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HISTOIRE
CONCILE DU VATICAN
DEPUIS SA PREMIERE ANNONCE
JUSQU'A SA PROROGATION
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in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/histoireduconcil01gran
HISTOIRE
CONCILE DU VATICAN
DEPUIS SA PREMIERE ANNONCE
JUSQU'A SA PROROGATION
b'Al'RÈS LES DOCUMENTS AUTHENTIQUES
Ouvrage du P. Théodore GRANDERATH. S. J.
ÉDITÉ PAR
Le P. Conrad KIRCH, S. J.
et traduit de l'Allemand par des religieux de la môme Compagnie
TOME PREMIER :
Préliminaires du Concile.
BRUXELLES
LIBRAIRIE ALBERT DEWIT
Rue Royale, 53 y^^^Âf^Vi
» 0/
'9<>7 ,0-, Vl^,
MAR 1 i960
A Son Éminence
Monseigneur André STE INHIBER
de la Compagnie île Jésus
Cardinal de la Sainte Eglise romaine
En témoignage
de reconnaissante vénération.
L'A UtEUR.
Préface
A la mort du P. Gerhard Schneemann, fondateur de la
Collectio Conciliorum Lacensis, le 20 novembre 1885, le
P. Théodore Granderath fut désigné pour continuer son
œuvre; le septième volume était en cours d'impression.
C'est depuis lors, c'est à-dire pendant la durée d'une demi-
génération, que le P. Granderath s'est occupé à préparer
et à écrire l'histoire de la dernière assemblée générale de
l'Eglise.
Au commencement de 1890 parurent, enrichis encore
par ses soins de documents importants, les Acta et décréta
Sacrosancti Oecumenici Conciliï Vaticani qui forment le
septième et le plus volumineux des in-quarto de la collec-
tion : jamais encore, à beaucoup près, on n'avait réuni
sur le concile autant de documents qu'en contiennent ces
1896 colonnes. Deux ans plus tard furent publiées les
Constitutiones dogmaticae Oecumenici Conciliï Vaticani ex
ipsis ejus actis explicatae atque illustratae.
En 1893, le P. Granderath alla se fixer à Rome. Le
Saint Père fit de nouveau mettre à sa disposition et sans
aucune réserve les trésors des archives pour lui permettre
de réaliser son projet d'écrire une histoire du concile du
VIII HISTOIRE Dl CONCILE DU VATICAN
Vatican d'après tous les documents authentiques. Grâce à
un travail constant, presque trop acharné, l'œuvre avança
rapidement. A la un de 1901, deux volumes étaient prêts
pour l'impression, le troisième rédigé en grande partie.
Mais les forces de l'auteur se trouvaient épuisées; plu-
sieurs fois, il avait dû, pour rétablir sa santé, revenir
passer l'été dans une maison de sa province d'origine;
mais cette fois il ne put retrouver sa première vigueur.
Je fis pour lui les dernières collations de documents aux
archives romaines, tandis qu'il achevait à Valkenberg son
troisième et dernier volume. La rédaction en était finie //
lorsque survint une nouvelle attaque qui, le 19 mars 1902,
fête de saint Joseph, le fit passer à une vie meilleure.
Mes supérieurs me chargèrent alors d'éditer le travail
du P. Granderath. En voici les deux premiers volumes, le
troisième suivra dans un an (1).
Le premier volume traite des préliminaires du concile;
sur plusieurs points des documents nouveaux ont permis à
l'auteur d'être plus complet que Cecconi. Dans les deux
derniers volumes consacrés aux discussions mêmes de
l'assemblée, il utilise pour la première fois les actes
complets, en particulier les discours prononcés dans les
congrégations générales. L'agitation des esprits hors du
concile est aussi suivie avec une attention constante et
minutieuse. L'auteur est un théologien et un canoniste de
profession; c'est assez dire de quelle autorité sont les juge-
ments qu'il porte. Jusqu'à sa mort le P. Granderath a
(1) La revision du troisième volume a été plus longue que ne le prévoyait le
P. Kirch. C'est seulement en octobre 1906 qu'il a pu le donner au public
(Note des traducteurs.)
PREFACE I\
conservé le souvenir le plus reconnaissant à fous ceux qui
l'ont aidé dans ses recherches de leurs conseils ou de leur
concours. Il convenait que sa gratitude leur fut ici
exprimée.
Valkenberg (Hollande)
en la l'été de saint Joseph, l'.i mars 1903
P. Conrad KIRCH, S. J.
Les traducteurs ont rétabli dans leur texte original —
parfois au prix de recherches très laborieuses dans les
bibliothèques de France et de l'étranger — les innombra-
bles passages de livres, de brochures et d'articles français
que cite le P. Granderath et qui font de son livre comme
un corpus de la polémique conciliaire dans notre pays.
Quand la chose a été possible la traduction française des
citations d'ouvrages écrits dans une langue autre que l'alle-
mand a été vérifiée aussi sur les originaux.
La traduction française forme trois tomes (en six volumes)
portant en même temps que la pagination française l'indi-
cation de la pagination allemande placée entre crochets au
bas de chaque page. Le signe // inséré dans le texte marque
le passage crime page allemande à l'autre.
Exghien (Belgique).
Séminaire de Théologie
des provinces S. J. de Champagne et de Toulouse.
Janvier 1907.
LES
Deux Principales Collections de Documents
POUR
l'Histoire du Concile du Vatican
i° Eugenio Cecconi, chanoine, plus tard archevêque de
Florence fit paraître eu 1869 ses Studi storici sut con-
cilie) di Firenze ; aussitôt après la prorogation du con-
cile du Vatican il entreprit d'en écrire l'histoire sous ce
titre Storia del concilie» ecnmenico Vaticano scritta sui
document i originali. Il ne vint à bout que de la Parte
prima : Antecedenti del Concilio en quatre forts volumes :
Le premier volume : Vol. I. Roma 1873, contient Narrazione. Libro primo : « Esame
suir opportunité di un concilio ecumenico e primi preparativi per la sua cele-
brazione», et Libro secondo : « Studi in apparecchio del concilio »; puis comme
pièces justificatives : Doctunenti I-.LXXII.
Le second volume: Vol. II, Sezione prima, Narrazione. Libro terzo : « Movimento
religioso e politico per la espettazione del concilio ».
Le troisième volume : Vol. Il, Seziona seconda : Documenti LXXII1-CCXI.
Le quatrième volume : Vol. II, Sezione seconda (Gontinuazione) : Documenti CÇXII
ad GCCVIII. A la fin, traduction italienne ou française suivant le cas de 41 pièces
déjà insérées dans leur texte original.
Les trois derniers volumes ou, suivant la division de Cecconi, les trois
parties du deuxième volume parurent toutes à Rome en 1879. — La collection
de Cecconi n'embrasse que la période des préliminaires du concile. — C'est à
elle que renvoie l'indication : CECCONI (1).
(i) [Une traduction française de Cecconi a été publiée chez I.ecoffre, Paris, 1887, par
MM. Bonhomme et Duvlllard.] (Note des traducteurs.)
[xxn]
Ml HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
2° Collectio Lacensis, toiniis septimus : Acta cl décréta
Sacrosancti Oecnmenicî Concilii Vaticani. Accedunt per-
multa alla documenta ad Çoncilium ejusque historiam
spectantia,Friburgi (Herder) 1890 (tiré à part^de la Col-
lectio Lacensis, 1892) grand in 4"-
Cette collection commencée par le P. Gerhard
Schneemann, S. J. fut continuée et terminée par le
P. Théodore Gtranderath, S. J.
La partie principale (eol. L-50 I) contienl tous les documents pontificaux con-
cernant le concile ; les actes de la session prosynodale, / les schémas soumis
aux discussions du concile avec toutes leurs transformations successive? depuis
la première proposition jusqu'à la rédaction définitive; les amendements des
Pères et les rapports des membres des députations : les actes des quatre sessions
publiques. La seconde partie intitulée appendice contient :
A) Documenta sijnotlalia (col. 505-1U04) : schémas préparés pour le concile accom
pagnes des annotations et des commentaires des théologiens; longs extraits des
des congrégations générales ; postulat a, lettres, déclarations, etc., >n grand
nombre, surtout en ce qui concerne l'infaillibilité du pape.
B) Documenta historien (cul. 1005-1738 dont :
I. — «52 Documenta historica ad remotam Concilii prseparationem
tantia ».
II. — 70 Documenta historica ad proximam Concilii Vaticani prseparationem
spectantia »
III. — «245 Documenta historica ad religiosos ac politicos moins Concilii
expectatione ortos spectantia. » Ceux-ci sont distribués en sept groupes :
1° « Documenta spectantia ad Orientales non unitos »; 2° « Documenta spectantia
ad Protestantes et Jansenistas »: 3° « Documenta spectantia ad libelles e Gallia
ad Secretariam Status missos et Civilitatis catholicae (Civiltà Cattolica) commen-
tarium »>: 4* « Documenta spectantia ad Germaniam »: 5° « Documenta spectantia
ad gubernia: » <î° « Documenta spectantia ad anticoncilium »: 7° «Documenta
spectantia ad Galliam. Varia.»
IV — «218 Documenta historica ad Çoncilium jam congregatum atque motus
de en excitatos spectantia : 1" « Publicarum supplicationum et exercitiorum
indictiones »; 2° « Documenta spectantia ad animoruni motus in Gallia atque
inter ipsos Concilii Patres excitatos »; 3° « Documenta spectantia ad animoruni
motus ortos in Magna Britannia et Hibernia »: 4" « Cleri Xeo-Aurelianensis
itemque Luxemburgensis etLusitanorum Romae prœsentium epistolse, qui bu s se
desiderare siguificant, ut pontificia infallibilitas definiatur »: (i° « Cleri Italise,
Praepositi Generalis Passionistarum, Cpmmissionis dogniaticœ consultoruni
XNII-XXIII
LES DEUX PRINCIPALES COLLECTIONS DE DOCUMENTS Mil
epistolre, quibus significant, quam pibi optata sil definitio infallibilitatis
Romani Pontificis »; 7" « Nonnulli Piae IX epistolse ad eos, qui de inlallibilitate
pontincia sive litteras adeum miserunt, sive libros scripserunt el qusedam ora-
tiones, quas temporeConcilii habuit »; 8" « Documenta ail eam, quam gubernia
in rébus cqnciliaribùs servarunt, ralionem spectantia : a) Documenta ad Galliam
spectantia , b) Documenta adAustriam spectantia : c) Documenta spectantia ad
Bavariam, Hispaniàm, Galliam; dj Documenta spectantia ad Borussiam »;
9' « Documenta spectantia ad ipsos Pat ru m et theologorum labores, quibus
utramque Constitutionem dogmaticam perficiebant »: 10' « Documenta ad Gon-
stitutionum conciliarium promulgationem et receptionem at(|ue ad Goncilii
suspensionem spectantia. »
A la suite se trouvent un Supplementum (col. 1739-1752) ainsi qu'un Index
personarum (col. 1753-1832) et un Index rerum (col. 1833-1896).
( !ette collection est citée par le sigle G. V.
INTRODUCTION
Sources et bibliographie.
Point tic vue de l'auteur.
Tant qu'il dura, le concile du Vatican garda un silence
rigoureux sur ses délibérations et sur tous les incidents
dont il fut le théâtre, mais les documents qu'il a laissés
renseignent la postérité de la façon la plus complète et la
plus sûre. Dans ses archives se trouvent intégralement
conservés les procès-verbaux des sessions publiques et pri-
vées, comme aussi ceux des diverses commissions et
comités qui se réunirent à son sujet. On y a réuni et cata-
logué l'abondante correspondance des membres et de tout
le personnel du concile, depuis les débuts de la préparation
jusqu'à la prorogation finale. Le désir de laisser à la pos-
térité un matériel d'information aussi complet que possible
a fait garder jusqu'à des débris de papier couverts de notes,
des feuilles détachées où se lisent quelques noms, des bul-
letins de vote et semblables restes qui, sans valeur en eux-
mêmes, peuvent cependant jeter sur maints incidents de
séance une lumière opportune.
Il serait trop long d'énumérer en détail toutes les pièces
des Actes qui constituent les sources de l'histoire du con-
cile du Vatican ; nous devons cependant citer les plus
importantes.
Pour l'histoire des préliminaires, la source principale
2 HISTOIRE ]>l CONCILE DU VATICAN
est constituée par les procès-verbaux de la Congrégation
directrice de préparation.
Cette congrégation, établie au moment même où
Pie IX s'ouvrit pour la première fois aux cardinaux de son
projet de convoquer un concile œcuménique, reçut pour
tâche de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin.
Le pape ne lit pins un pas sans elle; c'est elle qui créa les
autres commissions et comités préparatoires, tels que les
commissions des théologiens et des canonistes. et le comité
chargé de discuter la convocation des abbés : ' tous leurs
travaux en dépendirent. Du 9 mars 1865 au mois de
décembre 1869, la congrégation directrice de préparation,
dite aussi Commission centrale, tint environ soixante
séances, dont les procès-verbaux, fidèlement et soigneuse-
ment rédigés de la main de son secrétaire, Pévèque titu-
laire Giannelli, ont la plus grande valeur. Ils jettent une
vive lumière sur tous les débats de la Congrégation, ses
décisions et les principes qui les inspirèrent. La Commis-
sion centrale voulut traiter à fond les questions : la preuve
en est dans les mémoires nombreux, presque tous impri-
més, qu'elle demanda à ses consulteurs sur les points plus
importants avant d'en délibérer elle-même (1).
(i) Mémoires sur les délibérations de la Commission centrale conservés aux
Archives ••
Angelini : De actibus prsemiltendis convocation! Concilii generalis ; item : DeEpis-
copis titularibus admittendis et de Pi ocuraloribus. Galeotti : De Procuratoribus ab-
seniium. Sangi ineti : De admittendis Abbatibus et Generalibus. Tizzaxi : De precibus
prseviisel de professione Fidei ab Episcopis facienda. Feye : De modo traclandi
Archiepiscopiiin Ultrajectensem schismaticum. Id. De ordinationibus anglicnnis et
observandis circa eas. Sanguine ri : De jure propowndi in Conciliis oecumenicis (in-
séré dans la Coll. Lac. VII. lUTT c sqq.) Id. : De conjungenda muteria fidei et disci-
plinas ; Depraesidio et de congregationibus theologorum. Id. : Continuât)/)- de congre-
gationibus theologorum minorum, tum de congregationibus generalibus et de modo
dicendi sententiam. Galeotti Anlorno al regolamenlo di cose rituali ed organiche del
Concilio. Id. : Continuatio, Cap II, De Of/icilialibus. In. : Conlinuatio, Cap. III-VI ;
De Privilégia Patrum et De voto abseniium et De secrelo. Hefele : De methodo
servanda in congregationibus generalibus (inséré dans Coll. Lac. VII, 1087 c. sqq.).
Feye : Deadditione arliculi de immaculata II. V. conceptione adprojessionem Fidei.
Sanclinf.it : Schéma ordinis generalis servandi in Concilio Valicano. Cum pranotan-
1-2
SOURCES
A signaler encore pour la période préparatoire : les
rapports des cardinaux présents à Rome, sur l'opportunité
du projet pontifical , les réponses d'environ quarante
évêques des différentes parties du monde chrétien au préfet,
de la Congrégation du concile qui, // au mois d'avril 1865,
avait demandé leur opinion sur les matières à traiter; les
réponses des évêques assemblés à Rome en 1867 pour le
centenaire des saints apôtres Pierre et Paul aux questions
qui leur furent posées sur le concile.
Pour exposer les agitations provoquées en maints
endroits par la convocation, en dehors des nombreuses
brochures publiées pour ou contre, nous nous sommes
servi de divers documents des archives déjà insérés par
nous ou le P. Schneemann au septième volume de la
Collectio Lacensis : ceux par exemple qui se rapportent
au fameux article de la Civilta (1869), à la conférence des
évêques à Fulda en 1869, ou à l'accueil fait par les
évêques orientaux non unis à l'invitation du pape.
Pour l'histoire du concile proprement dit, les sources de
premier ordre sont celles qui font connaître les travaux et
les débats de ses deux organes principaux, les congréga-
tions générales et les sessions publiques : leur histoire est
même en fait l'histoire du concile au sens strict du mot.
Le protocole ou procès-verbal des congrégations géné-
rales se trouve dans un gros in-folio portant ce titre :
Summa rerum gestarum in Congregahombus gêner alibus
Sacrosancti Concilii Vaticani. 11 contient des extraits,
courts mais substantiels des discours prononcés dans les
dis. Id. : De priecedentia Primatum supra Archiepiscopos in Concilio œcumenico.
Id. : De asserto jure ferendi suffragii in Conciliis œcuinenicis pro Episcoporum cano-
nice absenlium procuratoribus. Id. ; Quinam suffragiorum numerus requiralur in
Concilia œcumenico ad definiendum dogma /idei. lu. -. Schéma ordinis generalis ser-
vandi in Concilio œcumenico Vaticano.
On conserve aussi beaucoup de mémoires des autres commissions; mais
ceux-ci ne s'occupent pas de l'organisation intérieure ni delà méthode de travail
lu concile ; ils ont trait surtout aux questions à proposer.
4 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
congrégations générales. Le compte rendu de chaque con-
grégation est signé des quatre ou cinq cardinaux légats
présidents et du sous-secrétaire du concile, Mgr Jacobini.
Ce volume est complété par une série de vingt-trois
autres in-folio contenant, en outre du même protocole,
toutes les pièces relatives aux congrégations générales :
liste des Pères présents à chaque session, signée chaque
fois par Folchi, chef du service de placement; schémas
ayant servi de base aux discussions ; et surtout texte com-
plet et fidèle des discours prononcés tel que l'établirent,
séance tenante, les sténographes d'après leurs notes. // Le
titre commun aux vingt-trois volumes est : Acla Sacro-
sancti Oecumemci Concilii Vaticani. Naturellement, les
archives conservent aussi les deux exemplaires des rédac-
tions sténographiques prises simultanément par deux
sections de sténographes (1).
De plus, pour mettre autant que possible à l'abri des
ravages du temps des documents aussi importants que ces
discours, Pie IX les a fait soigneusement imprimer.
Mgr Cani, préfet des archives, s'y est employé sous la haute
surveillance du cardinal Bilio. En quatre ans, de 1875
à 1878, sont sortis de l'imprimerie vaticane quatre magni-
fiques in-folio contenant, sur solide et beau papier, les
discours des soixante-dix-neuf premières congrégations
générales accompagnés d'une courte analyse de la marche
des séances. C'est en 1884, sous les auspices de Léon XIII,
qu'a paru le cinquième (2) et dernier volume {volummis
(1) Sur le travail des sténographes du concile, voir les détails tome II, livre I,
cliap. i fin.
(2) Sur le soin apporté à l'impression, voici ce qui dit le Manitum mis comme
préface en tète du volume: «Actàxjuae in hoc volumine (quarto) continentur,
ex authentieis exemplaribus et documentis deprompta sunt, qu;e in Tabulario
Vaticani asservantur, omni cura adhibita ut ad eorum fidem essent accuratis-
sime exacta. Omnia enim hic exhibentur impressa, prout a stenographis
exscripta fuerunt juxta demandatum eis munus, e plagellis, in quas Patribus
disserentibus eorum orationes notarum compendiis referebant; atque ubi ali-
,3-4 ;
SOURCES
quartipars altéra) avec les discours des dix autres congréga-
tions générales. 7 11 y a environ dix exemplaires dechaque
volume. Le titre en est : Acta Congregationum gêner alium.
C'est sur cette éilition imprimée desdiscours que nous avons
travaillé, c'est à elle aussi que nous empruntons nos cita-
tions. Dans quelques cas particuliers pourtant nous avons
consulté la transcription des sténographes ou bien le texte
même conservé en caractères sténographiques.
Très précieuses aussi, à coté des discours des Pères,
leurs observations manuscrites sur les schémas ainsi que les
protocoles des séances de la Deputalio pro rébus Fidei.
Les observations présentées pendant la discussion de la
Constitutio de Fide et de la Prima Constitutio de Ecclesia
sont réunies dans deux in-folio reliés, de moyenne gran-
deur. Outre le titre général de : Concilium Vaticanum, ils
portent en sous-titre, l'un : Emendationes in Schéma
Constitutions de Fide Catholica, l'autre : Emendationes
quodvitium in iis exscriptionibus inesse visum est, sténographier ipsse notse
ad examen suntrevocatte ad locos incertos et obscuros explicandos, nec prseter-
tnissum est, quin ipsi serinonum auctores rogarentur, si quando vitiati loci
alia ratione restitui non poterant. Opportunœ interdum adnotationes historiese
ad legentium normam subscripti editoris cura sunt adjectœ. Quod vero pertinet
ad alia Coneilii acta, quorum passim in his voluminibus mentio occurrit, ea
in aliis voluminibus compreheusa et collecta servantur. Omnium autem harum
rerum cura debetur sollicitudini ac proyidentise Pii Noni Pont. Max. qui vi
mentis animi et consilii sui bono et utilitati Ecclesiœ semper |>rospiciens, voluit
ut . eorum omnium, quse ad Concilium Vaticanum pertinent œleijna monumenta
extarent, et munificentise suœ largitatem in hoc prseclarissimum opus, conferen-
dam existimavit. Hoc vero Pontifice die 7 Februarii 1878 cum ingenti Ecclesiœ
desiderio e vivis sublato, Léo XIII successorejus.novum caliganti sseculo lumen
divinitus datum, passus non est, ut hujusmodi operi supreime suœ auctoritatis
prte'idium et munificentia deesset;sed illud sua sub auspicia recepit, curam
suo fastigio suique animi amplitudine dignam in id convertens, ut tota ratio
operis iisdem normis quibus hactenus innixa fuerat, ad exitum rite perduce-
r. tnr »
Aix)isius BILIO
S. E. R. Cardinalis
Ex praesidibus Coneilii Vaticani.
Antonius CANI
A Tabulario Coneilii Vaticani
Editionis curator.
6 HISTOIRE DU CONCILE !>U VATICAN
in Schéma primae Constitutionis de Ecclesia Chrisii.
^ oici dans quel ordre s'y présentent les projets d'amende-
ments aux diverses parties des Constitutions : le texte
imprimé et distribu»'' aux Pères vient toujours en premier
lieu, suit l'original signé de la main même des auteurs.
Les protocoles de la Deputatio pro rébus Fidei sont
écrits de la main de son secrétaire, le professeur Sclnve'tz
de Vienne. Ils permettent de suivre toute l'évolution des
Constitutions depuis la première élaboration des schémas
avant la réunion du concile à travers leurs transformations
suivant les projets des Pères jusqu'à leur rédaction définitive.
A côté des protocoles de la Députation de la foi, on con-
serve aussi aux archives les comptes rendus des séances
des autres députations; mais ceux-ci ont beaucoup moins
d'importance, car, au moment où il fut prorogé, le concile
n'avait pas dépassé la rédaction des constitutions de la foi. '
Toutefois, les protocoles des séances de la congrégation
particulière chargée d'examiner les propositions émanant
des Pères : Acta Congregationis specialis ad recipiendas
Episcoporum Propositiones ont leur intérêt, celui surtout
qui rapporte en détail la séance du 9 février 1870. On y
discuta les motions favorables à la définition de l'infailli-
bilité du Pape, et celles qui lui étaient contraires. Pour
l'ensemble de l'histoire des congrégations générales, il faut
aussi tenir compte des notes, fort courtes, des deux secré-
taires du concile sur les délibérations des présidents. Elles
se trouvent aux archives sous ce titre : Congressus Praesi-
dum durante concilio.
Sur les séances publiques, les sources officielles sont les
Instrumenta a Protonotanis Apostolicis confecta super
quattuor Sessionibus Hacrosancti Oecumenici Concihi Vati-
cani; ils forment un beau volume grand in-folio.
On garde aussi aux archives les originaux munis de
leurs signatures des projets, observations, vœux dus à
jâ-i;
SOURCES
l'initiative des Pères et relatifs à l'infaillibilité du Pape, à
l'ordre du jour, etc., ainsi que les diverses lettres des
membres du concile au Pape et à la présidence : protesta-
tions, plaintes, suppliques, rétractations, désistements, etc.
Dans trois grands in-folio enfin, accompagnés d'un qua-
trième pour les tables, sont réunies un grand nombre de
pièces relatives aux affaires privées des Pères, en particu-
lier leurs demandes d'être autorisés à s'absenter temporai-
rement du concile ou à le quitter définitivement, et les
délibérations ou enquêtes auxquelles ces demandes
donnèrent lieu.
A la mort de divers membres ou fonctionnaires du con-
cile, les papiers qu'ils possédaient et qui se rapportaient
à l'assemblée, ont été également transférés aux archives :
c'est ainsi, par exemple, que s'y trouvent les remarques du
cardinal Capalti,de Mgr Fessier et de Mgr Jacobini sur les
discours des congrégations générales et une importante
collection de documents laissés par le cardinal Schwar-
zenberg.
J'ai pu aussi utiliser un grand nombre de notes et de
documents privés; trois diaires en particulier d'un membre
éminent du concile et de la députation de la foi. Le pre-
mier, intitulé Brevissimum diarium Concilii Vaticani.
résume brièvement les principaux événements des réunions
pléniôres. Le second, plus important, a pour titre : Brève
diurnum Deputationis de rébus ad fidem perlinentibus ;
les renseignements qu'il contient sur les séances de la
Députation de la foi, sont très bons à connaître, ceux sur-
tout qui relatent les discussions auxquelles donna lieu le
choix des membres ils sont très exacts et on ne les trouve
pas ailleurs. Mais le troisième de ces diaires surtout est
intéressant et instructif; son titre le dit assez : Quae de
definitione Infallibilitatis Romani Pontifiais ex cathedra
loqu-ntisa Concilio Oecumenico Vaticano I acta sunt.
[6-7 1
8 HISTOIRE IH CONCILE Dl VATICAN
Le journal d'un diplomate, présent à Rome au moment
du concile et qui se trouvait en rapports quotidiens avec un
grand nombre de membres influents et d'autres personna-
lités, a été mis aussi à notre disposition. Mais, comme à
cette époque membres et fonctionnaires du concile étaient
tenus à un rigoureux silence sur les événements qui s'y
passaient, ce qui s'en disait à Rome était souvent inventé,
tout au moins défiguré: c'est pourquoi je n'ai recouru que
rarement à ce journal: j'ai t'ait de même pour les notes
d'un théologien que j'ai eues entre les mains (1).
Pour faire connaître l'accueil fait après coup par les
membres de la minorité aux définitions du concile, j'ai
utilisé, outre les sources communément abordables, la
correspondance de la curie et des nonces, les lettres du
secrétaire d'Etat aux divers évèques, celles, enfin, que les
évêques se sont écrites entre eux et qui, après leur mort, ont
été incorporées aux archives.
A peine le concile eût-il été prorogé, que divers auteurs
tirent son histoire. E. Ceccoxi : Stona ciel Concilie* Ecu-
menico Vaiicano. 4 vol., en a fait connaître très exacte-
ment les préliminaires. Los trois volumes de J. Friedrich:
Geschichte des Vatihani^chen Konzils, ont des tendances
hostiles à l'Eglise. // Manning : True Story of theVatican
Council (traduction allemande par W.Binder (2). Eessler:
Jkis Vatikanische Konzihum, dessrn aussere Bedeutung
und innerer Verlauf {S), el Sambini : Histoire du Concile
1 Le «Jniuwit du \y J. Friedrich pendant le concile du Vatican » ne présente
aucune garantie : à chaque page se manifeste la haine passionnée de l'auteur
contre le concile. Les « Lettres de Home sur le concile » parues Tannée même dans
1"« Allgemeine Zeitung » (publiées à part par « Quirini s >: cf. pins loin, tome II
liv. 3, ch. 6j "ut pour objet non de renseigner sur le concile, mais de le rendre
odieux aux lecteurs et de le ridiculiser. A cette fin l'auteur ramasse tout ce qu'il
peut trouver, s.- préoccupant fort peu de la vérité de ce qu'il dit.
L'opuscule de lord Acton : « /-"■ Geschichle îles Vatikanischen honnis » respire
lt>s sentiment.- de son maître Dolliuger, l'auteur des » Lettres de Home ».
i Traduction française par Chantrel, Pan-, 1872 \ oie dex traducteurs.)
Traduction française. Paris, 1877. (S.d.t.)
HIULIOGRAIMUK
oecuménique et général du Vatican, ont été plus brefs ;
ils se proposaient, en présence des attaques de la presse
non-catholique, de renseigner les fidèles dans la mesure où
les sources alors abordables le permettaient. Manning et
Fessier ayant vu et entendu ce qu'ils racontent, leurs tra-
vaux ont une valeur toute spéciale: Fessier surtout, pre-
mier secrétaire du concile, doit avoir été particulièrement
bien renseigné. Il y a des informations bonnes et nom-
breuses dans Emile Ollivier : U Eglise et VEtat au con-
cile du Vatican. L'homme d'Etat français, président du
conseil des ministres à l'époque du concile, fait connaître
surtout l'attitude des gouvernements. Il joint les docu-
ments à son récit.
Les biographies des membres défunts du concile con-
tiennent aussi d'utiles renseignements. Telle est, en parti-
culier, la vie de Manning, par Purcell : les récits du
cardinal sur le concile y sont très souvent reproduits
textuellement; de même les biographies de Mgr Dupan-
loup, par Pelletier, Lagrange et Maynard; la vie du
prinee-évèque Gasser, par Zobl, de Mgr Darboy, par
Guillermin, de M-' de Ketteler, par Pfulf, etc.
En l£>72, le professeur E. Friedberg publia sa Samm-
lung der Aktenslvcke zum ersten Vatikanischen Konzil
mit einem Grundrisse der Geschichte desselben. Mais le
recueil le plus riche est le volume déjà cité de la Collectio
Lacensis, publié aussi à part sous ce titre : Acta et décréta
Sacrosancli Oecumenici Concilii Vaticani cum permultis
aliic documentés ad Concilium ejusque historiam speclan-
tibus. Je le citerai par le sigle C. V. \\).
(1) Pendant son séjour à Rome, le D'J. Friedrich a pu aussi se procurer plu-
sieurs pièces manuscrites sur le même sujet ; depuis son retour, il a reçu encore
communication, et de fort bonne main, de quelques autres qui ne sont pas sans
importance (voir la préface de sa l'« Section). En 1871, il adonné au public, par-
ta^n' en deux sections, sa collection de « Documenta ad illustrandum Concitium
Valieanum anni 1870 ».
S
Kl HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
L'auteur a peu de chose à dire sur le point de vue auquel
il s'est placé. Avant tout, il a voulu faire œuvre d'histo-
rien, donner de son sujet une idée claire et exacte, d'après
les sources, en rapportant ce qui s'y trouve, sans rien taire
ni rien déguiser. Telle fut la volonté du Saint-Père quand
il l'autorisa à consulter tous les documents conservés :
« Tous les documents sont à votre disposition; on ne vous
en dissimulera pas un seul : faites donc connaître la
marche du concile telle qu'elle fut en réalité. »
Au reste, quel motif aurait-il eu de déguiser la vérité ?
Tout le concile s*est déroulé très régulièrement, il peut
soutenir les regards de la critique la plus sévère. L'huma-
nité a pu y laisser voir ses faiblesses; elles sont inévitables
partout où se trouvent et agissent des hommes: là où elles
se sont manifestées, je les montrerai telles qu'elles furent.
En second lieu, j'écris cette histoire du point de vue
catholique; c'est, sejnble-t-il, le seul juste, le seul possible
même pour apprécier un concile. Il s'agit, en effet, d'une
institution catholique, qui doit donc se juger d'après les
principes catholiques. Si l'on adopte avec Dollinger et ses
partisans ce principe insoutenable au regard du dogme
comme de l'histoire, que les évêques ne sont au concile
que les porte-voix de leur troupeau, qu'ils ont seulement à
témoigner de la foi de leurs diocésains — et non pas de la
doctrine du Christ et des Apôtres — la composition du
concile du Vatican doit, à elle seule, le faire rejeter.
Le principe admis, en effet, les évêques simplement titu-
laires ne doivent pas être convoqués et les procureurs des
évêques absents ne peuvent être exclus. Les Apôtres eux-
mêmes, d'après ce principe, n'auraient pas eu droit d'as-
sister ou de voter en concile, car ils n'étaient pas a la tète
de diocèses dont ils pussent attester la foi.
Dans mon récit, je suppose donc constamment la vérité
de la doctrine catholique. Je rapporte fidèlement les faits
"
POINT DE VUE DE L AUTEUR 41
tels que je les trouve, niais je les apprécie en catholique.
En prendre prétexte pour m'accuser d'esprit de parti
serait m'obliger à quitter le terrain de l'histoire et à
invoquer les principes fondamentaux de l'apologétique
pour justifier mon point de vue.
i9J
LIVRE PREMIER
Motifs de la réunion du concile
Première annonce et préparation éloignée
du concile jusqu'à sa convocation
lii]
CHAPITRE PREMIER
Motifs et occasion de la convocation
d'un concile général
Trois siècles s'étaient écoulés depuis le concile de Trente,
le dernier des conciles généraux. Jamais encore l'Eglise
n'avait attendu si longtemps avant d'en convoquer un nou-
veau : des motifs très graves la pressaient de recourir une
l'ois de plus à ce remède qui « dans les plus grands périls de
la chrétienté est le meilleur et le plus excellent » (i).
Cependant aucune hérésie nouvelle — négation opiniâtre
d'un dogme particulier — ne mettait la doctrine révélée en si
grand danger qu'il fût nécessaire, comme si souvent autre-
fois, de réunir une de ces assemblées plénières; aucun
nouveau schisme, comme au temps des conciles de réforme,
ne divisait l'Eglise; mais sur le terrain doctrinal elle souf-
frait d'un mal bien autrement redoutable : la divinité même
de son origine, bien plus l'existence de Dieu, la spiritualité
et l'immortalité de l'âme, fondements de toute religion, étaient
niées ou mises en doute chaque jour davantage; sur le ter-
rain disciplinaire bien des préceptes étaient tombés en
désuétude et en divers points les changements survenus dans
l'état général du monde depuis le dernier concile semblaient
réclamer une transformation.
(1) « In summis christiame rei publiese periculis remedium optimum atque
opportunissimum. » Paul III dans sa bulle Initia nostri pour la convocation du
Concile de Trente.
[13- '
1G HISTOIRE m CONCILE DU VATICAN
L'abandon de la foi chrétienne qui s'est généralisé à notre
époque d'une façon si effrayante, se manifesta d'abord à l'in-
térieur du protestantisme. Sans s'inquiéter du concile de
Trente, les protestants s'étaient obstinés dans leur isolement.
Mais une grande transformation s'accomplit bientôt parmi
eux. Divisés en une foule de sectes, toujours en quête de
nouveaux dogmes, peu rassurés quant aux fondements sur
lesquels ils avaient édifié leur système, obligés pour mieux
justifier leur séparation de répéter sans cesse que, peu de
temps après sa fondation, l'Eglise chrétienne était tombée
dans des erreurs monstrueuses et les avait répandues
pendant de longs siècles, ils perdirent toute confiance
dans le christianisme, et comme les fondateurs du protes-
tantisme s'étaient détachés de l'Eglise catholique, leurs
descendants en masse tournèrent le dos au christianisme
lui-même.
Le premier siècle du protestantisme n'était pas encore fini
que commençait déjà dans l'Angleterre protestante la lutte
contre la révélation chrétienne, et contre le dogme même de
l'existence de Dieu. L'hostilité au christianisme née dans ce
pays vers 1600 sous le nom de déisme faisait table rase de
tout surnaturel: elle ne craignail même pas de traiter le
( Jhrist et les Apôtres d'imposteurs. La France était en rapports
fréquents avec les premiers représentants de cette école, et
la semence répandue par eux trouvait là un sol bien préparé
par la folle exubérance de la vie mondaine. Du moins ne s'y
trouva-t-il que des laïques à prendre parti pour l'incrédu-
lité. Dans les pays protestants d'Allemagne au contraire, les
théologiens eux-mêmes lui ouvrirent largement les bras.
Quand parurent les premières traductions des ouvrages
déistes anglais ou les imitations qu'on en fit, l'hostilité au
christianisme qui les inspirait dut se dissimuler ou se res-
treindre à des attaques de détail, car le pouvoir civil la con-
tenait. Mais lorsque Frédéric II eut accordé pleine liberté
H4J
MOTIFS DE LA CONVOCATION 17
aux tendances diverses du protestantisme, que les philoso-
phes incrédules français pénétrèrent librement à la cour de
Prusse, presque toutes les universités protestantes devinrent
autant d'écoles d'incrédulité ; en un tour de main presque
toutes les chaires de théologie protestante furent gagnées au
rationalisme, qui, comme le déisme, niait tout surnaturel et
mettait en question le fait d'une révélation divine au sens
strict du mot.
Les rationalistes, il est vrai, n'allèrent pas aussi loin
que maints déistes anglais; ils n'accusèrent pas d'impos-
ture le Christ et les Apôtres; les miracles et les faits
surnaturels rapportés par la Sainte Ecriture furent d'abord
maintenus, et l'on se borna à en chercher une explication
naturelle. Cette position intenable devenant bientôt ridicule,
on sacrifia les faits eux-mêmes et l'on chercha à représenter
l'Evangile comme un recueil de mythes composé après l'âge
apostolique. Dès lors, ce livre dont les protestants avaient
d'abord fait la source unique de la foi, qu'ils avaient constam-
ment à la bouche, cessait d'être divinement inspiré ; il perdait
même toute autorité humaine ; pour lui trouver une origine
s'accordant avec leurs théories contradictoires les critiques
le déchiraient en mille pièces. Vers le milieu du XIX*' siècle
le nombre de ces vandales diminua; mais l'incrédulité con-
tinua pourtant à régner en souveraine parmi les théologiens
protestants : on nia et l'on nie encore la révélation surnatu-
relle, on rejeta l'inspiration delà Sainte Ecriture; la divinité
du Christ fut discutée, la réalité et la possibilité des miracles
contestées; on chercha une interprétation naturelle de mystè-
res inaccessibles et incompréhensibles à la raison humaine,
ou bien on les effaça comme contradictoires de la liste des
vérités chrétiennes.
A part la poussée du philosophisme français, cette évolution
s'était produite en dehors de l'Eglise catholique et si son
[14-15]
18 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
influence s'était limitée aux communautés protestantes sépa-
rées, elle ne mériterait pas d'être comptée parmi les motifs
qui poussaient à convoquer un concile oecuménique. Mais, il
est facile de le comprendre, l'incrédulité avait gagné trop de
terrain pour ne pas agir puissamment sur les catholiques, et
sur d'autres même que les laïques. En contact avec les doc-
trines incrédules répandues à profusion dans les livres, les
théologiens catholiques eux-mêmes n'étaient pas demeurés
indemnes (i); on le vit bien quand le flot rationaliste se fut
écoulé. Xon seulement les écoles d'Hermès et de ( ri'mtheren
furent infectées, la théologie tout entière en souffrit.
Mais plus encore que du travail de décomposition accompli
dans la théologie protestante, les docteurs catholiques et la
masse du peuple chrétien pâtirent de l'attitude qu'avaient
prise depuis un siècle les sciences profanes.
Rompant avec les anciennes traditions la philosophie se
faisait un jeu d'éehafauder et de renverser sans trêve des
systèmes. La joie (pie donne la possession du vrai avait fait
place au doute, à la manie critique, au scepticisme. Entre la
philosophie et la théologie l'union est étroite ; aussi le malaise
•le l'une s'était-il, comme par sympathie, étendu a l'autre.
Sans aller, comme beaucoup de philosophes, jusqu'à nier
l'existence même de Dieu, des théologiens perdaient l'intelli-
gence des preuves anciennes qui la démontrent : c'était le cas
des traditionalistes; d'autres, comme les ontologistes, pour
expliquer la connaissance naturelle que nous en avons, s'enga-
geaient dans des voies fausses. Tous souffraient de l'absence
d'une solide formation et du manque de principes.
Sur le terrain des sciences naturelles une révolution com-
plète s'était produite. Des données nouvelles avaient obligé
les théologiens à trouver une autre explication de textes
(1) Cfr Dr H. Bruck. Die rationalistischen Bestrebunyen un katholischen Deutsclt-
land. Mayence 1865.
[15-16]
MOTIFS DE LA CONVOCATION" 19
entendus jusque là au sens littéral. Mais leurs concessions
aux sciences <lc la nature avaient entraîné trop loin plusieurs
exégètes. Les naturalistes de leur côté prenaient souvent
parti contre la religion et la révélation et se faisaient les
porte-parole de l'athéisme et du matérialisme. L'utilité pal-
pable de leurs recherches, l'éclat de leurs découvertes, l'im-
pulsion qu'elles donnaient au progrès matériel leur attiraient
la faveur et dans l'ancien et dans le nouveau inonde gagnaient
de nombreux partisans à leurs idées antireligieuses.
C'était le devoir de l'Eglise de défendre la. foi menacée ;
niais l'accomplissement de ce devoir lui était rendu bien diffi-
cile; les obstacles à l'exercice de sa mission doctrinale se
multipliaient de plus en plus surtout dans les pays où le besoin
en était plus urgent; en même temps, les établissements
d'enseignement, d'enseignement supérieur en particulier,
ouvraient leurs portes toutes grandes à l'influence de l'incré-
dulité. Même pour la formation du clergé l'Eglise dans cer-
tains pays ne se trouvait plus libre.
( "est surtout au moyen de la presse que les incrédules réus-
sissaient à propager leurs idées; ils les répandaient dans
un nombre infini de livres et d'écrits périodiques et le flot
dévastateur envahissait tous les pays, minant partout les
bases mêmes de la religion. La censure ecclésiastique pour
la publication des ouvrages, n'était plus qu'un souvenir.
Entre l'Eglise et l'Etat, depuis surtout que tant de puis-
sances s'étaient éloignées de la communion catholique, sous
l'influence des idées modernes, les rapports avaient complè-
tement changé de nature. Xon contents d'avoir ébranlé les
fondements de la société civile, le. faux libéralisme et la
révolution avaient encore relâché ou brisé les liens qui
l'unissaient à l'Eglise.
Après s'être imposées dans le domaine politique, les pré-
tentions à la liberté et au gouvernement représentatif ten-
daient à s'introduire dans le domaine ecclésiastique. L'auto-
IKJ-17]
20 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
rite du chef suprême de l'Eglise, si profondément abaissée à
l'époque du schisme d'Occident, peu à peu relevée depuis,
était encore loin, malgré l'union intime de l'ensemble de
l'épiscopat et des fidèles avec le pontife romain, d'être recon-
nue partout dans toute la plénitude que lui a accordée le
Christ. Les fausses doctrines nées en ces temps mauvais sur
les rapports du Pape et du Concile se survivaient en quelque
mesure dans le Gallicanisme, le Féhronianisme et le José-
phisme. Quand de nouvelles erreurs avaient surgi, le chef
de l'Eglise les avaient condamnées et ses décisions avaient
généralement trouvé bon accueil dans l'ensemble du clergé
et du peuple ; mais les anciens partisans des doctrines censu-
rées se bornaient souvent à observer une réserve tout
extérieure ; beaucoup refusaient de renoncer intérieurement
à leurs erreurs; pour ces condamnations d'ailleurs ils ne
reconnaissaient au Pape aucune infaillibilité.
Si à tout ce qui précède, nous ajoutons les besoins spiri-
tuels des pays ouverts à la civilisation européenne depuis la
fin du moyen âge, en partie gagnés à l'Eglise, et la néces-
sité d'aplanir aux chrétiens séparés d'Orient et d'Occident la
voie du retour, nous aurons réuni bien des motifs dont plus
d'un, même pris séparément, l'emportait en gravité sur les
événements qui avaient provoqué tel ou tel des conciles
d'autrefois. Aussi, ne nous étonnerons-nous pas que le pape
Pie IX, afin de guérir tant de blessures et de donner une
heureuse solution à tant de questions intéressant l'Eglise
universelle, ait eu recours à ce moyen extraordinaire. //
Cette pensée de mettre ordre aux grandes affaires de
l'Eglise en convoquant un concile général, dut être suggérée
en particulier par un certain renouveau de zèle pour la tenue
de conciles provinciaux et d'autres assemblées épiscopales.
Le concile de Trente avait décidé (i) que tous les trois
(1) Sess. XXIV. Dr reform. c. 2.
[17-18]
MOTIFS DE LA CONVOCATION 21
ans, chaque province ecclésiastique se réunirait en synode.
Mais ce décret n'avait pas alors été mis à exécution. Lorsque
la première moitié du XIXe siècle eut donné le spectacle de
plusieurs conciles provinciaux, surtout dans la jeune et
florissante Eglise des Etats-Unis (i), Pie IX, élevé le
21 juin 1846 sur le siège de Pierre, mais obligé bientôt par
les révolutionnaires de se réfugier en territoire napolitain,
invita, du lieu même de son exil, les évoques d'un grand
nombre de pays à imiter cet exemple. Cet appel du pape
exilé ne resta pas sans réponse. A peine l'Eglise eut-elle
après 1848 retrouvé quelque liberté d'action que, dans divers
pays, en Autriche, en Allemagne, en France, en Italie, se
tinrent des assemblées d'évèques.
La France eut en trois ans plus de conciles provinciaux
qu'il ne s'en était tenu dans tout l'univers en trois siècles
depuis le concile de Trente. Aux Etats-Unis et en Irlande,
le pape autorisa la réunion de conciles nationaux. Ce zèle
une fois réveillé, les synodes se succédèrent les uns aux
autres, à Vienne, à Cologne, à Prague, à Gran, à Kalocsa,
à Utrecht; le mouvement se communiqua à tout l'univers
catholique jusqu'aux Montagnes Rocheuses et à l'Australie.
Même en Orient, les évèques des divers rites tinrent leurs
réunions, les maronites à Bakorka, les syriens à Schafé, les
arméniens à Bzommar, ceux du rite latin à Smyrne. Les
plus zélés furent, hors d'Europe, les évèques des Etats-Unis
et en Europe, ceux d'Angleterre qui cherchèrent à observer
exactement la prescription du concile de Trente (2).
Rome vit trois fois des évèques venus de tout l'univers
catholique se réunir en grand nombre autour de Pie IX; la
première fois en i854 à l'occasion de la définition solennelle
de l'Immaculée Conception, puis en 1862, lors de la canoni-
(1) Le synode provincial de Tuam en Irlande (1817) et le synode national de
Presbourg en Hongrie (1822) lurent des cas isolés.
(2) Cfr C. V. 1005 sqq.
[18-10]
-2-2 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
sation des Martyrs japonais et enfin en 1867, au centenaire
du martyre des princes des apôtres.
C'est dans cette dernière solennité que Pie IX manifesta
aux évêques son intention de convoquer un concile général.
Les maux de l'Eglise, ses besoins l'y poussaient, et tant
d'imposantes réunions épiscoj>ales étaient un acheminement
naturel à cette immense assemblée des évêques du monde
entier.
[19J
CHAPITRE II.
Première annonce du concile pur Pie IX;
Nomination d'une commission de cardinaux ;
sa première séance.
Le 6 décembre 1864, deux jours avant de publier l'ency-
clique Quanta cura et le Syllabus, Pie IX s'ouvrit à l'impro-
viste devant une partj e du Sacré Collège de son intention de
convoquer un concile œcuménique. Les cardinaux de la
Congrégation des rites s'étaient rendus ce jour là au Vatican
pour une séance générale présidée par le pape lui-même.
Après les prières d'usage, Pie IX fit se retirer tous les assis-
tants qui n'étaient pas cardinaux; puis il manifesta à ces
derniers la pensée qu'il entretenait depuis longtemps de
réunir un concile général, afin de pourvoir par ce moyen
extraordinaire, aux besoins extraordinaires de l'Eglise. Il
leur demanda de réfléchir sérieusement sur son projet et de
lui faire connaître individuellement et par écrit, l'opinion
à laquelle, devant Dieu, ils se seraient arrêtés. En même
temps, le silence le plus rigoureux leur était imposé sur cette
affaire. Celle-ci étant d'une importance extrême, le précepte
donné par le Saint-Père aux cardinaux de la Congrégation
des rites fut étendu à tous les cardinaux présents à Rome. //
C'est là, à notre connaissance, la première fois que le pape
a exprimé son dessein. S'en était-il entretenu précédemment
avec quelqu'un, l'a-t-il formé de lui-même et en dehors de
toute influence, lui en a-t-on suggéré l'idée? Nous n'avons à
ce sujet aucun renseignement certain. D'après le Tablet (i)
(1) 20 février 1868 : Supplément p. 10.
[20-21]
24 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
le cardinal Wiseman se trouvant à Rome en i863 aurait
insiste auprès du pape pour qu'il convoquât un concile
général. Le pape aurait répondu qu'il y songeait et priait
Dieu pour cela; mais que son âge bien avancé lui faisait
redouter les obstacles que rencontrerait une entreprise si
difficile. D'après une autre source (i) Pie IX au moment de
son séjour à Gaète aurait déjà nourri cette idée. Et ceci
paraît assez vraisemblable ; car, ainsi que nous l'avons fait
remarquer (2), c'est de là que partit son invitation a réunir
des conciles provinciaux. Il était déjà parvenu à la vieillesse
quand il put réaliser son projet.
On a dit aussi plus d'une fois que l'évèque d'Orléans,
M81" Dupanloup, aurait poussé le pape à convoquer un con-
cile (3). Mais on ne sait rien de certain là-dessus : ceux
même qui sont portés à l'admettre avouent qu'il leur est
impossible de dire si l'évèque a donne ce conseil au pape
avant ou après le 6 décembre 1864.
Dans l'entourage du Saint-Père, on semble n'avoir eu
aucun soupçon de son projet. Les consulteurs cl les offi-
ciers de la Congrégation des rites, exclus de la salle, tandis
que le pape s'ouvrait de son intention aux cardinaux, firent
toutes espèces de conjectures sur ce qui s'était passé en leur
absence. Mais la pensée ne vint à personne qu'il eût été
question d'un concile général.
Les avis des cardinaux ne lui étaient pas encore tous par-
venus quand, vers le commencement de mars i865, le pape
(1) Revue du Concile œcuménique (P. Chéry) dans la liegensbw ger Zeit-
schrift : Uas œkumenische Konzil von Jahre 1809, I, 225.
(2) Page 21.
(3) Acton : Zur Geschichte des Yatikan-Koni-ils, p. 3. Friedri<h : Geschichte des
Vatikan-Konzils, I, 049 sq. D'après ces deux relations Mp Dupanloup aurait agi
au nom d'un groupe assez nombreux que Rome mécontentait par son insis-
tance à rappeler les privilèges du Pape et qui voyait dans le Concile un
moyen de renforcer le pouvoir des évêques.
[21-22]
NOMINATION 1) UNE COMMISSION DE CARDINAUX 25
institua une commission de cinq cardinaux pour discuter
les questions préliminaires au concile. En étaient nommés
membres, les cardinaux Patrizi, Reisach, Panebianco, Biz-
zarri et Caterini (i). En même temps, le procureur général
de l'ordre de Saint-Dominique, le I'. Mariano Spada, était
chargé de taire pour l'usage de la commission un résumé
des quinze consultations déjà rédigées par les cardinaux. Ce
résumé (2) fut imprimé et remis aux membres de la commis-
sion. Des quinze avis exprimés, treize étaient favorables à la
tenue d'un concile, un y était opposé; quant au quinzième,
son auteur, sans adopter le projet, déclarait qu'il fallait
laisser au Saint-Père la décision de la question.
Le 9 mars, la « Congrégation directrice de préparation »,
nommée aussi « Commission centrale », tint sa première
séance chez le cardinal vicaire Patrizi. C'est grâce aux déli-
bérations de cette commission et aux consultations des car-
dinaux qu'il nous est permis de pénétrer plus à fond les
motifs de la convocation du concile, son but et les matières
destinées à faire l'objet de ses débats. Avec les paroles du
pape lui-même, ce sont les sources les plus dignes de foi, les
seules aussi où il faille chercher la réponse à ces questions.
Tout ce qu'on en a dit, sans tenir compte de ces renseigne-
ments, n'est le plus souvent qu'imaginations fantaisistes
inspirées par la haine et la passion.
A cette première séance, Mgr Pierre Giannelli, évèque titu-
laire de Sarde, prosecrétaire de la congrégation du concile,
nommé par le Saint-Père secrétaire de la Commission cen-
trale, lut son rapport sur les quatre questions proposées à
(1) Voir le procès-verbal du 9 mars 1865. Cfr C. V. 1013 c. sirq. — La feuille
où Pie IX a écrit de sa propre main le nom des cinq membres est encore
conservée aux archives du concile.
(2) Quadro dei senlimenli, che gli eminenlissimi Cardinali. invitait dal S. Padre
Pio IX, hanno rnanifestalv sulla convocazione di un Concilio ecumenico. 6 p. fol.
Cfr C. V. ibidem.
[22]
26 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
cette première réunion (i) : nécessité de la convocation d'un
concile, obstacles qui pourraient s'y opposer, dispositions
à prendre avant la convocation, matières à discuter au
concile.
Lvant de traiter la première question, M51- Giannelli l'ait
cette remarque préliminaire : en thèse générale, l'Eglise ne
regarde pas les conciles comme absolument nécessaires ; elle
en reconnaît seulement la nécessité relative et la grande
utilité. C'est en ce sens qu'il veut être compris, lorsqu'il
parlera de la nécessité actuelle d'un concile.
L'Eglise, dit-il en substance, n'a pas, comme à l'époque du
concile de Trente, à déplorer l'apparition de quelque grande
hérésie ou d'un nouveau schisme: au contraire, un lien très
solide tient unis, comme les membres d'un même corps, les
pasteurs de tout le troupeau avec le pasteur suprême.
Sans parler cependant du jansénisme qui, au siècle der-
nier (XVIIIe), a troublé si profondément l'Eglise et qui n'a
pas encore disparu, dans le domaine des sciences naturelles
pullulent les erreurs les plus funestes et les plus répandues
qui ne tendent à rien de moins qu'à détruire la foi et la
morale chrétienne, ainsi qu'à bouleverser complètement la
société humaine. En outre, de la clôture du concile de Trente
à nos jours, plus de trois siècles se sont ('coulés sans concile,
fait sans exemple depuis l'époque des persécutions; on ne peut
contester, d'ailleurs, que les changements considérables sur-
venus au cours de cette longue période ne rendent nécessaire
un renouvellement ou même une transformation de la disci-
pline ecclésiastique, et pour la masse des croyants et pour
les deux clergés séculier et régulier. Il y aurait, enfin, à
délibérer sur les moyens de procurer, avec la grâce de Dieu,
la conversion des hérétiques et surtout le retour à l'unité
de l'Eglise schismatique.
(1) Procès-verbal du 3 mars. Pièce B. — Le rapport dont nous parlons
commence par les mots : Dalla stampa.
23
RAPPORT DE M"1' GIANNELLI 27
Assurément, les papes et Pie IX tout particulièrement ont
donné tout le soin possible à ces affaires, mais, au témoi-
gnage de l'histoire et suivant l'esprit de l'Eglise, pour
atteindre le but de tous ces efforts rien ne saurait être aussi
efficace qu'un concile général.
Le secrétaire de la Commission ne prévoit qu'une objec-
tion : c'est que l'Europe et la pauvre Italie surtout sont en
étal <le révolution; personne ne peut prévoir les change-
ments qui se produiront, ni quelle sera, au terme de l'agita-
tion, la situation définitive; il n'est donc pas possible encore
de prendre les mesures que réclamera, dans quelques années
peut-être, un nouvel état de choses. Mais cette difficulté ne
concerne qu'une partie des matières dont aurait à s'occuper
le concile; <le plus, il ne s'ouvrirait pas avant deux ans au
moins, et l'on peut espérer que dans cet intervalle les évé-
nements auront suivi leur cours et suffiront à indiquer le
sens des dispositions à prendre. On ne doit pas oublier,
d'ailleurs, qu'un grand nombre de conciles ont été convoqués
au moment des troubles les plus graves.
La réponse de Mgr Giannelli à la première question est
donc affirmative : la convocation d'un concile est très utile,
même relativement nécessaire.
Passant à la seconde question, celle des obstacles qui
peuvent s'opposer à la réalisation du projet, il se demande
tout d'abord s'il n'y a pas à craindre que les gouvernements
n'empêchent les évêques de prendre part au concile. Four les
évêques d'Allemagne, dit M^1" Giannelli, il n'y a rien à redou-
ter, ni des princes catholiques ni des autres ; pas davantage
pour l'Espagne, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre et
l'Amérique. Mais aux évêques de France, de Portugal et
surtout d'Italie, ne sera-t-il pas fait défense de répondre à la
convocation ? Du côté de la France cependant, cette crainte
est moins fondée. Le grand attachement de l'épiscopat au
Saint-Siège, les sentiments religieux de la nation font douter
• ' [23-24]
28 BISTOIRE 1)1' CONCILE DU VATICAN
que l'empereur ose empêcher les évêques appelés par le pape
et pour le bien général de l'Eglise d'assister à la plus solen-
nelle et à la plus importante de ses délibérations. Au sujet
de l'Italie le rapporteur repète qu'il a de sérieuses appréhen-
sions. Mais si les évêques de ce pays ne pouvaient prendre
part au concile, il s'y rendrait encore un assez grand nombre
de prélats groupés autour de leur chef suprême pour consti-
tuer une digne représentation de l'Eglise.
Quant à prévoir si Rome serait un lieu sur pour la tenue
d'un concile, s'il n'éclatera pas bientôt quelque guerre qui
bouleversera toute l'Europe, surtout l'Europe centrale, c'est
impossible ; il faut s'abandonner à la Providence ; au reste il
est arrivé plus d'une fois que dans des cas semblables un
concile déjà convoqué a dû être différé. Bref, au jugement
du rapporteur, les obstacles à redouter m1 sont pas assez
graves pour obliger à rejeter la pensée d'un concile.
Qu'y a-t-il à faire avant de convoquer le concile, c'était la
troisième question. M81" Giannelli commence par parler de la
nécessité de s'entendre avec les princes catholiques ; non
seulement l'histoire des conciles, mais la nature même des
choses l'exigé, car il importe grandement pour l'heureuse
marche et pour le succès de ces assemblées que les princes y
soient favorables; toutefois, il ne peut pas y avoir de doute
sur le droit du pape de convoquer un concile de sa propre
initiative, ("est donc à la sagesse du Saint-Père qu'il faut
laisser à décider s'il doit engager des négociations avec les
souverains catholiques, spécialement avec l'empereur des
Français. Si pour des motifs graves la chose paraissait inop-
portune, il serait nécessaire, en même temps qu'on publierait
la bulle de convocation, de se mettre en relation parles nonces
ou par des légats extraordinaires avec les gouvernements
pour les décider à favoriser le concile, et. suivant l'ancien
usage observé encore au concile de Trente, à s'y faire repré-
senter officiellement.
2i-25]
RÉSOLUTIONS DE LA COMMISSION CARDINALICE ' 2ïJ
L'auteur du rapport propose ensuite d'appeler à Home des
ecclésiastiques des divers pays afin de délibérer avec eux
sur les besoins de leurs églises respectives ; le principal avan-
tage d'un concile consiste, en effet, à permettre de se rendre
compte de l'état de toutes les parties de l'Eglise ; or, on ne
saurait mieux obtenir ce résultat qu'en conférant d'avance à
ce sujet avec des hommes bien informés et venus de partout.
Quant aux objets des délibérations du concile, Msr Giannelli
n'en veut pas parler. Cette question est assez grave pour que
la Commission puisse renoncer à la discuter dans sa première
séance ; il ne fera donc que deux remarques : premièrement
on devra avant le commencement du concile tenir prêtes
autant que possible les questions qu'on se propose de lui sou-
mettre ; secondement pendant la tenue de l'assemblée il
faudra, comme à Trente, joindre à la condamnation des
erreurs, des délibérations sur les matières de discipline.
Le rapport de M81" Giannelli obtint l'assentiment des
cardinaux ; c'est à peine si sur un point ils s'écartèrent de sa
manière devoir. Cependant les questions discutées par eux en
séance ne coïncident pas exactement avec celles qu'il avait
traitées.// Ils tombèrent d'accord sur les cinq points suivants :
i° La convocation d'un concile est opportune et relative-
ment nécessaire ;
2" Il n'y a pas à entamer d'avance de négociations avec les
princes catholiques; toutefois, il sera utile et convenable, en
même temps que sera publiée la bulle de convocation, de
faire auprès d'eux « les démarches qui paraîtront oppor-
tunes ». On ne dit pas en quoi devront consister ces démar-
ches : on choisit une expression générale, afin de réserver à
de plus mûres réflexions la détermination précise de la con-
duite à tenir ;
3° Avant de publier la bulle de convocation le pape devra,
dans la forme à fixer par lui s'entendre avec le Sacré Collège;
[25-26]
30 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
4° Il serait bon de nommer mie congrégation extraordinaire
chargée de diriger les affaires du concile ;
5° Cette congrégation devrait, aussitôt la balle de con-
vocation publiée, consulter quelques évêques des diverses
nations pour en obtenir un tableau sommaire des points de
dogme et de discipline (pie d'après les besoins de leurs pays
respectifs ils jugeraient bon qu'on traitât au concile.
Les cardinaux décidèrent enfin de proposer la création de
consultes subordonnées à la congrégation directrice. Les
consulteurs auraient à s'occuper d'étudier et de préparer les
matières à soumettre au concile. Le cardinal Bizzarrî fut
prié de rédiger un projet dans ce sens (i).
Dans l'audience du i3 mars (2) où le secrétaire de la Com-
mission rendit compte au pape de ses délibérations, le Saint-
Père en approuva toutes les décisions. Sur un point seulement
un changement lui parut nécessaire. Au lieu de remettre
jusqu'à la convocation du concile les informations à prendre
auprès des évêques des diverses nations, il décida qu'il valait
mieux les inviter tout de suite, et sous le sceau du plus grand
secret, à faire connaître leur opinion sur les questions à dis-
cuter au concile : lui-même désigna les noms de ceux à qui
cette invitation devait être adressée.
~i*
(1) Cfr C. V. 1014 c. sq.
(2) Aussitôt après chacune des séances de la commission, le secrétaire allait
rendre compte au pape des délibérations. Il est régulièrement tait mention
de ces audiences dans une note ajoutée aux procès-verbaux.
[26]
CHAPITRE III.
Rapports des cardinaux résidant à Rome
sur le projet du pape.
Lorsqu'il leur avait manifesté son projet de convoquer un
concile, Pie IX avait demandé aux cardinaux présents de lui
faire connaître par un mémoire leur opinion sur ce sujet (i).
Plus tard cette invitation avait été étendue à tous les cardi-
naux résidant à Rome (2). D'après le compte rendu imprimé
du Père Spada (2), au moment de la séance delà Commission
dont il a été question au chapitre précédent, quinze de ces con-
sultations avaient déjà été remises; les six autres se succé-
dèrent plus ou moins rapidement (4). De celles, eu petit
nombre, qui sont datées, la première est celle du cardinal
Caterini, du 22 décembre 1864, la dernière celle du cardinal
Riario Sforza, du 5 janvier 1866. Les cardinaux Pentini,
Bifondi, Ugolini, Villecourt et le cardinal vice-chancelier
Amat écrivirent en latin ; les autres en italien. La pièce la
plus volumineuse, quarante-six colonnes in-folio, écrites, il
est vrai, en caractères assez gros, est due au cardinal
Reisach; le cardinal Bizzarri le suit de près avec trente
colonnes. Le plus bref a été le cardinal Pentini qui exprime
son avis en moins d'une colonne.
(1) Page 21.
(2) Ibidem.
(3) Page 25, note 2.
(4) Voici les noms des vingt et un cardinaux : Barnabe, Reisach, Caterini,
Altieri, Cagiano, Panebianco, Patrizi, Bizzarri, Roberti, Pentini, Sacconi,
Rifondi, Ugolini, Villecourt, Paracciani Clarelli, Asquini, de Luca, Milesi,
Riario Sforza, Mattei et Amat.
2T
32 HISTOIRE DO CONCILE DU VATICAN
Dans ce qui va suivre nous conservons l'ordre choisi par la
plupart «les éminents auteurs : nous donnons leurs opinions
sur la nécessité et l'opportunité d'un concile général, sur les
matières à y traiter, enfin les propositions particulières de
chacun.
Pour répondre à la première question, écrit le cardinal
Reisach, — dont le travail, sur ce point du moins, est le plus
approfondi, — quelques remarques générales sont nécessaires
sur la situation de l'Eglise, touchant le dogme, la discipline
intérieure et ses relations avec le dehors, afin d'apprécier de
ce triple aspect l'utilité de la démarche projetée. Grâce au
concile de Trente, grâce aussi à la sage et active vigilance
du Saint-Siège, le dépôt entier de la foi a été défendu et
sauvegardé contre les hérésies des réformateurs et de ceux
qui sont venus après eux; de nos jours, la doctrine catho-
lique a suffisamment développé et consolidé tous ses points
fondamentaux pour se trouver en mesure de découvrir et de
réfuter les erreurs contre ses divers dogmes.
Cependant, on ne saurait le méconnaître, en même temps
qu'elle entraînait les communautés séparées à des égarements
de toute sorte, au rejet même de la révélation surnaturelle
et divine, l'erreur fondamentale de la Réforme, c'est-à-dire,
la négation de toute hiérarchie et de toute autorité doctrinale
dans l'Eglise, a aussi, par suite des théories modernes et des
transformations politiques, exercé sur les catholiques une
influence plus ou moins notable; elle a amoindri leur respect
et leur soumission à l'égard de l'autorité ecclésiastique et les
a exposés au danger d'accepter des opinions qui contredisent
plus ou moins la saine doctrine. Les nouveaux systèmes
philosophiques inventés tous les jours par l'indifférentisme
religieux et le rationalisme ont encore accru ce péril, car ils
mènent très vite au naturalisme et au matérialisme ou bien
au panthéisme vulgaire et à l'idéalisme; on les a d'ailleurs
[28]
RAPPORT DU CARDINAL REISACH 33
appliqués à tons les objets dos connaissances humaines; aussi
n'y a-t-il plus ni science ni art théorique ou pratique que
n'aient pénétrés et corrompus des opinions et des doctrines
hostiles à la foi en elles-mêmes ou du moins dans leurs
conséquences logiques. Avec l'unité des croyances, les esprits
ont perdu l'unité des principes qui sont à la base de toutes
les sciences humaines ou naturelles ; c'est cette unité cepen-
dant, fruit de l'humble soumission aux dogmes infaillibles
de la foi, qui a été la meilleure des sauvegardes contre
l'hérésie et a l'ait en même temps de toutes les sciences
parfaitement reliées entre elles, les auxiliaires empressées
de la théologie.
Les catholiques de tous les pays ont bien senti le danger
auquel l'influence de la science moderne expose la foi.
« Mais, dit le cardinal, l'abandon de la méthode et des prin-
cipes scientifiques des écoles d'autrefois a interrompu le
développement de la science catholique traditionnelle; un
grand nombre de savants ont adopté soit l'un, soit l'autre des
systèmes philosophiques modernes ou, du moins, leur ont
emprunté certains principes, ou certaines opinions particu-
lières; de là, cette espèce d'incertitude sur les moyens à
employer pour défendre et développer le dogme que nous
constatons aujourd'hui dans le sein de l'Eglise; dans leurs
essais d'apologétique et dans leurs travaux sur les sciences
naturelles, il n'est même pas rare que des écrivains et des
professeurs catholiques blessent, sans le vouloir, la pureté
de la vérité révélée. »
La nécessité où s'est trouvé le Saint-Siège depuis le com-
mencement du XIXe siècle, de signaler des erreurs de toute
sorte et de les condamner, suffirait à montrer le péril que
courent les catholiques. Sous l'influence de cet esprit de
liberté et d'indépendance absolue qui, depuis la Réforme,
n'a pas cessé de se propager, certains d'entre eux en sont
venus, sinon à combattre l'autorité et le magistère infaillible
5
[291
34 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN
du Saint-Siège, du moins, « à ne plus dissimuler une espèce
de répugnance à accepter ses décisions, à entretenir à son
égard des défiances et des hésitations, comme s'il n'était pas
en étal <lc connaître et d'apprécier suffisamment les besoins
et les tendances intellectuelles des diverses nations dans
Leurs rapports avec l'évolution de la science hétérodoxe ».
«C'est l'Allemagne surtout que j'ai en vue », poursuit le
cardinal Reisach, « mou expérience personnelle m'a fait con-
naître ce pays mieux que tout autre : le subjectivisme scien-
tifique y est si enraciné qu'il s'y allie sans trop de peine avec
un ferme et sincère attachement à l'Eglise et au dogme catho-
lique. De plus, les préjugés depuis si longtemps en cours
contre Rome et le Saint-Siège n'y ont pas complètement
disparu. »
Dans les autres pays, il en sera de même. Propagé par la
presse et les sociétés secrètes, le faux libéralisme amoindrira
partout l'estime et la soumission pour l'autorité.
Un concile général relèverait beaucoup le prestige du
Saint-Siège. 11 montrerait l'épiscopat tout entier en plein
accord doctrinal avec son chef, et la profession universelle,
la promulgation solennelle des mêmes vérités feraient dispa-
raître ces hésitations, ces réserves, ces objections, où se
trahit la répugnance — théorique ou pratique — qu'ont cer-
tains catholiques à se plier complètement aux décisions de
Rome. En outre, les erreurs contemporaines doivent le plus
souvent leur origine à des circonstances de temps et de lieu
dont l'exacte connaissance est indispensable pour les juger :
la présence au concile d'évêques et de théologiens de tous les
pays fournira une occasion très propre à se renseigner sur ce
point, elle permettra d'utiles échanges de vues sur les moyens
de faire triompher la vérité.
Unanimement tous les cardinaux se plaignent de l'envahis-
sement de toutes les couches de la société — même catho-
[29-30]
PROGRES DE L INCREDULITE — LA FRANC-MAÇONNERIE .'',5
tiques — par l'incrédulité et les doctrines impies ou hostiles
à l'Eglise. Dans les premiers temps du Christianisme, dit le
cardinal Bizzarri, c'est aux corps qu'on s'en prenait; les mar-
tyrs étaient obligés d'en faire le sacrifice à leur foi; aujour-
d'hui, on s'attaque directement aux âmes. « Par des systèmes
aussi faux qu'ils sont étranges, philosophes et écrivains unis-
sent leurs efforts pour arracher jusqu'aux racines de la reli-
gion catholique. » Le clergé est exclu des écoles, la jeunesse
est livrée à des maîtres sans foi, l'Eglise, spoliée de ses biens,
voit ses droits foulés aux pieds, l'incrédulité est ouvertement
proclamée et la papauté en butte à toutes les attaques. Les
parlements retentissent de maximes anticatholiques et anti-
religieuses, l'Etat omnipotent s'est séparé de l'Eglise; la
volonté du peuple, loi suprême, menace la puissance pater-
nelle, la propriété, les liens sacrés du mariage; / les principes
d'une révolution envahissante, avide de conquête, jamais
satisfaite, l'esprit démagogique et l'égoïsme dominent les
gouvernements et les particuliers et inspirent toute leur
conduite.
Les mémoires des cardinaux appellent le magnétisme, le
somnambulisme et le spiritisme la plaie et la honte de notre
temps.
Sous l'apparence d'une société de bienfaisance, disent la
plupart des éminents consulteurs, la franc-maçonnerie n'a
d'autre but que d'établir sur la ruine de toutes les sociétés
religieuses, la religion universelle de l'humanité : c'est l'in-
strument destiné à faire passer en pratique les théories dites
modernes. —
Le mémoire du cardinal Reisach parle aussi de la disci-
pline ecclésiastique. Il fait d'abord remarquer son étroite
connexion avec le dogme. Elle manifeste et sauvegarde les
propriétés primordiales de l'Eglise. Etablie sur un fonde-
ment immuable, elle doit demeurer immuable elle-même;
[30-31]
30 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
c'est, en effet, ce caractère de stabilité qu'on retrouve dans
les principes qui la déterminent et dans les lois organiques
qui règlent l'institution et le fonctionnement du pouvoir
ecclésiastique. Mais en même temps elle doit être susceptible
de modifications, car les lois particulières ont à tenir compte
des circonstances variables de temps et de lieu. L'histoire de
l'Eglise, les décrets des conciles, les bulles des papes,
les décisions des Congrégations montrent qu'il en est
ainsi.
11 y a lieu aujourd'hui d'entreprendre une révision de la
législation disciplinaire de l'Eglise, et un concile général est
le meilleur moyen de l'accomplir : c'est Indubitable. Depuis
la fin du siècle dernier (le XVIIIe), dit le cardinal Eeisach,
et depuis le commencement de celui-ci (le XIX'), les révolu-
tions politiques et sociales ont si profondément modifié les
conditions extérieures de la vie (pu1 l'observation de bien
des lois disciplinaires est devenue dans la plupart des pays
extrêmement difficile, parfois impossible, nuisible même au
bien des âmes. L'Eglise se trouve en effet dans une situation
violente : les gouvernements s'immiscent dans ses affaires
par des lois et des édits, ils ont réglementé presque tous les
points de sa discipline d'après la nouvelle organisation poli-
tique et sans avoir égard à ses principes propres. Le plus
souvent les évèques ont été obligés de tolérer ces empiéte-
ments, de s'en accommoder, d'y coopérer même dans la mesure
que permettaient les droits et les principes essentiels du
gouvernement ecclésiastique afin de pouvoir continuer leur
ministère et conserver dans le peuple la foi et la pratique du
christianisme. De là les règles nouvelles suivies dans l'ad-
ministration des diocèses; elles sont passées en habitude,
leur abrogation serait une cause de désordre. L'Eglise a bien
eu recours à des concordats; mais, sans parler même des
mesures par lesquelles divers Etats en ont arbitrairement
éludé les dispositions, l'interprétation des concordats s'est I
31-32]
RAPPORT 1)1 CARDINAL REISACH : LA DISCIPLINE 37
faite elle aussi dans le sens des changements survenus. Et
puis, il faut encore considérer les pays de missions : là non
plus les lois et les institutions de l'Eglise, nées de circon-
stances toutes différentes, ne sauraient trouver leur appli-
cation. La conclusion s'impose : en divers pays, pour beau-
coup de matières, le droit canonique se trouve en fait
sans objet; dans d'autres il n'est plus applicable sans modi-
fications; à laisser ces pays soumis au droit commun actuel,
on rend les dispenses plus fréquentes que la règle. Il est
donc devenu nécessaire de supprimer, de changer, de pré-
ciser les lois, d'en édicter de nouvelles appropriées aux
besoins nouveaux ; or, pour tout cela, rien de plus efficace
qu'un concile général où les évéques des divers pays peuvent
fournir les renseignements nécessaires et discuter tout à la
fois la théorie et la pratique.
En terminant ce paragraphe, le cardinal répète encore
qu'il ne parle pas des lois en connexion étroite avec le
dogme et avec la constitution immuable de l'Eglise; il ne
vise que les ordonnances et les institutions destinées à ren-
dre son action féconde pour les âmes. Celles-ci doivent varier
avec les temps et les besoins des peuples; s'obstinera les
maintenir invariables, c'est se priver de cette influence sur
les hommes qui permet, à travers les vicissitudes de ce
monde, de les conduire à leur fin éternelle. Or, c'est précisé-
ment son immobilité, qu'un faux progressisme, destructeur
de tout principe conservateur, reproche aujourd'hui à l'Eglise
comme le vice qui la rend incapable de Conduire et de guider
la société moderne.
Plusieurs de ces réflexions, en particulier celles qui con-
cernent les missions, sont reprises plus brièvement par
d'autres cardinaux; mais par contre, et pour des motifs que
nous ferons connaître plus loin, les cardinaux Bizzarri et
Roberti écartent absolument toute discussion sur les. ques-
tions de discipline.
[32]
38 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
Reisach examine en troisième lien les relations extérieures
de l'Eglise et voici les idées qu'il développe. Si l'on compare
la situation faite aujourd'hui à l'Eglise vis-à-vis de la société
et du pouvoir civil avec celle qu'elle avait dans les siècles
précédents, alors qu'en somme toutes les affaires publiques
étaient plus ou moins menées et réglées par elle, on recon-
naît que son influence a considérablement diminué, pour ne
pas dire complètement disparu. C'est assurément dans des
desseins pleins de grandeur et de sagesse que la Providence
a permis cette séparation des deux puissances ; mais de l'im-
possibilité où se trouve l'Eglise jd'exercer désormais son
influence sur les affaires publiques, il résulte pour les Etats
une tendance à l'anarchie et au despotisme païen, et pour
l'Eglise elle-même une entrave à son action salutaire sur les
individus; c'est en vain jusqu'ici qu'elle réclame la liberté et
l'indépendance à laquelle sa nature lui donne droit
<c Sans hésitation aucune, écrit le cardinal, je crois néces-
saire que l'Eglise proclame par quel principe se justifiait et
se justifie encore son influence sur la société. Restreindre
en effet son autorité et son action aux seuls individus et
l'exclure de la société, c'est commettre une erreur dogma-
tique; c'est appliquer les faux principes de la Réforme à la
personne morale de l'Etat ou du gouvernement; c'est poser
en principe les fausses théories du droit moderne subversives
des lois naturelles qui sont la sauvegarde de la justice et de la
société humaine. Parmi les hétérodoxes eux-mêmes on s'ac-
corde plus ou moins à déplorer les doctrines libérales ou révo-
lutionnaires que la violence et le droit du plus fort font passer
dans la pratique ; si donc l'Eglise, en vertu de sa mission
d'enseigner les vérités éternelles, choisit ce moment pour
faire entendre sa voix, personne ne mettra en doute l'oppor-
tunité de son intervention ; beaucoup reconnaîtront qu'elle
seule a assez de courage pour les publier et seule peut sauver
la société et la rétablir sur les principes fondamentaux de
l'ordre voulu par Dieu.//
[331
l'église et LA SOCIÉTÉ 39
L'Eglise, je le sais fort bien, ne peut plus recouvrer les
moyens extérieurs qui dans les siècles passés assuraient son
influence sur les affaires publiques; mais elle n'en doit pas
moins éclairer les esprits sur les vrais rapports de l'ordre
surnaturel avec l'ordre naturel, du pouvoir religieux avec le
pouvoir civil, du pouvoir civil lui-même avec les droits
naturels que les sujets possèdent en qualité de chrétiens et
de membres de l'Eglise. Le cardinal est d'avis que l'impo-
sant spectacle d'un concile général proclamant d'une com-
mune voix, au milieu de la confusion des idées et de
l'anarchie qui en résulte, l'ordre établi par Dieu ne peut
qu'impressionner profondément les contemporains ; et l'on
aura du moins conservé le germe de la vérité pour des temps
plus heureux.
Les autres cardinaux présentent des considérations sem-
blables; la majorité conclut à la nécessité d'un concile :
nécessité relative et non absolue, car en soi le plein pouvoir
du pape suffirait à condamner les hérésies nouvelles et à
accommoder la discipline aux besoins présents. Mais, disent-
ils, les maux de l'Eglise sont extraordinaires, ils exigent
donc un remède extraordinaire ; en des cas pareils on recou-
rait jadis à des conciles généraux; la large diffusion des
erreurs actuelles, les racines profondes qu'elles ont jetées,
les nécessités urgentes de l'Eglise rendent aujourd'hui ce
moyen indispensable. Sans doute les papes ont déjà con-
damné ces fausses doctrines ; mais prononcée par le corps
entier, l'épiscopat uni à son chef suprême, la sentence aura
cette fois une portée décisive.
Seul le cardinal Pentini, dans un mémoire latin assez
maigre du 10 janvier i865, déclare qu'il ne voit pas de motif
à la convocation d'un concile.
C'est toujours une affaire grave qu'un concile général; il
y a danger d'y voir se'manifester parmi les Pères des diver-
[34]
40 HISTOIRE Dl CONCILE 1)1 VATICAN
genees d'opinion qui peuvent affaiblir l'unité en matière de
foi, au plus grand détriment des âmes. Aussi ne faut-il en
aucun cas (niillimodé) recourir à semblable moyen a à moins
qu'il n'existe déjà quelque dissentiment grave que le danger
d'une erreur en matière de foi oblige à régler définitive-
ment ». Xous vivons assurément à une époque lamentable,
nous voyons se commettre des excès; <c cependant par la
grâce de Dieu l'épiscopat a jusqu'ici été unanime dans >es
condamnations et en matière de foi il n'existe pas d'erreur
à corriger ; je suis donc humblement d'avis qu'il n'y a pas
lieu de réunir un concile général » (i).
Les autres cardinaux qui se prononcent, absolument' ou
sous réserves, contre le projet de convocation reconnaissent
pleinement la nécessité ou du moins l'utilité du concile;
mais leur avis leur est dicté par la considération des diffi-
cultés et des obstacles auxquels, d'après eux, l'entreprise
doit se heurter. Sous cette impression le cardinal Roberti
répond nègâtivamentè. Les circonstances sont si graves, au
jugement du cardinal Amat, qu'il n'ose pas décider s'il y a
lieu d'abandonner le projet formé; il s'en remet au pape.
Les cardinaux Sacconi et Paracciani-Clarelli conseillent
d'attendre des temps meilleurs ; Villecourt ne croit
pas que de longtemps il y ait à convoquer un concile;
Mattei « ne saurait le croire [utile [dans les circonstances
actuelles ».
La question d'opportunité prêtait en effet à des objections
bien graves. Aucun cardinal ne se le dissimulait ; mais on
pouvait compter, en cette occasion, sur une assistance parti-
(1) « Cum vero Luctuosissimis certe quod (sic vivimus hisce hniporibus :
licet iniiiiiiiera perpetrentur facinora, gravissima (iiiidem quoad facta, verum-
tamen, opilidante Deo, mania juin ab Episcopatu universo unanimi reprobata
conseil su : nullaque explananda circa fidem cxsU-t divergentia, quie declara-
tione indigeat : humililer censeo non esse locu»i Generalis Conalii convocation!. »
— C'est le cardinal lui-même qui a souligné les mots en italique.
ÏubraryV
RAPPORT DES CARDINAUX — OBSTACLES PREVUS 41
culière de Dieu; aussi le plus grand nombre conclut-il à la
possibilité de surmonter les difficultés.
Voici quelques-uns des obstacles qu'on redoutait de la
part des circonstances extérieures. Nous vivons en un temps
de trouble, de surexcitation, de désordre; tous les esprits
sont en fermentation, on ne sait si l'on va à la guerre
ou à la paix; la société humaine est encore comme plongée
dans l'ivresse de ses égarements et de ses erreurs ; il ne faut
pas combattre le mal tant qu'il est à son paroxysme (i).
La simple convocation du concile suffira à éveiller l'extrême
défiance des ennemis de l'Eglise et les fera recourir à de
nouvelles violences pour en empêcher la réunion (2). Les
gouvernements hétérodoxes ne seront pas les seuls à prendre
parti contre le synode ; certaines puissances catholiques lui
seront défavorables, car elles prévoient bien que l'assemblée
réclamera pour l'Eglise la liberté et l'indépendance dont on
la prive, qu'elle rejettera comme contraires à la saine doc-
trine les principes et les théories sur lesquels s'appuie le
droit public moderne, qu'elle établira une discipline destinée
à rendre caducs les décrets et ordonnances par lesquels ils
ont mis en harmonie, comme ils disent, les affaires ecclésias-
tiques avec l'administration civile (3).
LTne des plus grandes difficultés, aux yeux des cardinaux,
était de savoir s'il fallait inviter les souverains au concile.
Invités, ils pourraient formuler des demandes inacceptables ;
laissés de coté, ils trouveraient dans leur exclusion un nou-
veau motif de mécontentement et d'opposition. On ne pouvait
cependant pas convoquer les gouvernements non catholiques!
Mais il faudrait entrer en relations avec 1' « usurpatore e
sacrilego governo Italiano »; d'où ^inconvénient de sembler
le reconnaître officiellement (4). Reisach doute qu'il soit bon
(1) Bizzarri.
(2) Reisach, Panebianco.
(3) Reisach.
(4) Reisach, Sacconi, de Luca, Barnabe, Asqainî~.
[35-36
42 HISTOIRE 1>1 CONCILE DU VATICAN
de s'entendre d'avance avec les pouvoirs civils : on s'expose
à provoquer leur opposition ouverte ou à leur l'aire croire
qu'on a besoin de leur consentement.
Les cardinaux redoutaient en outre que certains gouver-
nements interdissent aux évêques de se rendre au concile;
il fallait s'y attendre non seulement de la part des non catho-
liques, mais aussi du Portugal, de l'Italie, peut-être même de
la France (i). La maladie empêcherait quelques prélats
d'assister à rassemblée; d'autres craindraient, dans ces
temps troublés, de laisser seuls leurs diocèses : et de tout
cela on se ferait des armes contre le Saint-Siège et le
concile (2).
Les réflexions qu'inspire au cardinal Reisach l'attitude
probable de Napoléon III sont à noter : « Déjà, lors de la
canonisation (3), écrit-il, l'empereur commença par se
montrer peu favorable au voyage des évêques; toutefois, il
n'osa pas en maintenir la prohibition. L'annonce d'un
concile général excitera certainement son humeur; comme il
tient manifestement à ne pas blesser la conscience des catho-
liques (on l'a bien vu dans l'affaire du pouvoir temporel), il
est possible qu'il ne se hasarde pas à interdire aux évêques
français de paraître à cette assemblée; l'amour-propre
national pourrait être blessé si l'on voyait l'intervention du
souverain empêcher les prélats de prendre part à un acte
ecclésiastique aussi solennel. Il faut pourtant bien se dire
(pic, s'il ne veut pas du concile, l'empereur aura plus d'un
moyen de l'entraver; il lui suffirait, par exemple, de prendre
quelque parti définitif au sujet de Rome. Cependant, si je
songe au caractère de Napoléon, à son souci (h1 sauver les
apparences, je ne puis croire qu'il se départisse ainsi de sa
réserve. Au contraire, le concile pourrait bien mettre Home
(1) Reisach, Villecourt, Bizzarri, Sacconi et d'autres.
(2) Sacconi ; de même Bizzarri, Barnabo et d'autres.
(3) En 1862.
[313-37]
RAPPORT DES CARDINAUX — OBSTACLES PREVIS 43
•et le pouvoir temporel à l'abri d'un attentat. Avant de frapper
le dernier coup, l'empereur attend l'apaisement de l'émotion
dos catholiques et le relâchement de leur zèle — apaisement
et relâchement qui finiront par se produire, car les masses
sont ainsi faites (pie peu à peu leur ardeur s'éteint et (pie
l'habitude leur fait accepter et regarder avec indifférence ce
qu'elles avaient d'abord repoussé énergiquement. Mais le
concile ravivera le sentiment catholique, la réunion des
prélats donnera à leur parole plus de retentissement et le
pouvoir temporel des papes, au lieu de se réduire, suivant le
désir de nos ennemis, à une simple question italienne, se
maintiendra à son rang- de question catholique. »
Autre difficulté : Où se tiendrait rassemblée? Le concile
ne pouvait pas siéger hors de Rome, ce serait provoquer de
la part des gouvernements mal disposés le mécontentement,
la défiance et l'opposition ; le réunir à Rome, sous les yeux
du pape, ne serait-ce pas éveiller un soupçon contre la liberté
des évéques? A Rome, les circonstances présentes ne permet-
taient pas de compter sur les princes pour y garantir la
sécurité nécessaire : que de troubles on aurait à prévenir! Si
une révolution éclatait, quelle responsabilité pour le Saint-
Père (i). Et puis, qui se chargerait des frais énormes des
voyages (2)?
En outre, le concile une fois réuni, les journalistes seraient
à l'affût de toutes les nouvelles, la presse discuterait toutes
les questions, elle voudrait tout juger et exercer une pression
sur les Pères; dans les Parlements, le concile ferait l'objet
d'interpellations, on débattrait des matières ressortissant à
lui seul, on tâcherait de l'influencer (3); divers gouverne-
ments, enfin, s'opposeraient à la promulgation et à l'applica-
tion de ses décisions (4).
(1) de Luca, Sacconi, Panebianco.
(2) Barnabe.
(3) Mattei. Sacconi.
|4) Reisach, Sacconi.
[37-38;
44 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
\ ces difficultés du dehors s'en ajoutaient d'autres, d'ordre
intérieur. L'Italie manquait de théologiens et de canonistes
capables de préparer et d'approfondir les matières des
travaux du concile»; le cardinal Barnabô le faisait remarquer,
mais sans y insister, car on se ferait aider de l'étranger. Ce
qui préoccupait bien plus les cardinaux, c'était la pensée des
diverses entraves qu'à dessein ou sans le vouloir les Pères du
concile pourraient eux-mêmes apporter à sa marche. Sinon
en théorie, du moins en pratique, il se produirait des diver-
gences d'opinion; parmi tant de prélats et de docteurs de
pays différents, la diversité des idées, des préjugés, des
préoccupations, au point de vue politique, national, scienti-
fique devait nécessairement exercer une grande influence
et chacun défendrait sa manière de voir (i).
N'était-il pas à craindre aussi que les évèqucs élevassent
bien des prétentions de toute sorte et s'efforçassent d'am-
plifier leurs droits aux dépens du Saint-Siège? Le cardinal
Bizzàri passe en revue à ce propos toutes les nations : « Les
Espagnols tâcheront de se faire autoriser, comme les
Français, à accorder certaines dispenses spéciales de
mariage, au grand détriment de la Daterie. Selon les pays et
les nationalités, les évêques n'ont pas non plus la même
manière de voir sur certains points de discipline. Français et
Belges tiennent à dominer leur clergé et répugnent à laisser
de nouveau limiter leur pouvoir. Les Allemands voudront
peut être réformer la procédure canonique : il y a danger
qu'ils y veuillent introduire des principes plus ou moins
sains empruntés aux législations modernes. D'autres pour-
ront s'en prendre à l'exemption des réguliers ou à des ques-
tions semblables; que d'occasions données à des contesta-
tions, à des disputes fâcheuses et irritantes ! » On proposera
d'innombrables réformes, par exemple sur la trop fréquente
(1) Reisach
38
RAPPORT DES CARDINAUX SUR LE PROJET DU PAPE 43
évocation à Rome d'affaires sans importance, sur les frais
trop considérables et la lenteur excessive des procédures par
devant les sacrées congrégations. Le cardinal de Luca, cpii
exprime ces dernières craintes, a cependant la ferme con-
fiance que, dans ce cas, les présidents du concile procéde-
ront avec douceur « et sauront écarter sans trop d'amertume
les plaintes qu'on redoute » (i).
Voici une autre difficulté (pie signale le cardinal Mattei :
<c Partout aujourd'hui en Europe, dit-il, il y a des Parlements
et des Chambres; malgré leurs bonnes dispositions, les
évèques participeront plus ou moins à l'esprit qui y règne; ils
se sentiront froissés si l'on n'accepte pas leurs idées. »
Keisach redoute également les tentatives éventuelles d'appli-
quer aux affaires de l'Eglise la méthode de discussion usitée
en politique dans les Etats constitutionnels; pour les ques-
tions de discipline, en particulier, les inconvénients en
seraient graves.
Toutes ces préoccupations — il faut bien avouer que les
événements du concile les justifièrent en partie — expli-
quent facilement que parmi les conseillers choisis par le
pape quelques-uns aient reculé devant le projet de réunir un
concile, ou tout au moins devant l'idée d'une convocation
immédiate.
Mais nous trouvons aussi, développés dans les mémoires
des autres cardinaux, des motifs qui étaient bien propres à
faire espérer un heureux résultat. A côté de tous les maux,
disent-ils, dont souffre notre époque, il y a place aussi poul-
ies grandes pensées et les nobles sentiments ; la religion
possède encore aujourd'hui une véritable puissance d'attrac-
tion ; les conversions au catholicisme sont nombreuses ;
parmi les fidèles se manifestent les symptômes d'une vie
lii Cfr Keisach, Saceoni, Mattei, Patri/.i.
[39]
-40 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
toute nouvelle; eu bien des endroits, l'élan avec lequel on se
porte aux exercices de la piété chrétienne est admirable;
on combat le mal avec grande énergie. Un concile augmen-
tera le courage et la force des bons; il diminuera l'influence
du monde sur eux. Le monde pourra bien s'obstiner dans ses
erreurs, mais on élèvera contre lui un rempart puissant:
à ceux qu'il a séduits, et c'est le grand nombre, on ouvrira
les yeux. On ne voit guère en quoi l'Eglise aura plus à souf-
frir de ses ennemis après le concile; par contre, il y a ferme
espoir que les adversaires en seront affaiblis et les fidèles
fortifiés.
Au reste, si l'on n'y porte remède, les maux dont il s'agit
ne peuvent que s'aggraver. Le concile de Xicée se tint, lui
aussi, au moment où l'hérésie était à l'apogée de sa puis-
sance, et, pour ne rien dire des autres, le dernier en date ne
s'est-il pas réuni, alors que les novateurs étaient en pleine
activité et soulevaient toute l'Allemagne.
Les gouvernements ont leurs préoccupations qui les absor-
bent; ils n'en laisseront que plus de liberté à l'Eglise pour
traiter de ses affaires. Si une guerre éclate, le concile sera
différé. Les entraves que les princes peuvent mettre à la
réunion des évêques ne sont pas nouvelles; l'histoire nous
apprend qu'on a toujours réussi d'une manière ou d'une
autre à en triompher. D'ailleurs, n'est-ce pas le propre des
grandes entreprises de se poursuivre au milieu des contra-
dictions et des luttes? Les conciles généraux se sont toujours
tenus à des époques pleines de difficultés; ce sont précisé-
ment ces difficultés qui les ont provoqués.
Les évèques ne seront peut-être pas absents de leurs dio-
cèses aussi longtemps qu'on le suppose.
En tout cas, les avantages durables que l'avenir retirera
du concile sont bien plus grands que les inconvénients passa-
gers du présent. Les incidents regrettables auxquels peuvent
donner lieu l'esprit de parti ou l'excès des prétentions, tien-
39-40]
CIRCONSTANCES FAVORABLES Al' CONCILE 47
lient à la nature humaine ; trop souvent elle se laisse dominer
par la passion; niais il n'y a pas là, l'histoire on t'ait foi, de
quoi se laisser déconcerter; le concile de Trente, par exem-
ple, fut le théâtre de discussions et de luttes bien violentes;
mais, au moment des décisions, l'entente et la paix repa-
rurent et, après trois siècles, le monde admire encore aujour-
d'hui la sagesse toute surnaturelle des mesures qui furent
prises alors; au surplus, l'épiscopat actuel est bon et sin-
cèrement attaché au Saint-Siège; les évêques, ne se sentant
pas suffisamment soutenus par leurs gouvernements, ont
eux-mêmes intérêt à rester en rapports étroits avec Rome.
Mais la réponse capitale qu'on retrouve presque mot pour
mot dans les divers mémoires, c'est que Dieu, pour la gloire
duquel se réunit le concile, saura bien dans sa Providence
écarter les obstacles. Les efforts de l'enfer, les calculs de la
politique et les passions des hommes sont impuissants contre
Lui. Puisqu'il défaut de toute autre ressource, les besoins
de notre temps semblent exiger impérieusement un concile,
le secours divin lui est assuré.
La plupart des cardinaux donnent aussi leur avis sur les
objets à soumettre aux délibérations et décisions de la future
assemblée.
Avant tout, ils demandent la condamnation des erreurs
qui minent aujourd'hui le christianisme; mais ils veulent
qu'on y joigne un exposé des vérités qui s'y opposent (i).
Les principes généraux de la religion et de la morale devront
être l'appelés; les multiples empiétements de l'Etat sur le
terrain ecclésiastique, en matière de propriété, d'adminis-
tration, d'éducation, d'enseignement, de mariage, etc.,
seront l'objet de prohibitions spéciales (2). On revendiquera
énergiquement le droit pour l'Eglise d'exercer son influence
(1) Reisach et beaucoup d'autres.
(2) Reisach, Altieri, Bifondi, Cagiano. Asquini, Sforza.
[40-41]
4« HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
sur la société en tant que telle; on déterminera les restric-
tions à apporter à la liberté <le la presse (i). Le cardinal
Cagiano demande qu'on prenne les mesures nécessaires
pour obliger les puissances à observer les concordats.
Bifondi trouve que ces sortes de conventions devraient
être plus fréquentes, même avec les princes non catholi-
ques (2). Vient ensuite une série de projets pour la réglemen-
tation des affaires matrimoniales : ministre du sacrement (3),
mariage mixte (4), mariage civil (5), mariages clandestins (6),
tout cela doit faire l'objet de décisions nouvelles. Cagiano
demande aussi des modifications touchant les empêchements.
Il faut recommander de nouveau l'observation des diman-
ches et jours de fêtes, de l'abstinence et du jeûne, l'accom-
plissement du devoir pascal; au besoin, on en adaptera la
pratique aux circonstances présentes (7).
Un relèvement des études dans les séminaires est aujour-
d'hui devenu nécessaire (8); on proposera des lois à ce sujet,
ainsi que sur la restriction de l'inamovibilité des curés (9).
On tâchera d'unifier davantage la liturgie (10). Il y a des
réformes à faire dans le clergé séculier et régulier (n): les
exemptions des réguliers sont à diminuer (12). Le concile
devra travailler au retour des Orientaux; ceux-ci seront
donc spécialement invités (i3). Il en sera de même pour les
hérétiques (14); Panebianco demande pour eux des sauf
(1) Cagiano, Bifondi, Asquini, Sforza.
(2) Cfr Roberti.
(3) Altien.
(4) Altieri, Asquini.
(5) Cagiano, Asquini.
(6) Cagiano,
(7) Asquini.
(8) Bifondi, Clarelli, Bizzarri.
(9) Cagiano.
(10) Sacconi.
(11) Altieri, Clarelli, Bifondi.
(12) Sforza, Altieri.
(13l Caterini, Panebianco.
(14) Altieri, Panebianco.
[41-42;
LA DISCIPLINE — IDEES DU CARDINAL ROBERTI 49
conduits. Diverses questions sont à traiter au sujet des
missions étrangères (i).
Sur trois points : la législation disciplinaire, les Etats de
l'Eglise et l'infaillibilité du pape, les opinions des cardinaux
et leurs propositions présentent un intérêt tout particulier.
Nous l'avons déjà vu, le cardinal Reisach se prononce
nettement pour une adaptation radicale de la législation
ecclésiastique aux conditions sociales et politiques des temps
nouveaux. Altieri et d'autres encore sont du même avis ;
mais Bizzarri et Roberti insistent pour que cette matière ne
soit pas traitée au concile.
Le droit disciplinaire de l'Eglise ayant été la cause d'une
perpétuelle mésintelligence entre les deux pouvoirs, ne serait-
il pas à propos de le renouveler afin de prévenir les con-
flits à venir? Sans doute, répond le cardinal Roberti, mais
étant donné le peu de bonne volonté de l'une des parties,
il est à craindre que le remède ne reste inefficace.
D'ailleurs, ne peut-on pourvoir à cet inconvénient par des
concordats ou des dispenses pontificales? Si vous mettez en
question notre vieux droit, quel vaste champ ouvert aux
entreprises des adversaires, c'est-à-dire de tous les puissants
de ce monde, monarques, ministres et parlements, toujours
empressés à détruire quelque pan de mur de l'édifice actuel !
Evidemment on n'ira pas jusque là; le concile confirmera
les anciens canons et renouvellera les anathèmes ; mais le
fait même d'avoir procédé à un nouvel examen montrera
qu'il a douté de la légitimité de son droit (?) ou qu'il a voulu
tromper ses ennemis, puisqu'au moment même où il leur
faisait espérer des transformations, il était résolu à ne pas
changer un iota à ses anciennes doctrines (!)
Le cardinal Roberti, on le sait, est hostile à la réunion d'un
(1) Reisach, Bifondi.
[42J
50 HISTOIRE 1)1" CONCILE DU VATICAN
concile; Bizzarri, lui, ne s'y op] ose pas, et s'il ne veut pas de
discussion sur les questions de discipline, c'est afin d'éviter
que les évêques délibèrent sur les droits qu'ils désireraient
acquérir. Tous ne peuvent pas avoir les mêmes; il faut avoir
égard aux circonstances de temps et de lieu et le Saint-Siège
y a pourvu par des concessions particulières. « Et ici, pour-
suit-il dans son rapport, je crois devoir l'aire observer qu'on
ne saurait tolérer un accroissement des droits des évêques
aux dépens du Saint-Siège. Sans parler des inconvénients
matériels qui en résulteraient, et dont il faudrait aussi tenir
compte, il y en aurait d'autres de l'ordre spirituel : il n'y aurait
plus d'uniformité dans la concession des dispenses, — tel évè-
que se montrerait facile, tel autre serait plus exigeant —
partant, danger d'un relâchement dans la discipline ecclé-
siastique ; comme le faisait déjà remarquer l'ambassadeur
français au concile de Trente, les évêques pourraient être
obligés de céder à l'influence de personnes considérables.
Enfin, ce serait rendre moins fréquents ces retours au Saint-
Siège qui font contracte)- aux fidèles L'habitude de reconnaître
le centre de l'unité catholique et obligent les évêques à faire
acte de dépendance; les papes y perdraient un de leurs
moyens les plus utiles et les plus efficaces de connaître les
besoins de l'Eglise. x>
Au sujet du pouvoir temporel du pape, les cardinaux
n'étaient pas plus d'accord. Quand ils en parlent, tous affir-
ment bien que « c'est le rempart de l'indépendance du pouvoir
pontifical » i i ), et le cardinal Paracciani Clarelli qualifierait
volontiers d'hérétique l'opinion contraire; niais si Altieri
émet l'espoir que l'épiscopat aura au concile une nouvelle
occasion de proclamer solennellement la nécessité de la
souveraineté temporelle sur tous les Etats appartenant au
(1) Bifondi.
43]
LE POUVOIR TEMPOREL DU PAPE Si
siège apostolique, Roberti trouve une telle déclaration
inopportune.
Voici ses raisons : premièrement l'ensemble des évêques,
bien qu'il ne l'ait pas fait en concile, s'est déjà prononcé, et
avec un accord admirable, en faveur de la papauté; seconde-
ment, il ne lui parait pas à propos de transformer en dogme
de foi une opinion plus politique (pie théologique, sans intérêt
aucun pour de pieux et paisibles fidèles ; il y a même de bons
chrétiens qui, soit par préjugés d'éducation, soit pour
d'autres motifs, professent la croyance contraire et n'admet-
tent pas l'utilité d'une s/mveraineté temporelle. Ces hommes,
en tout le reste dociles observateurs des lois de l'Eglise,
pourquoi les troubler? On aurait l'air d'oublier la haute
sagesse du Père céleste et de se mettre en désaccord avec la
conduite adoptée jusqu'ici en semblables circonstances. Que
gagnerait d'ailleurs la chrétienté à une déclaration conci-
liaire sur la nécessité relative du pouvoir temporel du pape?
Croit-on que les souverains des pays catholiques se lèveront
pour lui l'aire recouvrer les provinces perdues ou lui faire
don de nouveaux territoires? D'autre part, si la Providence
dans ses desseins cachés, permettait que la spoliation sacri-
lège, étendue déjà à une si grande partie du pouvoir tempo-
rel, se poursuivît ou menus ce que Dieu veuille empêcher,
devînt complète, que diraient, non seulement les ennemis de
la foi, mais aussi tant d'hommes habitués à juger de la vérité
des choses d'après leurs succès ou leurs revers, en voyant
cette contradiction flagrante entre les décisions du concile
et les événements permis par Dieu?» Ce sont les propres
paroles de Roberti.
Deux cardinaux seulement parlent de la définition de
l'infaillibilité du pape. « En fait on ne peut nier, dit Asquini,
qu'entre les principaux privilèges qui forment la primauté du
pontife romain ne se trouve celui de l'infaillibilité. » 11 faut la
[43-44]
52 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
définir contre les Jansénistes. Ugolini se réjouit du grand
attachement des peuples et de l'épiscopat pour le Saint-
Siège; il y voit la ferme garantie de l'unanimité des Pères et
y puise « l'espoir cpie pour le bien de l'Eglise l'infaillibilité
du pape dans les questions de foi et de mœurs sera enfin
l'objet d'une définition ». Cela fait, on pourra pourvoir à
toutes les difficultés à venir sans avoir besoin de convoquer
un nouveau concile.
Xous terminons par quelques observations ou propositions
de détail faites par les divers cardinaux. Bizzarri insiste pour
que le pape détermine les matières à traiter au concile. On
désire que le Saint-Père tienne encore un consistoire (i) et
qu'il interroge un certain nombre d'évêques prudents,
instruits et zélés de France, d'Autriche et d'Espagne (2). /
Caterini croit que, tout en réservant la complète liberté du
pape, on devrait, par l'intermédiaire d'une personne sûre ou
par une lettre autographe du Saint-Père, s'informer des dis-
positions des princes catholiques, surtout de l'empereur des
Français. Pour préparer les matières il y aura à convoquer
des théologiens et des canonistes (3). Les évêques devront
ordonner des prières publiques et privées pour l'heureuse
issue de la grande entreprise projetée (4). Il faudra pendant
le concile pourvoir à l'administration des diocèses privés de
leur pasteur (5).
A la fin de leur rapport, presque tous les cardinaux décla-
rent s'en remettre au jugement que dans sa sagesse le Saint-
Père prononcera avec l'assistance de la grâce.
(1) Panebianco, Barnabô.
(2) Bizzarri.
(3) Caterini, Barnabô, Glarelli, Villecourt.
(4) Clarelli.
(5) Cagiano.
[44-45]
CHAPITRE IV.
Opinion des euequ.es de divers pays sur les matières
à traiter au Concile.
Sur la proposition de la Commission cardinalice, le pape
avait décidé d'inviter quelques évêques de divers pays à lui
envoyer un résumé des points de dogme et de discipline qu'ils
désireraient voir traités au concile (i). De sa propre main,
Pie IX dressa une liste, qu'on conserve aux Archives. Elle
comprend les noms de trente-six évêques de rite latin dont on
devait demander l'avis. C'étaient les archevêques et évêques
de Ravenne, Ferrare, Aneône, Fermo, Pérouse, Iesi, Pise,
Lucques, Sorrento, Mondovi et Casai, pour l'Italie: de
Rouen, Besançon, Orléans, Poitiers, Quimper, Versailles,
Xîmes, Arras et Tours, pour la France; de Vienne, Gran,
Prague, Olmûtz et Xeutra, pour l' Autriche-Hongrie ; de
Ratisbonne et Spire, pour l'Allemagne; de Compostelle, Bur-
gos, Valence, Saragosse, Valladolid, Avila et Salamanque,
pour l'Espagne; de Xamur et de Westminster, pour la Bel-
gique et l'Angleterre. Le 27 mars 1860, le pape ordonna au
cardinal Caterini, préfet de la Congrégation du concile,
d'informer les évêques désignés du rôle qu'on leur réservait
et de les inviter à répondre au désir du Saint-Père ; c'est en
avril et en mai que furent expédiées les lettres adressées à
ces prélats (2). Dans les premiers mois de l'année suivante,
on en envoya de pareilles à plusieurs évêques des rites orien-
(1) Page 30.
(2) Voir le formulaire de la lettre dans C. V. 1017 c. sqq.
[40-47]
o4 HISTOIRE 1)1' CONCILE 1)1 VATICAN
taux. Les réponses arrivèrent bientôt et la Commission direc-
trice préparatoire (i) chargea M-1' Louis Jacobini d'en faire
un rapport détaillé. C'est de ce rapport officiel (2) que nous
tirons nous-mêmes le résumé suivant.
Questions de doctrine : comme les cardinaux de la Commis-
sion, les évoques reconnaissent qu'il ne s'est produit aucune
nouvelle hérésie nettement caractérisée qu'il faille condam-
ner: mais ils constatent une aberration générale qui menace
les vérités fondamentales du catholicisme et les préliminaires
de la foi (3). Ce n'est point un dogme en particulier, écrit le
cardinal von Rauscher, archevêque de Vienne, c'est la révéla-
tion et la religion même qui sont mises en question. Renon-
çant à l'espoir des biens de l'autre vie, l'homme se préoccupe
uniquement du bonheurterrestre ; chez les partisans du libé-
ralisme, c'est un principe incontesté que le progrès et la
prospérité des peuples exigent de l'Etat qu'il ne tienne aucun
compte de la religion (4). Le danger, remarque le cardinal
Schwarzenberg, de Prague, ne menace pas les seuls membres
de l'Eglise catholique, mais tous les chrétiens (5).
A la différence des conciles antérieurs qui avaient à repous-
ser des hérésies déterminées, le concile futur, dit M*1' Senes-
tréy, évêque de Etatisbonne, aura pour mission de -combattre
la négation absolue de la foi chrétienne et d'endiguer un flot
d'erreurs qui entraine la société tout entière (6). Par consé-
quent, conseillent les évêques, dans ce concile rassemblé de
toutes les parties de l'univers, on devra proclamer solennel-
lement les vérités capitales et fondamentales du christ ia-
1 Séance du 28 juillet 1867.
(2) Happorto sulle risposte date da varii Vescovi alla lellera del 20 Aprile 1805
diretta ai medesimi dall'eminentissimo Cardinale Prefetlo délia S. Congregazione
del Concilio intorno alla idea di un futuro Concilia ecumenico. La réponse de
M" Roskovâny, évêque de Neutra, est reproduite dans C. V. 1021 sqq.
(3) Rapporto etc., p. 5.
<4) Ibid., p. 6.
(5) Ibid., p. 7.
(6) Ibid., p. 8 sq.
41
OPINION DES EYEQUES SUR LES MATIERES A TRAITER Jiu
nisme. Plusieurs prélats, par exemple le cardinal de Bonne-
chose, archevêque de Rouen, et Mgr Weiss, évêque de Spire,//
énumèrent les erreurs à proscrire. Ce sont celles qui figure-
ront plus tard dans la Gonsfitutio dogmatica de doctrina
catholica contra multipliées errores ex rationalisme déri-
vâtes préparée pour le concile (i). Le cardinal Pecei, évêque
de Pérouse, le futur pape Léon XIII, signale en outre
expressément les doctrines du naturalisme, du rationalisme
et de la libre-pensée, les superstitions magnétistes et spiri-
tistes, l'indifférentisme, comme devant être l'objet des répro-
bations du concile; il recommande aussi de défendre contre
les assauts de l'erreur la doctrine catholique sur l'Eglise et
sur le sacrement de mariage (2). Semblables propositions sont
faites par d'autres évêques. Ils veulent qu'on condamne les
diverses formes du panthéisme et du naturalisme, qu'on
vienne au secours de la société en combattant le socialisme
et le communisme (3).
Mgr Yusto, archevêque de Burgos, espère bien que le con-
cile prendra la défense des droits et de la primauté du siège
romain, qu'il renouvellera les décrets portés depuis le con-
cile de Trente contre les Anglicans, les disciples de Richer,
le pseudo-synode de Pistoie et les régalistes, et qu'il définira,
en même temps les vérités relatives à l'autorité doctrinale de
l'Eglise, à la nécessité de lui appartenir et à son droit de pos-
séder (4). Mgr Lluch, évêque de Salamanque, désire la défini-
tion de divers points qui touchent à l'Ecriture Sainte et
qu'il énumère (5). Il y a toute une série d'évêques qui recom-
mandent la définition de l'infaillibilité du pape (6). Si les
catholiques qui la contestent sont rares, font-ils remarquer,
(1) Rapporlo etc., p. 9 sq.
m Ibid., p. il sq.
(3) Ibid., p. 12.
(4) Ibid., p. 13.
(5) Ibid., p. 14 sq.
(6) Ibid., p. 17.
[4*]
o(J HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
il s'en trouve cependant; c'est même, «lit l'évêque de Ratis-
bonne, « le but que semble se proposer une école de théolo-
giens qui s'est l'ondée dans ces derniers temps à Munich en
Bavière ; le principal objet de leurs écrits est de rabaisser
dans leurs dissertations historiques et de livrer au mépris le
siège apostolique, son autorité et sa méthode de gouverne-
ment. Ils nient, par-dessus tout, l'infaillibilité de Pierre dans
ses décisions ex cathedra (i) ».
M-' Manning, archevêque de Westminster, vise spéciale-
ment les besoins de l'Eglise d'Angleterre; il émet le vœu que
le concile expose solennellement la doctrine, tombée dans ce
pays dans un oubli complet, du gouvernement surnaturel de
l'Eglise par le Saint-Esprit; il donne même l'énoncé des
propositions à définir (2). Sans entrer dans le détail des
dogmes et des erreurs dont le concile devra s'occuper, d'autres
évêques renvoient au Syllabus : son nom revient partout,
ce La plupart des erreurs, que le pape vient de condamner
aux applaudissements de tout l'univers, je les verrais avec
plaisir, dit l'archevêque de Burgos, réprouvées encore par
un décret du futur concile, non pas afin d'ajouter quelque
chose à la pleine autorité de leur condamnation, mais afin
qu'elle ait plus de solennité (3). » Pour la marche à suivre,
certains évêques proposent de commencer par faire un recueil
des opinions qui sont formellement hérétiques et de les noter
comme telles; la proscription des autres viendrait ensuite
dans l'ordre de leur opposition aux vérités révélées (4).
(1) liapporto etc., p. 17. Voici le passage et son contexte. «Paucissimi sunt, qui
hanc Pontificis prierogativam adhuc impugnent: neque hi quidem theologicis
rationibus permoti, sed ut liberam scientiam tutius et securius pnedicare et
sustentare valeant. Quem ob finem novissimo hoc tempore Monachii in Bavaria
schola qusedam theologorum coaluisse videtur, qui omnibus suis scriptis ad
id pofissimum tendunt, ut apostolicam sedem ejusque auctoritatem et regi-
minis rationem historicarum dissertationum ope déprimant, despectui prosti-
tuant et prœsertim Pétri e cathedra docentis inf'allibilitatem inficientur. »
(2) Ibid. p. 18 sqq.
(3) Ibid., p. 2t.
(4) Ibid., p. 22.
[4*49]
LA RÉFORME DU CLERGÉ 57
r-
Msr Sergent, évêque de Quimper, émet l'avis qu'avant l'ou-
verture du concile on fasse rédiger par quelques théologiens
éniinents un court exposé des principaux points de doctrine
contredisant les erreurs modernes avec une série de canons
notant de la censure convenable les propositions hérétiques,
puis d'y joindre unrésiimé clair et précis des autres erreurs
a ver les diverses notes qu'elles méritent, ainsi que cela s'est
fait dans la bulle Auciorem fidei (i). Beaucoup proposent de
suivre 'l'exemple du concile de Trente et de faire précéder
la condamnation des erreurs d'une claire exposition de la
vérité (2).
Parmi les questions de discipline (3) à traiter au concile,
les évèques mettent en première ligne la réforme du clergé
séculier et régulier. Sans doute, dit le cardinal Antonucci,
évêque d'Ancône, le concile de Trente a déjà porté plusieurs
lois en vue de cette réforme; mais son importance même
exige qu'on y revienne // et d'ailleurs au cours des trois der-
niers siècles certaines de ces prescriptions sont naturelle-
ment tombées dans l'oubli. Costume, relations, vie privée,
dispositions testamentaires, méditation quotidienne, célibat,
jeux, fréquentation des théâtres, participation aux affaires
politiques, il n'est pas un détail de la vie et des habitudes du
clergé sur lequel on ne propose des règles à prescrire (4).
L'accord est complet sur l'obligation grave à imposer au
clergé de faire une retraite tous les deux ou du moins tous
les trois ans; on désire aussi unanimement que la réunion
des synodes diocésains se fasse régulièrement et qu'un
synode provincial se tienne au moins tous les cinq ans (5).
(1) Happorto etc., p. 22 sqq.
(2) Ibi.l., p. 24.
(3) Ibid., p. 29 sq.
(4) Ibid., p. 30.
(5) Ibid.
[4»-50
38 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Les évêques attirent ensuite l'attention du concile sur les
grands séminaires, sur leur direction et sur leur indépen-
dance à l'égard du pouvoir civil. Il est aussi question des
petits séminaires, du choix de leurs supérieurs, de l'usage du
latin dans les cours de philosophie, et en général de la réforme
desétudes cléricales; on demande qu'on tienne plus de compte
de la science moderne (i). M"1' Apuzzo, archevêque de Sor-
rento et l'archevêque de Burgos proposent d'instituer, l'un
des séminaires provinciaux, l'autre des séminaires centraux ;
M81" Dupanloup, évêque d'Orléans, recommande la fondation
de grands établissements pour la culture des sciences
sacrées, et l'emploi de moyens propres à entretenir dans
l'Eglise et dans les divers diocèses un certain nombre de
clercs spécialement voués à l'étude (2).
La réforme des chapitres des cathédrales et des conseils
épiscopaux fait aussi l'objet de diverses propositions; les
évêques espagnols en particulier, demandent un nouveau
règlement sur la nomination des chanoines et sur les condi-
tions a remplir pour obtenir un canonicat (3). Quelques pré-
lats français voudraient faire trancher la question de savoir
si révêque peut a son gré déposer les curés des paroisses
dite-, succursales (4).
Au sujet du clergé régulier, on demande énergiquement la
pleine liberté pour l'Eglise de fonder des maisons religieuses
afin de répondre aux besoins du peuple chrétien; mais on
devra exiger des ordres religieux l'observation des règles de
leurs fondateurs et en particulier de la vie en commun. On se
demande s'il y a lieu de conserver ces ordres et congrégations
de prêtres dont les membres sont en nombre si restreint qu'il
y est presque impossible de vivre suivant l'esprit primitif;
(1) Happortu etc., p. 31 sq.
(2) Ibid., p. 32.
(3) Ibid., p. a3 sq
(4) Ibid., p 33.
[50]
REFORME Dl" PEUPLE CHRETIEN 50
les évêques demandent en outre que sur quelques points les
rapports des congrégations avec l'évêque du diocèse lassent
l'objet de nouveaux règlements (i).
La réforme du peuple chrétien préoccupe aussi les évêques;
ils proposent divers moyens pour renouveler la piété des
fidèles et pour les mettre en garde contre l'incrédulité ou le
matérialisme. La future assemblée, écrit M*-'1" Pie, évoque de
Poitiers, devrait rendre des décrets contre les excès du luxe
et des plaisirs, contre cette soif des richesses qui pour se
satisfaire plus rapidement recourt à la spéculation, contre
l'abandon de la vie de famille, la profanation du mariage, le
mépris du dimanche et des jours de fête, la négligence des
offices de l'Eglise (2). On trouve chez d'autres prélats des
propositions du même genre.
Le cardinal Moreno, archevêque de Valladolid, recom-
mande la rédaction d'un catéchisme à l'usage de toute
l'Eglise, ut quitus una est fides, una sit fidei decla-
î-niulae ratio (3). De divers côtés on émet le vœu que la
liberté soit réclamée pour l'Eglise d'avoir des écoles afin de
permettre aux parents chrétiens, sou vent réduits aies envoyer
dans des écoles dangereuses, de faire distribuer à leurs
enfants un enseignement catholique (4). Pour donner plus de
vie à la foi et à la piété chrétiennes, Msr Poskovàny, de
Xeutra, M-1' Dupanloup, d'Orléans et le cardinal Pecci, de
Pérouse, entrent dans les détails ; ils proposent, par exemple,
d'instituer des associations pieuses, de développer l'associa-
tion de la Propagation de la foi, ils recommandent les missions
populaires, la distribution de bons livres, les œuvres de la
charité chrétienne, etc. (5). Plusieurs prélats attirent l'atten-
(1) Happorlo etc., p 3t> sq.
(2) Ibid., p. 39 sq.
(3) Ibid., p. 40.
(i) Ibid..
(5) Ibid., p. 42
[M]
00 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tion sur des abus qui se sont introduits dans l'administration
des sacrements; quelques-uns souhaitent une restriction des
censures et des peines ecclésiastiques (i); d'autres se préoc-
cupent tout spécialement du sacrement de mariage. Le con-
cile, disent les évèques, doit faciliter aussi l'observation des
commandements de l'Eglise ; il devrait par exemple suppri-
mer autant que possible pour les diocèses d'un même pays la
diversité dans les préceptes du jeune et de l'abstinence (2).
Il faudrait chercher un moyen d'empêcher la diffusion des
mauvais livres et réformer les règles de l'Index. Il serait
désirable, selon quelques-uns, qu'on étendît les pouvoirs con-
cédés aux évèques. Plusieurs enfin voudraient qu'on trans-
formât le droit canon, qu'on en fît disparaître les parties sur-
rannées et qu'on le mît en ordre de manière à permettre à
tout le monde de se renseigner facilement sur les prescrip-
tions en vigueur (3).
Le compte-rendu de Mgr Jacobini rapporte en troisième lieu
les propositions des évèques sur les relations entre l'Eglise
et l'Etat (4). D'après M*-'1' Dupanloup, le concile aura pour
mission toute spéciale d'éclairer cette grave question :
M-1' Pie indique les points spéciaux à traiter (5) : indépen-
dance de la puissance ecclésiastique vis-à-vis de l'Etat, droit
de l'Eglise à posséder, à instruire la jeunesse : la négation de
ces vérités devra être condamnée.
Puis il demande qu'on établisse la doctrine de la subordi-
nation voulue par Dieu de la société civile à la religion posi-
tive et révélée; comme plusieurs de ses collègues il attire
aussi l'attention du concile sur la question de la souveraineté
temporelle du pap e (6) .
(\) Rapporto etc., p. 43 sq.
(2) Ibid., p. 44 sqq.
(3) Ibid., p. 46.
(4) Ibid., p. 50 sqq.
(5) Ibid., p. 51 sq.
(6) Ibid.
[51-521
LE CHOIX DES EVEQUES 61
Un certain nombre de prélats, entre autres le cardinal de
Bonnechose de Rouen, M.8* Guibert, archevêque de Tours,
M-1 Pie, évêque de Poitiers et MF Mabile, évêque de Ver-
sailles, recommandent à la sollicitude de l'auguste assemblée
la question de la nomination ou de la désignation des
évèques ; par les concordats l'Eglise en a concédé le droit
aux princes catholiques ; et l'archevêque de Tours décrit en
termes fort graves les dangers qui peuvent résulter de ce
système dans les États qui ne sont plus chrétiens (i). Pour
écarter ces dangers on indique toutes sortes de moyens.
L'exercice du droit de patronage dans la promotion aux cano-
nicats et la nomination des vicaires capitulaires provoquent
des observations de la part des évêques espagnols (2). Mais
nous n'en finirions pas si nous voulions entrer dans le détail
de tous les projets. Voici les paroles fort sages du cardinal
Pecci : Perutile erit, hodiemam civilîs societatis indolem
accurato studio perpendere, diversar unique regionum et
regnorum conditioner et leges cognoscere, ut exinde perspi-
ciatur qua via occurri possit his sanctionibus ac statutis quae
fidelium conscientias misère excruciant, Eeclesiœ jura pro-
culcant, sacrosque Pastores per summum nefas a suis officiis
libère obeundis remorantur (3).
M>'r Jacobini résume en dernier lieu les réponses des
évêques orientaux (4), ceux-ci s'occupent surtout des Eglises
schisinatiques et des moyens de les ramener progressivement
à l'unité.
Les nombreuses sectes qui se partagent l'Orient schisma-
tique et leurs erreurs sont particulièrement bien décrites par
le patriarche maronite d'Antioche, M61" Mashad (5). Leur
(1) Rappurto etc., p. 58 sqq.
(2) Ibid., p. 60.
(3) Ibid., p. 62.
(4) Ibid., p. 63 sqq.
(5) Ibid., p. 64 sq.
[52-V3]
62 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
principale force, dit Mgr Valerga, patriarche de Jérusalem,
vient de la vigueur qu'a prise chez elles le sentiment de la
nationalité; il pourrait bien arriver aussi que les Turcs leurs
maîtres les affermissent dans leurs fausses doctrines, (i). Au
témoignage de M81" Hassun, patriarche arménien de Constan-
tinople, l'indifférence religieuse, l'incrédulité et la franc-
maçonnerie ont pénétré d'Occident en Orient, moins toutefois
parmi lès catholiques que parmi les schismatiques (2).
Ce n'est pas, observent plusieurs prélats, qu'il ne se mani-
feste en Orient un mouvement vers le centre de l'unité. Les
Arméniens en particulier, dit M-1' Hassun, atténuent l'expres-
sion de leurs erreurs et cherchent à se rapprocher de l'ortho-
doxie catholique (3 . Le patriarche des Maronites atteste que
les divers rites unis font de temps en temps des recrues parmi
les fidèles des rites hérétiques ou schismatiques correspon-
dants; les Maronites catholiques en reçoivent de tous indiffé-
remment ; c'est ainsi qu'au cours de la présente aimée
5ooGrecs schismatiques sont venus à eux; un millier d'autres
auraient même suivi leur exemple, si des influences poli-
tiques, hostiles au catholicisme n'avaient empêché la réalisa-
tion de leur projet (4). Le patriarche syriaque, Mgr Harcos,
les archevêques d'Alep et de Mossoul remarquent également
que les Jacobites n'ont plus la même haine contre l'Eglise
romaine et qu'on peut espérer leur conversion (5). De l'avis
unanime des prélats, le concile devra s'occuper de la grande
affaire de la réunion de l'Orient; voici divers moyens qu'ils
indiquent pour atteindre ce but.
Avant tout, disent plusieurs d'entre eux, il faudra inviter
au concile les évêques schismatiques; oui, tous les évêques.
insiste M-1' Hassun, et non pas seulement les patriarches.
(1) Rapporlo. etc., p. 65.
(2) Ibid., p. 66.
(3) Ibid., p. 66 sqq.
(4) Ibid., p. 67.
(5) Ibid., p. 67 sq.
[53-5.
LES ORIENTAUX NON-UNIS 63
Alors môme que tous ne s'y rendraient pas avec des inten-
tions pures, du moins ils en reviendraient édifiés, et quand
bien même l'union ne s'accomplirait pas au concile, les pre-
miers pas seraient faits et l'on aurait ouvert la voie à une
solution. Le bref d'invitation, dit encore le même prélat, doit
contenir l'assurance qu'on ne touchera pas aux rites ; il est
aussi à souhaiter qu'un prélat de l'Eglise romaine vienne le
remettre aux chefs des Eglises schismatiques ainsi qu'aux
évèques ; ceux-ci et les laïques influents feront ainsi plus de
cas de l'invitation (i). Le patriarche des Maronites conseille
d'aviser aux moyens d'instruire les schismatiques des vérités
religieuses, car leur ignorance est le grand obstacle à l'union ;
le délégué apostolique de Constantinople suggère de rédiger
pour les diverses nations des règles de foi semblables aux
formules qu'Eugène IV fit composer pour les Arméniens et
les Jacobites. Le patriarche de Jérusalem attire l'attention
sur le développement croissant des missions protestantes ;
des ressources inépuisables et un nombreux personnel leur
permettent de répandre les livres anti-catholiques ; leurs
calomnies contre le catholicisme corrompent l'esprit des
Orientaux, augmentent leurs préjugés et font disparaître le
reste des'traditions et des doctrines catholiques qui jusqu'ici
s'était maintenu parmi eux ; pour arrêter ces progrès, le
patriarche recommande l'établissement de missions et une
formation soignée du clergé (2). Pour gagner en particulier
les Jacobites, le patriarche syrien propose de grouper un cer-
tain nombre de missionnaires appartenant à leur rite et à
leur nation, d'ouvrir pour eux des écoles spéciales, de faire
imprimer en syriaque et en arabe la Sainte Ecriture, ainsi
que des livres de piété et de controverse, de protéger les
convertis contre les persécutions des dissidents , de
(1) liapporto etc., p 68 sq.
(2) Ibid., p. 69 sqq.
(il HISTOIRE DU CONCILE 1)1" VATICAN
travailler au soulagement des indigents et des malades (i).//
Les prélats n'omettent pas de signaler la triste situation
des catholiques d'Orient; y porter remède serait le meil-
leur moyen de procurer la conversion des schismatiques (2).
Le patriarche des Melchites signale le manque de discipline
dans les communautés religieuses, l'attitude hostile des mis-
sionnaires latins à l'égard des rites orientaux, l'ignorance
de la masse du clergé, l'absence d'une législation canonique
applicable à tous les rites (3). Un grand nombre d'évêques
s'inquiètent de voir les fausses doctrines importées d'Europe
gagner sans cesse du terrain. Voici, selon Mgr Hassun, les
moyens les plus propres à arrêter les progrès du mal : élever
le clergé dans les principes de l'Église latine, confier à des
religieuses des divers rites la direction des écoles de garçons
et de filles, fonder des séminaires suivant les décisions du
concile de Trente, propager les livres et autres écrits pério-
diques composés dans les diverses langues pour la défense
de la foi et de la morale, renouveler la défense de parti-
ciper aux offices des hérétiques. Le délégué apostolique de
Constantinople pousse à la fondation d'une université;
ainsi les familles catholiques ne seraient plus dans la néces-
site d'envoyer leurs enfants compléter leur éducation en
Europe; il serait utile aussi, dit-il, que le pape eût auprès
de la Porte son représentant propre; les patriarches des
autres rites y ont le leur; pourquoi le patriarche du rite latin
ferait-il exception? Comme les autres, il obtiendrait ainsi peu
à peu les ressources nécessaires à l'entretien du culte et des
écoles (4).
Plusieurs évèques du rite latin avaient également proposé
aux délibérations du concile la réunion des églises séparées
(1) Rapporto, etc., p.
(2) Ibid.. p. 71 sq.
(8) Ibid., p. 72. •
(4) Ibid. , p. 72 sqq.
INFORMATIONS PRELIMINAIRES AU CONCILE 68
d'Orient. Le concile, dit Mgr Blanco, évêque d'Avila, doit
se tourner vers ces Eglises séparées, vocemque suam sup-
plicem fraternaque caritate, vel potins fartasse clicam, ma-
terno amore plenam atque inflammatam illis dirigere, ut
tandem ad sinum redeant universalis amantissimasque matris
et magistra : apud quam tantummodo salus et vera vita
est (i).
Ainsi donc, d'avance et par les représentants naturels de
presque toutes les parties de l'Eglise, Rome était informée
des points dont il paraissait désirable que le concile s'occu-
pât. // La solennité du dix-huitième centenaire du martyre
des princes des apôtres, fournit encore une occasion de com-
pléter ces renseignements. Les évêques qui, à cette occasion,
se rendirent dans la capitale du monde chrétien reçurent un
questionnaire sur la manière dont s'observaient dans leurs
diocèses certains préceptes de l'Eglise (2). Le but n'était pas
d'obtenir de nouvelles lumières sur les matières à proposer
au concile (3) ; les réponses servirent cependant d'indication
pour les mesures que celui-ci devait édicter (4).
(1) Rapporto etc., p. 78 sq.
(2) Quœstiones qnœ ab Apostolica Sede Episcopis proponuntur C. V. 1028 a. sqq. Ces
questions n'étaient destinées qu'aux évêques présents à la fête. Cfrla lettre du
cardinal Antonelli au nonce de Munich. C. V. 1029 b. sq.
(3) Cf. la lettre d'envoi du préfet de la sacrée Congrégation du Concile. C. V.
1027 b. sqq.
(4) De fait, le pape répondant à une lettre de l'archevêque de Salzbourg
qui avait demandé la bénédiction pontificale pour une réunion des évêques alle-
mands àFulda, invite ces derniers à remplir le susdit questionnaire afin que
dans ses décisions le concile puisse prendre en considération leurs réponses.
Voir la lettre du pape datée du 30 septembre 1867 dans C.V. 10i3c. sqq.
5
[56]
CHAPITRE V.
Centenaire du martyre des princes des apôtres : le pape
annonce le concile en consistoire public. //
Le pape avait songé d'abord à fixer l'ouverture du concile
au jour très proche du dix-liuitiènie centenaire du martyre
des saints Pierre et Paul, le 29 juin 1867. Mais il apparut
bientôt que les préparatifs ne pourraient pas être finis à cette
date Les événements vinrent d'ailleurs les entraver ; la
guerre éclata entre l'Italie et l' Autriche et les inquiétudes au
sujet du sort réservé à Rome amenèrent une longue interrup-
tion dans les travaux. Les nuages sombres de la tempête
s'amoncelaient au-dessus de la Ville Eternelle et l'on est
saisi d'étonnement et d'admiration lorsqu'on voit avec quel
courage et quelle confiance en Dieu le grand pape poursui-
vait, malgré ces menaces, son projet de convoquer un concile
à Rome.
Depuis longtemps déjà le royaume de Piémont travaillait à
l'aire de toute la péninsule italienne un Etat unique ; son plan
se trouvait même presque entièrement réalisé; de toutes les
principautés italiennes il ne lui restait plus à soumettre que
la Vénétie et le patrimoine de Saint-Pierre. //
L'annexion de la Vénétie se fit en 1866. Le 8 avril de
cette année, le royaume d'Italie — c'est le nom qu'avait
pris le nouvel Etat et que lui avaient reconnu plusieurs
des puissances européennes — conclut un traité avec la
[57-58J
68 HISTOIRE 1)1* CONCILE DU VATICAN
Prusse, alors sur le point d'attaquer l'Autriche; il se promet-
tait que cette alliance lui ferait obtenir de l'Autriche la
cession de ses territoires italiens. La guerre, dans la seconde
moitié de juin et au commencement de juillet en Bohême et
dans le Nord de l'Italie, fut courte, mais sanglante ; l'Italie
y fut battue sur mer et sur terre; mais la Prusse triompha.
Vaincue à Sadowa, l'Autriche céda la Vénétie à l'empereur
des Français et se déclara prête à accepter sa médiation. La
paix fut signée entre elle et la Prusse le 23 août. D'après le
traité, l'empereur Napoléon III déclarait qu'il considérait la
Vénétie comme appartenant à l'Italie et comme devant lui
être annexée; l'empereur d'Autriche acceptait cette déclara-
tion. L'Italie recevait donc la Vénétie des mains de la France.
Sur le désir de Napoléon un plébiscite sur l'union avec le
royaume d'Italie eut lieu au mois d'octobre dans la Vénétie et
le Mantouan. Une députation de Venise en porta le résultat
au roi Victor-Emmanuel, a Aujourd'hui, dit celui-ci en la rece
vaut, disparaît pour toujours de la péninsule toute trace de
la domination étrangère. L'Italie est faite ; mais non
encore achevée.» Le sens de ces paroles n'échappa à personne.
Le patrimoine de Saint-Pierre, qui seul manquait encore à
l'achèvement de l'Italie, était sous la protection de la France.
Cette année même l'appui français allait lui manquer. Le
il décembre 1866 le drapeau tricolore qui depuis le 3 juil-
let 1849 flottait au-dessus de Rome disparut du château Saint-
Ange; par la convention du i5 septembre 1864 l'empereur
des Français avait promis au roi d'Italie de rappeler dans le
délai de deux ans la garnison qu'il entretenait à Rome, en
retour le roi d'Italie s'était engagé à respecter le territoire
pontifical et à le défendre par les armes contre toute
attaque.
C'est donc au roi de Piémont que se trouve maintenant
confiée la protection de ce reste échappé à son avidité : le
domaine du pape est sous la garde de celui qui, un mois
f58]
RETRAIT DES TROUPES FRANÇAISES 69
auparavant en annexant la Vénétie, avait prononcé les paroles
significatives que nous avons dites.
Le 6 décembre, // le comte de Montebello, commandant de
la garnison française, son état-major et les officiers présents
à Rome prirent congé du pape; le général donna l'assurance
au souverain pontife que l'appui moral de la France restait
assuré à la capitale de la chrétienté. « Je l'ai déjà dit à vos
autres compagnons d'armes, lui répondit le pape; il ne faut
point se faire illusion : la révolution viendra ici, elle l'a
annoncé, proclamé, vous avez entendu, vous avez compris.
C'est dans la bouche d'un prince qu'on a placé cette parole :
« L'Italie est faite, mais elle n'est pas achevée ! »
En répondant aux vœux offerts par le Sacré-Collège, le
jour de Noël, le pape parla aussi de la tristesse des jours que
l'on traversait.
Et cependant Pie IX voulait donner au dix-huitième cente-
naire des princes des apôtres, qui tombait l'année suivante, le
plus de solennité possible. Il fit donc adresser par le cardinal
préfet de la Congrégation du concile une lettre aux évoques de
l'univers entier les invitant à assister à des fêtes pendant
lesquelles devaient avoir lieu des canonisations nombreuses.
C'est aussi cette occasion qu'il choisit pour annoncer publi-
quement le prochain concile général.
Plusieurs centaines d'évêques, des milliers de prêtres et de
laïques de tout rang accoururent à Rome pour ces solennités.
« Trente nations, écrit un des cardinaux qui s'y trouvaient,
étaient représentées par leurs patriarches, archevêques, pri-
mats et évêques ; à Rome on entendait alors parler toutes
les langues, dans les rues on voyait tous les costumes ; on
disait la population presque doublée par l'afflux des catholi-
ques de toutes les parties du monde (i). » C'est, en cette cir-
(1) Henry Edward (Manning), cardinal-archevêque de Westminster : True
Story of the Vatican Cotincil,\>. 44 sq.
[58-59]
"G HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
constance, le 26 juin, dans la salle située au-dessus du grand
portique de Saint-Pierre que Pie IX tint le consistoire public
où il adressa à son nombreux et illustre auditoire une allocu-
tion annonçant le concile (1).
Après avoir parlé de cette unité que le Christ a si instam-
ment recommandée aux siens et constaté qu'en l'ait l'union
la plus étroite régnait entre le Saint-Siège et l'épiscopat,
le pape ajouta : « Quant à nous, vénérables Frères '/, nous ne
désirons rien tant que de recueillir de votre union avec le
Siège apostolique le fruit que nous estimons le plus salutaire
et le plus heureux pour L'Eglise universelle. Depuis long-
temps, nous méditons un dessein dont nous avons déjà eu
l'occasion de faire part à plusieurs de nos vénérables Frères
et que nous espérons mettre à exécution dès que les circon-
stances seront propices à notre désir; ce dessein est de tenir
un sacré concile œcuménique et général de tous les évèques
du monde catholique, où seront recherchés, avec l'aide de
Dieu, dans l'union des conseils et des efforts, les remèdes
nécessaires aux maux qui affligent l'Eglise. Grâce à ce con-
cile, nous en avons le plus ferme espoir, la lumière de la
vérité catholique répandra sa clarté salutaire au milieu des
ténèbres qui obscurcissent les esprits et leur fera connaître,
avec la grâce de Dieu, la voie véritable du salut et de la
justice. Il en résultera aussi que l'Eglise, semblable à une
armée invincible rangée en bataille, repoussera les assauts
de ses ennemis, brisera leurs efforts et, par son triomphe,
étendra et propagera sur la terre le règne de Jésus-
Christ (2). »
Le Ier juillet suivant, les évèques présentèrent au pape une
adresse de félicitations (3), où ils s'exprimaient en ces termes
(1)C. V. 1029 c. sqq.
(2) C. V. 1032 c. sqq.
(3) C. V. 1033 a. sqq. Pour dresser le projet de cette réponse à l'allocution
du pape, une réunion générale des évèques eut lieu au palais Altieri; des
[59-60
ADRESSE DES EVEQUES 71
sur le concile annoncé : « Nos âmes ont été remplies d'une
joie extrême en apprenant de A^otre bouche sacrée le dessein
que vous méditez, parmi les périls des temps actuels, de con-
voquer un concile œcuménique, le remède le plus puissant,
disait votre glorieux prédécesseur Paul III, dans les plus
grandes nécessités de la république chrétienne. Daigne Dieu
bénir ce dessein dont il est lui-même l'inspirateur et puissent
les hommes.de notre temps, infirmes dans la foi//, chercheurs
perpétuels qui jamais n'arrivent à connaître la vérité,
emportés par tous les vents de doctrine, rencontrer enfin
dans ce saint concile une nouvelle et très heureuse occasion
de se rapprocher de la sainte Eglise, colonne et fondement
de la vérité, d'apprendre la foi, source du salut, et de rejeter
les erreurs qui les perdent ; que par l'aide de Dieu et par
l'intercession de sa Mère Immaculée ce concile soit une
grande oeuvre d'unité, de sanctification et de paix; que
l'Eglise en reçoive une splendeur nouvelle et le royaume de
Dieu y gagne un nouveau triomphe (i). »
Dans sa réponse (2), Pie IX exprima sa satisfaction toute
spéciale de l'adhésion donnée d'avance par les éveques au
projet depuis longtemps arrêté chez lui de mettre le concile
sous les auspices de la très sainte Vierge. Quelle qu'en
doive être l'époque, annonça-t-il, il sera placé sous le patro-
nage de Marie et s'ouvrira le jour de l'Immaculée Con-
ception.
Peu de temps après les fêtes du centenaire, la congréga-
évèques de toutes les nations y assistèrent. Mais il parut impossible d'arrêter
un texte dans une assemblée aussi nombreuse; il fut décidé d'en confier le
travail à une Commission de sept prélats, à savoir, le cardinal de Angelis
archevêque de Fermo, les archevêques de Sorrento, de Saragosse, de Kalocsa,
de Thessalonique, de Westminster et l'évêque d'Orléans. Ceux-ci, à leur tour,
chargèrent, dans leur première réunion, ME'Haynald, archevêque de Kalocsa,
de la rédaction de l'adresse ; ils en adoptèrent les termes définitifs dans une
séance ultérieure. Cfr Manning, loc. cit. p. 52 sq.
(1)C. V. 1035 6.
(2)Ibid. 1042 c. sq ^.
[60-61]
72 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tion préparatoire des affaires du concile (elle était déjà orga-
nisée à cette date), proposa de supprimer la prescription
générale du secret : il fut restreint aux délibérations de la
Congrégation directrice et des futures Commissions.
L'automne fut rempli par les combats incesssants de la
petite armée du pape contre les aventuriers garibaldiens. Ils
envahissaient continuellement le territoire pontifical et
menaçaient Rome. Le gouvernement piémontais, que la con-
vention de septembre obligeait à défendre la ville contre
toute attaque, se bornait à sauver les apparences; en réalité,
il favorisait ces incursions et, à Rome même, s'appliquait à
provoquer des soulèvements. Sous la pression de l'opinion
publique en France, Napoléon III dut renvoyer des troupes
à Rome et, le 3o octobre 1867, le drapeau français flotta de
nouveau à côté du drapeau du pape sur le château Saint-
Ange : c'était une garantie pour le futur concile//.
[61J
CHAPITRE VI
Formation des Commissions préparatoires.
Nous avons déjà dit au chapitre second, que dès sa
première ouverture au sujet du concile, Pie IX avait nommé
pour en délibérer une Commission, dont les membres étaient
les cardinaux Patrizi, Reisach, Panebianco, Bizzarri et
Caterini; Mgr Pierre Giannelli, archevêque de Sardes I. P. I.
et prosecrétaire de la sacrée Congrégation du concile, en
était secrétaire (i).
Dans sa première séance, le 9 mars i865, cette Commis-
sion décida de proposer au pape l'institution d'une Congré-
gation extraordinaire qui serait chargée de diriger les
travaux du concile (2). Le pape approuva la proposition ; la
Commission fut transformée en Congrégation et celle-ci
reçut successivement comme membres nouveaux les cardi-
naux Barnabe, Bilio, Capalti et de Luca (3). Son titre offi-
ciel/fut: « Congrégation spéciale directrice des affaires du
futur concile général (4). On l'appelait aussi simplement,
nous l'avons déjà dit : « Commission centrale » à cause des
autres Commissions qui furent placées sous sa dépendance.
A cette même première séance de la Commission, le secré-
(1) Voir plus haut page 25 C. V. 1013 c. sqq.
(2) Voir page 30.
(3) Procès-Verbal 24 mai 1866 ; 11 août 1867 : 28 décembre 1868 ; 7 mars 1869.
(4) Congregatione spéciale direttrice per gli affari del futuro Concilio générale.
[62-631
74 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
taire, dans son rapport, avait noté qu'il serait utile pour les
travaux préparatoires de mander un certain nombre d'ecclé-
siastiques de tons les pays, capables de renseigner exacte-
ment sur les besoins de leurs Eglises respectives (i). Les
cardinaux, de leur côté, déclarèrent que, sans le secours de
consultes subordonnées, la Congrégation directrice dont ils
proposaient la formation n'arriverait jamais à préparer toutes
les matières à soumettre au concile ; ils demandèrent donc
qu'on leur soumît un plan sur la meilleure manière de faire
ces préparatifs. Le cardinal Bizzarri accepta de le dresser 12)
et il déposa son rapport dans la séance du 19 mars (3).
Pour le travail si important de la préparation des matières
à soumettre au concile, déclare le cardinal, il faut des
hommes aussi instruits que sages et qui soient familiarisés
avec les principes en usage à la Cour de Rome ; mais comme
il est difficile de trouver toutes ces qualités réunies dans un
même individu, il en faut désigner un grand nombre, On
pourra, pense-t-il, trouver une bonne partie de ce personnel
dans les Congrégations romaines. Leurs membres, en effet,
outre qu'ils sont très au courant des questions dont ils
s'occupent, sont encore les dépositaires des traditions du
siège romain; sur ce point, ils pourront, renseigner leurs
collègues. Il paraît donc tout indiqué de les prendre pour en
former le noyau des groupes de membres consultants et de
leur adjoindre des théologiens et des canonistes éminents,
choisis au besoin à l'étranger. La science le plus souvent
purement théorique et abstraite de ces savants sera utilisée
dans le domaine de la pratique, grâce à la discussion et au
secours que leur apporteront leurs collègues de la curie.
Le rapport énumère quatre groupes de questions à pré-
(1) Voir page 29.
(2) Voir page 30.
(3) Progelto per preparere gli studii da premettersi alla celebrazione del Concilio
générale. Procès-verbal 19 mars 1865. Pièce D. Cfr G. V. 1015 c, sqq.
[63]
FORMATION DES COMMISSIONS 75
parer : i° Questions doctrinales; 2° Questions politico-
ecclésiastiques ; 3° Questions concernant les missions et
l'Eglise d'Orient; 4" Questions disciplinaires. Il y aura, par
conséquent, quatre commissions à former. Celle à qui
reviendra la partie doctrinale devra se grouper autour du
Saint Office, et un des cardinaux de cette Congrégation en
prendra la présidence. La Congrégation des affaires ecclé-
siastiques est le noyau tout indiqué de la Commission pour
les questions politico-ecclésiastiques ; la troisième Commis-
sion se rattachera à la Congrégation de la Propagande et des
rites orientaux ; la quatrième aux deux congrégations des
évêques et réguliers et du Concile. Au cas où l'on voudrait
faire de la discipline et de la réforme des monastères, l'objet
d'une délibération spéciale, on pourrait former une Com-
mission se rattachant à la Congrégation super statu Regu-
larium. Le rapporteur entre encore dans d'autres détails que
leur moindre importance nous fait omettre.
Les propositions de Bizzarri furent approuvées des autres
cardinaux et tous tombèrent d'accord que leur mise à exécu-
tion devrait suivre immédiatement la publication de la bulle
de convocation; rien n'empêcherait d'y apporter ensuite
quelques petites modifications, sur lesquels il était peu
urgent de délibérer, puisque la réalisation n'en viendrait
que plus tard (i) Le 27 mars, le secrétaire de la Congrégation
directrice rendit compte de ces décisions au Saint-Père,
celui-ci y donna sa pleine approbation (2).
Toutefois, pour en venir à l'exécution, on n'attendit pas la
publication de la bulle, ni même l'annonce officielle du
concile.
Les premières démarches eurent lieu en 1860. Le 17 novem-
bre de cette même année, le cardinal préfet de la Congré-
(1) Procès-verbal, loc. cit. G. V. 1015c. sq.
(2) Procès-verbal, etc. Après la séance du 19 mars. C. V. 1017 b.
[04]
76 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN*
gation du Concile, fut chargé par le pape d'écrire aux nonces
que Sa Sainteté était résolue à convoquer un concile et à en
faire exécuter les travaux préparatoires par des consultes
composées à la fois de théologiens et de canonistes romains
et de savants étrangers. Ces consulteurs devaient être des
hommes d'une conduite exemplaire et d'un savoir éminent en
philosophie, en théologie et en droit canonique. Chaque
nonce était prié de signaler au cardinal deux théologiens ou
canonistes de son ressort, pris dans le clergé séculier ou
régulier parmi les plus distingués du pays (i). Les réponses
des nonces arrivèrent vers le début de l'année suivante.
Mais pour plusieurs des personnages indiqués, le Saint- Père
désirait avoir aussi l'avis de leur évèque ; il chargea donc le
même cardinal de s'informer auprès des Ordinaires : les
prêtres en question se distinguaient-ils vraiment par leur
conduite, leur talent, leur connaissance de la théologie et du
droit, s'étaient-ils acquis une réputation de science, enfin
avaient-ils la santé nécessaire (2)? Les lettres expédiées à
cet effet par le cardinal préfet sont datées des premiers mois
de 1866. L'invitation aux théologiens ne leur fut adressée
que plus tard, lorsque le pape eut fait connaître publiquement
son intention de convoquer un concile œcuménique.
Dans l'intervalle on avait avancé à Rome la formation des
commissions. La Congrégation directrice s'en était déjà
occupée dans sa troisième séance, le 24 mai iS<>(>, puis après
la longue interruption dont nous avons parlé (3), s'était
remise à l'œuvre dans ses quatrième et cinquième séances
(28 juillet et 11 août 1867). Elle décida de nommer cinq com-
missions, dont une pour les ordres religieux. Furent choisis
comme présidents les cardinaux Panebianco pour la Com-
mission de la théologie dogmatique, Caterini pour celle de la
(1) C. V. 1024 b. sqq.
(2) C. V. 1025 a. sq.
(3) Page 57 sqq.
[65]
CHOIX DES CONSULTEURS 77
discipline, Bizzarri pour celle des religieux, Barnabô pour
celle des Eglises d'Orient et des missions, Reisach pour celle
des matières politico-ecclésiastiques. Ces choix furent con-
firmés par le Saint Père. Le cardinal Panebianco, cependant,
se trouvant trop absorbé par ses fonctions de grand péni-
tencier demanda à être déchargé de toute présidence; le pape
y consentit (i); et dans sa cinquième séance la Congrégation
confia au cardinal Bilio, récemment admis dans son sein, la
présidence de la Commission dogmatique (2).
Il fallait maintenant nommer les consulteurs. On décida
que chacun des cinq présidents commencerait par proposer
comme consulteurs de sa Commission quelques théologiens
et canonistes résidant à Rome. Dès la cinquième séance //
plusieurs de ces choix furent arrêtés. Il fut également admis
que chaque président prendrait un secrétaire à son gré.
Dans le cas où le théologien ou canoniste choisi ne serait pas
encore consulteur, il le deviendrait par le fait même.
Toutes ces résolutions furent confirmées par le Saint
Père (3).
Dans sa sixième séance (i5 décembre 1867) la Congrégation
directrice décida de s'adjoindre elle-même des consulteurs et
le 9 février suivant elle fixa quelques-uns de ses choix. Ils
reçurent le lendemain l'approbation du pape.
Cependant, un certain nombre de savants étrangers
avaient déjà reçu l'invitation à prendre part aux travaux
préparatoires. C'est le 28 novembre 1867 que le cardinal
Caterini, préfet de la Congrégation du concile, avait expédié
les premières lettres. Elles étaient adressées aux nonces de
Vienne, de Munich, de Paris et de Bruxelles, et leur indi-
quaient les consulteurs qu'ils étaient chargés, par l'intermé-
(1) Procès-verbal. Séance du28 juillet 1867. — Audience du l"aoùt 1867.
(2) Procès-verbal. 11 août 1867.
(3) Procès-verbal. 11 août 1866. — Gecconi : Stoi'ia del Concilio ecumenico Vati-
cano, 1. 1, p. 68 sqq. (Traduction franc. Bonhomme et Duvillard. p. 75.)
[65-66]
78 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
diaire des évêques diocésains, d'inviter d'abord et de préfé-
rence : c'étaient pour l'Autriclie-Hongrie les professeurs
Sclrwetz, Danko et Kovacs; pour la Confédération de l'Alle-
magne du Xord le chanoine Maier, avec les professeurs
Hergenrother et Hettinger; pour la France, le chanoine Gay
avec les abbés Jacquenet et Gillet, pour la Belgique le pro-
fesseur Feye. On les attendait à Rome pour le mois de
février 1868; ils logeraient à la maison des Lazaristes, à
Monte-Citorio ; le professeur Feye aurait le choix entre
cette maison et le collège belge. Dès leur arrivée ils rece-
vraient leur nomination et apprendraient à quelle Com-
mission ils étaient affectés (1).
Le 25 décembre le nonce de Vienne écrivait que les person-
nages invités s'estimaient très honorés de pouvoir prendre
part aux travaux préparatoires du concile (2), mais le 8 mars
suivant il fit savoir que le professeur Danko avait été rappelé
de Vienne : le primat de Hongrie l'avait nommé théologal
du chapitre de sa cathédrale et supérieur de son séminaire :
il se trouvait donc empêché de se rendre à Rome (3). Les
professeurs Hergenrother et Hettinger, écrivit de son côté
le nonce de Munich, avaient accepté l'invitation avec recon-
naissance; mais pour ne pas trop réduire leur enseignement
à l'LTniversité de Wiirzbourg, ils désiraient ne séjourner à
Rome que pendant les mois de mars et d'avril et ensuite
depuis le commencement de septembre jusqu'au milieu de
novembre ; l'un d'entre eux cependant pourrait y passer tout
l'hiver. Quant au chanoine Maier, l'évêque de Ratisbonne,
avait exprimé le vit* désir de le conserver près de lui et
déclarait ne pouvoir s'en passer (4). Au mois de janvier 1868
le cardinal Caterini répondit que le pape approuvait les
(1) 6'. V. 1044 d. 1045-1048 d. 1041» a.
(2) Ibid. 1045 b.
(3) Ibid.
(4) Ibid. 1045 d.
[66-67]
CHOIX DES CONSULTEURS 79
propositions des professeurs de Wûrzbourg et autorisait le
chanoine Maier à rester à Ratisbonne (i).
Des trois théologiens français convoqués, l'un, l'abbé
Gillet, fut obligé de s'excuser pour motifs de santé. On invita
à sa place M. Le Hir, prêtre de Saint-Sulpice (2), puis ce
dernier étant mort, M. Chesiiel, vicaire général de
Quimper (3).
D'Allemagne on appela encore le chanoine Molitor, de
Spire (4).
Dans cette première série d'invitations furent encore
compris deux théologiens espagnols, les Pères Romero, de
l'Ordre des Frères Prêcheurs, et Labarta, de la Compagnie
de Jésus (5). Mais l'un et l'autre se trouvèrent empêchés par
leur santé. Pour le même motif, il fallut renoncer à appeler
le chanoine Viqueira, et l'on se contenta pour le moment
d'un seul consulteur espagnol, le chanoine Labrador, de
Cadix. On lui assigna aussi comme logement la maison de
la Mission à Monte-Citorio (6).
Aux mois de septembre 1867 et d'avril 1868 on fit inviter
par le général de la Compagnie de Jésus les Pères Schrader
et Costa (7). Le 4 juin 1868 le Père Martinow, de la même
Compagnie, reçut aussi sa nomination de consulteur (8)//.
En plus d'un endroit ces choix provoquèrent du mécon-
tentement. Dès le mois d'avril 1868, le nonce de Vienne,
(1) Cegconi ;loc. cit. p. 79. (Traduct. p. 84).
(2) Lettre du cardinal Caterini au nonce de Paris, le 23 janvier 1868. C, F.
4048 d.
(3) Lettre du même, du 6 février, C. V. 1049 a.
(4) Lettre du même, du 20 décembre 1867. C. V. 1046 a. Les documents de moin-
dre importance n'ont été qu'analysés dans C.V. Les nombres en chiffres romains
qui s'y trouvent ajoutés entre parenthèses, indiquent le numéro du document
dans la collection de Cecconi .
(5) Lettre du cardinal Caterini au nonce de Madrid, 23 janvier 1868. C. V.
1049 a.
(6) Lettre de Caterini, 30 mars 1868,56'. V. 1049 a.
(7) Cecconi, loc. cit. p. 80. (Traduct. p. 85).
(8) Ibid., p. 98.
[67-68]
80 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Mgr Falcinelli, écrivait au cardinal Caterini qu'un évêque
avait proposé pour consulteurs les professeurs Dôllinger,
Hefele et Kuhn. Le 25 du même mois le cardinal répondit
que le pape lui avait fait part de son intention d'appeler
encore peut-être d'autres consulteurs, mais plus tard seule-
ment, après l'été, la chaleur de Rome étant dangereuse
pour la santé des personnes habituées à un climat plus froid.
On se souviendrait alors des professeurs indiqués. « Person-
nellement toutefois, ajoute Caterini, je n'ai guère d'espoir
que le premier « renonce aux idées auxquelles il est si obsti-
nément attaché (i). » Le cardinal Schwarzenberg, arche-
vêque de Prague, s'adressa en même temps et dans deux
lettres conçues presque dans les mêmes termes (2) au cardi-
nal Caterini et au cardinal Antonelli, secrétaire d'Etat du
pape. Il y exprimait ses doutes sur la capacité des person-
nages appelés à remplir la haute tache qu'on voulait leur
confier. La pureté de leur foi et leur conduite irréprochable
leur avait acquis l'estime universelle; on avait mainte fois
vanté leur savoir. Mais, pour la plupart, ils avaient passé
leur vie à enseigner; leurs études personnelles les avaient
tellement absorbés, ils étaient si attachés à leurs habitudes
d'esprit, qu'on pouvait se demander, avec raison, si, malgré
l'intensité et la sincérité de leurs efforts, ils sauraient traiter
les questions posées avec la largeur de vue nécessaire
(omni, qua opus est, amplitudine). Or, à moins de faire
discuter par plusieurs savants à tendances diverses les
importantes matières du dogme et de la discipline, il serait
impossible de proposer des décisions utiles et appropriées
aux besoins particuliers de l'Allemagne et de l'Autriche.
« Au point de vue doctrinal, lesthéologiens allemands qu'on
a appelés appartiennent tous, on le sait, à la même école, et
(1) C. V. 1046 a.
(2) Ibid. 1046 c. sqq. Les lettres sont datées du 25 mai 1858.
[68]
LETTRE DU CARDINAL SC'HWARZEXBERG 81
cependant afin de discuter les questions à fond et de prévenir
les objections des esprits malveillants ou bornés, qui ne juge-
rait désirable, nécessaire même, de consulter aussi ces hom-
mes qui, à une orthodoxie rigoureuse, à un sincère attache-
ment aux doctrines catholiques, ajoutent l'éclat d'un savoir
plus riche et plus étendu, et qui se sont rendus célèbres par
une étude plus approfondie de la foi, de l'histoire, de la vie
de la Sainte Eglise // comme aussi des doctrines de l'erreur?
Alors qu'il y a dans les Universités de Munich, de Bonn,
de Tubingue, de Fribourg-en-Brisgau un grand nombre de
savants universellement rangés parmi lespluséminents théolo-
giens catholiques de l'Allemagne, beaucoup pourront trouver
étrange qu'aucun d'entre eux n'ait été choisi, et que l'Univer-
sité de \Yurzbourgait à elle seule fourni deux consulteurs,l'un
et l'autre anciens élèves du collège germanique. On rendrait
plus fructueux les travaux préparatoires, en même temps
qu'on préviendrait les défiances et qu'on accroîtrait la con-
fiance dans le concile, si, s'interdisant tout exclusivisme
d'école, on invitait aussi comme consulteurs des hommes à
tendances différentes. »
Schwarzenberg ne veut proposer personne; mais peut-il
s'empêcher de nommer l'illustre historien Hefele, professeur
à Tubingue, son collègue le professeur Kulm qui a enrichi
de plusieurs ouvrages la théologie dogmatique, et même
Dollinger, de Munich; quelque peu avantageuse que soit
peut-être sa réputation à Rome, en Allemagne l'intégrité
de sa foi et l'excellence de sa doctrine ne font de doute
pour personne. La diversité d'opinions entre catholiques
disparaîtrait vite si l'on consentait à s'écouter mutuelle-
ment.
Quant aux questions de discipline, remarque encore le
cardinal, l'érudition théologique est insuffisante pour les
traiter; il y faut joindre l'expérience de la vie et la pratique
du gouvernement ecclésiastique. En ce qui concerne l'Au-
6
[68-69]
82 HISTOIRE DU CONCILE I>1 VATICAN
triche tout spécialement, les consulteurs appelés pour la
préparation du concile devront absolument posséder une
expérience [tins qu'ordinaire.
Le cardinal Caterini répondit à Schwarzenberg qu'ayant
trouvé le pape déjà mis au courant, par le secrétaire d'Etat,
des choses contenues dans cette lettre, il laissait à celui-ci le
soin d'y répondre (i). Antonelli manda en effet le i5 juillet
au cardinal de Prague que le Saint-Siège comprenait aussi
fort bien la nécessité d'appeler à la préparation du concile
des savants de diverses écoles. Pour l'Allemagne en particu-
lier le Saint-Père reconnaissait qu'il convenait d'inviter
d'autres théologiens avec ceux de Wurzbourg. ' Déjà l'un des
personnages signalés, Dôllinger, l'aurait été si le Saint-Père
n'avait été informé qu'il n'accepterait pas de travailler à
Rome en collaboration avec les autres consulteurs (2).
Un an plus tard, le cardinal Schwarzenberg fit part à
Dôllinger de sa correspondance avec Rome. Il en reçut
cette réponse, datée du 4 novembre 1869 (3) : « Xi directe-
ment, ni indirectement, on ne m'a jamais rien demandé; je
n'ai jamais eu l'occasion de m'exprimer dans le sens qu'in-
dique la lettre du cardinal Antonelli. Il y a donc ici une
erreur; j'ignore quel peut en être l'auteur; mais on aura jugé
utile, je pense, de dire au pape ce que l'on désirait. » — L'er-
reur est ici du côté de Dôllinger: la lettre du secrétaire
d'Etat ne parie pas d'une déclaration faite par le savant
professeur (4). — « Dans l'état actuel des choses, poursuit
Dôllinger, je suis franchement convaincu que ma présence
à Rome pendant le Concile serait plus nuisible qu'utile.
L'opinion m'y est beaucoup trop défavorable et l'on y met-
(1) C. Y. 1048 a.
(2) C. Y. 1048 b. sq.
(3) La lettre est aux Archives.
(4) Voici le passage textuel We la lettre d*Antonelli : « Dôllinger aurait été
invité •< nisi Summo Pontifici affirmatum esset, ipsum invitation] ad pnestandam
hic conjunctim cum aliis operam suam minime assensurum. »
6&-70]
DOLLINGER 83
trait en suspicion chacune de mes paroles. Trop de gens ne
m'y pardonnent pas d'être, avant tout, le champion et l'avocat
de la théologie allemande et, en second lieu, l'adversaire
résolu de l'hypothétique infaillibilité du pape. Il est donc
certainement préférable, pour la bonne cause, que je me
tienne éloigné. » A la date de cette lettre, 4 novembre 1869,
Dôllinger, il faut bien le remarquer, avait déjà lancé dans
le public et ses cinq articles de I'Alloemeixe Zeituxg rem-
plis de la haine la plus amére contre Rome et son fameux
Janns; il prêchait déjà la révolte ouverte contre l'autorité
ecclésiastique. Quant aux motifs qu'il donne des malveil-
lances romaines à son égard, ils n'auraient pas été irréduc-
tibles. D'autres étaient dans les mêmes conditions que lui,
Hefele, par exemple, qui, cependant, jouit à Rome d'une
grande considération.
Au reste, dès 1868, au moment où le cardinal Schwarzen-
berg recommandait d'inviter Dôllinger à travailler aux
préparatifs du Concile, bien des événements étaient survenus
qui devaient empêcher de songer à lui ; et on ne peut qu'être
étonné de la surprise // que cause à ce cardinal et à d'autres
catholiques son absence de la liste des consulteurs. Ils res-
taient encore éblouis par l'éclat que, dans des temps meilleurs,
l'historien de Munich avait répandu autour de lui. Il faut
ajouter aussi que ses derniers ouvrages avaient souvent paru
sans nom d'auteur. Si l'on avait su que ces nombreuses bro-
chures ou articles publiés en partie dans la presse hostile à
l'Eglise et dont les appréciations venimeuses sur les institu-
tions catholiques ne le cédaient en rien aux pamphlets les
plus odieux des protestants, étaient de la plume de Dôllinger,
l'archevêque de Prague aurait certainement cessé de parler
de la « correction de sa foi ». Les articles anonymes de la
Xeue Freie Presse sur l'Inquisition par exemple, auxquels,
après la mort de Dôllinger, Reusch a donné place parmi les
écrits de son ami, datent de l'année même où le cardinal
[70-71]
84 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Schwarzenberg écrivait à Rome la lettre que nous avons
analysée (i).
L'archevêque de Prague, cependant, était loin d'être seul
de son avis ; Hefele, entre autres, le partageait entièrement.
Le cardinal lui avait envoyé sa lettre à Antonelli et la réponse
qu'il en avait reçue. Quand elles lui parvinrent, Hefele était
à Rome où il avait été appelé pour prendre part à la prépa-
ration du concile. De retour à Tubingue, il écrivit le
10 mai 1869 (2) : « Votre Eminence a eu bien raison de voir
du parti-pris dans le choix des consulteurs appelés à Rome :
pas un seul théologien d'une université allemande, celle de
Wurzbourg exceptée; encore les deux de \Vùrzbourg sont-ils
deux élèves des jésuites. Les paroles si profondément justes
et franches de Votre Eminence ne sont certainement pas
restées sans effet, quoique la réponse tende à faire croire que
Rome avait déjà et de sa propre initiative cherché à réparer
son erreur. Mais je ne puis dissimuler à Votre Eminence
qu'à Rome on songeait à sauver seulement les apparences
bien plus qu'à réaliser effectivement ce qu'avec tant de raison
Votre Eminence estimait nécessaire. Les motifs pour les-
quels, d'après la lettre de la curie, Dôllinger n'a jms été
invité sont certainement dénués de fondement et l'on sait que
celte exclusion l'a profondément aigri. // Est-il juste et pru-
dent de travailler systématiquement à faire du plus grand
théologien (?) de l'Allemagne un ennemi de Rome? La réponse
ne dit pas un mot de mon collègue le Dr von Kuhn.
» N'aurait-on pas pu trouver quelque motif avouable d'ex-
pliquer cette omission? Pourquoi, parmi tant d'autres théo-
logiens allemands n'avoir appelé personne en dehors d'Alzog
et de votre serviteur? Car enfin, MM. Moufang, Molitor,
(1) Kleinere Schriften,(iedruckte und ungedruckte von Joh.-Jos.-Ign. v. Dôllinger :
recueillis et publiés par F. -H. Reusch, p. 357 sqq. — Cfr aussi E. Michael,
S. J. Ign. v. Dôllinger, p. 55.
(2) La lettre est aux Archives.
[71-72]
LETTRES D'HEFELE ET DE M-1 MEGLIA 85
Giese et lleuser ne pourront jamais revendiquer une place
parmi les théologiens allemands de quelque valeur. Hommes
d'action, soit, mais savants? non; et tous appartiennent à
cette école qui, à Rome, aspire au monopole. J'ajoute que ni
Alzog ni moi n'avons été entendus sur les questions que nos
fonctions, notre situation et notre expérience nous auraient
rendus le plus à même de discuter, sur la question par
exemple, de la formation universitaire du clergé allemand (i).
» Heureusement les deux professeurs de AVùrzbourg ont
montré plus de largeur d'esprit que je n'avais pensé; en sorte
que sur la plupart des points j'ai pu me trouver d'accord
avec eux. »
Ainsi donc, en plus d'un cercle d'Allemagne, on estimait que
dans le choix des consulteurs appelés à préparer le concile,
l'Eglise romaine avait trop traité en marâtre les représen-
tants de la théologie à tendances proprement allemandes.
Il est fort possible que plusieurs vues de ces savants fussent
moins favorablement jugées à Rome qu'elles ne l'étaient dans
leur pays.
Xous avons vu, en effet, l'appréciation défavorable et
sévère qu'à l'occasion de ces invitations en donnait un prélat
romain, Mgr Meglia, nonce à Munich; le cardinal Caterini
l'avait interrogé au sujet des professeurs Dieringer et Hefele
et l'avait invité à signaler encore quelques autres Allemands
propres à servir de consulteurs. Voici les remarques d'une
portée plus générale que le nonce joint à sa réponse du
22 septembre 1868 (2). « Presque tous les professeurs des
(1) Hefele était attaché comme consulteurà la commission centrale de prépa-
ration. L'histoire des conciles qu'il avait écrite faisait de lui un spécialiste en
ces matières et lui permettait de rendre les plus signalés services. La question
dont il parle ici ressortissait à la commission de discipline ecclésiastique qui ne
manquait pas d'hommes éminemment capables d'en juger. 11 y avait trois Alle-
mands parmi les consulteurs de cette commission : Hergenrother, Giese et
Heuser.
(2) Conservée aux Archives. Cecconi l'a insérée presque entière dans son
second volume, Sez. 11 p. 386 sqq. (Trad. franc, tome II, p. 332 sqq.)
[72J
86 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
facultés théologiques des diverses universités allemandes,
écrit-il, comme aussi tous les ecclésiastiques qui ont quelque
renom de science et de doctrine, se font gloire ici de consti-
tuer ce qu'ils appellent le grand parti des savants de l'Alle-
magne. Les exceptions à ce point de vue sont fort rares...
Les aspirations de ce parti tendent en général à promou-
voir et à poursuivre le progrès scientifique jusque dans ses
derniers développements. Dans cette voie ils prétendent à
une certaine liberté d'allures : sans doute ils maintiennent le
dogme intangible, mais pour les points de doctrine qui s'y
rattachent sans être strictement définis, ils ne les respectent
pas toujours.
ce L'antique méthode scholastique leur parait une antiquité
médiévale incompatible avec le progrès moderne et qu'il faut
mettre de côté; autant que possible les catholiques doivent
conformer leurs méthodes scientifiques à celle des protes-
tants; c'est le moyen pour notre théologie de mieux éclipser
la leur; dans ce but il faut faire une large place aux études
bibliques, philologiques et historiques, au détriment de la
vraie théologie positive. Voilà, dis-je, quelles sont en général
les aspirations de ce parti. L'orgueil en est le caractère dis-
tinctif et dominant. Aussi ne souffre-t-il qu'avec peine le frein
de l'autorité qui « entrave le progrès » et se met-il à l'aise
avec les décisions des Congrégations romaines. Il préfère à
l'éducation donnée ailleurs dans les séminaires celle que la
« docte » Allemagne distribue dans ses Universités et
éprouve de la pitié sinon du dédain pour la formation scienti-
fique des autres nations, pour la théologie encore en enfance
des séminaires d'Italie, de France et d'ailleurs; ainsi
s'explique sa répugnance à la fondation d'établissements
scientifiques dépendant de l'autorité épiscopale; il préfère
rester soumis au pouvoir civil afin d'avoir plus de liberté
dans l'enseignement, c'est ce qu'on a vu par exemple quand
les membres les plus distingués du parti ont combattu le
[73]
LETTRE 1>K Mgr MEGLIA SUR LE CHOIX DES CONSl I.TEl US 87
beau projet de fonder en Allemagne une université entière-
ment catholique placée sous la surveillance exclusive des
évèques de ce pays. »
Ce n'est pas que le nonce veuille condamner tous les mem-
bres de ce parti; loin de là, il fait remarquer // que tout le
monde n'y est pas également avancé. S'il en est parmi eux
« qui poussent leurs théories jusqu'aux extrêmes limites où
l'orthodoxie est douteuse, qui blessent parfois le véritable
sens catholique et gardent à peine les apparences de « l'obéis-
sance due aux décisions suprêmes du pape », il s'en trouve
aussi de plus réservés et de plus modérés. Bien que vivant
eux aussi dans cette atmosphère infectée de préventions et
de préjugés, ils sont vraiment animés d'un amour sincère
pour l'Eglise catholique; ils la défendent vigoureusement
contre les attaques de ses ennemis et reçoivent ses enseigne-
ments avec respect. Ils peuvent bien errer sur des points de
moindre importance, mais du moins ils ne s'écartent pas du
droit chemin de la doctrine et du Credo catholiques. A quel-
ques-uns même Mgr Meglia ne ménage pas les éloges, spécia-
lement aux professeurs Dieringer de Bonn et Hefele de
Tubingue, au sujet desquels il avait été interrogé. Après
avoir reconnu le mérite de leurs ouvrages, le nonce insiste
sur leurs vertus sacerdotales, célèbre leur grand amour pour
l'Eglise et pour le siège apostolique et montre combien ils
ont fait pour l'Eglise, la papauté et la vie chrétienne. L'un et
l'autre, conclut-il, si on les appelait à Rome pour les commis-
sions préparatoires, se montreraient dignes de l'invitation
que leur ferait le Saint-Père.
• Le nonce passe ensuite à des considérations d'ordre prati-
que touchant la convocation de nouveaux consulteurs. En
n'invitant jusqu'ici, dit-il, aucun représentant de la prétendue
science allemande, on a fait naître en beaucoup d'esprits un
grand mécontentement. Aussi conseille-t-il d'en appeler
quelques-uns des plus modérés. C'est ce que lui ont suggéré
[73-74]
88 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
également des hommes d'un dévouement éprouvé ainsi que
plusieurs évoques, et il se persuade que c'est aussi le senti-
ment de tous leurs collègues d'Allemagne. De l'avis de per-
sonnes fort distinguées il serait même à souhaiter qu'on
invitât quelqu'un des coryphées du parti proprement alle-
mand, le professeur Dôllinger en particulier. Mais lui-même
se refuse à appuyer ce vœu, car il lui paraît peu probable que
lacon vocation de Dôllinger puisse avoir quelque bonrésultat;
le danger d'une obstination de plus en plus marquée reste
toujours possible. Le nonce nomme ensuite les divers person-
nages susceptibles d'une invitation; mais, pour prévenir les
jalousies,// il recommande de traiter de la même manière les
divers pays de l'Allemagne. La Bavière est déjà suffisamment
représentée; tout au plus pourrait-on, afin de ne pas laisser
complètement de coté l'université de Munich, inviter dom
Haneberg, sa grande connaissance théorique et pratique des
choses d Orient lui permettrait de rendre de précieux ser-
vices. Tour le grand-duché de Hesse-Darmstadt il propose le
recteur du séminaire, Moufang,dont il vante le grand mérite.
Pour le Wurtemberg il a déjà parlé d'Hefele. Dans le grand-
duché de Bade il signale Alzog de Fribourg; en Prusse,
outre Dieringer, le chanoine Dr Joseph Giese de Munster et
le professeur Antoine Berlage. Au cas où l'on désirerait avoir
un vicaire général, on n'en saurait trouver un meilleur que le
chanoine Léonard Schmitt de Bamberg. Des uns et des
autres le nonce fait le plus grand éloge.
Bientôt après arriva le moment d'appeler à Rome une nou-
velle série de consulteurs pour les commissions prépara-
toires; le cardinal Caterini fit alors inviter, au nom du pape,
les professeurs Dieringer, Hefele et Alzog, l'abbé dom Hane-
berg, le recteur Moufang et le chanoine Giese (i). C'est le
(1) Lettre de Caterini au nonce, 2 octobre 1868. C. V. 1050 a.
'74-75^
LES CONSULTEURS ALLEMANDS 89
nonce qui transmit les invitations. Il fit bientôt savoir (i)
que MKI Ketteler, évêque de Mayence, lui avait exprimé sa
reconnaissance du choix qu'avait fait le Saint-Père du digne
recteur de son séminaire et l'avait assuré que M. Moufang
rendrait d'importants services pour les travaux préparatoires;
il se rendrait à Rome avant la fin de l'année. L'abbé dom
Haneberg, écrit encore le nonce, est très toucbé de la distinc-
tion dont il a été l'objet et veut se mettre en route pour Rome
dans les premières semaines de novembre prochain (2).
Mêmes renseignements au sujet d'Hefele et de Giese
dans la lettre du 3 novembre (3). Mais le 5, M?r Meglia écrit
que, d'après une lettre de l'archevêque de Cologne, le pro-
fesseur Dieringer malade se trouve empêché de se rendre à
Rome.
A sa place l'archevêque propose M. Heuser, professeur et
vice-recteur de son grand séminaire, et dont il loue hautement
les mérites et la capacité (4). Le Saint-Père accepta cette
substitution // et le i3 novembre le cardinal Caterini écrivit
pour inviter le professeur Heuser (5). Dans la même
lettre le cardinal interrogé par le nonce lui faisait savoir
qu'il espérait que les invités pourraient tous être logés à
l'hospice allemand Santa-Maria delT Anima ; dom Haneberg
descendrait à l'hôtel de la Minerve; il ne pouvait aller à
l'abbaye Saint-Callixte. puisque toute la communauté l'aban-
donnait pour se transporter à Saint-Paul.
Le 17 mai précédent, le cardinal Barnabô, préfet de la
Propagande, avait par ordre du pape, prié M-1' Manning
archevêque de Westminster, de s'entendre avec ses suffra-
gants pour désigner un ecclésiastique anglais que sa science
(1) 25 octobre.
(2) Cecconi loc. cit. p. 81 sq. (Trad. franc. 1. 1. p. 86 sqq).
(3) Ibid.
(4) Ibid.
(5) Ibid.
75-761
90 HISTOIRE DU CONCILE OI VATICAN
fc
théologique ou canonique, rendrait capable de prendre part
aux travaux préparatoires du concile (i). Le choix des
évêques anglais tomba sur le chanoine Weather, recteur
de Saint-Edmund-College dans Farchidiocèse de Westmin-
ster (2). Les archevêques des Etats-Unis avaient été pareil-
lement invités par le cardinal Barnabe) à s'entendre avec
leurs évêques pour faire choix d'un théologien ou d'un
canoniste éminent qu'ils enverraient à Rome aussitôt que
possible (3). C'est Jacques Corcoran, vicaire général de
Charlestown qui fut choisi.
Pour la France une lettre du cardinal Caterini datée
du 16 août, invita encore les abbés Henri Sauvé, théologal
du chapitre de Laval et Gibert, vicaire général de Mou-
lins (4). Cette lettre portait en outre, le nom d'un troisième
prêtre dont l'invitation fut ensuite retirée ; par contre, le
11 janvier suivant on en adressa une à l'abbé Freppel (5).
Le 3 septembre le nonce de Madrid, reçut ordre au nom
du pape d'inviter les con suite urs, que dans une de ses précé-
dentes lettres, il avait lui-même proposés. « Je suis autorisé,
disait le cardinal Caterini, à leur chercher un logement
soit à Montserrat, soit dans quelque autre maison reli-
gieuse (6). » Au chanoine Labrador précédemment convoqué,
furent adjoints deux autres prêtres espagnols MM. Guisasola
et de Torres Padilla et en janvier 1869, MM. Campelo et
Ortiz Orruela (7). //
(1) C. V. 1049 b.
(2) Ibid.,1049 c.
(3) Ibid.
(4) Ibid., 1049 d.
(5) Ibid., 1050 b.
(6) Ibid. 1050 a.
(7) Grccoxi loc. cit. (Trad. franc, p. 87.)
|76j
LES CONSULTEURS ANGLAIS, HOLLANDAIS ET SUISSES 91
Le Ier octobre, le Saint-Père chargea le cardinal Caterini
d'inviter par l'intermédiaire de son ordinaire Mgr TTlla-
thorne, évêque de Birmingham, l'oratorien John-H. Xewmann
à prendre part aux travaux préparatoires. L'évêque répon-
dit lui-même et joignit à sa lettre celle de Ncwmann où
celui-ci exprimait en termes émus au Saint-Père sa recon-
naissance pour l'honneur qui lui était fait, mais ajoutait
que sa santé lui imposait des soins et des précautions bien
difficiles à prendre hors de chez soi. Il est vrai que dans
ces graves conjonctures sa vie devrait peu compter. Mais
il s'estimait si peu capable, sa présence lui paraissait si
peu utile, qu'il espérait que le Saint-Père voudrait bien
ne pas lui imposer un voyage pouvant mettre sa vie en
danger (i).
Au commencement de 1869, un prêtre du diocèse de E,ot-
tenbourg, Joseph Mast, fut encore adjoint à la commis-
sion politico-ecclésiastique.
Le 2 juin 1869 enfin, le cardinal Caterini donna ordre
au chargé d'affaires du pape à Lucerne, d'inviter parmi
les prêtres suisses qu'il avait proposés, l'abbé Christophe
Cosandey. Ainsi se trouva complète la liste des consul-
teurs' appelés de l'étranger (2).
La Congrégation directrice répartit les consulteurs entre
les diverses commissions. En voici le tableau complet. Ils
sont cités pour chaque commission dans l'ordre de leur
nomination (3).
(1) C. V. 1050 b.
(2) Ibid., 1050 c.
(3) Cecconi loc. cit. p.8i sqq (Trad. franc, p. 89 sqq.) C. V. 1050 c. sqq.
177!
92 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
I. — Congrégation directrice ou Commission-
centrale.
^sous avons déjà fait connaître les cardinaux que le
pape en avait nommés membres. Pour être complet, nous
en donnons encore une fois la liste : Constantin Patrizù
président; Charles-Auguste de Reisach, Antoine M. Pane-
bianco, Jos. André Bizzarri, Prosper Caterini, Alexandre
Barnabô, Louis Bilio, Hannibal Capalti, Antoine de Luca.
Secrétaire : M81" Pierre Giannelli, archevêque de Sardes.
Consiiltcurs : M-1' Vincent Tizzani, archevêque de Nisibe ;
le chanoine Joseph Angelini ; Melchior Galeotti (mort peu
avant l'ouverture du concile), Sébastien Sanguinetti S. J. //,
Henri Feye, professeur à Louvain, le chanoine George
Talbot de Malahide, Charles-Joseph Hefele, professeur à
Tubingue ; M81 Paul Brunoni, archevêque de Taron.
II. — Commission de la théologie dogmatique.
Président : cardinal Louis Bilio.
Consulteurs : Mgr Joseph Cardoni, archevêque d'Edesse;
le chanoine Raphaël Monaco La Yalletta (nommé cardinal
le i3 mars, il quitta ce poste) ; Mariano Spada, domini-
cain; Ilyacynthe de Ferrari, dominicain; Antoine-Marie
Adragna, des mineurs conventuels; Jean Perrone, S. J.;
Thomas Martinelli, augustin; le chanoine Camille Santori
(secrétaire de la commission); Placide Petacci, bénéficiaire
de la basilique Saint-Laurent in Damaso; Bonfiglio Mura,
prieur général de l'ordre des Servîtes ; le professeur Joseph
Pecci; Jean-Baptiste Franzelin, S. J. ; le chanoine Philippe
Cossa; Clément Schrader, S. J., professeur à Vienne; Jean
Schwetz, abbé mitre, ancien professeur à Vienne; François
Hettinger, professeur à Wûrzbourg; Jacques Jacquenet de
T77-78]
LISTE DES CONSULTEURS 93
Reims ; le chanoine Charles Gay de Poitiers (attaché d'abord
à la commission politico-ecclésiastique, puis sur sa demande
à celle de théologie dogmatique) ; Jean Alzog, professeur à
Fribourg (Bade); Jacques Corcoran, vicaire général de
Charlestown (Amérique du Nord); Etienne Moreno Labra-
dor, professeur à Cadix; le chanoine Guillaume Weather
de Londres, recteur de Saint-Edmund-College (diocèse de
Westminster); Jean-Thomas Tosa, dominicain; Auguste
Guidi, professeur (nommé consulteur le 24 mai 1866, élevé
au cardinalat dans le consistoire du 22 juin).
III. — Commission pour la discipline ecclésiastique.
Président : cardinal Prosper Caterini.
Consulteurs : Camille Tarquini, S. J.; le chanoine Phi-
lippe de Angelis; M-1' Pierre Gianelli, archevêque de Sardes;
le chanoine Stanislas Svegliati; M61" Jean Simeoni, secré-
taire de la Propagande; le chanoine Joseph Angelini (con-
sulteur aussi de la Congrégation directrice) ; le chanoine
Louis Jacobini (secrétaire de la commission) ; le chanoine
Yenance Mobili; le chanoine Laurent Nina; le chanoine
Ange Jacobini; Mgr Ange Lucidi; Joseph Hergenrother,
professeur à Wiirzbourg; Henri Feye, professeur (consul-
teur aussi de la Congrégation directrice) ; le chanoine Henri
Sauvé de Laval; le chanoine Joseph Giese de Munster;
Gaspard Antoine Heuser de Cologne; Joseph de Torres
Padilla , professeur à Séville; le chanoine Pierre de Luca;
le chanoine Christophe Cosandey, supérieur du séminaire
de Fribourg en Suisse.
IV. — Commission pour les réguliers.
Président : cardinal Joseph- André Bizzarri.
Consulteurs : Mgr Marino Marini, archevêque-évêque d'Or-
[78-79]
94 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
vieto; le chanoine Stanislas Svegliati (consulteur aussi de
la commission pour la discipline ecclésiastique); Mgr Ange
Lucidi (également consulteur de la même commission); le
chanoine Louis Tronibetta ; Charles Capelli, procureur
général de l'ordre des Barnabites; Kaymond Bianchi, pro-
cureur général de l'ordre des dominicains; Joachim da
Cipressa, franciscain; Nicolas Cretoni, augustin; le cha-
noine François Stoppani (secrétaire de la commission);
Firmin Costa, S. J., recteur de Barcelone; Victorien G-uisa-
sola, archiprêtre de Se ville ; François Freppel, professeur
à Paris.
V. — Commission pour les Eglises orientales
ET LES MISSIONS.
Président : cardinal Alexandre Barnabe..
Consulteurs : Mgl Hannibal Capalti, secrétaire de la Pro-
pagande; Mgr Jean Sjmeoni (consulteur aussi de la commis-
sion pour la discipline ecclésiastique) ; Charles Vercellone,
Barnabite; Jean Bollig, S. J., Augustin Thciner, oratorien;
le chanoine César B-oncetti; Joseph Piazza « minutante > à
la Propagande pour les affaires du rite oriental; François
Rossi, ancien archiviste de la Propagande: Séraphin Cre-
toni, professeur (secrétaire de la commission); M.8* Joseph
Valerga, patriarche de Jérusalem; Léonard de Saint-Joseph,
carme déchaussé, préfet apostolique des missions de son
ordre en Syrie ; ÀP1 Joseph David, chorévêque syriaque de
Mossoul; le chanoine Louis Jacobini (consulteur aussi de la
commission pour la discipline ecclésiastique); Jean Mar-
tmow, S. J. ; Daniel Boniface de Haneberg, abbé bénédictin
de Munich; aP'1' Edouard-Henri Howard: Mgr Paul Brunoni,
archevêque de Taron (consulteur aussi de la Congrégation
directrice!.
[791
LISTE DES CONSULTEURS 95
VI. — Commission politico-ecclésiastique.
Président : cardinal Charles- Auguste de Eeisacli.
Consulteurs : Mgr Alexandre Franchi, archevêque de
Thessalonique, secrétaire de la Congrégation des affaires
ecclésiastiques extraordinaires (nonce à Madrid en mars 1868);
M61" Joseph Berardi, archevêque de Xicée; Mgr Joseph Papardo
del Parco, évêque de Sinope, théatin; le chanoine Louis
Ferrari; le chanoine Louis Jacobini (consulteur aussi des
commissions pour la discipline et pour les Fglises orien-
tales), // Mgr Laurent Gizzi ; Mgr Louis Matera (d'abord secré-
taire de la commission, nommé en mars 1868 auditeur à la
nonciature de Lisbonne) ; Mgr Angelo Trinchieri (remplaça
le précédent comme secrétaire à partir de mars 1868) ;
Camille Guardi, procureur général des clercs réguliers
serviteurs des malades; le chanoine Dominique Bartolini,
secrétaire de la Congrégation des Rites ; le chanoine Vincent
Xussi; le chanoine Joseph Kovacs de Kalocsa ; le chanoine
Guillaume Molitor de Spire ; le chanoine François Chesnel
de Quimper; Mgr Marine > Mariai, archevêque-évèque d'Or-
vieto (consulteur aussi de la commission pour les réguliers) ;
Ambroise Gibert, vicaire général de Moulins; Joseph Mast,
prêtre de Rottenbourg; Alexandre Biondi, professeur; le
chanoine Christophe Moufang de Mayence; M-1 Vladimir
Czacki ; Antoine Ortiz Orruela de Séville ; Jean Campelo
professeur à Séville; Mgr Gaétan Aloisi; le chanoine Domi-
nique Guidi; Mgr François-Xavier Compieta ; François
Freppel, professeur (consulteur aussi de la commission pour
les réguliers).
Il y avait donc 8 consulteurs pour la Congrégation direc-
trice, 24 pour la commission de théologie dogmatique,
19 pour celle de la discipline, 12 pour celle des réguliers,
[79-80J
96 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
17 pour celle des Eglises orientales et des missions, 26 enfii
pour la commission politico-ecclésiastique.
Huit d'entre eux (Angelini, Feye, Svegliati, Lucidi
Simoni, Brunoni, Marini et Freppel) appartenaient à deui
commissions, et un seul (Louis Jacobini) à trois.
Le total des consulteurs était de 96 personnes; sur c(
nombre 35 occupaient des emplois hors de Rome et avaienl
été appelés de Sicile, d'Espagne, de France, de Belgicpie
d'Angleterre, de l'Amérique du Xord, d'Allemagne, d'Au
triclie-IIongrie, de Suisse et de l'Orient. Parmi ceux-U
mêmes que leurs fonctions tenaient fixés à Rome, plusieurs
étaient d'origine étrangère.
72 consulteurs appartenaient au clergé séculier et 24 ai
régulier : parmi ces derniers se trouvaient 8 jésuites, 4 domi
nicains, 2 augustins, 2 barnabites, 1 tliéatin, 1 mineur con-
ventuel, 1 mineur de l'observance, 1 bénédictin, 1 carrai
déchaussé, 1 servite, 1 oratorien et 1 clerc régulier servi-
teur des malades (Camilliens).
On le voit donc, le rapport présenté par le cardinal Bizzarri
à la Congrégation directrice dans sa seconde séance a servi
de guide pour la formation des commissions (1). Les mem-
bres des Congrégations romaines en constituaient le noyau /,
Ils avaient une grande expérience et la besogne à fournil
leur était familière. A ce savoir-faire technique et à cette
habitude des affaires se joignait d'ailleurs chez eux une
connaissance approfondie des matières à traiter.
Où trouver une réunion d'hommes aussi bien au courant
des questions doctrinales et disciplinaires du temps présent,
aussi bien informés de l'état des diverses Eglises d'Orient
et des missions, de la situation politico-religieuse dans tous
les pays, de la condition des ordres religieux, que dans les
Congrégations du Saint-Office, du Concile, de la Propagande,
(1) Plu? haut, p. 74.
[80-81]
LES CONSULTEURS ETRANGERS 97
des affaires ecclésiastiques extraordinaires, des Réguliers?
Entre les mains des consulteurs de la Congrégation du
Concile, passent tous les actes des conciles provinciaux
tenus dans les pays non soumis à la Propagande ; et la
Propagande, de son côté, est en relations continuelles avec
les Eglises de rite oriental et avec les missions.
Or ce furent les consulteurs et les officiers les plus capa-
bles de ces Congrégations et des autres qu'on affecta aux
commissions correspondantes; on les renforça d'éléments
étrangers répartis d'après les services particuliers que leur
compétence scientifique ou leur connaissance des besoins
locaux permettait d'attendre d'eux. Dans la Congrégation
directrice on trouve le savant canoniste de Louvain Feye
ainsi que l'illustre historien Hefele; dans cette congrégation
chargée de régler tous les détails du futur concile, l'historien
des conciles eut une occasion toute naturelle d'utiliser les
connaissances aussi exactes qu'étendues qu'il possédait sur
les synodes de presque tous les siècles. Dans la commission
de la théologie dogmatique, à côté des théologiens les plus
distingués de Rome, apparaissent des savants étrangers,
d'Allemagne et d'Autriche : Schrader, Schwetz, Hettinger,
Alzog surtout ; Hettinger longtemps professeur d'apologé-
tique et auteur d'ouvrages remarquables était plus à même
qu'aucun autre de renseigner exactement sur l'état de la
théologie protestante et incrédule en Allemagne. Les cano-
nistes romains les plus distingués, vieux praticiens des ques-
tions de discipline ecclésiastique, avaient à côté d'eux dans la
commission chargée de ces matières les Allemands Hergen-
rôther, Hefele et Giese//parfaitement au courant des besoins
de leur pays et dont le premier surtout, historien et cano-
niste de valeur, connaissait à fond la discipline en vigueur
dans les siècles passés. Tout aussi sage était la répartition
des consulteurs entre les autres commissions. Dans celle des
questions politico-religieuses en particulier, où l'on avait
[81-82]
98 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
besoin d'hommes capables de renseigner fidèlement sur la
situation de leur pays, l'Allemagne était représentée par
Moufang et Molitor, la Hongrie par Kovaes et Czacki, la
France par Chesnel, Gibert, Freppel, l'Espagne par Ortiz
Orruela et Campelo.
Toutes ces commissions annexées à la Congrégation direc-
trice avaient pour tàclie de préparer les matières à soumettre
au concile; plus tard (19 juillet 1868) on en forma une sixième
chargée de régler les cérémonies du concile; ce fut la com-
mission du cérémonial dont le cardinal Constantin Patrizi,
préfet de la Congrégation des rites, reçut la présidence ; les
8 eonsulteurs étaient tous des maîtres des cérémonies pon-
tificales : Dominique Bartolini, Louis Ferrari, Jean Corazza,
Pie Martinucci, Camille Balestra, Rémi Ricci, Joseph
Romagnoli et Antoine Cataldi (1).
(i) C. V. 1057 d. sqq. Cecconi loc. cit. p. 103 sq. (Trad. franc, p. 106 sq.
[82]
CHAPITRE VII.
La question des convocations an concile.
Les commissions furent bientôt en pleine activité. Tandis
qu'elles préparaient les matières à soumettre au concile, la
commission centrale s'occupa des mesures relatives à
l'assemblée elle-même.
Une tâche fort délicate lui incombait tout d'abord, celle de
décider qui devait être appelé au concile.
Que les évêques chargés d'un diocèse (évêques résidentiels)
dussent être convoqués, cela ne faisait pas de doute. Qu'un
privilège ancien donnât à tous les cardinaux, à ceux même
qui n'étaient pas évêques, siège et voix au concile, cela n'était
pas moins solidement établi, et ce privilège devait évidem-
ment être maintenu. Mais il fallait examiner avec soin, si
outre les évêques résidentiels, on devait convoquer aussi les
évêques simplement titulaires, quelle part revenait dans le
concile aux procureurs des évêques empêchés, quel parti
était à prendre au sujet des abbés et des généraux d'Ordres.
Il y avait en outre à étudier la conduite à tenir relativement
à l'admission dans le concile des Eglises orientales non
unies, et l'attitude à prendre vis-à-vis des protestants et des
jansénistes; à décider enfin si l'on devait, à l'exemple des
conciles antérieurs, inviter les princes chrétiens et quel rôle
leur serait dévolu au concile.
Nous suivrons dans le détailles délibérations auxquelles ces
[83]
4 00 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
questions donnèrent lieu; nous devons y apporter d'autant
plus de soins que les adversaires du concile, Sekulte (i) et
Friedrich, ont pris occasion des décisions de la commission
centrale pour formuler de violentes attaques, et essayer
même de mettre en doute la légitimité du concile : les
règles canoniques auraient été violées dans la convocation
de ses membres.
I. — NÉCESSITÉ DE CONVOQUER LES ÉVÈQUES RÉSIDENTIELS,
ET NATURE DE L'AUTORITE
QUI LEUR REVIENT DANS LE CONCILE.
C'est un point de doctrine catholique bien établi que les
évèques qui exercent dans les diocèses particuliers le pou-
voir pastoral suprême, sont les membres-nés des conciles
généraux et, par conséquent, doivent tous y être convoqués.
Déjà dans la plus haute antiquité chrétienne avait cours cet
axiome concilia episcoporum esse. Aussi la question de la
convocation des évêques résidentiels n'a pas occupé la com-
mission centrale ; nous n'en parlons qXie pour être complet
et pour mettre en lumière les principes servant a déterminer
qui doit être appelé au concile.
Le Christ a confié aux apôtres et à leurs successeurs le
pouvoir d'enseigner et de gouverner son Eglise, lorsqu'à la
fin de sa vie mortelle il les envoya fonder cette Eglise : ce Allez
dans le monde entier, leur dit-il, et dans toutes les nations,
faites de tous des disciples (ùa6ïjTeù<jaxe), les baptisant... et
leur enseignant à garder tout ce que je vous ai confié. Celui
qui croira et se fera baptiser sera sauvé, celui qui ne croira
pas sera condamné (2). » Déjà auparavant, il leur avait pro-
fil D' Joh. Friedrich Rittek v. Schulte, Die Stellung der Konzilien, Piïpsle und
Bischôfe, vont historischen und kanonislichen Standpunkte, und die pàpstliche Kon-
stiltition vom 18 Jirii 1870 (Prague, 1871), p. 243 sqq.
(2)Matth. 28, 19,20. Marc. 16, 15, 16.
[83-84]
CONVOCATION DES EVKQUES RESIDENTIELS -104
mis les pouvoirs les plus étendus dans l'Eglise. « En vérité,
je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans
le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié
dans le ciel (i). » Lorsqu'il les envoya prêcher sa doctrine, il
leur promit sou assistance permanente : « Je suis avec vous
jusqu'à la fin des temps (2). » // Souvent déjà le même secours
leur avait été prédit par la promesse de l'envoi du Saint-
Esprit : « Je ne vous laisserai pas orphelins; je prierai pour
vous le Père, et il vous enverra un autre consolateur, pour
rester toujours avec vous, l'Esprit de vérité. Celui-là rendra
témoignage de moi et vous enseignera toute vérité (3). »
Les apôtres et leurs successeurs, jusqu'à la fin des temps,
sont donc constitués par Jésus-Christ, chefs de* l'Eglise et
dispensateurs de la doctrine du Maître; son ordre exprès
ohlige tous les hommes, sous peine de damnation éternelle,
à se soumettre à leur enseignement, et sa promesse leur
assure l'Esprit de vérité qui les guide et les empêche d'en-
seigner l'erreur.
Les successeurs des Apôtres sont les évêques ; nous les
voyons depuis les temps apostoliques exercer la charge de
conduire le troupeau du Christ, et, déjà vers le milieu du
II1' siècle, se réunir en conciles particuliers, bientôt môme
généraux. Evidemment, ils ne sont pas successeurs des
apôtres enjce sens qu'ils aient à se déplacer sans cesse, à
aller aux nations non encore gagnées au Christ pour con-
stituer partout des communautés nouvelles. L'Eglise une
fois fondée, il fallait aux chrétientés formées des pasteurs et
des docteurs à poste fixe, investis d'une pleine autorité
apostolique; déjà les apôtres en établirent. Ainsi se trouva
limité à des territoires déterminés, le pouvoir possédé à titre
individuel par leurs successeurs, qui, au cours des siècles, se
(1) Math. 18, 18.
(2) Ibid. 28. 30.
'3) Jo. 14,16 sqq.; 16,7 sqq.
[84-85J
102 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
divisèrent, selon les degrés de la hiérarchie, en patriarches,
primats, archevêques et évoques. Mais, en tant qu'unis en
un seul corps sous un commun chef, ils gardèrent la mission
d'enseigner et de gouverner l'Eglise tout entière. L'autorité
du corps des évêques se confond avec l'autorité des apôtres,
et c'est avec ce corps que le Christ demeure jusqu'à la fin
des temps.
Les évêques ont donc un double pouvoir : l'un que chacun
exerce à l'intérieur de son territoire, et dont il est seul le
dépositaire; l'autre qu'ils exercent sur l'Eglise universelle et
qui réside non dans les particuliers, mais dans la collecti-
vité, dans le collège apostolique. Cette seconde sorte d'auto-
rité apparaît surtout dans les conciles généraux, mais elle
est évidemment la même, que les membres du corps soient
dans leurs territoires respectifs et ne s'unissent que d'inten-
tion , pour un acte collectif, ou qu'à l'exemple des apôtres.
ils s'assemblent corporellement en un concile (i).
Cette participation au gouvernement de l'Eglise univer-
selle appartient-elle aux évêques en vertu d'un droit divin,
par le fait qu'il sont pasteurs légitimes d'une Eglise parti-
culière, ou bien ce droit leur est-il donné, chaque fois qu'ils
ont à en faire usage, par la convocation du pasteur suprême
de l'Eglise universelle ? C'est là une question controversée,
dans laquelle nous ne voulons pas entrer. Pratiquement, elle
a peu d'importance. Même dans la première hypothèse, les
évêques ne peuvent exercer leur droit que lorsque le pape
réclame leur participation au gouvernement de l'Eglise uni-
verselle; et dans la seconde, c'est cette requête même qui
leur donne leur pouvoir. Il est certain, — et cela seul est à
signaler ici, — que le pape, quand il veut réunir un concile,
doit y appeler les évêques chargés du gouvernement des
Eglises particulières. Le concile, en effet, doit représenter
(1) Act. 15, (J sqq,
[85-86J
ROLE DES EVEQUES Al CONCILE 403
toute l'Eglise enseignante : or, celle-ci n'est autre que le col-
lège des successeurs des apôtres, les évêques, ceux tout au
moins qui sont à la tête des divers diocèses.
Quant à l'exercice du magistère des évêques dans le con-
cile, il consiste à enseigner à l'Eglise ce qu'ont enseigné les
apôtres. Ils sont en effet leurs successeurs, investis de la
môme mission : ce Allez dans le monde entier, et enseignez à
toutes les nations tous les préceptes que je vous ai donnés. »
Et cet enseignement du Christ et des apôtres, ils doivent
eux-mêmes, comme tout autre, apprendre à le connaître par
les moyens ordinaires, c'est-à-dire par l'étude des sources
qui le contiennent, l'Ecriture et la Tradition.
Il devrait être inutile d'exposer dans l'histoire d'un concile,
ces simples et claires notions de théologie. Mais les attaques
des adversaires nous y contraignent. Dans leurs polémiques
contre le concile du Vatican, Dôllinger, Schulte et Friedrich
ont toujours répété que la mission des évêques au concile
était de témoigner, comme représentants de leurs diocèses,
de la foi de leur troupeau. Cette idée fausse trouva un accès
facile chez nos contemporains, habitués à la représentation
parlementaire, et ses fauteurs en déduisirent toute une série
de conclusions, à l'aide desquelles ils attaquèrent la légiti-
mité du concile du Vatican. Si leur théorie sur le rôle des
évoques au concile était exacte, // d'une part, les évoques
titulaires, auraient siégé sans aucun droit, car n'ayant
pas de diocèses, ils n'avaient à témoigner de la foi de
personne; d'autre part, on aurait commis une injustice,
en refusant une place aux procureurs des évêques absents;
leur exclusion empêchait les diocèses dont ils représentaient
les évêques de témoigner de leur for. Bien plus, les vicaires
capitulaires, qui jamais n'ont paru aux conciles, auraient dû
être convoqués, car pourquoi les diocèses vacants qu'ils
administraient ne devaient-ils pas être admis à rendre, eux
aussi leur témoignage? D'autres erreurs encore découlaient
[86-87]
104 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
de ce seul faux principe; par exemple, l'opinion si chère aux
adversaires du concile du Vatican que le nombre des diocé-
sains représentés par chaque évêque doit entrer en compte,
et que la voix d'un évoque qui a de nombreux sujets, vaut
plus que celle du pasteur d'un moindre troupeau.
« Le concile, dit Dôllinger, dans son attaque contre le chan-
gement apporté à l'ordre du jour le 20 février 1870 (1), est la
représentationj'assembléede l'Eglise universelle; les évèques
y sont les députés, les chargés d'affaires de toutes les parties
du monde catholique ; ils ont à déclarer, au nom de la collec-
tivité des fidèles, ce que sur une question religieuse cette
collectivité pense et croit, ce qu'elle a reçu comme étant la
tradition. Il faut donc les regarder comme des mandataires
qui ne peuvent outrepasser les pouvoirs reçus. S'ils allaient
au delà, l'Eglise dont i\s sont les représentants ne sanction-
nerait pas la doctrine définie par eux, mais la rejetterait
comme étrangère à sa foi. Les évèques au concile sont donc
avant tout des témoins, ils expriment et constatent ce qu'ils
ont, eux et leurs communautés, reçu et reconnu jusqu'ici
comme enseignement de foi. » A chaque instant, dans sa lutte
contre le concile, Dôllinger répète cette théorie et les consé-
quences qui en découlent. De son côté, Schulte écrit (2) :
« L'Eglise ancienne fit consister la mission essentielle du
concile dans rétablissement officiel du dogme par le témoi-
gnage des évèques déclarant la foi de leurs diocèses. »
Ainsi donc, le plein // pouvoir et l'autorité qu'ils exercent
dans le concile, les évèques les auraient reçus de leurs
diocèses et non du Christ ! A vrai dire, leurs droits y peuvent
à peine être appelés une autorité, car ce ne sont pas eux qui
y enseignent, c'est le peuple, dont ils sont les chargés
d'affaires et les mandataires ; ils ne proposent pas au peuple
(1) Allgem. Zeitung du 11 mars 1870. C, V. 1502a.
(2) Die Slellung der Kon-Jlien, Pàpste, etc., p. 245.
[87-88]
ROLE DES EVEQUES AU CONCILE 105
une doctrine, avec le devoir de l'accepter, mais simples
porte-voix du peuple, ils témoignent de ce que le peuple croit,
et s'ils y ajoutent quoi que ce soit, le peuple refusera de
l'accepter. Qu'ont donc fait les apôtres? Ont-ils reçu du
peuple leur doctrine et leur pouvoir, ou n'ont-ils pas plutôt,
de par un pouvoir reçu du Christ, prêché au peuple une
doctrine elle aussi reçue du Christ? Si donc les évêques
tiennent du peuple leur doctrine et l'enseignent en vertu
d'un pouvoir reçu du peuple, comment sont-ils les succes-
seurs des apôtres?
Sur la nature de l'autorité des évêques et leur rôle dans le
concile, hien plus exacte est l'opinion du canoniste protes-
tant Hinschius,qui au nom des faits réfute le système imaginé
par les adversaires du concile. « Il est historiquement faux,
dit-il (i), que ces assemblées (les conciles anciens) se soient
réunies pour le but que l'on dit. Elles n'étaient pas destinées
à témoigner de la foi ; au contraire, elles ont été convoquées
à l'occasion de controverses dogmatiques qui s'étaient
élevées et bouleversaient l'Eglise, pour décider quelle était
la saine doctrine et juger ceux qui s'en écartaient. Le rôle
judiciaire du concile et des évêques qui s'y assemblaient est
donc le motif capital, efficace de ces réunions. » Plus loin il
établit la justesse de cette vue pour le cas particulier du
concile de Trente. Il ne résulte nullement des actes de ce
concile, dit-il (2), « que dans les discussions les évêques
soient simplement venus rendre témoignage de la foi de
leurs églises et de leurs communautés ; tout au contraire,
sans perdre de vue, cela va sans dire, la tradition de l'Eglise
et les résultats acquis de la science théologique, ils ont
exprimé leurs opinions, leurs avis, et formulé leurs votes
conformément à leurs propres conceptions. Dans quel but
(i) Dax Kirchenrechi der Katholiken und Protestanlen in Deutschland , III, 341.
(2) Loc.cit., (316.
10G HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
avait-on fait venir au concile toute une série de Theologi
minores et utilisé leurs conseils /pour des travaux prélimi-
naires? Afin qu'ils missent au service des évêcpies leur
compétence théologique et les aidassent à se former un juge-
ment par l'élaboration scientifique des matières. S'il s'était
agi de déposer un simple témoignage touchant la foi, ces
théologiens auraient été plus gênants qu'utiles puisqu'ils
avaient à préparer un texte dogmatique sur lequel les
évoques devaient ensuite délibérer. Comment enfin, par le
moyen d'une simple déposition de témoignage, d'un simple
examen, comme l'entendent Dollinger et Schulte, le concile
de Trente aurait-il pu, soit atteindre le but voulu à l'origine
par l'empereur : provoquer une union avec les protestants,
soit accomplir la tâche que lui assignait avant tout la coin
de Rome : préciser et définir la doctrine catholique en
regard de la doctrine protestante? »
La théorie inventée pour faire pièce au concile du Vatican
n'est pas seulement en contradiction avec l'histoire des
conciles, elle est encore inconciliable avec la notion môme de
concile considéré connue assemblée elélibérante.
Pour prouver cpie les procureurs des évèejues absents
auraient dû être admis, Friedrich (i) allègue qu'aux pre-
miers temps les conciles généraux étaient précédés de
synodes particuliers destinés à établir cpielle foi était pro
fessée élans les diverses Eglises. « C'est de cette foi, et noi
de son sentiment personnel que l'évêque avait à témoigner
e>r, il pouvait le faire aussi bien par ses mandataires ou ses
légats. » Le rôle de l'évêque ou de son mandataire eut done
été. de partir pour le concile en emportant dans son bagage h
vote exprimé par ses diocésains, et là ele déposer ce vote toui
formulé, intangible? A quoi bon alors une délibération, une
discussion? Dans quel but les discours prononcés au con
(1) Gescliichle der Vatikan. KomiLi, 701.
[89J
ROLE DES EVEQUES AU CONCILE 107
cile? De quoi les orateurs veulent-ils persuader l'assistance?
Qu'ils ont fidèlement transmis leur vote? Quel changement
d'opinion peut se produire au Concile? Chacun y dit ce qu'on
croit chez lui. On ne peut contester le fait dont chacun
témoigne. Chaque évêque aurait-il à défendre la doctrine
que professe son pays? Mais alors il devra défendre l'hérésie,
si son diocèse y est tombé? //
Les apôtres ont été envoyés par le Christ pour être les
témoins de ses œuvres, de sa résurrection et des enseigne-
ments qu'ils ont reçus de lui (i). Comme eux, les évêques
ont à rendre témoignage surlapersonne et sur la doctrine du
Christ. Mais n'étant pas comme les apôtres témoins ocu-
laires et auriculaires, ils doivent acquérir par l'étude les
connaissances nécessaires à l'exercice de leur magistère. Ils
ont pour s'instruire l'Ecriture et la Tradition.
Certainement, parmi les moyens de connaître la doctrine
transmise par les apôtres il faut ranger la recherche de ce
qui est cru dans toute l'Eglise; car c'est un dogme catho-
lique que l'Eglise universelle ne peut errer en matière de foi
et quand il est démontré qu'une doctrine est tenue par
l'Eglise universelle comme objet de foi, il est prouvé par le
fait même qu'elle l'est en effet; c'est pourquoi dans les con-
ciles, quand on recherche quelle est la vérité révélée, on se
demande aussi ce que l'Eglise croit ; cette voie pourtant n'est
pas la seule et très souvent elle ne mène pas au but, puisque
habituellement dans les questions dogmatiques qui sont
soulevées dans les conciles, la complète unanimité des
Eglises n'existe pas. C'est précisément la défection d'un
certain nombre de chrétiens par rapport à la vraie foi, qui
est, en règle générale, l'occasion de 4a convocation de ces
assemblées.
(1) Act. 1, 8, 22 et passim.
[89-90J
108 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
II. — La Question de la Convocation
DES EvÊQUES TITULAIRES.
Les évêques résidentiels doivent donc être convoqués a
concile : aucun doute sur ce point. Mais à côté de ces prélat
qui sont à la tète d'un diocèse, il y en a d'autres, qui ont reç
la même consécration, mais n'ont pas juridiction; ce sont le
évêques titulaires. Investis du même pouvoir d'ordre ont-r
le même droit à paraître au concile ? La question était diff
cile, et sur ce point la Commission centrale, chargée de 1
résoudre, se voyait laissée à peu près sans secours du côt
de la tradition.
D'évêques titulaires, au sens propre du mot, il n'en exi
tait pas autrefois. Il y avait bien, au temps des premiei
conciles généraux, des évêques sans diocèse, mais qui se:
vaient d'auxiliaires aux ordinaires, c'étaient les chorévêquei
En fait, nous les trouvons aux conciles, même aux concile
généraux, où ils paraissent exercer absolument les même
droits que les autres évêques (i). Au concile de Trente, il
a aussi quelques évêques sans juridiction: ils sont presqu
tous, il est vrai, procureurs d'autres évêques. mais ils n'oi
comme tels ni siège ni voix : c'est doue bien en leur propi
nom qu'ils prennent part au concile (2). En somme, 1<
données sont trop pauvres pour pouvoir conduire à u
résultat certain.
(1) Hefele, Konziliengeschichte I (2'édit. p. 17.)
(2) L'éditeur des Actes du concile de Trente,MF Elises, confirme l'opinion émi
ici parle P. Granderath : les évêques titulaires, procureurs d'évêques réside:
tiels, siégeaient et votaient en leur propre nom et non pas à la place de leu
commettants « Pendant la première partie du Concile, nous ecrit-il, le seule
de cette nature qui s'est présenté est celui Michel Helding lAldinus), évêqi
auxiliaire de Mayence et procureur de L'archevêque; on décida expresséme
qu'Heldingen qualité d'évèque deSidon voterait avec les autres évêques et qi
comme délégué du cardinal de Mayence il demeurerait soumis aux règles et
blies pour les autres procureurs. » (Note du P. K. Kirch ajoutée à la fin du tre
sième volume).
[90-91]
CONVOCATION DES EVEQUES TITULAIRES -109
Les théologiens et les canonistes étaient en désaccord ; ils
laissaient aussi la Commission dans l'embarras. Melcliior
Cano (i) ne refuse pas seulement aux évêques titulaires le
droit à la convocation, il en conteste môme la convenance.
D'autres, au contraire, comme Reiffenstuel(2)et Ferraris(3),
revendiquent pour eux un droit strict à siéger et à voter.
Suarez (4) et Schmalzgruber (5) adoptent une opinion inter-
médiaire d'après laquelle les évêques titulaires ne doivent pas
nécessairement, mais peuvent être convoqués. Parmi les
canonistes plus récents, Walter (6) est du même avis, tandis
que Phillips (7) se prononce pour le droit strict.
La divergence des savants sur la question qui nous
occupe, montre qu'elle est difficile. Les évêques titulaires
ont reçu la même consécration que les autres, leur pouvoir
d'ordre est identiquement le même ; mais ils ne sont pas
chargés d'un diocèse, ils n'ont aucun pouvoir de gouverner
ni d'enseigner. Puis donc que dans le concile les évêques
doivent exercer non leur pouvoir d'ordre, mais leur pouvoir
de juridiction et leur magistère, on pourrait conclure qu'il
n'y a point place dans ces assemblées pour les évêques auxi-
liaires ou titulaires//.
Cependant, les partisans du droit strict de ces prélats
s'appuient, entre autres arguments, sur le serment que ces
évêques doivent prêter comme les autres, et dans lequel ils
jurent de répondre quand le Pape les convoquera à un con-
cile (8). De là il résulte pour le moins qu'ils peuvent être
convoqués. Mais il y a plus, et alors même qu'ils n'auraient
aucun droit proprement dit de participer au concile, il serait
(1) De locis theol. V. c. 2.
(2) Jus canon, universam 1. 1, Decr. tit. 5 §2, n. 42.
(3) Promptabibliolh, v. Coneilium I, n. 29 a.
(4) De fide disp. 11, lect. 1, n. 18.
(5) L'roœm, §8, n. 325.
(6) Lehrbuch des Kirchenrechts, § 157.
(7i Kirchenrecht II, 249, Cf. p. 13210.
(8) Dans la formule du serment, il y a « Vocatus ad synodum veniam ».
[91-92]
HO HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
très conforme à la nature des choses de leur en accorder 1
privilège. En effet, bien que le caractère épiscopal ne cou
fère par lui-même aucun pouvoir de juridiction, il appell
cependant ce pouvoir comme un complément naturel, et des
tine celui qui le possède au gouvernement dans l'Eglise. Ei
outre l'autorité, que comme membre du concile l'évèqu
exerce sur l'Eglise universelle, est distincte, nous l'avon
déjà remarqué (i), de celle qu'il exerce dans son diocèse. S
donc l'évêque titulaire n'a aucun pouvoir sur le diocèse dan
lequel il vit, et ne peut gouverner celui dont il porte le titr
(parce que ce dernier s'est séparé de l'Eglise universelle
pourquoi donc, lui, véritable évêque, élevé par la consécratio
au rang des premiers pasteurs, serait-il exclu de la partie:
pation au gouvernement de l'Eglise universelle, apanag
de ses frères dans l'épiscopat ?
La Commission centrale chargea M*-'1' Joseph Angelini, u
de ses eonsulteurs, de rédiger un mémoire sur la question
Dans cette pièce l'auteur expose les opinions des théologien
et des canoiiistis avec les arguments qu'ils apportent. Puis
donne son sentiment : les évêques titulaires peuvent certai
nement être convoqués au concile, et, s'ils le sont, ils doiven
avoir non seulement voix consultative, mais encore voi
délibérative. Se demandant ensuite s'ils ont à la convocatio
un droit proprement dit, il distingue entre les évêques titi
laires qui, comme les vicaires apostoliques en pays de mi
sion possèdent une véritable juridiction sur une partie il
l'Eglise, et les autres qui ont seulement reçu la consécratio
épiscopale. Aux premiers, il attribue un droit strict , mai
il le refuse aux seconds, au sujet desquels les avis d<
savants sont partagés. Les vicaires apostoliques, dit-i
doivent être convoqués, parce qu'ils ont comme les autre
évêques le pouvoir d'ordre et celui de juridiction, et parc
(1) P. 101 et sqq.
92-93]
CONVOCATION DES EVEQUES TITULAIRES \\\
que, s'ils manquaient, la partie de l'Eglise qui leur est
confiée, ne serait pas représentée au concile. Il étend même
ce droit aux vicaires apostoliques qui ne sont pas évéques (i).
Ce mémoire fut examiné par la Commission centrale dans
la séance du 17 mai 1868. Les cardinaux laissèrent de côté
la question du droit strict des évéques titulaires ; à l'autre
question, « convient-il de les convoquer tous? » ils répon-
dirent unanimement par l'affirmative. Par conséquent, dans
la bulle de convocation déjà rédigée, les termes patriarches,
archevêques, évéques, devaient être entendus avec toute leur
extension, en y comprenant les évéques titulaires (2). Les
raisons qui motivèrent la conclusion de la Commission cen-
trale ne sont pas communiquées dans le procès-verbal de
cette séance. On donna dans une séance postérieure le court
résumé qui suit :
Les évéques titulaires, — ainsi parlent les cardinaux dans
la séance du 14 mars 1869, alors que la bulle de convocation
était déjà publiée, — doivent être considérés comme con-
voqués, car la bulle adresse un appel à tous les patriarches,
archevêques et évéques et à tous ceux que leur serment
oblige d'y répondre; or, nul ne peut douter que les évéques
titulaires ne soient de véritables évéques, et l'on sait qu'ils
prêtent ce serment. En outre l'histoire, celle du concile de
Trente en particulier, plaide en leur faveur. Dans les actes
solennels les plus récents, la définition du dogme de l'Imma-
culée Conception, les béatifications, ils ont eu la même part
que les évéques résidentiels. Si on invoque contre eux qu'ils
ne possèdent aucune juridiction, on doit au moins (pour ne
rien dire de la distinction dont de très graves auteurs font
(1) Voto del Reverendissimo Monsig. Giuseppe Angelini sopra gli Atli da premet-
tersi alla convocamone del Concilio Générale, e sopra Vammissione dei Vescori Tito-
lan al medesimo Concilio, p. 28 sqq,
(2) Procès-verbal etc. 17 maggio 1868. Ce que, dans la suite nous empruntons
sans citer aux séances de la commission centrale, nous l'extrayons du procès-
verbal.
[93]
•Ii2 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
grand cas, entre la juridiction actuelle et la juridictio:
habituelle) distinguer entre la juridiction particulière//sur u:
diocèse, que les éveques titulaires ne possèdent pas, et 1
juridiction universelle, que tous les éveques reçoivent e:
vertu de leur consécration. Or cette dernière consiste préci
sèment dans le droit d'enseigner et de gouverner tout
l'Eglise, droit qui s'exerce dans les conciles quand le Col
lège épiscopal tout entier s'unit au Pape pour gérer les intt
rets généraux du monde catholique (i). La Commission fai
enfin remarquer qu'on expose'/ le concile au danger de voi
contester sa légitimité si l'on exclut ne fût-ce que quelque
éveques. Les faits devaient montrer bientôt le poids de c
dernier motif et le bien-fondé de cette crainte.
On put le constater cette année même, avant que la déci
sion de la congrégation ne fût connue du public. En France
Mgr Maret, évêque titulaire de Sura, composa un ouvrag
en faveur «les doctrines gallicanes, et l'adressa aux évêque
(1) Notons pour renseigner les lecteurs étrangers à la théologie, que c'est ur
question controversée de savoir si les éveques reçoivent leur pouvoir de jur
diction du Christ lui-même à leur consécration, ou du pape en dehors de la coi
sécration. La commission laisse la question intacte, comme il est dit dans ]
passage que nous avons cité entre parenthèses; elle se prononce cependant e
faveur de la première opinion pour autant qu'elle suppose que du moins l'ai
torité à exercer au concile est conférée dans la consécration. S'il en est ainsi,
s'ensuit qu'il est non seulement convenable, mais nécessaire de convoquer a
concile les éveques titulaires, car au point de vue de l'autorité à y exercer, i:
sont sur le même rang que les éveques résidentiels. Nous ajouterons que lf
adversaires du concile, qui, comme Schulte et Friedrich, refusent d'admetti
la convocation des éveques titulaires, peuvent facilement être convaincus d
contradiction flagrante. Nous le leur demandons, quel parti prennent-ils dan
la controverse sur l'origine du pouvoir épiscopal de juridiction ? Dans leur ant
pathie pour tout ce qui assure au pape un pouvoir quelconque, ils se rangeroi
sans doute à l'opinion qui fait dériver immédiatementdu Christ le pouvoir d
juridiction. Fort bien! Mais alors, les éveques titulaires reçoivent la mêm
autorité que les autres, aussi bien celle qu'exerce chaque évêque sur une églis
particulière, que celles qu'ils exercent tous en commun sur l'Eglise universelb
L'autorité sur une église particulière ne peut, on le reconnaît dans les deux op
nions, être exercée par les éveques, avant que le pape n'en détermine la niatién
c'est-à-dire leur assigne des sujets: il s'ensuit donc que les éveques titulaires n
peuvent exercer leur autorité sur une portion de l'Église, parce qu'aucune n
leur est attribuée. Mais à l'exercice de l'autorité épiscopale sur l'Église univei
selle, une fois la consécration reçue, aucun obstacle ne s'oppose, aucune autr
[94-95]
LETTRE Dl P. DELAFOSSE >,\ :)
et au pape; il usait, disait-il, du droit inviolable, appartenant
à tout évêque, d'exposer librement avant le concile son senti-
ment sur l'état de l'Eglise, ses périls et ses besoins. L'expres-
sion «droit inviolable » fut blâmée par le P. Delafosse, oratô-
rien, qui, s'appuyant sur Suarez, Melchior Cano et Be-
noit XIV. s'efforça, dans une lettre à I'TJnivebs (i), de prou-
ver que les évoques titulaires qui ne sont pas en même temps
à la tête d'une mission, étant sans juridiction, n'ont aucun
« droit inviolable » a prendre part au concile, et que le pape
n'est pas tenu de les convoquer. Cette lettre fut si mal reçue
par les Gallicans, qu'elle provoqua une intervention du
ministre de l'instruction publique, Duruy. Le P. Delafosse
reçut du supérieur de l'Oratoire une sévère réprimande, qui
l'ut communiquée à toutes les maisons de la congrégation;
le supérieur général se rendit en personne chez Mgr Maret
pour lui exprimer au nom de tous ses subordonnés son
regret de l'affaire, et lui annoncer que le P. Méric était auto-
risé à faire paraître une réfutation de la lettre du P. Dela-
fosse. Le conseil d'administration du collège de Juilly,
formalité n'est requise, aucun troupeau spécial n*est à^assigner, puisque cette
autorite s'étend à tout le troupeau du Christ. Si donc on veut admettre cette opi-
nion et rester conséquent avec soi-même, on doit reconnaître aux évéques titu-
laires non seulement un titre de convenance, mais un droit strict à la convoca-
tion, le même droit que possèdent tous les autres évéques. Dans cette hypothèse
le pape c'est pas seulement autorisé, il est obligé de les convoquer et s'il omet
cette convocation, il viole un droit. Pour nous, nous embrassons l'autre opi-
nion, d'après laquelle les évéques reçoivent du Christ la juridiction non pas
directement, mais par l'intermédiaire du pape: aussi ne pouvons-nous démon-
trer rigoureusement que les évéques titulaires ont un droit strict à la convoca-
tion. Cependant, pour les motifs exposés plus haut, il nous semble convenable
que le pape, quand par la convocation d'un concile, il donne aux évéques le
droit de prendre part au gouvernement de l'Eglise universelle, n'exclue pas ceux
qu'il n'a pas chargés de gouverner une église particulière. Cette remarque vaut
surtout pour les évéques titulaires qui, dans les pays de mission, où la hiérar-
chie n'est pas encore constituée, administrent les- circonscriptions ecclésiasti-
ques dans les mêmes conditions que des évéques résidentiels, il serait peu
équitable de les tenir éloignés du concile, eux dont les épaules supportent sou-
vent les plus lourdes charges; ils devraient du reste être convoqués, au moins
parce qu'ils sont les plus à même de renseigner le concile sur la situation spiri-
tuelle de leurs vicariats, et de faire pourvoir efficacement à leurs nécessités.
(1) Du 17 novembre 1808.
8
[95]
144 HISTOIRE DU CONCILE 1>C VATICAN
auquel appartenait le P. Delafosse, protesta également contr
son factum, et pria son président, le sénateur Dariste, d
donner lui-même à Mgr Maret communication de cette prç
testation. Evidemment toute cette émotion ne s'explique pa
seulement par le ton ironique qu'avait affecté le P. Delà
fosse! Que n'eussent pas l'ait les partisans des doctrines ga'
licanes, si Maret et tous les évéques titulaires avaient et
exclus du concile? (i)
La bulle de convocation, publiée le 29 juin 1868, ne mei
tionnait pas expressément les évêques titulaires: elle parlai
des évêques en général ; voilà comment à la fin de cet!
année, une pareille controverse put s'élever en France, c
être traitée dans les journaux. Au même moment, de pli
sieurs côtés on s'informait à Rome si les évêques titulaire
étaient aussi convoqués. Ce fut l'occasion d'une nouvel]
enquête sur la question.
De nombreuses demandes arrivaient en effet à la curie
les évêques auxiliaire1-, les abbés, et d'autres encore qc
réclamaient le droit de siéger et de voter au concile, étaien
ils compris dans la bulle de convocation'/ Le 7 mars 1869, 1
Commission centrale décida, sous réserve de Fapprobatio
pontificale.de l'aire préparer par la Congrégation du concil
une circulaire à envoyer aux évêques, pour exposer les déej
sions prises l'année précédente au sujet des personnes à cou
voquer; on donnerait ainsi à tous une règle pour juger le
cas ijiii pourraient se présenter. Le jour suivant, le seerc
taire de la Commis-ion centrale exposa la chose au Saint
Père. Pic IX fit remarquer qu'il y avait des évêques titn
(1) Cecconi, op. cit. 1. III, c. 4., 11. il, p. 404 sqq. (trad. tom. II. p. 348). II ne fat
pas conclure de cette affaire que les membres de l'Oratoire aient été partisan
du Gallicanisme. Leur supérieur, le P. Pététot, déclara dans une lettre
1 Univers (8 décembre!, que son intervention n'avait nullement été motivée pa
un attachement aux doctrines de MgrMaret. Il professait un grand respect pou
la personne de Févêque, mais sur bien des points ne partageait nullement se
idées.
[96]
INVITATION DES EVEQUES TITULAIRES -115
laires dont la conduite n'était pas exempte de blâme, et il
exprimale désir que tous sans distinction ne fussent pas admis
an concile Le secrétaire fit valoir de nouveau les motifs qui
avaient déterminé la Commission centrale à se prononcer
pour la convocation générale et rappela au pape qu'il avait
approuvé cette décision. Le Souverain Pontife n'en ordonna
pas moins d'examiner à nouveau la question et de chercher
si on ne pouvait trouver un mode de convocation qui permît
de ne pas voir au concile des personnes que leur conduite
rendaient indignes d'y siéger.
La Commission centrale dut être surprise quand, dans la
séance du 14 mars, le secrétaire lui communiqua le désir du
Saint-Père. Elle entama une nouvelle discussion, et, vu les
motifs (1) qui plaidaient pour la convocation, résolut à l'una-
nimité de s'en tenir aux conclusions premières. Seul un évèque
qui serait excommunié, disait la Commission, pourrait être
exclu du concile. Pie IX recevant en audience le secrétaire, le
i5 mars, se fit exposer tous les motifs allégués, et, après un
examen attentif, y donna son assentiment. Il ordonna qu'aux
demandes envoyées de divers côtés pour savoir si les
évêques auxiliaires pouvaient paraître au concile, on répon-
dît affirmativement. C'est ainsi que le cardinal Caterini,
interrogé le 16 juillet 1869 par l'évèque Grant, de South-
wark, lui fit savoir le b" août que les évêques titulaires sans
aucune juridiction étaient convoqués; la bulle, en effet,
parlait de tous les évêques indistinctement, et « ubi lex non
distinguit, nec nos distinguere debemus » (2). Pour le même
motif, il étendait aussi aux évêques titulaires le devoir
imposé à tous de répondre à l'appel, et disait que s'ils
(1) Voir plus haut, p. 1 10 sqq.
(2) L'archevêque de Cologne pria le nonce de Munich, Mgr Meglia, d'obtenir
pour Mgr Laurent, l'ancien vicaire apostolique de Luxembourg, une invitation
au concile. Le nonce s'adressa, dans une lettre du '22 mars 1869, au cardinal
Antonelli, <|ui répondit que Mgr Laurent était déjà invité par la bulle
d'indiction .
[96-tn
1IG HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
n'avaient obtenu aucune dispense spéciale du Saint-Père et
s'ils se trouvaient empêchés, ils devaient présenter au
concile par un procureur les motifs de leur abstention (i).
La Commission centrale examina de son côté le n novembre
la question de l'obligation pour les évêques titulaires d'en-
voyer un procureur en cas d'empêchement. Elle conclut
comme le cardinal Caterini; pourtant, si cette formalité
n'était pas remplie, on devait passer outre (2). //
III. — La Convocation des Abbés et des Généraux
d'Ordres.
Les évêques titulaires ont le pouvoir d'ordre sans la
juridiction ; au contraire, les supérieurs généraux des
ordres religieux et la plupart des abbés ont une sorte de
juridiction épiscopale, potestas (jnnsi episcopalis, mais non
le pouvoir d'ordre. Dans les conciles antérieurs, ils ont eu
le même rôle que les évêques. Mais il y eut là attribution
d'un privilège, non reconnaissance d'un droit. La Commis-
(1) C, V. 1058 d.
(2) Procès-verbal du 11 novembre 1869. Contre la décision de la Commission
centrale et l'admission au concile des évêques auxiliaires, réclament les adver-
saires du concile Friedrich (Geschichte des Vatikanischen Konzils, I, 696 sqq.) et
Schulte (op. cit., p. 246). Le premier n'apporte aucun argument, il s'appuie sur
le second. Ce dernier écrit : « La consécration épiscopale n'est pas une raison
(de convoquer les évêques titulaires), il est de toi (Conc. Trid. Sess. xxm,
can. 4 de sacr. ord.) que le Saint-Esprit est donné par l'ordination sacerdotale,
— la consécration ne communique pas une science supérieure, — l'évêque
n'a pas à exprimer son opinion personnelle mais à faire office de témoin. »
Le premier argument iloit vouloir dire que, le Saint-Esprit étant reçu par
l'ordination sacerdotale, il ne reste plus rien à recevoir dans la consécration
épiscopale par quoi le sujet devienne capable de prendre part aux actes doctri-
naux d'un concile. Schulte aurait pu aussi bien prouver que l'ordination sacer-
dotale ne confère pas le Saint-Esprit, car il est déjà reçu dans la confirmation, et
même dans le baptême. — Si celui qui exerce le magistère dans un concile doit,
comme Schulte le suppose dans son second argument, recevoir d'en haut une
science supérieure, alors la collation de la juridiction qui distingue l'évêque
résidentiel du simple titulaire, ne sulïit pas non plus, car elle n n plus ne com-
munique aucune science supérieure. — Le troisième argument se fonde sur
l'erreur déjà réfutée (p. 107 sqq.) touchant le rôle des évêques au concile.
[97-98J
CONVOCATION DES ABBES ET GENERAUX D ORDRE 117
sion centrale avait dès lors à examiner si les abbés avaient
un titre / à être convoqués, et si le privilège d'exercer les
droits épiscopaux devait leur être maintenu au concile du
Vatican.
Elle chargea le consulteur Sébastien Sanguineti, de la
Compagnie de Jésus, d'émettre un avis sur la question.
Ce canoniste qui, dans la première partie de son mé-
moire (i), s'occupe des abbés, et dans la seconde, des géné-
raux d'ordres, part du principe admis universellement par
les théologiens que les éveques ont seuls un droit d'origine
divine à être convoqués au concile (2); mais il montre
ensuite que depuis le second concile de Xicée (787) les
supérieurs d'ordres religieux y ont été admis (3). Un double
motif explique ce fait : la grande influence qu'ont exercée
les moines sur la situation religieuse et politique de l'Occi-
dent, et l'exemption de la juridiction épiscopale qui leur fut
accordée pour récompenser les services rendus par eux à
l'Eglise. Les abbés exercent sur leurs sujets la même auto-
rité que les évoques sur leurs diocésains, par suite il parut
convenable de leur accorder une place aux conciles à côté
des éveques (4).
Pour décider si les supérieurs d'ordres bénéficieraient au
prochain concile du privilège dont ils avaient joui durant
les siècles précédents, l'auteur du mémoire s'appuyait des
principes suivants : le pouvoir suprême dans l'Eglise a sans
doute le droit strict de retirer un privilège jadis concédé,
mais il ne convient pas à la suavité qui en est la marque
distinctive, de modifier ou de supprimer un privilège établi
(lj Conformément aux deux questions qui forment le titre du vœu « /. Utrum
et quinarn Abbates sœculares et regulares, fini invitandi ad concilium? II. Utrum
vocandi et admittendi sint ad concilium omnes Générales Ordinum religiosorum,
etiamsi Ordines aliqui ob paucilatem membrorum fere adnihilum sint reducti ? »
(2) Votum P. Sanquineti, p. 3.
(3) Ibid., p 5 sqq.
(4) Ibid., p. 6-11 sqq.
[98 99]
418 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN
par la coutume, tant que durent, au moins en substance, les
motifs et les circonstances qui l'ont provoqué; si. au con-
traire, la situation a complètement changé, une modification
ou une suppression est opportune ou nécessaire; enfin
môme en l'absence de tout changement l'autorité ecclésias-
tique peut limiter l'usage d'un privilège, si elle en redoute
de graves inconvénients (i). //
Revenant alors à la première question le rapporteur con-
tinue: Le privilège de la participation au concile n'appartient
pas à quiconque possède la dignité d'abbé ou en porte le nom.
D'après Ferraris, les abbés se partagent en différentes caté-
gories (2). Dans le clergé séculier il en est de quatre sortes :
les uns ont la juridiction et le droit d'officier pontificale-
ment; d'autres n'ont point ces prérogatives, mais seulement
le rang et la dignité ; d'autres, transférés des églises suppri-
mées à la tête desquelles ils se trouvaient, au chapitre de
l'église cathédrale, en ont conservé le titre ; il y a enfin les
abbés commeiidataires. Les abbés réguliers sont de trois
sortes : les uns ont juridiction non seulement sur les sujets
de leur ordre, mais encore, comme des évoques, sur tous les
habitants d'un territoire; d'autres sont seulement supérieurs
de religieux ; d'autres enfin n'ont que le titre, sans sujets.
Pour qu'un abbé ait droit à prendre part au concile, il faut
d'abord, en tous cas, qu'il ait juridiction (3). Mais toute juri-
diction ne suffit pas, il faut celle qu'on nomme quasi episco-
palis, c'est-à-dire qui n'est pas subordonnée à l'autorité de
l'évêque diocésain. D'après tous les théologiens, en effet, la
raison intime pour laquelle le même droit qu'aux évêques
dans le concile a été attribué aux abbés, c'est qu'à coté des
évêques ils possédaient une juridiction quasi épiscopale.
L'histoire montre même que les abbés obtinrent ce privi-
(1) Yotum, etc. , p.7qq.
(2) Ibiil., p. 18*.
(3) Ibid., p. 11 sqq.
[99-100!
CONVOCATION DES ABBES 119
Lège au fur et à mesure qu'ils reçurent du Saint-Siège
l'exemption de l'autorité des Ordinaires.
Après avoir établi sa doctrine par l'autorité des théologiens
et l'histoire du concile de Trente (i), le rapporteur répond
ainsi à la première question : Des abbés séculiers ceux-là
seul- ont droit à être convoqués au concile qui possèdent la
juridiction sur un territoire qui n'est soumis à aucun évêque,
car les autres sont purement et simplement soumis à l'auto-
rité épiscopale. Parmi les abbés réguliers ceux-là d'abord ont
droit à la convocation, qui // possèdent la juridiction non
seulement sur leurs sujets réguliers, mais aussi sur un cer-
tain territoire : on les appelle abliates niillius, parce que
leurs districts ne sont soumis à aucun évêque. Quant aux
autres, qui ont une juridiction non territoriale mais person-
nelle, il faut, en tous cas, convoquer ceux qui sont supérieurs
de plusieurs monastères formant congrégation, au même titre
que les généraux des ordres religieux. Xous les appellerons,
avec le procès-verbal de la Commission centrale, abbés géné-
raux. Pour ceux qui sont supérieurs d'un seul monastère, il
faut distinguer : si ce monastère fait partie d'une congréga-
tion, ils n'ont aucune droit d'être admis au concile, car alors
ils sont soumis à un autre supérieur, l'abbé général, et ne
possèdent pas l&jurisdictio quasi episcopalis. Si le monastère
dont ils sont supérieurs est autonome, on pourrait le consi-
dérer comme un ordre religieux, et alors, si le Saint-Siège
reconnaît à ces abbés tous les droits des généraux d'ordres,
leur concéder siège et voix au concile. Mais dans ce cas le
nombre des abbés devenant trop considérable, une restric-
tion pourrait être opportune (2).
La réponse à la seconde question est beaucoup plus simple.
(1) Votum, etc., p. 16 sqq.
(2) Ibid., p. 19 sq. Dans une note, l'auteur se demande si ces monastères
peuvent vraiment être considérés comme autant d'ordres; il penche pour la
négative.
[100-101 1
4 20 HISTOIRE 1)1" CONCILE 1)1 VATICAN
Sur le privilège des généraux d'Ordres d'exercer au concile
Les droits des évêques, il ne peut s'élever aucun doute, et le
concile de Trente fournit une pleine confirmation de cette
doctrine. Ces supérieurs ont, en effet, la potestas qiiasi epis-
copalis sur leurs sujets réguliers (i).
Le rapport aborde ensuite un cas tout particulier : Le privi-
lège s'applique-t-il aux vicaires généraux qui sont vraiment
supérieurs de l'ordre tout entier, par exemple lorsque le
général trop âgé ou malade, mais conservant cependant son
titre, a cessé complètement de gouverner; ou bien pendant la
vacance après la mort du gênerai et avant l'élection de son
successeur? Dans le cas où le Saint-Siège reconnaît aux
vicaires généraux tous les droits d'un général d'Ordre (2) le
P. Sangiiincti répond par l'affirmative. 11 attribue aussi le
même droit aux supérieurs des ordres qui par suite du petit
nombre de leurs membres ont presque disparu /' ; on pourrait
cependant avoir des motifs de les exclure. Ainsi un ordre
auquel le Saint-Siège a interdit de recevoir des novices,
pourrait être considéré comme n'existant déjà plus (3).
Dans sa séance du i>4 mai 1868, la Commission centrale
examina le rapport de Sanguineti et se rangea à sa manière
de voir. Elle décida donc (pie les abbés qui exercent la juri-
diction sur un territoire indépendant de tout évèque, c'est-
à-dire les abbates nullius devaient être convoqués; de même
ceux qui sont à la tête d'une congrégation formée de plusieurs
monastères, mais non pas les abbés particuliers de ces
monastères; elle n'admit pas les abbés des monastères auto-
nomes, qui ne sont pas abbates nullius, même ceux qui sont
exempts de l'autorité épiscopale. Sont à convoquer encore
les généraux d'Ordres, et même les vicaires généraux si,
(1) Volum, etc., p. 21 sq.
(2) Ibid., p. 22.
(3) Ibid.. i..22sq.
[101-1G2]
CONVOCATION DES ABBÉS ET GÉNÉRAUX D'ORDRE 121
d'après les constitutions de leur ordre ou en vertu d'un bref
pontifical, ils tiennent la place du général avec jouissance de
tous les privilèges qu'elle comporte; de même enfin, les
généraux des ordres qui n'ont plus qu'un petit nombre de
membres et ont- presque disparu; seuls les ordres à qui le
Siège apostolique a interdit de recevoir des novices doivent
être considérés comme n'existant plus. Les supérieurs des
congrégations religieuses qui ne sont pas des ordres propre-
ment dits ne doivent pas être invités (i). Ces conclusions de
la Commission centrale reçurent la pleine approbation du
Saint-Père.
Cependant, la bulle de convocation qui fut publiée un mois
plus tard, était à tout le moins peu claire. L'invitation au
concile s'adressait aux évêques, « aux abbés et à tous les
autres qui possèdent le droit ou le privilège de siéger et de
voler dans les conciles généraux » (2). Etant donnée la géné-
ralité de l'expression, / tous les abbés, même ceux des
monastères autonomes qui, d'après les conclusions de la
Commission approuvées par le Saint-Père, étaient exclus du
concile, durent se croire convoqués. Beaucoup, voyant appro-
cher le jour de l'ouverture de l'assemblée, crurent bon de
consulter Rome. Alors seulement (juin 1869) quand le cardi-
nal Caterini, après en avoir référé au pape, déclara officielle-
ment ([lie seuls les abbés nullius et les généraux d'Ordres,
mais non les abbés des monastères autonomes, étaient invités,
on connut les conclusions de la Commission centrale. Elles
firent sensation (3), notamment en France, et plusieurs
(1) Procès verbal du 24 mai 1868. — C. V. 1059 b. c.
(2) « Ac proinde volumus, jubemus, omnes ex omnibus locis ta m venerabiles
Fratres Patriarchas, Archiepiscopos, Episcopos, quam dilectos Filios Abbates,
omnesque alios, quibus jure aut privilegio in Conciliis Generalibus residendi
et sententias in iis dicendi facta est potestas, ad hoc œcumenicum Concilium...
venire debere. » Cette formule est empruntée presque mot pour mot à la bulle
de convocation du concile de Trente.
(3) Les lettres et documents mentionnés dans ce qui suit sont annexés au pro-
cès-verbal de la Commission centrale.
[102-103]
122 HISTOIRE DU CONCILE J)L" VATICAN
évêques comme Mgr Pie, de Poitiers, M>"' Caverot, de Saint-
Dié, M"1' Doney, de Montauban, et Msr Roullet de la Bouil-
lerie, de Carcassonne, intervinrent en faveur des abbés
supérieurs d'un seul monastère : ils s'adressèrent au pape et
au cardinal Antonelli, protecteur de plusieurs ordres ; ils
attiraient leur attention sur l'existence du privilège des
abbés, privilège équivalent à un droit, sur les mérites des
ordres en cause, aussi bien que sur les avantages qui résulte-
raient de leur représentation au concile. L'évèque de Poitiers
proposait d'admettre au moins quelques abbés de monastère-
isolés qui seraient choisis parmi tous pour représenter les
autres. Le cardinal Schwarzenberg, archevêque de Prague,
dans une lettre sur le même sujet qu'il écrivit au cardinal
Antonelli (24 juillet 1869), déclare indispensable d'avoir pour
représentants des ordres de Latran, des Cistersiens, des
Prémontrés, des Bénédictins, qui ont ensemble, en Autriche
seulement, près de cinquante grandes abbayes, non pas seu-
lement tel ou tel abbé résidant à Rome, mais aussi d'autres
prélats réguliers; si tous ne sont pas convoqués, qu'on en
appelle au moins quelques-uns. Il nomme comme particulière-
ment dignes de considération parmi les abbés bénédictins :
dom Wimmer (Amérique), dom Guéranger de Solesmes, dom
Maurus Wolter de Beuron et dom Haneberg de Saint-Boni-
l'ace, à Munich (1). M-1' Mermillod, évêque de Genève, exprima
au cardinal Antonelli le désir que non seulement les abbatéâ
nultiiis, mais aussi les autres, comme ceux d'Einsiedeln et de
(1| Le cardinal Schwarzenberg écrivit sa lettre au cardinal Antonelli à la
requête de D. Théodoric, abbé bénédictin de Lambach, requête que celui-ci
lui adressa le 29 juin : « Au nom de plusieurs abbés de notre ordre, animés du
meilleur esprit, entre autres de réminent abbé de Saint-Paul de Rome, dom
Zelli; » ils demandaient qu'un certain nombre d'abbés fussent convoqués, sinon
tous. « Il ne pourra y avoir profit pour Tordre, si on ne consulte pas ses
membres les plus zélés pour la réforme; d'autres religieux ne connaissent ni
son esprit ni ses traditions. » La lettre, remise par le cardinal, se trouve dans
les archives du concile, comme aussi deux lettres traitant le même sujet, que
Salesius (Mayer) envoya les 8 et 15 novembre 18(39 au cardinal de Prague à Rome.
Il prend lui aussi parti pour les abbés.
[103-1041
CONVOCATION DES ABBES -123
Solesmes, fussent invités à prêter leur concours au concile.
Le cardinal Pitra, de l'ordre de Saint-Benoît, transmit au
cardinal Antonelli et au secrétaire de la Commission centrale
quelques lettres qu'il avait reçues de France sur l'affaire des
abbés, avec un court mémoire du célèbre canoniste français
Dominique Bouix et un rapport détaillé du canoniste romain
Galluzi, qui tous deux se prononçaient en faveur des abbés.
Il y joignait un exposé de la situation de l'ordre bénédictin.
Ces interventions si nombreuses engagèrent le Saint-Père
à charger la Commission centrale de mettre de nouveau en
délibération la question de l'admission des abbés. Dans la
séance du n juillet 1869, le secrétaire exposa les requêtes
adressées par les abbés des diverses nations, et les mesures
proposées par les évoques. Les abbés réguliers étaient en
trop grand nombre pour qu'il put être question de les
admettre tous; faire un choix était un expédient plein de
difficultés, et de plus le nombre des élus serait encore si
grand que des évèques pourraient en être froissés. Les pré-
cédents des anciens conciles s'expliquaient par ce fait qu'alors
le pouvoir des abbés n'était pas limité au gouvernement des
moines, mais s'étendait sur une quantité notable de laïques;
ce pouvoir avait été considérablement amoindri; aussi,
malgré la multiplication des monastères, aux deux derniers
conciles, peu d'abbés avaient été admis. Les cardinaux
maintinrent la décision du 24 mai 1868, déjà confirmée parle
Saint-Père. Mais comme le grand nombre et la diversité des
ordres rendait difficile l'application des décisions prises, que
les titres et revendications de chacun exigeaient un sérieux
examen, on résolut de former, si le Saint-Père l'avait pour
agréable une commission spéciale de cardinaux qui s'occu-
peraient de cette enquête ; on choisit dans ce but trois
membres de la Commission centrale, les cardinaux Barnabe,
Bizzari et Capalti. Le lendemain, le Saint-Père, recevant en
audience le secrétaire de la Commission, confirma la décision
[IU4-105]
1 24 HISTOIRE DU CONCILE 1)1" VATICAN
et ajouta que, parmi les abbés généraux qu'on admettrait au
concile, l'abbé de Solesmes ne devait pas être omis; le
secrétaire répondit que cette mesure ne contrariait en rien le
vote de la Congrégation (i).
La commission spéciale se réunit le 9 septembre 1869. Elle
adopta la décision prise par la Commission centrale de ne
reconnaître comme convoqués que les abbatc.s nullius et les
abbés généraux, et l'expliqua en ce sens qu'il fallait aussi
ranger parmi les abbés généraux les présidents de ces
groupes qui, formés de plusieurs monastères, se sont consti-
tues en congrégations indépendantes avec l'approbation du
Siège apostolique.
On commença l'enquête sur les revendications des abbés
bénédictins, en prenant pour base le tableau de l'ordre
communiqué par le cardinal Pitra. D'après ce document,
l'ordre se divise en dix congrégations : 1" celle d'Italie
(congregatio Cassinensis, ayant à sa tête D. Henri Corvaja);
2° celle de France (supérieur: D.Prosper Guéranger, abbé de
Solesmes); 3" celle d'Angleterre (supérieur: D. Placide Bur-
chall, abbé de Saint-Pierre à Westminster); \" celle de
Hongrie (supérieur : D. Jean-Chrysostôme Kruesz, abbé-;
évèque de Saint-Martin, abbas nullius) ; 5" celle de Bavière
(supérieur : D. Otto Lan g, abbé de Metten); 6" celle de Suisse
(supérieur : D. Henri Schmid, abbé d'Einsiedeln); 7" celle de
Subiaco (supérieur : D. Pierre Casaretto, abbé du monastère
de Sainte-Scbolastique) ; 8" celle d'Amérique, c'est-à-dire
des Etats-Unis (supérieur : I). Bonii'acc Wimmer, abbé du
monastère de Saint-Vincent de Pensylvanie); 9" celle du
Brésil (supérieur : D. Emmanuel Pinto, abbé du monastère
de Saint-Sébastien, à Bahia); 10" celle d'Australie (supérieur:
D. Rudesinde Salvado, en môme temps évèque de Port-
Victoria et abbas nullius de Xouvelle-Xursie). Le mémoire
(1) Verbale, après la séance du 11 juillet.
L05
CONVOCATION DES ABBES 12o
<lu cardinal Pitra demandait droit de séance et de suffrage au
concile pour les supérieurs de toutes ces congrégations; il
nommait, en outre, dix abbayes particulières dont les abbés
méritaient d'être admis, à cause de leur zèle pour la réforme://
Saint-Boniface à Munich, Augsbourg, Rajhrad, Gries,
Atlinont, Lambacb, Miehelbeuern, Beuron et Saint-Martin
dans le diocèse de Poitiers, en France.
Le résultat de l'enquête de la commission spéciale fut
d'abord que sept des supérieurs mentionnés devaient être
admis comme tels à siéger et voter au concile, savoir : ceux
d'Italie, de France, d'Angleterre, de Bavière, de Suisse,
d'Amérique et du Brésil, mais non les supérieurs des congré-
gations de Subiaco, de Hongrie et d'Australie. Dans celle de
Subiaco, on ne vit qu'une portion de celle d'Italie (i); celle
d'Australie parut aussi en dépendre ; celle de Hongrie n'était
pas à proprement parler une congrégation, puisqu'il n'y avait
qu'un seul monastère dans sa région. Cependant l'archi-abbé
Kruesz et l'abbé Salvado furent admis, le premier comme
abbas nullius, le second comme évêque, en sorte que des
dix abbés présentés neuf obtinrent gain de cause. Quant
aux dix abbés de monastères isolés, nommés par le cardinal
Pitra, la congrégation, conformément aux règles posées, leur
refusa le droit de prendre part au concile.
La commission avait encore à délibérer sur quatre autres
abbés bénédictins, au sujet desquels le chargé d'affaires du
Saint-Siège en Suisse avait interrogé le cardinal Antonelli;
c'étaient les abbés de Dissentis, Engelberg, Mariastein et
Rheinau. Leurs prétentions furent écartées. Pour Rheinau
seulement, les conditions exigées par la congrégation
(l) La Congrégation de Subiaco démontra plus tard qu'elle était depuis
quelque temps indépendante de celle d'Italie. Cependant la Commission cen-
trale ne modifia pas sa décision, et celle-ci fut de nouveau approuvée par le
Saint-Père à la fin de novembre. Cfr. le procès-verbal des séances de la con-
grégation préparatoire, séance du 25 novembre 1869.
[105-406]
126 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
auraient été remplies, mais cette abbaye avait été supprimée
par le gouvernement du canton de Zurich.
Nous ne «lirons qu'un mot des autres décisions de la commis-
sion spéciale sur les droit- des abbés et prélats qui avaient
t'ait l'objet de questions ou de requêtes, La réponse fut
négative pour D. Louis Tosti, du Mont-Cassin, revêtu de la
dignité abbatiale, pour l'abbé cistercien d'Osseg en Boliême,
pour les abbés des deux congrégations de Cisterciens
réformés ou Trappistes et pour un chanoine de Polizzi,
dans le diocèse de Cefalù en Sicile, en faveur duquel on avait
l'ait valoir qu'il appartenait à la catégorie des prélats nul lins
Sur d'autres cas, il fallut une sérieuse empiète : par exemple,
le prieur des chanoines réguliers de Saint-Augustin du Grand
Saint-Bernard était-il prélat nulliiis? l'abbé prémontré Jean
Chrysostôme de Swert. de Tongerloo, en Belgique, élu par
ses collègues de Belgique, avec l'approbation du nonce, poul-
ies représenter au concile, était-il supérieur d'une congré-
gation formée de plusieurs monastères? les Prémontrés
d'Allemagne (Autriche, Hongrie) formaient-ils une ou plu-
sieurs congrégations ayant chacune un président? le supérieur
général des Croisiers, qui réside à Sainte-Agathe près Grave,
dans le diocèse hollandais de Bois-le-Duc, gouverne t-il un
ordre où l'ou émet des vœux solennels? On ne fit pas
d'enquête spéciale au sujet des chanoines de Latran et des
Cistercien-, parce qu'ils ont à Rome leur abbé général.
Les décisions de la commission spéciale furent soumises
le 12 septembre à la Congrégation directrice, qui les approuva.
Dans l'audience du 9 (i3?) du même mois, elles furent rati-
fiées par le Saint-Père.
D'après les informations que reçut le secrétaire de la con-
grégation, des nonces de Vienne et de Bruxelles, du chargé
d'affaires en Suisse, de la Propagande et du supérieur général
des chanoines de Latran à Saint- Pierre-aux-Liens, huit des
neuf monastères de Prémontrés en Autriche-Hongrie for-
[106-107]
LES ABBES ET LES PRÔCUEEURS 12/
inaient une congrégation sons l'abbé de Strahov (Prague),
Mgr von Zeidler, tandis que les monastères du même ordre
en Belgique riaient indépendants. On attribua donc droit de
siège et de suffrage à l'abbé de Strahov, niais non à celui de
Tongerloo. On reconnu! que le prieur du couvent du Grand-
Saint-Bernard n'était pas un prélat niillius et par conséquent
n'avait aucun droit. Pour le supérieur général des Croisiers
en Hollande, la décision fut favorable, car on constata que
dans l'ordre on taisait des vœux solennels.
Quant aux abbés des deux congrégations de Cisterciens
réformés ou Trappistes, la réponse fui négative, comme
nous l'avons vu. A l'audience dans laquelle le pape approuva
les conclusions, il glissa un mot en leur faveur ; mais la
mesure ne fut pas changée. Le procureur général de l'ordre
s'adressa dans la suite au Souverain Pontife, le priant de faire
admettre les deux abbés. Le pape y consentit (i). En effet,
nous les trouvons tous deux au concile, l'abbé Thimothée
Gruyer de la Grande Trappe en France, et l'abbé Ephraïm
van der Meulen d'Oelenberg en Alsace.
IV. — La Question des Procureurs.
11 n'est pas laissé au libre choix de ceux qui sont appelés
au concile, d'y paraître ou de s'abstenir; en vertu de leur
charge et du serment prêté lors de la consécration, les
(1) Procès-verbal du 3 novembre 1869. — Comme nous l'avons remarqué
d'après les sources, la Commission centrale, dans la question des abbés, eut
constamment devant les yeux le principe concilia episcoporum esse, sans pourtant
négliger des privilèges respectables par leur antiquité. Nous voyons que jusque
dans le détail, l'enquête fut conduite avec le plus grand soin, la conscience la
plus scrupuleuse. Friedrich (loc. cit. I, 699), lui, termine son exposé des délibé-
rations par la remarque suivante : « On s'assura ainsi un appoint précieux de
voix acquises d'avance, par l'introduction de six abbés nullius et des supérieurs
de quarante-six ordres religieux. » Pour Friedrich, le concile n'est qu'une
manœuvre du pape pour obtenir la définition de l'infaillibilité pontificale :
parce qu'il a besoin des abbés et des supérieurs d'ordres, il les convoque. Ils
sont dans sa main des instruments sans conscience, et votent non selon leur
devoir, mais au gré du pontife.
KiT-1118
128 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN"
évêques tout au moins sont tenus de s'y rendre. Que si pour
de graves motifs ils en sont empêchés, ils doivent envoyer
un fondé de pouvoirs qui expose les raisons et leur rapporte
les décisions du concile. Sans doute ce double but pourrait
être atteint par une simple lettre, de nos jours surtout, où
le-, relations épistolaires sont si faciles et si sûres; mais
l'envoi d'un représentant convient mieux à la dignité de cette
solennelle assemblée; il est d'ailleurs imposé par un antique
usage et par les prescriptions du droit canonique (i).Au reste
le procureur d'un évêque absent peut être un autre membre
du concile.
Ce qui vaut pour les évêques résidentiels s'applique aussi
aux titulaires, aux abbés et aux généraux d'Ordres. Lors de
leur élection les titulaires et les abbés prêtent aussi le ser-
ment de répondre à la convocation.
Mais les procureurs ont-ils pour unique mission d'exposer
les motifs de l'abstention de ceux qu'ils représentent, et de
leur communiquer les décisions du concile? ou bien doit-on
leur reconnaître tous les droits de leurs commettants, c'est-
à-dire voix délibérative, ou tout au moins consultative ? Aux
anciens conciles, le plus souvent ils remplacèrent les évêques
dans l'exercice de toutes leurs attributions; mais cette pra-
tique ne fut pas constante, et cela seul prouve que l'exercice
(i) Voici, par manière d'exemple, quelques passages du Droit: « Episcopus
ad Synodum ire non tardet, nisi satis gravi necessitate inhibeatur : sic tamen ut
in persona sua legatum mittat, suscepturus, salva fidei veritate, quidquid fcyno-
dus statuerit (Decr. Grat. can. 9. dist. 18). Hortamur ut nullus communi con-
gregationi interesse postponat, nisi aut corporis intirmitas quempiam fortasse
vetuerit aut cujusdam eum causse justa excusatio minime venire permiserit.
Hi tamen qui prohibente aliqua necessitate nequeunt in Synodum convenire
loco suo presbyterum aut diaconum dirigant, quatenus, quae a nostro Vicario,
Deo auxiliante fuerint definita, al eum, qui absens est, per ipsum quem
miserit, ftda relatione perveniat. » (Gregorius M., Ad universos episcopos Galliae
1. 5, epist. 54: Migne P. L. LXXVII, 787. ) On lit dans la lettre : « Vineam Domini
Sabaotli » par laquelle Innocent III convoqua le quatrième concile de Latran :
« Qui canonica torte prtepeditione detenti venire nequiverint, idoneos pro se
dirigant responsales. » Au concile de Trente, 39 procureurs remplaçaient des
anembres absents (Pallavicinus, Conc. Trid. Uisloria,, 1. 24, c. 8, n. 13).
1108-1091
DROITS DES PROCUREURS -129
des droits épiscopaux par procureur n'est point.de droit
divin, mais seulement un privilège. /'
Dans la discussion de cette question, les cardinaux et
les consulteurs de la Commission centrale eurent principale-
ment devant les yeux la ligne de conduite adoptée au concile
de Trente. Avant l'ouverture Paul III avait strictement
limité le rôle des procureurs à L'exposé des motifs des
abstentions (i). L'occasion de cette mesure fut d'une part la
conduite du vice-roi de Naples qui, de sa propre autorité et
malgré les évêques du royaume, avait décidé que quatre d'en-
tre eux iraient seuls au concile et y représenteraient les
autres ; d'autre part, la négligence de prélats qui, sans motifs
suffisants, se montraient disposés à rester loin du concile et
à s'y faire représenter. La décision du pape mécontenta
un grand nombre d'évèques allemands; ils firent observer
qu'à cause des nouvelles doctrines qui menaçaient leurs
diocèses, ils étaient \raiment empêchés de paraître en per-
sonne au concile. Paul III accorda alors aux évêques d'Alle-
magne, mais à eux seuls, d'exercer leur droit de suffrage par
procureurs (2). Les légats pourtant empêchèrent l'usage de
ce privilège; ils craignaient d'exciter la jalousie des évêques
des autres pays : à quelques procureurs ils concédèrent voix
consultative, à aucun voix délibérative. Pendant la troi-
sième période du concile, le secrétaire Massarelli, s'ap-
puyant sur le privilège accordé aux évêques allemands, attri-
bua voix délibérative aux procureurs de l'archevêque de
Salzbourg et de l'évêque d'Eichstàtt; les légats, mécontents,
obtinrent du pape Pie IV le retrait de la concession (3).
(1) Decet nos, 17 avril 1545.
(2) Dudum cum fide, 5 décembre 1545.
(3) 26 août 1562. Déjà auparavant, le même pape avait, d'une taçon générale,
enlevé aux absents tout droit de suffrage. Mais la bulle ordonnant la mesure
était restée inconnue au concile.
Mgr Ehses écrit : « Non seulement quelques procureurs des évêques alle-
mands eurent voix consultative; mais bien tous ceux qui purent présenter
des pleins pouvoirs à cet effet ; c'est-à-dire — en dehors d'Helding. — le jésuite
9
[109-110]
130 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Pendant la dernière année dn concile de Trente (i563)
dans la congrégation générale du 17 mai, une attaque de l'ar-
chevêque de Lanciano contre les évêques d'Allemagne fit
remettre en question les attributions des procureurs, et les
légats chargèrent leurs canonistes d'examiner l'affaire à fond.
Ceux-ci expliquèrent que les procureurs n'avaient ni voix
consultative ni voix délibérative, qu'ils n'avaient pas même
le droit de siéger dans les congrégations générales. Les
évêques ne pouvaient charger personne d'exercer leurs droits
au concile. Voici comment ils motivent leur opinion : il n'en
est pas des délibérations et des décisions conciliaires comme
d'un contrat, où chaque partie peut à son gré se choisir un
mandataire parce que l'administration de sa propriété et le
soin de ses intérêts le regarde; ici il s'agit de définitions et
de décrets à formuler au nom de l'Eglise, définitions et
décrets « dont la rédaction requiert ce degré de la hiérar-
chie auquel Dieu a promis l'assistance du Saint-Esprit dans
les conciles généraux, la science d'une personne dont la
compétence a été reconnue lors de son élection; or, c'est
là une propriété qui ne peut être communiquée à un man-
dataire (1) »; il en est ainsi «bailleurs dans les assemblées
de sénateurs ou de magistrats. Cette décision s'appliquait-
elle aux procureurs investis eux-mêmes de la dignité épisco-
pale, ou bien ceux-ci étaient-ils autorisés à jouir d'un double
suffrage? Les canonistes ne voulaient pas trancher la ques-
tion. Les légats du pape firent consentir les représentants des
Claude Le Jay pour Augsbourg et le dominicain Ambroise Pelargus pour
Trêves. (Rom. Qlartalsciirift, XVIII [1904], p. 219.) Note du P. C. Kiirh, à la lin
du troisième volume.
(1) Voici dans le texte latin (auquel correspond parfaitement l'original italien
de Pallavieini) cette phrase obscure : « Adquse peragenda opus est autgradus,
cui Deus promisit in Synodis lecumenicis Spiritum S. assistentem, aut indus-
tria persoiue tanquam idonese comrobahe, cum ad gradum assumpta fuit, quae
dos communicari non potest procuratori. »Par cette propriété incommunicable,
nous entendons l'approbation « comprobatio idoneitatis » de la personne
désignée pour la dignité épiscopale.
[110-111]
DROITS DES PROCUREURS A TRENTE 131
princes, ceux du moins de France et d'Espagne, à prendre
un moyen ternie : les procureurs et quelques théologiens
qu'ils choisiraient parmi ceux de leur nation seraient admis
aux congrégations générales, mais sans voix délibérative ni
consultative. Pour des raisons spéciales, ils crurent devoir
faire une exception eu laveur de l'Allemagne, et après plu-
sieurs lettres échangées avec le pape, attribuèrent voix con-
sultative et délibérative aux procureurs des électeurs ecclé-
siastiques, comme à ceux de l'archevêque de Salzbourg et de
lYvèque de Wurzbourg. Pourtant, d'après Pallavicini, l'exer-
cice de ce privilège n'a point laissé de trace dans les actes
du concile. Il semble même qu'on n'en usa point, car les
signatures des procureurs ne portent jamais le definiens / /
qui se trouve habituellement à côté des signatures des évê-
(pies et de ceux qui avaient voix délibérative. Des évèques
qui représentaient en même temps d'autres évèques, se
servaient du mot definiens seulement lorsqu'ils signaient
pour leur propre compte, mais non quand ils le faisaient
comme procureurs (i).
La pratique et les discussions du concile de Trente étaient
décisives pour la Congrégation préparatoire directrice.
L'affaire fut néanmoins examinée de nouveau avec le plus
grand soin.
Angelini l'avait traitée dans le mémoire dont nous avons
parlé plus haut (2); on chargea, en outre, le consulteur
Galeotti de rédiger un votiim sur ce sujet (3). Galeotti se
demande d'abord s'il faut admettre les procureurs des évè-
ques, abbés, généraux d'Ordres légitimement empêchés;
(1) CfrPALLAViciNUS, op. cit., 1. 5, c. 10, n. 4; c. 13, n. 3: 1. 6, c. 2, n. 4 sq: 1. 18,
c. i, n. 12: 1. 20, c. 17, n. 8 sq; 1. 21, c. 1, n. 9 sqq. — Orilo celebrandi Concilii generalis
Tridentini sub Paulo III, Julio III et Pio IV summis Pontificibus observatus (extrait
des actes authentiques du concile de Trente, qui-se trouvent dans les archives
du Vatican : il est cité par Cecconi, op. cit., Doc. LV), c. 12. — Cecconi, op. Cit. II,
<•. I, a. 2, n. 2 sqq. (trad. t'r., tomel, p. 43).
(•2i Vid supra, p. 110.
(3] Voto del Professore Galeotti intonio ai Procuralori degli assenti al concilio.
[111-112]
132 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
après avoir répondu par l'affirmative, il examine la question,
beaucoup plus importante, de savoir si on doit accorder
ces personnages voix délibérative, ou tout au moins consul-
tative. Sa réponse est négative et il met le plus grand soin
à la justifier. Une de ses preuves fondamentales est l'argu-
ment du cardinal Jacovazzi, eanoniste très remarquable
antérieur au concile de Trente : « Au concile les évêques
sont à la fois juges et assesseurs, » comme il ressort
du texte du pape Innocent (cap. Grave, de Praebend ).
Le concile requiert de ses membres et la présence et le
conseil ; s'il (Tévèque) est empêché (d'y paraître), il ne peut
pas non plus donner son conseil, car le conseil donné par
l'un n'est pas celui que donnerait un autre; il ne peut donc
transmettre ses pouvoirs. » Plus loin : « Les canons et
décrets qui émanent d'un concile œcuménique ont; par leur
autorité infaillible, la valeur d'oracles du Saint-Esprit; or
le Saint-Esprit parle par la bouche des pasteurs qu'il a pré-
posés à l'Eglise de Dieu, non par d'autres qui n'ont pas re<;u
le soin du troupeau du Seigneur, à moins que le Pasteur
suprême de l'Eglise, chef du troupeau tout entier, c'est-à-
dire le pontife romain, ne leur ait communiqué l'autorité doc-
trinale. )>
Ces motifs sont exposés dans un style assez lourd, mais
on n'en méconnaîtra pas la portée. Le concile est essentielle-
ment une assemblée délibérante d'évêques. Les évêques y
doivent donc être présents, pour donner leur avis, discuter
celui des autres, et, après avoir pesé le pour et le contre,
porter un jugement définitif. Sur une matière déjà clairement
connue, où l'on a son jugement arrêté, on peut bien faire
connaître son avis par un autre, ou par lettre ; mais comment
délibérer par un intermédiaire ? Cela paraît impossible,
« car le conseil donné par l'un n'est pas celui que donnerait
un autre)). Dans aucune assemblée délibérante, conseil d'Etat
ou parlement, il n'est admis qu'un membre absent charge
[112-113]
LA QUESTION DES PROCUREURS 133
quelque autre d'occuper son siège et de porter un suffrage à
sa place.
La comparaison du concile avec les autres assemblées
délibérantes suggère encore deux nouveaux arguments. A ces
réunions s'applique le principe de droit qu'après Benoît XIV
t'ait valoir le P. Sanguineti, dans un rapport dont nous parle-
rons plus loin : « Jamais un corps, un collège ne peut être
obligé d'admettre un fondé de pouvoirs qui n'est pas pris
dans son sein, car jamais il ne peut être obligé de faire par-
ticiper à ses travaux quelqu'un qui ne lui appartient pas. »
Il faut remarquer que dans ces assemblées délibérantes il
s'agit d'affaires publiques. Si quelqu'un, dans son propre
intérêt, confie à un autre le soin de ses affaires privées, il
peut le charger d'examiner la chose à sa place et de prendre
la décision qu'il jugera convenable : il s'oblige par le fait
même à accepter cette décision. Mais pour ce qui concerne
les affaires publiques, il n'a pas le droit de remettre à
l'examen et aux décisions d'un autre la matière que son
supérieur l'appelle à examiner et à juger lui-même. Ajoutons
la seconde raison, spécialement applicable au concile, que
nous avons extraite du rapport de Galeotti : c'est aux pas-
teurs établis par l'Esprit- Saint qu'est promise l'assistance,
qui les préservera de l'erreur// : ce privilège surnaturel n'est
pas communieable.
Mais s'il n'est pas loisible aux évêques de se faire rem-
placer au concile où ils sont personnellement convoqués, le
Pasteur suprême de l'Eglise, qui a dans la plénitude de son
autorité la dispensation de la juridiction épiscopale, peut —
c'est ainsi que Jacovazzi conclut son argumentation — accor-
der les droits des évêques à leurs représentants au concile ;
ainsi s'explique que, dans les anciens synodes, les procureurs
des évêques absents aient pu exercer les mêmes droits que
les évêques présents. « Legimus in gestis diversorïim conci-
1 13- 114
134 HISTOIRE 1)1* CONCILE DD VATICAN
liorum, dit Jacovazzi en un passage cité par Galeotti (i),
uniiiii dédise vocem pro alio ; quod intelligo si accédât con-
sensus Papae, etiamsi esset inferior Episcopo, et non de gre-
mio concilii, <jui esset constitutus proenrator. » Une sem-
blable concession du pape était chose si habituelle qu'il
n'était pas besoin chaque fois d'une déclaration explicite ; dès
lors on comprend pourquoi, dans les actes des conciles, les
procureurs des évèques apparaissent constamment comme
revêtus des pouvoirs de leurs commettants, et comment le
choix d'un procureur par l'évêque put être considéré comme
une transmission de ses droits.
Au concile du Vatican sera-t-il opportun de concéder
droit de séance et droit de suffrage aux procureurs des évè-
ques absents ? Galeotti ne croit pas devoir répondre
à cette question : sa solution dépend de circonstances
sur lesquelles on ne peut pas encore porter un juge-
ment (2).
Le rapport discute ensuite ce troisième point : la doctrine
établie au sujet des simples procureurs vaut-elle encore
pour ceux qui sont à la fois évèques et procureurs? Doit-on
leur attribuer deux voix, l'une en leur nom propre, l'autre
au nom de celui qu'ils représentent ? Les eanonistes du
concile de Trente ne voulurent pas non plus trancher le
cas (3). Mais des considérations développées dans le rapport
et que nous avons déjà citées, il ressort qu'un évêque ne peut
pas plus transmettre à un de ses collègues qu'à tout autre
l'usage de ses droits au concile. Et même, dit Galeotti, tandis
que le pape peut concéder ex gratta à un procureur qui n'est
pas évêque // l'exercice des droits de son commettant, il ne
peut pas accorder à un évêque déjà membre du concile une
seconde voix, comme procureur d'un autre. Il revient au
<1) Lor. cit., p. 16 sq.
(2) Ibid.
(:$) Cfrp. 131.
[114-115]
EVEQUE PROCUREUR D UN AUTRE EVEQUE -135
même, ajoute-t-il toujours d'après Jacovazzi, d'avoir une ou
plusieurs voix, car, comme on ne peut porter qu'un jugement
sur une question, il est impossible de déposer un suffrage
pour -<>i et un autre, en sens contraire, pour son commettant.
Galeotti attire l'attention sur un passage «le Benoît XIV où
il est dit, à propos du synode diocésain, que si quelqu'un,
ayant déjà droit par lui-même à y prendre part, est choisi
par un autre comme représentant, il ne peut évidemment pas
donner un avis en son nom et un autre au nom de celui qu'il
représente, qu'il est donc inutile et superflu pour lui de
figurer aussi au nom d'un autre.
Le rapport de Galeotti avait été imprimé et distribué à
tous les membres de la Commission centrale : il fut discuté
par (die dans la séance du 14 juin 1868, et ses conclusions
furent adoptées (1). Quant à la place à assigner aux procu-
reurs dans les congrégations générales et les sessions solen-
nelles du concile, la Commission ne voulut rien décider pour
le moment; on était encore trop peu fixé sur la manière dont
se tiendraient ces réunions. Interrogée par le maître des
cérémonies, elle répondit dans la séance du 3i janvier 1869
(pie les procureurs des évêques légitimement empêches
devaient siéger non dans les congrégations générales, mais
dans les sessious solennelles, et sans droit de suffrage. Plus
tard le pape leur permit d'être présents au vote (2). Les actes
du concile, comme jadis à Trente, portent leurs signatures
à la dernière place (3).
(1) On a remarqué que les procureurs n'avaient aucun droit à siéger et à voter
au concile, mais qu'ils pouvaient l'obtenir du pape ex gratia.Qiie ce privilège ne
dût pas leur être concédé au concile du Vatican, le procès-verbal ne le dit pas en
termes exprès, mais le contexte prouve que ce fut la décision de la Commission.
(2) Procès-verbal du 3 novembre 1869,
(3) Procès-verbal du 11 novembre 1869. — Dans la même séance, il tut décidé,
au sujet des évéques résidentiels absents avec dispense du pape, comme pour les
évêques titulaires (voir plus haut, p. 115), qu'on ne dirait pas s'ils étaient obligés
d'envoyer des procureurs ; au cas où ils demanderaient s'ils y étaient tenus, on
répondrait ailirmativement. Quant à la manière dont se ferait la vérification des
pouvoirs, la Commission ne voulut rien décider.
ril51
130 HISTOIRE 1)1" CONCILE DE VATICAN
Peu avant l'ouverture du concile, la Commission centrale
fut obligée de revenir encore une fois sur la question des pro-
cureurs. Les représentants de trois évoques de l'Amérique du
Sud, celui de l'archevêque de Lima, Fr. -Pierre Gual, celui
de l'évèque de Coro (Venezuela), Joseph-H. Ponte, celui de
l'évèque de Medellin et d'Antioquia (Nouvelle-Grenade),
Fnimanuel-C. Restrepo, adressèrent à la Commission une
requête en date du 17 novembre 1869. Venus, disaient-ils, des
plus lointains pays de la terre dans l'espoir d'exercer au con-
cile les pleins pouvoirs des évoques dont ils étaient les procu-
reurs réguliers, ils se voyaient avec tristesse refuser non
seulement toute voix consultative et délibérative, mais même
l'honneur de collaborer aux délibérations comme théologiens
consulteurs.
Ils joignaient à cette lettre un mémorandum dans lequel
ils exposaient les motifs de leurs revendications, et priaieni
qu'on voulût bien les examiner.
Il serait trop long de reproduire ici tout ce que contient
cet écrit de vingt pages. Xous voudrions seulement, pour
donner de la question une plus ample connaissance, en
signaler certains points.
Les auteurs attribuent aux évèques un droit d'origine
divine de faire remplir par d'autres leur rôle au concile,
quand ils sont empêchés d'y paraître. « Du même principe et
de la même source, disent-ils (1), dont naît pour le pape le
droit d'envoyer des légats au concile pour le présider en son
nom, découle aussi le droit pour les évêques d'envoyer des
procureurs qui les y représentent et prennent part au concile
général comme membres faisant partie intégrante du corps. »
— La comparaison est spécieuse, mais inexacte. Il serait plus
vrai de dire : De même que le pape a le pouvoir de permettre
aux évêques empêchés de se faire remplacer et d'exercer
(1) Mémorandum, p. 3.
[116]
MEMORANDUM DE QUELQUES PROCUREURS 137
leurs droits par des procureurs, de même il a aussi celui de se
faire représenter. Mais ce qu 'il peut permettre aux évèques
il a, lui, le devoir de le l'aire. Pour que le concile soit régu-
lièrement constitué, il n'est pas indispensable qu'un évèque,
qui se trouve empêché, envoie un mandataire, mais si le pape
est absent il faut qu'il soit représenté, sans quoi l'assemblée
est un corps sans tête. De plus, alors que le délégué d'un
évêque remplit intégralement la mission de celui qu'il repré-
sente et s'acquitte de son rôle avec pleine indépendance, le
légat, non seulement reste durant le concile dans la pleine
dépendance du pape, mais il ne peut donner en son nom la
ratification définitive; l'approbation sans laquelle un décret
conciliaire n'a aucune valeur est accordée par le pape en per-
sonne, qu'il la donne d'avance conditionnellement aux légats
à leur départ, ou bien qu'il la réserve jusqu'après l'achève-
ment des travaux du concile.
Les arguments historiques qui remplissent la plus grande
partie du mémorandum montrent bien que la représentation
des évèques est permise, qu'elle a, en effet, souvent eu lieu,
mais non 'qu'elle soit un droit, et qu'elle ne requière pas
l'assentiment d'une autorité plus haute. Les auteurs s'avan-
cent beaucoup en affirmant que « jamais un savant, jamais
un pape, jamais un concile particulier ou général antérieur à
celui de Trente » n'a « révoqué en doute » ce droit des évè-
ques (i). Dans sa consultation, Sanguineti, qui fut chargé
d'examiner cet écrit (2), réfute brièvement cette assertion
par un renvoi à Jacovazzi. Ce cardinal, nous l'avons dit, a
vécu avant le concile de Trente (t 1027 ou 1028) ; il conteste
ce droit des évèques et appuie son opinion sur des docteurs
anciens et sur des passages du droit (3). Le mémoire (4)
(1) Mémorandum, p. 5.
(2) Procès-verbal du 25 novembre 1869.
(3) Votum de assertojure ferendi suffragii in conciliis œcumenicis pro episcoporum
canonice absenlium procuratonbus, p. 12; cfr p. 11.
(4) P. 11 sqq.
[U6-117J
138 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
affirme encore que Paul III et Pie IV auraient à Trente
reconnu le droit des évoques et seulement voulu en empêcher
l'abus; il se met ainsi en contradiction formelle avec les faits
que nous avons cités.
Tour que le concile soit vraiment oecuménique, conti-
nuent les auteurs de la requête (i), tous les évoques doivent
être convoqués et sont obligés de paraître. « Or, il est certain
que quiconque a un devoir d'état à remplir, doit le remplir
par lui-même, s'il le peut, ou, si cela lui est impossible, par
des agents régulièrement autorisés. » Si la plus grande
partie, ou seulement une grande partie des évêques étaient
empêchés, et que leurs procureurs ne fussent point admis, le
concile serait-il encore œcuménique? Sanguineti répond
justement (2) : << Ou bien le nombre des évêques présent- es1
suffisant pour représenter moralement tout l'épiscopat, en
tenant compte des circonstances, ou bien il ne l'est pas.
Dans le premier cas, le concile est œcuménique sans les
procureurs...: dans le second, il n'y a pas de concile, et le
pape... pourvoira d'une autre manière aux besoins du trou-
peau. » Quant à cette proposition, que quiconque ne peut
remplir son devoir par lui-même, doit le faire remplir par
un autre, elle est manifestement inexacte. Combien d'obli-
gations ne peuvent pas être accomplies par mandataires!
Un membre de nos parlements a le devoir de prendre part
en personne aux délibérations, mais en cas d'empêchement,
il n'a ni le devoir ni le droit de se faire remplacer.
Vu peu plus solide est la dernière raison qu'apportent les
trois procureurs (3). « Toutes les églises du monde catho-
lique ont droit à ce que la suprême assemblée législative de
la chrétienté tienne compte de leurs besoins en matière de
(1) Mémorandum, p. 15 sqq.
(2) Votuiu, pp. 4-5.
(3] P. 17.
i Votum, p. 6.
117-118]
MEMORANDUM DE QUELQUES PROCUREURS 139
foi, de mœurs et de discipline. Si un certain nombre d'évê-
ques, retenus loin du concile par quelque empêchement
canonique, ne peuvent pas user de délégués réguliers pour
exposer ces besoins, en conférer et en décider avec les Pérès
du concile, comment y sera-t-il apporté remède ? Que pense-
raient les Eglises dont les délégués n'auraient pus été admis
au sein de l'assemblée législative? » Mais hors du concile.
demande Sanguineti, les procureurs sont-ils sourds-muets?
ne peuvent-ils les exposer (les besoins // de leurs Eglises) aux
présidents, en faire l'objet de communications écrites?
<c On peut dire, ajoute-t-il fort bien, qu'il est convenable,
opportun, de les admettre au concile, mais cela ne prouve
pas qu'ils y aient droit. »
La Commission centrale s'en tint donc à la décision prise
le 14 juin 1868 (1).
(i) Celte décision dépla'.i souverainement à Schulte \op. cit., p 248) et à
Friedrich {op. cit.) p. 200 sqq.). <v>ue les délégués doivent èlre admis, c'est, comme
dit Schulte, une conséquence rigoureuse du « principe fondamental du témoi-
gna^- de la foi ». Mais ce « principe fondamental », d'après lequel le rôle de
L'évêque au concile consiste à témoigner de la foi de son diocèse, est une erreur,
nous l'avons montré plus haut (p. 88 sqq.). — Friedrich invoque l'histoire des
conciles des dix premiers siècles. Les évêques empêchés y auraient envoyé
des mandataires qui auraient exercé leurs droits. « C'est là, dit-il, un fait si
certain et si constant, que si cette manière d'agir n'était pas légitime, on devrait
rejeter d'emblée les conciles anciens. » Mais qui prétend donc que cette manière
n'agir n'est pas légitime? On nie, nous l'avons vu, que les procureurs doivent
exercer les droits des évêques absents, on ne nie pas qu'ils le puissent) s'ils sont
régulièrement convoqués. Friedrich allègue encore que les papes ont, eux-mêmes,
•envoyé des plénipotentiaires. Le concile de Trente où, par brefs du pape, les
procureurs sont tantôt admis, tantôt exclus, lui parait s'être fait l'esclave des
caprices du pontife romain. Dans un pouvoir qui s'exerce différemment, selon
les diverses circonstances, il ne voit que de l'arbitraire. C'est une erreur. Le
pape a le pouvoir de faire participer. quelqu'un qui n'est pas évéque aux travaux
du concile; Friedrich ne peut le nier. Celui qui peut donner les droits
épiscopaux peut aussi communiquer les droits conciliaires. Se servir de ce
pouvoir comme l'ont fait les papes au concile de Trente dans l'admission des
procureurs, ce n'est pas de l'arbitraire. Si la permission de se faire remplacer
menaçait d'être pour les évêques de certains pays une raison de négliger le
ilevoir episcopal, de céder à l'indolence en restant chez eux, de se décharger sur
un mandataire des désagréments et des fatigues du concile, c'était pour le pape
un motif suffisant de ne pas admettre les procureurs de ces prélats, mais d'exiger
leur présence personnelle. Si, au contraire, en d'autres pays, les évêques étaient
[118-119]
-140 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Elle était parfaitement justifiée et répondait parfaitement
aux circonstances du futur concile du Vatican, // où l'on
était en droit d'attendre la présence d'un très grand nombre
d'évêques; mais on doit reconnaître que la situation des
procureurs, exclus des délibérations et n'ayant d'autre
rôle que d'exposer pourquoi leur commettant n'était pas
venu et de lui transmettre les décisions du concile, peut
faire naître du mécontentement. Le malaise causé par une
pareille mesure est très redoutable, surtout quand un concile
se prolonge. Des bommes distingués par leur situation se
voient arrachés pour un temps notable aux devoirs de leurs
ebarges et condamnés à l'inaction sur le lieu même du con-
cile. En fait, cet inconvénient se produisit au concile du
Vatican.
Pendant le second mois du concile, le n janvier 1870, dix
procureurs (1) s'adressèrent au pape pour lui demander de
leur attribuer tout au moins voix consultative dans la con-
grégation générale. « Xous avons sans doute l'espoir, disent-
ils, de souscrire les actes du concile au nom de nos évèques;
mais, en attendant, nous n'avons rien à faire ici comme
procureurs, alors que notre absence est, dans nos diocèses,
la cause d'un dommage notable pour la gloire de Dieu et le
salut des âmes. Xous sommes à Rome absolument inutiles.
retenus auprès de leurs troupeaux pour de bonnes raisons, et si pourtant îles
raisons non moins importante- taisaient désirer que des représentants de leurs
diocèses prissent part aux travaux du concile, alors le pape était pleinement en
droit de leur accorder d'envoyer des procureurs pour exercer leurs pouvoirs.
("est ce qui eut lieu à Trente.
(1) J.-J. Hecker, procureur de l'évêque de Columbia (Ohio, Etats-Unis);
Fr.-Leon. Cortès, proc. del'év. de Chachapoyas (Pérou): H. Ramière S. J. , proc.
de l'archev. de Chambéry (Savoie) : J. Ireland, proc. de l'év. de Saint-Paul (Etats-
Unis); Em.-J. Anaya, proc. de l'év. de Santa Marta (Amérique du Sudi : Darré,
proc. de l'archev. d*Auch (France): Schwindenhammer, proc.de l'év. deGallipoli
(royaume de Sicile ; la signature porte : « procurator ep. Gallipolitani »: pourtant
l'évêque de Gallipoli, M^Laspro, était présent au concile) : Fr.-Jer. -P. Saccheri,
0. P., proc. de l'év. de Nueva Caceres (Iles Philippines) : Fr.-Louis Cuewa, 0. P.,
proc. de l'év. île Jaro (Iles Philippines); Fr.-Paul Carbo, 0. P. proc. de l'ev. de
Cebu (Iles Philippines!: Fr.-Pierre Gual,M. O.,proc. de l'archev. de Lima (Pérou).
[119-120
LETTRE DE DIX PROCUREURS 141
11 ne nous reste que deux partis à prendre : ou bien revenir
chez nous les mains vides, sans pouvoir en compensation
montrer le moindre avantage retiré d'un voyage si long et
de frais si considérables, — et Votre Sainteté comprend
assez ce qu'il y aurait là de désagréable pour nos évoques, de
surprenant pour nos compatriotes et de pénible pour nous-
mêmes: — ou bien rester ici oisifs jusqu'à la fin du concile, ce
qui entraîne des inconvénients plus graves encore. » Ils
ajoutent qu'à côté de la foule des évéques du concile du
Vatican, la petite troupe des procureurs — ils sont trente à
peine — n'a aucune importance, et que ni par la place qu'ils
■occuperont, ni par les discours qu'ils prononceront, ils ne
seront à charge aux Pères. // L'entrée aux congrégations
générales leur fut accordée non comme un droit, mais comme
une faveur (i). Déjà auparavant, le i3 décembre 1869, soi-
xante-quatre évéques du concile avaient proposé au prési-
dent de leur donner voix consultative dans les congrégations
générales et de leur assigner une place après les abbés et
les généraux d'Ordres. Les procureurs étaient des hommes
savants et pieux, quelques-uns venus de fort loin ; si ce
privilège leur était concédé, ils auraient ensuite plus d'em-
pressement et de zèle pour rapporter dans leurs pays les
décrets du concile et en recommander partout l'accep-
tation (2).
Les motifs allégués dans ces deux lettres ne furent pas
trouvés convaincants, et les décisions de la Congrégation
préparatoire restèrent en vigueur. Si, dans les conciles futurs,
on ne veut pas profiter de la facilité des communications
épistolaires pour supprimer la loi qui oblige les évéques légi-
timement excusés à envoyer des procureurs, on pourrait
facilement éviter l'inconvénient dont nous venons de parler
<1' La lettre est dans les Archives.
(2) Une copie de la lettre est dans les Archives, sans le nom des signataires; il
«st dit seulement qu'ils étaient 64.
[120-121]
I i-> HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
en réglant que les absents doivent choisir leurs procureurs
parmi les évêques se rendant au concile.
Y. — La Question de l'Admission ai Concile
des Vicaires capitulaires.
La Commission centrale, nous le voyons, avait sans cesse
devant les yeux la parole si souvent répétée depuis le
troisième concile œcuménique, concilia episcoporum es.se,
ei ne se prononçait pour la convocation de ceux qui n'étaient
pas évêques que quand des traditions historiques bien nettes
l'exigeaient, Nous pressentons par là quelle réponse elle
devait faire au sujet de l'admission des vicaires capitulaires
qui ne sont pas évêques. Jamais, aux conciles antérieurs, ils
n'avaient été convoqués.
D'après les procès-verbaux des séances, cette matière fut
mise en discussion le 14 mars 1869; on fait remarquer cepen-
dant qu'elle avait déjà été abordée auparavant. On rappelle
qu'il est d'autant plus nécessaire de l'étudier avec soin, qu'a
cause des récentes modifications dans la situation des Etats,
beaucoup d'évèehés sont alors vacants. Considérant que
les vicaires capitulaires ne sont ni des évêques, ni' des
abbés millius, mais de simples représentants du chapitre,
gouvernani en son nom pendant la vacance du siège, les
cardinaux décidèrent de ne leur donner aucune part aux
travaux du concile ; l'histoire de l'Eglise ne fournit, d'ail-
leurs, pas le moindre indice qu'ils y aient jamais été admis.
Yne requête des vicaires capitulaires de Sicile, comme
aussi une brochure de Nicolas Messina ( 1 ), vicaire capitulaire
de Xoto, ne réussirent pas à modifier la résolution de la
< lommission centrale (2).
I // concilio ecumenico e i vicari capitolari.
2) Procès-verBal du 29 octobre 1869. — On devait croire que Friedrich serait
satisfait de cette décision. Il a toujours Thistoire à la bouche: elle seule doit
121
CONVOCATION DES NON-CATHOLIQUES -143
VI. — DÉLIBÉRATIONS SUR I." 1 N VIT.VTION A ADRESSES Yt'X
KVKQI ES ET AUX CHRETIENS NON CATHOLIQUES ET SUR LA
CONDUITE A TENIR A LEUR ÉGARD.
Il s'agissait de savoir si et de quelle manière la convocation
du concile serait notifiée aux chrétiens non-catholiques. La
Commission centrale distingua naturellement entre ceux qui
ont des évoques véritables, validement ordonnés, et ceux
qui n'en ont pas; car une invitation à un concile général ne
peut être adressée qu'à un évêque.
Prétendent posséder de vrais évêques : les Grecs schisma-
tiques, les Jansénistes et, seuls parmi les protestants, les
Anglicans: les autres nient que le Christ ait institué une
hiérarchie.
Sur la conduite à tenir à l'égard des Grecs schismatiques,
MF Tiz/ani, archevêque de Xisibe et consulteur de la Congré-
gation préparatoire, fut chargé de rédiger un mémoire i i.
Tizzani commence par une exposition historique des efforts
de l'Eglise catholique romaine pour réunir l'Orient à l'Occi-
dent, il traite spécialement des tentatives faites au second
concile de Lyon et au concile de Florence. Point de doute
qu'à l'occasion du concile du Vatican, le siège de Rome ne
dût encore employer tous les moyens de procurer l'union.
o L'esprit de l'Eglise est un esprit d'unité, de concorde et de
charité. » Pourtant Tizzani ne pense pas que les évoques
décider en ces matières. Or, d'après l'histoire, les vicaires capitulaires n'ont
jamais été convoqués aux conciles. Friedrich va donc conclure qu'ils ne peuvent
pas l'être. Erreur '. D'après Friedrich, le concile du Vatican a tout changé. Il a
accordé droit de siège et de suffrage aux évéques titulaires, à quelques abbés et
supérieurs d'Ordres : il a exclu les procureurs et les vicaire- capitulaires : ils
eussent dû être admis avec les droits épiscopaux. {Op. cit., I. 699.)
(1) Voici les deux questions qui lui furent posées : «Se, in quai modo e con
quali condizioni si debbono chiamare al concilie i patriarchi, arcivescovi et
ovi scismatici délia Chiesa orientale? Kt quatenus négative : Se, in quai
modo, e con quali condizioni si possono ammetterre al concilio, qualora essi
. domandassero d'intervenirvi o in corpo o separalamente? »
[121-122]
444 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
séparés puissent être convoqués au concile sans que des
négociations préliminaires aient été engagées avec eux; car
d'abord, il est inadmissible que ceux qui se sont séparés de
l'Église soient d'emblée acceptés comme juges sur des
matières de foi ; de plus, s'ils étaient convoqués sans condi-
tion, les Grecs scliismatiques pourraient apporter le trouble
dans le concile, et élever des prétentions qui menaceraient
l'union du corps épiscopal; enfin, la conduite qu'avaient
tenue Grégoire X et Eugène IV en pareilles circonstances
montrait que des négociations devaient précéder la convo-
cation.
L'exemple de ces mêmes papes enseignait aussi quelles
conditions on devait poser à leur admission. Avant d'inviter
à Lyon les évèques grecs, Grégoire X avait demandé d'eux
la signature d'une formule de foi et la reconnaissance de la
primauté romaine. Ces deux précautions étaient encore
nécessaires pour que les efforts du siège de Rome ne fussent
pas vains. Les Grecs, d'ailleurs, ne pouvaient raisonnable-
ment s'y refuser. Indépendamment des motifs intrinsèques //
évidents à tous les yeux, ils avaient l'exemple que leurs prédé-
cesseurs leur avaient donné, non seulement à l'occasion des
négociations avec Grégoire X, mais encore au quatrième
concile de Constantinople, où les légats du pape, avant la
première séance, avaient présenté à tous les évèques un écrit
contenant une série d'articles de foi et reconnaissant pour
valables les décrets du siège de Rome. Cette formule était
d'Adrien II; quiconque ne la souscrivit pas fut exclu des
délibérations du concile. Le siège de Rome, cette fois encore,
devait imposer les mêmes conditions.
Pour mener à bien cette affaire, le rapport conseillait d'en-
voyer en Orient un homme sur, d'une prudence reconnue,
plein de zèle pour la religion; il rendrait visite aux patriar-
ches et évèques non unis, et s'entendrait amicalement avec •
eux au sujet du rétablissement de l'unité, sur les bases des
I122-123J
LA CONVOCATION DES ORIENTAUX NON-UNIS I4S
négociations entamées par Grégoire X. Si l'entente se faisait,
on pourrait décider l'envoi en Orient d'une ambassade spé-
ciale, au cours de laquelle la formule serait souscrite et la
primauté reconnue. Si les évêques y consentaient, la bulle
de convocation les inviterait au coneile; sinon, on pourrait
du moins mentionner dans la bulle les tentatives faites pour
le rétablissement de l'unité, afin (pie le monde catholique sut
ce qu'avait fait le siège apostolique pour le bien de la chré-
tienté.
Le rapport de l'archevêque fut examiné parla Commission
centrale dans la séance du 22 mars 1868. Les cardinaux
furent d'accord pour proposer l'arrangement suivant : par
une lettre-circulaire distincte de la bulle de convocation,
mais envoyée en même temps, on inviterait les Orientaux
— y compris les Russes et les Ethiopiens — à profiter de
l'occasion du concile général pour rétablir l'unité avec
l'Eglise romaine et quand l'union serait faite à prendre part
au concile. Cet écrit serait rédigé en un style affectueux,
sans aucun mot qui pût blesser la susceptibilité de ces frères
séparés; on pouvait prendre comme modèle l'écrit qu'au
début de son pontificat, le Saint-Père avait adressé aux
Orientaux. Les prélats schismatiques étant véritablement
prêtres et évêques, rien ne s'opposait à ce qu'après l'abjura-
tion de leur erreur.et la souscription de la profession de foi.
ils fussent admis au concile. S'ils se refusaient à souscrire.
on pourrait, à l'exemple du concile de Florence, former
une commission d'évêques et de théologiens, qui entreraient
en pourparlers avec eux.
La Commission centrale se prononça contre l'envoi préa-
lable d'une députation en Orient. Dans la situation actuelle,
telle qu'elle existait depuis la chute de l'empire d'Orient,
cette démarche ne conviendrait pas. Mais il était bon, à
l'occasion de l'envoi de la circulaire, d'entamer des négocia-
tions avec les évêques par l'intermédiaire d'un ou plusieurs
10
[123-12 i]
UC HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
prélats catholiques résidant en Orient. Le cardinal Barnabe
fut prié d'écrire a Mgr Valerga, patriarche de Jérusalem, de
mettre à profit le voyage qu'il avait l'intention de faire à
Constantinople et dans les autres pays de l'Orient pour
entrer en pourparlers avec les patriarches et autres évêques
plus spécialement dignes de considération.
Le 19 juillet 1868 le cardinal Bilio soumit à l'examen de la
commission centrale le projet de lettre aux évêques orientaux
non unis. Ce texte reçut l'approbation de tous les membres
et fut présente le lendemain au Saint-Père.
Avec les jansénistes on crut devoir en agir autrement.
Cette petite secte, qui prolonge en Hollande une existence
assez misérable, compte environ 6,000 adhérents sous un
archevêque et deux évêques dont le caractère épiscopal ne
fait aucun doute. Quoique la secte oppose une résistance
constante et opiniâtre aux décisions du siège de Rome, elle
cherche à donner l'illusion d'une certaine union avec lui ; à
chaque élection et consécration d'un nouvel évèque, elle en
t'ait part à Home. Le silence que d'abord le siège de Rome
avait gardé en ces occasions, ayant été interprété comme
une adhésion, le pape a maintenant la coutume de répondre
en déclarant l'élection invalide, la consécration sacrilège et
en rappelant quelles censures atteignent ceux qui y ont
pris part.
Pour rédiger une consultation sur cette affaire, la com-
mission choisit le consulteur Henri Feye, professeur de droit
canonique a l'université de Louvain (1). //
Son mémoire est une brève exposition de l'histoire de la
communauté janséniste depuis ses origines jusqu'à nos jours;
il montre, comme le fait ressortir l'auteur à maintes reprises,
1 1 Quai temperamento convenga première riguardo ail arciveseoio Gianse-
wsta di Llrecht ed alli suoi suffraganei, i quali sogliono essere nominalumenle
si omunicati?
LES JANSENISTES 1) UTRECHT 141
qu'une désobéissance extrêmement opiniâtre aux décrets du
siège apostolique, un effort persévérant, infatigable, par le
mensonge et les ruses de toutes sortes, pour retenir leurs
adhérents, attirer les catholiques et tromper le publie, con-
stituent le caractère propre de la secte ( i). Cet expose établit
en même temps que la patience, les ménagements à l'égard
des jansénistes n'ont jamais obtenu le résultat' espéré, mais
ont nourri leur orgueil; qu'au contraire la sévérité et la
vigueur, tempérée de douceur pour ceux qui revenaient sin-
cèrement à l'Eglise, ont donné d'excellents résultats (2).
Aussi le rapport conseille de ne pas inviter les évêques jan-
sénistes au concile, de s'abstenir même de toute exhortation
à leur adresse dans le cours ou à la fin du concile. On
devait seulement engager les adhérents de la secte à revenir
à l'Eglise, mais en même temps que les autres dissidents,
sans faire mention spéciale des jansénistes (3).
Cet écrit dénotait une remarquable science juridique et
historique, et surtout la parfaite connaissance d'un sujet
familier à l'auteur. Les cardinaux de la Commission cen-
trale, dans la séance du 124 ma,i J868 où ils en firent le sujet
de haïr délibération, lui adressèrent de grandes louanges et
conformèrent entièrement leurs conclusions à ce qui y était
propose (4).
L'Eglise anglicane a conservé la hiérarchie. On devait
donc examiner, comme pour les schismatiques orientaux, si
leurs évèques devaient être convoqués. Sur cette question
encore, le professeur Feye fut chargé d'exposer son avis (5),
Par une longue série d'arguments le consulteur prouve
(1) Yotum Prof. Feije, p. 12-20.
(2) Ibid. p. 13, 27.
(3) Ibid. p. 33.
(4) Procès-verbal du 24 mai 18(>8. — C. V. 10(50 sq.
(5i Le titre du Vohun est : Quai temperamento convenqa nrender riguardo
co-idetti vescovi anglicani ?
!!25i
•148 HISTOIRE DU CONCILE 1)1' VATICAN
que les ordinations des évêques anglicans sont invalides et
qu'ils doivent, par conséquent, être regardés comme des
laïques. En fait on ne pouvait songer à les inviter. En admet-
tant même que la nullité de leur ordination ne fût pas abso-
lument démontrée, la validité en était si peu vraisemblable
qu'il n'y avait pratiquement aucun compte à en tenir. / Mais
en considération du grand nombre de clercs et de laïques
anglais qui reviennent à l'Eglise catholique, le rapporteur
conseillait de s'occuper des anglicans à la fin du concile et
de les exhorter à rentrer dans l'unité catholique. Dans cet
appel au peuple anglais qui émanerait du concile et du pape,
et serait transmis par les évêques catholiques d'Angleterre,
on devrait faire mention expresse de la nullité des ordina-
tions anglicanes, car le silence sur ce point ferait croire que
le siège apostolique conservait encore quelque doute; puis
on réfuterait explicitement la théorie répandue en Angle-
terre tpie la véritable Eglise catholique est composée de trois
parties : l'Eglise romano-catholique, l'Eglise grecque sebis-
matique et l'Eglise anglicane. Car cette théorie, comme la
croyance à la validité des ordinations anglicanes, arrêtait
un grand nombre d'âmes sur la voie du retour.
Dans une audience antérieure accordée au secrétaire de la
Commission centrale, le Saint-Père (i avait promis d'agir sur
Pusey, le célèbre professeur d'Oxford, regardé comme un
des chefs principaux des ritualistes, et peut-être de lui
adresser un bref.
Sur la conduite à tenir vis-à-vis des protestants en général,
Mgr Tizzàni avait déjà exposé son sentiment dans la seconde
partie du mémoire dont nous avons parlé. Pour les anglicans,
il est du même avis que le professeur Feye. Il tient leurs
ordinations pour invalides, et rejette le projet d'inviter leurs
(1) Le 23 mars 1868.
125-12*;]
TIZZANI SUR LA CONVOCATION DICS PROTESTANTS 1 19
évêques. Il croit pourtant aussi qu'il faut tenir compte <lc
l'état présent des choses en Angleterre et de la tendance qui
pousse vers l'Eglise catholique un grand nombre de membres
de l'Eglise établie. Son sentiment est tout contraire quand il
s'agit des protestants des autres pays, surtout de l'Allemagne.
Ceux-ci sont bien plus près du rationalisme que de la doctrine
de Luther ou de Calvin. Tizzani estime qu'un concile est un
moyen peu apte à les ramener à l'unité. Avec eux, dit-il, nous
aurions à débattre non plus comme au temps du concile de
Trente, la question du nombre des sacrements ou celle de la
grâce, mais la question de la nature de Dieu et de l'origine
du monde, bref la question de l'existence d'un Dieu distinct
du monde et créateur. Il serait pourtant contraire à l'esprit
de l'Eglise /,qui doit ramener les égarés sur le chemin de la
vérité, de ne rien faire pour les protestants. En gardant le
silence a leur égard, Rome se ferait juger sévèrement ; on
croirait qu'elle craignait un rapprochement et regardait
comme dangereuse une loyale discussion des doctrines. Il
fallait donc d'une manière quelconque dans la convocation du
concile, tenir compte de ces protestants.
La situation était bien changée depuis le temps du concile
de Trente. Alors, certains hommes représentaient une doc-
trine déterminée, avaient un groupe plus ou moins considé-
rable de partisans, en sorte que, si on réussissait à les
convaincre, on pouvait compter sur la conversion de leurs
adeptes. A présent les théologiens des diverses sectes ne
représentent plus une doctrine et ne possèdent plus assez
d'influence sur le peuple pour qu'on puisse attendre de leur
conversion la conversion de leur secte. En cet état de choses,
il était impossible de désigner certains protestants pour les
faire venir au concile. Le rapport propose d'exprimer dans la
bulle de convocation le désir de voir tous les dissidents
revenir à l'unité de la foi, et de présenter la grande assemblée
catholique comme un moyen de restaurer cette unité. Dans
[126-127]
iiiO HISTOIRE DU CONCILE I)C VATICAN
ce but, on devait permettre aux représentants autorisés des
communautés de venir à Rome pour exposer leur sentiment
en toute liberté, de vive voix ou par écrit, et traiter des
points controversés, comme il convient à des chrétiens, avec
ceux qui seraient désignés par le concile.
L'avis de la Commission centrale, qui délibéra le 22 mars
sur ce sujet, fut aussi que l'on devait tenir compte des pro-
testants ; elle estimait pourtant que le Saint-Père devait les
inviter à rentrer dans le sein de l'Eglise, non pas dans la
bulle de convocation, mais dans une encyclique spéciale,
écrite dans un style tout paternel. L'argument qui détermina
cette manière de voir semble avoir été celui-ci : les protes-
tants, du moins en général (1), à la différence des schis-
matiques orientaux, n'ont pas de prêtres et d'évéques valide-
ment ordonnés: on devait donc les considérer comme des
laïques et s'adresser à tous sans faire de distinction ; l'ency-
clique qui leur serait adressée serait publiée après la lettre
aux évêques orientaux, afin que ceux-ci ne crussent pas qu'on
les mettait sur le même pied que les protestants. Si des pro-
testants se présentaient à Rome au concile, quelques théolo-
giens pourraient être désignés pour conférer avec eux.
VII. — La Question de l'Invitation des Princes
CATHOLIQUES Al CONCILE.
Depuis le premier concile général, auquel assistait le pre-
mier empereur chrétien, les empereurs et les rois prirent part
aux conciles généraux, soit personnellement, soit par un
représentant. Etant donnée l'intime union qui existait entre
l'Eglise et l'Etat, il semblait naturel que le pouvoir civil
s'intéressât au plus haut point à un événement si important
(1) Cette restriction visait les janséniste?, que l'on rangeait parmi les pro-
testants.
1128-129
L INVITATION DES PRINCES CATHOLIQUES loi
pour l'Eglise entière, que par une démarche publique et
solennelle il se montrât disposé à défendre par le glaive
l'Epouse du Christ, et attestât en même temps sa volonté de
procurer par les moyens dont il disposait, l'exécution des lois
portées en concile. L'Eglise, modèle de respect envers le
détenteur du pouvoir et pleine de reconnaissance pour la
protection qu'il lui accordait, reçut le prince ou son envoyé
avec les plus grandes marques de déférence et lui accorda
dans les conciles une place d'honneur, si bien que plus tard
l'opinion s'accrédita que dans les anciens conciles d'Orient
l'empereur avait occupé la présidence (i).
Les rapports entre l'Etat et l'Eglise se sont tellement
modifiés de notre temps, que nous avons peine à nous expli-
quer l'intimité de ces anciennes relations officielles des deux
sociétés : nous nous représentons difficilement un empereur
ou un roi assis dans un concile avec les évèques. On ne pou-
vait cependant omettre, dans la préparation du concile du
Vatican, d'examiner s'il fallait inviter les princes et comment
on devait se comporter à leur égard. //
Déjà dans sa première séance, le 9 mars i865, la Congré-
gation préparatoire s'était demandé s'il fallait, avant même
la convocation du concile, s'entendre avec les princes catho-
liques. La réponse avait été négative. Il serait cependant très
utile et très opportun, avait-on ajouté, que le Saint-Siège,
au moment de publier la bulle, fît auprès d'eux les démarches
convenables (2). Quelles devaient être ces démarches? On ne
s'était pas expliqué sur ce point ; il nécessitait une étude
sérieuse.
Quand plus tard, lors de la préparation immédiate des
détails du concile, la question fut posée explicitement, la
Congrégation répondit que dès la publication de la bulle de
(1) Voir la réfutation de cette opinion dans Hefele, Konziliengeschichte
(2*édit.), I,29sqq.
(2) Procès-verbal du 9 mars 1865. — C. V. 1014 c. sqq. Ct'r. supra p. 29 sq.
[120-J3OJ
152 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
convocation, on devait adresser un exemplaire aux princes
catholiques (i). En userait-on de même à l'égard des princes
non-catholiques dans les Etats desquels vivaient des évoques
et des fidèles? la Congrégation répondit qu'avant de tran-
cher la question, il fallait prendre l'avis du cardinal secré-
taire d'Etat ; elle déclara d'ailleurs pencher vers l'affir-
mative.
Cette seule disposition montrait qu'il n'était pas alors
question de reprendre la pratique des conciles antérieurs et
d'inviter au concile du Vatican les princes ou leurs représen-
tants. Mais plus tard, quand on en vint à la rédaction défi-
nitive de la bulle, les hésitations recommencèrent. Laisser
les princes de coté, c'était rompre avec une vieille tradition,
et cela donnait fort à réfléchir aux cardinaux. A cette consi-
dération s'ajoutait que peut-être bien des princes seraient
mécontents de cette innovation, et dès lors mal disposés
envers le concile. D'autre part, de graves motifs poussaient à
maintenir la résolution prise. Les rapports entre l'Eglise et
l'Etat s'étaient si profondément transformés ! Au temps où
les princes étaient catholiques et gouvernaient leurs Etats
d'après les principes catholiques, la législation civile était en
parfait accord avec le droit ecclésiastique, et l'Etat regardait
comme son devoir de faire exécuter les lois de l'Eglise et les
décisions des conciles, il était donc naturel, nécessaire même
qu'une place fût réservée aux princes dans l'assemblée. Mais
les Etats ne sont plus pour l'Eglise ce qu'ils étaient alors //.
Beaucoup ne sont plus catholiques ; d'autres se sont débar-
rassés de leurs relations avec l' Eglise, ont supprimé ou
modifié à leur gré des concordats qui les liaient ; beaucoup
sont régis par des lois, des ordonnances que l'Eglise ne peut
(1) Cette décision l'ut confirmée par le Saint-Père, et définitivement adoptée
dans la séance du 17 mai 1868 parla Commission centrale. Procès-verbal de ce
jour. Cfr. Ceccom, op. cit., i, 135(trad. fr. t. I, p. 131.)
[130-131]
L INVITATION DES PRINCES CATHOLIQUES -153
accepter comme le dit plus tard le cardinal Antonelli au
marquis de Banneville, ambassadeur de France (1), la pré-
sence au concile des représentants des Etats pouvait devenir
très gênante quand éclaterait l'opposition entre la doctrine
de l'Eglise et les principes qui sont aujourd'hui le fondement
de bien des institutions politiques, ce Si l'Eglise était appelée
à s'expliquer sur la question de l'enseignement, comment se
dispenserait -elle de proclamer qu'elle a reçu de son divin
fondateur la mission d'enseigner ? Comment ne protesterait-
elle pas contre des lois semblables à celles qui viennent d'être
promulguées en Autriche? Comment pourrait-elle recon-
naître pour légitimes les lois qui lui interdisent de posséder?
Comment pourrait-elle oublier que le mariage est un sacre-
ment, et qu'à ce titre elle seule peut le rendre valable et
indissoluble ? »
La question de l'invitation des princes fit donc l'objet
d'une enquête nouvelle La Commission centrale n'osant
prendre sur elle de la trancher, appela dans son sein le car-
dinal secrétaire d'Etat ; le pape, apprenant ces hésitations,
voulut lui même assister aux délibérations. Le 23 juin 1868
se tint donc une séance extraordinaire coram sanctissimo, et
après qu'on eût pesé le pour et le contre, on décida qu'on
n'inviterait pas expressément les princes dans la bulle de
convocation, mais qu'on choisirait les termes les concernant
de façon à leur permettre une certaine coopération, s'ils
désiraient la fournir. A l'endroit de la bulle où est exprimé
l'espoir que les princes ne mettront pas obstacle à la partici-
pation des évêques au concile, mais leur viendront en aide,
on inséra ces paroles : « et (Deum effcctiirum speramus ut),
studiosissime, uti decet catholicos Principes, iis cooperentur,
quae in majorem Dei gloriam ejusdemque Concilii bonum
(1) Ollivier. L'Eglise et l'Etat au concile du Vatican, 1,509.
[131]
134 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
cedere (jueant. » Le cardinal Antonelli fut chargé d'expliquer
ces paroles aux cours dans le sens que nous venons d'indi-
quer (i)//.
Tout cela concorde avec ce que M. Emile Ollivier nous
communique (2) des lettres des ambassadeurs français à
Rome, au sujet des éclaircissements que leur donna
Antonelli touchant la représentation des puissances au
concile.
Peu après la promulgation de la bulle, le secrétaire d'Etat
répondit à M. de Sartiges: « Le Saint Père n'avait nullement
l'intention de tenir les princes à l'écart : il s'était borné à
demander leur concours en termes généraux, à cause de
l'impossibilité de convoquer indistinctement tous les souve-
rains de la catholicité, l'un d'eux, le roi d'Italie, étant sous le
coup d'une excommunication. Croyez bien et répétez-le à
Paris, nous n'avons aucune arrière-pensée lorsque dans la
bulle d'indiction nous remplaçons l'invitation directe par une
invitation indirecte : c'est seulement expédient. » Le cardinal
renouvela bien des fois les mêmes assurances. « Il suffira
que les souverains des gouvernements catholiques annoncent
trois mois avant la date de la convocation, par leurs ambas-
sadeurs ordinaires à Rome, l'intention de se faire représenter
au concile pour que les portes leur soient ouvertes. » En an
plus tard, avant l'ouverture du concile, le cardinal donna les
mêmes assurances à M. de Banneville, successeur de M. de
Sartiges. « Le pape, dit-il , y verrait (au concile) certaine-
ment avec plaisir les représentants des princes catholiques.
Les termes dont il s'était servi dans la bulle d'indiction,
l'indiquaient suffisamment. On s'y était, il est vrai, départi
des formes usitées autrefois, mais ces précédents étaient-ils
applicables aux temps actuels ?... Pouvait-on inviter le roi
(i) Ç. V. 1061 b, c. Cecconi /. c. Doc. XXXV. Ibid. p. 135 sqq.
(2) L.C., p. 508 sqq.
[131-132]
l'invitation des princes CATHOLIQJ ES 455
d'Italie ? Certains présidents de l'Amérique espagnole,
M. Jttarès, par exemple ? »
Les princes et leurs représentants lurent expressément
autorisés à assister aux sessions solennelles, et même au
vote (i).i
(1) C V. 1062 a, b
[132]
CHAPITRE VIII.
La bulle de convocation et les lettres pontificales aux
évêques orientaux non unis et aux protestants.
En mai 1868, le pape avait manifesté à la Commission cen-
trale son intention d'annoncer le concile le jour cle la fête des
princes des apôtres de cette même année; la Commission avait
examiné, comme nous l'avons vu, quels étaient ceux qui
devaient être convoqués ; elle résolut enfin, dans la séance
du 17 mai la question déjà posée dans la première séance, le
9 mai i865, à savoir « si le Sacré-Collège devait être consulté
avant la publication de la bulle et comment il devait l'être. »
On estima que le pape devait prendre l'avis des cardinaux
sur l'époque à choisir pour l'ouverture du concile, mais, vu
le peu de temps qui restait, il ne parut pas opportun de faire
discuter la bulle en consistoire. Pie IX se rangea à cet avis
et chargea le secrétaire des lettres latines de rédiger ce docu-
ment. Elle fut remaniée par la Commission centrale et reçut
l'approbation du pape. Signée par le Saint-Père et les cardi-
naux présents à la curie, elle fut publiée au jour primitive-
ment fixé.
Cette bulle Aeterni Patris (1) commence par rappeler
l'œuvre rédemptrice du Christ et la révélation divine qu'il
nous a apportée. « Avant de remonter au ciel, continue-t-elle,
(1) C. V., p. 1, sciri.
[133]
1S8 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
il envoya les apôtres annoncer sa doctrine dans le monde
entier, et leur donna le pouvoir de gouverner son Eglise,
colonne et fondement t' de la vérité... Mais afin que ce gou-
vernement agît selon l'ordre, et que tout le peuple chrétien
persévérât dans l'unité de la foi.de la doctrine et de la charité,
il leur promit à tous une permanente assistance, et parmi eux
choisit Pierre, pour en faire le prince de ses apôtres, son
vicaire sur la terre, le chef, le fondement, le centre de
l'Eglise ; il voulut ainsi que, premier pasteur, investi de la
puissance suprême, Pierre fît paître le troupeau, confirmât ses
frères, gouvernât l'Eglise, exerçât le souverain pouvoir de
lier et de délier... : et comme le but pour lequel le Christ avait
institué la primauté concernait aussi l'avenir, cette primauté
a subsisté tout entière dans les successeurs de Pierre sur le
siège épiscopal de Rome. »
Les papes ont fidèlement exercé leur charge de pasteurs
suprêmes, pour conserver à la chrétienté et au genre humain
les biens les plus précieux; ils ont, surtout aux époques où
de profondes perturbations, de terribles catastrophes boule-
versaient la société civile, convoqué des conciles généraux,
pour tenir conseil avec les évoques du monde entier, et
prendre les mesures nécessaires pour fortifier la foi, exter-
miner les erreurs régnantes, défendre, expliquer, développer
la doctrine catholique, protéger et renouveler la discipline
ecclésiastique, et réformer les moeurs.
La bulle rappelle alors la violente tempête qui agite en ce
moment l'Eglise, et les grands maux dont est travaillée la
société civile : les ennemis de Dieu et de l'humanité font la
guerre â l'Eglise catholique, à sa doctrine salutaire, à la puis-
sance suprême du siège apostolique, ils foulent aux pieds
tout ce qui est saint; les biens ecclésiastiques sont volés, les
évêques, les clercs, les catholiques fidèles sont tourmentés
de toutes manières, les ordres religieux dissous, quantité de
livres impies, de mauvais journaux, de sectes pernicieuses
134
BULLE AETEKNI l'ATRIS d59
s»' répandent partout ; l'éducation de la jeunesse est presque
partout enlevée au clergé, et, ce quiest pis, en bien des endroits
confiée aux maîtres de l'erreur et de l'iniquité. Les suites
d'une telle lutte contre le bien sont funestes non seulement
à la religion, mais aussi à la société civile. //
Dans nos allocutions et nos lettres apostoliques, dit le
pape, nous n'avons jamais négligé d'élever la voix pour
défendre la cause de Dieu et de l'Eglise ; à l'exemple de nos
prédécesseurs, nous venons de prendre la résolution de
convoquer en concile tous les évèques du monde, pour tenir
conseil avec eux et choisir les remèdes à tant de maux. « Car
ee concile œcuménique, continue-t-il, devra examiner avec le
plus grand soin et déterminer ce que réclament spécialement,
en ces tristes temps, la plus grande gloire de Dieu l'inté-
grité de la foi, la splendeur du culte divin, le salut éternel
•des hommes, la discipline du clergé séculier et régulier, sa
formation pratique et solide, l'observation des lois ecclésias-
tiques, la réforme des mœurs, l'éducation chrétienne de la
jeunesse, la paix et la concorde universelles.
)) Xous devons aussi travailler de toutes nos forces, avec
l'aide de Dieu, à écarter tout mal de l'Eglise et de la société
civile, afin que les pauvres égarés reviennent au droit chemin
de la vérité, de la justice et du salut, que, sur les ruines du
péché et de l'erreur, notre auguste religion et sa doctrine
salutaire revivent partout, qu'elle se répande et règne chaque
jour davantage, et qu'ainsi refleurissent, pour le plus grand
bien de l'humanité, la piété, l'honnêteté, la justice, la charité
•et toutes les autres vertus chrétiennes. Personne ne peut nier
en effet que l'influence de l'Eglise catholique et de sa doctrine
ne s'exerce pas seulement pour le salut éternel des hommes,
mais qu'elle est encore de nature à accroître le bien temporel
•des peuples, leur véritable prospérité, l'ordre et la paix, le pro-
grès des sciences et leur sérieuse étude. comme en témoignent
hautement et le démontrent à l'évidence les faits les plus
[135]
1 GO HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
remarquables de l'histoire sacrée et de l'histoire profane. »
L'assistance promise de l'Esprit-Saint ne fera pas défaut à
l'assemblée des évêques. « Après avoir répandu nuit et jour
dans l'humilité de notre cœur, les plus ardentes prières
devant Dieu, le Père des lumières, nous avons jugé néces-
saire de convoquer ce concile. »
Le pape alors, dans les termes consacrés, annonce le con-
cile, qui se tiendra à Rome dans la basilique Vaticane, et
s'ouvrira le jour de la fête de l'Immaculée Conception,
8 décembre 1869. « Nous voulons donc et nous ordonnons
que, // quittant leurs résidences, nos vénérables frères les
patriarches, archevêques et évêques, ainsi que nos chers
fils les abbés et tous autres auxquels un droit ou un privi-
lège accorde siège et voix dans les conciles généraux,
viennent à ce concile convoqué par nous ; nous les requé-
rons, exhortons, avertissons, et, en vertu du serment qu'ils
ont prêté à nous et au Saint-Siège, en vertu de la sainte obéis-
sance, sous la menace des peines portées par le droit ou la
coutume contre les non-comparants, nous prescrivons et
ordonnons strictement qu'ils se présentent et assistent en
personne au concile, sauf le cas où ils seraient empêchés par
quelque juste motif, dont leurs procureurs, munis de pleins
pouvoirs à ce sujet, devront rendre compte.
« Nous nourrissons l'espoir que Dieu, qui tient dans sa
main les cœurs des hommes, écoutera favorablement nos
vœux et par sa grâce et sa miséricorde ineffables, fera que
dans toutes les nations les princes et les détenteurs du
pouvoir suprême, surtout ceux qui sont catholiques, recon-
naîtront toujours davantage les grands biens qui découlent
de l'Eglise catholique sur le genre humain, qu'ils verront en
elle le plus ferme fondement des Etats et des empires et, que
par suite, non seulement ils n'empêcheront pas les évêques,
nos vénérables frères, et les autres ci-dessus mentionnés, de
se rendre au concile, mais qu'ils se plairont à les aider et à
[135-136]
BULLE AETBRNI PATRIS -16d
Les assister avec le plus grand zèlo, comme il convient à des
princes catholiques, en tout ce qui pourra contribuer à la
plus grande gloire de Dieu et au bien de cette assemblée. »
Le pape règle alors le mode de publication de la bull", à
peu près dans les termes employés par Paul III pour la bulle
de convocation du concile de Trente, Initio nostri. Elle sera
lue en public, à liante voix, dans les basiliques patriarchales
de Latran, du Vatican et de Sainte-Marie-Majeure, par des
huissiers ou des notaires pontificaux, puis affichée aux portes
de ces églises, à celles de la chancellerie apostolique, sur la
place du Campo di Fiori, et autres lieux habituels; au bout de
deux mois, ceux qui sont nommés dans la bulle devront se
considérer comme obligés au même titre que si la bulle leur
avait été lue et notifiée personnellement.
Que parmi les évêques convoqués et obligés de se présenter
au concile, les titulaires fussent compris aussi bien que les
résidentiels ', nous l'avons déjà expliqué plus haut (i). Xous
avons vu aussi (2) que tous les abbés n'étaient pas admis,
mais seulement les abbates nullius et les abbés généraux;
hors de ceux-là et par privilège, étaient appelés les cardi-
naux non-évèques, et les supérieurs généraux des ordres
religieux, mais non les procureurs des évêques absents (3).
Les princes catholiques n'étaient pas explicitement invités
dans la bulle, mais on était disposé à les recevoir, eux ou
leurs envoyés, dans le cas où ils désireraient se rendre au
synode ou s'y faire représenter (4).
Pour les évêques orientaux non-unis, l'invitation était faite
sous certaines conditions. Une lettre spéciale du pape leur
était destinée.
Comme nous l'avons vu (5), la Congrégation directrice de
(1) P. 111,115.
(2) P. 120.
(3) P. 135.
(4) P. 154 sq.
iô) P. 146.
[136-13T|
162 HISTOIRE I>1 CONCILE DC VATICAN
préparation avait recommandé l'envoi d'une circulaire parti-
culière aux évêques orientaux: elle avait prié le cardinal
Barnabe, préfet de la Propagande, de faire visiter par
M-1 Valerga, patriarche de Jérusalem, les évêques les plus
influents : à l'occasion d'un prochain voyage en Orient, ce
prélal devrait s'enquérir de leurs dispositions à l'égard du
concile. Barnabe écrivit donc à Valerga (i). La réponse du
patriarche, très au courant des choses orientales, ne fut pas
encourageante (2). La mission qu'on lui confiait était diffi-
cile, le résultat fort douteux, il n'osait espérer parvenir à
pénétrer les sentiments des évêques. On ne pourrait guère
l'aire fond sur les bonnes paroles que leur dicterait la poli-
tesse. Le caractère et les dispositions de l'épiscopat schis-
matique en général, la manière dont il avait reçu la première
lettre du Saint Père (3), sa situation par rapport à la Russie,
le peu de bon vouloir du peuple, surtout dans la Turquie
d'Europe, empêchaient le prélat de promettre le succès à la
circulaire projetée. Néanmoins, il lui paraissait opportun
d'en envoyer une : si les évêques schismatiques ne recevaient
aucune invitation au concile, ils accableraient le Saint-Siège
de reproches. D'ailleurs, la lettre du Saint Père ferait certai-
nement bonne impression, surtout dans certaines contrées
OÙ les esprits n'étaient pas si éloignes de Rome et où l'atti- j
tude irréconciliable de l'épiscopat provoquerait peut-être
une heureuse reaction.
La lettre du pape (4), qui commence par les mots Arcano
divinae Prouidentiœ consilio est datée du 8 septembre iStiS.
Le ton est à la fois très net et très paternel. Le Saint Père se
donne comme le successeur de saint Pierre, dont il fait
ressortir la prééminence par les paroles d'un illustre Père
1 C. V. 111" .t. sq.
2 II. i.l. llld. 1.. sqq.
3) Insuprema du 6 janvier l^iv
i '. . \ . T. c. S(jq.
137-1 H
LETTRES AUX SCHISMATIQUES ET Al X PROTESTANTS 163
grec, saint Grégoire de Xysse. Dans la sollicitude qu'il doit
avoir pour l'Eglise universelle, il a tourné son regard vers
ces Eglises « qui jadis unies au Saint-Siège par le lien de
l'unité, voyaient fleurir dans leur sein la science et la sain-
fceté, et produisaient des fruits abondants pour la gloire de
Dieu et le salut des âmes ; victimes maintenant de la perfidie
de celui qui lit le premier schisme parmi les anges, elles sont
à notre grande douleur séparées de la communion de la
sainte Eglise romaine répandue par toute la terre ». Puis,
rappelant sa précédente lettre aux Orientaux, dont le résultat
n'a pas été heureux, il assure qu'il n'a jamais cessé d'espérer
•pie ses constantes et ardentes prières pour la réunion des
Eglises seraient un jour exaucées. Il invite alors les évêques
au concile convoqué par lui : puissent-ils s'y rendre, comme
leurs prédécesseurs se sont rendus au second concile de
Lyon et au concile de Elorence, pour qu'enfin cesse ce déplo-
rable schisme.
Dans la lettre Jam vos omnes (i) adressée le i3 septembre
aux protestants sur l'avis de la Congrégation préparatoire (2),
Pie IX tait part aux prétendus réformés de la convocation
du concile. Il les exhorte ensuite à se demander sérieuse-
ment s'ils se trouvent dans la voie indiquée par Xoire-
Seigneur Jésus-Christ, celle qui mène à la vie éternelle; il
établit brièvement que ni l'ensemble des sociétés religieuses
séparées de l'Eglise catholique, ni aucune d'elles en particu-
lier n'est l'Eglise que le Christ a fondée, une, universelle, à
laquelle il a légué sa doctrine et ses grâces salutaires. Il fait
remarquer que le morcellement de la religion tel qu'il existe
<lnz les protestants ne peut être sans conséquences fâcheuses
pour la société civile. Puissent-ils donc à l'occasion de ce
concile // songer à revenir à l'unité et prier avec ardeur le
(1) C. V.8, d. sqq.
(2) Ct supra, p. 150.
[i38-139|
464 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN
Dieu des miséricordes de faire tomber le mur de séparation,
de bannir les ténèbres de l'erreur, de les ramener dans le
sein de notre Mère l'Eglise, où leurs ancêtres ont trouvé les
pâturages de la vraie vie, dans l'Eglise seule gardienne de
toute la doctrine du Christ et dispensatrice des mystères des
giàces divines. Lui-même nuit et jour demande pour eux
la lumière, et attend les bras ouverts le retour des frères
égarés.
Ainsi le concile était annoncé dans les formes prescrites,
les évêques grecs non-unis y étaient invités d'une manière
convenable et avis en était donné aux protestants.
Quel accueil reçut cette nouvelle dans les] différents
milieux, nous le verrons dans le livre second.
[139]
LIVRE SECOND
Les mouvements d'opinion après l'annonce
du Concile du Vatican
[142;
CHAPITRE I
Accueil fait à l'annonce du concile.
L'annonce d'an concile œcuménique faite par le vénérable
pontife excita dans les esprits une émotion universelle,
profonde même, comme l'histoire en signale bien peu a
l'occasion des plus graves événements. D'un côté, c'était la
joie, l'espoir; de l'antre, le malaise, la crainte, le soupçon, la
colère. Bien peu restèrent indifférents. Pour la masse
même des gens sans religion et sans foi, la convocation d'un
eoncile oecuménique était un fait trop important pour passer
inaperçu; quant aux ennemis déclarés du catholicisme, ils ne
pouvaient dissimuler leur rage devant ce signe de la vitalité
puissante de l'Eglise qu'ils eussent si volontiers crue
détruite. La plupart des protestants voyaient dans l'assem-
blée de Rome une puissance ennemie. Dans les gouverne-
ments jaloux s'éveillaient le soupçon et la crainte.
Les adversaires les plus terribles, ceux qui enrôlèrent les
autres forces hostiles et troublèrent beaucoup de bons catho-
liques, se rencontrèrent, hélas! dans le sein même du catho-
licisme : cercles pénétrés du rationalisme et du libéralisme
régnants, professeurs surtout, fiers de leur science et étran-
gers à la vie surnaturelle de l'Eglise. Ils reçurent avec
mécontentement la nouvelle de la convocation d'une assem-
blée qui exigeait de tous les chrétiens en matière religieuse
la soumission de la foi / et qui dans ses décrets doctrinaux
[143-Ï44J
168 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN*
devait s'en prendre précisément aux erreurs qu'ils cares-
saient. Ils ne pouvaient qu'être tout spécialement mortifiés
de voir le concile convoqué par un pape universellement
connu comme l'ennemi irréconciliable de l'esprit moderne et
qui avait déjà montré par l'odieux Syllabus quelle serait la
tendance du synode annoncé.
Par contre, les fidèles enfants de l'Eglise, ceux du moins
qui n'avaient pas été induits en erreur par de faux frères,
saluaient avec grande joie, avec de liantes espérances, la
solennelle assemblée, où, comme si souvent autrefois, les
évêques du monde entier unis au pape, avec la spéciale
assistance du Saint-Esprit, délibéreraient sur les plus graves
intérêts de l'Eglise et de l'humanité.
Quand Pie IX, lors du dix-huitième centenaire du martyre
des princes des apôtres, annonça aux évêques réunis pour
cette fête, qu'il avait l'intention de convoquer un concile,
ceux-ci répondirent, comme nous l'avons vu, par une adresse
de félicitations au pape (i) : « Notre cœur a été rempli de la
plus grande joie, disaient-ils, en apprenant de votre bouche
sacrée qu'au milieu des nombreuses tribulations de l'heure
présente, vous aviez l'intention de convoquer un concile
général, le remède le plus efficace, comme disait votre glo-
rieux prédécesseur, Paul III, aux dangers qui menacent la
chrétienté. Ils espèrent et souhaitent que les faibles dans la
foi trouveront dans cette sainte assemblée une nouvelle et
excellente occasion de se rattacher à l'Eglise, colonne et
fondement de la vérité, qu'ils apprendront a connaître la
doctrine qui mène au salut, rejetteront les erreurs dange-
reuses; <pie, par la grâce de Dieu et l'intercession de la
Vierge Immaculée, ce synode deviendra une grande œuvre
d'unité, de sanctification et de paix, la source d'un nouvel
éclat pour l'Eglise et un nouveau triomphe pour le royaume
(L) Cl. il 71 sq.
[144]
LES ÉVÊQUES ANNONCENT LE CONCILE ll!9
de Dieu. Puisse-t-i] devenir évident à tous que l'Eglise,
fondre sur le roc, a le pouvoir de chasser l'erreur, de réfor-
mer les mœurs, d'adoucir la barbarie, d'être non pas seule-
ment de nom, mais encore en fait, la mère de la vraie civili-
sation ! En prévision des excellents résultats à attendre du
concile, les princes et les nations cesseront sans doute de
mettre obstacle a l'exercice du pouvoir pontifical, ils le faci-
literont, au contraire, de toutes manières et prendront parti//
pour la liberté du vicaire du Christ. Tel est l'espoir (pie
nous portons en nos cœurs, tel est, tel sera le continuel objet
île nos prières (i). » Environ 5oo évèques signèrent cette
adresse.
D'innombrables évèques de tous les pays parlèrent à leurs
troupeaux du prochain concile. Il serait trop long de donner
les noms de ceux qui prirent la future assemblée pour sujet
de leurs lettres pastorales (2). On remarqua spécialement
une très belle lettre de M-r Dupanloup, évêque d'Orléans,
aux prêtres de son diocèse (3); elle eut un très grand nombre
d'éditions et, presque au moment même de sa publication,
fut traduite en allemand (4). en espagnol, en anglais, en
italien, en polonais, en hongrois et en flamand; cela seul est
un signe du grand intérêt que portaient au concile tous les
peuples de l'Europe.
Il parut aussi un tel nombre d'écrits sur le concile que la
bibliographie en est vraiment immense (5). De nombreux
(i) C. Y. 1033 a. sqq.
(2) L:i Civilta cattolica dans la 7° série à partir du 5" volume (1869) analyse un
grand nombre de ces lettres pastorales. La plupart sont mentionnées dans la
Samrnluny der Aklenstiicke nui, erslen Valikanischen Konzil, de E. Frieuberg
[p. 67 sqq).
(3) Lettre sur te futur concile œcuménique, adressée par Mt" l'Evêque d'Orléans au
clergé de son diocèse. Pari-, lsiîs.
(4 Das bévorslehende allgemeine Concilium,voa Félix Dupanloup, Bischop von
Orléans. Trier 1869.
(5) Cette bibliographie est soigneusement faite dans Friedisero, op cit. Nous
ni parlerons dans les chapitres suivants que des écrits intimement liés aux
controverses qui précédèrent le concile.
144-145]
170 HISTOIRE DU CONCILE 1)1' VATICAN
périodiques, comme la Civilta Cattolica (i), en Italie, la
Revue du monde catholique (2) et I'Echo de Rome (3), e
France, le Tablett (4). en Angleterre, lui consacrèrent un
article dans chaque numéro, tandis qu'en Hollande, en Alle-
magne, en Portugal et en d'autres pays, des revues, des
feuilles hebdomadaires se fondaient uniquement pour en
parler (5).
L'assemblée générale des Unions iVereinc) catholique^
d'Allemagne tenue à Bamberg à la fin d'août et au commen
cernent de septembre 1868, dès sa première séance, salua
avec joie et enthousiasme le prochain concile. Jean Ibach,
curé de Limbourg-sur-la-Lahn, célébra dans un discours
enflammé le vaillant courage de Pie IX, qui, au milieu des
orages de notre époque, alors que la foi et le respect de l'au-
torité diminuaient de plus en plus, ose convoquer un concile;
aux vifs applaudissements de l'assemblée, le curé trace le
devoir des membres du Congrès : « Par tous les moyens
licites, par la parole et par la plume, chacun doit préparer au
concile notre peuple d'Allemagne, faire ressortir de plus en
plus son importance et sa signification, travailler ce sol, sur
lequel les décisions du synode seront jetées comme la
semence d'un avenir meilleur, afin que la moisson soit belle
:
(1) Depuis le 5e volume de la 7e série, sous le titre : Cose speltanli al futnro
Concilio.
(2) Depuis le premier numéro de janvier 18*39. Titre : Chronique du Concile.
(3) Depuis novembre 1868. Le premier article de chaque numéro traite du
concile.
(4) Dans un supplément spécial à parttr du 23 janvier 1869, sous le titre :
The Nineleenth General Council o\ the Vatican.
(5) En Allemagne : Das okumenische Konzil, par Florian Riess et Karl v.
Weber, (dans les « Sti.mmen aus Maria-Laach. N'eue Folge. Freiburg i. Br. 1869-
1870). D' M J. Scheeben, Das okumenische Konzil ron Jahre tSG'j. Regensburg 1869-
1871. En Portugal parut, à partir de mai 1869 : I'Echo deRoma. — ANaples à partir
de novembre 1865 : L'Echo del Concilio ecu.uenico vaticano.— A Bologne, à partir
de juillet: Il Concilio eoi menioo vaticano. — Vers la fin de l'année, commença
à paraître à Lyon en format in-quarto; Grande publication d'actualité reli-
gieuse, le Concile œcuménique de 18(39, illustré : ouvrage publié en 50 livraisons.
Lyon. — A la même époque en France: Le Concile. Revue du Concile œcumé-
nique, publiée par le P. Chéry, Dominicain.
145-146]
SENTIMENTS DES CATHOLIQUES 171
et riche, afin que l'esprit «le contradiction ne se lève pas
contre les ordonnances de l'Eglise, afin que se taisent la
science, la politique, l'agitation sociale et tous les principes
en opposition avec la sentence infaillible du concile (i) ».
Les catholiques ne se réunirent jamais en congrès de quel-
que importance sans manifester leur joie de la convocation
du concile. Une grande assemblée catholique tenue à Hip-
pach, dans le Tyrol, le 27 septembre 1868, prit une résolution
ainsi conçue : « Nous exprimons notre joie de ce que le
vicaire du Christ a convoqué pour l'année prochaine un con-
cile général. » Nous parlerons plus tard de la splendide
manifestation en faveur du concile au sein de l'assemblée
générale des catholiques allemands qui se tint l'année sui-
vante, au plus fort des tempêtes déchaînées contre lui.
Le jubilé sacerdotal de Pie IX, célébré le n avril de l'an-
née 1869, se transforma en une fête magnifique pour tout le
monde catholique; les solennités religieuses //, les proces-
sions, la décoration des villes et des villages, les réunions,
les feux de joie, les illuminations manifestèrent en même
temps l'allégresse dont la convocation du concile remplissait
la catholicité tout entière (2). Des adresses de félicitations,
des députations arrivèrent à Rome de toutes parts. Les noms
des hommes et des jeunes gens qui à l'assemblée générale
des catholiques à Bamberg signèrent l'adresse envoyée au
Saint-Père, remplissaient une vingtaine de volumes magni-
fiquement reliés, qui furent présentés au pape (3). Fêté dans
tous les pays, le jubilé du vicaire de Jésus-Christ le fut sur-
tout, cela va sans dire, à Rome et en Italie. Rome a célébré
de bien belles fêtes, dit la Civilta cattolica, mais celle du
(1) Verhandlungen der i'j Generalversammluny der katholischen Sereine der
deutschen Lander m Bamberg, im August und September 18G8, p. 112.
(2) Sur la série des têtes en Allemagne et' A. Xiedermayer, Die kathol. Beweguny
in unseren Tagen. 2. Jahrg., p. 174 stjq.
(3) Rente du Monde ( Iatholique, XXIV, 445.
[145-147]
172 HISTOIRE m CONCILE DU VATICAN
il avril a surpassé tout ce qu'elle avait jamais vu en ce
genre; jamais les sentiments de respect, de dévouement à
l'égard du pape n'avaient été exprimés comme ils l'ont été
en ce beau jour. Toute l'Italie prit part à la solennité et l'on
peut dire sans exagérer que, dans la péninsule entière, il n'y
eut pas de village si pauvre, si isolé qu'il fût, qui n'apportât
son concours à la l'été.
Partout on commença des prières, les unes prescrites par
les évêques, les autres organisées parla libre initiative des
fidèles pour appeler la bénédiction divine sur le prochain
concile. Bien des pays envoyèrent à Rome de riclies offran-
des pour en couvrir les frais. Un journal de Gand, le Bien
Public ouvrit le :> juillet 1869, une liste de souscription qui
fut close1 le io août. Elle réunit environ 73,000 francs. A cette
somme s'adjoignirent les apports d'autres journaux qui firent
dépasser 90,000 francs (1). Divers journaux italiens imitè-
rent cet exemple (2). L'Univers les avait précédés : en
moins de deux mois il reçut 200,000 francs (3). Le 12 octobre
fut présentée au pape une adresse des dames de Munster en
Westphalie et des environs, avec une somme de 10,000 tba-
lers (4).
Des cadeaux, précieux et fort significatifs furent aussi
offerts au pape, qui dirent éloquemment la joie avec laquelle
on saluait partout le concile. L'archevêque de Lima,
Mgr Jos. Goyeneclie y Barreda que ses 94 ans empècliaient de
se rendre à Rome, envoya au Souverain Pontife une crosse en
or massif du Pérou, d'une valeur de 10,000 scudi. Son procu-
reur apportait en outre plusieurs autres présents parmi les-
quels une petite corbeille en fils d'argent artistemént tresser.
dans laquelle, sur un bouquet formé aussi de fils d'argent,
(1) ClVILTA CATTOLIÇA Sri'. VII, Vol. 7, p. 717 S(|(|.
2 Ihiil.
(3 Revue du Monde Catholique, XXV, 287.
(4) Koln. Volks&eitungi869,n'288.
[147-148]
OFFRANDES A PIE IX 17:!
reposaient 7,000 francs en or, c'était le don de quelques
dames péruviennes. L'archevêque de Quito, Mgr Clieca, offrit
!c 10 novembre, à Sa Sainteté, un calice en or orné de perles,
et, avec plusieurs autres objets d'or magnifiques, envoyés
par Garcia Moreno, président de la République de l'Equa-
teur, une riche médaille, toute couverte de pierres pré-
cieuses (pie ce grand chrétien avait reçue de l'Etat pour les
services rendus a la republique pendant sa première prési-
dence. Le motif qui détermina Garcia Moreno à l'envoyer au
pape, donnait au présent plus de valeur encore : un jour,
c'était pendant su seconde présidence, qu'il assistait avec
d'autres dignitaires à la distribution solennelle des prix d'un
collège de Quito, il vit les jeunes lauréats réunir joyeuse-
ment leurs médailles pour les donner au Saint-Père : déta-
chant aussitôt de sa poitrine le précieux souvenir, il le joignit
à l'envoi des collégiens.
M-1' Guevara, archevêque de Caracas, dans la République
du Venezuela, apporta au Souverain Pontife 80,000 francs
qu'il avait reçus au départ, de ceux de ses diocésains qui s'y
trouvaient. Ils avaient donné ce qu'ils portaient alors sur eux,
en or ou en bijoux, les dames lui avaient remis leurs pendants
d'oreilles, leurs bracelets, leurs colliers et leurs bagues. Le
3 novembre, le capitaine Gordon offrait de son côté, au nom
d'un comité de catholiques anglais, 72,000 francs avec un
livre splendide, contenant les signatures des donateurs; les
illustrations artistiques, et la riche reliure de ce volume le
mettent au premier rang parmi les adresses magnifiques
reçues en grand nombre par le Saint Père au jubilé du
11 avril (1 ).
(i) <v)u'on nous permette de signaler encore un autre présent, plus modeste
assurément, mais bien expressif. Un ecclésiastique deRimini, Mariano Matteini,
offrit au Saint Père, le 26 octobre, une sonnette qu'il avait Lui-même imaginée
et fabriquée, exprimant le désir qu'elle servit au prochain concile. Elle est en
bronze doré. Tous les motifs qui la décorent se rapportent au concile. Le sommet
de la clochette est ajouré et formé de six ovales allongés juxtaposés dans le
[148-149J
174 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Naturellement, Rome et l'Italie se distinguèrent par Tintera
témoigné au concile. Des princes romains, comme Camillo
Massimo et Torlonia, des communautés religieuses, comme
les Oblates de Tor de Specchi et les Bénédictines offrirent
les premiers dans leurs palais, les autres dans leurs maisons
des logements pour les hôtes illustres qu'on attendait; le
pape voulut lui-même visiter plusieurs de ces logements(i).
Le Saint Père créa une commission spéciale de prélats,
ayant à sa tète Mgr Simeoni, pour remplir les devoirs de
l'hospitalité envers les membres du concile arrivant à
Rome (2). Les deux marquis Alphonse et Frédéric Lan di de
Plaisance par une lettre à I'Unita Cattolica du 3i octobre,
offrirent leur palais aux prélats à leur passage dans la ville.
et se mirent à leur disposition pour aller eux-mêmes les cher-
cher à la gare. Leur exemple fut suivi par de nombreux
membres de la noblesse des principales villes d'Italie (3).
sens de leur grand axe; au dessous un anneau lisse auquel succèdent six ovales
idus arrondis : au milieu de la clochette court une étroite baguette supportant
un ruban qui retombe en six festons. A l'intérieur d'un de ces festons se détache
l'Immaculée Conception, à l'intérieur des autres cinq colombes portant dans
leur hec un rameau d'olivier. Enfin, au bas, le bord est aussi décoré. La poignée
de la sonnette est formée par un ange à genoux sur un nuage d'argent ; il porte
une croix dorée, avec rayons d'argent, appuyée sur son épaule et en outre la croix
papale et le bâton pastoral dorés aussi. Au pied de la croix sont les armes du pape
avec la tiare et les clefs eu argent. Le battant représente la barque de Pierre,
dont le mât est une croix renversée. Le manche du gouvernail une petite croix
Autour de la coque s'enroule un serpent, qui essaie de s'introduire à l'intérieur;
mais il n'y réussit point et plein de rage se précipite dans l'abîme, montrant les
trois pointes de sa langue. Telle est la description que donne laCiviLTA (Le. p. 490).
Aujourd'hui la cloche conservée dans les Archives du Vatican, porte un battant
ordinaire, très simple. Sans doute le battant artistique aura été trouvé peu pra-
tique. L'objet est entièrement couvert d'inscriptions de circonstance. Oh lit sur
les festons des strophes dont voici un spécimen :
Incocula Mundis crebris
Immaculata Tôt tenebris
Pius nonus Implicatus
Pastor bonus Occ&catus
Per Concilium Per hoc Numen
Perl auxilium El hoc Lumen
Extricalur
llluslratur
(1) CiviltaCatt. Ser. VII, vol. 7, p. 756; vol. 8, p. 100.
(2) Ibid. 1. c. p. 488.
(3) Ibid. p. 186.
[149-1501
ESPERANCES QUE FAIT NAITRE LE CONCILE 17»
In correspondant belge de la Civilta détaille les espé-
rances que faisait naître le concile chez les catholiques de
son pays, chez ceux du moins qui n'étaient pas inféodés an
parti libéral. ( 'es espérances étaient à peu près celles des
catholiques de l'Eglise entière : c'est pourquoi nous en insé-
rons les extraits suivants (i) :
i. « L'unité de l'Eglise enseignante qui de nos jours malgré
les difficultés des temps, se montre déjà d'une façon si
remarquable, brillera d'un éclat plus vif encore, et atteindra
la plus haute perfection ; la puissance spirituelle de l'Eglise
recevra un nouvel accroissement.
2. » La doctrine de la nécessité morale du pouvoir temporel
du pape, confirmée par tous les évêques du concile général,
s'imprimera plus profondément dans l'esprit des princes et
des peuples, fortifiera l'autorité de l'Eglise, et amènera tôt
ou tard la restitution des provinces enlevées par la révolu-
tion.
3. » Le concile sera comme un nouveau foyer de lumière sur
la terre, et cette lumière fortifiera dans la foi les bons, qu'on
persécute partout de toutes manières et si cruellement.
4- » Il fera sortir de leur léthargie et secouera un grand
nombre d'esprits indifférents, inconstants ou irrésolus.
5. » Il dissipera les erreurs et les illusions modernes étran-
gères à toute notion de vérité, de droit, de justice, qui exer-
cent leur influence jusque sur l'esprit d'un grand nombre de
catholiques, même de catholiques instruits (2).
6. » Il fera disparaître à tout jamais nos dissensions, en
donnant le coup de la mort à l'esprit et aux doctrines du libé-
ralisme. /
7. » S'il n'opère pas la complète destruction de bien
des hérésies, surtout de l'anglicanisme et du jansénisme, le
(1) Civilta vol. 5, p. 478 sq .
("2) Le membre de phrase qui suit « e che quindi fra gli allvi risultati che se ne
riporteranno » parait être incomplet.
[150- 151 J
176 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
concile ouvrira pourtant les yeux de bon nombre d'héré-
tiques et de schismatiques, qui reviendront dans le sein de
l'Eglise.
8. » Il exposera nettement quel jugement on doit porter
et quelle opinion on doit se taire de certains systèmes philo-
sophiques, sur lesquels, dans ces derniers temps, les écoles
catholiques ont tant disputé (par exemple le traditionalisme,
l'ontologisme, le fcraducianisme, etc.).
9. » La doctrine de l'infaillibilité du pape, sa situation vis-
à-vis du concile, seront définies.
10. » Le concile fera disparaître de nombreux abus, de
pernicieuses coutumes qui se sont glissés dans quelques
églises, dans certains pays, voire dans plusieurs ordres reli-
gieux.
11. » Il procurera une nouvelle diffusion de l'Evangile
dans les pays infidèles.
12. » Il opérera un réveil de la piété, de l'esprit de sain-
teté et de zèle sacerdotal et apostolique dans le clergé et les
ordres religieux.
10. » Il sauvera enfin la société menacée d'une complète
dissolution et amènera pour la catholicité l'âge de la paix et
du triomphe : ce qu'on est en droit d'attendre, surtout si les
rois et les peuples comprennent enfin que l'unique remède à
leurs maux est dans l'intime adhésion d'esprit et de cœur
à notre mère la sainte Eglise. » //
loi
CHAPITRE II
Commencement des troubles <jui précédèrent le concile.
L'allégresse causée par l'annonce du concile n'était pas,
nous l'avons déjà remarqué, absolument générale. La nou-
velle de la décision du pape provoqua, notamment en France
et en Allemagne, un malaise, des appréhensions et des luttes
violentes. Tontes les grandes entreprises suscitent des résis-
tances. De celles (pie devait rencontrer le concile, les motifs
ne sont que trop faciles à saisir.
L'opposition principale venait du gallicanisme, tant en
France que hors de France; le concile était le tribunal qui
devait le juger. Xée à la triste époque du schisme d'Occident,
appuyée par le gouvernement français de toutes les ressources
de la puissance temporelle, cette fausse doctrine avait été
formulée sur les instances de Louis XIV par une assemblée
du clergé à Taris (1682) dans la fameuse Declaratio cleri
gallicani; on y avait affirmé, entre autres, cette proposition
que l'autorité du pape est soumise à celle du concile général,
qu'elle est encore limitée, pour ce qui concerne la France,
par d'antiques privilèges; que les décisions doctrinales du
siège de Rome ne sont pas irréf ormables et ne sont infaillibles
que lorsqu'elles obtiennent l'assentiment de l'Eglise univer-
selle. Cette doctrine, qui flattait l' amour-propre national, fut
enseignée par ordre de l'Etal dans les établissements
d'instruction en France; elle s'enracina profondément dans
[152-153]
i'S HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
l'esprit <lu clergé et du peuple, et bien que le nombre de ses
partisans fût au XIXP siècle notablement diminué, elle se
maintint jusqu'à l'époque «lu concile du Vatican. Elle avait
pour défenseurs et pour représentants non seulement des
laïques, des hommes d'Etat, mais encore des prêtres et des
évêques. Ils n'avaient rien de bon à espérer du prochain
concile pour la doctrine à laquelle ils s'étaient dévoués:
c'était évident et il était aisé de prévoir qu'ils devraient
prendre à son endroit une attitude hostile.
Les idées gallicanes ne s'étaient pas renfermées dans les
limites de la France. Transportées en Allemagne par Hont-
heim, élève du professeur gallican de Louvain van Espen,
elles trouvèrent de zélés propagateurs surtout dans les gou-
vernements josephistes. Les brochures si nombreuses qui
parurent en Allemagne contre le concile du Vatican sont
toutes pleines de gallicanisme et témoignent de sa diffusion
au delà du Rhin. L'auteur de la Geschichte des Vatikanischen
Konzils, Jean Friedrich, se montre dans son ouvrage zélé
partisan de cette doctrine. Pour lui, l'Eglise catholique est
une secte qui s'est séparée de l'Eglise gallicane. Sans doute
c'est après le concile du Vatican qu'il a écrit cet ouvrage.
Mais ce n'est pas à l'époque de su séparation d'avec
l'Eglise qu'il a passé tout d'un coup d'opinions diamé-
tralement contraires, à ces erreurs monstrueuses. Les doc-
trines auxquelles il était déjà gagné l'ont conduit à son
opposition au concile et de là à la séparation complète d'avec
l'Eglise.
Il y avait encore, surtout en Allemagne, d'autres motifs
qui faisaient pressentir des attaques contre le concile :
d'abord une tendance rationaliste, hostile à la foi, qui enva-
hissait tout le domaine de la science.
Xous ne parlons pas de L'engourdissement de la loi dont
son liraient en bien des endroits les laïques élevés dans des
établissements d'instruction impies et obligés ensuite de
153
LE RATIONALISME CHEZ. QUELQUES CATHOLIQUES 179
vivre dans une atmosphère de doute et (l'incrédulité. Nous
songeons bien plutôt au rationalisme dans la théologie
catholique elle-même. Que l'esprit rationaliste qui depuis le
dernier quart du XVIIIe siècle avait envahi les écoles de
théologie protestantes se soit aussi profondément implanté
dans les écoles de théologie des catholiques, le t'ait est connu
de tous; il serait aisé de recueillir dans les ouvrages et les
cours de théologie de la première moitié du XIX" siècle de
nombreuses thèses du plus pur rationalisme (i). Au cours de
ce siècle, la théologie catholique essaya bien de se défaire
de cet esprit antichrétien. Après i85o, elle souffrait encore
des suites de cette maladie et il lui était d'autant plus diffi-
cile d'arriver à la parfaite guérison qu'elle manquait d'une
saine philosophie, fondement dé la théologie, et qu'elle avait
donné entrée dans ses écoles aux faux principes de la spécu-
lation nouvelle, athée et panthéiste (2). Ainsi on ne pouvait
dans bien des milieux théologiques s'élever jusqu'à une
conception vraiment surnaturelle de la vie de la grâce et du
salut auquel Dieu nous a destinés; on faisait entrer les mys-
(1) Nous renvoyons à H. Bruck, Die rationalistischen Bestrebunyen in kalho-
lischen Deutschland. Mayence 1865.
(2) Le P. Albert Maria Weiss 0. P. parle (Benjamin Herder, f 1889, p. 104)
de l'abîme dans lequel il trouva la philosophie au début de ses études univer-
sitaires, à la Hochschule. « Une révolution s'est opérée (sur le terrain de la
philosophie) dont la jeune génération peut difficilement comprendre les bien-
faisants effets. Il faut avoir connu le mal qui pesait sur nous, avant que se fît
sentir le changement qui s'annonça il y a une trentaine d'années. Nous qui
fréquentions alors l'Université, nous avons pu nous en rendre compte. Nous
allions au cours avec une faim de la vérité qui nous eût l'ait dévorer des pierres.
Hélas, nous recevions en vérité des pierres au lieu de pains. Nous les dévorions,
vrai, et Dieu sait avec quelle avidité. Mais nous n'étions pas rassasies:
nous n'étions pas à notre aise, car cette philosophie n'eût pu être digérée par des
estomacs d'ours. Nous économisions ;iir l'argent de nos repas, pour avoir des
livres où puiser une nourriture meilleure. Hélas, c'était pis encore! On n'y
pouvait toucher. Le jml ouvrage qui nous lût abordable, qui du moins ne fût pas
incompréhensible, était l'ouvrage de Frohschammer. Mais le venin s'y cachait.
Mous errions donc à l'aventure, questionnant, consultant les catalogues ; nous
découvrîmes enfin un livre, le salut, pensions-nous. C'était Plassmann. Mais
comment le comprendre? Il ne nous resta plus qu'à dire adieu à la philosophie,
pour nous jeter sur l'histoire et les langues. »
1
[153-15*;
180 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tères surnaturels dans le domaine de la connaissance ration-
nelle, on s'efforçait d'expliquer naturellement les miracles
et la conduite surnaturelle de l'Eglise, autant qu'on le pouvait
sans rompre formellement avec la foi. Bref, on craignait le
surnaturel et on cherchait à le rejeter aussi loin que possible.
L'état des études théologiques en Allemagne était vraiment
inférieur. On avait rompu avec les grands théologiens
d'autrefois; les trésors de science que leur immense travail
avait amassés étaient comme enfouis. On était, surtout en
exégèse, esclave de la science protestante. Faute de philoso-
phie, on était incapable de pénétrer un peu profondément les
doctrines de la foi, quand des erreurs philosophiques n'en
écartaient pas. On consacrait peu de temps dans les maisons
d'études à la science proprement catholique : la théologie
dogmatique ; elle était du reste encombrée par une foule de
sciences accessoires. Sans doute on acquit ainsi sur le terrain
extra théologique une science positive assez riche, mais qui
rendait l'obscurité plus ('paisse et faisait mépriser la forma-
tion du clergé des autres pays; sur les doctrines révélées,
c'était l'ignorance, l'incertitude; les principes directeurs fai-
saient défaut, et par suite l'étude ne pouvait ni clarifier, ni
asseoir plus solidement les connaissances. Dans une lettre
du i5 janvier 1869 (1) au cardinal secrétaire d'Etat Antonelli,
le nonce apostolique de Munich, MKr Meglia, porte un juge-
ment très défavorable sur le niveau de la formation théologi-
que dans le clergé allemand, ce A mon sens, dit-il, c'est un
fait qu'en Allemagne peu d'ecclésiastiques savent parfaite-:
nient ce qui est indispensable pour les fonctions du saint
ministère. Tous apprennent beaucoup de superflu, sans se
préoccuper de l'essentiel; beaucoup sont plus ou moins
habiles dans telle ou telle branche de la science sacrée;
tous sont en grand danger de tomber dans des erreurs contre
(1) La lettre est aux Archives. ( !l aussi plus haut, p. 85 sq.
[154-155]
LA PASSION DE LA LIBERTE SCIENTIFIQUE I8i
la foi. Ni en Italie ni en France la situation n'est pareille. »
Des prêtres savants, qui ont étudié au milieu du XIX1' siècle
dans les universités allemandes, ont fait à l'auteur de ces
pages des aveux semblables. « Nous avons appris peu de
théologie à l'université, disaient-ils, et, ce qu'il y a de pis,
même les principes directeurs de l'étude nous sont restés
inconnus. Aussi, quand le temps de travailler nous fut donné,
nous nous vîmes hors d'état d'acquérir ce qui nous manquait.))
Et de fait, précisément dans les polémiques au sujet du concile
se révéla une connaissance très imparfaite des vérités dog-
matiques, une surprenante impuissance à comprendre les
notions et à suivre les argumentations théologiques.
A ces déficits s'ajouta chez les hommes de science un désir
de liberté très dangereux en théologie. C'est la folle passion
de ces temps qui est en partie responsable des efforts de
maint théologien pour s'émanciper autant que possible de
l'autorité enseignante établie par Dieu. Les évèques d'Alle-
magne, dans une lettre collective de mai 187 1, s'en plaignent :
cette passion de la liberté envahit la théologie : « La science
théologique en Allemagne, disent-ils, s'est permis, dans ces
derniers temps, des audaces qui ne peuvent se concilier avec
la nature de la vraie foi catholique. Cette tendance scien-
tifique, émancipée de l'autorité ecclésiastique, confiante
uniquement dans sa propre infaillibilité, est exclusive de
la foi véritable; c'est une déchéance de l'esprit authentique
de l'Eglise, puisque c'est l'adoption d'un esprit de fausse
liberté qui préfère les idées et les opinions individuelles à
la foi dans l'autorité du magistère garanti par l'Esprit
Saint » (1).
Une pareille attitude intellectuelle indiquait naturellement
de l'éloignement pour les dépositaires de l'autorité, pour
Rome en particulier. Un des trente-six évèques que Pie IX,
(1) Kathoi.ik 1871 1,684.
[155-156]
4 82 HISTOIRE Dl' CONCILE DU VATICAN
au début de i865, après la première annonce secrète du cou
cile, avait consultés sur les matières à y traiter (i), signalait
entre autres la question de l'infaillibilité pontificale, et ajoutait
cette remarque : « Très peu nombreux sont ceux qui aujour-
d'hui refusent ce privilège au pape, et encore ceux-là ne le
l'ont-ils pas pour des motifs théologiques, mais afin de pouvoir
professer et défendre plus sûrement la liberté de la science.
Il parait que tout récemment s'est formée dans ee but à
Munich, en Bavière, une école de théologiens qui, dans leurs
ouvrages, partent surtout de ce principe : il faut détrôner et
livrer au mépris, par des discussions historiques, le siège
apostolique, son autorité, son mode de gouvernement, et
surtout mettre en doute l'infaillibilité de Pierre dans les
décisions ex cathedra » 12). Evidemment le prélat qui écrivait
ces paroles savait, avant même l'ouverture de la lutte contre
le concile, que cette lutte allait s'élever, et où elle serait la
plus ehaude.
De fait, à peine connut-on la convocation projetée que déjà
l'esprit d'opposition se fit sentir. // En France, on craignit
la condamnation du gallicanisme. La première occasion des
combats déplume qui commencèrent en ce pays dès 1868 fut
la nouvelle que M81" Maret, doyen de la Faculté de théologie
de l'université de Paris, et évèque de Sura in partibus infi-
delium (3), avait l'intention d'écrire un ouvrage sur le futur
concile. Les idées de l'auteur étaient bien connues : nul doute
que cet ouvrage ne dût être imbu de l'esprit gallican ; les
journaux s'emparèrent de l'événement et en firent par avance
suivant leurs tendances particulières, des commentaires obli-
geants ou désobligeants.
(1) Voir plus haut p. 53.
(2) C V. 1018 d. Voir plus haut p. 55.
(3) Sa surdité ayant donné à Rome un prétexte de ne pas agréer sa nomination
épiscopale, il avait été placé avec une très haute considération au chapitre de
Saint-Denis, et à la tète de la Faculté de théologie. (Emile Ollivif.r, l'Eglise et
l'Etat au concile ilit Vatican, I, 408).
[156-157]
L'OUVRAGE DE Msr MARET -183
En juillet 1868, le Figaro annonça que M*-'1 Maret s'était
rendu à Plombières pendant la villégiature de l'empereur
Napoléon pour lui soumettre son livre. L'ouvrage, disait-on,
avait trois volumes, il combattait les thèses ultramontaines
que pour le prochain concile préparait à Rome la congréga-
tion des jésuites. On le traduirait en latin et dans toutes les
langues de l'Europe; beaucoup d'évêques français, ajoutait
le journal, étaient partisans des doctrines de Mgr Maret.
La première de ces nouvelles fut contestée ; l'évècpie de Sura
n'était allé à Plombières que pour y faire une saison néces-
saire à sa santé. Mais dès lors tout le monde était convaincu
(pie l'ouvrage du prélat combattrait les doctrines dites ultra-
montaines par les adversaires de l'Eglise et les catholiques
libéraux; plus tard, quand il parut, il suffit d'y jeter un coup
d'œil pour constater l'exactitude de ces prévisions. 11 pou-
vait bien se faire aussi que quelques évèques ne fussent pas
étrangers à sa composition. Les bruits les plus extraordi-
naires circulèrent sur cette affaire. Le Journal du Havre
publia que le nonce apostolique et l'ambassadeur d'Espagne
a Taris avaient tenté de corrompre l'éditeur pour se pro-
curer les épreuves; en même temps, I'Indépendance belge,
dans une « correspondance parisienne », donnait des détails
sur le contenu du livre, qui, disait-il, était déjà complète-
ment imprimé. L'auteur démontrait par l'histoire, affir-
mait-on, la supériorité des conciles sur le pape et se déclarait
opposé à « la vieille et absurde prétention de l'infaillibilité
pontificale ». //
En première ligne des publicistes catholiques, Louis
Veuillot, rédacteur de ITnivers, combattit, avec sa netteté
et sa vigueur ordinaires, contre les journaux libéraux et
gallicans. L'Indépendance avait écrit que Mfel Maret allait,
par son ouvrage, causer « des déplaisirs mortels » aux ultra-
montains : évoque, personnage considérable dans l'Eglise,
il faisait appel à l'opinion publique avant l'ouverture du
I 157-158J
104 HISTOIRE Dl" CONCILE DD VATICAN
concile; Veuillot répondit (i) : Mgr Maret parlerait-il de l'in-
faillibilité pontificale comme l'avait fait tout récemment le
patriarche schismatique de ( îonstantinople, l'effet n'en serait
pas plus grand. Quant au bruit qu'on faisait courir sur le
nonce, Rome n'a pas besoin d'examiner tous les livres avant
leur apparition. Elle donne son approbation aux bons; ceux
dont la doctrine est tolérable, elle les tolère et les abandonne
à la discussion; ceux qui méritent d'être condamnés, elle les
condamne. « Il y a un Index. Et lorsque l'Index a parle,
comme l'auteur n'est ni ne veut être un rebelle, l'affaire se
termine par cette mention : Anctor laudabiliter se subjecit et
ôpus reprobavit Ce qui n'a jamais prouvé que le pape lut
inférieur au concile (21. o
Un pareil langage déplut à M-1' Maret et, dans une lettre
du 9 novembre, il proteste « contre les accusations mal dégui-
sées, dirigées contre un évêque (jui n'a pas au-dessus de lui
d'autre juge que le chef suprême de l'Eglise ». Du livre qu'il
est en train d'écrire, Veuillot n'a aucun compte à rendre.
C'est un mémoire destiné au futur concile; l'auteur le sou-
mettra au pape et aux évêques de l'auguste assemblée,
11 usera en cela du droit inviolable que possède tout évêque
d'émettre librement dans un concile ses opinions sur la
situation, les périls et les besoins de l'Eglise. Dans la bulle
de convocation le Saint Père a lui-même invité les évêques à
exercer ce droit, et c'est pour eux l'accomplissement d'un
devoir. Il accuse Veuillot d'avoir adopté un système de diffa-
mation et d'intimidation contre un évêque, et l'avertit de ne
pas attenter à la liberté du concile, sans quoi il se heurterait
dans sa personne à l'épiscopat tout entier. Veuillot répliqua
dans I'Univers du 12 novembre. Il rappelle à Mgr Maret une
controverse qu'ils ont eue autrefois. C'étaient les mêmes
I l.'l \i\ i rs,8 novembre 1868.
(2) Ibid. 10 novembre 1868.
[158-159
L. VEUILLOT ET M8* MARET 185
reproches : l'événement a montre'' qui avait raison. Mgr Maret
se plaint que Veuillot se constitue son juge. Non, il n'est pas
son juge, mais il prétend bien être 1' « appréciateur a de ses
aetes, et se permet d'émettre son sentiment. M81" Maret lui-
même lui en donne le droit par ce seul fait qu'il imprime un
livre. c< Il l'imprime et le jette dans le publie sans doute pour
qu'on le lise : et s'il veut qu'on le lise, il doit vouloir qu'on
l'apprécie, il doit souffrir qu'on l'accuse et qu'on le défère au
juge compétent. » Veuillot en vient ensuite aux bruits que,
depuis plusieurs mois, on l'ait courir partout sur l'ouvrage;
il est annoncé comme une batterie destinée à mettre en pou-
dre les prétentions ultramontaines. Dans ces conditions, un
journal catholique ne peut se taire. 11 n'est question ici ni
d'une atteinte à la liberté du concile, ni d'une attaque contre
un acte épiscopal. Mgr Maret n'a point de juridiction. Il
s'agit uniquement d'un travail particulier, soumis au publie
par un docteur privé (i).
Dans salettre, M-1 Maret, quoique simple évèque titulaire,
s'attribuait les mêmes droits au concile que les évêques rési-
dentiels; son affirmation souleva encore en France une autre
controverse : les évêques titulaires avaient-ils d'une façon
générale siège et voix dans l'assemblée? Nous avons traité
plus haut cette question (2).
L'ouvrage de l'évêque de Sura ne parut qu'en sep-
tembre 1869; les polémiques qui suivirent seront racontées
plus tard.
("est surtout autour du livre de M81" Maret que jusqu'à
l'année 1869 se déchaîne la bataille. Déjà pourtant appa-
raissent de profondes scissions entre les catholiques, les
(1) Les deux lettres se trouvent dans Ckcconi, Stcriadel Concilio Vat., vol. II,
Sez. 2, doc. GCVX et CGXVI (trad. fr. t. IV pp. 36 et 38). Sur toute cette contro-
verse, cf. ibid. Sez. I, p. 397 et suiv. (trad. fr. t. II, p. 342 et suiv.).
(2) P. 108 sqq.
[159]
18H HISTOIRE 1)1 CONCILE Dl VATICAN
partis so séparaient nettement d'après leurs espérances ou
leurs craintes. La presse religieuse libérale, lit-on dans un
mémoire en français adressé au cardinal Àntonelli au com-
mencement de janvier 1869, // telle que la France, la Gazette
de France, le Français, les Villes et Campagnes, est très
favorable au concile, seulement elle affecte une certaine pré-
dilection pour les doctrines de l'ancien clergé de France...
La presse religieuse romaine, désignée, dans le langage des
feuilles qui lui sont opposées, sous le nom de presse ultra-
montaine, telle que le Monde et 1' Univers, s'occupe journa-
lièrement du concile, et dans les meilleures intentions. Beau-
coup de personnes se plaignent même que ces feuilles,
particulièrement la dernière, s'en occupent trop et dépassent
la mesure qui convient à des écrivains purement laïques ; on
reproche à ces journaux d'être acerbes, intolérants pour les
opinions libres, violents envers les personnes qui ne par-
tagent pas leurs opinions et outrés souvent dans leurs thèses
et leurs attaques (1). D'après un autre mémoire de la même
époque, écrit aussi pour le cardinal Antonelli, les catholiques
libéraux redoutent que le concile ne sanctionne les condam-
nations portées par le Syllabus et ne définisse l'infaillibilité
du pape. Le gouvernement partage cette crainte. Pourtant
on n'a pas perdu tout espoir de voir le concile modifier ou
interpréter certaines propositions du Syllabus en un sens
favorable aux idées libérales, et n'aller pas jusqu'à la défini-
tion de l'infaillibilité pontificale. Voici ce qui se répète parmi
eux : « Si le pape est déclaré infaillible, il faudra changer les
expressions du symbole et dire, non plus : CredoinEcclesiam,
mais : Credo in Papani. » Us affectent des inquiétudes sur les
préparatifs du concile. Mais les catholiques proprement dits,
c'est-à-dire la grande majorité des fidèles, ont exactement
les espérances opposées (2). Deux écrits anticatholiques, éma-
(1) C. V. 1150 d. sqq. — Oecconi op. cit. Doc. CXXXVIII.
(2) C. V. 1156a. sqi). — Cecconi op. cit. Doc. CXXXIX.
[150- Mu
LA POLEMIQUE EN ALLEMAGNE 187
liant de laïques, parurent encore en France avant 1869, mais
ils étaient sans importance ( 1 ), et nous pouvons les laisser de
coté.
En Allemagne, deux brochures ouvrirent la polémique
contre le concile. Dans la première (2), « un ecclésiastique
catholique » se dresse en l'ace du pape, des évêques et de toute
l'Eglise, pour dérouler à leurs veux la liste de leurs péchés et
leur donner d'un ton d'autorité des instructions sur la manière
de tenir le concile / et sur les décisions qu'il y faudra
prendre. Il promet d'exposer sa pensée sur ces deux objets
« du point de vue de l'histoire et des nécessites actuelles ». —
Effectivement, ses propositions n'ont aucun fondement théo-
logique ou canonique. Quant à l'histoire, voici comment il y
puise ses arguments :
Quand un concile a pris une mesure qui va à sa thèse, il
L'érigé en règle obligatoire pour tous les autres. Le concile
de Trente est pour notre auteur le moins important, et du
haut de sa compétence il prononce sur des points essentiels
une sentence de réprobation Le concile qui a ses préfé-
rences, le modèle à suivre selon lui, dans l'avenir, c'est celui
de Bâle, qui aboutit à un schisme patent. En effet, ce concile
est gallican, il part de ce préjugé que la constitution de
l'Eglise est démocratique (3).
Au concile doivent être convoqués — ainsi parle 1' « ecclé-
siastique catholique » — non seulement les évêques, mais tous
les chrétiens. La chrétienté l'attend, « c'est son droit » (4).
(1 C. V. 1151 b. — Cecconi op. cit. Doc. CXXXVHI.
(2) Das nachste allgemeine Konz-il itnd die wahren Bediirfnisse der Kirclie. Ein
Wort an aile wahren Cliristen geistlichen und weltlichen Standes, von eine.m katho-
lischen Geistlichen. Wenigen-Iena, 1<S6'.>.
(3) Cet écrit, et d'autres, est péremptoirement réfuté dans la Civtlta cattolica
Ser. VII, vol. 5, p. 722, sqq.; vol. 6, p. 341, sqq. , 467 sqq.
(4) L'auteur parle ainsi, après que le pape a convoqué les évêques seule-
ment.Ce factum a été écrit avant la bulle d'indiction, mais publié après elle, p.l.
Note.
[160-161]
188 HISTOIRE DU CONCILE 1)1/ VATICAN
Dans un concile œcuménique, on traite d'une affaire générale
intéressant tonte la chrétienté, et pas seulement les évêques
et les ecclésiastiques, qui n'en sont pas encore arrivés à pré-
tendre constituer seuls toute l'Eglise. « Un concile général
doit représenter l'Eglise entière Or, l'Eglise entière ne peut
être représentée que si la convocation s'adresse à tous ceux
qui ont foi et bonne volonté (i). »
Le peuple pourtant ne doit pas prendre part à la rédaction
des décrets doctrinaux; son rôle au concile se borne à « expo
ser aux pères assemblés sa foi, ses misères, ses désirs, ses
besoins, ses vœux et ses griefs (2).
Mais en fait, le but de l'auteur est d'affaiblir l'autorité des
pasteurs légitimes, en fortifiant l'influence du troupeau, de
même qu'il veut amoindrir la puissance du pape au bénéfice
des évêques. Il insiste sur la <( liberté du concile » : « Ce ne
sont pas seulement la force extérieure, lintimidation et
d'autres vexations violentes, dit-il, qui peuvent porter atteinte
a la liberté du concile: <dle se trouve déjà cruellement lésée
si par un déploiement abusif d'autorité ou d'influence ou paï
d'autres manœuvres, le pape ou ses légats veulent exercer
une pression morale, une violence intime sur les Pères assem-
bles, de façon à lesmettre dans cette alternative ou de don-
ner sur tous les points un assentiment respectueux et silen-
cieux, ou a voir toute contradiction librement exprimée stig-
matisée comme un attentat à la foi et à la piété, comme une
proposîtio haeretica haeresiin sapiens, schismatica,impia,sedi-
(1) P. 1 sq. — L'auteur oublie que « constituer toute l'Eglise » et « représenter
toute l'Eglise » sont des choses bien différentes. Au temps des apôtres, lorsque
déjà l'Eglise s'étendait sur de vastes contrées, les apôtres et les évêques ne con-
stituaient pas non plus toute l'Eglise, mais ils la représentaient à eux seuls,
quand il s'agissait d'enseigner et d'édicter des lois. Ce qui était vrai d'eux l'est
iiio ire de leurs successeurs. Si l'auteur veut résoudre la question « au point de
vue de l'histoire », il doit admettre le principe fermement posé par les plus
anciens conciles : concilia episcoporum sitnt.
(2) P. 3. — Alors quel besoin de mettre en mouvement tout le monde chré-
tien? Les évêques rassemblés île toutes les parties du monde n'y sullisent-ils
pas '.
[161-1621
[,A BROCHURE DE L « ECCLESIASTIQUE CATHOLIQUE ») 189
tiosn,piariim aiirium offensiva, temeraria, etc. (i). Ilfautcon-
venir que « 1 ecclésiastique catholique » a raison. Si toute con-
tradiction librement exprimée par les évêques est considérée
pomme une révolte coupable, la délibération n'est plus pos-
sible. Mais les réclamations de l'auteur deviennent aussitôt
suspectes quand il constate au concile de Trente l'absence
de la liberté qu'il revendique, et quand il précise la manière
dont il l'entend voir appliquer au prochain synode 11 réclame
pour tout évoque un droit sans limite de proposer ce qui lui
[liait ; par liberté dans l'expression de son sentiment il com-
prend une pleine indépendance de langage, en vertu de
laquelle aucune opinion manifestée ne puisse être censu-
rée (2). Au fond, ce sont justement les censures qu'il veut
voir abolir avec les tribunaux qui les appliquent, les congré-
gations du Saint-Office et de l'Inquisition (3). Dans la reven-
dication d'une telle liberté il y a déjà par avance une révolte
contre le concile, il est trop clair qu'on n'y pouvait faire
droit.
L' « ecclésiastique catholique » adresse ensuite solennelle-
ment aux évoques allemands et américains une exhortation
particulière : « Défendre cette liberté sans respect humain,
dit-il, c'est votre devoir, à vous spécialement évêques d'Alle-
(i) P. 7.
(2) La liberté des évêques doit, d'après I'Ecglésiastique catholique, s'étendre
à l'expression de toute opinion en matière de foi ; peu importe qu'elle soit héré-
tique, schismatiqee, impie ou digne de quelque autre semblable censure. Un
éyêque peut donc, en vertu do ce principe de liberté, exposer impunément des
, idées q ni contredisent les autres conciles; il peut librement mettre en doute et
soumettre de nouveau à la décision du concile ce qui a été précédemment rléfîni.
Mais c'est ruiner l'infaillibilité de ces assemblées et de leurs définitions. Si les
I conciles sont infaillibles, comme ils le sont en effet, ils doivent être regardés
comme tels, respectés comme tels, aussi bien par les évêques que par les fidèles.
1 Lorsque, dans la huitième séance du concile de Ghalcédoine, il parut aux Pères
que l'évêque Théodoret hésitait à prononcer l'anathème contre la doctrine héré-
tique des Nestoriens, cela leur suffit, tous ils crièrent : iste haereticus e$t,nesto-
rianus est, haerelicum foras mille. (Harduix, Coll. Conc. II, p. 498.) Voilà un des
1 nombreux exemples de la pratique des conciles. Ainsi parle la GiviLTA.(Ser.VII,
vol. 5, p. 730 sq.)
(3) P. 59.
[162]
190 HISTOIRE Dl CONCILE 1)1" VATICAN
magne et d'Amérique. » Vous surtout, Frères, êtes appelé» à
la liberté (Gai. 5, i3). Xe soutirez pas que vos langues soient
tenues captives : ne tolérez pas que des décrets rédigés arbi-
trairement par des moines et des théologiens romains soient
présentés tout faits à la signature du concile, brevi manu,
sans plus ample examen ni discussion; comme si tout le rôle
des l'ères était non de prendre des décisions, mais d'approu-
ver et de sanctionner des décisions prises. Successeurs des
Apôtres, montrez ce courage apostolique qui vous fera dire,
appuyés sur votre conviction et votre expérience de l'état de
vos Eglises et des besoins des temps: « Ce que nous avons vu
et entendu, nous ne pouvons le taire. » (Act. 4, -<»•) Voudriez-
vous. à la vue de la triste situation de l'Eglise, des dangers
qui la menacent, quand le glaive lui perce le cœur, quand des
montagnes d'Ephraïm s'élèvent les invocations aux faux dieux,
quand les ennemis lancent leur cri de guerre contre les villes
de Juda, quand ils veillent en armes autour de Jérusalem
(Jer.4, i5, sqq.), voudriez- vous reculer devant vos obligations,
et quand vous devez parler, garder un silence timide? Nous,
nous espérons en vous, nous comptons sur vous, champions
allemands de l'Eglise! Vous porterez bien haut, dans le pro-
chain concile, la bannière de la liberté et de la charité chré-
tiennes ! Chacun de vous ira plein d'ardeur au concile, résolu
à agir et à parler avec vigueur afin de n'être pas oblige de
dire avec le prophète : « Malheur à moi parce que je me suis
tu, je suis un homme dont les lèvres sont souillées. »(Is. 6, 5.)
Ainsi parle 1' « ecclésiastique catholique » aux évêques
d'Allemagne et d'Amérique. Si on devait exiger d'eux de se
contenter de signer des décrets tout rédigés, l'exhortation de
l'ecclésiastique anonyme n'était assurément pas nécessaire
pour les porter à repousser résolument cette prétention;
croire que le courage leur manquerait pour cela, c'était faire
injure à ces princes de l'Eglise. Mais la liberté (pie l'auteur
de la brochure entend réclamer pour les évêques est une
[162-163]
REPRESENTATION PROPORTIONNELLE DES NATIONS l'.M
liberté qui ne leur appartient pas, qui n'est pas selon Tordre;
la réclamer, l'appeler de ses vœux, c'est exciter à la révolte
contre l'autorité établie par Dieu.
L'anonyme donne aussi, sans qu'on l'en ait prié, son avis
sur le cérémonial du concile. En homme magnanime et pro-
fondément humble, il ne peut assez déplorer les disputes de
préséance qui se sont plus d'une l'ois produites dans ces
réunions (i); il propose comme remède de ne point tenir
compte des rangs de préséance-. Si, à l'exception du pape qui
préside ou de ses légats, chacun était placé à son rang d'âge,
de manière que le plus âgé passât avant le plus jeune, on
satisferait une exigence justifiable également au tribunal du
bon sens et de la religion (2).
Plus importante est la théorie relative à la composition de
l'assemblée. Deux principes sont posés : la représentation de
ceux qui sont légitimement empêchés et la représentation
proportionnelle des différentes nations (3). Sur ce second
point, voici les conclusions de l'auteur : « L'Italie entière, y
compris les Etats de l'Eglise, compte 24 millions de catho-
liques; l'Allemagne avec les provinces allemandes de l'Au-
triche, 24 millions; l'Espagne et le Portugal, 20 millions: la
France, 35 millions, etc.; en convenant qu'un million de
catholiques soit représenté par un évèque ou un député,
avec pleins pouvoirs, l'Italie aura à envoyer au concile
24 évèques ou députés, l'Allemagne, 24; l'Espagne et le Por-
tugal, 20; la France, 35, etc. (4)//. » Cette proportionnalité
entre le nombre des fidèles et celui des membres du concile
appartenant à chaque nation pourrait paraître facilement
admissible à notre époque habituée aux idées constitution-
nelles. Mais on se trompe en transportant dans l'Eglise la
(1) P. 11.
(2) P. i2sqq.
(3 1'. 15.
<4) P. 18.
<5) P. 19.
[1(33-164]
192 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN
conception constitutionnelle de l'Etat. Le peuple, en effet,
prend part au gouvernement de l'Etat, il doit donc exercer
ses droits par un nombre de représentants proportionnel
aux fractions du pays. Mais l'Eglise n'est pas gouvernée par
le peuple; ses docteurs et ses chefs lui sont donnés par Dieu.
Aux apôtres seuls, le divin fondateur a donné pouvoir
d'enseigner et de gouverner ; d'eux seuls vient l'autorité de
leurs successeurs, les evéques, en sorte que le collège épis-
copal a identiquement le même pouvoir qu'avait le collège
apostolique et que chaque membre, qu'il gouverne un grand
ou un petit diocèse, a la même part que tous les autres au
gouvernement de l'Eglise universelle. L'idée que les diffé-
rentes nations doivent avoir au concile un nombre de repré-
sentants correspondant à leur importance est dogmatique-
ment insoutenable; elle procède de l'erreur qui fait du
peuple dans l'Eglise le sujet du pouvoir. L'auteur veut
répondre à ces questions «du point de vue de l'histoire ».
Où a-t-il donc trouvé dans l'histoire un concile qui ait été
tenu selon son désir?
Avec la même fantaisie et par suite de la même erreur
dogmatique, 1' « ecclésiastique catholique » prescrit alors au
concile l'ordre de ses travaux et la manière de voter. Xous
exposerons sans commentaire le plan qu'il imagine : ce Pour
délibérer sur les matières proposées, les membres du concile
doivent être divisés par nations; chaque nation doit tenir
une grande congrégation où quiconque professe et démontre
qu'il est membre de l'Eglise universelle a le droit de s'expli-
quer. Dans ces congrégations nationales, la parole appartient
successivement d'abord aux évèques ou à leurs délégués,
puis aux princes ou à leurs ambassadeurs, aux membres des
chapitres, aux curés, aux professeurs et docteurs ecclésias-
tiques, aux abbés et supérieurs d'ordres, aux docteurs et
savants séculiers , enfin aux gens cultivés et aux homme
irréprochables de tous les rangs, à condition de s'inscrire e
[164-1(35!
ORDRE DES DEBATS AU CONCILE 103
temps opportun. La présidence et la direction des débats
dans ces assemblées doivent être confiées à un évéque ou
autre prélat élu parmi les membres. A côté de ces congréga-
tions nationales, qui seraient par exemple allemande, fran-
çaise, anglaise, américaine, espagnole, italienne, hongroise,
polonaise, orientale-unie et gréco-russe, doivent être tenues
des congrégations épiscopales dans lesquelles auraient seuls
entrée, sans distinction de nationalité, les évéques, les car-
dinaux, les princes chrétiens, puis des députés à élire dans
les congrégations nationales parmi les chanoines curés,
abbés, généraux d'ordres, ainsi que les théologiens, cano-
nistes et juristes que l'on jugerait nécessaire d'y adjoindre.
Ces congrégations épiscopales se réuniraient sous la prési-
dence d'un évéque à élire parmi les plus âgés, pour examiner
les motions et propositions faites par les congrégations
nationales, statuer sur leur acceptation et délibérer sur les
sujets qu'on jugerait utiles, chaque membre ayant, selon son
rang d'âge, le droit de parler et de faire les propositions qu'il
voudrait, ("est là que seraient arrêtés et préparés pour la
session solennelle les projets qui, s'ils y recueillaient la
majorité des voix, deviendraient les décrets du concile. A la
session publique et solennelle, la présidence est occupée par
le pape ou son légat; à l'exemple de saint Pierre, au premier
concile de Jérusalem, le président a le droit de parler le
premier; après lui, les Pères ayant voix délibérative
doivent, par rang d'âge, émettre publiquement leur suffrage :
le nombre des voix pour et contre est aussitôt publié et la
décision adoptée par la majorité est solennellement pro-
clamée et signée. Les évéques ont seuls voix délibérative
s'il s'agit du dogme immuable ou des propositions de morale.
Mais pour les questions de discipline, de liturgie, de rela-
tions extérieures de l'Eglise, on pourrait examiner si, à
l'exemple des premiers conciles, où les prêtres prenaient
part au vote, il n'y a pas lieu d'attribuer aux chanoines,
16S
1U4 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
'•lires, abbés et supérieurs réguliers un rôle dans la défini-
tion, en leur concédant un nombre de voix convenable (i).
La seconde partie de la brochure, la plus considérable,
donne au concile des conseils sur les matières à traiter.
Au sentiment de l'auteur, il est très facile de réunir à
l'Eglise les communautés chrétiennes dissidentes. « Qu'on
prenne comme base, dit-il, le symbole des Apôtres et les
articles de foi sur lesquels s'entendent tous ceux qui profes-
sent un christianisme positif. D'accord sur ces préliminaires,
rien ne nous empêche plus d'arriver à la paix définitive, si
des deux côtés on la désire (2). » Quel dommage que l'auteur
ne nous ait pas dit ce qu'il faudrait faire pour arriver à la
paix définitive! C'est là que commence la difficulté. Que
fera-t-on des dogmes sur lesquels on ne s'entend pas, par
exemple de la Pénitence et de l'Eucharistie, du pape et tle la
hiérarchie? L'auteur semble conseiller de les passer sous
silence ou d'en parler en termes vagues, sous lesquels chacun
mettra ce qu'il voudra. Il ne semble pas tenir beaucoup à ces
doctrines catholiques « Mais nous le disons encore une fois,
s'écrie-t-il, la sainte tâche de la réconciliation ne peut être
remise entre les mains des orthodoxes intransigeants et des
savants pointilleux de nos écoles théologiques ; il ne faut pasr
au moment même où l'on se met à travailler à la paix, semer
la discorde et répandre l'aigreur en anathématisant, acca-
blant, condamnant les adversaires, sans vouloir soi-même
reconnaître ses torts ; il ne faut pas imposer aussitôt la per-
fection, dès qu'on commence à éloigner le mal (3). »
Plus bas l'auteur recommande au concile, comme une
nécessité urgente, le relèvement intellectuel du clergé. « 11
faut que l'horizon de ces maisons (ecclésiastiques) s'élargisseT
qu'il embrasse l'étude sérieuse de l'histoire impartiale, la
(1) P. 21 sqq.
(2) P. 37.
(3) Ibid.
[106]
L (c ECCLESIASTIQUE CATHOLIQUE » 195
philosophie, les sciences naturelles, les langues et les littéra-
tures anciennes et modernes, la langue originale des livres
saints (1). » Bref, dans toutes les autres sciences le prêtre
doit être un spécialiste, dans la seule science de la religion
on lui permet l'ignorance. Il doit tout étudier, hormis la
théologie! Donne-t-on des conseils pareils aux étudiants en
droit ou en médecine?
a Les lois de Y Index librorum prohibitorum, ainsi que les
bulles et ordonnances pontificales qui s'y rapportent, doivent
disparaître (2). » La séparation de l'Eglise et de l'Etat est
recommandée. La discussion de la « mission du concile
touchant la réforme de l'Eglise dans son chef et dans ses
membres » fournit l'occasion de déprécier le pape, les
évêques, les prêtres, les établissements et les institutions
ecclésiastiques.
Xous pensons avoir suffisamment fait connaître, par ce
qui précède, l'esprit de cette brochure. Les nombreux
opuscules où fut alors attaqué le concile sont du même genre.
On comprend aisément que, de gens animés de pareils senti-
ments, il ne fallait attendre aucune soumission aux décisions
qui seraient prises. Quiconque unit tant d'outrecuidance à
tant d'ignorance en matière théologique, et se pose avec tant
d'arrogance comme docteur et législateur de l'épiscopat et de
l'Eglise entière, n'est pas dans la disposition d'accorder à un
concile l'obéissance de la foi. Le dédain que l'auteur professe
pour le concile de Trente, accepté et vénéré de toute l'Eglise,,
s'étendra sûrement au concile du Vatican.
Quel était donc l'homme qui, en Allemagne, engageait
ainsi la lutte contre le concile? D'après une dépèche envoyée
au cardinal secrétaire d'Etat Antonelli (3) par le nonce de
Munich, Mgr Meglia, il paraît que d'abord on attribua géné-
(1) P. 50.
(2) P. 50.
(3) Dul .janvier 1869. Cf. Cecconi, 1. c. vol. II,Sez. I, p. 478(trad. fr.t. H,p.3l0)..
[16U-167|
190 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
ralement cet écrit au prévôt Dôllinger; les libraires le
disaienl a leur- acheteurs. Mais les dénégations formelles du
professeur bavarois et quelques-unes des idées émises dans le
pamphlet mettent hors de doute la fausseté de cette attribu-
tion: c'est une autre main qui a proprement et immédiatement
('■(•rit ces pages.
D'une façon générale, et a l'exception d'une ou deux opi-
nions émises dans cette brochure, le clergé formé à l'uni-
versité de Municb fit à ce factum l'accueil le plus sympa-
tbique.
D'après Friedricb (i), l'auteur n'est autre que Ratzinger.
Est-ce croyable? Georges Ratzinger — suivant VOrdo de l'ar-
chidiocèse de Munich-Frisingue (2) — est ne le 3 avril 1844:
en 1868, alors que l'écrit parut, il était donc dans sa vingt-
quatrième année, à l'âge ou les jeunes prêtres sortent du
séminaire. Ce serait donc un vicaire venant à peine de
quitter les bancs de la classe qui se serait posé en face du
pape, de l'assemblée des évoques, du clergé tout entier, pour
leur prescrire d'un ton sévère la manière de tenir le concile
et des mesures qui atteignent au plus profond la vie
ecclésiastique, condamnant tous les conciles précédents et
modifiant complètement la conception de l'Eglise ! A peine
sorti de l'école, ce ne sont pas ses propres idées, mais celles
de -on maître que Ratzinger aurait exprimées. Ainsi s'expli-
querait bien que l'on ait tout d'abord regardé Dôllinger
comme l'auteur et que l'écrit ait tant plu à l'ensemble des
ecclésiastiques formés à l'école de Municb.
Le second (3) des deux écrits que nous avons signalés plus
haut est tout pénétré de l'esprit libéral. Ainsi il demande le
il) Oeschichte des Vatikan Konul, II. 2k 285.
(2) 1895, p. 59.
(3) Ein offertes Wort an die Bixcliofe ><nd Katholiken Deutschlands ani/esichls des
berot'stehenden allijemeinen, Konziliums, von einem kathoi.ischen Geistlichen,
Œhringen, 1869.
167-168
LA SECONDE BROCHURE D UN ECCLESIASTIQUE CATHOLIQUE 197
maintien très ferme de « la liberté de pensée pour les catho-
liques, en tout ce qui n'est pas de foi... contre les efforts
d'un parti qui veut nous imposer d'injustes chaînes », de
même la prompte suppression de YIndex (i); il insinue que
l'Eglise agirait plus sagement en n'obligeant plus sous peine de
péché mortel à l'observation de ses commandements : a-t-elle
même le droit de le faire, l'auteur hésite à l'affirmer (2) ; au
sujet du célibat ecclésiastique, il réclame qu'on donne à chaque
prêtre la liberté de quitter le service de Dieu, et, sous condi-
tion de ne plus exercer son ministère, la permission de se
marier (3) ; il déconseille la fondation des universités catho-
liques (4) et l'éducation dans les petits séminaires (5) des
jeunes gens destinés à l'état ecclésiastique. Le pouvoir
suprême dans l'Eglise réside dans le concile uni au pape ;
mais si le collège épiscopal est infaillible, le pape (6) seul ne
l'est pas. Le journal de Mayence, Katholik, les jésuites et
la Congrégation romaine de YIndex forment un parti qui
tyrannise les théologiens catholiques (7). L'écrivain libéral
en veut tout particulièrement à la Compagnie de Jésus : elle
n'est plus appropriée aux besoins du temps, elle est nuisible,
et on lui prédit une seconde suppression (8).
Sur le terrain dogmatique l'auteur se montre très faible.
Pourtant ses opinions sont sensiblement plus mesurées que
celles de la première brochure et ses pages ne respirent
pas à beaucoup près la même insolence et le même orgueil.
Elles laissent l'impression que l'écrivain, un ecclésiastique
bavarois, sans doute, bien qu'adversaire du concile, se sou-
mettra pourtant à ses décisions.
(1) P. 20.
(2) P. 45sqq.
(3) P. 55.
(4) P. 69.
(5) P. 73.
(6) P. 63.
(7) P. 9.
(8) P. 86 sq.
i3
[169-170]
198 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
La lutte se préparait surtout eu France et en Allemagne.
Mais dans d'autres pays également les libéraux prenaient dès
le début une position hostile. « Malheur au concile, s'écriait
le député italien Castagnola dans la séance du 5 juillet 1867,
s'il se tient en dehors du mouvement scientifique moderne et
du progrès de la civilisation ! Malheur au concile s'il définit
l'infaillibilité des Syllabus de ses papes! Malheur à lui si le
parlement italien oppose ses propres décisions à des décisions
destructrices de la liberté (1) ! » En Angleterre, une campagne
de brochures et de journaux commença dès 1868 avec l'appa-
rition de l'opuscule de Renouf contre l'infaillibilité du pape.
Xous en parlerons plus loin. //
-*>-
(1) Civilta Cattolica. Ser. VII, vol. 5, pp. 345 et suiv. C. V. 1157 d. sq. Cec-
coni, Storia, etc., vol. II, Sect, II, Doc.CXL.
[170]
CHAPITRE III.
La correspondance française de la Civilta Cattolica
(février iS6g).
Une recrudescence de la polémique contre le concile en
France et surtout en Allemagne fut causée en 1869 par la
publication d'une correspondance française dans le premier
numéro de février de la Civilta Cattolica. On a prétendu,
à tort, que cet article avait été l'origine de tous les troubles
et même qu'il avait été écrit précisément pour provoquer
l'hostilité contre l'assemblée.
Quand l'article parut, les troubles avaient commencé et
l'histoire de sa publication — nous la raconterons à la fin de
ce chapitre — fait tomber d'elle-même la seconde accusation.
La vérité est que cette correspondance a eu pour effet de
révéler les secrètes pensées de bien des cœurs. Elle expose
l'attitude de la France vis-à-vis du concile ; elle traite succes-
sivement : 1) des dispositions du gouvernement ; 2) des senti-
ments de l'épiscopat; 3) des espérances et des craintes des
fidèles // ; 4) de l'hostilité des non-catholiques ; 5) des vœux
relatifs aux définitions doctrinales ; 6) des opinions exprimées
par la presse.
Les passages qui provoquèrent les plus violentes attaques
se trouvent dans la troisième et la cinquième partie. Dans la
troisième, les catholiques sont divisés en catholiques libéraux
et en catholiques tout court. Les catholiques libéraux, dit-on,
[171-172]
200 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
craignent que le concile ne veuille définir les doctrines du
Syllabus et aussi l'infaillibilité dogmatique du souverain
pontife. Pourtant ils se bercent encore de l'espoir que le
concile atténuera ou interprétera certaines propositions du
Syllabus dans un sens favorable à leurs idées, et que la ques-
tion de l'infaillibilité du pape ou bien ne sera pas soulevée
ou du moins ne sera pas résolue. Les catholiques proprement
dits, c'est-à-dire la grande majorité des fidèles, ont des espé-
rances tout opposées. Dès maintenant ils se soumettent
d'esprit' et de cœur aux décisions qui seront promulguées.
La plupart d'entre eux sont convaincus que « le futur concile
sera fort court et ressemblera sous ce rapport à celui de
Clialcédoine. Cette idée ne tient pas seulement aux difficultés
dont chacun a conscience, elle procède surtout du sentiment
que les évêques du monde entier sont d'accord sur les ques-
tions principales, en sorte que la minorité, si éloquente
qu'elle puisse être, ne pourra fournir une longue opposition. »
Dans la cinquième partie, il est dit expressément que les
catholiques souhaitent la définition des doctrines duSyllabus.
Le concile pourrait mettre sous forme affirmative en les
accompagnant des développements nécessaires les proposi-
tions contenues dans ce recueil sous la forme négative.
En outre, ajoute la correspondance, « les catholiques
accueilleront avec bonheur la proclamation de l'infaillibilité
dogmatique du souverain pontife. » Par là serait anéantie
la déclaration du clergé gallican de 1682. On ne se dissimule
pas cependant, ajoute la correspondance, que le souverain
pontife ne voudra peut-être pas prendre lui-même l'initiative
d'une proposition qui semble le toucher personnellement.
Mais on espère que l'explosion unanime de l'Esprit- Saint,
par la bouche des Pères du futur concile œcuménique la défi-
nira par acclamation. » Beaucoup de catholiques émettent
en outre le vœu que le dogme de l'Assomption de la Vierge
soit aussi proclamé. //
[172J
LA CORRESPONDANCE DE LA ,, CIVILTA 201
La correspondance parut aussitôt, traduite en français,
dans 1' Uni vers (i) ; cette traduction fut ensuite reproduite
par le Monde (2). Le Français (3) en publia d'abord un
extrait accompagné d'une légère critique. Avec beaucoup
d'âpreté, le Public, qui passait pour l'organe du gouverne-
ment, s'éleva contre la Civilta (4). Son article, intitulé :
Un manifeste, s'occupe surtout des observations faites
dans la correspondance sur le gouvernement. Il y était dit,
entre autres choses, que le gouvernement redoutait de voir
le concile définir les doctrines du Syllabus et l'infaillibilité
du pape, et détruire les articles organiques. A ce sujet, le
journal prend une attitude menaçante. « La France et son
gouvernement, dit-il, convaincus que l'opinion de l'infailli-
bilité du pape seul n'est pas admise par l'immense majorité
du clergé français, ni par l'immense majorité de l'épiscopat »,
sont en droit d'espérer que l'Eglise réunie en concile aura
la sagesse de ne pas laisser poser cette question, et que tout
au moins dans le cas où elle serait posée, on n'irait pas jus-
qu'à prendre une décision contraire aux sentiments et aux
traditions de notre grande Eglise. » Le concile n'abolira
pas le concordat et les articles organiques, convention
bilatérale, sans l'assentiment des deux parties contrac-
tantes ; moins encore « détruira-t-il » des lois qui ne dépen-
dent pas de sa juridiction. « S'il est vrai, comme on l'affirme,
que l'interprétation donnée au Syllabus soit exagérée, le
gouvernement n'aurait qu'à attendre du prochain concile
l'exposition précise du sens véritable de ces enseignements. »
Les Pères se garderont bien dans leur sagesse « de sanction-
ner comme règles de foi des théories qui semblent être une
condamnation des principes sur lesquels reposent les sociétés
13 février.
(2) 14 février.
(3) 17 et 18 février. —Cf. Cecconi, l.c. Doc. CXLII, CXL1II. C.V. 1163 b.
(4) 24 février. C. V. 1164 b sq. Cecconi l.c. Doc. CXLV1.
[173J
202 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
modernes ». Aussi le gouvernement ne craint-il pas la défi-
nition de l'infaillibilité du pape. « La France n'a donc point
à craindre pour elle-même des décisions qu'elle regarde, à
bon droit, comme impossibles, mais elle pourrait les redou-
ter peut-être pour ceux-là mêmes qui les auraient provoquées,
dans le cas où elles viendraient à être réalisées. Alors se
produirait une situation religieuse et politique d'une extrême
gravite. » Ainsi s'exprime le journal du gouvernement. //
En mars seulement, alors que des attaques d'une extrême
violence avaient déjà paru en Allemagne contre la Civilta
dans I'Allgemeine Zeitung, l'organe du catholicisme libéral,
le Français crut de son devoir de prendre aussi position
d'une façon plus décidée contre la correspondance ultramon-
taine. Il le fit en deux articles : Le concile et le corres-
pondant de la Civilta (i) et : Le concile et Vépiscopat fran-
çais (2).
Le Français trouve que la correspondance de la revue
romaine pénètre avec une indiscrétion étonnante dans le
secret des futures délibérations du concile, et s'efforce de
diminuer l'importance du concile œcuménique. Elle semble
faire bien peu de cas de la liberté nécessaire à la discussion
et de la légitime initiative des évêques, à qui elle impose une
ligne de conduite; elle s'exprime d'une façon bien étrange
sur l'Eglise de France et les catholiques français. Le corres-
pondant fait comme s'il savait ce qui se passe à Rome dans
les commissions préparatoires, et ce qu'on pense à Paris
dans les conseils de cabinet, ce qui se cache au plus profond
du cœur des catholiques et ce qu'on décide dans les délibé-
rations des évêques; de son ojmiion personnelle il fait l'opi-
nion d'un grand nombre de catholiques, il affirme que le
concile sera très court, qu'il ne s'y produira pas de longs
(1) 18 mars. Cecconi, 1. c. Doc. CXLVHI.
(2) 19 mars. Cecconi, 1. c. Doc. CXLIX.
[173-174]
LES ARTICLES DU ., FRANÇAIS 203
débats ; il en trace le programme, connaît la façon dont le
Saint-Esprit se manifestera, quels dogmes y seront définis,
comment les évêques pourraient proposer la définition; il
aperçoit une minorité qui malgré son éloquence ne pourra
faire une longue opposition; il s'occupe aussi directement
des évêques français, qu'il représente dans une attente tran-
quille et silencieuse. Il regrette en France l'absence de con-
naissance et de pratique du droit canon, et va jusqu'à partager
les catholiques de ce pays en deux groupes : les catholiques
libéraux et les catholiques tout court. Contre cet exposé de la
situation, le correspondant qui l'a écrit et la revue qui l'a
publié, l'auteur des deux articles, François Beslay (i), s'élève
avec énergie et non sans éloquence. Xous ne pouvons le suivre
dans tous les détails où il entre, encore moins l'approuver.
La faute capitale qu'il commet est de faire affirmer par le
correspondant de la Civilta comme des faits ce que celui-ci
ne présente que comme des opinions et des vœux formés par
de nombreux catholiques français ; si la revue romaine s'était
trompée sur ces points, il y avait à dire et à montrer ce que
pensaient et souhaitaient en réalité les catholiques.
Quant aux opinions personnelles de l'écrivain de la Civilta
en fait, elles étaient justes; et c'est en vain que le rédacteur
occasionnel du Français s'efforce d'établir le contraire : il
était malheureusement de notoriété publique que les catho-
liques étaient divisés en deux partis; cette scission avait
éclaté au grand jour dans la controverse que nous avons
signalée un peu plus haut (2) à propos de l'ouvrage de
M*1' Maret ; elle ne devait se manifester que trop pendant le
concile ; la Civilta eut donc beau jeu pour défendre immédia-
(1) François Beslay, un jeune avocat, a signé l'article. Mais déjà à l'époque de
la controverse on désignait M5t Dupanloup, évêque d'Orléans, comme le véri-
table auteur.La chose a été confirmée par le biographe de MtrDupanloup, M" La-
grange ( Vie de M"r Dupanloup, III, 125).
(2) P. 157 et suiv.
[174-175]
204 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tement sa correspondance contre Beslay (i). Celui-ci osa faire
imprimer dans le Français que la revue, forcée par les
articles du journal, avait rectifié les grossières inexactitudes
de sa correspondance (2). Là-dessus, la Civilta revint encore
une fois sur une controverse qui avait trouvé un écho dans
toute la presse d'Italie et de France et démontra qu'elle
n'avait pas rectifié, mais bien défendu ses informations (3).
Pendant que l'adversaire français de la Civilta se conten-
tait d'attaquer la revue et son correspondant, un Allemand
profitait de l'occasion pour s'en prendre avec violence à la
papauté et à l'Eglise entière. Il le fit dans les cinq articles
devenus fameux de I'Allgemetm: Zeitung (4), journal qui
paraissait alors à Augsbourg. Ces articles quelque peu modi-
fiés furent plus tard réunis en volume sous le nom de Janus.
Dans l'introduction mise en tète des articles, l'auteur
indique comment il peut établir que les vœux exprimés dans
la correspondance de la Civilta sont les vœux mêmes du
pape. Un correspondant de France annonce à cette revue ce
que la majorité des catholiques souhaite dans ce pays. Ce
qu'ils souhaitent n'est pas autre chose que ce que désirent les
rédacteurs de la Civilta // les jésuites de Rome, et le désir
de ceux-ci n'est autre que celui du pape. Nous savons ainsi
pourquoi le concile est convoqué.
« Le rideau qui nous dérobait les préparatifs du grand con-
cile œcuménique, les actes et les décisions qu'on médite, com-
mence enfin à se lever ! » Ainsi débute le premier article.
Suit l'extrait, que nous avons cité précédemment (5), des
vœux et des sentiments des catholiques français au sujet de
la promulgation du Syllabus, du dogme de l'infaillibilité pon-
(1) Ser. VII, vol. 6, p. 193 et suiv.
(2) Ibid. p. 597.
(3) Ibid. p. 595 et suiv.
(4) 10-15mars 1869. C. Y. 1167 b. sqq. Cecconi, 1. c.Doc. CXLVII.
(5) P. 200.
[175-176]
LES CINQ ARTICLES DE ,, L ALLGEMEIXE ZEITI'XG 20b
tificale, de l'Assomption de Marie, comme aussi de leur opi-
nion sur la courte durée du concile. L'auteur rappelle alors
le crédit dont jouit la Civilta Cattolica auprès de la curie
romaine. Puis il ajoute : « On n'exagère certainement pas en
supposant que les idées de la Civilta sur ces graves questions
aux conséquences considérables concordent avec celles du
chef suprême et des autres « tètes » de la cour de Rome...
En tout cas on ne peut guère désirer de source meilleure et
plus autorisée pour connaître ce qu'on attend là-bas du con-
cile. )>
« Xous apprenons donc que le synode est convoqué pour
contenter les intimes désirs des jésuites et de cette partie de
la curie qui se laisse mener par la Compagnie. Leurs vœux,
leur but sont, en premier lieu, de voir proclamer comme un
dogme celte opinion que tout pape est personnellement infail-
lible dans les actes de son magistère, déclarations et décisions
en matière de foi et de mœurs; ainsi s'établira un nouveau prin-
cipe d'une portée incalculable et pour les faits du passé et
pour ceux de l'avenir; ce principe, désormais intangible,
dominera les esprits, les contraindra à se soumettre sans
réserve à toute décision pontificale dans le domaine de la
religion, de la morale, de la politique, de la science sociale; car
il ne peut plus être question d'empiétement sur un domaine
étranger, de la part du pape infaillible, à qui. seul il appar-
tient de déterminer à son gré les limites de son magistère et
de sa puissance et cette détermination elle-même jouit du pri-
vilège de l'inerrance !
» Secondement on désire voir les articles du Syllabus définis
parle concile sous forme de décrets et d'affirmations doctri-
nales : chose facile quand l'infaillibilité personnelle du pape //
sera devenue la foi de toute l'Eglise. On enrichira ainsi le
dépôt d'un grand nombre de dogmes nouveaux inconnus, ou
même souvent répudiés par l'antiquité, et ce ne seront que les
premiers de la riche moisson réservée à l'avenir. Quand on
[176-177]
200 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
aura heureusement brisé le lien trop étroit qui enchaîne bien
des théologiens à l'ancienne tradition et à l'Eglise des six
premiers siècles, surmonté l'horreur pédantesque pour
les nouveautés, aboli le canon encore estimé ici ou là
qu'a formulé Vincent de Lerins quod semper, ubique, ab
omnibus, il sera parfaitement loisible à chaque pape, quelque
ignorant qu'il soit des matières théologiques d'user arbitrai-
rement de sa toute-puissance créatrice du dogme, d'ériger en
un instant en article de foi imposé à toute l'Eglise ses opi-
nions personnelles. Quiconque oserait alors déclarer que la
monnaie frappée au Vatican n'est pas de bon aloi serait dans
cette vie mis au ban de l'Eglise et dans l'autre éternelle-
ment damné ! Les conciles seront désormais superflus, les
évêques pourtant se réuniront encore à Rome pour rehausser
l'éclat des canonisations et des cérémonies pontificales, mais
pour les dogmes ils n'auront plus à s'en occuper : préten-
draient-ils ajouter leur confirmation aux décisions dictées
au pape par l'inspiration divine, ce serait vouloir renforcer
avec des lanternes la pleine lumière du soleil. La formule
definiens subscripsi que les Pères jadis mettaient au bas des
décisions conciliaires deviendrait un blasphème. Une fois
encore — ce sera la dernière — les évêques assemblés à Rome
doivent — suivant les désirs des « bons catholiques » c'est-
à-dire des pères de la Compagnie de Jésus — faire usage de
leur pouvoir de formuler les dogmes : cet usage consistera à
apposer le sceau conciliaire à un travail que, dans sa légitime
prévoyance, le P. Schrader, jésuite de Vienne, a livré tout
préparé à la curie (i). Il a tourné en affirmations positives les
formules négatives et les condamnations du Syllabus et nous
pouvons déjà sans peine faire connaître les plus importantes
décisions du concile. Comme l'assemblée doit durer trois
(1) Der Pctpst und die modernen Ideen : 2 Heft : Die Enzyklika vom 8 Deiem-
ber18G4 (Vienne 1865).
;i77i
LES CINQ ARTICLES DE ,, L ALLGEMEIXE ZEITUNG 207
semaines (pas plus que le concile de Chalcédoine) ' le 29 dé-
cembre 1869, le monde catholique romain se sera enrichi des
vérités suivantes, etc. »
Les articles témoignent chez leur auteur de connaissances
historiques peu communes, mais doctrines et faits sont
dénaturés pour être opposés avec malveillance auSyllabus, à
la croyance en l'Assomption de Marie et surtout à l'infailli-
bilité du pape. Plus tard, quand nous parlerons du livre de
Janus, nous nous étendrons davantage sur ses assertions.
Peu après l'apparition des articles, le nonce de Munich les
appréciait en ces termes (1) : « Je tiens pour impossible
d'imaginer un écrit plus impie, plus pervers, plus destruc-
teur. Toutes les attaques sont concentrées sur la doctrine de
l'infaillibilité pontificale. L'ironie, l'hypocrisie, la falsifica-
tion voulue des pensées, les artifices les plus subtils, l'étalage
de l'érudition historique, tout cela est mis en œuvre pour
faire rejeter cette doctrine romaine comme fausse et contra-
dictoire, pour la rendre exécrable aux yeux de tous, si c'est
possible. L'auteur n'a rien négligé de ce qui peut réveiller les
susceptibilités nationales, les préjugés haineux contre le pro-
chain concile. »
Le ton résolu, l'air de supériorité que sait se donner l'écri-
vain, l'ironie dont il assaisonne son exposition, les connais-
sances, dont il fait montre, l'art avec lequel il sait tout
dénaturer n'étaient en effet que trop propres à séduire des
lecteurs peu au courant des matières théologiques et à gagner
les esprits sans défiance. Le nonce était bientôt obligé de
mander au secrétaire d'Etat (2) que les cinq articles avaient
eu l'influence la plus funeste qu'on pût rêver. « Peu de
catholiques sont assez pervertis pour admettre toute cette
série de mensonges, de méchantes calomnies. Mais ils sont
(1) Dépêche au cardinal Antonelli du 17 mars 1869. Cecconi, l.c. Sec. I, p. 509
et suiv. (trad. tr. t. II p. 437).
(2) Dépêche du5 avril 18(39. Cecconi, l.c, p. 510 sq. (trad. fr., ibid.)
[178]
208 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
rares ceux qui n'y trouvent pas quelque chose à louer, chez
tous ils éveillent le soupçon. Dernièrement, plusieurs mem-
bres du Reichsrat se sont rendus chez leur collègue l'arche-
vêque, pour savoir si réellement les affaires du concile à
Rome procéderaient de la façon décrite dans les articles de
I'Ai/lgemeine Zeitung. Le roi lui même demanda au nonce
s'il était déjà décidé / qu'on ferait un dogme de l'infaillibilité
du souverain pontife. Rien n'est encore décidé, répondit le
nonce, et alors personne ne peut savoir ce que définira le
concile ni sur ce point, ni sur quelque autre sujet que ce
soit (i).
L'auteur des cinq articles était le prévôt I. von Dollinger,
qui dès lors apparaît comme l'âme du mouvement anticonci-
liaire en Allemagne.
Ignace von Dollinger, fils du célèbre plrysiologiste P. Dol-
linger, débuta à la Faculté de théologie de Munich comme
professeur d'histoire ecclésiastique, en 1826, à l'âge de
vingt-sept ans. Professeur de l'enseignement supérieur, écri-
vain, zélé défenseur des intérêts ecclésiastiques, il mérita
grandement de l'Eglise d'Allemagne, et s'acquit une réputa-
tion de savoir et de talent extraordinaires. « Depuis près de
vingt-cinq ans, écrivait Charles Werner, en 1866 (2), Ignace
von Dollinger passe pour un des théologiens les plus savants
de l'Allemagne catholique; sans conteste, c'est un des esprits
les plus distingués qu'ait produits l'Eglise catholique à notre
époque. » C'était bien le jugement que, vers le milieu du
XIX0 siècle, on portait en général sur Dollinger; il excitait
surtout l'enthousiasme de ses élèves qui se répandaient
ensuite par toute l'Allemagne. Beaucoup se voyaient revêtus
de hautes dignités ecclésiastiques ou s'illustraient eux-mêmes
comme professeurs ou comme écrivains.
(1) Dépêche du 8 mai 1869.
(2) Geschichte der katholischen Théologie seit dem Trientev Komil bis zur Gegen-
wart. (Mûnchen 1866), p, 470.
[178-179]
IGNACE VON DOLLINGER 209
Dôllinger méritait vraiment un renom de savant historien,
d'homme extraordinairement doué ; mais comme théologien
il a été bien surfait. Toujours il manque de clarté, de fermeté
sur les doctrines fondamentales de la théologie, en particulier
sur le magistère de l'Eglise (i) ; et ce fut là sans aucun doute
une des causes de la chute profonde qu'il fit plus tard.
Déjà dans le passé il avait fait concevoir à quelques per-
sonnes de son entourage (2) des doutes sur l'intégrité de sa
foi; à partir du début de 1860, ces soupçons se répandirent
parmi les catholiques. // Dans un discours qu'il fit en i863
au congrès scientifique de Munich, il énonça une proposition
bien surprenante : « C'est la théologie (historique), dit-il,
qui provoque et entretient dans l'opinion publique des
notions saines et justes en matière de religion; devant cette
opinion tous s'inclinent, même les chefs de l'Eglise et les
détenteurs de l'autorité. Au temps des Juifs, à côté du sacer-
doce régulièrement organisé, il y avait le prophétisme; de
même, dans l'Eglise, à côté du pouvoir ordinaire, il y a une
autorité extraordinaire : c'est l'opinion publique. Par elle, la
science théologique exerce l'influence qui lui revient et à
laquelle rien à la longue ne résiste (3). »
Les idées du savant sur le magistère sont si peu claires que
daus le même discours il pose les deux thèses contradictoires
et exalte l'autorité doctrinale de l'Eglise. « Il (le théologien
digne de son nom et de sa vocation), n'appelle pas liberté
le pouvoir de laisser errer à l'aventure son esprit sans
boussole ni gouvernail sur la mer immense des opinions et
des hypothèses, et de renoncer ainsi à la stabilité des con-
naissances, à la possibilité de convaincre les autres. Non, s'il
(1) Cf. E. Michael, S.J. Ignaz, v. Dôllinger Eine Charakterislik. (Innsbruck 1892),
p. 4 et 5
(2) Dès 1858, Jorg avait dit de Dôllinger : « Il ne lui manque pour être hérétique
que de donner plus de prise aux critiques. » (Erlebnisse des Bernhard Hitler von
Meyer, herausgeg. von dessen Sohn I. [1875], 315). Cf. Michael, 1. c. , p. 9.
(3) Michael, 1. c, p. 19.
[179-180)
210 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
se sent libre, c'est bien plutôt parce que, par un choix décisif,
déterminé par sa volonté et son jugement, il s'est abandonné
une fois pour toutes à la direction et à l'autorité doctrinale de
l'Eglise, qu'il a reconnue comme la gardienne des vérités du
salut, la maîtresse des nations voulue par Dieu et éclairée
par lui. Dans l'Eglise et par elle le savant devient libre (i). »
Cette déclaration, Dollinger l'a plus tard malheureusement
perdue de vue. Il a jeté par-dessus bord « boussole et gou-
vernail », il a dédaigné ce la direction », repoussé a l'autorité
doctrinale de l'Eglise ; il a tourné le dos à cette « gardienne
des vérités du salut voulue par Dieu et éclairée par lui ».
Ses propres paroles le jugent : il ne peut plus passer pour un
« théologien digne de son nom et de sa vocation ». Par
contre, il s'est efforcé de former une « opinion publique
devant laquelle tous dussent s'incliner, même les chefs de
l'Eglise et les détenteurs de l'autorité. » Il échoua et devint
un rebelle.
Au début, il ne se montra pas ouvertement hostile à
l'Eglise. Pourtant, dès 1867, parurent sans signature dans
I'Allgemeine Zeituxg et la Xeue Freie Presse plusieurs
articles // de polémique haineux contre l'Eglise et son orga-
nisation (2). Dollinger était bien trop haut placé dans l'opi-
nion publique pour qu'on le soupçonnât de les avoir écrits;
et même dans la suite, lorsque, après l'apparition de cinq
articles contre la Civilta, des indices certains le désignè-
rent, beaucoup tinrent pour impossible que ces articles sor-
tissent de sa plume. Pour ceux qui le connaissaient mieux,
la question fut vite résolue.
Ainsi Jorg (3) : « Lorsque les articles parurent coup sur
coup dans la première moitié de mars, écrit-il, et qu'ils
eurent été lus à Munich, la question du nom de l'auteur se
(1) MlCHAEI-, p. 20.
(2) Ibid., Le. p, 37 sq.
(3) Histor. polit. Bl.ktter, 1869, II, p. 328 et suiv.
[180-181]
L AUTEUR DES CINQ ARTICLES 211
posa sur toutes les lèvres. Pour celui qui écrit ces lignes, la
réponse ne fut pas longtemps douteuse. Déjà le style trahis-
sait l'homme; l'étendue des connaissances historiques ne per-
mettait d'en soupçonner qu'un seul. Mais, hien plus, dans
l'ardeur excessive de sa passion, l'auteur ne s'était pas
aperçu qu'à certains endroits il se trahissait plus clairement
qu'il ne l'eût fait en laissant dans son manuscrit sa carte de
visite. Xous avons déjà mentionné un de ces passages révé-
lateurs (i). 11 y avait encore l'allusion à Windischmann et à
sa croyance en la venue prochaine de l'Antéchrist, comme
aussi, d'une manière générale, l'antipathie de l'auteur pour la
doctrine de l'Antéchrist. Enfin il y avait les sorties mises
au compte d'un reporter anglais, mais, en réalité, venant de
l'auteur lui-même, contre Mgr Manning, archevêque de West-
minster, « qui s'est donné à la théorie de l'infaillibilité avec
le zèle ardent d'un converti », et contre le cardinal Cullen,
« tout romanisé » et imposé par Rome aux évèques irlan-
dais )).
» Munich voyait alors se dérouler un étrange spectacle.
Qu'on se figure un personnage siégeant parmi les hommes
de science, aspirant à pleins poumons les épais nuages d'en-
cens prodigués par ses amis satisfaits, et en môme temps
inquiet, s'enveloppant de mystère et nourrissant le vif désir
de rester inconnu au dehors. Aussi on eût dit qu'une sorte
de conspiration s'était formée pour couvrir d'un voile //
impénétrable aux yeux des profanes le nom d'un auteur que
sa propre audace avait effrayé. On faisait à dessein courir le
bruit qu'à Rome on avait reçu des lettres de l'écrivain
(protestant) Grégorovius avouant la paternité des articles
(1) L'auteur de l'article avait renvoyé à un manuscrit de la Bibliothèque Impé-
riale de Paris; sur quoi Jorg faisait cette remarque i « Ceci nous rappelle qu'à
notre connaissance aucun savant de Munich ne s'est livré à des études d'his-
toire ecclésiastique dans des manuscrits de Paris, à l'exception du prévôt von
Dollinger ». (L. c. p. 322, note.)
[181-182]
212 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
de I'Allgemeine Zeitung. En même temps dans les hautes
sphères, où l'on avait été également surpris, on désignait
comme auteur ce digne fruit de la nouvelle école de Munich :
le prêtre allemand cpii venait de se faire appeler par le Czar
à Pétershourg comme conseiller ecclésiastique ((catholique».
Les deux suppositions étaient évidemment absurdes, bien-
tôt, d'ailleurs, un fait se trouva acquis : un philosophe de
Munich, qui depuis bien des années se poussait en prêtant
ses bons offices aux basses œuvres des persécuteurs de
l'Eglise, avait expédié le manuscrit à la rédaction à Augs-
bourg et avait signé d'une double croix. »
La Donauzeitung somma plus tard l'auteur, qu'elle dési-
gnait sans détour comme étant le prévôt von Dôllinger,
de se présenter visière levée et de se nommer. Il n'y eut
aucune réponse. Il est aisé de deviner les raisons pour
lesquelles la presse catholique ne creusa pas le mystère;
ainsi le rédacteur du Literarische Handweizer inclinait-il
à attribuer ces articles, au membre du conseil ecclésias-
tique de Russie. « Qu'on ait pu rapprocher de ces articles
le nom de Dôllinger, dit Hulskamp, je ne puis le com-
prendre. Je suppose que leur malheureux auteur « n'habite
plus notre pays ». (i) Dans une lettre à son archevêque,
Dôllinger s'est donné plus tard comme l'auteur des Ré-
flexions, écrit adressé aux évoques, qui reproduisait la
substance des cinq articles et sur lequel nous reviendrons
plus tard. A notre connaissance, il n'a jamais avoué qu'il
eût écrit les articles eux-mêmes. Mais son silence obstiné,
alors qu'on mettait continuellement son nom en avant,
peut passer pour un aveu (2); aujourd'hui partisans et
(1) Literar. Handweiser du 22 juin 1869, 267.
(2) Pendant les troubles du concile, les anciens amis de Dôllinger l'engagèrent
à déclarer qu'il n'était pas l'auteur des articles, car l'agitation se couvrait de son
nom. « Tous vos partisans véritables et loyaux, écrit le 8 juillet 1861) Strehle,
conseiller ecclésiastique à Fribourg, attendent cette déclaration avec pleine
[182j
LA ,, CIVILTA " A-T-ELLE ENGAGÉ LA POLÉMIQUE? 21 3
adversaires s'accordent à lui en laisser la responsabilité ;
toutes les considérations (i)// qui avaient empêché d'admettre
que les articles fussent sortis de la plume du célèbre histo-
rien furent naturellement réduites à néant par son attitude
ultérieure.
Revenons à la correspondance française de la Civilta.
Sans aucun doute elle a notablement accentué le mouve-
ment hostile au concile. L'a-t-elle provoqué? Les adver-
saires du concile, nous l'avons dit, voudraient qu'on la con-
sidérât comme l'origine et la cause des troubles; ils cherchent
à faire retomber sur la Civilta tout l'odieux de ces discus-
sions. C'est surtout la thèse de Friedrich.
Son premier chapitre sur ce sujet a pour titre : La Curie
engage la polémique sur le concile (2). D'après lui, c'est à
dessein que la cour romaine provoqua le conflit. Le but
principal de la convocation étant la définition de l'infaillibi-
lité papale, et tout le synode n'étant qu'une série d'intrigues
pour y arriver, il fallait à tout prix que la curie pût alléguer
un motif de la proposer. « Elle avait besoin, ainsi s'exprime
Friedrich, qu'on attaquât la doctrine de l'infaillibilité ponti-
ficale, pour pouvoir dire qu'elle était contrainte d'en propo-
ser la définition. » Pour provoquer cette opposition elle fait
intervenir au cours des événements comme un purgatif
énergique (ein recht drastisches Mittel), le fameux article
de février de la Civilta (3). Friedrich dispose tout d'après
cette conception : il faut que le lecteur admette que les
discussions au sujet du concile n'ont commencé qu'en
février 1869.
confiance. Je vous en prie, d'un seul mot arrachez à ces gens leur arme la plus
puissante !» (Friedrich, Geschichte, etc., II, 61).
(1) Friedrich, biographe de Dbllinger, le représente simplement comme l'au-
teur de la lettre (Ignaz, von Dbïllinger,lll,ç. 478 et s). D'après Friedrich (1. c.
p. 486, etc.), Dollinger était très attentif à ue point se trahir sur ce point.
(2) Geschichte, etc., 11,3.
(3) Ihid.,p.6.
[182-183]
214 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
M. Emile Ollivier (i) observe avec raison que M81' Àlaret en
composant son ouvrage en 1868, « a été le premier agres-
seur ». Friedrich exécute sommairement l'ancien ministre
français : sa remarque n'est qu' « une boutade dont il ne faut
pas tenir compte (2) ». Quant aux écrits hostiles au concile
parus en Allemagne avant l'article de la Civilta, c'est à
peine si Friedrich les mentionne (3) à propos des troubles
conciliaires, et seulement après avoir bien mis en avant la
malheureuse correspondance, origine de toutes les contro-
verses. Naturellement, il ignore les violentes attaques contre
la doctrine de l'infaillibilité antérieures à février 1869, que
la curie n'avait pas eu besoin de provoquer.
Nous avons sous les yeux // une lettre du i5 janvier 1869,
du nonce de Munich, M-1 Meglia, au cardinal Antonelli (4) :
« Quelques-uns, écrit-il, redoutent que le concile ne définisse
de nouveaux dogmes et par là, ne restreigne le champ laissé
libre à la science. On craint surtout la définition de l'infailli-
bilité du pape. On entend parfois dire à de bons catholiques
qu'il serait peut-être préférable, par charité, de laisser cette
doctrine dans la phase où elle se trouve actuellement. Il y
en a qui craignent que cette définition ne devienne l'occasion
d'un schisme. » Le nonce devienne, Mgr Falcinetti, écrit éga-
lement le '25 janvier au secrétaire d'Etat (5) que le Neue
Freie Presse (Dollingcr?) attaque l'infaillibilité du pape et
suscite l'agitation anti-conciliaire. En Angleterre, la contro-
verse sur l'infaillibilité était menée très vivement dès 1868,
depuis que Page-Kenouf avait violemment attaqué cette
doctrine (6). En France, la même année, elle se trouvait
au premier plan delà discussion. Si la curie souhaitait des
(1) L'Eglise et l'Etat, etc., 1.405.
(2) Friedrich, 1. c. p. 7.
Cl) Ibid.,p. 20. Plus tard seulement (p. 285et suiv.) il entre dans les détails.
(4j La lettre est aux Ar-b.vjs.
(5) Idem.
(G) Cf. infra ch. XI.
[183-184]
HISTOIRE DE LA CORRESPONDANCE DE LA ,, CIVILTA " 215
débats encore plus animés, elle n'avait qu'à attendre l'appa-
rition de l'ouvrage de M" Maret, qui aurait été publié même
sans l'article de février de la Civilta.
Ces dates prouvent que Friedrich, apprécie mal le but de
cette correspondance; du reste son erreur est établie par
l'histoire même de l'article en question. Xous la rapportons
ici brièvement telle que nous l'a racontée à nous-même feu
le P. Cardella, jadis rédacteur à la Civilta et qui fut chargé
de la traduction et de l'impression de ce morceau. Xous nous
référerons en même temps à une série de documents qui
mettent hors du doute la véracité de son récit.
La rédaction de la Civilta avait décidé de publier sur le
concile des communications périodiques fournies par les
différents pays. Afin d'avoir des renseignements tout à fait
sûrs, le rédacteur en chef, le P. Piccirillo, se rendit chez le
cardinal Antonelli, secrétaire d'Etat ; il attira son atten-
tion sur l'utilité qu'il y aurait à être exactement informé
des mouvements d'opinion qui se produisaient alors dans la
chrétienté ; il lui communiqua le plan de la revue et le pria
de procurer partout, par l'intermédiaire des nonces, des
hommes de confiance à qui l'on pût demander des corres-
pondances périodiques. Le cardinal répondit qu'il avait déjà,
de son coté, médité un pareil projet et qu'il ferait droit à la
requête.
Au commencement de décembre 1868, il envoya donc une
circulaire // aux nonces (1) : Pour l'heureux succès du futur
synode, disait-il, il serait avantageux que des différentes
capitales on envoyât à Rome des informations périodiques
sur le concile ; ces renseignements fourniraient aux commis-
sions préparatoires une connaissance exacte, aussi complète
que possible, des mouvements politiques et religieux provo-
qués par l'attente de la grande assemblée; en second lieu, ils
(1) Voir la circulaire, C. V. 1146 c. sq. Cecgoni, 1. c. Sez. II, Doc. CXXXV.
[184.185]
216 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
serviraient à maintenir toujours vive cette attente dans tous
les pays, donnant une publicité convenable aux opinions,
écrits ou actes relatifs à cet événement extraordinaire. Il
priait donc les nonces de choisir des hommes en état de
rendre ce service et dignes de confiance, cpii réuniraient des
notes sur les points indiqués dans une feuille jointe à la
circulaire (i) ; les nonces les transmettraient à la curie tous
les quinze jours. Les points indiqués étaient les suivants :
i° attitude des gouvernements à l'égard du concile; 2° actes
épiscopaux : 3° disposition du peuple, ses espérances et ses
craintes; 4 attitude des non- catholiques; 5° opinions de la
presse ; 6" livres et écrits sur le concile; 70 vœux et besoins
du pays. Bientôt arrivèrent de partout les rapports réclamés.
Ceux-là seuls nous intéressent qui ont trait à la correspon-
dance française de la Civilta.
Le nonce apostolique de Paris, Mgr Flavio Chigi, obtint
le concours de quatre ecclésiastiques de la capitale. Dans sa
lettre au cardinal Antonelli, le 8 janvier 1869, il les présente
comme des hommes de talent, de science, de saine doctrine,
sur la parole desquels on peut compter (2). Le 12 janvier, il
pouvait déjà envoyer deux des correspondances (3). Le
cardinal Antonelli les remit à la Civilta, sans dire comment
il avait obtenu ces informations. A la Civilta, on croyait que
les auteurs écrivaient pour la revue, et comme le prochain
numéro allait bientôt paraître, on se bâta de traduire en
italien le second mémoire et les renseignements donnés par
le premier sur la presse : l'article sans modification essen-
tielle fut présenté aux lecteurs comme une correspondance
de France //. Voilà toute l'histoire de la célèbre correspon-
dance de la Civilta du 6 février 1869.
(1) Voir cette feuille, C. V. 1147 a, b. Ceccoxi, 1. c.
(2) Voir cette lettre du nonce, C. V. 1147 b sqq. Ceccoxi, 1. c. Doc. CXXXVI.
(3) Voir la lettre du nonce, C. V. 1147 d, sqq. Ceccoxi, 1. c. Doc. CXXXVII,
(4) Voir les correspondances C. V. 1148 c sqq., 1153 b sqq. Ceccoxi, 1. c.Doc.
CXXXVI1I, CXXX1X.
[185-186]
HISTOIRE DE LA CORRESPONDANCE DE LA ,, CIVILTA 21 7
On remarquera, en passant, l'inanité de la première accu-
sation portée contre la Civilta : à savoir, qu'elle s'était fait
adresser de France une correspondance conforme à ses
désirs ; les ecclésiastiques qui l'écrivirent étaient inconnus à
la revue; ils n'avaient pas été désignés par elle, mais par le
nonce; de plus, la circulaire du cardinal Antonelli ne parle pas
de doctrines dont la définition pourrait être indiquée comme
un vœu du peuple chrétien, elle ne demande des informations
que sur les souhaits réellement formés dans les divers pays.
Si le correspondant du nonce a prêté à ses compatriotes des
désirs qu'ils n'avaient pas, la responsabilité en retombe sur
lui seul.
L'exactitude du récit du P. Cardella est établie jusqu'à
l'évidence par les documents. On possède la circulaire du
cardinal Antonelli, la liste des points sur lesquels il deman-
dait des informations, la réponse du nonce de Paris sur le
choix des correspondants, sa lettre accompagnant l'envoi des
correspondances, les deux correspondances elles-mêmes,
enfin l'article de la Civilta. Friedrich connaissait ces pièces
et toute l'histoire de l'article; — Cecconi les avait déjà
publiés (i) ; — pourtant, après les avoir lus, il écrit encore :
« Xous n'avons rien à rectifier dans notre précédent exposé
des événements de janvier et de février 1869; au contraire,
les nouveaux renseignements de Cecconi ne font que le
confirmer, le compléter même sur quelques points et le
rendre plus clair (2). »
Pour en finir avec cette histoire, notons que les rapporteurs
français furent mécontents de la publication de leurs
mémoires ; ils s'en plaignirent au nonce. Travailler non pour
le Saint-Siège, mais pour une revue, n'était pas la mission
importante et honorable qu'ils avaient cru accepter. Le
cardinal Antonelli fit à bon droit observer à Mgl Chigi qu'en
(1) L. c. Sect. 1, p. 411 sq.
(2) Geschichte, etc., II, p. 16.
im
218 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
demandant ces informations il s'était, entre antres choses,
proposé de les publier, afin de rendre plus vive l'attente du
concile. De fait, dans la circulaire du secrétaire d'Etat (i),
ce dessein avait été expressément indiqué.
(1) C. V. 1162 d. sqq. Cecgoni, 1. c, sect. I, Doc. CXLI.
(2) C. V. 1163c. d. Gkccom, 1. c, Doc. CXLTV.
[1861
CHAPITRE IV.
Suite de la polémique en Allemagne.
En Allemagne s'ouvrait une période d'extrême agitation.
Les innombrables écrits et articles de journaux qui inon-
dèrent le pays en étaient tout à la fois l'indice et l'aliment.
Le trouble des esprits fut tel cpie bien des catholiques, même
instruits et sages, y perdirent la claire vue des choses.
L'auteur des cinq articles de I'Allgemeine Zeitung,
Dollinger, les refondit dans un livre qu'il publia sous le
pseudonyme de Janus (i). Il parut à la fin d'août. La préface
nous renseigne sur l'esprit et le but de l'ouvrage. Il prétend
bien a être plus qu'un simple et pacifique exposé des événe-
ments historiques;... il est encore un acte de légitime
défense, un appel aux chrétiens qui réfléchissent, une protes-
tation fondée sur l'histoire contre un avenir menaçant,
contre le programme d'une puissante coalition, / programme
tantôt annoncé ouvertement, tantôt discrètement insinué, à
la réalisation duquel mille mains affairées s'emploient tous
(1) Der Papst und das Konul von Janus. Eine weiter ausgefùhrte und mit dem
Quellennachweis verseheneNeubearbeitung der in der Augsb. Allgemeine Zei-
tung erschiedenen Artikel : Das Konzil und die Civiltà. Leipzig 1869. D'après
Friedrich (Ignaz, von Dollinger, III, p. 484), ce fut J. Huber qui prit l'initiative de
réunir les articles en un seul ouvrage ; il commença le travail, Dollinger
l'acheva. Sur les modifications faites, cf. Hergenrother,/! n<!-./anus, p. 10, etc.
[187]
220 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
les jours et à toute heure (i). » L'auteur, ou les auteurs (2),
voient un grand danger menacer et l'Eglise qu'elle atteint
dans ses organes les plus intimes, et les sectes dissidentes,
et les nations elles-mêmes. Le péril n'est pas d'hier. « Il y a
vingt-quatre ans environ qu'a commencé à se faire sentir
dans l'Église catholique un mouvement de recul, actuelle-
ment devenu un puissant courant; aujourd'hui, comme un
flot qui monte, il se prépare à envahir, grâce au concile,
l'Eglise entière et tout ce qu'elle a de forces vitales (3). »
Sur l'Eglise catholique et sa mission, Janus professe la
théorie dite libérale, « qui comme telle est complètement
discréditée auprès de tous les obstinés partisans de la cour
de Rome et des jésuites, deux puissances aujourd'hui intime-
ment unies». «Xous sommes en communauté d'idées d'abord
avec ceux qui sont convaincus que l'Eglise catholique ne doit
pas prendre une attitude hostile a l'égard des principes de
liberté et de l'autonomie politique, intellectuelle et reli-
gieuse, tant qu'ils sont entendus dans le sens chrétien, puisés
même dans l'esprit et la lettre de l'Evangile ; elle doit y sous-
crire positivement et contribuer à les faire entrer définiti-
vement dans la pratique, en les purifiant et les ennoblissant.
Nous partageons en second lieu l'opinion de ceux qui tien-
nent pour nécessaire, inévitable, une grande et profonde
réforme de l'Eglise, encore qu'il faille y procéder avec les
délais voulus (4) »
« Quiconque considère dans leur enchaînement intime les
vicissitudes de l'Eglise est nécessairement amené à recon-
naître qu'à partir du XIe siècle, il n'y a plus dans toute
(1) P. Illets.
(2) P. IV. Il fut dit que Dollinger avait l'ourni la matière et que Silbernagl et
Huber s'étaient chargés de la rédaction. Cependant Silbernagl récusa bientôt
dan» une déclaration publique toute participation à la composition de
l'ouvrage.
(3) P. IV.
(4) P. V.
[188]
LA PREFACE DE ,, JANUS 221
son histoire une seule époque sur laquelle le regard du
savant catholique puisse s'arrêter avec pleine satisfaction;
e1 s'il s'efforce de scruter dans le jeu complexe de ses causes,
la décadence évidente, toujours plus profonde // et plus
universelle de la vie de l'Eglise, toujours il est conduit à en
trouver la raison principale dans la déviation et la déforma-
tion de l'autorité suprême. La primauté de Rome est assuré-
ment une des forces du catholicisme, mais, par contre, à qui
considère l'ancienne Eglise depuis les temps apostoliques
jusque vers 845, la papauté telle qu'elle est devenue apparaît
sans conteste comme une tumeur qui la défigure et la fait
étouffer, qui absorbe le meilleur de ces forces, l'épuisetetne lui
rend en échange que de nombreuses infirmités. Aussi, devant
les préparatifs faits depuis plusieurs années déjà pour par-
faire le système qui est la source de tout le mal et lui donner
dans le dogme de l'infaillibilité .un rempart inexpugnable,
c'est un devoir pour quiconque veut le bien de l'Eglise, de
la société dont elle est une partie vitale, d'essayer dans la
mesure de ses connaissances et de son pouvoir s'il n'y aurait
pas encore quelque moyen d'empêcher une catastrophe aussi
néfaste (i). »
<c Qu'en ce moment s'éveille et se manifeste en Europe ou
même simplement .en Allemagne un mouvement d'opinion
puissant, unanime, parmi les hommes professant une foi
positivç, opposés cependant au succès de l'ultramoiitanisme,
alors, malgré les sombres pressentiments que suggèrent les
paroles des évêques de Mayence, de Saint-Polten et de
Marines, le danger sera encore une fois heureusement con-
juré. Ce livre est un effort pour essayer de susciter,
d'orienter l'opinion. Ce ne sera peut-être qu'une pierre jetée
dans l'eau, qui en ridera un instant la surface, bientôt rendue
à son calme; mais qui sait si, au contraire, notre ouvrage ne
(1) P. VIII s.
[188-189]
S22 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN"
sera pas le filet qui, plongé dans la rivière, rapporte un riche
butin (i)? »
Le but principal de Janus, — ce sera toujours celui de tous
les écrits et de toutes les agitations semblables, — est clai-
rement exprimé dans ces dernières paroles : Il s'agit de
susciter dans l'Eglise un courant d'opinion contre les
doctrines que redoute le libéralisme, en particulier contre
l'infaillibilité du paj)e, regardée par l'auteur comme la clef
de voûte d'un système doctrinal ruineux pour l'Eglise.
La masse des catholiques // en Europe ou tout au moins en
Allemagne doit être soulevée contre ces doctrines ; dressée
devant le concile avec des menaces de révolte et de schisme,
elle le contraindra alors à prendre les décisions qu'elle
désire. Le voilà donc ce parti, qui montrait tant de sollici-
tude pour la garantie de la liberté conciliaire, qui dans les
mesures et les règlements les plus sages n'a jamais voulu voir
que d'injustes entraves, le voilà qui avoue et poursuit
ouvertement le dessein d'entraîner l'assemblée en soulevant
l'élément laïque contre le magistère établi par Dieu : par
cette attitude menaçante il entend empêcher la définition
des dogmes qui lui déplaisent.
Un publiciste distingué appréciant les cinq articles avait
déjà caractérisé l'esprit du libelle : « Tout ce travail, disait-
il, dénote une virulente colère, les bouillonnements d'une rage
qui ne laisse à l'auteur aucun moment de tranquillité ; aussi,
malgré l'incontestable maîtrise du métier d'écrivain qu'il
témoigne, y manque-t-il l'ordonnance progressive des déve-
loppements; pensées, citations se succèdent au hasard comme
ils tombaient sous la main, se répétant ou s'enchevétrant les
uns aux autres. Les faits historiques sont allégués en foule ;
mais tous sont tournés en griefs, sur tous l'auteur distille son
venin. De la première ligne à la dernière, les limites de la
(l) P. XVllIs.
[iS'.i-190J
LA POLEMIQUE EN ALLEMAGNE ,, .TAXUS 223
probité intellectuelle dans la discussion sont outrageusement
violées par une passion qui va jusqu'à l'inhumanité (i) » !
Au sujet de la Civilta, Janus répète les accusations que
nous connaissons, il s'en prend au dessein attribué par lui à
la cour romaine de transformer en thèses positives qu'on
ferait définir en bloc les condamnations du Syllabus (2). Ce
dessein est indéniable — à son avis — puisque de France un
correspondant de la Civilta l'a présenté comme le vœu de
nombreux catholiques français ! Un simple coup d'œil sur les
travaux dont s'occupaient à Rome les commissions chargées
de préparer les schémas auraient pu convaincre l'auteur
qu'on n'y songeait pas le moins du inonde à recourir à une
procédure aussi sommaire. Mais ce souhait des catholiques
français // présenté contre le plan des personnalités les plus
influentes au concile, donnait à Janus la meilleure occasion
de provoquer l'agitation anticonciliaire et d'utiliser pour la
lutte toute la haine dont l'esprit moderne poursuit le Syllabus.
Aussi insiste-t-il avec prédilection sur certains articles de
documents spécialement odieux à nos contemporains : par
exemple sur celui qui affirme le droit qu'a l'Eglise de recourir
à la contrainte extérieure. Il s'étend là-dessus et conclut :
« On est donc dans une grande illusion si l'on croit au
triomphe dans le catholicisme de l'esprit de l'Ecriture et du
christianisme primitif sur la conception médiévale qui fait
de l'Eglise un bagne muni de cachots, de gibets et de bûchers.
Tout au contraire, cette vieille idée va être à nouveau sanc-
tionnée et cela par l'autorité d'un concile œcuménique ; la
théorie chère aux papes qui, grâce à l'excommunication et à
ses suites, leur permet d'obliger les princes et les gouverne-
ments à exécuter les sentences de confiscation, d'emprisonne-
ment ou de mort de la cour romaine, va devenir un dogme
(1) Historiscii. POLIT. Bl.etter 186!», Il, 31<).
(2) P. 175etsqq.
(3) P. 8-37.
[100-191]
224 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
infaillible. Pour être conséquent, il faudrait non seulement
justifier l'antique institution de l'Inquisition, mais la recom-
mander comme un remède urgent contre l'incrédulité con-
temporaine ! )>
Le Syllabus ne dit point tout cela : il se borne à opposer
aux erreurs modernes la vérité [fort ancienne de l'existence
du pouvoir eôercitif dans l'Eglise. Janus la présente sous un
jour tel que la seule pensée de sa définition possible par le
concile devait faire frémir les liommes du XIXe siècle. Eh!
sans doute l'Eglise ne peut pas renier le principe qui lui assure
le droit de coercition extérieure, elle le maintient; mais dans
l'application, elle tient compte des circonstances : malgré leur
incrédulité nos contemporains n'ont rien à craindre de ces
fantômes de cachots, de gibets et de bûchers évoqués par
Janus pour les besoins de l'agitation anticonciliaire.
L'auteur continue ses excitations violentes. La réprobation
de la paix de Westphalie par la bulle d'Innocent X, Zelus
domus Dei, du 20 novembre 1648, est présentée comme dictée
par l'intolérance pontificale. Or, il est connu de tous, et cer-
tainement Janus savait, que ce traité établissait le principe
barbare : Cujus regio, ejus relig-io, que l'Eglise ne put jamais
reconnaître // et qui de nos j ours est universellement réprouvé.
Mais il n'était question que de tromper ses lecteurs. « Les
dispositions du traité de Westphalie garantissant aux protes-
tants le libre exercice de leur religion et l'admission aux
charges avaient tout spécialement rempli le pape, il le dit
lui-même, d'une profonde douleur (cuin intimo doloris sensu).
La réprobation initiale a été maintenue ; car, en 1789 encore,
Pie VI déclarait dans sa lettre aux archevêques d'Allemagne :
« Pacem Westphalicatn Ecclesia niinquam probavit —
l'Eglise n'a jamais approuvé cette paix. » (2) Ainsi s'exprime
(1) L.c, p. 13.
(2) L. c, p. 34.
[191-192J
LA POLEMIQUE EX ALLEMAGNE — ,, JANUS 22o
Jaims. Jôrg répondit (i) : « Nous avons sous les yeux le texte
de la bulle d'Innocent X du 20 novembre 1648, et nous sommes
étonnés de la voir ainsi faussée et mutilée. Il n'est pas vrai
que le pape manifeste sa profonde douleur « tout spéciale-
ment » à propos des clauses citées : il la fait expressément
porter sur l'acte tout entier. Il énumère toutes les spolia-
tions et les injustices dont l'Eglise a été victime en Allemagne,
et se plaint « spécialement » de la part du lion faite aux héré-
tiques par la fixation de la nouvelle année normale. C'est à
cela que se rapportent les paroles citées plus haut par l'auteur,
comme le prouve l'incise in plerisque locis que l'auteur a
omise prudemment. Prudemment aussi, il supprime l'autre
moitié de la phrase ; la bulle dit que par les clauses en ques-
tion les protestants sont admis ad nonnullos archiepiscopa-
tus, episcopatus aliasque djgnitatés et bénéficia ecclesiastica.
Enfin, le pape note que le traité contient « encore beaucoup
de choses qu'il a honte de répéter. » Ajoutons que les bases
de la convention sont, sans aucun doute possible, le fameux
cujus regio, ejus religio, cet « axiome essentiel à la vie politi-
que » de l'époque; seule alors Rome refusait de le reconnaître,
maintenant tout le monde civilisé — dans lequel bien entendu
nous ne comptons pas le gouvernement russe — est unanime
à le rejeter.
Janus ne fait qu'une allusion rapide à la « légende » de
l'Assomption de la Vierge (2), pour se dédommager dans la
troisième partie sur la doctrine de l'infaillibilité papale, à
laquelle est consacré presque tout le livre (3).
Tout d'abord, il indique les défenseurs de cette doctrine :
ce sont les « ultramontains ». « Saint Jérôme, écrit-il, //
objectait jadis aux Pélagiens, que d'après leur système Dieu
aurait pour ainsi dire monté une fois pour toutes l'horloge
(1) HlSTORISCH. polit. Bl.etter, 1. c, p. 321.
(2) P. 37-39.
(3) I,. c. pp. 40-446.
|192-193]
22G HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
humaine, et puis se serait couché, n'ayant plus rien à faire.
La théorie des jésuites fait pendant à celle de Pelage. Dieu
s'est couché, car à sa place règne son vicaire sur la terre,
toujours éveillé et infaillible, chargé de gouverner le monde,
de distribuer grâces et châtiments. La parole de saint Paul :
« En lui nous vivons, nous nous mouvons, et nous existons, »
s'applique au pape (i). Janus ne voit pas que les défenseurs
de l'infaillibilité la font consister précisément dans l'assis-
tance constante par laquelle Dieu préserve le pontife de toute
erreur dans les jugements qu'il porte comme chef de l'Eglise.
Janus cherche à discréditer Rome et son clergé. On croit
entendre Charles Hase, quand on lit : « La loterie du gouver-
nement romain, organisée officiellement par des prêtres, pro-
voque-t-elle la passion du jeu et la ruine de familles entières,
aussitôt la Civilta écrit une apologie de la loterie, interdite
pourtant sous peine d'excommunication par Alexandre VII
et Benoit XIII. Voit-on à Rome sur la place publique des
ecclésiastiques (les preti dipiazza) attendant qu'on les engage
pour une messe : aux yeux des « romanistes » la chose est
aussi peu choquante que la vente des indulgences sur les-
quelles, à la suite des curiosités et autres charmes de la ville,
les guides ont soin d'attirer l'attention de l'étranger. Le
voyageur trouvera à tout le moins excusable qu'on exploite
là-bas autant que possible les ressources financières qu'of-
frent les dispenses et les indulgences, que, par exemple, on y
vende pour un escudo la concession de l'autel privilégié, don-
nant ainsi un aliment à la plus grossière superstition au sujet
de la délivrance des âmes du purgatoire, qu'on accorde aux
riches, moyennant de fortes taxes, certaines dispenses de
mariage qu'on refuse aux indigents ; qu'on essaie d'attirer
à Rome, comme cela est arrivé il n'y a pas longtemps pour
un pays allemand, contre le texte formel du concordat, cer-
(1) P. 41 et 5.
[ll»31
LA POLEMIQUE EN ALLEMAGNE — ,, JANUS '227
taine catégorie de causes matrimoniales et d'obliger ainsi
des étrangers à soutenir au loin des procès coûteux ; ce
nouvel empiétement parut pourtant trop fort aux évêques de
la région: ils adressèrent à la curie de sérieuses représen-
tations : les prétentions furent retirées et la chose en resta
là (i). » Ainsi un haut dignitaire catholique, professeur
d'histoire ecclésiastique, prenait le ton d'un pamphlétaire
haineux, et il assurait qu'il n'écrivait pas pour attiser les
colères, pour exciter un soulèvement contre l'autorité
suprême, mais par sollicitude pour l'Eglise, afin de lui épar-
gner le grand malheur qui la menaçait.
Contre la thèse même de l'infaillibilité pontificale, Janus
objecte d'abord les conséquences qu'il décrit à peu près
comme nous l'avons vu faire dans les articles de I'Allge-
meine Zeitung (2), puis il passe à la réfutation directe. C'est
une quantité énorme de faits et de témoignages qu'il accu-
mule, mais il les fausse ou les interprète d'une façon inexacte :
nous ne pouvons entrer dans le détail et nous renvoyons à
ï'Anti- Janus, dont nous citerons seulement l'appréciation
finale (3) : Dans cet amas de faits historiques arbitrairement
groupés, souvent en dépit de la chronologie, dans ces conclu-
sions fantaisistes où parfois la logique est terriblement mal-
menée, on cherchera en vain un calme exposé des événe-
ments. Le lecteur n'y trouvera ni un récit suivi ni un exposé
systématique complet, permettant de porter un jugement
personnel ; il n'a devant lui qu'un ragoût d'ingrédients divers
choisis par l'esprit de parti, qu'avec la plus insigne préten-
tion on lui présente comme le mets le plus savoureux, le
mieux réussi... il y trouvera du goût à la condition de le
dévorer dans le même esprit de parti qui a inspiré ses
auteurs. Comme historien, Janus est de l'espèce dont parlait
(i) L. c, p. 46 et sq.
(2) P. 177.
(3) P. 173 etsq.
[193-194]
(i) Dollinger, lrrtum,Zweifel, Wahrheit. Eine Rede (Munich, 1845) p. 33.
(2) P. 178 et suiv. Les références suivantes sont tirées du même ouvrage.
(3) C. 9, § 4, n. 4. Ep. ad. Clem. XIII.
(4) G. 3,§ 2, n.l;c.5,§ 3, n. 7;c.7, § 7, n. 6; §8, n.7; c. 9, § 7 et suiv.
(5) C. ,§8, n. 7,y;c.4, §7, n. 1.
(6) G. 5, §3, n. 4;§ 6, n. 4; c.8, §7, n. 9;c.9, §9.
(7) G. 3, §1 et suiv.
[194-195]
228 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
un véritable maître en cette science (i), gens « qui embrouil-
lent le souvenir du passé et flattent le démon de l'envie tou-
jours aux aguets dans le cœur de l'homme en cherchant aux
actions les plus nobles des motifs inavouables ou des raisons
mesquines et dont la grande joie est de ravager le domaine
de l'histoire ecclésiastique, en altérant arbitrairement les
faits ou en s'attardant avec complaisance à décrire tout ce
qui peut s'y rencontrer d'impur ou d'humain. » Alors même
que tous les lecteurs ne // s'apercevraient pas tout d'abord que
Janus s'est donné vis-à-vis de la vérité des libertés autrement
graves que celles qu'il prête à l'Eglise romaine, tous, dirons-
nous avec le même écrivain, « guidés par leur sens moral et
cet instinct de la vérité que développe la culture intellec-
tuelle, refuseront leur foi et leur confiance à de tels histo-
riens, tous sauront démasquer ces tendances malhonnêtes
et souvent deviner ou du moins pressentir la vérité au tra-
vers des nuages savamment amoncelées pour la dissimuler. »
L'auteur de YAnti-Janus trouve (2) les idées fondamen-
tales de Janus déjà exploitées dans leur ensemble « par
Richer, Sarpi, Launoy, par les Gallicans et les Jansénistes,
tous passés maîtres dans l'art de combattre la cour de Rome,
et, mieux que par tous les autres, par Justin Febronius,
c'est-à-dire J. -Nicolas de Hontheim : Mêmes plaintes sur les
abus de la monarchie romaine (3) et du pouvoir pontifical (4);
même haine contre les ordres religieux (5), même prédilec-
tion pour les écrivains hostiles aux papes (6), même aversion
pour les canonistes et les juristes, même manière de voir sur
l'influence des décrétâtes pseudo-isidoriennes (7), même ten-
L AXTI-.TAXUS 229
dance à exciter contre le pape les princes et les évêques (i),
et môme dessein de réformer la constitution de l'Eglise dans
le sens du « pur système épiscopalien », selon les décrets de
Constance et de Bâle, auxquels on suppose aussi une valeur
incontestable (2). Janus n'a pas même réussi à faire dispa-
raître la contradiction intrinsèque aii système fébronien, qui
après avoir si fort exalté les évêques, en fait les simples
témoins de la foi de leurs communautés (3).
L'ouvrage que nous venons de citer est la principale réfu-
tation du pamphlétaire (4)- Son auteur, le futur cardinal
Hergenrother, égale son adversaire en érudition historique,
mais le dépasse de beaucoup par ses connaissances dogma-
tiques et canoniques; dans une langue sobre, il démasque
d'une façon péremptoire les inexactitudes des récits et les
sophismes de la théologie de Janus. Quand les Historisch-
politische Bl.etter (5) exposent leurs raisons de croire que
Dollinger est l'auteur du Janus, Hergenrother, élève de Dôl-
linger, ne peut le croire (6) : <c Malgré le poids des raisons
extrinsèques , le fond des articles m'empêche d'admettre
l'attribution que propose la revue. Ce serait faire injure à un
savant illustre que d'en faire l'auteur d'un fàetum, si super-
ficiel, si ouvertement tendancieux, et de supposer qu'il a voulu
désavouer aujourd'hui sous le couvert de l'anonymat des
idées et des convictions qu'il a jadis défendues sous son
propre nom. Un tel soupçon m'est moralement impossible.
(1) Voir les discours « ad renés et principes, ad episcopos ». Dans les plaintes
contre Alexandre V, Martin V et Eugène IV. accusés d'avoir simplifié ou éludé la
réforme de l'Eglise, Janus est d'accord (pp. 320, 330, 338) avec Febronius (c. 6,
§20, n. 2, 3). Voir, par contre, Zaccaria, Anti- Febronius I, LXXXVI et s.
(2) C. 6,§ l,n.2;§15, n.3.
(3) G. 6, § 8, n. 12.
(4) Anti-Janus, eine Historisch-theologische Krilik derSchrtft: « Der Papst und
das Komil, von Janus », parle D'J. Hergenrother, professeur.titulaire de droit
canon et d'histoire ecclésiastique à l'université de Wiirbourg, Fribourg-en-Bris-
gau(1870).
(5) 1869 II, p. 316 et suiv. Cf. supra p. 211.
(6) P. 8.
i5
,195-196]
230 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Son silence dans la presse vient évidemment de ce qu'il a
jugé au-dessous de sa dignité de repousser une pareille accu-
sation. »
Une réfutation moins considérable, mais très solide, fut
publiée par le Dr Scheeben, professeur au grand séminaire
de Cologne (i). L'oratorien Keogli (2) en Angleterre, et en
Irlande Robertson (3), professeur à l'université catholique
de Dublin, écrivirent aussi contre Janus.
Lie D1 Jean Huber (4) répondit à YAnti-Janus de Hergen-
rother. De plus, J. Frohschammer, prêtre déjà révolté contre
l'autorité, et depuis séparé de l'Eglise jusqu'à la complète
apostasie, entra en lice après l'apparition du Janus (5). Natu-
rellement il salua le libelle avec joie, mais il en fit une excel-
lente critique eu indiquant les inconséquences de l'auteur et
en montrant qu'en vertu de ses principes, Janus devait aller
plus loin, et nier non seulement l'infaillibilité du pape, mais
aussi celle de l'Eglise, par suite se séparer d'elle et aban-
donner la foi chrétienne. A la même classe d'écrits appartien-
nent les brochures de Lianno (6), qui ouvertement exhortent à
se séparer du Saint-Siège.
(1) Der Papst und das Kon&il, von Janus. Charakterixtik und Wurdigung, par
le Dr M. Jos. Scheebex. Mayence 18(59.
(2) A few spécimens of « scientifihistory » from Janus, par Edw. Stephan Keogh,
prêtre de l'Oratoire. Londres, 1870.
(3) Anlijanus, with an introduction giving a historij of Gallicanism. Dublin, 1870.
(4) Das Papsttum und der Staat. Wider den Anli-Janus, par le Dr Jean Huber.
(Premier fascicule des « Stimnien ans der kathol. Kirche iiber die Kirchenfragen
der Gegenwart) » . Munich, 1869.
(5) Vur Wurdigung der Unfehlbarkeit des Papstes und der Kirche. Par J. Froh-
schammer. Zugleich zur Beurteilung der Schrift « Der Papst tind das Konul von
Janus ». Munich, 1869. Plus tard parut : Die politische Bedeutung der Unfehlbarkeit
des Papstes und der Kirche. Par J. Frohschammbr. Neue Unlersuchungen zur Wur-
digung der Unfehlbarkeit des Papstes und der Kirche. Munich, 1869.
(6) Die Kirche Gottes und die Bischofe. Denkschrift mit Rùcksicht auf das ange-
kùndigte allgemeine Kon&ilium zur Klarung der religiosen Lebensfrage.Par Heinrich
St. A. v. Lianno. Munich, 1869. Dogma und Schulmeinung, par le même, ibid. —
« L'auteur... est, d'après la Salurday Reoiew, revue protestante libérale de
Londres, n° du 3 juillet, « un Espagnol de noble origine qui s'est établi en
Allemagne », « un profond penseur », cela va de soi, puisqu'il attaque l'ultra-
montanisme; ce n'est pas un catholique ordinaire, un simple bon catholique,
1 197J
ARTICLES DE L ALLGEMEINE ZEITUNG 231
Cependant les collaborateurs de I'Allgemeine Zeitung,
hostiles au concile, n'étaient pas, eux non plus, restes inac-
tifs. Signés de cette même double croix qui avait dissimulé
l'auteur îles cinq fameux articles, quelques autres avaient
paru, plus étendus, conçus dans le même esprit, mais moins
historiques que les premiers. Leur but était de louer la cir-
culaire du prince de Holienlolic, de faire planer sur les noms
les plus marquants des commissions préparatoires du con-
cile un soupçon d' « incapacité scientifique », de faire
craindre la dénonciation du concordat bavarois et enfin de
reprocher à la presse catholique d' « être servie par des
hommes sans culture historique, politique, ni théologique
et dont, par suite (!), le principal cauchemar était l'existence
de l'Etat moderne. La matière de ces correspondances offi-
cieuses était sans doute fournie par l'auteur des cinq
articles (i).
Pour résumer et couronner dignement toute cette cam-
pagne, un des articles ultérieurs de I'Allgemeine Zeitung //
conclut : A l'heure actuelle, un concile œcuménique est une
impossibilité, car ses membres manqueraient des qualités les
plus indispensables, à savoir : un jugement indépendant et
une suffisante culture scientifique. Le rédacteur s'attribue
donc à lui-même l'autorité suprême dans l'Eglise et, comme
il suppose que la très grande majorité des évêques de l'uni-
vers entier pense autrement que lui, il déclare qu'ils ne sont
absolument bons à rien, qu'en particulier ils ne sont pas
aptes à former un concile. La raison de cette infériorité de
il est «connu comme un homme de vie pure et . austère,extrêmement adonné à la
prière et au jeune, un partisan -de saint Augustin, un admirateur de Port-Royal,
un ami du célèbre Thiersch (un disciple d'Irving),dont l'ouvrage sur les temps
apostoliques est bien connu d'un grand nombre de nos lecteurs, etc. » (Das
Ùkumenische Konùl. Stewmen aus Maria-Laach. Nout. série, fasc. V (1869, 106 et
suiv.).
(1) Histor. polit. Bl^tter 1869, II, 329 et suiv. Nous empruntons ce que nous
disons du contenu des articles, aux fascicules de cette revue parus à cette époque.
[197-198]
232 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
l'épiscopat est, d'après ses idées, pour la plus grande partie
du clergé « l'absence de formation scientifique dans les
grands séminaires, où on ne distribue qu'un misérable ensei-
gnement théologique ». Et ce sont précisément ces évêques
qui seraient la majorité au concile, en particulier ceux
des Etats romains. Les évêques anglais suivraient leur Man-
ning, les irlandais leur Cullen, les autrichiens leur Fessier.
Le pire contingent serait celui des évêques allemands. Les
uns ont été élevés par les jésuites, d'autres n'iraient pas à
Rome, d'autres ne comprendraient rien et d'ailleurs n'au-
raient pas là-bas les ouvrages « avec lesquels ils pourraient
se mettre rapidement au courant des questions ». Ainsi
arriverait-on à ce résultat déplorable : « à ce concile, personne
ne parlerait au nom de l'Allemagne, au nom des vingt-cinq
millions de catholiques allemands ». « Qui l'oserait d'ail-
leurs, à qui même donnerait-on la parole ? » 11 est vrai,
parmi ceux qui partagent la manière de voir de I'Allge-
meine Zeitung, il y a bien « un petit groupe » d'évêques fran-
çais, l'évèquc d'Orléans, par exemple, disait expressément
un des articles suivants (i).
« Une chose encore qui me surprend et me déplaît d'une
façon particulière, écrirait avec raison Jôrg (2), c'est cette
injurieuse épithète d' « adulateurs du pape » qu'à la fin de sa
première partie l'auteur de ces articles applique à tous ceux
qui ne pensent ni ne parlent, comme lui permet de le faire sa
prodigieuse impiété. Sa dernière parole est, du reste, une
plaisanterie blasphématoire : <c comme pendant du brigan-
dage d'Ephèsc de 449>ûit-il,On aura désormais la« flatterie »
de 1869. » Je le demande à l'auteur : que gagne-t-on aujour-
d'hui à « flatter » le pape? Par définition un flatteur est celui
qui cherche à tirer quelque avantage de celui qu'il flatte. Or
(1) Historisch-poltt. Bl.etter, loc. cit. p. 330 sqq.
(2) Ibid. p. 351 sqq.
[198]
LES LIVRES DE P. -P. RU DIS 233
nous voyons fort bien ce qu'on peut gagner à flatter les ten-
dances tantôt conservatrices, tantôt libérales des puissances
temporelles //. Mais nous ne savons pas ce qu'on pourrait
gagner à flatter le pape. En particulier, les jésuites, qu'on
représente comme les principaux « adulateurs du pape», qu'y
gagnent-ils donc autre chose qu'une vie de pauvreté et de
privations, une vie de travail et de persécution? Et nous,
simples laïques, nous devrons croire qu'un homme qui
sacrifie et abandonne tout pour servir Dieu, qu'il soit jésuite
ou non, a un zèle et un jugement moins éclairé sur les choses
du royaume de Dieu qu'un savant qui, couvert de décorations
et d'honneurs se plonge à son aise dans les trésors des
bibliothèques et n'a que cela .pour justifier ses prétentions ?
Une telle outrecuidance est pour moi absolument incompré-
hensible. »
Pour défendre l'infaillibilité du pape parut l'ouvraqe inti-
tulé lïirp% Romana, sous le pseudonyme de P. -P. Pudis (i).
Ce livre clair, spirituel, s'élevait, sur un ton parfois trop
tranchant, contre la science allemande ; il fit grand bruit.
Par différentes voies, mais en vain, on essaya de savoir qui
se cachait sous le nom de P. -P. Pudis. C'étaient trois prêtres
du diocèse de Trêves; le principal auteur était J.-B. An-
dries (2). Dans une recension, le rédacteur du Theolo-
GISChes L itérât urbl att de Bonn (3) traita l'ouvrage avec un
certain dédain et chercha à le présenter comme une produe-
(1) tlirpu Romana oder die Lehre von der papstlichen Unfehlbarheit zeitgemass
beletichtet und gewiirdigt von P.P. Rudis. Deuxième édition, sans correction,
augmentée d'une préface et d"une conclusion. Ratisbonne 18G9.
(2) Ce même prêtre, après le concile, entreprit d'écrire un ouvrage en quatre
volumes sur le magistère suprême du pape, mais, enlevé par la mort, il ne put
acheverquelepremiervolume : Cathedra Romana oder Der apostolische Lehr primat,
nach Massgabe der Lehr beslimmungen des Conciliant Vaticanum. Par J. B. Andries.
I. Vol. : WVsew und Grenzen der katholischen Glaubenslehre nach den Theologen der
Vantait. Mayence 1872.
(3) 1869 p. 451 et suiv.
[198-199J
234 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tion insignifiante, tandis qu'un collaborateur de cette revue,
le militant professeur Fr. Miclielis (i), de Braunsberg, l'atta-
quait dans une brochure spéciale avec une irritation qui allait
jusqu'à la grossièreté. A peu près aussi dure fut la réponse
d'.Vndries dans l'ouvrage Catholique ou Charlatan (2).
Quant au recenseur du Theologisches Literaturblatt//,
Andries s'expliqua à son sujet dans la préface de la deuxième
édition de son ouvrage.
Dans cette tempête littéraire, on est heureux de rencontrer
plusieurs écrits d'allure paisible; incapables, sans doute, de
ramener au calme les esprits déjà emportés par la passion,
ils pouvaient du moins avertir du danger ceux qui se tenaient
en dehors de la lutte. En première ligne, il faut citer la bro-
chure pleine de modération de Jos. Kleutgen : Vœux,
craintes cl espérances relatifs au prochain concile (3). Les
écrits du Dr Franz Lorinser (4), du D'Ew. Bierbaum (5), du
D1 Matzner (6) et d'un autre prêtre du diocèse de Munster (7),
poursuivent ce même but. Trois ouvrages dus à des évêques
devaient servir la cause de l'apaisement : l'un du baron von
Ketteler, évoque de Majence (8), l'autre de MF Fessier (9), le
troisième de MF Plantier (10), évèque de Ximes, dont parut
une excellente traduction allemande. Le titre de l'instruction
(1) Die Unjehlbarkeil der Papstes un Lichte der katholischen Wahrheit und der
Humbug, den die neueste Verteidigung damit treibt. Parle professeur F. Michelis
Braunsberg, 1869.
(2) Katholisch oder Humbug ? Offene und freie Fragen anDr F. Michelis, Professor
der Philosophie, par P. P. Rudis. Ratisbonne 1869.
(3) Miinster 1809. ÏÏber die Wiïnsche, Befurchtungen und Hoffnungen in Betreff
des bevorstehenden Kirchensammlung.
(4) Vor dem KoraAl. t édit. Breslau, 1869.
(5) Die Eroffnung des Vatikan. Konzils. Munster 1870.
(6) Wahrenddes Vattkan. Konzils G. Strelitz, 1869.
(7) Dus Vatikanische Kon%ïl. Ein Worl der Delehrunq und des Friedens. Munster,
4870.
(8) Dus allgemeine Konzil und seine Bedeutung /«/' unsere Zeit. Mayence, 1869.
(9) Das lefate und dus m'ichste allgemeine Konzil. Fribourg, 1869.
(10) Les Conciles généraux. Instruction pastorale de M"' l'évêque de Nîmes sur les
Conciles généraux a l'occasion de celui du 8 décembre 18G9. Paris, 1869.
|l'.t-.)-200J
LA POLEMIQUE EX ALLEMAGNE 23o
pastorale de MKr Plantier indique qu'elle traite surtout des
conciles en général. Les deux autres aussi ne s'Occupent
directement du concile du Vatican que dans quelques pas-
sages.
Les propositions les plus avancées du parti libéral à l'occa-
sion du concile furent présentées dans une brochure de
Leipzig (i), dont l'auteur était, disait-on, « un membre
des plus connus et des plus estimés du clergé autrichien ».
Qu'il suffise, pour le caractériser, de remarquer qu'il était
en parfaite communauté d'idées avec les deux brochures
allemandes de 1868, dont nous avons parlé au chapitre III.
Un autre écrit anonyme / (2) demandait la supression du
célibat ecclésiastique. Oischinger (3) voulait une revision de
la théologie scolastique. G.-K. Mayer, du chapitre cathédral
de Bamberg, croyait le moment venu de réhabiliter le giin-
thérianisme et recommandait au concile deux thèses de Gûn-
tlier sur la Trinité et le principe vital de l'homme (4). L'auteur
mourut en 1868. Son travail fut condamné avant l'ouverture
du concile par la congrégation de l'Index.
Un homme d'Etat suisse, le D'A.-Ph. von Segesser, écrivit
un ouvrage intitulé : A la veille du Concile. Etudes et
réflexions pour servir à Vhistoire de notre temps (5). Son
compatriote, Théodore Meyer, donna dans les Stimmen aus
Maria Laach (6) un aperçu général de ce livre, dont il appré-
(1 ) Keform der rom schen Kirche in Haupt und Gliedern,A ufgabe des bevo>s(ehenden
romischen Konzil. Leipzig 1869.
(2) Der Colibat in semer Entstehung, seinen Grûnden und Folgen. Eine Zeitfro /e
fur das berorstehende Konzil. Par ni) ecclésiastique catholique. Munich, 1869.
(3) Die christlische und scholasliche Théologie oder die chrisllischen Grunddogmen
nach den Symbolen, Konzilien, und Valern der Kirche enlwickelt, soivie gegen die
abweichenden Lehren der Scholasliker verteidigt, der Gesamlkirche, insbesonder
dem okumeniarhen Konzile vorgeleqt und gewidmet. Iéna, 1869.
(4) Zivei Thesen fur das allgemeine Konzil. Bamberg, 1868. Publié aussi en latin.
(5) Am Vorabende des Konzils : Studien und Glossen itir Tagesgeschichte. Bâle,1869.
(6) Das okumenische Konzil. Stimmen aus Maria Laach. Nouv. série, fasc. VIII
(1878), p. 126 et suiv.
[200-201]
236 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ciait avec modération les idées, dictées sans doute par une
bonne intention, mais portant la trace de conceptions erro-
nées.
En octobre 1869, parut un petit écrit de dix-sept pages
in-octavo, qui fit grand bruit et provoqua de nombreuses
répliques; il était intitulé : Considérations proposées aux
évêques du concile sur la question de l'infaillibilité du
pape (1). Il poursuivait le même but que le libelle de Janus
et se couvrait de son autorité pour le fond des idées; il avait
pour auteur le même savant, le prévôt Ignace von Dollinger.
Dans une lettre à l'archevêque de Munich, Dollinger lui-
même se donne comme l'auteur de la brochure et, comme
motif de cette publication, il allègue sa sollicitude pour
l'Eglise d'Allemagne, que la définition de l'infaillibilité expo-
serait aux plus graves dangers (2). En vingt-six paragraphes
courts et serrés, sans entrer dans le détail des preuves //, il
oppose à la doctrine romaine une série de propositions dont
voici la première, les autres ne font que la développer : « Si
l'on peut prouver d'une doctrine que, pendant plusieurs
siècles, elle n'a pas existé ou n'a pas été connue de l'Eglise
entière, qu'elle n'est pas contenue virtuellement par une suite
nécessaire et comme une conséquence indiscutable dans
d'autres propositions de foi, cette doctrine, au point de vue
catholique, est déjà jugée : elle est marquée du stigmate de
l'illégitimité; jamais elle ne peut ni ne doit être élevée à la
dignité de vérité de foi. Or, tout cela s'applique précisément
à la thèse de l'infaillibilité papale. Elle a été d'abord totale-
ment inconnue dans l'Eglise pendant nombre de siècles. Il
n'est besoin que de rappeler l'ancienne Eglise d'Orient, unie
(1) Munich, 1869. L'ouvrage parut en allemand et en français; il fut aussitôt
traduil en italien. Le titre allemand est : Erwagungenfiïr die Bischofe des Konzi-
liums uber die Fraye der papstlichen Unfehlbarkeit.
(2) Ainsi le rapporte le nonce de Munich au cardinal secrétaire d'Etat, le
23 novembre 1869. Cf. Gf.cconi, loc. cil. II 486. [Trad. fr. t. Il p. 468].
[201-2021
CONSIDERATIONS... SUR L INFAILLIBILITE 237
pendant mille ans à l'Eglise d'Occident, au sein de laquelle
se sont tenus tous les conciles œcuméniques, dans laquelle
s'est surtout produit le grand effort intellectuel qui a abouti
à l'exacte définition des dogmes de la Trinité et de l'Incar-
nation, qui a, peu à peu, triomphé de toutes les vieilles
hérésies et a proprement créé la littérature ecclésiastique.
Or, dans cette Eglise, jamais une voix ne s'est élevée pour
attribuer au pape l'inerrance dogmatique. Dans l'Eglise
d'Occident, d'ailleurs, on ne peut invoquer aucune autorité
sérieuse en faveur de cette thèse; parmi les témoignages
de pères latins allégués par Perrone, Schrader et autres
jésuites, il n'y en a pas un seul qui attribue avec quelque
clarté et précision ce charisme sublime et divin à l'évêque
de Rome; du reste, on peut leur opposer des textes au moins
trois fois plus nombreux qui dénient au pape explicitement,
ou avec la plus haute vraisemblance, le privilège de l'iner-
rance et attribuent à l'Eglise universelle le pouvoir exclusif
de définir les dogmes. »
L'assurance superbe de l'auteur, la forme brève, nerveuse,
de ses assertions étaient de nature à en imposer et à déter-
miner ce courant d'opinion contre la doctrine de l'infaillibi-
lité que voulait susciter Dollinger. Pour le réfuter parurent
plusieurs ouvrages : Jean Wieser (i) exposait la doctrine de
l'infaillibilité dans un ordre plus systématique sans doute,
mais calqué cependant sur l'ordre assez peu logique des
Considérations. Plus bref, mais tout aussi pénétrant et érudit
fut le travail du Dr François Friedhoff (2). Parfois, il concé-
dait trop à Janus, il accordait, par exemple, que « pendant
le premier millénaire de l'Eglise, l'infaillibilité papale a été
(1) DieUnfehlbarkeitdex Papstes und die Miinchener Erwagungen. Par J. E. Wieser,
prêtre de la Compagnie de Jésus. Graz, 1870.
(2) Gegenerwagungen iïber die papxlliche Unfehlbarkeit. Parle docteur en théol.
François Friedhoff, professeur extraordinaire de théologie morale à l'Académie
royale de Munster. Munster, 1869.
[202-203]
238 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
inconnue ». Il faut ici, évidemment, distinguer. L'expression
est nouvelle, mais la chose est ancienne, comme le prouvent
et les déclarations des papes et de leurs légats, et la formule
du pape Hormisdas, et son acceptation au huitième concile.
C'est avec raison que le cardinal Orsi voit dans la parole de
Tertullien : Régula fîdei sola immobilis et irreformabilis (De
virg. I, i), au terme près, tout ce que dit le mot infallibilis;
ces expressions, du reste, alternant avec irrefragabilis, irre-
tractabilis, sont fréquemment employées par les conciles
comme par les papes à propos des décisions dogmatiques des
pontifes romains (i).
Un autre théologien, anonyme, eut une idée heureuse : il
renvoya des Considérations, composées par Dôllinger, à
Dollinger lui-même (2). Il fait « entendre, sur ces mêmes
questions, le sentiment du véritable Dollinger, tel que celui-ci
l'a exprimé sous son nom, au grand jour, au cours de près
d'un demi-siècle, dans des ouvrages universellement connus»,
a Ainsi donc, ajoute-t-il, si les journaux ne nous trompent
pas, si le professeur de Munich est vraiment l'auteur de ces
Considérations, l'auteur des savants ouvrages fournit la
meilleure réfutation de l'auteur des brochures anonymes. »
Ce travail fut couronné d'un plein succès : à presque toutes
les affirmations des Considérations, l'auteur oppose les
affirmations contraires tirées des œuvres du grand histo-
rien. Ainsi, à l'allégation fondamentale signalée plus haut,
que jamais, durant les dix premiers siècles, ni dans l'Eglise
d'Orient, ni dans l'Eglise d'Occident, aucune voix ne s'est
élevée en faveur de l'infaillibilité dogmatique du pape.
(1) Das okumenische Konzil. Stimmen aus Maria-Laach. Nouv. série, fasc. VII
(1870), p. 116.
(2) Neue Erivayungen iiber die Frage der papstlichen Unfehlbarkeit , aus den aner-
kannten historischen Werken Dollingers urkundlich zusammengestellt. Ratisbonne,
L870. On nomma bientôt comme auteur Scheeben, qui plus tard confirma la
chose dans son ouvrage : « Die mannliche Tat», p. 7.
[203-204]
DOLLIXUER REFUTE PAU DOLLIXGER 239
L'auteur oppose le passage suivant de l'Histoire de l'Eglise (i)
de Dôllinger : « Déjà (le pape) Boniface, snceesseur de
Zozinie, pouvait écrire aux évêques d'Orient : Un juge-
ment du siège apostolique est irréf ormable ; qui refuse d'y
acquiescer s'exclut lui-même de l'Eglise. Déjà ïhéodoret
exaltait la prérogative de ce siège, de n'avoir jamais été
souillé par une erreur doctrinale; Pierre, évêque de
Ravenne, exhortait Eutychès à se soumettre dès le principe
à la décision que le pape portera sur sa doctrine; Avit,
évêque de Vienne, vers 5o3, appelait le pape le pilote de la
barque de l'Eglise ballottée par les tempêtes de l'hérésie.
Saint Maxime disait à Pyrrhus que, s'il voulait se laver du
soupçon d'hérésie, il lui fallait avant tout s'accorder avec la
chaire de Rome et que, dès lors, tous le tiendraient pour
orthodoxe; à la même époque, Sergius, évêque de Chypre,
déclarait ce même siège le fondement inébranlable de la foi
en vertu des promesses du Christ. Etienne, évêque de Dora,
envoyé de Sophronius, patriarche de Jérusalem, ne parlait
pas autrement. Comme symbole visible de l'unité de l'Eglise,
l'évêque de Rome était le centre avec lequel, immédiatement
ou médiatement, tout évêque devait nécessairement être en
communion. Qui n'était pas dans sa communion, qui n'était
pas reconnu de lui, n'avait pas en réalité place dans l'Eglise.
Aussi saint Ambroise, dans la lettre qu'il adressa à l'empe-
reur au nom du concile d'Aquilée, dit que toute autorité
ecclésiastique découle de l'Eglise romaine; son frère Satj^re,
au moment de sa mort, ne voulait être assisté que par un
évêque en communion avec l'épiscopat catholique, c'est-à-dire
avec l'Eglise de Rome. Dans son livre contre Rufin, saint
Jérôme lui demande si sa foi est celle de l'Eglise de Rome.
S'il en est ainsi, ajoute t-il, nous sommes tous deux catho-
(1) 2' édit. 1843. 1. 177 sqq. Le chapitre est intitulé : « Le pape comme docteur
mprêine et défenseur de la foi. »
[204]
240 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
liques. Lorsque le schisme causé par le patriarche Acace fut
terminé après trente-cinq ans, sous Hormisdas, près de
deux mille cinq cents (sic!) évoques orientaux souscrivirent
un formulaire envoyé par le pape, où ils reconnaissaient que
quiconque n'était pas en parfaite union avec le siège aposto-
lique était séparé de l'Eglise catholique. » //
Phénomène surprenant : dans les Considérations, Dollinger
dit aux évêques que la doctrine de l'infaillibilité papale,
« pendant de longs siècles, a été complètement inconnue dans
l'Eglise », que dans toute l'Eglise d'Orient « jamais une voix
ne s'est élevée pour attribuer au pape l'inerrance dogma-
tique », que môme dans l'Eglise d'Occident on ne peut trouver
aucun témoignage en faveur de cette prérogative et que,
parmi les textes des pères latins allégués par les défenseurs
de l'infaillibilité, « il n'y en a pas un seul qui, avec quelque
clarté, quelque précision, attribue au pape ce privilège
sublime et divin ». Or, dans son Histoire de l'Eglise, ce même
savant, en faveur de la même doctrine, a produit en une seule
page onze témoignages, la plupart de l'Eglise d'Orient, tous
compris entre l'année 3oo et l'année 700, tous exprimant la
thèse avec toute la clarté possible, soit expressément, soit
équivalemment.
Friedrich (1) pense résoudre d'un mot l'énigme de cette
contradiction : « Comme si la chose avait, dit-il, une portée
quelconque! et comme si un savant ne pouvait, après de
nouvelles recherches sur une question, rétracter son premier
jugement! » Mais cette explication ne peut être admise ici.
(1) Geschichte, etc. II. 417. — Dans une note Friedrich dit que Dollinger résout
lui-même l'énigme dans sa lettre d'envoi à l'archevêque de Munich. Il en cite,
d'après Cecconi (loc. cit. II 486) (trad. t'r. t. Il p. 468) le passage que nous connais-
sons. Après avoir avoué qu'il est l'auteur des Considérations, Dollinger y dit qu'il
s'est vu engagé « à publier cet ouvrage dans l'intérêt de l'Eglise d'Allemagne que
la définition de l'infaillibilité papale exposerait aux plus graves dangers. » Ces
paroles expliquent-elles que Dollinger soutienne maintenant juste le contraire
de ce qu'il a enseigné auparavant?
[204-205!
DOLLIXGER REFUTE PAR DOLLIXGER 241
Après une nouvelle étude d'une question difficile, un savant
peut bien constater qu'il s'est trompé dans sa première
manière de voir; mais, dans notre cas, il s'agit non d'uue
matière compliquée, mais de témoignages historiques fort
simples, et non pas d'un témoignage, mais de toute une série.
Si Dollinger trouve aujourd'hui qu'il s'est trompé à propos
du premier texte, comment se fait-il qu'il se soit précisément
trompé aussi pour le second, qui prouve la même doctrine;
et s'il s'est trompé pour les deux premiers, pourquoi en
est-il de même pour tous? Et en quoi s'est-il trompé autre-
fois? Est-ce sur l'existence de ces affirmations? Cela n'est
pas croyable. Il ne veut certainement pas la contester. Il ne
s'agit donc que de leur interprétation. Il les a d'abord
apportées comme preuves convaincantes de la suprême auto-
rité doctrinale du pape. Aujourd'hui ont-ils cessé de l'établir?
Non, ils sont bien l'expression parfaitement claire de l'ensei-
gnement catholique sur l'autorité doctrinale des souverains
pontifes. Autorité suprême, décisive, sans appel, à laquelle il
faut se soumettre en toute hypothèse. Peut-être, cependant,
Dollinger ne les a-t-il jamais considérés comme des témoi-
gnages probants de l'infaillibilité proprement dite? Etant
donnée l'imprécision qui, à toutes les époques de sa vie, fut le
défaut de la théologie du grand historien, cette solution nous
parait encore la plus satisfaisante, bien qu'il soit difficile
d'avoir lu dans les pères qu'on doit absolument tenir les
décisions des papes pour l'expression de la vérité, sans
y avoir vu du même coup que ces décisions devaient aussi
être tenues pour infaillibles.
Il reste cependant que Dollinger ne pouvait ignorer ces
témoignages et d'autres ; comment donc a-t-il pu déclarer avec
tant d'assurance qu'il n'y a, ni dans l'Eglise d'Orient ni dans
celle d'Occident, un seul passage des pères attribuant au
pape l'infaillibilité dogmatique, avec quelque clarté et quelque
précision? Dollinger a changé. Ce changement n'est pas dû
[205-206]
242 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
à une étude impartiale; il ne s'est pas accompli dans son intel-
ligence, mais bien plutôt dans sa volonté. Il nous faut donc
choisir entre les deux Dollinger et rejeter ou l'ancien ou le
nouveau. Or, ses premiers travaux sont considérés comme de
vrais chefs-d'œuvre et c'est à eux qu'il doit son renom d'his-
torien dans l'Eglise catholique comme au dehors. Les
ouvrages sur le concile, au contraire, ont été composés à une
époque de trouble profond ; ils portent l'empreinte de la pas-
sion et avaient, comme nous l'avons dit (i), un but tout pra-
tique : provoquer un soulèvement général contre la définition
de l'infaillibilité du pape. Puis donc que nous devons choisir,
nous défier du Dollinger d'autrefois, ou ne pas croire le
Dollinger de 1869, il est évident que nous devons nous
garder du pamphlétaire du concile et en appeler de
Dollinger plus âgé à Dollinger plus jeune. Les premiers
écrits de l'auteur jugent les derniers ; l'inverse n'est point
vrai .
D'ailleurs, les textes cités plus haut, d'après l'Histoire
ecclésiastique, pris en eux-mêmes, et sans égard à l'autorité
de l'historien, suffisent pleinement à démontrer d'une façon
irréfragable la fausseté de l'affirmation des Considérations;
il est faux que, dans les premiers temps du christianisme,
aucune voix ne se soit élevée en faveur de l'infaillibilité
pontificale. La dernière preuve est même, ajoute l'auteur des
Ne ne Eriviig-ung-en (2), « un témoignage collectif de toute
l'Eglise, souvent répété, pour la dernière fois au VIIIe concile
œcuménique ». Pichler lui-même avoue, dans son Histoire du
schisme d'Orient, que la formule du quatrième concile de
Constantinople renferme l'infaillibilité du pape. Bossuet (3),
avec les autres gallicans, accepte cette profession de foi et
(1) Ctr. supra p. 22) sqq.
(2) P. 6.
(3) Defensio declar. etc., /. 15, c. 7.
[206-207
243
BÔLLIXGER RÉFVTÉ pAR D(-.LLIvoER
concile œcuménique ? „ // ' C(msacrés par u n
CHAPITRE V.
L'agitation populaire et tentatives pour influencer
l'épiscopat.
Un appel aux catholiques de Bade (i) révèle bien jusque
quelles profondeurs le peuple fut agité en Allemagne ; il ne
les invitait à rien de moins qu'à l'abandon de l'Eglise : « Aux
catholiques de Bade, » c'est son titre, et la signature : « Plu-
sieurs catholiques. » Il fut distribué en mai 1869. Les pensées
en sont souvent obscures, le style tantôt emphatique, tantôt
trivial, l'effet insignifiant, et c'est seulement à titre d'indice
du trouble religieux de l'époque qu'il mérite d'être mentionné
ici. Les « catholiques » qui l'avaient rédigé pouvaient bien
encore appartenir extérieurement à l'Eglise; par le cœur,
dès avant le concile, ils n'en étaient déjà plus. Jôrg (2) soup-
çonne quelques prêtres apostats d'en être les véritables
auteurs (3).
« Le grave et solennel fracas des luttes de principes qui
ébranlent le monde fait pressentir l'approche de leur choc
décisif » : ainsi commence l'appel.// « Suprématie absolue du
pape sur l'Eglise et dans l'univers, ou indépendance des
peuples et de l'humanité, voilà les deux principes qui se dis-
(1) Cecconi, Ioc. cit. Doc. CLVI. G. V. 1175c.
(2) Histor. polit. Bl.etter, 1869, II, 240.
(3) D'après Friedrich (Geschichte, etc., II, 63, note 1) l'appel est dû au juge Beek
de Heidelberg,
16
[208-209|
246 HISTOIRE DU CONCILE BU VATICAN
patent la souveraineté. » « Ce combat de géants... va s'en-
gager bientôt dans notre Eglise catholique. » L'appel revient
sur l'histoire : L'Eglise ancienne, affirme-t-il, était gouvernée
par toute la communauté: quand son extension ne permit
plus d'en appeler au conseil tous les membres, « l'esprit
organisateur du christianisme sut, à l'époque du concile de
Xicée, créer justement ce rouage des conciles, assemblées
générales, ou synodes provinciaux (diète ecclésiastique),
diocésains ou même paroissiaux. Toujours et toujours davan-
tage, prêtres et laïques se rencontraient dans les conseils de
l'Eglise. Les conciles établissaient le dogme et la discipline,
exerçaient la suprême judicature; dans les synodes, on pour-
voyait aux besoins, on expédiait les affaires des nations, des
diocèses ou des paroisses. » « Mais déjà, depuis des siècles
un germe empoisonné, l'ambition de la domination tempo-
relle, s'était introduit au cœur dupouvoir spirituel. Au-dessus
des frères, égaux dans le Christ, s'éleva un sacerdoce privi-
légié, d'où sortit une aristocratie sacerdotale puissante ; de
celle-ci se dégageaient, à leur tour, les évêques de Rome, dont
la main s'étendit pour réunira leur couronne la terre entière. »
« De plus en plus, le peuple fut mis à l'écart. » « Les conciles
eux-mêmes se firent toujours plus rares. » « Enfin, dans
l'ordre des Jésuites s'est concentré tout ce que l'absolutisme
peut engendrer de puissance. Cette société s'est emparée
chaque jour plus complètement du gouvernement de Rome;
depuis trois siècles, on n'entend plus parler, on ne voit plus
de trace des conciles, ni des synodes ; et les droits qu'avait
le peuple dans l'Eglise sont au sein du catholicisme relégués
parmi les vieilleries ! »
Dans les Etats l'absolutisme a été brisé, l'esprit public a
reconquis la souveraineté. Mais l'Eglise n'a pas souci de ces
leçons de l'histoire. Ce que le Syllabus a préparé doit main-
tenant être mis définitivement à exécution. Au prochain
concile, on édifiera une nouvelle constitution ecclésiastique
[209J
L APPEL AUX CATHOLIQUES DE BADE 247
dont les pierres fondamentales seront : l'infaillibilité person-
nelle du pape, l'amovibilité arbitraire des membres du clergé,
la pleine propriété de tous les biens de l'Eglise attribuée au
Saint-Siège. »
(( L'innovation qu'on projette n'est rien moins que la
substitution d'une nouvelle confession de foi au catholicisme
traditionnel. D'après les canons en vigueur on doit convo-
quer tous les dix ans un concile général, tous les trois ans un
synode provincial, tous les ans un synode diocésain ». « Les
représentants de l'Eglise (députés, en quelque sorte, de la
chrétienté catholique) sont ecclésiastiques et laïques. » « La
convocation d'un concile exige aussi le concours des princes ;
la participation de leurs représentants aux délibérations est
d'une nécessité absolue; de même, l'autorisation que les
évèques doivent obtenir de l'Etat pour y prendre part, et la
reconnaissance par le pouvoir civil des décisions conci-
liaires. »
« Contrairement au droit canonique en vigueur, et par suite
de la domination universelle des Jésuites, voilà trois siècles
qu'aucun concile n'a été réuni.
» L'édifice qu'on veut élever au prochain concile est en
opposition avec le catholicisme traditionnel : voulons-nous
donc rester étroitement attachés à l'antique constitution de
l'Eglise catholique et en prévenir le renversement, ou bien
voulons-nous nous laisser englober en silence dans la nou-
velle confession, qui va se fonder sur le principe d'un parfait
absolutisme? c'est aujourd'hui la question religieuse capitale
et sur laquelle nous avons maintenant à nous prononcer. L'un
ou l'autre ! Il n'y a pas de milieu. Le choix peut-il être dou-
teux? Xous ne le pensons pas. »
Viennent alors les raisons pour lesquelles on ne doit pas
se laisser entraîner dans « la nouvelle confession ». D'abord,
les dangers qu'elle présente, celui par exemple de revenir à
l'intolérance avec ses cachots, ses bûchers ; ensuite, les avan-
[209-210]
248 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tages qu'assure l'attachement ferme à l'ancienne constitution
de l'Eglise. « L'autorité civile ne manquera pas, dès que la
nouvelle confession sera organisée, c'est-à-dire dès qu'aura
été proclamée la nouvelle constitution absolutiste, de nous
reconnaître, nous les anciens membres de l'Eglise catho-
lique, restés fidèles à sa constitution, comme les seuls mem-
bres de l'Eglise catholique, elle nous en conservera et assu-
rera les privilèges et les biens. » « Ne se trouverait-il dans
chaque paroisse qu'un très petit nombre de personnes à
refuser formellement ou tacitement d'entrer dans la nouvelle
Eglise de l'absolutisme ultramontain, ce petit groupe n'en
représenterait pas moins l'ancienne communauté ecclésias-
tique. » //
« Mais la résistance exige de tous un effort héroïque;
car l'absolutisme ultramontain tient pour légitime l'emploi
de tout moyen qui promet le succès. » Suit rémunération
détaillée des ressources du romanisme. « Mais tous ces instru-
ments de guerre disparaîtront comme une paille légère devant
les éclairs jaillissants de nos épées, si nous voulons nous
rassembler pour les brandir. Nos armes s'appellent : vérité,
liberté, droit. » Toute la question est de savoir comment on
engagera la lutte.
« Examinons sans faiblesse, mais avec équité, si l'adminis-
tration et le gouvernement de l'Eglise correspondent à ses
principes ; qu'on ne se laisse pas plus longtemps empêcher
par un faux sentiment de respect d'extirper sans pitié la
pourriture partout où elle se montre; et pour établir ensuite
le bilan de l'ultramontanisme, nous verrons quel est le gou-
vernement corrompu, celui de l'Etat ou celui de l'Eglise. »
Une question fondamentale se pose : Pourquoi l'administra-
tion de l'Eglise catholique, dans le grand-duché de Bade,
n'observe-t-elle pas la prescription du concile de Trente sur
la réunion annuelle des synodes diocésains? « Xous sommes
ici à la source même de tout le mal. Les évêques allemands
[210-211J
L'APPEL AUX CATHOLIQUES DE BADE 249
dans leur zèle irréprochable rempliraient volontiers ce
devoir essentiel de leur charge; mais le parti absolutiste, le
parti des coups d'Etat qui triomphe à Rome ne le permet
point (!) ».
« Aussi que nos clameurs et nos sommations retentissent
avec ensemble par toute l'Allemagne : convocation générale
des synodes diocésains, convocation loyale et légale afin que
nous puissions y produire sans crainte cette masse de plain-
tes, de reproches et de désirs qui oppressent les cœurs de
tous, prêtres et laïques du peuple catholique; on les y exami-
nera, on y pourvoira, et, unis aux autorités ecclésiastiques,
nous en finirons avec ce système des coups d'Etat que prône
la coterie jésuitique, mais qui est en opposition avec la consti-
tution de l'Eglise. » Pour le moment, nous voulons bien nous
contenter de la représentation si restreinte qu'a le peuple
dans le synode. La liberté de la presse et de la parole nous
permet de suppléer à ce qui nous manque. Les peines cano-
niques, nous ne les craignons pas. Que les éveques, que le
pape lui-même se laissent entraîner dans la nouvelle confes-
sion, leur apostasie rend leurs sièges vacants. Xous trouve-
rons assez de prêtres dignes de ces fonctions élevées.
« L'Eglise ne périra donc pas ; mais le Dieu longanime sem-
ble sur le point de purifier l'Eglise catholique d'Allemagne
du poison de l'absolutisme ultramontain; il va le refouler là
d'où il est venu. »
Conclusion : tous ceux qui partagent la manière de voir
de l'appel sont priés d'envoyer à la Badische Laxdes-
zeitung leur nom et, au besoin, des mémoires et des projets
pratiques. // Il est question d'une grande réunion des catho-
liques. « Avant tout, il faut que nos amis se groupent et
répandent à profusion le présent manifeste dans le xDeuple
catholique ; qu'ils hâtent, par l'énergie de leurs écrits et de
leurs discours, la réalisation de nos desseins. Que personne
donc ne se croise les bras et ne se repose sur son voisin. Ce
[211-212J
250 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
n'est qu'en masse que nous pouvons avancer et entraîner
comme une avalanche, en commençant par le "Wurtemberg,
tout le monde catholique allemand ! »
Telle est la suite des pensées de ce triste document; il nous
permet d'entrevoir la confusion des idées qui s'est faite dans
la tête des catholiques au milieu de ce flot d'écrits, d'articles
de journaux hostiles et mensongers. Des chrétiens qui ont
adhéré à cet appel n'appartiennent plus au catholicisme. La
théorie de l'égalité de tous dans l'Eglise, qui supprime les
dépositaires de l'autorité ecclésiastique particulièrement
désignés par Dieu, qui accuse le pape et les évéques de ne
tenir leur pouvoir que de l'usurpation, cette théorie de son
vrai nom s'appelle une hérésie. Refuser d'accepter les ensei-
gnements proclamés par un concile général, c'est sortir de
l'Eglise. Les auteurs de ce manifeste rejettent à l'avance et
de parti pris le concile lui-même et, se confiant dans le
secours de l'Etat, ils sont prêts à excommunier le pape et les
évéques, dans le cas où ceux-ci définiraient des dogmes qui
ne leur plaisent pas.
Nous ne trouvons guère de trace de l'influence propre de
ce pamphlet. Fort sympathique à ce pitoyable ouvrage — - car
c'est un libelle qui tend à faire la révolution dans l'Eglise — ■
Friedrich (i) nous parle d'une union formée à Pforzheim;
d'une autre, comprenant cent vingt membres à Pfullendorf,
où, le dimanche 26 juin (1869), a eu lieu une grande assemblée
pour les districts de Pfullendorf, Ueberlingen et Meersburg.
Le 3 juin, dit-il encore, un groupe se forme à Messkirch : on y
compte tout de suite soixante membres. Dans une conférence
faite à Staufen, on a émis la proposition de fonder une
alliance pour résister aux tendances ultramontaines ; elle a
été accueillie avec applaudissements. C'est tout. Le manifeste
peut avoir préparé quelque peu le mouvement vieux catho-
(1) Geschichte, etc., II, 63.
[212]
l'adresse DE COBLEXZ 251
lique ultérieur, mais on est resté bien loin du rêve « d'entraî-
ner après soi comme une avalanche tout le monde catholique
allemand ».
Plus significative était l'adresse à l'évêque de Trêves,
pour laquelle, dans le même mois de mai 1869, on recueillait
les signatures des « catholiques instruits » de Coblenz. //
Elle a bien quelque parenté d'idées avec l'appel badois, mais
le fond, la forme, le but sont incomparablement supérieurs.
Les signataires, ils le disent dès le début, se sentent obligés
eu conscience de faire devant leur premier pasteur, à la face
de l'Eglise entière, « une déclaration publique, respectueuse,
mais sincère, sur une affaire très importante, très grave pour
l'Eglise et, par suite, pour les plus chers intérêts de leur vie.»
L'évêque, continuent-ils, a dit dans sa lettre pastorale pour
le dernier carême, que « dans un concile général, les évèques
seuls avaient voix délibérative, mais qu'on y entendait, qu'on
y écoutait l'écho de l'expérience et des opinions non seule-
ment des chefs, mais aussi de tous les membres de l'Eglise.
Les laïques comme les prêtres, même dans les questions
importantes, pouvaient être appelés à exercer une influence
sur les décisions conciliaires. » Et de fait, un certain nombre
de fidèles, dont les directeurs les plus écoutés ne sont pas les
prélats, mais des religieux ou des laïques, travaillent aujour-
d'hui avec ardeur « à orienter l'activité du concile dans une
direction bien déterminée ». Quiconque refuse d'ériger en
dogmes leurs opinions, de considérer comme salutaires leurs
efforts s'entend qualifier de « catholique libéral » et opposé
sous cette étiquette aux « catholiques » tout court. A Rome,
ils ont un organe, la Civilta Cattolica. Suit la citation bien
connue de la correspondance, où l'on signale le vœu de nom-
breux catholiques français relatif à la définition des ensei-
(1) C. V. 1175 c. sqq. Cecconi loc. cit. Doc. CLVII.
[212-213]
252 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
gnements du Syllabus, de l'infaillibilité pontificale et de
l'Assomption de Notre-Dame. L'adresse fait remarquer le
crédit dont jouit à Rome la revue incriminée ; tout à l'air de
se passer, ajoute-t-elle, « comme si un grand ordre, avec tout
le poids de son organisation centralisée, poussait au même
but». «Il ne faudrait pas s'étonner que des efforts aussi
méthodiques, aussi énergiques, qui prétendent rencontrer la
plus universelle approbation, en vinssent, dans le cas où ils
ne se heurteraient à aucune opposition ouverte, à répandre,
au sujet des sentiments des catholiques, des erreurs graves
et, dans les circonstances actuelles, doublement déplo-
rables. »
("est pourquoi, « nous, qui nous efforçons d'être pour
l'Eglise, autant que ces catholiques, des enfants fidèles,
soumis et dévoués sans retour au plus grand bien de cette
commune mère, nous ne croyons pas / / qu'il nous soit permis
de nous taire. Notre devoir est de dire très baut que nous ne
partageons point ces vues, ces espérances, ces vœux des
prétendus « catholiques » tout court ; nous protestons du
contraire, de la façon la plus énergique. » La définition de
nouveaux dogmes ne semble pas désirable, disent encore les
signataires de l'adresse ; aucune raison n'oblige à y procéder,
ce serait rendre plus difficile retour à l'Eglise de nos frères
séparés.
Les « catholiques instruits » n'ont pas qu'un programme
négatif; ils font des propositions très positives. Les Stimmen
ai s Maria-Laach (i) ont condensé en quatre articles la tâche
qu'ils indiquent au concile :
i. « Affranchir l'Eglise de l'autorité civile, c'est-à-dire
rétablir le jeu indépendant et harmonieux de ces deux
sociétés où, de par la volonté de Dieu, la vie de tout homme
doit se dérouler ».
1 1 1 lias okumenisclie Kon&il. Stimmen ausMaria-Laach. Nouv. série, tasc. V (1869),
p. 29.
[213-214]
L ADRESSE DE COBLENZ 233
2. » Chercher l'attitude qui convient au clergé et à tout
chrétien à l'égard de la culture intellectuelle et de la science.»
3. » Régler par un statut organique la part qui revient aux
fidèles dans la détermination des conditions de la vie ecclé-
siastique et, par suite, dans la lutte contre la misère sociale
et dans l'œuvre de la réunion à l'Eglise de nos frères
séparés». D'où pour conclure :
4- Vœu spécial : « Qu'il plaise au prochain concile général
de supprimer l'Index librorum prohibitorum. »
Les catholiques laïques peuvent sans aucun doute dans
certaines circonstances proposer leurs vœux à l'activité d'un
concile général; nous constatons avec plaisir que les signa-
taires de l'adresse l'ont fait en des termes très dignes ; en
particulier, nous relevons leur dernière phrase, où « ils sont
décidés, déclarent-ils, à vivre et à mourir par la grâce de
Dieu en enfants dévoués de l'Eglise, en communion avec elle
et avec son centre, la chaire de Rome, dans une obéissance
filiale envers XX. SS. les évoques. »
Mais, d'autre part, bien faible est le motif principal qui les
a décidés à faire cette démarche. « Comment le rédacteur de
l'adresse, se demandent les Stimmen ai s Mabia-Laach (i)//,
en est-il venu à transformer en un tour de main le fait unique
d'une correspondance privée envoyée de France à la Civilta,
alors que la revue évite même expressément de faire siennes
les vues toutes subjectives qu'elle contient, en ia conspira-
tion puissante, parfaitement organisée, d'un parti qui tra-
vaille avec ardeur à orienter le concile dans une direction
déterminée » ? C'est une grave accusation. Elle se précise
davantage quand la Civilta Cattolica est indiquée comme
le centre, l'organe propre de ce parti; elle se développe
même au point de devenir la dénonciation formelle d'un
ordre religieux. « Il semble qu'un grand ordre religieux
(1) Bas okumenisehe Konzil. Stimmen aus Maria-Laach. Nouv. série, fasc.V (18(39),
p. 25.
[214-215]
254
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pousse au même but par le poids de son organisation centra-
lisée, c'est-à-dire s'efforce d'orienter le concile dans une
direction déterminée. Il ne faudrait pas s'étonner, dès lors,
que des efforts aussi méthodiques, aussi énergiques, qui
prétendent rencontrer la plus universelle approbation, n'en
vinssent, sans l'avertissement opportun venu des bords du
Rhin, à induire le pape, les évéques, le concile même, en de
déplorables illusions sur les sentiments des catholiques.
Dans ces proportions, ajoutent les Stimmen (i), l'accusation
n'atteint pas l'ordre religieux qu'elle vise, nous la repoussons
comme un soupçon absolument dénué de fondement. Xous
sommes surabondamment autorisés à déclarer que ni la
rédaction de la Civii.ta, ni celle d'aucune autre revue ou
périodique auquel collaborent des membres de la Compagnie
de Jésus, ne représente à ce titre, de quelque façon que ce
soit, l'ordre religieux auquel ils appartiennent. Ces écrivains
sont purement et simplement responsables de leurs actes
personnels tant qu'ils ne sont pas en situation d'alléguer
expressément une délégation spéciale. Dans cet ordre reli-
gieux important, à cote de la puissance d'une organisation
centralisée, «l'indépendance personnelle, la liberté des con-
victions et du savoir sont aussi garanties ».
Pour qui connaît les conditions dans lesquelles beaucoup
de nos contemporains les plus instruits ont reçu leur instruc-
tion religieuse, les tendances, qui se manifestent dans les
propositions positives exprimées dans Y Adresse, n'ont rien de
particulièrement surprenant. Le moyen radical qui consiste
à supprimer l'entrave de Y Index, nous l'avons déjà vu recom-
mander (2) ; il en est de même de la motion sur l'éducation et
l'instruction du clergé (3).
Dans la première proposition. — c'est le point capital, —
(1) Ibid. p.2i
(2) P. 193.
(3) Ibid.
215
l'adresse DE COBLENZ 2.H5
on semble aussi réclamer la séparation de l'Eglise et de
l'Etat, comme la seule solution légitime. // Assurément,
nous ne voulons pas imputer à mal aux signataires de
Y Adresse qu'ils aient eu une idée si inexacte, si peu précise
des relations que Dieu a voulues entre l'Eglise et lEtat; la
question, en effet, est délicate; elle demande plus de con-
naissances théologiques et philosophiques qu'on n'en trouve
d'ordinaire chez des laïques et c'est justement cette insuffi-
sance des principes qui rend contestable le bien fondé •
d'une démarche de laïques se présentant devant le con-
cile avec un programme positif sur la matière. « Nous
portons tout particulièrement notre attention, disent les
signataires de Y Adresse, sur les relations générales de
l'Eglise avec l'Etat et la société moderne. Dans l'intérêt de
l'Eglise et de sa liberté, nous désirons de toute notre âme
que le prochain concile proclame, de manière à ne pas laisser
place au doute, la rupture de l'Eglise avec le rêve de rétablir
la constitution théocratique de l'Etat qu'a connue le moyen
âge. Rien n'éloigne tant les esprits du catholicisme que la
crainte de voir revenir les temps où l'Etat, le bras séculier,
prenait fait et cause pour les dogmes et les lois d'une confes-
sion religieuse déterminée, appuyée sur une révélation sur-
naturelle ; les consciences n'étaient pas libres ; la dignité de
la religion en souffrait elle-même : c'est la libre adhésion des
consciences, sans contrainte de l'Etat, qui en fait la gran-
deur. » « L'Etat, dit encore Y Adresse, doit s'occuper des
vérités religieuses qui concernent la morale et qui peuvent
être naturellement connues ; sur ce terrain, il est indépen-
dant, bien qu'obligé d'y accorder pleine liberté à la religion
révélée. »
« On peut douter, avec quelque raison, remarque l'auteur
de l'article des Stimmen, que tous les signataires de V Adresse,
ou même simplement la majorité, aient compris la portée de
ce qui est présenté comme leur profession de foi publique et
[215-2i6|
2o6 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
attestée par leurs signatures (i). » « Qu'une fois pour toutes
l'Eglise proclame qu'elle a rompu avec le rêve de rétablir la
constitution théocratique de l'Etat qu'a connue le moyen
âge ! » pour rassurer les « esprits » libéraux, le concile doit se
porter garant de cette rupture. «La constitution théocratique
de l'Etat comme au moyen âge », voilà le monstre abhorré
qu'il faut écarter du catholicisme. Si les mots avaient gardé
leur vrai sens, ces propositions n'offriraient aucun danger. Le
passé, entré dans l'histoire, ne revit plus // avec son caractère
particulier, avec les formes organiques nées et développées
dans une portion déterminée du temps : on ne le ressuscite
pas tel quel ! Les temps nouveaux peuvent bien se façonner
d'une manière quelque peu analogue aux temps passés ; ils
apportent avec eux des formes nouvelles. C'est un axiome de
l'histoire et ce n'est pas l'Eglise qui, seule, le mettra en
doute, le méconnaîtra jusqu'à souhaiter l'impossible et le
déraisonnable. Sur la constitution des gouvernements du
moyen âge, le concile n'aura rien à mettre hors de doute.
Une seule chose ne disparaît jamais au milieu des formes
changeantes du temps, c'est la vérité, la vérité chrétienne,
« fondée sur une révélation surnaturelle ». Ce qui une fois a
été vrai le reste toujours, au XIXe siècle aussi bien qu'au
moyen âge. Ce qui se contredit est mensonge et ce qui est
construit sur cette contradiction est construit sur le men-
songe, même les formes de gouvernement... L'Eglise est
appelée par Dieu pour être, dans la lutte du mensonge contre
la vérité, son mandataire incorruptible, ferme et invincible
comme le roc. Si donc l'Eglise avait conscience que les
formes de gouvernement du moyen âge, abstraction faite de
leur contingence, de leur déformation historique accidentelle,
sont, dans leur essence, l'expression et la reconnaissance
(1) Das (ekumenisclie Kon-Jl. Loc. cit. p. 31. Nous recommandons cet article très
approfondi à qui désire s'orienter dans la question soulevée par la première pro-
position de l'Adresse.
[216-217]
l'adresse DE COBLEXZ 257
officielle d'une vérité chrétienne, son vœu, au moins dans
l'ordre idéal, serait de conserver, autant qu'il est en elle, ce
caractère essentiel aux gouvernements des temps modernes;
et ce serait juste, bien plus : indispensable et nécessaire. Le
danger de s'aliéner des esprits influencés par l'erreur ne
pourrait pas l'arrêter. Elle se rendrait coupable envers elle-
même, envers la vérité dont elle est le ferme soutien, envers
l'humanité, dont le salut véritable, même en ce monde, se
trouve uniquement dans la vérité. Il ne reste donc plus qu'à
savoir si réellement et dans quelle mesure l'Eglise a ce senti-
ment et, par suite, quelle position les laïques catholiques
signataires de l'Adresse doivent, en conscience, prendre à
cet égard (i). »
L'auteur de l'article répond à la première de ces deux
questions. Pour être brefs, nous n'extrairons de son travail
que quelques propositions. Un gouvernement théocratique
dans le sens propre, dit-il (2), n'a jamais existé dans le
christianisme et n'a pas été réclamé par l'Eglise. L'organisa-
tion politique, le développement, la transformation des
peuples chrétiens se sont bien accomplis « sous l'influence de
l'idée chrétienne et de la loi du Christ ; c'est le fondement
de cette civilisation, de cette culture supérieure, héritage
exclusif des nations façonnées par la main de l'Eglise du
Christ ». a L'Eglise ne passe pas dans l'histoire avec la
mission de s'occuper seulement de la sainteté intérieure, de
la conscience, des pensées et des actes purement individuels ;
mais, dans sa puissance civilisatrice, elle embrasse l'homme
entier, et l'Adresse elle-même le reconnaît. » « Les hommes,
régénérés par le baptême, doivent être chrétiens ; les nations,
régénérées elles aussi, doivent être chrétiennes, c'est-à-dire
que, comme elle gouverne la vie industrielle, l'idée chrétienne
(1) Loc. cit. p. 32, sqq.
{2) Loc. cit. p. 34 sqq.
[217-218]
258 HISTOIRE DU CONCILE OU VATICAN
doit dominer les relations sociales, nationales, internatio-
nales de l'humanité. » « Il n'y a pas d'homme intérieur sans
une relation nécessaire avec l'extérieur ; il n'y a pas d'homme
qui ne vive pas avec la société et dans la société. Aussi un
christianisme purement individuel — prétendant pourtant
être catholique — vivant sur le même pied d'autorisation
que le paganisme ou le nihilisme religieux de l'humanité
organisée en société politique, ne serait pas seulement une
absurdité contre nature, ce serait, — si on le donnait comme
idée et plan divin, — ce serait un blasphème. »
A notre époque, « l'Eglise vit, elle compte partout des
fidèles; mais de vie sociale proprement chrétienne, à consi-
dérer les choses en leur ensemble, il n'y en a plus ». Cet
état, propre aux a temps modernes », est le résultat naturel,
nécessaire de l'affaiblissement de l'autorité chrétienne posi-
tive sur les doctrines, et de sa conséquence : la destruction
de l'unité de foi. « L'unité dans la foi chrétienne est le
fondement indispensable, la condition sine qua non de « la
constitution idéale » de la société chrétienne, ainsi elle en est
le principe dynamique intime. » Unité de foi — constitution
chrétienne, sont inséparablement liées l'une à l'autre, comme
la cause à l'effet. « L'Eglise a donc essentiellement en elle le
sentiment qu'elle a une mission catholique envers « toute
créature »; et par suite que pour correspondre à l'appel et //
au plan de Dieu, toute créature humaine, toute organisa-
tion sociale doivent être soumises aux leçons et à la loi du
Christ. Cette première considération les signataires de
l'adresse ne peuvent et ne veulent pas la contester... parce
qu'ils sont catholiques. » Pourraient-ils nier la seconde?
Dans ce cas, ils se mettraient encore en opposition avec
les enseignements positifs de l'Eglise. La conception catho-
lique — d'après les déclarations publiques, et constantes des
organes autorisés du magistère — ne saurait varier sur le
principe fondamental qui détermine la nature des relations I
[218-219]
L ADRESSE DE COBLENZ 259
entre l'Eglise et l'Etat. C'est un point hors de cloute. « C'est
même un fait connu de tous et, dans la bouche des libé-
raux sans principes, le thème favori de plaintes stéréotypées,
avec le refrain habituel de « système de domination univer-
selle », de « suprématie sacerdotale »,de « convoitises hiérar-
chiques », etc.. » Il y a quelques dizaines d'années, l'expres-
sion de la doctrine catholique n'étonnait ni ne scandalisait
personne dans le monde moderne, pas plus chez les protes-
tants que chez les catholiques. Le pape et plus de cinq cents
évèques réunis à son siège, ont condamné des propositions du
Syllabus (54°, 55° et surtout 770) telles que celles-ci: « A notre
époque, il ne convient plus que la religion catholique à l'ex-
clusion de tout autre culte soit considérée comme l'unique
religion d'Etat ». Cet acte témoigne du sentiment que
l'Eglise garde toujours vivace de sa toujours immuable
mission divine aussi bien auprès des peuples et des Etats
qu'auprès des individus, auprès des princes comme auprès
des sujets, auprès des gouvernants comme auprès des
gouvernés.
Elle n'a ni la puissance, ni la charge, ni la volonté de
ramener par force et contrainte l'Etat moderne dans la voie
normale du christianisme positif, mais elle ne peut pas davan-
tage, sans renoncer à être catholique, renoncer radicalement
à ses légitimes réclamations en ce qui touche la réalisation
de cette idée ; elle ne peut, sans trahir son divin fondateur et
l'humanité, octroyer elle-même à un peuple, à un Etat, une
charte d'affranchissement l'autorisant positivement à pour-
suivre sa route particulière, sans se soucier de la loi chré
tienne révélée par Dieu. C'est cela pourtant, et rien de moins,
que les signataires de Y Adresse exigent de l'Eglise. Evidem-
ment, ils n'ont pas vu toute la portée de leurs paroles ; mais
que demandent-ils, en somme, quand ils réclament du concile
une déclaration // qui ne doit laisser aucun doute sur la
rupture complète de l'Eglise avec le rêve de rétablir la con-
[219-220]
300 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
stitution théocratique des Etats qu'a connue le moyen âge?
Les explications qu'ils apportent, les raisons qu'ils allèguent
prouvent que par ce nom abhorré de constitution théocra-
tique, emprunté par eux aux ennemis de l'Eglise, ils n'enten-
dent pas autre chose que la constitution spécifiquement
chrétienne de l'Etat. Traduire vie chrétienne d'un Etat,
par contrainte en matière de foi, par servitude des con-
sciences, c'est une vieille tactique; seulement, on n'est pas
habitué à trouver cette traduction sur les lèvres d'enfants
fidèles et dévoués de l'Eglise. » Ces reproches jetés ici à la
face de notre « Mère commune)), sont aussi pénibles aux lec-
teurs catholiques qu'injustes eu eux-mêmes. C'est confondre
la chose avec l'abus qu'on en peut faire, que d'identifier les
formes chrétiennes de la vie publique avec les excès d'une
législation politique condamnée par la douceur évangélique,
par l'Eglise elle-même ; la législation du moyen âge était
marquée du caractère de l'époque, elle était dure ; elle serait
intolérable aujourd'hui. Si l'Eglise est vraiment une mère
dont on se fait gloire d'être les enfants, il faut avoir assez de
confiance en elle pour croire que dans la pratique, si elle
exerçait officiellement son influence sur la société politique,
elle ne renierait pas ce sentiment maternel ; et cela quand
bien même dans les circonstances présentes, il s'agirait de
quelque chose de plus que de maintenir un principe de l'ordre
idéal. )) Plus loin on verra que ce n'est pas l'Eglise, mais pré-
cisément les libéraux qui ont exercé une pression morale et
tyrannisé les consciences.
L'adresse des laïques rhénans avait indiqué positivement
<pi elles étaient pour eux les relations normales de l'Eglise et
de l'Etat, et par suite la forme de gouvernement, dont au
lieu et place de la forme « théocratique » (lisez : chrétienne),
ils voulaient voir le concile reconnaître la légitimité. L'Etat
doit se tenir dans la sphère des vérités et des lois de morale
purement naturelles. A cette condition on pourrait concevoir
[250]
L ADRESSE DE COBLENZ 261
les meilleures espérances, « pour l'harmonie, la coopération
féconde, l'organisation idéale de l'Eglise et de l'Etat», Dans
l'article que nous venons de citer, et dans un autre que
publia le Katholik (i), il est démontre que ce projet de paix
imaginé par les libéraux est fondé sur une conception théolo-
gique complètement inadmissible, et au point de vue psycho-
logique aussi bien qu'au point de vue // politico-religieux,
sur une illusion presque incroyable. Mais nous nous sommes
déjà trop longtemps attardés à discuter le contenu de
l'Adresse ; aussi renvoyons-nous nos lecteurs à l'article même
des Stimmkx (2).
Ce n'était pas seulement le contenu de l'Adresse qui devait
mettre les catholiques en défiance, mais encore cette circon-
stance que dès son apparition, sur toute la ligne, la presse
hostile à l'Eglise la salua de bruyantes manifestations de joie.
Qu'il nous soit permis maintenant de dire la triste histoire
de ses auteurs : Xi le rédacteur de l'adresse de Coblenz, ni
le promoteur de la tentative de pétition à Bonn, d'où plus
tard, comme nous le verrons, on envoya le même factum à
l'archevêque de Cologne, ne sont demeurés fidèles enfants
de l'Eglise ; ils n'ont pas persévéré dans l'unité avec elle et
avec le centre de la catholicité, la chaire de Rome; tous
deux ont refusé obéissance au concile et sont morts sans se
réconcilier avec leur Mère.
L'auteur de l'Adresse était Théodore Stumpf, oberlehrer
au gymnase de Coblenz (3). Il la composa sans rien en dire à
Dôllinger, mais avant sa publication il la lui fit approuver (4)
Des cent vingt habitants de Coblenz dont on avait demandé
la signature, quarante-sept seulement furent disposés à la
(1) 18691,74-2.
(2) Dan œkumenische Konz.il, loc. cit. p. 43 sqq.
(3) Cfr. la lettre de Stumpf à Tévêque de Ermland, M61 Philippe Krementz,
C. V. 1182 a. etsuiv.
(4) Ibid. C. 7. Ii83.a .
[220-221]
2G2 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
donner (i). Le Ier juin, les parties principales de Y Adresse
furent publiées par I'Allgemeine Zeitung, avant même que
le texte eut été remis à l'évêque de Trêves, Mgr Matthias
Eberhard. Stumpf déclara (2) que cette divulgation avait eu
lieu (( à l'insu et contre la volonté du comité ».
L Allgemeixe Zeitung émettait le vœu « que dans d'autres
parties de la patrie allemande, des hommes connus pour leurs
sentiments religieux suivissent l'exemple donné à Coblenz et
fissent des manifestations analogues ou même plus libres
encore; car, quand il s'agit des biens les plus sacrés de l'hu-
manité, parler librement est un devoir, reculer en ces
matières est se rendre coupable d'une lâcheté condamnable
devant Dieu et devant les hommes » (3). De fait, au commen-
cement de juillet, l'archevêque de Cologne, Mgr Paul Mel-
chers, reçut de Bonn une adresse qui, àpart quelques mots,
ayant trait spécialement au diocèse de Trêves, était identique
à celle de Coblenz. D'après une note de la Kôlnische Volks-
zeitung du 7 juillet, elle était signée par la majorité des
professeurs catholiques de l'Université, par les membres du
tribunal et de l'administration supérieure des mines, par des
professeurs du gymnase, des avocats, des médecins, etc., en
tout trente-cinq catholiques, appartenant aux professions
libérales. Le 10 juin, le même journal publiait encore cette
nouvelle : trente-sept des plus notables habitants d'Auder-
nach, entre autres, des représentants delà ville, des membres
du conseil de fabrique, des professeurs du gymnase, des
marchands; des rentiers... avaient déclaré par écrit leur
pleine adhésion à l'Adresse de Coblenz (4).
(1) Gedanken eines Theologen tiber die Koblenz-Bonner Laienadresae (Aix-la-Cha-
pelle, t869), p. 7.
(2) Lettre à l'évêque d'Ermland. G. V. 1185 b.
(3) Gedanken eines Theologen... p. 4.
(4) Gedanken eines Theologen, etc., p. 5. — U Adresse fut envoyée au comte de
Montalembert, qui, malade, écrivit de son lit, pour exprimer sa pleine adhésion:
il la combla d'éloges : « Je ne saurais vous dire combien cette remarquable mani-
[221-222
LES DEPUTES AU PARLEMENT DOUANIER 263
L'évêque de Trêves ne répondit pas kl' Adresse, comme on
s'y attendait (i), parce qu'elle avait été publiée avant de lui
être parvenue. L'archevêque de Cologne le fit en quelques
lignes envoyées au professeur Bauerband, un des signataires
de l'adresse de Bonn (2). Voici le passage principal de sa
lettre : « II m'est absolument impossible de souscrire entiè-
rement à toutes les idées et à tous les vœux exprimés dans
cette adresse; je ne laisserai pourtant pas de profiter, à
l'occasion des indications qu'elle renferme. Je suis heureux,
de voir l'insistance avec laquelle ses signataires protestent de
leurs sentiments de foi et de leur soumission filiale à l'Eglise,
car je m'assure que les décisions du futur concile, qu'elles
soient ou non conformes à vos idées et à vos désirs, seront
reeues par vous avec l'humble et respectueuse obéissance
due aux paroles du Saint-Esprit. » /
Une autre manifestation à propos du concile se préparait
encore, elle ne devait pas être adressée à un évèque en par-
ticulier, mais à tout l'épiscopat allemand. Ses auteurs étaient
ces hommes, qui, plus tard, ont mérité grandement de
l'Eglise comme chefs des catholiques pendant le Kultur-
kampf : le peuple allemand les considère aujourd'hui avec
admiration et reconnaissance. Sans doute jusque-là la plu-
part des signataires de l'adresse de Coblenz et de Bonn
passaient avec raison pour des fils dévoués de l'Eglise,
pourtant l'esprit qui avait provoqué ce mouvement était bien
festation m'a touché et réjoui ; elle est sans défaut pour le fond et la l'orme. J'en
signerais volontiers chaque ligne. J'ai cru voir un éclair perçant les ténèbres;
j'ai enfin entendu une parole virile et chrétienne au milieu des déclamations
et des flatteries dont on nous assourdit. » G. V. 1181 b. et suiv. Cecconi loc. cit.
Doc. CLIX. — Cf. la réponse ibid. Doc. CLX. Malheureusement le généreux cham-
pion de la liberté de l'Eglise en France manifesta à plusieurs reprises avant et
pendant le concile des mauvaises dispositions à son égard. Il mourut avant
l'ajournement de l'assemblée.
(1) Ibid. p. 4 et 5.
(2) G. V. 1180 de suq. Cecconi loc. cit. Doc. CLVIII.
[222-223]
204 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ce même esprit hostile à l'Eglise qui dominait clans les libelles
de Janus. Tout autre était l'inspiration de la démonstration
dont il nous faut parler : il suffit de nommer l'un de ses prin-
cipaux artisans, le rédacteur fort distingué des Historisch-
politischen Bl.ettek dont nous avons déjà appris à connaître
la vaillante campagne contre DÔllinger (i) Jôrg : C'est lui
qui, au moment même, où il écrivait ses articles vigoureux
contre DÔllinger et ses partisans et en particulier contre
Y Adresse des laïques de Coblentz (2) travaillait à cet acte.
« Tout d'abord, raconte-t-il lui-même, le projet de la lettre
à l'épiscopat allemand, n'était que pour prendre franchement
position contre les récentes dépêches du concile publiées
par le prince de Hohenlohe (3) ».
Voici sur l'histoire de cette démonstration les renseigne-
ments précis, qu'au nom de tous les hommes qui y prirent
part, le docteur Jôrg, donnait le 29 août 1869 à l'archevêque
de Munich : « En juin dernier, au Parlement douanier alle-
mand s'étaient rencontrés bon nombre de sérieux catholiques
de la Confédération du Nord et de l'Allemagne du Sud. Sans
l'avoir prémédité, ils conférèrent entre eux du prochain
concile général. Bientôt se forma un comité plus restreint,
composé de Pierre Reichensperger, conseiller supérieur au
tribunal de Berlin, du D1' Probst, avocat à Stuttgart, du
D1' Windthorst, ancien ministre du Hanovre, du Dr Ereitag,
avocat à Munich, du conseiller Hosius, conseiller au tribunal
du district de Xeuwied et de votre très obéissant serviteur.
Bien que dans ce groupe fussent représentées des tendances
politiques différentes, on se mit pourtant d'accord sur le
projet d'adresse que nous vous présentons ici avec toute la
déférence possible, comme l'expression de la plus sainte des
(DP. 210, 225.
(2) Historisch-polit. Bl.etter, 1869 II, 239 sqq.
(3) Ibid. 1872, 1, 885.
[223J
LES DEPUTES AU PARLEMENT DO PANIER 26»
convictions. Mais une réunion plus considérable, comprenant
les députés catholiques les plus marquants, convoquée /pour
le môme objet, manifesta des manières de voir nettement
divergentes sur l'opportunité d'une telle manifestation et
aussi sut la manière de la faire parvenir à XX. S S. les
êvêques. Votre très obéissant serviteur a été chargé de
recueillir de plus amples informations et d'agir ensuite en
conséquence. Or, dans la mesure où il lui a été possible,
autant qu'il lui a été donné de s'acquitter par correspondance
de cette commission, il en est arrivé à reconnaître qu'on ne
désirait ni publier une adresse, ni réunir des signatures, mais
plutôt faire une communication confidentielle et toute
confiante à XX. SS. les archevêques et évêques réunis à
Fulda. A cette fin, le très obéissant soussigné prend la liberté
de se hasarder à s'adresser à Votre Excellence comme à son
très Révérend Ordinaire et la prie en même temps de vouloir
bien attribuer la démarche qu'il fait en son nom et au nom
de tous ceux qui l'en ont chargé, au zèle qui l'anime pour la
sainte cause de l'Eglise (i) ».
Le projet (2) dont il est parlé dans cette lettre contient,
après le préambule, la déclaration suivante : « Par la bouche
de l'épiscopat uni au Saint-Père en concile œcuménique, nous
parlera le Saint-Esprit; et nous sommes prêts à obéir avec
respect à ses décisions, à suivre ses avertissements. 0
Un concile ne crée point de dogme nouveau, ajoute notre
document, mais proclame seulement ce qui est déjà contenu
dans la tradition ; suit une phrase qui appellerait bien des
explications : « L'assemblée des fidèles est la dépositaire de
cette perpétuelle tradition ; et les laïques eux-mêmes, dans la
mesure de leur zèle pour la cause de Dieu sur la terre, ne se
(1) Histcrisch-polit.-Bl.etter,1872, I, 884 sqq. G. 7.1187 a. sqq. Cecconi loc. cit.
Doc. GLXII.
(2) Historisch-polit.-Bl.etter loc. cit. p 886. C. V. 1185c. sqq. Cecconi loc. ctt.
Doc. CLXI.
[223-224J
2G(i HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
sont jamais vu refuser le droit de témoigner des aspirations
et des tendances de la communauté chrétienne...
)> C'est pourquoi, lit-on plus loin, nous nous sentons pressés
de déclarer qu'une pleine liberté d'action et de décision doit
être garantie au saint concile contre toute intervention des
puissances temporelles. L'Etat ne peut pas entraver les
libres résolutions de l'Eglise, quoique son autorité puisse
aviser aux mesures à prendre pour l'exécution des décisions
conciliaires touchant à son domaine / ou destinées à se tra-
duire en faits extérieurs.
m Nous avons sans cesse devant les veux les principes qu'a
rappelés le Saint-Père sur les rapports établis par Dieu entre
l'Eglise et l'Etat; mais, comme dans les temps troublés où
nous poursuivons nos fins surnaturelles, il est impossible,
même aux hommes de bonne volonté, d'avoir les mêmes
conceptions des moyens extérieurs de salut, nous ne contes-
tons sa valeur relative à aucune des opinions politiques qui
respectent la foi religieuse, et ne mettent pas d'obstacle à la
vie catholique, pas même à celle qui, pour mieux sauvegarder
la liberté de l'Eglise, croit qu'il est nécessaire de séparer
son domaine de celui de l'Etat. En cette délicate matière,
l'Eglise se borne à demander aux fidèles que dans leur action
politique comme dans toute leur vie, ils fassent droit aux
exigences de la foi et de la charité chrétiennes. »
Le texte remis à l'archevêque de Munich proteste contre
l'idée des Eglises nationales, mais il espère qu'on respectera
«dans l'avenir, comme on l'a fait dans le passé, l'individualité
des différents peuples et leurs coutumes particulières.
« Au Saint-Père, gardien de l'unité, revient la charge
d'avertir, d'exhorter, d'interdire, quand par hasard on veut
exposer ou imposer comme catholiques des doctrines que
dans sa connaissance de la vérité, il ne juge pas conformes
à la foi. »
Autrefois, par suite de circonstances étrangères au dogme
[224-225]
LES DEPUTES AT PARLEMENT DOUANIER 267
et des malheurs des temps, ce fut une question brûlante que
celle du magistère des papes : à tirer du trésor de la tradi-
tion des enseignements positifs, le pasteur suprême avait-il
un droit personnel, ou bien ne pouvait-il agir que d'accord
avec l'universalité des évêques? Nous avons aujourd'hui
conscience que la solution du problème n'est plus urgente;
elle l'est d'autant moins que le concile une fois convoqué,
pourrait bien par la Providence divine ouvrir une nouvelle
période d'assemblées œcuméniques, dont l'autorité n'est con-
testée par personne.
Pour conclure, les amis de Jorg prient les évêques <c de
vouloir bien accueillir ce témoignage de nos consciences
comme l'expression de notre zèle pour l'Eglise, de nos vœux
les plus ardents pour la réunion de nos frères séparés ». //
Friedrich (i) se donne des ijeines infinies pour démontrer
que les rédacteurs de ce projet ont commis un attentat aussi
noir que les signataires de l'adresse de Coblenz et de BonD ;
voire qu'ils sont plus coupables! L'accusation ne mériterait
pas d'être même mentionnée, si elle ne s'adressait pas à des
hommes qui ont tant mérité de l'Eglise.
Xous avons reproduit mot pour mot tous les passages
incriminés. Il s'y rencontre incontestablement des expres-
sions peu exactes. Mais pour des laïques, en des matières
aussi difficiles que celle des rapports de l'Eglise et de l'Etat,
de légères inexactitudes sont-elles donc des crimes? On
pourrait les blâmer, si, à l'exemple des protestataires de
Bonn et de Coblenz, ils avaient prétendu imposer leur
pensée au concile, ou, comme eux, demandé le désaveu de la
doctrine séculaire sur les rapports établis par Dieu entre les
deux puissances, ou réclamé la suppression de l'Index. Tout
autre est l'attitude des membres du Parlement douanier, ils
font preuve d'un tact vraiment catholique. Ils ont des scru-
(1) Geschichle, etc., Il, p. 45 sqq.
[225-226]
268 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pules sur l'opportunité de leur manifestation, sur la manière
dont ils exposent leurs idées à leurs vénérables pasteurs, ou,
comme L'écrit le nonce « sur leur prétention à faire la leçon
à leurs maîtres (i) ». A la majorité des voix, ils décident
d'abord de s'informer (2), puis ils renoncent à composer une
adresse, à rassembler des signatures et se contentent de
communiquer aux évéques réunis à Fulda, confidentielle-
ment et en toute confiance leurs opinions qui déjà, du reste,
s'étaient ébruitées. Voilà tout leur crime. La communication
se fit simplement, paraît-il, par l'envoi du projet d'adn
à l'archevêque de Munich pour qu'il en fit connaître le
contenu à ses collègues. Les députés allemands reçurent
des évêques la réponse bienveillante qu'ils étaient en droit
d'attendre (3).
(1) Dépèche au cardinal secrétaire d'Etat. 1" juillet. Cecconi, loc. cil. Sezlp. 524
(trad. franc. II, p. 449).
(2) Historisch-poi.it. -Bl.etter, loc. cit. p. 883. La revue rectifie à cet endroit le
n-cit inexact que Sepp a l'ait de la délibération des députés. On ne l'avait pas invité
à l'assemblée : il s'imposa lui-même. Auprès de qui avait-on pris les informa-
tions dont parle Jorg ? Celui-ci ne le dit pas. Sepp dit : auprès des évêques. C'était,
en effet, tout naturel. Mais cela n'exclut pas la consultation d'autres personnes,
par exemple, des théologiens dont l'avis a quelque poids en ces matières.
(3) Histoiu-pûlit.-Bl.etter, loc. cit. p. 885. Pour bien montrer les dispositions
des députés au Parlement douanier, Friedrich rappelle (op. cit. loc. cit.) le propos
bien connu du chanoine Kiinzer : « J'accompagnais Windthorst chez lui (après
un dinerchez Savigny), je le consolais de s es doutes sur l'infaillibilité et j'essayais
d'apaiser sa colère contre les Jésuites causes de tout le mal, disait-il, et en faveur
desquels si on voulait les chasser, il ne remuerait pas le petit doigt ! » Le propos
n'arien de particulièrement surprenant pour qui connaît l'époque où Windthorst
et leurs amis firent leurs études, surtout quand on se rappelle les troubles pro-
voqués dans les esprits par les falsifications de faits et de doctrines répandues
par l'école de Munich et reproduites par d'innombrables journaux. Du reste c'est
à l'auteur même de la présente histoire du concile que Windthorst se plaignait
un jour du peu de facilités qu'il avait rencontrées dans sa jeunesse pour faire
sérieuse connaissance avec la théologie et la philosophie. Etudiant en droit à
Heidelberg, racontait-il, il avait été suivre les cours de l'insigne rationaliste
Paulus afin de s'instruire avec plus de précision sur la religion chrétienne! La
merveille, dans ces conditions, c'est que le héros des débats du Ktdturkainpf ait
su plus tard, à force de travail, acquérir l'exactitude dans les matières religieuses
dont il a fait preuve pendant ces fameuses discussions. Quant aux Jésuites c'est
bien plus que le petit doigt qu'il a remué en leur faveur : la question des Jésuites
et celle des écoles furentlesdeuxobjets qui, au moment de sa mort, remplissaient
son délire.
[226-227J
LA BROCHURE A L ASSEMBLEE DE FULDA 2G9
Prévenir l'épiscopat contre l'infaillibilité pontificale, lui
fournir des armes pour en combattre en concile la définition,
tel était le but d'une brochure qui fut au début de septembre
envoyée par la poste aux évêques allemands réunis à Fulda.
Elle ne portait pas de nom d'auteur, ni d'éditeur, ni d'impri-
meur, ni d indication du lieu d'impression ; son titre était :
Quelques remarques sur cette question : Est-il opportun
de définir l'infaillibilité du pape? respectueusement soumise
aux vénérables Archevêques et Evèques. Elle n'était pas
destinée aux seuls prélats allemands, mais bien à ceux de
tout l'univers; des traductions en italien, en espagnol et
anglais furent adressées aux évêques d'Italie, d'Espagne,
d'Angleterre et de ses colonies et des Etats-Unis d'Amé-
rique (Nord) (i). On aurait pu s'étonner de ne pas en voir
faire de traduction française. //
Elle se fit un peu attendre ; nous verrons plus tard (2)
que le traducteur — qui n'était autre que M81" Dupanloup,
évéque d'Orléans — y mettait à ce moment même la dernière
main; ce fut lui qui l'envoya à tous les évêques de France.
Pour le fond c'est la thèse de Janus, avec moins de haine
contre Rome et un ton convenable. Ce n'est pas « au point
de vue théologique » dit l'introduction, que la présente bro-
chure veut étudier, la doctrine de l'infaillibilité pontificale,
elle recherche seulement s'il est opportun de la définir.
« Après avoir mûrement considéré la question sous tous ses
aspects, les rédacteurs ont acquis la ferme conviction
qu'actuellement rien ne serait plus inopportun, plus malen-
contreux pour l'Eglise que la définition d'un pareil dogme.
Soulever seulement la question au concile serait déjà une
(1) Cecconi put à grand peine se procurer un exemplaire de cette brochure
(loc. cit. Sez I, p. 512', trad. franc, t. II, p. 464), encore était-ce un exemplaire
italien, traduit, semble-t-il, sur l'anglais. lien donne la préface en allemand
(loc. cit. Sez. IL Doc. CLXI1I) et le texte en italien (ibid. p. [1584] sqq. trad. franc,
t. III, p. 34Gsiiq.)
(2) Voir plus bas ch. 10.
[227-228]
270 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
grave faute et un grand malheur ». Et eela pour six raisons.
La définition de l'infaillibilité élèverait un nouveau mur
de séparation entre l'Eglise et les schisinatiques d'Orient;
elle nous aliénerait — c'est à craindre — encore davantage
les protestants ; les gouvernements non catholiques en pren-
draient ombrage; les rapports avec les gouvernements catho-
liques en deviendraient plus difficiles; au concile on doit par
dessus tout éviter les discussions violentes — suivant l'exem-
ple déjà donné par Pie IV qui défendit à ses légats de pro-
poser à Trente les matières capables d'engager les Pères
dans des débats trop ardents —, enfin l'on ne voit pas que
cette définition soit nécessaire : l'Eglise s'en est passée pen-
dant dix-huit siècles.
Les auteurs de la brochure promettaient bien de se res-
treindre à la question d'opportunité; mais dès le huitième
paragraphe ils s'en prennent à la doctrine elle-même. « Si le
pape est infaillible, disent-ils, les évèques cessent d'être
juges, témoins et docteurs de la foi, dorénavant les conciles
sont superflus; enfin, son infaillibilité exclusive et person-
nelle le sépare de tout l'épiscopat. //
En convoquant un concile général, Pie IX n'a pas eu
l'intention de faire définir son infaillibilité. D'ailleurs, trop
de points de cette obscure question ont besoin d'être
éclaircis : quels enseignements, quels actes jouissent du
privilège de l'inerrance et dans quelles conditions. L'histoire
fournit aux auteurs de la brochure une série d'objections
contre la thèse ultramontaine et comme le pape reste tou-
jours homme et sujet à pécher, ils estiment que le pontife
pourrait niésuser de sa prérogative pour le malheur de
l'Eglise. Conclusion : la définition n'est pas seulement
inopportune, elle est impossible. Que des théologiens igno-
rant tout, sauf leurs livres, que des journalistes qui vivent
de leurs passions, que les flatteurs du pape y poussent sans
souci, cela se comprend: «mais ceux à qui est commis le
[228-229J
TROUBLES POPULAIRES 271
soin des âmes, ceux qui restent au milieu des hommes pour
tes conduire au ciel, Pie IX et les évêques, pasteurs et chefs
de l'Eglise, obligés en conscience de la guider à travers les
immenses difficultés de nos temps, ceux-là ne voudront cer-
tainement pas, pour complaire à des théoriciens, faire
triompher une école ou un parti, compromettre l'Eglise et
l'exposer à d'aussi grands périls. »
Ces objections de la brochure, nous les rencontrerons
encore souvent ; c'est le thème ordinaire de l'opposition
pendant le concile. Plus tard, nous les aborderons de
front.
Le trouble provoqué par ces polémiques fut considérable,
sans cesse les adversaires du concile travaillaient à l'ac-
croître. Ils lançaient des brochures dans le peuple, ils se
servaient plus encore de la presse quotidienne. Des nouvelles
inquiétantes, des articles déconcertants étaient le mets
servi chaque jour aux catholiques. On comprend que les
feuilles anti-chrétiennes aient servi pareille pâture à leurs
lecteurs, mais des journaux catholiques se mirent alors au
service de l'esprit révolutionnaire et eurent une influence
pire que cette presse hostile dont on se défiait depuis si
longtemps parmi nous.
Une lettre de Mgr Melchers, archevêque de Cologne,
adressée au nonce de Munich, Mgr Meglia, après la réunion
épiscopale de Fulda, parlait de cette agitation populaire.
Son contenu nous est connu par la correspondance du nonce
avec le cardinal Antonelli : // « L'esprit de la population
qu'il a dû (M-1' Melchers) traverser pour se rendre à Fulda,
écrit le nonce, est plus lamentable qu'il n'avait pu se le
figurer; c'est la mauvaise presse et la connivence — pour ne
pas dire plus — des gouvernements qui, par des conjectures
sur les décisions du prochain concile, entretiennent cette
surexcitation. Pendant son voyage, l'archevêque s'entendait
[229-230J
'272 HISTOIRE DU CONCILE Dl VATICAN
crier: « Cracovié ! » (i), injure qu'on jetait à son vêtement
ecclésiastique et épiscopal. Jamais en pareilles circonstances
il n'avait jusqu'ici subi la moindre insulte. Des évèques qu'il
trouva à Fulda / / et qui presque tous parlèrent dans les con-
férences de cette extraordinaire agitation, il apprit que ce
mauvais esprit était général : les questions posées dans les
journaux sur le futur concile et avant tout sur l'infaillibilité
du pape ont bouleversé toutes les classes de leurs diocésains.
A un pareil moment, bien consolantes étaient les déclara-
tions franchement orthodoxes faites à l'assemblée générale
des associations catholiques d'Allemagne, tenue à Diïssel-
dorf, du 6 au 9 septembre.
Après avoir proclamé, entre autres choses, qu'elles atten-
daient avec une confiance sans bornes le concile où l'Eglise-
entière allait se réunir, qu'elles en acceptaient d'avance et sans
(1) A la fin de juillet 18(39 une mauvaise affaire d"un couvent de Cracovié,
grossie, dénaturée et répandue dans l'Europe entière par toute la presse alle-
mande, vint exciter au plus haut point les passions anti-religieuses réveillées
par l'annonce du concile. Dans une chambre du monastère des Ursulines de
Cracovié on aurait trouvé, au milieu d'une indescriptible saleté, dans un vrai
cloaque, une sœur d'une maigreur squelettique que ses compagnes y auraient
séquestrée. La nouvelle se transforma en un roman terrifiant. L'agitation fut
telle qu'en plus d'un endroit il y aurait eu danger de mort pour les religieuses
à sortir de chez elles et qu'elles durent appeler la police pour défendre leurs
maisons. Après quelques semaines tout se calma, le roman se réduisit à une
histoire très simple: une des Ursulines était folle, dans ses accès elle brisait tout
ce qui lui tombait sous la main, salissait tout et tenait des propos si incon-
venants que ses sœurs avaient dû la séparer de la communauté C'était là tout le
crime de ces religieuses, un crime que commettent bien des familles quand elles
ne veulent pas se décharger sur autrui du soin d'un de leurs membres atteint
du même mal. Une instruction fut ouverte qui établit l'innocence des Ursulines,
réduisit à néant les plaintes déposées contre elles et déclara sans fondement et
mêmes calomnieuses toutes les accusations. (Bruck. Geschichle tler kathol. Kirche
in Deutschland, III, 270 sq . Au plus fort de la tourmente un habitant de Cracovié
qui connaissait le couvent et toute celte histoire se trouvait sur les bords du
Rhin, il voulut rétablir les faits dans un journal catholique de la région.
L'émotion était si grande que cette feuille n'eut pas le courage d'accueillir son
article et de braver la tempête. Par ordre du gouvernement la malheureuse folle
tut retirée de son monastère et placée dans un asile d'aliénées. Son sort en
devint-il meilleur? On peut en douter.
[2^0-231
LE CONGRES DÉ DUSSELDOBF 273
condition toutes les décisions, qu'elle protestait, sans sortir
pourtant de la modestie de leur rôle, contre toute immixtion
du pouvoir civil dans les affaires intérieures de l'Eglise, les
associations catholiques prirent les résolutions suivantes :
« Le Congrès salue dans les sentiments de la plus profonde
vénération le concile convoqué par Pie IX pour le 8 décembre
prochain.
» Aujourd'hui, comme dans tous les temps, quand l'Eglise
tient un concile, le peuple chrétien donne toute sa confiance
à l'auguste assemblée. Notre ferme croyance est que l'Esprit
saint dirigera ses délibérations et ne lui laissera prendre que
les décisions capables d'assurer le triomphe de la vérité sur
l'erreur et le salut des nations.
» Les catholiques allemands attendent de leurs princes et
de leurs gouvernements l'abstention de toute démarche qui
pourrait faire obstacle à la liberté des délibérations et des
décisions du prochain concile. »
Ces résolutions furent accueillies par l'unanimité de la
grande assemblée avec des applaudissements enthou-
siastes (1).
(i) C. V. 1107 cl. sqq. Cecconi, loc. cit. Sez. II. Doc. CLXV.
[231]
CHAPITRE VI.
Réunion des évêques à Fulda en septembre 186g.
Leurs deux lettres au Pape et aux fidèles.
En ces temps troublés, une réunion des évêques au tombeau
de Saint-Boniface fut proposée pour le commencement de
septembre. Elle n'était pas décidée précisément à cause du
prochain concile ; mais naturellement les prélats assemblés
devaient se préoccuper avant tout du synode et des désordres
qu'il occasionnait.
Le nonce de Munich écrivait alors au cardinal secrétaire
d'Etat : Bien que chaque évèque en particulier ait déjà parlé
du concile à ses ouailles, il serait avantageux que les prélats
réunis donnassent en commun quelque enseignement sur la
nature et la signification de la grande assemblée œcuméni-
que. Il faudrait attirer leur attention // sur ce point et adres-
ser quelques lignes à ce sujet au président de la réunion,
l'archevêque de Cologne. Si le Saint-Père manifestait un
désir, assurément les évêques s'empresseraient de le satis-
faire (i). Peut-être le Nonce attendait-il une lettre de la curie
à l'archevêque de Cologne, ou bien le plein pouvoir pour lui-
même de se faire auprès du président delà réunion l'interprète
des vœux du pape. Mais le cardinal Antonelli répondit seule-
(1) Dépêche du 16 août 1869. Cecconi, lue. cit. Sez. III, p. 533 et suiv. (Tracl.
Iranç., t. II, p. 457.)
[232-233]
276 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ment en quelques mots : il approuvait l'idée et permettait de
la mettre à exécution. Si le nonce risque une démarche, il
doit savoir sans qu'il soit nécessaire de le lui faire remar-
quer quelle prudence, quelle réserve il faudra y appor-
ter (i). M-1 Meglia se contenta de signaler de vive voix à
l'archevêque de Munich l'opportunité, la nécessité même
d'instructions pastorales communes , en face de l'hostilité
anticonciliaire, pour répandre dans le public des explications
indispensables sur le futur synode et défendre les fidèles
contre les effets des mauvais écrits. L'archevêque entra tout
à fait dans l'idée du nonce, il promit d'employer toute son
influence pour engager ses collègues à cet acte commun (2).
Le Ier septembre, l'assemblée s'ouvrit par la messe ponti-
ficale à la cathédrale de Fulda. Etaient présents : les arche-
vêques de Cologne et de Munich, le prince-évêque de Breslau,
les évèques de Wùrtzbourg, Fulda, Mayence, Hildesheim,
Paderborn., Augsbourg, Osnabriick, Eiehstatt, Trêves, les
vicaires apostoliques de Saxe et de Luxembourg, l'adminis-
trateur de l'archidiocèse de Fribourg, l'évêque élu de Rot-
tenbourg, le professeur Charles-Joseph de Héfélé, et comme
représentants des évèques de Spire, Passau et Kulm, les
chanoines Molitor et Siegler et le prévôt et vicaire général
Hasse. Dans l'après-midi de la première journée arriva
l'évêque de Ermland. Ainsi seize évèques, un évêque élu et
trois délégués épiscopaux prirent part aux conférences.
A la première séance, dans la matinée du Ier septembre,
l'archevêque de Cologne, élu président par acclamations /.
salua l'assemblée, en indiqua la haute importance à la veille
d'un concile général, exprima ses regrets de ce que l'épis-
(1) Dépêche du 20 août 1869. Cecconi, loc. cit., p. 534. (Trad. tranç. t. II
p. 457.)
(2) Dépêche au Cardinal-Secrétaire d'Etat du 31 août 18(39. Cecconi, loc. cit..,
p. 535 et suiv. (Trad. franc, t. II, p. 458.)
[233-234]
L ASSEMBLEE DE FULDA 277
copat autrichien, ainsi que d'antres évêques d'Allemagne (i)
aient été empêchés d'assister aux réunions (2).
On aborda tout de suite l'affaire du concile et on décida
de s'en occuper en premier lieu. Après plusieurs considéra-
tions sur la manière dont on devait traiter dans les confé-
rences de la brûlante question de l'infaillibilité pontificale,
un membre fut chargé de faire un rapport, pour une des
prochaines séances, sur l'attitude à prendre au sujet de
l'opportunité de sa définition.
Dans la seconde séance, l'après midi du premier jour, on
lut puis on examina les avis émis à la requête du gouver-
nement bavarois, par les facultés de théologie de Wurzbourg
et de Munich, sur la définition éventuelle du Syllabus et de
l'infaillibilité.
Y avait-il des matières qu'on dût recommander aux déli-
bérations des Pères? En premier lieu, on jugea utile de
demander « dans la pratique des facultés et dispenses accor-
dées par la Cour de Rome plus d'uniformité et même cer-
taines modifications partielles. » « On donna ensuite lecture,
rapporte le procès-verbal, du mémoire du cardinal Schwar-
zenberg, archevêque de Prague, ad Patres futur i concilii
œcumenici ; à cette occasion, un membre de la conférence
proposa, et sa motion fut appuyée de divers côtés, de prier
l'épiscopat allemand de rédiger un mémoire analogue sur les
points qui, vu l'état de l'Eglise en Allemagne, devaient être
soumis aux débats conciliaires; cette pièce serait remise
imprimée aux Pères du concile, ce qui leur permettrait une
plus exacte appréciation des vœux exprimés. » On décida
ionc que sur les matières discutées à Fulda,un rapport serait
(1) Les archevêques de Gnesen-Posen et de Bamberg, les évêques de Mun-
ter, Limbo'urg, Regensbourg et le grand aumônier des armées prussiennes
samszanowski.
(2) Nous suivons le sommaire du procès-verbal. C V. 1188 a. et suiv. Gecconi.
iez.II. Doc. CGXX.
18
[234-235]
278 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
établi par un des membres de l'assemblée, qu'il serait pré-
senté à Rome aux évêques allemands et, après approbation,
livré à l'impression. Une commission de trois membres fut
nommée à l'effet de déterminer les points à traiter. // « Le
prochain concile, disaient les évêques, ne semblait pas appelé
à faire proprement œuvre dogmatique nouvelle, c'est-à-dire
à définir, à formuler les doctrines mises en cause par les
erreurs contemporaines. De nos jours, ce n'est pas la lumière
qui manque pour connaître la vérité, mais la bonne volonté
pour y conformer sa conduite; la tâche des Pères serait plu-
tôt d'exposer, de manière à les faire pénétrer plus profondé-
ment dans la pensée de nos contemporains, certaines
grandes vérités, en particulier, la doctrine que les conciles
n'ont pas encore définie, relative à l'Eglise, son essence et
son autorité ».
Bans la quatrième séance (après midi du 2 septembre), le
rapporteur précédemment désigné parla de l'opportunité de
la définition de l'infaillibilité. Son discours fut suivi d'une
discussion sur le même objet.
« Le rapporteur, dit le procès -verbal, examina la question
au double point de vue positif et négatif. Les circonstances
actuelles fournissent-elles des motifs sérieux, suffisants de
procéder à cette définition ou, au contraire, des raisons de
souhaiter qu'on l'ajourne?
» Premièrement, jusqu'ici les conciles ont tranché les
questions seulement lorsqu'ils se trouvaient en face d'une
urgens nécessitas et d'un besoin véritable d'ordre pratique.
Dans l'espèce, ces deux conditions ne paraissent pas réali-
sées. Xi la pureté de la foi, ni la paix de l'Eglise ne sont en
danger. De raisons positives de faire définir l'infaillibilité
pontificale, il n'y en aurait qu'au cas où le pape ne jouirait
pas de hi plénitude de puissance et d'influence nécessaire à
son ministère.
» Secondement — au point de vue négatif, — le rapporteur
[235-236]
L ASSEMBLEE DE FILDA 279
montre quelles difficultés., quels obstacles, selon toutes les
prévisions humaines, opposerait la définition à l'œuvre si
ardemment aimée et poursuivie par tous de la réunion de
nos frères séparés. Les chrétiens d'Orient acceptent volon-
tiers le primatus honoris, peut-être se soumettraient-ils au
primatiisjurisdiçtionis; mais leur attachement si connu aux
anciennes traditions ne laisse guère espérer qu'ils recon-
naissent comme un dogme Y infallibilitas papas (i .
» Même remarque (et à certains égards plus pressante
encore) pour le cas des protestants. Chaque jour, ils
paraissent se rapprocher davantage de la maison «lu père de
famille, désirer plus vivement retrouver une Eglise où vive
une autorité doctrinale, où l'on possède de véritables sacre-
ments: mais ils ne sauraient comprendre l'infaillibilité du
pontife romain.
Pour les catholiques allemands enfin, il faut redouter les
fâcheuses conséquences d'une pareille définition. Pour pour-
suivre et atteindre sa fin sublime, au moment où l'on attaque
si ardemment ses principes fondamentaux, l'Eglise a surtout
besoin d'union, de concorde parfaite. Or, il ne parait pas
que la doctrine, du reste difficile à formuler, de l'infaillibi-
lité papale soit généralement comprise, estimée, enracinée
dans la conscience populaire; d'autre part, c'est notoire,
ceux qu'on nomme les catholiques éclairés seraient mis, par
cette définition, dans un état d'excitation et de défiance
indéniable; enfin, elle accroîtrait encore le déchaînement
des préventions contre l'Eglise et les gouvernements en
prendraient ombrage. Toutes ces raisons, semble -t-il,
doivent être prises en sérieuse considération, elles inclinent
à se prononcer contre l'opportunité de la définition, d'autant
il La suite du concile montra que ces vues n'étaient pas exactes. Les
orientaux se montrèrent bien plus enclins à admettre l'infaillibilité — doctrine
si clairement contenue dans la tradition — qu'à accepter la plénitude du pou-
voir de juridiction du pape.
[236-2371
280 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN"
plus qu'on peut se demander si cet acte aurait une influence
heureuse sur la vie religieuse des races latines elles-mêmes.
» Par contre, on fait valoir de différents côtés des raisons
qui ne permettent pas de nier absolument et sans conditions
l'opportunité de la définition : on remarque dans la con-
science populaire une tendance incontestable vers la doctrine
de l'infaillibilité; au nombre relativement restreint des
catholiques allemands s'oppose la masse des fidèles des
autres pays auprès desquels la réponse à la question d'oppor-
tunité ne soulève j>as la moindre hésitation. La crainte des
conséquences fâcheuses qu'on redoute pour l'Eglise d'Alle-
magne ne saurait fournir un argument péremptoire; beau-
coup de protestants ne doivent pas être comptés parmi les
adversaires de ce dogme : ils sentent le besoin d'une autorité
indiscutable et se soumettraient volontiers à l'infaillibilité
du paj)e. Enfin, à l'analogie des conciles antérieurs s'oppose
en une certaine mesure la définition de l'Immaculée Concep-
tion de la Sainte-Vierge : cet acte dogmatique — où du reste
la doctrine de l'infaillibilité du pape e.v cathedra loqnentis a
déjà été implicitement exprimée — n'était pas évidemment
d'une urgente nécessité, o
Une discussion fort approfondie sur ce sujet suivit le
rapport. Les raisons alléguées de part et d'autres furent
reprises, éclaircies, complétées comme il convenait, puis on
finit par tomber d'accord que la question d'opportunité
devait être écartée du mémoire projeté. Lue commission
dresserait séparément et soumettrait ultérieurement à
l'examen des évêques le plan et, plus tard, la rédaction d'une
supplique à Sa Sainteté exprimant les objections soulevées
par l'état de l'Eglise d'Allemagne contre l'opportunité de la
définition projetée.
Le 4 septembre, dans la septième séance, les prélats déci-
dèrent d'adresser à leurs ouailles une lettre pastorale collec-
fcive. Le mode de sa publication était abandonné à l'initia-
[237-238]
L ASSEMBLEE DE FULDA 281
tive de chaque évêque. Le projet qu'on en présenta fut
renvoyé à une commission chargée de l'examen et de la
rédaction de cet acte. Quant au canevas de la supplique au
pape sur l'opportunité de la définition éventuelle de l'infail-
libilité pontificale, il fut approuvé par quatorze évêques ou
par leurs représentants. La lettre pastorale préparée par la
commission fut approuvée et signée dans la dixième séance,
le matin du 6 septembre.
Deux actes furent donc posés par la réunion épiscopale de
Fulda : une lettre pastorale collective adressée aux fidèles,
une lettre au Pape où étaient présentées les objections à l'op-
portunité de la définition au point de vue des intérêts de
l'Eglise d'Allemagne.
De plus, un membre de l'assemblée était chargé de com-
poser un mémoire sur les points ayant trait à la situation de
l'Allemagne et qu'on devait présenter aux discussions du
concile. Les évêques présents se réservèrent d'examiner ce
travail à leur arrivée à Rome, de l'y faire imprimer à plu-
sieurs exemplaires et de le présenter aux Pères du concile.
Au sujet de l'opportunité de la définition, il y eut diver-
gence de vues parmi les prélats, tous n'approuvèrent pas la
supplique. Six des membres présents : M81 Stahl, évêque de
AViirzbourg ; Mgr Martin, évêque de Paderborn ; Mgr Léonrod,
évêque de Eichstâtt; Mgr Adams, vicaire apostolique // du
Luxembourg; les chanoines Molitor et Siegler, représentants
des évêques de Spire et de Passau refusèrent d'adjoindre
leurs noms à ceux de leur quatorze collègues qui la signèrent.
Le jour même où la rédaction de la lettre fut achevée, le
4 septembre, elle fut envoyée au nonce de Munich avec
prière de la faire parvenir au Pape ; le nonce l'expédia le 5 au
cardinal secrétaire d'Etat à Rome (i). Sur la dépêche qui
(1) La dépêche du 5 septembre, publiée par Cecconi, loc. cit. Sez. VII,
p. 540 (trad. franc., t. II, p. 4(i2) se rapporte évidemment à notre lettre. Elle
[238-239]
282 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
raccompagnait et que nous citons d'après la note de Cecconi,
se trouvent, comme il le remarque lui-même, ces mots écrits
au crayon de la main même d'Antonelli : « Rimesa la lettera
a Sua Sanlitate. » La lettre des quatorze est donc parvenue à
sou adresse.
Elle semble avoir été perdue depuis. Malgré des recherches
minutieuses et répétées, ni Mgr Cecconi, ni personne,
raconte-t-il lui-même, n'a réussi à la retrouver (i). Là-dessus,
Friedrich (2) donne libre cours à son imagination : « Le
pape, dit-il, a dû la détruire dans un accès de mauvaise
humeur. » « Malheureusement, nous ne pouvons pas juger ni
de la l'orme ni du fond de la lettre; ... toutefois, il faut la con-
sidérer comme très gravement compromettante pour les
évêques allemands, puisqu'elle n'a pas été communiquée à
Cecconi. » Friedrich pense que si le texte est demeuré introu-
vable à Rome, l'archevêque Mgr Melchers, ou l'auteur de la
lettre, aurait pu pourtant mettre un double à la disposition
de Cecconi. « Evidemment, on a de bonnes raisons pour ne
pas la publier. »
Xous pouvons assurer à l'auteur de la Geschichte du concile
du Vatican, que Cecconi a aussi cherché cette pièce en Alle-
magne, niais ses recherches, ont été infructueuses, et la raison
en est bien simple. File n'a pas été imprimée; donc, en plus
de l'exemplaire envoyé au pape, il n'en existait probablement
encore pas d'autre texte que celui de la minute soumise à
Fulda aux délibérations des évêques, et après la réunion,
emportée à Cologne par le président et déposée par lui aux
archives archiépiscopales. Or, au moment de la rédaction de
est ainsi conçue : Jlecivo in questo momento una lettera cfte M'jr Arcivesco vo di
Colonia, il quali trovasi m Fulda a presedervi H riunione dei Vescoui, dirige al
Santo Padre. Aggningendomi questo Prelato che trattasi in essa di cosa di somma
imporlania, io mi afj'retlo di trasmetterla irnmediatamente a Vostra Eminema
reverendissima, acciù roglia degnarsi déporta ai piedi di Sua Santila.
(1) Loc. cit. Note.
(2) Geschichte. etc., t. II, p. 200 et suiv.
[239]
LA LETTRE DE L ASSEMBLEE DE FULDA 283
son ouvrage, il était difficile à Cecconi d'avoir un document
enfermé dans ces archives : // alors, en effet, l'Allemagne
était en proie au « kulturkampf »; et pendant que l'historien
poursuivait ses recherches, l'archevêque de Cologne était
peut-être déjà en prison ou en exil. Dans la lettre elle-même,
il n'y avait rien qui put engager à la supprimer. Le succes-
seur de Mgr Melchers sur le siège de Cologne, le cardinal
Krementz n'a pas fait la moindre difficulté de la mettre à
notre disposition pour la publier dans le VIIe volume de la
COLLECTIO LaCENSIS (i).
En voici le contenu : Après avoir remercié le pape de la
bénédiction qu'il avait envoyée aux prélats réunis à Fulda, les
signataires continuent : a Les relations des journaux et
d'autres écrits ont fait connaître en Allemagne qu'en plus des
matières fort nombreuses et très graves proposées par la
sagesse et l'autorité apostolique de Votre Sainteté aux déli-
bérations du futur concile œcuménique, un certain nombre de
personnes demandaient la définition, comme dogme imposé
à la foi de tous les catholiques, de l'infaillibilité du Souverain
Pontife parlant ex cathedra. Depuis lors, les âmes sont gran-
dement troublées et le funeste tumulte des disputes, des agi-
tations, des outrages, des scandales répandus dans le public
par les brochures et la presse quotidienne croit de jour en
jour. La discussion ne s'est pas enfermée dans le cercle des
théologiens et des docteurs en sacrée théologie, tout au con-
traire les laïques, nobles ou plébéiens, ont été appelés à
prendre connaissance du débat et à en juger le fond même.
C'est pourquoi beaucoup de membres du clergé, beaucoup de
laïques souhaitent vivement que les pères du prochain concile
œcuménique s'abstiennent de rien définir sur cette matière
et ceux qui sont animés de ce désir sont des hommes que
distinguent leur fidélité, leur piété éprouvée envers l'Eglise
(1) C. V., 11W a. et suiv.
[239-240;
284 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
et le Siège apostolique. Ils redoutent grandement le trouble
qu'une définition du concile œcuménique sur ce point ne
trouble la foi d'une partie considérable des fidèles et n'oppose
désormais des difficultés plus grandes encore au retour des
nombreux protestants allemands à l'unité de la Sainte Eglise
catholique. Déjà les laïques, dont nous venons de parler, ont
adressé aux évêques des pétitions où l'on demande expressé-
ment et ardemment que les chefs des diocèses s'appliquent
(h> toutes leurs forces à éloigner, s'ils le peuvent, de
l'Eglise catholique en Allemagne de plus graves dangers.
« Les évêques soussignés, réunis à nouveau auprès du
tombeau de Saint-Boniface, apôtre de l'Allemagne, pour
délibérer de tout ce qui semble devoir prof iter au salut des
troupeaux confiés à nos soins et à l'exaltation de l'Eglise
elle-même et du siège apostolique, nous avons jugé de notre
devoir, de considérer avec soin devant Dieu la situation de
notre pays et nous nous sommes sentis obligés d'en informer
Votre Sainteté. Nous ignorons complètement s'il est question
de faire définir par les Pères du concile l'infaillibilité du sou-
verain Pontife parlant ex cathedra; mais nous avons cru
qu'en tout cas il était bon et même nécessaire de porter avec
tout le respect possible à la connaissance de Votre Sainteté
quelles conséquences dangereuses on redoute en Allemagne
d'une définition de ce genre. Il ne nous est pas possible de
déclarer vaines, imaginaires, et par conséquent méprisables,
les craintes si vivement ressenties partant d'ecclésiastiques
et de laïques : il nous faut, au contraire, avouer que, pour
ce qui regarde l'Allemagne, nous trouvons nous mêmes le
moment peu opportun pour la définition de l'infaillibilité
pontificale.
« Il suffit à des fils de s'être ouverts en toute humilité au
cœur de leur Père très aimant et très aimé de ce qui oppres-
sait leur àme; ils n'ont point à redouter d'avoir blessé si légè-
rement que ce soit, l'âme très bienveillante de leur Père,
[239-240]
LA LETTRE DE L ASSEMBLEE DE FULDA 285
parce qu'ils ont déclaré franchement par ces paroles, etc.. »
Après une courte conclusion, suivent les signatures des
archevêques de Cologne et de Munich-Freising, du prince
évèque de Breslau, des évêques de Fulda, de Mayence,
d'Hildesheim, de Léontopolis (vicaire apostolique de Saxe),
fl'Augsbourg, de Trêves, de Leuca (administrateur du diocèse
de Fribourg), d'Ermland, d'Osnabriïck, de l'évêque élu de
Rottenbourg, du vicaire général Hasse représentant l'évêque
de Kulm.
Etait-il sage d'adresser cette lettre au Saint Père, on peut le
contester. Plusieurs des prélats présents à Fulda dissuadè-
rent de le faire et ne signèrent pas : ils avaient de bonnes
raisons. Malgré toutes les difficultés hérissant leur route,
malgré les dangers imminents, courageusement, dans leur
simple confiance en Dieu, ils croyaient devoir mettre en pleine
lumière sous les yeux de la catholicité tout entière avec
courage, la vérité qu'ils tenaient pour révélée, ils croyaient
devoir la défendre contre toutes les hostilités //. La très
grande majorité des Pères du concile a partagé leur manière
de voir ; elle a prévalu ensuite dans la définition du dogme
de l'infaillibilité pontificale; et l'événement l'a justifiée. Mais
au moment de la réunion épiseopale de Fulda la chose n'était
pas si claire qu'aujourd'hui. L'extrême surexcitation des
esprits pouvait bien faire craindre aux évêques que cette
définition n'entraînât les pires conséquences.
Le pape cependant fut mécontent de la lettre. Pourquoi?
nous n'avons pu arriver à le savoir. On nous dit que Pie IX
prit mal ce conseil d'évêques qui le dissuadaient de faire
définir un dogme qu'on ne songeait pas du tout à faire pro-
clamer. En effet, abstraction faite des conditions toutes par-
ticulières qui pouvaient donner occasion à une telle démar-
che, il est assurément fâcheux pour des évêques de prendre
parti avant l'ouverture du concile contre un acte conciliaire
éventuel. Ils pouvaient faire des propositions positives,
[240-2 il]
286 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
Pie IX les y engageait (i). Au concile même, ils pouvaient et
devaient s'élever contre l'adoption de toute mesure dont ils
craignaient quelque détriment pour l'Eglise.
Mais, dès avant le concile, travailler à faire écarter les pro-
jets éventuels qui leur déplaisaient, cela pouvait facilement
passer pour un empiétement, pour une entreprise contre la
liberté des autres évêques bien en droit eux aussi de faire des
propositions.il pourrait paraître qu'il eût été plus convenable
de laisser à toutes les opinions la liberté complète de pro-
poser ses desseins et puis au concile même de les combattre
s'ils ne plaisaient pas. En réalité, notre cas n'était pas si
simple. Les dangers particuliers que pouvait faire courir à
l'Eglise d'Allemagne, la définition de l'infaillibilité, pous-
saient les quatorze évêques à se tourner vers le pape; ils ne lui
demandaient pas d'exclure l'infaillibilité du programme des
délibérations conciliaires; ils lui présentaient seulement un
état de la situation en Allemagne: ils lui exposaient leur opi-
nion personnelle sur la question pendante. Enfin, ils ne décla-
raient pas que d'une façon générale, ils ne tenaient pas cette
définition pour opportune, mais uniquement au regard des
intérêts de l'Eglise d'Allemagne //.
Voici plutôt ce qui ne fut pas étranger au déplaisir dû
pape : les évêques parlaient en termes respectueux des
hommes qui, en Allemagne, se posaient en adversaires de la
définition et qui, au moyen de pétitions adressées aux
évêques, intervenaient dans les affaires du concile. Assuré-
ment les prélats n'avaient pas eu l'intention de représenter
les agitateurs de Munich comme des catholiques particuliè-
rement fidèles et animés de l'amour de l'Eglise et du Saint-
Siège; mais à Rome, on ne pouvait distinguer avec autant
de précision entre les hommes de bien auxquels songeaient
les congressistes de Eulda et les chefs du mouvement de
(1) Cf. C. V., 18 d.
[241-242]
LE MANDEMENT DE FTLDV 287
Coblenz et de Bonn; on établissait entre eux une
connexion.
L'antre acte des évèqnes, leur mandement eollectif (i) est
un vrai modèle d'instruction pastorale.
Après quelques mots d'introduction, ils abordent immédia-
tement l'objet propre de la lettre, le concile. Ils rappellent
l'accueil joyeux qu'a partout rencontré la première annonce
de sa convocation et la bénédiction qu'apporte au monde un
synode oecuménique. Ensuite, ils passent aux troubles qui
ont suivi. « Le concile, disent-ils, a fait naître dans le cœur
même des fils dévoués de l'Eglise plus d'une inquiétude, et
nos ennemis se sont efforcés d'exciter partout des soupçons
et des répugnances contre cette assemblée et même de pro-
voquer la défiance des gouvernements. »
(c A entendre le bruit que fait l'expression de ces craintes,
on croirait que le concile peut proclamer et proclamera, en
fait, de nouveaux dogmes étrangers à la révélation divine et
à la tradition ecclésiastique, qu'il peut établir et établira des
principes funestes aux intérêts de la chrétienté et de l'Eglise,
aussi incompatibles avec les droits légitimes de l'Etat, de
la civilisation et de la science qu'avec la juste liberté et la
prospérité temporelle des nations.
» On va plus loin encore ; on accuse le Saint-Père de vouloir,
sous l'influence d'un parti, faire du concile exclusivement
un moyen d'accroître plus que de raison le pouvoir du siège
apostolique, de changer l'antique et véritable constitution de
l'Eglise, d'ériger une souveraineté spirituelle inconciliable
avec la liberté chrétienne. On ne craint pas d'appeler parti
le chef de l'Eglise et l'épiscopat, outrage que jusqu'ici
nous n'étions habitués à trouver que dans la bouche de nos
ennemis déclarés. Par suite, on exprime sans scrupule le
soupçon qu'au concile on ne laissera pas aux évêques la pleine
(1) C. V., 1191 c. et suiv. Gecconi, loc. cit. Sez. H. Doc. CLXP7.
[242-243]
288 HISTOIRE DU COXCILE DU VATICAN
liberté de leurs délibérations, qu'il leur manquera, du reste,
à eux-mêmes la science et l'indépendance de caractère néces-
saire pour remplir leur devoir; et l'on va enfin jusqu'à
mettre en question la validité du concile et de ses décisions.
(( Ces faux bruits et d'autres semblables, quelle qu'en soit
l'origine, ne témoignent pas d'une foi ardente, d'un véri-
table amour pour l'Eglise, d'une confiance inébranlable en
cette assistance que Dieu lui prête sans cesse. Jamais nos
pères dans la foi, jamais les saints de Dieu n'ont eu de telles
pensées, et, sans doute, elles blessent aussi, nos bien-aimés
frères, les sentiments intimes de votre conscience chré-
tienne. Mais nous voulons vous exhorter expressément à ne
pas vous laisser séduire par de telles paroles et à ne pas
laisser ébranler votre foi et votre confiance.
» Jamais et dans aucun cas, un concile général ne définira
et ne peut définir un nouveau dogme qui ne soit contenu
dans la Sainte-Ecriture ou dans la tradition apostolique;
quand l'Eglise prononce en matière de foi, elle ne proclame
pas [des doctrines nouvelles; elle met seulement en pleine
lumière la vérité ancienne et primitive et la défend contre
de nouvelles erreurs.
» Jamais et dans aucun cas un concile général ne procla-
mera et ne peut proclamer des doctrines en opposition avec
les principes de la justice, les droits de l'Etat et de ses chefs,
avec la civilisation et les vrais intérêts de la science, avec la
liberté légitime et la vraie prospérité des nations. En un
mot, le concile n'établira aucun principe nouveau, aucun qui
diffère de ceux que les leçons de la foi et la voix de la con-
science ont graves dans tous vos cœurs, de ceux que les
peuples chrétiens à travers tous les siècles ont considérés
comme sacrés, de ceux sur lesquels reposent aujourd'hui
comme toujours le bonheur des nations, l'autorité des prince
et la liberté des peuples, de ceux qui constituent le fonde
ment de toute vraie civilisation.
[243]
LE MANDEMENT DE FULDA 289
» D'où nous vient l'assurance et la confiance d'une telle
déclaration? De notre foi. Jésus-Christ, nous dit-elle, reste
dans son Eglise tous les jours jusqu'à la fin du monde, le
Saint-Esprit ne l'abandonne jamais, il lui suggère et lui
enseigne toute vérité. C'est pourquoi l'Eglise est et demeure
la colonne et le fondement de la vérité : les portes de l'enfer //
ne sauraient prévaloir contre elle. Nous croyons enfin et
nous savons que si les successeurs de Pierre et des apôtres,
le pape et les évoques, légitimement réunis en un concile
général, portent des décrets en matière de foi ou de mœurs,
ils sont garantis contre toute erreur par la Providence et
l'assistance divine... »
» Le synode, continuent les prélats, ne prendra pas de
décisions inconciliables avec les circonstances et les besoins
de l'heure actuelle: on n'a pas le droit, disent-ils encore, de
soupçonner qu'on portera atteinte à la liberté des délibéra-
tions conciliaires. Comme ceux qui se laissent aller à ces
pensées connaissent peu les sentiments du pape et de l'épis-
eopat et la manière de procéder de l'Eglise!... Que dirons-
nous de cet indigne soupçon : par crainte des hommes,
les évèques renonceraient à cette liberté de parole qui
est une de leurs obligations ? Eidèles aux préceptes de
notre Maître, nous ne répondrons pas par l'injure à ceux
qui nous calomnient ; nous nous contenterons de dire
en toute simplicité et franchise : au concile œcuménique,
dans cet office le plus important de leur charge et de leur
action, les évèques de l'Eglise catholique ne manqueront pas
au plus sacré de tous les devoirs, le devoir de rendre témoi-
gnage à la vérité ; se souvenant de la parole de l'Apôtre :
celui qui veut plaire aux hommes n'est pas un serviteur du
Christ, et du compte qu'ils auront bientôt à rendre au tri-
bunal de Dieu, ils ne connaîtront pas d'autre règle de con-
duite que leur foi et leur conscience... »
» Mais lorsque, oubliant toute la vénération et tout l'amour
[243-244]
290 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
que nous devons à l'Eglise et à son chef, on incrimine les
desseins du Saint-Père, on dénigre le siège apostolique*
lorsqu'on représente celui que le Christ a constitué Pasteur
universel, dont il a fait le roc sur lequel repose toute son
œuvre, comme l'homme est l'instrument d'un parti, lorsqu'on
l'accuse de vues superbes et dominatrices, lorsqu'on imite
ci- peuple qui devant Ponce-Pilate accusa jadis Jésus-Christ
notre divin fondateur, d'être un rebelle et un séducteur,
alors les mots nous manquent pour exprimer toute la dou-
leur que nous causent de pareils propos et pour protester
contre l'esprit qui les inspire... »
Après avoir répondu aux attaques contre le Saint-Père, la
lettre pastorale s'étend sur la nature et sur l'action du
concile, sur le bienfait de l'unité dans l'Eglise, et les mal
heurs de la division. « C'est dans cet esprit d'unité, disent
les évêques, (pie nous, les ambassadeurs du Christ, en son
nom, et nous inspirant de son cœur, nous vous exhortons,
nous vous prions, nous vous conjurons tous, mais surtout
vous, nos coopérateurs dans le sacerdoce et dans la prédica-
tion de l'Evangile de travailler chacun à votre rang par la
parole, par la presse et par l'exemple à entretenir et augmen-
ter cette union parfaite des esprits; oubliez donc toutes les
discussions passées, abstenez-vous de tout ce qui pourrait
nourrir la discorde et attiser les passions humaines. »
Pour conclure, les évèques font d'un cœur ému leurs adieux
à leur troupeau; ils prescrivent dans chaque paroisse de leur
diocèse, en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, un triduum
qui devra commencer le 8 décembre, premier jour du con-
cile.
Cette lettre pastorale fut lue dans toutes les chaires des
diocèses, le premier dimanche après sa réception; on voyait
si bien qu'elle sortait de cœurs ardemment apostolique-, elle
respirait un amour si profond pour l'Eglise et son chef, elle
exprimait si bien la force de la vérité et l'intimité des
[244-245]
LETTRE DE LOUIS II A MONSEIGNEUK SCIIERR • 29*
convictions (i) quelle devait avoir partout une action paci-
fiante.
Malheureusement on apprit bientôt que ces mêmes évoques.
(en réalité quatorze d'entre eux seulement), écrivant au pape
sur l'infaillibilité pontificale s'étaient déclarés contre la
définition. Les publicistes hostiles au concile exploitèrent
cette information pour de nouvelles intrigues. On affirmait
que les évoques étaient non seulement opposés à la défini-
tion, mais à la doctrine elle-même. Ces passages de la lettre
pastorale : aucun dogme étranger au dépôt de la révélation,
aucune doctrine opposée à la civilisation, à la science, à la
liberté des états modernes ne sera définie, étaient appliqués
à la doctrine de l'infaillibilité pontificale, et on publiait par
tout le monde que les évèques /',' d'Allemagne s'étaient don-
nés le mot pour défendre l'autorité de l'épiscopat contre les
empiétements de Rome. L'écho atténué de ce bruit peut se
trouver dans les lignes qu'à la réception de la lettre pasto-
rale le malheureux roi Louis II de Bavière, écrivit, le 21 octo-
bre, à l'archevêque de Munich, Mgr Scherr : « Je me réjouis
de trouver exprimée dans cette lettre cette conviction des
évèques allemands assemblés : le prochain concile général
ne proclama aucune doctrine en opposition avec les principes
de la justice, les droits de l'Etat et de ses chefs, les vrais
intérêts de la science, la légitime liberté et le bonheur des
peuples. » En outre, le roi loue l'esprit de modération dont
était animée l'assemblée de Fulda ; il exprime l'espoir que cet
(1) FKiEDRicH(/oc.d/,.t.II, p. 198) n'a pas honte d'écrire de cette magnifique décla-
ration « c'est plutôt une. • pièce rédigée à la mode des chancelleries diploma-
tiques qu'une parole franchement épiscopale. » Qu'on montre donc dans cette
lettre une phrase qui ne sorte pas directement du cœur des pasteurs? D'après
Friedrich, c'est une œuvre de « parti » ; et de fait l'Eglise catholique est un
parti dans l'Eglise, tandis que Friedrich et ceux qui pensent comme lui
représentent la véritable société, fondée par Jésus-Christ. Ce serait le doyen
Heinrich qui aurait fait le plan de la lettre pastorale. S'il en est ainsi l'in-
truction collective des évèques n'en est pas plus dépréciée qu'Heinrich n'a à
rougir de son œuvre.
[245-246]
292
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
esprit prévaudra également dans le synode œcuménique (i).
Qu'un concile ne définisse aucun principe contraire à la
science, à la liberté, à la justice, etc., c'est-à-dire aucune
erreur — car l'erreur seule pourrait être apposée à la science,
à la liberté, à la justice, etc., — cela va sans dire pour
tout catholique, et il est assez triste que les évêques soient
encore obligés de le rappeler. Ils ne disaient pas du tout que
l'infaillibilité du pape était une de ces doctrines funestes;
mais comme les perturbateurs avaient si souvent prétendu
que le synode proclamerait des dogmes préjudiciables à la
science, à la liberté, à la justice, ils déclarèrent simplement
qu'il n'y avait rien à craindre de semblable : la grande
assemblée chrétienne ne définirait rien qui put porter tort à
la science, à la liberté, à la justice.
(1) G. V., 1201 c. etsuiv. Cecconi, loc. cit. Sez.II.Doc. CLXXVII.
[246]
CHAPITRE VII
L'ouvrage de M°r Maret; la controverse provoquée en France
par son apparition.
La simple annonce du projet qu'avait formé le doyen de la
Faculté de théologie de Paris, Mgr H.-L.-C. Maret, évêque
titulaire de Sura, d'écrire un livre pour le prochain concile
avait déjà, nous l'avons dit (i), déchaîné en France une vive
polémique de presse. La lutte devint encore plus ardente
lorsque, un an après, le 16 septembre 1869 (2), parurent deux
volumes de cet ouvrage.
Ils étaient publiés sous le titre : Du Concile général et de
la paix religieuse (3) et devaient former la première partie de
l'ouvrage complet. Au dire de la préface (4), la seconde par-
tie encore à paraître aurait pour objet les rapports de la foi
avec la science, et de l'Eglise avec la Société; elle exposerait
en outre les réformes // et les améliorations à introduire dans
la discipline et les institutions ecclésiastiques. La seconde
partie a-t-elle jamais été publiée? Nous l'ignorons. Dans les
deux volumes qui nous occupent, l'auteur développe ses idées
sur la constitution de l'Eglise, et tout spécialement sur les
rapports de la papauté avec l'épiscopat et sur l'infaillibilité
(1) Cf. p.l82etsuiv.
(2) Lettre du nonce M8' Chigi au cardinal Antonelli, 17 sept, 1869.
(3) Paris, 1869.
(4) I, xvi.
[247-248]
294 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pontificale. Pour conclure, il propose la tenue périodique
des conciles généraux (i).
« Un sentiment assez répandu parmi les catholiques, dit il
dans la préface (2), paraît être celui de la nécessité de forti-
fier l'unité et le pouvoir suprême du chef de l'Église. Ce sen-
timent légitime en lui-même, se produit chez un certain
nombre par la manifestation publique du désir et de l'espé-
rance de voir le futur concile définir, comme dogme de la foi
catholique, l'infaillibilité dogmatique du souverain pontife.
L'infaillibilité pontificale peut être entendue de diverses
manières. Celle qui semble prévaloir dans l'école qui appelle
de ses vœux la définition conciliaire, est la plus absolue de
toutes. Dans ce système, l'infaillibilité dogmatique est un
privilège entièrement et exclusivement personnel au pontife;
c'est-à-dire, un privilège du pontife enseignant seul et sans
aucun concours nécessaire de l'épiscopat. Ainsi entendue,
l'infaillibilité est identique à la monarchie pure, indivisible,
absolue du pontife romain. La souveraineté spirituelle et
l'infaillibilité dogmatique, son attribut nécessaire, appar- |
tiennent au pape et n'appartiennent qu'à lui. »
Ces paroles de la préface révèlent déjà l'erreur fondamen-
tale de l'ouvrage tout entier. Assurément l'opinion qui dit
que le pape seul possède l'autorité suprême dans l'Eglise et
que l'infaillibilité lui appartient exclusivement, a ses défen-
seurs parmi les théologiens et ils apportent de bonnes raisons
en leur faveur ; mais la doctrine de l'infaillibilité pontificale
dont la définition par le concile fut désirée de beaucoup et
qui fut, en réalité, définie, n'exclut en aucune façon l'opinion
d'après laquelle le pape uni aux évèques, devient ainsi comme
un autre détenteur de la puissance souveraine dans l'Eglise;
au concile, comme au pape seul, appartient aussi le privilège
(1) Du concile général, etc. II. 389 et suiv.
(2) Loc. cit.. I, xvii.
[248]
L'OUVRAGE DE Mgr MARET 29o
le l'infaillibilité; cette seule raison déjà réduit à néant la
Dlupart des arguments présentés par Mgr Maret contre la doc-
trine de l'infaillibilité pontificale. En abordant la question,
Mgr Maret est parti d'un faux supposé.
Après avoir observé que les sentiments des évèques sont
partagés sur ce point, il continue ainsi : « Personne sans
loute ne refusera à un évoque catholique // le droit de dire
librement, dans ce concile, son opinion sur la question capi-
tale, appelée, dit-on, à occuper d'abord l'attention de la sainte
assemblée. Mais la préparation du concile doit être aussi
libre que les débats conciliaires eux-mêmes ; et, puisque plu-
sieurs de nos vénérables collègues ont cru devoir porter la
question devant le public, nous pensons qu'il est très licite et
très loisible d'imiter et de suivre ces exemples (i). »
Il expose ensuite le point capital de sa doctrine dans les
lignes suivantes : « Le pape est, de droit divin, le chef suprême
de l'église; les évêques, de droit divin, participent, sous son
autorité, au gouvernement général de la société religieuse.
La souveraineté spirituelle est donc composée de deux élé-
ments essentiels: l'un principal, la papauté; l'autre subor-
donné, l'épiscopat. L'infaillibilité qui forme le plus haut
attribut de la souveraineté spirituelle, est nécessairement
aussi composée des éléments essentiels de la souveraineté.
Elle ne se trouve, d'une manière absolument certaine, que
dans le concours et le concert du pape avec les évèques, des
évèques avec le pape ; et la règle absolument obligatoire de
la foi catholique, sous la sanction des peines portées contre
l'hérésie, est placée aussi dans ce concours et ce concert des
deux éléments de la souveraineté spirituelle. Telle est la base
essentielle de la constitution de l'Eglise; tels sont les prin-
cipes essentiels sur lesquels elle repose depuis bientôt dix-
neuf siècles... Si le projet d'une définition dogmatique qui
(1) hoc. cit., I, xvni.
[248-249J
:
296 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
attribuerait l'infaillibilité absolue an pape seul pouvait se
réaliser, dés ce moment, la monarchie de l'Eglise, tempérée
efficacement d'aristocratie, deviendrait une monarchie pur
et absolue; dés ce moment, la souveraineté et l'infaillibilité,
composées, depuis dix-neuf siècles, de deux éléments essen-
tiels, seraient ramenées à un seul. Voilà, selon nous, la révo-
lution que prépare une école bien intentionnée sans doute
mais possédée par l'esprit de système (i) ».
Sa « doctrine est facilement conciliable, affirme M-1' Mare
un peu plus bas (2), avec les doctrines les plus modérées de
l'école qui porte le nom d'ultramontaine ». « L'infaillibilité
pontificale elle-même n'y est pas niée, mais ramenée à sa
vraie nature. // Nous reconnaissons et établissons que le
pape, par son droit de consulter ou de convoquer le corps
épiscopal, par la possibilité où il est d'agir toujours de
concert avec lui, possède, en vertu de l'ordre divin, le moyen
assuré de donner l'infaillibilité à ses jugements dogma-
tiques (3). » Nous appelons l'attention sur le procédé dont
Mgr Maret, ici comme ailleurs, fait adroitement usage : il
consiste à dissimuler sa pensée sous de belles paroles. Sa
doctrine ne nie pas, dit-il, l'infaillibilité du pape. Assuré-
ment, elle ne nie pas l'infaillibilité de tout le corps ensei-
gnant de l'Eglise ni celle des conciles; mais il ne s'agit
pas de cela dans la question de l'infaillibilité pontificale ; ce
qu'il faut savoir, c'est si le pape est, de plus, infaillible par
lui-môme dans les décisions souveraines qu'il prend en
matière de doctrine. Or, une telle infaillibilité, M-1 Maret la
nie très certainement ; et son but dans la composition de son
ouvrage, est de combattre cette doctrine et en général de
défendre la doctrine gallicane. Celle ci prétend que le pape
seul, n'a pas en propre la puissance souveraine dans l'Eglise ; :
(1) hoc. cit., I, xx el sui\ .
(2) Ibid., I, xxvi.
(3) Ibid., 1, xxvii et suiv.
[249-250]
L'OUVRAGE DE M61 MARET 297
cette puissance appartient uniquement à l'assemblée du pape
et des évêques réunis.
Il traite d'ailleurs la question avec autant de liberté que
si jamais aucune décision de l'autorité n'était intervenue.
« Oui, dit-il, le gallicanisme théologique, le gallicanisme de
l'épiscopat français (?), contient un fond de vérité éternelle
et nécessaire, sans nous porter solidaire de toutes les doc-
trines qui ont reçu ce nom, sans nous porter solidaire d'au-
cune assemblée, d'aucune déclaration et en professant tout
le respect qui est dû aux décisions et bulles de Sixte IV (i),
d'Alexandre VIII (2), de Clément XI (3), de Pie VI (4), nous
adhérons à des doctrines qui nous paraissent vraies et qui
n'ont jamais été ni pu être censurées (5). »
Le premier volume de l'ouvrage ne s'occupe pas directe-
ment de l'infaillibilité pontificale, mais il établit la nature
de la souveraineté spirituelle. Les deux questions sont
intimement liées entre elles (6). L'auteur a principalement
en vue, pour le réfuter, l'ouvrage de Muzzarelli : De
auctoritate Romani Pontiftcis in conciliis generalibns (7).
Le premier livre s'étend sur la constitution de l'Eglise en
général. M*-'1 Maret y démontre, entre autres choses, la
primauté de l'évêque de Rome (8). La controverse propre-
ment dite commence seulement au second livre. L'auteur
oppose l'une à l'autre comme deux opinions d'école la
théorie qui domine en Italie avec Bellarmin et celle que
défend l'école française avec Bossuet.
Dans le système de la première, « le pape possède la
(1) Condamnation de Pierre de Osma.
(2) Bulle Inter Multipliées.
(3) Bulle Vineam Domini.
(4) Bulle Auclorem fidei.
(5) Loc. cit., 1, xxvi.
(6) Ibid., 1,144.
(7) Ibid. p. 145.
(8) Loc. cil., 1, 1 et suiv.
[250-251J
298 HISTOIRE DU COXCILE DU VATICAN
monarchie pure, indivisible, absolue, illimitée (i) ». Cette
opinion-là, M^-'1 Maret la combat, et il la présente sans cesse ;
dans les mêmes termes, comme étant l'objet de ses attaques. <
Les quatre caractéristiques sonores dont il la revêt sont i
tout à fait de nature à la montrer sous un faux jour et à j
prévenir le lecteur contre elle (2).
L'autre système, dit Mgr Maret, enseigne aussi que le
pape est un vrai monarque; que les évêques lui sont subor-
donnés et lui doivent l'obéissance; mais ceux-ci n'en ont pas
moins un droit divin et inadmissible à participer au gouverne-
ment général de l'Eglise. Il ne sont pas seulement les con-
seillers du pape, ils sont juges et législateurs avec lui, et,
par leur union avec leur chef, ils forment dans l'Eglise le
sénat qui détient la puissance suprême (3). Dans cette doc-
trine, il n'y a presque rien qui ne soit conciliable avec ce
qu'enseignent réellement les adversaires combattus par
M*1" Maret. Ils ne nient pas que les évêques ne soient vrai-
ment juges et législateurs avec le pape, qu'un concile formé
du pape et des évêques ne possède l'autorité souveraine dans
l'Eglise (4), mais ils nient qu'un tel concile possède exclusive-
ment l'autorité souveraine, et, qu'en dehors de lui, le pape
aussi ne le possède pas. M81 Maret suppose donc à ses adver-
saires une opinion qu'ils n'ont pas, et, par suite, sa discus-
sion manque d'objet. .Ses preuves historiques de l'exercice
du pouvoir suprême par les conciles laissent absolument
intacte la théorie de Bellarmin./
(1) Loc. cit., I, p. 130.
(2) Comment accorder avec une telle manière de voir, par exemple, ce que dit
Bellarmin (de Romano Ponlifice c. 5) : « Doctores catholici in eo conveniunt
omnes, ut regimen ecclesiaslicutn hominibus a Deo commission sit illud quidem
monarchicum, sed temperatum, ut supra diximus, ex aristocratia et democratia.
Id quod praecipue tractant B. Thomas (Contra Génies, 1. IV, c. 76), Joannbs
de Turrecremata » (de Ecclesia 1. 2), et Xicol. Sanderus in libris (de visibili
monarchia Ecclesiae).
(3) Loc. cit.,1, 131,
(4) La possèdent-ils iure divino ou kumano, la chose est controversée parmi
ces théologiens.
[251-252]
L'OUVRAGE DE Mer MARET 299
Les deuxième et troisième livres sont consacrés à une étude
historique de tous les conciles œcuméniques, depuis celui de
Nicée jusqu'à celui de Trente; ils doivent prouver que seuls,
les conciles, et non les papes, possèdent l'autorité souveraine
dans l'Eglise.
Le concile de Xicée, nous explique M-1 Maret, fut convo-
qué avec le consentement du pape Sylvestre, puisque aucun
concile oecuménique ne peut être convoqué sans le pape (i).
Il présida par ses légats et les décrets furent portés avec leur
consentement. La nécessité de la confirmation des décrets
du concile, M.er Maret la reconnaît (2). Mais, maintenant, il
montre aussi quels furent les droits des évèques. Ils eurent
tous, tant les partisans que les adversaires de la doctrine
d'Arius, pleine liberté pour exposer leur jugement; c'était là
l'objet principal du concile. Les débats furent très animés et
très longs. L'Ecriture et la Tradition en furent la règle (3).
Lorsque le légat du pape, Hosius, proposa sous forme d'une
profession de foi la décision qui devait être portée, tous les
Pères du concile furent appelés à donner leur opinion sur la
valeur de ce symbole. Le vote fut moralement unanime, et
l'anatlième prononcé contre ceux qui ne se soumettraient pas
à la définition conciliaire (4).
Après l'exposé de ces prémisses. M-1 Maret croit pouvoir
conclure en faveur de son opinion : « L'autorité qui, à
Nicée, prononça la décision suprême, fut donc l'épiscopat, uni
à son chef, et représentant l'Eglise universelle. La force de
la décision consiste dans l'accord (?), dans le consentement
commun des premiers pasteurs. » Cette conclusion, qui
revient si souvent dans les deux livres, est tirée de l'exposé
des faits par les adversaires de M.°'' Maret aussi bien que
(1) Loc. cit., 1,146.
(2) Ibid. , p. 147 et suiv.
(3) Ibid., p. 148 et suiv.
(4) Ibid., p. 149 et suiv.
[252]
300 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
par lui-même ; la théorie même de Bellarmin n'en est nul-
lement touchée ; nous l'avons déjà montré dans une remarque
précédente. M-1' Maret aurait dû prouver, non pas qu'un
concile œcuménique possède la souveraineté dans l'Eglise,
mais que le pape seul, en dehors du concile, ne la possède
pas.
A la vérité, il va maintenant essayer de le faire. Le même
concile œcuménique de Nicée, dit-il, en outre de la contro-
verse arienne, en a terminé encore deux autres (i)//, celle de
la Pâque et celle de la validité du baptême conféré par les
hérétiques. La seconde de ces questions a pour l'auteur une
grande importance.
La marche de son argumentation est la suivante : Cyprien
de Carthage et d'autres évêques d'Afrique avaient nié la vali-
dité du baptême des hérétiques. Le pape Etienne réprouva
leur doctrine et interdit, sous les peines ecclésiastiques les
plus graves, de rebaptiser ceux qui, baptisés par les héré-
tiques, reviendraient à l'Eglise. Cyprien ne se soumit pas
et, d'après saint Augustin, il n'y a point de signe positif
qu'il ait rétracté son erreur. Pourtant, il est considéré
comme un grand saint. Comment expliquer ce fait (2)? Saint
Augustin nous l'explique, dit Msr Maret. En luttant contre
les donatistes qui persévéraient dans l'erreur de Cyprien, il
dit : « Cyprien aurait facilement réformé son sentiment, si,
de son temps, la question avait été éclaircie et jugée par un
concile plénier. » Donc, d'après saint Augustin et toute
l'Eglise de cette époque, l'autorité du pape seul ne suffisait
pas pour décider en dernier ressort dans une question dog-
matique; un concile œcuménique, l'union du pape avec les
évêques, avait seule ce pouvoir.
Xous n'avons pas à réfuter la démonstration de M£r Maret.
(4) Loc. cit., p. 151.
(2) Ibid., I. 155 et suiv.
[252-253J
l'outrage de m81" MARET 301
Contentons-nous des brèves remarques suivantes : saint
Augustin attaque très vivement les donatistes, parce qu'ils
niaient encore la validité du baptême conféré par les héré-
tiques et en appelaient là-dessus à l'autorité de saint Cyprien.
Il leur fait observer que Cyprien ne serait pas resté attaché
à son erreur, s'il avait vu la vérité dans l'éclat où elle bril-
lait pour les donatistes, et si, de son temps déjà, un concile
plénier avait condamné cette fausse doctrine (i). Mais on ne
peut inférer de là avec Mgr Maret qu'Augustin ait justifié
la conduite de Cyprien, et qu'il ait été satisfait de le voir
rester attaché à son opinion, malgré la sentence du pape
défavorable à sa doctrine. Il y avait, en vérité, des raisons
qui atténuaient la faute de saint Cyprien. Beaucoup d'évê-
ques et de conciles provinciaux l'approuvaient ; depuis son
enfance il avait vu pratiquer dans son église la réitération
du baptême pour ceux qui avaient d'abord été baptisés par
un hérétique, et il était habitué à cette pratique; par suite, son
erreur n'était pas // aussi coupable que celle des donatistes.
Mais saint Augustin ne le justifie en aucune façon, comme
le dit Mgr Maret (2) ; il appelle la conduite de Cyprien un
égarement ; et, bien qu'il n'ait aucune preuve positive de sa
rétractation ultérieure, il croit pourtant nécessaire de l'ad-
mettre à cause de la sainteté de Cyprien ; il émet l'hypothèse
que les documents relatifs à sa rétractation ont été sup-
primés par les partisans de son erreur, qui ne voulaient pas
perdre une telle autorité pour leur cause (3).
La méthode qui lui a servi pour le premier concile œcu-
ménique, M-1' Maret l'emploie en étudiant tous les autres
conciles ; partout, il trouve des preuves pour sa thèse.
(1) Saint Augustin, de Baptimo c. Donat, 1. 2, ep. 4.
(2) Loc. cit., 1,158.
(3) Correxisse (Cyprianum) istam senlentiam non invenitur. Non incongruenter
tamen de tali viro aestimandum est, quod correxerit : et fortasse suppression est ab
Us, qui hoc errore nimium delectati sunt, et tanto relut palrocinio carere noluerunt
(« Ad Vincentium donatistam» ep. 48. c. 10; chez M" Maret, I, 156').
[253-254J
302 HISTOIRE DU COXCILE DU VATICAN
Naturellement les conciles de réforme sont pour lui tout par-
ticulièrement riches ; il les discute dans un esprit tout galli-
can (i).
Le décret du concile de Florence sur la primauté du
pape qui précisément condamne sa doctrine ne peut pas avoir
le sens que lui prête la théologie « italienne » : il serait en
contradiction avec les décisions des conciles précédents (2).
Bien plus, le sens littéral lui-même, croit-il, vient à son
secours. C'est quemadmodum <c et » qu'il faut lire, et non pas
« etiam », le grec porte aussi xaî. La puissance attribuée au
pape est donc limitée par l'addition quemadmodum etc. Plus
tard, pendant le concile du Vatican, il fat établi d'après les
actes du concile de Florence qu'il ne faut pas lire quemadmo-
dum <( et ». mais bien quemadmodum « etiam » (3). Mais en
dehors de cette question de critique textuelle, il est bien
évident que M^Maret fait violence aux mots. Même s'il fallait
lire : quemadmodum « et », il faudrait encore lire : Pleine
puissance est donnée au pape pour gouverner l'Eglise comme
cela est exprimé soit dans les actes des conciles soit dans les
saints canons. L'addition ne peut être une limitation de ce
qui précède : sinon, il y aurait contradiction entre les deux
parties de la phrase, et l'addition affirmerait que la pleine
puissance qui est donnée au pape de gouverner l'Eglise n'est
pas la pleine puissance, mais seulement une partie de celle
que le Christ a donnée à son Eglise et dont les conciles et
les canons ont assigné les limites (4)- //
Le deuxième volume de Mgr Maret (quatrième et cinquième
(1) Loc. cit., p. 386 et suiv.
(2) [bid.,p. 472.
(3) C. V. 1480 a et suiv.
(4) Diffinimus,... Romanum Pontificem in universam Ecclesiam tenere prima-
tum... toliusque Ecclesiae caput et omnium Christianorum palrem et doctorem
exsistere; et ipsi inbeato Petro pascendi, regendi ac gubàrnandi universalem Eccle-
siam a Domino nostro Jesu L hristo plenam potestatem traditam esse ; quemadmodum
etiam (et) in gestis oecumenicorum conciliorum et in sacrin canonibus continetur. —
Il nous faudra dans la suite iv\ enir encore plus d'une t'ois sur ce décret.
[254J
L'OUVRAGE DE Mgr MARET 303
livres) agite dans ses premiers chapitres la question de l'ori-
gine du pouvoir épiseopal; il s'occupe ensuite presque exclu-
sivement de la doctrine de l'infaillibilité du pape et de sa
définition. Il combat ici « le système d'une école absolutiste,
suivant laquelle l'Eglise serait « une monarchie pure, indivi-
sible, absolue, papale », ainsi que la doctrine de « l'infailli-
bilité absolue, séparée, personnelle du pape » ; il discute les
raisons apportées pour et contre cette doctrine. Nous avons
déjà remarqué que Mgr Maret n'expose pas exactement la
théorie de ses adversaires. Plus tard nous aurons à non s
occuper encore surabondamment de ses idées.
Dans le dernier chapitre, l'auteur préconise la tenue pério-
dique de conciles généraux.
M-1' Maret envoya son ouvrage au pape et à tous les
évoques. Il le fit remettre au pape par l'ambassadeur de
France, le marquis de Banneville. Dans sa lettre d'envoi (i)
il déclare au Saint-Père que la publication des deux volumes
a été pour lui l'accomplissement d'un devoir épiseopal.
En prévision des projets que des hommes considérables ont
formés à l'égard du concile, en prévision des dangers aux-
quels ils exposent l'Eglise, il est utile et nécessaire, lui semble-
t-il, de montrer la constitution de l'Eglise dans sa gran-
deur et sa perfection, et avec le caractère d'immutabilité que
lui a donné son divin fondateur. Tel est le but de son ouvrage
qu'il présente au pape et au prochain concile. Il l'envoie aussi
à tous les évêques ; et l'ouvrage est aussi destiné à tous les
prêtres et fidèles qui ne doivent pas rester étrangers aux
choses qui intéressent la foi commune. La liberté dont
d'autres évêques ont usé pour porter devant le public de
graves questions intéressant le concile, il la réclame aussi
pour publier ses propres idées. L'ancienne Eglise de France
croyait rester fidèle à la tradition ecclésiastique et s'est tou-
(1) C, V. 913 c et suiv. — Cecconi, lue. cit. Sect. II, Doc. CCXXI.
[255]
304 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
jours maintenue en étroite communion avec le Saint-Siège.
Les doctrines ont été défendues // jusqu'ici par des hommes
qui ont donné au Siège apostolique les preuves du plus pro-
fond attachement et delà fidélité la plus inviolable, puisqu'ils
ont souffert, pour la cause sacrée, l'exil, la prison, la mort
même. Il ne prend point la défense de la déclaration de 1682,
ni des propositions qu'elle renferme. La doctrine qu'il expose
a un caractère qui lui est tout à fait propre ; elle est essen-
tiellement modérée et peut se concilier facilement avec les
doctrines modérées des écoles romaines.
La lettre d'envoi aux évoques très brève (1), est datée du
14 septembre. L'auteur y répète que dans la composition de
l'ouvrage il a rempli son devoir d'évèque et exercé un droit
épiscopal. Pour le reste il renvoie à sa préface. Il n'y avait
pas à compter sur le silence des éveques. M-1' Pie, évèque de
Poitiers, s'éleva le premier contre M61 Maret. Le 28 sep-
tembre, vingtième anniversaire de son élévation à l'épisco-
pat, il adressa à son clergé réuni une homélie (2) dans
laquelle il s'étend, d'une façon qui convenait à la fête célébrée,
sur l'autorité suprême de la chaire de Rome; il y expose les
preuves en faveur d'une vérité « contre laquelle, dit-il, ne
prévaudront ni les sophistications de l'histoire ni les misé-
rables subtilités d'un faux nationalisme ». Il réfute Mgr Maret,
sans le nommer. « Est-il délicat, demande-t-il après sa
démonstration, et, sans contester le mérite de la bonne foi et
la pureté de l'intention, est-il équitable d'emprunter au triste
vocabulaire de ce temps des expressions envenimées par les
réactions politiques et d'accumuler, à propos du pouvoir le
plus grave, le plus mesuré, le plus entouré de conseils
humains en même temps que le plus assisté de la protection
d'en haut, les mots cent fois répétés de pouvoir personnel, de
pouvoir séparé, de pouvoir arbitraire et despotique : suppo-
V. 913 d. Cecgoni, loc. cit. Doc. CGXXU.
(2) G. V. 1263 d. e( sniv. Cecconi, loc. cit. Doc. CCXXXI.
[255-256]
REPONSES DES EVEQUES FRANÇAIS 305
sitions accusatrices que repousse l'expérience de dix-huit
siècles d'exercice de cette autorité pontificale, toujours amie
de la modération et des tempéraments, encore qu'elle n'ait
jamais douté de son droit et de son pouvoir suprême? Enfin,
est-il opportun, est-il convenable, est-il juste et sensé de
s'autoriser de périls chimériques pour toucher à l'économie
du gouvernement ecclésiastique, dont on ne paraît pas con-
naître la vraie nature, et pour proposer un prétendu perfec-
tionnement de la constitution séculaire de l'Eglise? » //
Mgr Pie publia son homélie et en informa jNP1 Maret (i). Il
lui avoue sans détour que son ouvrage lui a paru laisser à
désirer dans .ses diverses parties, et quant aux arguments, et
quant à l'exposé des faits, et quant aux conclusions. Dans la
préface l'indication du but de l'ouvrage l'a beaucoup con-
tristé. Ce livre ayant été destiné et livré au public, il a com-
muniqué au clergé de sa ville épiscopale réuni à l'occasion de
sa fête une partie de l'impression pénible qu'avait faite sur
lui cet ouvrage. Son intention avait été de s'en tenir là ; mais
l'assistance ecclésiastique avait été d'un autre avis et l'avait
engagé à donner communication de ses paroles au reste du
clergé diocésain.
M81 Maret répondit dans 1' Univers, où avait aussi paru
l'homélie. Sa réponse eut la forme d'une lettre à Mgr Pie (2).
Au fond, elle ne contient rien de nouveau. A propos des
expressions si vivement blâmées par M81" Pie, Mgr Maret
réplique qu'elles se trouvent dans tous les théologiens, dans
tous les canonistes; il s'en est servi parce qu'elles préci-
saient exactement le point controversé de la question.
Mgr Pie ne prouvera jamais qu'il a accusé le pouvoir ponti-
fical d'être despotique et arbitraire. S'il propose la périodicité
conciliaire, ce ne sont pas là des vues personnelles ; il ne
(1) C. V. 1270 c. et suiv. Gegconi, loc. cit. Doc. CCXXXII,
(2) C. V. 1271 c. et suiv. Gegconi, loc. cit. Doc. CCXLII.— Maret, Le tape et les
Evêques, appendice p. 111 et suiv.
[256-257J
306 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
prétend pas toucher témérairement à l'économie du gouver-
nement ecclésiastique ; cette périodicité a été décrétée par
un concile incontestablement œcuménique; elle a été sanc-
tionnée par deux papes et réclamée par les plus saints per-
sonnages.
Dans ses paroles d'adieux, adressées à son clergé avant
son départ pour le concile (i), M81" Pie mentionne pour la
première fois la réponse de M^1 Maret. Il veut, dit-il, d'autant
moins y revenir que les réfutations directes de l'ouvrage
arrivent chaque jour plus nombreuses et plus péremptoires.
« Toutefois, avec l'autorité du pontife et de docteur que
Dieu m'a conférée par rapport à mon diocèse, je n'hésite
point à déclarer que ces deux volumes méritent d'être notés
de toutes les censures théologiques les plus graves, en deçà
de la note formelle d'hérésie. Et je ne crains point que ni le
Saint-Siège, ni le concile œcuménique ne donnent tort à ce
jugement, ou plutôt, je suis assuré d'avance que le concile
enseignant// les doctrines opposées à celles de ce livre, l'auteur
abandonnera et désavouera ses erreurs par l'acceptation
pure et simple des affirmations et des définitions de l'Eglise
assemblée. » Au sujet de la proposition de M8* Maret, de
tenir tous les dix ans un concile général, M-1 de Poitiers, qui
se sépare avec douleur de son troupeau, fait cette remarque:
« Ici se fait reconnaître la différence entre le pasteur d'un
vrai troupeau, vivant parmi les âmes et pour les âmes, et
l'écrivain, même consacre, qui vit parmi les livres et se
tient dans les abstractions... Il faut être évêque in partibus
infidelium pour imaginer que notre mère la Sainte Eglise
imposera tous les dix ans à chaque pasteur et à son troupeau,
un sacrifice pareil à celui qui nous est demandé aujour-
d'hui. »
Pendant ce temps, Mgr Maret avait été vivement attaqué
(1) C. V. 1270 a et suiv. Ceccoxi, loc.cit, Doc. GGLVI.
[257-258]
REPONSES DES EVEQUES FRANÇAIS 307
de différents côtés par des évêques et par des laïcpies ; il se
défendit contre plusieurs de ces attaques dans des lettres
publiques, contre d'autres dans un ouvrage spécial (i).
M-1 Wicart, évêque de Laval, déclarait dans une lettre à
I'Univers (2) son adhésion à l'homélie de Mgr de Poitiers;
dans une lettre à la semaine religieuse de son diocèse, il
attaquait vivement Mgr Maret. M-1' Doney, évêque de Mon-
tauban, se plaignait dans une lettre à I'Univers (3), et
Mgr Plantier, évêque de Nîmes, dans une lettre à M-1 Ma-
ret (4), que l'ouvrage de ce dernier eut l'ait naître le soupçon
qu'il se trouvait au service du gouvernement impérial. « Le
nom et le titre officiel du typographe, écrit Mgr Plantier,
auquel vous avez confié le soin d'imprimer votre écrit, les
intermédiaires que vous avez choisis pour le déposer aux
pieds du Saint-Père, les thèses que vous y développez, tout
cela m'a rempli le cœur des impressions les plus doulou-
reuses. Malgré tout ce que vous pouvez en dire, on ne sait
retrouver dans votre travail, ni la sève pure de la grande
théologie et de l'antiquité chrétienne, ni les vraies traditions
du clergé de France, ni la noble indépendance de l'Episcopat
vis-à-vis des puissances de la terre. »
Mgr Doney soulève aussi la question de savoir pourquoi
Mgr Maret a composé son ouvrage en français; S'il l'a vrai-
ment / destiné au concile, il fallait l'écrire en latin; c'est la
langue du concile et beaucoup de Pères ne comprennent pas
le français. Il a eu sans doute de bonnes raisons pour préfé-
rer le français ; mais on supposera qu'il l'a fait pour mettre
son ouvrage à la portée des laïques, « avec l'espérance d'y
trouver des approbations et des sympathies, un contrepoids
aux dispositions contraires qui ne pouvaient pas manquer
(1) Cf. inlra
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. GCXXXIX. — Cf. C V. 1274 d.
(3) Cecconi, loc. cit. Doc. CCXXXVIl. - Cf. C. V. 1275 a.
(4) Cecconi, loc. cit. Doc. CCXXXVIII. — Cf. C. V. ibid.
[258-259]
308 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
de se manifester, un moyen peut-être de pression sur les
membres du concile ». Mgr Doney conteste qu'il ait été du
devoir de M-' Maret d'écrire cet ouvrage, ainsi qu'il le pré-
tend dans sa lettre aux évèques. Autrement tous les évêques
auraient également le devoir d'écrire un si volumineux
ouvrage.
Mgr Plantier attire, en particulier, l'attention de l'auteur
sur l'imprudence qui se révèle dans la publication de son
ouvrage; il lui pose le dilemme suivant: « Si la définition
qui fait l'objet de vos alarmes devient une réalité, si les
Pères déclarent non pas dogme nouveau, mais dogme
ancien, dogme révélé par le Christ, l'infaillibilité personnelle
du Souverain Pontife parlant e.v cathedra, Votre Grandeur
n'aura devant elle que deux issues possibles: ou bien, il
faudra repousser ce décret comme une erreur, ou bien, il
faudra le regarder comme dicté de l'Esprit Saint lui-même.
— Le repousser ? Mais Votre Grandeur, qui admet l'infailli-
bilité collective de l'Eglise unie à son Chef, ne saurait se
mentir à elle-même, en rejetant une décision de l'Eglise
assemblée. — L'accepter? Mais alors que devez-vous penser,
Monseigneur, de votre Mémoire et surtout de votre livre
quatrième? Ne devez-vous pas être au désespoir d'avoir à ce
point décrié, déshonoré par avance, une vérité devant
laquelle vous serez obligé de vous incliner aussi bien que le
plus obscur des fidèles, comme devant un article de foi? Tout
rationaliste, armé de vos paroles, pourra donc alors se
retourner vers Votre Grandeur et lui dire qu'elle subit, par
une docilité fort étrange une doctrine condamnée par la
protestation des siècles et de l'histoire, et tout au plus
bonne à l'ensevelir sous la honte. C'est-à-dire que vous
serez accablé sous le poids de vos propres raisonnements. J
Est-il prudent, Monseigneur, d'avoir préparé de vos mains
cette coupe d'absinthe et de fiel qui ne servira, grâce à
l'usage qu'en feront les impics, vos flatteurs d'aujourd'hui,
1259]
RÉPONSE DE Mgr MARET A l'ÉVÊQUE DE NIMES 309
qu'à détruire l'autorité du concile et à vous désoler vous-
même? » //
Un langage si net amena Mgr Maret à écrire une très vive
réponse qu'il publia dans les colonnes de I'Univers (i). Il ne
reconnaît à personne le droit de mettre en doute son indé-
pendance de caractère. Son ouvrage n'y prête en aucune
façon. Cela dit, il en vient tout de suite aux passages que
nous venons de citer. M-r l'évoque de Nîmes avoue qu'il
a professé lui-même autrefois les doctrines condamnées
aujourd'hui dans son livre (2). D'après une communication
d'un des amis de M8* de Nîmes, celui-ci a pendant vingt ans
tenu haut le drapeau gallican. Pendant vingt ans Mgr Plantier
a donc encouru l'anathème qu'il semble vouloir appeler sur
la tête de M*1' Maret ! Pourquoi ces menaces ? Le prélat veut-il
étouffer la discussion? Sous le règne du plus sage, du plus
juste des pontifes, il n'y parviendra pas. L'entière liberté des
discussions, dans les limites de la foi, a toujours été une des
lois supérieures des conciles généraux pendant leur prépa-
ration aussi bien que dans leur célébration. Quant à la
possibilité d'une définition de l'infaillibilité pontificale,
Mgr Maret dit que « selon l'usage des conciles généraux, elle
ne serait portée qu'autant que cette grave matière aurait été
entièrement approfondie, qu'autant que toutes les objections
et toutes les difficultés auraient été détruites, qu'autant que
les preuves les plus solides, les plus irréfutables se seraient
produites. Alors une belle et éclatante lumière surgirait des
travaux du saint concile. J'espère que Dieu me ferait la
grâce de ne jamais fermer les yeux à cette lumière. Dans
r (1) Cegconi, loc. cit. Doc. GGXLI1I. — Cf. C. V. 1275 b. — Maret, Le Pape et les
Évêques, appendice, p. 119 et suiv
(2) Voici les paroles de l'évêque de Nîmes ■ « Il fut un temps où, sur les ques-
tions délicates abordées par votre Mémoire, nos idées se toucbaient sans toute-
fois pleinement se confondre. Depuis cette époque déjà lointaine vous avez
étudié, Monseigneur : je l'ai lait aussi moi-même avec conscience. Mais ces
études parallèles ont abouti pour l'un et l'autre à des résultats bien divers. »
20
[259-2dOJ
310
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tous les cas, la soumission me serait douce. Il n'y aurait là
ni fiel ni absinthe. La main de Mgr Plantier ne préparera pas
cette coupe empoisonnée. »
Ce passage est le plus beau, le meilleur qui se rencontre
dans tous les ouvrages de Mgr Maret sur les choses du concile.
Pour le reste, sa réponse à Mgr Plantier est aussi faible que
vive. L'anatlième qui aurait frappé M8* Maret n'est pas men-
tionné dans la lettre de M-1' Plantier; Mgr Maret n'en pouvait
que moins parler d'un anathème qui aurait frappé pendant
vingt ans M-1 Plantier, pour avoir adhéré aux doctrines galli-
canes. Ce qui, d'après M-1' de Xîmes, pouvait le plus embar-
rasser Mgr Maret, ce n'étaient pas ses sentiments gallicans,
mais la publication de son ouvrage, et en cela Mgr Plantier
disait vrai. En outre, le principe de la liberté de discussion
n'exigeait en aucune façon la liberté d'émouvoir d'avance
l'opinion publique contre une définition redoutée; une telle
mesure était plutôt de nature à limiter la liberté du concile.
Il suffira de mentionner brièvement que Mgr Manning,
archevêque de Westminster, prit aussi la plume contre
Mgr Maret. Ce prélat venait d'achever une lettre pastorale où
il exposait en détail les raisons pour et contre la définition
de l'infaillibilité du pape, lorsque l'ouvrage de Mgr Maret lui
parvint. Dans un assez long post-scriptum (i), il compare son
opinion avec la théorie de Mgr Maret et il réfute cette der-
nière. Mgr Maret répondit que Mgr Manning n'avait ni bien
compris ni bien exposé sa doctrine (2).
Parmi les lettres qui furent publiées par des évêques fran-
çais contre Mgr Maret, on remarque principalement celle (3)
de Mgr Delalle, évêque de Rodez, au clergé de son diocèse
avant de partir pour le concile. Cette lettre brille par la fer-
(1) Voir la traduction italienne dans Cecconi, loc. cit. Doc. GGXXXIV. — Cf.
C. V. 127:, ,1.
(2) Cecconi. loc. cit. Boz. CCLII. — Cf. C. F. 1280c. —Maret, Le Pape et les
Evêques, ch. 3.
(3) Cecconi, loc. cit. Doc. CCXLVIU. — Cf. C. V. 1280 a.
[260-261]
LETTRE DE L EVE QUE DE RODEZ 31-1
metéetla franchise de son langage. C'est an système byzantin
lu gallicanisme, remarque-t-il, que la France a été poussée
par le despotisme royal, par les intrigues d'ecclésiastiques
serviles à la cour du roi, par l'enseignement de la théologie
officielle que la tyrannie des parlements imposait à nos
uiciennes facultés. L'ouvrage de Mgr Maret lui apparaît
?omme le dernier mot du gallicanisme expirant sous la répro-
bation de douze papes qui l'ont repoussé par les formules les
dus énergiques, sans toutefois y attacher la note formelle
l'hérésie. Mgr Delalle regrette très vivement l'apparition
l'un tel livre, sorti de la plume d'un évêque qui s'est trop
souvenu qu'il était doyen de la faculté non canonique de la
Sorbonne. Tous les ennemis de l'Eglise et de la papauté, tous
es libres penseurs,// dit-il, ont exalté Mgr l'Evêque de Sura
n partibus infidelium, comme s'ils étaient des ouailles de
son diocèse. Ils l'ont proclamé le })lus docte de ses confrères.
Qs ont déclaré que son livre faisait craquer le vieil édifice
le la papauté et peu s'en faut qu'ils ne lui aient attribué
'infaillibilité que cet auteur conteste au pape. Enfin ils ont
lécidé que ses adversaires ne sont que de fougueux ultra-
nontains. Ces extravagances puériles sont un fâcheux symp-
;ôme ; car, quand on veut apprécier la valeur d'un homme ou
l'une chose, il faut par-dessus tout savoir de quel côté vient
'éloge ou le blâme.
Mgr Delalle reconnaît le talent de l'auteur et la soumission
lui se manifeste dans le langage à l'égard du Saint-Père; mais
1 déclare qu'il repousse son système comme contraire à l'Ecri-
ture Sainte, à la tradition de l'Eglise, aux décisions des conci-
es et des papes, comme sentant l'hérésie de Wicleff et condui-
sant au schisme selon les errements du conciliabule de Baie.
Indiquons seulement ici deux autres lettres plus courtes
le Mgr Maret et de Mgr Delalle (i).
(1) Cf. Gecconi, loc. cit. Doc. CCXLIX.CCL. — Cf. C. V. 1280 ab. - Maret,
.ePape, etc., appendice, p. 121 etsuiv.
[261-20-2]
312 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
La controverse occasionnée par l'ouvrage de Mgr Maret ne
mit pas seulement aux prises des évêques. Il y eut des revues
et des journaux qui y prirent une part active; selon l'esprit
qui les animait, ils distribuèrent à l'auteur la louange ou le
blâme. Le savant abbé de Solesmes, Dom Prosper Guéranger,
écrivit contre Mgr Maret une réfutation (i) en règle.
On avait communiqué à Mgr Maret que le Saint-Père regar-
dait comme une injure que l'auteur lui eût fait présenter son
ouvrage. L'évêque de Sura, dans une lettre que nous avons
sous les yeux (2), écrivit donc à un cardinal — sans doute au
cardinal Antonelli, dont le nom n'est pourtant pas cité dans
la lettre, — pour lui en exprimer ses plus profonds regrets.
Il exprime en termes touchants sa vénération pour Pie IX.
Les opinions qu'il a exposées dans son ouvrage sont toute
telles qu'elles ont été enseignées par des théologiens ortho
doxes et n'ont jamais été frappées d'aucune censure. Il a cru//
bon de les exposer durant la période d'attente qui suit la con
vocation du concile, afin qu'elles fussent librement discutées.
S'il est vrai, comme il l'a entendu dire, que des théologiens
ont été chargés d'examiner son ouvrage, il demande l'autori-
sation de comparaître en personne pour expliquer et défendre
ses doctrines. Le cardinal répondit (3) qu'il regrettait que
M-1 Maret se fût laissé alarmer par des bruits entièrement
dénués de fondement. A Home, personne ne s'est particulière-
ment occupé de son ouvrage; la nouvelle que des théologiens
ont été désignés pour l'examiner a été inventée de toutes
pièces.
Mgr Maret écrivit pour la défense de sa personne et de ses
doctrines un ouvrage spécial : Le Pape et les Evèques, Défense
(1) De la Monarchie pontificale ù propos du livre de Msr l'Évêque de Sura.
3° édit. 1870. — Une traduction allemande est intitulée : Die hochste Lehrgewalt
des Papstes. Mayence, 1870.
(2) IToct. 1869 .
(3) 23 oct.
[2(52-263]
REPONSE DE Mgr MARET 313
du livre sur le Concile général et la Paix religieuse' (i), dont
plus de la moitié est dirigée contre le P. Matignon S. J. et
ses articles dans les Etudes religieuses. Des chapitres moins
longs combattent la Civiltà, l'archevêque de Westminster et
les journaux. Un appendice contient les lettres citées plus
haut de Mgr Maret aux évêques de Poitiers, Mmes et Podez.
Cette controverse faisait prévoir que les délibérations du
concile ne se dérouleraient pas sans lutte. Le concile a défi-
nitivement tranché la question, et il l'a tranchée contre
Mgr Maret. Malgré toute l'ardeur avec laquelle ce savant
défendait ses opinions, nous, l'entendions déclarer au plus
fort de la mêlée qu'il se soumettrait à la décision du concile,
quelle qu'elle pût être. Il a tenu parole. Après la prise de
Rome par les Piémontais, il écrit au pape une lettre (2) où il
lui exprime sa douleur au sujet des maux qui le frappent et il
termine en lui déclarant sa pleine soumission aux décrets
dogmatiques du concile du Vatican. Plus tard (1871), il
réprouva dans une déclaration publique tout ce qui dans son
ouvrage n'est pas conforme à la définition du concile du
18 juillet, et il annonça que son livre était retiré du com-
merce (3). //
(1) Paris 1869.
(2) Lettre du 15 oct. 1870. — C. V. 1001 c et suiv.
(3) « Je regrette absolument tout ce qui dans mon ouvrage : Du concile général
et de la Paix religieuse, Le Pape et les Evêques, est contraire à cette constitution
(du 18 juillet 1870) et aux définitions et décrets des conciles précédents et des
pontifes romains. Je déclare, en outre, que mon ouvrage cesse d*ètre en vente. »
(Pelletier, Mgr Dupanloup, épisode de l'histoire contemporaine, p. 98. )
[263]
CHAPITRE VIII.
L'Apostasie du P. Hyacinthe, de l'Ordre des Carmes.
Au moment même où paraissait le livre de Mgr Maret, le
P. Hyacinthe, Charles Loyson, carme déchaussé et prédica-
teur deN.-D. de Paris, annonçait sa sortie de l'Ordre. Par
suite du prestige dont il jouissait comme orateur, sa détermi-
nation fit grand bruit; et comme il se trouvait être aussi par-
tisan des doctrines gallicanes, on établit un rapprochement
entre l'apostasie du P. Hyacinthe et l'apparition de l'œuvre
de Mgr Maret. Mais ce dernier protesta contre tout rappro-
chement des deux faits. Mgr Pie, dans l'homélie où il parlait
de l'ouvrage de Mgr Maret (i), avait aussi exprimé sa douleur
au sujet de la résolution du P. Hyacinthe. Mgr Maret termine
en ces termes la lettre qu'il écrit à Mgr Pie en réponse à ses
critiques : « Vous gémissez avec raison, Monseigneur, sur un
fait récent que nous déplorons tous. Vos amis osent même
établir une certaine connexité entre ce fait et l'apparition de
mon livre. Il n'y a donc plus aucune justice dans le cœur de
certains hommes? Le mien a été brisé par cet acte que je n'ai
pu prévenir, mais dont j'ai tout fait pour arrêter les suites.
Aujourd'hui il ne me reste qu'à prier, à espérer, mais en
même temps à protester avec énergie// contre tout rapproche-
(1) Cf. supra p. 256.
[264-265]
316 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ment, toute assimilation, toute connexité. Que Dieu prenne
en pitié et les temps et les hommes ! » (i).
La défection du P. Hyacinthe comme religieux et comme
fils de l'Eglise n'a qu'un rapport assez lointain avec le concile
du Vatican. Pourtant elle contribua beaucoup à augmenter
l'agitation au sujet du concile; il convient donc, semble-t-il,
d'en dire quelques mots dans cette histoire.
Charles Loyson possédait un remarquable talent de prédi-
cateur, aussi exerea-t-il une grande attraction sur son audi-
toire de Notre-Dame. Mais son savoir était plus brillant que
solide; il lui manquait la prudence et la réflexion, qualités de
première nécessité à Paris pour un homme de sa situation(2).
A plusieurs reprises déjà, ses manières d'agir inconsidérées
et scandaleuses, les inexactitudes doctrinales relevées dans
ses discours lui avaient attiré des réprimandes de la part de
ses supérieurs. Pendant l'été de 1869, un discours qu'il pro-
nonça dans l'Assemblée générale de la Ligue de la Paix fit
grand bruit. Le Général des Carmes, dans une lettre ferme
sans doute, mais aussi très affectueuse et très paternelle,
datée du 22 juillet (3), lui interdit de paraître à l'avenir dans
toute réunion qui ne serait pas religieuse et catholique, et de
livrer à l'impression quoi que ce fût, même une lettre ou un
discours. Il lui faisait aussi remarquer que le bon renom de
l'ordre exigeait pareille mesure; car déjà en France, en Bel-
gique et à Rome, des évêqûes, des prêtres et des fidèles blâ-
maient les supérieurs de l'Ordre de ce qu'ils ne l'empêchaient
pas (le P. Hyacinthe) de suivre la voie où il s'était engagé.
(i) Maret, Le Pape et les Évêques, p. 118.
(2) « Son enseignement, en même temps qu'il excitait l'enthousiasme de la
jeunesse et des hommes épris de la belle éloquence, éveillait des inquiétudes
des théologiens .Le brillant prédicateur n'offrait guère de garanties du coté de la
sécurité des doctrines. A Rome, avant sa célébrité, on avait été fort surpris qu'il
eût quelque peine à lire Saint Thomas, et que, dans ce dictionnaire encyclo-
pédique de la science sacrée, sujet, idées, données, principes, méthodes, tout
lui fut étranger. » Emile Ollivier, L'Eglise et l'État au concile du Vatican,!, 438.)
(3) Cecconi, loc. cil. Doc. (XXXV. — Cf. C. V. 1262 d.
[265 1
LA DEFECTION DU PERE HYACINTHE 3i7
« Maintenant laissez-moi vous parler à cœur ouvert, comme
un père à son fils ! Je vous vois lancé dans une voie extrême-
ment dangereuse, qui, malgré vos intentions présentes,// pour-
rait vous conduire là où vous seriez désolé d'arriver. Arrêtez-
vous donc, mon cher fils, écoutez la voix de votre père et de
votre ami, qui vous parle le cœur déchiré de douleur. Pour
cela, vous feriez hien de vous retirer dans un des couvents
d'Avignon, pour vous y reposer et aussi pour y faire la retraite
dont je vous avais dispensé l'année dernière à cause de vos
nombreuses occupations. Méditez dans la solitude les grandes
vérités de la religion, non pour les prêcher aux autres, mais
pour le profit de votre âme. Demandez des lumières au ciel
avec un cœur contrit et humilié. Adressez-vous à la sainte
Vierge, à notre père saint Joseph, à notre séraphique mère
sainte Thérèse. — Un père peut bien adresser ces paroles à
un fils, quoique grand orateur. — C'est une question bien
sérieuse pour vous et pour nous tous. »
Un langage si paternel manqua malheureusement son effet.
Le P. Hyacinthe ne vit en lui-même qu'un innocent persé-
cuté, entouré d'intrigues. Dans une lettre (i) du 20 septembre
à son supérieur général, il déclare d'un ton arrogant qu'il
s'éloigne de son couvent « qui dans les circonstances nou-
velles qui me sont faites se change pour moi en une prison
de l'âme. En agissant ainsi, je ne suis point infidèle à mes
vœux : j'ai promis l'obéissance "monastique, mais dans les
limites de l'honnêteté de ma conscience, de la dignité de ma
personne et de mon ministère. Je l'ai promise sous le bénéfice
de cette loi supérieure de justice et de royale liberté, qui est,
selon l'apôtre saint Jacques, la loi propre du chrétien... Si,
en échange de mes sacrifices, on m'offre des chaînes, je n'ai
pas seulement le droit, j'ai le devoir de les rejeter. » Lors-
qu'il en vient à parler du prochain concile, il assure que,
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CGXXI1I. — Cf. C. V. 1262 c.
[265-266]
318 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
dans un moment si solennel, il ne peut laisser enchaîner sa
parole, qu'il ne peut garder le silence. Ce qu'il a sur le cœur,
ce qu'il a le devoir de dire en toute liberté, il l'exprime en
ces termes : « J'élève donc, devant le Saint-Père et devant le
concile, ma protestation de chrétien et de prêtre contre ces
doctrines et ces pratiques qui se nomment romaines, mais
qui ne sont pas chrétiennes et qui dans leur envahissement
toujours plus audacieux et plus funeste, tendent à changer la
constitution de l'Eglise //, le fond comme la forme de son en-
seignement et jusqu'à l'esprit de sa piété. Je proteste contre le
divorce impie autant qu'insensé qu'on s'efforce d'accomplir
entre l'Eglise qui est notre Mère selon l'éternité et la société
du XIX siècle, dont nous sommes les fils selon le temps, et
envers qui nous avons aussi des devoirs et des tendresses. »
Le P. Hyacinthe en appelle ensuite au concile; mais si
l'auguste assemblée était privée de la liberté, si « en un mot
elle était privée des caractères essentiels à un concile œcu-
ménique, je crierais vers Dieu et vers les hommes pour en
réclamer un autre véritablement réuni dans le Saint-Esprit,
non dans l'esprit des partis, représentant réellement l'Eglise
universelle ».
11 se reproduit ici ce qui est arrivé si souvent pour les
esprits opiniâtres et hautains : appelés par leurs supérieurs
à répondre de leurs fautes, ils se croient persécutés injuste-
ment, ils recourent alors à la plus haute autorité de la terre ;
s'ils n'en obtiennent pas non plus l'approbation de leurs
fautes, ils persévèrent dans leur obstination et vont jusqu'à
en appeler à la souveraine autorité de Dieu. « J'en appelle à
votre tribunal, ô seigneur Jésus! » s'écrie le moine orateur
en terminant la lettre à son supérieur, « Ad tiium, Domine
Jesu, tribunal appello! C'est en votre présence que j'écris
ces lignes., c'est à vos pieds, après avoir beaucoup prié,
beaucoup réfléchi, beaucoup souffert, beaucoup attendu, c'est
à vos pieds que je les signe. J'en ai la confiance, si les
[266-267]
L'APOSTASIE DU PERE HYACINTHE 319
hommes les condamnent sur la terre, vous les approuverez
dans le ciel. Cela me suffit pour vivre et pour mourir. »
Dans sa réponse (i), le général des Carmes exprime la dou-
leur qu'il ressent de la triste démarche de son subordonné ;
il l'avertit paternellement de revenir en arrière, lui repré-
sente les peines qu'il a encourues en sortant de l'Ordre. Puis,
remplissant le devoir qui lui incombe en vertu des décrets
apostoliques, il intime l'ordre à l'apostat de rentrer, dans les
dix jours qui suivront la réception de sa lettre, au couvent
qu'il a quitté. Faute de quoi, qu'il soit déposé de toutes les
charges exercées par lui dans l'ordre des Carmes déchaussés,
qu'il demeure sous le coup des censures portées contre lui
par le droit général de l'Eglise et le droit particulier de
son Ordre. // Ces peines sont l'excommunication majeure
encourue ipso facto et la censure de l'infamie.
Mais cette lettre ne fut pas plus puissante sur Loyson que
la lettre pleine d'avertissements de Msr Dupanloup, évêque
d'Orléans (2), et les deux lettres si affectueuses du comte de
Montalembert (3). Loyson laissa porter contre lui toutes les
censures (4)» il s'entêta dans sa voie et finit par sortir tout
à fait de l'Eglise.
Finissons le chapitre par un passage de la première lettre
de Montalembert à Loyson ; il se rapporte à l'appel du reli-
gieux Carme au concile : « Vous en appelez au concile, et vous
ne l'attendez pas, alors que deux mois à peine nous séparent
de sa réunion. Mais d'avance vous l'accusez, vous le déclarez
suspect, et avec une iniquité par trop criante, vous lui
imputez de n'être pas libre dans sa préparation, au moment
même que les évêques d'Allemagne viennent de manifester à
la fois leur souveraine indépendance et leur résolution « de
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CCXXIV. — Cf. C. V. 1262 c.
(2) Cecconi doc. cit.Doc. CCXXVI. — Cf. C. V. 1262 d.
(3) Cecconi, loc. cit. Doc. CCXXVIII. -Cf. C. V. 1263 a. 1276 a.
(4) Cecconi, loc. cit. Doc CCXXXVI. - Cf. C. V. 1276 a.
[267-268]
320 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
n'admettre aucun décret incompatible avec la civilisation et
la science, avec la légitime liberté des peuples et les besoins
des temps actuels »; au moment où vingt symptômes divers
démontrent que ce qui a tout arrêté jusqu'à présent, ce n'est
pas la pression d'en haut, mais la mollesse et la diplomatie
malavisées de ceux qui avaient le droit et le devoir d'agir et
de parler, qui allaient enfin se réveiller et que votre chute va
peut-être replonger dans une inaction et une prostration dont
vous, mon pauvre ami, vous serez responsable devant Dieu
et devant les hommes. »
[268]
I
CHAPITRE IX.
Le manifeste catholico-libéral dans le Correspondant du
10 octobre. — La déclaration catholique du Français
et du Correspondant.
L'ouvrage de Mgr Maret, la défection du P. Hyacinthe
avaient profondément ému les esprits en France. Alors parut
le 10 octobre dans la revue catholico-libérale, le Correspon-
dant, un article sur le concile (i) qui rendit une force nou-
velle à l'agitation. Il était écrit avec beaucoup d'esprit ; le
style, le plan, révélaient un travail soigné et approfondi.
Louis Veuillot l'appelle « l'œuvre d'une plume habile, d'une
science inexacte et d'une conscience passionnée » (2). La
forme et les expressions ne respirent que dévouement pour
l'Eglise ; le fond trahit l'indigence du catholicisme libéral et
a une grande affinité avec les idées mises en circulation en
un langage plus grossier par la littérature allemande de
Janus. Ses adversaires catholiques l'appelèrent un manifeste
des catholiques libéraux de France.
Au début, l'auteur parle avec enthousiasme du concile qui
va s'ouvrir dans deux mois. Puis, passant à son sujet : « De
la hauteur, dit-il, où ces considérations (sur l'antiquité et la
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CLXVIII. — Cf. G. V. 1199 a. —L'article a paru aussi
en brochure : Le Concile. Extrait du Correspondant du 10 octobre 18G9; Paris, 1869.
— Nous citons d'après cette brochure.
(2) L'Univers, 31 octobre 1869.
[269]
322
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
jeunesse toujours nouvelle de l'Eglise) nous élèvent, et de la
pleine satisfaction dont elles comblent notre foi et nos espé-
rances, il nous est pénible, on le conçoit,// de descendre jus-
qu'aux bruits vulgaires, dont la prochaine réunion du concile
alimente autour de nous la presse quotidienne, et jusqu'aux
craintes que ces bruits font naître dans certains esprits. »
Pourtant c'est notre devoir. « Ce qu'on dit, ce qu'on pense
autour de nous du concile, ce qu'on en redoute et ce qu'on en
espère, c'est de tout cela cependant que nous avons le
devoir d'entretenir nos lecteurs, et c'est notre obligation
aussi de leur faire connaître sur tous ces sujets, avec la
réserve que leur nature comporte, notre pensée tout
entière (i). »
La crainte que quelques-uns expriment est double. « Ils
supposent que la réunion du concile a eu pour but et doit
avoir pour effet de concentrer toute l'autorité de l'Eglise sur
la tête du souverain pontife. Ils craignent que, de monarchie
tempérée et partagée (telle qu'elle leur est apparue jusqu'ici),
l'Eglise ne sorte du prochain concile transformée en une
monarchie absolue et gouvernée sans contrôle par un chef
unique. Ils supposent également que des décisions sont pré-
parées par le concile et seront adojDtées par lui, portant une
condamnation dogmatique et absolue sur certains principes
mi-partie politiques et religieux qui figurent dans la plupart
des constitutions modernes : et ils craignent que l'effet de
ces décisions ne soit de placer dans les pays que de telles
institutions régissent l'Eglise en hostilité ouverte avec la
société civile, et les catholiques dans la douloureuse alterna-
tive d'avoir à choisir entre l'obéissance aux prescriptions
de leur Eglise et l'attachement qu'ils doivent aux lois de leur
patrie (2). »
(1) Le Concile, p. 17 s.
(2) Ibid.,p. 18s.
[269-270]
LE MANIFESTE DU CORRESPONDANT ,, 323
Personne, poursuit l'auteur, ne peut savoir maintenant ce
que le Saint-Père a résolu de proposer aux méditations du
concile. Le secret le plus absolu a été observé à cet égard
même envers les évêques. Il est à remarquer en particulier
que, des deux points que nous venons d'indiquer, des rap-
ports du pape avec l'Eglise et de l'Eglise avec la société civile,
aucune mention n'est faite dans la bulle qui a convoqué le
concile. Il n'y a donc que des prévisions en l'air, dont on se
fait sujets de crainte. Quant à nous, notre parti est pris de
nous abstenir de ces spéculations téméraires. Nous voulons
pourtant expliquer par quels motifs celles qu'on nous soumet
nous paraissent dénuées de toute vraisemblance (i).
« Commentpourrions-nous craindre, en premier lieu, que la
réunion solennelle de tous les représentants de l'Eglise soit
destinée et doive aboutir à ranger ces représentants eux-
mêmes dans un état de dépendance exagérée sous la main
d'un chef unique? )> Les états généraux de l'Eglise iraient-ils
jusqu'à créer dans son sein une monarchie despotique qui
n'y a jamais existé? « Ce n'est ni l'usage, ni le penchant
naturel des grandes assemblées de consommer elles-mêmes
leur propre abdication (2). »
Si maintenant des deux autorités de l'Eglise nous envisa-
geons celle qui est dogmatique, de laquelle dépend la décision
infaillible des questions de la foi et de la morale, comment
peut-on craindre que cette autorité soit attribuée au pape
seul et que, en tranchant l'ancienne controverse, on défi-
nisse dogmatiquement l'infaillibilité du chef de l'Eglise (3)?
L'auteur manifeste la répugnance qu'il éprouve à traiter, lui
laïque, un pareil sujet. Le Correspondant s'est toujours
contenté de défendre la foi, non de la commenter ou de la
définir. « Xous ne nous départirons pas de cette attitude, à la
(1) Loc. cit., p. 20.
(2) Ibid.,p. 23 s.
(3) Ibid., p. 24.
[270-271]
324 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
veille d'un concile, pour entreprendre de dicter des leçons,
pas plus dans un sens que dans l'autre, à ceux de qui nous
attendons la lumière (i). » Ensuite il confesse sa foi en l'in-
faillibilité du concile' uni au pape et il s'écrie : « De quoi
donc, gens de peu de foi, irions-nous nous alarmer? Com-
ment croire qu'une assemblée véritablement œcuménique,
sur laquelle ne pèse aucune pression, dont n'est exclu aucun
membre légitime, sera assez abandonnée de l'Esprit- Saint
pour se dépouiller elle-même sans motif, au profit d'un autre
pouvoir, de ce qu'il y aurait d'essentiel, d'exclusif et de divin
dans ses prérogatives? Supposer cbez une assemblée pure-
ment humaine un renoncement irréfléchi de cette nature, ce
serait déjà une absurde hypothèse; mais appliquée à une
assemblée infaillible, la supposition est presque sacrilège ;
car c'est admettre que l'Esprit-Saint prendrait plaisir à nous
égarer sur le choix de ses interprètes (2). »
L'auteur continue en parlant de l'unanimité morale requise
pour les décisions conciliaires et de l'impossibilité de définir
un dogme par acclamation. Il rappelle qu'une définition
dogmatique a une force rétroactive :// par suite, la définition
de l'infaillibilité du pape établirait l'infaillibilité de toutes
les décisions émanées des souverains pontifes dans le passé,
dès qu'on pourrait y découvrir le caractère de déclaration
ex cathedra. Et pour prouver qu'il est impossible que les
décisions des papes de tous les temps puissent être considé-
rées comme infaillibles, il en cite plusieurs, en particulier
celles dans lesquelles il s'agit de l'autorité du pape sur les
royaumes temporels (3).
Et, pour conclure, le fait de cette convocation au concile
adressée par Pie IX à ses frères dans l'épiscopat n'est-il pas
précisément un indice qu'il ne songe pas à s'attribuer le
(1) hoc cî7.,p. 25.
(2) Ibid.. p. 27.
(3) Ibid.. p. 34 ss.
[271-272]
L ARTICLE DU 'CORRESPONDANT,, 325
pouvoir si étendu que l'ancien gallicanisme déniait au pape?
Car, si tel était son but, il aurait persisté à trancher seul les
controverses naissantes, comme l'avaient fait ses prédéces-
seurs, par exemple, à propos des controverses provoquées
par Molinos et Jansénius. Puis, l'univers se serait l'ait peu à
peu à l'idée que le pape seul dans l'Eglise avait le pouvoir
de définir (i). Pour que la puissance suprême soit exercée
par ceux à qui Dieu l'a confiée, l'auteur souhaite enfin que
le concile reste en quelque sorte permanent (2) : pour cela,
les évêques prendraient à l'avenir une part constante et fixe
au gouvernement de l'Eglise universelle ; le mode en serait à
déterminer dans le détail par le concile du Vatican; le pape
ne gouvernerait plus seul avec l'aide de congrégations
presque uniquement composées d'Italiens. « Que la papauté
cesse donc d'être exclusivement italienne pour redevenir,
par son union intime avec l'épiscopat, non seulement euro-
péenne, mais universelle et vraiment humaine (3). »
Il n'est pas besoin d'une perspicacité extraordinaire pour
reconnaître l'étroite parenté de l'article du Correspondant
avec les brochures allemandes de Janus. L'un et l'autre
s'inspirent des mêmes désirs et des mêmes craintes : ils
redoutent de voir définies au concile les doctrines de l'auto-
rité suprême et de l'infaillibilité du souverain pontife et
celles du Syllabus. Tous les deux se posent en adversaires
de ces doctrines et travaillent contre leur définition. Assu-
rément leur procédé est bien différent.// Pour Janus, le vœu
exprimé dans une correspondance française de la Civilta
en faveur de la définition, rend indubitable que le pape a en
vue cette définition : là-dessus, il s'emporte grossièrement
contre le pape et tous ceux qu'il croit nourrir de pareils des-
(i) Ibid. p.38ss.
(2) Cf. Le Correspondant, 25 nov. 1869. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXXIV.
Cf. C. F.1285dsq.
(3) Le Concile, etc., p. 46 ss.
[272-273]
326 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
seins; il attaque, ou ne peut plus vivement, les doctrines
dont la définition, d'après lui, est en perspective; tout cela,
dans le but ouvertement déclaré de former un courant
d'opinion contre ces doctrines, et par là, d'empêcher leur
définition. L'écrivain français obéit aux mêmes désirs ou
aux mêmes craintes ; mais il agit comme s'il n'en était
aucunement ému et cherche à montrer cpie de telles craintes
sont absolument dénuées de fondement et que le pape est on
ne peut plus éloigné de la pensée de définir ces doctrines
au concile. Aussi ne cesse-t-il d'exprimer sa vénération
pour Eome et de témoigner dans ses paroles le plus entier
dévouement à l'Eglise, au pape, au concile. Mais, malgré ces
contrastes et cette diversité dans la forme, les deux
ouvrages, français et allemand, sont parfaitement d'accord
sur le fond et tendent à provoquer le même effet. Tout
comme Janus, avec une entière assurance, l'écrivain fran-
çais conteste au pape cette autorité, que les Gallicans appel-
lent ultramontaine, et lui dénie l'infaillibilité pontificale.
Lui aussi apporte contre cette autorité, contre ce privilège,
les raisons avec lesquelles on les combat d'ordinaire; son
intention n'est pas, prétend-il, de combattre ces doctrines,
mais simplement de montrer qu'il ne faut pas s'attendre à
leur définition et, par suite, d'affranchir les esprits inquiets
de toute crainte vis-à-vis du concile. Il va sans dire que,
malgré cela, le résultat devait être le même que pour l'écrit
de Janus : susciter des préventions contre ces doctrines,
mettre des obstacles à leur définition par le concile. Aussi,
bien que la brochure française professe l'infaillibilité du
concile général, toute sa manière de traiter la question pré-
sente inspire des doutes sur la sincérité de ses paroles ; il
semble qu'en insistant sur la nécessité de la liberté du
concile, de l'unanimité dans ses décisions, elle veuille se
ménager une porte de sortie, pour échapper à une définition
éventuelle qu'elle redoute en dépit de toutes ses protestations.
[273]
POLEMIQUE AUTOUR DE L ARTICLE 327
L'article fut beaucoup attaqué en France comme ouverte-
ment hostile à l'Eglise; il fut qualifié, comme on l'a déjà
remarqué, de manifeste du parti libéral.// Mgr Pie, évêque de
Poitiers, en déplora très vivement l'apparition dans les
adieux qu'il fit à son clergé à l'occasion de son départ pour
Rome (i). La Semaine religieuse du diocèse de Cambrai
s'éleva énergiquement contre lui : « Le Correspondant, ainsi
terminait-elle son article, s'engage témérairement dans une
voie bien dangereuse, et nous considérons comme un devoir
d'avertir ceux qui nous entourent, surtout notre jeunesse.
Prenons garde d'échanger contre le drapeau d'une école ou
l'un parti le glorieux drapeau de l'Eglise catholique. Quelques
services qu'aient pu rendre des laïques illustres, ils ne sont
dans l'armée de Dieu que des soldats. Ils trahissent, s'ils
veulent conduire. Nous n'avons pour chefs que nos Pasteurs,
guidés eux-mêmes par le Prince des Pasteurs. Au Vicaire de
Jésus-Christ il appartient de marcher à notre tête : la gloire
ne lui fait pas défaut, sa sainteté rayonne à tous les yeux;
mais surtout il a mission de Dieu : c'est à lui que Jésus-
Christ a commis le soin de faire paître et les brebis et les
agneaux (2). »
Dans l'UxrvERS (3), L. Veuillot consacre un article à celui
du Correspondant. 11 réclame le nom de l'auteur. L'article
n'est, croit-il, ni du Père Douhaire, secrétaire de la rédac-
tion, qui l'a signé, ni de quelque autre membre de la rédac-
tion. Tout le talent, toute l'importance du Correspondant,
dit-il, est due à MM. de Montalembert, de Falloux, Albert de
Broglie, Th. Foisset, Louis de Carné, Augustin Cochin et
aux oratoriens Perraud et Largent ; pourtant Veuillot sou-
tient qu'aucun de ces écrivains n'est suffisamment avancé
pour composer un pareil article. Douhaire répondit au nom
(1) C. 7.1276 a sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CGXLVI.
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLIV. — Cf. C. V. 1280, c, d.
(3) 31 octobre. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCLV. — Ci. C. V. 1280 d.
[274]
328 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
de la rédaction (i), mais sans donner lev nom de l'auteur; il
se plaignit surtout de ce que Veuillot eût prêté à l'article des
doctrines qu'il ne contenait pas; de son côté, Veuillot con-
testa la chose dans un nouvel article (2).
En France, on mettait le nom de M-1' Dupanloup, évêque
d'Orléans, au bas de l'article du Correspondant; de même
pour l'article du Français, dont nous avons parlé plus
liant (3). Cette fois, le bruit était plus sérieux. « Le lecteur
attentif, // dit l'abbé Victor Pelletier, chanoine de la cathé-
drale d'Orléans, ne peut s'empêcher de reconnaître une sorte
de parenté entre ce travail et les écrits de Msr Dupanloup.
Mêmes idées, mêmes raisonnements, mêmes expressions,
mêmes périodes, mêmes tableaux ; la ressemblance est
frappante, surtout dans le paragraphe II. Ceux qui sont au
courant des choses affirment que le manifeste, s'il n'est pas
précisément l'œuvre de l'évêque d'Orléans, a reçu néanmoins
son attache et qu'il n'a été lancé que de son consentement
formel. Xous n'en dirons pas davantage, pour ne pas allonger
outre mesure la présente étude » (4).
L'abbé Maynard déclare, avec une parfaite assurance,
comme une chose connue de tout le monde à son époque, que
« l'article a été écrit dans le cabinet de l'évêque d'Orléans,
en présence de tous les chefs de l'Eglise libérale réunis en
consultation, l'évêque décidant et dictant, et M. de Broglie
tenant la plume » (5).
Il est difficile que Mgr Dupanloup ait approuvé toutes les
phrases de l'article. Mais ce que nous dirons, dans le chapitre
suivant, sur la position prise par lui dans la controverse qui
nous occupe ne prouve que trop clairement qu'il approuvait
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLIV. — Cf, C. V. 1280 d.
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLVII. — Cf. C. V. 1281 a.
(3) Cf. supra p. 203 s.
(4) M* Dupanloup, Épisode de l'histoire contemp., 1845-1875, Paris, 1876, p. 88.
(5) M'r Dupanloup et M. Lagrange, son historien. (Paris 1884) p. 197.
[274-275]
L ARTICLE DU CORRESPONDANT ,, 329
les idées directrices de l'article et que sa publication devait
répondre à ses vœux les plus intimes. On est surpris de voir
le biographe et le panégyriste de M>'r Dupanloup passer sous
silence la question du nom de l'auteur, quand il approuve, ce
semble, la publication de l'article (i).
L'auteur de l'article se retranche derrière le devoir qu'il
proclame de se soumettre aux décisions du prochain concile.
On aime à rapprocher de ces paroles un passage du
Français (2), journal de môme esprit ; on y trouve clairement
exprimée déjà la soumission aux décrets conciliaires. Il fait
partie d'un article signé de G. Allard, secrétaire de la rédac-
tion ; le voici : ce Est-ce donc que le Français prétend prendre
parti sur le fond du débat? Veut-il, s'impro visant théologien
à son tour, se prononcer sur l'opportunité de telle définition
et sur la vérité de tel dogme ? Non ; nous nous gardons bien
de proposer et surtout d'imposer un programme au concile. //
Nous attendons, respectueux et soumis, ses décisions. Nous
éprouvons une sainte joie à promettre une obéissance pleine
d'amour à toutes ses prescriptions, une foi pleine de sécurité
à toutes ses définitions. Nous sommes absolument rassurés
sur la sage prudence avec laquelle l'Eglise, conformément à
ses traditions constantes, pèsera les questions d'opportunité,
sur la lenteur préméditée avec laquelle elle examinera toutes
les faces du problème. Xous avons vu quels ont été toujours
les ménagements infinis de sa sollicitude maternelle pour les
âmes. Confiants dans la parole du Christ, nous attendons les
lumières surnaturelles qui éclairent la sainte Assemblée. Nous
savons surtout que ses définitions, quelles qu'elles soient, appa-
raîtront avec cet éclat lumineux, mais doux et serein, de la
vérité divine, éclat que les aveugles seuls ne voient pas, et
qui ne pourrait blesser que les yeux déjà malades. »
(1) M. l'abbé F. Lagrange. Vie de M«r Dupanloup, III, i37.
(2) 5 novembre 1869. — Cf. Cecconi, loc. cit. Doc. GGL1X — Cf. C. V. 1281 a.
[275-276]
330 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Voilà le langage d'une foi véritable et complète, qui seule
est conséquente avec elle-même et catholique; il confond le
libéralisme boiteux, qui veut être catholique mais ne veut
pas se soumettre à l'autorité doctrinale de l'Eglise.
Dans un article postérieur, le Correspondant (i) affirme
de même sans arrière-pensée qu'il acceptera la décision de
l'Eglise sur la question de l'infaillibilité du pape, quelle
qu'elle soit, avec un respect et une soumission sans
réserves. (2) //
(1) 25 novembre 1869. - Ceccoxi, toc. cit. Doc. CCLXXXIV. — C. V. 1285 d. sq.
(2) Le Correspondant .. . a déclaré... sa résolution absolue — qui n'avait pas
même besoin d'être mentionnée — d'accepter avec un respect et une soumission
sans réserves, la décision, quelle qu'elle lut, sur ce point, comme sur tous les
autres, du tutur Concile. »
[276
CHAPITRE X.
Mgr Dupanloup, éuèque d'Orléans,
et l'agitation préconciliaire.
Le prélat qui, depuis le milieu du XIXe siècle, occupait le
siège d'Orléans, jouissait d'une situation prépondérante
parmi les évoques français. D'extraordinaires qualités
d'intelligence, un savoir singulièrement profond n'étaient
pas seules la raison de cette prééminence; sans doute
MgI Dupanloup possédait une éloquence supérieure à la
commune mesure, une plume habile, avec cela une riche
expérience et la connaissance exacte du cœur humain; mais
ce qui dominait en lui et le caractérisait, c'était l'activité
sans relâche ni repos qui l'animait. Pour son zèle, les limites
de son diocèse étaient trop étroites. Orateur, en chaire et
dans les assemblées profanes, écrivain intéressant, fonda-
teur, inspirateur et rédacteur de journaux, conseiller et ami
des personnes les plus considérables et les plus influentes, il
étendait son action sur la France entière et même sur les
pays voisins. // H fut souvent en relation intime avec les
chefs qui, de son temps, menèrent le combat sur le terrain
religieux et politique. Aucune question religieuse ou ecclé-
siastique ne fut soulevée à laquelle il n'ait ardemment pris
part. Dans plus d'une lutte, celle pour la liberté d'enseigne-
ment en France, pour l'indépendance du pouvoir temporel,
[277-278]
332 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
par exemple, ses grands services firent honorer son nom par
les catholiques de tonte l'Europe et lui valurent à diverses
reprises des témoignages flatteurs de la reconnaissance
pontificale.
Xéanmoins, il n'obtenait pas partout une adhésion sans
réserve à ses idées et à ses efforts. Il avait des adversaires
parmi les laïques aussi bien que dans le haut et le bas clergé.
Entre Mgr Dupanloup, d'une part, et Louis Veuillot, rédac-
teur de I'Univers, assisté des amis de son journal, de l'autre,
l'opposition en était arrivée à la phase la plus aiguë : l' évêque
ne s'était proposé rien moins que de faire disparaître cette
feuille.
Si les vues et les œuvres de l'éveque d'Orléans, de son
vivant même, trouvèrent dans le public un accueil si diffé-
rent, elles ont suscité, après sa mort, de vives controverses.
A peine un ami enthousiaste (i) avait-il achevé sa biographie,
qu'un contradicteur (2) se présentait. La publicité des débats
sur Mgr Dupanloup, son activité et son caractère, nous
donne la plus grande liberté pour juger un homme honoré du
caractère épiscopal et qui, en plus d'une manière, a bien
mérité de l'Eglise. Quand son attitude au concile ne nous
paraîtra pas irréprochable, nous exprimerons sans détours
nos critiques.
Son activité sans trêve ni repos mettait donc toujours en
avant l'évoque d'Orléans (3). Pour peu qu'une question eût
rapport à sa situation dans le monde, il s'y mêlait avec
(1) F. Lagrange, chanoine de Notre Dame de Paris, vicaire général d'Orléans,
Vie de M^ Dupanloup, Évêque d'Orléans. Paris 1884.
(2) U. Maynard, chanoine de la cathédrale de Poitiers, Msr Dupanloup et
M. Lagrange, son historien. Paris 1884.
(3) Émilb Ollivier (L'Eglise et l'Etat, etc , I, 442) commence ainsi un petit por-
trait de Mer Dupanloup : « Bossuet, ayant été surpris au fond de son jardin par
un orage, tandis que ses abbés, la soutane retroussée, gagnaient un abri, n'accé-
léra pas le mouvement majestueux de son pas. « Mais Monseigneur, lui cria-t-on,
vous vous mouillez! » — « Un évêque, répondit Bossuet, ne court jamais.»
M5rDupanloup n'est pas ainsi ; il court toujours vers quelque chose ou contre
quelqu'un. »
[278]
M-1 DUPANLOUP 333
ardeur : on eut été / / surpris de ne pas le voir entrer en lice
dans les luttes occasionnées par le concile. De quel côté se
rangerait-il?
Dans sa jeunesse, le prélat avait défendu la doctrine de
l'infaillibilité pontificale. Pendant un séjour à Rome — c'était
avant son élévation à l'épiscopat — le grade de docteur en
théologie lui avait été offert ; il refusa et voulut le conquérir
en passant un examen. Il demanda qu'on lui accordât une
soutenance à la Sapience. La matière qu'il choisit fut la
doctrine de l'infaillibilité pontificale et sa victorieuse défense
de ce privilège lui valut le titre de docteur (i).
Au temps de la préparation du concile, M81" Dupanloup
passait pour un tenant des opinions catholiques libérales. Le
cercle de ses amis intimes, sa radicale opposition au groupe
de I'Univers et ses relations étroites avec les publications
libérales, le journal le Français et la revue le Corres-
pondant, pouvaient, de fait, valoir comme preuves de son
dévouement à ces idées. Déjà, il avait cherché à provoquer
un accord de l'épiscopat contre la définition de l'infaillibilité
papale (2), alors que, seuls, les cardinaux romains et quel-
ques évèques — dont il était, — invités par le pape à exprimer
leur avis sur les matières à débattre au concile, (3) avaient été
mis au courant du projet de convocation. Quand commença
à se produire l'agitation anticonciliaire, il y prit part sous
le couvert de l'anonyme. Les deux articles (4) du Français
et du Correspondant dont nous avons déjà parlé sont
indubitablement de la plume ou de l'inspiration de
M-1' Dupanloup : seuls ses amis intimes savaient dans quelle
mesure il en était l'auteur.
(1) Lagrange, loc. cit. I, 279 sq. — Victor Pelletier, W Dupanloup, Episode de
l'histoire contemporaine, 1845-75. Paris 1876.
(2) PfulfS. J., M" v. Ketteler, III, 3 sq.
(3) Voir plus haut, p. 39.
(4) Id. 204sq,328sq.
[279]
334 HISTOIRE DU COXCILE DU VATICAN
Les relations du prélat avec les écrivains Allemands hos-
tiles à l'Eglise jettent sur lui une ombre défavorable. Il entre-
tenait depuis quelques années une correspondance épistolaire
avec Doellinger. Avant 1869, les relations amicales d'un
évêque avec le célèbre historien n'avaient rien qui pût paraître
inconvenant, mais nous le trouvons encore en termes très
amicaux avec lui, pendant l'été de cette même année, quand
Doellinger avait déjà lancé les lettres de I'Allgemeixe
Zeitung et l'écrit de Jaxus //. L'évèque fit, en automne 1869,
un voyage en Allemagne et eut avec Doellinger, le 9 septembre,
une entrevue à Herrnsheim, près de Worms. Lord Acton,
l'élève et plus tard le compagnon d'armes de Doellinger, y
assistait (1). Mgr Dupanloup tâcha de décider Doellinger à se
rendre à Rome, au moment du concile. Plus tard encore il
mit tout en mouvement pour réaliser son désir. Le 17 octobre
il priait le cardinal de Prague Schwarzenberg, d'emmener à
Rome Doellinger. Le cardinal répondit le 28 octobre que
c'était impossible. Il y aurait de sa part quelque ostentation
à le faire et d'ailleurs il n'était pas d'accord avec Doellinger
sur un certain nombre de points (2). C'est alors par le comte
(1) Le biographe et le panégyriste de Mfr Dupanloup, Lagram;;-: [Joc. cit., III.
131 sqjnous raconteque l'évèque se rencontra à Herrnscheim avec Doellinger « le
savant professeur que l'Allemagne catholique entourait alors de fous ses res-
pects».Il s'étonne que cette entrevue ait été défavorablement jugée.U pense qu'on
auraitpu aussi bien blàmerles relations de ÎNP'Dupanloup aveeM*" Dechamps,
Ketteler, Mermillod, etc. Lagrange semble avoir ignoré qu'à ce moment
Doellinger était déjà universellement connu comme auteur d'écrits diffama-
toires sur l'Eglise et le pape, comme l'âme et le meneur des mouvements révo-
lutionnaires dirigés contre l'Eglise et le Concile. Voir un évêque en relations
amicales avec lui devait attrister les catholiques. M" Dupanloup, la chose est
certaine, connaissait les tentatives de Doellinger. Doellinger n'a-t-il pas répété
de vive voix à Herrnscheim les idées qu'exposaient ses écrits? Quel était en
définitive le but de la rencontre? « Les insinuations nuageuses et malveillantes
doivent s'évanouir devant l'histoire, dit Lagrange. » Nous craignons que les
mauvais soupçons sur l'entrevue de l'évèque avec Doellinger n'apparaissent à la
lumière de l'histoire que trop justifiés.
(2) Les deux lettres sont aux archives. Plus tard, Schwarzenberg demanda
encore une fois à Doellinger s'il irait à Rome, au cas où Rome même l'inviterait,
(Cf. Friedrich, Ign. v. Doellinger, III, 493.)
[279-280J
M"1' DUPANLOUP AVANT LE CONCILE 33S
de Montalembert que l'évèquc essaie de décider Doellinger
au voyage de Rome (i) //.
Le voyage en Allemagne de l'évêque d'Orléans avait
pour but, croit-on, d'influer sur les décisions des évoques
allemands par rapport à la conduite à tenir dans le concile.
Il adressa aux évoques réunis à Fulda un écrit où il exposait
les raisons de ne point définir l'infaillibilité pontificale (2).
Il poussa jusqu'à Einsiedeln, en Suisse, et jusqu'à la capitale
de l'empire autrichien.
Une anecdote rapportée par Mgr de Ségur nous montre que
À[>'r Dupanloup avait espéré rencontrer chez le cardinal
Rauscher, archevêque de Vienne, des sentiments analogues
aux siens. Désireux de voir le cardinal, il fut par erreur
conduit chez le nonce apostolique. Comme il ne connaissait
personnellement aucun des deux prélats il se crut devant
l'archevêque Rauscher et parla librement du but de son
voyage. Le nonce le laissa s'enferrer quelque peu, puis il lui
dit : « Pardon, monseigneur, je vois que vous vous abusez.
Je suis le nonce et ce n'est pas au nonce que vous aviez,
je suppose, l'intention de parler ainsi » (3).
De retour dans son diocèse, M81" Dupanloup ne releva pas
encore complètement la visière. Le 4 novembre seulement,
il commença à faire connaître publiquement ses idées. Ce
jour-là on devait, à Orléans, célébrer très solennellement la
(1) Cf. la leltre de Montalembert à Doellinger, 7 novembre, dans Pelletier,
loc. cit.\>. 91 sq. « ...Mais avant de vous remercier de votre précieuse lettre
du 31, je veux et je dois m'acquitter de la mission que m'impose notre grand et
cher évêque d'Orléans. Il me demande de vous écrire en son nom comme au
mien pour vous supplier de vous rendre au futur concile, si on vous en offre
l'occasion... Aucune considération ne justifierait à mes yeux votre absence de
ce concile, si vous avez le moyen d'y assister; et si, comme me l'affirme
M" Dupanloup, le cardinal de Schwarzenberg a insisté et insiste encore auprès
des autorités romaines pour que vous y soyez appelé, aucun obstacle ne doit
vous empêcher de vous conformer à ce désir... Vous, qui êtes incontestable-
ment le premier homme de l'Eglise d'Allemagne, comment pouvez-vous décli-
ner la mission de la défendre et de la représenter dans cette crise formidable? »
(2) Lacrange, loc. cit., III, 130, 143. Cf. infra.
(3) Maynard, loc. cit., p. 189 ss. — Pelletier, loc. cit., p. 91.
[280-281]
336 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
fête de Saint-Charles Borromée, patron du clergé diocésain.
Alors se trouvèrent réunis, dans l'après-midi, les vicaires-
généraux, les membres du chapitre de la cathédrale, les prê-
tres de la ville et plusieurs autres venus de près ou de loin
au palais épiscopal pour prendre congé de leur premier pas-
teur avant son départ pour le concile. Le doyen du chapitre,
l'abbé Desbrosses, prit, au dire de l'organe officiel du dio-
cèse (i), la parole « au nom de tous » et dans son discours
exalta la lutte que 1 evêque soutenait pour le Saint-Siège et les
mérites qu'elle lui avait acquis, spécialement dans la défense
du pouvoir temporel, sans lequel Pie IX n'aurait pu convo-
quer le concile. Il parla des espérances avec lesquelles on
l'envisageait et de la bonne volonté du clergé d'Orléans à se
soumettre à ses décrets. // Puis faisant allusion aux inquié-
tudes répandues dans les âmes par les imprudences des uns
et la malveillance des autres, il exprima sa confiance dans la
sagesse du vicaire de Jésus-Christ et des évêques et en parti-
culier de l'évêque du diocèse. Dans sa réponse (2), l'évoque
fit entre autres ces réflexions : « Quant aux inquiétudes
dont vous m'avez parlé, aux initiatives imprudentes, intem-
pestives, je ne tarderai pas à vous en dire ma pensée. » Il le
fit peu de jours après dans une lettre au clergé de son diocèse.
Citons seulement de son discours d'adieu, les belles paroles
de la conclusion : « Pour moi, messieurs, je vais au concile,
appelé par le chef suprême de l'Eglise. J'y vais comme juge
et témoin de la foi. J'y serai, je l'espère, avec l'aide de Xotre-
Seigneur, un juge libre, attentif et ferme, sans aucun respect
humain; un témoin vigilant et fidèle. Et, le concile achevé,
quelles qu'aient été ses décisions, conformes ou contraires à
mes vœux et à mes votes, je reviendrai soumis à tout, sans
le moindre effort, soumis de bouche, d'esprit et de cœur,
(1) Annales religieuses du diocèse d'Orléans, b' novembre 1869. C.V. 1281 b sqq.
-Cecconi, loc. cit. Doc. CGLXI.
(2) Ibid.
[281-282]
M"1' DUPANLOUP AVANT LE CONCILE 337
docile comme la plus humble brebis du troupeau. Telle est
ma foi, messieurs, telle est la vôtre. C'est par elle que nous
vivons, et pour elle, au besoin, nous saurions mourir » (i).
A propos des « inquiétudes répandues dans les âmes » il
semble que le doyen Desbrosses avait été plus précis que ne
le rapportent les Annales Religieuses. L'allusion que fait
Mgr Dupanloup à ce passage dans sa lettre ultérieure au
clergé le laisse soupçonner. Les prêtres présents ne furent
pas tous satisfaits du langage de M. Desbrosses. Le chanoine
Pelletier adressa peu après à I'Univers une lettre (2) où il
déclare que les Annales Religieuses ont dit à tort que
M. Desbrosses avait parlé au nom de tous. Le clergé n'avait
pas reçu communication de son discours qui exprimait exclu-
sivement les pensées de l'auteur. « Plusieurs d'entre nous,
dit-il, ne l'ont point entendu sans impatience ; et n'eût été
la crainte du scandale, des interruptions eussent éclaté » //.
L'opinion des ecclésiastiques du diocèse d'Orléans n'était
donc pas unanimement favorable à la direction pour laquelle
s'était déclaré M. Desbrosses et qui passait aussi pour celle-
de l'évèque. Beaucoup moindre encore fut l'écho qu'elle
trouva en France, comme en témoigne la lettre déjà citée
de Montalembert à Doellinger (3).
Avant de publier sa lettre au clergé, l'évèque adressa une
lettre pastorale à ses diocésains (4). Il leur faisait ses adieux
en termes affectueux. L'œuvre de l'Eglise au concile sera
une œuvre de vérité et de pais. L'auguste assemblée ne
(1) Annales religieuses du diocèse d'Orléans, 6 novembre 1809. C. V. 1281 bsqq.
— Cecgoni, Ioc. cit. Doc. CGLXI.
(2) 23 novembre. — Cecconi, Ioc. cit. Doc. CCLXXIII. Cf. C. V. 1284 c.
(3) « Vous admirez sans cloute beaucoup l'évèque d'Orléans, mais vous
l'admireriez bien plus encore si vous pouviez vous figurer l'abîme d'idolâtrie
où est tombé le clergé français. Cela dépasse tout ce qu'on aurait pu s'imaginer
aux jours de ma jeunesse... De tous les mystères que présente en si grand
nombre l'histoire de l'Eglise, je n'en connais pas qui égale ou dépasse cette
transformation si prompte et si complète de la France catholique en une basse-
cour de l'anti-camera du Vatican. » Dans Pelletier, Icc. cit., p. 92.
(4) Cecconi, Ioc. cit. Doc. CCLXII. — Cf. C. V. 1282 c.
[282-2831
338 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
s'occupera que des intérêts du salut des âmes. Rappeler aux
hommes les grandes vérités éternelles, rendre s'il se peut ces
vérités encore plus claires et plus solides, défendre le dépôt
sacré contre toute innovation, contre tout amoindrissement;
rechercher les meilleurs moyens de faire croire effectivement
ce qui doit être cru, telle est la mission du concile. Les Pères
la rempliront par la charité ; c'est la charité qui préparera les
voies à la vérité. L'évêque répète encore dans cette lettre
pastorale, qu' « obéissant, obéissant j usqu'à la mort,il adhérera
fidèlement aux décisions du chef de l'Eglise et du concile, de
tout son cœur et de toute son âme, quelles que soient ces
décisions, conformes ou contraires à sa pensée particulière...
Que vient-on me parler ici de contrainte, de pression, de
manœuvres humaines? Xous sommes tous des hommes, et,
dans ce concile comme dans tous les autres, les imperfections
humaines auront leur part. Mais notre croyance est précisé-
ment que le Saint-Esprit dirige, façonne, consume ces imper-
fections, et les tourne au service de la vérité. »
Cette lettre pastorale est du 10 novembre. La lettre au
clergé (i) porte la date du n. Pour la première fois l'évêque
intervenait publiquement et en son propre nom dans // la
controverse au sujet du concile. Il exposa ses idées en termes
tels que sa lettre fit éclater une joie bruyante dans les rangs
des catholiques libéraux et des ennemis de l'Eglise catholi-
que, mais remplit de la plus grande affliction les catholiques
qui n'étaient ni gallicans ni libéraux.
M-1 Dupanloup s'explique d'abord sur l'état de la contro-
verse, et blâme par-dessus tout la très grande imprudence de
la Civilta Cattolica et de I'Univers, pour avoir ouvert le
débat sur des sujets qui devaient être traités au concile.
« Ils ont annoncé en particulier que la question de l'infailli-
(1) Observations sur la controverse soulevée relativement à la définition de
l'infaillibilité au prochain concile. — Cecco.m, loc. cit. Doc. CGLXIII. — Cf. C. V.
1282 d.
[283-284]
Mgr DUPAXLOUP AVANT LE CONCILE 339
bilité personnelle du pape y serait définie, bien plus, qu'elle
serait définie par acclamation . » Puis il résume brièvement
les péripéties de la lutte suscitée, selon lui, par les journaux
dans les différents pays et montre combien elle est déplora-
ble. C'est à contre cœur qu'il s'est décidé à se mêler à cette
lutte. S'il le fait ce n'est pas pour augmenter le tumulte ; il
veut apporter la paix et, si possible, faire évanouir la contro-
verse. Il ne traitera pas de l'infaillibilité pontificale en elle-
même, mais seulement la question de l'opportunité d'une
définition de cette doctrine.
Tout d'abord, il cherche à montrer qu'il n'y a pas de raison
de la définir. Jamais l'unité de l'Eglise et le courant vers
Rome n'ont été aussi forts qu'aujourd'hui. En convoquant le
concile, le pape n'a pas eu pour but d'obtenir cette définition,
et bien d'autres questions d'une souveraine importance suf-
firont pleinement à l'activité conciliaire. Que l'Eglise soit
infaillible, tout le inonde le sait, et cela suffit.
Des exemples tirés de l'histoire de l'Eglise nous montrent
d'ailleurs qu'il faut s'abstenir de définir l'infaillibilité pontifi-
cale : les questions qui provoquent de grandes discussions ou
qui ne réuniraient pas l'unanimité absolue doivent être écar-
tées ; c'est la règle tracée par Pie IV au Concile de Trente.
La réunion de l'Eglise schismatique d'Orient et des pro-
testants trouverait un obstacle dans la définition. Les gouver-
nements menacent, si elle est proclamée, de renouveler le»
hostilités contre l'Eglise.
Enfin, Mgr Dupanloup énumère les objections qui s'élèvent
contre la doctrine elle-même; son but n'est pas, dit-il, de la
combattre; mais il se conforme au dessein qu'il a annoncé
de faire connaître les difficultés auxquelles se heurte la défi-
nition. Les objections à la doctrine sont par le fait des objec-
tions à la définition. // Suit une longue liste (i). « i° Diffi-
(1) Cecconi, IV, p. 457-458. (N. du T.).
[284]
340 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
cultes tirées de la nécessité de déterminer les conditions de
l'acte ex cathedra ; tous les actes pontificaux n'ayant pas ce
caractère, il faut être très clair sur ce point ; 2° Difficultés
tirées du double caractère du pape, considéré soit comme
docteur privé, soit comme pape ; 3° Difficultés tirées des mul-
tiples questions de fait qui se peuvent poser à propos de tout
acte ex cathedra ; 4° Difficultés tirées du passé et des faits
historiques ; 5° Difficultés tirées du fond même de la ques-
tion ; 6° Difficultés, enfin, tirées de l'état des esprits contem-
porains. » Il les développe les unes après les autres et y
ajoute de nouvelles difficultés et considérations. Ce sont les
objections soulevées bien souvent déjà et qui furent de nou-
veau agitées lors du concile. Dans la lettre de M gr Dupanloup,
elles sont seulement exposées d'une façon populaire, avec la
vivacité de style propre à l'auteur, sans le moindre essai de
solution et en mettant le plus en relief possible, le point
difficile. Cette condensation en quelques pages d'objections
nombreuses ajoute de la force à chacune d'elles (i).
Était-il convenable pour Mgr Dupanloup de livrer cet écrit
à la publicité ; il y avait là-dessus, dans le cercle plus intime
de ses amis, divergence de vues. Plusieurs d'entre eux, aux-
(1) M" Dupanloup prétend toujours avoir été partisan de la doctrine de l'in-
taillibilité pontificale. Plus tard encore, il explique dans la lettre au pape, di
18 lévrier 1871 (C. V. 999 c. sq.), dans la lettre pastorale du 29 juin 1875
(Pelletier, loc. cit. p. 96 s.) qu'il a combattu seulement l'opportunité de la défi-
nition, jamais la définition elle-même, toujours professée par lui non seule
ment dans son cœur, mais dans ses écrits. Pourtant en présence de la lettre
dont nous avons rapporté le contenu, on soutiendra diilicilement que sa foi â
l'infaillibilité du pape ne se soit jamais affaiblie. S'il n'en était pas ainsi et si
vraiment M5r Dupanloup quand il écrivit sa lettre, tenait la doctrine de l'infail-
libilité pontificale pour un enseignement révélé de Dieu, il nous semble
doublement inexplicable qu'il ait pu écrire sa lettre. Il aurait alors
employé toute la puissance de son esprit et de son éloquence à élever des doutes
dans l'âme de nombreux lecteurs, contre une vérité révélée, qu'il reconnaissait
comme telle et à fournir aux ennemis de l'Eglise des armes pour l'attaquer.
En effet, toutes les objections qu'il pouvait élever contre cette vérité, il les a
recueillies, sous la forme la plus âpre et non sans exagération, dans un lan-
gage populaire et saisissant, et les a lancées dans le monde sans aucune réfu-
tation.
[285]
LETTRE PASTORALE DE Mgr DUPANLOUP 344
quels il avait communiqué les épreuves, la déconseillaient. //
A Orléans même, on désapprouva la démarche projetée.
De Broglie et Cocliin s'opposèrent de loin à la publication.
Henri de Riancey écrivit une lettre émue, demandant au
prélat de garder pour le concile les objections à la définition
qu'il voulait rendre publiques. D'autres, au contraire, con-
seillaient d'aller de l'avant et de mettre un terme aux mani-
festations extra-conciliaires d'une presse passionnée (i). Ce
conseil répondait aux désirs de Mgr Dupanloup. Comment le
remuant évéque d'Orléans, qui en toute question touchant
tant soit peu à ses fonctions personnelles, élevait hautement
la voix, pouvait-il se taire, dans une question qui agitait
l'Eglise entière? En face des efforts d'un certain nombre de
catholiques pour attirer sur la doctrine de l'infaillibilité,
l'attention du concile qui se réunissait, il avait déjà trop
contenu son mécontentement; il était urgent de soutenir le
parti contraire par l'exposé des raisons contre la définition
et par l'autorité de son propre nom.
La lettre épiscopale parut donc (2), d'abord dans le Fran-
çais du 17 novembre, alors que les prêtres du diocèse d'Or-
léans, à qui elle était destinée, ne l'avaient pas encore. Les
épreuves furent aussi communiquées à la Gazette de France,
organe du vieux gallicanisme, à la France, organe du galli-
canisme césarien et à plusieurs feuilles de province hostiles
à la définition, comme I'Union de l'Ouest (3).
« Cette lettre, fort animée, dit Louis Veuillot lors de son
apparition (4)t est un véritable événement. Par le fait, que
ce soit ou non la volonté du prélat, elle donne une tête
épiscopale régulière et officielle à cette prise d'armes, où l'on
ne voyait jusqu'ici que des écrivains de qualités diverses ;
(i) Lagraxge, loc. cit., III, 144. — Pelletier, loc. cit., p. 89. — Maynard,
ioc. cit., p. 203.
(2) Voir le titre de la lettre, supra p. 338, note 1.
(3) Maynard, loc. cit.
. (4) Umyers, 18 novembre. — Ceccom, loc. cil. Doc. CCLXIV.— Cf. C. V. 1282 cl.
22
[286]
342 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
1
car Mgr Maret lui-même, évêque in partibus, avant le concile
et en dehors du concile, s'adressant à tout le inonde, n'a, sauf
sa science et ses vertus, que la faible autorité de tout le
monde. Bien autre est la condition où se place l'évêque
d'Orléans parlant dans sa charge de pasteur. Voilà l'événe-
ment; il est considérable. » //.
Tous les journaux s'occupèrent naturellement de l'affaire
et chacun exprima son jugement selon ses tendances. Les
feuilles libérales saluèrent la lettre de leurs acclamations.
« Le grand événement de ces derniers jours, pour les lecteurs
et les abonnés du Correspondant, écrit cette revue le 25 no-
vembre (i), c'est lapublication des deux lettres de Mgr l'évêque
d'Orléans, à l'occasion du futur concile, l'une adressée aux
fidèles et l'autre au clergé de son diocèse. Xous ne sommes
que l'écho de la voix publique en affirmant que jamais la
grande âme et la puissante intelligence du célèbre évêque,
jamais la variété et la richesse des dons dont le Ciel l'a doué,
jamais sa piété, son dévouement à l'Eglise et au Saint-Père
n'ont été plus visibles que dans ces deux écrits, qui l'un et
l'autre sont des actes. » Puis, le journal fait, en des termes exal-
tés, un court éloge du premier écrit. Il parle plus à fond du
second et exprime la satisfaction qu'il éprouve, de voir l'opi-
nion qu'il a lui-même constamment défendue dans cette con-
troverse, trouver dans cet écrit un si puissant défenseur. Le
jour même (2) de ce débordement de joie, la Revue du Monde
Catholique, lui oppose un article sur l'évêque d'Orléans
qu'elle caractérise en ces termes : « Le dernier manifeste
de l'évêque d'Orléans... est évidemment un projectile d
combat. Ce n'est point un mandement; ce n'est pas la lumière
épiscopale, calme et pure, faisant descendre de la chaire sur
le troupeau docile les rayons de la vérité. S'il y a quelque
éclat, c'est celui de la poudre. Un certain souffle belliqueux
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXXIV. — Cf. C. V. 1285 dsq.
(2) P. 465 ss.
[286-287]
I
LETTRE PASTORALE DE Mgr DUPANLOUP 343
court à travers ces pages. On sent les lignes où la plume a
tremblé sous une ardeur fébrile, et où le polémiste, oubliant
la sérénité épiscopale, s'impatiente et perce d'un trait acéré
les adversaires dont l'image se dresse devant sa pensée.
Encore bien que l'auteur traite le journalisme avec dédain,
il n'a pas dédaigné de s'en servir. Des journaux ont été les
premiers confidents de sa pensée; une plume de journaliste
qui est toujours sur sa table et avec laquelle il a, plus d'une
fois, porté de rudes coups aux adversaires de l'Eglise, s'est
trouvée sous sa main, // et c'est contre des catholiques qu'il
s'en est servi. »
L'écrit n'atteignit point le but que les paroles de l'auteur
lui assignaient, il n'apaisa point les passions et n'éteignit
point la lutte, il fortifia l'agitation. Jusqu'alors la discussion,
comme dit Ollivier (i), s'était plus ou moins restreinte aux cer-
cles théologiques ou particulièrement religieux, maintenant
« elle s'ouvre sur la place publique; chacun s'en mêle, et les
dames à la mode commencent à en raisonner pendant les
entr'actes de l'opéra! Toute discussion de place publique est
de sa nature intempérante; celle-ci le devient. Une tourbe de
brochuriers et d'infimes écrivains se mettent à débiter en
monnaie d'injures les arguments des maîtres et y joignent
leurs conceptions déréglées. »
Les évoques ajournèrent pour la plupart l'expression de
leurs vues jusqu'au moment du concile; un petit nombre seu-
lement parla. Mgr AVicart, de Laval, publia dans la Semaine
Religieuse de son diocèse une lettre (2) pour exprimer ses
regrets de l'apparition de la brochure de Mgr Dupanloup. De
leur côté, Mgr Meignan, de Chalons (3), et Mgr Place, de Mar-
seille (4), se déclarèrent au contraire d'accord avec l'évêque
d'Orléans. MgrMabile, évêque de Versailles, adressa de Rome
(1) Loc. cit. p. 448 ss.
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXV. — Cf. C.V., 1283a.
(3) C. F.,1283asqq.— Gecconi, loc. cil. Doc. GGLXVI.
(4) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXII. — Cf. C. V. 1284 c.
[287-288|
344 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
à son clergé (i) une lettre où il révèle la cause profonde du
mouvement contre la primauté du siège de Rome et réfute
brièvement, sans nommer l'auteur, l'écrit de Mgr Dupanloup.
Combien d'évêques français se rangèrent d'un côté ou de
l'autre dans la controverse, on ne s'en rendit bien compte
qu'au concile. La grande majorité d'entre eux, presque les
deux tiers, était pour la définition de l'infaillibilité pontifi-
cale. Une minorité, la plupart pour des raisons d'opportunité
seulement, combattait la définition.
Parmi les divers écrits parus alors pour et contre la lettre
de Mgr Dupanloup à son clergé, la brochure de Mgr Xardi (2) //
mérite une mention particulière parce qu'elle fournit les
premières preuves sérieuses de la parenté entre l'écrit de
Mgr Dupanloup et la brochure citée (3) plus haut qui, sans nom
d'auteur ni lieu d'impression, fut remise aux évêques alle-
mands rassemblés à Fulda. Xardi montre par une compa-
raison précise et la mise en regard de nombreux passages,
que les deux écrits sont identiques sur les points essentiels
et doctrinaux. Voici quelques exemples de ces phrases
parallèles :
Il s'agirait donc d'obliger dé- Es handelt sich also rhu-um,
sonnais tous les catholiques à aile Katholikenbei Strafe des Ana-
(1) i'ecconi^oc. cit. Doc. CCLXXXVIII. — Ct. G. V. 128Gb.
(2) SuW ultima Lettera di Msr Vescovo d'Orléans Osservazioni di .!/"• Franc. Xardi,
Uditore di Sacra Rota. La brochure parut d'abord dans I'Osservatore Cattolii»
m Mela.no, en décembre; elle est en entier reproduite dans Cecconi, Ioc. cit
Doc. (1CLXXIX.— Ct. G. V. 1-285 b.— Déjà auparavant I'Uxivers du 24 novembre
avait fait remarquer l'identité des deux écrits La Rédaction avait reçu d'u:
évêque américain se rendant de Paris à Rome un exemplaire anglais de la br«
(hure de Fulda. En voici le titre : Mémorandum addressed to the bishops of Ger-
many, respeclfully offered in translation to the bishops of the uniled Kingdom aud-
its colonies and to the bishops of the United States. Le nonce de Munich, lui aussi,
dans une lettre au cardinal Secrétaire d'État, du 30 novembre, dit que l'on t'ait
une conjecture d'après laquelle l'écrit adressé aux évêques à Fulda aurait le
même auteur que les Observations .
(3) Einige Bèmerkungen iiber die Frage : Ist es &eitgemàss,die Unfehlbarkeit des
Papstes zu definieren ? Den hochwùrdigsten Erzbischôfen und Bischbfen ehrfurchls-
voll geividmel. Cf. supra p. 2(59.
[28S-2S9]
LA BROCHURE DE Mgr NARDI
345
croire, sous peine d'anathème,
que le Pape est infaillible, même
quand il prononce seul... et qu'il
peut définir les dogmes seul, sans
aucun concours exprès ou tacite,
antécédent ou subséquent des
évèques.
thems zum Glauben zu nôtigen,
dass der Papst unfehlbar ist,
selbst wenn er allein sich aus-
sprîcht, und dass er allein, ohne
Beistimmung der Kirehe, ohne den
ausdriïcklichen oder stillschwei-
genden, voransgegangenen oder
nachfol genden Beitritt der Bis-
chôfe, die Dogmen feststellen kann.
Or, ce n'est pas là, on le voit, Es handelt sich also nieht uni
un dogme spéculatif : c'est une ein sj>ekulatives Dogma, sondent
prérogative qui aurait dans la uni ein hôehst bedeutendes For-
réalité pratique, les plus sérieu- redit, das in der praktischen Wir-
ses conséquences. kliehkeit sehr ernste Konsequenzen
haben kann.
Il y a 70 millions de chrétiens
orientaux séparés... Eh bien,
qu'est-ce qui sépare de nous les
Orientaux ? // La suprématie du
pape. Ils ne veulent pas la recon-
naître comme de droit divin.
C'est le point sur lequel on n'a
jamais pu, ni après Lyon, ni
après Florence, les décider sé-
rieusement, efficacement et ame-
ner un retour durable.
Wir stossen zunachst auf die
Schismatiker des Orients. Sie sind
von uns getrennt, wohl -o Millio-
nen an der Zabi. Man will sie der
Kirehe niihern, wieder mit ihr
vereinigen. Was trennt sie von
uns? Der Vorrang des Papstes in
der' kirehlichen Iurisdiktion. Da-
riiber hat man sich nie, weder in
Lyon noch in Florenz, mit ihnen
verstandiçen kônnen. . .
Et voilà qu'à cette difficulté
insurmontable jusqu'à ce jour,
qui les tient depuis neuf siècles
séparés de l'Église et de nous,
on voudrait ajouter une difficulté
nouvelle et beaucoup plus grande,
élever entre eux et nous une
barrière qui n'a jamais existé,
en un mot leur imposer un dogme
dont on ne leur parla jamais, les
Eben jener bisher unuberstei-
glichen Schwierigkeit, welche die
Orientalen seit neun Iahrhunder-
ten von der Kirehe trennt, will
man nun eine neue, noch weit
grôssere Schwierigkeit beifiïgen,
eineSchranke zwischen ihnen und
uns aufwerfen, die bisher nicht
bestanden batte, mit einem Morte,
ihnen ein neues Dogma, von wel-
[289-290]
346 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
menaçant, s'il ne l'acceptent pas, chem man ihnen nie gesprochen
d'nn nouvel anathème. hat, auferleg-en, und weiin sie es
verwerfen, sie mit einem neuen
Anathem bedrohen.
Xardi remplit plusieurs pages d'exemples analogues. Son
jugement d'ensemble est ainsi formulé : « Cet écrit (l'alle-
mand) est dans le sens littéral la partie essentielle, doctri-
nale de la lettre de l'évêque d'Orléans. Cependant, la lettre
française est plus étendue parce que s'y trouvent ajoutées
les violentes invectives contre I'Univers, la Civjlta et
M. Ward, comme aussi l'essai de réfutation des magnifiques
lettres de Mgrs les archevêques Dechamps et Manning, et de
plus, au premier rang de toutes ces additions, la conclusion
sur les services que la France, pendant ces cent dernières
années, a rendus au Saint-Siège et à l'Eglise et le droit qui
en résulte pour elle de faire entendre sa voix au concile. »
L'identité des deux écrits n'est pas douteuse. L'on peut
seulement se demander si le français est une traduction et
une amplification de l'allemand ou celui-ci un extrait de
celui-là. Le premier ayant paru bien plus tard que le second,
Nardi se décide pour la priorité de l'allemand et fixe Munich
pour son lieu d'origine. Si la supposition est fondée, l'on
s'explique pourquoi cet écrit remis secrètement aux évoques
à Fulda, fut traduit en anglais, en espagnol et en italien, et
remis aux évêques d'Angleterre, d'Espagne et d'Italie, des
missions anglaises et de l'Amérique du Xord, // mais ne fut
pas traduit en français ni remis aux évêques de France. La
refonte de cette pièce en français était prévue pour plus tard.
La tâche de procurer aux évêques français une édition fran-
çaise fut confiée à Mgr Dupanloup dans la conférence de
Herrnscheim. Pourtant, l'on peut supposer aussi que
Mgr Dupanloup lui-même a offert aux évêques de Fulda un
extrait allemand de la brochure française qu'il avait déjà
écrite. Dans ces deux cas, il reste établi qu'un évêque fran-
[290-291]
M-1 DU PAN LOUP AVANT LE CONCILE 347
eais a envoyé par la poste, secrètement, à une réunion
d'évêques allemands, en taisant son nom, le lieu d'impres-
sion et la date, un écrit destiné à influencer leurs débats.
M. l'abbé Lagrange remarque dans sa Vie de M'jr Dupanloup
qu'il a seulement fait parvenir aux évêques rassemblés à
Fulda, une « courte note » dans laquelle il avait exposé son
opinion sur les définitions annoncées (i). Il dit plus bas que
les « observations » sont un développement de cette note (u).
Xous devons ainsi supposer que le remuant évèque d'Orléans
avait formé le projet, en prévision du concile, d'engager
d'avance tous les évoques de langue allemande, française,
anglaise, italienne et espagnole, c'est-à-dire l'épiscopat du
inonde entier, dans la voie que lui-même avait cboisie pour
le concile. Un pareil procédé est vraiment unique dans
l'histoire des conciles; il est une excellente démonstration
de la remarque de l'abbé Maynard : « MKr Dupanloup aspi-
rait intimement à être l'évêque de la France et du monde,
l'évêque de l'Eglise catholique (3). »
L'évêque d'Orléans avait, dans sa lettre, désigné l'arche-
vêque de Malines, Msr Dechamps, et celui de Westminster,
Mgr Manning (4), comme défenseurs de l'opinion qu'il combat-
tait. '/ Il s'était prononcé en termes pleins de vivacité contre
les journalistes, spécialement contre I'Univers et la Civilta
(1) Lagrange. Vie de M"r Dupanloup, III, 130.
(2) Ibid. p. 143. — Maynard (loc. cit. 2Ùo ss.) doute de l'identité de la courte
note de Dupanloup avec l'écrit allemand, parvenu à la réunion épiscopale.
En lait, cet écrit qui, dans la traduction italienne occupe vingt pages du recueil
de documents de Cecconi, ne peut pas être convenablement appelé une « courte
note ».
(3) Maynard, loc. cit. p. 66. — Le nonce de Munich émet, dans sa lettre à Anto-
nelli, du 30 novembre 1869, la supposition queM" Dupanloup dans son entrevue,
avec Doellinger et Lord Acton se préoccupa de la traduction de sa brochure en
allemand et en anglais. Il l'aurait alors fait répandre en Allemagne par l'entre-
mise de Doellinger, tandis que Lord Acton prenait sur lui l'impression de la bro-
chure à Londres, et sa diffusion en Angleterre et en Amérique.
(4) Sur la controverse suscitée avec ces prélats par l'écrit de Msr Dupanloup,
voir le chapitre suivant.
[291]
348 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Cattolica. Cette dernière répondit en quelques lignes (i)
que, bien qu'elle pût facilement se défendre, par égard pour
la haute situation de l'adversaire, elle préférait le silence.
Le rédacteur de I'Univeus, Louis Veuillot, répondit aussi
brièvement et avec modération (2).
On n'en est que d'autant plus surpris de voir soudain
M-' Dupanloup, dans un violent éclat de colère, prendre
l'offensive contre Louis Veuillot et attiser ainsi de nouveau
le feu de la controverse. Dans un avertissement, qui remplit
treize pages de la collection documentaire de Cecconi (3), il
proteste contre la façon dont Veuillot traite des affaires et
de la doctrine de l'Eglise, il l'accuse d'usurpation sur les
droits de l'épiscopat, d'exagérations dans le domaine de la
doctrine, et d'un goût déplorable pour remuer les contro-
verses irritantes et trancher par des solutions pleines de
violences et de périls les questions soulevées. Enfin, il l'ac-
cuse de la manie d'accuser ses frères dans la foi, de les insulter
et de les calomnier. Plus que personne Louis Veuillot mérite
le nom d'accusator fratrum (4). Dans la première partie du
développement, M81" Dupanloup revient sur le passé de
Veuillot; dans la seconde, il parle de la controverse présente
qui a pour objet l'infaillibilité pontificale et accompagne ses
(i) Cecconi, loc. cit. CCLXXVIII. — Cf. C. V. 1285b. Plus énergique fut l'attaque
de Mr Dupanloup par I'Unita Cattolica. Voir Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXX,
CCLXXI. - Cf. C. F. 1284 b.
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXIV. — Cf. C. V. 1282 d. — Cecconi loc. cit. Doc.
CCLXVIII. — Cf. C. V. 1284 a. — Cf. aussi « Le Monde » dans Cecconi. loc. cit.
Doc. CCLXIX. - Cf. C. V. 1284 a.
(3) Doc. CCLXXXI. - Cf. C. V. 1285 c
(4) L'introduction se termine ainsi: « J*élève donc à mon tour la voix, et je
viens opposer aux entreprises dont je vous accuse un solennel avertissement.
J*accuse vos usurpations sur l'épiscopat et votre intrusion perpétuelle dans ses
plus graves et ses plus délicates affaires. J'accuse surtout vos excès de doctrines,
votre déplorable goût pour les questions irritantes et pour les solutions
violentes et dangereuses. Je vous accuse d'accuser, d'insulter et de calomnier
vos frères dans la foi. Nul ne mérita jamais plus que vous ce mot sévère des
Livres saints : Acciisalor fratrum ! Par-dessus tout, je vous reproche de rendre
l'Eglise complice de vos violences, en donnant pour sa doctrine, par une rare
audace, vos idées les plus personnelles. »
[292]
Mgr DUPANLOUP ET LOUIS VEUILLOT 349
plaintes d'une série de citations de I'Univers. Chaque phrase
prouve l'excitation de l'écrivain. C'est dans la conclusion
seulement qu'il arrive à se calmer. //
Yeuillot répondit brièvement (i). « Xous dirons le moins
possible, écrit-il, ne voulant pas risquer de perdre tous les
avantages que nous fait un adversaire trop irrité. » Il se dé-
clare prêt à examiner les citations faites par M gr Dupanloup et
demande au Français d'indiquer celles qu'il préfère que l'on
vérifie. Plus tard (2) il exposa plus à fond la manière dont
Ï'XJnivers avait traité la question de l'infaillibilité pontifi-
cale.
Sur le chemin de Rome, Mgr Dupanloup visita le comte de
Montalembert. Celui-ci en informa l'ancien Carme Loyson (3)
et ajoutait sur Mgr Dupanloup : « Il vient de donner un bien
grand exemple de ce qu'il est j)ossibIe de faire, au sein de
l'Eglise actuelle, pour la liberté et la vérité. Il a parlé beau-
coup trop tard, mais ses deux coups de tonnerre (contre
l'Infaillibilité et I'Univers) n'en n'ont pas moins eu un
retentissement prodigieux. Il est parti calme et plein de
confiance pour entrer dans la lutte qui va couronner sa glo-
rieuse vie. »
(1) L'Univers, 22 novembre. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXXIII. —Cf. C. V.
1285 d.
(2) Ibid. 2 décembre. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXXVII. — Cf. G. V. 1286 b.
(3) 14 décembre. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCXCI. — Cf. C. V. 128(3 c.
T293I
CHAPITRE XI.
Les Catholiques d'Angleterre et de Belgique //
avant le Concile.
L'agitation qui, avant le concile, s'était emparée des esprits
en France et en Allemagne ne pénétra point en Belgique.
Les catholiques étaient trop bons catholiques pour redouter
rien de sinistre d'un concile œcuménique, et les indifférents
se souciaient trop peu de la religion pour que la convocation
d'un concile leur fît perdre la paix.
Le gallicanisme n'existait pas en Belgique. La doctrine
de l'infaillibilité pontificale y passait pour vérité révélée.
Aussi Friedrich est-il très mécontent des Belges (i). Il estime
que la Bévue, de Louvain, décrit en général très exactement
les choses lorsqu'elle dit (27.601) : a Le vœu des catholiques
belges sera exaucé, si l'Esprit-Saint inspire aux Pères du
concile la résolution de proclamer que l'infaillibilité du pape
est un dogme de foi. Ce vœu répond à un sentiment qui n'est
pas nouveau chez nous, et qui de tout temps a été profondé-
ment enraciné dans l'esprit de nos ancêtres. »
Pourtant l'archevêque de Malines, Mgr Victor Dechamps,
écrivain aussi habile que savant, pensa que les troubles sus-
cités dans les pays voisins // lui faisaient un devoir d'éclairer
les laïques en publiant un écrit sur le concile et en particulier
(1) Geschichte des Vcttikan Konztl, II, 407 sq.
[294J
tare
352 HISTOIRE DU CONCILE OU VATICAN
sur la doctrine de l'infaillibilité pontificale (i). « Vous
n'ignorez point, disait-il, en envoyant son travail à la rédac-
tion de la Civilta Cattolica {2), quels efforts l'on fait pour
insuffler au gallicanisme mourant une nouvelle vie, et com-
bien l'on écrit, môme en dehors du domaine du gallicanisme,
pour restreindre les limites de l'infaillibilité du Saint-Siège
au cas où il parle ex cathedra ». « Partout, dit-il encore dans
l'introduction de son ouvrage (3), on parle du concile et de
ce qu'il va faire ». Une question « pique singulièrement la
curiosité : que va décider le concile sur l'infaillibilité du pape?
Le ton sur lequel on pose cette question, même au sein des
assemblées législatives, et la façon dont on la conçoit, prouve
chez les gens du monde, et surtout chez les écrivains de la
presse périodique, une remarquable ignorance des choses
dont ils parlent. Je crois donc qu'en publiant à leur usage,
et sur le point qui semble les intéresser le plus, cette étude
vraiment élémentaire, je ne ferai pas chose inutile. »
La publication de cet écrit qui allait soulever de longues et
vives controverses était vraiment on ne peut plus opportune.
A lui seul, le nombe considérable des éditions qu'il eut dès la
première année de son apparition, le démontre. Le style en
était digne, très simple, clair, ne supposant pas chez le lec- |
teur des connaissances théologiques spéciales, tout à fait à
la portée des laïques cultivés, d'abord des croyants, ensuite
aussi, grâce à quelques additions, des incroyants. Les preuves
de l'infaillibilité pontificale y sont développées graduelle-
ment, sans jamais perdre de vue ce que l'idée fondamentale
de la doctrine avait d'obscurité pour le inonde laïque, obscu-
rité hélas! toujours accumulée par les théologiens. Dans
l'avant-dernier chapitre, l'auteur se demande si l'infaillibilité
va être définie au concile du Vatican. Il répond qu'il ne sau-
(1) L'Infaillibilité et le concile général. 9' édit. Paris, 1869.
(2) Lettre inédite, 3 juin 1869.
(3) P. 10 sq.
[295]
LES ÉCRITS DE Mgr DECHAMPS 353
rait vouloir prévenir les décisions d'une assemblée dirigée par
L'Esprit-Saint. Si toutefois l'on désire connaître sa pensée, il
estime que le moment est venu de définir cette vérité de foi. //
L'Eglise a coutume de définir les vérités de foi, lorsqu'elles
sont contestées, ("est le cas. Les débuts de la controverse
sur l'infaillibilité papale apparaissent lors des troubles
occasionnés par le grand schisme d'Occident. Le concile du
Vatican est le premier qui se tienne depuis la formation au
sein de l'Eglise d'une école — l'école gallicane — qui fait de
la non-infaillibilité du pape un article de son credo. L'expo-
sition de Mgr Decliamps permettait de conclure qu'il com-
battrait au concile pour la définition de l'infaillibilité ponti-
ficale. Bientôt, il publia une courte lettre à un laïque qui,
mal informé sur la doctrine de l'infaillibilité pontificale, avait
trouvé la lumière dans l'écrit précédent. M81 Decliamps y déve-
loppe d'une façon plus précise quelques points déjà indiqués.
L'écrit de Mgr Decliamps fut nommé par MRr Dupanloup
dans l'introduction de sa lettre au clergé, du n novembre (i).
Après avoir blâmé, avec beaucoup de vivacité, les publicistes
catholiques, qui ont jeté dans le public la question de l'infail-
libilité pontificale et déclaré que le concile du Vatican la
définirait, l'évèque d'Orléans continue : « Cette délicate
question ayant été ainsi soulevée et jetée dans la rue et dans
la presse, un prélat belge, mon saint ami, Mgr Decliamps,
récemment nommé archevêque de Malines, a publié un écrit
spécial sous ce titre : Est-il opportun de définir dans le pro-
chain concile V infaillibilité du Pape? (2) et il a répondu affir-
mativement.»
En réponse, parut le 3o novembre 1869 (3) la première
lettre de l'archevêque de Malines à Mgr Dupanloup.
(1) Cf. le chapitre précédent, p. 338sq.
(2) Le titre de l'écrit est différent. Voirci-dessus p. 352.
(3) Lettre de M5' Decliamps, archevêque de Malines, àM!' Dupanloup, évêque
d'Orléans, Paris, 1869. — En allemand dans « Das Œkumenische Kon%il » Stimmen
aus Maria-Laach. NeueFolge. Helft 7/(1870). 57 sq.
[295-296]
354 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
L'écrit de M8* Dupanloup, dit l'archevêque, l'a profondé-
ment attristé. « Comment ne serais-je pas attristé, Mon-
seigneur, de ce qui a réjoui les ennemis avoués de la foi et
de l'Eglise? « La lettre de M81' Dupanloup (c'est ce qu'ils
écrivent) formera, quelque résolution que prenne le concile,
un des monuments les i)lus glorieux de notre Eglise natio-
nale. » / En lisant de telles paroles, Monseigneur, ne vous
êtes-vous pas dit : Je me suis trompé ? »
Mgr Dechamps montre d'abord comment M81" Dupanloup
pose à tort la question de l'opportunité pour le concile de
s'occuper de l'infaillibilité pontificale. Il remarque entre
autres que M-1' Maret nie avec l'infaillibilité, la primauté
même du pape dans son intégrité, et rend par suite nécessaire
un examen de cette doctrine par le concile. Il déplore avec
une profonde douleur que M°r Dupanloup ait employé dans
sa lettre des expressions équivoques et pleines de malen-
tendus : dogme nouveau, infaillibilité personnelle et séparée
du pape. Elles obscurcissent les doctrines de l'infaillibilité
pontificale. « C'est, ici, Monseigneur, s'écrie-t-il, qu'il eût
fallu faire retentir votre grande voix pour éclairer l'igno-
rance publique et pour dissiper chez les gens du monde
l'incroyable confusion d'idées, qui maintenant fausse leur
jugement. » ce Que j'eusse voulu vous voir saisir cette occa- |
sion, non pour accentuer, mais pour faire disparaître les
difficultés que j'appelle des nuages. » Ces difficultés contre
la doctrine de l'infaillibilité et l'opportunité de sa définition,
l'archevêque les résout l'une après l'autre et termine en rap-
pelant à son ami Dupanloup l'adresse des évêques à Pie IX à
l'occasion des fêtes du centenaire. Mgr Dupanloup avait pris
à sa rédaction une part prépondérante. « Vous ne craindrez
donc pas, ajoute l'archevêque, de revenir à vous-même, et de
donner à votre épiscopat la seule gloire qui lui manque
encore, celle qui n'a manqué ni à l'épiscopat de saint Augus-
tin, ni à celui de l'évêque des derniers temps que vous aimez
[296-2971
LA POLÉMIQUE EN ANGLETERRE 355
le plus, je le sais, saint Alphonse de Liguori. Tous les
deux ont écrit un Liber retractationum. Si, au lieu du livre
intitulé Defensio declarationis Cleri gallicani, un autre livre
Liber retractationis, fut sorti de la plume de Bossuet, comme
il est sorti de celle de saint Augustin, les œuvres de l'Aigle
de Meaux déjà si chères à l'Eglise, le lui seraient au même
degré peut-être, que les œuvres de l'évêque d'Hippone. Dieu
voudrait-il que cette omission fût réparée par une plume que
Bossuet ne désavouerait pas ? Le concile ne produisît-il que
ce résultat, je dirais qu'il n'a pas été convoqué en vain. »
Tel fut le déhut de la controverse si vivement menée entre
les deux prélats ; / / plusieurs autres y intervinrent. Comme
elle se déroula au temps même du concile, nous en renvoyons
le récit détaillé au volume suivant.
Les catholiques d'Angleterre ne gardèrent pas, lors de
l'agitation qui précéda le concile du Vatican, le même calme
que ceux de Belgique. On s'en étonnera d'autant moins
qu'en Angleterre ceux même qui ne sont pas théologiens sont
très portés à se mêler des questions théologiques et à y faire
valoir leurs opinions. De plus, un certain nombre de catho-
liques, des convertis surtout, suivaient le mouvement libéral
et entretenaient des relations d'amitié avec les théologiens
libéraux d'Allemagne, particulièrement avec Doellinger. La
Dublin Beview parle au moment de l'ouverture du concile
d'un parti de catholiques en Angleterre bien organisé quoique
peu considérable :ils sont pour l'Eglise de véritables ennemis,
autant que pourraient l'être des protestants déclarés, mais
ils sont bien plus redoutables. Elle signale ouvertement parmi
eux le converti Oxenham (i).
(1) Wehave always maintained, that there is an organized , though small,band oj
professing Catholics in England, ivhoareas trnly enemies to the Church as avoired
Protestants can be; and ivho are immesurably more dangerous than avowed Protes-
tants, from the very fact, that Cathotics in gênerai are not duly on their guard against
them. The one member of this party whom we hâve been most pften obliged to naine,
is M' Oxenham, Dublin Review XV (1870 I) p. 212.
[297-298]
356 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Déjà, en 1868, avant la publication de la correspondance
française dans la Civilta Cattolica et le plein développe-
ment de la lutte en Allemagne, un converti, P. Le Page
Renouf, publiait un ouvrage sur le pape Honorius (1). Il vou-
lait montrer que le pape Honorius avait erré dans une défi-
nition ex cathedra et que par suite on ne pourrait soutenir la
doctrine de l'infaillibilité pontificale. Une série d'autres con-
sidérations l'amènent à conclure que cette opinion ne mérite
aucune attention. Après avoir remarqué que cette doctrine
est encore une des questions d'école librement débattues, il
ajoute : « Pourtant un parti influent dans l'Eglise est mécon-
tent de la liberté actuelle et attend avec impatience le jour
où son dogme préféré, défini comme article de foi sera inséré
dans nos catéchismes et déclaré, sous peine d'anatbème, obli-
gatoire pour tous les enfants de l'Eglise. »
// L'ouvrage de Renouf suscita naturellement une guerre de
plume acharnée. On ne peut citer tous les journaux et les
revues qui se déclarèrent pour ou contre. Le P. Paul Botalla,
S. J., professeur de théologie à Saint-Beuno's Collège (Xorth-
wales) le réfuta directement dans un livre spécial (3). Renouf
répondit par un second ouvrage (4). Le nouvelles réfutations
suivirent (5). L'émotion soulevée parmi les catholiques
n'était pas légère (6).
(1) The Condemnalion ofPope Honorius. Bij P. Le Page Renouf. London, 1868.
(2) Ibid., p, 27.
(3) Pope Honorius before the Tribunal oflieason and Histonj. London, 1809.
(4) Honorius Heconsidered with Référence tu llecent Apologies Dy P. Le Page
Renouf, London, 1869.
(5) Dublin Review vol. XV. (1870, 1. II).
(6) Le passage suivant de la Dublin Review (vol. XI. 1868 II) p. 200 montre
combien Renouf et ses contradicteurs avaient perdu le calme et la modération
pourtant si ordinaires aux Anglais : « When we . say, thaï the vieivs advocaled by
M' Renoul are mont untrue and mischievous, he ivill uccept Uns as the greatest com-
pliment ire can pay him ; but ire rriust further give our opinion, thaï lus pamphlet is
« passionale, shallow and prétentions ». Every reader ivill hâve been struck with its
passionate ness. » Suivent en preuve quelques phrases extraites de récrit de
Renouf: The arguments « used by the first apoloyists of Pope Honorius « cannot hâve
been sincerely believed in by their authors » (p. 7). « It is a simple untrulh, to say,
[298-299]
LA POLEMIQUE EX ANGLETERRE 357
Les protestants eux-mêmes intervinrent dans les discus-
sions au sujet du concile. La lettre ouverte (i) d'un converti,
Edmond S. Fi'oulkes à Mgr Manning, en 1868, fit grande
sensation parmi eux. On voit à l'évidence dans cette lettre
qu'il avait intérieurement rompu avec le catholicisme. Sa
sortie de l'Eglise et son retour à l'Anglicanisme // n'eurent
lieu que le 5 juin 1870, quand on publia le schéma sur l'Eglise
le pape, dont s'occupait le concile (2).
Une preuve de l'activité du parti catholique libéral et de
ses relations avec Doellinger, c'est l'apparition extraordinai-
rement prompte de la traduction anglaise de l'ouvrage de
Janus. La traduction parut presque en même temps que
l'original. D'innombrables articles favorables ou contraires
furent publiés à cette occasion dans les journaux et les
revues. L'oratorien Keogh lança contre Jaxus une brochure
spéciale (3).
Nul n'avait de doute sur la position prise par l'archevêque
de Westminster. Mgr Manning, dans les controverses soule-
vées, était un adversaire décidé du mouvement libéral.
On répétait sans cesse dans les journaux l'affirmation qu'il
thathe was condemned for neglect» (p. 11). « Nothing can be more giossly itntrue»
than the assertion, thaï Honorius iras misledby Sergius » (p. 14). « This very mon»
the Abbot John, secretary to tivo Popes, to ivhose great virtue S. Maximus gave testi
mony, gave « a lying account» of the controversy, being an interested and inenda-
cwus wilness » (p. 15-16). « Stupid bigotry alone » can urge a certain plea for Hono-
rius^. 18) « It is a mockery» to say, what ail Lllramontaines say, lhat Honorius
Letter to Sergius was nol ex cathe Ira (p. 21). Under F. Perronéi « conlemptible
quibbling we hâve the assertion of an untruth » (p, 24 note). « It is impossible « to
speak wilhout conlempt » of a certain «assertion» which lias repeatedly been mode
by great writers (p. 32). .)/*• Veuillot is « a fiery, ignorant and unscrupulous couvert»
(p. 30). «Of ail the early testimonies » concerning Liberius's allégea" fall, which may
récent Uttramontaines hâve rejecled, there is « only one, aboul which an « honest »
doubt can be undertained » (p. 44). TheBollandist dissertation on S. Liberiusis « one
of the mosl mischievous productions ever written » (Ibid. note), as mischievous,ive
suppose, as Renan's Life of Christ, or as a French licentious novel.
(1) « The Church's Creed or the Crowns Creed? A Letter to the Most. Rev.Archbis-
hop Manning ».By Edmund. S. Ffoulkes B. D. Twelt'th.Thousand. London, 1868.
(2) Cf. Daily News June Oth 1870.
(3) « A Few Spécimens of « Scientific History » from Janus. By Edward Stephen
Keogh, Priestoi'the Oratory of St. Philip of Xeri. London. 1870.
23
[299-300]
358 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
prendrait l'initiative an concile et y proposerait la définition
de la doctrine de l'infaillibilité pontificale.
Le Tablet put, le 6 novembre, démentir pour la troisième
fois une si persistante invention, par une déclaration authen-
tique en sens contraire (i). Quant à la doctrine elle-même,
M-1' Manning l'exposait déjà en i865, comme le montrait à
l'époque de l'agitation le journal Le Monde (2). A son retour
du centenaire en 1867, il avait écrit sur le concile en général
une lettre pastorale (3). Quand les querelles sur la doctrine de
l'infaillibilité pontificale eurent éclaté, il sentit le devoir de
consacrer une nouvelle lettre pastorale (3 octobre 1869) (4)
uniquement à cette question.
Dans cet écrit l'archevêque groupe distinctement en face
les unes des autres, les raisons pour et contre la définition.
Il met une précision particulière à suivre l'enseignement de
l'infaillibilité pontificale à travers la tradition ecclésiastique
où il serre de près le gallicanisme. Un post-scriptum est con-
sacré, comme il a déjà été remarqué (5), // à la réfutation de
l'ouvrage récent de M-1' Maret, qui ne lui était arrivé qu'après
l'achèvement de sa lettre pastorale. Cette addition donna
naissance à une petite escarmouche entre Mgr Manning et
Mgr Dupanloup.
Dans sa lettre au clergé, du 11 novembre, Mffr Dupanloup
blâme en effet, le vœu exprimé par quelques-uns que la doc-
trine de l'infaillibilité pontificale fût définie, et il expose ainsi
leur désir. « Il s'agirait donc d'obliger désormais tous les
catholiques à croire, sous peine d'anathème, que le pape est
infaillible, même — je me sers des propres expressions de
M~r l'Archevêque de Westminster — quand il prononce seul
fi) Cecconi, loc. cit. Doc. CCLX. — Cfr. G. V. 128ib.
(2) Novembre 1869. —Voir Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXIX. — Cfr. C. V. 1284a.
(3) The Centenary of St-Peter and the gênerai Council. — London, 1867.
(4) The oecumenical Council and the Infallibility ofthe Roman Pontiff.— Traduction
italienne dans Cecconi. loc. cit. Doc. CCXXXIII.
(5) Page 310.
[300-301]
Mgr MANNIXG ET Usr DUPANLOLP 359
en dehors du corps épiscopal, réuni ou dispersé ; et qu'il peut
définir les dogmes seul, séparément, et indépendamment de
VEpiscopat « sans aucun concours exprès ou tacite, antécé-
dent ou subséquent des Evêques ». Cet exposé de la doctrine
de l'infaillibilité prêtait facilement au malentendu. M-1 Plan-
ning la repousse déclarant qu'on la lui attribuait à tort. Dans
une lettre à Mgr Dupanloup (i), il lui demanda comme un
acte de justice le retrait public de la citation : « Votre Gran-
deur a cité comme étant des expressions du post-scriptum de
ma lettre pastorale et répété trois ou quatre fois avec des
guillemets et en lettres majuscules, les paroles suivantes :
« séparément et indépendamment de l'épiscopat ». Le mot
« indépendamment » se trouve très exactement dans mon
texte ; le mot « séparément » ne se trouve nulle part.
L'ensemble de votre phrase n'existe pas dans le post-scriptum:
cette proposition n'est jamais sortie de ma plume. Votre
commentaire dénature entièrement ma thèse. Il s'agit exclu-
sivement de l'acte pontifical d'un jugement ex cathedra
dans un sens qui exclut la thèse de Mgr Maret, et non pas,
en général, de l'union perpétuelle et indissoluble du chef de
l'Eglise avec le corps épiscopal. Mgr Maret soutient que le
souverain pontife parlant e.v cathedra, n'est pas infaillible,
sinon avec le concours ou la consultation de l'épiscopat.
J'ai formulé la thèse contradictoire, et j'affirme que le pon-
tife parlant e.v cathedra est infaillible apart from, c'est-à-
dire sans le concours ou la consultation de l'épiscopat. // Les
expressions de Votre Grandeur « en dehors et séparément »
emportent l'idée de scission ou d'opposition, et dénaturent
tout à fait le sens évident de ma thèse. »
Les termes employés par Algr Manning ont, en effet, le
sens qu'il leur attribue ici, et en ce sens ils expriment exac-
tement le dogme. La traduction française pouvait donner
(1) 25 novembre. Cecconi, loc. cit. Doc. GCLXXIV. — Gfr. C. V. 1284 c. sq.
[301-302]
I V,:;
I
360 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
lieu à ce malentendu que la doctrine de l'infaillibilité ponti-
ficale séparait le pape des évêques, la tête du corps,. Il est
vrai, le pape agit seul dans une définition ex cathedra et sans
la coopération des évêques (apart from), mais il n'est pas pour
cela séparé d'eux.
M*-'1' Dupanloup répondit (i) qu'il était injuste d'attribuer à
l'archevêque l'idée d'opposer le Saint-Siège aux évêques,
l'idée de séparer la papauté de l'épiscopat; il se hâtera de
l'expliquer publiquement, selon le désir de Mgr Manning.
Lui-même ne lui avait point attribué une pareille idée, il
n'avait fait que citer ses paroles. Si la traduction était
inexacte, le blâme en retombait non pas sur lui, mais sur les
amis de M6* Manning, car il s'était servi de la traduction de
1' Univers à qui l'archevêque avait envoyé son post-scriptum.
D'ailleurs, au témoignage d'Anglais, de professeurs de langue
anglaise et d'un écrivain anglais qu'il avait interrogés, la
traduction de I'Univers était bonne.
M.8* Manning se déclara satisfait de la réponse de Msr Du-
panloup et de son explication d'après laquelle il ne lui attri-
buait point l'idée d'une séparation ou d'une opposition entre
le pape et l'épiscopat. Il ajouta pourtant que la traduction
était inexacte et que la phrase citée par Mgr Dupanloup ne
se trouvait pas dans son post-scriptum (2). La discussion fut
ainsi terminée.
...
fin
ipe a
(1) 15 décembre. — Ceccoxi, loc. cit. Doc. GGLXXV. — Cfr. C. V 1284 d.
(2) 20 décembre. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCLXXVI. — Cfr. C. V. 1284 d.
[302J
CHAPITRE XII.
Accueil fait par les églises Orientales non unies
à l'invitation de prendre part au concile.
Xous avons raconté dans le premier livre (i) comment le
pape invita au concile, par une lettre spéciale (2), les éveques
des églises Orientales non unies. //
Le nombre total des chrétiens appartenant à ces églises
s'élève environ à soixante-dix millions, qui, sous les noms de
Coptes, Jacobites, 'N'estoriens, Arméniens, Grecs et Russes,
sont dispersés en Egypte, en Palestine, en Syrie, en Grèce,
en Turquie, en Perse et en Russie. Ces communautés, plus
ou moins grandes, qui se sont, à différentes époques, séparées
de l'église catholique, continuent à vivre indépendantes les
unes des autres. Elles s'accordent en ce point, qu'elles nient
la primauté de l'évêque de Rome. Quant aux autres doctrines
de l'Eglise catholique, elles les ont conservées, à l'exception
d'un petit nombre, sur lesquelles elles ne sont pas non plus
d'accord entre elles. Elles ont gardé la hiérarchie ecclésias-
tique et il n'est pas douteux que leurs évêques et leurs prêtres
soient validement ordonnés. C'est pour ce motif que les Orien-
taux furent invités au concile, tandis que les protestants, qui
n'ont point d'évêques, ne recevaient aucune invitation.
De temps immémorial, les diverses nations de l'Orient
(1) P. 161 et suiv.
(2) Arcano divinse Providentise .
[3C3-304J
362 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
célèbrent la Sainte Messe dans les anciennes langues et avec
des rites particuliers. L'Eglise ne fait pas de l'abandon de
ces rites, que leur antiquité rend vénérables et légitimes, ou
de l'adoption du rite romain, une condition de la réunion.
Tous ces rites se trouvent aussi dans les églises qui sont
unies avec l'Eglise romaine. Tout comme ces dernières, les
non-unis, s'ils rentraient dans l'unité de l'ancienne Eglise,
garderaient leurs rites traditionnels (i). C'est ce qu'il est
essentiel de faire remarquer, car les ennemis de la réunion
ne cessent d'agiter aux yeux des Orientaux le spectre de la
latinisation, comme si Rome voulait leur arracher cet héri-
tage de leurs pères, ces rites antiques, auxquels toute leur
âme est attachée.
// A Rome on ne se laissait pas aller à des espérances exa-
gérées pour le succès de l'invitation des Orientaux au concile.
Le patriarche de Jérusalem, Msr Joseph Valerga, provicaire
apostolique d'Alep et prodélégat de Syrie, avait été prié par
le cardinal-préfet de la Propagande, de se renseigner, au
cours d'un voyage de Constantinople à Jérusalem, sur les
dispositions de l'épiscopat schismatique à l'égard du con-
cile (2). Dans sa réponse (3), il se montrait tout disposé à
remplir cette mission, mais ajoutait que sa connaissance de
l'Orient ne lui laissait que peu d'espoir de voir les évèques
(t) Ces rites sont au nombre de six : le rite grec se trouve en Grèce, en Tur-
quie,dans les îles Ioniennes etl'Archipel.et aussi (quoiqu'en différentes langues)
chez les Bulgares, les Serbes, les Valaques, les Monténégrins, les Géorgiens et
les Russes ; — le rite arménien est propre au peuple arménien qui est répandu
en Russie, en Turquie, en Perse, en Galicie, à Venise et dans d'autres pays. Le
rite chaldéen est en usage chez les Xestoriens de la Turquie, de la Perse et de
Malabar et chez les Ghaldéens unis. Le rite syrien est celui des Jacobih-s de
Syrie et de Mésopotamie. Le rite copte et le rite abyssin sont en usage en Egypte
et en Abyssinie. Voir Lamy : les Orientaux et le Concile œcuménique, dans la
Revue Catholique (Louvain), nouvelle série, tome I (1869), p. 152 et suiv. Dans
ce volume et dans le suivant de la même revue on trouvera une exposition de
l'origine, du développement et de l'histoire des églises séparées d'Orient, ainsi
que des difficultés qui s'opposent à la réunion.
(2) C. V. 1110 a sq. — Cecconi, loc. cit. Doc. LXXII1.
(3) C. V. 1110 b sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. LXXIV. — Cfr. plus haut, p. 162.
[304-305]
LA LETTRE D INVITATION AUX ORIENTAUX 363
scliismatiques donner suite à rinvitationxiontificale.il rappe-
lait l'accueil défavorable fait à l'encyclique que le Saint-Père,
au début de son pontificat, avait adressé aux Orientaux, les
rapports des églises non unies avec la Russie, les disposi-
tions du peuple, très peu préparé, particulièrement dans la
Turquie d'Europe, à un rapprochement. Naturellement,
l'improbabilité du succès ne saurait détourner le Saint-Siège
de renouveler sans cesse aux chrétiens séparés ses invita-
tions à revenir à l'unité, et les Orientaux eux-mêmes, dit
M81" Valerga dans la même lettre, ne manqueraient pas de
blâmer le Souverain Pontife, si celui-ci avait négligé de les
inviter au concile.
La lettre pontificale d'invitation fut envoyée aux délégués,
vicaires et préfets apostoliques de l'Orient, en un grand
nombre d'exemplaires, pour être remis à chacun des prélats
scliismatiques, qui résidaient dans leurs districts. Le cardi-
nal préfet de la Propagande, en leur transmettant ces j)ièces,
les priait, dans une lettre du 28 septembre 1868, (1) annexée à
l'envoi, de le renseigner sur l'exécution de ses ordres ; il
désirait qu'on lui fit savoir le nom, le titre et la résidence de
tous ceux à qui les lettres apostoliques auraient été remises ;
on devait aussi lui rendre compte de la manière dont les pré-
lats les auraient reçues et surtout, des dispositions qu'ils
laisseraient paraître. Malheureusement, la lettre pontificale
d'invitation parut dès le 22 septembre dans le Giornale di
Roma, ce qui, non seulement provoqua dans la presse une
fâcheuse polémique, mais rendit très difficile la présentation
de la lettre, à tel point que plusieurs prélats se dirent obligés,
par ce seul motif, de ne pas l'accepter. //
La présentation de la lettre au patriarche grec de Constan-
tinople et au patriarche arménien résidant dans cette ville
fut faite, en l'absence du délégué apostolique, M-1' Brunoni,
(1) C. V. 1111 b.s.q. — Gbgcom, loc. cit. Doc LXXV.
[305-306]
364 HISTOIRE DU COXCILE DU VATICAN
par son vicaire général, l'abbé Testa, qui, dans une lettr
au cardinal préfet, fait un récit détaillé de ces deux entre
vues (i).
Le i5 octobre il fit prier les deux patriarches, par Tinter
médiaire de deux prêtres, de lui fixer un jour et une heure
pour sa visite. Tous deux choisirent la matinée du 17, de
9 heures à 11 heures. Le moment venu, l'abbé Testa, accom-
pagné de trois prêtres, se rendit d'abord chez le patriarche
grec. Ils furent courtoisement reçus par le protosyncelle
(vicaire général), qui les mena dans ses appartements : là s
trouvaient le métropolite d'Ephèse et un dignitaire de l'église
de Chalcédoine. Après les salutations d'usage, ils furent
introduits auprès du patriarche. Celui-ci se leva pour les
recevoir et l'abbé Testa, après les compliments d'usage, lui
présenta les lettres apostoliques; en même temps, comme il
savait la langue grecque, il dit en peu de mots leur contenu,
et expliqua comment, en l'absence du délégué apostolique, i
avait lui-même l'honneur dé remettre ces lettres au patriarche.
Celui-ci, sans lever les yeux, lui fit signe de la main de dépo-
ser la lettre sur le divan : mauvais augure pour le succès de
l'entrevue. L'abbé Testa déposa tranquillement la lettre et
s'assit. Alors le patriarche toujours sans lever les yeux, pro-
nonça quelques paroles, qui paraissaient préparées d'avance :
le protosyncelle les traduisait en français avec des dévelop-
pements. Voici à peu près comment il s'exprima :
« Si nous ne connaissions pas déjà par les feuilles publi-
ques le contenu de ces lettres, nous les aurions peut-être
acceptées, dans l'ignorance des principes qui y sont émis.
Mais comme nous savons par les journaux que le pape n'en-
tend se départir en rien des principes de son encyclique de
1848, à laquelle nous avons répondu, nous ne j>ouvons les
accepter.
(1) C. V. 1111 d sqq. — Ceocoxi, loc. cit. Doc. LXXVII. — Cfr. Civilta catto-
i.u:a, sér. VII, vol. 5, p. 331 et suiv.
[30GJ
RÉPONSE DU PATRIARCHE GREC DE COXSTAXTIXOPLE 365
» Il est donc aussi tout à fait inutile de nous rendre au
concile ; la reprise de discussions, tant de fois répétées sans
utilité, n'aurait d'autre résultat que d'éloigner les esprits
encore davantage. //
» L'Eglise orientale ne s'écartera jamais de la doctrine qui
lui vient des apôtres et qui lui a été transmise par les saints
Pères et les conciles œcuméniques.
» L'union conclue au concile de Florence fut commandée
par des circonstances politiques fort critiques, et l'ensemble
de l'Eglise d'Orient protesta contre cette union.
» Xous sommes parfaitement tranquilles dans notre con-
science.
» Prions le Seigneur d'éclairer les esprits et de toucher
tous les cœurs pour que règne la charité (i). »
L'invitation au concile était repoussée, et de la manière la
plus disgracieuse. Cette réponse négative du patriarche grec
de Constantinople devait avoir une influence décisive sur
l'attitude que prendraient à l'égard du concile, non seulement
les autres patriarches et évêques du rite grec, mais encore la
plupart des prélats des autres rites.
Le protosyncelle amplifia encore en français les paroles du
patriarche. Il parla de la pureté de la doctrine enseignée
dans les Eglises orientales, de l'égalité de tous les apôtres et
de la subordination du pape au concile œcuménique et à
Jésus-Christ, l'unique chef de l'Eglise. Si le pape ne renon-
çait pas à ses prétentions exorbitantes, ses invitations au
prétendu concile œcuménique devaient rester sans résultat.
(1) Si le patriarche avait seulement pris en main la lettre pontificale et lu la
première phrase, il aurait été pour le moins quelque peu déconcerté dans son
affirmation si catégorique, que les Grecs ont reçu leur doctrine des Apôtres et
des Pères de leur Eglise. Le Pape cite, en effet, un passage de l'un des Pères les
plus considérés de l'Eglise grecque, Saint-Grégoire deNysse, qui, par une allu-
sion visible de l'Evangile dit que l'apôtre Saint-Pierre est « d'après le privilège
que Dieu lui a accordé, la pierre ferme et solide sur laquelle le Sauveur a bâti
son Eglise. » C'est exactement le contraire de la doctrine capitale des Grecs sur
i'égalité des Apôtres et de leurs successeurs.
[306-307J
366 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
L'abbé Testa ne jugea pas opportun d'entrer dans la dis-
cussion des points controversés entre Grecs et Latins ; il se
contenta de répondre que le Saint-Père était animé du plus
vif et du plus sincère désir de voir s'aplanir les difficultés qui
séparaient l'Eglise d'Orient de celle d'Occident. C'est pré-
cisément pour atteindre ce but tant désiré qu'il adressait son
invitation aux prélats de cette Eglise, dans le ferme esj)oir
de voir ses désirs se réaliser, si à de ferventes prières on ajou-
tait aussi des actes ; //mais, espérer la réunion et le rétablisse-
ment des liens de la charité sans se rencontrer et s'entendre,
c'était espérer l'impossible.
« A notre grand regret, répartit le x^rotosyn celle, nous ne
pouvons accepter l'invitation. Ce refus, néanmoins, ne doit
porter aucun préjudice... » Il ajouta quelques mots qui ne
furent pas compris des prêtres latins.
Comme on se levait pour prendre congé, le patriarche fit
un signe de la main : aussitôt, comme si la chose avait été
convenue à l'avance, le protosyncelle prit la lettre pontificale,
qui était encore posée sur le divan, et la rendit au principal
visiteur.
Tel est le compte-rendu de l'abbé Testa. Sur cette entrevue
nous avons encore un autre récit, que le protosyncelle envoya
aux journaux grecs de Constantinople (1). Celui-ci met en
plus vive lumière le rôle des Grecs et en particulier du pa-
triarche : il contient des additions qui sont évidemment des-
tinées à justifier devant les Grecs le refus de l'invitation
pontificale. Au sujet de ce refus et de l'accueil fait aux délé-
gués, les deux récits s'accordent essentiellement. Seulement,
le protosyncelle met dans la bouche du patriarche les paroles
qu'il avait lui-même prononcées. Ensuite viennent les expli-
cations des deux parties sur les doctrines caractéristiques
(1) CBccqjsr, loc. cit. Doc. LXXVI1I. - Ctr. C. V. 1114 b. — Gfr. C. V. 1115 c.
Cecconi. loc. cit. Doc. LXXXI.
[307-308]
REPONSE DU PATRIARCHE GREC DE COXSTAXTINOPLE 367
des Grecs et des Latins ; le patriarche y a le beau rôle. Il
parle d'abord contre la primauté de l'évêque de Rome, puis
un des prêtres latins étant venu à parler du concile de Flo-
rence, lui donne l'occasion de s'exprimer en termes violents
sur ce concile et sur le pape. D'après le patriarche, le concile
de Florence fut réuni pour des motifs politiques et en vue
d'intérêts purement matériels ; ses décisions furent imposées
pour un temps à un petit nombre de Grecs, que le pape avait
contraints par la famine, les violences et les menaces ; il ne
mérite pas le nom sacré de concile (i). // Le patriarche lui
oppose les conciles des huit premiers siècles, comme les
sûrs garants de la vérité. Il ajoute : « Si quelques évêques
d'Occident ont senti naître sur certains de leurs dogmes des
doutes sérieux, qu'ils se réunissent chaque jour, s'ils le
veulent, pour les éclairer. Quant à nous, nous n'éprouvons
absolument rien de semblable à l'égard d'un seul de nos
dogmes immuables, qui nous ont été transmis par les saints
Pères. Mais, puisque vous venez de parler de conciles, per-
(4) Cecconi (op . cit. 1. Kl, c. 2. fait remarquer que cette affirmation constitue
plus qu'une erreur historique, elle est une abjecte calomnie. « Les calomnies
lancées contre le concile de Florence datent presque de l'époque où il fut
assemblé, mais il y a été aussitôt répondu catégoriquement par les évêques
orientaux, à leur retour de l'Occident. Les libelles de Marc Eugénique furent
réfutés, point par point, par Joseph, évèque de Méthon, et parce même proto-
syncelle Grégoire, qui avait représenté à Florence le patriarche d'Alexandrie.
Leurs répliques font continuellement appel aux témoignages de ceux qui assis-
tèrent au concile et aux actes de celui-ci. qui se trouvaient alors entre les mains
de tous. Les passages mensongers de l'histoire deSiropouios, publiée à La Haye
en 1C60 par l'anglican Creyghton, trouvent leur réfutation dans ces mêmes actes
conciliaires et dans un grand nombre d'écrits polémiques et d'autres documents
contemporains, qui se trouvent dispersés dans les collections de conciles et
autres recueils du même genre. La vraie raison d'une rechute si prompte dans le
schisme fut le fanatisme du clergé et du peuple de Gonstantinople, et aussi l'or-
gueil d'une partie de ceux-là mêmes qui avaient souscrit l'union et qui mainte-
nant avaient honte, en face d'une populace fanatique, de n'avoir pas su gagner
les Latins à leur avis. Ils se joignirent eux-mêmes aux calomniateurs pour
reconquérir la faveur de la multitude; ils proclamèrent qu'ils avaient vendu
leur foi et trahi la pureté du sacrifice en se faisant azymites. L'annonce de la
mort du vénérable patriarche de Gonstantinople, arrivée à Florence, augmentait
l'audace des apostats, qui n'auraient pas osé, de son vivant, donner au monde
le spectacle d'une conduite si lâche et si déloyale. »
[308-309]
3G8 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
mettez-moi de vous rappeler qu'autrefois pour les réunir on
procédait autrement qu'aujourd'hui. De quelle façon, en effet,
le Souverain Pontife convoque-t-il le présent concile? Ce n'est
pas en observant les règles dictées par l'égalité et la confra-
ternité apostoliques, c'est-à-dire en agissant comme un égal
avec des égaux. Sa dignité le premier rang que les saints
canons attribuent à son siège, lui conférait uniquement le
droit d'adresser une lettre personnelle à chacun des patriar-
ches et des synodes de l'Orient, non pour leur imposer sa
volonté, j)ar les encycliques ou les journaux, du ton d'un
maître et d'un seigneur, mais pour leur demander, comme
ferait un frère à l'égard de ses frères, de ses égaux en rang et
en dignité, s'ils partagent son sentiment sur l'opportunité
d'un concile, sur le lieu et le mode de sa convocation, sur le
but à assigner à cette assemblée, etc. S'il en avait été ainsi,
nous aurions consulté l'histoire et les actes des conciles œcu-
méniques, et l'union véritable, si désirée de tous et si émi-
nemment chrétienne, se serait accomplie d'une manière
conforme à l'histoire. Dans tous les cas, nous aurions tous
saisi cette occasion de faire monter de nouveau vers le ciel
nos plus ardentes prières pour la paix de l'univers entier,
pour la persévérance et l'union dans l'unité de toutes les
saintes Eglises de Dieu. Mais dans l'état actuel des choses,
nous ne pouvons, à notre grande douleur, prendre en consi-
dération l'invitation qui nous est faite ni accepter la rettre
dont vous êtes porteur (i). »
L'abbé Testa envoya au cardinal préfet de la Propagande
le récit du journal grec. « Je ne veux pas affirmer, disait-il
dans sa lettre (2), que quelques points ne m'ont pas !
échappé dans mon précédent rapport, mais je suis certain
qu'un très grand nombre de paroles rapportées dans ce
l-i'l
(1) Reproduit d'après Cecconi.
(2) C. V. 1115 c. — Cecconi, doc. LXXXI.
[300]
L ATTITUDE DU PATRIARCHE GREC DE COXSTAXTIXOPLE 3G9
journal, n'ont été prononcées ni par le patriarche, ni par le
protosyncelle. Par exemple, je n'hésite pas à affirmer qu'en
ma présence on n'a pas parlé avec tant d'irrévérence du pape
et de l'Eglise romaine. / Quoi qu'il en soit d'ailleurs, le récit
peut être considéré comme l'expression des sentiments du
patriarche ; le protosyncelle n'aurait pas eu l'audace de lui
attribuer ses propres idées. Par l'ensemble de l'article, on
voit clairement que l'auteur a puisé ses doctrines aux
sources protestantes ; or, on sait que le protosyncelle actuel a
fait ses études en Allemagne. »
La relation grecque attira l'attention générale à Constan-
tinople et l'attitude du patriarche fut diversement jugée.
Voici ce que raconte à ce sujet Mgr Hassoun, le patriarche
arménien catholique, dans une lettre qu'il écrivait quelques
jours après (27 octobre) au préfet de la Propagande : « Les
journaux où le récit était publié furent vendus, le soir même
(23 octobre), et mis en circulation dans tous les lieux de
rendez-vous de la bonne société, particulièrement sur le
Grand Cours et sur les bateaux à vapeur fort nombreux qui
font le service du Bosphore. Les banquiers et les négociants
grecs, qui sont ici les hommes les plus importants, lisaient
et commentaient avec ardeur ces journaux. J'en fus moi-
même témoin à bord d'un bateau à vapeur où se trouvaient
un bon nombre de notabilités grecques. Après avoir lu
l'article, ils se divisèrent en deux camps :les uns prétendaient
que leur patriarche avait très bien fait de repousser une
lettre conçue en termes outrageants pour leur Eglise et pour
leur nation — les journaux non catholiques cherchaient, en
effet, à altérer les expressions de la lettre pontificale — ; les
autres estimaient que la conduite de leur patriarche avait
été incivile, et ils la condamnaient. Comme ils ne se doutaient
(1) Ceccoxi, sez II, p. 47, note 1 .
[3101
370
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pas que je comprisse le grec, ils s'exprimaient librement et
sans réserve. »
Le jour choisi par le patriarche grec pour son audience
avait été aussi choisi, nous l'avons vu, par le patriarche
arménien. Chez celui-ci, l'abbé Testa et ses compagnons
trouvèrent un accueil plus bienveillant. Reçus à la porte de
la résidence patriarcale par deux dignitaires, ils furent aussi
tôt introduits dans la salle d'audience, où le patriarche les
attendait. Celui-ci reçut la lettre avec tout le respect conve-
nable, et, après s'être entretenu quelque temps de la nécessité
de l'union pour combattre les ennemis de l'Eglise, il insista
sur le peu d'importance des points qui séparent les deux
églises;// puis, s'adressant à M. Testa, il lui demanda s'il
était chargé de transmettre la même lettre au catholicos
d'Etchmiadzin. — Non, répondit l'abbé Testa, Etchmiadzin se
trouve en dehors des limites de la délégation apostolique de
Constantinople. — En tout cas, reprit le patriarche, il est de
mon devoir de faire connaître au catholicos la démarche que
vous venez de faire auprès de moi. De même, avant de vous
donner une réponse définitive, je dois en conférer avec les
évêques mes collègues... L'abbé Testa lui dit qu'il était
chargé de remettre un exemplaire des lettres apostoliques à
chacun des évêques arméniens de la délégation de Constan-
tinople et il le pria de lui en procurer la liste avec leurs
adresses. Le patriarche, après un instant de silence, reprit :
« Avez- vous remis ces lettres au patriarche grec ? Que vous
a-t-il répondu ?...» L'abbé Testa ne voulait pas parler du mau-
vais accueil qu'il avait reçu ; il se contenta de dire que le
patriarche avait trouvé bien difficile de troubler la paix et i
de reprendre les discussions après tant de siècles de sépara-
tion ; il eut soin de ne pas prononcer le mot de refus. Le
patriarche arménien changea légèrement de couleur et devint
pensif : peut-être cherchait-il un moyen de se débarrasser de
la lettre. « Mais, dit-il enfin, cette lettre ne porte j)as mon
[310-31 1J
REPONSE DU PATRIARCHE ARMENIEN 374
adresse? — Heureusement, écrit l'abbé Testa, nous avions
prévu cela, et sur les exemplaires destinés aux deux patri-
arches, reliés avec luxe en maroquin rouge, nous avions fait
écrire en lettres d'or le titre de chacun. Autre difficulté :
« Cette lettre n'est pas signée, » fit remarquer le patriarche.
L'abbé Testa répondit que le nom du pape se trouvait en tête
et que le sceau pontifical garantissait l'authenticité du bref.
Le patriarche se montra satisfait de ces explications. Il
ajouta, l'air toujours tranquille et serein : « Je ne puis me
charger de transmettre les lettres aux évêques. Il n'est pas à
propos non plus que je vous donne leurs adresses. Cependant,
vous êtes libre, vous devez même exécuter le mandat qui vous
a été confié. Rien ne vous empêche d'envoyer les lettres à
l'épiscopat arménien. » L'entretien était terminé, et le patri-
arche congédia ses visiteurs avec tous les signes d'une
cordiale affection.
On le voit, ce prélat n'était pas mal disposé à l'égard du
concile et de la réunion avec Rome.// Il pouvait compter pour
cela sur les dispositions toutes semblables d'un bon nombre
d'Arméniens sehismatiques. A Constantinople deux partis
s'étaient formés : l'un poussait à la réunion avec l'Eglise
catholique-romaine ; l'autre, placé sous l'influence de la
Russie et ax)pelé pour cette raison le parti russophile, cher-
chait à l'empêcher. Chaque parti soutenait ses vues propres
dans les journaux. Les russophiles insistaient principale-
ment sur ce que leurs adversaires, non contents de dépouiller
l'église nationale arménienne de son indépendance, cher-
chaient à la latiniser complètement. Le parti de l'union
faisait valoir avec insistance qu'il ne s'agissait pas d'un
changement de la liturgie arménienne (i). Le patriarche,
nous l'avons remarqué, était favorable à ces derniers, mais il
n'osait pas se décider sans le catholicos d'Etchmiadzin.
(1) Cf. Civilta cattolica, scr. VII, vol. 5, p. 467 et suiv.
[311-312]
372 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Etclimiadzin est un monastère arménien situé près d'Eri
van, dans la partie septentrionale de l'Arménie, qui est
soumise à la domination russe. Le patriarche qui avait là sa
résidence, dans le principal sanctuaire des Arméniens, se
donnait le titre de catholicos et revendiquait la suprême
autorité ecclésiastique sur tous les Arméniens schismatiques
en dehors môme des frontières de la Russie. Celle-ci favo-
risait ses prétentions.
Le catholicos, Kevord IV, envoya à Constantinople, sur
la fin de juillet 1868, une ambassade dont le chef était
l'archevêque Sarkis Tchalalian. Son but était, semble-t-il,
d'étouffer les tendances unionistes des Arméniens dans ce
centre principal des églises orientales. Avec l'aide du gou-
vernement russe, Tchalalian devait s'établir solidement à
Constantinople et y fixer sa demeure en qualité de nonce du
catholicos. Kevork IV avait muni les délégués d'un mémoire
pour le ministre des affaires étrangère de Turquie : il y
exposait ses droits à la suprématie ecclésiastique et priait le
ministre de protéger son ambassade et d'en favoriser les
entreprises (1). Le ministre lui adressa une réponse fort
courtoise, mais nettement négative (2). Malgré tout, le catho-
licos, aidé du parti russophile, sut manoeuvrer avec un te
succès à Constantinople contre les tendances unionistes,
s'acquit dans cette ville un tel crédit que le patriarche se vi
forcé, pour le contenter, lui et son parti, de publier une
déclaration sur la manière dont il avait reçu l'encyclique
pontificale. ' Il ne l'avait fait, disait-il, que pour accomplir un
devoir de politesse. D'après les canons de l'Eglise armé-
nienne, il ne pouvait, dans une circonstance aussi importante
que la participation à un concile, donner de réponse décisive,
sans communiquer la lettre pontificale au catholicos d'Etch
(1) Gecconi, loc. cit.. Doc. LXXXV. Ct. G. V. 1117 c. Cf. Geccoxi, loc. cil
Doc. LXXXIII. C. V. 1117 b.
(2) Gecconi, loc. cit. Doc. LXXXVI. Cf. C. V. 1117 c.
I312-313J
REPONSE DU CATHOLICOS U ETCHMT A DZ1N 373
miadzin, auquel seul il appartenait d'apprécier ce docu-
ment (i). Le patriarche publia cette déclaration dans les
journaux vers le milieu de décembre; il envoya ensuite au
catholicos la lettre du pape en traduction arménienne et
demanda des instructions sur la conduite à tenir (2). C'était
équivalemment refuser l'invitation au concile. La condescen-
dance du patriarche ne devait pourtant lui servir de rien : il
n'en perdit pas moins, nous le verrons, ses fonctions et sa
dignité.
Les évêques arméniens non-unis, de la délégation de
Constantinople, reçurent fort aimablement les lettres aposto-
liques que leur avaient envoyées l'abbé Testa et le patriarche
arménien catholique, M81" Hassoun, et se montrèrent même
assez enclins à accepter l'invitation; mais presque tous décla-
rèrent qu'ils devaient se régler sur la volonté et l'exemple
du catholicos. C'est ce qui détermina le cardinal préfet de la
Propagande, à confier à l'abbé Testa le soin de faire parvenir
la lettre pontificale au catholicos lui-même. C'était là une
mission difficile, ainsi que l'écrit l'abbé Testa au cardinal-
préfet, vu qu'Etchmiadzin était situé en territoire russe.
Après avoir conféré avec Mgr Hassoun, il se décida à envoyer
par des voies différentes deux exemplaires de la lettre, l'un
par un laïque arménien non-uni, l'autre par l'évêque armé-
nien catholique dont la résidence était la plus rapprochée
d'Etchmiadzin. ce Cependant, écrit-il, n'y a-t-il pas danger
que le catholicos, s'il est mal disposé, ne dénonce au gouverne-
ment russe celui qui se sera prêté à nous rendre ce service ? »
Il doutait que l'on put trouver quelqu'un qui se chargeât
d'une pareille commission (3). La lettre est-elle parvenue
entre les mains du catholicos? Rien, dans les documents
ne nous renseigne sur ce point.// Il ne s'y trouve pas non plus
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. LXXXVIII. Cf. C. V. 1117 d.
(2) Cecconi, loc. cit. Doc. LXXXIX. Cf. C. V. 1117 cl.
(3) Cecconi, loc. cit. Doc. XCVI. Cf. C. V. 1118 b.
=4
[313]
374 HISTOIRE DU CONCILE 1)1" VATICAN
de réponse du catholicos à l'abbé Testa. Nous avous, il est
vrai, sa réponse au patriarche arménien seliismatique de
Constantinople qui, de son côté, on s'en souvient, lui avait
aussi envoyé la lettre pontificale. Cette réponse, datée de
février 1869, nous renseigne pleinement sur les dispositions
du catholicos (1).
Il exprime son désir de la réunion des églises. Mais, dit-il,
la lecture de la lettre du pape l'a persuadé qu'il n'y avait rien
à attendre de semblable du concile. Si Rome désirait réelle-
ment rétablir l'union, elle devrait tout d'abord s'enquérir
des causes de la séparation et se résoudre fermement à les
faire disparaître : son premier devoir serait de se réconcilier
avec les pasteurs suprêmes de l'Eglise orientale, et de leur
proposer le projet de concile et les principaux points qui
devaient y être traités ; si l'on tombait d'accord, on pourrait
s'entendre pour déterminer de concert la date et le lieu du
concile. Mais puisque le patriarche de Rome prenait sur lui
de convoquer le concile et d'envoyer l'invitation aux évêques
orientaux, il se donnait pour le chef de toute l'Eglise et niait
l'égalité de droits des patriarches orientaux. Il appelait
expressément dans sa lettre le siège de Rome centre de
l'unité, doctrine que l'Eglise orthodoxe des Arméniens
repousse avec les autres nations de l'Eglise orientale, ne
reconnaissant d'autre chef de l'Eglise que le Sauveur Jésus-
Christ. Il n'y avait donc rien à attendre du concile pour la
réunion des Eglises : peut-être n'y ferait-on qu'ouvrir un
nouveau champ de controverses, qui donnerait lieu à de nou-
velles et inguérissables divisions, au grand scandale d'un
grand nombre de chrétiens et au déshonneur de la religion
chrétienne. Le catholicos avertissait le patriarche de se
défier de l'invitation, de mettre en garde les archevêques et
tous les prélats des diocèses situés dans l'empire turc et de
(I)Ceccoxi, loc. cit. Doc. XCIV. Cl. C. V. 1118 b.
[314]
REPONSE DES PATRIARCHES ORIENTAUX 37o
ne donner aucun prétexte à des troubles et à des divisions.
Quand la lettre du eatholicos arriva à Constantinople, le
patriarche Paul, auquel elle était adressée, n'était plus sur
son siège. Les partis qui s'étaient formés sur la question de
l'union avec Rome avaient de plus en plus accentué leurs
divisions. Les adversaires de l'union, protégés par la Russie,
avaient excité de tels troubles (i) que le patriarche s'était
vu forcé d'abdiquer (2). Survenant là-dessus, la lettre du
eatholicos ne pouvait qu'augmenter les forces de ce parti, et
les mieux disposés parmi les évoques arméniens de Turquie
renoncèrent complètement à l'idée de prendre part au concile.
Dans les autres contrées de l'Orient les choses se pas-
sèrent pour les Arméniens absolument comme en Turquie.
Le patriarche arménien schismatique de Jérusalem déclara,
comme celui de Constantinople, que la décision n'appartenait
qu'au eatholicos d'Etchmiadzin (3).
Mais revenons aux Grecs. Nous avons vu (4) comment le
patriarche schismatique de Constantinople repoussa l'invita-
tion pontificale et comment un journal de son entourage lui
prêta pour la circonstance l'attitude la plus grossière et la
plus blessante vis-à-vis du pape. La grande dépendance des
archevêques et des évèques à l'égard du patriarche, leur
maître absolu, qui, d'après Dollinger, les institue et les
dépose à son gré (5), sans en devoir compte à personne,
faisait clairement prévoir que tous suivraient la même con-
duite que leur chef. C'est ce qui arriva en effet. Le
(l)Cf. Civilta Cattolica, sér. VII, vol. 5, p. 600.
(2) Dans les feuilles publiques, les schismatiques se livrèrent à de violentes
polémiques contre le concile. Dans la séance de la congrégation directrice, tenue
à Rome le 28 décembre 1868, le cardinal Barnabe dit que les attaques dirigées par
le gouvernement russe devenaient de plus en plus violentes. Il ajoute qu'à Con-
stantinople on répond aux schismatiques. Voir le compte rendu de la Commis-
sion.
(3) Cecconi, loc. cit. Doc. CI. — Cf. C. V. 1118 d.
(4) P. 366.
(5) Dollinger. Kirche und Kirchen, p. 158.
I314-315J
3TC HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN"
6 février 1869, l'abbé Testa envoyait au cardinal-préfet de la
Propagande la liste des évéques grecs, qui, au nombre de
quarante-cinq, avaient reçu l'invitation pontificale par la
poste ou par des messagers (1); dans sa lettre (2) il décrit l'in-
différence avec laquelle ces prélats avaient accueilli l'invita-
tion, on ne parlait plus du concile et le patriarcat tout entier
ne semblait plus occupé que des différends qui venaient de
s'élever entre Constantinople et les Bulgares./ Ceux-ci, qui
depuis longtemps cherchaient à se séparer du patriarcat, se
voyaient alors tout près d'atteindre leur but. Le jour même
où le patriarche avait refusé de recevoir la lettre pontificale,
il reçut de la Porte la communication officielle de la décision
par laquelle le sultan séparait définitivement l'Eglise bulgare
du patriarcat (3).
Les patriarches grecs d'Alexandrie, d'Antioche et de Jéru-
salem (4) reçurent l'invitation du pape presque aussi mal que
celui de Constantinople.
Chez le patriarche de Jérusalem, deux chanoines latins,
MM. Codere et Perpignani, à qui le patriarche latin, M81" Va-
lerga, avait confié la lettre du pape, furent reçus en audience
le 9 décembre 1868. Le patriarche les reçut en présence d'un
prêtre, auquel bientôt s'adjoignirent quatre ou cinq autres
ecclésiastiques, prêtres et évêques. Nous avons une relation
détaillée de l'entretien par le chanoine Perpignani, qui,
sachant le grec, portait lui-même la parole (5).
(1) Cecconi, toc. cit. Doc. XCII. Cf. G. V. 1118a.
(2) Cbcconi, loc. cil. Doc. XG1. Cf. C. V. 1118 a. — Voir les réponses des divers
évéques dans Cecconi, loc. cit. Sez. I. p. 63 et suiv. Sez. II. Doc. LXXX1,
I XXXIII, LXXXIV, LXXXV1I Cf. C. V. 1114 c. sqq. 1117 b sq.
(3) Civiltacattolica, sér. VII, vol. 5, p. 341, 471 sq. Des cinq millions de Grecs
qui étaient soumis au patriarche de Constantinople, cette décision ne lui laissa
qu'un million, car on comptait bien quatre millions de Bulgares. Ibid. p. 342.
(4) Ces trois patriarcats forment avec celui de Constantinople tout ce qui reste
du tronc de cette église qui s'étendait autrefois à toutes les provinces de l'empire
grec. Aujourd'hui que la Russie, la Grèce et d'autres Etats s'en sont successive-
ment séparés, cette église ne compte plus que quelques millions de chrétiens.
Cf. Dollinoer, op. cit., p. 157 et suiv.
(5) C. V. 1118 d. sqq. — Cecconi, toc. cit. Doc. Cil.
[315-316]
RÉPONSE DU PATRIARCHE GREC DE JERUSALEM 377
Après qu'il eut présenté les lettres apostoliques en pronon-
çant quelques paroles, le patriarche lui fit signe de les
déposer sur le divan, et ajouta : « Sa Sainteté le Pape aurait
dû d'abord écrire une lettre confidentielle aux patriarches
et aux évèques Orientaux et nous dire : « Voici ce que je
» pense faire. Qu'en dites-vous? Qu'avez-vous à me con-
)> seiller? » Et ainsi, nous nous serions concertés les uns
avec les autres et nous aurions pris notre parti. Mais il ne
fallait pas d'abord publier la chose dans le monde entier et
dans tous les journaux. »
Patrignani répondit : « Béatitude, le Saint-Père n'a pas
traité les patriarches et les évèques Orientaux autrement
qu'il n'a fait avec nos évèques d'Occident. »
Le patriarche : « Mais dans cette encyclique le pape nous
traite de schismatiques. »
Perpignani : « Non, Votre Béatitude peut s'assurer par
elle-même que ce mot n'est pas dans la lettre. »
Le patriarche : « Sans doute, mais il y a l'équivalent. »
Perpignani : « Béatitude, l'équivalent est un fait que vous
ne niez pas vous-mêmes... Si vous n'étiez pas séparés de
l'Eglise romaine, vous lui seriez unis, et vous reconnaissez
que vous n'êtes pas unis. »
Le patriarche étant revenu à sa première observation sur
le procédé du pape, Perpignani lui répondit : « Les conciles
se font précisément pour mettre tout le monde d'accord. Si
vous valiez, vous pourrez librement proposer cette question
comme les autres. Vous savez d'ailleurs que l'Esprit-Saint
ne peut se tromper. »
Le patriarche : « Oui, l'Esprit-Saint ne peut se tromper...
Mais, dans les circonstances actuelles où le monde est sens
dessus-dessous, on n'aurait pas dû songer à un concile. »
Perpignani : « Au contraire, Béatitude, ce sont là les cir-
constances où l'on doit réunir des conciles. En fait, tous les
conciles anciens se sont tenus au milieu des troubles de
[316-3171
3T8
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
l'Eglise. C'est pourquoi, voyant que la chrétienté tout
entière est en danger, tous les chrétiens devraient s'en-
tendre pour la soutenir. »
Le patriarche : « Dieu le veuille : mais après si long-
temps, comment serait-il possible de terminer tous ces diffé-
rends qui ont créé entre les peuples tant de divisions ? »
Perpignani : « Béatitude, rien n'est impossible à Dieu. »
De patriarche : « A Dieu, oui; mais pour les hommes, c'est
impossible. »
Perpignani : « Aux hommes non plus, pourvu que ce soit
des hommes de bonne volonté. »
Le patriarche : « Dieu le veuille. Nous aussi nous prions
pour l'union des Eglises. »
Perpignani : « Vous voyez donc que vous aussi vous jugez
cette union nécessaire. »
Le patriarche : « Oui, mais dans les circonstances
actuelles elle n'est pas possible. Nous sommes dans des
temps si mauvais! »
Le temps- s'écoulait en de semblables dialogues. On apporta
des rafraîchissements. Comme les deux délégués se levaient
pour partir, le patriarche prit la lettre du pape et dit au cha-
noine Perpignani : « Faites-moi le plaisir de reprendre cette
lettre, car je ne puis l'accepter. Voyez vous-même : tous Les
autres évêques d'Orient l'ont refusée. Je ne puis faire autre-
ment qu'eux. » Un des prêtres grecs présents à l'entretien fit
remarquer que la raison du refus était celle qu'on avait indi-
quée dès le début. Le patriarche congédia ses visiteurs à leur
départ en leur disant : «Je prie le Seigneur que l'union se
fasse et que le Saint-Esprit assiste le saint concile Adieu. »
Le patriarche grec schismatique d'Antioche réside à
Damas. Mais, comme à la fin de décembre 1868, il se trouvait
à Beyrouth, le P. Zaccaria, préfet de la mission confiée
aux Capucins, se rendit chez lui le 20 décembre, après s'être
informé le jour précédent si on le verrait venir volontiers.
[317]
REPONSE DES PATRIARCHES ORIENTAUX 379
Il rend compte lui-même de sa visite à Mgr Yalerga (i), qui
l'avait chargé de cette commission. L'évèque de Saïda, trois
prêtres et un laïque se trouvaient chez le patriarche. Le
P. Zaccaria fut reçu avec la plus grande cordialité. Apres un
long entretien en langue arabe, il en vint au but de sa visite
et présenta la lettre pontificale. / Le patriarche la reçut avec
les signes du plus profond respect, la baisa et la fit touchera
son front sans prononcer une parole. Le P. Zaccaria prit
congé et retourna chez lui. Le soir même, l'évèque de Saïda,
M-1' Musaïl, venait lui rendre la visite au nom du patriarche
et lui rapporter la lettre du pape. Le patriarche ne pouvait,
disait-il l'accepter sans se mettre préalablement d'accord
avec sa nation. Le P. Zaccaria chercha vainement à persuader
à l'évèque que le consentement de la nation n'était nullement
nécessaire. MLgr Musaïl ne voulut même pas recevoir pour son
propre compte la lettre pontificale : il en connaissait, dit-il. le
contenu par ce qu'en avait dit un journal de Constantinoplc.
Que s'était-il donc passé? Quelque temps après, le
P. Zaccaria en fut informé par un négociant grec. La
veille de l'entrevue, le patriarche avait réuni les notables de
la population de Beyrouth pour connaître leur sentiment sur
la conduite à tenir à l'égard de l'invitation pontificale. Tous
avaient été d'avis d'accepter, et le patriarche avait agi en
conséquence. Mais, quand le consul général de Russie,
M. Beger, eut appris, le jour même de l'audience, ce qui
s'était passé entre le patriarche et le P. Zaccaria, il se rendit
aussitôt chez le prélat, lui fit des reproches pour avoir accepté
la lettre du pape et lui persuada de la renvoyer. Le patriarche
s'exécuta sur-le-champ. « Le patriarche Hiérothée, dit le
P. Zaccaria en terminant sa lettre, est une créature de la
Russie, et il dépend pour les affaires civiles du patriarche
de Constantinople, connu pour très hostile à l'union. »
(1) C. V. 1121 b. sqq. Cexuni, loc cit. Doc. CIX.
[317-318]
380 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
C'est le vicaire apostolique d'Egypte, M81" Ciurcia, qui
reçut du cardinal préfet de la Propagande la mission de
transmettre la lettre pontificale au patriarche grec scliisma-
tique d'Alexandrie. Il demanda un rendez-vous et on lui fixa
le 28 février 1869, dans le monastère de Saint- Sabas, rési-
dence du patriarche. Reçu avec la plus grande courtoisie, il
fut introduit dans une salle où se trouvait, avec trois évèques,
M-1 Xilo, coadjuteur et successeur désigné du patriarche,
dont l'état de santé était précaire. Mgr Ciurcia était accompa-
gné de son secrétaire, du supérieur des Lazaristes, qui savait
le grec, et d'un certain P. Valentino, qui savait l'arabe.
Le patriarche, empêché par la maladie de prendre part à
l'entretien, était représenté par Mgr Nilo. Mgr Ciurcia ayant
exposé le but de sa visite, Mgr Nilo lui répondit qu'il ne
pouvait recevoir la lettre, si elle était identique à celle que
les journaux avaient publiée. « Si le Saint-Père, ajouta-t-il,
avait agi différemment, si par exemple il avait envoyé aux
patriarches une lettre autographe pour s'entendre avec eux
sur la tenue d'un concile, on aurait pu, du moins en ce qui
regarde1 l'église d'Alexandrie, arriver à un résultat favorable.
L'union, nous la demandons tous les jours au Seigneur : elle
serait pour les deux Eglises un si grand bien ! D'ailleurs, la
lettre pontificale renferme trois principes qu'actuellement il
nous est impossible d'admettre, que nous repousserons aussi
longtemps qu'ils ne nous auront pas été montrés dans
l'Evangile du Christ. »
— « Le Souverain Pontife, répondit Mgr Ciurcia, a suivi à
l'égard de tous la même ligne de conduite. Mais quand encore
on pourrait y signaler tel ou tel vice de forme, ce que je ne
saurais accorder, serait-il raisonnable de s'en montrer si fort
préoccupé et de ne prêter aucune attention au fond? L'impor-
tance et la gravité de la question qui nous occupe comman-
dent de faire tout le contraire. Avec un peu de bonne volonté,
on arrivera vite à résoudre le problème. »
[318-319]
REPONSE DES PATRIARCHES ORIENTAUX 38!
Le vicaire apostolique crut devoir conclure de la présence
des trois évêques et d'un laïc grec instruit, qui parlait fort
bien le français, que les Grecs avaient l'intention d'entamer
une controverse sur quelques points de doctrine. Il y coupa
court en déclarant que le but de sa visite était uniquement
de présenter les lettres apostoliques et non de discuter.
M>T Xilo maintint fortement ce qu'il avait d'abord déclaré,
qu'une entente eût été possible si l'on s'y était pris autrement
pour l'invitation. Msr Ciurcia répondit : « Espérons que le
Saint-Esprit nous éclairera tous et que l'élévation de Votre
Grandeur sur le trône patriarcal d'Alexandrie sera comme le
«•âge de l'union tant désirée, o
Durant l'entretien, on était venu à parler de la primauté de
l'evèque de Rome. Les Grecs lui accordaient une primauté
d'honneur, mais non de juridiction. Mgr Ciurcia leur fit
observer que l'Eglise, pour être une, ne devait avoir qu'un
seul chef. Mais il évita autant que possible la discussion, afin
de ne pas donner lieu à des publications désagréables dans
les journaux. L'entretien resta tout le temps aimable, mais
peu animé (i). MK1 Xilo rendit la visite et répéta ce qu'il
avait déjà dit.
A peine MKl Ciurcia avait-il quitté Alexandrie que le
journal grec l'Ecno du 9 mars 1869 publia, comme « prove-
nant du palais patriarcal », un compte rendu fort inexact
de sa visite à Msr Xilo (2). L'entretien y était reproduit de
manière à donner aux Grecs une sorte de victoire sur les
Latins. M-1 Ciurcia, qui reçut l'article au Caire, s'adressa
aussitôt à M"'' Xilo pour s'en plaindre : il déclarait à plusieurs
reprises qu'il ne pouvait et ne voulait pas attribuer l'article
au prélat et exigeait un désaveu complet et sincère; dans le
eas contraire, il se verrait obligé de prendre une mesure peu
(1) Cecconi, loc. cit., Doc. CXI, p. 84.
(2).Ceccon-i, loc. cil. Doc. CX1I. CI. G. Y Ail
13 a.
[319-320J
382 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
favorable au but si désiré de l'union (i). A ce qu'il semble, il
n'y eut pas de rectification.
Dans le territoire de la délégation de M-1 Ciurcia habitaient,
outre les Grecs, les Coptes schismatiques. C'était donc
encore à lui que revenait la tâche de transmettre à ceux-ci
la lettre pontificale.
Les Coptes d'Egypte, de Xubie et d'Abyssinie sont mono-
physites comme les Jacobites de Syrie, de Mésopotamie et des
provinces environnantes. Leur chef suprême porte le titre d
patriarche d'Alexandrie et prend la qualité de successeur de
Tévangéliste saint Marc. Il réside au Caire. Au-dessous de lui
sont quatorze évèques, neuf dans la Haute Egypte, deux dans
la Basse Egypte, un au Soudan, un en Abyssinie et un au
Caire (2). Sur la remise de la lettre pontificale et l'accueil
que lui firent les évoques coptes, nous avons un rapport
officiel de M61" Ciurcia au cardinal préfet de la Propagande (3).
Ce prélat chargea le vicaire apostolique des Coptes catho-
liques d'inviter les évèques schismatiques de la Haute
Egypte; pour la Basse-Egypte, il délégua les missionnaires
présents sur les lieux. Quant au patriarche, résidant au Caire,
il se chargea de lui présenter lui-même la lettre pontificale.
Le patriarche avait fixé pour cette audience la matinée
du 8 janvier, la troisième fête de Noël pour les Coptes.
M81 Ciurcia se rendit à l'heure marquée à la résidence
patriarcale, accompagné d'un prêtre copte catholique Antoine
Kabis et du P. Xetherda, missionnaire. Le patriarche était
absent, mais il avait fait prier de l'attendre. Bientôt se pré-
senta l'évèque copte du Caire. La conversation tomba sur le
concile, et bientôt sur les frais du voyage. Mgr Ciurcia fit
remarquer que les évèques riches voyageraient à leurs frais,
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CXIV. Cf. 6'. V. 1123 b.
(2) Revue catholique (Louvain), 18(39, I, p. 5*it: et suiv. — Cecconi, loc. cit.
])..,-. CX. - Cf. 6'. V. 1123 a.
3 Ceci >\i, loc. cit.
[320-321]
REPONSE DU PATRIARCHE COPTE DU CAIRE 383
et les évoques pauvres aux Trais du pape. L'évêque copte
objecta que les prélats de sa nation ne pourraient venir au
concile, alors même qu'ils le voudraient, sans la permission
du vice-roi d'Egypte. On vint ensuite à parler de l'opinion
déjà émise par le patriarche et d'après laquelle l'union des
Coptes se ferait si les Latins consentaient à rejeter le concile
de Clialcédoine. MgrCiurcia et ses délégués essayèrent de faire
comprendre à l'évêque, sous une forme populaire, l'impossi-
bilité d'une pareille concession. Si les monophysites, dirent-
ils, exigeaient le rejet du concile de Clialcédoine, il faudrait
aussi, pour décider les Xestoriens à l'union, rejeter le
concile d'Epbèse ; si les anciens Pères avaient procédé de la
sorte, il aurait fallu, pour ramener les dissidents, rejeter la
vérité et accepter l'erreur. Là-dessus, l'évêque du Caire fit
remarquer que si le patriarche Cyrille (i), prédécesseur du
patriarche actuel, était encore en vie, la démarche du délégué
apostolique aurait eu bien plus de chances de succès.
Enfin parut le patriarche, accompagné d'un prêtre. Après
les compliments d'usage et les excuses du patriarche pour
son retard, le délégué lui présenta la lettre du pape en texte
latin et traduction arabe. L'accueil assez froid ne donnait
aucune espérance de succès. « Si la lettre du pape, dit le
patriarche, est rédigée sous une forme impérative, je ne tiens
pas même à la voir; si elle est conçue en termes amicaux,
vous pouvez me la donner. » Le délégué le pria d'en prendre
connaissance; et à mesure qu'il lisait, le patriarche se radou-
cissait. « Vous autres Latins, dit-il à la fin, vous avez accepté
au concile de Clialcédoine les erreurs de Xestorius. — Il va
sans dire que le délégué nia le fait : Xous les avons au con-
traire condamnées, repli qua-t-il. Qu'on compare notre doc-
trine avec les Anathématismes de saint Cvrille d'Alexandrie
(i) On dit que ce patriarche fut empoisonné à cause de ses tendances favorables
au catholicisme.
[321]
384 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
et on les trouvera en parfait accord. — Mais reconnaissez-
vous les trois premiers conciles pour légitimes? — Assuré-
ment. — Comment ont-ils été convoqués? X'est-ce pas par
les empereurs catholiques et non par les papes?» Le délégué
fit répondre par son interprète : « La convocation des con-
ciles est une affaire religieuse, entièrement en dehors du
pouvoir des princes. R. appelez-vous les paroles du grand
Constantin au concile de Nicée : « Ce n'est pas moi, ce sont
les évoques qui sont juges de la foi, je n'ai qu'à écouter et à
obéir. » Cependant, il appartenait à l'empereur de veiller à
l'exécution des décisions conciliaires. Mais pour leur validité,
celles-ci ne dépendaient que de l'approbation du pape. »
On parla encore d'autres doctrines, sur lesquelles les
Coptes sont en désaccord avec les catholiques. Mais il n'y
avait plus à espérer aucun résultat de l'entretien et MgrCiur-
cia y coupa court. Au sujet de l'invitation au concile, le
patriarche n'avait donné aucune réponse décisive. Ici encore,
la réponse du patriarche grec d'Alexandrie, déjà connue des
Coptes, exerçait une fâcheuse influence.
La mission d'inviter les Jacobites au concile revenait à
M^'1 Castells, délégué apostolique pour la Perse, la Mésopo-
tamie, le Kurdistan et la Petite Arménie. D'après son rap-
port au cardinal préfet de la Propagande, daté du
29 juin 1869 (1), le patriarche et tous les évêques jacobites (2)
avaient reçu la lettre d'invitation dans des sentiments de
cordialité et de déférence. Les évêques et le peuple étaient
très favorables à l'idée de la réunion avec Rome. La décision
appartenait uniquement au patriarche, que tous les évêques
déclaraient vouloir suivre,
« La réponse promise par le patriarche et par les évêques,
ajoute Mgr Castells, n'est pas encore arrivée et je ne m'at-
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. CXV. — Cf. 6'. V. dl23b.
(2) MBr Castells compte dix évêques jacobites, y compris le patriarche, qui
réside à Diarbékir.
[322j
RÉPONSE DES .1 V.COBITES ET DES XESTORIENS 385
tends pas à la recevoir. Quelque amabilité qu'ait montrée le
patriarche, quelques espérances que ses paroles aient fait
concevoir, son astuce, son orgueil et son ambition ne permet-
tent guère d'espérer qu'il se décide à cette démarche hono-
rable. On dit communément que dans cette circonstance
il suivra entièrement l'exemple du patriarche grec. On a
appris par les journaux ce que celui-ci a mit, il est donc fort
à craindre que l'invitation ne soit repoussée et que les évê-
ques ne reçoivent l'interdiction de prendre part au concile ».
Voulant faire de son côté ce qu'il pouvait, pour écarter
tout obstacle, Mgr Castells fit de plus savoir au patriarche
que, dans le cas où il aurait l'intention de prendre part au
concile avec ses évoques, on mettrait à sa disposition tout
ce dont lui et eux tous auraient besoin pour le voyage. Mais
il arriva ce qu'on avait prévu; les Jacobites non plus ne pri-
rent point part au concile.
Le territoire de la délégation de Mgr Castells comprenait
encore le pays des Xestoriens. Ces derniers sont les adver-
saires des Monophysites, dont la doctrine s'est formée pour
les combattre. Leur nombre n'est plus considérable. Ils ont
un patriarche qui réside à Kotchannès, non loin de Djoula-
merk. Au dessous de lui sont sept évêques et neuf diocèses
dans le Kurdistan et la Perse, avec deux cent mille fidèles
environ (i). M>'r Castells écrivait dans son rapport du
29 juin 1869 que l'invitation pontificale n'avait pu être encore
transmise au patriarche et aux évêques nestoriens à cause
du mauvais état des chemins, et de la neige qui couvrait tout
le pays au commencement du printemps. Le P. Lemée, de
l'ordre des Frères Prêcheurs, et un de ses confrères, le
P. Vincent, avaient été au mois de mai désignés par le prélat
pour remplir cette mission, mais on n'attendait pas leur
retour avant la fin de juillet.
(1) Revue catholique (Louvain), 1869, 1, 168.
[322-323:
386 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Sur l'accueil fait par le patriarche nestorien à l'invitation
pontificale nous n'avons pas de rapport officiel, mais seule-
ment un récit détaillé, paru dans la Revue du Concile œcu-
ménique du Vatican (i), que rédigeait le P. Chéry, de l'ordre
des Frères Prêcheurs. Voici ce récit (2).
(( Ce fut le R. P. Lemée, de l'ordre des Frères Prêcheurs,
supérieur de la maison de Mar-Jaeoub, dans le Kurdistan,
(pii fut chargépar le délégat du Saint-Siège en Mésopotamie, de
porter les lettres apostoliques aux Xestoriens. Ces chrétiens
schismatiques appartiennent à la nation Chaldéenne et sont
gouvernés par cinq ou six évêques et un patriarche, qui est
en même temps le chef civil du pays. Le patriarche actuel,
Mar - Schimoun, est un jeune homme de vingt dmit ans,
d'une belle intelligence, mais qui n'a reçu aucune culture. Il
exerce dans toute la nation un ascendant considérable et les
évêques eux-mêmes ne sont devant lui que comme de petits
enfants. On n'a pas idée d'un absolutisme semblable. Aussi,
quand le P. Lemée se présenta aux évêques et leur exposa
l'objet de sa mission, tous lui répondirent : Xous ne pouvons
rien décider de nous-mêmes ; nous ferons ce que fera le
patriarche. Voilà l'indépendance que le schisme apporte aux
âmes les plus fières. Ces chrétiens ne veulent pas reconnaî-
tre la suprématie si légitime et la juridiction si paternelle
du souverain pontife, et ils sont contraints de faire abnégation
complète de leur personnalité devant un homme arrivé à la
dignité patriarcale par voie d'hérédité et qui n'a souvent
aucun des titres que ces hautes fonctions réclament. Il
s'agissait donc d'aborder ce fameux Mar-Sehimoun, retranché
dans ses montagnes comme dans une forteresse imprenable.
(1) 5 janvier 1870, p. 101 et suiv. — Cf. Cecconi, loc. cit. Sez. I, p. 81 et suiv.
(2) Nous avons substitué au résumé assez étendu que donne Granderath de ce
récit (pp. 323-32IJ), le texte lui-même paru dans la Revue du Concile œcuménique
du Vatican, 5 janvier 1870, p. 101 ssq. L'article est intitulé : Réponse des
Nestoriens aux Lettres Apostoliques adressées aux Orientaux non unis.
tX.duT.)
[323-326J
REPONSE DU PATRIARCHE DES NESTORIENS 387
Sa résidence ordinaire est Kodehanès, à deux heures de
Djoulamerk. Lorsqu'il est menacé et serré de près par les
Turcs, il se retire dans un château fort, qu'il possède au
cœur du Kurdistan, au milieu de tribus très belliqueuses,
où il peut défier toutes les troupes envoyées par les pachas.
Il faudrait que la Turquie mit au moins deux cent mille
hommes en campagne pour avoir raison de ces intrépides
montagnards.
Pour arriver jusqu'à Kodchauès, le P. Lemée dut vovager
pendant plus de vingt jours à travers les neiges. Sa venue
avait été annoncée au patriarche, qui vint à sa rencontre, le
reçut avec distinction et lui donna l'hospitalité dans une
hôtellerie voisine de la demeure patriarcale. Ce jour-là le
missionnaire ne dit rien du but de son voyage. Le lendemain
il fit demander une audience àMar-Schimoun, qui s'empressa
de la lui accorder. Afin de donner plus d'importance à son
ambassade, le délégué, porteur des lettres apostoliques,
s'était fait accompagner d'un prêtre, de plusieurs serviteurs
et de soldats turcs, qui le précédaient l'épée haute. Toute la
maison du patriarche était également sous les armes. Mar-
Schimoun était dans son divan, entouré de ses prêtres, des
divers membres de sa famille et de nombreux serviteurs qui
se tenaient debout, le poignard à la main. Il se leva à l'ap-
proche du P. Lemée et le fit asseoir devant lui sur un fau-
teuil; c'était une grande marque de bienveillance. Le Père
dit alors qu'il venait au nom du Pape, lui apporter les lettres
apostoliques par lesquelles le Souverain Pontife invitait les
Orientaux au Concile. Il exposa alors les avantages que la
nation ehaldéenne devait retirer du Concile et de sa réunion
à l'Egljse romaine, et il conjura le Patriarche de saisir
l'occasion qui s'offrait à lui de rendre à son pays la vraie foi
avec l'indépendance, en lui assurant l'intérêt et la protection
ides chrétiens d'Occident.
Mar-Schimoun prit la lettre du Saint-Père, y jeta un coup
[323-326]
388 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
d'œil et la remit à son secrétaire, en disant qu'il en avait
déjà reçu une semblable. Par excès de zèle, le Patriarche
arménien de Constantinople avait en effet adressé des lettres
apostoliques à l'évèque de Mardin, en le priant de les pré-
senter au Patriarche ncstorien. L'évoque de Mardin,
empêché par je ne sais quelles affaires, s'était reposé de ce
soin sur un de ses prêtres, et, par une singulière fatalité, le
hasard voulut que la lettre fût apportée par un simple mule-
tier. — Le Père s'empressa de dire à Mar-Schimoun que si
la lettre lui avait déjà été remise, c'était par suite d'une
■erreur ; car la volonté du pape était que, par honneur pour
sa dignité patriarcale, la lettre lui lut présentée par un mis-
sionnaire latin. Le patriarche parut touché de cette attention
du Souverain Pontife, et le Père lui ayant demandé une
réponse, il dit avec une grande franchise : « Il m'est difficile
de donner une réponse, parce que depuis plusieurs années,
ma nation est sous le protectorat de l'Angleterre, et je ne
puis rien faire sans le consul anglais. »
Le Père reprit : « Votre béatitude me permettra de ne pas
rapporter cette réponse, parce qu'elle pourrait ne pas faire
honneur à la dignité patriarcale. Un patriarche est bien
au-dessus de tous les consuls et de tous les représentants du
gouvernement anglais, puisqu'il est convoqué au concile qui
juge, s'il en est besoin, les gouvernements et les rois. En
pareille circonstance, vous n'avez qu'à vous inspirer de votre
conscience. »
Le patriarche ne se froissa pas de ce langage si loyal, il
sentit un ami dans le missionnaire français, et il lui dit: «Je
réfléchirai, et demain je vous donnerai ma réponse. »
Le soir venu, Mar-Schimoun fit dire au Père qu'il désirait
le voir seul. Celui-ci se rendit à l'invitation du patriarche et
ne rencontra personne sur son passage; tous les serviteurs
étaient éloignés, sauf un seul qui gardait la porte, pour que
personne ne vint écouter la conversation de son maître. Mar-
[323-320]
REPONSE DU PATRIARCHE DES NESTORTENS 389
Scliimoun alla au devant du P. Lemée. Il n'avait plus rien
de l'air imposant du matin ; il prit la main de son hôte, le fit
asseoir à ses côtés, et lui dit avec une très grande affection :
«Je vous demande bien pardon si je vous ai froissé ce matin
par mon langage. Ce n'était pas dans mon cœur, croyez-le;
mais je suis entouré de gens dévoués corps et âme à l'Angle-
terre, et j'ai beaucoup déménagements à garder avec elle.
Les Anglais sont les seuls qui nous protègent. J'ai écrit deux
fois à l'ambassadeur français à Constantinople; je n'en ai
point reçu de réponse, et force m'a été de m'appuyer sur
l'Angleterre. Les Anglais s'occupent de nos intérêts, mais il
protestantisent nos populations. Je déteste les protestants :
car le protestantisme est la ruine de toute religion. Si, entre
les catholiques et nous il y a l'épaisseur d'une image, entre
nous et les protestants il y a toute la hauteur de ces mon-
tagnes. Ils n'ont pas la prière ' liturgique, nous, nous avons
des livres de prière et une liturgie très ancienne ; ils n'ont
pas de jeûnes, et nous, nous regardons le jeûne comme une
des choses saintes de la religion ; ils n'ont pas de vénération
pour la Sainte Vierge, et nous, nous avons conservé son
culte; ils blasphèment la croix, et nous, nous l'adorons... Il
me serait beaucoup plus agréable d'être sous la main du pape
que sous la dépendance des protestants. Je me sens très
incliné vers Rome, mais je ne suis pas libre. »
Mar-Schimoun promit cependant d'écrire au Saint Père
une lettre dans laquelle il adhérerait à tout ce qui se ferait
au Concile de concert avec les autres patriarches orientaux.
Daigne le Seigneur l'aider à réaliser cette promesse. Le
patriarche chaldéen est sincère, mais il est très faible, et,
dans sa situation, il a besoin d'être puissamment soutenu et
encouragé. "SToris espérons que les prières des catholiques ne
lui feront pas défaut. »
Tel fut l'accueil fait à l'invitation pontificale par les schis-
matiques de l'Orient. Nous pouvons sans inconvénient omettre
25
[323-3261
390 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ici les négociations entamées auprès des archevêques et des
évêques (i) ; car la plupart ne firent qu'alléguer l'exemple
de leurs patriarches et déclarer qu'ils dépendaient entière-
ment de ceux-ci pour la question de l'acceptation. D'ailleurs
un grand nombre se montrèrent très disposés à prendre part
au concile et très désireux de voir disparaître la division de
la chrétienté. Les patriarches eux-mêmes n'omirent pas de
former des vœux pour l'union ; seulement ce désir ne parais-
sait pas chez tous également sincère et efficace. Le patriarche
grec de Constantinople et le catholicos arménien d'Etch-
miadzin, de qui tout dépendait, furent précisément ceux qui
se montrèrent le moins bien disposés. On peut croire que si
ces derniers, ou même si le patriarche grec seul avait accepté
l'invitation, les autres auraient suivi leur exemple.
Les journaux hostiles à l'Eglise catholique se montrèrent
très satisfaits du refus opposé à l'invitation pontificale par
les prélats orientaux non unis; // ils n'eurent pas assez de
louanges pour la fidélité de ces pasteurs aux traditions de
leur Eglise, et pour l'amour de la liberté et de l'indépen-
dance dont ils avaient fait preuve. Cependant, presque tous les
patriarches avaient déclaré, l'un après l'autre, que la division
était un mal et qu'on devait s'appliquer à la faire disparaître.
(1) Naturellement on lit parvenir l'invitation, dans la mesure du possible, aux
évêques schismatiques du rite grec qui sont ou cherchent à devenir indépen-
dants de la suprématie des quatre patriarches. Nous n'avons là-dessus que peu
de renseignements. Dans une lettre adressée le 28 janvier 1869 au cardinal secré-
taire d'Etat par le consul général des Etats de l'Eglise à Athènes, une courte
remarque l'ait savoir que le délégué apostolique de Grèce a envoyé la lettre pon-
tificale au président du Synode et aux autres évêques du royaume. (Cf. Cecconi,
loc. cit. Sez. I, p. 75.)
D'autre part, l'abbé Testa écrit le 4 novembre 18(58 au cardinal préfet
de la Propagande qu'il a commencé par envoyer le Bref aux évêques bulgares
(Cf. Cecconi, loc. cit. Sez. II, Doc. LXXXIII, Cf. C. V. 1117 b.) Nous ne trouvons
pas qu'on ait essayé de la faire parvenir aux évêques schismatiques de l'empire
russe, autres que le catholicos arménien cl'Etehmiadziu. C'eut été d'ailleurs une
entreprise aussi inutile qu'irréalisable. Il ne fut même pas permis aux évêques
catholiques romains de la Russie de prendre part au concile. Pour les évêques
schismatiques, la chose eut été, alors même qu'ils l'auraient désirée, absolu-
ment impossible.
[320-3-271
LE REFUS DES ORIENTAUX 391
Impossible donc d'y voir un bien qu'on aurait le devoir de
conserver comme un héritage sacré, et d'attribuer à une
louable fidélité le relus de ces prélats : on doit y voir, au
contraire, la preuve d'un défaut de bonne volonté pour faire
disparaître un grand mal, et l'on ne saurait trop regretter
que les Orientaux, en déclinant ainsi, pour des motifs si peu
fondés, la participation au concile, aient ruiné les espérances
de la réunion des deux Eglises.
T32T
CHAPITRE XIII.
La convocation du concile général et les Protestants.
Les protestants auraient dû oublier les quinze premiers
siècles de l'Eglise chrétienne, où l'histoire des conciles
occupe une place si importante, pour rester indifférents // à
l'annonce qu'un concile œcuménique était convoqué. Leur
abstention était d'autant moins possible que le pape s'adres-
sait expressément à eux.
Xous avons déjà mentionné (i) dans le premier livre les
lettres apostoliques du i3 septembre 1868 adressées par
Pie IX ad omnes protestantes aliosque acatholicos (2). Il leur
annonce qu'il a convoqué les évêques de toute l'Eglise à un
concile œcuménique pour délibérer avec eux sur les moyens
de s'opposer efficacement aux erreurs si nombreuses et si
répandues au grand préjudice des âmes, de fortifier le règne
de la vraie foi, de la justice et de la véritable paix de Dieu.
A l'occasion de ce concile, il se sent pressé par l'amour de
notre divin Sauveur, qui mourut pour le salut de tous les
hommes; il s'adresse donc en termes apostoliques et pater-
nels aux chrétiens séparés de l'Eglise catholique, il les
exhorte et leur demande avec instance de se poser la question
de savoir s'ils suivent véritablement la voie montrée par le
(1) P. 163.
(2)C. V. 8d. sqq.
[329]
394 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Christ, celle qui conduit au salut éternel. Le Christ, en effet,
désireux d'assurer à toutes les générations humaines le fruit
de sa rédemption a bâti sur Pierre son Eglise — et il n'en a
bâti qu'une seule ; — à cette Eglise il a donné la puissance
nécessaire pour conserver sans dommage le dépôt de la révé-
lation, procurer la foi à tous les peuples, les incorporer tous
par le baptême à son corps mystique, conserver et fortifier en
eux la vie de la grâce, sans laquelle nul ne peut entrer dans
la vie éternelle. Or, il n'est pas difficile de voir qu'aucune
des sociétés religieuses séparées de l'Eglise catholique, que
même toutes ces sociétés réunies ne sauraient former l'unique
Eglise universelle instituée par le Christ, ou seulement l'une
de ses parties. Ces sociétés, en effet, ne possèdent pas
l'autorité vivante et établie par Dieu, qui distribue aux mem-
bres l'enseignement de la foi et de la morale et les dirige en
tout ce qui concerne la vie éternelle. Ces sociétés, dit le
pape, ont elles-mêmes modifié sans cesse leur doctrine, et
leur instabilité est perpétuelle; la vérité, au contraire, dans
l'Eglise du Christ, ne peut changer, et afin de pouvoir être
gardée dans toute sa pureté, l'assistance du Saint-Esprit est
promise à l'Eglise pour tous les siècles. La diversité des doc-
trines et des idées a engendré des convulsions sociales ; //
de là sont nées de nombreuses associations et sectes qui
chaque jour se sont étendues davantage au plus grand détri-
ment de la société religieuse et civile.
Le pape exhorte donc les non-catholiques à profiter de
l'occasion du concile pour abandonner une situation où ils
ne peuvent être certains du salut de leur âme. « Qu'ils ne
cessent d'offrir au Dieu de miséricorde les plus ferventes
prières, pour qu'il renverse le mur qui nous sépare, chasse
les ténèbres de l'erreur, et les ramène dans le sein de la
Sainte Mère Eglise, où leurs ancêtres trouvèrent les pâtura-
ges salutaires de la vie, chez qui seule a été conservée et
transmise dans son intégrité la doctrine de Jésus-Christ,
[329-330]
L INVITATION DU PAPE AUX PROTESTANTS 395
dans laquelle enfin sont dispensés les mystères de la grâce
céleste ». Se souvenant du devoir qui lui incombe, comme
souverain pasteur du troupeau du Christ, Pie IX leur
adresse à tous des encouragements à rentrer dans l'unique
troupeau du Christ, et il exprime son plus ardent désir de les
accueillir enfin tous à bras ouverts.
L'état des choses et les idées répandues parmi les protes-
tants étaient malheureusement de telle nature que les paroles
si paternelles du pape ne pouvaient avoir, au moins immédia-
tement et complètement, le résultat souhaité; cependant, il
se trouva bien des hétérodoxes qui accueillirent avec joie sa
lettre et le concile annoncé, et attendirent de ce dernier, pour
eux et pour tous, les meilleures bénédictions.
Ainsi le célèbre Guizot, l'un des protestants les plus en vue
et les plus éclairés de France, dans une réunion à Xotre-
Dame-de-Dozulé, en Normandie, se félicitait en ces termes
de la prochaine réunion conciliaire : « Pie IX a fait preuve
d'une admirable sagesse en convoquant cette grande assem-
blée, d'où sortira peut être le salut du monde; car nos
sociétés sont bien malades; mais aux grands maux les
grands remèdes » (i).
En Allemagne, à l'occasion de la lettre de Pie IX, Reinhold
Baumstark écrivit une brochure sur la réunion des protes-
tants à l'Eglise romano-catholique (2). Il y compare tout ce
que l'Eglise évangélique protestante offre à ses fidèles avec
ce que l'Eglise romano-catholique // assure aux siens, et la
vie religieuse des protestants avec celle des catholiques. Il
conclut de son exposé : « Pour tous les chrétiens croyants,
l'accomplissement des vœux du pape est fort à désirer. »
L'écrivain qui manifeste ici une vénération particulière pour
(i) Revue du .monde catholique, 1869, 1. p . 299.
(2) Gedanhen eines Proteslanten iiber die papslliche Einladung z>ur Wiedervereini-
gung mit derrijmiseh-katholischen Kirclte. Von R. Baumstabk. Grossh. Bacl. Kreis-
gerichtsrat. 6 Aufl. Regensburgl868.
f330-:«i]
396 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
la personne de Pie IX (i) entra pins tard dans l'Eglise catho-
lique. Sa brochure, dans cette même année 1868, eut six
éditions et fut l'occasion de plusieurs autres publications (2).
Déjà M=r Conrad Martin, éyêque de Paderborn, avait
publié deux écrits adressés aux protestants (3) ; il fit paraître
une troisième brochure (4). En tète il traduit en allemand la
lettre du pape; puis il expose les devoirs communs et parti-
culiers des catholiques et des protestants dans le travail de la
réunion, ainsi que plusieurs des principales doctrines contro-
versées. Une exhortation pleine de conir termine son travail.
Des paroles si brûlantes de zèle trouvèrent de l'écho dans
le cœur de plusieurs protestants. Quatre pasteurs saxons,
qui parlaient, disaient-ils, « au nom de plusieurs évangé-
liques de la province de Saxe », adressèrent, le 18 août 1869,
une lettre commune à l'évêque (5), où ils lui exprimaient leur
ardent désir d'être reçus dans l'Eglise catholique. Ils lui
demandaient de travailler seulement à faire disparaître deux
obstacles : l'obligation universelle du célibat pour les ecclé-
(1) « Venn mir jeniand, dit-il (p. 11), in dem gewaltigen Tableau dergegen-
wàrtig leidenden und ringenden Menschheit auch nur eine Figur zu zeigen ver-
mag, die mehr den Stempel gottlicher Hoheit auf der Stirne trligt, die mehr zu
Bewunderung, Liebe und Verehrung hinreisst als die Figur Pius' IX, so mag er
aui'treten! Ich — weiss keine.»Si quelqu'un dans le tableau saisissant de l'huma-
nité qui souffre et se débat aujourd'hui sur notre terre peut me montrer une
seule figure portant mieux marqué sur le front le sceau de la grandeur divine,
plus digne d'admiration, d'amour et de vénération que la figure de Pie IX, —
qu'il s'avance. — Pour moi je n'en conDais aucune.
(2) Une réfutation parut: Eine protestantische Aniuort auf die » Geilatiken eines
Protestanten » iiber dieWiedervereinigurtg (mil) der roemisch katholischen Kirche von
Herrn R. Bal-mstabk. Von den evangelischen Geistlichen in Konstanz. 2 Au II.
Heidelberg 1869. — De même: Rom, das nette, und sein neuester Don Quixoie. Ein
frètes deutsehes Wort etc., von mnem Laien. 2 Auf. Lahr. 1800. — Pour Baum-
stark : Baumstarks Gedanken etc. von einem Konvertiten und Priester. Augsburg.
18«30.
(3) Ein bischoeflichesWort,an die Protestanten Deu(sehlands,^unaechst an diejenigen
meiner Dioez-ese, iiber die zwischen uns besteltenden Kontroverspunkte. VoilD'Konb \i>
Martin, Bischof von Paderborn. 5 Aut. Pad. 1866. — Zwetles bischoefliche?\Yort,etc.
(4) Wozunochdie Kirchenspaltung? Ein freies Wort an Deutschlands Katholi-
ken und Protestanten mit Bezug auf das pâpstliche Schreiben von 13 Septem-
ber 1868. Von Dr Konrad Martin, Bischof von Paderborn. 2 Aufl. Paderborn 1869.
(5) C. V. 1137 d. sq. — Gecconi, loc. cit. Doc. CXXIX.
[331]
ATTITUDE DES PROTESTANTS EN ALLEMAGNE 3'J7
siastiqucs et l'interdiction du calice pour les laïques. Le
célibat des religieux était suffisant, pensaient-ils. On y
astreindrait encore les prêtres occupés dans les missions à
convertir les païens, les évèques et en général, le haut clergé,
c'est-à-dire les chanoines, les professeurs des facultés de
théologie et les prêtres attachés aux séminaires. Que les
autres candidats à la prêtrise soient autorisés à se marier
avant l'ordination, mais qu'après la mort de leur femme il
leur soit interdit de contracter un second mariage. Suivent
quelques autres propositions plus détaillées; à la fin, ils
essaient de justifier leurs projets. Deux autres lettres de ces
mêmes pasteurs suivirent de près la première; la troisième
seule parvint aux mains de l'évêque (i). Naturellement il
ne put leur donner l'espoir de voir aboutir leur double
requête (2).
Nulle part l'écrit du pape ne fut accueilli par les protes-
tants avec plus de bienveillance qu'en Angleterre. Depuis un
certain nombre d'années, un mouvement, parti d'Oxford,
entraînait du sein de l'anglicanisme vers l'Eglise catholique
un grand nombre d'hommes en vue, membres de la haute
société, savants et ecclésiastiques. Une impulsion vers la
la reunion avec l'Eglise Mère de toutes les autres se faisait
partout sentir // et même il s'était formé parmi les pro-
(1)6'. V. 1142 c. sq. — Cecconi, loc. cil. Doc. CXXX.
i'2) Les quatre ecclésiastiques protestants avaient pour toute signature apposé
Leurs initiales et celles des noms de leurs paroisses. Quand leur lettre fut publiée
(par Friedrich) d'une manière qui resta inconnue de Mfr Martin, on voulut
d'abord la faire passer pour apocryphe et on l'attribua à un étudiant en méde-
cine de l'Université de Halle. L'erreur découverte, le consistoire de Magdebourg
ordonna une enquête. On demanda à l'évêque et au professeur Friedrich de
livrer les noms. Sur leur refus, un conseiller de justice, accompagné d'un greffier,
se présenta au palais épiscopal et réclama les lettre? au nom de l'Etat. L'évêque
ne consentit point à les remettre. Malgré ses protestation, la maison fut fouillée
et les lettres confisquées (voir D' Christ. Stamm. D' Konrad Martin, Bischof von
Paderborn, p. 304 sq). Cependant l'affaire n'eut aucune suite, bien qu'on eût
déjà désigné quatre pasteurs auxquels convenaient les initiales, comme noms de
famille et noms de paroisse. Mais après quelques semaines, la correspondance
saisie fut rendue à l'évêque. (Cecconi, loc. cil. Se/.. L, p. 262 sq.)
-
398 HISTOIRE DU CONCILE DV VATICAN
lestants, une ligue de prières ayant à sa tête un homme
d'Eglise fort considéré, le Dr Lee, à l'effet d'obtenir la grâce
de la réunion avec Rome Dans les sphères où de telles idées
avaient la faveur, on devait naturellement bien accueillir la
lettre du pape. Sans doute il y eut d'abord quelque mauvaise
humeur : l'épiscopat anglican dont on regardait l'ordination
comme valide, n'était pas invité au concile, mais on s'accom-
moda (i) de cette attitude de l'Eglise romaine, et l'on chercha
à profiter de l'occasion offerte pour avancer l'œuvre de la
réunion. Dans une assemblée tenue par l'English-Church-
Union, au Devonsliire, quelques unionistes déclarèrent qu'il
fallait envoyer des députés au concile pour traiter des con-
ditions de la soumission au siège de Rome (2).
Pourtant il ne faut pas croire que cette disposition si favo-
rable pour l'union avec Rome, fut générale ou même très
répandue (3). Si d'un côté, la lettre pontificale fut bien
accueillie, elle suscita de l'autre de violentes attaques, de la
part du Times en particulier et du D'AVordsvorth, chanoine
et archidiacre deAVestminster, ,',plus tard évêque de Lincoln.
Ce dernier avait composé une brochure anonyme (4), dans
(l)La ieuille unioniste The Church News écrivait le 21 juillet 1869 : Il est diffi-
cile de voir comment le pape aurait pu inviter les évèques anglicans au concile.
Avant d'imputer au pape une impolitesse ou une incorrection, il faut envisager
l'affaire au point de vue romain. Depuis trois siècles, demande ce journal, qu'ont
fait les évèques de leur coté, pour mériter une place dans un concile catholique '.
Malgré leurs antécédents catholiques, ils ont uni la communauté anglicane avec
les protestants de l'intérieur et de l'extérieur et n'ont jamais cessé de mépriser
et d'insulter Rome. Aux regards des étrangers quels signes de catholicité offre-
t-elle aujourd'hui, cette Eglise? Les discours et les actes des évèques, sont-ils
ceux de successeurs des apôtres ? Nous le savons bien, les étrangers se trompent
quand ils refusent à notre Eglise la note de catholique: nos évèques sont catho-
liques et nos ordinations sacerdotales sont valides et la doctrine de notre con-
fession de foi officielle est catholique. Mais ceux-là ne le savent pas et c'est notre
faute s'ils l'ignorent, etc. Cf. Gecconi, loc. cit. Sez.I,p. 293 sq.
(•2) Stimmkx aus Maria-Laach. Xeue Folge, Hefl IV (1869), p. loi sq.
(3) Sur les dix-huit mille membres du clergé anglican on en comptait à l'époque
du concile trois à quatre cents dans les rangs des Unionistes.
il Responsioanglica Litteris apostolicis Pii Papte IX. Ad omnes Protestantes
aliosque Acatholicos. Londini, Oxonii et Cantabrigise, 1868.
[333]
ATTITUDE DES PROTESTANTS D ANGLETERRE 399
laquelle il niait la primauté de l'évèque de Rome et renouve-
lait les erreurs de l'anglicanisme (i).
Le D1 Cumming, pasteur de l'église presbytérienne
d'Ecosse exprime bien, lui aussi, le désir de paraître au
concile; mais ce souhait ne peut que difficilement être pris
pour un témoignage favorable à la lettre pontificale. Dans
une lettre à Pie IX il demande si les protestants auront, au
Concile, la liberté de la parole et la permission d'exposer
pour quels motifs ils sont séparés de l'Eglise romaine. L'ar-
chevêque Manning de Westminster, à qui, dans plusieurs
lettres, il avait posé la même question, lui avait répondu que
seule l'autorité souveraine dans l'Eglise pouvait le renseigner
là dessus (2). La lettre, semble-t-il, ne parvint pas au pape
qui en fut informé seulement par les journaux. Il écrivit
donc à l'archevêque de Westminster que des erreurs condam-
nées une fois par l'autorité souveraine et infaillible, ne pou-
vaient pas être l'objet d'une nouvelle discussion (3) Plusieurs
protestants semblèrent en conclure qu'ils n'auraient au Con-
cile absolument aucune occasion d'exposer leurs doctrines et
leurs vues. Le pape écrivit donc une seconde lettre à
M81- Manning; il y proclama son désir de voir les protes-
tants rentrer dans le sein de l'Eglise catholique, et affirma
son dessein de leur offrir des facilités exceptionnelles pour
exposer leur doctrine et leurs raisons ; sans doute, ils ne
pourraient le faire dans les séances même du concile, mais
ils trouveraient à Rome, des théologiens compétents, choisis
par lui-même, à qui ils pourraient développer leurs vues et
leurs raisons, et qui les examineraient et discuteraient à
fond. A la fin, le pape exprimait le désir que beaucoup de
protestants vinssent au concile dans ce but (4). D'après une
(1) Cf. Cecconi, loc. cit. p. 293\
(2)6'. V. 1114b. sq. — Cecconi, loc. cit., Sez. IJ, Doc, CXN.XI
(3) C. V. 1144 d. sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CXXXII.
(4) C. V. 1145 d. sqq. - Cecconi, loc. cit. Doc. CXXXIII.
[334]
400 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
remarque faite par le Dr Cumming à une réunion tenue à
Leeds, ce n'était nullement pour travailler à l'union avec
Rome qu'il désirait aller au concile : « Si je recevais une
invitation (personnelle) au concile oecuménique//, aurait-il
dit, je m'efforcerais de montrer aux prélats assemblés que
l'unité de l'Eglise chrétienne, dans son acception la plus
haute et la plus auguste, existe actuellement chez les chré-
tiens d'Angleterre et d'Ecosse. Je voudrais prouver que
tandis que dans l'Eglise protestante il y a unité et non pas
uniformité (uniformity), dans l'Eglise romaine il y a par-
faite uniformité mais pas d'unité, et je soutiens que l'unité
est la note la plus élevée, la plus noble, de l'Eglise protes-
tante (i). » — Les sociétés religieuses fourmillant en Angle-
terre et en Ecosse, il serait difficile d'en déduire cette unité,
qui dans la volonté du Christ doit être une note de son Eglise,
et nous ne voyons pas que Cumming ait tenté de l'exposer à
Rome durant le concile.
Parmi les témoignages de bienveillance à l'égard du con-
cile, nous devons compter aussi un ouvrage d'Urquhart (2],et
une lettre au pape de plusieurs protestants anglais (3).
Urquhart réclame dans son écrit la restauration du droit
des gens. Seule l'Eglise catholique, dit-il, est à même de
mener à bout cette tâche, et le concile doit proclamer le droit
des gens. La lettre de plusieurs protestants contient une
requête au pape, le priant de prendre en main la cause de <•<■
même droit à faire observer vis-à-vis des nations non encore
civilisées.
Les dispositions d'une grande partie des unionistes se
reflètent aussi très nettement dans une brochure de Gérard
Cobb : « Quelques mots sur la réunion et sur le prochain
(1) Stimmen aus Maria-Laach. Neue Folge Het't V (1869), p. 176.
(2} Appel d'un prolestant au pape pour le rétablissement du droit des nations. Voir
la lettre que l'auteur envoie au pape avec son ouvrage dans C. V. 1309 c. sq . —
Cecconi, loc. cit. Doc. CCXCVIII.
(3) C. V. 1310 b. sq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CGXCJX.
[334-3351
ATTITUDE DES PROTESTANTS D ANGLETERRE 401
concile à Rome » (i). Il essaie d'entraîner à la réunion avec
Rome ceux de ses coreligionnaires qui laisseraient passer
cette occasion. « Le temps favorable pour réaliser franche-
ment la réunion avec Rome est arrivé; si nous laissons sié-
ger ce concile, sans nous rapprocher aucunement de lui,
nous aurons perdu une excellente occasion qui peut-être ne
reviendra jamais, et cette négligence rendra bien plus diffi-
cile toute tentative ultérieure de réconciliation (2). » Cet
ouvrage montre une volonté véritable et sérieuse de mettre
fin à la séparation; il renferme pourtant quelques idées
fausses, celle-ci par exemple, qui revient habituellement
chez les protestants anglais : d'après eux, les particuliers
ne doivent pas revenir isolément à l'Eglise-Mère, c'est
la communauté entière qui doit opérer sa réunion. « Xotre
séparation se fit en corps, dit Cobb, ainsi doit se faire
aussi notre réconciliation (3). » Il regarde comme valide
l'ordination des évêques et des prêtres anglicans et pense
qu'ils sont convoqués au concile où ils trouveront un très
cordial accueil.
Plusieurs amis de l'union adressèrent quelques questions
au Bollandiste Victor de Buck S. J. de Bruxelles. La réponse
parut dans le Church Times, sans nom d'auteur (4), et ne
satisfit qu'en partie ceux qui l'avaient provoquée. Dans ses
remarques sur la lettre, le journal expose le grand désir qu'a
son parti de s'unir à Rome, et il exprime l'idée que le pro-
chain concile pourra bien poser les bases de l'union, mais ne
la mènera pas à terme (5). De nouvelles questions ayant été
posées au P. de Buck, le Bollandiste se rendit à Rome pour y
(1) A h'ewWords on Réunion and the conung Council at Home. By Gérard F. Cobb.
M. A. Fellow of Trinity Collège, Cambridge. London, 1869. — Voir le compte-
rendu dans Stimmen aus Maria-Laach. NeueFoIgeHeft V (1869), p. 120 sq.
(2) Cobb., loc. cit., p. 45.
(3) Cobb., loc*. cit. p. 7.
(4) Elle est citée tout entière par Cecooxi, loc. cit. Sez. 1, p. 3201 sq (trad. fr. t. II,
p. 279 sqq).
(5) Cf. Cecconi, loc. cit/v 330 (trad. fr. t. II, p. 288).
[335-336]
402 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
prendre des informations plus précises. L'affaire fut remise
à la congrégation du Saint-Office, et après une longue délibé-
ration, il fut décidé le 17 novembre 1869 que le P. de Buck
interromprait les négociations avec les unionistes (1). On
n'indique pas les raisons de cette décision (2).
Quelque favorables à la réunion avec Rome que fussent
les dispositions dans des sphères assez considérables de
l'église anglicane, nous voyons pourtant que ce grand travail
avança peu à l'occasion du concile. La cause du fait est due,
en partie aux difficultés inhérentes à l'entreprise, en partie
à l'hostilité que beaucoup de catholiques même ne ména-
geaient pas au concile. On le comprendra sans peine : les
écrits haineux dirigés contre le concile, ceux surtout qui
parurent en Allemagne et entraînèrent dans l'erreur d'excel-
lents catholiques agissaient défavorablement sur les pro-
testants et devaient paralyser les efforts des unionistes.
Parmi les jansénistes de Hollande, comme parmi les angli-
cans, des voix s'élevèrent qui manifestaient l'espérance de
voir la petite communauté chrétienne mettre le concile à
profit, pour se réunir à Eome.
Le journal catholique De Tijd d'Amsterdam, dans son
numéro du 19 octobre, demandait si les évêques jansénistes
se rendraient au concile (3). « Les évêques du vieux clergé
(Clerezij)(4), dit-il, prétendent être évêques catholiques; il est
certain qu'ils sont évêques de rite latin ; certain aussi qu'ils
sont illégitimement élus et établis en contradiction avec les
prescriptions et les lois de l'Eglise. » Néanmoins, il se sont
toujours donné l'apparence de vouloir s'unir au pape; ils ont
(l)Ibid., p. 340(trad. ir. t. II, p. 293).
(2) Les raisons présumées dans Cecconi, loc. cit. p. 340 sq. (trad. fr. t. II,
p. 294 sqq).
(3) L'article est dans lr collection de Cecconi, sous le n° CCCVIII (loc. cil.
p. 1499 sq. (trad. ir. t. IV, p. 339 sqq.). Ce numéro comprend plusieurs docu-
ments qui se réfèrent aux jansénistes. Les chiffres arabes désignent les pages.
(4) Le nom de Clerezij désigne aussi chez les jansénistes la communauté
entière.
[336-337]
L ATTITUDE DES JANSENISTES DE HOLLANDE 403
toujours informé les papes de leur élection et de leur consé-
cration, sachant pourtant fort bien que le pape leur répon-
drait en renouvelant la condamnation du schisme janséniste,
en excommuniant ses évéques, et en les déclarant privés de
toute juridiction, et obligés de s'abstenir de tout acte épisco-
copal. Mais ils n'en agissent pas moins toujours en évéques
catholiques, en dépit de la condamnation papale et de
l'excommunication qu'ils méprisent. « Comment cette atti-
tude se concilie-t-elle avec les principes que l'Eglise catho-
lique professe et observe dans tout l'univers, c'est là une
question qu'il nous est impossible de résoudre et que nous
abandonnons à leur responsabilité. Nous savons seulement
qu'ils ont plusieurs fois fait appel à un futur concile
général et cela en un temps où l'on ne pouvait savoir s'il
s'en tiendrait jamais un. » Or, maintenant, Pie IX a con-
voqué un concile pour 1869. Les évéques jansénistes y
paraîtront-ils ou s'abstiendront-ils ? Dans le premier cas, ils
devront se soumettre aux décisions conciliaires, dans le
second, ils prouveront que leur appel au concile général
n'était pas loyal // et qu'ils cherchaient à en imposer. De
toute manière nous devons espérer que la fin du schisme est
proche. L'assistance des évéques au concile amènera la réu-
nion avec Rome; leur abstention au contraire montrera aux
laïques que leur clergé les trompe, et les en détachera.
Le journal reçut alors d'un membre de la communauté jan-
séniste une lettre de plaintes (1). Son auteur proteste contre
la qualification de jansénistes donnée aux évéques, contre
l'affirmation que leur consécration est contraire aux ca-
nons, etc. Il continue : « Je pense comme vous — et ce sera
l'avis de tous mes coreligionnaires — que nos évéques, spé-
cialement invités ou non, doivent paraître en personne au
(1) Cecconi, loc. cit. (1503 sq.) (trad. ir. t. IV, p. 791 sq.). La lettre est signée : Un
membre de TEglise catholique romaine appartenant à la Clerezij.
[337-338J
404 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
concile, ou en cas d'empêchement, s'y faire représenter; s'ils
s'en abstenaient,ils fourniraient la preuve que leur appel à mi
futur concile n'était qu'une feinte. Vous comprenez d'ailleurs
qu'en ma qualité de membre de la Clerezij, j'ai trop de con-
fiance en nos premiers pasteurs pour douter même un instant
qu'ils rempliront cet impérieux devoir : j'espère aussi qu'on
jugera notre cause sans préjugé, qu'on la discutera, et je
puis vous donner l'assurance que dans ce cas, les membres
de la Clerezij prouveront qu'ils ne sont ni hérétiques ni schis-
m a tiques, mais vrais enfants de notre Mère la Sainte Eglise,
prêts à se soumettre à la décision du concile général, quelle
qu'elle soit. » Nul ne doit préjuger des décisions du concile.
« Avec tous les catholiques nous reconnaissons le concile
général comme le tribunal suprême de l'Eglise. Laissons donc
ce tribunal prononcer son jugement, et alors pour nous et.
pour vous, comme pour tous les catholiques, se vérifiera la
parole du fondateur et du chef de notre Eglise : « Celui qui
n'écoute pas l'Eglise, tenez-le pour un païen et un pécheur
public. » Je termine en vous assurant que nous tous, mem-
bre de la Clerezij, nous partageons votre ardent désir de voir
le concile mettre fin à la séparation qui existe entre nous et
nos frères dans la Sainte Eglise » //.
Cette lettre méritait d'être joyeusement accueillie par le
journal, elle le fut; et, bien que l'auteur n'eût aucun mandat
pour parler au nom de ses coreligionnaires, on la regarda
comme un signe du mouvement qui se produisait au sein de
la communauté séparée. Un seul passage de la lettre n'était
pas complètement satisfaisant. L'auteur semblait admettre
qu'un concile pouvait porter une décision sous l'influence de
« préventions et de préjugés » ; par conséquent, son juge-
ment serait discutable, et le refus de s'y soumettre justifié.
Une pareille supposition, répond le journal, est inadmissible,
elle suffit pour renverser toute autorité dans l'Eglise. Elle
établit sur terre, au dessus du suprême tribunal de l'Eglise
[338-330]
L ATTITUDE DES JANSENISTES DE HOLLANDE 405
universelle un jugement d'appel (i). Une nouvelle lettre
du 9 novembre (2) donnait une explication suffisante de ces
mots. L'auteur repousse l'idée qu'un concile général puisse
juger avec « préventions et préjugés » ; il retire sa première
expression comme inexacte.
Plus importante encore est une autre lettre, (3) que la
rédaction du Tijd reçut en même temps que la précédente,
mais qui est d'une date antérieure. Elle montre clairement
que la question de l'assistance des évêques jansénistes au
concile, avait préoccupé la communauté séparée avant même
l'article du Tijd. Ses auteurs, deux laïques, S. L. Boers et
S. W. II. M. Oolombijn, tous deux membres du conseil de la
paroisse catholique romaine de la C levez ij épiscopale à Dor-
dreclit, l'envoyèrent (Juillet 1868) en plusieurs exemplaires,
à tous les prêtres jansénistes de Hollande, aux membres de
l'administration ecclésiastique, et à beaucoup de laïques de
la même secte (4).
La convocation d'un concile par Sa Sainteté le pape Pie IX,
dit la lettre, est pour la Clerezij un événement de la plus
haute importance ; si les laïques se préoccupent d'en pro-
fiter, c'est une preuve du vif souci qu'ils apportent aux
choses de la religion et à la prospérité de l'Eglise en Hol-
lande. Les auteurs posent alors la question suivante: « Tous
les efforts nécessaires sont-ils faits par notre clergé // pour
se faire représenter au prochain concile afin d'y défendre les~
intérêts de notre Eglise et travailler, autant que possible, à
supprimer la triste séparation qui depuis un si grand nombre
d'années nous tient éloignés de nos frères dans la foi? »
Ils ajoutaient que, catholiques romains par conviction, ils
étaient membres de la Clerezij à cause de la confiance qu'ils
(i) CecConi, loc. cil. p. (1501) âq.(trad. tï. t. IV, p. 79rf).
(2)Ibid., p. (1510) sq'. (trad. Ir. t. IV, p, 799).
(3) Ibid, p. (1491) sq. (trad. fr. t. IV, p. 779).
(4) Cf. Cecconi, loc. cit. p. (1511), (trad. fr. t. IV, p. 795).
[339-340]
406 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
avaient en leurs prêtres. Le fondement de cette confiance
était leur appel réitéré à un concile général, comme au seul
juge dont ils pouvaient reconnaître la compétence en cette
affaire. Or, le concile général allait se tenir; leurs prêtres
devaient donc s'y rendre. Des protestations écrites avaient
peu d'utilité, l'histoire le démontrait. Les évêques devaient
paraître en personne : l'épiscopat leur donnait droit à l'admis-
sion. Les grandes difficultés à surmonter ne devaient pas les
retenir. Au concile plus d'un évêque les soutiendrait. Si les
prélats se tenaient à l'écart ou n'employaient que des moyens
insuffisants, la confiance d'un grand nombre de laïques
serait ébranlée, si bien qu'en conscience ils se demande-
raient s'ils pouvaient encore suivre leurs anciens guides
dans les choses de la foi.
Cette lettre trahit un grand désir d'union avec Borne; mais
il y parait aussi, en dépit des expressions les plus respec-
tueuses, une certaine défiance à l'endroit du clergé. Quelques
affirmations erronées que le Tijd releva et qui provoquèrent
une nouvelle lettre au journal (i),sont pour nous sans intérêt.
Tous les laïques ne partageaient point les sentiments exposés
dans l'écrit dont nous venons déparier, cela va de soi, et une
lettre postérieure d'un laïque janséniste, adressée au Tijd,
établit expressément cette divergence (2).
Dans la patrie du protestantisme, le bon accueil fait à l'en-
cyclique papale, fut l'exception (3). La grande masse des
protestants d'Allemagne témoigne plutôt un mécontement
tirs marqué. La plus haute autorité de l'Eglise nationale
prussienne, le Conseil supérieur ecclésiastique de Berlin, crut
qu'il devait prendre position par une protestation publique.
Il reconnaît que dans sa lettre, à côté d'injustes accusations,
(l)Cf. Cecconi, loc. cil. p. (1511i sq. (trad. fr. t. [V, p. 800).
(2) Cf. ibid, p. (1514) sq. (trad. fr. t. IV, p. 802sq.).
(3) Voir supra, p. 395 sq.
[341]
LE CONSEIL SUPERIEUR DE BERLIN 407
le pape témoigne à plusieurs reprises, en un langage ému,
de l'estime et de la bienveillance pour les protestants. « Mais
dans cette lettre, fait-il remarquer, le chef d'une Eglise étran-
gère s'adresse aussi aux membres de la nôtre, en vertu de la
prétendue autorité de sa charge suprême; il les presse d'aban-
donner leur foi, fondée sur la parole inviolable de Dieu et
scellée du sang de ses confesseurs, de renoncer à la vérité et
et à la liberté de l'Evangile, reconquises à l'époque bénie
de la Réformation de l'Eglise; il n'a pourtant en vue,
aujourd'hui encore, aucune rencontre sur le terrain de la
vérité évangélique. Xous repoussons donc résolument cette
démarche comme une mainmise injustifiée sur notre Eglise;
et en cela nous sommes assurés d'avoir l'approbation de tous
les Evangéliques » (i).
La protestation du Conseil supérieur fut critiquée par un
protestant, dans les Historisch-politischen Bl.ettern. //
« Le pape, écrit-il, a-t-il eu à son point de vue de Pasteur
suprême de l'Eglise catholique, le droit ou le devoir de
publier son exhortation, c'est là une question qui ne peut
(1) C. V. 1123 c sq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CXVII. « Le Conseil repousse l'invi-
tation du pape parce que, maintenant encore, il n'a en vue aucune rencontre sur
le terrain de la vérité évangélique. » Quel peut bien être le sens de ces paroles \ Si le
Conseil veut dire que le pape ne peut mettre fin à la séparation de l'Eglise catho-
lique et des communautés protestantes qu'en acceptant la doctrine de la confes-
sion évangélique, il a raison ; mais qui a pu concevoir une pareille espérance?
Quand on traite de la réunion des sociétés chrétiennes, les deux partis ne
peuvent tenir a priori comme chose assurée l'identité de la doctrine de la confes-
sion évangélique avec la vraie doctrine chrétienne.
Où se trouve la vérité, de ce côté ou de l'autre, c'est une autre règle qui doit le
déterminer,et c'est l'Evangile qui doit intervenir comme norme également recon-
nue par tous. L'exigence du Conseil ecclésiastique évangélique réclamant du
pape de ménager une rencontre sur le terrain de la vérité n'est justifiée que si
l'on entend parler de la vérité contenue dans l'Evangile. Or sur le terrain de
la vérité évangélique ainsi entendue, le pape se rencontre véritablement avec les
sociétés séparées. La partie entière de sa lettre où il justifie son appel aux pro-
testants n'est qu'un tissu de passages evangéliques, et le pape dans toute cette
exposition, s'appuie sur des paroles du Christ souverainement claires et décisives
dans l'évangile de saint Mathieu (XVI, 16) où Notre Seigneur déclare qu'il bâtira
son Eglise sur Pierre. C'est donc en réalité sur le terrain de la vérité évangélique
que le pape vient à la rencontre des protestants.
[341-342]
408 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
guère se poser. Pie IX n'a pas outrepassé les droits qu'il ne
s'est pas arrogés lui-même, mais qui lui ont été transmis par
ses prédécesseurs depuis 1800 ans. Il agit, non d'après des
idées personnelles, mais comme ses prédécesseurs l'ont fait
avant lui et comme feront ses successeurs. Bien plus, ils ont
pour devoir d'agir ainsi. La prétention de l'Eglise catho-
lique, qu'elle fonde sur la parole du Christ, est de chercher
à être, conformément à son nom, l'Eglise universelle de
l'Humanité. Pendant plusieurs siècles, les aïeux de tous ceux
qui sont aujourd'hui protestants en ont reconnu la légiti-
mité. Ce droit, dans la pensée de l'Eglise catholique n'est
pas amoindri, parce qu'en fait son exercice est partiellement
entravé. Il conserve virtuellement toute sa force, et voilà
précisément pourquoi l'Eglise catholique n'est pas exclusive ;
de même qu'elle embrasse virtuellement l'humanité tout en-
tière, de même elle reconnaît aussi que ceux-là qui extérieu-
rement ne sont point ses membres, lui appartiennent toutefois
virtuellement. » L'auteur de l'article, historien distingué, va
plus loin encore, et établit, l'histoire en mains, que les pro-
testants fidèles à la Confession d'Augsbourg — et c'est le cas
sans aucun doute pour le Conseil supérieur é'vangéliquc —
devaient, comme tels, s'attendre lors de la convocation d'un
concile à une exhortation et à une invitation du pape. Le
principe fondamental sur lequel repose, en effet, toute la
confession d'Augsbourg, est la reconnaissance de la juri-
diction de l'Eglise catholique et l'appel à un concile oecumé-
nique régulièrement convoqué, L'auteur termine par cette
déclaration : « L'exhortation du pape à tous les protestants
à l'occasion du concile général, proclame la vraie liberté
morale de l'individu. C'est un acte libérateur du monde » (1).
(I)Histor. polit. Bl.iii ikr, 1869, 1, 148-179, 180-2:32. L'auteur à ceque Ton disait,
sans doute avec raison, était OnnoKlopp, qui plus tard rentra dans l'Eglise catho-
lique. L'article a paru aussi en brochure : Dey Erangelische Oberkirchenral in
Berlin utld das Komil. Freiburu 1869. Il a été traduit en français et en italien.
[348]
L ATTITUDE DES PROTESTANTS D ALLEMAGNE 409
Cotte interprétation de l'invitation pontificale trouva
naturellement peu d'écho : le sentiment de la grande masse //
diis protestants s'était exprimé dans la lettre du Conseil
supérieur. Peu après sa publication, cent vingt pasteurs
protestants, assemblés à Berlin de toutes les parties de la
Prusse et de communautés plus lointaines de la Diaspora
allemande, tinrent une conférence pastorale, où ils arrê-
tèrent la résolution suivante : « Devant l'outrecuidance de
l'allocution récemment adressée par le Saint-Siège aux pro-
testants, il y aurait lieu de faire cette magnifique réponse :
Le 8 décembre 1869, avec l'Eglise nationale évangélique de
Prusse, l'Eglise évangélique entière d'Allemagne, par la
bouche de ses autorités, renouvellera solennellement devant
Dieu et devant les hommes et d'un seul cœur la confession
d'Augsbourg (!) » (1).
Quant à examiner la lettre pontificale, il n'en est pas le
moins du monde question. Elle fut également repoussée
par un synode tenu à Glogau, et par le consistoire de
la province de Posen (2). De son coté, la presse protestante
tout entière lui fit un accueil hostile. Le nonce de Munich
écrivait au cardinal Antonelli (3). «Les sentiments exprimés
ces jours-ci dans les feuilles qui reflètent généralement le
mieux la pensée des protestants sont loin d'être bienveil-
lants. L'amour-propre blessé par l'immixtion dans leurs
affaires d'une autorité réputée étrangère, la pensée de
perdre la liberté conquise au prix de tant de sacrifices,
le spectre de l'Inquisition, du Syllabus et de l'Encyclique,
voilà tout le fond des observations et des réponses à propos
de l'invitation du Saint-Père. Si quelques-uns ont rendu
hommage aux expressions affectueuses qu'elle contient,
(1) Histor. polit. Bl.etter, loc cit. p. 157 sq. d'après la Kreuzzeitunc du 25 octo-
bre 1868.
(2) Cf. Cegconi,/oc. cit. Sez. I, p. 200 sq. (trad. fr. t. II, p. 175).
(3) Dépêche du 2 mars, dans Cecconi, loc. cit. p. 221 sq. (trad. fr. t. II, p. 193 sq).
[343]
410 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
d'autres n'y voient qu'hypocrisie et le secret espoir de
regagner par des flatteries sa puissance perdue. » Sans
doute, remarque le nonce, partout se manifeste le désir de
voir s'opérer l'union définitive et s'écrouler les murs qui
nous séparent; mais comment cela pourrait-il se faire, on
l'ignore. « Les docteurs protestants persuadent leurs adhé-
rents de leurs bonnes raisons et de leur bon droit d'autant
plus facilement,qu'oublieux de leur origine et des vrais prin-
cipes, ils se vantent de ne pas repousser opiniâtrement comme
les catholiques // l'union avec les autres chrétiens, mais
d'être prêts à vivre en parfait accord avec tous sur la base
d'un christianisme commun à tous. »
Les grands mots d'esclavage de la foi, de tyrannie des
consciences, conservent leur antique puissance; la liberté
évangélique de croire et de penser tout ce que l'on veut,
passe encore aujourd'hui pour la précieuse conquête de la
Kéforme. Pourtant les fruits de cette liberté, émiettement de
la société protestante en sectes innombrables, incertitude
sur les vérités fondamentales de la foi, incrédulité toujours
plus grande, montrent clairement ce qu'il faut attendre de
cet arbre.
Naturellement nous ne pouvons reproduire en détail tout
ce qui s'est écrit dans les brochures et journaux protestants
sur le concile et la lettre pontificale. Xous ne pouvons toute-
fois négliger les protestations et les déclarations issues des
grandes assemblées officielles et des sociétés les plus impor-
tantes.
Dans une conférence des délégués du Sud-Ouest de l'Alle-
magne, tenue à Worms, le 5 avril 1869, on décida de convo-
quer dans la même ville une réunion plénière des protestants
pour le 3i mai suivant. Voici le début de leur appel : « L'in-
vitation adressée par le pape aux protestants d'Allemagne
de faire retour à l'Eglise romaine, exige une réponse de la
bouche du peuple protestant. L'audace croissante du parti
[343-344
LA DECLARATION DU CONGRES DE WORMS Mi
ultra montain rappelle les protestants d'Allemagne à la vigi-
lance et à l'union. » Il y va des biens les plus sacrés. En
conséquence les soussignés, de concert avec un grand nom-
bre de protestants du Grand-Duché de Bade, de Hesse-
Darmstadt, de Nassau et de Bavière, ont convoqué une
assemblée de protestants allemands. On indique deux objets
de la délibération. Le premier des deux est « une belle décla-
ration contre la soi-disant Lettre apostolique du pape Pie IX,
du i3 septembre 1868, qui invite les protestants d'Allemagne
à rentrer dans l'Eglise, et contre les attaques et les préten-
tions ultramontaines ». Le rapporteur désigné pour cette
question est le professeur Sclienkel de Heidelberg, un ratio-
naliste bien connu. L'appel était revêtu de dix-neuf signa-
tures; plusieurs d'entre elles venaient des coryphées du
Protestantenverein (Union des protestants) rationaliste (1).
" Le congrès se tint au jour marqué sous la présidence du
professeur Bluntschli et adopta la déclaration suivante pro-
posée par Schenkel :
« 1" Nous, protestants réunis aujourd'hui à Worms, nous
sentant pressés par notre conscience, tout en reconnaissant
pleinement les droits religieux de nos co-chrétiens (mitchris-
ten) catholiques, avec lesquels nous voulons vivre en paix,
convaincus pleinement aussi des bénédictions religieuses,
morales, politiques et sociales de la Réforme dont nous
jouissons, nous protestons publiquement et solennellement
contre l'attente exprimée dans la soi-disant « Lettre apos-
tolique » du i3 septembre 1868, de nous voir rentrer au sein
de l'Eglise catholique romaine.
» 2° Toujours prêts à nous réunir à nos co-chrétiens catho-
liques sur la base du pur évangile, nous protestons aujour-
d'hui avec la même énergie que cela s'est fait il y a trois
(1) Stimmen aus Maria-Laach. Neud Folge, Hefl IV (1869), p. 145. — Gecconi, loc.
rit. Sez.lI.Doc. GXXI. — Cf. C. V.ilSZd.
[344-345J
442 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
cent cinquante ans, par la bouche de Luther à Worms et par
celle de nos pères à Spire, contre toute tutelle hiérarchique
et sacerdotale, contre toute tyrannie de l'esprit et toute
oppression de la conscience, et particulièrement contre les
principes destructeurs de l'Etat et de la civilisation exprimés
dans l'Encyclique papale du 8 décembre 1864 et dans le Syl-
labus y annexé.
» 3° Nous tendons la main ici, au pied du monument de
Luther, à nos concitoyens et co-chrétiens catholiques, et leur
offrons l'union en prenant pour base l'esprit chrétien qui
nous est commun, les sentiments allemands et la civilisation
moderne. Nous attendons d'eux en retour qu'ils se réunissent
à nous pour protéger nos biens suprêmes nationaux et intel-
lectuels menacés de nos jours, et qu'ils combattent avec nous
l'ennemi commun de la paix religieuse, de l'unité nationale
et du libre développement de la civilisation.
» 4° Nous signalons comme cause principale de la division
religieuse, que nous déplorons profondément, les erreurs hié-
rarchiques, surtout l'esprit et l'action de l'ordre des Jésuites
qui combat à outrance le protestantisme, qui comprime toute
liberté de l'esprit, qui fausse la civilisation moderne et qui
dirige aujourd'hui l'Eglise catholique romaine. Le christia-
nisme divisé ne recouvrera la paix et n'assurera d'une
manière durable la prospérité des peuples, qu'en rejetant
avec énergie l'empiétement hiérarchique renouvelé et con-
stamment accru depuis i8i5, en revenant au pur Evangile et
en reconnaissant les conquêtes de la civilisation //.
)> Enfin nous déclarons que toutes les tendances à fortifier
dans le sein de l'Eglise protestante le pouvoir hiérarchique
du clergé et le règne exclusif des dogmes, sont la négation do
l'esprit protestant, et autant de ponts pour aller à Rome.
Convaincus que la tiédeur et l'indifférence d'un grand
nombre de protestants ont pour résultat de fournir son prin-
cipal soutien au parti ecclésiastique réactionnaire, et sont
ATTITUDE DIVERSE DES PROTESTANTS D ALLEMAGNE 41 3
dans le plus puissant «les pays allemands, un des principaux
obstacles à la rénovation nationale et ecclésiastique; nous
exhortons tous nos frères dans la loi, à veiller, à s'unir, à se
détendre énergiquement contre toutes les tendances qui
mettent en péril la liberté de l'esprit et de la conscience (i).»
La déclaration contre Rome rallia à peu près la géné-
ralité des protestants autour de ceux de Wofms. Mais le
congrès lui-même, qui représentait le courant libéral, comme
on le voit surtout dans le passage final, trouva parmi les
protestants des contradicteurs déterminés. Le correspondant
de la Kirchenzeitiing évangélique en parle ainsi (2) : « On a
compté jusqu'à vingt et même jusqu'à trente mille membres,
en réalité il y en aura eu environ cinq à six mille. La grande
majorité étaient des bourgeois, des paysans et des artisans.
La présence et la tenue d'un assez grand nombre montraient
assez dès l'abord à l'observateur attentif, que s'ils étaient
venus pour protester contre toute espèce de « servitude de
l'esprit et de tutelle hiérarchique et sacerdotale», ils n'avaient
aucune idée des paroles du Maître : « Si le Fils vous met en
liberté, alors vous serez vraiment libres. «Parmi les hommes
rassemblés là, le rapporteur en vit à ses côtés dont il sait
pertinemment qu'ils négligent complètement leur propre
Eglise, et pour qui la foi chrétienne n'est qu'un objet de rail-
lerie ou d'hostilité, la sainte Cène une pratique bien super-
flue. » — Tous les partis protestants ont la bouche pleine de
« l'Evangile », môme les adversaires rationalistes du Congrès
de Worms, et pourtant il n'existe pour eux aucun Evangile
au sens de Luther, c'est-à-dire aucun livre inspiré de Dieu !
Tandis que l'appel au Congrès de Worms insistait sur les
dangers que faisait courir aux protestants la lettre pon-
tificale, la direction générale du Gustav-Adolfverein ",
(1) C. 7.1132 d. sqq. - Gecconi, loc. cit. Doc. CXXII.
(2)31 juillet 1869. Voir Stimmex aus Maria-La a. h. Neùe Folge, HeftV(i&59),
p. 1G1 sq.
[346]
414 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
(Société de Gustave- Adolphe), résolut négativement, le
i5 août, la question de savoir si dans la prochaine assemblée
générale, il y avait lieu de manifester contre la lettre de
Pie IX. Tout d'abord, cette lettre, disait le comité central,
n'a suscité aucune émotion parmi les protestants : les Evan-
géliques se sentent trop affermis dans leur foi pour voir un
péril dans le prétendu concile œcuménique du xixe siècle.
En second lieu, l'envoi de la lettre est une pure formalité; à
Rome même on n'y attache aucune importance. Il suffira
donc d'enregistrer au procès-verbal cette décision avec les
considérants et de la mentionner dans le compte rendu (i).
Au contraire, la i5ediète de l'Eglise évangélique allemande
(Deutsch-evangelische Kirchentag) tenue à Stuttgard d
29 août au 3 septembre 18G9, crut devoir élever la voi
contre l'invitation papale et la repousser solennellement
Une déclaration soumise à l'assemblée par le professeu
llermann, d'Heidelberg (2) fut approuvée à l'unanimité. E
voici les idées principales : Xous repoussons la prétention d
pape à un droit divin de gouverner l'Eglise universelle
L'invitation à réintégrer purement et simplement l'Eglis
catholique « n'a aucune chance d'être suivie »; « nous n
voyons nulle part qu'une volonté législative du Christ ai
donné à l'Eglise une Constitution; encore moins qu'une
monarchie ecclésiastique ait été fondée sur Pierre et doive
passer en héritage aux évéques de Rome»; «Xous ne voyons
dans une telle constitution aucune garantie pour la trans-
mission dans leur intégrité des biens spirituels que nous a
procurés le Christ. »
Au Synode général de l'Eglise nationale protestante bava-
roise, réuni à Ansbach le 9 octobre, les synodes de Weiden,
(1) Cecconi. loc. cit. Doc. CXXIII. — Cf. C V. 1133 d. — Stimmen aus Maria-
Laach, loc. cit., p. 164 sq. — La réunion générale eut lieu à Bayreuth, du 17 au
19 août.
(2) Cecconi. loc. cit. Doc. GXXIV. — Cf. C. Y. 1133 d. Stimmen aus Maria-Laach.
Neue Folge, Heft VI (1870), p. 195.
[347j
ATTITUDE DIVERSE DES PROTESTANTS D ALLEMAGNE 415
Kulmbach , Kempten et Leipheim avaient proposé de
repousser la lettre pontificale par une protestation énergique.
Le doyen Bauer de Neustadt-sur l'Aish, choisi comme rap-
porteur, déclara que l'invitation du pape resterait complète-
ment sans effet, que d'ailleurs, la réunion avec Rome ne se
produirait jamais. «Dans les flammes, dit-il, où Luther, aux
portes de Wittemberg // réduisit en cendres la bulle d'ex-
communication lancée contre lui par le pape, fut consumé le
dernier fil qui liait à Rome l'Eglise qui porte aujourd'hui son
nom Plusieurs pétitions expriment le désir que le synode
général adresse à toutes les communautés et à tous les mem-
bres de notre église protestante nationale une déclaration dans
laquelle il exposerait sa pensée à ce sujet; mais de sérieuses
considérations s'y opposent absolument. Le synode général
est un corps purement consultatif. Il n'a pas de pouvoir
exécutif, il ne lui est permis de correspondre avec personne;
il ne peut ni ne doit rien faire dans le cas présent, quelles que
soient les impulsions de son cœur, de ce qui appartient exclu-
sivement au consistoire suprême du royaume en sa qualité
d'organe de l'Episcopat souverain.» « Le fait de la discussion
présente est, à lui seul, une protestation suffisante, (i) »
Le président Harless exprima le vœu que l'assemblée
acceptât sans discussion cette manière de voir, et développa
ensuite son opinion sur l'invitation pontificale, dans un
discours où il prit pour texte ce passage des proverbes de
Salomon (xxvi. 4) : « Ne réponds pas au fou selon sa folie, pour
ne point lui devenir semblable. » D'après une de ses dépèches
au cardinal Antonelli (2), le nonce du Saint-Siège à Munich
eut un entretien à ce sujet avec l'archevêque de cette ville.
Celui-ci avait décidé d'adresser une remontrance au ministre.
On ne sait rien du succès de cette démarche. Le nonce, il est
vrai, n'avait qu'un mince espoir.
(1) Cecconi, loc. cit. Doc. C\XV.—Ct. C. V. 1133 d.
(2) 27 oct. 1869. — Cf. Cecconi, loc. cit. Sez. I, p, 273 (trad. f'r. t. II, p. 240).
[347-348]
4-16 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Dans les autres pays, à l'exception de l'Angleterre, la
lettre pontificale reçut, des p ru testants, le môme accuei
qu'en Allemagne.
En Autriche, les réformés étaient trop indifférents pour
manifester leur opposition. En Hongrie, au contraire
l'assemblée générale des protestants de la Confession
d'Augsbourg, réunie à Pest le 8 octobre, prit une résolution
au sujet de l'initiative pontificale (i). Elle ne peut, disait-
elle, être prise au sérieux, d'abord parce qu'elle repose sur
le préjugé que l'Eglise catholique est la seule voie du salut et
que les hommes doivent se soumettre à une autorité qui se
déclare infaillible ; ensuite, parce qu'on ne peut faire dispa-
raître l'opposition entre les protestants et les catholi-
ques ; // ce qui le prouve, c'est 1'éminiératiOn des griefs
habituels du protestantisme contre l'Eglise catholique. On
repousse donc « les paroles fausses, calomnieuses et inju
rieuses du pape » et on exprime l'espoir que les catholiques
s'inspireront toujours d'un esprit du christianisme de plu
en plus affranchi des ténèbres du moyen âge, par leque
se réalisera une union des chrétiens bien plus sublime qu
l'union extérieure, .qui produirait des trésors spirituels e
étendrait au loin le règne de la charité.
La Compagnie des pasteurs de l'Eglise de Genève adressa
aux membres de cette Eglise et à tous les chrétiens évangé-
liques une lettre (2) où elle affirmait qu'accepter, les paroles
de Pie IX serait anéantir l'œuvre de leurs pères ; les causes
du grand mouvement du XVIe siècle, loin d'avoir disparu, se
fortifient chaque jour davantage. Au point de vue de la doc-
trine, l'Eglise catholique a maintenu toutes les erreurs contre
lesquelles on a protesté ; elle en a même ajouté de nouvelles,
comme le dogme de la Conception- Immaculée de Marie et de
l'Infaillibilité du pape. Ce dernier dogme est à l'ordre du
(1) Cecconi, loc. cil. Sez. Il, Doc. GXXVI. — Cf. C. V. 1134 a.
(2) C. V. 112'J a. sq. — Cecouni, loc. cit. Doc. CXIX.
[348-349]
ATTITUDE DIVERSE DES NON-CATHOLIQUES 417
jour et. selon toutes les prévisions, sera consacré par le vote
du prochain concile ou <le quelque autre manière. De grands
abus, de grands scandales ont été éliminés c'est vrai, et sur-
tout Ton ne peut refuser de reconnaître au titulaire actuel du
siège pontifical un caractère honorable. Mais la papauté s'est
transformée en un despotisme absolu. Suit alors une longue
énumération d'abus à blâmer : les cérémonies en usage dans
l'Eglise catholique, certaines petites pratiques de piété, les
indulgences, les couvents, le culte des saints, etc.; Syllabus,
Encyclique et autres épouvantails sont allégués comme des
faits qui obligent à protester énergiquement contre l'invi-
tation de Pie IX.
A son tour, le comité français de l'Alliance évangélique
adressa, à l'occasion de l'invitation papale, une lettre aux
membres de cette société pour « les exhorter à des prières
publiques et à un redoublement de zèle religieux, au moment
où Rome va mettre le dernier sceau à son œuvre en procla-
mant l'infaillibilité du pape et en condamnant les progrès
et les libertés sans lesquelles la société moderne ne subsiste-
rait plus (i) )) //.
Nous avons vu plus haut que l'annonce du concile avait été
maintes fois accueillie avec faveur par les Jansénistes de
Hollande. Les autres non-catholiques de ce pays la reçurent
mal. Dans un assez grand nombre d'articles de la presse pro-
testante quotidienne et dans d'antres écrits (2) publiés en
réponse à la lettre papale se manifestait une hostilité très vive
contre l'Eglise catholique; vingt-sept théologiens et ecclésias-
(i) G. V 1134sq. - Geccoxi, loc. cit. Doc. CXXVII.
(2) A l'écrit du catholique Bruuwers : Watnute doenï Gunning répondit par :
Anti-modern, daarom Anli-Roomscli, et Groen van Prinsterer par tleiligerlee en
Ullramontaansche Kritiek. Un médecin passé du judaïsme au protestantisme,
A. Capadose, écrivit une Réponse au pape Pie IX; un autre protestant A. Bous :
De Hervorming der Roomsch-Katholielte Kerk,et C.-W. Pape. Ilet OEcunieniscli Con-
cilie te Rome in 18G9. — Alix accusations élevées parles protestants contre l'Eglise
catholique le P. F. Heynen, S. J., opposa : De Houding van eenige Nedetiarulsche
Protestanlen tegenover's Pausen uitnoodiging belreffende de algemeene Kerkuergade^
ring.
[34J8sâ§0]
418
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
tiques adressèrent de Groningue au pape une lettre latine où
ils déclinent son invitation et donnent les motifs de leur
refus (i). La lettre est pleine de préjugés protestants contre
l'Eglise catholique et fausse les laits et les doctrines qu'elle
rapporte.
Encore une observation au sujet des presbytériens de
l'Amérique du Xord. Ils discutèrent la lettre pontificale en
deux assemblées où parurent les représentants d'environ
cinq mille « serviteurs de l'Evangile », et d'un nombre plus
grand encore de communautés chrétiennes. Les deux prési-
dents adressèrent ensuite à Pie IX une lettre commune où ils
déclinent aussi l'invitation pontificale avec un exposé d(
leurs motifs (2). Ils soutiennent qu'ils ne sont ni hérétiques ni
schismatiques. S'ils refusent l'invitation, c'est que l'Eglise
catholique a repoussé les principes qui sont le fondement de
leur religion.
(l)L'. V. 1124 c. sq. — Cbccoxi, loc. cit. Doc. CX VIII. Voir la traduction alle-
mande avec commentaire dans les Stimmen aus MARiA-LAACH.Xeue Folge, Hett. 1\
(1869), p.92sqq.
(2)6'. V. 1135a. sq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CXXVIII.
[350j
CHAPITRE XIV.
Le concile du Vatican et l'anticoncile des libres-penseurs.
Ce qu'avait été le christianisme pour les païens, le concile
du Vatican le fut pour les apostats, une folie. Il fut pour eux
une folie et un scandale tout à la fois : un crime contre les
progrès de la civilisation au XIXe siècle.
Joseph Ricciardi, membre du parlement italien, écrivit
en 1869 une lettre « à tous les libres-penseurs de toutes les
nations. » Elle était rédigée en italien ; deux mois plus tard il
la répandit en traduction française à l'étranger (1). Le con-
cile qui vient d'être convoqué lui apparaît comme un péril
plein de menaces pour la grande cause de la civilisation, de
la liberté et du progrès. Le seul moyen de se défendre contre
les nouvelles entreprises de l'antique et implacable ennemi
de toute liberté, est, à son avis, une sainte ligue des libres-
penseurs de tous les pays; elle opposera à la foi aveugle,
fondement du catholicisme, le principe du libre examen. Il
propose comme lieu de réunion pour l'assemblée des libres -
penseurs la ville de Xaples, et comme date, le 8 décembre,
jour fixé pour l'ouverture du concile. A cet anti -concile seront
proclamés contre le Credo de Rome, les dogmes immuables de
la morale, de cette morale qui est fondée exclusivement sur
la raison. Les paroles des libres-penseurs doivent être accom-
(1) C. V. 1254 c. sq. — Cecconi, Ioc. cit. Doc. CGIX.
[351]
420 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pagnées d'actes qui leur soient conformes ; ils écriront donc
sur leur bannière les mots : Amour — Instruction. L'exercice
de l'amour consistera à s'efforcer de procurer du travail à
toute personne valide,// et à assurer l'existence de quiconque
ne pourrait y pourvoir en travaillant. L'instruction doit
devenir le bien de tous ; les libres-penseurs doivent particu-
lièrement s'occuper de l'instruction élémentaire. .
Ricciardi publia sa lettre au nom d'un comité qui s'était
chargé de convoquer l'anticoncile, et il pria tous ceux qui
approuveraient le programme de lui donner leur adhésion
par écrit.
D'après un communiqué de Ricciardi, de très nombreuses
adhésions répondirent à cet appel (i); mentionnons celle de
Garibaldi (lettre du 19 janvier) (2), de Victor Hugo (lettri
du 20 avril) (3), et de Michelet, a secrétaire de la société
philosophique à Berlin » (4).
En France la question de l'anticoncile général fut plu-
sieurs fois agitée dans les loges; plusieurs insistaient poui
que la franc-maçonnerie s'y fit représenter officiellement,
mais la majorité des suffrages fut d'avis contraire (5).
Tel fut aussi le sentiment que le Grand-Maître « du Grand
Orient » d'Italie, exposa dans une lettre aux loges de ce
pays [G) : ceux des frères qui voudraient prendre part indi-
viduellement à l'anti-concile méritaient des félicitations,
mais l'ordre maçonnique comme corps, ne pouvait y parti-
ciper.
(1)6'. V. 1256c. sq^ — Gegconi, loc. cit. l>uc. CCX.
(2) Givilta Gatthlica, Si'!'. VII, vol. 5, p. 487. — Stimmen als Maria-Laach,
Neue Folge, Heft. III (1800), p. 69. Cf. une deuxième lettre de Garihaldi. Ibid.,
Heft. IV (1869), p. 127.
(3) Givilta Gattoijca, Ser. VII, vol. 6, p. 401. — Stimmen ads Maria-Laach, loc,
cit. p. 126.
(4) Stimmen als Maria-Laach, loc. cit. p. 127.
(5) Cf. les débats dans Cecconi, loc. cit. Doc. GGVI, CCVII, CCVIII. — Cf. C. V.,
1256 b.
(6) C. V., 1257 li. sq. — Geccqni, loc. cit. Doc. CCXI.
[351-352]
L'OIVERTURE DE L' ANTICONCILE A XAPLES 421
D'après une lettre de Ricciardi au Giornale di Roma, en
novembre, il se préparait en plusieurs villes d'Italie, pour le
8 décembre, des démonstrations contre le concile du Vatican :
ainsi à Païenne, Catane, Salerne, Aquila, Foggia, Ancône,
Parme, Venise, Erescia, Trévise. « Il est très désirable, écri-
vait-il, et Garibaldi partage cette manière de voir, cpie dans
toute l'Italie, le peuple déploie la plus vive ardeur et saisisse
l'occasion que lui offrent ses ennemis, pour déclarer une fois
de plus la volonté populaire en faveur de l'unité nationale et
du principe sacré de la liberté » (i). Trois idées // doivent
prendre corps dans ses assemblées : guerre implacable au
pape; protestation contre l'influence prépondérante de Napo-
léon III; proclamation du grand principe de la liberté de
conscience.
Le 8 décembre, arrivèrent donc à Naples quelques cen-
taines de libres-penseurs et parmi eux plusieurs femmes.
Comme une représentation devait avoir lieu ce jour là au
théâtre San-Ferdinando qui avait été choisi comme lieu de
réunion, l'ouverture de l'anticoncile dut être reportée au
9 décembre. Elle se fit à midi. Ricciardi présida et prononça
le discours d'ouverture. Quatre cent soixante et un membres
actifs étaient présents. Quand le président voulut faire
approuver le programme du comité provisoire, des contra-
dictions s'élevèrent; on ne put s'entendre et le président
leva la séance.
La seconde réunion eut lieu le soir du 10 décembre. Comme
Ricciardi remit le programme en délibération, un vif débat
s'engagea au milieu d'un grand vacarme ; l'arrivée des libres-
penseurs français l'interrompit. L'orateur de ces derniers,
M. Regnard, prononça dans sa langue, un violent discours
contre l'Eglise catholique. Des cris éclatèrent alors en l'hon-
neur de la France républicaine. La police déclara aussitôt
(1) CecconUoc. cit. Doc. CGXIV. -Cf. C. V., 1258b.
[352-353J
422 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
l'assemblée dissoute. Les adhérents au concile des libres-
penseurs ne quittèrent la salle que malgré eux.
Le 16 décembre, ils se réunirent encore une fois dans un
hôtel de Xaples. La dissension au sujet du programme éclata
de nouveau, et le vacarme devint si violent que le maître
d'hôtel déclara qu'il ne voulait pas tolérer plus longtemps
les congressistes dans sa maison. Les autres hôtels et les
théâtres refusèrent aussi de les recevoir. Il fallut se conten-
ter de publier le 17 décembre, le programme de Riccardi et
un autre programme de Regnard, dans l'organe des libres-
penseurs de Xaples le Popolo d'ltalia(i).
Voici le programme du parti de Riccardi : « Les soussignés,
représentants de diverses nations du monde civilisé, réunis
à Xaples pour prendre part à l'anticoncile, affirment les
principes suivants : ils proclament la liberté de la raison en
face de l'autorité religieuse, l'indépendance de l'homme en
face du despotisme de l'Eglise et de l'Etat, la solidarité des
peuples en face de l'alliance des princes et des prêtres //,
l'école libre en face de l'instruction par le clergé, le droit en
face du privilège. Xe reconnaissant aucun autre principe
que ceux de la science, ils se déclarent partisans de la liberté
humaine ; ils revendiquent la nécessité de supprimer toute
Eglise officielle. La femme doit être affranchie des liens où
l'Eglise et la législation l'emprisonnent et qui entravent son
plein développement. L'instruction doit être libre de toute
ingérence religieuse, car la morale doit être pleinement indé-
pendante ».
Le programme formulé par Regnard et ses partisans était
le suivant : « Les libres-penseurs parisiens reconnaissent et
proclament la liberté de conscience, la liberté d'examen et
la dignité humaine, ils considèrent la science comme base
de toute croyance et repoussent en conséquence tout dogme
(1) Stimmen ai-s Maria-Laacu. Xeue Folge, Hel't. VI (1870), p. 188 sqtj .
[353-354]
AVORTEMENT DE L ANTICONCILE 423
fonde sur une révélation quelconque. Ils reconnaissent que
l'égalité sociale et la liberté ne peuvent exister que lorsque
l'individu est instruit. Ils réclament en conséquence l'in-
struction de tout degré, gratuite, obligatoire, exclusivement
laïque et matérialiste. Le devoir de la société lui impose de
mettre l'individu en état de procurer à ses fils cette instruc-
tion. Pour ce qui regarde la question pbilosopbique et reli-
gieuse ; considérant que l'idée de Dieu est la source et le sou-
tien de tout despotisme et de toute iniquité; que la religion
catholique est la plus complète et lapins terrible personnifi-
cation de cette idée; que l'ensemble de ses dogmes est la
négation même de la société, les libresq)enseurs de Paris
promettent de s'employer à abolir promptement et radicale-
ment le catholicisme, de solliciter son anéantissement par
tous les moyens compatibles avec la justice, y compris la
force révolutionnaire, qui n'est que l'application à la société
du droit de légitime défense (i) ».
Les autres réunions que les libre-penseurs tinrent le
8 décembre en diverses villes d'Italie, n'eurent pas d'autre
résultat que celle de Xaples : c'est-à-dire une répugnante
manifestation de leur haine pour Dieu et la religion.
(1) C. V. 1258 b. sqq. — Sti.mmex au Maria-Laags, ibid., p. 188.
[354]
CHAPITRE XV.
Les gouvernements et le prochain concile.
Les rapports entre l'Eglise et l'Etat s'étaient, depuis le
dernier concile œcuménique, modifiés du tout au tout. Plu-
sieurs pays s'étaient, totalement ou en majeure partie, déta-
chés de l'Eglise, et l'on pouvait leur demander tout au plus la
liberté pour les évêques de prendre part au concile. Dans
nombre d'Etats catholiques même, le gouvernement se gui-
dait d'après des principes hostiles à l'Eglise, ou s'efforçait de
relâcher de plus en plus les liens qui jusqu'alors avaient uni
les deux puissances.
Il ne fallait donc point songer pour le concile du Vatican
à une action commune de l'Eglise et de l'Etat dans l'intérêt
de la religion chrétienne, comme nous le voyons dans les
anciennes assemblées de l'Eglise. Si quelques gouver-
nements manifestaient le désir de se faire représenter au
concile, leur motif n'était point le zèle pour le catholicisme,
mais la défiance et la jalousie envers l'Eglise. On craignait
ses empiétements sur le domaine politique, et l'on con-
sidérait comme une diminution de l'autorité civile tout
accroissement de l'influence ecclésiastique sur les catholi-
ques De plus, la presse antireligieuse allait jusqu'à voir
dans la prochaine assemblée un danger pour la civilisation et
pour l'Etat. Ces accusations ne manquèrent point d'agir sur
les gouvernements.
[355-35(3]
426 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Ceux-ci firent attendre longtemps des explications offi-
cielles sur l'attitude qu'ils comptaient prendre vis à-vis du
concile. La Bavière se souvint enfin, remarque VUnità catto-
lica, qu'elle était la plus grande puissance musicale; il était
donc de son devoir, pensait-elle, de donner le ton aux autres
Etats.
Le prince Clilodwig Hohenlolie-Scliillingsfiïrst, président
du conseil et ministre des affaires étrangères de Bavière,
adressa le 9 avril 1869,11110 circulaire (i)aux représentants de
son gouvernement à l'étranger. Il s'y faisait renseigner sur les
vues qu'avaient au sujet du concile les gouvernements auprès
desquels ils étaient accrédités, et demandait quelle conduite
ceux-ci pensaient tenir à cet égard. Il faisait en même temps
poser à ces gouvernements // une double question : n'était-il
pas prudent, avant même l'ouverture du concile, de déter
miner certaines lignes de conduite communes ou du moins
concordantes ; le but serait d'éclairer le Saint - Siège sui
la position que les gouvernements du continent prendraient
vis-à-vis du concile. De plus, le meilleur moyen d'amenei
une entente entre les puissances intéressées n'était-il pas de
créer des conférences composées de leurs représentants?
Il est peu vraisemblable, dit le prince dans l'exposé des
motifs de sa proposition, que le concile doive s'oceupëa
seulement de questions purement tliéologiques; aucun!
d'entre elles n'attend actuellement sa solution d'un concile.
L'infaillibilité pontificale, voilà la seule thèse dogmatique
<pie Rome voudrait ainsi voir définie ; c'est elle qui provoque
l'agitation de l'ordre des Jésuites en Italie et en Allemagne.
Or, la définition dogmatique de cette «prétention» dépasse
évidemment de beaucoup le domaine purement spirituel, sa
nature est éminemment politique puisqu'elle élève la puis-
sance du pape, même dans les affaires temporelles, au-dessus
(1) C. V. 1199 sqq. - Cecconi,Zoc. cit. Ses. II. Doc. C.LXIX.
[356-357]
LA CIRCULAIRE D€ PEINCE DE HOHEXLOHE 427
de celle de tous les princes et peuples chrétiens. En outre,
parmi les commissions qui préparent les matières à pro-
poser au concile, s'en trouve une s'occupant exclusivement
des questions mixtes qui touchent à la l'ois le droit public,
la politique et le droit canon. On est ainsi autorisé à
admettre chez le Saint Siège, ou du moins chez un parti
actuellement puissant à Rome, l'intention de promulguer par
voie conciliaire une série de décrets appartenant au domaine
de la politique plus encore qu'à celui des affaires ecclésias-
tiques.
Enfin, continue le président du conseil, d'après la Civilta
DATTOLiCA, revue rédigée à Rome par les jésuites, et revêtue
par bref du pape d'un caractère officieux, le concile aurait
pour tâche de transformer en décrets de concile les thèses
du Syllabus du 8 décembre 1864. Or, les articles de cette
encyclique (sic!) sont dirigés contre les principes formant
aujourd'hui la base de la vie publique telle qu'elle s'est
développée au sein de tous les peuples civilisés. Les gou-
vernements se trouvent donc dans la nécessité d'examiner
s'ils n'ont pas l'obligation d'avertir les évèques placés sous
leur autorité et le futur concile lui-même, des suites
funestes que pourrait avoir un tel ébranlement délibéré et
systématique des rapports existant entre l'Etat et l'Eglise.//
Il ne peut exister ici aucun doute : les gouvernements
ont le devoir supérieur d'une protestation collective à faire
parvenir soit par leurs représentants à Rome, soit par une
autre voie, contre toute décision en matière politico-religieuse,
qui émanerait du concile sans la participation des puissances.
« On a été, dit Jdrg (1), chercher bien loin l'occasion et les
motifs de cet acte diplomatique, alors que le véritable, sinon
le bon se trouvait à deux pas. L'on a vu dans cette démarche
l'effet d'intrigues et d'excitations venues d'Italie, de France,
(l) Histor. -polit. Bl.etter, 1859,11. 163s.
[357-358]
428 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
voire même de Prusse ; pourtant, c'est un fait avéré, à
Berlin, en particulier dans les sphères dirigeantes, personne
n'approuvait la précipitation du prince, bien qu'après coup,
on se soit efforcé, à n'en pouvoir douter, d'enterrer l'affaire
sous les paroles les plus flatteuses des organes officieux ».
Plus loin, le même publiciste nous assure que la dépêche fut
un acte personnel du prince de Hohenlohe; il la rédigea, il
est vrai, en sa qualité de ministre des affaires étrangères de
Bavière, mais, au début du moins, les autres ministres
avaient refusé absolument de se solidariser avec lui.
D'après quel conseil le prince a-t-il fait cette démarche
sans consulter ses collègues dans une affaire si impor-
tante? A cette question Jôrg répond par une citation
de la N'eue Freie Presse du 16 juin : « Ou désigne avec
grande certitude ou du moins avec beaucoup de vraisem-
blance M. le Prévôt de la Collégiale, docteur von Dollinger,
l'illustre savant, et quelques-uns de ses amis, pour avoir
conseillé au prince de Hohenlohe d'envoyer la dépêche du
9 avril. » Ailleurs aussi, Dollinger fut regardé comme l'inspi-
rateur de la dépêche. L'envoyé de la Prusse à Jîome, M. d'Ar-
nim, écrit au prince de Bismarck : « Vraisemblablement le
prince de Hohenlohe a été inspiré dans cet écrit par le prévôt
de la collégiale Dollinger. Dans sa mauvaise humeur contre
Rome, celui-ci doit sans doute être très porté à grossir quel-
que peu les dangers résultant pour I'Etat moderne des
décrets qu'on s'attend à voir promulguer par le concile. Il est
naturel, dès lors, que M. de Dollinger... désire trouver dans
les gouvernements laïcs des alliés qu'il n'eût point cherche
en d'autres temps (i) ». Des affirmations comme celles-ci
« Borne ne veut voir décider parle concile que l'infaillibilité
(1) Lettre du 14 mai 1869. C. V. 1203 c. — Cecgoxi, Loc. cit. Doc. CLXXIX. —
Cinq ans après, le 24 avril 1874, Arnim fait au prévôt de la collégiale Dollinger
des excuses publiques « pour avoir incidemment parlé de lui en des termes n'in-
diquant pas assez clairement la vénération qu'il porte à Sa Révérence. » Ollivier,
L'Eglise et l'Etat, etc., I, 5131.
|358]
LE QUESTIONNAIRE DU GOUVERNEMENT BAVAROIS 429
pontificale » ; « le dogme de l'infaillibilité pontificale est un
danger pour l'Etat » ; « la Civilta cattolica désigne la défi-
nition du Syllabus comme la tâche du concile » portent, en
effet, bien distinctement la touche de Dollinger.
Les puissances ne prirent guère en considération la demande
du prince de Hohenlohe : « La circulaire, écrit de Munich
le nonce apostolique Meglia au cardinal Antonelli (i), semble
n'avoir point produit trop bon effet. Je ne parle pas de l'éton-
nement provoqué clic/, les grandes puissances, notamment en
Autriche et en France, par l'importance qu'a voulu se donner
le gouvernement bavarois, en prenant l'initiative dans une
affaire de si haute portée. La France, me dit-on, a répondu
d'une manière évasive, se réservant pour un moment plus
opportun toute liberté d'action et d'examen. Quant au comte
de Beust, il a dans une réponse verbale à l'envoyé bavarois à
Vienne, laissé entendre que l'Autriche avait déjà assez de dif-
ficultés avec le Saint-Siège, sans en ajouter de nouvelles. Les
envoyés des petits Etats allemands ici même (à Munich), ont
reçu de leurs gouvernements mission de rechercher quelle
réponse les autres puissances auraient donnée ; et le gouver-
nement wurtembergeois, je le sais, veut faire dire au prince
de Hohenlohe que son Etat est trop petit, d'ailleurs protestant,
qu'il ne croit pas devoir s'immiscer dans ces sortes d'affaires;
de plus, il ne veut rien faire en ce moment qui soit désa-
gréable aux catholiques du Wurtemberg. »
Le gouvernement bavarois ne se laissa pas arrêter par
l'insuccès de ses premières hostilités contre le concile; il en
tenta bientôt de nouvelles. Sur l'inspiration de Dollinger (2),
il proposa le 12 juin 1869 aux facultés de théologie de Munich
et de Wiirzbourg, et à la faculté de droit de Munich, les cinq
questions suivantes :
« 1" Supposé que les propositions du Syllabus et l'infaillibi-
(1) 17 mai 1869.'
(2) Compar. Friedrich, lgnau v. Dollinger, III, p. 487 et suiv.
[359]
430 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
lité pontificale soient déclarées par le futur concile articles de
foi, en quoi se trouvera modifiée la doctrine des rapports
entre l'Eglise et l'Etat, telle qu'elle a été enseignée et prati-
quée en Allemagne jusqu'à ce jour?
» 2" Dans ce cas, les professeurs de dogme et de droit
ecclésiastique se croiront-ils tenus de mettre à la base de leur
enseignement, l'obligation en conscience pour tout chrétien
de reconnaître comme de droit divin, la suprématie du
pape sur les monarques et les gouvernements, (soit comme
potestas directa, soit comme potestas indirecta in tempo-
ral ia '!)
» 3U Les professeurs de dogme et de droit ecclésiastique
s'estimeront-ils par là même, obligés de donner place dans
leurs leçons et leurs écrits à la doctrine qui enseigne que les
immunités personnelles et réelles du clergé mmtjuris <Uuini,
et, par suite, font partie des articles de foi ?
» 4" Existe-t-il des critères universellement reconnus pour
déterminer avec certitude si une décision du pape est donnée
ex cathedra, et partant, infaillible et obligatoire pour la
conscience de tout chrétien, suivant la doctrine que définira
peut-être le concile; — si ces critères existent, quels
sont-ils ?
» 5" Dans quelle mesure les nouveaux dogmes projetés, et
leurs conséquences nécessaires, pourraient-ils exercer leur
influence modificatrice sur l'éducation populaire dans
l'Eglise et dans l'école, ainsi que sur les livres d'instruction
élémentaire (catéchisme, etc.) (i) ? »
Dès le 7 juillet, la faculté de théologie de Wiirzbourg porta
la première son jugement; c'était un travail (2) d'une théo-
(1) C. V. 12 )Uc. sqq. — Cecconi, loc. cit.. Doc. CLXX.
(2) Il parut plus tard sous le titre : Gulachten der theologischen Fakultàt der
Julius-Maximilians-UniversUnt in WurzAnrg Uber fiinf ihr vorgelegte Fragen, das
beiorslehende ohumenische Kon&il in Rom belre/j'end. Wùrzburg, 18G9. Les Stimmen
ans Mari a-Laach en donnent un résumé, XeueFolge, tome XI (1870), p. 204 sqq<
[360]
LE MEMOÏKE DE WUltZBOURG 431
logie étendue et solide, mais qui ne répondait pas malgré
l'interrogateur aux questions d'ailleurs manifestement imbues
des idées de Janus. A la première demande, l'exposé fait
d'abord observer qu'il ne peut être question d'élever au
rang de dogme toutes les doctrines du syllabus. Les propo-
sitions qui y sont condamnées ne sont pas toutes rejetées
comme formellement contraires à des vérités révélées, beau-
coup le sont comme de simples erreurs. Maintenant, si
l'on publiait comme articles de foi les doctrines du Syllabus,
remarque le mémoire de Wiïrzbourg, cette publication
n'apporterait « aucune modification essentielle dans la
doctrine des rapports entre l'Eglise et l'Etat. ' Ces proposi-
tions renferment à peine quelque chose de nouveau, et ce
qu'elles ont de principal, a, pour la plupart, déjà été défini
ailleurs depuis longtemps. A les bien comprendre, en consul-
tant tout à la fois l'ensemble des documents d'où elles ont
été extraites et le langage de l'Eglise, que la presse moderne
ignore d'habitude totalement, ces propositions ne sont pas
aussi dangereuses qu'on voudrait le faire croire. Puis, si on
le considère au point de vue pratique, le Syllabus présente
aux yeux du chef suprême de l'Eglise catholique un idéal à
atteindre, désirable sans doute, mais qui ne saurait toujours
être réalisé, et dont une impérieuse nécessité commande
même souvent de s'écarter. Là encore, il ne faut jamais
confondre l'hypothèse avec la thèse » (i).
Le mémoire de Wiïrzbourg discute ensuite chacune des
thèses condamnées dans le Syllabus et dont la réprobation
par le concile pourrait aisément sembler dangereuse pour les
rapports de l'Eglise et de l'Etat, comme par exemple la
quatre-vingtième, dont la censure résonne le plus durement
à l'oreille moderne : « Romanus Pontifex potest ac débet cum
progressu, cum libéralisme» et cum recenli civilitate sese
(1) Geccoxi, loc. cit. Doc, (XXXI (Note du traduct.)
[360-361;
432 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
conciliare et componere. » Les termes de cette thèse, dit le
mémoire, sont empruntés à l'allocution Jam dudum du
18 mars 1861 ; compris suivant le contexte, ils signifient
simplement que le pontife romain ne pourra jamais accepter
un système qui, sous la brillante étiquette de progrès, de
libéralisme ou de civilisation, persécute et blesse de toute
manière l'Eglise catholique. « Systema apposite comparatum
ad debilitandam ac fortasse etiam delendam Christi Eccle-
siam. » A cette civilisation là appartient, par exemple, le
système qui domine en Italie : oppression des institutions
ecclésiastiques, entraves apportées au libre jeu des organes
de l'Eglise, réglementation de la presse catholique, confis-
cation des biens ecclésiastiques et autres mesures semblables.
« Nommons la chose par son vrai nom, dit le pape, et il appa-
raîtra clairement que le Saint-Siège est resté toujours égal à
lui-même. La véritable civilisation a toujours trouvé en lui
son défenseur et son soutien... Mais il ne peut pactiser avec
un système qui, sous le faux nom de civilisation, vise à la
destruction de l'Eglise (1). »
Pas plus que les propositions du Syllabus, continue le
mémoire, l'infaillibilité du Souverain Pontife parlant ex
cathedra, si elle venait à être définie, n'apporterait le
moindre changement aux rapports actuels de l'Eglise avec
l'Etat. Cette dernière assertion est l'objet d'une démonstra-
tion approfondie.
La seconde et la troisième question recevaient une réponse
négative avec motifs à l'appui. Et celle qui était faite au
aux dernières questions eût dû satisfaire pleinement la
diplomatie inquiète, si elle avait été animée envers l'Eglise
et le concile, de dispositions favorables.
De l'Université de Munich, la faculté de théologie envoya
le 21 août deux mémoires, l'un émanant de la majo-
(1) Ckcconi, loc. cit. Doc. CLXXI. (Note du trad.
[361-362]
LES DEUX MEMOIRES DE MUNICH 433
rite (i), l'autre de la minorité (2) des professeurs de théologie.
On confia d'abord au professeur Schmid, comme l'écrit (3) le
nonce apostolique au cardinal Antonelli, le soin d'élaborer
un mémoire. Lorsque l'auteur en présenta le plan à ses col-
lègues, Dollinger proposa des modifications auxquelles plu-
sieurs d'entre eux et en particulier Schmid, déclarèrent ne
pouvoir donner leur adhésion. On composa alors un nouveau
mémoire dans les idées de Dollinger, et ce travail retouché
bien entendu sur beaucoup de points, reçut l'approbation de
tous, sauf de Schmid. Ce dernier remit son propre mémoire
auquel le professeur Thalhofer avait adhéré bien que son
absence l'ait empêché de signer.
Le mémoire de la minorité s'accorde dans ses grandes
lignes avec celui des théologiens de AYurzbourg; il concluait
en ces termes : « Des réponses particulières faites aux cinq
questions, ressortent les conclusions dogmatiques suivantes :
L'approbation éventuelle par le prochain concile général du
Syllabus tel qu'il est, et la définition parle même concile de
l'infaillibilité du pontife romain parlant ex-cathedra, ne
pourraient amener directement et par elles-mêmes le chan-
gement du statu quo entre l'Etat et l'Eglise. Elles n'entraîne-
raient pas pour chaque chrétien, l'obligation en conscience-
de reconnaître comme de droit divin la suprématie du pape
sur les souverains et les gouvernements ; encore moins
l'origine divine des immunités personnelles et réelles du
clergé, aussi bien en général qu'en particulier. Enfin, à les
prendre simplement en elles-mêmes, elles n'exerceraient
aucune influence modificatrice sur renseignement populaire
(i) Stirnmen aus Maria-Laach. Xeue Folge, t. V (1869), p. 166 sqq. — Friedber<;,
Sammlung der Ahtensliicke ium ersten Vatikanischen Konzil, p. 298. — La traduction
italienne de Cecconi, loc. cit. Doc. GLXXII. —Ci. C. V. 1200 d.
(2) Stirnmen aus Maria-Laach. Xeue Folge, t. VI (1870), p. 196 sqq. — Friedberg,
loc. cit., p. 303 sqq. — La traduction italienne de Ceccoxi, loc. cit., Doc. CLXXUI.
Cf. C. V. 1201 a.
(3) Dépêches du 18 juin et du 23 août 1869.
[362]
434 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
pour ce qui regarde les rapports de l'Eglise et de l'Etat (i) ».
Le mémoire de la majorité parle tout autrement. Comme
les questions adressées par le ministère, la réponse est inspi-
rée de l'esprit de Jani s : le même savant, Dollinger (2), n'est-
il pas, en effet, l'auteur et le principal rédacteur de la consul-
tât ion. Cette dernière ne met pas en un jour favorable l'esprit
ecclésiastique et la valeur tliéologique de ses auteurs. Une
impression pénible se dégage déjà du seul fait que des théo-
logiens Catholiques soumettent à une critique de blâme une
déclaration doctrinale telle que le Syllabus, adressée par le
chef suprême de l'Eglise à tous les chrétiens de la catholi-
cité. Au jugement de ces théologiens, plusieurs propositions
du Syllabus, au moins dans la forme positive que leur a
donnée le P. Schrader, peuvent avoir pour les Etats des con-
séquences funestes; ou bien elles représentent un système en
opposition absolue avec les principes généralement admis
par eux, ou bien elles les attaquent directement. Voilà com-
ment les auteurs du mémoire croient devoir juger la 44e thèse
du Syllabus ainsi formulée par Schrader sous sa forme
positive : « Le pouvoir civil ne peut s'immiscer dans les
choses de la religion, de la moralk, et du droit ecclésiastique.
Il ne peut donc pas porter de jugement sur les instructions
que les pasteurs de l'Eglise publient, conformément à leur
charge, pour servir de règle aux consciences ».
C'est une pareille proposition que des théologiens trou-
vent dangereuse ! Veulent-ils donc réellement dénier à
l'Eglise le pouvoir suprême d'enseigner les choses de la
morale et prétendre qu'un Etat catholique peut exercer une
(1) Cecconi, Doc. CLXXIII. (Note du traducteur.)
(2) Dans les milieux libéraux, on fit ressortir la concordance du mémoire
avec l'ouvrage deJanus, en particulier dans la réponse à la quatrième question,
On remarquait aussi que « l'avis de la majorité des théologiens de Munich ren-
dait un témoignage irrécusable à la valeur et à la sûreté de doctrine de cet
écrit »(!)— Cf. M. Merkle, professeur de théologie et conseiller épiscopal ecclé-
siastique à Dïllingen : Krilik des Gtttachltns, etc. (Dillingen, 1869), p. ta).
[3(33]
LE MEMOIRE DE DOELLINGEK 435
juridiction d'appel en ces matières, rejeter des règles de
Conscience prescrites par l'Eglise, et en sanctionner d'autres
que l'Eglise rejette? — Avec quels égards et quels ménage-
ments pour le Syllabus, les auteurs du rapport présument
(|iic Schrader n'a pas dû bien comprendre la proposition de
l'acte pontifical ! — Ainsi donc, pour eux, il appartient au
pouvoir civil de juger les instructions des pasteurs de l'Eglise
destinées à éclairer les consciences? Comme le pouvoir civil
u'est pas infaillible, il lui arrivera bien aussi une fois
ou l'autre, de prescrire une fausse règle de conscience, et
l'Eglise n'aura qu'à se taire devant une telle perversion par
l'Etat des principes de la morale, (''était donc une préten-
tion injustifiée des apôtres de propager dans l'empire
romain la morale chrétienne, si opposée à celle que la Rome
païenne tenait en haute estime ; et les martyrs ont eu tort
de se laisser guider par la religion chrétienne dans leurs
affaires de conscience, et de résister jusqu'à la mort aux
injonctions delà morale de l'Etat païen! — Ou peut-être,
les auteurs du mémoire de la majorité voudront-ils prétendre
qu'évidemment ce n'est pas l'Etat païen, mais l'Etat chré-
tien, qui a la juridiction supérieure dans les questions de-
I morale? Mais alors comment l'Etat, quand il devint chrétien
a-t-il obtenu ce droit de décider en dernier ressort des
I questions de morale? Ne devenait-il point, par cela même
qu'il devenait chrétien, le disciple de l'Eglise? Et si un Etat
j chrétien venait à soutenir des idées anti-chrétiennes, socia-
listes par exemple, l'Eglise n'a-t-elle pas alors le droit de
II s'élever contre elles, bien plus encore qu'elle ne l'avait
I autrefois, et de condamner ces doctrines, en honneur dans
l'Etat païen quand elle apparut au monde?
Arrêtons là cette critique du mémoire consultatif. Xotre
tâche n'est pas de nous engager dans le détail de ses divers
articles. Plusieurs réfutations parurent; il y en' eut une
courte-, mais très au point, dans la revue publiée par Scheeben
[363-364]
436 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
sous le titre : Bas ôkumenische Konzil (i). M. Merkle dans
la Kritik des Gutachtens déjà mentionnée (2), réfute de main
de maître la réponse des professeurs de Munich à la quatrième
question. Enfin le P. Deharbe S. J., d'abord dans une
explication que publièrent les Stimmen aus Maria-Laach (3)
et plus tard dans un écrit spécial (4), se défendit contre
une censure manifestement fausse qui dans le mémoire
frappait ses catéchismes.
La faculté de droit de Munich (5) ne s'occupa que de la
première question posée par le ministère, encore son mé-
moire n'en eonsidère-t-il qu'un point : si la définition pos-
sible du Syllabus et de l'infaillibilité pontificale introduirait
des changements dans la doctrine des rapports entre l'Kglist
et l'Etat, telle quelle a été enseignée et pratiquée en Bavière
jusqu'à ce jour. Dans la réponse à cette questionne mémoire
observe d'abord qu'aucune définition ne peut en elle-même
et par elle-même modifier les rapports de l'Etat avec l'Eglise;
les propositions dogmatiques de l'Eglise ne sont pas, ei
effet, par leur nature, des principes de droit que l'Etat soi
tenu de reconnaître comme règle, dans la sphère où il se meut.
Cependant, ajoute-t-on ensuite, les dogmes de l'Eglise qui
seraient en contradiction avec le droit actuel y pourrai ei
amener du changement en tant que les autorités ecclésias
tiques et des laïcs zélés s'efforceraient de modifier légalement
la partie du droit actuel qui contredirait ces dogmes. Après
cette remarque vient la réponse : « La définition dogmatique
des propositions du Syllabus et de l'infaillibilité pontificale
(1) I, 131 sqq.
(2) Voyez plus haut, p. 434, note 2.
(3) Nette Folge. Heft V. p. 171.
(4) Das Gutachten der Miinchener theologischen Fakultat liber die Katechismusfrage.
Ratisbonne, 1869.
(5) Frieduerg, loc. cit., p. 313 seqq. Un extrait s'en trouve dans les Stimmmen
aus Maria-Laach. N eue Folge, Heft VI (1870), p. 202 sqq. — La traduction ita-
lienne dans Ceccoxi, loc. cit. Doc. CLXXIV. - Cf. C. V. 1201 a.
[364-365J
M E MOIRE DE LA FACULTE DE DROIT 437
modifierait dans leurs principes les rapports actuels de l'Etat
et de l'Eglise; presque toute la législation relative à la condi-
tion juridique de l'Eglise en Bavière, serait mise en ques-
tion, a Une définition éventuelle de l'infaillibilité pontificale
sera considérée comme contraire au droit public actuel,
parce que par elle deviendraient articles de foi les décrets
antérieurs des Papes, dans lesquels ils attribuent à l'Eglise
la suprématie sur l'Etat, comme la bulle de Boniface VIII :
Unam sanctam. Une définition des propositions du Syllabus
est contraire au droit public actuel, parce que nombre
d'entre elles le contrediraient, comme la condamnation de
la 42e thèse : En cas de conflit entre les lois des deux pou-
voirs, c'est le droit civil qui l'emporte.
Les auteurs du mémoire se plaçant entièrement au point
de vue de l'omnipotence de l'Etat, lui attribuent le droit
exclusif de fixer à l'Eglise les limites de sa puissance, et vont
même, par exemple, jusqu'à se scandaliser de la thèse
condamnée dans le Syllabus à la 19e proposition : « L'Eglise
est une société vraie et parfaite, pleinement libre (ce mot est
noté dans le mémoire d'un point d'exclamation), et elle
possède des droits propres et constants, dont elle a été investie
par son divin fondateur, et il n'appartient pas au pouvoir
civil de définir quels sont ces droits et dans quelles limites
elle peut les exercer. » Cette doctrine, l'Eglise l'a sans aucun
doute toujours professée dès son origine, et si elle ne s'était
pas attribué des droits propres, qu'elle tenait du Christ et
non pas du pouvoir civil, ni sa naissance, ni son expansion
n'eussent été possibles. / Celui qui ne reconnaît point à
l'Eglise des droits propres et la pleine liberté de les exercer,
doit par voie de conséquence lui dénier tout droit à l'exis-
tence et nier son origine surnaturelle.
Un membre de la faculté, le conseiller d'Etat von Bayer,
accompagna le mémoire d'un votum personnel dans lequel il
déclarait se séparer en plusieurs points de ses collègues.
28
[365-366]
438 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Son jugement est mitigé relativement aux dangers que la
définition du Syllabus et de l'infaillibilité pontificale ferait
naître pour l'Etat. Le seul motif qu'il ait de craindre pour
celui-ci, et plus encore pour l'Eglise, est la condition extrê-
mement dure à laquelle la définition réduirait les eatlioliques :
ils seraient désormais tenus en conscience d'obéir, d'un côté
aux lois civiles, de l'autre aux lois ecclésiastiques contraires
aux premières. Les Pères du concile ne peuvent ignorer les
dangers qui les menacent; et comme tous leurs efforts tendent
nécessairement à procurer le bien de l'Eglise, l'auteur tient
(c pour impossible qu'ils accueillent (en supposant qu'on les
leur présente) des propositions pleines de funestes consé-
quences pour l'Eglise, au moins dans une grande partie du
monde catholique » (i).
Toutefois, au point de vue catholique, on doit admettre
que les évêques, et surtout le Saint-Esprit qui les conduit,
sont animés des meilleures intentions vis-à-vis de l'Etat et
de l'Eglise, et qu'ils auront sur les projets à présenter au
concile des vues plus larges et un jugement plus sûr que les
membres de la faculté de droit de Munich ; on peut donc en
toute sécurité s'en remettre à eux pour les articles de foi
à définir.
Le ministère bavarois ne se contenta point de soumettre
ces cinq questions aux universités : il s'efforça, en outre,
d'amener le grand-duché de Bade, le Wurtemberg et la
Prusse à faire de même ; mais aucun de ces gouvernements
n'entra dans ses vues. Le cabinet de Stuttgard donna une
réponse évasive et aurait, dit-on, ajouté qu'il ne voulait pas
faire une chose aussi désagréable au Saint-Siège (2). Le gou-
vernement de Bade, invité à présenter les cinq questions à
l'université d'Heidelberg, répondit que celle-ci étant protes-
(1) Friedberg, loc. cit.. p. 323 sqq. — Traduction italienne dans Gecconi,
loc. cit. Doc. CLXXV. — Cf. C. V. 1201 a.
(2) Le nonce Meglia au cardinal Antonelli, le 18 juin 1869.
\;.m}
L ATTITUDE DO GOUVERNEMENT BAVAROIS 439
tante, il ne jugeait pas convenable de demander à une univer-
sité protestante son opinion en de semblables matières;//
encore moins se sentait-il disposé à demander l'opinion de
l'université de Fribourg (i). A Berlin le prince de Hohenlolie
traita la question en personne. Bismarck lui répondit que
l'affaire n'étant pas de sa compétence, il l'avait communiquée
au ministre des cultes; celui-ci l'examinerait et déciderait
ensuite s'il y avait lieu de solliciter de l'université de Bonn
son opinion sur ses questions (2).
Quelques journaux annoncèrent aussi que le prince de
Hohenlolie avait fait une démarche auprès de Napoléon III
pour l'engager à rappeler ses troupes de Rome au début du
concile. Mais cette affirmation paraît dénuée de fondement;
car lorsque le nonce apostolique demanda au prince, à la fin
d'octobre, s'il s'occupait encore des affaires du concile, et s'il
y avait quelque chose de vrai dans la nouvelle publiée par les
journaux, le prince répondit qu'il n'avait cure des bruits mis
chaque jour en circulation par les journaux, et que depuis
sa circulaire du 9 avril il ne s'était plus occupé du
concile (3).
Quand le marquis de Cadore, ambassadeur de France à
Munich, communiqua au prince de Hohenlolie l'intention
qu'avait le gouvernement français de n'envoyer au concile
aucun représentant à titre permanent, le prince répondit à
l'exposé des motifs qu'il appréciait la valeur de ces raisons,
et qu'il comptait recommander à son roi de garder la même
attitude (4).
Les évêques de Bavière notifièrent au roi leur départ pour
le concile. Dans la réponse que le ministère leur adressa par
1
(1) Le nonce Meglia au cardinal Antonelli, le 18 juin 1869.
(2) Meglia à Anionelli, s juillet 1869.
(3) Dépêche à Ant.inelli, fin octobre 1869, suivant une feuille insérée à la suite
de la lettre du 27 octobre.
(4) Lettre de Cadore au Ministre des Affaires Etrangères de France; 22 septem-
bre 1869. G. V. 1201 a. b. - Gegconi, loc. cit. Sez. II, Doc. CLXXVI.
[366-367]
440 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ordre du roi (i), on lit que le gouvernement attend les déci-
sions du concile avec impatience, mais non sans inquiétude.
Son plus vif désir doit être de voir les faits démentir toutes
les craintes actuelles; aussi a-t-il été satisfait de prendre
connaissance de la lettre des évèques de Fuida (2). // Si le
concile anime ses décisions de l'esprit de cette lettre, on
n'aura à redouter aucune opposition entre les décrets du
concile et la Constitution bavaroise, et, continue la commu-
nication ministérielle, « nulle difficulté n'empêchera alors
Sa Majesté le Roi d'autoriser la promulgation et l'exé-
cution de ces décrets en Bavière, autorisation requise par la
charte constitutionnelle et expressément réservée au roi par
la présente déclaration. » Le ministère exprime ensuite
l'espérance « que les citoyens non catholiques ne seront poin
inquiétés, et surtout que les évêques de Bavière ne se prête-
ront pas à la rédaction de décrets qui seraient en désaccord
avec les principes fondamentaux de la Constitution bavaroise,
la prospérité générale de l'Etat, la concorde entre les diverses
confessions religieuses et la liberté de conscience garantie
par les lois. »
Le gouvernement prussien se montra beaucoup moins
préoccupé au sujet du prochain concile que celui de Bavière.
Lorsque le général von Boeder, chargé d'affaires de la Prusse
auprès de la Confédération helvétique, avait, conformément
au désir du président du Conseil fédéral suisse, demandé au
comte de Bismarck, qui dirigeait alors la politique de la
Prusse, quelle attitude celle-ci prendrait vis-à-vis du
concile, Bismarck répondit, le 23 mars 1869, que son gouver-
nement n'avait point eu encore l'occasion d'examiner cette
question, qu'il n'était donc pas en mesure de donner une
réponse pleine et détaillée. Cependant, ni les espérances
:;
(1) C. V. 1201 d. sqq.. — Cecco.m, loc. cit. Doc. CLXXVIII.
(2) Voir plus haut p. 291.
[3H7-368]
ATTITUDE DU GOUVERNEMENT PRUSSIEN i \\
démesurées, ni les craintes que le concile faisait naître de
divers côtés ne lui paraissent fondées. « La participation des
êvêques prussiens, dit-il plus loin, sera libre, et nous n'y
mettrons point obstacle; le gouvernement, lui, ne peut comme
tel songer à prendre part au concile. Si toutefois l'on venait
à usurper sur le domaine civil, nous saurions sauvegarder
les droits de l'Etat, mais nous ne voyons aucun sujet de nous
en préoccuper et de prendre nos mesures à l'avance (i). »
Ce programme, le ministère prussien l'observa, en somme,
fidèlement, tandis que le ministre plénipotentiaire de la
Prusse auprès du Saint-Siège à Rome, M. le comte d'Arnim,
poussait déjà, comme il le fit surtout et d'une manière
constante durant le concile, à une intervention de son gouver-
nement. Le 14 mai 1869, il écrivait au président du conseil
von Bismarck (2), qu'il n'éprouvait aucune inquiétude devant
la question qui troublait tant le prince de Holienlolie, //
c'est-à-dire si l'infaillibilité pontificale serait définie, mais
qu'il n'en était pas de même sur les travaux de la commis-
sion politico-ecclésiastique. Sans aucun doute, dit-il, « les
gouvernements ont le droit et peut-être même le devoir,
de s'opposer, le moment venu, au dessein qu'elle pourrait
avoir d'user de son pouvoir dogmatique, pour proclamer
sur les rapports entre l'Eglise et l'Etat des principes
capables de changer ce qui existe actuellement en droit et
en fait. Quels sont les travaux préparatoires accomplis
jusqu'ici? On l'ignore ! Il est donc impossible d'élever contre
eux une protestation ; une chose demeure cependant incon-
testable : « c'est que l'on discute à Rome la question des
rapports de l'Eglise et de l'Etat, avec la prétention d'établir
en cette matière des règles obligatoires, sans même con-
sulter l'Etat, l'autre partie contractante pourtant, qui, sur
(1) Lettre de Bismarck au général von IWder. C. V. 1202 d. sq.
(2) Lettre d'Arnim à Bismarck. C. V. 1203 h. sqq. — Gecconi, loc. cit.
Doc. CLXXIX.
[368-369]
442 HISTOIRE DF CONCILE DU VATICAN
ce même point, aies mêmes droits, et possède, lui aussi, le
pouvoir législatif. » Voilà un fait contre lequel pourraient
et devraient protester les gouvernements. Mais la simple
protestation ne suffit pas, il faut en même temps deman-
der l'admission aux délibérations du concile d'un ou de plu-
sieurs orateurs. Le représentant de la Prusse propose donc
au comte de Bismarck de provoquer un accord des gouverne-
ments de l'Allemagne, et, le cas échéant, de demander à
Rome « qu'on admette aux délibérations du concile un ou
plusieurs représentants de la Confédération, ou d'une ligue de
l'Allemagne spécialement créée dans ce but.
Le comte de Bismarck fit au roi un rapport sur cette affaire,
puis, dans une longue réponse du 26 mai, à d'Arnim, il lui
exposa (1) l'attitude que comptait prendre le gouvernement,
avec les raisons à l'appui. Tout d'abord il rejette la proposi-
tion de faire représenter l'Etat au prochain concile par des
plénipotentiaires, conformément à l'usage suivi par les gou-
vernements pour les conciles antérieurs. Rome, croit-il, n'ac-
corderait certainement aucune représentation auprès du
concile à des gouvernements protestants; mais, raccorderait-
elle, ces représentants auraient au concile une positioi
bien délicate, et seraient regardés avec défiance. Dès lors
et c'est inévitable, la dignité des souverains se trouverait
constamment offensée. On ne reconnaîtrait pas aux plénipo
tentiaires le droit de veto. Quant à protester, c'est toujours-
une tâcbe ingrate, et cet acte n'a de valeur qu'autant
qu'on est assez fort pour empêcher ce contre quoi on
proteste. / Mais si le concile, sans tenir compte de la pro-
testation des représentants, passe outre à de nouvelles
décisions, les gouvernements, dit Bismarck, seront alors
dans une situation bien plus fâcheuse que s'ils se trou-
vaient simplement en face de jugements rendus sans leur
(1) G. V. 1206 a. sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CLXXX.
I369-370J
INSTRUCTIONS DE BISMARCK A D ARNIM i 43
participation et en l'absence de leurs plénipotentiaires.
.Mais la principale difficulté est celle-ci : Toute la participa-
tion de la puissance séculière à un concile, reposait sur un fon-
dement qui a aujourd'hui disparu a sur une théorie des rapports
entre l'Eglise et l'Etat qui appartient au passé, et qui n'avait
de sens que tant que l'Etat avait affaire à l'Eglise catholique,
comme à l'Eglise unique et universelle. Au concile de Trente
même, au moins dans les commencements et durant les prépa-
ratifs, cet ancien usage fut observé. Les gouvernements et les
communautés protestantes ne pouvaient être encore considè-
res comme irrévocablement séparés de l'Eglise; ils purent
être invités au concile. Les rapports entre l'Eglise et l'Etat
étaient alors intimes, et en quelque sorte légalement établis,
c'est-à-dire juridiquement reconnus par l'Eglise. Le droit
canon avec tout l'arsenal de ses décisions, y compris celles
qui traçaient les limites des deux pouvoirs, civil et ecclé-
siastique, avait encore en ce temps-là quelque valeur pour
l'Etat. C'est pourquoi les gouvernements pouvaient, sous
certaines conditions juridiquement déterminées, prendre
part aux délibérations et aux règlements des affaires ecclé-
siastiques ; et ils le faisaient au concile par le moyen de leurs
orateurs. Voilà pourquoi aussi on leur demandait ensuite si
en acceptant les décrets du concile, ils entendaient reconnaî-
tre comme faisant partie de leur droit public les change-
ments introduits par ees décrets dans les affaires politico-
ecclésiastiques. — Cette situation aujourd'hui, pour nous du
moins, est absolument différente... »
« Pour la Prusse, écrit Bismarck, il n'y a eonstitutionnel-
lement et politiquement qu'une attitude possible : laisser à
l'Eglise sa pleine liberté dans les matières religieuses, mais
repousser énergiquement tout empiétement sur le domaine
de l'Etat. L'Etat ne peut se permettre de provoquer lui-
même la confusion des deux pouvoirs, comme cela arriverait
s'il envoyait des orateurs au Concile. »
[370]
444 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Le président du Conseil invite ensuite le représentant de
la Prusse à bien se pénétrer de cette manière de voir du gou-
vernement; il juge, de plus, opportun que les Etats signi-
fient leur ferme intention de ne souffrir aucun empiétement
du concile sur le domaine de l'Etat; // de telles déclarations,
de tels avertissements sont assez justifiés par la simple exis-
tence de la commission politico-ecclésiastique. Le roi l'a
donc autorisé à entamer des négociations confidentielles avec
le gouvernement bavarois, au besoin avec les autres Etats
de l'Allemagne du Sud, afin d'exercer sur la curie romaine,
si possible, au nom de toute l'Allemagne, une action com-
mune et de lui donner la conviction certaine qu'elle rencon-
trera,de la part des Etats allemands, une résistance énergique
à tout empiétement qu'elle se permettrait.
Los négociations que Bismarck se propose de faire ici,
eurent lieu entre les gouvernements allemands ; cela ressort
d'une lettre qu'il adressa le n août au prince de Holienlolie (i).
« Les négociations entamées, écrit-il, entre les divers Etats
de l'Allemagne )» ne sont pas restées sans produire quelque
impression à Rome. A son avis, le pape est à Rome sous l'in-
fluence d'un parti fanatique qui travaille à troubler la paix
religieuse et politique de l'Europe. « Le pape, cependant,
écrit-il, devant la résistance qui se manifeste en Allemagne
est devenu, parait-il, plus prudent et moins accessible aux
influences de ce parti. »
En septembre 1869, l'archevêque de Cologne, Mgr Melcliersj
avait écrit au ministère prussien une lettre à propos du con-
cile; le ministre des cultes, M. de Mûhler, lui répondit le
8 octobre et communiqua cette réponse aux autres évèques (2).
Il leur expose brièvement quelles idées, quels principes
régleront l'attitude du gouvernement vis-à-vis du concile :
(1) C. V. 1208 a. sqq. — Ceccom, Ioc. cit. Doc. CLXXXI.
(2) C. V. 1208 c. sqq. — Ceocoxi, Ioc. cit. Doc. CLXXXII.
[370-371J
INSTRUCTIONS DE BISMARCK A 1) AKNIM 44S
à l'égard de ce dernier, pleine liberté est assurée aux évê-
ques. Les limites dans lesquelles l'Eglise peut se mouvoir
librement, comme aussi les matières et les questions qui sont
du domaine de l'Etat sont clairement déterminées. Le res-
pect de ces limites est exig'é par l'intérêt de l'Eglise comme
par celui de l'Etat. On exprime aux évêques l'espoir qu'ils
sauront, même liors de leur patrie, se montrer fidèles sujets
de Sa Majesté. Le pouvoir, de son côté, est franchement
résolu à maintenir à l'intérieur la jurisprudence et la paix
actuelles. Mais aussi, il veillera à prévenir et à combattre,
au besoin, toute cause de trouble, assuré qu'il est de se
trouver, le cas échéant, pleinement d'accord avec tous les
gouvernements chrétiens.
Le représentant de la Prusse, M. d'Arnim, qui pendant
l'été ou l'automne de 1869 se trouvait à Berlin, y avait
exposé, dans un mémoire, la différence qui régnerait durant
le concile entre la position de l'envoyé prussien à Rome et
celle des ambassadeurs des puissances purement catholiques.
Le mémoire de d'Arnim, et probablement aussi un nouvel
effort qu'il tenta dans le sens d'une intervention positive de
la Prusse, fournit à Bismarck l'occasion de lui adresser un
nouvel exposé bien clair sur l'attitude de son gouvernement
vis-à-vis du concile, et il l'invita à se bien pénétrer des prin-
cipes indiqués ; ceux-ci nous sont déjà connus. En terminant,
Bismarck prévient son représentant d'éviter dans ses
relations avec les évêques du concile la plus légère apparence
de vouloir les influencer; il l'avertit de se prononcer toujours
dans le sens de la modération et de la circonspection, mais
aussi avec pleine assurance et fermeté. Pour lui faciliter ces
relations et son rôle de tranquille observateur, pour le mettre
en état d'apprécier du point de vue de l'Eglise catholique les
événements qui se produiraient dans le concile, Bismarck
lui promet de mettre à ses côtés, selon son désir, « un ecclé-
siastique ou un théologien catholique, homme de confiance
r37i-372j
446 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
et correct au point de vue tant religieux que politique » (i).
M. d'Arnim lui même avait proposé pour ce poste M. Giese,
chanoine de la cathédrale de Munster, comme nous l'indique
une lettre de ce dernier à M. de Montel, à Rome. Dans cette
lettre (2) que nous avons sous les yeux, il écrit que le comte
d'Arnim a l'ait sa connaissance à Rome l'hiver précédent ; le
représentant prussien sait qu'il n'est animé d'aucun sentiment
hostile contre son gouvernement, et que, de plus, il est fran-
chement dévoué à l'Eglise, ce qui fera de lui un personnage
agréable à Rome. « Sa Majesté, poursuit le chanoine, a
approuvé ce plan, et, par l'entremise du ministre des cultes,
a chargé notre président supérieur d'engager des négocia-
tions confidentielles entre M*r l'évêque de Munster et moi.
Monseigneur a donné sur-le-champ et de très grand cœur son
approbation, et a vu dans cette proposition une heureuse
marque de l'empressement du gouvernement à prendre, vis-à-
vis de l'Eglise au sujet du concile, une attitude conforme à
la justice. Conséquemment, j'ai moi aussi manifesté mon
intention de faire taire mon désir personnel d'être délivré
d'une pareille mission, pour l'accepter au contraire si le
bien de l'Eglise et de l'Etat l'exigeaient. » / Le chanoine
Giese prie M. de Montel de s'enquérir auprès du cardinal
secrétaire d'Etat ou du secrétaire général, de ce que l'on
pense à Rome au sujet du poste qu'on lui propose. Aucun
document ne nous dit quelle a été la réponse. Elle ne
paraît pourtant pas avoir été défavorable, car le projet fut
maintenu, bien que pour une autre raison il n'ait pas été exé-
cuté. En effet, avant d'accepter définitivement, le chanoine
demanda à Berlin des instructions précises sur la mission
qu'il devait remplir à Rome; c'est d'elles qu'il voulait faire
dépendre son adhésion. On lui répondit qu'il les recevrait a
(1) Lettre à M. d'Arnim du 12 novembre 1869. C. V. 1209 c. sqq .
(2) Du 19 novembre 1869.
[372-373]
L ATTITUDE 1)1' GOUVERNEMENT AUSTRO-HONGROIS il"
Rome du comte d'Arnim. Cela ne suffisait point à M. le cha-
noine Griese; il écrivit au ministère pour décliner l'offre, et le
gouvernement ne se mit point davantage en peine de trouver
un théologien catholique pour assister son représentant à
Rome (i).
Les gouvernements d'Autriche et de Hongrie prirent la
même attitude que celui de Prusse (2). Tous deux rejetèrent
la proposition que leur faisait la circulaire bavaroise (3). Ils
garantirent la liberté de l'Eglise à l'égard du concile, étant
donné qu'en Autriche-Hongrie la liberté était assurée à
toutes les confessions religieuses pour leurs affaires inté-
rieures. On ne pouvait, disait-on, juger encore de la tournure
que prendrait le concile; et l'on avait confiance que les évè-
ques travailleraient au maintien de la paix entre l'Eglise et-
l'Etat (4). Quant à la participation au concile des princes
séculiers (5), la curie romaine ne pourrait ni ne voudrait s'en
tenir à l'ancien usage ; aucune invitation n'est venue solli-
citer l'envoi de représentants, ce qui est d'ailleurs conforme
aux désirs de ces Etats (6). — Si le concile se permettait
d'empiéter sur les attributions et les droits du pouvoir civil,
l'éventualité ne serait pas négligée. Bien entendu, les Etats
feraient d'abord individuellement des démarches pour dis-
suader le concile par leurs remontrances, mais ensuite, les
divers gouvernements pourraient juger nécessaire ou utile
de délibérer en commun pour défendre de concert les droits
souverains de l'Etat. // Par contre, la simple présomption
(1) D'après une lettre du 18 décembre 1860 adressée par le nonce de Munich
au secrétaire d'Etat Antonelli. La lettre se trouve aux archives.
(2) Lettre du comte deBeust au comte Ingelheim, envoyé autrichien à Munich,
C. V. 1211 b. sqq. — Gecconi, loc. cit. CLXXXIV. — Lettre du duc de Gramont,
ambassadeur de France à Vienne, au prince de la Tour d'Auvergne. G. V.
1213 b. s cj c r . — Gecconi, loc. cit. Doc. GLXXXV. — de Beust au comte de Trautt-
mansdortF. C. V. 1214 a. sqq. —Gecconi, loc. cit. Doc. GLXXXVI.
(3) C. V. 1212 b.
(4) Ibid. 1212 c.
(5) Ibid. 1212 d.
(6) Ibid. 1214 d.
[373]
448 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
que de tels empiétements sont possibles ne saurait fournir
de motif suffisant à des conférences diplomatiques (i).
L'ambassadeur d'Autriche à Rome, le comte Trauttmans-
dorff reçut comme instruction de s'interdire toute interven-
tion directe dans les affaires du concile, mais il devait suivre
attentivement tout le cours des événements à Rome et en
instruire exactement le gouvernement (2). Tout en témoi-
gnant comme le gouvernement le désire, une bienveillante
sympathie pour le concile, il ne devra laisser s'élever aucun
doute sur la ferme résolution du gouvernement de repousser
tous empiétements sur le domaine politique, et toutes
atteintes portées à la législation actuelle (3).
Le Conseil fédéral suisse adopta absolument la même ligne
de conduite vis-à-vis du concile. Il ne crut point avoir plus de
raison que les autres Etats de se ranger à la proposition du
prince de Hohenlolie (4).
X'ne importance toute spéciale s'attachait pour le concile à
l'attitude qu'observerait le gouvernement français. Celui-ci,
en effet, protégeait Rome avec ses troupes et c'était de lui que
dépendait la sécurité contre toute surprise du côté de l'Italie.
Or, la France resta longtemps indécise au sujet de l'attitude
qu'elle adopterait en face du concile.
Déjà les 9 et 10 juillet 1868, on avait parlé au Corps légis-
latif de la question du concile ; Emile Ollivier, alors simple
député, s'étendit sur ce sujet d'une façon très détaillée (5).
Ses idées sur l'attitude proposée au gouvernement, sont
d'autant plus importantes que, appelé plus tard à la tête du
ministère, il dirigea la politique de la France durant le
concile.
(1) C. Y. 1213 a; 1214 sq.
(2) Ibid., 1214 c.
(3) Ibid., 1214 d. sq.
(4) Ibid., 1215 b. sqq. — Cecconï, loc. cit., Doc. CLXXXVJI.
(5) G*. V. 1216 b. sqq. — Cecconï, loc. cit., Doc. CLXXXVIII.
[374]
L ATTITUDE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS 449-
Dans son discours, il prête au gouvernement français les
droits les plus étendus à intervenir dans les affaires du
concile, avant, pendant et après sa convocation. Tout ce
qu'ont pu faire anciennement les rois de France dans les
conciles, l'empereur Napoléon III a, d'après lui, le droit de le
faire au concile du Vatican « Ainsi, dit Ollivier, en premier
lien, avant le concile, l'Etat a le droit d'autoriser ou de
défendre la publication de la bulle pontificale ; il a le droit
d'autoriser le départ des évêques ou de l'empêcher : les
articles i et 20 des lois organiques le décident en termes for-
mels. / Pendant le concile, aujourd'hui comme dans l'ancien
droit, l'Etat a la faculté d'envoyer des ambassadeurs qui
siégeront dans les réunions théologiques, et auxquels mandat
pourra être conféré de lire des lettres ou de prononcer des
harangues. Le texte sur lequel je m'appuie est d'autant moins
contestable, qu'il est tiré non des lois organiques, mais du
concordat. L'article 16 est, en effet, conçu ainsi : « Sa Sain-
teté reconnaît au premier consul de la République fran-
çaise les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près
d'elle l'ancien gouvernement. » Enfin, Messieurs, après le
concile, l'Etat a le droit d'examiner les décrets rendus, de les
accepter, de les repousser. Cela est formellement écrit dans
le troisième article organique (1). »
L'orateur, après avoir indiqué le changement complet des
situations, pose la question s'il est à propos de se servir
encore effectivement à notre époque, du droit qu'il attribue
au gouvernement ; sa réponse, très nette, est négative :
« Que le gouvernement, dit-il, ne mette aucun obstacle à la
publication des bulles et à l'annonce du concile; qu'il ne
ne fasse nul empêchement au départ des évêques pour
Rome; qu'il les autorise à aller occuper leur place dans
l'assemblée solennelle et à y exprimer sans entraves leurs
(i) C. V. 1218 a sq.
[374-375J
450
HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
opinions; qu'il laisse à tous la liberté la plus entière, la plus
absolue ; mais, Messieurs* qu'après avoir laissé aux autres leur
liberté, il conserve la sienne; qu'il s'abstienne donc, qu'il ne
participe à rien; car participer, ce serait accepter la respon-
sabilité sans s'être assuré l'influence. Est-il cligne d'envoyei
des ambassadeurs qui seraient probablement accueillis
comme des intrus, et qui, eux aussi, seraient là, adstantibus
et non judicantibus, comme témoins et non comme juges?
— Quand on représente une puissante société moderne,
quand on représente la France, on ne doit pas se placer dans
une pareille situation. Qui nous dit, d'ailleurs, qu'on nous
accueillerait? La manière dont le concile est publié permet
d'en douter (i). » Ollivier s'étend alors davantage sur ce
point et constate en particulier que l'invitation aux princes
qui était d'usage dans les conciles antérieurs a été omise; il
voit là une tentative émanée du Pape lui-même, de séparei
l'Eglise et l'Etat, et à son tour il prononce le mot de sépa-
ration.
Du discours de M. Baroche, ministre de la justice et des
cultes, qui prit la parole après Ollivier, il ressort que le gou-
vernement n'avait pas encore décidé quelle attitude il pren-
drait à l'égard du concile (2); il réclamait encore du temps
pour délibérer.
Le 9 avril de l'année suivante, date de la circulaire
Hohenlohe, Ollivier adressa au ministère trois questions
1" Les évêques seront- ils autorisés à se rendre au concile
en toute liberté? 2" Comment s'y rendront-ils? Sera-c(
en toute liberté, ou bien devront-ils, avant leur départ,
s'entendre avec le gouvernement sur la façon dont ils
comptent traiter les matières qui concernent l'Etat? 3" L(
gouvernement lui-même interviendra-t-il et se fera-t-il
représenter par des ambassadeurs'.''
(1) C.V. 1220 c. sq.
(2) Ibid. L229a sqq.
[375-376]
L ATTITUDE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS 4SI
A la première question. Baroche répondit que les évêquea
seraient absolument libres de se rendre au concile; à la
seconde, il déclara qu'aucun accord préalable entre le
gouvernement et les évoques n'avait été prévu. « Us se
rendront à Rome, dit Baroclie, avec leur dignité person-
nelle, avec leur indépendance, avec leur conscience, avec leur
patriotisme.» Quant à la troisième question, celle des repré-
sentants auprès du concjje, le ministre ne put encore y faire
de réponse (i).
Le gouvernement français penchait alors, semblait-il, à en-
voyer des ambassadeurs au concile; et pendant l'été de 1869,
il engagea des négociations avec le Saint-Siège, par l'organe
de son ambassadeur* en vue de décider comment cette repré-
sentation pourrait se faire (2). Il parait que Pie IX se montra
tout prêt à donner aux ambassadeurs accès au concile (3).
Mais en fin de compte, le gouvernement français décida de
s'abstenir d'envoyer au concile un représentant spécial (4);
et cette décision fut même prise, comme l'empereur Napo-
léon III le dit dans la suite au nonce à Paris (5), malgré
l'avis contraire de quelques évoques.
Le prince de la Tour d'Auvergne, ministre des affaires
étrangères, communiqua cette décision le 8 septembre, aux
agents diplomatiques de la France à l'étranger (6). Il y reven-
dique comme un droit pour les gouvernements, la faculté de
se faire représenter au concile, non pas évidemment, pour
intervenir dans une discussion dogmatique, mais bien pour
(i) Ibid., 1230 a sqq.
(2) Revue du monde catholique, XXV,89I, d'après le Mémorial diplomatique,
Cf. Revue, etc ,XXV1, 127.
(3) Ibid. — En outre : Ollivier (L'Eglise et l'Etat, etc , 1,508 sq) nous assure
que Pie IX et le cardinal Antonelli avaient manifesté à plusieurs reprises aux
ambassadeurs français leur intention favorable d'admettre au concile des repré-
sentants du gouvernement. — Voyez plus haut, page 154.
(4) Lettres du nonce Chigi au cardinal Antonelli. 31 août et 7 septembre 1869.
(5) Le même au même, le 7 octobre 1809.
(6) C. V. 1231 b. sqq. — Cecconi, toc. cit. Doc. CLXXX1X.
[376-377]
452 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
y défendre les privilèges de l'Etat. Cependant le gouverne-
ment impérial, au dire du ministre, verrait aujourd'hui dans
l'usage de ce droit de sérieux inconvénients; son interven-
tion pourrait rengager dans des débats pénibles, sans lui
donner la certitude d'y l'aire prévaloir son avis et l'exposerait
au danger de fâcheux conflits. Bien cpie les lois du pays
suffisent pour défendre ses droits, le gouvernement est loin
de considérer comme sans intérêt pour lui l'assemblée
convoquée par le Saint-Père. C'est un événement de la plus
haute importance. Le gouvernement impérial y fera usage
de son influence, mais sans recourir à un ambassadeur
extraordinaire; il confiera cette mission auprès du concih
à son représentant ordinaire près le Saint-Siège.
Le cardinal Antonelli exprima sa satisfaction de ce que
le gouvernement impérial ne voulût point envoyer de repré-
sentant au concile. C'est ce que le vicomte de Croy, chargé
d'affaires ele France à Rome, écrivait le 22 septembre ai
ministre eles affaires étrangères (1).
Le prince de la Tour d'Auvergne se mit donc, conformément
aux décisions du gouvernement, à élaborer, de concert avec
M. Duvergier, ministre des cultes, une instruction (2) pour
l'ambassadeur à Rome, qui fut révisée par l'empereur
Xapoléon (3) : « Tout en réservant, y est-il dit, d'une manière
formelle, la liberté de notre jugement et de nos résolutions
ultérieures, notre intention est de manifester loyalement,
par les organes habituels de nos communications avec la
cour de Rome, chaque fois que nous croirons pouvoir le
faire utilement, nos impressions sur la marche que prendront
les délibérations du concile, sur l'opportunité des questions
(1) C. V. 1232 cl. sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CXC. — Pareille assertion se
retrouve plus tard dans un rapport émané du marquis de Banneville, le nouvel
ambassadeur de France à Rome. C. Y. 123b' c. sqq. — Cecconi, loc. cit.
Doc. GXCI.
(2) C. Y. 1233, b. sqq.
(3) Ollivier, L'Eglise et l'Etal, etc., I, 519.
f377l
INSTRUCTION DONNEE A L'AMBASSADEUR FRANÇAIS 4.-J3
mises en discussion, sur la nature des solutions préparées,
sur les obligations qui naîtraient pour nous de certaines
éventualités. L'ambassadeur de l'empereur prés du Saint-
feiègé s'expliquera en toute franchise à ce sujet, non seule-
ment dans ses entretiens avec le cardinal secrétaire d'Etat
et avec les différents membres du gouvernement pontifical,
mais aussi dans ses conversations avec les personnages qui,
de toutes les parties du monde, se rendront à Rome pour
prendre part au concile (i). // » Les relations officielles du gou-
vernement français avec l'Eglise catholique trouvent leur
expression dans le concordat de 1801. Les principes qu'il
renferme ont reçu leur développement par la législation
concernant les matières ecclésiastiques. Au sujet des ques-
tions qu'auront à traiter les pères du concile règne encore
une grande incertitude, à cause du silence imposé aux ( nu-
missions qui préparent les travaux : raison de plus pour le
gouvernement français de maintenir avec fermeté, en prévi-
sion de toutes les occurrences possibles, les règles tradition-
nelles de notre droit public.
L'ambassadeur de Sa Majesté ne doit point se mêler aux
délibérations dogmatiques ou se rapportant à la vie intérieure
et purement spirituelle de l'Eglise. Il doit pourtant faire des
réserves au nom de son gouvernement, si le concile tend à
sanctionner des doctrines qui, tout en paraissant n'embrasser
que les rapports réciproques des autorités religieuses, au-
rai entpour conséquence d'altérer profondément l'organisation
qui sert de point de départ aux stipulations du concordat.
On appelle ici expressément l'attention de l'ambassadeur sur
la tendance, manifestée dans les dernières années, à accroître
démesurément les prérogatives du pape, et même à proclamer
son infaillibilité personnelle comme un dogme. En opposition
avec cette tendance, l'instruction af firme que les évêquespossè-
(1) G. V. 1233 cl.
[377-378]
454 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
dent une somme de puissance que garantit jusqu'à un certain
point le pouvoir politique, puisqu'il concourt à les investir,
conformément au concordat. L'ordre public est intéressé en
France au maintien de la répartition actuelle de l'autorité
même purement religieuse, et il serait inadmissible qu'en
appelant aux sièges épiscopaux ceux de ses sujets qu'il juge
dignes de sa confiance, le souverain ne leur conférât, d'ac-
cord avec le Pape qui leur donne l'institution canonique,
qu'un pouvoir presque purement nominal. C'est pourtant ce
qui aurait lieu si toutes les causes de quelque importance
devaient être évoquées devant le Saint-Siège : « Sans doute
la doctrine de l'infaillibilité du Pape prononçant ex cathedra
est susceptible de beaucoup de distinctions subtiles, et nous
sommes fondés à espérer / que, si une déclaration devait
être faite à ce sujet, les termes en seraient combinés avei
une extrême prudence; mais cette matière est tellement déli-
cate, qu'un décret qui la réglementerait sans tenir suffisam-
ment compte, des considérations exposées ci-dessus, risquerait
d'ouvrir la porte aux plus regrettables abus. L'ambassadeui
de l'empereur devra user de toute son influence afin de pré-
venir ce danger (i). »
L'instruction traite ensuite des points qui intéressent à h
fois le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique ; elle met ei
garde contre la définition des doctrines patronnées dans 1(
Syllabus, et après quelques remarques sur l'organisation et
le gouvernement de l'Eglise, elle exprime le vœu de voir 1(
concile donner une organisation nouvelle au collège des
cardinaux, qui seraient à l'avenir recrutés proportionnelle-
ment parmi toutes les nations catholiques.
Il est recommandé à l'ambassadeur d'entretenir des rela-
tions suivies avec les évèques français, d'exposer loyalement
au Saint-Père ses intentions; mais surtout de garder les
(1) C. V. 1234 c. sq.
[378-37! I]
ATTITUDE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS 453
plus grands égards vis-à-vis du pape et des prélats qui l'en-
tourent.
« La question de l'ambassade vidée, dit Ollivier (i), on
discuta sous quelle forme on autoriserait les évêques à se
rendre au concile : on pensa d'abord à un décret inséré au
journal officiel, puis aune circulaire; finalement on s'en tint
à l'idée moins compromettante d'autorisations individuelles
rédigées dans la forme la plus sommaire. Sur nos quatre-vingt-
douze diocèses (2), cinq sièges étaient vacants (Agen, Ajaccio,
Angers, la Basse-Terre, Saint-Pierre), huit prélats s'étaient
fait excuser (Aix, Auch, Bordeaux, Chambéry, Clermont,
Lyon, Nantes, Saint-Flour), trois prélats (Moulins, Xice,
Angoulème) partent sans autorisation; les autres la deman-
dent par écrit ou de vive voix et l'obtiennent immédiatement.
De plus, toutes les facilités sont assurées aux évêques pour
l'administration de leurs diocèses, et pour leur correspon-
dance, soit avec le ministère, soit avec les vicaires généraux.
Dans le discours d'ouverture de la session législative (29 no-
vembre), l'empereur couronne cet ensemble de mesures
bienveillantes par une parole confiante : « De la réunion à
Rome de tous les évêques de la catholicité, dit-il, on ne doit
attendre qu'une œuvre de sagesse et de conciliation. » //
Le gouvernement français ne suscita donc, a priori du
moins, aucun embarras au concile. Cependant, il ne tarda
pas à manifester sa volonté de repousser énergiquement
toute entreprise, de s'opposer à toute décision qui mettrait
en question ses droits réels ou présumés. Au commencement
I de décembre parut, datée du 12 octobre, la constitution pon-
(tificale sur les censures. Le pape y prononce des peines
contre ceux qui attaquent la juridiction et les immunités
ecclésiastiques. L'on crut y voir un blâme contre des
(1) Loc. cit., p. 530.
(2) En France et dans les pays dépendants.
[379-380]
456 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
principes reconnus par les lois françaises, et le gouver-
nement fit immédiatement des représentations par son
ambassadeur. Le cardinal secrétaire d'Etat lui déclara que
cette constitution obligeait toutes les nations et tous les
chrétiens qui sont placés sous le droit commun de l'Eglise ;
mais pour la France, le droit général a été modifié par le
droit conventionnel et particulier qui résulte du concordat;
par conséquent tant que le concordat sera maintenu et régira
les rapports de l'Eglise et de l'Etat, les censures portées
ailleurs contre la violation des immunités et juridictions
ecclésiastiques resteront sans application en France (i).
Les gouvernements de Belgique (2), d'Espagne (3) et d(
Portugal (4) décidèrent d'adopter, à l'égard du concile, un(
attitude semblable à celle que la France avait résolu d(
prendre et qu'indique la dépêche écrite le 8 septembre par h
prince de la Tour d'Auvergne (5).
Le gouvernement italien aurait bien voulu empêcher le
concile ou limiter sa liberté, s'il avait été en mesure de le
faire. Aucun gouvernement n'était plus hostile que lui à
cette assemblée. Depuis longtemps déjà, l'Italie épiait le
moment favorable pour tomber sur Rome; les projets poli-
tiques comme aussi les sentiments antichrétiens de ses gou-
vernants leur faisaient voir dans la papauté un adversaire à
humilier et à combattre.
Le i5 juillet 1868, au parlement de Florence, les députés
Ferrari et Mancini interrogèrent le gouvernement sur la
position qu'il comptait prendre à l'égard du concile et,
jusqu'au 6 juillet 1869, ils revinrent constamment sur cette
(1) Oi.i.ivier, loc. cit., p. 531.
(2) V. V. 1239 a sq. — Cecgoni, loc. cit. Doc. CXCVl.
(3) C. V. 1245 b. sq — Cecconi, loc. cit. Doc. CXGVIII. Voyez les discussions
aux Cortès espagnoles du 5 mai au 7 décembre dans C. V. 1239 b. sqq. CecconIj
loc. cit. Doc. CXCV1I.
(4) C. V. 1248 b. sq. — Cecgoni, loc. cit. Doc. CCI.
(5) Voir plus baut, p. 452. , .
[380]
HOSTILITE Dl' GOTVERN BMENT ITALIEN i.'i7
question ; // leurs discours à propos du concile s'expri-
ment parfois en ternies si haineux qu'en aucun pays pareil
langage n'eût été possible. Le gouvernement différa tou-
jours sa réponse et finalement ne l'a jamais donnée (i).
Il créa autant d'embarras qu'il le put au concile. Ainsi au
mois de novembre, le ministère fit clandestinement répandre
une traduction de l'ouvrage de Janus et la fit distribuer aux
« ecclésiastiques les plus doctes et les plus influents )> du
pays (2). Auparavant déjà, en avril 1869, sous l'impulsion du
gouvernement, avait été composé un écrit ayant pour but
d'exposer les droits des pouvoirs civils dans les conciles
œcuméniques (3). Il parut sans nom d'auteur en langue fran-
çaise et devait passer pour l'œuvre d'un Français, mais le
style, comme aussi une distraction de l'éditeur, dévoilèrent
qu'il avait pour auteur un Italien, plus exactement un
Savoyard. Sur la page du titre, on indiquait pour éditeur
Dentu, à Paris; mais on lisait au bas du verso : ce Florence,
Ilegia tipografia, Via Condotta, n° 14. » On émit le soupçon
que Menabrea, le ministre des affaires étrangères, pouvait
bien être lui-même l'auteur de la brochure. Celle-ci prend
résolument fait et cause pour les intérêts de l'Etat; on le voit
d'après la conclusion où l'auteur groupe dans une courte vue
d'ensemble les droits des gouvernements dans le concile :
« 1" L'Etat a le droit de prendre part aux actes de convoca-
tion, il peut lui-même prendre l'initiative de cette convoca-
tion ; 2° Il a le droit d'intervenir pour la fixation du temps
et du lieu de la réunion ; 3° Il a le droit d'assister non seule-
(i) Voir les délibérations flans Gecconi, lue. cit. Doc. CXGIII. — Cf. C. V.
1238 a.
(2) C. V. 1238 c.
(3) Le concile œcuménique et les droits de l'Etat. Il se trouve tout au long clans
Ceccom, loc.cit. Doc. CCCVI, ainsi que sa réfutation par M8'Xarcli. Doc. CCGVll.
— Cf. C. V. 1238 a. Celle-ci parut traduite en allemand: Das ôkumenische Komil
unddie Hechle des Staates von M"r Fr. Nardi. Aus dem Italienschen ubersetzt von
Theophil Landmesser, Priester der Dîozese Kulm. Berlin, 186!».
[381]
458 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ment à toutes les sessions, mais aussi à toutes les réunions
synodales et de s'y faire écouter ; 4° Un poste d'honneur lui
appartient et il a le droit de prendre une part active dans
toutes les opérations du concile; 5° Aucune résolution ne
peut avoir son effet ni être considérée comme valide si elle
n'a pas été acceptée et promulguée par l'Etat ; 6° Les évêques
ne peuvent aller au concile sans la permission de l'Etat.
Celui-ci peut les rappeler en certains cas et c'est lui qui
désigne ceux qui peuvent s'y rendre. » //
Un excès de modération vis-à-vis des affaires de l'Eglise
ne peut être le reproche mérité par un gouvernement qui
s'attribue de pareils droits. Mais celui d'Italie ne put
exécuter les projets qu'il caressait avec tant d'ardeur. Le
3o septembre, le ministre des cultes, Pironti, adressa aux
procureurs généraux une circulaire (i) dans laquelle il dit
que quelques évêques avalent demandé s'il leur serait permis
de se rendre au concile. A cette question et à d'autres sem-
blables, le gouvernement déclarait qu'il n'empêcherait pas de
s'y rendre. Mais tout en restant « fidèle à ses principes de
liberté religieuse », il entendait se réserver expressément de
prendre ultérieurement telles ou telles résolutions, si les
lois du royaume et les droits de l'Etat venaient à être lésés.
— Les évêques d'Italie purent donc, sans être inquiétés par
le gouvernement, se rendre au concile. Mais ce fut cepen-
dant l'Italie qui, par l'invasion de Rome le 20 septem-
bre 1870, mit fin aux délibérations du concile et contraignit
le pape à le proroger.
Le gouvernement russe fut le seul qui dès l'abord interdit
aux évêques de faire le voyage de Rome et de siéger au
concile.
Comme, pendant la période où se prépara le concile, les
relations étaient interrompues entre Rome et Saint-Péters-
(1) G. V. 1238 a sqq. — Cbcooni, loc. cit. DocCXClV
[381-382]
ATTITUDE DU GOUVERNEMENT RUSSE 489
bourg, le cardinal Aatonelli envoya au nonce de Vienne,
Mgr Falcinelli, doux circulaires relatives au concile et desti-
nées aux évoques russes. Il s'agissait de les leur faire tenir
par le représentant de la Russie à Vienne. Le 17 avril 1869 (1),
le nonce mande au cardinal qu'il a exposé l'affaire au baron
d'Uxkûll, ministre plénipotentiaire de l'ambassade, et qu'il
l'a prié en même temps de mettre son influence en Russie au
service des catholiques si cruellement opprimés. Le baron a
écouté ses représentations avec bienveillance et a demandé
du temps pour interroger le chancelier de Russie sur la cir-
culaire et sur les remontrances à présenter. La réponse du
chancelier Gortschakow ne tarda pas à arriver, fort détaillée;
et le nonce avait obtenu du baron d'Uxkûll de pouvoir la
transmettre au cardinal Antonelli. //
Dans cette réponse (2), le chancelier déclare autoriser le
chargé d'affaires à recevoir des mains de Mgr Falcinelli les
deux circulaires en question, et à les lui transmettre pour
qu'il les fasse parvenir aux évêques. Cela n'implique pas
néanmoins l'autorisation pour ceux-ci de se rendre au
concile. Viennent ensuite différentes communications à faire
au nonce : La difficulté de bonnes relations avec la cour de
Rome repose sur le fait que jamais on n'a tracé aux catho-
liques la ligne de démarcation entre les devoirs qu'ils ont à
remplir envers S. M. l'Empereur et ceux qu'ils ont de par ail-
leurs, envers leur Eglise. — La liberté de conscience atoujours
été accordée en Russie de la façon la plus libérale ; elle est
un principe traditionnel dans la maison impériale et on la
trouve inscrite à toutes les pages de l'histoire de Russie. A
Rome, au contraire, les sujets russes que leurs voyages y amè-
nent ne trouvent même pas le moyen de remplir leurs devoirs
religieux. — Toutefois, la liberté que le gouvernement russe
(i) C. y. 1248 c. sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCI!.
(2) C. V. 1249c. sqq. — Cecconi, loc. cit. Doc. CCIII.
[382-383]
MO HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
accorde sur le terrain religieux, ne va pas jusqu'à tolérer une
propagande qui tendrait à enlever au culte de leurs pères ses
coreligionnaires. — Durant la révolution de ces dernières
années, une grande majorité du clergé catholique, dans le
royaume et dans les provinces occidentales de l'empire,
s'est engagée dans des intrigues politiques qui menaçaient
l'intégrité de l'empire, et Rome, sur tout cela, n'a pas pro-
noncé un seul mot de désapprobation. — Enfin le Saint-Siège
est prié de donner des garanties que le voyage des évêques à
Rome avancera l'œuvre de paix.
A cette note du chancelier russe, le cardinal Antonelli crut
devoir donner une réponse péremptoire. Il le fit sous h
forme d'une lettre, qu'il adressa au nonce de Vienne (i). Li
ligne de démarcation, dit-il, désirée par le chancelier, entre
les devoirs religieux et civils, a été tracée depuis longtemps,
et les catholiques de tous les pays du monde savent bien
qu'ils doivent soumission et obéissance à leurs gouvernements
dans le domaine civil; dans l'ordre religieux ils sont sujets
de l'autorité ecclésiastique que Dieu leur a donnée, et ils
doivent sur ce point exiger de l'Etat la liberté. — Quant à èe
que dit le chancelier sur la liberté religieuse, dont les catho-
liques de la Russie jouiraient,// cette affirmation ne peut se
concilier avec de nombreux documents authentiques publics,
à diverses époques, par le gouvernement de ce pays ; et main-
tenant encore, le cardinal relève toute une série de mesures
que la Russie n'a pas craint de prendre en vue d'opprimer les
catholiques. — Pour les menées révolutionnaires, le Saint-
Siège les a toujours hautement condamnées, déjà avant la der-
nière révolution polonaise, alors môme qu'elles se couvraient
du prétexte de la défense religieuse. Quelques ecclésiastiques
se fussent-ils oubliés au point de s'y mêler, la faute en revient
en partie aux mesures prises par le gouvernement russe.
(1) C. V. 1251 c. sqq. — Ceccoxi, /or. cit. Doc. CGIV,
[383-384|
ATTIDUDE DES ETATS EUROPEENS 461
pour supprimer les droits de l'Eglise. Le cardinal cite encore
toute une série de ces dispositions, et expose ce que laRussie
doit faire pour garantir la dignité du cierge : si l'on écoute
ces avis, l'attitude du clergé sera modifiée. — Pour les effets
salutaires du voyage des évêques à Rome, personne n'en
pourra donner de meilleures garanties que le concile lui-
même qui est assisté du Saint-Esprit.
Cette lettre fut communiquée au prince (Jortschakow.
Celui-ci répondit au baron d'UxkiUl que le cardinal Àntonelli
ne pouvait avoir envisagé sa lettre au nonce comme une
réponse sérieuse au document russe. De pareilles accusa-
tions ne frayent point le chemin de la paix, et leur répondre
mènerait à la fois trop loin et serait absolument inutile.
D'ailleurs les exigences du Saint-Siège reposeut sur des
principes exagérés qui ne sont plus admis de nos jours. Le
prince avait espéré que le bon vouloir du cardinal rendrait
possible à Sa Majesté l'Empereur d'autoriser quelques évo-
ques de Russie à se rendre au concile, mais la lettre du
cardinal indique tout l'opposé du bon vouloir. Dès lors
aucun prélat de Russie ne sera autorisé à prendre part au
concile. Le chancelier renvoie en même temps les deux
circulaires qui lui avaient été transmises, et enjoint au
chargé d'affaires d'informer le nonce des décisions prises
par le gouvernement (i).
La Russie fut, nous l'avons dit, le seul Etat qui interdit aux
évêques toute participation au concile. Après elle, la Bavière
montra les dispositions les plus hostiles, la Bavière qui fut
jadis le rempart de l'Eglise catholique contre les "Novateurs.
Les Etats européens se montrèrent en général peu favora-
bles. Xous ne trouvons guère de traces de bienveillance envers
une assemblée de tous les évêques catholiques de l'univers
entier, qui avait à traiter des plus nobles devoirs de l'huma-
(1) C. V. 1253 d. sqq. - Cecconi, loc. cit. Doc CCV.
[m]
462 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
nité // et était destinée à attirer sur les Etats eux-mêmes
comme tels les plus abondantes bénédictions. Les senti-
ments qu'inspire le concile sont généralement des sentiments
de jalousie et de défiance, et de toute part on croit devoir,
par des menaces, limiter sa liberté d'action.
Rien de pareil n'était à redouter de la part des gouverne-
ments extra-européens. Quelques-uns même prirent soin de
venir en aide à l'Eglise dans l'exécution de sa grande œuvre.
Par un décret législatif du Ier juillet 1869, le Brésil attribua
aux évêques se rendant à Rome une somme en rapport avec
leur haute condition, pour couvrir leurs frais de voyage et
d'entretien dans la Mlle Eternelle. De son côté, le sénat du
Chili accorda à l'archevêque et aux trois évêques de cette
république la somme de 20,000 dollars (1) pour faire face aux
dépenses du voyage.
«N^ï^^ïvr^,
(1) CrviLTA cattolica, ser. Vil, vol. 8, p. 97 sqq.
[385]
LIVRE TROISIEME
Préparation immédiate du Concile du Vatican
CHAPITRE PREMIER.
Dispositions prises au sujet des assemblées plénières
des Pères du concile.
Tandis que le mouvement des esprits provoqué par
l'attente du concile se propageait de plus en plus, et, parti-
culièrement en Allemagne et en France, agitait le monde
intellectuel jusqu'en ses profondeurs les plus intimes, à
Rome, les préparatifs du concile suivaient leur marche tran-
quille.
Un double travail s'imposait : il y avait d'abord à décréter
les mesures nécessaires pour la célébration du concile, et
ensuite déterminer avec précision les objets des discussions,
et élaborer les schémas des futurs décrets.
Le premier de ces travaux incombait surtout à la Congré-
gation directrice des travaux préparatoires ou Commission
centrale; le second, et tout spécialement la rédaction des
schémas, regardait les commissions particulières qui avaient
été créées pour chaque groupe de questions, et qui soumet-
taient à leur tour leurs travaux à la revision de la Commis-
sion centrale. //
Nous mentionnons d'abord ce qui fut délibéré et ordonné
au sujet des assemblées conciliaires. Nous puiserons pour
cela surtout dans le procès-verbal (Verbale) delà Congréga-
tion directrice. Si, parlant des délibérations de cette con-
grégation, nous mentionnons seulement le jour où elles ont
466 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
eu lieu, c'est que nous nous référons, sans autre indication,
à ce procès-verbal.
On admit sans discussion, et comme allant de soi, qu'au
concile du Vatican, à l'instar du concile de Trente qu'il
imita en un très grand nombre de points sinon en tous (i),
les Pères s'acquitteraient de leur tâche collective en deux
sortes de réunions : dans les congrégations générales et dans
les sessions publiques.
Les congrégations générâtes étaient les réunions où
l'ensemble des Pères ayant droit de vote examinaient le fond
et la forme des matières proposées, les discutaient, les modi-
fiaient, et enfin les acceptaient ou les rejetaient dans une
sentence définitive. C'est là que les décrets revêtaient 1
forme sous laquel leil sdevaient être définitivement approu-
vés et publiés comme décisions conciliaires universellement
obligatoires.
Les sessions publiques avaient pour but principal d'élever
les canons préparés dans les congrégations générales au rang
de décrets ayant leur pleine valeur, et de les revêtir enfin de
leur force obligatoire universelle. C'est ce qui avait lieu par le
vote suprême et solennel de tous les Pères et sa confirmation
par le pape, qui présidait en personne les sessions publiques.
Les décrets une fois approuvés par le pape et le concile
dans les sessions publiques, l'œuvre du concile était termi-
née ; dès lors, sans qu'il fût besoin d'une promulgation ulté-
rieure, les décrets s'imposaient à l'observation de tous (2).
Etaient membres avec pleins droits des deux sortes
d'assemblées, tous ceux qui avaient été convoqués au con-
(1) La Congrégation directrice demanda au cardinal secrétaire d'Etat les actes
du concile de Trente, pour se guider sur eux dans les mesures à prendre. Cf. le
procès-verbal du 11 août 1867.
(2) Procès-verbal des 4, 14, 25 juillet 1869. — Cf. la lettre du cardinal Anto-
nelli aux nonces du 11 août 1870. — C. V. 1715 c. sq.
[390]
PRESIDENCE ET PRESEANCE 467
eile, à savoir : les évêques, titulaires aussi bien que
résidentiels, en outre les cardinaux non évêques, les supé-
rieurs généraux des ordres religieux, les abbés «nullius»// et
parmi les autres abbés, ceux qui étaient à la tête non de leur
seul monastère, mais d'une congrégation qui en comptait
plusieurs (i). Ces membres du concile avaient le droit de
se choisir des théologiens spéciaux pour en faire leurs con-
seillers. On leur prescrivait seulement, comme il est dit dans
la séance de la Commission centrale du 3i janvier, de ne
faire tomber leur choix que sur des hommes d'une conduite
irréprochable et de saine doctrine. Les membres du concile
pouvaient, déplus, consulter les théologiens du pape (2).
La présidence du concile est une prérogative du pape,
découlant immédiatement du dogme de sa primauté (3). Le
concile du Vatican se tenant à Rome, le pape exerçait en
personne la présidence, mais à cause de ses nombreux tra-
vaux, qui s'accrurent naturellement encore beaucoup à l'épo-
que du concile, il parut impossible que Pie IX prît sur lui de
diriger personnellement les congrégations générales. La Con-
grégation directrice décida donc dans sa séance du 3i jan-
vier qu'il fût proposé au pape de se faire représenter à la
congrégation générale et de nommer pour la présider cinq
cardinaux. Le pape entra dans ces vues et décréta en consé-
quence par les lettres apostoliques « Multipliées inter » qui
fixaient le règlement général du concile, que dans les réunions
des Pères qui précéderaient les sessions publiques (c'est-à-
dire dans les congrégations générales), cinq cardinaux
feraient fonction de présidents en son nom et avec son pou-
! voir (4). Le rôle de ces présidents est défini d'une façon très
(i)Cf. liv.I,chap. VII.
(2) Procès-verbal du £3 mai 1869.
(3) Voir, dans Héfelé, Konziliengescltichle I (2e édit.), 29 sq. , la discussion his-
torique de la question.
(4) Cf. C. V. 21 d.
[3P0-391J
4G8 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
générale par ces mots : ils ont à faire « ce que comporte une
direction convenable de ces réunions » (i ). De pareils termes
leur conféraient les pouvoirs les plus étendus pour l'exercice
de leurs fonctions.
La question du rang à occuper dans les assemblées, et celle
de la préséance en général, occupa plusieurs fois la Congré-
gation directrice. Importante déjà parce que chacun des pré-
lats doit recevoir l'honneur dû à son rang, cette question l'est
encore parce que l'ordre établi parmi les membres d'un con-
cile met sous les yeux les différents degrés de la hiérarchie
ecclésiastique. C'est par là que dès l'abord un concile diffèn
d'un parlement, où les membres, pleinement égaux entre eux,
occupent leur siège de par le choix du peuple. En outre, le
droit, pour un prélat, de parler avant d'autres peut être biei
souvent d'une grande importance. //
Dans un mémoire qu'il composa comme consulteur de la
Congrégation directrice, sur l'ordre à observer dans les con-
grégations générales, le Dr Héfelé fait remarquer que dans les
précédents conciles se sont élevées de fréquentes et vives dis-
cussions au sujet du rang à occuper dans les séances et qu'on
y a ainsi perdu beaucoup de temps. C'est pourquoi, d'après
lui, le pape doit, pour prévenir semblables incidents, prendre
à ce sujet, dès avant le concile, des dispositions bien nettes,
excluant tout sujet de disputes. Le Dr Héfelé propose
d'adopter sans restriction les règles suivies au concile de
Trente (2).
La Congrégation directrice, de son côté, avait déjà, le
17 janvier 1869, érigé en principe général que l'ordre serait
fixé d'après les degrés hiérarchiques et, dans chacun d'eux,
d'après l'ancienneté de l'âge ou de la fonction (3).
(1) C. Y. 22 a
(2) C. V. 1088 b.
(3) Ce dernier point contredisait une décision prise le 12 décembre 1868, parla
Congrégation de la Cérémoniale, en vertu de laquelle aucune distinction ne
devait être faite entre les évêques- Cf. procès-verbal du 13 juin 1869.
[:M-3U2]
QUESTIONS DE PRESEANCE E-69
Cette dernière devait-elle être comptée pour les évêques,
du jour de leur élection en consistoire ou de celui de leur con-
sécration ï A cette question, la Congrégation (i) répondit que
le jour de la promotion servirait de point de départ pour les
archevêques, et celui de la consécration pour les évêques.
Mais la commission de la Cérémoniale chargée de dresser
les listes fit remarquer quelles difficultés il y avait a
déterminer pour chaque évêque le jour de la consécration. Le
seul moyen était de les interroger tous ; niais alors, s'il fallait
attendre leurs réponses pour rédiger la liste, celle-ci ne pour-
rail être terminée avant l'ouverture du concile. Le joui- de la
promotion au contraire était facile à trouver par les actes des
consistoires. Pour ee motif, la Commission centrale modifia
sa première décision et ordonna que même pour les évêques,
au moins provisoirement, le degré d'ancienneté de la fonc-
tion devait être calculé à partir du jour de leur promotion.
Elle pouvait d'ailleurs appuyer sa décision sur deux réponses
de Pie IV au sujet du concile de Trente, et en général sur la
règle constamment suivie par ce concile, au témoignage de
Massarelli (2). //
Dès le début, un point fixe et immuable pour la Congréga-
tion directrice fut que les patriarches occuperaient un rang
supérieur à celui des archevêques 3). Suivant le précédent
du concile de Trente, on ne crut point devoir attribuer aux
primats une place à part. Mais, à la séance du 5 septem-
bre 1869, il fut fait communication d'un bruit d'après lequel
l'archevêque de Gran, primat de Hongrie, réclamerait des
(1) Procès-verbal du 14 terrier 1869.
(2) Procès-verbal du3octobre 18(59. - Galeotti, dans son Volum,où il traite notre
sujet (p. 95.), apporte, tirée de Carapeggio, une autre raison de la décision de la
Congrégation: Cumliabere nul uni in Concilia sil jurisdictionis, non ordinis episco-
palis,etpropterea electus seu assumptus in lïpiscopum ante constcralionem omniapos-
■iitquie sunt jurisdictionis, licet non ea quse sunt ordinis. . . sequilur, in Conciliorum
sessiombus, attendi dtbere tempus electionis, non aulem contecrationis.
(3) Procès-verbal du 13 octobre 1869.
3o
[392-393]
470 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
sièges à part pour les primats, et qu'il serait, pensait-on,
soutenu dans cette réclamation par les autres primats. En
conséquence le consulteur Sanguineti fut chargé de préparer
un mémoire sur cette question : les primats doivent-ils avoir
la préséance sur les archevêques? Le i3 octobre le mémoire
fut présenté à la Congrégation et examiné par elle. Sangui-
neti avait distingué parmi les sièges primatiaux ceux dont les
titulaires possédaient un pouvoir supérieur, à savoir le droit
de recevoir l'appel des jugements rendus par les métropoli-
tains, et ceux qui ne couleraient à leur titulaire que le titre
honorifique de primat. Sanguineti proposait d'accorder la pré-
séance aux primats de la première catégorie, mais non à
ceux de la seconde. Eu égard au nombre très restreint des
primats, et pour épargner au concile des discussions trop
longues, la Congrégation directrice crut devoir proposer au
Saint-Père d'accorder pour le prochain concilejà tous les pri-
mats, sans distinction, la préséance sur les métropolitains,
avec cette clause toutefois que cette concession faite une fois
ne pourrait ni créer en faveur des primats un droit perma-
nent, ni préjudiciel1 à autrui. Le pape adopta la proposition
de la Congrégation.
Plusieurs détails furent encore réglés par la Commission
centrale touchant la question de préséance. Pour ne point
entier dans chacun de ces détails, nous transcrivons ici
d'après les lettres apostoliques « Multipliées inter » le para-
graphe qui s'y rapporte, et dans lequel le pape fixe définitive-
ment l'ordre à garder par les Pères du concile : « Primum
locum obtinebunt Yenerabiles Fratres Xostri S. R. E. Cardi-
nales Episcopi, Presbyteri, Diaconi ; secundum Patriarclnv:
tertiuni. ex speciali nostra indulgentia, Primates juxta ordi-
dineni suse promotionis ad priniatialem graduai. Id autem
pro hac vice tantum indulgemus, atque ita ut ex hac Xostra
concessione nullum jus vel ipsis Primatibus datum, vel aliis
imminutum censeri debeat. Quartum locum tenebunt Archi-
[39)3-3941
LES OFFICIERS DtJ CONCILE 471
episcopi juxta suseadareliiepiscopatunipromotionis ordinemj
quintum Episcopi pariter juxta ordinem promotionis suœ ;
sextum Abbates nullius diœcesis; septimum Abbates Géné-
rales aliique générales Moderatores Ordinum Religiosorum,
inquibus solemnia vota nuncitpantur, etiamsi Vicarii Gene-
ralis titulo appellentur, dum tamen re ipsa cum omnibus
Bupremi moderatoris juribus et privilegiis universo Ordinî
légitime "praesunt (i). »
Au sujet des officiers nécessaires à l'auguste assemblée, le
consulteur Galeotti avait rédigé un mémoire (2) que la Com-
mission centrale discuta dans sa séance du 14 lévrier 1869. Il
réclamait pour le concile un custode général, des promoteurs,
un ou plusieurs secrétaires, des notaires, des greffiers pour
le secrétaire et pour les notaires, des maîtres des cérémo-
nies, des guides chargés de désigner les places et des scru-
tateurs.
Au sujet du Custode général, la Congrégation directrice
décida de représenter au Saint-Père qu'aux conciles précé-
dents un noble et illustre personnage laïc avait reçu, avec
ce titre, le soin de veiller à la sécurité et à l'ordre extérieur du
concile. Autrefois, il n'y avait pas, comme aujourd'hui, sous
les armes, une troupe régulière permanente : la charge de
custode était donc une nécessité; à présent elle n'a plus sa
raison d'être, et la congrégation hésitait pour savoir si elle
ferait choix d'un custode, peut-être à titre purement honori-
fique et quelle fonction elle lui assignerait.
La Congrégation directrice décida en outre qu'il serait
nommé deux promoteurs, tous deux devant être du clergé et
docteurs in utroquejure (3). //
(1)6'. V. 19 d. sq.
(2) C'est le second chapitre du Votum très étendu intitulé : Intorno a Re/jolamenti
di cône riluali e organiche del Concilia.
(3) La charge des promoteurs est décrite de la façon suivante dans YOrdo ayen-
dorum qu'on distrihua aux ollïciers du concile : Promolores ea pro Concilio pera-
[394J
472 HISTOIRE 1)1" CONCILE DU VATICAN
Q fallait nommer un secrétaire et deux sous-secrétaires^
Quant aux fonctions de notaires, elles seraient exercées
par deux protonotaires apostoliques de numéro participan-
tium assistés de deux notaires. L'on nommerait aussi quatre
greffiers, mais ee nombre pourrait être augmenté suivanl
les besoins.
Les maîtres des cérémonies devaient être ceux du sièg<
apostolique; et pour désigner les places, on choisirait parmi
les camériers du Saint-Père, huit guides ayant leur préfet.
A l'exemple du cinquième concile de Latran, on pouvail
nommer quatre scrutateur-, deux pour chaque côté de l'as-
semblée, et ils devaient en recueillant les voix être constam-
ment assistés par deux notaires et autant de greffiers.
Dans la séance du 25 juillet le nombre des scrutateur- l'ut
porté a huit.
Il fut encore une lois question du Custode général du con-
cile dans la séance du 5 septembre, où suivant le désir du
Saint-Père, la Congrégation proposa pour chaque fonction
des personnages aptes à les remplir. S'il plaisait au pape de
maintenir les custodes, on choisit pour cette charge, à la
presque unanimité des suffrages, les deux princes Jean
Colonna et Dominique Orsini, assistants au trône pontifical.
La raison en était, outre l'antique noblesse de leurs familles,
(pie ce choix supprimait toute cause de mécontentement de
la part d'autres princes romains qui eussent pu briguer une
telle distinction. L'un des deux princes pouvait exercer la
charge d'assistant au trône pontifical et l'autre les fonctions
gère debent,qux Procuratoris causarum in jure esse soient, ac proinde inslare, ut
contra absentes, qui Concilio interesse tenenturnecabsenlîam suant légitime excusa-
runt. sifuerint contumaces, secundum formas jurts procedatur ; item in fine singula-
rum sesstonum solemni formula rogare, ut de rébus inea sessionegestis per notario*
Concilii présentes authenlicum instrumentum conficiatur; denique pro renata alia
etiam nomine Concilii procurare et agere,quse formant juris exigunt,de quibtis, ubi
necesse luerit, suo tempnre accipient mandata. Promotores non interveniuni Congre-
gationibus generalibus , nisi pro aliqua causa spécial/ vocali fuerint . C. V. 1070 a. sq.
< -i ■ .< 'Ailot. cil. vol. I, Doc. LUI.
f395]
LES OFFICIERS l>r CONCILE . i73
propres du Custode. Au dernier, fut assigné dans la suite 1 1)
une place à l'entrée de la salle conciliaire, mais à l'intérieur;
La proposition faite par le cardinal Caterini de nommer Le
marquis Jean Patrizi troisième custode ne fut point adoptée.
Les chevaliers de Malte avaient, par une lettre de leur
lieutenant, supplié le Saint-Père (3o juin 1869) de leur confé-
rer une charge analogue à celle de custode (2). Les papes,
disait la lettre, avaient plus d'une fois confié aux chevaliers
de leur Ordre la garde de leur personne, des conclaves et des
conciles œcuméniques; ainsi l'avait fait Jules II pour le concile
de Latran convoqué par lui. Dans un état de choses si pro-
fondément modifié, ils ne voulaient point revendiquer pour
eux seuls cet honneur au prochain concile. Ce serait néan-
moins pour les survivants d'une milice qui a versé tant de
sang- pour la défense de la Foi chrétienne, le sujet d'une joie
immense si le pape leur assignait un poste d'honneur au con-
cile oecuménique; ils pourraient y servir de garde soit d'une
façon permanente à une place fixe, soit en vertu de fonc-
tions particulières, et cela ou bien seuls ou bien concurrem-
ment avec d'autres corps. La requête était appuyée sur de
nombreux motifs.
La Congrégation directrice à qui le pape avait transmis la
demande s'en occupa le 18 juillet 186g et le cardinal Patrizi
présenta la requête des << Chevaliers de Jérusalem «non seu-
lement comme président de la congrégation, mais à titre de
grand-prieur de l'Ordre. Confier à l'Ordre de Malte exclusi-
vement, la garde du pape et du concile fut considéré comme
impossible, vu l'existence présente d'un corps armé perma-
nent, et surtout de la garde-noble qui est de par sa fonction
propre la garde de la personne du pape-roi. Partager cette
fonction de la garde entre les chevaliers de Malte et les
(1) Procès-verbal du 3 novembre 1869.
(2) C. V. J067 d. sqq. — Cecconi, loc. cit., Duc. LVI.
[395-39(5]
474 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
gardes-nobles parut également difficile : les questions d'éti-
quette1 seraient inévitables entre les deux corps et se renou-
velleraient sans cesse. Cependant, par égard pour les grands
mérites de l'Ordre, on fit tous les efforts pour accéder à la
prière des chevaliers, et l'on décida finalement à l'unanimité
qu'on proposerait au pape d'accorder au lieutenant et à son
état-major (Corte) une place d'honneur convenable dans les
sessions publiques. Entre temps le pape déclara au secrétaire
de la Congrégation directrice, à l'audience du 2 novembre, ce
qu'il avait définitivement arrêté: les chevaliers de Malte
auraient à partager le service avec les gardes-nobles. Aux
maîtres des cérémonies à déterminer où et quand la garde
devrait paraître (i).
Comme Secrétaire du concile, le Saint-Père avait en vue
M61" Joseph Fessier, évêque de Saint-Ilippolyte. Il consulta
là-dessus la Congrégation directrice dans la séance du
7 mars 1869. Ce choix plût a tous les membres de la Congré-
gation, le cardinal Caterini fit seulement observer que le
choix d'un Allemand pourrait désagréablement impression-
ner les évêques des autres nations, par suite il conviendrait
peut-être davantage de prendre un Italien. Comme cette
remarque n'était point prise en considération, Caterini pro-
posa d'adjoindre un second secrétaire au premier.
Au nom du Saint-Père, le cardinal Patri/.i fit part le
27 mars à Mgr Fessier de son élection à la charge de secrétaire
du concile et l'invita à se rendre à Rome trois mois au moins
avant l'ouverture (2). M-1' Fessier accueillit ce choix avec
reconnaissance et, plaçant sa confiance en Dieu qui assiste
l'homme obéissant, il promit de venir offrir ses services au
commencement de septembre dans la capitale du monde
catholique; mais il demanda des renseignements sur le
(1) Procès-verbal. D*après la séance du 29octobre 1869.
(2) G. V. 1066 b. s<i — ( egcoxi, loc. cit. Doc. XL. —Cl. procès-verbal du
22mai 1869.
[396-391
OFFICIERS ET AUXILIAIRES M.'i
genre de travaux qu'il devrait entreprendre avant le début
du concile. Le cardinal Patrizi lui écrivit de nouveau le
17 mai; dans cette lettre il lui disait d'arriver à Rome dès la
fin de juin, cartel était le désir du Saint-Père. M-' Fessier
répondit le 25 mai qu'il partirait sitôt les affaires de son
diocèse terminées, et qu'il comptait se trouver à Rome le
11 juillet (1). Dans la session du 5 septembre, la Congréga-
tion directrice élut comme prosecrétaire M-1 Louis Jacobini
et adjoignit au secrétaire en qualité de coadjuteurs, le
prêtre Camille Santori et le chanoine Ange Jacobini.
M-' Fessier arriva à Rome le 8 juillet, et nous le voyons
prendre part immédiatement aux séances de la Congrégation
directrice.
Dans la séance du 16 avril, l'évêque de Saint-Hippolyte fut
chargé par la Congrégation de rédiger un règlement concer-
nant le rôle des officiers du concile. Nous avons, sans aucun
doute, le résultat de son travail dans l'instruction envoyée en
novembre aux officiers; cette instruction expose d'une
manière précise la tâche incombant à chacun d'eux dans la
congrégation générale et dans la session publique (2).
Ainsi se trouvèrent fixées toutes les charges avec la
manière pour ceux qui les occuperaient de les remplir Mais
bien peu de ces emplois étaient déjà pourvus, et le Saint-Père,
nous l'avons dit, chargea la Congrégation de lui désigner
les personnes capables d'exercer ces diverses fonctions (3).
Les cardinaux dressèrent donc une liste de noms qu'ils
soumirent au pape (4). //
Outre les officiers, il fallait encore se procurer des auxi-
(1) C. V. 1067 li sq. Giccoxi, loc. cit. Doc. XLIII. — Cf. procès-verbal du
13 juin 1869.
(2) Urdo agendorum officialibus Concilii Vatican/ prsescriptus . — 6'. V. 1069 d.
sqq. — Gecconi, toc. cit. Doc. LUI.
(3) Procès-verbal du 29 août 1869.
(4) Idem des 5 et 12 septembre.
[397;
i7G HISTOIRE DU CONCILE 1)1" VATICAN
lîaires pour différents services, en particulier des inter-
prètes pour les prélats des rites orientaux, et des sténo-
graphes.
La question des interprètes fut débattue la première dans
la Congrégation directrice à la séance du 26 octobre 1869. Le
cardinal Barnabe, préfet de la Propagande, fut prié de trou-
ver des interprètes convenables. Dans la séance du '5 novem-
bre,M51- Fessier proposa de donner au moins deux interprètes
aux prélats orientaux pour les congrégations générales, afin
de les mettre en état non seulement de prendre une connais-
sance exacte des schémas présentés, mais encore de suivre
les discussions. L'on décida d'après cela que les prélats
orientaux seraient groupes ensemble à une place déterminée
de la salle conciliaire, de façon à se trouver tous à proximité
des interprètes. Le procès-verbal de la séance du 25 novem-
bre nous apprend que le cardinal Barnabe a désigné des
interprètes et qu'il a envoyé leurs noms au secrétaire du con-
cile. Dans cette même séance, on fit encore remarquer
qu'il fallait avertir les prélats orientaux qu'il ne leur était
pas enjoint, mais seulement conseillé de se placer tous
ensemble au même endroit de la salle; et cela dans le seul
but que les interprètes pussent vraiment servir à tous. On
fixa en même temps comme règle absolue que ces prélats ne
se choisiraient pas des interprètes à leur gré; on n'admet-
trait à leur service (pie des hommes offrant des garanties
de liante capacité et de la plus entière fidélité.
La sténographie, elle aussi, fut appelée à être utilisée par
le concile. Dans la séance du i3 décembre 1868, le président
de la Congrégation directrice communiqua le vœu exprimé
par le Saint-Père de faire venir à Borne un ou plusieurs
habiles professeurs de sténographie. 11 fallait instruire à
temps les jeunes clercs destinés à mettre cet art au service
du concile. Tous les membres de la congrégation reconnu-
rent la nécessité d'avoir des sténographes au concile, et on
[3L-8J
AUXILIAIRES ET JUGES l>l CONCILE 177
pria le cardinal Caterini «le se renseigner auprès du général
de la Compagnie de Jésus ou du nonce de Paris au sujet d'un
habile professeur de sténographie. Dans la séance du 17 Jan-
vier 1869 le cardinal fut en mesure d'annoncer qu'il s'était
mis en rapport avec un sténographe de valeur, l'abbé VTrgi-
nio Marchese de Turin. Les jeunes clercs qu'il instruirait
devraieni être pris dans les séminaires des différentes
nations, surtout de France, d'Angleterre et d'Allemagne,
car il était indispensable que le sténographe comprit bien
les divers orateurs dont la prononciation variait avec les
pays. Dans une lettre du i" février (1) le cardinal Patrizi
invite l'abbé Marchese à se rendre à Rome en qualité de pro-
fesseur de sténographie; et dans la séance du 7 mars 1869 on
faisait savoir à la Congrégation que le prêtre de Turin avait
commencé ses cours au Collège Romain; il avait pour élèves
des jeunes gens du Collège Romain, du séminaire Pie et des
autres collèges de différentes nations étrangères.
La veille de l'ouverture du concile, 7 décembre 1869, les
cinq présidents des congrégations générales entrèrent en
délibération et décidèrent en premier lieu, comme il est men-
tionné dans le document officiel (2), que les discours sténo-
graphiés aux congrégations générales seraient immédiate-
ment reproduits en écriture courante et mis à la disposition
des orateurs pour la correction, (3) avant leur insertion dans
les actes conciliaires. Le secrétaire du concile reçut le soin
de veiller à l'exécution de cette décision.
La commission centrale ne jugea pas nécessaire d'élire un
nouveau personnel pour des emplois ou services de moindre
importance. Les Maîtres portiers de la « Virga rubra » pou-
vaient faire fonction de portiers, les cursores (huissiers)
(1) G. V. 10G5d. sq. — Cecconi, loc. cit. Due. XXXIX.
(2) Aux archives.
(3) Voyez second volume. Liv. I,chap. 1.
[398-399]
478 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
seraient les huissiers apostoliques, et comme chantres on
prendrait ceux de la chapelle pontificale (i).
Par contre il fallait faire choix de deux médecins et de
deux chirurgiens pour les Pères du concile (2 .
Tous ceux qui avaient été invités à faire partie du concile
avaient l'obligation de s'y présenter et d'y demeurer jusqu'à
la clôture. Quiconque s'abstenait ou désirait s'absenter devait
exposer ses raisons au concile. Dans sa séance du 21 mars,
la Commission centrale délibéra sur la façon dont on exami-
nerait ces raisons: elle décida que cinq prélats désignés par
le pape s'occuperaient de ces sortes de questions, et pour
cela ils recevraient et examineraient les messages d'ex-
cuses confiés par les prélats absents à leurs procureurs. Ils
ne devaient pourtant rien décider, mais soumettre à la con-
grégation générale le résultat de leur examen. /Ils devraient
en user de même avec ceux qui voudraient quitter le concile
avant sa clôture.
Cinq autres Pères devaient constituer un tribunal destiné
à connaître des plaintes ou des différends qui pourraient
surgir dans l'assemblée, au sujet du droit de préséance ou de
l'ordre des réunions. Ils devaient trancher tous les cas par
procédure sommaire et de façon à ne porter préjudice à aucune
des deux parties; si la chose était impossible, ils devraient
soumettre l'affaire à l'autorité de la congrégation générale.
Dans la séance du 11 novembre, la Commission centrale
s'occupa encore une fois de ces judices excusât ion u m et
judices querelarum cl controversiavuni; elle décida que le
pape n'aurait pas à les nommer, ce serait le concile qui les
choisirait. D'après les lettres apostoliques Multipliées inler
(3) nous voyons que le pape approuva toutes les propositions
de la Conuréuation.
(1) Procès-verbal du 14 février.
(2) Ibid.
(3) G. V. 20 b. sq.
[399 100
LA SALLE CONCILIAIRE 479
Une affaire de grande importance fut leelioix et l'aménage-
ment de la salle conciliaire. Les conciles se tiennent d'ordi-
naire dans des lieux consacrés. Pour celui-ci on choisit la
basilique de Saint-Pierre dont la forme est celle d'une croix-
latine; on devait occuper le bras de cette croix qui regarde
le Nord, et on le sépara par une cloison du reste de l'édifice.
Cet emplacement devait servir aussi bien pour les congré-
gations générales que pour les sessions publiques; mais on
se demanda si cet immense local conviendrait bien aux
premières. N'y avait-il pas lieu de craindre, en effet, que,
par suite de la vaste étendue d'une pareille salle, beau-
coup d'assistants n'y pussent entendre suffisamment les
discours durant les discussions. Le Saint Père voulut con-
naître sur ce point l'avis de la Congrégation directrice et
la question lui fut exposée le 19 septembre 1869 On proposa
pour les congrégations générales le portique situé au-dessus
de l'atrium de Saint-Pierre, la Sala regia au Vatican, la
salle des Consistoires, la bibliothèque Casanatense et l'église
de Saint-Apollinaire qui appartenait au séminaire romain.
Ce fut pour cette dernière que se prononça à l'unanimité la
Congrégation. Toutefois le plan primitif l'emporta, et le bras
droit de la croix de Saint-Pierre fut le local définitivement
choisi pour les deux espèces de réunions. Nous dirons plus
loin comment la salle fut aménagée.
Disons tout de suite qu'aucun étranger ne devait figurer
aux congrégations générales.
Au sujet du silence à observer sur les délibérations par les
Pères et les officiers du concile, la Congrégation directrice
s'exprima en ces termes : « Sa Sainteté devra promulguer
un décret faisant défense aux Pères, consulteurs, théologiens,
canonistes et autres personnes qui pourront prêter d'une
manière quelconque leur concours aux évèques dans les
travaux du concile, de divulguer ou de communiquera aucun
! ii 11 1-401]
480 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
étranger les décrets ou toute autre matière soumise à l'exa-
men des Pères, aussi bieu que les discussions et les votes de
tel ou tel membre de l'assemblée. Pour les officiers du con-
cile qui ne sont pas revêtus de la dignité épiscopale, ils
devront s'engager sous le sceau du serment, à s'acquitter
fidèlement de leurs fonctions, et à garder le secret sur tout ce
qui vient d'être dit et sur ce qui pourrait leur être plus spé-
cialement confié. » (i)
Aux sessions publiques, on admettait des étrangers, mais
seulement à la partie cérémonielle. Cependant, en vertu d'un
privilège du pape, les princes et princesses régnants, le corps
diplomatique, le Sénat romain, les théologiens du concile et
les procureurs des évêques absents furent autorisés à assister
encore aux votes (2). Etaient considérés comme théologiens du
concile non seulement les théologiens du pape, mais encore
ceux des évêques (3), et l'on concédait les mêmes droits aux
théologiens appelés à Rome pour les commissions prépa-
ratoires, s'ils se trouvaient présents dans cette ville au
moment du concile (41.
(1) Les Custodes ne turent point obligés de prêter serment. — Procès-verbal
du 28 novembre 1869.
(2) Procès-verbal des 14 .juin 18(38, 31 janvier 1869, 3 novembre 1869, i novembre
L869. Cf. C. V.WA d. sqq.
(3) Procès-verbal des 27 juin, 1!» octobre, 3 novembre 1869.
(4) Procès-verbal du 28 novembre 1869,
[401]
CHAPITRE II.
Délibérations et devisions nu sujet rie lu formation
de .commissions ou députations
La première initiative de la création des députations aux-
quelles incomba une si lourde tâche dans le concile du Vati-
can, revient tout entière au I)1' Charles -Joseph Hefelé,
auteur de l'histoire des conciles, professeur d'histoire ecclé-
siastique à Tubingue, et plus tard évêqu'e de Rottenbourg.
Dans un Votum qu'il composa (i) comme eonsultenr de la
Congrégation directrice, sur la meilleure méthode à suivre
dans les délibérations des congrégations générales, il proposa
de former des commissions particulières pour discuter les
questions avant qu'elles ne fussent présentées à la congréga-
tion générale. On ne peut, dit Hefelé, s'attendre à ce que de
grandes assemblées (pii renferment dans leur sein des membres
représentant les opinions les plus diverses, prennent des déci-
sions sages et promptes, si les projets soumis à leur examen
n'ont été préparés d'avance par une commission peu nom-
breuse. « La tâche de cette commission particulière, con-
tinuc-t-il, est d'éclairer sur toutes ses faces la matière pro-
posée, de l'examiner, de l'approfondir, de grouper avec soin
toutes les raisons pour ou contre, de les examiner et de les
peser, de découvrir et de rechercher les conséquences, c'est -
il) C. V. 1087 c. sqq.
[ MK]
482 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
à-dire les résultats bons et mauvais que produirait l'adoption
du projet, de recommander à la congrégation générale ce qui
lui semble le meilleur, et d'exposer aux Pères avec autant de
sincérité que de prudence si le projet doit être adopte en
entier ou en partie seulement, s'il faut y ajouter ou en retran-
cher quelque chose, ou même s'il doit être entièrement
refondu. En même temps, elle proposera sous une forme
claire et précise, et pour en être ultérieurement délibéré, les
principales lignes du décret à rendre (r) ».
Le D1' Hefelé démontre, d'après l'histoire des conciles,que
dés le premier concile général de Xicée,et — les preuves en
sont plus péremptoires encore — au quatrième grand concile,
celui de Chalcédoine, de semblables commissions avaient été
créées. 11 les retrouve dans les conciles d'Occident. Au con-
cile de Trente, il y eut pour la préparation des matières a
discuter trois différentes sortes d'assemblées délibérantes :
La première fut celle des theologi minores : elle discutait (i>)
en présence des présidents de concile et des Pères qui
voulaient y assister, avant qu'elles ne vinssent devant la
congrégation générale, les matières de loi qu'on allait y
traiter. Venaient ensuite des commissions particulières com-
posées d'environ dix Pères du concile; elles étaient insti-
tuées par les présidents et avaient pour mission, après qu'une
matière avait été longuement discutée, de formuler le décret
d'après les vues exposées dans les congrégations générales.
Il y avait en dernier lieu les commissions formées de Pères
en nombre plus considérable [Congregationes Praslatorum
(1) Hefele, Vo/u/h, Pars II, §5. - C. V. 1090d.
(2) Les theologi minores turent ainsi nommés pour les distinguer des Prélats
et Pères du concile jouissant du droit de vote. Ils avaient été envoyés à Trente
par le pape ou les princes chrétiens, ou encore amenés avec eux par les évê-
ques pour être leurs consulteurs. On notait les avis qu'ils émettaient et on les
proposait aux Pères dans la Congrégation générale. — Cf. Metodo osservato nella
celebrazione del Conciiio di Trento... yiusta la namrJone di Angelo Massarelli.
segretario di dello Conciiio. — Ceccom, U.c. cit., vol. I. Doc. LV, s G. — CL C- V.
1102 b. — CL Hefele, Ioc. cit., § 10. — C. V. 1095 c. sqq.
[402- i q
LES DEPUTATIONS CONCILIAIRES 483
Theologorum ou Canonistarum) pour les questions présen-
tant plus d'importance ou de difficulté (i).
La Congrégation directrice avait déjà décidé les 24 et
3i janvier 1869 qu'il n'y aurait point au concile du Vatican
de délibérations «les theologi minores, parce que les matières
à proposer au concile pour les congrégations générales
Seraient déjà préparées à l'avance par les commissions
convoquées à Rome. Le D1' Hefelé donne à cette décision sa
pleine approbation (2). Il préfère, pour que la délibération
sur les matières du concile soit plus féconde, et dans un
cercle plus restreint, qu'on choisisse des députations parmi
les Pères eux-mêmes. Le nombre de ces députations corres-
pondra aux différentes catégories de matières qui vien-
dront en discussion; il égalera à peu près celui des commis-
sions préparatoires (3).// Le nombre des membres de chaque
députation doit être fixé par le pape, de telle sorte pourtant,
qu'il puisse dans la suite être augmente par la congrégation
générale si l'expérience1 en montrait l'insuffisance. En
attendant, le D1' Hefelé propose de désigner pour cha-
que commission douze Pères choisis par la Congrégation
générale; ainsi, à Trente, ils avaient été proposés par
les légats et élus par le concile. Chacun d'eux, comme il
est naturel, se choisira lui-même son conseiller. On devrait
en outre les prendre parmi les Pères du concile de telle
sorte «pie chaque grande nation soit représentée dans la
commission par quelqu'un de ses prélats. Le pape est prié
de prescrire expressément cette clause qui contribuerait à
calmer les esprits, ferait taire les plaintes et permettrait de
Recouvrir les besoins de chaque nation.
Il va de soi que le président de toutes les congrégations
conciliaires est celui même du concile. Xul ne peut aussi
(1) Loc. cit., §6. — G. V. 1093 b. sqq.
(2) Loc. cit., §10. C. V. 1096 b.
(3) Hekkle, Votum, loc. cit., s 7. — C. V. 1094 c.
[403-4 14,
ÎSi HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
bien que lui, embrasser d'une vue d'ensemble la totalité des
travaux, pénétrer leur enchaînement si complexe, pourvoir
au bien général, ordonner et prescrire en toutes choses le
nécessaire. De la sorte ce qui serait de la plus grande
utilité pour les travaux du concile, serait encore parfaite-
ment fondé en droit. Le premier président est bien le pape
lui même; mais comnie il ne peut en personne se charger de
tous les travaux d'un président effectif, il devra nommer
pour chaque commission, un président qui le remplace (i).
Le projet du I)1' Hefelé, déposé en mars 1869, vint en déli-
bération le 4 avril, à la séance de la Commission centrale.
Celle-ci examina tout spécialement la question des dépu-
tations et la manière de les composer. Ce jour-là, on
n'obtint aucun résultat; et pour aboutir, dans la séance sui-
vante, à des résolutions précises, on pria après mûre réfle-
xion le cardinal Capalti, de rédiger un court questionnaire
(dubbi , sur le sujet traité par le D1 Hefelé. Ce question-
naire (2/ fut envoyé a chaque membre de la Congrégation
et discuté dans la séance du 14 avril.
La première question demandait s'il faudrait former des
commissions ou députations spéciales pour l'étude prépa-
ratoire des matières à traiterai! concile et pour la rédaction
des canons et décrets : // la réponse fut négative. La raison
était que ce travail avait été déjà entrepris avant le concile
parles commissions de théologiens. Lu réponse à la seconde
question, il fut décide que les canons et décrets à examiner
seraient présentes directement a la congrégation générale,
mais que si une grande difficulté venait à surgir, le président
les renverrait à une commission que le concile instituerait
sur le champ, pour les examiner et faire un rapport.
(i)Loc. cit. s s, 9. - C. V. 1094 d. sqq.
2 ' . V. 1100 c. sqcj.
(3) Voir la lettre du secrétaire de la Commission centrale au cardinal île
ich, du 11 avril 1869. — Supplément au procès-verbal du i avril 1869.
H I i- 4051
LES DEPUTATIONS CONCILIAIRES 485
D'après cela, ce n'était point dès le début du concile qu'on
instituerait des députations permanentes, mais il faudrait
les tonner au fur et à mesure que des difficultés surgiraient.
Ainsi se trouvait tranchée la troisième question demandant
combien il faudrait créer de commissions spéciales ou de
députât ions.
Au sujet de la méthode à suivre dans la composition
des députations — c'était l'objet de la quatrième question,
— il fut résolu que chaque t'ois qu'elle aurait à for-
mer une députation, la congrégation générale fixerait le
nombre de ses membres, et que l'élection se ferait par bulle-
tins de vote, à moins que les Pères n'en décident autrement.
Quant à la présidence de ces députations, il fut réglé qu'elle
serait confiée à un des présidents des congrégations géné-
rales. La réponse aux sixième et septième questions concer-
nant le secrétaire et s'il y avait lieu les consulteurs des
députations, autorisait le président à prendre comme auxi-
liaires des théologiens ou des canonistes pontificaux et à se
choisir aussi parmi eux un secrétaire. On ne voulut rien
fixer relativement à la marche des discussions au sein de la
députation; il fut seulement décidé que, après chacun de ses
travaux, il serait fait un rapport sur les débats devant la
congrégation générale, et que ce rapport serait distribué
imprimé aux Pères.
Telles sont les principales dispositions prises par la Con-
grégation directrice, le 14 avril, au sujet des députations.
Mais plus tard, dans sa séance du 18 juillet, elle modifia ses
décisions précédentes sur des points essentiels, et cette fois
elle se rapprocha davantage du projet Hefelé.
Dans cette séance on examina de nouveau s'il faudrait for-
mer des députations seulement au fur et à mesure des
besoins que révéleraient les discussions, ou bien s'il ne vau-
drait pas mieux, dès le début, établir des députations perma-
nentes pour toute la durée du concile. Déjà le 22 mai en
3i
|405]
486 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
entendant la lecture du procès verbal, un cardinal (i),
absent lors de la séance précédente (14 avril), s'était
prononcé avec énergie contre la décision prise ce jour là par
la Congrégation de ne former de députations que suivant la
circonstance. // Pourtant ses raisons ne furent point com-
prises alors et dans cette séance du 18 juillet seulement on
en saisit la valeur. On reconnut la difficulté de la tâche
qui incomberait aux présidents si, comme le voulait la
première décision, ils avaient à juger de l'opportunité ou
de la nécessité de créer une députation. On réfléchit
ensuite qu'il serait difficile de déterminer, chaque fois qu'il
y aurait à former une députation, quels Pères devraient
être choisis et en quel nombre. Et quel temps aussi on
perdrait à élire les membres des députations et à dépouiller
les votes d'un si grand nombre de Pères. Enfin l'on lit
ressortir qu'il faudrait vraisemblablement recourir très
souvent à la formation de députations : on y serait con-
traint sinon peut-être par le fond même des questions
débattues, du moins par leur forme qui souvent cause plus
d'embarras que le fond. Pour ces motifs on modifia la déci-
sion prise précédemment.
Mais voici que les autres questions se posèrent à nouveau :
Combien faudrait-il de députations ? Combien celles-ci
auraient-elles démembres? Qui devait les élire?
On se prononça pour la formation de quatre députations :
une pour le dogme, une autre pour la discipline, une troi-
sième pour les affaires des Eglises Orientales, la quatrième
enfin, pour les Ordres religieux.
De plus, chaque députation serait composée de vingt-
quatre membres, dont seize élus par les Pères et huit par le
(1) Vraisemblablement le cardinal deReisach. Cette identification ne ressort
pas, il est vrai, du procès-verbal, mais l'on trouve aux archives un long exposé
de motifs démontrant qu'il est nécessaire de modifier le décret du 14 avril : or
c'est le cardinal de Reisach qui composa et signa cette pièce.
[405-406]
LES DEPUTATIONS CONCILIAIRES 487
pape, comme il avait été fait dans une occasion semblable au
dernier concile de Latran.
Une autre question, déjà tranchée précédemment, elle
aussi, revint encore en discussion : faudrait-il faire passer
d'abord par l'examen des députations toutes les matières à
proposerai! concile? La réponse resta négative. Les observa-
tions laites an cours du concile obligèrent plus tard le Saint-
Père, comme nous le verrons, à modifier cette décision sur
certains points.
Déjà quand il s'agit de donner au règlement sa rédaction
définitive, le Pape1 décida que la congrégation générale élirait
non pas seulement les deux tiers, mais la totalité des membres
des députations (i).
— î-
(1) Audience du secrétaire de la Congrégation directrice, 2 novembre. — Cf.
Procès-verbal, d'après la séance du 29 octobre 1869.
[406-407J
CHAPITRE III.
Délibérations et décrets sur les projets à présenter, sur la
forme dans laquelle ils doivent l'être à la Congrégation
générale, et sur la marche des délibérations.
Avant tout, il fallait déterminer si le droit de proposer au
concile des matières à discuter ou des décisions à prendre,
revenait au pape seul ou s'il serait accordé aussi aux
evêques.
Dans un mémoire, qu'il rédigea sur cette question au nom
de la Commission centrale, le consulteur Sanguineti, S. J.,
exposa la marche à suivre pour le règlement de cette
question (i).
La Commission centrale fit du droit de proposition l'objet
de ses discussions à la séance du 28 décembre 1868. Elle dis-
tingua avec Sanguineti entre une proposition directe et for-
melle, en vertu de laquelle l'autorité soumet à l'examen des
Pères réunis au concile des points de doctrine ou de disci-
pline, et une proposition indirecte dans laquelle les prélats,
agissant individuellement, demandent en due forme au
Saint-Père ou aux présidents tenant sa place, de soumettre
aux délibérations de l'assemblée une matière qui leur sem-
blerait digne de l'examen du concile. Les cardinaux jugèrent
à l'unanimité que seuls le pape et les présidents chargés de
il) C. V. 1077 c sqq.
L4ÛS]
490 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
la direction du concile pouvaient faire des propositions du
premier genre. Les autres peuvent être laites par tous les
membres du concile. La Congrégation estime que le Pape
fera bien de confier le soin d'examiner les propositions faites
par les Pères à une commission formée de cardinaux et
d'évèques,qui lui ferait savoir ensuite si elle est d'avis de les
accepter.// On pria le cardinal Capalti de rédiger la formule
d'un décret relatif au droit de proposition; le Saint-Père, au
cas où il l'approuverait, pourrait ainsi publier ce décret en
temps opportun.
A la séance suivante, 10 janvier 1869, la Congrégation
revint encore sur ce sujet; on y agita cette question : appar-
tiendra-t-il au concile lui-même, ou ce qui serait mieux au
pape, de choisir dans les différentes nations les cardinaux
et les évêques chargés d'examiner les propositions émanant
des Pères. La Congrégation maintint sa décision première :
le pape fera cette nomination.
Le Dr Hefele, dans le mémoire dont nous avons déjà
parlé (i), traite, lui aussi, du droit de proposition. Il met les
Pères en garde contre le danger qu'il y aurait à différer jus-
qu'au moment du concile les discussions relatives au droit de
proposition. Ce sont elles qui, au concile de Trente, ont
provoqué de grandes pertes de temps et d'amères conten-
tions. Pas un de ceux, dit-il, qui connaissent les diseussions
soulevées a ce sujet dans le concile de Trente, ne niera que
ce ne soit le droit exclusif du pape de proposer au concile des
décrets contribuant au bien général de l'Eglise Cependant,
le I)1 Ilefelé veut aussi qu'on reconnaisse aux évêques uni'
sorte de droit de proposition. Il peut se faire, en effet, que
dans les matières proposées par lui, le pape ait omis l'un ou
l'autre point réclamé par les besoins de certaines provinces
ecclésiastiques et à ce titre très cher au cœur de leurs
(1) Pars I, §2. - C. V. 1089a sqq.
[408-4011]
LE DROIT DE PROPOSITION 491
évêques. Pour ce motif, il ne faut pus leur enlever l'occasion
de suppléer à. cette lacune en toute franchise et liberté. Il
appuya son opinion sur le Ve concile de Latran et sur
le concile de Trente. Toutefois, il veut clés limites au droit
de proposition accordé aux évoques. « Car, il ne doit arriver
en aucune façon que les évêques, pris individuellement, pré-
sentent à la congrégation générale, directement et sans dis-
tinction, autant de propositions qu'ils le veulent. Ainsi, tout
ordre serait trouble dans les délibérations, la porte grande
ouverte à la témérité des esprits, d'innombrables articles
superflus seraient proposés, beaucoup de différends soulevés
et, toutes choses se prolongeant indéfiniment, les séances
n'auraient point de fin. » En conséquence, le D1' Ilefelé pro-
pose, lui aussi, d'établir une commission composée de mem-
bres du concile, à l'examen de laquelle les Pères soumet-
traient leurs propositions./ Le pape jugerait ensuite, d'après
le rapport de la commission, si ces propositions doivent ou
non être présentées a la congrégation générale. Pour la nomi-
nation des membres de la commission, le Dr Hefelé tient pour
un moyen terme. Le pape en nommera une partie, le concile
choisira l'autre. Le président doit être élu par le pape.
Nous avons cru devoir faire connaître au lecteur le juge-
ment porté sur la question présente par un homme qui pos-
sédait si supérieurement l'histoire des conciles. Et cependant
le Votiim du D1 Hefelé fut presque sans influence sur les
déterminations de la Commission centrale. Il ne fut complète-
ment terminé en effet, qu'au mois de mars 1869, alors que
dès la séance du 17 janvier, lecture publique avait été faite de
la formule de décret pontifical rédigée par le cardinal Capalti
sur le droit île proposition. Depuis ce jour la Congrégation
ne s'occupa plus de la question (1). Le décret du cardinal
li Le D' Hhjfei.é avait cependant exposé auparavant son opinion dans une
critique du Volum du consulteur Guleottt, comme nous le montrerons dans le
tome II, en analysant la constitution Multipliées inler.
[409410]
492 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
Capalti reçut l'approbation du pape et nous le retrouvons en
substance tout entier dans les lettres apostolique Multipliées
inter par lesquelles le pape fixe le règlement du concile.
D'après ce document le pape possède purement et simple-
ment le droit de proposition. On reconnaît aussi un droit
analogue aux èvèques, mais avec cette clause que leurs pro-
positions, avant de parvenir à la congrégation générale,
seront examinées par une commission composée par le pape
de cardinaux et d'évêqjaes; sur le rapport de cette dernière,
le pape les admettra ou les rejettera.
Au sujet de l'ordre à observer dans le concile parmi les
matières proposées, la Commission centrale décida le .'!i jan-
vier 1869 qu'on traiterait en même temps les matières rela-
tives à la foi et à la discipline. Mais le premier objet des
délibérations devra être un projet concernant les matières
de foi. Cette décision concorde avec une prescription de la
constitution Multipliées inter par laquelle le pape enjoint
aux présidents d'ouvrir la série des délibérations par un
sujet relatif à la foi. Tour les délibérations suivantes, ils ont
la liberté du eboix entre les matières de foi ou de discipline (i)
Quant à la l'orme des décrets, la Commision centrale avait
décidé d'après l'opinion du professeur Galeotti, dans la
séance du 17 janvier 1869, que le document devrait commen-
cer ainsi : Pius Episcopns, servus servorum Dei, sacro appro-
bante Concilie Les décrets des conciles précédents, que le
pape avait présidés en personne, par exemple du cinquième
concile de Latran, commençaient aussi parées mots. Sur ces
entrefaites, le pape eut connaissance que telle ou telle
commission préparatoire avait déjà donné la forme complète
de décrets aux schémas préparés par elle, et que d'après la
décision mentionnée plus haut, elle avait placé le nom du
pape en tùte de ces décrets. La chose lui déplut. 11 jugea la
(1) G. V.22a.
110-411]
LA REDACTION PREALABLE DES DECRETS 433
dignité du chef de l'Eglise compromise, si les décrets étaient
Soumis revêtus de sa signature à la discussion des évêques.
C'est ce que nous apprend la séance de la Commission cen-
trale du 22 mai 1869, dans laquelle le cardinal président
Patrizi fit part des observations du pape et ordonna la modi-
fication de la décision prise. Alors s'éleva une vive discus-
sion sur la méthode de présenter au concile les matières de
ses délibérations.
Que le pape possédât le droit de proposition dans un con-
cile présidé par lui, et que ce drbit fût inaliénable, la Com-
mission était unanime sur ce point. Il s'agissait donc seule-
ment de la manière dont il userait de ce droit. La Commission
fut d'avis que l'autorité du Saint-Siège ne subirait aucun
amoindrissement du fait que les canons et décrets vien-
draient en discussion entièrement rédigés et portant le nom
du pape. Le concile savait en effet que les canons et décrets
ainsi présentés, n'étaient autre chose que des travaux de com-
missions chargées de préparer les matières des délibérations.
11 savait aussi que la volonté du pape était qu'ils fussent
soumis en toute liberté à l'examen des évêques, avec le droit
réservé au pape de les confirmer ou de les rejeter après que
les évêques les auraient modifiés.
Un cardinal proposa de rédiger une formule de proposition
pour les sujets de délibération, formule qui pourrait être
employée pour tous les cas. La volonté du pape y serait net-
tement exprimée, que tels et tels projets de décrets rédigés
par les commissions compétentes, fussent discutés par les
évêques. Un autre cardinal ajouta que le pape pourrait s'ex-
pliquer lui-même à ce sujet dans une allocution à l'ouverture
du concile.
Toutefois, au Cas où cette méthode ne conviendrait point
au pape, on en jugeait deux autres possibles / : l'une consis-
tait à rédiger, il est vrai, les chapitres et décrets, mais sans
formule d'introduction: par la seconde on présenterait les
[4111
49 i HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
sujets de délibération sous l'orme de questions. Aucune de
ces deux méthodes ne plut aux cardinaux. Un décret de con-
cile déjà rédigé, remarqua l'un d'eux, et qui est mis en dis-
cussion, émane du pape, qu'il porte ou ne porte point son
nom, chacun le sait. Les répugnances du Saint-Père n'en
persisteraient pas moins, malgré la suppression de son nom.
In autre cardinal parla contre la l'orme de questions à don-
ner aux sujets de délibération. Xe pas formuler les chapitres
et les décrets, pensait-il. c'était ouvrir la porte à des discus-
sions sans fin. Où il y a plusieurs têtes et plusieurs vouloirs,
là régne la diversité des opinions et des désirs. Cela se véri-
fie encore plus, quand l'objet de la délibération est proposé
sans être formulé. La formule donne a la pensée, son corps,
sa solidité, elle dirige les débats, qui sans elle flottent ça et
là sans but précis, comme un vaisseau qui n'a plus de gou-
vernail.
Déjà le I>: Hefelé, dans le mémoire mentionne plus haut | i i
s'était prononcé avec la plus grande énergie pour la rédac-
tion préalabledes décrets et il en avait fort bien exposé les
raisons. A l'objection que les décrets étant proposes tout
rédigés dicteraient leur jugement aux Pérès avant même
qu'ils aient exprimé leur avis, le L)! Hefelé répond : « Ce
que la commission particulière propose a la congrégation
générale n'est encore en aucune façon le jugement de celle-
ci, mais un simple projet, une l'orme précise d'un jugement
qui ne sera prononcé que s'il agrée, et il va de soi que la con-
grégation générale n'est nullement lice par cette forme pro-
jetée du décret : elle peut la rejeter ou l'adopter, la modifier,
la raccourcir ou l'allonger. Il en est ainsi, continue le
I)1' Hefelé, de tout conseiller: celui-ci présente d'ordinaire
son avis à son maître, à son roi ou a son supérieur ecclésias-
tique, sous la forme d'un décret à promulguer; et cette
1 \ oyez p. 181.
[412]
LA REDACTION PREALABLE DES DECRETS 498
manière de faire, en usage de nos jours dans tout»' société
civile et ecclésiastique, ne portera jamais aucune atteinte à
la dignité d'un supérieur ».
Puis il t'ait remarquer les avantages d'une rédaction
préalable des décrets : t< De cette façon, dit-il, pourront
aboutir des décrets qui s'harmoniseront parfaitement
ensemble et qu'on aura bien et mûrement considérés dans
chacune de leurs parties. Ainsi les travaux pourront être
terminés pins vite; / au contraire à Trente, on perdit un
temps considérable, et beaucoup de séances de la congré-
gation générale ne purent aboutir à une solution décisive
parce que les projets n'étaient point revêtus de la forme
soigneusement élaborée des décrets (i) ».
Dans cette séance du 22 mai, la Commission centrale
ne parvint point a se mettre d'accord pour décider quelle
forme on donnerait aux questions qui seraient soumises
à la délibération du concile. Aussi, le président proposa-
t-il d'adresser au pape la demande de daigner faire tenir
séance devant lui; il apprendrait ainsi à mieux connaître
les différentes opinions en présence et leurs motifs ; ensuite,
il trancherait lui-même la question. Ce projet obtint l'assen-
timent universel.
Il semble pourtant que la séance devant le pape n'eut pas
lieu: du moins, ne trouvons-nous rien là-dessus dans les
Actes. Vraisemblablement, le pape, modifiant sa première
manière de voir, adopta celle de la Commission centrale.
Voici la résolution que nous lisons dans sa séance du
25 novembre : « Afin de faire comprendre de la manière la
plus claire, aux Pères du concile, que les travaux préparés
au sein des commissions sont, en réalité, dépourvus de toute
approbation pontificale et peuvent par suite, être librement
débattus, il faudra présenter ces projets avec la déclaration
(1) C. V. 1098 a. sci q .
[412-413
496 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
suivante : Schéma Constitutionis.. , quod Patribus exami-
nandum proponitur. Et dans les lettres apostoliques Multi-
plices in ter, qui établissent le règlement du concile et qui,
pour le fond, se trouvaient terminées des le mois d'août, le
pape dit au sujet de la proposition des objets de délibéra-
tions : Volumus et mandamus ut schemata deeretorum et
canonum ab iisdem viris (membris commissionum) expressa
et redacta, quœ Nos huila Nostra approbatione muni ta, inté-
gra intègre Patrum cognitioni reservavîmus, iisdem Patribus
in Congregationem generalem collectis a(t examen et judi-
cium subjiciantur (i).
La marche à suivre dans les délibérations conciliaires
avait déjà été traitée par le consultent' Galeotti dans si m
mémoire déjà plusieurs fois cité (2). Il y montre comment le
Concile de Trente et, avec plus de détails encore, comment
le cinquième Concile de Latran avaient délibéré sur les
matières proposées. Son mémoire fut examiné dans la séance
du 24 janvier 1869. Aucun de ces deux systèmes de travail
ne convint aux cardinaux et l'on tint pour plus avantageux
d'appliquer au concile la méthode des parlements moder-
nes . Cependant, la discussion fut longue et finalement
aucune décision ferme ne fut prise; mais on chargea le
consulteur Hefelé de rédiger un rapport sur la question.
Voici la méthode proposée par le Dr Hefelé (3). Au
début de la séance on lira, pour le discuter, le décret sorti
de la commission ; s'il est trop long ou s'il peut être suppose
connu des Pères à l'aide des exemplaires qui leur auront été
distribués, un membre de la commission dans laquelle fut
rédigé le schéma commence' par le recommander à l'atten-
tion de la congrégation et, s,;l y a lieu, par lui en exposer
(i) Ibid. 22 b.
(2 § 5., p. 70-79.
(3) C. V. 1098c. sqq.
[413-4MJ
METHODE DES DELIBERATIONS CONCILIAIRES 497
plus clairement le contenu. Le président de la congrégation
générale devra donc toujours donner la parole en premier
lieu, au membre de la commission. Ce dernier sera suivi a la
tribune par l'orateur qui aurait des raisons à apporter contre
le schéma, raisons qu'il aura dû présenter à la commission
au moins un jour à l'avance. S'il y a plusieurs opposants
pour un schéma, chacun parlera à sou tour suivant l'ordre de
préséance. Le président de la congrégation générale, qui les
appelle a la tribune à tour de rôle, doit veiller à ce que les
orateurs ne s'écartent point de leur sujet et qu'ils ne fassent
entendre aucun propos désobligeant. Il interrompra donc
l'orateur en cas de besoin et le rappellera à la modestie ou à
la brièveté.
Au président de juges quand la discussion est épuisée et
la matière suffisamment éclaircie; il doit alors mettre fin
aux débats et faire voter suivant l'ordre des sièges sur les
articles qui doivent être mis aux voix.
Si le texte du schéma de la commission est universelle-
ment approuvé par la congrégation générale, il sera aussitôt
converti en décret du concile; Y a-t-il une légère modifica-
tion à introduire dans le schéma présenté, le représentant de
la commission l'accomplira immédiatement sous la direction
du président. Si. après le rejet du schéma de la commission,
on en adopte un autre, proposé par un des autres Pères, ce
dernier devra, de concert avec le représentant de la commis-
sion et sous la direction du président, rédiger le décret.
Enfin, au cas où ni le schéma de la commission ni aucun
antre proposé à la congrégation n'est approuvé par elle, la
commission en élaborera un nouveau qui réponde au désir
et à la manière de voir des Pères.
Il sera très utile, pour la prompte expédition des travaux
conciliaires, de ne donner qu'une fois la parole a chaque
membre du concile dans la congrégation générale: / seuls,
pourront plusieurs fois monter à la tribune les représentants
[414]
498 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
de la commission compétente et les Pérès opposés au projet
qui auront exprimé leur avis par écrit.
( 'c qui aura été décidé dans la congrégation générale
sera, après avoir eu l'approbation du Saint-Père, promulgue
en session solennelle.
Le mémoire du D1" Hefelé fut examiné par la Commission
centrale dans les séances des \ et 14 avril. Dans la dernière
on prit sur la marche à suivre dans les débats conciliaires
les décisions suivantes :
Les canons et décrets rédigés par la commission seronl
imprimés et envoyés à tous les Pères, quelques jours avant
la congrégation générale où ils devront être discutés.
Si l'un des Pères, rejetant tout le schéma ou l'un de ses
points principaux, veut en faire le sujet d'un discours à la
congrégation générale, il devra en informer au moins trois
jours à l'avance le président de la congrégation générale.
Il n'est pas tenu de déposer par écrit ses difficultés.
Si la diversité d'opinions est trop grande pour que Ton
puisse arriver à un accord dans la congrégation générale, le
schéma est renvoyé à une députation de Pères qui seront
élus par la congrégation générale. Dans le cas où celle-ci
chargerait les présidents de nommer les membres de la
députation, il sera fait ainsi. Autrement, c'est la majorité qui
décidera. L'élection se fera par bulletin de vote. La congré-
gation générale fixera chaque fois le nombre des membres
de la députation.
Xous avons déjà dit au chapitre précédent que le 18 juillet,
ce décret fut modifié partiellement, et que, pour de très
graves motifs, on décida d'élire, dès le commencement du
concile et pour toute sa durée, des députations permanentes,
au nombre de quatre. Dans la séance du 18 juillet, on émit
aussi l'avis que c'était trop demander à ceux qui voulaient
parler à la congrégation générale (pie de les obliger à pré-
[415J
LE SCRUTIN AUX ASSEMBLEES CONCILIAIRES 49!)
venir le président trois jours à l'avance. Bien plus, il fallait
s'attendre à ce que les discours de certains orateurs fissent
naître chez d'autres le désir d'exprimer leur opinion sur le
même sujet. On décida donc qu'il suffirait aux orateurs
d'annoncer un jour a l'avance leur intention de prendre la
parole. //
D'après la décision de la Commission centrale, en date du
25 juillet 1869, le scrutin dans la congrégation générale se
fait de vive voix (1); On autorise pourtant la lecture d'un
vote écrit. En vertu d'un décret de la Commission centrale
du 21 mars, ceux que la maladie empêcherait de prendre part
au scrutin n'ont point le droit d'envoyer leur vote écrit.
Cette dernière autorisation ne pourrait être accordée, est-il
dit, qu'en des cas spéciaux et extraordinaires, par exemple
lorsqu'il y aurait un intérêt particulier à connaître le juge-
ment de l'évèque malade, comme dans le cas où il serait con-
sidéré pour sa remarquable érudition, dans le cas surtout où
il aurait pris part aux diseussions de la congrégation
générale (2).
Les sessions publiques sont présidées par le pape en
personne. Il est d'abord donné lecture des décrets ou canons
rédigés définitivement quant au fond et quant à la forme
dans la congrégation générale; puis, le scrutin est ouvert.
Chaque Père donne son suffrage de vive voix en ces termes :
placet ou non placet, sans aucune addition. On ne doit
non plus rien ajouter d'écrit, contrairement à ce que le
(1) Le mode de suffrage dans la congrégation générale ne semble pas avoir été
précisé davantage avant le Concile. Plus tard seulement il tut établi par le décret
du 20 lévrier 1870, que les votes portant sur les projets d'amendements et sur les
parties de schémas se feraient par assis et levé, avec la contre-épreuve ; et pour
les votes relatifs à l'ensemble du schéma, il faudrait les exprimer par Placet
ou Non placel; il était permis d'ajouter une condition au Placet (C. V. 69b.)
(2) La question des absents est traitée au long dans le mémoire du consulteur
Galeotti, c. 3, art. 3, p. 22 sqq. — Au sujet des congrégations générales, voirie
mémoire du P. Sanguineti.q. 8., p. 14 sqq
[415-41GJ
oOO HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Concile de Trente autorisait. Le pape ne donne pas son
suffrage le premier, comme il a été fait au cinquième Concile
de Latran; mais le vote pontifical suit tous les autres, pour
éviter même l'apparence d'une contrainte exercée par le
pape sur les évêques. Ce scrutin définitif des membres du
concile et sa ratification par le pape, en session publique,
sont la promulgation même du décret conciliaire (i).
il) Voir plus haut p. 406.
[4i6J
CHAPITRE IV.
Rédaction d'un règlement du concile.
Il est surprenant que nul règlement fixe n'ait été établi par
les conciles antérieurs. Les procédés employés dans chacun
d'eux ont varié sur bien des points. Dans les conciles
d'Orient, il n'existait aucune règle fixe pour la tenue de
ces assemblées, on célébrait les conciles comme la nature
des choses l'exigeait 11 faut en dire exactement autant des
premiers conciles d'Occident. C'est au Concile de Constance
seulement,que nous voyons avant sou ouverture les Docteurs
exprimer, dans un mémorandum à l'adresse du Pape Jean
XXIII, le désir que certaines règles soient adoptées pour les
délibérations; quand ces règles furent composées, le pape les
soumit à l'examen du concile (i). Au cinquième Concile de
Latran, le pape lui-même avait rédigé à l'avance un règle-
ment ; mais à la première séance il demanda au concile si le
règlement lui agréait (2). En dehors de quelques règles tradi-
tionnelles, le Concile de Trente ne possédait aucun règlement
fixe, déterminé d'avance; et dans les cas particuliers où ce
défaut se fit sentir, le concile y suppléa par lui-même (3).
Ce furent précisément les malheureuses expériences
(1) Mansi XXVII, 534 sq. — Cf. Hefele, Konziliengeschichte, VU, 2i.
(2) Paroles du cardinal Bilio à la séance de la commission préparatoire le
27 juillet 1869.
(3) L'Ordo celebrandi concilii generalis Tridentini sub PauloIIl.JidioIHetPioIV
sninmis Pontificibus observatus qui fut adressé à la commission préparatoire du
Concile du Vatican (publié par Gegconi, loc. al. vol. I, Doc. LV) n'est pas un
règlement qui fut à l'usage du Concile de Trente, mais un exposé rédigé après
le Concile par son secrétaire Angelo Massarelli, de la méthode suivie dans les
travaux de ce Concile.
[417]
502 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
faites au Concile de Trente, // qui déterminèrent le plus
puissamment la Commission préparatoire du concile du
Vatican à dresser, avant même l'ouverture de l'auguste
assemblée, des règles déterminant sa manière d'être et
d'agir. A Trente, en effet, le manque de règlement préa-
lable avait fait perdre beaucoup de temps et de peine;
car le concile avait dû tout d'abord discuter et trancher des
questions de fort minime importance à plus d'un point de
vue. Aussi le D' Hefelé, le savant et célèbre historien
des conciles, lors de la préparation de celui du Vatican.
poussa-t-il avec énergie, en sa qualité de consulteur de
la Congrégation directrice, à l'adoption de ces trois
points : Premièrement, a trancher et solutionner par voie
d'autorité, d'une manière claire et définitive, dès avant
l'ouverture du concile, les questions qui dans d'autres con-
ciles avaient causé un si grand nombre de querelles, de
temporisations, avec une perte de temps si considérable ».
Deuxièmement, « faire préparer par des commissions spé-
ciales toutes les matières à proposer aux congrégations
générales, avant qu'elles ne fussent soumises à celles-ci ».
Troisièmement enfin, « dans les congrégations générales,
discuter et définir, d'après les règles fixées, les matières
élaborées et proposées par les commissions spéciales (i) ».
Le Dr Hefelé recommande donc une méthode de travail à
rédiger avant le concile et à fixer par voie d'autorité: il ne
peut être mis en doute, ajoute-t-il, que, si elle répond bien à
son but, une méthode de travail ne soit extrêmement pro-
fitable à l'activité conciliaire.
Auparavant déjà, la Commission centrale avait décide de
rédiger un plan de règlement déterminant le genre de vie des
Pères au concile et l'ordre à suivre dans leurs travaux.
Le ii août 1S67 il est déjà question d'un semblable Regola-
lt C. Y. 1087 d. sq.
118]
RÉDACTION D'UN REGLEMENT DU CONCILE 503
mento, et à plusieurs reprises on parle dans les séances,de la
nécessité d'un règlement fixé par écrit (i). Ce fut pourtant
le il avril 186g seulement qu'on fit le premier pas dans cette
voie, en chargeant les eousulteurs Galeotti et Sanguineti
d'ébaucher le Regolamento. A la suite d'une observation qui
fut faite à la séance du 22 mai, le cardinal Capalti commu-
niqua au consulteur Sanguineti, chargé de la rédaction, les
points que le Regolamento devrait renfermer. Bientôt
Sanguineti présenta son plan, et du i3 juin jusque vers le
milieu du mois d'août, l'examen de ce plan remplit toutes les
séances de la Commission centrale. //
Nous connaissons déjà les délibérations de cette commis-
sion sur les dispositions principales qui constituent le règle-
ment du concile. On débattit encore d'une façon spéciale la
manière d'imposer ce règlement.
Dans la séance du 20 juin, on avait soumis à un examen
plus minutieux les divers points du projet présenté par le
Père Sanguineti, quand l'attention des cardinaux fut spécia-
lement attirée sur les derniers mots de l'introduction; en
voici la teneur : « Quamobrem ea, quae sequuntur, omnino
in Concilio hoc Vaticano sancte servanda, Apostolica nostra
auctoritate, Sacro approbante Concilio decernimus ». C'était
la formule qui devait, conformément à la décision antérieure
de la Congrégation directrice, être employée pour les décrets
et les canons du concile. Ces mots se trouvaient aussi dans
le décret par lequel Jules II prescrivit l'ordre à suivre dans
le cinquième Concile de Latran. Réflexion faite, on se dit,
non sans raison, que le Regolamento serait publié par le
Saint Père avant le concile, dans le but de fixer à l'avance la
marche à suivre pour les travaux du concile. L'assentiment
des Pères était donc impossible, et, par suite, on ne pouvait
(1) Procès-verbal du 15 décembre 1867. —24 janvier 1869: Bisogno gravissimo
di un liegolamenlo da sanùonarsi du Sua Santitàper diriygere saggiamente le opéra -
*>ioni del fuluro Concilio.
[418-419]
50 i HISTOIRE DU COXCILE DU A ATICAX
le demander pour le règlement comme on le faisait pour les
futurs décrets conciliaires; a fortiori, ne pouvait-on pas le
mentionner. La conclusion fut qu'il fallait effacer de l'intro-
duction les mots Sacro approbante concilio.
Mais dans la séance suivante du 27 juin, les cardinaux
revinrent encore une fois sur ce sujet. Le cardinal Bilio
avait, dans l'intervalle, soigneusement étudié le procès-
verbal de l'ouverture du cinquième Concile de Latran : il
rapporta que le cardinal Farnèse, exerçant alors les fonc-
tions de diacre, avait donné lecture en présence du Pape, des
règles à observer dans ce concile, et avait ensuite demande
à l'assemblée si le texte plaisait à tous. Alors la Congré-
gation directrice remit en discussion la question qu'elle avait
résolue négativement dans la séance précédente : Faut-il
introduire dans le schéma du règlement du concile les mots
Sacro approbante concilio, et faut-il proposer au Pape qu'il
présente ce règlement aux Pères du concile réunis dans la
première session, et qu'il leur demande s'ils l'approuvent?
L'exemple du cinquième Concile de Latran, le dernier que le
Pape ait présidé en personne, faisait pencher fortement vers
l'affirmative. Mais cette considération que quelqu'un des
Pères pourrait trouver à redire à une prescription du Rego-
lamento et,en soulevant des difficultés nombreuses, retarder
longtemps les délibérations,// la pensée même qu'en subor-
donnant le Kegolamento à l'avis conforme des Pères, on
remettrait en question tous les avantages assurés aux tra-
vaux conciliaires par un règlement rédigé à l'avance, cette
considération, disons-nous, détermina la Congrégation à
maintenir la décision prise dans la précédente séance (1).
(1) Il se trouve aux archives un fragment d'une pièce ayant pour titre : Regola-
mento del Concilio in générale et écrit de la main de M" Giannelli, secrétaire de la
Commission centrale; il expose plus en détail les raisons qui déterminèrent la
Commission à trancher négativement la question agitée : « Poteva il liegolainento
formar l'oggetto di un Atto conciliare col proporlo ai Padri ajfinchè lo avessero dis-
cussoevi av issero dato il loro Voto, e non manca per avvenlura taluno, checiôpre-
[419-420]
LE DROIT DU PAPE 50S
Le Pape a-t-il le droit d'imposer de sa propre autorité un
règlement au concile avant l'ouverture de celui-ci? Cette ques-
tion semble n'avoir même pas été posée dans la Congré-
gation. Vraisemblablement il ne vint même point à l'esprit
de ses membres qu'un doute pourrait jamais s'élever là-
dessus. Aussi bien ce droit est-il clairement impliqué dans la
plénitude de puissance dévolue au Pape. Le Pape, en effet, a
le plein pouvoir de gouverner l'Eglise, et par conséquent,
celui de prendre pour lui le rôle d'ordonnateur, dans toutes
les choses où le divin Fondateur de l'Eglise n'a pas lui-même
établi les règles nécessaires. C'est en cette qualité d'ordon-
nateur qu'agit le pape quand, avant un concile, il trace les
règles que ce dernier devra observer (i). Si elles sont bien
faites, elles ne peuvent que profiter aux travaux de l'au-
guste assemblée./: Sont-elles mauvaises, enlèvent-elles, par
lenda e vi è anche l'esempio dell' ulliino Concilio laleranense, in cui il Regolamento fu
lelto in publica sessionè domandando ?7Placet ni Padri reuniti in Concilio. Si è pero
confideralo, chequesta d'scussioneoltre al suscitarei robabilmente questioni,che con-
veniva evilare. avrebbe Iratto molto in lungo et consumalo mollo tempo, et se ne aveva
un argumenlo da vedere, chelastessa Congregasione Direilrice, composta di pochi
scellissimi Porporali, ha dovulo appunto per la difficulté délia cosa impiegarvi, corne
gia si è detlo, un cospicuo numéro di sessioni. D'altronde si è anche ponderato, che il
dirilto di presiedeve e diriggere liconcilii spella incontestabilmente alla S. Sede, e cite
il futuro Concilio sarà presieduto dat S. Padre : si è percio giudicato nulla exservi di
straordinario che Sua Santitâ, primo che cominci il concilio, fissi le norme ed il metodo
da serbarsi nel concilio stesso. — In vista di tutlo ciù, Sua Santita si degnaia appro-
vare il divisamento délia Congrega&ione Direilrice e di or dinar e, che il Hegolamento
formera il soggeltodi un a Apostolica Lellera ossia Brève, che verra publica la in una
Humione Prosinodale,cui si degnerà radunare tutti H Padri prima delT apertvra del
Concilio, [acenrto ad essi, se lo vorrà, un brève paterno discorso. »
(1) Hinschius (Das Kirchenrecht der Katholiken und Proleslanten in Deutschland,
III, <il2) accorde que la Primauté, telle qu'elle est exercée dans l'Eglise catho-
lique, fonde le droit de dicter au Concile le règlement de ses travaux. Cet auteur
remarque en même temps que la mesure prise par Pie IX n'est pas sans antécé-
dents analogues. Déjà dans les Conciles du moyen âge la curie rédigeait à elle
seule les schémas des canons, et les synodes étaient exclus de toute participa-
tion active à la confection et à la rédaction des matières proposées (loc. cit.,
p. 611). Hinschius allègue une foule d'exemples de ce fait (ibid. p. 362'). Toute-
lois, pour parvenir à ce résultat, il n'est point nécessaire de partir comme
Hinschius (ibid., p. 612 sq.) de cette idée fausse que.d'après la doctrine catholique,
l'Episcopat réuni en concile général n'est tout simplement qu'un conseil, un
sénat du Pape. Un corps peut avoir un vrai pouvoir législatif et judiciaire, alors
même qu'il reçoit d'un autre les règles qui en déterminent l'exercice.
[420]
oOG HISTOIRE Dl" CONCILE OU VATICAN
exemple, au concile la liberté de ses débats et de ses veto,
dans ce cas, le concile a évidemment le droit de protester
contre ces règles et d'en réclamer la modification.
De ce que, dans les anciens conciles, les papes n'ont pas
trace semblables règles, il ne s'ensuit pas qu'ils n'avaient pas
le droit de le faire, mais seulement qu'ils n'ont point usé
d'un pouvoir qu'ils avaient. Les funestes conséquences qui
résultèrent pour plusieurs conciles de l'absence d'un règle-
ment ferme, furent précisément la raison qui détermina le
Pape et ses conseillers à prendre d'avance, pour le Concile
du Vatican, des dispositions bien arrêtées.
Dans la séance1 du 16 août, la Congrégation directrice se
demanda si elle proposerait au pape de publier le règlement
du concile sous forme de constitution papale dans une reu-
nion présynodale, ou bien dans la première session. Il fut
décidé que le pape lui-même trancherait la question, et le
cardinal Capalti fut prié de lui faire un rapport sur cette
décision. Ce l'apport fut rédigé par écrit après la séance du
22 août, et remis au pape en même temps que le Regolamento.
Le Saint-Père se prononça pour la promulgation en séance
présynodale. Le règlement du concile subit encore quelques
petites retouches dans plusieurs séances de la Commission
centrale, et fut enfin porté par le pape à la connaissance des
Pères dans la séance présynodale du 2 décembre. Il n'est
autre que les lettres apostoliques bien connues Multipliées
in ter, sur lesquelles nous aurons encore souvent à revenir
dans la suite.
[421]
CHAPITRK V.
Délibérations et décrets sur lu profession de foi
imposée aux Pères
et sur le serment des officiers et des auxiliaires.
Dans un rapport (i) que lui demanda la Commission cen-
trale, M-1' Tizzaui, archevêque de Xisibe, donna son avis sur
la profession de loi que les Pères avaient à faire au commen-
cement du concile. La première partie de ce mémoire traite
des prières qui devaient être prescrites avant le concile, nous
en parlerons plus loin. La seconde partie répond aux ques-
tions suivantes qui avaient été posées au consjulteur : i° Fau-
drait-il faire une profession de foi, laquelle, qui devra la
faire, quand, comment, en présence de qui, et faudrait-il rap-
peler dans la formule le dogme de l'Immaculée Conception
de la Sainte-Vierge? i>" Proposera-t-on aux prélats du rite
oriental, la môme profession de foi qu'à ceux du rite latin, ou
bien une autre et laquelle? 3" Cette prescription concernera-
t-elle aussi les Pères qui arriveront au concile après son
ouverture?
Cette profession de foi, ainsi que l'expose Mgr Tizzani, peut
être considérée, soit comme le signe et la preuve de l'unité
de foi, soit comme l'affirmation de vérités ou la réprobation
d'erreurs dont, pour des circonstances particulières on exige
la profession ou l'abjuration., Nous trouvons dans les conciles
(1) Voto del Heverendinsimo Monsignor Ti&Mtni Arcivescovo di Nisibi sopra le
preijhiere da intunarsi innan-J ail' apertura del Concilio ; e sopra la professione di
lede da farsi dai vescovi. Giuyno 18G8.
508 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
généraux des exemples des deux sortes de professions de
foi, les documents historiques nous les fournissent. L'une de
ces professions reste invariable, la même dans l'Eglise, c'est
celle de Xicée et de Constantinople, l'autre change suivant
les circonstances; la formule en est rédigée dans les conciles
ou par le pape, quand il est nécessaire. Il est clair, dit
M-1' Tizzani, que dans les conditions actuelles, telles du
moins (pie je les connais, il n'y a aucun motif d'imposer aux
évêques pour le prochain concile une profession de foi spé-
ciale, différente de celle de Xicée ou de Constantinople.
Parmi les évêques catholiques ne règne aucune dissension
sur le terrain dogmatique, ni de schisme en ce qui concerne
la soumission due au pape. L'Episcopat n'a même jamais été
aussi uni qu'à présent, et dans la défense des vérités catho-
liques, et dans sa soumission au pape. Proposer aux évêques
une profession de foi spéciale serait donc leur faire injure.
Par contre, il convient et il est juste que peu après leur con-
vocation, les Pères du concile prononcent le symbole de
Constantinople ; et il sied à la dignité de la sainte assemblée
d'ouvrir la série de ses travaux par la profession de ce sjmi-
bole qui est le fondement et le signe de toute notre foi catho-
lique.
La réponse de M81" Tizzani aux autres questions est courte.
Les Orientaux devront faire la même profession de foi que
les Latins, et on l'exigera aussi des Pères qui arriveront après
les autres. On ne pourra admettre au concile des évêques qui
appartiennent à une autre confession religieuse, si ce n'est
après qu'ils auront abjuré leur erreur; jadis, au second con-
cile de Xicée, on avait demandé la même chose de Basile,
évèque d'Ancyre, et d'autres fauteurs de l'hérésie des Icono-
clastes.
La Commission centrale, qui délibéra le 21 juin 1868 sur le
rapport de Mgr Tizzani, se mit d'accord en substance sur
cette décision : il fallait maintenir sans addition la for-
[423]
FAUT-IL MODIFIER LA PROFESSION DE FOI .'309
mule bien connue de Pie IV; le Saint-Père pouvait, s'il le
voulait, prononcer la profession de foi avec les autres évêqués
dans la première session; ceux qui arriveraient plus tard
•levaient la prononcer devant les cardinaux-présidents du Con-
cile à la première congrégation générale dans laquelle ils
siégeraient; les prélats orientaux catholiques devraient
réciter la même profession de foi que les latins; les évèques
orientaux scliismatiques auraient, s'ils venaient au concile.
à abjurer leurs erreurs et à prononcer la profession de foi
selon la formule d'Urbain VIII.
Comme nous le disions plus haut (i), on avait déjà demandé
à l'archevêque de Xisibe s'il fallait ajouter à la profession de
foi l'article de l'Immaculée- Conception de Marie. Dans la
discussion du rapport il ne paraît pas qu'on ait touché la ques-
tion. On y revint seulement plus tard, et le canoniste Feye, de
Louvain, reçut mission de composer un mémoire là-dessus.
La réponse du consulteur Feye fut affirmative et son mé-
moire s'appuyait de raisons très puissantes (2) en faveur de
l'addition. Voici la principale : Le concile ne peut se sous-
traire à la nécessité de mentionner la doctrine définie le
8 décembre 1854 ; la chose ne pouvant bien se faire par inser-
tion dans un décret, il ne reste plus que l'addition au sym-
bole. Nous n'avons pas ici à développer ces différentes asser-
tions. Le professeur Feye réfute aussi les objections qu'on
pourrait élever contre sa proposition, en particulier celle-ci :
Faire cette addition au symbole, c'est forcer les évèques à
reconnaître pratiquement l'infaillibilité du Pape avant même
que cette question ait été discutée. L'auteur du mémoire fait
remarquer avec raison que les adversaires de l'infaillibilité
(i) P. 507.
(2) Les questions étaient ainsi posées : An expédiai in Professione Fidei, juxta
lormulam PU IV ipso Synodi inilio récitanda ab omnibus Palribus, addere articuium
de immaculala B. Virgims Mariée Conceptwne. Et quatenus affirmative Quo
memoraUe formulée loco et quibux verbis Itujusmodi articulus sit addendus.
T423-424I
510 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pontificale étaient obligés d'admettre le dogme de l'Imma-
culée Conception. Car il existe en sa laveur, tant avant
qu'après sa définition, l'assentiment indéniable des Evêques
et de l'Eglise tout entière ; or les adversaires les plus réso-
lus de l'infaillibilité pontificale enseignent eux-mêmes avec
les Gallicans, que le jugement du pape fait loi quand l'assen-
timent universel de l'Eglise (i) le renforce de son adhésion.
Ce fut sans aucun doute à la suite des orages qui avaient
éclaté contre le concile en 18G9, que la Congrégation direc-
trice fut amenée plus tard à résoudre par la négative la
question de l'insertion dans la profession de foi du dogme de
l'Immaculée-Conception. Cette doctrine, en effet, avait été
aussi le sujet de violentes attaques contre l'Eglise. La
méfiance que les ennemis de celle-ci avaient répandue
contre le concile, détermina les cardinaux à agir avec cir-
conspection,pour ne pas provoquer de nouveaux soupçons ou
donner prétexte à de nouvelles attaques par une addition au
symbole. Quand on discuta le mémoire du professeur
Eeye (2), ils exprimèrent, il est vrai, leur satisfaction au
sujet d'un travail si approfondi, mais jugèrent inopportun
que le Saint-Siège fît lui-même l'adjonction en question. Une
modification si inattendue apportée à l'antique formule de la
profession de foi pourrait provoquer l'étonnement et occa-
sionner de nouveaux embarras. Le mieux serait de déter-
miner les évèques à réclamer eux-mêmes que le symbole
fût complété par l'insertion du dogme si cher à tous ceux
qu'anime un filial amour envers la Mère de Dieu. Les circon-
stances les y poussaient, car le concile s'ouvrait précisément
à la fête de l'Immaculée-Conception, et il était expressément
(1) Le quatrième article de la Declaratio cleri Gallicani, reproduit par le con-
sulteur Feye s'exprime ainsi : In fidnquoque quwstionibus pnveipuas Summi lJon-
ti/icis esse partes, ejusque décréta ad omnes et Sinyulas Ecclesias pertinence, nec tamen
irreformabile esse judicium, nisi Eeclesise consensus accesserit.
(2) Procès -verbal du 11 juillet 1869.
f424-4'25^
LE SERMENT DES OFFICIERS. 511
placé sous la protection delà Mère de Dieu conçue sans péché.
Dans le procès-verbal de la Congrégation directrice nous
ne trouvons plus ensuite qu'une seule décision prise au sujet
de la profession de foi : celle-ci devait être faite dans la
seconde session publique (i). On ne parle plus d'étendre le
symbole. De l'ait, la profession de foi fut faite plus tard sans
aucune nouvelle addition.
Pour les officiers du concile il devait y avoir un serment.
Ils s'engageaient à remplir fidèlement les devoirs de leur
charge et à observer consciencieusement le secret qui leur
était imposé (2). En vertu d'une décision du 19 octobre 1869
de la Congrégation directrice, les officiers chargés des
fonctions plus élevées, c'est-à-dire ceux dont le Regolamento
faisait mention explicite, devaient prêter ce serment entre
les mains du pape, les autres auxiliaires du concile, tels que
les sténographes, le prêteraient entre les mains du secrétaire
de l'assemblée. Etaient exemptés de l'obligation du serment,
les officiers revêtus de la dignité épiscopale ainsi que les
custodes. La charge de ces derniers, remarqua le pape,
poste de haute distinction et d'honneur, étant purement hono-
rifique, on devait les dispenser du serment (3).
(1) Ibid. 26 octobre 1869.
(2) Cf. C. V. 16 c.
(3) Cf. Procès-verbal du 28 novembre 186<>.
[425]
CHAPITRE VI.
Travaux des Commissions préparatoires sur les schémas
à proposer.
Comme nous l'avons rapporté au premier livre (i), cinq
commissions dépendant de la Commission centrale avaient
été formées pour préparer les matières de délibérations à
proposer au concile : il y avait une commission pour le
dogme, une autre pour la discipline ecclésiastique, la troi-
sième pour les Ordres religieux, la quatrième pour les Eglises
d'Orient et les missions, enfin la cinquième était la commis-
sion politico-ecclésiastique.
Nous avons sous les yeux les règles qu'avaient à observer,
dans leurs travaux, les deux premières et la dernière de ces
commissions.
La Commission dogmatique reçut pour instruction (2) de
suivre l'exemple du Concile de Trente dans les canons pro-
nonçant l'anatlième contre les erreurs. Elle devait les faire
précéder d'un exposé court et précis de la doctrine catho-
lique correspondante. // Parmi les erreurs à condamner, elle
devait choisir celles qui sont plus particulières à notre temps,
et parmi elles, les plus graves, les plus dangereuses et les plus
répandues. Il ne fallait pas l'aire comparaître au tribunal du
concile seulement les erreurs directement et immédiate -
(t) P. 73 sqq.
(2) C. V. 1102 c. sqq.
[426-427
ol i HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ment contraires à la vérité révélée, c'est-à-dire les hérésies;
mais encore, d'une façon générale, toutes celles qui portaient
une sérieuse atteinte à la foi et aux bonnes mœurs.
Quant à la forme de la condamnation, on fait remarquer
que les hérésies, c'est-à-dire les doctrines en opposition
directe et immédiate avec les vérités de la foi, devaient être
seules visées par les canons, mais dans les chapitres on
relèverait aussi les autres erreurs. L'athéisme, le pan-
théisme, le matérialisme et les autres doctrines qui attaquent
les fondements de la religion chrétienne pouvaient être
déclarées dans les chapitres, dignes d'exécration. Les
hérésies déjà clairement condamnées comme telles par les
papes ou les conciles généraux ne devraient pas être frappées
par de nouveaux canons, si d'ailleurs elles n'ont point revêtu
une nouvelle forme; il en serait autrement dans le cas con-
traire.
C'est encore à la Commission qu'il appartient de fournir
aux Pères du concile des renseignements exacts et de tout
point complets sur les erreurs à condamner, les sources d'où
elles tirent leurs origines, les contrées qui en sont infestées
et les dangers dont elles menacent l'Eglise, comme aussi
de dire si elles ont été déjà condamnées et en quelle façon.
La commission devait d'abord fixer les erreurs dans des
formules claires, exprimant leur opposition avec la doctrine
de l'Eglise; puis, considérant leur nature et le caractère
d'opposition qu'elles ont avec le dogme, elle devait indiquer
s'il fallait les réprouver dans les canons ou dans les chapitres.
1 1 y avait à réunir aussi les preuves les plus importantes
tirées de l'Ecriture et de la Tradition, qui établissent et
expliquent la doctrine catholique enseignée dans les chapitres
et les canons. Ce qu'on aurait décrété dans les séances géné-
rales de la commission sur la substance des chapitres et
canons à proposer au concile, devait être transmis à une
délégation de théologiens; à eux de rédiger ces projets de
TRAVAUX DES COMMISSIONS PREPARATOIRES 51 S
décrets eu bonne et due forme, sans perdre de vue l'unifor-
mité de style qu'ils devaient réaliser dans la mesure du
possible.
Le domaine dévolu à l'activité de la Commission politico-
ecclésiastique était celui des rapports entre l'Eglise et la
société civile. Elle eut pour tâche de préciser la situation
de l'Eglise vis-avis de l'Etat au point de vue de son rôle
doctrinal, sacerdotal et pastoral. A ce titre relèveront de son
examen : // la liberté de publier les décrets dogmatiques
émanant du Pape et des évéques et la liberté de la prédi-
cation ; la situation de l'enseignement primaire, secondaire
et supérieur, l'action exercée par le clergé dans les écoles
officielles, ainsi que l'enseignement et l'éducation des
clercs. Viennent ensuite comme objets d'étude : la liberté
du culte au dedans comme au dehors des églises, l'obser-
vation des fêtes, l'administration des sacrements et les
soins spirituels donnés aux soldats et aux prisonniers, la
participation des catholiques aux offices religieux des dis-
sidents, l'admission des non-catholiques au sein de l'Eglise,
les funérailles et les cimetières. Enfin, dix-neuf autres
points qui ont l'apport au gouvernement ecclésiastique,
comme la part des gouvernements temporels à la nomination
des sièges épiscopaux, le droit de patronage, l'administration
des biens d'Eglise, les concordats, etc. (i).
La Commission pour la discipline ecclésiastique fut
chargée de grouper exactement et dans l'ordre voulu, les
prescriptions du Concile de Trente relatives aux divers
points delà discipline ecclésiastique dont chaque consulteur
aurait à s'occuper; même travail pour les décisions pontifi-
cales et les décrets des congrégations romaines rendus
sur les mêmes points depuis le concile. Elle dut, de plus,
rechercher les usages et pratiques qui se sont introduits
(1) C. V. 1103 d. sqq.; 1105 b. sqq.
127-428|
olG HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
dans les Eglises des différents Etats, les décrire, en examiner
la valeur et voir quelles sont celles de ces coutumes que le
concile général devrait prendre en considération dans tel ou
tel décret éventuel; à cette occasion, ne pas perdre de vue les
décrets rendus par les différents conciles provinciaux. La
Commission eut, enfin, à examiner les réponses données par
les évoques aux lettres de la Sacrée Congrégation du Concile
des 20 avril i865 et 6 juin 1867 (1). Ce sont là les fondements
des décrets décisifs que le concile aura à formuler (2).
Dans une préface aux actes de la Commission pour les
affaires des Réguliers, il est dit que depuis octobre 1867 les
supérieurs généraux des Ordres religieux ont été invités à
faire des rapports sur l'état de leurs Ordres et à présenter
des propositions sur leurs besoins et les moyens d'y donner
satisfaction. / La majeure partie des supérieurs généraux
avait répondu à cette invitation lors de la première séance de
la commission (23 avril 1868), et leurs réponses, à peu
d'exceptions près, furent jugées propres à servir de base aux
travaux des consulteurs. Le cardinal Bizzari, président,
distribua à ceux-ci différents sujets; ils devaient les déve-
lopper, les éclairer à la lumière du droit actuel et indiquer
les modifications qu'ils jugeraient désirables. Le cardinal
joignit aux rapports des supérieurs généraux les observations
présentées en 1847 et 1848 par quelques évèques et plusieurs
chefs d'Ordres à la Congrégation supra statum regularium,
celles-ci pouvant servir aussi à la réforme des Ordres reli-
gieux. Il parut également opportun d'y ajouter certaines
observations portant sur les Ordres de femmes et sur les
instituts à vœux simples.
Au début de la première séance de la Commission pour les
affaires de l'Eglise d'Orient, le 21 septembre 1867, le cardinal
(1) Voir plus haut pag. 53.
(2) C. V. 1103 b. sq.
[428-429]
TRAVAUX DES COMMISSIONS PREPARATOIRES ii I "
Barnabe, président, fit observer que les schisinatiques
d'Orient considérant leur Eglise comme la véritable Eglise
du Christ et se donnant le nom d'orthodoxes, il faudrait, dans
les délibérations, éviter tout ee qui pourrait blesser leur
susceptibilité. — Les matières relatives à la Foi. dit-il.
reviennent à la commission dogmatico-théologique; mais
étant donne (pie quelques erreurs en matière de foi sont
particulières à l'Orient, on ne peut pourtant éviter toutes
les questions de dogme. 11 est du devoir de la commission de
signaler ces erreurs et d'exposer leur histoire autant que
possible : tout examen et tout jugement étant réservés à la
commission dogmatique.
Quant aux questions de discipline, les Orientaux man-
quent de législation ; c'est ce qui les rend si dépendants
d'usages traditionnels, arbitrairement modifiés d'ailleurs
par les patriarches et aussi par les évoques. On pourrait
leur appliquer la discipline de l'Occident, sauf pourtant en
ce qui regarde la liturgie et quelques autres points qui n'ont
pas matière en Orient, comme les bénéfices ecclésiastiques
et les chapitres. On serait d'autant plus fondé à le faire que
tes conciles généraux d'Orient ont aussi rendu pour toute
l'Eglise, y compris l'Occident, leurs décrets sur le dogme et
la morale, n'exceptant que les rites. Après la séparation qui
se lit sous Photius, les conciles tenus en Occident ne se
seraient plus occupés que de l'Eglise latine, // et c'est ainsi
que la divergence entre les deux Eglises, dans le domaine du
dogme et de la discipline, s'est accentuée toujours davan-
tage.
( )n décida d'examiner sur quels points le Concile de Trente
devait être appliqué à l'Eglise d'Orient. M-' Simeoni entre-
prit de réunir ces points dans divers chapitres, de façon
que dans la séance suivante chacun des consulteurs pût
choisir les chapitres qu'il désirait traiter spécialement. Il
fallait pour chacun d'eux examiner attentivement si les
33
[429-430
o!8 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
matières qu'il renfermait pourraient être appliquées à
l'Eglise orientale et dans quelle mesure; ensuite le consul -
leur avait à rédiger un votum qui serait imprimé et distribue
aux autres eonsulteurs pour être examiné par eux, puis
discuté dans les séances.
Dans le plan primitif, les commissions préparatoires dépen-
daient de la Commission centrale et lui étaient adjointes
à titre d'auxiliaires. Cependant elles travaillèrent chacune
pour leur compte dans le domaine qui leur était assigne;
elles étaient, bien entendu, présidées par des cardinaux,
qui tous, étaient membres de la Commission centrale.
Le 8 août 1S69 seulement, dans la séance de cette dernière
commission, le cardinal Patrizi, son président, rappela que
les commissions auxiliaires dépendaient de la générale, et
qu'il fallait donc soumettre leurs travaux à l'examen de
celle-ci. Les cardinaux préfets des commissions particulières
firent connaître que beaucoup de schémas étaient complète-
ment préparés et pouvaient être immédiatement examines.
Dans la séance du 22 août, on examina le décret élaboré par
la Commission dogmatique et les canons de summo Pontifice;
depuis cette époque; presque toutes les séances de la Commis-
sion centrale furent partiellement consacrées à l'examen des
travaux des commissions spéciales. Dans cette revision, on
ne pouvait évidemment pas, vu l'abondance des schémas,
songer à une refonte complète; toutefois, on y introduisit
plus d'une modification utile. La Commission dogmatique,
en particulier, recueillit de grands éloges pour ses travaux.
Avant le concile, on présenta au pape un aperçu d'ensemble
des travaux de toutes les commissions (1). Nous prendrons
plus tard une plus ample connaissance des schémas qui furent
portés devant le concile. Afin que le lecteur puisse se faire
une idée d'ensemble des travaux des commissions, nous
(1) Procès-verbal du 28 novembre 1869.
[430]
CATALOGUE DES SCHEMAS PREPARES .il9
insérons ici le catalogue des matières élaborées sous forme de
schémas, tels qu'ils furent distribués aux Pères du concile. //
INDEX SClIiai ATT M
quae a theologis et ecclesiâstici juris con.su Itîs praeparata
fuerunt (i).
I. — CIRCA FIDEM
Schéma I
De doctrina catholica contra multipliées errores
ex rationalismo derivatos.
Pars prima : Professio doctrinœ catholicae.
i. Contra materialismum et paiitlieismum ; u. Contra rationalismum
absolution.
Pars secunda : Declaratio doctrinœ catholicœ
ront ru principia semirationalism'i.
A. De revelatione supernaturali : i. De l'ont ibus revelatiouis in
Scriptura et Traditione : 2. De necessitate revelatiouis : 3. De objecto
superrationali revelatiouis sive de mysteriis.
B. De l'ide divina : 1. De distinctione fidei divina' a scientia ratio-
nali: 2. De niotivis eredibilitatis pro fide christiana ; 3. De superna-
turali virtute fidei, et de libertate voluntatis in fidei assensu : \. De
necessitate et supernaturali firmitate fidei.
C. De relatione inter t'ideni et sciehtiam : 1. De ordine scientiaruin
ad fidem et ad auctoritatem Ecclesiœ custodientis déposition ; 2. De
inconimutabili veritate doctrinal Ecclesiœ prae quavis scientiaruin
transforma tione.
(i) C. Y. 506, sq.
[431]
520 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
Pars tertia : Declaratio docirinse catholicae contra
errores circa specialia dogmata.
A. Doctrina de Deo : i De unitate divina? essentia' in tribus perso
nis realiter inter se distinctis; 2. De divina operatione ad extra
communi tribus personis, et de Dei libertate in creando.
B. Doctrina de Yerbo incamato : 1. De una divina persona Christi
in duabus naturis: 2. De redeniptione et satisfactione a Verbo incar-
nato pro nobis prœstita secundum hamanam suam naturam.
C. Doctrina de homine secundum naturam spectato : 1. De communi
origine totius generis humani ab Adam. 2. De natura hominis compo-
sita ex corpore et anima rationali ut forma corporis humani.
I). Doctrina de hominis elevatione supernaturali : 1. De supernatu-
rali statu sanctitatis et justitise originalis ; 2. De hominis lapsu et de
peccato originali ; De adernitate pœnœ destinatœ cuivis peccato letali
in hac vita non expiato ; 3. De gratia quœ nobis per Christum Redemp-
torem donatur : De habituali gratia permanente et anima- inhaîrente ;
De neoessitate gratia' ad (juemvis actum salutarem.
SCHEJLA II.
De Ecclesia Christi.
Pars prima : De lùclesin in se spectata.
A. De natura Ecclesise : 1. Ea est corpus Christi mysticum; 2, In
ea exstat eoncreta religio ehristiana unice vera, quai ab Eecdesia
sejuncta consistere nequit.
B. De proprietatibus Ecclesia?, ut est societas : 1. Ecelesia est sotde-
tas vera, peidecta, spiritualis. et supernaturalis : 2. Est societas
visibilis ; 3. Ecclesia visibilis est una. in se penitus cohaerens ;
4. Ecclesia est societas necessaria ad adernam hominum saluteui,
necessitate tum pra?cepti tum medii; 5. Extra Ecclesiam nemo salva-
1 11 r : bine sicut rationi. ita fidei ebristiana? répugnât doctrina de
religion uni indifferentia.
C. De dotibus Ecclesiae, ut ea perennis est : 1. De Ecclesia- indefec-
tibilitate : 2. De Ecclesia' infallibilitate.
J) De Ecclesia? potestate : Kst in Kcclesia vera potestas non solum
[431-432]
CATALOGUE DES SCHEMAS PRÉPARES 521
ordinis sed etiain Jurisdictionis : légiféra, judiciaria, coercitiva, eaque
independens.
Pars secunda : De visibili Ecclesise capite
A. De primatu Roinaui Pontificis : i. De institiitione primatus in
B. Petro : 2. De primatus perpetuitate in B, Pétri successoribus.
Romanis Pontificibus : 3. De lui jus primatus divinitus instituti natura.
B. De temporali s. Sedis dominio.
Pars tertia : De Ecclesia spectata in suis
ad soçietatem civilem relationibus.
i. De utriusque societatis concordia : 2. De eivilis potestatis juribus
et officiis secundum doctrinam Ecclesise catboliea» ; 3. De specialibus
Ecclesia1 juribus : eirca christianam institutionem et educationem
juventutis : circa pdblicam professionem eonsiliorum evangelicorum ;
circa ecclesiastica bona temporalia.
Schéma III.
De Matrimonio christiano.
1. De matrimonii christiani dignitate et natura ; 2. De Ecclesise
circa matrimonium christianum potestate; 3. De matrimonii bonis,
in comparatione cum eonjugiis quœ mixta dicuntur.
II. — CIRCA DISCIPLINAM ECCLESIASTICAM.
I. De Episcopis, Synodis Provincialibus et Diœcesanis, et de
Vicariis Generalibus ; 2. De Sede Episcopali Vacante ; 3. De Capitulis
Ecclesiarum Catbedralium et Collegiatarum, ubi de Canonicorum
officiis et qualitatibus ; 4- De Parochis, ubi de modo conferendi paro-
chiales Ecclesias, <le parochorum officiis, eorumque remotione ; 5. De
vit a et honestate elericorum; (>. De Seminariis ecclesiasticis, ubi de
metbodo studiorum, et graduum collatione : 7. De Collationibus
Ecclesiasticis; 8. De préedicatione verbi Dei: 9. De parvo Catechismo;
10. De oneribus Missarum, aliisque piis dispositionibus ; 11. De usa
Ritualis Romani: 12. De admiuistratione Sacramentorum ; 1 3. De
[432-4331
522 HISTOIRE DU CONCUiE DU VATICAN
Patrinis ; \\. De Titulis Ordinationum ; io. De impedimentis matri-
monii, ac speciatim de impedimentis cognationis legalis. publicae
houestatis, et affinitatis ; i(i. De matrimonio quod vocant civili ; 17. De
matrimoniis mixtis : 18. De domicilie» et quasi domicilio ad efl'ectuni
matrimonii ; 19. De cœmeteriis et sepulturis : 20. De Judiciis, et praxi
servanda : 21. De modo procedendi ex informata conscientia : 22. De
emendandis populi moribus, ac speciatim de indifferentismo, blasphe-
mia, ebrietate. impudicitia, theatris, choreis, luxu, pravorum librorum
ac imaginum diffusione, nec non de educatione filiorum familias, de
operariis, aliisque famulatum prœstantibus ; 2.^. De sanctificatione
Festorum; 24. De abstinentia et jejunio : 20. De duello : 2(>. De suici-
dio ; 27. De magnetismo et spiritismo; 28. De occultis societatibus
III. — CIRCA ORDINES REGULARES.
1. De Llegularibus in génère : 2. De voto obedientia? : 3. De vita
commun] ; 4 Declausura ; 5. De parvis conventibus; 6. De novitiatu,
et de novitiorum, ac neo-professorum institutione ; 7. De affiliationi-
bus : s. De studiis Regularium : <). De gradibus et titulis : 10. De ordi-
natione Regularium ; 11. Deelectione Regularium ; 12. De visitatione
Regularium : i3. De expulsione Regularium iucorrigibilium ; i4- De
Jurisdictione Episcoporum inRegulares p.vsertini delinqnentes; i5. De
Monialibus; iG. De Institutis votorum simplicium ; 17. De spiritualibus
exercitiis, et sacris recessibus ; iS. De priviiegiis.
IV. - CIRCA RES RITUS ORIEXTALIS ET APOSTOLICAS
MISSIOXES.
Konnulla es iis. quœ Eeclesias ritus Orientalis respiciunt, in sclie-
matibus de disciplina ecclesiastica et de Regularibus suis quseque
locis inserta sunt : insuper sequuntur duo schemata :
i. De Ritibus : 2. De Missionibus Apostolicis.
133]
CHAPITRE VII.
Vue d'ensemble sur les propositions fuites par les Pères.
Il va de soi que le Pape n'était pas le seul à désigner, par
l'organe des Commission^ convoquées par lui, les matières sur
lesquelles aurait à délibérer le eoneile. Les évêques, eux
aussi, désignaient celles dont la discussion leur semblait
désirable. Que ce droit dût être reconnu aux évêques, il ne
régnait là-dessus, comme nous l'avons vu (i), aucun doute
parmi les cardinaux de la Commission centrale. Le Pape
manifesta plus tard à tous les membres du concile, dans les
Lettres Multipliées inter, quel était son désir; il leur fit un
devoir de déposer en toute liberté les propositions qu'ils
regardaient comme étant d'une utilité universelle (2).
Beaucoup d'évéques avaient déjà prévenu l'appel pontifical//
et des avant le concile, soit individuellement en leur propre
nom, soit réunis par groupes, ils avaient recommandé aux
délibérations de l'auguste assemblée les points les plus divers.
Durant le concile ils en présentèrent de nouveaux.
Ce n'était ici le lieu, à proprement parler, que de mentionner
seulement les propositions envoyées à Rome par les évêques
avant le concile ou du moins préparées par eux dans leur
résidence et emportées ensuite au concile ; mais notre désir
étant de ne pas séparer des choses qui de leur nature sont
(1) Plus haut p. 30; 53; 189 sqq.
(2) C. V. 18d.
[434-435J
■124 HISTOIRE DC CONCILE DU VATICAN
unies, nous groupons ici toutes les motions faites par les
Pères avant et pendant le concile. Seront, bien entendu,
laissées de côté les propositions faites par les évêques en vue
d'améliorer les schémas présentés, comme aussi les proposi-
tions relatives au règlement des travaux de l'assemblée : ces
dernières n'étant que le résultat de l'activité même du con-
cile et n'influant que sur la marche des délibérations. Ce que
nous omettons ici trouvera mieux sa place dans l'histoire
même du Concile.
Xulle région ne soumit tant de propositions au concile que
la province ecclésiastique deNaples. Trente-sept archevêques
et évêques dressèrent une liste de postulata présentée ensuite
par la cardinal Riario Sforza, archevêque deXaples; leurobjet
s'étend sur presque tout le domaine du dogme, de la morale et
de la discipline ecclésiastique. Xous devons nous contenter
ici de signaler les points principaux et renvoyer ceux de nos
lecteurs qui voudraient connaître plus en détail les vœux des
évêques napolitains, à notre collection de documents, dont
ces postulata occupent plus de soixante colonnes(i).
Les évêques de la province de Xaples expriment le voeu
que l'auguste assemblée du Vatican veuille bien opposer aux
grandes erreurs de notre temps la véritable notion de Dieu,
et qu'elle fasse un exposé des doctrines sur la création, le
Christ, l'homme et ses dons surnaturels. Ils font ressortir
quelques points de ces doctrines, indiquent quelques chefs
de preuves à leur appui, nomment les adversaires principaux
et indiquent aussi de quelle manière le concile pourrait faire
cet exposé. Ils souhaitent de même voir enseigner la doctrine
de l'Eglise, du Pape, des rapports de la raison et de la Foi
dans les sciences naturelles, de la nature du pouvoir civil et
des rapports mutuels entre les deux pouvoirs, enfin «lu
mariage. //
(1) C. V. 7(18 (]. sqq.
[435]
PROPOSITIONS FAITES l'Ail L KPISCOPAT NAPOLITAIN 828
Le concile traita effectivement la plupart de ces points de
doctrine, il comptait même s'occuper des autres. Le parti
que prirent les évèques napolitains dans la brûlante question
de l'infaillibilité pontificale est assez nettement indiqué
dans leurs propositions. Ils insistent par exemple tout parti-
culièrement sur la définition du concile de Florence au sujet
de la primauté, e1 en déduisent cette théorie que le Pape
c< comme docteur de l'Eglise universelle, est le gardien et
l'interprète de la révélation divine et de toutes les doctrines
qui s'y rattachent de quelque manière ; aussi est-il juge dans
toutes les questions soulevées à leur propos ou contre
(dles. » (i). Les conséquences de ces théories, disent les
êvêques, seront indiquées dans le chapitre second qui traite
de la morale. On ne parle ici que de l'obéissance due au Pape.
Tous doivent lui obéir, alors même que seul, en dehors du
concile, il affirme des vérités ou condamne des erreurs Ce
que l'Eglise ou le Pape définit comme vérités de foi, les
fidèles sont tenus de le croire et d'y souscrire par un assenti-
ment intérieur; et toute doctrine condamnée par l'Eglise ou
par le Pape comme contraire à la révélation, les fidèles la
doivent détester comme une erreur, telle qu'elle a été réprou-
vée, et avec une pleine soumission de leur raison, « car
l'Eglise et le Pape sont interprètes de la révélation et juges
toujours infaillibles quand ils terminent ettranchent les ques-
tions qui viennent à s'élever dans leur domaine » (2).
Le chapitre de la morale ne renferme que peu de proposi-
tions ; elles ont trait à l'obéissance due à l'Eglise et au Pape,
aux droits de la famille, aux moyens de combattre i'indiffé-
rentisme religieux et de promouvoir la connaissance de la
religion. En appendice, sont brièvement posées quelques
questions relatives à la loi portée par le Concile de Trente
(t) C. F. 779 b.
(2) Ibid. 782b. sq.
[436J
526 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
contre les mariages clandestins, à la diminution des empê-
chements de mariage, à l'opportunité d'une loi mettant cer-
taines conditions à la validité des fiançailles, au spiritisme
et autres semblables manifestations, au renouvellement des
lois contre le duel, aux mesures à prendre contre la mauvaise
1 u-esse ; enfin on demande s'il ne serait pas bon d'autoriser
des éditions de la Sainte-Ecriture en langue vulgaire sans
aucun commentaire (i).
La seconde partie des propositions de l'Episcopat napoli-
tain traite les questions de discipline ecclésiastique. Elle est
sensiblement plus étendue que la première, et par les détails
ou elle entre, dépasse même quelque peu la mesure. Si les
évèques de tous les pays étaient venus au concile avec des
motions aussi étendues, la simple lecture de ces documents
eût absorbé une partie exagérée de son temps.
Le premier chapitre (2) s'étend sur l'unité d'action, c'est-à-
dire sur l'union intime de tous les évèques et de tout le
clergé avec le centre de l'unité, le pape. On demande au con-
cile de mettre tout en œuvre pour procurer cette union, et
l'on propose encore de nouveaux moyens dans ce but. Dans
le second chapitre sur la « puissance et l'efficacité de
l'action » (3) les évèques proposent des mesures qui garan-
tiront une entière efficacité au zèle pastoral du clergé. Le
troisième chapitre (4) préconise de nouvelles prescriptions
touchant l'admission, la formation et le genre de vie des
ecclésiastiques^ le concile y est prié d'insister de nouveau
sur les mesures favorables déjà prises dans ce but. Le qua-
trième chapitre (5) suggère des moyens qui doivent favoriser
la promptitude dans l'expédition des affaires ecclésiastiques.
(il C. V. 781 a. sqq.: c»'. 785c. sq.
(2) Ibid. 785b. sqq.
:; [bid. 790d. sqq.
(4) Ibid. 797b. sqq.
(5) Ibid. *24 c. sqq.
[436-437]
PROPOSITIONS DE ON/.K EVEQUES FRANÇAIS. .i'27
Dans le cinquième et dernier chapitre (i) sont proposées des
mesures concernant immédiatement les fidèles et propres à
promouvoir leurs intérêts spirituels.
La France, elle aussi, vint avec une longue série de
propositions (2); elles émanaient d'une faible minorité de
l'Episeopat français, de onze évêques seulement (3); mais
ceux-ci affirment, dans la lettre qui accompagne leurs
requêtes, que nombre de leurs confrères approuvent leurs
propositions. Si un petit nombre seulement les a signées,
c'est afin qu'elles n'aient pas l'allure de revendications
déplacées et qu'on les puisse examiner plus librement; ce
n'est pas, en effet, le grand nombre des signatures qui les
impose à l'examen, mais l'importance, la modération et
l'utilité seules des mesures qu'elles préconisent les recom-
mandent à l'attention du concile.
Les onze évêques demandent une loi qui prescrive pour
chaque diocèse l'établissement d'un grand séminaire, c'est-à-
dire d'un séminaire des hautes études, et oblige tous les can-
didats aux saints ordres à y passer quatre années ou trois au
moins, occupés à l'étude des sciences sacrées et de l'ascé-
tisme. |
Si la fondation d'un tel séminaire est impossible pour le
moment dans un diocèse, les aspirants au sacerdoce iront
recevoir cette formation dans le séminaire d'un autre dio-
cèse. On signale l'utilité qu'il y aurait à fonder quelques
écoles où les futurs directeurs des grands et petits sémi-
naires seraient instruits dans l'exercice de leur fonction, qui
est l'éducation des prêtres. 11 faudra y enseigner l'éloquence,
et l'art sublime de faire acquérir aux jeunes gens les vertus
sacerdotales (4).
(1) C. V. 829d. sqq.
(2) Ibid. 832b. sqq.
(3) Ce -"lit les Archevêques de Paris, Albi, Sens et les Evêques de Metz,
Nain \ el Toul, Dijon. Lucon, < lahors, Orléans, Perpignan et Erreux.
(4) C K.833a. sq.
[ 137-438]
J528 HISTOIRE DU CONCILE 1)1 VATICAN
Pour repousser les nombreuses attaques des incrédules
contre la Sainte Ecriture, l'hébreu devra ètre'enseigné dans
les grands séminaires au moins aux élèves les plus capables.
Cet enseignement sera poussé assez loin pour «pie les élèves
soient à même plus tard d'obtenir par leurs études privées
une pleine connaissance de cette langue. De même, l'étude
du grec déjà commencée dans les petits séminaires, devra
être continuée dans les grands séminaires (i).
La science sacrée et profane qu'on acquiert au séminaire,
ne suffit point pour exposer et défendre les vérités chré-
tiennes, comme il le faut de nos jours. Il doit doue y avoir
actuellement comme autrefois, parmi le clergé, quelques
hommes qui cultivent plus particulièrement les hautes
sciences. Cela n'est ordinairement possible que dans des
écoles publiques, telles qu'elles existent par exemple à Rome
et en Belgique. C'est pourquoi les évèques doivent s'unir et
fonder en dehors des séminaires, conformément aux mœurs
et à la législation de chaque peuple, soit des écoles supé-
rieures soit des universités, où seront cultivées et ensei-
gnées les hautes sciences (2).
On recommande des examens sévères pour l'obtention des
grades académiques et il ne sera permis, en aucun cas. de
conférer les grades supérieurs à qui n'a point, au préalable
obtenu les inférieurs (3).
Les jeunes prêtres seront tenus de subir un examen annuel
durant les six ou sept années qui suivent leur ordination. Le
programme de ces examens devra être distribué de telle
façon que dans les six ou sept ans soit revue toute la matière
qui aura été traitée au séminaire. On recommande, en outre,
les conférences de prêtres pour entretenir la connaissance
des sciences sacrées (4).
(i) C.V. 833b. sq.
(2)Ibid. 833.'. sq.
(3) Ibid. 833,1. sq.
(ii [bid, 834 b.
[438j
PROPOSITIONS DE ONZE ÉVÊQUES FRANÇAIS 529
Chaque année tous les ecclésiastiques devront faire une
retraite en commun et à cette occasion il faudra donner aux
confesseurs des pouvoirs plus étendus. / 11 faut pousser les
prêtres a la vie commune, les curés et les vicaires doivent
habiter ensemble, les associations de prêtres doivent être
encouragées, et il faut par tous les moyens rendre possible
aux prêtres la vie en commun. 11 faut exclure les femmes de
l'habitation du prêtre, et s'il faut une servante, qu'elle soit de
mœurs et de réputation irréprochables et qu'elle ait quarante
ans accomplis, à moins qu'elle ne soit proche parente du
prêtre (i).
Quand il s'agit de pourvoir à une cure, il n'y a pas à consi-
dérer seulement la formation scientifique dont le candidat
aurait fait preuve dans le concours, mais encore ses vertus et
son expérience; aussi doit-on laisser aux évêques la plus
complète liberté pour placer leurs prêtres. On peut même
sans concours juger suffisamment du degré de la formation
scientifique des candidats, puisque l'on connaît leurs pro-
grès au séminaire et le succès qu'ils ont obtenu dans leurs
examens (2).
Il n'est pas rare, surtout dans les grandes villes, que les
prédicateurs empruntent leur sujet aux sciences naturelles,
aussi leur ministère ne produit-il qu'un fruit nul ou médio-
cre. Un décret qui obligerait les prédicateurs à puiser leur
matière dans la Sainte Ecriture et les Saints Pères est donc
de la plus grande importance. On doit aussi prescrire que
dans toutes les paroisses la doctrine du salut soit peu à peu
complètement et clairement expliquée. Il faut inspirer au
cœur des prêtres d'une façon toute spéciale le soin de l'en-
fance et de la jeunesse. La préparation particulière des
premiers communiants, les catéchismes de persévérance,
(1) C. F.,S34r. sqq.
(2) Ibid. 835 a. sq.
I438-439J
530 HISTOIRE DU CONCILE ])L' VATICAN
l'installation Je patronages pour les adolescents, tout cela
mérite d'être recommandé à l'Eglise entière (i).
Les Congrégations religieuses, surtout les nouvelles,
doivent être conservées et il faut apporter le plus grand
soin dans l'admission des novices. Ceux-ci doivent être
instruits à fond dans l'observance de la discipline religieuse,
la pratique des conseils évangéliques ; et même après avoir
fait leurs vœux, les jeunes religieux doivent, par des moyens
efficaces, être entretenus dans la voie de la vertu. Cela est
particulièrement nécessaire pour les Ordres apostoliques.
On n'y doit point facilement admettre des sujets que les évê-
ques auraient jugés peu aptes à l'état sacerdotal: les Ordres
à clôture rigoureuse leur conviennent davantage. //
En raison des dangers spéciaux qui menacent de nos jours
les Ordres religieux, il est opportun de tracer quelques règles
de droit : i. Pour faciliter le renvoi, même après la profession,
des religieux incorrigibles et qui causent du scandale. 2. Pour
la réforme ou la suppression des maisons religieuses dans les-
quelles la discipline se serait malheureusement relâchée.
3. Pour faire disparaître la congrégation ou les maisons reli-
gieuses qui seraient manifestement devenues inutiles dans
l'Eglise. — On exprime le désir qu'aucune nouvelle exemption
ne soit accordée et (pie celles qui le sont déjà soient mesurées
de telle façon que les différends entre le clergé régulier et le
clergé séculier soient évités dans la mesure du possible (2).
On ne doit point s'opposer à la fondation de nouvelles con-
grégations de femmes qui se vouent à renseignement et au
service du prochain, car celles qui existent ne suffisent point
à tous les besoins ; il ne faut pas non plus en fondre plusieurs
ensemble. Les évéques devront bien plutôt s'attacher à y
favoriser le développement de la vie religieuse. c'est pourquoi
(1) C. V.835c. sqq.
(2) Ibid. 83dc sqq.
f489-440J
PROPOSITIONS DE ONZE EVEQUES FRANÇAIS 531
Une faut point accorder à ces congrégations L'exemption vis-
à-vis du pouvoir épiscopal (i).
Si L'on vient à délibérer sur les chapitres, que Le concile
veuille bien édicter les mesures propres ;i écarter autant que
possible tout conflit entre chapitres et évéques (2).
Les évêques proposent, en outre, d'augmenter pour les
Ordinaires les pouvoirs de dispense et de leur accorder les
induits apostoliques pour tout le temps où ils seront en
charge. Les diocèses de chaque province ecclésiastique
devront être soumis au moins une fois tous les cinq ans à la
visite de l'archevêque. Un archevêque sera désigné par le
pape dans chaque pays, qui devra entreprendre aumoins tous
les dix ans la visite de tous les archidiocèses. Les appels au
Saint-Siège ne devront être admis que s'il s'agit de choses
importantes et si l'on en a d'abord appelé au métropolitain.
Les titres honorifiques romains et les canonicats honoraires
de diocèses étrangers ne devront être conférés qu'après ren-
seignements pris auprès des Ordinaires (3).
Il est à souhaiter que dans le Sacré-Collège, dans les con-
grégations romaines et tribunaux ecclésiastiques, on admette
en plus de personnalités savantes, un grand nombre d'hommes
versés dans la pratique et pleins d'expérience, pris dans
toutes les nations (4).
Les évéques désirent que les conciles œcuméniques, comme
aussi les synodes nationaux, soient tenus plus fréquemment ;
les synodes provinciaux devraient s'assembler tous les cinq
ans et les synodes diocésains tous les trois ou cinq ans. Si
pour les décrets portés par les conciles provinciaux l'appro-
bation de la Congrégation du concile est requise, que celle-ci
n'ajoute rien à ce qu'aura décrété le concile provincial, et
(1) C. V. 837 asq.
(2) Ibid, &37 c.
(3) Ibid. 837 c. sqq.
(4 Ibid. 838 d. sq.
[ 440-444]
o'3-2 HISTOIRE DU CONCILE DI VATICAN
qu'il soi! permis aux évêques de la province ecclésiastique
de publier séparément la partie de leurs décrets approuvée
par la congrégation; quant à l'autre partie, au sujet de
laquelle des remarques ou des corrections auront été faites,
qu'ils puissent, comme ils le jugeront à propos, la corriger
dans le sens de la congrégation et la publier ainsi, ou bien la
laisser complètement de côté ( i).
11 est d'ailleurs clair, continuent les évêques, et cela a été
depuis longtemps reconnu et dit par tout le monde qu'un
examen et une refonte du droit canon s'impose absolument.
Car, par suite des grands et nombreux changements sur-
venus dans les circonstances et dans la société humaine où
nous vivons, beaucoup de lois sont devenues inutiles ou
inapplicables ou extrêmement pénibles. On doute même pour
d'innombrables canons s'ils sont encore oui ou non en
vigueur. Enfin, dans le cours de tant de siècles le nombre de
lois ecclésiastiques s'est accru à tel point et elles forment un si
gigantesque amas de collections que nous pouvons dire en
un certain sens : nous succombons sous les lois. Par suite,
l'étude du droit canon est rendue excessivement difficile et
presque impossible, le plus vaste champ est ouvert aux con-
troverses et aux procès, les consciences sont opprimées par
mille angoisses et portées au mépris des lois. Que le concile
veuille donc bien amener un changement, déterminer lui-
même les points importants et instituer ensuite une com-
mission spéciale de théologiens et de canonistes savants
ainsi que d'hommes expérimentés de toutes les parties de
l'Eglise; ils auront pour tâché de refondre tout le droit
canonique, et par des éliminations, des modifications, des
additions,de dresser un nouveau Corpus ju ris qui corresponde
mieux aux conditions actuelles. Il sera divisé en titres, cha-
pitres et articles, et soumis ensuite à l'examen et à l'approba-
1 C. V. 839 b. sqq.
[441]
PROPOSITIONS DE ONZE EVEQUES FRANÇAIS :,X',
tion du concile dn Vatican ou d'un concile ultérieur (i).
Les évêques souhaitent ensuite une diminution des cen-
sures et des cas réserx es au pape,' ils demandent qu'à chaque
changement de pontife i! soit dressé et publié un catalogue
de ces cas (2).
On propose aussi d'abroger une série d'empêchements
dirimants du mariage et de transformer celui de clandestinité
en empêchement prohibant. On désire voir accorder aux
évêques de plus amples pouvoirs de dispense, une plus rapide
expédition des dispenses sollicitées à Rome, une réduction
des vacances prises par les congrégations romaines et tribu-
naux ecclésiastiques, et une simplification du style prescrit
pour les demandes de dispenses, ainsi que des règles qu'il y
faut observer (3).
Les règles de l'Index, pensent le&évêques, ont besoin d'être
adaptées à notre temps, et dans la condamnation des livres,
il est désirable qu'on emploie des procédés plus doux. Le
bréviaire a besoin d'être réformé, la méthode dans la distribu-
tion des indulgences changée, la loi de l'abstinence et du jeune
adoucie : on demande une vigilance particulière sur la
diffusion d'images religieuses, les relations de miracles et
L'introduction de pratiques de dévotion (4).
On prie instamment le concile de prendre des mesures
pour reprimer les écarts de certains journaux catholiques.
On énumère les maux qui en résultent : ils défigurent la
vraie doctrine et exercent une influence désastreuse sur la
piété chrétienne; simples organes de personnes privées, ils
prononcent des censures théologiques sur des opinions ou
des personnes que l'Eglise n'a point condamnées; ils intro-
duisent des dissensions et la désunion parmi les catholiques
1 (.. V. 840 a. sq.
2 Ibid. 840 c. sqq.
(3 Ibid. 842>. s<|(i.
(4) Ibid. 843 d. sqq.
[441-442]
:;:u histoire du concile du Vatican
et même dans le clergé; ils diminuent le respect et la sou-
mission dus aux évêques; ils excitent une vive haine
contre l'Eglise et le Saint-Siège; et tous les jours on voit
s'immiscer dans les affaires de l'Eglise, non sans extrême
danger et scandale, des gens sans mandat, dont la plupart
sont mal renseignes et manquent à la fois de prudence e1
d'impartialité: l'on voit enfin les catholiques et le clergé
lui-même conduits par des laïques dans des affaires pure-
ment ecclésiastiques. Aussi est-il de l'intérêt même du
concile de prendre dés son ouverture les mesures qui empê-
cheront la presse de se mêler a ses affaires et d'exercer
sur ses travaux son influence troublante (i).
Le concile est, en outre, prié de tracer une méthode pour
la conversion des incrédules, des schismatiques et des
hérétiques, et quelques dispositions sont recommandées
comme favorables à ce résultat 12).
En rédigeant les formules par lesquelles sont condamnées
les erreurs, il faut user de beaucoup de prudence, à cause des
journaux qui les répandent dans le monde entier et les
accompagnent de leurs commentaires. Ces formules doivent
être avant tout claires et précises, avec un expos*' bref des
raisons de la condamnation; le style devra être modère et
sans aucune vivacité d'expression contre ceux qui se sont
trompés. — « En considération de l'état actuel de l'Eglise <-t
de la société humaine, disent les evéques, il semble prudent et
raisonnable de ne rendre aucune nouvelle définition de loi. à
moins que l'on n'y soit forcé par la nécessité la plus extrême
et lapins évidente; en particulier, dans les matières pour
lesquelles les circonstances de temps et de caractère des
contemporains font facilement prévoir et craindre de l'agi-
tation dans les esprits ou du scandale (3). »
1 C. K. 845 b. sqq.
2) Ibid. 8i5d. sqq.
:] Ibid. >S4S h. sqq. Tous les signataires des postulata étaient contraires à ■*
définition de l'infaillibilité pontificale.
[442-443]
PROPOSITIONS D EVEQUES ALLEMANDS 838
Une dernière proposition concerne l'impulsion à donner
aux oeuvres de charité et de miséricorde dans l'Eglise (i).
Les motions présentées par divers évêques allemands (2)
concordent: sur plusieurs points avec celles de leurs collègues
de France1. Tout zèle véritable et sincère de réforme commen-
çant par la reforme de soi, les prélats prient le Synode
général de recommander sérieusement aux évêques et à tous
les ecclésiastiques l'emploi diligent des moyens utiles à leur
propre sanctification et à l'accomplissement de leurs devoirs
pastoraux; qu'il les invite en particulier à l'aire tous les ans
ou tous les deux ans les exercices spirituels, et à se réunir
tous les mois ou tous les deux mois en conférences pastorales.
Qu'on recommande instamment aux prêtres la vie en
commun, qu'on leur prescrive à nouveau des règles fixes sur
la cohabitation avec des femmes, sur la fuite des cabarets,
sur l'emploi des revenus provenant des bénéfices ou fonctions
ecclésiastiques,// sur leurs devoirs vis-à-vis des écoles et des
pauvres (3).
Ils demandent qu'on réduise le nombre des empêchements
de mariage, qu'on augmente pour les évêques les pouvoirs de
dispense et qu'on modifie sur d'autres points la législation
matrimoniale. Ils demandent aussi, comme les évêques fran-
çais, que Rome veuille traiter promptement et à toute
époque de l'année les dispenses relatives aux choses du
mariage (4).
[1 G. V. 849 a.
■> Ibid. 873 b. s(jq. Purent présentées les propositions des archevêques de
Cologne, Munich, Bamberg, et des évêques de Breslau, Augsbourg, Mayence,
Trêves, Eichstàtt, Ermeland, Qsnabriick, Leontopolis vicaire apostolique de
Saxe), Halicarnasse vicaire apostolique du Luxembourg et Agathopolis (évéque
militaire de l'armée allemande'. A Fulda p. 277), les évêques s'étaient déter-
minés, suivant l'exemple de M" de Prague, le cardinal Schwarzenberg, à sou-
mettre quelques propositions au Concile : ils avaient chargé quelqu'un des leurs
de formuler leurs postulats. De Rome devait venir l'examen et l'approbation.
(3) Ibid. 873 b sq.
(4) Ibid. 873 c sqq.
[443-444
536 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
Comme leurs collègues de France, ils désirent voir réduire
le nombre des cas et des censures réservées au pape et étendre
à toute la durée de leurs fonctions pastorales les facultés
quinquennales accordées aux évêques pour ces cas. ils pro-
posent une révision «le l'Index et demandent qu'avant de
publier la censure sur un livre on entende toujours l'Ordi-
naire dont relève l'auteur (i).
La forme de la procédure canonique doit être la même
pour les différents diocèses; on reformera le Corpus juris
canonici et le bréviaire: il sera permis à tous les prêtres
chargés du ministère «les âmes d'anticiper les matines dès
deux heures de l'après-midi (2),
Les évêques d'Allemagne appellent l'attention du concile
sur le concours pour les cures et sur le droit de patronage
des laïques. Ils désirent qu'on augmente les cas où peut être
déposé de son office un prêtre ayant charge d'âmes et qu'un
curé puisse être déplacé on pourvu d'une pension de retraite
quand la sentence ou les suffrages des examinateurs pré-
synodaux l'auront déclaré désormais incapable de diriger
sa paroisse (3). Ils demandent enfin que l'on renouvelle
les lois portées contre la franc -maçonnerie et autres
sociétés secrètes, et que l'on agisse à leur égard d'une
manière efficace (4).
Le cardinal Schwar/.enberg. archevêque de Prague, avait
exprimé, nous l'avons déjà t'ait remarquer (5), avant même
la reunion des évêques de I-'ulda, quelques désirs concernant
les opérations du futur concile. Sa lettre adressée au nome
de Vienne porte la date du 25 juillet 1869 (6).
(1) C. Y. s74 h sq.
(2) Il.id. 874 dsq.
(3) Ibid. 875 a sq.
(ii Ibid. 875 c'
[5) Voir i>lu- haut p. 277 el page précédente.
Ifî1 Elle est conservée dans les archives du concile du Vatican.
144
PROPOSITIONS I>I CARDINAL SCHWARZENBERG 537
Relativement au dogme, le cardinal souliaiteque le concile
expose les doctrines qui sont le fondement et la préface du
christianisme : elles furent en effet, exposées par le concile
dans la constitution Dei Films ou réservées pour des défini-
tions ultérieures. Mais Le cardinal prie l'auguste assemblée
d'observer la bonne méthode d'exposition et, pour les sujets
qu'elle traitera, de se renfermer dans de justes limites. 11 con-
seille donc d'éviter les formules scientifiques et la terminolo-
gie philosophique; quant aux limites, le concile se les tracera
de façon a laisser aux écoles théologiques ce qui appartient
aux écoles, évitant d'élever sans de graves motifs au rang
de dogme obligatoire pour tous, ce que beaucoup esti-
ment être la vérité par pieuse croyance. Comme exemple
de doctrine qui n'est point à définir, le cardinal arche-
vêque cite celle de l'infaillibilité pontificale, dont la
définition menace de causer grand préjudice aux fidèles
comme aux incrédules (i). Sont encore cités dans le même
sens : l'Assomption de Marie, l'état de nature pure, le
genre de secours conféré par la grâce divine, le mode
d'action de l'âme dans le corps. Le cardinal ajoute que
l'on devrait, quand on a à condamner des livres, demander,
avant la sentence, l'avis de l'évêque du diocèse dans lequel
les livres ont été édités et répandus.
La partie disciplinaire de ses propositions comprend toute
une série de points tels que la législation du mariage, les cas
réservés, le droit de patronage, le concours pour les
paroisses et le Corpus jaris canonici. 11 fait aussi quelques
propositions relatives à la liturgie. On devrait dans les
offices divins, tout en conservant pour le prêtre l'usage du
latin, permettre au peuple d'une certaine manière l'usage de
sa langue; il faudrait tolérer qu'on fit dans le rituel romain
des additions conformes aux habitudes des provinces, rame-
Il) C. V. 914 a.
[4451
538 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
ner le chant grégorien à sa forint' primitive et introduire
dans le bréviaire quelques améliorations.
M-1 Hanl, évêque de Kôniggrâtz, avait, lui aussi, présent»''
quelques postulata (i), qui s'accordent en bien des points
avec ceux de l'archevêque de Prague. Il se déclare très atta-
che a la doctrine de l'infaillibilité pontificale, mais eu égard
aux chrétiens vivant dans le schisme et l'hérésie et qu'il
s'agit de regagner à la religion catholique, il croit la défini-
tion peu désirable. //
L'archevêque et les évoques de Belgique, dans les postulata
qu'ils présentent, demandent tout d'abord au concile de ne
point désapprouver quelques adaptations aux besoins de
la Belgique, des lois ecclésiastiques existantes; elles n'ont
pas seulement été reconnues heureuses, mais dignes d'être
('tendues à d'autres pays. Les lois ainsi adoptées concernent
la procédure canonique contre les ecclésiastiques, les sémi-
naires de clercs, les paroisses succursales, le synode diocé-
sain et certaines communautés religieuse*» d'hommes et de
femmes (2).
Les évêques belges désirent, en outre, avoir plein pouvoir
pour autoriser les oratoires privés et les autels privilégies:
ils demandent qu'on étende à toute la durée de leur adminis-
tration épiscopale quelques-uns de leurs autres pouvoirs qui
ne leur sont d'habitude conférés (pie pour une période de
temps limitée (3).
Ils proposent quelques changements dans la législation du
mariage, comme, par exemple, la diminution des empêche-
ments et l'expédition plus facile et plus rapide des dispenses.
Enfin, ils demandent la réforme et la codification des collec-
tions de lois ecclésiastiques (4).
(1) Lettre du LOjuin 18(59. Conservée aux archives.
(2) C. V. 876asqM.
Ci) [bid. 877 sq.
(4) Ibid. 877 dsqcj.
POSTULATA DE DIVERS EVEQUES S39
Au nom de plusieurs évêques du centre de Yllalie.
M-'1' Hindi, évêque de Pistoia et Prato, présenta une série
de propositions ayant en premier lien pour objet, une fois de
plus, la diminution des empêchements <le mariage et la
concession plus rapide des dispenses. Parmi les autres figure
aussi le vœu d'une revision du Corpus juris canonici (i).
L'évêque «le Coneordia province de Venise, résidence à
Portogruaro) demande la suppression de l'abstinence du
samedi; de plus, l'extension des pouvoirs des évêques en
matière de dispenses matrimoniales. Il désire qu'une loi
prescrive pour les fiançailles une certaine solennité sous
peine de nullité; en vertu de la même loi, les fiançailles
deviendraient nulles de plein droit si dans le courant d'une
année elles n'ont point été renouvelées. On doit accorder
aux évêques plein pouvoir pour priver" de leurs bénéfices les
curés ou autres benéficiers inamovibles, dès qu'ils seront
convaincus de fautes assez graves pour ne plus pouvoir, sans
scandale, de l'avis de l'évêque et des juges, demeurer en
possession de leurs bénéfices. On doit cependant laisserai!
titulaire des bénéfices le droit d'en appeler au Saint-Siège.//
Tl faut défendre aux ecclésiastiques, sous des peines sévères,
de faire imprimer et publier quoi que ce soit sans permission
écrite de l'Ordinaire. Enfin, l'évêque demande l'institution d'un
nouveau titre d'Ordination, celui de « Servîtutis Ecclesiae» (2).
M-' Farina, évêque de Vicence (province de Venise), fait,
lui aussi, quelques courtes propositions (3).
Les archevêques et évêques des provinces ecclésiastiques
de Québec et d'Halifax présentèrent de concert divers postu-
lata. Le premier vise encore la réforme et la codification de
tout le droit ecclésiastique; le second, la diminution des
empêchements du mariage et l'extension des pouvoirs
il> C. V. 881 esqq.
(2) Ibid. 882 c sqq.
(3) Ibid. 885 1,.
( >»** 6-441
540 HISTOIRE m CONCILE DU VATICAN
de dispense accordés aux évêques. Quatre autres postulata
traitent de quelques empêchements en particulier : on
souhaite que, dans les demandes de dispense pour les
empêchements de consanguinité et d'affinité, il n'y ait plus
obligation de déclarer la circonstance du péché d'inceste.
Un dernier postulat a trait au bréviaire. On désire qu'il
soit modifié de telle sorte que chaque semaine le psautier
soit récité en entier et que l'office soit abrégé les jours où
les curés et les confesseurs sont d'habitude surchargés
d'occupations (i).
M8* Spalding, archevêque de Baltimore, dans une lettre (2)
datée du i5 août 1869, présenta une liste de projets de décrets
doctrinaux et disciplinaires; ils concernent les rapports
mutuels des deux pouvoirs, L'indifférentisine religieux, le
châtiment de l'hérésie, l'appel au bras séculier, la théorie du
progrès, l'infaillibilité du pape, l'inamovibilité des cures,
les droits d'étole dans l'administration des sacrements, enfin
les sociétés secrètes. Entrer dans le détail de ces différents
points nous conduirait trop loin. Cependant comme plus
tard, lors du concile, une controverse s'éleva au sujet
de la position prise par M-' Spalding vis-à-vis de la défi-
nition de l'infaillibilité pontificale, mettons seulement en
évidence les premiers mots du paragraphe qu'il consacre
à cette doctrine : « La doctrine de l'infaillibilité du pape est
tellement évidente, que de tous les évêques on en trouve-
rait à peine quelques-uns pour la mettre en doute.» Tout au
plus peut-on se demander si la définition est nécessaire
ou opportune. / Peut-être vaut-il mieux se contenter d'une
définition implicite, quelque chose comme un développement
de la définition de Florence. Que si le concile préfère une
définition explicite, il doit déterminer avec beaucoup de
-tiiu les limites de l'infaillibilité, afin (pie l'on puisse se
(1) C.V. 87!»cp<|(|.
(2j Conservée aux archives 'lu concile.
417-4481
POSTI I.ATA DE DIVERS EVEQI ES :» i 1
former un jugement certain sur la portée <les allocutions ou
décrets pontificaux antérieurs.
M*-'1 Adames, vicaire apostolique du Luxembourg, dans un
postulatuni qu'il présentait (i), demandait qu'on exposât cer-
taines doctrines concernant lepape, le pouvoir ecclésiastique,
le pouvoir civil, l'éducation de la jeunesse, les prétendues
libertés (de conscience, des cultes et celle de manifester ses
opinions), enfin la bienfaisance chrétienne.
Les autres postulata n'ont chacun pour objet qu'un seul
point. Les deux cardinaux Riario-Sforza, archevêque de
Xaples, etPecci, évèque de Pérouse, demandent la condam-
nation d'une certaine forme de l'ontologisme. Dans les déli-
bérations au sujet de la Constitution Dei Filins, M-1' Gasser,
prince-evéque de Brixen, rapporteur de la députation de la
foi, avait au nom de celle-ci rejeté un projet de modifica-
tion qui renfermait une condamnation de l'ontologisme.
parce que le sujet n'avait point été suffisamment traité (2).
Là-dessus les deux cardinaux présentèrent un postulatuni (3)
tendant à faire condamner une forme particulière d'ontolo-
gisine en contradiction manifeste avec la doctrine catholique :
à savoir cette proposition : « La connaissance directe et
immédiate de Dieu est naturelle à l'homme. » Suivent de
nombreux motifs qui exigent la réprobation de cette asser
tion et qui montrent la nécessité qu'il y a de la condamner.
Le concile ne prit point le postulatuni en considération. Mais
le cardinal Pecci,le second des deux postulateurs, a plus tard
comme pape sous le nom de Léon XIII, condamné l'ontolo-
gisme.
Deux postulata, l'un de Mgr Dechamps, archevêque de
Malines (4), l'autre de Mgr Colet, évêque de Luçon (5), sont
(1) C. V. 853 b sqq.
(2) Ibid. 153 a.
(3) Ibid. 849 b sqq,
(4) Ibid. 854 c sq«|.
(5) Ibid. 855 b sqq .
;44.»
842 HISTOIRE 1)1 CONCILE 1)1 VATICAN
relatifs à un parti schismatique existant en France sous le
nom de Petite Eglise et en Belgique sous celui de secte d"s
Stevenistes. Ce parti est formé par les descendants des
catholiques qui mécontents du concordat conclu en 1801 entre
Pie VII et le gouvernement français, // considèrent comme
illicites tous rapports avec les éveques institués à cette
époque par le pape. M*-'1' Dechamps dit qu'il y a dans son archi-
diocèse environ quatre cents Stevenistes : on leur serait
utile, pense-t-il, en déclarant par voie conciliaire que leur
parti est schismatique; et il demande par suite qu'on insère
dans la Constitution sur l'Eglise une clause relative à ces
schismatiques. M-1' Colet ne t'ait point de proposition déter-
minée; il dit seulement que les partisans de la Petite Eglise
ont les yeux tournés vers l'assemblée de Rome, et qu'on
recevra avec bienveillance les moyens que le concile jugera
propres à les ramener vers l'Eglise.
.M-1 Greith, évêquede Saint-Gall, présente deux postulata.
L'un concerne les écoles mixtes de la Suisse allemande,
c'est-à-dire ces écoles non catholiques que les catholiques
sont, eux aussi, contraints de fréquenter (i). Il fait un bref
exposé de l'origine et du caractère de ces établissements,
ainsi que des dangers qu'offrent ces sortes d'écoles tant
élémentaires que supérieures. 11 propose ensuite au con-
cile de désapprouver ces écoles, de mettre sérieusement en
garde contre elles les éveques, les curés et les parents, et
d'exhorter les gouvernements séculiers à rendre aux catho-
liques, à qui on les a arrachées contre tout droit, ces écoles
qu'ils avaient fondées et à reconnaître aux parents la liberté
qui leur appartient dans l'éducation de leurs enfants.
Le second postulatum a trait aux mariages mixtes (2).
L'évêque découvre les périls qu'ils offrent et demande un
il) G. V. 857c sqq.
(2) Ibid. 88! id sqq.
448^449
POSTULATA DE DIVERS EVEQUES §43
remède au concile. Dans sa proposition il prie le concile de
porter une loi obligeant les évêques à prononcer l'excommu-
cation publique et solennelle contre ceux qui contractent un
mariage mixte ou qui y vivent, toutes les l'ois que se vérifie
l'un des trois cas suivants: i. Si l'un de ceux qui veulent
contracter un tel mariage est déjà marie: 2. Si en l'absence
de promesse relative à l'éducation catholique des enfants, le
mariage est célébré devant le ministre protestant; 3. Enfin,
si après célébration du mariage, en dépit de la promesse
antérieure, les enfants sont élevés dans une religion non-
catholique. Il faut ordonner, dit Mgr (ireith, que les curés
publient toujours solennellement dans l'église paroissiale les
dimanches et jours de fête, la sentence d'excommunication
des époux qu'elle frappe. L'évêque de Saint-Gall proposeen-
suite de laisser aux évêques la dispense pour l'empêchement
matrimonial de la diversité de religion, mais de leur recom-
mander qu'ils raccordent seulement pour les plus graves rai-
sons et après examen détaillé du cas, et même cette dispense
ne devra être accordée que par sentence rendue en conseil.
I h postulatum signe par huit Pères attire l'attention du
concile sur les erreurs socialistes (1); il demande qu'on
expose les devoirs des riches et des pauvre», des patrons et
des ouvriers.
Cinq évêques (lu rite maronite et chaldéen conjurent le
concile, plus exactement le Souverain Pontife, d'élever la
voix contre les injustices par lesquelles les hommes s'oppri-
ment aujourd'hui les uns les autres, et qui inondent la terre
comme les eaux d'un grand fleuve (2).
» Quarante Pères déplorent le militarisme et ses consé-
quences, ils jugent nécessaire d'exposer authentiquement
les parties du droit canonique qui traitent du droit des
il C. P. 860 b sq.
(2) Ibid. 860 d sqq.
149-4S0]
544 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
nations, de la nature de la guerre et de tout ce qui la permet,
ordonne on défend (i).
In antre postlllatum, émanant d'un synode patriarcal
tenu par les Arméniens à Constantinople (2), traite du même
objet. Il énumére en détail les doctrines morales et cano-
niques qui concernent la guerre; et exprime le vœu que Le
concile veuille bien s'en occuper. <<>u'il explique le comman-
dement : a Tu ne tueras point » et qu'il déclare solennellement
les conditions d'une guerre juste. Le synode arménien regarde
comme une nécessite!' l'érection auprès du Saint-Siège d'un
tribunal suprême et permanent, composé de juristes de
toutes nations; dés que le "mot de « guerre » viendra à être
prononcé (in verbo belli) ce tribunal examinera si les rapports
réciproques des sociétés sont d'accord avec les principes de
morale chrétienne; il sera considéré comme le tribunal de
la défense du droit des gens, et sa sentence, confirmée par
le successeur infaillible de Pierre, sera une loi pour la con-
science publique. On s'opposera par là-même au militarisme
et à ses funestes conséquences (3).
Mgr Grande, archevêque d'Otrante, demande au concile
d'exposer la doctrine relative au prêt à intérêt (4'
Xeuf propositions furent présentées pour que le concile
élevât à la certitude d'un dogme de foi l'Assomption corpo-
relle de Marie au ciel. Elles furent signées par environ deux
cents Pères de tout rang (:j).
("eut huit Pérès demandèrent l'addition à la salutation
angélique des mots « Vierge immaculée » et par suite la réci-
tation suivante : << Sancta Maria, Virgo immaculata. Mater
Dei, ora }>ro nobis peccatoribus foi. »
(1) C. V. 861 c sq.
(2) Ibid. 862 a sqq.
(3) Ibid. »«a sq.
(4) Ibid.»*; dsqq.
(5) Ibid. 868 a sqq.
(6) [bid. 873 a.
[4SQ-451J
POSTULATA DE DIVERS EVEQUES :,i;,
Un postulat uni signé par sepl Pères déplore les suites
funestes qu'ont pour l'Eglise les privilèges accordes à des
princes ou à des gouvernements pour la nomination aux
éveches: le postulatitm prie l'assemblée conciliaire de
mettre soifs les yeux de ceux, princes ou autres, qui ont
quelque part dans la création des évêques, les rigueurs du
divin .1 lige devant qui ils auront un jour à répondre de l'usage
l'ait par eux de leurs droits; qu'on leur recommande une plus
stricte observation des règles portées par le Concile de
Trente relativement à l'institution des évêques fi).
M81 de Ketteler, cvèque de Mayenee, présenta un ]x>stu-
latum ayant exactement le même objet (2). Un autre Père
demande des remèdes contre l'abus des privilèges et des
exemptions en général (3). L'archevêque de Messine se plaint
des inconvénients qui résultent de la prélature conférée à
l'archimandrite du monastère de Saint-Sauveur à Mes-
sine (4).
M-1 Krementz, évêque d'Ermeland, dépose un projet
de loi obligeant les prêtres à une confession plus fré-
quente. Cette loi défendra sévèrement de différer la confes-
sion au delà de deux mois; les évêques devront veiller à son
exécution; on pourrait leur permettre.d'y apporter quelque
adoucissement pour de graves motifs, mais ils devront punir
sévèrement toute infraction à la règle. Si le concile ne veut
point edicter cette loi, qu'il enjoigne du moins au premier
concile particulier qui se tiendra dans chaque province ecclé-
siastique après celui du Vatican, de prendre les mesures
propres à pousser les prêtres à la confession fréquente (5). //
MF Biale, évêque d'Albengo, propose un moyen d'écarter
les multiples inconvénients résultant de ce l'ait «pie les
(1) C. V. 8831) sq,
(2) Ibid. 833 d sqq
(3) Ibid. 884 !..
(4.1 lbid. 884csqq.
(5) Ibid. 885c sqq.
151-4521
516 HISTOIRE 1)1* CONCILE DU VATICAN
prêtres ordonnés nd tituliim patrîmonii ou ad titulum sim-
plicis beneficii passent ensuite leur temps dans l'oisiveté (i).
La codification des lois ecclésiastiques, désirée bien sou-
vent dans d'autres postulata généraux, l'ait aussi l'objet d'une
proposition spéciale signée par trente et un Pères (2).
Le gênerai des Minimes demande qu'on introduise la con-
formité et l'unité dans le bréviaire et la messe, pour toute
l'Eglise catholique (3). M61" Ferrigno, archevêque de Brindisi,
réclame une nouvelle préface en l'honneur du Saint Nom de
Jésus, à insérer dans la messe de cette fête (4).
Deux postulata prient le concile de porter le culte rendu à
saint Joseph à un degré plus élevé dans la liturgie, spéciale-
ment de proclamer ce saint: Patron de l'Eglise universel]'
Le premier de ces postulata porte la signature de cent cin-
quante-trois Pères du concile, le second celle de quarante-
trois généraux d'Ordres religieux. Un troisième postulatum,
pour donner à saint François de Sales le titre de Docteur de
l'Eglise, est signé par cent dix-huit Pères (6).
Trente Pères proposent au concile de vouloir bien louer
et recommander le Gesellenverein (Compagnonnage, Vnion
des compagnons). (7) Deux autres postulata (8) émanés l'un
de trente Pères, l'autre de quatre-vingts, désirent qu'on en
lasse autant pour les conférences de Saint-Vincent de Paul.
Cent dix Pères expriment le A'œu, dans un postulatum signé
d'eux, (pie les décrets relatifs aux missions reçoivent une
addition recommandant l'œuvre de la Propagation de la
Foi (9). Deux autres postulata, signés l'un par treize Pères
(1) C. V. 887 bsqq.
(2) Ibid. 889 a sqq.
(3) Lbid.892c sqq.
(4) Ibid. 894 b sqq.
(5) Ibid. 895 d sqq.
|C)) Ibid. 807 l> sqq.
(7) Ibid. 900 a sqq.
(8) Ibid. 900<1 sqq.
(0i Ibid. 902 a sqq.
|452|
LES POSTULATA PRESENTES Ai CONCILE 547
l'autre pur soixante et un, désirent la même faveur pour les
écoles «l'Orient (i), un troisième enfin, signé par trente-cinq
prélats, prie le concile de recommander l'œuvre «le la Sainte-
Enfance (2). Soixante-huit prélats appellent L'attention du
concile sur les nègres de l'Afrique centrale (3).
M61 Ami, archevêque maronite de Beyrouth en Syrie, se
plaint des obstacles apportés au ministère des âmes à Bey-
routh : les agissements des protestants, les écoles dans les-
quelles sont enseignées les langues européennes et la conduite
imprudente des missionnaires (4).
Un postulat, signé par cinq cent dix Pères, propose au
concile d'inviter les Juifs à embrasser la religion chré-
tienne (5).
Enfin le T. K. P. Dom Henri, abbé d'Einsiedeln, demande
qu'on modifie la loi portée, le 19 mars 1857, par la Congré-
gation Sujjcr statu Regular.um au sujet de la réception des
novices et de l'émission des vœux simples ((>).
Tous ces postulata furent d'abord soumis au jugement de
la commission instituée par le pape; celle-ci décidait, après
examen, s'il fallait en recommander ou non la présentation
au concile. Il s'y trouvait bon nombre de sujets qui avaient
déjà été traités dans les schémas préparés par les commis-
sions ; d'autres demandaient, par leur nature même, à être
soumis au pape plutôt qu'au concile; différents postulata se
répétaient les uns les autres; par suite, le nombre des ques-
tions à débattre au concile se trouva considérablement
réduit.
(1) C.V. '.103 a sqq.
(2) Ibid. 904 b scf<j.
(3; Ibid. !K3o !> -qq.
(4) Ibid. 906a sqq. — Au sujet des derniers points de cette plainte, voir Yeriny,
Arcliiv fur katltolisclies Kirchenrecht, XXXII, 401 sqq.
(5) Ibid. 909 h sq.
(6) Ibid. 909 '1 sqq.
[452-453]
CHAPITRE VIII.
Dispositions prévues en eus de vacance <lu Suint -Siège
durant le concile.
Si Le siège pontifical venait à vaquer par la mort du pape,
durant un concile, les complications les plus graves pour-
raient facilement se produire. D'une part, il y a grand danger
que le concile même, dépourvu de son ehef, se tienne pour
autorisé à continuel- la tache commencée; d'autre part, il
pourrait facilement s'attribuer dans l'élection du nouveau
pape une part qui ne lui revient pas. Il est donc nécessaire
de parer avant le concile, par des mesures convenables, à de
telles éventualités et aux dangers qu'elles feraient naître
pour l'Eglise.
Dans la séance delà Commission centrale du 19 septem-
bre 1869, le cardinal Patrizi, président, déclara qu'il avait eu
avec le Saint-Père un entretien sur les mesures que les papes
ont coutume de prendre pour éviter tous désordres au cas
d'une vacance du siège pontifical durant le concile. Le Saint-
Père avait exprimé sa volonté d'ordonner aussi de semblables
dispositions pour le Concile du Vatican; son intention était
de publier une bulle qui, en cas d'événements semblables,
assurerait ses droits au Sacré-Collège, même pour les temps
futurs.
Le pape ayant proposé à la Commission directrice de rédi-
ger la bulle, les cardinaux acceptèrent à l'unanimité, et
[454]
550 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
prièrent le cardinal Capalti de l'aire le nécessaire tant pour
l'étude de la matière en question que pour une première
rédaction de la bulle.
Le i3 octobre, le cardinal Capalti donna lecture de sa
rédaction dans la séance de la commission et les cardinaux
y donnèrent leur approbation. Ils exprimèrent seulement le
désir qu'au nombre des événements historiques relatés dans
la bulle il fût fait mention du fait suivant : .Iules II, avant le
cinquième Concile de Latran avait prévu les dispositions
nécessaires pour le cas où il viendrait à mourir; or, cet évé-
nement s' étant réalisé, le concile a interrompu les sessions j us-
qu'à l'élection de Léon X. Dans la séance suivante de la
Commission directrice, le 19 octobre, le cardinal Capalti lut
les modifications introduites dans son travail, conformément
à ce qui avait été dit, et alors la bulle fut approuvée de tous;
le pape aussi l'agréa.
Cette bulle, commençant par les mots : (Juin Romanis
Pontificibus (1), fut distribuée aux Pères du concile, le 10 dé-
cembre 1869 à la première congrégation générale (2).
Dans l'introduction, le pape montre les suites funestes que
pourrait avoir pour la paix et l'unité de l'Eglise une irrégula-
rité commise dans l'élection d'un pape et qui rendrait dou-
teuse la validité du choix. C'est pour éviter ces irrégularités
que beaucoup de papes remirent l'élection aux mains des seuls
cardinaux. Maintenant que va s'ouvrir le concile convoqué
par lui, le Saint-Père veut, suivant l'exemple de plusieurs de
ses prédécesseurs, prévoirie cas où il serait rappelé de cette
vie pendant le concile, et prendre des dispositions qu'il
espère de nature à écarter le danger de schisme et de dés-
union. Pie IX déclare alors en termes solennels que, si Dieu
met fin à son pèlerinage durant le concile, l'élection du nou-
(1) C. V. 46a sqq.
(2) Ibicl. 711c.
[454-455]
BUL1.K : CUM ROMANIS PONTIFICÏBUS 851
veau pape doit être l'œuvre exclusive des cardinaux, que tous
les autres en sont exclus, alors même que le concile leur
aurait donné mandat d'élire le pontife. Il déclare, de même,
qu'au cas où il mourrait pendant le concile, celui-ci serait
par le l'ait même dissous et ajourné, toutes les sessions et
travaux conciliaires devront être interrompus jusqu'à ce que
le pape nouvellement élu en ait ordonné la reprise.
Enfin, le pape décrète que ces mesures vaudront non seu-
lement pour le concile du Vatican, mais pour tous les
conciles à venir.
— *—
[455]
CHAPITRE IX.
On ordonne des prières et des exercices de piété
comme préparation au Concile
et pour tout le temps (ju'il durera.
La Congrégation qui avait reçu le soin de préparer le
concile, chargea, dès le mois de mai 1868, un de ses eonsul-
teurs, M*-'1 Tizzani, de rédiger un mémoire sur les prières à
prescrire avant le concile et la profession de foi à faire par
les évèques. Ce mémoire lut discuté par la Commission cen-
trale le 21 juin 1868. Nous avons parlé plus haut (i)des déli-
bérations relatives à la profession de foi ; il nous reste à
parler ici de celles qui concernent les prières,
La Commission centrale distingua entre les prières à pres-
crire pour Rome et celles qui seraient imposées au reste de
l'univers catholique.1
Pour l'Eglise entière, lagCommission centrale fut d'avis
d'accorder avant le concile un jubilé qui serait publié pour
la fête de l'Immaculée Conception ou plus tard, au gré du
Saint-Père.JElle proposa, de plus, d'obliger tous les prêtres
à réciter à la messe la Collecte De Spiritu Sancto, durant les
trois mois qui précéderont le concile et, ensuite, pendant tout
le temps de la célébration. Mais on laisserait aux évèques le
soin d'ajouter d'autres prières ou exercices de piété;// ils
(1) Voir p. 507.
1456]
554 HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
pourraient pour cela, si les circonstances le permettaient,
prescrire dans leurs diocèses les prières ordonnées à Eome.
A Rome, outre les exercices de piété communs à toute
l'Eglise, on pourrait faire une procession solennelle après
Pâques de l'année 1869. La commission s'appuyait en cola
sur l'exemple de Pie IV, qui, pour implorer l'assistance
divine pour le Concile de Trente, se rendit avec tout le clergé
en procession du Vatican à l'Eglise S. Maria Sopra Minerva;
les ambassadeurs des puissances étrangères et Cosme de
Médicis, alors présent à Rome, l'accompagnaient. On pour-
rait, de plus, ordonner que trois mois avant le concile, on
récitât les Litanies des Saints dans toutes les églises patriar-
cales, collégiales et paroissiales, ainsi que dans celles
des communautés religieuses. Immédiatement avant l'ouver-
ture, pendant la neuvaine préparatoire à la fête de l'Imma-
culée Conception, on exposerait aux hommages des fidèles,
avec l'agrément du Saint-Père, dans la basilique de Saint-
Pierre, le saint Suaire et les reliques insignes; dans l'église
de Saint-Jean de Latran, l'image très honorée du Sauveur,
les chefs des saints Pierre et Paul; à Sainte- Marie-Majeure,
la sainte Crèche et l'image de la Très Sainte Vierge; clans
l'église de Sainte-Croix, les reliques qui y sont conservées.
La Commission centrale conseille aussi d'ordonner un jeune
de trois jours pendant la neuvaine.
Dans la séance de la Commission centrale du 14 février 1869,
le cardinal Patrizi, président, fit connaître que le Saint-Père
avait approuvé les décisions de la commission; il fallait à
présent rédiger l'encyclique dans laquelle le pape promul-
guerait le jubilé, celui-ci devant commencer avant le concile,
à une époque dont la désignation serait laissée à la discré-
tion des évèques.
Quant aux prières et aux exercices de piété qu'on prescrirait
pour la durée même du concile, on n'en parla qu'en passant,
le 14 février. Dans la séance du 7 mars, on proposa d'ordonner
[457]
LES PRIERES PENDANT LA DUREE 1)1 CONCILE ."..'j:;
aux évêques dans l'encyclique du jubilé, de prescrire aussi
pour leurs diocèses, l'insertion à la messe de la collecte
du Saint-Esprit.trois mois avant le concile et ensuite, jusqu'à
sa clôture. Four les exercices de piété à accomplir durant le
concile, on pria le cardinal Capalti de l'aire un projet.
Lorsque le lendemain de la séance le secrétaire de la Com-
mission centrale présenta an pape les décisions prises, Pie IX
déclara qu'il voulait étendre à toute la durée du concile le
jubilé qui devrait commencer trois mois avant,/ et qu'en sus
des prières propres au jubilé il ne prescrirait point d'exer-
cices de piété aux fidèles pour le temps du concile. Pour
Home seulement il voulait après examen prescrire encore
d'autres prières et exercices de pieté.
M-' Giannelli fit connaître ces désirs à la Commission
centrale dans la séance du 14 mars. Le cardinal Patrizi lut
alors un projet d'encyclique pour le jubilé qu'avait rédigé
Mgr Pacifici, secrétaire des Brefs adresses aux princes, et
que le Pape envoyait à la Commission entrale pourc le
reviser. En outre des ordonnances relatives au jubilé,
l'encyclique prescrivait de Célébrer tous les jeudis pendant
le concile la messe du Saint-Esprit, à moins qu'il n'y ait
une fête double pour l'empêcher. A cela la commission fit
Observer que si toute fête double empêchait la célébration
de la messe du Saint-Esprit, celle-ci ne pourrait être que
rarement dite: il fallait en outre indiquer d'une manière plus
précise par qui cette messe devrait être célébrée. On proposa
au Saint-l'ère de prescrire que tous les jeudis où ne se célé-
brerait pas une tète double de première ou de seconde
classe, on dirait la messe du Saint-Esprit, à Rome, dans
toutes les Eglises patriarcales, basiliques et collégiales ; et
on dirait cette même messe aux mêmes conditions par toute
la chrétienté dans toutes les églises cathédrales et colle-
Il) C. V. 10 c sqq.
[457-458J
aoG HISTOIRE DU CONCILE DU VATICAN
giales, ainsi que dans celles dos ordres religieux obligés à
une messe conventuelle. Pie IX, dans une audience donnée
le i5 mars au secrétaire de la Commission centrale, adopta le
projet et chargea Mgr Pacifici de modifier en ce sens l'Ency-
clique.
L'encyclique dans laquelle1 était promulgué le jubilé (i) lut
datée par Pie IX du n avril 1869, jour où le pape et avec lui
le monde catholique tout entier célébra avec tant de solennité
le cinquantième anniversaire de son sacerdoce. Le Saint-Père
dit qu'il a convoqué un concile pour le 8 décembre. Il n'a
jamais omis, en particulier durant ce temps de préparation
au concile, de supplier humblement par les prières les plus
ardentes le Père des lumières et des miséricordes de
daigner dans sa très grande bonté faire descendre du ciel
la sagesse qui l'assiste à son trône, afin qu'elle soit avec lui,
qu'avec lui elle travaille, et qu'elle lui fasse connaître ce qui
est agréable à Dieu (2). Dans le but cependant d'être plus
promptement exaucé, Pie IX voulait exciter aussi le senti-
ment religieux et la piété de tous les fidèles,// afin qu'unis à
lui dans la prière, ils implorent le secours de la main du Tout-
Puissant et la lumière du Ciel, grâce auxquels il pourrait,
dans le prochain concile, décréter tout ce que demanderaient
le bien et l'utilité générale de tout le peuple chrétien, le plus
grand honneur, la prospérité et la paix de l'Eglise catholique.
Mais comme les prières des hommes sont plus agréables à
Dieu quand ceux-ci vont à lui avec un cœur pur, Pie IX a
résolu d'ouvrir aux fidèles les trésors célestes confies à son
administration, afin qu'excités à une vraie pénitence et puri-
fiés par la confession des souillures du péché, ils s'approchent
avec une plus grande confiance du trône de Dieu et obtiennent
de lui grâce et miséricorde.
Le pape annonce ensuite le jubilé qui, ouvert le 1" juin
(1) Elle commence par les mut? : Nemo verte ignorât... (X. du Tr.)
(2) Sag. IX, 4, 10.
|458-459]
I. ENCYCLIQUE DU JUBILE 587
[869, doit durer tout le temps du concile. Les conditions
marquées pour gagner l'indulgence du jubile sont pour
Rome : une visite de la basilique de Latran, de Saint-Pierre
et de Sainte Marie- Majeure, ou une double visite de l'une de
ces églises; il faudra a cette visite prier un certain temps
pour la conversion de tous les hérétiques, la propagation de
la foi, et pour la paix, la tranquillité et le triomphe de l'Eglise
catholique; on jeûnera, outre les quatre-temps, durant trois
jours, les mercredi, vendredi et samedi; la dernière condition
prescrite est de recevoir avec dévotion les sacrements de
Pénitence et d'Eucharistie et de l'aire une aumône aux pau-
vres. Les mêmes conditions sont prescrites aux catholiques
vivant hors de home; seulement, la visite au lieu de se l'aire
aux églises de Rome susmentionnées, se fera à celles que
l'autorité ecclésiastique désignera dans les différents pays.
Pour les personnes qui naviguent, pour les voyageurs et poul-
ies membres des Ordres religieux, les conditions seront
adaptées à chacun. Les pouvoirs des confesseurs sont
étendus pour le temps du jubilé.
A la fin de l'encyclique, prescription est faite aux prêtres
d'insérer tous les jours a la messe la collecte de Spiritu
Sancto et de célébrer chaque semaine une messe de Spiritu
Sancto dans les églises patriarcales et les basiliques et
églises collégiales de Rome, ainsi que dans toutes les cathé-
drales et collégiales de l'univers, et enfin dans les églises des
Ordres religieux obligés à une messe conventuelle. Cette
messe doit être dite tous les jeudis auxquels ne sera point
célébrée une fête double de première ou de seconde classe
et l'application en sera libre. / Certains points de l'encyclique
furent déterminés et expliqués d'une façon plus précise encore
par les Sacrées Congrégations de la Pénitencerie, des Rites
et des Indulgences, qui répondirent aux demandes qui leur
avaient été adressées (1).
(1) C. V. 1072c, 1072dsqq. 1073dsçw.
[459-460]
558 HISTOIRE 1)1 CONCILE DU VATICAN
Dans d'autres lettres apostoliques du 3 décembre 1869 (1),
le pape accorde pour toute la durée du concile une indulgence
plénière à ceux qui réciteront en une semaine un chapelet de
cinq dizaines, recevront les sacrements de Pénitence et
d'Eucharistie et prieront dans une église ou un oratoire
publie pour l'heureuse issue du concile du Vatican.
En dehors des prières et exercices de piété prescrits au
clergé et à ceux qui voudraient gagner les indulgences, le
pape n'ordonne aucune autre prièrepour l'Eglise entière. Dans
les églises de Rome seulement on dut réciter en plus chaque
dimanche les Litanies des Saints et d'autres prières (2).
Le cardinal Patrizi, vicaire de Sa Sainteté, prescrivit le
18 novembre 1869 une neuvaine pour toutes les églises de
Rome et huit jours d'exercices spirituels pour vingt-deux
d'entre elles qu'il désigna. La neuvaine et les exercices de-
vaient se faire immédiatement avant l'ouverture du concile.
Le cardinal-vicaire ordonna, en outre, qu'on exposerait pen-
dant ce temps les saintes images et reliques et que la veille
du concile on jeûnerait et on réciterait les Litanies. Enfin
pendant le concile il prescrivit encore, sur l'ordre du pape,
une neuvaine préparatoire à la fête de la Purification.
FIN DU PREMIER VOLUME
(1) C.V. 1076 c sqq.
(2) Ibid. 18a. Voir les prières : ibid. 1075 b sqq.
[460j
Table Analytique
du premier volume
A bises, diffèrent des évêques titulaires,
116; — leur place dans les conciles
antérieurs, ibid.; — Sanguincti, sur
leur admission au concile, 117 sqq: —
les Abbés « nullius » et les Abbés géné-
raux seuls doivent être convoqués,
119 sqq; — obscurité de la bulle de
convocation suc ce point, 121 sqq; —
commission spéciale chargée d'un nou-
vel examen, 123 sqq.
Abstinence, à adaptée aux circonstances
actuelles, 4$, 60.
Ai/ton (Lord), écrit « sur l'histoire du
concile du Vatican », 8 ('), 24 (s) ; —
conférence de Hernsheim, 334 ; — ce
qui le concerne à propos du mémoire
de Msr Dupanloup aux évêques, 347 (r).
Adresse des LAÏQUES de Coblentz,25l sqq ;
— son appréciation par les« Stimmen
aus Maria-Laach », 253 sqq; — sur
l'Etat théocratique, 256 ; — sur les
relations de l'Eglise et de l'Etat, 260.
— Adresse des laïques de Bonn, 262 sqq.
Aetevni Patris, bulle de convocation,
analyse, 157s<|q; — impression pro-
duite sur les catholiques et sur les
adversaires, 167 sqq.
Allemagne, le cardinal Keisach sur la
science allemande, 34; — Msr Meglia
sur la théologie allemande, 85 sqq. 180;
— sur l'agitation du peuple, 271 sq; —
lutte contre le concile, 187 sqq; —
assemblée générale des sociétés (Ve-
rcine) catholiques à Bamberg, 170 sq;
à Dùsseldorf,272 ; — congrès de l'Eglise
évangelique allemande, 414 sqq.
« Allgemeine Zeitung », sur la représen-
tation de l'Eglise au concile, 104 ; — les
cinq articles [de Janus], 204 sqq ; —
Dollinger en est l'auteur, 208 ; — arti-
cles plus étendus signés d'une double
croix, 231 sqq ; — souhaite de libres
manifestât ions dans le sens de l'adresse
des laïques de Coblenlz, 262.
Angelini (Mk1), archevêque de Gorintbe
i. p. i., — mémoire pour les délibéra-
tions de la Commission centrale, 2 (') ;
— sui la convocation des évêques titu-
laires, 110 sq, 151 ; — voir aussi 92 sq,
96.
Angleteb.be, parti catholique libéral, 355;
— traduction anglaise du Janus, 357 5
les protestants anglais et le concile,
597 sqq ; — l nionnisles ; v. ce mot.
Anglicans, mémoire de Feye les concer-
nant, 148 sq ; — invalidité de leurs
560
TABLE ANALYTIQUE
ordres, ibid. ; -- le concile doit les
invitera rentrer dans l'Eglise, 150.
Anti-concile, voir Libres-penseurs.
« Anti-Janus », jugement définitif porté
sur le Janus, 227 sq; — l'auteur, Her-
genrother, ne croit pas i|ue Dôllinger
ail écrit le Janus. 2-29 ; — réfutation de
I Anti-Janus, par Huhcr, 230.
Antonelli ( M§r ), cardinal secrétaire
d'Etat, — sur 1rs consulteurs, 82 sq ;
— sur la représentation des puissances
auprès du concile. 153 sq, 451 (s); — au
sujet des correspondances périodiques
sur le concile, 215 sq ; — approuve que
lesévêques d'Allemagne éclairent leurs
troupeaux sur le concile. 275; — à
Mk> Maret sur son ouvrage, 312; — sur
le refus de hi France d'envoyer un
représentant au concile, 452; — sur
l'application des censures en France.
456 ; — au sujet des évêques de Russie,
459, .•!<•.
Archives du concile du Valican, 1 sqq.
Arméniens non-uni*, réception de l'invi-
tation au concile, 370 sqq.
Arnim (Comte d'j, ambassadeur de l'Alle-
magne du Nord et de la Prusse auprès
du Saint-Siège, — regarde Dôllinger
comme l'instigateur de la dépêche de
Hohenlohe. 428; -- correspondance
avec Bismarck au sujet de son altitude
vis-à-vis du concile. 441 >qq.
Associations, propositions faites au concile
à leur sujel , 59, 529, 546.
Assomption de la Sainte Vierge, 225. 556,
544.
Autriche-Hongrie et le concile, 477 sqq.
Bade, appel aux catholiques de Bade,
245 sq ; — ses effets, 250 ; — le gou\ or-
nement badois et le concile. 458 sq.
Banneville (Marquis de i, envoyé français à
Rome, 155, 154, 305, 452 (').
Bahnabo (Cardinal), membre de la Com-
mission centrale, 73, 92; — président
de la commission des Eglises orientales
et des Missions, 77, 94; — memlire de
la commission chargée d'étudier la
question des Abbés, 125 ; — voir aussi
31 (tj, 41 ('/, 44, 52 (.), 52 (*), 146,
162, etc.
Baumstark (Reinhold), brochure sur la
réunion des protestants avec l'Eglise
catholique romaine, 395 sq.
Bavière, synode général des protestants
contre l'invitation pontilicale, 414 sq;
— circulaire du président du conseil,
426 sq ; — les questions posées par le
ministre aux universités, 429 sq ; —
mémoires qu'elles provoquent, 430 sqq;
— réponse du ministère aux évêques
se rendant à Rome, 459 sqq.
Bayer (von), conseiller d'Etat; — son
mémoire sur l'infaillibilité pontificale
et sur le Syllabus, 457.
Belgioi e, ce que les catholiques atten-
dent du concile, 175 sq ; — ahsence de
gallicanisme, 551 ; — le gouvernement
et le concile, 456.
Bénédictins-Abbés, mémorandum du car-
dinal Pilra sur leur convocation au
concile, 124, 125; — décisions de la
commission spéciale sur cette question,
126.
Bii m (comte de), ministre - président
d Autriche ; — rejette la demande de
la circulaire Hohenlohe, 429,
Bilio (cardinal), éditeur des « Acta Con-
gregationum generalium », 4, 5; —
membre de la Commission centrale, 75,
92; — président de la commission
dogmatique, 77, 92,
Bismarck (comte de), ministre président
TABLE ANALYTIQUE
561
de Prusse : — sur l'attitude de la Prusse
vis-à-vis du concile, 440 si]<| .
Bi/./.akri (cardinal), membre de la Com-
mission centrale, 25, 75, 92; — sur
l'attitude probable de Napoléon, 41 sq ;
— président île la commission des
ordres religieux 77,83; — membre de
la commission chargée d'examiner la
question des abbés, 125; — voir aussi
51, 35, 74 sq, 96. 516.
Bonn, adresse des laïques à Pévêque, 262.
Brésil et le concile, 462.
Bréviaire, propositions qui y ont trait,
553,556, 540, 546.
Broglie (duc Albert dé), v. 527, 528, 541.
BUCK (le Père de). Bollandislc — et les
unionnistes anglais, 401 sq.
Bille, « âeterni Patris », bulle de con-
vocation, voir Aeterni Patris ; —
«Cum Romanis Pontificibus», sur la
vacance du siège de Borne au temps- du
concile, 549 sq ; — « Nemo certe igno-
rât», bulle de jubilé, 556 sq.
Cas réservés, propositions laites au con-
cile à leur sujet, 555, 5Ô6.
Cani (Mgr Antoine), préfet des archives du
concile du Vatican, éditeur des « Acta
Congregationum generalium », 4 sq.
Capalti (cardinal), membre de la Com-
mission centrale, 75, 92; — delà com-
mission des Eglises Orientales et des
Missions. 94; — de la commission char-
gée d'étudier la question des Abbés,
125 sq; — cf 7, 484, 491, 506, 550,
555.
Cahti laires (vicaires . Faut-il les convo-
quer au concile, 142 Si|q.
Cardinaux, leurs mémoires sur le concile
projeté, 51 sqq; — ils ont tous \oix au
concile, 99; — propositions pour le
concile concernant les cardinaux. 531.
Catéchisme, vœu pour un catéchisme
universel, 59
Caiekini (cardinal;, préfet de la Congré-
gation du Concile; — membre de la
Commission centrale, 25, 75, 92; —
président de la commission de la disci-
pline ecclésiastique, 75, 95; — prend
des informations sur les consulteurs,
75 sqq ; — explication au sujet des
Abbés, 121 ; — inquiétudes au sujet
d'un secrétaire allemand du concile,
474 sq ; — voir aussi 51, 78 sqq, 85,
89 sqq, 116, 475.
Cecconi [fils' Eugène), archevêque de
Florence, auteur de la « Storia del
Concilio Ecumenico Vaticano », 8.
281 (0 sq, etc.
Célibat, ce qu'en pense un « ecclésias-
tique catholique », 197 ; — sa suppres-
sion demandée par un écrit anonyme,
235.
Censures, propositions faites au concile à
leur sujet, 555 sq.
Centenaire des piinces des Apôtres, jour
de l'annonce publique du concile par
une allocution du pape, 69.
Chapitres des cathédrales, à réformer, 58.
Chigi (Vis*), archevêque de Mues i. p. i.,
nonce à Paris, 185, 184, 216 sq,
295(-), 451, i77
Chili et le concile, 462.
« Civilta cattolica », sur « un ecclésias-
tique catholique », 189 (-1 ; — corres-
pondance de février 1869, 5, 199 sqq;
— but de la correspondance d'après
Friedrich, 215 sq ; — sa vraie genèse,
215 sqq ; — la « Civilta » ne représente
502
TABLE ANALYTIQUE
pas la Compagnie de Jésus, 255 sq ; —
Hohenlohe sur la « Ci^ilta », 427.
Clerezij. janséniste, v. Jansénistes.
Clergé, projel de réforme le concernant,
48, 57, 527 sqq.; — son élévation scien-
tifique, d'après un « ecclésiastique ca-
tholique >?, 194.
Cour, uuionniste anglais, écrit sur !e futur
concile, 400 sqq.
Coblentz, voir Adresse des laïques.
Commission directrice de préparation,
voir Commission centrale.
Commissions préparatoires, on en con-
stitue cinq, 70; — présidents et mem-
bres, 92 sqq ; — répartition des
membres, 93 sqq ; — tâches de la
commission dogmatique, 515 sq; —
de la commission politico - ecclésias-
tique, 515; — de la discipline, 515 ; —
des Réguliers, 516 sq ; — des Eglises
Orientales, 516 sq ; — commission des
cérémonies, 98; — rapports avec la
Congrégation directrice, 518.
Commission centrale [nommée aussi
Congrégation directrice de prépara-
tion), son rôle, 2; — procès-verbaux
des séances, 2 ; — mémoires sur ses
délibérations, 2 ('); — ses premiers
membres, 25 ; — première séance le
9 mars 1865, 25; — nou\eau.\ mem-
bres, 75 ; — troisième à cinquième
séance pour la formation des autres
commissions, 75; — sixième séance pour
la convocation de consulteurs, 77 ; —
ses consulteurs, 92 ; — délibérations
sur l'invitation des évoques titulaires,
110 sqq; — des abbés et des généraux
d'ordre, 1 16 sqq ; — sur les droits des
procureurs, 134 sqq; — convocation
des vicaires capitulaires, 142 ; — des
évêques non-catholiques, etc., 144 sqq;
— des princes catholiques, 150 sqq ; —
sur la méthode de délibération au con-
cile, 465 sq., 499 sq; — sur la question
de préséance, 468; — sur les employés
du concile, 471 ; — les chevaliers de
Malte, 475; — les interprètes, 476;
— les sténographes, 476 ; — les juges
du concile, 478; — décisions succes-
sives sur les députations du concile,
484 sq ; — sur le droit de proposition,
489 sq ; — sur Tordre des projets pré-
sentés, 491 ; — sur la forme des dé-
crets, 492 sq ; — sur un règlement du
concile, 502 sqq; — sur la profession de
foi, 308 ; — sur le serment des em-
ployés du concile, 51 1 ; — sur les me-
sures à prendre en cas de vacance du
Saint-Siège, 549 sq ; — sur les prières
pour le concile, 555 sq ; — sur l'ency-
clique du jubilé, 554 sqq.
Concile oecuménique du Vatican, pre-
mière annonce, 25 ; — nécessité rela-
tive, 26 sqq, 32 sqq; — obstacles, 27,
41 sqq; — annonce solennelle, 69 sqq ;
— prières pour le concile, 172, 555 sqq,
— dons, 172 sqq; — est-il libre,
d'après un« ecclésiastique catholique »,
188; — représentation proportionnelle
« raisonnable » des nations au concile,
d'après le même, 191 sqq; — ordre
des travaux et manière de voter, d'après
1' « ecclésiastique catholique », 192
sqq.
— Salle du concile, 479.
— Employés du concile, 471 sqq : —
leurs règles, 475.
— Règlement du concile, dans les con-
ciles antérieurs, 501 ; — nécessite .le
le déterminer à l'avance, 502 ; —
faut-il laisser les mots « sacro ap-
probante Concilio »? 505 sq, 504 (■);
— Hinschius sur le droit du pape de
décréter ce règlement, 505 (').
— Écrits sur le concile : « Le prochain
concile œcuménique, etc. », par un
ecclésiastique catholique , 187 sqq ;
— « Parole sincère, etc. », d'un
ecclésiastique catholique , 196 sqq ;
TABLE ANALYTIQUE
oG3
— Janus, 219 sq<| ; — unti-Jainis,
227 sqq ; — -£Tpa Romana, 255 ; —
« Considérations » pour les évêques,
256 sqq ; — « Quelques remarques »
sur l'infaillibilité pontificale, 269 sqq :
— de Ms;1 Maret, 295 sqq ; — de
Baumstark, 595 sqq ; — de Cobb,
400 sq. — Voir aussi 7 sqq, 170,
187, 196, 230, 255 sqq, 256 sqq. 245
sqq, 417.(i).
Conciles oecuméniques antérieurs, leur
autorité, d'après Ms1' Maret, 299 sqq.
Conciles provinciaux au XIXe siècle, 21 ;
— vœu présenté au concile en leur la-
veur, 551.
Concordats, non observés par l'Etat, 56
sq ; — il faut pouvoir en exiger l'exé-
cution, 48; — les multiplier, 48.
« Considérations pour les évêques du
concile », etc. Diillinger en est l'au-
teur, 256; — 26 paragrapbes contre
l'infaillibilité, 256 sqq; — réponses,
257 sqq ; — réfutation tirée des écrits
antérieurs de Dollinger, 258 sqq ; —
explication de Friedrich sur ces ci ml ra-
diclions, 240.
Consulteurs pour les travaux prépara-
toires du concile, — nécessité de leur
convocation, 29, 50, 52, 57 ; — infor-
mations sur ceux qui peuvent remplir
* les fonctions de consulteurs, 76 ; —
convocations, 77 sqq ; — méconten-
tement qu'elles causent, 79 sqq ; —
nouvelles convocations, 88 sqq ; —
liste des noms, 91 sqq.
Convocation au concile — qui convo-
quer ? 99 sqq ; — d'après un « ecclé-
siastique catholique », 187 sq.
Convocation (Bulle de) « .-Eté mi l'atris »
analyse, 157 sqq ; — impression pro-
duite sur les catholiques et sur les
adversaires, 167, sq.
Coptes non-unis, accueil fait à l'invita-
tion, 382 sqq.
« Correspondant », mauifestc, 321, sqq ;
— affinité du manifeste avec le « Ja-
nus »,525 sq; — Mb1' Dupanloup nommé
comme en étant l'auteur, 328 sq ; —
le « Correspondant » déclare à l'avance
qu'il se soumettra au concile, 550.
Cracovie, affaire d'un couvent de —
272(').
Cumming (Dr), presbytérien écossais, veut
se rendre au concile, 599 sqq
Curés, sur leur inamovibilité, 48, 58; —
proposition pour que le concile s'occupe
de la nomination aux cures par voie de
concours, 529, 556.
D
Dechamps (MS'), archevêque de Malincs.
Ecrit sur le concile, 551 sqq ; — lettre
à un laïque, 551; — première lettre à
Msîf Dupanloup, 555 sq; — voir aussi
554 (<), 546, 547, 54) .
Décrets du concile, leur forme. 492, sqq;
— Héfélé sur le nom du pape placé en
tête 494.
Délégations, voir Députations.
Délibérations du concile (Matières des)
à déterminer par le Saint-Père, 52 ; —
à préparer par des théologiens et des
canonistes, 52, 56, 57. 75 sqq. Voir
aussi Propositions faites au concile.
Délibérations du concile (Forme des). —
Mémoire de Galeotti, 496 ; — proposi-
tion d'Héfélé, 498 ; — décisions de la
Commission centrale, 499.
Députations pour le concile — leur néces-
sité d'après Héfélé, 484 sqq; — quatre
députations sont décidées, 486 sqq.
Discipline ecclésiastique (Législation de
la), faut-il la reviser ? 55 sqq, 49 sqq ;
— propositions à ce sujet, 552 sqq,
556 sqq, 540, 546.
5G4
TABLE ANALYTIQUE
DÔLLlNGEit, rédacteur des <■■ lettres ro-
maines », 8('); — idée fausse sur le
concile, 10; — proposé comme consul-
tent. 80 sqq; — lettre à Schwarzen-
berg, 82 ; — erreur sur les éVêques
résidentiels, 105 sq; — doctrine sur le
concile, 104. 106; — auteur du premier
écrit de la polémique allemande. 196 sq;
de l'article de 1' « Allgemeinc ZeitUDg »,
208 sqq; — loue la théologie histo-
rique, 209; — sa vie, 208 sqq; — Janus,
219 sqq ; — sur la correspondance de
la « Civiltà » et sur le Syllabus, 225 sqq;
— sur l'infaillibilité pontificale-, 225
sqq; — les «Considérations ».256 sqq;
(cf. Cniisidéralions) — relations avec
M-r Dupanloup, 554 sqq; — voir aussi
83 sq. 88, 214, 261,264, 557, 347 (=),
537,375, 435 sqq.
Dons en argent, etc., pour le concile,
172 sqq.
©roit ue proposition au concile, — voir
Proposition .
« Dublin Reyiew » sur les catholiques
libéraux d'Angleterre, 555 ; — contre
Renouf, 556 6).
Dupanloup (Mer); évêque d'Orléans,. a-t-il
poussé le pape à convoquer le concile,
24; — sur les matières à traiter au con-
cile, 58 sqq; — lettre sur le futur
concile, 169 ; — auteur de deux
articles du « Français », 205 ('); —
écrit anonyme contre l'infaillibilité,
269 sq ; — auteur de l'article du « Cor-
respondant », 528 : — son portrait mo-
ral, 351 sq : — ses relations avec Dol-
linger, 554 sq ; — lettre pastorale, 337:
— lettre à son clergé, 558 sqq ; — affi-
nité de cette lettre avec l'écrit anonyme
contre l'infaillibilité, 544 sqq; — ses
relations avec L. Veuillot, 548; — avec
M-r Dechamps, 555 sqq; avec M-1 Man-
niug, 559 sq .
Ecoles. L'Eglise doit avoir la liberté d'en
fonder, 59; — propositions faites au
concile sur les écoles mixtes, 542.
Eglise, funestes conséquences de la sépa-
uition d'avec l'Etat, 38; — son indé-
pendance de l'Etat, 60 ; — ses rappoits
avec l'Etat d'après l'adresse des laïques
de Coblentz, 259 : — depuis le concile
de Trente. 425.
Eglise (Etats de). Voir Pouvoir temporel du
pape.
Eglise {Commandements île 1), ne de-
vraient plus ohliger sous peine de péché
mortel, 197.
Kglisk. " Petite Eylise » en Fiance,
542.
ESPAGNE et le concile, 456.
Etat (1') moderne — son attitude envers
l'Eglise, 19, 58; — son omnipotence,
35, 36; — ses rapports avec l'Eglise
depuis le Concile de Trente,425.
Etats de l'Eglise. Voir Pouvoir temporel
du pape.
EvÈCHÉS. — Propositions sur la nomina-
tion aux évêchés, 515.
I.\ ÊQI ES. prétentions à craindre, 44 sq,
50; — on demande leur avis sur l'objet
des délibérations du concile, 55; —
rapport sur leurs déclarations, 54 sq;
-— leur nomination par l'Etat, 61 ; —
leur adresse au pape, 70 sq, 168 sq ; —
leur double puissance, 101 sq ; — con-
troverse sur le moment où ils reçoivent
leur juridiction, 112 («); — seuls.de
droit divin ils sont convoqués au con-
cile, 117; — lettres pastorales sur le
concile, 169: — propositions au sujet
des évêques, 531 ,
TABLE ANALYTIQUE
563
Evèques résidentiels, à convoquer au
concile, 99, 100 sqq ; double pouvoir,
doctrinal et pastoral, 102 sq ; — activité
doctrinale au concile, 102; — erreurs
deDollinger, Schulte, Friedrich, sur ce
point, I"") sqq.
Fvhol ES TITULAIRES, notion, 108; —
raisons en faveur de leur convocation
au concile, 109; — rapport, de M-1 An
gelini, lit»; — la Commission centrale
se prononce pour leur convocation, 1 1 1 :
— M-r Maret sur leui " droil imio-
lal)le », 112 sqq; —Pie IX ne veut pas
les voir tous siéger,! 14; — il se range à
l'avis de la Commission cent raie, 115;
— Friedrich et Schulte contre leur
admission, 1 i * >
Fesslep, M-1;, évêque de Saiut-Hippolyte
fSaint-Polten, Vorarlberg), — écrits
sur le concile du Vatican, 8, 254; —
secrétaire du concile, 474 s<] ; — voir
aussi 7. 254, 475, 477.
Fête, consulteur de la Commission cen-
trale, 92, 97; — de la commission de la
discipline ecclésiastique, 95, 96; — mé-
moire pour la Commission centrale,
2 (i): — sur les Jansénistes, 140 sq; —
sur l'Eglise nationale anglicane, 1 47 sqq;
— sur l'article île foi de l'Immaculéc-
Conception, .'i09 sq.
>' Figaro ». sur l'ouvrage de M-'1 Maret.
182 sq.
loi. Noir Profession de Foi.
«. Français », le, — contre la correspon-
dance de février de la « Civiltà ».
202 sq ; — < déclare à l'avance qu'il se
soumettra au concile. 529 sq.
Franck, le gallicanisme, 177 sq; - la
presse, 183 sqq ; — craintes au sujet du
concile, 186; — catholiques libéraux et
catholiques tout court, 205 ; — le gou-
vernement n'enverra pas de représen-
tant spécial au concile, 439, 4SI sq ; —
E. Ollivier sur les droits du gouxerne-
incnl 149 sq; —de la Tour d'Auvergne
sur l'attitude du gouvernement au
concile, 4-iI sq ; — instruction pour les
envoyés à Rome, 452 sqq ; — liberté
pour les évèques de se rendre au
concile. 455.
Franc-Maçonnerie, met en pratique les
idées anti-religieuses, 55 ; — proposi-
tions concernant la franc-maçonnerie,
556.
FriedhOFF, auleur des « contre-considéra-
tions », etc., dirigées cou lie les « consi-
dérations » de Dollinger. 257.
Friedrich, Journal, 8 ('j : — documents,
9 (*); — erreurs concernant les
évèques, 105, 106, 112 ('), lit; i- .,
127 i" . 139 '), 142 *); — erreurs
gallicanes. 178; — sur la correspon-
dance de la « Civiltà », 213 sq, 217; —
voir aussi 24. 100, 196, 212, 213 ,").
219 (';, 240 (•), 245 (5), 268 *), 282,
291 (' , 334 |2), 552 ('), 397 (*), 429 .
Folda, assemblée des évèques, 275 sqq;
— sur l'opportunité de la définition de
l'infaillibilité pontificale, 278 -qq; _
mémoire au pape, 281 sq ; — lettre
pastorale, 287 sqq; — Louis II de
Ba\ière >ur cette lettre, 291 sq ; — la
presse libérale exploite l'assemblée,
291.
G
Galeotti, consulteur de la Commission
centrale, 92; — mémoire pour les déli-
bérations de la Commission centrale,
2 ; ur la question des procureur.-.
151 sqq; — sur les employés 471 ; —
sur la forme des décrets. 402 sq, 496;
- voir aussi469(*), 491
(66
TABLE ANALYTIQUE
Gallicanisme, en France, 177 sqq; — en
Allemagne, 178.
Généraux d'ordres religiedx, différence
avec les é\èques titulaires. 116 sq; —
leur place dans les conciles antérieurs,
117; — Sanguineti sur leur admission
au concile, 117 sqq; — ils seront admis,
120; — faut-il admettre les vicaires
généraux d'ordres, 120 sqq.
Gianneli.i (M«r), archevêque de Sardes
i. p. i., secrétaire de la Commission cen-
trale, 75, 92; — mémoire pour celte
commission, 2 (1) ; — sur quatre ques-
tions concernant le concile. 25 sqq,
74 sq; — voir aussi 75, 95, 1 14. 115,
125, 126, 484 (s), 487 (')• 504 ('),
555 sq.
Gouvernements (les) et le concile pro-
chain. 4-2, 425 (') ; — refus opposé à la
circulaire Hohenlohe, 458 sqq; — atti-
tude des gouvernements allemands
envers le concile, 444 sqq ; — voir
aussi chaque gouvernement.
Grecs non unis, accueil fait à l'invitation
au concile, 365 sqq, 576 sqq.
G"ustav-Adolfverein (le) et l'invitation
pontificale au concile, 415 sq.
H
Héfélé (Mk>), évèque de Rottenbourg,
consulteur de la Commission centrale,
88, 92; — lettre à Schwarzenherg sur
les consulteurs convoqués, 84 sq ; —
mémoire sur les congrégations géné-
rales, 468, 481 sqq; 490 sq, 49 i, 496 sq ;
sur le règlement du concile, 502 sq : —
voir aussi 80, 81.276, 285.
Hinschius, contre la doctrine de Dôllin-
ger sur le concile, 105 sq; — sur le
règlement du eoncile, 505 (').
HlSTORISCH-POLITISCHE BlaITER. Sur I>ol-
linger, 209 (*), 210 (r>); — contre le
« Janus », 225, 225, 251 sqq; — sur
l'appel aux catholiques de Bade, 245 ; —
sur la manifestation de quelques mem-
bres du Parlement de l'Union doua-
nière. 264 sq, 268; — sur le consis-
toire central de Berlin, 407 sq; — sur
la circulaire de Hohenlohe, 427 sq.
Hohenlohe-Schillingsflrst (Prince de),
ministre-président de Bavière, sa dé-
pêche-circulaire 251, 426 sqq; voir
aussi 159, 441, 448, 450.
Hyacinthe, le Père (Charles Loyson), son
apostasie, 515 sqq ; — voir aussi 549.
Immaculée Conception de la Sainte Vierge]
509, 544.
« Indépendance belge », sur l'ouvras
de MerMaret, 185.
«Index librorcm prohibitorlm», àréfoa
mer, 60; — ce que dit là-dessus « un
ecclésiastique catholique », 193; —
l'adresse des laïques de Coblentz contre
l'Index, 255; — propositions pour le
Concile, 555, 556.
Infaillibilité du pape ; — les cardinaux
Asquiniet Ugolini désirent sa définition,
51 sqq ; — de même une série d'é\é-
ques. 55; — les catholiques belges, 175;
— écrit anonyme (M«r Dupanloup)
contre la définition, 269 sqq ; — assem-
blée délibérante des évèques à FuldasuJ
ce sujet, 278 sqq; — ouvrage (0
MgrMaret, 295 sqq ; — du Correspon-
dant sur l'infaillibilité, 525 sqq . —
écrit de Mer Dechainps, 551 sqq • —
ardeur de Me1' Manning pour l'infailli-
bilité, 557 sqq ; — interprétation don-
née par M«r Dupanloup aux paroles de
Mer Manning. 358 ; — Hohenlohe sur
cette « prétention », 426 ; — les ques-
tions adressées aux facultés de Bavière
TABLE ANALYTIQUE
o67
sur l'infaillibilité, 429 sq»| ; — Mémoires
en réponse, 430 ; — Instructions don-
nées à l'ambassadeur français à Home
touchant l'infaillibilité. 135 ; — propo-
sitions des évêques napolitains, 524 sqq;
- - Schwarzenberg contre la définition,
537; — opinion de M-1 Spalding, ">40
Intérêts (prêt à).— Propositions faites au
concile sm la doctrine qui le concerne,
544.
Interprètes pour le concile, 476.
Italie, le gouvernement et le concile,
41 sqq, 4S6 sqq ; — démonstrations
préparées en Italie contre le concile,
421 ; — les évêques sont laissés libres
de se rendre au concile, 458.
<< Journal du Havre » sur l'ouvrage de
Me'Maret, 183,
Journaux catholiques, propositions con-
cernant leurs excès, 533 sq.
Ji iiiLÉ pour le temps du concile, Ency-
clique, 554 sq ; — indulgences, 556 sq.
Juifs, proposition pour le concile à leur
sujet, 547
K
Ketteler (Msr de), évêque de Mayence,
écrit sur le concile, 234. — Voir eussi
89, 221, 276, 285, 333 (,), 331 .),
345.
Jacobites non unis, accueil fait à l'invita-
tion au concile, 584 sqq.
Jansi sistes, leur attitude envers Home,
14(5 ; — Feye conseille de ne pas imiter
leurs évêques, 146; — voix jansénistes
sur le retour à l'unité avec Home,
403 sq ; — deux lettres de la Clerezij
janséniste, 405 sqq.
« Jani s », écrit publié sous ce titre, 219;
— la papauté d'après le Janus 221 sqq;
— but principal de Janus, 222; —
Janus sur le Syllabus, 225 sqq ; — sur
le traité de Westphalie, 221 sqq; — sur
leclcrgé ultramontain et romain, 225 sq;
— sur l'infaillibilité pontificale, 227; —
réfutations, 227 sqq.
Jeûne (loi du) à mettre au ton des circon-
stances actuelles, 48, 60.
JoR(.. rédacteur des « Historisch-politi-
schen Blâtter ». Voir ce mot.
Joseph (saint), proposition au concile con-
cernant saint Joseph, 546.
Lettres apostoliques, Arcano Divinae
ProvidenHàe pour l'invitation des évê-
ques orientaux non unis, 162 ; — Jani
vos onnes pour l'invitation des protes-
tants, 165 ; — Multipliées inler pour le
règlement du concile, 506.
Lia.nno. ses brochures convient à la sépa-
ration d'avec Rome, 230; — sa person-
nalité, 250 {»).
LiiiÉiiAUx, leur programme d'après « Ja-
nus », 220.
Liiîertk de la Presse. — Voir Presse.
Libres-penseurs, anti-concile, 419 sqq ;
— lettre de Ricciardi aux libres-pen-
seurs, 419 sqq; — délibérations à
Naples, 421 sq.
Liturgie, vœu en faveur d'une plus grande
uniformité, 48.
Louis II, roi de Bavière, demande si l'in-
faillibilité sera définie, 208; — écrit à
Me Scherr, archevêque de Munich, sur
568
TABLE ANALYTIQUE
la pastorale de Fulda,291 ; —sa réponse
aux évêques de Bavière, 459 sqq.
I.i ne. vœux contre ses excès. 5!t.
M
Malte (chevaliers de), prennent part à la
garde du concile avec la garde noble,
475 sq.
Manning (Msr), archevêque de Westmins-
ter, son écrit sur le concile du Vatican.
8; — ses relations avec Msr Maret, 510.
515, 558 ; — avec Msr Dupanloup,
54(5 sqq, 558 sqq : — attitude vis-à-vis
de l'infaillibilité pontificaie, 538; voir
aussi 56, 69, 70 (»), 89, 211, "232, 557,
599.
Maret (Ms'j, évêque de Sura i. p. i , —
publie un écrit sur le prochain concile,
1S2 sqq ; — controverse que cette publi-
cation soulève, 185 sqq; — relations
avec Louis Veuillot, 184 sqq; — Ollivier
sur Mer Maret, 182 (5), 214 ; — l'ouvrage
« Du concile général », 295 sqq ; — cri-
tiques de M-1 Pie, 504 sqq ; — de
Msr Doney, 507; — de Ms' Plantier,
308; — de M-' Manning, 510; — de
Ms' Delalle, 511; — de Dom Guéranger,
512 : — sa défense «Le pape et les
évêques, etc. », 512 ; — sa soumission,
515.
Mariage (Empêchements de), propositions
qui s'y rapportent, 48, 526, 555, 555,
557, 558, 539 sq.
Mariages MiXTES,proposition de Msr Greith.
542, sq.
Martin (Msr) évêque de Paderborn, écrit
aux protestants au sujet du concile
596; — \oir aussi 276, 281.
MEGLiA(Mer), archevêque de Damas i. p. i.,
nonce à Munich ; — sur la théologie
allemande. 85 sqq; — sur h' degré do
formation théologiquc du clergé alle-
mand, 180; — sur l'auteur du premier
écrit de la polémique allemande, 195;
— sur les articles de 1' « Allgemeine
Zeitung » et leur influence, 207; — sur
l'agitation populaire, 271 ; — sur l'as-
semblée des évêques à Fulda. 275 sqq. ;
— sur les dispositions des protestants.
409, 415;— sur la circulaire de Holicn-
lobe, 429; — sur le mémoire de la
faculté de Munich, 433; — sur l'attitude
des gouvernements envers le concile,
438 sqq.; — voir aussi 65 {*-). 78, 87,
236 (»), 268, 281 , 344 (•-), 547 (.-,), 447 (<).
Melchers (Msr), archevêque de Cologne,
— sa réponse à l'adresse de Bonn. 262
sqq.; — sa lettre sur l'agitation popu-
laire avant le Concile, 271; — voii
aussi 89, 115 r), 275 sq, 281 sq, 44 i sq
Mémoire, pour la « Commission centrale »,
2 (M ; — des cardinaux sur le concile à
convoquer, 51 sqq. : — des évêques sur
l'objet des délibérations du concile, -»4
sqq ; — des universités bavaroises, 430
sqq.
Militarisme, proposition faite au concile
sur ce sujet, 543 sq.
MOMTALEHBERT (Comte de^, son adhésion à
l'adresse des laïques de Coblentz,2<>2 1 ' B
— lettres au P. Hyacinthe, 519;— il
essaie de décider Dollinger à se rendre à
Rome, 554 ; — sur Ms' Dupanloup, 549 ;
voir aussi 527, 557.
Moyen âge. sa conception théocratique de
l'Etat, 236.
Munich : Nonce à Munich, voir Megi.ia;
— école de théologie de Munich, 56, IS2;
— congrès scientifique, 209.
I\
Napoléon 111, empereur des Français; —
son attitude probable vis-à-vis du con-
TABLE ANALYTIQUE
569
cile, 42 sqq. ; — sa confiance dans le
concile, 4S4 sq ; — \oir aussi 68, 185,
459, 448, 450 sq.
JNesiokiens non-unis, leur accueil à l'invi-
tation au concile, 585 sijq.
O
Ollivier, Emile, président du Conseil des
Ministres de France : — auteur de
(( L'Eglise et l'Etat au concile du Vati-
can », 9 ; — sur Ms> Maret, 182 ("), 214;
— sur le P. Hyacinthe, 516(2); — sur
Mb* Dupanloup, 352 (s) ; — sur la lettre
pastorale de celui-ci à son clergé, 545;
— Discours au Corps législatif, 448; —
interpellation au ministère contre le
concile, 450; — voir aussi 155 ('), 151,
428 U), 451 {*), 452 f\ 455 ('), 456 * .
Ontologishe. — Proposition faite au con-
cile à son sujet, 541.
Orientaux-* Iatholiques. — Maux qui les
affligent. 64.
Orientaux non-unis. — Moyens et obsta-
cles à leur réunion, 62; — ils préten-
dent avoir de vrais évèques. 143; —
conduite à tenir à leur égard, d'après
lSeT Tizzani, 145 sqq. ; — décision de
la Commission centrale concernant leur
invitation, 145; — avis de M«r Valerga
sur leur invitation, 162; — lettre d'in-
vitation Arcano divinœ Providentiw du
Saint-Père, 162; — généralités sur les
s'hismatiques orientaux, 561 sqq. ; —
remise des lettres d'invitation et ac-
cueil, 565 sqq. ; — satisfaction des
journaux hostiles à l'Eglise à propos du
refus. 390.
Parlementarisme (le), danger de voir
s'introduire cet esprit au concile, 45.
Parlement douanier, démonstration de
quelques membres catholiques, 264 sqq;
— leur projet, 265 sqq. ; — Friedrich
les calomnie, 267; — elle est communi-
quée à l'assemblée de Fulda, 268 ; —
les dispositions des membres de ce Par-
lement, d'après Friedrich, 268 (s).
Patrizi (Msr)i cardinal, évêque de Porto,
président de la Commission centrale,
92 ; — de la Commission du cérémo-
nial, 98; — voir aussi 25, 51 (*), 45 («),
75, 473 sqq, 477, 493, 495 sq, 518.
Patronage (droit de) pour les canoni-
cats, etc., vœu pour sa réforme, 61,
556, 537.
Philosophie moderne. 19, 35, 35.
Pie (Mn'''|, évêque de Poitiers; — et
MS1 Maret, 504, 315; — contre le « Cor-
respondant », 327; — voir aussi 60,
122.
Pie IX, pape ; — ordonne l'impression des
documents concernant le concile, 4 ; —
motifs pour la convocation du concile,
19 sqq; — s'il en a pris la résolution
de sa propre initiative, 25 ; — nomme
une commission de cardinaux pour
discuter les questions préliminaires. 24,
75 ; — demande un mémoire aux car-
dinaux, 25, 31 ; — aux évêques, 50,
53 ; — annonce le concile solennelle-
ment, 69 : — ne veut pas voir siéger au
concile tous les évêques titulaires, 114;
— sur la question des Abbés, 120 sqq;
— il publie la bulle de convocation,
157; — lettres aux Orientaux el aux
protestants, 162 sqq, 595, 399; —
jubilé sacerdotal du pape, 171 ; —
mécontentement du pape sur la lettre
des évêques de Fulda, 285 sqq ; —
lettres à M«r Manning, 599 ; — voir
aussi 71, 155, 175 sq, 451, 470 sq, 474,
492, 506, 525, 559, etc.
Plantier (Mer), évêque de Nîmes; — écrit
sur le concile, 234 ; — rapports avec
Mk<- Maret 307. 315.
S70
TABLE ANALYTIQUE
Portugal: le) et le concile, 456.
Pouvoir temporel du pape, le concile est
pour lui une protection, 42; — il est le
rempart de la liberté du pape, 50; —
sa nécessité. 51 ; — voir aussi 68, 175.
Préséance ai oo.Ncii.E, rapport d'Héfelé
sur cette question, 468 ; — de Msr Ga-
leotti, 468 sq: — le jour de la promotion
décidé, 469; — patriarches et primats,
469 sq; — règlement définitif , 470 sq ;
— ce qu'en pense un « ecclésiastique
catholique », 191.
Presse (la) française, 186; — presse
incroyante, 19. 34; — ses excitations
contre le concile. 271 sqq.
Presse liberté de la), à restreindre, 48,
555 sq.
Prêtres vœux au concile sur leur vie
commune, 529,535; — sur leur con-
fession plus fréquente, 545.
Prières pour le concile, 553 sqq.
Princes, catholiques, nécessité de s'enten-
dre avec eux au sujet du concile, 28 sq.;
— faut-il les imiter, 41, 150 sqq; —
non-catholiques, faut-il leur communi-
quer la bulle de convocation, 152.
Procureurs au concile, ce qu'ils sont,
128 : — leur rôle au concile de Trente,
129; — rapport de Msr Galeotti sur
leurs droits, 151 sq ; — ils ne doivent
pas avoir droit de suffrage au concile,
154 sqq, 140; — Schulte et Friedrich
sont d'avis contraire, 139(«); — voir
aussi 136, 140 sqq.
Profession de foi, délibérations sur sa
prestation au concile, 507 sqq.
Proposition (Droit de) au concile; dis-
tinction de Sanguineti entre les propo-
sitions faites directement et indirecte-
ment, 489 ; — Héfelé sur le privilège du
pape, 490; — droit de proposition des
évêques, 491 sq.
Propositions faites au concile; — par lis
évêques napolitains, 524 sqq : — par
onze évêques français, 527 sqq; — par
différents évêques d'Allemagne. 555 sq;
— d'Autriche, 536 sq ; — de Belgique,
558 sq ; — d'Italie, 539 sq; — de l'Amé-
rique du Nord, 559 sq; — propositions
particulières plus étendues, 541 sq.
Protestants, rapport de M»r Tizzani sur
la conduite à tenir à leur égard au sujet
du concile, 148; -- ils n'ont « en géné-
ral » aucune ordination valide, 150; —
lettres d'invitation aux protestants,
165 sqq, 595 sqq ; — accueil qui leur
est fait, 595 sqq; — par les protestants
anglais. 397 ; — le conseil supérieur
ecclésiastique de Berlin, 406 sqq ; —
conférence pastorale de Berlin, 409; —
Mo1' Meglia sur les dispositions des pro-
testants, 409 sqq ; — congrès de
Worms, 410 sqq ; — le Gustav-Adoll-
verein, 415; — dicte de l'Eglise évan-
gélique allemande, 414; — synode
général de l'Eglise bavaroise, 414; —
les protestants des autres pays, 416 sqq.
Prusse, protestation du conseil supérieur
évangélique contre l'invitation au con-
cile, 406 sqq; — critique de cette pro-
testation par un protestant, 407 sqq ;
— attitude du gouvernement vis-à-vis
du concile d'après Bismarck. 442 sqq ;
— d'après M. de Mùhler, ministre des
cultes, 444 sqq.
« Le Public », organe du gouvernement
français, contre l'article de la « Civiltà »,
201 ; — contre le Syllabus et l'infailli-
bilité, 201.
Rationalisme. 16, 17, 52; — en Alle-
magne, 178,
Réguliers — leurs exemptions à res-
treindre, 48, 530, 545; — réformes à
faire, 58; — autres propositions qui les
concernent, 550.
TABLE ANALYTIQUE
571
Reisach (Ms1" de) cardinal, évêque de Sabine
— membre de la Commission centrale
25, 73, 92 ; — président de la commis-
sion politico-ecclésiastique, 77, 95; —
son mémoire détaillé mu- la convocation
d'un concile, 51 ; — voir aussi 484 (3),
486(>).
Renolf, Le Page, écrit contre l'infaillibi-
lité, 198 ; — deux écrits sur le pape
Honorais, 356 sqq.
Réunion des communautés chrétiennes
dissidentes, d'après « un ecclésiastique
catholique », 194.
Ricciariu, membre du parlement italien et
l'anticoncile de Naples, 419: — son
programme, 422.
Rites orientaux, chrétientés des, 3(51 sqq.
Rome — et la sécurité du concile, 28, 42;
— elle sera évacuée par h-s Français,68;
— nouvelle occupation, 72,
Russie et le concile, 458 sq; — le chancelier
Gortschakovv sur l'attitude du gouver-
nement envers l'Eglise catholique, 459
sqq; — les évéques ne peuvent pas se
rendre au concile, 461.
Sanglineti (S. J.), consulteur de la Com-
mission centrale, 92 ; — son rapport à
cette commission, 2("); — sur la ques-
tion des Abbés, 1 17 ; — sur la question
des procureurs du concile, 135, 137; —
sur les primats, 470 ; — sur le droit de
proposition, 489; — projet de règle-
ment pour le concile, 503 sq.
Scheeben, son écrit sur le concile, !70 (»);
contre Janus, 230; — contre les « Con-
sécrations », 238.
Schémas pour les délibérations du concile,
et Index, 518 sqq.
Schrader (S.J.), sa rédaction du Syllabus
en l'orme positive, 296, 434.
Schulte, erreurs sur la mission des
évêques résidentiels au concile, 103 sqq,
159 (0; — critique la convocation des
évoques titulaires 112 ('), 116 ("); —
contre la décis'on concernant les procu
reurs, 1 39 ( ' ) -
SchwarzenberG, cardinal -archex èque de
Prague, — sa collection de documents
sur le concile aux Archives du Vatican,
7; — lettre pour la convocation de
consulteurs, 80 stiq ; — son mémoire
ad Patres futur! concilii, 277; — Se
refuse à emmener à Rome Dôllinger,
534 ; _ voir aussi 54, 122, 535 (5), 536.
Science catholique, compromise par
l'abandon de la méthode ancienne, 55.
Sciences naturelles — leur influence
néfaste sur la théologie, 585 sqq.
Secesser (Dr de), ses « Etudes et réfle-
xions », 255.
Séminaires, extension de leurs études, 48,
58 ; — fondation de séminaires provin-
ciaux et centraux. 58; — propositions
des évéques français pour le règlement
des études, 527 sq.
Senestréy (Msr), évêque de Halisbonne, —
rôle du concile, 54; — sur l'école de
théologiens de Munich, 56 ; voir aussi
78,277.
Socialistes, propositions présentées au
concile sur leurs erreurs, 545.
Stévenistes, propositions concernant leur
secte en Belgique, 542.
« Stimmen aus Maria Laacii », neue Folge,
170 (»),— sur la personnalité de Lianno,
230(«),— sur les «Etudes et réflexions »
de Segesser, 235; — sur le livre de
Friedholl « Contre-considérations »,
237; — sur l'adresse des laïques de Co-
blenz. 252 sqq ; — sur la forme théo-
§72
TABLE ANALYTIQUE
cratiquc de l'Etat au moyeu âge, 255;
— sur le congrès prolestant de Worins,
411 sqq. — sur l'anti-concile de Naples,
420 s<]t] ; — sur les mémoires des facul-
tés de Bavière, 430 sqq, — voir aussi
passim.
Suisse et le concile, 448.
Svi.LAitus — à fortifier durant le concile,
56 : — en France on craint sa défini-
lion par le concile. 186 : — sa forme
positive d'après le P. Schrader, 296,
454: — ce qu'en dit la circulaire Hohen-
lolic, 427 : — les questions posées à son
sujel aux Facultés de Bavière, 429 sqq :
— réponses de celles-ci, 450, 452. 456.
457 : — instructions à L'ambassadeur
français à Home touchant le Syllabus,
454.
Synodes, propositions faites au concile sur
leur tenue plus fréquente, 551 .
Testa (l'abbé), esl chargé de remettre les
lettres d'invitation au concile aux Orien-
taux non-unis, 564 sqq.
« De Tijd » , les évêques jansénistes
doivent-ils se rendre au concile, 402
sqq: — deux lettres ouvertes de jan-
sénistes de la Glerezij, 105 sqq.
Tizzani (Msr), archevêque de IN'isibe, —
Mémoire sur les délibérations de la
Commission centrale, 2('); — sur les
Orientaux non-unis, 113: — sur les
protestants et les anglicans, 148 sqq ; —
sur la profession de foi a prononcer au
concile, 507: — sur les prières à ordon-
ner avant le concile. .'>.'>.">.
Trappistes-Abbés ne sont pas reconnus
comme ayant droit à l'admission au
concile. 126 : — mais ils siègenl par
permission du pape, 127.
U
UmoNMSTES anglais, nombre d'ecclésias-
tiques, 598 ("•) ; — écrit de l'unionniste
Cobb, 400 sqq ; — questions posées au
P. de Bur-k, S. J., 401 sqq.
« Univers » (i.'). sur l'ouvrage de
Me* Maret, 185 : — réponse aux accu-
sations de Me* Maret, 184 sqq ; — sur le
manifeste du «Correspondant », 521 (*),
527: — il se défend contre Msr Dupan-
loup, 5 lit.
V
VALERGA(M«r), patriarche de Jérusalem, —
doit s'aboucher au sujet du concile a\ec
les patriarches et évèques des,Orientaux
non-unis, 146: — son opinion sur leur
état d'esprit, 162, 562;— voir aussi 62,
94, 576.
Veuillot (Louis), rédacteur en chef de
« l'Univers», — contre les journaux
libéraux et gallicans, 185 : — rapports
avec Msr Maret, 184: — avec Ms1 Du-
panloup, 552. 541, 548; — Veuillot sur
l'article du «Correspondant »,52l. 527:
— voir aussi 556 (■•).
Victor-Kmmanuel, roi d'Italie, ses menaces
contre Rome, 68.
Vote, au concile, suivant un « ecclésias-
tique catholique », 195 ; — dans ia con-
grégation générale et dons les séances
publiques, 499.
VA/
Wurtemberg et le concile, 438.
Table «es Matières.
SOMMAIRE.
Les chiffres renvoient ù la pagination de l'édition française. La pagination do
l'édition originale allemande est indiquée entre au ii;is dos pages françaises. — Le
si^iii» intercalé dans le texte, indique 1 endroit on commencent et finissent les pages
allemandes.
Préface 1». vn
Les deux principales collections de documents relatifs m l'histoire
du concile du Vatican p. xi
Introduction. — Sources et bibliographie. Point de vue de
l'auteur p. i
LIVRE PREMIER.
Motifs de la réunion du concile.
Première annonce et préparation éloignée du concile
jusqu'à sa convocation.
Chapitre i. — Motifs et occasion de la convocation d'un
concile général p. i5
Dogme et discipline. - Protestantisme. — Origine de
l'incrédulité moderne. — La philosophie depuis la fin du
XVIIIe siècle. — La théologie. — Les sciences naturelles. —
Les écoles. — La presse. — L'Eglise et l'Etat. — L'autorité de
l'Eglise. — Gallicanisme-Fébronianisme-.Toséphisme et autres
erreurs nouvelles. — Missions. — L'Orient — Conciles provin-
ciaux du xix- siècle. — Assemblées d'évêques à Rome.
o74 TABLE DES MATIERES
Chapitre II. - Première annonce du concile par PieJX.
Nominal ion d'une Commission de cardinaux pour
discuter les questions préalables. Sa première
séance p. 23
Annonce du concile à la Congrégation des Rites le 6 décem-
bre 1SU4. — Le pape en avait-il eu l'initiative? — Nomination
d'une commission «le cardinaux. — La première séance. —
Nomination du secrétaire M** Giannelli. — Résolutions delà
commission sur les points mis en délibération. — Le pape les
confirme.
Chapitre III. — Rapports des cardinaux résidant à Rome,
sur le projet du pape p. 3i
Nombre et forme des consultations. La nécessité d'un
concile : opinion du cardinal Reisach sur le dogme, la disci-
pline et les relations extérieures de l'Eglise; opinion des autres
cardinaux sur ces mêmes points. — Le cardinal Pentini opposé
à la nécessité. — Antres cardinaux qui s'expriment contre la
convocation. — L'opportunité du concile : obstacles du dehors.
Le cardinal Bizzarri et l'attitude supposée de Napoléon. —
Difficultés du dedans. — Motifs d'espérer une bonne issue.
— Matières des délibérations du futur concile. — Projets sur
la législation disciplinaire, les Etats de l'Eglise et l'infaillibi-
lité du pape. — Remarqués et propositions particulières.
Chapitre IV. — Opinions des évêques de divers pays sur
les matières a traiter au concile p. 53
Le pape interroge l'épiscopat sur les matières à traiterai!
concile. — M-1 Jacobini centralise leurs avis. — Questions doc-
trinales. — Discipline ecclésiastique. — Rapports de l'Eglise
et de l'Etat. — Situation de l'Orient schismatique. — Faut-il
en inviter les évêques ' — Mauvais état des Eglises unies
d'< >rient. — Retour a l'unité des Eglises séparées. — Questions
adressées aux évêques reunis pour le centenaire du martyre
des princes des apôtres.
Chapitre V. Centenaire du martyre des princes des
apôtres : le pape annonce le concile en consistoire
public p. 67
Impossibilité d'ouvrir le concile au dix-liuitieme centenaire
des princes des 'apôtres : la guerre en interrompt les prépara-
TABLE l)Ks MATIERES §75
tifs — Guerre de l'Italie contre l'Autriche. — Annexion de la.
Vénétie. — Menaces de Victor-Emmanuel contre Rome. — Re
traite des troupes françaises. — Pie IX menacé dans Rome. —
l'êtes du dix-huitième centenaire «les princes des apôtres. —
Annonce du concile en consistoire public. — Adresse des évo-
ques au pape. '— Réponse <\\\ pape. — On décide de mettre le
concile sous le patronage de la Mère de Dieu et de le commen-
cer a la fête de son Immaculée Conception. — Suppression de
la loi du silence. — Troubles à Rome causés par les garibal-
diens. — Retour de la garnison française.
Chapitre VI. — Format ion des Commissions prépara-
toires p. 73
Formation de la Congrégation directrice. — Plan du cardinal
Bizzarri pour la préparation des matières à proposer. — Per-
sonnages à appeler aux commissions préparatoires. — Quatre
ou cinq commissions à former. — Le plan est approuvé. —
Informations prises parles nonces et les évêques sur les con-
sulteurs. — Formation des commissions. — Les présidents. —
Convocation de consulteurs romains et étrangers. — On est
mécontent du choix. — Lettre du cardinal Schwarzenberg. —
Réponse du cardinal Antonelli. — Lettre de Dôllinger au car-
dinal Schwarzenberg. — Opinion de Iléfelé sur les convoca-
tions. — Opinion du nonce Meglia sur les théologiens alle-
mands. — Nouvelles convocations en Allemagne, en Angle-
terre, dans l'Amérique du Nord, en France, en Espagne. —
Newman refuse. — Mast de Rottenburg. — Corandey de Suisse.
— Liste des commissions avec le nom de tous les consulteurs.
— Coup d'oeil général.
Chapitre VIT . — La question dos convocations au
concile p. 99
Ceux qui devaient certainement être convoqués, ceux dont
les droits a la convocation étaient douteux.
I. — Nécessité de convoquer les évêques résidentiels ■ nature du
pouvoir qui leur renient dans le concile . . .p. ioo
Pourquoi il faut convoquer les évêques résidentiels. — Auto-
rité doctrinale et pastorale des apôtres et de leurs successeurs
sur l'Eglise universelle. — Les évêques résidentiels sont succes-
seurs des apôtres. — De quelle nature est leur autorité dans le
concile. — Erreur de Dôllinger. etc. — Théorie de Dôllinger et
de Schulte. — Ilinschius la rejette et la réfute. — Cette théorie
576 TABLE DES MATIERES
est en opposition avec la nature des conciles.— Cominenton
reconnaît qu'une doctrine est apostolique.
II- — La question de la convocation des évèques titulaires. p. 10S
La tradition ne fournit aucune solution. — Divergences
d'opinions parmi les théologiens. —Nature de la question. —
Motifs <le convoquer les évèques titulaires. — Rapport d'Ange"
Uni. — La Commission centrale l'examine. — Décision prise. —
Motifs allègues. — Controverse en France. — La bulle convo-
que les évèques en général: questions posées. — Nouvelle
enquête. — La décision primitive est confirmée. — Réponse
aux questions posées. — Les évèques auxiliaires, s'ils ont
empêchés, doivent-ils envoyer un mandataire.'
III. — /.,■/ convocation des abbés et généraux d'ordres reli-
gieux j). i i(j
Pouvoir de juridiction des abbés et des supérieurs réguliers.
— Mémoire de Sanguineti. — Aperçu historique sur la partici-
pation des supérieurs réguliers aux conciles. — Le privilège de
la convocation doit-il leur être maintenu pour le Concile du
Vatican.' — La question de principe. — Différentes sortes
d'abbés. — Solution de la question. — Abbés sans juridiction.
— Abbés nullius. -- Abbés généraux. — Abbés subordonnés.
— Abbés indépendants de monastères autonomes. — Supé-
rieurs généraux. — Supérieurs généraux sortis de charge. —
Vicaires généraux élus à la mort du général. — Supérieurs des
ordres en voie de disparaître. — Examen du mémoire par la
Commission centrale. — Décision. — Approbation en haut lieu.
— La bulle de convocation comprend-elle les Abbés? —
Questions posées. — Eclaircissements. — Objections et vœux
de divers évèques et canonistes. — Nouvelle enquête. — Main-
tien de la décision rendue. — Commission cardinalice pour
l'application de cette décision. — Son principe fondamental. —
Examen des revendications des Abbés bénédictins. — Examen
îles revendications d'autres Abbés.
IV. — La question de* procureurs • p. i^~
Les membres convoques sont tenus ou à se rendre au concile,
ou. s'ils sont empêches, à y envoyer un représentant. — Le
mandataire exerce-t-il les droits de celui qu'il représente/ —
Historique de la question. - Au Concile de Trente. — Enquête
des canonistes. à Trente. — Nouvelle empiète avant le Concile
du Vatican. — Sentiment d'Angelini. — Sentiment de Galeotti.
— On refuse aux procureurs les droits des évèques. — Jacovazzî
confirme cette mesure. — Raisons apportées par Sanguineti. —
Bien-fondé du privilège qui accorde aux mandataires les droits
TABLE DES M ATI i:i<I>
i77
des évêques. — Evêques qui sont en même temps mandataires
- Examen du sentiment de Galeotti. - Votes divers _ piu]
sieurs mandataires demandent siège et voix au concile. -
Sentiment de Sauguineti. - inconvénients de l'exclusion. -
Plaintes d'un grand nombre de mandataires au Concile du
Vatican. Désirs exprimes par de nombreux évêques.
A . - Les vicaires capitulaires paraîtront- il s au Concile ? p. 140
Délibération de la Commission centrale. - Réponse néga-
tive. — Requête des vicaires capitulaires de Sicile. — Brochure
de Messina.
VI. - Inviterait-on les évêques non-catholiques et les autres chré-
tiens? Quelle attitude prendre à leur égard?. . . p. 4:;
Les Grecs schismatiques. - Mémoire de Tizzani. _ Son
examen par la Commission centrale. - Décision. — Projet
d'une lettre aux évêques orientaux non-unis par le cardinal
Bilio. - Il est approuvé par la Commission centrale. —Les
Jansénistes. Rapport de Levé. - Pie IX et Pusey. - Les
protestants. - Mémoire de Tizzani. - Délibération de la
Commission centrale. — Décision.
VIL - La question de l'invitation des princes catholiques ;l„
concile
P- IOO
Participation des princes aux conciles dans les temps
anciens. - Le changement dans les circonstances. — Première
délibération delà Commission centrale. - Délibération posté-
rieure et décision. - Doutes et réflexions. - Nouvel examen
de la question. — Séance en présence du pape. — Décision. —
Bulle de convocation et son interprétation officielle. - Aiito-
nelli et les ambassadeurs.
Chapitre VIII. -- La bulle do convocation et les lettres
pontificales aux évêques orientaux non-unis et aux
protestants p x$~
Le Sacré-Collège est consulte sur le jour de l'ouverture du
concile. — Rédaction el publication de la bulle de convocation.
— La bulle. Dispositions concernant sa publication. —
Lettre-circulaire aux évêques orientaux non-unis. — Sentiment
de Valerga sur le succès a en attendre. - Lettre du pape aux
protestants.
578 TABLE DES M \ÏIKKK>
LIVRE DEUXIEME.
Les mouvements d'opinion après l'annonce du Concile
du Vatican.
Chapitre I. — Accueil l'ait a L'annonce du concile . p. 167
Accueils divers que reçoit l'annonce du concile. — Les évêques
au XVIIIe centenaire du martyre du prince des apôtres. — Leur
adresse au pape. — Leurs lettres pastorales. — Publications
sur le concile. — Séries d'articles dans les journaux ', pério-
diques spéciaux sur le concile. — Assemblée générale des
groupes catholiques d'Allemagne et autres assemblées de
catholiques. — Le jubilé sacerdotal de Pie IX. — Prières géné-
rales — Dons en argent; cadeaux. — Hospitalité offerte à
Rouie et en Italie aux membres du concile. — Espérances des
catholiques de Belgique.
Chapitre II. - Commencement des troubles qui précé-
dèrent le concile p. 177
Causes de ces troubles. — Le gallicanisme en France et en
Allemagne. — Le rationalisme. — Etat des études théolo-
giques. — Sentiment du nonce Meglia. — Désirs d'indépen-
dance. — Ce qu'en pensent les évêques allemands. — Contro-
verse sur l'ouvrage annoncé de Msl Maret. — Remarques sur
cet ouvrage. — Discussion — M s1 Maret et Louis Veuillot. —
Question de la convocation des évêques titulaires. — La presse
périodique en France. — Craintes et désirs touchant la définition
de la doctrine de l'infaillibilité pontificale. — Ecrit insolent
contre le concile paru en Allemagne en 1868. — Son auteur. —
Contenu et caractère. — Menaces italiennes. — L'Angleterre.
Chapitre III. -- La correspondance française de la Civiltà
Cattolica (février 1869). — Attaques dirigées contre
elle en France et en Allemagne p. 199
Une correspondance de France dans la Civiltà Cattolica. —
Appréciations des journaux français et enparticulierdu journal
Le Public. — Article du Français. — Réponse de la Civiltà. —
Les cinq articles de YAllgemeine Zeitung du mois de mars. —
Appréciation de ces articles par le nonce de Munich. — Effet
TABLE DES MATIERES 579
produit par ces articles. — Leur auteur. Dôllinger. —
Courte esquisse biographique. — Conjectures sur l'origine de
l'article — Opinion de Jôrg. — Aveu indirect de Dôllinger. —
Friedrich à propos de l'origine de la correspondance de la
Civillà. — Origine de cette correspondance. — Les rappor-
teurs français à propos de la publication de leur rapport .
Chapitre IV. — Suite de la polémique en Allemagne, p. 219
Ecrits sur le concile et agitation des esprits. — Le pamphlet
./mais. — Son but. — Comment le caractérisent les Historisch-
politische Blàtter. — Ce qu'il renferme. — L'Anti-Janus. —
Autres réfutations. — Iluber contre VAnti-Janus. — Frohs-
chammer. — Lianno. — YlAllgemeine Zeitung, — Ses articles
jugés par Jôrg. — n^px Romana de P. P. Rudis. — Ses adver-
saires : ses réponses. — Autres écrits d'apaisement ou d'hosti-
lité à l'égard du concile. — Considérations proposées aux
éoêques, etc. — Leurs réfutations. — Nouvelles considérations ,•
contradictions entre l'Histoire de l'Eglise «le Dôllinger et les
Considérations.
Chapitre V. — Agitation populaire et tentatives pour influen-
cer l'Ëpiscopat p. 245
Appel aux catholiques de Bade. — Appréciation. — Consé-
quences. — Adresse des laïques de Coblenz à l'évêque de
Trêves. — Appréciation détaillée dans les Stimmen ans Maria-
Laach. — Joie bruyante de la presse hostile à l'Eglise. —
L'auteur de l'adresse. — Vœu de VAllgemeîne Zeitung. —
Adresse des habitants de Bonn à l'archevêque de Cologne. —
Adhésion d'Andernaeh. — L'évêque de Trêves et l'archevêque
de Cologne. — Démonstration des membres catholiques du
Parlement douanier. — Lettre de Jôrg a l'archevêque de
Munich à propos de cette démonstration. — Projet d'une
adresse des membres du Parlement douanier : son contenu. —
Jugement de Friedrich sur ce projet. — Réfutation. — L'écrit
contre l'infaillibilité du pape mystérieusement envoyé aux
évêques réunis à Fulda. — Traductions. — Msr Melchers, arche-
vêque de Cologne, à propos de l'agitation populaire. —
Assemblée générale de l'Union catholique à Diisseldorf.
Chapitre VÏ. — Réunion des évêques à Fulda eu septem-
bre 1869. Leurs deux lettres au pape et aux
fidèles p. 273
Lettre du nonce de Munich au cardinal Antonelli. — Réponse.
580 TABLE DES MATIERES
— Le nonce ef l'archevêque (le Munich sur les dispositions des
évèques au sujet des écrits perturbateurs. — Ouverture de
l'assemblée épiscopale. — Les idées sur le futur concile. -
Mémoire sur les matières à proposer au concile dans l'iutérét
de L'Eglise d'Allemagne. — La définition de l'infaillibilité :
exposé et discussion. — < >n décide d'envoyer une supplique au
Saint-Père. et aux fidèles une lettre pastorale commune. — La
lettre pastorale est préparée et approuvée par tous. — Mémoire
sur le concile : on ne l'examinera que quand on sera réuni à
Rome. — La supplique au pape est approuvée et signée par
quatorze membres de la conférence. — < >n l'envoie par le nonce.
- Qu'est devenu l'exemplaire ainsi expédié'.' — Recherches
infructueuses de Cecconi. — Exemplaire des archives archiépis-
copales de Cologne. — Son contenu. — Accueil du pape. — La
lettre pastorale commune. — Appréciation. — Intrigues au
sujet de ces deux actes. — Lettre du roi Louis II a L'arche-
vêque Scherr.
Chapitre VII. — L'ouvrage de M-' Maret; la controverse
provoquée en France par son apparition . . p. 298
Reprisé de la controverse a l'apparition de l'ouvrage de
Msr Maret. — Objet île l'ouvrage. — Son contenu. — La ques-
tion de L'infaillibilité pontificale et les rapports du pape et de
L'épiscopat. — Point essentiel de la doctrine de Mk1 Maret. —
Son exposition des deux systèmes sur les rapports ilu primat
et de l'épiscopat. — Tentative de démonstration. — Conciles
de Xicée et de Florence.— Second volume de Msr Maret. — Envoi
de l'ouvrage au pape. — Lettre qui l'accompagne. — Envoi à
tous les évèques et lettre d'envoi. — Appréciation de Ms1- Pie,
évèquede Poitiers, sur l'ouvrage de M-1 Maret. — Réponse de
Mg' Maret et réplique de Msr Pie. — Autres évèques de France
contre Msr Maret. — Réponse de ce dernier. — M«' Manning,
archevêque de Westminster. — M-' Delalle, évèque de Rodez,
contre Ms1 Maret. — Lettre de M-' Maret au cardinal Antonelli :
réponse de ce dernier. — Nouveaux écrits de M-1 Maret poil!
défendre son ouvrage. -- Ms' Maret déclare vouloir se sou-
mettre pleinement au concile: --a fidélité a tenir sa promesse.
Chapitre VIII. — Apostasie du V. Hyacinthe, de l'Ordre
des Carmes p. 3i5
Rapport entre l'apostasie du I". Hyacinthe et l'ouvrage de
Mfe' Maret. — Protestation de M?» Maret contre ce rapproche-
ment. — La personnalité du P. Hyacinthe. — Son discours dans
l'assemblée générale de la « Ligne internationale et pernia-
I \i;i.i: DES MATIERES u8t
nente de la paix ». — Paternels avertissements de son supé-
rieur général. — Orgueilleuse opiniâtreté du P. Hyacinthe; il
déclare sortir de l'Ordre. — Sa protestation contre certaines
doctrines qu'on se propose de définir au concile. — Son appel à
Dieu même. — Réponse de son supérieur général; mesuré qu'il
prend contre le P. Hyacinthe. — Inutiles exhortations de
M-1 Dupanloup et de Montalembert.
Chapitre IX. — Le majiifeste des catholiques libéraux
dans le Correspondant du 10 octobre. — Décla-
ration catholique du Français et du Correspon-
dant . p. 321
L'article du Correspondant du 10 octobre. — Analogie avec les
écrits allemands de Janus. — Sa polémique. — Question pour
connaître l'auteur. — Déclaration du Français sur la position
que prend le journal à l'égard du concile. — Déclaration
analogue du Correspondant.
Chapitre X. — M8* Dupanloup, évêque d'Orléans, et l'agita-
tion préconciliaire p. 33i
Personnalité et activité «le M-1 Dupanloup. — Ses amis et ses
adversaires. — Msr Dupanloup jadis défenseur de l'infaillibilité
pontificale. — Au temps ou le concile se prépare, il prend
rang prés des catholiques libéraux. — Ses rapports avec
Dôllinger. — Son entrevue avec lui à Ilerrnsheim. — Ses
efforts pour entraîner Dôllinger à Rome. — Visite à des évo-
ques allemands. — Intervention publique de Me1' Dupanloup. —
Réunion du clergé. — Le clergé d'Orléans. — Lettre pasto-
rale de Ms1' Dupanloup (10 novembre). — Sa lettre du u no-
vembre au clergé. — Contenu. — Conseils de ses amis à propos
de la publication de la lettre. — Msr Dupanloup se décide pour
la publication. — Jugements de la presse. — Agitation popu-
laire. — Les évêques. -- Brochure de Xardi — De l'histoire de
cette lettre et de son identité avec l'écrit envoyé aux évêques
réunis à Fulda. — La lettre de M>'" Dupanloup et les arche-
vêques Dechamps et Manning; la Ciuittà et l'Univers. — Mon-
talembert sur Met Dupanloup et son rôle au concile.
Chapitre XI. — Les catholiques de Belgique et d'Angleterre
avant le concile p. 3f>i
La Belgique, surtout pendant l'agitation au sujet du concile.
— Ecrits de M-1 Dechamps sur l'affaire du concile. — Sa lettre
582 TABLE DES M \ II! RES
à ii 11 laïque. - Mg' Dupanloup sur l'écrit de M-1 Dechamps,
dans sa lettreau clergé. — Réponse de celui-ci et son jugement
sur la lettre de Me* Dupanloup. — Début d'une controverse
entre les deux princes de l'Eglise. — Prompte participation de
l'Angleterre à la lutte qui éclate au sujet du concile. —
Le Page Renouf sur la question d'Honorius. — Réfutation. —
Lettre d'Edmond S. Ffoulkes a l'archevêque Mer Manning. —
Traduction anglaise de l'écrit de Janus. — Réfutation. — Rôle
et activité de l'archevêque Msr Manning. — Sa lettre pasto-
rale sur L'infaillibilité pontificale. — Post - scriptum sur
l'ouvrage deMsrMaret. — Sa controverse avec Mb»1 Dupanloup.
— L'expression apart from.
Chapitre XII. — Accueil t'ait par les Eglises orientales
non-jinies a l'invitation de prendre part au con-
cile p. 30]
Généralités sur les Eglises orientales non-unies. — Avis du
patriarche latin. M-1 Valerga, sur l'accueil probable de l'invita-
tion pontificale. — Méthode suhie pour l'envoi des lettres
apostoliques. — Publication de celles-ci dans le Giornale <li
Roma. - Présentation de la lettre au patriarche grec de
Constantinople par L'abbé Testa. — Refus du patriarche. —
Autres récits de l'entrevue dans les journaux ; jugements des
( ■rccs sur la conduite de leur patriarche. — Présentation de la
lettreau patriarche arménien de Constantinople. — Le catho-
licos arménien d'Etchmiadzin et ses tendances russophiles. —
Autres évêques arméniens non-unis de la délégation de
Oonstantinople. — Tentatives pour envoyer au catholicos la
lettre du pape. — Lettre du catholicos au patriarche arménien
de Constantinople au sujet de l'invitation pontificale. —
Démission forcée du patriarche arménien: victoire du parti
russophile, hostile au concile. — Influence du patriarche grec
de Constantinople sur ses évêques. -- Ceux-ci refusent comme
lui. — Les Bulgares orthodoxes se séparent de Constantinople.
- Présentation de la lettre du pape au patriarche grec de
Jérusalem, qui refuse: au patriarche grec d'Antioche. qui la
renvoie: — au patriarche grec d'Alexandrie, qui refuse: —
aux Coptes schismatiques et à leur patriarche : entrevue san>
succès: — aux Jacobites : accueil favorable de ceux-ci: ten-
dances a l'union avec Lomé: insuccès final ; — aux Xestoriens.
- Voyage du P. Lemée. dominicain, à Kotchannès, résidence
du patriarche nestorien. — Audience solennelle. — Entretien
privé. — Envoi delà lettre du pape aux autres évêques schis-
matiques. — Louanges que leur adressent les journaux irréli-
gieux pour leur altitude négatif e.
TABLE DES V] V il;
Chapitre XIII. ~ La convocation du concile général et tes
p™<*sfcints ' ■ • 1>. 393
La lettre pontificale aux protestants. Plusieurs protes-
tants font bonaccueil au concile. - Guizot. - Baumstark. —
Pasteurs protestants et l'évèque de Paderborn. Efforts pour
la réunion eu Angleterre. - Assemblée de l'English Church-
Cnionà Devonshire. - Efforts opposés. - D' Wordsworth. -
D'Cumming. - Crquhartet autres. —Tentatives de Cobb pour
l'union.»- Plusieurs unionistes et le P. Victor de Buck, S. J.—
La Congrégation du Saint-Office et cette affaire. - Résultat
des tentatives pour l'Union. - Les jansénistes en Hollande.—
Le Tijd sur le devoir qu'ont les évêques jansénistes de prendre
part au concile. - Lettre favorable d'un janséniste. -Le Tijd
sur ce sujet; explication de l'auteur. - Lettre de deux jansé-
nistes à leurs coreligionnaires. Désir de la réunion avec
Rome. - Autres opinions. - Accueil fait à l'écrit du pape en
Allemagne. - Protestation du Conseil supérieur évaugélique.
— Elle est critiquée par quelques protestants. - Conférence
pastorale a Berlin, - Synode a Glogau. - La presse proles-
tante d'après le rapport du nonce apostolique. - Vieilles ren-
gaines protestantes. - Convocation d'une reunion des protes-
tants à Worms. - EHe est présidée par Bluntschli. — On
accepte la déclaration formulée par Schenkel. — Jugement
défavorable de protestants sur l'assemblée. - Délibération du
Gustav-Adolfverein sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la lettre
papale. —Le XV Kirchentag évangélique allemand à Stutt-
gard. - On adopte la déclaration du professeur Fïennann. —
Synode général de l'Eglise protestante nationale en Bavière. —
Le doyen Bauer rapporteur. - Manque de tact du président
Harless. - Conférencedu nonce apostolique avec l'archevêque
de Munich. — Les protestants en Autriche et en Hongrie
On décide une assemblée a Pest entre la lettre papale. —
Missive de la Société du Pastore de l'Eglise de Genève à tous
les chrétiens évangéliques. —UAtliunce Euangélique en France.
— Les protestants «le Hollande. - Deux grandes réunions des
presbytériens dans l'Amérique du Nord. — Lettre du président
a Fie IX.
Chapitre XIV. — Le concile du Vatican et l'anti-concilo
des libres penseurs p. iiq
Lettre de Ricciardi aux libres-penseurs de toutes les nations.
- Projet d'un anticoncile a Naples. - Lettres d'adhésion. -
Conduite des Loges en France et en Italie. — Démonstrations
anticonciliaires dans plusieurs villes d'Italie. — Tenue de
;i84 TABLE DES MATIERES
L'anticoncile à Naples. — Programme. — Autres assemblées
des Libres-penseurs en Italie.
Chapitre XV- — Les gouvernements et le prochain
concile p. 42">
Rapports des deux pouvoirs depuis le dernier concile. —
Influence exercée sur les gouvernements par les publications
hostiles au concile. — Circulaire du président des ministres de
Bavière. — Opinion de Jôrg sur la circulaire. — Dbllinger
est-il l'inspirateur de la circulaire? — Comment les autres
gouvernements accueillirent la circulaire. — Le ministre
bavarois sollicite l'avis «le diverses facultés. — Avis de la
Faculté de théologie de Wurzbourg. — Les deux avis ou
rapports de la Faculté de théologie de Munich. — Celui de la
minorité. — Celui de la majorité. — Celui de la Faculté de
droit de Munich. — Avis personnel du conseiller d'empire
von Bayer. — Le ministère bavarois tente vainement de déter-
miner les autres Etats à suivre sa démarche. — Le président
des ministres a-t-il voulu décider Napoléon à rappeler ses
troupes de Rome.' — La France refuse d'envoyer un représen-
tant au concile. — Le président des ministres Hohenlohe veut
recommander au roi de Bavière la même réserve. — Les
évèques bavarois annoncent au roi leur départ pour le concile.
- Réponse du roi. — La Prusse et le concile. — La Suisse
interroge le gouvernement prussien. — Réponse du président
des ministres. — L'ambassadeur a Rome. M. d'Arnim pousse à
L'intervention de son gouvernement. — Sa lettre a Bismarck,
— Réponse de celui-ci. — Attitude du gouvernement prussien;
ses raisons. — Négociations des gouvernements. — Lettre du
ministre des cultes de Prusse aux évèques. — Le«pro memoria ,>
d'Arnim. -- Bismarck expose de nouveau la manière de voir
du gouvernement. — Arnim désire être assiste d'un théologien
catholique. — Invitation laite au chanoine Giese. — Celui-ci
la décline. — Les gouvernements autrichien- et hongrois. —
Ils écartent la proposition laite parle gouvernement bavarois'
dans sa circulaire. — Instructions donnée- à l'ambassadeur
à Rome Trauttniansdorff. — Le gouvernement suisse. — Il
n'admet point la circulaire bavaroise. — Le gouvernement
français. — Négociations au Corps législatif, 1868. — Interpel-
lation d'Ollivier en 1869. — Réponse de M. Parodie. — Le
gouvernement incline à envoyer au concile des représentants.
— Instruction du gouvernement a son ambassadeur à Rome. —
Comment on permet aux évèques de se rendre au concile. —
Discours de l'empereur Napoléon à l'ouverture de la session
parlementaire. — Le gouvernement français et la bulle sur les
censures. — Belgique, Kspagne. Portugal. — Dispositions
TABLE DES MATIERES 583
hostiles de l'Italie envers le concile. — Constantes interpella-
tions au parlement <U' Florence. — Le gouvernement fait
répandre l'ouvrage de Janus. — 11 compose un livre sur les
droits des gouvernements dans Les conciles. — Il donne aux
e\ êques l'autorisation de se rendre au concile. — La Russie et
le concile. — Gortschakpw et Antonelli. — Il est interdit aux
évêques d'aller au concile. — Les Etats d'Européen général. —
Etats extra-européens. — Le Brésil et le Chili.
LIVRE TROISIEME.
Préparation immédiate du Concile du Vatican.
Chapitre I. — Dispositions prises au sujet des assemblées
plénières des Pères du concile p. 4^5
Préparatifs à l'aire. — Les congrégations générales. — Les
séances publiques. — Membres des deux assemblées plénières.
— Leurs théologiens. — La présidence. — Question de pré-
séance. — Proposition d'Héfelé. — Décision. — Rang donné
aux primats. - Disposition adoptée par les lettres apostoliques
Multipliées inter. — Les officiers du concile. — Le custode
général. — Les promoteurs. — Le secrétaire. — Les notaires.
— Les greffiers. — Les maîtres des cérémonies. — Les assi-
gnateurs de places. — Les scrutateurs. — Nouvelle délibéra-
tion au sujet du custode. — Requête des chevaliers de Malte.
— Délibération de la Commission centrale. — Décision du
Pape. — Nomination du secrétaire. — Prosecrétaire et auxi-
liaire. — Fessier dresse un règlement pour les officiers. —
Nomination des officiers. — Interprètes au service des prélats
orientaux. - Sténographes. - Portiers. — Curseurs.- — Chan-
teurs. — Médecins. — Comment doivent être examinés les
motifs mis en avant par les absents pour s'excuser. — Juges
pour aplanir les différends. — Choix d'une salle pour le
concile. — Propositions diverses émises à ce sujet. — Prescrip-
tion relative a la discrétion à observer. — On admet des
étrangers aux séances publiques.
Chapitre II. — Délibérations et décisions au sujet de la
formation de commissions ou députations . . p. 4^r
Projet d'Héfelé. Nécessité de former des commissions. —
3".
580 TABLE DES MATIERES
Proposition d'Héfelé. — Délibération de la Commission cen-
trale. — Ses premiers décrets. — Nouvelle délibération. —
Modification des premiers décrets. — Décision du pape au
sujet de l'élection des membres des comités.
Chapitré III. — Délibérations et décrets sur les projets à
présenter, sur la forme dans laquelle ils doivent l'être
à la congrégation générale et sur la marche des déli-
bérations : . . p. 4^9
Le droit de proposer des projets. — Congrégation à former
pour l'examen des projets présentés. — Opinion d'Héfeié. —
Ordre des matières à traiter. — Forme des décrets. — Procé-
dure à suivre dans les délibérations. — Opinion d'iléfelé à ce
sujet. — Décrets de la congrégation. — Elle les modifie. — Les
séances publiques.
Chapitre IV. — Rédaction d'un règlement du concile, p. 5oi
Anciens règlements des conciles. — Il faut fixer un ordre à
l'avance. — Sanguineti rédige un projet. — On délibère à son
sujet. — Le pape doit-il de sa propre autorité prescrire le
règlement? j.tî ;'j
Chapitre V. — Délibérations et décrets sur la profession de
foi imposée aux Pères et sur le serment des offi-
ciers et des auxiliaires . p. 607
Projet de Tizzani. — Lesévêques dissidents. — Décret de la
Commission centrale. — Délibérations postérieures au sujet de
l'opportunité de l'insertion dans la profession de foi du dogme
de l'Immaculée Conception. — Rapport de Feye. — Décision
de la Commission centrale. — On désigne la séance dans
laquelle se fera la profession de foi. — Serinent imposé aux
officiers.
Chapitre VI. — Travaux des Commissions préparatoires
sur les schémas à proposer p. 5i3
Les commissions pour la préparation des schémas. — Règles
pour la commission dogmatique. — Elle doit exposer en détail
les erreurs à condamner, ainsi (pie leur origine, leur nature et
les raisons qui les font rejeter. — Domaine de la commission
politico-ecclésiastique. — Tâche de la commission pour la
TABLE DES MATIERES 587
discipline ecclésiastique. — Les supérieurs généraux d'ordres
religieux doivent communiquer un rapport sur les besoins de
leur ordre. — Ce rapport servira de base à la commission dans
l'étude des affaires des réguliers. — Les sujets sont distribués
aux consulteurs. — Tache de la commission pour les affaires
des Orientaux en matière de dogme et de discipline. —
Décrets du Concile de Trente applicables aux Orientaux. —
La Commission centrale examine les travaux des autres com-
missions. — Conspectùs des schémas préparés par les com-
missions.
Chapitre VII. — Vue d'ensemble sur les propositions faites
par les Pères p. 523
Désir du pape relativement aux propositions des Pères. —
Propositions des évêques napolitains. — D'un certain nombre
d'évèques français. — D'une grande partie des évêques alle-
mands. — Du cardinal Schwarzenberg. — De l'évèque de
Kôniggràtz. — De l'épiscopat de Belgique. — De plusieurs
évêques de l'Italie centrale, — De l'évèque de Concordia. —
Des provinces ecclésiastiques de Québec et d'Halifax. — De
l'archevêque de Baltimore, — Du vicaire apostolique du
Luxembourg. — Propositions particulières au sujet de l'onto-
logisme. — De la Petite Eglise et de la secte des Stevenistes. —
Des écoles mixtes dans la Suisse allemande. — Des mariages
mixtes. — Du socialisme. — Des injustices. — Du militarisme.
— Des guerres. — De l'impôt. — De la doctrine de l'Assomption
de Marie. — De l'adjonction à VAve Marin du titre : Virgo
immaculata. — Des privilèges des gouvernements pour la nomi-
nation aux sièges épiscopaux — De l'abus des privilèges et
des exemptions. — De certains abus dans un monastère de
Messine. — Des confessions des prêtres. — Des abus de
certains titres dans les ordinations. — De la codification du
droit canonique. — De L'unité dans le bréviaire et la messe en
Occident.
Chapitre VIII. — Dispositions prévues en eas de vacance
du Saint-Siège durant le concile p. 549
Dangers d'une vacance du Saint-Siège pendant le concile. —
Pie IX a l'intention d'y parer par une bulle. — Préparation de
cet acte; sa teneur.
Chapitre IX. — On ordonne des prières et des exercices
888 TABLE DES MATIERES
de piété comme préparation au Concile et pour
tout le temps qu'il durera p. 553
Délibérations de la congrégation préparatoire. — Prières et
exercices de piété pour toute l'Eglise. — Pour Rome. — On
prépare l'Encyclique qui promulguera le jubilé. — Autres
décrets. — Le pape. — Rédaction de l'Encyclique. — Prières
supplémentaires pour le concile et conditions requises pour
gagner l'indulgence plénière. — Autre ordonnance de prières
— Prescription donnée à Rome par le cardinal-vicaire.
Table analytique p. 559
Table des matières p. 573
*>*«-
ERRATUM
PAGINATION
FRANÇAISE
p. xni
ligue 2
p. 36
note 3
1>. 142
—
P- i;4
note 1
I>. i89
—
p. 22G
note 1
p. 232
note 2
p. 277
—
p. 307
note 1
p. 3i5
note 1
p. 333
note 3
p. 4a5
-
loco Nonnulli Piae IX. lege Xonnullae Pii IX epistolae;
loco p. 57, lege p. 67;
loco [121], lege [121- 122 et augmenter d'une unité la pagination
alli mande jusqu'à la page 14^ [127-128];
loco p. -X, lege p. -''>>'>:
loco [162], lege [i62-l63] et mettre le signe , ligne i3; — et aug-
menter (l'une unité la pagination allemande jusqu'à la p. i96
[i68-i69].
loco p. 41 et 5. lege p. 41 s<i;
loco ibid. p. 33i, lege p. 33i.
loco [234-2351, lege [234] et retrancher une unité à la pagination
allemande .jusqu'à la page 281 1237-238 ;
lege cf infra p. 3i2 :
loco p. 230, lege p. 3o4 ;
loco p. 39. /('£•<? p. 53 ;
loco [353-35(;. lege 35C].
■■OH
BX 830 1869 .G714 1907
v.l SMC
Granderath, Theod.
(Theodor), 1839-1902.
Histoire du Concile du
Vatican : depuis sa
AKD-6802 (mcfm)