve Regina de la Trinité à l'Avent : « Quas qui-
dem antiphonas Clemens VI pont. max. ordinavit et in urbe
l'office moderne. 261
Récapitulons : — l'^ Calendrier, 2° psautier, 3" pro-
pre du temps, 4° propre et commun des saints, 5° of-
fices de la Vierge et des morts, — telles sont les
parties constitutives du Bréviaire de la curie et des
Mineurs K II s'y ajoute, classées en deux groupes, les
rubriques. Leur place n'a rien de fixe.
Il y a d'abord les Rubrice générales Bî^enarii
veteres appellate^ ou Rubrica maior Breviarii ro-
mani. Elles ont pour premiers mots : Adventus Do-
mini celebratur ubicunque, etc. Ce groupe de rubri-
ques est le plus ancien; peut-être remonte-t-il à Ai-
mon et à l'édition donnée par lui du Bréviaire, en
1241, selon une conjecture de M^"" Mercati.
Il y a ensuite les Rubrice noce secundum formam
et consuetudinem romane curie édite per diçersos
summos pontifices, ou encore Rubrice no^e et decla-
rationes quedam super officia divino secundum ro-
manam curiam, ou simplement Rubrice noce. Elles
ont pour premiers mots : Sciendum est quod nulla
historia vocatur, etc.
Les Rubrice nos^e, écrit M^'" Mercati, sont distri-
statuit ponlificatiis sui anno VIII » [1350]. Cette distribution
se maintint jusqu'à la réforme de Pie V. Mercati cite quel-
ques mots de la Chronica XXIV generalium 0. M. qui men-
tionne la réception des quatre antiennes par Jean de Parme,
au chapitre général de Metz (1249), comme une exception
faite « ordinario sanctae matris Ecclesiae ». C'était donc une
nouveauté en 1249. Voyez plus haut, p. 244.
1. Des Bréviaires contiennent parfois^ joints à l'office des
morts, un Ordo ad commiinicandiim infirmiim, un Ordo ad
iingendiim infirmiim, un Ordo commendationis animae, un
Ordo ad benedicendam mensam, une Benedictio salis et aqiiae.
Biblioth. Nation. 756 (a. 1406).
262 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE R03IAIN.
buées mois par mois, de décembre à décembre, avec
un appendice sur la fête de la Trinité, sur les antien-
nes à la Vierge, sur les fêtes sanctorales et leur degré
de solennité, sur les fêtes de précepte : ces rubriques
ont pour but de résoudre les doutes, en invoquant les
décrets des papes ou les précédents de fait, et elles
sont pour la plupart « une application de la décré-
tale perdue de Clément VI, qui, en supprimant les
simples commémoraisons des saints et en donnant
un jour et un office à toutes les fêtes sanctorales,
conduisait en pratique à l'abolition de l'ofiice ordi-
naire de tempore ^ » .
Nous avons décrit le Bréviaire, et de cette descrip-
tion il ressort que l'ofTice tel que la curie et les Mi-
neurs l'ont accommodé aux besoins des clercs de leur
temps s'est bien étriqué. Il n'est plus fait pour être
chanté au chœur, mais récité sur les grands chemins.
A part cela, l'antiphonaire, le responsoral, Vordo
psallendi et Vordo legendi d'autrefois sont conser-
1. Dans le Bulletin de la soc. nat. des Antiquaires de France,
1893, p. 147-152, M. Desloge et moi avons pour la premièie
fois appelé l'attention sur les rubriques qui portent un nom
de pape, d'après le ms. de Lyon 468 (fin du xv"), qui est un
Bréviaire romain à l'usage d'Avignon. — Mr"" Mercati a signalé
la parenté des Rubricae novae et de VOrdo romanus XV de
Mabillon, lequel est l'œuvre de Pierre Amelio (y 1401), conti-
nuée par Pierre Assalbiti (f 1440), tous deux augustins et sa-
cristes du pape. UOrdo romanus XV dépend des Rubricnr
novae, mais, pour M"' Mercati, l'auteur des Rubricae nord''
serait Pierre Amelio lui-même.
l'office moderne. 263
vés et riiymnaire s'y ajoute : mais le lectionnaire
s'est corrompu. Et si nous devons une juste recon-
naissance à qui nous a donné les antiennes de la
Vierge, que dire au contraire des offices suréroga-
toires? 11 serait difficile de ne pas voir dans ces
additions de prières adventices si nombreuses, si
onéreuses, un tort grave fait à l'office canonique en
soi. Mais il y a un tort plus grave : les fêles sanc-
torales se sont multipliées jusqu'à faire du temporal,
qui est la base de l'office romain, une chose con-
damnée à la désuétude, en encombrant d'ailleurs
l'année de translations \
Les conciles du xv*' siècle déplorent à l'envi la tié-
deur avec laquelle le clergé s'acquitte de l'office ca-
nonique, même au chœur. Ils ne se rendent pas,
semble-t-il, suffisamment compte que cette tiédeur et
ces négligences scandaleuses tiennent en partie à la
décadence de l'office lui-même, notamment à ces suré-
rogations auxquelles la piété d'un saint ne suffirait
pas ^. L'office divin, écrit Martin de Senging au
concile de Baie (1435), est « récité avec confusion,
en hâte, sans piété, avec une intention perverse )>,
qui est la préoccupation « d'en voir la fin » ; les clercs
en viennent à préférer à l'office canonique « les super-
fluités et les surérogations » qui l'accompagnent ^.
1. Radulph. 22 : « Ex qua observantia (la translation des
fêtes de neuf leçons) evenit in usu eoriim (les Mineurs) conti-
nua perturbatio, et magna confusio. »
2. Radulph. 10 : « Suscipite igitur suave iugum Domini,
quod a sancta Sede romana vobis imponitur, licet importabile
videatur ».
3. Martin de Senging, TuUioncs pro observantia rcgulae,
264 HISTOIKE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
La réforme consisterait à réformer le clergé sans
doute, mais aussi à réformer l'office, à le déblayer, à
le restaurer : Martin de Senging ni le concile de Bâle
ne pensent à cette seconde partie de leur tâche. Raoul
de Tongres seul avait vu juste quand il dénonçait la
décadence de l'ofïice dans son texte et dans ses rubri-
ques. Il accusait les Mineurs d'avoir été les ouvriers
et leur Bréviaire l'instrument de cette décadence.
Ils ont, disait-il, intitulé leur Bréviaire « Bréviaire
selon la coutume de la cour romaine », sans se préoc-
cuper de la coutume de l'Église romaine. Et il ajou-
tait : « L'Église romaine était autrefois célèbre et glo-
rieuse, des eaux vives jaillissaient sous ses pieds, et
comme à une source on y puisait les règles ecclésiasti-
ques. » Il en appelait de la liturgie des Mineurs à celle
d'Amalaire et du Microlo^us et des « vieux livres » ^ ,
ap. Vez, Bibliotheca ascetica (Ralisb. 1725), t. VIII, p. 545. Cf.
NiGOL. DE Glemangis, De novis celebritatibiis non instituen-
dis, dans ses Opei'a omnia (Leyde 1613), p. 143-160. Il s'agit,
des fêles chômées. — Contre la multiplication des fêtes, on
peut rappeler les paroles sévères de saint Bernard, EpistuL
GLXXIV, 6 : (( Patriae est, non exsilii, freqiientia haec gau-
diorum, et numerositas festivitatum cives decet, non exsu-
ies, »
1. Radulph. 22 : « Gelebris olim et gloriosa erat romana
Ecclesia, ut de sub eius pede affluèrent aquae vivae, et velut
ex fonte rivi tam rerum omnium faciendarum quam ecclesia-
sticae regulae emanarent. Inde est quod omnes scripturae no-
bis iniungunt, ut illius sequamur authorilatem, et ordinem
teneamus. » Et il conclut, à la fin de la proposition 22 : « In
ofïicio ergo divino ordinem sanctae romanae Ecclesiae obser-
vabimus, si Fratrum usu omisso, sacros canones, scripluras
authenticas, consuetudines locorum générales, et in dubiis
libros (« libris » édit.) antiquiores sequamur. »
l'office moderne. 265
il en appelait surtout à une réforme qui viendrait de
Rome K
On arrive avec cette décadence liturgique à la fin
du moyen âge. L'imprimerie recueille le Bréviaire
romain des mains de la cour romaine^. Nous som-
mes aux environs de l'an 1500 et ce Bréviaire de
la cour romaine a maintenant trois siècles d'exis-
tence. Le vœu de Raoul de Tongres se réalisera-t-il,
et reviendra-t-on à la liturgie du viii^ siècle? Ou bien
à des temps nouveaux donnera-t-on une eucologie
nouvelle? Ou bien, enfin, ce livre du xiii^ siècle est-
il fait pour demeurer ?
1. Ibid. 12 : « ... Donec de Urbe venitit id quod erit magis
pcrfectum. »
2. On trouvera dans L. Hain, Repertoriam blbliographiciim
(Stuttgart 1826), un inventaire descriptif des Bréviaires romains
imprimés antérieurement à 1500 : Turin 1474, Venise 1474,
Lyon 1476, Naples 1477, Rome 1477, Venise 1477, Venise 1478,
Venise ilerum 1478, Venise 1479, Rome 1479, Venise iterum 1479,
Nonantola 1480, Venise 1481, Venise ilerum 1481, sine loco 1482,
Venise 1482, Venise iterum 1482, Venise tertio 1482, Nurem-
berg 1486, Venise 1486, Venise 1489, Venise 1490, Venise ite-
rum 1490, Venise 1491, sine toco 1492, Pavie 1494, Venise 1494,
Venise iterum 1494, Venise 1496, Brescia 1497, Venise 1497,
\'enise iterum 1497, Venise tertio 1497, Turin 1499, Venise
1499 (IIatn, n*^' 3887-3927).
I
266 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
EXCURSUS B.
Extraits des Rubricae novae (Mercati, Appunti, p. 24-26).
RUBRICA SUPER FESTIVITATIRUS TOTRS ANNI CUM EARUM DIVISIONIDI S.
Advertendum est in primis, quod illud censetur esse festlm so-
LENNE, quod in civitatibus, villis et quibusve aliis locis celebratur a
clericis, et mechanici ob reverentiam illius festi de consensu seu ap-
probatione episcopi cessant ab opère mechanico.
Notandum preterea quod festivitates totius anni in très partes prin-
cipales dividuntur, s. in duplices et semiduplices et siniplices, et
«luelibet pars dividitur in duas. Nani prima pars dividitur iti maiorem
duplicem et minorem duplicem, secunda in maiorem semidupUcem
et minorem, et lerlia in maiorem simplicem et minorem.
Hec sunt lesta prime partis, [s.] maioka dupijcia, videlicet,
Nativitas Domini, Octava eiusdem, Epiphania,
Purificatio virginis Marie et omnes festivitates eiusdem virginis,
Resurrectio Domini, Ascensio, Pentecostes, festum Trinitatis. Cor-
poris Christi,
Nativitatis s. loannis Baptiste, Apostolorum Pelri et Pauli,
Transfigurationis Domini, festum invcntionis et exaltationis s. Crucis,
Festum proprii loci vei dedicationis eiusdem ecclesie.
Hec omnia duplicantur, et sacerdos induitur in principio vespero-
runi et campana ter pulsatur.
Addunt etiam alii omnes dies dominicos.
Hec sunt festa secundo partis, s. minora duplicia :
Festum s. Stephani protomartyris, loannis evangelistae,
In cena Domini et sabbato sancto, vigilia Pentecostes, prima dies cl
secunda post dominicam Resurrectionis et Pentecostes,
Conversionis s. Pauli, cathedra s. Pétri, commenioratio s. Pauli.
octava Apostolorum Pétri et Pauli,
Festum s. Laurentii,
Octava Corporis Christi, octava visitatlonis, assumptionis et nativi-
ta(ti)s gloriose virginis Mariae,
In s. Pétri ad vincula,
Dedicatio s. Michaelis, dedicatio basilice Salvatoris,
Festa apostolorum, evangelistarum et doctorum.
In quibus omnes antiphone duplicantur, sacerdos vero in principio
vesperorum non induitur sed a capitulo in antea, et campana ter pul-
satur.
Est autem advertendum quod, si eodem die maius duplex et minus
duplex festum occurrerit, minus duplex transfertur; et in secundis
vesperis totum Hat de maiori duplici cum commemoratione rainoris
duplicis.
Hec sunt festa tertie partis, seu maioris semiduplicis :
Festum ss. Innocentum,
l'office moderne. 267
Octava s. Stephani et s. loannis evangeliste, octava Epiphanie, octava
s. loannis Baptiste, octava Ascensionis,
Apparitio s. Michaelis, festum s. Marie Magdalene,
Octava s. Laurenlii,
Decollationis loannis Baptiste, s. Martini et quecumque missa b.
Marie Virginis, que in sabbato celebratur.
Hec sunt lesta quarte partis, s. minoris semiduplicis :
Festum s. Nicolai, s. Lucie,
Vigilia natalis Domini, festum s. Antonii, a festo Innocentum usque
ad octavam natalis Domini,
Agnetis primo Agatlie, Benedicti, loannis et Pauli,
A commemoralione saneti Pauli usque ad octavam Apostolorum,
A feslo Assumptionis usque ad octavam eius,
A festo Corporis Christi usque ad octavam eius,
A festo Visitationis usque ad octavam eius,
A festo nativitatis b. Marie usque ad octavam eius,
Festum s. démentis, s. Blasii, s. Cecilie, et s. Catliarine.
Hec sunt festa quinte partis, s. maiora simplicia :
Et sunt que habent officium proprium in missa; et si duo venerint
eadem die, primo agitur de primo usque ad capitulum in secundis
vesperis, de secundo agitur a capitulo in antea, nisi alie rubrice
spéciales invenirentur.
Hec sunt festa sexte partis :
Et sunt omnia alia superius non assignata, et vocantur festa minora
SIMPLICIA, et semper lit de festo precedenti usque ad capitulum in
secundis vesperis, et a capitulo in antea fit de festo seq'uenti.
De festivilatibus trium lectionum nulla fit mentio, quoniam prorsus
abuse sunt, et iuxta mandatum sanctissimi d. d. loannis pape XXil
iussit fieri novem lectiones, nisi officium fieret de feria.
CHAPITRE V
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE
I
Le Bréviaire était trop mêlé à la vie quotidienne
des clercs, et cette vie était maintenant trop profon-
dément renouvelée, pour qu'il n'y eût pas une ques-
tion du Bréviaire. Elle fut d'abord posée par les hu-
manistes.
Erasme, qui a visité Rome en 1509, en garde un
souvenir qui émeut son âme érudite : « Quant mellitas
eruditorum hominum confahulaliones, quoi mundi
luminal » écrit-il en y pensant, et il aime à rappeler
de quelle estime il a vu entourer les « bonnes études »
dans ce « paisible domicile des muses, patrie com-
mune des gens de lettres ». C'est qu'aussi bien l'hu-
manisme a reçu de Nicolas V droit de cité à Rome.
Il a régné avec Pie IL Léon X, qui a pour secrétaires
Bembo et Sadolet, « veut que ce qu'il a à entendre ou
à lire soit exprimé en latin vraiment pur, plein de
vie et d'élégance ». Bembo n'a point d'autre idéal que
d'écrire dans la formule de ce qu'un cardinal, Adrien
de Corneto, appelle « le siècle immortel et presque
divin de Cicéron ». La langue latine se renouvelle,
et tout ensemble la poésie et la rhétorique. Sannazar,
LE BRÉVIAinE DU CONCILE DE TRENTE. 269
le « Virgile chrétien » aimé de Léon X et de Clé-
ment VII, fait chanter aux bergers de Bethléhem au-
près de la crèche du Sauveur la quatrième églogue
de Virgile. Un vendredi saint, en présence du pape,
le prédicateur le plus renommé de la cour pontificale
ne pense pouvoir mieux louer le sacrifice de la croix,
qu'en racontant le dévouement de Décius et le sacri-
fice dlphigénie ^ Il se manifeste là un affadissement
de la piété et du goût dont le Bréviaire ne peut être
que victime. Aux yeux de ces raffinés, épris de cicé-
ronianisme et de mythologie, quelle figure pourront
faire nos vieux préchantres de Saint-Pierre, Catale-
nus, Maurianus, Virbonus?
A cette perversion du goût la cour romaine va être
tentée d'accommoder son Bréviaire. L'initiative de
ce dessein revient à Léon X, l'exécution à un évêque
napolitain, compatriote de Sannazar, Zacharie Fer-
reri, évêque de Guarda, l'approbation à Clément VIP.
1. P. de NoLHAG, Érasme en Italie (Paris 1888), p. 76.
J. BuRGKHARDT, La civiUsatioii en Italie au temps de la Re-
naissance, éd. franc. (Paris 1885), t. I, p. 277, 311-317.
2. On lit au titre : Zachariae Ferrerii Vicent. Pont. Gar-
dien. Hymni novi ecclesiastici iuxta veram metri et latinita-
tis normam a Beatiss. Pâtre Claemente VII Pont. Max. ut in
divinis quisque eis uti possit approbati et novis Ludovici Vi-
centini ac Lautitii Perusini characteribus iu lucem traditi.
Sanctum et necessarium opus. Breviarium ecclesiasticum ab
eodem Zach. Pont, longe brevius et facilius redditum et ab
omni errore purgatam prope diem exibit. [B. N. : 4° Y 1693,
Réserve.] — Aciievé d'imprimer 1" février 1525. Le bref ap-
probatif de Clément VII est daté du 30 novembre 1523 ; il est
imprimé en tête du livre. Ferreri avait été nonce en Allema-
gne, comme nous l'apprend le bref et mieux encore l'éloge
de Ferreri par Marin Becicheme en tête du livre.
270 HISTOIRE DU imÉVIAIRE ROMAIN.
On débute par un essai d'hymnaire. Ce n'est qu'un
essai, mais qui prépare la publication d'un « bréviaire
ecclésiastique rendu beaucoup plus bref et plus com-
mode et purgé de toute erreur ». Car tel semble bien
être le programme donné par Léon X à Ferreri.
Veut-on savoir, en effet, dans quel esprit on abré-
gera, on simplifiera, on expurgera la liturgie tradi-
tionnelle? Il suffît de jeter les yeux sur l'hymnaire de
Ferreri, première pierre de l'édifice projeté. Au titre
on lit : Hymni novi ecclesiastici iuxta veram rnetri
et latinitatis normam... Sanctum ac necessarium
opus. En tête, l'approbation de Clément VII, en bel-
les phrases cicéroniennes, — « Etsi a teneris annis
nobis semper cordi çehementer faeril bonarum disci-
plinarurUy sacrae praecipue doctrinae exercitia^ et
in eis se cum optimo virtutum odore versantes omni
studio fovere et specialis amoris gratia complecti,
id tamen animo nostro longe yehementius inhaesit,
postquam... » etc., etc., — concédant de son autorité
apostolique la faculté de lire et d'employer ces hymnes
nouveaux « etiam in diçinis ». A la suite, la préface do
Ferreri, où celui-ci prévient le reproche, que pour-
ront lui faire quelques esprits, d'avoir, contrairement
au sentiment de saint Augustin et de saint Grégoire,
osé soumettre les paroles de l'oracle sacré [verba sa-
cri oraculi) aux règles de Donat, et l'interprétation
des saintes lettres à l'autorité de Quintilien : mais si
la vraie latinité et la norme classique peuvent être
introduites dans le culte divin, n'est-il point contraire
à toute raison de lui préférer la barbarie d'un style
sans goût [barbariem et insulsam orationem amplec-
LE BRKVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 271
tamury^. Pour lui, il veut s'en rapporter à l'estime
de Léon X, à qui il a soumis chacun de ses hymnes
à mesure qu'il les composait, et qui les a lus, et qui
les a goûtés [singulos quidem hymnos prout a me
quotidie prodibant perlegit ac prohavit). Nous voilà
donc dûment avertis que cet essai liturgique est la
chose de Léon X, de Clément VII et de leur cour; et
l'on ne se fait pas faute de nous insinuer que l'exé-
cution a passé l'attente qu'on en avait : Ferreri y a
gagné, non point l'immortalité, mais bien l'éternité de
la ^\o\vQ [aeternitatem procul dubio consecuturum).
On a été sévère pour les hymnes de Ferreri, et un
peu injustement. J'ai sous les yeux son joli volume,
imprimé en caractères d'une rare élégance typogra-
phique. Assurément, je suis loin d'aimer cette poésie
laborieuse de réminiscences littéraires et de virtuosi-
tés métriques : lorsque Ferreri chante les saints
Innocents en vers saphiques,
Hos velut flores veniens pruina
coxlt et gratum siiperis odorem
reddere effecit, meritoque summis
condidit astris!
ou la vierge Marie en ïambes,
Ave superna ianua,
ave heata semita,
salus periclitantibus
et iirsa navigantihus !
ou saint Pierre en choriambes.
Tu, Petre, et reseras coelica limina
et claudis sapiens arbiter omnium;
272 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
dum terris animas solvîs et alligas
firmatur super acthera,
on goûte avec plus de saveur les rudes originaux
chrétiens dont ces vers sont des imitations correctes,
brillantes et fades. Mais Urbain VIII n'a-t-il point
repris un siècle plus tard cette même recherche de la
correction métrique, et n'a-t-il point défiguré sembla-
blement, pensant les embellir, les hymnes que nous
lisons corrigés par ses soins au Bréviaire d'aujour-
d'hui? Et si vraiment il y a dans la poésie de Ferreri
trop de Phœbus, d'Olympe, de Styx, de Quirites, de
pénates, d'astres éthérés, et des vers de carême comme
ceux-ci :
Bacchus abscedat, Venus ingemiscat,
nec iocis ultra locus est, nec escis,
nec maritali thalamo, nec ulli
ebrietati!
et de^s strophes à saint François d'Assise comme
celle-ci :
Ibat in silvas tacitosque saltus
solus, ut coelum satius liceret
visere, et mundas agitare dulci
pectore curas !
il faut au moins lui reconnaître la qualité de ses
défauts, cette pureté de langue et cette élégance de
facture que goûtaient justement ses contemporains ,
et cette ingéniosité assez réfléchie pour être capable
de nous toucher encore. Tel l'hymne au pape saint
Grégoire :
Roma quae tantum decus edidisti,
quid triumphales meditaris ^rcus ?
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 273
cogita magnum peperisse miindo
Gregorium te!
Mais ce qui était grave dans l'essai de Ferreri, c'é-
tait l'état d'esprit dont il procédait, tout à l'ignorance
et au dégoût de la tradition liturgique, — « soli bar-
barizamus », écrivait-il, — et de voir des gens
d'Eglise si captifs de leur cicéronianisme, que Ferreri
pouvait écrire dans la préface de son hymnaire cette
phrase, que l'on n'a point relevée, et qui est la con-
damnation de son temps : « Qui bona latinitate prae-
diti sunt sacerdotes , dum barbaris vocibus Deum
laudare coguntui'y in risum pro^ocati sacra saepenu-
mero contemnunt ^ ! »
Qu'aurait donc pu être le Bréviaire des humanistes?
Le coup terrible qui s'appesantit sur la Ville éternelle
en 1527, cet épouvantable sac de Rome par l'armée
hispano-allemande de Charles-Quint, dispense de se
le demander et décourage de faire le procès de la fri-
volité de ces beaux esprits. Des pensées plus graves
et plus prévoyantes s'imposaient désormais, que le
retentissement de la voix de Luther ne pouvait que
rendre plus nécessaires. Sadolet, retiré en France,
écrivait : « Si nos malheurs ont désarmé la colère et
1. Rapprochez les déclarations de Becicheme, dans l'avant-
propos : « Vides, mi lector, quos passim canunt in templis
hymnos, uti sunt omnes fere mendosi, inepti, barbarie referti,
nullaque pedum ratione, nuUo syllabariim mensu composili,
ut ad risum eruditos concitent, et ad contemptum ecclesiaslici
ritus vel litteratos sacerdotes inducant. Nam caeteri qui sunt
sac ri patrimonii heluones [— goinfres], sine scient ia, sine
sapientia, satis habent ut dracones stare iuxta arcam do-
mini » etc.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 18
274 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
la rigueur du ciel, si ces châtiments terribles nous font
rentrer dans la voie des bonnes mœurs et des sages
lois, notre situation sera peut-être moins cruelle...
Cherchons en Dieu le véritable éclat de la dignité
sacerdotale ^ »
Ferreri mort, Clément VII ne renonça point à don-
ner à l'Église ce « bréviaire ecclésiastique bref, com-
mode et purgé de toute erreur », qu'il avait espéré
obtenir de Févêque de Guarda^. Mais les préoccupa-
tions étaient nouvelles : on cherchait maintenant,
moins à satisfaire les beaux esprits, qu'à répondre aux
souhaits d'une religion plus difficile. Clément VII jeta
les yeux, pour l'exécution de sa pensée, sur un homme
grave et pieux, que son origine, il était espagnol, et
que sa profession, il était franciscain, semblaient
avoir préservé de la contagion de la frivolité. Fran-
çois Quignonez, de la famille des comtes de Luna,
était entré jeune dans l'ordre de saint François : en
1522, le chapitre l'en avait fait général. Aussitôt
Charles- Quint, dont il était le confesseur, l'avait
envoyé à Rome pour négocier avec Clément VU de
délicates affaires, assure-t-on, bien délicates, en effet,
puisqu'il s'agissait de la réconciliation de Charles-
Quint et du pape. Quignonez avait réussi. En récom-
1. Cité par J. Burgkhardt, t. I, p. 156.
2. F. Arevalo, />e hymnodia hispanica (Rome 1785), p. 385
et suiv. : « Historia uberior de fatis Breviarii Quignoniani ».
(Reproduite par Roskovany, t. XI, p. 3-47).
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 275
pense, il avait reçu (1529) le chapeau de cardinal et le
titre de Sainte-Croix-en-Jérusalem.
Il comprit que Clément VIT lui demandait de « dis-
poser les heures canoniques en les ramenant autant
qu'il était possible à leur forme antique, de faire dis-
paraître de l'office divin les détails difficiles et les
longueurs : on serait fidèle à l'institution des anciens
itères, et les clercs n'auraient plus lieu de se révolter
contre le devoir de la prière canonique ». Ainsi s'ex-
prime-t-il dans la préface de son Bréviaire. La pensée
de la cour romaine était donc sensiblement modifiée :
il ne s'agissait plus de prier selon les règles de la
« vraie latinité » , mais selon les règles des « anciens
Pères », ni de flatter le cicéronianisme des clercs,
mais de leur imposer un office auquel ils ne pourraient
rien objecter.
Nouveauté toutefois périlleuse, de parler ainsi de
réforme par le retour à l'antiquité, sans préciser de
quelle antiquité on parle, ni par quelle méthode on y
reviendra. Les partisans de la Réforme protestante
s'exprimaient-ils autrement? Cet écho, que nous sur-
prenons à Rome de leurs réclamations, est un indice,
entre bien d'autres, qu'à un moment donné cette cour
romaine, si attaquée par ces violents et ces idéologues,
fut d'abord le milieu catholique le plus attentif à leurs
doléances, le plus prêt à les entendre, et à répondre
à leurs reproches par toute sa loyauté.
Le cardinal Quignonez se mit à l'œuvre en 1529. Il
est prouvé qu'il eut plusieurs collaborateurs : un cha-
noine de Salamanque, canoniste et helléniste, Diego
Neyla; un autre érudit espagnol, Gaspar de Castro;
L^
276 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
et peut-être un troisième, celui-ci plus connu, Gene-
sius de Sepulvcda^ A la mort de Clément VII
(25 septembre 1534), la constitution du nouveau Bré-
viaire n'était pas arrêtée : elle ne le fut qu'en 1535,
sous Paul III.
Encore le nouveau Bréviaire parut-il d'abord sous
forme de projet soumis au jugement public. Quigno-
nez le déclare lui-même, et il faut l'en croire, il n'avait
eu d'autre intention que « d'ouvrir une délibération
publique à l'effet de recueillir le jugement de plu-
sieurs ». Ce premier état du Bréviaire de Quignonez
est devenu aujourd'hui introuvable, encore que, de
février 1535 à juillet 1536, il n'en ait pas paru moins
de huit éditions, tant à Rome qu'à Paris, Lyon, Ve-
nise et Anvers ; récemment l'Université de Cam-
bridge a eu la bonne pensée d'en donner une réim-
pression^.
1. ArEVALO, ap. ROSKOVANY, t. XI, p. 23-25.
2. J. W. Legg, Breviarium romanum a Fr. carcl. Qiiignonio
editum et recognitum, iuxta editionem Venetiis A. D. 153.')
impressam, Cambridge 1888. En réalité, l'édition princeps du
premier Bréviaire de Quignonez a été imprimée à Rome,
comme en témoigne le bref qui se lit en tête, adressé : « 1)1-
lectis filiis Thomasio et Benedicto luntae Antonio Blado et
Antonio Salamanca Romae librorum impressoribus », leur con-
cédant pour trois ans le monopole de l'impression du nouveau
Bréviaire. Le bref est daté du 5 février 1535. (B. N., in-12, B
17667, Réserve^. La pièce que nous venons de citer est un frag-
ment de l'édition romaine princeps, sinon même une bonne
feuille. — Nous avons eu en outre à notre disposition un exem-
plaire parisien : Breviarium Romanum nuper reformatum^in
quo sacre scripture libri prohateque sanctorum historié dé-
ganter beneque disposite leguntur. De licentia et facultate
Sanctis. D. N. Pape Pauli tertij, ac D. N. Régis privilégia et
inhibitione. Parisiis. A Joanne Paruo... A Galeoto Pratensi...
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 277
Les critiques que sollicitait Quignoncz ne lui man-
quèrent pas : la Sorbonne se signala par une censure
motivée et fort sévère, dès le 27 juillet 1535 ^ « C'est
pourquoi, poursuit Quignonez, ayant pesé les avis
que beaucoup nous ont adressés, soit de vive voix,
soit par écrit, nous avons ajouté, changé, revu, mais
Et ah Yolanda Bonhomme... 1536. (B. N. : 4° B 1594, Béserve).
1. RosKOVANY, t. VIII, p. 32-41, le texte de la censure de
la Sorbonne d'après d'AiiGENTRÉ, Collectio iudiciorum (Paris
1729), t. II, p. 126. Cf. Richard Simon, Lettres choisies, t. I
(Amsterdam 1730), p. 239-247 : « Du Bréviaire du Cardinal
Quignon. » Simon s'exprime ainsi : « Groiez-moi, Monsieur, les
fables dont le Bréviaire romain n'est pas encore [1685] tout à
l'ait purgé, n'ont jamais été approuvées par les honnêtes gens
de notre communion... Il semble que le Cardinal Quignon ail
voulu remédier à ce mal dans son nouveau Bréviaire, lorsqu'il
en a retranché la plupart des Vies fabuleuses. Mais cette ré-
formation ne plut point aux docteurs de la Faculté de théolo-
gie de Paris. J'ai trouvé sur leurs Registres la critique qu'ils
en firent en 1535, et qui y est sous le titre de Notae censiira-
riac sacrae Faciiltatis in sacrum Quignonis Breviariiim. Ils
appuient leur critique sur des raisons qui ont quelque vrai-
semblance; et entre autres choses ils remarquent la différence
de ce nouveau Bréviaire d'avec ceux qui sont en usage dans
^^ toutes les autres Eglises et même de celui de Rome. On n'y
Ioit point le petit ofllice de la Vierge, les Antiennes, les Ré-
sons, les Homélies, l'ordre et le nombre des Psaumes, de la
lanière qu'on a do coutume de les lire dans l'Eglise, ni même
ordre de lire l'Ecriture sainte dans l'ofTice de Matines. Tous
es changements, disent ces sages Maîtres, sont contraires à
ancienne pratique de l'Eglise et à la dévotion des Fidèles;
n sorte que c'est une grande témérité à l'Auteur de ce Bré-
viaire d'avoir ôté tout cela... Je ne vous rapporte point les
autres raisons qu'ils ajoutent pour montrer que la suppression
de ce Livre était absolument nécessaire, parce qu'ils n'y eu-
rent eux-mêmes aucun égard dans la suite. Peu d'années
après on fil en France plusieurs éditions de ce même Bréviaire
avec leur approbation. »
278 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
en retenant toujours la forme générale de notre Bré-
viaire. » Et le Bréviaire, dans son texte définitif,
parut enfin.
Je lis au titre de mon exemplaire : Breviarium
Romanum a Paulo Tertio j-ecens promulgatum, e.v
sacra potissimum scriptara et prohatis sanctorum
historiis constans. Ah authore denuo recognitum : et
antiphoniSf homeliis, precibus, sanctorum commemo-
rationibus, et aliis id genus additamentis muliifa-
riam locupletatum : variisque modis immutatum, ut
in prefatione luculentius explicatur^. Le bref de
Paul III aux imprimeurs romains est daté du 3 juil-
let 1536.
Le cardinal Quignonez expose dans la préface de
son Bréviaire les principes qui Font dirigé. On voit
vite que le cardinal était dans l'illusion d'avoir ra-
mené l'office divin à sa forme antique, essentielle.
Par cette restitution, il avait entendu servir l'intérêt
spirituel des clercs astreints à la récitation privée de
l'office divin, leur rendre la prière plus accessible et
plus attachante, pour que « a caducarum rerum co-
gitationibus subinde açocati^ contemplationi divina-
rum assuescant ». 11 avait voulu, dans une pensét
1. Parisiis. Apud lolandam Bonhomme, viduam Thielmaniu
Keruer. M. 1). XXXVIII (Achevé d'imprimer, 6 février 15.'î8).
— Mais les libraires réimpriment concurremment le vieux Bré-
viaire. Voyez, imprimé à Lyon par de Harsy (achevé 23 no-
vembre 1538), Breviarium ad usum sacrosancte Romane ec-
clesie iuxtu Romani chori normam ahsolutissimum : in quo
nihil eorum, que hacteniis vel addila, vel emendata sunt, omis-
sum est. Sed et nuperrime adiectum est officium de Nominr
■lesu. M. D. XXXVIII.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 279
qui n'était pas moins élevée, que les clercs trouvas-
sent dans l'office divin un instrument de culture reli-
gieuse. Les clercs, dit- il, sont appelés, non seulement
à prier, mais aussi à enseigner, et il convient qu'ils
s'instruisent par la lecture quotidienne de l'Ecriture
sainte et de l'histoire ecclésiastique. L'office divin a
été réglé par les anciens Pères de façon à pourvoir
parfaitement à cette double nécessité. Or qu'est-il
arrivé par la négligence des hommes ? Les livres de
l'Ecriture sainte sont à peine lus à l'office, leur place
y étant réduite à presque rien, et remplacés qu'ils
sont par des lectures qu'on ne saurait leur comparer
ni pour l'utilité, ni pour la gravité. Des psaumes,
destinés à être chantés au complet chaque semaine,
il n'en est de service que quelques-uns et qui se répè-
tent toute l'année. Les histoires des saints sont
sans autorité et d'un style inculte. L'ordre de l'office
est si compliqué que l'on en arrive à mettre autant de
temps à chercher son olïice qu'à le réciter.
Donc, pour remédier à ces inconvénients, on a sup-
primé de l'office nouveau les versets, les capitules et
les répons : le Bréviaire ne comprend plus que 1° les
psaumes, 2° les antiennes, 3"" les leçons. On a main-
tenu les hymnes qui ont paru avoir le plus d'auto-
rité et de gravité. Les psaumes ont été distribués
de manière à ce que chaque semaine le psautier
soit récité intégralement, mais chaque heure ne
compte que trois psaumes, la longueur des uns étant
compensée par la brièveté des autres, si bien que
tous les offices ont une même étendue. Les leçons-
chaque jour sont au nombre de trois : la première
280 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de l'Ancien Testament, la seconde du Nouveau, la
troisième soit la légende du saint, si l'on célèbre ce
jour-là une fête de saint, soit une homélie sur l'évan-
gile du jour, si le jour a une messe propre au missel,
soit enfin une leçon des Actes ou des Épîtres des apô-
tres aux fériés communes^.
La réaction qui amènera, quarante ans plus tard,
la suppression du Bréviaire de Quignonez , ne doit
pas nous rendre injustes pour l'œuvre originale et har-
die de 1535. On a méconnu l'intention directrice du
cardinal, qui était de ranimer dans le clergé le goût
de la prière. On a oublié surtout que le cardinal lais-
sait intact l'office du chœur, et que le nouveau Bré-
viaire était exclusivement réservé, dans sa pensée et
1. Richard Simon, p. 243 : « Le dessein de ce cardinal
était principalement qu'on lût l'Ecriture sainte pendant toulo
l'année, et le Psautier entier chaque semaine... Il avait même
prévu une bonne partie des objections qu'on lui fit depuis :
car il dit dans sa Préface qu'il a retranclié exprès les traits
ou versets, les répons et autres choses semblables que le
chant a introduites dans l'office. Il témoigne qu'en composai! I
son ouvrage il a eu plus d'égard à l'instruction et à l'utilité dv
ceux qui récitent le Bréviaire en particulier, qu'aux usages de
ceux qui le chantent publiquement dans les Eglises. Et pour
ce qui est du petit office de la Vierge, il avoue qu'il ne l'a
point rais dans son Bréviaire, sans néanmoins avoir eu inlen-
tion de diminuer en rien le culte qui lui est dû; parce qu'il >
reste encore assez d'endroits où l'on célèbre sa mémoire, et où
on lui adresse des prières. Mais il ajoute en même temps une
chose qui ne devait pas plaire aux zélez dévots de la Vierge.
Et profecto quorumdam Psalmorum gravem plerisque repe-
titionem omitti non tam molestum esse Virgini matri credi
par est, quant gratiim ilUid quod CAevici ad ipsiiis Filii Jesu
Christi diurnum ciiUum commodissima et expedita ratione
alliciantur. »
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 281
dans la pensée de Paul III, à la récitation privée.
Mettons donc hors de cause les intentions du pieux
cardinal.
Mais comment être indulgent au bouleversement
opéré par lui du psautier, du lectionnaire, du calen-
drier? Car, après cela, que restait-il de l'office tradi-
tionnel? Ce sera la tentation de tous les réformateurs
gallicans du Bréviaire, ce sera la tentation de Be-
noît XIV, de revenir sur ce point à l'inspiration de
Quignonez : mais le vieil office défend ici ses œuvres
vives. Nous voyons bien, dans le Bréviaire de Qui-
gnonez, les psaumes distribués dans un ordre prati-
que, cxpéditif, séduisant, mais pourquoi est-il tout
nouveau? Plus d'expositions ou de sermons des
saints Pères : à peine une homélie à la troisième le-
çon des fêtes temporales, concession de la seconde
édition. Plus de distinction de rite entre les fêtes,
chaque jour même degré de solennité. L'office sancto-
ral réduit à ne marquer plus que par l'invitatoire,
l'hymne, la troisième leçon et la collecte. En re-
vanche, l'Ecriture sainte, avec les « livres les plus
utiles et les plus graves » de l'Ancien Testament,
avec tout le Nouveau, à l'exception de l'Apocalypse,
dont on ne doit lire que les premiers chapitres. Et,
de la sorte, l'oftice devenant principalement une lec-
ture de la Bible, et subsidiairement une lecture d'his-
toire ecclésiastique. Tout cela est fort ingénieux et
confortable, mais tout cela est neuf, et il faut pardon-
ner à l'historien de partager la mauvaise humeur de
la Sorbonne, qui disait de Quignonez : « L'auteur du
Bréviaire nouveau a préféré son sens propre aux dé-
282 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
crets des anciens Pères et à l'usage éprouvé et com-
mun de l'Eglise. »
Peut-on dire au moins que le cardinal Quignonez
avait fait preuve de plus de tact, quand il supprimait
des légendes du sanctoral tout ce qui peut provoquer
« le mépris ou la raillerie », n'y voulant rien voir
que de « poli, de grave, de fondé sur l'histoire ecclé-
siastique et sur les auteurs sûrs et graves » ? Les le-
çons hagiographiques de Quignonez ont un « poli »
irréprochable. Mais les sources auxquelles elles
sont puisées sont loin d'être toutes également pures.
Eusèbe est un auteur sûr et grave, sans doute; les
vies des papes de Platina et les vies de saints de
Mombrizo le sont-elles.au même degré? Quelle cri-
tique déliée et avisée il eût fallu pour en tirer bon
parti! La sagacité de Quignonez n'allait pas à lui
faire soupçonner que les actes apocryphes des apô-
tres et que les évangiles apocryphes sont fabuleux;
et il ne croyait point que telle leçon du vieux Bré-
viaire, comme la leçon de la fête de sainte Marie aux
Neiges, fût de celles qui demandaient à être rempla-
cées^. Ces quelques exemples suffisent à montrer
1. Richard Simon, p. 244 : « Enfin si nous en ci'oïons ce
cardinal, les Histoires des Saints qu'il a laissées dans son
Bréviaire y sont d'une telle sorte, qu'elles ne contiennent rion
qui puisse choquer les personnes graves et savantes... Mais
quelque? soin qu'il ait pris pour en ôtcr les fables, il y reste
encore bien des choses qui ne peuvent être du goût des per-
sonnes savantes. Aussi Maldonat dans la dispute qu'il eut avec
les Théologiens de Paris sur le fait de la Conception de la
Vierge parle-t-il de ce Bréviaire d'une étrange manière. On
lit dans la troisième leçon de l'Ofïice de cette Fête, les témoi-
gnages de plusieurs Saints qui ont cru dit-on que la sainte
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 283
combien, pour une part où elle était légitime, l'œuvre
entreprise par Quignonez était prématurée.
A la décharge du cardinal Quignonez, on peut dire
que son Bréviaire était quelque chose de provisoire ;
qu'il était fait pour la récitation privée, non pour
l'exécution au chœur; que le Saint-Siège accordait la
faculté de le réciter seulement aux clercs (jui en fai-
saient individuellement la demande ^ L'Église en-
tendait, par le moyen de cet office abrégé et simplifié.
Vierge a été conçue sans péché originel. On y fait dire à saint
Thomas ces paroles auxquelles il n'a jamais pensé : Maria ah
omni peccato originali et actuali immunis fuit. Et c'est prin-
cipalement là-dessus que se récrie Maldonat, qui ne fait au-
cune difficulté de traiter d'impudent celui qui a composé ce
Bréviaire. »
1. Qu'on veuille bien lire avec attention le bref de Paul III
(3 juillet 1536) à l'imprimeur : « Breviarium diuini oificii quod
(lilectus filius noster Franciscus tituH Sancte Grucis in Jérusa-
lem presbyter cardinalis antca nobis oblatum, nuper nobis
(consultis atque adhibitis doctis et prudentibus viris) aliqua
addendo atque immutando prout commodius duxit summa
cura atque diligentia recognouit, atque ad veterum sanctorum
|>atrum conciliorumque instituta, ac mcliorem precandi ritum
et normam faciliorem brevioremque redegit, ut clerici eius li-
bri ordine ac brevitate ad legendas Deo quotidianas preces
magis alliciantur : vobis imprimendi atque vendendi faculta-
tem concedimus... Et insuper omnibus et singulis clericis ac
presbytcris duntaxat secularibus qui huiusmodi breviarium
recitare voluerint : concedimus quoque ad breviarii antique
consuetudinis romane curie vel alterius ecclesie quod in usu
hoc tompore habeatur recilationem minime leneantur. Sed
huius nouissimi lectione perinde ac si vêtus legissont satisfe-
cisse censeantur, dummodo eorum singuli specialem super
hoc facultatem a sede apostolica obtinuerint : quam per solam
signaturam absque alia impensa expediri mandabimus. Qui-
bus vero ante huiusmodi breviarii recognitionem ea legendi
facultas data est, eos volumus ad nouam facultatem obtinen-
(lam minime astringi. »
284 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
faire reprendre l'habitude à tant de clercs qui l'avaient
perdue de dire les heures canoniques. Le bienheureux
Canisius, dans cette vue, se fit en Allemagne le pro-
pagateur du Bréviaire de Quignonez^ Mais il est vrai
de dire aussi que ce qui était au début une faculté
individuelle devint rapidement un usage très répandu,
en Italie, en France, en Allemagne, en Espagne.
L'auteur de la Vie de saint François Xavier appelle
le Bréviaire de Sainte-Croix le Bréviaire des gens
occupés^; des gens occupés, il passa aux mains des
chanoines, qui ont pourtant la réputation d'être gens
de loisir, et en Espagne il fut introduit au chœur de
plusieurs cathédrales : de la récitation privée il pas-
sait ainsi à l'exécution solennelle. C'est dans ces cir-
1. SciiOBEii, Explanatio, p. 15, cite une Icltro de Canisius à
saint Ignace, du 28 décembre 1560. Saint Ignace étant mort en
1556, il y a sûrement erreur de date. Mais ce qu'écrit Canisiu>
est à retenir : « Gomplures ecclesiastici homines niliii recilarunt
de horis canonicis. Eos pensum lioc nobiscum persolvere cu-
ravimus, ut recilandi morem addisccrent, et quia Breviarii
novi Romani usus maxime placcbat, impetravimus iliis, quod
pelebant, a Rmo Legalo Pontificio. Itaque pergunt quotidio
in recitandis lioris canonicis. » Voyez Canisii Epistiilac, éd.
Braunsberger (Freiburg i. B., 1896-1901), t. I, p. 196 et t. III.
p. 70. Même pensée chez saint François Xavier, Epislolarunt
Ubri seplem, éd. Possin. (Rome 1667), p. 35, d'une lettre du
saint à saint Ignace, 22 octobre 1540 : « Opus etiam essel
impetrariprivilegium sex clericis arbitratu nostro communica-
bile, utendi Breviario novo. Ea res usuni haberet non nulluiu
ad facilius alliciendos quosdam ut nos in Indias sequi vellent. »
2. H. TuRSELLiNi, De Vita B. Francisci Xaverii, vi, 5 (édil.
Lyon 1607, p. 532) : « Nuper novum Icrnarum leclionum Bre-
viarium (sanctae Grucis dicebatur) occupatorum hominum le-
vamen editum erat : eiusque usus Francisco propter occupa-
tiones ab initio concessus. » L'auteur ajoute que le saint n'usa
jamais de celte concession.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 285
constances qu'à Saragosse le peuple, ne reconnais-
sant plus Toffice des ténèbres du jeudi saint, et
croyant sans doute que le chapitre était devenu hu-
guenot, éclata en émeute dans la cathédrale même,
et manqua faire un autodafé des chanoines et de
leur nouveau Bréviaire ' .
Dans un mémoire, daté de Trente, 1*^'" août 1551, et
dédié au légat du Saint-Siège au concile, le cardinal
Marcel Crescenzi, un théologien espagnol, Jean
d'Arz, soumit aux pères du concile les raisons que
l'Église devait avoir de répudier le Bréviaire de Qui-
gnonez. Ce mémoire, longtemps demeuré manuscrit,
a été publié de nos jours ^. Le P. Arevalo, qui l'avait
lu manuscrit, en loue la doctrine, mais trouve qu'il
renferme plus de déclamation que de forte critique :
il est, en effet, d'un ton un peu échauffé, mais il ne
manque pas de justesse. Jean d'Arz avait jugé avec
bon sens les résultats de l'œuvre du cardinal Qui-
gnonez. Tout en reconnaissant que « plusieurs lé-
gendes des vieux Bréviaires demandaient à être ré-
formées )), il déplorait qu'on en eût tant rejeté sur de
trop minces prétextes ; qu'on en eût conservé d'autres
qui n'étaient guère mieux établies; qu'on eût ajouté
trop de foi à la critique d'un historien comme Platina.
1. Jean d'Arz, ap. Roskovany, t. V, p. 656-657.
2. De novo hreviario toUendo consiiltatio... D. I. loannes de
Arze presbyter pallantinus professione theologus, ap. Rosko-
vany, t. V, p. 635-720. — Autre critique sévère, chez un autre
espagnol, théologien du Concile de Trente, Soto, De iustitia
et iure, lib. I, q. 7, a. 1, et lib. X, q. 4, a. 4, cité par Baeumer,
t. II, p. 140.
286, HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN,
Il avait raison lorsqu'il exprima le vœu de voir roffice
férial plus fréquemment célébré pour l'amour du
psautier et de l'Ecriture sainte, et l'ofTice dominical
de rigueur chaque dimanche pour rester fidèle à la
raison d'être du vieux Bréviaire [et ita constabit ratio
çeteris Brenarii), encore qu'il ne nous dise pas com-
ment on ferait pour maintenir intangible le calendrier
des fêtes de saints , et à toutes les fêtes de saints
leur office. Il avait raison de prendre la défense des
répons, des versets, des capitules, et de dire que, si
ces détails sont propres à l'office chanté au chœur et
ne s'expliquent que par là, on ne saurait cependant
admettre deux offices, Tun pour le chœur, l'autre
pour la récitation privée, sans introduire dans l'office
canonique quel qu'il soit une fâcheuse confusion. Il
avait raison de dire que l'office était fait pour être
chanté, étant une prière et non une matière d'étude,
et que c'était mêler deux exercices distincts et confon-
dre deux buts que de vouloir transformer la récita-
tion de l'office en une lecture de la Bible ; sans comp-
ter que, à chercher la simple instruction des clercs,
il était plus expédient de leur faire goûter quelques
textes faciles des saintes Lettres, des textes visant à
l'édification des mœurs, que d'exposer l'Ecriture nue
à l'incompréhension ou à la légèreté de gens mal pré-
parés ou mal intentionnés. Il avait raison encore
quand il réclamait pour les droits de Vordo psallendi
traditionnel de l'Église romaine, pour la. distribution
traditionnelle des psaumes entre les diverses heures
de l'office, pour la répartition traditionnelle des le-
çons de la sainte Écriture entre les divers temps del
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 287
l'année, pour le nombre traditionnel de nocturnes,
pour tout cet ordre liturgique qui avait ses raisons
mystiques, et qui était un reste évident [haud obscura
çestigia) de la plus vénérable antiquité.
Ces critiques sont judicieuses; s'il en est d'autres
moins fondées ou qui ne prouvent rien pour vouloir
trop prouver, si même quelques considérations de
Jean d'Arz, concédons-le au P. Arevalo, sont poussées
à l'outrance déclamatoire, il y a telles pages de son
mémoire qui sont animées d'une sincère éloquence.
Sera-ce, écrit-il, quand nos peuples voient le clergé
et les grands dignitaires de l'Eglise si appliqués à
augmenter les revenus de leurs bénéfices, qu'il con-
viendra d'abréger l'office divin dont ces revenus sont
la rétribution? Sera-ce dans un siècle de fer, dans
un siècle porté vers les nouveautés les plus suspec-
tes, quand le chant ecclésiastique est tourné en dé-
rision, les heures canoniques proscrites, les cérémo-
nies ecclésiastiques méprisées, les lois canoniques
traitées d'inventions humaines, et cela partout, en
iVllemagne, en Suisse, en Angleterre; quand parmi
nous-mêmes, qui sommes orthodoxes, on voit régner
le dégoût des choses ecclésiastiques, grandir le mé-
pris des choses saintes, se propager la hardiesse à
ju-ger chacun pour soi des dogmes et des canons;
serace le moment de lâcher nos traditions litur-
giques, et de paraître tacitement donner raison à nos
adversaires, alors que notre premier devoir serait de
tenir ferme?
Il y avait quelque hardiesse à Jean d'Arz à s'expri-
mer si directement. Il se défend, dans les premières
288 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
lignes de son mémoire, de vouloir rien condamner
de ce qui est émané du Siège apostolique ou qui a été
approuvé une fois de son autorité : « Id profiter i libet
nos... nec quidpiam damnare quod a Sede Aposto-
lica sitprofectum aut eius auctoritate aliquando com-
prohatum,... nec tantam Sedem, quod absit, in ius
vocamus ». Pourtant avec quelle vigueur il critique
le Bréviaire émané du Siège apostolique et approuvé
une fois de son autorité ! Il conjure les Pères du con-
cile de prendre garde à cet esprit de nouveauté qui
discrédite l'antiquité, qui suggère des innovations
partie fausses, partie suspectes, et qui, non content
de produire en Allemagne de nouveaux rites, de nou-
veaux sacrements, de nouveaux canons, de nouveaux
bréviaires, entreprend de s'accréditer insidieusement
chez les orthodoxes : Gageant pastores ! Voilà com-
ment un espagnol en 1551 dénonçait au concile de
Trente l'œuvre liturgique d'un espagnol consacrée
en 1531 par le Saint-Siège : on découvrait entre
l'œuvre de Quignonez et l'esprit de la Réforme * des
affinités que le pieux cardinal, pas plus que le B. Ca-
nisius ou saint François Xavier 2, n'avait soupçon-
nées.
1. On a relevé justement l'influence qu'a eue le Brôviaiic
de Quignonez sur Cranmer et sur la conslilution du Book of
common prayer de l'Église anglicane. Voy. F. A. Gasquet et
E. BiSHOP, Eduard VI and the Book of common prayer (Lon-
don 1890), pp. 29 et suiv. Cf. W. Legg, Some local reforms of
the divine service attempted on the continent in the sixteenlli
century (London 1901).
2. Cf. Michel, Histoire de saint Ignace, t. II (Tournai
1893), p. 331.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 289
Le Bréviaire du cardinal Quignonez a été publié à
Rome en 1536 : vingt-deux ans plus tard, il y est
proscrit. Par un rescrit du 8 août 1558, le pape
Paul IV, sans en condamner l'usage provisoire, dé-
cide qu'il n'y a plus lieu d'en autoriser de réimpres-
sion ^ Restait à pourvoir à la réforme du vieux Bré-
viaire : après les essais de Clément VII et de Paul III,
l'œuvre était encore à faire : Paul IV allait-il être
plus heureux?
Il entreprit cette réforme avQÇ la fermeté de vues
d'un homme qui y avait dès longtemps pensé. Son
historien, Caracciolo, rapporte qu'il n'avait jamais
voulu se résoudre à réciter le bréviaire de Qui-
gnonez, l'estimant « inconvenant et contraire à la
forme antique ^ ». Il n'était pas moins sévère au vieux
Bréviaire romain. A une époque, en effet, où il ne
s'appelait encore que Pierre Carafa, et où, simple
évêque de Chiéti [Teate), il s'associait à saint Gaétan
do Thiène pour la formation d'une congrégation de
clercs réguliers (la première en date de toutes et le
prototype de celle de saint Ignace), la congrégation
des Théatins, c'avait été un des points les plus neufs
de la règle qu'il avait inspirée que d'entreprendre k
l'usage des Théatins une réforme du vieux Bréviaire
romain. Dès 1523, dans une lettre adressée au da-
taire Giberti, Carafa exprimait le dégoût que lui
1. ArEVALO, ap. ROSKOVANY, t. XI, p. 26.
2. Ibid.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 19
290 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
causait la récitation de ce vieux Bréviaire ; il se plai-
gnait de l'inélégance du style, d'y lire tant de textes
d'auteurs suspects, comme Origène, et tant de lé-
gendes indignes de foi ^ En 1529 (21 janvier), le pape
Clément VII écrivait par bref à Carafa, pour féliciter
les Théatins d'avoir, « pour l'honneur du culte divin
et de la religion, conçu le dessein de ramener l'office
divin en usage dans la sainte Église romaine à une
forme, leur semble-t-il, plus décente et mieux appro-
priée au progrès et à la dévotion des auditeurs et
des célébrants^ ». Dès cette époque, la pensée de
1. Celte lettre est citée par Silos, Histojia clericonim rc-
gularium, pars prior (Rome 1650), p. 95 : « Quod vero Ro-
mae tune temporis Breviarium terebatur, nullis non erroribus,
ac mendis plénum. Damnatae ab Ecclesia memoriae auclo-
rum homiliae : incertae nuUiusquc fidei passim historiac :
praeposterae obscuraeque admodum rubricae; praeter ser-
monis inconcinnitatem, plebeiamque plerisque in locis diclio-
nem, quam sugillat notatque merito epistola ad Gibertum
Carafa, qui et se stomacho lis recitandis afTici affirmât, ac do-
decere sacrorum sive puritatem, sive maiestatem illam olïicio-
rum inelegantiam, insutaque damnatorum capitum nomina,
ac dubiam historiarum fidcm. » — En retour, Carafa reçut un
bref, du 24 juin 1524, l'autorisant ''à retoucher pour les siens
le Bréviaire romain. G. B. Tufo, Ilistoi'ia délia Religione
de' Padri Cherici Regolari (Rome 1609-1616), t. II, p. 12, cité
par Baeumer, t. II, p. 154. Ce bref de 1524 fut confirmé par
celui de 1529.
2. Le texte du bref dans Silos, ibid. : « ... Divina officia,
quibus nunc Sancta Romana Ecclesia utitur, ad certum mo-
clum, ut quidem vobis videtur, decentiorem, sanctorunuiue
Patrum, ac Sacrorum Canonum statutis convenientiorcni;...
excogitastis, quem componere desideratis, Nobis et Sedi Apo-
stolicae postea ofTerendum, ut ex illius inspectione, an publico
Ecclesiarum usui tradendus sit, decernere possimus. » Le pape
autorisait les Théatins à faire cet essai à leur usage et à le
LE BRÉVIAinE DU CONCILE DE TRENTE. 291
Carafa n'allait à rien de moins qu'à faire un jour adop-
ter par la cour romaine la réforme théatine du Bré-
viaire. Non seulement, en effet, les Théatins deman-
daient au pape Clément VII la faculté de réciter le
Bréviaire tel qu'ils llavaient corrigé, et ils obtenaient
cette faculté pour un an ; mais le pape leur laissait
espérer que, cette expérience faite, ils pourraient
présenter leur Bréviaire au « Saint-Siège pour qu'il
l'examinât et qu'il décidât s'il ne conviendrait point
de le mettre dans l'usage public des Églises ».
A ce même moment (1529), le cardinal Quignonez
s'était de son côté mis à l'œuvre : il n'y a pas lieu de
douter qu'il eût entrepris la réforme du Bréviaire avec
l'approbation de Clément VIL Ce qui donne quelque
apparence de raison d'accuser Clément Vil d'incons-
tance et de versatilité ^ . Il n'en était assurément pas
perfectionner en l'expérimentant : « Nos igîtur in te praecipue,
Irator episcope, sperantes, et confidentes, quod pro tua doc-
trina, pnidentia, et pietate nihil nisi pium, et canonicum, lau-
deque, et professione vestra dignum in hoc âges, agique a
luis sines; vobis omnibus, et singulis vestrum dumtaxat, ut
mi_ssas, et divina officia iuxta modum novum, per vos excogi-
tatum, et componcndum, in clioro, et in ecclesiis vestris per
annum dumtaxat a data praesentium computandum celebrare,
et recitarc ad Dei laudem libère, et licite valeatis. » Le pape
les dispensait de l'office reçu; il les dispensait de l'office de
la Vierge, même de l'office de la Vierge rédigé par eux. — Sur
le travail de Carafa, voyez Baeumer, t. II, p. 154-157, et les
citations qu'il fait de Tufo.
1. Silos, p. 96. Le Bréviaire réformé par les Théatins en 1529
et expérimenté par eux pendant un an, fut bientôt abandonné :
« Quod Patres lucubraranl. gravi cum eorum sensu, domestico
intérim lare, sinuque delituit. Garafae in primis moleste id
accidit, qui pro eo. quo incitabatur, zelo perurgere nihilominus
292 HIStoiRE DU BRÉVIAIRE ROMAINi
de même de Paul IV, qui, montant sur le trône pon-
tifical en 1555, y apporta les vues qu'il avait, depuis
1524, de la réforme catholique, et reprit à son compte
ce qui n'avait été pour Clément VII qu'une velléité
fugitive, l'approbation pour toute l'Eglise de ce Bré-
viaire théatin, qui attendait depuis vingt-cinq ans son
privilège ^ .
Au préalable, Paul IV voulut le reviser une der-
nière fois... On sait peu de chose en somme du projet
de Paul IV. Le père Silos lui-même n'en a connu d'au-
tres détails que ceux donnés par le théatin Jérémie
Isachino, familier de Paul IV, dans une lettre datée
de 1561 et trouvée par Silos dans les archives du
couvent romain de Saint-Silvestre^. Paul IV sup-
primait les homélies d'Origène et des auteurs qui
opus non destitit. » Mais, convaincu de son impuissance, navré
du succès du Bréviaire de Quignonez, Carafa prit occasion ûo
sa mauvaise santé pour obtenir d'être dispensé de tout office :
« Praetextu quidem adversae valetudinis, ac gravis aevi, i«'
autem vera, ut inepta, atque inerudita in eo offîcio declinarot.
exemptionem a diurno eo penso exolvendo efflagitavit, ac niox
obtinuit. « Silos, p. 97.
1. Silos, p. 97 : « Quousque adlectus Pontifex Gardinalis
Thealinus in id, quod salis diu consilium, votumque peciorc
gestaverat, manum ipse admovere, ac perficere suo maitc
statuit. Quocirca proscripla statim Quignonii compendiaria
ea orandi formula; quae olim cum Thienaeo, aliisque Patii-
bus excogilaverat, ad examen iterum, ac lancem accurate re-
vocando; tum nova ipsemet, ac secundas veluti curas adii-
ciendo, rem pêne confecit, ducto ad calcem, ac limam opère. >
Paul IV mourut le 18 août 1559, avant d'avoir mené son projel
à bonne fin. Baeumer, t. II, p. 158, croit que le Bréviaire adopté
par le chapitre général des Théatins en 1561 était le Bréviaire
revu par Paul IV.
2. Silos, p. 98.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 293
n'étaient point d'une intègre religion ; il voulait des
textes des saints Pères qui fussent irréprochables
quant à la doctrine et quant au style ; aux nocturnes,
des bénédictions qui fussent pleines de gravité, au
lieu des bénédictions « ineptes et absurdes » qui
servaient encore; il éliminait les narrations de mar-
tyres qui manquaient d'autorité, pour n'en recevoir
que de sûres et d'indiscutables; il supprimait les
hymnes malsonnants [absonos] que l'on avait don-
nés à la fête de la Transfiguration et à celle de la
Trinité; il raccourcissait l'office dominical de prime
qu'il estimait démesurément long... S'il est permis
d'en juger sur ces seuls renseignements, on peut
dire que Paul IV avait compris mieux que Clément VII
et que Paul III les conditions de la réforme, dont il
sentait comme eux qu'elle s'imposait, à savoir que
cette réforme devait être un retour, non à l'antiquité
idéale comme l'entendait Quignonez, mais à la tra-
dition représentée par la liturgie existante; qu'il
n'y avait rien à changer à la disposition traditionnelle
de l'office divin telle qu'on la trouvait dans le vieux
Bréviaire de la cour romaine ; qu'il n'y avait qu'à
expurger ce vieux Bréviaire des erreurs historiques,
des taches littéraires et des longueurs fastidieuses
qui en rendaient l'usage décourageant. Pie V expri-
mera bien l'essentiel de la pensée de Paul IV, quand
il dira : « Totam rationem dicendi ac psallendi
horas canonicas ad pristinum morem et institutum
redigendum suscepit ^ » La tradition liturgique
1. Bulle Qiiod a nobis.
294 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
[pristmus mos) retrouvait enfin la plus haute des
autorités pour la comprendre et pour la protéger.
Une réaction heureuse se produisait en faveur du
vieux Bréviaire romain. Et le concile de Trente allait
trouver la question posée dans ces termes excellents
par Paul IV.
Il était inévitable au concile de Trente d'être saisi
de la question du Bréviaire : c'était un des points où
trop de synodes de ces vingt-cinq dernières années
avaient appelé de leurs vœux une réforme. Tel, en
1522, le synode de Sens enjoignant aux ordinaires de
visiter les Bréviaires, et nommément les légendes de
saints, pour y supprimer tout ce qu'ils y surpren-
dront de « superflu » ou de peu séant à la dignité de
l'Église. Tel le synode de Cologne de 1536 ^ A Augs-
bourg, en 1548, le « formulaire de la réforme ecclé-
siastique », adopté par Charles-Quint, s'exprimait à
peu près ainsi : « La tradition du chant et de la prière,
qui remonte aux saints Pères, et que saint Grégoii'
et les autres recteurs de l'Église nous ont transmise
ne saurait être en cause. Mais, parla faute du temps,
il s'y est glissé des choses ineptes, apocryphes ou
peu convenables au culte sincère : on ne le saurait
nier. Aussi conviendrait-il que les évêques, chacun
dans son diocèse, missent leurs soins à corriger les
bréviaires, à ramener les rites à leur pure forme an-
tique; que non seulement le mode fût changé qui
1. ROSKOYANY, t. V, p. 211 et 222.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 295
s'observe maintenant dans les prières, mais que l'on
n'y donnât à réciter rien que de saint, d'authentique
et de digne de l'office divin. Aux évêques, il appar-
tient de voir s'il y aurait lieu de publier quelque chose
concernant les histoires des saints, dont les Églises
d'Allemagne se serviraient aux leçons des nocturnes
provisoirement et jusqu'à ce qu'un concile général eût
prononcé sur la question ; s'il y aurait lieu de suppri-
mer les fastidieuses répétitions de prières et de
psaumes qui se rencontrent un même jour, et les
mémoires, et les suffrages des saints, et tout ce qui
détourne les prêtres de l'office des fériés du temps,
pour leur faire préférer l'office des saints qui est plus
court, mais moins fructueux ; s'il y aurait lieu enfin
de supprimer tels ou tels accessoires de l'office cano-
nique, qui n'appartiennent pas à l'essentiel de cet
office ^ ))
Le concile de Trente aborda la question du Bré-
viaire seulement en 1562, c'est-à-dire l'année qui
précéda la fin de ses travaux^. La demande d'une
> réforme de l'office canonique fut introduite simulta-
nément par le cardinal de Lorraine au nom du roi et
des évêques de France, et par l'empereur Ferdi-
nand F^ Ce dernier, reprenant le formulaire d'Augs-
bourg de 1548, demandait que les Bréviaires fussent
corrigés, qu'on n'y laissât rien subsister qui ne fût
de l'Ecriture sainte; et que, d'autre part, pour remé-
1. Ibid. p. 224.
2. Voy. ScHMiD, « Studien ûber die Reforra des romischeii
Breviers iinter Pius V », dans la Theologische QuartaUchrift
de Tûbingon, 1884.
296 HISTOIRE DU BRÉVIAIRK ROMAIN.
dier à la tiédeur que les clercs apportaient à la réci-
tation de l'office, on Tabrégeât notablement, car,
disait-il, « mieux valait ne réciter que cinq psaumes
avec sérénité et hilarité spirituelle, qu'exécuter le
psautier entier d'un cœur attristé et mal à l'aise ^ ».
Les Allemands ne semblaient pas tenir pour suffi-
sante l'expérience qu'on avait faite avec le Bréviaire
de Quignonez : ils reprenaient à leur compte l'idée
même du cardinal de Sainte-Croix. Les Français
s'attardaient dans des formules vagues : ils deman-
daient au concile la restauration des rites et la sup-
pression des superstitions 2. Les Espagnols, se mon-
trant en cela plus au courant de l'état de la question
que soit les Allemands, soit les Français, adressèrent
leur requête aux légats^, exprimant combien ils
1. RosKOVANY, t. V, p. 226; Schmid, p. 621; Baeumer, t. IL
p. 152-153, 160-161.
2- Grangolas, p. 10.
3. Mémoire dés Espagnols, rédigé par Févêque d'Huos(;i
(Osca), Archiv. Vatican. Concil. Trident, n. 108, f. 266 : «Ilor
a vobis, Illmi DD. Legati, et a sancta synodo nos episcopi
regni Aragoniae instantcr petimus, et obteslaraur, ut si religi^-
nem divini cultus in ecclesiis nostris conservare cupitis, hanc
novilalom profanam Breviarii novelli furlivo confecti, et in gia-
tiam inertium privala auctoritate contra régulas ecclcsiasli-
cas introducti celerrime eiciatis, ut id ipsum offlcium dicamii-
onines, et non sint in nobis scismata ofTiciorum et missaliuui.
Ut autem hoc negotium maturiorem et commodiorem effeclum
sortiatur, Ecclesiae catholicae credimus expedire ut antiquum
Breviarium Romanum quod tel. rec. Pauli IV consilio et auc-
toritate ceptum est emendari, repurgatis paucis quae iudicii»
eiusdem pontiflcis per ignoraiîiiam et temeritatem multis s( -
culis sensim irrepserant, ad finem proximum ordine instituiez
perducalur. Potest aulem res tota cognosci ex reverendo Pâ-
tre D. Hyeremia, qui Venetiis commoratur, quo idem ponti-
LE BUKVTAIIŒ DU CONCILE DE TRENTE. 297
déploraient le mal qu'avait fait le Bréviaire du car-
dinal Quignonez, et demandant que l'on corrigeât
le Bréviaire romain traditionnel selon le projet de
Paul IV, « repurgatis paucis^ qiiae iudicio eiusdem
pontiftcis per ignorantiam et temeritatem multis
seculis sensim irrepserant ». A cet effet, ils si-
gnalaient Bernardin Schotto, cardinal archevêque de
Trani, le théatin Jérémie Isachino et le prélat Sirleto,
comme en situation d'instruire le concile de l'état des
travaux commencés par Paul IV, dont ils avaient été,
en cette affaire, les conseillers ^
Le sentiment des Espagnols prévalut auprès du
concile. Leur mémoire avait été transmis à Trente par
le secrétaire d'État de Pie IV, le saint cardinal Charles
Borromée (7 novembre 1562), en termes qui laissaient
clairement entrevoir que le sentiment des prélats es-
pagnols était tout près d'être celui de la cour pontifi-
cale ^. On délibéra sur le point de savoir s'il ne con-
fex, ciim reverendissimo D. cardinale Tranense, et cuin Re-
verendissmo D. protonotario Sirleto, et forte aliis qui adhuc
sunt superstites, in hoc negotio utcbatur. «
1. ScHMiD, p. 623-625. C'est probablement à cette enquête
qu'appartient la lettre d'Isachino, citée plus haut (p. 292).
2. Arch. Vatican. Concil. Trid. n. 108, fol. 265 : lettre du
card. Borromée aux légats, 7 nov. 1562 : «... Non mi resta di
dir altro, se non che havendo Nostro Signore veduto un me-
moriale del vescovo d'Osca, del quale sarà una copia qui al-
legata, dove eg-li supplica in nome di tutti li Prelati del Regno
d' Aragonia, che si riformi l'officio vecchio come haveva com-
inciato Paulo IV di santa memoria; e non si lasci che con
diminutioue del culto divino, se ne vadino facendo ogni di
nuove forme, si come dice esser stato fatto nella sua Diocèse;
Sua Santità vorebbe, che le Signorie Vestre Illustrissime ci
facessero sopra una matura consideratione, e poi vi prove-
298 HISTOIRE DU IJRÉVIAIRE ROMAIN.
venait pas de revenir sur la concession de Paul IV
tolérant l'usage provisoire du Bréviaire de Quignonez :
un décret fut préparé à Trente, mais nous ne voyons
pas qu'on ait donné suite à ce projet i. Huit mois
plus tard, 24 juin 1563, les légats informaient le sou-
verain pontife qu'une commission conciliaire, celle de
l'Index, avait été déléguée à la correction du Bré-
viaire. Elle se composait de Leonardo Marini, évêque
de Lanciano, dominicain; de Muzio Galinio, évê-
que de Zara ; d'Egidio Foscarari , évêque de Mo-
dène, dominicain ; auxquels on avait adjoint l'évêque
Thomas Goldwell, un théatin d'origine anglaise, ami
du cardinal Pôle et du cardinal Borromée^. Par la
même lettre, les légats priaient le pape qu'il voulût
bien faire parvenir à la commission du Bréviaire le
dossier manuscrit de la correction de Paul IV, dos-
sier que possédait le cardinal Schotto, archevêque
de Trani, lui aussi un théatin^. Le 22 juillet, toutes
dessero assieme col Goncilio, secondoche a loro et alli Padri
pare espediente, tanto par sodisfare a questi Prelati, quaiilo
per riformare in questa parte quello che sarà di bisogno, e se
per tal conto varranno far chiamare il prefato vescovo d'
Osca, e da lui intendere piu distintamente il bisogno, po-
tranno forse piû facilmente fare la provisione sopradetta dd
che Sua Santità si rimette a Loro... »
1. Archiv. Vatican. Concil. Trid. n. 60, fol. 494, les légal s
(23 nov. 1562) annoncent qu'ils envoient au cardinal secrétaire
d'État « la forma del decreto che havemo pensato di fare su-
pra quella pratica dell' uffîcio nuovo, et ne desideramo il suo
parère ». Le cardinal Borromée répond (2 décembre 1562) que
le pape s'en remet aux légats du soin de décider si ce décnl
est opportun. Concil. Trid. n° 108, fol. 313. Je n'ai pas trouvé
d'autre trace de ce projet de décret.
2. SCHMID, p. 626.
3. Id. p. 629, et Silos, p. 447.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 299
les pièces de la correction de Paul IV étaient entre
les mains de la commission ' . Mais maintenant il était
trop tard pour que le concile pût décider par lui-
même des propositions de Paul IV.
Le samedi 4 décembre 1563, le concile de Trente
prit fin, sans que la commission de Bréviaire eût rien
arrêté, sinon de remettre au Saint-Siège le soin de
poursuivre et d'achever la réforme du Bréviaire.
Lorsque, à la dernière séance, l'archevêque de Catane
donna lecture des décrets qu'il restait à approuver et
parmi lesquels se trouvait le décret concernant le
Bréviaire, encore qu'un prélat fît observer que ces
décrets n'avaient point été proposés à la discussion
des congrégations et qu'on n'en avait point délibéré,
l'assemblée se rangea à l'avis qui remettait la réforme
du Bréviaire à la diligence du pape'^. On imagine dif-
ficilement une assemblée conciliaire discutant les in-
finis détails de la constitution du texte de l'office divin,
comme elle peut faire du texte d'un canon : mais,
étant donné que la pensée du pape Pie IV était con-
1. Sghmid, p. 625. Baeumer, t. II, p. 163, Le même, p. 16.5,
signale une lettre, du 24 août 1562, de Thomas Goldwell, évo-
que de Saint-Asaph, annonçant qu'à Trente « noi ci fatigamo
assai in preparar le cose per la sessione futura ». Il s'agit de
formuler des canons contre les abus touchant le Missel et lo
Bréviaire : « Solamente faranno alcuni canoni circa gli abusi ».
On avait renoncé à une « emendatione ».
2. Theiner, Actaauthentica concilii Tridentini (Agram 1874),
t. II, p. 506. Cf. dans Grancolas, p. 11, les objections faites
par levèque de Lérida, Ant. Agustin : « Palam professus est
opus esse ad eam rem exquisitam antiquitalis, provincia-
liumque consuetudinum notitiam , scientiam vero hanc in
Romana Guria minime obviam esse, quae viris careat in hoc
sludiorum génère exercitatis... »
300 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
forme à celle de Paul IV, s'en remettre à la diligence
du Saint-Siège , c'était approuver le programme de
réforme proposé par ces deux papes, programme que
la commission conciliaire avait fait sien, et que le
concile, en continuant aux évêques membres de cette
commission leur délégation, faisait sien à son tour.
On peut donc dire que le concile de Trente avait
adopté les vues de Paul IV, et que le vieux Bréviaire
romain, si maltraité des Allemands et des Français,
si méconnu longtemps à Rome même au plus fort
du succès du bréviaire de Quignonez, le vieux Bré-
viaire romain sortait consacré de cette épreuve dé-
cisive.
II
A peine le concile terminé, le pape Pie IV manda à
Rome les trois évêques délégués par le concile à la
correction du Bréviaire : Marini, CalinioetFoscarari^
On voudrait connaître les travaux de cette congréga-
tion autrement que par ses conclusions ; et peut-être
un jour les connaîtra- t-on, si tant est que les pièces
de ce dossier existent quelque part; mais à l'heure
actuelle on ne les a pas encore retrouvées. On sait
même assez confusément les noms des membres que
le pape Pie IV adjoignit de son chef aux trois délé-
gués du concile : le cardinal de Trani, Scholto, qui
paraît avoir été le président de la congrégation, au
moins un temps ; le modeste et très érudit et très ac-
1. Baeumer, t. II, p. 164, et 169-174.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 301
tif Guillaume Sirleto, un des plus savants hommes de
la cour romaine d'alors, depuis cardinal^ « il principal
istitutoj'e et essecutoj'e di questo bel ordine de' iiffici » ,
dira-t-on plus tard de lui; Curtius de Franchi, cha-
noine de Saint-Pierre ; un théatin réputé pour sa con-
naissance de l'histoire ecclésiastique, Vincent Masso ;
un élégant latiniste, Jules Poggiano; peut-être enfin
Antoine Carafa, depuis cardinale Nous n'avons pour
nous instruire des préoccupations et de la méthode
de la congrégation du Bréviaire, que ce Bréviaire
lui-même tel qu'il est sorti de ses mains, et deux do-
cuments : la bulle du pape Pie V, qui sert de préface
au Bréviaire, et une lettre italienne que l'on croit
avoir été écrite par Leonardo Marini, un des mem-
bres de la congrégation^.
1. ScHMiD, p. 628-631 ; P. Batiffol, La Vatlcane de Paul III
à Paul V (Paris 1890), p. 25 et 65. — Dans le ms. Vatican. Otto-
boni. 2366, fol. 67, se lit une déclaration de Foscarari, l'évê-
qiie de Modène, datée du 17 décembre 1564, peu de temps avant
la mort du prélat. Il déclare qu'il a été unanime avec l'évo-
que de Lanciano (Marini) et l'évêque de Zara (Calinio), pour
demander la suppression de l'office de la Vierge (ut ofïîcium
sanctissimae Virginis intermitleretur) ; mais que, après mûre
réflexion, et considérant les maux qui affligent l'Église, il sup-
plie Sa Sainleté de ne tenir aucun compte de son avis et au
contraire, de maintenir ledit office. Cette déclaration t(»u-
chante est un indice que les travaux de la commission du
concile, à Trente, avaient été poussés assez loin.
2. Cette lettre (1566?), dont je donne plus loin (p. 340-345) le
texte italien inédit, a été publiée dans une mauvaise traduction
latine par Roskovany, t. V, p. 576-583. L'original italien est
aux Archives du Vatican, Concil. Trid. n. 47, fol. 312 et suiv.
Il en existe une copie dans le Vatican, lat. fol. 202 et suiv. et
dans le dossier Valenti, Bibliothèque Corsini, ms. 29 (olim 362),
fol. 15 et suiv. — On y joindra une note de Sirleto, qui se lit
302 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Pie V rappelle que, après le décevant essai tenté par
le cardinal Quignonez, nombre d'ordinaires avaient
cru de leur droit de réformer eux-mêmes le Bréviaire;
à leur usage, déplorable coutume [praça consuetiido)
d'où était sorti le pire désordre; pour y remédier,
le pape Paul IV d'heureuse mémoire a supprimé le
privilège du bréviaire de Quignonez, et entrepris de
ramener l'office à sa forme ancienne [ad pristinum
morem) ; Paul IV étant mort sans mener cette entre-
prise à son terme, le concile de Trente a exprimé le
désir de voir réformer le Bréviaire selon la pensée
de Paul IV [ex ipsius Pauli papae ratione restituere
cogilarunt) ; à son tour, le concile a délégué le soin
de cette réforme à une congrégation qui achève enfin
sous le pontificat de Pie V l'œuvre dont l'initiative
revient à Paul IV. Et le pape ajoute : « Ayant cons-
dans le Vatican, lat. 6171, fol. 15-18. Ce sont des observalioiis
sur le brouillon de la bulle Quod a nobis, observations sou-
mises à la commission du Bréviaire. Sirleto ne veut pas que
l'on dise que la commission a eu pour programme « ut Bre-
viarium compilarent », parce que l'on ne peut laisser entendre
qu'on a fait un Bréviaire nouveau, et ainsi encourir le reproche
« che reprendiamo nel Breviario novo di Sanla Groce ». Le
Bréviaire de Pie V « non e nienle mutato dal' antichoquanio
aile cose essentiali ». Mais il diffère, cependant, trop des exem-
plaires antérieurs pour que l'on puisse autoriser les clercs à
porter sur leurs vieux exemplaires les corrections introduites,
« essendo state mutate homilie assai et vite di santi, et aggionic
lectioni de la sacra Scrittura in le ferie de l'Advento, in modo
che non me par che se possi fare questo... » Sur la fin de la
note, Sirleto mentionne Accursio comme ayant pris part aux
travaux de la commission, et Poggiano comme ayant mis la
bulle en latin. Car parlant d'une addition à faire à la bulle,
Sirleto écrit : « Il signer Poggiano potrà metterlo in stile
latino, in modo che possi sodisfare al gusto di lettori. »
I.E BRÉA'IAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 303
taté que dans raccomplissement de son œuvre la
congrégation ne s'est pas écartée de la forme des
antiques bréviaires des nobles églises de Rome et de
notre bibliothèque vaticane; que, en éliminant ce qui
était étranger et incertain, elle n'a rien omis de la
somme essentielle du vieil office divin, nous avons
approuvé son œuvre. » En d'autres termes, la con-
grégation romaine a eu pour mission, selon la pen-
sée de Paul IV, de restaurer la tradition liturgi-
que, et de la restaurer en l'étudiant dans ses monu-
ments manuscrits anciens, en en éliminant ce qui lui
était étranger ou ce qui était injustifié [remotis iis
quae aliéna et incerta essent, de propria summa cé-
leris officii di^>ini nihil omittere^). Ainsi du moins
l'entend Pie V.
Lconardo Marini entre dans le détail des applica-
tions dont Pie V vient d'exprimer l'idée maîtresse. La
congrégation, dit-il, convaincue que l'antique façon
de prier était bonne, et qu'elle était devenue odieuse
uniquement par le fait de certains offices qui s'y
étaient surajoutés, entendait restaurer l'ordre antique
et ramener à une juste mesure les adjonctions qui
l'avaient aggravé.
Partant de ce principe, on maintenait la distribu-
tion traditionnelle des offices en offices de neuf leçons
et en offices de trois leçons. Mais, pour faire une part
plus large au psautier, on imposait à l'office sancto-
ral simple les douze psaumes du nocturne férial,
comme le voulait la rubrique ancienne. Et, pour faire
1. Bulle Quod a nobis.
304 HISTOinE DU B15ÉVIA1RE ROMAIN.
la part plus large aussi à l'Ecriture sainte, on décidait
qu'une leçon sur trois, et trois leçons sur neuf se-
raient toujours de l'Écriture occurrente. On compre-
nait, et Marini l'exprime excellemment, que l'office Cû-
rial étant l'office fondamental, il ne convenait point
que cet office fût le plus rare de tous, surtout en ca-
rême où les canons de l'Eglise prescrivent au con-
traire qu'il soit seul célébré ; que la récitation du psau-
tier, qu'il eût été convenable d'exécuter intégralement
chaque semaine, fût morcelée de telle sorte que les
psaumes du commun des saints revinssent perpétuel-
lement au tour, à la satiété des clercs ; que la lecture
de l'Écriture sainte ne saurait être diminuée sans que
l'ignorance des clercs en fût augmentée d'autant ' .
L'office dominical de dix-huit psaumes ne serait plus
évincé par les semi-doubles; pendant le carême et Pa-
vent, l'office dominical aurait le pas sur les doubles.
Ainsi la congrégation entendait restaurer l'ordre
ancien.
Les psaumes pénitentiels et graduels, obligatoires
aux fériés de carême, ne seraient plus récités, les pre-
miers que les mercredis, les autres que les vendre-
dis des fériés de carême. L'office des morts, qu'il était
obligatoire de réciter chaque fois que l'office du jour
était simple ou férial, ne serait plus récité qu'une fois
le mois et aux quatre-temps et vigiles, ainsi qu'aux
simples de l'avent et du carême. L'office de la Vierge,
obligatoire chaque fois que l'office du jour était semi-
double, simple ou férial, ne serait plus récité que les
1. Texte de Marini, plus loin, p. 341.
LE BREVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 305
samedis, hors les quatre-temps, les vigiles et le ca-
rême ^ On ne toucherait pas aux nocturnes de l'office
dominical, si longs fussent-ils, mais l'office dominical
de prime serait allégé des psaumes (Ps. xxi-xxv) qui
suivaient alors le Beati immaculati, et que l'on dé-
cida de distribuer entre les fériés de la semaine.
Ainsi la congrégation entendait ramener à une juste
mesure les surérogations qui aggravaient l'ordre an-
cien^.
On voit à ces déclarations de Marini quel sentiment
animait la congrégation. On ne saurait dire si elle res-
tait en deçà ou si elle allait au delà du programme de
1. Pie V attachera cent jours d'indulgence à la récitation
de l'office des morts, autant à l'office de la Vierge, cinquante
jours aux psaumes de la pénitence, autant aux psaumes gra-
duels. Les Preces ferlâtes ne seront plus d'obligation qu'à
laudes, prime et vêpres, de l'avent, du carême, des quatre-
temps et des vigiles. Les preces de tierce, sexte, noue et
compiles étaient réduites au Kyrie et à deux versets.
2. Grancolas, Comment, p. 122 : «.Pater, Ave et Credo, quae
ad finem completorii sunt, secreto recitantur, neque pars of-
ficii sunt, Sunt autem addita a Pio V, iisque adhuc recentius
est Sacrosancfae, neque priscis Ecclesiae precibus respon-
det; videtur enim in eo J. Christi divinitas ab humanitate se-
parari, atque eadem gloriae celsitudo Beatis atque Deo tri-
bui, » La prière Sacrosanctae est dans nos éditions modernes
donnée comme introduite ou approuvée par le pape Léon X,
— Les Pater- Ave-Credo de matines et de prime, comme aussi
bien de compiles, apparaissent dans les Bréviaires romains
du commencement du xvr siècle ou de la fin du xv^ Baeu-
MER, t. II, p, 201-202. Ce sont donc des surérogations moder-
nes dont une correction critique du Bréviaire appellerait la
suppression. — On en peut penser autant des suffrages de la
croix, de la sainte Vierge, des apôtres Pierre et Paul, pro
pace enfin, qui pour être plus anciens, n'en sont pas moins
adventices.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 20
306 HISTOIRE DU BRÉVIAIlli: ROMAIN.
Paul IV; il est plus probable qu'elle le dépassait.
Mais on ne saurait trop observer combien les impru-
dences du cardinal Quignonez l'avaient rendue cir-
conspecte, timorée même, préoccupée peut-être exces-
sivement de ne rien abolir. Pie V sera plus décisif,
lorsque de son autorité souveraine il rendra faculta-
tive l'obligation, que maintenait strictement la con-
grégation, — et que marquent encore aujourd'hui les
rubriques, — de réciter à certains jours l'ofTice de
la Vierge, l'office des morts, les psaumes pénitentiels
et graduels ^ C'étaient là, en effet, des éléments ad-
ventices [aliéna)^ que l'on ne devait pas hésiter à éli-
miner.
La congrégation montra les mêmes scrupules dans
l'élimination des éléments reprochables [incerta] du
vieux Bréviaire. On a reproché au vieux Bréviaire, écrit
Marini, que de ses légendes de saints il en est qui sont
apocryphes, ou scandalisantes, ou mal écrites. La
congrégation est d'avis de retenir les faits les plus
authentiques, en les mettant en un meilleur style, pour
l'édification et le contentement des lecteurs. Elle
pense aussi que bien des vies de saints qui sont au
vieux Bréviaire sont excellentes^, empruntées qu'elles
sont à des auteurs anciens ou aux actes sincères des
1. Bulle Quod a no bis.
2. Baeumer, t. II, p. 184, croit cependant que les leçons
historiques du Bréviaire de Pie V sont ou nouvelles, ou prises
à Quignonez, et que celles du Bréviaire romain préexistant
furent pour la plupart sacrifiées. Ce point appelle un sup-
plément d'enquête. Les indications fournies Marini (plus loin,
p. 345) sont très précieuses.
LB BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 307
martyrs, et que l'on doit leur donner la préférence,
tout en les revisant au double point de vue de la vé-
rité historique et de la correction littéraire. Ce soin
a été confié d'abord à Foscarari, puis à Poggiano, qui
ensemble ont à revoir toutes les légendes du sancto-
ral^ Ici encore les indications fournies par Marini
vont à nous confirmer dans cette impression, que la
congrégation entendait la réforme comme une correc-
tion, et cette correction comme devant être réduite au
strict indispensable. Marini le dit, en terminant, d'un
mot qui ne saurait laisser aucun doute : « Et in tutto
quello si é fatlo, si é haçuto rispetto non si muti cosa
alciina delli libri délie Chiese. »
Le Bréviaire romain, corrigé selon les vues que l'on
vient d'exposer, parut en 1568, cinq ans à peine après
la clôture du concile de Trente. 11 semble même que
la correction en était achevée dès 1566, à en juger par
une lettre du cardinal Borromée à Sirlelo^. A ce
compte, l'exécution de la réforme aurait demandé à
peine trois années. La bulle de publication de saint
Pie V, Quod a nobis, est datée du 9 juillet 1568. Le
nouveau Bréviaire était imprimé à Rome, et l'impri-
1. Cf. lalil Pogiani epistolae et orationcs (Rome 1756), l. II,
p. XL-LII.
2. Borromée à Sirleto, 4 sept. 1566 (Schmid, p. 654). — Re-
noiiard {Annales de l'imprimerie des Aide, Paris 1834, p. 190)
signale comme imprimé par Paul Manuce en 1564 un Bréviaire
romain ayant en titre : Breviarium Romaniim ex decreto sacro-
sancti Concilii Tridentini restitutum, PU IV, Pont. Max. iussu
editum. In fol., Rome 1564. Je n'ai pas eu d'exemplaire de ce
Bréviaire à ma disposition. Il serait très intéressant de le com-
parer avec le Bréviaire de 1568, et de vérifier l'opinion de
Renouard qui le dit être le même que celui de 1568.
308 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN,
meur, Paul Manuce, reçut son privilège le 11 novem-
bre 1568'. L'oiïice, selon le nouveau Bréviaire, put
entrer en usage au début de l'année 1569. Le volume
portait en titre : Breviarium Romaiium, ex decreto
Sacrosancti Concilii Tridentini restitutum, Pu V
Pont. Max. iussii editum. Romae. MDLXVIII. Cum
privilégia PU V Ponti/îcis Maximi, inaedibus Populi
Romani, apud Paulum Manatium.
La bulle Quod <7 nobis portait abolition sans res-
triction possible du Bréviaire de Quignonez; aboli-
tion de tout bréviaire plus ancien que le Bréviaire
nouveau, à l'exception de ceux qui se pourraient pré-
valoir d'une approbation pontificale ou d'une coutume
antérieure à deux cents ans ; enfin défense de changer
en tout ou en partie le nouveau Bréviaire, d'y ajouter
ou d'y retrancher quoi que ce fût.
Étant donné le scrupuleux esprit de conservation
qui animait les liturgistes de saint Pie V, il ne faut
point s'attendre à trouver dans le Bréviaire de 15()<S
un bréviaire autre que le Bréviaire traditionnel de la
curie, le Bréviaire tel qu'il s'imprimait depuis 147^i,
mais ce même Bréviaire amendé et rendu tout ensem-
ble plus manuel et plus poli^. Quignonez déclarait les
anciennes rubriques obscures et inextricables : on fit
1. Par bref du 22 novembre 1568, le privilège fut concédé à
l'imprimeur d'Anvers, Plantin, dont l'édition parut en 15()'j.
Puis, en dépit de ces privilèges, il se produisit aussitôt des
éditions en fraude, à Cologne, à Liège, à Anvers, à Venise.
Baeumer, t. II, p. 192-193.
2. Cette assertion toutefois appelle des réserves. Baeumer,
t. II, p. 215-220, entre dans le détail des corrections apportées
au sanctoral, elles sont nombreuses et elles vont loin.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 309
figurer en tête du nouveau Bréviaire cette exposition
des rubriques générales de l'office que nous y lisons
encore, excellente exposition en partie empruntée au
Direclorium dwini officii publié par Ciconiolano
Home 1540), avec l'approbation de Paul IIP. Qui-
gnonez déplorait l'invasion du temporal par le sanc-
toral : le calendrier des fêtes fixes fut allégé de plu-
sieurs fêtes : saint Joachim, saint François de Paule,
saint Bernardin, saint Antoine de Padoue, sainte Anne,
saint Louis de Toulouse, sainte Elisabeth de Thu-
ringe, la Présentation^. Plusieurs fêtes se virent
réduire à des mémoires : sainte Euphémic, sainte
Thècle, sainte Ursule, saint Saturnin. Le total des
semi-doubles était maintenant de trente ; le total des
doubles de tout rang était de cinquante -sept, et celui
des mémoires de trente-trois. Les offices des saints, y
compris les octaves, ne prendraient donc plus que
cent et quelques jours sur l'office temporal.
Le texte du psautier et des leçons scripturaires
était de la Vulgate^.
La distribution de l'Écri'ture sainte en leçons pour
1. SCHMID, p. 637.MERGATI, AppUTltl, p. 5.
2. La Présentation a été importée d'Orient au xiv® siècle.
« On a une lettre de Charles Ven l'an 1375 pour la faire célé-
hvev en France, comme on avait commencé de faire à Rome.
Ce fut le chancelier de Gypre qui persuada aux Latins d'imi-
ter en cela les Grecs. Elle n'es toit pas au Bréviaire romain
avant l'an 1585. » Tillemont. //. E. t. I, p. 463.
3. Grancolas, p. 87 : « Romanum psalterium a Pio V Romae
abolitum, adhuc perdurât in Vaticana ecclesia, atque prae-
terea in Mediolanensi, et VenetaS. Marci, licet nonnullo inter
se discrimine;... in nonnullis pariter Toletanae urbis in Hispa-
nia Ecclesiis psalterium romanum canitur. »
310 HlSTOllU: DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
le premier nocturne était faite conformément au décret
dit de Grégoire VII, et en réalité dans ses grandes
lignes conforme à la distribution dont nous avons au
VIII® siècle constaté l'usage ^ Chaque jour avait sa
leçon scripturaire, et ces diverses leçons étaient choi-
sies, à quelques exceptions près, parmi les pages les
plus simples de la Bible.
L'antiphonaire et le responsoral demeuraient in-
tacts, c'est-à-dire conformes, à quelques détails près,
au texte traditionnel, y compris ses textes scriptu-
raires.
Le lectionnaire, au second nocturne des fêtes fixes,
subit de notables changements^. On donna des leçons
nouvelles aux fêtes de saint Hilaire, saint Paul ermite,
saint Jean Chrysostome, saint Ignace d'Antioche,
saint Mathias, saint Joseph, saints Soter et Caius,
saints Clet et Marcellin, saint Athanase, saint Gré-
goire de Nazianze, saint Basile, la Visitation, l'octave
de saint Pierre, sainte Marie-Madeleine, saint Pierre-
aux-Liens, l'Invention de saint Etienne, saint Domi-
nique, sainte Marie-aux-Neiges, la Transfiguration,
1. Isaie pour l'aveiit; Genè-se au printemps; Actes, Apoca-
lypse, Épîtres non paulines, au temps pascal; Rois en élé:
Sapientiaux en août; Job, Tobie, Judith, Esther en septembre :
Machabées en octobre; Ézéchiel et petits prophètes en novem-
bre ; Épîtres paulines au temps de Noël.
2. En ce qui concerne les sermons et les homélies, Baeumeiî.
t. II, p. 204, énonce que le travail de Paul IV a fut adopté pai
la commission sans changement essentiel», et il cite à l'appui
le Vatican, lat. 6471, fol. 80. Le choix de ces sermons et homé-
lies (à quelques pseudépigraphes près) a été fait avec une
extrême sagesse.
V
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 311
saint Laurent, toute l'octave de l'Assomption, saint
Barthélémy, saint Augustin, la Décollation de saint
Jean-Baptiste, l'octave de la Nativité, saint Mathieu,
saint Jérôme, saint François ^ saints Simon et Jude,
saint Martin, saint Damase. Une douzaine d'homélies
: au troisième nocturne furent remplacées ou intro-
duites : pour sainte Agnès, saints Vincent et Anas-
tase, saint Ignace, sainte Agathe, sainte Marthe, saint
Mathieu, saint Bernard, saint Augustin, saint Jé-
rôme, saint Nicolas, sainte Lucie, etc. — Mais c'est
ici la partie caduque de la réforme de Pie V. Ses litur-
gistes n'avaient pas hésité à supprimer les leçons que
le Bréviaire de 1550 donnait à la fête de sainte Mar-
guerite, de même les leçons de sainte Thècle, de
même les leçons de saint Eustache, de même les le-
çons de sainte Ursule : c'était trop peu supprimer. Et
quant aux leçons nouvelles, si nous en jugeons par
celles de saint Barthélémy, par celles de l'Invention
de saint Etienne, par celles de sainte Marie -aux-
Neiges, c'était trop admettre^. Et combien d'autres
qui, dans leurs sources ou dans leur rédaction, res-
taient incontestablement reprochables ! La bonne
volonté des liturgistes de Pie V n'est pas en cause :
1. Sur les sources dos leçons liisloriqucs du Bréviaire, De
Smedt, Introdiictlo generalis ad historiam ecclesiasticam
crilice trackmdani (Gand 187(j), p. 483-487. Partie des leçons
historiques du Bréviaire de Pie V sont prises (après retou-
clies) au Bréviaire de Quignonez. Zaggaria, Bibliotheca ritiiu-
lis (Rome 1776-1781), (. I, p. llG-118. La liste en est repro-
duite par Baeumeu, t. II, p. 181-182, et suivie d'observations
intéressantes, p. 184-189. — Ibid. p. 182-183, Baeumer donne
la liste des leçons nouvelles.
312 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
c'est la maturité de leur entreprise qui est en ques-
tion, et leur critique, en défaut ^ Bellarmin et Baro-
nius d'une part, Benoît XIV de l'autre, ne se feront
pas faute de le leur reprocher.
Et cependant, au total, un grand progrès était réa-
lisé. Cette restauration du vieux Bréviaire de la cour
romaine, cette restauration respectueuse et timorée
était la meilleure restauration qui se pût faire alors
de l'office romain. Elle avait sauvé V ordo psallendiiv'à-
ditionnel de l'Église romaine; elle avait sauvé l'anti-
phonaire et le responsoral du temps de Charlemagne;
elle avait restauré Vordo canonis decantandi du
viu*^ siècle; elle avait ramené le calendrier des fêtes
fixes à une plus juste proportion, et véritablement
remis en honneur l'office temporal. Si elle n'avait pas
osé supprimer l'hymnaire, c'est que personne n'y eut
pensé alors, et n'y a même pensé depuis.
La catholicité rendit justice à l'œuvre sage et sin-
cère de Pie V^. L'Italie entière, toutes les Espa-
gnes y compris le Portugal, la France plus lente-
ment, à partir de 1580^, et grâce aux instances des
1. Voyez le reproche de Sigonio, lettre du 3 janvier 1575 à
Paleotli, contre le récit de la fausse donation de Constantin,
Baeumer, t. II, p. 211.
2. RosKOVANY, t. V, p. 237, et Baeumer, 1. II, p. 211, repro-
duisent une critique de Lindanus, évêque de Ruremonde, qui
est plus vive que fondée.
3. Voyez pourtant la belle édition parisienne du Bréviaiiv
de Pie V publiée à Paris chez Kerver, 1574, « cum privileu
Caroli IX Francorum régis christianissimi ». Voyez aussi le
Breviarium Romanum ex decreto sacrosancti concilii Triden-
tiiii restitutum... Avec les Rubriques traduites en Français
par le commandement eœpres du Roy.. . Paris, Jamet Mettayer,
LE BIIÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 313
Jésuites, reçurent avec estime le nouveau Bréviaire
romaine Si, écrit le sorbonniste Grancolas, « si, au
IX® siècle, le Bréviaire romain mérita tant d'applau-
dissements et d'être préféré à tous ceux des autres
Eglises, il parut avec plus de lustre après que le
pape Pie V l'eut fait revoir; aussi peut-on dire que,
depuis ce temps-là, toutes les Églises particulières
l'ont tellement adopté que celles qui ne l'ont pas
pris sous le nom du Bréviaire romain l'ont presque
tout inséré dans le leur, en l'accommodant à leur
rite'^ ».
Il est même permis de dire, avec Dom Guéran-
ger, que le succès du Bréviaire de Pie V fut exces-
sif. Le Saint-Siège entendait voir se perpétuer les
liturgies remontant au moins à deux siècles ^. C'est
ainsi que le Saint-Siège, par un rescrit du 10 sep-
tembre 1587, accorda à l'Église d'Aquilée de conti-
nuer à célébrer l'office divin selon son vieux rite pa-
triarchin^*. Il eût été bon que les Églises, rentrant
dans l'exception prévue par la bulle Quod a nobis^
1588 [B. N. In fol. B 543]. C'est le Bréviaire dit de Henri III.
1. RosKOVANY, t. V, p. 236-275, fait le relevé des réceptions
successives par les conciles particuliers, par les grandes fa-
milles religieuses. Résumé et faits nouveaux dans Baeumek,
1. II, p. 221-233.
2. Grancolas, p. 14-15.
3. Bulle Quod a nobis : « Abolemus quaecumque alla Bre-
viaria..., illis tamen exceplis, quae ab ipsa institutione a Sede
Apostolica approbata, vel consiietudine quae, vel ipsa insti-
lulio, ducentos annos antecedat... »
4. GuÉiiANGER, t. I, p. 430. Baeumer, t. II, p. 227. Cf. Dom
MoiiiN, « L'année liturgique à Aquiléc antérieurement à l'é-
poque carolingienne », Revue bénédictine, 1902, p. 1-12.
314 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
gardassent leur ordo propre traditionnel ^ Lorsque
le chapitre de la cathédrale de Paris, en 1583, refusa
à son évêque, Pierre de Gondy, de recevoir le Bré-
viaire de Pie V, — « ...Maxime quod recepta diidum
tam illustris Ecclesiae coiisuetudo, non facile suum
immutari officium pateretu?-'^ », — le chapitre de
Paris entrait dans les vues conservatrices du Saint-
Siège. « Nous sommes loin de le blâmer, écrit Doin
Guéranger. Il était trop juste que cette liturgie
romaine-française... que plusieurs ordres religieux
avaient adoptée, qui avait pénétré jusque dans les
églises de Jérusalem, de Rhodes, de Sicile, demeu-
rât debout comme une de nos gloires nationales. Abo-
lie déjà dans la plupart des cathédrales françaises
par l'introduction des livres romains, Paris, du moins,
ne devait pas la laisser périr. Rome elle-même avait
préparé les voies à cette conservation par les clauses
de sa bulle; si donc, aujourd'hui, cette belle et poéti-
que forme du culte catholique n'est plus, demandons-
en compte, non au Saint-Siège, mais aux Parisiens
qui, cent ans plus lard, se plurent à renverser l'anti-
que et noble édifice que leurs pères avaient défendu
avec tant d'amour 3. »
1. Tel fut le cas de Milan, qui gaixla son oflîcc ainbrosien.
et (le Tolède qui garda sou ofïice dit mozarabe.
2- Breviariam insignis Ecclesiae Parisiensis restitutiim ar
emendatum R. in Christo Patris I). Pétri de Gondy Parisien-
sis Episcopi authoritate, ae eiusdem Ecclesiae Capituli con-
sensu editum, Paris 1584. Préface de Gondy.
3. Guéranger, p. 452. Guéranger a tort de s'en prendre aux
Parisiens du xvir siècle. C'est Pierre de Gondy, en 1584, qui
fit corriger les livres parisiens et y « fit entrer la presque lo-
LE IJHÉVIAIRE DU CONCILE DE THEME. 315
III
En promettant, dans la bulle Quod a nohis^ que
le Bréviaire, « dans aucun temps, ne pourrait être
changé, en tout ou en partie, et qu'on n'y pourrait
ajouter ou enlever quoi que ce fût », le pape Pie V
avait pris un engagement que ses successeurs ne de-
vaient pas observer.
Son successeur immédiat, le pape Grégoire XIII
(1572-1585), ne se crut pas lié par les termes de la
bulle Quod a iiobis. Pie V n'ayant point institué d'of-
fice commémoratif de la victoire de Lépante (1571),
et s'étant contenté d'insérer au 7 octobre la mention de
sainte Marie-de-la-Victoire dans le Martyrologe ro-
main, Grégoire XIII voulut davantage : par un décret
en date du l*''' avril 1573, il institua la fête du Rosaire,
la fixa au premier dimanche d'octobre, et lui donna
le rite double majeur. II est vrai que cette fête n'était
que pour les églises qui avaient un autel du Rosaire.
Elle n'était donc pas étendue à TÉglise universelle,
elle ne devait l'être que sous Clément XI (3 octobre
1716). Mais Grégoire XIII n'entendait pas moins tou-
lalilé du Bréviaire de saint Pie V » (Guéranger, loc. cit.).
Noloiis celte autre conséquence de la bulle Quod a nobis, ({ui
est d'avoir remis au Saint-Siège le monopole de régler toute
liturgie, et d'avoir supprimé aux Évéques tout pouvoir sur la
matière. Los évêques, au xvip et au xviir siècles, firent échec
à ce monopole romain, Mais le principe n'en était pas moins
entré dans l'enseignement théologique. Voyez les textes (Sua-
rez, Salmanticenses, Lessius, Bonacina, Vasquez, Billuart,
Gavanli, Benoît XIV, etc.) dans D. Bouix, De jure liturglco
(4'' édit. Paris 1886), [». 233-264.
316 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
cher au Bréviaire de 1568. On le vit mieux, en 1584,
lorsqu'il rétablit, en lui donnant le rite double, la fête
de sainte Anne, que Pie V avait éliminée de son Bré-
viaire, et la mémoire de saint Joachim, dont Pie V
avait supprimé toute mention ^
Sixte-Quint, après lui (1585-1590), porta de nouveau
la main sur l'œuvre de Pie V. Il rétablit, en 1585,
en lui donnant le rite double, la fête de la Présenta-
tion delà Vierge, fête abolie par Pie V ^. 11 rétablit de
même la fête de saint François de Paule et celle de
saint Nicolas de Tolentino. L'année suivante (1586), il
rétablit la fête de saint Janvier et de ses compagnons,
celle de saint Pierre martyr, et celle de saint Antoine
de Padoue, supprimées par Pie V. En 1588, il donna
à saint Bonaventure le titre de docteur, et il éleva sa
fête au rite double ^.
Le pontificat de Clément VllI va sanctionner les
mesures de Grégoire XIII et de Sixte-Quint, en les
1. Dans le Vatican. Ottohoni. 2366, fol. 73-75, une lettre dn
card. Sirlelo, 13 mars 1579, sur la correction du Bréviaire el
du missel, a trait seulement à l'indication des accents toni-
ques. Baeumer, t. II, p. 23'i, renvoie au Vatican, lat. 6171,
fol. 158, pour une intervention du card. Sirleto en faveur de
la fête de sainte Anne. — Mentionnons pour mémoire l'édition
officielle du Martyrologe romain de 158^i. A ce moment Bel-
larmin aurait voulu que des corrections fussent introduites
dans le Bréviaire : lettre à Salmeron, 19 juillet 1584.11 semble
que le vieux cardinal Sirleto (il mourut le 7 octobre 1585) n'ait
pas été gagné à cette retouche. La lettre de Bellarrainest citée
par Baeumer, t. II, p. 212,
2. Baeumer, t. II, p. 252, cite le Vatican, lat. 6171, fol. 100,
une note qu'il attribue au card. Sirleto concluant à là restau-
ration de la fête de la Présentation.
3. SCHOBER, p. 50.
TE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 317
dépassant. Dans la bulle Aeternus ille, qui sert de
préface à Fédition sixtine de la Vulgate (1589), Sixte-
Quint avait donné aux imprimeurs une faculté, ou
plutôt un ordre, qui n'allait pas sans produire de gra-
ves effets : l'ordre de corriger, selon la lettre de l'édi-
tion sixtine, dans les missels, bréviaires, psautiers,
rituels, pontificaux, cérémoniaux et autres livres ecclé-
siastiques, les textes qu'ils renfermaient de l'Écriture
sainte [iuxta hune nostrum textum ad verham et ad
literam corrigantur). On sait quelle critique souleva
l'édition sixtine de 1589, et comment on dut en entre-
prendre immédiatement la revision. De là, nouvelle
édition de la Vulgate (1592). Que de perturbations
apportées dans la lettre de l'office romain ! On était
maintenant en 1600 environ : le Bréviaire de 1568
avait donc plus de trente ans d'usage. Quel livre ne
trahirait pas de déchets à une pareille épreuve! La
critique des textes, la science historique, le goût lui-
même étaient plus développés, plus exigeants à
l'heure actuelle. La congrégation de 1568 avait tra-
vaillé à une heure de circonspection nécessaire, et
fait œuvre de conservation immédiate : une congré-
gation nouvelle pourrait être plus osée. La création
en 1588 par Sixte-Quint de la Congrégation perma-
nente des Rites, investie de la mission de réformer
au besoin et d'amender les livres liturgiques ^ était
déjà une démarche dans ce sens.
L'initiative de la revision du Bréviaire vint du
Saint-Siège : elle fut le fait, non de Clément VIII,
1. Bulle Immensa aeterni Dei, 22 janvier 1588.
I
318 HISTOllU: DU RRÉVIAIRE IlOiMAlN.
comme nous l'avions tous cru jusqu'ici, mais de Sixte-
Quint, et elle est contemporaine de la création de la
Congrégation des Rites. Sixte-Quint chargea, en
effet, le cardinal Gesualdo, premier préfet de la Con-
grégation des Rites, de solliciter, par l'intermédiaire
des nonces, l'avis, non seulement des ordinaires,
mais des principaux savants ou corps savants d'Eu-
rope. Le dessein arrêté du pape était de « faire res-
taurer le plus tôt possible dans leur pureté le Bré-
viaire et le MisseP ». Les Adnotationes criticae
adressées ainsi par les théologiens de Pologne, de
Savoie, de Portugal, d'Espagne, d'Allemagne, de
Naples, de Venise, par la Sorbonne, par le doyen de
la faculté de théologie de Salamanque, par d'autres
encore, sans omettre Ciacconio et Bellarmin, — ces
Adnotationes sont conservées à la bibliothèque Val-
licellane, à Rome, parmi les papiers de Baronius -.
La consultation ouverte par Sixte-Quint n'eut pas
de suite immédiate, le pape étant mort peu après
(27 août 1590) et ses trois successeurs, Urbain VII,
Grégoire XIV, Innocent IX, n'ayant fait que passer
sur le Siège apostolique (1590-1591). Néanmoins au
1. Gepoint a été mis en lumière par Baeumer, t. II, p. 253-256.
Voyez les citations qu'il fait des réponses de quelques nonces,
juillet, août, octobre 1588. La circulaire du cardinal Gesualdo
est du 13 mai 1588. Baeumer (p. 255) n'en a pas pu retrouver
le texte. Dans une lettre du 9 avril 1588, Baronius écrit pour
son propre compte : « Il Breviario romano per disgralia nostra
e cosi cattivo che cento e quaranta errori ho notato nelle
historié che ivi si trattano ». Baeumer, p. 212.
2. A. Bergel, « Die Emendation des nimischen Breviers uii-
tor Papsl Glemens VIII », dans la Zeitschrift fur katholische
Théologie d'Innsbruck, 1884, pp. 293-294, en donne l'inventaire.
LE BHÉVIAIUE DU CONCILE DE TRENTE. 319
cours de ses dix mois de pontificat, Grégoire XIV
trouva le temps de reprendre le projet de revision du
Bréviaire : il renouvela au cardinal Gesualdo la mis-
sion dont l'avait investi Sixte-Quint, une commission
de consulteurs fut nommée qui se réunit le 25 avril
1591 sous la présidence de Gesualdo. Les actes, d'ail-
leurs incomplets, de cette commission ont été re-
trouvés récemment et publiés ^
1. Baeumer, 1. II, 263-269, d'après le Vatican, lat. 6097. —J'ai
consulté ce ms. à mon tour en 1904. C'est un dossier qui porto
en titre (fol. E) : Super reformatione Brevl4RIi varia. Et
au verso : « Hune libellum ex foliis volantibus habitis ex hac^
redilate loannis Baptistae Bandini canonici S. Pétri, et olim
correctoris Bibliothecae Vaticanae, et sccretarii Gongregationis
super Reformatione Breviarii sub Clémente VIII. Collegi ego
Félix Contelorius eiusdem Bibliothecae custos anno 1628. »
Les actes de la commission de Grégoire XIV commencent au
fol. 127, mais ce n'en est qu'une copie, et cette copie est très
lacuneuse. On lit en lête (fol. 127) : « Sanctissimus I). N. Gro-
gorius XIV emendationem Breviarii rom. quam Xystus V eius
praedecessor aggressus fuerat, et morte praeventus absolvere
nequiverat, continuandam esse decrevit, Cumque sciret huic
lune negotio praefectum fuisse 111™ et R"' Cardinalem Gesual-
dum, iterum eius rei curam omnem eidem demandavit, suac-
que intentionis et voluntatis esse declaravit ut in lectionibus
sanctorum et aliis quibusque rébus ea solum mutentur quae
nullo pacto sustineri possunt, et quae satis bene digesta no-
scuntur non ulterius laborandum ut ampliora et perfectiora
l'cddantur, cum importunae novitates hoc praesertim tempore
nihil expedire nullamque prorsus utilitatem vel commodum Ec-
clesiae Dei afferre posse videantur. Ad eam rem cum primum
delecti fuerant eruditi aliquot viri sacrarum rerum periti et
ecclesiasticis ritibus instructi, ut lotum Breviarium diligenter
examinarent, et quid in singulis rébus statuendum videretur
maturo iudicio consulerent, quorum haec sunt nomina [les
noms manquent, et ils nous sont inconnus d'ailleurs]. Eos igi-
tur D. Cardinalis ad se convocavit die XXV aprilis MDXGI
ac mandatum et voluntatem Sanctissimi illis exposuit... »
320 HISTOIRE DU BHÉVIAIRE ROMAIN.
La volonté de Grégoire XIV était que Ton sup-
primât dans les légendes des saints ce qui ne pouvait
en aucune façon être maintenu, mais que Ton ne
cédât pas à la tentation de rendre parfait ce qui
était bien. Il ne paraît pas que les consulteurs aient
été très sévères aux légendes. Pourtant, ils proposè-
rent d'effacer dans celle du pape Damase quelques
lignes que nous y lisons encore, sur la psalmodie et
la peine du talion, et qui sont prises aux fausses dé-
crétâtes. C'est la seule correction de valeur que nous
relevions, correction qui ne sera reprise ni sous Clé-
ment VIII, ni sous Urbain VIII.
Grégoire XIV mourut trop tôt pour voir aboutir
son dessein, qu'il était réservé à Clément VIII de re-
prendre en main. On a noté avec raison que ce
pontificat (1592-1605) fut un moment de rare acti-
vité : sans parler de l'édition définitive de la Vulgate
(1598), à ce pontificat appartient l'édition du Marty-
rologe (1598), du Pontifical romain (1596), du Céré-
monial des Évêques (1600), du Missel romain (1604).
Rome était à ce moment un brillant foyer d'études
ecclésiastiques : le cardinal Bellarmin, le cardinal
Baronius étaient l'honneur du Sacré Collège, et, au-
tour d'eux, nombreux étaient les hommes de valeur.
Clément VIII choisit Baronius pour organiser la
nouvelle revision du Bréviaire : les Adnotationes cri-
ticae adressées à Rome en 1588 furent remises à .Ba-
Voyez la pièce intégralement reproduite par Baeumer, t. II.
p, 263-269, sous le litre de « Actes de la commission d(
Grégoire XIV ».
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 321
ronius, pour qu'il en exprimât au pape son sentiment.
Et nous possédons le texte du rapport de Baronius.
J'ai examiné, dit-il, toutes les critiques qui, de
diverses provinces, ont été adressées, ou que de doc-
tes personnes de Rome nous ont communiquées. Con-
formément à ces critiques, j'ai mis à part, dans tout
le Bréviaire, ce qui ne paraissait pas pouvoir être dé-
fendu, en quoi je me suis appliqué, pour la plus
grande rapidité de la correction, à supprimer plutôt
qu'à ajouter. Comme il est juste que mon travail soit
soumis à la censure d'autrui, il serait excellent que
Sa Sainteté nommât un des cardinaux de la Congré-
gation des Rites, auquel elle adjoindrait deux ou trois
consulteurs doctes et érudits, qui prendraient la peine
de revoir sérieusement mon travail. Ainsi, en quel-
ques jours, une décision pourrait être prise sur toute
cette affaire. J'ai, en effet, partout indiqué les raisons
qui me faisaient corriger ou ne pas corriger le texte
du Bréviaire ; je serais d'ailleurs présent pour fournir
les explications nécessaires, si quelque point parais-
sait obscur ou ambigu. Une fois la correction approu-
vée par ces trois censeurs, on la soumettrait, au moins
quant aux modifications les plus importantes, à la
Congrégation des Rites, et ensuite Sa Sainteté pour-
rait en prendre connaissance et décider, en dernier,
de tout le travail, selon qu'il lui semblerait juste. —
Pour ce qui est de l'exécution, on avait pensé à pu-
blier un petit livre qui contiendrait les offices nou-
veaux approuvés par Sixte- Quint..., et le correclo-
rium de tout le Bréviaire. Pour les offices nouveaux,
dont quelques-uns n'ont pas encore été imprimés (la
inSTOiRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 21
322 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE IlOMAi.X.
Conception, la Visitation, la Présentation...), ce pro-
jet aurait du bon : pour le correctorium, il ne me
plaît pas du tout. En effet, à publier un correctorium,
on découvre à toute la terre et aux ennemis de l'E-
glise les nombreuses et graves erreurs que nous avons
tolérées jusqu'ici dans le Bréviaire : ce serait un
scandale, et de plus le désaveu des auteurs du Bré-
viaire, sans compter qu'il serait désagréable à beau-
coup de faire tant de corrections à leurs Bréviaires. 11
paraît plus sûr d'imprimer un Bréviaire corrigé et
expurgé, qu'on n'obligerait personne à acheter incon-
tinent, mais seulement quand besoin serait. Ainsi les
religieux et les prêtres pauvres ne seraient point gê-
nés ; ainsi peu de gens remarqueraient les corrections
nouvelles de tant d'erreurs qui, en réalité, se sont in-
troduites dans le Bréviaire ; et cependant, en quelques
années, on finirait par n'avoir plus en circulation que
des Bréviaires corrigés. Si l'on se décide à imprimer
un Bréviaire corrigé, ce que tous les hommes ins-
truits désirent vivement et attendent impatiemment.
Sa Sainteté pourrait expliquer dans une bulle préface
les raisons de cette nouvelle édition..., notamment
qu'elle a pour but de couper court à la témérité de
quelques-uns qui, de leur autorité privée, ont inséré
dans les Bréviaires des choses fausses ou incertaines,
ainsi que cela est évident en ce qui concerne les le-
çons de saint Alexis et autres, et qu'à cette occasion
on a corrigé quelques autres fautes dues à la négli-
gence des typographes ou autres ^.
1. Bergel, pp. 295-297. La séance où fut lu ce rapport est
du 10 sept. 1592.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 323
Les jugements exprimés là par le cardinal Baro-
nius s'inspiraient d'un grand sens pratique : puisque
l'on corrigeait des erreurs, mieux valait les corriger
modestement et sans éclat : puisque l'on publiait
une édition nouvelle, mieux valait ne pas en imposer
immédiatement le cours. Mais la revision devait sup-
primer du Bréviaire tout ce qui no pouvait pas être
défendu : autant dire qu'une revision s'imposait '.
La congrégation particulière, dont Baronius de-
mandait l'avis, fut nommée aussitôt par Clément Vlll.
Nous avons les noms de ses membres : J.-B. Bandini,
chanoine de Saint-Pierre; Michel Ghisleri, théatin;
Barth. Gavanti, barnabite; Ludovic de Torres, arche-
vêque de Montreale ; le cardinal Antoniano, le cardi-
nal Bellarmin, enfin le cardinal Baronius, président^.
1. Dans le Vatican, lat. 6097, fol. 114 et suiv., voyez la let-
tre au card. Baronius écrite, de Naples, par « Marianus Lihe-
rius Pelignus » en 1601, Elle commence ainsi : « Gum brevia-
rinm sacrarum precum serio tandem emendari et ad veterem
primaevae Ecclesiae forraam revocari persentiscerem, statui,
antequam istic editio rtiaturescat, nec accersitus quidem, sym-
bolam conferre meam... » On peut conclure que la correction
du Bréviaire décidée par Clément VIII dès le début de son
pontificat, sommeilla jusqu'en 1601. — L'état d'âme de ce
napolitain est curieux à signaler. Il écrit : « Habemus sacra-
rum precum Breviarium, non quale Damasus, aut Léo, aut
certe Gelasius ediderunt, sed quale sanctissimi Gregorius sep-
timus, Innocentius lerlius, el insequentes pontiflces rudi illa
nostrorum patrum aetalc, et lutulenlo ac turbulento tempore
utcumque habere poluerunt. lam hoc florenli saeculo Cle-
mens VIII opt. max. quo virtutem et litterarum studia caput
diu pressum lollere incipiunt, quidni priscum illum psallendi
ritum, abiecto hoc semibarbaro, restituât? »
2. Gavanti, préface à son Thésaurus sacrorum rituum
(Rome 1628).
324 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROiMAlN.
La première réunion eut lieu le 10 septembre 1592.
Nous n'avons pas les procès-verbaux de la commis-
sion, et nous ignorons quel temps exactement durè-
rent ses travaux. On trouve trace * de séances tenues
du 21 mars 1601 au 12 juin 1602. La bulle Cum in
ecclesia, par laquelle Clément YIII promulgue la
nouvelle édition du Bréviaire, porte la date du 10 mai
1602. Comme les premières séances de la commis-
sion remontent au 25 avril 1591, ou au moins au
10 sept. 1592, on calcule que les travaux de la com-
mission ont duré dix ans.
Du moins connaît-on mieux la nature de ces tra-
vaux.
La congrégation fut d'accord, avant tout, de faire
au texte du Bréviaire le moins de changements qu'il
se pourrait [data est opéra ut quant miniina muta-
tio fieret). Le cardinal Antoniano avait proposé de
corriger les hymnes des fautes de quantité qui les
tachent : plus sage, la congrégation, en reconnais-
sant que les hymnes sont pleins d'erreurs prosodi-
ques, ne consentit à changer que ce qui paraissait
être la faute des copistes, ou ce qui pouvait être cor-
rigé par le cliangement d'une seule lettre ou d'une
1. Dans le Vatican, lat. 6957, fol. 22-^18 : « Lecliones recep-
lae ac restituiae », sommaire des travaux des séances tenues
du 21 mars 1601 au 12 juin 1602. Les commissaires sont Baro-
nius, Antoniano, Bellarmin, Torres, Bandini. — J'ai consulté
les mss. Vatican, lat. 6096-6100 « Super reformalione Brevia-
rii ». Dans le Vatican tat. 6096, fol. 88-89, j'ai trouvé un bon
résumé général des émendations proposées en dernier ressort
à Clément VIII : « Gapita precipua in repurgatione Breviarii
Romani cxaminata. » On le trouvera imprimé plus loin.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 325
seule syllabe, « particulièrement dans les hymnes de
Prudence et d'Ambroise qu'il n'est pas permis de sup-
poser avoir été composées incorrectement^ ». On se
demande s'il ne conviendrait pas d'abréger l'office
dominical, et pareillement les nouveaux offices dou-
bles : mais on se rangea à l'avis qu'il ne fallait rien
abréger [nihil breviandum). Quant au lectionnaire,
à l'antiphonaire et au responsoral, on entendait « ne
changer que ce qui ne pouvait être maintenu sans
scandale » [ea sola mutaremus quae sine offensions
tolerari non poterant ^). On supprima quelques homé-
lies ou sermons du lectionnaire pour les remplacer
par d'autres : ainsi, au 15 août, on fit disparaître un
sermon apocryphe de saint Athanase, pour le rem-
placer par un sermon de saint Jean Damascène ; ainsi,
au l^*" novembre, on restitua à Bède le sermon du
second nocturne que le Bréviaire de Pie V attribuait
à saint Augustin... On supprima des légendes sanc-
1. BerCiEL, p. 297. On ajouta deux hymnes : le Fortem vi-
l'ili pectore, œuvre du cardinal Antoniano, pour le commun
des non vierges, et le Pater superiii luminis, œuvre du
cardinal Bellarmin, pour la fêle de sainte Madeleine. Dans son
autobiographie, Bellarmin rappelle qu'il avait une extrême
facilité à versifier en latin dans tous les mètres : « Ex lanto
numéro carminum nihil suporat, nisi carmen sapphicum com-
positum Florentiae de Spiritu Sancto [Spiritiis celsis domina-
tor astris]... et hymnus do S. Maria Magdalena qui posilus
est in I^reviario, qui hymnus composilus fuit TuscuU et a Clé-
ment VIII antepositus hymno quem de ea re scripsit Gardina-
lis Anlonianus, et uterque nostrum quasi ex tempore scripsit
et joco magis quam ut in Breviario poni deberet », Die Selbst-
biographie des Gard. Bellarmin, éd. Doellinger et Reusgh,
Bonn 1887, p. 26.
2. Bergel, ibid.
326 HISTOIRE DU BRÉVIAlRi: ROMAIN.
torales un petit nombre d'assertions que Ton jugea
insoutenables, comme, dans la légende de saint Mar-
tin, le récit de la vision de saint Ambroise assistant
en songe à la mort de saint Martin, récit emprunté
à Grégoire de Tours ^ ou, ailleurs, l'assertion que
saints Gordien et Épimaque avaient été condam-
nés à Rome par l'empereur Julien-, etc. Mais, pour
la plupart, les erreurs que l'on corrigea étaient des
erreurs de simple chronologie, comme la date de
la mort de saint Ambroise ou de saint Hilaire, ou
du martyre des saints Gervais et Protais, Faustinus
et Jovita, etc.
Quelques corrections proposées par Baronius ne
furent point adoptées, quelle qu'en fût l'opportunité.
Il trouvait discutable le fait mentionné par la légende
de la dédicace de Saint-Jean-de-Latran : « Et imago
Salçatoris in pariete depicta populo romano appa-
mit. » On n'y toucha point. Il demandait que, dans la
légende de l'apparition de saint Michel sur le mont
Gargan, la mention de la consécration à Rome d'un
oratoire « in summo circo » fût modifiée de manière
à désigner l'oratoire de saint Michel « in summo cir-
culo molis Hadrianae », c'est-à-dire sur la terrasse
du château Saint- Ange : la leçon ancienne a été main-
tenue, si obscure soit-elle. Les erreurs graves, que
Baronius signalait dans certaines légendes, nommé-
ment dans celle de saint Alexis, ne furent même pas
soumises à l'examen de la congrégation, et la légende
1. Bergel, p. 340
2. Id. p. 317.
lE IJHlîVIAinE DU CONCILE DE TRENTE. 827
si controversée de ce saint est demeurée intacte.
D'autres corrections qui furent adoptées étaient dis-
cutables. Exemples : Baronius fit dire à la légende de
saint André que les ossements de l'apôtre ont été
transportés à Constantinople sous le règne de Cons-
tance; le Bréviaire de Pie V disait Constantin, et Ur-
bain VIII a fait judicieusement rétablir cette leçon.
Dans le Bréviaire de Pie V, saint Hippolyte était
donné comme prêtre ; Baronius le fait qualifier d'évé-
que de Porto. La légende de saint Jacques le Majeur,
dans le Bréviaire de Pie V, disait sans insister que
l'apôtre avait « parcouru l'Espagne et y avait prêché
l'Évangile, puis était revenu à Jérusalem » ; Bellar-
min demandait que cette assertion fût effacée du Bré-
viaire, comme ne reposant sur aucun témoignage
digne de foi. Baronius passe outre aux représentations
de Bellarmin, et fait insérer la phrase suivante : « Mox
Hispaniam adiisse, et ihi aliquos ad fidem conver-
tisse, Ecclesiarum illiiis provinciae traditio est; ex
quorum numéro septem postea episcopi a beato
Petro ordinati in Hispaniam primi directi sunt » ;
phrase dont Urbain VIII devait supprimer le membre
« Ecclesiarum illius provinciae traditio », cédant aux
instantes réclamations du clergé espagnol. Dans le
Bréviaire de Pie V on admettait l'identité du Denis
évêque d'Athènes et du Denis évêque de Paris ; Bellar-
min voulait que l'on distinguât les deux personnages,
faisant du second un évêque du temps de Dèce, ainsi
que l'entendent Grégoire de Tours et Sulpice Sévère ;
Baronius fait maintenir les termes adoptés sous Pie V.
Baronius corrige les légendes des anciens papes ; mais
328 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
ce n'est que pour préciser la chronologie de leurs
pontificats, si incertaine cependant ^
Combien de détails qui .< ne pouvaient être suppor-
tés sans offense » sont maintenus ! Bellarmin n'admet-
tait pas l'authenticité des Fausses Décrétales, et l'on
sait que les Fausses Décrétales sont entrées dans la
rédaction des légendes des anciens papes au Bréviaire :
Baronius repousse toute correction sur ce chapitre.
Baronius lui-même reconnaissait le caractère apocry-
phe d'actes des apôtres, tels que ceux de saint Thomas;
il invoque cependant leur autorité, « licet adnume-
rsntur inter apocrypha », dit-il 2. Baronius recon-
naissait le caractère corrompu de certains actes de
1. Dans le ras, Vatican, lat. 6242, papiers ayant trait à la
réforme de Clément VIII et provenant, au moins en parlie,
(le Bandini, on trouve fol. 20-24 des Duhia in lectionibus Bre-
viarii, dont nous ne relèverons que les deux suivants : « Dio
9 octobris, dicitur Dionysius Areop. Parisiorum episco]»us
fuisse, quod valde dubium est, ut facile possera ostendei-e
si opus esset. » — « Die 25 julii, Jacobus dicitur in Hispania
Evangelium praedicasse. At id valde dubium est. Nam nullus
probatus autor eius rei testis foriasse proferetur. Narrât id
quidem Isidorus in libro de sanctis Patribus ulriusquo Tc-
stamenti (si tamen Isidorus eius libri auctor est), vorum in e:i
narratione multa absurda et falsa continenlur... Dcni(|U('
Innoc. [le pape Innocent P', Jaffé, 311]... disertis vorbis affir-
mât nullum apostolorum in Hispania praedicasse. »
2. De même, l'autobiographie de Bellarmin nous apprend
que Baronius tenait (avec raison) pour apocryphe l'épîtrc
encyclique des prêtres d'Achaïe sur le martyre de saint André :
Baronius céda aux représentations de Bellarmin qui la lenail
(bien à tort) pour authentique : « A card. Baronio dissensit in
quadam congregatione super reformatione Breviarii de pas-
sione sancti Andreae, an esset vere scripta a presbyferi.s
Achajae, negabat Baronius; sed cum audisset sententiarn
N. [Bellarmini] et rationes eius, publiée dixit, se amisisse eau-
LE BHÉVIAinE DU CONCILE DE TRENTE. 329
martyrs : « Acta sancti Donati depravata esse nulla
dubitatio est » ; et ailleurs, parlant de sainte Cathe-
rine : « Multa eius historia habel quae çeritati répu-
gnant. » Il ne croit pourtant point qu'il faille faire
autre chose que les amender.
Au total le correctoriiun dressé par Baronius et
adopté par la congrégation clémentine se réduisait à
de minimes modifications ^ et bien peu en rapport
même avec les prémisses énoncées par Baronius dans
son projet de correction. Mais tel qu'il était, il fixait
un point de droit de grande importance, que Clé-
ment VIII a consacré implicitement en ne reprodui-
sant point dans sa bulle préface les termes si stricte-
ment prohibitifs de la bulle Quod a nobis de Pie V :
c'est à savoir que le texte du Bréviaire romain
était un texte perfectible. Et s'il était perfectible,
c'est donc qu'il renfermait, dans son économie tradi-
tionnelle et définitive, des éléments caducs et provi-
soires, que le temps avait révélés ou aurait à révéler.
Un autre amendement apporté par Clément VIII à
l'œuvre de Pie V consista, non seulement à introduire
ou à rétablir des fêtes dans le Bréviaire romain (saint
Romuald, 7 février; saint Stanislas, 7 mai; saint Lu-
cius, pape, 4 mars ; sainte Catherine de Sienne, 30 avril ;
saint Jean Gualbert, 12 juillet; saint Eusèbe, 16 dé-
sam ot placcre sibi senleiiiiam N. magis quam suam. » Sclbst-
hio graphie, p. 46.
1. Les correclions proposées par Baronius sont conservées
dans le ms. Q 33 et G 83 de la Bibliothèque Vallicellane. Los
corrections de Bellarmin, dans le ms. G. 90 de la même bi-
bliothèque. Bergel, p. 362 et suiv.
330 HISTOIHE DU nnÉVlAIUE nOMAlN.
cembre), mais à relever le rite de fêtes amoindries par
Pie V ^ La fête de l'Invention de la Croix devint dou-
ble de seconde classe. Au rite double majeur furent
élevées les fêtes de la Transfiguration, de l'Exal-
tation de la Croix, de sainte Marie-aux-Neiges, de la
Visitation, de la Présentation, de la Conception, de
l'apparition de saint Michel, des deux chaires de
saint Pierre, de saint Pierre-aux-Liens, de la conver-
sion de saint Paul, de saint Jean à la porte latine, de
saint Barnabe. Au rite semi-double, on éleva des fêtes
simples: saint Timothée, saint Polycarpe, saints Nérée
et Achillée, saint Grégoire le Thaumaturge. En 1568,
on avait eu en vue de diminuer le sanctoral pour re-
mettre le temporal en usage et en honneur; en 1602,
on allait à rendre au sanctoral la prépondérance sur
le temporal. Et l'exemple donné par Clément VIII,
dans ce sens, allait être suivi à l'envi par ses suc-
cesseurs.
Léon X, Clément VII, Paul IV, Pie V, Clément VIII :
voilà depuis le commencement du xvi** siècle cinq ré-
formes du vieux Bréviaire de la cour romaine. Ajou-
tons-en une sixième, celle d'Urbain VIII -.
Celle-ci, comme les autres, a été provoquée par les
doléances de plusieurs hommes pieux et doctes qui se
1. En revanche, on supprima la fête des Stigmates de saini
François, que Paul V s'empressa de rétablir.
2. ScHOBER, p. 57. Breviarium Romanum ex décréta Sacro-
sancti Concilii Tridentini reslitutum, PU V Pont. Max. iussu
editum, et démentis VIII aiictoritate recognitnm, Rome 1602.
LE nRÉVIAIHE DU CONCILE DE TIÎENTE. 331
plaignent que le Bréviaire romain renferme des élé-
ments reprochables : « Piorum doctorumque virorum
iudicia et vota conquerentium in eo contineri non
paucay quae swe a nitore institutionis excidisseni,
sive in choata potius quam perfecta forent ah aliis,
certe a nobis supremam jnaniun imponi desidera-
rent ^ . »
Urbain VIII institue une congrégation pour répon-
dre à ces desiderata^. Elle est présidée par le car-
dinal Ludovic Gaëtani, et se compose de neuf con-
sulteurs, dont plusieurs célèbres : Tércnce Alciati,
jésuite, qui prépare l'histoire du concile de Trente
publiée après sa mort par le cardinal Pallavicini ; le
cistercien Hilarion Rancati, l'ordonnateur de la bi-
bliothèque Sessorienne; Luc Wadding, l'historio-
graphe des Frères Mineurs , dont il était ; Barthélémy
Gavanti, barnabite, le meilleur liturgiste du temps.
1. Bulle Divinam psalmodiam.
2. Vatican. Barherini xxii, 2 : « Acta in congregaiione super
emendaiione Breviarii de mandate S"»* Dnî Nrï Urbani papae
VIII ordinata, scripta et subscripta per me Tegrimum Tegri-
mium Episcopum Assisicnsem secretarium praefatae Gongre-
gationis, ab eodem S"'° specialiter deputatum, » etc. Nous
avons consulté une autre copie de ces mêmes Acta, celle qui
est contenue dans le Vatican, latin. 6098. Nous lisons en tête
des Acta (fol. 1) : « Die xii iulii 1629 habita fuit prima con-
gregatio super emendatione Breviarii in Palatio III'"' Gardi-
nalis Gaetani, in qua inter fuerunt idem III"""' Gaetanus;
R. P. D. Fortunatus Scacchus S'"' D. N. sacrista; Nicolaus
Ricardus M. sacri palatii; Lanuccius sign. referend.; Jacobus
Vulponius, Gongr. Oratorii; Barth. Gavanlus Barnabita; Pe-
truccius S. J. locoTerentii Alciati infirmi S. J.; Hilarion abbas
S. G. in Hierusalem; Lucas Vuaadingus O. M. » Alciat assista
aux réunions suivantes.
332 HISTOIRE DU BIlÉVIAinR ROMAIN.
Les cinq autres sont : le secrétaire de la congréga-
tion des Rites, Tegrimi, évêquc d'Assise ; le sacristc
pontifical, Scacchi ^ ; le maître du sacré palais, Ri-
cardi; un oratorien, Vulponi; un prélat de la Signa-
ture, Lanucci.
Les consulteurs tinrent séance tous les quinze jours
fort régulièrement, du 12 juillet 1629 au 11 décem-
bre 1631; leurs délibérations nous sont connues par
les Acta de la congrégation, les corrections pro-
posées sont consignées dans un exemplaire du Bré-
viaire clémentin que nous avons eu sous les yeux^.
l^a grande affaire de la congrégation fut d'abord de
mettre le texte du Bréviaire d'accord avec celui de
la Vulgate : « UC sacrae Vulgatae editionis puritas
inconfusa et illibata ser^atiu'y etiam quoad interpunc-
tiones et distinctiones in sacris Bibliis appositas ^. »
Puis, en vue du chant des psaumes, on se décida à
marquer la médiante des versets par un astérisque.
« Pïacuit alias notas coniniinisci propter partitiones
i^ersuum, et mediationes cantui accommodatus, ita
1. Signalons (après Baeunier) dans le ms. S. 3. 2 de la Bi-
bliothèque Angélique, à Rome, Acta in S. Congre^. Rit. pro
correctione Martyrologii et Breviarii romani, ciim ndnolatio-
nihus M. Foriiinali Scacchi (Scacciii était augustin).
2. Vatican, lat. GOOîMllOO. — J'ai consullé aussi, dans le Vali-
can. lat. 6096, fol, 88 : « (^apila praecipua in repurgaliono
breviarii romani examinalaquac S. D. N. Clomenli VIII propo-
nuniur, eius iudicio ac censurae commissa. » Explicil fol. 89\
Suit le détail des corrections apportées : 1" Ex Icctionibus
sanctorum (fol. 90-98^); — 2° Ex antiphonis et responsoriis
(fol. 99'); — 3° Ex sermonibus et homiliis SS. Patriim
(fol. 99"')... Ce dernier article s'arrête ex abrupto, la fin évi-
demment manque. Je publie ce document plus loin, p. 346-3^(9.
3. Acta, séance du 2 mars 1630.
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 333
Ut asterisciis sit nota musicae partitionis in medio
pei'su, inchoatio noi>ae lineae sectionem çersus faciat
adusum chori^ ... » On s'appliqua à mettre d'accord le
texte du Bréviaire avec celui du Missel et avec celui
du Martyrologe. L'orthographe fut rendue uniforme
ainsi : Bethléem fut corrigé en Bethlehem, quidpiani
en quippiam, pedisequas en pedissequas, etc. On
donna des initiales majuscules à des substantifs qui
n'en avaient que de minuscules. Des puristes changè-
rent enim en etenim, ou écrivirent sint siiniles au
lieu de similes sint^.
On apporta des améliorations verbales à quelques
rares textes de saint Ambroise, de saint Jérôme, de
saint Augustin, et autres pères, améliorations sug-
gérées par les éditions nouvelles. On trouve trace
d'une correction vraiment critique, encore n'était-elle
pas bien nécessaire : on ne toléra pas, au second
nocturne du cinquième dimanche après l'Epiphanie,
trois malheureuses leçons empruntées à l'Ambrosias-
ter, jusque là mises sous le nom de saint Ambroise,
et on leur substitua un morceau de saint Augustin.
En cherchant un peu, les consulteurs auraient pu
trouver dans le Bréviaire clémentin des textes plus
reprochables que l'Ambrosiaster. Mais le temps n'é-
tait guère à cette critique.
Parlant, en effet, des légendes des saints, Gavanti
énonce que leur texte, arrêté sous Clément VIII par
Bellarmin et Baronius avec une sévérité qui n'a-
1. Même séance [Valican. lat. 609*^, fol. 50).
2. Ibid.
334 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
vait rien épargné de ce qui était douteux, leur texte
était difîicile à rendre historiquement plus parfait :
aussi se résolut-on à y faire le moins possible de
changements. On se fît un principe de maintenir
les faits controversés, pour peu qu'appuyés du témoi-
gnage de quelque auteur grave, ils eussent quelque
probabilité d'être vrais : « Quae controçersa eranty
alicuius tamen gravis auctoris testimonio suffulta
aliqiiam haberent probabilitatem, retenta sunt eo
modo quo erant, cum falsitatis argui non possint,
quamvis portasse altéra sententia sit a pluribus re-
cepta ^. » Le probabilisme, qui n'a pas défendu les ca-
suistes contre la morale relâchée, induisit les con-
sulteurs d'Urbain VIll en de regrettables décisions.
Leurs corrections aux leçons historiques du Bréviaire
furent rares, une douzaine environ, et portèrent pour
la plupart sur des détails rédactionnels ^. Mais deux
sont à retenir. Dans la leçon du pape Fabien (20 jan-
vier), ils supprimèrent : « Eo pontiflce in Africa exci-
tata est haeresis a Novato contendente apostatas
poenitentes ah Ecclesia recipiendos non esse ». Ces
quelques mots, inspirés du Liber pontificalisy pou-
vaient être maintenus. Dans la leçon de saint Jacques
le Majeur (25 juillet), le Bréviaire Clémentin mention-
nait le voyage de saint Jacques en Espagne comme
une tradition particulière aux églises espagnoles :
« Hispaniam adiisse et ibi aliquos ad fidem conçe?'-
tisse ecclesiarum illius provinciae traditio est. » Les
1. Gavanti, Thesaur. sacrorum rituum, t. II, p. 75.
2. Le relevé tle ces corrections, dans Baeumer, t. II, p. 298-
301.
LE liUÉ\ lAlilE DU CONCILE DE TRENTE. 335
consulteurs d'Urbain VIII, moins discrets, écrivirent:
« In Hispaniani profecLus ihi aliquos ad Christum
convertit \ »
Inspiration moins heureuse encore, saint Eustache,
qui avait été réduit à une commémoraison, passa
semi-double et fut doté des trois leçons que nous
continuons à lire. Autant sainte Bibiane. Autant saint
Alexis. Le choix des leçons de la fête, nouvelle, de
saint Joachim ne témoigne pas d'une critique plus
difficile.
En même temps des saints nouveaux entraient au
Bréviaire, et d'abord une promotion de princes : saint
Henri, saint Etienne de Hongrie, saint Herménégild,
sainte Elisabeth de Portugal ^.
A ces innovations près, la revision d'Urbain Y III
n'aurait guère laissé le souvenir que d'une revision
surtout typographique , si, à côté des liturgistes,
dont nous venons de voir l'œuvre, n'avait travaillé une
autre commission à laquelle Urbain VIII avait confié
la revision qu'il avait peut-être le plus à cœur. Cette
commission était composée de quatre jésuites, les
Pères Strada. Gallucci, Sarbiewsbi et Petrucci, qui,
sous la direction personnelle du pape poète, furent les
artisans responsables de la correction de l'hymnaire.
Urbain YIII, comme tous les Barberini du xvii'^ siècle,
1. Baeumeh, t. II, p. 301, signale dans le ms. Vallicellan. G.
70, fol. 141-151, un mémoire envoyé d'Espagne, par lequel on
plaidait pour la venue de saint Jacques en Espagne. « On
s'appuyait entre autres sur des lettres hébraïques de l'année
35 ou 36, écrite par des Juifs d'Espagne ou de Jérusalem, et
dont la traduction était conservée à Tolède. »
2. ScHOBER, p. 63. Baeumer, t. II, p. 283.
336 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
est lui-même un lettré, il a signé un volume de
vers latins ^ Le Bréviaire insérera trois composi-
tions de lui, les hymnes à sainte Martine, à saint
Herménégild, à sainte Elisabeth de Portugal, com-
positions un peu scolaires.
Martinae celehri plaudUe nomini,
cives Romulei, plaudite gloriae,
insignem mentis dicite virginem,
Christi dicite martyvem.
Regali solio fortis Iheriae
Ilermenegilde iubar, gloria martyriim,
Christi qiios amor almis
caeli coetibiis inscrit.
On sait, grâce à un curieux corrigé du P. Strada,
que le pape en personne a travaillé à la réfection des
vieux hymnes du Bréviaire ^.
Urbain VIII pense répondre au désir de son temps
en corrigeant la prosodie ou la soi-disant prosodie
des hymnes ecclésiastiques. C'est ainsi que les Bar-
berini et tant d'autres refaisaient aux statues antiques
ces membres qui les défigurent plus que les mutila-
tions séculaires de leur marbre! Qu'on ait dépassé
la mesure et que, sous prétexte de restaurer les liym-
jies selon les règles de la métrique et du beau lan-
gage, on ait déformé l'œuvre de l'antiquité chré-
tienne, c'est chose aujourd'hui avérée de tous. Voici
1. Maf. Barberini, Poëmata (Rome 1631). Le P. Mathiat?
Sarbiewski était lui aussi un poète, que ses contemporains
comparaient à Horace! G. Sommervogel, Bibliothèque de la
Compagnie de Jésus, t. VII (Paris 1896), p. 629.
2. Je publie cette lettre, p. 350-352.
LE BnEVIAIRE DU CONCILE DE THENTE.
33'
un exemple. Nous imprimons en italique les quel-
ques mots conservés dans le texte revisé ^ :
TEXTE PRIMITIF
Gondilor aime siderum,
aelerna lux crcdenliiini.
Ghriste, redemptor omnium,
exaudi preces supplicum.
Qui condolens interitu
mortis perire saecuhim,
salvasti mundum languidum,
donans reis remedium.
Vergenle mundi vespere,
uli sponsus de Ihalamo,
ogressus honestissima
virginis matris clausula.
Cuius forti potentiae
genu curvantur omnia,
caelestia, terreslria
nutu fatentur subdita.
Te deprecamur, hagie,
venture iudex saeculi :
conserva nos in tempore,
lîostis a telo perfidi.
TEXTE REFORME
Creator aime siderum.
aeterna lux credentium,
lesu, redemptor omnium,
intende votis supplicum.
Qui iiaemonis ne fraudibus
periret orbis, impetu
amoris actus, languidi
mundi medela factus es.
Commune qui mundi nefas
ut expiares ad crucem,
e virginis sacrario
intacta prodis victima.
Cuius potestas gloriae,
nomenque cum primum sonat,
et caeliies et inferi
tremenie curvantur genu.
Te deprecamur uliimae
magnum diei iudicem,
armis supernae graiiae
défende nos ab hoslibus.
A l'heure où j'écris, tout le monde est d'accord
pour regretter cette modernisation des vieux hymnes.
Urbain VIII et ses versificateurs étaient partis d'un
principe erroné, par ignorance des règles de la poé-
1. On trouvera dans Daniel, Thésaurus hymnologicus (Halle
1841), le texte de l'hymnaire romain d'Urbain VIII, et en re-
gard le texte ancien.
histoire du bréviaire romain. 22
338 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
sie rythmique, poésie inconnue d'un temps où Ton
croyait naïvement que les hymnes de saint Thomas
d'Aquin étaient composés « etrusco rythmo » M II
serait cruel d'insister sur la faute commise là.
La recension d'Urbain VIII fut promulguée par
une bulle {Dinnam psabnodiam) le 25 janvier 1631,
et le Bréviaire sortit l'année suivante des presses va-
ticanes^.
La re vision d'Urbain VIII clôt la sérié des revisions
1. Le mot est pris à rintroduction mise en tête des Hymni
Breviarii Romani, SS. D. N. Urbani VIII iiissii et S. R. C.
approbatione emendati et editi., Rome 1629. L'approbation de
la Congrégation des Riles est du 17 mars 1629. — Le P. Som-
MERVOGEL, t. VI (1895), p. 633, cite une critique assez vive
recueillie par le P. Brotier d'après trois lettres écrites de
Rome au P. Labbe par le P. Gavalli, franciscain : « J'ai vu le
P. Hieronymus Petruccius qui a fait les hymnes du Bréviaire
nouveau approuvées par Urbain VIII, qui punit d'excommuni-
cation les irTiprimeurs des anciens. Si vous avez les nouvelles
hymnes, réimprimées à part, à la dernière page le correcteur
dit qu'il a corrigé jusqu'à 952 fausses syllabes, et que si quel-
qu'un veut bien examiner facile mille errores deprehendet.
Urbain VIII parle plus respectueusement des anciens... »
Pour une critique motivée de la malheureuse correction de
l'hymnaire par Urbain VIII, voyez U. Chevalier, Poésie
liturgique traditionnelle (Tournai 1894), p. XLix-Lxr. D. Bouix,
De iure liturgico, p. 319. Le traducteur français de Baeumer,
t. II, p. 293, rapporte le vœu exprimé par la commission du
chant grégorien institué par Pie X, en faveur du retour au
texte ancien des hymnes « qui faciliterait l'exécution des
mélodies grégoriennes ».
2. Breviarium Romanum ex decreto Sacrosancli Concilii
Tridentini restitutum, PU V Pont. Max. iussu editum, et dé-
mentis VIII pj'imum, nunc denuo Urbani VIII. PP. auctori-
tate recognitum, Rome 1632. L'hymnaire corrigé ne devint
définitivement obhgatoire qu'en 1643, en vertu de la bulle Cum
alias (27 avril). Sghober, p. 62. Néanmoins la basilique do
Saint-Pierre ne l'a jamais reçu.
LE RRÉvrAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 339
faites par le Saint-Siège au texte du Bréviaire romain.
En telle sorte, l'on peut dire que le Bréviaire d'Ur-
bain VllI, ainsi que lui-même en exprimait la volonté
dans la bulle Divinam psalmodiam^ a constitué la
vulgate du Bréviaire.
Cette vulgate cependant était-elle aussi impeccable
qu'on aurait pu le souhaiter ? Si l'on avait trouvé, en
1602 d'abord, en 1632 ensuite, matière à correction,
avait-on en ces deux revisions épuisé la somme des
corrections désirables? N'y avait-il pas à faire des
sacrifices plus graves que ceux que la critique ti-
morée et prématurée de Sirleto, la critique toute
chronologique et militante de Baronius, la critique
enfin littéraire et formelle du temps d'Urbain VIII
avaient tour à tour consentis? Les offices nouveaux,
introduits en si grand nombre depuis 1568 et depuis
1632, n'avaient-ils point été à l'encontre de la pen sée
de saint Pie V? En d'autres termes, une revision nou-
velle et plus sévère n'était-elle pas opportune ? Telle
est la question que l'Église gallicane allait mettre à
l'ordre du jour, et dont le Saint-Siège allait être saisi.
3'l0 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
EXCURSUS C.
Rapport de Léonardo Marin! à Pie V.
Arcliives du Vatican, Concil. Trident. 47, fol. 312-348.
111"'° et R"'" Mons^
Perche si comprend! bene in clie consiste la correttione del Brovin-
rio quai si c fatta, par sia bene narrar da principio l'ordine dell' ulli-
cio e modo che già un tempo la si teneva, et corne si sia venuto in
quest' uso clie oggi s'osserva, et la causa che ci lia mossi liera di tor-
nar in parte ail' antico, et in parle variarc dall' uso iiodierno : et l'uno
et l'altro uso, cioè l'anlico et moderno clic al présente si osserva è
fondato sopra il c. di Gelasio S'" Rom" Ecc", c di Greg. VII In die
resurrectionis , se ben quanto al modo di dîrlo si è alquanto variato.
Già ottanta o novanta anni sono l'officio si celebrava o di nove, o
di tre lettion;. Di nove quando rufficio era doppio o semidoppio. Di
tre quando l'ufncio era di fesla semplice o feria. Quanto ail' officio
doppio, semidoppio e feriale, nicnte si variava da quelle si usa liog-
gidî, quanto aile leste scmplici vi era qualclie differentia. Imperocchè
queste si celebravano col notturno délia leria e tre lettioni del S'",
facendo in tutto il restante l'officio del S'" corne lioggidi si costuma
con lai ordine, se dimane fosse occorso un santo semi)lice lioggi al
capitolo del Vespro si pigliava del 8^° e tullo il restante dell' ufficio
fin al matutino, come lioggidi si fa. Al matutino si diceva l'invitato-
rio et himno del S^», il notturno délia feria secondo sta distribuilo ne!
psalterjo, tre lettioni con tre responsorii del S^». Poi le laudi et tulle
l'hore includendo solamenle Nona, si faceva come hoggi si costuma.
Da nona in la non si faceva più del S'° semplice, ma dicevano i
psalmi del Vespero feriall, et se nel giorno seguente d'altra festa sem-
plice, si pigliava dal capitolo con l'ordine predello, se non vi era-
fesla si seguilava l'ufficio feriale. Queste feste semplici se fossero
occorse in giorno impedito da qualclie festa doppia o semidoppia, non
si transferivano come hoggi si fà, ma si faceva di loro la commemo
rattione al primo Vespero et al matutino. L'officio délia Madonna si
diceva sempre, eccetto che nelle feste doppie et in alcune otlave.
L'officio de' morti si diceva sempre nelle feste semplici e nelle ferie.
Nel tempo délia quaresima facendosi di continue de feria, eccello
che non fosse slala festa doppia e semidoppia, ottra ail' officio délia
Madonna e delli morti, vi si aggiungevano i selle psalmi con le leta
nie e i graduali. Nell' officio feriale poi à lutte l'hore in fine vi si dice-
vano le preci feriali col Miserere come hoggi anco si fà eccetto nel
tempo Pasquale. Le fesle doppie e semidoppie si celebravano con
nove psalmi e nove lettioni, come s'è dette, et essendo impedite da
qualche festa maggiore si transferivano nel p" giorno vacante di si-
mil festa, e Ira di loro non vi era allra differentia, se non che nelle
semidoppie si diceva l'officio délia Madonna, non si dupplicavano le
anl«, si facevano le commemoraltioni al Vespero, et matutino, et à
LE lîRÉMAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 341
prima el compléta si dicevauo le preci consuete, le quali cose anco
liaggl si osservano.
Hor perché ruflicio delle feste semplici e feriale allhora era trop-
po gravalo diceiulosi con rofllcio délia Madonna l'officio de' morli, e
nel feriale le preci, e nella quaresima le allre cose predette, per vo-
lerlo sgravare, e far clie l'officio fosse più tollerabile, fu introdoUo il
modo clie al présente si osserva, cioè che le fesle semplici quali
crano di tre leitioni fossero di nove lettioni, et si facesse di loro comc
delle feste semidoppie, et essendo impedite d'altra festa doppia si
transferissero nel p'' giorno vacante, talche non si facesse piii di loro
commemorattione. Et in questo n)odo si vicne à scliifare due cose :
l'uno à scliifare l'officio de' morti quai si diceva nelle feste semplici,
ma non nelle feste semidoppie, rimanendo solo corne in quelle l'of-
licio délia Madonna : l'altra che transferendo lutte le feste semplici
si viene ad occupar tutti li giorni feriali, et si fugge la gravezza
della-feria, et cosi si osserva iioggidi.
Ma si è visto alla giornata che queslo modo clie al présente si os-
serva introdotto come si vede solamente per fuggire la gravezza dell'
officio hà causato maggiori inconvenienli di quelli di prima. Impe-
rocchc queslo transferir de' Santi ne apporta gran confusione nella
Chiesa, transferendosi diversamenie in diverse chiese e celebrandosi
in uu medesimo giorno in una medesima ciltà in divers! luoghi et da
diverse persone divers! S", et in oltre si transferiscono moite volto
quattro e cinque mesi lontano : cosa che à ogni persona religiosa dà
gran faslidio. Poi perche con queslo transferir de' S^' si occupano
tutte le ferie, ne nasce quest' altro inconveniente che rarissime
volte neir anno si fà l'ofllcio de feria, e quel che è peggio nella qua-
resima ogni giorno si fà de S»<' essendo cio interdilto per i sacri ca-
noni per esservi li oflicii proprii, si come anco si osserva nel missale.
El da queste ne nasce ancora, che non si legge se non pociiissimo
délia scrittura, havendosi pero a leggere in ciascun tempo seconde la
dislrihulione di Gelasio, e similmente il psalterio, quale nel Breviario
è stalo compartito da leggersi per tutta la settimana, con questo modo
mai si legge se non rarissimo, e quelli del comune de' S" sono tutto
'l di in bocca delli huomini con tedio e fastidio d'ogniuno. E questo
ha causato grand' ignorantia nei clerici, perciociiè non ha[n] prattica
alcuna né de' psalmi, ne délia scrittura. E quando pur un giorno oc-
corre far de feria s' ingarbugliano, ne sanno donde cominciare, ri-
manendo pero grave come anticamente di tanli altri oflitii e preci
che mai fmiscono, et il psalterio quai bisognava che anticamente 1
Vescovi sapessei-o tutto a mente, come scrive S. Gregorio, se dorevano
promoversi hoi"a a pena si vede.
Si che per provedere alli sudetti disordini et inconvenienti che dal
présente uso ne riusciscono. Il sacrosanto Concilio Tridentino per li
richiami che in divers! lempi da diverse bande sopra cio son nati,
inspiralo da Spirito S'° délibère provederci condeputare alcuni pre-
lali sopra la corretlione di simil disordini, et [non] havendo possuto
mandarlo essecuttione per l'espeditlione del Concilio queslo negotio,
lo hà rimcsso à N'» Sig'^^, il quai subito convocato in Roma alcuni Pre-
342 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
lati clie sopra di cio dal Concilio erano stati depulati, acciô deliberas-
sero quel tanto clie bisognava. I quali havendo ben discusso il ne-
gocio et maluramente considerato, lo hanno ridotlo à perletlione
seguitando e tenendo l'infrascritto ordine.
Si é considerato che il modo anlico in se era buono, ma per l'ag-
giunta d' alcuni officii aggiunti era divenlato nojoso : pero si è atteso
a ridur l'officio ail' antico e moderar le cose clie sin alihora come al
présente aggravano l'officio.
Si é visto che l'officio délie feste semplici era ben ordinato,
poichè si deve pur far differcnlia da fesle semplici à più solenne.
Nelle feste solenni appresso li anticlii si facevano le vigilie in di-
verse parti delà notte, le quali si son conservate in quei tre not-
turni quali si distinguono nelle feste di nove lettioni, e di qui era
che appresso li più antichi l'officio si faceva di pochissimi santi,
quali erano piu solenni che havevano le vigilie, si corne appare in
alcuni antichissimi Breviarii, et di queslo parla il c. In die re.mr-
rectionis, si festum est novem lectiones, perochè in quelli
lempi si faceva sempre di feria, et il marlirologio suppliva alli alli i
S", si come anco alcuni oflicii monachali osservano. Ma essendo
poi nel calend** aggionti molti altri S", pareva fosse conveniente
farvi qualche differcnlia dalli altri più solenni, facendoli col not-
turno délia feria per non interrompere il corso dcl psalterio, e nel
resto tutto l'officio fosse del S'", non li dando pero à differentia del
do|)pio e semidoppio se non il primo Vespero. E questo modo si
trova osservato in tutti i Breviarii vecchi, et ancora osservano al-
cune provincie e religioni. Pero parendo raggionevole alli sudctti
Sig" deputati, han voluto reslituire l'officio délie feste semplici col
notturno délia feria come p' non variando in altro dall' antico, se
non che doppo la terza iettioiie si lassa il 3» responsorio, et si dicc
il Te Deum. Et questo si è l'alto per far differentia dalla festa alla
feria et per non variare dall' uso comune che si dice il Gloria in
excelsis à ogni S'" nella messa, et anco fare di loro la commemo-
ratione essendo impedite d'altra festa maggiore, per lar differenza
Ira queste aile altre feste più solenni le quali si transferiscono,
et per evitare la confusione che di sopra si è detto, et per non
impedir l'officio feriale, come al présente si fa. E perche questo
officio di fesle semi)lici appresso li anlichi era troppo grave [)er Û
allri officii aggionti, si è pigliato esi)ediente di levar l'officio de-
morti, il quai non si dica ogni giorno, tanto nelle feste semplici,
come nelle ferie, ma solo alcuni giorni, cioè ogni p" di del mesci
e nelli giorni che si fa l'officio délia vigilia e dei qualtro lempi
come di solto si dira, e nell' Advento e quaresima ogni lunedi, e cosi
si viene à sgravare anco la feria, la quale si è sgravata anco dalle
preci, quali non si dicono se non nell' Advento e quaresima e
nelle vigilie e qualtro ïempi, non à tulle l'horc, come hora si fa,
ma al Vespero solo, et aile laudi. In oltre le ferie délia quaresima
si son sgravate in parte dalle allre cose, facendo che i selle salmi
e graduali non si dicono ogni giorno, ma dispensandoli per la set-
timana. Il Mercordi li graduali, li sette salmi il Venerdi, talche cosi
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 343
non si leva aifatto quel clie lin qua si è usalo, ma si son moderate
lalmente clie viene ad esscr leggiero il dir dell' officio senza clie
alcuno si possa richiamare.
L'oiricio délie feste doppie e semidoppie si è lassato corne sem-
pre, et liera si è costumalo.
Quel clie oitre al sopradello ordine si è fatto è questo. Percliè
si vede in effetto che per la moltiplicattione di feste si occupano
molti giorni ne i quali non si legge délia scrittura, i)erô è parso
alli sudetti Sig" deputati far che ogni giorno, o si facci l'officio del
S" o (leila feria, sempre si leggi qualciie cosa délia scrittura di quel
lihro clie corre. Et in questo si tiene quest'ordine. Quando si fa
l'oflicio di nove lettioni, le prime tre del p" notturno siano délia
scrittura ; quando di tre lettioni, se si fa del S"> over si legge l'iiomelia
la 1-' over la a" lettione sarà délia scrittura, la 2" over la S'" sarra
délia leggenda del S"^ over dell' lionielia, secondo le leggende sa-
raimo brevi o longlie da mettere in una o due lettioni. Si ecceltuano
da questo alcuni giorni corne nelle ottave di Pas(iua resurrettiope
e Pentecoste, nelle quali si dicono le tre lettioni dell' liomelia se-
condo il dec(reto) di Greg" nel c. In die resurrectionis.
Et perché Ira le cose che si oppongono ail' officio vecchio una ne è
che ben spesso l' officio non si accorda col niissale, dicendosi 1' of-
ficio d' una cosa et la messa dell' altro, si é ordinato accio vi sia
sempre conformità che nelle vigilie e quattro tempi che hanno messa
propria, si faccia l' officio feriale corrispondente alla messa.
Di più perché si vuole anco opporre al Breviario vecchio circa l'of-
licio Dominicale, che in alcune cose é diffettuoso prima che la Dome-
nica che è giorno feslivo, et da tutto il Christianesimo celebrato,
habbia à cedcre à feste semidoppie, et à giorni infra ottava che sono
inCeriori alla Donienica coine hora si fà, si é ordinato che questo più
non sia, ma la fesia seinidoppia di quai sorte si voglia, et il giorno
Ira r ottava céda alla Domenica, la quai non si iasci mai se non fosse
testa doppia fuor délia quaresima et Advento, ne i quali tempi non
si Iasci et per festa doppia corne hora si fà. Et perché 1' officio délia
Domenica nel matutino é [nù longo delli altri giorni dicendosi
18 salmi, e poi quando i preti bisogna attendino aile lor cure per
sublevamento l'officio se li rappresenta longhissimo con dieci altri
salmi, la quai cosa è sempre stata lediosa in modo che 1' é venuto in
proverbio sarria mai longa come la prima délia Domenica, e nel
conc, secondo lian referto quel Sig" deputati, fu delto espressamentc
si abbreviasse. Si é pensato per non lassar quel salmi quali à quella
conseguitano, si distribuiscano ])er la settimana cinque salmi che
avanzano il salmo Beati im macula ti,uno per giorno quando 1' officio
si là di feria, et questo è un modo facilissimo e brève. Inoltre perché
il numéro délie Domeniche é imperfetto al numéro di quelle che
possano occorrere doppo la Epiphania e doppo la Pentecoste, et
questo causa quella confusione et intrico délie Domeniche vacanti,
che si fa Ira l'anno, pero per obviare à questo et per far la cosa
piana, si è fatto che quando avanzano Domeniche doppo la Epiphania
quelle si aggiunghino doppo la penultima Domenica doppo la Pente-
344 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
cosle, rimanendo l'ultima, la qualc ha corrispondenlia con la I* Do-
menica dcll' Advento sempre in ulUmn luogo. E perché al numéro
di quelle che possono essere vi luanca una Domenlca, vi si è ag-
giunto un' altra Domenica pigliando solo 1' homelia dell' evangelio et
oralione, si corne habbiamo trovato in un antico missale di libraria,
quai dicono il Missale di S. Gregorio. Si c laKo anco per più conso-
latlione di quelli che diranno V officio, che nel 2" nolUirno la Dome-
nica si legghi qualche sermone di Dotlore ecclesiastico sopra i delti
délia scriltura che in quel tempo si legge.
Di più perche si Irova alcuna differen/a Ira le ottave, alcune si chia-
mano ottave Domini Sabaolh, alcune sono de' santi, tra alcune di
queste ottave si fa 1' olfilio dclle Domeniche occorrenli al modo dell'
ottava, tra alcune altre si fa délie leste infra quelle occurrenti ; ci c
parso dar qualche ordine générale délie ottave, il quale è questo,
che quando il giorno dell' ottava è doppio, 11 giorni infra ottava siano
semidoppii, e cosi si faranno di nove lettioni et délia Domenica infra
r otlava si fara al modo dcll' ottava eccetto 1' oratione 1' homelia e
i capitoli. Delli S^' che Ira quella occorreno non si farrà se non son
doppii, et in questo modo si celebraranno tulte le ottave del Sig'®
cioè quella di Natale, Epiphania, Ascensione e Corjjo di Chrislo.
Quelle délie Pasque hanno il suo ordinario. Nell' altrc ottave che il
giorno dell' ottava è semidoppio, infra l' ottava si farà al modo del
semplice, c delli S" semplici et Vcrgine occurrenti si farrà T oflicio
al modo dell' ottava, délia Domenica infra quella si farrà al modo con-
sueto con commemoratione dell* ottava.
Perche da i moderni son state aggionte alcune ottave senza néces-
sita le quali impediscono l'oflicio currente, perô si è levato 1' ottava
alla Conceptione délia Madonna quale impedisce l'officio dell' Advento,
c l'ottava délia Visita tione quale impedisce l' ottava di S. Pietro e s.
Paolo che anticamente si faceva, e si son lassate alla Madonna dell'
Assumptione e délia Nativita in settembre.
Perché anco si vede in moite provincie e Regni che il sabbalo è in
gran veneratione délia Madonna per haver à essore questo breviario
comune, accio le altre nationi di ciô non piglino admiratione, si c
preso per espediente che ogni voila che il sahbato non è impedito
da alcuna festa si facci 1' officio dclla Madonna, eccetto la quaresima
e nelle ferie de' quattro Tempi e délie Vigilie, et perche non s'inter-
rompi r ordine del i>salterio si è ordinato si faccia al modo délia festa
semplice col notturno délia feria.
Perche si oppone anco al Breviario vecchio tra l'altre cose che
dan fastidio, che nelle leggende de S" si leggono moite cose apo-
chriphe, et di alcune leggende si legge pochissimo e niente di quello
appartiene alla vita del S'% et anco sconciamente e con parole che
più tosto possono talvolta offendere le menti semplici, non ser-
vando ne il decoro ne l'honestà Chrisliana, pero sopra di ciô si è
fatto più e più volte dalli sudetti Sig" Deputati discussione, e
linalmente si é risoluto che miglior modo non si poteva tenere
che cavando da tutte le historié de S^' le cose più authentiche, si
jacci una compilatione, e di ciascun santo in brevità et con un
LE BRÉVIAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 345
slile médiocre che liabbia dell' ecclesiastico, toccar le cose più im-
portauti che faccino ad edilîcattione et sodisfatlione di quelll che
le legseranno. Ne à queslo obsla, che non si usine le parole istesse
(le i lor scriltori, prima perché acciô siano piû copiose, son prese
da più scriltori e da più luoghi, poi perché alcune son st.ite scrille
da loro in moite carte che è diflicile usando le lor parole restrin-
gerle in compendio (anchor che quando si sono havule scrilte suc-
cinlamenle da Aulori authentici, come di S. Hieronimo nel libro
dcUi scriltori ecclesiastici si son lassate). Ma se bene questo non si
è possuto sempre servare, non per questo resta che quando il bre-
viario sarrà approbata da N--» Sig" non habbia d'havere più autorità,
che se habbino dalli lor aulori. Presupponendosi clie (|ueIlo sarrà
approbalo da S. S"^, sia stalo prima considerato e prcso da autori
più authentici che sia stato possibile, non si havendo à dar regola
in questo al Papa. Et tanlo più nelli Breviarii antichi non si è mai
usala questa diligentia di nominare li autori, essendo in diversi
Breviarii diversi legendarii, et erano appresso li anticlii gesta
martiruni scritti dalli Prothonolarii quali andavano attorno senza
aulhore, si come S. Gregorio parlando in una homelia di S. Félicita
dice haverlo preso dalli suoi gesli non nominando autore, cosi pa-
rimente si dira liabbia faito Papa Pio, quando havrà approbato e
mandate luora il Breviario, come fecero Papa Clémente e Paolo nel
Breviario di S'* Croce, e quelle vile sono giudicate la miglior cosa
che sia in quel Breviario, e pure compilale da letterati di que
tempo, délie quali vite li sopradetti Sig" deputati havevano pensato
dal principio di servirsene, ma perché g'i occorse doppo longa con-
sideratione, che anco quelle si potevano migliorare gli piacque questa
risolutione che si scrivessero nel modo delto supplendo à molli
diffelli, che si nella verilà dell' historia, si nel modo di scriverle
la si trovavano. Il che tanto piacque à quel Sig'' che dissero non
osserci cosa délia quale più si sodisfacessero, et Mons. di Modena
di propria mano ne scrisse sei o sette con mirabil contento, e poi
stando maie mi fece promettere di essere insieme con m. Giulio
Poggiano e condurre à fine queste vite nel modo cominciato. Nel
che spero habbia essere con lajuto di Dio cosa che farà che si lau-
di la matura deliberationo di quel signori.
Et in lutto quello si c fatto si é havuto rispetto non si muti cosa
alcuna delli libri délie Chiese et il modo è facilissimo.
Occorreuo dcUe allre coselte che nel contesto del Breviario son
State correlte délie quali hora non mi estendo à rendere raggionc
l»arendomi haver tocco le cose più principali quanto spetta all'or-
dine di tutlo il Breviario : quelle nel scorrere del Breviario si po-
tranno un' altra volta dire etc. i.
l. Explicit sic.
346 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
EX CURSUS D.
Avant-projet de la revision de Clément VIII.
Bibl. Vatic. Lat. 6096, fol. 88-89.
CVPITA PRECIPUA IN UEPUUGATIONE BREVIAtllI ROMAM EXAMIXATA, QUAE
gmo £)no J^o CLEMEXTI VIII PROPOXUNTUR, EIUS lUDlCIO AG CEXSURAE SUR"
MISSA.
In primis lecliones de vita et gestis sanctorum, quae plurimis erro-
libus retertae sunt, ad historiae veritatem reducuntur, quam niinima
fieri polest mutalione, retentis etiani iis quae probabilia sunt et fal-
sitatis omnino coargui non possunt. Ac de omnibus singillatim red-
ditur ratio, ut mox sequelur.
2. In numerandis Romanorum Pontificum annis, in quo scriptores
inter se valde dissenliunt, placet recipiendum esse compulum ab
ll[ii.o D''o cardinale Baronio in Annal. Eccl. observatum, qui magno
studio ac diligentia ex probatis auclorilms ab eo deductus est. In
ordinationibus vero, Librum pontificalem inscriptuni Damasi nomine,
cum aliunde quidquam certius haberi non possit.
3. Festa eorum sanctorum, qui post emendationem Pii V breviario
Romano additi fuerunt, videlicet Romualdi, Francisci de Paula, Pelri
martyris, Stanislai episcopi, Antonii de Padua et Nicolai de Tolenlino,
sub officio semiduplici celebrari debere omnino videtur, id quod a
plurimis viris piis et in rébus ecclesiasticis exercitatis summoperc
expetitur, et maxime a Germanis et Polonis catholicis, apud quos
solemuitas diei dominici in magna veneralione liabetur, et aegre pa-
liuntur ut illius otTicium saepe omittendum sit ob alicuius sancti fe-
stum, qui inter maiores non censeatur. Praeterea incongruum videtur
ut insigniores martyres ac multi Summi Pontilices habeant officlum
semiduplex, vel etiam simplex, et plures ex recentioribus, qui in
aliquil)us provinciis parum cogniti sunt, celebrentur cum officie
duplici.
4. Horum sanctorum lectiones in breviorem formam redactae suni,
quae nb superiïuum verborum clrcuitum omnil)US displlcel)ant.
5. Lectiones ex sermonibus et homiliis SS. Patruni, cum ipsorum
auctorum libris et mss. et melioris notae inipressis diligenter collatae
sunt, et in iis tanlum locis mutatae, qui omnino corrupti erant, (jui
quidem etsi non pauci sint, parva lamen apparebit varieias, cum
plerumque unius verbi, interdum etiam syllabae mutatione reslituan-
tur.
(i. Lectiones ex Patribus colleclae, ut comniunibus sanctorum ad-
derentur, in uno quoque commun! septem dierum officie assignaïae
pro iis ecclesiis, <|uae festum proprii patroni cum octava celebrare
consueverunt, nec habent lectiones proprias de eius vita et gestis,
unde coguntur eas quae in die festi posilae sunt saepe repetere; extra
lireviarium edentur seorsum, ne Breviaiii volumen exerescat: potis-
simum vero, quia in Breviario Romano ea tantum apponunlur, quae
LE BIlÉMAIIiK DU CONCILE DE TRENTE. 347
al) omnil)Us necessario debent, hae autem maiori parti ecclesiaruni
ileservire non possuot, cum plures dedicatae sint in lionorem illorum
sanctorum, quibus in universali ecclesia tribuitur octava; plures
quoque habeant lectiones proprias pro omnibus oclavae diebus;
niultae non liabeant consueludinem celebrandi octavam proprii pa-
troni, cum ex regulis Breviarij ad lioc non obllgentur. Tum eliam,
quia liac additione remedium non adhibctur universo incommodo,
(juod urgere videbalur, cum plures festivilales remaneant sine lectio-
nibus pro octavis, in iisscilicet ecclesiis, in quibus principalis titulus
est feslum sanctissimae Trinitatis, sanctae Crucis, Conceptionis, Prae-
sentationis, Annuntiationis, "Visitationis et Purilicationis Beatae Mariae,
item sancti Michaelis arcliangeli, Transfigurationis Domini etc.
7. Propositum fuit quod in rubrica de octavis apponenda essct
régula, qua proliiberentur celebrari octavae etiam proprii patroni in
quadragesima occurrentis, ne impediatur per tôt dies officium sacro
illi tempori maxime accomniodalum. Et simililer quod in quadragesima
non possit fieri de aliquo festo, quod ante ipsam occurrat, et, cum ab
aliis festivitatibus impediatur, translerendum esset intra eam.
8. Hymni levi manu repurgati sunt, ne qui eos si légère diu assueti
sunt, vel memoria didicerunt, multis varietatibus perturbentur; tum
etiam, quia facile credi potest, Cliristianos poetas, qui pietatem prae-
cipue spectabant, in régulas artis metricae non inscitia sed voluntate
plerumque peccasse. Tamen si S. D. N. aliud iubebit, notati sunt alii
loci, qui corrigendi esse videntur.
9. Hymnus, ad preces nostras, positus in dominicis quadragesiraae,
ad vesperas, sublatus est, qui quidem et verbis et sententiis ineptus
videbatur, ac nuUa pedum aut syllabarum ratione constabat : imnio
etiam superlluus erat, cum in omnibus officiis idem hymnus dicatur
ad utrasque vesperas et nuUa alla solemnitas, vel de tempore vel de
sanctis, habeat plures quam très hymnos. In commune sanctarum
mulierum, in quo unus tantum hymnus habetur diceudus ad noctur-
nos. laudes et utrasque vesperas, duo alii addentur nuper compositi.
10. In communi confessorum non i)ontificum mulata sunt duo re-
sponsoria, quae omnibus convenire non possunt. In altero sunt haec
verba : Et omnis terra doctrina eius repleta est. In altero : Ab ado-
lescentia sua meruit infirmos curare. Similiter in communi sanctarum
mulierum mutanda sunt duo alla responsoria, quae plures oft'endunt.
il. In lectione 5 sancti lacobi apostoli delenduiu esset quod ipse
peragraverit Hispaniam, ibique praedicaverit evaiigelium : cum multa
his répugnent, et sine authentico teslimonio sub Pio V primum in-
serta sint Breviario Romano. Vel si remanere debent, addendum « ut
ferunt ».
12. Festum sancti Didaci removendum est a Breviario Romano, et
revocandum est brève ultimum, quod commissarius ordiuis sancti
Francisci per subreptionem et fraudera elicuit a S""> D"° N*^", in quo
sub praetextu (|Uod Xystus V in buUa canonizationis huius sancti non
expresserit qua solemnitate celebrandum sit eius officium in eccle-
sia universali, declaratur quod esse debeat cum officio semiduplici :
cum tamen idem Xystus per suum brève declaraverit et conces-
348 HISTOIRE DU BHÉVIAIRE ROMAIN.
serit nonnulla circa eiusdem feslivilatem servanda in quibusdam
locis, et nihil de ecclesia universali statuere voluerit; (juod qui-
dein non praelermisisset, ciim fratres eius ordinis id instanter
pelèrent, si faciendum esse putasset. Similiter Congregatio sacroruni
llituum, cuni aliqui super hoc dubitarent, respondil nihil omnino de
sancto Didaco agendum, nisi modo et forma a praedicto Xyslo in
suis constitutionibus praescripta. Et ita hucusque servatum est in
basilica sancti Pétri, et in aliis praecipuis urbis ecclesiis etiam post
dicti l>revis concessionem.
13. Sermo qui legitur in festo omnium sanctorum et per oclava?,
cum sit pulcherrimus, et forlasse nullus alius huic solemnitati niagis
proprius reperiri posset, retinendus videtur, quamvis de auclore, seu
polius collectore (nam totus ex verbis Cypriani et Chrysostomi com-
paclus est) non constet qui fuerit; et cum venerabilis Bedae esse
non credatur (cui tamen in mullis niss. tribuilur, et inter eius opéra
excusus liabetur) quia eius tempore festum hoc nondum insiitutum
fuerat in universali ecclesia, placeret ut sub nomine beati Odonis
abbatis Cluniacensis legeretur, cui adscriptus est in antiquo lectio-
nario mss. sanctae Mariae ad Martyres.
44. Dominus cardinalis Baronius ex[)oscit ut festum sanclorum
Nerei et Achillei reponalur cum oflicio semiduplici, iisque adiungatur
sancta Domitilla virgo et martyr, quam ipsi ad Chrislum converlcrunl,
de cuius vita et marlyrio, quod contigit sex dies anle, addalur lectio,
quae erit sexta. Et in kalendario iegendum erit sic : Santorum Nerei,
Acliillei, Domitillae virginis, atque Pancratii martyrum.
4o. De leclione sanctae Petronillae iterum dubitatum fuit, an magis
expédiât illam omittere et eius loco légère unam de commun! vir-
ginum, sicuti factum videmus in sanclo Georgio, Margarila, et aliis,
quorum acta sunt incerla et dubia. Et hoc idem censendum videtur
de lectionilms sanctae Catliarinae.
16. Die 5 januarii addita est commemoralio sancti Telespliori papae
et marlyris, quae reperitur in quii)usdam antiquis breviariis.
17. Psalmi et lectiones de Scriptura ad novissiiuam bibliorum edi-
lionem redactae sunt.
18. Postremo, rubricao générales, alque iUac etiam quae propriis
locis adhibenlur, diligenlcr examinatae sunt, et quas invicem con-
trarias ac inter se pugnantes animadvcrtimus, quoad fieri potuit con-
ciliare studuimus, obscuras et ambiguas planius explicare, imper-
fectas ac mutilas su|)plere, superlluas resecare, servato tamen eodem
ordine, immo nulla penitus in re immutato.
19. Videtur necessrio a()ponendum S"" D»' N' brève, in que huius
emendationis ratio aliqua reddalur, ne homines aliud novunx brevia-
num esse suspicantes, scandali ansam accipiant. Et posset in hanc
vel similem formam concipi.
Licet Pius V felicis récordationis, reformato a se Breviario Romano,
per suam constitutionem prohibucrit ne aliquid in eo mutarelur, aul
adderetur, vel minueretur, multorum tamen sive t.ypograi)horum, sive
aliorum audacia ac temerilas usqucadeo processif, ut nulla iam re-
pcrianlur Breviaria, <iuae a prima illa edifionc in plurimis non dis-
LK HRKVIAIHE DU CONCILE DE TRENTE. 349
crêpent. Nam et lecliones de novo additae fucrunt; multas unusquis-
que suo arbitratu mutavit; psalmi et alii sacrarum scripturarum loci
absque delectu ad vulgalam editionem redacti sunt; immo in aliquibus
Breviariis posila est quaedam psalterii versio, quae nec cum vulgata,
nec cum antiqua Romana consentit. Rubricae générales et particulares
SLib praetextu maioris explication is immutatae, plures difficultates
contradictionesque pariunt. Nos huic malo, quod magis magisque in
dies augescit, occurrere necessarium iudicantes, Breviarium ipsum
recognosci mandavimus, et cum prima illa praefati Pii V editione
collalum, reslitutis lis quae depravata erant, diligenlissime imprinii
l'ecinius in noslra typograpliia Vaticana, districtius praecipientes ne
(luis in poslerum (|uidquam in eo immutare, aut addere vel detrahere
praesuniat, sed inlegrum ipsum ac prorsus iiicorruptum, sicut modo
editur, ab omnibus retineatur.
Quod ut facilius exequatur ac fidelius servetur, mandamus ordina-
riis et inquisitoribus locorum, ubi deinceps Breviaria excudentur, ut
illa cum hac nostra editione diligenter conferii curent, et nisi cum
ea omnino concordare repererint, licentiam publicandi et distrahendi
non concédant, sed iila aboleri facianl, etc.
350 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
EXCURSUS E.
Lettre du P. Strada à Urbain VIII.
Bibliothèque Victor Emmanuel, à Rome, Fonds de Sanl-Onofrio, 507
(olim 136), fol. 1-3.
Beatissimo Padue.
Gia clie è piaciuto alla Sanlita Vostra farmi parte d'alcuni hinni,
dalla sua altretanto dolta, che santa mano ridotti in miglior forma, e
commandarmi che sopra di essi le ne dia il mio parère, cosi l'obe-
disco. L'accomodamento mi è parso necessario, e con singular gratia
aggiuslate. Ho nondimeno (jualche difficultà in tre o quattro cose,
che qui alla S. V. rappreseoto, con quell' humiltà, che si dcve ail'
altissimo suo sapere.
Quodcumque vinclis super terram strinxeris. La S. V. ha accomo-
dato Quodcumque vinculis humi revinxeris. Non so se quel humi
chiaramente risponde a quel super terram cioè tra gl' huomini et
in questo monde. Perô io, per non mi partir molto dall' antico, haveva
pensato dire — in loco di
Quodcumque vinclis super terram strinxeris, —
Quodcumque vinclis hic in orbe strinxeris.
Neir hinno
la S. Y. muta cosi :
0 lux beata Trinitas
Et principalis unitas etc.
lam sol recedit igneus
Tu lux perennis unitas etc.
lodoco Clictoueo nel suo « Elucidatorio degl' hinni » fa gran mis-
teri soçtsl quei principalis unitas, dicendo tra l'altre cose : « Dicitur
unitas principalis, quia omnis unitatis in rébus humanis est princi-
pium et fons, à qua quidquld iu mundo est unum, suam habet uni-
tatem. Ita Deus ipse dicitur principalis veritas, principalis bonitas,
virtus » etc. E veramente, come la S. V. sa meglio di tutti, la parola
principalis si trova tal hora appresso buoni scrittori in sentimenlo
simile à questo, come principalis Maiestas etc. Si che potendo pas-
sare, massime per riverenza di S. Gregorio, di cui é l'hinno, la S. V.
judicarà se è bene non lo mutare.
Nell' istesso hinno
la S. V. accomoda
Te nostra supplex gloria
Per cuncta laudet saecula
0 faxis ut te supplices
Laudemus inter coelite^.
LIi IJHÉMAIRE DU CONCILE DE TRENTE. 351
Se bene si potrebbe intendere per supplex gloria, glorificatio, laits,
%>raeconium quod à supplicibus datur, alludendosi per parère di
Clictoueo al verzetto Gloria Patri, et Filio etc., non dimeno la consi-
deratione et emendatione délia S. V. mi pare che prevaglino. Se
pure non si giudicasse bene, per non allontanarsi molto dall' antico,
dir C(»si — in cambio di
Te nostra supplex gloria
Per cuncta laudel saecula, —
Te supplicum praeconia
Per cuncta laudent saecula.
Neir hinno Fer. VI. ad Yesp. Plasmator hominis Deus, la S. V. muta
cosi : Deus creator siderum. Descrivendosi in questo hinno délia
feria sesta le cose create da Dio nel sesto giorno, il che s' osserva
negl' hinni del Vespero degl' altri giorni, non pare, che si possa o
lasciar l'huomo, principal opra di quel giorno, o parlar délie stelle
create nel quarto giorno, corne si dice nell' hinno délia feria quarta,
Lunae ministras ordinem, Vagosque cursus siderum. Perô per non-
far molta mutatione dirrei : Plasmator o hominis Deus.
Nello stesso hinno Nobis dedisti subiciens dalla S. v. in cambio di
subdens dedisti homini, nel che rappresento alla S. V. se le paresse
piu cantabile : Mortalibus subieceris.
Nell' hinno délia B. V.
Mémento salutis auctor,
Quod nostri quondam corporis,
Ex ilUbata Virgine
Nascendo formam sumpseris,
la S. V. muta cosi :
Salutis auctor sis memor,
Nostri quod artus corporis,
Sacrata ab alvo Virginia.
Nascendo in orbe sumpseris.
Questa strofe è presa dall' hinno del Natale, Christe redemptor om-
nium, hinno di S. Ambrosio, per riverenza del quale lo mutarei
manco che fusse possibile. A me uenlua in mente un modo taie :
Salutis auctor aspice,
Nostri quod olim corporis,
De Virgine integerrima
Nascendo formam sumpseris.
Neir hinno délia B. V. 0 gloriosa Domina etc. Laclasti sacro ubere,
la S. V. accomoda Lactente nutris ubere. Se bene è piu bello, Lac-
tente, che Lactante, nondimeno corne che questo sempre significa
dare il latte, e quello per lo piu riceverlo, considerara la S. V. si
deue haver tal riguardo.
352 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Neir islesso hinno Vitam datam per Virginem etc., la S. V. acco-
moda Salus datur per Virginem etc. Polendosi salvare quella ma-
niera di dire, la S. V. giudiclierà se si deue ritenerse il primo.
Neir islesso
Gloria tibi Domine,
Qui natus es de Virgine,
Cum Pâtre, et Sancto Spiritu,
In sempiterna saecula,
la S. V. muta cosi :
Perenne in aevum Trinilas
Beata semper unilas
Nati, Patrisque et Spiritus
Laudetur himni cantihus.
Dovendosi usar questa slrofe per clausula in tutti gl' hinni, che si
dicono ne tompi clie si la l'offitlo délia B. V. o délia Nalività del
Signore etc. par che nocessariamente si debhia far particolare coni-
memoralione délia B. V. in qualclie modo simile, con manco muta-
lione clie si puo :
Jesu tibi sit gloria,
Qui natus es de Virginie
Cum Pâtre, Sancto et Spiritu,
In sempiterna saecula.
Con ciie prostrato avanti la S. V. con ogni riverenza le bacio i san-
tissimi piedi.
Famianû Strada.
CHAPITRE VI
LES PROJETS DE BENOIT XIV.
I
Dom Guéranger, au tome second de ses Institutions
liturgiques^ a fait l'histoire et le procès des réformes
gallicanes du Bréviaire romain, histoire et procès
qu'il serait difficile de faire avec plus de chaleur. On
aura du reste assez vu, depuis le commencement de
notre présent livre, où vont nos préférences person-
nelles, pour être convaincu que nous considérons
cette histoire comme abondant dans notre sens, et ce
procès comme légitimement et heureusement gagné.
Mais il n'est pas inutile de rappeler, à la suite de
Dom Guéranger et aussi brièvement que possible, ces
essais gallicans entrepris pour substituer au Bréviaire
romain de saint Pie V, de Clément VIII et d'Ur-
bain VIII, un Bréviaire soi-disant mieux réformé. Car
il y a dans ces essais une part de critiques, et une
part de chimères, capables ensemble de montrer ce
que l'œuvre de Pie V, de Clément VIII et d'Ur-
bain VIII a d'incomplet et aussi ce qu'elle a d'excel-
lent ^.
1. On joindra à l'œuvre de Dom Guéranger la monographie
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 2^
354 HISTOIRE DU BRÉMAIHE ROMAIN.
J'ai dit plus haut comment le Bréviaire romain de
saint Pie V avait été reçu en France, et notamment à
Paris. En 1643, l'archevêque de Paris, Jean-François
de Gondy, avait fait reviser le Bréviaire parisien de
1584, pour le rendre le plus conforme qu'il se pouvait
au Bréviaire romain : bonne preuve que le Bréviaire
romain était tenu en France comme le Bréviaire
sinon obligatoire, au moins modèle. C'est au cours
déjà avancé du règne de Louis XIV, concurremment
avec les disputes de la régale, que se firent jour les
premiers projets de réforme liturgique, projets où il
n'est pas permis de ne point voir l'intention de se
soustraire à la discipline romaine et d'affirmer l'in-
dépendance de l'Eglise gallicane, mais où l'on aurait
tort aussi de ne point reconnaître les scrupules que
les progrès de la critique sacrée devaient nécessaire-
ment provoquer dans le clergé. Ce que Baronius et
Bellarmin avaient été à Rome, en 1600, des érudits
comme Thomassin, Mabillon et tant d'autres, l'étaient
pour le clergé de France, aux environs de 1682. Tel
est, quoi qu'on veuille, le rôle historique des élites.
A Paris, dès 1670, sous l'influence de ces deux
préoccupations, on avait commencé de travailler à
une revision du bréviaire romain-parisien. Commen-
cée par ordre de l'archevêque Hardouin de Péréfîxe
(f 1671), elle fut terminée sous l'archevêque François
de Marcel, Livres liturgiques du diocèse de Langres (Paris
1892), et celle de Collette, Histoire du Bréviaire de Rouen
(Rouen 1902). — Sur les Allemands, et notamment sur les
deux fameux Bréviaires de Cologne (1780) et de Munster
(1784), voyez Baeumer, t. II, p. 338-371. Sur le Bréviaire de
Pistoie (1787), ibid. p. 336-338.
LES PROJETS DE BENOIT XIV, 355
de Harlay (en 1680)'. Ilarlay et ses théologiens se
proposaient de retrancher du Bréviaire « les choses
superflues ou peu convenables à la dignité de l'Eglise,
d'en faire disparaître ce qu'on y avait introduit de
superstitieux, pour n'y laisser que des choses con-
formes à la dignité de l'Église et aux instructions de
l'antiquité... ; de retrancher quelques homélies fausse-
ment attribuées aux Pères, les choses erronées ou
incertaines dans les actes des saints, enfin générale-
ment toutes les choses moins conformes à la piété ^ ».
Harlay reprenait presque les termes de la bulle Quod
a nobis de saint Pie V, mais il en accentuait la déci-
sion dans le sens de Tillemont écrivant : « On doit
bannir de l'office divin tout ce qui n'a pas une auto-
rité, ou certaine ou au moins assez bien appuyée,
pour estre lu avec un respect et une piété raisonna-
ble, et ne donner pas sujet aux hérétiques de se rail-
ler de notre dévotion^. »
1. Breviarium parisiense fil. et Rev. in Christo Patris DD.
Francisci de Harlay, Dei et sanctae Sedis Apostolicae gratia
Parisiensis Archipiscopi..., ac venerabilis eiusdem Ecclesiae
Capituli consensii editum. Paris 1680. — En 1688, on donna
subrepticement à Paris une édition en français du Bréviaire
romain. Elle fut condamnée par Harlay en personne. Biblio-
thèque Sainte-Geneviève, manuscrit 1307, fol. 23, « Sentence
rendue en Tofficialité de Paris, portant condamnation du Bré-
viaire romain en langue françoise » (10 avril 1688); fol. 27,
« Ordonnance de M»' l'archeYésque de Paris » (23 mai).
2. GUÉRANGER, t. II, p. 37.
3. Tillemont, Histoire ecclésiastique, t. V (1702), p. 188.
Il s'agit des actes fabuleux de saint Georges. La phrase de
Tillemont débute ainsi : « On peut donc juger que c'est avec
beaucoup de raison que le Bréviaire Romain et les autres où
il y a moins de fautes, se contentent de faire la feste de saint
356 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Le Bréviaire de M. de Harlay parut en .1680. On
avait changé le texte de nombre de répons et d'an-
tiennes, nos reviseurs ne voulant qu'aucun texte de
répons ou d'antiennes fût pris hors de la sainte
Écriture. Plus de quarante légendes de saints avaient
été retranchées comme manquant d'autorité, et rem-
placées par des textes homilétiques des saints Pères.
D'autres avaient été retouchées : saint Denis l'Aréo-
pagite n'était plus le premier évêque de Paris ; sainte
Marie-Madeleine n'était plus la sœur de Marthe;
saint Lazare n'était plus évêque; le récit, par saint
Jean Damascène, de l'Assomption de Marie était
retranché... Assurément, il manquait aux liturgistes
parisiens de 1680 la compétence canonique pour re-
manier ainsi le texte d'un Bréviaire publié et privilé-
gié par le Saint-Siège K II leur manquait aussi cette
éducation spéciale qui leur eût inspiré d'étudier la
liturgie dans ses sources, au lieu de la traiter a priori.
Ils avaient pour eux une solide érudition historique ,
un sens judicieux des devoirs et des franchises de la
critique. Et à qui eût trouvé excessive la maxime
citée plus haut de Tillemont, ils auraient pu répon-
dre : « L'on rend un service beaucoup plus considé-
rable à la vérité et à l'Église, en ensevelissant dans
le silence des choses qui ne sont pas tout à fait cer-
taines, que lorsqu'on en avance de fausses, même
parmi d'autres qui sont vraies : car il arrive que la
George, sans oser rien insérer de sa vie dans l'office divin,
d'où l'on doit bannir « etc.
1. Baeumer, t. II, p. 331, est moins sévère : « On ne peut
disconvenir, dit-il, que de Harlay fut dans son droit. »
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 357
moindre fausseté qu'un lecteur trouve dans une pièce
le fait douter des autres choses les plus vraies, et il
no veut plus s'assurer de rien dès qu'il s'est vu une
fois trompé par quelque mensonge. » Ces paroles ne
sont point de Tillemont, encore moins de Laùnoy,
mais du cardinal Baronius^
Ce qui compromit la réforme de Ilarlay, ce fut
qu'on crut pouvoir la dépasser, et, abandonnant le
programme de Pie V, reprendre celui de Quignonez^ .
1. Baron. Annal, t. III, p. 444.
2. Il est curieux de constater la même tendance à Rome
chez le cardinal Tomasi. On possède, en effet, de lui un
opuscule intitulé : De privato ecclesiasticoriim officiorum Bre-
viario extra chorum, composé en 1706, imprimé avec des cou-
pures d'abord par Bianchini, puis intégralement, en 1754, par
Vezzosi, au tome VII des Thomasii opéra omnia (p. 62-68) :
cet opuscule serait, s'il faut en croire Bianchini (ici. p. 68, note),
un projet de réforme de l'ofTice privé, projet présenté par
Tomasi à la Congrégation des Rites. Le Cardinal, remontant
à l'antiquité chrétienne, croit pouvoir établir que, antérieure-
ment au ix'' siècle, l'otïice privé était pour les clercs différent
de l'olfice du chœur, et beaucoup plus simple. Il conclut :
«< Hinc videtiir ipsum privatum offîcium revocandum esse ad
pristinam normam conslantem ex psalmis et lectionibus sa-
crae Scripturae, remotis antiphonis et responsoriis, quae ut
eorumdem nomina demonstrant coelum canenlium reqni-
runl. » Tomasi réclame le retour à l'office lemporal, afin
ffuainsi le .psautier soit dit intégralement chaque semaine.
Il veut que l'Écriture sainte abonde dans les leçons : on lira
en un an les quatre évangiles, voire tout le Nouveau Testa-
ment; on lira les livres sapientiaux en entier, les principaux
récits de l'histoire sainte (création, déluge, vocation d'Abra-
ham, etc.), les pages des prophètes les plus capables de for-
mer les mœurs. On remplacera les collectes par l'oraison do-
minicale; ainsi, dit-il, que Durand assure que le voulait l'usage
d\iLRivan(Rational. iv, 14, 17). Tous les jours, au nocturne
unique, trois leçons scripturaires, la troisième toujours de l'É-
358 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
Ce retour fut provoqué par une série de publica-
tions parues coup sur coup au début du xviii*' siècle,
concurremment avec la Fronde ecclésiastique qui
suivit la bulle Unigenitus ^ . Signalons le Traité de la
messe et de l'office divin (1713) de J. Grancolas - ; le
Commentaire historique sur le Bréviaire romain
{il21) du même; en 1720, le livre de F. M. Foinard^
intitulé Projet d'un nouveau Bréviaire, dans le-
vangile. Tomasi complète son projet par un calendrier (p. 70-72)
qui distribue les fêtes en trois groupes, les Festa maxima, les
Festa maiora, les Festa minora : seize fêtes dans le premier
groupe, vingt-neuf dans le second, ce sont des fêtes privilé-
giées, obligatoires partout. Les fêtes mineures, fêtes sancto-
rales, ne sont obligatoires que si le saint a son nom inséi»'
dans le canon de la messe; elles sont, sans cela, facultatives.
Extra Urbem Romam pro libito celebrari possunt, vel omitti. )
— Le projet de Tomasi fut-il soumis réellement a la Congré-
gation des Rites? On n'en sait que ce que Biancliini en a
dit : « Hoc est votum Gongregationi Rituum a V. Thomasio
oblatum. » Quant au sentiment personnel de Biancliini, on le
connaît : « Institutio huius privati ecclesiasticorum ofTicioruni
Breviarii extra chorum, licet pia videatur, nunc temporis la-
men non expediret. » Vezzosi, en 1754, n'était pas de ce sen-
timent : « Ego autem, écrit-il, in ea sum sententia, ut statuait i
et hoc tempore potissimum vel maxime expedire Breviarium
illud pro diurno cursu privato extra chorum ea ratione dispo-
situm, quam Thomasius proponit, si a Summo Pontifice, ad
quem adtinet similibus in rébus de Ecclesiae disciplina dispo-
nere, adprobarctur » (p. 66, note). — J. W. Legg, The refov-
med Breviary of cardinal Tommasi, cdifed with an introduc-
tion, translation, notes and appendices (London 1904).
1. Voyez cependant Claude Joly, Tractatus de rcformandis
horis canonicis (Paris 1644 et 1675). Voyez aussi L. Delisle,
« le Bréviaire de Colbert » [1679], dans la Bibliothèque de
l'École des Chartes, 1882, p. 146-149.
2. Sur Grancolas (f 1732), voir la notice du Grand diction-
naire historique de Moreri, t. V (1759), p. 827.
3. Sur Foinard (f 1743), Moreri, t. V, p. 204.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 359
quel Voffice divin, sans en changer la forme ordi-
naire, serait particulièrement composé de l'Ecriture
Sainte, instructif, édifiant, dans un ordre naturel,
sans renvois, sans répétitions et très court, avec des
observations sur les anciens et les nouveaux Bré-
viaires ^ .
Foinard ne faisait que reprendre une idée émise
par Grancolas dans son Traité, et développée par
lui dans son Commentaire. Ensemble Grancolas et
Foinard se rencontraient pour proposer : 1" de pri-
vilégier rolïice du dimanche, en sorte qu'il ne cédât
désormais qu'à une fête de Notre-Seigneur; 2*^ de
privilégier le temps du carême, en sorte que l'office
férial n'y cédât à aucune fête, pas même à l'Annon-
ciation, qui serait retranchée; o"" d'abréger l'office
férial, « car dès que l'office de la férié ne sera pas
plus long* que celui des fêtes, comme il est plus di-
versifié et plus affectif que celui des saints , il n'y a
personne qui n'aime mieux le dire que celui des
fêtes 2 » ; 4'^ de distribuer les fêtes en cinq classes :
une classe supérieure pour les fêtes de Notre -Sei-
1. Comparez Biblioth. de l'Arsenal, manuscrit 2040 : « Pro-
jet d'un nouveau Bréviaire universel, Paris, Pierre Simon,
1728. »
2. Cf. GUANCOLAS, Comment, p. 199 : « Offîcium Festorum
simpliciuni, quale Romae fit, unicum est, quod juxta ritum in
breviariis nostris habeamus. Quare numquam majori gaudio
affici soleo, quam cum per anni curriculum Festa liujusmodi,
occurrunt, atque miilies conceptis votis exoptavi, ut aliquando
potissima Festorum duplicium et semiduplicium pars in hanc
classem redigeretur. Atque hoc polissimum fere est caput,
quod Pontifici Breviarium Romanum emendari cupienti pro-
ponendum esset. »
360 HISTOIHE DU BRÉVIAIRE ROUMAIN.
gneur, daas laquelle ne sera admise aucune fête de
la Vierge ni des saints; une classe solennelle mi-
neure pour le Corpus Christi, TAssomption, saint
Jean-Baptiste, saint Pierre et saint Paul, le saint
patron; une classe de doubles pour les apôtres, de
semi-doubles pour les docteurs, de simples pour les
martyrs, les confesseurs n'ayant droit qu'à une mé-
moire, et leur olTice plein ne devant être célébré
que dans leur diocèse s'ils ont été évêques, dans
leur ordre s'ils ont été religieux, dans les lieux où
ils se sont sanctifiés pour tous les autres saints ou
saintes; 5" ne recevoir, dans les leçons du sanctoral,
que des histoires bien approuvées*. Comme Harlay,
Grancolas et Foinard ne voulaient que d'indiscuta-
bles légendes, en quoi ils n'avaient pas tort. Et ils
n'avaient pas tort, non plus, en réclamant un retour
à l'office temporal, tombé en une si excessive désué-
tude, alors comme aujourd'hui encore. Mais pareil
retour entraînait un bouleversement du sanctoral :
la difficulté n'était pas nouvelle, la solution man-
quait d'autorité.
Il se trouva un archevêque de Paris ^, Charles de
Vintimille, pour exécuter le projet de Grancolas et
de Foinard, en enchérissant sur leurs propositions.
M. de Vintimille chargea de la constitution d'un nou-
veau Bréviaire de Paris un oratorien suspect de jansé-
1. GUÉRANGER, t. II, p. 236.
2. Joignons-y pour mémoire l'archevêque de Rouen (1728),
l'évêque d'Orléans (1731), l'archevêque de Lyon (1738). En
1791, le Bréviaire romain avait été abandonné dans 91 dio-
cèses de France.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 361
nisme, le P. Yigier, et subsidiairement deux régents
du collège de Beauvais, François Mésenguy et Char-
les Goffin, tous deux appelants de la bulle Unigeni-
tus. Le Bréviaire de M. de Vintimille parut en 1736 : il
devait rester en usage jusqu'à nos jours ^.
Le Bréviaire de M. de Vintimille donnait au di-
manche la prérogative d'exclure toutes sortes de
fêtes, à l'exception de « celles qui ont dans l'Eglise le
premier degré de solennité ». En second lieu, une pré-
rogative du même genre était accordée au carême,
« ayant jugé équitable de rappeler l'ancienne coutume
de l'Eglise, qui ne jugeait pas que la solennité joyeuse
des fêtes s'accordât assez avec le jeûne et la salutaire
tristesse de la pénitence » ; on ôtait « du carême toutes
les fêtes, à l'exception de celles dans lesquelles on
s'abstient d'œuvres serviles ». En troisième lieu, on
récitait les psaumes de la férié à toutes les fêtes, à
l'exception des fêtes consacrées aux martyrs ou à la
sainte Vierge. En quatrième lieu, c'était l'innovation
la plus notable, et comme un retour direct à Quigno-
nez, on avait divisé le psautier de façon à pouvoir
assigner des psaumes propres à chaque férié et même
à chaque heure, en coupant ceux qui étaient trop
longs : d'où il résultait que le psautier pouvait pres-
que toujours être lu en entier dans l'espace d'une se-
maine.
1. Breviarium parisiense lit. et Hev. in Christo Patris DD.
(^.aroli-Gaspar-Giiillelmi de Vinlimille, c comitibus MasslUae
Du Luc, Pariensis Archiepiscopi... auctorifate, ac Vcnerabilis
eiiisdem Ecclesiac CapituU conscnsu editiim. Paris 1736. —
Le Bréviaire parisien fut relire par ordonnance du cardinal
Guibert, archevêque de Paris, du l*"- novembre 1873.
362 HISTOIRE DU BIIÉVIAIRE ROMAIN.
L'office du temps ainsi restauré, il fallait alléger le
calendrier. On supprima d'abord une série de fêtes :
la Chaire de saint Pierre à Antioclie ; les octaves de
saint Etienne, de saint Jean, des saints Innocents, de
saint Jean-Baptiste, des saints Pierre et Paul, de la
Conception; les fêtes de saint Vital, sainte Domitille,
saint Alexis, sainte Marguerite, sainte Praxède, saint
Calliste, sainte Félicité, etc. D'autres fêtes furent ré-
duites à des mémoires : saint Georges, saint Martin
pape, saint Silvestre, etc.
L'hymnaire, par une concession au goût du temps,
n'avait point été supprimé, mais renouvelé et déve-
loppé : Ilabert, Tourneux, surtout Coffin en avaient
fait les principaux frais, mêlant à leur inspiration
poétique de subtiles réminiscences de VAugustinus^.
Nous aurions cependant mauvaise grâce à ne pas
reconnaître que plus d'un des hymnes de Paris
est d'une très pure beauté. Le lectionnaire, en ce
qui est des légendes des saints, avait le mérite d'ê-
tre marqué au sceau de « la nouvelle critique »,
comme s'exprime un peu aigrement Do m Guéran-
1. Los hymnes do Claude de Santeul (1628-1684), du sémi-
naire de Sainl-Magloire, et les hymnes de son Irèrc Jeaii-Bap-
lisle de Santeul (1690-1697), du couvent de Sainl-VicLor,
avaient été composés pour le Bréviaire de M. de Harlay, el
passèrent de là dans le Bréviaire de M. de Vinlimille. Moreri,
t. IX, p. 147. U. Chevalier, Hymnes et proses inédites de
Claude Santeul (Paris 1909), p. x. Claude n'avait donné que six
hymnes au Bréviaire de Harlay, les autres sont de Jean-Bap-
tiste. ~ Sur Charles Coffin (1676-1749) (jansénisme à part), lisez
sa notice dans Moreri, t. III, p. 793. Les autres auteurs dos
hymnes étaient Nicolas Tourneux, Isaac Ilabert, Guillaumo
de la Brunetière, etc.
LES PHOJETS DE BENOIT XIV. 3G3
ger ' . Le lectionnaire et le responsoral étaient four-
nis par l'Écriture sainte uniquement, plus d'une fois
et très malignement interprétée dans le sens jansé-
niste et appelant, dit encore Dom Guéranger^. Quant
au gallicanisme de l'œuvre, il suffit d'en donner un
exemple : on avait remplacé l'invitatoire Tu es pa-
stor ovium princeps apostolorumy de la fête de la
Chaire de saint Pierre, par celui-ci : Caput corporis
Ecclesiae Dominum çenite adoremus.
Le Bréviaire de M. de Vintimille provoqua des pro
testations véhémentes , dont on trouvera le détail
dans Dom Guéranger. Ce que Ton sait moins, c'est
que le Saint-Siège intervint : dès juillet 1736, le Bré-
viaire parisien était déféré à l'examen de la congré-
gation du Saint-Office ^.
A Rome, l'impression était fâcheuse, d'abord par
l'effet (f de la prévention où on est ici contre tout ce
qui part de France en matière de religion », ainsi
qu'écrivait pour lors un de nos compatriotes résidant
à Rome, « prévention prise premièrement d'après
nos maximes que Rome ne peut jamais se lasser
d'improuver, et confirmée par les erreurs des der-
niers temps, qui, à la vérité, n'ont été que trop ré-
1. Guéranger, l. II, p. 282.
2. Ihid, p. 267.
3. Ce point et toute la négociation entre Versailles et Rome
qui suivit a été mis en lumière par nous d'après la Corres-
pondance de Rome des Archives du ministère dos Affaires
étrangères. Nous en avons publié les pièces dans les Analecta
inris pontificii [de Battandier], février 1896, sous le titre de
« Le Bréviaire parisien de 1736 et le pape Clément XII d'après
une correspondance diplomatique inédite »•
364 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
pandues, et qui n'ont gagné que trop de terrain dans
le royaume^ ». Cependant, autour du Saint-Office,
on inclinait à penser que dans le Bréviaire parisien il
1. Lettre de l'abbé Certain (agent de l'ambassade) à M. de
Chauvelin, ministre des Affaires étrangères, 5 octobre 1736.
L'abbé continue en ces termes : « On a rendu justice à M. l'ar-
chevêque de Paris sur la droiture de ses intentions et sur la
pureté de ses sentiments, mais, à vous dire vrai, on ne lui
passe point d'avoir donnô son Bréviaire dans un tem|)s de
trouble, et dans des circonstances aussi critiques que celles où
se ti'ouve Paris, en particulier sur le point de la Religion. On
lui passe encore moins d'avoir clioisi des ouvriers non seule-
ment suspects, mais appellants et réappellants, tels que le sieur
Gofïîn qui a fait une grande partie des hymnes. Les correc-
tions que M. l'archevêque s'est cru obligé de faire à son
Bréviaire, en y faisant mettre des cartons, forment encore un
préjugé très fort au moins contre la première édition. Joignez
à cela les retranchements et les changements affectés qu'on ne
peut méconnaître dans le plan de l'office nouveau, et surtout le
triomphe des Jansénistes d'une part, leur empressement à en
enlever les premiers exemplaires, et le cri des Constilution-
naircs zélés de l'autre, vous conviendrez que sans entrer, dans
le fond du Bréviaire, il n'est pas étonnant que les personnes
les plus modérées aient été frappées de ces préjugés. On a
donc cru devoir faire examiner l'ouvrage, et on l'a mis, en
effet, entre les mains de quatre qualificateurs pour en faire
leur rapport. Gomme les affaires du Saint-Office sont tenues
fort secrètes, je ne puis pas assurer que le rapport ait été
fait, et encore moins comment il l'a été, et l'effet qu'il a pro-
duit. Ce que je sais de bon lieu, c'est qu'on est convenu assez
généralement parmi les cardinaux et consulteurs du Saint -
Office qu'on ne trouve point d'erreurs dans le nouveau Bré-
viaire, et qu'ainsi il ne paraissait point jusqu'à présent de
matière suffisante à condamnation. Je dis condamnation, et
non pas suppression, car, pour supprimer un ouvrage, il n'est
pas toujours nécessaire qu'il s'y trouve des erreurs : on peut
raisonnablement le supprimer par beaucoup d'autres raisons,
mais il n'est pas même question à présent de suppression
du Bréviaire. » — J'ai publié cette pièce dans le mémoire
ci-dessus.
LES PROJETS DE BENOIT XIV, 365
n'y avait pas matière suffisante à condamnation. Mais
n'ordonnerait-on pas la suppression du Bréviaire?
L'ambassadeur du roi, duc de Saint- Aignan, eut
mission d'insister avec une extrême fermeté pour
parer cette « démarche ». Il représenta que l'ar-
chevêque de Paris ne préviendrait pas la censure de
Rome par une suspension spontanée de son Bré-
viaire, l'archevêque estimant qu'il n'avait nulle con-
damnation à se faire ni à essuyer, surtout après qu'il
avait corrigé par des cartons, dans les exemplaires
du Bréviaire, « ce qui a pu faire quelque peine ». Il
représenta de quelle conséquence serait de voir la
cour de Rome se porter « à quelque démarche d'é-
clat que les droits de l'Eglise de France et ceux de
l'épiscopat ne pourraient tolérer », et « le feu
qu'exciterait une pareille démarche si contraire au
bien de la Religion et de la saine doctrine ». Ces pa-
rades diplomatiques des ministres de Louis XV dis-
simulaient mal l'embarras de la Cour, où l'on ne
demandait qu'à céder en ménageant l'honneur de
l'archevêque. « Tout au plus, on pourrait consentir
que les remarques faites à Rome nous fussent en-
voyées dans le plus grand secret, et nous y aurions
égard de concert même avec M. de Paris ^ »
La négociation aboutit, car, dès la fin de décembre
1736, le Bréviaire parisien était provisoirement hors
de cause, en cour de Rome^. Il est vrai, le cardinal
1. Lettre de M. de Chaiivelin, ministre des Affaires étrangères,
au duc de Saint-Aignan, 23 octobre 1736. — Cette lettre esl
publiée dans le mémoire ci-dessus.
2. Lettre de M. de Ghauvelin au duc de Saint-Aignan, 8 jan-
366 HisToiiui: du bréviaire romain.
de Fleury s'était engagé à ce que M. de Vintimille
introduirait dans son Bréviaire les corrections dési-
rées par le Saint-Siège ^ On n'oublia pas à Rome
cet engagement^, et, en 1743, six ans plus tard,
Benoît XIV rappelait que Clément XII « exigea
que M. l'Archevêque fît un mandement pour rétrac-
ter ce Bréviaire, qu'on corrigeât quelques antiennes
et quelques répons, et qu'on retranchât les hymnes
vier 1737 : « Il est bien heureux que vous ayez pu prévenir
ce que l'on se proposait de faire. Nous aurions eu double
sujet de nous plaindre et de ce que l'on aurait fait, et de la
manière furtive dont on se serait conduit... Le roi voit avec
satisfaction toute l'attention que vous donnez à une affaire
qui le touche d'autant plus qu'elle intéresse la paix de l'É-
glise et le bien de la Religion. Sa Majesté en est si convain-
cue qu'elle vous autorise de nouveau, au cas que cela soit
nécessaire, d'en parler dans les termes les plus forts et les
plus décidés. Elle peut d'autant plus exiger le silence sur
cette affaire, qu'elle veut bien, comme vous l'avez dit, se por-
ter à disposer M. l'archevêque de Paris aux changements qui
pourraient, en effet, être nécessaires. » — Mémoire ci-dessus.
1. Lettre de l'abbé Certain à M. de Ghauvelin, 28 mars 1737 :
« Quoiqu'il y ait longtemps que la Congrégation a cette idée
de faire mettre de nouveaux cartons par M. l'archevêque à
son Bréviaire, comme j'ai eu l'honneur de vous le mander
plus d'une fois, j'espère pourtant que nous tâcherons au moins
d'obtenir que l'exécution en soit renvoyée à son successeur.
Ce serait toujours beaucoup gagner, et pour ainsi dire gagner
la partie, peut-être même aurons-nous mieux, mais je n'ose
pas le promettre. » — Mémoire ci-dessus.
2. Benoît XIV fut élu le 16 août 1740. Dans l'entre-temps,
l'affaire du Bréviaire parisien sommeilla à Rome, mais elle
n'était pas close. Je lis dans une lettre de l'abbé Certain à
M. Amelot, datée de 1739 {Corr. de Rome, t. 772, fol. 477) :
« Le cardinal Firrao [le secrétaire d'État de Clément XII]
crie beaucoup contre notre Bréviaire, mais il ne nous en est
pas moins attaché. En criant ainsi il cherche à se faire un
m.érite auprès des zélanti, mais cela n'empêchera pas que
Ll'S^ PROJETS DE BENOIT XIV. 367
du sieur Coffîn appelant^ ». Mais, en réalité, l'ar-
chevêque ne consentit à rien. Quand la première
édition du Bréviaire fut épuisée et qu'on parla d'en
faire une nouvelle, le nonce s'ouvrit au cardinal de
Fleury pour que « cette édition fût corrigée confor-
mément aux remarques qui avaient été envoyées »
de Rome. Cependant Benoît XIV fit savoir au nonce
« de ne point insister sur le mandement de rétracta-
tion, ne voulant point que cette demande fît tort au
reste, ni rebuter M. l'archevêque ». Mais il fit tenir
au P. Vigier « tant l'écrit qui contenoit les correc-
tions que Clément XII avoit demandées, que celui
dans lequel on avoit marqué les choses de moindre
importance (à corriger)... », sans lui dire que c'était
le Saint-Siège qui parlait, « donnant seulement l'é-
crit en question pour l'ouvrage d'une personne zélée,
et qui pouvoit fournir des lumières pour une bonne
nouvelle édition de ce Bréviaire^ ». On était au com-
mencement de 1743. La longanimité du Souverain
Pontife ne servit de rien, et la seconde édition du
dans le moment précis où il faudra se décider pour ou contre
le bréviaire dans le Congrès du Saint-Office, il ne se range fi-
nalement du côté de ses défenseurs et n'opine favorablement ».
1. Benoît XIV à Tencin, 18 janvier 1743 (Corr. de Rome,
t. 791, f, 26). J'ai eu à ma disposition la correspondance
inédite de Benoît XIV avec le cardinal de Tencin, conservée
aux Archives du ministère des Affaires étrangères, à Paris :
cotée Corr. de Rome, t. 789 et suiv. J'ai dressé et publié Vln-
ventaire des lettres inédites du pape Benoît XIV au cardinal
de Tencin (Paris, Picard, 1894), et donné un aperçu de cette
curieuse série de lettres dans la Revue du Clergé français,
15 mars 1895. Cf. Historisches lahrbuch, 1903, p. 517 et suiv.
2. Même lettre.
368 HISTOIRE DU BIIÉVIAIHE ROMAIN.
Bréviaire de M. de Vintimille parut sans change-
ment.
La raison qui fit que le Saint-Siège n'insista point
pour obtenir la rétractation de M. de Vintimille, est
que, s'inspirant d'une autre vue que Clément XII
son prédécesseur, Benoît XIV pensait à entrepren-
dre à son tour une réforme du Bréviaire romain. L(^
cardinal de Fleury, dès le 14 février 1741, avait ap-
plaudi à cette pensée qui résolvait sans coup férir
« l'affaire du Bréviaire de l'archevêque de Paris ». Le
cardinal de Tencin, chargé d'affaires à Rome, y en-
courageait et Fleury et Benoît XIV de tout son crédit.
Le 21 juillet 1741, il écrivait à Fleury : « Le pape a
nommé une congrégation de prélats et de religieux
pour travailler à la réformation du Bréviaire ro-
main. » Et le 25 août : « Le pape est actuellement
dans de très bons principes pour la réformation du
Bréviaire romain, par exemple de n'admettre aucune
légende douteuse. » Il est vrai qu'il ajoutait aus-
sitôt : « Son projet sera-t-il exécuté? Je n'en répon-
drois pas. Il ne sçait pas résister ni être en garde con-
tre ceux qui l'environnent * . »
Ainsi la réforme tentée en France , tant en 1680
qu'en 1736 (je ne veux parler que de ces deux-là),
provoquait à Rome l'étude d'une nouvelle et plus pro-
fonde revision du Bréviaire romain.
1. Benoît XIV à Fleury, 4 mars 1741 (Corr. de Rome,
t. 787, f. 8). Tencin à Fleury, 21 juillet 1741 {Corr. de Rome,
t. 785, f. 229). Le même au même, 25 août 1741 (ibid. f. 331).
LES PHOJETS DE IJExXOlT XIV. 35'J
II
Les papiers de la congrégation instituée par Be-
noît XIV pour la réforme du Bréviaire romain sont
restés longtemps inconnus et inédits. Le premier à
les avoir exploités est M^"" de lloskovâny : il les
avait retrouvés en 1856 à la bibliothèque Corsini, à
Rome, où ils sont conservés depuis l'époque de Be-
noît XIV. C'est un volumineux dossier ayant pour
titre : Acta et scripta autographa in sacra congrega-
tione particulari a Benedicto XIV deputata pro re-
formaiione Breviarii romani a. ilki, in très tonios
distributa et appendicem^ , M.^' de Roskovâny n'a
publié que l'historique des travaux de ladite congré-
gation, historique rédigé et mis en tête, de tout le dos-
sier par le secrétaire de la congrégation, Louis Va-
lenti; du reste du recueil, il n'a donné que quelques
pièces choisies^. Depuis, on a publié^ les pièces les
plus importantes laissées de côté par M^^^ de Rosko-
vâny.
Nous allons analyser, en n'y ajoutant que des no-
tes, les actes de la congrégation de Benoît XIV ^.
Le dossier de Valenti"' est dédié au cardinal Nérée
1. Bibliolh. Corsini, mss. 11°' 3G1, 362, 363.
2. ROSKOVANY, t. V.
3. Analecta iiiris pontlflcii (de l'abbé Ghaillot), t. XXIV
(1885).
4. Le chapitre de Baeumer, t. II, p. 378-401, est la repro-
duction quasi littérale de mon travail. Autant chez Dom Bau-
dot, Le Bréviaire romain (Paris 1908), p. 145-154.
5. Louis Valenti Gonzaga était neveu du cardinal Silvio . Va-
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 24
370 HISTOIRE DU BRÉVIAIKE ROMAIN.
Corsini. L'auteur a pensé que la postérité lui saurait
gré d'avoir rédigé l'histoire des propositions, des dis-
cussions et des résolutions étudiées par la eongréga-
tion pontificale du Bréviaire dont il a été le secrétaire :
aucune bibliothèque ne lui paraît un dépôt plus ho-
norable pour son manuscrit que la bibliothèque du
cardinal Corsini. Ceci est la dédicace ^ Une courte
préface la suit.
Valenti, citant Thomassin, rappelle que l'office divin,
dans ses éléments essentiels, heures, psalmodie, lec-
tures, remonte à l'origine même de l'Église. Mais
si cela est vrai du chant des psaumes, de la lecture
de l'Ecriture sainte, et, dans une certaine mesure, de
l'usage des oraisons que nous appelons collectes, on
ne saurait en dire autant de nombre d'autres éléments
de l'office divin. Sans parler, en effet, de la diversité
qui existe entre l'office divin des Grecs et celui des
Latins, il est bien évident que ni les actes des saints
ni les sermons des Pères ne remontent à l'Eglise des
premiers jours, non plus que l'usage d'honorer Dieu
de préférence dans ses saints, alors que bien plutôt
l'usage existait seul d'honorer Dieu directement,
comme on le fait encore à l'office dominical et à l'of-
fice férial. Ces diversités n'ont rien qui nous doive
surprendre, l'Église, comme l'épouse biblique, devant
être « vaidetatibus circumamicta ». Toutefois il im-
porte que l'ordre règne dans la diversité, et que la li-
turgie ne soit pas livrée au bon plaisir particulier, en
lenti Gonzaga, secrétaire d'État de Benoît XIV. Il fut fait lui-
même cardinal en 1759.
1. RosKOVANY, p. 532. Aiialecta, p. 506.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 371
sorte qu'en une même province ou dans un même dio-
cèse, il n'y ait point uniformité d'office, ou encore que
l'office consacre des sermons non authentiques des
saints Pères, ou, sous le nom d'actes des saints, des
fables. Unité et dignité de l'office divin : telle a été la
préoccupation des anciens conciles, mais surtout des
pontifes romains comme Innocent P'", comme Gré-
goire VII, et plus nouvellement Pie V, Clément YIIl,
Urbain VIII. Ces derniers ont mis tous leurs soins
et une infinie sollicitude à ce que l'office divin fût ra-
mené à l'ancien usage, et à ce que rien de cet ancien
office ne fut abandonné, ordonnant que l'on reprodui-
sît ce qui avait été supprimé et que l'on réformât
ce qui s'était corrompu. Le pape Benoît XIV, glo-
rieusement régnant, a pour le culte divin le même
zèle que ses prédécesseurs ; frappé des plaintes que
lui ont exprimées quelques personnes considérables,
émues, disaient-elles, de voir le Bréviaire romain dé-
chu sur plus d'un point de son antique simplicité et
de son éclat, étant d'ailleurs lui-même sensible plus
qu'aucun autre à ces taches et désireux plus qu'au-
cun autre de les effacer, Benoît XIV a décidé, au dé-
but même de son pontificat, de mettre la main à une
réforme et à une correction du Bréviaire, et de con-
fier à quelques excellents connaisseurs de l'antiquité
ecclésiastique le soin de répondre à ce désir. Bien
souvent, poursuit Valenti, Benoît XIV daigna m'en
entretenir et me demander mon sentiment dans ce
grave dessein. Enfin il se résolut à choisir plusieurs
prélats instruits et plusieurs théologiens, qui, réunis
en congrégation, étudieraient le projet. Ces prélats
372 HISTOIRE DU BUÉVIAIHE ROMAIN.
étaient : le secrétaire de la Propagande, Philippe-
Marie Monti^ ; le secrétaire du Sacré-Collège, Nicolas
Antonelli; un chapelain du pape, Dominique Giorgi.
Et ces théologiens : Thomas Sergio, consulteur de
l'Inquisition ; le somasque François Baldini, consul-
teur des Rites; Antoine-André Galli, chanoine régu-
lier de Saint-Jean-de-Latran : Antoine-Marie Azzo-
guidi, des Mineurs conventuels. Le pape voulut que
Valenti fut secrétaire de la congrégation 2.
En principe, assure Valenti, les membres de la
congrégation étaient à peu près unanimes à reconnaî-
tre la nécessité d'une réforme du Bréviaire romain.
Restait à fixer au préalable la nature de cette réforme.
Le pape Benoît XIV avait reçu deux mémoires
concernant le Bréviaire, l'un en français, l'autre en
italien. L'auteur français exprimait le regret qu'il y
eût, dans le texte du Bréviaire, plus d'une assertion
historique qui avait échappé à la diligence des cor-
recteurs anciens, et dont la critique avait surpris
1. Moiili {'[ 1754), prélat académicien, venait de publier de>
Elogia cardinalium pietate doctrina et rébus pro Ecclesia gr-
stis illustrium(llk\). —Antonelli (f 1767), ériulit lourd : on lui
doit une consciencieuse édition princeps du commentaire grec
sur les psaumes, qu'il croyait être de saint Athanase (1746). cl
que Migne a reproduit; il donnera en 1756 un Vêtus missalc
romanum praefationibus et notis illnstratum. — Giorgi (f 1747 ,
savant de l'école de Muratori, était en train de publier son
grand ouvrage. De liturgia romani poiiti/icis in solemni celc-
bratione missarum (1731-1744). — Baldini (f 1767), un anli-
quaire, publiera en 1743 une édition estimée des Numisiitala
imperatorum romanorum de Vaillant. — Azzoguidi (f 1770)
s'intéressait aux œuvres inédites de saint Antoine de Padouc,
dont il écrivait la vie.
2. ROSKOVANY, pp. 533-537. Analectn, pp. 507-508.
LES PIIOJETS DE HKNOIT XIV. 373
l'erreur; dans la distribution des psaumes, tels psau-
mes qui revenaient sans cesse, tels autres qui n'étaient
jamais récités, et les plus longs qui s'accumulaient
aux olfices du dimanche et des fériés; dans les an-
tiennes, trop de textes qui n'offraient aucun sens à
l'esprit ou qui s'accordaient mal avec les offices oi^i
on les exécutait ; parmi les fêtes des saints récents,
trop de doubles, alors que les fêtes de saints anciens
et insignes étaient de rite semi-double ou simple, et
que la fréquence des fêtes doubles empêchât de célé-
brer l'office dominical, lequel était pourtant consacré
à honorer les mystères de la vie de Notre Seigneur.
De là venait, suivant l'auteur français, que tant d'or-
dinaires avaient abandonné le Bréviaire romain et
adopté des Bréviaires particuliers, pour le mal et la
perturbation de la liturgie. Il était temps de donner
au Bréviaire romain une forme nouvelle, qui remédiât
à ces défauts et parât ces dangers '. — Au contraire
du mémoire français, le mémoire italien ne deman-
dait pas une refonte, mais une simple expurgation du
Bréviaire romain. Ce Bréviaire, en effet, se compose
d'éléments essentiels qu'on ne saurait modifier sans
supprimer le rite romain en soi, ainsi le nombre, l'ordre
et la disposition des heures, des nocturnes, des psau-
mes, des antiennes, des leçons, des collectes. Autant
d'éléments nécessaires et intangibles. Mais le calen-
drier, mais les antiennes et les répons, mais le texte
des leçons, tout cela supportait et demandait correc-
1. Valenli nous a conservé le loxle de ce mémoire, c'est, la
seconde des pièces justificatives de son dossier : Monumen-
tum IL
374 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
tien ^ — Benoît XTV transmit les deux mémoires à
la congrégation-.
Elle se réunit pour la première fois le 14 juil-
let 1741, dans la demeure de Valenti, et dès le pre-
mier instant on put constater que les consulteurs
n'étaient guère plus d'accord que les deux mémoires.
Les uns voulaient que l'on discutât d'abord la ques-
tion de la distribution des psaumes : ils louaient la
distribution des psaumes qu'avaient adoptée depuis
peu quelques Églises de France, et l'usage de ces
mêmes Eglises de réciter les psaumes fériaux à l'ol'-
fice des saints (un petit nombre de fêtes de saints
excepté), de façon à réciter en une semaine tout le
psautier. D'autres, cependant, et leur opinion préva-
lut, observèrent que l'Eglise romaine avait été tou-
jours et devait être tenace dans ses traditions propres ;
qu'il convenait de se défier des nouveautés ; que la
distribution romaine des psaumes était antique et ne
pouvait être abandonnée légèrement ; qu'il s'agissait,
au demeurant, non d'une refonte, mais d'une simple
correction du Bréviaire romain ; et que, la question du
psautier réservée, on devait d'abord discuter le calen-
drier. Cette proposition fut adoptée à l'unanimité ^.
Puis donc qu'il s'agissait d'une simple correction,
il importait de savoir quelle avait été l'idée maîtresse
de la réforme du Bréviaire par Pie Y, et de s'y tenir.
Valenti soumit à la congrégation un document re-
1. Le mémoire italien en question est la troisième pièce jus-
tificative de Valenti, Monumentum III.
2. RosKOVANY, p. 538. Analecta, p. 509.
3. ROSKOVANY, p. 540. Analecta, p. 510.
\
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 375
trouvé par lui *, et qui exprimait nettement quelle avait
été la pensée de Pie V. Au xvi® siècle, l'office férial
entraînait la récitation de l'office de la sainte Vierge,
de l'office des morts; plus, en carême, des psaumes
pénitentiaux et graduels accompagnés des litanies; et
enfin, à toutes les heures en tout temps, des preces
feriales. Pour se soustraire à l'écrasante longueur
d'un tel office férial, on en était venu à assimiler les
fêtes simples aux fêtes semi-doubles et doubles, c'est-
à-dire à leur donner un office de neuf leçons, avec
faculté de les transférer si besoin était, l'office de
neuf leçons n'entraînant plus que la récitation de l'of-
fice de la sainte Vierge. Mais, dès lors, plus d'office
férial en carême, en dépit de la lettre du vieux droit
canonique ; presque plus de leçons de l'Écriture sainte,
en dépit des prescriptions du pape Gélase ; plus de
récitation hebdomadaire du psautier intégral, et, à la
place, la répétition quotidienne des mêmes psaumes
du commun des saints, en dépit de l'autorité du pape
saint Grégoire le Grand qui voulait qu'un clerc ne
pût être promu à l'épiscopat, s'il ne savait tout le
psautier par cœur. Voilà pourquoi Pie V avait sup-
primé ce privilège abusif des fêtes simples, les ra-
menant à l'observance du nocturne férial, les- rédui-
sant à une mémoire en cas de concurrence d'une fête
supérieure, mais les allégeant de la récitation des
psaumes pénitentiaux et graduels, de l'office des
morts et (le carême et l'avent exceptés) des preces fe-
riales, et enfin leur imposant au moins deux leçons
1. J'ai mentionné déjà ce document, Monnmentum V, que je
publie plus haut, p. 340-345.
376 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
sur trois tirées de l'Ecriture sainte. Or, à comparer
le Bréviaire de Pie V et le Bréviaire actuel, on cons-
tatait que le nombre des fêtes doubles et semi-doubles
avait été, depuis 1568, porté de 138 à 228, en sorte
que, le nombre des fêtes mobiles annuelles étant
de 36, il restait à peine 90 jours à l'office dominical
et férial; encore ces 90 jours étaient-ils pour la plu-
part escomptés par les fêtes concédées aux églises,
diocèses et congrégations diverses ! La situation était
donc en 1741 redevenue ce qu'elle était avant 1568, où
les pontifes romains avaient entrepris la réforme du
Bréviaire, et la faute en était tout entière au calendrier.
Il fallait donc, quelle que fût la dévotion particulière
de chacun des consulteurs envers les saints, il fallait
en venir à rayer nombre de noms du calendrier, et à
réduire nombre de fêtes au rang de fêtes simples,
puisque le festum simplex seul n'entraverait pas la
récitation hebdomadaire du psautier ^ .
Le 11 août 1741, la congrégation, d'accord sur le
principe de cette réduction, en essayait l'applica-
tion aux fêtes de Notre Seigneur. Noël, l'Epiphanie,
Pâques, la Pentecôte, étaient hors de cause. On hé-
sita sur la question de savoir s'il ne convenait pas de
restituer à la fête de la Circoncision son vieux nom
à^Octa^a Domini^ que lui donne le sacramentaire gré-
gorien 2; mais on passa outre. La fête de la Trans-
figuration était bien récente, puisque le sacramen-
1. RosKOVANY, p. 542. Analecfa, p. 510.
2. L'expression Octava domini est, en effet, l'expression ro-
maine ancienne, tandis que l'usage de fêter la circoncision
de N.-S. est un usage gallican précarolingien, Duchesne,
LES PHOJEÏS DE BENOIT XTV. 377
taire grégorien ne la connaît point \ mais elle était
universellement reçue, soit chez les Grecs, soit chez
les Latins; on la conserverait. Même résolution sur
la fête de la Trinité, à condition de reviser avec soin
les antiennes et les répons de son office. La fête du
Corpus Christi fut mise hors de cause. La fête de
l'Invention et celle de l'Exaltation de la Croix soule-
vèrent les discussions les plus vives : les uns vou-
laient supprimer radicalement l'Invention de la Croix
du calendrier, d'autres unir l'Invention à l'Exaltation
en une seule fête, le 14 septembre, d'autres mainte-
nir les deux fêtes en l'état. On put croire un instant
que la fête du 3 mai serait condamnée à disparaître ;
finalement on se résolut à ne rien modifier. Mais la
fête du Saint-Nom de Jésus ne trouva pas grâce de-
vant la congrégation; elle était récente ^, la congré-
gation en demanda la suppression. La discussion de
ces diverses résolutions prit fin le 21 novembre •^
A cette même date commença la discussion des
fêtes de la Vierge. La Purification, l'Annonciation,
Origines, p. 262-263. L'ofTice romain de la fête de la circon-
cision (conservé dans la Bréviaire) n'a rien, à voir avec la cir-
concision de N.-S. : c'est un ofïice pour la fête de Noël, tout
à la naissance du Sauveur, avec quelques antiennes et répons
en l'honneur de Marie, la station étant ce jour-là au Panthéon,
Sainte-Marie ad martyres.
1. Nous avons vu qu'elle date, à Rome, de 1653,
2. La fête du Sainl-Nom de Jésus avait été concédée anx
Mineurs par Clément VIL Le 29 novembre 1721, Innocent XIII
l'avait étendue à^ l'Église universelle et fixée au second di-
manche après l'Epiphanie. Bened. XIV [Opéra, t. X, Rome
1751], De festis, p. 65.
3. RosKOVANY, p. 545. Analecta, p. 519.
378 HISTOIRE DU RRÉVIAIRE ROMAIN.
r Assomption, la Nativité étaient des fêtes antiques et
universelles indiscutables. La congrégation se de-
manda pourtant s'il ne conviendrait pas de substi-
tuer au mot « Assomption » le terme plus antique de
Pausatio ou Dormitio ou Transitas, de peur de voir,
par cette consécration liturgique du mot Assomption,
la pieuse croyance de l'entrée en corps et en âme de
la Vierge au ciel consacrée comme de foi ^ A l'unani-
mité, on retint le vocable d'Assomption. Mais donne-
rait-on à la Nativité et à l'Assomption une octave? La
congrégation fut pour l'affirmative, réservant la ques-
tion de savoir de quel degré seraient ces deux octaves.
— Le 2 février, la fête de la Visitation et celle de
la Conception furent maintenues à l'unanimité. Des
consulteurs, ceux qui répugnaient à la doctrine de
l'immaculée conception, voulaient supprimer à cette
dernière fête son octave; ceux qui craignaient de
voir par une pareille suppression diminuer l'auto-
rité de cette doctrine, réclamaient l'octave. La con-
grégation s'étant partagée également entre les deux
sentiments, on décida de s'en remettre à Benoît XIV.
La fête de la Présentation avait été éliminée par
Pie V, et rétablie par Sixte-Quint: la congrégation,
frappée de la difficulté qu'il y a à déterminer exacte-
ment quel mystère est honoré dans cette fête, réso-
lut de s'en tenir à la décision de Pie V ^. Mais elle de-
1. Ceci est peut-être un écho de la controverse soulevée en
France par Claude Joly (1669) et Launoy (1671). Les partisans
du terme de pausatio s'inspiraient sans doute de Tillemonj,
H. E. t. I (1701), p. 476-477.
2. Ici encore , pour comprendre la commission , voir Til-
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 379
vait revenir sur sa résolution. Par contre, les fêtes
du Saint-Nom de Marie\ du Saint Rosaire 2, de N.-D.
de la Merci^, de N.-D. du Carmel, des Sept-Douleurs,
de laDesponsatlo'', du Patronage', delà Translation
de la maison de Lorette et de V Expectatio partas^\ ne
trouvèrent dans la congrégation que de tièdes défen-
seurs '*. On voyait avec regret ces fêtes faire tort à
l'office dominical; l'office du Saint-Nom de Jésus
étant supprimé, on ne pouvait maintenir celui du
Saint-Nom de Marie; l'office du Rosaire était connexe
à l'office du Saint-Nom de Marie, tous les deux ayant
pour raison d'être de remercier Dieu de victoires
remportées sur les Turcs; l'office de la Merci et du
Carmel n'intéressaient que deux ordres religieux,
non l'Église universelle; l'office des Sept-Douleurs
avait le tort d'évincer l'office férial du vendredi de la
semaine de la Passion. Quant aux offices de la De-
LEMONT, t. I, p. 463, et Bened. XIV, De festis, p. 499-510.
1. La fête espagnole (1513) du Saint-Nom de Marie, comme
souvenir de la défaite des Turcs sous Vienne (13 sept. 1683),
est étendue à toute l'Église par Innocent XI, le 25 nov. 1683.
Bened. XIV, p. 520.
2. Le Rosaire, fête commémorative de la bataille de Lé-
pante (7 oct. 1571), établie par Grégoire XIII (l^-- avril 1573),
est étendu à toute l'Église par Clément XI (3 oct. 1716).
Bened. XIV, p. 526-528.
3. La Merci date d'Innocent XII; le Carmel, les Sept-Dou-
leurs, de Benoît XIII. Bened. XIV, pp. 521, 479, 457,
4. La Desponsatio y la Pafrociniam, la Translatio domiis
Laiiretanne, VExpectatio partus^ dataient de Benoît XIII.
Bened. XIV, pp. 433, 528, 553, 560. Des recherches récentes
ont montré que la fête de VExpectatio partiis (18 décembre)
tenait la place, en Espagne, depuis le yii« siècle, de la fête
de l'Annonciation. Elle fut introduite en Angleterre par saint
Anselme (f 1109). Baeumer, t. II, p. 62.
380 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
sponsatio, du Patronage, de la Translatio domus
Lauretanae, sans se dissimuler les motifs graves
qui les avaient fait instituer, la congrégation était
d'avis que, l'antiquité chrétienne n'ayant pas cru
devoir les établir, on était en droit de ne point les
conserver. La fête de XExpectatio partus ne fut dé-
fendue par personne ^ .
Le 9 mars 1742, la discussion porta sur les fêtes des
anges 2. A l'unanimité on retint la fête du 29 septem-
bre, dédicace de saint Michel. A l'unanimité aussi,
on supprima la fête du 8 mai, apparition de saint
Michel sur le mont Gargan , qui n'intéressait, disait-
on, que le diocèse de Siponto. La fête des saints anges
gardiens était récente^, elle datait de Paul V, et ne
faisait-elle pas double emploi avec la fête de la dédi-
cace de saint Michel? On la maintint cependant. —
Après les anges, les saints. La fête des Macchabées
était trop ancienne pour qu'on y pût toucher. Ce
n'était point le cas de la fête de saint Joachim^, de
sainte Anne^, de saint Joseph^. Pourtant la dévotion
1. RosKOVANY, p: 418. AnaUcla, i». 515.
2. Dans le Bréviaire romain imprimé à Venise, 1541, cliez
Junla, je relève au fol. d. 1 : « In lesto s. Gabrielis... qiiod
officium est approbatum a S. D. N. Leone X. 1515. 8 idus nov.
in castello Viterbii in caméra sue residentie. »
3. La fête des anges gardiens, concédée par Paul V, 27 sept.
1608, étendue à toute l'Église par Clément X, 13 sept. 1670.
4. La S. Joachim, établie par Grégoire XV, 20 mars 1623,
élevée au rang de double majeur par Clément XII, 3 oct. 1738.
5. Sainte Anne, introduite au rang de simple du temps de
Sixte IV (ScHORER, p. 32), supprimée par Pie V, rétablie au
rang de double par Grégoire XIII, élevée au rang de double
majeur par Clément XII.
6. La S. Joseph, introduite au rang de simple du temps de
LKS PROJETS DE BENOIT XIV. 381
universelle avait adopté trop pieusement ces trois
fêtes pour qu'on les pût supprimer : on résolut donc
d'unir en une seule fête le souvenir de Joachim et
d'Anne ; encore devait-on peu après abandonner cette
résolution et laisser la liturgie dans l'état. La Nativité
et la Décollation de saint Jean -Baptiste étaient hors
de cause. Hors de cause aussi les saints Innocents ;
on supprimerait peut-être avantageusement l'octave
de ces derniers. Hors de cause les fêtes de saint
Pierre et saint Paul, et des autres apôtres, y com-
pris saint Barnabe, et des évangélistes. On ne fit
quelque difficulté que pour l'octave exceptionnelle
accordée à la fête de saint Jean. La fête de sainte Ma-
deleine et celle de sainte Marthe seraient maintenues,
cette dernière toutefois réduite à n'être plus qu'une
fête simple ^
Le 17 mars 1742, la discussion du même sujet se
poursuivit. Aucune difficulté ne fut faite au maintien
des solennités de la Conversion de saint Paul, de saint
Jean à la Porte Latine, de saint Pierre es Liens. Il fut
question de réduire en une seule fête les deux fêtes de
la Chaire de saint Pierre ^ ; mais on tomba d'accord
Sixte IV(SGnOBER, p. 201), devient double sous Innocent VIII,
double de seconde classe sous Clément X, 29 nov. 1670, et
reçoit de Clément XI son office propre, qui est un chef-d'œu-
vre. 3 fév. 1714.
1. RosKOvANY, p. 511. Analecta, [>. 518.
2. Duché SNE, Origines, p. 266-268, croit que la lêle du 22 fé-
vrier (la C. de S. P. à Anlioche) est la vieille fête romaine
de l'inauguration de l'épiscopat de saint Pierre à Rome ou
Natale PelH de cathedra, ceci dès 336. Aucune trace de cette
fête en Orient. La fêle du 18 janvier (la C. de S. P. à Rome)
est le même Natale que la fêle du 22 février, mais anticipé
382 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
pour les maintenir distinctes. La Commémoraison de
saint Paul, au contraire, parut avoir perdu toute rai-
son d'être, puisque ce jour-là le pape ne venait plus
comme jadis pontifier à Saint -Paul -hors -les -murs :
on ne maintiendrait donc cette fête que dans les églises
du vocable de saint Paul, et l'on s'en tiendrait dans
les autres à l'ofTice de l'octave. On maintiendrait dis-
tincts les trois anniversaires de dédicaces des basili-
ques romaines, le Latran, Sainte -Marie -Majeure,
Saint-Pierre, Saint-Paul; mais la fête du 5 août ne
porterait plus le titre de Sainte-Marie-aux-Neiges;
on dirait, comme dans les anciens calendriers, Dedi-
catio S. Mariae. — On arrivait maintenant aux saints
en général, les difficultés allaient se multipliera
11 y eut congrégation le 20 avril et le 1®"^ mai, pour
discuter quels saints devaient être maintenus au ca-
lendrier, mais il fut impossible de voter de résolution,
sinon qu'Azzoguidi dresserait un calendrier des fêtes
que l'on avait, dans les précédentes réunions, décidé
de maintenir... Le travail n'avançait plus : Giorgi était
allé à Castel-Grandolfo se reposer; Galli, à Bologne,
assister au chapitre général de son ordre : impossible
de réunir la congrégation. Benoit XIV cependant
pressait, Valenti se multipliait. Avec Azzoguidi, il
pour ne pas tomber en carême, celte anticipation est un usage
gallican. « A Rome, la fêle du 22 février fut maintenue à l'ex-
clusion de l'autre, et cela jusqu'au xvi' siècle », écrit M"' Du-
chesne après de Rossi, Bullctino, 1867, p. 38. La fêle du 18 jan-
vier fut introduite à Rome par Paul IV (14 janvier 1558). La
commission de Benoît XIV aurait été bien inspirée en res-
taurant la fête du 22 février.
1. RosKOYANY, p. 553. AnalecUi, p. 519.
LES PHOJETS DE BENOIT XIV. 383
convenait de dresser un projet de calendrier que l'on
soumettrait à la congrégation, un calendrier où figu-
reraient les fêtes déjà admises, et les fêtes qui avaient
le plus de chance de l'être dans la suite. Ce projet de
calendrier une fois dressé, Valenti l'alla communiquer
à Giorgi, car, dit-il, il y avait grand espoir que, si
Giorgi l'approuvait, tous les autres consulteurs se-
raient de son avis. Mais, sur ces entrefaites, Monti,
qui présidait la congrégation et dans la maison duquel
on se réunissait, Monti fit rédiger par un « homme
docte » des règles générales selon lesquelles il conve-
nait de juger quels saints devaient être admis à l'hon-
neur de l'olfice et quel degré d'oftice convenait à cha-
cun. Quelles étaient ces règles? on ne nous le dit pas.
On ne nous dit qu'une chose, qui est que Valenti,
Azzoguidi, Baldini et Galli furent unanimes à les re-
pousser ^ Gomment Monti prendrait-il cette opposi-
tion 2?
1. RosKOVANY, p. 555. Aiialecta, p. 520.
2. Dans les Briefe Benedicts XIV an den Canon. Fr. Peggi
in Bologna, publiées par F. X. Kraiis (Fribourg 1884), je relève
une page intéressante où il est question de Monti. Le Pape
écrit : « Gli eruditi in materie ecclesiastiche sono di tre specie.
Alcuni hanno una buona gnardarobba, lettura continua, ed
ottima menioria délie cose lette : e questi non solo sono buon
per la convcrsazione, ma nette occorrenze possono somminis-
trare buone notizie. Ma se non passano più oltre, riescono in
atlo pralico il più délie voile non solo inutili, ma perniciosi.
E nel numéro di questi (sia detto in confidenza) si debbon ri-
porre i due cardinali Passionei e Monti » (p. 27). Tout ce qui
suit, qui tourne à l'éloge de Muratori, serait à citer comme
cxenq)le de la bonhomie charmante et sagace de Benoît XIV :
nous n'avons voulu citer que ce qui concernait Monti, et qui
explique les embarras créés au « débrouillard » Valenti par
l'érudition pernicieuse de son président. Monti « est un homme
384 HISTOIRE DU BRÉVIAIIIE ROMAIN.
On se réunit enfin, le 15 juillet 1742. Valenti avait
obtenu que Monti ne parlerait point de ses règles gé-
nérales, ni Azzoguidi de son calendrier, et lui-même
proposa de retenir seulement les fêtes des saints dont
le jésuite Guyet dit qu'elles sont célébrées dans toute
l'Eglise ^ Le texte du père Guyet fut lu, et la congré-
gation ne l'improuva point, mais elle fut d'avis qu'il
valait mieux qu'elle consacrât ses prochaines séances
à discuter elle-même le cas de chaque saint. On était
convenu des principes suivants : — 1<* maintenir tous
les saints dont le nom figure au canon de la messe ;
— 2° tous ceux dont les fêtes sont mentionnées dans
les anciens sacramentaires et calendriers de l'Eglise
romaine; — 3° ne point éliminer les saints dont on a
des acta sincera ou un éloge fait par quelque Père, à
condition cependant que leur culte fût ancien; —
4° maintenir des saints papes ceux-là seulement dont
le culte était ancien; — S** maintenir les saints doc-
teurs; — 6° maintenir les saints fondateurs d'ordre;
— 7*^ maintenir quelque saint représentant chacune
des nations de la chrétienté ; — 8" éliminer tous les
saints ne rentrant pas dans un des sept cas précédents,
à moins que la dévotion de l'Église universelle ou
quelque raison particulière urgentissima n'engageât
à en décider autrement 2. La méthode une fois déter-
qui a beaucoup lu, mais sans aucune méthode », écrivait m
1743 l'abbé de Ganillac, notre auditeur de Rote {Corr. de Rome,
t. 792, f. 242).
1. G. Guyet, Heortologla sive de festis propriis locorum et
ecclesiariim (Venise 1729).
2. Extrait de la préface au Calendarium reformatum, ii]»
ROSKOYANY, p. 586.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 385
minée, il serait long et fastidieux d'énumérer une à
une les applications qu'on en fît. Il suffira de signaler,
avec Valenti, le zèle qu'Azzoguidi et les autres con-
sulteurs déployèrent à compulser les anciens sacra-
mentaires et calendriers, à se former une opinion con-
trôlée à ces sources, à la soumettre à la discussion
générale, et à procurer que l'accord se fît unanime
pour toutes les résolutions de la congrégation. Août
et septembre furent employés à ce travail; en octo-
bre, il ne restait plus qu'à le résumer, et ce soin
fut confié, non à Azzoguidi, dont la santé était à ce
moment éprouvée, mais à Galli, qui consacra à cette
rédaction les vacances d'automne ^
Valenti nous a conservé le calendrier expurgé de
la congrégation du Bréviaire. Le nombre des expul-
sions prononcées par elle était fort élevé. En outre
des fêtes du Saint-Nom de Jésus, du Saint-Nom de
Marie, delà Desponsatio B. M. , de VExpectatio par-
las, des Sept-Douleurs, du Patronage de la Vierge,
de N.-D. de la Merci, du Rosaire, de la Translatio
domus lauretanae^ de la Commémoraison de saint
Paul, de l'Apparition de saint Michel, la congrégation
avait rayé du calendrier les papes Télesphore, Hygin,
Anicet, Soter, Marcellin, Éleuthère, Silvère, Jean,
Léon II, Pie, Anaclet, Zéphirin, Évariste, Pontien,
Grégoire VII ^ ; — les saints Canut, Raimond de Pen-
1. RosKOVANY, p. 558. Analecta, p. 523.
2. La suppression de la fêle de saint Grégoire VII était très
significative. Cet office avait été concédé à l'ordre bénédictin
et aux basiliques patriarcales de Rome par Clément XI, en
1719, puis étendu à l'Église universelle par Benoît XIII, en
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 25
386 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN,
nafort, Casimir, Vincent Ferrier, Ubald, Antonin,
Bernardin, Félix de Cantalice, Jean de Sahagun,
Louis de Gonzague, Liborius, Raimond Nonnat, Lau-
rent Giustiniani, Wenceslas, François de Borgia,
André d'Avellino, Jean de la Croix; — Sabas, Pierre
Chrysologue, Pierre d'Alexandrie, Eusèbe de Ver-
ceil, Hilarion, Venant, Boniface, Érasme, Alexis,
Christophe, Pantaléon, Romain, Cassien, Hyacinthe,
Janvier, Eustache, Placide, Denis, Rustique et Éleu-
thère, Vital et Agricol, Tryphon, Respicius et Nim-
pha, Diego, Hippolyte et Symphorien, Gilles, les SS.
VII fratres, Modeste et Crescentia, Nabor et Félix,
Faustinus et Jovita, Cyprien et Justine; — les saintes
Émérentienne, Martine, Dorothée, Scolastique, Pé-
tronille, Rufme et Secunda, Symphorose, Marguerite,
Christine, Edwige, Ursule, Catherine, Bibiane,
Barbe, Marguerite de Cortone, Marie-Madeleine de
Pazzi, Julienne de Falconieri, Rose de Viterbe, Ger-
trude, Elisabeth de Thuringe ; ajoutez la fête de l'In-
1728. La leçon historique comprenait une phrase où sont rap-
pelées les résistances opposées à l'empereur Henri IV par
Grégoire VII, celle-là même que nous lisons encore : « Contra
Henrici imperatoris impios conatus », etc. Les parlements de
France y virent un défi aux libertés de l'Église gallicane et à
la majesté royale. Le cardinal Fleury cassa leurs arrêts. Mais
des évêques les soutinrent : Gaylus, évêquc d'Auxerre; Gol-
bert, évêque de Montpellier; Goislin, évêque de Metz... Be-
noît XIII (31 juillet 1729) dut condamner les mandements do
ces prélats et les édits de ces parlements. Le parlement de
Paris (23 février 1730) condamna la condamnation de Be-
noît XIII... Pareille émeute dans le royaume de Naples... Au-
tant en Autriche... Voyez Baeumer, t. II, pp. 303-314, 322-323. La
congrégation de Benoît XIV entendait couper court aux diffi-
cultés en supprimant la fête de Grégoire VII.
i
LES PnOJETS DE BENOIT XIV. 387
vention du corps de saint Etienne et l'Impression des
stigmates de saint François K
Le 7 décembre 1742, la congrégation avait enfin
dressé son calendrier des fêtes maintenues. Mais ce
calendrier n'était encore qu'un catalogue, et plu-
sieurs questions demandaient à être tranchées pour
qu'il devînt un véritable calendrier liturgique. Pre-
mièrement, d'accord en cela avec l'idée maîtresse de
toute leur réforme, les consulteurs entendaient pri-
vilégier les fériés du carême et, autant que possible,
de l'avent : ainsi l'avait établi l'ancienne liturgie, et
la congrégation prenait à témoin le dixième concile
de Tolède qui défend de célébrer de solennité des
saints durant les dies qiiadragesimaleSy et le concile
de Laodicée qui interdit de fêter des natalitia durant
le carême. On supprimerait absolument donc toutes
les fêtes tombant en carême, ou on les transférerait,
exception faite pour l'Annonciation, pour la Chaire
de saint Pierre et pour saint Joseph, et sans parler
des fêtes simples, lesquelles ne faisaient point tort
à l'office férial. Secondement, étant donné que l'on
conservait la distinction des six rites de fêtes, con-
sacrée par Clément VIII et Urbain VIII, et que l'on
ne touchait pas au schème de concurrence que l'on
trouve imprimé à la suite des rubriques du Bréviaire
romain, il restait à fixer le rite de chacune des fêtes
du calendrier réformé. A cette distribution furent
consacrées les réunions des premiers mois de 1743 2.
1. CalencL reformat, ap. Roskovany, pp. 612-6 14 : « Catalo
gus festorum seu offîciorum quae visa sunt omiltenda. »
2. Roskovany, p. 563. Analecta, p. 525.
388 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
On maintint le rite double majeur de première
classe à 10 fêtes (Noël, Epiphanie, Pâques, Ascension,
Pentecôte, Corpus Christi, Nativité de saint Jean-
Baptiste, 29 juin, 15 août, Toussaint^), — le rite dou-
ble majeur de seconde classe à 27 fêtes (Circoncision,
Trinité, Purification, Annonciation, Nativité, Con-
ception, saint Etienne, saints Innocents, saint Joseph,
Invention de la Croix, Exaltation, natale de chacun
des apôtres et évangélistes, saint Laurent, saint
Michel), — le rite double majeur à 12 fêtes (Trans-
figuration, Dédicace des basiliques Latérane, Libé-
rienne et Vaticane, Visitation, Présentation, Chaire
de saint Pierre à Rome et à Antioche, saint Pierre
aux Liens, Conversion de saint Paul, saint Jean à la
Porte Latine, saint Barnabe), — le rite double mineur
à 23 fêtes, et le rite semi-double à 34. Le nombre des
fêtes de rite simple fut porté à 63. Les saints dont
on ne ferait qu'une commémoraison étaient au nombre
de 29 2.
Le calendrier nouveau ainsi fixé par la congré-
gation était chose achevée^. Allait-on se mettre à
l'étude de la lettre même des offices, et reviser les
homélies, légendes, hymnes et répons des offices que
l'on conservait? Il parut plus sage de soumettre à
Benoît XIV le travail fait, ce travail étant la base de
toute la réforme à faire, laquelle serait vaine si le
1. Plus, pour chaque église, l'anniversaire de sa dédicace et
la fête de son titulaire.
2. ROSKOVANY, pp. 592-612.
3. La révision du calendrier fut achevée « mense aprilis;
1743 », dit Valenti, sans préciser davantage.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 389
souverain pontife n'approuvait pas, ou même désap-
prouvait, la méthode et les résolutions premières de
la congrégation. Sur l'avis unanime des consulteurs,
Valenti mit le nouveau calendrier sous les yeux de
Benoît XÏV.
Le pape, assure Valenti, reçut le mémoire avec
bienveillance, et demanda à l'examiner : il le garda
ainsi par devers lui plusieurs mois, ce qui ne doit
point surprendre de la part d'un pape occupé par
bien d'autres soucis de sa charge apostolique, et dé-
sireux de peser avec toute la maturité nécessaire les
inconvénients que pouvait entraîner la diminution du
sanctoral. Dans une lettre adressée au cardinal de
Tencin, le 7 juin 1743, c'est-à-dire exactement du
temps où Valenti venait de mettre le nouveau calen-
drier sous les yeux du pape, voici en quels termes
Benoît XIV exprime la façon dont il conçoit que doive
être réformé le Bréviaire romain. La gravité de cette
lettre n'échappera à aucun de nos lecteurs.
« Nous accusons la lettre de Votre Éminence du
20 may. Il y est question du projet d'un nouveau Bré-
viaire romain. Nous avons vu avec le plus sensible
plaisir les espérances que Votre Éminence nous fait
entrevoir que si nous donnions un nouveau Bréviaire
romain, il pourroit peut-être être reçu en France, du
moins dans les diocèses où le Bréviaire romain est en
usage. Voici en général le plan que nous nous
sommes proposé de suivre dans la composition de ce
Bréviaire. La critique étant devenue si pointilleuse, et
1. RosKOVANY, p. 562. Analecta, p. 525. Ce calendrier et
l'exposé des motifs sont donnés par Roskovany, pp. 583-614.
390 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
les faits que nos bons ancêtres regardoient comme
indubitables étant aujourd'hui révoqués en doute, nous
ne voyons d'autre moyen de nous mettre à l'abri de
cette critique que celui de composer un Bréviaire dans
lequel tout soit tiré de l'Ecriture sainte, laquelle,
comme le sait Votre Éminence, contient beaucoup de
choses sur les mystères dont l'Église célèbre la fête,
sur les saints apôtres et sur la sainte Vierge. On sup-
pléera par les écrits non contestés des premiers Pères
à ce que l'Ecriture sainte ne fourniroit pas. Quant aux
autres saints qui ont place aujourd'hui dans le Bré-
viaire, on se contentera d'en faire une simple commé-
moraison. Tout ce qu'on pourra dire, c'est que c'est
là une nouveauté qui va à diminuer le culte rendu
jusqu'à présent à ces saints ; et il est vrai que le re-
tranchement des légendes fera crier ceux qui tiennent
les faits qui y sont contenus pour si certains qu'ils se-
roient prêts à se faire martyriser pour en soutenir la
vérité. Mais cette critique nous paroît bien moins im-
portante que celle par laquelle on nous reprocheroit
de faire lire au nom de l'Église des faits ou apocrifes
ou douteux. Or avec quelque attention et quelque ha-
bileté que le nouveau Bréviaire fût composé, cette
critique seroit inévitable ^ . »
Nous voyons se produire ici une divergence pro-
fonde entre le Pape et ses consulteurs, la pensée de
Benoît XIV va à donner un nouveau Bréviaire ro-
main, tandis que les consulteurs ne travaillent qu'à
réformer le Bréviaire existant. Benoît XIV entend
1. Corr. de Rome, t. 792, f. 21.
LES PI50JETS DE BENOIT XIV. 391
un Bréviaire dans lequel tout soit tiré de l'Ecriture
sainte : poser cette règle fondamentale équivaut à
abandonner l'économie du Bréviaire existant et ac-
cepter la règle même adoptée par les liturgistes gal-
licans. Benoît XIV espère qu'un Bréviaire ainsi conçu
pourra être reçu en France « dans les diocèses où
le Bréviaire romain est en usage » : est-ce à dire que
des Bréviaires nouveaux comme celui de M. de Vinti-
mille resteront en possession et ne seront pas inquié-
tés? Benoît XIV maintient au sanctoral les mystères
de Notre Seigneur, les fêtes des apôtres et de la
Vierge : mais toutes les autres fêtes sanctorales n'au-
ront plus droit qu'à une commémoraison : par suite
retranchement absolu des légendes. Quant à l'ordre
de la psalmodie, Benoît XIV n'en parle pas, estimant
sans doute que la restauration de l'ofïice temporal
sufïit à répondre aux vœux qui peuvent se formuler à
ce sujet. Telles sont les grandes lignes conçues par
Benoît XIV, de son particulier, et dont cette lettre
du 7 juin 1743 nous livre la confidence.
Quand on a lu cette lettre de Benoît XIV, on com-
prend mieux ce que veut dire Valenti, lorsque, pour-
suivant son récit, il rapporte qu'une personne, dont
il tait le nom, — c'était bien vraisemblablement le
pape lui-même, — émit l'opinion qu'il serait plus ex-
pédient de conserver toutes les fêtes sanctorales du
calendrier romain, mais de les ramener toutes à
n'être plus que des fêtes simples, pour sauvegarder
ainsi l'office férial. Valenti (lui-même nous le dit avec
l'ingénuité propre à un diplomate) s'empressa de sou-
mettre cette opinion à Benoît XIV, qui désira savoir
392 HISTOIRE DU IJHÉVIAIRE ROMAIN.
pourquoi les consulteurs ne l'avaient point adoptée.
Les consulteurs répondirent par écrit qu'il leur avait
paru nécessaire d'éliminer certaines fêtes de saints,
et que, quant au projet lui-même, il se heurtait à l'u-
sage immémorial de l'Église et entraînerait avec lui
mille difficultés ^ Cette réponse des consulteurs, si
nette, si solide aussi, accusait entre Benoît XIV et ses
consulteurs une divergence profonde.
Cependant on pressait le pape de se décider. C'é-
tait le cardinal de Tencin. C'était le nonce à Paris, Cres-
cenzi, rappelé à Rome pour y recevoir le chapeau'^.
C'était Valenti lui-même qui rappelait assidûment au
pape l'intérêt de l'œuvre commencée, et que Be-
noît XIV était seul capable de la mener à bonne fin.
Le pape céda enfin, quelle que fût son arrière-pensée,
et nomma une congrégation cardinalice pour exami-
ner le calendrier présenté par les consulteurs. Les
cardinaux nommés par Benoît XIV étaient les Emi-
nentissimes Gentili, Silvio Valenti, Monti, Tamburini
et Vezzosi. Louis Valenti serait le secrétaire de la
congrégation cardinalice^.
Le 2 mars 1744, elle se réunit au Quirinal. Les car-
dinaux ne firent aucune objection au projet de calen-
1. RosKOVANY, p. b62. Analec ta, p. 525. Celte consiillalioii est
reproduite par Koskovâny, p. 614-619.
2. Crescenzi n'était que l'écho du cardinal de Fleury et du
cardinal de Tencin. Il lut fait cardinal au consistoire du 9 sept.
1743.
3. RosKOVANY, p. 553. Analecla, p. 526. Baeumer, t. Il,
p. 373, signale dans la bibliothèque de Saint-Paul-hors-les-
Murs le cod. xiv contenant des papiers du cardinal Tamburini
^lequel était béndictin) sur l'affaire du Bréviaire.
a
I
W:
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 393
drier présenté par les consulteurs, et témoignèrent
plutôt de leur approbation. Cependant leur décision
se trouva différée par des considérations préalables.
Monti, cardinal depuis septembre 1743, était le même
qui avait été consulteur de la congrégation prépara-
toire : ce qui lui donnait une grande autorité sur ses
collègues de la congrégation cardinalice. Le cardinal
Monti proposa de faire part du projet de réforme au
cardinal de Tencin, à Paris, et d'attendre son avis. On
savait, en effet, Tencin très partisan d'une réforme ;
c'était un prélat actif et influent, et il y avait lieu
d'espérer que si l'on s'assurait son concours la
réforme romaine du Bréviaire pourrait être reçue
en France, et. une fois reçue en France, serait
reçue volontiers par les autres nations dévouées
au Saint-Siège. D'autres cardinaux firent observer
que la réforme entreprise n'était pas encore assez
avancée pour être ainsi communiquée au dehors, et
e cardinal Tamburini, faisant sienne cette obser-
vation, ajouta qu'il conviendrait de déterminer sans
retarder la distribution des psaumes que l'on voulait
adopter : la distribution du psautier n'était-elle pas,
en effet, le point essentiel de la réforme? Réciterait-
on intégralement le psautier chaque semaine? Com-
bien de psaumes réciterait-on chaque jour? Les psau-
mes quotidiens serviraient-ils aux fêtes des saints?
Y aurait-il des fêtes de saints qui comporteraient une
psalmodie à part? Voilà ce qu'il fallait faire étudier
incontinent par les consulteurs. L'avis de Tamburini
prévalut. Entre temps, comme la congrégation préla-
tice avait perdu deux de ses membres, Monti étant
394 HiSTOiniî DU bréviaire romain.
devenu cardinal et Azzoguidi étant depuis longtemps
absent de Rome, Benoît XIV nomma deux nouveaux
consulteurs, le procureur général des Célestins,
Orlandi, et le Père Giuli, de la Compagnie de Jésus,
alors professeur de droit canon au Collège Germa-
nique (8 mars 1744) ^
Le 19 mars, il y eut réunion des consulteurs pour
discuter la question de la distribution du psautier.
Plusieurs Eglises de France avaient, en ces dernières
années, adopté une méthode nouvelle de distribution,
encore que non uniforme, et cette nouveauté avait en
Italie ses partisans. De divers côtés, le bruit s'étant
répandu que la congrégation discutait cette question,
on avait fait parvenir à Valent! différents projets
d'une distribution analogue, prétendant tous à rendre
la psalmodie et plus facile et mieux ordonnée. Les
consulteurs furent unanimes à s'en tenir à leur déci-
sion première (14 juillet 1741), et à affirmer, une fois
de plus, que la distribution romaine du psautier
était antique et ne devait pas être abandonnée. Pour
1. RosKOVANY, p. 564. Analecta, p. 527. Le P. Giuli mourut
en novembre 1748. Benoît XIV l'estimait beaucoup : c'est,
(lisait-il, « un uomo che sa, e pieno di merito ». Mais rappro-
chez la lettre de Benoît XIV à Tencin, 5 mars 1744 : « Il s'est
tenu une congrégation sur le projet d'un nouveau Bréviaire
romain, en présence de quelques cardinaux; il s'en étoit déjà
tenu plus de vingt entre les seuls consulteurs. Votre Éminence
peut bien se figurer qu'on a beaucoup discouru et peu conclu ;
mais nous commencerons, aussitôt que nous pourrons, à faire
tenir devant nous ces congrégations, et même nous nous en-
tendrons là-dessus avec M. l'xVrchevêque de Bourges [l'ambas-
sadeur du roi] quand il sera arrivé, d'autant plus qu'il pour-
roit bien amener avec lui quelque habile docteur de Sorbonne >;
{Coït, de Rome, t. 796, f. 21).
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 395
donner plus de poids à leur opinion, qui s'appuyait
sur le témoignage d'Amalaire et de Grégoire Vil,
ils recoururent aux trésors manuscrits des bibliothè-
ques romaines : Antonelli fouilla les archives du La-
tran; Giorgi, la bibliothèque Vaticane; Orlandi, la
Vallicellane ; Giuli, la bibliothèque du Collège Ro-
main et celle de la Pénitencerie ; ainsi des autres. Le
29 avril, les recherches étaient achevées, qui confir-
maient pleinement l'opinion de la congrégation, et
Gain, le résumant en un mémoire, put conclure
qu'aucune des distributions admises maintenant en
France ou proposées ailleurs ne pouvait être préférée
à l'antique distribution romaine ^ Le mémoire de
Galli lu aux consulteurs fut approuvé par eux tous.
On décida du même coup que les fêtes doubles mi-
neures, qui tomberaient un dimanche, seraient trans-
férées; sur la question de savoir si les fêtes semi-
doubles, qui tomberaient un jour empêché, seraient
transférées ou réduites à une simple mémoire, il y
eut partage égal des voix 2.
Il fallait se hâter. Le bruit s'était répandu, on ne
sait d'où, assure Valenti, que Benoît XIV se souciait
peu de la correction du Bréviaire, qu'il y répugnait
même, et qu'il permettait à des consillteurs de s'en
occuper, moins pour la voir aboutir, que pour ne
contrarier point les personnages qui la demandaient.
Rien n'était moins fondé que ce bruit, ni plus con-
1. Cette dissertation du Père Orlandi, De non immiitando
veteri psalmodiae rilu, a été insérée par Valenti parmi ses
pièces justificatives, Moniimentum XXHI : elle est inédite.
2. RosKOYANY, p. 565. Analecta, p. 528.
396 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
traire à la pensée du pape ^ ; et il chargea Valenti
d'assurer les consulteurs que, loin d'être défavorable
à leur œuvre, il s'y intéressait et l'appuyait, et qu'on
le verrait bien le jour où il réunirait la congrégation
en sa présence. Peu après, en effet, il nommait un
nouveau consulteur, le prélat Nicolas Lercari, retour
de France, où il avait accompli une importante mis-
sion, et devenu secrétaire de la Propagande ; et, après
avoir pris connaissance du dernier mémoire des con-
sulteurs, il invitait la congrégation, tant des cardi-
naux que des consulteurs, à tenir séance en sa pré-
sence, le 29 septembre 1744.
Benoît XIV, avec cette érudition et cette facilité
qui caractérisaient son éloquence, parla de la néces-
sité d'une réforme et de la méthode qu'il y fallait
apporter. Cette nécessité, il la voyait provoquée par
les mêmes causes qui avaient jadis déterminé les
Pères du concile de Trente : le désordre introduit
dans la récitation du psautier, la présence dans les
légendes des saints d'histoires fausses ou douteuses,
le manque de pureté et d'élégance dans le culte divin.
Pour la méthode, il approuvait avec les cardinaux la
résolution des consulteurs de ne point toucher à la
distribution des psaumes; il demandait, quant à lui,
que l'on ne touchât point au texte de la Vulgate du
psautier; il approuvait que l'on conservât les rites
doubles de première classe, doubles de seconde
classe, etc. ; il ne répugnait pas aux huit règles que
les consulteurs avaient formulées touchant la réforme
1. RosKOVANY, p. 566. Analecta^ p. 529.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 397
du calendrier, mais il en imposait une neuvième. Des
saints du calendrier, en effet, les uns avaient été cano-
nisés, avant Alexandre III, par le consensus de
l'Eglise universelle; les autres, depuis Alexandre III,
par décret des pontifes romains, et selon le rite solen-
nel que nous appelons canonisation; d'autres enfin,
depuis Alexandre III, sans ce rite solennel, par la
seule prescription faite par les pontifes romains au
monde catholique d'une messe et d'un office en leur
honneur. Il ne convenait pas de confondre ces trois
ordres, mais de déterminer ce qui convenait à chacun.
Il conclut en encourageant les consulteurs à mettre
désormais tout leur soin à examiner, à corriger, à
polir ou à remplacer même entièrement les parties,
chacune en soi, du Bréviaire; de se partager entre
eux le travail, de le discuter ensemble, et enfin
de lui soumettre toutes les résolutions. Valenti ré-
suma par écrit le discours du Souverain Pontife, et,
le 2 octobre, ce résumé, ayant été soumis au pape et
approuvé par lui, fut distribué aux cardinaux et aux
consulteurs ^ .
Ce discours est fait pour surprendre, après la let-
tre du 7 juin 1743. Sans doute, Benoît XIV n'avait
pas manifesté le dessein de toucher à la distribution
traditionnelle du psautier, mais de réduire toutes les
fêtes sanctorales, sauf les fêtes de Notre-Seigneur,
des apôtres et de la Vierge, à une simple commémo-
raison superposée à l'office du temps, et de travailler
à ce que le Bréviaire ne contînt, à l'exception de
1. RosKOVANY, ^. J)%l-%. Analecta, p. 529.
398 HISTOIRE DU BRÉVIAIRK ROMAIN.
quelques textes des Pères, rien qui ne fût de l'Écri-
ture, aucune légende. Benoît XIV avait-il changé de
sentiment, ou se réservait-il? Il est plus probable
que le pape était revenu de son premier sentiment.
Les consulteurs se remirent à l'œuvre passé les
vacances d'automne. Il y eut séance le 27 novembre
et le 30 décembre, pour discuter les offices du temps.
Lercari, Antonelli et Giorgi étudiaient les homélies,
les leçons et les capitules; Sergio, Baldini, Giuli et
Valenti étudiaient les antiennes et les répons, les
hymnes et les versets. L'examen du lectionnaire ne
suscita qu'un petit nombre d'observations ; celui des
antiennes, des répons, etc., souleva quelques doutes
seulement; encore ne maintint-on pas les résolutions
prises. L'office du temps était en somme hors de cause.
Un consulteur proposa de remplacer la leçon brève
de prime par la lecture de quelque canon de concile.
L'idée était empruntée au bréviaire de M. de Vinti-
mille. Benoît XIV, instruit par Valenti, fit dans les
vingt-quatre heures rappeler aux consulteurs qu'il
s'agissait dans sa pensée d'une réforme et non d'une
innovation du Bréviaire^. Il est donc incontestable
que Benoît XïV ne songeait plus à donner un nou-
veau Bréviaire romain.
Le 16 janvier 1745, on entreprit le propre des
saints : le 9 juillet on y travaillait encore... Valenti
explique comment les consulteurs s'étaient partagé
le travail, avec quelle conscience et quel soin ils s'y
appliquaient, et quel souci ils avaient tous de l'en-
l. RosKOVANY, p. 569. Analecta, p. 530.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 399
tente commune. Il insiste sur le respect qu'ils sen-
taient tous en eux pour l'antiquité, et il en donne
un exemple. Un des consulteurs, après avoir fait
observer que roffice de la Conversion de saint Paul
avait des antiennes et des répons, pièces excellentes
sans doute et tirées de l'Ecriture sainte, mais qui
ne s'appliquaient point directement à la fête, entre-
prit d'en composer qui fussent tirés également de
l'Écriture, mais qui eussent trait à la conversion de
l'apôtre. Le travail était bon, pourtant la congréga-
tion ne l'accepta point, et, comme dit Valenti en
un beau langage, « retenta est antiquilas et i-epro^
bâta novitas, hoc est, nihil plaçait immutari ^ ».
Malgré tant de circonspection et de respect, les cor-
rections se multiplièrent... Puis soudain le travail
s'interrompit.
Qui croirait, dit Valenti, que des consulteurs qui
étaient cependant des hommes d'expérience, et qui
avaient tant de fois déjà éprouvé la ferme intention
du Souverain Pontife, se pussent laisser émouvoir
du bruit répandu une seconde fois par la cabale,
que Benoît XIV ne voulait en réalité pas de réforme
du Bréviaire? Les bruits les plus faux ont souvent
ces apparences de vérité qui suffisent à surprendre
les yeux les plus sagaces et les esprits les plus pru-
dents! Ce bruit s'était répandu, non seulement hors
de Rome, mais dans Rome même; il s'était accré-
dité. On exploitait le silence du pape... Les consul-
teurs se découragèrent, et, du 9 juillet 1745 au
1. RosKOVANY, p. 571. Analecta, p. 532.
400 HISTOIRE DU nilÉMAlHE ROMAIN.
22 juin 1746, il n'y eut plus moyen de les réunir,
jusqu'à ce qu'enfin Benoît XIV eût exprimé à \ a-
lenti l'étonnement où il était de voir leur travail se
faire tant attendre, et lui eût demandé ce qui les ar-
rêtait. Valenti, que le découragement avait gagné
aussi, semble-t-il, avoua ingénument au pape ce
qu'il en était. Le pape l'assura qu'ils avaient été
trompés par de faux bruits, l'exhorta avec bienveil-
lance à reprendre l'œuvre interrompue, et lui donna
un mot écrit de sa main (20 juin 1746) pour mieux
enflammer ses collègues à la poursuivre et à l'ache-
ver ^ Il voulut même les voir chacun individuelle-
ment pour les confirmer dans ces sentiments, les as-
surant du désir qu'il avait de voir aboutir la réforme,
et combien il y était porté par les lettres qu'on lui
écrivait de France, en particulier le cardinal de
Tencin, et par l'espérance qu'on lui donnait de voir
la réforme entreprise à Rome avoir en France un
plein succès ^.
Le 22 juin 1746, la congrégation reprit ses séances,
et, jusqu'au 12 août, elle se réunit une fois par se-
maine chez Valenti. A cette date, elle avait achevé
1. Ce billet de Benoît XIV (20 juin 1746) figure parmi les
pièces justificatives de Valenti, Moniimentum XXXII. Nous
en donnons le texte inédit :
« Dalla Seg*"'* di Stato, 20 giugno 1746. Avendo Nro Sig"
una giusta premura, che si solleciti lo studio e l'affare speltanto
alla riforma del Breviario Romano, si contentera Mons. Pro-
mof* délia Fede di rappresentarla alla Congre"" deputata,
acciô abbia maggior stimolo di terminare questa opéra. —
Monsig"" Valenti Promotore délia Fede. »
2. RosKOVANY, p. 572. Analecta, p. 532.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 401
la revision du propre des saints pour les six premiers
mois de l'année. Le 10 septembre, Valenti put pré-
senter au pape le résultat des travaux de la congré-
gation : c'était un mémoire justificatif des corrections
qu'elle proposait,. Spécimen Bre{>iarii reformati,
pars hyemalis et pars verna ^ . Le pape fut rempli
de joie, et pria Valenti de compléter un si bon tra-
vail, en faisant étudier par la congrégation les of-
fices du second semestre. On attendit la fin des
vacances d'automne, mais, du 2 décembre 1746 au
10 mars 1747, on se réunit une fois par semaine.
Le 10 mars, le travail s'achevait par l'étude du
commun des saints rapporté par Lercari, Antonelli
et Giorgi. L'œuvre de la congrégation, qui n'avait
pas duré moins de six années, était enfin terminée.
Valenti rédigea la seconde partie de son Spé-
cimen Brenarii reformati ^ et la remit au pape.
Benoît XIV avait donc maintenant en main le projet
de réforme tant du calendrier que de l'office : il vou-
lait se réserver de le revoir par lui-même et de le
discuter, et l'on ne pouvait que s'en rapporter à la
sagacité de son esprit, à la vigueur de son génie et
à l'étendue de son érudition ^.
Valenti conclut son rapport par ces mots : « On
attend maintenant avec confiance la décision du Sou-
verain Pontife. » On était aux environs de Pâques 1747.
Nous venons de résumer l'historique donné par
Valenti des travaux de la congrégation pour la ré-
1. Analecta, pp. 633 et suiv.
2. Analecta, pp. 889 et suiv.
3. RosKOVANY, p. 575. Analecta, p. 635.
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 26
402 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN,
forme du Bréviaire. Nous avons énuméré, toujours
d'après Valenti, les suppressions et les réductions
de fêtes votées par la congrégation. 11 nous reste,
pour donner une idée complète de l'œuvre, à énu-
mérer, aussi sommairement que possible, les cor-
rections proposées par la congrégation au texte même
des offices qu'elle maintenait.
Les corrections apportées au propre du temps
étaient peu nombreuses et ne portaient que sur le
lectionnaire. Le passage de saint Grégoire, au troi-
sième nocturne du premier dimanche de l'avent, où
saint Grégoire découvre dans les calamités de son
temps les signes avant-coureurs de la fin du monde,
est remplacé par un autre morceau de la même ho-
mélie, où saint Grégoire exprime simplement la
joie que doit causer aux fidèles la fin du monde con-
sidérée comme l'avènement béni du Christ. — Le
morceau écourté et déplaisant de saint Jérôme, qui
sert de leçons au second nocturne du second di-
manche de Pavent, est remplacé par un très beau
et très théologique passage de saint Fulgence. —
Le jour de la vigile de Noël, l'homélie de saint Jé-
rôme, d'une si choquante lourdeur d'expression, est
remplacée par une délicate élévation de saint Jean
Chrysostome sur le même sujet, Cum esset desponsata
Mater lesu. — L'homélie du jeudi après les Gendres,
tirée de saint Augustin, et difficile à comprendre, est
remplacée par une homélie du même saint Augus-
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 403
tin d'un sujet moins subtil et d'un style plus lim-
pide. — A l'homélie du mercredi des Quatre-Temps
de carême, qui est de saint Ambroise, est substitué
un texte de saint Jean Chrysostome, plus explicite
et mieux approprié. — Le vendredi qui suit, au dé-
veloppement de saint Augustin sur le symbolisme
du nombre quarante, on substitue un autre passage,
plus à notre portée, du même Augustin. — Le ven-
dredi après le quatrième dimanche de carême, à la
place de l'homélie de saint Augustin sur Lazare, ho-
mélie où est affirmée l'identité de Marie-Madeleine
et de Marie \ on proposa un passage de saint Ful-
gence, où il n'est point question de Marie, et très
beau d'ailleurs : « ... lesus lacrymas fudit... Plora-
bat, sed non utique plorabat ut ludaei putahant,
quia Lazai^um satis amahat. Sed ideo plorabat, quia
iterum eum ad huius vitae misei-ias j^evocabat », etc.
— Le mercredi après le dimanche de la Passion,
l'homélie de saint Augustin est mieux coupée, com-
mençant à Hiems erat, et une fois supprimé le
préambule sur les Encaenia. — Le jeudi suivant,
suppression de l'homélie où saint Grégoire identifie
Marie et Marie-Madeleine; substitution d'un autre
passage de la même homélie, où il n'est plus ques-
1. La congrégation, au sujet de la fête de sainte Madeleine,
exprime ainsi son sentiment : « In celeberrima quaestione,
quam hic attingere non est necesse, visum est congregationi
non esse recedendum a veteri traditione Romanae Ecclesiae. »
Analecta, p. 908. A Rome, en effet, on avait toujours cru, avec
la tradition latine tout entière, à l'identité de Marie de Bétha-
nie, de Marie de Magdala et de la pénitente anonyme de Naïm.
En France, l'opinion contraire était, au xvii' siècle, générale r
voyez l'opuscule de Bossuet Sur les trois Madeleines.
404 IIISTOinE DtJ BRÉVIAIRE ROMAIN.
tion de Marie. — Le jeudi de roctave de Pâques, en-
core l'identité de Marie et de Marie-Madeleine, dans
une homélie de saint Grégoire : on lui substitue une
homélie de saint Augustin. — Le mardi dans l'oc-
tave de l'Ascension, suppression du sermon de saint
Maxime sur Jésus comparé à l'aigle ; à la place un
sermon da saint Bernard, sans qu'on voie clairement
la raison de cette correction. — Enfin, le douzième
dimanche après la Pentecôte, à la place de l'homé-
lie trop générale de Bède, une homélie de saint Am-
broise sur le 'bon Samaritain, vrai sujet de l'évangile
du jour. — Ce sont là les amendements introduits
par la congrégation dans le lectionnaire du temps ' .
Le propre des saints subissait de plus graves modi-
fications.
El d'abord l'antiphonaire et le responsoral.
Les antiennes et les répons de saint André, emprun-
tés aux actes apocryphes de cet apôtre, étaient pour ce
fait supprimés. On remplaçait les antiennes par des
antiennes nouvelles, empruntées au texte du Nouveau
Testament. Les répons seraient ceux du commun des
apôtres. — On donnait à l'office de saint Thomas apô-
tre des antiennes propres, au lieu de celles du com-
mun que le Bréviaire lui attribue, et ces antiennes
propres étaient empruntées au texte de l'Evangile de
saint Jean, « ad maiorem sancti apostoli celehrita-
tem ». — La première antienne des laudes de l'office
de l'apôtre saint Jean était remplacée par une an-
tienne nouvelle, plus conforme, assurait-on, au texte
1. AnaUcta, pp. 634-642, et p. 890.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 405
évangélique. — Les antiennes des saints Innocents,
qui sont du commun des martyrs, étaient remplacées
par des antiennes nouvelles propres, empruntées au
texte d'Isaïe et de FApocalypse. — L'antienne du
Magnificat, aux secondes vêpres de l'office de la
Chaire de saint Pierre à Rome, laquelle est du com-
mun des souverains pontifes, était remplacée par
l'antienne répétée des premières vêpres : Tu es
pastoî' oçiam. — Les antiennes et les répons de
l'office de la Purification étaient maintenus, sauf le
répons Senex puerum portabaty du troisième noc-
turne , et l'antienne du Magnificat (même texte) ,
empruntés ensemble à un discours apocryphe de
saint Augustin : on les remplaçait par un autre ré-
pons et par une antienne nouvelle ^ , tous deux tirés
de l'Evangile. — L'office de l'Annonciation perdait
le troisième répons du premier nocturne et le second
répons du troisième, la congrégation ayant été cho-
quée d'y lire les mots Effîcieris gravida^ etc., et les
mots Cunctas haereses sola interemisti. — Suppres-
sion des antiennes et répons propres des offices de
sainte Lucie, de sainte Agnès, de sainte Agathe, de
saint Laurent, de sainte Cécile, de saint Clément,
ces pièces étant empruntées aux actes de ces divers
saints, actes dont la congrégation ne reconnaissait
pas l'autorité. Substitution des antiennes et des ré-
pons du commun des saints.
A la suite, le lectionnaire.
1. Ce répons nouveau était en réalité emprunté à i'nlipho*
naire de Saint-Pierre, publié par Tomasi, t. IV, p. 64 : Snnc
dimitlis, etc.
406 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROxMAIN.
Saint André aurait, pour leçons IV-V-VI, un extrait
d'un sermon de saint Pierre Chrysologue, panégy-
rique de l'apôtre sans allusion historique, au lieu de la
légende actuelle empruntée à la lettre prétendue des
prêtres d'Achaïe : cette lettre, en effet, « est tenue
pour fausse et supposée par les critiques modernes,
ainsi que Tillemontra montré jusqu'à l'évidence; et,
ne lut-elle que douteuse et controversée, il y aurait
sagesse à l'éliminer, et à mettre à sa place ce qui est
inattaquable ^ » .
Supprimées les leçons IV-V-Vl de saint Thomas,
et remplacées par un sermon de saint Jean Chrysos-
tome sur l'incrédulité de l'Apôtre. La légende, en ef-
fet, que le Bréviaire romain consacre à saint Thomas,
n'est « ni sûre en soi, ni confirmée d'ailleurs, et elle
est contestée par les critiques^ ».
Supprimées les leçons IV-V-VI de saint Barnabe :
« hinituntur actis spuriis"^ ». A la place, un sermon
de saint Jean Chrysostome, simple commentaire des
textes canoniques.
Supprimées ]es leçons VII-VIII-IX de saint Joachim,
texte de saint Jean Damascène expliquant la généalo-
gie de Joachim et d'Anne, car « ce que raconte là le
1. « Ciim vcro acta illa suppositilia et falsa a reccnlioribiis
crilicis liabeanlur, ut pêne ad cvidenliam demonstral TAlenion-
tius, dubia ccrte quammaxime et in controversia posita sinl,
consultius visum est omittere, et quae inconcussae fidei sunl
siibrogare. » Analecta, p. 643.
2. « Quae illic narrantur... certa et explorata non sunt, plu-
resque patiuntur difflcultales apud historiae ecclesiasticac
tractatores. » Analecta, p. 647.
3. Analecta, p. 900. C'est beaucoup trop dire, puisque le fond
en est tiré des Actes canoniques des apôtres.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 407
Damascène est tiré des Apocryphes, selon le senti-
ment commun des érudits ^ »,
Supprimées les leçons IV-V-VI de la fête de saint
Pierre-aux-Liens : car ce qu'elles racontent (l'histoire
des chaînes de Fapôtre) est « contesté par presque
tous les critiques^ ». Et la congrégation cite Tille-
mont et Baillet. A la place, un sermon de saint Jean
Chrysostome (leçons V-Vl), et une exposition pré-
cise des titres d'authenticité des chaînes qui se con-
servent dans la basilique de San-Pietro-in-Vincoli de
l'Esquilin (leçon IV).
Supprimées les leçons IV-V-VI de la fête de sainte
Marie-aux-Neiges, et remplacées par un sermon de
saint Bernard qui n'a rien à voir avec la légende de
la basilique Libérienne^.
Supprimées les leçons IV-V-VI de saint Barthé-
lémy, parce que « rien de certain ne peut être affirmé
1. « Giim noniiisi ex apocryphis desumpla existimciit com-
miiniter ci'udili. » Analecta, p. 909.
2. « Quac in Brcviado exUint hisloriam exhibent qiiae criticis
penc omnibus non probaliir. » Analecla, p. 913.
3. Sur la légende Libérienne, la congrégation s'exprime ainsi :
« Lecliones secundi nocturni, quae hac die iisque modo reci-
talae sunt, immuiandas sane esse existimatur. De ea solemni-
talo, ([uœ hac die celebralur, eiusque inslitutionis causa, ha-
benlur, ail Baronius in Martyrologio romano, vêlera monu-
menla et mss. Iluiusmodi aulem monumenta et mss. nec
nnquam vidimus, nec forlasse iinqnam videbimns. Mirandum
profecto est, ait 13aillet, non adhuc tanti miracnli et tam mira-
]3ilis historiae auctorem innotuisse; insuper quod tam novum
tamque stupendum prodîgium spatio annorum fere mille et
amplius profundo sepultum silentio jacuerit,nec usquam inve-
niri potuerit, praeterquam in Breviario et in Catalogo Pétri
de Nalalibus, lib, 7, cap. 21. » Analecta, p. 915.
408 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
de cet apôtre, que ce qui est dit de lui dans l'Evan-
gile. Pour ne rien dire des autres critiques, \oyez
Tillemont ». A la place, un sermon de Bède sur les
douze apôtres^.
Supprimées les leçons IV-V de saint Mathieu, « à
cause de l'incertitude des choses que l'on rapporte
sur les apôtres 2 ». Un sermon de saint Jean Chrysos-
tome et un passage de saint Epiphane à la place.
Supprimées^, et remplacées par les leçons du com-
mun, les leçons historiques de saint Nicolas [Suspec-
tae admodum fidei) ; — de sainte Lucie [Certae et
exploratae fidei non sunt)\ — des saints Marins,
Marthe, Audifax [Plura illis ohicit Tillemontius
quae difficillimum est complanare) ; — de saint Pierre
Nolasque [Elus gesta, quae ihi narrantur, nunquani
in examen adducta sunt)\ — de sainte Agathe [Acta
[eius] a recentiorihus inter apocrypha accensentur) ;
— de saint Biaise [Quae in eius vita narrantur
inepta sunt et maie consuta, ex Tillemontio)\ — des
saints Tiburce, Valérien, Maxime [Desumpt. ex actls
sanctae Caeciliae, expungend. ) ; — de saint Caius
pape [Nullius vel dubiae fidei) ; — de saint Clet pape
[Incerta)] — des saints Alexandre, Eventius et
Théodule (Nlhil certi... Mendosa); — de saint Juvé-
nal [Acta ei^rorlbus plena pronuntiat Tillemontius] \
— des saints Gordien et Epimaque [Incerta, mullis
difficultatibus siçe cont7'0{>ersus subiecta]\ — de
saint Urbain [Monumenta falsa s>el fidei admodum
1. Analecta, p. 920.
2. Analecla, p. 926.
3. AnnJecfa, pp. CM cl suiv.. 892 et suiv.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 409
duhiae]\ — des saints Basilide, Cyrin, Nabor, Nazaire
Xcta apocrypha); — des saints Vit et Modeste
Acta spuria et falsa in pltiribus) ; — des saints
Processus et Martinicn (Acla non esse authenlica
probat Tilleniontius]\ — de sainte Praxède [Acta
pariun sincera..., nulla fide digna]\ — de sainte
Pudentienne, des saints Abdon et Sennen [Acta cor-
rupta..., fabulosa)\ — des saints Cyriaque, Large,
Smaragde [Acta depravatd) ; — de saint Hippolyte
[Ex actis sancti Laurentii.,., actis corruptis)\ — de
saint Timothée [De quo maximae et spinis undique
circumscriptae lltes apud criticos sunt]\ — de saint
Adrien et de saint Gorgonius, des saints Protus et
Hyacinthe [Acta apocrypha esse contendunt Tille-
montins et Bailletus ) ; — des saints Nicomède, Nérée
et Achillée [Fidei valde dubiae] ; — de saint Calliste
[Incerta sunt quae in ea nar^rantur) ; — de saint
Mennas [Pliwimis scatent difficultatibiis).
Supprimées et remplacées par des leçons nouvel-
les, les leçons historiques de saint Damase, de saint
Silvestre, de saint Hilaire, de saint Félix de Noie, de
saint Paul ermite, de saint Marcel, de saint Antoine,
de saint Fabien, de saint Jean Chrysostome, de saint
Pie V, de saint Pierre Célestin, de saint Félix pape,
des saints Pierre et Marcellin, des saints Primus et Fé-
licien, de sainte Marguerite d'Ecosse, des saints Marc
et Marcellien, des saints Gervais et Protais, de saint
Paulin de Noie, de sainte Elisabeth de Portugal ^ de
1. Et suppression des antiennes et répons propres de cet
ofTice, proposé pour être de rite simple, office propre, qui
élait l'œuvre d'Urbain VIII e* personne.
410 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
saint Jean Gualbert, de saint Apollinaire', des saints
Nazaire et Celse, des papes Victor et Innocent, de
sainte Marthe, du pape saint Etienne, du pape
Xistus, de saint Tiburce, de sainte Suzanne, des
saintes Perpétue et Félicité, de sainte Claire, de
saint Philippe Beniti, de saint Etienne de Hongrie,
des Quarante Martyrs, des saints Nérée et Achil-
lée, de l'Exaltation de la Croix, des saints Cor-
neille et Cyprien, de saint Janvier, de saint Maurice,
de saint Rémi, de la dédicace de Saint-Jean-de-
Latran, de saint Grégoire le Thaumaturge, de saint
Jean de Matha, de sainte Cécile, de saint Clément,
de saint Chrysogone, de saint Polycarpe.
Enfin, toujours dans le propre des saints, un cer-
tain nombre d'homélies ou sermons apocryphes
étaient supprimés. Ainsi, le prétendu sermon de
saint Augustin, au second nocturne des saints Inno-
cents, remplacé par un sermon de saint Bernard,
« pour que de notre Bréviaire toutes les choses incer-
taines ou suspectes soient bannies ^ ». Ainsi, au pré-
tendu sermon du même saint Augustin, au second
1. La congrégation remplace la légende de saint Apollinaiic
par un sermon panégyrique de saint Pierre Chrysologue, sans
couleur historique. Elle justifie ainsi la correction : « De sancio
Apollinare niliil asserere certius possumus, quam quod legi-
mus in hoc sermone S. Pelri Ghrysologi. Ab hoc dissentiuni
acta, quae sanctum Apollinarem in ipso martyrii aclu obiisse
narrant. Sed acta ista, tametsi antiqua, inter sincera tamen non
retulit Ruinartius, et interpolata esse fatelur Joannes Pinius.
Addit Tillemontius niulta in illis contineri, quae ipsis detra-
haut auctoritatem. Hinc sermonem istum legendum exhibent
Breviaria Lugdunense et Parisiense. » Analecta, p. 909.
2. Analecta, p. 649.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 411
nocturne de la Purification, était substitué un ser-
mon de saint Bernard. Ainsi, au sermon apocryphe
de saint Augustin encore, au second nocturne de la
fête de la Chaire de saint Pierre à Rome, un frag-
ment du De unitate ecclesiae de saint Cyprien. Ainsi,
un sermon apocryphe de saint Jean Chrysostome*,
au second nocturne de la fête de la Visitation, par un
sermon de saint Bernard. Ainsi, une homélie de saint
Jean Chrysostome était, au troisième nocturne de
l'office de saint Jean Gualbert, mise à la place des
trois leçons actuelles que le Bréviaire attribue à saint
Jérôme, alors que la première seule est de lui, et que
les deux autres sont tirées d'un sermon apocryphe de
saint Augustin^.
1. Analecta, p. 904 : « ... illi subsliluendus sermo S. Ber-
tiardi, etsi isto utantur etiam in eodcm festo Breviaria Lugdii-
lieuse et Parisiense. »
2. Analecta, p. 907. — Cette partie de la revision des consul-
Icnrs de Benoît XIV est très incomplète. Dom Morin l'a reprise
récemment et a signalé un total de 50 homélies ou sermons
ii|)ocry[)hes dans le Bréviaire romain actuel. II est vrai de dire
que la meilleure part de ces apocryphes est d'introduction ré-
cente. Dom Morin écrit : « Dans la plupart des offices ajoutés
récemment au Bréviaire, on ne semble pas avoir apporté
autant de soin [que précédemment] à ne choisir en fait de
sermons ou d'homélies que des pièces authentiques. C'est
ainsi, par exemple, que,' malgré les diverses refontes auxquel-
les il a été soumis à si peu d'intervalle, l'office de flmmaculée-
Gonception, si important au point de vue dogmatique, offre
comme leçon du second nocturne un passage de la fameuse
pièce soi-disant hiéronymienne Cogitis me, dont les esprits fins
du IX* siècle avaient déjà révoqué en doute l'authenticité, et
que tous les critiques sans exception, depuis Baronius, ont
rejetée comme manifestement apocryphe. » Revue bénédic-
tine, 1891, pp. 270-280. Travail repris par Baeumer, t. II,
p. 452-460. — L'office de l'Immaculée Conception, composé à
412 HISTOIRE DU BRÉVIAinii ROMAIN.
Le commun des saints ne subissait que deux
corrections sans importance. Dans le commun des
évangélistes, on substituait un texte différent de saint
Grégoire; dans le commun de plusieurs martyrs
2° loco^ un texte différent de saint Grégoire. Ces deux
textes homilétiques, pensait la congrégation, étaient
mieux adaptés au texte de l'Evangile, et plus pieux ^
III
On ne nous demandera pas de discuter une à une
les diverses corrections proposées par la congréga-
tion de Benoît XIV. Mais nous ne saurions nous
soustraire à l'obligation de juger l'ensemble de cette
réforme projetée du Bréviaire, et de dire pourquoi
elle n'a pas été réalisée.
D'abord, on constatera le respect de la congré-
gation pour les éléments antiques du Bréviaire ro-
main, j'entends pour le psautier tel qu'il s'y trouve
distribué, et pour l'office du temps. La congrégation
n'y propose aucune correction : elle se défend de tou-
la suile de la définition de 1854, était l'œuvre du P. Pas^-;i-
glia, S. J. Il fut en usage de 1855 à 1863, et remplacé (27 août
1863) par l'office actuel, que Baeumer (t. II, p. 411) croit dé-
pendre d'un projet remontant à Gavanli. Ne ciaignons pas
de dire qu'il appelle une sévère correction de son leciion-
naire. Le sermon de saint Jérôme au second nocturne du
8 décembre est apocryphe, autant l'homélie de saint Épiphanc
au troisième nocturne du 15. Quant aux homélies de saint
Germain (8 déc), de saint Sophronius (9 et 14), de saint
Tharasius (12), elles appartiennent indubitablement à la plus
mauvaise rhétorique.
1. Analecfa, p. 933.
4.
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 413
cher à la distribution traditionnelle romaine du psau-
tier entre les divers offices ; elle se défend de toucher
à l'office temporal. Mieux encore, elle défend ces
œuvres vives et essentielles de l'ancien offiice romain
avec la plus remarquable décision. Dès juillet 1741,
dès sa première réunion, elle déclare mettre hors de
cause la distribution romaine des psaumes. Lorsque,
en mars 1744, le cardinal Tamburini, ralliant à son
sentiment les autres cardinaux de la congrégation
cardinalice du Bréviaire, demande que l'on discute
la distribution du psautier de préférence au calen-
drier, elle s'y refuse; elle repousse les divers projets
de distribution des psaumes qu'on lui transmet, par
une fin de non recevoir. Et, en septembre 1744, elle
a la satisfaction de voir Benoît XIV la confirmer de
son assentiment dans cette résolution. La constitu-
tion même de l'ancien office romain est à ses yeux
indiscutable. C'est là une différence tranchée qui
distingue l'œuvre des liturgistes de Benoît XIV de
l'œuvre des liturgistes gallicans. Ceux-ci avaient
demandé et exécuté un remaniement, une réfection
totale du Bréviaire : les liturgistes romains sont una-
nimes à n'en vouloir tenter qu'une correction, ainsi
que Ta entendu faire Clément VIIL Si un jour, en
décembre 1744, ils sont tentés de faire à l'office du
temps plus qu'une simple correction, Valenli et Be-
noît XIV leur rappellent immédiatement qu'ils se
le sont eux-mêmes interdit : «... propterea quod
Breviarii reformatio sibi esset in çoiis, non inno-
vatioj » leur dit lui-même le Souverain Pontife ^ .
1. Analecta, p. 530.
414 HISTOIRE DU RRKVIAinE ROMAIN.
En fait, sauf cinq ou six modifications sans impor-
tance au lectionnaire temporal, TofFice du temps sort
intact de la revision des liturgistes romains. L'éco-
nomie et le texte de ce qui est en réalité l'ancien of-
fice romain est au-dessus de toute réfection, et nos
liturgistes romains ont cette supériorité sur les li-
turgistes gallicans de s'en être d'abord convaincus,
de s'y être toujours tenus.
En second lieu, et c'est ce dont on ne saurait trop
les louer, ils mettent leur méthode à travailler, non
point à rencontre du concile de Trente et de saint
Pie V, mais en conformité avec le concile et le pape
à qui nous devons la conservation du Bréviaire ré-
formé. C'est parce que la distribution du psautier a
été maintenue, et lo temporal consacré par Pie V,
qu'ils y tiennent fermement. Si, au contraire, ils
entreprennent audacieusement la réforme du calen-
drier et du sanctoral, c'est qu'ils se sont persuadés,
sur la ^oi même des liturgistes de Pie V, que la pensée
du concile et du pape a été de réduire le sanctoral au
bénéfice du temporal, de multiplier les offices domi-
nicaux et fériaux aux dépens des offices de saints.
L'a priori liturgique, qui est le vice des diverses
réformes gallicanes du Bréviaire, est absent de la
méthode de nos liturgistes romains : M. de Vinti-
mille réalisait les projets de Grancolas, de Foinard ;
Benoît XIV entend reprendre le projet de Pie V.
Nos liturgistes le reprennent en allégeant le ca-
lendrier des fêtes fixes qui, depuis 1568, ont tant crû
en nombre et en solennité. On supprimera des fêtes,
on en réduira d'autres à des rites moindres. Mais ici
LES PIîOJETS DE BENOIT XTV. 415
les difficultés surgissent. Sans doute, l'Église institue
telles fêtes ou augmente la solennité de telles autres,
pour des raisons auxquelles le temps peut enlever de
leur intérêt : qui voudrait nier que la dévotion au
sanctuaire du mont Gargan, dans la mesure où elle
subsiste aujourd'hui, ne serait plus en situation d'in-
troduire la fête du 8 mai dans le calendrier de
l'Église universelle? Il est donc d'antiques fêtes qui
n'émeuvent plus guère la dévotion des peuples; et
cette dévotion les verrait diminuer de solennité, ou
même disparaître, sans en être offensée ni contris-
tée. Mais combien, en tout cela, l'appréciation est dé-
licate, et la décision hasardeuse ! Et quels principes
solides il faudrait y apporter! La congrégation de
Benoît XIV avait-elle et ce tact et ce critérium? Ce
critérium? 11 suffit de lire la préface du calendrier ré-
formé par elle et le discours à elle adressé ^ par Be-
noît XIV, en 1744, pour constater que ce critérium
solide lui faisait défaut. Elle retient les saints dont les
fêtes sont anciennes : où finit l'antiguité ? Elle retient
les saints chers à la dévotion de l'Eglise universelle,
ou ceux pour qui plaide quelque raison particulière :
quel saint ne serait de taille à rentrer dans l'une ou
l'autre de ces deux espèces? Ce tact? La liste des
saints éliminés du calendrier se trouve proscrire des
saints, parmi les plus vénérables ou les plus aimés :
saint Louis de Gonzague, saint François de Borgia,
saint Jean de la Croix, sainte Elisabeth de Thuringe,
1. J'entoncls les réserves formulées par Benoît XIV sur les
principes des consulteurs.
410 ' HISTOIRE DU BllKMAIIU: IIOMAIX.
et sans oublier saint Grégoire Yll, et tant d'autres
qui sont chers à la dévotion universelle plus que tels
et tels noms que seule leur antiquité aurait fait
maintenir.
Là était la difficulté capitale, là elle sera toujours,
je veux dire dans la sélection des saints à maintenir
dans le calendrier, et dans le degré d'honneur à
accorder à chacun de ceux que l'on maintient. Cette
difficulté, tout le monde la sentait justement; mais
il restait à la résoudre; et il me semble que la con-
grégation y avait échoué.
Si l'on a le droit d'être sévère pour le calendrier
proposé par la congrégation, il n'est que justice de
reconnaître le soin, le scrupule qu'elle met à purger
de toute erreur le texte même du Bréviaire. Le lec-
tionnairc demandait correction, il demande encore
aujourd'hui correction. Nos liturgistes romains étaient
instruits de toute la science de leur temps; ils la
puisaient dans Tillemont, dans Baillet, dans Rui-
nart, dans Tomasi, dans Benoît XIV aussi, surtout
dans Tillemont et Baillet, critiques éclairés et scru-
puleux. Nos liturgistes poussaient le sévérité plus
loin, bien autrement loin que les liturgistes d'Ur-
bain VIII; ils répudiaient tout ce qui était simple-
ment controversé, ils ne voulaient point que la lettre
du Bréviaire fût discutée, et ils allaient ainsi jusqu'à
rejeter d'excellent grain avec la paille. Il y aurait
aujourd'hui à reprendre leurs corrections, à mon-
trer que, s'ils avaient raison d'éliminer du Bréviaire
toute trace des Fausses Décrétales, ou des actes
apocryphes des apôtres, ou des légendes hagiogra-
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 417
phiques sans fondement, il reste que, « dans les his-
toires les plus fausses, il y a d'ordinaire quelque
chose de vrai pour le fond », ainsi que dit quelque
part excellemment Tillemont, et encore que des
légendes qui n'ont rien de vrai peuvent avoir leur
prix; il suffît que le lecteur soit prévenu et les
prenne à leur prix'. Plus indulgent, plus expéri-
menté, on serait aujourd'hui plus conservateur dans
la rédaction des leçons historiques, que ne voulait
l'être la congrégation de Benoît XIV, et les Bollan-
distes corrigeraient aujourd'hui le Bréviaire à moins
de frais et mieux.
Moins attaché aussi au principe si cher aux litur-
gistes gallicans, d'après lequel les antiennes et les
répons doivent être exlusivement tirés de l'Écriture
sainte, principe auquel nos liturgistes romains ont
été plus d'une fois obligés d'être infidèles, il ne nous
répugne nullement, au contraire, de chanter les an-
tiennes et les répons de sainte Lucie, de sainte Agnès,
de sainte Cécile, de saint Clément, de saint Laurent,
ces compositions si authentiques de la tradition litur-
gique romaine. Et il ne nous déplairait pas de croire
que la congrégation a finalement embrassé ce senti-
ment, puisque sur le tard elle a maintenu au commun
des saints telles antiennes et tels répons, qui, loin
1. L'Église n'assume pas les assertions liistoriques conlenues
dans ses livres liturgiques, comme le Bréviaire ou le Marty-
rologe, D. Bouix, qui n'était pourtant pas porté vers la cri-
tique historique et qui, à vrai dire, s'y entendait peu, le recon-
naît de bonne grâce. De iiire litiirgico (odit. 4% Paris 1886).
p. nfis)?. Benoît XIV est plus circonspect : Dr feslis, p. kl'-U
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAFX. 27
418 HISTOIRE DU liUÉVIAIRE ROMAIN.
d'être empruntés à la sainte Écriture, étaient, tout
comme les répons de saint André, empruntés à des
actes plus ou moins historiques, ou même à des écri-
tures apocryphes : tel le répons Lux perpétua lu-
cebit sanctis fuis et aeternitas temporum du commun
des martyrs, ou le Quem ç'idi quem aman du com-
mun des veuves.
On voit à ces réserves combien nous sommes éloi-
gné de croire que la correction préparée par les
liturgistes romains ait été de tout point soit pru-
dente, soit juste. Que nos liturgistes aient subi l'in-
fluence des liturgistes gallicans, c'est maintenant
pour nous une question secondaire. Nous savons,
d'une part, qu'il y avait entre les vues de Vintimille
et les vues de Valent! une distinction radicale. Et,
d'autre part, sur les points qui leur sont communs,
quand il serait vrai qu'ils sont des concessions faites
à la liturgie gallicane et à l'érudition gallicane par
une congrégation pontificale, eussions-nous la pensée
d'en tirer quelque avantage pour cette liturgie et
pour cette érudition que d'aucuns ont trop travaillé à
rabaisser, il n'en resterait pas moins que le Saint-
Siège n'a pas résolu les doutes, ni jugé les proposi-
tions de ses consulteurs.
Mais que l'on prenne garde d'interpréter mal ce
silence, et d'en abuser pour incriminer je ne sais
quelle arrière-pensée de Benoît XIV : il serait faux
de dire, comme quelques-uns l'ont osé faire, que
Benoît XIV ne voulait point la réforme du Bréviaire
qu'il mettait à l'étude. La loyauté du Souverain
Pontife ne saurait être mise en question, Benoît XIY
LES PROJETS DE BI-XOIT XIV. 419
('•Lant « incapable, non seulement de fausseté dans sa
conduite, mais même du moindre déguisement »,
selon le bel éloge que faisait de lui le cardinal de
Tencin'. Mais la prudence du pape était trop avisée
pour ne point voir quelles dillicultés pareille réforme
soulèverait.
Benoît XIV écrivait, en 1743, au cardinal de Tencin:
« Quant à un nouveau Bréviaire romain, nous en
reconnoissons non seulement l'utilité, mais encore la
nécessité, et nous sommes prêts d'y travailler, étant
accoutumés au travail depuis que nous sommes au
monde, et préparés, s'il le faut, à mourir sur la
bresche en brave soldat. Mais, notre cher cardinal,
le monde entier en est venu à un tel mépris de l'au-
torité du Saint-Siège que, pour empêcher l'exécution
des desseins les plus utiles et les plus pieux, il suffit,
nous ne disons pas seulement de l'opposition d'un
évêque, d'une ville ou d'une nation, mais de la récla-
mation d'un moine. Nous ne l'éprouvons que trop à
chaque instant, sans parler des murmures de quel-
ques-uns de ceux qui portent le même habit que
Votre Éminence, qui, entendant parler du projet d'un
nouveau Bréviaire, en frémissent comme s'il étoit
question de faire un nouveau simbole de foi. Malgré
tout cela, et non obstantlbus quibuscumque, nous
concerterons avec votre b^minence ce qui se pourra
faire à cet égard ^. »
Quelques jours plus tard : « Nous ne perdons point
1. Tencin à Amelot, 5 mai 1741 {Corr. de Rome, t. 785, f. 9).
2. Benoît XIV à Tencin, 26 avril 1743 {C. de Rome, t. 791,
f. 215).
420 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
l'idée d'un nouveau Bréviaire romain, mais nous
avouerons ingénuement à Votre Éminence que nous
ne laissons pas de craindre les oppositions que ce
grand projet rencontreroit ici de la part de plusieurs
personnes, et celles qu'il essuyeroit dans les pays au
delà des monts. Bien des gens se disent ici à l'oreille
qu'on ne fera rien au sujet du Bréviaire de l'arche-
vêque de Paris, sous prétexte d'attendre le nôtre; et
qu'après que nous aurons bien travaillé à composer
celui-ci, les évêques de France seront les premiers à
le critiquer. Ce discours est bien malin, mais il ne
laisse pas de nous inquiéter ^. »
Et ailleurs : « Le projet d'un nouveau Bréviaire
romain est bel et bon, l'exécution n'en est pas impos-
sible; mais avant que de l'entreprendre, il faut y
penser mûrement. Le monde est tel aujourd'hui que,
si le pape fait quelque chose, ceux à qui elle plaît
sont pour lui, et ceux à qui elle déplaît sont contre;
et comme il est impossible que la même chose plaise
à tout le monde, il l'est de même qu'il n'arrive des
malheurs et des traverses au pape d'un côté ou d'au-
tre. Les hommes de bonne volonté excitent le pape
à faire telle et telle chose, et quand il l'a faite, s'ils
ne s'en repentent pas, ils lui disent du moins qu'ils
ne peuvent pas le secourir. Nous avons vu de nos
propres yeux Clément XI se mordre les doits plus
d'une fois, lorsqu'ayant publié la constitution Unige-
nitus, il vit que Louis le Grand ne lui tenoit pas la
1. Benoît XIV ù Tencin, 3 mai 1743 (G. de Rome, t. 771.
f. 227).
¥
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 421
promesse qu'il lui avoit faite de la faire accepter gé-
néralement, et que M. Amelot lui dit, parlant à sa
personne, que le roy avoit la meilleure volonté du
monde, mais qu'il ne pouvoit pas tout ce qu'il vou-
loit. Nous l'avons éprouvé nous-même ^ . »
Benoît XIV parlait ainsi en 1743, à un moment où
les consulteurs ne faisaient, on peut le dire, que de
commencer leurs études préparatoires. Lorsque les
études sont achevées, lorsque Valenti a remis entre
les mains du pape les résolutions arrêtées par la
congrégation, et on a vu quelle confiduce Valenti
avait en l'excellence des résultats de ces longues et
laborieuses discussions, le langage du Souverain Pon-
tife change tout à coup : sa déception n'est pas dou-
teuse, mais sa résolution persévère. Le travail de la
congrégation est à ses yeux un travail manqué, il
veut le refaire lui-même. Il écrit, en effet, en 1748 :
« En réimprimant ici, par ordre et aux frais du
roi de Portugal, le Martyrologe romain, nous n'avons
pas perdu l'occasion d'y faire certaines additions,
comme Son Éminence le verra dans la préface que
nous lui communiquons ci-jointe. Plût à Dieu que
nous eussions suivi la même méthode et que nous
eussions travaillé nous seuls à la correction du Bré-
viaire romain ! Il y aurait beau temps qu'elle serait
terminée! Nous nous sommes embarqués à nom-
mer une congrégation qui, finalement, nous a com-
muniqué ses sentiments si confus, si embrouillés, si
contradictoires, qu'il y a plus de travail à les corriger
1. Benoît XIV à Teiicln, 8 février 1743 (C. de Rome, t. 791,
f. 52).
422 HISTOIRE DU mu:VIAIl{K ROMAIN.
qu'à corriger le Bréviaire. Si Dieu pourtant nous
donne vie et santé, nous ne manquerons pas de faire
encore la nouvelle édition du Bréviaire corrigé ^ . »
Quelqu'un, aimait à dire Benoît XIV, qui pense sa-
voir faire une chose lui-même, fare una cçsa da se,
se résout difficilement à la laisser faire par d'autres.
Et s'il laissait volontiers à d'autres le cérémonial et
la politique, il entendait traiter par lui-même les
choses de théologie positive et de droit canonique.
« Le pape, disait cavalièrement le cardinal de Ten-
cin, a la démangeaison de faire des livres et des dé-
crets -. » En réalité, le pape était un érudit qui n'avait
d'autre récréation, d'autre consolation, au milieu des
épines de sa charge, que de retrouver dans sa biblio-
thèque ses études d'autrefois. Avec quel soin il re-
voyait et retouchait les éditions nouvelles de son
traité de la canonisation ou du synode diocésain ! Peut-
être aussi avait-il une médiocre confiance en ses col-
laborateurs romains, en toute chose. Il mit la revi-
sion du Bréviaire romain au nombre de ses travaux
personnels. Et il écrivait, en septembre 1748 : « Quant
au Bréviaire romain, nous avons repris la matière.
Mais, pour en venir à bout, il faudrait avoir plus de
1. Benoît XIV à Tencin, 7 août 1748 (C. de Rome, l. 790.
f. 254) : « G'imbarcammo a deputare una Gongregatione che fi-
nalmente ci hà dati i siioi sentimenti tanto confusi e tanlo
imbrogliati, e tahlo dissoni frà di loro, che vi viiole più falica
a correggere quelli, che il Breviario. Se Iddio ci darà vita c
sanità, non mancheremo di fare ancora la nuova edizione del
Breviario corretto. »
2. Tencin à Flciiry, 20 octobre 1741 (C de Rome, t. 786.
f. 117).
LKS PROJETS DE BENOIT XIV. 423
temps à y consacrer que nous n'en avons, étant au
vrai non pas assiégé mais accablé de besogne \ »
En 1755, il y pensait encore. « Il nous reste, écri-
vait-il, deux tâches à accomplir : l'une relative aux
sacrements, dont l'administration réclame, dans l'E-
glise orientale, de nouvelles règles ou de nouveaux
éclaircissements ; l'autre est une honnête correction
du Bréviaire — Vatra é un onesta correzione del
nostro Brenario. — Nous n'avons pas peur du tra-
vail, ayant déjà notre magasin plein de matériaux,
— Noi non ricusiamo la falica, avendo già il ma-
o'azzino pieno de materiali. » Il pensait, soit aux étu-
des de ses consulteurs, soit à ses propres études sur
le sujet. Mais, ajoute-t-il avec tristesse, « il y fau-
drait un peu de temps; or on n'en trouve pas aisé-
ment, ou, si par aventure on en trouve, on sent alors
tout le poids des ans et des infirmités^ ». Le 18 fé-
vrier 1756, il écrit encore : « Si Dieu nous prête
1. Bcnoîl XIV à Tencin, 25 septembre 1748 (C de Rome,
l. 796, f. 274) : « Rispelto al Breviario, abbiamo ripigliala la
iiialeria. Ma per ridurla a capo, vi vorrebbe più lerapo da im-
|)iegarci di qiiello che si hà, essendo veramente non che cir-
condati, ma oppressi dalle faliche. » Au même, 6 août 1749
iC. de Rome, t. 805, f. 112) : « Noi invidiamo la sorte di alcuni
nostri Predecessori che nulla vedevano, nulla leggevano, e
iiulla scrivcvano. La loro vita cra lutta inieriore, ma Noi, che
non l'abbiamo mai pratticala, saressimo molta imbarazzati se
iieir ullima nostra elà la dovessimo abbracciare. » Au môme,
17 sept. \lk'è{ibid. f. 131) : « ... Rispetto alla Gongregazione
deir Indice, se Iddio ci darà vita, pensiamo di stabilirvi al-
cune regole senza le quali ci pare difficile il mantenere il
li lui credilo, e la giustizia délia condanna délie opère degl'
Autori Gatiolici, particolarmente vivenli. »
2. Benoît XIV à Peggi, 13 août 1755 {Briefe, p. 115).
424 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
vie et santé, nous écrirons un opuscule, qui con-
tiendra ce qui regarde la matière et la forme des
sacrements dans l'Eglise orientale... Nous avons ré-
veillé ici l'étude des choses grecques, mais sans nous
dispenser d'y travailler personnellement {senza esen-
tarci dal faticarepersonalmente). Pourquoi sommes-
nous dans un âge si avancé, et prisonnier de la
goutte, et tout préoccupé des graves affaires de l'Oc-
cident^? » — Ainsi, en 1755, il pense encore à exé-
cuter la correction du Bréviaire, et à l'exécuter lui-
même, et il l'exécutera après qu'il aura épuisé la
question du rituel grec. En 1756, la question du ri-
tuel grec est près d'être bientôt épuisée : le tour du
Bréviaire va enfin venir, et le pape va nous donner
cette « onesta correzione del Breviario », dont il a
tous les matériaux en mains. Mais la tâche est dure,
et le siècle est difficile à contenter, « // secolo pré-
sente é di conteniatara difficile » -, et, le 4 mai 1758,
le pape est mort^.
1. Au même, 18 février 1756 {ibid. p. 121).
2. Au même, 16 avril 1758 [ihitl. p. 134).
3. Passé 1758, personne ne parla plus de corriger le Bréviaire
romain, sauf le fâcheux concile de Pisloie, en 1786. « Prima di
iutlo i»er noi giudichiamo di dovere cooperare col noslro Pre-
lato [ = l'évêque de Pisloie, Scipion Ricci] alla riforma dol
Breviario e del Missale délia noslra Ghiesa, variando, corre-
gendo c ponendo in migliore ordine i divini Ufizi. » Chacun
sail, ajoulent les Pères du Concile, que les hommes les plus
doctes et les plus saints, « ed i Pontefici medesimi in quesli
ultimi tempi » — allusion à Benoît XIV — ont reconnu dans
notre Bréviaire, spécialement en ce qui regarde les leçons
sanctorales, beaucoup de faussetés et ont confessé la nécessite
d'une réforme exacte. Et en ce qui regarde les autres parties
du Bréviaire, chacun comprend qu'il y a là « moite cose o poco
LES PROJETS DE BENOIT XIV. 425
ulili 0 meno edificaiili » : il faudrait leur substituer des textes
pris à l'Écriture ou aux œuvres authentiques des Pères. « Ma
sopra tutto dovrebbesi disporre il Breviario medesimo in ma-
niera, che ncl corso d'un anno vi si leggesse tutta intiera la
Banla Scrittura. » Attl e decreli ciel concilio diocesano di Pis-
loia (Pavie 1789), vi, 23, cités par Baeumer, t. II, p. 336. L'an-
née suivante, 1787, l'évêque de Pistoie publiait un lectionnairo
corrigé selon ces principes. L'annulation du concile de Pistoie
par Pie VI, en 1794, contribua à discréditer tout projet de ré-
iorme du Bréviaire, et à faire oublier les projets de Benoît XIV.
C'est à cette suspension de tout projet de réforme que fait
allusion A. Albergotti, La divina salmodia (Siene 1816),
[). 231, cité par Baeumer, t. II, p. 402, quand il affirme que le
pape (il s'agit de Pie VI, d'après dom Baeumer), « inerendo aile
massime del suo gran predecessore e maestro Benedetto XIV,
ha creduto anch'esso per ora di sospendere qualunque rifor-
ina ». Notons que cette façon de parler des maximes de Be-
noît XIV témoigne que la pensée de Benoît XIV était dès lors
parfaitement ignorée.
Mentionnons, avant de conclure, que Benoît XIV est le seul
pape moderne sous le pontificat duquel le Bréviaire n'ait pas
eu à s'ouvrir à de nouvelles fêtes sanctorales. Pour les acces-
sions du temps de Clément XIII, Clément XIV, Pie VI, et jus-
qu'à Grégoire XVI inclusivement, Baeumer, t. II, p. 316-321.
Baeumer, t. II, p. 403, a rappelé que Pie IX, en 18.56,
nomma une commission pour étudier la question do savoir
si le Bréviaire romain appelait une réforme : Dom Guéranger
était un des consulteurs. La première réunion de la commis-
sion se tint le 11 avril 1856. Le Bréviaire a-l-il besoin d'être
réformé? Celte réforme doit-elle être entreprise actuellement?
Cette réforme doit-elle porter sur les rubriques? doit-elle
porter sur les légendes, les homélies, les antiennes? Quatre
questions : aux trois premières, la commission répondit oui;
à la quatrième, elle répondit non. La commission de 1856 n'eut
aucune suite.
Mais au concile du Vatican la question de la réforme du
Bréviaire romain fut posée par plusieurs groupes d'évè-
([ues. Onze évoques français de la minorité, et parmi eux
iAIs' Darboy et M"- Dupanloup, demandèrent la réforme,
« 1" quoad lectiones ab historiis apocryphis non satis expurga-
tas; 2° quoad aliquot hymnes, stylo obscuro et prope barbaro
composites; 3° quoad psalmorum distributionem, quae magis
variari deberet; 4° quoad fréquentes nimis nimiumque di-
426 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
lalns Iranslationos Sancloriim; 5° qiioad ipsiim delecium Sanc
iorum, quorum mûlli Romao proprii sunt et extra Romam pa-
rum noti; 6° qiioad mensiiram officiorum, quac saepe, in donii-
nici praesertim et feriis, longiora videiitiir ot statut praesenli
cleri saccularis, multo minus quam olim numerosi proindequ^
magis occupati, non satis accommodala ». Le vœu exprimé
dans le 1° se retrouve dans des postulats présentés par dos
évoques d'Allemagne et de l'Italie du Nord. Le vœu exprimé
dans le 3° reparaît sous une forme un peu ditîérenle dans des
postulats des évêques du Canada et de l'Italie du Nord. On
sait que le vœu exprimé dans le 4" a été réalisé par un décrci
de Léon XIII. Cf. Baeumer, t. II, p. 404-409. — 8ur les addi-
tions et corrections faites au Bréviaire par Pie IX et Léon XIII.
Baeumer, t. II, p. 410-419.
CONCLUSION
Nous n'avons pas eu cette « onesta correzione del
nostro Breçiario » que Benoît XIV voulait donner, et
que sa mort seule l'a empêché de donner . A y re-
garder de près , il est trop clair que le Pape n'é-
tait pas d'accord avec la congrégation par lui insti-
tuée : le pape inclinait à une réforme dans l'esprit
de la réforme parisienne, la congrégation avait tra-
vaillé à une revision dans l'esprit de Pie V et de Clé-
ment VIII, encore que plus tranchante. Ce conflit de-
vait paralyser toute action. Peut-être est-ce le mieux
qui pût advenir.
Du moins, car une « onesta correzione », — et non
pas proprement onesta, modérée, mais, plus exac-
tement, critique et liturgique, — s'impose toujours,
verra-t-on repiendre les matériaux recueillis par
Benoît XIV pour corriger les taches du Bréviaire,
et rétablir le désirable équilibre de l'office temporal
et de l'office sanctoral? Une des dernières initiatives
de Léon XIII l'a donné à espérer ' . Il ne sera donc plus
1. Je pense à l'institution par Léon XIII, en 1902, de la Corn-
missione storico-liturgica, rattachée à la Congrégation des
428 HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN.
indiscret, sur la fin de cette Histoire de Bréviaire
romain, où tant de questions intéressant une réforme
possible du Bréviaire, dans son texte et dans ses ru-
briques, ont été incidemment touchées, d'exprimer les
principes que cette pure étude d'archéologie litur-
gique et d'histoire littéraire peut avoir l'avantage
d'avoir mis en lumière.
Rejetons l'utopie liturgique française du xviii^ siècle,
comme nous avons réprouvé l'utopie romaine du xv!"*.
La liturgie de Vintimille et celle de Quignonez, la
liturgie de Coffin et celle de Ferreri, n'ont, aux yeux
de l'historien, aucun titre à se substituer à la liturgie
traditionnelle.
Cette liturgie traditionnelle est représentée pour
nous par le Bréviaire romain d'Urbain VIII, qui est
comme une vulgate de l'office romain. Cette vulgate
de 1632 est une édition historique, à laquelle le Saint-
Siège a grand'raison de ne vouloir toucher qu'avec
la plus prudente discrétion. Il serait même à désirer
que toutes les additions qu'on y a faites depuis 1632
fussent imprimées à part, et il devrait y avoir un sup-
plément à' officia extravagantia, où seraient réunis
tous les offices publiés depuis 1632, la vulgate de
1632 demeurant à jamais fermée.
Ce qui nous rend précieuse cette vulgate, c'est que,
grâce à la sagesse de Paul IV, de Pie V, de Clé-
Riles. M»' Ducliesne lui l'ut donné pour président, Ms"" Mercati
pour secrétaire. Les autres membres étaient le P. Ehrle, le
P. Roberti, M»" Wilpert et M^"" Benigni. Des consulteurs fu-
rent désignés parmi les savants étrangers des diverses na-
tions, connus pour leur compétence en la matière. On n'a pas
publié leurs noms, et tout est retombé dans le silence.
CONCLUSION. 429
ment VIII, entre cette vulgate du xvii^ siècle et le
Bréviaire de la curie romaine du xiii^ siècle, les dif-
férences sont de détails : l'identité substantielle des
deux Bréviaires est indiscutable. Le Bréviaire d'Ur-
bain VIII dépend du Bréviaire d'Innocent III.
Et, à son tour, le Bréviaire d'Innocent III dépend
de l'office canonique romain, tel qu'il était célébré
dans la basilique de Saint-Pierre de Rome, à la fin du
VIII® siècle, tel qu'il s'y était constitué au cours du
vu*^ et du viii'' siècle, synthèse toute romaine d'é-
léments soit romains, soit non romains , mais dont
quelques-uns remontent à l'origine du christianisme.
C'est l'honneur du Bréviaire d'Urbain VIII de des-
cendre de cet aïeul.
Cependant l'historien a peine à ne pas considérer
l'office du VIII® siècle comme l'office authentique. Il
voit dans le Bréviaire d'Innocent III l'abrégé, non
point de l'office romain ancien tel qu'il se célébrait à
Saint-Pierre au viii^ siècle et encore au xii% mais
de l'office romain tel qu'il avait été adopté, puis al-
téré, en France, en Allemagne, en Italie, du ix^ au
xii^ siècle, sous l'influence toute-puissante des ordres
religieux et spécialement de Cluny, accommodé aussi
à une décadence lente du sens liturgique, devenant
cet « office moderne » sur tant de points différent du
pur office romain. C'a été le dommage des correc-
teurs romains du xvi^ et du xvii^ siècle de ne point
connaître cet « office antique » ou pur romain, et de
ne puiser point le texte de l'office à sa source véri-
table.
La réforme du Bréviaire romain serait ainsi ce
430 HISTOIRE nu BRÉVIAIRE ROMAIN.
qu'elle a toujours voulu être, un retour réfléchi et
prudent à la teneur antique de l'oflice romain et à son
esprit, un retour par une méthode de plus en plus ri-
goureuse et sûre d'investigation des sources, en en-
tendant ce retour comme un idéal dont seulement des
approximations seraient réalisables. La restauration
du chant grégorien, à laquelle nous assistons en ce
moment, est un exemple bien fait pour nous confir-
mer dans notre vœu.
Quoi qu'il en soit de l'avenir de cette pensée,
tenons-nous pour heureux que depuis trois siècles au-
cune réforme plus radicale que celle d'Urbain VIII
n'ait compromis la conservation de notre vieil of-
fice, tenons-nous pour heureux, comme nous le se-
rions s'il nous était donné de voir debout encore l'an-
cienne basilique de Saint-Pierre de Rome, non pas
telle qu'elle était au tenxps de saint Damase, non pas
même telle qu'elle était au temps du pape Hadrien et
du pape Léon III, — la basilique qui vit couronner
Charlemagne, — mais simplement la basilique du
temps de Nicolas V, ornée, meublée, encombrée
comme elle l'était à cette époque, au lieu d'être obli-
gés de descendre dans les cryptes vaticanes pour re-
trouver les quelques restes que l'inintelligence de la
Renaissance a laissés venir jusqu'à nous de cette vé-
nérable chose.
Pieux lecteurs qui m'avez suivi jusqu'ici, lorsque
vous irez en pèlerinage à la Ville Eternelle, prenez
la voie Appienne et poussez jusqu'à la basilique des
Saints-Nérée-et-Achillée. Vous entrerez dans la basi-
lique en pensant au pape Léon III^ qui l'a construite
CONCLUSION. 431
sur le plan traditionnel des basiliques romaines, et qui
l'a décorée de mosaïques : vous serez émus par la sim-
plicité, par l'élégance, par l'austère et mystique beauté
de cette architecture. Et si, vous rappelant quelles
restaurations un cardinal Borghèse a inlligées à la
basilique de Saint-Grégoire au Célius, un cardinal
Aquaviva à la basilique de Sainte-Cécile au Trans-
tevere , et Benoît XIV lui-même à Sainte-Croix de
Jérusalem, vous désirez savoir quels soins pieux et
éclairés ont si intégralement sauvé l'œuvre de Léon II f,
lisez l'inscription où le cardinal Baronius, car c'est lui,
revendique humblement l'honneur de cette restaura-
tion de sa basilique, et conjure les titulaires qui lui
succéderont de n'y rien changer :
PRESBITER GARD. SVCCESSOR QVISQVIS FVERIS
ROGO TE PER GLORIAM DEI ET
PER MERITA HORVM MARTIRVM
NIHIL DEMITO NIHIL MINVITO NEC MVTATO
RESTITVTAM ANTIQVITATEM PIE SERVATO.
Ce respect qu'avait le cardinal historien pour la
vieille et vénérable basilique dont il était titulaire,
puissé-je l'avoir inspiré à tous mes lecteurs pour l'an-
tique office romain !
INDEX DES NOMS PROPRES
SS. AiîDON et Sknnen, 161.
Abkl\UD, 180-181, 196-197, 204, 221.
AccuRSio, 302.
Ad.V, 15S.
Adinolfus, 234.
S. Aduien de Nicomédie, 164.
Adrien (Monastère de Saint-), 76,
78.
Adrien (Basilique de Saint-), 89, 97.
Agapit (Monastère de Saint-), 77.
Agapit (Basilique de Saint), 162.
S« Agathe, 163.
Agatiion, pape, 87.
Agde (Concile d'), -7, 38.
Agimindus, 125.
Agnès (Basilique de Sainte-), 161.
Agobaud, 71, 210.
Agulia, 77, 185.
Aglstin, 299.
AlMON, 243-245, 261.
Aix-la-Chapelle (Concile d'-). 232.
Alain de Faufa, 126.
Alauic, 93.
Alreugotti, 425.
Auujius, voyez Aiciin.
Alciat, 331.
Alclix, 105, 126, 202.
S. Alex-v^n'due, pape, 161.
Alexa?*dre II, 139, 201-202.
Alexandre III, 115, 182, 397.
Amalamse, 71. 104-107. 109-153, 167,
180,193, 197, 200, 2Q4, 210, 219, 220,
227, 264, 395.
S. AMBROiSE, 4, 22, 30, 32, 33, 35, U,
HISTOIRE DU BBÉVIAIRE
51, 123, 123, 128, 20d-213,218, 250,
325, 326, 333, 402, 404.
Ame LOT, 366, 421.
Anastasiae [Titulus], 95, 164.
S« Anastasie, 164.
Anastasis (Basilique de 1'), 16,23,
24, 35, 165.
André et Barthélémy du Lalran
(Monastère de Saints-), 75, 76, 78,
81-82.
André de massa Iuliana (Monas-
tère de Saint), 76, 78.
André des Saints-Apôtres (Monas-
tère de Saint-), 77.
Axgilrert, 229.
Anicii, 163.
S. Anselme, 379.
S. Antoine de Padoie, 372.
Antonelli (Nicolas), 372, 395, 398,
401.
Card. Antonlvno, 323, 325, 325.
S. Apollinaire, 104.
Apôtres (Basilique des Saints). 77,
125.
Card. Aquaviva, 431.
Aquilas, 160.
Archangeli (Monastère), "7.
Arevalo, 285.
Aristote, 103.
Arius, 12.
Arz (Jean d'), 285--288.
ASTOLPHE, 95.
s. Atiianase, 6, 7, 15, 17, 18, 22. 29,
34, 219, 220, 325, 372.
ROMAIN. ^8
k
434
INDEX DES NOMS PROPRES.
Atiiénogk>e, H, 12.
Augsbourg (Diète d'), 294, 295.
S. AjLGUSTiN, 3, 6, 7, 22, 25, 29, 31.
33-35, 47, 51 , 126, 128, 142, 205, 206,
250, 270, 325, 333, 402-405, 410,
411.
Al KÉLiEX d'Arles, 207-208.
AzzOGiiDl, 372, 383, 384, 385, 394.
BaEIMEH, V-M, 42, 44, 59, 70, 114,
127, 210, 211, 251, 299, 310, 311,
316, 318,334,335, 338,354, 350,412,
425.
B.ULLET, 407, 409, 416.
Balbinae (Cimetière), 162.
Baldini, 372, 383, 398.
Bâle (Concile de), 263-264.
Bandim, 319, 323, 324, 328.
S" BA1U5E, 254.
Bahdesaxe, 12.
Barnabe (Abbaye de Saint-), 223.
Gard. Bakomls,' 222, 252, 312, 318,
320-330, 333, 338, 357, 407, 411, 431,
S. Basile, 10, 22, 30-32, 43.
Basiliae (Cimetière), 162.
Basilide (Eglise de Saint-), 162.
Baidouin, 240.
Becicueme, 269, 273.
BEDE, 87, 120, 213,218,325, 404, 408.
Card. Bellahmin, 312, 316, 318, 320,
323-325, 327-329, 333.
Card. Bembo, 268.
Benedictio Dei, 198.
Bemgm (Ms--), 428.
S. Benoit, 44,55, 59, 60, 108, 110.
413-117, 119, 123, 125, 128, 129,
132, 207, 213, 223.
S. Benoit, d'Aniane, 130, 232.
Benoit II, 62.
Benoit XII, 247.
BENOIT XIII, 379, 385, 386.
Benoit XIV, 281, 312, 315, 366-425,
431.
Benoit Biscop, 87, 100, 162.
Benoit (Chanoine), 181-188, 210,
220.
BÉIŒNGEH, 222.
S. Bernakd, de Clairvaux, 203, 204,
221, 260, 404, 407, 410.
S. Bernard, de Tiron, 233.
Bernold, de Constance, 191, 19i.
195, 196, 197, 210, 219, 222, 264.
BiANCliiNl, 357-358.
Bibiane (Basilique de Sainte), 9<i.
Billlart, 315.
E. BiSHOP, 222, 224, 225, 227, 229,
232.
BOECE, 217.
Bollandistes, 417.
Card. BoNA, I.
BONACIN.V, 315.
S. BONAVENTIRE, 256, 257.
BONIFACE II, 69, 85.
BONIFACE IV, 166, 171.
BONIFACE VIII, 257.
BONIFACE IX, 256.
Card. BoRGiiÈsE, 431.
BoRROMÉE (S. Charles), 297, 298,
307.
Bossi ET, 403.
BoLix, 338, 417.
Braga (Concile de), 37, 209.
Brotiek, 338.
Bruce (Papyrus de), 6.
BRrNETiÈRE'(G. de ia), 362.
A. BruN, 128.
Calepodii (Cimetière), 162.
Calinio, 298, 300, 301.
S. Calliste, pape, 162.
Calliste (Cimetière de), 91, l(»l.
162.
Calliste III, 255, 256.
Camaldules, 222.
Canillac, 384.
Canisus, 284, 288.
Caracciolo, 289.
Card. Car AFA (Ant), 301.
Cauafa (Pierre), 289 - 292. Voyez
Paul IV.
Cassien, 8, 26, 39-43, 119.
Cassien (Monastère de Saint-), 76.
Cassiodore, 44, 89.
Castro (G. de), 275.
CAT.aENU, 69, 85.
S" Catherine, 254, 329.
Catilfls, 202.
Cavalli, 338.
INDEX DES NOMS PROPRES.
435
CVYJJ s, 38(».
S'= CÉcii.K. l()-2.
Cécile (Basilique de Sainte), 61,80,
431.
Cf.i.estin, pape, î>3, 54, s,";.
Cencus, 181-188, 210.
Ckolfuid, 80.
Certain, 364, 366.
S. CÉSAïKE d'Arles, 38, HO, 219.
S. CÉsAïuE de Terracinc, 16t.
Césaire (Monastère de Saint-\ 7(>
ClIAUl.EMAGNE, 90,102, 104, lOo, 121
126, 127, 202, 210, 430.
Chaules Qiint, 273, 274, 294.
Chaules V, 309.
Chaules IX, 312.
Chauvelin, 364, 366.
Chevalieu (U.), 218, 338.
Christophe, 117.
S. Chuodegaxg, 80, 100-104, 109. 131
132.
SS. Chrysaxthe et Dauie, 102.
S. Chrysogone, de Sirmiura, 164.
Clirysogone (Basilique de Saint-),
78, 79, 83, 100, 164.
Clvccomo, 318.
ClCOXIOLANO, 309.
S'' Ci.AHiE, 239-240, 250, 258.
Clarisses, 243.
S. Clément, 10, 89, 95, 1()3.
Clément (Basilique de Saint-), 95,
163.
Clément V, 251.
Clément VI, 253, 259, 260, 261 .
Clément VU, 269-271 , 274-288, 289-293.
Clément VIII, 316-320, 323-325, 328-
330, 333, 346-349, 371 , 387, 413, 428.
Clément X, 380.
Clément XI, 315, 379, 385, 420.
Clément XII, 363, 366-368, 380.
Clément XIII, 425.
Clément XIV, 425.
Clément, d'Alexandrie, 19.
Cloveslio (Concile de), 99, 104.
Cluny, 199-202, 220, 222, 224, 229,
231, 429.
[€0FF1N, 361, 362, 367, i28.
301SLIN, 386.
lOLBEKT, 358.
CoLUEUT, évoque, 386.
Cologne (Concile de\ 294.
SS. COME et Damien, 164.
Corne et Damien (Basilique de
Saints-), 89, 96, 164.
Come et Damien (Monastère de
Saints-), 76, 78.
Commodillae (Cimetière), 162.
Constance, emp., 327.
Constantin, emp., 14, 312, 327.
Conte LORi, 319.
S. Corne n.i.E, 162.
Card. de Corneto (Adrien), 268.
Card. Coi'.siNi (Nérée), 370.
Cranmer, 288.
Card. Crescenzi, légat, 285.
Crescenzi, nonce, 392.
Croix en Jérusalem (Basilique de
Sainte-), 47, 134, 142, 275.
Curia hostilia, 164.
S. CvPUiEN, 13, 14, 222, 411.
S. Cyulvque, 161.
S. Damase, 51, 52, 53, 54, 61, 70,
89, 430.
Damien (Couvent de Saint-), 239.
Dauroy, 425.
Delisle, 248, 358.
démétrlvde, 49.
S. Denis d'Alexandrie, 12.
S. Denis AuÉop., 103, 328, 356.
Dei sDEDiT, pape, 62, 74.
Diodore, de Tarse, 31.
DoMiTiLLE cimetière de-), 92, 161.
S. Donat, 329.
Donat (Monastère de Saint), 77.
Douatistes, 12.
Dlchesne (M»--!, IV, X, 2, 4, 54, 55, 63,
68, 74, 77, 98, 16.5, 381-382, 428.
S. DUNSTAN, 109, 131.
Dlpanlolp, 425.
DURAND, de Mende, 115, 202, 251.
Eadmeu, 203.
Card. Easton (Adam), 256.
Egbert, d'York, 67-69, 226.
EnuLE, 428.
Eleuteuils, 57.
S« ÉLisAUETU, de Schonau, 197.
436
INDEX DES NOMS PROPUES.
Elpis, 217.
Elsin, 203.
S. EpiPHAKE, 20, 408.
Erasme, 268.
Etueiua, voyez Peregrinatio.
Etienne du Latran (Monastère de
Saint), 76, 78.
Éiienne Majeur cata Galla (Monas-
tère de Saint-), 70, 77, 79, 82, 83.
ETIENNE Mineur du Vatican (Monas-
tère de Saint), 76, 77.
Etienne et Silvestre (Monastère de
Saints-), 79.
Etienne ad b. Paulum (Monastère
de Saint), 70.
Etienne iuxta d. Laurentium (Mo-
naslére de Saint-), 70.
Étienne-le-Rond (Église de Saint-),
163.
S. ETIENNE, pape, 161.
ETIENNE II, 77, 117.
ETIENNE III, 79, 117.
ETIENNE IV, 79.
S. ETIENNE HAUDING, 237.
ETIENNE, de Liège, 201, 251.
Et'DOCIE, 77.
Eugénie (Basilique de Sainte), 82.
S*' ElPHÉMIE, 404.
Eupliémie(Monastère de Sainte-),77.
EusÈBE, de Césarée, 99.
EusÈBE, pape, 165.
EUSTOCHILM, 49.
EVODIUS, 7.
Fabien, pape, 161,334.
Fasciolae {Titulus-), 61, 89.
SS. Faistinis et .Iovita, 95, 161, 326.
Félicité (Basilique de Sainte), 161.
SS. Felicissimcs et Agapit, 161.
S*^ FÉLICITÉ, 161.
FÉLIX I", 90, 101.
FÉLIX IV, 164.
SS. FÉLIX et Adauctus, 1C2.
S. FÉLIX, de Noie, 163.
Ferdinand I«S 295.
Ferreri, 209-274, 248.
Card. FiRRAo, 306.
S. Flavien, 32.
Flavii, 160.
Card. de Flelry, 360, 307, 308, 386,
392.
Florentius, 52.
FoiNARD, 358-359, 414.
Fonte-Avellano (Abbaye de), 222,
225.
FORTUNAT, 214, 216.
FOSCARARI, 298, 300, 301, 307.
Franchi, 301.
S. François, d'Assise, 242, 272.
S. François Xavier, 284, 288.
Fulbert de Cliartres, 221.
S. Fulgence, 126, 402, 403.
S. Gaétan, 289.
Card. Gaetani, 331.
Galla, 76, 77.
Galli, 372, 382, 383, 385, 395.
Gallucci, 335.
Gavanti, 315, 329, 331, 333, 412.
S. GÉLASE, pape, 57, 60, 61, 69, 85,
99, 207, 217, 255, 375; Sacramen-
taire gélasien, 96, 97, 225.
Generosae (Cimetière), loi.
Card. Gentili, 392.
S. Georges, 164, 254.
Georges, grand chantre, 101, 102.
Gerbert (Dom.), m; Gerberti
{Anonymus-), 69, 85, 408, 115,
116, 421, 425, 428, 430, 132 473-
478.
SS. Gervais et Protais, 164, 326.
GERVOLDL'S, 102.
Card. Gesualdo, 318, 319.
Gevaert, 67.
GliiSLERi, 323.
GiBERTI, 289.
GlORGi, 372, 382, 383, 395, 398, 401.
GiULl, 394, 395, 398.
GOLDWELL, 298, 299.
GoNDY (Pierre de), 314.
GoNDY (Jean-François de), 3y*.
SS. Gordien et Epimaque, 161, 320.
Goths, 94.
Grancolas, III, 415, 116, 218, 305,
313, 358, 359, 414.
Gratien, 57, 59, 493-195.
S. Grégoire le Grand, 60, 64-1
73, 75, 76, 85, 88, 93, 94, 121, ii
INDEX DES NOMS PROPRES.
437
125, 433, i 85, 191 , 216, 250, 270, 272,
375, 402, 403, 404, 412; Sacramen-
taire grégorien, 68, 191.
r.régoire (Ég[ise et Monastère de
Saint), au Caelius, 234, 431.
GnÉGOiRE II, 78, 80-81, 120.
Grégoire III, 66, 77-79, 83, 84, 90-98,
100, 105.
Grégoire IV, 80, 103, 105, 166, 184.
Grégoire VU, 151, 188-196, 199, 218,
310,371,395.
Grégoire IX, 179, 196, 243-243,
231.
Grégoire X, 249.
Grégoire XI, 240, 237, 238.
Grégoire XIII, 313, 316, 379, 380.
Grégoire XIV, 318-320.
Grégoire XV, 380.
Grégoire XVI, 423.
S. Grégoire, de Nazianze, 13, 205.
Grégoire, de Tours, 38, 40. 42, llO,
326, 327.
Grimaltus, 227.
Gi'ÉRANGER, VI, 188-190, 313, 314, 353,
363, 425.
Gard. GuiDERT, 361.
Guillaume, duc de Saxe, 256.
Gard, de Guise, 215.
GUYET, 384.
Habert, 302.
Hadrien I«% 48, 08, 70, 71, 81, 82,
97, 99, 103, 104, 106, 152, 163, 170,
430.
Hardouin de Péréfixe, 334.
Harlay (François de), 354-357, 300,
302.
Hayton, 167, 210, 919.
Helisaciiar, 123.
Henri III, 313.
Henri IV, emp., 386.
Hermann Contract, 260.
Hermas, 15.
S. HERMES, 162.
Hierusalem (Monastère de), 77.
S. HiLAiRE, de Poitiers, 22, 209, 218,
326.
HiLAiRE, pape, 75.
HiMERIUS. 39.
S. HIPPOLYTE, 162; C'anones Itippo-
lyti, 49.
HONORAT, 100.
HoNORius, pape, 75, 81, 82, 121, lOi.
HoRMiSDAs, pape, 56, 61.
HUGUES de Ciuny, 224.
S. Hypace, 43.
S. Ignace, d'Antioche, 31.
S. Ignace, de Loyola, 284.
injuriosus, 38.
Innocent I«% 73, 91, 328, 371.
Innocent II, 182.
Innocent III, 127, 182, 225, 238 239,
240, 241, 242,243, 250, 251 , 258, 429.
Innocent IV, 243.
Innocent VIII, 3S1.
Innocent IX, 318.
Innocent XI, 379.
Innocent XIII, 377.
S. Irénée, 10.
ISACHINO, 292, 296.
S. Isidore, de Séville, 3, 30, 122,
S. Jacques le M.ueur, 327, 328, 334-
335.
Jean de Latran (Basilique de
Saint-), 10, 47,63-64, 73,76, 79, 82,
84, 115, 142, 143, 180, 181, 196,
246, 258, 326.
SS. Jean et Paul, 102.
Jean et Paul du Vatican (Monas-
tère de Saints), 75, 76, 77, 83.
Jean P--, 69, 85.
Jean III, 93.
Jean XXII, 251, 259.
Jean, archicantator, 87, 88.
Jean, d'Avranches, 197, 200, 230.
Je.vn Beletii, 197-199, 203-204.
S. Jean Ciirysostome, 7, 18, 19.
32, 33, 35, 51, 250, 323, 402,
406, 407, 408, 411.
S. Jean DaSiascène, 325, 336, 406.
JEAN Diacre, 64-67, 71.
Jean, diacre du Latran, 113.
Jean, clerc de Liège, 252.
Jean, de Parme, 244, 260, 261.
Jean, de Peckiiam, 251.
438
INDEX DES NOMS PROPRES.
Jeanne, de Mont-Cornillon, 252.
S. JÉRÔME, 3, 49-55, 70, 72, 91, 108,
109, 125, 126, 250, 330, 402.
Jésuites, 313.
JoLY (Claude), 358, 378.
lordanorum (Cimelicre), 94.
Julien, emp., 326.
S. Justin, 10.
Justin, emp., 214.
JusTiNiEN, emp., 36, 57.
F.X. Kn.us, 383.
Lactance, 3.
Laeta, 49, 50.
Lanucci, 331, 332.
Laodicée (Concile de), 133, 386.
Latran (Palais du), 79, 80. 238;
Baptistère, 145; Concile. 2'4l.
Launoy, 378.
Laurent (Basilique de Saint), 47,
75, 76, 90, 92.
S. Lazare, 356.
Lejay, 225, 229.
S. LÉON, 56, 69, 7^:. 84, 85, 12G, 133,
2.50; Sacramentaire léonien, 72,
73, 91, 93.
LÉON II, 62.
LÉON III, 63, 76, 79, 105, 430.
LÉON IV, 100.
LÉON IX, 189.
LÉON X, 267-271, 305, 380.
LÉON XIII, X, 426, 427.
Leucaui, 396, 398, 401.
Lessius, 315.
LiNDANUS, 312.
Lombards, 94, 95.
Louis le Débonnaire, 105, 166.
S. Louis, 257.
Louis XIV, 354, 420.
Louis XV, 365.
S" Lucie, 164.
Lucie (Basilique de Sainte), 80.
Lucie de renatis (Couvent de
Sainte-), 164.
Lucina, 89.
Luther, 273.
Marillon, mi, 37, 354.
Magister anonymus, 118,
Manuce (Paul), 307-308.
S. Marc, 8.
S. Marc, pape, 162.
Marc (Basilique de Saint), 61. 82.
SS. Marc et Marceixien, 161.
S. Marcel, pape, 160.
Marcion, 12.
S" Marie-Madeleine, 356.
Marie - Majeure (Basilique de
Sainte-), 47, 76, 78, 81, 82, 96, 97,
134, 137, 138, 165, 250.
Marie ad martyres (Basilique de
Sainte-), voyez Panthéon.
Marini (Leonardo), 298, 300. 301,
303-307, 340-345.
Marinianus, 60, 125.
Martene, III, 39, 69, 121, 202.
S. Martin, de Tours, 326.
S. Martin P% 69, 70, 85.
Martin du Vatican (Monastère de
Saint-), 76, 77, 83, 87.
Martin (Eglise de Saint-), de Tours,
38, 40, 111, 121. 220.
Martin, de Senging, 263-264.
Masso, 301.
Maurianiis, 69, 85.
Maurille, 197.
S. MAXIME, 126, 404.
Mayence (Concile de). 167.
S" Mélanie, 50, 90.
MÉLITON, 10.
Mercati (Mg>-), 256, 259-2(]1 , 26(J-267,
428.
MÉSENGUY, 361.
S. Metiiodius, 4.
Micrologus, voyez Bernold.
Mineurs (Frères-), 17i), 183, 242-254,
258-260, 263, 264, 377.
MOMRRIZO, 282.
S" MONIQUE, 206.
Card. MOXTI, 372, 383, 384, 392, 3S
D. MORIN, 67, 68, 69, 88, 127, IJ
192, 195,218,219, 251, 411.
MuRATORi,372, 383; Muratorianum,
12.
NEPOS, 12.
SS. NÉRÉE et ACmLLÉE, 160.
INDEX DES NOMS PROPRES.
439
Nérée et Achillée (Basilique de
Saints), 01, 9-2, 161, 430-431.
Neyla, 275.
S. NiCETAS, 2G, 30, 32, 52, 128.
NiCETIUS, 128.
Nicolas III, 245, 246.
Nicolas V, 268, 430.
Nicolas, de Cleraangis, 264.
NiDIBRIL'S, -123.
Nogarol (Léonard de), 255.
Novatcs, 333.
S. Odilon, 231-232.
S. Odo\, m.
OrigÈne, 290, 292.
Orlandi, 394, 395.
Orphanotrophium, 63-64.
Pallacina, 61.
Gard. Pallamcini, 331.
Pammachii (Titulus), 162.
S. Pancrace, 161.
Pancrace du Latran (Monastère de
Saint-), 76.
Pancrace (Basilique de Saint-), 76.
Panthéon (Eglise du), 166, 171,234,
377.
P. Pargoire, 41, 43.
Pascal V, 79, 80.
passaglia, 412.
Gard. Passionei, 383.
S. Pasteur, 185.
Patriarchium du Latran, 79, 80.
82,181,183,184.
S. PAUL, 142.
Paul (Basilique de Saint-), 47, 68,
76, 81, 382.
Paul I", 63, 78, 94, 96, 101, 102.
Paul II, 256.
PAUL m, 276, 278, 281, 283, 289, 309,
Paul IV, 289, 292-294, 29()-300, 302,
303, 306, 382, 428.
Paul V, 380.
Paul Diacre, 126-127, 199, 215.
Paul, de Samosate, 11.
Paula, 49.
Paulin, d'Aquilée, 217, 218.
Pelage P', 57, 73, 7i.
Pelage, 49.
Pelignus, 323.
PÉPIN, 63, 101, 102, 104.
Peregrinatio ad loca sancta, 23-29,
32, 36, 41.
Perpetuus, 40.
S« Pétroxille, 160.
Petrucci, 331 , 335, 338.
Philocalien (Calendrier), 92.
PlIILON, 7.
Pie II, 256, 268.
Pie IV, 297, 300.
Pie V, 130, 188, 260, 261, 293, 301-
303, 305-316, 325, 327, 329, 330,
339, 355, 371, 374-376, 378, 380-
414, 428.
Pie VI, 42r>.
Pie X, 338.
Pierre (Basilique de Saint), 47, 62-
65, 68,69, 75-77, 79, 82-88, 97-102,
117, 125, 132, 1.34, 137, 138, 148, 149,
163, 169, 170, 180, 181, 184-188, 196,
218, 227, 228, 24<), 248, 338, ^29-430.
Pierre Amelio, 262.
Pierre Assalriti, 262.
S. Pierre Ciirysologue, 406, 410.
S. Pierre Damien, 194, 198, 222-225,
230-231.
Pierre diacre, 224, 227.
Pierre Mallius, 188.
Pierre le Vénérarle, 202.
SS, Pierre et Marcellin, 161.
Pinciana (Domus), 163.
Plantin, 308.
Platina, 255, 282, 285.
Pline, 2.
POGGIANO, 301, 302, 307.
Gard. POLE, 298.
S. POLYCARPE, 13.
s. Porphyre, de Gaza, 7.
Praxedis [Titulus), 163.
Prétextât (Cimetière de), 91, 161.
SS. Primus et Félicien, 95, 163.
Prisca, 95, 160.
Prisca (Basilique de Sainte-), 77,
95.
Priscille (Cimetière de), 92, 160,
163.
Priscillien, 3.
SS. Processus et Martinien, 161,
440
INDEX DES NOMS PROPRES,
Processus et Martinien (Basilique
de Saints-), 91-
SS. Protls et Hyacinthe, 102.
PUUDENCE, 90-91, 213-214. 218, 32j.
PUDENS, 89, 9a, 163.
PUDENTUNA, 61, 163.
Pudeotienne (Basilique de Sainte-).
61, 77, 9j, 163.
Quatuor coronati Basilique des),
163.
Gard. QuiGNONEZ, 260, 274-288, 289,
291-293, 296, 298, 300, 302, 308, 308,
309, 311, 357, 361, 428.
Rai$AN Maur, 215-216.
S« RADEGONDE, 214.
Rainer (Papyrus), 11.
Gard. Rampolla, 10.
Rancati, 331.
Raoul, de Tongres, 112, 238-239,
242-246, 251, 253, 259, 204-265.
Raynaldi, 256.
llEDEMPTUS, 52.
REMEDILS, 101.
Renol'ARD, 337.
RiCARDi, 331, 332.
Ricci (Sci|)ion), 4'24-42j,
RlCULF, 210.
Robert, de Tuy, 202.
ROBERTI, 428.
ROSKOVANY, V, 313, 339.
Rufine (Basilique de Sainte), 162.
RlINART, 416.
Sarimen, pape, 74.
S" Sabine, 164.
Sabine (Basilique de Sainte-). 16i.
Gard. Sadolet, 268, 273.
Saint-Aignan (Duc de), 365, 366.
Salimbese, 241.
Salmanticenses. 315, 318.
Salmeron, 316.
Sannazar, 268.
Santeul, 332.
Sarbiewski, 335, 336.
S. Saturnin, 14.
Saturnin (Basilique de Saint-), 162.
SCACiii, 331, 332.
Gard . SCHOTTO, 297, 298, 300.
Scola cantorum, 62-67. 101. l'i.i.
183, 186, 187.
SCULTING, 256.
Sébastien (Basilique de Saint- ,
47, 74, 161.
SEDULRS, 214.
Sens (Goncile de\ 294.
Sepulyeda, 276.
Sergio, 372, 398.
Sergius Jer, 63, 165.
Sergius II, 6ÎJ.
Sergius et Bacchus (Basilique d.
Saints), 89.
Sergius, 117.
SiCKEL, 58.
SiGOKlO, 312.
Sidoine Apollinaire, 92.
Silos, 292.
S. Silvestre, pape, 61, 160.
Sihestre (Basilique de Saint-), 92,
160.
Silveslre (Couvent de Saint-), 292.
S* SiLviA, voyez Peregrinatio ad
loca sancla.
Simeon, grand chantre, 101, 102.
SS. Simon et Jude, 185.
Simon (Bichard), 277, 280, 282.
Simon (Pierre-), 350.
S. SiMPLiClus, pape, 95, 161, 169.
Sion (Église du Mont), 16.
S. SiRiCE, pape, 39.
Gard. SiRLETO, 297, 301, 302. 307,
316, 339.
Sixte IV, 255, 256.
Sixte Quint, 316-319, 321, 378.
SOMMERVOGEL, 338.
Sophie (Basilique de Sainte-;
GP., 118.
Sophie (Monastère de Sainte-
Bénévent, 236.
S. SOPBRONIUS, 412.
Sorbonne, 241, 277, 281. 318, 39*^
SOTO, 285.
Strada, 335, 350-352.
SUAREZ, 315.
SULPICE SÉVÈRE, 327.
Symmaque, pape, 69, 85, 89.
I
INDEX DES NOMS PROPRES.
441
Symmaque, consul, 69.
Synesius, 13, 20S.
Card. Tamdcrini, 392, 393, 4«3.
l'ATTO, 227.
Tegiumi, 331, 332.
Gard, de Texcin, 367, 308, 389, 392-
394, 400, 419, 422.
Tertullianistes, 91.
Tebtcllien, 5, 7, 14, IS, 20, 49.
S. TlIARASIL'S, 412.
Théatins, 289-292.
TlIÉODEMAR, 121, 210.
riiÉODOUE, archidiacre, iOo, 121,
130, 143.
Théodore, de Cantorbery. 226, 227.
Théodore, de Mopsueste, 31.
Théodore, pape, 103.
Théodose, emp., 32, 35.
Théodulphe, 133.
Tliéonas (Eglise de Saint-), 15, 10.
Théophile (Eglise de Saint-), 10.
Thérapeutes, 7.
S.Thomas, d'Aquin, 251-252, 254-255.
Thomas (Oratoire de Saint-), 190.
TUOMASSIN, X, 354, 370.
s. TiBURCE, 101.
TiLLEMONï, 35J-35S, 378, 400-410,
416, 417.
Tolède (Concile de), 209, 387.
Card. ToMASi, il-ni, 180, 357-358.
TORRES, 323, 32*.
TouRXEUX, 302.
Tours (Concile de), 208.
Trasonis (Cimetièic), 102.
Trente (Concile de), 285, 288, 294-
300, 302, 307, 308, 331, 396, 414.
TCFO, 290, 291.
Ulric, d'Augsbourg, 221, 222.
Ulric, de Cluny, 200. 218.
s. Urbain, 161.
Urbain IV, 251, 252.
Urbain VI, 256.
Urbain VIII, 272, 318, 320, 327, 330-
339, 350-352, 371, 387, 409, 428,
429, 430.
Vaisou (Concile de), 108.
Valenti (Louis), 369-402, 413, 418,
421.
Card. Valenti (Silvio), 369, 892.
Valentin, gnostique, 12.
S. Valentin, 161.
Valentinien, emp., 205.
S. VA.LÉRIEN, 101.
Vasquez, 315.
Vatican (Concile du), 425-420.
S« VÉRONIQUE, 185.
Vestinae {Titulus), 89, 164.
Card. Vezzosi, ii, 357, 392.
S« VlATRIX, 95, 161.
S. Victor, pape, 10.
Victor (Monastère de Saint-), 76.
Victor (Abbaye de Saint-\ 236.
Victor, de Vite, 62.
Vicier, 361, 367.
VlGlLANTlUS, 51.
SS. Vincent et Anastase, 463.
Vincent (Abbaye do Saint-), 223.
ViNTiMlLLE (Ch. de), 360-308, 391,
398, 414, 418, 428.
ViRBONUS, 85.
S. Vital, 164.
Vl'lponi, 331, 332.
VVadding, 331.
Wala, 103, 105.
Walafbid Stbabon, 72, 106, 107,
110, 217, 218.
Wilpert, 428.
XlSTLS PS 74, 161.
XlSTLS III, 138.
Yves, de Chartres, 191.
Zacharie, pape, 80, 125, 224.
ZENON, de Maiuma, 21.
ZÉPHiRiN, pape, 10.
INDEX DES FETES
Audon et Sennen, 1o8, ^lOO.
Adrien, 158, 409.
/lîGiDius, voyez Gilles.
Agapit, 138.
AGS.TIIE, loG, 311, 40ir, 408.
Agnès, 153, 108, 170, 311,403.
Agnès secundo, 136.
Alexandre, l.'iO, 408.
Alexis, 158, 166, 3-22, 326, 333. 362,
386.
Ambroise, 160, 16(), 24o, 2îi7.
Anaclet, 138, 383.
Andué, 134, 160, 163. 167, 170, 183,
201, 327, 404, 406.
André d'Avellino, 386,
Anges Gardiens, 380.
Anicet, 383.
Anne, 256, 309, 316, 380.
Annonciation, 156, 165, 359, 377. 379,
387, 388, 403.
Anselme, 256,
ANTOINE, 156, 166, 409,
Antoine de Padoue, 2i4, 255. 309,
306.
Antonin, 159, 386.
Apollinaire, 157, 410.
Aquilas, 156, 2,34.
Ascension, 149, 167, 183. 388.
Assomption, 154, 158, 165, 167, 183,
201, 215, 257, 311, 360, 378, 388,
Athanase, 310.
Augustin, 158, 245, 257, 311.
AuRE, 158, 254.
Baleine, 158, 254.
Barre, 160, 166, 386.
BarnarÉ, 157, 330, 381, 3S8, 406.
BARTIIÉLErflY, 158, 311, 407.
Basile, 234. 310.
Basilide, 137. 409.
Benoit, 136, 166.
Bernard, 243, 234, 311.
Bernardin, 236, 309, 386.
Biriane, 160, 333, 386.
Blaise, 256, 408.
BONAVENTURE, 316,
BONIFACE, 137, 200, 386.
Brice, 40, 254.
Brigitte, 256.
Caius, 408.
Calliste, 159, 362, 409.
Canut, 383.
Carmel (N.-D. du). 379.
Casimir, 386.
Cassien, 386.
Catherine, 160, 166, 386.
Catherine de Sienne, 329.
CÉCILE, 159, 170, 403, 410.
CÉSAIRE, 159.
Christine, 158, 166, .386.
Christophe, 166, 386.
ClIRYSANTIIE ET DARIE, 139.
ClIRYSOGONE, 139, 410.
Circoncision, 138, 376, 388.
Claire, 245, 235, 410.
Clément, 159, 163. 405, 410.
Clet, 136, 408.
Clet ET Marcellin, 310.
Come et Damien, 159.
INDEX DES FKTES.
443
COMMÉMORAISON DES MOUTS, 89, 93,
226, 227, 231-232, 2:i7.
CONCEPTION DE LVS. V., 202, 2ii4-235,
322, 330, 302, 378, 388, 411-412.
Corneille et Cyphien, 159, 310.
Corpus Christi, 2:Jl-2o2, 255, 360,
377, 388.
Croix, Invention, 150, 165, 257, 330,
377, 388 ; Ewltation, 159, 165, 257.
330. 377, 388, 410.
Croix (Otlice de la-), 233.
Cyprien et Jlstine, 386.
Cyr, 157.
Cyr et Jean, 156.
Cyri VQUE, 158, 409.
D\MVSE, 160, 311, 409.
DÉDICACE, 95, 167, 257. 382, 388, 410.
DÉFUNTS, voyez Commémoraison.
Denis, 159, 327, 386.
Desponsatio B. F., 379, 385.
Diego (Didaciils), 386.
Dominique, 255, 310.
DOMITILLE, 362.
DONAT, 158.
DoRMiTioN, voyez Assomption.
Dorothée, 386.
Douleurs (N.-D. des Sept-), 379.385.
Edwige, 386.
Eleuthèue, 157, 385.
ELISABETH de PORTUGAL, 335, 409
Elisabeth de Thuringe, 255, 309, 386.
416.
Emerentienne, 156, 386.
Epiphanie, 39, 139, 149, 155, 167, 183.
376, 388.
Erasme, 157, 386.
Esprit (Office du Saint-), 233.
Etienne, 39, 160, 167, 362, 388 ; Trans-
lation, 157, 311, 387; Invention,
i58, 310.
ETIENNE, pape, 158, 410.
Etienne, roi, 335, 410.
Eugénie, 160.
EuPHÉMiE, 159, 309.
EUPLUS ET Leucius, 158, 254.
EusÈBE, martyr, 458. 329.
EUSÈBE DE VERCEIL, 386.
EUSTACIIE, 159, 166, 254, 311, 335, 386.
Eustrate, 160.
EVARISTE, 159, 385.
Expectatio par tus, 379, 385.
Fabien et Sébastien, 155, 409.
Faustinus et Jovita, 386.
Felicissimus et Agapit, 91, 158.
FÉLICITÉ, 159, 362, 410.
FÉLIX, pape, 158, 254, 409.
FÉLIX, prêtre, 458.
FÉLIX DE CaNTALICE, 386.
FÉLIX de Nole. 409.
FÉLIX ET Adauctus, 158.
François d'Assise, 254, 256, 311
Stigmates, 255, 330, 387.
François de Borgia, 386, 415.
François de Paule, 309, 316,
VII Fratres. 4.57. 386.
Gabriel, 380.
Georges, 156, 362.
Germain de Capoue, 159.
Germain de Paris, 200.
Gertrude, 386.
Gervais et Protais, 157, 40Q.
Gilbert de Sempringham, 254.
Gilles, 459, 386.
Gordien et Epimaqle, 157, 408.
gorgonius, 159, 409.
Grégoire, pape, 156, 2i5, 257.
Grégoire VII, 385-386, 416.
Grégoire DE Nazianze, 310.
Grégoire de Spolète, 160.
Grégoire le Thaumaturge, 330, 410.
Henri, 335.
Herménégild, 335.
HERMES, 158.
Hilaire, 40, 310, 409.
HilariON, 39, 254, 386.
HiPPOLYTE, 90, 158, 327. 386, 409.
Hyacinthe, 386,
Hygin, 254, 385.
Ignace d'Antioche, 254, 310, 31t.
Innocent, pape, 440.
Innocents, 460, 467, 362, 384, 388, 404,
410.
444
INDEX DES FETES.
Jacqufs, 39, iliS, 16î», 327.
JA.NV1ER, 316, 38G, 410.
Jean Baptiste, Nativité, dj4, 157
iG7, 170, 183, 200, 201,215, 257,360
362, 381, 388; Conception, 202-203
DÉCOLLATION, 158, 311, 381.
S. Jean Évangéliste, 39, 40, 160,165.
167, 362,404; Porte latine, 157.
330, 381, 388.
Jean, pape, 157, 385.
Jean Ciirysostome, 160, 166, 256, 310,
409.
Jean de la Croix, 386, 415.
Jean Gualbert, 329, 410 411.
Jean de Matiia, 410.
Jean de Saiiagun, 386.
Jean et Paul, 157.
JÉRÔME, 159, 166, 245, 257, 311.
Jeudi Saint, 142-144, 147.
JOACIIIM, 309, 316, 335, 380, 406.
Joseph, 256, 310, 380-381, 3S7-388.
Julienne de Falconieri, 160, 256, 380.
JusT, 92.
Justin, 158, 166.
Justine, 2ï4.
JUVÉNAL, 408.
Laurent, 91, 154, 158, 163, 167, 170,
257, 311, 388, 405.
Laurent Justinien, 386.
LÉON, 157.
LÉON n, 385.
LÉONARD, 254.
LiNUS, 159.
LiBORius, 386.
LlTORIUS, 40.
Lorette (Translation de la maison
de), 379, 385.
Louis, évêque, 255, 309.
Louis, roi, 255.
Louis de Gonzague, 386, 415.
Luc, 159.
Lucie, 160, 254, 3H, 405, 408.
Lucie et Géminien, 159.
Lucius, 329.
Macchabées, 158, 380.-
Madeleine, 158, 210, 325, 381, 403.
Marc, 156.
Marc, pape, 159.
Marc et Marcellien, 157, 409.
Marcel, pape, 155, 409.
Marcellin, pape, 254, 385.
Marguerite, 311, 362, 386.
Marguerite de Cortone, 386.
3IARGUERITE D'ÉcOSSE, 409.
Marie -Madeleine de Pazzi, 386.
Marius, 156, 408.
Marthe, 156, 311, 381, 410.
Martin, pape, 160, 362.
Martin de Tours, 39, 40,111, 159,1(J7,
201, 311.
Martine, 155, 386.
Mathias, 156, 310.
Mathieu, 159, 311. 408.
Maur, 150, 166.
Maurice, 159, 166, 200, 410.
MÉDARD, 200.
Mennas, 159, 409.
Merci (N.-D. de la)- 379, 38:>.
Michel, archange, 157, 159, 167, 201,
257, 380, 388; mont Gargan, 326,
330, 380, 385; In mari, 200.
MiLTIADE, 254.
Modeste et Crescentia, 386.
Nabor et Félix, 158, 386.
Nativité de la S. \'., 158, 165, 257,
311, 378, 388.
Nazaire et Celse, 158, 410.
Neiges (Sainte-Marie aux), 255, 282,
310,311,330,382,407.
NÉRÉE etAchillée, 157, 330, 409, 410-
Nicolas, 160, 166, 311, 408.
Nicolas de Tolentino, 256, 316.
NICOMÈDE, 157, 159, 160, 409.
Noël, 39, 40, 137-138, 149, 167, 183,
376, 388.
Saint Nom de Jésus, 257, 377, 385.
Saint Nom de Maiue, 379, 385.
Octava Domini, 155, 167, 376.
OUEN, 200.
Pancrace, 157.
Pantaléon, 158, 386.
Papias, 156, 254.
INDEX DES FETES
445
PAyLES, 40, 145-149, 151-152, 167, 193,
376, 388.
Pasteur, 158.
Patrice, 256.
Patrocinium B. F., 379 385.
PAVL, Conversion, 156, 330, 381, 388,
399; COMMÉMORAisox, 157, 382,
385.
Paul, ermite, 25 i, 310, 409.
Paulin de Nole, 158, 166, 409.
PENTECOTE, 40, 67, 149151, 167, 183,
193, 376, 388.
perpetue, 410.
pétronille, 157, 38().
Philippe, 156, 165.
Philippe Béniti, ilO.
Pje, 158.
Pie V, 409.
Pierre et Paul, 39, 40, 153, 154, 157,
162, 167, 168-170,183,200,201,257.
360, 362, 381, 388; Chaires, 156,
330, 332, 363, 381-382, 387, 388,405:
411; Liens, 158, 165, 310, 330, 381.
388, 407.
Pierre d'Alexandrie, 254, 386.
Pierre Célestin, 409.
Pierre Curysologue, 386.
Pierre et 3Iarcellin, 157, 409.
Pierre Martyr, 255, 316.
Pierre Nolasque, 408.
Placide, 386.
Polycarpe, 330, 410.
PONTIEN, 254, 385.
PraxÈDE, 157, 163. 362, 409.
Présentation de la S. V.. 255, 309.
316, 322, 330, 378, 388.
Primus et Félicien, 157. 409.
Prisca, 1.'r>.
Processus et Martinien, 157. 409.
pROTUs et Hyacinthe, 158, 409.
Pudentienne, 157, 163, 409.
Purification de la S. V., 97. 156,
165, 167, 377, 388, 405, 411.
QUARANTE Martyrs, 156, 410.
Quatre Couronnés, 159.
QUENTIN, 159.
QUINQUAGÉSIME, 139.
Raimond Nonnat, 386.
Raimond de Pénafort, 385.
Rémi, 167, 200, 254, 4îO.
Rogations, 167.
Romain, 158, 386.
Romuald, 329.
Rosaire, 379, 385.
Rose de Viterre, 386.
RuEiNE et Secunda, 158, 386.
Saras, KJO, 166, 386.
Sabine, 158.
Samedi Saint, 142-145, 147, 150.
Saturnin, 160, 309.
Savin, 160,
Scolastique, 156, 166, 386.
Sébastien, 170.
Semaine Sainte, 141.
Septuagésime, 139.
Serge et Bacchus, 159.
Sexagésime, 139.
Silvère, 254, 385.
SiLVESTRE, 160, 362, 409.
SiMÉON, 156, 254.
Simon et Jude, 159, 311.
SOTER et Caius, 310, 385.
Stanislas, 329.
Suzanne, 410.
Sympiiorien, 386.
Symphorose, 158, 386.
TÉLESPHORE, 156, 254, 385.
Thècle, 159, 254, 309, 311.
Théodore, 159.
Thomas, 160, 328, 404. 406.
Thomas o'Agi in, 255.
Thomas de Cantorrery, 254.
TinURCE, Valérien,jMaxime, 156, 158.
408, 410.
TiMOTHÉE, 158, 330, 409.
Toussaint, 159, 166, 201, 257, 388.
Transfiguration, 107. 202, 255, 293.
310, 330, 376, 388.
Trinité, 150, 201-202, 233, 245, 2o0
251, 255, 262, 293, 376, 388.
Trypuon, 160, 386.
Ubald, 386.
Urbain, 157, 408.
446
INDEX DES FÊTES.
LKSLI.E, 309, 386.
Valentin, 156.
Venant, 386.
Vendredi Saint, 142-144, 147.
VicTou, pape, 158, 410.
Vincent et Anastase, 155, 311.
Vincent Feuuiek, 256, 386.
Visitation de la S. V., 255-256, 310,
322, 330, 378, 388, 411.
Vit et Modeste, 157, WJ.
Vital, 156, 362.
Vital et Agkicol, 254, 386.
Wenceslas, 386,
XiSTis, 91, 158, 410.
ZÉPUIKIN, 254, 385.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos DE LA troisième édition i-x
Chapitre premier. — La genèse des heures 1-45
La vigile nocturne dominicale, 1-13. — Vigiles cimi-
tériales et stationales, 13-15. — Vigiles quotidiennes,
15-19. — Tierce, sexte, none, 19-21. — Vêpres et laudes,
21-23. — La liturgie des heures à Jérusalem à la fin
du iv« siècle, 23-29. — Le chant, psalmus responsorius
et antiphona, 29-35. — L'office des clercs et l'office des
moines, prime et complies, 35-44. — La création de
l'offiice achevée au vr siècle, 44-45.
: Chapitre second. — Origines de l'office romain. 46-103
Basiliques majeures, titres, 'diaconies, et cimetières,
à Rome, 46-48. — Vigiles dominicales et stationales, 49-
51. — La psalmodie archaïque, 51-54. — Vigiles quoti-
diennes, 55-60. — La Scola cantoram, 61-67. — Saint
Grégoire et l'office romain, 67-72. — Les monastères
basilicaux, 72-82. — Prestige de l'office de Saint-Pierre,
83-88. — Les cimetières et les anniversaires de martyrs,
89-96. — Formation du sanctoral romain, 96-99. —
L'office romain en France, 100-103.
Chapitre troisième. — L'office romain du temps
de Charlemagne 104-172
Sources de la description qui va suivre, 104-108. —
Vêpres ; psaumes, antiennes, leçon brève, litanie, 108-
114. — Complies, 115-116. — Nocturne : invitatoire,
psaumes, leçons, répons, 117-124. — Second et troisième
nocturnes, homiliaire, Te Deiim, 124-128. — Laudes,
128-129. — Cours diurne, Prime, 130-133. — Le temps
448 TABLE DES 3IATlÈUES.
de l'Avent, 133-136. — Noël, Epiphanie, 137-139. —
Carême et semaine sainte, 139-146. Le temps de
Pâques, Pentecôte, 147-150. — Quand s'est fixé le tem-
poral, 150-152. — Relation du sanctoral et du tempo-
ral, 152-154. — Le calendrier, 155-166. — L'office des
saints, 167-171. — Caractère général de l'office romain,
172.
EXCURSUS A. — Extraits de l'Anonyme de Gerbert
(viir siècle) , 173-178
Chapitre quatrième. — L'office moderne et les
Bréviaires de la cour romaine 179-2<;.)
Maintien de l'office romain à Rome, du Yiir siècle
au xir, 179-180. — Témoignage conforme du cérémo-
nial papal, 181-188. — Prétendue réforme de Gré-
goire VII, 188-196. — Caractéristiques de l'ofïice mo-
derne non romain, calendrier et lectionnaire, 196-203, —
L'hymnaire, 203-218. — Qiiicumqiie vult, suffrages, office
quotidien de la Vierge et des morts, 218-233. — Le
Bréviaire de l'office, 233-237. — Influence de la curie.
Innocent III, 237-243. — Les Mineurs et le Bréviaire de
la curie, Aimon, 243-248. — Description du Bréviaire
de la curie, 248-262. — Reproches que la fin du Moyen
Age fait à ce Bréviaire, 262-265.
EXGURSUS B. — Extraits des Rubricae novae
(xive siècle) 266-267
Chapitre cinquième. — Le Bréviaire du concile de
Trente 268-33<i
Les humanistes, projets de Léon X, Ferrcri, 268-274.
— Les réformateurs. Clément VII, le cardinal Quigno-
nez et son Bréviaire, 274-288. — Les réformateurs, les
Théatins et Paul IV, 289-294. — Pensée du concile de
Trente, 294-300. — Le projet de réforme des Théatins
et du concile exécuté par Pie V, 300-314. — Correc-
tion de Clément VIII, part de Baronius, 315-330. —
Correction d'Urbain VIII, part des Jésuites, 330-339.
EXCURSUS C. — Rapport de Marini à Pie V.. 340-3'.:>
TADLE DES MATIERES. 449
KXCURSl S 1). — Avant projet de la correction de
Clément VIII 346-349
KXGURSUS K. — Lettre du P. Strada à Urbain VIII
350-352
Chapitre sixième. — Les projets de Benoît XIV
353-^26
Les corrections gallicanes du Bréviaire romain,
M. de Ilarlay, 353-357. — Le Bréviaire parisien de
M. de Vintimille, 357-368. — Congrégation de la ré-
forme du Bréviaire romain nommée par Benoît XIV,
369-374. — Résumé des travaux des consulteurs, 374-388.
— Pensée intime de Benoît XIV, 388-392. — Une com-
mission cardinalice est nommée, .392-394. — Derniers
travaux, 394-402. — Résumé des corrections proposées
au pape, 402-412. — Critique de ces propositions,
412-418. — Benoît XIV meurt sans avoir décidé, 418-
424. — Les derniers projets de correction, de Be-
noît XIV à Léon XIII, 424-426.
Conclusion 427-431
Index des noms propres 433
Index des fêtes 442
HISTOIRE DU BRÉVIAIRE ROMAIN. 29
Nihil obstat.
H. Lesêtre.
Imprimatur, Parisiis, die 2'> dec. i9i0.
P. Pages.
TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET C'". — PARIS.
TEXTES ET DOCUMENTS
POUR
L'ÉTUDE HISTORIQUE
DU CHRISTIAISISME
Publiés sous la direction de HIPPOLYTE HEMMER
et PAUL LEJAY
Le format de la collection est in-l2.
'OUI- chaque auteur on donne le texte, la traduction française en regard,
une introduction et un index.
VIENT DE PARAITRE
13. ÉVANGILES APOCRYPHES. I : Protévangile de Jacques,
Pseudo-Matthieu. Evangile de Thomas, ^av Charles Michel,
correspondant de l'Institut, professeur à l'Université de
Liège. — Histoire de Joseph le Charpentier, par P. Peeters,
Bollandiste. 1 vol. ; {xl-255 p.) 3 fr.
Les Évangiles apocryphes contenus dans ce volume ont trait sur-
tout à l'enfance de Jésus, à sa vie cachée à Nazareth, à la vie de
la Vierge et à celle de saint Joseph. — Ces textes présentent le plus
vif intérêt, car jusqu'au iv» et même vi» siècle, ils eurent la plus
grande vogue et furent lus par les fidèles concurremment avec les
textes canoniques, — Leur faveur continua, du reste, plus tard même
quand on les sépara nettement des Ecrits reconnus par l'Eglise
comme saci-és.Les gracieuses légendes, les anecdotes précises rap-
portées par les Apocryphes, intéressaient le peuple et lui donnaient
les détails qu'il désirait connaître sur le Sauveur, ses parents, son
entourage, et dont étaient plus sobres les Evangiles canoniques.
Aussi les artistes du moyen âge se sont-ils largement inspirés des
apocryphes, trouvant de nombreux motifs dans leurs scènes préci-
ses et pittoresques, familières à la foule pieuse se pressant dans les
cathédrales — et les archéologues sauront gré aux éditeurs de ce
volume de leur permettie d'identifier ainsi plus aisémeut maints
chapiteaux ou maintes sculptures. — Ajoutons que l'Histoire de
Joseph le Charpentier est, pour la première fois, mise à la portée
des lecteurs français. Les auties textes suivront en trois autres
volumes de grosseur diverse.
Volumes parus précédemment :
1. JUSTIN, Apologies, par Louis Pautigny, agrégé de l'Uni-
versité, 1 vol. (xxxvi-200 p.) 2fr. 50
L'auteur, élevé dans le paganisme, formé à l'école des plus
célèbres philosophes de son temps, met au service de sa nou-
velle croyance son talent et le crédit que donnait à ses écrits sa
haute culture intellectuelle. Réfutant les accusations portées contre
les chrétiens, il montre l'illégalité des mesures prises contre eux
et lento le premier essai de eonelliation entre la phllosopiiie et le
christianisme. Au point de vue dogmatique, son œuvre est de haute
valeur, car on y trouve une exposition aussi nette que possible
et systématique de la doctrine enseignée dans l'Eglise aux fidèles.
Au point de vue de son exégétique ce traité n'est pas moins capital,
car les citations de l'Ancien Testament et des Evangiles abondent
sous la plume de Justin et il nous donne donc le degré de respect
et de confiance que l'on avait à ce moment dans les textes sacrés,
les rapports qu'on établissait entre eux, — ceux que l'on révérait
davantage. Enfin, l'historien y trouve également lesplus précieux dé-
tails, surtout au point de vue liturgique, car Justm, voulant mon-
trer l'inanité des accusations calomnieuses lancées contre la vie
des chrétiens, décrit minutieusement leurs assemblées.
2 et 14. EUSÈBE, Histoire ecclésiastique, livres I-VIII, par
Emile Grapin, curé-doyen de Nuits (Gôte-d'Or), 2 vol. 9 fr.
L'importance du texte d'Eusèbe de Césnrée, considéré ajuste
titre comme le Père de l'Histoire ecclésiastique, n'est plus à dé-
montrer.
« S'il n'avait pas, avec une diligence sans égale, fouillé les biblio-
« thèques palestiniennes où le docteur Origèrie et l'évèque Alexan-
« dre avaient recueilli toute la littérature chrétienne des temps
« anciens, nos connaissances sur les trois premiers siècles de
« l'Eglise se réduiraient à bien peu de choses.
« Grâce à lui, nous nous trouvons en mesure, non sans doute de
* ne pas regretter le naufrage de cette littéi ature, mais au moins
« de pouvoir l'apprécier sur de notables débris. » C'est ainsi que
s'exprime Ms"" Duchesne au début de son Histoire ancienne de l'Eglise.
Sans posséder la critique rigoureuse que nous estimons à juste titre
la qualité maîtresse des historiens, Eusèbe, cependant, rejette avec
beaucoup plus de soin qu'on ne le faisait avant lui et qu'on ne le
tit ensuite, les faits douteux et les récits fabuleux. Surtout, il com-
prit l'intérêt capital du grand fait philosophique qu'était le chris-
tianisme et chercha à dégager la philosophie de l'histoire. Il dit
expressément ne pas écrire comme ses devanciers seulement le
récit de batailles ou de conquêtes.
L'introduction et la table paraîtront dans le tome III et dernier
qui contiendra les deux derniers livi-es.
3. TERTULLIEN, de Pœniteniia, de Pudicitia, par Pierre de
Labriolle, professeur à l'Université de Fribourg (Suisse)
(LXvii-237 p.) 3 fr.
Le raprochement des deux traités inclus dans ce volume n'est pas
arbitraire. Dans l'un et l'autre, Tertullien propose sa solution, disons
plutôt ses solutions, à lun des problèmes moraux qui ont le plus
préoccupé les premiers siècles chrétiens, savoir : dans quelle me-
sure convenait-il de faire fléchir au bénéfice du pécheur oublieux
des promesses baptismales, la loi de rigueur qui, aux yeux de
beaucoup, lui interdisait tout espoir de réconciliation avec l'Eglise?
En comparant le de Pudicitia au de Pœnitentia, on peut suivre le
progî'ès de la pensée de Tertullien, et comment, d'un traité à l'autre,
elle s'est enrichie, modifiée, surtout contredite, quitte à plier les
mêmes arguments à des conditions toutes opposées.
Les questions de détails que soulève l'étude de ces opuscules sont
traitées dans V introduction à laquelle les plus récents travaux servent
de substructure. D'abondantes notes critiques et explicatives, un
savant Index où toutes les expressions du latin juridique et du
« latin d'Eglise » sont notées avec renvois aux ouvrages spéciaux,
achèvent de donner à ce volume un intérêt véritablement scienti-
fique. Ajoutons que la traduction elle-même, très littéraire et pour-
tant très dégagée, lutte de façon heureuse avec le style si com-
plexe et si personnel de Tertullien.
4. TERTULLIEN, de Pnesciiptioiie JiœreLicoram, par Pierre de
LabrioUe, prof, à l'Université de Friboiirg (Suisse) (lxviii-
114p.) :.: 2fr.
Pour qui veut connaître la dialectique inexorable et passionnée
du grand champion de l'Eglise, au iii« siècle, c'est le de Prsescrip-
tione qu'il faut lire. Nulle part son ardeur à convaincre, sa haine de
toute pensée hétérodoxe ne s'est manifestée avec plus d'éclat.
Quant à l'idée maîtresse qui constitue le fond du traité, il est certain
qu'elle a exercé la plus grande inlluence sur la polémique à venir.
Comme on l'a dit très justeuient, elle a servi de morale à la pensée
catholique. On trouvera dans V introduction l'histoire de cette in-
fluence avec des indications précises sur les sources du traité, l'ori-
gine juridique et l'argument de prescription et toutes les questions
connexes.
5, 10 et 12. LES PÈRES APOSTOLIQUES. I : Doctrine des
apôtres, épilre de Barnabe, par Hippolyte Hemmer, Gabriel
Ogeret A. Laurent (gxvi-122 p.) 2 fr. 50
Il est inutile d'insister sur l'intérêt de ces textes les plus véné-
rables parmi le.s témoins de la tradition catholique. Le princi-
pal intérêt de la Didaché réside dans le tableau qu'elle nous trace
des institutions chrétiennes. Elle nous apporte des renseignements
souvent uniques sur la pratique des premières communautés, sur
le baptême, les jeûnes, les temps de la prière, l'eucharistie, le mi-
nistère de la parole, la hiérarchie, la pénitence. L'Epitre de Bar-
nabe est destinée à conjurer le danger qui menaçait la foi d'une
communauté chrétienne; elle se divise en deux parties — la pre-
mière est un traité d'apologétique contre les Juifs — la seconde une
exhortation morale — où sont développés les principaux points de
la doctrine chrétienne : amour du Créateur et Rédempteur, humilité
et douceur de cœur, pureté, etc. Les deux textes sont édités avec
le plus grand soin et la longue introduction qui les précède donne
tous les renseignements utiles sur les problèmes qu'ils soulèvent.
II : Clément de Rome : Épître aux Corinthiens, homélie du
ii« siècle, par Hippolyte Hemmer. 1 vol. (Lxxiv-20i)... 3 fr.
La longue et substantielle introduction de l'éditeur donne tous les
renseignements utiles sur ce texte si important et sur lequel on a
tant écrit. L'auteur y traite les sujets suivants : I. Histoire de
Clément; IL Analyse de l'Epître; III. Authenticité de l'Epître ;
IV. Date de la composition; V. Occasion, but et caractère de la
lettre; VI. Institutions, doctrines et histoire (l'Ecriture Sainte dans
l'Epître de Clément, l'organisation de la Communauté chrétienne,
la prééminence de l'Eglise romaine, la persécution de Néron, Doc-
trines sur Dieu, le Christ, la Trinité); VIL La Grande Prière;
VIII. Histoire du Texte. Pour V Homélie du w siècle, l'auteur ex-
pbque pourquoi ce texte ne peut être de Clément, ce qu'il est en
réalité, l'analyse en détermine l'origine et en résume le contenu
doctrinal.
III. Ignace d'Antiociie, Polycarpe de Smyrne : Epitres.
Martyre de Polycarpe, texte, traduction, introduction et in-
dex par Auguste Lelong, agrégé de l'Université. 1 vol. in-12
(LXXX-187-p.) 3 fr.
Dans ce petit volume, se trouvent rassemblés trois documents de
la plus haute importance pour l'histoire du Christianisme au
II'' siècle : Les sept Épitres authentiques de saint Ignace (vers l'an
110), l'Epître de saint Polycarpe (même époque) et le Mar'tyre de saint
J'olycarpe (en 156). Les Èpîtres de saint Ignace, chaleureux plaidoyer
en faveur de la hiérarchie ecclésiastique, sont le plus ancien docu-
meut lelatif ù l'i^piscupat unituii'e et iiionai'cliique, tel que nous li
voyons fonctionner aujourd'liui dans l'Eglise; elles sont donc I
ijase de toute élude sur l'origine de l'épiscopat, de là, la violencr
particulière des polémiques dont elles ont été l'objet. Elles con-
tiennent aussi de curieux rensignements sur le Docétisme et le
Judéo-christianisme. Au point de vue littéraire, remarquer l'admi-
rable Epîtce aux Romains, « l'un des jovaux de la littérature chré-
tienne primitive » (Renan). L'Epître de saint Polycarpc a pour inté-
rêt spécial d'être le principal garant de l'authenticité des Epîtres
de saint Ignace. Le récit du martyre de saint Polycarpe, déjà très
intéressant par lui-même, l'est encore davantage"^ par ce fait qu'il
est le plus ancien exemple connu des Actes de martyre et le mofiè'.e
qu'on imita dans la suite pour ces sortes de compositions. Dans
l'Introduction, l'éditeur s'est attaché surtout à deux points : 1" bien
établir l'authenticité de ces trois ouvrages : 2° en dégager nette-
ment le contenu doctrinal. La traduction particulièrement difticile
en ce qui concerne le texte souvent obscur et toujours mouve-
menté de saint Ignace, n'a pas seulement le mérite d'une scrupuleuse
exactitude, mais encore celui d'une parfaite clarté.
6. GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Discours funèbres en l'honneur
de son frère Césaire et de Basile de Césorée, par Fernand
Boulanger, maître de conférences à la Faculté libre des
lettres de Lille (cxv-252 p.) 3 fr.
La réputation de Grégoire de Nazianze n'eut peut-être pas
d'égale dans toute l'histoire de l'Eglise grecque. Les rhéteurs de
Byzance le citent comme un modèle désormais classique, ils ne le
mettent guère au-dessous de Démosthène, ils le placent parfois au-
dessus. — Bien que nous soyons plus sensibles qu'eux aux défauts
réels du grand orateur, les deux discours que renferme ce volume
n'ent ont pas moins un très grand intérêt littéraire et historique. On
y trouve de nombreux renseignements sur une époque importante
de l'histoire de l'Eglise et sous la plume d'un témoin particu-
lièrement bien informé, notamment sur la cour de Byzance, sur
la vie et les mœurs des étudiants à Athènes, sur l'élection desévê-
ques et les compétitions auxquelles elle donnait lieu, sur la lutte
entreprise par les Cappadociens conire l'arianisme pour l'ortho-
doxie, bref sur l'influence considérable exercée dans le domaine
religieux, politique et social par les grands évêques de cette époque .
7. GRÉGOIRE DE NYSSE, Discours catéchétique, par Louis
Méridier, docteur es lettres. 1 vol. in-12, br. (lxxxv-211 p.).
3 fr.
Dans l'œuvre considérable de Grégoire de Nysse, le Discours caté-
chétique Weni une place très importante. L'auteur l'a composé au mo-
ment où déjà par l'éclat de ses discours, la profondeur de ses écrits,
il occupait le premier rang de l'épiscopat d'Orient, et était tenu
pour un des représentants le plus autorisés de la doctrine ortho-
doxe. Les circonstances politiques (mort de Valens, concile do
Constantinople) se prêtaient particulièrement à un exposé d'en-
semble de la foi : il était opportun de lixer la place et la portée d^s
dogmes définis récemment.
Le Discours catéchétique s'adresse aux Catéchistes et se présente
comme un manuel destiné à fournir une réponse à des objections
courantes. Or, les objections prévues portant sur tous les pomts
essentiels de la foi, Gré^oii-e de Nysse en y répondant est amené
à esquisser dans ses grandes lignes, et i)ar endroits dans ses ùl
tails, le svstème tliéologique auquel il s'attache. En outre, les sujei.
traités sont rangés d'après leur ordre logique ou historique, de
telle sorte que l'ouvrage se présente comme une histoire suivie de
l'homme depuis sa création jusqu'aux effets de la rédemption.— II
est inutile d'insister sur l'intérêt d'un pareil texte.
8 cL il. JUSTIN, Dialogue avec Tvypiioii, puiGeoij^u» Archam-
bault, directeur à l'École Fénelori. 2 vol. in-12 (c-362 p.-
396) 7 fr.
Le Dialogue avec Tryphon de JusTiN, moins connu généralement
que les Apologies, ne précise pas seulement nombre de conceptions
tlîéologiques déjà exposées dans celles-ci, mais constitue un docu-
ment très important, unique presque, sur l'attitude que les chrétiens
avaient prise vers le milieu du second siècle vis-à-vis du Judaïsme
et de l'Ancien Testament. Ce n'est pas encore l'allégorisme aigu
d'Origène, mais les méthodes philoniennes d'interprétation s'y font
déjà très nettement sentir; et comme elles ne furent pas sans in-
fluence sur la formation de la théologie chrétienne il importe à qui-
conque s'occupe de théologie et d'histoire de l'Eglise de pouvoir
étudier commodément cet ouvrage.
La présente édition a pour but de faciliter cette tâche. Elle est
basée sur une revision entière du texte d'après le ms. de la Bi-
bliothèque Nationale, le seul qui doive compter d'après les conclu-
sions développées par l'auteur. Cette édition est précédée d'une intro-
duction de cent pages, où sont traités les principaux problèmes
d'ordre littéraire. La traduction française mise en regard du texte
a été rendue aussi claire et exacte que possible, et est accom-
pagnée de notes abondantes où on a voulu signaler^au fur et à
mesure les différentes questions posées par les ouvrages de Justin.
Le lecteur y trouvera les résultats des plus récentes recherches
faites à ce sujet. L'index qui termine le tome II donne les prin-
cipaux mots grecs employés par Justin dans le Dialogue et en faci-
lite singulièrement l'usage.
9. FHILON, Commentaire allégorique des saintes Lois. Traités
I à III, par M. Emile Bréhier, maître de conférences à l'Uni-
versité de Rennes. 1 vol. in-12 (xxxviii-330 p.).... 3 fr. 50
Les trois traités du Commentaire allégorique des saintes Lois for-
ment le début du vaste Commentaire allégorique de la Genèse,
c'est-à-dire de l'ensemble d'écrits qui nous fait le mieux pénétrer
dans la pensée et la méthode de Philon. L'exégèse allégorique
tient ici toute la place et, avec rexplication littérale, disparaissent
aussi les préoccupations d'ordre pratique : apologétique et propa-
gande. Ces trois traités peuvent d'ailleurs d'autant mieux donner
une idée complète de la méthode de Philon, que notre auteur se
répète souvent, et qu'il n'est guère un des points importants de sa
doctrine (en morale, en métaphysique et en psychologie) qui n'y
soit tout au moins indiqué. L'on a pu profiter, pour le texte grec,
des volumes parus de la grande édition Cohn et Wendland.
BIBLIOTHÈQUE D'HISTOIBE RELIGIEUSE
Cette collection a pour but de satisfaire la curiosité sans
cesse croissante du public éclairé et instruit sur les questions
touchant de près ou de loin à l'histoire des religions. C'est
dire l'extrême variété des volumes qui la composeront et qui
pourront traiter aussi bien des premières manifestations des
cultes primitifs que des événements presque contemporains.
Les volumes de la collection sont de format in-12.
Volumes parus :
1,2 et 4. L'ÉGLISE DE PARIS ET LA RÉVOLUTION, par P.
PiSANi, chanoine de Noire-Dame de Paris, docteur es lettres,
professeur à l'Institut Catholique de Paris. — 1.(1789-1792).
—IL (1792-1796).— III (1796-17y9). - Chaque volume. 3 fr. tO
M. Pisani s'est proposé, dans cette série de volumes, de présenter
au public riiistoire impartiale et appuyée sur les documents au-
thentiques des rapports du nouveau gouvernement de la Errance
avec l'église, dans la capitale même du pays. L'importance des évé-
nements de Paris pendant toute la Révolution donne un intérêt de
premier ordre à cet épisode de l'histoire religieuse de la France, et
les travaux et articles précédemment publiés sur ces sujets par
l'auteur, ont permis d'apprécier sa méthode précise, son élégante
exposition, et la loyale franchise de ses jugements.
I. Le diocèse de Paris en 1180. — 11. Les élections du clergé de Paris en
1189. — III. Antoi'ne-Eléonore de Juigné, archevêque de Paris. —
IV. Législation religieuse de la Constituante. — La religion d'État. — Les
biens du clergé. — La confiscation. — V. Législation religieuse de la
Constituante. — VI. Législation religieuse de la Constituante. — La cons-
titution civile du clergé. — VII. L'Eglise constitutionnelle à Paris. — Son
organisation. — Ses premières difficultés. — VIII. L'Eglise insermentée
à Paris. - Entraves à la libertée garantie pur la loi. — La déportation
des insermentés. — IX. La journée du 10 Août, — Le serment de liberté-
égalité, — X. La loi de déportation
TABLE DES MATIÈRES DU TOME DEUXIÈME :
I. Le clergé de Paris en 1193. — Le clergé insermenté. — II. Le clergé
de Paris en 1193. — Les assermentés. — III. La Terreur. — IV. La
Terreur (suite). — V. Le 9 thermidor. — "VI. La réouverture des églises. —
VII. Politique religieuse de la Convention en 1195. — VIII. Le directoire,
et l'église de' Paris en 1195. — IX. Le culte à Paris au commencement de
l'année 1196. — Table des noms de personnes.
I. Le Directoire et le clergé assermenté en 1795. — II. Les Constitu-
tionnels en 1795. — III. Le Directoire et le Pape (1796 1797). — IV.
Les polémiques de l'abbé de Boulogne. — V. Le Concile national
(Je 1797. — VI. Les Théophilantbropes. — VII. Royer, évêque de
Paris. — VIII. La persécution fructidorienne. — IX. Le culte déca-
daire. — X. La cathédrale et les églises de Paris sous le Directoire.
3. ÉTUDES SUR LA RÉFORME FRANÇAISE, par Henri Hau-
SER, professeur à l'Université de Dijon. 1 vol. in-12, 3 fr. 50
De l'humanisme et de la Réforme (1512-1552). —Un nouveau texte
sur Aimé Maigret. — La Réforme et les clas ses populaires en
France au xvi" siècle. — Étude critique sur la « Rebeine » de
Lyon (1529). — Les Consulats et la Réforme (1532-1537). — Notes
et* documents sur la Réforme en Auvergne. — Petits livres du
xvi« siècle. — Une source importante en martyrologe de Crespin :
. l'histoire des persécutions de l'église de Paris », d'Antoine
de Chaudieu.
Luther et le Luthéranisme. Étude faite d'après les sources,
par Henri Denifle, de l'ordre des Frères Prêcheurs. Tra-
duit de l'allemand avec une préface et des notes, par J. Pa-
ouiER, docteur es lettres, ancien administrateur de l'Église
de la Sorbonne.— T. 1., 1 vol. in-12 (lxxii-392 p.). 3 fr. 50
« L'ouvrage du P. Déni lie a produit en Allemagne une grande
émotion. Les polémiques qu'il a suscitées et qu'il continue d'ali-
menter rappellent celles qui avaient eu lieu autour des œuvres
similaii-es de Doellinger et de Janssen. Cet ouvrage est loin d'être
une simple contribution, à l'iiistoire du protestantisme, il touche
iiuiài bien ù riiisluire générale, à la tliéologlo scolastique, mystique
ou patristique, à l'exégèse; on y trouve une étude profonde de
psychologie, et de controverse dogmatique. C'est une véritable
encvclopédie, le dernier effort d'un puissant esprit qui, pendant de
longues années, avait promené son activité intellectuelle de l'étude
de la philosophie et de la théologie scolastiques à celles des mystiques
allemands du xiv« siècle, et qui, à des travaux sur la paléographie
et la diplomatique avait ajouté des études magistrales sur les uni-
versités au moyen âge et sur la désolation des églises de France
pendant la guerre de Cent Ans.
« Bien n'a été épargné pour que cette traduction fût d'une lec-
ture utile et agréable. Tous les passages de textes latins et autres
langues étrangères cités par Denifle ont été traduits sur les origi-
naux et des inadvertances ont été ainsi rectifiées. On a rejeté en
note tout ce qui était de nature à déparer un texte fi-ançais. Des
notes ont été ajoutées pour rendre les renseignements donnés par
Denifle plus clairs et plus utiles, et pour mettre le lecteur au cou-
rant des travaux les plus récents. »
Préface du traducteur. — Préface de la seconde édition. — Intro-
duction.
Livre premier. — Examen Critique des historiens protestants de
Luther et des théologiens protestants.
Première partie : De l'ouvrage et de l'enseignement de Luther
sur les vœux monastisques. I : Aperçu des idées de Luther sur
l'état religieux pendant sa vie monastique. II: Saint Bernard a-t-il
réprouvé les vœux et la vie monastiques? III : Le supérieur peut-il
accorder une dispense générale ? Luther avait-il fait vœu d'observer
toute la règle ? IV : But de l'année de probation d'après Luther. V :
Les vœux nous détachent-ils du Christ? En entrant dans un ordre
prend-on un autre guide que le Christ? VI : Sophismes et énor-
mités de Luther sur les vœux monastiques et particulièrement
sur le vœu de chasteté. Astuce de Luther, ses excitations au men-
songe. VII : Principes fondamentaux de la doctrine catholique
sur la préfection chrétienne et l'idéal de la vie. VIII : Doctrine de
saint Thomas d'Aquin et des autres docteurs jusqu'à Luther sur
l'idéal de la vie et sur les conseils évangéliques. IX : Sophismes
et falsifications de Luther au sujet de la perfection chrétienne. X :
Les déclarations de Mélanchton et de la confession d'Augsbourg
sur l'état religieux. Les théologiens protestants modernes.
En préparation : tome II et suivants.
En préparation :
FouGART (Georges), professeur-adjoint à la Faculté des lettres
de l'Université d'Aix-Marseille. — LA MÉTHODE COMPA-
RATIVE DANS L'HISTOIRE DES RELIGIONS. — 2« édition
revue et augmentée. — 1 volume.
BATIFFOL (Mgr P.). Histoire du bréviaire romain, troisième
édition entièrement remaniée. 1 vol. in-12 3 fr. 50
Cette édition est pour ainsi dire un livre nouveau. Le titre des
chapitres est demeuré le même, mais les chapitres eux-mêmes ont
été pour ainsi dire récrits, les notes également. Il est inutile de dire
que toute la littérature du sujet depuis la dernière édition a été uti-
lisée avec la conscience scientifique qu'apporte l'auteur dans tous
ses écrits.
Histoire de la Compagnie de Jésus en France, des oi'igines
à la suppression [1528-1762). Tome P«-. Les origines et les
premières luttes (1528-1575). par le P. Henri Fouqueray, S. J.
1 vol. in-8 (xxv-673 p.) 10 fr.
Bien qu'on ait beaucoup écriten sens divers sur la Compagnie de
Jésus, elle n'avait pas encore d'histoire digne de ce nom en France.
Et pourtant, dès son apparition, grâce à la valeur de ses chefs, au
recrutement incomparable de ses membres, son rôle religieux est
tel, que l'histoire générale ne peut ignorer l'Ordre dont les maisons
(l'éducation se multiplient, l'Ordre dont les conseils et l'innuenct;
se font sentir auprès des plus puissants soutiens du pouvoir central.
Aujourd'hui, grâce à une intelligente initiative, l'auteur de cette
histoire a pu utiliser tous les documents si instructifs des Archives
de la Compagnie et y ajouter la riche moisson des recherches
collectives menées dans tous les dépôts puhlics. Une hahile mise
en œuvre permet au lecteur de suivre aisément une histoire com-
plexe et abondante en détails ; on en jugera l'intérêt, detoutpremiei-
ordre, par le seul énoncé des chapitres du tome I«'".
Livre premier : Les Origines (1528-1552). Chapitre T. Ignace de
Loyola. Ses études à Paris (1528-1535). II. Les premiers compagnons
d'Ignace et les vœux à Montmartre (1533-1536). III. Fondation et
approbation delà Compagnie de Jésus (15.37-1541). IV. Le livre des
Exercices spirituels (1522-1548). V. Les constitutions (1540-1552).
lA\re âeuxième : L'ctablissemc?ît e7i France (i5^i0-156^j). Chapitre I.
Le collège des Trésoriers et le collège des Lombards (1540-1549).
II. L'Hôtel de Clermont (1550-1554). III. Fondation du collège de
Billom (1553-1560). IV. Lutte pour le droit de naturalisation, jusqu'à
la mort de saint Ignace (1551-1556). V. Élection de Lainez au Géné-
ralat. Suite de la lutte pour le droit de naturalisation (1558-1560).
VI. Assemblées de Poissy. Admission légale de la Compagnie de
Jésus (1560-1563). VIL Essai de fondation d'un collège à Pamiers
(1559-1561). VIII. Etablissement des Jésuites au collège de Tournon
(1.560-1562). IX. Visite du P. Nadal, Commissaire général de la
Compagnie de Jésus. Fondation du collège de Rodez (1.561-1502).
X. Visites du P. Olivier Manare. Fondation des collèges de Mauriac
et de Toulouse (1563-1564). XL Travaux apostoliques des PP. Louis
Coudret, Antoine Possevin et Emond Auger (1558-1564).
Livre troisième : Premiers déi>elappements (156^1-1575). Chapitre I.
L'ouverture du collège de Clermont à Paris et le droit de scolarité
(1504-1565). II. Premier procès avec l'Université (1565). III. L'ensei-
gnement supérieur au collège de Clermont 1565-1572). IV. Fondation
du collège d'Avignon (1.56,5-1570). V. Fondation des collèges de
Chambéry et de Lyon (1565-1576). VI. Affaires intérieures de la
Compagnie (1565-1573). VIL Anciens et nouveaux collèges : Toulouse,
Rodez, Verdun, Nevers (1566-1572). VIII. Fondation du collège de
Bordeaux (1,572). IX. Travaux apostoliques des PP. Auger, Possevin
et Manare (1565-1575). X. Travaux apostoliques et gouvernement du
P.Maldonat (1567-1.573) XL Maldonat et l'Université de Paris( 1573-1576).
XII. Fondation du collège de Bourges et de l'Université de Pont-à
Mousson (1575). XIII. La Compagnie pendant les troubles civils
(1567-1576). Appendices. Index alphabétique des noms de personnes.
En préparation, tome II : La Ligue et Henri IV.
VALOIS (Noël), membre de l'Institut. La crise religieuse du
xv° siècle. Le Pape et le Concile (1418-1450), 2 vol. gr. in-8
xxxviii-408, 426 p.), portr. et pi 20 fr.
Du MÊME AUTEUR :
La France et le grand schisme d'Occident, 4 vol. in-8. 40 fr.
TABLE DES QUATRE VOLUMES
Préface. — Livre I -.Le schisme sous Charles V (1378-1380). Chap.
I : L'origine du schisme. Chap. II. Le schisme en France. Chap. III :
Le schisme en Italie : intervention du duc d'Anjou, etc. — Livre II :
Le schisme sens Charles VI jusqu'à la mort de Clément Vil ( 1380-139U).
Chap. I. Politique religieuse du nouveau gouvernement. Chap. II :
Expédition de Louis I" d'Anjou en Italie. Chap. III : Suite de l'in-
tervention française en Italie, etc.
Préface. — Livre III : Effort de la France pour obtenir l'abdication
des deux pontifes rii>aux. Chap. I : Premières négociations avec
Benoit XIII (1394-1395). Chap. II : Echec des négociations. Sous-
traction d'obédience (1395-1398). Chap. III : Benoit XIII assiégé,
ensuite gardé à vue dans le palais d'Avignon (1398-1404). Chap. IV :
Restitution d'obédience, etc. Conclusion. Les responsabilités. Les
conséquences. Table alphabétique des noms contenus dans les
tomes III et IV.
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