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Full text of "Histoire du Bréviaire romain"

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HISTOIRE  DU  BRÉVIAIRE  ROMAIN 


BIBLIOTHEQUE  D'HISTOIRE  RELIGIEUSE 


HISTOIRE 


DU 


BRÉVIAIRE   ROMAIN 


PIERRE  BATIFFOL 


TROISIÈME    ÉDITION     REFONDUE 


PARIS 


Librairie  Alpb.  PICARD  &  Fils, 
Auguste   PICARD,    successeur 

82,  RUE  BONAPARTE 


Librairie  VICTOR  LECOFFRE 
J.    GABALDA    &    G' 

90,    RUE    BONAPARTE 


6 


1911 


OANNI    BAPTISTAE    DE    ROSSI 
ROMANO 


ÀVANÏ-PROPOS 

DE  LA  TROISIÈME  ÉDITION  (1911) 


Pour  nombreux  que  soient  les  auteurs  qui,  au 
xvi"  siècle  et  dans  la  première  moitié  du  XYii*, 
ont  écrit  sur  la  liturgie,  et,  à  ce  propos,  sur  l'of- 
fice divin,  il  sera  permis  de  dire  que  le  premier  de 
ceux  qui  ont  porté  dans  cette  étude  les  préoccu- 
pations qui  sont  les  nôtres,  est  le  vénérable  et 
aimable  cardinal  Bona.  Il  n'était  que  général  des 
Cisterciens  quand  il  publia  le  livre,  longtemps 
classique,  qui  s'intitule  le  plus  souvent  De  diviria 
psalmodia  (Rome  1653).  L'auteur  fut  fait  cardinal 
en  1669  et  mourut  en  1674.  Il  avait  beaucoup  lu, 
il  rapportait  ce  qu'il  avait  lu  avec  candeur  et 
onction.  Le  point  de  vue  où  il  se  place  est  celui 
de  l'édification  et  son  érudition  est  une  industrie 
de  son  zèle,  mais  cette  érudition  est  riche  et  de 
bon  aloi. 

Dom  Mabillon  est  le  maître  véritable  de  nos 
études.  Il  faut  regretter  qu'il  n'ait  pas  pu  se  con- 

HISTOIRE    DU  I5BÉVIAIRE    EOMAIN.  « 


II  AVAXT-PHOPOS  j 

sacrer  davantage  à  la  liturgie  romaine.  Du  moins  ; 
lui  doit-on  la  publication  des  principaux  Ordi^  \ 
nés  romani  dans  son  Musaemn  italiciun  (Paris  ] 
1687).  Son  traité  De  liturgia  gallicana  (Paris  \ 
1685),  qui  n'est  qu'un  appendice  à  son  édition  des  j 
œuvres  de  saint  Germain,  est  une  œuvre  magis- 
trale. Il  y  expose  tout  ce  que  les  textes  appren-  ; 
nent  de  Fancienne  liturgie  gallicane;  il  y  édite  le  : 
texte  des  sacramentaires  existants;  enfin,  il  fait  ■ 
pour  l'office  gallican  ce  qu'il  a  fait  pour  la  messe,  et  ^ 
cela  nous  vaut  une  dissertation  intitulée  De  cursu  '\ 
gallicano,  qui,  dans  sa  brièveté,  est  un  modèle,  j 
Ce  que  notre  Mabillon  n'a  pas  fait  pour  la  li-  ^ 
turgie  romaine,  le  théatin  Tomasi  l'entreprit  à; 
Rome.  Pour  ne  rien  dire  de  ses  publications  con-^ 
cernant  la  messe,  c'est  lui  qui  imprima  les  textes  < 
qu'il  estimait  représenter  au  mieux  l'ancien  office  l 
romain,  et  parmi  ces  textes  en  premier  lieu  l'an-  | 
tiphonaire  de  la  basilique  de  Saint-Pierre,  dontj 
nous  aurons  souvent  l'occasion  de  parler,  Re-\ 
sponsoralia  et  Antiphonaria  Romanae  Ecclesiae] 
a  sancto  Gregorio  magno  disposita,  cum  appen-\ 
dice  monumentorum  veteriun  et  scholiis  (Rome? 
1686).  Cette  publication,  comme  toutes  les  autresl 
de  Tomasi,  a  pris  place  dans  l'édition  de  sesj 
œuvres  complètes  donnée  par  Yezzosi  (Rome  1747-'^ 


DE    LA    TROISIÈME    ÉDITION    (1911).  III 

1754).  Tomasi,  fait  cardinal  en  1712,  mourut  en 
1713  :  il  avait,  par  ses  publications  documentaires, 
choisies  et  fidèles,  amassé  des  matériaux  dont 
nous  usons  encore;  lui-même  s'était  borné  à  les 
annoter  sobrement  et  sûrement. 

A  la  même  Jignée  appartient  le  bénédictin  alle- 
mand Dom  Gerbert,  dont  nous  citerons  les  Mo- 
numenta  veteris  liturgiae  alemannicae  (Sant- 
Blasien  1779). 

En  France,  l'érudition,  au  début  du  xviii®  siècle, 
produisit  deux  livres  d'une  valeur  durable.  En 
première  ligne,  le  Tractatus  de  antiqua  Ecclesiae 
disciplina  in  divinis  celebrandis  officiis  (Lyon 
1706)  de  Dom  Martene.  L'auteur  est  souvent 
comme  écrasé  par  l'abondance  des  textes;  toute- 
fois ce  regret  ne  porte  que  sur  le  dossier  des 
pièces  justificatives,  car  l'exposition  est,  en  même 

Kemps  que  d'une  admirable  richesse  d'informa- 
ion,  d'une  ordonnance  et  d'une  clairvoyance  qui 
ont  du  livre  de  Dom  Martene  un  livre  avec  lequel 
m  doit  compter  constamment  aujourd'hui  encore. 
En  seconde  ligne,  je  voudrais  qu'on  range  le 
Commentaire  historique  sur  le  Bréviaire  (Paris 
1727),  traduit  en  latin  peu  après  (Venise  1734), 
du  sorbonniste  Grancolas.  Il  doit  beaucoup  à  Dom 
Martene;  tout  de  même,  il  a  son  érudition  propre. 


k 


IV  AVANT-PROPOS 

et  sa  finesse.  Il  est  instructif,  même  après  Dom 
Martene. 

Au  xix^  siècle,  la  France,  si  je  ne  m^abuse,  a 
donné  l'éveil  au  renouveau  des  études  liturgiques, 
comme  à  plusieurs  autres  renouveaux.  Les  Institu- 
tions liturgiques  (Paris  1840)  de  D^m  Guéranger 
ont  en  cela  fait  époque.  L'histoire  de  la  liturgie  au 
xvii^  et  au  xviii^  siècle  y  est  traitée  avec  force  et 
avec  savoir  :  cette  partie,  qui  a  beaucoup  fait  pour 
l'extermination  des  Bréviaires  gallicans  de  l'an- 
cien régime,  est  la  meilleure  des  Institutions.  On 
peut  dire  aussi  sans  paradoxe  que  la  Paléogra- 
phie musicale  de  Solesmes  et  les  Mélodies  gré- 
goriennes de  Dom  Pothier  sont  la  suite  des  In- 
stitutions liturgiques  de  Guéranger. 

D'autre  part,  et,  en  quelque  sorte,  dans  la  ligne 
directe  de  Mabillon  et  de  Martene,  nous  avons  eu 
Les  origines  du  culte  (Paris  1889)  de  M^""  Du- 
chesne.  Ce  livre  offre  pour  l'histoire  de  la  liturgie 
latine  avant  Charlemagne  une  classification  cri- 
tique des  sources  et  des  rites  d'une  sûreté  ad- 
mirable. Ce  qui  a  trait  à  l'office  divin  y  est  cepen- 
dant sacrifié;  je  n'ose  m'en  plaindre,  car,  sans 
cette  lacune,  mon  Histoire  du  Bréviaire  romain 
n'aurait  plus  été  à  faire.  On  verra  de  reste,  en  la 
lisant,  tout  ce  que  je  dois  aux  Origines  du  culte 


DE    LA    TROISIEME    EDITION 


et  au  Liber  pontiflcalis,  et  la  dépendance  de  ma 
méthode  envers  Al^""  Ducheshe. 

Quelques  travaux  allemands  ne  sont  pas  négli- 
geables. On  ose  à  peine  mentionner  Roskovâny, 
auteur  d'une  compilation  intitulée  De  coelibatu 
et  hreviario  en  treize  volumes,  parus  à  Pesth 
entre  1861  et  1888,  et  dans  lesquels  ce  bon  évêque 
a  jeté  pêle-mêle  comme  dans  des  tiroirs  tous  les 
documents  qu'il  rencontrait  se  rapportant  à  l'his- 
toire du  Bréviaire  et  du  célibat.  On  y  peut  pui- 
ser, à  condition  de  ne  pas  se  fier  à  l'exactitude 
du  compilateur.  Nous  devons  à  un  rédemptoriste, 
le  P.  G.  Schober,  un  travail,  d'humble  apparence, 
mais  excellent,  intitulé  :  Explanatio  critica 
editionis  Breviarii  romani  quae  a  S.  R.  C.  uti 
typica  declarata  est  (Ratisbonne  1891)  :  l'auteur, 
dans  son  introduction,  esquisse  un  abrégé  de 
l'histoire  du  Bréviaire,  où  pour  la  première  fois 
sont  mis  en  lumière  les  projets  de  Benoît  XIV, 
que  Guéranger  avait  ignorés  ou  laissés  dans  l'om- 
bre. Deux  ans  après  la  publication  de  mon  His- 
toire du  Bréviaire  romain  (Paris  1893),  un  béné- 
dictin de  Beuron,  Dom  Baeumer,  a  publié  une 
Geschichte  des  Rr  évier  s  (Fribourg  1895),  qui, 
depuis,  a  été  traduite  en  français  par  un  béné- 
dictin de  Farnborough,  Dom  Biron  (Paris  1905). 


VI  AVANT-PROPOS 


C'est  là  encore  une  compilation  sur  le  Bréviaire 
romain  et  autour  du  Bréviaire  romain.  Je  l'ai  lue 
attentivement,  ai-je  besoin  de  le  dire?  J'y  ai  trouvé 
mainte  indication  instructive,  j'y  ai  trouvé  des 
parti  pris,  j'y  ai  trouvé  à  mon  adresse  personnelle 
des  critiques  parfois  de  mauvaise  humeur,  j'ai 
tâché  de  profiter  de  tout,  et  je  ne  veux  avoir  que 
de  la  gratitude  à  cet  homme  excellent,  puisque  je 
lui  survis. 

Mon  Micro logus,  je  veux  dire  mon  Histoire 
du  Bréviaire  romain,  dont  la  première  édition 
française  avait  paru  en  1893,  la  seconde  en 
1895,  et  dont  une  édition  anglaise  avait  été  pu- 
bliée en  1898,  à  Londres  chez  Longmans,  par  les 
soins  de  M.  Baylay,  était  épuisé  en  français  de- 
puis quelques  années  :  on  me  pressait  de  divers 
côtés  de  le  réimprimer,  mais  il  me  fallait  pour 
cela  copier  à  Rome  quelques  documents  d'archi- 
ves, pousser  l'étude  des  Bréviaires  manuscrits, 
reviser  avec  un  soin  extrême  la  documentation  de 
mon  livre.  Je  me  mis  au  travail  en  1904,  puis 
d'autres  tâches  vinrent  à  la  traverse,  et  des  sou- 
cis plus  pressants.  Cette  nouvelle  édition  parait 
donc  après  sept  années  de  métier. 

La  bienveillance  avec  laquelle,  voici  tantôt 
vingt  ans,  on  avait  accueilli  cette  Histoire,  tenait 


DE    LA    TROISIÈME    EDITION    (1911).  VII 

à  l'intérêt  que  nos  lecteurs  attachaient  au  Bré- 
viaire lui-même,  et  au  sentiment  aussi  que  nous 
avions  en  commun  avec  eux,  envers  ce  vieux  livre 
de  la  piété  romaine.  Newman  anglican  avait  pu 
dire  :  «  Il  y  a  tant  d'excellence  et  de  beauté  dans 
les  offices  du  Bréviaire,  que,  si  des  controversis- 
tes  romains  le  présentaient  à  un  protestant  comme 
le  livre  des  dévotions  romaines,  ce  serait  créer 
indubitablement  un  préjugé  en  faveur  de  Rome.  » 
La  restauration,  dans  leur  beauté  primitive,  des 
mélodies  grégoriennes,  nous  a  fait  goûter  davan- 
tage la  vérité  de  ce  sentiment  :  mais,  au  delà 
de  la  «  cantilène  romaine  »,  il  y  a  l'inspiration  de 
la  lettre  des  répons  et  des  antiennes,  il  y  a  l'orga- 
nisation delà  psalmodie,  il  y  a  la  pédagogie  des 
leçons,  il  y  a  plus  au  fond  une  conception  tradi- 
tionnelle de  la  prière  publique  et  de  son  objet  et 
de  ses  sources,  il  y  a  une  âme,  c'est  l'âme  ro- 
maine. A  la  retrouver  et  à  la  comprendre,  nous 
communions  à  une  piété  ancienne  que  nous  devi- 
nions et  que  nous  aimions  d'instinct.  C'est  là  le 
bienfait  de  toute  histoire  de  la  liturgie. 

Mes  lecteurs  m'ont  su  gré  aussi  d'avoir  tenté 
une  histoire  critique  du  Bréviaire.  Les  travaux 
des  consulteurs  de  Benoît  XIV  me  dispensaient 
d'instituer  une  sorte  de  commentaire  de  crédibilité 


VIII  AVANT-PROPOS 

des  légendes  ou  de  légitimité  de  certaines  fêtes  : 
je  n'avais  qu'à  rapporter  le  sentiment  de  ces 
consulteurs  autorisés  entre  tous.  Par  histoire 
critique  j'entends  la  méthode  qui  consiste,  étant 
donné  une  institution  de  l'Église,  à  rechercher 
quels  en  ont  été  les  états  successifs  depuis  son 
origine  jusqu'à  nos  jours,  à  assigner  à  chaque 
développement  sa  date,  à  décrire  les  péripéties 
par  lesquelles  chaque  développement  se  produit, 
s'impose  ou  s'élimine.  Certains  âges  sont  des 
âges  d'inspiration  créatrice,  d'autres  de  cor- 
rection et  de  systématisation,  d'autres  de  pau- 
vreté, de  décadence,  et  les  âges  où  l'on  restaure 
ne  sont  pas  toujours  les  meilleurs,  quand  ces  res- 
taurations procèdent  du  dédain  ou  de  l'ignorance 
de  la  tradition.  Dans  une  institution  comme  l'of- 
fice divin,  où  la  lex  orandi  dans  ses  éléments 
formels  est  seule  en  jeu,  on  ne  s'attend  pas  à 
ce  que  l'immobilité  soit  la  loi.  On  accepte  donc 
que  l'étude  en  soit  rétrospective,  qu'elle  soit  une 
discipline  franchement  historique,  et  peut-être  en 
ceci  réside  l'intérêt  supérieur  des  études  liturgi- 
ques à  l'heure  actuelle. 

Par  là  apparaîtra,  j'ose  penser,  l'unité  de  mes 
propres  travaux  depuis  vingt  ans,  car  cette  His- 
toire du  Bréviaire  romain  a  été  le  prélude  d'au- 


DE    LA    TROISIÈME    ÉDITION    (1911).  IX 

très  recherches,  où  la  même  méthode  était  appli- 
quée (servatis  sevvandis)  à  l'histoire  d'autres 
institutions  de  l'Église  et  à  la  notion  même  d'E- 
glise et  de  catholicisme.  Un  jour  viendra  où  le 
bénéfice  qu'on  se  félicite  de  trouver  dans  une 
histoire  du  Bréviaire,  on  se  félicitera  de  le  trou- 
ver dans  une  histoire  des  ordinations,  par  exemple, 
ou  dans  une  histoire  des  origines  du  dogme  de  la 
Trinité.  Et  quand  on  sera  unanime  à  penser  de 
la  sorte,  il  y  aura  pour  la  vérité  que  le  catholi- 
cisme possède  par  tradition  héritée  des  premiers 
jours,  une  singulière  plus-value. 

Nous  n'en  sommes  encore,  à  l'heure  présente, 
qu'à  peiner  pour  assurer  ce  progrès  à  venir.  Je 
devais  aux  lecteurs  qui  ont  aimé  cette  Histoire 
du  Bréviaire  romain  et  qui  lui  ont  pardonné  ce 
qu'elle  avait  de  prématuré,  de  la  reviser  avec  un 
soin  extrême.  J'admire,  sans  en  être,  hélas,  les 
gens  qui  n'ont  pas  à  se  corriger,  et  qui  ne  font 
jamais  que  du  définitif.  Pour  nous,  historiens,  si 
la  courbe  des  grandes  lignes  est  aisée  à  tracer, 
les  détails  sont  toujours  à  vérifier,  et  les  détails 
sont  infinis.  Les  grandes  lignes  du  livre  ont  été 
maintenues  ;  les  thèses  fondamentales  fortifiées  ; 
la  justification  documentaire  contrôlée  et  enrichie. 
Sur  plusieurs  points,  on  a  atténué  les  assertions 


X         AVANT-PROPOS    DE    LA    TROISIEME    EDITION    (1911). 

premières,  et  volontiers,  on  mettrait  ces  correc- 
tions-là sous  le  couvert  de  ces  paroles  d'or  de 
Thomassin  :  «  La  plus  part  des  gens  aiment  un 
air  décisif,  qui  donne  des  résolutions  précises  sur 
toutes  les  choses  qu'on  propose,  sans  qu'il  reste 
aucun  doute  dans  l'esprit...  Ce  n'est  pas  pourtant 
la  manière  dont  il  faut  s'y  prendre  pour  pénétrer 
bien  avant  dans  la  connoissance  de  l'ancienne  dis- 
cipline. Comme  c'est  un  païs  éloigné  du  nostre, 
et  assez  remply  de  ténèbres,  il  faut  y  aller  pas  à 
pas  et  avec  beaucoup  de  précaution.  » 

Les  premières  éditons  de  ce  livre  étaient  dédiées 
à  J,  B.  De  Rossi,  auprès  de  qui  j'ai  travaillé  jadis 
de  1887  à  1889,  à  Rome  :  on  ne  sera  pas  surpris 
que  son  nom  se  lise  toujours  en  première  page . 
Ce  livre  juvénile  s'est  fait  dans  l'enchantement  de 
Rome,  la  Rome  de  De  Rossi  et  de  Léon  XIIL  Plus 
tard,  Léon  XIII,  pensant  à  une  correction  nou- 
velle du  Bréviaire,  nomma  une  commission  à  la 
tête  de  laquelle  il  plaça  M*^""  Duchesne,  et,  si  les 
noms  des  consulteurs  ne  furent  pas  publiés,  du 
moins  j'ai  pu  connaître  l'un  de  ces  noms.  De 
Rossi  n'est  plus  là!  Que  du  moins  le  rappel  de 
son  souvenir,  ici,  témoigne  de  mon  inaltérable  fi- 
délité à  l'esprit  qui  était  le  sien. 
Paris,  30  septembre  1910. 


HISTOIRE 


DU 


BRÉVIAIRE   ROMAIN 


CHAPITRE   PREMIER 

LA    GENÈSE    DES    HEURES. 

La  distribution  de  la  prière  chrétienne  entre  les 
différents  temps  de  la  journée  a  donné  naissance  aux 
«  heures  » ,  entre  lesquelles  on  discerne  trois  cycles  : 
r  le  cycle  nocturne  ;  2°  le  cycle  de  tierce,  sexte,  none  ; 
3^  le  cycle  de  prime  et  de  compiles.  Chacun  de  ces 
cycles  a  sa  date  et  son  origine  propres. 


Le  cycle  nocturne  a  pour  élément  premier  la  «  vi- 
gile »,  qui  se  célébrait  primitivement  dans  la  nuit  du 
samedi  au  dimanche ,  étant  bien  entendu  que ,  à  la 
façon  romaine  aussi  bien  que  juive  de  compter,  le 
jour  allait  du  soir  au  soir,  et  que,  par  conséquent,  le 
dimanche  commençait  le  samedi  soir.  D'où  vint  aux 
chrétiens,  dès  le  premier  siècle,  l'inspiration  de  se 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE   ROMAIN.  1 


1  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

réunir  ainsi  la  nuit  pour  veiller  et  prier  ensemble  '  ? 
Les  origines  de  cette  vigile  dominicale  sont  fort 
obscures. 

Les  écrivains  ecclésiastiques  postérieurs  ont  cepen- 
dant cherché  à  expliquer  cette  vigile ,  et  voici  leur 
interprétation.  Le  «  jour  du  Seigneur  »  était  la  com- 
mémoraison  de  la  résurrection  du  Christ  et  comme 
une  pâque  hebdomadaire.  Or  la  fête  chrétienne  de 
Pâques  avait  une  solennelle  vigile  (elle  était  occupée 
par  la  cérémonie  du  baptême  solennel  des  catéchu- 
mènes). On  se  persuada  que,  la  nuit  du  samedi  saint 
au  dimanche  de  Pâques  étant  celle  où  le  Christ 
était  sorti  du  tombeau ,  ce  serait  en  une  pareille  nuit 
qu'il  réapparaîtrait  dans  le  monde,  comme  l'ange 
exterminateur  qui,  jadis,  chez  les  Juifs,  la  nuit  même 
de  la  première  de  toutes  les  Pâques,  avait  frappé  les 
premiers-nés  de  l'Egypte.  Cette  nuit  de  Pâques,  cette 
nuit  dont  le  prophète  (croyait-on)  avait  prédit  qu'elle 
s'illuminerait  comme  le  jour.  Et  nox  sicut  dies  illu- 
minahitur- ^  il  importait  de  ne  point  dormir,  mais 
de  veiller  et  de  prier  jusqu'à  l'aurore,  dans  l'attente 
du  passage  de  Dieu.  Et  de  là  était  venue  l'institution 


1.  M«'-  DucHESNE,  Origines  du  culte-  (Paris  1898),  p.  219, 
l'etrouve  cette  assemblée  de  nuit  déjà  dans  la  lettre  de  Pline 
relative  aux  chrétiens.  Epistul.  X,  96  :  «  ...  Stato  die  anle 
lucein  convenire,  carmenque  Ghristo  quasi  deo  dicere  secum 
invicem  »  etc.  Mais  ce  texte  peut  s'entendre  de  l'initiation 
baptismale.  Il  reste  que  les  chrétiens  auraient  célébré  au 
moins  le  baptême  «  ante  lucem  ».  Quant  à  la  réunion  eucha- 
ristique, son  nom  de  SsTuvov  donne  lieu  de  penser  qu'elle  se 
célébrait  l'après-midi,  passé  trois  heures  (none). 

2.  Ps.  GXXXVIII,  12. 


LA    GENESE    DES    HEURES.  Ô 

de  la  vigile  pascale.  Puis  la  vigile  pascale  avait  en- 
fanté la  vigile  dominicale.  C'est  ainsi  que  saint  Au- 
gustin appelle  la  vigile  pascale  «  la  mère  de  toutes  les 
saintes  vigiles  »,  et  saint  Jérôme,  après  Lactance,  ex- 
plique la  vigile  par  l'attente  du  retour  du  Christ,  en 
donnant  cette  explication  pour  une  tradition  aposto- 
lique ^ . 

1.  Augustin.  Sermo  GGXIX  :  «  B.  Pauius  dicit  :  ïn  mgillis 
saepiiis  [II  Cor.  xi,  27]  :  quanto  ergo  alacrius  in  hac  vigilia 
[paschae]  velut  matre  omnium  sanctarum  vigiliarum  vigilare 
(lebemus,  in  qua  totus  mundus  vigilat?  »  Prisgillian.  Trac- 
tât. 6  (édit.  ScHEPSS,  p.  80)  :  «...  ut  dolegatas  inpascha  Domini- 
uigilias  imitantes  conversantes  in  ignorantiae  noete  peruigile 
tis  ad  Deum...  »  —  Hieronym.  Comment,  in  Mat.  IV,  25  : 
«  Traditio  ludaeorum  est  Ghristum  média  nocte  venturum  in 
similitudinem  aegyptii  temporis,  quando  pascha  celebratum 
est  etexterminator  venit,  etDominus  super  tabernacula  trans- 
iit  et  sanguine  agni  postes  nostrarum  l'rontium  consecrati 
sunt.  Unde  reor  et  traditionem  apostolicam  permansisse  ut 
in  die  vigiliarum  paschae  ante  noctis  dimidium  populos  dimit- 
tere  non  liceat,  exspectantes  adventum  Christi.  Et  postquam 
illud  tempus  transierit  securitate  praesumpta  festum  cuncti 
aguni  diem.  Unde  et  psalmista  dicebat  :  Media  nocte  siirge- 
tiam  ad  confitendum  tibi  super  iudicia  iiistiflcationis  tuae.  » 
Cf.  Lactant.  Divin,  institut.  VII,  19;  Isidor.  Etymolog.  VI, 
17.  —  Trace  de  cette  même  croyance  dans  un  Pontifical  de 
Poitiers,  ms.  conservé  maintenant  par  la  Bibliothèque  de  l'Ar- 
senal, à  Paris,  n"  227,  fol.  178,  ms.  du  x^  siècle  :  «  Omni  sol- 
licitudine  procuretur  ut  gloria  in  excelsis  deo  ea  nocte 
[sancti  sabbati]  ante^  non  incipiatur  quam  stella  appareat  in 
caelum,  ea  sciUcet  ratione  ne  populi  ante  médium  noctis  ab 
ecclesia  dimittantur.  Si  quidem  traditio  apostolica  est  média 
nocte  in  huius  sacratissimae  noctis  vigilia  Dominum  ad  iudi- 
cium  esse  venturum...  Enimvero  sicut  veracium  personarum 
relatione  traditur,  qui  nostro  tempore  de  Hieiusalem  adve- 
nerunt,  hac  auctoritate  et  traditione  fidèles  populi  illic  in- 
structi,  in  sabbato  vigiliarum  paschae  in  ecclesiam  conve- 
nientes  quasi  Dominum  excepturi  ac  velut  ad  eius  iudicium 
properaturi,  omni  devotione  et  sollicitudine  intenti  cum  silen- 


4  HISTOIRE    bÙ    BREVIAIRE    ROMAIN. 

Cette  explication,  pour  autant  qu'elle  dérive  la  vi- 
gile dominicale  de  la  vigile  pascale,  a  pour  elle  les 
analogies  liturgiques.  A  Rome,  écrit  M^""  Duchesne, 
«  l'office  du  samedi  saint  et  de  la  veille  de  la  Pente- 
côte, dans  la  partie  qui  précède  la  bénédiction  des 
fonts  baptismaux,  nous  a  conservé  le  type  des  anti- 
ques vigiles  telles  qu'on  les  célébrait,  tous  les  di- 
manches, aux  premiers  siècles  du  christianisme  »*. 

A  l'imitation  de  la  vigile  pascale,  la  vigile  domini- 
cale aurait  dû  durer  toute  la  nuit  pour  mériter  le 
nom  qu'on  lui  donne  parfois  de  Travvu;)^!?^.  Pratique- 
ment, la  vigile  dominicale  s'ouvrait  au  chant  du  coq. 
Mais  on  consacrait  à  la  prière  le  commencement  de 
la  nuit,  l'heure  où  s'allument  les  premières  lampes  : 
cette  heure  s'appelait  en  grec  Xu/^vixov,  en  latin  lucer- 
nare.  Ce  que  l'on  appellera  du  nom  de  vêpres  est 
l'ouverture  de  la  vigile  nocturne  :  vêpres  appartient  à 
la  nuit.  Saint  Méthodius  (f  311)  compare  la  vie  des 
vierges  à  une  vigile  qui,  comme  toute  vigile,  aurait 
trois  moments,  dont  le  premier  est  la  vigile  du  soir  ^. 
Saint  Ambroise  écrit  :  «  Je  me  pris  à  méditer  le  ver- 
set que  nous  avions  chanté  le  soir  aux  vigiles,  vesperi 
in  ngiliis^  ». 


lio  et  tremore  horam  in  euangelio  designatara  praestolantur. 
Glerus  etiam  ea  nocte  cum  suo  pontifice  in  ecclesia  degens 
predictam  cum  pavore  et  devotione  expectat  horam  :  nec  ante 
ingrediuntur  ad  missas  quam  una  ex  lampadibus  in  sepulchro 
Domini  per  angelicara  illuminetur  administrationem.  » 

1.  Origines,  p.  219. 

2.  Athanas.  ^poif.  ad  Constantium,  25;  Apol.  de  faga^  24. 

3.  Method.  Sympos.  v,  2. 

4.  Amrros.  Epistul.  XX-IX,  1. 


LA    GENESE    DES    HEURES  5 

Le  programme  des  vigiles  comportait  la  lecture 
des  saintes  Écritures  \  puis  des  prières  adressées  à 
Dieu,  des  chants.  La  lecture  des  saintes  Ecritures 
était  un  exercice  pris  aux  synagogues  juives.  Autant 
doit-on  en  dire  des  prières  adressées  à  Dieu,  dont 
les  synagogues  avaient  de  si  beaux  modèles,  par 
exemple  le  Kaddisch,  qui  se  récitait  au  service  du 
matin,  et  qui  remonte  peut-être  au  premier  siècle  : 
le  président  de  l'assemblée  prononce  la  prière  ou  in- 
vocation ou  bénédiction,  et  à  chaque  demande  l'as- 
semblée répond  Amen  ou  une  doxologie^.  La  litanie 
chrétienne  ne  sera  pas  autre  chose. 

Ce  simple  Amen,  primitif  vestige  de  la  liturgie 
chrétienne,  atteste  que  cette  liturgie  est  dialoguée  ;  et 
pareillement  les  acclamations  comme  In  saecula  ^, 

Le   chant  fut  compris   lui  aussi    comme  un  dia- 

1.  Sur  la  lecture  des  saintes  Écritures,  voyez  Euseb.  De 
martyr.  Palaestinae,  13,  8, 

2.  W.  BoussET,  Die  Religion  des  Judentums  (Berlin  1903), 
p.  156.  Le  texte  du  Kaddisch  chez  F.  E.  Warren,  The  li- 
tiirgy  and  ritiial  of  the  antenicene  Church  (London  1897), 
p.  214-215. 

3.  Sur  l'emploi  de  l'acclamation  Amen,  voyez  Dom  Cabrol, 
Dictionnaire  d'archéologie  chrétienne,  art.  «  Amen  ».  —  Une 
autre  acclamation  liturgique  est  l'expression  :  In  saecula  ou 
In  saecula  saeculorum.  Elle  est  fréquente  dans  les  épîtres  du 
N.  T.  et  inséparable  de  Amen.  Gai.  i,  5;  Rom.  xi,  36;  xvi 
27;  Phili.  iv,  20;  Eph.  m,  21;  I  Tim.  i,  17  (cf.  vi,  16) 
II  Tim.  IV,  18;  Ileh.  xiir,  21;  I  Pet.  iv,  11;  v,  11;  Apoc.  i,  6 
v,  13;  VII,  12.  Dans  lud.  25,  on  trouve  la  formule  la  plus  com- 
plète. Tertullien,  De  spectaculis,  25,  nous  apprend  que  l'accla- 
mation eiç  aîûvaç  lu  altôvoiv  était  celle  dont  le  public  usait  dans 
les  spectacles,  par  exemple,  les  combats  de  gladiateurs,  pour 
faire  une  ovation,  et  Tertullien  veut  que  les  chrétiens  réser- 
vent cette  acclamation  au  Christ-Dieu  seul. 


b  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

logue.  Le  nombre  des  gens  qui  savaient  lire  étant 
petit,  les  livres  étant  rares,  le  texte  des  psaumes 
étant  souvent  obscur,  la  psalmodie  n'était  point  exé- 
cutée à  l'unisson,  mais  en  solo,  par  un  clerc.  Il  disait 
le  psaume  sur  une  mélopée  tantôt  simple  comme 
une  déclamation,  et  tantôt  plus  ornée.  L'usage  se 
partagea  entre  ces  deux  genres  d'exécution.  Au 
iv^  siècle,  à  Alexandrie,  saint  Athanase  voulait  que 
le  lecteur  du  psaume  donnât  à  sa  voix  des  flexions  si 
courtes  qu'il  parût  dire  plutôt  que  chanter  :  «  Tarn 
modico  flexu  vocis  faciebat  sonar e  lectorem  psalmi, 
ut pronuncianti  çicinior  esset  quam  canenti  »  \ 

Cependant,  l'assemblée  écoutait  en  silence  le  lec- 
teur du  psaume  dire  ou  chanter  le  psaume.  Mais  le 
psaume  se  terminait  toujours  par  une  sorte  de  refrain 
ou  d'acclamation,  que  l'assemblée  chantait  à  l'unis- 
son, comme  dans  les  litanies.  La  doxologie  Gloria 
Patri  et  Filio  et  Spiritui  sancto  est  une  acclamation 
de  ce  genre. 

Au  cours  du  psaume,  on  prit  l'habitude  d'intercaler 
de  semblables  refrains,  destinés  à  être  repris  à  l'u- 
nisson par  l'assemblée,  après  chaque  verset  ou  cou- 
ple de  versets^.  Ces  refrains  portaient  le  nom  d'^èxpo- 


1.  Augustin.  Confess.  x,  33. 

2.  Voyez  un  exemple  de  cette  psalmodie  dans  le  papyrus 
gnostique  de  Bruce  (Amélineau,  Notice  sur  le  papyrus  gnos- 
ïique  Bruce  [Paris  1891],  p.  160-170)  :  «  Alors  il  commença  de 
chanter  un  hymne  en  rendant  gloire  à  son  Père  :  Je  te  rends 
gloire,  etc.  Alors  il  fit  répondre  par  trois  fois  à  ses  disciples  : 
Amen,  amen,  amen.  Il  dit  de  nouveau  :  Je  te  chanterai  un 
hymne  de  louanges,  ô  Dieu,  mon  père,  car  c'est  toi,  etc.  Alors 
par  trois  fois  ils  dirent  ;  O  Dieu  immuable,  etc.  »  Et  après 


LA    GENESE    DES    HEURES,  7 

axi/ia  ^  «  Je  pris  ma  place  au  trône,  écrit  saint  Atha- 
nase,  et  ordonnai  à  un  diacre  de  dire  un  psaume  et 
à  l'assemblée  de  répondre  :  Quoniam  in  saeculum 
misericordia  eius'^  ».  Et  saint  Augustin  :  «  Evodius 
prit- le  psautier  et  se  mit  à  chanter  un  psaume  auquel 
nous  répondions,  toute  la  famille  ensemble  :  MiserU 
cordiam  et  iudicium  cantabo  tibi,  Domine^  ».  Cette 
manière  de  psalmodier  est  attestée  comme  un  usage 
par  TertuUien,  vers  Fan  200^.  Les  chrétiens  l'avaient 
sans  doute  prise  aux  Juifs  ^. 

chaque  couplet  les  disciples  reprennent  :  «  O  Diou  immuable, 
telle  était  ta  volonté  immuable!  » 

1.  Constitut.  apostol.  II,  57,  6  :  6  Xaô;  xà  àxpocrxîxia  07ro<|iaX- 
)iiw.  Rapprochez  Marc.  Vita  s.  Porphyrii  Gazensis,  11  {Acta 
ss.  februarii,  t.  III,  p,  657), 

2.  Athanas.  Apolog.  de  fiiga,  24.  Athanase  dit  du  diacre  : 
àvaYivcôaxsiv  'i^%\\i.à-^.  Il  dit  du  peuple  :  uTraxoOsiv.  Cf.  Ioan, 
GiiRYsosT.  In  I  Cor.  homil.  xxxvi,  G  :  ô  ^âïXtùy  <|yà>Xsi  {jlovo;, 
xàv  uàvxeç  OTcy)/waiv,  w;  èl  évbç  <rT6(xaTo;  ii  çwvrj  çlpsTat.  Notez 
bien  que  les  femmes  ne  prennent  pas  part  au  chant  à  l'église. 
Didascalia  CCCXVIII  Patnim  (éd.  Batiffol,  1887),  p.  18  : 
ruvat^t  T:aç(xyyy£>leaQoLi  èv  èxxXvidta  \i.r\  XaXstv,  jatîte  ou[jL«|'àXXetv, 
[A^T£  <7uvu7iaxo-j£iv,  Si  ^ii  [xovov  ciyàv. 

3.  Augustin.  Confess.  ix,  12  :  «  Psalterium  arripuit  Evo- 
dius et  cantare  coepit  psalmum.  Gui  respondebamus  omnis 
domus  ».  (Remarquez  que  là  où  Athanase  dit  àvaytvwcrxeiv, 
Augustin  dit  cantare).  Et  encore  Enarrat.  in  psalm.  xlvi,  1  : 

In  hoc  psalmo  quem  cantatum  audivinius,  cui  cantando  re- 
.>pondimus.  »  Enarrat.  in  psalm.  xcix,  1  :  «  Psalmum,  fratres, 
cum  cantaretur  audistis.  » 

4.  Tertull.  De  orat.  27  :  «  Diligentiores  in  orando  subiun- 
gere  in  orationibus  Alléluia  soient,  et  hoc  genus  psalmos  quo- 
rum clausulis  respondeant  qui  simul  sunt  ». 

5.  PiiiLON  cité  par  Euseb.  //.  E.  ii,  17,  22  :  evà;  [xexà 
pu6[j,ou  xo(7(xîu);  è7ri4'âXXovTo;,  ol  Xoiuot  xa6'  yjor-jxiav  àxpoto[xevoi  xôiv 
uptùv  xà  àxpoxsXsTjxia  (juveIyjxoOsiv.  Philon  parle  des  Thérapeu- 
tes. Quoi  qu'il  en  soit,  l'idée  d'intercaler  toute  prière  ou  tout 


8  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

Dans  les  communautés  monastiques  égyptiennes  de 
la  fin  du  iv^  siècle,  au  témoignage  de  Jean  Gassien,  on 
était  resté  fidèle  à  la  plus  sévère,  à  la  plus  ancienne 
forme  de  la  psalmodie.  L'office,  tant  le  vespéral  que 
le  nocturne ,  consistait  à  exécuter  douze  psaumes  ' . 
Et  ce  nombre  douze  paraît  bien  anciennement  fixé, 
puisque  les  Egyptiens  aimaient  à  dire  que  la  fixation 
en  remontait  au  temps  de  saint  Marc,  leur  premier 
évêque,  et  qu'elle  avait  été  révélée  par  un  ange  du 
ciel.  Ces  douze  psaumes  étaient  exécutés  en  solo  par 
un  lecteur,  ou  plutôt  par  quatre  lecteurs  qui  se  re- 
layaient, chacun  d'eux  ne  devant  pas  avoir  plus  de 
trois  psaumes  à  exécuter  à  la  suite  ^.  Quand  le  psaume 
était  long,  chaque  dix  ou  douze  versets  on  faisait  une 
courte  pause,  pour  favoriser  la  méditation  :  «  Non 
eniin  midtitudine  versuum,  sed  mentis  intellegentia 
delectantur.  »  Aucune  doxologie  à  la  fin  du  psaume, 
mais  simplement  une  oraison^.  Puis  on  passait  à  la 


discours  chrétien  de  doxologies,  remonte  à  la  première  heure 
du  christianisme.  Voyez  I  Clem.  xxxviii,  4;  xliii,  6;  l,  7; 
LViii,  2;  LXi,  3;  lxiv. 

1.  Gassian.  Institut,  coenob.  u,  5  :  «  Unus  in  médium  psal- 
mos  Domino  cantaturus  exsurgit.  Gumque  sedentibus  cunctis, 
ut  est  moris  nunc  usque  in  Aegypti  partibus,  et  in  psallentis 
verba  omni  cordis  intentione  defixis,  undecim  psalmos  oratio- 
num  interjectione  distinctos  contiguis  versibus  parili  pronun- 
iiatione  décantasse t,  duodecimum  sub  alleluiae  responsione 
consummans...  caerimoniis  finem  imponit.  » 

2.  In.  11. 

3.  II).  8  :  «  Illud  etiam  quod  in  hac  provincia  (à  Marseille) 
vidimus,  ut  uno  cantante  in  clausula  psalmi  omnes  adstan- 
tes  concluant  cum  clamore  Gloria  Patri  et  Filio  et  Spirifui 
sancto,  nusquam  per  omnem  Orientem  audivimus,  sed  cum 
omnium  silentio  ab  eo    qui  cantat   finito  psalmo  orationem 


LA    GENESE    DES    HEURES.  \3 

lecture  qui  comprenait  deux  leçons,  l'une  de  l'Ancien 
Testament,  l'autre  du  Nouveau,  tous  les  jours,  sauf  le 
samedi  et  le  dimanche  où  elles  étaient  l'une  et  l'autre 
du  Nouveau  Testament  ^  Les  moines  restaient  tout  le 
temps  de  la  psalmodie  et  des  leçons  dans  un  silence 
absolu  :  on  n'entendait  qu'une  voix,  on  eût  pu  croire 
qu'il  n'y  avait  qu'une  âme,  si  tendue  était  l'attention 
de  l'assemblée  ^. 


Jusqu'ici  nous  avons  parlé  de  psaumes  et  de  psal- 
modie comme  s'il  s'agissait  exclusivement  des  psau- 
mes de  l'Ancien  Testament.  Mais  il  n'est  pas  douteux 
que,  au  iv®  siècle,  le  Glor^ia  in  excelsis  était  compté 
comme  un  des  psaumes  de  l'office  matinal  ^.  De 
même,  on  comptait  parmi  les  psaumes  de  vêpres  le 
petit  hymne  que  voici  '*  : 

Nous  te  louons,  nous  te  chantons,  nous  te  bénissons  pour 
ta  grande  gloire.  Seigneur  roi.  Père  du  Christ  l'agneau  im- 
maculé qui  efface  le  nér.hé  du  monde^  A  toi,  la  louange,  à 
toi,  l'hymne,  à  toi,  la  gloire,  à  toi,  qui  es  Dieu  et  Père,  par  le 
Fils  d.ms  le  saint  Esprit,  dans  les  siècles  des  siècles.  Amen. 

succedere  ;  hac  vero  glorificatione  Trinitatis  tantummodo  so- 
lere  antiphona  terminari.  » 
1.  Id.  6.  —  2.  Id.  10. 

3.  Pseudo-Athanas.  De  virginilate,  20  (éd.  Von  der  Goltz, 
1905,  p.  55);  Constitut.  apostol.  vu,  47  (éd.  Funk,  p.  455). 

4.  Constitut.  apostol.  vu,  48  (Funk,  p.  457).  Voir  les  notes 
de  Funk  sur  les  deux  passages.  —  Observer  que  la  doxologie 
Gloria  Patii  per  Filium  in  Spiritu  sancto  est  une  formule  plus 
ancienne  que  Gloria  Patri  et  Filio  et  Spiritui  sancto.  Philo - 
STORG.  H.  E.  m,  13;  Theodoret.  //.  E.  ii,  19;  Basil.  De  Spi- 
ritu sancto,  3. 


•'as. 


10  HISTOIRE    DU    BRKVIAIIÎE    ROMAIN. 

Ces  deux  chants  sont  deux  raretés  eucologiques. 

On  en  rapprochera  un  ^troisième  chant,  qui  est 
attesté  par  saint  Basile  '  comme  un  psaume  pour 
Faction  de  grâces  du  lucernaire  ou  de  vêpres,  et  qui 
était,  assure-t-il,  très  populaire  et  très  ancien  : 

Lumière  joyeuse  de  la  sainte  gloire  de  l'immortel  Père  cé- 
leste et  saint,  béni  Jésus  Christ  !  Nous  voici  au  coucher  du 
soleil;  la  lumière  du  soir  s'allume.  Nous  chantons  le  Père  et 
le  Fils  et  le  saint  Esprit  de  Dieu.  Il  est  digne  en  toute  occa- 
sion que  tu  sois  chanté  par  des  voix  saintes,  Fils  de  Dieu,  o 
toi  qui  donnes  la  vie.  Et  voilà  pourquoi  le  monde  te  glorifie-. 

C'est  ce  qu'on  appelait  des  «  psaumes  privés  ».  Ces 
sortes  de  psaumes  avaient  été  au  ii®  et  au  m®  siècle 
en  grande  faveur  tant  chez  les  catholiques  que  chez 
les  hérétiques.  Dans  un  fragment  d'un  traité  anonyme 
romain  Contre  l'hérésie  d'Artémon  cité  par  Eusèbe, 
le  controversiste  oppose  aux  nouveautés  unitaires  de 
cet  hérésiarque  de  la  fin  du  second  siècle  l'autorité 
des  papes  Victor  et  Zéphyrin  qui  l'ont  condamné,  celle 
de  saint  Justin,  de  saint  Clément,  de  saint  Irénée,  de 
Méliton,  qui  ont  si  nettement  affirmé  la  divinité  du 
Christ,  «...  et  tant  de  psaumes  et  de  chants  chrétiens, 
composés  depuis  l'origine  [de  l'Église]  par  des  fidè- 
les, et  qui  célèbrent  le  Christ  Verbe  de  Dieu  en  le 


1.  Basil.  De  Spiritu  sancto,  73, 

2.  Le  texte  grec  dans  Christ  et  Paranikas,  Anthologia 
graeca  carminum  chrisUanorum  (Leipzig  1871),  p.  40,  Je  ne 
vois  pas  que  du  texte  de  saint  Basile  on  soit  en  droit  de 
conclure  que  ce  petit  psaume  <I>to;  IXapbv  àyiaç  ôô^ç  soit 
l'hymne  d'Athénogène. 


LA   GENÈSE    DES    HEURES.  11 

proclamant  Dieu  lui-même  ^  ».  Paul  de  Samosate,  qui 
l'ut  évêque  d'Antioche  de  260  à  270,  avait  supprimé 
dans  l'Eglise  d'Antioche  «  les  psaumes  qui  s'y  chan- 
taient en  l'honneur  de  Notre  Seigneur  Jésus  Christ  ». 
Ainsi  s'expriment  les  évêques  dans  la  sentence  de  dé- 
position de  Paul  de  Samosate.  Et  quel  prétexte  celui-ci 
avait-il  mis  en  avant  pour  autoriser  cette  suppres- 
sion? C'est  que  ces  psaumes  n'étaient  point  les  vieux 
psaumes  davidiques  :  «  Ils  étaient  nouveaux  et  l'œu- 
vre d'hommes  nouveaux  2.  » 

Il  s'est  conservé  dans  un  papyrus  de  la  collection 
de  l'archiduc  Rainer  une  composition  de  ce  genre 
qui  vient  d'Egypte,  et  date  des  premières  années  du 
iv°  siècle.  C'est  une  façon  de  psaume  avec  sa  doxolo- 
gie  destinée  à  être  reprise  par  l'unisson  des  fidèles. 

0  toi  qui  es  né  à  Bethléhem,  et  qui  as  habité  à  Nazareth 
en  Galilée,  nous  avons  vu  le  signe  dans  le  ciel. 

L'astre  a  paru,  et  les  bergers,  qui  passaient  la  nuit  dans 
les  pâturages,  ont  été  saisis  de  surprise.  Et,  tombant  à  genoux, 
ils  ont  dit  : 

Gloire  au  Père,  alléluia.  Gloire  au  Fils  et  au  Saint-Esprit, 
alléluia,  alléluia,  alléluia -^ 

On  connaît  les  noms  de  quelques  auteurs  de  psau- 
mes nouveaux  de  cette  sorte.  Athénogène,  un  martyr 

1.  EusEU.  //.  E.  V,  28,  5  :  i};aXji.oi  xal  (oôai. 

2.  EuSEB.  //.  E.  VII,  30,  10.  Le  document  cité  ajoute  que 
Paul  avait  substitué  aux  psaumes  composés  à  la  louange  du 
(^.hrist,  des  psaumes  composés  à  sa  propre  louange  et  qu'il 
faisait  chanter  par  des  femmes  :  èv  (xédYi  tîq  èxx^ridta  ^i/aXfAtoosîv 

i\  yuvatxaç  ';rapaox£-jàÇa>v.  Or  nous   savons 'qu'on  ne  tolérait  pas^ 
nies  voix  de  femmes  dans  les  assemblées  chrétiennes.  •«^ 

\\     3.  Le  texte  grec  dans  Harnagk,  Geschichte  der  allchr.  LUI. 


12  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

du  temps  de  Septime  Sévère,  était  auteur  d'un  psaume 
célèbre  encore  au  iv*'  siècle  pour  l'expression  remar- 
quable qu'y  trouvait  la  foi  au  saint  Esprit  \  Au  té- 
moignage du  fragment  de  Muratori,  Marcion  avait, 
dès  la  seconde  moitié  du  ii^  siècle,  mis  en  circulation 
un  Liber  psalmo?mm  de  sa  façon.  Saint  Denys  d'A- 
lexandrie (f  265)  parle  avec  éloge  des  «  nombreux 
psaumes  si  chers  encore  à  tant  de  fidèles  »,  qu'avait 
composés  un  évêque  égyptien  de  la  première  moitié  du 
m''  siècle,  Népos  ^.  Valentin,  le  grand  gnostique  ro- 
main du  milieu  du  second  siècle,  avait  aussi  composé 
des  psaumes  que  Tertullien  a  connus^.  Bardesane, 
vers  200,  était  l'auteur  d'un  recueil  de  cent  cinquante 
psaumes,  très  répandus  dans  les  Eglises  de  langue 
syriaque  :  c'était  tout  un  psautier^. 

Une  poésie  lyrique  chrétienne  originale  s'épanouit 
ainsi  au  second  et  au  troisième  siècle.  Au  iv®  siècle, 
les  Donatistes  et  les  Ariens  se  servirent  de  pareils 
psaumes  pour  propager  leurs  doctrines  :  Arius  avait 
composé  sur  des  airs  nouveaux  des  «  cantiques  de 
marins»,  des  «  cantiques  de  voyageurs»,  qui  «  in- 
sinuaient son  impiété  dans  les  cœurs  simples  par  le 
charme  de  leur  musique  •*  ».  C'en  fut  assez  pour  dé- 


(1893),  t.  I,  p.  467,  et  dans  Dom  Leglercq,  art.  «  Anlipho- 
iiaire  »,  du  Dicl.  arch.  chréù.  t.  I,  p.  2441-3,  qui  donne  de  ce 
texte  un  commentaire  très  intéressant. 

1.  Basil.  De  Spiritu  sancto,  73. 

2.  EusEB.  H.  E.  VII,  24,  4  :  TcoXXyj;  d-aXfjLwSîaç. 

3.  Tertull.  Da   carne   Chi'isti,  xvii,  20.  Cf.  Philosophiim. 
VI,  37  et  surtout  v,  1. 

4.  SOZOM.  //.  E.  III,  16. 

5.  SOGRAT.  H.  E.  VI,  8;  Philostorg.  //.  E.  II,  2. 


LA  GENESE  DES  HEURES 


courager  l'Église  catholique  qui  se  résolut  à  s'en  te- 
nir aux  seuls  «  psaumes  de  David  ».  Jamais  les 
hymnes  métriques  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  ni 
de  Synésius  n'ont  eu  les  honneurs  de  la  liturgie.  Dès 
cette  époque,  la  seconde  moitié  du  i\°  siècle,  les 
psalmi  idiotici  ou  «  psaumes  privés  »  étaient  éli- 
minés de  l'usage  liturgique  catholique.  Mais  ils  n'ont 
point  entièrement  péri.  Le  beau  psaume  du  soir,  «  Lu- 
mière joyeuse...  »,  fait  encore  partie  de  l'office  ca- 
nonique de  l'Eglise  grecque.  Le  psaume  du  matin, 
Gloria  in  excelsis,  éliminé  de  l'office  de  laudes,  a 
trouvé,  dès  avant  le  vi*^  siècle,  une  place  dans  Vordo 
romain  de  la  messe. 


L'office  vigilial,  qui  avait  été  à  l'origine  propre  à 
la  solennité  du  dimanche,  fut  introduit  de  bonne  heure 
dans  la  solennité  des  fêtes  de  martyrs  :  chaque  anni- 
versaire de  martyr  fut  solennisé  comme  le  jour  du 
Seigneur  par  une  synaxe  liturgique  précédée  d'une 
vigile.  L'antiquité  de  ces  anniversaires  est  attestée 
par  un  document  de  Tan  155,  la  lettre  encyclique 
des  fidèles  de  Smyrne  annonçant  le  martyre  de  leur 
évêque  saint  Polycarpe  :  on  y  trouve  exprimée  déjà 
comme  un  usage  la  pensée  de  célébrer  le  natale  du 
martyr  par  une  réunion  des  fidèles  au  lieu  même  où 
repose  son  corps  '.  C'est  ce  même  usage  auquel  fait 
allusion  le  récit  de  la  passion  de  saint  Cyprien  : 
Cyprien  emprisonné  dans  la  demeure  du  gouverneur, 

1.  Martyviiim  Polycarpi,  xviit,  3  (éd.  Funk,  p.  3.36). 


14  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

le  peuple  chrétien  a  attendu  toute  la  nuit  devant  la 
porte  :  «  ...  ante  fores  principis  excuhahat  ».  C'était 
comme  une  vigile  anticipée  :  «  Concessit  eitunc  dwina 
bonitas  vere  digno,  ut  Dei  populus  etiam  in  sacer- 
dotis  passions  çigilaret^  ».  L'auteur  de  la  passion 
de  saint  Saturnin  de  Toulouse  formule  cet  usage  en 
termes  excellents  quand  il  écrit  :  «  L'anniversaire 
des  jours  où  les  martyrs  ont  été  couronnés  dans  le 
ciel,  nous  les  solennisons  par  des  vigiles  et  par  la 
messe  :  lllos  dies,  quibus  in  doniinici  nominis  confes- 
sione  luctantes,  beatoque  obitu  regnis  caelestibus  re- 
nascentes  ...  coronantnr,  çigiliis  hymnis  ac  sacra- 
mentis  etiam  solemnibus  honoramus  ^.  »  Ces  vigiles 
des  martyrs  ne  se  célébraient  pas  dans  les  églises 
urbaines,  mais  hors  les  murs,  dans  le  cimetière  où 
le  martyr  était  enterré  ^. 

Enfin  les  dimanches  et  les  anniversaires  des  mar- 
tyrs n'étaient  pas  les  seules  solennités  qui,  dans  l'an- 
cienne Eglise,  eussent  leurs  vigiles,  «  nocturnae  con- 
s>ocationes  »,  comme  les  appelle  Tertullien  ^  :  il  s'y 
était  ajouté  de  bonne  heure  les  jours  de  station.  De 

1.  Pont.  Vita  Cypriani,  15. 

2.  RuiNART,  Acta  sincera,  p.  109.  Cf.  Concil.  carthag.  III 
(anno  397),  can.  47  :  «  Liceat  legi  passiones  martyrum,  cum 
anniversarii  dies  eomm  celebrantur  »  (Mansi,  t.  III,  p.  891). 

3.  CoNSïANTiNi  IMP.  EpistuL  dans  Euseb.  Vita  Const.  ii,  40  : 
Toùç TOTTOuç oï Toîç  awtxaat  Tûv  {jLapTupwv'teT({xyivTai.  Cf.  ibid.  IV,  23 
et  H.  E.  VII,  11,  11  et  13,  3. 

4.  Tertull.  Ad  uxorem,  ii,  4.  Tertullien  suppose  le  mari 
païen  d'une  femme  chrétienne  :  «  Quis  sinat  coniugem  suam... 
circuire?  Quis  nocturnis  convocationibus,  si  ita  oportuerit,  a 
latere  suo  adimi  libenter  feret?  Quis  denique  solemnibus 
paschae  abnoctantem  securus  sustinebit?  »  Tertullien  dit  ail- 
leurs «  coetus  antelucani  ».  Apologet.  2. 


LA    (GENÈSE    DES    HEURES.  15 

même  que  les  Juifs  jeûnaient  «  deux  fois  par  sabbat  », 
les  chrétiens  jeûnaient  deux  fois  par  semaine  :  la  Di- 
dache^  à  la  fin  du  premier  siècle,  mentionne  déjà  ces 
deux  jours  de  jeûne;  le  Pasteur  d'Hermas,  vers  Fan 
140,  en  parle  aussi  en  leur  donnant  pour  la  première 
fois  le  nom  de  station  (ffjj^yj^).  Au  troisième  siècle, 
les  stations  du  mercredi  et  du  vendredi  étaient  dans 
l'usage  catholique  ^  Or  une  station  n'allait  pas  sans 
une  vigile.  Ce  fut  pendant  une  vigile  de  vendredi 
que  saint  Athanase  fut  attaqué  dans  Féglise  de  Théo- 
nas,  la  nuit  du  8  au  9  février  356^. 


II 


Vigiles  dominicales,  vigiles  cimitériales ,  vigiles 
stationales,  on  ne  trouve  pas  trace  d'autres  assem- 
blées eucologiques  publiques  dans  la  littérature  des 
trois  premiers  siècles. 

Nous  disons  prières  publiques.  Car  assurément  les 
vigiles  dominicales,  stationales  et  cimitériales  n'é- 
taient qu'une  partie  de  la  prière  chrétienne  :  c'était  la 
prière  solennelle,  en  commun,  présidée  par  l'évêque 
et  ses  clercs.  Chaque  fidèle,  dans  le  recueillement  de 
sa  demeure,  était  libre  et  même  requis  de  prier.'  La 
prière  privée  comptait  au  moins  une  prière  du  matin 
et  une  prière  du  soir.  Tertullien  en  parle  comme  d'un 

1.  Doctv.  apost.  VIII,  1.  Herm.  Similitud.  v,  1  et  2.  Ter- 
TULL.  De  ieiiin.  14.  Ad  uxorem,  ii,  4.  De  oratione,  19. 

2.  Athanas.  Apologia  de  fiiga,  24  :  Nù?  [xèv  yàp  y^ôyi  ^v,  xal 
Toû  XaoO  xiveç  èuavvuxiîîov  upoffSoxa)(Aévyi;  auvà^etoç  :  des  fidèles 
passaient  à  veiller  la  nuit  qui  précédait  la  synaxe. 


16  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

devoir  naturel  :  «  Omni  die  guis  dubitet  prosternere 
se  Deo  çel  prima  saltem  oratione  qua  lucem  ingredi- 
mur?  »  Il  en  parle  comme  d'exercices  auxquels  on  ne 
peut  se  dérober  :  «  ...  legitimis  orationihus,  quae  sine 
ulla  admonitione  debentar  ingressu  lucis  et  noctis  »  ^. 
Nous  verrons  que  les  fidèles  avaient  le  zèle  d'y  ajouter 
parfois  une  prière  à  la  troisième,  à  la  sixième  et  à  la 
neuvième  heure  du  jour.  Mais  tous  ces  exercices  étaient 
purement  privés,  et  distincts  des  séances  qui  réunis- 
saient la  communauté  des  fidèles  dans  une  église  ur- 
baine, ou,  hors  les  murs,  sur  une  tombe  de  martyrs, 
pour  la  solennité  d'une  vigile. 

Ainsi  en  fut-il  jusqu'au  iv^  siècle.  Mais  maintenant 
ce  service  public  de  la  prière  va  changer.  L'ère  cons- 
tantinienne  s'ouvre,  des  conditions  matérielles  et  so- 
ciales nouvelles  vont  produire  dans  la  liturgie  des 
développements  nouveaux. 

Le  iv^  siècle,  en  effet,  voit  naître  une  architecture 
ecclésiastique.  Le  cadre  étroit  et  pauvre  où  s'est  si 
longtemps  resserré  le  culte  chrétien,  dans  l'exiguïté 
des  églises  anciennes,  —  telle  celle  du  mont  Sion  à 
Jérusalem,  ou  le  vieux  Saint-Théonas  à  Alexandrie, 
ou  Saint-Théophile  à  Antioche,  —  ce  cadre  s'élargit 
soudain  dans  la  magnificence  des  basiliques  constan- 
tiniennes  :  ainsi  la  Basilica  aurea  de  Saint-Jean  de 
Latran,  ainsi  le  Dominicum  d'Alexandrie,  ainsi  l'A- 
nastasis  de  Jérusalem,  ainsi  les  Saints-Apôtres  de 
Constantinople,  et  tant  d'autres.  Quelle  joie  religieuse 
ces  beaux  édifices  devaient  verser  dans  Tâme   des 

1.  De  oratione,  23  et  25. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  49 


L'histoire  des  heures  à  Rome  s'éclaire  seulement  à 
la  fm  du  iv*"  siècle  ^  Pour  saint  Jérôme,  l'observance 
de  tierce,  de  sexte,  de  none,  et  tout  autant  de  la  psal- 
modie du  lucernaire  et  de  la  psalmodie  matinale, 
est,  dans  la  vie  d'une  romaine  comme  Paula,  comme 
Eustochium,  comme  Laeta,  un  exercice  privé  et  in- 
dividuel. Dans  la  solitude  recueillie  de  la  demeure 
maternelle,  la  fille  de  Laeta  pratique  ces  exercices,  en 
compagnie  de  la  «  ^irgo  veterana  » ,  nous  dirions  de 
l'institutrice,  qui  ne  la  quitte  pas  :  «  Assiiescat  ad 
oratlones  et  psalmos  nocte  consurgere,  mane  hyinnos 
canere,  tertia,  sexta,  nona  hora  stare  in  acte  quasi 
bellatricem  Christi,  accensaque  lucernula  reddere 
sacriflcium  s>espertinum'^  ».  En  dehors  des  messes, 


1.  Les  Canons  dits  de  saint  Hippolyte  que,  voici  une  quin- 
zaine d'années,  on  croyait  pouvoir  citer  comme  un  document 
disciplinaire  romain  contemporain  de  TertulHen,  ont,  depuis, 
donné  lieu  à  trop  de  doutes  sur  leur  date,  sur  leur  lieu  d'ori- 
gine, sur  leurs  sources,  pour  qu'il  y  ait  aujourd'hui  prudence 
à  les  citer  en  témoignage  des  usages  liturgiques  proprement 
romains.  Nous  ne  leur  emprunterons  pas  un  seul  trait.  Obser- 
vons toutefois  que  l'état  liturgique  qu'ils  attestent  est  un  état 
arcliaïque,  qui,  dans  ses  grandes  lignes,  répond  bien  à  l'état 
antérieur  à  la  paix  constantinienne.  Ms""  Duchesne,  Origines 
du  culte,  p.  504-521,  reproduit  la  version  qu'en  a  donnée  Dom 
Haneberg  d'après  l'arabe.  Un  texte  meilleur  (en  allemand)  est 
donné  par  W.  Riedel,  Die  Kirchenrechtsquellen  des  Patriar- 
chats  Alexandrien  (Leipzig  1900),  p.  193-230. 

2.  Hieronym.  Epistul.  cvii,  9,  à  Laeta.  Voyez  aussi  xxir,  37, 
à  Eustochium.  —  Comparez  ce  qu'écrit  Pelage,  en  414,  à  la 
vierge  Démétriade  retirée  à  Rome  :  «  Débet  aliquis  esse  deter- 

histoire  du  bréviaire  romain.  4 


oO  HISTOIIIE    DU    BRKVIAinE    ROMAIN. 

il  n'y  a  point  d'autre  office  public  auquel  elle  ait  à 
assister  qu'aux  vigiles  K 

Mais  à  ces  vigiles  solennelles  des  dimanches  et  des 
stations,  qui  se  célèbrent  dans  telle  ou  telle  église, 
tous  les  fidèles  se  transportent.  La  foule  est  considé- 
rable, l'attraction  énorme,  et  quelquefois  le  désordre 
regrettable  2.  Saint  Jérôme  recommande  à  Laeta  de 
ne  point  permettre  à  sa  fille  d'y  aller  sans  elle  ;  il  lui 
prescrit  de  l'y  tenir  toujours  à  ses  côtés  :  «  Vigiliarum 


minatus  et  constitutus  horarum  numerus...  Optimum  est  ergo 
huic  operi  matutinum  deputari  tempus,...  usqiie  ad  horam  ter- 
tiam...  In  secretiori  domus  parte  ora  clause  cubiculo  tuo.  » 
Epistul.  ad  Demetriad.  23  {P.  L.  XXXIII,  1115).  —  Rappro- 
chez Vita  S.  Melaniae  iunioris,  47  (éd.  Rampolla,  1905,  p.  26)  : 
«  Regulam  vero  nocturnis  temporibus  hanc  instituerat,  ut  sine 
intermissione  complerentur  tria  responsoria,  très  lectiones  et, 
cum  matutini  fièrent,  quindecim  antiphonae  ».  Par  responsoria 
on  peut  entendre  des  psaumes  chantés  en  solo,  et  par  anti- 
phonae des  psaumes  chantés  à  l'unisson  et  à  deux  chœurs. 
Mélanie  célèbre  en  outre  tierce,  sexte,  none  et  Vhora  lucer- 
naria.  Plus  loin,  64  (p.  37)  :  «  Gonsuetudo  erat  ei  per  vigilias 
sanctorum  quinque  légère  lectiones  ».  Ainsi  pour  la  vigile 
de  saint  Etienne,  elle  fait  lire  le  récit  de  l'invention  des 
reliques  du  saint,  et  tire  des  Actes  des  apôtres  le  récit  de 
sa  passion.  —  On  remarquera  que  pour  les  heures,  l'ordre 
suivi  par  Mélanie  à  Jérusalem  est  le  même  qu'indique  Jé- 
rôme. Le  card.  Rampolla,  p.  262,  conjecture  qu'elle  suivait 
à  Jérusalem  l'usage  pratiqué  par  elle  à  Rome. 

1.  Cf.  Vita  S.  Melan.  iun.  5  (éd.  Rampolla,  p.  5)  :  «  Occasio 
evenit  ut  dies  solemniset  commemoratio  sanctiLaurentii  mar- 
tyris  ageretur.  Beatissima  vero  fervens  spiritu  desiderabat  ire 
et  in  sancti  martyris  basilica  pervigilem  celebrare  noctem  ;  sed 
non  permittitur  a  parentibus,  eo  quod  nimis  tenera  et  delicati 
corporis  hune  laborem  vigiliarum  ferre  non  posset.  Atilla  ti- 
mens  parentes  et  desiderans  placere  Deo,  permansit  tota  nocte 
vigilans  in  oratorio  domus  suae.  » 

2.  HiERONVM.  Contra  Vigilant.  7. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  51 

dies  et  soleinnes  pernoctationes  sic  virguncula  nostra 
celehret,  ut  ne  transverso  quidem  ungue  a  matre  dis^ 
cedatK  »  Il  justifierait,  en  parlant  ainsi,  Vigilantius, 
qui  avait  demandé  la  suppression  de  roffice  nocturne 
des  vigiles,  à  cause  des  scandales  auxquels  il  donnait 
lieu.  Mais  c'eût  été  faire  là  une  concession  bien  vaine 
à  la  malice  de  quelques  libertins,  «  culpa  iuvenuni 
vilissUnarumque  mulieriun  ^  ». 

Il  ne  faudrait  cependant  point  croire  que  les  vigiles 
solennelles  romaines  de  la  fin  du  iv*'  siècle,  si  fré- 
quentées fussent-elles,  eussent  le  même  attrait  que 
les  vigiles  qui  se  célébraient  ailleurs  quotidiennement, 
par  exemple,  à  Constantinople  du  temps  do  saint 
Jean  Glirysostome,  ou  à  Milan  du  temps  de  saint  Am- 
broise.  La  musique  grecque,  ce  «  canendi  mos  orien- 
taliuni  partium  » ,  comme  disait  saint  Augustin  parlant 
des  vigiles  ambrosiennes,  ce  ce  melos  cantilenarum  » 
qui  donnait  un  charme  si  émouvant  à  l'office  noc- 
turne quotidien  des  basiliques  milanaises,  était  une 
innovation  inconnue  à  Rome.  A  l'époque  du  pape 
Damase  et  de  saint  Jérôme,  aucune  trace  à  Rome 
de  la  psalmodie  à  deux  chœurs  :  rien,  semble-t-il, 
que  des  psalmi  responsorii,  des  psaumes  exécutés 
comme  des  litanies. 

C'était  à  des  diacres  que  revenait  la  charge  d'exé- 
cuter ainsi  les  psaumes.  Plusieurs  inscriptions  men- 
tionnent dans  des  épitaphes  de  diacres  le  succès  qu'ils 
avaient  dans  ce  genre  de  ministère.  Ainsi  celle  du 


1.  Id.  Epistul.  cvii,  9. 

2.  Id.  Contra  Vigilant.  9. 


52  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

diacre  Redemptus,  inscription  damasienne  du  cime- 
tière de  Calliste  : 

...  Redemptum 
levitam  i  subito  rapiiit  sibi  regia  caeli  : 
diilcia  nectareo  promebat  mella  canore, 
prophetam  celebrans  placido  modulamine  senem  : 
haec  fuit  insontis  vitae  laudata  inventas^. 

Le  vieux  prophète  dont  il  est  question  ici  n'est  autre 
que  David,  auteur  des  psaumes. 

Hic  levilarum  primus  in  ordine  virens 
davidici  cantor  carminis  iste  fuit^, 

dit  l'inscription  d'un  autre  diacre,  contemporain 
de  Redemptus.  Le  chant  des  psaumes  davidiques 
était,  du  temps  de  Damase,  exécuté  en  solo  par  les 
diacres  romains,  et  selon  une  méthode  assez  sévère 


1.  Le  mot  levita,  dans  la  langue  de  Damase  et  de  .Jérôme, 
désigne  toujours  le  diacre.  Hieronym.  Epislul.  gxlvi,  2. 
Voyez  l'épitaphe  damasienne  du  diacre  Florentins.  De  Rossi, 
Jnscriptiones,  t.  II,  p.  92. 

2.  De  Rossi,  Roma  sotterranea,  t.  III  (1877),  p.  239. 

3.  Id.  ibid.  p.  242.  —  Saint  Jérôme,  qui  n'avait  pas  plus 
de  tendresse  pour  les  prêtres  que  pour  les  diacres  de  Rome, 
donne  à  entendre  que  l'art  de  ces  derniers  prêtait  à  des  cri- 
tiques comme  les  épitaphes  n'ont  pas  l'habitude  d'en  énoncer  : 
((  ...  Nec  in  tragoedorum  modum  guttur  et  fauces  dulci  medi- 
camine  colliniendas,  ut  in  ecclesia  théâtrales  moduli  audian- 
tur.  »  IIiERONYM.  loc.  cit.  Cf.  NiCETAS  Remes.  De  bono  psal- 
inodiae,  13  (éd.  Burn,  p.  80)  :  «  Sonus  etiam  vel  melodia 
consentiens  sanctae  religioni  psallatur,  non  quae  tragicas  dif- 
ficultates  exclamet,  sed  quae  in  nobis  veram  christianitalem 
demonstret,  non  quae  aliquid  théâtrale  redoleat  sed  com- 
punctionem  peccatorum  faciat  ». 


LÈS    ORIGINES    DE    L  OFFICE    ROMAIN.  53 

pour  être  qualifiée   de  «  modiilamen  placidum^    ». 

Ainsi,  rÉglise  romaine  se  montre,  vers  l'an  400, 
sensiblement  en  retard  sur  les  autres  Églises;  elle  a 
été  longtemps  fermée  à  l'influence  du  monachisme^, 
puis  le  clergé  romain  était  attaché  plus  qu'aucun  au- 
tre à  ses  usages  liturgiques  :  la  correction  du  psautier 
exécutée  par  Jérôme  [a.  383),  à  la  demande  du  pape 
Damase,  trouva  dans  ce  clergé  une  opposition  très 
vive,  et  l'on  sait  à  quelles  injures  s'élevait  à  ce  sujet 
la  verve  de  Jérôme.  On  n'a  donc  pas  lieu  de  s'étonner 
que,  en  ces  matières  liturgiques,  Rome  ait  été  long- 
temps une  Eglise  plus  archaïsante  qu'aucune  autre. 

A  quelle  époque  le  «  canendi  mos  orientalium  par- 
tium  »,  ou  psalmodie  chorale  antiphonée,  pënétra-t-il 
à  Rome?  On  ne  saurait  le  déterminer  avec  précision. 
Le  Liber  pontificalis  semble  attribuer  cette  innova- 
tion au  pape  Célestin  (422-432)  :  ce  pape,  y  est-il  dit, 
fit  chanter  les  cent  cinquante  psaumes  de  David  avant 
le  sacrifice  de  la  messe,  usage  inconnu  avant  lui.  La 
seconde  édition  du  Liber  ajoute  que  ce  chant  institué 


1.  De  Rossi,  Inscriptiones  chrisUanae,  t.  II  (1888),  p.  450  : 
«  Anonymus  in  codice  Goloniensi  45,  fol.  17,  cecinit  de  Davide  : 

Myslica  dulcisonis  depromil  carmina  fibris... 
reddens  mellifluum  dulci  modulamine  cantum.  » 

Citons  encore  les  vers  qui  servent  de  prologue  à  des  psau- 
tiers carolingiens  (ibid.  p.  449)  : 

Psallere  qui  dociiit  dulci  modulamine  sanctus"- 

2.  Voyez  cependant  Augustin.  De  moribus  Eccl.  cath.  i,  33. 
Gard.  Rampolla,  Sancta  Mèlatiict  giutiiore  senatrice  romana 
(Rome  1905),  p.  155. 


54  HISTOIHE    DU    BRÉVIAIRE    IlOMAtN. 

par  Célestin  était  le  chant  antiphoné  ^ .  La  psalmodie 
chorale  passait  donc  à  Rome,  au  vi^  siècle  (vers  530), 
pour  une  institution  du  pape  Célestin.  L'indice  tardil" 
fourni  par  le  Liber  est  en  somme  très  léger,  et  je 
m'y  arrête  d'autant  moins  que  ce  malheureux  texte  a 
prêté  aux  interprétations  les  plus  contradictoires^. 


1.  A.  P.  t.  I,  p.  230  :  «  ...  Conslituil  ut  psalmi  Darid  (X 
aiite  sacriflcium  psalli  antephanatim  ex  omnibus,  quod  aille 
non  flebat.  )> 

Cette  même  seconde  édition  du  Liber  interpole  dans  la 
notice  du  pape  Damase  les  lignes  que  voici  :  «  Gonstituit  ut 
psalmos  die  noctuque  canerentur  per  omncs  ccclesias,  qui 
hoc  praecepit  presbiteris  vel  episcopis  aut  monasteriis.  » 
M-""  Duchesne  (t.  I,  p.  215)  croit  que  cette  interpolation  e^i 
due  à  l'influence  de  la  correspondance  aix)cryphe  soi-disant 
échangée  entre  Jérôme  et  Damase.  Je  le  crois  aussi,  et  peut- 
être  cette  correspondance  a-t-elle  compté  une  pièce  de  plus, 
une  lettre  de  Damase  adressée  «  presbiteris,  episcopis,  mona- 
steriis )),  perdue. 

La  correspondance  apocryphe  de  Damase  et  de  Jérôme 
compte  deux  lettres.  La  première  est  de  Damase  (Jaffé,  242: 
p.  L.  XIII,  440),  demandant  à  Jérôme,  supposé  être  alors  à 
Jérusalem,  de  lui  faire  connaître  la  «  Graecoriim  psallentiam  )>, 
parce  que,  à  Rome,  on  en  est  encore  à  lire  le  dimanche  une 
épître  de  l'apôtre  et  un  chapitre  d'évangile  «  et  nec  psallen- 
tium  mos  (onetur  nec  hymni  decus  in  ore  nostro  cognosci- 
tur  ».  —  Jérôme  (7^.  L.  XXX,  294-295)  répond  à  Damase  qu'il 
a  traduit  pour  lui  le  psautier  sur  les  Septante  «  propter  fa- 
stidium  Romanorum  ».  Il  ajoute  :  «  Precatur  ergo  cliens  tuus 
ut  vox  ista  psallentium  in  sede  romana  die  noctuque  canatur. 
et  ut  in  fine  cuiusque  psalmi,  sive  matutinis  horis  sive  ve- 
spertinis,  coniungi  praecipiat  apostolatus  tui  ordo  :  Gloria  Pa- 
tri.  »  Jérôme  demande  enfin  que,  aux  heures  de  nuit,  on  use 
comme  répons  de  VuUeluia,  «  ut  in  omni  loco  communiler 
respondeatur  nocturnis  temporibus  ». 

Ces  deux  lettres  apocryphes  sont  antérieures  à  la  rédaction 
du  Liber  (vers  530),  mais  pas  de  beaucoup,  croirais-je. 

2.  Je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  dire  avec  M"  Duchesne 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  55 

On  doit  attacher  plus  d'intérêt  à  l'établissement 
des  vigiles  quotidiennes.  Avec  saint  Jérôme  à  la  fin 
du  iv^  siècle,  il  n'était  question  encore  que  de  vigiles 
dominicales  et  stationales  (festivae  dies).  Mais  les 
jours  ordinaires,  ceux  qu'on  appelait  au  v^  siècle  jours 
privés  [privatae  dies)^  ne  comportaient  point  jusque- 
là  de  vigiles.  Et  c'est  seulement  au  cours  du  v^  siè- 
cle qu'à  Rome  ils  commencèrent  d'en  avoir.  La  plus 
ancienne  attestation  qu'on  ait  de  vigiles  quotidiennes 
à  Rome  est  dans  la  règle  de  saint  Benoît.  Ayant  à 
déterminer  le  programme  des  vigiles  des  privatae 
dies^  saint  Benoît  prescrit  d'y  chanter  chaque  jour 
un  des  cantiques  de  l'Ancien  Testament,  «  ainsi,  dit- 
il,  que  fait  l'Eglise  romaine,  céleris  diebus  canticum 
uniunquemque  die  siio  ex  prophetis,  sicut  psallit  Ec- 
clesia  romana,  dicantur  •  ».  D'où  nous  inférons  qu'à 
la  fin  du  v^  siècle  l'Église  romaine  avait  un  office 
canonique  quotidien,  en  d'autres  termes,  des  vigiles 
pour  les  jours  privés.  L'Église  romaine  venait  tard 
au  régime  adopté  depuis  le  siècle  précédent  à  Jéru- 
salem, à  Antioche,  à  Constantinople,  à  Milan.  Cette 
nouveauté  ne  laissait  pourtant  pas  que  de  s'adapter 
sans  effort  aux  usages  romains  antérieurs.  Les  vigiles 
stationales,  en  effet,  étaient  coordonnées  à  la  messe 
stationale  :  ensemble  elles  se  célébraient  dans  une 
basilique    désignée,    toute   l'Église   étant  censée    y 

(L.  P.  1. 1,  p.  231)  :  ((  ILfaut  voir  ici  le  conmiencement  de  ce  que 
nous  appelons  l'office  divin».  Car  la  réforme  attribuée  à  Gé- 
lestin  vise  une  psalmodie  qui  fait  corps  avec  la  liturgie  de  la 
messe. 

1.  RegiiL  13  (éd.  WoelfFltx,  1895,  p.  26). 


56  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

prendre  part,  pape,  clergé,  fidèles  \  Les  vigiles  quo- 
tidiennes, au  contraire,  se  coordonnaient  à  la  messe 
privée  célébrée  dans  chaque  titre  presbytéral;  et 
de  même  que  la  messe  privée  était  célébrée  par  le 
prêtre  du  titre  assisté  seulement  de  ses  acolytes,  et 
qu'elle  n'avait  qu'une  assistance  privée,  —  quelques 
fidèles  du  quartier  ou  des  pèlerins,  —  ainsi  la  vigile 
quotidienne  était  célébrée  dans  chaque  titre  presby- 
téral par  les  seuls  clercs  attachés  au  titre,  et  elle 
n'avait  pour  assistance  que  les  laïcs  de  bonne  vo- 
lonté. 

Ces  vigiles  quotidiennes,  instituées  au  v*'  siècle, 
vont  constituer  longtemps  le  principal  de  l'office  des 
clercs  romains.  Appliquons-nous  à  relever  le  peu  de 
traces  qu'elles  ont  laissées  dans  l'histoire  et  dans 
le  droit. 

Le  Liber  poiitificalis  rapporte  que  le  pape  Hormis- 
das  (514-523)  «  composuit  clerum  et  psalmis  erudi- 
çit^  ».  S'il  s'était  agi  de  former  les  clercs  à  la  con- 
naissance des  saintes  lettres,  on  n'aurait  point  parlé 
seulement  de  psaumes.  11  s'agit  ici  de  psaumes  à 
chanter.  Cette  exécution  du  chant  des  psaumes  est 
donc  un  devoir  auquel  il  est  nécessaire  de  former  ou 
même  de  ramener  le  clergé,  erudwit...  composuit. 
Il  est  permis  de  voir  dans  ces  efforts  du  pape  Hor- 


1.  S.  Léo.  Episliil.  ix  2  (Jaffé,  406)  :  «  Cum  solemnior 
quaeque  festivitas  conventum  populi  numerosioris  indixerit, 
et  ea  fidelium  multitudo  convenerit  quam  recipere  basilica 
simul  una  non  possit,  sacriflcii  oblatio  indubitanter  itcre- 
tur...  » 

2.  L.  P.  t.  I,  p.,  269. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  57 

misdas  le  même  dessein  qu'exprime,  à  la  même  épo- 
que, l'empereur  Justinien  dans  sa  loi  de  528,  quand 
il  rappelle  les  clercs  au  devoir  de  psalmodier  quo- 
tidiennement les  vigiles  dans  l'église  à  laquelle  ils 
sont  attachés. 

Une  formule  autrement  précise  du  même  devoir 
apparaît  dans  un  fragment  de  décrétale  incorporé 
par  Gratien  :  elle  porte,  selon  les  manuscrits,  tan- 
tôt le  nom  du  pape  Gélase,  tantôt  le  nom  d'un  pape 
Pelage.  En  réalité,  on  ne  sait  à  qui  l'attribuer  sû- 
rement, mais  on  sera  d'accord  pour  y  voir  un  texte 
canonique,  contemporain  de  Justinien,  ou  de  peu 
postérieur.  Qu'y  lisons-nous?  Un  évêque  suburbicaire 
a  promis  au  Saint-Siège  de  faire  célébrer  dans  son 
église  par  ses  clercs  l'office  des  vigiles  quotidiennes. 
Les  clercs,  trouvant  l'obligation  trop  onéreuse,  ne  se 
sont  point  rendus  à  l'invitation  de  leur  évêque.  Ce- 
lui-ci en  réfère  au  pape,  lequel  enjoint  à  l'évêque  de 
rappeler,  par  tous  les  moyens  en  son  pouvoir,  ses 
clercs  à  leur  devoir  liturgique,  qu'il  définit  :  «  ...  ut 
cottidianis  diebus  vigiliae  celebrentur  in  ecclesia  ^  ». 

On  voudrait  connaître  le  programme  de  ces  vigiles 
quotidiennes  qui  étaient  ainsi  au  v^  au  vi^    siècle. 


1.  Friedberg,  t.  I,  p.  316  :  «  Eleuterius  frater  et  coepisco- 
pus  noster  queritur,  clericos  suos  sibi  contra  canones  super- 
bire,  et  id,  quod  nobis  iubentibus  facta  in  scrinio  cautione 
promisit,  ut  cottidianis  diebus  vigiliae  in  eius  celebrentur 
ecclesia,  illis  contempnentibus  inplere  non  posse,  sed  magis 
unumquemque  suis  (postposito  ecclesiae  servitio)  vacare  ne- 
gotiis.  Et  ideo  experientia  tua  eos,  qu'os  tibi  esse  ostenderit 
contumaces,  débita  obiurgatione  conpesce,  et  modis  omnibus 
vigiliis  vacare  coupelle.  » 


58  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

tout  l'office  des  clercs  romains.  Un  document,  étroi- 
tement apparenté  au  fragment  de  décrétale  que  je 
viens  de  citer,  va  nous  l'apprendre.  C'est  une  for- 
mule du  Liber  diurnus,  la  formule  même  de  cette  pro- 
messe ou  caution  que  les  évêques  suburbicaires  don- 
naient au  pape,  en  recevant  de  lui  leur  consécration  : 
cette  formule  décrit  l'office  liturgique  auquel  les 
évêques  suburbicaires  s'engagent  en  leur  nom  et 
au  nom  de  leurs  clercs.  C'est  le  plus  ancien  ordo  que 
nous  possédions  de  l'office  romain. 

lUud  etiam  prae  omnibus  spondeo  atque  promitto  me  omni 
tempore  per  singulos  dies,  a  primo  gallo  usque  mane,  cum 
omni  ordine  clericorum  meorum  vigilias  in  ecclesia  celebrare, 
ita  ut  minoris  quidem  noctis,  id  est  a  pascha  usque  ad  ae- 
quinoctium  XXIV"  die  mensis  septembris,  très  lectiones  et 
très  antiphonae  atque  très  responsorii  dicantur;  ab  hoc  vero 
aequinoctio  usque  ad  aliud  vernale  aequinoctium  et  usque  ad 
pascha,  quatuor  lectiones  cura  responsoriis  et  antiphonis  suis 
dicantur;  dominico  autem  in  omni  tempore  novem  lectiones 
cum  antiphonis  et  responsoriis  suis  persolvere  Deo  profite- 
mur  i. 

En  tout  temps  de  Tannée  chaque  jour,  du  premier 
chant  du  coq  au  lever  du  soleil,  tout  le  clergé,  évêque 
en  tête,  se  réunit  à  l'église  pour  célébrer  les  vigiles. 
Tous  les  dimanches  de  Tannée,  ces  vigiles  compren- 
nent une  psalmodie  antiphonée  et  neuf  leçons  et  leurs 

1.  Lib.  diurnus,  m,  7  {P.  L.  GV,  71,  ou  édition  Sickel 
[Vienne  1889],  p.  77-78).  Le  ms.  du  Liber  diurnus,  conservé 
aux  archives  du  Vatican,  date  des  environs  de  l'an  800.  La  for- 
mule citée  fait  partie  d'un  groupe  qui,  au  jugement  de 
M.  Sickel  (p.  xxx),  a  été  introduit  dans  le  Liber  avant  la  fin 
du  Yir  siècle. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  59 

répons.  Chaque  jour,  une  psalmodie  antiphonée, 
plus  des  leçons  et  leurs  répons  variant  en  nombre 
suivant  la  saison  :  trois  leçons  de  Pâques  au  24  sep- 
tembre, quatre  leçons  du  24  septembre  à  Pâques. 
1°  Chaque  jour,  il  y  a  office  vigilial.  La  décrétale 
anonyme  de  Gratien  nous  l'avait  dit  déjà;  mais  le  Li- 
ber diurnus  précise,  il  marque  que  cet  office  a  lieu 
tous  les  jours  de  Tannée,  en  quelque  saison  que  ce 
soit;  que  cet  office  commence  au  premier  chant  du 
coq;  et  que  cet  office  est  obligatoire  à  tout  l'ordre 
des  clercs. 

2<^  Cet  office  vigilial  est  célébré  «  a  primo  gallo 
usque  mane  »,  du  premier  cliant  du  coq  au  lever  du 
soleil.  Le  Liber  diurnus  ne  mentionne  pas,  il  est 
vrai,  l'office  de  laudes  ;  mais  saint  Benoit,  qui  prescrit 
les  laudes  matinales  au  lever  du  soleil,  à  l'issue  de 
l'office  vigilial  nocturne,  nous  a  donné  à  entendre  que 
tel  était  aussi  l'usage  de  l'Eglise  romaine.  Nous  con- 
jecturerons donc  que  l'ofl^ice  de  laudes  fait  corps  avec 
l'office  vigilial. 

3°  Par  contre,  le  Liber  diurnus  ne  dit  pas  un  mot 
de  l'o fi ice  de  vêpres.  La  décrétale  citée  par  Gratien 
n'en  parle  pas  davantage.  Or  on  se  rappelle  si  les  con- 
ciles espagnols  et  les  conciles  franks  du  vi''  siècle, 
d'accord  avec  le  droit  byzantin  contemporain,  distin- 
guaient nettement  les  çespertina  des  matutina  officia. 
Ce  contraste  est  très  remarquable  ^ 

1.  Baeumer,  t.  I,  p.  261,  insiste  avec  raison  sur  ce  faiL  que 
saint  Benoît  a  façonné  l'office  de  vêpres  tout  différemment  de 
ce  qu'il  était  de  son  temps.  Ajoutons  que  le  type  de  vêpres 
réalisé  par  saint  Benoît  est  celui  qui  s'introduira  à  Rome  au 
cours  du  VI ir  siècle. 


60  HISTOIIIE    DU    BHÉVIAIRE    ROMAIN. 

4**  L'office  vigilial,  de  Pâques  au  24  septembre  où 
les  nuits  sont  le  plus  courtes,  compte  trois  leçons, 
trois  répons,  trois  antiennes  ;  du  24  septembre  à  Pâ- 
ques où  les  nuits  sont  le  plus  longues,  il  compte 
quatre  leçons;  tous  les  dimanches,  uniformément,  il 
compte  neuf  leçons.  Le  sens  des  mots  responsor ii  et 
antiphonae  reste  problématique.  Faut-il  entendre  par 
responsorii  des  répons,  au  sens  que  le  mot  aura  plus 
tard  ?  Ou  simplement  faut-il  entendre  par  responsorii 
les  psaumes  qui  sont  dits  en  solo  par  opposition  aux 
psaumes  qui  sont  dits  à  deux  chœurs  alternant?  Je 
ne  le  saurais  dire. 

5°  Les  leçons,  au  nombre  soit  de  trois,  soit  de 
quatre,  soit  de  neuf,  doivent  être  empruntées  à  l'Écri- 
ture sainte.  Il  est  certain  cependant  que,  du  temps 
de  saint  Grégoire,  elles  étaient  empruntées  aussi  à 
des  textes  extracanoniques.  «  On  nous  a  rapporté, 
écrit-il,  que  notre  très  révérend  frère  et  coévêque 
Marinianus  fait  lire  aux  vigiles  notre  commentaire  sur 
Job;  cela  nous  a  déplu,  car  cette  œuvre  n'est  point 
faite  pour  le  peuple...  Dites-lui  de  faire  lire  aux  vigi- 
les notre  commentaire  sur  les  psaumes,  qui  est  plus 
capable  de  former  aux  bonnes  mœurs  les  esprits  des 
séculiers'.  » 


1.  Gregor.  Epislul.  XII,  24  :  «  ...  Quia  Marinianus  )egi 
commenta  beati  lob  publiée  ad  vigilias  faciat,  non  grate  sus- 
cepi,  quia  non  est  illud  opus  populare...  Sed  die  ei  ut  com- 
menta psalmorum  legi  ad  vigilias  faciat  »  (Jaffé,  1857).  —  Le 
décret  dit  du  pape  Gélase  (492-496),  Decretum  de  libris  reci- 
piendis  et  non  recipiendis,  peut  remonter  pour  certains  de  ses 
éléments  jusqu'au  pape  Damase  (366-384),  mais  il  est  dans  sa 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    HOxMAIN.  61 


Nous  avons  dit  que  les  vigiles  des  «  jours  privés  », 
les  vigiles  fériales,  étaient  l'office  du  prêtre  et  des 
clercs  attachés  à  chaque  titre  ou  église  paroissiale.  Il 
faut  faire  parmi  ces  clercs  inférieurs  une  place  excep 
tionnelle  aux  lecteurs.  Ils  appartenaient  aux  titres 
non  aux  régions.  Des  inscriptions  du  iv®  siècle  men 
tiennent  un  lector  tituli  pallacinae  (Saint-Marc) 
unLECTOR  TITULI  FAscioLAE  (Saints-Néréc-et-Achillée) 
un  LECTOR  DE  puDENTiANA.  Daus  uue  iuscriptiou  du 
vu"  siècle,  on  relève  la  mention  d'un  lector  tituli 
SANCTAE  caeciliae'.  Il  y  a  à  remarquer  ce  détail  im- 
portant que,  au  iv^  siècle,  les  lecteurs  sont  à  Rome 
des  hommes  faits  et  même  d'un  âge  plutôt  mûr  :  si  le 
lecteur  de  la  basilique  de  Sainte-Pudentienne  a  vingt- 
quatre  ans,  celui  de  la  basilique  de  Fasciola  a  qua- 
rante-six ans.  Au  vu"  siècle,  au  contraire,  les  lecteurs 
sont  des  enfants  :  le  lecteur  de  la  basilique  de  Sainte- 
Cécile  a  douze  ans.  Entre  le  iv"  et  le  vu"  siècle,  le  lec- 


rédaction  définitive  contemporain  du  pape  Ilormisdas  (514- 
523).  Or  il  y  est  dit  que  les  «  opuscula  atque  tractatus  ortho- 
doxoruni  patrum,  qui  in  nullo  a  sanclae  romanae  Ecclesiae 
consortio  dcviaverunt  »  sont  à  lire  :  on  peut  entendre  à  lire 
publiquemenl.  Le  décret,  au  contraire,  est  sévère  aux  «  gesta 
inartyrum  »  :  car  ils  ne  jjortent  pas  de  noms  d'auteurs,  et 
qu'il  y  en  a  que  les  hérétiques  ont  fabriqués  :  «  In  sancta 
romana  Ecclesia  non  leguntur.  »  Néanmoins,  cette  sévérité  est 
en  train  de  fléchir.  Ainsi  les  actes  de  saint  Silvestre  «  a 
multis  in  urbe  Roma  catholicis  legi  cognoviraus  et  pro  anti- 
quo  usu  multae  hoc  imitantur  Ecclesiae  ». 
1.  De  Rossi,  Biilletino,  1883,  p.  20. 


62  HISTOIRE  nu   ninVviAinE  romain. 

torat  romain  s'est  transformé,  et  il  s'est  transformé 
parce  que  le  chant  romain  lui  aussi  s'est  transformé. 
On  a  rompu  avec  cette  antique  et  sévère  méthode  de 
chant,  qu'une  inscription  damasienne,  nous  l'avons 
vu,  qualifiait  de  «  modulamen placidum  ».  La  psal- 
modie chorale  a  enfin  conquis  droit  de  cité  romaine. 
Et  voilà  pourquoi  les  clercs  à  la  voix  grave  et  virile 
ont  cédé  la  place  à  des  chœurs  de  voix  souples  el 
fraîches  d'enfants,  ainsi  que  cela  se  pratiquait  depuis 
longtemps  partout  dans  la  catholicité,  et  par  exemple 
en  Afrique,  témoin  les  douze  petits  carthaginois 
[infantulos  vocales  strenuos  atque  aptos  modulis 
cantilenaé)  dont  Victor  de  Vite,  en  486,  raconte  le 
touchant  courage  *. 

Sur  la  fin  du  vi"  siècle,  nous  voyons  à  Rome  les 
collèges  d'enfants  chanteurs  devenir  comme  les  sé- 
minaires du  clergé  romain.  Le  pape  Deusdedit  (615- 
618)  avait,  dit  son  épitaphe,  débuté  ainsi  à  l'ombre 
de  la  basilique  de  Saint-Pierre  : 

Hic  vir  ab  exortu  Pétri  est  nutritus  ovili,.. 
eœcuvians  Christi  cnntibus  hymnisonis  -. 

Dans  le  même  sens,  on  rapporte  du  pape  Léon  II 
(682-683)  que,  tout  jeune,  il  avait  été  remarqué  pour 
son  chant  (cantelena  ac  psalmodia  praecipuus)\  du 
pape  Benoît  II  (684-685),  qu'il  s'était  distingué  dès 


1.  ViCT.  Vit.  De  persecut.  vand.  m,  39-40  (édit.  Petsghenig). 
Victor  de  Vite  note  que  ces  petits  clercs  vivent  en  collège  : 
«  Una  degunl,  simul  vescuntur.  »  Cf.  Gregor.  Turonen.  In 
gloria  martyr.  76. 

2.  De  Rossr,  Inscripfiones,  t.  II,  p.  127. 


LES    ORIGINES    DE    l'ofFICE    ROMAIN.  63 

son  enfance  dans  le  chant  [in  cantilena  a  puerili 
etate)\  du  pape  Sergius  (687-701),  que  tout  jeune  on 
Tavait  confié  au  prieur  des  chantres  pour  le  former, 
parce  qu'il  était  appliqué  et  bien  doué  pour  le  chant 
[quia  studiosus  erat  et  capax  in  officio  cantelenae , 
priori  cantorum  pro  doctrina  est  traditus)  ^ . 

Voici  donc  apparaître  au  vu*'  siècle  le  chant  ro- 
main, et  avec  le  chant  voici  tout  de  suite  apparaître 
une  école  de  chantres. 

Chaque  titre  avait  ses  lecteurs.  On  voulut  que  les 
deux  grandes  basiliques  de  Rome,  celle  du  Vatican  et 
celle  du  Latran,  eussent  leurs  lecteurs  groupés  en 
une  sorte  de  collège  pareil  à  ces  scolae  lectorum  qui 
existaient  à  Milan,  à  Lyon,  à  Reims,  à  Constantino- 
ple  2...  Les  deux  collèges  de  lecteurs  formés  ainsi,  et 
destinés  à  porter  ensemble  le  nom,  d'abord  d'Orpha- 
notrophium^y  plus  tard  de  Scola  cantorum,  consti- 
tuèrent deux  établissements  distincts  :  l'un  bâti  en 


1.  L.  P.  t.  I,  p.  359,  363,  371. 

2.  De  Rossi,  Bulletino,  1883,  p.  19. 

3.  L.  P.  t.  II,  p.  92  :  «  [Sergius  II]  papa  scolam  cantorum 
quae  pridem  orphanotropheum  vocabatur,  cum  prae  nimia 
vetustate  emarcuerat  et  pêne  in  ruina  posita  atque  contracta 
a  priscis  temporibus  videretur,  Dei  annuente  clemenlia,  a  fun- 
damentis  in  meliorem,  ut  olim  fuerat,  statum  noviter  restau- 
ravit.  »  En  réalité,  comme  le  note  Ms"-  Duchesne  (p.  102),  la 
Scola  cantorum  est  mentionnée  dans  une  lettre  du  pape  Paul 
I--  à  Pépin  le  Bref  (JafTé,  2371),  et  dans  les  ordines  du  viii" 
et  du  ixe  siècles.  Le  pape  Léon  III  (795-816),  prenant  soin 
d'un  orphelin  qui  sera  plus  tard  Sergius  II,  le  confie  à  la  Scola 
cantorum  :  «  Tune  praesul  eum  scolae  cantorum  ad  erudien- 
dum  communes  tradidit  litteras  et  ut  mellifluis  instrueretur 
cantilaenae  melodiis  ».  L'enfant  dépasse  vite  «  omnes  scolae 
puerulos  ».  L.  /-*.  t.  II,  p.  86. 


64  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

avant  de  Saint-Pierre,  l'autre  à  proximité  du  pa- 
triarchium  du  Latran  ^  11  en  était  du  moins  ainsi  au 
ix^  siècle,  au  moment  où  (a.  872)  Jean  Diacre  écrivait 
la  vie  du  pape  saint  Grégoire ,  auquel  il  attribue  la 
fondation  de  la  S  cola  cantorum. 

On  ne  peut  pas  ne  pas  être  frappé  de  ce  fait  :  au 
siècle  de  saint  Grégoire  (f  604)  remonte  l'apparition 
simultanée  à  Rome  de  la  cantilène  et  de  l'école  des 
chantres.  La  Scola  cantorum  a-t-elle  été  pour  autant 
une  institution  de  ce  grand  pape?  —  Jean  Diacre  l'af- 
firme :  «  Dans  la  maison  du  Seigneur,  comme  un  très 
sage  Salomon,  sachant  la  componction  qu'inspire  la 
douceur  de  la  musique,  saint  Grégoire  compila  dans 
l'intérêt  des  chantres  le  recueil  appelé  antiphonaire, 
qui  est  d'une  si  grande  utilité.  Il  institua  également 
la  Scola  cantorum,  qui  maintenant  encore  exécute 
le  chant  sacré  dans  la  sainte  F^glise  romaine  suivant 
les  enseignements  reçus  de  lui.  Il  lui  assigna  diverses 
propriétés  et  lui  fit  bâtir  deux  demeures,  l'une  située 
au  pied  des  degrés  de  la  basilique  de  l'apôtre  saint 
Pierre ,  l'autre  dans  le  voisinage  des  édifices  du  pa- 
lais patriarcal  du  Latran.  On  y  montre  encore  aujour- 
d'hui le  lit  sur  lequel  il  se  reposait  en  donnant  ses 
leçons  de  chant  ^  ;  et  le  fouet  dont  il  menaçait  les  en- 


1.  Voyez  sur  rétablissement  proche  du  Latran  la  note  de 
M^'  Duchesne,  t.  II,  p.  102.  Le  Liber  diurniis  contient  une  l'or- 
mule  concernant  un  fonds  indûment  soustrait  à  VOrphanotro- 
phium,  et  on  y  lit  :  «  Dumque  necessitate  victus  arctatur  locus, 
frequentia  cessavit  infantium,  quibus  deerat  expensae  provi- 
dentia.  Ne  ergo  cantorum  deficeret  ordo  atque  Dei  Ecclesiae 
contumelia  irrogaretur.. .  » 

2.  Au  VII*  siècle,  on  conservait  le  lit  sur  lequel,  croyait-on, 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  17 

fidèles!  A  Alexandrie,  les  fidèles  sont  si  impatients 
de  s'y  rassembler  que,  au  cours  du  carême  de  354,  ils 
supplient  leur  évêque,  saint  Athanase,  de  leur  ouvrir 
le  Dominicum,  encore  que  cette  basilique  ne  soit 
pour  lors  ni  consacrée  ni  même  terminée,  et  saint 
Athanase  est  impuissant  à  résister  à  leur  requête  ^ . 

Ne  se  retrouverait-on  dans  la  maison  du  Seigneur 
qu'à  de  rares  intervalles?  Tant  de  jours,  tant  d'heures, 
ces  grandes  et  saintes  nefs  resteraient-elles  silencieu- 
ses et  veuves  de  toute  prière?  N'y  avait-il  point  des 
âmes  prêtes  à  y  entretenir  la  prière  perpétuelle? 

On  ne  pouvait  plus  compter  sur  le  gros  des  fidèles. 
Les  chrétiens,  en  devenant  plus  nombreux,  n'étaient 
pas  devenus  plus  fervents.  Ils  négligeaient  maintenant 
même  la  synaxe  liturgique  du  dimanche,  à  la  grande 
tristesse  de  leurs  pasteurs  ^.  Mais  aussi,  à  mesure  que 
l'Eglise  en  s'étendant  s'était  attiédie,  il  s'était  formé 
dans  son  sein  un  groupement  des  âmes  les  plus  zélées 
et  les  plus  ferventes  :  des  hommes  et  des  femmes, 
vivant  au  milieu  du  monde  et  sans  se  dégager  des 
obligations  et  des  relations  de  la  vie  ordinaire,  mais 
s'engageant  par  une  sorte  de  vœu,  par  une  profes- 
sion publique,  à  être  chastes  toute  leur  vie,  à  jeûner 
toute  la  semaine,  à  prier  tout  le  jour.  On  les  appelait, 
en  Syrie,  «  monazontes  »  et  a  parthenae  »  :  c'é- 
taient les  vierges  et  les  ascètes.  Ils  formaient  comme 

1.  Athanas.  Apolog.  ad  Constant.  14.  Athanase  dit  des 
églises  plus  anciennes  :  xôiv  èxxXv](jttov  ôXîywv  xat  ppaxutaTwv 
oOdûv,  elles  étaient  rares  et  très  petites. 

2.  Ghrysostom.  Homil.  IV  in  Annam,  1.  Ilomil.  de  bapt. 
(]hristi  et  de  epiph.  1. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAm.  2 


18  HISTOIHE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

une  confrérie  sans  hiérarchie  et  sans  lien,  un  tiers 
état  entre  la  cléricature  et  la  laïcité,  n'ayant,  je  parle 
des  ascètes,  aucun  des  pouvoirs  des  clercs,  et  rien 
que  des  devoirs  plus  stricts  que  les  laïcs.  Ils  n'étaient 
pas  des  cénobites,  ils  étaient  déjà  des  réguliers.  Ces 
ascètes  et  ces  vierges,  nous  les  trouvons  constitués 
de  cette  sorte  dans  toutes  les  grandes  Eglises  d'O- 
rient de  la  première  moitié  du  iv''  siècle,  à  Alexandrie, 
à  Jérusalem,  à  Antioche,  à  Edesse. 

Or,  à  ces  ascètes,  à  ces  vierges,  leur  règle  faisait 
un  devoir  de  prier  tous  les  jours,  de  ne  point  se  con- 
tenter des  vigiles  solennelles  de  l'Eglise,  mais  de  cé- 
lébrer entre  eux  des  vigiles  quotidiennes.  Leur  vie 
devait  être  une  vigile  perpétuelle.  Dans  ce  traité  De 
la  virginité  qui  porte  le  nom  de  saint  Athanase  et  qui 
est  en  réalité  une  œuvre  ascétique,  peut-être  cappa- 
docienne  des  environs  de  370,  il  est  prescrit  aux  vier- 
ges de  se  lever  chaque  nuit  pour  un  office,  purement 
privé  celui-ci,  et  qui  n'est  que  l'office  vigilial  rendu 
quotidien  ^  Un  peu  plus  tard,  saint  Jean  Chrysos- 
tome  écrit  des  ascètes  d'Antioche  :  «  A  peine  le  coq 
a-t-il  chanté,  ils  se  lèvent.  A  peine  sont-ils  levés,  ils 
entonnent  les  psaumes  de  David,  et  avec  quelle  suave 
harmonie!  11  n'y  a  ni  harpe,  ni  flûte,  ni  tel  autre  ins- 
rument  de  musique  qui  donne  un  chant  pareil  à  celui 
que  l'on  entend  monter,  dans  le  silence  et  dans  la  so- 


1.  Pseudo-Athanas.  De  virginilat.  20  (p.  55).  Ceiofiice  con- 
siste à  réciter  debout  autant  de  psaumes  qu'on  peut,  chaque 
psaume  étant  accompagné  d'une  prière  à  genoux  (xaxà  tl^aXjjLov 
z\)Xh  xat  -^w^vl^aioL  éTciTeXeîaôto).  Après  ctiaque  trois  psaumes, 
un  alléluia. 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  19 

litude,  des  lèvres  de  ces  saints.  De  même  quand  ils 
chantent  avec  les  anges,  oui,  avec  les  anges,  le  Lau- 
date  Dominum  de  caelis,  tandis  que  nous,  hommes 
du  siècle,  nous  reposons  encore  ou  qu'à  demi  éveillés 
nous  ne  songeons  qu'à  nos  misérables  desseins.  Au 
point  du  jour  seulement  ils  se  reposent,  et  encore  à 
peine  le  soleil  a-t-il  paru,  ils  se  remettent  à  la  prière 
et  exécutent  leurs  laudes  matinales  ^  ». 

Saint  Jean  Chrysostome,  et  aussi  le  pseudo-Atha- 
nase  auteur  du  traité  De  la  virginité ^  poursuivent  en 
disant  que  ce  n'est  pas  seulement  chaque  matin,  au 
chant  du  coq  et  à  l'aurore,  que  les  ascètes  et  les  vier- 
ges se  livrent  ainsi  entre  eux  à  la  psalmodie,  mais 
encore,  et  quotidiennement,  à  la  troisième,  à  la  sixième 
et  à  la  neuvième  heure  du  jour  ^.  Aussi  bien  était-ce 
une  vieille  coutume  chrétienne  que  de  consacrer  par 
quelque  prière  tierce,  sexte  et  none.  La  piété  chré- 
tienne avait  rattaché  des  souvenirs  chrétiens  à  ces 
trois  moments,  qui  divisaient  le  jour  en  trois  étapes  : 
à  la  troisième  heure  (neuf  heures  du  matin),  le  souve- 
nir de  la  condamnation  du  Sauveur;  à  la  sixième 
(midi),  le  souvenir  de  sa  crucifixion;  à  la  neuvième 
(trois  heures),  le  souvenir  de  sa  mort^.   Et  chacune 


1.  Ghrysostom.  Homil.  XIV  in  I  Tim.  4.  J'ai  résumé  briè- 
vement un  long  développement  de  saint  Jean  Chrysostome, 
qui  est  curieux  à  lire  dans  son  texte  et  en  entier.  P.  G.  LXII, 
575-577. 

2.  Chrysostome  [homil.  cit.  4)  énumère  exactement  :  1°  la 
psalmodie  au  chant  du  coq,  2"  la  psalmodie  au  lever  du  jour, 
ejxat  éwôivat,  3°  tierce,  4"  sexte,  5"  none,  6"  la  psalmodie  du 
soir,  sO^al  sauepivat. 

3.  Clément.  Stromal.  vu,  7  (éd.  Staehlin,  t.  II,  p.  30-31). 


20  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  ces  heures,  en  sonnant  aux  horloges  publiques, 
devait  rappeler  aux  fidèles  qu'il  ne  fallait  point  laisser 
leur  cœur  se  distraire  des  mystères  de  la  foi  :  «  Très 
istas  horas  ut  insigniores  in  rehus  humanis,  quae 
diem  distrihuunt,  quae  publiée  résonant,  ita  et  so- 
lemniores  fuisse  in  orationibus  dinnis  [intellega- 
mus]  ^  » 

Ce  qui  n'était  pour  les  fidèles  du  m®  siècle  que  la 
matière  d'un  conseil  ^  était  devenu  pour  les  ascètes  et 
les  vierges  du  iv^  une  règle.  Ascètes  et  vierges  priaient 
à  tierce,  à  sexte  et  à  none,  comme  ils  priaient  à  vêpres 
ou  à  laudes  :  la  psalmodie,  et  la  psalmodie  en  com- 
mun, les  réunissait  à  chacune  de  ces  différentes  heu- 


Cyprian.  De  clomin.  oratione,  34.  Ces  thèmes  ont  été  repris 
souvent,  voyez  les  textes  chez  von  der  Goltz,  p.  101-113. 

1.  Tertull.  De  ieiiin.  10,  —  Saint  Epiphane  {Haer.  XXIX,  9) 
témoigne  que  les  Juifs  de  son  temps  avaient  une  prière  le 
matin  au  point  du  jour,  le  soir  à  la  tombée  de  la  nuit,  et  en- 
core au  milieu  du  jour.  Cette  départition  de  la  prière  est  celle 
qu'indique  déjà  le  psaume  liv,  18  :  «  Vespere  et  mane  et  me- 
ridie  narrabo  et  annuntiabo,  et  exaudiet  vocem  meam  ».  Le 
texte  cxviii,  164  :  «  Septies  in  die  laudem  dixi  tibi  »,  n'expri- 
mait qu'un  nombre  symbolique.  Cf.  IV  Reg.  v,  10  et  Prov. 
XXIV,  16.  Gassian.  Institut,  coenob.  m,  4  :  «  Qui  typus  licet 
ex  occasione  videatur  inventus  et  recenti  memoria...  statutus 
appareat  »,  etc.  Il  n'en  aura  pas  moins  une  influence  sensible 
sur  la  distribution  des  heures  de  l'office  canonique. 

2.  Tertull.  De  oratione,  25  :  «  Non  erit  otiosa  extrinsecus 
observatio  etiam  horarum  quarumdam.  Istarum  dico  commu- 
nium,  quae  diu  inter  spatia  signant,  tertia,  sexta,  nona...  Elsi 
simpliciter  se  habeant  sine  uUius  observationis  praecepto,  bo- 
num  tamen  sit  aliquam  constituere  praesumptionem,  qua  et 
orandi  admonitionem  constringat  et  quasi  lege  ad  taie  munus 
extorqueat  a  negotiis  interdum...  Exceptis  utique  legitimis  ora- 
tionibus, quae  sine  ulla  admonitione  debentur  ingressu  lucis 
et  noctis.  » 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  21 

res,  comme  elle  les  réunissait  au  chant  du  coq  ou  à 
l'heure  du  lucernaire  ^ . 

Il  restait  un  progrès  à  accomplir,  et  que,  l'Église 
offrant  l'hospitalité  de  ses  nefs  à  ces  ascètes  et  à  ces 
vierges,  le  clergé  prît  la  direction  de  ces  exercices  à 
l'origine  surérogatoires  et  privés.  Cette  évolution 
s'accomplit  vers  le  milieu  du  iv®  siècle.  Sozomène 
nous  apprend  d'un  évêque  de  Syrie,  Zenon,  évêque 
de  Maiuma,  lequel  mourut  centenaire  vers  380,  que 
jamais  il  n'avait  manqué  d'assister  aux  services  «  des 
psaumes  du  matin  et  des  psaumes  du  soir  ^  ».  C'est  la 
plus  ancienne  attestation  de  la  quotidienneté  d'un 
exercice  psalmodique  public  du  matin,  au  chant  du 
coq,  et  du  soir,  au  coucher  du  soleil.  Pareille  attesta- 
tion dans  un  document  d'origine  syrienne,  le  second 
livre  des  Constitutions  apostoliques  :  on  fait  un  devoir 
à  l'évêque  d'inviter  et  avec  instance  son  peuple  à  être 
assidu  à  l'église  «  à  l'aurore  et  le  soir  de  chaque  jour  ». 
Donc  chaque  jour  le  peuple  se  réunira  dans  les 
églises  à  l'aurore  et  le  soir,  pour  psalmodier  et  prier  : 
le  matin  on  dira  le  psaume  (lxii)  Deus  deus  meus  ad 
te  de  luce  vigilo^  le  soir  le  psaume  (cxl)  Domine  cla- 
maçi  ad  te^. 


1.  Pseudo-Athanas.  12  (p.  46).  Gregor.  Nyss.  Vita  Macri- 
nae  (P.  G.  XLVI,  p.  976).  Augustin.  Civ.  Dei,  xxii,  8  (éd. 
Hoffmann,  t.  II,  p,  599). 

2.  SozOM.  H.  E.  VII,  28  :    éwOivwv  r\  éo-Ttsptvôiv  vifxvwv. 

3.  Constitut.  apostol.  ii,  59  (éd.  Funk,  p.  171).  Ce  texte  a  pour 
source  la  Didascalia  apostol.  ii,  59  (P'unk,  p.  170).  Or,  la 
Dldascalia  (m®  siècle)  ne  parle  de  réunir  les  fidèles  que  le 
dimanche,  et  ne  dit  rien  d'une  assemblée  du  matin  et  du  soir. 
On  saisit  là  le  changement  qui  a  pris  place  au  iv"  siècle.  — 


22  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Si  cet  usage  prit  naissance  en  Orient,  il  ne  mit  pas 
longtemps  à  se  propager  dans  toute  l'Église.  Dès  360 
saint  Hilaire  écrivait  :  «  Progressas  Ecclesiae  in  ma- 
tutinorum  et  vespertinorum  hymnorum  delectationc 
maximum  misericordiae  Dei signum  est.  Dies  in  ora- 
tionibus  Dei  inchoatur^  dies  in  hymnis  Dei  claudi- 
tur  y^  ^  Saint  Basile  l'introduisit  à  Césarée,  malgré 
l'opposition  d'une  partie  du  clergé,  que  heurtait  dans 
ses  vieux  us  cette  innovation  liturgique  (375)  2.  A  Mi- 
lan saint  Ambroise,  évêque  depuis  374  et  ami  de  saint 
Basile,  inaugura  l'usage  oriental  des  vigiles  quoti- 
diennes :  «  Hoc  in  tempore,  écrit  Paulin,  biographe 
de  saint  Ambroise,  primum...  vigiliae  in  ecclesia 
mediolanensi  celehrari  coeperunt^.  »  A  Constanti- 
nople,  saint  Jean  Chrysostome  l'importera  d'Antio- 
che,  et  l'imposera  à  un  clergé,  qui,  dit  un  vieil  au- 
teur, fut  fort  chagriné  de  ne  plus  pouvoir  dormir  à 
son  habitude  toute  la  nuit  '*.  A  Jérusalem,  où  les  as- 


Pour  la  distribution  du  psautier  entre  les  divers  jours  du 
temps  selon  les  besoins  spirituels  du  chrétien,  on  peut  lire  de 
saint  Athanase  son  Epistula  ad  Marcellinum,  notamment  22 
et  23. 

1.  HiLAR.  In  psalm.  lxiv,  12.  Cf.  Augustin.  Confess.  v. 
9  :  «  Bis  in  die,  mane  et  vespere,  ad  ecclesiam  tuam  sine  ulla 
intermissione  venientis,  non  ad  vanas  fabulas  et  aniles  lo- 
quacitates,  sed  ut  te  audiret  in  tuis  sermonibus,  et  tu  illam  in 
suis  orationibus.  »  Epistul.  xxix,  11  :  «  Acta  sunt  vespertina, 
quae  cotidie  soient,  nobisque  cum  episcopo  recedentibus  fra- 
tres  eodem  loco  hymnos  dixerunt,  non  parva  muititudine 
utriusque  [sexus]  ad  obscuratum  diem  manente  atque  ps;d- 
lente.  » 

2.  Basil.  Epistul.  ccvii,  2-4. 

3.  Paulin.  Vita  Ambr.  13. 

4.  Pallaek  Dialog.  hist.  5. 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  23 

cètes  et  les  vierges  étaient  plus  nombreux  que  nulle 
part  ailleurs,  cet  office  public  quotidien  prit  une  so- 
lennité plus  grande  aussi. 

Une  pèlerine  espagnole,  qui  visita  les  saints  lieux 
vers  385-388  et  dont  nous  possédons  le  journal  de 
voyage  ^ ,  nous  a  laissé  une  description  détaillée  du 
service  quotidien  de  la  grande  église  de  Jérusalem, 
VAnastasis'^. 

Voici  pour  l'office  vespéral,  qu'elle  place  vers  qua- 
tre heures  du  soir  : 

A  la  dixième  heure,  écrit-elle,  l'heure  que  l'on  ap- 
pelle ici  «  licinicon  »  et  que  nous  appelons  chez  nous 
a  lucernare  »,  la  foule  se  porte  à  l'Anastasis.  Tous  les 
cierges  sont  allumés,  il  fait  une  lumière  infinie.  On 
chante  alors  les  psaumes  du  soir  [psalmi  lucernares), 
qui  sont  des  psaumes  longuement  antiphonés^.  Au 
moment  voulu,  on  a  prévenu  l'évêque  ;  il  descend  ;  il 
s'assoit  sur  son  siège  élevé,  les  prêtres  autour  de 
lui  à  leurs  places.  Le  chant  des  psaumes  et  des  anti- 
phones  s'achève  :  alors  l'évêque  se  lève  et  il  reste 
debout  devant  la  balustrade,  pendant  qu'un  diacre 
fait  la  commémoraison  de  chacun,  et  que  les  pisinni 


1.  J.-F.  Gamurrini,  5.  Silviae  aqiiitanae  peregrinatio  ad 
loca  sancta  (Rome  1887).  Je  cite  l'édition  de  P.  Geyer,  Iti- 
nera  hierosolymitana  (Vienne  1898).  En  1903,  Dom  Férotin  a 
fait  la  preuve  que  la  Peregrinatio  devait  être  attribuée,  non  à 
sainte  Silvia  d'Aquitaine,  mais  à  une  vierge  espagnole,  Ethe- 
ria.  M.  Karl  Meister  a  depuis  (1909)  voulu  dater  la  Peregrinatio 
du  vr  siècle  :  nous  ne  croyons  pas  qu'il  ait  convaincu  personne. 
Voyez  Revue  biblique,  1910,  p.  432-445. 

2.  Peregrinatio,  24  (Geyer,  p.  l\-lk). 

3.  Je  reviendrai  plus  loin  à  ce  détail  important. 


24  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

OU  jeunes  enfants,  qui  sont  là  très  nombreux,  à  chaque 
nom  répondent  Kyrie  eleison  :  leurs  voix  sont  in- 
finies. Le  diacre  ayant  achevé  son  énumération,  l'é- 
vêque  prononce  une  oraison  :  c'est  l'oraison  pour 
tous  :  les  fidèles  aussi  bien  que  les  catéchumènes 
s'y  associent.  Puis  l'évêque  prononce  l'oraison  pour 
les  catéchumènes,  et  ceux-ci,  sur  le  signe  que  leur 
en  donne  le  diacre,  inclinent  la  tête  pendant  que  l'é- 
vêque dit  la  «  benedictionem  super  cathecuminos  ». 
Enfin  l'évêque  prononce  l'oraison  pour  les  fidèles,  et, 
à  leur  tour,  ceux-ci  s'inclinent,  au  signe  du  diacre, 
sous  la  bénédiction  épiscopale.  L'office  est  fini,  cha- 
cun s'en  va  après  avoir  baisé  la  main  de  l'évêque  : 
«  Et  sic  fit  missa  Anastasi*.  » 

Dans  cette  courte  description  de  vêpres,  nous  dis- 
tinguons la  psalmodie  et  les  oraisons.  Les  oraisons 
sont  la  conclusion  de  l'office  :  elles  sont  prononcées 
par  l'évêque.  Entre  la  psalmodie  et  les  oraisons  se 
place  une  brève  litanie,  dite  par  un  diacre  auquel 
répondent  les  enfants.  La  psalmodie  est  le  corps  de 
l'office.  Notons  qu'à  cet  office  du  soir  sont  assignés 
des  psaumes  déterminés,  psalmi  lucernares,  comme 
à  l'office  du  matin  seront  assignés  d'autres  psaumes, 
psalmi  matutini  :  entendons  par  là  des  psaumes  ayant 
par  leur  contenu  quelque  rapport  avec  la  fin  ou  le 
commencement  de  la  journée. 

1.  L'office  de  l'Anastasis  est  accompagné  de  deux  prières, 
l'une  nnte  crucem,  l'autre  post  crucem  :  l'Anastasis  étant  le 
sanctuaire  qui  recouvre  le  saint  sépulcre,  le  sanctuaire  de 
la  croix  est  à  côté,  c'est  celui  où  se  conserve  la  vraie  croix. 
Par  ante  crucem  est  désigné  l'atrium  du  sanctuaire,  et  par 
post  crucem  le  chevet  du  sanctuaire. 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  25 

Voici  pour  l'office  nocturne  : 

Chaque  nuit,  avant  le  chant  des  coqs  toutes  les 
portes  de  l'Anastasis  s'ouvrent;  les  monazontes  et  les 
parthenae  arrivent;  et  non  seulement  eux,  mais  en- 
core de  simples  fidèles,  hommes  et  femmes,  qui  veu- 
lent faire  vigile  {laie i  qui  volunt  maturius  vigilare). 
De  ce  moment-là  au  lever  du  soleil,  on  psalmodie^  ; 
à  la  fm  de  chaque  psaume,  on  prononce  une  oraison 
[cata  singulos  ymnos  fit  oratio).  Ces  oraisons  sont 
dites  par  les  prêtres  et  les  diacres  qui,  tous  les 
jours,  au  nombre  de  deux  ou  trois,  sont  désignés 
pour  venir  présider  l'office  des  monazontes. 

Mais,  au  moment  où  le  jour  point,  on  commence  à 
dire  les  matutinos  ymnos.  L'évêque  arrive  à  ce  mo- 
ment avec  ses  clercs,  et,  debout  derrière  la  balus- 
trade, il  dit  une  oraison  pro  omnibus,  puis  pj^o  cate- 
chumenis,  puis  pro  fidelibus.  11  se  retire  ensuite,  et 
chacun  vient  lui  baiser  la  main  et  se  faire  bénir  par 
lui.  L'assemblée  est  congédiée  au  jour  venu,  «  iam 
luce  ». 

1.  Textuellement  :  «  Dicuntur  ymni,  et  psalmi  respondun- 
tur,  similiter  et  antiphonae,  et  cata  singulos  ymnos  fit  ora- 
tio. ))  Dans  ce  passage,  comme  dans  maint  auteur  ancien,  ym- 
niis  est  synonyme  de  psalmus.  Quand  la  Peregrinatio  écrit  : 
«  Dicuntur  ymni  »,  elle  pense,  croyons-nous,  aux  psaumes  dits 
en  solo.  Par  «  psalmi  responduntur  »,  elle  désigne  les  refrains 
chantés  à  l'unisson  par  les  fidèles,  et  que  nous  avons  vus 
clore  ou  entrecouper  le  solo.  Par  «  antiphonae  »,  elle  désigne 
la  psalmodie  à  deux  chœurs  alternants,  dont  nous  parlerons 
plus  loin.  —  Rapprochez  Augustin.  Epistul.  xxix,  11  :  «  Po- 
meridiano  die  maior  quam  ante  meridiem  adfuit  multitudo, 
et  usque  ad  horam,  qua  cum  episcopo  egrederemur,  legeba- 
tur  alternatim  et  psallebatur;  nobisque  egressis  duo  psalmi 
lecti  sunt.  » 


2G  HISTOIRE  DU  nnÉviAiRE  romain, 

Dans  cette  description,  distinguons  encore.  D'a- 
bord le  nocturne  :  des  psaumes  suivis  chacun  d'une 
oraison,  c'est  l'ordre  aussi  relevé  par  Cassien  dans 
les  monastères  d'Egypte.  Le  nombre  des  psaumes 
était  de  douze  en  Egypte.  Cet  office  nocturne  consti- 
tue la  vigile  quotidienne.  Puis,  aulever  du  jour  (ubice- 
peint  lucescere),  les  laudes.  L'évêque  s'y  rend,  comme 
il  s'est  rendu  à  vêpres.  Vêpres  et  laudes  se  détachent 
du  nocturne,  comme  si  vêpres  et  laudes,  en  se  con- 
fondant avec  la  prière  du  soir  et  la  prière  du  matin, 
avaient  un  caractère  d'obligation  que  le  nocturne  n'a 
pas.  Ce  nocturne,  en  effet,  ou  vigile  quotidienne, 
proprement,  est  un  office  où  ne  viennent  que  quelques 
fidèles,  en  dehors  des  ascètes  de  profession.  Mais  il 
y  a  foule  à  vêpres  et,  semble-t-il,  à  laudes.  Le  di- 
manche, le  nocturne  est  le  traditionnel  office  de  la  vi- 
gile dominicale  :  ce  jour-là,  il  y  a  foule  au  nocturne, 
«  une  multitude  aussi  nombreuse  qu'elle  le  serait  à 
Pâques  »,  dit  la  Peregiinatio^. 

Voici  pour  sexte  et  none. 

A  la  sixième  heure,  les  monazontes  et  les  pai" 
thenae  se  retrouvent  dans  la  basilique  de  l'Anastasis  : 


1.  Nicetas,  évêque  de  Remesiana,  vers  400,  dans  son  ser- 
mon De  vigiliis,  3  (éd.  Burn,  1905,  p.  58),  écrit  :  «  Nec  sane 
onerosum  vel  difficile  videri  débet  etiam  delicatis  corporibus 
in  septimana  duarum  noctium,  id  est  sabbati  atque  dominici, 
portionem  aliquam  Dei  ministerio  deputare  ».  Il  s'étonne  que 
certains  chrétiens  trouvent  importun  l'office  des  vigiles  ré- 
duit à  cela  :  «  Mirari  me  fateor  esse  aliquos  qui  sacras  vigi- 
lias  tam  spiritali  opère  fructuosas,  orationibus  hymnis  lectio- 
nibusque  fecundas,  aut  superfluas  aestimant  aut  otiosas,  aut 
id  quod  est  deterius,  importunas.  »  Id.  1  (p.  56). 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  27 

on  psalmodie  ^  L'évêque  est  averti,  il  arrive,  et,  sans 
s'asseoir,  debout  devant  la  balustrade,  comme  le  ma- 
tin, il  prononce  de  même  l'oraison.  Il  se  retire  en- 
suite et  chacun  vient  lui  baiser  la  main.  A  la  neu- 
vième heure  a  lieu  le  même  office  qu'à  la  sixième.  La 
Peregrinatio  ne  parle  point  de  réunion  psalmodique 
à  tierce. 

Tel  était  le  service  quotidien  introduit  avec  les 
ascètes  et  les  vierges  dans  la  publicité  des  basiliques. 
Veut-on  voir  maintenant  comment  il  s'y  combinait 
avec  l'antique  usage  de  la  vigile  ?  La  Peregrinatio  va 
nous  l'apprendre. 

Le  septième  jour,  c'est-à-dire  le  dimanche ,  avant 
le  chant  des  coqs,  la  multitude,  tout  ce  que  la  basi- 
lique en  peut  contenir,  aussi  nombreuse  qu'elle  le 
serait  à  Pâques,  se  réunit  à  l'Anastasis,  mais  devant 
l'église,  à  la  clarté  des  lanternes.  Les  fidèles  arri- 
vent longtemps  à  l'avance,  craignant  d'arriver  passé 
le  chant  des  coqs.  Ils  s'assoient.  On  chante  des 
psaumes  ^,  chaque  psaume  suivi  d'une  oraison  dite  par 
un  prêtre  ou  par  un  diacre,  car  il  y  a  toujours  là  des 
prêtres  et  des  diacres  «  parati  ad  vigilias  ».  La  cou- 
tume veut  qu'avant  le  chant  des  coqs  on  n'ouvre  pas 
les  portes  de  la  basilique.  Mais  sitôt  qu'il  a  retenti, 

1.  Textuellement  :  «  Dicuntur  psalmi .  et  antiphonae  ».  Il 
n'est  plus  question  de  psaumes  à  répons.  La  raison  en  est 
sans  doute  que  cet  office  de  sexte  et  de  noue  n'est  suivi  que 
par  les  ascètes,  qui,  sachant  les  psaumes  par  cœur,  peuvent 
les  chanter  intégralement,  tandis  que  le  bon  peuple  ne  peut 
que  chanter  son  refrain. 

2.  Textuellement  :  «  Dicuntur  ymni,  nec  non  et  antiphonae, 
et  fiunt  orationes  cata  singulos  ymnos  vel  antiphonas  ». 


28  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

l'évêque  arrive  :  toutes  les  portes  s'ouvrent,  la  foule 
entre  ;  des  luminaires  infinis  sont  allumés.  Le  peuple 
entré,  un  prêtre  dit  un  psaume  auquel  l'assemblée 
répond^  ;  après  le  psaume,  une  oraison.  Puis  un  dia- 
cre dit  un  second  psaume,  suivi  d'une  oraison.  Puis 
un  clerc  quelconque  un  troisième  psaume,  suivi  d'une 
troisième  oraison.  A  la  suite,  la  commémoraison  ou 
prière  pour  tous,  comme  plus  haut.  Ces  trois  psaumes 
et  ces  trois  oraisons  achevés,  les  encensoirs  sont  ap- 
portés; la  basilique  s'emplit  de  leur  parfum.  C'est 
le  moment  où  l'évêque  prend  l'évangile  en  main  et 
fait  la  lecture  2.  Après  quoi,  il  bénit  les  fidèles,  l'office 
est  fini.  L'évêque  se  retire;  les  fidèles  aussi  retour- 
nent chez  eux  et  vont  dormir.  —  Mais  les  monazontes 
restent  dans  la  basilique  pour  psalmodier  jusqu'au 
jour,  chaque  psaume  suivi  d'une  oraison  dite  par 
quelque  prêtre  ou  diacre.  Il  reste  aussi  quelques  sim- 
ples fidèles,  hommes  ou  femmes,  ceux  qui  veulent^. 


1.  Textuellement  :  «  Dicet  psalmum  quicumque  de  presby- 
teris,  et  respondent  omnes;  post  hoc  fit  oratio.  »  Nous  re- 
trouvons ici  la  psalmodie  en  solo  et  à  répons. 

2.  Voici  enfin  une  leçon,  mais  à  Jérusalem,  dans  la  basi- 
lique de  l'Anastasis,  le  dimanche  matin,  on  lit  toujours  la 
même  leçon,  qui  est  le  récit  de  la  résurrection  du  Sauveur  : 
«  Legit  resurrectionem  domnus  episcopus  ipse...  Lecto  euan- 
gelio  exit  episcopus  et  ducitur  cum  ymnis  ad  crucem  »,  l'é- 
glise adjacente  à  l'Anastasis,  «  et  omnis  populus  cum  illo.  Ibi 
denuo  dicitur  unus  psalmus  et  fit  oratio.  Item  benedicet  fi- 
dèles et  fit  missa.  » 

3.  Textuellement  encore  :  «  Psalmi  dicuntur  et  antiphonae 
usque  ad  lucem,  et  cata  singulos  psalmos  vel  antiphonas  fit 
oratio.  »  La  Peregrinatio  ajoute,  au  sujet  de  cette  psalmodie 
qui  suit  la  psalmodie  à  laquelle  l'évêque  a  assisté  :  «  Vicibus 
cotidie  presbyteri  et  diacones  vigilant  ad  Anastasim  cum  po- 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  29 

Dans  cette  description  si  détaillée  et  si  vivante,  on 
distingue  nettement  la  superposition  des  deux  litur- 
gies :  la  liturgie  de  la  totalité  des  fidèles,  la  liturgie 
des  ascètes  et  des  vierges.  Ces  deux  liturgies  se 
juxtaposent  le  dimanche  de  telle  sorte  que  l'une  est 
obligatoire  et  suivie  par  le  clergé  et  par  tous  les 
fidèles,  et  que  l'autre,  qui  cependant  suit  la  première, 
reste  facultative,  et  ne  retient  que  les  plus  fervents 
pour  y  prendre  part  et  quelques  clercs  pour  la  pré- 
sider. 


La  quotidienneté  des  vigiles  n'était  point  la  seule 
innovation  due  à  l'influence  des  ascètes  et  des  vierges. 
On  leur  devait  une  transformation  profonde  de  la 
psalmodie  ecclésiastique. 

Ce  qu'était  le  chant  antique  des  psaumes,  on  l'a  vu 
plus  haut  :  mais  on  ne  saurait  trop  répéter  la  for- 
mule qu'en  donne  saint  Augustin  d'après  saint  Atha- 
nase  :  «  Tarn  modico  flexu  çocis  faciehat  sonare  lec- 
torem  psalmi,  ut  pronuncianti  vicinior  esset  quam 
canenti.  »  C'est  la  vieille  manière.  Or,  si  un  pareil 
chant  pouvait  suffire  à  fixer  l'attention  d'une  assem- 
blée très  restreinte  et  très  serrée,  et  à  remplir  la  ca- 
pacité d'une  petite  église,  il  n'en  allait  pas  de  même 
d'une  grande  foule  ni  d'une  vaste  basilique.  Dans  de 
pareils  vaisseaux  la  voix  grêle  d'un  lecteur  devenait 

piilo.  De  laicis  etiam,  viris  et  mulieribus,  si  qui  volunt,  usque 
ad  lucem  loco  sunt;  si  qui  nolunt,  revertuntur  in  domos  suas 
et  reponent  se  dormito.  »  ■ 


30  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

impuissante  à  dominer  le  confus  murmure  du  peu- 
ple. «  Quantum  laboratur  in  ecclesia  ut  fiât  silen- 
tium  cum  lectiones  leguntur^  »  observe  un  évêque 
du  iv^  siècle  ^  .  Dans  des  assemblées,  que  le  même 
auteur  compare  à  une  mer  mouvante  et  bruyante  ^, 
il  fallait  que  le  chant  devînt  plus  puissant,  puissant 
comme  le  bruit  des  grandes  eaux  elles-mêmes.  A 
la  psalmodie  en  solo,  psalmus  responsorius,  se  subs- 
titua la  psalmodie  en  chœur,  antiphona. 

Ici  plus  de  solo  :  toute  l'assemblée  prend  part  au 
chant,  partagée  en  deux  chœurs  ou  «  systèmes  », 
chantant  l'un  le  premier  verset  du  psaume,  l'autre  le 
second,  et  ainsi  de  suite  ^.  L'antiphone  consiste  en  ce 
que  les  deux  chœurs  se  répondent  verset  par  verset  : 
ainsi  la  décrit  saint  Isidore,  et  avant  lui,  saint  Ba- 
sile^. Saint  Isidore  ajoute  que  cette  psalmodie  venait 

1.  Ambros.  In  ps.  I  enarrat.  9. 

2.  Hexaemeron,  m,  15. 

3.  NiCET.  Remesian.  De  psalm.  hono,  13  (Burn,  p.  80)  : 
«  ...  Omnes  quasi  ex  uno  ore  eundemque  psalmorum  sonuni, 
eandemqiie  vocis  modiilationem  aequaliter  proferamus  :  qui 
aiitem  aequare  se  non  potest  ceteris,  melius  est  ei  tacere,  aiil 
lenta  voce  psallere,  qiiam  clamosa  voce  omnibus  perstrepere; 
sic  enini  et  niinislerii  iinpleat  offîcium  et  psallenli  fraternitati 
non  obstrepal.  Non  enim  omnium  est  habere  vocem  tlexibi- 
lem  vel  canoram  ». 

4.  Basil.  Epistul.  ccvii,  3  :  ôi^rj  SiavefxriôevTsç,  àvTulaXXouffiv 
àXXiQXoiç.  Notons  que  saint  Basile,  comme  la  Peregrinatio,  at- 
teste que  tous  les  psaumes  ne  sont  pas  tous  antiphonés,  mais 
qu'une  bonne  partie  des  psaumes  est  exécutée  en  «  répons  »  : 
ETieiTa  TràXiv  èraTpé'l'avxe;  évl  xaxàpxetv  ^oO  [xéXou;  ol  XotTiol  Oixy]- 
Xo\>ai  (ibid.).  —  Isidor.  Elymolog.  vi,  19,  7  :  «  Antiphona  ex 
i^raeco  interpretatur  vox  reciproca,  duobus  scilicet  clioris  al- 
ternatim  psallentibus  ordine  commutato,  sive  de  uno  ad 
unum  :  quod  genus  psallendi  Graeci  invenisse  traduntur.  » 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  31 

des  Grecs,  et  rien  n'est  plus  juste,  les  témoignages 
s'accordant  à  attribuer  à  Diodore  l'introduction  du 
chant  antiphoné  dans  l'Eglise  d'Antioche. 

S'il  faut  en  croire  Théodore  de  Mopsueste,  bien  en 
situation  de  connaître  les  choses  d'Antioche  puisqu'il 
y  passa  sa  jeunesse  dans  les  confréries  de  Diodore, 
l'antiphone  avait  été  empruntée  par  celui-ci  à  l'usage 
des  Églises  de  langue  syriaque  ^ .  Saint  Basile  con- 
firme le  témoignage  de  Théodore  de  Mopsueste, 
quand  il  écrit  que  de  son  temps  (375)  les  Églises  de  la 
vallée  de  l'Euphrate  exécutaient  la  psalmodie  à  deux 
chœurs  comme  les  Eglises  grecques  de  Palestine  et  de 
Syrie  ^.  A  Antioche,  plus  tard,  on  voulut  donner  à 
l'antiphone  une  origine  plus  indigène  et  plus  glorieuse  : 
oh  raconte  qu'elle  remontait  à  saint  Ignace,  à  qui  une 
vision  avait  montré  les  anges  chantant  ainsi  à  deux 
chœurs  les  louanges  de  la  sainte  Trinité  ;  il  avait  réa- 
lisé cette  vision  du  ciel  dans  son  Église  d'Antioche^. 

Reçu  à  Antioche  en  même  temps  que  la  quotidien- 
neté de  l'office,  le  chant  antiphoné  des  psaumes  con- 
quit bientôt  sa  place  dans  toutes  les  grandes  Églises 
de  l'Orient.  Saint  Basile,  dans  cette  même  lettre  qui 
a  été  citée  à  plusieurs  reprises  déjà,  se  défend  contre 
les  critiques  de  quelques  clercs  d'avoir  introduit  une 

1.  Theodor.  apud  Niget.  Thesaur.  v,  30. 

2.  Basil.  Epistut.  ccvii,  3. 

3-.  SoGRAT.  //.  E.  vi,  8.  Par  contre,  on  en  vint  bientôt  à  se 
représenter  le  ciel  comme  un  chœur  chantant.  Saint  Augus- 
tin, Epist.  GLix,  3,  raconte  le  songe  d'un  chrétien  qui  croit 
entrer  dans  la  cité  céleste  :  «  ...  ubi  audire  coepit  sonos  sua- 
vissimae  canlilenae,  ultra  solitam  notamque  suavitatem... 
hymnos  beatorum  atque  sanctorum  )>. 


32  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

singularité  de  son  fait  dans  l'Église  de  Césarée  en  y 
introduisant  le  chant  antiplioné  des  psaumes  ^ .  «  Cette 
psalmodie  nouvelle  n'est  point  une  singularité,  écrit- 
il,  puisqu'elle  est  à  cette  heure  (375)  pratiquée  dans 
toutes  les  Églises  de  Dieu  :  les  clercs,  qui  sont  ten- 
tés de  rompre  avec  moi  pour  ce  motif,  devront  rom- 
pre au  même  titre  avec  les  Églises  d'Egypte,  de 
Palestine,  de  Syrie  et  de  l'Euphrate.  »  L'antiphone 
était  reçue  à  Constantinople  du  temps  de  saint  Jean 
Chrysostome,  à  Jérusalem  du  temps  de  la  Peregri- 
natio,  à  Milan  du  temps  de  saint  Ambroise  et  par 
ses  soins. 

Il  y  a  plus.  Le  chant  antiphoné  apparaît  tout  de 
suite  comme  une  mélodie  variée,  pathétique.  Le  chant 
des  psaumes,  après  avoir  commencé  par  être  une  dé- 
clamation, est  devenu  de  la  musique.  En  387,  lorsque 
Flavien,  évêque  d'Antioche,  se  rend  à  Constantinople 
pour  demander  la  grâce  des  habitants  d'Antioche  me- 
nacés de  la  colère  de  Théodose,  pour  mieux  toucher 
le  cœur  du  prince,  il  demande  «  aux  jeunes  gens  qui 
ont  coutume  de  chanter  à  la  table  du  palais  d'exécu- 
ter les  psalmodies  suppliantes  d'Antioche  ».  C'étaient 
des  mélodies  de  deuil  et  de  supplication,  c'était  de 
l'art.  Théodose  est  saisi  par  le  caractère  de  cette  mu- 
sique religieuse  si  expressive  et  si  nouvelle;  des 
larmes  d'émotion  tombent  dans  la  coupe  qu'il  tenait 

1.  Nicetas  lui  fait  écho,  De  psalm.  bono,  2  (éd.  Burn,  p.  68)  : 
«  Scio  nonnullos  non  solum  in  nostris  sed  etiam  in  orientali- 
bus  esse  partibus,  qui  superfluam  nec  minus  congiuentem  di- 
vinae  religioni  estiment  psalmorum  et  hymnorum  decantatio- 
nem.  » 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  33 

à  la  main  ^ .  Lorsque  saint  Jean  Chrysostome  sera  fait 
évêque  de  Gonstantinople,  il  installera  la  musique 
antiochienne  dans  son  Église  et  donnera  la  direction 
des  chœurs  à  un  eunuque  de  l'impératrice  2,  quelque 
chose  comme  le  maître  de  chapelle  de  la  cour. 

Le  chant  antiphoné  recevait  à  Milan  un  développe- 
ment semblable  à  celui  que  nous  constatons  à  An- 
tioche.  Saint  Ambroise,  pour  augmenter  l'éclat  des 
vigiles  quotidiennes  de  son  Église,  y  faisait  exécuter 
les  psaumes  v<  secundum  morem  orientalium  par^ 
tium  ».  Et  cette  innovation  s'étendait  rapidement  à 
«  presque  toutes  les  Églises  de  l'Occident  "^  ».  «  Com- 
bien j'ai  pleuré,  écrivait  plus  tard  saint  Augustin, 
combien  j'ai  pleuré  au  son  de  cette  psalmodie,  re- 
mué que  j'étais  par  les  voix  de  ton  harmonieuse 
Église  :  Quantum  flevi...  suaire  sonantis  Ecclesiae 
tuae  çocibus  commotus  acriter  in  hymnis  et  canticis 
tuis!  Voces  illae  influehant  aurihus  meis  et  eliqua- 
batur  çeritas  in  cor  meum,  et  exaestuabat  inde  af- 

1.  SOZOMEN.  H.  E.  VII,  23  :  cxéxeuov  {Xc^toSiat;  xtaiv  ôXoçupTtxûç 
Tcpbç  rà;  Xixàç  xexp^P^évoi. 

2.  SocRAT.  H.  E.  VI,  8,  Notons  toutefois  que  la  chorale  de 
cet  eunuque  ne  prenait  part  qu'aux  vigiles  du  samedi  et  du 
dimanche. 

3.  Augustin.  Confess.  ix,  7  :  «  Tune  [a.  385]  hymni  et  psalmi 
ut  canerentur  secundum  morem  orientalium  partium,  ne  po- 
pulus  maeroris  taedio  contabesceret,  institutum  est,  et  ex 
illo  in  hodiernum  retentum,  multis  iam  ac  paene  omnibus 
gregibus  tuis  et  per  cetera  orbis  imitantibus.  »  Paulin.  Vita 
Ambrosii,  13  :  «  Hoc  in  tempore  primum  antiphonae,  hymni  ac 
vigiliae  in  ecclesia  Mediolanensi  celebrari  coeperunt.  Guius 
celebritatis  devotio  usque  in  hodiernum  diem  non  solum  in 
eadem  ecclesia,  verum  per  omnes  paene  Occidentis  provin- 
cias  manet.  » 

HISTOIRE   DU  BRÉVIAIRE   ROMAIN.  3 


34  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

fectus  pietatisy  et  ciirrebant  lacrimae,  et  bene  mihi 
erat  cutn  eis  ^  ».  Et  cependant  le  même  Augustin  n'est 
pas  loin  de  considérer  cette  psalmodie  musicale 
comme  une  invasion  inquiétante  de  l'art  dans  l'aus- 
térité traditionnelle  du  culte.  «  Pardonnez-moi  ma 
sévérité  si  ma  sévérité  est  une  erreur,  je  voudrais 
bien  souvent  éloigner  de  mes  oreilles,  et  des  oreilles 
de  l'Eglise  elle-même,  toute  la  mélodie  douce  de  ces 
chants  avec  laquelle  on  exécute  maintenant  la  psal- 
modie davidique.  »  Et  ce  lui  est  l'occasion  de  rappe- 
ler le  mot  de  saint  Athanase,  —  «  qui  tam  modico 
flexu  çocis  faciehat  sonare  lectorem  psalmi,  ut  pro- 
nuncianti  çicinior  esset  quam  canenti  »,  —  et  d'ajou- 
ter :  Le  goût  d' Athanase  était  le  plus  sûr  2. 

Ce  qu'était  cette  musique  antiochienne  et  cette 
musique  milanaise,  il  ne  nous  appartient  pas  ici  de 
le  rechercher.  Nous  ne  devons  que  remarquer  le  scru- 
pule dont  était  tourmenté  le  génie  de  saint  Augus- 
tin. Il  regrettait  la  simplicité  première  de  la  psalmo- 
die, se  rendant,  semble-t-il,  mal  compte  que  cette 
simplicité  n'était  plus  séante  à  la  pompe  du   culte 


1.  Augustin.  Confess.  ix,  6. 

2.  Id.  X,  33  :  «  Erro  nimia  severitate,  sed  valde  interdum, 
ut  melos  omnes  cantilenarum  suavium,  quibus  daviticum  psal- 
terium  frequentatur,  ab  auribus  meis  removeri  velim  atque 
ipsius  Ecclesiae,  tutiusque  mihi  videtur  quod  de  alexandrino 
episcopo  Athanasio  saepe  dictum  commemini...  Verum  tamen 
cum  reminiscor  lacrimas  meas,  quas  fudi  ad  cantus  Ecclesiae 
in  primordiis  recuperatae  fidei  meae,  et  nunc  Ipsum  quod 
moveor  non  cantu,  sed  rébus  quae  cantantur,  cum  liquida 
voce  et  convenientissima  modulatione  cantantur,  magnam  in- 
stitut i  huius  utilitatem  rursus  agnosco.  »  —  Sur  le  sentiment 
d'AthaMase,  voyez  son  Epistula  ad  Marcellinum,  27-29. 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  35 

chrétien  triomphant.  L'art  chrétien  naissait  sous 
toutes  ses  formes  :  architecture,  peinture,  cérémo- 
nial. A  ces  foules  nouvelles  de  fidèles  il  fallait  l'at- 
trait et  le  prestige  d'une  musique  pénétrante  et  or- 
née, comme  l'était  aussi  l'éloquence  de  saint  Jean 
Chrysostome,  celle  de  saint  Ambroise,  et  tout  de 
même  celle  de  saint  Augustin. 


in 


L'œuvre  liturgique  du  iv^  siècle  est  accomplie.  Elle 
a  consisté  à  organiser  la  quotidienneté  d'un  double 
service  psalmodique  :  d'une  part,  le  cours  [cursus) 
nocturne,  comprenant  les  vêpres,  l'office  nocturne  au 
chant  du  coq,  enfin  les  laudes  matinales;  d'autre  part, 
le  cours  diurne,  comprenant  les  trois  psalmodies  de 
tierce,  de  sexte  et  de  none. 

Mais  il  arrive  que,  à  dater  du  règne  de  Théodose 
et  du  moment  où  le  catholicisme  devient  la  religion 
sociale  du  monde  romain,  une  scission  profonde  se 
produit  dans  la  société  religieuse.  Les  ascètes  et  les 
vierges,  qui  ont  vécu  jusqu'ici  dans  la  communauté 
des  fidèles,  abandonnent  le  siècle  pour  passer  au  dé- 
sert. Le  cénobitisme  se  constitue  en  une  société  chré- 
tienne distincte,  en  dehors  de  la  société  catholique 
séculière. 

Cette  sécession  opérée,  un  double  or  do  psallendi 
apparaît,  celui  des  clercs  et  celui  des  moines. 

En  aucune  église,  nous  ne  retrouverons  l'office  tel 
qu'il  était  célébré  dans  l'Anastasis  de  Jérusalem  au 


36  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROUMAIN. 

temps  de  la  Peregrinatio  :  tierce,  sexte,  none  ne  sont 
nulle  part  de  l'office  public  du  clergé.  Nous  voulons, 
dit  une  loi  de  Tempereur  Justinien  datée  de  528,  que 
«  tous  les  clercs  constitués  dans  chaque  église  chan- 
tent eux-mêmes  les  nocturnes,  les  laudes,  les  vêpres  » . 
Car,  ajoute  l'empereur,  «  il  est  absurde  que  les  clercs, 
à  qui  incombe  le  devoir  de  la  psalmodie,  fassent 
chanter  à  leur  place  des  gens  à  gage  ;  et  que  les  laïcs 
si  nombreux,  qui  pour  le  bien  de  leurs  âmes  se  mon- 
trent assidus  à  venir  à  l'église  prendre  part  à  la  psal- 
modie, y  paissent  constater  que  les  clercs  constitués 
pour  cet  office  ne  le  remplissent  point  ».  La  loi  pres- 
crit en  conséquence  que  les  clercs  de  chaque  église 
seront  requis,  par  l'évêque  du  lieu  et  par  le  prévôt 
de  chaque  église,  de  prendre  part  à  la  psalmodie  : 
ceux  qui  se  seront  montrés  infidèles  à  ce  service  seront 
mis  hors  le  clergé  ^  Où  nous  voyons  que  dans  fOrient 
grec,  au  commencement  du  vi®  siècle,  chaque  église 
a  son  cours  nocturne,  c'est-à-dire  son  office  vespéral, 
nocturne  et  matinal,  auquel  les  fidèles  aiment  encore 
à  assister  et  que  les  clercs  ont  l'obligation  de  chanter, 
car  ils  sont  payés  pour  cela.  Aucun  cours  diurne. 

1.  Coil.  lustinian.  I,  3,  41  (éd.  Krueger,  p.  28)  :  «  Ad  hoc 
sancimus,  ut  omnes  clerici  per  singulas  ecclesias  constiiuli 
per  se  ipsos  et  nocturnas  et  matutinas  et  vespertinas  preces 
cantent,  neve  in  consumendis  tantummodo  rébus  ecclesiasti- 
cis  clerici  esse  videantur...  Absurdum  etenim  est,  cum  ipsis 
nécessitas  incumbat,  scriptos  [=  Ypauxou;]  eorum  loco  canere. 
Nam  si  multi  laici,  ut  animae  suae  consulant,  ad  sacrosanc- 
tas  ecclesias  confluentes  studiosos  se  circa  psalmodiam  osten- 
dunt,  quemadmodum  non  absurdum  est  clericos,  qui  ad  hoc 
ordinati  sunt,  munus  suum  non  implere?  Quamobrem  omni- 
modo  clericos  canere  iubemus.  » 


LA    GENESE    fiES    HEURES.  37 

Pareil  usage  dans  les  Gaules  ^ . 

«  Nous  voulons,  dit  le  concile  de  Braga  de  561,  qu'il 
n'y  ait  qu'un  seul  et  même  ordo  psallendi  pour  les 
offices  du  matin  et  du  soir,  et  nous  repoussons  les 
usages  des  monastères  que  l'on  voudrait  mêler  à  la 
règle  de  nos  églises  ^  !  »  On  ne  saurait  plus  fortement 
exprimer  la  distinction  du  monastique  et  du  clérical. 
«  Nous  voulons,  dit  le  quatrième  concile  de  Tolède, 
en  633,  qu'il  n'y  ait  qu'un  ordo  psallendi  pour  l'Es- 
pagne et  pour  la  Gaule  dans  les  offices  du  soir  et  du 
matin,  in  çespertinis  matutinisque  officiis^  ».  Ainsi 
l'entend  le  concile  d'Agde  de  506,  quand  il  prononce 
qu'il  doit  y  avoir  en  Narbonnaise  comme  partout, 
«  sicut  ubique  fit  »,  chaque  jour  un  office  chanté  le 
matin  et  un  office  chanté  le  soir,  offices  auxquels 
assiste  le  clergé,  évêque  en  tête  '*.  Si,  dans  quelques 


1.  Voyez  Mauillon,  Z)e  ciirsu  gallicano  disqiiisitiô,  ap.  Mi- 
giie,  P.  L.  LXXII,  381  et  suiv. 

2.  Mansi,  Concilioi'um  collectio  (Venise  1759),  t.  IX,  p.  777; 
Friedberg,  Corpus  iuris  canonici  (Leipzig  1881),  t.  I,  p.  31  : 
«  Unus  idem  psallendi  ordo  in  matutinis  vel  vespertinis  offîciis 
teneatur,...  neque  monasteriorum  consuetudines  cum  eccle- 
siasUca  régula  sint  permixtae.  » 

3.  Mansi,  t.  X,  p.  616  ;  Friedberg,  t.  I,  p.  31  :  «  Unus  igitur 
ordo  orandi  atque  psallendi  nobis  per  omnem  Hispaniam 
atquc  Galliam  conservetur,  unus  modus  in  missarum  solem- 
nitatibus,  unus  in  vespertinis  matutinisque  offîciis,  nec  diversa 
sit  ultra  in  nobis  ecclesiastica  consuetudo,  qui  in  una  fide 
continemur  et  regno.  » 

4.  Mansi,  t.  VIII,  p.  329;  Friedberg,  t.  I,  p.  1415  :  «  Et  quia 
convenit  ordinem  Écclesiae  ab  omnibus  aequaliter  custodiri, 
studendum  est,  ut  sicut  ubique  fit,  et  post  antiphonas  collec- 
tiones  per  ordinem  ab  episcopis  vel  presbyteris  dicantur,  et 
hymni  malutini  vel  vespertini  diebus  omnibus  decantentur,  et 


38  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

églises,  à  Arles  par  exemple  au  temps  de  saint  Cé- 
saire ,  il  est  question  de  faire  célébrer  dans  la  cathé- 
drale un  cours  diurne  (tierce,  sexte,  none),  nous 
sommes  dûment  prévenus  que  cet  exercice  monas- 
tique est  réservé,  en  fait,  aux  pénitents  ou  aux  fidèles 
d'une  rare  ferveur  * . 

Tel  était  au  vi^  siècle  Vordo  psallendi  des  clercs. 

Quant  aux  anniversaires  des  martyrs,  auxquels 
maintenant  s'ajoutaient  des  anniversaires  de  trans- 
lations de  martyrs,  des  anniversaires  de  saints  non 
martyrs,  et  des  anniversaires  de  dédicaces  d'églises, 
—  ce  serait  une  erreur  de  penser  sur  la  foi  des 
martyrologes,  comme  le  Martyrologe  hiéronymien 
(vi^  siècle),  qu'ils  sont  communs  à  toute  la  chrétienté. 


in  conclusione  matutinarum  vel  vespertinariim  missarum  post 
hymnos  capitella  de  psalmis  dicantur,  et  plebs  collecta  ora- 
tione  ad  vesperam  ab  episcopo  cum  benedictione  dimittatur.  » 
Nous  reviendrons  plus  loin  sur  les  indications  liturgiques 
fournies  par  le  30"  canon  d'Agde.  —  Rapprochez  la  descrip- 
tion de  la  psalmodie  en  usage  à  Saint-Martin  de  Tours,  descrip- 
tion donnée  dans  canon  XIX  (18)  du  concile  de  Tours  de  567. 
Mansi,  t.  IX,  p.  796.  Maassen,  Concil.  merov.  (1893),  p.  127. 
Y  joindre  les  indications  du  De  cursii  stellarum  de  Grégoire 
de  Tours  (éd.  Arndt,  des  M.  G.,  p.  870-872). 

1.  Vita  Caesarii,  13  (Bolland.  Acia  SS.  Augiistl,  t.  VI, 
p.  67)  :  «  De  profectibus  cunctorum  sollicitus  et  providus  pa- 
stor,  statiin  instituit,  ut  cotidie  tertiae  sextaeque  et  nonae 
opus  in  Sancti  Slephani  basilica  clerici  cuni  hymnis  cantarent, 
ut  si  quis  forte  saecularium  vel  paenitentium  sanctum  opus 
exsequi  ambiret,  absque  excusatione  aliqua  cotidiano  in- 
teresse possit  officio.  »  —  Grégoire  de  Tours  attribue  à  l'un 
de  ses  prédécesseurs  sur  le  siège  de  Tours,  Injuriosus  (f  545), 
l'institution  de  l'usage  de  célébrer  tierce  et  sexte  :  «  Hic  in- 
stituit tertiam  et  sextam  in  ecclesia  dici,  quod  modo  in  Dei 
nomine  persévérât.  »  Hist.  Franco?',  x,  31. 


LA    GENESE    DES     HEURES.  39 

Le  nombre  des  fêtes  «  catholiques  »,  fêtes  fixes  de 
Notre- Seigneur  (Noël  et  Epiphanie)  ou  fêtes  des 
grands  apôtres  (saints  Jacques,  Jean,  Pierre  et  Paul, 
auxquels  est  joint  saint  Etienne)  ^  est  encore  fort 
restreint  ^.  Mais  chaque  Eglise  a  ses  anniversaires 
locaux^.  En  règle  générale,  là  où  est  la  «  confession  » 
ou  tombeau  du  saint,  et  encore  là  où  se  trouve  une 
«  mémoire  »  du  saint,  c'est-à-dire  quelque  relique,  là 
se  célèbre  son  natale  :  la  fête  a  toujours  ainsi  quelque 
attache  topographique,  comme  au  temps  où  elle  se 
célébrait  dans  les  cimetières,  ad  corpus.  De  là  vient 
que  les  communautés  monastiques,  celles  que  décrit 
Jean  Cassien,  ne  fêtent  point  les  saints  ;  et  ce  sera 
une  originalité  de  la  règle  bénédictine  que  d'intro- 
duire dans  la  liturgie  monastique  les  natalitia  sanc- 
torum^  qui  sont  jusque-là  le  propre  des  vieilles 
Eglises  riches  de  martyrs   locaux.   Les   calendriers 

1.  Gregor.  Nyss.  In  laudem  fratris  Basilii,  1. 

2.  Le  pape  Sirice,  écrivant  en  385  à  Himerius,  évêque  de  Tar- 
ragone  (Jaffé,  255),  parle  des  «  Natalitiis  Christi  seu  Appa- 
ritionis,  necnon  et  apostolorum  seu  martyrum  festivitatibus  ». 
Il  n'est  pas  question  encore  de  saints  non  martyrs.  La  pre- 
mière mention  que  nous  en  connaissions,  est  relevée  en  Pales- 
tine, à  propos  de  saint  Hilarion  (f  371).  Sozom.  //.  E.  m,  14 
[P.  G.  LXVII,  1077).  On  ne  peut  donc  plus  dire,  comme  Mar- 
ïENE,  De  antiquis  Ecclesiae  ritibus  (Rouen  1700),  p.  550,  que 
saint  Martin  (f  400)  est  le  premier  confesseur  dont  on  ait  lèté 
l'anniversaire. 

3.  SozoMÈNE  (//.  E.  V,  3).  au  V  siècle,  parlant  de  deux  lo- 
calités voisines,  Gaza  et  Maiuma,  si  voisines  quelles  n'ont 
qu'un  municipe,  mais  qui  forment  pourtant  deux  Églises  in- 
dépendantes, témoigne  que  ces  deux  Églises  ont  chacune  leurs 
anniversaires  respectifs,  comme  elles  ont  chacune  leur  clergé 
et  leur  évêque  :  "^Exaxipa  ISta  èTrîaxouov  xai  xXr,pov  îyz\.  vcal 
7tavy)")fupetç  [xapTupwv  xai  {jLveîa;  twv  nap'  aOxotç  Yevo(ji,£V(ov  Upécov. 


40  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

des  Eglises  donnent  donc  la  liste  des  anniversaires 
et  indiquent  en  même  temps  la  basilique  ou  l'oratoire 
où  ils  se  célèbrent.  Un  calendrier,  établi  pour  l'Église 
de  Tours  par  l'évêque  Perpetuus  (460-490),  nous  a 
été  conservé  par  Grégoire  de  Tours.  A  Tours,  le 
natale  de  saint  Jean  l'évangéliste  se  célèbre  dans  la 
basilique  de  Saint-Martin  ;  celui  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul,  dans  la  basilique  des  Saints-Pierre-et- 
Paul;  celui  de  saint  Martin,  celui  de  saint  Brice, 
celui  de  saint  Hilaire,  dans  la  basilique  de  Saint-Mar- 
tin; celui  de  saint  Litorius,  dans  la  basilique  de  Saint- 
Litorius  :  tandis  que  les  fêtes  de  Noël,  de  l'Epi- 
phanie, de  Pâques,  de  la  Pentecôte  se  célèbrent  dans 
l'église  cathédrale  ^ 

A  pareille  date,  Vordo  psallendi  des  moines  était 
arrivé  au  terme  de  son  développement.  L'influence  des 
moines  de  Palestine  avait  été  ici  prépondérante.  Les 
cénobites  d'Egypte,  en  effet,  sur  la  fin  du  iv^  siècle,  au 
moins  ceux  que  nous  fait  connaître  Jean  Cassien^,  ne 
pratiquaient  en  commun  que  le  cours  nocturne  et  dans 
la  forme  archaïque  que  nous  avons  décrite  plus  haut. 
Pour  eux,  point  de  cours  diurne  :  les  «  antelucanae 


1.  Histor.  Francor»  x,  31  :  «  De  vigiliis.  Natale  Domini  iii 
ecclesia.  Epiphania  in  ecclesia.  Natale  sancti  lohannis  ad  ba- 
silicam  domni  Martini.  Natale  sancti  Pétri  episcopatus  ad 
ipsius  basilicam.  Sexto  kalendas  aprilis  resurrectio  Domini 
nostri  lesu  Ghristi  ad  basilicam  domini  Martini.  Pascha  in 
ecclesia...  »,  etc. 

2.  Pallad.  Hist.  laus.  xxiii,  3  (éd.  Preuschen,  1897,  p.  84), 
témoigne  que  les  ermites  n'avaient  de  synaxe  en  commun  à 
l'église  que  le  samedi  et  le  dimanche,  pour  la  liturgie  eucha- 
ristique. 


GENESE    DES    HEURES. 

orationes  »  ,  comme  dit  quelque  part  archaïquement 
Cassien,  une  fois  terminées,  les  cénobites  égyptiens 
allaient  à  leurs  travaux  manuels,  et  ce  qu'ils  fai- 
saient de  prières  dans  le  courant  de  la  journée  n'était 
plus  qu'œuvre  individuelle  et  libre ,  «  voluntariuni 
rnunus  «^  Les  moines  de  Palestine,  au  contraire, 
avaient  l'office  tel  que  les  ascètes  et  les  vierges  le 
pratiquaient  à  Jérusalem  du  temps  de  la  Peregri- 
natio  :  le  cours  nocturne,  comprenant  les  vêpres 
[vespertina  solemnitas)  au  coucher  du  soleil,  le  noc- 
turne (nocturna  solemnitas)  et  les  laudes  matinales  ; 
le  cours  diurne  comprenant  tierce,  sexte  et  none"^. 

Cependant  les  moines  de  Bethléhem  avaient  ajouté 
un  exercice  au  cours  diurne^.  L'institution  n'était 
pas  ancienne,  puisque  Jean  Cassien  l'avait  vu  établir 
à  l'époque  où  il  séjournait  à  Bethléhem,  vers  382. 
L'origine  en  est  fort  prosaïque.  A  Bethléhem,  rapporte 
Cassien,  quand  l'office  nocturne  et  les  laudes  étaient 
terminés,  les   moines  allaient  prendre  quelque   re- 


1.  Gassian.  Institut,  m,  2  :  «  Apud  illos  [i.  e.  Aegyptios] 
haec  officia  quae  Domino  solvere  per  distinctiones  horarum  et 
temporis  intervalla  cum  admonitione  compulsoris  adigimur, 
per  totum  diei  spatium  iugiter  cum  operis  adiectione  spon- 
tanée celebrantur...  Quamobrem  exceptis  vespertinis  noctur- 
nisque  congregationibus,  nulla  apud  eos  per  diem  publica 
sollemnitas  absque  die  sabbato  vel  dominica  celebratur,  in 
quibus  hora  tertia  sacrae  communionis  obtentu  conveniunt.  » 
Autant  SozoMEN.  H.  E.  m,  14  (P.  G.  LXVIT,  1072). 

2.  Gassian.  m,  3  :  «  In  Palaestinae  vel  Mesopotamiae  mo- 
nasteriis  ac  totius  Orientis  supra  dictarum  horarum  sollem- 
nitatem,  trinis  psalmis  cotidie  finiuntur.  » 

3.  Voyez  J.  Pargoire,  «  Prime  et  compiles  »,  dans  la  Revue 
iVhist.  et  de  litt.  religieuses,  t.  III  (Paris  1898),  p.  281-288. 


42  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

pos  :  «  Reliquas  horas  refectioni corporum  deputatas 
a  maiorihus  nostris  invenimus.  »  Mais  il  arrivait  que 
les  moines  prenaient  prétexte  de  cette  indulgence 
pour  faire  la  grasse  matinée  et  ne  se  réveiller  qu'au 
coup  de  tierce.  On  a  coupé  court  à  ce  relâchement 
en  plaçant  un  office  au  lever  du  soleil,  un  office  de 
trois  psaumes,  semblable  par  conséquent  à  l'office  des 
trois  autres  heures  diurnes.  Ce  fut  l'origine  de  primée 
Cassien  observe  que  cet  office  de  prime  ne  fut  pas 
accueilli  partout  en  Orient,  les  plus  vieux  monas- 
tères voulant  rester  fidèles  aux  vieilles  règles  :  mais 
il  constate  que,  en  Gaule,  la  propagation  de  prime 
ne  souffrit  pas  de  difficulté,  dans  les  monastères,  s'en- 
tend 2. 


1.  Cassian.  III,  4  :  «  Gum...  neglegentiores  quique  indu- 
tias  somni  longius  protelarent,  quippe  quos  vel  cellas  pro- 
gredi,  vel  de  suis  stratis  consurgere  ante  horam  tertiam  niilla 
conventus  ullius  nécessitas  invitaret,...  decretum  est  diutino 
tractatu  et  consul tatione  sollicita,  ut,  usque  ad  ortum  solis... 
fessis  corporibus  refectione  concessa,  invitati  post  hacc  religio- 
nis  huius  observantia,  cuncti  pariter  e  suis  stratis  consurge- 
rent,  ac  tribus  psalmis  et  orationibus  celebratis,  secundum 
modum,  qui  antiquitus  in  observatione  tertiae  vel  sextae  tri- 
nae  confessionis  exemplo  statutus  est,  et  somno  deinceps 
finem  et  initium  operationi  aequali  moderamine  simul  face- 
rent.  » 

2.  Id.  ihiû.  4  :  «  Cum  hic  idem  typus  de  Oriente  proce- 
dens  hue  usque  fuerit  ulilissime  propagatus,  in  nonnuUis  nuoc 
usque  per  Orientera  antiquissimis  monasteriis,  quae  nequa- 
quam  vetustissimas  régulas  patrum  violari  patiuntur,  minime 
videtur  admissus.  »  —  Baeumer,  1. 1,  p.  230,  note  que,  au  vr  siè- 
cle, à  s'en  rapporter  à  Grégoire  de  Tours,  prime  ne  devait  pas 
exister  dans  les  églises  du  clergé  séculier  du  nord  de  la  Gaule. 
Par  contre,  p.  240,  il  en  trouve  une  trace  certaine  dans  l'anti- 
phouaire  de  Bangor  (ms.  de  la  fin  du  vir  siècle),  qui  représente) 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  43 

L'ollice  de  vêpres  ne  concordait  pas  avec  la  fin  de 
la  journée.  Après  vêpres  avait  lieu  le  repas  du  soir  : 
le  coucher  venait  ensuite.  I^a  journée  de  l'homme  de 
Dieu  lînirait-elle  autrement  que  par  une  prière? 
Ne  convenait-il  pas  que  le  religieux  recommandât 
à  Dieu  la  nuit  et  le  repos  qu'elle  amenait?  Quand  la 
nuit  commence,  écrit  saint  Basile,  il  faut  demander 
à  Dieu  qu'il  garde  notre  repos  de  toute  faute  et  de 
tout  mauvais  songe  :  et  voilà  pourquoi  on  dit  alors 
le  psaume  xc  [Qui  habitat  in  adiutorio  altissimi)^ . 
On  a  vu  avec  raison  dans  ces  mots  de  saint  Basile 
la  plus  ancienne  attestation  de  la  prière  du  coucher, 
prière  monastique  attestée  aussi  par  l'auteur  de  la 
vie  de  saint  Hypace,  qui  écrivait  entre  447  et  450,  et 
qui  donne  à  cette  prière  le  nom  de  -irpoiôuTcvia,  premier 
sommeil^.  Mais  Cassien  l'ignore.  En  Occident,  at-on 
dit,  saint  Benoît  le    premier  la  fit  rentrer    dans   le 


la  liturgie  des  monastères  irlandais  du  vi*'  et  du  vu''  siècle. 
Mais,  là,  prime  est  appelée  secunda,  car  les  laudes  étaient 
vraiment  la  première  prière  du  matin. 

1.  Basil.  Regul.  fus.  tract,  xxxvii,  5  :  Kai  TcâXtv  t^ç  vjvttôç 
ol.çyp]xv^r\c,  r\  a'iTTjaiç  toù  àTrpodxoirov  yifxîv  xal  çavtaaiwv  èXeuôépav 
•juàp^ai  Tï)v  àvà7iau(nv,  )>£YO[X£vou  xal  sv  rauTY)  t^  wpa  àvayxaito; 
ToO  a'  tl'a^fJi-o'^-  L'autour  des  Regulae  fus.  tract,  xxxvii,  3-5, 
énumère  en  fait  d'heures  !••  tov  ôp6pov,  2°  xriv  xpixyiv  œpav,  3°  Trjv 
sxxrjv,  4"  TY)v  swàrriv,  5"  l'heure  irriç  (7U[X7ï)>r]p(oèeî(rYi;  xyjç  r)(xépaç, 
6"  l'heure  x-^;  vuxxb;  àpxo[i.évyiç,  7°  xo  [^.scrovOxxtov,  8°  enfin  l'heure 
qui  précède  xbv  opôpov.  Ce  texte  donne  l'impression  qu'il  y  est 
parlé  de  prières  conseillées  plutôt  que  régulières. 

2.  Acta  sanctorum  iunii,  t.  III,  p.  325,  saint  Hypace  est  pré- 
senté ^âlliùv  xal  e-j-/6{xevo<;  ôpOpivà  [laudes  :=  prime],  xpîxYiv, 
£xxr)v,  èvvàxrjv,  Xu^vcxà  [vêpres],  upioGuTivia  [complies],  (xsctovOx- 
xia.  Compléter  par  l'article  «  Apodeipnon  «  du  ûict.  arch. 
rhret.  t.  I.  p.  2579-2582,  du  P.  Pargoire. 


44  HISTOIRE    DU    BRÉVIA.IHE    ROMAIN. 

cours  des  offices,  en  lui  donnant  le  nom  qu'elle  a 
gardé  de  completorium ^  compiles,  achèvement.  Il  est 
possible  que  saint  Benoît  n'ait  fait  que  se  conformer 
à  un  usage  existant  déjà,  et  dont  témoigne  son 
contemporain,  qui  ne  fut  pas  vraisemblablement  son 
disciple,  Cassiodore'. 

Le  cycle  de  l'office  monastique  était  maintenant 
complet,  que  personne  n'a  plus  harmonieusement  dé- 
crit que  Cassiodore  ; 

Psalmi...  nobis  gratas  faciunt  esse  vigilias,  quando 
silenti  nocte  psallentibus  choris  huinana  vox  erumpit 
in  musicam,  verbisque  arte  modulatis  ad  illuiii  redire 
lacit  a  quo  pro  salute  humani  generis  divinum  venit  elo- 
quium.  Gantus  quia  aures  oblectat  et  animas  instruit, 
fit  vox  una  psallentium,  et  cum  angelis  Dei  quos  au- 
dire  non  possumus  laudum  verba  miscemus...  Eis  [vid. 
psalmis]  Palris  et  Filii  et  Spirilus  sancti  una  gloria 
sociatur,  ut  pcrlecta  corum  praeconia  comprobentur. 
Ipsi  enim  diem  venlurum  matulina  exsultatione  conci- 
liant; ipsi  nobis  priniain  diei  horara  dedicanl;  ipsi  nobis 
terliani  horam  consecrant;  ipsi  sextam  in  panis  con- 


1.  CASSiODOii.JÇ'xjoo.viï.  inpsalt.  ps.  118,  vers.  164  :  «  Seplies 
in  die  laudem  dixi  libi...  Si  ad  littcram  hune  numerum 
velimus  advertere,  soptem  illas  signiflcat  vices  quibus  se 
monachorum  pia  devotio  consolatur,  id  est  matutinis,  tortia, 
sexla,  nona,lucernaria,  completoriis,  nocturnis.  Hoc  et  sancti 
Ambrosii   hymnus  in  sexlae   horae    decantatione  iestatur.   » 

Cassiodore  fait  allusion  à  l'hymne  Bis  ternas  horas  expli- 
cans,  qu'il  attribue  à  saint  Ambroise,  mais  qui  est  plutôt  du 
temps  de  Cassiodore  lui-même.  On  y  lit  :  «  ...  Prophetae  dicti 
memores  [Ps.  cxviii,  164],  |  solvamus  ora  in  canticis  |  prece 
iiiixta  davidicis,  |  ut  septies  diem  vere  ...  [  laeti  solvamus 
debitum.  »  Baeumer,  t.  I,  p.  240,  signale  dans  l'antiphonaire 
de  Bangor  une  prière  ad  initium  noctis,  trace  primitive  de 
complies  en  Occident. 


r 


LA    GENÈSE    DES    HEURES.  45 

fractione  laetificant;  ipsi  nobis  nona  ieiunia  resolvunt; 
ipsi  diei  postrema  concludunt  ;  ipsi  noctis  adventu  ne 
mens  nostra  tenebretur  efficiunt  ^ 


Du  point  où  nous  sommes  parvenus,  nous  em- 
brassons d'un  regard  le  développement  qui  constitue 
la  genèse  des  heures.  Une  pensée  primitive  chré- 
tienne, peut-être  la  pensée  de  la  fin  du  monde  et  du 
retour  du  Christ,  a  créé  l'antique  vigile,  c'est-à-dire 
roffîce  vespéral,  nocturne  et  matinal  du  dimanche. 
La  célébration  de  cet  office  a  été  étendue  par  l'Eglise 
aux  jours  de  station  et  aux  anniversaires  des  mar- 
tyrs. Les  confréries  d'ascètes  et  de  vierges,  au 
iv*"  siècle,  l'ont  rendue  quotidienne.  Le  désir  d'honorer 
Dieu  à  chacune  des  heures  qui  partageaient  la  jour- 
née a  créé  tierce,  sexte,  none,  pieux  exercices  restés 
dans  l'antiquité  chrétienne  propres  aux  moines.  Les 
deux  exercices  de  prime  et  de  compiles  sont  nés 
des  conditions  de  la  vie  cénobitique.  On  reconnaît 
dans  ces  grands  traits  la  part  de  l'ancienne  Église 
et  la  part  du  monachisme,  restées  tranchées  jus- 
qu'au VI®  siècle. 

1.  Gassiodor.  Exposit.  in  psalt.  praef.  —  Pour  une  com- 
paraison de  l'office  selon  saint  Benoit  et  de  l'office  romain, 
Amalar.  Supplément,  ad  lih.  IV De  officlis,  publié  par  Mauil- 
LON,  Vetera  Analecta  (Paris  1723),  p.  93-100. 


CHAPITRE  II 

LES  ORIGINES  DE  l'oFFICE  ROMAIN 

Nous  avons  étudié  la  liturgie  des  heures,  sa  forma- 
tion et  son  développement  hors  de  l'Église  romaine, 
pour  être  mieux  à  même  de  distinguer  ce  qui,  dans 
Fusage  intérieur  de  l'Eglise  romaine,  appartient  à  la 
tradition  locale  de  ce  qui  appartient  à  la  tradition  uni- 
verselle ^ .  Nous  voici  désormais  à  Rome  :  à  l'aide  des 
textes  antérieurs  au  viii®  siècle  que  la  littérature 
romaine  fournit,  nous  avons  à  décrire  le  dévelop- 
pement de  la  liturgie  des  heures  à  Rome,  les  états 
successifs  par  lesquels  elle  a  passé  avant  d'arriver  à 
se  fixer  dans  cet  ordo  psallendi  tout  ensemble  em- 
prunté et  original  qui  sera  l'office  canonique  romain 
du  temps  de  Charlemagne. 

L'organisation  intérieure  particulière  à  l'Église  de 
Rome  devant  conditionner  l'histoire  de  l'office  divin 
à  Rome,  il  importe  d'en  rappeler  les  éléments. 

On  trouve  à  Rome  quatre  sortes  d'églises,  d'abord 

1.  J'ai  négligé  le  document  qui  porte  en  titre  Origo  cantuum 
et  cursuum  ecclesiasticorum  (P.  L.  lxxii,  605),  dont  on  a  un 
ms.  du  VIII*  siècle  (British  Muséum,  Nero,  A.  II),  mais  qui  est 
un  document  sans  valeur  pour  notre  sujet.  Baeumer,  t.  I, 
p.  5  et  235. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  47 

les  églises  qui  porteront  un  jour  le  nom  de  basiliques 
îpatriarcales  :  la  basilique  constantinienne  du  Latran, 
la  basilique  libérienne  ou  Sainte -Marie -Majeure,  la 
basilique  sessorienne  ou  Sainte-Croix  en  Jérusalem, 
la  basilique  constantinienne  du  Vatican  sur  le  tombeau 
de  l'apôtre  saint  Pierre,  la  basilique  constanti- 
nienne de  Saint-Paul  sur  la  voie  d'Ostie  au  tom- 
beau de  l'apôtre  saint  Paul,  la  basilique  constanti- 
nienne de  Saint-Laurent  sur  le  tombeau  du  grand 
martyr  romain,  enfin  la  basilique  de  Saint-Sébastien 
ad  catacumbas  au  lieu  où  furent  déposés  un  temps 
les  corps  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  ;  —  basili- 
ques exceptionnelles,  dont  les  unes,  celles  de  l'inté- 
rieur de  la  ville,  le  Latran,  la  Libérienne,  la  Sesso- 
rienne, étaient  pour  Rome  ce  que  les  «  grandes 
églises  »  étaient  à  Alexandrie,  à  Antioche,  à  Car- 
thage,  les  autres,  les  suburbaines,  étaient  d'augustes 
basiliques  cimitériales,  et  plus  que  toutes  auguste 
et  vénérée,  la  basilique  du  Vatican  ^ 

Puis  viennent  les  titres  ou  tituli  :  on  en  comptait 
vingt-cinq  au  vi^  siècle,  et  le  nombre,  qui  paraît 
s'être  fixé  dès  le  iv^  siècle,  s'élèvera  à  vingt-huit, 
mais  très  tard,  au  xi*'  siècle.  Ces  titres,  dispersés 
dans  l'enceinte  de  Rome,  sont  comme  des  églises 
paroissiales,  des  quasi-diocèses,  dit  le  Liber  pontifi- 
calis  :  ils  assurent  le  service  baptismal,  le  service 
pénitentiel  et  le  service  des  sépultures  des  fidèles  de 
Rome.  Chaque  titre  a  un  prêtre  à  sa  tête. 

1.  Augustin.  Epistul.  xxix,  10  :  «  ...  de  basilica  beati  apo- 
stoli  Pétri...,  qiiod  remotus  sit  locus  ab  episcopi  conversa- 
tione...  » 


48  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Troisièmement  les  diaconies.  Depuis  le  iii^  siècle, 
la  ville  de  Rome  est  partagée  en  sept  régions  ecclé- 
siastiques, ayant  chacune  un  diacre  à  sa  tête.  Ces 
sept  diacres  n'étaient,  à  l'origine,  attachés  à  aucune 
église;  ils  administraient  des  sortes  de  bureaux  de 
charité,  et  leur  compétence  s'étendait  à  la  gestion 
des  hospices  de  pauvres  et  de  pèlerins,  à  la  distribu- 
tion des  aumônes.  Plus  tard,  c'est-à-dire  postérieu- 
rement au  v"  siècle  et  avant  la  fin  du  vii%  le  nombre 
des  régions  restant  toujours  de  sept,  le  nombre  des 
diaconies  s'élève  graduellement  jusqu'à  seize,  et  sous 
le  pape  Hadrien  il  est  porté  à  dix-huit.  En  même 
temps  chaque  diaconie  aura  une  église  à  elle,  qui 
portera  le  nom  de  diaconie. 

Enfin  les  divers  sanctuaires  des  cimetières  subur- 
bains constituent  un  quatrièriie  groupe  d'églises,  dont 
la  desservance  appartient  au  clergé  des  titres. 

Ainsi  le  clergé  romain  est  partagé  en  deux  clergés  : 
le  clergé  des  titres,  le  clergé  des  régions  :  à  ces  deux 
clergés,  au  moins  à  dater  du  iv'^  siècle  et  jusqu'au  viii^, 
va  incomber  l'office  divin,  quitte  à  ce  qu'un  jour  vienne 
où  l'on  fasse  appel  à  un  tiers  clergé,  qui  sera  le  per- 
sonnel monastique  ^ . 

1.  Voyez,  sur  cette  distribution  du  clergé  romain,  le  Liber 
pontificalis  (éd.  Duchesne),  t.  I,  p.  164  et  364.  Mabillon, 
Musaeum  italicum,  t.  II,  p.  xi  et  suiv.,  et  le  premier  para- 
graphe des  Ordines  romani  les  plus  anciens  :  «  Primo  om- 
nium observandum  est  septem  esse  regiones  ecclesiastici  or- 
dinis  urbis  Romae  »,  etc. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  65 

fants  y  est  encore  conservé  et  vénéré  comme  une  reli- 
que, aussi  bien  que  son  antiphonaire  authentique.  Par 
une  clause  insérée  dans  l'acte  de  donation,  il  régla 
sous  peine  d'anathème  que  ces  propriétés  seraient  ré- 
parties entre  les  deux  fractions  de  la  Scola  comme 
récompense  du  service  quotidien  ^  »  Le  Liber  ponti- 
ficalis  (sa  notice  de  saint  Grégoire  est  du  vu''  siècle) 
ne  dit  pas  un  mot  de  cette  prétendue  fondation  2. 
—  On  a  les  décisions  d'un  concile  tenu  en  595  à 
Rome  par  saint  Grégoire,  et  qu'y  lit-on?  Que  «  dans 
la  sainte  Eglise  romaine,  c'est  une  coutume  ancienne 
et  fort  répréhensible  »  de  faire  chanter  les  diacres  et 
autres  personnes  engagées  dans  le  ministère  du  saint 
autel  ;  il  s'ensuit  que,  dans  la  promotion  au  diaconat, 
on  se  préoccupe  souvent  moins  des  cœurs  que  de  la 
voix;  grave  abus,  auquel  on  coupera  court  en  inter- 
saint Grégoire  était  mort.  Voyez  dans  De  Rossi,  Inscriptiones, 
t.  IL  p.  227,  le  texte  de  l'itinéraire  dit  de  Salzbourg  :  «  Perge  ad 
porticum  Petronellae,  gaudensque  ascende  ad  Gregorii  lec- 
tura  patris  sancti,  in  quo  spiritum  reddidit  Deo...  Au  \iv  siè- 
cle, on  ne  parlait  pas  du  lit  sur  lequel  Grégoire  se  reposait 
en  donnant  des  leçons  de  chant  un  fouet  à  la  main  ! 

1.  lOAN.  DiAC.  II,  6  (P.  L.  LXXV,  90)  :  «  ...  antiphona- 
rium  centonem  cantorum  studiosissimus  utiliter  compilavit; 
scolam  quoque  cantorum,  quae  hactenus  eisdem  institutioni- 
bus  in  sancta  romana  Ecclesia  modulatur,  constituit;  eique- 
cum  nonnullis  praediis  duo  habitacula,  scilicet  alterum  sub 
gradibus  basilicae  beati  Pétri  apostoli,  alterum  vero  sub  La- 
tcranensis  patriarchii  domibus  fabricavit,  ubi  usque  hodie  lec- 
tus  eius  in  quo  recubans  modulabatur,  et  flagellum  ipsius  quo 
pueris  minabatur,  veneratione  congrua  cum  authenlico  an- 
tiphonario  reservatur...  » 

2.  Rien  dans  la  Vila  anliquissima  publiée  par  dom  Gasquet, 
A  Ufe  of  pope  St.  Gregory  the  great  (Westminster  1904),  com- 
posée vers  713  par  un  moine  du  monastère  de  Whitby. 

HISTOIRE    DU   RRKYIAIRE    ROMAIN.  5 


66  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIX- 

disant  aux  diacres  de  chanter,  et  en  les  confinant 
dans  le  ministère  sacré  ;  quant  au  chant,  il  sera  exé- 
cuté par  les  sous-diacres,  ou,  «  si  la  nécessité  l'exige  », 
par  les  ordres  mineurs  ;  «  Psalmos  çero  ac  reliquas 
lectiones  censeo  per  subdiaconos  çel  si  nécessitas 
fuerit per  minores  ordines  exhiheri^ .  »  Remarquez 
bien  le  s>el  si  nécessitas  fuerit  :  les  psaumes  et  les 
leçons  (autres  que  celles  de  l'Evangile,  à  la  messe) 
seront  dans  la  sainte  Église  romaine  de  droit  la  partie 
des  sous -diacres,  et  par  exception,  ou  quand  on  ne 
pourra  faire  autrement,  celle  des  lecteurs.  Assuré- 
ment, il  y  a  dans  cette  ordonnance  de  saint  Grégoire, 
non  pas  en  tant  qu'elle  enlève  le  chant  aux  diacres, 
mais  en  tant  qu'elle  l'attribue  aux  sous-diacres,  une 
disposition  singulière,  et  il  ne  paraît  pas  qu'elle  ait  eu 
un  effet  ni  plein  ni  durable  :  mais  il  reste  que  cette 
ordonnance  va  contre  l'hypothèse  de  l'institution  par 
saint  Grégoire  d'un  collège  de  lecteurs  ou  même  de 
simples  chantres.  —  Que  donc  le  pape  saint  Gré- 
goire le  Grand  (à  moins  que  ce  ne  soit  le  pape  Gré- 
goire III,    731-741)   ait  doté  V Orphanotrophium,   et 


1.  P,  L.  LXXVII,  1335  (Jaffé,  5  juillet  595)  :  «  In  sancta 
romana  Ecclesia...,  dudum  consuetudo  est  valde  reprehen- 
sibilis  exorta,  ut  quidam  ad  sacri  altaris  ministerium  can- 
tores  eligantur,  et  in  diaconatus  ordine  constituti  modulationi 
vocis  inserviant,  quos  ad  praedicationis  officium  eleemosyna- 
rumque  studium  vacare  congruebat.  Unde  fit  plerumque  ut 
ad  sacrum  ministerium  dura  blanda  vox  quaeritur,  quaeri  con- 
grua  vita  negligatur,  et  cantor  minister  Deum  moribus  stimu- 
iet,  cum  populum  vocibus  détectât.  Qua  in  re  praesenti  dé- 
crète constituo  ut  in  hac  sede  sacri  altaris  ministri  canlare 
non  debeant,  solumque  euangelicae  lectionis  otficium  inter 
missarum  solemnia  exsolvant.  Psalmos  vero  »,  etc. 


LES    OMIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  67 

que  Jean  Diacre,  en  872,  ait  vu  le  document  de  cette 
dotation,  rien  n'est  plus  plausible  :  le  reste  des  infor- 
mations de  Jean  Diacre  sur  l'origine  grégorienne  de 
la  Scola  représente  l'opinion  de  la  seconde  moitié 
du  IX®  siècle,  et  cette  opinion,  nous  allons  le  voir, 
dépend  de  l'attribution  à  saint  Grégoire  du  «  chant 
grégorien  ». 

Si  le  souvenir  de  l'institution  par  saint  Grégoire  de 
la  Scola  cantorum  est  une  tradition  tard  précisée, 
que  faut-il  penser  de  la  tradition  qui  attribue  à  ce 
pontife  la  création  du  texte  et  de  la  musique  des  an- 
tiennes et  des  répons  de  l'office?  —  Dom  Morin  a 
réuni  tous  les  textes  qui  font  de  saint  Grégoire  l'au- 
teur de  cette  création  ^  Le  lecteur  sans  prévention 
y  peut  voir  ceci  :  de  même  que  Vordo  de  la  messe 
était  attribué  à  saint  Grégoire,  de  même  les  pièces 
de  chant  qui  faisaient  partie  de  cet  ordo  lui  étaient 
attribuées  ;  l'authenticité  du  sacramentaire  grégorien 
entraînait  celle  de  l'antiphonaire.  Ainsi  l'entend  Eg- 
bert,  évêque  d'York  (732-766),  le  plus  ancien  au- 
teur qui  témoigne  de  l'origine  grégorienne  de  l'anti- 
phonaire. Parlant  du  jeûne  des  quatre-temps,  il 
écrit  :  «  C'est  saint  Grégoire  qui,  dans  son  antipho- 
naire  et  son  missel,  a  désigné  la  semaine  qui  suit 
la  Pentecôte  comme  celle  où  l'Église  d'Angleterre 
devait  l'observer  :  non  seulement  nos  antiphonaires  à 
nous  l'attestent,  mais  aussi  ceux  que  nous  avons  con- 

1.  G.  Morin,  Les  véritables  origines  du  chant  grégorien: 
(Maredsous  1890),  p.  7-33.  Le  mémoire  de  Dom  Morin  est  une 
réponse  à  F.  A.  Geyaert,  Origines  du  chant  liturgique  de 
l'Eglise  latine  (Gand  1890). 


68  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

suites  avec  leurs  missels  correspondants  dans  les  ba- 
siliques des  saints  apôtres  Pierre  et  Paul  :  Nostra 
testantur  antiphonaria,  sed  et  ipsa  quae  cum 
missalibus  suis  conspeximus  apud  apostolorum  Pé- 
tri et  Pauli  limina^.  »  Tant  vaut  l'authenticité  du 
sacramentaire,  tant  vaut  l'authenticité  de  l'antipho- 
naire  :  or  l'on  sait  quels  droits  restreints  a  le  sacra- 
mentaire à  s'appeler  grégorien,  puisqu'il  est  partie 
plus  ancien,  partie  plus  récent  que  saint  Grégoire  2. 
—  Mais  quand  le  sacramentaire  serait  absolument 
grégorien,  et  quand  l'antiphonaire  le  serait  aussi, 
nous  ne  serions  pas  en  droit  de  dire  que  la  composi- 
tion des  antiennes  et  des  répons  de  l'office  est  de  saint 
Grégoire,  car  dans  la  langue  du  viii®  siècle,  et  préci- 
sément dans  le  texte  cité  d'Egbert  d'York,  antipho- 
naire  désigne  le  recueil  des  pièces  notées  de  la  messe, 
notre  Liber  gradualis^  et  non  le  recueil  des  pièces 
notées  de  l'office.  Et,  par  là,  toute  la  question  de  l'o- 
rigine du  recueil  des  antiennes  et  répons  de  l'office 
reste  en  dehors  de  la  perspective  d'Egbert,  et  donc 
pour  nous  sans  solution. 


1.  Egbert.  De  instUuiione  calh.  xvi,  2  {P.  L.  LXXXIX, 
441).  MORIN,  p.  28. 

2.  DucHESNE,  Origines,  p.  117-119  :  «  Une  autre  erreur  dont 
il  faut  se  garder,  c'est  de  considérer  ce  livre  [le  sacramen- 
taire grégorien]  comme  l'œuvre  de  saint  Grégoire  lui-même... 
On  fera  bien  de  prendre  le  sacramentaire  grégorien  comme 
correspondant  à  l'état  de  la  liturgie  romaine  au  temps  du 
pape  Hadrien  «  [772-795].  Dom  Morin,  p.  69  :  «  Le  travail 
de  Grégoire  fut  [pour  le  chant  grégorien]  une  œuvre  d'orga- 
nisation et  de  refonte  plutôt  que  de  composition  proprement 
dite...  Je  crois  que  le  travail  opéré  sur  le  sacramentaire  nous 
fournit  la  plus  juste  idée  de  ce  qui  fut  fait  pour  le  chant.'* 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  69 

L'opinion  qui  attribue  exclusivement  à  saint  Gré- 
goire la  lettre  et  la  note  des  antiennes  et  des  répons 
de  l'office  romain  étant  écartée  \  voici  ma  thèse  : 
Il  était  bien  plus  dans  le  vrai  ce  liturgiste  anonyme 
du  viii^  siècle,  plus  ancien  par  conséquent  que  Jean 
Diacre  et  peut-être  qu'Egbert  d'York,  plus  familier 
aussi,  il  semble  bien,  avec  les  souvenirs  et  les  usages 
de  la  basilique  Vaticane,  quand  il  attribuait,  non  pas 
à  un  pontife,  mais  à  plusieurs,  à  saint  Léon  (-f-  461), 
au  pape  Gélase  [j-  496),  au  pape  Symmaque  (f  514), 
au  pape  Jean  (-[-  526),  au  pape  Boniface  II  (f  533),  et 
seulement  enfin  à  saint  Grégoire  (590-604),  la  création 
collective  de  la  cantilène  romaine  des  antiennes  et  des 
répons.  Encore  n'est-ce  point  entre  les  mains  de  saint 
Grégoire  que  cette  création  s'achevait  :  elle  allait  se 
continuer  par  les  soins  du  pape  Martin  {f  653),  et 
plus  encore  par  les  soins  de  maîtres  obscurs,  dont 
notre  liturgiste  donne  les  noms,  Catalenus,  Mauria- 
nus  et  les  autres  ^.  Sans  doute,  il  ne  faut  pas  prendre 


1,  Cette  conclusion  négative  n'est  pas  si  nouvelle  qu'on  a 
bien  voulu  dire.  Le  sage  Grancolas  disait  déjà,  voici  deux  siè- 
cles, Comment,  p.  93  :  «  Antiphonarium  romanum  plerumque 
s.  Gregorio  tribuitur,  verum  id  certo  affirmare  non  possu- 
mus.  »  Dom  Leglergq,  art.  «  Antiphonaire  «,  du  Dict.  arch. 
chrél.  t.  I,  p.  2443-2461,  donne  un  très  érudit  exposé  de  la 
controverse  depuis  le  xyh"  siècle  jusqu'à  nos  jours,  et  se 
rallie  à  ma  solution,  qu'il  qualifie  de  «  solution  éclectique, 
point  rigide  du  tout  et  assez  accommodante  pour  mettre  tout 
le  monde  d'accord  ». 

2.  Anonym.  Gcrbert.  v,  6.  Voyez  le  texte  plus  loin,  p.  177. 
Dom  MoRiN,  p.  23  :  «  Ce  fragment  si  curieux  sent  plutôt  le 
Yiii*  siècle  pour  le  style  comme  pour  le  fond  :  il  est  évi- 
demment apparenté  à  VOrdo  des  monastères  bénédictins  de 
Rome  publié  par  D.  Martène  d'après  un  ms.  de  Murbach  du 


70  HISTOIRE    DU    BIIÉVIAIRE    ROMAIN. 

à  la  lettre  toutes  les  affirmations  de  ce  liturgiste  ano- 
nyme. Quand  il  affirme  que  le  pape  Damase,  avec 
l'aide  de  saint  Jérôme,  introduisit  à  Rome  Vordo  psal- 
lendi  de  Jérusalem,  il  s'inspire  des  lettres  apocryphes 
attribuées  à  Damase  et  à  Jérôme  que  nous  avons  dé- 
noncées plus  haut,  et  qui,  du  reste,  n'ont  pas  trait  à 
l'office  romain,  non  plus  qu'à  la  cantilène  romaine. 
Ce  qu'il  dit  du  «  cantus  annalis  »  institué  par  saint 
Léon,  par  le  pape  Gélase,  par  le  pape  Symmaque 
même,  s'accorde  mal  avec  les  textes  que  nous  avons 
étudiés.  Retenons  ce  seul  fait,  mais  qui  est  capital,  à 
savoir  que  notre  liturgiste  tenait  ce  «  cantus  annalis  » 
de  l'Église  romaine  pour  une  création  ancienne,  pour 
une  création  successive  et  collective,  pour  une  créa- 
tion dont  saint  Grégoire  n'avait  été  avec  beaucoup 
d'autres  que  le  collaborateur  \ 

Cette  opinion  s'accorde  avec  celle  du  plus  grand 


viiie  siècle...  ))  {P.  L.  LXVI,  998).  Et  p.  67  :  «  Ce  document  est 
l'œuvre  de  quelque  moine  frank  du  viir  siècle,  qui  est  allé 
examiner  de  près  l'usage  et  la  tradition  des  monastères  ro- 
mains... Il  semble  tout  particulièrement  au  fait  des  traditions 
qui  avaient  cours  dans  les  monastères  situés  près  de  Saini- 
Pierre.  C'est  là  apparemment  qu'il  a  dû  puiser  ces  détails  trop 
peu  remarqués  jusqu'ici  sur  les  divers  personnages  qui  ont 
élaboré  le  chant  liturgique  de  Rome.  »  Baeumer,  t.  I,  p.  320. 
incline  à  croire  ce  document  plus  ancien.  Le  dernier  pape 
mentionné  est  le  pape  Martin  (f  653),  aucune  allusion  au  pape 
Hadrien  (772-795).  On  pourra  dater  le  document  de  l'entre- 
deux. 

1.  Coïncidence  très  frappante,  le  sentiment  de  ce  liturgiste 
frank,  qui  lui  a  été  inspiré  par  ce  qui  se  disait  et  se  savait  dans 
les  monastères  de  Rome  voués  au  chant  liturgique,  se  rac- 
corde à  ce  qui  se  lit  dans  les  prologues  en  vers  qui,  plus  tard, 
apparaissent  en  tête  du  Liber  gradualis  de  Rome,  et  dont 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  71 

liturgiste  de  l'école  carolingienne,  au  ix®  siècle,  ce- 
lui-ci encore  antérieur  à  Jean  Diacre  :  Amalaire,  par- 
lant de  l'office  romain  d'après  ce  qu'il  en  a  étudié  à 
Rome  même,  affirme  que  les  répons  de  l'office  ro- 
main ont  été  composés  «  a  magistris  sanctae  ro- 
manae  Ecclesiae^  ». 


le  plus  célèbre  est  celui  qu'on  attribue  au  pape  Hadrien  I" 

(772-775)  : 

Gregorius  praesul  meritis  et  nominc  dignus,  ^ 

unde  genus  ducit  summum  conscendit  honorem  : 

qui  renovans  monumenla  patrum  ianiorque  priorum  [?] 

munere  caelesti  fretus  ornans  sapienter, 

composuit  scolae  canlorum  hune  rite  libellum, 

quo  reciprocando  moduletur  carmina  Ghristo. 

MoRiN,  p.  26.  L'expression  «  renovans  monumenta  patrum  » 
reparaît  dans  un  autre  prologue,  donné  par  l'antiphonaire 
de  Saint-Gall  : 

Ipse  patrum  monumenta  sequens  renovavit  et  auxit. 
carmina  in  ofTiciis  retinet  quae  circulus  anni. 

MoRiN,  p.  69.  Ainsi  au  temps  d'IIadrien  P'-  encore  on  voyait 
dans  le  Liber  gradualis  une  œuvre  de  saint  Grégoire  et  de 
compositeurs  plus  anciens.  On  ne  retint  bientôt  plus  que  le 
nom  de  Grégoire.  Puis  on  attribua  au  Liber  responsalis  le 
même  auteur  qu'au  Liber  gradualis. 

1.  Amalar.  De  ordine  antiphonarii,  43.  Amalaire  distingue 
«  auclores  Lcclionarii  et  Antiphonarii,  ac  missalis,  enim  auc- 
torem  credimus  esse  beatum  papam  Gregorium  ».  De  eccl. 
off.  IV,  30.  Agobard  (779-840)  connaît  l'attribution  à  saint  Gré- 
goire du  Liber  resp.,  et  il  la  présente  comme  l'opinion  de  «  quel- 
ques-uns »  qu'il  ne  croit  pas  devoir  endosser.  Agorard.  De 
correct,  antiphon.  15  :  «  Verum  quia  Gregorii  praesulis  nomen 
titulus  praefati  libelli  praetendit,  et  hinc  opinione  sumpta 
putant  eum  quidam  a  beato  Gregorio  romano  pontifîce  et  il- 
lustrissimo  doctore  compositum...  »  Les  mots  «  Gregorii  prae- 
sulis nomen  »  trahissent  l'influence  du  prologue  Gregorius 


72  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    R03IAIN. 

Je  me  résume  :  le  Liber  responsalis  de  Rome  est 
l'œuvre  de  tradition  des  maîtres  chanteurs  de  l'É- 
glise romaine,  il  est  fixé  au  vii^-viii'^  siècle,  et  il 
n'a  été  attribué  à  saint  Grégoire  qu'à  partir  du  ix*'  siè- 
cle, par  assimilation  avec  le  Liber  gradualis  gré- 
gorien. 

II 

«  Omni  tempore  per  singidos  dies,  a  primo  gallo 
usque  mane,  cum  omni  ordine  clericorum,  vigilias 
in  ecclesia  celebrare^  »,  telle  était  la  formule  de  l'u- 
sage, que  nous  avons  vu  en  vigueur  à  Rome  au 
vi^  siècle.  Il  n'a  été  question  jusqu'ici  que  de  clercs. 
Le  moment  est  venu  où  pour  la  première  fois  dans 
l'histoire  de  la  liturgie  romaine,  l'influence  monas- 
tique apparaît. 

On  sait  quel  accueil  les  clercs  romains  avaient  fait 
à  saint  Jérôme,  le  premier  prédicateur  du  mona- 
chisme  à  Rome  :  saint  Jérôme  ne  s'est  pas  fait  faute 
de  nous  l'apprendre,  et  du  même  coup  de  rendre  à 
ses  adversaires  peau  pour  peau.  On  connaît  moins 
telle  et  telle  préface  du  sacramentaire  léonien^,  pré- 
faces que  l'on  croit  pouvoir  faire  remonter  au  déclin 
du  iv^  siècle,  qui,  en  toute  hypothèse,  ne  sont  pas 
postérieures  à  la  première  moitié  du  vi'',  et  où  des 
prêtres  romains  ne  craignent  pas  d'exprimer  liturgi- 

praesul,  et  la  confusion  qui  en  est  née.  Walafrid  Strabon 
(807-849)  dépend  lui  aussi  du  prologue  Gregorius  praesul. 
Dom  MORIN,  p.  14-15. 

1.  Libej^  diurnus,  III,  7. 

2.  P.  L.  IV,  28,  64,  65,  74. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  73 

quement  leurs  doléances.  Elles  sont  très  vives.  «  Ce 
sont  de  véritables  déclamations  contre  les  moines... 
On  fait  remarquer  à  Dieu  que  son  Église  contient 
maintenant  de  faux  confesseurs,  mêlés  aux  vrais;  on 
parle  beaucoup  des  ennemis,  des  calomniateurs,  des 
orgueilleux  qui  s'estiment  meilleurs  que  les  autres  et 
les  déchirent,  qui  se  présentent  sous  des  dehors  pieux, 
mais  avec  l'intention  de  nuire.  On  proclame  la  néces- 
sité de  se  défendre  contre  eux  ^ .  » 

Si  l'on  peut  prendre  de  tels  propos  liturgiques  pour 
l'expression  publique  de  l'opinion,  ne  fût-ce  que  d'une 
partie  du  clergé  romain,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner 
que  le  monachisme  ait  mis  longtemps  à  se  faire  ac- 
cepter à  Rome^.  Le  monachisme  toutefois  réussit  à 
s'implanter,  à  durer,  si  mesurée  que  fût  la  place  que 
le  clergé  romain  lui  laissait  prendre.  En  556,  l'élec- 
sition  du  pape  Pelage  fut  tenue  en  échec  par  l'oppo- 
sition des  moines  romains^.  Sous  saint  Grégoire, 
la  faveur  des  moines  fut  grande.  Mais  cette  pros- 
périté sur  la  fin  du  vi°  siècle  est  de  courte  durée;  la 
faveur  que  leur  valut  particulièrement  la  protection 
de  saint  Grégoire  cesse  sitôt  la  mort  de  ce  pape 
(604);  une  sensible  réaction  la  suit.  Les  clercs  qui 
rédigent  cette  partie  du   Liber  pontificalis  trahis- 

1.  DuciiESNE,  Origines,^.  135. 

2.  Peut-être  à  cet  état  de  choses  se  rattachait  la  constitution 
perdue  du  pape  Innocent  I""  (401-417) /)e  regulis  monasterio- 
riim.  L.  P.  t.  I,  p.  220. 

3.  L.  P.  t.  I,  p.  303  :  «  Monasteria  et  multitudo  religioso- 
rum,  sapientium  et  nobilium  subduxerunt  se  a  communione 
eius  ))  (Pelage).  On  voit  là,  en  556,  l'importance  des  monas- 
tères et  la  multitude  des  moines  à  Rome. 


74  HISTOIRE   DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

sent  en  plus  d'un  endroit  le  sentiment  que  cette  réac- 
tion leur  inspire.  On  les  voit  féliciter  le  pape  Sa- 
binien  (604-606)  d'avoir,  dans  son  court  pontificat,  et 
évidemment  à  rencontre  de  saint  Grégoire  son  pré- 
décesseur, rempli  l'Église  de  clercs  [Ecclesiam  de 
clero  implevit)  ;  et  le  pape  Deusdedit  (615-618)  de  leur 
avoir  rendu  les  charges  et  les  revenus  qu'ils  possé- 
daient jadis,  grande  marque  d'amour  du  clergé  [Hic 
clerum  multum  dilexit,  sacerdotes  et  clerum  ad  loca 
pristina  revocant]  ^ .  Ce  qui  s'était  produit  à  l'élec- 
tion de  Pelage,  en  556,  ne  se  renouvela  plus,  passé  le 
vi'^^  siècle.  Mais  avait-on  besoin  de  missionnaires  pour 
les  lointaines  contrées  de  l'Occident,  avait-on  besoin 
de  gardiens  pour  les  sanctuaires  les  plus  abandonnés 
de  la  banlieue  romaine,  le  pape  les  demandait  au 
monachisme. 

Le  premier  monastère  dont  on  constate  l'établisse- 
ment dans  la  ville  éternelle,  remonte  au  temps  de 
Xistus  ni  ('432-440).  Ce  pape  confie  à  des  moines  la 
garde  du  cimetière  ad  Catacumhas ,  sur  la  voie 
Appienne^.  L'objet  de  cette  fondation  est  difficile  à 
déterminer  :  s'agissait-il  d'assurer  la  desservance  li- 
turgique du  sanctuaire  ou  d'en  assurer  simplement  la 
garde?  On  ne  saurait  le  dire.  La  pensée  de  saint 
Léon  (440-461),  successeur  immédiat  de  Xistus  III, 

1.  L.  P.  t.  I,  p.  315,  319. 

2.  L.  P.  t.  I,  p.  234,  et  la  note  de  M^'  Duchesne,  p.  236  : 
«  Voici,  dans  le  L.  P.  au  moins,  le  premier  exemple  de  ces 
monastères  fondés  auprès  des  basiliques  suburbaines,  pour  y 
entretenir  l'office  divin  avec  une  régularité  qu'on  n'eût  pu 
obtenir  du  seul  clergé  paroissial.  »  Cf.  H,  Grisar,  Histoire  de 
Rome  et  des  papes  au  moyen  âge  (éd.  franc.  1906),  t.  I,  p.  114. 


LES    ORIGINES    DE    L  OFFICE    ROMAIN.  75 

jàS  plus  claire.  Il  établit  un  monastère  d'hommes  au- 
[près  de  la  basilique  de  Saint-Pierre  ^ .  Or,  il  n'est  pas 
{permis  de  penser  que  ces  moines  sont  là  pour  le  ser- 
[vice  des  catéchumènes,  des  pénitents  et  des  défunts, 
|ce  service  étant  réservé  aux  prêtres  ^.  Il  n'est  pas  da- 
jvantage  permis  de  penser  qu'ils  sont  là  pour  la  garde 
^de  la  basilique  et  spécialement  de  la  confession  du 
l^prince  des  apôtres,  ce  soin  étant  dévolu  par  une  cons- 
ititution  de  saint  Léon  lui-même  à  des  clercs  d'un 
[caractère  spécial,  les  cuhieularii'^ .  Ces  moines  sont 
[là  pour  prier.  Leur  monastère  est,  croit-on ,  le  mo- 
nastère de  Saints- Jean-et-Paul  au  Vatican. 

La  fondation,  au  v®  siècle,  de  ce  monastère  ainsi 
rattaché  à  la  basilique  de  Saint-Pierre  est  un  fait  très 
important.  Ce  monastère,  en  effet,  est  le  plus  ancien 
des  monastères  basilicaux  de  Rome,  et  le  type  sur 
lequel  est  fondé  peu  après  le  monastère  annexé  à 
Saint -Laurent -hors -les -murs,  sous  le  pape  Ililaire 
(461-468)'*.  Saint  Grégoire  nous  apprend  l'existence 
id'un  monastère  debout  de  son  temps,  annexé  à  Saint- 
;Jean  de  Latran,  «  monasterium  Laieranense'^  ».  La 
[fondation  du  monastère  de  Saints-André-et-Barthé- 
lemy,  annexé  à  Saint- Jean  de  Latran,  est  attribuée 
au  pape  Honorius  (625-638)^'. 


1.  L.P.  1. 1,  p.  239. 

2.  H.  p.  249.  —  3.  Id.  p.  239. 

4.  hl.  p.  245. 

5.  GREnOR.  Dialog.  II,  prolog. 

6.  L.  P.  p.  324  :  «  Fecit  aulem  in  domum  suam  iuxta  Late- 
ranis  monasterium  in  honore  sanctorum  Andreae  et  Bartho- 
lomei,  qui  appellalur  Ilonorii,  ubi  praedia  et  dona  simul 
obtulil.  »  Ce  même  «  monasterium  Ilonorii  »  est  mentionné 


76  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Le  Liber  pontificalis ^  dans  la  vie  du  pape  Léon  111 
(795-816),  donne  une  liste  des  monastères  romains  de 
la  fin  du  viii^  siècle.  Rome,  à  ce  moment,  n'en  comp- 
tait pas  moins  de  quarante-neuf.  Sur  le  nombre,  il  y 
a  des  couvents  de  femmes;  il  y  a  des  couvents  indé- 
pendants d'hommes  ;  mais  il  y  a  aussi  nombre  de 
monastères  unis  à  des  basiliques.  Ceux-là  seuls  nous 
intéressent  : 

Monasterium  sancti  Pancratii  qui  ponitur  iuxta  basi- 
licam  Salvatoris. 

M.  sanctorum  Andreae  et  Bartholomei  qui  appella- 
tur  Honori. 

M.  sancti  Stephani  qui  ponitur  iuxta  Lateranis. 

M.  prinii  martyris  Stephani  qui  ponitur  ad  beatum 
Petrum  apostolum. 

M.  sanctorum  lohannis  et  Pauli  qui  ponitur  iuxta 
beatum  Petrum  apostolum. 

M.  sancti  Martini  qui  ponitur  ubi  supra. 

M.  sancti  Stephani  ubi  supra  qui  appellatur  cata 
Galla  Patricia. 

M.  sancti  Gesarii  qui  ponitur  ad  beatum  Paulum  apo- 
stolum. 

M.  sancti  Stephani  ubi  supra. 

M.  sanctorum  Gosme  et  Damiani  qui  ponitur  iuxta 
Praesepem. 

M.  sancti  Andrée  qui  appellatur  massa  Iuliana  [ubi 
supra]. 

M.  sancti  Adriani  qui  ponitur  iuxta  Praesepem. 

M.  sancti  Gassiani  qui  ponitur  iuxta  sanctum  Lau- 
rentium  foris  murum. 

M.  sancti  Stephani  qui  ponitur  ubi  supra. 

M.  sancti  Victoris  qui  ponitur  ad  sanctum  Pancratium. 

(viir  siècle)  dans  l'itinéraire  dit  d'Einsiedeln.  Urliciis,  Coder 
lirais  Romae  topographicus  (Wurzbourg  1871),  p.  73  et  74. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  77 

M.  sancli  Andrée  qui  ponitiir  iuxta  basilicam  Aposto- 
lorum. 

M.  sancti  Agapiti  qui  ponitur  iuxta  titulum  Eudoxie. 

M.  sanctorum  Eufemie  et  Archangeli  qui  ponitur 
iuxta  titulum  Pudentis. 

M.  sancti  Donati  qui  ponitur  iuxta  titulum  sanctae 
Priscae. 

M.  Hierusalem  qui  ponitur  ad  beatum  Petrum  apo- 
stolum. 

Si  nous  mettons  à  part  ce  dernier  monastère  qui 
pt  vraisemblablement  un  couvent  de  femmes,  sui- 
rant  une  conjecture  de  M^""  Duchesne,  nous  avons 
"au  total  dix-neuf  monastères  annexés  à  des  basi- 
liques ^ .  La  basilique  du  Vatican  en  a  quatre  :  Saints- 
Jean-et-Paul  date  du  v^  siècle  ;  Saint-Etienne-Majeur 
passe  pour  avoir  été  fondé  par  Galla,  fille  du  consul 
et  patrice  Symmaque,  au  cours  du  vi^  siècle;  Saint- 
Etienne-Mineur  date  du  pape  Etienne  II  (752-757)  ; 
Saint-Martin  remonte  à  l'époque  du  pape  Grégoire  III 
(731-741)^.  La  basilique  du  Latran  en  a  trois  :  Saint- 

1.  L.  P.  t  II,  p.  22-25. 

2.  Saints-Jean-et-Paul  était  sur  l'emplacement  actuel  de  la 
chapelle  Sixtine;  Saint-Étienne-Mineur  là  où  est  aujourd'hui 
la  sacristie  de  Saint-Pierre;  les  deux  autres  monastères,  au 
chevet  de  la  basilique.  Saint-Étienne-Mineur  était  surnommé 
de  Agiilia  (Urlichs,  p.  228),  l'obélisque  encore  aujourd'hui 
debout. 

Voyez  L.  P.  t.  I,  p.  451,  un  texte  important  annexé  à  la  no- 
tice d'Etienne  II  :  «  Officia  quod  per  multo  tempore  relaxati 
fuerant  nocturno  tempore  nocturnis  horis  explere  fecit  et 
diurno  officio  similiter  restauravit  ut  ab  antiquitus  fuerat. 
Et  a  tribus  monasteriis  qui  a  prisco  tempore  in  ecclesia  beati 
Pelri  apostoli  eundem  offîcium  persolvunt  adiungens  quar- 
tum,  ibidem  monachis  qui  adhuc  in  ipso  coniungerentur  offi- 
cio instituit,  atque  abbatem  super  eos  ordinavit.  Et  multa  dona 


78  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Pancrace,  plus  ancien  que  le  pape  saint  Grégoire  par 
qui  il  est  appelé  monasterium  Lateranense\  Saints- 
André-et-Barthélemy  et  Saint-Etienne  sont  récents. 
Les  deux  monastères  de  Saint-Paul-liors-les-murs , 
c^est  à  savoir  Saint-Césaire  et  Saint-Etienne,  sont  des 
restaurations  de  Grégoire  II  (715-731).  De  même,  les 
trois  monastères  de  Sainte-Marie-Majeure  :  Saint- 
André,  Saint- Adrien,  Saints-Côme-et-Damien  ^ 

Quelques  textes  du  Liber  ponliflcalis  permet- 
tent de  caractériser  ces  monastères  basilicaux  du 
VIII®  siècle. 

La  communauté  est  exempte  de  l'autorité  du  prêtre 
du  titre  qu'elle  dessert,  <<segregaium  a  iure  potestatis 
preshiteri  tituliv),  lisons-nous  dans  un  texte  qui  est 
comme  la  bulle  de  fondation  du  monastère  annexé  à 
l'église  de  Saint-Ghrysogone  par  Grégoire  III  (731- 
741).  La  communauté  possède  des  biens  fonds  donnés 
par  le  pape  ou  par  des  particuliers,  et  elle  vit  du  re- 
venu de  ces  biens  fonds  :  «  Pro  sustentatione  [le  pape] 
praedia  et  dona  atque  familiam  largitus  est;  et 
diversi  alii  fidèles  et  amatores  domini  nostri  lesu 
Christi. . .  praedia  et  dona  devotissime  contuleruiit^ .  » 
Jusqu'ici  rien  ne  différencierait  ce  monastère  d'un 
monastère  bénédictin,  mais  voici  où  la  distinction 
commence.  Lorsque  Paul  P''  fonde  le  monastère  de 


ibi  largitus  est,  tam  universa  quae  in  monasterio  necessaria 
sunt  monachis,  quamque  foris  inmobilia  loca,  qui  in  psal- 
lentio  beati  apostolorum  principis  Pétri  cum  supradictis  tribus 
monasteriis  usque  in  hodiernum  diem  constituit.  » 

1.  L.  P.  t.  II,  p.  43  et  suiv. 

2.  L.  P.  1. 1,  p.  418. 


I 


LES    ORIGINES    DÉ    l'oFFICE    ROMAIN.  79 


Saints-Étienne-et-Silvestre,  en  791,  monastère  qui  n'est 
annexé  à  aucune  basilique,  il  semble  bien,  à  en  juger 
par  la  bulle  d'érection  du  monastère,  que  le  pape  ne 
nomme  point  l'abbé  et  que  la  communauté  se  gou- 
verne elle-même  ^  Au  contraire,  chaque  fois  qu'il  est 
question  de  monastères  basilicaux,  comme  ceux  du 
Vatican  ou  du  Latran,  il  est  spécifié  que  l'abbé 
est  choisi  et  investi  par  le  pape.  Il  y  a  plus  :  cet  abbé 
à  la  nomination  du  pape  n'est  point  un  moine  de  pro- 
fession, c'est,  si  l'on  peut  dire,  un  prélat  de  la  car- 
rière. Dans  les  dernières  années  du  viii^  siècle,  sous 
Léon  111,  la  charge  d'abbé  du  monastère  de  Saint- 
Etienne-Majeur,  un  des  quatre  monastères  annexés  à 
Saint-Pierre,  devient  vacante.  Qui  le  pape  nomme- t-il? 
Un  clerc  romain  élevé  dans  le  patriarchium  du  La- 
tran, déjà  prêtre  :  il  s'appelle  Pascal,  c'est  un  prédi- 
cateur éloquent,  il  sera  pape  à  la  mort  d'Etienne  IV 
(817)  :  «  ...  ei  monasterium  beati Stephani priini mar- 
tyris  qui  appellatur  Maiorem,  iuxia  hasilicam  beaii 
Pétri  principis  apostolorum,  ad  regendum  commi- 
sit'^.  »  Enfin  ces  moines  eux-mêmes,  ces  moines  que 
gouverne  un  abbé  séculier,  ces  moines  ne  sont  pas 
proprement  des  moines  :  Etienne  III  (768-772),  venu 
de  Sicile  à  Rome  tout  jeune,  a  été  placé  par  le  pape 
Grégoire  III  (731-741)  dans  le  monastère  attaché 
à  Saint- Chrysogone,  et  là  il  est  devenu  clerc  et 
moine  [illicque  clericus  atque  monachus  est  effectus). 
En  étant  moine,  nul  doute  qu'il  ne  soit  davantage 


1.  JaffÉ,  2346. 

2.  L.  P.  t.  II,  p. 


80  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

clerc,  car  nous  voyons  le  pape  Zacharie  (741-752) 
l'enlever  à  son  monastère  pour  l'attacher  au  service 
de  la  chambre  pontificale  (in  Lateranensis  patriarchii 
cubiculo  esse  praecepit) ,  après  quoi  il  deviendra 
prêtre  du  titre  de  Sainte-Cécile  ^  Saint  Chrodegang 
ne  concevra  pas  autrement  les  chanoines  réguliers 
(clerici  canonici)  qu'il  établira  à  Metz,  sur  le  modèle, 
assure-t-il,  de  ce  qu'il  a  vu  pratiquera  Rome^. 

Or,  quel  est  le  rôle  de  ces  moines  basilicaux  ro- 
mains du  viii^  siècle?  Former  les  jeunes  clercs  à  la 
vie  et  à  la  science  ecclésiastiques,  en  concurrence 
avec  le  Vestiarium  du  palais  pontifical?  Héberger  les 
pèlerins  qui  viennent  visiter  les  sanctuaires  aposto- 
liques^? Sans  doute.  Mais  la  charge  principale  de  ces 
moines  est  de  chanter  l'office.  Et  comme  ils  sont 
clercs  et  moines,  leur  office  sera  double.  Clercs,  ils 
prennent  part  à  l'office  quotidien  des  clercs,  j'entends 
l'office  vigilial.  Moines,  ils  y  ajoutent  l'office  diurne 
propre  aux  moines,  tierce,  sexte  et  none.  Parlant  de 
la  restauration  par  Grégoire  II  (715-731)  des  monas- 


\.  L.P.  1. 1,  p.  468. 

2.  Paul.  diag.  Gesla  episcoporum  melensium  (P.  L.  XGV, 
709)  :  «  Hic  clerum  adunavit  et  ad  instar  coenobii  intra 
claustrorum  septa  conversari  fecit...  Ipsumque  clerum  abun- 
danter  lege  divina  romanaque  imbutum  cantilena  morem 
atque  ordinem  romanae  Ecclesiae  servare  praecepit.  »  La  vie 
du  pape  Grégoire  IV  (827-844)  donne  aux  moines  basilicaux 
romains  le  nom  de  «  monachi  canonici  ».  L.  P.  t.  II,  p.  78. 

3.  L.  P.  t.  II,  p.  52  :  «  [Paschalis]  gratiam  hospitalitatis  in 
peregrinis  et  claudis  qui  ob"amorem  beati  Pétri  apostoli  de 
longinquis  regionibus  ad  eius  limina  occurrebant,  uiiliter  prae- 
parans  necessaria  subministrabat  ».  Pascal  était  alors  abbé 
de  Sain t-É tienne-Majeur. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  81 

Itères  de  Saint-Paul-hors-les-murs ,  rhistoriographe 
pontifical  écrit  : 

...  Monasteria  que  secus  basilicam  sancti  Pauli  apo- 
stoli  erant  ad  solitudinem  deducta  innovavit;  atque 
ordinatis  servis  Dei  monachis  congregationem  post 
longum  tempus  constituens,  ut  tribus  per  diem  vici- 
bus  et  noctii  matiitinos  dicerent. 

Et  comme  on  pourrait  ne  pas  attribuer  à  ses  expres- 
sions toute  leur  valeur,  il  les  répète  peu  après,  en  mar- 
quant mieux  ainsi  le  caractère  canonique  : 

...  Monasterium  iuxta  [ecclesiam  sanctae  Dei  gene- 
tricis  ad  praesepe]  positum  sancti  Andreae  apostoli, 
quod  Barbare  nuncupatur,  ad  nimiam  deductus  de- 
sertionem,  in  quibus  ne  unus  habebalur  monachus, 
restaurans,  monachos  faciens,  ordinavit  ut  teriiam 
sextam  et  nonam  vel  matiitinos  in  eadem  ecclesia 
sanctae  Dei  genetricis  cotidianis  agerent  diebus;  et 
manet  nunc  usque  pia  eius  ordination 

En  d'autres  termes,  les  moines  de  Saint-Paul  et  de 
Sainte-Marie-Majeure  chantent  dans  la  basilique  l'of- 
fice vigilial  nocturne  [noctu  matutinos)  ;  et,  en  outre, 
tierce,  sexte,  none,  le  jour  [tribus  per  diem  vicihus]. 
Ceci  au  commencement  du  viii^  siècle. 

Encore  quelques  années,  et  il  ne  s'agira  plus  seule- 
ment de  tierce,  sexte  et  none,  mais  encore  de  prime 
et  de  vêpres.  Voici  comment  s'exprime  l'historio- 
graphe du  pape  Hadrien  P'"  (772-795)  : 

Hic...  dum  per  aima  exquisitione  sua  repperuisset 
monasterium  quondam  Honorii  papae  in  nimia  deso- 

1.  L.  P.  t.  I,  p.  397-398, 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  6 


82  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

latione  per  quandam  neglegentiam  evenire,  divina  in- 
spiratione  motus,  a  noviter  eum  aedificavit  atque  dita- 
vit,  et  abbatem  cum  ceteros  monachos  regulariter 
ibidem  vila  degentes  ordinavit.  Et  constituit  eos  in 
basilica  Salvatoris  quae  et  Gonstantiniana  iuxta  Late- 
ranense  patriarchio  posita  offîcio  celebrari,  hoc  est 
matutino,  ora  prima  et  tertia,  sexta  seu  nona,  etiam  et 
vespertina,  ab  uno  choro,  qui  dudum  singulariter  in 
utrosque  psallebant,  monachi  monasterii  sancti  Pan- 
cratii  ibidem  posito,  et  ab  altero  clioro  monachi  iam- 
fati  monasterii  sancti  Andreae  et  Bartholomei  qui 
appellatur  Honorii  papae,  quatenus  piis  laudibus  navi- 
lerque  psallentes,  hymniferis  choris  Deique  letis  reso- 
nent  cantibus,  reddentes  Domino  glorificos  melos  pro 
sepius  memorali  venerandi  pontiflcis  nomen,  scilicet  in 
saecula  memorialem  eius  pangenles  carminibus  '. 

Le  texte  spécifie  que  les  moines  des  deux  monas- 
tères du  Latran  auront  à  chanter  l'office  en  chœur 
dans  la  basilique,  l'office  nocturne  des  vigiles  et  l'of- 
fice diurne  de  tierce,  sexte  et  none,  auquel  s'ajou- 
tent dès  lors  prime  et  vêpres^. 


1.  L.P.  t.  I,  p.  506. 

2.  Même  formule  au  sujet  des  moines  attachés  à  la  basili- 
que de  Saint-Marc  :  «  Matutino,  hora  prima,  tertia  et  sexta 
atque  nona  seu  vespera.  »  Ibid.  p.  507,  Même  formule  au  sujet 
du  monastère  de  filles  attaché  à  la  basilique  de  Sainte-Eu- 
génie :  «  Hora  prima,  tertia,  sexta,  nona,  vespera  et  matu- 
tino. »  Ibid.  p.  510.  Voyez  (ibid.  p.  501  et  511)  ce  qui  est  dit 
de  l'ofTice  des  monastères  du  Vatican  et  de  Sainte-Marie- 
Majeure  :  le  pape  Hadrien  régularise  partout  l'office  chanté 
dans  les  basiliques.  Voici  le  texte  (p.  501)  qui  concerne  le' 
Vatican  :  «  Constituit  in  monasterio  sancti  Slephani  cata 
Barbara  patricia,  situm  ad  beatum  Petrum  apostolum,  con- 
gregationem  monachorum,  ubi  et  abbatem  idoneam  personam 
ordinans,  statuit  ut  sedulus  laudes  in  ecclesla  beati  Pétri  per- 
solvant,  sicut  et  cetera  tria  monasteria;  ut  duo  monasleri'a  per 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  83 

On  saisit  dans  ces  divers  textes  la  trace  de  révo- 
lution liturgique  qui  s'est  accomplie  à  Rome,  entre 
la  fin  du  vii^  siècle  et  le  milieu  du  viii*',  sous  Tinfluence 
monastique  :  j'entends  la  juxtaposition  journalière  de 
Toffice  vigilial  traditionnel  des  clercs  et  des  heures 
monastiques.  N'y  a-t-il  même  que  juxtaposition  ?  Et 
l'office  vigilial  des  clercs,  tel  que  le  formulait  le  Li~ 
ber  diurnus^  n'a-t-il  point  subi  une  transformation 
profonde?  La  distribution  des  psaumes  et  des  leçons 
à  l'office  vigilial,  cette  distribution  que  nous  verrons 
être,  à  Rome,  à  la  fin  du  viii^  siècle,  si  sensiblement 
différente  de  ce  qu'elle  était  au  vi*'  siècle  à  en  juger 
par  le  Liber  diurnus,  n'est-elle  point  le  fait  des  moines 
basilicaux  ^  ? 

Cette  évolution  liturgique,  accomplie  à  l'intérieur 
des  basiliques  romaines  entre  la  fin  du  vii*^  siècle  et 
le  milieu  du  vin%  est  due  à  l'influence  prépondérante 
de  l'usage  de  la  basilique  vaticane.  Il  est  certain  que, 
déjà  sous  Grégoire  III  (731-741),  tous  les  jours,  à 
Saint-Pierre,  les  moines  des  trois  monastères  alors 
existant  auprès  de  la  basilique  chantaient  vêpres  de- 
vant la  confession  du  prince  des  apôtres.  Nous  le 
savons  par  le  texte  d'un  synode  romain  de  l'an  732  : 

Tria  illa  monasLeria  qiiae  secus  basilicam  apostoli 
simt  constituta,   sanctorum  lohannis  et  Pauli,  sancti 

latera  ipsius  ecclesiae  Deo  nostro  canant  laudes  ;  quoniam  ip- 
sum  monasterium  in  inagna  desidia  et  negleclus  incuria  posi- 
tus  erat,  et  nullum  offîcium  divino  cuitu  ibidem  exhibebatur.  » 
1.  Notez  que  les  textes  produits  par  nous  pour  Rome  au 
Yiii'  siècle  ne  mentionnent  pas  complies.  Vêpres  est  alors  la 
seule  evening  prayer. 


84  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Slephani,  et  sancti  Martini,  id  est  eorum  congregatio, 
omnibus  diebus  dum  vesperas  explevevint  ante  con- 
fessionem...  ^ 

Et  ce  même  pape  Grégoire  III,  lorsqu'il  fonde  le 
monastère  de  Saint-Chrysogone,  édicté  que  les  moines 
dudit  monastère  chanteront  les  louanges  de  Dieu, 
dans  la  basilique  de  Saint-Chrysogone,  non  seule- 
ment la  nuit,  mais  encore  le  jour,  selon  l'usage  de  la 
basilique  de  Saint-Pierre  : 

Constituens  monachorum  congregationem,  ad  persol- 
vendas  Deo  laudes  in  eumdem  titulum,  diurnis  atque 
nocturnis  temporibus  ordinatam,  secundum  instar  of- 
ficiorum  ecclesie  beati  Pétri  apostoli. 

Il  restaure  et  il  organise  les  monastères  du  Latran  : 

Congregationem  monachorum...  constituit  ad  persol- 
venda  cotidie  sacra  ofticia  laudis  divine  in  basilica 
Salvatoris  domini  nostri  lesu  Christi,  quae  Constanti- 
niana  mencupatur,  iuxta  Lateranis,  diurnis  nocturnisque 
temporibus  ordinata,  iuxta  instar  offîciorum  ecclesie 
beati  Pétri  apostoli  2. 

La  liturgie  pratiquée  à  Saint-Pierre  devenait  le  ca- 
non même  de  la  liturgie.  Les  monastères  qui  desser- 
vaient la  basilique  étaient  les  plus  anciens  de  Rome, 
puisqu'ils  remontaient  à  saint  Léon  :  leur  usage  était 

1.  Ce  texte  est  emprunté  à  un  règlement  établi  par  un  synode 
du  clergé  romain;  ce  règlement  fut  gravé  sur  des  tables  de 
marbre  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre,  et  ces  tables  sont 
encore  en  partie  conservées.  Voyez  tout  le  texte  reproduit  par 
DucuESNE,  L.  P.  t.  I,  p.  422-424. 

2.  L.  P.  t.  I,  p.  418-419. 


LES    ORIGINES    t>E    L  OFFICE    ROMAIN.  85 

me  tradition,  et  leur  tradition  avait,  à  Rome  même, 
me  exceptionnelle  autorité.  Leurs  abbés  ou  recteurs, 
[ui  étaient  des  clercs,  nous  l'avons  vu,  cumulaient 
leur  fonction  d'abbé  avec  celle  d'archichantre  de 
Saint-Pierre  :  ils  étaient  les  maîtres  liturgistes  de 
l'Église  romaine.  Le  liturgiste  anonyme  frank,  dont 
j'ai  dit  un  mot  déjà  au  paragraphe  précédent  et  à 
qui  je  reviendrai  bientôt,  nous  a  conservé  le  nom 
de  trois  de  ces  recteurs,  et  il  les  place  à  la  suite  des 
papes  Léon,  Gélase,  Symmaque,  Jean,  Boniface,  Gré- 
goire, Martin,  comme  les  plus  récents  et  les  plus  au- 
torisés îiturgistes  et  cantilénistes  de  l'Église  ro- 
maine : 

Post  istos  quoque  Galalenus  abba,  ibi  deserviens 
ad  sepulcrum  sancti  Petii,  et  ipse  quidem  anni  circuli 
cantum  diligentissime  edidit. 

Post  hune  quoque  Maurianus  abba,  ipsius  sancti 
Pétri  apostoli  serviens,  annalem  suum  cantum  et  ipse 
nobile  ordinavit. 

Post  hune  vero  domnus  Virbonus  abba  et  omnem 
cantum  anni  circuli  magnifiée  ordinavit  ^ 

Ce  qu'était  Rome  pour  la  piété  et  pour  l'imagina- 
tion des  peuples  latins  d'Occident  du  haut  Moyen 
Age  ^,  on  l'a  dit  bien  des  fois,  mais  jamais  mieux  que 

1.  Anonym.  Gerbert.  v,  6  (plus  loin,  p.  177).  Il  faut  lire 
«  domnus  Virbonus  »  et  non  «  Domnus  vir  bonus  ».  L'emploi 
de  domnus  est  un  indice  que  cet  abbé  vivait  encore  quand  le 
document  a  été  écrit. 

2.  J.  GuiRAUD,  Rome  ville  sainte  au  V  siècle  [Compte  rendu 
du  IV^  congrès  scient,  internat,  des  cath.  Fribourg  1897,  p.  106 
et  suiv.).  Cf.  Vita  aniiquissima  S.  Gmgorii,  28  (éd.  Gasquet, 
p.  37)  :  «  ...  Romne  quae  urbium  caput  est  orbisque  domina  ». 


86  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  rudes  inscriptions  ne  le  disaient  à  Rome  aux  pèle- 
rins : 

Quis  negetlias  arces  insf ai'  esse  poli? 

lisait-on  au  vi®  siècle  sur  la  porte  de  Rome  dite  porte 
de  saint  Pierre  ^  Ou  encore  : 

Nimc  caêlo  est  similis,  nunc  inchjfa  Roma  vere[nda], 
cuius  claustra  docent  inliis  inesse  Deiim-. 

On  lisait  sur  l'arc  triomphal  de  la  basilique  du  Va- 
tican : 

Quod  duce  te  mundus  sarrexit  in  astra  triumphans 
hanc  Constantinus  victor  tibi  condidit  aulam  ='\ 

Saint-Pierre  était  par  excellence  le  sanctuaire  de 
la  catholicité  latine,  et  le  tombeau  de  l'apôtre  la  pierre 
angulaire  de  l'Église  d'Occident. 

Magna  quidem  serval  venerabile  Roma  sepulchrum 
in  quo  pro  Christi  nomine  passus  ohit^! 

Tous  les  yeux  étaient  tournés  vers  cette  confession 
auguste.  Des  pèlerins  lui  venaient  chaque  jour  des 

L'auteur  écrit  vers  713,  à  Whitby.  Rapprochez  l'inscription 
dédicatoire  du  Codex  Amiatinus,  offert  à  la  basilique  de  Saint- 
Pierre  par  Geolfrid,  abbé  de  Wearmouth,  en  716  :  «  Corpus 
ad  eximii  merito  venerabile  Pétri  |  dedicat  ecclesiae  quem  ca- 
put  alta  fides...  »  Cf.  mon  article  «  Amiatinus  »  Am Diction- 
naire de  la  Bible  de  Vigolroux,  où  j'ai  résumé  le  travail  de 
M.  de  Rossi. 
1.  De  Rossi,  Inscriptiones,  t.  II,  p.  99.  —  2.  Ibid. 

3.  Urlichs,  p.  60. 

4.  De  Rossi,  p.  113,  inscription  de  l'église  Saint-Pierre,  à 
Spolète  (v*  siècle). 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  87 


r 

^B  extrémités  de  la  Bretagne,  comme  des  vallées  de  la 

^f  Loire  et  du  Rhin.  Pour  ces  pèlerins  la  liturgie  pra- 

^        tiquée  à  Saint-Pierre  était  le  canon  de  la  liturgie. 

L'illustre  abbé  de  Wearmouth,  le  maître  de  Bède, 

Benoît   Biscop   (628-690),   était  de  ces  pèlerins   du 

vii^  siècle ,   dévots  au  tombeau  du  prince  des  apô- 

Itres  :  cinq  fois  il  fit  le  pèlerinage  d'Angleterre  à 
Rome.  A  Rome,  il  avait  demandé  le  plan  de  son  ab- 
baye de  Wearmouth.  En  souvenir  de  Rome,  il  avait 
voulu  qu'elle  portât  le  vocable  de  Saint-Pierre.  A 
Rome,  il  avait  acheté  les  livres  de  ses  moines.  A 
Rome  enfin,  il  avait  demandé  son  office  et  sa  canti- 
lène.  Davantage,  il  avait  demandé  au  pape  Agathon 
(678-681)  de  lui  donner  des  clercs  romains,  qui  vien- 
draient à  Wearmouth  former  les  moines  anglo- 
saxons  à  l'instar  des  moines  romains.  Accédant  à 
cette  prière,  le  pape  avait  confié  cette  mission  au 
«  vénérable  Jean,  archichantre  de  l'église  de  l'apôtre 
saint  Pierre  et  abbé  du  monastère  de  Saint-Martin  », 
un  des  quatre  monastères  vaticans.  Benoît  Biscop 
avait  amené  de  Rome  en  Bretagne  ledit  abbé  Jean, 
pour  que,  à  Wearmouth,  il  dressât  les  moines  à 
chanter  l'office  ainsi  qu'on  le  chantait  à  Saint-Pierre 
de  Rome  \ 


1.  Bed.  Hist.  Anglor.  iv,  18  {P.  L.  XCV,  199)  :  «...  vir 
venerabilis  lohannes  archicantator  ecclesiae  sancti  apostoli 
Pétri,  et  abbas  monasterii  beati  Martini,  ...  venerat  a  Roma 
per  iussionem  papae  Agathonis...  quatenus  inmonasterio  [ab- 
batis  Biscopi]  cursum  canendi  annuum,  sicut  ad  sanctum 
Petrum  Romae  agebatur,  edoceret.  Egitqiie  abbas  lohannes 
ut  iussionem  acceperat  pontifiais,  et  ordinem  videlicet  ritum- 
que  canendi  ac  legendi  viva  voce  praefati  monasterii  cantores 


88  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Ce  point  est  très  instructif  et  n'a  point  jusqu'ici  été 
assez  remarqué,  que  la  basilique  de  Saint-Pierre,  avec 
sa  scola  et  ses  grands-chantres,  a  été  le  lieu  d'ori- 
gine de  l'office  canonique  romain.  Le  fait  était  ac- 
compli, dans  le  troisième  quart  du  vii^  siècle,  grâce  à 
cet  irrésistible  mouvement  de  dévotion  et  d'admiration 
qui  portait  les  moines  d'au  delà  les  monts  à  ne  consi- 
dérer plus  comme  office  romain  que  l'office  des  moines 
de  Saint-Pierre  ;  à  emprunter  à  cet  office  basilical  la 
distribution  de  ses  psaumes,  de  ses  leçons,  le  texte  de 
ses  antiennes  et  de  ses  répons,  le  cycle  de  ses  fêtes, 
entendez  les  fêtes  du  temps.  Tel  était  l'éclat  et  telle 
l'autorité  du  canon  de  l'office  basilical  de  Saint- 
Pierre,  à  une  époque  où  pourtant  il  n'était  point  encore 
codifié,  puisque  l'abbé  Jean  dut,  à  Wearmouth,  se  ré- 
soudre à  en  écrire  au  moins  un  directoire  pour  la 
commodité  des  monastères  anglo-saxons.  Le  jour  où 
l'office  de  Saint-Pierre  se  trouva  codifié,  le  jour  où  les 
Libri  responsales  ou  antiphonaires  dits  plus  tard 
de  saint  Grégoire,  mais  en  réalité  de  Saint-Pierre, 
purent  se  répandre,  ils  feront  la  conquête  des  Églises 
franques  ^ . 

Mais  avant  de  voir  ce  succès  de  l'office  basilical 
romain,  il  nous  reste  à  expliquer  comment  s'était 
formé  et  développé  l'office  des  églises  cimitériales, 
d'un  mot  le  sanctoral  de  l'Eglise  romaine,  et  comment 
il  fut  introduit  dans  l'office  basilical  romain. 

edocendo,  et  ea  quae  totius  anni  circulus  in  celebratione  die- 
rum  festorum  poscebat,  etiam  litteris  mandando.  » 

1.  Sur  la  pénétration  (avant  Pépin)  du  romain  dans  le  gal- 
lican, voyez  D.  Morin,  «  Fragments  inédits  d'antiphonaire 
gallican  »,  Revue  bénédictine,  1905,  p.  329-357. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFIICE    ROMAIN.  89 


III 


Les  fêtes  de  saints,  à  Rome  comme  dans  toutes  les 
Églises  chrétiennes,  étaient  à  l'origine  des  anniver- 
saires de  martyrs  indigènes.  Et  ainsi  l'histoire  des 
fêtes  romaines  de  saints  est  liée  à  l'histoire  des  cime- 
tières et  des  basiliques  cimitériales  de  la  banlieue  ro- 
maine. 

Les  églises  inti^a  muros  ne  furent  pas  d'abord  mises 
sous  le  vocable  des  saints.  Les  églises  presbytérales 
ou  titres  portaient  le  nom  du  fidèle  ou  du  pape  qui  les 
avait  établies  à  ses  frais.  On  disait,  au  iv*"  et  au  v^  siècle, 
le  titre  de  Vestina,  le  titre  de  Lucina,  le  titre  de  Fas- 
ciola,  le  titre  de  Damase,  le  titre  de  Pudens,  le  titre  de 
Clément...,  pour  désigner  ces  églises  paroissiales ^ 
Plus  tard  seulement,  au  déclin  du  vi'  siècle  et  au  cours 
du  vii%  les  églises  des  diaconies  furent  fondées  sous 
des  vocables  de  saints  :  on  eut  intima  muros  les  basili- 
ques de  Saints-Côme-et-Damien,  de  Saint-Adrien,  de 
Saints-Sergius-et-Bacchus,  de  Sainte-Lucie...-,  par 
assimilation  aux  basiliques  suburbaines  élevées  sur  le 
tombeau  des  martyrs  et  pour  ce  fait  nommées  de 
leurs  noms. 

C'est,  en  effet,  dans  les  seuls  cimetières  suburbains 
que  se  célébraient  à  l'origine  les  anniversaires  des 
martyrs,  de  même  que  les  anniversaires  des  défunts 
de  chaque  famille.  Un  texte  peu  explicite  attribue  au 

1.  Voyez  les  souscriptions  du  synode  romain  de  l'année  499, 
sous  le  pape  Symmaque,  dans  les  Variae  de  Cassiodore 
(édit.  MoMMSEN  des  M,  G.),  p.  410-415. 


90  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

pape  Félix  (269-274)  l'institution  de  synaxes  liturgi- 
ques sur  la  tombe  des  martyrs;  mais,  comme  on  l'a 
fait  observer,  ce  texte  ne  témoigne  rigoureusement 
que  de  l'usage  romain  du  commencement  du  vi*'  siècle, 
c'est-à-dire  l'usage  contemporain  de  la  rédaction  de 
ce  passage  du  Liber  ^.  On  sait  cependant,  grâce  à 
Prudence,  que  cet  usage  existait  au  commencement 
du  v*^  siècle  :  le  jour  anniversaire  de  la  mort  d'un 
martyr,  la  messe  était  célébrée,  soit  sur  l'autel  dos 
basiliques  cimitériales  qui  s'élevaient  au-dessus  du 
tombeau,  soit  dans  la  crypte  elle-même  (si  elle  exis- 
tait encore),  sur  un  autel  placé  à  côté  du  tombeau.  La 
messe  ad  corpus,  si  restreint  pouvait  être  le  nombre 
des  assistants,  était  par  la  force  des  choses  une  messe 
quasi  privée  ;  l'autre,  au  contraire,  célébrée  dans  une 
enceinte  souvent  fort  vaste,  ou  même  à  ciel  ouvert 
sur  l'aire  du  cimetière,  était  une  missa  publica.  Le 
peuple  pouvait  y  assister  en  foule.  Parlant  de  l'anni- 
versaire de  saint  Hippolyte,  sur  la  voie  Tiburtine, 
Prudence  distingue  soigneusement  la  crypte  où  est  le 
corps  du  martyr  et  où  les  fidèles  viennent  journelle- 
ment et  individuellement  prier  : 

Haud  procul  extrcmo  culta  ad  pomaeria  vallo 
mersa  latebrosis  crypta  patet  foveis... 

et  la  basilique,  celle  de  Saint-Laurent,  élevée  au  rez 
du  sol,  où,  le  jour  anniversaire  du  martyr,  le  peuple 
et  les  pèlerins  viennent  en  foule  assister  aux  solen- 
nités liturgiques  : 

\.  L.  P,  t.  I,  p.  158. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  91 

lam  ciim  se  rénovât  deciirsis  mensibus  annus 

natalemque  diem  passio  festa  refert... 
urbs  augiista  suos  vomit  effunditqiie  Quirites... 
Exsultant  fremUus  variariim  hinc  inde  viarum.., 
Stat  sed  iiixta  aliiid  quod  tanta  freqiientia  iemplum 

tune  adeat,  cnltii  nohile  regifico... 
Plena  lahorantes  aegre  domiis  accipit  undas 

arctaque  confertis  aestuat  in  foribiis  i. 

La  vie  de  sainte  Mélanie  nous  a  appris  que  la  fête 
de  saint  Laurent  est  solcmnisée  par  une  messe,  que 
précède  une  vigile  nocturne  ^.  On  le  savait  grâce  à 
l'auteur  du  traité  De  haeresi  praedestinatorum, 
qui,  écrivant  au  y°  siècle,  rapporte,  en  effet,  que 
la  basilique  des  saints  Processus  et  Martinien,  au 
deuxième  mille  de  la  voie  Aurélienne,  a  été  enlevée 
à  la  secte  hérétique  des  Tertullianistes,  qui  y  avaient 
installé  leur  culte  (392-394).  Cette  expulsion  date  au 
plus  tard  du  pontificat  d'Innocent  V^  (401-417).  Et 
notre  auteur  en  écrit  ceci  :  «  Martyrum  suorum 
Deus  excuhias  catholicae  festivitati  restituit  ^.  »  Le 
mot  excubiae  est  le  synonyme  de  vigiliae. 

1.  Prudent.  Perisiephanon,  xi,  153  et  suiv.  Cf.  card.  Ram- 
POLLA,  p.  267. 

2.  Voyez  plus  haut,  p.  50. 

3.  Praedestinat.  i,  86  {P.  L.  LUI,  617).  Saint  Jérôme 
écrivait,  en  403,  Epistula  GVII,  1  :  «  Auratum  squalet  Capi- 
tolium.  Fuligine  et  aranearum  telis  omnia  Romae  templa  coo- 
perta  sunt.  Movetur  urbs  sedibus  suis,  et  inundans  populus 
ante  delubra  semiruta,  currit  ad  martyrum  tumulos.  »  Rappro- 
cher de  ce  texte  la  préface  que  donne  le  sacramentaire  îéo- 
nien  {P.  L.  LV,  91)  pour  la  messe  du  «  Natale  S.  Xisti 
in  coemeterio  Callisti,  et  Felicissimi  et  Agapiti  in  coemeterio 
Praetextati,  via  Appia  ».  Elle  commence  ainsi  :  «  Quoniam 
inter  innumeras  toto  mundo  martyrum  palmas,  quibus  urbis 
huJus  praecipue  coronatus  est  ambitus...  ». 


92  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

S'il  est  permis  de  chercher  dans  les  usages  d'au 
delà  les  monts  un  commentaire  des  usages  romains, 
volontiers  nous  le  trouverions  dans  la  description 
que  donne  Sidoine  Apollinaire  des  vigiles  célébrées 
au  tombeau  de  saint  Just,  à  Lyon,  au  jour  anniversaire 
de  ce  martyr.  Il  écrit  :  «  Nous  nous  étions  rendus  au 
tombeau  de  saint  Just,  avant  le  jour,  pour  l'anniver- 
saire {processio  anteliicana,  solemnitas  anniver- 
sarid).  La  foule  était  énorme,  tellement  que  la  basi- 
lique et  la  crypte  et  les  portiques  ne  la  pouvaient 
contenir.  On  célébra  d'abord  les  vigiles  :  les  psaumes 
furent  chantés  par  les  chœurs  alternant  de  moines  et 
de  clercs  [Cultu  peracto  vigiliaram,  quas  alternante 
mulcedine  monachi  clericique  psahnicines  concele- 
bra{>erunt...).  Et  les  vigiles  terminées,  chacun  alla 
se  promener,  à  son  gré,  mais  sans  trop  s'éloigner, 
car  il  fallait  être  revenu  à  tierce  pour  la  messe  solen- 
nelle (...  ad  tertiam  praesto  futiiri,  cum  sacerdotibus 
res  diçina  facienda)  ^ . 

A  Rome,  au  cours  du  iv*^  siècle,  non  seulement  les 
cryptes  historiques  des  catacombes  avaient  été  dispo- 
sées pour  le  culte  ainsi  entendu,  mais  des  basiliques 
avaient  été  construites  sur  l'aire  de  la  plupart  des 
cimetières.  J'ai  nommé  Saint-Laurent  sur  la  voie  Ti- 
burtine,  il  faudrait  en  nommer  bien  d'autres  :  Saint- 
Silvestre  au  cimetière  de  Priscille,  Saints-Nérée-et- 
Achillée  au  cimetière  de  Domitille....  Le  soin  que  les 
plus  anciens  calendriers  (tel  le  calendrier  Philoca- 
lien^,  de  l'année  354)  mettent  à  marquer  le  locus  de- 

1.  SiDON.  Episiul.  CVII,  9. 

2.  Plus  exactement,  les  deux  tables  d'anniversaires  (Depo- 


I 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  93 


positionis  des  saints  qu'on  fête,  est  une  preuve  que 
ces  fêtes  de  saints  se  célébraient  précisément  au  /o- 
cus  depositionis.  Le  sacramentaire  que  Ton  appelle 
léonien,  et  qui  est  le  plus  ancien  missel  romain  que 
l'on  possède  (il  est  sûrement  antérieur  à  saint  Gré- 
goire et  certaines  pièces  du  recueil  peuvent  dater  de 
la  fin  du  iv''  siècle),  indique  pour  toutes  les  fêtes  de 
saints  qu'il  comprend  le  lieu  où  elles  sont  célébrées, 
et  c'est  toujours  dans  un  cimetière  suburbain  qu'il 
donne  rendez-vous  aux  fidèles.  Des  homélies  du  pape 
saint  Grégoire  on  peut  tirer  des  indications  ana- 
logues :  en  effet,  si  le  pape  prêche  au  peuple  pour  le 
natale  d'un  martyr,  on  est  sûr  que  c'est  dans  la  basi- 
lique cimitériale  de  ce  martyr,  c'est-à-dire  dans 
une  église  extra  muros.  Ceci  au  commencement  du 
vii^  siècle. 

En  cessant  toutefois,  à  dater  de  410  et  de  la  prise 
de  Rome  par  les  Goths  d'Alaric,  d'être  les  cimetières 
ordinaires  des  paroisses  romaines,  et  en  devenant 
par  ce  fait  de  simples  lieux  de  pèlerinage,  les  cata- 
combes perdirent  nombre  de  leurs  visiteurs  et  de 
leurs  desservants.  Les  fossores  disparaissent  au 
v^  siècle.  L'usage  de  célébrer  dans  ces  nécropoles 
des  messes  anniversaires  privées  pour  les  défunts 
s'éteint  au  siècle  suivant,  où  nous  voyons  le  pape 
Jean  III  (561-574)  s'appliquer  à  en  restaurer  la  dé- 
votion, et  obligé,  pour  qu'au  moins  le  dimanche  les 
saints  mystères  soient  célébrés  dans  les  anciens  ci- 

silio  episcoporum  et  Depositio  martyrum)  contenues  dans 
le  recueil  chronographique  de  l'an  354  :  ces  deux  tables  sont 
reproduites  par  M^^  Duchesne,  L.  P.  t.  I,  p.  10-12 


94  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

metières  suburbains,  de  faire  les  humbles  frais  de 
ce  service*.  Avec  le  vi*"  siècle  commence  l'époque  de 
la  ruine  lente  et  de  l'oubli  2.  Le  siège  de  Rome  par 
les  Goths,  en  537,  contribue  plus  qu'aucune  autre 
cause  :  «  Nam  et  ecclesias  et  corpora  martyrum  ex- 
terminatae  sunt  a  Gothis  »,  écrit  l'historiographe  du 
pape  Silvère  (536-537)  ^. 

Dum  periliira  Gethae  posuissent  castra  sub  urbe 
moverunt  sanctis  hella  nefanda  prias  ; 

istaque  sacrilego  verteriint  corde  sepulchra 
martyribiis  qiiondam  rite  sacrala  piis. 

Ainsi  parlait  une  inscription  du  cimetière  lorda- 
nodum,  sur  la  via  Salaria  nova,  pour  rappeler  les 
restaurations  entreprises  après  les  dévastations  des 
Goths  ^•.  Les  Lombards  du  temps  de  saint  Grégoire  et 
ensuite  ne  furent  pas  plus  respectueux  que  les  Goths. 
Au  milieu  de  tant  de  paniques  et  de  ruines,  que 
devait  devenir  le  culte  des  martyrs?  Allait-on,  puis- 
que le  locus  depositionis  devenait  inaccessible,  cesser 
de  fêter  l'anniversaire  du  saint?  Le  culte  des  saints 
ne  pouvait-il  donc  pas  immigrer  à  l'intérieur  de  Rome 
et  à  l'abri  de  ses  murs  ? 

Cette  immigration  du  culte  des  martyrs  à  Tinté- 


1.  L.  P.  t.  I,  p.  305  :  «  Hic  amavit  et  restauravit  cymiteria 
sanctorum  martyrum  »,  etc. 

2.  L.  P.  t.  I,  p.  464  :  «  neglectus  atque  desidia  autiquita- 
tis  »  (notice  du  pape  Paul  P""). 

3.  L.  P.  t.  I,  p.  291. 

4.  De  Rossi,  Inscriptiones,   t.  II,  p.  100.   Cf.   L.  P.  t.   I, 
p.  293,  note  11  du  commentaire  de  Ms'  Duchesne. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  95 

rieur  de  Rome  coïncide  avec  Tépoque  où  les  églises 
romaines  commencent  à  se  décorer  de  noms  de  saints. 
Les  églises  de  diaconies,  fondées  au  déclin  du  vi^  siè- 
cle et  au  VII*',  l'ont  été,  nous  l'avons  vu,  sous  des 
vocables  de  saints.  Vers  le  même  temps,  les  titres 
presbytéraux  se  donnent  à  leur  tour  des  martyrs 
pour  éponymes,  le  titulus  Pudentis  devenant  Sainte- 
Pudentienne,  le  titulus  Prlscae  Sainte-Prisca,  le 
titulus  Anastaslae  Sainte- Anastasie,  le  titulus  dé- 
mentis Saint-Clément.  Cette  transformation  des 
vocables  basilicaux  est  achevée  au  viii^  siècle.  La 
même  pensée  qui  a  fait  donner  aux  églises  de  dia- 
conies le  nom  de  saints  étrangers  à  Rome  a  fait, 
et  ce  dès  le  v^  siècle,  consacrer  des  basiliques  de 
l'intérieur  de  Rome  sous  le  vocable  de  la  vierge 
Marie  et  des  saints  apôtres.  L'anniversaire  de  la 
dédicace  de  ces  églises  urbaines  coïncidait  le  plus 
souvent  avec  la  date  fixée  par  les  martyrologes  à 
l'anniversaire  des  saints  dont  ces  églises  portaient 
le  vocable.  Les  fêtes  des  saints  non  indigènes  s'éta- 
blirent ainsi  les  premières  dans  les  églises  de  l'in- 
térieur de  Rome.  Puis,  à  dater  du  vii^  siècle,  les 
reliques  des  martyrs  suburbains,  en  648  celles  des 
saints  Primus  et  Félicien,  du  xv®  mille  de  la  voie 
Nomentane,  en  682  celles  des  saints  Simplicius, 
Faustinus  et  Viatrix,  du  V*'  mille  de  la  voie  de  Porto..., 
commencent  à  être  transférées  dans  les  basiliques 
de  la  ville.  Au  viii^  siècle,  à  la  suite  du  siège  de 
Rome  par  Astolphe  et  les  Lombards  (756),  les  corps 
des  principaux  martyrs  des  catacombes  les  plus  voi- 
sines de  Rome  se  trouvèrent   transportés  à   l'abri 


96  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

des  murs  de  la  ville  K  Et  leur  culte  les  y  suivit. 
Les  fêtes  des  saints  en  cessant  d'être  des  fêtes  ci- 
mitériales,  ne  perdirent  pas  encore  leur  caractère 
strictement  local.  Là  où  était  la  relique,  là  se  célébrait 
la  fête  ;  et,  par  analogie,  à  l'église  qui  portait  le  nom 
du  saint  appartenait  en  propre  sa  fête.  La  fête  du 
saint  devenait  une  sorte  de  station.  Ainsi  les  fêtes  de 
la  vierge  Marie  étaient  célébrées  à  Sainte-Marie- Ma- 
jeure; les  fêtes  des  saints  Côme  et  Damien  dans  la 
basilique  de  Saints-Côme-et-Damien  ;  la  fête  des 
saints  Simplicius  et  Faustinus  dans  la  basilique  de 
Sainte-Bibiane,  et  ainsi  des  autres.  Dans  VOrdo  ro- 
main de  la  bibliothèque  de  Montpellier,  qui  est  du 
viii*'  siècle^,  on  lit  la  rubrique  suivante  :  l'archidiacre, 

1.  De  Rossi,  Roma  sotterranca,  t.  I,  p.  221.  —  En  731-741, 
sous  Grégoire  III,  des  anniversaires  se  célébraient  encore 
avec  des  vigiles  dans  les  cimetières  :  «  ...  disposuit  ut  in  cimi- 
teriis  circumquaque  positis  Romae  in  die  nataliciorum  eorum 
luminaria  ad  vigilias  faciendum...  deportentur  »  (L.  P.  t.  I, 
p.  421).  En  lbl-161,  sous  Paul  I^--,  tout  culte  cesse  :  «  ...  cer- 
nens  plurimaeorundem  sanctorum  cymiteriorum  loca  ...  demo- 
litione  atque  iam  vicina  ruine  posita,  protinus  eadem  sancto- 
rum corpora  de  ipsis  dirutis  abstulit  cymiteriis  :  quae  cum 
hymnis  et  canticis  spiritalibus  infra  hanc  civitatem  Romanam 
introducens,  alia  eorum  per  titulos  ac  diaconias  seu  monaste- 
ria  et  reliquas  ecclesias  cum  condecenti  studuit  recondi  ho- 
nore »  (L.  P.  t.  I,  p.  464). 

2.  Ordo  de  Montpellier,  fol.  92  :  «  Tune  archidiaconus 
accepto  ipso  calice  vadet  iuxta  altare  in  dexteram  partem, 
et  tenens  ipsum  calicem  in  manibus  suis  pronuntians  ven- 
turam  stationem  dicendo  :  Illa  feria  venieiite  natale  est  illius 
sancti  sive  martinim  sive  confessorum  in  illo  et  in  illo  loco, 
et  respondent  omnes  Deo  gratias.  »  —  Cette  rubrique  se  trouve 
déjà  et  plus  nette  encore  dans  le  sacramentaire  gélasien 
(vir  siècle)  :  «  ...  in  illo  igitur  loco,  vel  in  illa  via,  illa  feria, 
hanc  eamdem  festivitatem  solita  devotione  celebremus.  »  P.  L. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  97 

à  la  messe  solennelle  pontificale,  avant  de  distribuer 
la  communion  aux  fidèles,  doit  annoncer  la  prochaine 
station  en  ces  termes  :  «  Tel  jour  est  l'anniversaire 
[natale)  de  tel  saint,  soit  martyr,  soit  confesseur,  qui 
se  célébrera  en  tel  ou  tel  lieu  ».  Ce  qui  prouve  bien 
que  les  fêtes  du  sanctoral,  même  célébrées  intra 
miiros,  restaient  des  fêtes  locales  ^  Autre  preuve 
du  même  fait  dans  la  vie  du  pape  Grégoire  III 
(731-741).  Ce  pape  construit  dans  la  basilique  de 
Saint-Pierre  un  oratoire  «  en  l'honneur  du  Sauveur, 
de  la  vierge  Marie,  des  apôtres,  des  martyrs,  des  con- 
fesseurs et  de  tous  les  justes  »  ;  il  établit  que  «  chaque 
jour  » ,  après  que  les  «  vêpres  auront  été  dites 
devant  la  confession  »  de  saint  Pierre,  les  moines  des 
«  trois  monastères  attachés  à  la  basilique  »  se  ren- 
dront au  nouvel  oratoire,  et  là  «  chanteront  trois 
psaumes^  »,  en  l'honneur  des  saints  dont  ce  sera  la 
fête  [quorum  natalicia  fuerint).  En  d'autres  termes, 
l'ofiice  de  «  tous  les  jours  »  ne  faisant  aucune  mention 
des  saints  dont  est  marquée  la  fête  au  calendrier  ro- 


LXXIV,  1155.  Par  contre,  dans  le  sacramentaire  grégorien  ou 
mieux  sacramentaire  du  pape  Hadrien,  cette  rubrique  a  dis- 
paru. 

1.  Ordo  de  Montpellier,  fol.  95,  au  sujet  de  la  fête  de  la  Pu- 
rification :  «  Postea  quidem  die  secundo  mense  februario  quod 
est  IIII  non.  ipsius  mensis  colleguntur  omnes  tam  clerus  ro- 
manae  Ecclesiae  quam  et  omnes  monachi  monasteriorum  cum 
omni  populo  suburbano  seu  et  copiosa  multitudo  peregrinorum 
de  quacumque  provintia  congregati  venientes  ad  ecclesia  beali 
Adriani  mane  prima...  Et  procedunt  omnes  cura  magna  reve- 
renlia  ad  sanctam  Mariam  maiorem...  » 

2.  Textuellement  :  «  Très  psalmos  et  euangelia  matutina  Deo 
canant.  » 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  7 


98  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

main,  le  pape  Grégoire  III  institue  un  office  commé- 
moratif  à  part  pour  les  saints,  afin  que  ces  saints^  fêtés 
ailleurs,  ne  soient  point  oubliés  dans  la  basilique  de 
Saint-Pierre  ^  Commentant  ce  texte  de  la  vie  de  Gré- 
goire III,  M^""  Duchesne  écrit  :  «  La  fondation  litur- 
gique de  Grégoire  III  n'est  pas  mentionnée  dans  les 
vies  des  papes  ses  successeurs,  ni  dans  aucun  texte, 
à  ma  connaissance.  11  est  probable  que  l'on  se  sera 
affranchi  de  bonne  heure  d'un  service  assez  oné- 
reux^. »  Ne  serait-ce  pas  plutôt  que  cette  fondation 
ou  rubrique  de  Grégoire  III  aura  été  transformée  en 


1.  L.  P.  t.  I,  p.  421  :  «  ...  [constituit  ut]  pro  celebranda  sol- 
lemnia  vigiliarum  atque  missarum  Ghristi  domini  Dei  nostri 
sancteque  eius  genetricis,  sanctorum  apostolorum  vel  omnium 
sanctorum  ac  confessorum,  perfectorum  iustorum,  toto  in  orbe 
terrarum  requiescentium,  ut  in  oratorio  nomini  eorum  dedi- 
cato  intro  ecclesiam  beati  Pétri,  sub  arco  principali,  a  mona- 
chis  vigiliae  celebrentur  et  a  presbiteris  ebdomadariis  mis- 
sarum sollemnia.  »  —  Le  synode  de  732  est  plus  explicite  :  «...  ut 
sanctorum  festa  celebrentur  in  oratorio  quod  a  me  construc- 
tum  est  in  honore  Salvatoris,  sanctae  Dei  genitricis  sem- 
perque  virginis  Mariae  dominae  nostrae,  sanctorumque  apo- 
stolorum, martyrum  quoque  et  confessorum  Ghristi,  perfectorum 
iustorum,  intro  ecclesiam  sancti  Pétri  apostolorum  principis, 
et  ut  tria  illa  monasteria...  très  psalmos  et  euangelia  matu- 
tina  Deo  canant.  His  expletis  presbyter  qui  in  hebdoma  fue- 
rit,  ...  in  eundem  oratorium  in  honorem  Salvatoris,  Dei  geni- 
tricis, sanctorum  apostolorum,  martyrum  et  confessorum, 
perfectorum  iustorum,  quorum  natalicia  fuerint  [missam  fa- 
ciet].  »  Et  au  canon  de  ladite  messe,  à  «  Imprimis  gloriosae 
seraper  Virginis...  et  omnium  sanctorum  »,  il  ajoutera  :  «  Sed 
et  natalicium  célébrantes  sanctorum  tuorum  martyrum  ac 
confessorum,  perfectorum  iustorum,  quorum  solemnitas  hodie 
in  conspectu  gloriae  tuae  celebratur...  »  Cité  par  Duchesne, 
L.  P.  t.  I,  p.  422. 

2.  L.  P.  p.  423. 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  99 

le  autre  qui  seule  a  persisté?  Et  quelle  autre  institu- 
)n  sera-ce  que  la  célébration  à  Saint- Pierre  des 
\talitîa  des  saints  du  calendrier  romain? 

Passiones  sanctorum  vel  gesta  ipsorum  usque  Adriani 
tempora  tantummodo  ibi  legebantur  ubi  ecclesia  ipsius 
sancti  vel  litulus  erat  :  ipse  vero  a  tempore  suo  ren- 
nuere  ^  iussit,  ut  [pour  el']  in  ecclesia  sancti  Pétri  le- 
gendas  esse  constituit. 

Ainsi  s'exprime  VOrdo  de  la  Vallicellane  publié  par 
'omasi^.  Ce  n'est  qu'un  indice.  Ce  qui  est  plus 
qu'un  indice,  c'est  que  les  liturgistes  carolingiens,  qui 
vont  transporter  en  France  l'office  canonique  romain, 
ne  connaîtront  point  d'autre  régime  que  celui-là  :  le 
sanctoral  devenu  partie  intégrante  de  l'office  cano- 
nique^. 

1.  Rennuere,  désapprouver.  Lo  Decretum  Gelasii  de  lihris 
recipiendis,  parlant  de  la  chronique  et  de  l'histoire  d'Eusèbe, 
déclare  qu'on  ne  les  condamne  pas  :  «  ...  usque  quaque  non 
dicimus  rennuendos.  » 

2.  TOMASi,  Opéra  omnia,  éd.  Vezzosi  (Rome  1747-1764), 
t.  IV,  p.  325.  Cet  ordo  est  tiré  du  ms.  D.  5  (x-xr  siècle), 
de  la  Vallicellane,  à  Rome.  J'ai  collationné  le  texte  sur  le  ms. 
—  Le  renseignement  qu'il  nous  donne  est  confirmé  par  ce  pas- 
sage d'une  lettre  du  pape  Hadrien  à  Gharlemagne  :  «  Pas- 
siones sanctorum  martyrum  sancti  canones  censuerunt  ut  liceat 
eas  etiam  in  ecclesia  legi,  cum  anniversarii  dies  eorum  cele- 
brantur.  » 

3.  Amalar.  De  ord.  antiph.  28  :  «  Multa  officia  sanctorum 
indidi  in  nostro  antiphonario  ex  romano,  quae  non  habet  me- 
tensis  antiphonarius.  Cogitavi  cur  ea  omitterem,  cum  eadem 
auctoritate  fulciantur  qua  et  illa  quae  scripta  invenimus  in 
metensi  antiphonario,  scilicet  sanctae  matris  nostrae  roma- 
nae  Ecclesiae.  »  Cf.  Mansi,  t.  XII,  p.  395,  canon  13  du  concile 
de  Glovesho,  en  747  :  «  ...  Dominicae  dispensationis  festivi- 
tates...  in  cantilenae  modo  celebrentur,  iuxta  exemplar  vide- 


100  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Le  moment  était  venu,  en  effet,  et  il  coïncide  (autre 
et  significative  rencontre)  avec  le  pontificat  des  suc- 
cesseurs immédiats  de  Grégoire  III,  où  le  canon  de 
l'office  observé  à  Saint-Pierre  allait  faire  la  conquête 
des  Églises  franques;  où  le  même  sentiment  qui  avait 
popularisé  au  cours  du  vu''  siècle  en  Angleterre 
le  cursus  et  la  cantilène  de  Saint-Pierre,  allait  faire 
adopter  ce  même  cursus  et  cette  même  cantilène  par 
les  évêques  franks  ;  et  où  il  n'y  aurait  pas  que  des 
basiliques  romaines  comme  Saint-Chrysogone,  mais 
bien  encore  de  lointaines  cathédrales,  comme  celles 
de  Metz  et  de  Rouen,  où  l'office  divin  se  célébrerait 
désormais  «  iuxta  instar  officiorum  ecclesie  beati  Pé- 
tri apostoli  ».  En  France,  comme  cent  ans  aupara- 
vant en  Angleterre,  cette  propagation  de  la  liturgie 
romaine  est  le  fait  de  l'initiative  individuelle  :  la  liturgie 
romaine  attire  les  dévotions  à  elle  par  la  vertu  de 
saint  Pierre  et  par  la  vertu  de  sa  beauté  propre  ^ .  Saint 
Chrodegang  est,  comme  était  Benoît  Biscop,  tout  pé- 
nétré de  dévotion  aux  choses  de  Rome  et  de  saint 

licet  quod  scriptum  de  romana  habemus  Ecclesia.  Itemque 
ut  per  gyrum  totius  anni  natalitia  sanctorum  iino  eodem  die, 
iuxta  martyrologium  ejusdem  romanae  Ecclesiae,  cum  sua 
sibi  convenienti  psalmodia  seu  cantilena  venerentur.  » 

1.  Au  ix*"  siècle,  il  en  sera  autrement,  témoin  la  lettre  par 
laquelle  le  pape  Léon  IV  (847-855)  reproche  à  Honorât  (abbé 
de  Farfa,  pense-t-on)  de  n'avoir  que  de  l'aversion  pour  la 
«  dulcedinera  gregoriani  carminis  cum  sua  quam  in  ecclesia 
traditione  canendi  legendique  ordinavit  et  tradidit  »,  si  bien 
que  l'abbé  est  en  désaccord  avec  le  siège  de  Rome  et  autant 
avec  «  omni  pêne  occidentali  ecclesia  ».  Léon  IV  entend  im- 
poser «  traditionem  nostri  sancti  praesulis  »  sous  peine  d'ex- 
communication. Voyez  le  texte  de  cette  lettre  dans  {M.  G.) 
Epistolae  karoUni  aevi,  t.  III  (1899),  p.  603-604, 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  101 

^ierre  :  au  retour  d'un  pèlerinage  au  tombeau  du 
prince  des  apôtres,  en  754,  désireux  d'assurer  la  ré- 
gularité de  l'office  tant  nocturne  que  diurne  dans  la 
cathédrale  de  Metz,  il  institue  une  communauté  de 
clercs  sur  le  modèle  des  communautés  monastiques 
attachées  à  Rome  à  la  desservance  des  basiliques,  et 
il  impose  à  ces  clercs  réguliers  Vordo  romain  de 
l'office  et  la  cantilène  romaine  :  «  Clerum  abundari' 
ter  lege  divina  romanaque  imbutum  cantilena^  mo- 
rem  atque  ordinem  romanae  Ecclesiae  servare  prae^ 
cepit,  quod  usque  ad  id  tempus  in  metensi  Ecclesia 
factum  minime  fuit^,  »  Le  grand  évêque  de  Metz  n'est 
pas  mort  que  son  exemple  est  imité  par  Remedius, 
archevêque  de  Rouen  ;  lui  aussi,  au  retour  d'un  pèle- 
rinage à  Rome,  en  760,  il  amène  à  Rouen,  avec  l'auto- 
risation du  pape  Paul,  le  secondicier  de  la  Scola  can- 
toram  pour  initier  ses  clercs  aux  «  modulations  de  la 
psalmodie  »  romaine.  Puis,  le  chantre  romain  ayant 
dû  peu  après  revenir  à  Rome,  Remedius  envoie  ses 
clercs  terminer  leur  formation  à  Rome  dans  la  Scola 
cantorum'^.  Il  veut  avoir  à  Rouen,  comme  Chrode- 


1.  Paul.  diag.  Gesta  episcoporum  metensium  {P.  L.  XGV, 
709).  Cf.  MONACH.  Sangallen.  De  gestis  Caroli,  i,  11  (P.  L. 
XGVIII,  1378). 

2.  Jaffé,  2371  (P.  L.  XGVIII,  200).  Paul  I-  écrit  à  Pépin 
qui  lui  a  demandé  de  veiller  à  achever  la  formation  des 
moines  de  l'archevêque  Remedius  :  «  ...  praesentes  Deo  ama- 
bilis  Remedii,  germani  vestri,  monachos  Simeoni  scolae  can- 
lorum  priori  contradere,  ad  instruendum  eos  in  psalmodiae 
modulatione.  »  Le  secondicier  qui  avait  été  envoyé  à  Rouen 
s'appelait  Simôon.  Il  a  été  rappelé  à  Rome  par  la  mort  du  pri- 
micier,  qui  s'appelait  Georges,  et  auquel  il  succède.  «  Defunclo 
praefato  Géorgie,   et   in  eius  idem  Simeon,  utpote  sequens 


102  HisroinE  du  bréviaire  romain. 

gang  à  Metz,  le  pur  ot^do  et  la  pure  cantilène  de 
Saint-Pierre  ^  A  son  tour  enfin,  Pépin  étend  à  toutes 
les  Églises  franques  la  réforme  inaugurée  à  Metz 
et  à  Rouen ,  et  enjoint  à  tous  les  évêques  franks  de 
renoncer  à  Vordo  gallican  pour  apprendre  le  chant 
romain  et  célébrer  désormais  Toffice  divin  en  confor- 
mité avec  le  Saint-Siège.  Ce  sont  les  termes  de  Char- 
lemagne  renouvelant,  en  789,  le  décret  de  Pépin?. 

Dès  le  milieu  du  viii^  siècle,  c'est  la  conséquence 
qu'il  faut  tirer  de  ces  quelques  faits  si  considérables, 
l'office  romain,  qui  supplante  ainsi  en  France  le  vieil 
office  gallican,  est  codifié.  L'antiphonaire  dit  gré- 
gorien, en  réalité  de  Saint-Pierre,  est  écrit  et  fermé. 
De  fait,  vers  l'année  760,  le  pape  Paul  I"  envoie  au 
roi  Pépin  un  exemplaire  de  l'antiphonaire  ou  recueil 
des   antiennes  et  des   répons  de  l'office    romain  ^ . 


illius,  accedens  locum,  ideo  pro  doclrina  scolae  eum  ad  nos 
accersivimus.  »  Les  moines  rouennais  viendront  à  Rome;  le 
pape  les  confie  à  Siméon,  «  eosque  optime  collocantes,  solerli 
indiistria  eamdem  psalmodiae  modulationem  instrui  praece- 
pimus  ». 

1.  Rapprochez  Gesla  ahbatum  Fontanellensium  [  Saint- 
Wandrille],  16  (Pertz,  {M.  G.)  Scriptores,  t.  II  [1829],  p.  292)  : 
«  [Gervoldus  abbas  reliquit]  antiphonarium  romanae  Eccle- 
siae  volumen  unum.  »  Voyez  ibid.  ce  qui  est  rapporté  de  son 
amour  de  la  cantilène.  Gervoldus  meurt  en  806. 

2.  P.  L.  XGVII,  180,  et  Pertz,  M.  G.  Leg.  t.  I  (1835),  p.  44  : 
«  Omni  clero.  Ut  cantum  romanum  pleniter  discant,  et  ordi- 
nabiliter  per  nocturnale  vel  gradale  officium  peragatur,  secun- 
dum  quod  beatae  memoriae  genitor  noster  Pippinus  rex  decer- 
tavit  ut  fieret,  quando  gallicanum  tulit  ob  unanimitatem 
apostolicae  sedis  et  sanctae  Dei  ecclesiae  pacificam  concor- 
diam.  » 

3.  Jaffé,  2351  {P.  L.  LXXXIX,  1157)  :  «  Direximus  etiam 
praecellentiae  vestrae  et  libros,  quantos  reperire  potuimus. 


L 


LES    ORIGINES    DE    l'oFFICE    ROMAIN.  103 


En  754,  saint  Chrodegang  avait  rapporté  pareilles 
pandectes  à  Metz.  C'est  cette  œuvre  liturgique,  codi- 
fiée ainsi  pour  la  première  fois,  ou  du  moins  nous 
apparaissant  telle  pour  la  première  fois  vers  750,  qu'il 
nous  reste  à  décrire  en  détail,  en  restituant  dans  la 
mesure  de  nos  ressources  historiques  l'économie  de 
cet  office  romain,  qui  ravissait  si  fort  les  pèlerins  nos 
aïeux  du  viii°  siècle,  qu'ils  n'hésitèrent  point  à  lui 
sacrifier  la  tradition  propre  de  leurs  Églises. 


id  est  antiphonale  et  respoiisale,  insimul  artem  grammaticam, 
Aristotelis,  Dionysii  Areopagiti  libros,  geometricam,  ortho- 
graphiam,  grammaticam,  omnes  graeco  eloquio  scriptores, 
iiecnonet  horologiiim  nocturnum.  »  —  L'antiphonaire  rapporté 
de  Rome  à  Gorbie  par  l'abbc  Wala,  sous  Grégoire  IV,  portait 
le  nom  du  pape  Hadrien.  On  y  lisait  en  titre  :  «  Incipit  re- 
sponsoriale  de  circulo  anni  lemporibus  ter  beatissimi  et  apo- 
stolici  domini  Adriani  papae  per  indictionem  septimam  «  [783- 
784].  Et  à  la  fin  :  «  Hoc  opus  summus  parât  pontifex  dominus 
Adrianus  sibi  memoriale  per  saecla.  »  Amalar.  De  ord.  an- 
tipli.  prolog. 


CHAPITRE  III 
l'office  romain  du  temps   de  charlemagxe. 

Pour  décrire  l'office  romain  du  temps  de  Charle- 
magne,  des  Antiphonalia  et  des  Responsalia  ^  pure- 
ment romains,  comme  ceux  dont  parle  le  concile  de 
Glovesho  en  747^  ou  ceux  que  Chrodegang  rapporta 
de  Rome  à  Metz  en  754,  ou  ceux  que  Pépin  reçut  du 
pape  Paul  P''  vers  760,  ou  celui  que  l'abbaye  de  Cor- 
bie  possédait  «  signé  »  du  pape  Hadrien  en  783,  nous 
seraient  infiniment  précieux.  Nous  ne  les  avons  mal- 
heureusement pas^. 


1.  Précisons  les  termes.  Nous  savons  par  Amalaire  [De  ord. 
antiph.  prolog-)  que  les  Romains  de  son  temps  distinguent 
1°  le  Cantatortiim  ou  livre  des  chants  de  la  messe,  qu'Ama- 
laire  appelle  graduel  {Gradale),  2"  le  Responsoriale  ou  livre 
des  répons  de  l'otfice,  3"  VAntiphonariiis  ou  livre  des  antiennes 
de  l'office.  Amalaire,  fidèle  à  l'usage  frank,  bloque  les  répons 
et  les  antiennes  et  donne  au  recueil  le  nom  d'AiiUphonarius. 
Paul  P"",  envoyant  à  Pépin  les  livres  d'office  romains,  distin- 
gue «  Antiphonale  et  responsale  ».  Jaffk,  2351.  Tenons-nous 
à  la  terminologie  d'Amalaire. 

2.  L'antiphonaire  publié  sous  le  nom  de  saint  Grégoire  par 
les  éditeurs  bénédictins  de  ses  œuvres,  est  un  ms.  de  la  fin  du 
IX"  siècle,  Bibl.  Nat.  lat.  17436,  provenant  de  l'abbaye  de  Saint- 
Corneille,  à  Gompiègne.  G'cst  un  texte  romano-frank  appro- 
prié à  l'usage  d'une  église  du  Nord  de  la  France.  Il  est  réim- 
primé dans  P.  L.  LXXVIII.  726-850. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     105 

En  revanche,  nous  avons  l'œuvre  du  liturgiste  frank 
Amalaire  ^  Né  dans  la  seconde  moitié  du  vin"  siè- 
cle, disciple  d'Alcuin  à  Tours,  très  en  cour  auprès  de 
Charlemagne  qui  le  fit  archevêque  à  Trêves  (vers 
809),  Amalaire  est  le  plus  grand  liturgiste  de  son 
temps  et  de  son  pays.  Il  connaît  Rome  pour  l'avoir 
visitée  une  première  fois,  croit-on,  sous  le  pape 
Léon  m  (795-816).  Il  y  est  revenu,  sous  le  pape  Gré- 
goire IV,  en  831.  II  s'y  est  appliqué  à  l'observation 
des  usages  liturgiques  ;  il  a  interrogé  notamment  l'ar- 
chidiacre Théodore,  dont  il. rapporte  les   réponses. 

Entre  les  exemplaires  romains  de  l'antiphonaire, 
comme  entre  l'usage  romain  du  temps  et  ces  exem- 
plaires de  dates  diverses,  Amalaire  constate  de  mul- 
tiples divergences.  La  raison  en  est  aisée  à  con- 
jecturer :  la  lettre,  la  note,  l'ordre  ont  varié  même  à 
Rome  entre  750  et  830.  Amalaire  nous  l'apprend  : 
étant  en  831  à  Rome,  il  a  demandé  au  pape  Gré- 
goire IV  un  exemplaire  du  chant  suivi  à  Rome,  et  le 
pape  lui  a  répondu  qu'il  n'en  avait  pas  qu'il  pût  offrir 
à  l'empereur,  Louis  le  Débonnaire,  ayant  donné  le 
seul  qu'il  eût  de  disponible  à  l'abbé  de  Gorbie,  Wala, 
quand  naguère  il  était  venu  en  ambassade  à  Rome. 
Amalaire  recourt  au  monastère  de  Gorbie,  où  il 
consulte  l'antiphonaire  donné  par  Grégoire  IV  :  un 
exemplaire,  en  quatre  volumes,  trois  pour  l'office  noc- 


1.  Voyez  Dom  Morin,  «  La  question  .des  deux  Amalaires  », 
Revue  bénédictine,  t.  VIII  (1891),  p.  433-442  et  «  Amalaire, 
esquisse  biographique»,  ibid.  t.  IX  (1892),  p.  337-351.  Voyez 
aussi  la  notice  de  E.  Duemmler,  dans  {M.  G.)  Epistolae  karolini 
aevi,  t.  III  (1899),  p.  240-241. 


106  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

turne,  un  pour  l'office  diurne,  portant  en  tête  une 
inscription  (nous  Favons  citée  plus  haut)  qui  attri- 
buait au  pape  Hadrien  cette  codification.  Or,  poursuit 
Amalaire,  l'antiphonaire  de  Corbie  et  ceux  de  Metz 
différaient  «  non  solum  in  ordine,  verum  etiam  in 
çerbis  et  multitudine  responsoriorum  et  antiphona- 
riim  quas  nos  non  cantamus  ».  Il  est  vrai  que  l'an- 
tiphonaire de  Metz  parut  à  Amalaire  sur  beaucoup  de 
points  mieux  ordonné  :  «  In  multis  rationahilius 
statuta  reperi  nostra  volumina  quam  essent  illa  »  ^ . 
Amalaire  était  donc  en  présence  d'un  problème  de 
critique,  qu'il  résolut  ingénument  par  de  l'éclectisme 
en  constituant  un  antiphonaire  romain  propre  à  Metz, 
qui  de  longtemps  allait  être  l'édition  modèle  du  chant 
ecclésiastique  ^.  C'est  cette  édition  quasi  critique  qu'il 
commente  dans  son  livre  De  ordine  antiphonarii 
publié  entre  827  et  833.  Nous  y  trouvons,  puisque 
d'ailleurs  nous  possédons  les  répons  et  les  antiennes 
dont  parle  Amalaire,  de  précieuses  indications  pour 
reconstituer  l'office  authentiquement  romain  ^. 


1.  De  ord.  an^ipi^.  prolog.  —  Amalaire  encore  (/6/'i.  68),  par- 
lant des  antiennes  dont  le  texte  est  pris  aux  évangiles  de 
chaque  jour,  raconte  qu'il  demanda  aux  «  maîtres  de  l'Église 
romaine  »,  s'ils  les  chantaient,  et  ceux-ci  répondirent  non.  Et  il 
ajoute  :  «  Nostri  tamen  magistri  dicunt  se  eas  ab  eis  perce- 
pisse  per  primos  magistros  quos  melodiam  cantus  Romani 
docuerunt  infra  terminos  Francorum.  Deus  scit  si  isti  fallant, 
aut  si  ipsi  fefellissent  qui  gloriati  sunt  se  eas  percepisse  a 
magistris  romanae  Ecclesiae,  aut  Romani  propter  incuriam  et 
neglegentiam  eas  amisissent...  » 

2.  Voyez  SangaUen.  monach.  i,  11  {P.  L.  XGVIII,  1378). 

3.  Walafrid.  Straiî.  De  eccl.  ver.  exord.  25  {P.  L.  CXIV, 
956)  ;  «  Et  quia  gallicana  Ecclesia  viris  non  minus  perilissi- 


l'office    HOMAIN    J3U    TEMPS    DE    CHARLEMAGNE.       107 

De  plus,  nous  avons  un  repère  excellent  dans  un 
manuscrit,  tardif  sans  doute,  il  est  du  xii^  siècle, 
mais  très  authentiquement  romain,  puisque  c'est  un 
antiphonaire  qui  a  été  à  l'usage  de  la  basilique  de 
Saint-Pierre  de  Rome^  Encore  sera-t-il  nécessaire 
de  tenir  compte  de  l'influence  en  retour  que  la  litur- 
gie carolingienne  a  eue  sur  la  liturgie  de  Rome,  l'u- 
sage romano-frank  ayant  unifié  la  tradition  liturgique 
romaine  elle-même,  —  phénomène  qui  n'est  pas  spé- 
cial à  l'antiphonaire,  puisqu'il  s'est  produit  pareille- 
ment pour  les  sacramentaires. 

Nous  prenons  donc  pour  base  de  notre  description 
les  indications  fournies  par  Amalaire  comparées  aux 
indications  de  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre.  Nous 
les  compléterons  par  celles  que  l'on  peut  relever  dans 
les  Ordines  romani  les  plus  anciens  et  purement  ro- 
mains, tel  VOrdo  de  Saint- Amand  2,  tel  VOrdo  d'Ein- 


mis  instructa,  sacrorum  officiorimi  instrumenta  habebat  non 
minima,  ex  eis  aliqua  Romanorum  offîciis  immixta  dicuntui'. 
quae  plerique  et  verbis  et  sono  se  a  caeteris  cantibus  discer- 
nere  posse  fateantur.  Sed  privilegio  romanae  sedis  observato, 
et  congruentia  rationabili  dispositionum  apud  eam  factarum 
persuadente,  factura  est  ut  in  omnibus  pêne  Latinorum  ee- 
clesiis  consuetudo  et  magisterium  eiusdem  sedis  praevale- 
ret,  quia  non  est  alia  traditio  aeque  sequenda...  »  Walafrid 
a  été  fait  abbé  de  Reichenau  en  838,  et  est  mort  en  849. 

1.  Il  a  été  publié  par  Tomasi,  t.  IV,  p.  1-170.  Il  est  coté 
Archives  de  Saint-Pierre,  B,  79.  C'est  un  manuscrit  petit  in 
folio,  de  196  feuillets,  avec  en  titre,  au  dos  «  Graduale  anti- 
quuni  ».  Tous  les  chants  sont  notés.  Le  feuillet  197  est  un 
feuillet  de  garde  sur  lequel  une  main  postérieure  a  transcrit 
les  répons  et  les  antiennes  de  la  fête  de  la  Transfigura^ 
lion. 

2.  DucHESNE,  Origines,  p.  439-463. 


108  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

siedeln  \  tel  VOrdo  /"'  de  Mabillon  dans  ses  parties 
originales  ^,  tel  enfin  VOrdo  que  nous  avons  appelé 
l'Anonyme  de  Gerbert,  et  que  nous  reproduirons  plus 
loin  dans  ses  parties  essentielles. 

Telles  sont  les  sources  principales  où  nous  puise- 
rons les  éléments  de  la  restitution  que  nous  devons 
essayer  de  Toilice  romain  du  temps  de  Charlemagne. 

I 

L'office  commun  du  temps,  et,  d'abord,  le  cours 
nocturne  :  il  comprend  vêpres,  le  nocturne  propre- 
ment dit,  et  les  laudes. 

L'office  de  vêpres  a  pour  incipit  le  verset  Deus  in 
adiiitoriuiriy  entonné  parle  président  du  chœur,  suivi 
d'un  Gloria  Pairi"^.  De  même  commenceront  les  lau- 
des, de  même  aussi  les  heures  diurnes''*.  On  peut 
conjecturer  que  cet  incipit  est  un  vestige  :  Deus  in 
adiatoriamy  en  effet,  est  le  début  du  psaume  lxix  qui 
a  dû  être  chanté,  autrefois  en  entier.  Le  même  phé- 

1.  De  Rossi,  Inscriptiones,  t.  II,  p.  34-35. 

2.  P.  L.  LXXVIII,  937-968. 

3.  Sur  le  Sicat  erat,  voyez  Concil.  Vaseuse  (Vaison),  a.  529, 
can.  5  :  «  Et  quia  non  solum  in  sede  apostolica,  sed  etiam 
per  totam  Orientem  et  totam  Africam  vel  Ilaliam,  propter 
hereticonim  aslutiam  qui  Dei  filium  non  semper  cum  pâtre 
fuisse  sed  a  tempore  coepissc  blasphémant,  in  omnibus  clau- 
sulis  post  gloriam  Sicut  erat  in  prlnclplo  dicatur,  etiam  et 
nos  in  universis  ecclesiis  nostris  iioc  ita  dicendum  esse  decre- 
vimus.  »  Mansi,  t.  VIII,  p.  727.  Maassen,  {M.  G.)  Concil.  aevi 
merov.  (1893),  p.  57. 

4.  Saint  Benoît  connaît  le  Deus  in  adiutorium,  mais  il  l'affecte 
seulement  à  prime,  tierce,  sexte,  none.  Régula,  18  (éd.  Wcelf- 
FLiN,  1895,  p.  29). 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     109 

nomène  se  sera  produit  pour  cet  incipit  qui  s'est 
produit  pour  les  Introït  de  la  messe  :  on  n'en  a  con- 
servé que  le  premier  verset  et  la  doxologie  ^ . 

La  psalmodie  de  vêpres  compte  cinq  psaumes  inva- 
riablement, il  est  vrai  que  ces  cinq  psaumes  sont 
antiphonés  :  «  Cotidianus  usiis  noster  tenet  ut  quin" 
que  psalmos  cantemus  in  vespertinali  synaxi...  ;hos 
qulnque  psalmos  antiphonatim  cantare  solemus^  » 
dit  Amalaire^. 

Le  texte  du  psautier  n'est  pas  à  Rome  le  même  qu'au 
delà  des  monts.  On  use  à  Rome  du  psautier  romain 
tel  qu'il  fut  corrigé  par  saint  Jérôme  en  383,  à  la  de- 
mande du  pape  Damase,  ce  texte  représentant  la  ver- 
sion anté-hiéronymienne  (faite  sur  les  Septante) 
simplement  retouchée  :  on  l'appelle  proprement  le 
Psalterium  romanum.  Une  seconde  édition  du  psau- 
tier fut  donnée  par  saint  Jérôme  en  392,  qui  représente 
une  correction  plus  sévère  faite,  à  Bethléem,  avec  l'aide 
des  Hexaples  :  elle  aurait,  dit-on,  été  adoptée  à  Tours, 
au  VI®  siècle,  pour  de  là  se  propager  en  pays  gallican, 


1.  A  l'appui  de  cette  conjecture  voyez  Chrodegang.  Ré- 
gula, 14  :  «  Nocturnis  horis  cum  ad  opus  divinum  de  lecto 
surrexit  clerus,  primum  signum  sibi  sanctae  crucis  imprimat 
per  invocationem  sanctae  Trinitatis.  Deinde  dicat  versum  Do- 
mine labia  mea  aperies...  Deinde  psalmum  Deus  in  adiuto- 
rium  meum  intende  totum  cum  Gloria.  Et  tune  provideat  sibi 
corpoream  necessitatem  naturae,etsic  ad  oratorium  festinet...  » 
Le  psaume  Deus  in  adiutorium  était  ainsi  chanté  hors  du 
chœur,  au  dortoir.  Cette  observation  vaut,  chez  Chrodegang, 
seulement  pour  l'office  nocturne  proprement  dit.  Autant  chez 
saint  Dunstan,  De  regimine  monac/iorum  (P.  L.  GXXXVII, 
479). 

2.  Amalar.  De  eccl.  off.  iv,  7.  De  oi'd.  antiph.  6. 


110  HISTOIHE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

d'où  son  nom  de  Psalterium  gallicanum^ .  Ce  psau- 
tier gallican  évincera  peu  à  peu  le  psautier  romain  en 
Italie  et  finalement  à  Rome.  Mais,  au  viii''  siècle, 
Rome  ne  pratiquait  encore  que  son  vieux  Psalterium 
romanum^  et  c'est  à  lui  qu'est  emprunté  le  texte  des 
antiennes  et  des  répons,  des  graduels  aussi  et  autres 
pièces  de  la  messe,  qui  est  pris  au  psautier. 

Antiphoner  un  psaume  c'est,  au  vin^  siècle  comme 
au  IV®,  le  chanter  à  deux  chœurs  alternant,  un  verset 
l'un,  un  verset  l'autre  :  ainsi  les  liturgistes  comme 
Amalaire  peuvent  définir  V antiphona  comme  la  défi- 
nissait saint  Isidore.  Cependant  au  viii*^  V antiphona 
est  quelque  chose  de  plus^  Elle  désigne  une  courte 

1.  Walafrid.  Strab.  De  rch.  eccl.  25  :  «  Psalmos  autem, 
cum  secundum  LXX  interprètes  Romani  adhuc  habeant,  Galli 
et  Germanorum  aliqui  secundum  emendationem  quam  Hiero- 
nymus  pater  de  LXX  editione  composuit,  psalterium  cantant. 
Quam  Gregorius  turonensis  episcopus  a  patribus  romanis 
mutuatam  in  Galliarum  dicitur  ecclesias  transtulisse.  »  Cf.  le 
fragment  de  Bernon  de  Reichenau,  P.  L.  GXLII,  1174,  —  On 
ne  doit  pas  prendre  à  la  lettre  l'assertion  de  Walafrid  con- 
cernant Grégoire  de  Tours.  L'histoire  du  texte  de  la  Bible  à 
l'époque  mérovingienne  est  «  celle  de  la  pénétration  de  la 
France  par  les  textes  espagnols,  anglo-saxons  et  irlandais  ». 
S.  Berger,  Histoire  de  la  Vulgate  (Paris  1893),  p.  61.  —  Saint 
Jérôme  a  donné  une  troisième  version  du  psautier,  celle-ci 
d'après  l'hébreu,  qui  n'est  pas  entrée  dans  l'usage  liturgique. 

2.  L'antienne,  avec  ce  sens  nouveau,  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois,  au  vi"  siècle,  dans  saint  Benoît  {Regul.  9),  et  à  la 
même  époque  dans  un  sermon  de  saint  Césaire  d'Arles  : 
«  Quam  multi  rustici  et  quam  multae  mulieres  rusticanae  can- 
tica  diabolica,  amatoria  et  turpia  memoriter  retinent  et  ore 
décantant!...  Quanlo  celerius  et  melius  quicumque  rusticus 
vel  quaecumque  mulier  rusticana,  quanto  utilius  poterat  et 
symbolum  discere,  et  orationem  dominicam,  et  aliquas  anti- 
phonas,  et  psalmos  L"™  vel  XG"™,  et  parare  et  tenere  et  fre- 


L  OFFICE    RO^FAIN    DU    TEMPS    DE    CHARLEMAGNE.      'lll 

irase  musicale  écrite  sur  des  paroles  qui  ne  sont  pas 
Nécessairement  prises  au  psaume,  ni  même  au  psau- 
ier  :  le  psaume  se  chante  sur  le  ton  de  cette  courte 
phrase,  qui  est  chantée  en  tête  du  psaume,  qui  est 

jpétée  à  la  fin  du  psaume,  et  qui  est  répétée  au  cours 

lême  du  psaume.  On  voit  qu'il  s'est  produit  là  une 
confusion  du  psalmus  responsorius  et  de  la  psalmodie 
intiphonée  ancienne,  cette  dernière  ayant  incorporé 
refrain  qui  constituait  le  psalmus  responsorius  et 
lyant  donné  à  ce  refrain  fort  improprement  le  nom 

'antienne^.  —  L'usage  de  répéter  l'antienne  après 
ïhaque  verset  du  psaume,  bien  qu'il  se  soit  perdu  de 
>onne  heure,  a  laissé  maintes  traces.  Ainsi,  à  la  fm 
lu  ix^  siècle,  les  chanoines  de  Saint-Martin  de  Tours 
répétaient  encore  l'antienne  après  chaque  verset  de 
►saume,  au  moins  aux  nocturnes  de  la  fête  de  saint 

[artin  :  «  ...  unamquamque  antiphoiiam  per  singa- 
\os  psalmorum  versus  repetendo  canehant,  »  est-il 
[it  dans  la  vie  de  saint  Odon  de  Cluny^.  Par  contre, 


ruentius  dicere!  »  Pseudo-Augustin.  Sermo  GGCIII,  3  {P,  L. 
:XXIX,  2325). 

1.  Voyez  Dom  Leclergq,  art.  «  Antienne  y>,  du  Dict.  arch. 
ïhrét.  t.  I,  p.  2292.  F. -A.  Geyaert,  La  mélopée  antique  dans 

chant  de  l'Église  latine  (Gand  1895),  p.  83,  cité  par  Dom  L. 

2.  lOANN.   MONACH.   Vita  Odonis,  10  {P.  L.   GXXXIII,  48)  : 
Quia  eiusdem  officii  antiphonae,  uti  omnibus  patet,  brèves 

3unt,  et  eius  temporis  noctes  longiores,  volentes  officium  ad 
lucem  usque  protendere,  unamquamque  antiphonam  per  sin- 
ilos  psalmorum  versus  repetendo  canebant.  Fiebat  namque 
Jis  labor  improbus.  »  Le  biographe  d'Odon  atteste  la  conser- 
rvation  de  l'usage  ancien  au  moins  pour  le  jour  de  la  solennité 
de  saint  Martin;  mais  la  raison  d'être  de  cet  usage  lui  a 
échappé,  et  l'exphcation  qu'il  en  donne  est  un  contresens. 
Cf.  Dom  Leglercq,  art.  cit.  p.  2309  et  suiv. 


112  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

au  commencement  de  ce  même  siècle ,  un  clerc  de 
Ratisbonne  se  plaint  que  ses  confrères  chantent  l'of- 
fice sans  dévotion,  exécutent  les  psaumes  à  la  course, 
et,  pour  revenir  plus  tôt  à  leurs  affaires,  suppriment 
la  répétition  des  antiennes,  ignorant  la  raison  d'être 
de  ces  répétitions  instituées  par  les  saints  docteurs 
pour  la  consolation  des  âmes  :  «  Nesciunt  quia  sancti 
doctores  et  eruditores  Ecclesiae  instituerunt  modula- 
tionem  in  antiphonarum  i>el  responsorioram  repeti- 
tione  honestissima,  quatenus  hac  dulcedine  animus 
ardentius  accenderetur  \  »  —  A  Rome,  la  coutume 
avait  prévalu  vite  de  supprimer  ces  répétitions.  Mais 
la  rubrique  écrite  ne  sera  point  supprimée.  Au 
XII®  siècle,  pour  des  solennités  comme  Noël,  elle  porte 
encore  que,  au  nocturne,  les  antiennes  doivent  être 
répétées,  au  commencement  du  psaume,  puis  au 
cours  du  psaume  aux  endroits  marqués,  puis  à  la  fin 
du  psaume,  puis  après  le  Gloria  Patri,  enfin  après  le 
SicuteraV^,  J'emprunte   cette  rubrique  à  l'antipho- 

1.  Benedictio  Dei,  praef.  (P.  L.  GXXIX,  1399).  Cf.  Amalar. 
De  ord.  antiph.  3  :  «  Et  ex  senis  antiphonis,  quas  vicissim 
chori  per  singulos  versus  repelunt...  » 

2.  ToMASi,  t.  IV,  p.  37  :  «  In  nocte  natalis  Domini,  ad  omnes 
antiphonas  vigiliae,  chorus  choro  respondet,  et  sic  omnes  an- 
tiphonas  cantamus  ante  psalmos,  et  infra  psalmum  ubi  inve- 
niuntur,  et  in  fine  psalmi,  et  post  Gloria  Patrie  et  post  Sicut 
erat.  Sed  chorus,  cuius  est  versus  infra  psalmum,  qui  est  an- 
tiphona,  incipit  antiphonam,  aller  respondet  :  et  qui  incepit, 
finit  eam.  Si  duae  antiphonae  notantur  sub  uno  psalmo,  pri- 
ma antiphona  cantatur  in  principio  et  in  fine  psalmi,  et  post 
Gloria,  et  post  Sicut  erat;  secunda  antiphona  cantatur  infra 
psalmum  tantum,  ubi  invenitur.  »  Cf.  Id.  p.  21,  pour  le  Bene- 
dictiis  du  premier  dimanche  de  l'A  vent  :  «  Hoc  die  antipho- 
namus  »  :  suivent  quatre  antiennes. 


I  „.......,.„.„..„„„....„„. 

^^Hrnaire  de  Saint-Pierre.  On  peut  voir  là  un  premier  in- 
^^P  dice  que  l'office  romain,  en  devenant  l'office  des  églises 
franques,  s'était  écourté  et  appauvri. 

Les  cinq  psaumes  antiphonés  de  vêpres  une  fois 
achevés,  le  président  du  chœur  récitait  une  leçon 
brève  tirée  de  l'Ecriture  sainte  :  «  Sequitur  lectio 
breçis  a  pastore  prolata  » ,  dit  Amalaire  ^ .  La  règle  de 
saint  Benoît  marque  ici  une  leçon,  sans  la  qualifier 
de  brève,  et  la  fait  suivre  d'un  répons,  d'un  hymne, 
d'un  verset^.  L'office  romain,  au  contraire,  la  fait 
guivre  seulement  d'un  verset,  comme  Vespertina 
oratio  ascendat  ad  te  domine  etc.,  ou  Dirigatur  ora- 
tio  mea  sicut  incensum  etc.  ^  ;  ce  verset,  au  lieu 
d'être  chanté,  était  récité  comme  la  leçon''*.  Sitôt  le 
verset  dit^,  le  Magnificat  était  chanté  avec  ses  an- 
tiennes. 

1.  De  ceci.  off.  IV,  7.  De  ord.  antiph.  6. 

2.  Regul.  17  :  «  Vespertina  autem  synaxis  qiialtiior  psalmis 
cuiri  antefanas  terminetur,  post  quibus  psalmis  lectio  reci- 
tanda  est,  inde  responsorio,  ambrosiano,  versu,  canticum  de 
Evangelio,  letania  et  oratione  dominica,  et  fiant  missae.  » 
Saint  Benoît,  cependant,  marque  au  nocturne  des  nuits  d'été  (à 
cause  de  la  brièveté  de  la  nuit,  la  psalmodie  n'est  pas  suivie 
de  trois  leçons),  que  «  pro  ipsis  tribus  lectionibus  una  de  ve- 
teritestamcnto  memorie  dicatur  quam  brevis  responsorius  sub- 
sequatur  ».  Regul.  10.  Nous  tenons  là  le  prototype  des  leçons 
brèves  et  des  répons  brefs. 

3.  Ces  versets,  qui  ont  passé  dans  l'office  romain,  étaient 
ceux  qui  se  disaient  à  Metz.  «  Nam  in  romano  antiphonario 
inveni  versus  Exaltabo  te  deiis  meus  rex  meus,  et  Magnus 
domlnus  nos  ter,  »  dit  Amalaire,  De  ord.  antiph.  6. 

4.  «  Nescio  cur  non  cantentur  ».  De  eccl.  off.  iv,  7. 

5.  Amalaire  écrit  :  «  Audivi  olim  responsorios  cantari  apud 
quosdam  post  lectionem  vespertinalem,  qui  continentur  in 
aliquibus  antiphonariis;  sed  apud  nonnullos  modo  ac  pêne 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  8 


114  HISTOIRE    DU    15HÉVIAIRE    ROMAIN. 

Le  Magnificat  terminé,  on  disait  le  Kyrie  eleison 
à  l'unisson  \ 

Ceci  est  un  vestige  d'une  des  formes  les  plus  an- 
ciennes de  la  prière  publique,  la  litanie.  Saint  Benoît 
lui  donne  son  vieux  nom  de  litania,  de  supplicatio 
litaniae^.  Amalaire  la  décrit  longuement  3.  La  litanie 
est  constituée  par  une  série  d'invocations  ou  versets, 
dont  la  suite  forme  un  canon  très  anciennement  ar- 
rêté :  ce  canon,  un  peu  différent  de  celui  d' Amalaire 
et  plus  développé,  constitue  nos  actuelles  Preces 
feriales^. 

La  litanie  s'achève,  le  président  du  chœur  se  lève, 
prononce  le  Dominas  çobiscum  et  dit  la  collecte. 
Quand  elle  est  dite,  il  prononce  le  Benedicamus  do- 
mino^ et  le  chœur  répond  Deo  gratias.  L'office  vespé- 
ral prend  fîn^'. 

omnes,  post  lectionem  sequitur  coniunctini  versus,  »  De  eccl 
off.  IV,  7.  Peut-être  saint  Benoît  représente-t-il  ici  l'usage  ro- 
raaiiT  tombé  en  désuétude  peu  après. 

1.  De  eccl.  off.  iv,  7  :  «  Post  hune  hymnum  per  noctes  do- 
minicas  aliquibus  in  locis  dicitur  Kyrie  eleison,  ut  audivi  Ro- 
mae,  et  postea  collecta  ».  Au  sujet  de  la  collecte,  ibid.  h  : 
«  Ilaec  oratio  in  omni  tempore  subsequitur,  id  est  Paschali, 
Pentecostes,  dominicis  diebus  et  festis.  »  Amalaire  semble 
excepter  les  fériés. 

2.  Regul.  9,  12,  13  etc. 

3.  De  eccl.  off.  iv,  4. 

4.  Baeumer,  t.  II,  p.  429-441,  a  une  étude  spéciale  sur  les 
preces  feriales.  Il  cite  les  plus  anciens  mss.  liturgiques  les 
contenant  :  viir-ix"^  siècle  (Saint-Gall  20  et  349,  Vérone  106). 
Voyez  le  ms.  F  18  (xiir  s.)  de  l'archive  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  fol.  199,  analysé  par  A.  Ebner,  Quellen  und  Forschun^ 
gen  (Freiburg  1896),  p.  192. 

5.  De  eccl.  off.  i\,  4  :  «  Quam  orationem  praecedit  salutatio, 
et  subsequitur  benedictio,  quam  et  gratiarum  actio  sequitur.  » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     115 

Compiles,  dont  il  est  naturel  de  parler  à  cette  place 
était  un  exercice  purement  conventuel,  la  prière  du 
coucher  des  moines  qui  recommandent  à  Dieu  le 
sommeil  auquel  ils  vont  se  livrer  * . 

Amalaire  ne  marque  pas  que  compiles  se  chante  en 
un  local  autre  que  le  chœur.  L'Anonyme  de  Gerbert, 
plus  archaïque,  nous  montre  les  moines  se  réunissant 
au  réfectoire  :  «  Colliguntur  ad  collectam  :  semper 
lectiones  ad  collectam  leguiitur,  et  ibi  fructuin  quod 
eis  Deus  dederit  manducanliir  et  hihent.  Postea  pul- 
sato  signo  canuntur  completorio  ubi  dormiunt  in 
dormitorio^^  ».  En  tête  de  compiles,  Amalaire  place 
une  leçon  brève,  comme  nulle  autre  heure  n'en  a  à 
pareille  place.  Cette  leçon  brève,  en  effet,  représente 
la  fin  de  la  lecture  qui  accompagne  ou  qui   suit  le 


La  litanie  était  la  conclusion  primitive  de  vêpres,  comme  do 
laudes,  et  des  petites  heures.  Ainsi  chez  saint  Benoît.  Mais  saint 
Benoît  lui-même  (Regul.  13)  ajoute  un  Pater  à  vêpres  et  à 
laudes  :  «  In  ultimo  ordine  oratio  dominica  omnibus  audien- 
tibus  dicalur  a  priore  propter  scandalorum  spinas  quae  oriri 
soient  ».  Durand,  Rational.  iv,  14,  17,  a  noté  une  singulière 
rubrique  de  son  temps  (xirr  siècle)  :  «  In  ecclesia  lateranensi 
nunquam  dicitur  oratio  [—  la  collecte],  sed  in  missa  [?]  et  in 
omnibus  horis  loco  orationis  alta  voce  pronuniiatur  oratio  do- 
minica, quae  in  Novo  Testamento  prima  oratio  fuit.  Nam  et  in 
primitiva  Ecclesia  sic  fiebat.  »  Un  document  romain  contem- 
porain du  pape  Alexandre  III  (1159-1181),  le  Libei'  de  ecclesia 
lateranensi  du  diacre  Jean,  donne  la  même  information. 
P.  L.  LXXVIII,  1385.  Ici  encore  saint  Benoît  serait-il  un  té- 
moin de  l'usage  romain  archaïque?  Grangolas,  p.  104,  le  croit. 

1.  De  oi'd.  antiph.  7  :  «  Quot  latentes  insidiae  possunt  in- 
gruere  super  dormientes  per  ipsum  diabolum,  et  per  sua 
membra,  et  pericula  vermium  ac  bestiarum,  non  valeo  expla- 
nare.  » 

2.  Anonym.  Gerbert.  iv,  2.  Voyez  plus  loin,  p.  174. 


116  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

repas  du  soir  :  «  Ante  istud  officium  conveniunt 
in  unum  fratres  ad  lectionein,  »  dit  Amalaire  ^ 
Le  Pater  et  le  Confiteor,  par  lesquels  le  moine  de- 
mande à  Dieu  le  pardon  de  ses  péchés,  ne  sont 
mentionnés  ni  par  Amalaire,  ni  par  nos  documents 
romains  ^.  La  psalmodie  de  complies  se  compose  de 
quatre  psaumes,  un  nombre  qui  ne  se  retrouve  à  au- 
cune autre  heure  canonique,  quatre  psaumes  invaria- 
bles et  ceux-là  mêmes  que  nous  y  récitons  encore  ^. 
Pas  de  leçon  brève  ^,  pas  de  répons  par  conséquent, 
mais  un  verset  et  le  cantique  Nunc  dimittis,  suivi , 
sans  Kyrie  eleison,  d'une  oraison  :  «  Tantummodo 
postulatio  pro  custodia  deprecetur'^  ».  Et,  ajoute 
Amalaire,  après  cette  oraison  le  grand  silence  com- 
mençait et  le  sommeil  qui  est  l'image  de  la  mort. 
L'anonyme  de  Gerbert  disait  plus  simplement  :  «  Et 
tune  çadunt  cum  silentio pausare  in  lectula  sua  ». 


1.  De  off.  eccl.  iv,  8. 

2.  Grancolas,  Comment,  p.  110  :  «  Pater  ante  completorium 
in  recentioribus  lantum  monasticis  conslitutionibus  reperilur  : 
Pius  eniin  IV  Breviario  romano  illud  inseruit,  et  secreto  re- 
citari  iussit,  ut  doceret  id  offîcii  partem  non  esse,  et  niinqiiani 
eo  loco  recitatum  fuisse.  » 

3.  Notez  que  du  psaume  xxx  (In  te  domine)  on  ne  chante 
que  six  versets  (sur  vingt-cinq), 

4.  Grancolas,  Comment,  p.  119  :  «  Oratio  Visita  in  nullcj 
romano  ordinario,  vel  collectario,  neque  in  alicujus  antiqui- 
tatis  ordinario  monastico  invenilur,  alque  forlassis  aFratribus 
Minoribus  romano  officio  inserta  fuit.  » 

5.  De  ord.  antiph.  1  :  «  In  isto  ofTicio...  non  est  confabula- 
tio  lectionis.  »  Au  contraire,  saint  Benoît  qui  fait  chanter  trois 
psaumes  (sine  antefana  dicendi  sunt),  place  à  la  suite  un 
hymne,  une  leçon,  un  verset,  le  Kyrie  eleison  et  la  «  bénédic- 
tion »  (Benedicamus  domino).  Régula,  17. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      117 

L'office  nocturne  proprement  dit  commençait  au 
milieu  de  la  nuit,  «  nocle  média  »,  qu'il  ne  faut  pas 
nécessairement  identifier  avec  minuit.  L'heure  pou- 
vait varier,  l'on  sait  que  les  jours  de  grandes  solennités 
l'office  commençait  de  meilleure  heure  que  les  jours 
ordinaires  ^  Au  son  de  la  cloche,  —  la  cloche  des 
vigiles  romaines  était  au  viii^  siècle  quelque  chose 
d'historique^,  —  clercs  et  moines  arrivaient  à  la 
basilique.  L'office  s'ouvrait  par  le  verset  Domine  la- 
hia  mea  aperies  dit  par  le  président  du  chœur  et 
suivi  du  Gloria  Patri  ^.  Immédiatement  après  le 
Gloria  Patri,  le  psaume  Venite  exultemus  ou  invi- 
tatoire.  Le  Venite  exultemus  est  déjà  marqué  par 
saint  Benoît  «  cum  antefana  »  ^*. 

Cette  admirable  pièce  n'est  point,  comme  on  l'a  dit 
souvent,  un  reste  de  «  l'ancienne  manière  de  chanter 
ce  que  nous  appelons  les  antiennes  »,  mais  bien  un 

1.  Anonym.  Gerbert.  iv,  3.  Voyez  plus  loin,  p.  174. 

2.  L.  P.  t.  I,  p.  454  :  «  ...  beatissimus  papa  [Stephanus  II, 
752-757]  fecit  super  basilicam  beati  Pétri  apostoli  turrem..., 
in  qua  tribus  posuit  campanis,  qui  clero  et  populum  ad  offi- 
ciuin  Dei  invitarent.  »  Sous  Etienne  III  (768-772),  dans  le  récit 
de  la  conspiration  de  Sergius  et  de  Christophe,  on  voit  Ser- 
gius  tenter  de  pénétrer  à  Saint-Pierre  «  nocte,  qua  hora  cam- 
pana  insonuit  »  {ibid.  p.  479). 

3.  De  ord.  antiph.  1  :  «  In  dominica  nocte  congrue,  iuxla 
consuetudinem  romanae  Ecclesiae  a  somno  surgentes  dicimus 
primo  Domine  labia  mea  aperies,  et  post  hune  versum  glorifi- 
camus  sanctam  Trinitatem.  »  Saint  Benoît  {Regiil.  9)  marque 
le  Domine  labia  mea  aperies,  mais,  avant  le  Gloria,  il  inter- 
cale le  psaume  m,  Domine  qiiid  muUiplicali  sunf,  qui  est  un 
psaume  très  accommodé  au  réveil  des  moines.  Peut-être  n'en 
est-il  resté  à  Rome  que  le  Gloria,  d'autant  qu'Amalaire  ne 
place  pas  ici  Deiis  in  adiutorium. 

4.  Ilefful.  9. 


118  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

reste  de  l'ancienne  manière  de  chanter  les psalmi  re- 
sponsorii;  c'est  très  justement  que  l'auteur  frank  du 
VIII®  siècle,  connu  sous  le  nom  de  Magister  ano- 
nymus,  à  qui  nous  devons  le  plus  ancien  commen- 
taire de  la  règle  bénédictine,  donne  à  Finvitatoire  le 
nom  de  «  responsorium  orationis^  ».  Ici,  en  effet,  un 
soliste  chante  d'abord  le  refrain,  lequel  n'est  point 
une  antienne  véritable,  mais  un  acrostichion^  et  le 
chœur  répète  à  l'unisson  le  refrain.  Puis,  au  lieu  que 
ce  soit  le  chœur  qui  chante  le  psaume,  c'est  le  soliste 
qui  l'exécute,  et  le  chœur  ne  fait  que  répéter  à  chaque 
coupure  du  psaume  le  refrain  du  début.  Nous  retrou- 
vons là  l'antique  psalmodie  ecclésiastique  ^. 

L'invitatoire  exécuté,  le  chant  des  psaumes  com- 
mence. Le  nocturne  compte  douze  psaumes,  douze 
psaumes  qui  ne  sont  point  antiphonés,  c'est-à-dire 
entrecoupés  d'antiennes  comme  l'ont  été  ceux  de  vê- 
pres, mais  chantés  d'un  trait.  Chaque  quatre  psau- 
mes, on  intercale  un  Gloria  Patri^. 

La  distribution  des  psaumes  aux  divers  nocturnes 
de  la  semaine^,  était  réglée  d'après  ce  principe  que  le 


1.  Magistvi  régula,  44  (A  L.  LXXXVIII,  1006). 

2.  Détail  bien  curieux,  Amalaire  a  entendu  chanter  l'invi- 
tatoire à  Constantinople  en  guise  d'introït  :  «  Hune  psalmum 
audivi  Gonstantinopoli  in  ecclesia  Sanctae  Sophiae  in  princi- 
pio  missae  celebrari.  »  De  orcl.  antiph.  21. 

3.  Amalar.  De  off.  eccl.  iv,  9  :  «  Sequuntur  duodecim  psalmi 
sine  antiphona,  cum  tribus  glorificationibus  sanctae  Trinitatis 
per  ternas  divisiones  quatuor  psalmorum.  » 

4.  Cette  distribution  est  un  trait  caractéristique  de  l'office 
romain.  La  psalmodie  à  Rome  est  réglée  et  non  point  laissée 
à  l'arbitre  du  chœur,  soit  pour  le  choix,  soit  pour  le  nombre 
des  psaumes  chanlés^.  Il  y  a  trace  d'un  usage  plus  ancien,  ana- 


l'office  romain  du  teîvips  de  charlemagne.     119 

psautier  était  divisé  en  deux  parties  :  la  première 
s'arrêtait  au  DUit  Dominas  (Ps.  cix)  exclusivement 
et  était  attribuée  à  l'office  nocturne  :  la  seconde,  à 
partir  du  Dixit  Dominus,  était  attribuée  à  l'office 
diurne.  A  Rome,  écrit  un  liturgiste  du  xiv"  siècle,  «  le 
psautier  est  intégralement  récité  chaque  semaine,  ... 
et  la  première  partie  du  psautier  divisée  en  sept  noc- 
turnes, dix-huit  psaumes  pour  le  dimanche,  douze 
pour  chaque  férié,  à  la  réserve  de  quelques  psaumes 
destinés  aux  heures  diurnes^  ».  Cette  distribution, 
qui  subsiste  encore  aujourd'hui  dans  le  Bréviaire  ro- 
main, est  celle  qu'a  connue  Amalaire. 

Les  douze  psaumes  du  nocturne  une  fois  chantés, 
on  passait  aux  leçons.  La  psalmodie  était  séparée  de 
la  lecture  simplement  par  un  verset  ^.  Cependant, 
entre  le  verset  et  le  commencement  de  la  leçon,  on 
plaçait  en  France  un  Pater,  tandis  que,  à  Rome,  on 
plaçait  une  courte  absolution  comme  celle-ci  :  înter- 
cedente  beato  principe  apostolorum  Petro,  saWet  et 


logue  à  cehii  que  décrit  Gassien,  dans  certains  exemplaires 
du  psautier  où  cliaque  psaume  est  accompagné  d'une  orai- 
son. ToMAsi,  t.  II,  a  publié  un  texte  de  ce  type.  €'est  ce  qu'on 
appelle  psalterium  cum  orationibiis  interiectis.  On  en  a  des 
mss.  du  Yiir  et  du  xr  siècle.  Baeumer,  1. 1,  360.  —  Sur  la  liberté 
de  la  psalmodie  au  vi"  siècle,  voyez  saint  Benoît,  Regul.  18  : 
«...  Hoc  praecipue  commonentes,  ut  si  cui  forte  haec  distribu- 
tio  psalmorum  displicuerit,  ordinet,  si  nielius  aliter  iudicave- 
rit;  dum  omniniodis  adtendatur,  ut  onmi  ebdomada  psalterium 
ex  integro  numéro  CL  psalmorum  psallatur,  et  dominico  die 
semper  a  caput  reprendatur  ad  vigilias...  » 

1.  Radulph.  De  canon,  observant.  10. 

2.  Amalar.  De  ord.  antiph.  1.  Autant  chez  saint  Benoît,  Re- 
uni.  11. 


120  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

custodiat  nos  Dominus  ^ .  Les  leçons  vont  être  lues  au 
pupitre  [analoglum).  Le  clerc  ou  frère  qui  va  les  lire 
demande  au  préalable  la  bénédiction  du  président  du 
chœur  par  la  formule  Iiibe  domne  benedicere.  A 
quoi  le  président  répond  par  une  courte  bénédiction, 
dans  le  style  de  celles  qui  nous  servent  encore  ^.  Et 
le  chœur  répond  Amen. 

Puis  la  lecture  commence,  empruntée  au  texte  oc- 
current  de  TEcriture  sainte. 

La  distribution  de  TEcriture  sainte  entre  les  divers 
temps  de  l'année  était  chose  réglée  par  l'usage  tradi- 
tionnel ^,  et  cet  usage  lui-même  dépendait  de  l'écono- 
mie liturgique  de  toute  l'année  (Avent,  Carême,  temps 
pascal,  etc.).  Aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner  de  voir 
concorder  dans  cette  distribution  l'usage  romain  et 
les  usages  monastiques.  Isaïe  était  pour  le  temps  de 
l'Avent.  De  Noël  à  la  Sexagésime,  on  lisait  Jérémie, 
Ézéchiel,  Daniel  et  les  Petits  Prophètes.  A  la  Sexa- 
gésime, le  Pentateuque,  Josué,  les  Juges,  jusqu'à  la 
semaine  sainte;  —  de  Pâques  à  la  Pentecôte,   le"s 

1.  Amalar.  Id.  prol.  Cf.  De  eccl.  off.  m,  6  :  «  Nam  quod 
Galli,  fiiiilis  psalmis  noclurnalibus,  solemus  canlare  oralio- 
neni  dominicam,  romana  Ecclesia  praetermittit  ». 

2.  Baeumer,  l.  I,  p.  385,  citant  Smaragd.  (ix"  siècle),  Regul.  9 
(P.   L.  GII,  831),  et  le  Rltuale  Dunelmense. 

3.  Voyez  ce  qu'en  dit  le  pape  Grégoire  II,  en  716,  pour  le- 
évêqucs  de  Bavière.  Il  enjoint  «  sacrificandi  et  ministrandi  sive 
etiam  psallendi  ex  figura  et  traditione  sanctae  apostolicae  et 
romanae  sedis  Ecclcsiae  ordine  ».  Il  entend  que  les  clercs 
«  ...cetera  diurnarum  atque  nocturnarum  horarum  officia,  sive 
etiam  lectionem  sacrorum  libroruin  Novi  atque  Vetcris  Tcsta- 
menti  ordinabiiia  praedicamenta  studeant  observare  secundum 
traditum  apostolicae  sedis  antiquitatls  ordinern...  »  Jaffé,  215:5 
(P.  L.  LXXXIX,  531). 


L  OFFICE    ROMAIN    DU    TEMPS    DE    CHAIILEMAGNE.        121 

Actes  des  apôtres,  les  épîtres  catholiques,  l'Apoca- 
lypse; —  puis,  pour  l'été,  les  Rois  et  les  Paralipo- 
mènes  ;  —  du  commencement  de  l'automne  au  1"  dé- 
cembre, les  livres  sapientiaux,  Job,  Tobie,  Esther, 
Judith,  Esdras,  les  Macchabées  K 

L'usage  de  lire  l'Écriture  sainte  à  la  suite  de  la 
psalmodie  nocturne  datait,  à  Rome,  du  vn^  siècle, 
seulement,  s'il  faut  s'en  rapporter  au  témoignage 
(a.  787)  de  Théodemar,  abbé  du  mont  Cassin  ^. 

La  leçon  durait  un  temps  convenable  et  jusqu'à  ce 
que  le  président  du  chœur  fît  signe  au  lecteur  de 
s'arrêter.  Le  lecteur  terminait  uniformément  par  la 
formule  Tu  autem...,  à  quoi  le  chœur  répondait  Deo 
gratias^.  Les  trois  leçons  du  nocturne  étaient  cha- 
cune suivie  d'un  répons. 

Ce  serait  une  inexactitude  que  d'identifier  le  répons 

1.  On  comparera  la  distribution  {Onlo  canonis  decanfandi  in 
ccclesia  sancti  Pétri)  que  donne  l'Anonyme  de  Gerbert  (dans 
notre  Hist.  du  Bréviaire,  1'"  et  2"  édit.,  p.  339),  et  celle  qu'Ama- 
laire  tient  de  l'archidiacre  Théodore  (/>e  ord.  antiph.  prolog.). 

2.  Théodemar.  Epistula  ad  Caroliim  regem,  P.  L.  XGV, 
1584  :  «  ...  necdum  eo  tempore  in  Ecclesia  romana,  sicut  nunc 
leguntur,  sacras  Scripturas  legi  mos  fuisse  ;  sed  post  aliquod 
lempus  hoc  instilutum  esse,  sive  a  bealo  papa  Gregorio,  sive 
ut  ab  aliis  adfirmatur  ab  Honorio.  Qua  de  re  maiores  nostri 
instituerunt  ut  hic  in  sacro  nostro  coenobio,  quod  iuxta  sanc- 
tum  illius  corpus  iustitutum  est,  très  cottidianis  diebus  aestivo 
in  t'^-  ^,ore  ex  Veteri  Testamento  lectiones  in  codice  legantur, 
ne  a  sancta  romana  Ecclesia  discrepare  viderentur.  »  Duemm- 
LER,  {M.  G.)  Epist.  karol.  aevi,  t.  II  (1895),  p.  510. 

3.  Mautene,  De  antiq.  Eccles.  discipl.  p.  33  :  «  In  Turo- 
nensi  S.  Martini  basilica  qui  choro  praeerat  alta  voce  clania- 
bat  Fac  finem,  statimque  lector  parebat.  Vidi  in  majori  mona- 
sterio  vêtus  lectionarium  in  ci;  jus  leclionum  fine  legitur  Fac 
finem.  » 


122  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

romain  avec  le  psalmus  responsorius  de  l'ancienne 
Eglise  :  nous  avons  retrouvé  ce  dernier  très  exacte- 
ment dans  rinvitatoire,  or  rien  ne  ressemble  moins 
à  rinvitatoire  qu'un  répons.  Le  répons  est,  en  réa- 
lité, une  sorte  de  graduel,  et  l'on  sait  que  le  graduel 
est  à  Rome  la  forme  la  plus  ancienne  du  chant  musi- 
cal ecclésiastique  ^ .  Il  s'est  produit  ici  un  déplacement 
de  sens  comparable  à  celui  qui  s'est  produit  pour  le 
mot  antienne  :  le  graduel  de  la  messe,  qui  n'était 
point  un  psalmus  i-esponsorius,  fut  appelé  répons,  et 
Amalaire  ne  le  désigne  pas  autrement  ^.  Puis  l'usage 
s'en  perdit  :  on  eut  le  graduel  de  la  messe,  on  eut  le 
répons  de  l'office,  et  l'identité  originelle  du  graduel 
et  du  répons  finit  par  ne  plus  être  remarquée.  Il  se 
pourrait  que  le  répons,  tant  à  la  messe  qu'à  l'office, 
fût  une  création  proprement  latine,  et  dans  ce  sens 
s'entendrait  le  texte  d'un  contemporain  de  saint  Gré- 
goire, saint  Isidore  de  Se  ville  :  «  Responsoria  ah 
Italis  longo  ante  tempore  sunt  reperta'^  ». 

Trois  éléments  composaient  le  répons  :  le  respon- 
sorium  proprement  dit,  le  verset,  la  doxologie.  Les 
répons  étaient  exécutés  de  la  manière  suivante  qui 
était  la  vieille  manière,  et,  au  dire  d' Amalaire,  la  ma- 
nière propre  à  Rome.  Le  préchantre  chantait  le  texte 
initial  du  répons  [responsorium)  en  solo,  et  le  chœur 
après  lui  le  répétait  à  l'unisson;  puis  le  préchantre 
chantait  le   verset,  et  le  chœur  répétait  le  respon- 


1.  DucHESNE,  Origines,  p.  107. 

2.  Amalar.  De  eccl.  ojf,  m,  11. 

3.  IsiDOR.  De  eccl.  off.  m,  11. 


l'office  rOxMAin  du  temps  de  charlemagne.      123 

sorium  intégralement  comme  devant.  A  Rome, 
des  papes  modernes,  dit  Amalaire,  avaient  donné  à 
chaque  répons  un  Gloria,  tandis  que  la  règle  de 
saint  Benoît  (ch.  9)  ne  donne  de  Gloria  qu'au  troi- 
sième et  dernier  répons.  Après  la  doxologie,  le  chœur 
répétait  le  responsorium  ^ . 

En  passant  de  Rome  en  France,  le  responsoral  ro- 
main a  subi  plus  d'une  mutilation.  Amalaire  nous 
apprend  que  dans  sa  province,  pour  abréger,  on  ne 
répétait  pas  le  responsorium  intégralement,  mais  on 
le  reprenait  i(  per  latera  »,  c'est-à-dire  au  milieu,  ou 
au  tiers.  Il  fallait  donc  avoir  des  versets  qui  s'ac- 
commodassent à  ces  rentrées  :  première  cause  de 
remaniements^.  Puis  à  Rome,  nombre  de  répons 
avaient  non  pas  un  verset,  mais  deux,  mais  trois, 
davantage  peut-être.  Ces  versets  faisaient  corps  avec 
le  répons,  et  n'étaient  pas  tous,  comme  le  suppose 
Amalaire  des  versets  de  rechange  pour  les  répons 
qui  revenaient  plusieurs  fois  une  même  semaine.  Si 

1.  De  ord.  aniiph.  prolog.  :  «  ...  Altero  ordine  cantamiis 
nostros  responsorios  quam  Romani.  Illi  a  capite  incipiunt 
responsorium  finito  versu  :  nos  versum  finilum  informamus 
responsorium  per  latera  eius.  »  Ici.  1  :  «  Priscis  temporibus 
non  cantabalur  Gloria  post  versum,  sed  repetebatur  respon- 
sorius...  A  modernis  aulem  apostolicis  additus  est  hymnus 
[Gloria  Palri]  post  versum.  »  \yALAFRii).  Stra».  De  reb. 
eccl.  25  :  «  Ilunc  itaque  hymnum  [Gloria  P.]  nonnuUi  omni- 
bus pêne  psalmis,  et  interdum  incisionibus  psalmorum  coap- 
tant,  responsoriis  vero  paucioribus,  ut  illi  (pu  staluta  patris 
Benedicti  in  horis  sequuntur  canonicis.  Romani  eum  in  psalmis 
rarius,  in  responsoriis  crebrius  itérant.  »  L'usage  gallican  a 
prévalu  sur  le  romain. 

2.  Voyez  la  lettre  de  Hélisachar  à  Nidibrius  publiée  dans 
.1/.  G.)  Epistolae  harolini  aevi,  l.  III  (1899),  p.  307  309. 


124  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

tel  est  resté  le  beau  répons  Aspiciens  a  longe,  si  ce 
répons  a  trois  versets,  et  si  les  Romains  ont  pu  dire  à 
Amalaire  que  c'était  «  propter  honorent  magnae  fe- 
stis>itatis  »,  il  est  vraisemblable  que  d'autres  fêtes  n'é- 
taient pas  moins  honorées.  Nous  entrevoyons  ainsi  que 
le  responsoral  qui  nous  est  parvenu  est  bien  écourté, 
appauvri,  en  comparaison  de  ce  quïl  a  dû  être. 

La  lettre  des  répons  était  coordonnée  à  l'Ecriture 
occurrente.  On  avait  les  répons  prophétiques;  on 
avait  les  répons  tirés  de  la  Genèse;  on  avait  les  re- 
sponsoria  Regum,  les  responsoria  de  Sapientia,  les 
responsoria  de  lob,  de  Tobia,  de  ludith,  de  Ilester, 
de  Maccabaeis.  Les  responsoria  de  p salmis  accom- 
pagnaient les  leçons  du  Nouveau  Testament.  L'en- 
semble des  répons  tirés  d'un  même  livre  s'appelait 
Historia  ^ . 

Sur  le  troisième  répons  de  la  troisième  leçon ,  le 
nocturne  était  achevé.  Douze  psaumes,  trois  leçons, 
trois  répons  constituaient  donc  le  nocturne,  tant  do- 
minical que  férial.  Mais,  tandis  que  c'était  là  tout  l'of- 
fice nocturne  férial,  à  l'office  nocturne  dominical  s'a- 
joutaient encore  six  psaumes,  six  leçons  et  six  répons 
partagés  en  deux  séances  ou  nocturnes.  Les  trois 
psaumes  de  la  première  séance  étaient  antiphonés 
comme  ceux  des  vêpres;  les  trois  psaumes  de  la  se- 
conde étaient  alleluiatisés,  c'est-à-dire  qu'ils  avaient 
un  alléluia  pour  toute  antienne  2.  A  chacun  de  ces 

1.  Amalar.  De  ord.  antiph.  53  et  suiv, 

2.  De  ceci.  off.  IV,  9  :  «  Sequentes  très  psalmi  cum  anli- 
phona...  très  novissimi  psalmi  cum  alléluia...  Sedetur  ad  lec- 
tionem  post  psalmos,  praecedit  versus  lectionem.  » 


l'office  romaïn  du  temps  de  chahlemagne.      125 

deux  nocturnes,  comme  au  premier,  la  psalmodie  se 
terminait  par  un  verset,  lequel  était  suivi  de  même 
des  leçons.  On  lisait  les  saints  Pères  :  «  Tractatus 
sanctorum  Hieronymi,  Ambrosii,  caeierorumque pa- 
ir um  prout  or  do  poscit  leguntur  »,  dit  l'Anonyme  de 
Gerbert.  Cet  usage  était  sûrement  antérieur  au  pape 
saint  Grégoire,  qui  le  mentionne  expressément  ^  ; 
saint  Benoît  le  prescrit  dans  sa  règle. 

Un  exemplaire  de  la  sainte  Bible  suffisait  aux  be- 
soins du  premier  nocturne  ;  pour  les  deux  autres  noc- 
turnes, au  contraire,  une  véritable  bibliothèque  n'eût 
pas  été  de  trop.  Aussi  voyons-nous  le  pape  Zacharie 
(741-752)  faire  don  à  la  basilique  de  Saint-Pierre  de 
tous  les  manuscrits  qu'il  possédait  pour  servir  à 
l'office  nocturne  des  dimanches  et  des  fêtes  :  «  Hic  in 
ecclesia  principis  apostoloriim  omnes  codices  domui 
suae  proprios  qui  in  circulo  anni  leguntur  ad  matu- 
tinos  armariorum  ope  ordinaçit'^ .  »  —  En  ce  même 
siècle  cependant,  siècle  de  codification  liturgique,  on 
entreprit  de  publier  des  recueils  de  sermons.  De  là 

1,  Gregor.  Epistul.  XII,  24  :  «  Die  [Marianiano  episcopo]  ut 
commenta  psalmorum  legi  ad  vigilias  faciat.  »  Benedict. 
Regul.  9  :  «  Codices  autem  leganlur  in  vigiliis  tam  Veteris 
'J'estamenti  qiiam  Novi  divinae  auctoritatis,  sed  et  expositiones 
carum  quae  a  nominatis  doctorum  orthodoxis  catholicis  patri- 
bus  faclae  sunt.  »  Voyez  le  précieux  lectionnaire  vii^-viii^  siècle 
de  Fleury,  Orléans  ms.  154  {olim  131). 

2.  /..  P.  t.  I,  p.  432.  Cf.  t.  II,  p.  132  et  195.  Le  ms.  Vatican, 
lat.  3835  et  3836  (viir  siècle)  est  un  homiliaire  en  deux  volu- 
mes, écrit  par  un  copiste  qui  signe  «  Agimundus  pbr  »  et 
copié  pour  une  église  de  Rome,  la  «  basilica  apostolorum 
Philippi  et  lacobi  »  (Saints-Apôtres).  Voyez-en  la  description 
dans  H.  Ehrensberger,  Libri  liturgici  Bibliothecae  Aposto- 
licae  Vaticanae  (Freiburg  1897),  p.  148-149. 


k 


126  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIHE    ROMAIN. 

les  homiliaires  et  sermonnaires,  dont  on  sait  s'ils  sont 
nombreux  dans  nos  bibliothèques  :  Omeliae  swe 
iractatus  beatorum  Ambrosii,  Augustini,  Hieronymi, 
Fulgentii,  Leonis,  Maximiy  Gregorii  et  aliorum  ca- 
iholicorum  et  venerahilium  patrum  legendae  per  to- 
lius  anni  circulum,  lisons-nous  en  tête  d'un  de  ces 
homiliaires  pris  au  hasard  (ms.  n°  29  de  la  biblio- 
thèque de  Montpellier,  ix"  siècle).  Quelques-uns  de  ces 
recueils  ont  un  nom.  Le  nom  d'Alain,  qui  fut  abbé  de 
Farfa  dans  la  seconde  moitié  du  vin*^  siècle  (f  770), 
est  resté  attaché  à  un  homiliaire  compilé  par  lui,  et 
dont  on  a  un  manuscrit  de  la  fin  du  viii*^  siècle  ^ 
Autant  en  avait  fait  Bède  [\  735)  et  aussi  Alcuin 
[\  804)  2.  Le  nom  de  Paul  Diacre,  le  plus  lettré  et  le 
plus  renommé  des  moines  du  mont  Cassin,  et  l'un 
des  meilleurs  érudits  de  1'  «  officine  des  lettres  »  de 
Charlemagne,  a  fait  la  fortune  d'un  autre  homiliaire, 
publié  à  l'instigation  et  avec  une  préface  de  Charle- 
magne en  personne.  Charlemagne  avait  donné  à  Paul 
Diacre  la  mission  «  utstudiose  catholicorum  Patrum 
dicta  percurrens,  veluti  e  latissimls  eorum  pratis 
certos  quosque  flosciilos  léger  et,  et  in  unum  quae- 
que  essent  utilia  quasi  sertum  aptaret...  »  ^.  L'homi- 


1.  Munich,  4564.  Baeumer,  t.  I,  p.  410.  Voyez  le  texte  de 
l'homiliaire  d'Alain  dans  P.  L.  LXXXIX,  1198.  Cf.  A.  Ratti, 
((  L'omeliario  detlo  di  Carlo  Magno  e  l'omeliario  di  Alano  di 
Farfa  »,  dans  les  Rendiconti  del  R.  Istiluto  lombardo.  '1900. 
cité  dans  Baeumer,  loc.  cit. 

2.  Dom  MORIN,  «  L'homiliaire  d'Alcuin  retrouvé  »  (c'est  le 
ms.  lat.  14302,  xir*  siècle,  de  la  Bibl.  ISiâl.),  Revue  bénédictine, 
1892,  p.  491-497. 

3.  L'empereur  poursuit  :  «   Qui  [Paul  Diacre]  nostrae  cel- 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      127 

liaire  impérial  eut  vite  fait  de  supplanter  les  autres, 
et  de  lui  est  dérivé  en  partie  l'homiliaire  actuel  de 
l'Église  romaine. 

La  neuvième  leçon  dominicale  était  suivie  de  son 
répons,  le  neuvième  ^  A  Rome,  encore  du  temps  d'A- 
malaire,  il  n'était  aucunement  question  de  substituer 
à  ce  neuvième  répons,  ou  de  lui  donner  comme  com- 
plément le  Te  Deiim.  La  liturgie  romaine  du  temps 
d'Amalaire  réservait  le  Te  Deum  au  nocturne  des 
seules  fêtes  des  saints  papes  ^.  On  doit  dire  que  cet 

situdini  dévote  parère  desiderans,  Iractnlus  alqiie  sermones 
diversorum  catholicoriim  patriini  perlegens,  etoplima  quaeque 
decerpens,  in  duobus  voluminibus  per  tolius  anni  circuluni 
congruentcs  cuiquo  fesiivilati  dislincle  et  absque  viliis  nobis 
obtulit  lecliones.  Quarum  omnium  tcxtum  nostra  sagacilaio 
perpendenles,  nostra  eadem  volumina  aucloritate  constabili- 
mus,  vestraeque  religioni  in  Ghristi  ecclesiis  tradimus  ad 
legendum.  »  Pertz,  {M.  G.)  Leges,  t.  I,  p.  45.  L'homiliaire  est 
imprimé  dans  P.  L.  XGV,  1159  sqq.  Mais  le  texte  imprimé 
par  Migne  renferme  des  additions  postérieures  (xr-xiii"  siè- 
cle) fusionnées  avec  l'homiliaire  primitif  :  on  ne  peut  donc, 
au  Jugement  de  l)om  Morin,  y  voir  l'homiliaire  même  de  Paul 
Diacre.  Pour  une  restitution  de  l'homiliaire  de  Paul  Diacre, 
1".  WiEGAND,  Das  JlomUiariiim  Karls  des  Grossen  aiif  seine 
ursprûngliche  Gestalf  hin-iintersiicM  (Leipzig  1897),  et  Dom 
Morin,  «  Les  sources  non  identifiées  de  Fhom.  de  P.  D.  »,  Re- 
vue bénédictine,  1898,  p.  400-403. 

1.  De  eccl.  off.  iv,  9  :  «  Coniungunt  nos  novem  lectionos 
conversalioni  novem  ordinum  angelorum.  Coniungunt  nos  no- 
vem responsorii  gaudiis  eorumdem  novem  ordinum  angelo- 
rum. »  Baeumer,  t.  I,  p.  412,  note  que,  pour  le  troisième  noc- 
turne du  dimanche,  les  lectionnaires  ont  des  homélies  sur 
l'évangile  du  jour,  mais  aussi  des  «  exposiiiones  epistolarum 
vel  apocalypsis  »,  c'est-à-dire  des  homélies  sur  l'épître  du 
jour.  Ces  dernières  se  maintinrent  jusqu'à  Innocent  IIL 

2.  De  ord.  antiph.  prolog.  :  «  Interrogavi  si  canerent  per 
dominicas  noctes  Te  Deum  laudamus.  Responsum  est  :  Tan- 


128  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

«  hymne  »  n'appartenait  point  à  la  tradition  liturgi- 
que romaine  ^ 

A  défaut  du  Te  Deum,  à  Rome,  le  neuvième  répons 
terminait  l'office  nocturne  dominical.  Pour  commen- 
cer laudes,  on  attendait  que  le  soleil  parût.  La  pause 
était  plus  ou  moins  longue  selon  la  saison  :  les  clercs 
et  les  moines  l'employaient  à  se  remettre  en  haleine  : 
«  Nocturnis  finitis,  si  lux  non  statùn  superç>eneril 
faciunt  modicum  inters^allum,  propter  nécessitâtes 
fratriiniy  et  iterum  ingrediuntur  ad  matutinis  lau- 
dibus  complendas  »,  dit  encore  l'Anonyme  de  Gerbert 
dans  son  latin  de  frère  lai!  A  Rome,  on  tenait  si  fort 
à  commencer  laudes  au  soleil  levant,  que,  arrivait-il 
aux  nocturnes  de  n'être  point  achevés  quand  le  so- 
leil paraissait,  l'on  devait  couper  court  au  nocturne 
pour  attaquer  laudes  sans  plus  tarder^.  Comme  vé- 


lum in  nataliliis  pontificum  Te  Deum  laudamus  canimus.  » 
Saint  Benoît  le  prescrit  à  l'office  nocturne  dominical.  Regul. 
11  :  «  Post,  quartum  autem  responsorium  incipiat  abbas 
ymnum  Te  Deum  laudamus.  » 

1.  En  pays  gallican,  on  tenait  le  Te  Deum  pour  l'œuvre  col- 
lective de  saint  Ambroise  et  de  saint  Augustin.  Mais  personne 
ne  songe  plus  à  attribuer  ce  centon  à  saint  Ambroise  ni  à  saint 
Augustin.  On  a  renoncé  également  à  l'attribuer  à  Nicétius, 
évêque  de  Trêves  (537-566),  le  Te  Deum  étant  sûrement 
antérieur  au  vi*  siècle.  L'attribution  la  plus  plausible  est  celle 
qu'a  proposée  Dom  Morin  et  que  fait  valoir  A.  E.  Burn,  Niceta 
of  Remesiana  his  life  and  works  (Cambridge  1905),  p.  xGii- 
cxxv  :  l'auteur  du  Te  Deum  est  Nicétas. 

2.  De  ord.  antiph.  4  :  «  Sancta  romana  Ecclesia  hoc  specia- 
lim  nobis  insinuât  per  suam  consuetudinem.  Ipsa  enim  quo- 
tocunque  ordine  vel  numéro  lectionum  viderit  maturam  pro- 
cedere,  ut  audivi,  dimittit  nocturnale  oftîcium,  et  incipit 
matutinale.  » 


r/oFFICE    ROMAIN    DU    TFAFPS    DE    CHARLEMAGNE.        129 

près,  laudes  débutaient  par  le  verset  Deiis  in  adia- 
torium  suivi  du  Gloria  Patri.  Comme  à  vêpres,  la 
psalmodie  comptait  cinq  psaumes  :  invariablement  les 
psaumes  matutinaux  Deus  deus  meus,  Laudate  domi- 
num  de  caelis,  Cantate  domino,  Laudate  dominum 
in  sanctis.  11  s'y  ajoutait,  le  dimanche,  le  Dominus 
régnant  et  le  Benedicite;  aux  fériés  le  Miserere  et 
l'un  des  six  autres  cantiques  de  l'Ancien  Testa- 
ment... ^  La  psalmodie  était,  comme  celle  de  vêpres, 
antiphonée.  Comme  à  vêpres,  la  psalmodie  s'achevait 
sur  une  leçon  brève,  un  verset.  Puis  le  Benedictus, 
antiphoné^.  Enfin  le  Kyrie  eleison  et  le  Pater.  Ama- 
laire  ne  parle  pas  de  faire  réciter  ici  la  collecte. 

Avec  l'office  de  laudes  s'achevait  le  cours  nocturne, 
et  les  moines  pouvaient  maintenant  aller  prendre 
quelque  repos. 

1.  De  eccl.  off.  iv,  10  et  12,  —  Cf.  Benedigt.  Regiil.  13  : 
«  Nani  ceteris  diebus  [privatis]  canticum  unumqiiemque  die 
suo  ex  prophctis,  sicut  psallit  Ecclesia  romana,  dicanhir.  » 
Saint  Benoît  marque  pour  les  laudes  du  dimanche,  outre  le 
Miserere  et  le  ps.  cxvii  [Confite mini),  les  pss.  lx  [Deus  niise- 
realiir  nostri)  et  lxii  {Deus  deus  meus).  Il  ajoute  :  «  Inde  be- 
nodicones  (le  cantique  Benedicite  de  Daniel)  et  laudes  ^les 
pss.  gxlviii-c:l),  lectio  de  Apocalypsin  una  ex  corde  (une  le- 
çon brève),  et  responsorium,  ambrosianum  (un  hymne),  ver- 
sum,  canticum  de  Evangelio,  letania  et  completum  est.  »  Pas 
trace  de  collecte.  —  Cf.  D.  G.  M.  «  L'uniformité  dans  les 
laudes  du  dimanche,  du  iv*  au  vir  siècle.  »  Revue  bénédictine, 
1889,  p.  301-304. 

2.  De  ord.  antiph.  2  :  «  Post  hos  psalmos  canitur  aliqua 
lectio...  Post  quam  lection^m  dicitur  versus  [Dominus  régna- 
vit...\  Post  hoc  tempus  sequitur  ut  hymnus  dicatur  [Benedic- 
tus...].  »  Aux  laudes  fériales,  Amalaire  indique  le  verset  Re- 
pleti  sumus  mane,  et  il  ajoute  :  «  In  romano  vero  antiphonario 
inveni  plures.  »  De  ord.  antiph.  5. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE   ROMAIN.  9 


130  HISTOIRE    DU    BIIEVIAIRE    ROMAIN. 

La  journée  était  au  cours  diurne,  c'est-à-dire  aux 
trois  heures  de  tierce,  sexte  et  none.  Chacune  des 
trois  avait  même  programme.  En  tète,  le  verset  Deus 
in  adiiitorium,  le  Gloria  Palvi,  et  trois  psaumes  à  la 
suite  ^  Trois  psaumes,  ou  plutôt  trois  sections  de 
psaume,  trois  octonaires  du  psaume  Beati  immacu- 
lali.  Trois  psaumes  non  antiphonés.  Après  la  psal- 
modie, une  leçon  brève,  un  verset,  le  Kyrie  eleison 
et  le  Pater  ^.  Le  programme  des  trois  petites  heures 
diurnes  était  ainsi  complètement  indépendant  de 
celui  de  Toffice  nocturne,  et  il  était  invariable. 

De  même  que  complies,  prime  était  un  exercice 
surtout  conventuel.  C'était  la  prière  du  lever  des 
moines,  comme  complies  était  la  prière  de  leur  cou- 
cher. «  Ista  prima  ibi  cantatur  ubi  dormiunt,  »  dit 
encore  l'Anonyme  de  Gerbert.  Et,  ce  qui  prouve  que 
les  petites  heures  diurnes  avaient  commencé  par 
être  de  même  purement  conventuelles,  prime  comme 
elles  comptait  trois  psaumes  :  c'étaient  pour  prime 
le  psaume  Deus  in  nomine  tuo  sahum  me  fac  et 
les  deux  premiers  octonaires  du  Beati  immacii- 
lati^.  Comme  elles,  prime  débutait  par  le  Deus  in 

1.  Ardon.  Vita  s.  Benedicti  anianen.  52  {P.  L.  GUI,  379)  : 
«  Officia  [diurna]  iuxta  romanum  psalmo  cxviii  persolven- 
tur.  » 

2.  Amalar.  De  eccl.  off.  iv,  3  et  4.  Saint  Benoît,  Regul.  17, 
énumère,  après  les  trois  psaumes,  une  leçon,  un  verset  et  lo 
Kyrie  eZeiso/i  simplement  :  «  ternos  psalmos,  lectione  etversii, 
Kyrie  eleison  et  missas.  »  Pas  trace  de  collecte. 

3.  On  ajouta  plus  tard  à  cette  psalmodie  de  prime  le  diman- 
che les  cinq  psaumes  xxi-xxv,  qui  ont  été,  par  Pie  V,  re- 
portés sur  la  semaine.  Je  ne  trouve  pas  l'origine  de  cette 
surcharge. 


L'OFFICE    ROMAIN    DU    TEMPS    DE    CHARLEMAGNE.        13i 

adiatûrium...  Gloria  Patri,  Comme  elles,  prime 
s'achevait  par  un  verset,  le  Kyrie  eleison  et  le  Pate7\ 
Mais  à  prime  point  de  leçon  brevet  Amalaire  joint 
à  cette  psalmodie  la  récitation  du  symbole  des  apô- 
tres^. Il  y  joint  le  chant  du  Miserere,  et,  entre  le 
Miserere  et  le  symbole,  il  place  des  versets  expri- 
mant des  sentiments  de  pénitence  et  de  pardon, 
comme  Vi^et  anima  mea  et  laudabit  te  et  iudicia  tua 
adiiivahant  me^.  Il  n'est  point  question  du  Confi- 
teor"". 

L'office  qui  précède  est  distinct  de  l'exercice  qui 
va  suivre;  du  moins  a-t-il  été   distinct  à  l'origine, 

1.  De  ord.  antiph.  6  :  «  Psalmus  Deus  in  nomine  tiio...  prae- 
ponitur  cxviir.  »  De  eccl.  off.  iv,  2  :  «  Deinde  sequitur  versus 
Exsiirge  Domine  adiuva  nos...  Postea  inchoamus  implorare 
misericordiam  Domini  per  Kyrie  eleison,  et  Christe  eleison,  et 
iteruni  Kyrie  eleison....  Ac  deinde  sequitur  oratio  dominica.  » 
De  ord.  antiph.  6  :  «  In  prima  non  recitatur  lectio.  » 

2.  De  eccl.  off.  iv,  2  :  «  Post  orationem  dominicam  sequitur 
nostra  credulitas  quam  sancli  Apostoli  constituerunt.  » 

3.  De  eccl.  off.  iv,  2  :  «  Sequitur  psalmus  quem  David  can- 
tavit  postquam  paenitendo  conversus  est  a  malo  adulterii  et 
homicidii.  » 

4.  Mais  il  en  est  question  dans  la  règle  de  saint  Ghrode- 
gang  (ch.  xix)  :  «  Gonvenientes  cleri  ad  primam  canendam  in 
ecclesia,  completo  ofTicio  ipso,  ante  psalmum  quinquagesi- 
mum,  douent  confessiones  suas  vicissim,  dicentes  :  Confiteor 
Domino  et  tibi,  frater,  quod  peccavi  in  cogitatione,  et  locu- 
tione,  et  opère  :  propterea,  precor  te,  ora  pro  me.  Et  ille 
respondet  :  Misereatur  tui  omnipotens  Deus,  et  indulgeat  tibi 
omnia  peccata  tua  :  liberet  te  ab  omni  malo,  conservet  te  in 
omni  bono,  et  perducat  te  ad  vitam  aeternam.  Et  ille  dicit  : 
Amen.  Supplici  corde  certatim  pro  se  orantes,  hoc  sibi  fa- 
ciunt.  Hoc  expleto,  conveniunt  ad  capitulum.  «  Cf.  Dunstan. 
De  reglmine  monach.  1  {P.  L.  GXXXVII,  482)  :  «  Post  hoc  (à 
l'issue  du  capitulum)  quicunque  se  reum  alicuius  culpae 
agnoâcit,  veniam   humiliter  postulans,  petat  indulgentiam  ». 


132  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

témoin  la  règle  de  saint  Chrodegang,  qui,  faisant  ré- 
citer la  psalmodie  de  prime  à  l'église,  place  au  cha- 
pitre l'exercice  qui  l'accompagne,  et  qui  s'ouvre  par 
la  lecture  du  Martyrologe,  suivie  du  verset  Pretiosa 
in  conspectu  Domini^  de  l'oraison  Sancta  Maria  et 
omnes  sancli  ou  tout  autre  analogue.  La  lecture  du 
martyrologe  n'était  pas  la  raison  d'être  de  cet  exer- 
cice, placé  ainsi  au  début  de  la  journée  pour  que  la 
tâche  de  chacun  y  fût  déterminée,  et  la  bénédiction 
de  Dieu  appelée  sur  l'œuvre  des  mains  de  ses  servi- 
teurs. De  là  le  prononcé  de  trois  fois  le  verset 
Deus  in  adiutorium^ ^  puis  Gloria  Patriy  le  Kyrie^  le 
Pater ^  suivi  du  psaume  Respice  in  seivos  tuos^  et  de 
l'oraison  Dirigere  et  sanctificare...'^.  Les  moines  ba- 
silicaux  de  Rome  ne  levaient  point  le  chapitre  sans 
avoir  fait  une  lecture  dans  la  règle  de  saint  Benoît, 
c'est  ce  que  nous  apprend  l'Anonyme  de  Gerberf*. 
Amalaire  parle  seulement  d'une  lecture;  mais  pour 


1.  L'Anonyme  de  Gerbert,  v,  4  (plus  loin,  p.  176),  marque 
que  telle  est  la  formule  de  prière  par  laquelle  le  cuisinier  de 
semaine  inaugure  sa  semaine  le  dimanche  matin,  et  qu'il  en 
va  de  même,  à  Saint-Pierre,  chaque  samedi  (tierce),  pour  les 
mansionarii  de  semaine.  «  Statim  dicit  qui  ingreditur  Deus  in 
adiutoriiim  meum  intende,  et  ista  oratione  ter  cum  omnibus 
repetitur.  » 

2.  Saint  Chrodegang  fait  réciter  tout  le  psaume  :  «  Re- 
spice in  servos  tuos  pariter  usque  in  fmem  psalmi,  subiungen- 
tes  Gloria.  Deinde  prior  dicit  :  Dirigere...  «  Regiil.  18.  Cf. 
DuNSTAN.  De  regimine  monach.  1  (P.  L.  GXXXVII,  482). 

3.  De  eccl.  off.  iv,  2. 

4.  Anonym.  iv,  1  (plus  loin,  p.  174)  :  «  Ibidem  pro  invicem 
capitulo  dicto  orant.  Statim  ibi  redeunt  et  prior  cum  ipsis  et 
ib   legunt  regulam  sancti  Benedicti...  » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      133 

Amalaire  c'est  là  un  usage  né  dans  les  monastères  ^ 
La  description  du  commun  du  temps  est  achevée. 
Ai-je  besoin  de  faire  remarquer,  en  terminant,  com- 
bien l'on  y  distinguait  encore  la  juxtaposition  des 
cycles?  Le  vieux  cycle  ecclésiastique  des  vigiles  noc- 
turnes (vêpres^,  nocturnes,  laudes),  le  cycle  suréro- 
gatoire  des  'prières  piurnes  (tierce,  sexte,  none),  le 
cycle  tout  monastique  des  exercices  conventuels 
(prime  et  complics)? 


II 


Le  cycle  des  fêtes  du  temps  commençait  à  l'Avent. 
L'usage  de  solenniser  les  quatre  dimanches  qui  précè- 
dent le  grand  anniversaire  de  Noël,  usage  d'origine 
gallicane  mais  ancien,  s'était  introduit  à  Rome  dès 
avant  le  temps  de  saint  Grégoire,  encore  que  posté- 
rieurement à  saint  Léon^.  Ces  quatre  dimanches 
étaient  des  solennités  stationales  :  le  premier,  station 


1.  De  eccl.  off.  iv,  2  :  «  ...  Mus  inolevit  ut  per  monasteria 
Deo  devota  legatur  lectio  in  capitule.  » 

2.  Par  vêpres,  il  faut  entendre  les  premières  vêpres.  Car 
toute  fête  commence  aux  vêpres  de  la  veille,  et  en  règle  doit 
finir  aux  vêpres  du  jour  en  les  excluant  :  donc  point  de 
secondes  vêpres.  Voyez  Theodulph.  Capitula  ad  preshijteros 
(P.  L.  GV,  198)  :  «  Gonveniendum  est  sabbato  die  cum  lumi- 
naribus  cuilibet  chrisliano  ad  ecclesiam,  conveniendum  est 
ad  vigilias  sive  ad  matutinum  officium.  Goncurrendum  est 
etiam  cum  oblationibus  ad  missarum  solemnia.  »  Et  c'est  tout 
pour  le  dimanche,  à  la  fin  du  viir  siècle  (a.  797).  De  là  la  for- 
mule empruntée  au  15"  canon  de  Laodicée  :  «  A  vespera  ad 
vesperam  dies  dominica  servetur.  » 

3.  Dom  Gabrol,  art.  «  Avent  »,  du  Dictionn.  iVarchéol. 
clirét.  t.  I,  p.  3223-6. 


134  HISTOIRE    DU    BnÉVIAIRE    ROMAIN. 

à  Sainte-Marie-Majeure  ;  le  second,  à  Sainte-Croix-en- 
Jérusalem;  le  troisième,  le  plus  solennel,  le  dimanche 
Gaudete,  à  Saint-Pierre  ^  L'office  de  ces  dimanches 
était  pour  la  psalmodie  l'office  dominical  du  commun. 
Les  leçons  étaient,  les  trois  premières,  de  l'Ecriture 
occurrente  (Isaïe);  les  cinq  suivantes,  des  expositions 
tirées  des  saints  Pères;  la  neuvième,  une  homélie  sur 
l'évangile  de  la  messe  stationale.  Les  répons  devaient 
donner  à  l'office  sa  physionomie  propre  ;  et  cela  est  si 
vrai  que  tout  l'office  tirait  son  nom  de  l'incipit  du 
premier  répons;  pour  désigner  l'office  du  premier 
dimanche  de  l'Avent,  on  disait  :  l'office  Aspiciens  a 
longe.  Amalaire  ne  dit  pas  autrement^. 

Je  regrette  infiniment,  n'étant  point  musicien,  de 
jouir  mal  de  la  mélodie  de  ces  compositions  respon- 
sorales,  et  d'en  être  réduit  à  les  juger  comme  nous 
jugeons  des  parties  chorales  des  tragédies  antiques. 
Mais,  à  ce  simple  critérium,  comme  il  reste  encore  de 
beautés  à  ces  répons  du  propre  du  temps,  humbles 
centons  qui  arrivent  à  parler  un  langage  dramatique 
et  éclatant,  et  à  ranimer  dans  le  sanctuaire  des  basi- 
liques comme  le  dialogue  du  chœur  de  la  tragédie  an- 
tique! Ainsi  cet  admirable  répons  du  premier 
dimanche  de  l'Avent,  le  répons  Aspiciens  a  longe ^ 
où,  prêtant  à  Isaïe  un  rôle  qui  rappelle  une  scène  cé- 
lèbre des  Perses  d'Eschyle,  la  liturgie  fait  adres- 
ser au  chœur  par  le  préchantre  ces  paroles  énigma- 
tiques  : 

1.  Le  quatrième  n'eut  pas  de  station  avant  le  xii^  siècle. 
TOMASI,  t.  IV,  p.  30. 

2.  De  ord.  antiph.  8. 


l'office  rOxMAin  du  temps  de  charlemagne.      135 

Aspiciens  a  longe  ecce  video  Dei  potentiam  venien- 
tem,  et  nebulam  totam  terram  tegentem.  Ite  obviam 
ei  et  dicite  :  Nuntia  nobis  si  tu  es  ipse  qui  regnaturus 
es  in  populo  Israël. 

Et  tout  le  chœur  reprend,  comme  s'il  découvrait  lui 
aussi  ce  que  le  prophète  découvre  : 

Aspiciens  a  longe  ecce  video  Dei  potentiam  venien- 
tem  et  nebulam  totam  terram  tegentem. 

LE    PRKGHANTRE. 

f.  Quique  terrigenae  et  filii  hominum,  simul  in  unum, 
dives  et  pauper! 

LE    CHOEUR. 

Ite  obviam  ei  et  dicite. 

LE    PRÉCHANTRE. 

f.  Qui  régis  Israël,  intende.  Qui  deducis  velut  ovem 
loseph!  Qui  sedes  super  Gherubim! 

LE    CHOEUR. 

Nuntia  nobis  si  tu  es  ipse  qui  regnaturus  es  in  po- 
pulo Israël. 

Mais  qu'a-t-on  besoin  d'interroger  ainsi  l'horizon  ? 
Celui  qui  vient  est  connu,  il  n'y  aura  pas  de  triomphe 
assez  beau  pour  saluer  sa  venue  : 

LE    PRÉ CHANTRE. 

jl^.  Tollite  portas,  principes,  vestras  et  elevamini  por- 
tae  aeternales,  et  introibit. 

LE    CHOEUR. 

Qui  regnaturus  es  in  populo  Israël. 


136  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

J.E    PRKGHAM'IIE. 

Gloria  Patri  et  Filio  et  Spiritui  saiicto. 
Et  la  phrase  du  début  reprend  en  ensemble  : 

LE    CHC*:UR. 

Aspiciens  a  longe.  .  Ite  obviani  ei...  in  populo  Israël. 

Ce  répons  du  premier  dimanche  de  l'Avent,  Ama- 
laire  le  commente  avec  une  juste  admiration',  car  il 
est  un  des  plus  parfaits  modèles  de  ce  genre  de 
compositions.  Sans  doute,  il  en  est  nombre  d'autres 
dont  l'inspiration  est  loin  d'être  ni  si  large,  ni  si  bril- 
lante. Ajoutez  que,  dès  la  fin  du  v-iii^  siècle,  on  goû- 
tait moins,  semble-t-il,  ces  compositions  :  on  les  vou- 
lait plus  brèves,  elles  devenaient  étriquées  et  froides. 
Le  répons  Aspiciens  a  longe,  tel  que  nous  venons  de 
le  citer,  tel  qu'il  est  encore  dans  notre  office  actuel, 
compte  trois  versets  ;  mais  à  Rome  on  n'en  chantail 
déjà  que  deux  2;  et  la  règle  était  déjà  posée,  à  Rome 
même,  de  n'en  donner  plus  qu'un  aux  répons.  Le  ré- 
pons Aspiciens  a  longe  est  demeuré,  avec  ses  trois 
versets,  comme  le  spécimen  d'une  espèce  disparue 
déjà  au  temps  d'Amalaire.  Tels  quels,  c'est-à-dire  rac- 

1.  De  ord.  antiphon.  8. 

2.  De  ord.  antiph.  prolog.  :  «  Interrogavi  archidiaconiim 
Theodorum...  quot  versus  cantaret  romana  Ecclesia  in  respon- 
sorio  Aspiciens  a  longe...  Respondit  :  Duos.  Sciscitatus  suni 
cur  duos  cantasset  extra  solitum  more  m  in  illo  responso- 
rio.  Respondit  :  Propler  lionorem  magnae  festivitatis.  Reper 
postea  non  solum  in  isto,  id  est  Aspiciens  a  longe,  très  versus, 
ut  in  nostro  antiphonario  continetur,  sed  etiam  in  aliis  multisi 
in  romano  antiphonario  aut  duos  aut  très  scriptos.  » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      137 

courcis,  mutilés,  les  répons  romains  ont  duré  jusqu'à 
nos  jours;  malgré  bien  des  oppositions,  ils  se  sont 
maintenus  dans  l'office  privé  lui-même.  L'habitude  où 
nous  sommes  de  ne  redire  habituellement  que  les  plus 
médiocres  nous  dispose  mal  à  goûter  la  saveur  de  ces 
petites  œuvres  antiques,  dont  quelques-unes  (on  en 
citera)  sont  de  purs  chefs-d'œuvre  littéraires. 

Les  quatre  dimanches  del'Avent  étaient  considérés, 
à  Rome,  au  viii*^  siècle  et  encore  au  xii^,  comme 
les  étapes  d'un  temps  d'allégresse,  où  tout  était  à  la 
joie  de  la  venue  prochaine  du  Rédempteur.  Le  troi- 
sième, le  dimanche  Gaudete,  avec  sa  station  à  Saint- 
Pierre,  était  le  point  culminant  de  cette  montée  joyeuse 
vers  Bethléhem.  Les  six  jours  qui  précédaient  le  24  dé- 
cembre antiphonaient  leurs  psaumes  fériaux  de  vêpres 
et  de  laudes  d'antiennes  où  rayonne  déjà  la  lumière 
de  l'étoile  :  Rorate  caeli...,  Haurietis  aquas  in  gau- 
dio...,  Constantes  estote  videhitis...,  Consurge  con- 
siirge  indaere...y  Elevare  elevare  consurge  Hier  a- 
salem...  L'antienne  du  Magnificat  des  vêpres  de  la 
dernière  semaine  d'attente  était,  dès  le  viii^  siècle, 
prise  à  cette  série  d'antiennes  que  nous  appelons  les 
«  grandes  antiennes  >>  :  0  Sapientla...,  0  Adonai..., 
0  radix  lesse...,  0  clans...,  0  oriens...,  0  rex  gen- 
\tiiun...,  0  virgo  virginam...,  d'un  si  pur  et  si  antique 
[symbolisme  ^ . 

La  station  de  Noël  était  à  Sainte-Marie-Majeure, 
jsans  doute  depuis  l'époque  de  la  reconstruction  de  la 
rbasilique   sous   le   vocable   de   la  Vierge   Marie  au 

1.  Dq  ord.  antiph.  13. 


138  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIHE    ROMAIN. 

v^  siècle,  sous  Xistus  III  (432-440).  Avec  Noël,  pour  la 
première  fois,  nous  sommes  en  présence  d'un  office 
nocturne,  qui  n'est  ni  le  dominical,  ni  le  férial  :  un 
triple  nocturne,  neuf  psaumes  et  neuf  leçons^.  La 
présence  du  pape  ajoutait  l'éclat  d'un  cérémonial 
majestueux  à  celui  des  psaumes  antiphonés^.  C'é- 
tait, une  vigile  glorieuse,  qui  méritait  d'être  ce  qu'elle 
était  dès  lors,  la  fête  liturgique  modèle,  dont  toutes 
les  autres,  Pâques  et  la  Pentecôte  mises  à  part,  ne 
seraient  que  des  répliques^. 

1.  Ordo  de  Montpellier,  fol.  87  :  «  In  vigilia  natalis  Domini 
incipiente  nocte  mox  ingrediuntur  ad  vigilias,  deinde  cxpletis 
psalmis  viiii  cum  lectionibus  vel  responsuriis  seu  et  inalu- 
linis  cum  antiphonis  ad  ipsum  diem  pertinentibus,  expectantes 
domnum  apostolicum  modice  requiescunt.  Adpropinquante 
vero  gallorum  cantu,  ipso  domno  apostolico  cum  episcopis 
vel  reliquis  sacerdotibus  cum  cereis  vel  multis  luminibus 
procedente,  surgentes  préparant  se  qualiter  ad  missas  iugre- 
diantur,  et  mox  ut  gallus  cantaverit  domnus  apostolicus 
cum  omnl  ordine  sacerdotum  ad  missas  ingreditur.  » 

2.  Amalaire  {De  ord.  antiph.  15)  note  qu'il  a  trouvé  dans 
l'antiplionaire  romain,  pour  la  nuit  de  Noël,  deux  offices  noc- 
turnes. Le  premier  était  chanté  par  le  pape  à  Sainte-Marie- 
Majeure.  Le  second  était  ctianté  par  les  clercs  à  Saint-Pierre. 
Chacun  de  ces  offices  avait  ses  répons  et  ses  antiennes.  Ama- 
laire nous  apprend  {ih.  19)  que  l'office  de  Saint-Pierre  a  été, 
en  France,  attribué  à  l'octave  de  Noël,  c'est-à-dire  à  la  tète 
dite  de  la  Circoncision.  L'Orrfo  de  Montpellier  (fol.  93)  ne  con- 
naît qu'un  même  office  pour  Noël  et  l'octave  :  «  Post  nativita- 
tem  vero  Domini  usque  in  ociabas  praeler  sanctorum  festivi- 
tatibus  psalmi  antiphonae  responsuria  seu  lectiones  in  nocle 
et  in  die  de  ipso  Domini  nalali  sunt  canendi.  In  octabas  au- 
tem  Domini  quod  est  kal.  ianuar.  ordinem  que  Domini  natale 
in  omnibus  observant.  » 

3.  De  ord.  antiph.  15  :  «  Sicut  per  novenarium  numerum, 
qui  celebratur  in  nativitate  Domini  grattas  agimus  de  Del 
descensione...,  ita  per  eumdem  numerum  grattas  agimus  in 
festivitatibus  sanctorum.  » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      139 

L'Epiphanie  était  plus  que  toute  autre  une  réplique 
de  Noël.  La  station  était  ce  jour-là  à  Saint-Pierre;  et 
l'office  était,  comme  le  25  décembre,  un  office  de  neuf 
psaumes  et  neuf  leçons,  avec  tous  ses  psaumes  anti- 
phonés  ^ . 

Le  carême  romain,  dès  le  iv^  siècle,  comptait  six 
semaines  ;  l'usage  d'assigner  une  station  à  chacun  des 
jours  de  ces  six  semaines,  de  même  qu'aux  trois  di- 
manches in  quinquagesima,  in  sexagesima,  in  sep- 
tuagesima^  n'a  pas  d'attestation  plus  ancienne  que  le 
VII''  siècle  environ^.  La  Septuagésime,  comme  un  der- 
nier regard  jeté  sur  Bethléhem,  était  un  dimanche  de 
joie,  où  antiennes  et  répons  retentissaient  encore  de 
l'alleluia  de  NoëH  :  rubrique  qui  persista  à  Rome  jus- 
qu'à l'époque  d'Alexandre  II  (1061-1073)  '*.  Mais,  passé 
la  Septuagésime,  l'Eglise  entrait  dans  sa  tristesse; 
plus  d'alleluia^.  Les  jeûnes  allaient  s'y  ajouter^.  Puis, 
à  partir  du  dimanche  de  la  Passion,  plus  même  de 
Gloria  Patri  aux  répons. 


1.  L'omission  de  l'invitatoire  était  un  usage  frank.  «  Nostra 
regio  in  praesenli  ofïicio  solita  est...  omittere...  invitatorium.  » 
De  ord.  antipli.  21. 

2.  DuGiiESNE,  0/-i^mes,  p.  234-23G. 

3.  De  ord.  aniiph.  30. 

4.  Microlog.  p.  47. 

5.  Amalar.  Epistul.  ad  Hilvinum  (éd.  Duemmler,  p.  248)  : 
«  leiunaraus  de  alléluia  viiii  ebdomadas.  » 

(j.  Ot'do  de  Montpellier,  fol.  96  :  «  Graeci  a  sexagesima  de 
carne  levant  ieiunium;  monachi  vero  et  Romani  devoti  vel 
boni  christiani  a  quinquagesima;  ruslici  autem  et  reliquus  vul- 
gus  a  quadragesima.  Primum  autem  ieiunium  quarta  et  sexta 
feria  post  quinquagesimam,  id  est  una  ebdomada  ante  qua- 
dragesima, apud  eo|i  publicae  agitur.  » 


140  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

L'office  de  ces  neuf  dimanches  avant  Pâques  était 
l'office  dominical  ordinaire  de  dix-huit  psaumes  et 
neuf  leçons  ;  l'office  des  stations  de  carême  était 
l'office  férial  de  douze  psaumes  et  trois  leçons.  Les 
répons  donnaient  à  ces  différents  offices  leur  ca- 
ractère distinctif;  car,  outre  les  responsoria  de 
Abraham,  de  loseph,  etc.,  correspondant  à  l'Ecri- 
ture occurrente  jusqu'à  la  semaine  sainte,  les  di- 
manches et  les  stations  d'avant  Pâques  avaient  une 
série  de  répons  pénitentiaux  :  Ecce  nunc  tempus  ac- 
ceptabile...,  Emendemus  in  melius...y  Paradisi por- 
tas.,., tous  répons  qui  ont  passé  dans  le  Bréviaire 
romain,  mais  qui  sont  inférieurs  à  la  plupart  des 
répons  de  l'Avent.  Par  contre,  les  répons  du  temps 
de  la  Passion  constituent  un  ensemble  de  premier 
ordre.  Nous  avons  presque  tous  au  Bréviaire  ces 
admirables  répons  dont  Amalaire  dit  expressément 
qu'ils  sont  l'œuvre  des  maîtres  de  l'Église  romaine  ^ . 

In  proximo  est  tribulatio  mea,  Domine,  et  non  est  qui 
adiuvet,  ut  fodiant  manus  meas  et  pedes  meos.  Libéra 
me  de  ore  leonis,  ut  narrera  nomen  tuum  fratribus  meis. 
—  Deus  deus  meus,  respice  in  me  :  quare  me  dereliqui- 
sti  longe  a  salute  mea?  —  Libéra  me  de  ore  leonis...  — 
In  proximo  est  tribulatio  mea,  et  non  est  qui  adiuvet! 

1.  De  ord.  antiph.  43  :  «  In  duabus  ebdomadibus  anle 
Pascha  Domini  undecunque  potuit  colligere  compositor  an- 
tiphonarii  sermones  convenientes  passioni  Domini,  super  eos 
fecit  sonum  cantus  habitera  ad  id  terapus,  id  est  lugubrem, 
iuxta  numerum  necessariorura  responsoriorura  et  antiphona- 
rura...  Gorapositi  sunt  a  raagistris  sanctae  romanae  Eccle- 
siae,  in  quibus  [=  responsoriis]  corapunctio  traditionis  eius 
[=  Christi]  frequentatur,  et  dolor  crucifixionis  eius  stimulât 
corda  fidelium.  » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      141 

Ils  expriment  la  plainte  du  Christ  au  jardin  des 
Oliviers,  du  Christ  trahi  et  abandonné,  «  compunctio^ 
ncm  traditionis  eiiis  »,  pour  employer  le  mot  d'Ama- 
laire. 

Dixerunt  impii  non  recte  cogitantes  :  Gircumveniamus 
iustum,  quoniam  conirarius  est  operibus  nostris.  Pro- 
mittit  se  scientiam  Dei  habere!  Filium  Dei  se  nominat! 
Et  gloriatur  patrem  se  habere  Deum  !  Videamus,  si  ser- 
mones  illius  veri  sint.  Et  si  est  verus  filius  Dei,  liberet 
illum  de  manibiis  nostris.  Morte  turpissima  condemne- 
mus  eum  !  —  Haec  cogitaverunt.  Et  erraverunt  :  excae- 
cavit  enim  illos  malitia  eoruin,  et  nescierunt  sacramenta 
Dei.  —  Morte  turpissima  condemnemus  eum  ! 

Ils  expriment  les  mauvais  sentiments  de  la  foule 
indécise  encore,  et  son  ironie,  et  sa  brutalité  —  Et 
le  Christ  reprenant  dans  un  autre  répons  : 

Adtende  Domine  ad  me,  et  audi  voces  adversariorum 
meorum.  Numquid  redditur  pro  bono  malum?  Quia  fo- 
derunt  foveam  animae  meae.  —  Homo  pacis  meae  in 
quo  sperabam,  qui  edebat  panes  meos,  ampliavit  ad- 
versum  me  supplantationem.  —  Numquid  redditur  pro 
bono  malum?  —  Adtende  Domine  ad  me,  et  audi  voces 
adversariorum  meorum... 

On  entrait  dans  la  grande  semaine  :  l'office  du 
lundi,  du  mardi,  du  mercredi  saints  était  l'office  fé- 
rial  :  douze  psaumes,  trois  leçons.  Et  l'on  arrivait 
ainsi  au  triduum  des  trois  dernières  fériés  de  la  se- 
maine sainte,  où  l'office  devait  prendre  l'ampleur  des 
plus  solennels  anniversaires. 

L'office  des  trois  derniers  jours  de  la  semaine  sainte 
est  minutieusement  décrit  par  les  Ordines  /^omaniles 


I 


142  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

plus  anciens  et  les  plus  purs,  celui  d'Einsiedeln,  celui 
de  Saint-Amand.  Cet  ofFice  était  sûrement  une  pure 
création  romaine.  Le  jeudi,  le  vendredi,  le  samedi 
saints,  l'office  devait  commencer  au  milieu  de  la  nuit, 
et,  contrairement  à  l'ordinaire,  on  ne  disait  ni  le  Deus 
in  adiiUoriurUy  ni  l'invitatoire,  mais  on  attaquait  la 
psalmodie  sans  prélimiijaire.  L'office  était  de  trois 
nocturnes,  chacun  de  trois  psaumes  antiphonés.  Puis 
le  verset,  et  le  lecteur  se  levait  pour  la  leçon;  mais  il 
ne  demandait  point  de  bénédiction  pour  la  commencer 
et  ne  prononçait  point  le  Tu  autem  en  la  terminant. 
Les  leçons,  au  premier  nocturne,  étaient  des  Lamen- 
tations de  Jérémie  à  chacun  des  trois  jours;  celles  du 
second  nocturne  étaient  de  saint  Augustin  ;  celles  du 
troisième,  des  épîtres  de  saint  Paul.  Les  psaumes  ni 
les  répons  ne  comportaient  de  Gloria  Patri.  A  la 
suite  des  trois  nocturnes,  laudes  antiphonées.  Pour 
clore  les  laudes,  point  de  Kyrie  eleison  comme  d'or- 
dinaire, mais  simplement  l'oraison  Christus  factus 
est.  Et  toute  l'assemblée  se  retirait  en  silence.  —  A 
l'office  nocturne  du  jeudi  saint,  qui  se  célébrait  à 
Saint-Jean-de-Latran,  la  basilique  était  illuminée 
comme  à  l'ordinaire.  A  l'office  du  vendredi  saint,  à 
Sainte-Croix-en-Jérusalem,  on  éteignait  l'une  après 
l'autre  toutes  les  lumières,  de  sorte  qu'à  la  fin  du  Be- 
nedictus  de  laudes  il  n'en  restât  plus  qu'une  allumée, 
que  l'on  faisait  alors  disparaître  derrière  l'autel  [re- 
servetur  absconsa  usque  in  sabbato  sancto).  C'était 
le  signe  que  la  lumière  du  monde  était  éteinte,  le 
Christ  mort,  et  que  les  ténèbres  se  faisaient  sur  toute 
la  terre.  L'office  nocturne  du  samedi  saint  se  célébrait 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      143 

dans  robscurité  [tantiim  iina  lampada  accendatur 
pr opter  legendum  ^). 

L'Eglise  romaine  n'aurait  même  pas  eu  besoin  de 
celte  symbolique  mise  en  scène  pour  frapper  l'esprit 
de  ses  fidèles.  Tout  le  drame  de  la  passion  du  Sauveur 
était  dans  les  répons  de  son  office. 

Eram  quasi  agnus  innocens,  ductiis  sum  ad  immo- 
landum  et  nesciebam.  —  Gonsilium  fecerunt  inimici  mei 
adversum  me  dicentes  :  Venite,  mittamus  lignum  in 
paneni  eius,  et  conteramus  eum  de  terra  viventium.  — 
Omnes  inimici  mei  adversum  me  cogitabant  mala  mihi, 
verbum  iniquum  mandaverunt  adversum  me.  —  Venite, 
mittamus  lignum  in  panem  eius,  et  conteramus  eum  de 
terra  viventium.  —  Eram  quasi  agnus  innocens,  etc. 

Puis,  après  cette  plainte  du  Christ,  l'émotion  de  sa 
mère  appelant  au  secours  les  apôtres  qui  ont  fui  : 

Vadis  propitiatus  ad  immolandum  pro  omnibus.  Non 
tibi  occurrit  Petrus,  qui  dicebat  mori  tccum?  Reliquit  te 
Thomas,  qui  aiebat  :  Omnes  eum  eo  moriamur?  Et  ne 
unus  ex  illis?  Sed  tu  solus  duceris,  qui  castam  me  con- 
fortasti,  filius  et  Deus  meus  !  —  Promittentes  tecum  in 
carcerem  et  in  mortem  ire,  relicto  te  fugerunt.  —  Et 
ne  unus  ex  illis...  !  —  Vadis  propitiatus  ad  immolan- 
dum, etc. 

L'horreur  de  la  conscience  humaine  à  la  vue  d'une 
telle  iniquité  : 

1.  L'extinction  des  cierges,  l'un  après  l'autre,  cela  aux  noc- 
turnes du  jeudi,  du  vendredi,  du  samedi,  est  un  usage  frank, 
attesté  par  AmaJaire,  De  ord.  antiph.  43.  Cet  usage  a  évincé 
l'usage  romain,  attesté  au  ix®  siècle  par  l'archidiacre  Théo- 
dore (ibid.). 


144  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Barrabas  latro  dimittitur  et  innocens  Ghristus  occidi- 
tur.  Nam  et  ludas  armidoctor  sceleris,  qui  per  pacem 
didicit  facere  bellum,  osculando  tradidit  dominum  lesuin 
Ghristum.  —  Verax  datur  fallacibus,  pium  flagellât  im- 
pius.  —  Osculando  tradidit...  —  Barrabas  latro  dimitti- 
tur, etc. 

Le  tressaillement  de  la  nature  elle-même  et  de  la 
Loi  : 

Tenebrae  factae  sunt,  etc. 

Et  vélum  templi  scissum  est,  etc. 

Et  après  cet  orage  de  douleur,  de  trahison,  de  sang, 
après  cet  ébranlement  de  la  terre  et  du  ciel,  l'apaise- 
ment dans  les  larmes  : 

Recessit  pastor  noster,  etc. 

Ecce  quomodo  moritiir  iustus,  etc. 

Domine,  post  passionem  luam  et  post  discipuloi^um 
fugam,  Petrus  plorabat  dicens  :  Latro  te  confessus  est, 
et  ego  te  negavi.  Mulieres  te  praedicaverunt,  et  ego 
renui.  Putas,  iam  vocabis  me  discipulum  tuum?  Aut 
iterum  constitues  me  piscatorem  mundi?  Sed  repoeni- 
tentem  suscipe  me,  Domine,  et  miserere  mei.  —  Ego 
dixi  in  excessu  meo  :  omnis  homo  mendax.  —  Putas  iam 
vocabis  me...?  —  Domine  post  passionem  tuara,  etc. 

L'office  nocturne  de  ces  trois  jours  devenait  la 
grande  représentation  du  mystère  douloureux  de  la 
passion,  de  la  mort,  de  l'ensevelissement  du  Sauveur, 
et  des  pathétiques  regrets  de  l'humanité  pénitente.  Il 
s'achevait,  le  samedi  saint  au  matin,  dans  l'obscurité 
et  dans  les  larmes  de  laudes  :  Sedentes  ad  monumen- 
tum  lamentabantur  fientes  Dominum  ^ 

1.  Ant.  du  Benedictus. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     145 

De  toute  la  journée  du  samedi  saint,  aucune  autre 
cérémonie  ne  rappellerait  les  fidèles  à  la  basilique. 
Mais  le  soir  de  ce  jour,  à  trois  heures  de  l'après-midi, 
commencerait  la  vigile  pascale.  Point  de  bénédiction 
de  feu  nouveau  ou  de  cierge  pascal,  usages  venus  de 
France  à  Rome  après  le  viii^  siècle,  mais,  et  c'était 
d'antique  usage  romain,  la  longue  séance  de  leçons  et 
de  répons,  que  nous  avons  encore  à  l'office  liturgique 
du  samedi  saint,  et  qui  représente  au  mieux  le  plus 
ancien  état  de  toute  vigile.  Deux  sous-diacres,  portant 
des  torches,  venaient  se  mettre  devant  l'autel,  au 
pied  du  trône  pontifical,  et  éclairaient  le  lecteur.  Les 
leçons  commençaient,  sans  aucune  annonce  ni  béné- 
diction :  In  principîo  creavit  Deus  caelum  et  ter- 
ram,  etc.  Chaque  leçon  était  lue  d'abord  en  grec,  puis 
en  latin.  Elle  était  suivie  de  VOremus,  du  Flectamus 
genua  et  de  l'oraison.  Chaque  trois  leçons,  un  répons, 
exécuté  d'abord  en  grec,  puis  en  latin.  Qu'était-ce  que 
cet  office,  sinon  un  office  nocturne  diminué  de  sa  psal- 
modie? en  d'autres  termes,  moins  les  psaumes,  une 
vigile  sur  le  patron  des  vigiles  du  iv^  siècle?  A  cet  of- 
fice vigilial  s'ajoutait  le  baptême  des  catéchumènes, 
qui  se  célébrait  dans  le  baptistère  du  Latran,  tandis 
que  dans  la  basilique  le  peuple  et  la  Scola  cantorum 
chantaient  les  litanies,  répétant  jusqu'à  quinze  fois 
les  mêmes  invocations.  Arrivé  enfin  à  \Agnus  Dei  de 
cette  longue  litanie,  le  maître  de  la  Scola  disait  Ac~ 
cendite  ;  la  basilique  s'illuminait  pour  la  rentrée  pro- 
cessionnelle du  cortège  pontifical  ramenant  les  nou- 
veaux baptisés.  Et  la  messe,  la  première  messe  de 
Pâques,  commençait  au  chant  du  Gloria  in  excelsis 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  10 


I 


146  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

et  de  l'alleluia.  On  devait  être  à  ce  moment  fort  au 
delà  de  minuit  ^ 

Il  semblerait  donc  que  cette  liturgie  de  la  nuit  pas- 
cale, qui  n'était  que  l'antique  vigile,  dût  dispenser  de 
l'office  nocturne  canonique  :  il  n'en  était  rien,  car,  à  la 
suite  de  la  vigile,  l'office  nocturne  quotidien  mainte- 
nait sa  place.  Dans  la  nuit  même  de  la  Résurrection, 
dit  VOrdo  de  Saint-Amand,  on  se  lève  après  le  chant 
des  coqs;  on  arrive  à  l'église,  et,  après  une  prière, 
on  s'embrasse  en  silence.  Puis  commence  l'office  noc- 
turne, le  Deiis  in  adiutorium,  l'invitatoire  alléluiatisé, 
trois  psaumes  alléluiatisés,  le  verset...  ^,  trois  leçons 
et  leurs  répons.  Puis  laudes  alléluiatisées.  Le  Bene- 
dictus  chanté,  on  ne  disait  point  le  Kyrie,  mais  l'an- 
tienne Haec  diesy  et  la  collecte  •^  Cet  office  nocturne 
canonique  était,  on  le  voit,  un  office  de  trois  psaumes, 
trois  leçons,  trois  répons.  La  raison  de  cette  brièveté 
était  que,  commençaini  post  gallorum  cantum,  et  non 
plus  média  nocte,  il  eût  été  impossible  de  lui  donner 
l'ampleur  de  l'office  de  Noël  à  neuf  psaumes,  neuf 
leçons,  neuf  répons^*.  Toute  l'octave  de  Pâques,  on 


1.  Cet  office  du  samedi  saint  est  longuement  décrit  et  com- 
menté par  Amalaire,  De  eccl  off.  i,  18-31. 

2.  Ici  VOrdo  de  Saint-Amand  insère  une  oraison  :  «  Et  oratio- 
nem  dat  presbyter  »,  qui  est  le  Pater  sans  doute. 

3.  De  eccl.  off.  iv,  23  :  «  Habemus  scriptum  in  romano  or- 
dine,  ut  non  dicatur  Kyrie  eleison  sive  Christe  eleison  ad  ul- 
lum  cursum  in  memoratis  diebus,  sed  sine  rctractatione  can- 
temus  Ilaec  dies...  GoUectam  solam  solet  sacerdos  dicere  in 
fine  oftîcii.  » 

4.  Grangolas,  p.  332  :  «  Unus  tantum  nocturnus  dicitur, 
quia  ferme  dies  erat  quando  incipiebatur  ofTicium  noctis,  eral- 
que  hora  laudum...  » 


l'office    150MAIN    DU    TEMPS    DE    CHARLEMAGNE.        147 

répéterait  ce  même  nocturne  de  trois  psaumes  et  trois 
leçons,  d'après  cette  règle  que  l'office  de  l'octave  de- 
vait être  la  réplique  de  l'office  de  la  fête. 

L'octave  de  Pâques,  ou,  comme  on  disait  alors,  les 
sept  dies  baptismales^  amenaient  avec  eux  un  office 
exceptionnel.  Les  Ordines  romani^  qui  fournissent 
de  si  minutieux  renseignements  sur  la  liturgie  des 
trois  derniers  jours  de  la  semaine  sainte  et  sur  celle 
de  Pâques,  non  seulement  ne  mentionnent  point 
les  trois  heures  de  tierce,  sexte  et  none,  mais  ne 
disent  rien  des  vêpres  :  point  de  vêpres  publiques 
prévues  pour  le  jeudi  saint,  ni  le  vendredi  saint, 
aucune  sorte  de  vêpres  pour  le  samedi  saint  '. 
Par  contre,  ces  mêmes  ordines  prescrivent  des  vê- 
pres pour  chacun  des  dies  baptismales.  La  chose 
serait  pour  nous  surprendre,  si  ces  vêpres  pas- 
cales étaient  un  office  analogue  aux  vêpres  que 
nous  avons  rencontrées  dans  le  commun  et  dans  le 
propre  du  temps.  Mais  ces  vêpres  pascales  ont  avec 
les  vêpres  de  l'office  canonique  le  nom  seul  de 
commun.  —  Le   soir  de    Pâques,  par   exemple,  où 

1.  Les  Ordines  purement  romains,  celui  d'Einsiedeln  et  celui 
de  Saint-Amand,  ne  font  aucune  allusion  à  l'office  diurne. 
VOrdo  de  la  Vallicellane  écrit  :  «  Prima,  nec  tertia,  nec  sexta, 
nec  nona,  a  sancto  pascha  usque  in  octavas  non  cantatur.  » 
Par  contre  VOrdo  romanus  /"*  de  Mabillon,  qui  représente 
pour  la  liturgie  pascale  l'usage  romain  tei  qu'il  s'observe 
ailleurs  qu'à  Rome,  fait  mention  de  l'office  diurne.  Le  jeudi 
saint  :  «  Ipsa  vero  die  omne  diurnale  offîcium  insimul  canunt.  » 
Le  vendredi  saint  :  «  Vesperam  dicit  unusquisque  privatim.  » 
Le  samedi  saint,  rien.  L'antiphonaire  de  [Saint-Pierre  donne 
cette  rubrique  :  «  Primam,  tertiam,  sextam  et  nonam,  usque 
ad  pascha  secreto  dicimus;  similiter  vesperum  parasceven  ». 
TOMASI,  t.  IV,  p.  90. 


148  HISTOIRE   DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

l'ofïice  stational  se  célébrait  à  Saint-Pierre,  le  clergé 
arrivait  processionnellement  précédé  de  la  croix  et  de 
Tencens,  et  venait  se  ranger  dans  le  presbyterium, 
autour  de  l'autel  majeur.  Le  Kyrie  eleison  ouvrait 
l'office:  puis  on  exécutait  le  Dixit  Dominus,  et,  à  la 
suite,  le  Confitebor  et  le  Beatus  vir^  soit  trois  psau- 
mes alléluiatisés.  Entre  le  second  et  le  troisième 
de  ces  psaumes,  se  plaçait  un  groupe  de  versets  : 
Domînus  regnavit  décore  induit ...  Parata  sedes  tua 
ex  tune...  Elevaf^erunt  flumina  Domine ...,  autant 
d'allusions  à  la  résurrection  et  au  triomphe  du 
Christ.  La  psalmodie  terminée,  un  long  chant  de 
l'alleluia  exécuté,  «  cum  melodias  simul  cum  infan- 
tibus  »,  dit  Y  Or  do  de  Saint- Amand.  Enfin,  le  Magni- 
ficat antiphoné,  et,  pour  terminer,  une  oraison.  Voilà 
un  programme  extraordinaire  de  vêpres.  Et  ce  n'en 
est  encore  qu'une  partie.  La  procession,  en  effet,  re- 
prend sa  marche,  et  le  clergé,  quittant  le  presby- 
terium, c'est-à-dire  l'abside  de  la  basilique,  vient  se 
ranger  en  avant  de  l'arc  triomphal,  à  l'entrée  de  la 
nef,  au  pied  de  la  grande  croix  suspendue  à  l'arc  dans 
l'axe  de  la  nef.  Là  s'exécute  un  psaume  alléluiatisé, 
la  Laudate  pueri^  puis  pour  la  seconde  fois  le  Magni- 
ficat antiphoné,  et,  pour  la  seconde  fois  aussi,  une 
oraison.  La  procession  se  dirige  alors  vers  les  fonts 
baptismaux,  où  se  chante  un  cinquième  psaume, 
Vin  exitu  alléluiatisé;  puis,  une  troisième  fois,  le 
Magnificat  antiphoné  et  une  oraison.  Ce  sont  les  ru- 
briques d'Amalaire^   L'Ordo    de  Saint-Amand,   qui 

1.  De  ord.  antiph.  52  :  «  De  glorioso  ofTicio  quod  fit  circa 


L  OFFICE    îlOMAiN    I)t    TEMPS    DE    CHARLEMAGNE.         149 

représente  une  liturgie  plus  ancienne,  fait  chanter 
devant  les  fonts  un  long  verset  grec.  —  Au  total, 
nous  sommes,  avec  ces  vêpres  pascales,  loin  des  vê- 
pres canoniques  :  sans  doute,  les  vêpres  pascales 
comptent  cinq  psaumes,  et  de  ceux  que  l'office  cano- 
nique réserve  à  ses  vêpres;  mais  ces  trois  stations,  ces 
trois  Magnificat,  ces  versets  latins  et  grecs,  tout  cela 
est  d'une  liturgie  romaine  plus  ancienne,  et  d'un 
temps  où  les  vêpres  étaient  sans  doute  encore  incon- 
nues à  Saint-Pierre. 

Au  dimanche  in  albis  depositis,  l'exceptionnel  office 
de  Pâques  et  des  dies  baptismales  faisait  place  à  l'of- 
fice ordinaire  des  dimanches  et  des  fériés^  ;  le  temps 
pascal  n'avait  plus  à  lui  en  propre  que  ses  antiennes 
et  ses  répons.  La  fête  de  l'Ascension  de  Notre-Sei- 
gneur  se  célébrait  quarante  jours  après  Pâques  ;  elle 
était,  comme  Noël  et  l'Epiphanie,  une  fête  de  neuf 
psaumes,  neuf  leçons,  avec  ses  antiennes  et  ses  ré- 
pons propres  ^. 

Cinquante  jours  après  Pâques,  la  Pentecôte  rame- 
nait l'office  de  trois  psaumes,  trois  leçons.  La  Pente- 
côte, en  effet,  Pascha  Pentecosten,  comme  l'appelle 


vespeiiinales  terniinos  in  paschali  hebdomada  in  roniana 
Ecclesia...  »  Pour  une  description  plus  détaillée,  voyez  D.  G.  M. 
«  Les  vêpres  pascales  dans  l'ancienne  liturgie  romaine  »,  Revue 
bénédictine,  1889,  p.  150-157. 

1.  De  ord.  antipli.  prolog.  :  «  Interrogavi  quotus  ordo  re- 
sponsoriorum  celebraretur  in  dominica  nocte  quam  solemus 
nominare  octavas  Paschae.  Responsum  est  :  Novenarius,  in 
ea  cantamus  de  auctoritate  ».  Sur  les  répons  De  aiictoritate, 
voyez  ibid.  33. 

2.  De  ord.  antiph.    56. 


150  HISTOIIIE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Tantiphonaire  de  Saint-Pierre,  avait  comme  Pâques 
sa  vigile  liturgique  de  six  fois  deux  leçons  en  grec  et 
en  latin,  avec  leurs  répons,  et  les  oraisons  qui  les 
accompagnaient;  et  cette  vigile  liturgique,  comme 
celle  de  Pâques,  était  suivie  du  baptême  des  catéchu- 
mènes :  aln  vigilia  Pentecoste  sicut  in  sabbato  sancto 
ita  agendum  est,  «  dit  VOrdo  de  Saint-Amand.  L'office 
canonique  devait  donc  être  pareil  à  celui  de  Pâques, 
et  cet  office  abrégé  se  répéter  durant  toute  l'octave  de 
la  Pentecôte.  Il  semble  cependant  qu'on  ait  hésité 
quelque  temps  à  assimiler  ainsi  quant  à  l'office  Pâques 
et  la  Pentecôte  :  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre  atteste 
que  l'office  de  la  Pentecôte  et  de  son  octave  était  bien 
de  trois  psaumes,  trois  leçons;  mais  à  Rome  on  as- 
sura Amalaire  que  l'office  de  la  Pentecôte  était  un 
office  à  neuf  répons,  c'est-à-dire  l'office  dominical 
ordinaire  ', 

Nous  sommes  au  terme  du  cycle  des  fêtes  du  temps, 
puisque  la  fête  de  la  Trinité  est  une  fête  bien  posté- 
rieure au  viii^  siècle.  Nous  avons  vu  l'office  canonique 
romain  se  ramener  à  quatre  types  liturgiques  : 

1^  L'office  férial  de  douze  psaumes  et  trois  leçons  ; 

2"*  L'office  dominical  de  dix-huit  psaumes  et  neuf 
leçons  ; 

S"*  L'office  des  fêtes  de  neuf  psaumes  et  neuf  leçons  ; 

4°  L'office  pascal  de  trois  psaumes  et  trois  leçons. 


1.  De  ord.  antiph.  prolog.  :  «  Similiter  interrogavi  oflîcio 
Pentecosles.  Responsum  est  :  Novem  cantamus,  ut  in  caete- 
ris  dominicis  in  noctibus.  »  Cf.  ibid.  57.  Ici  encore  l'usage 
gallican  a  passé  dans  l'usage  romain,  postérieurement  à  Ama- 
laire. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      151 

Or,  et  il  n'est  pas  inutile  de  préjuger  ici  une  ques- 
tion qui  se  présentera  plus  tard  à  notre  attention, 
ces  quatre  types  liturgiques  se  retrouvent  formulés 
dans  un  décret  de  Grégoire  VIT  : 

1°  Omnibus  diebus...  XII psalmos  et  III  lectiones 
recitamus  ; 

2^  In  dominicis  diebus  XVI II  psalmos  et  IX  lec- 
tiones celebramus: 
3°  Si  festintas  est,...  IX  lectiones  dicimus; 
4°  In  die  Resurrectionis  usque  in  sabbatum  in  albis 
et  in  die  Pentecostes  usque  in  sabbatum  eiusdem,  III 
psalmos  et  III  lectiones  legimus.  —  J'ai  reproduit  les 
termes  mêmes  du  décret^.  On  en  conclura  que  l'office 
romain  du  viii^  siècle  était  encore  à  Rome,  au  xi*^  siè- 
cle, dans  son  économie  générale^,  intact;  et  que  les 
|liturgistes  se  sont  trompés,  qui  ont  voulu  voir  dans  ce 
lécret  une  réforme  de  Grégoire  VII  réglant  à  nouveau 
ît  fixant  l'office,  alors  qu'il  ne  faisait  que  confirmer 
l'usage  du  viii'^  siècle.  —  On  en  conclura,  en  outre,  et 
jeci  pour  confirmer  ce  qui  a  été  avancé  précédemment 
le  la  fixation  de  l'office  canonique  romain  aux  vii^  et 
'iii*^  siècles,  que  ces  quatre  types  liturgiques  consti- 
tuent un  système  d'office  différent  de  celui  que  for- 
lulait  au  commencement  du  vu®  siècle  le  Liber  diur- 
uts,  et  qui  peut  se  résumer  ainsi  en  ce  qui  concerne 
'office  férial  : 


1.  Friedberg,  t.  I,  p.  1416. 

2.  Notez  que,  au  temps  de  Grégoire  VII,  l'office  de  la  Pen- 
[tecôte  et  de  son  octave  est  devenu  pareil  à  l'office  de  Pâques 

Jt  de  son  octave.  C'est  là  un  de  ces  accidents  qui  ne  font  pas 
tort  à  l'économie  générale. 


152  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

l''  A  Pascha  ad  aequinoctium  fil  lectiones. 

l""  Ab  aequinoctio  ad  Pascha  IV  lectiones. 

En  d'autres  termes,  la  fixation  de  l'office  canonique 
du  temps  que  nous  venons  de  décrire  date  du 
vii^-viii^  siècle. 


III 


Aux  environs  de  750,  l'office  des  saints,  maintenu 
jusqu'alors  en  dehors  de  l'office  quotidien  des  basi- 
liques urbaines,  et  fidèle  en  cela  à  sa  tradition  d'office 
cimitérial,  s'est  fait  sa  place  dans  l'office  des  basi- 
liques. Cette  place  devait  être  d'abord  petite,  à  côté 
du  grand  office  quotidien.  Loin  de  se  substituer  à 
Tolïice  dominical  ou  fërial,  l'office  sanctoral  s'y  super- 
posa. Puis  il  se  fondit  dans  le  grand  office  quotidien  ^ 

A  Rome  toutefois  la  superposition  primitive  de 
Foflice  sanctoral  à  l'office  férial  laissera  des  traces 
durables.  Amalaire  a  relevé  dans  l'antiphonaire  de 
Corbie  [ex  romano  antlphonario  qui  ad  nos  per~ 
^>eniL),  c'est-à-dire  dans  l'antiphonaire  du  pape  Ha- 
drien, une  précieuse  indication  qu'il  présente  ainsi  : 

In  praeclarissimis  festivitatibus  sanctorum  consue- 
tudo  est  sanctae  mfttris  nostrae  romanae  Ecclesiae  duo 
officia  peragere  in  nocte,  quorum  officia  praetitulantur 
De  vigiliis.  Primum  eorum  quod  canitur  in  inilio  noctis, 

1.  De  ord.  anttph.  28  :  «  Multa  officia  sanctorum  indidi  in 
nostro  antiphonario  ex  romano,  quae  non  Iiabet  metensis  an- 
tiphonarius.  Gogitavi  cur  ea  omitterem,  cum  eadem  auctoritate 
fulciantur  qua  et  illa  quae  scripta  invenimus  in  metensi  an- 
tiphonario, scilicet  sanctae  njatris  nostrae  romanae  Eccle- 
siae. » 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     153 

sine  Alléluia  peragitur.  Alterum  vero,  quodhabet  initium 
circa  médium  noctis  et  finitur  in  die,  habet  in  terlia 
nocturna  in  suis  antiphonis  Alléluia...  ^ 

Cette  indication  est  éclairée  par  ce  que  rapporte 
Amalaire  de  la  fête  de  saint  Pierre  : 

Ex  romano  antiphonario  posui  duas  vîgilias  in  nostro 
antiphonario.  Primam  solet  Apostolicus  facere  in  initio 
noctis,  quae  fit  sine  invitatorio,  quoniam  ea  hora  non 
invitatur  populus  ad  vigilias.  ...  [Media  nocte]  ingreditur 
clerus  et  populus  ad  secundam  vigiliam,  et  cantatur  in- 
vitatoriuni  2. 

Il  ressort  de  ces  deux  textes  que  les  fêtes  sancto- 
rales  les  plus  solennelles  avaient,  à  Rome,  deux  offi- 
ces nocturnes,  l'un  à  la  tombée  de  la  nuit,  sans  invi- 
tatoire,  l'autre  au  milieu  de  la  nuit,  avec  invitatoire. 
Je  conjecture  que  l'office  célébré  sans  invitatoire  à  la 
tombée  de  la  nuit  était  l'office  propre  du  saint,  la 
vigile;  que  l'office  avec  invitatoire  célébré  au  milieu 


1.  De  ord.  antiph.  59. 

2.  De  ord.  antiph.  60.  Comparer  VOvdo  romanus  de  la  Valli- 
cellane  :  «  De  festis  sanctorum,  qualiter  apud  Romanos  cele- 
brentur.  In  primis  congregant  se  adecclesiam  sero,  ad  vigilias 
peragendas  illius  sancti  cuius  natalis  fuerit,  ingredientesque 
ad  vigilias  Domine  labia  mea  aperies  et  invitatoriuni  non 
dicunt,  sed  statini  incipiunt  antiph.  in  psalmos  cuiuscumque 
fuerit  aut  apostolorum  aut  cuiuslibet  sanctorum.  Qui  voluerint 
viiii  lectiones  facere,  viiii  psalmos  décantent;  qui  vero  vu, 
cantent  vi  [sic];  qui  vero  v,  similiter  vi  [sic].  ...  Item  in 
nocle  festivitatis  ipsorum  ad  nocturnos  in  Vcnite  eocultemus 
antiphona  id  est  invitatorium  de  sanctis...,  psalmos  cotidianos 
deferunt,  et  versus  de  sanctis,  lectiones  aut  m,  aut  v,  aut  vu, 
aut  si  voluerint  viiii  ad  ipsum  natalicium  pertinentes  legun- 
tur...  » 


I 


154  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  la  nuit  était  roflice  férial,  transformé  maintenant 
en  office  du  saint  ^ . 

Mais  le  nocturne  férial  devait  finir  par  être  évincé 
même  de  cette  part  précaire  qui  lui  demeurait  :  tout 
vestige  de  la  dualité  et  de  la  concélébration  de  rolïice 
férial  et  de  l'office  sanctoral  s'effaça  :  il  n'y  eut  plus 
qu'un  office  nocturne,  et  cet  office  fut  dévolu  au  saint. 
Les  liturgistes  carolingiens  ne  reçurent  pas  d'autre 
usage  que  celui-là^.  Sans  doute,  ces  doubles  vigiles 
n'étaient  point  données  à  toutes  les  fêtes  majeures 
indistinctement;  au  ix^  siècle,  les  fêtes  des  saints 
Pierre  et  Paul,  de  saint  André,  de  saint  Laurent,  de 
l'Assomption,  de  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste, 
étaient  les  seules  qui  eussent  pareille  solennité.  Mais 
cette  solennité  persistait,  et  elle  était  un  reste  de 
l'ancienne  rubrique'^.  Passé  le  xiii^  siècle,  elle  dispa- 
raîtra à  Rome,  et  il  n'en  restera  plus  que  l'expression 
liturgique,  inexplicable  autrement,  d'office  double. 


1.  De  ord.  antiph.  17  :  «  Sunt  festivitates  quarum  officia  cele- 
brantur  nocturnalia  circa  vespertinam  horam,  quae  vulgo  ap- 
pellantur propria;  et  in  posteriore  parte  noctis  canitur  alteriim 
officium  sive  de  propria  feria  seu  de  comraunibus  sanctis.  » 

2.  De  eccl.  off.  iv,  35  :  «  In  festivitatibus  qiias  recolimus, 
recolimus  per  novenarium  numerum.  »  UOrdo  romaniis  de  la 
Vallicellane,  que  je  viens  de  citer,  établit  qu'à  Rome  le  canon 
de  neuf  leçons,  neuf  répons,  ne  s'était  pas  imposé  d'abord. 
On  y  lit  même  expressément  :  «  lectiones  vero  aut  m  aut  v 
aut  Yii  aut  viiii  in  vigilia  sanctorum  aut  ubilibet  contigerit 
leguntur,  nam  iv  aut  vi  vel  viii  nuUo  modo,  quia  anliquitus 
talis  consuetudo  non  fuit  ». 

3.  De  ord.  antiph.  62  :  «  Duo  nocturnalia  officia  inveni  in 
romano  antiphonario  in  vigilia  sanctae  Mariae  de  Assumptione 
eius  :  idcirco  et  nos  duplicia  officia  jposuimus  in  festivitate  in 
nostro  antiphonario.  » 


l'office    romain    du    TEiMPS    DE    CHARLEMAGNE.        155 

Quelles  étaient  les  fêtes  de  saints  célébrées  à  Rome? 
L'antiphonaire  de  Saint-Pierre  fournit  un  calendrier 
pirement  romain  de  roffice,  calendrier  du  xii^  siècle 
qui  peut  être  aisément  remis  dans  un  état  plus  ancien 
de  trois  siècles  ;  il  suffît  de  le  comparer  aux  listes 
de  fêtes  fournies  par  le  sacramentaire  dit  grégo- 
rien, qui  représente  le  sanctoral  romain  contempo- 
rain du  pape  lladrien  (772-795),  et  subsidiairement 
aux  listes  de  fêtes  des  évangéliaires  carolingiens, 
comme  l'évangéliaire  d'Ada  à  Trêves,  manuscrit  des 
premières  années  du  ix^  siècle.  On  élimine  ainsi  du 
calendrier  de  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre  les  fêtes 
postérieures  au  début  du  ix"^  siècle  ^ . 

Janvier. 

1.  Octave  de  N.  S.  S^""  Martine. 

6.  Epiphanie  de  N.  S. 

13.  Octave  de  l'Epiphanie. 

14.  S.  Félix,  prêtre, 
16.  S.  Marcel,  pape. 
18.  S'^Prisca. 

20.  S.  Fabien,  pape,  et  S.  Sébastien. 

21.  S'^  Agnès. 

22.  cS'.  Vincent  et  S.  Anastase. 


1.  Nous  avons  imprimé  eh  lettres  capitales  les  fêtes  portées 
au  sacramentaire  grégorien  et  au  cornes  d'Ada,  en  italiques 
les  fêtes  données  par  ce  seul  dernier.  K.  Menzel,  Die  Trierev 
Ada-Handschrtf  (Leipzig  1889),  p.  16-27.  Cf.  Dom  Morin,  «  Le 
plus  ancien  cornes  ou  lectionnaire  de  l'Eg-lise  romaine  »,  Re- 
vue bénédictine,  1910,  p.  41-74,  pour  un  état  antérieur  du  ca- 
lendrier romain  (vr-vir  siècle). 


156  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

25.  Conversion  de  S.  Paul. 

28.  S'*'  Agnès,  pour  la  seconde  fois  K 

Février. 

2.  Purification  de  Marie. 
5.  S"'  Agathe. 

11.  S.  Valentin,  prêtre. 

22.  Chaire  de  S.  Pierre. 

24.  S.  Mathias,  apôtre  ^. 

Mars. 

12.  S.  Grégoire,  pape. 

25.  Annonciation  de  Marie  ^. 

Avril. 

14.  SS.  TiBURCE,  Valérien  et  Maxiime. 

23.  S.  Georges. 

25.  S.  Marc,  évangéliste. 
28.  S.  Vital,  martyr  ^. 

Mai. 

1.  SS.  Philippe  et  Jacques,  apôtres. 

3.  Annonciation  de  la  Croix.  SS.  Alexandre  et 

SES  compagnons. 

1.  L'antiphonaire  de  Saint-Pierre  a  en  outre  :  —  S.  Téles- 
phore  (2),  S.  Maur  (15),  S.  Antoine  (17),  S.  Aquilas  (18),  S.  Ma- 
rins et  S*"  Marthe  (19),  S*"  Émérentienne  (23),  SS.  Papias  el 
Maur  (29),  SS.  Gyr  et  Jean  (31). 

2.  De  même  :  —  S.  Siméon  (2),  S.  Biaise  i(3),  S*»  Scolas- 
tique  (10). 

3.  De  même  :  —  les  quarante  niartvrs  (10),  S.  Benoît  (21). 

4.  De  même  :  —  S.  Glet  (26). 


l'office    nOMAIN    DU    TEMPS    DE    CHÀRLEMAGNE.        157 

6.  S.  Jean  devant  la  Porte  latine. 
10.  SS.  Gordien  et  Epimaque. 
12.  S.  Pancrace.  SS.  Nérée  et  Achillée. 

19.    S^*^   PUDENTIENNE. 

25.  s.  Urbain,  pape  ^ 

Juin. 

1.  S.  NiCOMÈDE. 

2.  SS.  Pierre  et  Marcellin. 
9.  SS.  Primus  et  Félicien. 

12.  SS.  Basilide,  Cyrin,  Nabor  et  Nazaire. 

18.  SS.  Marc  et  Marcellien. 

19.  SS.  Gervais  et  Protais. 

24.  Nativité  de  S.  Jean-Baptiste. 

26.  SS.  Jean  et  Paul. 

28.  S.  Léon,  pape. 

29.  SS.  Pierre  et  Paul. 

30.  S.  Paul  2. 

Juillet. 

2.  SS.  Processus  et  Martinien. 

6.  Octave  de  SS.  Pierre  et  Paul. 

10.  Les  sept  frères. 

15.  S.  Cyr, 

21.  S'^Praxede, 

23.  cV.  Apollinaire. 

1.  De  même  :  —  translation  de  S.  Etienne  (5),  S.  Michel  (S), 
s.  Boniface  (14),  S.  Eleuthère,  pape  (26),  S.  Jean,  pape  (27), 
S'    Pétronille  (31). 

2.  De  même  :  —  S.  Érasme  (2),  S.  Barnabe  (11),  SS.  Vit  et 
Modeste  (15). 


158  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

25.  S.  Jacques,  apôtre. 

29.  S.  Félix,  pape.  SS.  Simplicius,  Faustinus  et 

Béatrix. 

30.  SS.  Abdon  et  Sennen^ 

Août. 

1.  S.  Pierre  aux  liens. 

2.  S.  Etienne,  pape. 

6.  S.  XiSTUS,  pape.  SS.  Félicissimus  et  Acîapit. 
8.  S.  Cyriaque. 

10.  S.  Laurent. 

11.  S.  TiBURCE. 

13.  S.   HlPPOLYTE. 

14.  S.  EUSÈBE. 

15.  Assomption  de  Marie. 
18.  S.  Agapit. 

22.  S.  Timothée. 

25.  S.  Barthélémy,  apôtre. 

28.  S.  Hermès.  S.  Aucjustin,  évéque. 

29.  Décollation  de  S.  Jean-Baptiste.  S*''  Sabine. 

30.  SS.  Félix  ET  Adauctus^. 

Septembre. 

8.  Nativité  de  Marie.  S.  Adrien. 
11.  SS.  Protus  et  Hyacinthe. 

1.  De  même  :  —  S*''  Ruflne  (10),  SS.  Nabor  et  Félix,  S.  Pie, 
pape  (12),  S.  Anaclet  (13),  S.  Alexis  (17),  S»«  Symphorose  (18), 
S'"  Madeleine  (1i2),  S*"  Christine  (24),  S.  Pasteur  (26),  S.  Panta- 
léon  (27),  S.  Nazaire,  S.  Victor,  pape  (28). 

2.  De  même  :  —  SS.  Macchabées  (1),  invention  de  S.  Etienne 
(3),  S.  Justin  (4),  S.'  Donat  (7),  S.  Romain  (9),  SS.  Euplus  et 
Leucius  (12),  S'«  Aure  (24),  S'"  Balbine  (28),  S.  Paulin  (31). 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      159 

14.  Exaltation  de   la    Croix.   SS.   Corneille  et 

Cyprien. 

15.  S.  NiCOMÈDE. 

16.  S**^  EupHÉMiE.  S'®  Lucie  et  S.  Géminien. 

21.  S.  Mathieu,  apôtre. 

27.  SS.  Come  et  Damien. 
29.   S.  Michel,  archange  ^. 

Octobre. 

7.  S.  Marc,  pape. 
14.  S.  Calliste,  pape, 
18.  S.  Luc,  évangéliste. 

25.  SS.  Chrysanthe  et  Darie. 

28.  SS.  Simon  et  Jude,  apôtres  2. 

Novembre. 

1.  Fête  de  tous  les  saints.  S.  Césaire. 

8.  Les  quatre  couronnés. 

9.  S.  Théodore. 

11.   S.  Martin,  évêque.  S.  Mennas. 

22.  St«  Cécile. 

23.  S.  Clément,  pape.  S'*'  Félicité. 

24.  S.  Chrysogone. 


1.  De  même  :  —  S.  Gilles  (1),  S.  Antonin  (2),  S.  Gorgo- 
nius  (9),  S.  Maurice  (22),  S.  Lin,  pape,  S'^  Tliècle  (23),  S.  Eus- 
tache  (25),  S.  Jérôme  (30). 

2.  De  même  :  —  SS.  Serge  etBacchus  (7),  SS.  Denis,  Rusti- 
que, Éleuthère  (9),  S.  Évariste,  pape  (26),  S.  Germain  de  Ga- 
poue  (30),  S.  Quentin  (31). 


160  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 


29. 

S.  Saturnin. 

30. 

S.  Andréa 

Décembre. 

13. 

S'^  Lucie. 

21. 

S.  Thomas,  apôtre. 

25. 

Nativité  de  N.  S.  S'^  Anastasie 

26. 

S.  Etienne. 

27. 

S.  Jean,  évangéliste. 

28. 

Les  saints  Innocents. 

31. 

S.  Silvestre,  pape'^. 

Aux  yeux  de  quiconque  est  familier  avec  la  topo- 
graphie romaine  du  vu*'  siècle  3,  une  série  de  noms  se 
détache  tout  de  suite  du  catalogue  que  nous  venons 
de  dresser  :  les  noms  des  martyrs  romains  rappelant 
les  plus  célèbres  sanctuaires  cimitériaux  de  l'Eglise 
romaine.  —  Saint  Silvestre  et  saint  Marcel,  papes, 
avaient  leur  basilique  (S.  Silçestri  ecclesiam)  au  cime- 
tière de  Priscille  sur  la  voie  Salaria  nova.  Sainte  Prisca 
(à  qui  la  piété  des  fidèles  avait  uni  saint  Aquilas,  en 
souvenir  de  Rom.  xvi,  3)  était  enterrée  au  cimetière 
de  Priscille  aussi.  Saints  Nérée  et  Achillée,  ensemble 
avec  sainte  Pétronille,  enterrés  dans  la  sépulture  des 
Flaviens  chrétiens,  avaient  donné  leurs  noms  à  la 


1.  De  même  :  —  S.  Tryphon  (10),  S.  Martin,  pape  (12),  S.  Jean 
Ghrysostome  (13),  S*«  Catherine  (25). 

2/De  même  :  —  S'«  Bibiane  (2),  S*"  Barbe,  S*-^  Julienne  (4), 
S.  Sabas  (5),  S.  Nicolas  (6),  S.  Ambroise,  S.  Savin  (7),  S.  Da- 
niase,  pape  (11),  S.  Eustrate  (13),  S.  Grégoire  de  Spolète  (23), 
S»"  Eugénie  (25). 

3.  De  Rossi,  Roma  sottermnea,  t.  I,  p.  175-183. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      161 

basilique  cimitériale  de  Domitille,  sur  la  voie  Ar- 
déatine.  Saint  Fabien,  pape,  appartenait  à  la  crypte 
pontificale  du  cimetière  de  Calliste,  comme  aussi  les 
papes  Etienne  et  Xistus.  Saint  Sébastien  avait  sa  ba- 
silique sur  la  voie  Appienne,  ad  Catacumhas\  sainte 
Agnès,  sur  la  voie  Nomentane;  saint  Valentin,  sur 
la  voie  Flaminienne;  saints  Tiburce  et  Valérien,  au- 
dessus  du  cimetière  de  Prétextât,  sur  la  voie  Ap- 
pienne; saint  Alexandre,  que  l'on  confondait  dès  le 
vu"  siècle  avec  le  pape  Alexandre,  avait  sa  basilique 
au  septième  mille  de  la  voie  Nomentane  ;  saints  Gor- 
dien et  Épimaque  avaient  la  leur  sur  la  voie  Latine  ; 
saint  Pancrace,  sur  la  voie  Aurélienne;  saint  Urbain, 
qui  était  enterré  dans  la  crypte  pontificale  du  cime- 
tière de  Calliste,  avait  un  oratoire  à  son  nom  au  cime- 
tière de  Prétextât;  saints  Pierre  et  Marcellin  avaient 
leur  basilique  sur  la  voie  Lavicane,  iad  duas  lauros\ 
saints  Marc  et  Marcellien,  sur  la  voie  Ardéatine; 
saints  Processus  et  Martinien,  sur  la  voie  Aurélienne  ; 
les  saints  sept  frères,  enfants  de  sainte  Félicité, 
avaient  leur  souvenir  uni  à  la  petite  église  de  Sainte- 
Félicité,  sur  la  voie  Salaria  nova;  saint  Félix,  épo- 
nyme  du  cimetière  ad  insalatos,  y  avait  sa  basilique, 
au  troisième  mille  de  la  voie  de  Porto.  Au  cinquième 
mille  de  la  même  voie,  le  cimetière  Generosae  gardait 
saints  Simplicius,  Faustinus  et  Viatrix;  au  second 
mille,  ad  ursum  pileatum,  était  la  sépulture  des  saints 
Abdon  et  Sennen.  Saints  Félicissimus  et  Agapit  ap- 
partenaient au  cimetière  de  Prétextât,  sur  la  voie  Ap- 
pienne. La  basilique  de  saint  Cyriaque  et  de  ses  com- 
pagnons était  au  septième  mille  de  la  voie  d'Ostie. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  11 


162  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Saint  Hippolyte  avait  donné  son  nom  à  un  cimetière 
voisin  de  celui  de  saint  Laurent,  sur  la  voie  Tiburtine. 
La  basilique  de  saint  Hermès  était  au  cimetière  Ba- 
sillae,  sur  la  voie  Salaria  antiqua;  celle  des  saints  Fé- 
lix et  Adauctus  au  cimetière  Commodillae,  sur  la  voie 
d'Ostie.  Les  saints  Protus  et  Hyacinthe  appartenaient 
au  cimetière  Basillae.  Le  pape  Corneille  avait  une 
basilique  à  son  nom  sur  le  cimetière  de  Calliste:  le 
pape  Marc  avait  donné  le  sien  à  la  basilique  du  cime- 
tière Balbinae,  sur  la  voie  Ardéatine;  le  pape  Cal- 
liste,  à  celle  du  cimetière  Calepodii,  sur  la  voie  Au- 
rélienne.  Une  église  s'élevait  sur  la  voie  Salaria  nova, 
au  nom  des  saints  Chrysanthe  et  Darie.  Sainte  Cé- 
cile était  la  sainte  la  plus  populaire  du  cimetière  de 
Calliste.  Au  cimetière  Trasonis,  sur  la  voie  Salaria 
nova,  appartenait  l'église  de  saint  Saturnin.  —  Au 
dixième  mille  de  la  voie  Cornelia,  était  la  basilique 
de  sainte  Rufine  ;  au  premier  mille  de  la  voie  Pré- 
nestine,  celle  de  saint  Agapit;  au  dixième  mille  de 
la  voie  Aurélienne,  celle  de  saint  Basilide.  Ajou- 
tez-y les  saints  Jean  et  Paul,  seuls  d'entre  tous  les 
martyrs  de  Rome  à  avoir  été  enterrés  intra  muros  : 
j'ai  nommé  la  belle  basilique  du  Caelius,  le  titulus 
Pammachii. 

Au  temps  où  s'écrivaient  les  itinéraires  de  pèlerins 
que  nous  possédons,  itinéraires  contemporains  de 
Benoît  Biscop,  c'étaient  là  les  sanctuaires  visités  et 
fêtés,  ceux  dont  les  anniversaires  ne  pouvaient  pas 
disparaître,  et  n'ont  point  disparu  en  effet,  recueillis 
xju'ils  ont  été  par  la  liturgie  de  l'office.  Et  je  ne  parle 
pas  des  fêtes  de  saint  Pierre,  de  saint  Paul  et  de  saint 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      163 

Laurent,  rattachées  aux  trois  basiliques  les  plus  fa- 
meuses des  abords  de  Rome. 

Les  anniversaires  que  nous  venons  d'énumérer  for- 
maient le  vieux  sanctoral  romain,  le  sanctoral  des 
cimetières.  D'autres  souvenirs  ou  d'autres  préoccupa- 
Lions  avaient  provoqué  la  création  de  fêtes  plus  ré- 
centes. Le  titulus  Pudentis,  en  devenant  au  viii^  siècle 
titulus  sanctae  Pudentianae,  du  nom  d'une  martyre 
«  Polentiana  »   enterrée  au  cimetière  de  Priscille, 
avait  introduit  dans  le  sanctoral  urbain  la  fête  de  sainte 
Pudentienne.  De  même,  au  titulus  Pvaxedis^  devenu 
vers  le  même  temps  titulus  sanctae  Praxedis,  on  de- 
vait la  fête  urbaine  de  sainte  Praxède.  Au  titulus  dé- 
mentis se  rattachait,  dès  avant  la  fin  du  iv^  siècle, 
l'anniversaire    de   saint   Clément.    La  basilique  des 
Santi-Quattro,   au  Caelius,   vieille  église   anonyme, 
avait  épousé  le  souvenir  énigmatique  des  martyrs  dé- 
signés sous  le  nom  de  /F  coronati.  Saint-Étienne-le- 
Rond,  au  Caelius  encore,  avait,  sous  le  pape  Théodore 
(642-649),  recueilli  les  reliques  et  l'anniversaire  des 
saints  Primus  et  Félicien  de  Nomento,  apportés  du 
quatorzième  mille  de  la  voie  Nomentane.  La  chapelle 
domestique  de  la  domus  Pinciana  des  Anicii,  sur  le 
Pincio,  restaurée  au  viii*^  siècle  par  le  pape  Hadrien, 
avait  introduit  à  Rome  le  vocable  et  la  fête  de  saint 
Félix  de  Noie.  La  basilique  ad  aquas  S  allias ,  bâtie 
au  milieu  du  vii^  siècle,  l'avait  été  sous  le  vocable  de 
saint  Anastase  le  Perse  (t  627),  auquel  on  avait  joint 
bientôt  l'espagnol  saint  Vincent,  à  cause  de  son  chef 
transféré  là  même,  ad  aquas  Salnas.  Sainte  Agathe 
de  Catane  avait,  au  vi^  siècle,  donné  son  nom  à  une 


164  HISTOIRE    Dt    BRÉVIAIHE    ROMAIN. 

petite  église  arienne  de  la  Suburra;  saint  Georges,  le 
héros  légendaire  de  l'Orient  grec,  à  une  petite  église 
du  Vélabre,  enrichie  au  viii^  siècle  du  chef  de  son 
saint  éponyme;  saints  Gervais  et  Protais,  deux  mila- 
nais, au  titulas  Vestinae  (ceci  dès  le  v^  siècle)  devenu 
au  viii'^  le  titulas  actuel  de  saint  Vital,  un  ravennate 
tenu  pour  père  de  saint  Gervais  et  de  saint  Protais  ; 
saint  Apollinaire,  un  ravennate  aussi,  à  un  oratoire 
construit  par  le  pape  Honorius  (625-G38)  sur  l'atrium 
de  Saint-Pierre  ;  sainte  Sabine,  une  martyre  om- 
brienne, au  titulus  Sahinae  de  l'Aventin,  enrichi  de  ses 
reliques  vers  la  fin  du  vu*'  siècle;  saint  Adrien,  de  Ni- 
comédie,  à  l'antique  Curia  hostilia  transformée  au 
vii^  siècle  en  basilique;  sainte  Eupliémie,  de  Nicomé- 
die  elle  encore,  à  une  église  élevée  ou  restaurée  au 
vii^  siècle  ;  saints  Çôme  et  Damien,  les  deux  médecins 
«  anargyres  »  si  populaires  dans  tout  l'Orient  grec,  à 
la  basilique  aménagée  par  le  pape  Félix  IV  (526-530) 
dans  Vaula  des  archives  romaines;  saint  Césaire  de 
Terracine,  à  une  petite  basilique  du  Palatin;  saint 
Chrysogone  de  Sirmium,  au  vieux  titulus  Chrysogoni 
du  Transtevere  :  sainte  Lucie  de  Syracuse,  au  couvent 
grec  De  renatis,  fondé  vers  le  viii*'  siècle  ;  sainte  Anas- 
tasie  de  Sirmium,  au  vieux  titulus  Anastasiae  du 
Palatin.  —  Il  s'agit  là,  on  le  voit,  de  martyrs  étran- 
gers qu'un  vocable  monumental  ou  qu'une  translation 
de  reliques  a  faits  romains  ^ . 
Les  autres  fêtes  du  calendrier  romain  n'ont  plus  ce 


1.  Voyez  M.  Armellini,  Le  cî^ese  di  Roma  dalle  loro  orlgini 
sino  al  secolo  XVI  (Rome  1887),  s.  v. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.     165 

caractère  local  et  monumental  qui  en  fait  des  anni- 
versaires proprement  romains.  La  fête  de  l'exaltation 
de  la  Croix  (14  sept.)  est  une  fête  de  Jérusalem,  l'an- 
niversaire de  la  dédicace  des  basiliques  constanti- 
niennes  du  Calvaire  :  elle  est  introduite  à  Rome  au 
VII®  siècle  ^  La  fête  de  l'invention  ou  annonciation  de 
la  Croix  (3  mai)  paraît  être  à  Rome  une  importation  gal- 
licane, peu  antérieure  au  vii^ siècle^.  —  M^'"  Duchesne 
pose  en  thèse  que  «  l'Église  de  Rome  ne  parait  avoir 
solennisé  aucune  fête  de  la  Vierge  avant  le  vii'^  siècle, 
alors  qu'elle  adopta  les  quatre  fêtes  byzantines  »  ^,  la 
Nativité  (8  sept.),  l'Annonciation  (25  mars),  la  Purifi- 
cation (2  février),  la  Dormition  ou  Assomption  (15 
août),  qui  toutes  quatre  se  célébrèrent  à  Sainte- 
Marie-Majeure  :  elles  n'ont  pas  à  Rome  d'attestation 
plus  ancienne  que  la  vie  du  pape  Sergius  P""  (687-701)  '*, 
—  Les  fêtes  d'apôtres,  et  en  première  ligne  celle  de 
saint  André,  frère  de  saint  Pierre,  puis  à  la  suite 
celles  de  saint  Jean,  des  saints  Philippe  et  Jacques, 
celle  de  saint  Pierre  aux  liens,  étaient  des  anniver- 


1.  L.  P.  t.  I,  p.  374. 

2.  Duchesne,  Origines,  p.  264.  —  Plus  tard,  en  dépendance 
de  la  légende  dite  de  Judas-Gyriaquo,  on  attribua  la  création 
de  la  fôte  au  pape  contemporain  de  l'invention,  Eusèbe  (310). 
Microlog.  55  :  «  Eusebius  papa  a  beato  Petro  Iricesimus  se- 
cundus,  constituit  ut  omnes  Ghristiani  inventionem  sanclae 
crucis  V  nonas  maii  solemniter  celebrarent.  Unde  et  nos  illani 
cum  pleno  officio  observare  debemus,  ...Exaltatio  autem  sanc- 
tae  crucis  non  adeo  generaliter  et  solemniter  celebratur,  et 
hoc  fortasse  ideo  quia  nullum  inde  tam  spéciale  statutum  ut 
de  inventione  reperitur.  » 

3.  Duchesne,  Origines,  p.  259, 

4.  L.  P.  t.  I,  p.  381. 


166  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

saires  de  dédicace  de  basiliques  urbaines,  et  remon- 
taient pour  Rome  au  vi^  siècle  au  plus  tôt  ^ . 

La  fête  de  la  Toussaint  était  l'anniversaire  de  la  dé- 
dicace du  Panthéon,  consacré  par  Boniface  IV  (608- 
615)  au  vocable  beatae  Mariae  et  omnium  sajicto- 
rum^. 

Nous  avons  vérifié  le  principe  qui,  antérieurement 
au  milieu  du  viii*'  siècle,  ne  permettait  pas  à  une 
fête  de  saint  de  n'être  point  localisée  dans  une  basi- 
lique déterminée,  soit  cimitériale,  soit  urbaine. 
Plus  tard,  lorsque  ce  principe  aura  cessé  de  dominer 
la  liturgie  sanctorale,  mais  seulement  alors,  apparaî- 
tront les  fêtes  sans  attache  monumentale.  Les  grands 
souvenirs  monastiques  provoqueront  l'institution  de 
fêtes  comme  celles  de  saint  Benoît,  de  saint  Maur, 
de  saint  Antoine,  de  saint  Sabas,  de  sainte  Scolasti- 
que  ;  la  littérature  légendaire  créera  les  fêtes  de  saint 
Nicolas,  de  sainte  Barbe,  de  sainte  Catherine,  de 
saint  Eustache,  de  saint  Maurice,  de  sainte  Christine, 
de  saint  Christophe,  de  saint  Alexis...;  l'admiration 
et  la  reconnaissance  littéraires,  celles  de  saint  Jus- 
tin, de  saint  Paulin,  de  saint  Jean  Chrysostome,  de 
saint  Jérôme,  de  saint  Ambroise...  Toutefois,  les 
fêtes  marquées  au  calendrier  ou  dotées  d'un  office 
dansFantiphonaire,  n'étaient  pas,  pour  autant,  toutes 
observées  :  une  grande  liberté  régnait  encore,  chaque 

1.  DuGHESXE,  Origines,  p.  265. 

2.  L.  P.  t.  I,  p.  317.  La  dédicace  était  marquée  au  13  mai. 
Sigebert  de  Gembloux  rapporte  que,  en  835,  Louis  le  Débon- 
naire d'accord  avec  le  pape  Grégoire  IV  fixa  pour  la  France 
et  l'Allemagne  la  fête  de  tous  les  saints  au  l*'  novembre. 
P.  L.  GLX,  159. 


l'office  romain  du  temps  de  ciiarlemagne.      167 

ôglise,  chaque  monastère  suivait  sa  dévotion,  et  le 
sanctoral  était  en  somme  beaucoup  plus  réduit  qu'il 
ne  semblerait  au  premier  regard^. 

De  là  vient  qu'on  n'éprouvait  pas  le  besoin  de  sé- 
rier le  degré  de  solennité  des  fêtes,  sinon  d'une  façon 
très  vague  encore.  Amalaire  distingue  dans  l'usage 
romain  les  fêtes  «  praeclarissimes  »  ^,  et  attribue 
à  ces  fêtes  un  double  office  nocturne.  L'usage  romain 
reconnaissait  donc  des  fêtes  moindres.  Un  petit  nom- 
bre de  fêtes  de  saints  avaient  une  octave  ^. 


1.  De  eccl.  off-  iv,  36  :  «  Non  valemus  omnium  sanctorum 
uatalitia  celebrare.  »  De  ord.  aiilipli.  28  :  «  Multa  officia  sanc- 
lorum  indidi  in  nostro  Antiphonario  ex  romano  quae  non 
liabet  metensis  antiphonarius...  Addidimus  etiam  pauca  quae 
nostra  regio  sola  continet.  » 

2.  De  ord.  anfiph.  59.  Amalaire  donne  ainsi  «  duo  noctur- 
iialia  officia  »  à  la  fête  des  saints  Pierre  et  Paul,  à  la  fête  de 
saint  Laurent,  à  l'Assomption,  à  la  fête  de  saint  André  (ibid. 
00-63).  Hayton,  évêque  de  Bâle  (f  836),  donne  une  liste  des 
fêtes  chômées  :  Noël,  saint  Etienne,  saint  Jean,  saints  Inno- 
cents, Octava  Domini,  Epiphanie,  Purification,  Pâques,  les 
Rogations,  Ascension,  Pentecôte,  saint  Jean-Baptiste,  «  duo- 
decim  apostolorum,  maxime  tamen  sanctorum  Pétri  et  Pauli 
qui  Europam  sua  praedicatione  illuminaverunt  »,  .Vssomption, 
saint  Michel,  «  dedicatio  cuiuscunque  oratorii  seu  cuiusiibet 
sancti  in  cuius  honore  eadem  ecclesia  fundata  est,  quod  vi- 
cinis  tantum  circummorantibus  indicendum  est  )>.  Les  autres 
fêtes  sanctorales,  comme  saint  Rémi  ou  saint  Martin,  «  non 
sunt  cogendae  ad  feriandum,  nec  tamen  prohibendum,  si  plèbes 
lioc  caste  et  zelo  Dei  cupiunt  exercere  ».  Ahython.  Capilulare, 
8  (P.  L.  GXV,  12).  Comparez  le  canon  36  du  concile  de 
Mayence  de  813,  Mansi,  t.  XIV,  p.  73,  et  notamment  ceci  :  «  Et 
ïllas  festivitates  martyrum,  vel  confessorum,  observare  decre- 
vimus,  quorum  in  unaquaque  parochia  sancta  corpora  re- 
quiescunl.  » 

3.  De  eccl.  off.  iv,  36  :  «  Solemus  octavas  natalitiorum  ali- 
quot  sanctorum  celebrare,  eorura  scilicet  quorum  festivitas 


168  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAÏN. 

L'office  sanctoral,  entendez  Toffice  des  fêtes  ma- 
jeures, était  conçu  sur  le  modèle  de  l'office  de  Noël, 
de  l'Epiphanie,  de  l'Ascension  :  un  office  de  neuf 
psaumes,  neuf  leçons,  neuf  réponse  Les  neuf  leçons 
étaient  empruntées  aux  actes  du  saint;  de  même 
le  texte  des  antiennes,  des  répons  et  des  versets. 
Les  neuf  psaumes  n'étaient  point  indéterminés  :  les 
fêtes  d'apôtres,  les  fêtes  de  martyrs,  les  fêtes  de 
confesseurs,  les  fêtes  de  vierges,  avaient  chacune 
les  leurs.  L'office  commun  se  ramenait  à  ces  quatre 
types  :  apôtres,  martyrs,  confesseurs,  vierges.  Cet 
office  commun,  outre  sa  psalmodie  de  neuf  psau- 
mes, comportait  les  antiennes,  les  versets  et  les 
répons  appropriés,  soit  aux  apôtres,  soit  aux  mar- 
tyrs, soit  aux  confesseurs,  soit  aux  vierges  ^.  On 
remarque  que  cet  office  commun  dépend,  pour  une 
bonne  part  tant  de  ses  antiennes  que  de  ses  répons, 
des  offices  propres  :  ainsi  l'office  du  commun  des 
apôtres  de  l'office  de  la  fête  de  saint  Pierre,  l'of- 
fice du  commun  des  vierges  de  l'office  de  sainte 
Agnès.  Les  offices  propres  avaient  servi  de  modèle 
aux  offices  communs,  qui  ne  dataient,  eux,  vrai- 
semblablement que  de  l'époque  de  la  codification  du 
sanctoral.  Les  offices  propres,  écrits  pour  des  fêtes 
locales,  représentaient  chacun  la  tradition  de  basili- 
ques différentes,  .le  ne  dissimule  pas  'que  cette  vue 
est  hypothétique  :  néanmoins,  elle   s'accorde  assez 

apud  nos  clarior  habetur,  vcluli  est  in  octavis  apostoloruni 
Pétri  et  Pauli.  » 

1.  De  ord.  antiph.  15. 

2.  TOMASI,  t.  IV,  p.  150-157. 


l'office  romain  du  temps  de  charlemagne.      169 

bien  avec  quelques  observations  aisées  à  vérifier. 
L'office  des  saints  Pierre  et  Paul  appartenait  à  la 
basilique  de  Saint-Pierre.  Ici  point  de  trace  de  textes 
légendaires  :  les  leçons  sont  empruntées  aux  Actes 
des  apôtres  et  aux  Pères  les  plus  classiques,  saint 
Augustin,  saint  Léon,  saint  Jérôme'.  Les  antien- 
nes et  les  répons  sont  des  centons  scripturaires  :  Si 
diligis  me  Simon  Petre,  —  Domine,  si  tu  es,  iuhe 
me  venire,  — -  Tu  es  Petrus  et  super  hanc  petram, 
—  Beatus  es  Simon  Petre,  etc.,  —  ou  s'inspirent 
de  très  près  de  l'Ecriture  :  Tu  es  pastor  ovium, 
princeps  apostolorum,  tihi  tradidit  omnia  régna 
mundi,  etc.  Au  choix  sévère  du  texte  de  cette  lit- 
térature liturgique,  on  reconnaît  l'école  à  qui  nous 
devons  le  texte  du  responsoral  du  temps.  Il  n'y  a 
qu'un  répons  de  l'office  du  29  juin  qui  ne  soit  point 
biblique,  et  il  est  comme  la  marque  même  de  la 
basilique  vaticane  pour  laquelle  il  a  été  composé  :  le 
répons  Qui  regni  claires,  en  effet,  reproduit  le  texte 
de  linscription  métrique  gravée,  par  le  pape  Sim- 
plicius  (468-483),  au-dessus  de  l'entrée  de  la  basi- 
lique '^. 

Qui  regni  claves  et  curam  tradit  ovilis, 
qui  caeli  terraeque  Petro  commisit  habenas, 
ut  resevet  clausis,  ut  solvat  vincla  ligatis, 
Simplicio  nunc  ipse  dédit  sacra  iura  tenere, 
praesale  quo  cultus  venerandae  cresceret  aulae. 


1.  ToMASi,  t.  IV,  p.  319-320,  cite  les  le(,^ons  données  à  ces 
deux  fêtes  par  l'homiliaire  ms.  Vatican,  lat.  3835  (ix^  siècle). 
Ehrensberger,  p.  148.  Voyez  plus  haut,  p.  125. 

2.  De  Rossi,  Inscriptiones,  t.  II,  p.  55. 


170  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Ce  même  répons  Qui  regni  claçes  a  pour  verset  un 
distique  :  / 

Solve  iuhente  Deo  terrarum,  Pelre,  catenas, 
qui  facis  ut  pateant  caelcstia  régna  beatis, 

qui  se  lisait  au  vu*"  siècle  dans  la  basilique  de  Saint- 
Pierre  «  in  icona  sancti  Pétri  »  ^ . 

L'office  des  saints  apôtres  Pierre  et  Paul  est  avec 
l'office  de  saint  Jean-Baptiste  un  des  rares  offices 
sanctoraux  fidèles  à  la  tradition  de  l'office  du  temps. 
Les  autres  offices  propres  sacrifient  au  goût  de  la 
légende  et  de  la  littérature  légendaire.  Les  antiennes 
et  les  répons  de  l'office  de  saint  André  sont  emprun- 
tés aux  Acta  Andreae  apocryphes.  Les  actes  de  saint 
Laurent  ont  fourni  le  texte  des  antiennes  et  des  répons 
de  son  office.  De  même,  pour  sainte  Cécile,  pour  saint 
Sébastien,  pour  sainte  Agnès,  pour  saints  Jean  et 
Paul,  et  bien  d'autres.  Or,  on  se  le  rappelle,  VOrdo 
romanus  de  la  Vallicellanc  nous  a  appris  que  les  pas- 
sions et  gestes  des  saints  ne  se  lisaient  à  Rome  que 
dans  l'église  du  saint,  et  qu'il  en  fut  ainsi  jusqu'au 
pape  Hadrien  (772-795),  qui  les  fit  lire  à  Saint-Pierre. 
On  peut  donc  supposer  que  les  antiennes  et  les  répons 
pris  à  ces  textes  hagiographiques  étaient  propres, 
jusque-là  et  respectivement,  aux  diverses  basiliques. 

Les  mauvais  textes  n'eussent  pas  manqué  à  des 
fêtes  comme  celles  de  la  Vierge  :  elles  nous  ont  valu 

1.  De  Rossi,  ihid.  p.  254,  Dom  Moiiix  (d'après  W.  Lovison) 
montre  que  l'antienne  de  la  croix,  0  magnum  pietatis  opus, 
est  un  distique  pris  à  une  inscription  de  l'oratoire  de  la  croix 
au  baptistère  de  Saint-Pierre.  Revue  bénédictine,  1910,  p.  401. 


171 

au  contraire  les  plus  purs,  les  plus  gracieux  répons 
du  responsoral  : 

Vidi  speciosam  sicut  columbam  ascendentem  super 
rivos  aquarum,  cuius  inaestimabilis  odor  erat  magnus 
in  vestimentis  eius,  et  sicut  dies  verni  circumdabant 
eam  flores  rosarum  et  lilia  convallium.  Quae  est  ista 
quae  ascendit  per  desertum  sicut  virgula  fumi  ex  aro- 
matibus  myrrhae  et  thuris?  Et  sicut  dies  verni... 

Ou  d'autres,  inspirés  de  plus  loin  par  l'Écriture,  et 
pénétrés  d'une  piété  théologique  et  tendre  : 

Pulchra  facie,  sed  pulchrior  fide,  beata  es  virgo 
Maria  :  respuens  mundum  laetaberis  cum  angelis,  inter- 
cède pro  omnibus  nobis.  Sancta  et  immaculata  virgi- 
nitas,  quibus  te  laudibus  referam  nescio.  Intercède... 

Le  beau  répons  : 

Gaude,  Maria  Virgo  !  cunctas  haereses  sola  intere- 
misti,  qui  Gabrieb's  archangeli  dictis  credidisli,  dum 
virgo  Deum  et  hominem  genuisti,  et  post  partum  virgo 
inviolata  permansisti.  —  Gabrielem  archangelum  cre- 
dimus  divinitus  te  esse  afl'atum,  uterura  tuum  de  Spiritu 
sancto  credimus  impraegnatum.  Erubescat  ludaeus 
infelix,  qui  dicit  Ghristum  ex  loseph  semine  esse 
natum  ! 

imposé,  dit-on,  par  un  chantre  aveugle-né,  avait  été 
exécuté  pour  la  première  fois  au  Panthéon,  sous  Bo- 
niface  IV  (608-615)  ^ 

On  ne  s'étendra  pas  davantage  sur  le  sanctoral  ro- 
main de  la  fm  du  viii®  siècle.  Mais  ce  qui  vient  d'en 

1.  ToMASi,  t.  IV,  p.  212,  renvoie  à  Floravante  Martinelli, 
Roma  ex  ethnica  sacra  (Rome  1653). 


172  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

être  dit  suffit  à  montrer  comment,  l'office  sanctoral, 
accession  tardive  à  l'office  canonique  des  basiliques, 
n'avait  pu  s'y  faire  sa  place  qu'en  restreignant  ce  vieil 
office. 

Cependant  l'office  romain,  dans  cet  ensemble  que 
nous  venons  de  décrire,  était  arrivé  à  un  état  de  per- 
fection qui  ne  devait  être  ni  dépassé  ni  maintenu,  mais 
qui  méritait  incontestablement  l'exceptionnelle  fortune 
que  lui  fît  l'admiration  des  Églises  anglo-saxonne, 
franque  et  germanique.  Œuvre  anonyme  lentement 
faite,  œuvre  singulière  où  vivait  l'âme  de  Rome! 
Rome,  en  effet,  y  avait  mis  le  meilleur  de  sa  littéra- 
ture et  de  son  histoire  :  son  psautier,  sa  bible,  ses 
pères,  ses  martyrs.  Elle  y  avait  mis  la  marque  de  sa 
piété  directe  et  simple,  plus  historique  que  subtile; 
de  son  esthétique  restée  sensible  aux  compositions 
sobres,  larges  et  harmonieuses;  de  sa  langue  brève, 
claire,  concrète,  biblique  de  lexique,  rythmique  de 
nombre.  Elle  y  avait  mis  enfin  et  surtout  sa  cantilène, 
—  ce  plain-chant  grégorien  que  la  renaissance  a  dé- 
daigné, que  le  xvii®  siècle  (dans  la  tradition  duquel 
nous  vivons  encore)  n'a  plus  compris,  mais  qu'il 
suffit  d'avoir  entendu  exécuter  dans  sa  notation  vraie 
par  les  moines  de  Saint-Anselme  au  mont  Aventin 
pour  y  retrouver,  avec  en  plus  le  charme  délicat  de 
l'archaïsme,  quelque  chose  des  élégances  et  des  émo- 
tions qui  ravissaient  les  pèlerins  de  Saint-Pierre. 


L  OFFICE    ROMAIN    DU    TEMPS    DE    CHAIILEMAGNE.        l/Ô 

EXCURSUS  A. 
Anonyme  de  Gerbert  {Extraits). 

Saint-Gall,  Stiltsbibliothek,  ms.  n"  3i9  :  120  fol.  (paginés).  ix«  siècle. 

Kol.  49-118  :  fragments  anonymes  publiés  ])ar  Gerbert,  Monumenta 
i^eteris  liturgiae  alemannicae  (Sant-Blasien  1779)  :  fol.  49,  Cantatur 
autem  omnis  scriptura...,  ap.  Gerbert,  t.  II,  p.  181  ;  -  fol.  50,  Inci- 
piunt  capitula  de  libris  novi  ac  veteri  testamenli  plenitudi  nem..., 
ap.  Gerbert,  ibid.;  —  fol.  54,  Incipit  instructio  ecclesiastici  ordinis 
qualiler  in  coenobiis...,  ap.  Gerbert,  p.  175-177;  —  fol.  67,  Incipit 
capilulare  ecclesiastici  ordinis  qualiter  sancta  atque  apostolica..., 
et  immédiatement  après,  fol.  100,  ttem  de  curso  divino...,  ap.  Ger- 
lîERT,  p.  168-173;  —  fol.  404,  Item,  incipit  de  convivio  sive  prandio 
atque  coenis  monachorum  qualiter  in  monasteriis...,  ap.  Gerbert, 
p.  183-185. 

Voy.  G.  SciiERRER,  Verzeichniss  der  Hss.  der  Stlflsbibliothek  von 
st.  Gallen,  p.  122.  Le  texte  des  extraits  que  nous  donnons  ci-après  a 
(té  collationné  pour  nous  sur  le  ms.  par  M.  Fâli,  conservateur  de  la 
bibliothèque  de  Saint-Gall. 

I 

Cantatur  autem  omnis  scriptura  sancti  canonis  ab  initio  anni 
usque  ad  finem,  et  sic  ordo  est  canonis  decantandi  in  ecclesia 
sancti  Pétri.  Quinque  libri  Moyse  cum  lesu  Nave  et  ludicuni  in  tem- 
pore  veris.  Septeni  diebus  anie  initium  quadragesimae  usque  ad 
octavam  diem  ante  pasclia  liber  Isaiae  proplietae,  unde  ad  passio- 
nem  Gliristi  convenit.  Et  lamentationes  leremiae.  In  diebus  a  pasclia 
epistolae  apostolorum  et  actus  atque  apocalypsin  usque  pentecosten. 
In  tempore  aestus  libri  Reguni  et  Paralipomenon  usque  ad  médium 
autunini,  hoc  est  usque  quinto  decimo  kalendas  novembris.  Deinde 
libri  Salomonis,  Mulierum  atque  Machabaeorum,  et  liber  Tobi  usque 
ad  calendas  decembris.  Ante  autem  natale  domini  nostri  Ihesu  Christi 
Isaias  leremias  et  Daniel  usque  ad  epiphauiam.  Postea  Ezechiel  et 
prophetae  minores  atque  lob  usque  in  idus  februarias.  Psalmi  omni 
tempore,  euangelia  et  apostoli  similiter,  tractatus  prout  ordo  poscit, 
passiones  martyrum  et  vilae  patruni  cathoiicorum  leguntur. 

IV 

Item  de  cursu  diurno  vel  nocturno  qualiter  lieras  canonicas  nun 
liantur  in  sancta  sedis  romanae  ecclesiae  sive  in  monasteriis  con- 
stitutis. 

[1.]  In  priniis  prima  sic  temperantur  ut  sic  canatur  quando  ora 
prima  diei  fuerit  expleta  si  tamen  necesse  fuerit  aliquam  operam 
cum  festinatione  facere,  sin  autem  quomodo  ora  diei  secunda  ex- 
pleta fuerit.  Sic  cantatur  apud  eos  prima,  hoc  est  primitus  dicit  prior 


174  HISTOIRE    DU    BHÉVIAIRE    ROMAIN. 

DELS  IN  ADiLTORUM  MEiM  iNTENDK,  et  indc  caetcri  quod  sequilur.  Ista 
prima  ibi  cantatur  uhi  dormiunt  et  ibidem  pro  invicem  capltulo 
dicto  orant.  Statim  ibi  sedeunt  et  prior  cum  ipsis  et  ibi  legunt  regu- 
lam  sancti  Benedicti,  et  a  priore  vel  cui  ipse  iusserit  per  singulos 
sermones  exponitur,  ita  ut  omnes  intelligant  ut  riullus  Irater  se  de 
ignorantiam  regulae  excusare  possit.  Inde  accepta  benedictione 
vadunl  sive  ad  ciandum  vel  vestiendutn  alque  lavandum,  et  abent 
spatium  ad  lioc  facienduni  usquc  ad  oram  terciam.  Si  est  consuetudo 
apud  ipsos  ut  ille  arctiiclavus  qui  claves  ecclesiae  sive  misteriuni 
sacrum  sul)  cura  sua  habet,  ipse  cuslodit  et  oras  canonicas  ad  cnr 
sum  celebrandum  quando  signum  pulsare  debeat  ut  reddantur.  El 
neque  ad  tertiam  nec  ad  sexta  neque  ad  nonam  vel  ad  vesperam 
nec  ad  complelorio  neque  ad  matutinis  non  dicit  prior  quando  inci- 
pit  apud  illos  domine  labi.v  mea  apeuies,  ni  tantum  ad  nocturnas. 

[2.]  Completorio  autem  tempore  aestatis  quomodo  sol  occumbit 
colliguntur  ad  collecta.  Tangit  autem  fratcr  cui  est  cura  iniuncla 
cyrabalum  aut  tabula,  et  colliguntur  fralres  in  unum  locum  et  i)rior 
ipsorum  cum  ipsis  sedens.  Et  omne  sive  eslate  sive  hibernum  tem- 
pore semper  leccionem  ad  collectam  leguntur,  et  ibi  Iructum  quod 
eis  Deus  dederit  manducantur  et  bibent.  Postea  pulsato  signo  canun- 
tur  completorio  ubi  dormiunt  in  dormitorio,  et  extrême  versu  dicun- 
tur  antequam  dormiant,  hoc  est  pone  domine  custodiam  ori  meo,  et 
tune  vadunt  cum  silentio  pausare  in  lectula  sua. 

[3.]  Pansant  autem  usque  nocte  média  si  solemnitas  praecipua  non 
l'uerit,  si  vero  dominica  vel  alla  grandis  solemnitas  evenerit  tempo- 
rius  surgunt.  Et  habent  positum  ubi  dormiunt  tintiuabulum  talem 
qui  ad  excitandum  eos  pulsatur,  et  postea  modico  intervalle  l'acto 
surgunt  fratres.  Cui  autem  opus  exire  ad  necessaria  seu  urina  dige- 
rendum,  et  ad  introitum  ecclesiae  habeant  vasculum  positum  cum 
aqua  ubi  lavent  manus  suas  vel  faciès  et  tergant  linteo  iuxla  posito. 
Et  iterum  cum  pulsatum  fuerit  aliud  signum  ad  psallendum  parati 
ingrediuntur  monaci,  et  prior  statim  dicit  prolixe  domine  i.abia  mea 
APERiEs  sub  GLORIA  PATRi  Icule  decaulautes  et  in  fine  alléluia  conclu- 
dentes.  Cantat  statim  cui  iussum  fuerit  invitatorio,  quod  est  veniti: 
ExuLTEMus  DOMINO,  cum  antiphoua  ceteris  respondentibus.  Et  omni 
officie  suo  quod  supra  scriptum  est  complebuntur.  Nocturnis  autem 
finitis  si  lux  statim  non  supervenerit  faciunt  modicum  intervallum 
ut  superius  dictum  est  propter  nécessitâtes  fratrum,  et  iterum  ingre- 
diuntur ad  matutinis  laudibus  explendas. 

[4.]  Si  autem  cottidianis  dies  fuerint  tempoie  hyberni,  post  noctur- 
nis finitis  iterum  pansantes  usquequo  lux  apparere  incipiat,  et  sic 
ingrediuntur  ad  celebrandum  matulinorum  laudibus.  Sic  autem  est 
semper  solicitus  ille  frater  cui  cura  commissa  est  ut  semper  signum 
competenti  ora  insonare  debeat.  Si  autem  exinde  aliqua  negligentia 
ut  adsolet  fragililate  huraana  ei  evenerit  ut  ante  oram  aut  post  oraia 
pulsaverit,  poenitentia  ei  exinde  indicit  prior  suus.  Et  propterea  vel 
revcrentia  Dei  hoc  semper  inetitatur  et  in  his  sit  solicitus  ut  omnia 
semper  oneste  vel  eompetenter  et  secundum  ordinem  explicantur, 
et  Deus  semper  in  omnibus  magnifiée  laudetur. 


l'office   romain  du  temps  de  charlemagne.      175 


Item  incipit  de  convivio  sive  prandio  atque  coenis  monachorum 
qualiter  in  monasteria  romanae  ecclesiae  coostitutis  est  consuetudo. 

[1.]  Quando  autetn  ad  prandium  accedunt  dicit  prior  oralionem 
cum  fratribus,  lioc  est  oculi  omnium  totam  cum  gloria  patri  subsé- 
quente prolixe  dicuntur  et  poslea  in  fine  alléluia  canuntur.  Et  dicit 
sacerdos  orationem  talem  vocem  ut  cuncti  audiantur  et  respondeant 

AMEN  HOC   BENEDICANTCR  NOBIS    DOMINE   DONA  TUA,  VCi    aliaS    SUnt  plurimaS 

quae  ad  liunc  cibum  sunt  deputatas.  Etsedeunt  postea  omnes  in  loco 
suo.  Habent  auteni  prope  mensa  abbatis  catiiedra  taie  ex  alto  stabi- 
lita  cum  analogio  ubi  librum  ponitur,  et  sedeunt  cum  legunt.  Et 
slatim  cum  primum  cibum  ponunt  ministri  et  signum  insonuerit  ut 
signetur  a  comedendum,  respondent  omnes  deo  gratias,  priore  si- 
gnante aut  presbytère  vel  cui  iusserit,  tali  voce  signatur  ut  univers! 
audiaut  et  respondent  amen.  In  ipso  inicio  comedentium  est  prae- 
paralus  lector  qui  statim  petit  benedictionem  dicit  iuiîe  domne  bene- 
diceue,  senior  aulem  dicit  salvet  nos  dominus,  ei  respondent  omnes 
AMEN,  et  ingreditur  ad  legendum  et  legit  quamdiu  illum  cilmm  man- 
ducaiit.  Et  postea  si  longo  prandio  habuerint  ut  diucius  sedeant  vel 
si  alium  ministrationem  ministrentur,  tangit  prior  mensa  ut  sileat 
ipse  lector  modicum.  Et  si  fuerint  pisces  vel  etiam  si  volatilia  man- 
(lucant,  cum  minislratur  et  insonuerit  signum  ut  benedicatur,  re- 
spondent omnes  deo  grattas,  et  benedicit  prior  aut  cui  iusserit  dicente 

CKEATURAM     SUAM     CREATOR     OMNIUM     DOMINUS     RENEDICAT,    et     rCSpOndeUt 

omnes  amen  et  manducantur.  Si  item  alius  cibus  fuerit  dicit  oratio- 
nem, hoc  est  PRECIBUS  SANCTAE  DEIGEN1TR1CIS  MARIAE  ET  NOS  ET  DONA  SUA 
CHRISTUS    FILIUS  DEI  BENEDICAT,  respondCUt  OmUCS  AMEN. 

[2.]  Et  ad  aliam  miuistrationem  iteruni  legit  lector  tamdiu  quousque 
praecipiat  ei  abba  ut  finiatur,  aut  si  ille  congruam  finem  invenerit,  si 
benedictio  sonaverit,  in  extrême  sermone  repetit  ipsum  iterum  secun- 
dum  vicem  prolixe,  et  respondent  omnes  ueo  gratias,  et  descendit.  Si 
aulem  longa  fuerit  lectio  et  vel  benc  finierit  sernionem,  repelit  ipsum 
et  postea  dicit  tu  autem  domine  domine  miserere  nobis,  et  respondent 
omnes  amen.  Sic  et  ad  nocturnis  vel  ad  collecta  vel  ubi  praeceptum 
legerint  divinum  ista  est  consuetudo  ut  semper  quando  incipit  légère 
petita  benedictione  dicit  iube  domne  benediceue.  Quando  fiuierit  lector 
lectionem  deo  (;ratias  respondent,  et  descendente  eo  vadit  ante  men- 
sam  abbatis  et  dat  ei  benedictionem  unde  manducat  et  bibit.  Surgen- 
tibus  autem  fratribus  dicent  lente  confiteantur  tibi  domine  adiungentes 
(iLORiA  patri  et  ad  finem  alléluia  canentes.  Et  si  maiorem  refectionem 
habuerint  ut  eis  exinde  superfuent,  dicit  prior  vel  cui  cura  commissa 
est  orationem  fragmenta  quae  superakunt  servis  suis  curistus  filius  dei 

MULTIPLEXIT    et  BENEDICAT  ET  ABUNDAUE  FACIAT  QDI   EST  BENEDICTUS  SAECULA 

SAECULORUM.  Et  rcspondeutibus  omnibus  amen  vadunt  in  oratorio  ad 
orationem  Dominium  gratias  agentes,  et  ibi  dicent  post  finitam  oratio- 
nem DisPERsiT  DEDIT  complclo  offlcio  cibi. 

[3].  Item  ad  sera  coenantibus  cum  ingressi  fuerint  ubi  reflciantur 
dicant  subtrahendo  moras  orationem  edent  pauperes  adiungentes  gloria 


170  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

PATUi  et  in  fine  canentes  alléluia,  et  dicit  senior  oratioiiem,  sic  tamen 
ut  cuncti  audiant  et  respondeant  ami:\,  hoc  est  tua  nos  domiî^e,  vel 
alias  sunt  multas  secundum  tempus.  Sedentes  autem  in  sedilia  sua 
faciunt  similiter  slcut  et  in  prandio  in  die.  Et  si  contigerit  ut  nox  per- 
veniet  coenantibus  et  lumen  necesse  sit  accendere,  iile  autem  frater 
qui  lumen  adportat  statim  cum  ingreditur  in  domo  prope  seniores  di- 
cit tali  voce  ut  omnes  audiant  lumen  ciiristi,  et  dicunt  omnes  deo  gra- 
TiAs,  et  iterum  ipse  incurvatus  dicit  iube  domne  benedicere,  senior 
autem  dicit  in  nomine  domiisi  sit,  et  respondent  amen,  et  sic  ponit  lu- 
men in  locum  suum  ut  luceat  omnibus  in  domo.  Et  si  miscere  iussum 
iueritfratribus  ut  bibant,  vadit  minister  ad  ministerium  et  tangit  di- 
gito  suo  calicem,  et  respondent  omnes  deo  gratias,  signât  et  respon- 
dent omnes  amen,  et  sic  bibent  cum  benedictione.  Et  si  fructum  Do- 
niinus  dederit  dicit  senior  ita  orationem  fructls  suos  dominus  omnipotens 
BENEDiCAT,  et  respoudeut  omnes  amen,  sic  fît  de  omnia  administralio- 
nem.  Cum  autem  refectio  expleta  fuerit,  lacto  signo  ut  surgant,  ille 
frater  qui  in  quoquina  septimanam  facit  quando  fratres  reficiunt  sem- 
per  cum  aliis  ministris  ad  mensain  seniorum  sive  fratrum  administrât, 
cum  autem  surgunt  a  mensa  ille  frater  curvat  se  contra  oriente  super 
genua  sua  et  rogat  pro  se  orare  dicens  domni  orate  pro  me,  et  dicit 
senior  salvet  nos  dominus,  ille  frater  surgens  dicit  prolixa  voce  deo 
GRATiAs,  statim  omnes  fratres  incipiunt  canere  semper  tibi  domine  ora- 
TiAS,  ita  finitum  dicit  prior  cum  fratribus  miserator  et  misericors  domi- 
nus prolixe  cum  gloria,  adiungentes  et  in  finem  alléluia  sive  qui  dat 

ESCAM    OMNI    GARNI    C0NF1TEMINI   DOMINO    COELI    QUONLVM    BONUS    QUONIAM    IN 

saeculum  misericordia  eius,  et  dicit  sacerdos  orationem  hoc  est  satiastf 
NOS  DOMINE,  linita  respondent  omnes  amen,  et  sic  vadunt  ad  orationem 
et  orant  sicut  supra  scriplum  est. 

[4.]  Ille  autem  septimanarius  qui  ingreditur  quoquinam  in  die  do- 
minica  ingreditur  vel  egreditur  iuxta  id  quod  in  régula  sancti  Bene- 
dicti  continelur  scriptum.  Matutinis  finitis  statim  in  oratorio  qui 
egreditur  postulat  pro  se  orare  dicens  domni  orate  pro  me,  orantes  au- 
tem dicit  senior  salvum  fac  servum  tuum,  ille  vero  subsequens  dicit 
cum  omnibus  fratribus  benedictus  es  domine  deus,  hoc  usque  tercio 
repetens  accepta  benedictione  egreditur.  Statim  dicit  qui  ingreditur 
DELS  in  adiutorium  meum  INTENDE,  et  ista  oratione  tertia  cum  omnibus 
repetitur,  et  sic  accepta  benedictione  intrat  ad  serviendum  fratribus 
suis.  Sic  et  in  ecclesia  beati  Pétri  apostoli  presbyter  septimanam  facit, 
vel  mansionarii  qui  lumen  vel  ornatura  ipsius  ccclesiae  custodiunt, 
die  sabbati  ora  tercia  consignant  officia  sua  ad  parcs  suos,  et  sic  dc- 
scendunt  et  vadunt  in  domos  suas,  et  illi  alii  cum  presbytère  vel  pares 
suos  usque  ad  alio  sabbato  serviunt  et  faciunt  similiter,  et  sic  in  om- 
nibus officiis  honesle  vel  ordinabiliter  Deo  conservantur. 

[5.]  Et  si  fortasse  ista  quae  de  multis  pauca  conscripsimus  alicui 
displicuerit,  non  sit  piger  sed  habeat  prudentiam,  sic  habent  alii  sa- 
cerdotes  vel  patres  seu  et  monachi  devoti  qui  recto  ordine  vivere  atque 
custodire  cum  divina  auctoritate  desiderant,  quomodo  illi  vadunt. 
istam  sanctam  doctrinam  ad  suam  utilitatem  vel  suos  seu  et  multorum 
aedificationem  cum  magno  labore  ipsam  défèrent,  ut  hic  postmodum 


l'office  romain  du  temps  de  chaulemagne.      177 

vel  in  futurum  perpetualiter  gaudeant  atque  letentur  in  conspeclu 
Dei  et  angelorum  vei  omnium  sanctorum  eius.  Vadat  sibi  ipsa  lloma, 
aut  si  pigetniisso  suo  fideli  in  loco  suo  trasniittatet  inquirat  diligenter 
si  est  ita  aut  non  est  quod  de  pluribus  parum  conscripsimus,  aut  si 
non  ita  ibidem  celebratur.  Vel  si  bene  cum  sancta  intentione  vel  de- 
volione  inquisierat,  et  adliuc  in  centupluui  melias  unde  in  opère  Dei 
proficiat  invenerit,  tune  postmodum  fortasse  isla  audiat  despicere  vel 
(lerogare  vel  etiaai  tantos  et  taies  sanctos  |)atres  contra  se  adversare 
praesuniat  qui  istam  sanctam  normam  instituerunt. 

[G.j  id  est  primus  beatus  Damasus  papa  adiuvanle  sancto  Hieronymo 
presbytero  vel  ordinem  ecclesiaslicum  descriptum  de  Hierosolyma 
permissu  sancti  ipsius  Damasi  transmitlentem  instituit  et  ordinavit. 
Post  luinc  beatissimus  Léo  papa  annalem  cantum  omnem  instituit, 
atque  opuscula  in  canonica  instilutione  luculentissima  edidit,  quam 
si  (juis  ea  usque  ad  unum  iota  nnnreceperit  vel  veneraverit  anatliema 
sit.  Deinde  beatus  Gelasius  papa  similiter  omnem  annalem  caalum  seu 
et  decretalia  canonuni  honeste  atque  diligenlissime  l'acte  in  sede  beati 
Pétri  apostoli  conventu  sacerdotum  plurimorum  conscripsit.  Post 
hune  Siniachus  papa  similiter  et  ipse  annalem  suum  cantum  edidit. 
Iterum  posl  liunc  loliannes  papa  similiter  et  ipse  annum  ciiculi  can- 
lum  vel  omni  ordine  conscripsit.  Post  liunc  Bonil'acius  papa,  qui  in- 
spirante sancto  spiritu  et  regulam  conscripsit  et  cantiiena  anni  circuli 
ordinavit.  Post  lios  quoque  beatus  Gregorius  papa  qui  afllatu  sancto 
spiritu  magnam  atque  altissimam  gratiam  ei  Dominus  contulit  ut 
super  librum  beati  lob  moralia  tibica  invesligatione  tripliciter  atque 
septil'ormem  expositlonem  lucidaret,  super  Ezecliiel  quoque  propheta 
|)rima  parte  seu  et  extrema  luculentissima  expositione  declaravit,  quid 
super  euangelia  quadraginta  humiliarum  expositione  fecerit  notum 
est  omnibus  cliristianis  quam  pulchre  explanarit,  (|uid  inde  aliquo- 
rum  libris  opérante  sancto  Spiritu  digcssit  vel  aliarum  multarum 
sanctarum  scripturarum  interpretatus  est  christianis  in  mundo  tegen- 
tibus  patefactum  est,  et  cantum  anni  circuli  nobile  edidit.  Post  hune 
Martinus  papa  similiter  et  ipse  anni  circuli  cantum  edidit.  Post  isios 
(îuoque  Catalenus  abbas  ibi  deserviens  ad  sei)u!crum  sancti  Pelri  et 
ipse  quidem  annum  circuli  cantum  diligenlissime  edidit.  Post  hune 
quoque  Maurianus  abba  ipsius  sancti  Pelri  apostoli  servions  annalem 
suum  cantum  et  ipse  nobile  ordinavit.  Post  hune  vero  dominus  Vir- 
bonus  abba  et  omnem  cantum  anni  circuli  magnifiée  ordinavit. 

[7.]  Si  quis  postquam  ista  cognoverit  custodire  velcelebrare  in  quan- 
tum Deo  iubente  voluerit  neglexerit,  aut  si  melius  aliunde  scire  vel 
accepisse  exemplum  fortasse  iaclaverit,  dubium  non  est  quod  ipse 
sibi  lallit  et  in  caligine  erroris  semetipsum  infeliciter  demergit,  qui 
tantos  et  taies  patres  sanctos  auctores  ausus  sit  despicere  vel  dero- 
gare.  Nescio  qua  (ronte  vel  temerilate  praesumptuoso  spiritu  ausi  sunt 
beatum  Hilarium  atque  Martinum  sive  Germano  vel  Ambrosio  seu  plu- 
res  sanctos  Dei.  quos  scimus  de  sancto  sede  romana  a  beato  Petro 
apostolum  successoribus  suis  directes  in  terra  ista  occidentali  et  vir- 
tutibus  atque  miraculis  coruscare,  qui  in  nullo  a  sancta  sede  romana... 
deviarint...  [J'abrège  toute  cette  fin.]  Cum  istos  praeciaros  confessores 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  12 


178  HISTOIRE    DU    RRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Christi  quos  superius  nominavimus  sciamus  fréquenter  eos  Romam 
ambulasse,  et  apud  beatos  papatus  vel  cliristianis  imperatoribus  col- 
loquium  habuisse,  vel  si  qui  a  sancta  romana  sede  deviabant  saepe 
recorrexisse  apud  nos  manifestum  est...  Oportet  eos  diligenter  in- 
quirere  et  imitare  atque  custodire  sicut  et  sancta  romana  ecclesia  cu- 
stodit  ut  teneant  et  ipsi  unitatem  catholicae  fidei.  Amen. 


CHAPITRE  IV 

l'office    iMODERNE 
ET    LES    BRÉVIAIRES    DE    LA    COUR    ROMAINE. 

On  lit  dans  une  bulle  du  7  juin  1241,  adressée  par  le 
pape  Grégoire  IX  aux  Frères  Mineurs  :  «  Nous  vous 
autorisons  à  vous  contenter  d'observer  Vofflce  mo- 
derne; vous  l'avez  dans  vos  bréviaires  y  corrigé  soi- 
gneusement par  nous,  et  conforme  à  l'usage  de  l'E- 
glise romaine  ^  »  Ces  quelques  mots  pourraient  servir 
d'épigraphe  au  présent  chapitre,  car  tout  entier  il  va 
consister  à  rechercher  quel  était  l'usage  de  l'Eglise 
romaine  jusqu'au  xiii^  siècle;  ce  qu'était  cet  office 
non  romain  que  le  pape  appelait  du  nom  d'office  mo- 
derne; enfin  ce  qu'il  faut  entendre  par  «  bréviaire  » 
de  cet  office  moderne. 


1.  PoTTHAST,  11028  :  «  Vestrae  itaque  precibus  devolioiiis 
inducti,  ut  observantia  moderni  officii,  quod  in  breviariis  ve- 
stris  exacla  diligentia  correctum  a  nobis  ex  statuto  regulae 
vestrae  iuxta  Ecclesiae  romanae  morem  —  excepto  psalterio 
—  celebrare  debetis,  sitis  contenti  perpetuo...,  Tobis  auctori- 
tate  praesenlium  indulgemus,  »  Les  mots  «  excepto  psalterio  » 
signifient  que  les  Mineurs  sont  autorisés  à  user  du  psautier 
gallican,  tandis  que  ,  à  Rome,  on  se  sert  encore  du  psautier 
dit  romain. 


180  HISTOIRE    DU    BIlÉVIAIRE    ROMAIN. 


I 


L'office  romain,  celui  que  nous  venons  de  décrire, 
tel  qu'il  nous  est  apparu  codifié  au  temps  de  Charle- 
magne,  était  encore  en  vigueur  à  Rome  dans  l'usage 
des  principales  basiliques  à  la  fin  du  xii^  siècle. 

Nous  possédons,  en  effet,  un  livre  d'offices  de  la 
basilique  de  Saint-Pierre,  l'antiphonairc  publié  par 
le  cardinal  Tomasi.  Ce  monument  si  important  de 
la  liturgie  basilicale  romaine  est  du  xii^  siècle.  On 
a  suffisamment  indiqué  au  chapitre  précédent  la  con- 
formité de  son  texte  et  de  ses  rubriques  avec  les 
renseignements  fournis  par  Amalaire,  pour  pouvoir 
dire  qu'il  est  une  première  preuve  que  l'office  romain 
du  xii^  siècle  était  substantiellement  conforme  à  l'of- 
fice romain  tel  qu' Amalaire  nous  l'a  présentée 

Une  lettre  célèbre  d'Abélard,  lettre  remontant  à 
1140  environ,  atteste  que  la  basilique  de  Saint- 
Pierre  n'était  pas  seule  à  pratiquer  l'ancien  office, 
puisque ,  au  dire  d'Abélard ,  tel  était  également  le 
cas  de  la  basilique  du  Latran  :  «  Ecclesia  latera- 


1.  Le  cardinal  Tomasi  l'avait  observé  déjà  {Opéra,  t.  IV. 
p.  xxxii)  :  «  ...  illa  propemodum  omnia,  ooquc  fero  ordinc 
digesla  in  eo  reperiuntur,  quae  de  roniano  antiphonario  Iradi- 
dit  Amalarius,  unde  cuique  constare  potes t  nostri  antiphona- 
rii  ritus  saeculo  xii  Romae  usurpatos  ab  illis  non  distaro. 
qui  in  moribus  Romanorum  erant  saeculo  ix.  »  Le  cardinal 
Tomasi  (pas  plus  que  moi)  ne  voulait  pas  dire  que  l'offlce 
que  représente  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre  est  un  office 
qui  n'a  varié  en  rien  depuis  le  viir  siècle,  mais  ces  varia- 
tions sont  de  détail,  les  grandes  lignes  sont  restées  immobiles. 


l'office  moderne.  181 

nensis,  quae  mate?'  est  omnium,  antiquum  officium 
tenet  ».  Sans  doute,  et  nous  nous  empressons  de 
l'ajouter,  Abélard,  dans  ce  texte  même,  assure  que 
la  basilique  du  Latran  est  seule  à  Rome  à  observer 
l'ancien  office  ;  il  assure  qu'aucune  des  filles  de  cette 
mère  de  toutes  les  églises  ne  suit  son  exemple,  et 
pas  même  la  «  romani  palatii  basilica  )■>,  entendant 
par  là  la  chapelle  intérieure  du  palais  de  Latran.  Et 
en  cela  Abélard  est  contredit  par  la  teneur  de  l'anti- 
phonaire  de  Saint- Pierre,  qui  atteste  que  la  basi- 
lique du  Vatican  était  fidèle  comme  la  basilique  du 
Latran  au  vieil  office.  Il  reste  du  moins  que,  à  Saint- 
Jean  de  Latran,  c'était  bien  encore  V antiquum  of- 
ficium qu'on  observait  ^ . 

Une  autre  preuve  est  fournie  par  les  Ordines  ro- 
mani du  XII®  siècle,  lesquels,  en  décrivant  le  cérémo- 
nial pontifical,  décrivent  en  diverses  occasions  l'office 
tant  des  vêpres  que  des  nocturnes  et  des  laudes  so- 
lennelles, au  même  titre  que  la  messe  elle-même.  Or, 
leur  description  s'applique  à  un  ordo  de  l'ofTice  qui 
est  substantiellement  Vordo  du  viii^  siècle.  Nous  en 
avons  pour  témoins  deux  Ordines  romani^  bien  con- 
nus, du  xii*"  siècle^.  L'un,  celui  du  chanoine  Benoît, 
chanoine  de  la  basilique    de  Saint- Pierre   et  «  ro- 

1.  Abaelard.  Epistiil.  X  :  «  Antiquam  certe  romanae  Sedis 
consuetudinem  nec  ipsa  civitas  [=  Rome]  tenet,  sed  sola 
ecclesia  lateranensis,  quae  mater  est  omnium,  antiquum  tenet 
ofticium,  nulla  filiarum  suarum  in  hoc  eam  sequente,  nec  ipsa 
etiam  romani  palatii  basilica.  »  P.  L.  GLXXVIII,  340. 

2.  Mabillon,  Musaeum  italicum,  t.  II,  p.  118  et  suiv.  VOrdo 
du  chanoine  Benoît  est  reproduit  dans  P.  L.  GLXXIX,  731- 
762. 


182  HISTOIRE     DIT    BREVIAIRE    ROMAIN. 

manae  Ecclesiae  cantor  »  :  il  a  été  écrit  un  peu 
avant  1143  :  c'est  VOrdo  romanus  Xï  de  Mabillon. 
L'autre,  VOrdo  romanus  XII  de  Mabillon,  a  pour  au- 
teur Cencius,  celui-là  même  qui,  chancelier  de  l'É- 
glise romaine,  rédigea  en  1192  le  Liber  censuum. 
Au  total,  nous  avons  là  le  coutumier  des  cérémonies 
pontificales  du  temps  d'Innocent  II  (f  1143)  et  d'In- 
nocent III  (1198-1216).  Or  ce  cérémonial  s'adapte  à 
l'ancien  office,  tel  que  nous  l'avons  décrit,  et  non  à 
l'office  moderne  tel  que  nous  aurons  à  le  décrire. 

Insistons  sur  cette  matière.  La  digression,  si  c'est 
une  digression,  ne  laisse  pas  d'appartenir  à  notre 
sujet.  Et  voyons  quel  était,  au  xii®  siècle,  le  cérémo- 
nial des  offices  auxquels  le  pape  et  la  curie  prenaient 
part. 

Le  pape  et  la  curie  —  la  curie  représentant  mainte- 
nant le  clergé  régionnaire  d'autrefois  —  n'assistaient 
en  corps  à  l'office  public  quotidien  d'aucune  basi- 
lique. Ils  ne  prenaient  part  qu'à  l'office  solennel  de 
certaines  fêtes,  en  certaines  basiliques.  A  ces  fêtes, 
on  conservait  le  vieux  nom  de  stations.  Et  l'on  dis- 
tinguait deux  sortes  de  stations,  les  stations  diurnes 
qui  ne  comportaient  que  la  messe  stationale,  et  les 
stations  nocturnes  ou  grandes  stations,  qui  compor- 
taient les  vêpres  la  veille  au  soir,  l'office  nocturne 
au  milieu  de  la  nuit,  la  messe  solennelle  au  matin  ^ . 


1.  Il  n'est  pas  question  encore  de  secondes  vêpres  à  Rome, 
au  xir  siècle.  Un  texte  souvent  allégué  du  pape  Alexandre  III 
ne  va  pas  contre  notre  assertion  :  «  Licet  scriptum  sit  De 
vespere  in  vesperam  celebrabitis  sabbata  vestra,  festorum 
lamen  principium  et  finis  iuxta  eorum  qualitatem   et  iuxta 


l'office  moderne.  183 

Ces  stations  nocturnes  étaient  en  fort  petit  nombre, 
et  elles  étaient  propres  aux  plus  grandes  fêtes  :  le 
troisième  dimanche  de  l'Avent,  Noël,  l'Epiphanie 
l'Ascension,  la  Pentecôte,  la  nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste,  la  fête  des  saints  Apôtres  Pierre  et  Paul, 
l'Assomption,  la  fête  de  saint  André.  Mais  dans  ces 
vigiles  se  déployait  toute  la  pompe  du  cérémonial 
pontifical. 

Le  pape  part  de  son  palais  du  Latran,  Xa  patriar- 
chium.  Il  est  vêtu  d'une  chasuble  blanche,  coiffé  du 
regnum,  la  tiare  à  une  couronne,  monté  sur  un  cheval 
à  housse  écarlate.  En  tête  du  cortège  marche  un 
sous-diacre  portant  la  croix  pontificale.  Puis  douze 
porte-drapeaux.  A  la  suite,  les  évêques  étrangers  pré- 
sents à  Rome.  Puis  les  abbés  des  monastères  ro- 
mains, et  les  cardinaux,  soit  prêtres,  soit  évêques.  A 
la  suite,  les  scriniarii  et  les  advocati^  les  sous- 
diacres  régionnaires  et  les  sous-diacres  basilicaux,  la 
Scola  cantorum.  Enfin,  deux  à  deux,  aux  côtés  du 
pape,  les  cardinaux  diacres.  Le  préfet  de  Rome,  vêtu 
d'un  manteau  précieux,  et  avec  lui  les  juges  en  chape, 
ferment  la  marche.  L'archidiacre,  une  férule  à  la 
main,  ordonne  la  procession.  Les  maiorentes,  en 
manteau  de  soie,  une  canne  à  la  main,  font  la  police  ^. 
On  s'achemine  dans  cet  ordre  vers  la  basilique  où 


diversarum  regionum  consuetudinem  débet  atlendi...  »  Fried- 
BERG,  t.  II,  p.  271.  Ce  texte,  en  effet,  implique  que  l'usage 
des  secondes  vêpres  n'est  pas  universel,  et  ne  prouve  pas 
que  Rome  l'ait  encore  accepté.  Nous  verrons  les  Frères 
Mineurs,  au  xiir  siècle,  le  faire  prévaloir. 
1.  Cetmcius,  7.  Benedict.  21. 


184  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Ton  va  célébrer  la  station.  Sur  le  seuil  de  ladite  basi- 
lique les  chanoines  —  ils  tiennent  la  place  des  moines 
basilicaux  du  viii*^  siècle  —  attendent  l'arrivée  du 
pape.  Celui-ci  arrive  avec  son  cortège;  il  descend  de 
cheval  et  dépose  la  tiare.  Les  chanoines  lui  pré- 
sentent l'eau  bénite  et  l'encens.  Le  pontife  met  de 
l'encens  dans  l'encensoir  et  jette  de  l'eau  bénite  sur  la 
foule.  Puis  on  entre  processionnellement  dans  la  ba- 
silique, d'où,  après  une  courte  prière,  on  passe  au  se 
cretarium  ou  sacristie.  Là,  tous  les  ordres  ayant  re- 
vêtu leurs  ornements,  le  pape  donne  la  paix  aux  deux 
évêques  qui  doivent  l'assister  pendant  l'office,  puis  aux 
cardinaux,  au  préfet  de  Rome,  aux  autres  «  princes 
laïcs  ».  Le  doyen  des  sous-diacres  régionnaires  fait 
l'appel  des  divers  lecteurs  et  chantres  qui  vont  pren- 
dre part  à  l'exécution  de  l'office.  Le  pape  se  lève 
alors,  et,  entre  les  deux  évêques  qui  l'assistent,  pro- 
cessionnellement, mitre  en  tête,  il  rentre  dans  la  ba- 
silique. Des  cuhicularii  tiennent  un  dais  {mappula) 
étendu  et  élevé  au-dessus  de  sa  tête,  et  l'accompa- 
gnent ainsi  jusqu'à  l'autel.  Le  pontife  s'assoit  au 
siège  central  du  preshyterium,  et  l'office  commence, 
l'office  de  vêpres  ^ 

Lorsque  les  vêpres  seront  terminées,  le  pape  ne 
reviendra  pas  au  patriarchium  du  Latran,  —  je  le 
suppose  venu  à  Saint-Pierre.  —  H  y  a,  dans  les  dé- 
pendances de  la  basilique  de  Saint-Pierre,  des  appar- 
tements pour  le  pape  :  ils  ont  été  construits  par 
Grégoire  IV  (827-844),  précisément  pour  que  le  sei- 

1.  Benedict.  46,  47. 


l'office  moderne.  185 

^neur  apostolique  puisse  s'y  retirer  et  s'y  reposer 
dans  les  intervalles  des  offices  ^  Les  autres  person- 
nages de  la  cour  sont  logés  «  in  domo  aguliae  »,  la 
maison  de  l'obélisque.  Le  patron  de  l'auberge  [do~ 
minus  hospitii)  est  tenu  de  leur  fournir  des  «  lits 
avec  de  bons  draps  »,  de  servir  leur  table,  et  de 
garder  leurs  chevaux  dans  ses  écuries  2. 

Au  milieu  de  la  nuit,  au  son  de  la  cloche,  tout  le 
monde  se  relève,  et  le  pape  se  rend  avec  la  curie  au 
secretarium,  qui,  à  Saint-Pierre,  est  une  vaste  cha- 
pelle à  l'angle  sud-ouest  de  l'atrium.  Là,  chacun  se 
revêt  de  ses  ornements,  et  la  procession  se  met  en 
ordre.  On  présente  au  pape  un  encensoir.  Quatre 
porte-flambeaux  se  mettent  devant  lui.  Le  cortège 
s'ébranle,  en  silence,  à  la  lueur  des  cierges.  On  tra- 
verse le  portique  de  la  basilique  processionnellement. 
On  entre.  On  passe  devant  l'autel  de  saint  Grégoire 
que  le  pape  encense,  premier  reposoir,  dans  le  bas- 
côté  de  gauche.  Puis,  devant  l'autel  des  saints  Simon 
ot  Jude,  au  bas  de  la  grande  nef,  où  est  conservé  le 
saint  sacrement,  que  le  pape  encense,  deuxième  re- 
posoir. Puis  devant  l'autel  de  sainte  Véronique,  dans 
le  bas-côté  de  droite  :  là  sont  le  suaire  et  la  lance  de 
la  passion,  que  le  pape  encense,  troisième  reposoir. 
Puis,  remontant  la  grande  nef,  la  procession  ar- 
rive à  l'arc  triomphal,  et  s'arrête  devant  l'autel  de 
saint  Pasteur,  que  le  pape  encense,  quatrième  re- 
posoir. D'autel  en  autel,  le  pape  et  son  cortège  sont 


1.  L.  P.  t.  II,  p.  81. 

2.  Benedict.  7. 


186  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIHE    ROMAIN. 

arrivés  à  la  confession  de  saint  Pierre.  On  descend  les 
marches  qui  y  conduisent;  le  pape  encense  l'autel 
élevé  sur  le  tombeau  du  prince  des  apôtres  ;  puis  il 
s'assoit,  quatre  cierges  posés  devant  lui. 

Alors,  devant  la  confession  de  saint  Pierre,  com- 
mence la  première  vigile,  —  cette  première  vigile 
que  nous  avons  notée  au  viii'^  siècle  comme  un  reste 
de  la  distinction  originelle  de  l'office  des  saints  et  de 
l'office  férial ,  et  dont  le  souvenir  seul  a  passé  dans  la 
liturgie  franque  avec  le  nom  d'offiices  doubles.  —  Au- 
cun invitatoire  à  cette  première  vigile.  Le  grand  chan- 
tre commence  avec  la  Scola  cantorum  immédiate- 
ment par  l'antienne  du  premier  psaume  du  premier 
nocturne.  Il  y  a  trois  nocturnes,  chacun  de  trois 
psaumes  et  de  trois  leçons.  Les  chanoines  basilicaux 
disent  les  leçons.  L'archidiacre  prononce  la  clau- 
sule  :  Tu  autem  Domine...  hsi Scola  cantorum  chante 
les  répons.  Après  la  troisième  leçon  du  troisième 
nocturne,  le  Te  Deum.  A  peine  le  Te  Deum  est-il  fini, 
un  sous-diacre  régionnaire  apporte  un  sacramen- 
taire,  un  des  deux  évêques  assistants  le  tient  ou- 
vert devant  le  pape,  et  le  pape  prononce  l'oraison  du 
jour.  L'archidiacre  dit  Benedicamus  Domino,  et  le 
seigneur  apostolique  bénit  l'assistance.  La  première 
vigile  est  terminée  ^ . 

La  procession  reprend  sa  marche.  Le  pontife  quitte 
la  confession  et  monte  au  grand  autel  de  la  basilique 
et  'encense.  Puis  il  vient  s'asseoir  devant  les  cancels 
de  l'autel  :  les  cardinaux  diacres  sont  à  ses  côtés. 

1.  Benedict.  8. 


l'office  moderne.  187 

les  cardinaux -évêques  et  prêtres  s'assoient  avec 
les  chanoines  aux  sièges  du  chœur  ou  presbyterium. 
Quatre  cierges  sont  posés  devant  le  pontife.  C'est  lui 
qui  entonne  le  Domine  lahia  mea  aperies.  La  Scola 
cantorum  exécute  aussitôt  l'invitatoire,  puis  les  trois 
psaumes  du  premier  nocturne  et  leurs  antiennes.  Les 
chanoines  de  la  basilique  lisent  les  leçons  et  chantent 
les  répons  de  ce  premier  nocturne.  Au  second  et  au 
troisième  nocturne,  les  leçons  sont  dites,  la  quatrième 
par  les  scriniarii^  la  cinquième  par  le  premier  des 
cardinaux-évêques,  la  sixième  par  le  premier  des 
cardinaux-prêtres,  la  septième  par  le  premier  des  car- 
dinaux diacres,  la  huitième  par  le  premier  des  sous- 
diacres,  la  neuvième  par  le  pape  en  personne.  Deux 
cierges  sont  posés  sur  le  pupitre.  Chaque  lecteur,  à 
son  tour,  prononce  aussi  le  îuhe  domne  benedicere,  et 
le  pape  bénit.  Le  pape,  à  son  tour,  prononce  aussi  le 
lube  domne  benedicere^  mais  personne  ne  le  bénit, 
«  si  ce  n'est  le  Saint-Esprit  »  ;  et  les  assistants,  après 
une  courte  pause,  répondent  Amen.  A  l'issue  de  la 
neuvième  leçon,  le  Te  Deum  est  exécuté  par  la  Scola. 
Immédiatement  à  la  suite,  les  laudes,  psaumes  et 
antiennes  chantés  par  la  Scola.  Puis  le  verset.  Puis  le 
Benedictus  et  ses  antiennes.  Quand  il  est  achevé, 
l'évêque  assistant  ouvre  le  sacramentaire  devant  le 
pape,  qui  y  lit  l'oraison,  et  l'office  se  termine  comme 
ci-dessus^.  Après  quoi,  dit  Cencius,  «  Dominas  papa 
intrat  lectum  »,  et  toute  la  curie  en  fait  autant,  pour 
revenir  au  matin  célébrer  la  messe  solennelle. 

1.  Benedigt.  9. 


188  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Tel  est  le  cérémonial  d'une  statio  noctarnalis 
comme  celle  qui  se  célèbre  à  la  fête  de  saint  Pierre. 
Ces  longues  et  solennelles  vigiles  nocturnes  ne  vont 
pas  sans  illuminations  :  il  y  a  deux  cent  cinquante 
lampes  allumées  dans  la  basilique.  Le  peuple  vient 
en  foule.  A  certaines  fêtes,  le  sénéchal  du  palais 
apostolique  doit  jeter  des  poignées  de  deniers  sur  les 
rangs  compacts  de  la  foule,  pour  la  disperser  et 
ouvrir  ainsi  un  passage  au  cortège  pontifical  ^ 

Or,  et  nous  reprenons  ici  la  suite  de  la  discussion, 
ce  cérémonial  du  xii*^  siècle  s'applique  à  un  office  qui 
est,  dans  ses  grandes  lignes,  le  même  que  celui  du 
viii^  siècle,  le  même  pour  le  nombre  des  psaumes,  des 
leçons,  des  répons,  le  même  pour  les  rubriques  de  l'in- 
cipit  et  de  la  conclusion  de  l'ofTice,  le  même  surtout 
pour  l'absence  des  éléments  que  nous  verrons  être  ca- 
ractéristiques de  l'office  moderne.  Ne  sommes-nous 
pas  en  droit  de  conclure  à  l'identité  de  l'office  basili- 
cal  du  temps  d'Amalaire  et  de  l'office  pontifical  du 
temps  du  chanoine  Benoît  et  de  Cencius? 

Mais  à  cette  identité  on  fait  une  grave  objection. 

Les  liturgistes,  leur  opinion  a  été  embrassée  par 
le  pape  Pie  V  ^,  les  liturgistes  sont  d'accord  pour  at- 
tribuer au  pape  Grégoire  VII  une  réforme  de  l'office 
romain.  Dom  Guéranger  rend  ainsi  compte  de  cette 
réforme  :  «  Les  grandes  affaires  qui  assiégeaient  un 
pape,  au  xi®  siècle,  les  détails  infinis  d'administration 

1.  Cencius,  37;  Benedigt.  74,  76. 

2.  Dans  la  bulle  Quod  a  nobis  (1568)  par  laquelle  est  pro- 
mulguée la  publication  du  Bréviaire  romain. 


l'office  moderne.  189 

dans  lesquels  il  lui  fallait  entrer  ne  permettaient  plus 
de  concilier  avec  les  devoirs  d'une  si  vaste  sollicitude 
l'assistance  exacte  aux  longs  offices  en  usage  dans  les 
siècles  précédents.  »  Voilà  pourquoi  Grégoire  VII 
«  abrégea  l'ordre  des  prières  et  simplifia  la  liturgie 
pour  l'usage  de  la  cour  romaine  »  ' . 

Ces  considérations  ne  nous  arrêteront  pas.  Est-ce 
donc  seulement  à  dater  du  xi®  siècle  que  les  papes  ont 
été  assiégés  de  grandes  affaires,  et  qu'ils  ont  eu  à 
entrer  dans  les  détails  infinis  de  l'administration?  Dom 
Guéranger  ne  voudrait  pas  nous  le  laisser  penser.  Il 
est  très  certain  par  ailleurs  que,  du  temps  des  immé- 
diats prédécesseurs  de  Grégoire  VII,  le  pape  et  la 
curie,  dévots  à  l'obligation  de  réciter  l'office  divin 
sans  négliger  les  devoirs  de  leur  sollicitude,  s'acquit- 
taient privément  de  leur  office.  Saint  Léon  IX  (1048- 
1054)  est  loué,  dans  sa  Vie,  de  ce  que  tous  les  jours  il 
satisfaisait  à  l'obligation  de  la  récitation  intégrale  du 
psautier,  comme  on  aimait  à  dire,  entendant  par  psau- 
tier l'office  diurne  et  nocturne  ;  de  ce  qu'il  le  récitait 
aux  heures  compétentes,  y  compris  les  heures  de 
nuit;  de  ce  qu'il  le  récitait  dans  son  oratoire  en  com- 
>agnie  d'un  seul  clerc,  et  de  ce  qu'il  ne  l'omit  ja- 
lais^.  Où  l'on  voit  comment  un  pape  du  xi^  siècle, 
issiégé  autant  qu'aucun  autre  de  grandes  affaires, 
îonciliait  sans  effort  les  devoirs  d'une  si  vaste  solli- 
citude, je  ne  dis  pas  avec  l'assistance  quotidienne  aux 


1.  Guéranger,  Institutions  liturgiques,  t.  I,  p.  281. 

2.  WiBERT.  Vita  S.  Leonis,  12  et  13  (P.  L.  GXLIII,  501  et 
»02). 


190  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

longs  offices  des  basiliques,  ce  qui  n'avait  jamais  été 
l'usage,  pas  même  dans  les  siècles  précédents,  mais 
avec  la  récitation  exacte  de  l'office  divin  en  son  parti- 
culier ^ . 

En  second  lieu,  il  serait  bien  invraisemblable  que 
ce  fût  précisément  saint  Grégoire  VII  qui  eût  porté  la 
main  sur  le  vieil  ordo  romain  de  l'office.  Ce  serait,  en 
effet,  au  moment  où  ce  pape  s'employait  à  introduire 
en  Espagne,  quoi  donc?  l'ancien  office  romain;  au 
moment  où  il  félicitait  le  roi  d'Aragon  et  le  roi  de 
Castille  de  leur  zèle  à  établir  l'office  suivant  l'ordre 
romain,  «  romani  ordinis  officium  »,  l'office  romain 
selon  l'ancienne  coutume,  «  ex  antiquo  more^  »  ;  ce 
serait  à  ce  moment  que  Grégoire  VII  aurait  abrégé 
et  simplifié  la  liturgie  pour  l'usage  de  la  cour  ro- 
maine ? 

Dépassons  ces  considérations  préliminaires  :  la 
question  est  de  saisir  sur  le  fait  cette  réforme  de 
Grégoire  VII  :  Guéranger  y  vient  et  cite  comme 
témoin  le  Micrologus,  lequel,  assure-t-il,  «  donne  à 


1.  h' Ordo  romanus  X  de  Mabillon  {Miisaeum  italic.  t.  II. 
p.  97  et  suiv.),  document  de  la  fin  du  x«  siècle,  décrit  les  cé- 
rémonies auxquelles  prend  part  le  pape  les  trois  derniers 
jours  de  la  semaine  sainte.  On  y  relève  les  rubriques  suivan- 
tes :  ((  Antequam  dominus  papa  exeat  de  caméra,  dicit  ter- 
tiam...  Intrat  ecclesiam  sancti  Thomae  et  dicit  cum  capellanis 
suis  nonam...  Dominus  papa  cum  clero  intrat  secretarium,  et 
abstracta  planeta  cum  pallio,  sedeat  in  sede  sua,  et  lotis  pe- 
dibus  ministri  calcient  eum  quotidiana  calciamenta;  veniens 
ad  faldistorium  dicit  nonam;  et  post  paululum  reindutus  pla- 
neta et  pallio,  praeeunte  cum  cruce  et  evangelio  ad  altare 
procédant...  » 

2.  19  et  20  mars  1074.  Jaffé,  n.  4840  et  4841. 


l'office  moderne.  191 

entendre  que  c'est  sur  l'office  sanctionné  par  Gré- 
goire VII  qu'il  a  établi  ses  observations  ». 

Le  Micrologus  est  un  très  précieux  commentaire 
liturgique  de  Vordo  romain  tant  de  la  messe  que  de 
l'office.  On  l'a  longtemps  attribué  à  Yves  de  Chartres; 
dom  Morin  a  prouvé  qu'il  est  l'œuvre,  non  d'un  fran- 
çais, mais  d'un  allemand,  l'œuvre  de  Bernold  de 
Constance  (f  1100),  moine  de  l'abbaye  de  Saint-Bla- 
sien'.  Or,  sur  quel  texte  Bernold  a-t-il  établi  ses 
observations?  Je  le  vois  citer  les  antiphonaires  manus- 
crits [omnes  authentici  antiphonarii...y  antiqui  anti- 
phonarii).  Je  le  vois  décider  iuxta  romanam  con- 
suetudinem...y  iuxta  traditionem  sanctae  romanae 
Ecclesiae...,  romano  more...  »  Il  nomme  le  sacramen- 
taire  grégorien  et  l'antiphonaire  grégorien.  Il  emploie 
une  fois  l'expression  à'officiiim  gregorianum.  Mais 
toute  cette  littérature  grégorienne  s'entend  de  ^aint 
Grégoire  le  Grand  [Saiictus  Gregorius  papa . .  .,Beatus 
Gregorius papa.. .  Sanctus  Gregorius  papa  prim us) . 
Chaque  fois  qu'il  est  question  de  Grégoire  VII,  Ber- 
nold le  marque  expressément  pour  le  bien  distinguer 
de  Grégoire  Y^  [Gregorius papa  septimus...  Grego- 

Ilus  huius  nominis  papa  septimus...  Reçerendae 
ïemoriae  Gregorius  papa...);  et  il  ne  lui  donne 
imais  la  qualification  de  saint.  Or  Bernold,  traitant 
^  Vordo  de  l'office  canonique,  attribue  la  disposition 
e  l'office  dont  il  traite,  non  point  à  Grégoire,  mais 
à  saint  Grégoire,  à  saint  Grégoire  P"".  Ainsi  il  écrit  : 

1,  Dom  Morin,  «  Que  l'auteur  du  Micrologus  est  Bernold  de 
(Constance  »,  Revue  bénédictine,  1891,  p.  385  et  suiv.  Le  texte 
du  Micrologus  est  reproduit  dans  P.  L.  GLI,  977-1022. 


192  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

«  Sciendum  est  quod  sanctus  Gregorius  ita  eccle- 
siastica  officia  ordinaçit* ...  »  Et  il  n'attribue  à  son 
contemporain  Grégoire  VII  que  deux  décrets,  dont 
on  va  voir  s'ils  affectent  l'ensemble  de  l'office  cano- 
nique romain. 

Premier  décret  :  ]  Gregorius,  huius  nominis  papn 
septimus  apostolicae  sedi  praesidens,  conslituit  ut  sanc- 
torum  'omnium  romanorum  ponlificum  et  martyrum  le- 
stivitates  solemniter  ubique  cum  pleno  offîcio  celebren- 
tur2. 

Deuxième  décret  :  ]  Gregorius  papa  in  apostolica 
sede  constitutus..:  promulgavit  :  «  A  die,  inquit,  Rcsur- 
rectionis  usque  in  sabbatum  in  albis  et  a  die  Pentecostes 
usque  in  sabbatum  eiusdem  hebdomadae,  très  psalmos 
ad  nocturnas,  tresque  lectiones  antiquo  more  cantamus 
et  legimus.  Omnibus  aliis  diebus  per  totum  annum, 
si  festivitas  est,  novem  psabnos  et  novem  lectiones  et 
responsoria  dicimus;  aliis  autem  diebus  duodecim 
psalmos  et  très  lectiones  recitamus;  in  diebus  domi- 
nicis  octodecim  psalmos,  excepto  die  Paschae  et  die 
Pentecostes,  et  novem  lectiones  dicimus.  Hoc  etiain 
usquequaque  iuxta  romanum  ordinem  ita  fieri  sta- 
tuimus,  ut  supra  notavinms.  In  octava  Paschae  histo- 
riam  Dlgmis  es  Domine  et  Apocalypsin  iuxta  ordin  ein 
incipimus  s.  » 


1.  Mlcrolog.  61  et  50. 

2.  Id.  43. 

3.  Id.  54.  Dom  Morin,  «  Règlements  inédits  du  pape  saint 
Grégoire  VII  pour  les  chanoines  réguliers  »,  Revue  bénédic- 
tine, 1901,  p.  177-183,  a  retrouvé  dans  un  ms.  contemporain 

Vatican,  lat.  629)  le  document  dont  ce  deuxième  décret  est 
extrait.  A  partir  de  ad  novem  lectiones  dicimus  (ligne  11),  on 
lit  dans  le  texte  nouveau  :  «.Illi  autem  qui  in  diebus  coti- 
dianis  très  psalmos  et  très  lectiones  videntur  agere,  non  ex 
régula  sanctorum  patrum  sed  ex  fastidio  et  neglegentia  com- 


l'office  moderne.  193 

Par  le  premier  décret,  —  ce  décret  appartient  peut- 
être  au  synode  romain  de  1078,  —  Grégoire  VII  étend 
à  toute  la  chrétienté  l'obligation  de  célébrer  la  fête  des 
papes  martyrs  :  ce  décret,  qui  est  un  acte  de  la  lutte 
de  Grégoire  VII  pour  la  suprématie  du  Saint-Siège, 
ne  touche  pas  à  l'office  proprement  romain. 

Par  le  deuxième  décret,  —  ce  décret  appartient 
vraisemblablement  au  synode  romain  de  1074,  —  Gré- 
goire VII  décide  que  le  jour  de  Pâques  et  les  six  fériés 
de  l'octave  de  Pâques,  de  même  que  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte et  les  six  fériés  de  l'octave,  l'office  nocturne 
n'aura  que  trois  psaumes,  trois  leçons  et  trois  répons; 
tandis  que,  le  reste  de  l'année,  l'office  nocturne  des 
fêtes  compte  neuf  psaumes,  neuf  leçons  et  neuf  répons, 
celui  des  fériés  douze  psaumes,  trois  leçons  et  trois 
répons,  celui  des  dimanches  dix-huit  psaumes,  neuf 
leçons  et  neuf  répons.  Mais  cet  ordo  de  l'office  noc- 
turne est  précisément  celui  que  nous  avons  vu  en  vi- 
gueur à  Rome  au  temps  d'Amalaire,  au  commence- 
ment du  ix^  siècle  ^ .  Et  Grégoire  VII  nous  dit  lui-même 
qu'en  édictant  ces  rubriques,  il  n'innove  en  aucune 
façon,  «  antiquo  more  cantamus  et  legimiis  n,  écrit-il  ; 
c'est  l'antique  usage  romain  et  nous  n'y  changeons 


probanlur  facere.  Romani  autem  diverse  modo  agere  cepe- 
riint,  maxime  a  temporequo  Teulonicis  concessum  est  regimen 
iiostrae  Écclesiae.  Nos  autem  et  ordinem  romanum  et  anti- 
qiiiim  morem  invesiigantes  statuimus  fieri  nostrae  Ecclesiae 
sicut  superius  praenotavimus,  aiitiquos  imitantes  patres.  » 
Nous  allons  retrouver  ce  texte  chez  Gratien. 

1.  Exception  faite  pour  l'office  de  la  Pentecôte  et  de  son 
octave,  qui  était  à  Rome,  au  ix«  siècle,  au  temps  d'Amalaire, 
un  office  de  neuf  leçons. 

-HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  13 


194  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

rien.  Il  insiste  même  :  Nous  ordonnons  que  l'on  ne 
fasse  pas  autrement,  et  que  l'on  se  tienne  à  Vordo 
romanus,  qui  n'a  point  cessé  d'être  la  règle  de  nos 
usages,  et  qui  est  pour  nous  Vantiquus  mos,  ainsi  que 
nous  aimons  à  le  répéter.  Sont-ce  là  les  expressions 
d'un  pape  qui  réforme  et  qui  innove?  Ne  sont-ce  pas 
plutôt  les  expressions  d'un  pape  qui  condamne  toute 
tentative  de  modifier  l'ancien  usage? 

Et  en  effet,  le  texte  cité  par  Bernold  est  un  texte 
tronqué,  que  nous  avons  complet  dans  Gratien^  Et 
nous  y  voyons  que,  du  temps  du  pape  Grégoire  VII, 
des  clercs  ont  été  tentés  par  la  brièveté  de  l'office 
nocturne  de  la  semaine  de  Pâques  et  de  la  semaine 
de  la  Pentecôte  :  trois  psaumes  et  trois  leçons! 
Et  ils  ont  introduit  l'usage  de  raccourcir  sur  ce  pa- 
tron l'office  de  tous  les  jours,  ajoutons  et  l'office  des 
saints  '^. 

1.  De  consecr.  v,  15.  Friedberg,  t.  I,  p.  1416. 

2.  L'office  des  fêtes  de  saints  était  raccourci,  lui  aussi,  sur 
le  patron  de  la  semaine  de  Pâques.  Saint  Pierre  Damien 
(f  1072),  qui  témoigne  de  la  liturgie  immédiatement  antériouro 
au  pontificat  de  Grégoire  VII  (1073-1085),  raconte  dans  un  do 
ses  opuscules  la  vision  d'un  clerc  de  la  basilique  de  Saint - 
Pierre,  qui,  une  nuit,  vit  le  prince  des  apôtres  officier  dans 
sa  basilique.  «  B.  Petrus  apostolus  ad  ecclesiam  suam  venit, 
cui  protinus  omnium  successorum  suorum,  pontificum  vide- 
licet  romanorum,  chorus  infulatus  ac  festivus  occurrit  :  ipse 
quoque  beatus  Petrus,  cum  eatenus  videretur  indutus  hebrai- 
cis  vestibus  (sicut  in  picturis  ubique  conspicitur),  tune  et  pliry- 
gium  suscepit  in  capite,  et  sicut  caeteri  sacerdotalibus  infulis 
est  indutus  in  corpore.  Tune  responsorium  illud  quod  dicitur 
Tu  es  pastor  ovium  melodiis  atque  mellifluis  coeperunt  into- 
nare  clamoribus,  sicque  illum  usque  ad  sacerdotalis  chori 
consistorium  deduxerunt.  Quo  perveniens  ipse  apostolorum 
princeps  nocturnum  est  exorsus  offîcium  dicens  Domine  labia 


L'oFFrCE    MODERNE.  195 

Illi  autem,  qui  in  diebus  cottidianis  très  tantummodo 
psalmos  et  très  lectiones  celebrare  volunt,  non  ex  régula 
sanctorum  patrum,  sed  ex  fastidio  conprobantur  hoc  fa- 
cere.  Romani  vero  cliver so  modo  agere  coeperunt,  ma- 
xime a  tempore  quo  Teiitonicis  concessum  est  regimen 
nostrae  ecclesiae  i.  Nos  autem... 

En  d'autres  termes,  Grégoire  VII  n'est  pas  touché 
des  raisons  que  peuvent  avoir  des  clercs  d'abréger  la 
longueur  de  l'office  et  d'en  simplifier  la  disposition.  Il 
voit  là  un  signe  de  relâchement,  et  il  n'entend  point  y 
condescendre,  pas  plus  en  tolérant  la  coutume  qui  vou- 
drait s'introduire  ou  s'imposer,  qu'en  prenant  l'initia- 
tive d'une  réforme  régulière  qui  s'en  inspire.  Et  il 
conclut  : 

Nos  autem  et  ordinem  romanum  investigantes  et  anti- 
quum  morem  nostrae  Ecclesiae,  imitantes  antiquos  pa- 
tres, statuimus  fieri  sicut  superius  praenotavimus. 

Le  texte  de  Gratien  est  donc  plus  énergique  encore 
quele  texte  de  Bernold^.  Grégoire  VII,  en  fait  d'office, 
s'en  rapportée  l'antique  usage  de  l'Église  romaine; 
il  veut  rester  fidèle  aux  anciens  Pères. 

mea  aperies;  deinde  très  psalmos  totidemque  lectiones  ac  re- 
sponsoria  quae  in  apostolorum  natalitiis  recensentur  canonico 
more  persolvit.  Omnibus  itaque  per  ordinem  rite  decursis, 
matutinis  quoque  laudibus  consequenter  expletis,  eiusdem 
ecclesiae  tintinnabulum  sonuit,  et  continuo  presbyter  qui  haec 
videbat  evigilans  somnium  terminavit.  »  Opiisciil.  xxxiv,  p.  ii, 
n.  4. 

1.  Les  mots  que  nous  imprimons  en  italique  ne  sont  pas 
dans  le  texte  critique  de  Friedberg,  ni  dans  les  variantes  de 
son  appareil  critique,  mais  ils  se  lisent  dans  l'édition  romaine 
(1582)  de  Gratien. 

2.  Nous  avons  vu  ce  texte  de  Gratien  corroboré  par  celui 
des  règlements  inédits  découverts  par  Dom  Morin. 


196  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

Disons  donc  que  ni  Bernold  de  Constance  dans  le 
MicrologuSy  ni  Grégoire  VII  lui-même  dans  ses  dé- 
crets, ne  parlent  d'aucune  réforme  de  Toffice  tradi- 
tionnel faite  à  Rome  au  cours  du  xi*^  siècle.  Ils  témoi- 
gnent davantage  combien,  à  Rome,  on  tenait  à  Vordo 
romanus  ancien  de  roffice,  c'est-à-dire  à  Vordo  ro- 
manus  que  nous  avons  vu  établi  dès  la  fin  du  viii^  siè- 
cle, et  que  nous  avons  vu  persister  au  cours  déjà 
avancé  du  xii®,  soit  dans  l'usage  quotidien  de  Saint- 
Jean  de  Latran  et  de  Saint-Pierre,  soit  dans  le  céré- 
monial pontifical. 


II 


L'expression  de  jnodernum  officium,  nous  l'avons 
vue  employée  par  Grégoire  IX  au  xiii®  siècle.  Nous 
rencontrons  un  siècle  plus  tôt  une  expression  équiva- 
lente dans  la  lettre  déjà  citée  d'Abélard,  où  nous 
voyons  distinguer  par  lui  V antiquum  officium,  — c'est 
le  nom  qu'il  donne  très  justement  à  l'office  pratiqué 
de  son  temps  à  Saint-Jean  de  Latran,  —  et  une  «  cou- 
tume tant  des  clercs  que  des  moines,  coutume  an- 
cienne déjà  et  encore  permanente,  «  consuetudo  tam 
clericorum  quant  monachorum  longe  ante  habita  et 
nunc  quoque  permanens  ».  Pour  quiconque  est  fami- 
liarisé avec  la  terminologie  du  droit  canonique,  ces 
expressions  d'Abélard  reviennent  à  dire  qu'il  y  a  un 
canon  ancien  de  l'office,  et  qu'il  y  a  une  coutume  qui 
s'est  introduite  postérieurement  à  la  promulgation 
de  ce  canon,  et  qui  est  ancienne,  et  qui  est  générale, 
et  qui  est  en  pleine  vigueur.  Ne  croyez  pas,  d'ail- 


l'office  moderne.  197 

leurs,  que  cette  coutume  ait  rien  de  l'unité  de  Vanti- 
quum  officium  :  Abélard  nous  apprend  sans  plus  tar- 
der que  la  diversité  la  plus  grande  existe  dans  les 
usages  des  clercs,  sans  parler  de  ceux  des  moines  : 
«  ïn  divinis  offlciis...  dwersas  et  innumeras  Ecclesiae 
consuetudines  inter  ipsos  etiam  clericos^.  »  Voici 
donc,  au  xii^  siècle,  nettement  défini  l'office  moderne 
par  rapport  à  l'ancien  office  romain. 

Dégageons  les  caractéristiques  les  plus  générales 
de  cet  office  moderne  non  romain. 

Nous  possédons  un  petit  traité  liturgique  du  xii^  siè- 
cle, qui  est  à  cet  office  moderne  ce  que  les  traités 
d'Amalaire  et  de  Bernold  sont  au  pur  office  romain 
ancien.  Ce  petit  traité  est  le  Nationale  de  Jean  Beleth. 
Jean  Beleth  était-il  normand,  poitevin,  parisien,  ou 
amiénois?  Les  dates  mêmes  de  sa  vie  sont  indécises, 
et  l'on  ne  sait  de  lui  que  deux  choses  sûres  :  qu'il 
écrivit  son  livre  à  Paris,  «  apud  nostram  Lutetiam  », 
comme  il  dit;  et  qu'il  était,  lui-même  le  dit  aussi, 
contemporain  de  la  bienheureuse  Elisabeth  de  Schô- 
nau,  laquelle  mourut  en  1165^.  Le  Rationale  a  dû 
être  écrit  entre  1161  et  1165.  C'est  un  livre  plein  de 
savoir  et  aussi  de  grâce  littéraire. 


1.  Abaelard.  Epistul.  X. 

2.  Ilist.  lut.  de  la  France,  t.  XIV,  p.  218-222.  Le  texte  du 
Rationale,  tel  qu'il  est  imprimé  depuis  le  xvr  siècle,  et  repro- 
duit dans  P.  L.  GGII,  13-166,  est  sujet  à  caution.  —  Il  con- 
vient de  rapprocher  du  Rationale  de  Jean  Beleth  le  De  eccle- 
siasticis  officiis  de  Jean  d'Avranches  {P.  L.  GXLVII,  27-62). 
Jean  d'Avranches  est  mort  archevêque  de  Rouen  en  1079.  Son 
traité  liturgique  est  dédié  à  l'archevêque  de  Rouen  Maurille 
(f  1067),  à  qui  il  succéda. 


198  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROaiAlN. 

Il  décrit  roffice  pratiqué  à  Paris  vers  le  milieu  du 
xïi'^  siècle.  Ce  lui  est  une  occasion  de  nous  apprendre 
que  les  clercs  de  son  temps  étaient  loin  d'être  aussi 
exactement  fidèles  que  le  devoir  l'eût  voulu.  Sans 
doute  ils  n'allaient  pas  jusqu'à  imiter  ces  prélats  et  ces 
clercs  du  xi^  siècle  dont  parle  la  Benedictio  Dei,  qui 
s'attardaient  la  nuit  à  boire  jusqu'au  chant  du  coq  et 
exécutaient  l'office  nocturne  Dieu  sait  comme,  avant 
de  se  coucher,  et  le  matin  s'acquittaient  de  l'office 
diurne  en  même  temps  que  de  leur  toilette  ^  Ils  ne 
commettaient  pas  davantage  la  faute  contre  laquelle 
saint  Pierre  Damien  met  en  garde  les  clercs  du 
XI*"  siècle,  tentés  de  réciter  le  matin  en  une  fois  tout 
l'office,  pour  aller  ensuite  plus  librement  à  leurs  af- 
faires séculières^.  Mais  la  tiédeur  des  contemporains 
de  Jean  Beleth  n'en  était  pas  moins  attristante  à  son 
cœur  dévot.  «  Hélas  !  écrit-il,  la  raison  d'être  du 
culte  divin  est  à  ce  point  perdue  de  vue,  que  les  éco- 
liers se  lèvent  aujourd'hui  de  meilleure  heure  que  les 
ministres  de  l'Église,  et  que  les  passereaux  chan- 
tent plus  tôt  que  les  prêtres,  tant  la  charité  s'est 
refroidie  dans  le  cœur  des  hommes!  »  Et  ailleurs  : 
«  Combien  en  est-il  parmi  nous  qui  se  lèvent  allè- 
grement avec  le  soleil  pour  l'office?  A  ce  point,  ici, 
nous  ressemblons  aux  prétendants  de  Pénélope,  nali 
in  medios  dormire  diesl  Et  que  parlé-je  de  l'office 
nocturne?  Combien  en  est-il  qui  s'acquittent  cons- 
ciencieusement  de  l'office    diurne?   Non    vraiment, 


1.  P.  L.  GXXIX,  1401. 

2.  Petr.  Damian.  Opuscul,  xxxiv,  5. 


l'oitice  moderne.  199 

s'il  est  permis  de  dire  ce  qui  est,  peu,  bien  peu^  !  » 
L'office  moderne,  c'est  la  première  caractéristique 
qu'on  lui  reconnaîtra,  avait  dû  s'accommoder  à  cette 
paresse  des  clercs,  en  s'abrégeant.  Au  xi*'  siècle, 
nous  l'avons  vu  déjà,  on  avait  voulu  ramener  l'office 
nocturne  du  temps  et  des  saints  à  ne  compter  plus 
que  trois  psaumes  et  trois  leçons,  comme  c'était  de 
rt'gle  pour  la  semaine  de  Pâques  et  pour  la  semaine 
de  la  Pentecôte.  Cette  pratique  était  trop  manifeste- 
ment contraire  à  toute  tradition  pour  prévaloir  :  on 
se  rapelle  en  quels  termes  Grégoire  VII  la  condamne. 
Mais  si  l'on  ne  touchait  point  au  psautier,  on  pouvait 
toucher  au  lectionnaire,  qui  était  compressible. 

L'abréviation  de  l'office  porta  donc  principalement 
sur  le  lectionnaire.  Que  l'on  compare  les  homiliaires 
du  ix^  siècle,  par  exemple  l'homiliaire  de  Paul  Dia- 
cre, aux  homiliaires  du  xi®  et  du  xii^  siècle,  et  l'on 
verra  la  différence  de  longueur  des  leçons  indiquées  à 
deux  siècles  de  distance  pour  une  même  fête^.  Un  des 
points  de  la  réforme  de  Cluny  fut  d'essayer  de  réta- 
blir les  longues  leçons  tombées  désormais  en  désué- 
tude :  de  faire,  par  exemple,  de  l'épître  aux  Romains 
la  matière  de  six  leçons,  de  lire  toute  la  Genèse  au 
chœur  en  une  semaine.  On  se  défiait  de  la  tendance 
à  abréger  les  leçons  :  on  ne  voulait  pas  que  les  plus 
brèves  durassent  moins  de  temps  qu'il  n'en  fallait 
au  frère,  chargé  d'aller  une  lanterne  à  la  main  s'as- 
surer que  personne  ne  dormait,  pour  faire  le  tour  du 


1.  lOAN.  Beleth.  Rationale,  20. 

2.  Baeumer,  t.  II,  p.  39-45. 


200  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

chœur  :  «  Ne  fiant  ita  brèves  ut  ille  frater  qui  civ' 
cam  facit  cum  ahsconsa,  non  possit  per  totum  cho- 
rum  et  extra  circuisse,  exploraturus  scilicet  si  quis 
forte  obdormierit  inter  legendum  ».  Ces  longues  lec- 
tures de  Cluny  passaient  pour  singulières  et  exagé- 
rées :  la  première  question^posée  à  Udalric,  dans  son 
exposition  des  coutumes  de  Cluny,  est  celle-ci  :  's.  Au- 
dio lectiones  vestras  in  hieme  et  in  privatis  noctihus 
multum  esse  prolixas\..  » 

Il  était  naturel  que  l'ancien  office  romain,  introduit 
en  France  avec  son  propre  du  temps  et  son  propre  des 
saints^,  s'ouvrît  à  des  fêtes  locales  nouvelles.  Ama- 
laire  l'avait  entendu  ainsi,  et  tous  les  liturgistes,  soit 
séculiers,  soit  réguliers,  avec  lui.  On  eut  donc  des 
fêtes  de  saints  locaux,  comme  saint  Maurice,  saint 
Rémi,  saint  Léger,  saint  Germain,  saint  Ouen,  saint 
Boniface,  saint  Médard,  saint  Michel  in  mari...  Mais 


1.  Udalric.  Consiietudines  Cluniaceiises,  i,  1. 

2.  N'oublions  pas  que  le  calendrier  sanctoral  romain  laissait 
une  grande  latitude  aux  églises  particulières  :  cela  qui  était 
vrai  au  viii«  siècle,  l'était  encore  au  xr.  Jean  d'Avranches,  par- 
lant des  fêtes  sanctorales  «  quae  more  dominicali  celebran- 
tur  »,  c'est-à-dire  des  fêtes  de  neuf  leçons,  en  donne  une  liste 
assez  courte,  qu'il  clôt  par  ces  mots  :  «...  Et  aliae  quae  pla- 
cuerint  »  (p.  84  [p.  61  de  Migne]).  Il  éo'it  sur  ce  même  article  : 
«  Oportet  nos  festivitates  sanctorum  discernere  qualiter  eele- 
brantur,  ne  sint  nobis  fastidiosae,  si  superflue  agimus;  aut  si 
nimis  reticemus,  eorum  iuvamine  careamus  »  (p.  79  [p.  59]).  — 
A  Rome,  à  pareille  époque,  on  faisait  effort  pour  empêcher  l'of- 
fice dominical  d'être  supplanté  par  un  office  sanctoral  :  «  luxta 
romanam  consuetudincm,  in  omni  dominica  ccclesiaslico  con- 
ventui  cum  ofTicio  dominicali  satisfacimus,  nisi  aliqua  multum 
celebris  festivitas  in  ipsa  die  occurrat,  ut  festuni  loannis  Bap- 
tistae  vel  sancti  Pétri  aposloli.  »  Bernold.  Micrologus,  62. 


l'office  moderne.  201 

on  se  plut  aussi,  contrairement  aux  usages  romains  \ 
à  donner  des  octaves  aux  fêtes  sanctorales  qui  pas- 
sèrent au  premier  rang,  des  octaves  où  tous  les 
odices  étaient  huit  jours  durant  dévolus  au  saint. 
Tel  fut,  dès  le  xi^  siècle,  le  cas  de  l'Assomption,  de 
la  Toussaint,  de  la  saint  Pierre,  de  la  saint  André, 
de  la  saint  Michel,  de  la  saint  Martin,  de  la  nati- 
vité de  saint  Jean-Baptiste,  des  patrons  de  chaque 
église-. 

Puis  on  créa  des  fêtes  d'un  intérêt  général.  Ainsi 
la  fête  de  la  Trinité,  établie  pour  la  première  fois  à 
Liège,  sous  l'évêque  Etienne  (903-920),  propagée  par 
Cluny,  adoptée  au  xii''  siècle  par  la  plupart  des  égli- 
ses, mais  repoussée  longtemps  par  le  Saint-Siège. 
On  prête  au  pape  Alexandre  II  (1061-1073)  ce  propos 
significatif  :  interrogé  sur  le  point  de  savoir  si  l'on 
devait  fêter  la  sainte  Trinité,  il  aurait  répondu  qu'il 
n'en  voyait  pas  plus  la  raison  que  de  fêter  l'Unité^. 


1.  Bernold.  Micrologus,  44  :  «  luxta  romanam  auctoritatem 
nullorum  sanctorum  octavas  observare  debemiis,  nisi  unde 
certain  aliquam  traditionem  a  sanctis  Patribus  habemus.  Eorum 
quoque  octavas  celebramus,  nullam  cotidianam  mentionem 
per  interiacentes  dies  agi  mus,  quia  nullam  auctoritatem  indo 
habemus,  exceptis  de  S.  Maria  et  de  y.  Petro,  quorum  et 
alio  tempore  non  ccssanius  frequentare.  » 

2.  lOAN.  ADllINCEN.  De  off.  cccL  p.  80  [p.  fiO-61]. 

3.  Microlog.  60  :  «  Quidam  offîcium  de  sancta  Trinitate  in 
octava  Pentecostes  instituunt,...  sed  non  est  authenticum.  Nani 
(juidam  Leodicensis  Stephanus  idem  olïicium,  sicut  et  historiam 

les  répons]  de  inventione  s.  Stephani,  composuisse  asseritur, 
quae  utraque  ab  apostolica  sede  respuuntur.  Unde  piae 
laemoriae  Alexander  papa  de  hac  re  inquisitus,  respondit  iuxta 
lomanum  ordinem  nullum  diem  adscribi  debere  solemnitati 
sanctae  Trinitatis,  sicut  nec  sanctae  unitatis,  praecipue  cum 


202  HISTOIRE    DU    JJIIÉVIAIIIE    ROMAIN. 

Ainsi  la  fête  de  la  Transfiguration  de  Notre- Sei- 
gneur, attestée  pour  la  première  fois  en  Espagne  au 
ix^  siècle,  adoptée  et  propagée  par  Cluny,  le  texte  do 
FolTice  étant  l'œuvre,  dit-on,  d'un  abbé  de  Cluny, 
Pierre  le  Vénérable  (-j-  1157)  '. 

Ainsi  la  fête  de  la  conception  de  saint  Jean-Baptiste 

in  omiii  dominica,  imo  cotidie,  utriusque  memoria  celebretiir... 
Incongruum  ergo  videlur  unani  dominicam  cum  oratioriibus 
Albini  et  cantu  Stepliani  de  sancta  Trinitate  celebrari.  »  - 
Jean  Beleth  note  les  scrupules  du  pape  Alexandre  II,  mais  il 
passe  outre  :  «  Solet  in  octava  Pentecostes  cantari  et  legi  do 
Trinitate,  quantumvis  Alexander  papa  interrogalus  an  etiam 
lieri  debeat,  dixerit  se  nescire  dieni  peculiarem  de  Trinitate, 
nec  de  unitate.  »  Rationale,  62.  —  Durand  de  Monde,  dans  sou 
Rationale,  vi,  114,  note  les  scrupules  d'Alexandre  II,  il  note 
aussi  que  la  fête  de  la  Trinité  est  reçue  «  in  plerisque  locis  )>. 
Il  attribue  les  répons,  les  antiennes,  la  messe  et  la  séquence 
de  la  Trinité  à  Alcuin,  dont  il  fait  un  contemporain  du  pape 
Alexandre  IL  II  y  a,  en  effet,  une  messe  De  sancta  Trinitate 
dans  le  sacramentaire  d'Alcuin  (P.  L.  CI),  mais  il  ne  s'agit 
pas  d'une  fête  propre. 

Marte  NE,  De  antiq.  Eccl.  discipl.  p.  545  :  «  In  vetustissimo 
sacramentorum  libro  monasterii  S.  Dionysii  in  Francia  ante 
annos  800  exarato  [=  ix'^  siècle],  in  altero  Turonensis  eccle- 
siae  ejusdem  circiter  aetatis,  in  Garnotensi  S.  Pétri  annorum 
700  [=  xr  siècle],  missa  intégra  habetur  de  SS.  Trinitate,  de 
qua  etiam  Joannes  Abrincensis  scribit...  sed  et  Rupertus  [= 
Robert  de  Tuy,  f  1135]  in  lib.  xi  de  divinis  officiis  c.  1.  [P.  L. 
CLXX,  293]  de  hoc  festo  tamquam  ubique  recepto  loquitur.  » 
Martene  cite  en  outre  un  texte  de  Catulfus,  Instructio  episto- 
laris  ad  Carolum  regem,  Gharlemagne  (P.  L.  XGVI,  1366), 
qui  me  semble  établir  au  contraire  que  la  fête  n'existait  pas, 
puisque  Gatulfus  demande  à  Gharlemagne  d'instituer  une 
fête  «  in  honore  sanctae  trinitatis  et  unitatis,  et  angelorum,  et 
omnium  sanctorum  ». 

1.  Inconnue  au  Micrologiis,  pas  mentionnée  par  Jean  d'AA  ran- 
clies;  acceptée  par  Jean  Beleth,  Rationale,  144.  Sur  l'origine 
espagnole  de  la  fête  de  la  Transfiguration,  Baeumer.  1.  I, 
p.  428. 


l'office  moderne.  203 

(24  septembre)  et  la  fête  de  la  conception  de  Marie 
(8  décembre) .  De  ces  deux  fêtes,  d'origine  irlandaise, 
et  attestées  au  ix°-x®  siècle,  la  première  a  disparu, 
tandis  que  la  seconde,  après  une  éclipse  momentanée 
au  xi*^  siècle,  est  relevée  en  Angleterre  par  Elsin,  abbé 
de  Ramsay  (1080-1087),  propagée  en  Angleterre  et 
déjà  très  discutée  dans  la  première  moitié  du  xii*^  siè- 
cle, propagée  en  France  dans  le  même  temps,  et 
(vers  1140)  combattue  avec  éclat  par  saint  Bernard 
apprenant  que  Lyon  l'a  adoptée.  «  Avant  d'agir 
ainsi,  dit  saint  Bernard  aux  Lyonnais,  il  fallait  con- 
sulter l'autorité  du  Siège  apostolique  et  ne  pas  se 
mettre  précipitamment  et  inconsidérément  à  la  re- 
morque de  quelques  gens  simples  et  ignorants...  Je 
m'en  rapporte  pour  tout  ceci  comme  pour  tout  le 
reste,  à  l'autorité  et  au  jugement  de  l'Eglise  romaine, 
prêt  à  corriger  selon  son  avis  mon  propre  senti- 
ment ^  »  La  fête  ne  sera  pas  de  longtemps  encore 
reçue  à  Rome. 


11  y  a  une  troisième  caractéristique,  la  plus  impor- 
tante. Jean  Beleth,  si  fidèle  qu'il  veuille  être  à  l'usage 
romain,  est  obligé  de  concédera  l'usage  non  romain 
l'introduction  des  hymnes  dans  l'ollice  canonique.  11 

1.  S.  Bernard.  Epistul.  CLXXIV,  9.  Sur  les  origines  de 
la  fête  H.  Thurston,  «  The  irish  origins  of  our  Lady's  Con- 
ception feast  »,  dans  le  Month,  mai  1904.  E.  Vagandard,  «  Les 
origines  de  la  fête  et  du  dogme  de  l'immaculée  Conception  », 
dans  la  lievu%  du  clergé  français,  avril  1910.  Les  plus  anciens 
textes  dans  II.  Thurston  et  T.  Slater,  Eadmeri  moiiachi 
caiifuariensis  Tractalus  de  conceptione  S.  M.  (Froiburg  1904). 


204  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

le  fait  de  mauvaise  grâce.  «  A  vêpres,  dit-il,  les  cinq 
psaumes  une  fois  chantés,  on  dit  une  leçon  brève  sans 
lube  et  sans  Ta  autem\  c'est  le  capitule.  A  la  suite  du 
capitule  se  place  un  répons  »,  —  à  Rome,  du  temps 
d'Amalaire  et  plus  tard,  le  capitule  de  vêpres  n'avait 
pas  de  répons,  —  «  et  au  lieu  du  répons,  on  dit  aussi 
un  verset  et  un  hymne.  Après  quoi,  l'antienne  et  le 
Magnificat.  Mais  la  plupart  du  temps  le  Magnificat^ 
qui  est  l'hymne  de  la  bienheureuse  vierge  Marie, 
tient  lieu  d'hymne,  et  l'on  n'en  chante  pas  d'autre  : 
Magnificat  loco  hymni  ponitur,  ut  praeterea  nullus 
alius  canatur  ^  ».  Ainsi,  Jean  Beleth,  vers  1105, 
témoigne  que  les  hymnes  ont  forcé  l'entrée  de  l'oilice 
des  séculiers,  encore  que  cette  nouveauté  n'ait  pas 
l'autorité  d'une  règle  partout  observée.  Jean  Beletli 
est  réactionnaire.  Mais  Abélard,  qui  appartient  au 
parti  opposé,  donne  clairement  à  entendre  dans  sa 
lettre  à  saint  Bernard,  vers  1140,  que  les  hymnes 
ont  dans  l'office  une  place  autrement  large  que 
celle  que  Jean  Beleth  leur  voudrait  laisser  ^.  Et,  par 
l'Eglise,  Abélard   entend  ici  l'usage  général  des  sé- 


1.  lOAN.  Beleth.  Hationale,  52  :  «  ...  hoc  est  capitulum,  ac 
deinde  responsoriuin,  vel  cius  loco  versus  cum  hymiiis  et 
antiphona,  ac  deinceps  Magnificat.  Plerunique  tameii  liymnus 
B.  Mariae,  videlicet  Magnificat,  loco  hymni  ponitur,  ut  prae- 
tei-ea  nullus  alius  canatur.  » 

2.  Epistul.  X  :  «  ...  hyninos  solilos   respuistis,  et  quosdai 
apud  nos  inauditos,  et  fere  omnibus  ccclesiis  incognitos,  al 
minus  sufficientes,  introduxistis.  Unde  et  per  totum  annum  ii 
vigiliis  tara  feriarum  quam  feslivitatum  uno  hyrfino  et  eodena^ 
contenti  estis,  cum  Ecclesia  pro  diversitate  feriarum  vel  fesli- 
vitatum diversis  utatur  hvmnis...  »  P.  L.  GLXXVIII,  339. 


l'office  moderne.  205 

culiers  comme  des  réguliers  qu'il  oppose  aux  singu- 
larités de  Clairvaux. 

Comment  s'était  formé  l'hymnaire  de  l'Église,  et 
sous  quelles  influences  était-il  entré  dans  l'office 
moderne? 

On  a  expliqué  au  premier  chapitre  de  cette  histoire 
comment  les  essais  primitifs  de  poésie  lyrique  chez 
les  Grecs  chrétiens  avaient  été  proscrits  de  l'usage 
liturgique  dès  le  début  du  iv^  siècle,  et  comment  les 
hymnes  d'un  Synésius  ou  d'un  Grégoire  de  Nazianze 
n'y  furent  jamais  introduits.  Chez  les  Latins,  la 
poésie  lyrique  chrétienne  devait  avoir  une  tout  autre 
fortune . 

En  386,  voyant  Milan  infestée  d'Ariens  que  la  pré- 
sence et  l'appui  de  la  cour  de  Valentinien  rendaient 
plus  insolents  et  plus  redoutables,  Ambroise  mit 
la  doctrine  du  consubstantiel  en  un  chant  pour  le 
peuple  :  «  Qidd  enim  potentius,  pouvait  répondre 
saint  Ambroise  aux  ennemis  qui  l'accusaient  d'avoir 
séduit  le  peuple  par  ses  vers,  quid  poteiitius  quam 
confessio  Trinitalis  quae  cotidie  totius  populi  ore 
celebi^atur  ^  !  »  Il  n'est  nullement  question  de  chant 
liturgique,  ni  que  ce  carinen  antiarien  (car  il  ne  s'a- 
git encore  que  d'un  seul  carmen,  le  Veni  redemptor 
gentium)  ait  figuré  au  programme  des  vigiles  mila- 
naises, en  concurrence  avec  la  psalmodie  davidique. 

Ce  noël  n'était  pas  le  seul  cantique  populaire  com- 
posé par  saint  Ambroise.  Saint  Augustin  connaît  de 

1.  Sermo  contra  Auxentium,  34. 


206  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIHE    IlOMAIiX. 

lui  et  cite  un  autre  cantique,  celui-ci  en  forme  de 
prière  du  matin  :  l'hymne  Aeterne  rerum  conditor. 
Le  même  Augustin  en  mentionne  un  troisième,  une 
sorte  de  prière  du  soir,  comme  le  précédent  était  une 
prière  du  matin.  Dans  ses  Confessions,  écrites  en 
397,  il  raconte  qu'à  la  mort  de  sa  mère  Monique,  il 
n'avait  trouvé  quelque  apaisement  à  sa  douleur  qu'à 
se  redire  les  beaux  vers  d'Ambroise  : 

Deus  Creator  omnium 
polique  reclor,  vestiens 
diem  decoro  lumine, 
noctem  soporis  gratia  : 

Artus  salutis  ut  quies 
reddat  laboris  usui, 
mentesque  fessas  allevet, 
luctusque  solvat  anxios  ^! 

Un  dernier  cantique  de  saint  Ambroise,  celui-là 
encore  mentionné  par  saint  Augustin,  était  tout  en- 
tier au  souvenir  de  la  mort  rédemptrice  de  Jésus- 
Christ  :  lam  surgit  hora  tertia.  Et  nous  voyons  que, 
dans  ces  trois  cantiques,  —  mettons  à  part  le  Veni 
redemptor  gentium,  —  saint  Ambroise  avait  voulu 
donner  au  peuple  comme  un  abrégé  à  son  usage  de 
l'eucologie  des  clercs  et  des  ascètes  :  le  peuple  prie- 
rait au  chant  du  coq,  il  prierait  à  l'heure  de  tierce,  il 
prierait  au  lucernaire,  et  il  prierait  dans  une  langue 
nouvelle  et  toute  différente  de  celle  de  la  liturgie. 

A  la  forme  métrique  adoptée  par  Ambroise,  son 
nom  resta  attaché.  Les  hymnes  en  dimètres  iambi- 

1.  Confession,  ix,  12. 


l'office  moderne.  207 

ques  prirent  et  gardèrent  le  nom  à'amhrosiani.  Le 
pape  Gélase  (492-496),  composant  des  hymnes,  ne 
croyait  pouvoir  les  composer  que  selon  la  formule 
métrique  de  saint  A^mbroise  :  «  Fecit  et  hymnos  in 
similitudinem  Ambrosiï^  ».  Ils  ne  nous  ont  point 
été  conservés  ;  mais  on  ferait  un  recueil  des  hymnes 
d'auteurs  inconnus  du  v*'  et  du  vi'^  siècle,  que  la  tra- 
dition a  attribués  à  Ambroise,  et  qui  ne  sont  ambro- 
siens  que  par  leur  forme  métrique.  Au  commence- 
ment du  vi^  siècle,  ils  formaient  vraisemblablement 
une  collection,  sous  le  nom  de  saint  Ambroise.  Et 
cette  collection  très  répandue  en  Italie,  en  Gaule,  en 
Espagne,  sollicitait  une  place  dans  Vordo  psallendi^. 
Saint  Benoît  (-J-  543)  la  lui  fit.  Au  nocturne,  entre 
l'invitatoire  et  les  psaumes;  à  laudes,  après  le  répons 
du  capitule;  à  prime,  à  tierce,  à  sexte,  à  none,  entre 
le  Deiis  in  adiutorium  et  les  psaumes;  à  vêpres, 
après  le  répons  du  capitule;  à  complies,  entre  la  fin 
du  dernier  psaume  et  le  capitule,  saint  Benoît  pres- 
crit de  chanter  un  hymne,  et  cet  hymne  il  l'appelle 
invariablement  du  nom  di  ambrosianus .  Il  ne  spécifie 
is  davantage.  Mais  Aurélien,  évêque  d'Arles  (546- 
II),  qui  rédige  quelques  années  à  peine  plus  tard 
le  adaptation  de  la  règle  bénédictine  pour  les  mo- 
Lstères  de  pénitents  et  de  vierges  de  sa  ville  épisco- 
iale,  décrit  à  son  tour  Yor^do  psallendi  qu'il  leur 
ipose;  et  dans  cet  ordo  il  fait,  lui  aussi,  figurer  des 
rmnes,  dont  il  a  soin  de  donner  les  premiers  mots 

_1.  L.  P.  1. 1,  p.  255. 
2.  U.  Chevalier,  Poésie  Litm^gique  (Tournai  1894),  p.  xiii- 


208  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

en  guise  de  titre.  Nous  y  retrouvons  le  Deas  creator 
omnium  et  le  lam  surgit  hora  teriia  de  saint  Am- 
broise.  A  la  suite  les  ambrosiens  anonymes  que 
voici  : 

Fulgentis  auctor  aetheris. 
lam  sexta  sensim  vol'vitur. 
Ter  hora  trina  volvitur. 
Deiis  qui  certis  legibus. 
Splendor  paternae  gloriae. 
Aeterne  lacis  conditor. 
0  rex  aeterne  domine. 
Hic  est  dies  ver  us  Dei. 
Magna  et  mirabilia. 

Dès  567,  c'est-à-dire  quinze  ans  après  la  mort 
d'Aurélien  d'Arles,  un  concile  tenu  à  Tours  parle  des 
«  hymnes  ambrosiens  reçus  dans  le  canon  »,  —  c'est- 
à-dire,  on  peut  conjecturer,  mis  à  la  suite  des  psau- 
mes, —  et  qui  se  chantent  à  Tours.  Il  ajoute  qu'il  n'y 
a  pas  lieu  de  s'en  tenir  aux  seuls  hymnes  ambrosiens; 
car,  du  moment  qu'il  en  existe  d'auteurs  autres  que 
saint  Ambroise,  et  que  ces  hymnes  sont  assez  beaux 
pour  mériter  d'être  chantés,  il  convient  de  les  rece- 
voir, à  la  seule  condition  que  les  noms  de  leurs  au- 
teurs soient  inscrits  en  tête  de  chacun  d'eux  ^ 

L'exemple  donné  par  Tours  n'était  pas  sans  rencon- 
trer en  mainte  Église  une  résistance  déclarée.  C'était 


1.  Mansi,  t.  IX,  p.  803  :  «  Licet  liymnos  ambrosianos  habea- 
mus  in  canone,  tamen,  quoniam  reliquorum  sunt  aliqui  qui 
digni  sunt  forma  cantari,  volumus  libenter  amplecti  eos  prae- 
terea,  quorum  auctorum  nomina  fuerint  in  limine  praeno- 
tata...  » 


1 


l'office  moderne.  209 

à  cette  innovation  que  fait  allusion  le  concile  de 
Braga,  en  563,  quand  il  interdit  de  rien  chanter  de 
poétique  dans  l'assemblée  des  fidèles  ^  Cette  résis- 
tance, faite  ainsi  au  nom  de  la  tradition  liturgique, 
tenait  encore  ferme  au  siècle  suivant.  On  en  peut 
juger  par  l'énergie  avec  laquelle  le  concile  de  Tolède 
de  G3o  la  condamne.  Nous  possédons,  y  est-il  dit, 
quelques  hymnes  composés  à  la  louange  de  Dieu,  des 
apôtres  et  des  martyrs  :  tels  sont  les  hymnes  des 
bienheureux  docteurs  Hilaire  et  Ambroise.  Et  ces 
hymnes  sont  réprouvés  par  quelques  personnes,  sous 
prétexte  que  l'on  doit  recevoir  dans  la  liturgie  le  texte 
seul  de  l'Écriture  sainte.  Que  diront-elles  du  Gloria 
Patri?  Et  du  Gloria  in  excelsis?  Et  des  leçons  de 
l'office?  Et  des  collectes?  Donc,  il  ne  faut  pas  plus 
condamner  les  hymnes  que  les  oraisons,  et,  en  cela, 
la  Gaule  et  l'Espagne  doivent  avoir  le  même  usage  : 
«  plectendi  qui  hymnos  reicere  fuerint  ausi ^  » .  C'est 
dire  qu'au  vii*^  siècle,  les  hymnes  avaient  cause  ga- 
gnée en  Gaule  et  en  Espagne.  Autant  en  doit-on 
dire  de  l'Irlande,  témoin  l'antiphonaire  de  Bangor 
(vu*'  siècle)^. 

Mais  l'Église  romaine  s'en  était  tenue  à  la  discipline 
dont  témoigne  le  concile  de  Braga  :   «  Nihil  poetice 

1.  Mansi,  t.  IX,  p.  778  :  «  Placuit  ut  extra  psalmos  vel 
canonicariira  scripturarum  novi  et  veteris  testamenti,  iiiliil 
poelice  composihim  in  ecclesia  psallatur,  sicut  et  sancti  prae- 
cipiiint  canones.  » 

2.  Mangi,  t.  X,  p.  623. 

3.  P.  L.  LXXII,  579-606.  T.e  ras.  appartient  à  la  bibliothè- 
que Ambrosienne,  à  Milan.  F.  E.  Warren,  The  Antiphonary 
of  Bangor  (Londres  1893). 

HISTOIRE    nu   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  14 


210  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

compositum  in  ecclesia  psallatur,  sicut  et  sancti- 
praecipiunt  canones  ^ .  »  Et,  sur  ce  point,  l'Église 
romaine  tint  bon  jusqu'à  la  fin  du.  xii*^  siècle  :  le 
chanoine  Benoît  et  Cencius,  non  plus  qu'Amalaire 
ni  le  Micî'olos^us,  ne  mentionnent  d'hymnes  dans 
l'office  romain.  L'antiphonaire  de  Saint-Pierre,  au 
xii*"  siècle,  indique  le  Telucis  ante  terminum  comme 
étant  chanté  à  compiles.  De  même,  il  indique  le 
Nunc  sancte  nobis  spùntus  comme  appartenant  à 
tierce.  Mais,  au  moins  pour  ce  dernier,  la  rubrique 
est  décisive  :  «  In  choro  hune  hymnum  non  dici- 
miiSf  sed  in  aliis  oratoriis  decantamus^.  »  L'anti- 
phonaire de  Saint -Pierre  n'a  pas  d'autre  mention 
d'hymnes. 

Cependant  l'hymnaire  monastique  s'était  déve- 
loppé et  constitué  ^.  Au  xi''  siècle,  il  comportait  un 

1.  Même  rigueur  à  Lyon  :  «  Reverenda  concilia  patrum  de- 
cernunt  nequaquam  plebeios  psalmos  in  ecclesia  decantandos 
et  nihil  poetice  compositum  in  divinis  laudibus  usurpandum  ». 
rappelle  à  ses  clercs  l'archevêque  de  Lyon  Agobard,  au 
ix"  siècle,  dans  son  opuscule  De  divina  psalmodia  {P.  L. 
GIV,  327).  Voyez  encore  son  De  correctione  anfiphonarii 
[ibid.  p.  329  et  suiv.),  où  il  s'élève  si  vivement  contre  l'intro- 
duction dans  l'offîce  de  répons  ou  d'antiennes  dont  le  texte 
n'est  pas  pris  aux  livres  saints  :  «  Antiphonarium  haheamus 
omnibus  humanis  flgmentis  et  mendaciis  expiirgatum,  et  pcr 
totum  anni  circulum  ex  purissimis  sanctae  Scripturae  verbis 
suffîcientissime  ordinatum  »  (ch.  xix  [p.  338]).  Baeumer,  t.  I, 
p.  369  :  «  Il  est  étrange  [mais  non!]  que  dans  les  statuts  des 
évêques  Hayton  de  Bâle  (f  836)  et  Riculf  de  Soissons  (f  902). 
où  les  livres  liturgiques  sont  énumérés,  il  ne  soit  fait  aucune 
mention  d'hymnaire.  » 

2.  TOMASi,  t.  IV,  p.  168. 

3.  Je  me  réfère  au  bréviaire  Gassinésien  ms.  de  la  Mazarino. 
dont  il  sera  question  plus  loin.  Rapprochez  la  lettre  de  Théo- 


l'office  moderne.  211 

hymne  invariable  à  chacune  des  petites  heures  :  le 
lam  lucis  orto  sidère  à  prime  ;  le  Nunc  sancte  nobis 
spûitus,  à  tierce  :  le  Hector  potens  çerax  Deus,  à 
sexte  ;  le  Rerum  Deus  tena.x  vigor,  à  none  ;  et  soit  le 
Te  lucis  ante  terminum^  soit  le  Christus  qui  lux  es 
et  diesy  à  complies.  Autant  d'ambrosiens  anonymes 
non  postérieurs  au  vi''  siècle.  Pareils  ambrosiens  for- 
maient riiymnaire  des  fériés  : 

Lundi.  Somno  refectis  artuhus  (Noct.). 

—  Splendor  paternae  gloriae  (Laud.). 

—  Immense  caeli  conditor     (Vesp.). 
Mardi.  Consors paterni  luminis     (Noct.). 

[Aies  diei  nuntius]     (Laud.). 

—  Telluris  ingens  conditor    (Vesp.). 
Mercredi.  Rerum  creator  optime     (Noct.). 

—  [Noxet  tenebrae  et  nubila]    (Laud.), 

—  Caeli  Deus  sanctissime     (Vesp.). 
Jeudi.  Nox  atra  rerum  contegit     (Noct.). 

—  Lux  ecee  surgit  aurea     (Laud.). 

—  Magnae  Deus  potentiae     (Vesp.). 
Vendredi.  Tu  Trinitatis  unitas     (Noct.). 

—  Aeterna  caeli  gloria      (Laud.). 

—  Plasmator  hominis  Deus     (Vesp.). 


domar  à  Gharlomagnc  :  «  In  fîdem  sacrae  eiusdem  regulao 
ymnos,  qui  secundum  instilula  beati  Patris  noslri  [=  Beno- 
dicti]  per  singiila  officia  velfeslivilales  cantaridebent.  adncxui- 
mus  »  {P.  L.  XGV,  1584).  Baeumer,  t.  I,  p.  369,  énumère 
quelques-uns  des  plus  anciens  hymnaires  mss.  (viir-ix'=  siècle). 
Il  y  a  plus  ancien,  le  ms.  Vatican.  Reginen.  11  (vr-vir  siècle), 
qui  conlient  un  hymnaire  joint  à  un  psautier  gallican.  Eh- 

RENSBERPrER,   p.   3-4. 


212 


HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 


Samedi.  Siunmae  Deiis  clementiae     (Noct.). 

—  Aurora  iam  spargit poliim  (Laud.). 

—  0  lux  beata  trinitas     (Vesp,). 
Dimanche.  Primo  dierum  omnium     (Noct.). 

—  Aeterne  rerum  conditor     (Laud.). 

—  Lucis  Creator  optime     (Vesp.). 

Les  hymnes  du  propre  du  temps  étaient  empruntés 
à  la  même  collection  à.' ambrosiani  : 


AVENT. 


NOEL. 


Epiphanie. 


Carême. 


Conditor  aime  siderum     (Vesp.). 
Verbum  supernum prodiens  (Noct.  . 
Vox  clara  ecce  intonat     (Laud.). 
Veni  redemptor  gentium     (Vesp.). 
Christe  redemptor  omnium  (Noct.). 
[A  solis  ortus  cardinej     (Laud.). 
lesus  refulsit  omnium     (Vesp.). 
[Hostis  Herodes  impie]     (Noct.). 
Illuminans  altissimus     (Laud.). 
Audi  bénigne  conditor     (Vesp.). 
Ex  more  docti  mystico    (Noct.). 
Iam  Christe  sol  iustitiae     (Laud.). 


Pâques. 


Ad  caenam  agni providi    (Vesp.). 

—  Hic  est  dies  i^erus  Dei    (Noct.). 

—  Aurora  lucis  rutilât     (Laud.). 
Ascension.  [Festum  nunc  célèbre...]     (Vesp.). 

—  Optatus  votis  omnium     (Noct.). 

—  Iam  Christus ascenditpolum  (Laud.  . 

On  n'insistera  pas  sur  Thymnaire  du  propre  des 
saints,  qui  dans  tout  hymnaire  est  la  partie  la  moins 
fixée,  encore  que  l'on  doive  observer  que  l'hymnaire 
était  formé  pour  la  plus  grande  part  d'hymnes  dans  la 


l'office  moderne.  213 

formule  de  saint  Ambroise:  Stephano  primo  maiiy  ri, 

—  Amore  Christi  nobilisy  —  Agnes  beatae  çirginis, 

—  Apostolorum  passio,  —  Apostolorum  supparens, 

—  Martine  conf essor  Dei,  —  Post  Petruni  primum 
priiicipem,  —  Ad  Christi  laiidem  virginis,  etc. 

Les  divers  ambrosiens  que  l'on  vient  de  citer  for- 
ment comme  le  noyau  de  Tliymnaire.  On  y  a  reconnu 
les  hymnes  authentiques  de  saint  Ambroise.  A  la 
suite,  un  groupe  d'hymnes  écrits  selon  la  formule  pro- 
sodique de  saint  Ambroise,  exactement  fidèles  aux 
règles  de  la  quantité,  du  mètre  et  de  l'hiatus.  Et  enfin 
on  y  voit  apparaître,  et  en  nombre,  des  hymnes  ryth- 
miques, c'est-à-dire  des  hymnes  qui  n'ont  de  commun 
avec  le  dimètre  iambique  que  le  nombre  total  des 
syllabes,  et  où  la  quantité  ni  l'hiatus  ne  sont  plus 
observés,  «  ut  sunt  carmina  çulgarium  poetarum  », 
comme  dit  Bède  ^  Toutefois,  en  se  montrant  fidèles 
au  type  ambrosien,  celui-là  même  que  saint  Benoît 
avait  entendu  recevoir  dans  Vordo  psallendi  de  ses 
moines,  les  lettrés  du  viii^  et  du  ix®  siècle  crurent 
pouvoir  faire  une  place  dans  leur  hymnaire  à  des  com- 
positions, quelques-unes  plus  récentes,  d'un  caractère 
littéraire  plus  sensible. 

Prudence  avait  composé  un  recueil  d'hymnes,  sorte 
de  psautier  laïque-,  le  Cathémérinon,  où  il  avait  dé- 

1.  Bed.  De  art.  metric.  24.  Cf.  Walafrid  Strab.  De  eccl. 
ver.  exord.  25.  {P.  L.  GXIV,  955)  :  «  Sciendum  tamen  raul- 
tos  putari  ab  Ambrosio  factos,  qui  nequaquam  ab  illo  sunt 
edili.  Incredibile  enim  videtur  illum  taies  aliquos  fecisse,  qua- 
les  multi  inveniuntur,  id  est  qui  nullam  sensus  consequentiam 
liabenles,'  insolitam  Ambrosio  in  ipsis  dictionibus  ruslicitalGni 
demonstrant.  » 


214  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIHE    ROMAIN. 

ployé  les  ressources  d'une  métrique  savante  et  d'une 
rhétorique  de  métier.  L'Eglise  avait  peu  goûté  ces 
virtuosités.  La  strophe  saphique  elle-même  n'avait 
pas  trouvé  grâce  à  ses  yeux  sévères.  On  n'avait  pris 
à  Prudence  que  des  strophes  écrites  en  dimètres  iam- 
biques,  c'est-à-dire  selon  la  formule  ambrosienne  : 
le  Aies  diei  nuntius,  pour  les  laudes  du  mardi;  le 
Noa:  et  tenebrae  et  nuhila^  pour  les  laudes  du  mer- 
credi; et  enfin,  d'un  hymne  languissant  et  froid  sur 
l'Epiphanie,  les  quelques  strophes  qui  forment  le 
Salvete  flores  martyr um,  court  chef-d'œuvre. 

A  Sédulius  le  pèle  versificateur  du  Carmen  pas- 
chale,  on  avait  emprunté  quelques  strophes  de  son 
hymne  alphabétique  sur  la  vie  et  les  miracles  du 
Christ,  pour  former  l'hymne  des  laudes  de  Noël,  A 
solis  ortus  cardine,  d'une  part,  et  l'hymne  des  ma- 
tines de  l'Epiphanie,  Hostis  Herodes  impie^  d'autre 
part,  deux  hymnes  selon  la  formule  ambrosienne. 

A  Fortunat  appartiennent  les  deux  hymnes  du  di- 
manche de  la  Passion.  Il  avait  composé  l'une  en 
l'honneur  d'ime  relique  de  la  vraie  croix  donnée  par 
l'empereur  Justin  à  sainte  Radegonde;  et  il  l'avait 
écrite  en  iambiques  ambrosiens  :  Vexilla  régis  pro- 
deunt.  L'autre,  qui  se  rapportait  à  la  même  inspira- 
tion, était  écrite  dans  le  mètre  des  chants  que  chan- 
taient, dit-on,  les  soldats  romains  dans  les  triomphes, 
le  tétramètre  trochaïque  catalectique  : 

Paiige,  liiigua,  gloriosi  praelium  certaminis, 
et  super  cruels  tropaeo  die  triumphum  nobilem, 
qualiter  redemptor  orbis  immolatus  vicèrit  ^ 

1.  L'hymne  Quem  terra  pondus  aethera  est  attribué  à  For- 


l'office  moderne.  215 

Enfin,  riiymnaire  s'était  ouvert  aux  poètes  de  la 
renaissance  carolingienne,  familiers  avec  les  mètres 
de  la  poésie  lyrique  païenne.  Ainsi  Paul  Diacre,  qui 
n'avait  pas  écrit  que  selon  la  formule  ambrosienne 
l'hymne  de  la  fête  de  saint  Benoît,  Fratres  alacri 
peclore^  mais  qui  était  Fauteur  de  l'hymne  de  la  fête 
de  la  nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  en  strophes  sa- 
phiques^  : 

Vt  queant  Iaxis  resonare  fibris 
mira  gestorum  famiili  tiiorum 
solve  polluLi  labii  reatum, 
sancte  loannes  ! 

et  l'hymne  (l'authenticité  en  est  controversée)  des  vê- 
pres de  l'Assomption  de  la  Vierge,  celle-ci  en  stro- 
phes alcaïques  : 

Qiiis  possit  amplo  famine  praepotens 
digne  fateri  praemia  virginis, 
per  quam  veteniae  sub  laqiieo  necis 
orbi  retento  reddita  vita  est. 

Ainsi  Raban  Maur,  ou  tout  au  moins  son  école,  à 

liDial.  Mais  colle,  allribulion  nianqiio  d'autorité.  Il  faut  en  dire 
autant  du  Qua  Christus  hora  sitiit  et  de  VAgnoscat  omne  sae- 
Ciilum.  Autant,  et  ajiTC  plus  de  décision,  de  VAve  mai'is  Stella. 
Voy.  Léo,  Venanti  Fortunati  opéra  poet.  (Berlin  1881),  p.  384- 
386. 

1.  loAN.  Beleth.  Rationale,  135  :  «  Paulus,  historiographus 
diaconus  romanae  curiae,  monachus  cassinensis,  cum  die 
quodam  paschalem  cereum  consecraret,  fauces  eius  raucae 
factae  sunt,  cum  prius  esset  salis  vocalis.  Ut  ergo  vox  ei  re- 
slitueretur,  in  honorem  sancti  loannis  hymnum  hune  compo- 
siiil  :  Ut  queant  Iaxis...  » 


216  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIIIE    ROMAIN. 

qui  revenait  l'hymne  des  vêpres  de  l'Ascension,  en 
strophes  asclépiades  : 

Fcstuni  mine  célèbre  niagnaque  gaiidia 
roinpeUiml  aiiimos  carmina  promere, 
ciini  Christiis  soliiim  scandit  ad  ardiuim 
caeloTum  pins  arbiter  i. 

A  cette  même  renaissance  carolingienne  on  attri- 
buera les  hymnes  suivants  :  — en  strophes  saphiques, 
le  Nocte  siu'gentes  vigilemus  oimies  et  le  Ecce  iam 
noctis  tenuatar  umbra,  que  l'on  met  sous  le  nom  de 
saint  Grégoire;  le  Quod  chorus  vatam  venerandus 
olim  (Raban  Maur),  de  la  fête  de  Purification;  le 
Christe  sanctorum  decus  angelorum  (Raban  Maur), 
de  la  fête  de  saint  Michel  ;  le  Martyris  Christi  coli- 
miis  trlumphum,  de  la  fête  de  saint  Laurent;  le 
Christe  sanctorum  decus  atque  çirtus,  de  la  fête  de 
saint  Benoît;  le  Iste  confessor  domiiii  sacratus  du 
commun  des  confesseurs,  et  le  Virginis  proies  opi- 
fexque  niatris,  du  commun  des  vierges;  —  en  stro- 
phes asclépiades,  le  Gaude  viscerihus  mater  in 
intimis,  de  la  fête  de  la  Nativité,  et  le  Sanctorum 
meritis  inclyta gaudia^  du  commun  des  martyrs. 

Mettons  à  part  de  ces  œuvres  limées  de  lettrés  deux 
admirables  choses,  dans  leur  rudesse  de  facture  : 
l'hymne  de  la  Dédicace  (vu''  siècle),  écrit  sur  le  mo- 
dèle du  Pange  lingua  de  Fortunat  : 

Urbs  beata  lerusalem,  dicta  pacis  visio, 

1.  DuEMMLER,  Poetae  latini  aevi  karolini  (Berlin  1880),  t.  I, 
pp.  48,  83,  84,  et  t.  II,  p.  249. 


l'office  moderne.  217 

qiiae  constniitiir  in  caelis  vivis  ex  lapidibus, 
et  angelis  coornata  ut  sponsata  comité! 

et  l'hymne,  en  trimètres  iambiques,  attribué  à  Pau- 
lin d'Aquilée  (f  802),  la  solennité  des  saints  apôtres 
Pierre  et  Paul,  où  Ton  sent  passer  comme  le  souffle 
de  la  dévotion  écuménique  pour  Rome  : 

0  Roma  felix,  quae  tuorum  principum 
es  purpurata  pretioso  sanguine, 
excellis  omnem  niundi  pulchritudinem  '.,. 

Cet  hymne  est  imité  de  l'hymne  aux  apôtres  Pierre 
et  Paul,  Aiwea  luce  et  décore  roseo,  qui  passe  pour 
l'œuvre  d'Elpis,  femme  de  Boëce.     , 

A  la  fin  du  viii^  siècle  et  au  commencement  du  ix% 
sous  l'influence  de  l'Église  romaine,  opposée  à  admet- 
tre l'hymnaire  dans  sa  liturgie,  on  put  croire  que 
l'hymnaire  allait  être  éliminé  de  l'usage  ecclésiastique. 
Les  Eglises  franques  y  renoncèrent  en  adoptant  la  li- 
turgie romaine.  Mais  ce  ne  fut  qu'un  moment.  Déjà, 
dans  la  première  moitié  du  ix*^  siècle,  Walafrid 
Strabon  témoigne  que  beaucoup  d'Eglises  avaient 
repris  l'hymnaire,  puisque  celles  qui  ne  chantaient  pas 
d'hymnes  étaient  comme  l'exception  :  «  Quamvis  in 
quibusdam  ecclesiis  hymni  metrici non  cantentur. . . ,  » 
écrit-il  2.  Il  n'est  pas  hypothétique  de  voir  dans  ce 

1.  Voy.  L.  Traubë,  0  Roma  nobilis,  philol.  Untersuchungen 
(Munich  1891),  pp.  3-13.  —  Comparez  le  sentiment  exprimé  par 
le  Decretum  Gelasii  :  «  [Petrus  et  Paulus]  pariter  supradictam 
romanam  Ecclesiani  Christo  domino  consecrarimt,  aliisque 
omnibus  in  universo  mundo  urbibus  sua  praesentia  atque 
triumpiio  praetulerunt  ».  Preusgiien,  p.  149. 

2.  Walafr.  Strab.  De  rer.  ecclesiast.  exordiis,   25  {P.  L. 


218  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

succès  de  l'hymnaire  une  preuve  de  Finfluence  mo- 
nastique ^  Au  XI*'  siècle,  cette  intrusion  était  un  fait 
acquis  à  peu  près  partout,  sauf  à  Rome  ^. 


La  modification  du  calendrier,  l'abréviation  du  lec- 
tionnaire,  l'adoption  de  l'hymnaire  monastique  sont 
les  trois  caractéristiques  saillantes  de  l'office  moderne 
non  romain.  Il  reste  à  signaler  quelques  détails  pro- 


CXIV,  954)  :  «  Notandum  hymnos  dici  non  iantuni  qui  melris 
vol  rythmis  decurruni,  qiialcs  composueruni  Ambrosius, 
Hilarius,  et  Beda  Anglorum  palcr,  et  Prudenliiis  Hispaniamm 
scolasticus,  et  alii  mulli...  El  quamvis  in  quibusdara  eccle- 
siis  hymni  metrici  non  cantonhir...  »  Walafrid  rapporte  que 
saint  Paulin,  patriarche  d'Aquilée  (f  802),  était  de  ceux  qui 
voulaient  mettre  des  hymnes  partout,  «  saepius  et  maxime  in 
privatis  missis...  hymnos  vel  ab  aliis  vel  a  se  compositos  celé- 
brasse  ». 

1.  Voyez  pour  le  x"  siècle,  Dunstan.  De  regimine  monacho- 
rum,  2  (P.  L.  GXXXVII,  485). 

2.  A  Rome  même  il  faut  dislinguer.  Grangolas,  Comment. 
p.  84  :  «  Gonslanter  adfirmaudum  est,  xii"  saociilo  nullos  in 
Ecclesia  S.  Pétri  recilalos  fuisse  [hymnos],  alque  cum  Ulricus 
in  Gonsuetudinibus  Gluniacensibus  hymnorum  Ecclesiae  ro- 
manae  meminit,  de  singularium  aliarum  Ecclesiarum  hymnis 
agere  voluisse.  »  Dans  les  règlements  inédits  de  Grégoire  VII 
publiés  par  Dom  Morin,  Revue  bénédictine,  1901..  p.  183,  on  lit  : 
«  Ymnos  in  ecclesia  per  tolum  annum ,  per  omnes  lioras 
diei  et  noctis  regularis  décantât  auctoritas,  solis  tribus  diebus 
in  anno  exclusis,  hoc  est  cena  D.  parasceven  et  sabbato 
sancto.  »  Mais  les  mots  regularis  auctoritas  témoignent  qu'il 
s'agit  là  de  l'usage  monastique  ou  privé,  et  non  point  des 
grandes  basiliques.  Ita  Morin  lac.  cit.  —  La  même  exception 
peut  valoir  contre  le  texte  (a.  1086  environ)  des  Consuetudines 
cfuniacenses,  52,  que  nous  oppose  Ghevalier,  p.  xxiv. 


l'office  moderne.  219 

près  aussi  à  cet  office  moderne,  et  dont  il  fera  la  for- 
tune :  j'entends  le  symbole  Quicunque  vult,  les  suf- 
frages que  nous  appelons  Commemorationes,  l'office 
quotidien  de  la  sainte  Vierge,  l'office  quotidien  des 
défunts. 

Un  concile  d'Autun,  de  670  environ,  est  la  plus  an- 
cienne attestation  canonique  que  nous  ayons  du  Qui- 
cunque çult  ' .  Il  y  est  dit  :  «  Si  guis  presbyster  aut 
diaconuSy  subdiaconus  clericus  symbolum,  quod 
sancto  inspirante  Spiritu  apostoli  tradiderunty  et 
fidem  sancti  Athanasii  praesulis  irreprehensibiliter 
non  recensueril,  ah  episcopo  condemnetur  »  ^. 

Ce  vieux  symbole  gallican,  que  Ton  trouve  dans 
les  psautiers  gallicans  les  plus  anciens  transcrit  à  la 
suite  des  psaumes  et  des  cantiques,  le  Quicunque  vult 
n'était  pas  reçu  à  Rome  dans  la  liturgie.  Ni  Ama- 
laire,  ni  le  Micrologus  ne  le  mentionnent.  A  prime, 
l'office  romain  fait  réciter  un  symbole,  mais  c'est  le 
symbole  des  apôtres,  «  credulitas  nostra  quam  sancti 
apostoli  constituerunt  »,  dit  Amalaire  ^.  Le  Quicun- 
que s'est  introduit  dans  la  liturgie  des  Eglises  franques 
au  ix^  siècle.  Hayton,  évêque  de  Baie  (f  836),  impose 
à  ses  clercs  l'obligation,  non  seulement  de  le  savoir 

1.  Dom  MoiiiN,  «  Le  symbole  de  saint  Atlianase  et  son  pre- 
mier témoin,  saint  Gésaire  d'Arles  »,  dans  la  Revue  bénédictine, 
1901,  p.  3'i:7-363,  a  montré  que  saint  Gésaire  est  le  premier 
(542)  qui  ait  cité  le  Quicunque  vult.  A.  Burn,  An  introduction 
to  the  creeds  (London  1899),  p.  151.  Sur  l'origine  du  Quicun- 
que, voyez  TixEROxNT,  art.  «  Athanase  (Symbole  de  saint)  », 
dans  le  Dictionnaire  de  théologie  de  Vacant. 

2.  Mansi,  t.  XI,  p.  125.  Burn,  p.  156. 

3.  .\malar.  De  off.  eccl.  iv,  2. 


fe 


220  HiSTorRE  DU  bréviaire  romain. 

par  cœur,  mais  de  le  réciter  chaque  dimanche  à 
prime  :  «  Fides  sancti  Athanasii...  omni  die  dominico 
ad  horam  primam  recitetur  »  ^  Au  siècle  suivant, 
Cluny  fait  sien  cet  usage,  et  même  impose  la  récita- 
tion du  Quicuiique  ^ult  tous  les  jours  à  prime  :  Textus 
fldei  a  s.  Athanasio  conscriptus  [cuius  nonnullae 
Ecclesiae  nec  meminerunt  nisi  in  sola  dominicà] 
nullo  die  ohmittatur'^  ». 

Deuxièmement,  les  suffrages. 

Amalaire  ne  prescrit  nulle  part  de  faire,  à  vêpres 
ni  à  laudes,  mémoire  de  la  sainte  Vierge  ni  d'aucun 
saint.  Il  n'en  est  pas  question  davantage  dans  le  cé- 
rémonial pontifical  du  chanoine  romain  Benoît,  au 
commencement  du  xii''  siècle.  —  Par  contre,  l'antipho- 
naire  de  Saint-Pierre  prescrit  de  faire  mémoire  de 
la  croix  aux  vêpres  et  aux  laudes  du  temps  pascal, 
et  le  chanoine  Benoît  de  même  :  «  In  omnibus  matu- 
tinis  laudihus  et  vespertinis  horis  fit  commemo ratio 
passionis  Christi  et  resurrectionis^  antiphona  Cru- 
cem  sanctam  et  Noli  flere,  cum  çersibus  et  orationi- 
bus  siiis'^  ».  A  Rome  encore  Fantiphonaire  de  Saint- 
Pierre  prescrit  d'autres  commémoraisons,  et  d'abord 

I.IIayton.  Capilulare,k.  P.L.  GXV,11.  — Mahtene,  Deanllq. 
Eccl.  discipl.  p.  47  :  «  In  percelebri  S.  Martini  Turonensis 
Ecclesia  ex  coramuni  totius  capituli  canonicorum  consensu 
anno  922  statutuni  fuit,  ut  «  cantarent  fratres  generaliter  ad 
«  horam  primam  tam  festis  diebus  quam  et  quotidianis  catlio- 
«  licam  fidem,  quam  S.  Athanasius,  Spiritu  sancto  dictante, 
«  composuit,  id  est,  Quicumque  vult  salviis  esse  ».  Gujus  insli- 
tutionis  decretum  extat  in  pervetusto  ejusdem  Ecclesiae  cliar- 
tario.  » 

2.  Udalric.  Consuetud.  cluniacen.  i,  2. 

3.  BeXEDICT.  .55.  Cf.  TOMASI,  t.  IV,  p.  100. 


I^'OFFICE    MODERNE.  221 

une  mémoire  de  la  Vierge  et  de  tous  les  saints,  puis 
celle  des  apôtres  Pierre  et  Paul  ;  elles  sont  marquées 
à  l'issue  de  vêpres  et  de  laudes  tous  les  jours  de  l'an- 
née, sauf  du  dimanche  de  la  Passion  à  la  Pentecôte, 
d'une  part,  et  le  temps  de  Noël,  d'autre  part  ^  — 
Exception  faite  pour  la  mémoire  de  la  croix,  qui 
peut  tirer  son  origine  des  rubriques  des  vêpres  pas- 
cales de  Rome,  il  semble  que  l'usage  des  mémoires 
communes  soit  un  usage  gallican  et  monastique  ^  im- 
porté à  Rome  au  cours  du  xi°  siècle  seulement,   et 


1.  TOMASI,  t.  IV,  pp.  22,  27,  30,  52,  100. 

2.  Udalric.  Consuetiid.  cluniacen,  i,  3  :  «  Ad  matutinas  et 
vesperas,  post  suffragia  sanctorum...  »  Abaelard.  Epistul.  VIII 
(à  saint  Bernard,  contre  les  innovations  de  Glairvaux)  :  «  ...  ea 
quae  suffragia  sanctorum  dicuntur,  omnino  a  vobis  fieri  inter- 
dixistis,  quasi...  vos  suffragiis  sanctorum  minus  egeatis.  Et, 
quod  mirabile  est,  cum  omnia  oratoria  vestra  in  memoria 
matris  dominicac  tundetis,  nullani  eius  commemorationem, 
sicut  nec  caetcrorum  sanctorum,  ibi  frequenlatis.  » 

Gerhard.  Vitas.  Udalrici  (l'évêque  d'Augsbourg,  f  973),  2  : 
«  Cursus  scilicet  cotidianus  cum  matriculariis  in  choro  eiusdeni 
matriculae  [la  cathédrale]  ab  eo  cautc  observabatur...  Insuper 
autem  unum  cursum  in  honore  sanclae  Mariae  genitricis  Dei, 
et  alterum  de  sancta  cruce,  tertium  de  omnibus  sanctis,  et  alios 
psalmos  plurimos...  omni  die  explere  solitus  erat,  nisi  eum 
impediret  aliqua  inevitabilis  nécessitas.  »  P.  L.  GXXXV,  1016. 

Fulbert.  Garnot.  Epistul.  LXIII,  ad  Hildegardiim  (P.  L. 
CXLI,  232)  :  «  De  vario  numéro  psalmorum  qui  adiciuntur  a 
quibusdam  in  tempore  ieiunii  per  singulas  horas  canonicas, 
in  fine,  post  orationem  dominicam  et  capitula  quae  sequuntur 
[entendez  les  Preces  feriales],  regulam  non  invenio.  Psalmi 
quidem  meo  arbitratu  superflui  essenl,  nisi  eos  tutaret  psal- 
inistarum  devotio.  Finitis  autem  capitulis,  post  orationem 
dominicam,  ubi  dicitur  Domine  exaiidi  orationem  meam, 
statim  esset  subdenda  oratio  quae  ex  libre  sacramentario 
recitatur.  Patere  tamen  ecciesiam  retinere  suum  usum  ad 
praesens.  » 


222  HISTOIRE    DU    BRKMAFIIE    ROMAIN. 

dont  la  première  attestation  romaine  est  le  Microlo- 
gus. 

Troisièmement,  roffîce  quotidien  de  la  sainte 
Vierge. 

La  plus  ancienne  attestation  que  l'on  ait  de  roincc 
quotidien  de  la  sainte  Vierge  est  du  xi°  siècle  et  re- 
vient à  l'abbaye  italienne  de  Fonte  Avellano,  en  d'au- 
tres termes  à  la  congrégation  des  Camaldules  issue 
de  Cluny '.  On  attribue  généralement,  à  la  suite  du 
cardinal  Baronius^,  l'institution  de  cet  office  quoti- 
dien à  saint  Pierre  Damien,  lequel,  avant  d'être  fait 
cardinal  et  évêque  d'Ostie,  appartenait  à  Fonte  Avel- 
lano :  cette  attribution  n'est  pas  clairement  éta- 
blie. Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  saint  Pierre  Damien  a 
plus  qu'aucun  autre  travaillé  à  propager  cet  office.  11 

1.  M.  Edmund  Bishop,  —  dans  son  Introduction  à  l'édilion 
de  The  Prymer  oj'  Lay  Folks'  Prayer  Book  (London  1897)  de 
M.  LiTTLEHALES,  dans  les  Early  English  Text  Society  (Orig. 
Séries,  n"  109),  —  produit  des  altestalions  un  peu  plus  ancien- 
nes. Ainsi  le  texte  de  la  vie  de  S.  Ulric,  évêque  d'Augsbourg, 
que  nous  avons  cité  (p.  221)  comme  attestation  des  mémoires 
communes  ou  suffrages.  Ce  témoignage  se  rapporte  aux  envi- 
rons de  970.  J'hésite  à  identifier  le  cursus  in  honore  sanctae 
Mariae  avec  un  office  plein,  l'office  de  la  sainte  Vierge. 
M.  BiSHOP  cite  un  trait  de  la  vie  de  Bérenger,  évêque  do 
Verdun  (9'iO-962),  et  les  coutumes  d'Einsiedeln  (en  990-995). 
Avons-nous  affaire  là  à  l'ofïîce  quotidien  de  la  Vierge?  Le 
texte  des  coutumes  d'Einsiedeln  ne  parle  de  faire  réciter 
«  très  lectiones  »  «  de  sancta  Cruce  et  de  sancta  Maria  »  que 
le  vendredi  et  le  samedi,  «  si  sanctorum  natalitia  non  affiie- 
runt  ».  Bishop,  p.  xxvi  et  xxvii.  Mais  je  n'oserais  pas  m'ins- 
crire  délibérément  contre  le  sentiment  de  M.  Bishop,  qui  est 
notre  maître  à  tous. 

2.  Annales,  t.  XVII,  p.  119. 


L  OFFICE    MODERNE.  223 

raconte  que  la  règle  de  le  réciter  avait  été  établie 
dans  un  monastère  de  sa  congrégation,  le  monastère 
de  Saint- Vincent  :  «  Statutum  erat  atque  iam 
per  triennium  fere  servatum  ut  cum  horis  canonicis 
cottidie  B.  Mariae  semper  nrginis  officia  diceren- 
tut'.  »  A  l'instigation  d'un  mauvais  religieux,  les 
moines  y  renoncèrent,  sous  le  prétexte  que  c'était  là 
s'imposer  une  surérogation  nouvelle  et  onéreuse 
[no{>ae  adinventionis  pondus).  Mais  aussi,  à  peine  y 
eurent-ils  renoncé,  tentations,  orages,  brigands,  les 
pires  calamités  fondirent  sur  le  couvent  ^  Cela  se  pas- 
sait vers  1056.  Ailleurs,  dans  son  opuscule  sur  les 
heures  canoniques,  saint  Pierre  Damien  recommande 
la  récitation  de  l'office  quotidien  surérogatoire  de  la 
sainte  Vierge  comme  un  exercice  très  propre  à  as- 
surer la  persévérance  finale  des  clercs,  et  à  consoler 
leur  dernier  moment.  Ce  lui  est  une  occasion  de  ra- 
conter l'histoire  dun  pauvre  clerc,  qui,  à  son  heure 
dernière,  ne  sachant  sur  quelle  bonne  œuvre  compter, 
ne  pouvait  que  rappeler  à  la  vierge  Marie,  «  porte  du 


1.  Epistnl.  VI,  32  [P.  L.  CXLIV,  431).  La  lettre  est  adressée 
aux  moines  du  monastère  de  Saint-Barnabe  de  Gamugno,  mais 
elle  vise  un  fait  qui  s'est  passé  «  in  monasterio  B.  Vincent ii. 
quod  non  procul  a  monte  qui  dicitur  Petra  Pertusa  cernitur 
conslilutum  ».  Voyez  p.  430,  Le  mauvais  moine  «  coepit 
conqueri  satis  semperque  sufficere  quod  sanctus  praeclpit 
Benedictus,  nec  novae  adinvcntionis  pondus  debere  super- 
poni,  nec  nos  esse  antiquis  Patribus  sanctiores,  qui  videlicct 
haec  superstitiosa  ac  supervacua  iudicantes,  psallendi  nobis 
melam  omnemque  vivendi  regulam  praefixerunt;  hac  sane 
debere  nos  esse  contentos,  ne  ab  illa  incautius  déclinantes, 
per  anfractus  et  invia  ducamur  erronei  ». 


224  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

ciel  et  fenêtre  du  paradis  »,  la  fidélité  par  lui  mise  à 
réciter  tous  les  jours  son  office  :  «  Sept  fois  le  jour, 
j'ai  dit  tes  louanges,  et,  si  indigne  pécheur  que  je 
fusse,  je  n'ai  point  fraudé  dans  le  service  des  heures 
canoniques  de  tes  louanges.  »  C'est  ce  que  saint  Pierre 
Damien  appelle  «  cottidiana  canonicis  horis  officia 
in  MaiHae  laudibus  freqiientare^  ».  Et  il  assure  que 
la  miséricorde  de  Dieu  fut  acquise  à  ce  clerc  pé- 
cheur par  l'intercession  de  la  Vierge  qu'il  avait  si 
dévotement  servie"^.  Ailleurs  enfin,  ceci  dans  la  vie 
de  saint  Pierre  Damien  par  le  moine  Jean,  son  dis- 
ciple, un  chapitre  entier  est  consacré  à  nous  appren- 
dre avec  quel  zèle  le  saint  cardinal  avait  travaillé 
au  salut  des  âmes  par  la  dévotion  à  la  croix  et  par  la 
dévotion  à  la  bienheureuse  vierge  Marie,  et  com- 
ment il  s'était  appliqué  particulièrement  à  répandre 
parmi  les  clercs  séculiers  si  relâchés  de  son  temps 
l'usage  de  réciter  tous  les  jours  l'office  de  la  sainte 


1.  Opusciil.  X,  10  {P.  L.  GXLV,  230)  :  «  ...  septies  in  die 
laiidem  dixi  libi  et...  omnibus  canonicis  horis  tuae  laudis  ol)- 
soquium  non  fraudavi  ».  «  Hoc  procul  dubio  novimus  qiiia 
quisquis  cottidiana  praediclis  horis  officia  in  eius  laudibus  lic- 
quentare  sluduerit,  adiutricem  sibimet  ac  patrocinaturaiu 
ipsiiis  iudicis  matrèm  in  die  necessitatis  acquirit.  » 

2.  Pierre  Diacre,  au  commencement  du  xir  siècle,  atloslr 
que  l'ofTice  quotidien  de  la  Vierge  était  pratiqué  au  Mont-Cas- 
sin,  et  il  attribue  ce  point  de  règle  au  pape  Zacharie  (f  75-2). 
Cette  attribution  apocryphe  montre  que  l'on  avait  cherché  dos 
autorités  pour  imposer  cet  oHîce  surérogatoire.  Voyez  Bishop, 
p.  xxviii.  Le  texte  de  Pierre  Diacre  est  cité  par  Martem  . 
De  aiitiq.  monast  ritibus,  I,  2,  17.  Hugues,  abbé  de  Cluii\ 
(f  1109),  introduisit  l'office  quotidien  de  la  Vierge  à  Gluin. 
mais  seulement  pour  les  moines  infirmes.  Bishop,  p.  xxx. 


l'office  moderne.  225 

Vierge  que  récitaient  les  moines  de  Fonte  Avellano  ^ . 

La  seconde  moitié  du  xi^  siècle  est  le  moment,  en 
effet,  où  l'olRce  quotidien  de  la  Vierge  se  propage,  en 
Italie,  en  France,  en  Allemagne,  en  Angleterre.  Au 
xii^  et  au  xiii^  siècle,  il  était  l'objet  d'une  ferveur  gé- 
nérale^. A  Rome  cependant,  pareil  office  demeura 
longtemps  encore  inconnu  :  l'antiphonaire  de  Saint- 
Pierre  n'en  a  pas  trace ,  et  la  première  attestation 
qu'on  en  ait  ne  remonte  pas  plus  haut  que  le  pon- 
tificat d'Innocent  IIP. 

Nous  arrivons,  quatrièmement  enfin,  à  l'olfice  des 
morts. 

L'usage  d'accompagner  au  chant  des  psaumes  le 
convoi  d'un  mort  est  un  usage  liturgique  attesté  dès 
le  III''  siècle.  De  même  l'usage  d'offrir  le  saint  sacri- 
fice de  la  messe  pour  le  soulagement  de  l'âme  du 
mort,  «  sacrificium  pro  dormitione  » ,  suivant  la  belle 
expression  de  saint  Cyprien.  Le  sacramentaire  géla- 
sien,  au  vii^  siècle,  parle  de  messes  pour  le  troisième 
jour  après  la  déposition,  de  messes  de  huitaine,  de 
messes  de  trentaine,  sans  compter  la  messe  de  la 
déposition  et  les  messes  anniversaires''.  Mais  ni  les 

1.  lOANN,  MONAGH.  VUtt  B.  PctH  Damicuii,  15  (P.  L.  GXLIV, 
132)  :  «  Omnium  horarum  officia  in  lionore  almae  Dei  geni- 
Iricis  in  pluribus  ecclesiis  [inslituit].   » 

2.  BisHOP,  p.  xxx-xxxvii.  Cf.  P.  Lejay,  «  Les  accroissemenls 
de  l'office  quotidien  »,  dans  la  Revue  du  clergé  français, 
t.  XL  (1904),  p.  130  :  «  Les  plus  anciennes  formes  des  heures 
de  la  Vierge  se  trouvent  dans  les  mss.  anglais  Royal  2  B  V  et 
Tiberius  A  III,  tous  deux  du  xi''  siècle,  publiés  en  1902  par 
M.  Dewick  dans  la  collection  de  la  société  Henry  Bradshaw.  » 

3.  Radulph.  De  canon,  observant.  20. 

4.  De  Rossi,  Roma  sottcrranea,  t.  III,  p.  495  et  suiv. 

HISTOIRE   DU   BRÉVIAIRE   ROMAIN.  15 


226  HISTOIRE    DU    liUÉVIAlRE    ROMAIN. 

obsèques  proprement  dites,  ni  ces  messes,  n'avaient 
rien  de  commun  avec  ce  qui  sera  l'olfice  des  morts. 
Il  était  cependant  bien  naturel  qu'entre  le  moment 
où  le  fidèle  avait  rendu  le  dernier  soupir  et  le  moment 
où  il  était  enterré,  il  y  eût  une  prière  dite;  et  bien 
naturel  aussi  que  cette  prière  fut  une  psalmodie. 

Ce  sentiment  attendit  longtemps  avant  de  trouver 
son  expression  liturgique  canonique.  Le  pénitentiel 
de  Théodore  de  Cantorbery  if  690)  et  celui  d'Egbert 
d'York  (f  766)  témoignent  ensemble  qu'à  cette 
époque  il  n'y  avait  point  à  Rome  de  vigile  des  morts. 
«  Selon  l'Eglise  romaine ,  y  lisons-nous ,  la  coutume 
est  de  porter  le  mort  à  l'église,  de  lui  oindre  de 
chrême  la  poitrine,  et  de  célébrer  la  messe  pour 
lui,  puis  de  le  porter  en  terre  avec  des  chants,  et, 
quand  il  est  descendu  dans  sa  tombe,  de  prononcer 
une  oraison.  Le  jour  même,  puis  le  troisième,  le  neu- 
vième, le  trentième  après,  on  dit  une  messe,  et 
au  bout  de  l'an,  si  l'on  veut  ^  ».  C'est  tout,  et  il  n'est 
pas  question  de  quelque  vigile  que  ce  soit.  Ceci  au 
vu''  siècle. 

Pour  trouver  l'oliîce  des  morts  constitué,  il  faut  des- 


1.  Theodor.  Paenitential.  5.  Egbert.  PaeniteiitiaL  i,  3(i. 
Voici  le  texte  de  Théodore  (il  est  remployé  par  Egbert)  :  «  Sc- 
'cimdiim  romanam  Ecclesiam  mos  est  monachos  vel  religiosds 
defunctos  in  ecclesiam  porlare,  et  cum  chrismale  migeic 
pectora,  ibique  pro  eis  missas  celebrare,  deinde  cum  cantatioiu' 
porlare  ad  sepulluras;  et  cum  positi  fuerint  in  sepulcris,  fun- 
ditur  pro  eis  oratio  ;  denique  humo  vel  petra  operiuntur.  Prima 
et  tertia  et  nona  nec  non  trigesima  die  pro  eis  missa  agatur. 
Exinde  post  annuni,  si  voluerint,  servelur...  »  [P.  L.  XCIX.. 
i)29j. 


l'office  moderne.  227 

cendre  jusqu'au  viii°  siècle^  et  au  temps  d'Amalaire. 
Alors  seulement,  à  côté  de  Vordo  sepulturae,  nous 
trouvons  un  véritable  office  canonique  des  morts,  offi- 
ciumpro  mortuîs'^.  L'antiphonaire  de  Saint-Pierre  et 
les  Ordines  romanP  en  donnent  les  rubriques  et  le 
texte. 

Le  corps  du  défunt  est  porté,  le  soir,  à  la  basilique 
de  Saint-Pierre.  On  traverse,  au  son  des  cloches,  l'a- 
trium de  la  basilique,  et  l'on  s'arrête  au  seuil  de  celle 
des  cinq  portes  qui  s'appelle  la  porte  du  Jugement 

1.  M.  BisHOP,  p.  XVII,  signale  un  office  des  morts  au  viir  siè- 
cle dans  les  usages  du  Mont-Gassin.  Il  s'agit  de  la  Disciplina 
casinensis  de  Pierre  Diacre  publiée  par  Hergott,  Velus  dis- 
ciplina  monastica  (Paris  1726),  p.  3  :  «  Gum  frater  ad  exiluni 
propinquaverit,  omnis  congregatio  ante  eum  psalmos  decan- 
tet;  illoque  sejiulto,  post  vesperum  septem  psalmos  cum  lita- 
niis,  omni  corpore  in  tcrram  prostrati,  décantent.  » 

2.  Amalaire,  se  référant  à  un  texte  semblable  à  celui  (pii 
vient  d'être  elle  du  pénitent iel  de  Théodore,  écrit  :  «  Habe- 
mus  scriptum  in  quodam  sacramentario  quod  officia  morluo- 
rum  agenda  sunt  circa  tertiam  diem  et  septimam  et  tricesi- 
mam.  »  Et  il  ajoute  :  «  Quod  non  ita  intelligo,  quasi  ille  qui 
tertia  die  agere  vult  officia  mortuorum,  debeat  prae termitière 
priores  duos  dies  sine  supplicationibus  »,  etc.  Ainsi  au  temps 
d'Amalaire  l'usage  prescrit  par  Théodore  s'était  transformé, 
et  l'office  était  prescrit  comme  jadis  la  simple  messe.  De  eccl. 
off.  IV,  42.  Il  écrit  ailleurs  :  «  Post  officia  sanclorum  inserui 
ofTicium  pro  mortuis.  »  De  ord.  antiph.  65,  Et  plus  loin  : 
«  Invcni  in  romano  et  in  metensi  antiphonariis  ordinem  scrip- 
tum, quomodo  fungi  officio  conveniat  circa  fines  hominum  et 
circa  sepulturam  eorum.  Ex  utrisque  collcgi  ea  quae  recta  mihi 
vidcbantur  et  rationabili  cursui  congruere,  atque  ea  redactain 
unum  corpus  posui  sub  uno  textu  in  fine  antiphonarli  nostri.  » 
[d.  79.  Rapprochez  {M.  G.)  Epistolae  karolini  aevi,  t.  III, 
p.  307,  Tart.  XI  de  la  lettre  de  Grimaltus  et  Tatto,  moines  de 
Reichonau  {a.  817). 

3.  Mabillon,  Mus.  ituL  t.  II,  p.  115  et  suiv.  (Ordo  X). 


228  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

(porta  iudicii}^^  parce  que  c'est  celle  des  morts.  Là 
on  chante  le  psaume  Miserere  avec  les  deux  an- 
tiennes : 

Qui  cognoscis  omnium  occulta,  a  deliclo  meo  munda 
me.  Tempus  mihi  concède  ut  repaenitens  clamem  :  Pec- 
cavi  tibi. 

Indue  eum,  Domine,  in  montem  haereditatis  tuae, 
et  in  sanctuarium  quod  praeparaverunt  manus  tuae, 
Domine  i. 

La  porte  s'ouvre,  le  corps  entre  dans  le  «  sanc- 
tuaire »,  et  l'office  commence.  —  C'est  une  vigile, 
qui  comporte,  comme  toute  vigile,  des  vêpres,  trois 
nocturnes  et  les  laudes.  Les  vêpres  ont  leurs  cinq 
psaumes  antiphonés,  un  verset,  le  Magnificat  anti- 
phoné,  suivi  du  Kyrie  eleison  et  de  l'oraison  domi- 
nicale. Point  d'hymne,  point  de  leçon  brève  :  nous 
avons  là  l'office  romain  dans  son  état  le  plus  pur. 
Les  trois  nocturnes  commencent  sans  invitatoire  :  il 
n'y  a  pas  de  place  pour  le  Venite  exultemus  dans 
une  vigile  funèbre^.  Chaque  nocturne  compte  trois 
psaumes  antiphonés,  trois  leçons  tirées  du  livre  de 
Job  (neuf  leçons  en  tout),  chacune  suivie  d'un  ré- 
pons tiré  aussi  du  livre  de  Job^.  Le  neuvième  répons 
est  le  répons  Ne  recorderis  peccata  mea  :  notre  ré- 
pons Libéra  n'appartient  pas  à  l'office  du  temps  de 


1.  TOMASI,  t.  IV,  p.  163. 

2.  N'oublions  pas  que  les  vigiles  sancloralcs  qui  se  superpo- 
saient à  l'office  quotidien  n'avaient  pas  non  plus  d'invilaloiie. 

3.  De  ord.  antiph.  73  :  «  In  septembri  mense,  iuxta  doctri- 
nam  romanae  Ecclesiae,  canimus...  responsorios...  de  lob...  in 
quibus  dolor  et  planctus  continelur.  » 


l'office  moderne.  229 

Charlemagne^  Après  les  nocturnes,  laudes  :  cinq 
psaumes  antiphonés,  un  verset,  le  Benedictus  anti- 
phoné,  le  Kyrie  eleison  et  l'oraison  dominicale.  — ■ 
La  vigile  du  mort  est  terminée.  Au  matin,  la  messe 
sera  dite  devant  le  corps,  et  la  messe  suivie  de  la 
diaconia  ou  absoute,  et  de  l'enterrement. 

Ce  pathétique  office  de  la  vigile  des  morts,  créé  à 
Rome  au  viii^  siècle,  a  été  reçu  en  même  temps  que 
l'ensemble  de  l'office  romain  par  les  Eglises  franques 
avant  la  fin  de  ce  même  siècle.  Amalaire  l'a  trouvé 
tel  dans  les  antiphonaires  de  Metz,  tel  dans  celui  de 
Corbie.  Aucune  modification  essentielle  n'y  fut  intro- 
duite :  il  resta  au  delà  des  monts  ce  que  la  liturgie 
romaine  l'avait  fait,  et  notamment  sans  hymnes. 

Mais  au  lieu  d'être,  comme  à  Rome,  un  complément 
des  obsèques,  le  prélude  de  la  messe  d'enterrement, 
il  fut  considéré  comme  le  complément  nécessaire  de 
toute  messe  soit  de  déposition,  soit  d'anniversaire. 
La  vigile  des  morts  en  vint  même  à  être  célébrée  quo- 
tidiennement, tant  dans  les  monastères  que  dans  les 
chapitres  et  églises  paroissiales^.  A  Cluny,  les  vêpres 


1.  L'antiphonaire  de  saint  Pierre  ne  le  connaît  pas  encore. 
Voyez  TOMASi,  1.  IV,  p.  164. 

2.  M.  Lejay,  p.  119,  croit  que  l'attestation  la  plus  ancienne 
de  l'office  quotidien  des  défunts  est  fournie  par  le  rituel  d'An- 
gilbert,  pour  Saint-Riquier,  aux  alentours  de  l'an  800.  Ce 
rituel,  publié  pour  la  première  fois  par  M.  Bishop  {Downside 
Review,  1895),  d'après  un  rns.  du  xi'  siècle,  parle  de  célébrer 
((  ob  memoriam  cunctorum  fidelium,  per  singulos  dies  ac 
noctes,  vespertinos,  nocturnos  atque  matutinos  ».  Rapprochez 
Amalar.  De  eccl.  off.  iv,  42  :  «  Sunt  etiam  loca  in  quibus  ge- 
neraliter  pro  omnibus  defunctis  omni  tempore,  excepto  Pen- 
tecostes  et  festis  diebus,  in  officio  vespertinali  et  matutinali 


230  HISTOIRE    DU    BREVIAIRE    ROMAIN. 

des  morts  suivent  les  vêpres  du  jour  et  les  laudes  les 
laudes.  Quant  aux  nocturnes,  on  les  récite  chaque 
soir  après  le  repas,  au  chœur  :  «  Post  caenam  cum 
psalmo  nO  in  ecclesiam  reditur...;  agitur  officium  {>el 
quod  a  nostratibus  ngilia  çulgo  appellatuj\ . .  ;  ipsuiir 
quoque  officUim  nunquam  agitur  modo  nisi  cum 
no^ein  lectionibus  et  responsoriis  et  collectis  quae 
ipsum  officium  sequuntur^  ».  C'est,  on  le  voit,  rofFice 
nocturne  intégral  avec  ses  neuf  psaumes,  ses  neuf 
leçons  et  ses  neuf  répons.  —  Saint  Pierre  Damien 
fournit  la  preuve  que  cet  office  quotidien  des  morts 
était,  au  xi*"  siècle,  pratiqué  en  Italie  comme  en  France  ^, 
et  que  même  certains  clercs ,  trouvant  lourd  le  devoir 
de  réciter  et  l'office  canonique  du  jour  et  l'office  des 
morts,  s'en  tenaient  à  ce  seul  dernier  plus  court  et 
plus  facile^.  Il  rapporte  ce  fait  d'un  «  certain  frère  » 
qui  avait  accoutumé  de  n'user  ni  de  l'office  du  temps, 
ni  de  l'office  des  saints,  mais  seulement  de  l'office  des 
défunts  :  ce  frère  mourut,  et,  aussitôt  qu'il  parut  devant 
le  tribunal  de  Dieu,  les  démons  lui  reprochèrent  avec 
force  que  «  négligeant  la  règle  de  l'institution  ecclé- 

oralur.  Sunt  et  alia  in  qiiibiis  missa  pro  iisdem  cottidie  ceh - 
bratur.  Sunt  etiam  et  alia  in  quibus  in  initio  mensis  noveiu 
psalmi,  novem  lecliones  totidemqiie  responsorii  pro  eis  can- 
tantur.  » 

1.  Udalrig.  Consuetud.  cluniacen.  i,  3. 

2.  Pour  la  France,  voyez  le  De  off.  ceci.  p.  31  de  Jean  d'A- 
vranches  (P.  L.  CXLVII,  39)  :  «  Aj^enda  mortuorum  sic  per 
totum  annum  celebratur,  excepto  a  Pascha  usque  ad  Pente- 
costen,  et  a  Nativitate  usque  ad  octavam  Epiphaniae,  et  om- 
nibus festis...  » 

3.  L'office  des  défunts,  chez  Jean  d'Avranches,  n'a  que  trois 
leçons  au  nocturne. 


l'office  moderne.  231 

siastique,  il  avait  refusé  de  rendre  à  Dieu  les  devoirs 
de  la  liturgie  ordinaire  ».  Mais  la  vierge  Marie,  et, 
avec  la  «  bienheureuse  reine  du  monde,  tous  les  chœurs 
des  saints  »  intervinrent  pour  sauver  l'âme  de  cet  ami 
des  morts  ^  C'est  du  moins  ce  que  racontait  à  saint 
Pierre  Damien  un  doux  voyant,  son  ami  l'évêque  de 
Cumes,  sans  que  ni  l'un  ni  l'autre  entendissent  par  là 
encourager  la  pratique  de  l'office  quotidien  des  moris 
au  détriment  de  l'office  canonique,  «  ecclesiasticae 
institutionis  regulam  ». 

Autre  légende  du  même  temps.  On  racontait  qu'un 
pèlerin  de  Rodez,  en  revenant  de  Jérusalem,  s'était 
trouvé  aborder  à  une  île  désolée  où  un  solitaire  ha- 
bitait. Le  saint  homme  avait  donné  l'hospitalité  au 
pèlerin  égaré,  et  lui  avait  demandé,  puisqu'il  était 
d'Aquitaine,  s'il  connaissait  un  monastère  qui  s'ap- 
pelait Cluny,  et  Odilon  qui  en  était  l'abbé.  —  Oui, 
avait  répondu  le  pèlerin.  —  Écoute  donc,  avait  repris 
l'autre  :  nous  sommes  ici  tout  proche  des  lieux  où  les 
âmes  des  pécheurs  expient  la  peine  temporaire  de 
leurs  fautes;  et  Ton  peut,  d'où  nous  sommes,  les 
entendre  gémir  de  ce  que  les  fidèles  et  en  particulier 
les  moines  de  Cluny  sont  si  avares  de  prières  à  les 
soulager  et  à  les  délivrer.  Va  trouver  l'abbé  de  Cluny. 
et  enjoins-lui  de  ma  part  de  redoubler,  lui  et  sa  con- 
grégation, d'oraisons,  de  vigiles,  d'aumônes,  pour 
racheter  les  âmes  en  peine...  Au  récit  de  ce  pèlerin. 


1.  Petm.  Damian.  Opusciil.  xxxiv,  p.  2"  (Disputatio),  n.  5  : 
«  Frater  quidam,  non  cotlidiano,  non  cerle  solemni  sanctorum, 
sed  solo  ntebatur  et  delectabatur  officio^defunctorum.  » 


232  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

saint  Odilon  (f  1049)  établit  que,  dans  tous  les  mo- 
nastères de  sa  congrégation,  le  lendemain  de  la  fête 
de  tous  les  saints  serait  consacré  à  la  commémo- 
raison  des  fidèles  défunts  * . 

La  dévotion  à  la  Sainte  Vierge,  la  dévotion  aux 
âmes  du  Purgatoire,  n'épuisaient  pas  la  piété  des 
moines  et  des  clercs.  On  surajoutait  à  l'office  quo- 
tidien, maintenant,  la  récitation  des  quinze  psaumes 
graduels,  avant  matines,  des  psaumes  pénitentiels, 
à  l'issue  de  prime;  de  psaumes  en  nombre  indéter- 
miné à  l'intention  des  bienfaiteurs,  «  psalmi  fami- 
liares^  »...  Ces  surérogations  du  x^,  du  xi^  siècles, 

1.  lOTSALD.  Vita  Odilonis,  ii,  13  :  «  Hac  igitur  occasionc  | 
sanctiis  Paler  générale  propositum  per  omnia  monasteria  sua  ■ 
conslituit,  ut  sicut  in  capite  kalendarum  novembrium  festivi- 
tas  agitur  omnium  sanctorum,  itaetiam  insequenti  die  memoria 
generaliter  ageretur  pro  requie  omnium  fidelium  animarum, 
privatim  et  publiée  missae  cum  psalmis  et  eleemosynis  celc- 
brarenlur.  »  —  Cf.  Udalhig.  Consiietud.  cluniacen.  i,  42, 

2.  La  récitalion  des  quinze  psaumes  graduels  chaque  jour 
avant  l'ofïîce  de  matines  est  un  usage  que  M.  Bishop,  p.  xv,     ;: 
fait  remonter  à  saint  Benoît  d'Aniane,  sur  la  foi  d'un  texte 
de  Ardo,   Vita    S.  Bcnedicti  Anianen.  52  (P.  L.  GUI,  378). 

A  Benoît  d'Aniane  encore,  M.  Bishop,  p.  xix,  fait  remonter  la 
récitation  des  psaumes  pénitenticls  {psalmi  spéciales)  à  l'issue 
de  prime,  sur  la  foi  de  la  15*  résolution  du  concile  d'Aix-la- 
Chapelle  de  817  (Heurgott,  p.  29).  —  Quoi  qu'il  en  soit  de  ce 
second  point,  il  est  sûr  que  la  récitation  des  psaumes  graduels 
et  pénitent iels  chaque  jour  était  un  usage  établi  au  x"  siècl(! 
(témoin  la  Concordia  regularum  bénédictine,  citée  par  Bishop. 
p.  XXII,  et  DuNSTAN.  De  regimin'e  monach.  1  {[P.  L.  GXXXVIII, 
480  et  481]),  et  qu'au  siècle  suivant,  il  est  dans  la  vie  monasti- 
que répandu  partout  (Lejay,  p.  126-127).  On  y  surajoutait  après 
chaque  heure  de  l'office  deux  ou  trois  psaumes,  psalmi  f'ami- 
liares,  à  l'intention  des  bienfaiteurs  du  monastère  (Dunstan. 
ibid.  Bishop,  p.  xxi).  Il  y  eut  aussi,  en  concurrence  ave( 
l'office  des  défunts  et  de  l'office  de  la  Vierge,  un  office  de 


I 


l'office  moderne.  233 

compriment  l'office  traditiomiel,  le  déséquilibrent. 
Les  monastères  les  plus  réguliers  aspirent  à  une  ré- 
forme ^  Mais  ces  surérogations  sont,  la  plupart  du 
temps,  le  prix  des  fondations  dont  vit  le  monastère  : 
ces  prières  sont  comme  des  hypothèques.  Il  fau- 
dra attendre  les  ordres  mendiants  pour  avoir  une 
réforme  de  la  prière. 

III 

Nous  touchons  à  l'évolution  liturgique  qui  se  pro- 
duit à  Rome  au  xiii^  siècle  et  qui  va  donner  naissance 
au  «  Bréviaire  »  de  la  cour  romaine.  En  d'autres 
termes,  nous  avons  à  raconter  comment  s'est  formé 
le  «  Bréviaire  »  de  cet  office  moderne  que  nous  venons 

tous  les  saillis,  un  office  de  la  Croix,  un  office  de  la  Trinité 
un  office  du  Saint-Esprit  [Id.  p.  xxv). 

1.  Vita  S.  Bcrnardi  ahh.  Tironensis,  61-62  {Acta  SS.  apri- 
Us,  t.  II,  p.  237)  :  «  Non  habenlibus  illis  iindo  viverent  nisi  la- 
borc  maimum  acquirerent,  ipsa  nécessitas  insistere  laboribus 
imperabat,  ac  multiplex  prolixitas  familiarium  psalmorum, 
quos  tune  temporis  dicebant,  eos  magna  parte  diei  ab  operis 
studio  detinebat.  »  Les  moines  se  plaignant,  Bernard  leur  ré- 
pond :  «  Psalmos  quidera,  qui  per  omnia  fere  monasteria  ex 
more  decantantur,  nisi  Dominus  aliquid  revelet,  vereor  omil- 
tere.  »  Or,  dans  la  huitaine,  il  arriva  que  personne  ne  se  ré- 
veilla dans  le  monastère,  sinon  après  le  lever  du  jour,  si 
bien  que  ce  jour-là,  les  moines  se  trouvèrent  avoir  à  chanter 
jusqu'à  plus  de  midi.  «  Quae  soporis  oppressio  rêvera  fuit 
relinquendi  siipradictos  psalmos  divinitus  missa  revelatio  .. 
Domnus  autem  Bernardus  ab  illo  tempore  hos  psalmos  dicere 
praetermisit,  et  discipulis  suis  ut  ab  illis  deinceps  quiescerent 
imperavit,  dixitque  se  pro  certo  scire  quod  Deus  malebat  illos 
laborando  sibi  victura  acquirere,  quam  tam  multiplicibus  psal- 
modiis  insistere.  »  —  Saint  Bernard,  abbé  de  Tiron,  est  mort 
en  1117. 


234  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  décrire,  et  comment  ce  «  Bréviaire  »  a  été  adopté 
par  la  curie. 

La  récitation  quotidienne  de  l'office  divin  exigeait 
que  les  clercs,  qui  maintenant  y  étaient  individuelle- 
ment astreints ,  en  possédassent  le  texte  ;  et  ce  texte 
constituait  une  immense  écriture.  La  psalmodie  pro- 
prement dite  requérait  un  psautier;  les  antiennes,  un 
antiphonaire  ;  les  répons,  un  responsoral:  les  leçons, 
une  bible,  un  homiliaire,  un  passionnaire;  ajoutons-y 
un  collectaire  ou  recueil  d'oraisons,  un  hymnaire,  un 
martyrologe.  Tel  de  ces  livres  pouvait  être  en  plusieurs 
tomes  ' .  Je  veux  que  des  monastères,  que  des  chapitres 
n'aient  point  de  peine  à  acquérir  et  à  entretenir  un 
si  volumineux  et  si  coûteux  ensemble.  Mais  les  hum- 
bles prieurés,  mais  les  paroisses  rurales,  mais  les 
clercs  pauvres?  Il  y  a  surtout  nécessité,  du  moment 
où  l'oflice  divin  devient  un  devoir  commun  à  tous,  d'en 
rendre  la  récitation  plus  aisée  à  chacun.  De  là  une 
série  d'essais  de  codification,  d'oii  sortira  un  jour  le 
«  Bréviaire  ». 


1.  Ahyto.  Capitulare,  6  {P.  L.  CV,  703)  :  «  ...  Quae  ipsis 
sacerdotibiis  necessaria  sunt  ad  discendum,  id  est  sacramon- 
tariiim,  lectionarium,  antiphonarium,  baptisteriiim,  compiitus, 
canon  paenitentialis,  psalterium,  homiliae  per  circulum  anni 
dominicis  dicbus  et  singnlis  festivitatibus  aptae.  »  Cf.  Beleth. 
Ratlonalc,  60.  — Voyez  dans  Ehrensberger,  p.  92,  la  descrip- 
tion d'un  passionnaire,  Vatican,  lat.  5696  (xr-xii"  siècle)  qui 
appartenait  à  la  basilique  romaine  de  Sainte-Marie  ad  Martyre >^ 
(le  Panthéon).  Ibid.  p.  143,  d'un  lectionnaire,  copié  par  «  Adi- 
nolfus  presbyter  et  monachus  »,  pour  le  monastère  de  Saint- 
Grégoire  au  Gaelius,  Vatican,  lat.  1274  (x"  siècle).  Ibid. 
p.  144,  d'un  lectionnaire  qui  a  appartenu  à  ce  même  monas- 
tère de  Saint-Grégoire,  Vatican,  lat.  1189  (x*-xr  siècle). 


l'office  moderne.  235 

Quand  on  parcourt  les  catalogues  anciens  de  biblio- 
thèques, on  constate  l'apparition,  au  xi^  siècle,  d'une 
catégorie  nouvelle  dans  la  bibliographie  liturgique. 
Les  antiphonarii,  tels  qu'on  les  rencontrait  à  Rome 
au  VIII*'  siècle,  ont  disparu  :  mais  il  est  question  fré- 
quemment de  libri  nocturnales  ou  libin  matutinales . 
Ces  recueils  sont  généralement  en  trois  volumes, 
et  la  plupart  sans  note  {ahsqae  cantu).  Ils  renferment 
les  leçons,  tant  du  temporal  que  du  sanctoral,  pour 
toute  l'année.  Chaque  leçon  est  accompagnée  de  son 
répons.  Aux  leçons  et  répons  s'ajoutent  quelquefois 
les  antiennes  et  les  psaumes.  Et  enfin  à  cet  ensemble 
on  trouve  joint,  non  seulement  le  collectaire,  mais 
tout  ce  qui  concerne,  non  plus  seulement  l'office  noc- 
turne (matines  et  laudes),  mais  encore  les  petites  heures 
et  les  vêpres.  On  a  alors  des  recueils  liturgiques  ré- 
pondant à  la  description  suivante  :  Libri  nocturnales 
absqiie  cantu,  primus  ab  ad{>entu  Domini  usque  ad 
pascJuij  secundus  a  pascha  usque  ad  adventum  Do- 
mini, tertius  de  sanctis  per  anni  circulum,  cum  psal- 
terio  et  ymnario  officiali^ . 

Ces  sortes  de  recueils  liturgiques  sont  nombreux 
encore  dans  nos  collections  de  manuscrits  :  ils  sont 
généralement  du  xi%  du  xii^  siècle,  même  du  xiii^^. 

1.  G.  Becker,  Calalo^i  bibliothecanim  antiqui  {Bonw  1885), 
|»|).  172,  234,  252,  270. 

2.  A  la  mémo  époque,  ime  évolution  pareille  se  produit  pour 
l(^s  livres  de  la  messe,  et  on  voit  apparaître  le  «  missale  plé- 
num ».  A.  Ebner,  Quellen  und  Forschiingen  zur  Geschichte 
und  Kiinstgeschichte  des  Missale  Romanum  im  Miltelalter 
(Freiburg  1896),  p.  359-363  :  «  Die  Entwicklung  des  Sacramen- 
tars  zum  Vollmissale.  » 


236  HISTOIRE    BU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Mais  ils  ne  laissent  pas  d'être  fort  volumineux  encore, 
puisqu'ils  donnent  le  texte  intégral  de  l'office  canoni- 
que ^  Ce  sont  éminemment  des  livres  de  chœur.  Il 
fallait  autre  chose  pour  l'office  récité  privément,  il 
fallait  en  arriver  à  un  petit  livre  capable  d'être  porté 
à  la  ceinture  par  un  anneau.  Du  «  liber'  nocturnalis 
pleniter  scriptiis  »  ^  on  éliminera  d'abord  tout  ce  qui 
est  notation  de  chant.  Il  suffira  même  de  transcrire 
les  premiers  mots  de  chaque  antienne,  de  chaque  ver- 
set, de  chaque  répons,  l'usage  étant  censé  en  avoir  ap- 
pris au  clerc  le  texte  intégral.  On  aura  ainsi,  à  côté  des 
gros  «  libri  nocturnales  »  du  chœur,  de  petits  livres, 
qui  seront  des  abrégés,  des  «  epitomata  swe  hrena- 
ria  »,  comme  dit  un  catalogue  de  la  fin  du  xi^  siècle  '^ 


1.  Voyez  Biblioth.  Nat.  796,  un  manuscrit  de  ce  genre  (il  ne 
renferme  que  le  propre  du  temps),  xir  siècle,  à  l'usage  peut- 
être  de  Saint-Victor,  à  Paris. 

2.  Begker,  p.  252. 

3.  Begker,  p.  174.  Mélanges  Julien  Ilavet  (Paris  1895), 
p.  201-209,  j'ai  décrit  un  bréviaire  primitif  de  ce  type,  écrit  an 
Mont-Gassin  vers_  1099-1100.  C'est  le  ms.  364  de  la  Biblio- 
thèque Mazarinc.  Le  ms.  Vatican,  lat.  4928,  qui  provient  du 
monastère  de  Sainte-Sophie  de  Bénévent,  date  de  1113  envi- 
ron, et  est  un  bréviaire  de  ce  même  type  primitif.  En  tête,  uu 
calendrier.  A  la  suite  :  «  Incipit  breviarium  sive  ordo  ofïicio- 
rum  per  totam  anni  decursionem.  In  primis  'feabbafo  ante  ad- 
ventum...  »  Puis  le  psautier,  puis  l'hymnaire,  puis  le  colloc- 
taire,  enfin  les  leçons  suivies  de  leurs  répons.  Baeumer,  t.  II. 
p.  64,  cite  quelques  mss.  analogues  :  Trêves,  428  (fin  du  xir  )  ; 
Sainl-Gall,  413  et  416  (fin  du  xi%  commenc.  du  xir);  Gasanalc 
B,  IV,  21  et  B,  II,  1  (xi*  siècle).  Je  signalerai  encore  :  Paris. 
Biblioth.  Nat.  10477  (écrit  en  1182,  pour  des  Ghartreux  ; 
13223  (xir,  Poitou);  743  (xii%  Saint-Martial  de  Limoges) 
1253  (xr,  même  provenance);  1256  et  1257  (xii%  Tulle);  17991 
(xir,  peut-être  Hautvilliers)  ;  13221  (xii%  Gorbie);  12035  (xiiS 


l'office  moderne.  237 

Ce  mot  liturgique  nouveau  de  hreviariam,  au  mo- 
ment où  il  se  répand,  aux  xi^-xii''  siècles,  achemine  à 
une  chose  plus  nouvelle  encore.  Ces  livres  d'office 
portatifs,  ces  hreviaria  ne  servent  pas  aux  clercs  à 
prendre  part  à  l'office  du  chœur,  mais  bien  à  réciter 
l'office  divin  hors  du  chœur,  dans  leur  particulier  ou 
en  voyage.  Parmi  les  livres  que  possédait,  au  xii*'  siècle, 
la  cathédrale  de  Durham,  il  en  est  un,  qui  est  un  bré- 
viaire, et  qui  justifie  pleinement  cette  interprétation, 
puisqu'il  est  qualifié  de  petit  bréviaire  de  voyage 
(breçiarium  par^mm  itinerarium)\'  kw.  xiii®  siècle, 
en  1227,  un  concile  de  Trêves  veut  que  les  clercs  aient 
des  bréviaires  de  l'office  «  quand  ils  sont  en  voyage  »  ^. 
Ainsi  s'introduit  un  office  autre  que  l'office  du  chœur, 
et  dont  ces  hreviaida  itineraria^  ou  encore  hreviaria 
portatilia  ^,  seront  le  livre.  11  devait  arriver  que  l'u- 
sage de  ce  livre  s'étendrait  rapidement,  et  que  cet 
office  diminué  évincerait  du  chœur  même  l'offiice  tra- 
ditionnel. 
L'influence  de  la  curie  fut  grande,  fut  décisive  sur 


Picardie);  12601  (xii*,  Picardie).  A  signaler  encore  :  Troycs, 
1159,  1467,  1608,  2044,  2061,  1836  (tous  xir,  provenant  de  Clair- 
vaux),  571  (xr-xir,  Troyes);  Orléans,  123  (xir,  Fleury);  Saint- 
Omer,  354  (xir,  Saint-Bertin). 

l.BEGKER,p.244.  Cf.  Ususordiniscistercien.%%{P.L.GhXNl, 
1464)  :  «  [Monachus  egrediens  de  monasierio]  Tam  die  quam 
nocte  dura  non  equitaverit,  stans  horas  si  non  multum  giava- 
tur  dicat.  »  Cette  règle  cistercienne  est  celle  de  saint  Etienne 
Harding,  abbé  de  Cîteaux  (f  1134). 

2.  Canon  9  (Mansi,  t.  XXIII,  p.  33)  :  «  Item  praecipimus  etiam 
districte,  ut  omnes  sacerdotes  habeantbreviaria  sua,  in  quibus 
possint  horas  suas  légère  quando  sunt  in  itinere.  » 

3.  Martene,  Thésaurus  novus  anecdotorum,  t.  IV,  p.  1757, 


238  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

ce  mouvement  de  transformation.  Le  pape  et  les 
clercs  de  la  curie  récitaient  l'office  quotidien  privé- 
ment.  En  outre,  les  déplacements  et  voyages  du  pape 
et  de  sa  cour  étaient  perpétuels.  La  chapelle  du  pape 
ne  pouvait  donc  s'astreindre  à  l'office  canonique  du 
chœur.  Un  liturgiste  de  la  seconde  moitié  du  xiv*"  siècle, 
très  instruit  et  très  épris  des  choses  romaines,  Raoul 
de  Rivo,  prévôt  de  Tongres  au  diocèse  de  Liège 
(♦j-  1403),  nous  édifie  sur  l'usage  propre  de  la  chapelle 
pontificale.  Autrefois,  écrit-il,  quand  les  pontifes  ro- 
mains résidaient  au  Latran,  on  observait  dans  leur 
chapelle  l'office  romain;  mais  on  l'observait  moins 
complètement  que  dans  les  églises  collégiales  de  la 
ville  de  Rome.  Les  clercs  de  la  chapelle  du  pape,  soit 
d'eux-mêmes,  soit  sur  l'ordre  du  pontife,  abrégeaient 
toujours  l'office  romain,  et  souvent  le  modifiaient  sui- 
vant les  convenances  du  seigneur  pape  et  des  cardi- 
naux^. Ce  témoignage  est  très  instructif,  mais  j'ai 
peur  que  Raoul  de  Tongres  n'ait  joué  sur  les  mots 
hreviarium  et  hreviare.  On  fera  prudemment  de 
retenir  de  son  témoignage  seulement  ceci  :  dès  avant 
que  les  papes  eussent  quitté  Rome  pour  Avignon,  la 

1.  Radulph.  De  canonum  observanUa,  22  :  «  Naiii  uliin. 
quando  Romani  Ponlifices  apud  Lateranum  residebant,  in  oo- 
rum  capella  servabatur  romannm  offîcium  non  lia  comi)l(lc 
sicut  in  aliis  Urbis  ecclcsiis  collegiatis.  Immo  clerici  capol la- 
res, sive  de  mandate  Papae,  sive  ex  se,  officimn  romannm 
semper  breviabant  et  saepe  alterabant,  prout  Domino  Papjuî 
et  Gardinalibus  congruebat  observandum.  Et  huius  offîcii  oi  - 
dinarium  vidi  Romae  a  tempore  Innocenli  III  recollectum.  » 
Nous  citons  Raoul  de  T.  d'après  Hittorp,  De  cath.  Eccl.  div. 
officiis  (Cologne  1568)  et  la  Max.  hibl.  vet.  Patriim,  t.  XXVI 
(Lyon  1677). 


l'office  moderne.  239 

curie  avait  un  office  différent  de  celui  des  églises  de 
la  ville  de  Rome,  différent  quant  à  l'étendue  et  quant 
aux  rubriques  \ 

Raoul  de  Tongres  va  préciser  l'origine  de  cet  usage 
de  la  curie  et  son  témoignage  ici  n'est  plus  une  induc- 
tion reposant  sur  un  jeu  de  mots,  mais  un  fait  :  car, 
écrit  Raoul  de  Tongres,  «  j'ai  vu  à  Rome  un  ordinaire 
de  cet  office  [palatin]  compilé  du  temps  d'Inno- 
cent III  »  (1198-1216).  Raoul  a  beaucoup  consulté  à 
Rome  même  et  compulsé  les  livres  d'office  des  églises 
(Romae  plura  ex  diversis  ecclesiis  et  libris  scriptitaçi), 
et  son  témoignage  est  formel  :  «  Huius  ofpcii  ordina- 
rium  vidi  Romae  a  tempore  Innocenta  III  j^ecol- 
lectum  ».  De  plus,  ce  témoignage  est  confirmé  par 
plusieurs  indices  :  on  trouve,  en  effet,  la  trace  de 
rubriques,  et  non  des  moindres,  qui  portent  le  nom 
d'Innocent  III,  et  qui  paraissent  se  rattacher  à  une 
organisation  générale  de  l'office.  Ainsi  l''introduction 
de  l'ollice  quotidien  de  la  Vierge  et  des  défunts  dans 
l'office  canonique  est  rapporté  à  Innocent  III  ;  de  même 
les  rubriques  concernant  la  récitation  des  psaumes 
pénitentiels   et  des  psaumes    graduels  en   carême^. 

^^^Bl.  Hauuli'H.  22  :  «  Aliae  nationes  orbis  romani  libros  et 
^^^Kîcia  sua  habent  e  directe  ab  ipsis  ecclesiis  romanis,  et  non 
l^^fcapella  papae,  sicut  ex  libris  et  tractatibus  Amalarii,  Wala- 
fridi,  Micrologi,  Gemmaeetceterorumde  offîcio  divino  scriben- 
tium  colligitur  evidenter,  His  praemissis  vidcamus  an  dicti  Fra- 
tres  qui  singularem  usum  cum  régula  servant  singulari,  an 
ceterae  nationes  et  religiosi  magis  appropinqucnt  in  divino 
olïîcio  ad  ordinem  sanctae  romanae  Ecclesiae.  » 

2.  Radulph.  15,  21,  22.  -*»  Le  couvent  de  Saint-Damien, 
près  d'Assise,  possède  un  ms.  du  Bréviaire,  qu'on  dit  avoir 
olé  celui  de  sainte  Claire.  Il  a  été  écrit  en  1227.  Ce  n'est  pas 


240  HISTOIUE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

On  est  en  droit  d'affirmer  qu'Innocent  III  régla  la 
récitation  de  l'office  pour  la  curie,  et  d'espérer  que 
l'on  retrouvera  peut-être  un  jour  quelque  manuscrit 
de  cette  première  édition  du  Bréviaire  pontifical. 

On  peut  même  circonscrire  le  temps  où  s'est  fixé 
cet  ordinaire  nouveau  de  l'office.  Nous  avons  une  bulle 
dlnnocent  III  datée  du  25  mai  1205  :  Baudoin,  fait 
empereur  de  Constantinople  le  9  mai  1204,  a  écrit  au 
pape  pour  lui  demander  «  des  missels,  des  bréviaires 
et  les  autres  livres  qui  renferment  l'office  ecclésias- 
tique selon  l'institution  de  la  sainte  Église  romaine  : 
postulavit  missalla,  hreviaria  caeterosque  libros,  in 
quibus  officium  ecclesiasticuin  secundum  instituta 
sanctae  romanae  Ecclesiae  continetur,  saltem  pro 
exemplaribus,  ad  partes  illas  faceremus  transmitti  ». 
Et  le  pape  se  met  en  quête  auprès  des  évêques  de 
France,  pour  que  l'on  veuille  bien  procurer  à  l'empe- 
reur les  livres  qu'il  demande,  «  et  orientalis  Ecclesia 
in  dinnis  laudibiis  ab  occidentali  non  dissonet  ^   ». 


proprement  un  Bréviaire,  car  il  renferme  aussi  des  messes. 
Mais  on  y  trouve  en  maint  endroit  la  trace  de  l'activité  li- 
turgique d'Innocent  III.  On  lit  en  tête  :  «  Incipit  ordo  et  offi- 
tium  breviarii  romane  ecclesia  curie  quem  consuevimus 
observare  tempore  Innoccntii  tercii  pape  et  aliorum  pontifi- 
cum.  »  Voyez  A.  Gholat,  Le  Bréviaire  de  sainte  Claire  (Paris 
1904),  p.  44.  Plusieurs  rubriques  sont  présentées  comme  de> 
règles  édictées  par  Innocent  III,  «  et  hoc  secundum  precop- 
tum  Innocentii  pape  ».  Op.  cit.  p.  57-59.  Toutefois  ce  ms.  in- 
téressant à  bien  des  titres  ne  nous  donne  pas  un  véritable 
exemplaire  du  Bréviaire  d'Innocent  III. 

1.  POTTHAST,  n°  2512  (P.  L.  GCXV,  637)  :  «  ...  Memoralos 
quoque  libros,  quibus  non  solum  abundare  sed  superabun- 
dare  vos  novimus,  ad  partes  illas,  saltem  pro  exemplaribus. 


l'office  moderne.  241 

S'il  y  avait  eu  à  Rome,  en  1205,  un  ordinaire  romain 
de  récente  promulgation,  Innocent  III  aurait-il  re- 
couru aux  évoques  de  France  pour  fournir  à  Baudoin 
des  livres  d'office  «  secuiidum  instituta  sanctae  ro- 
manae  Ecclesiae  »  ? 

On  peut  de  là  conjecturer  que  l'ordinaire  d'Inno- 
cent III  est  postérieur  à  1205.  Ne  serait-il  même  point 
postérieur  à  1210?  Nous  allons  voir  que  cette  conjec- 
ture n'est  pas  sans  fondement  ^ . 


iiiitterc  procurelis.  »  —  La  Bibliothèque  Nationale  possède 
quatre  bréviaires  (ce  ne  sont  pas  des  bréviaires  romains,  mais 
ù  l'usage  de  Paris),  qui  ont  appartenu  tous  quatre  aux  «  maî- 
tres pauvres  de  Sorbonne  étudiant  dans  la  faculté  de  théolo- 
gie »  :  le  15613  (xiir); le  16304  (xiir);  le  16307  (xiir);  le  16308 
(xiir).  Le  premier  est  estimé  «  precium  X  libre  »  (xiv)  ;  le 
second,  «  pretii  XXX  solidorum  »  (xiii*)  ;  le  troisième,  «  precii 
XL  solidorum  »  (xiv*)  ;  le  quatrième,  «  pretii  XXX  solidorum  » 
(xiv«).^ 

1.  Par  induction  j'étais  arrivé  à  placer  entre  1210  et  1216 
l'ordinaire  d'Innocent  III.  Salimbene  paraît  le  placer  en  1215. 
Voici  le  curieux  texte  de  SaUmbene  :  «  Anno  Domini  mgcxv. 
Iiinocentius  papa  tertius  apud  Lateranum  sollemne  concilium 
fclebravit.  Hic  etiam  ofïîcium  ecclesiasticum  in  melius  correxit 
fl  ordinavit  et  de  suo  addidit  et  de  alieno  dempsit;  nec 
adhuc  est  bcno  ordinatum  secundum  appetitum  multorum  el 
etiam  secundum  rei  veritatem,  quia  multa  sunt  superflua,  que 
magis  tedium  quam  devolionem  faciunt  tum  audientibus  quam 
dicentibus  illud,  ut  prima  dominicalis,  quando  sacerdotes  de- 
bent  dicere  missas  suas  et  populus  eas  expectat  nec,  est  qui 
celebret,  occupatus  in  prima.  Item  dicere  xviii  psalmos  in 
dominicali  et  nocturnali  officio  ante  Te  Deum  laiidamiis;  et 
ita  aestivo  tempore,  quando  pulices  molestant,  et  noctes  sunt 
brèves  et  calor  intensus,  ut  yemali,  nonnisi  tedium  provocat. 
Sunt  adhuc  multa  in  ecclesiastico  otfitio  que  possent  mutari 
in  melius.  Et  dignum  esset,  quia  plena  sunt  ruditatibus,  quam 
vis  non  cognoscantur  ab  omnibus.  «  Fr.  Salimb.  Chronica 
(éd.  des  M.  G.  1905),  p.  31. 

HISTOrUE    DU    BUÉVIAinE    ROMAIN.  16 


242  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

L'ordinaire  d'Innocent  III  aurait  pu  rester  propre  à 
la  chapelle  papale  et  ne  pas  sortir  du  palais  de  La- 
tran  :  il  allait  au  contraire  être  propagé  avec  une 
étonnante  rapidité  dans  la  chrétienté  latine.  Cette 
propagation  fut  l'œuvre,  non  point  des  papes  (au  dé- 
but du  moins),  mais  des  enfants  de  saint  François. 
Raoul  de  Tongres  nous  apprend,  en  effet,  que  l'office 
abrégé  des  clercs  palatins  fut  adopté  par  les  Frères 
Mineurs  :  «  Huius  officii  ordinariam  vidi  Romae  a 
tempore  Innocenta  III  recollectuiHy..  et  illud  offi- 
cium  brenatum  secuti  sunt  Fratres  Minores  ».  Mais 
nous  le  savons  mieux  encore  par  la  règle  francis- 
caine ^  La  seconde  règle  (1210-1221)  prescrit  aux 
clercs  de  l'ordre  de  faire  l'office  selon  la  coutume  des 
clercs,  et  d'avoir  à  cet  effet  les  livres  nécessaires^. 
Il  n'est  parlé  là  ni  de  l'ordinaire  de  Rome,  ni  de  bré- 
viaires. Dans  la  troisième  règle  (1223),  au  contraire, 
il  est  prescrit  aux  clercs  de  l'ordre  de  faire  l'office 


1.  P.  UnALD,  Les  opuscules  de  S.   François  d'Assise  (Paris    ': 
1905),  p.  14-16.  Le  texte  de  la  première  (1209)  des  trois  règles  , 
est  perdu.  Cf.  Bonavent.  Vita  S.  Francisci,  41  (Ac/a  sanct.  | 
octobr.  l.   II,  p.  751)   :  «  Vacabanl   ibidem  divinis   precibns 
incessanter,  mentaliter   potins   quem  vocaliter,   studio  inten- 
dentes  oralionis  devotae,  pro  eo  quod  nondum  ecclesiasticos 
libros  habebant  in  quibus  possont  horas  canonicas  decantare.  » 

2.  Wadding.  Annales  Minorum  (édit.  de  Rome  1731),  t.  I, 
p.  68:  «  Glerici  faciant  ofïicium  et  dicant  pro  vivis  et  pro  mor- 
tuis  secundum  consuetudinem  clericorum...  Et  libros  necessa- 
rios  ad  implendum  eorum  ofTicium  possint  habere.  »  La  rèirb' 
ajoute  que  pour  les  manquements  et  les  négligences,  lo 
Mineurs  doivent  dire  chaque  jour  le  Miserere  et  le  Pater; 
pour  les  défunts,  le  De  profundis  et  le  Pater.  On,  conclura 
de  là  que  la  règle  supprime  la  récitation  quotidienne  des 
psaumes  pénitentiels  et  de  Foffice  des  morts. 


l'office  moderne.  243 

selon  l'ordinaire  de  la  sainte  Eglise  romaine,  à  con- 
dition de  rester  fidèle  au  texte  du  psautier  «  gal- 
lican »  en  usage  partout,  sauf  à  Rome;  les  Mineurs 
pourront  posséder  à  cet  effet  des  bréviaires  dudit 
office  ^  En  d'autres  termes,  il  existe  en  1223  des  bré- 
viaires de  l'office  divin  selon  l'ordre  de  la  sainte 
Eglise  romaine,  et  ces  livres  nouveaux  sont  adoptés 
par  la  famille  franciscaine.  Raoul  de  Tongres  écrira  : 
«  Et  illud  officium  brenatum  secuti  sunt  Fratres 
Minores,  inde  est  quod  hreviaria  eormn  et  lihros 
officii  intitulant  secundum  consuetudineni  romanae 
Curiae  »  -. 

Mais  ce  Bréviaire  de  la  cour  romaine  ne  fut  pas 
adopté  tel  qu'il  était  du  temps  d'Innocent  III  :  les  Mi- 
neurs le  corrigèrent  à  leur  usage,  et  les  modifications 
introduites  par  eux  constituèrent  une  véritable  se- 
conde édition  du  Bréviaire  de  la  curie,  édition  ap- 
prouvée parle  pape  Grégoire  IX,  en  1241,  et  qui  était 
l'œuvre  du  général  des  Mineurs,  Aimon  :  «  Brena^ 
rium  a  fratre  Aymone  sanctae  recordationis^  prae- 
decessore  meo,  pio  correctum  studio,  et  per  sedem 
apostolicam  confirmatum,  et  approhatam  postea  per 


1.  Wadding.  t.  II,  p,  65  :  «  Glerici  facianl  divinnni  ofriciuiii 
sGciiiidiim  orclinom  sanctae  romanae  Ecclesiae,  exceplo  psal- 
terio,  ex  quo  habcre  poternnt  breviaria.  «  Gf  la  bulle  d'Inno- 
cent IV,  du  14  novembre  1245  (Potthast,  11962;  Waddinct, 
t.  III,  p.  129).  Ubald,  p.  84  et  250,  traduit  ex  quo  par  «  dès 
que  »,  entendant  par  là  que  les  Bréviaires  coûtent  cher  et 
ne  s'acquièrent  pas  facilement. 

2.  Radulph.  22.  Il  faut  noter  que  les  Mineurs  ne  chan- 
tent pas  l'office,  mais  le  récitent.  Gela  est  expressément 
marqué  pour  les  Clarisses.  Ubald,  p.  250. 


244  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

capitulum  générale  »  ^  Ainsi  s'exprime  Jean  de 
Parme,  en  1249,  dans  une  lettre  circulaire  où  il  en- 
joint aux  Mineurs  de  se  servir  du  bréviaire  d'Aimon 
et  de  Grégoire  IX,  et  de  n'y  rien  changer,  soit  dans 
la  note,  soit  dans  la  lettre,  soit  dans  les  hymnes, 
soit  dans  les  antiennes,  soit  dans  les  leçons.  Pour 
ce  qui  est  des  fêtes  locales  de  saints,  les  Mineurs, 
par  déférence  pour  l'usage  du  lieu  où  ils  résident, 
devront  les  célébrer;  mais  ces  fêtes  locales,  si  solen- 
nelles soient-elles  dans  le  pays,  ne  dépasseront  jamais 
pour  les  Mineurs  le  rite  semi-double  ;  elles  n'auront 
pas  d'office  propre,  mais  n'auront  droit  qu'à  l'office 
du  commun  des  saints,  et  rien  n'en  devra  figurer 
dans  les  livres  des  Mineurs,  exception  faite  pour  l'of- 
fice nouveau  de  saint  Antoine  de  Padoue,  «  quousque 
de  ipso  melius  ordinetur  »  ^. 

1.  Wadding.  t.  III,  p.  299.  Nous  avons  cité  plus  haut  la 
bulle  de  Grégoire  IX  (Potthast,  n°  11028). 

2.  Wadding.  Annales  Minonim,  t.  III,  p.  208-209,  donne  le 
texte  de  la  lettre  de  Jean  de  Parme,  a.  1249,  aux  Mineurs  de 
Toscane  :  «  Quia,  sicut  indubitanter  cognovi,  nonnulli  Fra- 
trum  offîcium  divinum,  quod  de  régula  nostra  secundum  ordi- 
nom  sanctae  romanae  Ecclesiae  celobrare  debemiis,  in  littera 
mutare  interdum,  sed  et  in  cantu  maxime  variare  praesu- 
munt...,  districte  duxi  praesentibus  iniungendum  quod,  prae- 
ter  id  solum  quod  ordinarium  missalis  et  brcviarium  a  fratre 
Aymone  sanctae  recordationis  praedecessore  meo  pio  correctum 
studio,  et  per  Sedem  Apostolicam  confirmatum  et  approba- 
tum  postea  nihilominus  per  générale  Capitulum,  noscitur  con- 
tinere,  ut  nihil  omnino  in  cantu  vel  littera  sub  alicuius  festi 
sèu  devotionis  oblentu,  in  hymnis,  scu  responsoriis,  vel  anti- 
phonis,  seu  prosis,  aut  lectionibus,  vel  aliis  quibuslibet,  — 
beatae  virginis  antiphonis,  videlicet  Reglna  coeli.  Aima  re- 
demptoris,  Ave  regina  coelorum  et  Salve  regina,  quae  post 
completorium  diversis  cantantur  teraporibus,  et  ofTicio  beati 


l'offtce  moderne.  245 

Voilà  donc  une  sorte  de  seconde  édition  du  Bréviaire 
de  la  cour  romaine,  une  édition  à  l'usage  des  Mineurs, 
une  édition  dont  les  Mineurs  vont  faire  en  quelques 
années  l'universelle  popularité  et  que  bientôt  la  cour 
elle-même  adoptera  pour  son  usage  ^ . 

L'adoption  par  la  curie  du  Bréviaire  des  Mineurs 
prit  place  entre  le  pontificat  de  Grégoire  IX  (1227- 
1241)  et  celui  de  Nicolas  III  (1277-1280),  mais  on  n'en 


Antonii  [canonisé  en  1232]  quousqiie  de  ipso  melius  ordine- 
lur,  tantum  exceptis,  —  in  choro  cantari  vel  legi,  nisi  forte 
aliciibi  compellat  libroriim  nostrorum  defecius,  aut  in  libris 
ordinis  illa  scribi,  antequam  per  Gapitulum  Générale  recepta 
fuerint,  raodo  aliqiio  permittatis.  » 

La  lettre  ajoute  plus  loin  :  «  ...  Natalitia  vero  sanctorum 
specialia  iuxta  ordinarii  traditionem,  secundum  regiones  di- 
versas  diversimodo  celebranda,  iuxta  morem  et  breviarium  ho- 
strum  sanctorum  commune  tantummodo  faciatis,...  ita  tamen 
quod  solemnitatem  et  modum  semiduplicis  ofTicii  nostri  apud 
nos  festa  huiusmodi  non  excédant,  quantumcumque  ab  aliis 
solemnia  iudicentur...  » 

l.  Il  y  a  tFace  de  retouches  apportées  en  1260  au  Bréviaire 
d'Aimon.  Voyez  Wadding.  Annales  Minorum,  t.  IV,  p.  129, 
ad  ann.  1260  :  «  Actum  etiam  in  eodem  Gapitulo  [=  à  Nar- 
bonne]  de  ritibus,  et  cultu  variorum  sanctorum.  Ordinatum 
est  ut  fieret  ofTicium  duplex  deinceps  de  sanctissima  Trini- 
tate  in  octava  Pentecostes.  Secundo,  quod  de  quatuor  praeci- 
puis  Ecclesiae  doctoribus  Augustino,  Hieronymo,  Ambrosio, 
Gregorio,  fieret  semiduplex.  Tertio,  de  sancto  Bernardo  fieret 
festum  die  suo,  videlicet  XIII  kalend.  seplembris.  Quarto,  de 
sancta  Glara  fieret  officium  duplex...  Quinto,  quod  antipho- 
nae  consuotae  sanctae  Mariae  Virginis  dicerentur  post  com- 
plelorium,  excepte  dumtaxat  triduo  ante  Pascha  Resurrec- 
tionis...  »  P.  128  :  «  Praeterea  iussum  est,  ut  libri  omnes 
rituales  corrigerentur  ad  exemplaria  illorum,  qui  correcti  erant 
ex  Pontificis  et  Ordinis  praescripto  per  Haymonem  Anglicum, 
olim  Ministrum  Generalem,  quos  etiam  Ordinarium  Romanum 
admisit...  » 


h 


246  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

a  pas  relevé  trace  jusqu'à  présent  dans  les  registres 
pontificaux.  Raoul  de  Tongres  nous  apprend  seule- 
ment que  Nicolas  III  «  fit  supprimer  dans  les  églises  de 
Rome  tous  les  antiphonaires  et  autres  livres  de  l'an- 
cien office,  et  ordonna  que  désormais  les  églises  de 
Rome  se  servissent  des  livres  et  bréviaires  des  Mi- 
neurs, dont  il  confirma  lui  aussi  la  règle  ».  Et  c'est 
pourquoi,  ajoute  Raoul,  a  aujourd'hui  à  Rome  tous  les 
livres  sont  nouveaux  et  franciscains  ^  ».  Ainsi  par  Ni- 
colas III,  un  franciscain,  le  grand  office  romain,  ce- 
lui du  temps  de  Charlemagne  et  d'Hadrien,  était  sup- 
primé dans  les  basiliques  romaines  qui  lui  étaient 
restées  fidèles  jusque-là,  et  Nicolas  III  substituait  à 
cet  ancien  office  le  Bréviaire  ou  somme  de  l'office  mo- 
dernisé, tel  que  les  Mineurs  l'observaient  depuis  Gré-  - 
goire  IX. 

Le  Bréviaire  palatin  d'Innocent  III  est  devenu  le  ' 
Bréviaire  des  Mineurs.  Avec  Nicolas  III  le  Bréviaire 


1.  Radulph.  22  :  «  Nicolaus  papa  III,  nationo  romanus 
de  génère  Ursinorum,  qui  coopit  anno  1277  et  palatium  apud 
S.  Petrum  construxit,  fecit  in  ecclesiis  urbis  amoveri...  libros 
officii  antiques...,  et  mandavit  ut  de  caeterd  ecclesiae  urbis 
uterentur...  breviariis  Fratrum  Minorum,  quorum  regulam 
etiam  confirmavit.  Unde  hodie  in  Roma  omnes  libri  sunt  novi 
et  franciscani.  »  —  Cette  afïirmation  de  Raoul  de  Tongres  ne 
doit  pas  être  prise  trop  strictement  au  pied  de  la  lettre,  car, 
cent  ans  après  Nicolas  III,  le  pape  Grégoire  XI  (1370-1378)1 
imposait  l'office  du  Bréviaire  à  la  basilique  du  Latran,  qui, 
jusque-là,  avait  résisté  à  l'innovation  :  «  Ut  membra  capitii 
se  conforment,  praesenti  institutione  decernimus,  quod  tamf 
nocturnum  quam  diurnum  in  Lateranensi  ecclesia  cum  nota 
dicatur  iuxta  rubricam,  ordinem,  sive  morem  sanctae  romanno 
Ecclesiae,  seu  capellae  domini  nostri  Papae.  »  Constitution  es 
lateranenses,  1,  dans  Mabillon,  Mus.  italicum,  t.  II,  p.  577. 


l'office  moderne.  247 

des  Mineurs  devient  le  Bréviaire  de  l'Eglise  romaine, 
et  il  n'y  aura  désormais  plus  d'autre  office  romain 
que  selon  cette  forme  nouvelle.  En  1337,  le  Saint- 
Siège  étant  fixé  à  Avignon,  Benoît  Xll  supprime  les 
vieux  livres  tant  des  clercs  que  des  églises  d'Avignon, 
pour  leur  imposer  le  Bréviaire  de  la  curie.  Benoît  XII 
traite  fort  durement  les  vieux  livres  d'office,  il  les 
qualifie  de  «  pristinis  i>eterum  codicum  rudimen- 
tis  »  :  il  loue  au  contraire  les  nouveaux  d'être  «  conve- 
nientes  et  aptos  »  ^ . 

Qui  voudrait  savoir  quels  sont  ces  livres  conformes 
à  l'usage  de  la  curie  et  de  l'Eglise  romaine  n'aurait 
qu'à  jeter  les  yeux  sur  les  anciens  catalogues  de  la 
bibliothèque  des  papes  avignonnais  :  il  n'y  trouverait 
plus  les  livres  qui  servaient  jadis  à  l'office  divin,  libri 
responsales,  libri  noctiumales,  etc.,  mais,  en  foule, 
des  livres  qui  s'intitulent  Breviarium  ad  usum  roma- 
nurriy  Brenarium  de  caméra,  Breviarium  pro  ca- 
méra'^. La  révolution  liturgique,  qui  substituait  le 

1.  Martene,  Thésaurus  novus  anecdotorum,  t.  IV,  p.  558  : 
«  Ordinamus  atque  constituimus  quod  amodo  imiversi  et  sin- 
guli  clerici  ac  personae  ecclesiasticae  praedictae  civitatis  et 
dioecesis  a  consuetis  offîciis  liberi  et  immunes  existant,  et 
pristinis  veterum  codicum  rudimentis  omissis,...  offîcium  divi- 
num  diurnum  pariter  et  nocturnum  dicere  valeant  iuxta  ordi- 
nem,  morem  sou  statutum,  quo  Ecclesia  utitur  et  curia  romana 
supradicta...  Statuimus  ut  in  universis  et  singulis  ecclesiis 
eiusdem  civitatis  et  dioecesis,  quarum  libri  ex  antiquitatis  in- 
commodo  renovationis  vel  reparationis  remedio  indigent,  illi 
ad  quos  pertinet  emant  seu  fieri  faciant  libros  convenientes 
et  aptos,  qui  dictae  Ecclesiae  et  curiae  romanae  usui  con- 
gruant  opportuno.  « 

2.  F.  Ehrle,  Historia  hibliothecae  romanorum  pontificum 
(Ronie  1890),  t.  I,  pp.  200,  214,  404,  547,  etc. 


248  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Bréviaire  de  la  cour  romaine  au  vieil  oj^do  psallendi 
de  Saint-Pierre,  était  un  fait  accompli. 
Nous  avons  à  décrire  ce  Bréviaire  ^ 


Le  Bréviaire  de  la  curie  ^  se  décompose  en  cinq 
parties  :  le  calendrier,  le  psautier,  le  temporal,  le 
propre  des  saints,  le  commun  des  saints. 

Le  calendrier  est  généralement  en  tête  du  ma- 
nuscrit. Le  psautier  vient  immédiatement  après  le 
calendrier.  Il  arrive  quelquefois  que  le  psautier  soit 
intercalé  au  milieu  du  volume,   entre  le  propre  du 


1,  Pour  la  description  du  Bréviaire  romain  des  Mineurs  et  de 
la  curie,  j'ai  consulté  un  grand  nombre  de  Bréviaires  manus- 
crits. M.  Léopold  Delisle  avait  bien  voulu  me  communiquer  l'in- 
ventaire descriptif  par  lui  dressé  des  Bréviaires  que  possède 
la  Bibliothèque  Nationale.  Mes  observations  ont  porté  particu- 
lièrement sur  les  mss.  suivants  :  —  Bibliothèque  Nationale 
1049  (xv%  après  1458);  1314  (fin  xv«);  1262  (xv%  Rodez);  1289 
(fin  xv);  1290  (xv);  13244  (xv^;  1260  {a.  1458,  Rodez);  1323G 
(xv%  Rodez)  ;  16309  (xiv%  Saintes)  ;  1058  (fin  xv%  Sarlat)  ;  1288 
(fin  xiv%  Rouen)  ;  756  {a.  1406,  Florence)  ;  760  (xv%  Milan)  ; 
1045  (xiv*");  1064  (comm.  xv%  espag.iol);  1282  (xiV,  espagnol); 
17993  (xiv%  italien);  1280  (xiv''-xv%  italien);  1281  (xiv*'-xv%  ita- 
lien); 1044  (xv%  allemand);  10481  (vers  1340);  9423  (xiv^).  Cf. 
H.  Ehrensberger,  Bihliotheca  liturgica  manuscripta  (Karls- 
ruhe  1889),  p.  22^30,  inventaire  descriptif  des  Bréviaires  mss. 
de  la  bibliothèque  de  Karlsruhe.  Ehrensberger  encore,  Librl 
liturgici,  p.  190-308,  inventaire  descriptif  des  Bréviaires  mss. 
de  la  Bibliothèque  Vaticane.  A  signaler  les  Vatican,  lai.  601 'i 
{a.  1474);  6069  (a.  1318):  7692  {a.  1462);  Ottohoni.  511  [a.  1471) 
et  545  (a.  1465).  —  On  consultera  l'important  travail  de  0. 
Mercati,  Appunti  per  la  storia  ciel  Breviario  romano  net 
secoli  XIV-XV,  tratti  dalle  Ruhricae  Novae  (Rome  1903),  tirage 
à  part  de  la  Rassegna  gregoriana  de  1903. 


l'office  moderne.  249 

temps  et  le  propre  des  saints.  D'ordinaire,  le  psau- 
tier ne  porte  pas  de  titre;  quelquefois,  cependant, 
on  lui  en  donne  un,  comme  Incipit psalmista  cum 
iiwitatoriis  et  ymnis,  ou  Incipit  psalterium  ordina- 
tum,  ou  même  Incipit  psalterium  secundum  morem 
romane  Curie.  Voici  pour  la  première  fois  les 
hymnes  introduits  dans  l'office  romain  ^ .  Les  psau- 
mes et  les  «  cantiques  ))  sont  présentés  dans  l'ordre 
où  ils  servent  à  l'office  dominical  et  férial,  et  l'on  y 
intercale,  à  leur  place  respective,  le  Te  deum,  le 
Quicunque^  les  hymnes,  invitatoires,  antiennes, 
versets,  capitules  de  l'office  dominical  et  férial, tant  à 
matines,  laudes  et  vêpres^,  qu'aux  petites  heures.  Les 
hymnes  du  propre  du  temps  et  des  saints  sont  placés 
en  tête  ou  à  la  fin  du  psautier. 

Le  texte  du  psautier  est  pour  les  Mineurs  le  texte 
de  la  version  dite  gallicane  :  à  Rome,  au  moins  pour 
les  basiliques,  le  texte  de  la  version  dite  romaine  se 
maintient  dans  l'usage  liturgique  jusqu'à  la  fin  du 
xv**  siècle^. 

11.  Les  hymnes  sont  mentionnés,  au  moins  aux  petites  heures 
i  temps  de  Grégoire  X  (1271-1276),  sans  I'OrfZoroma/iH5  XIII, 
2.  Radulph.  10  :  «  In  festivitatibus  qiioque  ad  secundas  vespe- 
s,  Fratrum  Minorum  usus  ponit  psalmos  dominicales,  ultimo 
cundum  festivitatem  mutato.  Gallici  vero  in  maioribus  festi- 
tatibus  per  psalmos  Laudate  solemnizant.  Sed  Alemanni  ubi 
possunt  se  tenent  ad  feriales.  »  Cette  observation  de  Raoul 
vaut  pour  la  fin  du  xiv"  siècle.  En  fait,  l'usage  de  solenniser 
les  secondes  vêpres  s'introduit  à  Rome  au  xiir  siècle.  Sous 
Grégoire  X  (1271-1276)  les  secondes  vêpres  sont  un  usage 
attesté  pour  la  liturgie  papale  par  YOrdo  romanus  XIII,  25, 
3.  ToMASi  (t.  II,  praef.)  cite  un  psautier  écrit  en  1480  pour 


250  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Le  propre  du  temps  est  la  partie  qui  donne  son 
nom  à  l'ensemble  du  livre  :  Incipit  ordo  Breviarii 
secundum  consuetudinem  romane  Curie,  ou  Incipit 
Breviarium  Fratrum  Minorum  secundum  consuetu- 
dinem romane  Curie  (pas  avant  le  xv*^  siècle),  ou 
même  Incipit  Breviarium  secundum  consuetudinem 
romane  Ecclesie. 

Le  temporal  contient  l'office  propre  du  temps 
depuis  le  premier  dimanche  de  l'Avent  jusqu'au  der- 
nier dimanche  après  la  Pentecôte  :  antiennes,  leçons, 
répons,  oraisons.  Les  leçons  scripturaires  du  tem- 
poral sont  distribuées  selon  l'ordre  traditionnel,  mais 
elles  sont  chacune  à  peine  de  quelques  lignes.  Les 
sermons  ou  les  homélies  ne  sont  guère  plus  longs  ^. 
Ils  sont  empruntés  de  préférence  aux  docteurs  de 
l'Église,  saint  Ambroise,  saint  Jérôme,  saint  Augus- 
tin, saint  Grégoire,  joignons-y  saint  Léon  et  saint 
Jean  Chrysostome.  Pas  de  nom  plus  moderne  que 
saint  Grégoire^. 

Une  nouveauté  importante  caractérise  le  temporal 
du  Bréviaire  de  la  curie,  l'introduction  de  la  fête  de 
la  Trinité  et  de  la  fête  du  Corpus  Christi. 


lo  chapitre  de  Sainte-Marie-Majeure  :  le  texte  est  celui  du 
I»sautier  romain  «  secundum  consuetudinem  clericorum  roma- 
nae  urbis  eiusque  districtus  ». 

1.  Radulph.  22  :  «  Aliae  nationes...  et  Lateranensis  <l 
aliae  romanae  ecclesiae  habent  sermones  et  homilias  intégras 
passionesque  sanctorum...  Sed  Fratres  Minores  causa  brevi- 
tatis  capellam  sequendo  hoc  alteraverunt.  » 

2.  M.  Gholat,  op.  cit.,  p.  59-61,  signale  dans  le  «  Bréviaire 
de  sainte  Glaire  »  des  sermons  d'Innocent  III  :  il  y  voit  une 
trace  du  remaniement  liturgique  opéré  par  Innocent  III. 


l'office  modernk.  251 

L'oilice  de  la  Trinité  [Gloina  tihi  Trinitas  aequalis) 
manquait  certainement  au  Bréviaire  d'Innocent  III  et 
à  celui  de  Grégoire  IX;  il  a  été  introduit  dans  Toffice 
des  Mineurs  par  leur  chapitre  de  Narbonne,  en 
1260,  mais  Ton  trouve  encore  au  commencement  du 
xiV  siècle  des  Bréviaires  manuscrits  qui  ne  l'ont  pas. 
«  Romani  nunquam  de  Trinitate  célébrant  festum,  » 
dit  Durand  en  1286^  ,  tandis  que,  sur  la  fin  du 
XI v''  siècle,  Raoul  de  Tongres  écrit  :  «  Hodiernis  tem- 
poribus  Romae  et  in  curia  romana  solemnis  habetur 
festivitas   sanctae    Trinitatis  »  ^. 

L'office  du  Corpus  Christi  (Sacerdos  in  aeternum) , 
œuvre  de  saint  Thomas  d'Aquin,  manque  à  certains 
Bréviaires  du  commencement  du  xiv^  siècle  :  la  fête, 
inaugurée  à  Liège,  en  1246,  confirmée,  à  la  suite  du 
miracle  de  Bolsène,  par  Urbain  IV  (1264),  négligée 
vers  la  fin  du  xiii*^  siècle,  fut  remise  en  honneur  par 
Clément  V  (1311)  et  par  Jean  XXII  (1316)  3.  A  ces  deux 


1.  Durand.  Rationale,  vi,  114,  7.  Deux  offices  de  la  Trinité, 
'un  (Gloria  tibi  Trinitas),  qui  a  passé  dans  le  Bréviaire  actuel, 
mvre  d'Etienne  de  Liège,  s'il  faut  en  croire  Durand  (vi,  114,  6), 
î'est-à-dire  remontant  au  x^  siècle;  —  l'autre  (Sedenti  super 
lolium),  œuvre  de  Jean  de  Peckham  (f  1292).  Baeumer,  Ge- 
ichichte,  p.  362-363.  (Cette  indication  de  Baeumer  ne  se  lit  pas 
lans  l'édition  française.) 

2.  Radulph.  16.  Il  mentionne  ibid.  la  fête  du  Corpus  Christi. 

3.  Baronius,  Annales,  t.  XXII,  p.  140,  reproduit  l'essentiel 
ie  la  bulle  d'institution  d'Urbain  IV.  Sur  l'office  composé  par 
saint  Thomas,  voyez  sa  vie  par  Guillaume  de  Tocco,  18  {Acta 
is.  martii,  1. 1,  p.  665)  :  «  Scripsit  officium  de  Gorpore  Ghristi 
le  mandalo  Papae  Urbani,  in  quo  omnes  quae  de  hoc  sunt 
jacramento  veteres  figuras  exposuit,  et  veritates  quae  de  nova 
junt  gratia,  compilavit.  »  Urbain  IV  avait  été  jadis  archidiacre 

Ide  Liège,  avant  de  devenir  évêque  de  Verdun  et  finalement 


252  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

solennités  près,  le  temporal,  tout  réduit  et  altéré  qu'il 
est  dans  son  lectionnaire,  est  le  temporal  de  l'ancien 
office  romain  ' . 

Le  sanctoral  porte  en  titre  quelquefois  :  Incipit 
proprium  sanctorum  totius  anni  secundum  usum 
romane  Curie^  plus  souvent  :  Incipiiint  festwitates 
sanctorum  per  [totum)  anni  circulum.  Le  commun 
des  saints  porte  en  titre  :  Incipit  commune  sancto- 
rum, ou  Incipit  commune  sanctorum  per  [totum] 
anni  circulum.  Le  commun  des  saints  comprend  l'of- 
fice des  apôtres,  des  évangélistes,  d'un  et  plusieurs 
martyrs,  des  confesseurs  pontifes  et  non  pontifes, 
des  vierges  martyres  et  non  martyres,  des  non 
vierges,  auxquels  s'ajoute  l'office  de  la  dédicace  et 
l'office  de  la  vierge  Marie.  L'office  des  morts  est  placé 
parfois  à  la  fin  du  psautier,  plus  souvent  à  la  fin  du 
commun  des  saints,  après  l'office  de  la  Vierge. 

L'office  sanctoral,  soit  commun,  soit  propre,  compte 
neuf  leçons  :  les  fêtes  sanctorales  de  trois  leçons  ont 


pape.  Il  avait  connu  les  révélations  de  la  bienheureuse  Jeanne 
de  Mont-Gornillon  à  Liège  même,  révélations  dont  les  pre- 
mières remontent  à  1208.  —  On  sait  que  la  bienheureuse 
Jeanne  avait  fait  composer  un  office  du  saint  Sacrement  par 
un  jeune  clerc  de  Liège,  frère  Jean,  qui  était  aussi  innocent 
que  peu  lettré,  nous  dit  la  vie  de  la  Bienheureuse.  L'office 
fut  fait  tant  bien  que  mal  et  quelque  temps  en  usage.  Actn 
ss.  april.  t.  I,  p.  460  et  suiv.  Dom  Morin,  «  L'office  cistercien 
pour  la  Fête-Dieu,  comparé  avec  celui  de  Thomas  d'Aquin  ». 
Revue  bénédictine,  1910,  p.  236-246,  montre  que  saint  Thomas 
a  emprunté  plus  qu'on  ne  croyait  à  cet  ancien  office  cistercien. 
1.  Notons  cependant  que  les  anciennes  vêpres  pascales  soni 
tombées  en  désuétude.  Radulph.  16  :  «  Quas  vesperas  iideni 
Fratres  maie  alteraverunt.  » 


l'office  moderne.  253 

disparu  de  l'usage,  et  les  saints  n'ayant  droit  qu'à 
une  commémoraison  ne  passent  pas  une  demi-dou- 
zaine^. Des  neuf  leçons  dont  se  composent  les  offices 
sanctoraux,  les  six  premières  sont  empruntées  à  l'his- 
toire du  saint;  les  trois  dernières  sont  généralement 
d'une  homélie  sur  l'évangile  de  la  messe. 

Les  leçons  tirées  de  la  vie  des  saints  ont  toujours 
été  une  pierre  d'achoppement.  J'ai  trouvé,  en  marge 
d'exemplaires  tardifs  du  Bréviaire,  des  annotations 
comme  celles-ci  aux  légendes  des  saints  :  Neud- 
quam....  Fabula...,  Apocrypha...,  Falsa  narratio.... 
Fabula  anilis...,  Officium  stolidum  et  ridiculum...\ 
ces  notes  marginales  sont  de  clercs  de  la  Renais- 
sance. Bien  avant  la  Renaissance,  Raoul  de  Tongres 
reproche  au  Bréviaire  des  Mineurs  d'avoir  accueilli 


1.  VOi'do  romaniis  XV  de  Mabillon  meniionne  une  décré- 
lalc  de  Clément  VI  (1342-1352),  qui  règle  que  chaque  saint  a 
droit  à  sa  fête,   et  donc  que  la  fête  est  transférée  en  cas  de 
concurrence  :  «  Tenet  haec  rulDrica  per  extravagant em  D.  dé- 
mentis Papae  VI,  qui  ordinavit  quod  non  fiât  de  sanctis  ali- 
^qua  commemoralio  nec  in  duplicibus,  nec  in  semiduplicibus, 
h1    quodlibet  festum  habeat    diem  suum  prout    alii    sancti 
labent.  »  Je  cite  le  texte  tiré  des  Rubricae  novae.  MERCAïr, 
14.  On  lit  à  la  suite  :  «  Item  prefatus    ponlifex  maximns 
îcrevit   quod    numquam    fiât    commemoralio    alicuius   fesli 
)rum  qui  cadunt  in  maioribus  et  principalioribus  festivita- 
ibus,  sed  huiusmodi  commemoratio  transferatur  et  suis  locis 
temporibus  fiant  de  eo  IX  lectiones   sicut  de  aliis  festis. 
Stiam   festum   quantumcumque   simplex    fuerit,   nullo    modo 
ranseat  per  commemorationem,  sed  post  in  suo  ordine  cele- 
retur  cum  IX  lectionibus  et   responsoriis  prout  fit  in   aliis 
îstis.  »  Cette  décrétale  de  Clément  VI  soulevait  des  difficultés 
LUS  nombre.  Radulph.  17  :  «  Dicti  Fratres  extra  usum  anti- 
fcuum  romanum  in  novem  lectionibus  valde  abutuntur,  et  eorum 
msus  non  est  sequendus,  sed  omnino  detestandus.  » 


254  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

les  apocryphes  condamnés  par  le  catalogue  du  pape 
Gélase,  et  des  actes  comme  ceux  de  saint  Georges,  de 
sainte  Barbe,  de  sainte  Catherine,  «  œuvres  apo- 
cryphes, méprisables,  et  remplies  de  récits  incroya- 
bles w,  sans  parler  de  tant  de  passions  insérées  dans 
les  éditions  particulières  et  locales,  reproduites  sans 
discernement  et  qui  ne  sauraient  être  lues  à  l'othce 
sans  péril  ' . 

Le  calendrier  sanctoral  du  xiii**  siècle  n'est  pas 
aussi  différent  que  l'on  croirait  du  calendrier  que 
donnait  au  xii^  siècle  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre. 
Certains  noms  que  porte  l'antiphonaire  de  Saint- 
Pierre  ont  été  éliminés  du  calendrier  de  la  curie,  une 
quinzaine  au  totaP.  D'autres  s'y  trouvent  ajoutés 
comme  saint  Basile,  saint  Paul  ermite,  saint  Ignace, 
saint  Gilbert  de  Sempringham,  saint  Bernard,  sainte 
Justine,  saint  Rémi,  saint  Hilarion,  saint  Léonard, 
saints  Vital  et  Agricol,  saint  Brice,  saint  Pierre  d'A- 
lexandrie, sainte  Lucie,  saint  Thomas  de  Cantorbery, 
et  un  groupe  de  papes  anciens  (saints  Hygin,  Mar- 
cellin,  Félix,  Silvère,  Zéphirin,  Pontien,  Miltiade). 
L'accroissement  est  en  tout  d'une  dizaine  de  fêtes,  à 
peine,  ceci  au  xiii'^  siècle. 

L'on  se  tromperait  à  croire  que  le  calendrier  de  l.i 
curie  se  soit  beaucoup  accru  du  xiii^  au  xv^  siècle. 
Le  xiii^  siècle  lui  a  donné  la  fête  de  la  Conception  de 
la  Vierge*^;  les  fêtes   des   Mineurs,  saint  François 

1.  Radulph.  12. 

2.  Saints  Télesphore,  Aquilas,Papias,  Siiiiéon,Eiipliis  cL  Lcii- 
ciiis,  Aiirc,  Balbine,  Thècle,  Eiistache,  etc. 

3.  Au  moment  ou  saint  Thomas  rédige  la  III  '  de  la  Somme 


l'office  moderne.  255 

(canonisé  en  1228),  sainte  Claire  (can.  1255),  saint 
Antoine  de  Padoue  (can.  1232),  sainte  Elisabeth  de 
Thuringe  (can.  1235);  à  leur  suite  saint  Dominique 
(can.  1234),  saint  Pierre  Martyr  (can.  1253),  saint 
Louis,  roi  de  France  (can.  1297).  —  Le  xiv®  siècle  a 
donné  la  fête  des  Stigmates  de  saint  François  (1304), 
saint  Thomas  d'Aquin  (can.  1323),  saint  Louis, 
évêque  de  Toulouse  (can.  1317),  la  fête  de  sainte 
Marie-aux-Neiges  ^  —  A  la  fin  du  xv°  siècle,  dans 
lés  Bréviaires  incunables,  nous  constatons  l'accession 
de  fêtes,  à  vrai  dire,  plus  nombreuses,  la  Transfi- 
guration de  N.    S.    (1457)  2,   la   Présentation  de  la 


Théologique,  entre  1268  et  1274,  la  fête  de  l'Immaculée  Con- 
ception n'est  pas  reçue  à  Rome.  Thom.  Summ.  Theol.  IIP,  q. 
XXVII,  a.  2,  ad  3  :  «  Licet  romana  Ecclesia  conceptionem  B. 
Virginis  non  celebret,  tolérât  tamen  consuetudinem  aliquarum 
ecclesiarum  illud  festum  celebrantium.  Unde  talis  celebrilas 
non  est  totalitor  reprobanda.  »  La  fête  de  l'Immaculée  Con- 
ception sera  confirmée  par  Sixte  IV,  en  1496.  On  lui  don- 
nera pour  office  l'office  de  la  Nativité,  mais  on  en  connaît  un 
autre,  propre,  composé  sous  Sixte  IV,  par  Léonard  de  Nogarol, 
protonotaire.  Voyez  le  texte  de  cet  offîce  propre  dans  le  Bré- 
'  riaire  ms.  Biblioth.  Nat.  1314,  fol.  620,  et  une  lettre  de 
éonard  de  Nogarol  à  Sixte  IV  dans  le  Vatican,  lat.  7692,  fol.  2. 

1.  Voyez  Biblioth.  Nation.  1050  {a.  1478),  fol.  374  :  «  Inci- 
[iunt  festa  noviter  promulgata  fidelibus,  et  primo  ad  honorem 
^ancte  atque  individue  Trinitatis.  »  A  la  suite  :  «  Offîcium  cor- 
>oris  D.  N.  I.  G.  secundum  consuetudinem  sancte  romane 
Pcclesie.  »  Puis  la  Visitation,  puis  sainte  Marie-aux-Neiges, 

ifm  la  Conception  de  la  Vierge.  Cf.  Radulph.  22  :  «  Sed 
i'ratres ...  in  eorum  usu  adducunt  locales  Romanos  ».  Suit  une 
Iste,  qui  vaut  pour  la  fin  du  xiv  siècle,  et  un  peu  trop  poussée, 

crois. 

2.  Martene,  De  ant.  Eccl.  discipl.  p.  375  :  «  ...  cuius  insti- 
tutionem  Gallixto  Papae  III  refert  Platina  :  additque  ab  eo- 
lem  conscriptum   esse  offîcium  ecclesiasticum  de  ea  die,  et 


256  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Vierge  (1460)  \  la  Visitation  (1475)  2,  sainte  Brigitte 
(can.  1419),  saint  Nicolas  de  Tolentino  (can.  1447), 
saint  Bernardin  (can.  1450),  saint  Vincent  Ferrier 
(can.  1455),  saint  Joseph,  sainte  Anne,  sainte  Ju- 
lienne, saint  Patrice,  saint  Anselme,  saint  Jean 
Chrysostome,  quelques  autres  peut-être  ;  mais  en 
définitive  le  nombre  des  fêtes  accueillies  par  les 
papes  dans  leur  Bréviaire  est  un  nombre  restreint, 


cum  indulgentiis  promulgatum  iisdem,  quae  concessae  siinl 
in  solemnitate  Gorporis  Ghristi.  Gallixti  Bullatn  protulit  Odo- 
ricus  Rainaldus  ad  annum  1457,  n.  73.  Verum  longe  antiquio- 
rem  esse  hanc  festivilalem  constat...  »  Voyez  la  bulle  de  Cal- 
liste  III  dans  Baronius-haynaldi,  Annales,  t.  X,  p.  128-132. 

1.  Marte  NE,  De  antiq.  Eccl.  discipl.  p.  594  :  «  Pium  II,  ad 
instantiam  Willelmi  ducis  Saxoniae  21  mensis  noverabris  idem 
festum  cum  vigilia  celebrandum  instituisse  anno  1460  [refert 
Scultingus].  »  Il  y  a  une  bulle  la  concernant  de  Paul  II,  16 
septembre  1464. 

2.  Martene,  De  ant.  Eccl.  discipl.  p.  571  :  «  Girca  huius 
diei  officium  haec  ex  veteri  Breviario  Romano  scribit  Scultin- 
gus :  Huius  gloriosae  Visitationis  ofTicii  compositionem  Urba- 
nus  VI  domino  Adae  Gardinali  Angliae  doctori  in  theologia 
commisit,  ut  ex  scripturis  evangelicis,  sanctorum  Patrum  coni- 
mentai'iis  et  doctorum  approbatorum  assertionibus  historiam 
huius  festi  Visitationis  scriberet  et  dictaret,  et  eidcm  ollicio 
notam  congruam  applicaret.  Volens  quoque  Gardinalis  prac- 
fatus  vesligia  Patrum  sequi,  et  mandatis  apostolicis  obcdiic. 
iuxta  dictamen  domini  Bonaventurae  Gardinalis  de  offîcio 
S.  Francisci  praedictum  ofTicium  compilavit,  et  notam  consi- 
milem  sibi  sumpsit.  »  Le  cardinal  d'Angleterre  est  le  cardinal 
Adam  Easton.  Baeumer,  t.  II,  p.  109.  Mercati,  p.  19,  cite  1<' 
texte  d'une  des  Riihricae  novae,  qui  date  l'inslitulion  de  la  féh^ 
de  la  Visitation  (avec  le  rang  de  double)  de  l'an  XI  d'Urbain  VI 
(1389)  et  du  8  avril.  La  bulle  d'Urbain  VI  fut  confirmée  par 
Boniface  IX,  9  nov.  1389.  Mais  la  rubrique  ajoute  que  la  curie 
«  non  consuevit  facere  olficium  Visitationis  Mariae  »,  ceci 
vers  1400.  La  fête  fut  imposée  seulement  sous  Sixte  IV,  1475. 


l'office  moderne,  257 

restreint  surtout  si  on  le  compare  au  nombre  des  fêtes 
que  les  Bréviaires  qui  ne  sont  point  proprement  de  la 
curie  ont  admises  dans  leurs  calendriers  *. 

Mais  si  les  fêtes  sanctorales,  dans  l'office  de  la  cour 
romaine,  n'ont  point  démesurément  crû  en  nombre, 
du  moins  elles  ont  crû  en  solennité  2.  Toutes  les  fêtes 
de  la  Vierge  sont  doubles  majeures,  à  l'égal  de  Noël 
ou  de  Pâques;  autant  la  Saint-Pierre,  la  Saint-Jean, 
la  Toussaint.  Les  fêtes  des  apôtres,  des  évangé- 
listes,  des  docteurs  ^,  la  Saint-Laurent,  la  Saint-Mi- 
r.     chel,  la  commémoraison  des   morts,  la  dédicace  des 

iasiliques  de  Saint-Pierre,  de  Saint-Paul  et  du  La- 
•an,  les  deux  fêtes  de  la  Croix  ^,  les  octaves  de  la 
aint-Pierre,  de  l'Assomption,  de  la  Nativité,  sont 
oubles.  Les  dimanches  ne  sont  que  semi-doubles. 
1,  Voyez  par  exemple  Biblioth.  Nat.  1345  (xv),  roffîce  do 
ici  sagesse  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ;  1144  (xv),  l'office 
de  l'invention  de  l'Enfant  Jésus  ;  13244  (xv®),  l'office  du  nom 
de  Jésus  et  l'office  des  sœurs  de  la  Vierge  Marie. 

2.  Voyez  plus  loin,  p.  266-7,  l'extrait  des  Rubricae  novae  sur 
le  degré  des  fêtes. 

3.  Quatre  docteurs  :  saint  Ambroise,  saint  Jérôme,  saint  Au^ 
gustin,  saint  Grégoire,  Leurs  fêtes  ont  été  élevées  au  rite  double 
par  Boniface  VIII  :  «  anno  domini  1295  statuit  festa  apostolorum 
quatuor  evangelistarum  ac  quatuor  doctorum,  videlicet  Gre- 
gorii,  Augustini,  Ambrosii  et  leronimi,  sub  honore  festi  du- 
plicis  ab  omnibus  universaliter  celebrari  ».  L.  P.  t.  II,  p.  469. 

4.  Voyez  Biblioth.  Nation.  16309,  fol.  322  :  «  Incipit  offîcium 
sancte  crucis  completum  a  fratrc  Bonavenlura  ad  preces  do- 
mini Ludovici.  »  Biblioth.  Mazarin.  366,  fol.  293  (le  ms.  n'est 
pas  folioté)  :  «  Inventio  sancte  crucis  est  duplex  festum,  et 
habet  officium  proprium  secundum  curiam  romanam...  quod 
officium  publicatum  fuit  et  mandatum  celebrari  per  sanctissi- 
mum  dominum  nostrum  Gregorium  XI  penultima  aprilis 
1377.  »  Cf.  Mercati,  p.  17. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE   ROMAIN.  17 


258  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

On  peut  calculer  que  le  nombre  des  fêtes  sanctorales 
de  neuf  leçons  approche  de  150  dès  la  fin  du  xiii^  siè- 
cle, soit  150  fêtes  (plus  les  octaves)  évinçant  l'office 
temporal. 

Puis  l'office  quotidien  se  surcharge  de  l'office  de  la 
Vierge,  récité  tous  les  jours,  à  l'exception  des  solen- 
nités majeures,  des  trois  derniers  jours  delà  semaine 
sainte,  de  la  semaine  de  Pâques  et  des  fêtes  de  la 
Vierge  ^  L'office  férial  se  surcharge  de  l'office  des 
morts,  de  la  récitation  des  psaumes  pénitentiels  et 
graduels  ^.  Il  se  surcharge  des  preces  à  laudes,  à 
vêpres,  aux  petites  heures  ^.  Il  est  vrai  que,   dès  le 


1.  Les  Constitutiones  Lateranenses  de  Grégoire  XI  (1370- 
1378)  prescrivent  aux  chanoines  de  la  basilique  du  Latran,  en 
même  temps  que  la  récitation  «  cum  nota  »  du  Bréviaire  de 
la  curie,  la  récitation  «  sine  nota  »  de  l'ofTice  de  la  Vierge  : 
«  Officium  beatae  Mariae  Virginis  sine  nota,  aperte  tamen  et 
spatiose  proferatur.  »  Const.  lateran.  1  (Mabillon,  Mus.  itol. 
II   577) 

2.  Les  psaumes  pénitentiels  sont  récités  à  l'issue  de  primo, 
mais  seulement  en  carême  :  «  Hoc  officium  dici  débet  posl 
primam,  ...ut  vidi  notatum  in  quodam  ordinario  romano.  Sed 
Innocentius  III  mandavit  suis  capellaribus  ut  solum  in  quadra 
gosima  diceretur,  et  hoc  sequuntur  Fratres  Minores.  »  Ra- 

DULPH.  21. 

3.  Voici  ce  qu'on  lit  dans  le  Bréviaire  de  sainte  Glaire  : 
«  Dominus  papa  Innocentius  precepit,  cum  ad  matutinas  lau- 
des in  ferialibus  dicitur  Miserere  mei  deus  in  inceptione  [  = 
le  premier  des  cinq  psaumes  de  laudes],  in  suffrages  ipsius 
laudum  post  capitula  in  fine  diceretur  psalmus  De  profundis, 
et  post  capitula  Domine  deus  virtutum,  Exurge  Christe,  Do- 
mine exaudi  orationem.  In  omnibus  aliis  horis  dictis  capitulis 
dicitur  psalmus  Miserere  mei  deus  cum  Gloria,  postea  Domine 
deus  virtutum...,  Exurge  christe...,  Dominus  vobiscum...,  Ex- 
cita domine  quaesumus  vel  alla  oratio  que  competit.  —  Gan- 
ticum   graduum  dicitur  ante  omnia  ofTitia.  —  Et  post  laudes 


l'office  moderne.  259 

xiv^  siècle,  on  s'aperçoit  combien  ces  surcharges 
sont  onéreuses  ;  Raoul  de  Tongres  reproche  aux  Mi- 
neurs de  s'être  excessivement  relâchés  dé  l'obligation 
à  l'office  de  la  Vierge;  il  leur  reproche  d'avoir  multi- 
plié les  fçtes  sanctorales  de  neuf  leçons  \  pour  se 
soustraire  à  l'obligation  de  réciter  les  psaumes  péni- 
tentiels  et  graduels  et  l'office  des  morts,  —  «  des 
morts  auxquels  ils  causent  un  continuel  préjudice^  ». 
Nous  n'en  avons  pas  fini  avec  les  pieuses  suréro- 
gations.  Guillaume  Durand  note  qu'une  «  louable  cou- 
tume »  s'est  introduite,  en  vertu  de  laquelle  tout  prê- 
tre qui  récite  les  heures  canoniques  dise  à  voix  basse 
le  Pater  en  commençant  et  en  finissant.  Pareille- 
ment, en  commençant  et  en  finissant  les  heures  de  la 
sainte  Vierge,  il  dit  \Ave  ^. 


diei  (licuntur  laudes  pro  defunctis.  Post  vesperas  autem  diei 
vesperas  dicimus  defunctorum.  Ante  completorium  facimub  vi 
gilias  trium  lectionum  pro  defunctis.  »  Gholat,  p.  58. 

1.  Mergati,  p.  13,  à  propos  de  la  bulle  de  Clément  VI,  note 
que  Jean  XXII  (1316-1334)  avait,  avant  lui,  porté  un  rude  coup 
à  l'ofTice  temporal,  en  supprimant  les  fêtes  sanctorales  sim- 
ples ou  de  trois  leçons  et  en  les  élevant  au  rang  de  fêtes  de 
neuf  leçons,  ce  qui  substituait  l'office  sanctoral  à  l'office  fé- 
rial.  Ms*-  Mercati  cite  le  texte  pris  aux  Rubricae  novae  :  «  De 
festivitatibus  III  lectionum  nulla  fit  mentio,  quoniam  prorsus 
abuse  sunt  et  iuxta  mandatum  sanctissimi  D.  D.  loannis 
pape  XXII  [qui]  iussit  fieri  IX  lectiones,  nisi  officium  fieret 
de  feria.  »  Clément  VI  (1342-1352)  alla  plus  loin,  en  décrétant 
que,  aux  coramémoraisons,  se  substituerait  un  office  de  neuf 
leçons  à  réciter  le  premier  jour  libre. 

2.  Radulph.  15,  21,  22. 

3.  Durand.  Rationale,  v,  2,  6  :  «  Laudabili  consuetudine 
inductum  est  ut  sacerdos  ante  canonicarum  horarum  initia  et 
in  fine  dominicam  orationem  (le  texte  dit  dominicae  orationis, 
qui  est  une  mauvaise  lecture,  je  crois),  et  ante  horas  B.  M.  V. 


260  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Chaque  jour,  à  Tissue  de  complies,  on  récite  une 
antienne  à  la  sainte  Vi-erge.  Cette  antienne  est  varia- 
ble selon  le  temps  :  Jean  de  Parme,  dans  la  lettre 
déjà  citée,  énumère  les  quatre  antiennes  adoptées  par 
les  Mineurs,  le  Regina  caeli,  VAlma  redemptoris, 
\Ave  Regina,  le  Salve  Regina  \  elles  seront  adop- 
tées par  les  papes  en  1350. 


et  in  fine  Ave  Maria  voce  submissa  praemittat.  »  —  Voyez  le 
résumé  de  l'histoire  de  Y  Ave  Maria  àdiws  Dom  Berlière,  arf. 
«  (Salutation)  Angélique  »  du  Dictionnaire  de  théologie  de 
Vacant.  On  sait  que  la  clausule  Sancta  Maria  etc.  est  plus 
récente  (xv^  siècle)  que  le  texte  même  de  la  salutation  angéli- 
que  Ave  Maria  (xir  siècle).  L'usage  de  dire  au  commence- 
ment de  chaque  heure  le  Pater  et  VAve  apparaîtra  seulement 
au  début  du  xvi^  siècle.  Grancolas,  p.  74  :  «  Additamentum 
Sancta  Maria  in  nulla  precum  Formula  ante  annum  1508  re- 
peritur  :  tune  vero  usurpari  coeptum,  Sancta  Maria  Mater 
Dei  ora  pro  nobis  peccatoribus.  Amen.  Franciscani  addiderunt 
postea,  et  in  hora  rnortis  nostrae,  atque  ita  in  Breviario  anni 
1515  legitur,  eaque  de  caussa  Cardinalis  S.  Grucis,  qui  Fran- 
ciscanus  fuerat,  Breviario  suo  inseruit,  Piusque  Papa  V  Are 
et  Sancta  cum  Franciscanorum  additamento  Bomano  Brevia- 
rio inseri  voluit.  » 

1.  W^ADDiNG.  Annales  Minorum,  t.  III,  p.  208,  —  Le  Regina 
caeli  est  une  antienne  des  vêpres  pascales  donnée  déjà  au 
XIV  siècle  par  l'antiphonaire  de  Saint-Pierre.  Tomasi,  t.  IV, 
p.  100.  Le  Salve  Regina,  popularisé  au  xii''  siècle  par  saint 
Bernard,  est  l'œuvre  d'un  moine  de  Beichenau,  Hermann  Gon- 
tract  (-|- 1054).  W.  Brambagh,  Die  verloren  geglaubte  Jlistoria 
de  sancta  Afra  und  das  Salve  Regina  des  Hermannus  Con- 
tractas (Karlsruhe  1892),  p.  13-14.  On  ignore  l'origine  de 
VAve  Regina,  comme  aussi  des  six  vers  hexamètres  qui  com- 
posent VAlma  redemptoris  (Hermann  Gontract?).  —  Mergati. 
p.  23,  extrait  des  Rubricae  novae  cette  indication  que  VAlma 
est  chantée  de  l'Avent  à  la  Purification,  le  Salve  de  la  Purifi- 
cation au  mercredi  saint,  le  Regina  de  Pâques  au  samedi  de 
la  Trinité,  VAve  Regina  de  la  Trinité  à  l'Avent  :  «  Quas  qui- 
dem  antiphonas  Clemens  VI  pont.  max.  ordinavit  et  in  urbe 


l'office  moderne.  261 

Récapitulons  :  —  l'^  Calendrier,  2°  psautier,  3"  pro- 
pre du  temps,  4°  propre  et  commun  des  saints,  5°  of- 
fices de  la  Vierge  et  des  morts,  —  telles  sont  les 
parties  constitutives  du  Bréviaire  de  la  curie  et  des 
Mineurs  K  II  s'y  ajoute,  classées  en  deux  groupes,  les 
rubriques.  Leur  place  n'a  rien  de  fixe. 

Il  y  a  d'abord  les  Rubrice  générales  Bî^enarii 
veteres  appellate^  ou  Rubrica  maior  Breviarii  ro- 
mani. Elles  ont  pour  premiers  mots  :  Adventus  Do- 
mini  celebratur  ubicunque,  etc.  Ce  groupe  de  rubri- 
ques est  le  plus  ancien;  peut-être  remonte-t-il  à  Ai- 
mon  et  à  l'édition  donnée  par  lui  du  Bréviaire,  en 
1241,  selon  une  conjecture  de  M^""  Mercati. 

Il  y  a  ensuite  les  Rubrice  noce  secundum  formam 
et  consuetudinem  romane  curie  édite  per  diçersos 
summos  pontifices,  ou  encore  Rubrice  no^e  et  decla- 
rationes  quedam  super  officia  divino  secundum  ro- 
manam  curiam,  ou  simplement  Rubrice  noce.  Elles 
ont  pour  premiers  mots  :  Sciendum  est  quod  nulla 
historia  vocatur,  etc. 

Les  Rubrice  nos^e,  écrit  M^'"  Mercati,  sont  distri- 

statuit  ponlificatiis  sui  anno  VIII  »  [1350].  Cette  distribution 
se  maintint  jusqu'à  la  réforme  de  Pie  V.  Mercati  cite  quel- 
ques mots  de  la  Chronica  XXIV  generalium  0.  M.  qui  men- 
tionne la  réception  des  quatre  antiennes  par  Jean  de  Parme, 
au  chapitre  général  de  Metz  (1249),  comme  une  exception 
faite  «  ordinario  sanctae  matris  Ecclesiae  ».  C'était  donc  une 
nouveauté  en  1249.  Voyez  plus  haut,  p.  244. 

1.  Des  Bréviaires  contiennent  parfois^  joints  à  l'office  des 
morts,  un  Ordo  ad  commiinicandiim  infirmiim,  un  Ordo  ad 
iingendiim  infirmiim,  un  Ordo  commendationis  animae,  un 
Ordo  ad  benedicendam  mensam,  une  Benedictio  salis  et  aqiiae. 
Biblioth.  Nation.  756  (a.  1406). 


262  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    R03IAIN. 

buées  mois  par  mois,  de  décembre  à  décembre,  avec 
un  appendice  sur  la  fête  de  la  Trinité,  sur  les  antien- 
nes à  la  Vierge,  sur  les  fêtes  sanctorales  et  leur  degré 
de  solennité,  sur  les  fêtes  de  précepte  :  ces  rubriques 
ont  pour  but  de  résoudre  les  doutes,  en  invoquant  les 
décrets  des  papes  ou  les  précédents  de  fait,  et  elles 
sont  pour  la  plupart  «  une  application  de  la  décré- 
tale  perdue  de  Clément  VI,  qui,  en  supprimant  les 
simples  commémoraisons  des  saints  et  en  donnant 
un  jour  et  un  office  à  toutes  les  fêtes  sanctorales, 
conduisait  en  pratique  à  l'abolition  de  l'ofiice  ordi- 
naire de  tempore  ^  » . 


Nous  avons  décrit  le  Bréviaire,  et  de  cette  descrip- 
tion il  ressort  que  l'ofTice  tel  que  la  curie  et  les  Mi- 
neurs l'ont  accommodé  aux  besoins  des  clercs  de  leur 
temps  s'est  bien  étriqué.  Il  n'est  plus  fait  pour  être 
chanté  au  chœur,  mais  récité  sur  les  grands  chemins. 
A  part  cela,  l'antiphonaire,  le  responsoral,  Vordo 
psallendi  et  Vordo  legendi  d'autrefois  sont  conser- 


1.  Dans  le  Bulletin  de  la  soc.  nat.  des  Antiquaires  de  France, 
1893,  p.  147-152,  M.  Desloge  et  moi  avons  pour  la  premièie 
fois  appelé  l'attention  sur  les  rubriques  qui  portent  un  nom 
de  pape,  d'après  le  ms.  de  Lyon  468  (fin  du  xv"),  qui  est  un 
Bréviaire  romain  à  l'usage  d'Avignon.  —  Mr""  Mercati  a  signalé 
la  parenté  des  Rubricae  novae  et  de  VOrdo  romanus  XV  de 
Mabillon,  lequel  est  l'œuvre  de  Pierre  Amelio  (y  1401),  conti- 
nuée par  Pierre  Assalbiti  (f  1440),  tous  deux  augustins  et  sa- 
cristes  du  pape.  UOrdo  romanus  XV  dépend  des  Rubricnr 
novae,  mais,  pour  M"'  Mercati,  l'auteur  des  Rubricae  nord'' 
serait  Pierre  Amelio  lui-même. 


l'office  moderne.  263 

vés  et  riiymnaire  s'y  ajoute  :  mais  le  lectionnaire 
s'est  corrompu.  Et  si  nous  devons  une  juste  recon- 
naissance à  qui  nous  a  donné  les  antiennes  de  la 
Vierge,  que  dire  au  contraire  des  offices  suréroga- 
toires?  11  serait  difficile  de  ne  pas  voir  dans  ces 
additions  de  prières  adventices  si  nombreuses,  si 
onéreuses,  un  tort  grave  fait  à  l'office  canonique  en 
soi.  Mais  il  y  a  un  tort  plus  grave  :  les  fêles  sanc- 
torales  se  sont  multipliées  jusqu'à  faire  du  temporal, 
qui  est  la  base  de  l'office  romain,  une  chose  con- 
damnée à  la  désuétude,  en  encombrant  d'ailleurs 
l'année  de  translations  \ 

Les  conciles  du  xv*'  siècle  déplorent  à  l'envi  la  tié- 
deur avec  laquelle  le  clergé  s'acquitte  de  l'office  ca- 
nonique, même  au  chœur.  Ils  ne  se  rendent  pas, 
semble-t-il,  suffisamment  compte  que  cette  tiédeur  et 
ces  négligences  scandaleuses  tiennent  en  partie  à  la 
décadence  de  l'office  lui-même,  notamment  à  ces  suré- 
rogations  auxquelles  la  piété  d'un  saint  ne  suffirait 
pas  ^.  L'office  divin,  écrit  Martin  de  Senging  au 
concile  de  Baie  (1435),  est  «  récité  avec  confusion, 
en  hâte,  sans  piété,  avec  une  intention  perverse  )>, 
qui  est  la  préoccupation  «  d'en  voir  la  fin  »  ;  les  clercs 
en  viennent  à  préférer  à  l'office  canonique  «  les  super- 
fluités  et  les  surérogations  »  qui  l'accompagnent  ^. 

1.  Radulph.  22  :  «  Ex  qua  observantia  (la  translation  des 
fêtes  de  neuf  leçons)  evenit  in  usu  eoriim  (les  Mineurs)  conti- 
nua perturbatio,  et  magna  confusio.  » 

2.  Radulph.  10  :  «  Suscipite  igitur  suave  iugum  Domini, 
quod  a  sancta  Sede  romana  vobis  imponitur,  licet  importabile 
videatur  ». 

3.  Martin  de   Senging,  TuUioncs  pro  observantia  rcgulae, 


264  HISTOIKE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

La  réforme  consisterait  à  réformer  le  clergé  sans 
doute,  mais  aussi  à  réformer  l'office,  à  le  déblayer,  à 
le  restaurer  :  Martin  de  Senging  ni  le  concile  de  Bâle 
ne  pensent  à  cette  seconde  partie  de  leur  tâche.  Raoul 
de  Tongres  seul  avait  vu  juste  quand  il  dénonçait  la 
décadence  de  l'ofïice  dans  son  texte  et  dans  ses  rubri- 
ques. Il  accusait  les  Mineurs  d'avoir  été  les  ouvriers 
et  leur  Bréviaire  l'instrument  de  cette  décadence. 
Ils  ont,  disait-il,  intitulé  leur  Bréviaire  «  Bréviaire 
selon  la  coutume  de  la  cour  romaine  »,  sans  se  préoc- 
cuper de  la  coutume  de  l'Église  romaine.  Et  il  ajou- 
tait :  «  L'Église  romaine  était  autrefois  célèbre  et  glo- 
rieuse, des  eaux  vives  jaillissaient  sous  ses  pieds,  et 
comme  à  une  source  on  y  puisait  les  règles  ecclésiasti- 
ques. »  Il  en  appelait  de  la  liturgie  des  Mineurs  à  celle 
d'Amalaire  et  du  Microlo^us  et  des  «  vieux  livres  »  ^ , 


ap.  Vez,  Bibliotheca  ascetica  (Ralisb.  1725),  t.  VIII,  p.  545.  Cf. 
NiGOL.  DE  Glemangis,  De  novis  celebritatibiis  non  instituen- 
dis,  dans  ses  Opei'a  omnia  (Leyde  1613),  p.  143-160.  Il  s'agit, 
des  fêles  chômées.  —  Contre  la  multiplication  des  fêtes,  on 
peut  rappeler  les  paroles  sévères  de  saint  Bernard,  EpistuL 
GLXXIV,  6  :  ((  Patriae  est,  non  exsilii,  freqiientia  haec  gau- 
diorum,  et  numerositas  festivitatum  cives  decet,  non  exsu- 
ies, » 

1.  Radulph.  22  :  «  Gelebris  olim  et  gloriosa  erat  romana 
Ecclesia,  ut  de  sub  eius  pede  affluèrent  aquae  vivae,  et  velut 
ex  fonte  rivi  tam  rerum  omnium  faciendarum  quam  ecclesia- 
sticae  regulae  emanarent.  Inde  est  quod  omnes  scripturae  no- 
bis  iniungunt,  ut  illius  sequamur  authorilatem,  et  ordinem 
teneamus.  »  Et  il  conclut,  à  la  fin  de  la  proposition  22  :  «  In 
ofïicio  ergo  divino  ordinem  sanctae  romanae  Ecclesiae  obser- 
vabimus,  si  Fratrum  usu  omisso,  sacros  canones,  scripluras 
authenticas,  consuetudines  locorum  générales,  et  in  dubiis 
libros  («  libris  »  édit.)  antiquiores  sequamur.  » 


l'office  moderne.  265 

il  en  appelait  surtout  à  une  réforme  qui  viendrait  de 
Rome  K 

On  arrive  avec  cette  décadence  liturgique  à  la  fin 
du  moyen  âge.  L'imprimerie  recueille  le  Bréviaire 
romain  des  mains  de  la  cour  romaine^.  Nous  som- 
mes aux  environs  de  l'an  1500  et  ce  Bréviaire  de 
la  cour  romaine  a  maintenant  trois  siècles  d'exis- 
tence. Le  vœu  de  Raoul  de  Tongres  se  réalisera-t-il, 
et  reviendra-t-on  à  la  liturgie  du  viii^  siècle?  Ou  bien 
à  des  temps  nouveaux  donnera-t-on  une  eucologie 
nouvelle?  Ou  bien,  enfin,  ce  livre  du  xiii^  siècle  est- 
il  fait  pour  demeurer  ? 

1.  Ibid.  12  :  «  ...  Donec  de  Urbe  venitit  id  quod  erit  magis 
pcrfectum.  » 

2.  On  trouvera  dans  L.  Hain,  Repertoriam  blbliographiciim 
(Stuttgart  1826),  un  inventaire  descriptif  des  Bréviaires  romains 
imprimés  antérieurement  à  1500  :  Turin  1474,  Venise  1474, 
Lyon  1476,  Naples  1477,  Rome  1477,  Venise  1477,  Venise  1478, 
Venise  ilerum  1478,  Venise  1479,  Rome  1479,  Venise  iterum  1479, 
Nonantola  1480,  Venise  1481,  Venise  ilerum  1481,  sine  loco  1482, 
Venise  1482,  Venise  iterum  1482,  Venise  tertio  1482,  Nurem- 
berg 1486,  Venise  1486,  Venise  1489,  Venise  1490,  Venise  ite- 
rum 1490,  Venise  1491,  sine  toco  1492,  Pavie  1494,  Venise  1494, 
Venise  iterum  1494,  Venise  1496,  Brescia  1497,  Venise  1497, 
\'enise  iterum  1497,  Venise  tertio  1497,  Turin  1499,  Venise 
1499  (IIatn,  n*^'  3887-3927). 


I 


266  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

EXCURSUS  B. 
Extraits  des  Rubricae  novae  (Mercati,  Appunti,  p.  24-26). 

RUBRICA   SUPER  FESTIVITATIRUS  TOTRS   ANNI   CUM  EARUM  DIVISIONIDI  S. 

Advertendum  est  in  primis,  quod  illud  censetur  esse  festlm  so- 
LENNE,  quod  in  civitatibus,  villis  et  quibusve  aliis  locis  celebratur  a 
clericis,  et  mechanici  ob  reverentiam  illius  festi  de  consensu  seu  ap- 
probatione  episcopi  cessant  ab  opère  mechanico. 

Notandum  preterea  quod  festivitates  totius  anni  in  très  partes  prin- 
cipales dividuntur,  s.  in  duplices  et  semiduplices  et  siniplices,  et 
«luelibet  pars  dividitur  in  duas.  Nani  prima  pars  dividitur  iti  maiorem 
duplicem  et  minorem  duplicem,  secunda  in  maiorem  semidupUcem 
et  minorem,  et  lerlia  in  maiorem  simplicem  et  minorem. 

Hec  sunt  lesta  prime  partis,  [s.]  maioka  dupijcia,  videlicet, 

Nativitas  Domini,  Octava  eiusdem,  Epiphania, 

Purificatio  virginis  Marie  et  omnes  festivitates  eiusdem  virginis, 

Resurrectio  Domini,  Ascensio,  Pentecostes,  festum  Trinitatis.  Cor- 
poris  Christi, 

Nativitatis  s.  loannis  Baptiste,  Apostolorum  Pelri  et  Pauli, 

Transfigurationis  Domini,  festum  invcntionis  et  exaltationis  s.  Crucis, 

Festum  proprii  loci  vei  dedicationis  eiusdem  ecclesie. 

Hec  omnia  duplicantur,  et  sacerdos  induitur  in  principio  vespero- 
runi  et  campana  ter  pulsatur. 

Addunt  etiam  alii  omnes  dies  dominicos. 

Hec  sunt  festa  secundo  partis,  s.  minora  duplicia  : 

Festum  s.  Stephani  protomartyris,  loannis  evangelistae, 

In  cena  Domini  et  sabbato  sancto,  vigilia  Pentecostes,  prima  dies  cl 
secunda  post  dominicam  Resurrectionis  et  Pentecostes, 

Conversionis  s.  Pauli,  cathedra  s.  Pétri,  commenioratio  s.  Pauli. 
octava  Apostolorum  Pétri  et  Pauli, 

Festum  s.  Laurentii, 

Octava  Corporis  Christi,  octava  visitatlonis,  assumptionis  et  nativi- 
ta(ti)s  gloriose  virginis  Mariae, 

In  s.  Pétri  ad  vincula, 

Dedicatio  s.  Michaelis,  dedicatio  basilice  Salvatoris, 

Festa  apostolorum,  evangelistarum  et  doctorum. 

In  quibus  omnes  antiphone  duplicantur,  sacerdos  vero  in  principio 
vesperorum  non  induitur  sed  a  capitulo  in  antea,  et  campana  ter  pul- 
satur. 

Est  autem  advertendum  quod,  si  eodem  die  maius  duplex  et  minus 
duplex  festum  occurrerit,  minus  duplex  transfertur;  et  in  secundis 
vesperis  totum  Hat  de  maiori  duplici  cum  commemoratione  rainoris 
duplicis. 

Hec  sunt  festa  tertie  partis,  seu  maioris  semiduplicis  : 
Festum  ss.  Innocentum, 


l'office  moderne.  267 

Octava  s.  Stephani  et  s.  loannis  evangeliste,  octava  Epiphanie,  octava 
s.  loannis  Baptiste,  octava  Ascensionis, 

Apparitio  s.  Michaelis,  festum  s.  Marie  Magdalene, 

Octava  s.  Laurenlii, 

Decollationis  loannis  Baptiste,  s.  Martini  et  quecumque  missa  b. 
Marie  Virginis,  que  in  sabbato  celebratur. 

Hec  sunt  lesta  quarte  partis,  s.  minoris  semiduplicis  : 
Festum  s.  Nicolai,  s.  Lucie, 

Vigilia  natalis  Domini,  festum  s.  Antonii,  a  festo  Innocentum  usque 
ad  octavam  natalis  Domini, 
Agnetis  primo  Agatlie,  Benedicti,  loannis  et  Pauli, 
A  commemoralione  saneti  Pauli  usque  ad  octavam  Apostolorum, 
A  feslo  Assumptionis  usque  ad  octavam  eius, 
A  festo  Corporis  Christi  usque  ad  octavam  eius, 
A  festo  Visitationis  usque  ad  octavam  eius, 
A  festo  nativitatis  b.  Marie  usque  ad  octavam  eius, 
Festum  s.  démentis,  s.  Blasii,  s.  Cecilie,  et  s.  Catliarine. 

Hec  sunt  festa  quinte  partis,  s.  maiora  simplicia  : 

Et  sunt  que  habent  officium  proprium  in  missa;  et  si  duo  venerint 
eadem  die,  primo  agitur  de  primo  usque  ad  capitulum  in  secundis 
vesperis,  de  secundo  agitur  a  capitulo  in  antea,  nisi  alie  rubrice 
spéciales  invenirentur. 

Hec  sunt  festa  sexte  partis  : 

Et  sunt  omnia  alia  superius  non  assignata,  et  vocantur  festa  minora 
SIMPLICIA,  et  semper  lit  de  festo  precedenti  usque  ad  capitulum  in 
secundis  vesperis,  et  a  capitulo  in  antea  fit  de  festo  seq'uenti. 

De  festivilatibus  trium  lectionum  nulla  fit  mentio,  quoniam  prorsus 
abuse  sunt,  et  iuxta  mandatum  sanctissimi  d.  d.  loannis  pape  XXil 
iussit  fieri  novem  lectiones,  nisi  officium  fieret  de  feria. 


CHAPITRE  V 

LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE     DE    TRENTE 
I 

Le  Bréviaire  était  trop  mêlé  à  la  vie  quotidienne 
des  clercs,  et  cette  vie  était  maintenant  trop  profon- 
dément renouvelée,  pour  qu'il  n'y  eût  pas  une  ques- 
tion du  Bréviaire.  Elle  fut  d'abord  posée  par  les  hu- 
manistes. 

Erasme,  qui  a  visité  Rome  en  1509,  en  garde  un 
souvenir  qui  émeut  son  âme  érudite  :  «  Quant  mellitas 
eruditorum  hominum  confahulaliones,  quoi  mundi 
luminal  »  écrit-il  en  y  pensant,  et  il  aime  à  rappeler 
de  quelle  estime  il  a  vu  entourer  les  «  bonnes  études  » 
dans  ce  «  paisible  domicile  des  muses,  patrie  com- 
mune des  gens  de  lettres  ».  C'est  qu'aussi  bien  l'hu- 
manisme a  reçu  de  Nicolas  V  droit  de  cité  à  Rome. 
Il  a  régné  avec  Pie  IL  Léon  X,  qui  a  pour  secrétaires 
Bembo  et  Sadolet,  «  veut  que  ce  qu'il  a  à  entendre  ou 
à  lire  soit  exprimé  en  latin  vraiment  pur,  plein  de 
vie  et  d'élégance  ».  Bembo  n'a  point  d'autre  idéal  que 
d'écrire  dans  la  formule  de  ce  qu'un  cardinal,  Adrien 
de  Corneto,  appelle  «  le  siècle  immortel  et  presque 
divin  de  Cicéron  ».  La  langue  latine  se  renouvelle, 
et  tout  ensemble  la  poésie  et  la  rhétorique.  Sannazar, 


LE    BRÉVIAinE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  269 

le  «  Virgile  chrétien  »  aimé  de  Léon  X  et  de  Clé- 
ment VII,  fait  chanter  aux  bergers  de  Bethléhem  au- 
près de  la  crèche  du  Sauveur  la  quatrième  églogue 
de  Virgile.  Un  vendredi  saint,  en  présence  du  pape, 
le  prédicateur  le  plus  renommé  de  la  cour  pontificale 
ne  pense  pouvoir  mieux  louer  le  sacrifice  de  la  croix, 
qu'en  racontant  le  dévouement  de  Décius  et  le  sacri- 
fice dlphigénie  ^  Il  se  manifeste  là  un  affadissement 
de  la  piété  et  du  goût  dont  le  Bréviaire  ne  peut  être 
que  victime.  Aux  yeux  de  ces  raffinés,  épris  de  cicé- 
ronianisme  et  de  mythologie,  quelle  figure  pourront 
faire  nos  vieux  préchantres  de  Saint-Pierre,  Catale- 
nus,  Maurianus,  Virbonus? 

A  cette  perversion  du  goût  la  cour  romaine  va  être 
tentée  d'accommoder  son  Bréviaire.  L'initiative  de 
ce  dessein  revient  à  Léon  X,  l'exécution  à  un  évêque 
napolitain,  compatriote  de  Sannazar,  Zacharie  Fer- 
reri,  évêque  de  Guarda,  l'approbation  à  Clément  VIP. 

1.  P.  de  NoLHAG,  Érasme  en  Italie  (Paris  1888),  p.  76. 
J.  BuRGKHARDT,  La  civiUsatioii  en  Italie  au  temps  de  la  Re- 
naissance, éd.  franc.  (Paris  1885),  t.  I,  p.  277,  311-317. 

2.  On  lit  au  titre  :  Zachariae  Ferrerii  Vicent.  Pont.  Gar- 
dien. Hymni  novi  ecclesiastici  iuxta  veram  metri  et  latinita- 
tis  normam  a  Beatiss.  Pâtre  Claemente  VII  Pont.  Max.  ut  in 
divinis  quisque  eis  uti  possit  approbati  et  novis  Ludovici  Vi- 
centini  ac  Lautitii  Perusini  characteribus  iu  lucem  traditi. 
Sanctum  et  necessarium  opus.  Breviarium  ecclesiasticum  ab 
eodem  Zach.  Pont,  longe  brevius  et  facilius  redditum  et  ab 
omni  errore  purgatam  prope  diem  exibit.  [B.  N.  :  4°  Y  1693, 
Réserve.]  —  Aciievé  d'imprimer  1"  février  1525.  Le  bref  ap- 
probatif  de  Clément  VII  est  daté  du  30  novembre  1523  ;  il  est 
imprimé  en  tête  du  livre.  Ferreri  avait  été  nonce  en  Allema- 
gne, comme  nous  l'apprend  le  bref  et  mieux  encore  l'éloge 
de  Ferreri  par  Marin  Becicheme  en  tête  du  livre. 


270  HISTOIRE    DU    imÉVIAIRE    ROMAIN. 

On  débute  par  un  essai  d'hymnaire.  Ce  n'est  qu'un 
essai,  mais  qui  prépare  la  publication  d'un  «  bréviaire 
ecclésiastique  rendu  beaucoup  plus  bref  et  plus  com- 
mode et  purgé  de  toute  erreur  ».  Car  tel  semble  bien 
être  le  programme  donné  par  Léon  X  à  Ferreri. 

Veut-on  savoir,  en  effet,  dans  quel  esprit  on  abré- 
gera, on  simplifiera,  on  expurgera  la  liturgie  tradi- 
tionnelle? Il  suffît  de  jeter  les  yeux  sur  l'hymnaire  de 
Ferreri,  première  pierre  de  l'édifice  projeté.  Au  titre 
on  lit  :  Hymni  novi  ecclesiastici  iuxta  veram  rnetri 
et  latinitatis  normam...  Sanctum  ac  necessarium 
opus.  En  tête,  l'approbation  de  Clément  VII,  en  bel- 
les phrases  cicéroniennes,  —  «  Etsi  a  teneris  annis 
nobis  semper  cordi  çehementer  faeril  bonarum  disci- 
plinarurUy  sacrae  praecipue  doctrinae  exercitia^  et 
in  eis  se  cum  optimo  virtutum  odore  versantes  omni 
studio  fovere  et  specialis  amoris  gratia  complecti, 
id  tamen  animo  nostro  longe  yehementius  inhaesit, 
postquam...  »  etc.,  etc.,  —  concédant  de  son  autorité 
apostolique  la  faculté  de  lire  et  d'employer  ces  hymnes 
nouveaux  «  etiam  in  diçinis  ».  A  la  suite,  la  préface  do 
Ferreri,  où  celui-ci  prévient  le  reproche,  que  pour- 
ront lui  faire  quelques  esprits,  d'avoir,  contrairement 
au  sentiment  de  saint  Augustin  et  de  saint  Grégoire, 
osé  soumettre  les  paroles  de  l'oracle  sacré  [verba  sa- 
cri  oraculi)  aux  règles  de  Donat,  et  l'interprétation 
des  saintes  lettres  à  l'autorité  de  Quintilien  :  mais  si 
la  vraie  latinité  et  la  norme  classique  peuvent  être 
introduites  dans  le  culte  divin,  n'est-il  point  contraire 
à  toute  raison  de  lui  préférer  la  barbarie  d'un  style 
sans  goût  [barbariem  et  insulsam  orationem  amplec- 


LE    BRKVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  271 

tamury^.  Pour  lui,  il  veut  s'en  rapporter  à  l'estime 
de  Léon  X,  à  qui  il  a  soumis  chacun  de  ses  hymnes 
à  mesure  qu'il  les  composait,  et  qui  les  a  lus,  et  qui 
les  a  goûtés  [singulos  quidem  hymnos  prout  a  me 
quotidie prodibant  perlegit  ac  prohavit).  Nous  voilà 
donc  dûment  avertis  que  cet  essai  liturgique  est  la 
chose  de  Léon  X,  de  Clément  VII  et  de  leur  cour;  et 
l'on  ne  se  fait  pas  faute  de  nous  insinuer  que  l'exé- 
cution a  passé  l'attente  qu'on  en  avait  :  Ferreri  y  a 
gagné,  non  point  l'immortalité,  mais  bien  l'éternité  de 
la  ^\o\vQ  [aeternitatem  procul  dubio  consecuturum). 
On  a  été  sévère  pour  les  hymnes  de  Ferreri,  et  un 
peu  injustement.  J'ai  sous  les  yeux  son  joli  volume, 
imprimé  en  caractères  d'une  rare  élégance  typogra- 
phique. Assurément,  je  suis  loin  d'aimer  cette  poésie 
laborieuse  de  réminiscences  littéraires  et  de  virtuosi- 
tés métriques  :  lorsque  Ferreri  chante  les  saints 
Innocents  en  vers  saphiques, 

Hos  velut  flores  veniens  pruina 
coxlt  et  gratum  siiperis  odorem 
reddere  effecit,  meritoque  summis 
condidit  astris! 

ou  la  vierge  Marie  en  ïambes, 

Ave  superna  ianua, 
ave  heata  semita, 
salus  periclitantibus 
et  iirsa  navigantihus  ! 

ou  saint  Pierre  en  choriambes. 

Tu,  Petre,  et  reseras  coelica  limina 
et  claudis  sapiens  arbiter  omnium; 


272  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

dum  terris  animas  solvîs  et  alligas 
firmatur  super  acthera, 

on  goûte  avec  plus  de  saveur  les  rudes  originaux 
chrétiens  dont  ces  vers  sont  des  imitations  correctes, 
brillantes  et  fades.  Mais  Urbain  VIII  n'a-t-il  point 
repris  un  siècle  plus  tard  cette  même  recherche  de  la 
correction  métrique,  et  n'a-t-il  point  défiguré  sembla- 
blement,  pensant  les  embellir,  les  hymnes  que  nous 
lisons  corrigés  par  ses  soins  au  Bréviaire  d'aujour- 
d'hui? Et  si  vraiment  il  y  a  dans  la  poésie  de  Ferreri 
trop  de  Phœbus,  d'Olympe,  de  Styx,  de  Quirites,  de 
pénates,  d'astres  éthérés,  et  des  vers  de  carême  comme 
ceux-ci  : 

Bacchus  abscedat,  Venus  ingemiscat, 
nec  iocis  ultra  locus  est,  nec  escis, 
nec  maritali  thalamo,  nec  ulli 
ebrietati! 

et  de^s   strophes   à  saint  François  d'Assise  comme 

celle-ci  : 

Ibat  in  silvas  tacitosque  saltus 
solus,  ut  coelum  satius  liceret 
visere,  et  mundas  agitare  dulci 
pectore   curas  ! 

il  faut  au  moins  lui  reconnaître  la  qualité  de  ses 
défauts,  cette  pureté  de  langue  et  cette  élégance  de 
facture  que  goûtaient  justement  ses  contemporains , 
et  cette  ingéniosité  assez  réfléchie  pour  être  capable 
de  nous  toucher  encore.  Tel  l'hymne  au  pape  saint 
Grégoire  : 

Roma  quae  tantum  decus  edidisti, 
quid  triumphales  meditaris  ^rcus  ? 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  273 

cogita  magnum  peperisse  miindo 
Gregorium  te! 

Mais  ce  qui  était  grave  dans  l'essai  de  Ferreri,  c'é- 
tait l'état  d'esprit  dont  il  procédait,  tout  à  l'ignorance 
et  au  dégoût  de  la  tradition  liturgique,  —  «  soli  bar- 
barizamus  »,  écrivait-il,  —  et  de  voir  des  gens 
d'Eglise  si  captifs  de  leur  cicéronianisme,  que  Ferreri 
pouvait  écrire  dans  la  préface  de  son  hymnaire  cette 
phrase,  que  l'on  n'a  point  relevée,  et  qui  est  la  con- 
damnation de  son  temps  :  «  Qui  bona  latinitate  prae- 
diti  sunt  sacerdotes ,  dum  barbaris  vocibus  Deum 
laudare  coguntui'y  in  risum  pro^ocati sacra  saepenu- 
mero  contemnunt  ^  !  » 

Qu'aurait  donc  pu  être  le  Bréviaire  des  humanistes? 
Le  coup  terrible  qui  s'appesantit  sur  la  Ville  éternelle 
en  1527,  cet  épouvantable  sac  de  Rome  par  l'armée 
hispano-allemande  de  Charles-Quint,  dispense  de  se 
le  demander  et  décourage  de  faire  le  procès  de  la  fri- 
volité de  ces  beaux  esprits.  Des  pensées  plus  graves 
et  plus  prévoyantes  s'imposaient  désormais,  que  le 
retentissement  de  la  voix  de  Luther  ne  pouvait  que 
rendre  plus  nécessaires.  Sadolet,  retiré  en  France, 
écrivait  :  «  Si  nos  malheurs  ont  désarmé  la  colère  et 

1.  Rapprochez  les  déclarations  de  Becicheme,  dans  l'avant- 
propos  :  «  Vides,  mi  lector,  quos  passim  canunt  in  templis 
hymnos,  uti  sunt  omnes  fere  mendosi,  inepti,  barbarie  referti, 
nullaque  pedum  ratione,  nuUo  syllabariim  mensu  composili, 
ut  ad  risum  eruditos  concitent,  et  ad  contemptum  ecclesiaslici 
ritus  vel  litteratos  sacerdotes  inducant.  Nam  caeteri  qui  sunt 
sac  ri  patrimonii  heluones  [—  goinfres],  sine  scient  ia,  sine 
sapientia,  satis  habent  ut  dracones  stare  iuxta  arcam  do- 
mini  »  etc. 

HISTOIRE    DU  BRÉVIAIRE   ROMAIN.  18 


274  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

la  rigueur  du  ciel,  si  ces  châtiments  terribles  nous  font 
rentrer  dans  la  voie  des  bonnes  mœurs  et  des  sages 
lois,  notre  situation  sera  peut-être  moins  cruelle... 
Cherchons  en  Dieu  le  véritable  éclat  de  la  dignité 
sacerdotale  ^  » 


Ferreri  mort,  Clément  VII  ne  renonça  point  à  don- 
ner à  l'Église  ce  «  bréviaire  ecclésiastique  bref,  com- 
mode et  purgé  de  toute  erreur  »,  qu'il  avait  espéré 
obtenir  de  Févêque  de  Guarda^.  Mais  les  préoccupa- 
tions étaient  nouvelles  :  on  cherchait  maintenant, 
moins  à  satisfaire  les  beaux  esprits,  qu'à  répondre  aux 
souhaits  d'une  religion  plus  difficile.  Clément  VII  jeta 
les  yeux,  pour  l'exécution  de  sa  pensée,  sur  un  homme 
grave  et  pieux,  que  son  origine,  il  était  espagnol,  et 
que  sa  profession,  il  était  franciscain,  semblaient 
avoir  préservé  de  la  contagion  de  la  frivolité.  Fran- 
çois Quignonez,  de  la  famille  des  comtes  de  Luna, 
était  entré  jeune  dans  l'ordre  de  saint  François  :  en 
1522,  le  chapitre  l'en  avait  fait  général.  Aussitôt 
Charles- Quint,  dont  il  était  le  confesseur,  l'avait 
envoyé  à  Rome  pour  négocier  avec  Clément  VU  de 
délicates  affaires,  assure-t-on,  bien  délicates,  en  effet, 
puisqu'il  s'agissait  de  la  réconciliation  de  Charles- 
Quint  et  du  pape.  Quignonez  avait  réussi.  En  récom- 


1.  Cité  par  J.  Burgkhardt,  t.  I,  p.  156. 

2.  F.  Arevalo, />e  hymnodia  hispanica  (Rome  1785),  p.  385 
et  suiv.  :  «  Historia  uberior  de  fatis  Breviarii  Quignoniani  ». 
(Reproduite  par  Roskovany,  t.  XI,  p.  3-47). 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  275 

pense,  il  avait  reçu  (1529)  le  chapeau  de  cardinal  et  le 
titre  de  Sainte-Croix-en-Jérusalem. 

Il  comprit  que  Clément  VIT  lui  demandait  de  «  dis- 
poser les  heures  canoniques  en  les  ramenant  autant 
qu'il  était  possible  à  leur  forme  antique,  de  faire  dis- 
paraître de  l'office  divin  les  détails  difficiles  et  les 
longueurs  :  on  serait  fidèle  à  l'institution  des  anciens 
itères,  et  les  clercs  n'auraient  plus  lieu  de  se  révolter 
contre  le  devoir  de  la  prière  canonique  ».  Ainsi  s'ex- 
prime-t-il  dans  la  préface  de  son  Bréviaire.  La  pensée 
de  la  cour  romaine  était  donc  sensiblement  modifiée  : 
il  ne  s'agissait  plus  de  prier  selon  les  règles  de  la 
«  vraie  latinité  » ,  mais  selon  les  règles  des  «  anciens 
Pères  »,  ni  de  flatter  le  cicéronianisme  des  clercs, 
mais  de  leur  imposer  un  office  auquel  ils  ne  pourraient 
rien  objecter. 

Nouveauté  toutefois  périlleuse,  de  parler  ainsi  de 
réforme  par  le  retour  à  l'antiquité,  sans  préciser  de 
quelle  antiquité  on  parle,  ni  par  quelle  méthode  on  y 
reviendra.  Les  partisans  de  la  Réforme  protestante 
s'exprimaient-ils  autrement?  Cet  écho,  que  nous  sur- 
prenons à  Rome  de  leurs  réclamations,  est  un  indice, 
entre  bien  d'autres,  qu'à  un  moment  donné  cette  cour 
romaine,  si  attaquée  par  ces  violents  et  ces  idéologues, 
fut  d'abord  le  milieu  catholique  le  plus  attentif  à  leurs 
doléances,  le  plus  prêt  à  les  entendre,  et  à  répondre 
à  leurs  reproches  par  toute  sa  loyauté. 

Le  cardinal  Quignonez  se  mit  à  l'œuvre  en  1529.  Il 
est  prouvé  qu'il  eut  plusieurs  collaborateurs  :  un  cha- 
noine de  Salamanque,  canoniste  et  helléniste,  Diego 
Neyla;  un  autre  érudit  espagnol,  Gaspar  de  Castro; 


L^ 


276  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

et  peut-être  un  troisième,  celui-ci  plus  connu,  Gene- 
sius  de  Sepulvcda^  A  la  mort  de  Clément  VII 
(25  septembre  1534),  la  constitution  du  nouveau  Bré- 
viaire n'était  pas  arrêtée  :  elle  ne  le  fut  qu'en  1535, 
sous  Paul  III. 

Encore  le  nouveau  Bréviaire  parut-il  d'abord  sous 
forme  de  projet  soumis  au  jugement  public.  Quigno- 
nez  le  déclare  lui-même,  et  il  faut  l'en  croire,  il  n'avait 
eu  d'autre  intention  que  «  d'ouvrir  une  délibération 
publique  à  l'effet  de  recueillir  le  jugement  de  plu- 
sieurs ».  Ce  premier  état  du  Bréviaire  de  Quignonez 
est  devenu  aujourd'hui  introuvable,  encore  que,  de 
février  1535  à  juillet  1536,  il  n'en  ait  pas  paru  moins 
de  huit  éditions,  tant  à  Rome  qu'à  Paris,  Lyon,  Ve- 
nise et  Anvers  ;  récemment  l'Université  de  Cam- 
bridge a  eu  la  bonne  pensée  d'en  donner  une  réim- 
pression^. 

1.  ArEVALO,  ap.  ROSKOVANY,  t.  XI,  p.  23-25. 

2.  J.  W.  Legg,  Breviarium  romanum  a  Fr.  carcl.  Qiiignonio 
editum  et  recognitum,  iuxta  editionem  Venetiis  A.  D.  153.') 
impressam,  Cambridge  1888.  En  réalité,  l'édition  princeps  du 
premier  Bréviaire  de  Quignonez  a  été  imprimée  à  Rome, 
comme  en  témoigne  le  bref  qui  se  lit  en  tête,  adressé  :  «  1)1- 
lectis  filiis  Thomasio  et  Benedicto  luntae  Antonio  Blado  et 
Antonio  Salamanca  Romae  librorum  impressoribus  »,  leur  con- 
cédant pour  trois  ans  le  monopole  de  l'impression  du  nouveau 
Bréviaire.  Le  bref  est  daté  du  5  février  1535.  (B.  N.,  in-12,  B 
17667,  Réserve^.  La  pièce  que  nous  venons  de  citer  est  un  frag- 
ment de  l'édition  romaine  princeps,  sinon  même  une  bonne 
feuille.  —  Nous  avons  eu  en  outre  à  notre  disposition  un  exem- 
plaire parisien  :  Breviarium  Romanum  nuper  reformatum^in 
quo  sacre  scripture  libri  prohateque  sanctorum  historié  dé- 
ganter beneque  disposite  leguntur.  De  licentia  et  facultate 
Sanctis.  D.  N.  Pape  Pauli  tertij,  ac  D.  N.  Régis  privilégia  et 
inhibitione.  Parisiis.  A  Joanne  Paruo...  A  Galeoto  Pratensi... 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     277 

Les  critiques  que  sollicitait  Quignoncz  ne  lui  man- 
quèrent pas  :  la  Sorbonne  se  signala  par  une  censure 
motivée  et  fort  sévère,  dès  le  27  juillet  1535  ^  «  C'est 
pourquoi,  poursuit  Quignonez,  ayant  pesé  les  avis 
que  beaucoup  nous  ont  adressés,  soit  de  vive  voix, 
soit  par  écrit,  nous  avons  ajouté,  changé,  revu,  mais 


Et  ah  Yolanda  Bonhomme...  1536.  (B.  N.  :  4°  B  1594,  Béserve). 
1.  RosKOVANY,  t.  VIII,  p.  32-41,  le  texte  de  la  censure  de 
la  Sorbonne  d'après  d'AiiGENTRÉ,  Collectio  iudiciorum  (Paris 
1729),  t.  II,  p.  126.  Cf.  Richard  Simon,  Lettres  choisies,  t.  I 
(Amsterdam  1730),  p.  239-247  :  «  Du  Bréviaire  du  Cardinal 
Quignon.  »  Simon  s'exprime  ainsi  :  «  Groiez-moi,  Monsieur,  les 
fables  dont  le  Bréviaire  romain  n'est  pas  encore  [1685]  tout  à 
l'ait  purgé,  n'ont  jamais  été  approuvées  par  les  honnêtes  gens 
de  notre  communion...  Il  semble  que  le  Cardinal  Quignon  ail 
voulu  remédier  à  ce  mal  dans  son  nouveau  Bréviaire,  lorsqu'il 
en  a  retranché  la  plupart  des  Vies  fabuleuses.  Mais  cette  ré- 
formation  ne  plut  point  aux  docteurs  de  la  Faculté  de  théolo- 
gie de  Paris.  J'ai  trouvé  sur  leurs  Registres  la  critique  qu'ils 
en  firent  en  1535,  et  qui  y  est  sous  le  titre  de  Notae  censiira- 
riac  sacrae  Faciiltatis  in  sacrum  Quignonis  Breviariiim.  Ils 
appuient  leur  critique  sur  des  raisons  qui  ont  quelque  vrai- 
semblance; et  entre  autres  choses  ils  remarquent  la  différence 
de  ce  nouveau  Bréviaire  d'avec  ceux  qui  sont  en  usage  dans 
^^     toutes  les  autres  Eglises  et  même  de  celui  de  Rome.  On  n'y 

Ioit  point  le  petit  ofllice  de  la  Vierge,  les  Antiennes,  les  Ré- 
sons,  les  Homélies,  l'ordre  et  le  nombre  des  Psaumes,  de  la 
lanière  qu'on  a  do  coutume  de  les  lire  dans  l'Eglise,  ni  même 
ordre  de  lire  l'Ecriture  sainte  dans  l'ofTice  de  Matines.  Tous 
es  changements,  disent  ces  sages  Maîtres,  sont  contraires  à 
ancienne  pratique  de  l'Eglise  et  à  la  dévotion  des  Fidèles; 
n  sorte  que  c'est  une  grande  témérité  à  l'Auteur  de  ce  Bré- 
viaire d'avoir  ôté  tout  cela...  Je  ne  vous  rapporte  point  les 
autres  raisons  qu'ils  ajoutent  pour  montrer  que  la  suppression 
de  ce  Livre  était  absolument  nécessaire,  parce  qu'ils  n'y  eu- 
rent eux-mêmes  aucun  égard  dans  la  suite.  Peu  d'années 
après  on  fil  en  France  plusieurs  éditions  de  ce  même  Bréviaire 
avec  leur  approbation.  » 


278  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

en  retenant  toujours  la  forme  générale  de  notre  Bré- 
viaire. »  Et  le  Bréviaire,  dans  son  texte  définitif, 
parut  enfin. 

Je  lis  au  titre  de  mon  exemplaire  :  Breviarium 
Romanum  a  Paulo  Tertio  j-ecens  promulgatum,  e.v 
sacra  potissimum  scriptara  et  prohatis  sanctorum 
historiis  constans.  Ah  authore  denuo  recognitum  :  et 
antiphoniSf  homeliis,  precibus,  sanctorum  commemo- 
rationibus,  et  aliis  id  genus  additamentis  muliifa- 
riam  locupletatum  :  variisque  modis  immutatum,  ut 
in  prefatione  luculentius  explicatur^.  Le  bref  de 
Paul  III  aux  imprimeurs  romains  est  daté  du  3  juil- 
let 1536. 

Le  cardinal  Quignonez  expose  dans  la  préface  de 
son  Bréviaire  les  principes  qui  Font  dirigé.  On  voit 
vite  que  le  cardinal  était  dans  l'illusion  d'avoir  ra- 
mené l'office  divin  à  sa  forme  antique,  essentielle. 
Par  cette  restitution,  il  avait  entendu  servir  l'intérêt 
spirituel  des  clercs  astreints  à  la  récitation  privée  de 
l'office  divin,  leur  rendre  la  prière  plus  accessible  et 
plus  attachante,  pour  que  «  a  caducarum  rerum  co- 
gitationibus  subinde  açocati^  contemplationi  divina- 
rum  assuescant  ».  11  avait  voulu,   dans   une  pensét 


1.  Parisiis.  Apud  lolandam  Bonhomme,  viduam  Thielmaniu 
Keruer.  M.  1).  XXXVIII  (Achevé  d'imprimer,  6  février  15.'î8). 
—  Mais  les  libraires  réimpriment  concurremment  le  vieux  Bré- 
viaire. Voyez,  imprimé  à  Lyon  par  de  Harsy  (achevé  23  no- 
vembre 1538),  Breviarium  ad  usum  sacrosancte  Romane  ec- 
clesie  iuxtu  Romani  chori  normam  ahsolutissimum  :  in  quo 
nihil  eorum,  que  hacteniis  vel  addila,  vel  emendata  sunt,  omis- 
sum  est.  Sed  et  nuperrime  adiectum  est  officium  de  Nominr 
■lesu.  M.  D.  XXXVIII. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  279 

qui  n'était  pas  moins  élevée,  que  les  clercs  trouvas- 
sent dans  l'office  divin  un  instrument  de  culture  reli- 
gieuse. Les  clercs,  dit- il,  sont  appelés,  non  seulement 
à  prier,  mais  aussi  à  enseigner,  et  il  convient  qu'ils 
s'instruisent  par  la  lecture  quotidienne  de  l'Ecriture 
sainte  et  de  l'histoire  ecclésiastique.  L'office  divin  a 
été  réglé  par  les  anciens  Pères  de  façon  à  pourvoir 
parfaitement  à  cette  double  nécessité.  Or  qu'est-il 
arrivé  par  la  négligence  des  hommes  ?  Les  livres  de 
l'Ecriture  sainte  sont  à  peine  lus  à  l'office,  leur  place 
y  étant  réduite  à  presque  rien,  et  remplacés  qu'ils 
sont  par  des  lectures  qu'on  ne  saurait  leur  comparer 
ni  pour  l'utilité,  ni  pour  la  gravité.  Des  psaumes, 
destinés  à  être  chantés  au  complet  chaque  semaine, 
il  n'en  est  de  service  que  quelques-uns  et  qui  se  répè- 
tent toute  l'année.  Les  histoires  des  saints  sont 
sans  autorité  et  d'un  style  inculte.  L'ordre  de  l'office 
est  si  compliqué  que  l'on  en  arrive  à  mettre  autant  de 
temps  à  chercher  son  olïice  qu'à  le  réciter. 

Donc,  pour  remédier  à  ces  inconvénients,  on  a  sup- 
primé de  l'office  nouveau  les  versets,  les  capitules  et 
les  répons  :  le  Bréviaire  ne  comprend  plus  que  1°  les 
psaumes,  2°  les  antiennes,  3""  les  leçons.  On  a  main- 
tenu les  hymnes  qui  ont  paru  avoir  le  plus  d'auto- 
rité et  de  gravité.  Les  psaumes  ont  été  distribués 
de  manière  à  ce  que  chaque  semaine  le  psautier 
soit  récité  intégralement,  mais  chaque  heure  ne 
compte  que  trois  psaumes,  la  longueur  des  uns  étant 
compensée  par  la  brièveté  des  autres,  si  bien  que 
tous  les  offices  ont  une  même  étendue.  Les  leçons- 
chaque  jour  sont  au  nombre  de  trois  :  la  première 


280  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  l'Ancien  Testament,  la  seconde  du  Nouveau,  la 
troisième  soit  la  légende  du  saint,  si  l'on  célèbre  ce 
jour-là  une  fête  de  saint,  soit  une  homélie  sur  l'évan- 
gile du  jour,  si  le  jour  a  une  messe  propre  au  missel, 
soit  enfin  une  leçon  des  Actes  ou  des  Épîtres  des  apô- 
tres aux  fériés  communes^. 

La  réaction  qui  amènera,  quarante  ans  plus  tard, 
la  suppression  du  Bréviaire  de  Quignonez ,  ne  doit 
pas  nous  rendre  injustes  pour  l'œuvre  originale  et  har- 
die de  1535.  On  a  méconnu  l'intention  directrice  du 
cardinal,  qui  était  de  ranimer  dans  le  clergé  le  goût 
de  la  prière.  On  a  oublié  surtout  que  le  cardinal  lais- 
sait intact  l'office  du  chœur,  et  que  le  nouveau  Bré- 
viaire était  exclusivement  réservé,  dans  sa  pensée  et 


1.  Richard  Simon,  p.  243  :  «  Le  dessein  de  ce  cardinal 
était  principalement  qu'on  lût  l'Ecriture  sainte  pendant  toulo 
l'année,  et  le  Psautier  entier  chaque  semaine...  Il  avait  même 
prévu  une  bonne  partie  des  objections  qu'on  lui  fit  depuis  : 
car  il  dit  dans  sa  Préface  qu'il  a  retranclié  exprès  les  traits 
ou  versets,  les  répons  et  autres  choses  semblables  que  le 
chant  a  introduites  dans  l'office.  Il  témoigne  qu'en  composai!  I 
son  ouvrage  il  a  eu  plus  d'égard  à  l'instruction  et  à  l'utilité  dv 
ceux  qui  récitent  le  Bréviaire  en  particulier,  qu'aux  usages  de 
ceux  qui  le  chantent  publiquement  dans  les  Eglises.  Et  pour 
ce  qui  est  du  petit  office  de  la  Vierge,  il  avoue  qu'il  ne  l'a 
point  rais  dans  son  Bréviaire,  sans  néanmoins  avoir  eu  inlen- 
tion  de  diminuer  en  rien  le  culte  qui  lui  est  dû;  parce  qu'il  > 
reste  encore  assez  d'endroits  où  l'on  célèbre  sa  mémoire,  et  où 
on  lui  adresse  des  prières.  Mais  il  ajoute  en  même  temps  une 
chose  qui  ne  devait  pas  plaire  aux  zélez  dévots  de  la  Vierge. 
Et  profecto  quorumdam  Psalmorum  gravem  plerisque  repe- 
titionem  omitti  non  tam  molestum  esse  Virgini  matri  credi 
par  est,  quant  gratiim  ilUid  quod  CAevici  ad  ipsiiis  Filii  Jesu 
Christi  diurnum  ciiUum  commodissima  et  expedita  ratione 
alliciantur.  » 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  281 

dans  la  pensée  de  Paul  III,  à  la  récitation  privée. 
Mettons  donc  hors  de  cause  les  intentions  du  pieux 
cardinal. 

Mais  comment  être  indulgent  au  bouleversement 
opéré  par  lui  du  psautier,  du  lectionnaire,  du  calen- 
drier? Car,  après  cela,  que  restait-il  de  l'office  tradi- 
tionnel? Ce  sera  la  tentation  de  tous  les  réformateurs 
gallicans  du  Bréviaire,  ce  sera  la  tentation  de  Be- 
noît XIV,  de  revenir  sur  ce  point  à  l'inspiration  de 
Quignonez  :  mais  le  vieil  office  défend  ici  ses  œuvres 
vives.  Nous  voyons  bien,  dans  le  Bréviaire  de  Qui- 
gnonez, les  psaumes  distribués  dans  un  ordre  prati- 
que, cxpéditif,  séduisant,  mais  pourquoi  est-il  tout 
nouveau?  Plus  d'expositions  ou  de  sermons  des 
saints  Pères  :  à  peine  une  homélie  à  la  troisième  le- 
çon des  fêtes  temporales,  concession  de  la  seconde 
édition.  Plus  de  distinction  de  rite  entre  les  fêtes, 
chaque  jour  même  degré  de  solennité.  L'office  sancto- 
ral  réduit  à  ne  marquer  plus  que  par  l'invitatoire, 
l'hymne,  la  troisième  leçon  et  la  collecte.  En  re- 
vanche, l'Ecriture  sainte,  avec  les  «  livres  les  plus 
utiles  et  les  plus  graves  »  de  l'Ancien  Testament, 
avec  tout  le  Nouveau,  à  l'exception  de  l'Apocalypse, 
dont  on  ne  doit  lire  que  les  premiers  chapitres.  Et, 
de  la  sorte,  l'oftice  devenant  principalement  une  lec- 
ture de  la  Bible,  et  subsidiairement  une  lecture  d'his- 
toire ecclésiastique.  Tout  cela  est  fort  ingénieux  et 
confortable,  mais  tout  cela  est  neuf,  et  il  faut  pardon- 
ner à  l'historien  de  partager  la  mauvaise  humeur  de 
la  Sorbonne,  qui  disait  de  Quignonez  :  «  L'auteur  du 
Bréviaire  nouveau  a  préféré  son  sens  propre  aux  dé- 


282  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

crets  des  anciens  Pères  et  à  l'usage  éprouvé  et  com- 
mun de  l'Eglise.  » 

Peut-on  dire  au  moins  que  le  cardinal  Quignonez 
avait  fait  preuve  de  plus  de  tact,  quand  il  supprimait 
des  légendes  du  sanctoral  tout  ce  qui  peut  provoquer 
«  le  mépris  ou  la  raillerie  »,  n'y  voulant  rien  voir 
que  de  «  poli,  de  grave,  de  fondé  sur  l'histoire  ecclé- 
siastique et  sur  les  auteurs  sûrs  et  graves  »  ?  Les  le- 
çons hagiographiques  de  Quignonez  ont  un  «  poli  » 
irréprochable.  Mais  les  sources  auxquelles  elles 
sont  puisées  sont  loin  d'être  toutes  également  pures. 
Eusèbe  est  un  auteur  sûr  et  grave,  sans  doute;  les 
vies  des  papes  de  Platina  et  les  vies  de  saints  de 
Mombrizo  le  sont-elles.au  même  degré?  Quelle  cri- 
tique déliée  et  avisée  il  eût  fallu  pour  en  tirer  bon 
parti!  La  sagacité  de  Quignonez  n'allait  pas  à  lui 
faire  soupçonner  que  les  actes  apocryphes  des  apô- 
tres et  que  les  évangiles  apocryphes  sont  fabuleux; 
et  il  ne  croyait  point  que  telle  leçon  du  vieux  Bré- 
viaire, comme  la  leçon  de  la  fête  de  sainte  Marie  aux 
Neiges,  fût  de  celles  qui  demandaient  à  être  rempla- 
cées^. Ces  quelques   exemples  suffisent  à   montrer 

1.  Richard  Simon,  p.  244  :  «  Enfin  si  nous  en  ci'oïons  ce 
cardinal,  les  Histoires  des  Saints  qu'il  a  laissées  dans  son 
Bréviaire  y  sont  d'une  telle  sorte,  qu'elles  ne  contiennent  rion 
qui  puisse  choquer  les  personnes  graves  et  savantes...  Mais 
quelque?  soin  qu'il  ait  pris  pour  en  ôtcr  les  fables,  il  y  reste 
encore  bien  des  choses  qui  ne  peuvent  être  du  goût  des  per- 
sonnes savantes.  Aussi  Maldonat  dans  la  dispute  qu'il  eut  avec 
les  Théologiens  de  Paris  sur  le  fait  de  la  Conception  de  la 
Vierge  parle-t-il  de  ce  Bréviaire  d'une  étrange  manière.  On 
lit  dans  la  troisième  leçon  de  l'Ofïice  de  cette  Fête,  les  témoi- 
gnages de  plusieurs  Saints  qui  ont  cru    dit-on   que  la  sainte 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  283 

combien,  pour  une  part  où  elle  était  légitime,  l'œuvre 
entreprise  par  Quignonez  était  prématurée. 

A  la  décharge  du  cardinal  Quignonez,  on  peut  dire 
que  son  Bréviaire  était  quelque  chose  de  provisoire  ; 
qu'il  était  fait  pour  la  récitation  privée,  non  pour 
l'exécution  au  chœur;  que  le  Saint-Siège  accordait  la 
faculté  de  le  réciter  seulement  aux  clercs  (jui  en  fai- 
saient individuellement  la  demande  ^  L'Église  en- 
tendait, par  le  moyen  de  cet  office  abrégé  et  simplifié. 

Vierge  a  été  conçue  sans  péché  originel.  On  y  fait  dire  à  saint 
Thomas  ces  paroles  auxquelles  il  n'a  jamais  pensé  :  Maria  ah 
omni  peccato  originali  et  actuali  immunis  fuit.  Et  c'est  prin- 
cipalement là-dessus  que  se  récrie  Maldonat,  qui  ne  fait  au- 
cune difficulté  de  traiter  d'impudent  celui  qui  a  composé  ce 
Bréviaire.  » 

1.  Qu'on  veuille  bien  lire  avec  attention  le  bref  de  Paul  III 
(3  juillet  1536)  à  l'imprimeur  :  «  Breviarium  diuini  oificii  quod 
(lilectus  filius  noster  Franciscus  tituH  Sancte  Grucis  in  Jérusa- 
lem presbyter  cardinalis  antca  nobis  oblatum,  nuper  nobis 
(consultis  atque  adhibitis  doctis  et  prudentibus  viris)  aliqua 
addendo  atque  immutando  prout  commodius  duxit  summa 
cura  atque  diligentia  recognouit,  atque  ad  veterum  sanctorum 
|>atrum  conciliorumque  instituta,  ac  mcliorem  precandi  ritum 
et  normam  faciliorem  brevioremque  redegit,  ut  clerici  eius  li- 
bri  ordine  ac  brevitate  ad  legendas  Deo  quotidianas  preces 
magis  alliciantur  :  vobis  imprimendi  atque  vendendi  faculta- 
tem  concedimus...  Et  insuper  omnibus  et  singulis  clericis  ac 
presbytcris  duntaxat  secularibus  qui  huiusmodi  breviarium 
recitare  voluerint  :  concedimus  quoque  ad  breviarii  antique 
consuetudinis  romane  curie  vel  alterius  ecclesie  quod  in  usu 
hoc  tompore  habeatur  recilationem  minime  leneantur.  Sed 
huius  nouissimi  lectione  perinde  ac  si  vêtus  legissont  satisfe- 
cisse  censeantur,  dummodo  eorum  singuli  specialem  super 
hoc  facultatem  a  sede  apostolica  obtinuerint  :  quam  per  solam 
signaturam  absque  alia  impensa  expediri  mandabimus.  Qui- 
bus  vero  ante  huiusmodi  breviarii  recognitionem  ea  legendi 
facultas  data  est,  eos  volumus  ad  nouam  facultatem  obtinen- 
(lam  minime  astringi.  » 


284  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

faire  reprendre  l'habitude  à  tant  de  clercs  qui  l'avaient 
perdue  de  dire  les  heures  canoniques.  Le  bienheureux 
Canisius,  dans  cette  vue,  se  fit  en  Allemagne  le  pro- 
pagateur du  Bréviaire  de  Quignonez^  Mais  il  est  vrai 
de  dire  aussi  que  ce  qui  était  au  début  une  faculté 
individuelle  devint  rapidement  un  usage  très  répandu, 
en  Italie,  en  France,  en  Allemagne,  en  Espagne. 
L'auteur  de  la  Vie  de  saint  François  Xavier  appelle 
le  Bréviaire  de  Sainte-Croix  le  Bréviaire  des  gens 
occupés^;  des  gens  occupés,  il  passa  aux  mains  des 
chanoines,  qui  ont  pourtant  la  réputation  d'être  gens 
de  loisir,  et  en  Espagne  il  fut  introduit  au  chœur  de 
plusieurs  cathédrales  :  de  la  récitation  privée  il  pas- 
sait ainsi  à  l'exécution  solennelle.  C'est  dans  ces  cir- 

1.  SciiOBEii,  Explanatio,  p.  15,  cite  une  Icltro  de  Canisius  à 
saint  Ignace,  du  28  décembre  1560.  Saint  Ignace  étant  mort  en 
1556,  il  y  a  sûrement  erreur  de  date.  Mais  ce  qu'écrit  Canisiu> 
est  à  retenir  :  «  Gomplures  ecclesiastici  homines  niliii  recilarunt 
de  horis  canonicis.  Eos  pensum  lioc  nobiscum  persolvere  cu- 
ravimus,  ut  recilandi  morem  addisccrent,  et  quia  Breviarii 
novi  Romani  usus  maxime  placcbat,  impetravimus  iliis,  quod 
pelebant,  a  Rmo  Legalo  Pontificio.  Itaque  pergunt  quotidio 
in  recitandis  lioris  canonicis.  »  Voyez  Canisii  Epistiilac,  éd. 
Braunsberger  (Freiburg  i.  B.,  1896-1901),  t.  I,  p.  196  et  t.  III. 
p.  70.  Même  pensée  chez  saint  François  Xavier,  Epislolarunt 
Ubri  seplem,  éd.  Possin.  (Rome  1667),  p.  35,  d'une  lettre  du 
saint  à  saint  Ignace,  22  octobre  1540  :  «  Opus  etiam  essel 
impetrariprivilegium  sex  clericis  arbitratu  nostro  communica- 
bile,  utendi  Breviario  novo.  Ea  res  usuni  haberet  non  nulluiu 
ad  facilius  alliciendos  quosdam  ut  nos  in  Indias  sequi  vellent.  » 

2.  H.  TuRSELLiNi,  De  Vita  B.  Francisci  Xaverii,  vi,  5  (édil. 
Lyon  1607,  p.  532)  :  «  Nuper  novum  Icrnarum  leclionum  Bre- 
viarium  (sanctae  Grucis  dicebatur)  occupatorum  hominum  le- 
vamen  editum  erat  :  eiusque  usus  Francisco  propter  occupa- 
tiones  ab  initio  concessus.  »  L'auteur  ajoute  que  le  saint  n'usa 
jamais  de  celte  concession. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  285 

constances  qu'à  Saragosse  le  peuple,  ne  reconnais- 
sant plus  Toffice  des  ténèbres  du  jeudi  saint,  et 
croyant  sans  doute  que  le  chapitre  était  devenu  hu- 
guenot, éclata  en  émeute  dans  la  cathédrale  même, 
et  manqua  faire  un  autodafé  des  chanoines  et  de 
leur  nouveau  Bréviaire  ' . 

Dans  un  mémoire,  daté  de  Trente,  1*^'"  août  1551,  et 
dédié  au  légat  du  Saint-Siège  au  concile,  le  cardinal 
Marcel  Crescenzi,  un  théologien  espagnol,  Jean 
d'Arz,  soumit  aux  pères  du  concile  les  raisons  que 
l'Église  devait  avoir  de  répudier  le  Bréviaire  de  Qui- 
gnonez.  Ce  mémoire,  longtemps  demeuré  manuscrit, 
a  été  publié  de  nos  jours  ^.  Le  P.  Arevalo,  qui  l'avait 
lu  manuscrit,  en  loue  la  doctrine,  mais  trouve  qu'il 
renferme  plus  de  déclamation  que  de  forte  critique  : 
il  est,  en  effet,  d'un  ton  un  peu  échauffé,  mais  il  ne 
manque  pas  de  justesse.  Jean  d'Arz  avait  jugé  avec 
bon  sens  les  résultats  de  l'œuvre  du  cardinal  Qui- 
gnonez.  Tout  en  reconnaissant  que  «  plusieurs  lé- 
gendes des  vieux  Bréviaires  demandaient  à  être  ré- 
formées )),  il  déplorait  qu'on  en  eût  tant  rejeté  sur  de 
trop  minces  prétextes  ;  qu'on  en  eût  conservé  d'autres 
qui  n'étaient  guère  mieux  établies;  qu'on  eût  ajouté 
trop  de  foi  à  la  critique  d'un  historien  comme  Platina. 


1.  Jean  d'Arz,  ap.  Roskovany,  t.  V,  p.  656-657. 

2.  De  novo  hreviario  toUendo  consiiltatio...  D.  I.  loannes  de 
Arze  presbyter  pallantinus  professione  theologus,  ap.  Rosko- 
vany, t.  V,  p.  635-720.  —  Autre  critique  sévère,  chez  un  autre 
espagnol,  théologien  du  Concile  de  Trente,  Soto,  De  iustitia 
et  iure,  lib.  I,  q.  7,  a.  1,  et  lib.  X,  q.  4,  a.  4,  cité  par  Baeumer, 
t.  II,  p.  140. 


286,  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN, 

Il  avait  raison  lorsqu'il  exprima  le  vœu  de  voir  roffice 
férial  plus  fréquemment  célébré  pour  l'amour  du 
psautier  et  de  l'Ecriture  sainte,  et  l'ofTice  dominical 
de  rigueur  chaque  dimanche  pour  rester  fidèle  à  la 
raison  d'être  du  vieux  Bréviaire  [et  ita  constabit  ratio 
çeteris  Brenarii),  encore  qu'il  ne  nous  dise  pas  com- 
ment on  ferait  pour  maintenir  intangible  le  calendrier 
des  fêtes  de  saints ,  et  à  toutes  les  fêtes  de  saints 
leur  office.  Il  avait  raison  de  prendre  la  défense  des 
répons,  des  versets,  des  capitules,  et  de  dire  que,  si 
ces  détails  sont  propres  à  l'office  chanté  au  chœur  et 
ne  s'expliquent  que  par  là,  on  ne  saurait  cependant 
admettre  deux  offices,  Tun  pour  le  chœur,  l'autre 
pour  la  récitation  privée,  sans  introduire  dans  l'office 
canonique  quel  qu'il  soit  une  fâcheuse  confusion.  Il 
avait  raison  de  dire  que  l'office  était  fait  pour  être 
chanté,  étant  une  prière  et  non  une  matière  d'étude, 
et  que  c'était  mêler  deux  exercices  distincts  et  confon- 
dre deux  buts  que  de  vouloir  transformer  la  récita- 
tion de  l'office  en  une  lecture  de  la  Bible  ;  sans  comp- 
ter que,  à  chercher  la  simple  instruction  des  clercs, 
il  était  plus  expédient  de  leur  faire  goûter  quelques 
textes  faciles  des  saintes  Lettres,  des  textes  visant  à 
l'édification  des  mœurs,  que  d'exposer  l'Ecriture  nue 
à  l'incompréhension  ou  à  la  légèreté  de  gens  mal  pré- 
parés ou  mal  intentionnés.  Il  avait  raison  encore 
quand  il  réclamait  pour  les  droits  de  Vordo  psallendi 
traditionnel  de  l'Église  romaine,  pour  la.  distribution 
traditionnelle  des  psaumes  entre  les  diverses  heures 
de  l'office,  pour  la  répartition  traditionnelle  des  le- 
çons de  la  sainte  Écriture  entre  les  divers  temps  del 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     287 

l'année,  pour  le  nombre  traditionnel  de  nocturnes, 
pour  tout  cet  ordre  liturgique  qui  avait  ses  raisons 
mystiques,  et  qui  était  un  reste  évident  [haud  obscura 
çestigia)  de  la  plus  vénérable  antiquité. 

Ces  critiques  sont  judicieuses;  s'il  en  est  d'autres 
moins  fondées  ou  qui  ne  prouvent  rien  pour  vouloir 
trop  prouver,  si  même  quelques  considérations  de 
Jean  d'Arz,  concédons-le  au  P.  Arevalo,  sont  poussées 
à  l'outrance  déclamatoire,  il  y  a  telles  pages  de  son 
mémoire  qui  sont  animées  d'une  sincère  éloquence. 
Sera-ce,  écrit-il,  quand  nos  peuples  voient  le  clergé 
et  les  grands  dignitaires  de  l'Eglise  si  appliqués  à 
augmenter  les  revenus  de  leurs  bénéfices,  qu'il  con- 
viendra d'abréger  l'office  divin  dont  ces  revenus  sont 
la  rétribution?  Sera-ce  dans  un  siècle  de  fer,  dans 
un  siècle  porté  vers  les  nouveautés  les  plus  suspec- 
tes, quand  le  chant  ecclésiastique  est  tourné  en  dé- 
rision, les  heures  canoniques  proscrites,  les  cérémo- 
nies ecclésiastiques  méprisées,  les  lois  canoniques 
traitées  d'inventions  humaines,  et  cela  partout,  en 
iVllemagne,  en  Suisse,  en  Angleterre;  quand  parmi 
nous-mêmes,  qui  sommes  orthodoxes,  on  voit  régner 
le  dégoût  des  choses  ecclésiastiques,  grandir  le  mé- 
pris des  choses  saintes,  se  propager  la  hardiesse  à 
ju-ger  chacun  pour  soi  des  dogmes  et  des  canons; 
serace  le  moment  de  lâcher  nos  traditions  litur- 
giques, et  de  paraître  tacitement  donner  raison  à  nos 
adversaires,  alors  que  notre  premier  devoir  serait  de 
tenir  ferme? 

Il  y  avait  quelque  hardiesse  à  Jean  d'Arz  à  s'expri- 
mer si  directement.  Il  se  défend,  dans  les  premières 


288  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

lignes  de  son  mémoire,  de  vouloir  rien  condamner 
de  ce  qui  est  émané  du  Siège  apostolique  ou  qui  a  été 
approuvé  une  fois  de  son  autorité  :  «  Id  profiter i  libet 
nos...  nec  quidpiam  damnare  quod  a  Sede  Aposto- 
lica  sitprofectum  aut  eius  auctoritate  aliquando  com- 
prohatum,...  nec  tantam  Sedem,  quod  absit,  in  ius 
vocamus  ».  Pourtant  avec  quelle  vigueur  il  critique 
le  Bréviaire  émané  du  Siège  apostolique  et  approuvé 
une  fois  de  son  autorité  !  Il  conjure  les  Pères  du  con- 
cile de  prendre  garde  à  cet  esprit  de  nouveauté  qui 
discrédite  l'antiquité,  qui  suggère  des  innovations 
partie  fausses,  partie  suspectes,  et  qui,  non  content 
de  produire  en  Allemagne  de  nouveaux  rites,  de  nou- 
veaux sacrements,  de  nouveaux  canons,  de  nouveaux 
bréviaires,  entreprend  de  s'accréditer  insidieusement 
chez  les  orthodoxes  :  Gageant  pastores  !  Voilà  com- 
ment un  espagnol  en  1551  dénonçait  au  concile  de 
Trente  l'œuvre  liturgique  d'un  espagnol  consacrée 
en  1531  par  le  Saint-Siège  :  on  découvrait  entre 
l'œuvre  de  Quignonez  et  l'esprit  de  la  Réforme  *  des 
affinités  que  le  pieux  cardinal,  pas  plus  que  le  B.  Ca- 
nisius  ou  saint  François  Xavier  2,  n'avait  soupçon- 
nées. 


1.  On  a  relevé  justement  l'influence  qu'a  eue  le  Brôviaiic 
de  Quignonez  sur  Cranmer  et  sur  la  conslilution  du  Book  of 
common  prayer  de  l'Église  anglicane.  Voy.  F.  A.  Gasquet  et 
E.  BiSHOP,  Eduard  VI  and  the  Book  of  common  prayer  (Lon- 
don  1890),  pp.  29  et  suiv.  Cf.  W.  Legg,  Some  local  reforms  of 
the  divine  service  attempted  on  the  continent  in  the  sixteenlli 
century  (London  1901). 

2.  Cf.  Michel,  Histoire  de  saint  Ignace,  t.  II  (Tournai 
1893),  p.  331. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  289 


Le  Bréviaire  du  cardinal  Quignonez  a  été  publié  à 
Rome  en  1536  :  vingt-deux  ans  plus  tard,  il  y  est 
proscrit.  Par  un  rescrit  du  8  août  1558,  le  pape 
Paul  IV,  sans  en  condamner  l'usage  provisoire,  dé- 
cide qu'il  n'y  a  plus  lieu  d'en  autoriser  de  réimpres- 
sion ^  Restait  à  pourvoir  à  la  réforme  du  vieux  Bré- 
viaire :  après  les  essais  de  Clément  VII  et  de  Paul  III, 
l'œuvre  était  encore  à  faire  :  Paul  IV  allait-il  être 
plus  heureux? 

Il  entreprit  cette  réforme  avQÇ  la  fermeté  de  vues 
d'un  homme  qui  y  avait  dès  longtemps  pensé.  Son 
historien,  Caracciolo,  rapporte  qu'il  n'avait  jamais 
voulu  se  résoudre  à  réciter  le  bréviaire  de  Qui- 
gnonez, l'estimant  «  inconvenant  et  contraire  à  la 
forme  antique  ^  ».  Il  n'était  pas  moins  sévère  au  vieux 
Bréviaire  romain.  A  une  époque,  en  effet,  où  il  ne 
s'appelait  encore  que  Pierre  Carafa,  et  où,  simple 
évêque  de  Chiéti  [Teate),  il  s'associait  à  saint  Gaétan 
do  Thiène  pour  la  formation  d'une  congrégation  de 
clercs  réguliers  (la  première  en  date  de  toutes  et  le 
prototype  de  celle  de  saint  Ignace),  la  congrégation 
des  Théatins,  c'avait  été  un  des  points  les  plus  neufs 
de  la  règle  qu'il  avait  inspirée  que  d'entreprendre  k 
l'usage  des  Théatins  une  réforme  du  vieux  Bréviaire 
romain.  Dès  1523,  dans  une  lettre  adressée  au  da- 
taire    Giberti,  Carafa    exprimait   le    dégoût  que  lui 

1.  ArEVALO,  ap.    ROSKOVANY,  t.  XI,  p.  26. 

2.  Ibid. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  19 


290  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

causait  la  récitation  de  ce  vieux  Bréviaire  ;  il  se  plai- 
gnait de  l'inélégance  du  style,  d'y  lire  tant  de  textes 
d'auteurs  suspects,  comme  Origène,  et  tant  de  lé- 
gendes indignes  de  foi  ^  En  1529  (21  janvier),  le  pape 
Clément  VII  écrivait  par  bref  à  Carafa,  pour  féliciter 
les  Théatins  d'avoir,  «  pour  l'honneur  du  culte  divin 
et  de  la  religion,  conçu  le  dessein  de  ramener  l'office 
divin  en  usage  dans  la  sainte  Église  romaine  à  une 
forme,  leur  semble-t-il,  plus  décente  et  mieux  appro- 
priée au  progrès  et  à  la  dévotion  des  auditeurs  et 
des  célébrants^  ».    Dès  cette  époque,  la  pensée  de 


1.  Celte  lettre  est  citée  par  Silos,  Histojia  clericonim  rc- 
gularium,  pars  prior  (Rome  1650),  p.  95  :  «  Quod  vero  Ro- 
mae  tune  temporis  Breviarium  terebatur,  nullis  non  erroribus, 
ac  mendis  plénum.  Damnatae  ab  Ecclesia  memoriae  auclo- 
rum  homiliae  :  incertae  nuUiusquc  fidei  passim  historiac  : 
praeposterae  obscuraeque  admodum  rubricae;  praeter  ser- 
monis  inconcinnitatem,  plebeiamque  plerisque  in  locis  diclio- 
nem,  quam  sugillat  notatque  merito  epistola  ad  Gibertum 
Carafa,  qui  et  se  stomacho  lis  recitandis  afTici  affirmât,  ac  do- 
decere  sacrorum  sive  puritatem,  sive  maiestatem  illam  olïicio- 
rum  inelegantiam,  insutaque  damnatorum  capitum  nomina, 
ac  dubiam  historiarum  fidcm.  »  —  En  retour,  Carafa  reçut  un 
bref,  du  24  juin  1524,  l'autorisant ''à  retoucher  pour  les  siens 
le  Bréviaire  romain.  G.  B.  Tufo,  Ilistoi'ia  délia  Religione 
de'  Padri  Cherici  Regolari  (Rome  1609-1616),  t.  II,  p.  12,  cité 
par  Baeumer,  t.  II,  p.  154.  Ce  bref  de  1524  fut  confirmé  par 
celui  de  1529. 

2.  Le  texte  du  bref  dans  Silos,  ibid.  :  «  ...  Divina  officia, 
quibus  nunc  Sancta  Romana  Ecclesia  utitur,  ad  certum  mo- 
clum,  ut  quidem  vobis  videtur,  decentiorem,  sanctorunuiue 
Patrum,  ac  Sacrorum  Canonum  statutis  convenientiorcni;... 
excogitastis,  quem  componere  desideratis,  Nobis  et  Sedi  Apo- 
stolicae  postea  ofTerendum,  ut  ex  illius  inspectione,  an  publico 
Ecclesiarum  usui  tradendus  sit,  decernere  possimus.  »  Le  pape 
autorisait  les  Théatins  à  faire  cet  essai  à  leur  usage  et  à  le 


LE  BRÉVIAinE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     291 

Carafa  n'allait  à  rien  de  moins  qu'à  faire  un  jour  adop- 
ter par  la  cour  romaine  la  réforme  théatine  du  Bré- 
viaire. Non  seulement,  en  effet,  les  Théatins  deman- 
daient au  pape  Clément  VII  la  faculté  de  réciter  le 
Bréviaire  tel  qu'ils  llavaient  corrigé,  et  ils  obtenaient 
cette  faculté  pour  un  an  ;  mais  le  pape  leur  laissait 
espérer  que,  cette  expérience  faite,  ils  pourraient 
présenter  leur  Bréviaire  au  «  Saint-Siège  pour  qu'il 
l'examinât  et  qu'il  décidât  s'il  ne  conviendrait  point 
de  le  mettre  dans  l'usage  public  des  Églises  ». 

A  ce  même  moment  (1529),  le  cardinal  Quignonez 
s'était  de  son  côté  mis  à  l'œuvre  :  il  n'y  a  pas  lieu  de 
douter  qu'il  eût  entrepris  la  réforme  du  Bréviaire  avec 
l'approbation  de  Clément  VIL  Ce  qui  donne  quelque 
apparence  de  raison  d'accuser  Clément  Vil  d'incons- 
tance et  de  versatilité  ^ .  Il  n'en  était  assurément  pas 


perfectionner  en  l'expérimentant  :  «  Nos  igîtur  in  te  praecipue, 
Irator  episcope,  sperantes,  et  confidentes,  quod  pro  tua  doc- 
trina,  pnidentia,  et  pietate  nihil  nisi  pium,  et  canonicum,  lau- 
deque,  et  professione  vestra  dignum  in  hoc  âges,  agique  a 
luis  sines;  vobis  omnibus,  et  singulis  vestrum  dumtaxat,  ut 
mi_ssas,  et  divina  officia  iuxta  modum  novum,  per  vos  excogi- 
tatum,  et  componcndum,  in  clioro,  et  in  ecclesiis  vestris  per 
annum  dumtaxat  a  data  praesentium  computandum  celebrare, 
et  recitarc  ad  Dei  laudem  libère,  et  licite  valeatis.  »  Le  pape 
les  dispensait  de  l'office  reçu;  il  les  dispensait  de  l'office  de 
la  Vierge,  même  de  l'office  de  la  Vierge  rédigé  par  eux.  —  Sur 
le  travail  de  Carafa,  voyez  Baeumer,  t.  II,  p.  154-157,  et  les 
citations  qu'il  fait  de  Tufo. 

1.  Silos,  p.  96.  Le  Bréviaire  réformé  par  les  Théatins  en  1529 
et  expérimenté  par  eux  pendant  un  an,  fut  bientôt  abandonné  : 
«  Quod  Patres  lucubraranl.  gravi  cum  eorum  sensu,  domestico 
intérim  lare,  sinuque  delituit.  Garafae  in  primis  moleste  id 
accidit,  qui  pro  eo.  quo  incitabatur,  zelo  perurgere  nihilominus 


292  HIStoiRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAINi 

de  même  de  Paul  IV,  qui,  montant  sur  le  trône  pon- 
tifical en  1555,  y  apporta  les  vues  qu'il  avait,  depuis 
1524,  de  la  réforme  catholique,  et  reprit  à  son  compte 
ce  qui  n'avait  été  pour  Clément  VII  qu'une  velléité 
fugitive,  l'approbation  pour  toute  l'Eglise  de  ce  Bré- 
viaire théatin,  qui  attendait  depuis  vingt-cinq  ans  son 
privilège  ^ . 

Au  préalable,  Paul  IV  voulut  le  reviser  une  der- 
nière fois...  On  sait  peu  de  chose  en  somme  du  projet 
de  Paul  IV.  Le  père  Silos  lui-même  n'en  a  connu  d'au- 
tres détails  que  ceux  donnés  par  le  théatin  Jérémie 
Isachino,  familier  de  Paul  IV,  dans  une  lettre  datée 
de  1561  et  trouvée  par  Silos  dans  les  archives  du 
couvent  romain  de  Saint-Silvestre^.  Paul  IV  sup- 
primait les  homélies  d'Origène  et  des  auteurs  qui 


opus  non  destitit.  »  Mais,  convaincu  de  son  impuissance,  navré 
du  succès  du  Bréviaire  de  Quignonez,  Carafa  prit  occasion  ûo 
sa  mauvaise  santé  pour  obtenir  d'être  dispensé  de  tout  office  : 
«  Praetextu  quidem  adversae  valetudinis,  ac  gravis  aevi,  i«' 
autem  vera,  ut  inepta,  atque  inerudita  in  eo  offîcio  declinarot. 
exemptionem  a  diurno  eo  penso  exolvendo  efflagitavit,  ac  niox 
obtinuit.  «  Silos,  p.  97. 

1.  Silos,  p.  97  :  «  Quousque  adlectus  Pontifex  Gardinalis 
Thealinus  in  id,  quod  salis  diu  consilium,  votumque  peciorc 
gestaverat,  manum  ipse  admovere,  ac  perficere  suo  maitc 
statuit.  Quocirca  proscripla  statim  Quignonii  compendiaria 
ea  orandi  formula;  quae  olim  cum  Thienaeo,  aliisque  Patii- 
bus  excogilaverat,  ad  examen  iterum,  ac  lancem  accurate  re- 
vocando;  tum  nova  ipsemet,  ac  secundas  veluti  curas  adii- 
ciendo,  rem  pêne  confecit,  ducto  ad  calcem,  ac  limam  opère.  > 
Paul  IV  mourut  le  18  août  1559,  avant  d'avoir  mené  son  projel 
à  bonne  fin.  Baeumer,  t.  II,  p.  158,  croit  que  le  Bréviaire  adopté 
par  le  chapitre  général  des  Théatins  en  1561  était  le  Bréviaire 
revu  par  Paul  IV. 

2.  Silos,  p.  98. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  293 

n'étaient  point  d'une  intègre  religion  ;  il  voulait  des 
textes  des   saints   Pères   qui  fussent  irréprochables 
quant  à  la  doctrine  et  quant  au  style  ;  aux  nocturnes, 
des  bénédictions  qui   fussent  pleines  de  gravité,  au 
lieu    des  bénédictions  «   ineptes   et   absurdes  »  qui 
servaient  encore;  il  éliminait  les  narrations  de  mar- 
tyres qui  manquaient  d'autorité,  pour  n'en  recevoir 
que  de    sûres   et  d'indiscutables;    il  supprimait  les 
hymnes  malsonnants    [absonos]  que  l'on  avait  don- 
nés à  la  fête  de  la  Transfiguration  et  à  celle  de  la 
Trinité;  il  raccourcissait  l'office  dominical   de  prime 
qu'il  estimait  démesurément  long...  S'il  est  permis 
d'en  juger   sur  ces  seuls  renseignements,  on  peut 
dire  que  Paul  IV  avait  compris  mieux  que  Clément  VII 
et  que  Paul  III  les  conditions  de  la  réforme,  dont  il 
sentait   comme  eux  qu'elle  s'imposait,  à  savoir  que 
cette  réforme  devait  être  un  retour,  non  à  l'antiquité 
idéale  comme  l'entendait  Quignonez,  mais  à  la  tra- 
dition  représentée    par  la  liturgie    existante;    qu'il 
n'y  avait  rien  à  changer  à  la  disposition  traditionnelle 
de  l'office  divin  telle  qu'on  la  trouvait  dans  le  vieux 
Bréviaire    de  la  cour  romaine  ;   qu'il   n'y  avait  qu'à 
expurger  ce  vieux  Bréviaire  des  erreurs  historiques, 
des    taches  littéraires  et  des  longueurs  fastidieuses 
qui  en  rendaient  l'usage  décourageant.  Pie  V  expri- 
mera bien  l'essentiel  de  la  pensée  de  Paul  IV,  quand 
il  dira  :    «    Totam    rationem    dicendi  ac  psallendi 
horas  canonicas  ad  pristinum  morem  et  institutum 
redigendum     suscepit  ^    »    La   tradition   liturgique 

1.  Bulle  Qiiod  a  nobis. 


294  HISTOIRE   DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

[pristmus  mos)  retrouvait  enfin  la  plus  haute  des 
autorités  pour  la  comprendre  et  pour  la  protéger. 
Une  réaction  heureuse  se  produisait  en  faveur  du 
vieux  Bréviaire  romain.  Et  le  concile  de  Trente  allait 
trouver  la  question  posée  dans  ces  termes  excellents 
par  Paul  IV. 


Il  était  inévitable  au  concile  de  Trente  d'être  saisi 
de  la  question  du  Bréviaire  :  c'était  un  des  points  où 
trop  de  synodes  de  ces  vingt-cinq  dernières  années 
avaient  appelé  de  leurs  vœux  une  réforme.  Tel,  en 
1522,  le  synode  de  Sens  enjoignant  aux  ordinaires  de 
visiter  les  Bréviaires,  et  nommément  les  légendes  de 
saints,  pour  y  supprimer  tout  ce  qu'ils  y  surpren- 
dront de  «  superflu  »  ou  de  peu  séant  à  la  dignité  de 
l'Église.  Tel  le  synode  de  Cologne  de  1536  ^  A  Augs- 
bourg,  en  1548,  le  «  formulaire  de  la  réforme  ecclé- 
siastique »,  adopté  par  Charles-Quint,  s'exprimait  à 
peu  près  ainsi  :  «  La  tradition  du  chant  et  de  la  prière, 
qui  remonte  aux  saints  Pères,  et  que  saint  Grégoii' 
et  les  autres  recteurs  de  l'Église  nous  ont  transmise 
ne  saurait  être  en  cause.  Mais,  parla  faute  du  temps, 
il  s'y  est  glissé  des  choses  ineptes,  apocryphes  ou 
peu  convenables  au  culte  sincère  :  on  ne  le  saurait 
nier.  Aussi  conviendrait-il  que  les  évêques,  chacun 
dans  son  diocèse,  missent  leurs  soins  à  corriger  les 
bréviaires,  à  ramener  les  rites  à  leur  pure  forme  an- 
tique;  que  non  seulement  le  mode  fût  changé  qui 

1.  ROSKOYANY,  t.  V,  p.  211  et  222. 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      295 

s'observe  maintenant  dans  les  prières,  mais  que  l'on 
n'y  donnât  à  réciter  rien  que  de  saint,  d'authentique 
et  de  digne  de  l'office  divin.  Aux  évêques,  il  appar- 
tient de  voir  s'il  y  aurait  lieu  de  publier  quelque  chose 
concernant  les  histoires  des  saints,  dont  les  Églises 
d'Allemagne  se  serviraient  aux  leçons  des  nocturnes 
provisoirement  et  jusqu'à  ce  qu'un  concile  général  eût 
prononcé  sur  la  question  ;  s'il  y  aurait  lieu  de  suppri- 
mer les  fastidieuses  répétitions  de  prières  et  de 
psaumes  qui  se  rencontrent  un  même  jour,  et  les 
mémoires,  et  les  suffrages  des  saints,  et  tout  ce  qui 
détourne  les  prêtres  de  l'office  des  fériés  du  temps, 
pour  leur  faire  préférer  l'office  des  saints  qui  est  plus 
court,  mais  moins  fructueux  ;  s'il  y  aurait  lieu  enfin 
de  supprimer  tels  ou  tels  accessoires  de  l'office  cano- 
nique, qui  n'appartiennent  pas  à  l'essentiel  de  cet 
office  ^  )) 

Le  concile  de  Trente  aborda  la  question  du  Bré- 
viaire seulement  en  1562,  c'est-à-dire  l'année  qui 
précéda  la  fin  de  ses  travaux^.  La  demande  d'une 
>  réforme  de  l'office  canonique  fut  introduite  simulta- 
nément par  le  cardinal  de  Lorraine  au  nom  du  roi  et 
des  évêques  de  France,  et  par  l'empereur  Ferdi- 
nand F^  Ce  dernier,  reprenant  le  formulaire  d'Augs- 
bourg  de  1548,  demandait  que  les  Bréviaires  fussent 
corrigés,  qu'on  n'y  laissât  rien  subsister  qui  ne  fût 
de  l'Ecriture  sainte;  et  que,  d'autre  part,  pour  remé- 

1.  Ibid.  p.  224. 

2.  Voy.  ScHMiD,  «  Studien  ûber  die  Reforra  des  romischeii 
Breviers  iinter  Pius  V  »,  dans  la  Theologische  QuartaUchrift 
de  Tûbingon,  1884. 


296  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRK    ROMAIN. 

dier  à  la  tiédeur  que  les  clercs  apportaient  à  la  réci- 
tation de  l'office,  on  Tabrégeât  notablement,  car, 
disait-il,  «  mieux  valait  ne  réciter  que  cinq  psaumes 
avec  sérénité  et  hilarité  spirituelle,  qu'exécuter  le 
psautier  entier  d'un  cœur  attristé  et  mal  à  l'aise  ^  ». 
Les  Allemands  ne  semblaient  pas  tenir  pour  suffi- 
sante l'expérience  qu'on  avait  faite  avec  le  Bréviaire 
de  Quignonez  :  ils  reprenaient  à  leur  compte  l'idée 
même  du  cardinal  de  Sainte-Croix.  Les  Français 
s'attardaient  dans  des  formules  vagues  :  ils  deman- 
daient au  concile  la  restauration  des  rites  et  la  sup- 
pression des  superstitions 2.  Les  Espagnols,  se  mon- 
trant en  cela  plus  au  courant  de  l'état  de  la  question 
que  soit  les  Allemands,  soit  les  Français,  adressèrent 
leur  requête    aux   légats^,    exprimant   combien    ils 


1.  RosKOVANY,  t.  V,  p.  226;  Schmid,  p.  621;  Baeumer,  t.  IL 
p.  152-153,  160-161. 

2-  Grangolas,  p.  10. 

3.  Mémoire  dés  Espagnols,  rédigé  par  Févêque  d'Huos(;i 
(Osca),  Archiv.  Vatican.  Concil.  Trident,  n.  108,  f.  266  :  «Ilor 
a  vobis,  Illmi  DD.  Legati,  et  a  sancta  synodo  nos  episcopi 
regni  Aragoniae  instantcr  petimus,  et  obteslaraur,  ut  si  religi^- 
nem  divini  cultus  in  ecclesiis  nostris  conservare  cupitis,  hanc 
novilalom  profanam  Breviarii  novelli  furlivo  confecti,  et  in  gia- 
tiam  inertium  privala  auctoritate  contra  régulas  ecclcsiasli- 
cas  introducti  celerrime  eiciatis,  ut  id  ipsum  offlcium  dicamii- 
onines,  et  non  sint  in  nobis  scismata  ofTiciorum  et  missaliuui. 
Ut  autem  hoc  negotium  maturiorem  et  commodiorem  effeclum 
sortiatur,  Ecclesiae  catholicae  credimus  expedire  ut  antiquum 
Breviarium  Romanum  quod  tel.  rec.  Pauli  IV  consilio  et  auc- 
toritate ceptum  est  emendari,  repurgatis  paucis  quae  iudicii» 
eiusdem  pontiflcis  per  ignoraiîiiam  et  temeritatem  multis  s( - 
culis  sensim  irrepserant,  ad  finem  proximum  ordine  instituiez 
perducalur.  Potest  aulem  res  tota  cognosci  ex  reverendo  Pâ- 
tre D.  Hyeremia,  qui  Venetiis  commoratur,  quo  idem  ponti- 


LE    BUKVTAIIΠ   DU    CONCILE    DE    TRENTE.  297 

déploraient  le  mal  qu'avait  fait  le  Bréviaire  du  car- 
dinal Quignonez,  et  demandant  que  l'on  corrigeât 
le  Bréviaire  romain  traditionnel  selon  le  projet  de 
Paul  IV,  «  repurgatis  paucis^  qiiae  iudicio  eiusdem 
pontiftcis  per  ignorantiam  et  temeritatem  multis 
seculis  sensim  irrepserant  ».  A  cet  effet,  ils  si- 
gnalaient Bernardin  Schotto,  cardinal  archevêque  de 
Trani,  le  théatin  Jérémie  Isachino  et  le  prélat  Sirleto, 
comme  en  situation  d'instruire  le  concile  de  l'état  des 
travaux  commencés  par  Paul  IV,  dont  ils  avaient  été, 
en  cette  affaire,  les  conseillers  ^ 

Le  sentiment  des  Espagnols  prévalut  auprès  du 
concile.  Leur  mémoire  avait  été  transmis  à  Trente  par 
le  secrétaire  d'État  de  Pie  IV,  le  saint  cardinal  Charles 
Borromée  (7  novembre  1562),  en  termes  qui  laissaient 
clairement  entrevoir  que  le  sentiment  des  prélats  es- 
pagnols était  tout  près  d'être  celui  de  la  cour  pontifi- 
cale ^.  On  délibéra  sur  le  point  de  savoir  s'il  ne  con- 


fex,  ciim  reverendissimo  D.  cardinale  Tranense,  et  cuin  Re- 
verendissmo  D.  protonotario  Sirleto,  et  forte  aliis  qui  adhuc 
sunt  superstites,  in  hoc  negotio  utcbatur.  « 

1.  ScHMiD,  p.  623-625.  C'est  probablement  à  cette  enquête 
qu'appartient  la  lettre  d'Isachino,  citée  plus  haut  (p.  292). 

2.  Arch.  Vatican.  Concil.  Trid.  n.  108,  fol.  265  :  lettre  du 
card.  Borromée  aux  légats,  7  nov.  1562  :  «...  Non  mi  resta  di 
dir  altro,  se  non  che  havendo  Nostro  Signore  veduto  un  me- 
moriale  del  vescovo  d'Osca,  del  quale  sarà  una  copia  qui  al- 
legata,  dove  eg-li  supplica  in  nome  di  tutti  li  Prelati  del  Regno 
d'  Aragonia,  che  si  riformi  l'officio  vecchio  come  haveva  com- 
inciato  Paulo  IV  di  santa  memoria;  e  non  si  lasci  che  con 
diminutioue  del  culto  divino,  se  ne  vadino  facendo  ogni  di 
nuove  forme,  si  come  dice  esser  stato  fatto  nella  sua  Diocèse; 
Sua  Santità  vorebbe,  che  le  Signorie  Vestre  Illustrissime  ci 
facessero  sopra  una  matura  consideratione,  e  poi  vi  prove- 


298  HISTOIRE    DU    IJRÉVIAIRE    ROMAIN. 

venait  pas  de  revenir  sur  la  concession  de  Paul  IV 
tolérant  l'usage  provisoire  du  Bréviaire  de  Quignonez  : 
un  décret  fut  préparé  à  Trente,  mais  nous  ne  voyons 
pas  qu'on  ait  donné  suite  à  ce  projet  i.  Huit  mois 
plus  tard,  24  juin  1563,  les  légats  informaient  le  sou- 
verain pontife  qu'une  commission  conciliaire,  celle  de 
l'Index,  avait  été  déléguée  à  la  correction  du  Bré- 
viaire. Elle  se  composait  de  Leonardo  Marini,  évêque 
de  Lanciano,  dominicain;  de  Muzio  Galinio,  évê- 
que de  Zara  ;  d'Egidio  Foscarari  ,  évêque  de  Mo- 
dène,  dominicain  ;  auxquels  on  avait  adjoint  l'évêque 
Thomas  Goldwell,  un  théatin  d'origine  anglaise,  ami 
du  cardinal  Pôle  et  du  cardinal  Borromée^.  Par  la 
même  lettre,  les  légats  priaient  le  pape  qu'il  voulût 
bien  faire  parvenir  à  la  commission  du  Bréviaire  le 
dossier  manuscrit  de  la  correction  de  Paul  IV,  dos- 
sier que  possédait  le  cardinal  Schotto,  archevêque 
de  Trani,  lui  aussi  un  théatin^.  Le  22  juillet,  toutes 

dessero  assieme  col  Goncilio,  secondoche  a  loro  et  alli  Padri 
pare  espediente,  tanto  par  sodisfare  a  questi  Prelati,  quaiilo 
per  riformare  in  questa  parte  quello  che  sarà  di  bisogno,  e  se 
per  tal  conto  varranno  far  chiamare  il  prefato  vescovo  d' 
Osca,  e  da  lui  intendere  piu  distintamente  il  bisogno,  po- 
tranno  forse  piû  facilmente  fare  la  provisione  sopradetta  dd 
che  Sua  Santità  si  rimette  a  Loro...  » 

1.  Archiv.  Vatican.  Concil.  Trid.  n.  60,  fol.  494,  les  légal  s 
(23  nov.  1562)  annoncent  qu'ils  envoient  au  cardinal  secrétaire 
d'État  «  la  forma  del  decreto  che  havemo  pensato  di  fare  su- 
pra quella  pratica  dell'  uffîcio  nuovo,  et  ne  desideramo  il  suo 
parère  ».  Le  cardinal  Borromée  répond  (2  décembre  1562)  que 
le  pape  s'en  remet  aux  légats  du  soin  de  décider  si  ce  décnl 
est  opportun.  Concil.  Trid.  n°  108,  fol.  313.  Je  n'ai  pas  trouvé 
d'autre  trace  de  ce  projet  de  décret. 

2.  SCHMID,  p.  626. 

3.  Id.  p.  629,  et  Silos,  p.  447. 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     299 

les  pièces  de  la  correction  de  Paul  IV  étaient  entre 
les  mains  de  la  commission  ' .  Mais  maintenant  il  était 
trop  tard  pour  que  le  concile  pût  décider  par  lui- 
même  des  propositions  de  Paul  IV. 

Le  samedi  4  décembre  1563,  le  concile  de  Trente 
prit  fin,  sans  que  la  commission  de  Bréviaire  eût  rien 
arrêté,  sinon  de  remettre  au  Saint-Siège  le  soin  de 
poursuivre  et  d'achever  la  réforme  du  Bréviaire. 
Lorsque,  à  la  dernière  séance,  l'archevêque  de  Catane 
donna  lecture  des  décrets  qu'il  restait  à  approuver  et 
parmi  lesquels  se  trouvait  le  décret  concernant  le 
Bréviaire,  encore  qu'un  prélat  fît  observer  que  ces 
décrets  n'avaient  point  été  proposés  à  la  discussion 
des  congrégations  et  qu'on  n'en  avait  point  délibéré, 
l'assemblée  se  rangea  à  l'avis  qui  remettait  la  réforme 
du  Bréviaire  à  la  diligence  du  pape'^.  On  imagine  dif- 
ficilement une  assemblée  conciliaire  discutant  les  in- 
finis détails  de  la  constitution  du  texte  de  l'office  divin, 
comme  elle  peut  faire  du  texte  d'un  canon  :  mais, 
étant  donné  que  la  pensée  du  pape  Pie  IV  était  con- 

1.  Sghmid,  p.  625.  Baeumer,  t.  II,  p.  163,  Le  même,  p.  16.5, 
signale  une  lettre,  du  24  août  1562,  de  Thomas  Goldwell,  évo- 
que de  Saint-Asaph,  annonçant  qu'à  Trente  «  noi  ci  fatigamo 
assai  in  preparar  le  cose  per  la  sessione  futura  ».  Il  s'agit  de 
formuler  des  canons  contre  les  abus  touchant  le  Missel  et  lo 
Bréviaire  :  «  Solamente  faranno  alcuni  canoni  circa  gli  abusi  ». 
On  avait  renoncé  à  une  «  emendatione  ». 

2.  Theiner,  Actaauthentica  concilii  Tridentini  (Agram  1874), 
t.  II,  p.  506.  Cf.  dans  Grancolas,  p.  11,  les  objections  faites 
par  levèque  de  Lérida,  Ant.  Agustin  :  «  Palam  professus  est 
opus  esse  ad  eam  rem  exquisitam  antiquitalis,  provincia- 
liumque  consuetudinum  notitiam ,  scientiam  vero  hanc  in 
Romana  Guria  minime  obviam  esse,  quae  viris  careat  in  hoc 
sludiorum  génère  exercitatis...  » 


300  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

forme  à  celle  de  Paul  IV,  s'en  remettre  à  la  diligence 
du  Saint-Siège ,  c'était  approuver  le  programme  de 
réforme  proposé  par  ces  deux  papes,  programme  que 
la  commission  conciliaire  avait  fait  sien,  et  que  le 
concile,  en  continuant  aux  évêques  membres  de  cette 
commission  leur  délégation,  faisait  sien  à  son  tour. 
On  peut  donc  dire  que  le  concile  de  Trente  avait 
adopté  les  vues  de  Paul  IV,  et  que  le  vieux  Bréviaire 
romain,  si  maltraité  des  Allemands  et  des  Français, 
si  méconnu  longtemps  à  Rome  même  au  plus  fort 
du  succès  du  bréviaire  de  Quignonez,  le  vieux  Bré- 
viaire romain  sortait  consacré  de  cette  épreuve  dé- 
cisive. 


II 


A  peine  le  concile  terminé,  le  pape  Pie  IV  manda  à 
Rome  les  trois  évêques  délégués  par  le  concile  à  la 
correction  du  Bréviaire  :  Marini,  CalinioetFoscarari^ 
On  voudrait  connaître  les  travaux  de  cette  congréga- 
tion autrement  que  par  ses  conclusions  ;  et  peut-être 
un  jour  les  connaîtra- t-on,  si  tant  est  que  les  pièces 
de  ce  dossier  existent  quelque  part;  mais  à  l'heure 
actuelle  on  ne  les  a  pas  encore  retrouvées.  On  sait 
même  assez  confusément  les  noms  des  membres  que 
le  pape  Pie  IV  adjoignit  de  son  chef  aux  trois  délé- 
gués du  concile  :  le  cardinal  de  Trani,  Scholto,  qui 
paraît  avoir  été  le  président  de  la  congrégation,  au 
moins  un  temps  ;  le  modeste  et  très  érudit  et  très  ac- 

1.  Baeumer,  t.  II,  p.  164,  et  169-174. 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     301 

tif  Guillaume  Sirleto,  un  des  plus  savants  hommes  de 
la  cour  romaine  d'alors,  depuis  cardinal^  «  il  principal 
istitutoj'e  et  essecutoj'e  di  questo  bel  ordine  de'  iiffici  » , 
dira-t-on  plus  tard  de  lui;  Curtius  de  Franchi,  cha- 
noine de  Saint-Pierre  ;  un  théatin  réputé  pour  sa  con- 
naissance de  l'histoire  ecclésiastique,  Vincent  Masso  ; 
un  élégant  latiniste,  Jules  Poggiano;  peut-être  enfin 
Antoine  Carafa,  depuis  cardinale  Nous  n'avons  pour 
nous  instruire  des  préoccupations  et  de  la  méthode 
de  la  congrégation  du  Bréviaire,  que  ce  Bréviaire 
lui-même  tel  qu'il  est  sorti  de  ses  mains,  et  deux  do- 
cuments :  la  bulle  du  pape  Pie  V,  qui  sert  de  préface 
au  Bréviaire,  et  une  lettre  italienne  que  l'on  croit 
avoir  été  écrite  par  Leonardo  Marini,  un  des  mem- 
bres de  la  congrégation^. 


1.  ScHMiD,  p.  628-631  ;  P.  Batiffol,  La  Vatlcane  de  Paul  III 
à  Paul  V  (Paris  1890),  p.  25  et  65.  —  Dans  le  ms.  Vatican.  Otto- 
boni.  2366,  fol.  67,  se  lit  une  déclaration  de  Foscarari,  l'évê- 
qiie  de  Modène,  datée  du  17  décembre  1564,  peu  de  temps  avant 
la  mort  du  prélat.  Il  déclare  qu'il  a  été  unanime  avec  l'évo- 
que de  Lanciano  (Marini)  et  l'évêque  de  Zara  (Calinio),  pour 
demander  la  suppression  de  l'office  de  la  Vierge  (ut  ofïîcium 
sanctissimae  Virginis  intermitleretur)  ;  mais  que,  après  mûre 
réflexion,  et  considérant  les  maux  qui  affligent  l'Église,  il  sup- 
plie Sa  Sainleté  de  ne  tenir  aucun  compte  de  son  avis  et  au 
contraire,  de  maintenir  ledit  office.  Cette  déclaration  t(»u- 
chante  est  un  indice  que  les  travaux  de  la  commission  du 
concile,  à  Trente,  avaient  été  poussés  assez  loin. 

2.  Cette  lettre  (1566?),  dont  je  donne  plus  loin  (p.  340-345)  le 
texte  italien  inédit,  a  été  publiée  dans  une  mauvaise  traduction 
latine  par  Roskovany,  t.  V,  p.  576-583.  L'original  italien  est 
aux  Archives  du  Vatican,  Concil.  Trid.  n.  47,  fol.  312  et  suiv. 
Il  en  existe  une  copie  dans  le  Vatican,  lat.  fol.  202  et  suiv.  et 
dans  le  dossier  Valenti,  Bibliothèque  Corsini,  ms.  29  (olim  362), 
fol.  15  et  suiv.  —  On  y  joindra  une  note  de  Sirleto,  qui  se  lit 


302  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Pie  V  rappelle  que,  après  le  décevant  essai  tenté  par 
le  cardinal  Quignonez,  nombre  d'ordinaires  avaient 
cru  de  leur  droit  de  réformer  eux-mêmes  le  Bréviaire; 
à  leur  usage,  déplorable  coutume  [praça  consuetiido) 
d'où  était  sorti  le  pire  désordre;  pour  y  remédier, 
le  pape  Paul  IV  d'heureuse  mémoire  a  supprimé  le 
privilège  du  bréviaire  de  Quignonez,  et  entrepris  de 
ramener  l'office  à  sa  forme  ancienne  [ad  pristinum 
morem)  ;  Paul  IV  étant  mort  sans  mener  cette  entre- 
prise à  son  terme,  le  concile  de  Trente  a  exprimé  le 
désir  de  voir  réformer  le  Bréviaire  selon  la  pensée 
de  Paul  IV  [ex  ipsius  Pauli  papae  ratione  restituere 
cogilarunt)  ;  à  son  tour,  le  concile  a  délégué  le  soin 
de  cette  réforme  à  une  congrégation  qui  achève  enfin 
sous  le  pontificat  de  Pie  V  l'œuvre  dont  l'initiative 
revient  à  Paul  IV.  Et  le  pape  ajoute  :  «  Ayant  cons- 

dans  le  Vatican,  lat.  6171,  fol.  15-18.  Ce  sont  des  observalioiis 
sur  le  brouillon  de  la  bulle  Quod  a  nobis,  observations  sou- 
mises à  la  commission  du  Bréviaire.  Sirleto  ne  veut  pas  que 
l'on  dise  que  la  commission  a  eu  pour  programme  «  ut  Bre- 
viarium  compilarent  »,  parce  que  l'on  ne  peut  laisser  entendre 
qu'on  a  fait  un  Bréviaire  nouveau,  et  ainsi  encourir  le  reproche 
«  che  reprendiamo  nel  Breviario  novo  di  Sanla  Groce  ».  Le 
Bréviaire  de  Pie  V  «  non  e  nienle  mutato  dal'  antichoquanio 
aile  cose  essentiali  ».  Mais  il  diffère,  cependant,  trop  des  exem- 
plaires antérieurs  pour  que  l'on  puisse  autoriser  les  clercs  à 
porter  sur  leurs  vieux  exemplaires  les  corrections  introduites, 
«  essendo  state  mutate  homilie  assai  et  vite  di  santi,  et  aggionic 
lectioni  de  la  sacra  Scrittura  in  le  ferie  de  l'Advento,  in  modo 
che  non  me  par  che  se  possi  fare  questo...  »  Sur  la  fin  de  la 
note,  Sirleto  mentionne  Accursio  comme  ayant  pris  part  aux 
travaux  de  la  commission,  et  Poggiano  comme  ayant  mis  la 
bulle  en  latin.  Car  parlant  d'une  addition  à  faire  à  la  bulle, 
Sirleto  écrit  :  «  Il  signer  Poggiano  potrà  metterlo  in  stile 
latino,  in  modo  che  possi  sodisfare  al  gusto  di  lettori.  » 


I.E    BRÉA'IAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  303 

taté  que  dans  raccomplissement  de  son  œuvre  la 
congrégation  ne  s'est  pas  écartée  de  la  forme  des 
antiques  bréviaires  des  nobles  églises  de  Rome  et  de 
notre  bibliothèque  vaticane;  que,  en  éliminant  ce  qui 
était  étranger  et  incertain,  elle  n'a  rien  omis  de  la 
somme  essentielle  du  vieil  office  divin,  nous  avons 
approuvé  son  œuvre.  »  En  d'autres  termes,  la  con- 
grégation romaine  a  eu  pour  mission,  selon  la  pen- 
sée de  Paul  IV,  de  restaurer  la  tradition  liturgi- 
que, et  de  la  restaurer  en  l'étudiant  dans  ses  monu- 
ments manuscrits  anciens,  en  en  éliminant  ce  qui  lui 
était  étranger  ou  ce  qui  était  injustifié  [remotis  iis 
quae  aliéna  et  incerta  essent,  de  propria  summa  cé- 
leris officii  di^>ini  nihil  omittere^).  Ainsi  du  moins 
l'entend  Pie  V. 

Lconardo  Marini  entre  dans  le  détail  des  applica- 
tions dont  Pie  V  vient  d'exprimer  l'idée  maîtresse.  La 
congrégation,  dit-il,  convaincue  que  l'antique  façon 
de  prier  était  bonne,  et  qu'elle  était  devenue  odieuse 
uniquement  par  le  fait  de  certains  offices  qui  s'y 
étaient  surajoutés,  entendait  restaurer  l'ordre  antique 
et  ramener  à  une  juste  mesure  les  adjonctions  qui 
l'avaient  aggravé. 

Partant  de  ce  principe,  on  maintenait  la  distribu- 
tion traditionnelle  des  offices  en  offices  de  neuf  leçons 
et  en  offices  de  trois  leçons.  Mais,  pour  faire  une  part 
plus  large  au  psautier,  on  imposait  à  l'office  sancto- 
ral  simple  les  douze  psaumes  du  nocturne  férial, 
comme  le  voulait  la  rubrique  ancienne.  Et,  pour  faire 

1.  Bulle  Quod  a  nobis. 


304  HISTOinE    DU    B15ÉVIA1RE    ROMAIN. 

la  part  plus  large  aussi  à  l'Ecriture  sainte,  on  décidait 
qu'une  leçon  sur  trois,  et  trois  leçons  sur  neuf  se- 
raient toujours  de  l'Écriture  occurrente.  On  compre- 
nait, et  Marini  l'exprime  excellemment,  que  l'office  Cû- 
rial  étant  l'office  fondamental,  il  ne  convenait  point 
que  cet  office  fût  le  plus  rare  de  tous,  surtout  en  ca- 
rême où  les  canons  de  l'Eglise  prescrivent  au  con- 
traire qu'il  soit  seul  célébré  ;  que  la  récitation  du  psau- 
tier, qu'il  eût  été  convenable  d'exécuter  intégralement 
chaque  semaine,  fût  morcelée  de  telle  sorte  que  les 
psaumes  du  commun  des  saints  revinssent  perpétuel- 
lement au  tour,  à  la  satiété  des  clercs  ;  que  la  lecture 
de  l'Écriture  sainte  ne  saurait  être  diminuée  sans  que 
l'ignorance  des  clercs  en  fût  augmentée  d'autant  ' . 
L'office  dominical  de  dix-huit  psaumes  ne  serait  plus 
évincé  par  les  semi-doubles;  pendant  le  carême  et  Pa- 
vent, l'office  dominical  aurait  le  pas  sur  les  doubles. 
Ainsi  la  congrégation  entendait  restaurer  l'ordre 
ancien. 

Les  psaumes  pénitentiels  et  graduels,  obligatoires 
aux  fériés  de  carême,  ne  seraient  plus  récités,  les  pre- 
miers que  les  mercredis,  les  autres  que  les  vendre- 
dis des  fériés  de  carême.  L'office  des  morts,  qu'il  était 
obligatoire  de  réciter  chaque  fois  que  l'office  du  jour 
était  simple  ou  férial,  ne  serait  plus  récité  qu'une  fois 
le  mois  et  aux  quatre-temps  et  vigiles,  ainsi  qu'aux 
simples  de  l'avent  et  du  carême.  L'office  de  la  Vierge, 
obligatoire  chaque  fois  que  l'office  du  jour  était  semi- 
double,  simple  ou  férial,  ne  serait  plus  récité  que  les 

1.  Texte  de  Marini,  plus  loin,  p.  341. 


LE  BREVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      305 

samedis,  hors  les  quatre-temps,  les  vigiles  et  le  ca- 
rême ^  On  ne  toucherait  pas  aux  nocturnes  de  l'office 
dominical,  si  longs  fussent-ils,  mais  l'office  dominical 
de  prime  serait  allégé  des  psaumes  (Ps.  xxi-xxv)  qui 
suivaient  alors  le  Beati  immaculati,  et  que  l'on  dé- 
cida de  distribuer  entre  les  fériés  de  la  semaine. 
Ainsi  la  congrégation  entendait  ramener  à  une  juste 
mesure  les  surérogations  qui  aggravaient  l'ordre  an- 
cien^. 

On  voit  à  ces  déclarations  de  Marini  quel  sentiment 
animait  la  congrégation.  On  ne  saurait  dire  si  elle  res- 
tait en  deçà  ou  si  elle  allait  au  delà  du  programme  de 


1.  Pie  V  attachera  cent  jours  d'indulgence  à  la  récitation 
de  l'office  des  morts,  autant  à  l'office  de  la  Vierge,  cinquante 
jours  aux  psaumes  de  la  pénitence,  autant  aux  psaumes  gra- 
duels. Les  Preces  ferlâtes  ne  seront  plus  d'obligation  qu'à 
laudes,  prime  et  vêpres,  de  l'avent,  du  carême,  des  quatre- 
temps  et  des  vigiles.  Les  preces  de  tierce,  sexte,  noue  et 
compiles  étaient  réduites  au  Kyrie  et  à  deux  versets. 

2.  Grancolas,  Comment,  p.  122  :  «.Pater,  Ave  et  Credo,  quae 
ad  finem  completorii  sunt,  secreto  recitantur,  neque  pars  of- 
ficii  sunt,  Sunt  autem  addita  a  Pio  V,  iisque  adhuc  recentius 
est  Sacrosancfae,  neque  priscis  Ecclesiae  precibus  respon- 
det;  videtur  enim  in  eo  J.  Christi  divinitas  ab  humanitate  se- 
parari,  atque  eadem  gloriae  celsitudo  Beatis  atque  Deo  tri- 
bui,  »  La  prière  Sacrosanctae  est  dans  nos  éditions  modernes 
donnée  comme  introduite  ou  approuvée  par  le  pape  Léon  X, 
—  Les  Pater- Ave-Credo  de  matines  et  de  prime,  comme  aussi 
bien  de  compiles,  apparaissent  dans  les  Bréviaires  romains 
du  commencement  du  xvr  siècle  ou  de  la  fin  du  xv^  Baeu- 
MER,  t.  II,  p,  201-202.  Ce  sont  donc  des  surérogations  moder- 
nes dont  une  correction  critique  du  Bréviaire  appellerait  la 
suppression.  —  On  en  peut  penser  autant  des  suffrages  de  la 
croix,  de  la  sainte  Vierge,  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  pro 
pace  enfin,  qui  pour  être  plus  anciens,  n'en  sont  pas  moins 
adventices. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  20 


306  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIlli:    ROMAIN. 

Paul  IV;  il  est  plus  probable  qu'elle  le  dépassait. 
Mais  on  ne  saurait  trop  observer  combien  les  impru- 
dences du  cardinal  Quignonez  l'avaient  rendue  cir- 
conspecte, timorée  même,  préoccupée  peut-être  exces- 
sivement de  ne  rien  abolir.  Pie  V  sera  plus  décisif, 
lorsque  de  son  autorité  souveraine  il  rendra  faculta- 
tive l'obligation,  que  maintenait  strictement  la  con- 
grégation, —  et  que  marquent  encore  aujourd'hui  les 
rubriques,  —  de  réciter  à  certains  jours  l'ofTice  de 
la  Vierge,  l'office  des  morts,  les  psaumes  pénitentiels 
et  graduels  ^  C'étaient  là,  en  effet,  des  éléments  ad- 
ventices [aliéna)^  que  l'on  ne  devait  pas  hésiter  à  éli- 
miner. 

La  congrégation  montra  les  mêmes  scrupules  dans 
l'élimination  des  éléments  reprochables  [incerta]  du 
vieux  Bréviaire.  On  a  reproché  au  vieux  Bréviaire,  écrit 
Marini,  que  de  ses  légendes  de  saints  il  en  est  qui  sont 
apocryphes,  ou  scandalisantes,  ou  mal  écrites.  La 
congrégation  est  d'avis  de  retenir  les  faits  les  plus 
authentiques,  en  les  mettant  en  un  meilleur  style,  pour 
l'édification  et  le  contentement  des  lecteurs.  Elle 
pense  aussi  que  bien  des  vies  de  saints  qui  sont  au 
vieux  Bréviaire  sont  excellentes^,  empruntées  qu'elles 
sont  à  des  auteurs  anciens  ou  aux  actes  sincères  des 


1.  Bulle  Quod  a  no  bis. 

2.  Baeumer,  t.  II,  p.  184,  croit  cependant  que  les  leçons 
historiques  du  Bréviaire  de  Pie  V  sont  ou  nouvelles,  ou  prises 
à  Quignonez,  et  que  celles  du  Bréviaire  romain  préexistant 
furent  pour  la  plupart  sacrifiées.  Ce  point  appelle  un  sup- 
plément d'enquête.  Les  indications  fournies  Marini  (plus  loin, 
p.  345)  sont  très  précieuses. 


LB    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  307 

martyrs,  et  que  l'on  doit  leur  donner  la  préférence, 
tout  en  les  revisant  au  double  point  de  vue  de  la  vé- 
rité historique  et  de  la  correction  littéraire.  Ce  soin 
a  été  confié  d'abord  à  Foscarari,  puis  à  Poggiano,  qui 
ensemble  ont  à  revoir  toutes  les  légendes  du  sancto- 
ral^  Ici  encore  les  indications  fournies  par  Marini 
vont  à  nous  confirmer  dans  cette  impression,  que  la 
congrégation  entendait  la  réforme  comme  une  correc- 
tion, et  cette  correction  comme  devant  être  réduite  au 
strict  indispensable.  Marini  le  dit,  en  terminant,  d'un 
mot  qui  ne  saurait  laisser  aucun  doute  :  «  Et  in  tutto 
quello  si  é  fatlo,  si  é  haçuto  rispetto  non  si  muti  cosa 
alciina  delli  libri  délie  Chiese.  » 

Le  Bréviaire  romain,  corrigé  selon  les  vues  que  l'on 
vient  d'exposer,  parut  en  1568,  cinq  ans  à  peine  après 
la  clôture  du  concile  de  Trente.  11  semble  même  que 
la  correction  en  était  achevée  dès  1566,  à  en  juger  par 
une  lettre  du  cardinal  Borromée  à  Sirlelo^.  A  ce 
compte,  l'exécution  de  la  réforme  aurait  demandé  à 
peine  trois  années.  La  bulle  de  publication  de  saint 
Pie  V,  Quod  a  nobis,  est  datée  du  9  juillet  1568.  Le 
nouveau  Bréviaire  était  imprimé  à  Rome,  et  l'impri- 

1.  Cf.  lalil  Pogiani  epistolae  et  orationcs  (Rome  1756),  l.  II, 

p.  XL-LII. 

2.  Borromée  à  Sirleto,  4  sept.  1566  (Schmid,  p.  654).  —  Re- 
noiiard  {Annales  de  l'imprimerie  des  Aide,  Paris  1834,  p.  190) 
signale  comme  imprimé  par  Paul  Manuce  en  1564  un  Bréviaire 
romain  ayant  en  titre  :  Breviarium  Romaniim  ex  decreto  sacro- 
sancti  Concilii  Tridentini  restitutum,  PU  IV,  Pont.  Max.  iussu 
editum.  In  fol.,  Rome  1564.  Je  n'ai  pas  eu  d'exemplaire  de  ce 
Bréviaire  à  ma  disposition.  Il  serait  très  intéressant  de  le  com- 
parer avec  le  Bréviaire  de  1568,  et  de  vérifier  l'opinion  de 
Renouard  qui  le  dit  être  le  même  que  celui  de  1568. 


308  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN, 

meur,  Paul  Manuce,  reçut  son  privilège  le  11  novem- 
bre 1568'.  L'oiïice,  selon  le  nouveau  Bréviaire,  put 
entrer  en  usage  au  début  de  l'année  1569.  Le  volume 
portait  en  titre  :  Breviarium  Romaiium,  ex  decreto 
Sacrosancti  Concilii  Tridentini  restitutum,  Pu  V 
Pont.  Max.  iussii  editum.  Romae.  MDLXVIII.  Cum 
privilégia  PU  V  Ponti/îcis  Maximi,  inaedibus  Populi 
Romani,  apud  Paulum  Manatium. 

La  bulle  Quod  <7  nobis  portait  abolition  sans  res- 
triction possible  du  Bréviaire  de  Quignonez;  aboli- 
tion de  tout  bréviaire  plus  ancien  que  le  Bréviaire 
nouveau,  à  l'exception  de  ceux  qui  se  pourraient  pré- 
valoir d'une  approbation  pontificale  ou  d'une  coutume 
antérieure  à  deux  cents  ans  ;  enfin  défense  de  changer 
en  tout  ou  en  partie  le  nouveau  Bréviaire,  d'y  ajouter 
ou  d'y  retrancher  quoi  que  ce  fût. 

Étant  donné  le  scrupuleux  esprit  de  conservation 
qui  animait  les  liturgistes  de  saint  Pie  V,  il  ne  faut 
point  s'attendre  à  trouver  dans  le  Bréviaire  de  15()<S 
un  bréviaire  autre  que  le  Bréviaire  traditionnel  de  la 
curie,  le  Bréviaire  tel  qu'il  s'imprimait  depuis  147^i, 
mais  ce  même  Bréviaire  amendé  et  rendu  tout  ensem- 
ble plus  manuel  et  plus  poli^.  Quignonez  déclarait  les 
anciennes  rubriques  obscures  et  inextricables  :  on  fit 

1.  Par  bref  du  22  novembre  1568,  le  privilège  fut  concédé  à 
l'imprimeur  d'Anvers,  Plantin,  dont  l'édition  parut  en  15()'j. 
Puis,  en  dépit  de  ces  privilèges,  il  se  produisit  aussitôt  des 
éditions  en  fraude,  à  Cologne,  à  Liège,  à  Anvers,  à  Venise. 
Baeumer,  t.  II,  p.  192-193. 

2.  Cette  assertion  toutefois  appelle  des  réserves.  Baeumer, 
t.  II,  p.  215-220,  entre  dans  le  détail  des  corrections  apportées 
au  sanctoral,  elles  sont  nombreuses  et  elles  vont  loin. 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      309 

figurer  en  tête  du  nouveau  Bréviaire  cette  exposition 
des  rubriques  générales  de  l'office  que  nous  y  lisons 
encore,  excellente  exposition  en  partie  empruntée  au 
Direclorium  dwini  officii  publié  par  Ciconiolano 
Home  1540),  avec  l'approbation  de  Paul  IIP.  Qui- 
gnonez  déplorait  l'invasion  du  temporal  par  le  sanc- 
toral  :  le  calendrier  des  fêtes  fixes  fut  allégé  de  plu- 
sieurs fêtes  :  saint  Joachim,  saint  François  de  Paule, 
saint  Bernardin,  saint  Antoine  de  Padoue,  sainte  Anne, 
saint  Louis  de  Toulouse,  sainte  Elisabeth  de  Thu- 
ringe,  la  Présentation^.  Plusieurs  fêtes  se  virent 
réduire  à  des  mémoires  :  sainte  Euphémic,  sainte 
Thècle,  sainte  Ursule,  saint  Saturnin.  Le  total  des 
semi-doubles  était  maintenant  de  trente  ;  le  total  des 
doubles  de  tout  rang  était  de  cinquante -sept,  et  celui 
des  mémoires  de  trente-trois.  Les  offices  des  saints,  y 
compris  les  octaves,  ne  prendraient  donc  plus  que 
cent  et  quelques  jours  sur  l'office  temporal. 

Le  texte  du  psautier  et  des  leçons  scripturaires 
était  de  la  Vulgate^. 

La  distribution  de  l'Écri'ture  sainte  en  leçons  pour 


1.  SCHMID,   p.  637.MERGATI,  AppUTltl,  p.  5. 

2.  La  Présentation  a  été  importée  d'Orient  au  xiv®  siècle. 
«  On  a  une  lettre  de  Charles  Ven  l'an  1375  pour  la  faire  célé- 
hvev  en  France,  comme  on  avait  commencé  de  faire  à  Rome. 
Ce  fut  le  chancelier  de  Gypre  qui  persuada  aux  Latins  d'imi- 
ter en  cela  les  Grecs.  Elle  n'es  toit  pas  au  Bréviaire  romain 
avant  l'an  1585.  »  Tillemont.  //.  E.  t.  I,  p.  463. 

3.  Grancolas,  p.  87  :  «  Romanum  psalterium  a  Pio  V  Romae 
abolitum,  adhuc  perdurât  in  Vaticana  ecclesia,  atque  prae- 
terea  in  Mediolanensi,  et  VenetaS.  Marci,  licet  nonnullo  inter 
se  discrimine;...  in  nonnullis  pariter  Toletanae  urbis  in  Hispa- 
nia  Ecclesiis  psalterium  romanum  canitur.  » 


310  HlSTOllU:    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

le  premier  nocturne  était  faite  conformément  au  décret 
dit  de  Grégoire  VII,  et  en  réalité  dans  ses  grandes 
lignes  conforme  à  la  distribution  dont  nous  avons  au 
VIII®  siècle  constaté  l'usage  ^  Chaque  jour  avait  sa 
leçon  scripturaire,  et  ces  diverses  leçons  étaient  choi- 
sies, à  quelques  exceptions  près,  parmi  les  pages  les 
plus  simples  de  la  Bible. 

L'antiphonaire  et  le  responsoral  demeuraient  in- 
tacts, c'est-à-dire  conformes,  à  quelques  détails  près, 
au  texte  traditionnel,  y  compris  ses  textes  scriptu- 
raires. 

Le  lectionnaire,  au  second  nocturne  des  fêtes  fixes, 
subit  de  notables  changements^.  On  donna  des  leçons 
nouvelles  aux  fêtes  de  saint  Hilaire,  saint  Paul  ermite, 
saint  Jean  Chrysostome,  saint  Ignace  d'Antioche, 
saint  Mathias,  saint  Joseph,  saints  Soter  et  Caius, 
saints  Clet  et  Marcellin,  saint  Athanase,  saint  Gré- 
goire de  Nazianze,  saint  Basile,  la  Visitation,  l'octave 
de  saint  Pierre,  sainte  Marie-Madeleine,  saint  Pierre- 
aux-Liens,  l'Invention  de  saint  Etienne,  saint  Domi- 
nique, sainte  Marie-aux-Neiges,  la  Transfiguration, 


1.  Isaie  pour  l'aveiit;  Genè-se  au  printemps;  Actes,  Apoca- 
lypse, Épîtres  non  paulines,  au  temps  pascal;  Rois  en  élé: 
Sapientiaux  en  août;  Job,  Tobie,  Judith,  Esther  en  septembre  : 
Machabées  en  octobre;  Ézéchiel  et  petits  prophètes  en  novem- 
bre ;  Épîtres  paulines  au  temps  de  Noël. 

2.  En  ce  qui  concerne  les  sermons  et  les  homélies,  Baeumeiî. 
t.  II,  p.  204,  énonce  que  le  travail  de  Paul  IV  a  fut  adopté  pai 
la  commission  sans  changement  essentiel»,  et  il  cite  à  l'appui 
le  Vatican,  lat.  6471,  fol.  80.  Le  choix  de  ces  sermons  et  homé- 
lies (à  quelques  pseudépigraphes  près)  a  été  fait  avec  une 
extrême  sagesse. 


V 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  311 

saint  Laurent,  toute  l'octave  de  l'Assomption,  saint 
Barthélémy,  saint  Augustin,  la  Décollation  de  saint 
Jean-Baptiste,  l'octave  de  la  Nativité,  saint  Mathieu, 
saint  Jérôme,  saint  François ^  saints  Simon  et  Jude, 
saint  Martin,  saint  Damase.  Une  douzaine  d'homélies 
:  au  troisième  nocturne  furent  remplacées  ou  intro- 
duites :  pour  sainte  Agnès,  saints  Vincent  et  Anas- 
tase,  saint  Ignace,  sainte  Agathe,  sainte  Marthe,  saint 
Mathieu,  saint  Bernard,  saint  Augustin,  saint  Jé- 
rôme, saint  Nicolas,  sainte  Lucie,  etc.  — Mais  c'est 
ici  la  partie  caduque  de  la  réforme  de  Pie  V.  Ses  litur- 
gistes  n'avaient  pas  hésité  à  supprimer  les  leçons  que 
le  Bréviaire  de  1550  donnait  à  la  fête  de  sainte  Mar- 
guerite, de  même  les  leçons  de  sainte  Thècle,  de 
même  les  leçons  de  saint  Eustache,  de  même  les  le- 
çons de  sainte  Ursule  :  c'était  trop  peu  supprimer.  Et 
quant  aux  leçons  nouvelles,  si  nous  en  jugeons  par 
celles  de  saint  Barthélémy,  par  celles  de  l'Invention 
de  saint  Etienne,  par  celles  de  sainte  Marie -aux- 
Neiges,  c'était  trop  admettre^.  Et  combien  d'autres 
qui,  dans  leurs  sources  ou  dans  leur  rédaction,  res- 
taient incontestablement  reprochables  !  La  bonne 
volonté  des  liturgistes  de  Pie  V  n'est  pas  en  cause  : 


1.  Sur  les  sources  dos  leçons  liisloriqucs  du  Bréviaire,  De 
Smedt,  Introdiictlo  generalis  ad  historiam  ecclesiasticam 
crilice  trackmdani  (Gand  187(j),  p.  483-487.  Partie  des  leçons 
historiques  du  Bréviaire  de  Pie  V  sont  prises  (après  retou- 
clies)  au  Bréviaire  de  Quignonez.  Zaggaria,  Bibliotheca  ritiiu- 
lis  (Rome  1776-1781),  (.  I,  p.  llG-118.  La  liste  en  est  repro- 
duite par  Baeumeu,  t.  II,  p.  181-182,  et  suivie  d'observations 
intéressantes,  p.  184-189.  —  Ibid.  p.  182-183,  Baeumer  donne 
la  liste  des  leçons  nouvelles. 


312  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

c'est  la  maturité  de  leur  entreprise  qui  est  en  ques- 
tion, et  leur  critique,  en  défaut  ^  Bellarmin  et  Baro- 
nius  d'une  part,  Benoît  XIV  de  l'autre,  ne  se  feront 
pas  faute  de  le  leur  reprocher. 

Et  cependant,  au  total,  un  grand  progrès  était  réa- 
lisé. Cette  restauration  du  vieux  Bréviaire  de  la  cour 
romaine,  cette  restauration  respectueuse  et  timorée 
était  la  meilleure  restauration  qui  se  pût  faire  alors 
de  l'office  romain.  Elle  avait  sauvé  V ordo psallendiiv'à- 
ditionnel  de  l'Église  romaine;  elle  avait  sauvé  l'anti- 
phonaire  et  le  responsoral  du  temps  de  Charlemagne; 
elle  avait  restauré  Vordo  canonis  decantandi  du 
viu*^  siècle;  elle  avait  ramené  le  calendrier  des  fêtes 
fixes  à  une  plus  juste  proportion,  et  véritablement 
remis  en  honneur  l'office  temporal.  Si  elle  n'avait  pas 
osé  supprimer  l'hymnaire,  c'est  que  personne  n'y  eut 
pensé  alors,  et  n'y  a  même  pensé  depuis. 

La  catholicité  rendit  justice  à  l'œuvre  sage  et  sin- 
cère de  Pie  V^.  L'Italie  entière,  toutes  les  Espa- 
gnes  y  compris  le  Portugal,  la  France  plus  lente- 
ment,  à  partir  de  1580^,  et  grâce  aux  instances  des 


1.  Voyez  le  reproche  de  Sigonio,  lettre  du  3  janvier  1575  à 
Paleotli,  contre  le  récit  de  la  fausse  donation  de  Constantin, 
Baeumer,  t.  II,  p.  211. 

2.  RosKOVANY,  t.  V,  p.  237,  et  Baeumer,  1.  II,  p.  211,  repro- 
duisent une  critique  de  Lindanus,  évêque  de  Ruremonde,  qui 
est  plus  vive  que  fondée. 

3.  Voyez  pourtant  la  belle  édition  parisienne  du  Bréviaiiv 
de  Pie  V  publiée  à  Paris  chez  Kerver,  1574,  «  cum  privileu 
Caroli  IX  Francorum  régis  christianissimi  ».  Voyez  aussi  le 
Breviarium  Romanum  ex  decreto  sacrosancti  concilii  Triden- 
tiiii  restitutum...  Avec  les  Rubriques  traduites  en  Français 
par  le  commandement  eœpres  du  Roy.. .  Paris,  Jamet  Mettayer, 


LE    BIIÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  313 

Jésuites,  reçurent  avec  estime  le  nouveau  Bréviaire 
romaine  Si,  écrit  le  sorbonniste  Grancolas,  «  si,  au 
IX®  siècle,  le  Bréviaire  romain  mérita  tant  d'applau- 
dissements et  d'être  préféré  à  tous  ceux  des  autres 
Eglises,  il  parut  avec  plus  de  lustre  après  que  le 
pape  Pie  V  l'eut  fait  revoir;  aussi  peut-on  dire  que, 
depuis  ce  temps-là,  toutes  les  Églises  particulières 
l'ont  tellement  adopté  que  celles  qui  ne  l'ont  pas 
pris  sous  le  nom  du  Bréviaire  romain  l'ont  presque 
tout  inséré  dans  le  leur,  en  l'accommodant  à  leur 
rite'^  ». 

Il  est  même  permis  de  dire,  avec  Dom  Guéran- 
ger,  que  le  succès  du  Bréviaire  de  Pie  V  fut  exces- 
sif. Le  Saint-Siège  entendait  voir  se  perpétuer  les 
liturgies  remontant  au  moins  à  deux  siècles  ^.  C'est 
ainsi  que  le  Saint-Siège,  par  un  rescrit  du  10  sep- 
tembre 1587,  accorda  à  l'Église  d'Aquilée  de  conti- 
nuer à  célébrer  l'office  divin  selon  son  vieux  rite  pa- 
triarchin^*.  Il  eût  été  bon  que  les  Églises,  rentrant 
dans  l'exception  prévue  par  la  bulle  Quod  a  nobis^ 


1588  [B.  N.  In  fol.  B  543].  C'est  le  Bréviaire  dit  de  Henri  III. 

1.  RosKOVANY,  t.  V,  p.  236-275,  fait  le  relevé  des  réceptions 
successives  par  les  conciles  particuliers,  par  les  grandes  fa- 
milles religieuses.  Résumé  et  faits  nouveaux  dans  Baeumek, 
1.  II,  p.  221-233. 

2.  Grancolas,  p.  14-15. 

3.  Bulle  Quod  a  nobis  :  «  Abolemus  quaecumque  alla  Bre- 
viaria...,  illis  tamen  exceplis,  quae  ab  ipsa  institutione  a  Sede 
Apostolica  approbata,  vel  consiietudine  quae,  vel  ipsa  insti- 
lulio,  ducentos  annos  antecedat...  » 

4.  GuÉiiANGER,  t.  I,  p.  430.  Baeumer,  t.  II,  p.  227.  Cf.  Dom 
MoiiiN,  «  L'année  liturgique  à  Aquiléc  antérieurement  à  l'é- 
poque carolingienne  »,  Revue  bénédictine,  1902,  p.  1-12. 


314  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

gardassent  leur  ordo  propre  traditionnel  ^  Lorsque 
le  chapitre  de  la  cathédrale  de  Paris,  en  1583,  refusa 
à  son  évêque,  Pierre  de  Gondy,  de  recevoir  le  Bré- 
viaire de  Pie  V,  —  «  ...Maxime  quod  recepta  diidum 
tam  illustris  Ecclesiae  coiisuetudo,  non  facile  suum 
immutari  officium  pateretu?-'^  »,  —  le  chapitre  de 
Paris  entrait  dans  les  vues  conservatrices  du  Saint- 
Siège.  «  Nous  sommes  loin  de  le  blâmer,  écrit  Doin 
Guéranger.  Il  était  trop  juste  que  cette  liturgie 
romaine-française...  que  plusieurs  ordres  religieux 
avaient  adoptée,  qui  avait  pénétré  jusque  dans  les 
églises  de  Jérusalem,  de  Rhodes,  de  Sicile,  demeu- 
rât debout  comme  une  de  nos  gloires  nationales.  Abo- 
lie déjà  dans  la  plupart  des  cathédrales  françaises 
par  l'introduction  des  livres  romains,  Paris,  du  moins, 
ne  devait  pas  la  laisser  périr.  Rome  elle-même  avait 
préparé  les  voies  à  cette  conservation  par  les  clauses 
de  sa  bulle;  si  donc,  aujourd'hui,  cette  belle  et  poéti- 
que forme  du  culte  catholique  n'est  plus,  demandons- 
en  compte,  non  au  Saint-Siège,  mais  aux  Parisiens 
qui,  cent  ans  plus  lard,  se  plurent  à  renverser  l'anti- 
que et  noble  édifice  que  leurs  pères  avaient  défendu 
avec  tant  d'amour  3.  » 


1.  Tel  fut  le  cas  de  Milan,  qui  gaixla  son  oflîcc  ainbrosien. 
et  (le  Tolède  qui  garda  sou  ofïice  dit  mozarabe. 

2-  Breviariam  insignis  Ecclesiae  Parisiensis  restitutiim  ar 
emendatum  R.  in  Christo  Patris  I).  Pétri  de  Gondy  Parisien- 
sis  Episcopi  authoritate,  ae  eiusdem  Ecclesiae  Capituli  con- 
sensu  editum,  Paris  1584.  Préface  de  Gondy. 

3.  Guéranger,  p.  452.  Guéranger  a  tort  de  s'en  prendre  aux 
Parisiens  du  xvir  siècle.  C'est  Pierre  de  Gondy,  en  1584,  qui 
fit  corriger  les  livres  parisiens  et  y  «  fit  entrer  la  presque  lo- 


LE    IJHÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    THEME.  315 


III 


En  promettant,  dans  la  bulle  Quod  a  nohis^  que 
le  Bréviaire,  «  dans  aucun  temps,  ne  pourrait  être 
changé,  en  tout  ou  en  partie,  et  qu'on  n'y  pourrait 
ajouter  ou  enlever  quoi  que  ce  fût  »,  le  pape  Pie  V 
avait  pris  un  engagement  que  ses  successeurs  ne  de- 
vaient pas  observer. 

Son  successeur  immédiat,  le  pape  Grégoire  XIII 
(1572-1585),  ne  se  crut  pas  lié  par  les  termes  de  la 
bulle  Quod  a  iiobis.  Pie  V  n'ayant  point  institué  d'of- 
fice commémoratif  de  la  victoire  de  Lépante  (1571), 
et  s'étant  contenté  d'insérer  au  7  octobre  la  mention  de 
sainte  Marie-de-la-Victoire  dans  le  Martyrologe  ro- 
main, Grégoire  XIII  voulut  davantage  :  par  un  décret 
en  date  du  l*'''  avril  1573,  il  institua  la  fête  du  Rosaire, 
la  fixa  au  premier  dimanche  d'octobre,  et  lui  donna 
le  rite  double  majeur.  II  est  vrai  que  cette  fête  n'était 
que  pour  les  églises  qui  avaient  un  autel  du  Rosaire. 
Elle  n'était  donc  pas  étendue  à  TÉglise  universelle, 
elle  ne  devait  l'être  que  sous  Clément  XI  (3  octobre 
1716).  Mais  Grégoire  XIII  n'entendait  pas  moins  tou- 

lalilé  du  Bréviaire  de  saint  Pie  V  »  (Guéranger,  loc.  cit.). 
Noloiis  celte  autre  conséquence  de  la  bulle  Quod  a  nobis,  ({ui 
est  d'avoir  remis  au  Saint-Siège  le  monopole  de  régler  toute 
liturgie,  et  d'avoir  supprimé  aux  Évéques  tout  pouvoir  sur  la 
matière.  Los  évêques,  au  xvip  et  au  xviir  siècles,  firent  échec 
à  ce  monopole  romain,  Mais  le  principe  n'en  était  pas  moins 
entré  dans  l'enseignement  théologique.  Voyez  les  textes  (Sua- 
rez,  Salmanticenses,  Lessius,  Bonacina,  Vasquez,  Billuart, 
Gavanli,  Benoît  XIV,  etc.)  dans  D.  Bouix,  De  jure  liturglco 
(4''  édit.  Paris  1886),  [».  233-264. 


316  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

cher  au  Bréviaire  de  1568.  On  le  vit  mieux,  en  1584, 
lorsqu'il  rétablit,  en  lui  donnant  le  rite  double,  la  fête 
de  sainte  Anne,  que  Pie  V  avait  éliminée  de  son  Bré- 
viaire, et  la  mémoire  de  saint  Joachim,  dont  Pie  V 
avait  supprimé  toute  mention  ^ 

Sixte-Quint,  après  lui  (1585-1590),  porta  de  nouveau 
la  main  sur  l'œuvre  de  Pie  V.  Il  rétablit,  en  1585, 
en  lui  donnant  le  rite  double,  la  fête  de  la  Présenta- 
tion delà  Vierge,  fête  abolie  par  Pie  V  ^.  11  rétablit  de 
même  la  fête  de  saint  François  de  Paule  et  celle  de 
saint  Nicolas  de  Tolentino.  L'année  suivante  (1586),  il 
rétablit  la  fête  de  saint  Janvier  et  de  ses  compagnons, 
celle  de  saint  Pierre  martyr,  et  celle  de  saint  Antoine 
de  Padoue,  supprimées  par  Pie  V.  En  1588,  il  donna 
à  saint  Bonaventure  le  titre  de  docteur,  et  il  éleva  sa 
fête  au  rite  double  ^. 

Le  pontificat  de  Clément  VllI  va  sanctionner  les 
mesures  de  Grégoire  XIII  et  de  Sixte-Quint,  en  les 


1.  Dans  le  Vatican.  Ottohoni.  2366,  fol.  73-75,  une  lettre  dn 
card.  Sirlelo,  13  mars  1579,  sur  la  correction  du  Bréviaire  el 
du  missel,  a  trait  seulement  à  l'indication  des  accents  toni- 
ques. Baeumer,  t.  II,  p.  23'i,  renvoie  au  Vatican,  lat.  6171, 
fol.  158,  pour  une  intervention  du  card.  Sirleto  en  faveur  de 
la  fête  de  sainte  Anne.  —  Mentionnons  pour  mémoire  l'édition 
officielle  du  Martyrologe  romain  de  158^i.  A  ce  moment  Bel- 
larmin  aurait  voulu  que  des  corrections  fussent  introduites 
dans  le  Bréviaire  :  lettre  à  Salmeron,  19  juillet  1584.11  semble 
que  le  vieux  cardinal  Sirleto  (il  mourut  le  7  octobre  1585)  n'ait 
pas  été  gagné  à  cette  retouche.  La  lettre  de  Bellarrainest  citée 
par  Baeumer,  t.  II,  p.  212, 

2.  Baeumer,  t.  II,  p.  252,  cite  le  Vatican,  lat.  6171,  fol.  100, 
une  note  qu'il  attribue  au  card.  Sirleto  concluant  à  là  restau- 
ration de  la  fête  de  la  Présentation. 

3.  SCHOBER,  p.  50. 


TE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      317 

dépassant.  Dans  la  bulle  Aeternus  ille,  qui  sert  de 
préface  à  Fédition  sixtine  de  la  Vulgate  (1589),  Sixte- 
Quint  avait  donné  aux  imprimeurs  une  faculté,  ou 
plutôt  un  ordre,  qui  n'allait  pas  sans  produire  de  gra- 
ves effets  :  l'ordre  de  corriger,  selon  la  lettre  de  l'édi- 
tion sixtine,  dans  les  missels,  bréviaires,  psautiers, 
rituels,  pontificaux,  cérémoniaux  et  autres  livres  ecclé- 
siastiques, les  textes  qu'ils  renfermaient  de  l'Écriture 
sainte  [iuxta  hune  nostrum  textum  ad  verham  et  ad 
literam  corrigantur).  On  sait  quelle  critique  souleva 
l'édition  sixtine  de  1589,  et  comment  on  dut  en  entre- 
prendre immédiatement  la  revision.  De  là,  nouvelle 
édition  de  la  Vulgate  (1592).  Que  de  perturbations 
apportées  dans  la  lettre  de  l'office  romain  !  On  était 
maintenant  en  1600  environ  :  le  Bréviaire  de  1568 
avait  donc  plus  de  trente  ans  d'usage.  Quel  livre  ne 
trahirait  pas  de  déchets  à  une  pareille  épreuve!  La 
critique  des  textes,  la  science  historique,  le  goût  lui- 
même  étaient  plus  développés,  plus  exigeants  à 
l'heure  actuelle.  La  congrégation  de  1568  avait  tra- 
vaillé à  une  heure  de  circonspection  nécessaire,  et 
fait  œuvre  de  conservation  immédiate  :  une  congré- 
gation nouvelle  pourrait  être  plus  osée.  La  création 
en  1588  par  Sixte-Quint  de  la  Congrégation  perma- 
nente des  Rites,  investie  de  la  mission  de  réformer 
au  besoin  et  d'amender  les  livres  liturgiques  ^  était 
déjà  une  démarche  dans  ce  sens. 

L'initiative  de   la  revision  du    Bréviaire   vint   du 
Saint-Siège  :  elle  fut  le  fait,  non  de  Clément  VIII, 


1.  Bulle  Immensa  aeterni  Dei,  22  janvier  1588. 


I 


318  HISTOllU:    DU    RRÉVIAIRE    IlOiMAlN. 

comme  nous  l'avions  tous  cru  jusqu'ici,  mais  de  Sixte- 
Quint,  et  elle  est  contemporaine  de  la  création  de  la 
Congrégation  des  Rites.  Sixte-Quint  chargea,  en 
effet,  le  cardinal  Gesualdo,  premier  préfet  de  la  Con- 
grégation des  Rites,  de  solliciter,  par  l'intermédiaire 
des  nonces,  l'avis,  non  seulement  des  ordinaires, 
mais  des  principaux  savants  ou  corps  savants  d'Eu- 
rope. Le  dessein  arrêté  du  pape  était  de  «  faire  res- 
taurer le  plus  tôt  possible  dans  leur  pureté  le  Bré- 
viaire et  le  MisseP  ».  Les  Adnotationes  criticae 
adressées  ainsi  par  les  théologiens  de  Pologne,  de 
Savoie,  de  Portugal,  d'Espagne,  d'Allemagne,  de 
Naples,  de  Venise,  par  la  Sorbonne,  par  le  doyen  de 
la  faculté  de  théologie  de  Salamanque,  par  d'autres 
encore,  sans  omettre  Ciacconio  et  Bellarmin,  —  ces 
Adnotationes  sont  conservées  à  la  bibliothèque  Val- 
licellane,  à  Rome,  parmi  les  papiers  de  Baronius  -. 
La  consultation  ouverte  par  Sixte-Quint  n'eut  pas 
de  suite  immédiate,  le  pape  étant  mort  peu  après 
(27  août  1590)  et  ses  trois  successeurs,  Urbain  VII, 
Grégoire  XIV,  Innocent  IX,  n'ayant  fait  que  passer 
sur  le  Siège  apostolique  (1590-1591).  Néanmoins  au 

1.  Gepoint  a  été  mis  en  lumière  par  Baeumer,  t.  II,  p.  253-256. 
Voyez  les  citations  qu'il  fait  des  réponses  de  quelques  nonces, 
juillet,  août,  octobre  1588.  La  circulaire  du  cardinal  Gesualdo 
est  du  13  mai  1588.  Baeumer  (p.  255)  n'en  a  pas  pu  retrouver 
le  texte.  Dans  une  lettre  du  9  avril  1588,  Baronius  écrit  pour 
son  propre  compte  :  «  Il  Breviario  romano  per  disgralia  nostra 
e  cosi  cattivo  che  cento  e  quaranta  errori  ho  notato  nelle 
historié  che  ivi  si  trattano  ».  Baeumer,  p.  212. 

2.  A.  Bergel,  «  Die  Emendation  des  nimischen  Breviers  uii- 
tor  Papsl  Glemens  VIII  »,  dans  la  Zeitschrift  fur  katholische 
Théologie  d'Innsbruck,  1884,  pp.  293-294,  en  donne  l'inventaire. 


LE  BHÉVIAIUE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      319 

cours  de  ses  dix  mois  de  pontificat,  Grégoire  XIV 
trouva  le  temps  de  reprendre  le  projet  de  revision  du 
Bréviaire  :  il  renouvela  au  cardinal  Gesualdo  la  mis- 
sion dont  l'avait  investi  Sixte-Quint,  une  commission 
de  consulteurs  fut  nommée  qui  se  réunit  le  25  avril 
1591  sous  la  présidence  de  Gesualdo.  Les  actes,  d'ail- 
leurs incomplets,  de  cette  commission  ont  été  re- 
trouvés récemment  et  publiés  ^ 

1.  Baeumer,  1.  II,  263-269,  d'après  le  Vatican,  lat.  6097.  —J'ai 
consulté  ce  ms.  à  mon  tour  en  1904.  C'est  un  dossier  qui  porto 
en  titre  (fol.  E)  :  Super  reformatione  Brevl4RIi  varia.  Et 
au  verso  :  «  Hune  libellum  ex  foliis  volantibus  habitis  ex  hac^ 
redilate  loannis  Baptistae  Bandini  canonici  S.  Pétri,  et  olim 
correctoris  Bibliothecae  Vaticanae,  et  sccretarii  Gongregationis 
super  Reformatione  Breviarii  sub  Clémente  VIII.  Collegi  ego 
Félix  Contelorius  eiusdem  Bibliothecae  custos   anno  1628.  » 

Les  actes  de  la  commission  de  Grégoire  XIV  commencent  au 
fol.  127,  mais  ce  n'en  est  qu'une  copie,  et  cette  copie  est  très 
lacuneuse.  On  lit  en  lête  (fol.  127)  :  «  Sanctissimus  I).  N.  Gro- 
gorius  XIV  emendationem  Breviarii  rom.  quam  Xystus  V  eius 
praedecessor  aggressus  fuerat,  et  morte  praeventus  absolvere 
nequiverat,  continuandam  esse  decrevit,  Cumque  sciret  huic 
lune  negotio  praefectum  fuisse  111™  et  R"'  Cardinalem  Gesual- 
dum,  iterum  eius  rei  curam  omnem  eidem  demandavit,  suac- 
que  intentionis  et  voluntatis  esse  declaravit  ut  in  lectionibus 
sanctorum  et  aliis  quibusque  rébus  ea  solum  mutentur  quae 
nullo  pacto  sustineri  possunt,  et  quae  satis  bene  digesta  no- 
scuntur  non  ulterius  laborandum  ut  ampliora  et  perfectiora 
l'cddantur,  cum  importunae  novitates  hoc  praesertim  tempore 
nihil  expedire  nullamque  prorsus  utilitatem  vel  commodum  Ec- 
clesiae  Dei  afferre  posse  videantur.  Ad  eam  rem  cum  primum 
delecti  fuerant  eruditi  aliquot  viri  sacrarum  rerum  periti  et 
ecclesiasticis  ritibus  instructi,  ut  lotum  Breviarium  diligenter 
examinarent,  et  quid  in  singulis  rébus  statuendum  videretur 
maturo  iudicio  consulerent,  quorum  haec  sunt  nomina  [les 
noms  manquent,  et  ils  nous  sont  inconnus  d'ailleurs].  Eos  igi- 
tur  D.  Cardinalis  ad  se  convocavit  die  XXV  aprilis  MDXGI 
ac    mandatum    et   voluntatem   Sanctissimi    illis  exposuit...    » 


320  HISTOIRE    DU    BHÉVIAIRE    ROMAIN. 

La  volonté  de  Grégoire  XIV  était  que  Ton  sup- 
primât dans  les  légendes  des  saints  ce  qui  ne  pouvait 
en  aucune  façon  être  maintenu,  mais  que  Ton  ne 
cédât  pas  à  la  tentation  de  rendre  parfait  ce  qui 
était  bien.  Il  ne  paraît  pas  que  les  consulteurs  aient 
été  très  sévères  aux  légendes.  Pourtant,  ils  proposè- 
rent d'effacer  dans  celle  du  pape  Damase  quelques 
lignes  que  nous  y  lisons  encore,  sur  la  psalmodie  et 
la  peine  du  talion,  et  qui  sont  prises  aux  fausses  dé- 
crétâtes. C'est  la  seule  correction  de  valeur  que  nous 
relevions,  correction  qui  ne  sera  reprise  ni  sous  Clé- 
ment VIII,  ni  sous  Urbain  VIII. 

Grégoire  XIV  mourut  trop  tôt  pour  voir  aboutir 
son  dessein,  qu'il  était  réservé  à  Clément  VIII  de  re- 
prendre en  main.  On  a  noté  avec  raison  que  ce 
pontificat  (1592-1605)  fut  un  moment  de  rare  acti- 
vité :  sans  parler  de  l'édition  définitive  de  la  Vulgate 
(1598),  à  ce  pontificat  appartient  l'édition  du  Marty- 
rologe (1598),  du  Pontifical  romain  (1596),  du  Céré- 
monial des  Évêques  (1600),  du  Missel  romain  (1604). 
Rome  était  à  ce  moment  un  brillant  foyer  d'études 
ecclésiastiques  :  le  cardinal  Bellarmin,  le  cardinal 
Baronius  étaient  l'honneur  du  Sacré  Collège,  et,  au- 
tour d'eux,  nombreux  étaient  les  hommes  de  valeur. 
Clément  VIII  choisit  Baronius  pour  organiser  la 
nouvelle  revision  du  Bréviaire  :  les  Adnotationes  cri- 
ticae  adressées  à  Rome  en  1588  furent  remises  à  .Ba- 


Voyez  la  pièce  intégralement  reproduite  par  Baeumer,  t.  II. 
p,  263-269,  sous  le  litre  de  «  Actes  de  la  commission  d( 
Grégoire  XIV  ». 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     321 

ronius,  pour  qu'il  en  exprimât  au  pape  son  sentiment. 
Et  nous  possédons  le  texte  du  rapport  de  Baronius. 
J'ai  examiné,  dit-il,  toutes  les  critiques  qui,  de 
diverses  provinces,  ont  été  adressées,  ou  que  de  doc- 
tes personnes  de  Rome  nous  ont  communiquées.  Con- 
formément à  ces  critiques,  j'ai  mis  à  part,  dans  tout 
le  Bréviaire,  ce  qui  ne  paraissait  pas  pouvoir  être  dé- 
fendu, en  quoi  je  me  suis  appliqué,  pour  la  plus 
grande  rapidité  de  la  correction,  à  supprimer  plutôt 
qu'à  ajouter.  Comme  il  est  juste  que  mon  travail  soit 
soumis  à  la  censure  d'autrui,  il  serait  excellent  que 
Sa  Sainteté  nommât  un  des  cardinaux  de  la  Congré- 
gation des  Rites,  auquel  elle  adjoindrait  deux  ou  trois 
consulteurs  doctes  et  érudits,  qui  prendraient  la  peine 
de  revoir  sérieusement  mon  travail.  Ainsi,  en  quel- 
ques jours,  une  décision  pourrait  être  prise  sur  toute 
cette  affaire.  J'ai,  en  effet,  partout  indiqué  les  raisons 
qui  me  faisaient  corriger  ou  ne  pas  corriger  le  texte 
du  Bréviaire  ;  je  serais  d'ailleurs  présent  pour  fournir 
les  explications  nécessaires,  si  quelque  point  parais- 
sait obscur  ou  ambigu.  Une  fois  la  correction  approu- 
vée par  ces  trois  censeurs,  on  la  soumettrait,  au  moins 
quant  aux  modifications  les  plus  importantes,  à  la 
Congrégation  des  Rites,  et  ensuite  Sa  Sainteté  pour- 
rait en  prendre  connaissance  et  décider,  en  dernier, 
de  tout  le  travail,  selon  qu'il  lui  semblerait  juste.  — 
Pour  ce  qui  est  de  l'exécution,  on  avait  pensé  à  pu- 
blier un  petit  livre  qui  contiendrait  les  offices  nou- 
veaux approuvés  par  Sixte- Quint...,  et  le  correclo- 
rium  de  tout  le  Bréviaire.  Pour  les  offices  nouveaux, 
dont  quelques-uns  n'ont  pas  encore  été  imprimés  (la 

inSTOiRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  21 


322  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    IlOMAi.X. 

Conception,  la  Visitation,  la  Présentation...),  ce  pro- 
jet aurait  du  bon  :  pour  le  correctorium,  il  ne  me 
plaît  pas  du  tout.  En  effet,  à  publier  un  correctorium, 
on  découvre  à  toute  la  terre  et  aux  ennemis  de  l'E- 
glise les  nombreuses  et  graves  erreurs  que  nous  avons 
tolérées  jusqu'ici  dans  le  Bréviaire  :  ce  serait  un 
scandale,  et  de  plus  le  désaveu  des  auteurs  du  Bré- 
viaire, sans  compter  qu'il  serait  désagréable  à  beau- 
coup de  faire  tant  de  corrections  à  leurs  Bréviaires.  11 
paraît  plus  sûr  d'imprimer  un  Bréviaire  corrigé  et 
expurgé,  qu'on  n'obligerait  personne  à  acheter  incon- 
tinent, mais  seulement  quand  besoin  serait.  Ainsi  les 
religieux  et  les  prêtres  pauvres  ne  seraient  point  gê- 
nés ;  ainsi  peu  de  gens  remarqueraient  les  corrections 
nouvelles  de  tant  d'erreurs  qui,  en  réalité,  se  sont  in- 
troduites dans  le  Bréviaire  ;  et  cependant,  en  quelques 
années,  on  finirait  par  n'avoir  plus  en  circulation  que 
des  Bréviaires  corrigés.  Si  l'on  se  décide  à  imprimer 
un  Bréviaire  corrigé,  ce  que  tous  les  hommes  ins- 
truits désirent  vivement  et  attendent  impatiemment. 
Sa  Sainteté  pourrait  expliquer  dans  une  bulle  préface 
les  raisons  de  cette  nouvelle  édition...,  notamment 
qu'elle  a  pour  but  de  couper  court  à  la  témérité  de 
quelques-uns  qui,  de  leur  autorité  privée,  ont  inséré 
dans  les  Bréviaires  des  choses  fausses  ou  incertaines, 
ainsi  que  cela  est  évident  en  ce  qui  concerne  les  le- 
çons de  saint  Alexis  et  autres,  et  qu'à  cette  occasion 
on  a  corrigé  quelques  autres  fautes  dues  à  la  négli- 
gence des  typographes  ou  autres  ^. 

1.  Bergel,  pp.  295-297.  La  séance  où  fut  lu  ce  rapport  est 
du  10  sept.  1592. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  323 

Les  jugements  exprimés  là  par  le  cardinal  Baro- 
nius  s'inspiraient  d'un  grand  sens  pratique  :  puisque 
l'on  corrigeait  des  erreurs,  mieux  valait  les  corriger 
modestement  et  sans  éclat  :  puisque  l'on  publiait 
une  édition  nouvelle,  mieux  valait  ne  pas  en  imposer 
immédiatement  le  cours.  Mais  la  revision  devait  sup- 
primer du  Bréviaire  tout  ce  qui  no  pouvait  pas  être 
défendu  :  autant  dire  qu'une  revision  s'imposait  '. 

La  congrégation  particulière,  dont  Baronius  de- 
mandait l'avis,  fut  nommée  aussitôt  par  Clément  Vlll. 
Nous  avons  les  noms  de  ses  membres  :  J.-B.  Bandini, 
chanoine  de  Saint-Pierre;  Michel  Ghisleri,  théatin; 
Barth.  Gavanti,  barnabite;  Ludovic  de  Torres,  arche- 
vêque de  Montreale  ;  le  cardinal  Antoniano,  le  cardi- 
nal Bellarmin,  enfin  le  cardinal  Baronius,  président^. 


1.  Dans  le  Vatican,  lat.  6097,  fol.  114  et  suiv.,  voyez  la  let- 
tre au  card.  Baronius  écrite,  de  Naples,  par  «  Marianus  Lihe- 
rius  Pelignus  »  en  1601,  Elle  commence  ainsi  :  «  Gum  brevia- 
rinm  sacrarum  precum  serio  tandem  emendari  et  ad  veterem 
primaevae  Ecclesiae  forraam  revocari  persentiscerem,  statui, 
antequam  istic  editio  rtiaturescat,  nec  accersitus  quidem,  sym- 
bolam  conferre  meam...  »  On  peut  conclure  que  la  correction 
du  Bréviaire  décidée  par  Clément  VIII  dès  le  début  de  son 
pontificat,  sommeilla  jusqu'en  1601.  —  L'état  d'âme  de  ce 
napolitain  est  curieux  à  signaler.  Il  écrit  :  «  Habemus  sacra- 
rum precum  Breviarium,  non  quale  Damasus,  aut  Léo,  aut 
certe  Gelasius  ediderunt,  sed  quale  sanctissimi  Gregorius  sep- 
timus,  Innocentius  lerlius,  el  insequentes  pontiflces  rudi  illa 
nostrorum  patrum  aetalc,  et  lutulenlo  ac  turbulento  tempore 
utcumque  habere  poluerunt.  lam  hoc  florenli  saeculo  Cle- 
mens  VIII  opt.  max.  quo  virtutem  et  litterarum  studia  caput 
diu  pressum  lollere  incipiunt,  quidni  priscum  illum  psallendi 
ritum,  abiecto  hoc  semibarbaro,  restituât?  » 

2.  Gavanti,  préface  à  son  Thésaurus  sacrorum  rituum 
(Rome  1628). 


324  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROiMAlN. 

La  première  réunion  eut  lieu  le  10  septembre  1592. 

Nous  n'avons  pas  les  procès-verbaux  de  la  commis- 
sion, et  nous  ignorons  quel  temps  exactement  durè- 
rent ses  travaux.  On  trouve  trace  *  de  séances  tenues 
du  21  mars  1601  au  12  juin  1602.  La  bulle  Cum  in 
ecclesia,  par  laquelle  Clément  YIII  promulgue  la 
nouvelle  édition  du  Bréviaire,  porte  la  date  du  10  mai 
1602.  Comme  les  premières  séances  de  la  commis- 
sion remontent  au  25  avril  1591,  ou  au  moins  au 
10  sept.  1592,  on  calcule  que  les  travaux  de  la  com- 
mission ont  duré  dix  ans. 

Du  moins  connaît-on  mieux  la  nature  de  ces  tra- 
vaux. 

La  congrégation  fut  d'accord,  avant  tout,  de  faire 
au  texte  du  Bréviaire  le  moins  de  changements  qu'il 
se  pourrait  [data  est  opéra  ut  quant  miniina  muta- 
tio  fieret).  Le  cardinal  Antoniano  avait  proposé  de 
corriger  les  hymnes  des  fautes  de  quantité  qui  les 
tachent  :  plus  sage,  la  congrégation,  en  reconnais- 
sant que  les  hymnes  sont  pleins  d'erreurs  prosodi- 
ques, ne  consentit  à  changer  que  ce  qui  paraissait 
être  la  faute  des  copistes,  ou  ce  qui  pouvait  être  cor- 
rigé par  le  cliangement  d'une  seule  lettre  ou  d'une 


1.  Dans  le  Vatican,  lat.  6957,  fol.  22-^18  :  «  Lecliones  recep- 
lae  ac  restituiae  »,  sommaire  des  travaux  des  séances  tenues 
du  21  mars  1601  au  12  juin  1602.  Les  commissaires  sont  Baro- 
nius,  Antoniano,  Bellarmin,  Torres,  Bandini.  —  J'ai  consulté 
les  mss.  Vatican,  lat.  6096-6100  «  Super  reformalione  Brevia- 
rii  ».  Dans  le  Vatican  tat.  6096,  fol.  88-89,  j'ai  trouvé  un  bon 
résumé  général  des  émendations  proposées  en  dernier  ressort 
à  Clément  VIII  :  «  Gapita  precipua  in  repurgatione  Breviarii 
Romani  cxaminata.  »  On  le  trouvera  imprimé  plus  loin. 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      325 

seule  syllabe,  «  particulièrement  dans  les  hymnes  de 
Prudence  et  d'Ambroise  qu'il  n'est  pas  permis  de  sup- 
poser avoir  été  composées  incorrectement^  ».  On  se 
demande  s'il  ne  conviendrait  pas  d'abréger  l'office 
dominical,  et  pareillement  les  nouveaux  offices  dou- 
bles :  mais  on  se  rangea  à  l'avis  qu'il  ne  fallait  rien 
abréger  [nihil  breviandum).  Quant  au  lectionnaire, 
à  l'antiphonaire  et  au  responsoral,  on  entendait  «  ne 
changer  que  ce  qui  ne  pouvait  être  maintenu  sans 
scandale  »  [ea  sola  mutaremus  quae  sine  offensions 
tolerari  non poterant  ^).  On  supprima  quelques  homé- 
lies ou  sermons  du  lectionnaire  pour  les  remplacer 
par  d'autres  :  ainsi,  au  15  août,  on  fit  disparaître  un 
sermon  apocryphe  de  saint  Athanase,  pour  le  rem- 
placer par  un  sermon  de  saint  Jean  Damascène  ;  ainsi, 
au  l^*"  novembre,  on  restitua  à  Bède  le  sermon  du 
second  nocturne  que  le  Bréviaire  de  Pie  V  attribuait 
à  saint  Augustin...  On  supprima  des  légendes  sanc- 


1.  BerCiEL,  p.  297.  On  ajouta  deux  hymnes  :  le  Fortem  vi- 
l'ili  pectore,  œuvre  du  cardinal  Antoniano,  pour  le  commun 
des  non  vierges,  et  le  Pater  superiii  luminis,  œuvre  du 
cardinal  Bellarmin,  pour  la  fêle  de  sainte  Madeleine.  Dans  son 
autobiographie,  Bellarmin  rappelle  qu'il  avait  une  extrême 
facilité  à  versifier  en  latin  dans  tous  les  mètres  :  «  Ex  lanto 
numéro  carminum  nihil  suporat,  nisi  carmen  sapphicum  com- 
positum  Florentiae  de  Spiritu  Sancto  [Spiritiis  celsis  domina- 
tor  astris]...  et  hymnus  do  S.  Maria  Magdalena  qui  posilus 
est  in  I^reviario,  qui  hymnus  composilus  fuit  TuscuU  et  a  Clé- 
ment VIII  antepositus  hymno  quem  de  ea  re  scripsit  Gardina- 
lis  Anlonianus,  et  uterque  nostrum  quasi  ex  tempore  scripsit 
et  joco  magis  quam  ut  in  Breviario  poni  deberet  »,  Die  Selbst- 
biographie  des  Gard.  Bellarmin,  éd.  Doellinger  et  Reusgh, 
Bonn  1887,  p.  26. 

2.  Bergel,  ibid. 


326  HISTOIRE    DU    BRÉVIAlRi:    ROMAIN. 

torales  un  petit  nombre  d'assertions  que  Ton  jugea 
insoutenables,  comme,  dans  la  légende  de  saint  Mar- 
tin, le  récit  de  la  vision  de  saint  Ambroise  assistant 
en  songe  à  la  mort  de  saint  Martin,  récit  emprunté 
à  Grégoire  de  Tours  ^  ou,  ailleurs,  l'assertion  que 
saints  Gordien  et  Épimaque  avaient  été  condam- 
nés à  Rome  par  l'empereur  Julien-,  etc.  Mais,  pour 
la  plupart,  les  erreurs  que  l'on  corrigea  étaient  des 
erreurs  de  simple  chronologie,  comme  la  date  de 
la  mort  de  saint  Ambroise  ou  de  saint  Hilaire,  ou 
du  martyre  des  saints  Gervais  et  Protais,  Faustinus 
et  Jovita,  etc. 

Quelques  corrections  proposées  par  Baronius  ne 
furent  point  adoptées,  quelle  qu'en  fût  l'opportunité. 
Il  trouvait  discutable  le  fait  mentionné  par  la  légende 
de  la  dédicace  de  Saint-Jean-de-Latran  :  «  Et  imago 
Salçatoris  in  pariete  depicta  populo  romano  appa- 
mit.  »  On  n'y  toucha  point.  Il  demandait  que,  dans  la 
légende  de  l'apparition  de  saint  Michel  sur  le  mont 
Gargan,  la  mention  de  la  consécration  à  Rome  d'un 
oratoire  «  in  summo  circo  »  fût  modifiée  de  manière 
à  désigner  l'oratoire  de  saint  Michel  «  in  summo  cir- 
culo  molis  Hadrianae  »,  c'est-à-dire  sur  la  terrasse 
du  château  Saint- Ange  :  la  leçon  ancienne  a  été  main- 
tenue, si  obscure  soit-elle.  Les  erreurs  graves,  que 
Baronius  signalait  dans  certaines  légendes,  nommé- 
ment dans  celle  de  saint  Alexis,  ne  furent  même  pas 
soumises  à  l'examen  de  la  congrégation,  et  la  légende 


1.  Bergel,  p.  340 

2.  Id.  p.  317. 


lE    IJHlîVIAinE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  827 

si  controversée  de  ce  saint  est  demeurée  intacte. 
D'autres  corrections  qui  furent  adoptées  étaient  dis- 
cutables. Exemples  :  Baronius  fit  dire  à  la  légende  de 
saint  André  que  les  ossements  de  l'apôtre  ont  été 
transportés  à  Constantinople  sous  le  règne  de  Cons- 
tance; le  Bréviaire  de  Pie  V  disait  Constantin,  et  Ur- 
bain VIII  a  fait  judicieusement  rétablir  cette  leçon. 
Dans  le  Bréviaire  de  Pie  V,  saint  Hippolyte  était 
donné  comme  prêtre  ;  Baronius  le  fait  qualifier  d'évé- 
que  de  Porto.  La  légende  de  saint  Jacques  le  Majeur, 
dans  le  Bréviaire  de  Pie  V,  disait  sans  insister  que 
l'apôtre  avait  «  parcouru  l'Espagne  et  y  avait  prêché 
l'Évangile,  puis  était  revenu  à  Jérusalem  »  ;  Bellar- 
min  demandait  que  cette  assertion  fût  effacée  du  Bré- 
viaire, comme  ne  reposant  sur  aucun  témoignage 
digne  de  foi.  Baronius  passe  outre  aux  représentations 
de  Bellarmin,  et  fait  insérer  la  phrase  suivante  :  «  Mox 
Hispaniam  adiisse,  et  ihi  aliquos  ad  fidem  conver- 
tisse, Ecclesiarum  illiiis  provinciae  traditio  est;  ex 
quorum  numéro  septem  postea  episcopi  a  beato 
Petro  ordinati  in  Hispaniam  primi  directi  sunt  »  ; 
phrase  dont  Urbain  VIII  devait  supprimer  le  membre 
«  Ecclesiarum  illius  provinciae  traditio  »,  cédant  aux 
instantes  réclamations  du  clergé  espagnol.  Dans  le 
Bréviaire  de  Pie  V  on  admettait  l'identité  du  Denis 
évêque  d'Athènes  et  du  Denis  évêque  de  Paris  ;  Bellar- 
min voulait  que  l'on  distinguât  les  deux  personnages, 
faisant  du  second  un  évêque  du  temps  de  Dèce,  ainsi 
que  l'entendent  Grégoire  de  Tours  et  Sulpice  Sévère  ; 
Baronius  fait  maintenir  les  termes  adoptés  sous  Pie  V. 
Baronius  corrige  les  légendes  des  anciens  papes  ;  mais 


328  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

ce  n'est  que  pour  préciser  la  chronologie  de   leurs 
pontificats,  si  incertaine  cependant  ^ 

Combien  de  détails  qui  .<  ne  pouvaient  être  suppor- 
tés sans  offense  »  sont  maintenus  !  Bellarmin  n'admet- 
tait pas  l'authenticité  des  Fausses  Décrétales,  et  l'on 
sait  que  les  Fausses  Décrétales  sont  entrées  dans  la 
rédaction  des  légendes  des  anciens  papes  au  Bréviaire  : 
Baronius  repousse  toute  correction  sur  ce  chapitre. 
Baronius  lui-même  reconnaissait  le  caractère  apocry- 
phe d'actes  des  apôtres,  tels  que  ceux  de  saint  Thomas; 
il  invoque  cependant  leur  autorité,  «  licet  adnume- 
rsntur  inter  apocrypha  »,  dit-il 2.  Baronius  recon- 
naissait le  caractère  corrompu  de  certains  actes  de 


1.  Dans  le  ras,  Vatican,  lat.  6242,  papiers  ayant  trait  à  la 
réforme  de  Clément  VIII  et  provenant,  au  moins  en  parlie, 
(le  Bandini,  on  trouve  fol.  20-24  des  Duhia  in  lectionibus  Bre- 
viarii,  dont  nous  ne  relèverons  que  les  deux  suivants  :  «  Dio 
9  octobris,  dicitur  Dionysius  Areop.  Parisiorum  episco]»us 
fuisse,  quod  valde  dubium  est,  ut  facile  possera  ostendei-e 
si  opus  esset.  »  —  «  Die  25  julii,  Jacobus  dicitur  in  Hispania 
Evangelium  praedicasse.  At  id  valde  dubium  est.  Nam  nullus 
probatus  autor  eius  rei  testis  foriasse  proferetur.  Narrât  id 
quidem  Isidorus  in  libro  de  sanctis  Patribus  ulriusquo  Tc- 
stamenti  (si  tamen  Isidorus  eius  libri  auctor  est),  vorum  in  e:i 
narratione  multa  absurda  et  falsa  continenlur...  Dcni(|U(' 
Innoc.  [le  pape  Innocent  P',  Jaffé,  311]...  disertis  vorbis  affir- 
mât nullum  apostolorum  in  Hispania  praedicasse.  » 

2.  De  même,  l'autobiographie  de  Bellarmin  nous  apprend 
que  Baronius  tenait  (avec  raison)  pour  apocryphe  l'épîtrc 
encyclique  des  prêtres  d'Achaïe  sur  le  martyre  de  saint  André  : 
Baronius  céda  aux  représentations  de  Bellarmin  qui  la  lenail 
(bien  à  tort)  pour  authentique  :  «  A  card.  Baronio  dissensit  in 
quadam  congregatione  super  reformatione  Breviarii  de  pas- 
sione  sancti  Andreae,  an  esset  vere  scripta  a  presbyferi.s 
Achajae,  negabat  Baronius;  sed  cum  audisset  sententiarn 
N.  [Bellarmini]  et  rationes  eius,  publiée  dixit,  se  amisisse  eau- 


LE  BHÉVIAinE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      329 

martyrs  :  «  Acta  sancti  Donati  depravata  esse  nulla 
dubitatio  est  »  ;  et  ailleurs,  parlant  de  sainte  Cathe- 
rine :  «  Multa  eius  historia  habel  quae  çeritati  répu- 
gnant. »  Il  ne  croit  pourtant  point  qu'il  faille  faire 
autre  chose  que  les  amender. 

Au  total  le  correctoriiun  dressé  par  Baronius  et 
adopté  par  la  congrégation  clémentine  se  réduisait  à 
de  minimes  modifications  ^  et  bien  peu  en  rapport 
même  avec  les  prémisses  énoncées  par  Baronius  dans 
son  projet  de  correction.  Mais  tel  qu'il  était,  il  fixait 
un  point  de  droit  de  grande  importance,  que  Clé- 
ment VIII  a  consacré  implicitement  en  ne  reprodui- 
sant point  dans  sa  bulle  préface  les  termes  si  stricte- 
ment prohibitifs  de  la  bulle  Quod  a  nobis  de  Pie  V  : 
c'est  à  savoir  que  le  texte  du  Bréviaire  romain 
était  un  texte  perfectible.  Et  s'il  était  perfectible, 
c'est  donc  qu'il  renfermait,  dans  son  économie  tradi- 
tionnelle et  définitive,  des  éléments  caducs  et  provi- 
soires, que  le  temps  avait  révélés  ou  aurait  à  révéler. 

Un  autre  amendement  apporté  par  Clément  VIII  à 
l'œuvre  de  Pie  V  consista,  non  seulement  à  introduire 
ou  à  rétablir  des  fêtes  dans  le  Bréviaire  romain  (saint 
Romuald,  7  février;  saint  Stanislas,  7  mai;  saint  Lu- 
cius,  pape,  4  mars  ;  sainte  Catherine  de  Sienne,  30  avril  ; 
saint  Jean  Gualbert,  12  juillet;  saint  Eusèbe,  16  dé- 


sam  ot  placcre  sibi  senleiiiiam  N.  magis  quam  suam.  »  Sclbst- 
hio graphie,  p.  46. 

1.  Les  correclions  proposées  par  Baronius  sont  conservées 
dans  le  ms.  Q  33  et  G  83  de  la  Bibliothèque  Vallicellane.  Los 
corrections  de  Bellarmin,  dans  le  ms.  G.  90  de  la  même  bi- 
bliothèque. Bergel,  p.  362  et  suiv. 


330  HISTOIHE    DU    nnÉVlAIUE    nOMAlN. 

cembre),  mais  à  relever  le  rite  de  fêtes  amoindries  par 
Pie  V  ^  La  fête  de  l'Invention  de  la  Croix  devint  dou- 
ble de  seconde  classe.  Au  rite  double  majeur  furent 
élevées  les  fêtes  de  la  Transfiguration,  de  l'Exal- 
tation de  la  Croix,  de  sainte  Marie-aux-Neiges,  de  la 
Visitation,  de  la  Présentation,  de  la  Conception,  de 
l'apparition  de  saint  Michel,  des  deux  chaires  de 
saint  Pierre,  de  saint  Pierre-aux-Liens,  de  la  conver- 
sion de  saint  Paul,  de  saint  Jean  à  la  porte  latine,  de 
saint  Barnabe.  Au  rite  semi-double,  on  éleva  des  fêtes 
simples:  saint Timothée,  saint Polycarpe, saints Nérée 
et  Achillée,  saint  Grégoire  le  Thaumaturge.  En  1568, 
on  avait  eu  en  vue  de  diminuer  le  sanctoral  pour  re- 
mettre le  temporal  en  usage  et  en  honneur;  en  1602, 
on  allait  à  rendre  au  sanctoral  la  prépondérance  sur 
le  temporal.  Et  l'exemple  donné  par  Clément  VIII, 
dans  ce  sens,  allait  être  suivi  à  l'envi  par  ses  suc- 
cesseurs. 


Léon  X,  Clément  VII,  Paul  IV,  Pie  V,  Clément  VIII  : 
voilà  depuis  le  commencement  du  xvi**  siècle  cinq  ré- 
formes du  vieux  Bréviaire  de  la  cour  romaine.  Ajou- 
tons-en une  sixième,  celle  d'Urbain  VIII  -. 

Celle-ci,  comme  les  autres,  a  été  provoquée  par  les 
doléances  de  plusieurs  hommes  pieux  et  doctes  qui  se 

1.  En  revanche,  on  supprima  la  fête  des  Stigmates  de  saini 
François,  que  Paul  V  s'empressa  de  rétablir. 

2.  ScHOBER,  p.  57.  Breviarium  Romanum  ex  décréta  Sacro- 
sancti  Concilii  Tridentini  reslitutum,  PU  V  Pont.  Max.  iussu 
editum,  et  démentis  VIII  aiictoritate  recognitnm,  Rome  1602. 


LE    nRÉVIAIHE    DU    CONCILE    DE    TIÎENTE.  331 

plaignent  que  le  Bréviaire  romain  renferme  des  élé- 
ments reprochables  :  «  Piorum  doctorumque  virorum 
iudicia  et  vota  conquerentium  in  eo  contineri  non 
paucay  quae  swe  a  nitore  institutionis  excidisseni, 
sive  in  choata  potius  quam  perfecta  forent  ah  aliis, 
certe  a  nobis  supremam  jnaniun  imponi  desidera- 
rent  ^ .  » 

Urbain  VIII  institue  une  congrégation  pour  répon- 
dre à  ces  desiderata^.  Elle  est  présidée  par  le  car- 
dinal Ludovic  Gaëtani,  et  se  compose  de  neuf  con- 
sulteurs,  dont  plusieurs  célèbres  :  Tércnce  Alciati, 
jésuite,  qui  prépare  l'histoire  du  concile  de  Trente 
publiée  après  sa  mort  par  le  cardinal  Pallavicini  ;  le 
cistercien  Hilarion  Rancati,  l'ordonnateur  de  la  bi- 
bliothèque Sessorienne;  Luc  Wadding,  l'historio- 
graphe des  Frères  Mineurs ,  dont  il  était  ;  Barthélémy 
Gavanti,  barnabite,  le  meilleur  liturgiste  du  temps. 


1.  Bulle  Divinam  psalmodiam. 

2.  Vatican.  Barherini  xxii,  2  :  «  Acta  in  congregaiione  super 
emendaiione  Breviarii  de  mandate  S"»*  Dnî  Nrï  Urbani  papae 
VIII  ordinata,  scripta  et  subscripta  per  me  Tegrimum  Tegri- 
mium  Episcopum  Assisicnsem  secretarium  praefatae  Gongre- 
gationis,  ab  eodem  S"'°  specialiter  deputatum,  »  etc.  Nous 
avons  consulté  une  autre  copie  de  ces  mêmes  Acta,  celle  qui 
est  contenue  dans  le  Vatican,  latin.  6098.  Nous  lisons  en  tête 
des  Acta  (fol.  1)  :  «  Die  xii  iulii  1629  habita  fuit  prima  con- 
gregatio  super  emendatione  Breviarii  in  Palatio  III'"'  Gardi- 
nalis  Gaetani,  in  qua  inter  fuerunt  idem  III"""'  Gaetanus; 
R.  P.  D.  Fortunatus  Scacchus  S'"'  D.  N.  sacrista;  Nicolaus 
Ricardus  M.  sacri  palatii;  Lanuccius  sign.  referend.;  Jacobus 
Vulponius,  Gongr.  Oratorii;  Barth.  Gavanlus  Barnabita;  Pe- 
truccius  S.  J.  locoTerentii  Alciati  infirmi  S.  J.;  Hilarion  abbas 
S.  G.  in  Hierusalem;  Lucas  Vuaadingus  O.  M.  »  Alciat  assista 
aux  réunions  suivantes. 


332  HISTOIRE    DU    BIlÉVIAinR    ROMAIN. 

Les  cinq  autres  sont  :  le  secrétaire  de  la  congréga- 
tion des  Rites,  Tegrimi,  évêquc  d'Assise  ;  le  sacristc 
pontifical,  Scacchi  ^  ;  le  maître  du  sacré  palais,  Ri- 
cardi;  un  oratorien,  Vulponi;  un  prélat  de  la  Signa- 
ture, Lanucci. 

Les  consulteurs  tinrent  séance  tous  les  quinze  jours 
fort  régulièrement,  du  12  juillet  1629  au  11  décem- 
bre 1631;  leurs  délibérations  nous  sont  connues  par 
les  Acta  de  la  congrégation,  les  corrections  pro- 
posées sont  consignées  dans  un  exemplaire  du  Bré- 
viaire clémentin  que  nous  avons  eu  sous  les  yeux^. 
l^a  grande  affaire  de  la  congrégation  fut  d'abord  de 
mettre  le  texte  du  Bréviaire  d'accord  avec  celui  de 
la  Vulgate  :  «  UC  sacrae  Vulgatae  editionis  puritas 
inconfusa  et  illibata  ser^atiu'y  etiam  quoad  interpunc- 
tiones  et  distinctiones  in  sacris  Bibliis  appositas  ^.  » 
Puis,  en  vue  du  chant  des  psaumes,  on  se  décida  à 
marquer  la  médiante  des  versets  par  un  astérisque. 
«  Pïacuit  alias  notas  coniniinisci  propter  partitiones 
i^ersuum,    et  mediationes  cantui  accommodatus,  ita 

1.  Signalons  (après  Baeunier)  dans  le  ms.  S.  3.  2  de  la  Bi- 
bliothèque Angélique,  à  Rome,  Acta  in  S.  Congre^.  Rit.  pro 
correctione  Martyrologii  et  Breviarii  romani,  ciim  ndnolatio- 
nihus  M.  Foriiinali  Scacchi  (Scacciii  était  augustin). 

2.  Vatican,  lat.  GOOîMllOO.  —  J'ai  consullé  aussi,  dans  le  Vali- 
can.  lat.  6096,  fol,  88  :  «  (^apila  praecipua  in  repurgaliono 
breviarii  romani  examinalaquac  S.  D.  N.  Clomenli  VIII  propo- 
nuniur,  eius  iudicio  ac  censurae  commissa.  »  Explicil  fol.  89\ 
Suit  le  détail  des  corrections  apportées  :  1"  Ex  Icctionibus 
sanctorum  (fol.  90-98^);  —  2°  Ex  antiphonis  et  responsoriis 
(fol.  99');  —  3°  Ex  sermonibus  et  homiliis  SS.  Patriim 
(fol.  99"')... Ce  dernier  article  s'arrête  ex  abrupto,  la  fin  évi- 
demment manque.  Je  publie  ce  document  plus  loin,  p.  346-3^(9. 

3.  Acta,  séance  du  2  mars  1630. 


LE    BRÉVIAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  333 

Ut  asterisciis  sit  nota  musicae  partitionis  in  medio 
pei'su,  inchoatio  noi>ae  lineae  sectionem  çersus  faciat 
adusum  chori^ ...  »  On  s'appliqua  à  mettre  d'accord  le 
texte  du  Bréviaire  avec  celui  du  Missel  et  avec  celui 
du  Martyrologe.  L'orthographe  fut  rendue  uniforme 
ainsi  :  Bethléem  fut  corrigé  en  Bethlehem,  quidpiani 
en  quippiam,  pedisequas  en  pedissequas,  etc.  On 
donna  des  initiales  majuscules  à  des  substantifs  qui 
n'en  avaient  que  de  minuscules.  Des  puristes  changè- 
rent enim  en  etenim,  ou  écrivirent  sint  siiniles  au 
lieu  de  similes  sint^. 

On  apporta  des  améliorations  verbales  à  quelques 
rares  textes  de  saint  Ambroise,  de  saint  Jérôme,  de 
saint  Augustin,  et  autres  pères,  améliorations  sug- 
gérées par  les  éditions  nouvelles.  On  trouve  trace 
d'une  correction  vraiment  critique,  encore  n'était-elle 
pas  bien  nécessaire  :  on  ne  toléra  pas,  au  second 
nocturne  du  cinquième  dimanche  après  l'Epiphanie, 
trois  malheureuses  leçons  empruntées  à  l'Ambrosias- 
ter,  jusque  là  mises  sous  le  nom  de  saint  Ambroise, 
et  on  leur  substitua  un  morceau  de  saint  Augustin. 
En  cherchant  un  peu,  les  consulteurs  auraient  pu 
trouver  dans  le  Bréviaire  clémentin  des  textes  plus 
reprochables  que  l'Ambrosiaster.  Mais  le  temps  n'é- 
tait guère  à  cette  critique. 

Parlant,  en  effet,  des  légendes  des  saints,  Gavanti 
énonce  que  leur  texte,  arrêté  sous  Clément  VIII  par 
Bellarmin   et  Baronius   avec  une  sévérité    qui  n'a- 


1.  Même  séance  [Valican.  lat.  609*^,  fol.  50). 

2.  Ibid. 


334  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

vait  rien  épargné  de  ce  qui  était  douteux,  leur  texte 
était  difîicile  à  rendre  historiquement  plus  parfait  : 
aussi  se  résolut-on  à  y  faire  le  moins  possible  de 
changements.  On  se  fît  un  principe  de  maintenir 
les  faits  controversés,  pour  peu  qu'appuyés  du  témoi- 
gnage de  quelque  auteur  grave,  ils  eussent  quelque 
probabilité  d'être  vrais  :  «  Quae  controçersa  eranty 
alicuius  tamen  gravis  auctoris  testimonio  suffulta 
aliqiiam  haberent  probabilitatem,  retenta  sunt  eo 
modo  quo  erant,  cum  falsitatis  argui  non  possint, 
quamvis  portasse  altéra  sententia  sit  a  pluribus  re- 
cepta  ^.  »  Le  probabilisme,  qui  n'a  pas  défendu  les  ca- 
suistes  contre  la  morale  relâchée,  induisit  les  con- 
sulteurs  d'Urbain  VIll  en  de  regrettables  décisions. 
Leurs  corrections  aux  leçons  historiques  du  Bréviaire 
furent  rares,  une  douzaine  environ,  et  portèrent  pour 
la  plupart  sur  des  détails  rédactionnels  ^.  Mais  deux 
sont  à  retenir.  Dans  la  leçon  du  pape  Fabien  (20  jan- 
vier), ils  supprimèrent  :  «  Eo  pontiflce  in  Africa  exci- 
tata  est  haeresis  a  Novato  contendente  apostatas 
poenitentes  ah  Ecclesia  recipiendos  non  esse  ».  Ces 
quelques  mots,  inspirés  du  Liber  pontificalisy  pou- 
vaient être  maintenus.  Dans  la  leçon  de  saint  Jacques 
le  Majeur  (25  juillet),  le  Bréviaire  Clémentin  mention- 
nait le  voyage  de  saint  Jacques  en  Espagne  comme 
une  tradition  particulière  aux  églises  espagnoles  : 
«  Hispaniam  adiisse  et  ibi  aliquos  ad  fidem  conçe?'- 
tisse  ecclesiarum  illius  provinciae  traditio  est.  »  Les 

1.  Gavanti,  Thesaur.  sacrorum  rituum,  t.  II,  p.  75. 

2.  Le  relevé  tle  ces  corrections,  dans  Baeumer,  t.  II,  p.  298- 
301. 


LE    liUÉ\  lAlilE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  335 

consulteurs  d'Urbain  VIII,  moins  discrets,  écrivirent: 
«  In  Hispaniani  profecLus  ihi  aliquos  ad  Christum 
convertit  \  » 

Inspiration  moins  heureuse  encore,  saint  Eustache, 
qui  avait  été  réduit  à  une  commémoraison,  passa 
semi-double  et  fut  doté  des  trois  leçons  que  nous 
continuons  à  lire.  Autant  sainte  Bibiane.  Autant  saint 
Alexis.  Le  choix  des  leçons  de  la  fête,  nouvelle,  de 
saint  Joachim  ne  témoigne  pas  d'une  critique  plus 
difficile. 

En  même  temps  des  saints  nouveaux  entraient  au 
Bréviaire,  et  d'abord  une  promotion  de  princes  :  saint 
Henri,  saint  Etienne  de  Hongrie,  saint  Herménégild, 
sainte  Elisabeth  de  Portugal  ^. 

A  ces  innovations  près,  la  revision  d'Urbain  Y III 
n'aurait  guère  laissé  le  souvenir  que  d'une  revision 
surtout  typographique ,  si,  à  côté  des  liturgistes, 
dont  nous  venons  de  voir  l'œuvre,  n'avait  travaillé  une 
autre  commission  à  laquelle  Urbain  VIII  avait  confié 
la  revision  qu'il  avait  peut-être  le  plus  à  cœur.  Cette 
commission  était  composée  de  quatre  jésuites,  les 
Pères  Strada.  Gallucci,  Sarbiewsbi  et  Petrucci,  qui, 
sous  la  direction  personnelle  du  pape  poète,  furent  les 
artisans  responsables  de  la  correction  de  l'hymnaire. 
Urbain  YIII,  comme  tous  les  Barberini  du  xvii'^  siècle, 

1.  Baeumeh,  t.  II,  p.  301,  signale  dans  le  ms.  Vallicellan.  G. 
70,  fol.  141-151,  un  mémoire  envoyé  d'Espagne,  par  lequel  on 
plaidait  pour  la  venue  de  saint  Jacques  en  Espagne.  «  On 
s'appuyait  entre  autres  sur  des  lettres  hébraïques  de  l'année 
35  ou  36,  écrite  par  des  Juifs  d'Espagne  ou  de  Jérusalem,  et 
dont  la  traduction  était  conservée  à  Tolède.  » 

2.  ScHOBER,  p.  63.  Baeumer,  t.  II,  p.  283. 


336  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

est  lui-même  un  lettré,  il  a  signé  un  volume  de 
vers  latins  ^  Le  Bréviaire  insérera  trois  composi- 
tions de  lui,  les  hymnes  à  sainte  Martine,  à  saint 
Herménégild,  à  sainte  Elisabeth  de  Portugal,  com- 
positions un  peu  scolaires. 

Martinae  celehri  plaudUe  nomini, 
cives  Romulei,  plaudite  gloriae, 
insignem  mentis  dicite  virginem, 
Christi  dicite  martyvem. 

Regali  solio  fortis  Iheriae 
Ilermenegilde  iubar,  gloria  martyriim, 

Christi  qiios  amor  almis 

caeli  coetibiis  inscrit. 

On  sait,  grâce  à  un  curieux  corrigé  du  P.  Strada, 
que  le  pape  en  personne  a  travaillé  à  la  réfection  des 
vieux  hymnes  du  Bréviaire  ^. 

Urbain  VIII  pense  répondre  au  désir  de  son  temps 
en  corrigeant  la  prosodie  ou  la  soi-disant  prosodie 
des  hymnes  ecclésiastiques.  C'est  ainsi  que  les  Bar- 
berini  et  tant  d'autres  refaisaient  aux  statues  antiques 
ces  membres  qui  les  défigurent  plus  que  les  mutila- 
tions séculaires  de  leur  marbre!  Qu'on  ait  dépassé 
la  mesure  et  que,  sous  prétexte  de  restaurer  les  liym- 
jies  selon  les  règles  de  la  métrique  et  du  beau  lan- 
gage, on  ait  déformé  l'œuvre  de  l'antiquité  chré- 
tienne, c'est  chose  aujourd'hui  avérée  de  tous.  Voici 

1.  Maf.  Barberini,  Poëmata  (Rome  1631).  Le  P.  Mathiat? 
Sarbiewski  était  lui  aussi  un  poète,  que  ses  contemporains 
comparaient  à  Horace!  G.  Sommervogel,  Bibliothèque  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  t.  VII  (Paris  1896),  p.  629. 

2.  Je  publie  cette  lettre,  p.  350-352. 


LE    BnEVIAIRE    DU    CONCILE    DE    THENTE. 


33' 


un  exemple.  Nous   imprimons   en  italique  les  quel- 
ques mots  conservés  dans  le  texte  revisé  ^  : 


TEXTE    PRIMITIF 

Gondilor  aime  siderum, 
aelerna  lux  crcdenliiini. 
Ghriste,  redemptor  omnium, 
exaudi  preces  supplicum. 

Qui  condolens  interitu 
mortis  perire  saecuhim, 
salvasti  mundum  languidum, 
donans  reis  remedium. 

Vergenle  mundi  vespere, 
uli  sponsus  de  Ihalamo, 
ogressus  honestissima 
virginis  matris  clausula. 

Cuius  forti  potentiae 
genu  curvantur  omnia, 
caelestia,  terreslria 
nutu  fatentur  subdita. 

Te  deprecamur,  hagie, 
venture  iudex  saeculi  : 
conserva  nos  in  tempore, 
lîostis  a  telo  perfidi. 


TEXTE   REFORME 

Creator  aime  siderum. 
aeterna  lux  credentium, 
lesu,  redemptor  omnium, 
intende  votis  supplicum. 

Qui  iiaemonis  ne  fraudibus 
periret  orbis,  impetu 
amoris  actus,  languidi 
mundi  medela  factus  es. 

Commune  qui  mundi  nefas 
ut  expiares  ad  crucem, 
e  virginis  sacrario 
intacta  prodis  victima. 

Cuius  potestas  gloriae, 
nomenque  cum  primum  sonat, 
et  caeliies  et  inferi 
tremenie  curvantur  genu. 

Te  deprecamur  uliimae 
magnum  diei  iudicem, 
armis  supernae  graiiae 
défende  nos  ab  hoslibus. 


A  l'heure  où  j'écris,  tout  le  monde  est  d'accord 
pour  regretter  cette  modernisation  des  vieux  hymnes. 
Urbain  VIII  et  ses  versificateurs  étaient  partis  d'un 
principe  erroné,  par  ignorance  des  règles  de  la  poé- 


1.  On  trouvera  dans  Daniel,  Thésaurus  hymnologicus  (Halle 
1841),  le  texte  de  l'hymnaire  romain  d'Urbain  VIII,  et  en  re- 
gard le  texte  ancien. 

histoire  du  bréviaire  romain.  22 


338  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

sie  rythmique,  poésie  inconnue  d'un  temps  où  Ton 
croyait  naïvement  que  les  hymnes  de  saint  Thomas 
d'Aquin  étaient  composés  «  etrusco  rythmo  »  M  II 
serait  cruel  d'insister  sur  la  faute  commise  là. 

La  recension  d'Urbain  VIII  fut  promulguée  par 
une  bulle  {Dinnam  psabnodiam)  le  25  janvier  1631, 
et  le  Bréviaire  sortit  l'année  suivante  des  presses  va- 
ticanes^. 

La  re vision  d'Urbain  VIII  clôt  la  sérié  des  revisions 

1.  Le  mot  est  pris  à  rintroduction  mise  en  tête  des  Hymni 
Breviarii  Romani,  SS.  D.  N.  Urbani  VIII  iiissii  et  S.  R.  C. 
approbatione  emendati  et  editi.,  Rome  1629.  L'approbation  de 
la  Congrégation  des  Riles  est  du  17  mars  1629.  —  Le  P.  Som- 
MERVOGEL,  t.  VI  (1895),  p.  633,  cite  une  critique  assez  vive 
recueillie  par  le  P.  Brotier  d'après  trois  lettres  écrites  de 
Rome  au  P.  Labbe  par  le  P.  Gavalli,  franciscain  :  «  J'ai  vu  le 
P.  Hieronymus  Petruccius  qui  a  fait  les  hymnes  du  Bréviaire 
nouveau  approuvées  par  Urbain  VIII,  qui  punit  d'excommuni- 
cation les  irTiprimeurs  des  anciens.  Si  vous  avez  les  nouvelles 
hymnes,  réimprimées  à  part,  à  la  dernière  page  le  correcteur 
dit  qu'il  a  corrigé  jusqu'à  952  fausses  syllabes,  et  que  si  quel- 
qu'un veut  bien  examiner  facile  mille  errores  deprehendet. 
Urbain  VIII  parle  plus  respectueusement  des  anciens...  » 

Pour  une  critique  motivée  de  la  malheureuse  correction  de 
l'hymnaire  par  Urbain  VIII,  voyez  U.  Chevalier,  Poésie 
liturgique  traditionnelle  (Tournai  1894),  p.  XLix-Lxr.  D.  Bouix, 
De  iure  liturgico,  p.  319.  Le  traducteur  français  de  Baeumer, 
t.  II,  p.  293,  rapporte  le  vœu  exprimé  par  la  commission  du 
chant  grégorien  institué  par  Pie  X,  en  faveur  du  retour  au 
texte  ancien  des  hymnes  «  qui  faciliterait  l'exécution  des 
mélodies  grégoriennes  ». 

2.  Breviarium  Romanum  ex  decreto  Sacrosancli  Concilii 
Tridentini  restitutum,  PU  V  Pont.  Max.  iussu  editum,  et  dé- 
mentis VIII  pj'imum,  nunc  denuo  Urbani  VIII.  PP.  auctori- 
tate  recognitum,  Rome  1632.  L'hymnaire  corrigé  ne  devint 
définitivement  obhgatoire  qu'en  1643,  en  vertu  de  la  bulle  Cum 
alias  (27  avril).  Sghober,  p.  62.  Néanmoins  la  basilique  do 
Saint-Pierre  ne  l'a  jamais  reçu. 


LE    RRÉvrAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  339 

faites  par  le  Saint-Siège  au  texte  du  Bréviaire  romain. 
En  telle  sorte,  l'on  peut  dire  que  le  Bréviaire  d'Ur- 
bain VllI,  ainsi  que  lui-même  en  exprimait  la  volonté 
dans  la  bulle  Divinam  psalmodiam^  a  constitué  la 
vulgate  du  Bréviaire. 

Cette  vulgate  cependant  était-elle  aussi  impeccable 
qu'on  aurait  pu  le  souhaiter  ?  Si  l'on  avait  trouvé,  en 
1602  d'abord,  en  1632  ensuite,  matière  à  correction, 
avait-on  en  ces  deux  revisions  épuisé  la  somme  des 
corrections  désirables?  N'y  avait-il  pas  à  faire  des 
sacrifices  plus  graves  que  ceux  que  la  critique  ti- 
morée et  prématurée  de  Sirleto,  la  critique  toute 
chronologique  et  militante  de  Baronius,  la  critique 
enfin  littéraire  et  formelle  du  temps  d'Urbain  VIII 
avaient  tour  à  tour  consentis?  Les  offices  nouveaux, 
introduits  en  si  grand  nombre  depuis  1568  et  depuis 
1632,  n'avaient-ils  point  été  à  l'encontre  de  la  pen  sée 
de  saint  Pie  V?  En  d'autres  termes,  une  revision  nou- 
velle et  plus  sévère  n'était-elle  pas  opportune  ?  Telle 
est  la  question  que  l'Église  gallicane  allait  mettre  à 
l'ordre  du  jour,  et  dont  le  Saint-Siège  allait  être  saisi. 


3'l0  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

EXCURSUS  C. 
Rapport  de  Léonardo  Marin!  à  Pie  V. 

Arcliives  du  Vatican,  Concil.  Trident.  47,  fol.  312-348. 
111"'°  et  R"'"  Mons^ 

Perche  si  comprend!  bene  in  clie  consiste  la  correttione  del  Brovin- 
rio  quai  si  c  fatta,  par  sia  bene  narrar  da  principio  l'ordine  dell'  ulli- 
cio  e  modo  che  già  un  tempo  la  si  teneva,  et  corne  si  sia  venuto  in 
quest'  uso  clie  oggi  s'osserva,  et  la  causa  che  ci  lia  mossi  liera  di  tor- 
nar  in  parte  ail'  antico,  et  in  parle  variarc  dall'  uso  iiodierno  :  et  l'uno 
et  l'altro  uso,  cioè  l'anlico  et  moderno  clic  al  présente  si  osserva  è 
fondato  sopra  il  c.  di  Gelasio  S'"  Rom"  Ecc",  c  di  Greg.  VII  In  die 
resurrectionis ,  se  ben  quanto  al  modo  di  dîrlo  si  è  alquanto  variato. 

Già  ottanta  o  novanta  anni  sono  l'officio  si  celebrava  o  di  nove,  o 
di  tre  lettion;.  Di  nove  quando  rufficio  era  doppio  o  semidoppio.  Di 
tre  quando  l'ufncio  era  di  fesla  semplice  o  feria.  Quanto  ail'  officio 
doppio,  semidoppio  e  feriale,  nicnte  si  variava  da  quelle  si  usa  liog- 
gidî,  quanto  aile  leste  scmplici  vi  era  qualclie  differentia.  Imperocchè 
queste  si  celebravano  col  notturno  délia  leria  e  tre  lettioni  del  S'", 
facendo  in  tutto  il  restante  l'officio  del  S'"  corne  lioggidi  si  costuma 
con  lai  ordine,  se  dimane  fosse  occorso  un  santo  semi)lice  lioggi  al 
capitolo  del  Vespro  si  pigliava  del  8^°  e  tullo  il  restante  dell'  ufficio 
fin  al  matutino,  come  lioggidi  si  fa.  Al  matutino  si  diceva  l'invitato- 
rio  et  himno  del  S^»,  il  notturno  délia  feria  secondo  sta  distribuilo  ne! 
psalterjo,  tre  lettioni  con  tre  responsorii  del  S^».  Poi  le  laudi  et  tulle 
l'hore  includendo  solamenle  Nona,  si  faceva  come  hoggi  si  costuma. 
Da  nona  in  la  non  si  faceva  più  del  S'°  semplice,  ma  dicevano  i 
psalmi  del  Vespero  feriall,  et  se  nel  giorno  seguente  d'altra  festa  sem- 
plice, si  pigliava  dal  capitolo  con  l'ordine  predello,  se  non  vi  era- 
fesla  si  seguilava  l'ufficio  feriale.  Queste  feste  semplici  se  fossero 
occorse  in  giorno  impedito  da  qualclie  festa  doppia  o  semidoppia,  non 
si  transferivano  come  hoggi  si  fà,  ma  si  faceva  di  loro  la  commemo 
rattione  al  primo  Vespero  et  al  matutino.  L'officio  délia  Madonna  si 
diceva  sempre,  eccetto  che  nelle  feste  doppie  et  in  alcune  otlave. 
L'officio  de'  morti  si  diceva  sempre  nelle  feste  semplici  e  nelle  ferie. 
Nel  tempo  délia  quaresima  facendosi  di  continue  de  feria,  eccello 
che  non  fosse  slala  festa  doppia  e  semidoppia,  ottra  ail'  officio  délia 
Madonna  e  delli  morti,  vi  si  aggiungevano  i  selle  psalmi  con  le  leta 
nie  e  i  graduali.  Nell'  officio  feriale  poi  à  lutte  l'hore  in  fine  vi  si  dice- 
vano le  preci  feriali  col  Miserere  come  hoggi  anco  si  fà  eccetto  nel 
tempo  Pasquale.  Le  fesle  doppie  e  semidoppie  si  celebravano  con 
nove  psalmi  e  nove  lettioni,  come  s'è  dette,  et  essendo  impedite  da 
qualche  festa  maggiore  si  transferivano  nel  p"  giorno  vacante  di  si- 
mil  festa,  e  Ira  di  loro  non  vi  era  allra  differentia,  se  non  che  nelle 
semidoppie  si  diceva  l'officio  délia  Madonna,  non  si  dupplicavano  le 
anl«,  si   facevano  le  commemoraltioni  al  Vespero,  et  matutino,  et  à 


LE    lîRÉMAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  341 

prima  el  compléta  si  dicevauo  le  preci  consuete,  le  quali  cose  anco 
liaggl  si  osservano. 

Hor  perché  ruflicio  delle  feste  semplici  e  feriale  allhora  era  trop- 
po  gravalo  diceiulosi  con  rofllcio  délia  Madonna  l'officio  de'  morli,  e 
nel  feriale  le  preci,  e  nella  quaresima  le  allre  cose  predette,  per  vo- 
lerlo  sgravare,  e  far  clie  l'officio  fosse  più  tollerabile,  fu  introdoUo  il 
modo  clie  al  présente  si  osserva,  cioè  che  le  fesle  semplici  quali 
crano  di  tre  leitioni  fossero  di  nove  lettioni,  et  si  facesse  di  loro  comc 
delle  feste  semidoppie,  et  essendo  impedite  d'altra  festa  doppia  si 
transferissero  nel  p''  giorno  vacante,  talche  non  si  facesse  piii  di  loro 
commemorattione.  Et  in  questo  n)odo  si  vicne  à  scliifare  due  cose  : 
l'uno  à  scliifare  l'officio  de'  morti  quai  si  diceva  nelle  feste  semplici, 
ma  non  nelle  feste  semidoppie,  rimanendo  solo  corne  in  quelle  l'of- 
licio  délia  Madonna  :  l'altra  che  transferendo  lutte  le  feste  semplici 
si  viene  ad  occupar  tutti  li  giorni  feriali,  et  si  fugge  la  gravezza 
della-feria,  et  cosi  si  osserva  iioggidi. 

Ma  si  è  visto  alla  giornata  che  queslo  modo  clie  al  présente  si  os- 
serva introdotto  come  si  vede  solamente  per  fuggire  la  gravezza  dell' 
officio  hà  causato  maggiori  inconvenienli  di  quelli  di  prima.  Impe- 
rocchc  queslo  transferir  de'  Santi  ne  apporta  gran  confusione  nella 
Chiesa,  transferendosi  diversamenie  in  diverse  chiese  e  celebrandosi 
in  uu  medesimo  giorno  in  una  medesima  ciltà  in  divers!  luoghi  et  da 
diverse  persone  divers!  S",  et  in  oltre  si  transferiscono  moite  volto 
quattro  e  cinque  mesi  lontano  :  cosa  che  à  ogni  persona  religiosa  dà 
gran  faslidio.  Poi  perche  con  queslo  transferir  de'  S^'  si  occupano 
tutte  le  ferie,  ne  nasce  quest'  altro  inconveniente  che  rarissime 
volte  neir  anno  si  fà  l'ofllcio  de  feria,  e  quel  che  è  peggio  nella  qua- 
resima ogni  giorno  si  fà  de  S»<'  essendo  cio  interdilto  per  i  sacri  ca- 
noni  per  esservi  li  oflicii  proprii,  si  come  anco  si  osserva  nel  missale. 
El  da  queste  ne  nasce  ancora,  che  non  si  legge  se  non  pociiissimo 
délia  scrittura,  havendosi  pero  a  leggere  in  ciascun  tempo  seconde  la 
dislrihulione  di  Gelasio,  e  similmente  il  psalterio,  quale  nel  Breviario 
è  stalo  compartito  da  leggersi  per  tutta  la  settimana,  con  questo  modo 
mai  si  legge  se  non  rarissimo,  e  quelli  del  comune  de'  S"  sono  tutto 
'l  di  in  bocca  delli  huomini  con  tedio  e  fastidio  d'ogniuno.  E  questo 
ha  causato  grand'  ignorantia  nei  clerici,  perciociiè  non  ha[n]  prattica 
alcuna  né  de'  psalmi,  ne  délia  scrittura.  E  quando  pur  un  giorno  oc- 
corre  far  de  feria  s'  ingarbugliano,  ne  sanno  donde  cominciare,  ri- 
manendo pero  grave  come  anticamente  di  tanli  altri  oflitii  e  preci 
che  mai  fmiscono,  et  il  psalterio  quai  bisognava  che  anticamente  1 
Vescovi  sapessei-o  tutto  a  mente,  come  scrive  S.  Gregorio,  se  dorevano 
promoversi  hoi"a  a  pena  si  vede. 

Si  che  per  provedere  alli  sudetti  disordini  et  inconvenienti  che  dal 
présente  uso  ne  riusciscono.  Il  sacrosanto  Concilio  Tridentino  per  li 
richiami  che  in  divers!  lempi  da  diverse  bande  sopra  cio  son  nati, 
inspiralo  da  Spirito  S'°  délibère  provederci  condeputare  alcuni  pre- 
lali  sopra  la  corretlione  di  simil  disordini,  et  [non]  havendo  possuto 
mandarlo  essecuttione  per  l'espeditlione  del  Concilio  queslo  negotio, 
lo  hà  rimcsso  à  N'»  Sig'^^,  il  quai  subito  convocato  in  Roma  alcuni  Pre- 


342  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

lati  clie  sopra  di  cio  dal  Concilio  erano  stati  depulati,  acciô  deliberas- 
sero  quel  tanto  clie  bisognava.  I  quali  havendo  ben  discusso  il  ne- 
gocio  et  maluramente  considerato,  lo  hanno  ridotlo  à  perletlione 
seguitando  e  tenendo  l'infrascritto  ordine. 

Si  é  considerato  che  il  modo  anlico  in  se  era  buono,  ma  per  l'ag- 
giunta  d'  alcuni  officii  aggiunti  era  divenlato  nojoso  :  pero  si  è  atteso 
a  ridur  l'officio  ail'  antico  e  moderar  le  cose  clie  sin  alihora  come  al 
présente  aggravano  l'officio. 

Si  é  visto  che  l'officio  délie  feste  semplici  era  ben  ordinato, 
poichè  si  deve  pur  far  differcnlia  da  fesle  semplici  à  più  solenne. 
Nelle  feste  solenni  appresso  li  anticlii  si  facevano  le  vigilie  in  di- 
verse parti  delà  notte,  le  quali  si  son  conservate  in  quei  tre  not- 
turni  quali  si  distinguono  nelle  feste  di  nove  lettioni,  e  di  qui  era 
che  appresso  li  più  antichi  l'officio  si  faceva  di  pochissimi  santi, 
quali  erano  piu  solenni  che  havevano  le  vigilie,  si  corne  appare  in 
alcuni  antichissimi  Breviarii,  et  di  queslo  parla  il  c.  In  die  re.mr- 
rectionis,  si  festum  est  novem  lectiones,  perochè  in  quelli 
lempi  si  faceva  sempre  di  feria,  et  il  marlirologio  suppliva  alli  alli  i 
S",  si  come  anco  alcuni  oflicii  monachali  osservano.  Ma  essendo 
poi  nel  calend**  aggionti  molti  altri  S",  pareva  fosse  conveniente 
farvi  qualche  differcnlia  dalli  altri  più  solenni,  facendoli  col  not- 
turno  délia  feria  per  non  interrompere  il  corso  dcl  psalterio,  e  nel 
resto  tutto  l'officio  fosse  del  S'",  non  li  dando  pero  à  differentia  del 
do|)pio  e  semidoppio  se  non  il  primo  Vespero.  E  questo  modo  si 
trova  osservato  in  tutti  i  Breviarii  vecchi,  et  ancora  osservano  al- 
cune  provincie  e  religioni.  Pero  parendo  raggionevole  alli  sudctti 
Sig"  deputati,  han  voluto  reslituire  l'officio  délie  feste  semplici  col 
notturno  délia  feria  come  p'  non  variando  in  altro  dall'  antico,  se 
non  che  doppo  la  terza  iettioiie  si  lassa  il  3»  responsorio,  et  si  dicc 
il  Te  Deum.  Et  questo  si  è  l'alto  per  far  differentia  dalla  festa  alla 
feria  et  per  non  variare  dall'  uso  comune  che  si  dice  il  Gloria  in 
excelsis  à  ogni  S'"  nella  messa,  et  anco  fare  di  loro  la  commemo- 
ratione  essendo  impedite  d'altra  festa  maggiore,  per  lar  differenza 
Ira  queste  aile  altre  feste  più  solenni  le  quali  si  transferiscono, 
et  per  evitare  la  confusione  che  di  sopra  si  è  detto,  et  per  non 
impedir  l'officio  feriale,  come  al  présente  si  fa.  E  perche  questo 
officio  di  fesle  semi)lici  appresso  li  anlichi  era  troppo  grave  [)er  Û 
allri  officii  aggionti,  si  è  pigliato  esi)ediente  di  levar  l'officio  de- 
morti,  il  quai  non  si  dica  ogni  giorno,  tanto  nelle  feste  semplici, 
come  nelle  ferie,  ma  solo  alcuni  giorni,  cioè  ogni  p"  di  del  mesci 
e  nelli  giorni  che  si  fa  l'officio  délia  vigilia  e  dei  qualtro  lempi 
come  di  solto  si  dira,  e  nell'  Advento  e  quaresima  ogni  lunedi,  e  cosi 
si  viene  à  sgravare  anco  la  feria,  la  quale  si  è  sgravata  anco  dalle 
preci,  quali  non  si  dicono  se  non  nell'  Advento  e  quaresima  e 
nelle  vigilie  e  qualtro  ïempi,  non  à  tulle  l'horc,  come  hora  si  fa, 
ma  al  Vespero  solo,  et  aile  laudi.  In  oltre  le  ferie  délia  quaresima 
si  son  sgravate  in  parte  dalle  allre  cose,  facendo  che  i  selle  salmi 
e  graduali  non  si  dicono  ogni  giorno,  ma  dispensandoli  per  la  set- 
timana.  Il  Mercordi  li  graduali,  li  sette  salmi  il  Venerdi,  talche  cosi 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      343 

non  si  leva  aifatto  quel  clie  lin  qua  si  è  usalo,  ma  si  son  moderate 
lalmente  clie  viene  ad  esscr  leggiero  il  dir  dell'  officio  senza  clie 
alcuno  si  possa  richiamare. 

L'oiricio  délie  feste  doppie  e  semidoppie  si  è  lassato  corne  sem- 
pre,  et  liera  si  è  costumalo. 

Quel  clie  oitre  al  sopradello  ordine  si  è  fatto  è  questo.  Percliè 
si  vede  in  effetto  che  per  la  moltiplicattione  di  feste  si  occupano 
molti  giorni  ne  i  quali  non  si  legge  délia  scrittura,  i)erô  è  parso 
alli  sudetti  Sig"  deputati  far  che  ogni  giorno,  o  si  facci  l'officio  del 
S"  o  (leila  feria,  sempre  si  leggi  qualciie  cosa  délia  scrittura  di  quel 
lihro  clie  corre.  Et  in  questo  si  tiene  quest'ordine.  Quando  si  fa 
l'oflicio  di  nove  lettioni,  le  prime  tre  del  p"  notturno  siano  délia 
scrittura  ;  quando  di  tre  lettioni,  se  si  fa  del  S">  over  si  legge  l'iiomelia 
la  1-'  over  la  a"  lettione  sarà  délia  scrittura,  la  2"  over  la  S'"  sarra 
délia  leggenda  del  S"^  over  dell'  lionielia,  secondo  le  leggende  sa- 
raimo  brevi  o  longlie  da  mettere  in  una  o  due  lettioni.  Si  ecceltuano 
da  questo  alcuni  giorni  corne  nelle  ottave  di  Pas(iua  resurrettiope 
e  Pentecoste,  nelle  quali  si  dicono  le  tre  lettioni  dell'  liomelia  se- 
condo il  dec(reto)  di  Greg"  nel  c.  In  die  resurrectionis. 

Et  perché  Ira  le  cose  che  si  oppongono  ail'  officio  vecchio  una  ne  è 
che  ben  spesso  l'  officio  non  si  accorda  col  niissale,  dicendosi  1'  of- 
ficio d'  una  cosa  et  la  messa  dell'  altro,  si  é  ordinato  accio  vi  sia 
sempre  conformità  che  nelle  vigilie  e  quattro  tempi  che  hanno  messa 
propria,  si  faccia  l'  officio  feriale  corrispondente  alla  messa. 

Di  più  perché  si  vuole  anco  opporre  al  Breviario  vecchio  circa  l'of- 
licio Dominicale,  che  in  alcune  cose  é  diffettuoso  prima  che  la  Dome- 
nica  che  è  giorno  feslivo,  et  da  tutto  il  Christianesimo  celebrato, 
habbia  à  cedcre  à  feste  semidoppie,  et  à  giorni  infra  ottava  che  sono 
inCeriori  alla  Donienica  coine  hora  si  fà,  si  é  ordinato  che  questo  più 
non  sia,  ma  la  fesia  seinidoppia  di  quai  sorte  si  voglia,  et  il  giorno 
Ira  r  ottava  céda  alla  Domenica,  la  quai  non  si  iasci  mai  se  non  fosse 
testa  doppia  fuor  délia  quaresima  et  Advento,  ne  i  quali  tempi  non 
si  Iasci  et  per  festa  doppia  corne  hora  si  fà.  Et  perché  1'  officio  délia 
Domenica  nel  matutino  é  [nù  longo  delli  altri  giorni  dicendosi 
18  salmi,  e  poi  quando  i  preti  bisogna  attendino  aile  lor  cure  per 
sublevamento  l'officio  se  li  rappresenta  longhissimo  con  dieci  altri 
salmi,  la  quai  cosa  è  sempre  stata  lediosa  in  modo  che  1'  é  venuto  in 
proverbio  sarria  mai  longa  come  la  prima  délia  Domenica,  e  nel 
conc,  secondo  lian  referto  quel  Sig"  deputati,  fu  delto  espressamentc 
si  abbreviasse.  Si  é  pensato  per  non  lassar  quel  salmi  quali  à  quella 
conseguitano,  si  distribuiscano  ])er  la  settimana  cinque  salmi  che 
avanzano  il  salmo  Beati  im macula ti,uno  per  giorno  quando  1'  officio 
si  là  di  feria,  et  questo  è  un  modo  facilissimo  e  brève.  Inoltre  perché 
il  numéro  délie  Domeniche  é  imperfetto  al  numéro  di  quelle  che 
possano  occorrere  doppo  la  Epiphania  e  doppo  la  Pentecoste,  et 
questo  causa  quella  confusione  et  intrico  délie  Domeniche  vacanti, 
che  si  fa  Ira  l'anno,  pero  per  obviare  à  questo  et  per  far  la  cosa 
piana,  si  è  fatto  che  quando  avanzano  Domeniche  doppo  la  Epiphania 
quelle  si  aggiunghino  doppo  la  penultima  Domenica  doppo  la  Pente- 


344  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

cosle,  rimanendo  l'ultima,  la  qualc  ha  corrispondenlia  con  la  I*  Do- 
menica  dcll'  Advento  sempre  in  ulUmn  luogo.  E  perché  al  numéro 
di  quelle  che  possono  essere  vi  luanca  una  Domenlca,  vi  si  è  ag- 
giunto  un'  altra  Domenica  pigliando  solo  1'  homelia  dell'  evangelio  et 
oralione,  si  corne  habbiamo  trovato  in  un  antico  missale  di  libraria, 
quai  dicono  il  Missale  di  S.  Gregorio.  Si  c  laKo  anco  per  più  conso- 
latlione  di  quelli  che  diranno  V  officio,  che  nel  2"  nolUirno  la  Dome- 
nica si  legghi  qualche  sermone  di  Dotlore  ecclesiastico  sopra  i  delti 
délia  scriltura  che  in  quel  tempo  si  legge. 

Di  più  perche  si  Irova  alcuna  differen/a  Ira  le  ottave,  alcune  si  chia- 
mano  ottave  Domini  Sabaolh,  alcune  sono  de'  santi,  tra  alcune  di 
queste  ottave  si  fa  1'  olfilio  dclle  Domeniche  occorrenli  al  modo  dell' 
ottava,  tra  alcune  altre  si  fa  délie  leste  infra  quelle  occurrenti  ;  ci  c 
parso  dar  qualche  ordine  générale  délie  ottave,  il  quale  è  questo, 
che  quando  il  giorno  dell'  ottava  è  doppio,  11  giorni  infra  ottava  siano 
semidoppii,  e  cosi  si  faranno  di  nove  lettioni  et  délia  Domenica  infra 
r  otlava  si  fara  al  modo  dcll'  ottava  eccetto  1'  oratione  1'  homelia  e 
i  capitoli.  Delli  S^'  che  Ira  quella  occorreno  non  si  farrà  se  non  son 
doppii,  et  in  questo  modo  si  celebraranno  tulte  le  ottave  del  Sig'® 
cioè  quella  di  Natale,  Epiphania,  Ascensione  e  Corjjo  di  Chrislo. 
Quelle  délie  Pasque  hanno  il  suo  ordinario.  Nell'  altrc  ottave  che  il 
giorno  dell'  ottava  è  semidoppio,  infra  l'  ottava  si  farà  al  modo  del 
semplice,  c  delli  S"  semplici  et  Vcrgine  occurrenti  si  farrà  T  oflicio 
al  modo  dell'  ottava,  délia  Domenica  infra  quella  si  farrà  al  modo  con- 
sueto  con  commemoratione  dell*  ottava. 

Perche  da  i  moderni  son  state  aggionte  alcune  ottave  senza  néces- 
sita le  quali  impediscono  l'oflicio  currente,  perô  si  è  levato  1'  ottava 
alla  Conceptione  délia  Madonna  quale  impedisce  l'officio  dell'  Advento, 
c  l'ottava  délia  Visita tione  quale  impedisce  l' ottava  di  S.  Pietro  e  s. 
Paolo  che  anticamente  si  faceva,  e  si  son  lassate  alla  Madonna  dell' 
Assumptione  e  délia  Nativita  in  settembre. 

Perché  anco  si  vede  in  moite  provincie  e  Regni  che  il  sabbalo  è  in 
gran  veneratione  délia  Madonna  per  haver  à  essore  questo  breviario 
comune,  accio  le  altre  nationi  di  ciô  non  piglino  admiratione,  si  c 
preso  per  espediente  che  ogni  voila  che  il  sahbato  non  è  impedito 
da  alcuna  festa  si  facci  1'  officio  dclla  Madonna,  eccetto  la  quaresima 
e  nelle  ferie  de'  quattro  Tempi  e  délie  Vigilie,  et  perche  non  s'inter- 
rompi  r  ordine  del  i>salterio  si  è  ordinato  si  faccia  al  modo  délia  festa 
semplice  col  notturno  délia  feria. 

Perche  si  oppone  anco  al  Breviario  vecchio  tra  l'altre  cose  che 
dan  fastidio,  che  nelle  leggende  de  S"  si  leggono  moite  cose  apo- 
chriphe,  et  di  alcune  leggende  si  legge  pochissimo  e  niente  di  quello 
appartiene  alla  vita  del  S'%  et  anco  sconciamente  e  con  parole  che 
più  tosto  possono  talvolta  offendere  le  menti  semplici,  non  ser- 
vando  ne  il  decoro  ne  l'honestà  Chrisliana,  pero  sopra  di  ciô  si  è 
fatto  più  e  più  volte  dalli  sudetti  Sig"  Deputati  discussione,  e 
linalmente  si  é  risoluto  che  miglior  modo  non  si  poteva  tenere 
che  cavando  da  tutte  le  historié  de  S^'  le  cose  più  authentiche,  si 
jacci   una   compilatione,  e  di  ciascun   santo   in  brevità  et  con   un 


LE  BRÉVIAIRE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.      345 

slile  médiocre  che  liabbia  dell'  ecclesiastico,  toccar  le  cose  più  im- 
portauti  che  faccino  ad  edilîcattione  et  sodisfatlione  di  quelll  che 
le  legseranno.  Ne  à  queslo  obsla,  che  non  si  usine  le  parole  istesse 
(le  i  lor  scriltori,  prima  perché  acciô  siano  piû  copiose,  son  prese 
da  più  scriltori  e  da  più  luoghi,  poi  perché  alcune  son  st.ite  scrille 
da  loro  in  moite  carte  che  è  diflicile  usando  le  lor  parole  restrin- 
gerle  in  compendio  (anchor  che  quando  si  sono  havule  scrilte  suc- 
cinlamenle  da  Aulori  authentici,  come  di  S.  Hieronimo  nel  libro 
dcUi  scriltori  ecclesiastici  si  son  lassate).  Ma  se  bene  questo  non  si 
è  possuto  sempre  servare,  non  per  questo  resta  che  quando  il  bre- 
viario  sarrà  approbata  da  N--»  Sig"  non  habbia  d'havere  più  autorità, 
che  se  habbino  dalli  lor  aulori.  Presupponendosi  clie  (|ueIlo  sarrà 
approbalo  da  S.  S"^,  sia  stalo  prima  considerato  e  prcso  da  autori 
più  authentici  che  sia  stato  possibile,  non  si  havendo  à  dar  regola 
in  questo  al  Papa.  Et  tanlo  più  nelli  Breviarii  antichi  non  si  è  mai 
usala  questa  diligentia  di  nominare  li  autori,  essendo  in  diversi 
Breviarii  diversi  legendarii,  et  erano  appresso  li  anticlii  gesta 
martiruni  scritti  dalli  Prothonolarii  quali  andavano  attorno  senza 
aulhore,  si  come  S.  Gregorio  parlando  in  una  homelia  di  S.  Félicita 
dice  haverlo  preso  dalli  suoi  gesli  non  nominando  autore,  cosi  pa- 
rimente  si  dira  liabbia  faito  Papa  Pio,  quando  havrà  approbato  e 
mandate  luora  il  Breviario,  come  fecero  Papa  Clémente  e  Paolo  nel 
Breviario  di  S'*  Croce,  e  quelle  vile  sono  giudicate  la  miglior  cosa 
che  sia  in  quel  Breviario,  e  pure  compilale  da  letterati  di  que 
tempo,  délie  quali  vite  li  sopradetti  Sig"  deputati  havevano  pensato 
dal  principio  di  servirsene,  ma  perché  g'i  occorse  doppo  longa  con- 
sideratione,  che  anco  quelle  si  potevano  migliorare  gli  piacque  questa 
risolutione  che  si  scrivessero  nel  modo  delto  supplendo  à  molli 
diffelli,  che  si  nella  verilà  dell'  historia,  si  nel  modo  di  scriverle 
la  si  trovavano.  Il  che  tanto  piacque  à  quel  Sig''  che  dissero  non 
osserci  cosa  délia  quale  più  si  sodisfacessero,  et  Mons.  di  Modena 
di  propria  mano  ne  scrisse  sei  o  sette  con  mirabil  contento,  e  poi 
stando  maie  mi  fece  promettere  di  essere  insieme  con  m.  Giulio 
Poggiano  e  condurre  à  fine  queste  vite  nel  modo  cominciato.  Nel 
che  spero  habbia  essere  con  lajuto  di  Dio  cosa  che  farà  che  si  lau- 
di  la  matura  deliberationo  di  quel  signori. 

Et  in  lutto  quello  si  c  fatto  si  é  havuto  rispetto  non  si  muti  cosa 
alcuna  delli  libri  délie  Chiese  et  il  modo  è  facilissimo. 

Occorreuo  dcUe  allre  coselte  che  nel  contesto  del  Breviario  son 
State  correlte  délie  quali  hora  non  mi  estendo  à  rendere  raggionc 
l»arendomi  haver  tocco  le  cose  più  principali  quanto  spetta  all'or- 
dine  di  tutlo  il  Breviario  :  quelle  nel  scorrere  del  Breviario  si  po- 
tranno  un'  altra  volta  dire  etc.  i. 


l.  Explicit  sic. 


346  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

EX CURSUS   D. 

Avant-projet  de  la  revision  de  Clément  VIII. 

Bibl.  Vatic.  Lat.  6096,  fol.  88-89. 

CVPITA  PRECIPUA  IN  UEPUUGATIONE  BREVIAtllI  ROMAM  EXAMIXATA,  QUAE 
gmo  £)no  J^o  CLEMEXTI  VIII  PROPOXUNTUR,  EIUS  lUDlCIO  AG  CEXSURAE  SUR" 
MISSA. 

In  primis  lecliones  de  vita  et  gestis  sanctorum,  quae  plurimis  erro- 
libus  retertae  sunt,  ad  historiae  veritatem  reducuntur,  quam  niinima 
fieri  polest  mutalione,  retentis  etiani  iis  quae  probabilia  sunt  et  fal- 
sitatis  omnino  coargui  non  possunt.  Ac  de  omnibus  singillatim  red- 
ditur  ratio,  ut  mox  sequelur. 

2.  In  numerandis  Romanorum  Pontificum  annis,  in  quo  scriptores 
inter  se  valde  dissenliunt,  placet  recipiendum  esse  compulum  ab 
ll[ii.o  D''o  cardinale  Baronio  in  Annal.  Eccl.  observatum,  qui  magno 
studio  ac  diligentia  ex  probatis  auclorilms  ab  eo  deductus  est.  In 
ordinationibus  vero,  Librum  pontificalem  inscriptuni  Damasi  nomine, 
cum  aliunde  quidquam  certius  haberi  non  possit. 

3.  Festa  eorum  sanctorum,  qui  post  emendationem  Pii  V  breviario 
Romano  additi  fuerunt,  videlicet  Romualdi,  Francisci  de  Paula,  Pelri 
martyris,  Stanislai  episcopi,  Antonii  de  Padua  et  Nicolai  de  Tolenlino, 
sub  officio  semiduplici  celebrari  debere  omnino  videtur,  id  quod  a 
plurimis  viris  piis  et  in  rébus  ecclesiasticis  exercitatis  summoperc 
expetitur,  et  maxime  a  Germanis  et  Polonis  catholicis,  apud  quos 
solemuitas  diei  dominici  in  magna  veneralione  liabetur,  et  aegre  pa- 
liuntur  ut  illius  otTicium  saepe  omittendum  sit  ob  alicuius  sancti  fe- 
stum,  qui  inter  maiores  non  censeatur.  Praeterea  incongruum  videtur 
ut  insigniores  martyres  ac  multi  Summi  Pontilices  habeant  officlum 
semiduplex,  vel  etiam  simplex,  et  plures  ex  recentioribus,  qui  in 
aliquil)us  provinciis  parum  cogniti  sunt,  celebrentur  cum  officie 
duplici. 

4.  Horum  sanctorum  lectiones  in  breviorem  formam  redactae  suni, 
quae  nb  superiïuum  verborum  clrcuitum  omnil)US  displlcel)ant. 

5.  Lectiones  ex  sermonibus  et  homiliis  SS.  Patruni,  cum  ipsorum 
auctorum  libris  et  mss.  et  melioris  notae  inipressis  diligenter  collatae 
sunt,  et  in  iis  tanlum  locis  mutatae,  qui  omnino  corrupti  erant,  (jui 
quidem  etsi  non  pauci  sint,  parva  lamen  apparebit  varieias,  cum 
plerumque  unius  verbi,  interdum  etiam  syllabae  mutatione  reslituan- 
tur. 

(i.  Lectiones  ex  Patribus  colleclae,  ut  comniunibus  sanctorum  ad- 
derentur,  in  uno  quoque  commun!  septem  dierum  officie  assignaïae 
pro  iis  ecclesiis,  <|uae  festum  proprii  patroni  cum  octava  celebrare 
consueverunt,  nec  habent  lectiones  proprias  de  eius  vita  et  gestis, 
unde  coguntur  eas  quae  in  die  festi  posilae  sunt  saepe  repetere;  extra 
lireviarium  edentur  seorsum,  ne  Breviaiii  volumen  exerescat:  potis- 
simum  vero,  quia  in  Breviario  Romano  ea  tantum  apponunlur,  quae 


LE    BIlÉMAIIiK    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  347 

al)  omnil)Us  necessario  debent,  hae  autem  maiori  parti  ecclesiaruni 
ileservire  non  possuot,  cum  plures  dedicatae  sint  in  lionorem  illorum 
sanctorum,  quibus  in  universali  ecclesia  tribuitur  octava;  plures 
quoque  habeant  lectiones  proprias  pro  omnibus  oclavae  diebus; 
niultae  non  liabeant  consueludinem  celebrandi  octavam  proprii  pa- 
troni,  cum  ex  regulis  Breviarij  ad  lioc  non  obllgentur.  Tum  eliam, 
quia  liac  additione  remedium  non  adhibctur  universo  incommodo, 
(juod  urgere  videbalur,  cum  plures  festivilales  remaneant  sine  lectio- 
nibus  pro  octavis,  in  iisscilicet  ecclesiis,  in  quibus  principalis  titulus 
est  feslum  sanctissimae  Trinitatis,  sanctae  Crucis,  Conceptionis,  Prae- 
sentationis,  Annuntiationis,  "Visitationis  et  Purilicationis  Beatae  Mariae, 
item   sancti  Michaelis  arcliangeli,  Transfigurationis  Domini  etc. 

7.  Propositum  fuit  quod  in  rubrica  de  octavis  apponenda  essct 
régula,  qua  proliiberentur  celebrari  octavae  etiam  proprii  patroni  in 
quadragesima  occurrentis,  ne  impediatur  per  tôt  dies  officium  sacro 
illi  tempori  maxime  accomniodalum.  Et  simililer  quod  in  quadragesima 
non  possit  fieri  de  aliquo  festo,  quod  ante  ipsam  occurrat,  et,  cum  ab 
aliis  festivitatibus  impediatur,  translerendum  esset  intra  eam. 

8.  Hymni  levi  manu  repurgati  sunt,  ne  qui  eos  si  légère  diu  assueti 
sunt,  vel  memoria  didicerunt,  multis  varietatibus  perturbentur;  tum 
etiam,  quia  facile  credi  potest,  Cliristianos  poetas,  qui  pietatem  prae- 
cipue  spectabant,  in  régulas  artis  metricae  non  inscitia  sed  voluntate 
plerumque  peccasse.  Tamen  si  S.  D.  N.  aliud  iubebit,  notati  sunt  alii 
loci,  qui  corrigendi  esse  videntur. 

9.  Hymnus,  ad  preces  nostras,  positus  in  dominicis  quadragesiraae, 
ad  vesperas,  sublatus  est,  qui  quidem  et  verbis  et  sententiis  ineptus 
videbatur,  ac  nuUa  pedum  aut  syllabarum  ratione  constabat  :  imnio 
etiam  superlluus  erat,  cum  in  omnibus  officiis  idem  hymnus  dicatur 
ad  utrasque  vesperas  et  nuUa  alla  solemnitas,  vel  de  tempore  vel  de 
sanctis,  habeat  plures  quam  très  hymnos.  In  commune  sanctarum 
mulierum,  in  quo  unus  tantum  hymnus  habetur  diceudus  ad  noctur- 
nos.  laudes  et  utrasque  vesperas,  duo  alii  addentur  nuper  compositi. 

10.  In  communi  confessorum  non  i)ontificum  mulata  sunt  duo  re- 
sponsoria,  quae  omnibus  convenire  non  possunt.  In  altero  sunt  haec 
verba  :  Et  omnis  terra  doctrina  eius  repleta  est.  In  altero  :  Ab  ado- 
lescentia  sua  meruit  infirmos  curare.  Similiter  in  communi  sanctarum 
mulierum  mutanda  sunt  duo  alla  responsoria,  quae  plures  oft'endunt. 

il.  In  lectione  5  sancti  lacobi  apostoli  delenduiu  esset  quod  ipse 
peragraverit  Hispaniam,  ibique  praedicaverit  evaiigelium  :  cum  multa 
his  répugnent,  et  sine  authentico  teslimonio  sub  Pio  V  primum  in- 
serta  sint  Breviario  Romano.  Vel  si  remanere  debent,  addendum  «  ut 
ferunt  ». 

12.  Festum  sancti  Didaci  removendum  est  a  Breviario  Romano,  et 
revocandum  est  brève  ultimum,  quod  commissarius  ordiuis  sancti 
Francisci  per  subreptionem  et  fraudera  elicuit  a  S"">  D"°  N*^",  in  quo 
sub  praetextu  (|Uod  Xystus  V  in  buUa  canonizationis  huius  sancti  non 
expresserit  qua  solemnitate  celebrandum  sit  eius  officium  in  eccle- 
sia universali,  declaratur  quod  esse  debeat  cum  officio  semiduplici  : 
cum    tamen  idem   Xystus  per  suum  brève  declaraverit  et  conces- 


348  HISTOIRE    DU    BHÉVIAIRE    ROMAIN. 

serit  nonnulla  circa  eiusdem  feslivilatem  servanda  in  quibusdam 
locis,  et  nihil  de  ecclesia  universali  statuere  voluerit;  (juod  qui- 
dein  non  praelermisisset,  ciim  fratres  eius  ordinis  id  instanter 
pelèrent,  si  faciendum  esse  putasset.  Similiter  Congregatio  sacroruni 
llituum,  cuni  aliqui  super  hoc  dubitarent,  respondil  nihil  omnino  de 
sancto  Didaco  agendum,  nisi  modo  et  forma  a  praedicto  Xyslo  in 
suis  constitutionibus  praescripta.  Et  ita  hucusque  servatum  est  in 
basilica  sancti  Pétri,  et  in  aliis  praecipuis  urbis  ecclesiis  etiam  post 
dicti  l>revis  concessionem. 

13.  Sermo  qui  legitur  in  festo  omnium  sanctorum  et  per  oclava?, 
cum  sit  pulcherrimus,  et  forlasse  nullus  alius  huic  solemnitati  niagis 
proprius  reperiri  posset,  retinendus  videtur,  quamvis  de  auclore,  seu 
polius  collectore  (nam  totus  ex  verbis  Cypriani  et  Chrysostomi  com- 
paclus  est)  non  constet  qui  fuerit;  et  cum  venerabilis  Bedae  esse 
non  credatur  (cui  tamen  in  mullis  niss.  tribuilur,  et  inter  eius  opéra 
excusus  liabetur)  quia  eius  tempore  festum  hoc  nondum  insiitutum 
fuerat  in  universali  ecclesia,  placeret  ut  sub  nomine  beati  Odonis 
abbatis  Cluniacensis  legeretur,  cui  adscriptus  est  in  antiquo  lectio- 
nario  mss.  sanctae  Mariae  ad  Martyres. 

44.  Dominus  cardinalis  Baronius  ex[)oscit  ut  festum  sanclorum 
Nerei  et  Achillei  reponalur  cum  oflicio  semiduplici,  iisque  adiungatur 
sancta  Domitilla  virgo  et  martyr,  quam  ipsi  ad  Chrislum  converlcrunl, 
de  cuius  vita  et  marlyrio,  quod  contigit  sex  dies  anle,  addalur  lectio, 
quae  erit  sexta.  Et  in  kalendario  iegendum  erit  sic  :  Santorum  Nerei, 
Acliillei,  Domitillae  virginis,  atque  Pancratii  martyrum. 

4o.  De  leclione  sanctae  Petronillae  iterum  dubitatum  fuit,  an  magis 
expédiât  illam  omittere  et  eius  loco  légère  unam  de  commun!  vir- 
ginum,  sicuti  factum  videmus  in  sanclo  Georgio,  Margarila,  et  aliis, 
quorum  acta  sunt  incerla  et  dubia.  Et  hoc  idem  censendum  videtur 
de  lectionilms  sanctae  Catliarinae. 

16.  Die  5  januarii  addita  est  commemoralio  sancti  Telespliori  papae 
et  marlyris,  quae  reperitur  in  quii)usdam  antiquis  breviariis. 

17.  Psalmi  et  lectiones  de  Scriptura  ad  novissiiuam  bibliorum  edi- 
lionem  redactae  sunt. 

18.  Postremo,  rubricao  générales,  alque  iUac  etiam  quae  propriis 
locis  adhibenlur,  diligenlcr  examinatae  sunt,  et  quas  invicem  con- 
trarias ac  inter  se  pugnantes  animadvcrtimus,  quoad  fieri  potuit  con- 
ciliare  studuimus,  obscuras  et  ambiguas  planius  explicare,  imper- 
fectas  ac  mutilas  su|)plere,  superlluas  resecare,  servato  tamen  eodem 
ordine,  immo  nulla  penitus  in  re  immutato. 

19.  Videtur  necessrio  a()ponendum  S""  D»'  N'  brève,  in  que  huius 
emendationis  ratio  aliqua  reddalur,  ne  homines  aliud  novunx  brevia- 
num  esse  suspicantes,  scandali  ansam  accipiant.  Et  posset  in  hanc 
vel  similem  formam  concipi. 

Licet  Pius  V  felicis  récordationis,  reformato  a  se  Breviario  Romano, 
per  suam  constitutionem  prohibucrit  ne  aliquid  in  eo  mutarelur,  aul 
adderetur,  vel  minueretur,  multorum  tamen  sive  t.ypograi)horum,  sive 
aliorum  audacia  ac  temerilas  usqucadeo  processif,  ut  nulla  iam  re- 
pcrianlur  Breviaria,  <iuae  a  prima  illa  edifionc  in  plurimis  non  dis- 


LK  HRKVIAIHE  DU  CONCILE  DE  TRENTE.     349 

crêpent.  Nam  et  lecliones  de  novo  additae  fucrunt;  multas  unusquis- 
que  suo  arbitratu  mutavit;  psalmi  et  alii  sacrarum  scripturarum  loci 
absque  delectu  ad  vulgalam  editionem  redacti  sunt;  immo  in  aliquibus 
Breviariis  posila  est  quaedam  psalterii  versio,  quae  nec  cum  vulgata, 
nec  cum  antiqua  Romana  consentit.  Rubricae  générales  et  particulares 
SLib  praetextu  maioris  explication is  immutatae,  plures  difficultates 
contradictionesque  pariunt.  Nos  huic  malo,  quod  magis  magisque  in 
dies  augescit,  occurrere  necessarium  iudicantes,  Breviarium  ipsum 
recognosci  mandavimus,  et  cum  prima  illa  praefati  Pii  V  editione 
collalum,  reslitutis  lis  quae  depravata  erant,  diligenlissime  imprinii 
l'ecinius  in  noslra  typograpliia  Vaticana,  districtius  praecipientes  ne 
(luis  in  poslerum  (|uidquam  in  eo  immutare,  aut  addere  vel  detrahere 
praesuniat,  sed  inlegrum  ipsum  ac  prorsus  iiicorruptum,  sicut  modo 
editur,  ab  omnibus  retineatur. 

Quod  ut  facilius  exequatur  ac  fidelius  servetur,  mandamus  ordina- 
riis  et  inquisitoribus  locorum,  ubi  deinceps  Breviaria  excudentur,  ut 
illa  cum  hac  nostra  editione  diligenter  conferii  curent,  et  nisi  cum 
ea  omnino  concordare  repererint,  licentiam  publicandi  et  distrahendi 
non  concédant,  sed  iila  aboleri  facianl,  etc. 


350  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

EXCURSUS  E. 

Lettre  du  P.  Strada  à  Urbain  VIII. 

Bibliothèque  Victor  Emmanuel,  à  Rome,  Fonds  de  Sanl-Onofrio,  507 
(olim  136),  fol.  1-3. 

Beatissimo  Padue. 

Gia  clie  è  piaciuto  alla  Sanlita  Vostra  farmi  parte  d'alcuni  hinni, 
dalla  sua  altretanto  dolta,  che  santa  mano  ridotti  in  miglior  forma,  e 
commandarmi  che  sopra  di  essi  le  ne  dia  il  mio  parère,  cosi  l'obe- 
disco.  L'accomodamento  mi  è  parso  necessario,  e  con  singular  gratia 
aggiuslate.  Ho  nondimeno  (jualche  difficultà  in  tre  o  quattro  cose, 
che  qui  alla  S.  V.  rappreseoto,  con  quell'  humiltà,  che  si  dcve  ail' 
altissimo  suo  sapere. 

Quodcumque  vinclis  super  terram  strinxeris.  La  S.  V.  ha  accomo- 
dato  Quodcumque  vinculis  humi  revinxeris.  Non  so  se  quel  humi 
chiaramente  risponde  a  quel  super  terram  cioè  tra  gl'  huomini  et 
in  questo  monde.  Perô  io,  per  non  mi  partir  molto  dall'  antico,  haveva 
pensato  dire  —  in  loco  di 

Quodcumque  vinclis  super  terram  strinxeris,  — 
Quodcumque  vinclis  hic  in  orbe  strinxeris. 

Neir  hinno 


la  S.  Y.  muta  cosi  : 


0  lux  beata  Trinitas 

Et  principalis  unitas  etc. 


lam  sol  recedit  igneus 

Tu  lux  perennis  unitas  etc. 


lodoco  Clictoueo  nel  suo  «  Elucidatorio  degl'  hinni  »  fa  gran  mis- 
teri  soçtsl  quei  principalis  unitas,  dicendo  tra  l'altre  cose  :  «  Dicitur 
unitas  principalis,  quia  omnis  unitatis  in  rébus  humanis  est  princi- 
pium  et  fons,  à  qua  quidquld  iu  mundo  est  unum,  suam  habet  uni- 
tatem.  Ita  Deus  ipse  dicitur  principalis  veritas,  principalis  bonitas, 
virtus  »  etc.  E  veramente,  come  la  S.  V.  sa  meglio  di  tutti,  la  parola 
principalis  si  trova  tal  hora  appresso  buoni  scrittori  in  sentimenlo 
simile  à  questo,  come  principalis  Maiestas  etc.  Si  che  potendo  pas- 
sare,  massime  per  riverenza  di  S.  Gregorio,  di  cui  é  l'hinno,  la  S.  V. 
judicarà  se  è  bene  non  lo  mutare. 

Nell'  istesso  hinno 


la  S.  V.  accomoda 


Te  nostra  supplex  gloria 
Per  cuncta  laudet  saecula 


0  faxis  ut  te  supplices 
Laudemus  inter  coelite^. 


LIi    IJHÉMAIRE    DU    CONCILE    DE    TRENTE.  351 

Se  bene  si  potrebbe  intendere  per  supplex  gloria,  glorificatio,  laits, 
%>raeconium  quod  à  supplicibus  datur,  alludendosi  per  parère  di 
Clictoueo  al  verzetto  Gloria  Patri,  et  Filio  etc.,  non  dimeno  la  consi- 
deratione  et  emendatione  délia  S.  V.  mi  pare  che  prevaglino.  Se 
pure  non  si  giudicasse  bene,  per  non  allontanarsi  molto  dall'  antico, 
dir  C(»si  —  in  cambio  di 

Te  nostra  supplex  gloria 
Per  cuncta  laudel  saecula,  — 
Te  supplicum  praeconia 
Per  cuncta  laudent  saecula. 

Neir  hinno  Fer.  VI.  ad  Yesp.  Plasmator  hominis  Deus,  la  S.  V.  muta 
cosi  :  Deus  creator  siderum.  Descrivendosi  in  questo  hinno  délia 
feria  sesta  le  cose  create  da  Dio  nel  sesto  giorno,  il  che  s'  osserva 
negl'  hinni  del  Vespero  degl'  altri  giorni,  non  pare,  che  si  possa  o 
lasciar  l'huomo,  principal  opra  di  quel  giorno,  o  parlar  délie  stelle 
create  nel  quarto  giorno,  corne  si  dice  nell'  hinno  délia  feria  quarta, 
Lunae  ministras  ordinem,  Vagosque  cursus  siderum.  Perô  per  non- 
far  molta  mutatione  dirrei  :  Plasmator  o  hominis  Deus. 

Nello  stesso  hinno  Nobis  dedisti  subiciens  dalla  S.  v.  in  cambio  di 
subdens  dedisti  homini,  nel  che  rappresento  alla  S.  V.  se  le  paresse 
piu  cantabile  :  Mortalibus  subieceris. 

Nell'  hinno  délia  B.  V. 

Mémento  salutis  auctor, 
Quod  nostri  quondam  corporis, 
Ex  ilUbata  Virgine 
Nascendo  formam  sumpseris, 

la  S.  V.  muta  cosi  : 

Salutis  auctor  sis  memor, 
Nostri  quod  artus  corporis, 
Sacrata  ab  alvo  Virginia. 
Nascendo  in  orbe  sumpseris. 

Questa  strofe  è  presa  dall'  hinno  del  Natale,  Christe  redemptor  om- 
nium, hinno  di  S.  Ambrosio,  per  riverenza  del  quale  lo  mutarei 
manco  che  fusse  possibile.  A  me  uenlua  in  mente  un  modo  taie  : 

Salutis  auctor  aspice, 
Nostri  quod  olim  corporis, 
De  Virgine  integerrima 
Nascendo  formam  sumpseris. 

Neir  hinno  délia  B.  V.  0  gloriosa  Domina  etc.  Laclasti  sacro  ubere, 
la  S.  V.  accomoda  Lactente  nutris  ubere.  Se  bene  è  piu  bello,  Lac- 
tente,  che  Lactante,  nondimeno  corne  che  questo  sempre  significa 
dare  il  latte,  e  quello  per  lo  piu  riceverlo,  considerara  la  S.  V.  si 
deue  haver  tal  riguardo. 


352  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Neir  islesso  hinno  Vitam  datam  per  Virginem  etc.,  la  S.  V.  acco- 
moda  Salus  datur  per  Virginem  etc.  Polendosi  salvare  quella  ma- 
niera di  dire,  la  S.  V.  giudiclierà  se  si  deue  ritenerse  il  primo. 

Neir  islesso 

Gloria  tibi  Domine, 
Qui  natus  es  de  Virgine, 
Cum  Pâtre,  et  Sancto  Spiritu, 
In  sempiterna  saecula, 

la  S.  V.  muta  cosi  : 

Perenne  in  aevum  Trinilas 
Beata  semper  unilas 
Nati,  Patrisque  et  Spiritus 
Laudetur  himni  cantihus. 

Dovendosi  usar  questa  slrofe  per  clausula  in  tutti  gl'  hinni,  che  si 
dicono  ne  tompi  clie  si  la  l'offitlo  délia  B.  V.  o  délia  Nalività  del 
Signore  etc.  par  che  nocessariamente  si  debhia  far  particolare  coni- 
memoralione  délia  B.  V.  in  qualclie  modo  simile,  con  manco  muta- 
lione  clie  si  puo  : 

Jesu  tibi  sit  gloria, 
Qui  natus  es  de  Virginie 
Cum  Pâtre,  Sancto  et  Spiritu, 
In  sempiterna  saecula. 

Con  ciie  prostrato  avanti  la  S.  V.  con  ogni  riverenza  le  bacio  i  san- 
tissimi  piedi. 

Famianû  Strada. 


CHAPITRE  VI 

LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV. 
I 

Dom  Guéranger,  au  tome  second  de  ses  Institutions 
liturgiques^  a  fait  l'histoire  et  le  procès  des  réformes 
gallicanes  du  Bréviaire  romain,  histoire  et  procès 
qu'il  serait  difficile  de  faire  avec  plus  de  chaleur.  On 
aura  du  reste  assez  vu,  depuis  le  commencement  de 
notre  présent  livre,  où  vont  nos  préférences  person- 
nelles, pour  être  convaincu  que  nous  considérons 
cette  histoire  comme  abondant  dans  notre  sens,  et  ce 
procès  comme  légitimement  et  heureusement  gagné. 
Mais  il  n'est  pas  inutile  de  rappeler,  à  la  suite  de 
Dom  Guéranger  et  aussi  brièvement  que  possible,  ces 
essais  gallicans  entrepris  pour  substituer  au  Bréviaire 
romain  de  saint  Pie  V,  de  Clément  VIII  et  d'Ur- 
bain VIII,  un  Bréviaire  soi-disant  mieux  réformé.  Car 
il  y  a  dans  ces  essais  une  part  de  critiques,  et  une 
part  de  chimères,  capables  ensemble  de  montrer  ce 
que  l'œuvre  de  Pie  V,  de  Clément  VIII  et  d'Ur- 
bain VIII  a  d'incomplet  et  aussi  ce  qu'elle  a  d'excel- 
lent ^. 

1.  On  joindra  à  l'œuvre  de  Dom  Guéranger  la  monographie 

HISTOIRE    DU  BRÉVIAIRE   ROMAIN.  2^ 


354  HISTOIRE    DU    BRÉMAIHE    ROMAIN. 

J'ai  dit  plus  haut  comment  le  Bréviaire  romain  de 
saint  Pie  V  avait  été  reçu  en  France,  et  notamment  à 
Paris.  En  1643,  l'archevêque  de  Paris,  Jean-François 
de  Gondy,  avait  fait  reviser  le  Bréviaire  parisien  de 
1584,  pour  le  rendre  le  plus  conforme  qu'il  se  pouvait 
au  Bréviaire  romain  :  bonne  preuve  que  le  Bréviaire 
romain  était  tenu  en  France  comme  le  Bréviaire 
sinon  obligatoire,  au  moins  modèle.  C'est  au  cours 
déjà  avancé  du  règne  de  Louis  XIV,  concurremment 
avec  les  disputes  de  la  régale,  que  se  firent  jour  les 
premiers  projets  de  réforme  liturgique,  projets  où  il 
n'est  pas  permis  de  ne  point  voir  l'intention  de  se 
soustraire  à  la  discipline  romaine  et  d'affirmer  l'in- 
dépendance de  l'Eglise  gallicane,  mais  où  l'on  aurait 
tort  aussi  de  ne  point  reconnaître  les  scrupules  que 
les  progrès  de  la  critique  sacrée  devaient  nécessaire- 
ment provoquer  dans  le  clergé.  Ce  que  Baronius  et 
Bellarmin  avaient  été  à  Rome,  en  1600,  des  érudits 
comme  Thomassin,  Mabillon  et  tant  d'autres,  l'étaient 
pour  le  clergé  de  France,  aux  environs  de  1682.  Tel 
est,  quoi  qu'on  veuille,  le  rôle  historique  des  élites. 

A  Paris,  dès  1670,  sous  l'influence  de  ces  deux 
préoccupations,  on  avait  commencé  de  travailler  à 
une  revision  du  bréviaire  romain-parisien.  Commen- 
cée par  ordre  de  l'archevêque  Hardouin  de  Péréfîxe 
(f  1671),  elle  fut  terminée  sous  l'archevêque  François 

de  Marcel,  Livres  liturgiques  du  diocèse  de  Langres  (Paris 
1892),  et  celle  de  Collette,  Histoire  du  Bréviaire  de  Rouen 
(Rouen  1902).  —  Sur  les  Allemands,  et  notamment  sur  les 
deux  fameux  Bréviaires  de  Cologne  (1780)  et  de  Munster 
(1784),  voyez  Baeumer,  t.  II,  p.  338-371.  Sur  le  Bréviaire  de 
Pistoie  (1787),  ibid.  p.  336-338. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV,  355 

de  Harlay  (en  1680)'.  Ilarlay  et  ses  théologiens  se 
proposaient  de  retrancher  du  Bréviaire  «  les  choses 
superflues  ou  peu  convenables  à  la  dignité  de  l'Eglise, 
d'en  faire  disparaître  ce  qu'on  y  avait  introduit  de 
superstitieux,  pour  n'y  laisser  que  des  choses  con- 
formes à  la  dignité  de  l'Église  et  aux  instructions  de 
l'antiquité...  ;  de  retrancher  quelques  homélies  fausse- 
ment attribuées  aux  Pères,  les  choses  erronées  ou 
incertaines  dans  les  actes  des  saints,  enfin  générale- 
ment toutes  les  choses  moins  conformes  à  la  piété  ^  ». 
Harlay  reprenait  presque  les  termes  de  la  bulle  Quod 
a  nobis  de  saint  Pie  V,  mais  il  en  accentuait  la  déci- 
sion dans  le  sens  de  Tillemont  écrivant  :  «  On  doit 
bannir  de  l'office  divin  tout  ce  qui  n'a  pas  une  auto- 
rité, ou  certaine  ou  au  moins  assez  bien  appuyée, 
pour  estre  lu  avec  un  respect  et  une  piété  raisonna- 
ble, et  ne  donner  pas  sujet  aux  hérétiques  de  se  rail- 
ler de  notre  dévotion^.  » 


1.  Breviarium  parisiense  fil.  et  Rev.  in  Christo  Patris  DD. 
Francisci  de  Harlay,  Dei  et  sanctae  Sedis  Apostolicae  gratia 
Parisiensis  Archipiscopi...,  ac  venerabilis  eiusdem  Ecclesiae 
Capituli  consensii  editum.  Paris  1680.  —  En  1688,  on  donna 
subrepticement  à  Paris  une  édition  en  français  du  Bréviaire 
romain.  Elle  fut  condamnée  par  Harlay  en  personne.  Biblio- 
thèque Sainte-Geneviève,  manuscrit  1307,  fol.  23,  «  Sentence 
rendue  en  Tofficialité  de  Paris,  portant  condamnation  du  Bré- 
viaire romain  en  langue  françoise  »  (10  avril  1688);  fol.  27, 
«  Ordonnance  de  M»'  l'archeYésque  de  Paris  »  (23  mai). 

2.  GUÉRANGER,  t.  II,  p.  37. 

3.  Tillemont,  Histoire  ecclésiastique,  t.  V  (1702),  p.  188. 
Il  s'agit  des  actes  fabuleux  de  saint  Georges.  La  phrase  de 
Tillemont  débute  ainsi  :  «  On  peut  donc  juger  que  c'est  avec 
beaucoup  de  raison  que  le  Bréviaire  Romain  et  les  autres  où 
il  y  a  moins  de  fautes,  se  contentent  de  faire  la  feste  de  saint 


356  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Le  Bréviaire  de  M.  de  Harlay  parut  en  .1680.  On 
avait  changé  le  texte  de  nombre  de  répons  et  d'an- 
tiennes, nos  reviseurs  ne  voulant  qu'aucun  texte  de 
répons  ou  d'antiennes  fût  pris  hors  de  la  sainte 
Écriture.  Plus  de  quarante  légendes  de  saints  avaient 
été  retranchées  comme  manquant  d'autorité,  et  rem- 
placées par  des  textes  homilétiques  des  saints  Pères. 
D'autres  avaient  été  retouchées  :  saint  Denis  l'Aréo- 
pagite  n'était  plus  le  premier  évêque  de  Paris  ;  sainte 
Marie-Madeleine  n'était  plus  la  sœur  de  Marthe; 
saint  Lazare  n'était  plus  évêque;  le  récit,  par  saint 
Jean  Damascène,  de  l'Assomption  de  Marie  était 
retranché...  Assurément,  il  manquait  aux  liturgistes 
parisiens  de  1680  la  compétence  canonique  pour  re- 
manier ainsi  le  texte  d'un  Bréviaire  publié  et  privilé- 
gié par  le  Saint-Siège  K  II  leur  manquait  aussi  cette 
éducation  spéciale  qui  leur  eût  inspiré  d'étudier  la 
liturgie  dans  ses  sources,  au  lieu  de  la  traiter  a  priori. 
Ils  avaient  pour  eux  une  solide  érudition  historique , 
un  sens  judicieux  des  devoirs  et  des  franchises  de  la 
critique.  Et  à  qui  eût  trouvé  excessive  la  maxime 
citée  plus  haut  de  Tillemont,  ils  auraient  pu  répon- 
dre :  «  L'on  rend  un  service  beaucoup  plus  considé- 
rable à  la  vérité  et  à  l'Église,  en  ensevelissant  dans 
le  silence  des  choses  qui  ne  sont  pas  tout  à  fait  cer- 
taines, que  lorsqu'on  en  avance  de  fausses,  même 
parmi  d'autres  qui  sont  vraies  :  car  il  arrive  que  la 

George,  sans  oser  rien  insérer  de  sa  vie  dans  l'office  divin, 
d'où  l'on  doit  bannir  «  etc. 

1.  Baeumer,  t.  II,  p.  331,  est  moins  sévère  :  «  On  ne  peut 
disconvenir,  dit-il,  que  de  Harlay  fut  dans  son  droit.  » 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  357 

moindre  fausseté  qu'un  lecteur  trouve  dans  une  pièce 
le  fait  douter  des  autres  choses  les  plus  vraies,  et  il 
no  veut  plus  s'assurer  de  rien  dès  qu'il  s'est  vu  une 
fois  trompé  par  quelque  mensonge.  »  Ces  paroles  ne 
sont  point  de  Tillemont,  encore  moins  de  Laùnoy, 
mais  du  cardinal  Baronius^ 

Ce  qui  compromit  la  réforme  de  Ilarlay,  ce  fut 
qu'on  crut  pouvoir  la  dépasser,  et,  abandonnant  le 
programme  de  Pie  V,  reprendre  celui  de  Quignonez^ . 


1.  Baron.  Annal,  t.  III,  p.  444. 

2.  Il  est  curieux  de  constater  la  même  tendance  à  Rome 
chez  le  cardinal  Tomasi.  On  possède,  en  effet,  de  lui  un 
opuscule  intitulé  :  De  privato  ecclesiasticoriim  officiorum  Bre- 
viario  extra  chorum,  composé  en  1706,  imprimé  avec  des  cou- 
pures d'abord  par  Bianchini,  puis  intégralement,  en  1754,  par 
Vezzosi,  au  tome  VII  des  Thomasii  opéra  omnia  (p.  62-68)  : 
cet  opuscule  serait,  s'il  faut  en  croire  Bianchini  (ici.  p.  68,  note), 
un  projet  de  réforme  de  l'ofTice  privé,  projet  présenté  par 
Tomasi  à  la  Congrégation  des  Rites.  Le  Cardinal,  remontant 
à  l'antiquité  chrétienne,  croit  pouvoir  établir  que,  antérieure- 
ment au  ix''  siècle,  l'otïice  privé  était  pour  les  clercs  différent 
de  l'olfice  du  chœur,  et  beaucoup  plus  simple.  Il  conclut  : 
«<  Hinc  videtiir  ipsum  privatum  offîcium  revocandum  esse  ad 
pristinam  normam  conslantem  ex  psalmis  et  lectionibus  sa- 
crae  Scripturae,  remotis  antiphonis  et  responsoriis,  quae  ut 
eorumdem  nomina  demonstrant  coelum  canenlium  reqni- 
runl.  »  Tomasi  réclame  le  retour  à  l'office  lemporal,  afin 
ffuainsi  le  .psautier  soit  dit  intégralement  chaque  semaine. 
Il  veut  que  l'Écriture  sainte  abonde  dans  les  leçons  :  on  lira 
en  un  an  les  quatre  évangiles,  voire  tout  le  Nouveau  Testa- 
ment; on  lira  les  livres  sapientiaux  en  entier,  les  principaux 
récits  de  l'histoire  sainte  (création,  déluge,  vocation  d'Abra- 
ham, etc.),  les  pages  des  prophètes  les  plus  capables  de  for- 
mer les  mœurs.  On  remplacera  les  collectes  par  l'oraison  do- 
minicale; ainsi,  dit-il,  que  Durand  assure  que  le  voulait  l'usage 
d\iLRivan(Rational.  iv,  14,  17).  Tous  les  jours,  au  nocturne 
unique,  trois  leçons  scripturaires,  la  troisième  toujours  de  l'É- 


358  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

Ce  retour  fut  provoqué  par  une  série  de  publica- 
tions parues  coup  sur  coup  au  début  du  xviii*'  siècle, 
concurremment  avec  la  Fronde  ecclésiastique  qui 
suivit  la  bulle  Unigenitus  ^ .  Signalons  le  Traité  de  la 
messe  et  de  l'office  divin  (1713)  de  J.  Grancolas  -  ;  le 
Commentaire  historique  sur  le  Bréviaire  romain 
{il21)  du  même;  en  1720,  le  livre  de  F.  M.  Foinard^ 
intitulé  Projet  d'un  nouveau    Bréviaire,   dans   le- 

vangile.  Tomasi  complète  son  projet  par  un  calendrier  (p.  70-72) 
qui  distribue  les  fêtes  en  trois  groupes,  les  Festa  maxima,  les 
Festa  maiora,  les  Festa  minora  :  seize  fêtes  dans  le  premier 
groupe,  vingt-neuf  dans  le  second,  ce  sont  des  fêtes  privilé- 
giées, obligatoires  partout.  Les  fêtes  mineures,  fêtes  sancto- 
rales,  ne  sont  obligatoires  que  si  le  saint  a  son  nom  inséi»' 
dans  le  canon  de  la  messe;  elles  sont,  sans  cela,  facultatives. 
Extra  Urbem  Romam  pro  libito  celebrari  possunt,  vel  omitti.  ) 
—  Le  projet  de  Tomasi  fut-il  soumis  réellement  a  la  Congré- 
gation des  Rites?  On  n'en  sait  que  ce  que  Biancliini  en  a 
dit  :  «  Hoc  est  votum  Gongregationi  Rituum  a  V.  Thomasio 
oblatum.  »  Quant  au  sentiment  personnel  de  Biancliini,  on  le 
connaît  :  «  Institutio  huius  privati  ecclesiasticorum  ofTicioruni 
Breviarii  extra  chorum,  licet  pia  videatur,  nunc  temporis  la- 
men  non  expediret.  »  Vezzosi,  en  1754,  n'était  pas  de  ce  sen- 
timent :  «  Ego  autem,  écrit-il,  in  ea  sum  sententia,  ut  statuait i 
et  hoc  tempore  potissimum  vel  maxime  expedire  Breviarium 
illud  pro  diurno  cursu  privato  extra  chorum  ea  ratione  dispo- 
situm,  quam  Thomasius  proponit,  si  a  Summo  Pontifice,  ad 
quem  adtinet  similibus  in  rébus  de  Ecclesiae  disciplina  dispo- 
nere,  adprobarctur  »  (p.  66,  note).  —  J.  W.  Legg,  The  refov- 
med  Breviary  of  cardinal  Tommasi,  cdifed  with  an  introduc- 
tion, translation,  notes  and  appendices  (London  1904). 

1.  Voyez  cependant  Claude  Joly,  Tractatus  de  rcformandis 
horis  canonicis  (Paris  1644  et  1675).  Voyez  aussi  L.  Delisle, 
«  le  Bréviaire  de  Colbert  »  [1679],  dans  la  Bibliothèque  de 
l'École  des  Chartes,  1882,  p.  146-149. 

2.  Sur  Grancolas  (f  1732),  voir  la  notice  du  Grand  diction- 
naire historique  de  Moreri,  t.  V  (1759),  p.  827. 

3.  Sur  Foinard  (f  1743),  Moreri,  t.  V,  p.  204. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  359 

quel  Voffice  divin,  sans  en  changer  la  forme  ordi- 
naire, serait  particulièrement  composé  de  l'Ecriture 
Sainte,  instructif,  édifiant,  dans  un  ordre  naturel, 
sans  renvois,  sans  répétitions  et  très  court,  avec  des 
observations  sur  les  anciens  et  les  nouveaux  Bré- 
viaires ^ . 

Foinard  ne  faisait  que  reprendre  une  idée  émise 
par  Grancolas  dans  son  Traité,  et  développée  par 
lui  dans  son  Commentaire.  Ensemble  Grancolas  et 
Foinard  se  rencontraient  pour  proposer  :  1"  de  pri- 
vilégier rolïice  du  dimanche,  en  sorte  qu'il  ne  cédât 
désormais  qu'à  une  fête  de  Notre-Seigneur;  2*^  de 
privilégier  le  temps  du  carême,  en  sorte  que  l'office 
férial  n'y  cédât  à  aucune  fête,  pas  même  à  l'Annon- 
ciation, qui  serait  retranchée;  o""  d'abréger  l'office 
férial,  «  car  dès  que  l'office  de  la  férié  ne  sera  pas 
plus  long*  que  celui  des  fêtes,  comme  il  est  plus  di- 
versifié et  plus  affectif  que  celui  des  saints ,  il  n'y  a 
personne  qui  n'aime  mieux  le  dire  que  celui  des 
fêtes  2  »  ;  4'^  de  distribuer  les  fêtes  en  cinq  classes  : 
une  classe  supérieure  pour  les  fêtes  de  Notre -Sei- 

1.  Comparez  Biblioth.  de  l'Arsenal,  manuscrit  2040  :  «  Pro- 
jet d'un  nouveau  Bréviaire  universel,  Paris,  Pierre  Simon, 
1728.  » 

2.  Cf.  GUANCOLAS,  Comment,  p.  199  :  «  Offîcium  Festorum 
simpliciuni,  quale  Romae  fit,  unicum  est,  quod  juxta  ritum  in 
breviariis  nostris  habeamus.  Quare  numquam  majori  gaudio 
affici  soleo,  quam  cum  per  anni  curriculum  Festa  liujusmodi, 
occurrunt,  atque  miilies  conceptis  votis  exoptavi,  ut  aliquando 
potissima  Festorum  duplicium  et  semiduplicium  pars  in  hanc 
classem  redigeretur.  Atque  hoc  polissimum  fere  est  caput, 
quod  Pontifici  Breviarium  Romanum  emendari  cupienti  pro- 
ponendum  esset.  » 


360  HISTOIHE    DU    BRÉVIAIRE    ROUMAIN. 

gneur,  daas  laquelle  ne  sera  admise  aucune  fête  de 
la  Vierge  ni  des  saints;  une  classe  solennelle  mi- 
neure pour  le  Corpus  Christi,  TAssomption,  saint 
Jean-Baptiste,  saint  Pierre  et  saint  Paul,  le  saint 
patron;  une  classe  de  doubles  pour  les  apôtres,  de 
semi-doubles  pour  les  docteurs,  de  simples  pour  les 
martyrs,  les  confesseurs  n'ayant  droit  qu'à  une  mé- 
moire, et  leur  olTice  plein  ne  devant  être  célébré 
que  dans  leur  diocèse  s'ils  ont  été  évêques,  dans 
leur  ordre  s'ils  ont  été  religieux,  dans  les  lieux  où 
ils  se  sont  sanctifiés  pour  tous  les  autres  saints  ou 
saintes;  5"  ne  recevoir,  dans  les  leçons  du  sanctoral, 
que  des  histoires  bien  approuvées*.  Comme  Harlay, 
Grancolas  et  Foinard  ne  voulaient  que  d'indiscuta- 
bles légendes,  en  quoi  ils  n'avaient  pas  tort.  Et  ils 
n'avaient  pas  tort,  non  plus,  en  réclamant  un  retour 
à  l'office  temporal,  tombé  en  une  si  excessive  désué- 
tude, alors  comme  aujourd'hui  encore.  Mais  pareil 
retour  entraînait  un  bouleversement  du  sanctoral  : 
la  difficulté  n'était  pas  nouvelle,  la  solution  man- 
quait d'autorité. 

Il  se  trouva  un  archevêque  de  Paris  ^,  Charles  de 
Vintimille,  pour  exécuter  le  projet  de  Grancolas  et 
de  Foinard,  en  enchérissant  sur  leurs  propositions. 
M.  de  Vintimille  chargea  de  la  constitution  d'un  nou- 
veau Bréviaire  de  Paris  un  oratorien  suspect  de  jansé- 

1.  GUÉRANGER,  t.  II,  p.  236. 

2.  Joignons-y  pour  mémoire  l'archevêque  de  Rouen  (1728), 
l'évêque  d'Orléans  (1731),  l'archevêque  de  Lyon  (1738).  En 
1791,  le  Bréviaire  romain  avait  été  abandonné  dans  91  dio- 
cèses de  France. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  361 

nisme,  le  P.  Yigier,  et  subsidiairement  deux  régents 
du  collège  de  Beauvais,  François  Mésenguy  et  Char- 
les Goffin,  tous  deux  appelants  de  la  bulle  Unigeni- 
tus.  Le  Bréviaire  de  M.  de  Vintimille  parut  en  1736  :  il 
devait  rester  en  usage  jusqu'à  nos  jours  ^. 

Le  Bréviaire  de  M.  de  Vintimille  donnait  au  di- 
manche la  prérogative  d'exclure  toutes  sortes  de 
fêtes,  à  l'exception  de  «  celles  qui  ont  dans  l'Eglise  le 
premier  degré  de  solennité  ».  En  second  lieu,  une  pré- 
rogative du  même  genre  était  accordée  au  carême, 
«  ayant  jugé  équitable  de  rappeler  l'ancienne  coutume 
de  l'Eglise,  qui  ne  jugeait  pas  que  la  solennité  joyeuse 
des  fêtes  s'accordât  assez  avec  le  jeûne  et  la  salutaire 
tristesse  de  la  pénitence  »  ;  on  ôtait  «  du  carême  toutes 
les  fêtes,  à  l'exception  de  celles  dans  lesquelles  on 
s'abstient  d'œuvres  serviles  ».  En  troisième  lieu,  on 
récitait  les  psaumes  de  la  férié  à  toutes  les  fêtes,  à 
l'exception  des  fêtes  consacrées  aux  martyrs  ou  à  la 
sainte  Vierge.  En  quatrième  lieu,  c'était  l'innovation 
la  plus  notable,  et  comme  un  retour  direct  à  Quigno- 
nez,  on  avait  divisé  le  psautier  de  façon  à  pouvoir 
assigner  des  psaumes  propres  à  chaque  férié  et  même 
à  chaque  heure,  en  coupant  ceux  qui  étaient  trop 
longs  :  d'où  il  résultait  que  le  psautier  pouvait  pres- 
que toujours  être  lu  en  entier  dans  l'espace  d'une  se- 
maine. 

1.  Breviarium  parisiense  lit.  et  Hev.  in  Christo  Patris  DD. 
(^.aroli-Gaspar-Giiillelmi  de  Vinlimille,  c  comitibus  MasslUae 
Du  Luc,  Pariensis  Archiepiscopi...  auctorifate,  ac  Vcnerabilis 
eiiisdem  Ecclesiac  CapituU  conscnsu  editiim.  Paris  1736.  — 
Le  Bréviaire  parisien  fut  relire  par  ordonnance  du  cardinal 
Guibert,  archevêque  de  Paris,  du  l*"-  novembre  1873. 


362  HISTOIRE    DU    BIIÉVIAIRE    ROMAIN. 

L'office  du  temps  ainsi  restauré,  il  fallait  alléger  le 
calendrier.  On  supprima  d'abord  une  série  de  fêtes  : 
la  Chaire  de  saint  Pierre  à  Antioclie  ;  les  octaves  de 
saint  Etienne,  de  saint  Jean,  des  saints  Innocents,  de 
saint  Jean-Baptiste,  des  saints  Pierre  et  Paul,  de  la 
Conception;  les  fêtes  de  saint  Vital,  sainte  Domitille, 
saint  Alexis,  sainte  Marguerite,  sainte  Praxède,  saint 
Calliste,  sainte  Félicité,  etc.  D'autres  fêtes  furent  ré- 
duites à  des  mémoires  :  saint  Georges,  saint  Martin 
pape,  saint  Silvestre,  etc. 

L'hymnaire,  par  une  concession  au  goût  du  temps, 
n'avait  point  été  supprimé,  mais  renouvelé  et  déve- 
loppé :  Ilabert,  Tourneux,  surtout  Coffin  en  avaient 
fait  les  principaux  frais,  mêlant  à  leur  inspiration 
poétique  de  subtiles  réminiscences  de  VAugustinus^. 
Nous  aurions  cependant  mauvaise  grâce  à  ne  pas 
reconnaître  que  plus  d'un  des  hymnes  de  Paris 
est  d'une  très  pure  beauté.  Le  lectionnaire,  en  ce 
qui  est  des  légendes  des  saints,  avait  le  mérite  d'ê- 
tre marqué  au  sceau  de  «  la  nouvelle  critique  », 
comme  s'exprime  un   peu  aigrement  Do  m   Guéran- 


1.  Los  hymnes  do  Claude  de  Santeul  (1628-1684),  du  sémi- 
naire de  Sainl-Magloire,  et  les  hymnes  de  son  Irèrc  Jeaii-Bap- 
lisle  de  Santeul  (1690-1697),  du  couvent  de  Sainl-VicLor, 
avaient  été  composés  pour  le  Bréviaire  de  M.  de  Harlay,  el 
passèrent  de  là  dans  le  Bréviaire  de  M.  de  Vinlimille.  Moreri, 
t.  IX,  p.  147.  U.  Chevalier,  Hymnes  et  proses  inédites  de 
Claude  Santeul  (Paris  1909),  p.  x.  Claude  n'avait  donné  que  six 
hymnes  au  Bréviaire  de  Harlay,  les  autres  sont  de  Jean-Bap- 
tiste. ~  Sur  Charles  Coffin  (1676-1749)  (jansénisme  à  part),  lisez 
sa  notice  dans  Moreri,  t.  III,  p.  793.  Les  autres  auteurs  dos 
hymnes  étaient  Nicolas  Tourneux,  Isaac  Ilabert,  Guillaumo 
de  la  Brunetière,  etc. 


LES  PHOJETS  DE  BENOIT  XIV.  3G3 

ger  ' .  Le  lectionnaire  et  le  responsoral  étaient  four- 
nis par  l'Écriture  sainte  uniquement,  plus  d'une  fois 
et  très  malignement  interprétée  dans  le  sens  jansé- 
niste et  appelant,  dit  encore  Dom  Guéranger^.  Quant 
au  gallicanisme  de  l'œuvre,  il  suffit  d'en  donner  un 
exemple  :  on  avait  remplacé  l'invitatoire  Tu  es  pa- 
stor  ovium  princeps  apostolorumy  de  la  fête  de  la 
Chaire  de  saint  Pierre,  par  celui-ci  :  Caput  corporis 
Ecclesiae  Dominum  çenite  adoremus. 

Le  Bréviaire  de  M.  de  Vintimille  provoqua  des  pro 
testations  véhémentes ,  dont  on  trouvera  le  détail 
dans  Dom  Guéranger.  Ce  que  Ton  sait  moins,  c'est 
que  le  Saint-Siège  intervint  :  dès  juillet  1736,  le  Bré- 
viaire parisien  était  déféré  à  l'examen  de  la  congré- 
gation du  Saint-Office  ^. 

A  Rome,  l'impression  était  fâcheuse,  d'abord  par 
l'effet  (f  de  la  prévention  où  on  est  ici  contre  tout  ce 
qui  part  de  France  en  matière  de  religion  »,  ainsi 
qu'écrivait  pour  lors  un  de  nos  compatriotes  résidant 
à  Rome,  «  prévention  prise  premièrement  d'après 
nos  maximes  que  Rome  ne  peut  jamais  se  lasser 
d'improuver,  et  confirmée  par  les  erreurs  des  der- 
niers temps,  qui,  à  la  vérité,  n'ont  été  que  trop  ré- 


1.  Guéranger,  l.  II,  p.  282. 

2.  Ihid,   p.  267. 

3.  Ce  point  et  toute  la  négociation  entre  Versailles  et  Rome 
qui  suivit  a  été  mis  en  lumière  par  nous  d'après  la  Corres- 
pondance de  Rome  des  Archives  du  ministère  dos  Affaires 
étrangères.  Nous  en  avons  publié  les  pièces  dans  les  Analecta 
inris  pontificii  [de  Battandier],  février  1896,  sous  le  titre  de 
«  Le  Bréviaire  parisien  de  1736  et  le  pape  Clément  XII  d'après 
une  correspondance  diplomatique  inédite  »• 


364  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

pandues,  et  qui  n'ont  gagné  que  trop  de  terrain  dans 
le  royaume^  ».  Cependant,  autour  du  Saint-Office, 
on  inclinait  à  penser  que  dans  le  Bréviaire  parisien  il 

1.  Lettre  de  l'abbé  Certain  (agent  de  l'ambassade)  à  M.  de 
Chauvelin,  ministre  des  Affaires  étrangères,  5  octobre  1736. 
L'abbé  continue  en  ces  termes  :  «  On  a  rendu  justice  à  M.  l'ar- 
chevêque de  Paris  sur  la  droiture  de  ses  intentions  et  sur  la 
pureté  de  ses  sentiments,  mais,  à  vous  dire  vrai,  on  ne  lui 
passe  point  d'avoir  donnô  son  Bréviaire  dans  un  tem|)s  de 
trouble,  et  dans  des  circonstances  aussi  critiques  que  celles  où 
se  ti'ouve  Paris,  en  particulier  sur  le  point  de  la  Religion.  On 
lui  passe  encore  moins  d'avoir  clioisi  des  ouvriers  non  seule- 
ment suspects,  mais  appellants  et  réappellants,  tels  que  le  sieur 
Gofïîn  qui  a  fait  une  grande  partie  des  hymnes.  Les  correc- 
tions que  M.  l'archevêque  s'est  cru  obligé  de  faire  à  son 
Bréviaire,  en  y  faisant  mettre  des  cartons,  forment  encore  un 
préjugé  très  fort  au  moins  contre  la  première  édition.  Joignez 
à  cela  les  retranchements  et  les  changements  affectés  qu'on  ne 
peut  méconnaître  dans  le  plan  de  l'office  nouveau,  et  surtout  le 
triomphe  des  Jansénistes  d'une  part,  leur  empressement  à  en 
enlever  les  premiers  exemplaires,  et  le  cri  des  Constilution- 
naircs  zélés  de  l'autre,  vous  conviendrez  que  sans  entrer,  dans 
le  fond  du  Bréviaire,  il  n'est  pas  étonnant  que  les  personnes 
les  plus  modérées  aient  été  frappées  de  ces  préjugés.  On  a 
donc  cru  devoir  faire  examiner  l'ouvrage,  et  on  l'a  mis,  en 
effet,  entre  les  mains  de  quatre  qualificateurs  pour  en  faire 
leur  rapport.  Gomme  les  affaires  du  Saint-Office  sont  tenues 
fort  secrètes,  je  ne  puis  pas  assurer  que  le  rapport  ait  été 
fait,  et  encore  moins  comment  il  l'a  été,  et  l'effet  qu'il  a  pro- 
duit. Ce  que  je  sais  de  bon  lieu,  c'est  qu'on  est  convenu  assez 
généralement  parmi  les  cardinaux  et  consulteurs  du  Saint - 
Office  qu'on  ne  trouve  point  d'erreurs  dans  le  nouveau  Bré- 
viaire, et  qu'ainsi  il  ne  paraissait  point  jusqu'à  présent  de 
matière  suffisante  à  condamnation.  Je  dis  condamnation,  et 
non  pas  suppression,  car,  pour  supprimer  un  ouvrage,  il  n'est 
pas  toujours  nécessaire  qu'il  s'y  trouve  des  erreurs  :  on  peut 
raisonnablement  le  supprimer  par  beaucoup  d'autres  raisons, 
mais  il  n'est  pas  même  question  à  présent  de  suppression 
du  Bréviaire.  »  —  J'ai  publié  cette  pièce  dans  le  mémoire 
ci-dessus. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV,  365 

n'y  avait  pas  matière  suffisante  à  condamnation.  Mais 
n'ordonnerait-on  pas  la  suppression  du  Bréviaire? 
L'ambassadeur  du  roi,  duc  de  Saint- Aignan,  eut 
mission  d'insister  avec  une  extrême  fermeté  pour 
parer  cette  «  démarche  ».  Il  représenta  que  l'ar- 
chevêque de  Paris  ne  préviendrait  pas  la  censure  de 
Rome  par  une  suspension  spontanée  de  son  Bré- 
viaire, l'archevêque  estimant  qu'il  n'avait  nulle  con- 
damnation à  se  faire  ni  à  essuyer,  surtout  après  qu'il 
avait  corrigé  par  des  cartons,  dans  les  exemplaires 
du  Bréviaire,  «  ce  qui  a  pu  faire  quelque  peine  ».  Il 
représenta  de  quelle  conséquence  serait  de  voir  la 
cour  de  Rome  se  porter  «  à  quelque  démarche  d'é- 
clat que  les  droits  de  l'Eglise  de  France  et  ceux  de 
l'épiscopat  ne  pourraient  tolérer  »,  et  «  le  feu 
qu'exciterait  une  pareille  démarche  si  contraire  au 
bien  de  la  Religion  et  de  la  saine  doctrine  ».  Ces  pa- 
rades diplomatiques  des  ministres  de  Louis  XV  dis- 
simulaient mal  l'embarras  de  la  Cour,  où  l'on  ne 
demandait  qu'à  céder  en  ménageant  l'honneur  de 
l'archevêque.  «  Tout  au  plus,  on  pourrait  consentir 
que  les  remarques  faites  à  Rome  nous  fussent  en- 
voyées dans  le  plus  grand  secret,  et  nous  y  aurions 
égard  de  concert  même  avec  M.  de  Paris  ^  » 

La  négociation  aboutit,  car,  dès  la  fin  de  décembre 
1736,  le  Bréviaire  parisien  était  provisoirement  hors 
de  cause,  en  cour  de  Rome^.  Il  est  vrai,  le  cardinal 

1.  Lettre  de  M.  de  Chaiivelin,  ministre  des  Affaires  étrangères, 
au  duc  de  Saint-Aignan,  23  octobre  1736.  —  Cette  lettre  esl 
publiée  dans  le  mémoire  ci-dessus. 

2.  Lettre  de  M.  de  Ghauvelin  au  duc  de  Saint-Aignan,  8  jan- 


366  HisToiiui:  du  bréviaire  romain. 

de  Fleury  s'était  engagé  à  ce  que  M.  de  Vintimille 
introduirait  dans  son  Bréviaire  les  corrections  dési- 
rées par  le  Saint-Siège  ^  On  n'oublia  pas  à  Rome 
cet  engagement^,  et,  en  1743,  six  ans  plus  tard, 
Benoît  XIV  rappelait  que  Clément  XII  «  exigea 
que  M.  l'Archevêque  fît  un  mandement  pour  rétrac- 
ter ce  Bréviaire,  qu'on  corrigeât  quelques  antiennes 
et  quelques  répons,  et  qu'on  retranchât  les  hymnes 

vier  1737  :  «  Il  est  bien  heureux  que  vous  ayez  pu  prévenir 
ce  que  l'on  se  proposait  de  faire.  Nous  aurions  eu  double 
sujet  de  nous  plaindre  et  de  ce  que  l'on  aurait  fait,  et  de  la 
manière  furtive  dont  on  se  serait  conduit...  Le  roi  voit  avec 
satisfaction  toute  l'attention  que  vous  donnez  à  une  affaire 
qui  le  touche  d'autant  plus  qu'elle  intéresse  la  paix  de  l'É- 
glise et  le  bien  de  la  Religion.  Sa  Majesté  en  est  si  convain- 
cue qu'elle  vous  autorise  de  nouveau,  au  cas  que  cela  soit 
nécessaire,  d'en  parler  dans  les  termes  les  plus  forts  et  les 
plus  décidés.  Elle  peut  d'autant  plus  exiger  le  silence  sur 
cette  affaire,  qu'elle  veut  bien,  comme  vous  l'avez  dit,  se  por- 
ter à  disposer  M.  l'archevêque  de  Paris  aux  changements  qui 
pourraient,  en  effet,  être  nécessaires.  »  —  Mémoire  ci-dessus. 

1.  Lettre  de  l'abbé  Certain  à  M.  de  Ghauvelin,  28  mars  1737  : 
«  Quoiqu'il  y  ait  longtemps  que  la  Congrégation  a  cette  idée 
de  faire  mettre  de  nouveaux  cartons  par  M.  l'archevêque  à 
son  Bréviaire,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  mander 
plus  d'une  fois,  j'espère  pourtant  que  nous  tâcherons  au  moins 
d'obtenir  que  l'exécution  en  soit  renvoyée  à  son  successeur. 
Ce  serait  toujours  beaucoup  gagner,  et  pour  ainsi  dire  gagner 
la  partie,  peut-être  même  aurons-nous  mieux,  mais  je  n'ose 
pas  le  promettre.  »  —  Mémoire  ci-dessus. 

2.  Benoît  XIV  fut  élu  le  16  août  1740.  Dans  l'entre-temps, 
l'affaire  du  Bréviaire  parisien  sommeilla  à  Rome,  mais  elle 
n'était  pas  close.  Je  lis  dans  une  lettre  de  l'abbé  Certain  à 
M.  Amelot,  datée  de  1739  {Corr.  de  Rome,  t.  772,  fol.  477)  : 
«  Le  cardinal  Firrao  [le  secrétaire  d'État  de  Clément  XII] 
crie  beaucoup  contre  notre  Bréviaire,  mais  il  ne  nous  en  est 
pas  moins  attaché.  En  criant  ainsi  il  cherche  à  se  faire  un 
m.érite  auprès  des  zélanti,  mais  cela  n'empêchera  pas  que 


Ll'S^   PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  367 

du  sieur  Coffîn  appelant^  ».  Mais,  en  réalité,  l'ar- 
chevêque ne  consentit  à  rien.  Quand  la  première 
édition  du  Bréviaire  fut  épuisée  et  qu'on  parla  d'en 
faire  une  nouvelle,  le  nonce  s'ouvrit  au  cardinal  de 
Fleury  pour  que  «  cette  édition  fût  corrigée  confor- 
mément aux  remarques  qui  avaient  été  envoyées  » 
de  Rome.  Cependant  Benoît  XIV  fit  savoir  au  nonce 
«  de  ne  point  insister  sur  le  mandement  de  rétracta- 
tion, ne  voulant  point  que  cette  demande  fît  tort  au 
reste,  ni  rebuter  M.  l'archevêque  ».  Mais  il  fit  tenir 
au  P.  Vigier  «  tant  l'écrit  qui  contenoit  les  correc- 
tions que  Clément  XII  avoit  demandées,  que  celui 
dans  lequel  on  avoit  marqué  les  choses  de  moindre 
importance  (à  corriger)...  »,  sans  lui  dire  que  c'était 
le  Saint-Siège  qui  parlait,  «  donnant  seulement  l'é- 
crit en  question  pour  l'ouvrage  d'une  personne  zélée, 
et  qui  pouvoit  fournir  des  lumières  pour  une  bonne 
nouvelle  édition  de  ce  Bréviaire^  ».  On  était  au  com- 
mencement de  1743.  La  longanimité  du  Souverain 
Pontife   ne   servit  de  rien,  et  la  seconde  édition  du 


dans  le  moment  précis  où  il  faudra  se  décider  pour  ou  contre 
le  bréviaire  dans  le  Congrès  du  Saint-Office,  il  ne  se  range  fi- 
nalement du  côté  de  ses  défenseurs  et  n'opine  favorablement  ». 

1.  Benoît  XIV  à  Tencin,  18  janvier  1743  (Corr.  de  Rome, 
t.  791,  f,  26).  J'ai  eu  à  ma  disposition  la  correspondance 
inédite  de  Benoît  XIV  avec  le  cardinal  de  Tencin,  conservée 
aux  Archives  du  ministère  des  Affaires  étrangères,  à  Paris  : 
cotée  Corr.  de  Rome,  t.  789  et  suiv.  J'ai  dressé  et  publié  Vln- 
ventaire  des  lettres  inédites  du  pape  Benoît  XIV  au  cardinal 
de  Tencin  (Paris,  Picard,  1894),  et  donné  un  aperçu  de  cette 
curieuse  série  de  lettres  dans  la  Revue  du  Clergé  français, 
15  mars  1895.  Cf.  Historisches  lahrbuch,  1903,  p.  517  et  suiv. 

2.  Même  lettre. 


368  HISTOIRE    DU    BIIÉVIAIHE    ROMAIN. 

Bréviaire  de  M.  de  Vintimille  parut  sans  change- 
ment. 

La  raison  qui  fit  que  le  Saint-Siège  n'insista  point 
pour  obtenir  la  rétractation  de  M.  de  Vintimille,  est 
que,  s'inspirant  d'une  autre  vue  que  Clément  XII 
son  prédécesseur,  Benoît  XIV  pensait  à  entrepren- 
dre à  son  tour  une  réforme  du  Bréviaire  romain.  L(^ 
cardinal  de  Fleury,  dès  le  14  février  1741,  avait  ap- 
plaudi à  cette  pensée  qui  résolvait  sans  coup  férir 
«  l'affaire  du  Bréviaire  de  l'archevêque  de  Paris  ».  Le 
cardinal  de  Tencin,  chargé  d'affaires  à  Rome,  y  en- 
courageait et  Fleury  et  Benoît  XIV  de  tout  son  crédit. 
Le  21  juillet  1741,  il  écrivait  à  Fleury  :  «  Le  pape  a 
nommé  une  congrégation  de  prélats  et  de  religieux 
pour  travailler  à  la  réformation  du  Bréviaire  ro- 
main. »  Et  le  25  août  :  «  Le  pape  est  actuellement 
dans  de  très  bons  principes  pour  la  réformation  du 
Bréviaire  romain,  par  exemple  de  n'admettre  aucune 
légende  douteuse.  »  Il  est  vrai  qu'il  ajoutait  aus- 
sitôt :  «  Son  projet  sera-t-il  exécuté?  Je  n'en  répon- 
drois  pas.  Il  ne  sçait  pas  résister  ni  être  en  garde  con- 
tre ceux  qui  l'environnent  * .  » 

Ainsi  la  réforme  tentée  en  France ,  tant  en  1680 
qu'en  1736  (je  ne  veux  parler  que  de  ces  deux-là), 
provoquait  à  Rome  l'étude  d'une  nouvelle  et  plus  pro- 
fonde revision  du  Bréviaire  romain. 

1.  Benoît  XIV  à  Fleury,  4  mars  1741  (Corr.  de  Rome, 
t.  787,  f.  8).  Tencin  à  Fleury,  21  juillet  1741  {Corr.  de  Rome, 
t.  785,  f.  229).  Le  même  au  même,  25  août  1741  (ibid.  f.  331). 


LES    PHOJETS    DE    IJExXOlT    XIV.  35'J 


II 


Les  papiers  de  la  congrégation  instituée  par  Be- 
noît XIV  pour  la  réforme  du  Bréviaire  romain  sont 
restés  longtemps  inconnus  et  inédits.  Le  premier  à 
les  avoir  exploités  est  M^""  de  lloskovâny  :  il  les 
avait  retrouvés  en  1856  à  la  bibliothèque  Corsini,  à 
Rome,  où  ils  sont  conservés  depuis  l'époque  de  Be- 
noît XIV.  C'est  un  volumineux  dossier  ayant  pour 
titre  :  Acta  et  scripta  autographa  in  sacra  congrega- 
tione  particulari  a  Benedicto  XIV  deputata  pro  re- 
formaiione  Breviarii  romani  a.  ilki,  in  très  tonios 
distributa  et  appendicem^ ,  M.^'  de  Roskovâny  n'a 
publié  que  l'historique  des  travaux  de  ladite  congré- 
gation, historique  rédigé  et  mis  en  tête,  de  tout  le  dos- 
sier par  le  secrétaire  de  la  congrégation,  Louis  Va- 
lenti;  du  reste  du  recueil,  il  n'a  donné  que  quelques 
pièces  choisies^.  Depuis,  on  a  publié^  les  pièces  les 
plus  importantes  laissées  de  côté  par  M^^^  de  Rosko- 
vâny. 

Nous  allons  analyser,  en  n'y  ajoutant  que  des  no- 
tes, les  actes  de  la  congrégation  de  Benoît  XIV  ^. 

Le  dossier  de  Valenti"'  est  dédié  au  cardinal  Nérée 


1.  Bibliolh.  Corsini,  mss.  11°'  3G1,  362,  363. 

2.  ROSKOVANY,  t.  V. 

3.  Analecta  iiiris  pontlflcii  (de  l'abbé  Ghaillot),  t.  XXIV 
(1885). 

4.  Le  chapitre  de  Baeumer,  t.  II,  p.  378-401,  est  la  repro- 
duction quasi  littérale  de  mon  travail.  Autant  chez  Dom  Bau- 
dot, Le  Bréviaire  romain  (Paris  1908),  p.  145-154. 

5.  Louis  Valenti  Gonzaga  était  neveu  du  cardinal  Silvio . Va- 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  24 


370  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIKE    ROMAIN. 

Corsini.  L'auteur  a  pensé  que  la  postérité  lui  saurait 
gré  d'avoir  rédigé  l'histoire  des  propositions,  des  dis- 
cussions et  des  résolutions  étudiées  par  la  eongréga- 
tion  pontificale  du  Bréviaire  dont  il  a  été  le  secrétaire  : 
aucune  bibliothèque  ne  lui  paraît  un  dépôt  plus  ho- 
norable pour  son  manuscrit  que  la  bibliothèque  du 
cardinal  Corsini.  Ceci  est  la  dédicace  ^  Une  courte 
préface  la  suit. 

Valenti,  citant  Thomassin, rappelle  que  l'office  divin, 
dans  ses  éléments  essentiels,  heures,  psalmodie,  lec- 
tures, remonte  à  l'origine  même  de  l'Église.  Mais 
si  cela  est  vrai  du  chant  des  psaumes,  de  la  lecture 
de  l'Ecriture  sainte,  et,  dans  une  certaine  mesure,  de 
l'usage  des  oraisons  que  nous  appelons  collectes,  on 
ne  saurait  en  dire  autant  de  nombre  d'autres  éléments 
de  l'office  divin.  Sans  parler,  en  effet,  de  la  diversité 
qui  existe  entre  l'office  divin  des  Grecs  et  celui  des 
Latins,  il  est  bien  évident  que  ni  les  actes  des  saints 
ni  les  sermons  des  Pères  ne  remontent  à  l'Eglise  des 
premiers  jours,  non  plus  que  l'usage  d'honorer  Dieu 
de  préférence  dans  ses  saints,  alors  que  bien  plutôt 
l'usage  existait  seul  d'honorer  Dieu  directement, 
comme  on  le  fait  encore  à  l'office  dominical  et  à  l'of- 
fice férial.  Ces  diversités  n'ont  rien  qui  nous  doive 
surprendre,  l'Église,  comme  l'épouse  biblique,  devant 
être  «  vaidetatibus  circumamicta  ».  Toutefois  il  im- 
porte que  l'ordre  règne  dans  la  diversité,  et  que  la  li- 
turgie ne  soit  pas  livrée  au  bon  plaisir  particulier,  en 

lenti  Gonzaga,  secrétaire  d'État  de  Benoît  XIV.  Il  fut  fait  lui- 
même  cardinal  en  1759. 
1.  RosKOVANY,  p.  532.  Aiialecta,  p.  506. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  371 

sorte  qu'en  une  même  province  ou  dans  un  même  dio- 
cèse, il  n'y  ait  point  uniformité  d'office,  ou  encore  que 
l'office  consacre  des  sermons  non  authentiques  des 
saints  Pères,  ou,  sous  le  nom  d'actes  des  saints,  des 
fables.  Unité  et  dignité  de  l'office  divin  :  telle  a  été  la 
préoccupation  des  anciens  conciles,  mais  surtout  des 
pontifes  romains  comme  Innocent  P'",  comme  Gré- 
goire VII,  et  plus  nouvellement  Pie  V,  Clément  YIIl, 
Urbain  VIII.  Ces  derniers  ont  mis  tous  leurs  soins 
et  une  infinie  sollicitude  à  ce  que  l'office  divin  fût  ra- 
mené à  l'ancien  usage,  et  à  ce  que  rien  de  cet  ancien 
office  ne  fut  abandonné,  ordonnant  que  l'on  reprodui- 
sît ce  qui  avait  été  supprimé  et  que  l'on  réformât 
ce  qui  s'était  corrompu.  Le  pape  Benoît  XIV,  glo- 
rieusement régnant,  a  pour  le  culte  divin  le  même 
zèle  que  ses  prédécesseurs  ;  frappé  des  plaintes  que 
lui  ont  exprimées  quelques  personnes  considérables, 
émues,  disaient-elles,  de  voir  le  Bréviaire  romain  dé- 
chu sur  plus  d'un  point  de  son  antique  simplicité  et 
de  son  éclat,  étant  d'ailleurs  lui-même  sensible  plus 
qu'aucun  autre  à  ces  taches  et  désireux  plus  qu'au- 
cun autre  de  les  effacer,  Benoît  XIV  a  décidé,  au  dé- 
but même  de  son  pontificat,  de  mettre  la  main  à  une 
réforme  et  à  une  correction  du  Bréviaire,  et  de  con- 
fier à  quelques  excellents  connaisseurs  de  l'antiquité 
ecclésiastique  le  soin  de  répondre  à  ce  désir.  Bien 
souvent,  poursuit  Valenti,  Benoît  XIV  daigna  m'en 
entretenir  et  me  demander  mon  sentiment  dans  ce 
grave  dessein.  Enfin  il  se  résolut  à  choisir  plusieurs 
prélats  instruits  et  plusieurs  théologiens,  qui,  réunis 
en  congrégation,  étudieraient  le  projet.  Ces  prélats 


372  HISTOIRE    DU    BUÉVIAIHE    ROMAIN. 

étaient  :  le  secrétaire  de  la  Propagande,  Philippe- 
Marie  Monti^  ;  le  secrétaire  du  Sacré-Collège,  Nicolas 
Antonelli;  un  chapelain  du  pape,  Dominique  Giorgi. 
Et  ces  théologiens  :  Thomas  Sergio,  consulteur  de 
l'Inquisition  ;  le  somasque  François  Baldini,  consul- 
teur des  Rites;  Antoine-André  Galli,  chanoine  régu- 
lier de  Saint-Jean-de-Latran  :  Antoine-Marie  Azzo- 
guidi,  des  Mineurs  conventuels.  Le  pape  voulut  que 
Valenti  fut  secrétaire  de  la  congrégation  2. 

En  principe,  assure  Valenti,  les  membres  de  la 
congrégation  étaient  à  peu  près  unanimes  à  reconnaî- 
tre la  nécessité  d'une  réforme  du  Bréviaire  romain. 
Restait  à  fixer  au  préalable  la  nature  de  cette  réforme. 

Le  pape  Benoît  XIV  avait  reçu  deux  mémoires 
concernant  le  Bréviaire,  l'un  en  français,  l'autre  en 
italien.  L'auteur  français  exprimait  le  regret  qu'il  y 
eût,  dans  le  texte  du  Bréviaire,  plus  d'une  assertion 
historique  qui  avait  échappé  à  la  diligence  des  cor- 
recteurs anciens,  et  dont  la  critique  avait   surpris 

1.  Moiili  {'[  1754),  prélat  académicien,  venait  de  publier  de> 
Elogia  cardinalium  pietate  doctrina  et  rébus  pro  Ecclesia  gr- 
stis  illustrium(llk\).  —Antonelli  (f  1767),  ériulit  lourd  :  on  lui 
doit  une  consciencieuse  édition  princeps  du  commentaire  grec 
sur  les  psaumes,  qu'il  croyait  être  de  saint  Athanase  (1746).  cl 
que  Migne  a  reproduit;  il  donnera  en  1756  un  Vêtus  missalc 
romanum  praefationibus  et  notis  illnstratum.  —  Giorgi  (f  1747  , 
savant  de  l'école  de  Muratori,  était  en  train  de  publier  son 
grand  ouvrage.  De  liturgia  romani  poiiti/icis  in  solemni  celc- 
bratione  missarum  (1731-1744).  —  Baldini  (f  1767),  un  anli- 
quaire,  publiera  en  1743  une  édition  estimée  des  Numisiitala 
imperatorum  romanorum  de  Vaillant.  —  Azzoguidi  (f  1770) 
s'intéressait  aux  œuvres  inédites  de  saint  Antoine  de  Padouc, 
dont  il  écrivait  la  vie. 

2.  ROSKOVANY,  pp.  533-537.  Analectn,  pp.  507-508. 


LES    PIIOJETS    DE    HKNOIT    XIV.  373 

l'erreur;  dans  la  distribution  des  psaumes,  tels  psau- 
mes qui  revenaient  sans  cesse,  tels  autres  qui  n'étaient 
jamais  récités,  et  les  plus  longs  qui  s'accumulaient 
aux  olfices  du  dimanche  et  des  fériés;  dans  les  an- 
tiennes, trop  de  textes  qui  n'offraient  aucun  sens  à 
l'esprit  ou  qui  s'accordaient  mal  avec  les  offices  oi^i 
on  les  exécutait  ;  parmi  les  fêtes  des  saints  récents, 
trop  de  doubles,  alors  que  les  fêtes  de  saints  anciens 
et  insignes  étaient  de  rite  semi-double  ou  simple,  et 
que  la  fréquence  des  fêtes  doubles  empêchât  de  célé- 
brer l'office  dominical,  lequel  était  pourtant  consacré 
à  honorer  les  mystères  de  la  vie  de  Notre  Seigneur. 
De  là  venait,  suivant  l'auteur  français,  que  tant  d'or- 
dinaires avaient  abandonné  le  Bréviaire  romain  et 
adopté  des  Bréviaires  particuliers,  pour  le  mal  et  la 
perturbation  de  la  liturgie.  Il  était  temps  de  donner 
au  Bréviaire  romain  une  forme  nouvelle,  qui  remédiât 
à  ces  défauts  et  parât  ces  dangers  '.  —  Au  contraire 
du  mémoire  français,  le  mémoire  italien  ne  deman- 
dait pas  une  refonte,  mais  une  simple  expurgation  du 
Bréviaire  romain.  Ce  Bréviaire,  en  effet,  se  compose 
d'éléments  essentiels  qu'on  ne  saurait  modifier  sans 
supprimer  le  rite  romain  en  soi,  ainsi  le  nombre,  l'ordre 
et  la  disposition  des  heures,  des  nocturnes,  des  psau- 
mes, des  antiennes,  des  leçons,  des  collectes.  Autant 
d'éléments  nécessaires  et  intangibles.  Mais  le  calen- 
drier, mais  les  antiennes  et  les  répons,  mais  le  texte 
des  leçons,  tout  cela  supportait  et  demandait  correc- 

1.  Valenli  nous  a  conservé  le  loxle  de  ce  mémoire,  c'est,  la 
seconde  des  pièces  justificatives  de  son  dossier  :  Monumen- 
tum  IL 


374  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

tien  ^  —  Benoît  XTV  transmit  les  deux  mémoires  à 
la  congrégation-. 

Elle  se  réunit  pour  la  première  fois  le  14  juil- 
let 1741,  dans  la  demeure  de  Valenti,  et  dès  le  pre- 
mier instant  on  put  constater  que  les  consulteurs 
n'étaient  guère  plus  d'accord  que  les  deux  mémoires. 
Les  uns  voulaient  que  l'on  discutât  d'abord  la  ques- 
tion de  la  distribution  des  psaumes  :  ils  louaient  la 
distribution  des  psaumes  qu'avaient  adoptée  depuis 
peu  quelques  Églises  de  France,  et  l'usage  de  ces 
mêmes  Eglises  de  réciter  les  psaumes  fériaux  à  l'ol'- 
fice  des  saints  (un  petit  nombre  de  fêtes  de  saints 
excepté),  de  façon  à  réciter  en  une  semaine  tout  le 
psautier.  D'autres,  cependant,  et  leur  opinion  préva- 
lut, observèrent  que  l'Eglise  romaine  avait  été  tou- 
jours et  devait  être  tenace  dans  ses  traditions  propres  ; 
qu'il  convenait  de  se  défier  des  nouveautés  ;  que  la 
distribution  romaine  des  psaumes  était  antique  et  ne 
pouvait  être  abandonnée  légèrement  ;  qu'il  s'agissait, 
au  demeurant,  non  d'une  refonte,  mais  d'une  simple 
correction  du  Bréviaire  romain  ;  et  que,  la  question  du 
psautier  réservée,  on  devait  d'abord  discuter  le  calen- 
drier. Cette  proposition  fut  adoptée  à  l'unanimité  ^. 

Puis  donc  qu'il  s'agissait  d'une  simple  correction, 
il  importait  de  savoir  quelle  avait  été  l'idée  maîtresse 
de  la  réforme  du  Bréviaire  par  Pie  Y,  et  de  s'y  tenir. 
Valenti  soumit  à  la  congrégation  un  document  re- 

1.  Le  mémoire  italien  en  question  est  la  troisième  pièce  jus- 
tificative de  Valenti,  Monumentum  III. 

2.  RosKOVANY,  p.  538.  Analecta,  p.  509. 

3.  ROSKOVANY,  p.  540.  Analecta,  p.  510. 


\ 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  375 

trouvé  par  lui  *,  et  qui  exprimait  nettement  quelle  avait 
été  la  pensée  de  Pie  V.  Au  xvi®  siècle,  l'office  férial 
entraînait  la  récitation  de  l'office  de  la  sainte  Vierge, 
de  l'office  des  morts;  plus,  en  carême,  des  psaumes 
pénitentiaux  et  graduels  accompagnés  des  litanies;  et 
enfin,  à  toutes  les  heures  en  tout  temps,  des  preces 
feriales.  Pour  se  soustraire  à  l'écrasante  longueur 
d'un  tel  office  férial,  on  en  était  venu  à  assimiler  les 
fêtes  simples  aux  fêtes  semi-doubles  et  doubles,  c'est- 
à-dire  à  leur  donner  un  office  de  neuf  leçons,  avec 
faculté  de  les  transférer  si  besoin  était,  l'office  de 
neuf  leçons  n'entraînant  plus  que  la  récitation  de  l'of- 
fice de  la  sainte  Vierge.  Mais,  dès  lors,  plus  d'office 
férial  en  carême,  en  dépit  de  la  lettre  du  vieux  droit 
canonique  ;  presque  plus  de  leçons  de  l'Écriture  sainte, 
en  dépit  des  prescriptions  du  pape  Gélase  ;  plus  de 
récitation  hebdomadaire  du  psautier  intégral,  et,  à  la 
place,  la  répétition  quotidienne  des  mêmes  psaumes 
du  commun  des  saints,  en  dépit  de  l'autorité  du  pape 
saint  Grégoire  le  Grand  qui  voulait  qu'un  clerc  ne 
pût  être  promu  à  l'épiscopat,  s'il  ne  savait  tout  le 
psautier  par  cœur.  Voilà  pourquoi  Pie  V  avait  sup- 
primé ce  privilège  abusif  des  fêtes  simples,  les  ra- 
menant à  l'observance  du  nocturne  férial,  les-  rédui- 
sant à  une  mémoire  en  cas  de  concurrence  d'une  fête 
supérieure,  mais  les  allégeant  de  la  récitation  des 
psaumes  pénitentiaux  et  graduels,  de  l'office  des 
morts  et  (le  carême  et  l'avent  exceptés)  des  preces  fe- 
riales, et  enfin  leur  imposant  au  moins  deux  leçons 

1.  J'ai  mentionné  déjà  ce  document,  Monnmentum  V,  que  je 
publie  plus  haut,  p.  340-345. 


376  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

sur  trois  tirées  de  l'Ecriture  sainte.  Or,  à  comparer 
le  Bréviaire  de  Pie  V  et  le  Bréviaire  actuel,  on  cons- 
tatait que  le  nombre  des  fêtes  doubles  et  semi-doubles 
avait  été,  depuis  1568,  porté  de  138  à  228,  en  sorte 
que,  le  nombre  des  fêtes  mobiles  annuelles  étant 
de  36,  il  restait  à  peine  90  jours  à  l'office  dominical 
et  férial;  encore  ces  90  jours  étaient-ils  pour  la  plu- 
part escomptés  par  les  fêtes  concédées  aux  églises, 
diocèses  et  congrégations  diverses  !  La  situation  était 
donc  en  1741  redevenue  ce  qu'elle  était  avant  1568,  où 
les  pontifes  romains  avaient  entrepris  la  réforme  du 
Bréviaire,  et  la  faute  en  était  tout  entière  au  calendrier. 
Il  fallait  donc,  quelle  que  fût  la  dévotion  particulière 
de  chacun  des  consulteurs  envers  les  saints,  il  fallait 
en  venir  à  rayer  nombre  de  noms  du  calendrier,  et  à 
réduire  nombre  de  fêtes  au  rang  de  fêtes  simples, 
puisque  le  festum  simplex  seul  n'entraverait  pas  la 
récitation  hebdomadaire  du  psautier  ^ . 

Le  11  août  1741,  la  congrégation,  d'accord  sur  le 
principe  de  cette  réduction,  en  essayait  l'applica- 
tion aux  fêtes  de  Notre  Seigneur.  Noël,  l'Epiphanie, 
Pâques,  la  Pentecôte,  étaient  hors  de  cause.  On  hé- 
sita sur  la  question  de  savoir  s'il  ne  convenait  pas  de 
restituer  à  la  fête  de  la  Circoncision  son  vieux  nom 
à^Octa^a  Domini^  que  lui  donne  le  sacramentaire  gré- 
gorien 2;  mais  on  passa  outre.  La  fête  de  la  Trans- 
figuration était  bien  récente,  puisque  le  sacramen- 

1.  RosKOVANY,  p.  542.  Analecfa,  p.  510. 

2.  L'expression  Octava  domini  est,  en  effet,  l'expression  ro- 
maine ancienne,  tandis  que  l'usage  de  fêter  la  circoncision 
de  N.-S.  est   un   usage  gallican  précarolingien,  Duchesne, 


LES  PHOJEÏS  DE  BENOIT  XTV.  377 

taire  grégorien  ne  la  connaît  point  \  mais  elle  était 
universellement  reçue,  soit  chez  les  Grecs,  soit  chez 
les  Latins;  on  la  conserverait.  Même  résolution  sur 
la  fête  de  la  Trinité,  à  condition  de  reviser  avec  soin 
les  antiennes  et  les  répons  de  son  office.  La  fête  du 
Corpus  Christi  fut  mise  hors  de  cause.  La  fête  de 
l'Invention  et  celle  de  l'Exaltation  de  la  Croix  soule- 
vèrent les  discussions  les  plus  vives  :  les  uns  vou- 
laient supprimer  radicalement  l'Invention  de  la  Croix 
du  calendrier,  d'autres  unir  l'Invention  à  l'Exaltation 
en  une  seule  fête,  le  14  septembre,  d'autres  mainte- 
nir les  deux  fêtes  en  l'état.  On  put  croire  un  instant 
que  la  fête  du  3  mai  serait  condamnée  à  disparaître  ; 
finalement  on  se  résolut  à  ne  rien  modifier.  Mais  la 
fête  du  Saint-Nom  de  Jésus  ne  trouva  pas  grâce  de- 
vant la  congrégation;  elle  était  récente  ^,  la  congré- 
gation en  demanda  la  suppression.  La  discussion  de 
ces  diverses  résolutions  prit  fin  le  21  novembre  •^ 

A  cette  même  date   commença  la  discussion  des 
fêtes  de  la  Vierge.   La   Purification,  l'Annonciation, 


Origines,  p.  262-263.  L'ofTice  romain  de  la  fête  de  la  circon- 
cision (conservé  dans  la  Bréviaire)  n'a  rien,  à  voir  avec  la  cir- 
concision de  N.-S.  :  c'est  un  ofïice  pour  la  fête  de  Noël,  tout 
à  la  naissance  du  Sauveur,  avec  quelques  antiennes  et  répons 
en  l'honneur  de  Marie,  la  station  étant  ce  jour-là  au  Panthéon, 
Sainte-Marie  ad  martyres. 

1.  Nous  avons  vu  qu'elle  date,  à  Rome,  de  1653, 

2.  La  fête  du  Sainl-Nom  de  Jésus  avait  été  concédée  anx 
Mineurs  par  Clément  VIL  Le  29  novembre  1721,  Innocent  XIII 
l'avait  étendue  à^  l'Église  universelle  et  fixée  au  second  di- 
manche après  l'Epiphanie.  Bened.  XIV  [Opéra,  t.  X,  Rome 
1751],  De  festis,  p.  65. 

3.  RosKOVANY,  p.  545.  Analecta,  p.  519. 


378  HISTOIRE    DU    RRÉVIAIRE    ROMAIN. 

r Assomption,  la  Nativité  étaient  des  fêtes  antiques  et 
universelles  indiscutables.  La  congrégation  se  de- 
manda pourtant  s'il  ne  conviendrait  pas  de  substi- 
tuer au  mot  «  Assomption  »  le  terme  plus  antique  de 
Pausatio  ou  Dormitio  ou  Transitas,  de  peur  de  voir, 
par  cette  consécration  liturgique  du  mot  Assomption, 
la  pieuse  croyance  de  l'entrée  en  corps  et  en  âme  de 
la  Vierge  au  ciel  consacrée  comme  de  foi  ^  A  l'unani- 
mité, on  retint  le  vocable  d'Assomption.  Mais  donne- 
rait-on à  la  Nativité  et  à  l'Assomption  une  octave?  La 
congrégation  fut  pour  l'affirmative,  réservant  la  ques- 
tion de  savoir  de  quel  degré  seraient  ces  deux  octaves. 
—  Le  2  février,  la  fête  de  la  Visitation  et  celle  de 
la  Conception  furent  maintenues  à  l'unanimité.  Des 
consulteurs,  ceux  qui  répugnaient  à  la  doctrine  de 
l'immaculée  conception,  voulaient  supprimer  à  cette 
dernière  fête  son  octave;  ceux  qui  craignaient  de 
voir  par  une  pareille  suppression  diminuer  l'auto- 
rité de  cette  doctrine,  réclamaient  l'octave.  La  con- 
grégation s'étant  partagée  également  entre  les  deux 
sentiments,  on  décida  de  s'en  remettre  à  Benoît  XIV. 
La  fête  de  la  Présentation  avait  été  éliminée  par 
Pie  V,  et  rétablie  par  Sixte-Quint:  la  congrégation, 
frappée  de  la  difficulté  qu'il  y  a  à  déterminer  exacte- 
ment quel  mystère  est  honoré  dans  cette  fête,  réso- 
lut de  s'en  tenir  à  la  décision  de  Pie  V  ^.  Mais  elle  de- 


1.  Ceci  est  peut-être  un  écho  de  la  controverse  soulevée  en 
France  par  Claude  Joly  (1669)  et  Launoy  (1671).  Les  partisans 
du  terme  de  pausatio  s'inspiraient  sans  doute  de  Tillemonj, 
H.  E.  t.  I  (1701),  p.  476-477. 

2.  Ici  encore ,  pour  comprendre  la  commission ,  voir  Til- 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  379 

vait  revenir  sur  sa  résolution.  Par  contre,  les  fêtes 
du  Saint-Nom  de  Marie\  du  Saint  Rosaire  2,  de  N.-D. 
de  la  Merci^,  de  N.-D.  du  Carmel,  des  Sept-Douleurs, 
de  laDesponsatlo'',  du  Patronage',  delà  Translation 
de  la  maison  de  Lorette  et  de  V Expectatio  partas^\  ne 
trouvèrent  dans  la  congrégation  que  de  tièdes  défen- 
seurs '*.  On  voyait  avec  regret  ces  fêtes  faire  tort  à 
l'office  dominical;  l'office  du  Saint-Nom  de  Jésus 
étant  supprimé,  on  ne  pouvait  maintenir  celui  du 
Saint-Nom  de  Marie;  l'office  du  Rosaire  était  connexe 
à  l'office  du  Saint-Nom  de  Marie,  tous  les  deux  ayant 
pour  raison  d'être  de  remercier  Dieu  de  victoires 
remportées  sur  les  Turcs;  l'office  de  la  Merci  et  du 
Carmel  n'intéressaient  que  deux  ordres  religieux, 
non  l'Église  universelle;  l'office  des  Sept-Douleurs 
avait  le  tort  d'évincer  l'office  férial  du  vendredi  de  la 
semaine  de  la  Passion.  Quant  aux  offices  de  la  De- 

LEMONT,  t.  I,  p.  463,  et  Bened.  XIV,  De  festis,   p.  499-510. 

1.  La  fête  espagnole  (1513)  du  Saint-Nom  de  Marie,  comme 
souvenir  de  la  défaite  des  Turcs  sous  Vienne  (13  sept.  1683), 
est  étendue  à  toute  l'Église  par  Innocent  XI,  le  25  nov.  1683. 
Bened.  XIV,  p.  520. 

2.  Le  Rosaire,  fête  commémorative  de  la  bataille  de  Lé- 
pante  (7  oct.  1571),  établie  par  Grégoire  XIII  (l^--  avril  1573), 
est  étendu  à  toute  l'Église  par  Clément  XI  (3  oct.  1716). 
Bened.  XIV,  p.  526-528. 

3.  La  Merci  date  d'Innocent  XII;  le  Carmel,  les  Sept-Dou- 
leurs, de  Benoît  XIII.  Bened.  XIV,  pp.  521,  479,  457, 

4.  La  Desponsatio  y  la  Pafrociniam,  la  Translatio  domiis 
Laiiretanne,  VExpectatio  partus^  dataient  de  Benoît  XIII. 
Bened.  XIV,  pp.  433,  528,  553,  560.  Des  recherches  récentes 
ont  montré  que  la  fête  de  VExpectatio  partiis  (18  décembre) 
tenait  la  place,  en  Espagne,  depuis  le  yii«  siècle,  de  la  fête 
de  l'Annonciation.  Elle  fut  introduite  en  Angleterre  par  saint 
Anselme  (f  1109).  Baeumer,  t.  II,  p.  62. 


380  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

sponsatio,  du  Patronage,  de  la  Translatio  domus 
Lauretanae,  sans  se  dissimuler  les  motifs  graves 
qui  les  avaient  fait  instituer,  la  congrégation  était 
d'avis  que,  l'antiquité  chrétienne  n'ayant  pas  cru 
devoir  les  établir,  on  était  en  droit  de  ne  point  les 
conserver.  La  fête  de  XExpectatio  partus  ne  fut  dé- 
fendue par  personne  ^ . 

Le  9  mars  1742,  la  discussion  porta  sur  les  fêtes  des 
anges  2.  A  l'unanimité  on  retint  la  fête  du  29  septem- 
bre, dédicace  de  saint  Michel.  A  l'unanimité  aussi, 
on  supprima  la  fête  du  8  mai,  apparition  de  saint 
Michel  sur  le  mont  Gargan ,  qui  n'intéressait,  disait- 
on,  que  le  diocèse  de  Siponto.  La  fête  des  saints  anges 
gardiens  était  récente^,  elle  datait  de  Paul  V,  et  ne 
faisait-elle  pas  double  emploi  avec  la  fête  de  la  dédi- 
cace de  saint  Michel?  On  la  maintint  cependant.  — 
Après  les  anges,  les  saints.  La  fête  des  Macchabées 
était  trop  ancienne  pour  qu'on  y  pût  toucher.  Ce 
n'était  point  le  cas  de  la  fête  de  saint  Joachim^,  de 
sainte  Anne^,  de  saint  Joseph^.  Pourtant  la  dévotion 

1.  RosKOVANY,  p:  418.  AnaUcla,  i».  515. 

2.  Dans  le  Bréviaire  romain  imprimé  à  Venise,  1541,  cliez 
Junla,  je  relève  au  fol.  d.  1  :  «  In  lesto  s.  Gabrielis...  qiiod 
officium  est  approbatum  a  S.  D.  N.  Leone  X.  1515.  8  idus  nov. 
in  castello  Viterbii  in  caméra  sue  residentie.  » 

3.  La  fête  des  anges  gardiens,  concédée  par  Paul  V,  27  sept. 
1608,  étendue  à  toute  l'Église  par  Clément  X,  13  sept.  1670. 

4.  La  S.  Joachim,  établie  par  Grégoire  XV,  20  mars  1623, 
élevée  au  rang  de  double  majeur  par  Clément  XII,  3  oct.  1738. 

5.  Sainte  Anne,  introduite  au  rang  de  simple  du  temps  de 
Sixte  IV  (ScHORER,  p.  32),  supprimée  par  Pie  V,  rétablie  au 
rang  de  double  par  Grégoire  XIII,  élevée  au  rang  de  double 
majeur  par  Clément  XII. 

6.  La  S.  Joseph,  introduite  au  rang  de  simple  du  temps  de 


LKS    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  381 

universelle  avait  adopté  trop  pieusement  ces  trois 
fêtes  pour  qu'on  les  pût  supprimer  :  on  résolut  donc 
d'unir  en  une  seule  fête  le  souvenir  de  Joachim  et 
d'Anne  ;  encore  devait-on  peu  après  abandonner  cette 
résolution  et  laisser  la  liturgie  dans  l'état.  La  Nativité 
et  la  Décollation  de  saint  Jean -Baptiste  étaient  hors 
de  cause.  Hors  de  cause  aussi  les  saints  Innocents  ; 
on  supprimerait  peut-être  avantageusement  l'octave 
de  ces  derniers.  Hors  de  cause  les  fêtes  de  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  et  des  autres  apôtres,  y  com- 
pris saint  Barnabe,  et  des  évangélistes.  On  ne  fit 
quelque  difficulté  que  pour  l'octave  exceptionnelle 
accordée  à  la  fête  de  saint  Jean.  La  fête  de  sainte  Ma- 
deleine et  celle  de  sainte  Marthe  seraient  maintenues, 
cette  dernière  toutefois  réduite  à  n'être  plus  qu'une 
fête  simple  ^ 

Le  17  mars  1742,  la  discussion  du  même  sujet  se 
poursuivit.  Aucune  difficulté  ne  fut  faite  au  maintien 
des  solennités  de  la  Conversion  de  saint  Paul,  de  saint 
Jean  à  la  Porte  Latine,  de  saint  Pierre  es  Liens.  Il  fut 
question  de  réduire  en  une  seule  fête  les  deux  fêtes  de 
la  Chaire  de  saint  Pierre  ^  ;  mais  on  tomba  d'accord 

Sixte  IV(SGnOBER,  p.  201),  devient  double  sous  Innocent  VIII, 
double  de  seconde  classe  sous  Clément  X,  29  nov.  1670,  et 
reçoit  de  Clément  XI  son  office  propre,  qui  est  un  chef-d'œu- 
vre. 3  fév.  1714. 

1.  RosKOvANY,  p.  511.  Analecta,  [>.  518. 

2.  Duché SNE,  Origines,  p.  266-268,  croit  que  la  lêle  du  22  fé- 
vrier (la  C.  de  S.  P.  à  Anlioche)  est  la  vieille  fête  romaine 
de  l'inauguration  de  l'épiscopat  de  saint  Pierre  à  Rome  ou 
Natale  PelH  de  cathedra,  ceci  dès  336.  Aucune  trace  de  cette 
fête  en  Orient.  La  fêle  du  18  janvier  (la  C.  de  S.  P.  à  Rome) 
est  le  même  Natale  que  la  fêle  du  22  février,  mais  anticipé 


382  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

pour  les  maintenir  distinctes.  La  Commémoraison  de 
saint  Paul,  au  contraire,  parut  avoir  perdu  toute  rai- 
son d'être,  puisque  ce  jour-là  le  pape  ne  venait  plus 
comme  jadis  pontifier  à  Saint -Paul -hors -les -murs  : 
on  ne  maintiendrait  donc  cette  fête  que  dans  les  églises 
du  vocable  de  saint  Paul,  et  l'on  s'en  tiendrait  dans 
les  autres  à  l'ofTice  de  l'octave.  On  maintiendrait  dis- 
tincts les  trois  anniversaires  de  dédicaces  des  basili- 
ques romaines,  le  Latran,  Sainte -Marie -Majeure, 
Saint-Pierre,  Saint-Paul;  mais  la  fête  du  5  août  ne 
porterait  plus  le  titre  de  Sainte-Marie-aux-Neiges; 
on  dirait,  comme  dans  les  anciens  calendriers,  Dedi- 
catio  S.  Mariae.  —  On  arrivait  maintenant  aux  saints 
en  général,  les  difficultés  allaient  se  multipliera 

11  y  eut  congrégation  le  20  avril  et  le  1®"^  mai,  pour 
discuter  quels  saints  devaient  être  maintenus  au  ca- 
lendrier, mais  il  fut  impossible  de  voter  de  résolution, 
sinon  qu'Azzoguidi  dresserait  un  calendrier  des  fêtes 
que  l'on  avait,  dans  les  précédentes  réunions,  décidé 
de  maintenir...  Le  travail  n'avançait  plus  :  Giorgi  était 
allé  à  Castel-Grandolfo  se  reposer;  Galli,  à  Bologne, 
assister  au  chapitre  général  de  son  ordre  :  impossible 
de  réunir  la  congrégation.  Benoit  XIV  cependant 
pressait,   Valenti  se  multipliait.  Avec  Azzoguidi,   il 

pour  ne  pas  tomber  en  carême,  celte  anticipation  est  un  usage 
gallican.  «  A  Rome,  la  fêle  du  22  février  fut  maintenue  à  l'ex- 
clusion de  l'autre,  et  cela  jusqu'au  xvi'  siècle  »,  écrit  M"'  Du- 
chesne  après  de  Rossi,  Bullctino,  1867,  p.  38.  La  fêle  du  18  jan- 
vier fut  introduite  à  Rome  par  Paul  IV  (14  janvier  1558).  La 
commission  de  Benoît  XIV  aurait  été  bien  inspirée  en  res- 
taurant la  fête  du  22  février. 
1.  RosKOYANY,  p.  553.  AnalecUi,  p.  519. 


LES  PHOJETS  DE  BENOIT  XIV.  383 

convenait  de  dresser  un  projet  de  calendrier  que  l'on 
soumettrait  à  la  congrégation,  un  calendrier  où  figu- 
reraient les  fêtes  déjà  admises,  et  les  fêtes  qui  avaient 
le  plus  de  chance  de  l'être  dans  la  suite.  Ce  projet  de 
calendrier  une  fois  dressé,  Valenti  l'alla  communiquer 
à  Giorgi,  car,  dit-il,  il  y  avait  grand  espoir  que,  si 
Giorgi  l'approuvait,  tous  les  autres  consulteurs  se- 
raient de  son  avis.  Mais,  sur  ces  entrefaites,  Monti, 
qui  présidait  la  congrégation  et  dans  la  maison  duquel 
on  se  réunissait,  Monti  fit  rédiger  par  un  «  homme 
docte  »  des  règles  générales  selon  lesquelles  il  conve- 
nait de  juger  quels  saints  devaient  être  admis  à  l'hon- 
neur de  l'olfice  et  quel  degré  d'oftice  convenait  à  cha- 
cun. Quelles  étaient  ces  règles?  on  ne  nous  le  dit  pas. 
On  ne  nous  dit  qu'une  chose,  qui  est  que  Valenti, 
Azzoguidi,  Baldini  et  Galli  furent  unanimes  à  les  re- 
pousser ^  Gomment  Monti  prendrait-il  cette  opposi- 
tion 2? 

1.  RosKOVANY,  p.  555.  Aiialecta,  p.  520. 

2.  Dans  les  Briefe  Benedicts  XIV  an  den  Canon.  Fr.  Peggi 
in  Bologna,  publiées  par  F.  X.  Kraiis  (Fribourg  1884),  je  relève 
une  page  intéressante  où  il  est  question  de  Monti.  Le  Pape 
écrit  :  «  Gli  eruditi  in  materie  ecclesiastiche  sono  di  tre  specie. 
Alcuni  hanno  una  buona  gnardarobba,  lettura  continua,  ed 
ottima  menioria  délie  cose  lette  :  e  questi  non  solo  sono  buon 
per  la  convcrsazione,  ma  nette  occorrenze  possono  somminis- 
trare  buone  notizie.  Ma  se  non  passano  più  oltre,  riescono  in 
atlo  pralico  il  più  délie  voile  non  solo  inutili,  ma  perniciosi. 
E  nel  numéro  di  questi  (sia  detto  in  confidenza)  si  debbon  ri- 
porre  i  due  cardinali  Passionei  e  Monti  »  (p.  27).  Tout  ce  qui 
suit,  qui  tourne  à  l'éloge  de  Muratori,  serait  à  citer  comme 
cxenq)le  de  la  bonhomie  charmante  et  sagace  de  Benoît  XIV  : 
nous  n'avons  voulu  citer  que  ce  qui  concernait  Monti,  et  qui 
explique  les  embarras  créés  au  «  débrouillard  »  Valenti  par 
l'érudition  pernicieuse  de  son  président.  Monti  «  est  un  homme 


384  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIIIE    ROMAIN. 

On  se  réunit  enfin,  le  15  juillet  1742.  Valenti  avait 
obtenu  que  Monti  ne  parlerait  point  de  ses  règles  gé- 
nérales, ni  Azzoguidi  de  son  calendrier,  et  lui-même 
proposa  de  retenir  seulement  les  fêtes  des  saints  dont 
le  jésuite  Guyet  dit  qu'elles  sont  célébrées  dans  toute 
l'Eglise  ^  Le  texte  du  père  Guyet  fut  lu,  et  la  congré- 
gation ne  l'improuva  point,  mais  elle  fut  d'avis  qu'il 
valait  mieux  qu'elle  consacrât  ses  prochaines  séances 
à  discuter  elle-même  le  cas  de  chaque  saint.  On  était 
convenu  des  principes  suivants  :  —  1<*  maintenir  tous 
les  saints  dont  le  nom  figure  au  canon  de  la  messe  ; 

—  2°  tous  ceux  dont  les  fêtes  sont  mentionnées  dans 
les  anciens  sacramentaires  et  calendriers  de  l'Eglise 
romaine;  —  3°  ne  point  éliminer  les  saints  dont  on  a 
des  acta  sincera  ou  un  éloge  fait  par  quelque  Père,  à 
condition  cependant  que  leur  culte  fût  ancien;  — 
4°  maintenir  des  saints  papes  ceux-là  seulement  dont 
le  culte  était  ancien;  —  S**  maintenir  les  saints  doc- 
teurs; —  6°  maintenir  les  saints  fondateurs  d'ordre; 

—  7*^  maintenir  quelque  saint  représentant  chacune 
des  nations  de  la  chrétienté  ;  —  8"  éliminer  tous  les 
saints  ne  rentrant  pas  dans  un  des  sept  cas  précédents, 
à  moins  que  la  dévotion  de  l'Église  universelle  ou 
quelque  raison  particulière  urgentissima  n'engageât 
à  en  décider  autrement  2.  La  méthode  une  fois  déter- 

qui  a  beaucoup  lu,  mais  sans  aucune  méthode  »,  écrivait  m 
1743  l'abbé  de  Ganillac,  notre  auditeur  de  Rote  {Corr.  de  Rome, 
t.  792,  f.  242). 

1.  G.  Guyet,  Heortologla  sive  de  festis  propriis  locorum  et 
ecclesiariim  (Venise  1729). 

2.  Extrait  de   la  préface  au  Calendarium  reformatum,  ii]» 
ROSKOYANY,  p.  586. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  385 

minée,  il  serait  long  et  fastidieux  d'énumérer  une  à 
une  les  applications  qu'on  en  fît.  Il  suffira  de  signaler, 
avec  Valenti,  le  zèle  qu'Azzoguidi  et  les  autres  con- 
sulteurs  déployèrent  à  compulser  les  anciens  sacra- 
mentaires  et  calendriers,  à  se  former  une  opinion  con- 
trôlée à  ces  sources,  à  la  soumettre  à  la  discussion 
générale,  et  à  procurer  que  l'accord  se  fît  unanime 
pour  toutes  les  résolutions  de  la  congrégation.  Août 
et  septembre  furent  employés  à  ce  travail;  en  octo- 
bre, il  ne  restait  plus  qu'à  le  résumer,  et  ce  soin 
fut  confié,  non  à  Azzoguidi,  dont  la  santé  était  à  ce 
moment  éprouvée,  mais  à  Galli,  qui  consacra  à  cette 
rédaction  les  vacances  d'automne  ^ 

Valenti  nous  a  conservé  le  calendrier  expurgé  de 
la  congrégation  du  Bréviaire.  Le  nombre  des  expul- 
sions prononcées  par  elle  était  fort  élevé.  En  outre 
des  fêtes  du  Saint-Nom  de  Jésus,  du  Saint-Nom  de 
Marie,  delà  Desponsatio  B.  M. ,  de  VExpectatio par- 
las,  des  Sept-Douleurs,  du  Patronage  de  la  Vierge, 
de  N.-D.  de  la  Merci,  du  Rosaire,  de  la  Translatio 
domus  lauretanae^  de  la  Commémoraison  de  saint 
Paul,  de  l'Apparition  de  saint  Michel,  la  congrégation 
avait  rayé  du  calendrier  les  papes  Télesphore,  Hygin, 
Anicet,  Soter,  Marcellin,  Éleuthère,  Silvère,  Jean, 
Léon  II,  Pie,  Anaclet,  Zéphirin,  Évariste,  Pontien, 
Grégoire  VII  ^  ;  —  les  saints  Canut,  Raimond  de  Pen- 


1.  RosKOVANY,  p.  558.  Analecta,  p.  523. 

2.  La  suppression  de  la  fêle  de  saint  Grégoire  VII  était  très 
significative.  Cet  office  avait  été  concédé  à  l'ordre  bénédictin 
et  aux  basiliques  patriarcales  de  Rome  par  Clément  XI,  en 
1719,  puis  étendu  à  l'Église  universelle  par  Benoît  XIII,  en 

HISTOIRE    DU  BRÉVIAIRE    ROMAIN.  25 


386  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN, 

nafort,  Casimir,  Vincent  Ferrier,  Ubald,  Antonin, 
Bernardin,  Félix  de  Cantalice,  Jean  de  Sahagun, 
Louis  de  Gonzague,  Liborius,  Raimond  Nonnat,  Lau- 
rent Giustiniani,  Wenceslas,  François  de  Borgia, 
André  d'Avellino,  Jean  de  la  Croix;  —  Sabas,  Pierre 
Chrysologue,  Pierre  d'Alexandrie,  Eusèbe  de  Ver- 
ceil,  Hilarion,  Venant,  Boniface,  Érasme,  Alexis, 
Christophe,  Pantaléon,  Romain,  Cassien,  Hyacinthe, 
Janvier,  Eustache,  Placide,  Denis,  Rustique  et  Éleu- 
thère,  Vital  et  Agricol,  Tryphon,  Respicius  et  Nim- 
pha,  Diego,  Hippolyte  et  Symphorien,  Gilles,  les  SS. 
VII  fratres,  Modeste  et  Crescentia,  Nabor  et  Félix, 
Faustinus  et  Jovita,  Cyprien  et  Justine;  —  les  saintes 
Émérentienne,  Martine,  Dorothée,  Scolastique,  Pé- 
tronille,  Rufme  et  Secunda,  Symphorose,  Marguerite, 
Christine,  Edwige,  Ursule,  Catherine,  Bibiane, 
Barbe,  Marguerite  de  Cortone,  Marie-Madeleine  de 
Pazzi,  Julienne  de  Falconieri,  Rose  de  Viterbe,  Ger- 
trude,  Elisabeth  de  Thuringe  ;  ajoutez  la  fête  de  l'In- 

1728.  La  leçon  historique  comprenait  une  phrase  où  sont  rap- 
pelées les  résistances  opposées  à  l'empereur  Henri  IV  par 
Grégoire  VII,  celle-là  même  que  nous  lisons  encore  :  «  Contra 
Henrici  imperatoris  impios  conatus  »,  etc.  Les  parlements  de 
France  y  virent  un  défi  aux  libertés  de  l'Église  gallicane  et  à 
la  majesté  royale.  Le  cardinal  Fleury  cassa  leurs  arrêts.  Mais 
des  évêques  les  soutinrent  :  Gaylus,  évêquc  d'Auxerre;  Gol- 
bert,  évêque  de  Montpellier;  Goislin,  évêque  de  Metz...  Be- 
noît XIII  (31  juillet  1729)  dut  condamner  les  mandements  do 
ces  prélats  et  les  édits  de  ces  parlements.  Le  parlement  de 
Paris  (23  février  1730)  condamna  la  condamnation  de  Be- 
noît XIII...  Pareille  émeute  dans  le  royaume  de  Naples...  Au- 
tant en  Autriche...  Voyez  Baeumer,  t.  II,  pp.  303-314,  322-323.  La 
congrégation  de  Benoît  XIV  entendait  couper  court  aux  diffi- 
cultés en  supprimant  la  fête  de  Grégoire VII. 


i 


LES    PnOJETS    DE    BENOIT    XIV.  387 

vention  du  corps  de  saint  Etienne  et  l'Impression  des 
stigmates  de  saint  François  K 

Le  7  décembre  1742,  la  congrégation  avait  enfin 
dressé  son  calendrier  des  fêtes  maintenues.  Mais  ce 
calendrier  n'était  encore  qu'un  catalogue,  et  plu- 
sieurs questions  demandaient  à  être  tranchées  pour 
qu'il  devînt  un  véritable  calendrier  liturgique.  Pre- 
mièrement, d'accord  en  cela  avec  l'idée  maîtresse  de 
toute  leur  réforme,  les  consulteurs  entendaient  pri- 
vilégier les  fériés  du  carême  et,  autant  que  possible, 
de  l'avent  :  ainsi  l'avait  établi  l'ancienne  liturgie,  et 
la  congrégation  prenait  à  témoin  le  dixième  concile 
de  Tolède  qui  défend  de  célébrer  de  solennité  des 
saints  durant  les  dies  qiiadragesimaleSy  et  le  concile 
de  Laodicée  qui  interdit  de  fêter  des  natalitia  durant 
le  carême.  On  supprimerait  absolument  donc  toutes 
les  fêtes  tombant  en  carême,  ou  on  les  transférerait, 
exception  faite  pour  l'Annonciation,  pour  la  Chaire 
de  saint  Pierre  et  pour  saint  Joseph,  et  sans  parler 
des  fêtes  simples,  lesquelles  ne  faisaient  point  tort 
à  l'office  férial.  Secondement,  étant  donné  que  l'on 
conservait  la  distinction  des  six  rites  de  fêtes,  con- 
sacrée par  Clément  VIII  et  Urbain  VIII,  et  que  l'on 
ne  touchait  pas  au  schème  de  concurrence  que  l'on 
trouve  imprimé  à  la  suite  des  rubriques  du  Bréviaire 
romain,  il  restait  à  fixer  le  rite  de  chacune  des  fêtes 
du  calendrier  réformé.  A  cette  distribution  furent 
consacrées  les  réunions  des  premiers  mois  de  1743  2. 

1.  CalencL  reformat,  ap.  Roskovany,  pp.  612-6  14  :  «  Catalo 
gus  festorum  seu  offîciorum  quae  visa  sunt  omiltenda.  » 

2.  Roskovany,  p.  563.  Analecta,  p.  525. 


388  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

On  maintint  le  rite  double  majeur  de  première 
classe  à  10  fêtes  (Noël,  Epiphanie,  Pâques,  Ascension, 
Pentecôte,  Corpus  Christi,  Nativité  de  saint  Jean- 
Baptiste,  29  juin,  15  août,  Toussaint^),  —  le  rite  dou- 
ble majeur  de  seconde  classe  à  27  fêtes  (Circoncision, 
Trinité,  Purification,  Annonciation,  Nativité,  Con- 
ception, saint  Etienne,  saints  Innocents,  saint  Joseph, 
Invention  de  la  Croix,  Exaltation,  natale  de  chacun 
des  apôtres  et  évangélistes,  saint  Laurent,  saint 
Michel),  —  le  rite  double  majeur  à  12  fêtes  (Trans- 
figuration, Dédicace  des  basiliques  Latérane,  Libé- 
rienne et  Vaticane,  Visitation,  Présentation,  Chaire 
de  saint  Pierre  à  Rome  et  à  Antioche,  saint  Pierre 
aux  Liens,  Conversion  de  saint  Paul,  saint  Jean  à  la 
Porte  Latine,  saint  Barnabe),  —  le  rite  double  mineur 
à  23  fêtes,  et  le  rite  semi-double  à  34.  Le  nombre  des 
fêtes  de  rite  simple  fut  porté  à  63.  Les  saints  dont 
on  ne  ferait  qu'une  commémoraison  étaient  au  nombre 
de  29  2. 

Le  calendrier  nouveau  ainsi  fixé  par  la  congré- 
gation était  chose  achevée^.  Allait-on  se  mettre  à 
l'étude  de  la  lettre  même  des  offices,  et  reviser  les 
homélies,  légendes,  hymnes  et  répons  des  offices  que 
l'on  conservait?  Il  parut  plus  sage  de  soumettre  à 
Benoît  XIV  le  travail  fait,  ce  travail  étant  la  base  de 
toute  la  réforme  à  faire,  laquelle  serait  vaine  si  le 


1.  Plus,  pour  chaque  église,  l'anniversaire  de  sa  dédicace  et 
la  fête  de  son  titulaire. 

2.  ROSKOVANY,  pp.  592-612. 

3.  La  révision  du  calendrier  fut   achevée   «  mense  aprilis; 
1743  »,  dit  Valenti,  sans  préciser  davantage. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  389 

souverain  pontife  n'approuvait  pas,  ou  même  désap- 
prouvait, la  méthode  et  les  résolutions  premières  de 
la  congrégation.  Sur  l'avis  unanime  des  consulteurs, 
Valenti  mit  le  nouveau  calendrier  sous  les  yeux  de 
Benoît  XÏV. 

Le  pape,  assure  Valenti,  reçut  le  mémoire  avec 
bienveillance,  et  demanda  à  l'examiner  :  il  le  garda 
ainsi  par  devers  lui  plusieurs  mois,  ce  qui  ne  doit 
point  surprendre  de  la  part  d'un  pape  occupé  par 
bien  d'autres  soucis  de  sa  charge  apostolique,  et  dé- 
sireux de  peser  avec  toute  la  maturité  nécessaire  les 
inconvénients  que  pouvait  entraîner  la  diminution  du 
sanctoral.  Dans  une  lettre  adressée  au  cardinal  de 
Tencin,  le  7  juin  1743,  c'est-à-dire  exactement  du 
temps  où  Valenti  venait  de  mettre  le  nouveau  calen- 
drier sous  les  yeux  du  pape,  voici  en  quels  termes 
Benoît  XIV  exprime  la  façon  dont  il  conçoit  que  doive 
être  réformé  le  Bréviaire  romain.  La  gravité  de  cette 
lettre  n'échappera  à  aucun  de  nos  lecteurs. 

«  Nous  accusons  la  lettre  de  Votre  Éminence  du 
20  may.  Il  y  est  question  du  projet  d'un  nouveau  Bré- 
viaire romain.  Nous  avons  vu  avec  le  plus  sensible 
plaisir  les  espérances  que  Votre  Éminence  nous  fait 
entrevoir  que  si  nous  donnions  un  nouveau  Bréviaire 
romain,  il  pourroit  peut-être  être  reçu  en  France,  du 
moins  dans  les  diocèses  où  le  Bréviaire  romain  est  en 
usage.  Voici  en  général  le  plan  que  nous  nous 
sommes  proposé  de  suivre  dans  la  composition  de  ce 
Bréviaire.  La  critique  étant  devenue  si  pointilleuse,  et 

1.  RosKOVANY,  p.  562.  Analecta,  p.  525.  Ce  calendrier  et 
l'exposé  des  motifs  sont  donnés  par  Roskovany,  pp.  583-614. 


390  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

les  faits  que  nos  bons  ancêtres  regardoient  comme 
indubitables  étant  aujourd'hui  révoqués  en  doute,  nous 
ne  voyons  d'autre  moyen  de  nous  mettre  à  l'abri  de 
cette  critique  que  celui  de  composer  un  Bréviaire  dans 
lequel  tout  soit  tiré  de  l'Ecriture  sainte,  laquelle, 
comme  le  sait  Votre  Éminence,  contient  beaucoup  de 
choses  sur  les  mystères  dont  l'Église  célèbre  la  fête, 
sur  les  saints  apôtres  et  sur  la  sainte  Vierge.  On  sup- 
pléera par  les  écrits  non  contestés  des  premiers  Pères 
à  ce  que  l'Ecriture  sainte  ne  fourniroit  pas.  Quant  aux 
autres  saints  qui  ont  place  aujourd'hui  dans  le  Bré- 
viaire, on  se  contentera  d'en  faire  une  simple  commé- 
moraison.  Tout  ce  qu'on  pourra  dire,  c'est  que  c'est 
là  une  nouveauté  qui  va  à  diminuer  le  culte  rendu 
jusqu'à  présent  à  ces  saints  ;  et  il  est  vrai  que  le  re- 
tranchement des  légendes  fera  crier  ceux  qui  tiennent 
les  faits  qui  y  sont  contenus  pour  si  certains  qu'ils  se- 
roient  prêts  à  se  faire  martyriser  pour  en  soutenir  la 
vérité.  Mais  cette  critique  nous  paroît  bien  moins  im- 
portante que  celle  par  laquelle  on  nous  reprocheroit 
de  faire  lire  au  nom  de  l'Église  des  faits  ou  apocrifes 
ou  douteux.  Or  avec  quelque  attention  et  quelque  ha- 
bileté que  le  nouveau  Bréviaire  fût  composé,  cette 
critique  seroit  inévitable  ^ .  » 

Nous  voyons  se  produire  ici  une  divergence  pro- 
fonde entre  le  Pape  et  ses  consulteurs,  la  pensée  de 
Benoît  XIV  va  à  donner  un  nouveau  Bréviaire  ro- 
main, tandis  que  les  consulteurs  ne  travaillent  qu'à 
réformer  le  Bréviaire  existant.  Benoît  XIV  entend 

1.  Corr.  de  Rome,  t.  792,  f.  21. 


LES    PI50JETS    DE    BENOIT    XIV.  391 

un  Bréviaire  dans  lequel  tout  soit  tiré  de  l'Ecriture 
sainte  :  poser  cette  règle  fondamentale  équivaut  à 
abandonner  l'économie  du  Bréviaire  existant  et  ac- 
cepter la  règle  même  adoptée  par  les  liturgistes  gal- 
licans. Benoît  XIV  espère  qu'un  Bréviaire  ainsi  conçu 
pourra  être  reçu  en  France  «  dans  les  diocèses  où 
le  Bréviaire  romain  est  en  usage  »  :  est-ce  à  dire  que 
des  Bréviaires  nouveaux  comme  celui  de  M.  de  Vinti- 
mille  resteront  en  possession  et  ne  seront  pas  inquié- 
tés? Benoît  XIV  maintient  au  sanctoral  les  mystères 
de  Notre  Seigneur,  les  fêtes  des  apôtres  et  de  la 
Vierge  :  mais  toutes  les  autres  fêtes  sanctorales  n'au- 
ront plus  droit  qu'à  une  commémoraison  :  par  suite 
retranchement  absolu  des  légendes.  Quant  à  l'ordre 
de  la  psalmodie,  Benoît  XIV  n'en  parle  pas,  estimant 
sans  doute  que  la  restauration  de  l'ofïice  temporal 
sufïit  à  répondre  aux  vœux  qui  peuvent  se  formuler  à 
ce  sujet.  Telles  sont  les  grandes  lignes  conçues  par 
Benoît  XIV,  de  son  particulier,  et  dont  cette  lettre 
du  7  juin  1743  nous  livre  la  confidence. 

Quand  on  a  lu  cette  lettre  de  Benoît  XIV,  on  com- 
prend mieux  ce  que  veut  dire  Valenti,  lorsque,  pour- 
suivant son  récit,  il  rapporte  qu'une  personne,  dont 
il  tait  le  nom,  —  c'était  bien  vraisemblablement  le 
pape  lui-même,  —  émit  l'opinion  qu'il  serait  plus  ex- 
pédient de  conserver  toutes  les  fêtes  sanctorales  du 
calendrier  romain,  mais  de  les  ramener  toutes  à 
n'être  plus  que  des  fêtes  simples,  pour  sauvegarder 
ainsi  l'office  férial.  Valenti  (lui-même  nous  le  dit  avec 
l'ingénuité  propre  à  un  diplomate)  s'empressa  de  sou- 
mettre cette  opinion  à  Benoît  XIV,  qui  désira  savoir 


392  HISTOIRE    DU    IJHÉVIAIRE    ROMAIN. 

pourquoi  les  consulteurs  ne  l'avaient  point  adoptée. 
Les  consulteurs  répondirent  par  écrit  qu'il  leur  avait 
paru  nécessaire  d'éliminer  certaines  fêtes  de  saints, 
et  que,  quant  au  projet  lui-même,  il  se  heurtait  à  l'u- 
sage immémorial  de  l'Église  et  entraînerait  avec  lui 
mille  difficultés  ^  Cette  réponse  des  consulteurs,  si 
nette,  si  solide  aussi,  accusait  entre  Benoît  XIV  et  ses 
consulteurs  une  divergence  profonde. 

Cependant  on  pressait  le  pape  de  se  décider.  C'é- 
tait le  cardinal  de  Tencin.  C'était  le  nonce  à  Paris,  Cres- 
cenzi,  rappelé  à  Rome  pour  y  recevoir  le  chapeau'^. 
C'était  Valenti  lui-même  qui  rappelait  assidûment  au 
pape  l'intérêt  de  l'œuvre  commencée,  et  que  Be- 
noît XIV  était  seul  capable  de  la  mener  à  bonne  fin. 
Le  pape  céda  enfin,  quelle  que  fût  son  arrière-pensée, 
et  nomma  une  congrégation  cardinalice  pour  exami- 
ner le  calendrier  présenté  par  les  consulteurs.  Les 
cardinaux  nommés  par  Benoît  XIV  étaient  les  Emi- 
nentissimes  Gentili,  Silvio  Valenti,  Monti,  Tamburini 
et  Vezzosi.  Louis  Valenti  serait  le  secrétaire  de  la 
congrégation  cardinalice^. 

Le  2  mars  1744,  elle  se  réunit  au  Quirinal.  Les  car- 
dinaux ne  firent  aucune  objection  au  projet  de  calen- 

1.  RosKOVANY,  p.  b62.  Analec ta,  p.  525.  Celte  consiillalioii  est 
reproduite  par  Koskovâny,  p.  614-619. 

2.  Crescenzi  n'était  que  l'écho  du  cardinal  de  Fleury  et  du 
cardinal  de  Tencin.  Il  lut  fait  cardinal  au  consistoire  du 9  sept. 
1743. 

3.  RosKOVANY,  p.  553.  Analecla,  p.  526.  Baeumer,  t.  Il, 
p.  373,  signale  dans  la  bibliothèque  de  Saint-Paul-hors-les- 
Murs  le  cod.  xiv  contenant  des  papiers  du  cardinal  Tamburini 
^lequel  était  béndictin)  sur  l'affaire  du  Bréviaire. 


a 

I 

W: 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  393 

drier  présenté  par  les  consulteurs,  et  témoignèrent 
plutôt  de  leur  approbation.  Cependant  leur  décision 
se  trouva  différée  par  des  considérations  préalables. 
Monti,  cardinal  depuis  septembre  1743,  était  le  même 
qui  avait  été  consulteur  de  la  congrégation  prépara- 
toire :  ce  qui  lui  donnait  une  grande  autorité  sur  ses 
collègues  de  la  congrégation  cardinalice.  Le  cardinal 
Monti  proposa  de  faire  part  du  projet  de  réforme  au 
cardinal  de  Tencin,  à  Paris,  et  d'attendre  son  avis.  On 
savait,  en  effet,  Tencin  très  partisan  d'une  réforme  ; 
c'était  un  prélat  actif  et  influent,  et  il  y  avait  lieu 
d'espérer  que  si  l'on  s'assurait  son  concours  la 
réforme  romaine  du  Bréviaire  pourrait  être  reçue 
en  France,  et.  une  fois  reçue  en  France,  serait 
reçue  volontiers  par  les  autres  nations  dévouées 
au  Saint-Siège.  D'autres  cardinaux  firent  observer 
que  la  réforme  entreprise  n'était  pas  encore  assez 
avancée  pour  être  ainsi  communiquée  au  dehors,  et 
e  cardinal  Tamburini,  faisant  sienne  cette  obser- 
vation, ajouta  qu'il  conviendrait  de  déterminer  sans 
retarder  la  distribution  des  psaumes  que  l'on  voulait 
adopter  :  la  distribution  du  psautier  n'était-elle  pas, 
en  effet,  le  point  essentiel  de  la  réforme?  Réciterait- 
on  intégralement  le  psautier  chaque  semaine?  Com- 
bien de  psaumes  réciterait-on  chaque  jour?  Les  psau- 
mes quotidiens  serviraient-ils  aux  fêtes  des  saints? 
Y  aurait-il  des  fêtes  de  saints  qui  comporteraient  une 
psalmodie  à  part?  Voilà  ce  qu'il  fallait  faire  étudier 
incontinent  par  les  consulteurs.  L'avis  de  Tamburini 
prévalut.  Entre  temps,  comme  la  congrégation  préla- 
tice  avait  perdu  deux  de  ses  membres,  Monti  étant 


394  HiSTOiniî  DU  bréviaire  romain. 

devenu  cardinal  et  Azzoguidi  étant  depuis  longtemps 
absent  de  Rome,  Benoît  XIV  nomma  deux  nouveaux 
consulteurs,  le  procureur  général  des  Célestins, 
Orlandi,  et  le  Père  Giuli,  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
alors  professeur  de  droit  canon  au  Collège  Germa- 
nique (8  mars  1744)  ^ 

Le  19  mars,  il  y  eut  réunion  des  consulteurs  pour 
discuter  la  question  de  la  distribution  du  psautier. 
Plusieurs  Eglises  de  France  avaient,  en  ces  dernières 
années,  adopté  une  méthode  nouvelle  de  distribution, 
encore  que  non  uniforme,  et  cette  nouveauté  avait  en 
Italie  ses  partisans.  De  divers  côtés,  le  bruit  s'étant 
répandu  que  la  congrégation  discutait  cette  question, 
on  avait  fait  parvenir  à  Valent!  différents  projets 
d'une  distribution  analogue,  prétendant  tous  à  rendre 
la  psalmodie  et  plus  facile  et  mieux  ordonnée.  Les 
consulteurs  furent  unanimes  à  s'en  tenir  à  leur  déci- 
sion première  (14  juillet  1741),  et  à  affirmer,  une  fois 
de  plus,  que  la  distribution  romaine  du  psautier 
était  antique  et  ne  devait  pas  être  abandonnée.  Pour 

1.  RosKOVANY,  p.  564.  Analecta,  p.  527.  Le  P.  Giuli  mourut 
en  novembre  1748.  Benoît  XIV  l'estimait  beaucoup  :  c'est, 
(lisait-il,  «  un  uomo  che  sa,  e  pieno  di  merito  ».  Mais  rappro- 
chez la  lettre  de  Benoît  XIV  à  Tencin,  5  mars  1744  :  «  Il  s'est 
tenu  une  congrégation  sur  le  projet  d'un  nouveau  Bréviaire 
romain,  en  présence  de  quelques  cardinaux;  il  s'en  étoit  déjà 
tenu  plus  de  vingt  entre  les  seuls  consulteurs.  Votre  Éminence 
peut  bien  se  figurer  qu'on  a  beaucoup  discouru  et  peu  conclu  ; 
mais  nous  commencerons,  aussitôt  que  nous  pourrons,  à  faire 
tenir  devant  nous  ces  congrégations,  et  même  nous  nous  en- 
tendrons là-dessus  avec  M.  l'xVrchevêque  de  Bourges  [l'ambas- 
sadeur du  roi]  quand  il  sera  arrivé,  d'autant  plus  qu'il  pour- 
roit  bien  amener  avec  lui  quelque  habile  docteur  de  Sorbonne  >; 
{Coït,  de  Rome,  t.  796,  f.  21). 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  395 

donner  plus  de  poids  à  leur  opinion,  qui  s'appuyait 
sur  le  témoignage  d'Amalaire  et  de  Grégoire  Vil, 
ils  recoururent  aux  trésors  manuscrits  des  bibliothè- 
ques romaines  :  Antonelli  fouilla  les  archives  du  La- 
tran;  Giorgi,  la  bibliothèque  Vaticane;  Orlandi,  la 
Vallicellane  ;  Giuli,  la  bibliothèque  du  Collège  Ro- 
main et  celle  de  la  Pénitencerie  ;  ainsi  des  autres.  Le 
29  avril,  les  recherches  étaient  achevées,  qui  confir- 
maient pleinement  l'opinion  de  la  congrégation,  et 
Gain,  le  résumant  en  un  mémoire,  put  conclure 
qu'aucune  des  distributions  admises  maintenant  en 
France  ou  proposées  ailleurs  ne  pouvait  être  préférée 
à  l'antique  distribution  romaine  ^  Le  mémoire  de 
Galli  lu  aux  consulteurs  fut  approuvé  par  eux  tous. 
On  décida  du  même  coup  que  les  fêtes  doubles  mi- 
neures, qui  tomberaient  un  dimanche,  seraient  trans- 
férées; sur  la  question  de  savoir  si  les  fêtes  semi- 
doubles,  qui  tomberaient  un  jour  empêché,  seraient 
transférées  ou  réduites  à  une  simple  mémoire,  il  y 
eut  partage  égal  des  voix  2. 

Il  fallait  se  hâter.  Le  bruit  s'était  répandu,  on  ne 
sait  d'où,  assure  Valenti,  que  Benoît  XIV  se  souciait 
peu  de  la  correction  du  Bréviaire,  qu'il  y  répugnait 
même,  et  qu'il  permettait  à  des  consillteurs  de  s'en 
occuper,  moins  pour  la  voir  aboutir,  que  pour  ne 
contrarier  point  les  personnages  qui  la  demandaient. 
Rien  n'était  moins  fondé  que  ce  bruit,  ni  plus  con- 

1.  Cette  dissertation  du  Père  Orlandi,  De  non  immiitando 
veteri  psalmodiae  rilu,  a  été  insérée  par  Valenti  parmi  ses 
pièces  justificatives,  Moniimentum  XXHI  :  elle  est  inédite. 

2.  RosKOYANY,  p.  565.  Analecta,  p.  528. 


396  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

traire  à  la  pensée  du  pape  ^  ;  et  il  chargea  Valenti 
d'assurer  les  consulteurs  que,  loin  d'être  défavorable 
à  leur  œuvre,  il  s'y  intéressait  et  l'appuyait,  et  qu'on 
le  verrait  bien  le  jour  où  il  réunirait  la  congrégation 
en  sa  présence.  Peu  après,  en  effet,  il  nommait  un 
nouveau  consulteur,  le  prélat  Nicolas  Lercari,  retour 
de  France,  où  il  avait  accompli  une  importante  mis- 
sion, et  devenu  secrétaire  de  la  Propagande  ;  et,  après 
avoir  pris  connaissance  du  dernier  mémoire  des  con- 
sulteurs, il  invitait  la  congrégation,  tant  des  cardi- 
naux que  des  consulteurs,  à  tenir  séance  en  sa  pré- 
sence, le  29  septembre  1744. 

Benoît  XIV,  avec  cette  érudition  et  cette  facilité 
qui  caractérisaient  son  éloquence,  parla  de  la  néces- 
sité d'une  réforme  et  de  la  méthode  qu'il  y  fallait 
apporter.  Cette  nécessité,  il  la  voyait  provoquée  par 
les  mêmes  causes  qui  avaient  jadis  déterminé  les 
Pères  du  concile  de  Trente  :  le  désordre  introduit 
dans  la  récitation  du  psautier,  la  présence  dans  les 
légendes  des  saints  d'histoires  fausses  ou  douteuses, 
le  manque  de  pureté  et  d'élégance  dans  le  culte  divin. 
Pour  la  méthode,  il  approuvait  avec  les  cardinaux  la 
résolution  des  consulteurs  de  ne  point  toucher  à  la 
distribution  des  psaumes;  il  demandait,  quant  à  lui, 
que  l'on  ne  touchât  point  au  texte  de  la  Vulgate  du 
psautier;  il  approuvait  que  l'on  conservât  les  rites 
doubles  de  première  classe,  doubles  de  seconde 
classe,  etc.  ;  il  ne  répugnait  pas  aux  huit  règles  que 
les  consulteurs  avaient  formulées  touchant  la  réforme 

1.  RosKOVANY,  p.  566.  Analecta^  p.  529. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  397 

du  calendrier,  mais  il  en  imposait  une  neuvième.  Des 
saints  du  calendrier,  en  effet,  les  uns  avaient  été  cano- 
nisés, avant  Alexandre  III,  par  le  consensus  de 
l'Eglise  universelle;  les  autres,  depuis  Alexandre  III, 
par  décret  des  pontifes  romains,  et  selon  le  rite  solen- 
nel que  nous  appelons  canonisation;  d'autres  enfin, 
depuis  Alexandre  III,  sans  ce  rite  solennel,  par  la 
seule  prescription  faite  par  les  pontifes  romains  au 
monde  catholique  d'une  messe  et  d'un  office  en  leur 
honneur.  Il  ne  convenait  pas  de  confondre  ces  trois 
ordres,  mais  de  déterminer  ce  qui  convenait  à  chacun. 
Il  conclut  en  encourageant  les  consulteurs  à  mettre 
désormais  tout  leur  soin  à  examiner,  à  corriger,  à 
polir  ou  à  remplacer  même  entièrement  les  parties, 
chacune  en  soi,  du  Bréviaire;  de  se  partager  entre 
eux  le  travail,  de  le  discuter  ensemble,  et  enfin 
de  lui  soumettre  toutes  les  résolutions.  Valenti  ré- 
suma par  écrit  le  discours  du  Souverain  Pontife,  et, 
le  2  octobre,  ce  résumé,  ayant  été  soumis  au  pape  et 
approuvé  par  lui,  fut  distribué  aux  cardinaux  et  aux 
consulteurs  ^ . 

Ce  discours  est  fait  pour  surprendre,  après  la  let- 
tre du  7  juin  1743.  Sans  doute,  Benoît  XIV  n'avait 
pas  manifesté  le  dessein  de  toucher  à  la  distribution 
traditionnelle  du  psautier,  mais  de  réduire  toutes  les 
fêtes  sanctorales,  sauf  les  fêtes  de  Notre-Seigneur, 
des  apôtres  et  de  la  Vierge,  à  une  simple  commémo- 
raison  superposée  à  l'office  du  temps,  et  de  travailler 
à  ce   que  le  Bréviaire  ne  contînt,  à  l'exception  de 

1.  RosKOVANY,  ^.  J)%l-%.  Analecta,  p.  529. 


398  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRK    ROMAIN. 

quelques  textes  des  Pères,  rien  qui  ne  fût  de  l'Écri- 
ture, aucune  légende.  Benoît  XIV  avait-il  changé  de 
sentiment,  ou  se  réservait-il?  Il  est  plus  probable 
que  le  pape  était  revenu  de  son  premier  sentiment. 

Les  consulteurs  se  remirent  à  l'œuvre  passé  les 
vacances  d'automne.  Il  y  eut  séance  le  27  novembre 
et  le  30  décembre,  pour  discuter  les  offices  du  temps. 
Lercari,  Antonelli  et  Giorgi  étudiaient  les  homélies, 
les  leçons  et  les  capitules;  Sergio,  Baldini,  Giuli  et 
Valenti  étudiaient  les  antiennes  et  les  répons,  les 
hymnes  et  les  versets.  L'examen  du  lectionnaire  ne 
suscita  qu'un  petit  nombre  d'observations  ;  celui  des 
antiennes,  des  répons,  etc.,  souleva  quelques  doutes 
seulement;  encore  ne  maintint-on  pas  les  résolutions 
prises.  L'office  du  temps  était  en  somme  hors  de  cause. 
Un  consulteur  proposa  de  remplacer  la  leçon  brève 
de  prime  par  la  lecture  de  quelque  canon  de  concile. 
L'idée  était  empruntée  au  bréviaire  de  M.  de  Vinti- 
mille.  Benoît  XIV,  instruit  par  Valenti,  fit  dans  les 
vingt-quatre  heures  rappeler  aux  consulteurs  qu'il 
s'agissait  dans  sa  pensée  d'une  réforme  et  non  d'une 
innovation  du  Bréviaire^.  Il  est  donc  incontestable 
que  Benoît  XïV  ne  songeait  plus  à  donner  un  nou- 
veau Bréviaire  romain. 

Le  16  janvier  1745,  on  entreprit  le  propre  des 
saints  :  le  9  juillet  on  y  travaillait  encore...  Valenti 
explique  comment  les  consulteurs  s'étaient  partagé 
le  travail,  avec  quelle  conscience  et  quel  soin  ils  s'y 
appliquaient,  et  quel  souci  ils  avaient  tous  de  l'en- 

l.  RosKOVANY,  p.  569.  Analecta,  p.  530. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  399 

tente  commune.  Il  insiste  sur  le  respect  qu'ils  sen- 
taient tous  en  eux  pour  l'antiquité,  et  il  en  donne 
un  exemple.  Un  des  consulteurs,  après  avoir  fait 
observer  que  roffice  de  la  Conversion  de  saint  Paul 
avait  des  antiennes  et  des  répons,  pièces  excellentes 
sans  doute  et  tirées  de  l'Ecriture  sainte,  mais  qui 
ne  s'appliquaient  point  directement  à  la  fête,  entre- 
prit d'en  composer  qui  fussent  tirés  également  de 
l'Écriture,  mais  qui  eussent  trait  à  la  conversion  de 
l'apôtre.  Le  travail  était  bon,  pourtant  la  congréga- 
tion ne  l'accepta  point,  et,  comme  dit  Valenti  en 
un  beau  langage,  «  retenta  est  antiquilas  et  i-epro^ 
bâta  novitas,  hoc  est,  nihil  plaçait  immutari  ^  ». 
Malgré  tant  de  circonspection  et  de  respect,  les  cor- 
rections se  multiplièrent...  Puis  soudain  le  travail 
s'interrompit. 

Qui  croirait,  dit  Valenti,  que  des  consulteurs  qui 
étaient  cependant  des  hommes  d'expérience,  et  qui 
avaient  tant  de  fois  déjà  éprouvé  la  ferme  intention 
du  Souverain  Pontife,  se  pussent  laisser  émouvoir 
du  bruit  répandu  une  seconde  fois  par  la  cabale, 
que  Benoît  XIV  ne  voulait  en  réalité  pas  de  réforme 
du  Bréviaire?  Les  bruits  les  plus  faux  ont  souvent 
ces  apparences  de  vérité  qui  suffisent  à  surprendre 
les  yeux  les  plus  sagaces  et  les  esprits  les  plus  pru- 
dents! Ce  bruit  s'était  répandu,  non  seulement  hors 
de  Rome,  mais  dans  Rome  même;  il  s'était  accré- 
dité. On  exploitait  le  silence  du  pape...  Les  consul- 
teurs   se    découragèrent,  et,  du   9  juillet    1745    au 

1.  RosKOVANY,  p.  571.  Analecta,  p.  532. 


400  HISTOIRE    DU    nilÉMAlHE    ROMAIN. 

22  juin  1746,  il  n'y  eut  plus  moyen  de  les  réunir, 
jusqu'à  ce  qu'enfin  Benoît  XIV  eût  exprimé  à  \  a- 
lenti  l'étonnement  où  il  était  de  voir  leur  travail  se 
faire  tant  attendre,  et  lui  eût  demandé  ce  qui  les  ar- 
rêtait. Valenti,  que  le  découragement  avait  gagné 
aussi,  semble-t-il,  avoua  ingénument  au  pape  ce 
qu'il  en  était.  Le  pape  l'assura  qu'ils  avaient  été 
trompés  par  de  faux  bruits,  l'exhorta  avec  bienveil- 
lance à  reprendre  l'œuvre  interrompue,  et  lui  donna 
un  mot  écrit  de  sa  main  (20  juin  1746)  pour  mieux 
enflammer  ses  collègues  à  la  poursuivre  et  à  l'ache- 
ver ^  Il  voulut  même  les  voir  chacun  individuelle- 
ment pour  les  confirmer  dans  ces  sentiments,  les  as- 
surant du  désir  qu'il  avait  de  voir  aboutir  la  réforme, 
et  combien  il  y  était  porté  par  les  lettres  qu'on  lui 
écrivait  de  France,  en  particulier  le  cardinal  de 
Tencin,  et  par  l'espérance  qu'on  lui  donnait  de  voir 
la  réforme  entreprise  à  Rome  avoir  en  France  un 
plein  succès  ^. 

Le  22  juin  1746,  la  congrégation  reprit  ses  séances, 
et,  jusqu'au  12  août,  elle  se  réunit  une  fois  par  se- 
maine chez  Valenti.  A  cette  date,  elle  avait  achevé 


1.  Ce  billet  de  Benoît  XIV  (20  juin  1746)  figure  parmi  les 
pièces  justificatives  de  Valenti,  Moniimentum  XXXII.  Nous 
en  donnons  le  texte  inédit  : 

«  Dalla  Seg*"'*  di  Stato,  20  giugno  1746.  Avendo  Nro  Sig" 
una  giusta  premura,  che  si  solleciti  lo  studio  e  l'affare  speltanto 
alla  riforma  del  Breviario  Romano,  si  contentera  Mons.  Pro- 
mof*  délia  Fede  di  rappresentarla  alla  Congre""  deputata, 
acciô  abbia  maggior  stimolo  di  terminare  questa  opéra.  — 
Monsig""  Valenti  Promotore  délia  Fede.  » 

2.  RosKOVANY,  p.  572.  Analecta,  p.  532. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  401 

la  revision  du  propre  des  saints  pour  les  six  premiers 
mois  de  l'année.  Le  10  septembre,  Valenti  put  pré- 
senter au  pape  le  résultat  des  travaux  de  la  congré- 
gation :  c'était  un  mémoire  justificatif  des  corrections 
qu'elle  proposait,.  Spécimen  Bre{>iarii  reformati, 
pars  hyemalis  et  pars  verna  ^ .  Le  pape  fut  rempli 
de  joie,  et  pria  Valenti  de  compléter  un  si  bon  tra- 
vail, en  faisant  étudier  par  la  congrégation  les  of- 
fices du  second  semestre.  On  attendit  la  fin  des 
vacances  d'automne,  mais,  du  2  décembre  1746  au 
10  mars  1747,  on  se  réunit  une  fois  par  semaine. 
Le  10  mars,  le  travail  s'achevait  par  l'étude  du 
commun  des  saints  rapporté  par  Lercari,  Antonelli 
et  Giorgi.  L'œuvre  de  la  congrégation,  qui  n'avait 
pas  duré  moins  de  six  années,  était  enfin  terminée. 
Valenti  rédigea  la  seconde  partie  de  son  Spé- 
cimen Brenarii  reformati  ^  et  la  remit  au  pape. 
Benoît  XIV  avait  donc  maintenant  en  main  le  projet 
de  réforme  tant  du  calendrier  que  de  l'office  :  il  vou- 
lait se  réserver  de  le  revoir  par  lui-même  et  de  le 
discuter,  et  l'on  ne  pouvait  que  s'en  rapporter  à  la 
sagacité  de  son  esprit,  à  la  vigueur  de  son  génie  et 
à  l'étendue  de  son  érudition  ^. 

Valenti  conclut  son  rapport  par  ces  mots  :  «  On 
attend  maintenant  avec  confiance  la  décision  du  Sou- 
verain Pontife.  »  On  était  aux  environs  de  Pâques  1747. 

Nous  venons  de  résumer  l'historique  donné  par 
Valenti  des  travaux  de  la  congrégation  pour  la  ré- 

1.  Analecta,  pp.  633  et  suiv. 

2.  Analecta,  pp.  889  et  suiv. 

3.  RosKOVANY,  p.  575.  Analecta,  p.  635. 

HISTOIRE    DU   BRÉVIAIRE    ROMAIN.  26 


402  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN, 

forme  du  Bréviaire.  Nous  avons  énuméré,  toujours 
d'après  Valenti,  les  suppressions  et  les  réductions 
de  fêtes  votées  par  la  congrégation.  11  nous  reste, 
pour  donner  une  idée  complète  de  l'œuvre,  à  énu- 
mérer,  aussi  sommairement  que  possible,  les  cor- 
rections proposées  par  la  congrégation  au  texte  même 
des  offices  qu'elle  maintenait. 


Les  corrections  apportées  au  propre  du  temps 
étaient  peu  nombreuses  et  ne  portaient  que  sur  le 
lectionnaire.  Le  passage  de  saint  Grégoire,  au  troi- 
sième nocturne  du  premier  dimanche  de  l'avent,  où 
saint  Grégoire  découvre  dans  les  calamités  de  son 
temps  les  signes  avant-coureurs  de  la  fin  du  monde, 
est  remplacé  par  un  autre  morceau  de  la  même  ho- 
mélie, où  saint  Grégoire  exprime  simplement  la 
joie  que  doit  causer  aux  fidèles  la  fin  du  monde  con- 
sidérée comme  l'avènement  béni  du  Christ.  —  Le 
morceau  écourté  et  déplaisant  de  saint  Jérôme,  qui 
sert  de  leçons  au  second  nocturne  du  second  di- 
manche de  Pavent,  est  remplacé  par  un  très  beau 
et  très  théologique  passage  de  saint  Fulgence.  — 
Le  jour  de  la  vigile  de  Noël,  l'homélie  de  saint  Jé- 
rôme, d'une  si  choquante  lourdeur  d'expression,  est 
remplacée  par  une  délicate  élévation  de  saint  Jean 
Chrysostome  sur  le  même  sujet,  Cum  esset  desponsata 
Mater  lesu.  —  L'homélie  du  jeudi  après  les  Gendres, 
tirée  de  saint  Augustin,  et  difficile  à  comprendre,  est 
remplacée  par  une  homélie  du  même  saint  Augus- 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  403 

tin  d'un  sujet  moins  subtil  et  d'un  style  plus  lim- 
pide. —  A  l'homélie  du  mercredi  des  Quatre-Temps 
de  carême,  qui  est  de  saint  Ambroise,  est  substitué 
un  texte  de  saint  Jean  Chrysostome,  plus  explicite 
et  mieux  approprié.  —  Le  vendredi  qui  suit,  au  dé- 
veloppement de  saint  Augustin  sur  le  symbolisme 
du  nombre  quarante,  on  substitue  un  autre  passage, 
plus  à  notre  portée,  du  même  Augustin.  —  Le  ven- 
dredi après  le  quatrième  dimanche  de  carême,  à  la 
place  de  l'homélie  de  saint  Augustin  sur  Lazare,  ho- 
mélie où  est  affirmée  l'identité  de  Marie-Madeleine 
et  de  Marie  \  on  proposa  un  passage  de  saint  Ful- 
gence,  où  il  n'est  point  question  de  Marie,  et  très 
beau  d'ailleurs  :  «  ...  lesus  lacrymas  fudit...  Plora- 
bat,  sed  non  utique  plorabat  ut  ludaei  putahant, 
quia  Lazai^um  satis  amahat.  Sed  ideo  plorabat,  quia 
iterum  eum  ad  huius  vitae  misei-ias  j^evocabat  »,  etc. 
—  Le  mercredi  après  le  dimanche  de  la  Passion, 
l'homélie  de  saint  Augustin  est  mieux  coupée,  com- 
mençant à  Hiems  erat,  et  une  fois  supprimé  le 
préambule  sur  les  Encaenia.  —  Le  jeudi  suivant, 
suppression  de  l'homélie  où  saint  Grégoire  identifie 
Marie  et  Marie-Madeleine;  substitution  d'un  autre 
passage  de  la  même  homélie,  où  il  n'est  plus  ques- 

1.  La  congrégation,  au  sujet  de  la  fête  de  sainte  Madeleine, 
exprime  ainsi  son  sentiment  :  «  In  celeberrima  quaestione, 
quam  hic  attingere  non  est  necesse,  visum  est  congregationi 
non  esse  recedendum  a  veteri  traditione  Romanae  Ecclesiae.  » 
Analecta,  p.  908.  A  Rome,  en  effet,  on  avait  toujours  cru,  avec 
la  tradition  latine  tout  entière,  à  l'identité  de  Marie  de  Bétha- 
nie,  de  Marie  de  Magdala  et  de  la  pénitente  anonyme  de  Naïm. 
En  France,  l'opinion  contraire  était,  au  xvii'  siècle,  générale  r 
voyez  l'opuscule  de  Bossuet  Sur  les  trois  Madeleines. 


404  IIISTOinE    DtJ    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

tion  de  Marie.  —  Le  jeudi  de  roctave  de  Pâques,  en- 
core l'identité  de  Marie  et  de  Marie-Madeleine,  dans 
une  homélie  de  saint  Grégoire  :  on  lui  substitue  une 
homélie  de  saint  Augustin.  —  Le  mardi  dans  l'oc- 
tave de  l'Ascension,  suppression  du  sermon  de  saint 
Maxime  sur  Jésus  comparé  à  l'aigle  ;  à  la  place  un 
sermon  da  saint  Bernard,  sans  qu'on  voie  clairement 
la  raison  de  cette  correction.  —  Enfin,  le  douzième 
dimanche  après  la  Pentecôte,  à  la  place  de  l'homé- 
lie trop  générale  de  Bède,  une  homélie  de  saint  Am- 
broise  sur  le 'bon  Samaritain,  vrai  sujet  de  l'évangile 
du  jour.  —  Ce  sont  là  les  amendements  introduits 
par  la  congrégation  dans  le  lectionnaire  du  temps  ' . 
Le  propre  des  saints  subissait  de  plus  graves  modi- 
fications. 

El  d'abord  l'antiphonaire  et  le  responsoral. 

Les  antiennes  et  les  répons  de  saint  André,  emprun- 
tés aux  actes  apocryphes  de  cet  apôtre,  étaient  pour  ce 
fait  supprimés.  On  remplaçait  les  antiennes  par  des 
antiennes  nouvelles,  empruntées  au  texte  du  Nouveau 
Testament.  Les  répons  seraient  ceux  du  commun  des 
apôtres.  —  On  donnait  à  l'office  de  saint  Thomas  apô- 
tre des  antiennes  propres,  au  lieu  de  celles  du  com- 
mun que  le  Bréviaire  lui  attribue,  et  ces  antiennes 
propres  étaient  empruntées  au  texte  de  l'Evangile  de 
saint  Jean,  «  ad  maiorem  sancti  apostoli  celehrita- 
tem  ».  —  La  première  antienne  des  laudes  de  l'office 
de  l'apôtre  saint  Jean  était  remplacée  par  une  an- 
tienne nouvelle,  plus  conforme,  assurait-on,  au  texte 

1.  AnaUcta,  pp.  634-642,  et  p.  890. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  405 

évangélique.  —  Les  antiennes  des  saints  Innocents, 
qui  sont  du  commun  des  martyrs,  étaient  remplacées 
par  des  antiennes  nouvelles  propres,  empruntées  au 
texte  d'Isaïe  et  de  FApocalypse.  —  L'antienne  du 
Magnificat,  aux  secondes  vêpres  de  l'office  de  la 
Chaire  de  saint  Pierre  à  Rome,  laquelle  est  du  com- 
mun des  souverains  pontifes,  était  remplacée  par 
l'antienne  répétée  des  premières  vêpres  :  Tu  es 
pastoî'  oçiam.  —  Les  antiennes  et  les  répons  de 
l'office  de  la  Purification  étaient  maintenus,  sauf  le 
répons  Senex  puerum  portabaty  du  troisième  noc- 
turne ,  et  l'antienne  du  Magnificat  (même  texte) , 
empruntés  ensemble  à  un  discours  apocryphe  de 
saint  Augustin  :  on  les  remplaçait  par  un  autre  ré- 
pons et  par  une  antienne  nouvelle  ^ ,  tous  deux  tirés 
de  l'Evangile.  —  L'office  de  l'Annonciation  perdait 
le  troisième  répons  du  premier  nocturne  et  le  second 
répons  du  troisième,  la  congrégation  ayant  été  cho- 
quée d'y  lire  les  mots  Effîcieris  gravida^  etc.,  et  les 
mots  Cunctas  haereses  sola  interemisti.  —  Suppres- 
sion des  antiennes  et  répons  propres  des  offices  de 
sainte  Lucie,  de  sainte  Agnès,  de  sainte  Agathe,  de 
saint  Laurent,  de  sainte  Cécile,  de  saint  Clément, 
ces  pièces  étant  empruntées  aux  actes  de  ces  divers 
saints,  actes  dont  la  congrégation  ne  reconnaissait 
pas  l'autorité.  Substitution  des  antiennes  et  des  ré- 
pons du  commun  des  saints. 
A  la  suite,  le  lectionnaire. 

1.  Ce  répons  nouveau  était  en  réalité  emprunté  à  i'nlipho* 
naire  de  Saint-Pierre,  publié  par  Tomasi,  t.  IV,  p.  64  :  Snnc 
dimitlis,  etc. 


406  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROxMAIN. 

Saint  André  aurait,  pour  leçons  IV-V-VI,  un  extrait 
d'un  sermon  de  saint  Pierre  Chrysologue,  panégy- 
rique de  l'apôtre  sans  allusion  historique,  au  lieu  de  la 
légende  actuelle  empruntée  à  la  lettre  prétendue  des 
prêtres  d'Achaïe  :  cette  lettre,  en  effet,  «  est  tenue 
pour  fausse  et  supposée  par  les  critiques  modernes, 
ainsi  que  Tillemontra  montré  jusqu'à  l'évidence;  et, 
ne  lut-elle  que  douteuse  et  controversée,  il  y  aurait 
sagesse  à  l'éliminer,  et  à  mettre  à  sa  place  ce  qui  est 
inattaquable  ^  » . 

Supprimées  les  leçons  IV-V-Vl  de  saint  Thomas, 
et  remplacées  par  un  sermon  de  saint  Jean  Chrysos- 
tome  sur  l'incrédulité  de  l'Apôtre.  La  légende,  en  ef- 
fet, que  le  Bréviaire  romain  consacre  à  saint  Thomas, 
n'est  «  ni  sûre  en  soi,  ni  confirmée  d'ailleurs,  et  elle 
est  contestée  par  les  critiques^  ». 

Supprimées  les  leçons  IV-V-VI  de  saint  Barnabe  : 
«  hinituntur  actis  spuriis"^  ».  A  la  place,  un  sermon 
de  saint  Jean  Chrysostome,  simple  commentaire  des 
textes  canoniques. 

Supprimées  ]es  leçons  VII-VIII-IX  de  saint  Joachim, 
texte  de  saint  Jean  Damascène  expliquant  la  généalo- 
gie de  Joachim  et  d'Anne,  car  «  ce  que  raconte  là  le 

1.  «  Ciim  vcro  acta  illa  suppositilia  et  falsa  a  reccnlioribiis 
crilicis  liabeanlur,  ut  pêne  ad  cvidenliam  demonstral  TAlenion- 
tius,  dubia  ccrte  quammaxime  et  in  controversia  posita  sinl, 
consultius  visum  est  omittere,  et  quae  inconcussae  fidei  sunl 
siibrogare.  »  Analecta,  p.  643. 

2.  «  Quae  illic  narrantur...  certa  et  explorata  non  sunt,  plu- 
resque  patiuntur  difflcultales  apud  historiae  ecclesiasticac 
tractatores.  »  Analecta,  p.  647. 

3.  Analecta,  p.  900.  C'est  beaucoup  trop  dire,  puisque  le  fond 
en  est  tiré  des  Actes  canoniques  des  apôtres. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  407 

Damascène  est  tiré  des  Apocryphes,  selon  le  senti- 
ment commun  des  érudits  ^  », 

Supprimées  les  leçons  IV-V-VI  de  la  fête  de  saint 
Pierre-aux-Liens  :  car  ce  qu'elles  racontent  (l'histoire 
des  chaînes  de  Fapôtre)  est  «  contesté  par  presque 
tous  les  critiques^  ».  Et  la  congrégation  cite  Tille- 
mont  et  Baillet.  A  la  place,  un  sermon  de  saint  Jean 
Chrysostome  (leçons  V-Vl),  et  une  exposition  pré- 
cise des  titres  d'authenticité  des  chaînes  qui  se  con- 
servent dans  la  basilique  de  San-Pietro-in-Vincoli  de 
l'Esquilin  (leçon  IV). 

Supprimées  les  leçons  IV-V-VI  de  la  fête  de  sainte 
Marie-aux-Neiges,  et  remplacées  par  un  sermon  de 
saint  Bernard  qui  n'a  rien  à  voir  avec  la  légende  de 
la  basilique  Libérienne^. 

Supprimées  les  leçons  IV-V-VI  de  saint  Barthé- 
lémy, parce  que  «  rien  de  certain  ne  peut  être  affirmé 


1.  «  Giim  noniiisi  ex  apocryphis  desumpla  existimciit  com- 
miiniter  ci'udili.  »  Analecta,  p.  909. 

2.  «  Quac  in  Brcviado  exUint  hisloriam  exhibent  qiiae  criticis 
penc  omnibus  non  probaliir.  »  Analecla,  p.  913. 

3.  Sur  la  légende  Libérienne,  la  congrégation  s'exprime  ainsi  : 
«  Lecliones  secundi  nocturni,  quae  hac  die  iisque  modo  reci- 
talae  sunt,  immuiandas  sane  esse  existimatur.  De  ea  solemni- 
talo,  ([uœ  hac  die  celebralur,  eiusque  inslitutionis  causa,  ha- 
benlur,  ail  Baronius  in  Martyrologio  romano,  vêlera  monu- 
menla  et  mss.  Iluiusmodi  aulem  monumenta  et  mss.  nec 
nnquam  vidimus,  nec  forlasse  iinqnam  videbimns.  Mirandum 
profecto  est,  ait  13aillet,  non  adhuc  tanti  miracnli  et  tam  mira- 
]3ilis  historiae  auctorem  innotuisse;  insuper  quod  tam  novum 
tamque  stupendum  prodîgium  spatio  annorum  fere  mille  et 
amplius  profundo  sepultum  silentio  jacuerit,nec  usquam  inve- 
niri  potuerit,  praeterquam  in  Breviario  et  in  Catalogo  Pétri 
de  Nalalibus,  lib,  7,  cap.  21.  »  Analecta,  p.  915. 


408  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

de  cet  apôtre,  que  ce  qui  est  dit  de  lui  dans  l'Evan- 
gile. Pour  ne  rien  dire  des  autres  critiques,  \oyez 
Tillemont  ».  A  la  place,  un  sermon  de  Bède  sur  les 
douze  apôtres^. 

Supprimées  les  leçons  IV-V  de  saint  Mathieu,  «  à 
cause  de  l'incertitude  des  choses  que  l'on  rapporte 
sur  les  apôtres 2  ».  Un  sermon  de  saint  Jean  Chrysos- 
tome  et  un  passage  de  saint  Epiphane  à  la  place. 

Supprimées^,  et  remplacées  par  les  leçons  du  com- 
mun, les  leçons  historiques  de  saint  Nicolas  [Suspec- 
tae  admodum  fidei)  ;  —  de  sainte  Lucie  [Certae  et 
exploratae  fidei  non  sunt)\  —  des  saints  Marins, 
Marthe,  Audifax  [Plura  illis  ohicit  Tillemontius 
quae  difficillimum  est  complanare)  ;  —  de  saint  Pierre 
Nolasque  [Elus  gesta,  quae  ihi  narrantur,  nunquani 
in  examen  adducta  sunt)\  —  de  sainte  Agathe  [Acta 
[eius]  a  recentiorihus  inter  apocrypha  accensentur)  ; 

—  de  saint  Biaise  [Quae  in  eius  vita  narrantur 
inepta  sunt  et  maie  consuta,  ex  Tillemontio)\  —  des 
saints  Tiburce,  Valérien,  Maxime  [Desumpt.  ex  actls 
sanctae  Caeciliae,  expungend.  )  ;  —  de  saint  Caius 
pape  [Nullius  vel  dubiae  fidei)  ;  —  de  saint  Clet  pape 
[Incerta)]  —  des  saints  Alexandre,  Eventius  et 
Théodule  (Nlhil  certi...  Mendosa);  —  de  saint  Juvé- 
nal  [Acta  ei^rorlbus  plena  pronuntiat  Tillemontius]  \ 

—  des  saints  Gordien  et  Epimaque  [Incerta,  mullis 
difficultatibus  siçe  cont7'0{>ersus  subiecta]\  —  de 
saint  Urbain  [Monumenta  falsa  s>el  fidei  admodum 

1.  Analecta,  p.  920. 

2.  Analecla,  p.  926. 

3.  AnnJecfa,  pp.  CM  cl  suiv..  892  et  suiv. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  409 

duhiae]\  —  des  saints  Basilide,  Cyrin,  Nabor,  Nazaire 
Xcta  apocrypha);  —  des  saints  Vit  et  Modeste 
Acta  spuria  et  falsa  in  pltiribus)  ;  —  des  saints 
Processus  et  Martinicn  (Acla  non  esse  authenlica 
probat  Tilleniontius]\  —  de  sainte  Praxède  [Acta 
pariun  sincera...,  nulla  fide  digna]\  —  de  sainte 
Pudentienne,  des  saints  Abdon  et  Sennen  [Acta  cor- 
rupta...,  fabulosa)\ —  des  saints  Cyriaque,  Large, 
Smaragde  [Acta  depravatd)  ;  —  de  saint  Hippolyte 
[Ex  actis  sancti Laurentii.,.,  actis  corruptis)\  —  de 
saint  Timothée  [De  quo  maximae  et  spinis  undique 
circumscriptae  lltes  apud  criticos  sunt]\  —  de  saint 
Adrien  et  de  saint  Gorgonius,  des  saints  Protus  et 
Hyacinthe  [Acta  apocrypha  esse  contendunt  Tille- 
montins  et  Bailletus  )  ;  —  des  saints  Nicomède,  Nérée 
et  Achillée  [Fidei  valde  dubiae]  ;  —  de  saint  Calliste 
[Incerta  sunt  quae  in  ea  nar^rantur)  ;  —  de  saint 
Mennas  [Pliwimis  scatent  difficultatibiis). 

Supprimées  et  remplacées  par  des  leçons  nouvel- 
les, les  leçons  historiques  de  saint  Damase,  de  saint 
Silvestre,  de  saint  Hilaire,  de  saint  Félix  de  Noie,  de 
saint  Paul  ermite,  de  saint  Marcel,  de  saint  Antoine, 
de  saint  Fabien,  de  saint  Jean  Chrysostome,  de  saint 
Pie  V,  de  saint  Pierre  Célestin,  de  saint  Félix  pape, 
des  saints  Pierre  et  Marcellin,  des  saints  Primus  et  Fé- 
licien, de  sainte  Marguerite  d'Ecosse,  des  saints  Marc 
et  Marcellien,  des  saints  Gervais  et  Protais,  de  saint 
Paulin  de  Noie,  de  sainte  Elisabeth  de  Portugal  ^  de 

1.  Et  suppression  des  antiennes  et  répons  propres  de  cet 
ofTice,  proposé  pour  être  de  rite  simple,  office  propre,  qui 
élait  l'œuvre  d'Urbain  VIII  e*  personne. 


410  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

saint  Jean  Gualbert,  de  saint  Apollinaire',  des  saints 
Nazaire  et  Celse,  des  papes  Victor  et  Innocent,  de 
sainte  Marthe,  du  pape  saint  Etienne,  du  pape 
Xistus,  de  saint  Tiburce,  de  sainte  Suzanne,  des 
saintes  Perpétue  et  Félicité,  de  sainte  Claire,  de 
saint  Philippe  Beniti,  de  saint  Etienne  de  Hongrie, 
des  Quarante  Martyrs,  des  saints  Nérée  et  Achil- 
lée,  de  l'Exaltation  de  la  Croix,  des  saints  Cor- 
neille et  Cyprien,  de  saint  Janvier,  de  saint  Maurice, 
de  saint  Rémi,  de  la  dédicace  de  Saint-Jean-de- 
Latran,  de  saint  Grégoire  le  Thaumaturge,  de  saint 
Jean  de  Matha,  de  sainte  Cécile,  de  saint  Clément, 
de  saint  Chrysogone,   de  saint  Polycarpe. 

Enfin,  toujours  dans  le  propre  des  saints,  un  cer- 
tain nombre  d'homélies  ou  sermons  apocryphes 
étaient  supprimés.  Ainsi,  le  prétendu  sermon  de 
saint  Augustin,  au  second  nocturne  des  saints  Inno- 
cents, remplacé  par  un  sermon  de  saint  Bernard, 
«  pour  que  de  notre  Bréviaire  toutes  les  choses  incer- 
taines ou  suspectes  soient  bannies ^  ».  Ainsi,  au  pré- 
tendu sermon  du  même  saint  Augustin,  au  second 


1.  La  congrégation  remplace  la  légende  de  saint  Apollinaiic 
par  un  sermon  panégyrique  de  saint  Pierre  Chrysologue,  sans 
couleur  historique.  Elle  justifie  ainsi  la  correction  :  «  De  sancio 
Apollinare  niliil  asserere  certius  possumus,  quam  quod  legi- 
mus  in  hoc  sermone  S.  Pelri  Ghrysologi.  Ab  hoc  dissentiuni 
acta,  quae  sanctum  Apollinarem  in  ipso  martyrii  aclu  obiisse 
narrant.  Sed  acta  ista,  tametsi  antiqua,  inter  sincera  tamen  non 
retulit  Ruinartius,  et  interpolata  esse  fatelur  Joannes  Pinius. 
Addit  Tillemontius  niulta  in  illis  contineri,  quae  ipsis  detra- 
haut  auctoritatem.  Hinc  sermonem  istum  legendum  exhibent 
Breviaria  Lugdunense  et  Parisiense.  »  Analecta,  p.  909. 

2.  Analecta,  p.  649. 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  411 

nocturne  de  la  Purification,  était  substitué  un  ser- 
mon de  saint  Bernard.  Ainsi,  au  sermon  apocryphe 
de  saint  Augustin  encore,  au  second  nocturne  de  la 
fête  de  la  Chaire  de  saint  Pierre  à  Rome,  un  frag- 
ment du  De  unitate  ecclesiae  de  saint  Cyprien.  Ainsi, 
un  sermon  apocryphe  de  saint  Jean  Chrysostome*, 
au  second  nocturne  de  la  fête  de  la  Visitation,  par  un 
sermon  de  saint  Bernard.  Ainsi,  une  homélie  de  saint 
Jean  Chrysostome  était,  au  troisième  nocturne  de 
l'office  de  saint  Jean  Gualbert,  mise  à  la  place  des 
trois  leçons  actuelles  que  le  Bréviaire  attribue  à  saint 
Jérôme,  alors  que  la  première  seule  est  de  lui,  et  que 
les  deux  autres  sont  tirées  d'un  sermon  apocryphe  de 
saint  Augustin^. 

1.  Analecta,  p.  904  :  «  ...  illi  subsliluendus  sermo  S.  Ber- 
tiardi,  etsi  isto  utantur  etiam  in  eodcm  festo  Breviaria  Lugdii- 
lieuse  et  Parisiense.  » 

2.  Analecta,  p.  907.  — Cette  partie  de  la  revision  des  consul- 
Icnrs  de  Benoît  XIV  est  très  incomplète.  Dom  Morin  l'a  reprise 
récemment  et  a  signalé  un  total  de  50  homélies  ou  sermons 
ii|)ocry[)hes  dans  le  Bréviaire  romain  actuel.  II  est  vrai  de  dire 
que  la  meilleure  part  de  ces  apocryphes  est  d'introduction  ré- 
cente. Dom  Morin  écrit  :  «  Dans  la  plupart  des  offices  ajoutés 
récemment  au  Bréviaire,  on  ne  semble  pas  avoir  apporté 
autant  de  soin  [que  précédemment]  à  ne  choisir  en  fait  de 
sermons  ou  d'homélies  que  des  pièces  authentiques.  C'est 
ainsi,  par  exemple,  que,'  malgré  les  diverses  refontes  auxquel- 
les il  a  été  soumis  à  si  peu  d'intervalle,  l'office  de  flmmaculée- 
Gonception,  si  important  au  point  de  vue  dogmatique,  offre 
comme  leçon  du  second  nocturne  un  passage  de  la  fameuse 
pièce  soi-disant  hiéronymienne  Cogitis  me,  dont  les  esprits  fins 
du  IX*  siècle  avaient  déjà  révoqué  en  doute  l'authenticité,  et 
que  tous  les  critiques  sans  exception,  depuis  Baronius,  ont 
rejetée  comme  manifestement  apocryphe.  »  Revue  bénédic- 
tine, 1891,  pp.  270-280.  Travail  repris  par  Baeumer,  t.  II, 
p.  452-460.  —  L'office  de  l'Immaculée  Conception,  composé  à 


412  HISTOIRE    DU    BRÉVIAinii    ROMAIN. 

Le  commun  des  saints  ne  subissait  que  deux 
corrections  sans  importance.  Dans  le  commun  des 
évangélistes,  on  substituait  un  texte  différent  de  saint 
Grégoire;  dans  le  commun  de  plusieurs  martyrs 
2°  loco^  un  texte  différent  de  saint  Grégoire.  Ces  deux 
textes  homilétiques,  pensait  la  congrégation,  étaient 
mieux  adaptés  au  texte  de  l'Evangile,  et  plus  pieux  ^ 


III 


On  ne  nous  demandera  pas  de  discuter  une  à  une 
les  diverses  corrections  proposées  par  la  congréga- 
tion de  Benoît  XIV.  Mais  nous  ne  saurions  nous 
soustraire  à  l'obligation  de  juger  l'ensemble  de  cette 
réforme  projetée  du  Bréviaire,  et  de  dire  pourquoi 
elle  n'a  pas  été  réalisée. 

D'abord,  on  constatera  le  respect  de  la  congré- 
gation pour  les  éléments  antiques  du  Bréviaire  ro- 
main, j'entends  pour  le  psautier  tel  qu'il  s'y  trouve 
distribué,  et  pour  l'office  du  temps.  La  congrégation 
n'y  propose  aucune  correction  :  elle  se  défend  de  tou- 

la  suile  de  la  définition  de  1854,  était  l'œuvre  du  P.  Pas^-;i- 
glia,  S.  J.  Il  fut  en  usage  de  1855  à  1863,  et  remplacé  (27  août 
1863)  par  l'office  actuel,  que  Baeumer  (t.  II,  p.  411)  croit  dé- 
pendre d'un  projet  remontant  à  Gavanli.  Ne  ciaignons  pas 
de  dire  qu'il  appelle  une  sévère  correction  de  son  leciion- 
naire.  Le  sermon  de  saint  Jérôme  au  second  nocturne  du 
8  décembre  est  apocryphe,  autant  l'homélie  de  saint  Épiphanc 
au  troisième  nocturne  du  15.  Quant  aux  homélies  de  saint 
Germain  (8  déc),  de  saint  Sophronius  (9  et  14),  de  saint 
Tharasius  (12),  elles  appartiennent  indubitablement  à  la  plus 
mauvaise  rhétorique. 
1.  Analecfa,  p.  933. 


4. 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  413 

cher  à  la  distribution  traditionnelle  romaine  du  psau- 
tier entre  les  divers  offices  ;  elle  se  défend  de  toucher 
à  l'office  temporal.  Mieux  encore,  elle  défend  ces 
œuvres  vives  et  essentielles  de  l'ancien  offiice  romain 
avec  la  plus  remarquable  décision.  Dès  juillet  1741, 
dès  sa  première  réunion,  elle  déclare  mettre  hors  de 
cause  la  distribution  romaine  des  psaumes.  Lorsque, 
en  mars  1744,  le  cardinal  Tamburini,  ralliant  à  son 
sentiment  les  autres  cardinaux  de  la  congrégation 
cardinalice  du  Bréviaire,  demande  que  l'on  discute 
la  distribution  du  psautier  de  préférence  au  calen- 
drier, elle  s'y  refuse;  elle  repousse  les  divers  projets 
de  distribution  des  psaumes  qu'on  lui  transmet,  par 
une  fin  de  non  recevoir.  Et,  en  septembre  1744,  elle 
a  la  satisfaction  de  voir  Benoît  XIV  la  confirmer  de 
son  assentiment  dans  cette  résolution.  La  constitu- 
tion même  de  l'ancien  office  romain  est  à  ses  yeux 
indiscutable.  C'est  là  une  différence  tranchée  qui 
distingue  l'œuvre  des  liturgistes  de  Benoît  XIV  de 
l'œuvre  des  liturgistes  gallicans.  Ceux-ci  avaient 
demandé  et  exécuté  un  remaniement,  une  réfection 
totale  du  Bréviaire  :  les  liturgistes  romains  sont  una- 
nimes à  n'en  vouloir  tenter  qu'une  correction,  ainsi 
que  Ta  entendu  faire  Clément  VIIL  Si  un  jour,  en 
décembre  1744,  ils  sont  tentés  de  faire  à  l'office  du 
temps  plus  qu'une  simple  correction,  Valenli  et  Be- 
noît XIV  leur  rappellent  immédiatement  qu'ils  se 
le  sont  eux-mêmes  interdit  :  «...  propterea  quod 
Breviarii  reformatio  sibi  esset  in  çoiis,  non  inno- 
vatioj  »  leur  dit  lui-même  le  Souverain  Pontife  ^ . 
1.  Analecta,  p.  530. 


414  HISTOIRE    DU    RRKVIAinE    ROMAIN. 

En  fait,  sauf  cinq  ou  six  modifications  sans  impor- 
tance au  lectionnaire  temporal,  TofFice  du  temps  sort 
intact  de  la  revision  des  liturgistes  romains.  L'éco- 
nomie et  le  texte  de  ce  qui  est  en  réalité  l'ancien  of- 
fice romain  est  au-dessus  de  toute  réfection,  et  nos 
liturgistes  romains  ont  cette  supériorité  sur  les  li- 
turgistes gallicans  de  s'en  être  d'abord  convaincus, 
de  s'y  être  toujours  tenus. 

En  second  lieu,  et  c'est  ce  dont  on  ne  saurait  trop 
les  louer,  ils  mettent  leur  méthode  à  travailler,  non 
point  à  rencontre  du  concile  de  Trente  et  de  saint 
Pie  V,  mais  en  conformité  avec  le  concile  et  le  pape 
à  qui  nous  devons  la  conservation  du  Bréviaire  ré- 
formé. C'est  parce  que  la  distribution  du  psautier  a 
été  maintenue,  et  lo  temporal  consacré  par  Pie  V, 
qu'ils  y  tiennent  fermement.  Si,  au  contraire,  ils 
entreprennent  audacieusement  la  réforme  du  calen- 
drier et  du  sanctoral,  c'est  qu'ils  se  sont  persuadés, 
sur  la  ^oi  même  des  liturgistes  de  Pie  V,  que  la  pensée 
du  concile  et  du  pape  a  été  de  réduire  le  sanctoral  au 
bénéfice  du  temporal,  de  multiplier  les  offices  domi- 
nicaux et  fériaux  aux  dépens  des  offices  de  saints. 
L'a  priori  liturgique,  qui  est  le  vice  des  diverses 
réformes  gallicanes  du  Bréviaire,  est  absent  de  la 
méthode  de  nos  liturgistes  romains  :  M.  de  Vinti- 
mille  réalisait  les  projets  de  Grancolas,  de  Foinard  ; 
Benoît  XIV  entend  reprendre  le  projet  de  Pie  V. 

Nos  liturgistes  le  reprennent  en  allégeant  le  ca- 
lendrier des  fêtes  fixes  qui,  depuis  1568,  ont  tant  crû 
en  nombre  et  en  solennité.  On  supprimera  des  fêtes, 
on  en  réduira  d'autres  à  des  rites  moindres.  Mais  ici 


LES    PIîOJETS    DE    BENOIT    XTV.  415 

les  difficultés  surgissent.  Sans  doute,  l'Église  institue 
telles  fêtes  ou  augmente  la  solennité  de  telles  autres, 
pour  des  raisons  auxquelles  le  temps  peut  enlever  de 
leur  intérêt  :  qui  voudrait  nier  que  la  dévotion  au 
sanctuaire  du  mont  Gargan,  dans  la  mesure  où  elle 
subsiste  aujourd'hui,  ne  serait  plus  en  situation  d'in- 
troduire la  fête  du  8  mai  dans  le  calendrier  de 
l'Église  universelle?  Il  est  donc  d'antiques  fêtes  qui 
n'émeuvent  plus  guère  la  dévotion  des  peuples;  et 
cette  dévotion  les  verrait  diminuer  de  solennité,  ou 
même  disparaître,  sans  en  être  offensée  ni  contris- 
tée.  Mais  combien,  en  tout  cela,  l'appréciation  est  dé- 
licate, et  la  décision  hasardeuse  !  Et  quels  principes 
solides  il  faudrait  y  apporter!  La  congrégation  de 
Benoît  XIV  avait-elle  et  ce  tact  et  ce  critérium?  Ce 
critérium?  11  suffit  de  lire  la  préface  du  calendrier  ré- 
formé par  elle  et  le  discours  à  elle  adressé  ^  par  Be- 
noît XIV,  en  1744,  pour  constater  que  ce  critérium 
solide  lui  faisait  défaut.  Elle  retient  les  saints  dont  les 
fêtes  sont  anciennes  :  où  finit  l'antiguité  ?  Elle  retient 
les  saints  chers  à  la  dévotion  de  l'Eglise  universelle, 
ou  ceux  pour  qui  plaide  quelque  raison  particulière  : 
quel  saint  ne  serait  de  taille  à  rentrer  dans  l'une  ou 
l'autre  de  ces  deux  espèces?  Ce  tact?  La  liste  des 
saints  éliminés  du  calendrier  se  trouve  proscrire  des 
saints,  parmi  les  plus  vénérables  ou  les  plus  aimés  : 
saint  Louis  de  Gonzague,  saint  François  de  Borgia, 
saint  Jean  de  la  Croix,  sainte  Elisabeth  de  Thuringe, 


1.  J'entoncls  les  réserves  formulées  par  Benoît  XIV  sur  les 
principes  des  consulteurs. 


410  '         HISTOIRE    DU    BllKMAIIU:    IIOMAIX. 

et  sans  oublier  saint  Grégoire  Yll,  et  tant  d'autres 
qui  sont  chers  à  la  dévotion  universelle  plus  que  tels 
et  tels  noms  que  seule  leur  antiquité  aurait  fait 
maintenir. 

Là  était  la  difficulté  capitale,  là  elle  sera  toujours, 
je  veux  dire  dans  la  sélection  des  saints  à  maintenir 
dans  le  calendrier,  et  dans  le  degré  d'honneur  à 
accorder  à  chacun  de  ceux  que  l'on  maintient.  Cette 
difficulté,  tout  le  monde  la  sentait  justement;  mais 
il  restait  à  la  résoudre;  et  il  me  semble  que  la  con- 
grégation y  avait  échoué. 

Si  l'on  a  le  droit  d'être  sévère  pour  le  calendrier 
proposé  par  la  congrégation,  il  n'est  que  justice  de 
reconnaître  le  soin,  le  scrupule  qu'elle  met  à  purger 
de  toute  erreur  le  texte  même  du  Bréviaire.  Le  lec- 
tionnairc  demandait  correction,  il  demande  encore 
aujourd'hui  correction.  Nos  liturgistes  romains  étaient 
instruits  de  toute  la  science  de  leur  temps;  ils  la 
puisaient  dans  Tillemont,  dans  Baillet,  dans  Rui- 
nart,  dans  Tomasi,  dans  Benoît  XIV  aussi,  surtout 
dans  Tillemont  et  Baillet,  critiques  éclairés  et  scru- 
puleux. Nos  liturgistes  poussaient  le  sévérité  plus 
loin,  bien  autrement  loin  que  les  liturgistes  d'Ur- 
bain VIII;  ils  répudiaient  tout  ce  qui  était  simple- 
ment controversé,  ils  ne  voulaient  point  que  la  lettre 
du  Bréviaire  fût  discutée,  et  ils  allaient  ainsi  jusqu'à 
rejeter  d'excellent  grain  avec  la  paille.  Il  y  aurait 
aujourd'hui  à  reprendre  leurs  corrections,  à  mon- 
trer que,  s'ils  avaient  raison  d'éliminer  du  Bréviaire 
toute  trace  des  Fausses  Décrétales,  ou  des  actes 
apocryphes  des  apôtres,  ou  des  légendes  hagiogra- 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  417 

phiques  sans  fondement,  il  reste  que,  «  dans  les  his- 
toires les  plus  fausses,  il  y  a  d'ordinaire  quelque 
chose  de  vrai  pour  le  fond  »,  ainsi  que  dit  quelque 
part  excellemment  Tillemont,  et  encore  que  des 
légendes  qui  n'ont  rien  de  vrai  peuvent  avoir  leur 
prix;  il  suffît  que  le  lecteur  soit  prévenu  et  les 
prenne  à  leur  prix'.  Plus  indulgent,  plus  expéri- 
menté, on  serait  aujourd'hui  plus  conservateur  dans 
la  rédaction  des  leçons  historiques,  que  ne  voulait 
l'être  la  congrégation  de  Benoît  XIV,  et  les  Bollan- 
distes  corrigeraient  aujourd'hui  le  Bréviaire  à  moins 
de  frais  et  mieux. 

Moins  attaché  aussi  au  principe  si  cher  aux  litur- 
gistes  gallicans,  d'après  lequel  les  antiennes  et  les 
répons  doivent  être  exlusivement  tirés  de  l'Écriture 
sainte,  principe  auquel  nos  liturgistes  romains  ont 
été  plus  d'une  fois  obligés  d'être  infidèles,  il  ne  nous 
répugne  nullement,  au  contraire,  de  chanter  les  an- 
tiennes et  les  répons  de  sainte  Lucie,  de  sainte  Agnès, 
de  sainte  Cécile,  de  saint  Clément,  de  saint  Laurent, 
ces  compositions  si  authentiques  de  la  tradition  litur- 
gique romaine.  Et  il  ne  nous  déplairait  pas  de  croire 
que  la  congrégation  a  finalement  embrassé  ce  senti- 
ment, puisque  sur  le  tard  elle  a  maintenu  au  commun 
des  saints  telles  antiennes  et  tels  répons,  qui,  loin 


1.  L'Église  n'assume  pas  les  assertions  liistoriques  conlenues 
dans  ses  livres  liturgiques,  comme  le  Bréviaire  ou  le  Marty- 
rologe, D.  Bouix,  qui  n'était  pourtant  pas  porté  vers  la  cri- 
tique historique  et  qui,  à  vrai  dire,  s'y  entendait  peu,  le  recon- 
naît de  bonne  grâce.  De  iiire  litiirgico  (odit.  4%  Paris  1886). 
p.  nfis)?.  Benoît  XIV  est  plus  circonspect  :  Dr  feslis,  p.  kl'-U 

HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAFX.  27 


418  HISTOIRE    DU    liUÉVIAIRE    ROMAIN. 

d'être  empruntés  à  la  sainte  Écriture,  étaient,  tout 
comme  les  répons  de  saint  André,  empruntés  à  des 
actes  plus  ou  moins  historiques,  ou  même  à  des  écri- 
tures apocryphes  :  tel  le  répons  Lux  perpétua  lu- 
cebit  sanctis  fuis  et  aeternitas  temporum  du  commun 
des  martyrs,  ou  le  Quem  ç'idi  quem  aman  du  com- 
mun des  veuves. 

On  voit  à  ces  réserves  combien  nous  sommes  éloi- 
gné de  croire  que  la  correction  préparée  par  les 
liturgistes  romains  ait  été  de  tout  point  soit  pru- 
dente, soit  juste.  Que  nos  liturgistes  aient  subi  l'in- 
fluence des  liturgistes  gallicans,  c'est  maintenant 
pour  nous  une  question  secondaire.  Nous  savons, 
d'une  part,  qu'il  y  avait  entre  les  vues  de  Vintimille 
et  les  vues  de  Valent!  une  distinction  radicale.  Et, 
d'autre  part,  sur  les  points  qui  leur  sont  communs, 
quand  il  serait  vrai  qu'ils  sont  des  concessions  faites 
à  la  liturgie  gallicane  et  à  l'érudition  gallicane  par 
une  congrégation  pontificale,  eussions-nous  la  pensée 
d'en  tirer  quelque  avantage  pour  cette  liturgie  et 
pour  cette  érudition  que  d'aucuns  ont  trop  travaillé  à 
rabaisser,  il  n'en  resterait  pas  moins  que  le  Saint- 
Siège  n'a  pas  résolu  les  doutes,  ni  jugé  les  proposi- 
tions de  ses  consulteurs. 

Mais  que  l'on  prenne  garde  d'interpréter  mal  ce 
silence,  et  d'en  abuser  pour  incriminer  je  ne  sais 
quelle  arrière-pensée  de  Benoît  XIV  :  il  serait  faux 
de  dire,  comme  quelques-uns  l'ont  osé  faire,  que 
Benoît  XIV  ne  voulait  point  la  réforme  du  Bréviaire 
qu'il  mettait  à  l'étude.  La  loyauté  du  Souverain 
Pontife  ne  saurait  être  mise  en  question,  Benoît  XIY 


LES    PROJETS    DE    BI-XOIT    XIV.  419 

('•Lant  «  incapable,  non  seulement  de  fausseté  dans  sa 
conduite,  mais  même  du  moindre  déguisement  », 
selon  le  bel  éloge  que  faisait  de  lui  le  cardinal  de 
Tencin'.  Mais  la  prudence  du  pape  était  trop  avisée 
pour  ne  point  voir  quelles  dillicultés  pareille  réforme 
soulèverait. 

Benoît XIV écrivait,  en  1743,  au  cardinal  de  Tencin: 
«  Quant  à  un  nouveau  Bréviaire  romain,  nous  en 
reconnoissons  non  seulement  l'utilité,  mais  encore  la 
nécessité,  et  nous  sommes  prêts  d'y  travailler,  étant 
accoutumés  au  travail  depuis  que  nous  sommes  au 
monde,  et  préparés,  s'il  le  faut,  à  mourir  sur  la 
bresche  en  brave  soldat.  Mais,  notre  cher  cardinal, 
le  monde  entier  en  est  venu  à  un  tel  mépris  de  l'au- 
torité du  Saint-Siège  que,  pour  empêcher  l'exécution 
des  desseins  les  plus  utiles  et  les  plus  pieux,  il  suffit, 
nous  ne  disons  pas  seulement  de  l'opposition  d'un 
évêque,  d'une  ville  ou  d'une  nation,  mais  de  la  récla- 
mation d'un  moine.  Nous  ne  l'éprouvons  que  trop  à 
chaque  instant,  sans  parler  des  murmures  de  quel- 
ques-uns de  ceux  qui  portent  le  même  habit  que 
Votre  Éminence,  qui,  entendant  parler  du  projet  d'un 
nouveau  Bréviaire,  en  frémissent  comme  s'il  étoit 
question  de  faire  un  nouveau  simbole  de  foi.  Malgré 
tout  cela,  et  non  obstantlbus  quibuscumque,  nous 
concerterons  avec  votre  b^minence  ce  qui  se  pourra 
faire  à  cet  égard  ^.  » 

Quelques  jours  plus  tard  :  «  Nous  ne  perdons  point 

1.  Tencin  à  Amelot,  5  mai  1741  {Corr.  de  Rome,  t.  785,  f.  9). 

2.  Benoît  XIV  à  Tencin,  26  avril  1743  {C.  de  Rome,  t.  791, 
f.  215). 


420  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

l'idée  d'un  nouveau  Bréviaire  romain,  mais  nous 
avouerons  ingénuement  à  Votre  Éminence  que  nous 
ne  laissons  pas  de  craindre  les  oppositions  que  ce 
grand  projet  rencontreroit  ici  de  la  part  de  plusieurs 
personnes,  et  celles  qu'il  essuyeroit  dans  les  pays  au 
delà  des  monts.  Bien  des  gens  se  disent  ici  à  l'oreille 
qu'on  ne  fera  rien  au  sujet  du  Bréviaire  de  l'arche- 
vêque de  Paris,  sous  prétexte  d'attendre  le  nôtre;  et 
qu'après  que  nous  aurons  bien  travaillé  à  composer 
celui-ci,  les  évêques  de  France  seront  les  premiers  à 
le  critiquer.  Ce  discours  est  bien  malin,  mais  il  ne 
laisse  pas  de  nous  inquiéter  ^.  » 

Et  ailleurs  :  «  Le  projet  d'un  nouveau  Bréviaire 
romain  est  bel  et  bon,  l'exécution  n'en  est  pas  impos- 
sible; mais  avant  que  de  l'entreprendre,  il  faut  y 
penser  mûrement.  Le  monde  est  tel  aujourd'hui  que, 
si  le  pape  fait  quelque  chose,  ceux  à  qui  elle  plaît 
sont  pour  lui,  et  ceux  à  qui  elle  déplaît  sont  contre; 
et  comme  il  est  impossible  que  la  même  chose  plaise 
à  tout  le  monde,  il  l'est  de  même  qu'il  n'arrive  des 
malheurs  et  des  traverses  au  pape  d'un  côté  ou  d'au- 
tre. Les  hommes  de  bonne  volonté  excitent  le  pape 
à  faire  telle  et  telle  chose,  et  quand  il  l'a  faite,  s'ils 
ne  s'en  repentent  pas,  ils  lui  disent  du  moins  qu'ils 
ne  peuvent  pas  le  secourir.  Nous  avons  vu  de  nos 
propres  yeux  Clément  XI  se  mordre  les  doits  plus 
d'une  fois,  lorsqu'ayant  publié  la  constitution  Unige- 
nitus,  il  vit  que  Louis  le  Grand  ne  lui  tenoit  pas  la 


1.  Benoît  XIV  ù  Tencin,  3  mai   1743  (G.  de  Rome,  t.  771. 
f.   227). 


¥ 


LES    PROJETS    DE    BENOIT    XIV.  421 

promesse  qu'il  lui  avoit  faite  de  la  faire  accepter  gé- 
néralement,  et  que  M.  Amelot  lui  dit,  parlant  à  sa 
personne,  que  le  roy  avoit  la  meilleure  volonté  du 
monde,  mais  qu'il  ne  pouvoit  pas  tout  ce  qu'il  vou- 
loit.  Nous  l'avons  éprouvé  nous-même  ^ .  » 

Benoît  XIV  parlait  ainsi  en  1743,  à  un  moment  où 
les  consulteurs  ne  faisaient,  on  peut  le  dire,  que  de 
commencer  leurs  études  préparatoires.  Lorsque  les 
études  sont  achevées,  lorsque  Valenti  a  remis  entre 
les  mains  du  pape  les  résolutions  arrêtées  par  la 
congrégation,  et  on  a  vu  quelle  confiduce  Valenti 
avait  en  l'excellence  des  résultats  de  ces  longues  et 
laborieuses  discussions,  le  langage  du  Souverain  Pon- 
tife change  tout  à  coup  :  sa  déception  n'est  pas  dou- 
teuse, mais  sa  résolution  persévère.  Le  travail  de  la 
congrégation  est  à  ses  yeux  un  travail  manqué,  il 
veut  le  refaire  lui-même.  Il  écrit,  en  effet,  en  1748  : 

«  En  réimprimant  ici,  par  ordre  et  aux  frais  du 
roi  de  Portugal,  le  Martyrologe  romain,  nous  n'avons 
pas  perdu  l'occasion  d'y  faire  certaines  additions, 
comme  Son  Éminence  le  verra  dans  la  préface  que 
nous  lui  communiquons  ci-jointe.  Plût  à  Dieu  que 
nous  eussions  suivi  la  même  méthode  et  que  nous 
eussions  travaillé  nous  seuls  à  la  correction  du  Bré- 
viaire romain  !  Il  y  aurait  beau  temps  qu'elle  serait 
terminée!  Nous  nous  sommes  embarqués  à  nom- 
mer une  congrégation  qui,  finalement,  nous  a  com- 
muniqué ses  sentiments  si  confus,  si  embrouillés,  si 
contradictoires,  qu'il  y  a  plus  de  travail  à  les  corriger 

1.  Benoît  XIV  à  Teiicln,  8  février  1743  (C.  de  Rome,  t.  791, 

f.  52). 


422  HISTOIRE    DU    mu:VIAIl{K    ROMAIN. 

qu'à  corriger  le  Bréviaire.  Si  Dieu  pourtant  nous 
donne  vie  et  santé,  nous  ne  manquerons  pas  de  faire 
encore  la  nouvelle  édition  du  Bréviaire  corrigé  ^ .  » 

Quelqu'un,  aimait  à  dire  Benoît  XIV,  qui  pense  sa- 
voir faire  une  chose  lui-même,  fare  una  cçsa  da  se, 
se  résout  difficilement  à  la  laisser  faire  par  d'autres. 
Et  s'il  laissait  volontiers  à  d'autres  le  cérémonial  et 
la  politique,  il  entendait  traiter  par  lui-même  les 
choses  de  théologie  positive  et  de  droit  canonique. 
«  Le  pape,  disait  cavalièrement  le  cardinal  de  Ten- 
cin,  a  la  démangeaison  de  faire  des  livres  et  des  dé- 
crets -.  »  En  réalité,  le  pape  était  un  érudit  qui  n'avait 
d'autre  récréation,  d'autre  consolation,  au  milieu  des 
épines  de  sa  charge,  que  de  retrouver  dans  sa  biblio- 
thèque ses  études  d'autrefois.  Avec  quel  soin  il  re- 
voyait et  retouchait  les  éditions  nouvelles  de  son 
traité  de  la  canonisation  ou  du  synode  diocésain  !  Peut- 
être  aussi  avait-il  une  médiocre  confiance  en  ses  col- 
laborateurs romains,  en  toute  chose.  Il  mit  la  revi- 
sion du  Bréviaire  romain  au  nombre  de  ses  travaux 
personnels.  Et  il  écrivait,  en  septembre  1748  :  «  Quant 
au  Bréviaire  romain,  nous  avons  repris  la  matière. 
Mais,  pour  en  venir  à  bout,  il  faudrait  avoir  plus  de 


1.  Benoît  XIV  à  Tencin,  7  août  1748  (C.  de  Rome,  l.  790. 
f.  254)  :  «  G'imbarcammo  a  deputare  una  Gongregatione  che  fi- 
nalmente  ci  hà  dati  i  siioi  sentimenti  tanto  confusi  e  tanlo 
imbrogliati,  e  tahlo  dissoni  frà  di  loro,  che  vi  viiole  più  falica 
a  correggere  quelli,  che  il  Breviario.  Se  Iddio  ci  darà  vita  c 
sanità,  non  mancheremo  di  fare  ancora  la  nuova  edizione  del 
Breviario  corretto.  » 

2.  Tencin  à  Flciiry,  20  octobre  1741  (C  de  Rome,  t.  786. 
f.  117). 


LKS  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.  423 

temps  à  y  consacrer  que  nous  n'en  avons,  étant  au 
vrai  non  pas  assiégé  mais  accablé  de  besogne  \  » 

En  1755,  il  y  pensait  encore.  «  Il  nous  reste,  écri- 
vait-il, deux  tâches  à  accomplir  :  l'une  relative  aux 
sacrements,  dont  l'administration  réclame,  dans  l'E- 
glise orientale,  de  nouvelles  règles  ou  de  nouveaux 
éclaircissements  ;  l'autre  est  une  honnête  correction 
du  Bréviaire  —  Vatra  é  un  onesta  correzione  del 
nostro  Brenario.  —  Nous  n'avons  pas  peur  du  tra- 
vail, ayant  déjà  notre  magasin  plein  de  matériaux, 
—  Noi  non  ricusiamo  la  falica,  avendo  già  il  ma- 
o'azzino pieno  de  materiali.  »  Il  pensait,  soit  aux  étu- 
des de  ses  consulteurs,  soit  à  ses  propres  études  sur 
le  sujet.  Mais,  ajoute-t-il  avec  tristesse,  «  il  y  fau- 
drait un  peu  de  temps;  or  on  n'en  trouve  pas  aisé- 
ment, ou,  si  par  aventure  on  en  trouve,  on  sent  alors 
tout  le  poids  des  ans  et  des  infirmités^  ».  Le  18  fé- 
vrier 1756,  il  écrit  encore  :  «   Si  Dieu   nous  prête 


1.  Bcnoîl  XIV  à  Tencin,  25  septembre  1748  (C  de  Rome, 
l.  796,  f.  274)  :  «  Rispelto  al  Breviario,  abbiamo  ripigliala  la 
iiialeria.  Ma  per  ridurla  a  capo,  vi  vorrebbe  più  lerapo  da  im- 
|)iegarci  di  qiiello  che  si  hà,  essendo  veramente  non  che  cir- 
condati,  ma  oppressi  dalle  faliche.  »  Au  même,  6  août  1749 
iC.  de  Rome,  t.  805,  f.  112)  :  «  Noi  invidiamo  la  sorte  di  alcuni 
nostri  Predecessori  che  nulla  vedevano,  nulla  leggevano,  e 
iiulla  scrivcvano.  La  loro  vita  cra  lutta  inieriore,  ma  Noi,  che 
non  l'abbiamo  mai  pratticala,  saressimo  molta  imbarazzati  se 
iieir  ullima  nostra  elà  la  dovessimo  abbracciare.  »  Au  môme, 
17  sept.  \lk'è{ibid.  f.  131)  :  «  ...  Rispetto  alla  Gongregazione 
deir  Indice,  se  Iddio  ci  darà  vita,  pensiamo  di  stabilirvi  al- 
cune  regole   senza  le  quali  ci  pare   difficile  il  mantenere  il 

li  lui  credilo,  e  la  giustizia  délia  condanna  délie  opère  degl' 
Autori  Gatiolici,  particolarmente  vivenli.  » 

2.  Benoît  XIV  à  Peggi,  13  août  1755  {Briefe,  p.  115). 


424  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

vie  et  santé,  nous  écrirons  un  opuscule,  qui  con- 
tiendra ce  qui  regarde  la  matière  et  la  forme  des 
sacrements  dans  l'Eglise  orientale...  Nous  avons  ré- 
veillé ici  l'étude  des  choses  grecques,  mais  sans  nous 
dispenser  d'y  travailler  personnellement  {senza  esen- 
tarci  dal  faticarepersonalmente).  Pourquoi  sommes- 
nous  dans  un  âge  si  avancé,  et  prisonnier  de  la 
goutte,  et  tout  préoccupé  des  graves  affaires  de  l'Oc- 
cident^? »  —  Ainsi,  en  1755,  il  pense  encore  à  exé- 
cuter la  correction  du  Bréviaire,  et  à  l'exécuter  lui- 
même,  et  il  l'exécutera  après  qu'il  aura  épuisé  la 
question  du  rituel  grec.  En  1756,  la  question  du  ri- 
tuel grec  est  près  d'être  bientôt  épuisée  :  le  tour  du 
Bréviaire  va  enfin  venir,  et  le  pape  va  nous  donner 
cette  «  onesta  correzione  del  Breviario  »,  dont  il  a 
tous  les  matériaux  en  mains.  Mais  la  tâche  est  dure, 
et  le  siècle  est  difficile  à  contenter,  «  //  secolo  pré- 
sente é  di  conteniatara  difficile  »  -,  et,  le  4  mai  1758, 
le  pape  est  mort^. 

1.  Au  même,  18  février  1756  {ibid.  p.  121). 

2.  Au  même,  16  avril  1758  [ihitl.  p.  134). 

3.  Passé  1758,  personne  ne  parla  plus  de  corriger  le  Bréviaire 
romain,  sauf  le  fâcheux  concile  de  Pisloie,  en  1786.  «  Prima  di 
iutlo  i»er  noi  giudichiamo  di  dovere  cooperare  col  noslro  Pre- 
lato  [  =  l'évêque  de  Pisloie,  Scipion  Ricci]  alla  riforma  dol 
Breviario  e  del  Missale  délia  noslra  Ghiesa,  variando,  corre- 
gendo  c  ponendo  in  migliore  ordine  i  divini  Ufizi.  »  Chacun 
sail,  ajoulent  les  Pères  du  Concile,  que  les  hommes  les  plus 
doctes  et  les  plus  saints,  «  ed  i  Pontefici  medesimi  in  quesli 
ultimi  tempi  »  —  allusion  à  Benoît  XIV  —  ont  reconnu  dans 
notre  Bréviaire,  spécialement  en  ce  qui  regarde  les  leçons 
sanctorales,  beaucoup  de  faussetés  et  ont  confessé  la  nécessite 
d'une  réforme  exacte.  Et  en  ce  qui  regarde  les  autres  parties 
du  Bréviaire,  chacun  comprend  qu'il  y  a  là  «  moite  cose  o  poco 


LES  PROJETS  DE  BENOIT  XIV.         425 

ulili  0  meno  edificaiili  »  :  il  faudrait  leur  substituer  des  textes 
pris  à  l'Écriture  ou  aux  œuvres  authentiques  des  Pères.  «  Ma 
sopra  tutto  dovrebbesi  disporre  il  Breviario  medesimo  in  ma- 
niera, che  ncl  corso  d'un  anno  vi  si  leggesse  tutta  intiera  la 
Banla  Scrittura.  »  Attl  e  decreli  ciel  concilio  diocesano  di  Pis- 
loia  (Pavie  1789),  vi,  23,  cités  par  Baeumer,  t.  II,  p.  336.  L'an- 
née suivante,  1787,  l'évêque  de  Pistoie  publiait  un  lectionnairo 
corrigé  selon  ces  principes.  L'annulation  du  concile  de  Pistoie 
par  Pie  VI,  en  1794,  contribua  à  discréditer  tout  projet  de  ré- 
iorme  du  Bréviaire,  et  à  faire  oublier  les  projets  de  Benoît  XIV. 
C'est  à  cette  suspension  de  tout  projet  de  réforme  que  fait 
allusion  A.  Albergotti,  La  divina  salmodia  (Siene  1816), 
[).  231,  cité  par  Baeumer,  t.  II,  p.  402,  quand  il  affirme  que  le 
pape  (il  s'agit  de  Pie  VI,  d'après  dom  Baeumer),  «  inerendo  aile 
massime  del  suo  gran  predecessore  e  maestro  Benedetto  XIV, 
ha  creduto  anch'esso  per  ora  di  sospendere  qualunque  rifor- 
ina  ».  Notons  que  cette  façon  de  parler  des  maximes  de  Be- 
noît XIV  témoigne  que  la  pensée  de  Benoît  XIV  était  dès  lors 
parfaitement  ignorée. 

Mentionnons,  avant  de  conclure,  que  Benoît  XIV  est  le  seul 
pape  moderne  sous  le  pontificat  duquel  le  Bréviaire  n'ait  pas 
eu  à  s'ouvrir  à  de  nouvelles  fêtes  sanctorales.  Pour  les  acces- 
sions du  temps  de  Clément  XIII,  Clément  XIV,  Pie  VI,  et  jus- 
qu'à Grégoire  XVI  inclusivement,  Baeumer,  t.  II,  p.  316-321. 

Baeumer,  t.  II,  p.  403,  a  rappelé  que  Pie  IX,  en  18.56, 
nomma  une  commission  pour  étudier  la  question  do  savoir 
si  le  Bréviaire  romain  appelait  une  réforme  :  Dom  Guéranger 
était  un  des  consulteurs.  La  première  réunion  de  la  commis- 
sion se  tint  le  11  avril  1856.  Le  Bréviaire  a-l-il  besoin  d'être 
réformé?  Celte  réforme  doit-elle  être  entreprise  actuellement? 
Cette  réforme  doit-elle  porter  sur  les  rubriques?  doit-elle 
porter  sur  les  légendes,  les  homélies,  les  antiennes?  Quatre 
questions  :  aux  trois  premières,  la  commission  répondit  oui; 
à  la  quatrième,  elle  répondit  non.  La  commission  de  1856  n'eut 
aucune  suite. 

Mais  au  concile  du  Vatican  la  question  de  la  réforme  du 
Bréviaire  romain  fut  posée  par  plusieurs  groupes  d'évè- 
([ues.  Onze  évoques  français  de  la  minorité,  et  parmi  eux 
iAIs'  Darboy  et  M"-  Dupanloup,  demandèrent  la  réforme, 
«  1"  quoad  lectiones  ab  historiis  apocryphis  non  satis  expurga- 
tas;  2°  quoad  aliquot  hymnes,  stylo  obscuro  et  prope  barbaro 
composites;  3°  quoad  psalmorum  distributionem,  quae  magis 
variari   deberet;  4°  quoad  fréquentes  nimis   nimiumque  di- 


426  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

lalns  Iranslationos  Sancloriim;  5°  qiioad  ipsiim  delecium  Sanc 
iorum,  quorum  mûlli  Romao  proprii  sunt  et  extra  Romam  pa- 
rum  noti;  6°  qiioad  mensiiram  officiorum,  quac  saepe,  in  donii- 
nici  praesertim  et  feriis,  longiora  videiitiir  ot  statut  praesenli 
cleri  saccularis,  multo  minus  quam  olim  numerosi  proindequ^ 
magis  occupati,  non  satis  accommodala  ».  Le  vœu  exprimé 
dans  le  1°  se  retrouve  dans  des  postulats  présentés  par  dos 
évoques  d'Allemagne  et  de  l'Italie  du  Nord.  Le  vœu  exprimé 
dans  le  3°  reparaît  sous  une  forme  un  peu  ditîérenle  dans  des 
postulats  des  évêques  du  Canada  et  de  l'Italie  du  Nord.  On 
sait  que  le  vœu  exprimé  dans  le  4"  a  été  réalisé  par  un  décrci 
de  Léon  XIII.  Cf.  Baeumer,  t.  II,  p.  404-409.  —  8ur  les  addi- 
tions et  corrections  faites  au  Bréviaire  par  Pie  IX  et  Léon  XIII. 
Baeumer,  t.  II,  p.  410-419. 


CONCLUSION 


Nous  n'avons  pas  eu  cette  «  onesta  correzione  del 
nostro  Breçiario  »  que  Benoît  XIV  voulait  donner,  et 
que  sa  mort  seule  l'a  empêché  de  donner .  A  y  re- 
garder de  près ,  il  est  trop  clair  que  le  Pape  n'é- 
tait pas  d'accord  avec  la  congrégation  par  lui  insti- 
tuée :  le  pape  inclinait  à  une  réforme  dans  l'esprit 
de  la  réforme  parisienne,  la  congrégation  avait  tra- 
vaillé à  une  revision  dans  l'esprit  de  Pie  V  et  de  Clé- 
ment VIII,  encore  que  plus  tranchante.  Ce  conflit  de- 
vait paralyser  toute  action.  Peut-être  est-ce  le  mieux 
qui  pût  advenir. 

Du  moins,  car  une  «  onesta  correzione  »,  —  et  non 
pas  proprement  onesta,  modérée,  mais,  plus  exac- 
tement, critique  et  liturgique,  —  s'impose  toujours, 
verra-t-on  repiendre  les  matériaux  recueillis  par 
Benoît  XIV  pour  corriger  les  taches  du  Bréviaire, 
et  rétablir  le  désirable  équilibre  de  l'office  temporal 
et  de  l'office  sanctoral?  Une  des  dernières  initiatives 
de  Léon  XIII  l'a  donné  à  espérer  ' .  Il  ne  sera  donc  plus 

1.  Je  pense  à  l'institution  par  Léon  XIII,  en  1902,  de  la  Corn- 
missione  storico-liturgica,  rattachée  à  la  Congrégation  des 


428  HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

indiscret,  sur  la  fin  de  cette  Histoire  de  Bréviaire 
romain,  où  tant  de  questions  intéressant  une  réforme 
possible  du  Bréviaire,  dans  son  texte  et  dans  ses  ru- 
briques, ont  été  incidemment  touchées,  d'exprimer  les 
principes  que  cette  pure  étude  d'archéologie  litur- 
gique et  d'histoire  littéraire  peut  avoir  l'avantage 
d'avoir  mis  en  lumière. 

Rejetons  l'utopie  liturgique  française  du  xviii^ siècle, 
comme  nous  avons  réprouvé  l'utopie  romaine  du  xv!"*. 
La  liturgie  de  Vintimille  et  celle  de  Quignonez,  la 
liturgie  de  Coffin  et  celle  de  Ferreri,  n'ont,  aux  yeux 
de  l'historien,  aucun  titre  à  se  substituer  à  la  liturgie 
traditionnelle. 

Cette  liturgie  traditionnelle  est  représentée  pour 
nous  par  le  Bréviaire  romain  d'Urbain  VIII,  qui  est 
comme  une  vulgate  de  l'office  romain.  Cette  vulgate 
de  1632  est  une  édition  historique,  à  laquelle  le  Saint- 
Siège  a  grand'raison  de  ne  vouloir  toucher  qu'avec 
la  plus  prudente  discrétion.  Il  serait  même  à  désirer 
que  toutes  les  additions  qu'on  y  a  faites  depuis  1632 
fussent  imprimées  à  part,  et  il  devrait  y  avoir  un  sup- 
plément à' officia  extravagantia,  où  seraient  réunis 
tous  les  offices  publiés  depuis  1632,  la  vulgate  de 
1632  demeurant  à  jamais  fermée. 

Ce  qui  nous  rend  précieuse  cette  vulgate,  c'est  que, 
grâce  à  la  sagesse  de  Paul  IV,  de  Pie  V,  de  Clé- 

Riles.  M»'  Ducliesne  lui  l'ut  donné  pour  président,  Ms""  Mercati 
pour  secrétaire.  Les  autres  membres  étaient  le  P.  Ehrle,  le 
P.  Roberti,  M»"  Wilpert  et  M^""  Benigni.  Des  consulteurs  fu- 
rent désignés  parmi  les  savants  étrangers  des  diverses  na- 
tions, connus  pour  leur  compétence  en  la  matière.  On  n'a  pas 
publié  leurs  noms,  et  tout  est  retombé  dans  le  silence. 


CONCLUSION.  429 

ment  VIII,  entre  cette  vulgate  du  xvii^  siècle  et  le 
Bréviaire  de  la  curie  romaine  du  xiii^  siècle,  les  dif- 
férences sont  de  détails  :  l'identité  substantielle  des 
deux  Bréviaires  est  indiscutable.  Le  Bréviaire  d'Ur- 
bain VIII  dépend  du  Bréviaire  d'Innocent  III. 

Et,  à  son  tour,  le  Bréviaire  d'Innocent  III  dépend 
de  l'office  canonique  romain,  tel  qu'il  était  célébré 
dans  la  basilique  de  Saint-Pierre  de  Rome,  à  la  fin  du 
VIII®  siècle,  tel  qu'il  s'y  était  constitué  au  cours  du 
vu*^  et  du  viii''  siècle,  synthèse  toute  romaine  d'é- 
léments soit  romains,  soit  non  romains ,  mais  dont 
quelques-uns  remontent  à  l'origine  du  christianisme. 
C'est  l'honneur  du  Bréviaire  d'Urbain  VIII  de  des- 
cendre de  cet  aïeul. 

Cependant  l'historien  a  peine  à  ne  pas  considérer 
l'office  du  VIII®  siècle  comme  l'office  authentique.  Il 
voit  dans  le  Bréviaire  d'Innocent  III  l'abrégé,  non 
point  de  l'office  romain  ancien  tel  qu'il  se  célébrait  à 
Saint-Pierre  au  viii^  siècle  et  encore  au  xii%  mais 
de  l'office  romain  tel  qu'il  avait  été  adopté,  puis  al- 
téré, en  France,  en  Allemagne,  en  Italie,  du  ix^  au 
xii^  siècle,  sous  l'influence  toute-puissante  des  ordres 
religieux  et  spécialement  de  Cluny,  accommodé  aussi 
à  une  décadence  lente  du  sens  liturgique,  devenant 
cet  «  office  moderne  »  sur  tant  de  points  différent  du 
pur  office  romain.  C'a  été  le  dommage  des  correc- 
teurs romains  du  xvi^  et  du  xvii^  siècle  de  ne  point 
connaître  cet  «  office  antique  »  ou  pur  romain,  et  de 
ne  puiser  point  le  texte  de  l'office  à  sa  source  véri- 
table. 

La  réforme  du  Bréviaire  romain   serait  ainsi  ce 


430  HISTOIRE    nu    BRÉVIAIRE    ROMAIN. 

qu'elle  a  toujours  voulu  être,  un  retour  réfléchi  et 
prudent  à  la  teneur  antique  de  l'oflice  romain  et  à  son 
esprit,  un  retour  par  une  méthode  de  plus  en  plus  ri- 
goureuse et  sûre  d'investigation  des  sources,  en  en- 
tendant ce  retour  comme  un  idéal  dont  seulement  des 
approximations  seraient  réalisables.  La  restauration 
du  chant  grégorien,  à  laquelle  nous  assistons  en  ce 
moment,  est  un  exemple  bien  fait  pour  nous  confir- 
mer dans  notre  vœu. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'avenir  de  cette  pensée, 
tenons-nous  pour  heureux  que  depuis  trois  siècles  au- 
cune réforme  plus  radicale  que  celle  d'Urbain  VIII 
n'ait  compromis  la  conservation  de  notre  vieil  of- 
fice,  tenons-nous  pour  heureux,  comme  nous  le  se- 
rions s'il  nous  était  donné  de  voir  debout  encore  l'an- 
cienne basilique  de  Saint-Pierre  de  Rome,  non  pas 
telle  qu'elle  était  au  tenxps  de  saint  Damase,  non  pas 
même  telle  qu'elle  était  au  temps  du  pape  Hadrien  et 
du  pape  Léon  III,  —  la  basilique  qui  vit  couronner 
Charlemagne,  —  mais  simplement  la  basilique  du 
temps  de  Nicolas  V,  ornée,  meublée,  encombrée 
comme  elle  l'était  à  cette  époque,  au  lieu  d'être  obli- 
gés de  descendre  dans  les  cryptes  vaticanes  pour  re- 
trouver les  quelques  restes  que  l'inintelligence  de  la 
Renaissance  a  laissés  venir  jusqu'à  nous  de  cette  vé- 
nérable chose. 

Pieux  lecteurs  qui  m'avez  suivi  jusqu'ici,  lorsque 
vous  irez  en  pèlerinage  à  la  Ville  Eternelle,  prenez 
la  voie  Appienne  et  poussez  jusqu'à  la  basilique  des 
Saints-Nérée-et-Achillée.  Vous  entrerez  dans  la  basi- 
lique en  pensant  au  pape  Léon  III^  qui  l'a  construite 


CONCLUSION.  431 

sur  le  plan  traditionnel  des  basiliques  romaines,  et  qui 
l'a  décorée  de  mosaïques  :  vous  serez  émus  par  la  sim- 
plicité, par  l'élégance,  par  l'austère  et  mystique  beauté 
de  cette  architecture.  Et  si,  vous  rappelant  quelles 
restaurations  un  cardinal  Borghèse  a  inlligées  à  la 
basilique  de  Saint-Grégoire  au  Célius,  un  cardinal 
Aquaviva  à  la  basilique  de  Sainte-Cécile  au  Trans- 
tevere ,  et  Benoît  XIV  lui-même  à  Sainte-Croix  de 
Jérusalem,  vous  désirez  savoir  quels  soins  pieux  et 
éclairés  ont  si  intégralement  sauvé  l'œuvre  de  Léon  II  f, 
lisez  l'inscription  où  le  cardinal  Baronius,  car  c'est  lui, 
revendique  humblement  l'honneur  de  cette  restaura- 
tion de  sa  basilique,  et  conjure  les  titulaires  qui  lui 
succéderont  de  n'y  rien  changer  : 

PRESBITER    GARD.     SVCCESSOR    QVISQVIS    FVERIS 

ROGO    TE    PER    GLORIAM    DEI    ET 

PER    MERITA    HORVM     MARTIRVM 

NIHIL    DEMITO    NIHIL    MINVITO    NEC    MVTATO 

RESTITVTAM    ANTIQVITATEM    PIE    SERVATO. 

Ce  respect  qu'avait  le  cardinal  historien  pour  la 
vieille  et  vénérable  basilique  dont  il  était  titulaire, 
puissé-je  l'avoir  inspiré  à  tous  mes  lecteurs  pour  l'an- 
tique office  romain  ! 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 


SS.  AiîDON  et  Sknnen,  161. 

Abkl\UD,  180-181,  196-197,  204,  221. 

AccuRSio,  302. 

Ad.V,  15S. 

Adinolfus,  234. 

S.  Aduien  de  Nicomédie,  164. 

Adrien  (Monastère  de  Saint-),  76, 

78. 
Adrien  (Basilique  de  Saint-),  89,  97. 
Agapit  (Monastère  de  Saint-),  77. 
Agapit  (Basilique  de  Saint),  162. 
S«  Agathe,  163. 
Agatiion,  pape,  87. 
Agde  (Concile  d'),  -7,  38. 
Agimindus,  125. 

Agnès  (Basilique  de  Sainte-),  161. 
Agobaud,  71,  210. 
Agulia,  77,  185. 
Aglstin,  299. 
AlMON,  243-245,  261. 
Aix-la-Chapelle  (Concile  d'-).  232. 
Alain  de  Faufa,  126. 
Alauic,  93. 
Alreugotti,  425. 
Auujius,  voyez  Aiciin. 
Alciat,  331. 
Alclix,  105,  126,  202. 
S.  Alex-v^n'due,  pape,  161. 
Alexa?*dre  II,  139,  201-202. 
Alexandre  III,  115,  182,  397. 
Amalamse,  71.  104-107.  109-153,   167, 

180,193,  197,  200,  2Q4,  210,  219,  220, 

227,  264,  395. 
S.  AMBROiSE,  4,  22,  30,  32,  33,  35,  U, 
HISTOIRE    DU  BBÉVIAIRE 


51,  123,  123,  128,  20d-213,218,  250, 
325,  326,  333,  402,  404. 

Ame  LOT,  366,  421. 

Anastasiae  [Titulus],  95,  164. 

S«  Anastasie,  164. 

Anastasis  (Basilique  de  1'),  16,23, 
24,  35,  165. 

André  et  Barthélémy  du  Lalran 
(Monastère  de  Saints-),  75,  76, 78, 
81-82. 

André  de  massa  Iuliana  (Monas- 
tère de  Saint),  76,  78. 

André  des  Saints-Apôtres  (Monas- 
tère de  Saint-),  77. 

Axgilrert,  229. 

Anicii,  163. 

S.  Anselme,  379. 

S.  Antoine  de  Padoie,  372. 

Antonelli  (Nicolas),  372,  395,  398, 
401. 

Card.  Antonlvno,  323,  325,  325. 

S.  Apollinaire,  104. 

Apôtres  (Basilique  des  Saints).  77, 
125. 

Card.  Aquaviva,  431. 

Aquilas,  160. 

Archangeli  (Monastère),  "7. 

Arevalo,  285. 

Aristote,  103. 

Arius,  12. 

Arz  (Jean  d'),  285--288. 

ASTOLPHE,  95. 

s.  Atiianase,  6,  7,  15,  17,  18,  22.  29, 
34,  219,  220,  325,  372. 
ROMAIN.  ^8 


k 


434 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES. 


Atiiénogk>e,  H,  12. 

Augsbourg  (Diète  d'),  294,  295. 

S.  AjLGUSTiN,  3,  6,  7,  22,  25,  29,  31. 
33-35,  47,  51 ,  126, 128, 142,  205, 206, 
250,  270,  325,  333,  402-405,  410, 
411. 

Al  KÉLiEX  d'Arles,  207-208. 

AzzOGiiDl,  372,  383,  384,  385,  394. 

BaEIMEH,   V-M,  42,   44,  59,    70,    114, 

127,  210,   211,  251,  299,   310,  311, 

316,  318,334,335,  338,354,  350,412, 

425. 
B.ULLET,  407,  409,  416. 
Balbinae  (Cimetière),  162. 
Baldini,  372,  383,  398. 
Bâle  (Concile  de),  263-264. 
Bandim,  319,  323,  324,  328. 
S"  BA1U5E,  254. 
Bahdesaxe,  12. 

Barnabe  (Abbaye  de  Saint-),  223. 
Gard.  Bakomls,'  222,  252,  312,  318, 

320-330,  333,  338,  357,  407,  411,  431, 
S.  Basile,  10,  22,  30-32,  43. 
Basiliae  (Cimetière),  162. 
Basilide  (Eglise  de  Saint-),  162. 
Baidouin,  240. 
Becicueme,  269,  273. 
BEDE,  87,  120,  213,218,325,  404,  408. 
Card.  Bellahmin,  312,  316,  318,  320, 

323-325,  327-329,  333. 
Card.  Bembo,  268. 
Benedictio  Dei,  198. 
Bemgm  (Ms--),  428. 
S.  Benoit,  44,55,   59,  60,   108,   110. 

413-117,   119,    123,   125,    128,     129, 

132,  207,  213,  223. 
S.  Benoit,  d'Aniane,  130,  232. 
Benoit  II,  62. 
Benoit  XII,  247. 
BENOIT  XIII,  379,  385,  386. 
Benoit  XIV,  281,  312,  315,    366-425, 

431. 
Benoit  Biscop,  87,  100,  162. 
Benoit    (Chanoine),    181-188,    210, 

220. 

BÉIŒNGEH,  222. 

S.  Bernakd,  de  Clairvaux,  203,  204, 
221,  260,  404,  407,  410. 


S.  Bernard,  de  Tiron,  233. 
Bernold,  de  Constance,  191,  19i. 

195,  196,    197,  210,  219,  222,  264. 
BiANCliiNl,  357-358. 
Bibiane  (Basilique  de  Sainte),  9<i. 
Billlart,  315. 
E.  BiSHOP,  222,    224,   225,  227,  229, 

232. 
BOECE,  217. 

Bollandistes,  417. 
Card.  BoNA,  I. 

BONACIN.V,  315. 
S.  BONAVENTIRE,  256,    257. 
BONIFACE  II,  69,  85. 
BONIFACE   IV,  166,  171. 
BONIFACE    VIII,   257. 
BONIFACE   IX,  256. 

Card.  BoRGiiÈsE,  431. 

BoRROMÉE    (S.    Charles),   297,  298, 

307. 
Bossi  ET,  403. 
BoLix,  338,  417. 
Braga  (Concile  de),  37,  209. 
Brotiek,  338. 
Bruce  (Papyrus  de),  6. 
BRrNETiÈRE'(G.  de  ia),  362. 
A.  BruN,  128. 

Calepodii  (Cimetière),  162. 

Calinio,  298,  300,  301. 

S.  Calliste,  pape,  162. 

Calliste  (Cimetière  de),   91,     l(»l. 

162. 
Calliste  III,  255,  256. 
Camaldules,  222. 
Canillac,  384. 
Canisus,  284,  288. 
Caracciolo,  289. 
Card.  Car AFA  (Ant),  301. 
Cauafa  (Pierre),     289  -  292.    Voyez 

Paul  IV. 
Cassien,  8,  26,  39-43,  119. 
Cassien  (Monastère  de  Saint-),  76. 
Cassiodore,  44,  89. 
Castro  (G.  de),  275. 
CAT.aENU,  69,  85. 
S"  Catherine,  254,  329. 
Catilfls,  202. 
Cavalli,  338. 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES. 


435 


CVYJJ  s,  38(». 

S'=  CÉcii.K.  l()-2. 

Cécile  (Basilique  de  Sainte),  61,80, 

431. 
Cf.i.estin,  pape,  î>3,  54,  s,";. 
Cencus,  181-188,  210. 
Ckolfuid,  80. 
Certain,  364,  366. 
S.  CÉSAïKE  d'Arles,  38,   HO,  219. 
S.  CÉsAïuE  de  Terracinc,  16t. 
Césaire  (Monastère  de  Saint-\  7(> 

ClIAUl.EMAGNE,  90,102,  104,  lOo,   121 

126,  127,  202,  210,  430. 
Chaules  Qiint,  273,  274,  294. 
Chaules  V,  309. 
Chaules  IX,  312. 
Chauvelin,  364,  366. 
Chevalieu  (U.),  218,  338. 
Christophe,  117. 
S.  Chuodegaxg,  80, 100-104,  109.  131 

132. 
SS.  Chrysaxthe  et  Dauie,  102. 
S.  Chrysogone,  de  Sirmiura,  164. 
Clirysogone  (Basilique   de  Saint-), 

78,  79,  83,  100,  164. 
Clvccomo,  318. 

ClCOXIOLANO,  309. 

S''  Ci.AHiE,  239-240,  250,  258. 

Clarisses,  243. 

S.  Clément,  10,  89,  95,  1()3. 

Clément  (Basilique  de  Saint-),  95, 

163. 
Clément  V,  251. 
Clément  VI,  253,  259,  260,  261 . 
Clément  VU,  269-271 ,  274-288, 289-293. 
Clément  VIII,  316-320,  323-325,  328- 
330,  333,  346-349,  371 ,  387,  413,  428. 
Clément  X,  380. 
Clément  XI,  315,  379,  385,  420. 
Clément  XII,  363,  366-368,  380. 
Clément  XIII,  425. 
Clément  XIV,  425. 
Clément,  d'Alexandrie,  19. 
Cloveslio  (Concile  de),  99,  104. 
Cluny,  199-202,  220,   222,  224,    229, 

231,  429. 
[€0FF1N,  361,  362,  367,  i28. 
301SLIN,  386. 
lOLBEKT,  358. 


CoLUEUT,  évoque,  386. 

Cologne  (Concile  de\  294. 

SS.  COME  et  Damien,  164. 

Corne    et  Damien    (Basilique    de 

Saints-),  89,  96,  164. 
Come    et  Damien    (Monastère    de 

Saints-),  76,  78. 
Commodillae  (Cimetière),  162. 
Constance,  emp.,  327. 
Constantin,  emp.,  14,  312,  327. 
Conte LORi,  319. 
S.  Corne n.i.E,  162. 
Card.  de  Corneto  (Adrien),  268. 
Card.  Coi'.siNi  (Nérée),  370. 
Cranmer,  288. 

Card.  Crescenzi,  légat,  285. 
Crescenzi,  nonce,  392. 
Croix  en  Jérusalem  (Basilique  de 

Sainte-),  47,  134,  142,  275. 
Curia  hostilia,  164. 
S.  CvPUiEN,  13,  14,  222,  411. 
S.  Cyulvque,  161. 

S.  Damase,  51,  52,  53,  54,  61,  70, 

89,  430. 
Damien  (Couvent  de  Saint-),  239. 
Dauroy,  425. 
Delisle,  248,  358. 
démétrlvde,  49. 
S.  Denis  d'Alexandrie,  12. 
S.  Denis  AuÉop.,  103,  328,  356. 
Dei  sDEDiT,  pape,  62,  74. 
Diodore,  de  Tarse,  31. 
DoMiTiLLE    cimetière  de-),  92,  161. 
S.  Donat,  329. 

Donat  (Monastère  de  Saint),  77. 
Douatistes,  12. 
Dlchesne  (M»--!,  IV,  X,  2,  4,  54,  55,  63, 

68,  74,  77,  98,  16.5,  381-382,  428. 
S.  DUNSTAN,  109,  131. 
Dlpanlolp,  425. 
DURAND,  de  Mende,  115,  202,  251. 

Eadmeu,  203. 

Card.  Easton  (Adam),  256. 

Egbert,  d'York,  67-69,  226. 

EnuLE,  428. 

Eleuteuils,  57. 

S«  ÉLisAUETU,  de  Schonau,  197. 


436 


INDEX    DES    NOMS    PROPUES. 


Elpis,  217. 

Elsin,  203. 

S.  EpiPHAKE,  20,  408. 

Erasme,  268. 

Etueiua,  voyez  Peregrinatio. 

Etienne  du  Latran  (Monastère  de 
Saint),  76,  78. 

Éiienne  Majeur  cata  Galla  (Monas- 
tère de  Saint-),  70,  77,  79,  82,  83. 

ETIENNE  Mineur  du  Vatican  (Monas- 
tère de  Saint),  76,  77. 

Etienne  et  Silvestre  (Monastère  de 
Saints-),  79. 

Etienne  ad  b.  Paulum  (Monastère 
de  Saint),  70. 

Etienne  iuxta  d.  Laurentium  (Mo- 
naslére  de  Saint-),  70. 

Étienne-le-Rond  (Église  de  Saint-), 
163. 

S.  ETIENNE,  pape,  161. 

ETIENNE  II,  77,  117. 
ETIENNE  III,  79,   117. 
ETIENNE  IV,  79. 
S.  ETIENNE   HAUDING,  237. 

ETIENNE,  de  Liège,  201,  251. 

Et'DOCIE,  77. 

Eugénie  (Basilique  de  Sainte),  82. 

S*'  ElPHÉMIE,  404. 

Eupliémie(Monastère  de  Sainte-),77. 
EusÈBE,  de  Césarée,  99. 
EusÈBE,  pape,  165. 

EUSTOCHILM,   49. 
EVODIUS,  7. 

Fabien,  pape,  161,334. 
Fasciolae  {Titulus-),  61,  89. 
SS.  Faistinis  et  .Iovita,  95,  161,  326. 
Félicité  (Basilique  de  Sainte),  161. 
SS.  Felicissimcs  et  Agapit,  161. 

S*^  FÉLICITÉ,  161. 

FÉLIX  I",  90,  101. 
FÉLIX  IV,  164. 
SS.  FÉLIX  et  Adauctus,  1C2. 
S.  FÉLIX,  de  Noie,  163. 
Ferdinand  I«S  295. 
Ferreri,  209-274,  248. 
Card.  FiRRAo,  306. 
S.  Flavien,  32. 
Flavii,  160. 


Card.  de  Flelry,  360,  307,  308,  386, 

392. 
Florentius,  52. 
FoiNARD,  358-359,  414. 
Fonte-Avellano  (Abbaye  de),  222, 

225. 
FORTUNAT,  214,  216. 
FOSCARARI,  298,  300,  301,  307. 
Franchi,  301. 

S.  François,  d'Assise,  242,  272. 
S.  François  Xavier,  284,  288. 
Fulbert  de  Cliartres,  221. 
S.  Fulgence,  126,  402,  403. 

S.  Gaétan,  289. 

Card.  Gaetani,  331. 

Galla,  76,  77. 

Galli,  372,  382,  383,  385,  395. 

Gallucci,  335. 

Gavanti,  315,  329,  331,  333,  412. 

S.  GÉLASE,  pape,  57,  60,  61,  69,  85, 
99,  207,  217,  255,  375;  Sacramen- 
taire  gélasien,  96,  97,  225. 

Generosae  (Cimetière),  loi. 

Card.  Gentili,  392. 

S.  Georges,  164,  254. 

Georges,  grand  chantre,  101,  102. 

Gerbert  (Dom.),  m;  Gerberti 
{Anonymus-),  69,  85,  408,  115, 
116,  421,  425,  428,  430,  132  473- 
478. 

SS.  Gervais  et  Protais,  164,  326. 

GERVOLDL'S,  102. 

Card.  Gesualdo,  318,  319. 
Gevaert,  67. 
GliiSLERi,  323. 

GiBERTI,  289. 

GlORGi,  372,  382,  383,  395,  398,  401. 

GiULl,  394,  395,  398. 

GOLDWELL,  298,  299. 

GoNDY  (Pierre  de),  314. 

GoNDY  (Jean-François  de),  3y*. 

SS.  Gordien  et  Epimaque,  161,  320. 

Goths,  94. 

Grancolas,  III,    415,    116,  218,    305, 

313,  358,  359,  414. 
Gratien,  57,  59,  493-195. 
S.  Grégoire   le  Grand,   60,   64-1 

73,  75,  76,  85,  88,  93,  94,  121,  ii 


INDEX    DES     NOMS    PROPRES. 


437 


125,  433,  i  85, 191 ,  216, 250,  270, 272, 

375,  402,  403,  404, 412;  Sacramen- 

taire  grégorien,  68,  191. 
r.régoire  (Ég[ise  et  Monastère  de 

Saint),  au  Caelius,  234,  431. 
GnÉGOiRE  II,  78,  80-81,  120. 
Grégoire  III,  66,  77-79,  83,  84,  90-98, 

100,  105. 
Grégoire  IV,  80,  103,  105,  166,  184. 
Grégoire  VU,  151, 188-196,  199,  218, 

310,371,395. 
Grégoire    IX,    179,    196,    243-243, 

231. 
Grégoire  X,  249. 
Grégoire  XI,  240,  237,  238. 
Grégoire  XIII,  313,  316,  379,  380. 
Grégoire  XIV,  318-320. 
Grégoire  XV,  380. 
Grégoire  XVI,  423. 
S.  Grégoire,  de  Nazianze,  13,  205. 
Grégoire,  de  Tours,  38,  40.  42,  llO, 

326,  327. 
Grimaltus,  227. 
Gi'ÉRANGER,  VI,  188-190,  313,  314,  353, 

363,  425. 
Gard.  GuiDERT,  361. 
Guillaume,  duc  de  Saxe,  256. 
Gard,  de  Guise,  215. 
GUYET,  384. 

Habert,  302. 

Hadrien  I«%  48,  08,  70,  71,  81,   82, 

97,  99,  103, 104,  106, 152,  163,  170, 

430. 
Hardouin  de  Péréfixe,  334. 
Harlay  (François  de),  354-357,  300, 

302. 
Hayton,  167,  210,  919. 
Helisaciiar,  123. 
Henri  III,  313. 
Henri  IV,  emp.,  386. 
Hermann  Contract,  260. 
Hermas,  15. 

S.  HERMES,  162. 

Hierusalem  (Monastère  de),  77. 
S.  HiLAiRE,  de  Poitiers,  22,  209,  218, 

326. 
HiLAiRE,  pape,  75. 

HiMERIUS.  39. 


S.  HIPPOLYTE,  162;  C'anones  Itippo- 
lyti,  49. 

HONORAT,  100. 

HoNORius,  pape,  75,  81,  82, 121,  lOi. 
HoRMiSDAs,  pape,  56,  61. 
HUGUES  de  Ciuny,  224. 
S.  Hypace,  43. 

S.  Ignace,  d'Antioche,  31. 
S.  Ignace,  de  Loyola,  284. 
injuriosus,  38. 

Innocent  I«%  73,  91,  328,  371. 
Innocent  II,  182. 

Innocent  III,  127,  182,  225,  238  239, 
240, 241, 242,243,  250,  251 ,  258,  429. 
Innocent  IV,  243. 
Innocent  VIII,  3S1. 
Innocent  IX,  318. 
Innocent  XI,  379. 
Innocent  XIII,  377. 
S.  Irénée,  10. 
ISACHINO,  292,  296. 
S.  Isidore,  de  Séville,  3,  30,  122, 


S.  Jacques  le  M.ueur,  327,  328,  334- 
335. 

Jean  de  Latran  (Basilique  de 
Saint-),  10,  47,63-64,  73,76,  79,  82, 
84,  115,  142,  143,  180,  181,  196, 
246,  258,  326. 

SS.  Jean  et  Paul,  102. 

Jean  et  Paul  du  Vatican  (Monas- 
tère de  Saints),  75,  76,  77,  83. 

Jean  P--,  69,  85. 

Jean  III,  93. 

Jean  XXII,  251,  259. 

Jean,  archicantator,  87,  88. 

Jean,  d'Avranches,  197,  200,  230. 

Je.vn  Beletii,  197-199,  203-204. 

S.  Jean  Ciirysostome,  7,  18,  19. 
32,  33,  35,  51,  250,  323,   402, 
406,  407,  408,  411. 

S.  Jean  DaSiascène,  325,  336,  406. 

JEAN  Diacre,  64-67,  71. 

Jean,  diacre  du  Latran,  113. 

Jean,  clerc  de  Liège,  252. 

Jean,  de  Parme,  244,  260,  261. 

Jean,  de  Peckiiam,  251. 


438 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES. 


Jeanne,  de  Mont-Cornillon,  252. 
S.  JÉRÔME,  3,  49-55,  70,  72,  91,  108, 

109,  125,  126,  250,  330,  402. 
Jésuites,  313. 
JoLY  (Claude),  358,  378. 
lordanorum  (Cimelicre),  94. 
Julien,  emp.,  326. 
S.  Justin,  10. 
Justin,  emp.,  214. 
JusTiNiEN,  emp.,  36,  57. 

F.X.  Kn.us,  383. 

Lactance,  3. 

Laeta,  49,  50. 

Lanucci,  331,  332. 

Laodicée  (Concile  de),  133,  386. 

Latran  (Palais     du),   79,  80.    238; 

Baptistère,  145;  Concile.  2'4l. 
Launoy,  378. 
Laurent  (Basilique  de  Saint),  47, 

75,  76,  90,  92. 
S.  Lazare,  356. 
Lejay,  225,  229. 
S.  LÉON,  56,  69,  7^:.  84,  85,  12G,  133, 

2.50;  Sacramentaire  léonien,  72, 

73,  91,  93. 
LÉON  II,  62. 

LÉON  III,  63,  76,  79,  105,  430. 
LÉON  IV,  100. 
LÉON  IX,  189. 

LÉON  X,  267-271,  305,  380. 
LÉON  XIII,  X,  426,  427. 
Leucaui,  396,  398,  401. 
Lessius,  315. 

LiNDANUS,    312. 

Lombards,  94,  95. 

Louis  le  Débonnaire,  105,  166. 

S.  Louis,  257. 

Louis  XIV,  354,  420. 

Louis  XV,  365. 

S"  Lucie,  164. 

Lucie  (Basilique  de  Sainte),  80. 

Lucie    de    renatis    (Couvent    de 

Sainte-),  164. 
Lucina,  89. 
Luther,  273. 

Marillon,  mi,  37,  354. 


Magister  anonymus,  118, 

Manuce  (Paul),  307-308. 

S.  Marc,  8. 

S.  Marc,  pape,  162. 

Marc  (Basilique  de  Saint),  61.  82. 

SS.  Marc  et  Marceixien,  161. 

S.  Marcel,  pape,  160. 

Marcion,  12. 

S"  Marie-Madeleine,  356. 

Marie  -  Majeure      (Basilique      de 

Sainte-),  47,  76,  78,  81,  82,  96,  97, 

134,  137,  138,  165,  250. 
Marie   ad  martyres  (Basilique  de 

Sainte-),  voyez  Panthéon. 
Marini    (Leonardo),  298,   300.  301, 

303-307,  340-345. 
Marinianus,  60,  125. 
Martene,  III,  39,  69,  121,  202. 
S.  Martin,  de  Tours,  326. 
S.  Martin  P%  69,  70,  85. 
Martin  du  Vatican  (Monastère  de 

Saint-),  76,  77,  83,  87. 
Martin  (Eglise  de  Saint-),  de  Tours, 

38,  40,  111,  121.  220. 
Martin,  de  Senging,  263-264. 
Masso,  301. 
Maurianiis,  69,  85. 
Maurille,  197. 
S.  MAXIME,  126,  404. 
Mayence  (Concile  de).  167. 
S"  Mélanie,  50,  90. 

MÉLITON,  10. 

Mercati  (Mg>-),  256,  259-2(]1 ,  26(J-267, 

428. 
MÉSENGUY,  361. 
S.  Metiiodius,  4. 
Micrologus,  voyez  Bernold. 
Mineurs  (Frères-),  17i),  183,  242-254, 

258-260,  263,  264,  377. 
MOMRRIZO,  282. 
S"  MONIQUE,  206. 

Card.  MOXTI,  372,  383,  384,  392,  3S 
D.  MORIN,  67,  68,    69,   88,    127,  IJ 

192,  195,218,219,  251,  411. 
MuRATORi,372, 383;  Muratorianum, 

12. 

NEPOS,  12. 

SS.  NÉRÉE  et  ACmLLÉE,  160. 


INDEX   DES   NOMS    PROPRES. 


439 


Nérée  et   Achillée   (Basilique    de 

Saints),  01,  9-2,  161,  430-431. 
Neyla,  275. 

S.  NiCETAS,  2G,  30,  32,  52,  128. 
NiCETIUS,  128. 

Nicolas  III,  245,  246. 
Nicolas  V,  268,  430. 
Nicolas,  de  Cleraangis,  264. 
NiDIBRIL'S,  -123. 
Nogarol  (Léonard  de),  255. 
Novatcs,  333. 

S.  Odilon,  231-232. 
S.  Odo\,  m. 
OrigÈne,  290,  292. 
Orlandi,  394,  395. 
Orphanotrophium,  63-64. 

Pallacina,  61. 

Gard.  Pallamcini,  331. 

Pammachii  (Titulus),  162. 

S.  Pancrace,  161. 

Pancrace  du  Latran  (Monastère  de 

Saint-),  76. 
Pancrace  (Basilique  de  Saint-),  76. 
Panthéon  (Eglise  du),  166,  171,234, 

377. 
P.  Pargoire,  41,  43. 
Pascal  V,  79,  80. 
passaglia,  412. 
Gard.  Passionei,  383. 
S.  Pasteur,  185. 
Patriarchium  du  Latran,   79,  80. 

82,181,183,184. 
S.  PAUL,  142. 
Paul  (Basilique  de  Saint-),  47,  68, 

76,  81,  382. 
Paul  I",  63,  78,  94,  96,  101,  102. 
Paul  II,  256. 

PAUL  m,  276,  278,  281,  283,  289,  309, 
Paul  IV,    289,  292-294,  29()-300,  302, 

303,  306,  382,  428. 
Paul  V,  380. 

Paul  Diacre,  126-127,  199,  215. 
Paul,  de  Samosate,  11. 
Paula,  49. 

Paulin,  d'Aquilée,  217,  218. 
Pelage  P',  57,  73,  7i. 
Pelage,  49. 


Pelignus,  323. 

PÉPIN,  63,  101,  102,  104. 

Peregrinatio  ad  loca  sancta,  23-29, 

32,  36,  41. 
Perpetuus,  40. 
S«  Pétroxille,  160. 
Petrucci,  331 ,  335,  338. 
Philocalien  (Calendrier),  92. 

PlIILON,  7. 

Pie  II,  256,  268. 

Pie  IV,  297,  300. 

Pie  V,  130,  188,  260,  261,  293,  301- 
303,  305-316,  325,  327,  329,  330, 
339,  355,  371,  374-376,  378,  380- 
414,  428. 

Pie  VI,  42r>. 

Pie  X,  338. 

Pierre  (Basilique  de  Saint),  47,  62- 
65,  68,69,  75-77,  79,  82-88,  97-102, 
117, 125, 132, 1.34, 137, 138,  148, 149, 
163,  169,  170,  180,  181,  184-188, 196, 
218,  227,  228,  24<),  248,  338,  ^29-430. 

Pierre  Amelio,  262. 

Pierre  Assalriti,  262. 

S.  Pierre  Ciirysologue,  406,  410. 

S.  Pierre  Damien,  194,  198,  222-225, 
230-231. 

Pierre  diacre,  224,  227. 

Pierre  Mallius,  188. 

Pierre  le  Vénérarle,  202. 

SS,  Pierre  et  Marcellin,  161. 

Pinciana  (Domus),  163. 

Plantin,  308. 

Platina,  255,  282,  285. 

Pline,  2. 

POGGIANO,  301,  302,  307. 

Gard.  POLE,  298. 

S.  POLYCARPE,   13. 

s.  Porphyre,  de  Gaza,  7. 
Praxedis  [Titulus),  163. 
Prétextât  (Cimetière  de),  91,  161. 
SS.  Primus  et  Félicien,  95,  163. 
Prisca,  95,  160. 
Prisca  (Basilique   de  Sainte-),  77, 

95. 
Priscille  (Cimetière  de),   92,  160, 

163. 
Priscillien,  3. 
SS.  Processus  et  Martinien,  161, 


440 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES, 


Processus  et  Martinien  (Basilique 

de  Saints-),  91- 
SS.  Protls  et  Hyacinthe,  102. 
PUUDENCE,  90-91,  213-214.  218,  32j. 
PUDENS,  89,  9a,  163. 
PUDENTUNA,  61,  163. 

Pudeotienne  (Basilique  de  Sainte-). 
61,  77,  9j,  163. 

Quatuor  coronati    Basilique  des), 

163. 
Gard.    QuiGNONEZ,  260,    274-288,  289, 

291-293,  296,  298,  300,  302,  308,  308, 

309,  311,  357,  361,  428. 

Rai$AN  Maur,  215-216. 
S«  RADEGONDE,  214. 

Rainer  (Papyrus),  11. 

Gard.  Rampolla,  10. 

Rancati,  331. 

Raoul,  de   Tongres,    112,   238-239, 

242-246,  251,  253,  259,  204-265. 
Raynaldi,  256. 

llEDEMPTUS,  52. 
REMEDILS,   101. 

Renol'ARD,  337. 
RiCARDi,  331,  332. 
Ricci  (Sci|)ion),  4'24-42j, 
RlCULF,  210. 
Robert,  de  Tuy,  202. 

ROBERTI,   428. 
ROSKOVANY,   V,  313,  339. 

Rufine  (Basilique  de  Sainte),  162. 

RlINART,  416. 


Sarimen,  pape,  74. 

S"  Sabine,  164. 

Sabine  (Basilique  de  Sainte-).  16i. 

Gard.  Sadolet,  268,  273. 

Saint-Aignan  (Duc  de),  365,  366. 

Salimbese,  241. 

Salmanticenses.  315,  318. 

Salmeron,  316. 

Sannazar,  268. 

Santeul,  332. 

Sarbiewski,  335,  336. 

S.  Saturnin,  14. 

Saturnin  (Basilique  de  Saint-),  162. 


SCACiii,  331,  332. 
Gard .  SCHOTTO,  297,  298,  300. 
Scola  cantorum,  62-67.   101.  l'i.i. 
183,  186,  187. 

SCULTING,   256. 

Sébastien    (Basilique    de    Saint-  , 

47,  74,  161. 
SEDULRS,  214. 

Sens  (Goncile  de\  294. 

Sepulyeda,  276. 

Sergio,  372,  398. 

Sergius  Jer,  63,  165. 

Sergius  II,  6ÎJ. 

Sergius  et  Bacchus  (Basilique  d. 

Saints),  89. 
Sergius,  117. 

SiCKEL,   58. 
SiGOKlO,  312. 

Sidoine  Apollinaire,  92. 

Silos,  292. 

S.  Silvestre,  pape,  61,  160. 

Sihestre  (Basilique  de  Saint-),  92, 

160. 
Silveslre  (Couvent  de  Saint-),  292. 
S*  SiLviA,  voyez  Peregrinatio  ad 

loca  sancla. 
Simeon,  grand  chantre,  101,  102. 
SS.  Simon  et  Jude,  185. 
Simon  (Bichard),  277,  280,  282. 
Simon  (Pierre-),  350. 
S.  SiMPLiClus,  pape,  95,  161,  169. 
Sion  (Église  du  Mont),  16. 
S.  SiRiCE,  pape,  39. 
Gard.    SiRLETO,    297,  301,   302.   307, 

316,  339. 
Sixte  IV,  255,  256. 
Sixte  Quint,  316-319,  321,  378. 

SOMMERVOGEL,  338. 

Sophie    (Basilique  de    Sainte-; 

GP.,  118. 
Sophie  (Monastère  de    Sainte- 

Bénévent,  236. 

S.  SOPBRONIUS,  412. 

Sorbonne,  241,  277,  281.  318,  39*^ 

SOTO,  285. 

Strada,  335,  350-352. 

SUAREZ,  315. 
SULPICE  SÉVÈRE,   327. 

Symmaque,  pape,  69,  85,  89. 


I 


INDEX    DES    NOMS    PROPRES. 


441 


Symmaque,  consul,  69. 
Synesius,  13,  20S. 

Card.  Tamdcrini,  392,  393,  4«3. 

l'ATTO,  227. 

Tegiumi,  331,  332. 

Gard,  de  Texcin,  367,  308,  389,  392- 

394,  400,  419,  422. 
Tertullianistes,  91. 
Tebtcllien,  5,  7,  14,  IS,  20,  49. 
S.  TlIARASIL'S,  412. 

Théatins,  289-292. 

TlIÉODEMAR,  121,  210. 

riiÉODOUE,    archidiacre,   iOo,    121, 

130,  143. 
Théodore,  de  Cantorbery.  226,  227. 
Théodore,  de  Mopsueste,  31. 
Théodore,  pape,  103. 
Théodose,  emp.,  32,  35. 
Théodulphe,  133. 

Tliéonas  (Eglise  de  Saint-),  15,  10. 
Théophile  (Eglise  de  Saint-),  10. 
Thérapeutes,  7. 

S.Thomas,  d'Aquin,  251-252,  254-255. 
Thomas  (Oratoire  de  Saint-),  190. 
TUOMASSIN,  X,  354,  370. 
s.  TiBURCE,  101. 
TiLLEMONï,    35J-35S,    378,     400-410, 

416,  417. 
Tolède  (Concile  de),  209,  387. 
Card.  ToMASi,   il-ni,  180,  357-358. 
TORRES,  323,  32*. 
TouRXEUX,  302. 
Tours  (Concile  de),  208. 
Trasonis  (Cimetièic),  102. 
Trente  (Concile  de),  285,  288,  294- 

300,  302,  307,  308,  331,  396,  414. 
TCFO,  290,  291. 

Ulric,  d'Augsbourg,  221,  222. 

Ulric,  de  Cluny,  200.  218. 

s.  Urbain,  161. 

Urbain  IV,  251,  252. 

Urbain  VI,  256. 

Urbain  VIII,  272,  318,  320,  327,  330- 


339,    350-352,  371,   387,   409,    428, 
429,  430. 

Vaisou  (Concile  de),  108. 

Valenti   (Louis),  369-402,   413,  418, 

421. 
Card.  Valenti  (Silvio),  369,  892. 
Valentin,  gnostique,  12. 
S.  Valentin,  161. 
Valentinien,  emp.,  205. 

S.  VA.LÉRIEN,  101. 

Vasquez,  315. 

Vatican  (Concile  du),  425-420. 

S«   VÉRONIQUE,  185. 

Vestinae  {Titulus),  89,  164. 
Card.  Vezzosi,  ii,  357,  392. 

S«  VlATRIX,  95,  161. 

S.  Victor,  pape,  10. 

Victor  (Monastère  de  Saint-),  76. 

Victor  (Abbaye  de  Saint-\  236. 

Victor,  de  Vite,  62. 

Vicier,  361,  367. 

VlGlLANTlUS,  51. 

SS.  Vincent  et  Anastase,  463. 
Vincent  (Abbaye  do  Saint-),  223. 
ViNTiMlLLE    (Ch.    de),  360-308,    391, 

398,  414,  418,  428. 
ViRBONUS,  85. 

S.  Vital,  164. 
Vl'lponi,  331,  332. 

VVadding,  331. 

Wala,  103,  105. 

Walafbid    Stbabon,    72,    106,    107, 

110,  217,  218. 
Wilpert,  428. 

XlSTLS  PS  74,  161. 
XlSTLS  III,  138. 

Yves,  de  Chartres,  191. 

Zacharie,  pape,  80,  125,  224. 
ZENON,  de  Maiuma,  21. 
ZÉPHiRiN,  pape,  10. 


INDEX  DES  FETES 


Audon  et  Sennen,  1o8,  ^lOO. 

Adrien,  158,  409. 

/lîGiDius,  voyez    Gilles. 

Agapit,  138. 

AGS.TIIE,  loG,  311,  40ir,  408. 

Agnès,  153,  108, 170,  311,403. 

Agnès  secundo,  136. 

Alexandre,  l.'iO,  408. 

Alexis,  158,  166,  3-22,  326,  333.  362, 

386. 
Ambroise,  160,  16(),  24o,  2îi7. 
Anaclet,  138,  383. 
Andué,  134,  160,  163.  167,  170,  183, 

201,  327,  404,  406. 
André  d'Avellino,  386, 
Anges  Gardiens,  380. 
Anicet,  383. 

Anne,  256,  309,  316,  380. 
Annonciation,  156, 165,  359,  377. 379, 

387,  388,  403. 
Anselme,  256, 
ANTOINE,  156,  166,  409, 
Antoine  de   Padoue,  2i4,  255.  309, 

306. 
Antonin,  159,  386. 
Apollinaire,  157,  410. 
Aquilas,  156,  2,34. 
Ascension,  149,  167,  183.  388. 
Assomption,  154,  158,  165,  167,  183, 

201,  215,  257,  311,   360,  378,  388, 
Athanase,  310. 
Augustin,  158,  245,  257,  311. 
AuRE,  158,  254. 

Baleine,  158,  254. 


Barre,  160,  166,  386. 
BarnarÉ,  157,  330,  381,  3S8,  406. 
BARTIIÉLErflY,  158,  311,  407. 
Basile,  234.  310. 
Basilide,  137.  409. 
Benoit,  136,  166. 
Bernard,  243,  234,  311. 
Bernardin,  236,  309,  386. 
Biriane,  160,  333,  386. 
Blaise,  256,  408. 

BONAVENTURE,  316, 

BONIFACE,  137,  200,  386. 
Brice,  40,  254. 
Brigitte,  256. 

Caius,  408. 

Calliste,  159,  362,  409. 

Canut,  383. 

Carmel  (N.-D.  du).  379. 

Casimir,  386. 

Cassien,  386. 

Catherine,  160,  166,  386. 

Catherine  de  Sienne,  329. 

CÉCILE,  159,  170,  403,  410. 

CÉSAIRE,  159. 

Christine,  158,  166,  .386. 
Christophe,  166,  386. 

ClIRYSANTIIE   ET  DARIE,  139. 
ClIRYSOGONE,    139,  410. 

Circoncision,  138,  376,  388. 
Claire,  245,  235,  410. 
Clément,  159,  163.  405,  410. 
Clet,  136,  408. 
Clet  ET  Marcellin,  310. 
Come  et  Damien,  159. 


INDEX    DES    FKTES. 


443 


COMMÉMORAISON    DES   MOUTS,    89,    93, 

226,  227,  231-232,  2:i7. 
CONCEPTION  DE  LVS.  V.,  202, 2ii4-235, 

322,  330,  302,  378,  388,  411-412. 
Corneille  et  Cyphien,  159,  310. 
Corpus  Christi,  2:Jl-2o2,   255,  360, 

377,  388. 
Croix,  Invention,  150,  165,  257,  330, 

377, 388  ;  Ewltation,  159,  165, 257. 

330.  377,  388,  410. 
Croix  (Otlice  de  la-),  233. 
Cyprien  et  Jlstine,  386. 
Cyr,  157. 
Cyr  et  Jean,  156. 
Cyri  VQUE,  158,  409. 

D\MVSE,  160,  311,  409. 
DÉDICACE,  95,  167,  257.  382,  388,  410. 
DÉFUNTS,  voyez  Commémoraison. 
Denis,  159,  327,  386. 
Desponsatio  B.  F.,  379,  385. 
Diego  (Didaciils),  386. 
Dominique,  255,  310. 

DOMITILLE,  362. 
DONAT,  158. 

DoRMiTioN,  voyez  Assomption. 

Dorothée,  386. 

Douleurs  (N.-D.  des  Sept-),  379.385. 

Edwige,  386. 
Eleuthèue,  157,  385. 

ELISABETH   de  PORTUGAL,  335,  409 

Elisabeth  de  Thuringe,  255,  309,  386. 
416. 

Emerentienne,  156,  386. 

Epiphanie,  39,  139,  149, 155, 167,  183. 
376,  388. 

Erasme,  157,  386. 

Esprit  (Office  du  Saint-),  233. 

Etienne,  39, 160, 167, 362,  388  ;  Trans- 
lation, 157,  311,  387;  Invention, 
i58,  310. 

ETIENNE,  pape,  158,  410. 

Etienne,  roi,  335,  410. 

Eugénie,  160. 

EuPHÉMiE,  159,  309. 

EUPLUS  ET  Leucius,  158,  254. 

EusÈBE,  martyr,  458.  329. 

EUSÈBE  DE  VERCEIL,  386. 


EUSTACIIE,  159, 166,  254,  311,  335,  386. 
Eustrate,  160. 
EVARISTE,  159,  385. 

Expectatio  par  tus,  379,  385. 

Fabien  et  Sébastien,  155,  409. 
Faustinus  et  Jovita,  386. 
Felicissimus  et  Agapit,  91,  158. 
FÉLICITÉ,  159,  362,  410. 
FÉLIX,  pape,  158,  254,  409. 
FÉLIX,  prêtre,  458. 

FÉLIX  DE  CaNTALICE,  386. 

FÉLIX  de  Nole.  409. 

FÉLIX  ET  Adauctus,  158. 

François   d'Assise,    254,    256,    311 

Stigmates,  255,  330,  387. 
François  de  Borgia,  386,  415. 
François  de  Paule,  309,  316, 
VII  Fratres.  4.57.  386. 

Gabriel,  380. 

Georges,  156,  362. 

Germain  de  Capoue,  159. 

Germain  de  Paris,  200. 

Gertrude,  386. 

Gervais  et  Protais,  157,  40Q. 

Gilbert  de  Sempringham,  254. 

Gilles,  459,  386. 

Gordien  et  Epimaqle,  157,  408. 

gorgonius,  159,  409. 

Grégoire,  pape,  156,  2i5,  257. 

Grégoire  VII,  385-386,  416. 

Grégoire  DE  Nazianze,  310. 

Grégoire  de  Spolète,  160. 

Grégoire  le  Thaumaturge,  330,  410. 

Henri,  335. 
Herménégild,  335. 

HERMES,  158. 
Hilaire,  40,  310,  409. 
HilariON,  39,  254,  386. 
HiPPOLYTE,  90,  158,  327.  386,  409. 
Hyacinthe,  386, 
Hygin,  254,  385. 

Ignace  d'Antioche,  254,  310,  31t. 
Innocent,  pape,  440. 
Innocents,  460, 467, 362, 384, 388, 404, 
410. 


444 


INDEX    DES    FETES. 


Jacqufs,  39,  iliS,  16î»,  327. 

JA.NV1ER,  316,  38G,  410. 

Jean  Baptiste,  Nativité,  dj4,  157 
iG7, 170, 183,  200, 201,215,  257,360 
362,  381,  388;  Conception,  202-203 
DÉCOLLATION,  158,  311,  381. 

S.  Jean  Évangéliste,  39,  40, 160,165. 
167,  362,404;  Porte  latine,  157. 
330,  381,  388. 

Jean,  pape,  157,  385. 

Jean  Ciirysostome,  160, 166,  256,  310, 
409. 

Jean  de  la  Croix,  386,  415. 

Jean  Gualbert,  329,  410  411. 

Jean  de  Matiia,  410. 

Jean  de  Saiiagun,  386. 

Jean  et  Paul,  157. 

JÉRÔME,  159,  166,  245,  257,  311. 

Jeudi  Saint,  142-144, 147. 

JOACIIIM,  309,  316,  335,  380,  406. 

Joseph,  256,  310,  380-381,  3S7-388. 

Julienne  de  Falconieri,  160, 256, 380. 

JusT,  92. 

Justin,  158,  166. 

Justine,  2ï4. 

JUVÉNAL,  408. 

Laurent,  91,  154,  158,  163,  167,  170, 

257,  311,  388,  405. 
Laurent  Justinien,  386. 
LÉON,  157. 
LÉON  n,  385. 
LÉONARD,  254. 
LiNUS,  159. 
LiBORius,  386. 

LlTORIUS,  40. 

Lorette  (Translation  de  la  maison 

de),  379,  385. 
Louis,  évêque,  255,  309. 
Louis,  roi,  255. 
Louis  de  Gonzague,  386,  415. 
Luc,  159. 

Lucie,  160,  254,  3H,  405,  408. 
Lucie  et  Géminien,  159. 
Lucius,  329. 

Macchabées,  158,  380.- 
Madeleine,  158,  210,  325,   381,  403. 
Marc,  156. 


Marc,  pape,  159. 
Marc  et  Marcellien,  157,  409. 
Marcel,  pape,  155,  409. 
Marcellin,  pape,  254,  385. 
Marguerite,  311,  362,  386. 
Marguerite  de  Cortone,  386. 

3IARGUERITE    D'ÉcOSSE,  409. 

Marie -Madeleine  de  Pazzi,  386. 

Marius,  156,  408. 

Marthe,  156,  311,  381,  410. 

Martin,  pape,  160,  362. 

Martin  de  Tours,  39,  40,111, 159,1(J7, 

201,  311. 
Martine,  155,  386. 
Mathias,  156,  310. 
Mathieu,  159,  311.  408. 
Maur,  150,  166. 
Maurice,   159,  166,  200,  410. 

MÉDARD,  200. 

Mennas,  159,  409. 

Merci  (N.-D.  de  la)-  379,  38:>. 

Michel,  archange,  157, 159, 167,  201, 
257,  380,  388;  mont  Gargan,  326, 
330,  380,  385;  In  mari,  200. 

MiLTIADE,  254. 

Modeste  et  Crescentia,  386. 

Nabor  et  Félix,  158,  386. 

Nativité  de  la  S.  \'.,  158,  165,  257, 

311,  378,  388. 
Nazaire  et  Celse,  158,  410. 
Neiges  (Sainte-Marie  aux),  255,  282, 

310,311,330,382,407. 
NÉRÉE  etAchillée,  157,  330,  409,  410- 
Nicolas,  160,  166,  311,  408. 
Nicolas  de  Tolentino,  256,  316. 
NICOMÈDE,  157,  159,   160,  409. 
Noël,  39,  40,  137-138,  149,  167,  183, 

376,  388. 
Saint  Nom  de  Jésus,  257,  377,  385. 
Saint  Nom  de  Maiue,  379,  385. 

Octava  Domini,  155,  167,  376. 
OUEN,  200. 

Pancrace,  157. 
Pantaléon,  158,  386. 
Papias,  156,  254. 


INDEX    DES    FETES 


445 


PAyLES,  40, 145-149,  151-152,  167, 193, 

376,  388. 
Pasteur,  158. 
Patrice,  256. 

Patrocinium  B.  F.,  379  385. 
PAVL,  Conversion,  156,  330,  381,  388, 

399;     COMMÉMORAisox,     157,    382, 

385. 
Paul,  ermite,  25 i,  310,  409. 
Paulin  de  Nole,  158,  166,  409. 
PENTECOTE,  40,  67,  149151,  167,  183, 

193,  376,  388. 
perpetue,  410. 
pétronille,  157,  38(). 
Philippe,  156,  165. 
Philippe  Béniti,  ilO. 
Pje,  158. 
Pie  V,  409. 
Pierre  et  Paul,  39,  40, 153,  154, 157, 

162,  167,  168-170,183,200,201,257. 

360,  362,  381,   388;    Chaires,  156, 

330,  332,  363,  381-382,  387,  388,405: 

411;  Liens,  158, 165,  310,  330,  381. 

388,  407. 
Pierre  d'Alexandrie,  254,  386. 
Pierre  Célestin,  409. 
Pierre  Curysologue,  386. 
Pierre  et  3Iarcellin,  157,  409. 
Pierre  Martyr,  255,  316. 
Pierre  Nolasque,  408. 
Placide,  386. 
Polycarpe,  330,  410. 
PONTIEN,  254,  385. 
PraxÈDE,  157,  163.   362,  409. 
Présentation  de  la  S.  V..  255,  309. 

316,  322,  330,  378,  388. 
Primus  et  Félicien,  157.  409. 
Prisca,  1.'r>. 

Processus  et  Martinien,  157.  409. 
pROTUs  et  Hyacinthe,  158,  409. 
Pudentienne,  157,  163,  409. 
Purification    de  la  S.  V.,  97.  156, 

165,  167,  377,  388,  405,  411. 


QUARANTE  Martyrs,  156,  410. 
Quatre  Couronnés,  159. 

QUENTIN,  159. 
QUINQUAGÉSIME,  139. 


Raimond  Nonnat,  386. 
Raimond  de  Pénafort,  385. 
Rémi,  167,  200,  254,  4îO. 
Rogations,  167. 
Romain,  158,  386. 
Romuald,  329. 
Rosaire,  379,  385. 
Rose  de  Viterre,  386. 
RuEiNE  et  Secunda,  158,  386. 

Saras,  KJO,  166,  386. 

Sabine,  158. 

Samedi  Saint,  142-145,  147,  150. 

Saturnin,  160,  309. 

Savin,  160, 

Scolastique,  156,  166,  386. 

Sébastien,  170. 

Semaine  Sainte,  141. 

Septuagésime,  139. 

Serge  et  Bacchus,  159. 

Sexagésime,  139. 

Silvère,  254,  385. 

SiLVESTRE,  160,  362,  409. 

SiMÉON,  156,  254. 

Simon  et  Jude,  159,  311. 

SOTER  et  Caius,  310,  385. 

Stanislas,  329. 

Suzanne,  410. 

Sympiiorien,  386. 

Symphorose,  158,  386. 

TÉLESPHORE,  156,  254,  385. 

Thècle,  159,  254,  309,  311. 

Théodore,  159. 

Thomas,  160,  328,  404.  406. 

Thomas  o'Agi  in,  255. 

Thomas  de  Cantorrery,  254. 

TinURCE,  Valérien,jMaxime,  156,  158. 

408,  410. 
TiMOTHÉE,  158,  330,  409. 
Toussaint,  159, 166,  201,  257,  388. 
Transfiguration,  107.  202,  255,  293. 

310,  330,  376,  388. 
Trinité,  150,  201-202,  233,  245,  2o0 

251,  255,  262,  293,  376,  388. 
Trypuon,  160,  386. 

Ubald,  386. 
Urbain,  157,  408. 


446 


INDEX   DES    FÊTES. 


LKSLI.E,  309,  386. 

Valentin,  156. 
Venant,  386. 

Vendredi  Saint,  142-144,  147. 
VicTou,  pape,  158,  410. 
Vincent  et  Anastase,  155,  311. 
Vincent  Feuuiek,  256,  386. 
Visitation  de  la  S.  V.,  255-256,  310, 
322,  330,  378,  388,  411. 


Vit  et  Modeste,  157,  WJ. 

Vital,  156,  362. 

Vital  et  Agkicol,  254,  386. 

Wenceslas,  386, 

XiSTis,  91,  158,  410. 

ZÉPUIKIN,  254,  385. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Avant-propos  DE  LA  troisième  édition i-x 

Chapitre  premier.  —  La  genèse  des  heures 1-45 

La  vigile  nocturne  dominicale,  1-13.  —  Vigiles  cimi- 
tériales  et  stationales,  13-15.  —  Vigiles  quotidiennes, 
15-19.  —  Tierce,  sexte,  none,  19-21.  —  Vêpres  et  laudes, 
21-23.  —  La  liturgie  des  heures  à  Jérusalem  à  la  fin 
du  iv«  siècle,  23-29.  —  Le  chant,  psalmus  responsorius 
et  antiphona,  29-35.  —  L'office  des  clercs  et  l'office  des 
moines,  prime  et  complies,  35-44.  —  La  création  de 
l'offiice  achevée  au  vr  siècle,  44-45. 

:    Chapitre  second.  —  Origines  de  l'office  romain.    46-103 

Basiliques  majeures,  titres, 'diaconies,  et  cimetières, 
à  Rome,  46-48.  —  Vigiles  dominicales  et  stationales,  49- 
51.  —  La  psalmodie  archaïque,  51-54.  —  Vigiles  quoti- 
diennes, 55-60.  —  La  Scola  cantoram,  61-67.  —  Saint 
Grégoire  et  l'office  romain,  67-72.  —  Les  monastères 
basilicaux,  72-82.  —  Prestige  de  l'office  de  Saint-Pierre, 
83-88.  —  Les  cimetières  et  les  anniversaires  de  martyrs, 
89-96.  —  Formation  du  sanctoral  romain,  96-99.  — 
L'office  romain  en  France,  100-103. 

Chapitre  troisième.  —  L'office  romain  du  temps 
de  Charlemagne 104-172 

Sources  de  la  description  qui  va  suivre,  104-108.  — 
Vêpres  ;  psaumes,  antiennes,  leçon  brève,  litanie,  108- 
114.  —  Complies,  115-116.  —  Nocturne  :  invitatoire, 
psaumes,  leçons,  répons,  117-124.  —  Second  et  troisième 
nocturnes,  homiliaire,  Te  Deiim,  124-128.  —  Laudes, 
128-129.  —  Cours  diurne,  Prime,  130-133.  —  Le  temps 


448  TABLE    DES    3IATlÈUES. 

de  l'Avent,  133-136.  —  Noël,  Epiphanie,  137-139.  — 
Carême  et  semaine  sainte,  139-146.  Le  temps  de 
Pâques,  Pentecôte,  147-150.  —  Quand  s'est  fixé  le  tem- 
poral, 150-152.  —  Relation  du  sanctoral  et  du  tempo- 
ral, 152-154.  —  Le  calendrier,  155-166.  —  L'office  des 
saints,  167-171.  —  Caractère  général  de  l'office  romain, 
172. 

EXCURSUS  A.  —  Extraits  de  l'Anonyme  de  Gerbert 
(viir  siècle) , 173-178 

Chapitre    quatrième.   —   L'office   moderne    et   les 
Bréviaires  de  la  cour  romaine 179-2<;.) 

Maintien  de  l'office  romain  à  Rome,  du  Yiir  siècle 
au  xir,  179-180.  —  Témoignage  conforme  du  cérémo- 
nial papal,  181-188.  —  Prétendue  réforme  de  Gré- 
goire VII,  188-196.  —  Caractéristiques  de  l'ofïice  mo- 
derne non  romain,  calendrier  et  lectionnaire,  196-203,  — 
L'hymnaire,  203-218.  —  Qiiicumqiie  vult,  suffrages,  office 
quotidien  de  la  Vierge  et  des  morts,  218-233.  —  Le 
Bréviaire  de  l'office,  233-237.  —  Influence  de  la  curie. 
Innocent  III,  237-243.  —  Les  Mineurs  et  le  Bréviaire  de 
la  curie,  Aimon,  243-248.  —  Description  du  Bréviaire 
de  la  curie,  248-262.  —  Reproches  que  la  fin  du  Moyen 
Age  fait  à  ce  Bréviaire,  262-265. 

EXGURSUS    B.  —  Extraits    des    Rubricae    novae 

(xive  siècle) 266-267 

Chapitre  cinquième.  —  Le  Bréviaire  du  concile  de 
Trente 268-33<i 

Les  humanistes,  projets  de  Léon  X,  Ferrcri,  268-274. 
—  Les  réformateurs.  Clément  VII,  le  cardinal  Quigno- 
nez  et  son  Bréviaire,  274-288.  —  Les  réformateurs,  les 
Théatins  et  Paul  IV,  289-294.  —  Pensée  du  concile  de 
Trente,  294-300.  —  Le  projet  de  réforme  des  Théatins 
et  du  concile  exécuté  par  Pie  V,  300-314.  —  Correc- 
tion de  Clément  VIII,  part  de  Baronius,  315-330.  — 
Correction  d'Urbain  VIII,  part  des  Jésuites,  330-339. 

EXCURSUS  C.  —  Rapport  de  Marini  à  Pie  V..     340-3'.:> 


TADLE    DES    MATIERES.  449 

KXCURSl  S  1).  —  Avant  projet  de  la  correction  de 
Clément  VIII 346-349 

KXGURSUS  K.  —  Lettre  du  P.  Strada  à  Urbain  VIII 

350-352 

Chapitre    sixième.  —   Les  projets  de  Benoît  XIV 

353-^26 

Les  corrections  gallicanes  du  Bréviaire  romain, 
M.  de  Ilarlay,  353-357.  —  Le  Bréviaire  parisien  de 
M.  de  Vintimille,  357-368.  —  Congrégation  de  la  ré- 
forme du  Bréviaire  romain  nommée  par  Benoît  XIV, 
369-374.  —  Résumé  des  travaux  des  consulteurs,  374-388. 
—  Pensée  intime  de  Benoît  XIV,  388-392.  —  Une  com- 
mission cardinalice  est  nommée,  .392-394.  —  Derniers 
travaux,  394-402.  —  Résumé  des  corrections  proposées 
au  pape,  402-412.  —  Critique  de  ces  propositions, 
412-418.  —  Benoît  XIV  meurt  sans  avoir  décidé,  418- 
424.  —  Les  derniers  projets  de  correction,  de  Be- 
noît XIV  à  Léon  XIII,  424-426. 

Conclusion 427-431 

Index  des  noms  propres 433 

Index  des  fêtes 442 


HISTOIRE    DU    BRÉVIAIRE   ROMAIN.  29 


Nihil  obstat. 
H.  Lesêtre. 


Imprimatur,  Parisiis,  die  2'>  dec.  i9i0. 
P.  Pages. 


TYPOGRAPHIE   FIRMIN-DIDOT   ET   C'".   —   PARIS. 


TEXTES     ET     DOCUMENTS 

POUR 

L'ÉTUDE  HISTORIQUE 
DU    CHRISTIAISISME 

Publiés  sous  la  direction  de  HIPPOLYTE  HEMMER 
et  PAUL  LEJAY 

Le  format  de  la  collection  est  in-l2. 

'OUI-  chaque  auteur  on  donne  le  texte,  la  traduction  française  en  regard, 
une  introduction  et  un  index. 


VIENT  DE  PARAITRE 


13.  ÉVANGILES  APOCRYPHES.  I  :  Protévangile  de  Jacques, 
Pseudo-Matthieu.  Evangile  de  Thomas,  ^av  Charles  Michel, 
correspondant  de  l'Institut,  professeur  à  l'Université  de 
Liège.  —  Histoire  de  Joseph  le  Charpentier,  par  P.  Peeters, 
Bollandiste.  1  vol.  ;  {xl-255  p.) 3  fr. 

Les  Évangiles  apocryphes  contenus  dans  ce  volume  ont  trait  sur- 
tout à  l'enfance  de  Jésus,  à  sa  vie  cachée  à  Nazareth,  à  la  vie  de 
la  Vierge  et  à  celle  de  saint  Joseph.  —  Ces  textes  présentent  le  plus 
vif  intérêt,  car  jusqu'au  iv»  et  même  vi»  siècle,  ils  eurent  la  plus 
grande  vogue  et  furent  lus  par  les  fidèles  concurremment  avec  les 
textes  canoniques,  — Leur  faveur  continua,  du  reste,  plus  tard  même 
quand  on  les  sépara  nettement  des  Ecrits  reconnus  par  l'Eglise 
comme  saci-és.Les  gracieuses  légendes,  les  anecdotes  précises  rap- 
portées par  les  Apocryphes,  intéressaient  le  peuple  et  lui  donnaient 
les  détails  qu'il  désirait  connaître  sur  le  Sauveur,  ses  parents,  son 
entourage,  et  dont  étaient  plus  sobres  les  Evangiles  canoniques. 
Aussi  les  artistes  du  moyen  âge  se  sont-ils  largement  inspirés  des 
apocryphes,  trouvant  de  nombreux  motifs  dans  leurs  scènes  préci- 
ses et  pittoresques,  familières  à  la  foule  pieuse  se  pressant  dans  les 
cathédrales  —  et  les  archéologues  sauront  gré  aux  éditeurs  de  ce 
volume  de  leur  permettie  d'identifier  ainsi  plus  aisémeut  maints 
chapiteaux  ou  maintes  sculptures.  —  Ajoutons  que  l'Histoire  de 
Joseph  le  Charpentier  est,  pour  la  première  fois,  mise  à  la  portée 
des  lecteurs  français.  Les  auties  textes  suivront  en  trois  autres 
volumes  de  grosseur  diverse. 

Volumes  parus  précédemment  : 

1.  JUSTIN,  Apologies,  par  Louis  Pautigny,  agrégé  de  l'Uni- 
versité, 1  vol.  (xxxvi-200  p.) 2fr.  50 

L'auteur,  élevé  dans  le  paganisme,  formé  à  l'école  des  plus 
célèbres  philosophes  de  son  temps,  met  au  service  de  sa  nou- 
velle croyance  son  talent  et  le  crédit  que  donnait  à  ses  écrits  sa 
haute  culture  intellectuelle.  Réfutant  les  accusations  portées  contre 
les  chrétiens,  il  montre  l'illégalité  des  mesures  prises  contre  eux 


et  lento  le  premier  essai  de  eonelliation  entre  la  phllosopiiie  et  le 
christianisme.  Au  point  de  vue  dogmatique,  son  œuvre  est  de  haute 
valeur,  car  on  y  trouve  une  exposition  aussi  nette  que  possible 
et  systématique  de  la  doctrine  enseignée  dans  l'Eglise  aux  fidèles. 
Au  point  de  vue  de  son  exégétique  ce  traité  n'est  pas  moins  capital, 
car  les  citations  de  l'Ancien  Testament  et  des  Evangiles  abondent 
sous  la  plume  de  Justin  et  il  nous  donne  donc  le  degré  de  respect 
et  de  confiance  que  l'on  avait  à  ce  moment  dans  les  textes  sacrés, 
les  rapports  qu'on  établissait  entre  eux,  —  ceux  que  l'on  révérait 
davantage.  Enfin,  l'historien  y  trouve  également  lesplus  précieux  dé- 
tails, surtout  au  point  de  vue  liturgique,  car  Justm,  voulant  mon- 
trer l'inanité  des  accusations  calomnieuses  lancées  contre  la  vie 
des  chrétiens,  décrit  minutieusement  leurs  assemblées. 

2  et  14.  EUSÈBE,  Histoire  ecclésiastique,  livres  I-VIII,  par 
Emile   Grapin,  curé-doyen  de  Nuits  (Gôte-d'Or),  2  vol.  9  fr. 

L'importance  du  texte  d'Eusèbe  de  Césnrée,  considéré  ajuste 
titre  comme  le  Père  de  l'Histoire  ecclésiastique,  n'est  plus  à  dé- 
montrer. 

«  S'il  n'avait  pas,  avec  une  diligence  sans  égale,  fouillé  les  biblio- 
«  thèques  palestiniennes  où  le  docteur  Origèrie  et  l'évèque  Alexan- 
«  dre  avaient  recueilli  toute  la  littérature  chrétienne  des  temps 
«  anciens,  nos  connaissances  sur  les  trois  premiers  siècles  de 
«  l'Eglise  se  réduiraient  à  bien  peu  de  choses. 

«  Grâce  à  lui,  nous  nous  trouvons  en  mesure,  non  sans  doute  de 
*  ne  pas  regretter  le  naufrage  de  cette  littéi  ature,  mais  au  moins 
«  de  pouvoir  l'apprécier  sur  de  notables  débris.  »  C'est  ainsi  que 
s'exprime  Ms""  Duchesne  au  début  de  son  Histoire  ancienne  de  l'Eglise. 
Sans  posséder  la  critique  rigoureuse  que  nous  estimons  à  juste  titre 
la  qualité  maîtresse  des  historiens,  Eusèbe,  cependant,  rejette  avec 
beaucoup  plus  de  soin  qu'on  ne  le  faisait  avant  lui  et  qu'on  ne  le 
tit  ensuite,  les  faits  douteux  et  les  récits  fabuleux.  Surtout,  il  com- 
prit l'intérêt  capital  du  grand  fait  philosophique  qu'était  le  chris- 
tianisme et  chercha  à  dégager  la  philosophie  de  l'histoire.  Il  dit 
expressément  ne  pas  écrire  comme  ses  devanciers  seulement  le 
récit  de  batailles  ou  de  conquêtes. 

L'introduction  et  la  table  paraîtront  dans  le  tome  III  et  dernier 
qui  contiendra  les  deux  derniers  livi-es. 


3.  TERTULLIEN,  de  Pœniteniia,  de  Pudicitia,  par  Pierre  de 
Labriolle,  professeur  à  l'Université  de  Fribourg  (Suisse) 
(LXvii-237  p.) 3  fr. 

Le  raprochement  des  deux  traités  inclus  dans  ce  volume  n'est  pas 
arbitraire.  Dans  l'un  et  l'autre,  Tertullien  propose  sa  solution,  disons 
plutôt  ses  solutions,  à  lun des  problèmes  moraux  qui  ont  le  plus 
préoccupé  les  premiers  siècles  chrétiens,  savoir  :  dans  quelle  me- 
sure convenait-il  de  faire  fléchir  au  bénéfice  du  pécheur  oublieux 
des  promesses  baptismales,  la  loi  de  rigueur  qui,  aux  yeux  de 
beaucoup,  lui  interdisait  tout  espoir  de  réconciliation  avec  l'Eglise? 

En  comparant  le  de  Pudicitia  au  de  Pœnitentia,  on  peut  suivre  le 
progî'ès  de  la  pensée  de  Tertullien,  et  comment,  d'un  traité  à  l'autre, 
elle  s'est  enrichie,  modifiée,  surtout  contredite,  quitte  à  plier  les 
mêmes  arguments  à  des  conditions  toutes  opposées. 

Les  questions  de  détails  que  soulève  l'étude  de  ces  opuscules  sont 
traitées  dans  V introduction  à  laquelle  les  plus  récents  travaux  servent 
de  substructure.  D'abondantes  notes  critiques  et  explicatives,  un 
savant  Index  où  toutes  les  expressions  du  latin  juridique  et  du 
«  latin  d'Eglise  »  sont  notées  avec  renvois  aux  ouvrages  spéciaux, 
achèvent  de  donner  à  ce  volume  un  intérêt  véritablement  scienti- 
fique. Ajoutons  que  la  traduction  elle-même,  très  littéraire  et  pour- 
tant très  dégagée,  lutte  de  façon  heureuse  avec  le  style  si  com- 
plexe et  si  personnel  de  Tertullien. 


4.  TERTULLIEN,  de  Pnesciiptioiie  JiœreLicoram,  par  Pierre  de 
LabrioUe,  prof,  à  l'Université  de  Friboiirg  (Suisse)  (lxviii- 
114p.) :.:    2fr. 

Pour  qui  veut  connaître  la  dialectique  inexorable  et  passionnée 
du  grand  champion  de  l'Eglise,  au  iii«  siècle,  c'est  le  de  Prsescrip- 
tione  qu'il  faut  lire.  Nulle  part  son  ardeur  à  convaincre,  sa  haine  de 
toute  pensée  hétérodoxe  ne  s'est  manifestée  avec  plus  d'éclat. 
Quant  à  l'idée  maîtresse  qui  constitue  le  fond  du  traité,  il  est  certain 
qu'elle  a  exercé  la  plus  grande  inlluence  sur  la  polémique  à  venir. 
Comme  on  l'a  dit  très  justeuient,  elle  a  servi  de  morale  à  la  pensée 
catholique.  On  trouvera  dans  V introduction  l'histoire  de  cette  in- 
fluence avec  des  indications  précises  sur  les  sources  du  traité,  l'ori- 
gine juridique  et  l'argument  de  prescription  et  toutes  les  questions 
connexes. 

5,  10  et  12.  LES  PÈRES  APOSTOLIQUES.  I  :  Doctrine  des 
apôtres,  épilre  de  Barnabe,  par  Hippolyte  Hemmer,  Gabriel 
Ogeret  A.  Laurent  (gxvi-122  p.) 2  fr.  50 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'intérêt  de  ces  textes  les  plus  véné- 
rables parmi  le.s  témoins  de  la  tradition  catholique.  Le  princi- 
pal intérêt  de  la  Didaché  réside  dans  le  tableau  qu'elle  nous  trace 
des  institutions  chrétiennes.  Elle  nous  apporte  des  renseignements 
souvent  uniques  sur  la  pratique  des  premières  communautés,  sur 
le  baptême,  les  jeûnes,  les  temps  de  la  prière,  l'eucharistie,  le  mi- 
nistère de  la  parole,  la  hiérarchie,  la  pénitence.  L'Epitre  de  Bar- 
nabe est  destinée  à  conjurer  le  danger  qui  menaçait  la  foi  d'une 
communauté  chrétienne;  elle  se  divise  en  deux  parties  —  la  pre- 
mière est  un  traité  d'apologétique  contre  les  Juifs  —  la  seconde  une 
exhortation  morale  — où  sont  développés  les  principaux  points  de 
la  doctrine  chrétienne  :  amour  du  Créateur  et  Rédempteur,  humilité 
et  douceur  de  cœur,  pureté,  etc.  Les  deux  textes  sont  édités  avec 
le  plus  grand  soin  et  la  longue  introduction  qui  les  précède  donne 
tous  les  renseignements  utiles  sur  les  problèmes  qu'ils  soulèvent. 

II  :  Clément  de  Rome  :  Épître  aux  Corinthiens,  homélie  du 
ii«  siècle,  par  Hippolyte  Hemmer.  1  vol.  (Lxxiv-20i)...     3  fr. 

La  longue  et  substantielle  introduction  de  l'éditeur  donne  tous  les 
renseignements  utiles  sur  ce  texte  si  important  et  sur  lequel  on  a 
tant  écrit.  L'auteur  y  traite  les  sujets  suivants  :  I.  Histoire  de 
Clément;  IL  Analyse  de  l'Epître;  III.  Authenticité  de  l'Epître  ; 
IV.  Date  de  la  composition;  V.  Occasion,  but  et  caractère  de  la 
lettre;  VI.  Institutions,  doctrines  et  histoire  (l'Ecriture  Sainte  dans 
l'Epître  de  Clément,  l'organisation  de  la  Communauté  chrétienne, 
la  prééminence  de  l'Eglise  romaine,  la  persécution  de  Néron,  Doc- 
trines sur  Dieu,  le  Christ,  la  Trinité);  VIL  La  Grande  Prière; 
VIII.  Histoire  du  Texte.  Pour  V Homélie  du  w  siècle,  l'auteur  ex- 
pbque  pourquoi  ce  texte  ne  peut  être  de  Clément,  ce  qu'il  est  en 
réalité,  l'analyse  en  détermine  l'origine  et  en  résume  le  contenu 
doctrinal. 

III.  Ignace  d'Antiociie,  Polycarpe  de  Smyrne  :  Epitres. 
Martyre  de  Polycarpe,  texte,  traduction,  introduction  et  in- 
dex par  Auguste  Lelong,  agrégé  de  l'Université.  1  vol.  in-12 
(LXXX-187-p.) 3  fr. 

Dans  ce  petit  volume,  se  trouvent  rassemblés  trois  documents  de 
la  plus  haute  importance  pour  l'histoire  du  Christianisme  au 
II''  siècle  :  Les  sept  Épitres  authentiques  de  saint  Ignace  (vers  l'an 
110),  l'Epître  de  saint  Polycarpe  (même  époque)  et  le  Mar'tyre  de  saint 
J'olycarpe  (en  156).  Les  Èpîtres  de  saint  Ignace,  chaleureux  plaidoyer 
en  faveur  de  la  hiérarchie  ecclésiastique,  sont  le  plus  ancien  docu- 


meut  lelatif  ù  l'i^piscupat  unituii'e  et  iiionai'cliique,  tel  que  nous  li 
voyons  fonctionner  aujourd'liui  dans  l'Eglise;  elles  sont  donc  I 
ijase  de  toute  élude  sur  l'origine  de  l'épiscopat,  de  là,  la  violencr 
particulière  des  polémiques  dont  elles  ont  été  l'objet.  Elles  con- 
tiennent aussi  de  curieux  rensignements  sur  le  Docétisme  et  le 
Judéo-christianisme.  Au  point  de  vue  littéraire,  remarquer  l'admi- 
rable Epîtce  aux  Romains,  «  l'un  des  jovaux  de  la  littérature  chré- 
tienne primitive  »  (Renan).  L'Epître  de  saint  Polycarpc  a  pour  inté- 
rêt spécial  d'être  le  principal  garant  de  l'authenticité  des  Epîtres 
de  saint  Ignace.  Le  récit  du  martyre  de  saint  Polycarpe,  déjà  très 
intéressant  par  lui-même,  l'est  encore  davantage"^ par  ce  fait  qu'il 
est  le  plus  ancien  exemple  connu  des  Actes  de  martyre  et  le  mofiè'.e 
qu'on  imita  dans  la  suite  pour  ces  sortes  de  compositions.  Dans 
l'Introduction,  l'éditeur  s'est  attaché  surtout  à  deux  points  :  1"  bien 
établir  l'authenticité  de  ces  trois  ouvrages  :  2°  en  dégager  nette- 
ment le  contenu  doctrinal.  La  traduction  particulièrement  difticile 
en  ce  qui  concerne  le  texte  souvent  obscur  et  toujours  mouve- 
menté de  saint  Ignace,  n'a  pas  seulement  le  mérite  d'une  scrupuleuse 
exactitude,  mais  encore  celui  d'une  parfaite  clarté. 

6.  GRÉGOIRE  DE  NAZIANZE,  Discours  funèbres  en  l'honneur 
de  son  frère  Césaire  et  de  Basile  de  Césorée,  par  Fernand 
Boulanger,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  libre  des 
lettres  de  Lille  (cxv-252  p.) 3  fr. 

La  réputation  de  Grégoire  de  Nazianze  n'eut  peut-être  pas 
d'égale  dans  toute  l'histoire  de  l'Eglise  grecque.  Les  rhéteurs  de 
Byzance  le  citent  comme  un  modèle  désormais  classique,  ils  ne  le 
mettent  guère  au-dessous  de  Démosthène,  ils  le  placent  parfois  au- 
dessus.  —  Bien  que  nous  soyons  plus  sensibles  qu'eux  aux  défauts 
réels  du  grand  orateur,  les  deux  discours  que  renferme  ce  volume 
n'ent  ont  pas  moins  un  très  grand  intérêt  littéraire  et  historique.  On 
y  trouve  de  nombreux  renseignements  sur  une  époque  importante 
de  l'histoire  de  l'Eglise  et  sous  la  plume  d'un  témoin  particu- 
lièrement bien  informé,  notamment  sur  la  cour  de  Byzance,  sur 
la  vie  et  les  mœurs  des  étudiants  à  Athènes,  sur  l'élection  desévê- 
ques  et  les  compétitions  auxquelles  elle  donnait  lieu,  sur  la  lutte 
entreprise  par  les  Cappadociens  conire  l'arianisme  pour  l'ortho- 
doxie, bref  sur  l'influence  considérable  exercée  dans  le  domaine 
religieux,  politique  et  social  par  les  grands  évêques  de  cette  époque . 


7.  GRÉGOIRE  DE  NYSSE,  Discours  catéchétique,    par  Louis 
Méridier,  docteur  es  lettres.  1  vol.  in-12,  br.  (lxxxv-211  p.). 

3  fr. 

Dans  l'œuvre  considérable  de  Grégoire  de  Nysse,  le  Discours  caté- 
chétique Weni  une  place  très  importante.  L'auteur  l'a  composé  au  mo- 
ment où  déjà  par  l'éclat  de  ses  discours,  la  profondeur  de  ses  écrits, 
il  occupait  le  premier  rang  de  l'épiscopat  d'Orient,  et  était  tenu 
pour  un  des  représentants  le  plus  autorisés  de  la  doctrine  ortho- 
doxe. Les  circonstances  politiques  (mort  de  Valens,  concile  do 
Constantinople)  se  prêtaient  particulièrement  à  un  exposé  d'en- 
semble de  la  foi  :  il  était  opportun  de  lixer  la  place  et  la  portée  d^s 
dogmes  définis  récemment. 

Le  Discours  catéchétique  s'adresse  aux  Catéchistes  et  se  présente 
comme  un  manuel  destiné  à  fournir  une  réponse  à  des  objections 
courantes.  Or,  les  objections  prévues  portant  sur  tous  les  pomts 
essentiels  de  la  foi,  Gré^oii-e  de  Nysse  en  y  répondant  est  amené 
à  esquisser  dans  ses  grandes  lignes,  et  i)ar  endroits  dans  ses  ùl 
tails,  le  svstème  tliéologique  auquel  il  s'attache.  En  outre,  les  sujei. 
traités  sont  rangés  d'après  leur  ordre  logique  ou  historique,  de 
telle  sorte  que  l'ouvrage  se  présente  comme  une  histoire  suivie  de 
l'homme  depuis  sa  création  jusqu'aux  effets  de  la  rédemption.—  II 
est  inutile  d'insister  sur  l'intérêt  d'un  pareil  texte. 


8  cL  il.  JUSTIN,  Dialogue  avec  Tvypiioii,  puiGeoij^u»  Archam- 
bault,  directeur  à  l'École  Fénelori.  2  vol.  in-12  (c-362  p.- 
396) 7  fr. 

Le  Dialogue  avec  Tryphon  de  JusTiN,  moins  connu  généralement 
que  les  Apologies,  ne  précise  pas  seulement  nombre  de  conceptions 
tlîéologiques  déjà  exposées  dans  celles-ci,  mais  constitue  un  docu- 
ment très  important,  unique  presque,  sur  l'attitude  que  les  chrétiens 
avaient  prise  vers  le  milieu  du  second  siècle  vis-à-vis  du  Judaïsme 
et  de  l'Ancien  Testament.  Ce  n'est  pas  encore  l'allégorisme  aigu 
d'Origène,  mais  les  méthodes  philoniennes  d'interprétation  s'y  font 
déjà  très  nettement  sentir;  et  comme  elles  ne  furent  pas  sans  in- 
fluence sur  la  formation  de  la  théologie  chrétienne  il  importe  à  qui- 
conque s'occupe  de  théologie  et  d'histoire  de  l'Eglise  de  pouvoir 
étudier  commodément  cet  ouvrage. 

La  présente  édition  a  pour  but  de  faciliter  cette  tâche.  Elle  est 
basée  sur  une  revision  entière  du  texte  d'après  le  ms.  de  la  Bi- 
bliothèque Nationale,  le  seul  qui  doive  compter  d'après  les  conclu- 
sions développées  par  l'auteur.  Cette  édition  est  précédée  d'une  intro- 
duction de  cent  pages,  où  sont  traités  les  principaux  problèmes 
d'ordre  littéraire.  La  traduction  française  mise  en  regard  du  texte 
a  été  rendue  aussi  claire  et  exacte  que  possible,  et  est  accom- 
pagnée de  notes  abondantes  où  on  a  voulu  signaler^au  fur  et  à 
mesure  les  différentes  questions  posées  par  les  ouvrages  de  Justin. 
Le  lecteur  y  trouvera  les  résultats  des  plus  récentes  recherches 
faites  à  ce  sujet.  L'index  qui  termine  le  tome  II  donne  les  prin- 
cipaux mots  grecs  employés  par  Justin  dans  le  Dialogue  et  en  faci- 
lite singulièrement  l'usage. 

9.  FHILON,  Commentaire  allégorique  des  saintes  Lois.  Traités 
I  à  III,  par  M.  Emile  Bréhier,  maître  de  conférences  à  l'Uni- 
versité de  Rennes.  1  vol.  in-12  (xxxviii-330  p.)....    3  fr.  50 

Les  trois  traités  du  Commentaire  allégorique  des  saintes  Lois  for- 
ment le  début  du  vaste  Commentaire  allégorique  de  la  Genèse, 
c'est-à-dire  de  l'ensemble  d'écrits  qui  nous  fait  le  mieux  pénétrer 
dans  la  pensée  et  la  méthode  de  Philon.  L'exégèse  allégorique 
tient  ici  toute  la  place  et,  avec  rexplication  littérale,  disparaissent 
aussi  les  préoccupations  d'ordre  pratique  :  apologétique  et  propa- 
gande. Ces  trois  traités  peuvent  d'ailleurs  d'autant  mieux  donner 
une  idée  complète  de  la  méthode  de  Philon,  que  notre  auteur  se 
répète  souvent,  et  qu'il  n'est  guère  un  des  points  importants  de  sa 
doctrine  (en  morale,  en  métaphysique  et  en  psychologie)  qui  n'y 
soit  tout  au  moins  indiqué.  L'on  a  pu  profiter,  pour  le  texte  grec, 
des  volumes  parus  de  la  grande  édition  Cohn  et  Wendland. 


BIBLIOTHÈQUE   D'HISTOIBE  RELIGIEUSE 


Cette  collection  a  pour  but  de  satisfaire  la  curiosité  sans 
cesse  croissante  du  public  éclairé  et  instruit  sur  les  questions 
touchant  de  près  ou  de  loin  à  l'histoire  des  religions.  C'est 
dire  l'extrême  variété  des  volumes  qui  la  composeront  et  qui 
pourront  traiter  aussi  bien  des  premières  manifestations  des 
cultes  primitifs  que  des  événements  presque  contemporains. 
Les  volumes  de  la  collection  sont  de  format  in-12. 


Volumes  parus  : 

1,2  et  4.  L'ÉGLISE   DE    PARIS    ET  LA  RÉVOLUTION,  par  P. 

PiSANi,  chanoine  de  Noire-Dame  de  Paris,  docteur  es  lettres, 
professeur  à  l'Institut  Catholique  de  Paris. —  1.(1789-1792). 
—IL  (1792-1796).— III  (1796-17y9).  -  Chaque  volume.  3  fr.  tO 

M.  Pisani  s'est  proposé,  dans  cette  série  de  volumes,  de  présenter 
au  public  riiistoire  impartiale  et  appuyée  sur  les  documents  au- 
thentiques des  rapports  du  nouveau  gouvernement  de  la  Errance 
avec  l'église,  dans  la  capitale  même  du  pays.  L'importance  des  évé- 
nements de  Paris  pendant  toute  la  Révolution  donne  un  intérêt  de 
premier  ordre  à  cet  épisode  de  l'histoire  religieuse  de  la  France,  et 
les  travaux  et  articles  précédemment  publiés  sur  ces  sujets  par 
l'auteur,  ont  permis  d'apprécier  sa  méthode  précise,  son  élégante 
exposition,  et  la  loyale  franchise  de  ses  jugements. 

I.  Le  diocèse  de  Paris  en  1180.  —  11.  Les  élections  du  clergé  de  Paris  en 
1189.  — III.  Antoi'ne-Eléonore  de  Juigné,  archevêque  de  Paris.  — 
IV.  Législation  religieuse  de  la  Constituante. —  La  religion  d'État. —  Les 
biens  du  clergé.  —  La  confiscation.  —  V.  Législation  religieuse  de  la 
Constituante.  —  VI.  Législation  religieuse  de  la  Constituante.  — La  cons- 
titution civile  du  clergé.  —  VII.  L'Eglise  constitutionnelle  à  Paris.  — Son 
organisation.  —  Ses  premières  difficultés.  —  VIII.  L'Eglise  insermentée 
à  Paris.  -  Entraves  à  la  libertée  garantie  pur  la  loi.  —  La  déportation 
des  insermentés.  —  IX.  La  journée  du  10  Août,  —  Le  serment  de  liberté- 
égalité,    —  X.  La  loi  de  déportation 

TABLE  DES  MATIÈRES  DU   TOME   DEUXIÈME  : 

I.  Le  clergé  de  Paris  en  1193.  —  Le  clergé  insermenté.  — II.  Le  clergé 
de  Paris  en  1193.  —  Les  assermentés.  —  III.  La  Terreur.  —  IV.  La 
Terreur  (suite). —  V.  Le  9  thermidor.  —  "VI.  La  réouverture  des  églises.  — 
VII.  Politique  religieuse  de  la  Convention  en  1195.  —  VIII.  Le  directoire, 
et  l'église  de'  Paris  en  1195.  —  IX.  Le  culte  à  Paris  au  commencement  de 
l'année  1196.  —  Table  des  noms  de  personnes. 

I.  Le  Directoire  et  le  clergé  assermenté  en  1795.  —  II.  Les  Constitu- 
tionnels en  1795.  —  III.  Le  Directoire  et  le  Pape  (1796  1797).  —  IV. 
Les  polémiques  de  l'abbé  de  Boulogne.  —  V.  Le  Concile  national 
(Je  1797.  —  VI.  Les  Théophilantbropes.  —  VII.  Royer,  évêque  de 
Paris.  —  VIII.  La  persécution  fructidorienne.  —  IX.  Le  culte  déca- 
daire. —  X.  La  cathédrale  et  les  églises  de  Paris  sous  le  Directoire. 

3.  ÉTUDES  SUR  LA  RÉFORME  FRANÇAISE,  par  Henri  Hau- 
SER,  professeur  à  l'Université  de  Dijon.  1  vol.  in-12,   3  fr.  50 

De  l'humanisme  et  de  la  Réforme  (1512-1552).  —Un  nouveau  texte 
sur  Aimé  Maigret.  —  La  Réforme  et  les  clas  ses  populaires  en 
France  au  xvi"  siècle.  —  Étude  critique  sur  la  «  Rebeine  »  de 
Lyon  (1529).  —  Les  Consulats  et  la  Réforme  (1532-1537).  —  Notes 
et*  documents  sur  la  Réforme  en  Auvergne.  —  Petits  livres  du 
xvi«  siècle.  —  Une  source  importante  en  martyrologe  de  Crespin  : 
.  l'histoire  des  persécutions  de  l'église  de  Paris  »,  d'Antoine 
de  Chaudieu. 

Luther  et  le  Luthéranisme.  Étude  faite  d'après  les  sources, 
par  Henri  Denifle,  de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs.  Tra- 
duit de  l'allemand  avec  une  préface  et  des  notes,  par  J.  Pa- 
ouiER,  docteur  es  lettres,  ancien  administrateur  de  l'Église 
de  la  Sorbonne.—  T.  1.,  1  vol.  in-12  (lxxii-392  p.).    3  fr.  50 

«  L'ouvrage  du  P.  Déni  lie  a  produit  en  Allemagne  une  grande 
émotion.  Les  polémiques  qu'il  a  suscitées  et  qu'il  continue  d'ali- 
menter rappellent  celles  qui  avaient  eu  lieu  autour  des  œuvres 
similaii-es  de  Doellinger  et  de  Janssen.  Cet  ouvrage  est  loin  d'être 
une  simple  contribution,  à  l'iiistoire  du  protestantisme,  il  touche 


iiuiài  bien  ù  riiisluire  générale,  à  la  tliéologlo  scolastique,  mystique 
ou  patristique,  à  l'exégèse;  on  y  trouve  une  étude  profonde  de 
psychologie,  et  de  controverse  dogmatique.  C'est  une  véritable 
encvclopédie,  le  dernier  effort  d'un  puissant  esprit  qui,  pendant  de 
longues  années,  avait  promené  son  activité  intellectuelle  de  l'étude 
de  la  philosophie  et  de  la  théologie  scolastiques  à  celles  des  mystiques 
allemands  du  xiv«  siècle,  et  qui,  à  des  travaux  sur  la  paléographie 
et  la  diplomatique  avait  ajouté  des  études  magistrales  sur  les  uni- 
versités au  moyen  âge  et  sur  la  désolation  des  églises  de  France 
pendant  la  guerre  de  Cent  Ans. 

«  Bien  n'a  été  épargné  pour  que  cette  traduction  fût  d'une  lec- 
ture utile  et  agréable.  Tous  les  passages  de  textes  latins  et  autres 
langues  étrangères  cités  par  Denifle  ont  été  traduits  sur  les  origi- 
naux et  des  inadvertances  ont  été  ainsi  rectifiées.  On  a  rejeté  en 
note  tout  ce  qui  était  de  nature  à  déparer  un  texte  fi-ançais.  Des 
notes  ont  été  ajoutées  pour  rendre  les  renseignements  donnés  par 
Denifle  plus  clairs  et  plus  utiles,  et  pour  mettre  le  lecteur  au  cou- 
rant des  travaux  les  plus  récents.  » 

Préface  du  traducteur.  —  Préface  de  la  seconde  édition.  —  Intro- 
duction. 

Livre  premier.  —  Examen  Critique  des  historiens  protestants  de 
Luther  et  des  théologiens  protestants. 

Première  partie  :  De  l'ouvrage  et  de  l'enseignement  de  Luther 
sur  les  vœux  monastisques.  I  :  Aperçu  des  idées  de  Luther  sur 
l'état  religieux  pendant  sa  vie  monastique.  II:  Saint  Bernard  a-t-il 
réprouvé  les  vœux  et  la  vie  monastiques?  III  :  Le  supérieur  peut-il 
accorder  une  dispense  générale  ?  Luther  avait-il  fait  vœu  d'observer 
toute  la  règle  ?  IV  :  But  de  l'année  de  probation  d'après  Luther.  V  : 
Les  vœux  nous  détachent-ils  du  Christ?  En  entrant  dans  un  ordre 
prend-on  un  autre  guide  que  le  Christ? VI  :  Sophismes  et  énor- 
mités  de  Luther  sur  les  vœux  monastiques  et  particulièrement 
sur  le  vœu  de  chasteté.  Astuce  de  Luther,  ses  excitations  au  men- 
songe. VII  :  Principes  fondamentaux  de  la  doctrine  catholique 
sur  la  préfection  chrétienne  et  l'idéal  de  la  vie.  VIII  :  Doctrine  de 
saint  Thomas  d'Aquin  et  des  autres  docteurs  jusqu'à  Luther  sur 
l'idéal  de  la  vie  et  sur  les  conseils  évangéliques.  IX  :  Sophismes 
et  falsifications  de  Luther  au  sujet  de  la  perfection  chrétienne.  X  : 
Les  déclarations  de  Mélanchton  et  de  la  confession  d'Augsbourg 
sur  l'état  religieux.  Les  théologiens  protestants  modernes. 

En  préparation  :  tome  II  et  suivants. 

En    préparation  : 

FouGART  (Georges),  professeur-adjoint  à  la  Faculté  des  lettres 
de  l'Université  d'Aix-Marseille.  —  LA  MÉTHODE  COMPA- 
RATIVE DANS  L'HISTOIRE  DES  RELIGIONS.  —  2«  édition 
revue  et  augmentée.  —  1  volume. 

BATIFFOL  (Mgr  P.).  Histoire  du  bréviaire  romain,  troisième 
édition  entièrement  remaniée.  1  vol.  in-12 3  fr.  50 

Cette  édition  est  pour  ainsi  dire  un  livre  nouveau.  Le  titre  des 
chapitres  est  demeuré  le  même,  mais  les  chapitres  eux-mêmes  ont 
été  pour  ainsi  dire  récrits,  les  notes  également.  Il  est  inutile  de  dire 
que  toute  la  littérature  du  sujet  depuis  la  dernière  édition  a  été  uti- 
lisée avec  la  conscience  scientifique  qu'apporte  l'auteur  dans  tous 
ses  écrits. 

Histoire  de  la  Compagnie  de  Jésus  en  France,  des  oi'igines 
à  la  suppression  [1528-1762).  Tome  P«-.  Les  origines  et  les 
premières  luttes  (1528-1575).  par  le  P.  Henri  Fouqueray,  S.  J. 
1  vol.  in-8  (xxv-673  p.) 10  fr. 

Bien  qu'on  ait  beaucoup  écriten  sens  divers  sur  la  Compagnie  de 
Jésus,  elle  n'avait  pas  encore  d'histoire  digne  de  ce  nom  en  France. 
Et  pourtant,  dès  son  apparition,  grâce  à  la  valeur  de  ses  chefs,  au 
recrutement  incomparable  de  ses  membres,  son  rôle  religieux  est 
tel,  que  l'histoire  générale  ne  peut  ignorer  l'Ordre  dont  les  maisons 


(l'éducation  se  multiplient,  l'Ordre  dont  les  conseils  et  l'innuenct; 
se  font  sentir  auprès  des  plus  puissants  soutiens  du  pouvoir  central. 
Aujourd'hui,  grâce  à  une  intelligente  initiative,  l'auteur  de  cette 
histoire  a  pu  utiliser  tous  les  documents  si  instructifs  des  Archives 
de  la  Compagnie  et  y  ajouter  la  riche  moisson  des  recherches 
collectives  menées  dans  tous  les  dépôts  puhlics.  Une  hahile  mise 
en  œuvre  permet  au  lecteur  de  suivre  aisément  une  histoire  com- 
plexe et  abondante  en  détails  ;  on  en  jugera  l'intérêt,  detoutpremiei- 
ordre,  par  le  seul  énoncé  des  chapitres  du  tome  I«'". 

Livre  premier  :  Les  Origines  (1528-1552).  Chapitre  T.  Ignace  de 
Loyola.  Ses  études  à  Paris  (1528-1535).  II.  Les  premiers  compagnons 
d'Ignace  et  les  vœux  à  Montmartre  (1533-1536).  III.  Fondation  et 
approbation  delà  Compagnie  de  Jésus  (15.37-1541).  IV.  Le  livre  des 
Exercices  spirituels  (1522-1548).  V.  Les  constitutions  (1540-1552). 

lA\re  âeuxième  :  L'ctablissemc?ît  e7i  France  (i5^i0-156^j).  Chapitre  I. 
Le  collège  des  Trésoriers  et  le  collège  des  Lombards  (1540-1549). 
II.  L'Hôtel  de  Clermont  (1550-1554).  III.  Fondation  du  collège  de 
Billom  (1553-1560).  IV.  Lutte  pour  le  droit  de  naturalisation,  jusqu'à 
la  mort  de  saint  Ignace  (1551-1556).  V.  Élection  de  Lainez  au  Géné- 
ralat.  Suite  de  la  lutte  pour  le  droit  de  naturalisation  (1558-1560). 
VI.  Assemblées  de  Poissy.  Admission  légale  de  la  Compagnie  de 
Jésus  (1560-1563).  VIL  Essai  de  fondation  d'un  collège  à  Pamiers 
(1559-1561).  VIII.  Etablissement  des  Jésuites  au  collège  de  Tournon 
(1.560-1562).  IX.  Visite  du  P.  Nadal,  Commissaire  général  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  Fondation  du  collège  de  Rodez  (1.561-1502). 
X.  Visites  du  P.  Olivier  Manare.  Fondation  des  collèges  de  Mauriac 
et  de  Toulouse  (1563-1564).  XL  Travaux  apostoliques  des  PP.  Louis 
Coudret,  Antoine  Possevin  et  Emond  Auger  (1558-1564). 

Livre  troisième  :  Premiers  déi>elappements  (156^1-1575).  Chapitre  I. 
L'ouverture  du  collège  de  Clermont  à  Paris  et  le  droit  de  scolarité 
(1504-1565).  II.  Premier  procès  avec  l'Université  (1565).  III.  L'ensei- 
gnement supérieur  au  collège  de  Clermont  1565-1572).  IV.  Fondation 
du  collège  d'Avignon  (1.56,5-1570).  V.  Fondation  des  collèges  de 
Chambéry  et  de  Lyon  (1565-1576).  VI.  Affaires  intérieures  de  la 
Compagnie  (1565-1573).  VIL  Anciens  et  nouveaux  collèges  :  Toulouse, 
Rodez,  Verdun,  Nevers  (1566-1572).  VIII.  Fondation  du  collège  de 
Bordeaux  (1,572).  IX.  Travaux  apostoliques  des  PP.  Auger,  Possevin 
et  Manare  (1565-1575).  X.  Travaux  apostoliques  et  gouvernement  du 
P.Maldonat  (1567-1.573)  XL  Maldonat  et  l'Université  de  Paris(  1573-1576). 
XII.  Fondation  du  collège  de  Bourges  et  de  l'Université  de  Pont-à 
Mousson  (1575).  XIII.  La  Compagnie  pendant  les  troubles  civils 
(1567-1576).  Appendices.  Index  alphabétique  des  noms  de  personnes. 

En  préparation,  tome  II  :  La  Ligue  et  Henri  IV. 

VALOIS  (Noël),  membre  de  l'Institut.  La  crise  religieuse  du 
xv°  siècle.  Le  Pape  et  le  Concile  (1418-1450),  2  vol.  gr.  in-8 
xxxviii-408,  426  p.),  portr.  et  pi 20  fr. 

Du   MÊME   AUTEUR  : 

La  France  et  le  grand  schisme  d'Occident,  4  vol.  in-8.    40  fr. 

TABLE  DES  QUATRE  VOLUMES 
Préface.  —  Livre  I  -.Le schisme  sous  Charles  V  (1378-1380).  Chap. 
I  :  L'origine  du  schisme.  Chap.  II.  Le  schisme  en  France.  Chap.  III  : 
Le  schisme  en  Italie  :  intervention  du  duc  d'Anjou,  etc.  —  Livre  II  : 
Le  schisme  sens  Charles  VI  jusqu'à  la  mort  de  Clément  Vil  (  1380-139U). 
Chap.  I.  Politique  religieuse  du  nouveau  gouvernement.  Chap.  II  : 
Expédition  de  Louis  I"  d'Anjou  en  Italie.  Chap.  III  :  Suite  de  l'in- 
tervention française  en  Italie,  etc. 

Préface.  —  Livre  III  :  Effort  de  la  France  pour  obtenir  l'abdication 
des  deux  pontifes  rii>aux.  Chap.  I  :  Premières  négociations  avec 
Benoit  XIII  (1394-1395).  Chap.  II  :  Echec  des  négociations.  Sous- 
traction d'obédience  (1395-1398).  Chap.  III  :  Benoit  XIII  assiégé, 
ensuite  gardé  à  vue  dans  le  palais  d'Avignon  (1398-1404).  Chap.  IV  : 
Restitution  d'obédience,  etc.  Conclusion.  Les  responsabilités.  Les 
conséquences.  Table  alphabétique  des  noms  contenus  dans  les 
tomes  III  et  IV. 


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