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Full text of "Histoire du Concile du Vatican : depuis sa première annonce jusqu'a sa prorogation, d'après les documents authentiques"

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HISTOIRE 


CONCILE    DU   VATICAN 


DEPUIS  SA  PREMIERE  ANNONCE 


JUSQU'A     SA    PROROGATION 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/histoireduconcil01gran 


HISTOIRE 


CONCILE  DU  VATICAN 


DEPUIS    SA    PREMIERE    ANNONCE 


JUSQU'A     SA     PROROGATION 

b'Al'RÈS    LES   DOCUMENTS   AUTHENTIQUES 


Ouvrage    du    P.    Théodore    GRANDERATH.    S.    J. 

ÉDITÉ    PAR 

Le  P.  Conrad  KIRCH,  S.  J. 

et  traduit  de  l'Allemand  par  des  religieux  de  la  môme  Compagnie 


TOME    PREMIER     : 

Préliminaires   du   Concile. 


BRUXELLES 

LIBRAIRIE      ALBERT      DEWIT 

Rue  Royale,  53  y^^^Âf^Vi 

»  0/ 


'9<>7  ,0-,  Vl^, 


MAR  1    i960 


A  Son  Éminence 

Monseigneur    André   STE INHIBER 

de  la  Compagnie  île  Jésus 
Cardinal  de  la  Sainte  Eglise  romaine 

En  témoignage 
de  reconnaissante  vénération. 

L'A  UtEUR. 


Préface 


A  la  mort  du  P.  Gerhard  Schneemann,  fondateur  de  la 
Collectio  Conciliorum  Lacensis,  le  20  novembre  1885,  le 
P.  Théodore  Granderath  fut  désigné  pour  continuer  son 
œuvre;  le  septième  volume  était  en  cours  d'impression. 
C'est  depuis  lors,  c'est  à-dire  pendant  la  durée  d'une  demi- 
génération,  que  le  P.  Granderath  s'est  occupé  à  préparer 
et  à  écrire  l'histoire  de  la  dernière  assemblée  générale  de 
l'Eglise. 

Au  commencement  de  1890  parurent,  enrichis  encore 
par  ses  soins  de  documents  importants,  les  Acta  et  décréta 
Sacrosancti  Oecumenici  Conciliï  Vaticani  qui  forment  le 
septième  et  le  plus  volumineux  des  in-quarto  de  la  collec- 
tion :  jamais  encore,  à  beaucoup  près,  on  n'avait  réuni 
sur  le  concile  autant  de  documents  qu'en  contiennent  ces 
1896  colonnes.  Deux  ans  plus  tard  furent  publiées  les 
Constitutiones  dogmaticae  Oecumenici  Conciliï  Vaticani  ex 
ipsis  ejus  actis  explicatae  atque  illustratae. 

En  1893,  le  P.  Granderath  alla  se  fixer  à  Rome.  Le 
Saint  Père  fit  de  nouveau  mettre  à  sa  disposition  et  sans 
aucune  réserve  les  trésors  des  archives  pour  lui  permettre 
de  réaliser  son  projet  d'écrire  une  histoire  du  concile  du 


VIII  HISTOIRE    Dl     CONCILE    DU    VATICAN 

Vatican  d'après  tous  les  documents  authentiques.  Grâce  à 
un  travail  constant,  presque  trop  acharné,  l'œuvre  avança 
rapidement.  A  la  un  de  1901,  deux  volumes  étaient  prêts 
pour  l'impression,  le  troisième  rédigé  en  grande  partie. 

Mais  les  forces  de  l'auteur  se  trouvaient  épuisées;  plu- 
sieurs fois,  il  avait  dû,  pour  rétablir  sa  santé,  revenir 
passer  l'été  dans  une  maison  de  sa  province  d'origine; 
mais  cette  fois  il  ne  put  retrouver  sa  première  vigueur. 
Je  fis  pour  lui  les  dernières  collations  de  documents  aux 
archives  romaines,  tandis  qu'il  achevait  à  Valkenberg  son 
troisième  et  dernier  volume.  La  rédaction  en  était  finie  // 
lorsque  survint  une  nouvelle  attaque  qui,  le  19  mars  1902, 
fête  de  saint  Joseph,  le  fit  passer  à  une  vie  meilleure. 

Mes  supérieurs  me  chargèrent  alors  d'éditer  le  travail 
du  P.  Granderath.  En  voici  les  deux  premiers  volumes,  le 
troisième  suivra  dans  un  an  (1). 

Le  premier  volume  traite  des  préliminaires  du  concile; 
sur  plusieurs  points  des  documents  nouveaux  ont  permis  à 
l'auteur  d'être  plus  complet  que  Cecconi.  Dans  les  deux 
derniers  volumes  consacrés  aux  discussions  mêmes  de 
l'assemblée,  il  utilise  pour  la  première  fois  les  actes 
complets,  en  particulier  les  discours  prononcés  dans  les 
congrégations  générales.  L'agitation  des  esprits  hors  du 
concile  est  aussi  suivie  avec  une  attention  constante  et 
minutieuse.  L'auteur  est  un  théologien  et  un  canoniste  de 
profession;  c'est  assez  dire  de  quelle  autorité  sont  les  juge- 
ments qu'il  porte.  Jusqu'à  sa  mort  le  P.  Granderath   a 


(1)  La  revision  du  troisième  volume  a  été  plus  longue  que  ne  le  prévoyait  le 
P.  Kirch.  C'est  seulement  en  octobre  1906  qu'il  a  pu  le  donner  au  public 
(Note  des  traducteurs.) 


PREFACE  I\ 

conservé  le  souvenir  le  plus  reconnaissant  à  fous  ceux  qui 
l'ont  aidé  dans  ses  recherches  de  leurs  conseils  ou  de  leur 
concours.  Il  convenait  que  sa  gratitude  leur  fut  ici 
exprimée. 

Valkenberg  (Hollande) 

en  la  l'été  de  saint  Joseph,  l'.i  mars  1903 

P.  Conrad  KIRCH,  S.  J. 


Les  traducteurs  ont  rétabli  dans  leur  texte  original  — 
parfois  au  prix  de  recherches  très  laborieuses  dans  les 
bibliothèques  de  France  et  de  l'étranger  —  les  innombra- 
bles passages  de  livres,  de  brochures  et  d'articles  français 
que  cite  le  P.  Granderath  et  qui  font  de  son  livre  comme 
un  corpus  de  la  polémique  conciliaire  dans  notre  pays. 
Quand  la  chose  a  été  possible  la  traduction  française  des 
citations  d'ouvrages  écrits  dans  une  langue  autre  que  l'alle- 
mand a  été  vérifiée  aussi  sur  les  originaux. 

La  traduction  française  forme  trois  tomes  (en  six  volumes) 
portant  en  même  temps  que  la  pagination  française  l'indi- 
cation de  la  pagination  allemande  placée  entre  crochets  au 
bas  de  chaque  page.  Le  signe  //  inséré  dans  le  texte  marque 
le  passage  crime  page  allemande  à  l'autre. 

Exghien  (Belgique). 

Séminaire    de    Théologie 

des  provinces  S.  J.  de  Champagne  et  de  Toulouse. 

Janvier  1907. 


LES 


Deux  Principales  Collections  de  Documents 

POUR 

l'Histoire  du  Concile  du  Vatican 


i°  Eugenio  Cecconi,  chanoine,  plus  tard  archevêque  de 
Florence  fit  paraître  eu  1869  ses  Studi  storici  sut  con- 
cilie) di  Firenze  ;  aussitôt  après  la  prorogation  du  con- 
cile du  Vatican  il  entreprit  d'en  écrire  l'histoire  sous  ce 
titre  Storia  del  concilie»  ecnmenico  Vaticano  scritta  sui 
document i  originali.  Il  ne  vint  à  bout  que  de  la  Parte 
prima  :  Antecedenti  del  Concilio  en  quatre  forts  volumes  : 

Le  premier  volume  :  Vol.  I.  Roma  1873,  contient  Narrazione.  Libro  primo  :  «  Esame 
suir  opportunité  di  un  concilio  ecumenico  e  primi  preparativi  per  la  sua  cele- 
brazione»,  et  Libro  secondo  :  «  Studi  in  apparecchio  del  concilio  »;  puis  comme 
pièces  justificatives  :   Doctunenti  I-.LXXII. 

Le  second  volume:  Vol.  II,  Sezione  prima,  Narrazione.  Libro  terzo  :  «  Movimento 
religioso  e  politico  per  la  espettazione  del  concilio  ». 

Le  troisième  volume  :  Vol.  Il,  Seziona  seconda  :  Documenti  LXXII1-CCXI. 

Le  quatrième  volume  :  Vol.  II,  Sezione  seconda  (Gontinuazione)  :  Documenti  CÇXII 
ad  GCCVIII.  A  la  fin, traduction  italienne  ou  française  suivant  le  cas  de  41  pièces 
déjà  insérées  dans  leur  texte  original. 

Les  trois  derniers  volumes  ou,  suivant  la  division  de  Cecconi,  les  trois 
parties  du  deuxième  volume  parurent  toutes  à  Rome  en  1879.  —  La  collection 
de  Cecconi  n'embrasse  que  la  période  des  préliminaires  du  concile.  —  C'est  à 
elle  que  renvoie  l'indication  :  CECCONI  (1). 


(i)   [Une   traduction  française  de   Cecconi   a  été  publiée  chez  I.ecoffre,  Paris,  1887,  par 
MM.  Bonhomme  et  Duvlllard.]  (Note  des  traducteurs.) 

[xxn] 


Ml  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

2°  Collectio  Lacensis,  toiniis  septimus  :  Acta  cl  décréta 
Sacrosancti  Oecnmenicî  Concilii  Vaticani.  Accedunt  per- 
multa  alla  documenta  ad  Çoncilium  ejusque  historiam 
spectantia,Friburgi  (Herder)  1890  (tiré  à  part^de  la  Col- 
lectio Lacensis,  1892)  grand  in  4"- 

Cette  collection  commencée  par  le  P.  Gerhard 
Schneemann,  S.  J.  fut  continuée  et  terminée  par  le 
P.  Théodore  Gtranderath,  S.  J. 

La  partie  principale  (eol.  L-50  I)  contienl  tous  les  documents  pontificaux  con- 
cernant le  concile  ;  les  actes  de  la  session  prosynodale,  /  les  schémas  soumis 
aux  discussions  du  concile  avec  toutes  leurs  transformations  successive?  depuis 
la  première  proposition  jusqu'à  la  rédaction  définitive;  les  amendements  des 
Pères  et  les  rapports  des  membres  des  députations  :  les  actes  des  quatre  sessions 
publiques.  La  seconde  partie  intitulée  appendice  contient  : 

A)  Documenta  sijnotlalia  (col.  505-1U04)  :  schémas  préparés  pour  le  concile  accom 
pagnes  des  annotations  et  des  commentaires  des  théologiens;  longs  extraits  des 

des  congrégations  générales  ;  postulat  a,  lettres,  déclarations,  etc.,  >n  grand 
nombre,  surtout  en  ce  qui  concerne  l'infaillibilité  du  pape. 

B)  Documenta  historien  (cul.  1005-1738  dont  : 

I.  —  «52   Documenta    historica    ad  remotam  Concilii   prseparationem 
tantia  ». 

II.  —  70  Documenta  historica  ad  proximam  Concilii  Vaticani  prseparationem 
spectantia  » 

III.  —  «245  Documenta  historica  ad  religiosos  ac  politicos  moins  Concilii 
expectatione  ortos  spectantia.  »  Ceux-ci  sont  distribués  en  sept  groupes  : 
1°  «  Documenta  spectantia  ad  Orientales  non  unitos  »;  2°  «  Documenta  spectantia 
ad  Protestantes  et  Jansenistas  »:  3°  «  Documenta  spectantia  ad  libelles  e  Gallia 
ad  Secretariam  Status  missos  et  Civilitatis  catholicae  (Civiltà  Cattolica)  commen- 
tarium  »>:  4*  «  Documenta  spectantia  ad  Germaniam  »:  5°  «  Documenta  spectantia 
ad  gubernia:  »  <î°  «  Documenta  spectantia  ad  anticoncilium  »:  7°  «Documenta 
spectantia  ad  Galliam.  Varia.» 

IV  —  «218  Documenta  historica  ad  Çoncilium  jam  congregatum  atque  motus 
de  en  excitatos  spectantia  :  1"  «  Publicarum  supplicationum  et  exercitiorum 
indictiones  »;  2°  «  Documenta  spectantia  ad  animoruni  motus  in  Gallia  atque 
inter  ipsos  Concilii  Patres  excitatos  »;  3°  «  Documenta  spectantia  ad  animoruni 
motus  ortos  in  Magna  Britannia  et  Hibernia  »:  4"  «  Cleri  Xeo-Aurelianensis 
itemque  Luxemburgensis  etLusitanorum  Romae  prœsentium  epistolse,  qui  bu  s  se 
desiderare  siguificant,  ut  pontificia  infallibilitas  definiatur  »:  (i°  «  Cleri  Italise, 
Praepositi  Generalis  Passionistarum,  Cpmmissionis   dogniaticœ  consultoruni 

XNII-XXIII 


LES    DEUX    PRINCIPALES    COLLECTIONS    DE    DOCUMENTS       Mil 

epistolre,  quibus  significant,  quam  pibi  optata  sil  definitio  infallibilitatis 
Romani  Pontificis  »;  7"  «  Nonnulli  Piae  IX  epistolse  ad  eos,  qui  de  inlallibilitate 
pontincia  sive  litteras  adeum  miserunt,  sive  libros  scripserunt  el  qusedam  ora- 
tiones,  quas  temporeConcilii  habuit  »;  8"  «  Documenta  ail  eam,  quam  gubernia 
in  rébus  cqnciliaribùs  servarunt,  ralionem  spectantia  :  a) Documenta  ad Galliam 
spectantia  ,  b)  Documenta  adAustriam  spectantia  :  c)  Documenta  spectantia  ad 
Bavariam,  Hispaniàm,  Galliam;  dj  Documenta  spectantia  ad  Borussiam  »; 
9'  «  Documenta  spectantia  ad  ipsos  Pat  ru  m  et  theologorum  labores,  quibus 
utramque  Constitutionem  dogmaticam  perficiebant  »:  10'  «  Documenta  ad  Gon- 
stitutionum  conciliarium  promulgationem  et  receptionem  at(|ue  ad  Goncilii 
suspensionem  spectantia.  » 

A  la  suite  se  trouvent  un  Supplementum  (col.  1739-1752)  ainsi  qu'un  Index 
personarum  (col.  1753-1832)  et  un  Index  rerum  (col.  1833-1896). 

(  !ette  collection  est  citée  par  le  sigle  G.  V. 


INTRODUCTION 


Sources  et  bibliographie. 
Point  tic  vue  de  l'auteur. 

Tant  qu'il  dura,  le  concile  du  Vatican  garda  un  silence 
rigoureux  sur  ses  délibérations  et  sur  tous  les  incidents 
dont  il  fut  le  théâtre,  mais  les  documents  qu'il  a  laissés 
renseignent  la  postérité  de  la  façon  la  plus  complète  et  la 
plus  sûre.  Dans  ses  archives  se  trouvent  intégralement 
conservés  les  procès-verbaux  des  sessions  publiques  et  pri- 
vées, comme  aussi  ceux  des  diverses  commissions  et 
comités  qui  se  réunirent  à  son  sujet.  On  y  a  réuni  et  cata- 
logué l'abondante  correspondance  des  membres  et  de  tout 
le  personnel  du  concile,  depuis  les  débuts  de  la  préparation 
jusqu'à  la  prorogation  finale.  Le  désir  de  laisser  à  la  pos- 
térité un  matériel  d'information  aussi  complet  que  possible 
a  fait  garder  jusqu'à  des  débris  de  papier  couverts  de  notes, 
des  feuilles  détachées  où  se  lisent  quelques  noms,  des  bul- 
letins de  vote  et  semblables  restes  qui,  sans  valeur  en  eux- 
mêmes,  peuvent  cependant  jeter  sur  maints  incidents  de 
séance  une  lumière  opportune. 

Il  serait  trop  long  d'énumérer  en  détail  toutes  les  pièces 
des  Actes  qui  constituent  les  sources  de  l'histoire  du  con- 
cile du  Vatican  ;  nous  devons  cependant  citer  les  plus 
importantes. 

Pour  l'histoire  des  préliminaires,  la  source  principale 


2  HISTOIRE    ]>l     CONCILE    DU    VATICAN 

est  constituée  par  les  procès-verbaux  de  la  Congrégation 
directrice  de  préparation. 

Cette  congrégation,  établie  au  moment  même  où 
Pie  IX  s'ouvrit  pour  la  première  fois  aux  cardinaux  de  son 
projet  de  convoquer  un  concile  œcuménique,  reçut  pour 
tâche  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires  à  cette  fin. 
Le  pape  ne  lit  pins  un  pas  sans  elle;  c'est  elle  qui  créa  les 
autres  commissions  et  comités  préparatoires,  tels  que  les 
commissions  des  théologiens  et  des  canonistes.  et  le  comité 
chargé  de  discuter  la  convocation  des  abbés  :  '  tous  leurs 
travaux  en  dépendirent.  Du  9  mars  1865  au  mois  de 
décembre  1869,  la  congrégation  directrice  de  préparation, 
dite  aussi  Commission  centrale,  tint  environ  soixante 
séances,  dont  les  procès-verbaux,  fidèlement  et  soigneuse- 
ment rédigés  de  la  main  de  son  secrétaire,  Pévèque  titu- 
laire Giannelli,  ont  la  plus  grande  valeur.  Ils  jettent  une 
vive  lumière  sur  tous  les  débats  de  la  Congrégation,  ses 
décisions  et  les  principes  qui  les  inspirèrent.  La  Commis- 
sion centrale  voulut  traiter  à  fond  les  questions  :  la  preuve 
en  est  dans  les  mémoires  nombreux,  presque  tous  impri- 
més, qu'elle  demanda  à  ses  consulteurs  sur  les  points  plus 
importants  avant  d'en  délibérer  elle-même  (1). 


(i)  Mémoires  sur  les  délibérations  de  la  Commission  centrale  conservés  aux 

Archives  •• 

Angelini  :  De  actibus  prsemiltendis  convocation!  Concilii  generalis  ;  item  :  DeEpis- 
copis  titularibus  admittendis  et  de  Pi  ocuraloribus.  Galeotti  :  De  Procuratoribus  ab- 
seniium.  Sangi  ineti  :  De  admittendis  Abbatibus  et  Generalibus.  Tizzaxi  :  De  precibus 
prseviisel  de  professione  Fidei  ab  Episcopis  facienda.  Feye  :  De  modo  traclandi 
Archiepiscopiiin  Ultrajectensem  schismaticum.  Id.  De  ordinationibus  anglicnnis  et 
observandis  circa  eas.  Sanguine  ri  :  De  jure  propowndi  in  Conciliis  oecumenicis  (in- 
séré dans  la  Coll.  Lac.  VII.  lUTT  c  sqq.)  Id.  :  De  conjungenda  muteria  fidei  et  disci- 
plinas ;  Depraesidio  et  de  congregationibus  theologorum.  Id.  :  Continuât)/)-  de  congre- 
gationibus  theologorum  minorum,  tum  de  congregationibus  generalibus  et  de  modo 
dicendi  sententiam.  Galeotti  Anlorno  al  regolamenlo  di  cose  rituali  ed  organiche  del 
Concilio.  Id.  :  Continuatio,  Cap  II,  De  Of/icilialibus.  In.  :  Conlinuatio,  Cap.  III-VI  ; 
De  Privilégia  Patrum  et  De  voto  abseniium  et  De  secrelo.  Hefele  :  De  methodo 
servanda  in  congregationibus  generalibus  (inséré  dans  Coll.  Lac.  VII,  1087  c.  sqq.). 
Feye  :  Deadditione  arliculi  de  immaculata  II.  V.  conceptione  adprojessionem  Fidei. 
Sanclinf.it  :  Schéma  ordinis  generalis  servandi  in  Concilio  Valicano.  Cum  pranotan- 

1-2 


SOURCES 


A  signaler  encore  pour  la  période  préparatoire  :  les 
rapports  des  cardinaux  présents  à  Rome,  sur  l'opportunité 
du  projet  pontifical ,  les  réponses  d'environ  quarante 
évêques  des  différentes  parties  du  monde  chrétien  au  préfet, 
de  la  Congrégation  du  concile  qui,  //  au  mois  d'avril  1865, 
avait  demandé  leur  opinion  sur  les  matières  à  traiter;  les 
réponses  des  évêques  assemblés  à  Rome  en  1867  pour  le 
centenaire  des  saints  apôtres  Pierre  et  Paul  aux  questions 
qui  leur  furent  posées  sur  le  concile. 

Pour  exposer  les  agitations  provoquées  en  maints 
endroits  par  la  convocation,  en  dehors  des  nombreuses 
brochures  publiées  pour  ou  contre,  nous  nous  sommes 
servi  de  divers  documents  des  archives  déjà  insérés  par 
nous  ou  le  P.  Schneemann  au  septième  volume  de  la 
Collectio  Lacensis  :  ceux  par  exemple  qui  se  rapportent 
au  fameux  article  de  la  Civilta  (1869),  à  la  conférence  des 
évêques  à  Fulda  en  1869,  ou  à  l'accueil  fait  par  les 
évêques  orientaux  non  unis  à  l'invitation  du  pape. 

Pour  l'histoire  du  concile  proprement  dit,  les  sources  de 
premier  ordre  sont  celles  qui  font  connaître  les  travaux  et 
les  débats  de  ses  deux  organes  principaux,  les  congréga- 
tions générales  et  les  sessions  publiques  :  leur  histoire  est 
même  en  fait  l'histoire  du  concile  au  sens  strict  du  mot. 

Le  protocole  ou  procès-verbal  des  congrégations  géné- 
rales se  trouve  dans  un  gros  in-folio  portant  ce  titre  : 
Summa  rerum  gestarum  in  Congregahombus  gêner alibus 
Sacrosancti  Concilii  Vaticani.  11  contient  des  extraits, 
courts  mais  substantiels  des  discours  prononcés  dans  les 


dis.  Id.  :  De  priecedentia  Primatum  supra  Archiepiscopos  in  Concilio  œcumenico. 
Id.  :  De  asserto  jure  ferendi  suffragii  in  Conciliis  œcuinenicis  pro  Episcoporum  cano- 
nice  absenlium  procuratoribus.  Id.  ;  Quinam  suffragiorum  numerus  requiralur  in 
Concilia  œcumenico  ad  definiendum  dogma  /idei.  lu.  -.  Schéma  ordinis  generalis  ser- 
vandi  in  Concilio  œcumenico  Vaticano. 

On  conserve  aussi  beaucoup  de  mémoires  des  autres  commissions;  mais 
ceux-ci  ne  s'occupent  pas  de  l'organisation  intérieure  ni  delà  méthode  de  travail 
lu  concile  ;  ils  ont  trait  surtout  aux  questions  à  proposer. 


4  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

congrégations  générales.  Le  compte  rendu  de  chaque  con- 
grégation est  signé  des  quatre  ou  cinq  cardinaux  légats 
présidents  et  du  sous-secrétaire  du  concile,  Mgr  Jacobini. 

Ce  volume  est  complété  par  une  série  de  vingt-trois 
autres  in-folio  contenant,  en  outre  du  même  protocole, 
toutes  les  pièces  relatives  aux  congrégations  générales  : 
liste  des  Pères  présents  à  chaque  session,  signée  chaque 
fois  par  Folchi,  chef  du  service  de  placement;  schémas 
ayant  servi  de  base  aux  discussions  ;  et  surtout  texte  com- 
plet et  fidèle  des  discours  prononcés  tel  que  l'établirent, 
séance  tenante,  les  sténographes  d'après  leurs  notes.  //  Le 
titre  commun  aux  vingt-trois  volumes  est  :  Acla  Sacro- 
sancti  Oecumemci  Concilii  Vaticani.  Naturellement,  les 
archives  conservent  aussi  les  deux  exemplaires  des  rédac- 
tions sténographiques  prises  simultanément  par  deux 
sections  de  sténographes  (1). 

De  plus,  pour  mettre  autant  que  possible  à  l'abri  des 
ravages  du  temps  des  documents  aussi  importants  que  ces 
discours,  Pie  IX  les  a  fait  soigneusement  imprimer. 
Mgr  Cani,  préfet  des  archives,  s'y  est  employé  sous  la  haute 
surveillance  du  cardinal  Bilio.  En  quatre  ans,  de  1875 
à  1878,  sont  sortis  de  l'imprimerie  vaticane  quatre  magni- 
fiques in-folio  contenant,  sur  solide  et  beau  papier,  les 
discours  des  soixante-dix-neuf  premières  congrégations 
générales  accompagnés  d'une  courte  analyse  de  la  marche 
des  séances.  C'est  en  1884,  sous  les  auspices  de  Léon  XIII, 
qu'a  paru  le  cinquième  (2)  et  dernier  volume  {volummis 


(1)  Sur  le  travail  des  sténographes  du  concile,  voir  les  détails  tome  II,  livre  I, 
cliap.  i  fin. 

(2)  Sur  le  soin  apporté  à  l'impression,  voici  ce  qui  dit  le  Manitum  mis  comme 
préface  en  tète  du  volume:  «Actàxjuae  in  hoc  volumine  (quarto)  continentur, 
ex  authentieis  exemplaribus  et  documentis  deprompta  sunt,  qu;e  in  Tabulario 
Vaticani  asservantur,  omni  cura  adhibita  ut  ad  eorum  fidem  essent  accuratis- 
sime  exacta.  Omnia  enim  hic  exhibentur  impressa,  prout  a  stenographis 
exscripta  fuerunt  juxta  demandatum  eis  munus,  e  plagellis,  in  quas  Patribus 
disserentibus  eorum  orationes  notarum  compendiis  referebant;  atque  ubi  ali- 

,3-4  ; 


SOURCES 


quartipars altéra)  avec  les  discours  des  dix  autres  congréga- 
tions générales.  7  11  y  a  environ  dix  exemplaires  dechaque 
volume.  Le  titre  en  est  :  Acta  Congregationum  gêner alium. 
C'est  sur  cette  éilition  imprimée  desdiscours  que  nous  avons 
travaillé,  c'est  à  elle  aussi  que  nous  empruntons  nos  cita- 
tions. Dans  quelques  cas  particuliers  pourtant  nous  avons 
consulté  la  transcription  des  sténographes  ou  bien  le  texte 
même  conservé  en  caractères  sténographiques. 

Très  précieuses  aussi,  à  coté  des  discours  des  Pères, 
leurs  observations  manuscrites  sur  les  schémas  ainsi  que  les 
protocoles  des  séances  de  la  Deputalio  pro  rébus  Fidei. 
Les  observations  présentées  pendant  la  discussion  de  la 
Constitutio  de  Fide  et  de  la  Prima  Constitutio  de  Ecclesia 
sont  réunies  dans  deux  in-folio  reliés,  de  moyenne  gran- 
deur. Outre  le  titre  général  de  :  Concilium  Vaticanum,  ils 
portent  en  sous-titre,  l'un  :  Emendationes  in  Schéma 
Constitutions  de  Fide  Catholica,  l'autre  :   Emendationes 


quodvitium  in  iis  exscriptionibus  inesse  visum  est,  sténographier  ipsse  notse 
ad  examen  suntrevocatte  ad  locos  incertos  et  obscuros  explicandos,  nec  prseter- 
tnissum  est,  quin  ipsi  serinonum  auctores  rogarentur,  si  quando  vitiati  loci 
alia  ratione  restitui  non  poterant.  Opportunœ  interdum  adnotationes  historiese 
ad  legentium  normam  subscripti  editoris  cura  sunt  adjectœ.  Quod  vero  pertinet 
ad  alia  Coneilii  acta,  quorum  passim  in  his  voluminibus  mentio  occurrit,  ea 
in  aliis  voluminibus  compreheusa  et  collecta  servantur. Omnium  autem  harum 
rerum  cura  debetur  sollicitudini  ac  proyidentise  Pii  Noni  Pont.  Max.  qui  vi 
mentis  animi  et  consilii  sui  bono  et  utilitati  Ecclesiœ  semper  |>rospiciens,  voluit 
ut .  eorum  omnium,  quse  ad  Concilium  Vaticanum  pertinent  œleijna  monumenta 
extarent,  et  munificentise  suœ  largitatem  in  hoc  prseclarissimum  opus,  conferen- 
dam  existimavit.  Hoc  vero  Pontifice  die  7  Februarii  1878  cum  ingenti  Ecclesiœ 
desiderio  e  vivis  sublato,  Léo  XIII  successorejus.novum  caliganti  sseculo  lumen 
divinitus  datum,  passus  non  est,  ut  hujusmodi  operi  supreime  suœ  auctoritatis 
prte'idium  et  munificentia  deesset;sed  illud  sua  sub  auspicia  recepit,  curam 
suo  fastigio  suique  animi  amplitudine  dignam  in  id  convertens,  ut  tota  ratio 
operis  iisdem  normis  quibus  hactenus  innixa  fuerat,  ad  exitum  rite  perduce- 
r.  tnr  » 

Aix)isius  BILIO 

S.  E.  R.  Cardinalis 

Ex  praesidibus  Coneilii  Vaticani. 

Antonius  CANI 

A  Tabulario  Coneilii  Vaticani 
Editionis  curator. 


6  HISTOIRE    DU    CONCILE    !>U    VATICAN 

in  Schéma  primae  Constitutionis  de  Ecclesia  Chrisii. 
^  oici  dans  quel  ordre  s'y  présentent  les  projets  d'amende- 
ments aux  diverses  parties  des  Constitutions  :  le  texte 
imprimé  et  distribu»''  aux  Pères  vient  toujours  en  premier 
lieu,  suit  l'original  signé  de  la  main  même  des  auteurs. 

Les  protocoles  de  la  Deputatio  pro  rébus  Fidei  sont 
écrits  de  la  main  de  son  secrétaire,  le  professeur  Sclnve'tz 
de  Vienne.  Ils  permettent  de  suivre  toute  l'évolution  des 
Constitutions  depuis  la  première  élaboration  des  schémas 
avant  la  réunion  du  concile  à  travers  leurs  transformations 
suivant  les  projets  des  Pères  jusqu'à  leur  rédaction  définitive. 

A  côté  des  protocoles  de  la  Députation  de  la  foi,  on  con- 
serve aussi  aux  archives  les  comptes  rendus  des  séances 
des  autres  députations;  mais  ceux-ci  ont  beaucoup  moins 
d'importance,  car,  au  moment  où  il  fut  prorogé,  le  concile 
n'avait  pas  dépassé  la  rédaction  des  constitutions  de  la  foi.  ' 
Toutefois,  les  protocoles  des  séances  de  la  congrégation 
particulière  chargée  d'examiner  les  propositions  émanant 
des  Pères  :  Acta  Congregationis  specialis  ad  recipiendas 
Episcoporum  Propositiones  ont  leur  intérêt,  celui  surtout 
qui  rapporte  en  détail  la  séance  du  9  février  1870.  On  y 
discuta  les  motions  favorables  à  la  définition  de  l'infailli- 
bilité du  Pape,  et  celles  qui  lui  étaient  contraires.  Pour 
l'ensemble  de  l'histoire  des  congrégations  générales,  il  faut 
aussi  tenir  compte  des  notes,  fort  courtes,  des  deux  secré- 
taires du  concile  sur  les  délibérations  des  présidents.  Elles 
se  trouvent  aux  archives  sous  ce  titre  :  Congressus  Praesi- 
dum  durante  concilio. 

Sur  les  séances  publiques,  les  sources  officielles  sont  les 
Instrumenta  a  Protonotanis  Apostolicis  confecta  super 
quattuor  Sessionibus  Hacrosancti  Oecumenici  Concihi  Vati- 
cani;  ils  forment  un  beau  volume  grand  in-folio. 

On  garde  aussi  aux  archives  les  originaux  munis  de 
leurs    signatures    des  projets,    observations,   vœux  dus  à 

jâ-i; 


SOURCES 


l'initiative  des  Pères  et  relatifs  à  l'infaillibilité  du  Pape,  à 
l'ordre  du  jour,  etc.,  ainsi  que  les  diverses  lettres  des 
membres  du  concile  au  Pape  et  à  la  présidence  :  protesta- 
tions, plaintes,  suppliques,  rétractations,  désistements, etc. 

Dans  trois  grands  in-folio  enfin,  accompagnés  d'un  qua- 
trième pour  les  tables,  sont  réunies  un  grand  nombre  de 
pièces  relatives  aux  affaires  privées  des  Pères,  en  particu- 
lier leurs  demandes  d'être  autorisés  à  s'absenter  temporai- 
rement du  concile  ou  à  le  quitter  définitivement,  et  les 
délibérations  ou  enquêtes  auxquelles  ces  demandes 
donnèrent  lieu. 

A  la  mort  de  divers  membres  ou  fonctionnaires  du  con- 
cile, les  papiers  qu'ils  possédaient  et  qui  se  rapportaient 
à  l'assemblée,  ont  été  également  transférés  aux  archives  : 
c'est  ainsi,  par  exemple,  que  s'y  trouvent  les  remarques  du 
cardinal  Capalti,de  Mgr  Fessier  et  de  Mgr  Jacobini  sur  les 
discours  des  congrégations  générales  et  une  importante 
collection  de  documents  laissés  par  le  cardinal  Schwar- 
zenberg. 

J'ai  pu  aussi  utiliser  un  grand  nombre  de  notes  et  de 
documents  privés;  trois  diaires  en  particulier  d'un  membre 
éminent  du  concile  et  de  la  députation  de  la  foi.  Le  pre- 
mier, intitulé  Brevissimum  diarium  Concilii  Vaticani. 
résume  brièvement  les  principaux  événements  des  réunions 
pléniôres.  Le  second,  plus  important,  a  pour  titre  :  Brève 
diurnum  Deputationis  de  rébus  ad  fidem  perlinentibus  ; 
les  renseignements  qu'il  contient  sur  les  séances  de  la 
Députation  de  la  foi,  sont  très  bons  à  connaître,  ceux  sur- 
tout qui  relatent  les  discussions  auxquelles  donna  lieu  le 
choix  des  membres  ils  sont  très  exacts  et  on  ne  les  trouve 
pas  ailleurs.  Mais  le  troisième  de  ces  diaires  surtout  est 
intéressant  et  instructif;  son  titre  le  dit  assez  :  Quae  de 
definitione  Infallibilitatis  Romani  Pontifiais  ex  cathedra 
loqu-ntisa  Concilio  Oecumenico  Vaticano  I  acta  sunt. 

[6-7 1 


8  HISTOIRE    IH      CONCILE    Dl     VATICAN 

Le  journal  d'un  diplomate,  présent  à  Rome  au  moment 
du  concile  et  qui  se  trouvait  en  rapports  quotidiens  avec  un 
grand  nombre  de  membres  influents  et  d'autres  personna- 
lités, a  été  mis  aussi  à  notre  disposition.  Mais,  comme  à 
cette  époque  membres  et  fonctionnaires  du  concile  étaient 
tenus  à  un  rigoureux  silence  sur  les  événements  qui  s'y 
passaient,  ce  qui  s'en  disait  à  Rome  était  souvent  inventé, 
tout  au  moins  défiguré:  c'est  pourquoi  je  n'ai  recouru  que 
rarement  à  ce  journal:  j'ai  t'ait  de  même  pour  les  notes 
d'un  théologien  que  j'ai  eues  entre  les  mains  (1). 

Pour  faire  connaître  l'accueil  fait  après  coup  par  les 
membres  de  la  minorité  aux  définitions  du  concile,  j'ai 
utilisé,  outre  les  sources  communément  abordables,  la 
correspondance  de  la  curie  et  des  nonces,  les  lettres  du 
secrétaire  d'Etat  aux  divers  évèques,  celles,  enfin,  que  les 
évêques  se  sont  écrites  entre  eux  et  qui, après  leur  mort, ont 
été  incorporées  aux  archives. 

A  peine  le  concile  eût-il  été  prorogé,  que  divers  auteurs 
tirent  son  histoire.  E.  Ceccoxi  :  Stona  ciel  Concilie*  Ecu- 
menico  Vaiicano.  4  vol.,  en  a  fait  connaître  très  exacte- 
ment les  préliminaires.  Los  trois  volumes  de  J.  Friedrich: 
Geschichte  des  Vatihani^chen  Konzils,  ont  des  tendances 
hostiles  à  l'Eglise.  //  Manning  :  True  Story  of  theVatican 
Council  (traduction  allemande  par  W.Binder  (2).  Eessler: 
Jkis  Vatikanische  Konzihum,  dessrn  aussere  Bedeutung 
und  innerer  Verlauf  {S),  el  Sambini  :  Histoire  du  Concile 

1  Le  «Jniuwit  du  \y  J.  Friedrich  pendant  le  concile  du  Vatican  »  ne  présente 
aucune  garantie  :  à  chaque  page  se  manifeste  la  haine  passionnée  de  l'auteur 
contre  le  concile.  Les  «  Lettres  de  Home  sur  le  concile  »  parues  Tannée  même  dans 
1"«  Allgemeine  Zeitung  »  (publiées  à  part  par  «  Quirini  s  >:  cf.  pins  loin,  tome  II 
liv.  3,  ch.  6j  "ut  pour  objet  non  de  renseigner  sur  le  concile,  mais  de  le  rendre 
odieux  aux  lecteurs  et  de  le  ridiculiser.  A  cette  fin  l'auteur  ramasse  tout  ce  qu'il 
peut  trouver,  s.-  préoccupant  fort  peu  de  la  vérité  de  ce  qu'il  dit. 

L'opuscule  de  lord  Acton  :  «  /-"■  Geschichle  îles  Vatikanischen  honnis  »  respire 
lt>s  sentiment.-  de  son  maître  Dolliuger,  l'auteur  des  »  Lettres  de  Home  ». 
i    Traduction  française  par  Chantrel,  Pan-,  1872      \ oie  dex  traducteurs.) 
Traduction  française.  Paris,  1877.    (S.d.t.) 


HIULIOGRAIMUK 


oecuménique  et  général  du  Vatican,  ont  été  plus  brefs  ; 
ils  se  proposaient,  en  présence  des  attaques  de  la  presse 
non-catholique,  de  renseigner  les  fidèles  dans  la  mesure  où 
les  sources  alors  abordables  le  permettaient.  Manning  et 
Fessier  ayant  vu  et  entendu  ce  qu'ils  racontent,  leurs  tra- 
vaux ont  une  valeur  toute  spéciale:  Fessier  surtout,  pre- 
mier secrétaire  du  concile,  doit  avoir  été  particulièrement 
bien  renseigné.  Il  y  a  des  informations  bonnes  et  nom- 
breuses dans  Emile  Ollivier  :  U Eglise  et  VEtat  au  con- 
cile du  Vatican.  L'homme  d'Etat  français,  président  du 
conseil  des  ministres  à  l'époque  du  concile,  fait  connaître 
surtout  l'attitude  des  gouvernements.  Il  joint  les  docu- 
ments à  son  récit. 

Les  biographies  des  membres  défunts  du  concile  con- 
tiennent aussi  d'utiles  renseignements.  Telle  est,  en  parti- 
culier, la  vie  de  Manning,  par  Purcell  :  les  récits  du 
cardinal  sur  le  concile  y  sont  très  souvent  reproduits 
textuellement;  de  même  les  biographies  de  Mgr  Dupan- 
loup,  par  Pelletier,  Lagrange  et  Maynard;  la  vie  du 
prinee-évèque  Gasser,  par  Zobl,  de  Mgr  Darboy,  par 
Guillermin,  de  M-'  de  Ketteler,  par  Pfulf,  etc. 

En  l£>72,  le  professeur  E.  Friedberg  publia  sa  Samm- 
lung  der  Aktenslvcke  zum  ersten  Vatikanischen  Konzil 
mit  einem  Grundrisse  der  Geschichte  desselben.  Mais  le 
recueil  le  plus  riche  est  le  volume  déjà  cité  de  la  Collectio 
Lacensis,  publié  aussi  à  part  sous  ce  titre  :  Acta  et  décréta 
Sacrosancli  Oecumenici  Concilii  Vaticani  cum  permultis 
aliic  documentés  ad  Concilium  ejusque  historiam  speclan- 
tibus.  Je  le  citerai  par  le  sigle  C.  V.  \\). 


(1)  Pendant  son  séjour  à  Rome,  le  D'J.  Friedrich  a  pu  aussi  se  procurer  plu- 
sieurs pièces  manuscrites  sur  le  même  sujet  ;  depuis  son  retour,  il  a  reçu  encore 
communication,  et  de  fort  bonne  main,  de  quelques  autres  qui  ne  sont  pas  sans 
importance  (voir la  préface  de  sa  l'«  Section).  En  1871,  il  adonné  au  public,  par- 
ta^n'  en  deux  sections,  sa  collection  de  «  Documenta  ad  illustrandum  Concitium 
Valieanum  anni  1870  ». 

S 


Kl  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

L'auteur  a  peu  de  chose  à  dire  sur  le  point  de  vue  auquel 
il  s'est  placé.  Avant  tout,  il  a  voulu  faire  œuvre  d'histo- 
rien, donner  de  son  sujet  une  idée  claire  et  exacte,  d'après 
les  sources,  en  rapportant  ce  qui  s'y  trouve,  sans  rien  taire 
ni  rien  déguiser.  Telle  fut  la  volonté  du  Saint-Père  quand 
il  l'autorisa  à  consulter  tous  les  documents  conservés  : 
«  Tous  les  documents  sont  à  votre  disposition;  on  ne  vous 
en  dissimulera  pas  un  seul  :  faites  donc  connaître  la 
marche  du  concile  telle  qu'elle  fut  en  réalité.   » 

Au  reste,  quel  motif  aurait-il  eu  de  déguiser  la  vérité  ? 
Tout  le  concile  s*est  déroulé  très  régulièrement,  il  peut 
soutenir  les  regards  de  la  critique  la  plus  sévère.  L'huma- 
nité a  pu  y  laisser  voir  ses  faiblesses;  elles  sont  inévitables 
partout  où  se  trouvent  et  agissent  des  hommes:  là  où  elles 
se  sont  manifestées,  je  les  montrerai  telles  qu'elles  furent. 

En  second  lieu,  j'écris  cette  histoire  du  point  de  vue 
catholique;  c'est,  sejnble-t-il,  le  seul  juste,  le  seul  possible 
même  pour  apprécier  un  concile.  Il  s'agit,  en  effet,  d'une 
institution  catholique,  qui  doit  donc  se  juger  d'après  les 
principes  catholiques.  Si  l'on  adopte  avec  Dollinger  et  ses 
partisans  ce  principe  insoutenable  au  regard  du  dogme 
comme  de  l'histoire,  que  les  évêques  ne  sont  au  concile 
que  les  porte-voix  de  leur  troupeau,  qu'ils  ont  seulement  à 
témoigner  de  la  foi  de  leurs  diocésains  —  et  non  pas  de  la 
doctrine  du  Christ  et  des  Apôtres  —  la  composition  du 
concile  du  Vatican  doit,  à  elle  seule,  le  faire  rejeter. 
Le  principe  admis,  en  effet,  les  évêques  simplement  titu- 
laires ne  doivent  pas  être  convoqués  et  les  procureurs  des 
évêques  absents  ne  peuvent  être  exclus.  Les  Apôtres  eux- 
mêmes,  d'après  ce  principe,  n'auraient  pas  eu  droit  d'as- 
sister ou  de  voter  en  concile,  car  ils  n'étaient  pas  a  la  tète 
de  diocèses  dont  ils  pussent  attester  la  foi. 

Dans  mon  récit,  je  suppose  donc  constamment  la  vérité 
de  la  doctrine  catholique.  Je  rapporte  fidèlement  les  faits 

" 


POINT    DE    VUE    DE    L AUTEUR  41 

tels  que  je  les  trouve,  niais  je  les  apprécie  en  catholique. 
En  prendre  prétexte  pour  m'accuser  d'esprit  de  parti 
serait  m'obliger  à  quitter  le  terrain  de  l'histoire  et  à 
invoquer  les  principes  fondamentaux  de  l'apologétique 
pour  justifier  mon  point  de  vue. 


i9J 


LIVRE   PREMIER 

Motifs  de  la  réunion  du  concile 

Première  annonce  et  préparation  éloignée 

du    concile   jusqu'à    sa   convocation 


lii] 


CHAPITRE    PREMIER 

Motifs  et  occasion  de  la  convocation 
d'un  concile  général 

Trois  siècles  s'étaient  écoulés  depuis  le  concile  de  Trente, 
le  dernier  des  conciles  généraux.  Jamais  encore  l'Eglise 
n'avait  attendu  si  longtemps  avant  d'en  convoquer  un  nou- 
veau :  des  motifs  très  graves  la  pressaient  de  recourir  une 
l'ois  de  plus  à  ce  remède  qui  «  dans  les  plus  grands  périls  de 
la  chrétienté  est  le  meilleur  et  le  plus  excellent  »  (i). 

Cependant  aucune  hérésie  nouvelle  —  négation  opiniâtre 
d'un  dogme  particulier  —  ne  mettait  la  doctrine  révélée  en  si 
grand  danger  qu'il  fût  nécessaire,  comme  si  souvent  autre- 
fois, de  réunir  une  de  ces  assemblées  plénières;  aucun 
nouveau  schisme,  comme  au  temps  des  conciles  de  réforme, 
ne  divisait  l'Eglise;  mais  sur  le  terrain  doctrinal  elle  souf- 
frait d'un  mal  bien  autrement  redoutable  :  la  divinité  même 
de  son  origine,  bien  plus  l'existence  de  Dieu,  la  spiritualité 
et  l'immortalité  de  l'âme,  fondements  de  toute  religion, étaient 
niées  ou  mises  en  doute  chaque  jour  davantage;  sur  le  ter- 
rain disciplinaire  bien  des  préceptes  étaient  tombés  en 
désuétude  et  en  divers  points  les  changements  survenus  dans 
l'état  général  du  monde  depuis  le  dernier  concile  semblaient 
réclamer  une  transformation. 


(1)  «  In  summis  christiame  rei  publiese  periculis  remedium  optimum  atque 
opportunissimum.  »  Paul  III  dans  sa  bulle  Initia  nostri  pour  la  convocation  du 
Concile  de  Trente. 

[13-  ' 


1G  HISTOIRE    m     CONCILE    DU    VATICAN 

L'abandon  de  la  foi  chrétienne  qui  s'est  généralisé  à  notre 
époque  d'une  façon  si  effrayante,  se  manifesta  d'abord  à  l'in- 
térieur du  protestantisme.  Sans  s'inquiéter  du  concile  de 
Trente,  les  protestants  s'étaient  obstinés  dans  leur  isolement. 
Mais  une  grande  transformation  s'accomplit  bientôt  parmi 
eux.  Divisés  en  une  foule  de  sectes,  toujours  en  quête  de 
nouveaux  dogmes,  peu  rassurés  quant  aux  fondements  sur 
lesquels  ils  avaient  édifié  leur  système,  obligés  pour  mieux 
justifier  leur  séparation  de  répéter  sans  cesse  que,  peu  de 
temps  après  sa  fondation,  l'Eglise  chrétienne  était  tombée 
dans  des  erreurs  monstrueuses  et  les  avait  répandues 
pendant  de  longs  siècles,  ils  perdirent  toute  confiance 
dans  le  christianisme,  et  comme  les  fondateurs  du  protes- 
tantisme s'étaient  détachés  de  l'Eglise  catholique,  leurs 
descendants  en  masse  tournèrent  le  dos  au  christianisme 
lui-même. 

Le  premier  siècle  du  protestantisme  n'était  pas  encore  fini 
que  commençait  déjà  dans  l'Angleterre  protestante  la  lutte 
contre  la  révélation  chrétienne,  et  contre  le  dogme  même  de 
l'existence  de  Dieu.  L'hostilité  au  christianisme  née  dans  ce 
pays  vers  1600  sous  le  nom  de  déisme  faisait  table  rase  de 
tout  surnaturel:  elle  ne  craignail  même  pas  de  traiter  le 
(  Jhrist  et  les  Apôtres  d'imposteurs.  La  France  était  en  rapports 
fréquents  avec  les  premiers  représentants  de  cette  école,  et 
la  semence  répandue  par  eux  trouvait  là  un  sol  bien  préparé 
par  la  folle  exubérance  de  la  vie  mondaine.  Du  moins  ne  s'y 
trouva-t-il  que  des  laïques  à  prendre  parti  pour  l'incrédu- 
lité. Dans  les  pays  protestants  d'Allemagne  au  contraire,  les 
théologiens  eux-mêmes  lui  ouvrirent  largement  les  bras. 
Quand  parurent  les  premières  traductions  des  ouvrages 
déistes  anglais  ou  les  imitations  qu'on  en  fit,  l'hostilité  au 
christianisme  qui  les  inspirait  dut  se  dissimuler  ou  se  res- 
treindre à  des  attaques  de  détail,  car  le  pouvoir  civil  la  con- 
tenait.  Mais  lorsque  Frédéric  II  eut  accordé  pleine  liberté 

H4J 


MOTIFS    DE    LA   CONVOCATION  17 

aux  tendances  diverses  du  protestantisme,  que  les  philoso- 
phes incrédules  français  pénétrèrent  librement  à  la  cour  de 
Prusse,  presque  toutes  les  universités  protestantes  devinrent 
autant  d'écoles  d'incrédulité  ;  en  un  tour  de  main  presque 
toutes  les  chaires  de  théologie  protestante  furent  gagnées  au 
rationalisme,  qui,  comme  le  déisme,  niait  tout  surnaturel  et 
mettait  en  question  le  fait  d'une  révélation  divine  au  sens 
strict  du  mot. 

Les  rationalistes,  il  est  vrai,  n'allèrent  pas  aussi  loin 
que  maints  déistes  anglais;  ils  n'accusèrent  pas  d'impos- 
ture le  Christ  et  les  Apôtres;  les  miracles  et  les  faits 
surnaturels  rapportés  par  la  Sainte  Ecriture  furent  d'abord 
maintenus,  et  l'on  se  borna  à  en  chercher  une  explication 
naturelle.  Cette  position  intenable  devenant  bientôt  ridicule, 
on  sacrifia  les  faits  eux-mêmes  et  l'on  chercha  à  représenter 
l'Evangile  comme  un  recueil  de  mythes  composé  après  l'âge 
apostolique.  Dès  lors,  ce  livre  dont  les  protestants  avaient 
d'abord  fait  la  source  unique  de  la  foi,  qu'ils  avaient  constam- 
ment à  la  bouche,  cessait  d'être  divinement  inspiré  ;  il  perdait 
même  toute  autorité  humaine  ;  pour  lui  trouver  une  origine 
s'accordant  avec  leurs  théories  contradictoires  les  critiques 
le  déchiraient  en  mille  pièces.  Vers  le  milieu  du  XIX*'  siècle 
le  nombre  de  ces  vandales  diminua;  mais  l'incrédulité  con- 
tinua pourtant  à  régner  en  souveraine  parmi  les  théologiens 
protestants  :  on  nia  et  l'on  nie  encore  la  révélation  surnatu- 
relle, on  rejeta  l'inspiration  delà  Sainte  Ecriture;  la  divinité 
du  Christ  fut  discutée,  la  réalité  et  la  possibilité  des  miracles 
contestées;  on  chercha  une  interprétation  naturelle  de  mystè- 
res inaccessibles  et  incompréhensibles  à  la  raison  humaine, 
ou  bien  on  les  effaça  comme  contradictoires  de  la  liste  des 
vérités  chrétiennes. 

A  part  la  poussée  du  philosophisme  français, cette  évolution 
s'était  produite  en  dehors   de   l'Eglise  catholique  et  si  son 

[14-15] 


18  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

influence  s'était  limitée  aux  communautés  protestantes  sépa- 
rées, elle  ne  mériterait  pas  d'être  comptée  parmi  les  motifs 
qui  poussaient  à  convoquer  un  concile  oecuménique.  Mais,  il 
est  facile  de  le  comprendre,  l'incrédulité  avait  gagné  trop  de 
terrain  pour  ne  pas  agir  puissamment  sur  les  catholiques,  et 
sur  d'autres  même  que  les  laïques.  En  contact  avec  les  doc- 
trines incrédules  répandues  à  profusion  dans  les  livres,  les 
théologiens  catholiques  eux-mêmes  n'étaient  pas  demeurés 
indemnes  (i);  on  le  vit  bien  quand  le  flot  rationaliste  se  fut 
écoulé.  Xon  seulement  les  écoles  d'Hermès  et  de  (  ri'mtheren 
furent  infectées,  la  théologie  tout  entière  en  souffrit. 

Mais  plus  encore  que  du  travail  de  décomposition  accompli 
dans  la  théologie  protestante,  les  docteurs  catholiques  et  la 
masse  du  peuple  chrétien  pâtirent  de  l'attitude  qu'avaient 
prise  depuis  un  siècle  les  sciences  profanes. 

Rompant  avec  les  anciennes  traditions  la  philosophie  se 
faisait  un  jeu  d'éehafauder  et  de  renverser  sans  trêve  des 
systèmes.  La  joie  (pie  donne  la  possession  du  vrai  avait  fait 
place  au  doute,  à  la  manie  critique,  au  scepticisme.  Entre  la 
philosophie  et  la  théologie  l'union  est  étroite  ;  aussi  le  malaise 
•le  l'une  s'était-il,  comme  par  sympathie,  étendu  a  l'autre. 
Sans  aller,  comme  beaucoup  de  philosophes,  jusqu'à  nier 
l'existence  même  de  Dieu,  des  théologiens  perdaient  l'intelli- 
gence des  preuves  anciennes  qui  la  démontrent  :  c'était  le  cas 
des  traditionalistes;  d'autres,  comme  les  ontologistes,  pour 
expliquer  la  connaissance  naturelle  que  nous  en  avons, s'enga- 
geaient dans  des  voies  fausses.  Tous  souffraient  de  l'absence 
d'une  solide  formation  et  du  manque  de  principes. 

Sur  le  terrain  des  sciences  naturelles  une  révolution  com- 
plète s'était  produite.  Des  données  nouvelles  avaient  obligé 
les  théologiens  à  trouver  une  autre   explication   de  textes 


(1)  Cfr  Dr  H.  Bruck.   Die  rationalistischen  Bestrebunyen  un  katholischen  Deutsclt- 
land.  Mayence  1865. 

[15-16] 


MOTIFS    DE    LA    CONVOCATION"  19 

entendus  jusque  là  au  sens  littéral.  Mais  leurs  concessions 
aux  sciences  <lc  la  nature  avaient  entraîné  trop  loin  plusieurs 
exégètes.  Les  naturalistes  de  leur  côté  prenaient  souvent 
parti  contre  la  religion  et  la  révélation  et  se  faisaient  les 
porte-parole  de  l'athéisme  et  du  matérialisme.  L'utilité  pal- 
pable de  leurs  recherches,  l'éclat  de  leurs  découvertes,  l'im- 
pulsion qu'elles  donnaient  au  progrès  matériel  leur  attiraient 
la  faveur  et  dans  l'ancien  et  dans  le  nouveau  inonde  gagnaient 
de  nombreux  partisans  à  leurs  idées  antireligieuses. 

C'était  le  devoir  de  l'Eglise  de  défendre  la. foi  menacée  ; 
niais  l'accomplissement  de  ce  devoir  lui  était  rendu  bien  diffi- 
cile; les  obstacles  à  l'exercice  de  sa  mission  doctrinale  se 
multipliaient  de  plus  en  plus  surtout  dans  les  pays  où  le  besoin 
en  était  plus  urgent;  en  même  temps,  les  établissements 
d'enseignement,  d'enseignement  supérieur  en  particulier, 
ouvraient  leurs  portes  toutes  grandes  à  l'influence  de  l'incré- 
dulité. Même  pour  la  formation  du  clergé  l'Eglise  dans  cer- 
tains pays  ne  se  trouvait  plus  libre. 

(  "est  surtout  au  moyen  de  la  presse  que  les  incrédules  réus- 
sissaient à  propager  leurs  idées;  ils  les  répandaient  dans 
un  nombre  infini  de  livres  et  d'écrits  périodiques  et  le  flot 
dévastateur  envahissait  tous  les  pays,  minant  partout  les 
bases  mêmes  de  la  religion.  La  censure  ecclésiastique  pour 
la  publication  des  ouvrages,  n'était  plus  qu'un  souvenir. 

Entre  l'Eglise  et  l'Etat,  depuis  surtout  que  tant  de  puis- 
sances s'étaient  éloignées  de  la  communion  catholique,  sous 
l'influence  des  idées  modernes,  les  rapports  avaient  complè- 
tement changé  de  nature.  Xon  contents  d'avoir  ébranlé  les 
fondements  de  la  société  civile,  le.  faux  libéralisme  et  la 
révolution  avaient  encore  relâché  ou  brisé  les  liens  qui 
l'unissaient  à  l'Eglise. 

Après  s'être  imposées  dans  le  domaine  politique,  les  pré- 
tentions à  la  liberté  et  au  gouvernement  représentatif  ten- 
daient à  s'introduire  dans  le  domaine  ecclésiastique.  L'auto- 

IKJ-17] 


20  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

rite  du  chef  suprême  de  l'Eglise,  si  profondément  abaissée  à 
l'époque  du  schisme  d'Occident,  peu  à  peu  relevée  depuis, 
était  encore  loin,  malgré  l'union  intime  de  l'ensemble  de 
l'épiscopat  et  des  fidèles  avec  le  pontife  romain,  d'être  recon- 
nue partout  dans  toute  la  plénitude  que  lui  a  accordée  le 
Christ.  Les  fausses  doctrines  nées  en  ces  temps  mauvais  sur 
les  rapports  du  Pape  et  du  Concile  se  survivaient  en  quelque 
mesure  dans  le  Gallicanisme,  le  Féhronianisme  et  le  José- 
phisme.  Quand  de  nouvelles  erreurs  avaient  surgi,  le  chef 
de  l'Eglise  les  avaient  condamnées  et  ses  décisions  avaient 
généralement  trouvé  bon  accueil  dans  l'ensemble  du  clergé 
et  du  peuple  ;  mais  les  anciens  partisans  des  doctrines  censu- 
rées se  bornaient  souvent  à  observer  une  réserve  tout 
extérieure  ;  beaucoup  refusaient  de  renoncer  intérieurement 
à  leurs  erreurs;  pour  ces  condamnations  d'ailleurs  ils  ne 
reconnaissaient  au  Pape  aucune  infaillibilité. 

Si  à  tout  ce  qui  précède,  nous  ajoutons  les  besoins  spiri- 
tuels des  pays  ouverts  à  la  civilisation  européenne  depuis  la 
fin  du  moyen  âge,  en  partie  gagnés  à  l'Eglise,  et  la  néces- 
sité d'aplanir  aux  chrétiens  séparés  d'Orient  et  d'Occident  la 
voie  du  retour,  nous  aurons  réuni  bien  des  motifs  dont  plus 
d'un,  même  pris  séparément,  l'emportait  en  gravité  sur  les 
événements  qui  avaient  provoqué  tel  ou  tel  des  conciles 
d'autrefois.  Aussi,  ne  nous  étonnerons-nous  pas  que  le  pape 
Pie  IX,  afin  de  guérir  tant  de  blessures  et  de  donner  une 
heureuse  solution  à  tant  de  questions  intéressant  l'Eglise 
universelle,  ait  eu  recours  à  ce  moyen  extraordinaire.  // 

Cette  pensée  de  mettre  ordre  aux  grandes  affaires  de 
l'Eglise  en  convoquant  un  concile  général,  dut  être  suggérée 
en  particulier  par  un  certain  renouveau  de  zèle  pour  la  tenue 
de  conciles  provinciaux  et  d'autres  assemblées  épiscopales. 

Le  concile  de  Trente  avait  décidé  (i)  que  tous  les  trois 
(1)  Sess.  XXIV.  Dr  reform.   c.  2. 

[17-18] 


MOTIFS    DE    LA    CONVOCATION  21 

ans,  chaque  province  ecclésiastique  se  réunirait  en  synode. 
Mais  ce  décret  n'avait  pas  alors  été  mis  à  exécution.  Lorsque 
la  première  moitié  du  XIXe  siècle  eut  donné  le  spectacle  de 
plusieurs  conciles  provinciaux,  surtout  dans  la  jeune  et 
florissante  Eglise  des  Etats-Unis  (i),  Pie  IX,  élevé  le 
21  juin  1846  sur  le  siège  de  Pierre,  mais  obligé  bientôt  par 
les  révolutionnaires  de  se  réfugier  en  territoire  napolitain, 
invita,  du  lieu  même  de  son  exil,  les  évoques  d'un  grand 
nombre  de  pays  à  imiter  cet  exemple.  Cet  appel  du  pape 
exilé  ne  resta  pas  sans  réponse.  A  peine  l'Eglise  eut-elle 
après  1848  retrouvé  quelque  liberté  d'action  que,  dans  divers 
pays,  en  Autriche,  en  Allemagne,  en  France,  en  Italie,  se 
tinrent  des  assemblées  d'évèques. 

La  France  eut  en  trois  ans  plus  de  conciles  provinciaux 
qu'il  ne  s'en  était  tenu  dans  tout  l'univers  en  trois  siècles 
depuis  le  concile  de  Trente.  Aux  Etats-Unis  et  en  Irlande, 
le  pape  autorisa  la  réunion  de  conciles  nationaux.  Ce  zèle 
une  fois  réveillé,  les  synodes  se  succédèrent  les  uns  aux 
autres,  à  Vienne,  à  Cologne,  à  Prague,  à  Gran,  à  Kalocsa, 
à  Utrecht;  le  mouvement  se  communiqua  à  tout  l'univers 
catholique  jusqu'aux  Montagnes  Rocheuses  et  à  l'Australie. 
Même  en  Orient,  les  évèques  des  divers  rites  tinrent  leurs 
réunions,  les  maronites  à  Bakorka,  les  syriens  à  Schafé,  les 
arméniens  à  Bzommar,  ceux  du  rite  latin  à  Smyrne.  Les 
plus  zélés  furent,  hors  d'Europe,  les  évèques  des  Etats-Unis 
et  en  Europe,  ceux  d'Angleterre  qui  cherchèrent  à  observer 
exactement  la  prescription  du  concile  de  Trente  (2). 

Rome  vit  trois  fois  des  évèques  venus  de  tout  l'univers 
catholique  se  réunir  en  grand  nombre  autour  de  Pie  IX;  la 
première  fois  en  i854  à  l'occasion  de  la  définition  solennelle 
de  l'Immaculée  Conception,  puis  en  1862,  lors  de  la  canoni- 


(1)  Le  synode  provincial  de  Tuam  en  Irlande  (1817)  et  le  synode  national  de 
Presbourg  en  Hongrie  (1822)  lurent  des  cas  isolés. 

(2)  Cfr  C.   V.  1005  sqq. 

[18-10] 


-2-2  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

sation  des  Martyrs  japonais  et  enfin  en  1867,  au  centenaire 
du  martyre  des  princes  des  apôtres. 

C'est  dans  cette  dernière  solennité  que  Pie  IX  manifesta 
aux  évêques  son  intention  de  convoquer  un  concile  général. 
Les  maux  de  l'Eglise,  ses  besoins  l'y  poussaient,  et  tant 
d'imposantes  réunions  épiscoj>ales  étaient  un  acheminement 
naturel  à  cette  immense  assemblée  des  évêques  du  monde 
entier. 


[19J 


CHAPITRE  II. 

Première  annonce  du  concile  pur  Pie  IX; 

Nomination    d'une    commission    de    cardinaux  ; 

sa  première  séance. 

Le  6  décembre  1864,  deux  jours  avant  de  publier  l'ency- 
clique Quanta  cura  et  le  Syllabus,  Pie  IX  s'ouvrit  à  l'impro- 
viste  devant  une  partj e  du  Sacré  Collège  de  son  intention  de 
convoquer  un  concile  œcuménique.  Les  cardinaux  de  la 
Congrégation  des  rites  s'étaient  rendus  ce  jour  là  au  Vatican 
pour  une  séance  générale  présidée  par  le  pape  lui-même. 
Après  les  prières  d'usage,  Pie  IX  fit  se  retirer  tous  les  assis- 
tants qui  n'étaient  pas  cardinaux;  puis  il  manifesta  à  ces 
derniers  la  pensée  qu'il  entretenait  depuis  longtemps  de 
réunir  un  concile  général,  afin  de  pourvoir  par  ce  moyen 
extraordinaire,  aux  besoins  extraordinaires  de  l'Eglise.  Il 
leur  demanda  de  réfléchir  sérieusement  sur  son  projet  et  de 
lui  faire  connaître  individuellement  et  par  écrit,  l'opinion 
à  laquelle,  devant  Dieu,  ils  se  seraient  arrêtés.  En  même 
temps,  le  silence  le  plus  rigoureux  leur  était  imposé  sur  cette 
affaire.  Celle-ci  étant  d'une  importance  extrême,  le  précepte 
donné  par  le  Saint-Père  aux  cardinaux  de  la  Congrégation 
des  rites  fut  étendu  à  tous  les  cardinaux  présents  à  Rome.  // 
C'est  là,  à  notre  connaissance,  la  première  fois  que  le  pape 
a  exprimé  son  dessein.  S'en  était-il  entretenu  précédemment 
avec  quelqu'un,  l'a-t-il  formé  de  lui-même  et  en  dehors  de 
toute  influence,  lui  en  a-t-on  suggéré  l'idée?  Nous  n'avons  à 
ce  sujet  aucun  renseignement  certain.  D'après  le  Tablet  (i) 

(1)  20  février  1868  :  Supplément  p.  10. 

[20-21] 


24  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

le  cardinal  Wiseman  se  trouvant  à  Rome  en  i863  aurait 
insiste  auprès  du  pape  pour  qu'il  convoquât  un  concile 
général.  Le  pape  aurait  répondu  qu'il  y  songeait  et  priait 
Dieu  pour  cela;  mais  que  son  âge  bien  avancé  lui  faisait 
redouter  les  obstacles  que  rencontrerait  une  entreprise  si 
difficile.  D'après  une  autre  source  (i)  Pie  IX  au  moment  de 
son  séjour  à  Gaète  aurait  déjà  nourri  cette  idée.  Et  ceci 
paraît  assez  vraisemblable  ;  car,  ainsi  que  nous  l'avons  fait 
remarquer  (2),  c'est  de  là  que  partit  son  invitation  a  réunir 
des  conciles  provinciaux.  Il  était  déjà  parvenu  à  la  vieillesse 
quand  il  put  réaliser  son  projet. 

On  a  dit  aussi  plus  d'une  fois  que  l'évèque  d'Orléans, 
M81"  Dupanloup,  aurait  poussé  le  pape  à  convoquer  un  con- 
cile (3).  Mais  on  ne  sait  rien  de  certain  là-dessus  :  ceux 
même  qui  sont  portés  à  l'admettre  avouent  qu'il  leur  est 
impossible  de  dire  si  l'évèque  a  donne  ce  conseil  au  pape 
avant  ou  après  le  6  décembre  1864. 

Dans  l'entourage  du  Saint-Père,  on  semble  n'avoir  eu 
aucun  soupçon  de  son  projet.  Les  consulteurs  cl  les  offi- 
ciers de  la  Congrégation  des  rites,  exclus  de  la  salle,  tandis 
que  le  pape  s'ouvrait  de  son  intention  aux  cardinaux,  firent 
toutes  espèces  de  conjectures  sur  ce  qui  s'était  passé  en  leur 
absence.  Mais  la  pensée  ne  vint  à  personne  qu'il  eût  été 
question  d'un  concile  général. 

Les  avis  des  cardinaux  ne  lui  étaient  pas  encore  tous  par- 
venus quand,  vers  le  commencement  de  mars  i865,  le  pape 


(1)  Revue  du  Concile  œcuménique  (P.  Chéry)  dans  la  liegensbw  ger  Zeit- 
schrift  :  Uas  œkumenische  Konzil  von  Jahre  1809,  I,  225. 

(2)  Page  21. 

(3)  Acton  :  Zur  Geschichte  des  Yatikan-Koni-ils,  p.  3.  Friedri<h  :  Geschichte  des 
Vatikan-Konzils,  I,  049  sq.  D'après  ces  deux  relations  Mp  Dupanloup  aurait  agi 
au  nom  d'un  groupe  assez  nombreux  que  Rome  mécontentait  par  son  insis- 
tance à  rappeler  les  privilèges  du  Pape  et  qui  voyait  dans  le  Concile  un 
moyen  de  renforcer  le  pouvoir  des  évêques. 

[21-22] 


NOMINATION    1)  UNE    COMMISSION    DE    CARDINAUX  25 

institua  une  commission  de  cinq  cardinaux  pour  discuter 
les  questions  préliminaires  au  concile.  En  étaient  nommés 
membres,  les  cardinaux  Patrizi,  Reisach,  Panebianco,  Biz- 
zarri  et  Caterini  (i).  En  même  temps,  le  procureur  général 
de  l'ordre  de  Saint-Dominique,  le  I'.  Mariano  Spada,  était 
chargé  de  taire  pour  l'usage  de  la  commission  un  résumé 
des  quinze  consultations  déjà  rédigées  par  les  cardinaux.  Ce 
résumé  (2)  fut  imprimé  et  remis  aux  membres  de  la  commis- 
sion. Des  quinze  avis  exprimés,  treize  étaient  favorables  à  la 
tenue  d'un  concile,  un  y  était  opposé;  quant  au  quinzième, 
son  auteur,  sans  adopter  le  projet,  déclarait  qu'il  fallait 
laisser  au   Saint-Père  la  décision  de  la  question. 

Le  9  mars,  la  «  Congrégation  directrice  de  préparation  », 
nommée  aussi  «  Commission  centrale  »,  tint  sa  première 
séance  chez  le  cardinal  vicaire  Patrizi.  C'est  grâce  aux  déli- 
bérations de  cette  commission  et  aux  consultations  des  car- 
dinaux qu'il  nous  est  permis  de  pénétrer  plus  à  fond  les 
motifs  de  la  convocation  du  concile,  son  but  et  les  matières 
destinées  à  faire  l'objet  de  ses  débats.  Avec  les  paroles  du 
pape  lui-même,  ce  sont  les  sources  les  plus  dignes  de  foi,  les 
seules  aussi  où  il  faille  chercher  la  réponse  à  ces  questions. 
Tout  ce  qu'on  en  a  dit,  sans  tenir  compte  de  ces  renseigne- 
ments, n'est  le  plus  souvent  qu'imaginations  fantaisistes 
inspirées  par  la  haine  et  la  passion. 

A  cette  première  séance,  Mgr Pierre  Giannelli,  évèque  titu- 
laire de  Sarde,  prosecrétaire  de  la  congrégation  du  concile, 
nommé  par  le  Saint-Père  secrétaire  de  la  Commission  cen- 
trale, lut  son  rapport  sur  les  quatre  questions  proposées  à 


(1)  Voir  le  procès-verbal  du  9  mars  1865.  Cfr  C.  V.  1013  c.  sirq.  —  La  feuille 
où  Pie  IX  a  écrit  de  sa  propre  main  le  nom  des  cinq  membres  est  encore 
conservée  aux  archives  du  concile. 

(2)  Quadro  dei  senlimenli,  che  gli  eminenlissimi  Cardinali.  invitait  dal  S.  Padre 
Pio  IX,  hanno  rnanifestalv  sulla  convocazione  di  un  Concilio  ecumenico.  6  p.  fol. 
Cfr  C.    V.  ibidem. 

[22] 


26  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

cette  première  réunion  (i)  :  nécessité  de  la  convocation  d'un 
concile,  obstacles  qui  pourraient  s'y  opposer,  dispositions 
à  prendre  avant  la  convocation,  matières  à  discuter  au 
concile. 

Lvant  de  traiter  la  première  question,  M51- Giannelli  l'ait 
cette  remarque  préliminaire  :  en  thèse  générale,  l'Eglise  ne 
regarde  pas  les  conciles  comme  absolument  nécessaires  ;  elle 
en  reconnaît  seulement  la  nécessité  relative  et  la  grande 
utilité.  C'est  en  ce  sens  qu'il  veut  être  compris,  lorsqu'il 
parlera  de  la  nécessité  actuelle  d'un  concile. 

L'Eglise,  dit-il  en  substance,  n'a  pas,  comme  à  l'époque  du 
concile  de  Trente,  à  déplorer  l'apparition  de  quelque  grande 
hérésie  ou  d'un  nouveau  schisme:  au  contraire,  un  lien  très 
solide  tient  unis,  comme  les  membres  d'un  même  corps,  les 
pasteurs  de  tout  le  troupeau  avec  le  pasteur  suprême. 
Sans  parler  cependant  du  jansénisme  qui,  au  siècle  der- 
nier (XVIIIe),  a  troublé  si  profondément  l'Eglise  et  qui  n'a 
pas  encore  disparu,  dans  le  domaine  des  sciences  naturelles 
pullulent  les  erreurs  les  plus  funestes  et  les  plus  répandues 
qui  ne  tendent  à  rien  de  moins  qu'à  détruire  la  foi  et  la 
morale  chrétienne,  ainsi  qu'à  bouleverser  complètement  la 
société  humaine.  En  outre,  de  la  clôture  du  concile  de  Trente 
à  nos  jours,  plus  de  trois  siècles  se  sont  ('coulés  sans  concile, 
fait  sans  exemple  depuis  l'époque  des  persécutions;  on  ne  peut 
contester,  d'ailleurs,  que  les  changements  considérables  sur- 
venus au  cours  de  cette  longue  période  ne  rendent  nécessaire 
un  renouvellement  ou  même  une  transformation  de  la  disci- 
pline ecclésiastique,  et  pour  la  masse  des  croyants  et  pour 
les  deux  clergés  séculier  et  régulier.  Il  y  aurait,  enfin,  à 
délibérer  sur  les  moyens  de  procurer,  avec  la  grâce  de  Dieu, 
la  conversion  des  hérétiques  et  surtout  le  retour  à  l'unité 
de  l'Eglise  schismatique. 


(1)   Procès-verbal    du   3   mars.   Pièce  B.  —    Le    rapport  dont  nous    parlons 
commence  par  les  mots  :  Dalla  stampa. 

23 


RAPPORT    DE    M"1'    GIANNELLI  27 

Assurément,  les  papes  et  Pie  IX  tout  particulièrement  ont 
donné  tout  le  soin  possible  à  ces  affaires,  mais,  au  témoi- 
gnage de  l'histoire  et  suivant  l'esprit  de  l'Eglise,  pour 
atteindre  le  but  de  tous  ces  efforts  rien  ne  saurait  être  aussi 
efficace  qu'un  concile  général. 

Le  secrétaire  de  la  Commission  ne  prévoit  qu'une  objec- 
tion :  c'est  que  l'Europe  et  la  pauvre  Italie  surtout  sont  en 
étal  <le  révolution;  personne  ne  peut  prévoir  les  change- 
ments qui  se  produiront,  ni  quelle  sera,  au  terme  de  l'agita- 
tion, la  situation  définitive;  il  n'est  donc  pas  possible  encore 
de  prendre  les  mesures  que  réclamera,  dans  quelques  années 
peut-être,  un  nouvel  état  de  choses.  Mais  cette  difficulté  ne 
concerne  qu'une  partie  des  matières  dont  aurait  à  s'occuper 
le  concile;  <le  plus,  il  ne  s'ouvrirait  pas  avant  deux  ans  au 
moins,  et  l'on  peut  espérer  que  dans  cet  intervalle  les  évé- 
nements auront  suivi  leur  cours  et  suffiront  à  indiquer  le 
sens  des  dispositions  à  prendre.  On  ne  doit  pas  oublier, 
d'ailleurs,  qu'un  grand  nombre  de  conciles  ont  été  convoqués 
au  moment  des  troubles  les  plus  graves. 

La  réponse  de  Mgr  Giannelli  à  la  première  question  est 
donc  affirmative  :  la  convocation  d'un  concile  est  très  utile, 
même  relativement  nécessaire. 

Passant  à  la  seconde  question,  celle  des  obstacles  qui 
peuvent  s'opposer  à  la  réalisation  du  projet,  il  se  demande 
tout  d'abord  s'il  n'y  a  pas  à  craindre  que  les  gouvernements 
n'empêchent  les  évêques  de  prendre  part  au  concile.  Four  les 
évêques  d'Allemagne,  dit  M^1"  Giannelli,  il  n'y  a  rien  à  redou- 
ter, ni  des  princes  catholiques  ni  des  autres  ;  pas  davantage 
pour  l'Espagne,  la  Belgique,  la  Hollande,  l'Angleterre  et 
l'Amérique.  Mais  aux  évêques  de  France,  de  Portugal  et 
surtout  d'Italie,  ne  sera-t-il  pas  fait  défense  de  répondre  à  la 
convocation  ?  Du  côté  de  la  France  cependant,  cette  crainte 
est  moins  fondée.  Le  grand  attachement  de  l'épiscopat  au 
Saint-Siège,  les  sentiments  religieux  de  la  nation  font  douter 

•    '  [23-24] 


28  BISTOIRE    1)1'    CONCILE    DU    VATICAN 

que  l'empereur  ose  empêcher  les  évêques  appelés  par  le  pape 
et  pour  le  bien  général  de  l'Eglise  d'assister  à  la  plus  solen- 
nelle et  à  la  plus  importante  de  ses  délibérations.  Au  sujet 
de  l'Italie  le  rapporteur  repète  qu'il  a  de  sérieuses  appréhen- 
sions. Mais  si  les  évêques  de  ce  pays  ne  pouvaient  prendre 
part  au  concile,  il  s'y  rendrait  encore  un  assez  grand  nombre 
de  prélats  groupés  autour  de  leur  chef  suprême  pour  consti- 
tuer une  digne  représentation  de  l'Eglise. 

Quant  à  prévoir  si  Rome  serait  un  lieu  sur  pour  la  tenue 
d'un  concile,  s'il  n'éclatera  pas  bientôt  quelque  guerre  qui 
bouleversera  toute  l'Europe,  surtout  l'Europe  centrale,  c'est 
impossible  ;  il  faut  s'abandonner  à  la  Providence  ;  au  reste  il 
est  arrivé  plus  d'une  fois  que  dans  des  cas  semblables  un 
concile  déjà  convoqué  a  dû  être  différé.  Bref,  au  jugement 
du  rapporteur,  les  obstacles  à  redouter  m1  sont  pas  assez 
graves  pour  obliger  à  rejeter  la  pensée  d'un  concile. 

Qu'y  a-t-il  à  faire  avant  de  convoquer  le  concile,  c'était  la 
troisième  question.  M81"  Giannelli  commence  par  parler  de  la 
nécessité  de  s'entendre  avec  les  princes  catholiques  ;  non 
seulement  l'histoire  des  conciles,  mais  la  nature  même  des 
choses  l'exigé,  car  il  importe  grandement  pour  l'heureuse 
marche  et  pour  le  succès  de  ces  assemblées  que  les  princes  y 
soient  favorables;  toutefois,  il  ne  peut  pas  y  avoir  de  doute 
sur  le  droit  du  pape  de  convoquer  un  concile  de  sa  propre 
initiative,  ("est  donc  à  la  sagesse  du  Saint-Père  qu'il  faut 
laisser  à  décider  s'il  doit  engager  des  négociations  avec  les 
souverains  catholiques,  spécialement  avec  l'empereur  des 
Français.  Si  pour  des  motifs  graves  la  chose  paraissait  inop- 
portune, il  serait  nécessaire,  en  même  temps  qu'on  publierait 
la  bulle  de  convocation,  de  se  mettre  en  relation  parles  nonces 
ou  par  des  légats  extraordinaires  avec  les  gouvernements 
pour  les  décider  à  favoriser  le  concile,  et.  suivant  l'ancien 
usage  observé  encore  au  concile  de  Trente,  à  s'y  faire  repré- 
senter officiellement. 

2i-25] 


RÉSOLUTIONS    DE    LA    COMMISSION    CARDINALICE      '  2ïJ 

L'auteur  du  rapport  propose  ensuite  d'appeler  à  Home  des 
ecclésiastiques  des  divers  pays  afin  de  délibérer  avec  eux 
sur  les  besoins  de  leurs  églises  respectives  ;  le  principal  avan- 
tage d'un  concile  consiste,  en  effet,  à  permettre  de  se  rendre 
compte  de  l'état  de  toutes  les  parties  de  l'Eglise  ;  or,  on  ne 
saurait  mieux  obtenir  ce  résultat  qu'en  conférant  d'avance  à 
ce  sujet  avec  des  hommes  bien  informés  et  venus  de  partout. 

Quant  aux  objets  des  délibérations  du  concile,  Msr  Giannelli 
n'en  veut  pas  parler.  Cette  question  est  assez  grave  pour  que 
la  Commission  puisse  renoncer  à  la  discuter  dans  sa  première 
séance  ;  il  ne  fera  donc  que  deux  remarques  :  premièrement 
on  devra  avant  le  commencement  du  concile  tenir  prêtes 
autant  que  possible  les  questions  qu'on  se  propose  de  lui  sou- 
mettre ;  secondement  pendant  la  tenue  de  l'assemblée  il 
faudra,  comme  à  Trente,  joindre  à  la  condamnation  des 
erreurs,  des  délibérations  sur  les  matières  de  discipline. 

Le  rapport  de  M81"  Giannelli  obtint  l'assentiment  des 
cardinaux  ;  c'est  à  peine  si  sur  un  point  ils  s'écartèrent  de  sa 
manière  devoir.  Cependant  les  questions  discutées  par  eux  en 
séance  ne  coïncident  pas  exactement  avec  celles  qu'il  avait 
traitées.//  Ils  tombèrent  d'accord  sur  les  cinq  points  suivants  : 

i°  La  convocation  d'un  concile  est  opportune  et  relative- 
ment nécessaire  ; 

2"  Il  n'y  a  pas  à  entamer  d'avance  de  négociations  avec  les 
princes  catholiques;  toutefois,  il  sera  utile  et  convenable,  en 
même  temps  que  sera  publiée  la  bulle  de  convocation,  de 
faire  auprès  d'eux  «  les  démarches  qui  paraîtront  oppor- 
tunes ».  On  ne  dit  pas  en  quoi  devront  consister  ces  démar- 
ches :  on  choisit  une  expression  générale,  afin  de  réserver  à 
de  plus  mûres  réflexions  la  détermination  précise  de  la  con- 
duite à  tenir  ; 

3°  Avant  de  publier  la  bulle  de  convocation  le  pape  devra, 
dans  la  forme  à  fixer  par  lui  s'entendre  avec  le  Sacré  Collège; 

[25-26] 


30  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

4°  Il  serait  bon  de  nommer  mie  congrégation  extraordinaire 
chargée  de  diriger  les  affaires  du  concile  ; 

5°  Cette  congrégation  devrait,  aussitôt  la  balle  de  con- 
vocation publiée,  consulter  quelques  évêques  des  diverses 
nations  pour  en  obtenir  un  tableau  sommaire  des  points  de 
dogme  et  de  discipline  (pie  d'après  les  besoins  de  leurs  pays 
respectifs  ils  jugeraient  bon  qu'on  traitât  au  concile. 

Les  cardinaux  décidèrent  enfin  de  proposer  la  création  de 
consultes  subordonnées  à  la  congrégation  directrice.  Les 
consulteurs  auraient  à  s'occuper  d'étudier  et  de  préparer  les 
matières  à  soumettre  au  concile.  Le  cardinal  Bizzarrî  fut 
prié  de  rédiger  un  projet  dans  ce  sens  (i). 

Dans  l'audience  du  i3  mars  (2)  où  le  secrétaire  de  la  Com- 
mission rendit  compte  au  pape  de  ses  délibérations,  le  Saint- 
Père  en  approuva  toutes  les  décisions. Sur  un  point  seulement 
un  changement  lui  parut  nécessaire.  Au  lieu  de  remettre 
jusqu'à  la  convocation  du  concile  les  informations  à  prendre 
auprès  des  évêques  des  diverses  nations,  il  décida  qu'il  valait 
mieux  les  inviter  tout  de  suite,  et  sous  le  sceau  du  plus  grand 
secret,  à  faire  connaître  leur  opinion  sur  les  questions  à  dis- 
cuter au  concile  :  lui-même  désigna  les  noms  de  ceux  à  qui 
cette  invitation  devait  être  adressée. 


~i* 


(1)  Cfr  C.   V.  1014  c.  sq. 

(2)  Aussitôt  après  chacune  des  séances  de  la  commission,  le  secrétaire  allait 
rendre  compte  au  pape  des  délibérations.  Il  est  régulièrement  tait  mention 
de  ces  audiences  dans  une  note  ajoutée  aux  procès-verbaux. 

[26] 


CHAPITRE    III. 

Rapports  des  cardinaux  résidant  à  Rome 
sur  le  projet  du  pape. 

Lorsqu'il  leur  avait  manifesté  son  projet  de  convoquer  un 
concile,  Pie  IX  avait  demandé  aux  cardinaux  présents  de  lui 
faire  connaître  par  un  mémoire  leur  opinion  sur  ce  sujet  (i). 
Plus  tard  cette  invitation  avait  été  étendue  à  tous  les  cardi- 
naux résidant  à  Rome  (2).  D'après  le  compte  rendu  imprimé 
du  Père  Spada  (2),  au  moment  de  la  séance  delà  Commission 
dont  il  a  été  question  au  chapitre  précédent,  quinze  de  ces  con- 
sultations avaient  déjà  été  remises;  les  six  autres  se  succé- 
dèrent plus  ou  moins  rapidement  (4).  De  celles,  eu  petit 
nombre,  qui  sont  datées,  la  première  est  celle  du  cardinal 
Caterini,  du  22  décembre  1864,  la  dernière  celle  du  cardinal 
Riario  Sforza,  du  5  janvier  1866.  Les  cardinaux  Pentini, 
Bifondi,  Ugolini,  Villecourt  et  le  cardinal  vice-chancelier 
Amat  écrivirent  en  latin  ;  les  autres  en  italien.  La  pièce  la 
plus  volumineuse,  quarante-six  colonnes  in-folio,  écrites,  il 
est  vrai,  en  caractères  assez  gros,  est  due  au  cardinal 
Reisach;  le  cardinal  Bizzarri  le  suit  de  près  avec  trente 
colonnes.  Le  plus  bref  a  été  le  cardinal  Pentini  qui  exprime 
son  avis  en  moins  d'une  colonne. 


(1)  Page  21. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Page  25,  note  2. 

(4)  Voici  les  noms  des  vingt  et  un  cardinaux  :  Barnabe,  Reisach,  Caterini, 
Altieri,  Cagiano,  Panebianco,  Patrizi,  Bizzarri,  Roberti,  Pentini,  Sacconi, 
Rifondi,  Ugolini,  Villecourt,  Paracciani  Clarelli,  Asquini,  de  Luca,  Milesi, 
Riario  Sforza,  Mattei  et  Amat. 

2T 


32  HISTOIRE    DO    CONCILE    DU    VATICAN 

Dans  ce  qui  va  suivre  nous  conservons  l'ordre  choisi  par  la 
plupart  «les  éminents  auteurs  :  nous  donnons  leurs  opinions 
sur  la  nécessité  et  l'opportunité  d'un  concile  général,  sur  les 
matières  à  y  traiter,  enfin  les  propositions  particulières  de 
chacun. 

Pour  répondre  à  la  première  question,  écrit  le  cardinal 
Reisach,  —  dont  le  travail,  sur  ce  point  du  moins,  est  le  plus 
approfondi, —  quelques  remarques  générales  sont  nécessaires 
sur  la  situation  de  l'Eglise,  touchant  le  dogme,  la  discipline 
intérieure  et  ses  relations  avec  le  dehors,  afin  d'apprécier  de 
ce  triple  aspect  l'utilité  de  la  démarche  projetée.  Grâce  au 
concile  de  Trente,  grâce  aussi  à  la  sage  et  active  vigilance 
du  Saint-Siège,  le  dépôt  entier  de  la  foi  a  été  défendu  et 
sauvegardé  contre  les  hérésies  des  réformateurs  et  de  ceux 
qui  sont  venus  après  eux;  de  nos  jours,  la  doctrine  catho- 
lique a  suffisamment  développé  et  consolidé  tous  ses  points 
fondamentaux  pour  se  trouver  en  mesure  de  découvrir  et  de 
réfuter  les  erreurs  contre  ses  divers  dogmes. 

Cependant,  on  ne  saurait  le  méconnaître,  en  même  temps 
qu'elle  entraînait  les  communautés  séparées  à  des  égarements 
de  toute  sorte,  au  rejet  même  de  la  révélation  surnaturelle 
et  divine,  l'erreur  fondamentale  de  la  Réforme,  c'est-à-dire, 
la  négation  de  toute  hiérarchie  et  de  toute  autorité  doctrinale 
dans  l'Eglise,  a  aussi,  par  suite  des  théories  modernes  et  des 
transformations  politiques,  exercé  sur  les  catholiques  une 
influence  plus  ou  moins  notable;  elle  a  amoindri  leur  respect 
et  leur  soumission  à  l'égard  de  l'autorité  ecclésiastique  et  les 
a  exposés  au  danger  d'accepter  des  opinions  qui  contredisent 
plus  ou  moins  la  saine  doctrine.  Les  nouveaux  systèmes 
philosophiques  inventés  tous  les  jours  par  l'indifférentisme 
religieux  et  le  rationalisme  ont  encore  accru  ce  péril, car  ils 
mènent  très  vite  au  naturalisme  et  au  matérialisme  ou  bien 
au  panthéisme  vulgaire  et  à  l'idéalisme;  on  les  a  d'ailleurs 

[28] 


RAPPORT     DU     CARDINAL     REISACH  33 

appliqués  à  tons  les  objets  dos  connaissances  humaines;  aussi 
n'y  a-t-il  plus  ni  science  ni  art  théorique  ou  pratique  que 
n'aient  pénétrés  et  corrompus  des  opinions  et  des  doctrines 
hostiles  à  la  foi  en  elles-mêmes  ou  du  moins  dans  leurs 
conséquences  logiques.  Avec  l'unité  des  croyances,  les  esprits 
ont  perdu  l'unité  des  principes  qui  sont  à  la  base  de  toutes 
les  sciences  humaines  ou  naturelles  ;  c'est  cette  unité  cepen- 
dant, fruit  de  l'humble  soumission  aux  dogmes  infaillibles 
de  la  foi,  qui  a  été  la  meilleure  des  sauvegardes  contre 
l'hérésie  et  a  l'ait  en  même  temps  de  toutes  les  sciences 
parfaitement  reliées  entre  elles,  les  auxiliaires  empressées 
de  la  théologie. 

Les  catholiques  de  tous  les  pays  ont  bien  senti  le  danger 
auquel  l'influence  de  la  science  moderne  expose  la  foi. 
«  Mais,  dit  le  cardinal,  l'abandon  de  la  méthode  et  des  prin- 
cipes scientifiques  des  écoles  d'autrefois  a  interrompu  le 
développement  de  la  science  catholique  traditionnelle;  un 
grand  nombre  de  savants  ont  adopté  soit  l'un,  soit  l'autre  des 
systèmes  philosophiques  modernes  ou,  du  moins,  leur  ont 
emprunté  certains  principes,  ou  certaines  opinions  particu- 
lières; de  là,  cette  espèce  d'incertitude  sur  les  moyens  à 
employer  pour  défendre  et  développer  le  dogme  que  nous 
constatons  aujourd'hui  dans  le  sein  de  l'Eglise;  dans  leurs 
essais  d'apologétique  et  dans  leurs  travaux  sur  les  sciences 
naturelles,  il  n'est  même  pas  rare  que  des  écrivains  et  des 
professeurs  catholiques  blessent,  sans  le  vouloir,  la  pureté 
de  la  vérité  révélée.  » 

La  nécessité  où  s'est  trouvé  le  Saint-Siège  depuis  le  com- 
mencement du  XIXe  siècle,  de  signaler  des  erreurs  de  toute 
sorte  et  de  les  condamner,  suffirait  à  montrer  le  péril  que 
courent  les  catholiques.  Sous  l'influence  de  cet  esprit  de 
liberté  et  d'indépendance  absolue  qui,  depuis  la  Réforme, 
n'a  pas  cessé  de  se  propager,  certains  d'entre  eux  en  sont 
venus,  sinon  à  combattre  l'autorité  et  le  magistère  infaillible 

5 

[291 


34  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN 

du  Saint-Siège,  du  moins,  «  à  ne  plus  dissimuler  une  espèce 
de  répugnance  à  accepter  ses  décisions,  à  entretenir  à  son 
égard  des  défiances  et  des  hésitations,  comme  s'il  n'était  pas 
en  étal  <lc  connaître  et  d'apprécier  suffisamment  les  besoins 
et  les  tendances  intellectuelles  des  diverses  nations  dans 
Leurs  rapports  avec  l'évolution  de  la  science  hétérodoxe  ». 

«C'est  l'Allemagne  surtout  que  j'ai  en  vue  »,  poursuit  le 
cardinal  Reisach,  «  mou  expérience  personnelle  m'a  fait  con- 
naître ce  pays  mieux  que  tout  autre  :  le  subjectivisme  scien- 
tifique y  est  si  enraciné  qu'il  s'y  allie  sans  trop  de  peine  avec 
un  ferme  et  sincère  attachement  à  l'Eglise  et  au  dogme  catho- 
lique. De  plus,  les  préjugés  depuis  si  longtemps  en  cours 
contre  Rome  et  le  Saint-Siège  n'y  ont  pas  complètement 
disparu.  » 

Dans  les  autres  pays,  il  en  sera  de  même.  Propagé  par  la 
presse  et  les  sociétés  secrètes,  le  faux  libéralisme  amoindrira 
partout  l'estime  et  la  soumission  pour  l'autorité. 

Un  concile  général  relèverait  beaucoup  le  prestige  du 
Saint-Siège.  11  montrerait  l'épiscopat  tout  entier  en  plein 
accord  doctrinal  avec  son  chef,  et  la  profession  universelle, 
la  promulgation  solennelle  des  mêmes  vérités  feraient  dispa- 
raître ces  hésitations,  ces  réserves,  ces  objections,  où  se 
trahit  la  répugnance  —  théorique  ou  pratique —  qu'ont  cer- 
tains catholiques  à  se  plier  complètement  aux  décisions  de 
Rome.  En  outre,  les  erreurs  contemporaines  doivent  le  plus 
souvent  leur  origine  à  des  circonstances  de  temps  et  de  lieu 
dont  l'exacte  connaissance  est  indispensable  pour  les  juger  : 
la  présence  au  concile  d'évêques  et  de  théologiens  de  tous  les 
pays  fournira  une  occasion  très  propre  à  se  renseigner  sur  ce 
point,  elle  permettra  d'utiles  échanges  de  vues  sur  les  moyens 
de  faire  triompher  la  vérité. 

Unanimement  tous  les  cardinaux  se  plaignent  de  l'envahis- 
sement de  toutes  les  couches  de  la  société  —  même  catho- 

[29-30] 


PROGRES    DE    L  INCREDULITE    —    LA    FRANC-MAÇONNERIE       .'',5 

tiques  —  par  l'incrédulité  et  les  doctrines  impies  ou  hostiles 
à  l'Eglise.  Dans  les  premiers  temps  du  Christianisme,  dit  le 
cardinal  Bizzarri,  c'est  aux  corps  qu'on  s'en  prenait;  les  mar- 
tyrs étaient  obligés  d'en  faire  le  sacrifice  à  leur  foi;  aujour- 
d'hui, on  s'attaque  directement  aux  âmes.  «  Par  des  systèmes 
aussi  faux  qu'ils  sont  étranges, philosophes  et  écrivains  unis- 
sent leurs  efforts  pour  arracher  jusqu'aux  racines  de  la  reli- 
gion catholique.  »  Le  clergé  est  exclu  des  écoles,  la  jeunesse 
est  livrée  à  des  maîtres  sans  foi,  l'Eglise,  spoliée  de  ses  biens, 
voit  ses  droits  foulés  aux  pieds,  l'incrédulité  est  ouvertement 
proclamée  et  la  papauté  en  butte  à  toutes  les  attaques.  Les 
parlements  retentissent  de  maximes  anticatholiques  et  anti- 
religieuses, l'Etat  omnipotent  s'est  séparé  de  l'Eglise;  la 
volonté  du  peuple,  loi  suprême,  menace  la  puissance  pater- 
nelle, la  propriété,  les  liens  sacrés  du  mariage;  /  les  principes 
d'une  révolution  envahissante,  avide  de  conquête,  jamais 
satisfaite,  l'esprit  démagogique  et  l'égoïsme  dominent  les 
gouvernements  et  les  particuliers  et  inspirent  toute  leur 
conduite. 

Les  mémoires  des  cardinaux  appellent  le  magnétisme,  le 
somnambulisme  et  le  spiritisme  la  plaie  et  la  honte  de  notre 
temps. 

Sous  l'apparence  d'une  société  de  bienfaisance,  disent  la 
plupart  des  éminents  consulteurs,  la  franc-maçonnerie  n'a 
d'autre  but  que  d'établir  sur  la  ruine  de  toutes  les  sociétés 
religieuses,  la  religion  universelle  de  l'humanité  :  c'est  l'in- 
strument destiné  à  faire  passer  en  pratique  les  théories  dites 
modernes.  — 

Le  mémoire  du  cardinal  Reisach  parle  aussi  de  la  disci- 
pline ecclésiastique.  Il  fait  d'abord  remarquer  son  étroite 
connexion  avec  le  dogme.  Elle  manifeste  et  sauvegarde  les 
propriétés  primordiales  de  l'Eglise.  Etablie  sur  un  fonde- 
ment immuable,   elle   doit   demeurer  immuable   elle-même; 

[30-31] 


30  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

c'est,  en  effet,  ce  caractère  de  stabilité  qu'on  retrouve  dans 
les  principes  qui  la  déterminent  et  dans  les  lois  organiques 
qui  règlent  l'institution  et  le  fonctionnement  du  pouvoir 
ecclésiastique.  Mais  en  même  temps  elle  doit  être  susceptible 
de  modifications, car  les  lois  particulières  ont  à  tenir  compte 
des  circonstances  variables  de  temps  et  de  lieu.  L'histoire  de 
l'Eglise,  les  décrets  des  conciles,  les  bulles  des  papes, 
les  décisions  des  Congrégations  montrent  qu'il  en  est 
ainsi. 

11  y  a  lieu  aujourd'hui  d'entreprendre  une  révision  de  la 
législation  disciplinaire  de  l'Eglise,  et  un  concile  général  est 
le  meilleur  moyen  de  l'accomplir  :  c'est  Indubitable.  Depuis 
la  fin  du  siècle  dernier  (le  XVIIIe),  dit  le  cardinal  Eeisach, 
et  depuis  le  commencement  de  celui-ci  (le  XIX'),  les  révolu- 
tions politiques  et  sociales  ont  si  profondément  modifié  les 
conditions  extérieures  de  la  vie  (pu1  l'observation  de  bien 
des  lois  disciplinaires  est  devenue  dans  la  plupart  des  pays 
extrêmement  difficile,  parfois  impossible,  nuisible  même  au 
bien  des  âmes.  L'Eglise  se  trouve  en  effet  dans  une  situation 
violente  :  les  gouvernements  s'immiscent  dans  ses  affaires 
par  des  lois  et  des  édits,  ils  ont  réglementé  presque  tous  les 
points  de  sa  discipline  d'après  la  nouvelle  organisation  poli- 
tique et  sans  avoir  égard  à  ses  principes  propres.  Le  plus 
souvent  les  évèques  ont  été  obligés  de  tolérer  ces  empiéte- 
ments, de  s'en  accommoder,  d'y  coopérer  même  dans  la  mesure 
que  permettaient  les  droits  et  les  principes  essentiels  du 
gouvernement  ecclésiastique  afin  de  pouvoir  continuer  leur 
ministère  et  conserver  dans  le  peuple  la  foi  et  la  pratique  du 
christianisme.  De  là  les  règles  nouvelles  suivies  dans  l'ad- 
ministration des  diocèses;  elles  sont  passées  en  habitude, 
leur  abrogation  serait  une  cause  de  désordre.  L'Eglise  a  bien 
eu  recours  à  des  concordats;  mais,  sans  parler  même  des 
mesures  par  lesquelles  divers  Etats  en  ont  arbitrairement 
éludé  les  dispositions,  l'interprétation  des  concordats  s'est    I 

31-32] 


RAPPORT    1)1     CARDINAL    REISACH    :    LA    DISCIPLINE  37 

faite  elle  aussi  dans  le  sens  des  changements  survenus.  Et 
puis,  il  faut  encore  considérer  les  pays  de  missions  :  là  non 
plus  les  lois  et  les  institutions  de  l'Eglise,  nées  de  circon- 
stances toutes  différentes,  ne  sauraient  trouver  leur  appli- 
cation. La  conclusion  s'impose  :  en  divers  pays,  pour  beau- 
coup de  matières,  le  droit  canonique  se  trouve  en  fait 
sans  objet;  dans  d'autres  il  n'est  plus  applicable  sans  modi- 
fications; à  laisser  ces  pays  soumis  au  droit  commun  actuel, 
on  rend  les  dispenses  plus  fréquentes  que  la  règle.  Il  est 
donc  devenu  nécessaire  de  supprimer,  de  changer,  de  pré- 
ciser les  lois,  d'en  édicter  de  nouvelles  appropriées  aux 
besoins  nouveaux  ;  or,  pour  tout  cela,  rien  de  plus  efficace 
qu'un  concile  général  où  les  évéques  des  divers  pays  peuvent 
fournir  les  renseignements  nécessaires  et  discuter  tout  à  la 
fois  la  théorie  et  la  pratique. 

En  terminant  ce  paragraphe,  le  cardinal  répète  encore 
qu'il  ne  parle  pas  des  lois  en  connexion  étroite  avec  le 
dogme  et  avec  la  constitution  immuable  de  l'Eglise;  il  ne 
vise  que  les  ordonnances  et  les  institutions  destinées  à  ren- 
dre son  action  féconde  pour  les  âmes.  Celles-ci  doivent  varier 
avec  les  temps  et  les  besoins  des  peuples;  s'obstinera  les 
maintenir  invariables,  c'est  se  priver  de  cette  influence  sur 
les  hommes  qui  permet,  à  travers  les  vicissitudes  de  ce 
monde,  de  les  conduire  à  leur  fin  éternelle.  Or,  c'est  précisé- 
ment son  immobilité,  qu'un  faux  progressisme,  destructeur 
de  tout  principe  conservateur,  reproche  aujourd'hui  à  l'Eglise 
comme  le  vice  qui  la  rend  incapable  de  Conduire  et  de  guider 
la  société  moderne. 

Plusieurs  de  ces  réflexions,  en  particulier  celles  qui  con- 
cernent les  missions,  sont  reprises  plus  brièvement  par 
d'autres  cardinaux;  mais  par  contre,  et  pour  des  motifs  que 
nous  ferons  connaître  plus  loin,  les  cardinaux  Bizzarri  et 
Roberti  écartent  absolument  toute  discussion  sur  les. ques- 
tions de  discipline. 

[32] 


38  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

Reisach  examine  en  troisième  lien  les  relations  extérieures 
de  l'Eglise  et  voici  les  idées  qu'il  développe.  Si  l'on  compare 
la  situation  faite  aujourd'hui  à  l'Eglise  vis-à-vis  de  la  société 
et  du  pouvoir  civil  avec  celle  qu'elle  avait  dans  les  siècles 
précédents,  alors  qu'en  somme  toutes  les  affaires  publiques 
étaient  plus  ou  moins  menées  et  réglées  par  elle,  on  recon- 
naît que  son  influence  a  considérablement  diminué,  pour  ne 
pas  dire  complètement  disparu.  C'est  assurément  dans  des 
desseins  pleins  de  grandeur  et  de  sagesse  que  la  Providence 
a  permis  cette  séparation  des  deux  puissances  ;  mais  de  l'im- 
possibilité où  se  trouve  l'Eglise  jd'exercer  désormais  son 
influence  sur  les  affaires  publiques,  il  résulte  pour  les  Etats 
une  tendance  à  l'anarchie  et  au  despotisme  païen,  et  pour 
l'Eglise  elle-même  une  entrave  à  son  action  salutaire  sur  les 
individus;  c'est  en  vain  jusqu'ici  qu'elle  réclame  la  liberté  et 
l'indépendance  à  laquelle  sa  nature  lui  donne  droit 

<c  Sans  hésitation  aucune,  écrit  le  cardinal,  je  crois  néces- 
saire que  l'Eglise  proclame  par  quel  principe  se  justifiait  et 
se  justifie  encore  son  influence  sur  la  société.  Restreindre 
en  effet  son  autorité  et  son  action  aux  seuls  individus  et 
l'exclure  de  la  société,  c'est  commettre  une  erreur  dogma- 
tique; c'est  appliquer  les  faux  principes  de  la  Réforme  à  la 
personne  morale  de  l'Etat  ou  du  gouvernement;  c'est  poser 
en  principe  les  fausses  théories  du  droit  moderne  subversives 
des  lois  naturelles  qui  sont  la  sauvegarde  de  la  justice  et  de  la 
société  humaine.  Parmi  les  hétérodoxes  eux-mêmes  on  s'ac- 
corde plus  ou  moins  à  déplorer  les  doctrines  libérales  ou  révo- 
lutionnaires que  la  violence  et  le  droit  du  plus  fort  font  passer 
dans  la  pratique  ;  si  donc  l'Eglise,  en  vertu  de  sa  mission 
d'enseigner  les  vérités  éternelles,  choisit  ce  moment  pour 
faire  entendre  sa  voix,  personne  ne  mettra  en  doute  l'oppor- 
tunité de  son  intervention  ;  beaucoup  reconnaîtront  qu'elle 
seule  a  assez  de  courage  pour  les  publier  et  seule  peut  sauver 
la  société  et  la  rétablir  sur  les  principes  fondamentaux  de 

l'ordre  voulu  par  Dieu.// 

[331 


l'église   et  LA  SOCIÉTÉ  39 

L'Eglise,  je  le  sais  fort  bien,  ne  peut  plus  recouvrer  les 
moyens  extérieurs  qui  dans  les  siècles  passés  assuraient  son 
influence  sur  les  affaires  publiques;  mais  elle  n'en  doit  pas 
moins  éclairer  les  esprits  sur  les  vrais  rapports  de  l'ordre 
surnaturel  avec  l'ordre  naturel,  du  pouvoir  religieux  avec  le 
pouvoir  civil,  du  pouvoir  civil  lui-même  avec  les  droits 
naturels  que  les  sujets  possèdent  en  qualité  de  chrétiens  et 
de  membres  de  l'Eglise.  Le  cardinal  est  d'avis  que  l'impo- 
sant spectacle  d'un  concile  général  proclamant  d'une  com- 
mune voix,  au  milieu  de  la  confusion  des  idées  et  de 
l'anarchie  qui  en  résulte,  l'ordre  établi  par  Dieu  ne  peut 
qu'impressionner  profondément  les  contemporains  ;  et  l'on 
aura  du  moins  conservé  le  germe  de  la  vérité  pour  des  temps 
plus  heureux. 

Les  autres  cardinaux  présentent  des  considérations  sem- 
blables; la  majorité  conclut  à  la  nécessité  d'un  concile  : 
nécessité  relative  et  non  absolue,  car  en  soi  le  plein  pouvoir 
du  pape  suffirait  à  condamner  les  hérésies  nouvelles  et  à 
accommoder  la  discipline  aux  besoins  présents.  Mais,  disent- 
ils,  les  maux  de  l'Eglise  sont  extraordinaires,  ils  exigent 
donc  un  remède  extraordinaire  ;  en  des  cas  pareils  on  recou- 
rait jadis  à  des  conciles  généraux;  la  large  diffusion  des 
erreurs  actuelles,  les  racines  profondes  qu'elles  ont  jetées, 
les  nécessités  urgentes  de  l'Eglise  rendent  aujourd'hui  ce 
moyen  indispensable.  Sans  doute  les  papes  ont  déjà  con- 
damné ces  fausses  doctrines  ;  mais  prononcée  par  le  corps 
entier,  l'épiscopat  uni  à  son  chef  suprême,  la  sentence  aura 
cette  fois  une  portée  décisive. 

Seul  le  cardinal  Pentini,  dans  un  mémoire  latin  assez 
maigre  du  10  janvier  i865,  déclare  qu'il  ne  voit  pas  de  motif 
à  la  convocation  d'un  concile. 

C'est  toujours  une  affaire  grave  qu'un  concile  général;  il 
y  a  danger  d'y  voir  se'manifester  parmi  les  Pères  des  diver- 

[34] 


40  HISTOIRE    Dl     CONCILE    1)1     VATICAN 

genees  d'opinion  qui  peuvent  affaiblir  l'unité  en  matière  de 
foi,  au  plus  grand  détriment  des  âmes.  Aussi  ne  faut-il  en 

aucun  cas  (niillimodé)  recourir  à  semblable  moyen  a  à  moins 
qu'il  n'existe  déjà  quelque  dissentiment  grave  que  le  danger 
d'une  erreur  en  matière  de  foi  oblige  à  régler  définitive- 
ment ».  Xous  vivons  assurément  à  une  époque  lamentable, 
nous  voyons  se  commettre  des  excès;  <c  cependant  par  la 
grâce  de  Dieu  l'épiscopat  a  jusqu'ici  été  unanime  dans  >es 
condamnations  et  en  matière  de  foi  il  n'existe  pas  d'erreur 
à  corriger  ;  je  suis  donc  humblement  d'avis  qu'il  n'y  a  pas 
lieu  de  réunir  un  concile  général  »  (i). 

Les  autres  cardinaux  qui  se  prononcent,  absolument'  ou 
sous  réserves,  contre  le  projet  de  convocation  reconnaissent 
pleinement  la  nécessité  ou  du  moins  l'utilité  du  concile; 
mais  leur  avis  leur  est  dicté  par  la  considération  des  diffi- 
cultés et  des  obstacles  auxquels,  d'après  eux,  l'entreprise 
doit  se  heurter.  Sous  cette  impression  le  cardinal  Roberti 
répond  nègâtivamentè.  Les  circonstances  sont  si  graves,  au 
jugement  du  cardinal  Amat,  qu'il  n'ose  pas  décider  s'il  y  a 
lieu  d'abandonner  le  projet  formé;  il  s'en  remet  au  pape. 
Les  cardinaux  Sacconi  et  Paracciani-Clarelli  conseillent 
d'attendre  des  temps  meilleurs  ;  Villecourt  ne  croit 
pas  que  de  longtemps  il  y  ait  à  convoquer  un  concile; 
Mattei  «  ne  saurait  le  croire  [utile  [dans  les  circonstances 
actuelles  ». 

La  question  d'opportunité  prêtait  en  effet  à  des  objections 
bien  graves.  Aucun  cardinal  ne  se  le  dissimulait  ;  mais  on 
pouvait  compter,  en  cette  occasion,  sur  une  assistance  parti- 


(1)  «  Cum  vero  Luctuosissimis  certe  quod  (sic  vivimus  hisce  hniporibus  : 
licet  iniiiiiiiera  perpetrentur  facinora,  gravissima  (iiiidem  quoad  facta,  verum- 
tamen,  opilidante  Deo,  mania  juin  ab  Episcopatu  universo  unanimi  reprobata 
conseil  su  :  nullaque  explananda  circa  fidem  cxsU-t  divergentia,  quie  declara- 
tione  indigeat  :  humililer  censeo  non  esse  locu»i  Generalis  Conalii  convocation!.  » 
—  C'est  le  cardinal  lui-même  qui  a  souligné  les  mots  en  italique. 


ÏubraryV 


RAPPORT  DES  CARDINAUX  —  OBSTACLES  PREVUS       41 

culière  de  Dieu;  aussi  le  plus  grand  nombre  conclut-il  à  la 
possibilité  de  surmonter  les  difficultés. 

Voici  quelques-uns  des  obstacles  qu'on  redoutait  de  la 
part  des  circonstances  extérieures.  Nous  vivons  en  un  temps 
de  trouble,  de  surexcitation,  de  désordre;  tous  les  esprits 
sont  en  fermentation,  on  ne  sait  si  l'on  va  à  la  guerre 
ou  à  la  paix;  la  société  humaine  est  encore  comme  plongée 
dans  l'ivresse  de  ses  égarements  et  de  ses  erreurs  ;  il  ne  faut 
pas  combattre  le  mal  tant  qu'il  est  à  son  paroxysme  (i). 
La  simple  convocation  du  concile  suffira  à  éveiller  l'extrême 
défiance  des  ennemis  de  l'Eglise  et  les  fera  recourir  à  de 
nouvelles  violences  pour  en  empêcher  la  réunion  (2).  Les 
gouvernements  hétérodoxes  ne  seront  pas  les  seuls  à  prendre 
parti  contre  le  synode  ;  certaines  puissances  catholiques  lui 
seront  défavorables,  car  elles  prévoient  bien  que  l'assemblée 
réclamera  pour  l'Eglise  la  liberté  et  l'indépendance  dont  on 
la  prive,  qu'elle  rejettera  comme  contraires  à  la  saine  doc- 
trine les  principes  et  les  théories  sur  lesquels  s'appuie  le 
droit  public  moderne,  qu'elle  établira  une  discipline  destinée 
à  rendre  caducs  les  décrets  et  ordonnances  par  lesquels  ils 
ont  mis  en  harmonie,  comme  ils  disent,  les  affaires  ecclésias- 
tiques avec  l'administration  civile  (3). 

LTne  des  plus  grandes  difficultés,  aux  yeux  des  cardinaux, 
était  de  savoir  s'il  fallait  inviter  les  souverains  au  concile. 
Invités,  ils  pourraient  formuler  des  demandes  inacceptables  ; 
laissés  de  coté,  ils  trouveraient  dans  leur  exclusion  un  nou- 
veau motif  de  mécontentement  et  d'opposition.  On  ne  pouvait 
cependant  pas  convoquer  les  gouvernements  non  catholiques! 
Mais  il  faudrait  entrer  en  relations  avec  1'  «  usurpatore  e 
sacrilego  governo  Italiano  »;  d'où  ^inconvénient  de  sembler 
le  reconnaître  officiellement  (4).  Reisach  doute  qu'il  soit  bon 

(1)  Bizzarri. 

(2)  Reisach,  Panebianco. 

(3)  Reisach. 

(4)  Reisach,  Sacconi,  de  Luca,  Barnabe,  Asqainî~. 

[35-36 


42  HISTOIRE    1>1     CONCILE    DU    VATICAN 

de  s'entendre  d'avance  avec  les  pouvoirs  civils  :  on  s'expose 
à  provoquer  leur  opposition  ouverte  ou  à  leur  l'aire  croire 
qu'on  a  besoin  de  leur  consentement. 

Les  cardinaux  redoutaient  en  outre  que  certains  gouver- 
nements interdissent  aux  évêques  de  se  rendre  au  concile; 
il  fallait  s'y  attendre  non  seulement  de  la  part  des  non  catho- 
liques, mais  aussi  du  Portugal,  de  l'Italie,  peut-être  même  de 
la  France  (i).  La  maladie  empêcherait  quelques  prélats 
d'assister  à  rassemblée;  d'autres  craindraient,  dans  ces 
temps  troublés,  de  laisser  seuls  leurs  diocèses  :  et  de  tout 
cela  on  se  ferait  des  armes  contre  le  Saint-Siège  et  le 
concile  (2). 

Les  réflexions  qu'inspire  au  cardinal  Reisach  l'attitude 
probable  de  Napoléon  III  sont  à  noter  :  «  Déjà,  lors  de  la 
canonisation  (3),  écrit-il,  l'empereur  commença  par  se 
montrer  peu  favorable  au  voyage  des  évêques;  toutefois,  il 
n'osa  pas  en  maintenir  la  prohibition.  L'annonce  d'un 
concile  général  excitera  certainement  son  humeur;  comme  il 
tient  manifestement  à  ne  pas  blesser  la  conscience  des  catho- 
liques (on  l'a  bien  vu  dans  l'affaire  du  pouvoir  temporel),  il 
est  possible  qu'il  ne  se  hasarde  pas  à  interdire  aux  évêques 
français  de  paraître  à  cette  assemblée;  l'amour-propre 
national  pourrait  être  blessé  si  l'on  voyait  l'intervention  du 
souverain  empêcher  les  prélats  de  prendre  part  à  un  acte 
ecclésiastique  aussi  solennel.  Il  faut  pourtant  bien  se  dire 
(pic,  s'il  ne  veut  pas  du  concile,  l'empereur  aura  plus  d'un 
moyen  de  l'entraver;  il  lui  suffirait,  par  exemple,  de  prendre 
quelque  parti  définitif  au  sujet  de  Rome.  Cependant,  si  je 
songe  au  caractère  de  Napoléon,  à  son  souci  (h1  sauver  les 
apparences,  je  ne  puis  croire  qu'il  se  départisse  ainsi  de  sa 
réserve.  Au  contraire,  le  concile  pourrait  bien  mettre  Home 


(1)  Reisach,  Villecourt,  Bizzarri,  Sacconi  et  d'autres. 

(2)  Sacconi  ;  de  même  Bizzarri,  Barnabo  et  d'autres. 

(3)  En  1862. 

[313-37] 


RAPPORT  DES  CARDINAUX  —  OBSTACLES  PREVIS      43 

•et  le  pouvoir  temporel  à  l'abri  d'un  attentat.  Avant  de  frapper 
le  dernier  coup,  l'empereur  attend  l'apaisement  de  l'émotion 
dos  catholiques  et  le  relâchement  de  leur  zèle  —  apaisement 
et  relâchement  qui  finiront  par  se  produire,  car  les  masses 

sont  ainsi  faites  (pie  peu  à  peu  leur  ardeur  s'éteint  et  (pie 
l'habitude  leur  fait  accepter  et  regarder  avec  indifférence  ce 
qu'elles  avaient  d'abord  repoussé  énergiquement.  Mais  le 
concile  ravivera  le  sentiment  catholique,  la  réunion  des 
prélats  donnera  à  leur  parole  plus  de  retentissement  et  le 
pouvoir  temporel  des  papes,  au  lieu  de  se  réduire,  suivant  le 
désir  de  nos  ennemis,  à  une  simple  question  italienne,  se 
maintiendra  à  son  rang-  de  question  catholique.  » 

Autre  difficulté  :  Où  se  tiendrait  rassemblée?  Le  concile 
ne  pouvait  pas  siéger  hors  de  Rome,  ce  serait  provoquer  de 
la  part  des  gouvernements  mal  disposés  le  mécontentement, 
la  défiance  et  l'opposition  ;  le  réunir  à  Rome,  sous  les  yeux 
du  pape,  ne  serait-ce  pas  éveiller  un  soupçon  contre  la  liberté 
des  évéques?  A  Rome,  les  circonstances  présentes  ne  permet- 
taient pas  de  compter  sur  les  princes  pour  y  garantir  la 
sécurité  nécessaire  :  que  de  troubles  on  aurait  à  prévenir!  Si 
une  révolution  éclatait,  quelle  responsabilité  pour  le  Saint- 
Père  (i).  Et  puis,  qui  se  chargerait  des  frais  énormes  des 
voyages  (2)? 

En  outre,  le  concile  une  fois  réuni,  les  journalistes  seraient 
à  l'affût  de  toutes  les  nouvelles,  la  presse  discuterait  toutes 
les  questions,  elle  voudrait  tout  juger  et  exercer  une  pression 
sur  les  Pères;  dans  les  Parlements,  le  concile  ferait  l'objet 
d'interpellations,  on  débattrait  des  matières  ressortissant  à 
lui  seul,  on  tâcherait  de  l'influencer  (3);  divers  gouverne- 
ments, enfin,  s'opposeraient  à  la  promulgation  et  à  l'applica- 
tion de  ses  décisions  (4). 

(1)  de  Luca,  Sacconi,  Panebianco. 

(2)  Barnabe. 

(3)  Mattei.  Sacconi. 
|4)  Reisach,  Sacconi. 

[37-38; 


44  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

\  ces  difficultés  du  dehors  s'en  ajoutaient  d'autres,  d'ordre 
intérieur.  L'Italie  manquait  de  théologiens  et  de  canonistes 
capables  de  préparer  et  d'approfondir  les  matières  des 
travaux  du  concile»;  le  cardinal  Barnabô  le  faisait  remarquer, 
mais  sans  y  insister,  car  on  se  ferait  aider  de  l'étranger.  Ce 
qui  préoccupait  bien  plus  les  cardinaux,  c'était  la  pensée  des 
diverses  entraves  qu'à  dessein  ou  sans  le  vouloir  les  Pères  du 
concile  pourraient  eux-mêmes  apporter  à  sa  marche.  Sinon 
en  théorie,  du  moins  en  pratique,  il  se  produirait  des  diver- 
gences d'opinion;  parmi  tant  de  prélats  et  de  docteurs  de 
pays  différents,  la  diversité  des  idées,  des  préjugés,  des 
préoccupations,  au  point  de  vue  politique,  national,  scienti- 
fique devait  nécessairement  exercer  une  grande  influence 
et  chacun  défendrait  sa  manière  de  voir  (i). 

N'était-il  pas  à  craindre  aussi  que  les  évèqucs  élevassent 
bien  des  prétentions  de  toute  sorte  et  s'efforçassent  d'am- 
plifier leurs  droits  aux  dépens  du  Saint-Siège?  Le  cardinal 
Bizzàri  passe  en  revue  à  ce  propos  toutes  les  nations  :  «  Les 
Espagnols  tâcheront  de  se  faire  autoriser,  comme  les 
Français,  à  accorder  certaines  dispenses  spéciales  de 
mariage,  au  grand  détriment  de  la  Daterie.  Selon  les  pays  et 
les  nationalités,  les  évêques  n'ont  pas  non  plus  la  même 
manière  de  voir  sur  certains  points  de  discipline.  Français  et 
Belges  tiennent  à  dominer  leur  clergé  et  répugnent  à  laisser 
de  nouveau  limiter  leur  pouvoir.  Les  Allemands  voudront 
peut  être  réformer  la  procédure  canonique  :  il  y  a  danger 
qu'ils  y  veuillent  introduire  des  principes  plus  ou  moins 
sains  empruntés  aux  législations  modernes.  D'autres  pour- 
ront s'en  prendre  à  l'exemption  des  réguliers  ou  à  des  ques- 
tions semblables;  que  d'occasions  données  à  des  contesta- 
tions, à  des  disputes  fâcheuses  et  irritantes  !  »  On  proposera 
d'innombrables  réformes,  par  exemple  sur  la  trop  fréquente 

(1)  Reisach 

38 


RAPPORT    DES    CARDINAUX    SUR    LE    PROJET    DU    PAPE  43 

évocation  à  Rome  d'affaires  sans  importance,  sur  les  frais 
trop  considérables  et  la  lenteur  excessive  des  procédures  par 
devant  les  sacrées  congrégations.  Le  cardinal  de  Luca,  cpii 
exprime  ces  dernières  craintes,  a  cependant  la  ferme  con- 
fiance que,  dans  ce  cas,  les  présidents  du  concile  procéde- 
ront avec  douceur  «  et  sauront  écarter  sans  trop  d'amertume 
les  plaintes  qu'on  redoute  »  (i). 

Voici  une  autre  difficulté  (pie  signale  le  cardinal  Mattei  : 
<c  Partout  aujourd'hui  en  Europe,  dit-il,  il  y  a  des  Parlements 
et  des  Chambres;  malgré  leurs  bonnes  dispositions,  les 
évèques  participeront  plus  ou  moins  à  l'esprit  qui  y  règne;  ils 
se  sentiront  froissés  si  l'on  n'accepte  pas  leurs  idées.  » 
Keisach  redoute  également  les  tentatives  éventuelles  d'appli- 
quer aux  affaires  de  l'Eglise  la  méthode  de  discussion  usitée 
en  politique  dans  les  Etats  constitutionnels;  pour  les  ques- 
tions de  discipline,  en  particulier,  les  inconvénients  en 
seraient  graves. 

Toutes  ces  préoccupations  —  il  faut  bien  avouer  que  les 
événements  du  concile  les  justifièrent  en  partie  —  expli- 
quent facilement  que  parmi  les  conseillers  choisis  par  le 
pape  quelques-uns  aient  reculé  devant  le  projet  de  réunir  un 
concile,  ou  tout  au  moins  devant  l'idée  d'une  convocation 
immédiate. 

Mais  nous  trouvons  aussi,  développés  dans  les  mémoires 
des  autres  cardinaux,  des  motifs  qui  étaient  bien  propres  à 
faire  espérer  un  heureux  résultat.  A  côté  de  tous  les  maux, 
disent-ils,  dont  souffre  notre  époque,  il  y  a  place  aussi  poul- 
ies grandes  pensées  et  les  nobles  sentiments  ;  la  religion 
possède  encore  aujourd'hui  une  véritable  puissance  d'attrac- 
tion ;  les  conversions  au  catholicisme  sont  nombreuses  ; 
parmi  les  fidèles   se  manifestent  les  symptômes   d'une  vie 


lii  Cfr  Keisach,  Saceoni,  Mattei,  Patri/.i. 

[39] 


-40  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

toute  nouvelle;  eu  bien  des  endroits,  l'élan  avec  lequel  on  se 
porte  aux  exercices  de  la  piété  chrétienne  est  admirable; 
on  combat  le  mal  avec  grande  énergie.  Un  concile  augmen- 
tera le  courage  et  la  force  des  bons;  il  diminuera  l'influence 
du  monde  sur  eux.  Le  monde  pourra  bien  s'obstiner  dans  ses 
erreurs,  mais  on  élèvera  contre  lui  un  rempart  puissant: 
à  ceux  qu'il  a  séduits,  et  c'est  le  grand  nombre,  on  ouvrira 
les  yeux.  On  ne  voit  guère  en  quoi  l'Eglise  aura  plus  à  souf- 
frir de  ses  ennemis  après  le  concile;  par  contre,  il  y  a  ferme 
espoir  que  les  adversaires  en  seront  affaiblis  et  les  fidèles 
fortifiés. 

Au  reste,  si  l'on  n'y  porte  remède,  les  maux  dont  il  s'agit 
ne  peuvent  que  s'aggraver.  Le  concile  de  Xicée  se  tint,  lui 
aussi,  au  moment  où  l'hérésie  était  à  l'apogée  de  sa  puis- 
sance, et,  pour  ne  rien  dire  des  autres,  le  dernier  en  date  ne 
s'est-il  pas  réuni,  alors  que  les  novateurs  étaient  en  pleine 
activité  et  soulevaient  toute  l'Allemagne. 

Les  gouvernements  ont  leurs  préoccupations  qui  les  absor- 
bent; ils  n'en  laisseront  que  plus  de  liberté  à  l'Eglise  pour 
traiter  de  ses  affaires.  Si  une  guerre  éclate,  le  concile  sera 
différé.  Les  entraves  que  les  princes  peuvent  mettre  à  la 
réunion  des  évêques  ne  sont  pas  nouvelles;  l'histoire  nous 
apprend  qu'on  a  toujours  réussi  d'une  manière  ou  d'une 
autre  à  en  triompher.  D'ailleurs,  n'est-ce  pas  le  propre  des 
grandes  entreprises  de  se  poursuivre  au  milieu  des  contra- 
dictions et  des  luttes?  Les  conciles  généraux  se  sont  toujours 
tenus  à  des  époques  pleines  de  difficultés;  ce  sont  précisé- 
ment ces  difficultés  qui  les  ont  provoqués. 

Les  évèques  ne  seront  peut-être  pas  absents  de  leurs  dio- 
cèses aussi  longtemps  qu'on  le  suppose. 

En  tout  cas,  les  avantages  durables  que  l'avenir  retirera 
du  concile  sont  bien  plus  grands  que  les  inconvénients  passa- 
gers du  présent.  Les  incidents  regrettables  auxquels  peuvent 
donner  lieu  l'esprit  de  parti  ou  l'excès  des  prétentions,  tien- 

39-40] 


CIRCONSTANCES    FAVORABLES    Al'    CONCILE  47 

lient  à  la  nature  humaine  ;  trop  souvent  elle  se  laisse  dominer 
par  la  passion;  niais  il  n'y  a  pas  là,  l'histoire  on  t'ait  foi,  de 
quoi  se  laisser  déconcerter;  le  concile  de  Trente,  par  exem- 
ple, fut  le  théâtre  de  discussions  et  de  luttes  bien  violentes; 
mais,  au  moment  des  décisions,  l'entente  et  la  paix  repa- 
rurent et,  après  trois  siècles,  le  monde  admire  encore  aujour- 
d'hui la  sagesse  toute  surnaturelle  des  mesures  qui  furent 
prises  alors;  au  surplus,  l'épiscopat  actuel  est  bon  et  sin- 
cèrement attaché  au  Saint-Siège;  les  évêques,  ne  se  sentant 
pas  suffisamment  soutenus  par  leurs  gouvernements,  ont 
eux-mêmes  intérêt  à  rester  en  rapports  étroits  avec  Rome. 
Mais  la  réponse  capitale  qu'on  retrouve  presque  mot  pour 
mot  dans  les  divers  mémoires,  c'est  que  Dieu,  pour  la  gloire 
duquel  se  réunit  le  concile,  saura  bien  dans  sa  Providence 
écarter  les  obstacles.  Les  efforts  de  l'enfer,  les  calculs  de  la 
politique  et  les  passions  des  hommes  sont  impuissants  contre 
Lui.  Puisqu'il  défaut  de  toute  autre  ressource,  les  besoins 
de  notre  temps  semblent  exiger  impérieusement  un  concile, 
le  secours  divin  lui  est  assuré. 

La  plupart  des  cardinaux  donnent  aussi  leur  avis  sur  les 
objets  à  soumettre  aux  délibérations  et  décisions  de  la  future 
assemblée. 

Avant  tout,  ils  demandent  la  condamnation  des  erreurs 
qui  minent  aujourd'hui  le  christianisme;  mais  ils  veulent 
qu'on  y  joigne  un  exposé  des  vérités  qui  s'y  opposent  (i). 
Les  principes  généraux  de  la  religion  et  de  la  morale  devront 
être  l'appelés;  les  multiples  empiétements  de  l'Etat  sur  le 
terrain  ecclésiastique,  en  matière  de  propriété,  d'adminis- 
tration, d'éducation,  d'enseignement,  de  mariage,  etc., 
seront  l'objet  de  prohibitions  spéciales  (2).  On  revendiquera 
énergiquement  le  droit  pour  l'Eglise  d'exercer  son  influence 

(1)  Reisach  et  beaucoup  d'autres. 

(2)  Reisach,  Altieri,  Bifondi,  Cagiano.  Asquini,  Sforza. 

[40-41] 


4«  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

sur  la  société  en  tant  que  telle;  on  déterminera  les  restric- 
tions à  apporter  à  la  liberté  <le  la  presse  (i).  Le  cardinal 
Cagiano  demande  qu'on  prenne  les  mesures  nécessaires 
pour  obliger  les  puissances  à  observer  les  concordats. 
Bifondi  trouve  que  ces  sortes  de  conventions  devraient 
être  plus  fréquentes,  même  avec  les  princes  non  catholi- 
ques (2).  Vient  ensuite  une  série  de  projets  pour  la  réglemen- 
tation des  affaires  matrimoniales  :  ministre  du  sacrement  (3), 
mariage  mixte  (4),  mariage  civil  (5),  mariages  clandestins  (6), 
tout  cela  doit  faire  l'objet  de  décisions  nouvelles.  Cagiano 
demande  aussi  des  modifications  touchant  les  empêchements. 

Il  faut  recommander  de  nouveau  l'observation  des  diman- 
ches et  jours  de  fêtes,  de  l'abstinence  et  du  jeûne,  l'accom- 
plissement du  devoir  pascal;  au  besoin,  on  en  adaptera  la 
pratique  aux  circonstances  présentes  (7). 

Un  relèvement  des  études  dans  les  séminaires  est  aujour- 
d'hui devenu  nécessaire  (8);  on  proposera  des  lois  à  ce  sujet, 
ainsi  que  sur  la  restriction  de  l'inamovibilité  des  curés  (9). 
On  tâchera  d'unifier  davantage  la  liturgie  (10).  Il  y  a  des 
réformes  à  faire  dans  le  clergé  séculier  et  régulier  (n):  les 
exemptions  des  réguliers  sont  à  diminuer  (12).  Le  concile 
devra  travailler  au  retour  des  Orientaux;  ceux-ci  seront 
donc  spécialement  invités  (i3).  Il  en  sera  de  même  pour  les 
hérétiques  (14);   Panebianco  demande  pour    eux  des   sauf 


(1)  Cagiano,  Bifondi,  Asquini,  Sforza. 

(2)  Cfr  Roberti. 

(3)  Altien. 

(4)  Altieri,  Asquini. 

(5)  Cagiano,  Asquini. 

(6)  Cagiano, 

(7)  Asquini. 

(8)  Bifondi,  Clarelli,  Bizzarri. 

(9)  Cagiano. 

(10)  Sacconi. 

(11)  Altieri,  Clarelli,  Bifondi. 

(12)  Sforza,  Altieri. 

(13l  Caterini,  Panebianco. 
(14)  Altieri,  Panebianco. 

[41-42; 


LA    DISCIPLINE    —    IDEES    DU    CARDINAL    ROBERTI  49 

conduits.    Diverses   questions   sont   à  traiter  au   sujet  des 
missions  étrangères  (i). 

Sur  trois  points  :  la  législation  disciplinaire,  les  Etats  de 
l'Eglise  et  l'infaillibilité  du  pape,  les  opinions  des  cardinaux 
et  leurs  propositions  présentent  un  intérêt  tout  particulier. 

Nous  l'avons  déjà  vu,  le  cardinal  Reisach  se  prononce 
nettement  pour  une  adaptation  radicale  de  la  législation 
ecclésiastique  aux  conditions  sociales  et  politiques  des  temps 
nouveaux.  Altieri  et  d'autres  encore  sont  du  même  avis  ; 
mais  Bizzarri  et  Roberti  insistent  pour  que  cette  matière  ne 
soit  pas  traitée  au  concile. 

Le  droit  disciplinaire  de  l'Eglise  ayant  été  la  cause  d'une 
perpétuelle  mésintelligence  entre  les  deux  pouvoirs,  ne  serait- 
il  pas  à  propos  de  le  renouveler  afin  de  prévenir  les  con- 
flits à  venir?  Sans  doute,  répond  le  cardinal  Roberti,  mais 
étant  donné  le  peu  de  bonne  volonté  de  l'une  des  parties, 
il  est  à  craindre  que  le  remède  ne  reste  inefficace. 
D'ailleurs,  ne  peut-on  pourvoir  à  cet  inconvénient  par  des 
concordats  ou  des  dispenses  pontificales?  Si  vous  mettez  en 
question  notre  vieux  droit,  quel  vaste  champ  ouvert  aux 
entreprises  des  adversaires,  c'est-à-dire  de  tous  les  puissants 
de  ce  monde,  monarques,  ministres  et  parlements,  toujours 
empressés  à  détruire  quelque  pan  de  mur  de  l'édifice  actuel  ! 
Evidemment  on  n'ira  pas  jusque  là;  le  concile  confirmera 
les  anciens  canons  et  renouvellera  les  anathèmes  ;  mais  le 
fait  même  d'avoir  procédé  à  un  nouvel  examen  montrera 
qu'il  a  douté  de  la  légitimité  de  son  droit  (?)  ou  qu'il  a  voulu 
tromper  ses  ennemis,  puisqu'au  moment  même  où  il  leur 
faisait  espérer  des  transformations,  il  était  résolu  à  ne  pas 
changer  un  iota  à  ses  anciennes  doctrines  (!) 

Le  cardinal  Roberti,  on  le  sait,  est  hostile  à  la  réunion  d'un 


(1)  Reisach,  Bifondi. 

[42J 


50  HISTOIRE    1)1"    CONCILE    DU    VATICAN 

concile;  Bizzarri,  lui,  ne  s'y  op]  ose  pas,  et  s'il  ne  veut  pas  de 
discussion  sur  les  questions  de  discipline,  c'est  afin  d'éviter 
que  les  évêques  délibèrent  sur  les  droits  qu'ils  désireraient 
acquérir.  Tous  ne  peuvent  pas  avoir  les  mêmes;  il  faut  avoir 
égard  aux  circonstances  de  temps  et  de  lieu  et  le  Saint-Siège 
y  a  pourvu  par  des  concessions  particulières.  «  Et  ici,  pour- 
suit-il dans  son  rapport,  je  crois  devoir  l'aire  observer  qu'on 
ne  saurait  tolérer  un  accroissement  des  droits  des  évêques 
aux  dépens  du  Saint-Siège.  Sans  parler  des  inconvénients 
matériels  qui  en  résulteraient,  et  dont  il  faudrait  aussi  tenir 
compte,  il  y  en  aurait  d'autres  de  l'ordre  spirituel  :  il  n'y  aurait 
plus  d'uniformité  dans  la  concession  des  dispenses, —  tel  évè- 
que  se  montrerait  facile,  tel  autre  serait  plus  exigeant  — 
partant,  danger  d'un  relâchement  dans  la  discipline  ecclé- 
siastique ;  comme  le  faisait  déjà  remarquer  l'ambassadeur 
français  au  concile  de  Trente,  les  évêques  pourraient  être 
obligés  de  céder  à  l'influence  de  personnes  considérables. 
Enfin,  ce  serait  rendre  moins  fréquents  ces  retours  au  Saint- 
Siège  qui  font  contracte)-  aux  fidèles  L'habitude  de  reconnaître 
le  centre  de  l'unité  catholique  et  obligent  les  évêques  à  faire 
acte  de  dépendance;  les  papes  y  perdraient  un  de  leurs 
moyens  les  plus  utiles  et  les  plus  efficaces  de  connaître  les 
besoins  de  l'Eglise.  x> 

Au   sujet   du  pouvoir   temporel    du  pape,  les   cardinaux 

n'étaient  pas  plus  d'accord.  Quand  ils  en  parlent,  tous  affir- 
ment bien  que  «  c'est  le  rempart  de  l'indépendance  du  pouvoir 
pontifical  »  i  i  ),  et  le  cardinal  Paracciani  Clarelli  qualifierait 
volontiers  d'hérétique  l'opinion  contraire;  niais  si  Altieri 
émet  l'espoir  que  l'épiscopat  aura  au  concile  une  nouvelle 
occasion  de  proclamer  solennellement  la  nécessité  de  la 
souveraineté  temporelle  sur  tous  les  Etats  appartenant  au 

(1)  Bifondi. 

43] 


LE  POUVOIR  TEMPOREL  DU  PAPE  Si 

siège    apostolique,    Roberti    trouve    une    telle    déclaration 
inopportune. 

Voici  ses  raisons  :  premièrement  l'ensemble  des  évêques, 
bien  qu'il  ne  l'ait  pas  fait  en  concile,  s'est  déjà  prononcé,  et 
avec  un  accord  admirable,  en  faveur  de  la  papauté;  seconde- 
ment, il  ne  lui  parait  pas  à  propos  de  transformer  en  dogme 
de  foi  une  opinion  plus  politique  (pie  théologique,  sans  intérêt 
aucun  pour  de  pieux  et  paisibles  fidèles  ;  il  y  a  même  de  bons 
chrétiens  qui,  soit  par  préjugés  d'éducation,  soit  pour 
d'autres  motifs,  professent  la  croyance  contraire  et  n'admet- 
tent pas  l'utilité  d'une  s/mveraineté  temporelle.  Ces  hommes, 
en  tout  le  reste  dociles  observateurs  des  lois  de  l'Eglise, 
pourquoi  les  troubler?  On  aurait  l'air  d'oublier  la  haute 
sagesse  du  Père  céleste  et  de  se  mettre  en  désaccord  avec  la 
conduite  adoptée  jusqu'ici  en  semblables  circonstances.  Que 
gagnerait  d'ailleurs  la  chrétienté  à  une  déclaration  conci- 
liaire sur  la  nécessité  relative  du  pouvoir  temporel  du  pape? 
Croit-on  que  les  souverains  des  pays  catholiques  se  lèveront 
pour  lui  l'aire  recouvrer  les  provinces  perdues  ou  lui  faire 
don  de  nouveaux  territoires?  D'autre  part,  si  la  Providence 
dans  ses  desseins  cachés,  permettait  que  la  spoliation  sacri- 
lège, étendue  déjà  à  une  si  grande  partie  du  pouvoir  tempo- 
rel, se  poursuivît  ou  menus  ce  que  Dieu  veuille  empêcher, 
devînt  complète,  que  diraient,  non  seulement  les  ennemis  de 
la  foi,  mais  aussi  tant  d'hommes  habitués  à  juger  de  la  vérité 
des  choses  d'après  leurs  succès  ou  leurs  revers,  en  voyant 
cette  contradiction  flagrante  entre  les  décisions  du  concile 
et  les  événements  permis  par  Dieu?»  Ce  sont  les  propres 
paroles  de  Roberti. 

Deux  cardinaux  seulement  parlent  de  la  définition  de 
l'infaillibilité  du  pape.  «  En  fait  on  ne  peut  nier,  dit  Asquini, 
qu'entre  les  principaux  privilèges  qui  forment  la  primauté  du 
pontife  romain  ne  se  trouve  celui  de  l'infaillibilité.  »  11  faut  la 

[43-44] 


52  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

définir  contre  les  Jansénistes.  Ugolini  se  réjouit  du  grand 
attachement  des  peuples  et  de  l'épiscopat  pour  le  Saint- 
Siège;  il  y  voit  la  ferme  garantie  de  l'unanimité  des  Pères  et 
y  puise  «  l'espoir  cpie  pour  le  bien  de  l'Eglise  l'infaillibilité 
du  pape  dans  les  questions  de  foi  et  de  mœurs  sera  enfin 
l'objet  d'une  définition  ».  Cela  fait,  on  pourra  pourvoir  à 
toutes  les  difficultés  à  venir  sans  avoir  besoin  de  convoquer 
un  nouveau  concile. 

Xous  terminons  par  quelques  observations  ou  propositions 
de  détail  faites  par  les  divers  cardinaux.  Bizzarri  insiste  pour 
que  le  pape  détermine  les  matières  à  traiter  au  concile.  On 
désire  que  le  Saint-Père  tienne  encore  un  consistoire  (i)  et 
qu'il  interroge  un  certain  nombre  d'évêques  prudents, 
instruits  et  zélés  de  France,  d'Autriche  et  d'Espagne  (2).  / 
Caterini  croit  que,  tout  en  réservant  la  complète  liberté  du 
pape,  on  devrait,  par  l'intermédiaire  d'une  personne  sûre  ou 
par  une  lettre  autographe  du  Saint-Père,  s'informer  des  dis- 
positions des  princes  catholiques,  surtout  de  l'empereur  des 
Français.  Pour  préparer  les  matières  il  y  aura  à  convoquer 
des  théologiens  et  des  canonistes  (3).  Les  évêques  devront 
ordonner  des  prières  publiques  et  privées  pour  l'heureuse 
issue  de  la  grande  entreprise  projetée  (4).  Il  faudra  pendant 
le  concile  pourvoir  à  l'administration  des  diocèses  privés  de 
leur  pasteur  (5). 

A  la  fin  de  leur  rapport,  presque  tous  les  cardinaux  décla- 
rent s'en  remettre  au  jugement  que  dans  sa  sagesse  le  Saint- 
Père  prononcera  avec  l'assistance  de  la  grâce. 


(1)  Panebianco,  Barnabô. 

(2)  Bizzarri. 

(3)  Caterini,  Barnabô,  Glarelli,  Villecourt. 

(4)  Clarelli. 

(5)  Cagiano. 

[44-45] 


CHAPITRE    IV. 

Opinion  des  euequ.es  de  divers  pays  sur  les  matières 
à  traiter  au   Concile. 

Sur  la  proposition  de  la  Commission  cardinalice,  le  pape 
avait  décidé  d'inviter  quelques  évêques  de  divers  pays  à  lui 
envoyer  un  résumé  des  points  de  dogme  et  de  discipline  qu'ils 
désireraient  voir  traités  au  concile  (i).  De  sa  propre  main, 
Pie  IX  dressa  une  liste,  qu'on  conserve  aux  Archives.  Elle 
comprend  les  noms  de  trente-six  évêques  de  rite  latin  dont  on 
devait  demander  l'avis.  C'étaient  les  archevêques  et  évêques 
de  Ravenne,  Ferrare,  Aneône,  Fermo,  Pérouse,  Iesi,  Pise, 
Lucques,  Sorrento,  Mondovi  et  Casai,  pour  l'Italie:  de 
Rouen,  Besançon,  Orléans,  Poitiers,  Quimper,  Versailles, 
Xîmes,  Arras  et  Tours,  pour  la  France;  de  Vienne,  Gran, 
Prague,  Olmûtz  et  Xeutra,  pour  l' Autriche-Hongrie  ;  de 
Ratisbonne  et  Spire,  pour  l'Allemagne;  de  Compostelle,  Bur- 
gos,  Valence,  Saragosse,  Valladolid,  Avila  et  Salamanque, 
pour  l'Espagne;  de  Xamur  et  de  Westminster,  pour  la  Bel- 
gique et  l'Angleterre.  Le  27  mars  1860,  le  pape  ordonna  au 
cardinal  Caterini,  préfet  de  la  Congrégation  du  concile, 
d'informer  les  évêques  désignés  du  rôle  qu'on  leur  réservait 
et  de  les  inviter  à  répondre  au  désir  du  Saint-Père  ;  c'est  en 
avril  et  en  mai  que  furent  expédiées  les  lettres  adressées  à 
ces  prélats  (2).  Dans  les  premiers  mois  de  l'année  suivante, 
on  en  envoya  de  pareilles  à  plusieurs  évêques  des  rites  orien- 


(1)  Page  30. 

(2)  Voir  le  formulaire  de  la  lettre  dans  C.   V.  1017  c.  sqq. 

[40-47] 


o4  HISTOIRE    1)1'    CONCILE    1)1     VATICAN 

taux.  Les  réponses  arrivèrent  bientôt  et  la  Commission  direc- 
trice préparatoire  (i)  chargea  M-1'  Louis  Jacobini  d'en  faire 
un  rapport  détaillé.  C'est  de  ce  rapport  officiel  (2)  que  nous 
tirons  nous-mêmes  le  résumé  suivant. 

Questions  de  doctrine  :  comme  les  cardinaux  de  la  Commis- 
sion, les  évoques  reconnaissent  qu'il  ne  s'est  produit  aucune 
nouvelle  hérésie  nettement  caractérisée  qu'il  faille  condam- 
ner: mais  ils  constatent  une  aberration  générale  qui  menace 
les  vérités  fondamentales  du  catholicisme  et  les  préliminaires 
de  la  foi  (3).  Ce  n'est  point  un  dogme  en  particulier,  écrit  le 
cardinal  von  Rauscher,  archevêque  de  Vienne,  c'est  la  révéla- 
tion et  la  religion  même  qui  sont  mises  en  question.  Renon- 
çant à  l'espoir  des  biens  de  l'autre  vie,  l'homme  se  préoccupe 
uniquement  du  bonheurterrestre  ;  chez  les  partisans  du  libé- 
ralisme, c'est  un  principe  incontesté  que  le  progrès  et  la 
prospérité  des  peuples  exigent  de  l'Etat  qu'il  ne  tienne  aucun 
compte  de  la  religion  (4).  Le  danger,  remarque  le  cardinal 
Schwarzenberg,  de  Prague,  ne  menace  pas  les  seuls  membres 
de  l'Eglise  catholique,  mais  tous  les  chrétiens  (5). 

A  la  différence  des  conciles  antérieurs  qui  avaient  à  repous- 
ser des  hérésies  déterminées,  le  concile  futur,  dit  M*1'  Senes- 
tréy,  évêque  de  Etatisbonne,  aura  pour  mission  de -combattre 
la  négation  absolue  de  la  foi  chrétienne  et  d'endiguer  un  flot 
d'erreurs  qui  entraine  la  société  tout  entière  (6).  Par  consé- 
quent, conseillent  les  évêques,  dans  ce  concile  rassemblé  de 
toutes  les  parties  de  l'univers,  on  devra  proclamer  solennel- 
lement les  vérités   capitales    et    fondamentales   du  christ  ia- 


1    Séance  du  28  juillet  1867. 

(2)  Happorto  sulle  risposte  date  da  varii  Vescovi  alla  lellera  del  20  Aprile  1805 
diretta  ai  medesimi  dall'eminentissimo  Cardinale  Prefetlo  délia  S.  Congregazione 
del  Concilio  intorno  alla  idea  di  un  futuro  Concilia  ecumenico.  La  réponse  de 
M"  Roskovâny,  évêque  de  Neutra,  est  reproduite  dans  C.   V.  1021  sqq. 

(3)  Rapporto  etc.,  p.  5. 
<4)  Ibid.,  p.  6. 

(5)  Ibid.,  p.  7. 

(6)  Ibid.,  p.  8  sq. 

41 


OPINION    DES    EYEQUES    SUR    LES    MATIERES    A    TRAITER         Jiu 

nisme.  Plusieurs  prélats,  par  exemple  le  cardinal  de  Bonne- 
chose,  archevêque  de  Rouen,  et  Mgr  Weiss,  évêque  de  Spire,// 
énumèrent  les  erreurs  à  proscrire.  Ce  sont  celles  qui  figure- 
ront plus  tard  dans  la  Gonsfitutio  dogmatica  de  doctrina 
catholica  contra  multipliées  errores  ex  rationalisme  déri- 
vâtes préparée  pour  le  concile  (i).  Le  cardinal  Pecei,  évêque 
de  Pérouse,  le  futur  pape  Léon  XIII,  signale  en  outre 
expressément  les  doctrines  du  naturalisme,  du  rationalisme 
et  de  la  libre-pensée,  les  superstitions  magnétistes  et  spiri- 
tistes, l'indifférentisme,  comme  devant  être  l'objet  des  répro- 
bations du  concile;  il  recommande  aussi  de  défendre  contre 
les  assauts  de  l'erreur  la  doctrine  catholique  sur  l'Eglise  et 
sur  le  sacrement  de  mariage  (2).  Semblables  propositions  sont 
faites  par  d'autres  évêques.  Ils  veulent  qu'on  condamne  les 
diverses  formes  du  panthéisme  et  du  naturalisme,  qu'on 
vienne  au  secours  de  la  société  en  combattant  le  socialisme 
et  le  communisme  (3). 

Mgr  Yusto,  archevêque  de  Burgos,  espère  bien  que  le  con- 
cile prendra  la  défense  des  droits  et  de  la  primauté  du  siège 
romain,  qu'il  renouvellera  les  décrets  portés  depuis  le  con- 
cile de  Trente  contre  les  Anglicans,  les  disciples  de  Richer, 
le  pseudo-synode  de  Pistoie  et  les  régalistes,  et  qu'il  définira, 
en  même  temps  les  vérités  relatives  à  l'autorité  doctrinale  de 
l'Eglise,  à  la  nécessité  de  lui  appartenir  et  à  son  droit  de  pos- 
séder (4).  Mgr  Lluch,  évêque  de  Salamanque,  désire  la  défini- 
tion de  divers  points  qui  touchent  à  l'Ecriture  Sainte  et 
qu'il  énumère  (5).  Il  y  a  toute  une  série  d'évêques  qui  recom- 
mandent la  définition  de  l'infaillibilité  du  pape  (6).  Si  les 
catholiques  qui  la  contestent  sont  rares,  font-ils  remarquer, 


(1)  Rapporlo  etc.,  p.  9  sq. 
m  Ibid.,  p.  il  sq. 

(3)  Ibid.,  p.  12. 

(4)  Ibid.,  p.  13. 

(5)  Ibid.,  p.  14  sq. 

(6)  Ibid.,  p.  17. 


[4*] 


o(J  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

il  s'en  trouve  cependant;  c'est  même,  «lit  l'évêque  de  Ratis- 
bonne,  «  le  but  que  semble  se  proposer  une  école  de  théolo- 
giens qui  s'est  l'ondée  dans  ces  derniers  temps  à  Munich  en 
Bavière  ;  le  principal  objet  de  leurs  écrits  est  de  rabaisser 
dans  leurs  dissertations  historiques  et  de  livrer  au  mépris  le 
siège  apostolique,  son  autorité  et  sa  méthode  de  gouverne- 
ment. Ils  nient,  par-dessus  tout,  l'infaillibilité  de  Pierre  dans 
ses  décisions  ex  cathedra  (i)  ». 

M-'  Manning,  archevêque  de  Westminster,  vise  spéciale- 
ment les  besoins  de  l'Eglise  d'Angleterre;  il  émet  le  vœu  que 
le  concile  expose  solennellement  la  doctrine,  tombée  dans  ce 
pays  dans  un  oubli  complet,  du  gouvernement  surnaturel  de 
l'Eglise  par  le  Saint-Esprit;  il  donne  même  l'énoncé  des 
propositions  à  définir  (2).  Sans  entrer  dans  le  détail  des 
dogmes  et  des  erreurs  dont  le  concile  devra  s'occuper, d'autres 
évêques  renvoient  au  Syllabus  :  son  nom  revient  partout, 
ce  La  plupart  des  erreurs,  que  le  pape  vient  de  condamner 
aux  applaudissements  de  tout  l'univers,  je  les  verrais  avec 
plaisir,  dit  l'archevêque  de  Burgos,  réprouvées  encore  par 
un  décret  du  futur  concile,  non  pas  afin  d'ajouter  quelque 
chose  à  la  pleine  autorité  de  leur  condamnation,  mais  afin 
qu'elle  ait  plus  de  solennité  (3).  »  Pour  la  marche  à  suivre, 
certains  évêques  proposent  de  commencer  par  faire  un  recueil 
des  opinions  qui  sont  formellement  hérétiques  et  de  les  noter 
comme  telles;  la  proscription  des  autres  viendrait  ensuite 
dans  l'ordre  de  leur  opposition  aux  vérités  révélées  (4). 


(1)  liapporto  etc.,  p.  17.  Voici  le  passage  et  son  contexte.  «Paucissimi  sunt,  qui 
hanc  Pontificis  prierogativam  adhuc  impugnent:  neque  hi  quidem  theologicis 
rationibus  permoti,  sed  ut  liberam  scientiam  tutius  et  securius  pnedicare  et 
sustentare  valeant.  Quem  ob  finem  novissimo  hoc  tempore  Monachii  in  Bavaria 
schola  qusedam  theologorum  coaluisse  videtur,  qui  omnibus  suis  scriptis  ad 
id  pofissimum  tendunt,  ut  apostolicam  sedem  ejusque  auctoritatem  et  regi- 
minis  rationem  historicarum  dissertationum  ope  déprimant,  despectui  prosti- 
tuant et  prœsertim  Pétri  e  cathedra  docentis  inf'allibilitatem  inficientur.  » 

(2)  Ibid.   p.  18  sqq. 

(3)  Ibid.,  p.  2t. 

(4)  Ibid.,  p.  22. 

[4*49] 


LA    RÉFORME    DU    CLERGÉ  57 

r- 

Msr  Sergent,  évêque  de  Quimper,  émet  l'avis  qu'avant  l'ou- 
verture du  concile  on  fasse  rédiger  par  quelques  théologiens 
éniinents  un  court  exposé  des  principaux  points  de  doctrine 
contredisant  les  erreurs  modernes  avec  une  série  de  canons 
notant  de  la  censure  convenable  les  propositions  hérétiques, 
puis  d'y  joindre  unrésiimé  clair  et  précis  des  autres  erreurs 
a  ver  les  diverses  notes  qu'elles  méritent,  ainsi  que  cela  s'est 
fait  dans  la  bulle  Auciorem  fidei  (i).  Beaucoup  proposent  de 
suivre 'l'exemple  du  concile  de  Trente  et  de  faire  précéder 
la  condamnation  des  erreurs  d'une  claire  exposition  de  la 
vérité  (2). 

Parmi  les  questions  de  discipline  (3)  à  traiter  au  concile, 
les  évèques  mettent  en  première  ligne  la  réforme  du  clergé 
séculier  et  régulier.  Sans  doute,  dit  le  cardinal  Antonucci, 
évêque  d'Ancône,  le  concile  de  Trente  a  déjà  porté  plusieurs 
lois  en  vue  de  cette  réforme;  mais  son  importance  même 
exige  qu'on  y  revienne  //  et  d'ailleurs  au  cours  des  trois  der- 
niers siècles  certaines  de  ces  prescriptions  sont  naturelle- 
ment tombées  dans  l'oubli.  Costume,  relations,  vie  privée, 
dispositions  testamentaires,  méditation  quotidienne,  célibat, 
jeux,  fréquentation  des  théâtres,  participation  aux  affaires 
politiques,  il  n'est  pas  un  détail  de  la  vie  et  des  habitudes  du 
clergé  sur  lequel  on  ne  propose  des  règles  à  prescrire  (4). 
L'accord  est  complet  sur  l'obligation  grave  à  imposer  au 
clergé  de  faire  une  retraite  tous  les  deux  ou  du  moins  tous 
les  trois  ans;  on  désire  aussi  unanimement  que  la  réunion 
des  synodes  diocésains  se  fasse  régulièrement  et  qu'un 
synode  provincial  se  tienne  au  moins  tous  les  cinq  ans  (5). 


(1)  Happorto  etc.,  p.  22  sqq. 

(2)  Ibi.l.,  p.  24. 

(3)  Ibid.,  p.  29  sq. 

(4)  Ibid.,  p.  30. 

(5)  Ibid. 


[4»-50 


38  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Les  évêques  attirent  ensuite  l'attention  du  concile  sur  les 
grands  séminaires,  sur  leur  direction  et  sur  leur  indépen- 
dance à  l'égard  du  pouvoir  civil.  Il  est  aussi  question  des 
petits  séminaires,  du  choix  de  leurs  supérieurs, de  l'usage  du 
latin  dans  les  cours  de  philosophie,  et  en  général  de  la  réforme 
desétudes  cléricales;  on  demande  qu'on  tienne  plus  de  compte 
de  la  science  moderne  (i).  M"1'  Apuzzo,  archevêque  de  Sor- 
rento  et  l'archevêque  de  Burgos  proposent  d'instituer,  l'un 
des  séminaires  provinciaux,  l'autre  des  séminaires  centraux  ; 
M81"  Dupanloup,  évêque  d'Orléans,  recommande  la  fondation 
de  grands  établissements  pour  la  culture  des  sciences 
sacrées,  et  l'emploi  de  moyens  propres  à  entretenir  dans 
l'Eglise  et  dans  les  divers  diocèses  un  certain  nombre  de 
clercs  spécialement  voués  à  l'étude  (2). 

La  réforme  des  chapitres  des  cathédrales  et  des  conseils 
épiscopaux  fait  aussi  l'objet  de  diverses  propositions;  les 
évêques  espagnols  en  particulier,  demandent  un  nouveau 
règlement  sur  la  nomination  des  chanoines  et  sur  les  condi- 
tions a  remplir  pour  obtenir  un  canonicat  (3).  Quelques  pré- 
lats français  voudraient  faire  trancher  la  question  de  savoir 
si  révêque  peut  a  son  gré  déposer  les  curés  des  paroisses 
dite-,  succursales  (4). 

Au  sujet  du  clergé  régulier,  on  demande  énergiquement  la 
pleine  liberté  pour  l'Eglise  de  fonder  des  maisons  religieuses 
afin  de  répondre  aux  besoins  du  peuple  chrétien;  mais  on 
devra  exiger  des  ordres  religieux  l'observation  des  règles  de 
leurs  fondateurs  et  en  particulier  de  la  vie  en  commun.  On  se 
demande  s'il  y  a  lieu  de  conserver  ces  ordres  et  congrégations 
de  prêtres  dont  les  membres  sont  en  nombre  si  restreint  qu'il 
y  est  presque  impossible  de  vivre  suivant  l'esprit  primitif; 


(1)  Happortu  etc.,  p.  31  sq. 

(2)  Ibid.,  p.  32. 

(3)  Ibid.,  p.  a3  sq 

(4)  Ibid.,  p    33. 


[50] 


REFORME  Dl"  PEUPLE  CHRETIEN  50 

les  évêques  demandent  en  outre  que  sur  quelques  points  les 
rapports  des  congrégations  avec  l'évêque  du  diocèse  lassent 
l'objet  de  nouveaux  règlements  (i). 

La  réforme  du  peuple  chrétien  préoccupe  aussi  les  évêques; 
ils  proposent  divers  moyens  pour  renouveler  la  piété  des 
fidèles  et  pour  les  mettre  en  garde  contre  l'incrédulité  ou  le 
matérialisme.  La  future  assemblée,  écrit  M*-'1"  Pie,  évoque  de 
Poitiers,  devrait  rendre  des  décrets  contre  les  excès  du  luxe 
et  des  plaisirs,  contre  cette  soif  des  richesses  qui  pour  se 
satisfaire  plus  rapidement  recourt  à  la  spéculation,  contre 
l'abandon  de  la  vie  de  famille,  la  profanation  du  mariage,  le 
mépris  du  dimanche  et  des  jours  de  fête,  la  négligence  des 
offices  de  l'Eglise  (2).  On  trouve  chez  d'autres  prélats  des 
propositions  du  même  genre. 

Le  cardinal  Moreno,  archevêque  de  Valladolid,  recom- 
mande la  rédaction  d'un  catéchisme  à  l'usage  de  toute 
l'Eglise,  ut  quitus  una  est  fides,  una  sit  fidei  decla- 
î-niulae  ratio  (3).  De  divers  côtés  on  émet  le  vœu  que  la 
liberté  soit  réclamée  pour  l'Eglise  d'avoir  des  écoles  afin  de 
permettre  aux  parents  chrétiens,  sou  vent  réduits  aies  envoyer 
dans  des  écoles  dangereuses,  de  faire  distribuer  à  leurs 
enfants  un  enseignement  catholique  (4).  Pour  donner  plus  de 
vie  à  la  foi  et  à  la  piété  chrétiennes,  Msr  Poskovàny,  de 
Xeutra,  M-1'  Dupanloup,  d'Orléans  et  le  cardinal  Pecci,  de 
Pérouse, entrent  dans  les  détails  ;  ils  proposent,  par  exemple, 
d'instituer  des  associations  pieuses,  de  développer  l'associa- 
tion de  la  Propagation  de  la  foi, ils  recommandent  les  missions 
populaires,  la  distribution  de  bons  livres,  les  œuvres  de  la 
charité  chrétienne,  etc.  (5).  Plusieurs  prélats  attirent  l'atten- 


(1)  Happorlo  etc.,  p  3t>  sq. 

(2)  Ibid.,  p.  39  sq. 

(3)  Ibid.,  p.  40. 
(i)  Ibid.. 

(5)  Ibid.,  p.  42 


[M] 


00  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tion  sur  des  abus  qui  se  sont  introduits  dans  l'administration 
des  sacrements;  quelques-uns  souhaitent  une  restriction  des 
censures  et  des  peines  ecclésiastiques  (i);  d'autres  se  préoc- 
cupent tout  spécialement  du  sacrement  de  mariage.  Le  con- 
cile, disent  les  évèques,  doit  faciliter  aussi  l'observation  des 
commandements  de  l'Eglise  ;  il  devrait  par  exemple  suppri- 
mer autant  que  possible  pour  les  diocèses  d'un  même  pays  la 
diversité  dans  les  préceptes  du  jeune  et  de  l'abstinence  (2). 
Il  faudrait  chercher  un  moyen  d'empêcher  la  diffusion  des 
mauvais  livres  et  réformer  les  règles  de  l'Index.  Il  serait 
désirable,  selon  quelques-uns,  qu'on  étendît  les  pouvoirs  con- 
cédés aux  évèques.  Plusieurs  enfin  voudraient  qu'on  trans- 
formât le  droit  canon,  qu'on  en  fît  disparaître  les  parties  sur- 
rannées  et  qu'on  le  mît  en  ordre  de  manière  à  permettre  à 
tout  le  monde  de  se  renseigner  facilement  sur  les  prescrip- 
tions en  vigueur  (3). 

Le  compte-rendu  de  Mgr  Jacobini  rapporte  en  troisième  lieu 
les  propositions  des  évèques  sur  les  relations  entre  l'Eglise 
et  l'Etat  (4).  D'après  M*-'1'  Dupanloup,  le  concile  aura  pour 
mission  toute  spéciale  d'éclairer  cette  grave  question  : 
M-1'  Pie  indique  les  points  spéciaux  à  traiter  (5)  :  indépen- 
dance de  la  puissance  ecclésiastique  vis-à-vis  de  l'Etat,  droit 
de  l'Eglise  à  posséder,  à  instruire  la  jeunesse  :  la  négation  de 
ces  vérités  devra  être  condamnée. 

Puis  il  demande  qu'on  établisse  la  doctrine  de  la  subordi- 
nation voulue  par  Dieu  de  la  société  civile  à  la  religion  posi- 
tive et  révélée;  comme  plusieurs  de  ses  collègues  il  attire 
aussi  l'attention  du  concile  sur  la  question  de  la  souveraineté 
temporelle  du  pap  e  (6) . 

(\)  Rapporto  etc.,  p.  43  sq. 

(2)  Ibid.,  p.  44  sqq. 

(3)  Ibid.,  p.  46. 

(4)  Ibid.,  p.  50  sqq. 

(5)  Ibid.,  p.  51  sq. 

(6)  Ibid. 

[51-521 


LE    CHOIX    DES    EVEQUES  61 

Un  certain  nombre  de  prélats,  entre  autres  le  cardinal  de 
Bonnechose  de  Rouen,  M.8*  Guibert,  archevêque  de  Tours, 
M-1  Pie,  évêque  de  Poitiers  et  MF  Mabile,  évêque  de  Ver- 
sailles, recommandent  à  la  sollicitude  de  l'auguste  assemblée 
la  question  de  la  nomination  ou  de  la  désignation  des 
évèques  ;  par  les  concordats  l'Eglise  en  a  concédé  le  droit 
aux  princes  catholiques  ;  et  l'archevêque  de  Tours  décrit  en 
termes  fort  graves  les  dangers  qui  peuvent  résulter  de  ce 
système  dans  les  États  qui  ne  sont  plus  chrétiens  (i).  Pour 
écarter  ces  dangers  on  indique  toutes  sortes  de  moyens. 
L'exercice  du  droit  de  patronage  dans  la  promotion  aux  cano- 
nicats  et  la  nomination  des  vicaires  capitulaires  provoquent 
des  observations  de  la  part  des  évêques  espagnols  (2).  Mais 
nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  entrer  dans  le  détail 
de  tous  les  projets.  Voici  les  paroles  fort  sages  du  cardinal 
Pecci  :  Perutile  erit,  hodiemam  civilîs  societatis  indolem 
accurato  studio  perpendere,  diversar  unique  regionum  et 
regnorum  conditioner  et  leges  cognoscere,  ut  exinde  perspi- 
ciatur  qua  via  occurri  possit  his  sanctionibus  ac  statutis  quae 
fidelium  conscientias  misère  excruciant,  Eeclesiœ  jura  pro- 
culcant,  sacrosque  Pastores  per  summum  nefas  a  suis  officiis 
libère  obeundis  remorantur  (3). 

M>'r  Jacobini  résume  en  dernier  lieu  les  réponses  des 
évêques  orientaux  (4),  ceux-ci  s'occupent  surtout  des  Eglises 
schisinatiques  et  des  moyens  de  les  ramener  progressivement 
à  l'unité. 

Les  nombreuses  sectes  qui  se  partagent  l'Orient  schisma- 
tique  et  leurs  erreurs  sont  particulièrement  bien  décrites  par 
le  patriarche    maronite  d'Antioche,  M61"  Mashad  (5).    Leur 


(1)  Rappurto  etc.,  p.  58  sqq. 

(2)  Ibid.,  p.  60. 

(3)  Ibid.,  p.  62. 

(4)  Ibid.,  p.  63  sqq. 

(5)  Ibid.,  p.  64  sq. 


[52-V3] 


62  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

principale  force,  dit  Mgr  Valerga,  patriarche  de  Jérusalem, 
vient  de  la  vigueur  qu'a  prise  chez  elles  le  sentiment  de  la 
nationalité;  il  pourrait  bien  arriver  aussi  que  les  Turcs  leurs 
maîtres  les  affermissent  dans  leurs  fausses  doctrines,  (i).  Au 
témoignage  de  M81"  Hassun,  patriarche  arménien  de  Constan- 
tinople,  l'indifférence  religieuse,  l'incrédulité  et  la  franc- 
maçonnerie  ont  pénétré  d'Occident  en  Orient,  moins  toutefois 
parmi  lès  catholiques  que  parmi  les  schismatiques  (2). 
Ce  n'est  pas,  observent  plusieurs  prélats,  qu'il  ne  se  mani- 
feste en  Orient  un  mouvement  vers  le  centre  de  l'unité.  Les 
Arméniens  en  particulier,  dit  M-1'  Hassun,  atténuent  l'expres- 
sion de  leurs  erreurs  et  cherchent  à  se  rapprocher  de  l'ortho- 
doxie catholique  (3  .  Le  patriarche  des  Maronites  atteste  que 
les  divers  rites  unis  font  de  temps  en  temps  des  recrues  parmi 
les  fidèles  des  rites  hérétiques  ou  schismatiques  correspon- 
dants; les  Maronites  catholiques  en  reçoivent  de  tous  indiffé- 
remment ;  c'est  ainsi  qu'au  cours  de  la  présente  aimée 
5ooGrecs  schismatiques  sont  venus  à  eux;  un  millier  d'autres 
auraient  même  suivi  leur  exemple,  si  des  influences  poli- 
tiques, hostiles  au  catholicisme  n'avaient  empêché  la  réalisa- 
tion de  leur  projet  (4).  Le  patriarche  syriaque,  Mgr  Harcos, 
les  archevêques  d'Alep  et  de  Mossoul  remarquent  également 
que  les  Jacobites  n'ont  plus  la  même  haine  contre  l'Eglise 
romaine  et  qu'on  peut  espérer  leur  conversion  (5).  De  l'avis 
unanime  des  prélats,  le  concile  devra  s'occuper  de  la  grande 
affaire  de  la  réunion  de  l'Orient;  voici  divers  moyens  qu'ils 
indiquent  pour  atteindre  ce  but. 

Avant  tout,  disent  plusieurs  d'entre  eux,  il  faudra  inviter 
au  concile  les  évêques  schismatiques;  oui,  tous  les  évêques. 
insiste  M-1'  Hassun,  et  non  pas  seulement  les  patriarches. 


(1)  Rapporlo.  etc.,  p.  65. 

(2)  Ibid.,  p.  66. 

(3)  Ibid.,  p.  66  sqq. 

(4)  Ibid.,  p.  67. 

(5)  Ibid.,  p.  67  sq. 

[53-5. 


LES    ORIENTAUX    NON-UNIS  63 

Alors  môme  que  tous  ne  s'y  rendraient  pas  avec  des  inten- 
tions pures,  du  moins  ils  en  reviendraient  édifiés,  et  quand 
bien  même  l'union  ne  s'accomplirait  pas  au  concile,  les  pre- 
miers pas  seraient  faits  et  l'on  aurait  ouvert  la  voie  à  une 
solution.  Le  bref  d'invitation,  dit  encore  le  même  prélat,  doit 
contenir  l'assurance  qu'on  ne  touchera  pas  aux  rites  ;  il  est 
aussi  à  souhaiter  qu'un  prélat  de  l'Eglise  romaine  vienne  le 
remettre  aux  chefs  des  Eglises  schismatiques  ainsi  qu'aux 
évèques  ;  ceux-ci  et  les  laïques  influents  feront  ainsi  plus  de 
cas  de  l'invitation  (i).  Le  patriarche  des  Maronites  conseille 
d'aviser  aux  moyens  d'instruire  les  schismatiques  des  vérités 
religieuses,  car  leur  ignorance  est  le  grand  obstacle  à  l'union  ; 
le  délégué  apostolique  de  Constantinople  suggère  de  rédiger 
pour  les  diverses  nations  des  règles  de  foi  semblables  aux 
formules  qu'Eugène  IV  fit  composer  pour  les  Arméniens  et 
les  Jacobites.  Le  patriarche  de  Jérusalem  attire  l'attention 
sur  le  développement  croissant  des  missions  protestantes  ; 
des  ressources  inépuisables  et  un  nombreux  personnel  leur 
permettent  de  répandre  les  livres  anti-catholiques  ;  leurs 
calomnies  contre  le  catholicisme  corrompent  l'esprit  des 
Orientaux,  augmentent  leurs  préjugés  et  font  disparaître  le 
reste  des'traditions  et  des  doctrines  catholiques  qui  jusqu'ici 
s'était  maintenu  parmi  eux  ;  pour  arrêter  ces  progrès,  le 
patriarche  recommande  l'établissement  de  missions  et  une 
formation  soignée  du  clergé  (2).  Pour  gagner  en  particulier 
les  Jacobites,  le  patriarche  syrien  propose  de  grouper  un  cer- 
tain nombre  de  missionnaires  appartenant  à  leur  rite  et  à 
leur  nation,  d'ouvrir  pour  eux  des  écoles  spéciales,  de  faire 
imprimer  en  syriaque  et  en  arabe  la  Sainte  Ecriture,  ainsi 
que  des  livres  de  piété  et  de  controverse,  de  protéger  les 
convertis     contre     les     persécutions    des     dissidents  ,     de 


(1)  liapporto  etc.,  p   68  sq. 

(2)  Ibid.,  p.  69  sqq. 


(il  HISTOIRE    DU    CONCILE     1)1"    VATICAN 

travailler  au  soulagement  des  indigents  et  des  malades  (i).// 
Les  prélats  n'omettent  pas  de  signaler  la  triste  situation 
des  catholiques  d'Orient;  y  porter  remède  serait  le  meil- 
leur moyen  de  procurer  la  conversion  des  schismatiques  (2). 
Le  patriarche  des  Melchites  signale  le  manque  de  discipline 
dans  les  communautés  religieuses,  l'attitude  hostile  des  mis- 
sionnaires latins  à  l'égard  des  rites  orientaux,  l'ignorance 
de  la  masse  du  clergé,  l'absence  d'une  législation  canonique 
applicable  à  tous  les  rites  (3).  Un  grand  nombre  d'évêques 
s'inquiètent  de  voir  les  fausses  doctrines  importées  d'Europe 
gagner  sans  cesse  du  terrain.  Voici,  selon  Mgr  Hassun,  les 
moyens  les  plus  propres  à  arrêter  les  progrès  du  mal  :  élever 
le  clergé  dans  les  principes  de  l'Église  latine,  confier  à  des 
religieuses  des  divers  rites  la  direction  des  écoles  de  garçons 
et  de  filles,  fonder  des  séminaires  suivant  les  décisions  du 
concile  de  Trente,  propager  les  livres  et  autres  écrits  pério- 
diques composés  dans  les  diverses  langues  pour  la  défense 
de  la  foi  et  de  la  morale,  renouveler  la  défense  de  parti- 
ciper aux  offices  des  hérétiques.  Le  délégué  apostolique  de 
Constantinople  pousse  à  la  fondation  d'une  université; 
ainsi  les  familles  catholiques  ne  seraient  plus  dans  la  néces- 
site d'envoyer  leurs  enfants  compléter  leur  éducation  en 
Europe;  il  serait  utile  aussi,  dit-il,  que  le  pape  eût  auprès 
de  la  Porte  son  représentant  propre;  les  patriarches  des 
autres  rites  y  ont  le  leur;  pourquoi  le  patriarche  du  rite  latin 
ferait-il  exception?  Comme  les  autres,  il  obtiendrait  ainsi  peu 
à  peu  les  ressources  nécessaires  à  l'entretien  du  culte  et  des 
écoles  (4). 

Plusieurs  évèques  du  rite  latin  avaient  également  proposé 
aux  délibérations  du  concile  la  réunion  des  églises  séparées 


(1)  Rapporto,  etc.,  p. 

(2)  Ibid..  p.  71  sq. 
(8)  Ibid.,  p.  72.    • 
(4)  Ibid. ,  p.  72  sqq. 


INFORMATIONS    PRELIMINAIRES    AU    CONCILE  68 

d'Orient.  Le  concile,  dit  Mgr  Blanco,  évêque  d'Avila,  doit 
se  tourner  vers  ces  Eglises  séparées,  vocemque  suam  sup- 
plicem  fraternaque  caritate,  vel  potins  fartasse  clicam,  ma- 
terno  amore  plenam  atque  inflammatam  illis  dirigere,  ut 
tandem  ad  sinum  redeant  universalis  amantissimasque matris 
et  magistra  :  apud  quam  tantummodo  salus  et  vera  vita 
est  (i). 

Ainsi  donc,  d'avance  et  par  les  représentants  naturels  de 
presque  toutes  les  parties  de  l'Eglise,  Rome  était  informée 
des  points  dont  il  paraissait  désirable  que  le  concile  s'occu- 
pât. //  La  solennité  du  dix-huitième  centenaire  du  martyre 
des  princes  des  apôtres,  fournit  encore  une  occasion  de  com- 
pléter ces  renseignements.  Les  évêques  qui,  à  cette  occasion, 
se  rendirent  dans  la  capitale  du  monde  chrétien  reçurent  un 
questionnaire  sur  la  manière  dont  s'observaient  dans  leurs 
diocèses  certains  préceptes  de  l'Eglise  (2).  Le  but  n'était  pas 
d'obtenir  de  nouvelles  lumières  sur  les  matières  à  proposer 
au  concile  (3)  ;  les  réponses  servirent  cependant  d'indication 
pour  les  mesures  que  celui-ci  devait  édicter  (4). 


(1)  Rapporto  etc.,  p.  78  sq. 

(2)  Quœstiones  qnœ  ab  Apostolica  Sede  Episcopis proponuntur  C.  V.  1028  a.  sqq.  Ces 
questions  n'étaient  destinées  qu'aux  évêques  présents  à  la  fête.  Cfrla  lettre  du 
cardinal  Antonelli  au  nonce  de  Munich.  C.  V.  1029  b.  sq. 

(3)  Cf.  la  lettre  d'envoi  du  préfet  de  la  sacrée  Congrégation  du  Concile.  C.  V. 
1027  b.  sqq. 

(4)  De  fait,  le  pape  répondant  à  une  lettre  de  l'archevêque  de  Salzbourg 
qui  avait  demandé  la  bénédiction  pontificale  pour  une  réunion  des  évêques  alle- 
mands àFulda,  invite  ces  derniers  à  remplir  le  susdit  questionnaire  afin  que 
dans  ses  décisions  le  concile  puisse  prendre  en  considération  leurs  réponses. 
Voir  la  lettre  du  pape  datée  du  30  septembre  1867  dans  C.V.  10i3c.  sqq. 

5 

[56] 


CHAPITRE  V. 

Centenaire  du  martyre  des  princes  des  apôtres  :  le  pape 
annonce  le  concile  en  consistoire  public.  // 

Le  pape  avait  songé  d'abord  à  fixer  l'ouverture  du  concile 
au  jour  très  proche  du  dix-liuitiènie  centenaire  du  martyre 
des  saints  Pierre  et  Paul,  le  29  juin  1867.  Mais  il  apparut 
bientôt  que  les  préparatifs  ne  pourraient  pas  être  finis  à  cette 
date  Les  événements  vinrent  d'ailleurs  les  entraver  ;  la 
guerre  éclata  entre  l'Italie  et  l' Autriche  et  les  inquiétudes  au 
sujet  du  sort  réservé  à  Rome  amenèrent  une  longue  interrup- 
tion dans  les  travaux.  Les  nuages  sombres  de  la  tempête 
s'amoncelaient  au-dessus  de  la  Ville  Eternelle  et  l'on  est 
saisi  d'étonnement  et  d'admiration  lorsqu'on  voit  avec  quel 
courage  et  quelle  confiance  en  Dieu  le  grand  pape  poursui- 
vait, malgré  ces  menaces,  son  projet  de  convoquer  un  concile 
à  Rome. 

Depuis  longtemps  déjà  le  royaume  de  Piémont  travaillait  à 
l'aire  de  toute  la  péninsule  italienne  un  Etat  unique  ;  son  plan 
se  trouvait  même  presque  entièrement  réalisé;  de  toutes  les 
principautés  italiennes  il  ne  lui  restait  plus  à  soumettre  que 
la  Vénétie  et  le  patrimoine  de  Saint-Pierre.  // 

L'annexion  de  la  Vénétie  se  fit  en  1866.  Le  8  avril  de 
cette  année,  le  royaume  d'Italie  —  c'est  le  nom  qu'avait 
pris  le  nouvel  Etat  et  que  lui  avaient  reconnu  plusieurs 
des  puissances  européennes  —  conclut  un   traité  avec   la 

[57-58J 


68  HISTOIRE    1)1*    CONCILE    DU    VATICAN 

Prusse,  alors  sur  le  point  d'attaquer  l'Autriche;  il  se  promet- 
tait que  cette  alliance  lui  ferait  obtenir  de  l'Autriche  la 
cession  de  ses  territoires  italiens.  La  guerre,  dans  la  seconde 
moitié  de  juin  et  au  commencement  de  juillet  en  Bohême  et 
dans  le  Nord  de  l'Italie,  fut  courte,  mais  sanglante  ;  l'Italie 
y  fut  battue  sur  mer  et  sur  terre;  mais  la  Prusse  triompha. 
Vaincue  à  Sadowa,  l'Autriche  céda  la  Vénétie  à  l'empereur 
des  Français  et  se  déclara  prête  à  accepter  sa  médiation.  La 
paix  fut  signée  entre  elle  et  la  Prusse  le  23  août.  D'après  le 
traité,  l'empereur  Napoléon  III  déclarait  qu'il  considérait  la 
Vénétie  comme  appartenant  à  l'Italie  et  comme  devant  lui 
être  annexée;  l'empereur  d'Autriche  acceptait  cette  déclara- 
tion. L'Italie  recevait  donc  la  Vénétie  des  mains  de  la  France. 
Sur  le  désir  de  Napoléon  un  plébiscite  sur  l'union  avec  le 
royaume  d'Italie  eut  lieu  au  mois  d'octobre  dans  la  Vénétie  et 
le  Mantouan.  Une  députation  de  Venise  en  porta  le  résultat 
au  roi  Victor-Emmanuel,  a  Aujourd'hui,  dit  celui-ci  en  la  rece 
vaut,  disparaît  pour  toujours  de  la  péninsule  toute  trace  de 
la  domination  étrangère.  L'Italie  est  faite  ;  mais  non 
encore  achevée.»  Le  sens  de  ces  paroles  n'échappa  à  personne. 

Le  patrimoine  de  Saint-Pierre,  qui  seul  manquait  encore  à 
l'achèvement  de  l'Italie,  était  sous  la  protection  de  la  France. 
Cette  année  même  l'appui  français  allait  lui  manquer.  Le 
il  décembre  1866  le  drapeau  tricolore  qui  depuis  le  3  juil- 
let 1849  flottait  au-dessus  de  Rome  disparut  du  château  Saint- 
Ange;  par  la  convention  du  i5  septembre  1864  l'empereur 
des  Français  avait  promis  au  roi  d'Italie  de  rappeler  dans  le 
délai  de  deux  ans  la  garnison  qu'il  entretenait  à  Rome,  en 
retour  le  roi  d'Italie  s'était  engagé  à  respecter  le  territoire 
pontifical  et  à  le  défendre  par  les  armes  contre  toute 
attaque. 

C'est  donc  au  roi  de  Piémont  que  se  trouve  maintenant 
confiée  la  protection  de  ce  reste  échappé  à  son  avidité  :  le 
domaine  du  pape  est  sous  la  garde  de  celui  qui,  un  mois 

f58] 


RETRAIT    DES    TROUPES    FRANÇAISES  69 

auparavant  en  annexant  la  Vénétie, avait  prononcé  les  paroles 
significatives  que  nous  avons  dites. 

Le  6  décembre,  //  le  comte  de  Montebello,  commandant  de 
la  garnison  française,  son  état-major  et  les  officiers  présents 
à  Rome  prirent  congé  du  pape;  le  général  donna  l'assurance 
au  souverain  pontife  que  l'appui  moral  de  la  France  restait 
assuré  à  la  capitale  de  la  chrétienté.  «  Je  l'ai  déjà  dit  à  vos 
autres  compagnons  d'armes,  lui  répondit  le  pape;  il  ne  faut 
point  se  faire  illusion  :  la  révolution  viendra  ici,  elle  l'a 
annoncé,  proclamé,  vous  avez  entendu,  vous  avez  compris. 
C'est  dans  la  bouche  d'un  prince  qu'on  a  placé  cette  parole  : 
«  L'Italie  est  faite,  mais  elle  n'est  pas  achevée  !  » 

En  répondant  aux  vœux  offerts  par  le  Sacré-Collège,  le 
jour  de  Noël,  le  pape  parla  aussi  de  la  tristesse  des  jours  que 
l'on  traversait. 

Et  cependant  Pie  IX  voulait  donner  au  dix-huitième  cente- 
naire des  princes  des  apôtres, qui  tombait  l'année  suivante, le 
plus  de  solennité  possible.  Il  fit  donc  adresser  par  le  cardinal 
préfet  de  la  Congrégation  du  concile  une  lettre  aux  évoques  de 
l'univers  entier  les  invitant  à  assister  à  des  fêtes  pendant 
lesquelles  devaient  avoir  lieu  des  canonisations  nombreuses. 
C'est  aussi  cette  occasion  qu'il  choisit  pour  annoncer  publi- 
quement le  prochain  concile  général. 

Plusieurs  centaines  d'évêques,  des  milliers  de  prêtres  et  de 
laïques  de  tout  rang  accoururent  à  Rome  pour  ces  solennités. 
«  Trente  nations,  écrit  un  des  cardinaux  qui  s'y  trouvaient, 
étaient  représentées  par  leurs  patriarches,  archevêques,  pri- 
mats et  évêques  ;  à  Rome  on  entendait  alors  parler  toutes 
les  langues,  dans  les  rues  on  voyait  tous  les  costumes  ;  on 
disait  la  population  presque  doublée  par  l'afflux  des  catholi- 
ques de  toutes  les  parties  du  monde  (i).  »  C'est,  en  cette  cir- 


(1)  Henry  Edward   (Manning),   cardinal-archevêque  de   Westminster  :  True 
Story  of  the  Vatican  Cotincil,\>.  44  sq. 

[58-59] 


"G  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

constance,  le  26  juin,  dans  la  salle  située  au-dessus  du  grand 
portique  de  Saint-Pierre  que  Pie  IX  tint  le  consistoire  public 
où  il  adressa  à  son  nombreux  et  illustre  auditoire  une  allocu- 
tion annonçant  le  concile  (1). 

Après  avoir  parlé  de  cette  unité  que  le  Christ  a  si  instam- 
ment recommandée  aux  siens  et  constaté  qu'en  l'ait  l'union 
la  plus  étroite  régnait  entre  le  Saint-Siège  et  l'épiscopat, 
le  pape  ajouta  :  «  Quant  à  nous,  vénérables  Frères  '/,  nous  ne 
désirons  rien  tant  que  de  recueillir  de  votre  union  avec  le 
Siège  apostolique  le  fruit  que  nous  estimons  le  plus  salutaire 
et  le  plus  heureux  pour  L'Eglise  universelle.  Depuis  long- 
temps, nous  méditons  un  dessein  dont  nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  de  faire  part  à  plusieurs  de  nos  vénérables  Frères 
et  que  nous  espérons  mettre  à  exécution  dès  que  les  circon- 
stances seront  propices  à  notre  désir;  ce  dessein  est  de  tenir 
un  sacré  concile  œcuménique  et  général  de  tous  les  évèques 
du  monde  catholique,  où  seront  recherchés,  avec  l'aide  de 
Dieu,  dans  l'union  des  conseils  et  des  efforts,  les  remèdes 
nécessaires  aux  maux  qui  affligent  l'Eglise.  Grâce  à  ce  con- 
cile, nous  en  avons  le  plus  ferme  espoir,  la  lumière  de  la 
vérité  catholique  répandra  sa  clarté  salutaire  au  milieu  des 
ténèbres  qui  obscurcissent  les  esprits  et  leur  fera  connaître, 
avec  la  grâce  de  Dieu,  la  voie  véritable  du  salut  et  de  la 
justice.  Il  en  résultera  aussi  que  l'Eglise,  semblable  à  une 
armée  invincible  rangée  en  bataille,  repoussera  les  assauts 
de  ses  ennemis,  brisera  leurs  efforts  et,  par  son  triomphe, 
étendra  et  propagera  sur  la  terre  le  règne  de  Jésus- 
Christ  (2).  » 

Le  Ier  juillet  suivant,  les  évèques  présentèrent  au  pape  une 
adresse  de  félicitations  (3),  où  ils  s'exprimaient  en  ces  termes 


(1)C.   V.  1029  c.  sqq. 

(2)  C.  V.  1032  c.  sqq. 

(3)  C.   V.  1033  a.  sqq.  Pour  dresser  le  projet  de  cette  réponse  à  l'allocution 
du  pape,  une  réunion   générale   des    évèques    eut  lieu  au  palais  Altieri;   des 

[59-60 


ADRESSE    DES    EVEQUES  71 

sur  le  concile  annoncé  :  «  Nos  âmes  ont  été  remplies  d'une 
joie  extrême  en  apprenant  de  A^otre  bouche  sacrée  le  dessein 
que  vous  méditez,  parmi  les  périls  des  temps  actuels,  de  con- 
voquer un  concile  œcuménique,  le  remède  le  plus  puissant, 
disait  votre  glorieux  prédécesseur  Paul  III,  dans  les  plus 
grandes  nécessités  de  la  république  chrétienne.  Daigne  Dieu 
bénir  ce  dessein  dont  il  est  lui-même  l'inspirateur  et  puissent 
les  hommes.de  notre  temps,  infirmes  dans  la  foi//,  chercheurs 
perpétuels  qui  jamais  n'arrivent  à  connaître  la  vérité, 
emportés  par  tous  les  vents  de  doctrine,  rencontrer  enfin 
dans  ce  saint  concile  une  nouvelle  et  très  heureuse  occasion 
de  se  rapprocher  de  la  sainte  Eglise,  colonne  et  fondement 
de  la  vérité,  d'apprendre  la  foi,  source  du  salut,  et  de  rejeter 
les  erreurs  qui  les  perdent  ;  que  par  l'aide  de  Dieu  et  par 
l'intercession  de  sa  Mère  Immaculée  ce  concile  soit  une 
grande  oeuvre  d'unité,  de  sanctification  et  de  paix;  que 
l'Eglise  en  reçoive  une  splendeur  nouvelle  et  le  royaume  de 
Dieu  y  gagne  un  nouveau  triomphe  (i).  » 

Dans  sa  réponse  (2),  Pie  IX  exprima  sa  satisfaction  toute 
spéciale  de  l'adhésion  donnée  d'avance  par  les  éveques  au 
projet  depuis  longtemps  arrêté  chez  lui  de  mettre  le  concile 
sous  les  auspices  de  la  très  sainte  Vierge.  Quelle  qu'en 
doive  être  l'époque,  annonça-t-il,  il  sera  placé  sous  le  patro- 
nage de  Marie  et  s'ouvrira  le  jour  de  l'Immaculée  Con- 
ception. 

Peu  de  temps  après  les  fêtes  du  centenaire,  la  congréga- 


évèques  de  toutes  les  nations  y  assistèrent.  Mais  il  parut  impossible  d'arrêter 
un  texte  dans  une  assemblée  aussi  nombreuse;  il  fut  décidé  d'en  confier  le 
travail  à  une  Commission  de  sept  prélats,  à  savoir,  le  cardinal  de  Angelis 
archevêque  de  Fermo,  les  archevêques  de  Sorrento,  de  Saragosse,  de  Kalocsa, 
de  Thessalonique,  de  Westminster  et  l'évêque  d'Orléans.  Ceux-ci,  à  leur  tour, 
chargèrent,  dans  leur  première  réunion,  ME'Haynald,  archevêque  de  Kalocsa, 
de  la  rédaction  de  l'adresse  ;  ils  en  adoptèrent  les  termes  définitifs  dans  une 
séance  ultérieure.  Cfr  Manning,  loc.  cit.  p.  52  sq. 

(1)C.  V.  1035  6. 

(2)Ibid.  1042  c.  sq  ^. 

[60-61] 


72  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tion  préparatoire  des  affaires  du  concile  (elle  était  déjà  orga- 
nisée à  cette  date),  proposa  de  supprimer  la  prescription 
générale  du  secret  :  il  fut  restreint  aux  délibérations  de  la 
Congrégation  directrice  et  des  futures  Commissions. 

L'automne  fut  rempli  par  les  combats  incesssants  de  la 
petite  armée  du  pape  contre  les  aventuriers  garibaldiens.  Ils 
envahissaient  continuellement  le  territoire  pontifical  et 
menaçaient  Rome.  Le  gouvernement  piémontais,  que  la  con- 
vention de  septembre  obligeait  à  défendre  la  ville  contre 
toute  attaque,  se  bornait  à  sauver  les  apparences;  en  réalité, 
il  favorisait  ces  incursions  et,  à  Rome  même,  s'appliquait  à 
provoquer  des  soulèvements.  Sous  la  pression  de  l'opinion 
publique  en  France,  Napoléon  III  dut  renvoyer  des  troupes 
à  Rome  et,  le  3o  octobre  1867,  le  drapeau  français  flotta  de 
nouveau  à  côté  du  drapeau  du  pape  sur  le  château  Saint- 
Ange  :  c'était  une  garantie  pour  le  futur  concile//. 


[61J 


CHAPITRE  VI 
Formation  des  Commissions  préparatoires. 

Nous  avons  déjà  dit  au  chapitre  second,  que  dès  sa 
première  ouverture  au  sujet  du  concile,  Pie  IX  avait  nommé 
pour  en  délibérer  une  Commission,  dont  les  membres  étaient 
les  cardinaux  Patrizi,  Reisach,  Panebianco,  Bizzarri  et 
Caterini;  Mgr  Pierre  Giannelli,  archevêque  de  Sardes  I.  P.  I. 
et  prosecrétaire  de  la  sacrée  Congrégation  du  concile,  en 
était  secrétaire  (i). 

Dans  sa  première  séance,  le  9  mars  i865,  cette  Commis- 
sion décida  de  proposer  au  pape  l'institution  d'une  Congré- 
gation extraordinaire  qui  serait  chargée  de  diriger  les 
travaux  du  concile  (2).  Le  pape  approuva  la  proposition  ;  la 
Commission  fut  transformée  en  Congrégation  et  celle-ci 
reçut  successivement  comme  membres  nouveaux  les  cardi- 
naux Barnabe,  Bilio,  Capalti  et  de  Luca  (3).  Son  titre  offi- 
ciel/fut: «  Congrégation  spéciale  directrice  des  affaires  du 
futur  concile  général  (4).  On  l'appelait  aussi  simplement, 
nous  l'avons  déjà  dit  :  «  Commission  centrale  »  à  cause  des 
autres  Commissions  qui  furent  placées  sous  sa  dépendance. 

A  cette  même  première  séance  de  la  Commission,  le  secré- 


(1)  Voir  plus  haut  page  25  C.  V.  1013  c.  sqq. 

(2)  Voir  page  30. 

(3)  Procès-Verbal  24  mai  1866  ;  11  août  1867  :  28  décembre  1868  ;  7  mars  1869. 

(4)  Congregatione  spéciale  direttrice  per  gli  affari  del  futuro  Concilio  générale. 

[62-631 


74  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

taire,  dans  son  rapport,  avait  noté  qu'il  serait  utile  pour  les 
travaux  préparatoires  de  mander  un  certain  nombre  d'ecclé- 
siastiques de  tons  les  pays,  capables  de  renseigner  exacte- 
ment sur  les  besoins  de  leurs  Eglises  respectives  (i).  Les 
cardinaux,  de  leur  côté,  déclarèrent  que,  sans  le  secours  de 
consultes  subordonnées,  la  Congrégation  directrice  dont  ils 
proposaient  la  formation  n'arriverait  jamais  à  préparer  toutes 
les  matières  à  soumettre  au  concile  ;  ils  demandèrent  donc 
qu'on  leur  soumît  un  plan  sur  la  meilleure  manière  de  faire 
ces  préparatifs.  Le  cardinal  Bizzarri  accepta  de  le  dresser  12) 
et  il  déposa  son  rapport  dans  la  séance  du  19  mars  (3). 

Pour  le  travail  si  important  de  la  préparation  des  matières 
à  soumettre  au  concile,  déclare  le  cardinal,  il  faut  des 
hommes  aussi  instruits  que  sages  et  qui  soient  familiarisés 
avec  les  principes  en  usage  à  la  Cour  de  Rome  ;  mais  comme 
il  est  difficile  de  trouver  toutes  ces  qualités  réunies  dans  un 
même  individu,  il  en  faut  désigner  un  grand  nombre,  On 
pourra,  pense-t-il,  trouver  une  bonne  partie  de  ce  personnel 
dans  les  Congrégations  romaines.  Leurs  membres,  en  effet, 
outre  qu'ils  sont  très  au  courant  des  questions  dont  ils 
s'occupent,  sont  encore  les  dépositaires  des  traditions  du 
siège  romain;  sur  ce  point,  ils  pourront,  renseigner  leurs 
collègues.  Il  paraît  donc  tout  indiqué  de  les  prendre  pour  en 
former  le  noyau  des  groupes  de  membres  consultants  et  de 
leur  adjoindre  des  théologiens  et  des  canonistes  éminents, 
choisis  au  besoin  à  l'étranger.  La  science  le  plus  souvent 
purement  théorique  et  abstraite  de  ces  savants  sera  utilisée 
dans  le  domaine  de  la  pratique,  grâce  à  la  discussion  et  au 
secours  que  leur  apporteront  leurs  collègues  de  la  curie. 

Le  rapport  énumère  quatre  groupes  de  questions  à  pré- 


(1)  Voir  page  29. 

(2)  Voir  page  30. 

(3)  Progelto  per  preparere  gli  studii  da  premettersi  alla  celebrazione  del  Concilio 
générale.  Procès-verbal  19  mars  1865.  Pièce  D.  Cfr  G.  V.  1015  c,  sqq. 

[63] 


FORMATION  DES  COMMISSIONS  75 

parer  :  i°  Questions  doctrinales;  2°  Questions  politico- 
ecclésiastiques  ;  3°  Questions  concernant  les  missions  et 
l'Eglise  d'Orient;  4"  Questions  disciplinaires.  Il  y  aura,  par 
conséquent,  quatre  commissions  à  former.  Celle  à  qui 
reviendra  la  partie  doctrinale  devra  se  grouper  autour  du 
Saint  Office,  et  un  des  cardinaux  de  cette  Congrégation  en 
prendra  la  présidence.  La  Congrégation  des  affaires  ecclé- 
siastiques est  le  noyau  tout  indiqué  de  la  Commission  pour 
les  questions  politico-ecclésiastiques  ;  la  troisième  Commis- 
sion se  rattachera  à  la  Congrégation  de  la  Propagande  et  des 
rites  orientaux  ;  la  quatrième  aux  deux  congrégations  des 
évêques  et  réguliers  et  du  Concile.  Au  cas  où  l'on  voudrait 
faire  de  la  discipline  et  de  la  réforme  des  monastères,  l'objet 
d'une  délibération  spéciale,  on  pourrait  former  une  Com- 
mission se  rattachant  à  la  Congrégation  super  statu  Regu- 
larium.  Le  rapporteur  entre  encore  dans  d'autres  détails  que 
leur  moindre  importance  nous  fait  omettre. 

Les  propositions  de  Bizzarri  furent  approuvées  des  autres 
cardinaux  et  tous  tombèrent  d'accord  que  leur  mise  à  exécu- 
tion devrait  suivre  immédiatement  la  publication  de  la  bulle 
de  convocation;  rien  n'empêcherait  d'y  apporter  ensuite 
quelques  petites  modifications,  sur  lesquels  il  était  peu 
urgent  de  délibérer,  puisque  la  réalisation  n'en  viendrait 
que  plus  tard  (i)  Le  27  mars,  le  secrétaire  de  la  Congrégation 
directrice  rendit  compte  de  ces  décisions  au  Saint-Père, 
celui-ci  y  donna  sa  pleine  approbation  (2). 

Toutefois,  pour  en  venir  à  l'exécution,  on  n'attendit  pas  la 
publication  de  la  bulle,  ni  même  l'annonce  officielle  du 
concile. 

Les  premières  démarches  eurent  lieu  en  1860.  Le  17  novem- 
bre de  cette   même  année,  le  cardinal  préfet  de  la  Congré- 


(1)  Procès-verbal,  loc.  cit.  G.    V.  1015c.  sq. 

(2)  Procès-verbal,  etc.  Après  la  séance  du  19  mars.  C.  V.  1017  b. 

[04] 


76  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN* 

gation  du  Concile,  fut  chargé  par  le  pape  d'écrire  aux  nonces 
que  Sa  Sainteté  était  résolue  à  convoquer  un  concile  et  à  en 
faire  exécuter  les  travaux  préparatoires  par  des  consultes 
composées  à  la  fois  de  théologiens  et  de  canonistes  romains 
et  de  savants  étrangers.  Ces  consulteurs  devaient  être  des 
hommes  d'une  conduite  exemplaire  et  d'un  savoir  éminent  en 
philosophie,  en  théologie  et  en  droit  canonique.  Chaque 
nonce  était  prié  de  signaler  au  cardinal  deux  théologiens  ou 
canonistes  de  son  ressort,  pris  dans  le  clergé  séculier  ou 
régulier  parmi  les  plus  distingués  du  pays  (i).  Les  réponses 
des  nonces  arrivèrent  vers  le  début  de  l'année  suivante. 
Mais  pour  plusieurs  des  personnages  indiqués,  le  Saint- Père 
désirait  avoir  aussi  l'avis  de  leur  évèque  ;  il  chargea  donc  le 
même  cardinal  de  s'informer  auprès  des  Ordinaires  :  les 
prêtres  en  question  se  distinguaient-ils  vraiment  par  leur 
conduite,  leur  talent,  leur  connaissance  de  la  théologie  et  du 
droit,  s'étaient-ils  acquis  une  réputation  de  science,  enfin 
avaient-ils  la  santé  nécessaire  (2)?  Les  lettres  expédiées  à 
cet  effet  par  le  cardinal  préfet  sont  datées  des  premiers  mois 
de  1866.  L'invitation  aux  théologiens  ne  leur  fut  adressée 
que  plus  tard,  lorsque  le  pape  eut  fait  connaître  publiquement 
son  intention  de  convoquer  un  concile  œcuménique. 

Dans  l'intervalle  on  avait  avancé  à  Rome  la  formation  des 
commissions.  La  Congrégation  directrice  s'en  était  déjà 
occupée  dans  sa  troisième  séance,  le  24  mai  iS<>(>,  puis  après 
la  longue  interruption  dont  nous  avons  parlé  (3),  s'était 
remise  à  l'œuvre  dans  ses  quatrième  et  cinquième  séances 
(28  juillet  et  11  août  1867).  Elle  décida  de  nommer  cinq  com- 
missions, dont  une  pour  les  ordres  religieux.  Furent  choisis 
comme  présidents  les  cardinaux  Panebianco  pour  la  Com- 
mission de  la  théologie  dogmatique,  Caterini  pour  celle  de  la 


(1)  C.   V.  1024  b.  sqq. 

(2)  C.  V.  1025  a.  sq. 

(3)  Page  57  sqq. 


[65] 


CHOIX    DES    CONSULTEURS  77 

discipline,  Bizzarri  pour  celle  des  religieux,  Barnabô  pour 
celle  des  Eglises  d'Orient  et  des  missions,  Reisach  pour  celle 
des  matières  politico-ecclésiastiques.  Ces  choix  furent  con- 
firmés par  le  Saint  Père.  Le  cardinal  Panebianco,  cependant, 
se  trouvant  trop  absorbé  par  ses  fonctions  de  grand  péni- 
tencier demanda  à  être  déchargé  de  toute  présidence;  le  pape 
y  consentit  (i);  et  dans  sa  cinquième  séance  la  Congrégation 
confia  au  cardinal  Bilio,  récemment  admis  dans  son  sein,  la 
présidence  de  la  Commission  dogmatique  (2). 

Il  fallait  maintenant  nommer  les  consulteurs.  On  décida 
que  chacun  des  cinq  présidents  commencerait  par  proposer 
comme  consulteurs  de  sa  Commission  quelques  théologiens 
et  canonistes  résidant  à  Rome.  Dès  la  cinquième  séance  // 
plusieurs  de  ces  choix  furent  arrêtés.  Il  fut  également  admis 
que  chaque  président  prendrait  un  secrétaire  à  son  gré. 
Dans  le  cas  où  le  théologien  ou  canoniste  choisi  ne  serait  pas 
encore  consulteur,  il  le  deviendrait  par  le  fait  même. 
Toutes  ces  résolutions  furent  confirmées  par  le  Saint 
Père  (3). 

Dans  sa  sixième  séance  (i5  décembre  1867)  la  Congrégation 
directrice  décida  de  s'adjoindre  elle-même  des  consulteurs  et 
le  9  février  suivant  elle  fixa  quelques-uns  de  ses  choix.  Ils 
reçurent  le  lendemain  l'approbation  du  pape. 

Cependant,  un  certain  nombre  de  savants  étrangers 
avaient  déjà  reçu  l'invitation  à  prendre  part  aux  travaux 
préparatoires.  C'est  le  28  novembre  1867  que  le  cardinal 
Caterini,  préfet  de  la  Congrégation  du  concile,  avait  expédié 
les  premières  lettres.  Elles  étaient  adressées  aux  nonces  de 
Vienne,  de  Munich,  de  Paris  et  de  Bruxelles,  et  leur  indi- 
quaient les  consulteurs  qu'ils  étaient  chargés,  par  l'intermé- 


(1)  Procès-verbal.  Séance  du28  juillet  1867.  —  Audience  du  l"aoùt  1867. 

(2)  Procès-verbal.  11  août  1867. 

(3)  Procès-verbal.  11  août  1866.  —  Gecconi  :  Stoi'ia  del  Concilio  ecumenico  Vati- 
cano,  1. 1,  p.  68  sqq.  (Traduction  franc.  Bonhomme  et  Duvillard.  p.  75.) 

[65-66] 


78  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

diaire  des  évêques  diocésains,  d'inviter  d'abord  et  de  préfé- 
rence :  c'étaient  pour  l'Autriclie-Hongrie  les  professeurs 
Sclrwetz,  Danko  et  Kovacs;  pour  la  Confédération  de  l'Alle- 
magne du  Xord  le  chanoine  Maier,  avec  les  professeurs 
Hergenrother  et  Hettinger;  pour  la  France,  le  chanoine  Gay 
avec  les  abbés  Jacquenet  et  Gillet,  pour  la  Belgique  le  pro- 
fesseur Feye.  On  les  attendait  à  Rome  pour  le  mois  de 
février  1868;  ils  logeraient  à  la  maison  des  Lazaristes,  à 
Monte-Citorio  ;  le  professeur  Feye  aurait  le  choix  entre 
cette  maison  et  le  collège  belge.  Dès  leur  arrivée  ils  rece- 
vraient leur  nomination  et  apprendraient  à  quelle  Com- 
mission ils  étaient  affectés  (1). 

Le  25  décembre  le  nonce  de  Vienne  écrivait  que  les  person- 
nages invités  s'estimaient  très  honorés  de  pouvoir  prendre 
part  aux  travaux  préparatoires  du  concile  (2),  mais  le  8  mars 
suivant  il  fit  savoir  que  le  professeur  Danko  avait  été  rappelé 
de  Vienne  :  le  primat  de  Hongrie  l'avait  nommé  théologal 
du  chapitre  de  sa  cathédrale  et  supérieur  de  son  séminaire  : 
il  se  trouvait  donc  empêché  de  se  rendre  à  Rome  (3).  Les 
professeurs  Hergenrother  et  Hettinger,  écrivit  de  son  côté 
le  nonce  de  Munich,  avaient  accepté  l'invitation  avec  recon- 
naissance; mais  pour  ne  pas  trop  réduire  leur  enseignement 
à  l'LTniversité  de  Wiirzbourg,  ils  désiraient  ne  séjourner  à 
Rome  que  pendant  les  mois  de  mars  et  d'avril  et  ensuite 
depuis  le  commencement  de  septembre  jusqu'au  milieu  de 
novembre  ;  l'un  d'entre  eux  cependant  pourrait  y  passer  tout 
l'hiver.  Quant  au  chanoine  Maier,  l'évêque  de  Ratisbonne, 
avait  exprimé  le  vit*  désir  de  le  conserver  près  de  lui  et 
déclarait  ne  pouvoir  s'en  passer  (4).  Au  mois  de  janvier  1868 
le   cardinal  Caterini  répondit   que  le  pape    approuvait   les 


(1)  6'.  V.  1044  d.  1045-1048  d.  1041»  a. 

(2)  Ibid.  1045  b. 

(3)  Ibid. 

(4)  Ibid.  1045  d. 


[66-67] 


CHOIX    DES    CONSULTEURS  79 

propositions  des  professeurs  de  Wûrzbourg  et  autorisait  le 
chanoine  Maier  à  rester  à  Ratisbonne  (i). 

Des  trois  théologiens  français  convoqués,  l'un,  l'abbé 
Gillet,  fut  obligé  de  s'excuser  pour  motifs  de  santé.  On  invita 
à  sa  place  M.  Le  Hir,  prêtre  de  Saint-Sulpice  (2),  puis  ce 
dernier  étant  mort,  M.  Chesiiel,  vicaire  général  de 
Quimper  (3). 

D'Allemagne  on  appela  encore  le  chanoine  Molitor,  de 
Spire  (4). 

Dans  cette  première  série  d'invitations  furent  encore 
compris  deux  théologiens  espagnols,  les  Pères  Romero,  de 
l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs,  et  Labarta,  de  la  Compagnie 
de  Jésus  (5).  Mais  l'un  et  l'autre  se  trouvèrent  empêchés  par 
leur  santé.  Pour  le  même  motif,  il  fallut  renoncer  à  appeler 
le  chanoine  Viqueira,  et  l'on  se  contenta  pour  le  moment 
d'un  seul  consulteur  espagnol,  le  chanoine  Labrador,  de 
Cadix.  On  lui  assigna  aussi  comme  logement  la  maison  de 
la  Mission  à  Monte-Citorio  (6). 

Aux  mois  de  septembre  1867  et  d'avril  1868  on  fit  inviter 
par  le  général  de  la  Compagnie  de  Jésus  les  Pères  Schrader 
et  Costa  (7).  Le  4  juin  1868  le  Père  Martinow,  de  la  même 
Compagnie,  reçut  aussi  sa  nomination  de  consulteur  (8)//. 

En  plus  d'un  endroit  ces  choix  provoquèrent  du  mécon- 
tentement. Dès  le   mois  d'avril  1868,  le  nonce  de  Vienne, 


(1)  Cegconi  ;loc.  cit.  p.  79.  (Traduct.  p.  84). 

(2)  Lettre  du  cardinal  Caterini  au  nonce  de  Paris,  le  23  janvier  1868.  C,  F. 
4048  d. 

(3)  Lettre  du  même,  du  6  février,  C.  V.  1049  a. 

(4)  Lettre  du  même, du  20  décembre  1867.  C.  V.  1046  a.  Les  documents  de  moin- 
dre importance  n'ont  été  qu'analysés  dans  C.V.  Les  nombres  en  chiffres  romains 
qui  s'y  trouvent  ajoutés  entre  parenthèses,  indiquent  le  numéro  du  document 
dans  la  collection  de  Cecconi . 

(5)  Lettre  du  cardinal  Caterini  au  nonce  de  Madrid,  23  janvier  1868.  C.  V. 
1049  a. 

(6)  Lettre  de  Caterini,  30  mars  1868,56'.  V.  1049  a. 

(7)  Cecconi,  loc.  cit.  p.  80.  (Traduct.  p.  85). 

(8)  Ibid.,  p.  98. 

[67-68] 


80  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Mgr  Falcinelli,  écrivait  au  cardinal  Caterini  qu'un  évêque 
avait  proposé  pour  consulteurs  les  professeurs  Dôllinger, 
Hefele  et  Kuhn.  Le  25  du  même  mois  le  cardinal  répondit 
que  le  pape  lui  avait  fait  part  de  son  intention  d'appeler 
encore  peut-être  d'autres  consulteurs,  mais  plus  tard  seule- 
ment, après  l'été,  la  chaleur  de  Rome  étant  dangereuse 
pour  la  santé  des  personnes  habituées  à  un  climat  plus  froid. 
On  se  souviendrait  alors  des  professeurs  indiqués.  «  Person- 
nellement toutefois,  ajoute  Caterini,  je  n'ai  guère  d'espoir 
que  le  premier  «  renonce  aux  idées  auxquelles  il  est  si  obsti- 
nément attaché  (i).  »  Le  cardinal  Schwarzenberg,  arche- 
vêque de  Prague,  s'adressa  en  même  temps  et  dans  deux 
lettres  conçues  presque  dans  les  mêmes  termes  (2)  au  cardi- 
nal Caterini  et  au  cardinal  Antonelli,  secrétaire  d'Etat  du 
pape.  Il  y  exprimait  ses  doutes  sur  la  capacité  des  person- 
nages appelés  à  remplir  la  haute  tache  qu'on  voulait  leur 
confier.  La  pureté  de  leur  foi  et  leur  conduite  irréprochable 
leur  avait  acquis  l'estime  universelle;  on  avait  mainte  fois 
vanté  leur  savoir.  Mais,  pour  la  plupart,  ils  avaient  passé 
leur  vie  à  enseigner;  leurs  études  personnelles  les  avaient 
tellement  absorbés,  ils  étaient  si  attachés  à  leurs  habitudes 
d'esprit,  qu'on  pouvait  se  demander,  avec  raison,  si,  malgré 
l'intensité  et  la  sincérité  de  leurs  efforts,  ils  sauraient  traiter 
les  questions  posées  avec  la  largeur  de  vue  nécessaire 
(omni,  qua  opus  est,  amplitudine).  Or,  à  moins  de  faire 
discuter  par  plusieurs  savants  à  tendances  diverses  les 
importantes  matières  du  dogme  et  de  la  discipline,  il  serait 
impossible  de  proposer  des  décisions  utiles  et  appropriées 
aux  besoins  particuliers  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche. 

«  Au  point  de  vue  doctrinal,  lesthéologiens  allemands  qu'on 
a  appelés  appartiennent  tous,  on  le  sait,  à  la  même  école,  et 


(1)  C.  V.  1046  a. 

(2)  Ibid.  1046  c.  sqq.  Les  lettres  sont  datées  du  25  mai  1858. 

[68] 


LETTRE    DU    CARDINAL    SC'HWARZEXBERG  81 

cependant  afin  de  discuter  les  questions  à  fond  et  de  prévenir 
les  objections  des  esprits  malveillants  ou  bornés,  qui  ne  juge- 
rait désirable,  nécessaire  même,  de  consulter  aussi  ces  hom- 
mes qui,  à  une  orthodoxie  rigoureuse,  à  un  sincère  attache- 
ment aux  doctrines  catholiques,  ajoutent  l'éclat  d'un  savoir 
plus  riche  et  plus  étendu,  et  qui  se  sont  rendus  célèbres  par 
une  étude  plus  approfondie  de  la  foi,  de  l'histoire,  de  la  vie 
de  la  Sainte  Eglise  //  comme  aussi  des  doctrines  de  l'erreur? 
Alors  qu'il  y  a  dans  les  Universités  de  Munich,  de  Bonn, 
de  Tubingue,  de  Fribourg-en-Brisgau  un  grand  nombre  de 
savants  universellement  rangés  parmi  lespluséminents  théolo- 
giens catholiques  de  l'Allemagne,  beaucoup  pourront  trouver 
étrange  qu'aucun  d'entre  eux  n'ait  été  choisi,  et  que  l'Univer- 
sité de  \Yurzbourgait  à  elle  seule  fourni  deux  consulteurs,l'un 
et  l'autre  anciens  élèves  du  collège  germanique.  On  rendrait 
plus  fructueux  les  travaux  préparatoires,  en  même  temps 
qu'on  préviendrait  les  défiances  et  qu'on  accroîtrait  la  con- 
fiance dans  le  concile,  si,  s'interdisant  tout  exclusivisme 
d'école,  on  invitait  aussi  comme  consulteurs  des  hommes  à 
tendances  différentes.  » 

Schwarzenberg  ne  veut  proposer  personne;  mais  peut-il 
s'empêcher  de  nommer  l'illustre  historien  Hefele,  professeur 
à  Tubingue,  son  collègue  le  professeur  Kulm  qui  a  enrichi 
de  plusieurs  ouvrages  la  théologie  dogmatique,  et  même 
Dollinger,  de  Munich;  quelque  peu  avantageuse  que  soit 
peut-être  sa  réputation  à  Rome,  en  Allemagne  l'intégrité 
de  sa  foi  et  l'excellence  de  sa  doctrine  ne  font  de  doute 
pour  personne.  La  diversité  d'opinions  entre  catholiques 
disparaîtrait  vite  si  l'on  consentait  à  s'écouter  mutuelle- 
ment. 

Quant  aux  questions  de  discipline,  remarque  encore  le 
cardinal,  l'érudition  théologique  est  insuffisante  pour  les 
traiter;  il  y  faut  joindre  l'expérience  de  la  vie  et  la  pratique 
du  gouvernement  ecclésiastique.  En  ce  qui  concerne  l'Au- 

6 

[68-69] 


82  HISTOIRE   DU    CONCILE    I>1     VATICAN 

triche  tout  spécialement,  les  consulteurs  appelés  pour  la 
préparation  du  concile  devront  absolument  posséder  une 
expérience  [tins  qu'ordinaire. 

Le  cardinal   Caterini  répondit  à  Schwarzenberg  qu'ayant 

trouvé  le  pape  déjà  mis  au  courant,  par  le  secrétaire  d'Etat, 
des  choses  contenues  dans  cette  lettre,  il  laissait  à  celui-ci  le 
soin  d'y  répondre  (i).  Antonelli  manda  en  effet  le  i5  juillet 
au  cardinal  de  Prague  que  le  Saint-Siège  comprenait  aussi 
fort  bien  la  nécessité  d'appeler  à  la  préparation  du  concile 
des  savants  de  diverses  écoles.  Pour  l'Allemagne  en  particu- 
lier le  Saint-Père  reconnaissait  qu'il  convenait  d'inviter 
d'autres  théologiens  avec  ceux  de  Wurzbourg.  '  Déjà  l'un  des 
personnages  signalés,  Dôllinger,  l'aurait  été  si  le  Saint-Père 
n'avait  été  informé  qu'il  n'accepterait  pas  de  travailler  à 
Rome  en  collaboration  avec  les  autres  consulteurs  (2). 

Un  an  plus  tard,  le  cardinal  Schwarzenberg  fit  part  à 
Dôllinger  de  sa  correspondance  avec  Rome.  Il  en  reçut 
cette  réponse,  datée  du  4  novembre  1869  (3)  :  «  Xi  directe- 
ment, ni  indirectement,  on  ne  m'a  jamais  rien  demandé;  je 
n'ai  jamais  eu  l'occasion  de  m'exprimer  dans  le  sens  qu'in- 
dique la  lettre  du  cardinal  Antonelli.  Il  y  a  donc  ici  une 
erreur;  j'ignore  quel  peut  en  être  l'auteur;  mais  on  aura  jugé 
utile,  je  pense,  de  dire  au  pape  ce  que  l'on  désirait.  »  —  L'er- 
reur est  ici  du  côté  de  Dôllinger:  la  lettre  du  secrétaire 
d'Etat  ne  parie  pas  d'une  déclaration  faite  par  le  savant 
professeur  (4).  —  «  Dans  l'état  actuel  des  choses,  poursuit 
Dôllinger,  je  suis  franchement  convaincu  que  ma  présence 
à  Rome  pendant  le  Concile  serait  plus  nuisible  qu'utile. 
L'opinion  m'y  est  beaucoup  trop  défavorable  et  l'on  y  met- 


(1)  C.   Y.  1048  a. 

(2)  C.   Y.   1048  b.  sq. 

(3)  La  lettre  est  aux  Archives. 

(4)  Voici  le  passage  textuel  We  la  lettre  d*Antonelli  :  «  Dôllinger  aurait  été 
invité  •<  nisi  Summo  Pontifici  affirmatum  esset,  ipsum  invitation]  ad  pnestandam 
hic  conjunctim  cum  aliis  operam  suam  minime  assensurum.  » 

6&-70] 


DOLLINGER  83 

trait  en  suspicion  chacune  de  mes  paroles.  Trop  de  gens  ne 
m'y  pardonnent  pas  d'être,  avant  tout,  le  champion  et  l'avocat 
de  la  théologie  allemande  et,  en  second  lieu,  l'adversaire 
résolu  de  l'hypothétique  infaillibilité  du  pape.  Il  est  donc 
certainement  préférable,  pour  la  bonne  cause,  que  je  me 
tienne  éloigné.  »  A  la  date  de  cette  lettre,  4  novembre  1869, 
Dôllinger,  il  faut  bien  le  remarquer,  avait  déjà  lancé  dans 
le  public  et  ses  cinq  articles  de  I'Alloemeixe  Zeituxg  rem- 
plis de  la  haine  la  plus  amére  contre  Rome  et  son  fameux 
Janns;  il  prêchait  déjà  la  révolte  ouverte  contre  l'autorité 
ecclésiastique.  Quant  aux  motifs  qu'il  donne  des  malveil- 
lances romaines  à  son  égard,  ils  n'auraient  pas  été  irréduc- 
tibles. D'autres  étaient  dans  les  mêmes  conditions  que  lui, 
Hefele,  par  exemple,  qui,  cependant,  jouit  à  Rome  d'une 
grande  considération. 

Au  reste,  dès  1868,  au  moment  où  le  cardinal  Schwarzen- 
berg  recommandait  d'inviter  Dôllinger  à  travailler  aux 
préparatifs  du  Concile,  bien  des  événements  étaient  survenus 
qui  devaient  empêcher  de  songer  à  lui  ;  et  on  ne  peut  qu'être 
étonné  de  la  surprise  //  que  cause  à  ce  cardinal  et  à  d'autres 
catholiques  son  absence  de  la  liste  des  consulteurs.  Ils  res- 
taient encore  éblouis  par  l'éclat  que, dans  des  temps  meilleurs, 
l'historien  de  Munich  avait  répandu  autour  de  lui.  Il  faut 
ajouter  aussi  que  ses  derniers  ouvrages  avaient  souvent  paru 
sans  nom  d'auteur.  Si  l'on  avait  su  que  ces  nombreuses  bro- 
chures ou  articles  publiés  en  partie  dans  la  presse  hostile  à 
l'Eglise  et  dont  les  appréciations  venimeuses  sur  les  institu- 
tions catholiques  ne  le  cédaient  en  rien  aux  pamphlets  les 
plus  odieux  des  protestants,  étaient  de  la  plume  de  Dôllinger, 
l'archevêque  de  Prague  aurait  certainement  cessé  de  parler 
de  la  «  correction  de  sa  foi  ».  Les  articles  anonymes  de  la 
Xeue  Freie  Presse  sur  l'Inquisition  par  exemple,  auxquels, 
après  la  mort  de  Dôllinger,  Reusch  a  donné  place  parmi  les 
écrits  de  son  ami,  datent  de  l'année  même  où  le  cardinal 

[70-71] 


84  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Schwarzenberg  écrivait  à  Rome  la  lettre  que  nous  avons 
analysée  (i). 

L'archevêque  de  Prague,  cependant,  était  loin  d'être  seul 
de  son  avis  ;  Hefele,  entre  autres,  le  partageait  entièrement. 
Le  cardinal  lui  avait  envoyé  sa  lettre  à  Antonelli  et  la  réponse 
qu'il  en  avait  reçue.  Quand  elles  lui  parvinrent,  Hefele  était 
à  Rome  où  il  avait  été  appelé  pour  prendre  part  à  la  prépa- 
ration du  concile.  De  retour  à  Tubingue,  il  écrivit  le 
10  mai  1869  (2)  :  «  Votre  Eminence  a  eu  bien  raison  de  voir 
du  parti-pris  dans  le  choix  des  consulteurs  appelés  à  Rome  : 
pas  un  seul  théologien  d'une  université  allemande,  celle  de 
Wurzbourg  exceptée;  encore  les  deux  de  \Vùrzbourg  sont-ils 
deux  élèves  des  jésuites.  Les  paroles  si  profondément  justes 
et  franches  de  Votre  Eminence  ne  sont  certainement  pas 
restées  sans  effet,  quoique  la  réponse  tende  à  faire  croire  que 
Rome  avait  déjà  et  de  sa  propre  initiative  cherché  à  réparer 
son  erreur.  Mais  je  ne  puis  dissimuler  à  Votre  Eminence 
qu'à  Rome  on  songeait  à  sauver  seulement  les  apparences 
bien  plus  qu'à  réaliser  effectivement  ce  qu'avec  tant  de  raison 
Votre  Eminence  estimait  nécessaire.  Les  motifs  pour  les- 
quels, d'après  la  lettre  de  la  curie,  Dôllinger  n'a  jms  été 
invité  sont  certainement  dénués  de  fondement  et  l'on  sait  que 
celte  exclusion  l'a  profondément  aigri.  //  Est-il  juste  et  pru- 
dent de  travailler  systématiquement  à  faire  du  plus  grand 
théologien  (?)  de  l'Allemagne  un  ennemi  de  Rome?  La  réponse 
ne  dit  pas  un  mot  de  mon  collègue  le  Dr  von  Kuhn. 

»  N'aurait-on  pas  pu  trouver  quelque  motif  avouable  d'ex- 
pliquer cette  omission?  Pourquoi,  parmi  tant  d'autres  théo- 
logiens allemands  n'avoir  appelé  personne  en  dehors  d'Alzog 
et  de  votre  serviteur?   Car  enfin,  MM.   Moufang,   Molitor, 


(1)  Kleinere  Schriften,(iedruckte  und  ungedruckte  von  Joh.-Jos.-Ign.  v.  Dôllinger  : 
recueillis  et  publiés  par  F. -H.  Reusch,  p.  357  sqq.  —  Cfr  aussi  E.  Michael, 
S.  J.  Ign.  v.  Dôllinger,  p.  55. 

(2)  La  lettre  est  aux  Archives. 

[71-72] 


LETTRES    D'HEFELE    ET    DE    M-1    MEGLIA  85 

Giese  et  lleuser  ne  pourront  jamais  revendiquer  une  place 
parmi  les  théologiens  allemands  de  quelque  valeur.  Hommes 
d'action,  soit,  mais  savants?  non;  et  tous  appartiennent  à 
cette  école  qui,  à  Rome,  aspire  au  monopole.  J'ajoute  que  ni 
Alzog  ni  moi  n'avons  été  entendus  sur  les  questions  que  nos 
fonctions,  notre  situation  et  notre  expérience  nous  auraient 
rendus  le  plus  à  même  de  discuter,  sur  la  question  par 
exemple,  de  la  formation  universitaire  du  clergé  allemand  (i). 

»  Heureusement  les  deux  professeurs  de  AVùrzbourg  ont 
montré  plus  de  largeur  d'esprit  que  je  n'avais  pensé;  en  sorte 
que  sur  la  plupart  des  points  j'ai  pu  me  trouver  d'accord 
avec  eux.  » 

Ainsi  donc,  en  plus  d'un  cercle  d'Allemagne, on  estimait  que 
dans  le  choix  des  consulteurs  appelés  à  préparer  le  concile, 
l'Eglise  romaine  avait  trop  traité  en  marâtre  les  représen- 
tants de  la  théologie  à  tendances  proprement  allemandes. 

Il  est  fort  possible  que  plusieurs  vues  de  ces  savants  fussent 
moins  favorablement  jugées  à  Rome  qu'elles  ne  l'étaient  dans 
leur  pays. 

Xous  avons  vu,  en  effet,  l'appréciation  défavorable  et 
sévère  qu'à  l'occasion  de  ces  invitations  en  donnait  un  prélat 
romain,  Mgr  Meglia,  nonce  à  Munich;  le  cardinal  Caterini 
l'avait  interrogé  au  sujet  des  professeurs  Dieringer  et  Hefele 
et  l'avait  invité  à  signaler  encore  quelques  autres  Allemands 
propres  à  servir  de  consulteurs.  Voici  les  remarques  d'une 
portée  plus  générale  que  le  nonce  joint  à  sa  réponse  du 
22  septembre  1868  (2).    «  Presque  tous  les  professeurs  des 


(1)  Hefele  était  attaché  comme  consulteurà  la  commission  centrale  de  prépa- 
ration. L'histoire  des  conciles  qu'il  avait  écrite  faisait  de  lui  un  spécialiste  en 
ces  matières  et  lui  permettait  de  rendre  les  plus  signalés  services.  La  question 
dont  il  parle  ici  ressortissait  à  la  commission  de  discipline  ecclésiastique  qui  ne 
manquait  pas  d'hommes  éminemment  capables  d'en  juger.  11  y  avait  trois  Alle- 
mands parmi  les  consulteurs  de  cette  commission  :  Hergenrother,  Giese  et 
Heuser. 

(2)  Conservée  aux  Archives.  Cecconi  l'a  insérée  presque  entière  dans  son 
second  volume,  Sez.  11  p.  386  sqq.  (Trad.  franc,  tome II,  p.  332  sqq.) 

[72J 


86  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

facultés  théologiques  des  diverses  universités  allemandes, 
écrit-il,  comme  aussi  tous  les  ecclésiastiques  qui  ont  quelque 
renom  de  science  et  de  doctrine,  se  font  gloire  ici  de  consti- 
tuer ce  qu'ils  appellent  le  grand  parti  des  savants  de  l'Alle- 
magne. Les  exceptions  à  ce  point  de  vue  sont  fort  rares... 
Les  aspirations  de  ce  parti  tendent  en  général  à  promou- 
voir et  à  poursuivre  le  progrès  scientifique  jusque  dans  ses 
derniers  développements.  Dans  cette  voie  ils  prétendent  à 
une  certaine  liberté  d'allures  :  sans  doute  ils  maintiennent  le 
dogme  intangible,  mais  pour  les  points  de  doctrine  qui  s'y 
rattachent  sans  être  strictement  définis,  ils  ne  les  respectent 
pas  toujours. 

ce  L'antique  méthode  scholastique  leur  parait  une  antiquité 
médiévale  incompatible  avec  le  progrès  moderne  et  qu'il  faut 
mettre  de  côté;  autant  que  possible  les  catholiques  doivent 
conformer  leurs  méthodes  scientifiques  à  celle  des  protes- 
tants; c'est  le  moyen  pour  notre  théologie  de  mieux  éclipser 
la  leur;  dans  ce  but  il  faut  faire  une  large  place  aux  études 
bibliques,  philologiques  et  historiques,  au  détriment  de  la 
vraie  théologie  positive.  Voilà,  dis-je,  quelles  sont  en  général 
les  aspirations  de  ce  parti.  L'orgueil  en  est  le  caractère  dis- 
tinctif  et  dominant.  Aussi  ne  souffre-t-il  qu'avec  peine  le  frein 
de  l'autorité  qui  «  entrave  le  progrès  »  et  se  met-il  à  l'aise 
avec  les  décisions  des  Congrégations  romaines.  Il  préfère  à 
l'éducation  donnée  ailleurs  dans  les  séminaires  celle  que  la 
«  docte  »  Allemagne  distribue  dans  ses  Universités  et 
éprouve  de  la  pitié  sinon  du  dédain  pour  la  formation  scienti- 
fique des  autres  nations,  pour  la  théologie  encore  en  enfance 
des  séminaires  d'Italie,  de  France  et  d'ailleurs;  ainsi 
s'explique  sa  répugnance  à  la  fondation  d'établissements 
scientifiques  dépendant  de  l'autorité  épiscopale;  il  préfère 
rester  soumis  au  pouvoir  civil  afin  d'avoir  plus  de  liberté 
dans  l'enseignement,  c'est  ce  qu'on  a  vu  par  exemple  quand 
les  membres  les   plus  distingués  du  parti  ont  combattu  le 

[73] 


LETTRE    1>K    Mgr    MEGLIA    SUR   LE    CHOIX    DES    CONSl  I.TEl  US     87 

beau  projet  de  fonder  en  Allemagne  une  université  entière- 
ment catholique  placée  sous  la  surveillance  exclusive  des 
évèques  de  ce  pays.  » 

Ce  n'est  pas  que  le  nonce  veuille  condamner  tous  les  mem- 
bres de  ce  parti;  loin  de  là,  il  fait  remarquer  //  que  tout  le 
monde  n'y  est  pas  également  avancé.   S'il  en  est  parmi  eux 
«  qui  poussent  leurs  théories  jusqu'aux  extrêmes  limites  où 
l'orthodoxie  est  douteuse,  qui  blessent  parfois  le  véritable 
sens  catholique  et  gardent  à  peine  les  apparences  de  «  l'obéis- 
sance due  aux  décisions  suprêmes  du  pape  »,  il  s'en  trouve 
aussi  de  plus  réservés  et  de  plus  modérés.  Bien  que  vivant 
eux  aussi  dans  cette  atmosphère  infectée  de  préventions  et 
de  préjugés,  ils  sont  vraiment   animés    d'un   amour  sincère 
pour  l'Eglise  catholique;  ils  la   défendent   vigoureusement 
contre  les  attaques  de  ses  ennemis  et  reçoivent  ses  enseigne- 
ments avec  respect.  Ils  peuvent  bien  errer  sur  des  points  de 
moindre  importance,  mais  du  moins  ils  ne  s'écartent  pas  du 
droit  chemin  de  la  doctrine  et  du  Credo  catholiques.  A  quel- 
ques-uns même  Mgr  Meglia  ne  ménage  pas  les  éloges,  spécia- 
lement aux  professeurs  Dieringer   de  Bonn  et   Hefele   de 
Tubingue,  au  sujet  desquels  il  avait  été  interrogé.  Après 
avoir  reconnu  le  mérite  de  leurs  ouvrages,  le  nonce  insiste 
sur  leurs  vertus  sacerdotales,  célèbre  leur  grand  amour  pour 
l'Eglise  et  pour  le  siège  apostolique  et  montre  combien  ils 
ont  fait  pour  l'Eglise,  la  papauté  et  la  vie  chrétienne.  L'un  et 
l'autre,  conclut-il,  si  on  les  appelait  à  Rome  pour  les  commis- 
sions préparatoires,  se  montreraient  dignes  de   l'invitation 
que  leur  ferait  le  Saint-Père. 

•  Le  nonce  passe  ensuite  à  des  considérations  d'ordre  prati- 
que touchant  la  convocation  de  nouveaux  consulteurs.  En 
n'invitant  jusqu'ici,  dit-il,  aucun  représentant  de  la  prétendue 
science  allemande,  on  a  fait  naître  en  beaucoup  d'esprits  un 
grand  mécontentement.  Aussi  conseille-t-il  d'en  appeler 
quelques-uns  des  plus  modérés.  C'est  ce  que  lui  ont  suggéré 

[73-74] 


88  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

également  des  hommes  d'un  dévouement  éprouvé  ainsi  que 
plusieurs  évoques,  et  il  se  persuade  que  c'est  aussi  le  senti- 
ment de  tous  leurs  collègues  d'Allemagne.  De  l'avis  de  per- 
sonnes fort  distinguées  il  serait  même  à  souhaiter  qu'on 
invitât  quelqu'un  des  coryphées  du  parti  proprement  alle- 
mand, le  professeur  Dôllinger  en  particulier.  Mais  lui-même 
se  refuse  à  appuyer  ce  vœu,  car  il  lui  paraît  peu  probable  que 
lacon vocation  de  Dôllinger  puisse  avoir  quelque  bonrésultat; 
le  danger  d'une  obstination  de  plus  en  plus  marquée  reste 
toujours  possible.  Le  nonce  nomme  ensuite  les  divers  person- 
nages susceptibles  d'une  invitation;  mais,  pour  prévenir  les 
jalousies,//  il  recommande  de  traiter  de  la  même  manière  les 
divers  pays  de  l'Allemagne.  La  Bavière  est  déjà  suffisamment 
représentée;  tout  au  plus  pourrait-on,  afin  de  ne  pas  laisser 
complètement  de  coté  l'université  de  Munich,  inviter  dom 
Haneberg,  sa  grande  connaissance  théorique  et  pratique  des 
choses  d  Orient  lui  permettrait  de  rendre  de  précieux  ser- 
vices. Tour  le  grand-duché  de  Hesse-Darmstadt  il  propose  le 
recteur  du  séminaire,  Moufang,dont  il  vante  le  grand  mérite. 
Pour  le  Wurtemberg  il  a  déjà  parlé  d'Hefele.  Dans  le  grand- 
duché  de  Bade  il  signale  Alzog  de  Fribourg;  en  Prusse, 
outre  Dieringer,  le  chanoine  Dr  Joseph  Giese  de  Munster  et 
le  professeur  Antoine  Berlage.  Au  cas  où  l'on  désirerait  avoir 
un  vicaire  général,  on  n'en  saurait  trouver  un  meilleur  que  le 
chanoine  Léonard  Schmitt  de  Bamberg.  Des  uns  et  des 
autres  le  nonce  fait  le  plus  grand  éloge. 

Bientôt  après  arriva  le  moment  d'appeler  à  Rome  une  nou- 
velle série  de  consulteurs  pour  les  commissions  prépara- 
toires; le  cardinal  Caterini  fit  alors  inviter,  au  nom  du  pape, 
les  professeurs  Dieringer,  Hefele  et  Alzog,  l'abbé  dom  Hane- 
berg, le  recteur  Moufang  et  le  chanoine  Giese  (i).  C'est  le 


(1)  Lettre  de  Caterini  au  nonce,  2  octobre  1868.  C.  V.  1050  a. 

'74-75^ 


LES    CONSULTEURS    ALLEMANDS  89 

nonce  qui  transmit  les  invitations.  Il  fit  bientôt  savoir  (i) 
que  MKI  Ketteler,  évêque  de  Mayence,  lui  avait  exprimé  sa 
reconnaissance  du  choix  qu'avait  fait  le  Saint-Père  du  digne 
recteur  de  son  séminaire  et  l'avait  assuré  que  M.  Moufang 
rendrait  d'importants  services  pour  les  travaux  préparatoires; 
il  se  rendrait  à  Rome  avant  la  fin  de  l'année.  L'abbé  dom 
Haneberg,  écrit  encore  le  nonce,  est  très  toucbé  de  la  distinc- 
tion dont  il  a  été  l'objet  et  veut  se  mettre  en  route  pour  Rome 
dans  les  premières  semaines  de  novembre  prochain  (2). 

Mêmes  renseignements  au  sujet  d'Hefele  et  de  Giese 
dans  la  lettre  du  3  novembre  (3).  Mais  le  5,  M?r  Meglia  écrit 
que,  d'après  une  lettre  de  l'archevêque  de  Cologne,  le  pro- 
fesseur Dieringer  malade  se  trouve  empêché  de  se  rendre  à 
Rome. 

A  sa  place  l'archevêque  propose  M.  Heuser,  professeur  et 
vice-recteur  de  son  grand  séminaire, et  dont  il  loue  hautement 
les  mérites  et  la  capacité  (4).  Le  Saint-Père  accepta  cette 
substitution  //  et  le  i3  novembre  le  cardinal  Caterini  écrivit 
pour  inviter  le  professeur  Heuser  (5).  Dans  la  même 
lettre  le  cardinal  interrogé  par  le  nonce  lui  faisait  savoir 
qu'il  espérait  que  les  invités  pourraient  tous  être  logés  à 
l'hospice  allemand  Santa-Maria  delT  Anima  ;  dom  Haneberg 
descendrait  à  l'hôtel  de  la  Minerve;  il  ne  pouvait  aller  à 
l'abbaye  Saint-Callixte.  puisque  toute  la  communauté  l'aban- 
donnait pour  se  transporter  à  Saint-Paul. 

Le  17  mai  précédent,  le  cardinal  Barnabô,  préfet  de  la 
Propagande,  avait  par  ordre  du  pape,  prié  M-1'  Manning 
archevêque  de  Westminster,  de  s'entendre  avec  ses  suffra- 
gants  pour  désigner  un  ecclésiastique  anglais  que  sa  science 


(1)  25  octobre. 

(2)  Cecconi  loc.  cit.  p.  81  sq.  (Trad.  franc.  1. 1.  p.  86  sqq). 

(3)  Ibid. 

(4)  Ibid. 

(5)  Ibid. 


75-761 


90  HISTOIRE    DU    CONCILE    OI     VATICAN 


fc 


théologique  ou  canonique,  rendrait  capable  de  prendre  part 
aux  travaux  préparatoires  du  concile  (i).  Le  choix  des 
évêques  anglais  tomba  sur  le  chanoine  Weather,  recteur 
de  Saint-Edmund-College  dans  Farchidiocèse  de  Westmin- 
ster (2).  Les  archevêques  des  Etats-Unis  avaient  été  pareil- 
lement invités  par  le  cardinal  Barnabe)  à  s'entendre  avec 
leurs  évêques  pour  faire  choix  d'un  théologien  ou  d'un 
canoniste  éminent  qu'ils  enverraient  à  Rome  aussitôt  que 
possible  (3).  C'est  Jacques  Corcoran,  vicaire  général  de 
Charlestown   qui  fut  choisi. 

Pour  la  France  une  lettre  du  cardinal  Caterini  datée 
du  16  août,  invita  encore  les  abbés  Henri  Sauvé,  théologal 
du  chapitre  de  Laval  et  Gibert,  vicaire  général  de  Mou- 
lins (4).  Cette  lettre  portait  en  outre,  le  nom  d'un  troisième 
prêtre  dont  l'invitation  fut  ensuite  retirée  ;  par  contre,  le 
11  janvier  suivant  on  en  adressa  une  à  l'abbé  Freppel  (5). 

Le  3  septembre  le  nonce  de  Madrid,  reçut  ordre  au  nom 
du  pape  d'inviter  les  con suite urs,  que  dans  une  de  ses  précé- 
dentes lettres,  il  avait  lui-même  proposés.  «  Je  suis  autorisé, 
disait  le  cardinal  Caterini,  à  leur  chercher  un  logement 
soit  à  Montserrat,  soit  dans  quelque  autre  maison  reli- 
gieuse (6).  »  Au  chanoine  Labrador  précédemment  convoqué, 
furent  adjoints  deux  autres  prêtres  espagnols  MM.  Guisasola 
et  de  Torres  Padilla  et  en  janvier  1869,  MM.  Campelo  et 
Ortiz  Orruela  (7).  // 


(1)  C.  V.  1049  b. 

(2)  Ibid.,1049  c. 

(3)  Ibid. 

(4)  Ibid.,  1049  d. 

(5)  Ibid.,  1050  b. 

(6)  Ibid.  1050  a. 

(7)  Grccoxi  loc.  cit.  (Trad.  franc,  p.  87.) 


|76j 


LES   CONSULTEURS    ANGLAIS,    HOLLANDAIS   ET    SUISSES  91 

Le  Ier  octobre,  le  Saint-Père  chargea  le  cardinal  Caterini 
d'inviter  par  l'intermédiaire  de  son  ordinaire  Mgr  TTlla- 
thorne, évêque  de  Birmingham, l'oratorien  John-H.  Xewmann 
à  prendre  part  aux  travaux  préparatoires.  L'évêque  répon- 
dit lui-même  et  joignit  à  sa  lettre  celle  de  Ncwmann  où 
celui-ci  exprimait  en  termes  émus  au  Saint-Père  sa  recon- 
naissance pour  l'honneur  qui  lui  était  fait,  mais  ajoutait 
que  sa  santé  lui  imposait  des  soins  et  des  précautions  bien 
difficiles  à  prendre  hors  de  chez  soi.  Il  est  vrai  que  dans 
ces  graves  conjonctures  sa  vie  devrait  peu  compter.  Mais 
il  s'estimait  si  peu  capable,  sa  présence  lui  paraissait  si 
peu  utile,  qu'il  espérait  que  le  Saint-Père  voudrait  bien 
ne  pas  lui  imposer  un  voyage  pouvant  mettre  sa  vie  en 
danger  (i). 

Au  commencement  de  1869,  un  prêtre  du  diocèse  de  E,ot- 
tenbourg,  Joseph  Mast,  fut  encore  adjoint  à  la  commis- 
sion politico-ecclésiastique. 

Le  2  juin  1869  enfin,  le  cardinal  Caterini  donna  ordre 
au  chargé  d'affaires  du  pape  à  Lucerne,  d'inviter  parmi 
les  prêtres  suisses  qu'il  avait  proposés,  l'abbé  Christophe 
Cosandey.  Ainsi  se  trouva  complète  la  liste  des  consul- 
teurs'  appelés  de  l'étranger  (2). 

La  Congrégation  directrice  répartit  les  consulteurs  entre 
les  diverses  commissions.  En  voici  le  tableau  complet.  Ils 
sont  cités  pour  chaque  commission  dans  l'ordre  de  leur 
nomination  (3). 


(1)  C.  V.  1050  b. 

(2)  Ibid.,  1050  c. 

(3)  Cecconi  loc.  cit.  p.8i  sqq  (Trad.  franc,  p.  89  sqq.)  C.   V.  1050  c.  sqq. 

177! 


92  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

I.  —  Congrégation  directrice  ou  Commission- 
centrale. 

^sous  avons  déjà  fait  connaître  les  cardinaux  que  le 
pape  en  avait  nommés  membres.  Pour  être  complet,  nous 
en  donnons  encore  une  fois  la  liste  :  Constantin  Patrizù 
président;  Charles-Auguste  de  Reisach,  Antoine  M.  Pane- 
bianco,  Jos.  André  Bizzarri,  Prosper  Caterini,  Alexandre 
Barnabô,  Louis  Bilio,  Hannibal  Capalti,  Antoine  de  Luca. 

Secrétaire  :  M81"  Pierre  Giannelli,  archevêque  de  Sardes. 

Consiiltcurs  :  M-1'  Vincent  Tizzani,  archevêque  de  Nisibe  ; 
le  chanoine  Joseph  Angelini  ;  Melchior  Galeotti  (mort  peu 
avant  l'ouverture  du  concile),  Sébastien  Sanguinetti  S.  J.  //, 
Henri  Feye,  professeur  à  Louvain,  le  chanoine  George 
Talbot  de  Malahide,  Charles-Joseph  Hefele,  professeur  à 
Tubingue  ;  M81  Paul  Brunoni,  archevêque  de  Taron. 

II.  —  Commission  de  la  théologie  dogmatique. 

Président  :  cardinal  Louis  Bilio. 

Consulteurs  :  Mgr  Joseph  Cardoni,  archevêque  d'Edesse; 
le  chanoine  Raphaël  Monaco  La  Yalletta  (nommé  cardinal 
le  i3  mars,  il  quitta  ce  poste)  ;  Mariano  Spada,  domini- 
cain; Ilyacynthe  de  Ferrari,  dominicain;  Antoine-Marie 
Adragna,  des  mineurs  conventuels;  Jean  Perrone,  S.  J.; 
Thomas  Martinelli,  augustin;  le  chanoine  Camille  Santori 
(secrétaire  de  la  commission);  Placide  Petacci,  bénéficiaire 
de  la  basilique  Saint-Laurent  in  Damaso;  Bonfiglio  Mura, 
prieur  général  de  l'ordre  des  Servîtes  ;  le  professeur  Joseph 
Pecci;  Jean-Baptiste  Franzelin,  S.  J.  ;  le  chanoine  Philippe 
Cossa;  Clément  Schrader,  S.  J.,  professeur  à  Vienne;  Jean 
Schwetz,  abbé  mitre,  ancien  professeur  à  Vienne;  François 
Hettinger,  professeur  à  Wûrzbourg;  Jacques  Jacquenet  de 

T77-78] 


LISTE    DES    CONSULTEURS  93 

Reims  ;  le  chanoine  Charles  Gay  de  Poitiers  (attaché  d'abord 
à  la  commission  politico-ecclésiastique,  puis  sur  sa  demande 
à  celle  de  théologie  dogmatique)  ;  Jean  Alzog,  professeur  à 
Fribourg  (Bade);  Jacques  Corcoran,  vicaire  général  de 
Charlestown  (Amérique  du  Nord);  Etienne  Moreno  Labra- 
dor, professeur  à  Cadix;  le  chanoine  Guillaume  Weather 
de  Londres,  recteur  de  Saint-Edmund-College  (diocèse  de 
Westminster);  Jean-Thomas  Tosa,  dominicain;  Auguste 
Guidi,  professeur  (nommé  consulteur  le  24  mai  1866,  élevé 
au  cardinalat  dans  le  consistoire  du  22  juin). 

III.  —  Commission  pour  la  discipline  ecclésiastique. 

Président  :  cardinal  Prosper  Caterini. 

Consulteurs  :  Camille  Tarquini,  S.  J.;  le  chanoine  Phi- 
lippe de  Angelis;  M-1'  Pierre  Gianelli,  archevêque  de  Sardes; 
le  chanoine  Stanislas  Svegliati;  M61"  Jean  Simeoni,  secré- 
taire de  la  Propagande;  le  chanoine  Joseph  Angelini  (con- 
sulteur aussi  de  la  Congrégation  directrice)  ;  le  chanoine 
Louis  Jacobini  (secrétaire  de  la  commission)  ;  le  chanoine 
Yenance  Mobili;  le  chanoine  Laurent  Nina;  le  chanoine 
Ange  Jacobini;  Mgr  Ange  Lucidi;  Joseph  Hergenrother, 
professeur  à  Wiirzbourg;  Henri  Feye,  professeur  (consul- 
teur aussi  de  la  Congrégation  directrice)  ;  le  chanoine  Henri 
Sauvé  de  Laval;  le  chanoine  Joseph  Giese  de  Munster; 
Gaspard  Antoine  Heuser  de  Cologne;  Joseph  de  Torres 
Padilla  ,  professeur  à  Séville;  le  chanoine  Pierre  de  Luca; 
le  chanoine  Christophe  Cosandey,  supérieur  du  séminaire 
de  Fribourg  en  Suisse. 

IV.  —  Commission  pour  les  réguliers. 

Président  :  cardinal  Joseph- André  Bizzarri. 

Consulteurs  :  Mgr  Marino  Marini,  archevêque-évêque  d'Or- 

[78-79] 


94  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

vieto;  le  chanoine  Stanislas  Svegliati  (consulteur  aussi  de 
la  commission  pour  la  discipline  ecclésiastique);  Mgr  Ange 
Lucidi  (également  consulteur  de  la  même  commission);  le 
chanoine  Louis  Tronibetta  ;  Charles  Capelli,  procureur 
général  de  l'ordre  des  Barnabites;  Kaymond  Bianchi,  pro- 
cureur général  de  l'ordre  des  dominicains;  Joachim  da 
Cipressa,  franciscain;  Nicolas  Cretoni,  augustin;  le  cha- 
noine François  Stoppani  (secrétaire  de  la  commission); 
Firmin  Costa,  S.  J.,  recteur  de  Barcelone;  Victorien  G-uisa- 
sola,  archiprêtre  de  Se  ville  ;  François  Freppel,  professeur 
à  Paris. 

V.  —  Commission  pour  les  Eglises  orientales 

ET    LES    MISSIONS. 

Président  :  cardinal  Alexandre  Barnabe.. 

Consulteurs  :  Mgl  Hannibal  Capalti,  secrétaire  de  la  Pro- 
pagande; Mgr  Jean  Sjmeoni  (consulteur  aussi  de  la  commis- 
sion pour  la  discipline  ecclésiastique)  ;  Charles  Vercellone, 
Barnabite;  Jean  Bollig,  S.  J.,  Augustin  Thciner,  oratorien; 
le  chanoine  César  B-oncetti;  Joseph  Piazza  «  minutante  >  à 
la  Propagande  pour  les  affaires  du  rite  oriental;  François 
Rossi,  ancien  archiviste  de  la  Propagande:  Séraphin  Cre- 
toni, professeur  (secrétaire  de  la  commission);  M.8*  Joseph 
Valerga,  patriarche  de  Jérusalem;  Léonard  de  Saint-Joseph, 
carme  déchaussé,  préfet  apostolique  des  missions  de  son 
ordre  en  Syrie  ;  ÀP1  Joseph  David,  chorévêque  syriaque  de 
Mossoul;  le  chanoine  Louis  Jacobini  (consulteur  aussi  de  la 
commission  pour  la  discipline  ecclésiastique);  Jean  Mar- 
tmow,  S.  J.  ;  Daniel  Boniface  de  Haneberg,  abbé  bénédictin 
de  Munich;  aP'1'  Edouard-Henri  Howard:  Mgr  Paul  Brunoni, 
archevêque  de  Taron  (consulteur  aussi  de  la  Congrégation 
directrice!. 

[791 


LISTE    DES    CONSULTEURS  95 


VI.  —  Commission  politico-ecclésiastique. 

Président  :  cardinal  Charles- Auguste  de  Eeisacli. 

Consulteurs  :  Mgr  Alexandre  Franchi,  archevêque  de 
Thessalonique,  secrétaire  de  la  Congrégation  des  affaires 
ecclésiastiques  extraordinaires  (nonce  à  Madrid  en  mars  1868); 
M61"  Joseph  Berardi,  archevêque  de  Xicée;  Mgr  Joseph  Papardo 
del  Parco,  évêque  de  Sinope,  théatin;  le  chanoine  Louis 
Ferrari;  le  chanoine  Louis  Jacobini  (consulteur  aussi  des 
commissions  pour  la  discipline  et  pour  les  Fglises  orien- 
tales), //  Mgr  Laurent  Gizzi  ;  Mgr  Louis  Matera  (d'abord  secré- 
taire de  la  commission,  nommé  en  mars  1868  auditeur  à  la 
nonciature  de  Lisbonne)  ;  Mgr  Angelo  Trinchieri  (remplaça 
le  précédent  comme  secrétaire  à  partir  de  mars  1868)  ; 
Camille  Guardi,  procureur  général  des  clercs  réguliers 
serviteurs  des  malades;  le  chanoine  Dominique  Bartolini, 
secrétaire  de  la  Congrégation  des  Rites  ;  le  chanoine  Vincent 
Xussi;  le  chanoine  Joseph  Kovacs  de  Kalocsa  ;  le  chanoine 
Guillaume  Molitor  de  Spire  ;  le  chanoine  François  Chesnel 
de  Quimper;  Mgr  Marine >  Mariai,  archevêque-évèque  d'Or- 
vieto  (consulteur  aussi  de  la  commission  pour  les  réguliers)  ; 
Ambroise  Gibert,  vicaire  général  de  Moulins;  Joseph  Mast, 
prêtre  de  Rottenbourg;  Alexandre  Biondi,  professeur;  le 
chanoine  Christophe  Moufang  de  Mayence;  M-1  Vladimir 
Czacki  ;  Antoine  Ortiz  Orruela  de  Séville  ;  Jean  Campelo 
professeur  à  Séville;  Mgr  Gaétan  Aloisi;  le  chanoine  Domi- 
nique Guidi;  Mgr  François-Xavier  Compieta  ;  François 
Freppel,  professeur  (consulteur  aussi  de  la  commission  pour 
les  réguliers). 

Il  y  avait  donc  8  consulteurs  pour  la  Congrégation  direc- 
trice, 24  pour  la  commission  de  théologie  dogmatique, 
19  pour  celle  de  la  discipline,  12  pour  celle  des  réguliers, 

[79-80J 


96  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

17  pour  celle  des  Eglises  orientales  et  des  missions,  26  enfii 
pour  la  commission  politico-ecclésiastique. 

Huit  d'entre  eux  (Angelini,  Feye,  Svegliati,  Lucidi 
Simoni,  Brunoni,  Marini  et  Freppel)  appartenaient  à  deui 
commissions,  et  un  seul  (Louis  Jacobini)  à  trois. 

Le  total  des  consulteurs  était  de  96  personnes;  sur  c( 
nombre  35  occupaient  des  emplois  hors  de  Rome  et  avaienl 
été  appelés  de  Sicile,  d'Espagne,  de  France,  de  Belgicpie 
d'Angleterre,  de  l'Amérique  du  Xord,  d'Allemagne,  d'Au 
triclie-IIongrie,  de  Suisse  et  de  l'Orient.  Parmi  ceux-U 
mêmes  que  leurs  fonctions  tenaient  fixés  à  Rome,  plusieurs 
étaient  d'origine  étrangère. 

72  consulteurs  appartenaient  au  clergé  séculier  et  24  ai 
régulier  :  parmi  ces  derniers  se  trouvaient  8  jésuites,  4  domi 
nicains,  2  augustins,  2  barnabites,  1  tliéatin,  1  mineur  con- 
ventuel, 1  mineur  de  l'observance,  1  bénédictin,  1  carrai 
déchaussé,  1  servite,  1  oratorien  et  1  clerc  régulier  servi- 
teur des  malades  (Camilliens). 

On  le  voit  donc,  le  rapport  présenté  par  le  cardinal  Bizzarri 
à  la  Congrégation  directrice  dans  sa  seconde  séance  a  servi 
de  guide  pour  la  formation  des  commissions  (1).  Les  mem- 
bres des  Congrégations  romaines  en  constituaient  le  noyau  /, 
Ils  avaient  une  grande  expérience  et  la  besogne  à  fournil 
leur  était  familière.  A  ce  savoir-faire  technique  et  à  cette 
habitude  des  affaires  se  joignait  d'ailleurs  chez  eux  une 
connaissance  approfondie  des  matières  à  traiter. 

Où  trouver  une  réunion  d'hommes  aussi  bien  au  courant 
des  questions  doctrinales  et  disciplinaires  du  temps  présent, 
aussi  bien  informés  de  l'état  des  diverses  Eglises  d'Orient 
et  des  missions,  de  la  situation  politico-religieuse  dans  tous 
les  pays,  de  la  condition  des  ordres  religieux,  que  dans  les 
Congrégations  du  Saint-Office,  du  Concile,  de  la  Propagande, 


(1)  Plu?  haut,  p.  74. 

[80-81] 


LES    CONSULTEURS    ETRANGERS  97 

des  affaires  ecclésiastiques  extraordinaires,  des  Réguliers? 
Entre  les  mains  des  consulteurs  de  la  Congrégation  du 
Concile,  passent  tous  les  actes  des  conciles  provinciaux 
tenus  dans  les  pays  non  soumis  à  la  Propagande  ;  et  la 
Propagande,  de  son  côté,  est  en  relations  continuelles  avec 
les  Eglises  de  rite  oriental  et  avec  les  missions. 

Or  ce  furent  les  consulteurs  et  les  officiers  les  plus  capa- 
bles de  ces  Congrégations  et  des  autres  qu'on  affecta  aux 
commissions  correspondantes;  on  les  renforça  d'éléments 
étrangers  répartis  d'après  les  services  particuliers  que  leur 
compétence  scientifique  ou  leur  connaissance  des  besoins 
locaux  permettait  d'attendre  d'eux.  Dans  la  Congrégation 
directrice  on  trouve  le  savant  canoniste  de  Louvain  Feye 
ainsi  que  l'illustre  historien  Hefele;  dans  cette  congrégation 
chargée  de  régler  tous  les  détails  du  futur  concile,  l'historien 
des  conciles  eut  une  occasion  toute  naturelle  d'utiliser  les 
connaissances  aussi  exactes  qu'étendues  qu'il  possédait  sur 
les  synodes  de  presque  tous  les  siècles.  Dans  la  commission 
de  la  théologie  dogmatique,  à  côté  des  théologiens  les  plus 
distingués  de  Rome,  apparaissent  des  savants  étrangers, 
d'Allemagne  et  d'Autriche  :  Schrader,  Schwetz,  Hettinger, 
Alzog  surtout  ;  Hettinger  longtemps  professeur  d'apologé- 
tique et  auteur  d'ouvrages  remarquables  était  plus  à  même 
qu'aucun  autre  de  renseigner  exactement  sur  l'état  de  la 
théologie  protestante  et  incrédule  en  Allemagne.  Les  cano- 
nistes  romains  les  plus  distingués, vieux  praticiens  des  ques- 
tions de  discipline  ecclésiastique,  avaient  à  côté  d'eux  dans  la 
commission  chargée  de  ces  matières  les  Allemands  Hergen- 
rôther,  Hefele  et  Giese//parfaitement  au  courant  des  besoins 
de  leur  pays  et  dont  le  premier  surtout,  historien  et  cano- 
niste de  valeur,  connaissait  à  fond  la  discipline  en  vigueur 
dans  les  siècles  passés.  Tout  aussi  sage  était  la  répartition 
des  consulteurs  entre  les  autres  commissions.  Dans  celle  des 
questions  politico-religieuses    en  particulier,    où    l'on  avait 

[81-82] 


98  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

besoin  d'hommes  capables  de  renseigner  fidèlement  sur  la 
situation  de  leur  pays,  l'Allemagne  était  représentée  par 
Moufang  et  Molitor,  la  Hongrie  par  Kovaes  et  Czacki,  la 
France  par  Chesnel,  Gibert,  Freppel,  l'Espagne  par  Ortiz 
Orruela  et  Campelo. 

Toutes  ces  commissions  annexées  à  la  Congrégation  direc- 
trice avaient  pour  tàclie  de  préparer  les  matières  à  soumettre 
au  concile;  plus  tard  (19  juillet  1868)  on  en  forma  une  sixième 
chargée  de  régler  les  cérémonies  du  concile;  ce  fut  la  com- 
mission du  cérémonial  dont  le  cardinal  Constantin  Patrizi, 
préfet  de  la  Congrégation  des  rites,  reçut  la  présidence  ;  les 
8  eonsulteurs  étaient  tous  des  maîtres  des  cérémonies  pon- 
tificales :  Dominique  Bartolini,  Louis  Ferrari,  Jean  Corazza, 
Pie  Martinucci,  Camille  Balestra,  Rémi  Ricci,  Joseph 
Romagnoli  et  Antoine  Cataldi  (1). 


(i)  C.  V.  1057  d.  sqq.  Cecconi  loc.  cit.  p.  103  sq.  (Trad.  franc,  p.  106  sq. 

[82] 


CHAPITRE  VII. 

La  question  des  convocations  an  concile. 

Les  commissions  furent  bientôt  en  pleine  activité.  Tandis 
qu'elles  préparaient  les  matières  à  soumettre  au  concile,  la 
commission  centrale  s'occupa  des  mesures  relatives  à 
l'assemblée  elle-même. 

Une  tâche  fort  délicate  lui  incombait  tout  d'abord,  celle  de 
décider  qui  devait  être  appelé  au  concile. 

Que  les  évêques  chargés  d'un  diocèse  (évêques  résidentiels) 
dussent  être  convoqués,  cela  ne  faisait  pas  de  doute.  Qu'un 
privilège  ancien  donnât  à  tous  les  cardinaux,  à  ceux  même 
qui  n'étaient  pas  évêques,  siège  et  voix  au  concile,  cela  n'était 
pas  moins  solidement  établi,  et  ce  privilège  devait  évidem- 
ment être  maintenu.  Mais  il  fallait  examiner  avec  soin,  si 
outre  les  évêques  résidentiels,  on  devait  convoquer  aussi  les 
évêques  simplement  titulaires,  quelle  part  revenait  dans  le 
concile  aux  procureurs  des  évêques  empêchés,  quel  parti 
était  à  prendre  au  sujet  des  abbés  et  des  généraux  d'Ordres. 
Il  y  avait  en  outre  à  étudier  la  conduite  à  tenir  relativement 
à  l'admission  dans  le  concile  des  Eglises  orientales  non 
unies,  et  l'attitude  à  prendre  vis-à-vis  des  protestants  et  des 
jansénistes;  à  décider  enfin  si  l'on  devait,  à  l'exemple  des 
conciles  antérieurs,  inviter  les  princes  chrétiens  et  quel  rôle 
leur  serait  dévolu  au  concile. 

Nous  suivrons  dans  le  détailles  délibérations  auxquelles  ces 

[83] 


4  00  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

questions  donnèrent  lieu;  nous  devons  y  apporter  d'autant 
plus  de  soins  que  les  adversaires  du  concile,  Sekulte  (i)  et 
Friedrich,  ont  pris  occasion  des  décisions  de  la  commission 
centrale  pour  formuler  de  violentes  attaques,  et  essayer 
même  de  mettre  en  doute  la  légitimité  du  concile  :  les 
règles  canoniques  auraient  été  violées  dans  la  convocation 
de  ses  membres. 


I.    —    NÉCESSITÉ    DE    CONVOQUER    LES    ÉVÈQUES    RÉSIDENTIELS, 

ET    NATURE    DE    L'AUTORITE 

QUI    LEUR    REVIENT    DANS    LE    CONCILE. 

C'est  un  point  de  doctrine  catholique  bien  établi  que  les 
évèques  qui  exercent  dans  les  diocèses  particuliers  le  pou- 
voir pastoral  suprême,  sont  les  membres-nés  des  conciles 
généraux  et,  par  conséquent,  doivent  tous  y  être  convoqués. 
Déjà  dans  la  plus  haute  antiquité  chrétienne  avait  cours  cet 
axiome  concilia  episcoporum  esse.  Aussi  la  question  de  la 
convocation  des  évêques  résidentiels  n'a  pas  occupé  la  com- 
mission centrale  ;  nous  n'en  parlons  qXie  pour  être  complet 
et  pour  mettre  en  lumière  les  principes  servant  a  déterminer 
qui  doit  être  appelé  au  concile. 

Le  Christ  a  confié  aux  apôtres  et  à  leurs  successeurs  le 
pouvoir  d'enseigner  et  de  gouverner  son  Eglise,  lorsqu'à  la 
fin  de  sa  vie  mortelle  il  les  envoya  fonder  cette  Eglise  :  ce  Allez 
dans  le  monde  entier,  leur  dit-il,  et  dans  toutes  les  nations, 
faites  de  tous  des  disciples  (ùa6ïjTeù<jaxe),  les  baptisant...  et 
leur  enseignant  à  garder  tout  ce  que  je  vous  ai  confié.  Celui 
qui  croira  et  se  fera  baptiser  sera  sauvé,  celui  qui  ne  croira 
pas  sera  condamné  (2).  »  Déjà  auparavant,  il  leur  avait  pro- 


fil D'  Joh.  Friedrich  Rittek  v.  Schulte,  Die  Stellung  der  Konzilien,  Piïpsle  und 
Bischôfe,  vont  historischen  und  kanonislichen  Standpunkte,  und  die  pàpstliche  Kon- 
stiltition  vom   18  Jirii  1870  (Prague,  1871),  p.  243  sqq. 

(2)Matth.  28,  19,20.  Marc.  16,  15,  16. 

[83-84] 


CONVOCATION    DES    EVKQUES    RESIDENTIELS  -104 

mis  les  pouvoirs  les  plus  étendus  dans  l'Eglise.  «  En  vérité, 
je  vous  le  dis,  tout  ce  que  vous  lierez  sur  la  terre  sera  lié  dans 
le  ciel,  et  tout  ce  que  vous  délierez  sur  la  terre  sera  délié 
dans  le  ciel  (i).  »  Lorsqu'il  les  envoya  prêcher  sa  doctrine,  il 
leur  promit  sou  assistance  permanente  :  «  Je  suis  avec  vous 
jusqu'à  la  fin  des  temps  (2).  »  //  Souvent  déjà  le  même  secours 
leur  avait  été  prédit  par  la  promesse  de  l'envoi  du  Saint- 
Esprit  :  «  Je  ne  vous  laisserai  pas  orphelins;  je  prierai  pour 
vous  le  Père,  et  il  vous  enverra  un  autre  consolateur,  pour 
rester  toujours  avec  vous,  l'Esprit  de  vérité.  Celui-là  rendra 
témoignage  de  moi  et  vous  enseignera  toute  vérité  (3).  » 
Les  apôtres  et  leurs  successeurs,  jusqu'à  la  fin  des  temps, 
sont  donc  constitués  par  Jésus-Christ,  chefs  de*  l'Eglise  et 
dispensateurs  de  la  doctrine  du  Maître;  son  ordre  exprès 
ohlige  tous  les  hommes,  sous  peine  de  damnation  éternelle, 
à  se  soumettre  à  leur  enseignement,  et  sa  promesse  leur 
assure  l'Esprit  de  vérité  qui  les  guide  et  les  empêche  d'en- 
seigner l'erreur. 

Les  successeurs  des  Apôtres  sont  les  évêques  ;  nous  les 
voyons  depuis  les  temps  apostoliques  exercer  la  charge  de 
conduire  le  troupeau  du  Christ,  et,  déjà  vers  le  milieu  du 
II1'  siècle,  se  réunir  en  conciles  particuliers,  bientôt  môme 
généraux.  Evidemment,  ils  ne  sont  pas  successeurs  des 
apôtres  enjce  sens  qu'ils  aient  à  se  déplacer  sans  cesse,  à 
aller  aux  nations  non  encore  gagnées  au  Christ  pour  con- 
stituer partout  des  communautés  nouvelles.  L'Eglise  une 
fois  fondée,  il  fallait  aux  chrétientés  formées  des  pasteurs  et 
des  docteurs  à  poste  fixe,  investis  d'une  pleine  autorité 
apostolique;  déjà  les  apôtres  en  établirent.  Ainsi  se  trouva 
limité  à  des  territoires  déterminés,  le  pouvoir  possédé  à  titre 
individuel  par  leurs  successeurs, qui,  au  cours  des  siècles,  se 


(1)  Math.  18, 18. 

(2)  Ibid.  28.  30. 

'3)  Jo.  14,16  sqq.;  16,7  sqq. 


[84-85J 


102  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

divisèrent,  selon  les  degrés  de  la  hiérarchie,  en  patriarches, 

primats,  archevêques  et  évoques.  Mais,  en  tant  qu'unis  en 
un  seul  corps  sous  un  commun  chef,  ils  gardèrent  la  mission 
d'enseigner  et  de  gouverner  l'Eglise  tout  entière.  L'autorité 
du  corps  des  évêques  se  confond  avec  l'autorité  des  apôtres, 
et  c'est  avec  ce  corps  que  le  Christ  demeure  jusqu'à  la  fin 
des  temps. 

Les  évêques  ont  donc  un  double  pouvoir  :  l'un  que  chacun 
exerce  à  l'intérieur  de  son  territoire,  et  dont  il  est  seul  le 
dépositaire;  l'autre  qu'ils  exercent  sur  l'Eglise  universelle  et 
qui  réside  non  dans  les  particuliers,  mais  dans  la  collecti- 
vité, dans  le  collège  apostolique.  Cette  seconde  sorte  d'auto- 
rité apparaît  surtout  dans  les  conciles  généraux,  mais  elle 
est  évidemment  la  même,  que  les  membres  du  corps  soient 
dans  leurs  territoires  respectifs  et  ne  s'unissent  que  d'inten- 
tion ,  pour  un  acte  collectif,  ou  qu'à  l'exemple  des  apôtres. 
ils  s'assemblent  corporellement  en  un  concile  (i). 

Cette  participation  au  gouvernement  de  l'Eglise  univer- 
selle appartient-elle  aux  évêques  en  vertu  d'un  droit  divin, 
par  le  fait  qu'il  sont  pasteurs  légitimes  d'une  Eglise  parti- 
culière, ou  bien  ce  droit  leur  est-il  donné,  chaque  fois  qu'ils 
ont  à  en  faire  usage,  par  la  convocation  du  pasteur  suprême 
de  l'Eglise  universelle  ?  C'est  là  une  question  controversée, 
dans  laquelle  nous  ne  voulons  pas  entrer.  Pratiquement,  elle 
a  peu  d'importance.  Même  dans  la  première  hypothèse,  les 
évêques  ne  peuvent  exercer  leur  droit  que  lorsque  le  pape 
réclame  leur  participation  au  gouvernement  de  l'Eglise  uni- 
verselle; et  dans  la  seconde,  c'est  cette  requête  même  qui 
leur  donne  leur  pouvoir.  Il  est  certain,  —  et  cela  seul  est  à 
signaler  ici,  —  que  le  pape,  quand  il  veut  réunir  un  concile, 
doit  y  appeler  les  évêques  chargés  du  gouvernement  des 
Eglises  particulières.  Le   concile,  en  effet,  doit  représenter 


(1)  Act.  15,  (J  sqq, 

[85-86J 


ROLE    DES    EVEQUES    Al     CONCILE  403 

toute  l'Eglise  enseignante  :  or,  celle-ci  n'est  autre  que  le  col- 
lège des  successeurs  des  apôtres,  les  évêques,  ceux  tout  au 
moins  qui  sont  à  la  tête  des  divers  diocèses. 

Quant  à  l'exercice  du  magistère  des  évêques  dans  le  con- 
cile, il  consiste  à  enseigner  à  l'Eglise  ce  qu'ont  enseigné  les 
apôtres.  Ils  sont  en  effet  leurs  successeurs,  investis  de  la 
môme  mission  :  ce  Allez  dans  le  monde  entier,  et  enseignez  à 
toutes  les  nations  tous  les  préceptes  que  je  vous  ai  donnés.  » 
Et  cet  enseignement  du  Christ  et  des  apôtres,  ils  doivent 
eux-mêmes,  comme  tout  autre,  apprendre  à  le  connaître  par 
les  moyens  ordinaires,  c'est-à-dire  par  l'étude  des  sources 
qui  le  contiennent,  l'Ecriture  et  la  Tradition. 

Il  devrait  être  inutile  d'exposer  dans  l'histoire  d'un  concile, 
ces  simples  et  claires  notions  de  théologie.  Mais  les  attaques 
des  adversaires  nous  y  contraignent.  Dans  leurs  polémiques 
contre  le  concile  du  Vatican,  Dôllinger,  Schulte  et  Friedrich 
ont  toujours  répété  que  la  mission  des  évêques  au  concile 
était  de  témoigner,  comme  représentants  de  leurs  diocèses, 
de  la  foi  de  leur  troupeau.  Cette  idée  fausse  trouva  un  accès 
facile  chez  nos  contemporains,  habitués  à  la  représentation 
parlementaire,  et  ses  fauteurs  en  déduisirent  toute  une  série 
de  conclusions,  à  l'aide  desquelles  ils  attaquèrent  la  légiti- 
mité du  concile  du  Vatican.  Si  leur  théorie  sur  le  rôle  des 
évoques  au  concile  était  exacte,  //  d'une  part,  les  évoques 
titulaires,  auraient  siégé  sans  aucun  droit,  car  n'ayant 
pas  de  diocèses,  ils  n'avaient  à  témoigner  de  la  foi  de 
personne;  d'autre  part,  on  aurait  commis  une  injustice, 
en  refusant  une  place  aux  procureurs  des  évêques  absents; 
leur  exclusion  empêchait  les  diocèses  dont  ils  représentaient 
les  évêques  de  témoigner  de  leur  for.  Bien  plus,  les  vicaires 
capitulaires,  qui  jamais  n'ont  paru  aux  conciles,  auraient  dû 
être  convoqués,  car  pourquoi  les  diocèses  vacants  qu'ils 
administraient  ne  devaient-ils  pas  être  admis  à  rendre,  eux 
aussi  leur  témoignage?  D'autres  erreurs  encore  découlaient 

[86-87] 


104  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

de  ce  seul  faux  principe;  par  exemple,  l'opinion  si  chère  aux 
adversaires  du  concile  du  Vatican  que  le  nombre  des  diocé- 
sains représentés  par  chaque  évêque  doit  entrer  en  compte, 
et  que  la  voix  d'un  évoque  qui  a  de  nombreux  sujets,  vaut 
plus  que  celle  du  pasteur  d'un  moindre  troupeau. 

«  Le  concile, dit  Dôllinger,  dans  son  attaque  contre  le  chan- 
gement apporté  à  l'ordre  du  jour  le  20  février  1870  (1),  est  la 
représentationj'assembléede  l'Eglise  universelle;  les  évèques 
y  sont  les  députés,  les  chargés  d'affaires  de  toutes  les  parties 
du  monde  catholique  ;  ils  ont  à  déclarer,  au  nom  de  la  collec- 
tivité des  fidèles,  ce  que  sur  une  question  religieuse  cette 
collectivité  pense  et  croit,  ce  qu'elle  a  reçu  comme  étant  la 
tradition.  Il  faut  donc  les  regarder  comme  des  mandataires 
qui  ne  peuvent  outrepasser  les  pouvoirs  reçus.  S'ils  allaient 
au  delà,  l'Eglise  dont  i\s  sont  les  représentants  ne  sanction- 
nerait pas  la  doctrine  définie  par  eux,  mais  la  rejetterait 
comme  étrangère  à  sa  foi.  Les  évèques  au  concile  sont  donc 
avant  tout  des  témoins,  ils  expriment  et  constatent  ce  qu'ils 
ont,  eux  et  leurs  communautés,  reçu  et  reconnu  jusqu'ici 
comme  enseignement  de  foi.  »  A  chaque  instant,  dans  sa  lutte 
contre  le  concile,  Dôllinger  répète  cette  théorie  et  les  consé- 
quences qui  en  découlent.  De  son  côté,  Schulte  écrit  (2)  : 
«  L'Eglise  ancienne  fit  consister  la  mission  essentielle  du 
concile  dans  rétablissement  officiel  du  dogme  par  le  témoi- 
gnage des  évèques  déclarant  la  foi  de  leurs  diocèses.  » 
Ainsi  donc,  le  plein  //  pouvoir  et  l'autorité  qu'ils  exercent 
dans  le  concile,  les  évèques  les  auraient  reçus  de  leurs 
diocèses  et  non  du  Christ  !  A  vrai  dire,  leurs  droits  y  peuvent 
à  peine  être  appelés  une  autorité,  car  ce  ne  sont  pas  eux  qui 
y  enseignent,  c'est  le  peuple,  dont  ils  sont  les  chargés 
d'affaires  et  les  mandataires  ;  ils  ne  proposent  pas  au  peuple 


(1)  Allgem.  Zeitung  du  11  mars  1870.  C,  V.  1502a. 

(2)  Die  Slellung  der  Kon-Jlien,  Pàpste,  etc.,  p.  245. 

[87-88] 


ROLE    DES    EVEQUES    AU    CONCILE  105 

une  doctrine,  avec  le  devoir  de  l'accepter,  mais  simples 
porte-voix  du  peuple,  ils  témoignent  de  ce  que  le  peuple  croit, 
et  s'ils  y  ajoutent  quoi  que  ce  soit,  le  peuple  refusera  de 
l'accepter.  Qu'ont  donc  fait  les  apôtres?  Ont-ils  reçu  du 
peuple  leur  doctrine  et  leur  pouvoir,  ou  n'ont-ils  pas  plutôt, 
de  par  un  pouvoir  reçu  du  Christ,  prêché  au  peuple  une 
doctrine  elle  aussi  reçue  du  Christ?  Si  donc  les  évêques 
tiennent  du  peuple  leur  doctrine  et  l'enseignent  en  vertu 
d'un  pouvoir  reçu  du  peuple,  comment  sont-ils  les  succes- 
seurs des  apôtres? 

Sur  la  nature  de  l'autorité  des  évêques  et  leur  rôle  dans  le 
concile,  hien  plus  exacte  est  l'opinion  du  canoniste  protes- 
tant Hinschius,qui  au  nom  des  faits  réfute  le  système  imaginé 
par  les  adversaires  du  concile.  «  Il  est  historiquement  faux, 
dit-il  (i),  que  ces  assemblées  (les  conciles  anciens)  se  soient 
réunies  pour  le  but  que  l'on  dit.  Elles  n'étaient  pas  destinées 
à  témoigner  de  la  foi  ;  au  contraire,  elles  ont  été  convoquées 
à  l'occasion  de  controverses  dogmatiques  qui  s'étaient 
élevées  et  bouleversaient  l'Eglise,  pour  décider  quelle  était 
la  saine  doctrine  et  juger  ceux  qui  s'en  écartaient.  Le  rôle 
judiciaire  du  concile  et  des  évêques  qui  s'y  assemblaient  est 
donc  le  motif  capital,  efficace  de  ces  réunions.  »  Plus  loin  il 
établit  la  justesse  de  cette  vue  pour  le  cas  particulier  du 
concile  de  Trente.  Il  ne  résulte  nullement  des  actes  de  ce 
concile,  dit-il  (2),  «  que  dans  les  discussions  les  évêques 
soient  simplement  venus  rendre  témoignage  de  la  foi  de 
leurs  églises  et  de  leurs  communautés  ;  tout  au  contraire, 
sans  perdre  de  vue,  cela  va  sans  dire,  la  tradition  de  l'Eglise 
et  les  résultats  acquis  de  la  science  théologique,  ils  ont 
exprimé  leurs  opinions,  leurs  avis,  et  formulé  leurs  votes 
conformément  à  leurs  propres  conceptions.  Dans  quel  but 


(i)  Dax  Kirchenrechi  der  Katholiken  und  Protestanlen  in  Deutschland ,  III,  341. 
(2)  Loc.cit.,  (316. 


10G  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

avait-on  fait  venir  au  concile  toute  une  série  de  Theologi 
minores  et  utilisé  leurs  conseils  /pour  des  travaux  prélimi- 
naires? Afin  qu'ils  missent  au  service  des  évêcpies  leur 
compétence  théologique  et  les  aidassent  à  se  former  un  juge- 
ment par  l'élaboration  scientifique  des  matières.  S'il  s'était 
agi  de  déposer  un  simple  témoignage  touchant  la  foi,  ces 
théologiens  auraient  été  plus  gênants  qu'utiles  puisqu'ils 
avaient  à  préparer  un  texte  dogmatique  sur  lequel  les 
évoques  devaient  ensuite  délibérer.  Comment  enfin,  par  le 
moyen  d'une  simple  déposition  de  témoignage,  d'un  simple 
examen,  comme  l'entendent  Dollinger  et  Schulte,  le  concile 
de  Trente  aurait-il  pu,  soit  atteindre  le  but  voulu  à  l'origine 
par  l'empereur  :  provoquer  une  union  avec  les  protestants, 
soit  accomplir  la  tâche  que  lui  assignait  avant  tout  la  coin 
de  Rome  :  préciser  et  définir  la  doctrine  catholique  en 
regard  de  la  doctrine  protestante?  » 

La  théorie  inventée  pour  faire  pièce  au  concile  du  Vatican 
n'est  pas  seulement  en  contradiction  avec  l'histoire  des 
conciles,  elle  est  encore  inconciliable  avec  la  notion  môme  de 
concile  considéré  connue  assemblée elélibérante. 

Pour  prouver  cpie  les  procureurs  des  évèejues  absents 
auraient  dû  être  admis,  Friedrich  (i)  allègue  qu'aux  pre- 
miers temps  les  conciles  généraux  étaient  précédés  de 
synodes  particuliers  destinés  à  établir  cpielle  foi  était  pro 
fessée  élans  les  diverses  Eglises.  «  C'est  de  cette  foi,  et  noi 
de  son  sentiment  personnel  que  l'évêque  avait  à  témoigner 
e>r,  il  pouvait  le  faire  aussi  bien  par  ses  mandataires  ou  ses 
légats.  »  Le  rôle  de  l'évêque  ou  de  son  mandataire  eut  done 
été. de  partir  pour  le  concile  en  emportant  dans  son  bagage  h 
vote  exprimé  par  ses  diocésains,  et  là  ele  déposer  ce  vote  toui 
formulé,  intangible?  A  quoi  bon  alors  une  délibération,  une 
discussion?  Dans  quel  but  les  discours  prononcés  au  con 


(1)  Gescliichle  der  Vatikan.  KomiLi,  701. 

[89J 


ROLE    DES    EVEQUES    AU    CONCILE  107 

cile?  De  quoi  les  orateurs  veulent-ils  persuader  l'assistance? 
Qu'ils  ont  fidèlement  transmis  leur  vote?  Quel  changement 
d'opinion  peut  se  produire  au  Concile?  Chacun  y  dit  ce  qu'on 
croit  chez  lui.  On  ne  peut  contester  le  fait  dont  chacun 
témoigne.  Chaque  évêque  aurait-il  à  défendre  la  doctrine 
que  professe  son  pays?  Mais  alors  il  devra  défendre  l'hérésie, 
si  son  diocèse  y  est  tombé?  // 

Les  apôtres  ont  été  envoyés  par  le  Christ  pour  être  les 
témoins  de  ses  œuvres,  de  sa  résurrection  et  des  enseigne- 
ments qu'ils  ont  reçus  de  lui  (i).  Comme  eux,  les  évêques 
ont  à  rendre  témoignage  surlapersonne  et  sur  la  doctrine  du 
Christ.  Mais  n'étant  pas  comme  les  apôtres  témoins  ocu- 
laires et  auriculaires,  ils  doivent  acquérir  par  l'étude  les 
connaissances  nécessaires  à  l'exercice  de  leur  magistère.  Ils 
ont  pour  s'instruire  l'Ecriture  et  la  Tradition. 

Certainement,  parmi  les  moyens  de  connaître  la  doctrine 
transmise  par  les  apôtres  il  faut  ranger  la  recherche  de  ce 
qui  est  cru  dans  toute  l'Eglise;  car  c'est  un  dogme  catho- 
lique que  l'Eglise  universelle  ne  peut  errer  en  matière  de  foi 
et  quand  il  est  démontré  qu'une  doctrine  est  tenue  par 
l'Eglise  universelle  comme  objet  de  foi,  il  est  prouvé  par  le 
fait  même  qu'elle  l'est  en  effet;  c'est  pourquoi  dans  les  con- 
ciles, quand  on  recherche  quelle  est  la  vérité  révélée,  on  se 
demande  aussi  ce  que  l'Eglise  croit  ;  cette  voie  pourtant  n'est 
pas  la  seule  et  très  souvent  elle  ne  mène  pas  au  but,  puisque 
habituellement  dans  les  questions  dogmatiques  qui  sont 
soulevées  dans  les  conciles,  la  complète  unanimité  des 
Eglises  n'existe  pas.  C'est  précisément  la  défection  d'un 
certain  nombre  de  chrétiens  par  rapport  à  la  vraie  foi,  qui 
est,  en  règle  générale,  l'occasion  de  4a  convocation  de  ces 
assemblées. 


(1)  Act.  1,  8,  22  et  passim. 

[89-90J 


108  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


II.  —  La  Question  de  la  Convocation 

DES    EvÊQUES    TITULAIRES. 

Les  évêques  résidentiels  doivent  donc  être  convoqués  a 
concile  :  aucun  doute  sur  ce  point.  Mais  à  côté  de  ces  prélat 
qui  sont  à  la  tète  d'un  diocèse,  il  y  en  a  d'autres,  qui  ont  reç 
la  même  consécration,  mais  n'ont  pas  juridiction;  ce  sont  le 
évêques  titulaires.  Investis  du  même  pouvoir  d'ordre  ont-r 
le  même  droit  à  paraître  au  concile  ?  La  question  était  diff 
cile,  et  sur  ce  point  la  Commission  centrale,  chargée  de  1 
résoudre,  se  voyait  laissée  à  peu  près  sans  secours  du  côt 
de  la  tradition. 

D'évêques  titulaires,  au  sens  propre  du  mot,  il  n'en  exi 
tait  pas  autrefois.  Il  y  avait  bien,  au  temps  des  premiei 
conciles  généraux,  des  évêques  sans  diocèse,  mais  qui  se: 
vaient  d'auxiliaires  aux  ordinaires, c'étaient  les  chorévêquei 
En  fait,  nous  les  trouvons  aux  conciles,  même  aux  concile 
généraux,  où  ils  paraissent  exercer  absolument  les  même 
droits  que  les  autres  évêques  (i).  Au  concile  de  Trente,  il 
a  aussi  quelques  évêques  sans  juridiction:  ils  sont  presqu 
tous,  il  est  vrai,  procureurs  d'autres  évêques.  mais  ils  n'oi 
comme  tels  ni  siège  ni  voix  :  c'est  doue  bien  en  leur  propi 
nom  qu'ils  prennent  part  au  concile  (2).  En  somme,  1< 
données  sont  trop  pauvres  pour  pouvoir  conduire  à  u 
résultat  certain. 


(1)  Hefele,  Konziliengeschichte  I  (2'édit.  p.  17.) 

(2)  L'éditeur  des  Actes  du  concile  de  Trente,MF  Elises,  confirme  l'opinion  émi 
ici  parle  P.  Granderath  :  les  évêques  titulaires,  procureurs  d'évêques  réside: 
tiels,  siégeaient  et  votaient  en  leur  propre  nom  et  non  pas  à  la  place  de  leu 
commettants  «  Pendant  la  première  partie  du  Concile,  nous  ecrit-il,  le  seule 
de  cette  nature  qui  s'est  présenté  est  celui  Michel  Helding  lAldinus),  évêqi 
auxiliaire  de  Mayence  et  procureur  de  L'archevêque;  on  décida  expresséme 
qu'Heldingen  qualité  d'évèque  deSidon  voterait  avec  les  autres  évêques  et  qi 
comme  délégué  du  cardinal  de  Mayence  il  demeurerait  soumis  aux  règles  et 
blies  pour  les  autres  procureurs.  »  (Note  du  P.  K.  Kirch  ajoutée  à  la  fin  du  tre 
sième  volume). 

[90-91] 


CONVOCATION    DES    EVEQUES    TITULAIRES  -109 

Les  théologiens  et  les  canonistes  étaient  en  désaccord  ;  ils 
laissaient  aussi  la  Commission  dans  l'embarras.  Melcliior 
Cano  (i)  ne  refuse  pas  seulement  aux  évêques  titulaires  le 
droit  à  la  convocation,  il  en  conteste  môme  la  convenance. 
D'autres,  au  contraire,  comme  Reiffenstuel(2)et  Ferraris(3), 
revendiquent  pour  eux  un  droit  strict  à  siéger  et  à  voter. 
Suarez  (4)  et  Schmalzgruber  (5)  adoptent  une  opinion  inter- 
médiaire d'après  laquelle  les  évêques  titulaires  ne  doivent  pas 
nécessairement,  mais  peuvent  être  convoqués.  Parmi  les 
canonistes  plus  récents,  Walter  (6)  est  du  même  avis,  tandis 
que  Phillips  (7)  se  prononce  pour  le  droit  strict. 

La  divergence  des  savants  sur  la  question  qui  nous 
occupe,  montre  qu'elle  est  difficile.  Les  évêques  titulaires 
ont  reçu  la  même  consécration  que  les  autres,  leur  pouvoir 
d'ordre  est  identiquement  le  même  ;  mais  ils  ne  sont  pas 
chargés  d'un  diocèse,  ils  n'ont  aucun  pouvoir  de  gouverner 
ni  d'enseigner.  Puis  donc  que  dans  le  concile  les  évêques 
doivent  exercer  non  leur  pouvoir  d'ordre,  mais  leur  pouvoir 
de  juridiction  et  leur  magistère,  on  pourrait  conclure  qu'il 
n'y  a  point  place  dans  ces  assemblées  pour  les  évêques  auxi- 
liaires ou  titulaires//. 

Cependant,  les  partisans  du  droit  strict  de  ces  prélats 
s'appuient,  entre  autres  arguments,  sur  le  serment  que  ces 
évêques  doivent  prêter  comme  les  autres,  et  dans  lequel  ils 
jurent  de  répondre  quand  le  Pape  les  convoquera  à  un  con- 
cile (8).  De  là  il  résulte  pour  le  moins  qu'ils  peuvent  être 
convoqués.  Mais  il  y  a  plus,  et  alors  même  qu'ils  n'auraient 
aucun  droit  proprement  dit  de  participer  au  concile,  il  serait 


(1)  De  locis  theol.  V.  c.  2. 

(2)  Jus  canon,  universam  1. 1,  Decr.  tit.  5  §2,  n.  42. 

(3)  Promptabibliolh,  v.  Coneilium  I,  n.  29  a. 

(4)  De  fide  disp.  11,  lect.  1,  n.  18. 

(5)  L'roœm,  §8,  n.  325. 

(6)  Lehrbuch  des  Kirchenrechts,  §  157. 
(7i  Kirchenrecht  II,  249,  Cf.  p.  13210. 

(8)  Dans  la  formule  du  serment,  il  y  a  «  Vocatus  ad  synodum  veniam  ». 

[91-92] 


HO  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

très  conforme  à  la  nature  des  choses  de  leur  en  accorder  1 
privilège.  En  effet,  bien  que  le  caractère  épiscopal  ne  cou 
fère  par  lui-même  aucun  pouvoir  de  juridiction,  il  appell 
cependant  ce  pouvoir  comme  un  complément  naturel,  et  des 
tine  celui  qui  le  possède  au  gouvernement  dans  l'Eglise.  Ei 
outre  l'autorité,  que  comme  membre  du  concile  l'évèqu 
exerce  sur  l'Eglise  universelle,  est  distincte,  nous  l'avon 
déjà  remarqué  (i),  de  celle  qu'il  exerce  dans  son  diocèse.  S 
donc  l'évêque  titulaire  n'a  aucun  pouvoir  sur  le  diocèse  dan 
lequel  il  vit,  et  ne  peut  gouverner  celui  dont  il  porte  le  titr 
(parce  que  ce  dernier  s'est  séparé  de  l'Eglise  universelle 
pourquoi  donc,  lui,  véritable  évêque,  élevé  par  la  consécratio 
au  rang  des  premiers  pasteurs,  serait-il  exclu  de  la  partie: 
pation  au  gouvernement  de  l'Eglise  universelle,  apanag 
de  ses  frères  dans  l'épiscopat  ? 

La  Commission  centrale  chargea  M*-'1'  Joseph  Angelini,  u 
de  ses  eonsulteurs,  de  rédiger  un  mémoire  sur  la  question 
Dans  cette  pièce  l'auteur  expose  les  opinions  des  théologien 
et  des  canoiiistis  avec  les  arguments  qu'ils  apportent.  Puis 
donne  son  sentiment  :  les  évêques  titulaires  peuvent  certai 
nement  être  convoqués  au  concile,  et,  s'ils  le  sont,  ils  doiven 
avoir  non  seulement  voix  consultative,  mais  encore  voi 
délibérative.  Se  demandant  ensuite  s'ils  ont  à  la  convocatio 
un  droit  proprement  dit,  il  distingue  entre  les  évêques  titi 
laires  qui,  comme  les  vicaires  apostoliques  en  pays  de  mi 
sion  possèdent  une  véritable  juridiction  sur  une  partie  il 
l'Eglise,  et  les  autres  qui  ont  seulement  reçu  la  consécratio 
épiscopale.  Aux  premiers,  il  attribue  un  droit  strict  ,  mai 
il  le  refuse  aux  seconds,  au  sujet  desquels  les  avis  d< 
savants  sont  partagés.  Les  vicaires  apostoliques,  dit-i 
doivent  être  convoqués,  parce  qu'ils  ont  comme  les  autre 
évêques  le  pouvoir  d'ordre  et  celui  de  juridiction,  et  parc 


(1)  P.  101  et  sqq. 

92-93] 


CONVOCATION    DES    EVEQUES    TITULAIRES  \\\ 

que,  s'ils  manquaient,  la  partie  de  l'Eglise  qui  leur  est 
confiée,  ne  serait  pas  représentée  au  concile.  Il  étend  même 
ce  droit  aux  vicaires  apostoliques  qui  ne  sont  pas  évéques  (i). 

Ce  mémoire  fut  examiné  par  la  Commission  centrale  dans 
la  séance  du  17  mai  1868.  Les  cardinaux  laissèrent  de  côté 
la  question  du  droit  strict  des  évéques  titulaires  ;  à  l'autre 
question,  «  convient-il  de  les  convoquer  tous?  »  ils  répon- 
dirent unanimement  par  l'affirmative.  Par  conséquent,  dans 
la  bulle  de  convocation  déjà  rédigée,  les  termes  patriarches, 
archevêques,  évéques,  devaient  être  entendus  avec  toute  leur 
extension,  en  y  comprenant  les  évéques  titulaires  (2).  Les 
raisons  qui  motivèrent  la  conclusion  de  la  Commission  cen- 
trale ne  sont  pas  communiquées  dans  le  procès-verbal  de 
cette  séance.  On  donna  dans  une  séance  postérieure  le  court 
résumé  qui  suit  : 

Les  évéques  titulaires,  —  ainsi  parlent  les  cardinaux  dans 
la  séance  du  14  mars  1869,  alors  que  la  bulle  de  convocation 
était  déjà  publiée,  —  doivent  être  considérés  comme  con- 
voqués, car  la  bulle  adresse  un  appel  à  tous  les  patriarches, 
archevêques  et  évéques  et  à  tous  ceux  que  leur  serment 
oblige  d'y  répondre;  or,  nul  ne  peut  douter  que  les  évéques 
titulaires  ne  soient  de  véritables  évéques,  et  l'on  sait  qu'ils 
prêtent  ce  serment.  En  outre  l'histoire,  celle  du  concile  de 
Trente  en  particulier,  plaide  en  leur  faveur.  Dans  les  actes 
solennels  les  plus  récents,  la  définition  du  dogme  de  l'Imma- 
culée Conception,  les  béatifications,  ils  ont  eu  la  même  part 
que  les  évéques  résidentiels.  Si  on  invoque  contre  eux  qu'ils 
ne  possèdent  aucune  juridiction,  on  doit  au  moins  (pour  ne 
rien  dire  de  la  distinction  dont  de  très  graves  auteurs  font 


(1)  Voto  del  Reverendissimo  Monsig.  Giuseppe  Angelini  sopra  gli  Atli  da  premet- 
tersi  alla  convocamone  del  Concilio  Générale,  e  sopra  Vammissione  dei  Vescori  Tito- 
lan  al  medesimo  Concilio,  p.  28  sqq, 

(2)  Procès-verbal  etc.  17  maggio  1868.  Ce  que,  dans  la  suite  nous  empruntons 
sans  citer  aux  séances  de  la  commission  centrale,  nous  l'extrayons  du  procès- 
verbal. 

[93] 


•Ii2  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

grand  cas,  entre  la  juridiction  actuelle  et  la  juridictio: 
habituelle) distinguer  entre  la  juridiction  particulière//sur  u: 
diocèse,  que  les  éveques  titulaires  ne  possèdent  pas,  et  1 
juridiction  universelle,  que  tous  les  éveques  reçoivent  e: 
vertu  de  leur  consécration.  Or  cette  dernière  consiste  préci 
sèment  dans  le  droit  d'enseigner  et  de  gouverner  tout 
l'Eglise,  droit  qui  s'exerce  dans  les  conciles  quand  le  Col 
lège  épiscopal  tout  entier  s'unit  au  Pape  pour  gérer  les  intt 
rets  généraux  du  monde  catholique  (i).  La  Commission  fai 
enfin  remarquer  qu'on  expose'/  le  concile  au  danger  de  voi 
contester  sa  légitimité  si  l'on  exclut  ne  fût-ce  que  quelque 
éveques.  Les  faits  devaient  montrer  bientôt  le  poids  de  c 
dernier  motif  et  le  bien-fondé  de  cette  crainte. 

On  put  le  constater  cette  année  même,  avant  que  la  déci 
sion  de  la  congrégation  ne  fût  connue  du  public.  En  France 
Mgr  Maret,  évêque  titulaire  de  Sura,  composa  un  ouvrag 
en  faveur  «les  doctrines  gallicanes,  et  l'adressa  aux  évêque 


(1)  Notons  pour  renseigner  les  lecteurs  étrangers  à  la  théologie,  que  c'est  ur 
question  controversée  de  savoir  si  les  éveques  reçoivent  leur  pouvoir  de  jur 
diction  du  Christ  lui-même  à  leur  consécration,  ou  du  pape  en  dehors  de  la  coi 
sécration.  La  commission  laisse  la  question  intacte,  comme  il  est  dit  dans  ] 
passage  que  nous  avons  cité  entre  parenthèses;  elle  se  prononce  cependant  e 
faveur  de  la  première  opinion  pour  autant  qu'elle  suppose  que  du  moins  l'ai 
torité  à  exercer  au  concile  est  conférée  dans  la  consécration.  S'il  en  est  ainsi, 
s'ensuit  qu'il  est  non  seulement  convenable,  mais  nécessaire  de  convoquer  a 
concile  les  éveques  titulaires,  car  au  point  de  vue  de  l'autorité  à  y  exercer,  i: 
sont  sur  le  même  rang  que  les  éveques  résidentiels.  Nous  ajouterons  que  lf 
adversaires  du  concile,  qui,  comme  Schulte  et  Friedrich,  refusent  d'admetti 
la  convocation  des  éveques  titulaires,  peuvent  facilement  être  convaincus  d 
contradiction  flagrante.  Nous  le  leur  demandons,  quel  parti  prennent-ils  dan 
la  controverse  sur  l'origine  du  pouvoir  épiscopal  de  juridiction  ?  Dans  leur  ant 
pathie  pour  tout  ce  qui  assure  au  pape  un  pouvoir  quelconque,  ils  se  rangeroi 
sans  doute  à  l'opinion  qui  fait  dériver  immédiatementdu  Christ  le  pouvoir  d 
juridiction.  Fort  bien!  Mais  alors,  les  éveques  titulaires  reçoivent  la  mêm 
autorité  que  les  autres,  aussi  bien  celle  qu'exerce  chaque  évêque  sur  une  églis 
particulière,  que  celles  qu'ils  exercent  tous  en  commun  sur  l'Eglise  universelb 
L'autorité  sur  une  église  particulière  ne  peut,  on  le  reconnaît  dans  les  deux  op 
nions,  être  exercée  par  les  éveques,  avant  que  le  pape  n'en  détermine  la  niatién 
c'est-à-dire  leur  assigne  des  sujets:  il  s'ensuit  donc  que  les  éveques  titulaires  n 
peuvent  exercer  leur  autorité  sur  une  portion  de  l'Église,  parce  qu'aucune  n 
leur  est  attribuée.  Mais  à  l'exercice  de  l'autorité  épiscopale  sur  l'Église  univei 
selle,  une  fois  la  consécration  reçue,  aucun  obstacle  ne  s'oppose,  aucune  autr 

[94-95] 


LETTRE    Dl     P.    DELAFOSSE  >,\  :) 

et  au  pape;  il  usait,  disait-il, du  droit  inviolable,  appartenant 
à  tout  évêque,  d'exposer  librement  avant  le  concile  son  senti- 
ment sur  l'état  de  l'Eglise,  ses  périls  et  ses  besoins.  L'expres- 
sion  «droit  inviolable  »  fut  blâmée  par  le  P.  Delafosse,  oratô- 
rien,  qui,  s'appuyant  sur  Suarez,  Melchior  Cano  et  Be- 
noit XIV.  s'efforça,  dans  une  lettre  à  I'TJnivebs  (i),  de  prou- 
ver que  les  évoques  titulaires  qui  ne  sont  pas  en  même  temps 
à  la  tête  d'une  mission,  étant  sans  juridiction,  n'ont  aucun 
«  droit  inviolable  »  a  prendre  part  au  concile,  et  que  le  pape 
n'est  pas  tenu  de  les  convoquer.  Cette  lettre  fut  si  mal  reçue 
par  les  Gallicans,  qu'elle  provoqua  une  intervention  du 
ministre  de  l'instruction  publique,  Duruy.  Le  P.  Delafosse 
reçut  du  supérieur  de  l'Oratoire  une  sévère  réprimande,  qui 
l'ut  communiquée  à  toutes  les  maisons  de  la  congrégation; 
le  supérieur  général  se  rendit  en  personne  chez  Mgr  Maret 
pour  lui  exprimer  au  nom  de  tous  ses  subordonnés  son 
regret  de  l'affaire,  et  lui  annoncer  que  le  P.  Méric  était  auto- 
risé à  faire  paraître  une  réfutation  de  la  lettre  du  P.  Dela- 
fosse.       Le   conseil  d'administration   du   collège  de  Juilly, 


formalité  n'est  requise,  aucun  troupeau  spécial  n*est  à^assigner,  puisque  cette 
autorite  s'étend  à  tout  le  troupeau  du  Christ.  Si  donc  on  veut  admettre  cette  opi- 
nion et  rester  conséquent  avec  soi-même,  on  doit  reconnaître  aux  évéques  titu- 
laires non  seulement  un  titre  de  convenance,  mais  un  droit  strict  à  la  convoca- 
tion, le  même  droit  que  possèdent  tous  les  autres  évéques.  Dans  cette  hypothèse 
le  pape  c'est  pas  seulement  autorisé,  il  est  obligé  de  les  convoquer  et  s'il  omet 
cette  convocation,  il  viole  un  droit.  Pour  nous,  nous  embrassons  l'autre  opi- 
nion, d'après  laquelle  les  évéques  reçoivent  du  Christ  la  juridiction  non  pas 
directement,  mais  par  l'intermédiaire  du  pape:  aussi  ne  pouvons-nous  démon- 
trer rigoureusement  que  les  évéques  titulaires  ont  un  droit  strict  à  la  convoca- 
tion. Cependant,  pour  les  motifs  exposés  plus  haut,  il  nous  semble  convenable 
que  le  pape,  quand  par  la  convocation  d'un  concile,  il  donne  aux  évéques  le 
droit  de  prendre  part  au  gouvernement  de  l'Eglise  universelle, n'exclue  pas  ceux 
qu'il  n'a  pas  chargés  de  gouverner  une  église  particulière.  Cette  remarque  vaut 
surtout  pour  les  évéques  titulaires  qui,  dans  les  pays  de  mission,  où  la  hiérar- 
chie n'est  pas  encore  constituée,  administrent  les-  circonscriptions  ecclésiasti- 
ques dans  les  mêmes  conditions  que  des  évéques  résidentiels,  il  serait  peu 
équitable  de  les  tenir  éloignés  du  concile,  eux  dont  les  épaules  supportent  sou- 
vent les  plus  lourdes  charges;  ils  devraient  du  reste  être  convoqués,  au  moins 
parce  qu'ils  sont  les  plus  à  même  de  renseigner  le  concile  sur  la  situation  spiri- 
tuelle de  leurs  vicariats,  et  de  faire  pourvoir  efficacement  à  leurs  nécessités. 
(1)  Du  17  novembre  1808. 

8 

[95] 


144  HISTOIRE    DU    CONCILE    1>C    VATICAN 

auquel  appartenait  le  P.  Delafosse,  protesta  également  contr 
son  factum,  et  pria  son  président,  le  sénateur  Dariste,  d 
donner  lui-même  à  Mgr  Maret  communication  de  cette  prç 
testation.  Evidemment  toute  cette  émotion  ne  s'explique  pa 
seulement  par  le  ton  ironique  qu'avait  affecté  le  P.  Delà 
fosse!  Que  n'eussent  pas  l'ait  les  partisans  des  doctrines  ga' 
licanes,  si  Maret  et  tous  les  évéques  titulaires  avaient  et 
exclus  du  concile?  (i) 

La  bulle  de  convocation,  publiée  le  29  juin  1868,  ne  mei 
tionnait  pas  expressément  les  évêques  titulaires:  elle  parlai 
des  évêques  en  général  ;  voilà  comment  à  la  fin  de  cet! 
année,  une  pareille  controverse  put  s'élever  en  France,  c 
être  traitée  dans  les  journaux.  Au  même  moment,  de  pli 
sieurs  côtés  on  s'informait  à  Rome  si  les  évêques  titulaire 
étaient  aussi  convoqués.  Ce  fut  l'occasion  d'une  nouvel] 
enquête  sur  la  question. 

De  nombreuses  demandes  arrivaient  en  effet  à  la  curie 
les  évêques  auxiliaire1-,  les  abbés,  et  d'autres  encore  qc 
réclamaient  le  droit  de  siéger  et  de  voter  au  concile,  étaien 
ils  compris  dans  la  bulle  de  convocation'/  Le  7  mars  1869,  1 
Commission  centrale  décida,  sous  réserve  de  Fapprobatio 
pontificale.de  l'aire  préparer  par  la  Congrégation  du  concil 
une  circulaire  à  envoyer  aux  évêques,  pour  exposer  les  déej 
sions  prises  l'année  précédente  au  sujet  des  personnes  à  cou 
voquer;  on  donnerait  ainsi  à  tous  une  règle  pour  juger  le 
cas  ijiii  pourraient  se  présenter.  Le  jour  suivant,  le  seerc 
taire  de  la  Commis-ion  centrale  exposa  la  chose  au  Saint 
Père.    Pic  IX  fit  remarquer  qu'il  y  avait  des  évêques  titn 


(1)  Cecconi,  op.  cit.  1.  III,  c.  4.,  11.  il,  p. 404  sqq.  (trad.  tom.  II.  p.  348).  II  ne  fat 
pas  conclure  de  cette  affaire  que  les  membres  de  l'Oratoire  aient  été  partisan 
du  Gallicanisme.  Leur  supérieur,  le  P.  Pététot,  déclara  dans  une  lettre 
1  Univers  (8  décembre!,  que  son  intervention  n'avait  nullement  été  motivée  pa 
un  attachement  aux  doctrines  de  MgrMaret.  Il  professait  un  grand  respect  pou 
la  personne  de  Févêque,  mais  sur  bien  des  points  ne  partageait  nullement  se 
idées. 

[96] 


INVITATION    DES    EVEQUES    TITULAIRES  -115 

laires  dont  la  conduite  n'était  pas  exempte  de  blâme,  et  il 
exprimale  désir  que  tous  sans  distinction  ne  fussent  pas  admis 

an  concile  Le  secrétaire  fit  valoir  de  nouveau  les  motifs  qui 
avaient  déterminé  la  Commission  centrale  à  se  prononcer 
pour  la  convocation  générale  et  rappela  au  pape  qu'il  avait 
approuvé  cette  décision.  Le  Souverain  Pontife  n'en  ordonna 
pas  moins  d'examiner  à  nouveau  la  question  et  de  chercher 
si  on  ne  pouvait  trouver  un  mode  de  convocation  qui  permît 
de  ne  pas  voir  au  concile  des  personnes  que  leur  conduite 
rendaient  indignes  d'y  siéger. 

La  Commission  centrale  dut  être  surprise  quand,  dans  la 
séance  du  14  mars,  le  secrétaire  lui  communiqua  le  désir  du 
Saint-Père.  Elle  entama  une  nouvelle  discussion,  et,  vu  les 
motifs  (1)  qui  plaidaient  pour  la  convocation,  résolut  à  l'una- 
nimité de  s'en  tenir  aux  conclusions  premières.  Seul  un  évèque 
qui  serait  excommunié,  disait  la  Commission,  pourrait  être 
exclu  du  concile.  Pie  IX  recevant  en  audience  le  secrétaire, le 
i5  mars,  se  fit  exposer  tous  les  motifs  allégués,  et,  après  un 
examen  attentif,  y  donna  son  assentiment.  Il  ordonna  qu'aux 
demandes  envoyées  de  divers  côtés  pour  savoir  si  les 
évêques  auxiliaires  pouvaient  paraître  au  concile,  on  répon- 
dît affirmativement.  C'est  ainsi  que  le  cardinal  Caterini, 
interrogé  le  16  juillet  1869  par  l'évèque  Grant,  de  South- 
wark,  lui  fit  savoir  le  b"  août  que  les  évêques  titulaires  sans 
aucune  juridiction  étaient  convoqués;  la  bulle,  en  effet, 
parlait  de  tous  les  évêques  indistinctement,  et  «  ubi  lex  non 
distinguit,  nec  nos  distinguere  debemus  »  (2).  Pour  le  même 
motif,  il  étendait  aussi  aux  évêques  titulaires  le  devoir 
imposé    à   tous    de   répondre   à   l'appel,  et   disait    que    s'ils 


(1)  Voir  plus  haut,  p.  1 10  sqq. 

(2)  L'archevêque  de  Cologne  pria  le  nonce  de  Munich, Mgr  Meglia,  d'obtenir 
pour  Mgr  Laurent,  l'ancien  vicaire  apostolique  de  Luxembourg,  une  invitation 
au  concile.  Le  nonce  s'adressa,  dans  une  lettre  du  '22  mars  1869,  au  cardinal 
Antonelli,  <|ui  répondit  que  Mgr  Laurent  était  déjà  invité  par  la  bulle 
d'indiction . 


[96-tn 


1IG  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

n'avaient  obtenu  aucune  dispense  spéciale  du  Saint-Père  et 
s'ils  se  trouvaient  empêchés,  ils  devaient  présenter  au 
concile  par  un  procureur  les  motifs  de  leur  abstention  (i). 
La  Commission  centrale  examina  de  son  côté  le  n  novembre 
la  question  de  l'obligation  pour  les  évêques  titulaires  d'en- 
voyer un  procureur  en  cas  d'empêchement.  Elle  conclut 
comme  le  cardinal  Caterini;  pourtant,  si  cette  formalité 
n'était  pas  remplie,  on  devait  passer  outre  (2).  // 

III.  —  La  Convocation  des  Abbés  et  des  Généraux 

d'Ordres. 

Les  évêques  titulaires  ont  le  pouvoir  d'ordre  sans  la 
juridiction  ;  au  contraire,  les  supérieurs  généraux  des 
ordres  religieux  et  la  plupart  des  abbés  ont  une  sorte  de 
juridiction  épiscopale,  potestas  (jnnsi  episcopalis,  mais  non 
le  pouvoir  d'ordre.  Dans  les  conciles  antérieurs,  ils  ont  eu 
le  même  rôle  que  les  évêques.  Mais  il  y  eut  là  attribution 
d'un  privilège,  non  reconnaissance  d'un  droit.  La  Commis- 


(1)  C,  V.  1058  d. 

(2)  Procès-verbal  du  11  novembre  1869.  Contre  la  décision  de  la  Commission 
centrale  et  l'admission  au  concile  des  évêques  auxiliaires,  réclament  les  adver- 
saires du  concile  Friedrich  (Geschichte  des  Vatikanischen  Konzils,  I,  696  sqq.)  et 
Schulte  (op.  cit.,  p.  246).  Le  premier  n'apporte  aucun  argument,  il  s'appuie  sur 
le  second.  Ce  dernier  écrit  :  «  La  consécration  épiscopale  n'est  pas  une  raison 
(de  convoquer  les  évêques  titulaires),  il  est  de  toi  (Conc.  Trid.  Sess.  xxm, 
can.  4  de  sacr.  ord.)  que  le  Saint-Esprit  est  donné  par  l'ordination  sacerdotale, 
—  la  consécration  ne  communique  pas  une  science  supérieure,  —  l'évêque 
n'a  pas  à  exprimer  son  opinion  personnelle  mais  à  faire  office  de  témoin.  » 
Le  premier  argument  iloit  vouloir  dire  que,  le  Saint-Esprit  étant  reçu  par 
l'ordination  sacerdotale,  il  ne  reste  plus  rien  à  recevoir  dans  la  consécration 
épiscopale  par  quoi  le  sujet  devienne  capable  de  prendre  part  aux  actes  doctri- 
naux d'un  concile.  Schulte  aurait  pu  aussi  bien  prouver  que  l'ordination  sacer- 
dotale ne  confère  pas  le  Saint-Esprit,  car  il  est  déjà  reçu  dans  la  confirmation,  et 
même  dans  le  baptême.  — Si  celui  qui  exerce  le  magistère  dans  un  concile  doit, 
comme  Schulte  le  suppose  dans  son  second  argument,  recevoir  d'en  haut  une 
science  supérieure,  alors  la  collation  de  la  juridiction  qui  distingue  l'évêque 
résidentiel  du  simple  titulaire,  ne  sulïit  pas  non  plus,  car  elle  n  n  plus  ne  com- 
munique aucune  science  supérieure.  —  Le  troisième  argument  se  fonde  sur 
l'erreur  déjà  réfutée  (p.  107  sqq.)  touchant  le  rôle  des  évêques  au  concile. 

[97-98J 


CONVOCATION    DES    ABBES    ET    GENERAUX    D ORDRE  117 

sion  centrale  avait  dès  lors  à  examiner  si  les  abbés  avaient 
un  titre  /  à  être  convoqués,  et  si  le  privilège  d'exercer  les 
droits  épiscopaux  devait  leur  être  maintenu  au  concile  du 
Vatican. 

Elle  chargea  le  consulteur  Sébastien  Sanguineti,  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  d'émettre  un  avis  sur  la  question. 

Ce  canoniste  qui,  dans  la  première  partie  de  son  mé- 
moire (i),  s'occupe  des  abbés,  et  dans  la  seconde,  des  géné- 
raux d'ordres,  part  du  principe  admis  universellement  par 
les  théologiens  que  les  éveques  ont  seuls  un  droit  d'origine 
divine  à  être  convoqués  au  concile  (2);  mais  il  montre 
ensuite  que  depuis  le  second  concile  de  Xicée  (787)  les 
supérieurs  d'ordres  religieux  y  ont  été  admis  (3).  Un  double 
motif  explique  ce  fait  :  la  grande  influence  qu'ont  exercée 
les  moines  sur  la  situation  religieuse  et  politique  de  l'Occi- 
dent, et  l'exemption  de  la  juridiction  épiscopale  qui  leur  fut 
accordée  pour  récompenser  les  services  rendus  par  eux  à 
l'Eglise.  Les  abbés  exercent  sur  leurs  sujets  la  même  auto- 
rité que  les  évoques  sur  leurs  diocésains,  par  suite  il  parut 
convenable  de  leur  accorder  une  place  aux  conciles  à  côté 
des  éveques  (4). 

Pour  décider  si  les  supérieurs  d'ordres  bénéficieraient  au 
prochain  concile  du  privilège  dont  ils  avaient  joui  durant 
les  siècles  précédents,  l'auteur  du  mémoire  s'appuyait  des 
principes  suivants  :  le  pouvoir  suprême  dans  l'Eglise  a  sans 
doute  le  droit  strict  de  retirer  un  privilège  jadis  concédé, 
mais  il  ne  convient  pas  à  la  suavité  qui  en  est  la  marque 
distinctive,  de  modifier  ou  de  supprimer  un  privilège  établi 


(lj  Conformément  aux  deux  questions  qui  forment  le  titre  du  vœu  «  /.  Utrum 
et  quinarn  Abbates  sœculares  et  regulares,  fini  invitandi  ad  concilium?  II.  Utrum 
vocandi  et  admittendi  sint  ad  concilium  omnes  Générales  Ordinum  religiosorum, 
etiamsi  Ordines  aliqui  ob  paucilatem  membrorum  fere  adnihilum  sint  reducti  ?  » 

(2)  Votum  P.  Sanquineti,  p.  3. 

(3)  Ibid.,  p    5  sqq. 

(4)  Ibid.,  p.  6-11  sqq. 

[98  99] 


418  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN 

par  la  coutume,  tant  que  durent,  au  moins  en  substance,  les 
motifs  et  les  circonstances  qui  l'ont  provoqué;  si.  au  con- 
traire, la  situation  a  complètement  changé,  une  modification 
ou  une  suppression  est  opportune  ou  nécessaire;  enfin 
môme  en  l'absence  de  tout  changement  l'autorité  ecclésias- 
tique peut  limiter  l'usage  d'un  privilège,  si  elle  en  redoute 
de  graves  inconvénients  (i).  // 

Revenant  alors  à  la  première  question  le  rapporteur  con- 
tinue: Le  privilège  de  la  participation  au  concile  n'appartient 
pas  à  quiconque  possède  la  dignité  d'abbé  ou  en  porte  le  nom. 
D'après  Ferraris,  les  abbés  se  partagent  en  différentes  caté- 
gories (2).  Dans  le  clergé  séculier  il  en  est  de  quatre  sortes  : 
les  uns  ont  la  juridiction  et  le  droit  d'officier  pontificale- 
ment;  d'autres  n'ont  point  ces  prérogatives,  mais  seulement 
le  rang  et  la  dignité  ;  d'autres,  transférés  des  églises  suppri- 
mées à  la  tête  desquelles  ils  se  trouvaient,  au  chapitre  de 
l'église  cathédrale,  en  ont  conservé  le  titre  ;  il  y  a  enfin  les 
abbés  commeiidataires.  Les  abbés  réguliers  sont  de  trois 
sortes  :  les  uns  ont  juridiction  non  seulement  sur  les  sujets 
de  leur  ordre,  mais  encore,  comme  des  évoques,  sur  tous  les 
habitants  d'un  territoire;  d'autres  sont  seulement  supérieurs 
de  religieux  ;  d'autres  enfin  n'ont  que  le  titre,  sans  sujets. 

Pour  qu'un  abbé  ait  droit  à  prendre  part  au  concile,  il  faut 
d'abord,  en  tous  cas,  qu'il  ait  juridiction  (3).  Mais  toute  juri- 
diction ne  suffit  pas,  il  faut  celle  qu'on  nomme  quasi  episco- 
palis,  c'est-à-dire  qui  n'est  pas  subordonnée  à  l'autorité  de 
l'évêque  diocésain.  D'après  tous  les  théologiens,  en  effet,  la 
raison  intime  pour  laquelle  le  même  droit  qu'aux  évêques 
dans  le  concile  a  été  attribué  aux  abbés,  c'est  qu'à  coté  des 
évêques  ils  possédaient  une  juridiction  quasi  épiscopale. 
L'histoire  montre  même  que  les  abbés  obtinrent   ce  privi- 


(1)  Yotum,  etc. ,  p.7qq. 

(2)  Ibiil.,  p.  18*. 

(3)  Ibid.,  p.  11  sqq. 


[99-100! 


CONVOCATION    DES    ABBES  119 

Lège  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  reçurent  du  Saint-Siège 
l'exemption  de  l'autorité  des  Ordinaires. 

Après  avoir  établi  sa  doctrine  par  l'autorité  des  théologiens 
et  l'histoire  du  concile  de  Trente  (i),  le  rapporteur  répond 
ainsi  à  la  première  question  :  Des  abbés  séculiers  ceux-là 
seul-  ont  droit  à  être  convoqués  au  concile  qui  possèdent  la 
juridiction  sur  un  territoire  qui  n'est  soumis  à  aucun  évêque, 
car  les  autres  sont  purement  et  simplement  soumis  à  l'auto- 
rité épiscopale.  Parmi  les  abbés  réguliers  ceux-là  d'abord  ont 
droit  à  la  convocation,  qui  //  possèdent  la  juridiction  non 
seulement  sur  leurs  sujets  réguliers,  mais  aussi  sur  un  cer- 
tain territoire  :  on  les  appelle  abliates  niillius,  parce  que 
leurs  districts  ne  sont  soumis  à  aucun  évêque.  Quant  aux 
autres,  qui  ont  une  juridiction  non  territoriale  mais  person- 
nelle, il  faut,  en  tous  cas,  convoquer  ceux  qui  sont  supérieurs 
de  plusieurs  monastères  formant  congrégation,  au  même  titre 
que  les  généraux  des  ordres  religieux.  Xous  les  appellerons, 
avec  le  procès-verbal  de  la  Commission  centrale,  abbés  géné- 
raux. Pour  ceux  qui  sont  supérieurs  d'un  seul  monastère,  il 
faut  distinguer  :  si  ce  monastère  fait  partie  d'une  congréga- 
tion, ils  n'ont  aucune  droit  d'être  admis  au  concile,  car  alors 
ils  sont  soumis  à  un  autre  supérieur,  l'abbé  général,  et  ne 
possèdent  pas  l&jurisdictio  quasi  episcopalis.  Si  le  monastère 
dont  ils  sont  supérieurs  est  autonome,  on  pourrait  le  consi- 
dérer comme  un  ordre  religieux,  et  alors,  si  le  Saint-Siège 
reconnaît  à  ces  abbés  tous  les  droits  des  généraux  d'ordres, 
leur  concéder  siège  et  voix  au  concile.  Mais  dans  ce  cas  le 
nombre  des  abbés  devenant  trop  considérable,  une  restric- 
tion pourrait  être  opportune  (2). 

La  réponse  à  la  seconde  question  est  beaucoup  plus  simple. 


(1)  Votum,  etc.,  p.  16  sqq. 

(2)  Ibid.,  p.  19  sq.  Dans  une  note,  l'auteur  se  demande  si  ces  monastères 
peuvent  vraiment  être  considérés  comme  autant  d'ordres;  il  penche  pour  la 
négative. 

[100-101 1 


4  20  HISTOIRE    1)1"    CONCILE     1)1     VATICAN 


Sur  le  privilège  des  généraux  d'Ordres  d'exercer  au  concile 
Les  droits  des  évêques,  il  ne  peut  s'élever  aucun  doute,  et  le 
concile  de  Trente  fournit  une  pleine  confirmation  de  cette 
doctrine.  Ces  supérieurs  ont,  en  effet,  la  potestas  qiiasi  epis- 
copalis  sur  leurs  sujets  réguliers  (i). 

Le  rapport  aborde  ensuite  un  cas  tout  particulier  :  Le  privi- 
lège s'applique-t-il  aux  vicaires  généraux  qui  sont  vraiment 
supérieurs  de  l'ordre  tout  entier,  par  exemple  lorsque  le 
général  trop  âgé  ou  malade,  mais  conservant  cependant  son 
titre,  a  cessé  complètement  de  gouverner;  ou  bien  pendant  la 
vacance  après  la  mort  du  gênerai  et  avant  l'élection  de  son 
successeur?  Dans  le  cas  où  le  Saint-Siège  reconnaît  aux 
vicaires  généraux  tous  les  droits  d'un  général  d'Ordre  (2)  le 
P.  Sangiiincti  répond  par  l'affirmative.  11  attribue  aussi  le 
même  droit  aux  supérieurs  des  ordres  qui  par  suite  du  petit 
nombre  de  leurs  membres  ont  presque  disparu  /'  ;  on  pourrait 
cependant  avoir  des  motifs  de  les  exclure.  Ainsi  un  ordre 
auquel  le  Saint-Siège  a  interdit  de  recevoir  des  novices, 
pourrait  être  considéré  comme  n'existant  déjà  plus  (3). 

Dans  sa  séance  du  i>4  mai  1868,  la  Commission  centrale 
examina  le  rapport  de  Sanguineti  et  se  rangea  à  sa  manière 
de  voir.  Elle  décida  donc  (pie  les  abbés  qui  exercent  la  juri- 
diction sur  un  territoire  indépendant  de  tout  évèque,  c'est- 
à-dire  les  abbates  nullius  devaient  être  convoqués;  de  même 
ceux  qui  sont  à  la  tête  d'une  congrégation  formée  de  plusieurs 
monastères,  mais  non  pas  les  abbés  particuliers  de  ces 
monastères;  elle  n'admit  pas  les  abbés  des  monastères  auto- 
nomes, qui  ne  sont  pas  abbates  nullius,  même  ceux  qui  sont 
exempts  de  l'autorité  épiscopale.  Sont  à  convoquer  encore 
les  généraux  d'Ordres,   et  même  les   vicaires    généraux   si, 


(1)  Volum,  etc.,  p.  21  sq. 

(2)  Ibid.,  p.  22. 

(3)  Ibid..  i..22sq. 


[101-1G2] 


CONVOCATION    DES    ABBÉS    ET    GÉNÉRAUX    D'ORDRE  121 

d'après  les  constitutions  de  leur  ordre  ou  en  vertu  d'un  bref 
pontifical,  ils  tiennent  la  place  du  général  avec  jouissance  de 
tous  les  privilèges  qu'elle  comporte;  de  même  enfin,  les 
généraux  des  ordres  qui  n'ont  plus  qu'un  petit  nombre  de 
membres  et  ont-  presque  disparu;  seuls  les  ordres  à  qui  le 
Siège  apostolique  a  interdit  de  recevoir  des  novices  doivent 
être  considérés  comme  n'existant  plus.  Les  supérieurs  des 
congrégations  religieuses  qui  ne  sont  pas  des  ordres  propre- 
ment dits  ne  doivent  pas  être  invités  (i).  Ces  conclusions  de 
la  Commission  centrale  reçurent  la  pleine  approbation  du 
Saint-Père. 

Cependant,  la  bulle  de  convocation  qui  fut  publiée  un  mois 
plus  tard,  était  à  tout  le  moins  peu  claire.  L'invitation  au 
concile  s'adressait  aux  évêques,  «  aux  abbés  et  à  tous  les 
autres  qui  possèdent  le  droit  ou  le  privilège  de  siéger  et  de 
voler  dans  les  conciles  généraux  »  (2).  Etant  donnée  la  géné- 
ralité de  l'expression,  /  tous  les  abbés,  même  ceux  des 
monastères  autonomes  qui,  d'après  les  conclusions  de  la 
Commission  approuvées  par  le  Saint-Père,  étaient  exclus  du 
concile,  durent  se  croire  convoqués.  Beaucoup,  voyant  appro- 
cher le  jour  de  l'ouverture  de  l'assemblée,  crurent  bon  de 
consulter  Rome.  Alors  seulement  (juin  1869)  quand  le  cardi- 
nal Caterini,  après  en  avoir  référé  au  pape,  déclara  officielle- 
ment ([lie  seuls  les  abbés  nullius  et  les  généraux  d'Ordres, 
mais  non  les  abbés  des  monastères  autonomes,  étaient  invités, 
on  connut  les  conclusions  de  la  Commission  centrale.  Elles 
firent    sensation    (3),    notamment   en    France,    et   plusieurs 


(1)  Procès  verbal  du  24  mai  1868.  —  C.  V.  1059  b.  c. 

(2)  «  Ac  proinde  volumus,  jubemus,  omnes  ex  omnibus  locis  ta  m  venerabiles 
Fratres  Patriarchas,  Archiepiscopos,  Episcopos,  quam  dilectos  Filios  Abbates, 
omnesque  alios,  quibus  jure  aut  privilegio  in  Conciliis  Generalibus  residendi 
et  sententias  in  iis  dicendi  facta  est  potestas,  ad  hoc  œcumenicum  Concilium... 
venire  debere.  »  Cette  formule  est  empruntée  presque  mot  pour  mot  à  la  bulle 
de  convocation  du  concile  de  Trente. 

(3)  Les  lettres  et  documents  mentionnés  dans  ce  qui  suit  sont  annexés  au  pro- 
cès-verbal de  la  Commission  centrale. 

[102-103] 


122  HISTOIRE    DU    CONCILE    J)L"    VATICAN 

évêques  comme  Mgr  Pie,  de  Poitiers,  M>"'  Caverot,  de  Saint- 
Dié,  M"1'  Doney,  de  Montauban,  et  Msr  Roullet  de  la  Bouil- 
lerie,  de  Carcassonne,  intervinrent  en  faveur  des  abbés 
supérieurs  d'un  seul  monastère  :  ils  s'adressèrent  au  pape  et 
au  cardinal  Antonelli,  protecteur  de  plusieurs  ordres  ;  ils 
attiraient  leur  attention  sur  l'existence  du  privilège  des 
abbés,  privilège  équivalent  à  un  droit,  sur  les  mérites  des 
ordres  en  cause,  aussi  bien  que  sur  les  avantages  qui  résulte- 
raient de  leur  représentation  au  concile.  L'évèque  de  Poitiers 
proposait  d'admettre  au  moins  quelques  abbés  de  monastère- 
isolés  qui  seraient  choisis  parmi  tous  pour  représenter  les 
autres.  Le  cardinal  Schwarzenberg,  archevêque  de  Prague, 
dans  une  lettre  sur  le  même  sujet  qu'il  écrivit  au  cardinal 
Antonelli  (24  juillet  1869), déclare  indispensable  d'avoir  pour 
représentants  des  ordres  de  Latran,  des  Cistersiens,  des 
Prémontrés,  des  Bénédictins,  qui  ont  ensemble,  en  Autriche 
seulement,  près  de  cinquante  grandes  abbayes,  non  pas  seu- 
lement tel  ou  tel  abbé  résidant  à  Rome,  mais  aussi  d'autres 
prélats  réguliers;  si  tous  ne  sont  pas  convoqués,  qu'on  en 
appelle  au  moins  quelques-uns.  Il  nomme  comme  particulière- 
ment dignes  de  considération  parmi  les  abbés  bénédictins  : 
dom  Wimmer  (Amérique),  dom  Guéranger  de  Solesmes,  dom 
Maurus  Wolter  de  Beuron  et  dom  Haneberg  de  Saint-Boni- 
l'ace,  à  Munich  (1).  M-1'  Mermillod, évêque  de  Genève, exprima 
au  cardinal  Antonelli  le  désir  que  non  seulement  les  abbatéâ 
nultiiis,  mais  aussi  les  autres,  comme  ceux  d'Einsiedeln  et  de 


(1|  Le  cardinal  Schwarzenberg  écrivit  sa  lettre  au  cardinal  Antonelli  à  la 
requête  de  D.  Théodoric,  abbé  bénédictin  de  Lambach,  requête  que  celui-ci 
lui  adressa  le  29  juin  :  «  Au  nom  de  plusieurs  abbés  de  notre  ordre,  animés  du 
meilleur  esprit,  entre  autres  de  réminent  abbé  de  Saint-Paul  de  Rome,  dom 
Zelli;  »  ils  demandaient  qu'un  certain  nombre  d'abbés  fussent  convoqués,  sinon 
tous.  «  Il  ne  pourra  y  avoir  profit  pour  Tordre,  si  on  ne  consulte  pas  ses 
membres  les  plus  zélés  pour  la  réforme;  d'autres  religieux  ne  connaissent  ni 
son  esprit  ni  ses  traditions.  »  La  lettre,  remise  par  le  cardinal,  se  trouve  dans 
les  archives  du  concile,  comme  aussi  deux  lettres  traitant  le  même  sujet,  que 
Salesius  (Mayer)  envoya  les  8  et  15  novembre  18(39  au  cardinal  de  Prague  à  Rome. 
Il  prend  lui  aussi  parti  pour  les  abbés. 

[103-1041 


CONVOCATION    DES    ABBES  -123 

Solesmes,  fussent  invités  à  prêter  leur  concours  au  concile. 
Le  cardinal  Pitra,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  transmit  au 
cardinal  Antonelli  et  au  secrétaire  de  la  Commission  centrale 
quelques  lettres  qu'il  avait  reçues  de  France  sur  l'affaire  des 
abbés,  avec  un  court  mémoire  du  célèbre  canoniste  français 
Dominique  Bouix  et  un  rapport  détaillé  du  canoniste  romain 
Galluzi,  qui  tous  deux  se  prononçaient  en  faveur  des  abbés. 
Il  y  joignait  un  exposé  de  la  situation  de  l'ordre  bénédictin. 
Ces  interventions  si  nombreuses  engagèrent  le  Saint-Père 
à  charger  la  Commission  centrale  de  mettre  de  nouveau  en 
délibération  la  question  de  l'admission  des  abbés.  Dans  la 
séance  du  n  juillet  1869,  le  secrétaire  exposa  les  requêtes 
adressées  par  les  abbés  des  diverses  nations,  et  les  mesures 
proposées  par  les  évoques.  Les  abbés  réguliers  étaient  en 
trop  grand  nombre  pour  qu'il  put  être  question  de  les 
admettre  tous;  faire  un  choix  était  un  expédient  plein  de 
difficultés,  et  de  plus  le  nombre  des  élus  serait  encore  si 
grand  que  des  évèques  pourraient  en  être  froissés.  Les  pré- 
cédents des  anciens  conciles  s'expliquaient  par  ce  fait  qu'alors 
le  pouvoir  des  abbés  n'était  pas  limité  au  gouvernement  des 
moines,  mais  s'étendait  sur  une  quantité  notable  de  laïques; 
ce  pouvoir  avait  été  considérablement  amoindri;  aussi, 
malgré  la  multiplication  des  monastères,  aux  deux  derniers 
conciles,  peu  d'abbés  avaient  été  admis.  Les  cardinaux 
maintinrent  la  décision  du  24  mai  1868,  déjà  confirmée  parle 
Saint-Père.  Mais  comme  le  grand  nombre  et  la  diversité  des 
ordres  rendait  difficile  l'application  des  décisions  prises,  que 
les  titres  et  revendications  de  chacun  exigeaient  un  sérieux 
examen,  on  résolut  de  former,  si  le  Saint-Père  l'avait  pour 
agréable  une  commission  spéciale  de  cardinaux  qui  s'occu- 
peraient de  cette  enquête  ;  on  choisit  dans  ce  but  trois 
membres  de  la  Commission  centrale,  les  cardinaux  Barnabe, 
Bizzari  et  Capalti.  Le  lendemain,  le  Saint-Père,  recevant  en 
audience  le  secrétaire  de  la  Commission,  confirma  la  décision 

[IU4-105] 


1 24  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1"    VATICAN 

et  ajouta  que,  parmi  les  abbés  généraux  qu'on  admettrait  au 
concile,  l'abbé  de  Solesmes  ne  devait  pas  être  omis;  le 
secrétaire  répondit  que  cette  mesure  ne  contrariait  en  rien  le 
vote  de  la  Congrégation  (i). 

La  commission  spéciale  se  réunit  le  9  septembre  1869.  Elle 
adopta  la  décision  prise  par  la  Commission  centrale  de  ne 
reconnaître  comme  convoqués  que  les  abbatc.s  nullius  et  les 
abbés  généraux,  et  l'expliqua  en  ce  sens  qu'il  fallait  aussi 
ranger  parmi  les  abbés  généraux  les  présidents  de  ces 
groupes  qui,  formés  de  plusieurs  monastères,  se  sont  consti- 
tues en  congrégations  indépendantes  avec  l'approbation  du 
Siège  apostolique. 

On  commença  l'enquête  sur  les  revendications  des  abbés 
bénédictins,  en  prenant  pour  base  le  tableau  de  l'ordre 
communiqué  par  le  cardinal  Pitra.  D'après  ce  document, 
l'ordre  se  divise  en  dix  congrégations  :  1"  celle  d'Italie 
(congregatio  Cassinensis,  ayant  à  sa  tête  D.  Henri  Corvaja); 
2°  celle  de  France  (supérieur:  D.Prosper  Guéranger,  abbé  de 
Solesmes);  3"  celle  d'Angleterre  (supérieur:  D.  Placide  Bur- 
chall,  abbé  de  Saint-Pierre  à  Westminster);  \"  celle  de 
Hongrie  (supérieur  :  D.  Jean-Chrysostôme  Kruesz,  abbé-; 
évèque  de  Saint-Martin,  abbas  nullius) ;  5"  celle  de  Bavière 
(supérieur  :  D.  Otto  Lan  g,  abbé  de  Metten);  6"  celle  de  Suisse 
(supérieur  :  D.  Henri  Schmid,  abbé  d'Einsiedeln);  7"  celle  de 
Subiaco  (supérieur  :  D.  Pierre  Casaretto,  abbé  du  monastère 
de  Sainte-Scbolastique)  ;  8"  celle  d'Amérique,  c'est-à-dire 
des  Etats-Unis  (supérieur  :  I).  Bonii'acc  Wimmer,  abbé  du 
monastère  de  Saint-Vincent  de  Pensylvanie);  9"  celle  du 
Brésil  (supérieur  :  D.  Emmanuel  Pinto,  abbé  du  monastère 
de  Saint-Sébastien,  à  Bahia);  10"  celle  d'Australie  (supérieur: 
D.  Rudesinde  Salvado,  en  môme  temps  évèque  de  Port- 
Victoria  et  abbas  nullius  de  Xouvelle-Xursie).  Le  mémoire 


(1)   Verbale,  après  la  séance  du  11  juillet. 

L05 


CONVOCATION    DES    ABBES  12o 

<lu  cardinal  Pitra  demandait  droit  de  séance  et  de  suffrage  au 
concile  pour  les  supérieurs  de  toutes  ces  congrégations;  il 
nommait,  en  outre,  dix  abbayes  particulières  dont  les  abbés 
méritaient  d'être  admis, à  cause  de  leur  zèle  pour  la  réforme:// 
Saint-Boniface  à  Munich,  Augsbourg,  Rajhrad,  Gries, 
Atlinont,  Lambacb,  Miehelbeuern,  Beuron  et  Saint-Martin 
dans  le  diocèse  de  Poitiers,  en  France. 

Le  résultat  de  l'enquête  de  la  commission  spéciale  fut 
d'abord  que  sept  des  supérieurs  mentionnés  devaient  être 
admis  comme  tels  à  siéger  et  voter  au  concile,  savoir  :  ceux 
d'Italie,  de  France,  d'Angleterre,  de  Bavière,  de  Suisse, 
d'Amérique  et  du  Brésil,  mais  non  les  supérieurs  des  congré- 
gations de  Subiaco,  de  Hongrie  et  d'Australie.  Dans  celle  de 
Subiaco,  on  ne  vit  qu'une  portion  de  celle  d'Italie  (i);  celle 
d'Australie  parut  aussi  en  dépendre  ;  celle  de  Hongrie  n'était 
pas  à  proprement  parler  une  congrégation,  puisqu'il  n'y  avait 
qu'un  seul  monastère  dans  sa  région.  Cependant  l'archi-abbé 
Kruesz  et  l'abbé  Salvado  furent  admis,  le  premier  comme 
abbas  nullius,  le  second  comme  évêque,  en  sorte  que  des 
dix  abbés  présentés  neuf  obtinrent  gain  de  cause.  Quant 
aux  dix  abbés  de  monastères  isolés,  nommés  par  le  cardinal 
Pitra,  la  congrégation,  conformément  aux  règles  posées,  leur 
refusa  le  droit  de  prendre  part  au  concile. 

La  commission  avait  encore  à  délibérer  sur  quatre  autres 
abbés  bénédictins,  au  sujet  desquels  le  chargé  d'affaires  du 
Saint-Siège  en  Suisse  avait  interrogé  le  cardinal  Antonelli; 
c'étaient  les  abbés  de  Dissentis,  Engelberg,  Mariastein  et 
Rheinau.  Leurs  prétentions  furent  écartées.  Pour  Rheinau 
seulement,    les    conditions     exigées    par    la    congrégation 


(l)  La  Congrégation  de  Subiaco  démontra  plus  tard  qu'elle  était  depuis 
quelque  temps  indépendante  de  celle  d'Italie.  Cependant  la  Commission  cen- 
trale ne  modifia  pas  sa  décision,  et  celle-ci  fut  de  nouveau  approuvée  par  le 
Saint-Père  à  la  fin  de  novembre.  Cfr.  le  procès-verbal  des  séances  de  la  con- 
grégation préparatoire,  séance  du  25  novembre  1869. 

[105-406] 


126  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

auraient  été  remplies,  mais  cette  abbaye  avait  été  supprimée 
par  le  gouvernement  du  canton  de  Zurich. 

Nous  ne  «lirons  qu'un  mot  des  autres  décisions  de  la  commis- 
sion spéciale  sur  les  droit-  des  abbés  et  prélats  qui  avaient 
t'ait  l'objet  de  questions  ou  de  requêtes,  La  réponse  fut 
négative  pour  D.  Louis  Tosti,  du  Mont-Cassin,  revêtu  de  la 
dignité  abbatiale,  pour  l'abbé  cistercien  d'Osseg  en  Boliême, 
pour  les  abbés  des  deux  congrégations  de  Cisterciens 
réformés  ou  Trappistes  et  pour  un  chanoine  de  Polizzi, 
dans  le  diocèse  de  Cefalù  en  Sicile,  en  faveur  duquel  on  avait 
l'ait  valoir  qu'il  appartenait  à  la  catégorie  des  prélats  nul  lins 
Sur  d'autres  cas,  il  fallut  une  sérieuse  empiète  :  par  exemple, 
le  prieur  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin  du  Grand 
Saint-Bernard  était-il  prélat  nulliiis?  l'abbé  prémontré  Jean 
Chrysostôme  de  Swert.  de  Tongerloo,  en  Belgique,  élu  par 
ses  collègues  de  Belgique,  avec  l'approbation  du  nonce,  poul- 
ies représenter  au  concile,  était-il  supérieur  d'une  congré- 
gation formée  de  plusieurs  monastères?  les  Prémontrés 
d'Allemagne  (Autriche,  Hongrie)  formaient-ils  une  ou  plu- 
sieurs congrégations  ayant  chacune  un  président?  le  supérieur 
général  des  Croisiers,  qui  réside  à  Sainte-Agathe  près  Grave, 
dans  le  diocèse  hollandais  de  Bois-le-Duc,  gouverne  t-il  un 
ordre  où  l'ou  émet  des  vœux  solennels?  On  ne  fit  pas 
d'enquête  spéciale  au  sujet  des  chanoines  de  Latran  et  des 
Cistercien-,  parce  qu'ils  ont  à  Rome  leur  abbé  général. 

Les  décisions  de  la  commission  spéciale  furent  soumises 
le  12 septembre  à  la  Congrégation  directrice,  qui  les  approuva. 
Dans  l'audience  du  9  (i3?)  du  même  mois,  elles  furent  rati- 
fiées par  le  Saint-Père. 

D'après  les  informations  que  reçut  le  secrétaire  de  la  con- 
grégation, des  nonces  de  Vienne  et  de  Bruxelles,  du  chargé 
d'affaires  en  Suisse,  de  la  Propagande  et  du  supérieur  général 
des  chanoines  de  Latran  à  Saint- Pierre-aux-Liens,  huit  des 
neuf  monastères  de   Prémontrés  en  Autriche-Hongrie  for- 

[106-107] 


LES    ABBES    ET    LES    PRÔCUEEURS  12/ 

inaient  une  congrégation  sons  l'abbé  de  Strahov  (Prague), 
Mgr  von  Zeidler,  tandis  que  les  monastères  du  même  ordre 
en  Belgique  riaient  indépendants.  On  attribua  donc  droit  de 
siège  et  de  suffrage  à  l'abbé  de  Strahov,  niais  non  à  celui  de 
Tongerloo.  On  reconnu!  que  le  prieur  du  couvent  du  Grand- 
Saint-Bernard  n'était  pas  un  prélat  niillius  et  par  conséquent 
n'avait  aucun  droit.  Pour  le  supérieur  général  des  Croisiers 
en  Hollande,  la  décision  fut  favorable,  car  on  constata  que 
dans  l'ordre  on  taisait  des  vœux  solennels. 

Quant  aux  abbés  des  deux  congrégations  de  Cisterciens 
réformés  ou  Trappistes,  la  réponse  fui  négative,  comme 
nous  l'avons  vu.  A  l'audience  dans  laquelle  le  pape  approuva 
les  conclusions,  il  glissa  un  mot  en  leur  faveur  ;  mais  la 
mesure  ne  fut  pas  changée.  Le  procureur  général  de  l'ordre 
s'adressa  dans  la  suite  au  Souverain  Pontife,  le  priant  de  faire 
admettre  les  deux  abbés.  Le  pape  y  consentit  (i).  En  effet, 
nous  les  trouvons  tous  deux  au  concile,  l'abbé  Thimothée 
Gruyer  de  la  Grande  Trappe  en  France,  et  l'abbé  Ephraïm 
van  der  Meulen  d'Oelenberg  en  Alsace. 

IV.  —  La  Question  des  Procureurs. 

11  n'est  pas  laissé  au  libre  choix  de  ceux  qui  sont  appelés 
au  concile,  d'y  paraître  ou  de  s'abstenir;  en  vertu  de  leur 
charge  et  du   serment    prêté  lors   de    la    consécration,   les 


(1)  Procès-verbal  du  3  novembre  1869.  —  Comme  nous  l'avons  remarqué 
d'après  les  sources,  la  Commission  centrale,  dans  la  question  des  abbés,  eut 
constamment  devant  les  yeux  le  principe  concilia  episcoporum  esse,  sans  pourtant 
négliger  des  privilèges  respectables  par  leur  antiquité.  Nous  voyons  que  jusque 
dans  le  détail,  l'enquête  fut  conduite  avec  le  plus  grand  soin,  la  conscience  la 
plus  scrupuleuse.  Friedrich  (loc.  cit.  I,  699),  lui,  termine  son  exposé  des  délibé- 
rations par  la  remarque  suivante  :  «  On  s'assura  ainsi  un  appoint  précieux  de 
voix  acquises  d'avance,  par  l'introduction  de  six  abbés  nullius  et  des  supérieurs 
de  quarante-six  ordres  religieux.  »  Pour  Friedrich,  le  concile  n'est  qu'une 
manœuvre  du  pape  pour  obtenir  la  définition  de  l'infaillibilité  pontificale  : 
parce  qu'il  a  besoin  des  abbés  et  des  supérieurs  d'ordres,  il  les  convoque.  Ils 
sont  dans  sa  main  des  instruments  sans  conscience,  et  votent  non  selon  leur 
devoir,  mais  au  gré  du  pontife. 

KiT-1118 


128  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN" 

évêques  tout  au  moins  sont  tenus  de  s'y  rendre.  Que  si  pour 
de  graves  motifs  ils  en  sont  empêchés,  ils  doivent  envoyer 
un  fondé  de  pouvoirs  qui  expose  les  raisons  et  leur  rapporte 
les  décisions  du  concile.  Sans  doute  ce  double  but  pourrait 
être  atteint  par  une  simple  lettre,  de  nos  jours  surtout,  où 
le-,  relations  épistolaires  sont  si  faciles  et  si  sûres;  mais 
l'envoi  d'un  représentant  convient  mieux  à  la  dignité  de  cette 
solennelle  assemblée;  il  est  d'ailleurs  imposé  par  un  antique 
usage  et  par  les  prescriptions  du  droit  canonique  (i).Au  reste 
le  procureur  d'un  évêque  absent  peut  être  un  autre  membre 
du  concile. 

Ce  qui  vaut  pour  les  évêques  résidentiels  s'applique  aussi 
aux  titulaires,  aux  abbés  et  aux  généraux  d'Ordres.  Lors  de 
leur  élection  les  titulaires  et  les  abbés  prêtent  aussi  le  ser- 
ment de  répondre  à  la  convocation. 

Mais  les  procureurs  ont-ils  pour  unique  mission  d'exposer 
les  motifs  de  l'abstention  de  ceux  qu'ils  représentent,  et  de 
leur  communiquer  les  décisions  du  concile?  ou  bien  doit-on 
leur  reconnaître  tous  les  droits  de  leurs  commettants,  c'est- 
à-dire  voix  délibérative,  ou  tout  au  moins  consultative  ?  Aux 
anciens  conciles,  le  plus  souvent  ils  remplacèrent  les  évêques 
dans  l'exercice  de  toutes  leurs  attributions;  mais  cette  pra- 
tique ne  fut  pas  constante,  et  cela  seul  prouve  que  l'exercice 


(i)  Voici,  par  manière  d'exemple,  quelques  passages  du  Droit:  «  Episcopus 
ad  Synodum  ire  non  tardet,  nisi  satis  gravi  necessitate  inhibeatur  :  sic  tamen  ut 
in  persona  sua  legatum  mittat,  suscepturus,  salva  fidei  veritate,  quidquid  fcyno- 
dus  statuerit  (Decr.  Grat.  can.  9.  dist.  18).  Hortamur  ut  nullus  communi  con- 
gregationi  interesse  postponat,  nisi  aut  corporis  intirmitas  quempiam  fortasse 
vetuerit  aut  cujusdam  eum  causse  justa  excusatio  minime  venire  permiserit. 
Hi  tamen  qui  prohibente  aliqua  necessitate  nequeunt  in  Synodum  convenire 
loco  suo  presbyterum  aut  diaconum  dirigant,  quatenus,  quae  a  nostro  Vicario, 
Deo  auxiliante  fuerint  definita,  al  eum,  qui  absens  est,  per  ipsum  quem 
miserit,  ftda  relatione  perveniat.  »  (Gregorius  M.,  Ad  universos  episcopos  Galliae 
1.  5,  epist.  54:  Migne  P.  L.  LXXVII,  787.  )  On  lit  dans  la  lettre  :  «  Vineam  Domini 
Sabaotli  »  par  laquelle  Innocent  III  convoqua  le  quatrième  concile  de  Latran  : 
«  Qui  canonica  torte  prtepeditione  detenti  venire  nequiverint,  idoneos  pro  se 
dirigant  responsales.  »  Au  concile  de  Trente,  39  procureurs  remplaçaient  des 
anembres  absents  (Pallavicinus,  Conc.  Trid.  Uisloria,,  1.  24,  c.  8,  n.  13). 

1108-1091 


DROITS    DES    PROCUREURS  -129 

des  droits  épiscopaux    par    procureur  n'est  point.de    droit 
divin,  mais  seulement  un  privilège.  /' 

Dans  la  discussion  de  cette  question,  les  cardinaux  et 
les  consulteurs  de  la  Commission  centrale  eurent  principale- 
ment devant  les  yeux  la  ligne  de  conduite  adoptée  au  concile 
de  Trente.  Avant  l'ouverture  Paul  III  avait  strictement 
limité  le  rôle  des  procureurs  à  L'exposé  des  motifs  des 
abstentions  (i).  L'occasion  de  cette  mesure  fut  d'une  part  la 
conduite  du  vice-roi  de  Naples  qui,  de  sa  propre  autorité  et 
malgré  les  évêques  du  royaume, avait  décidé  que  quatre  d'en- 
tre eux  iraient  seuls  au  concile  et  y  représenteraient  les 
autres  ;  d'autre  part,  la  négligence  de  prélats  qui,  sans  motifs 
suffisants,  se  montraient  disposés  à  rester  loin  du  concile  et 
à  s'y  faire  représenter.  La  décision  du  pape  mécontenta 
un  grand  nombre  d'évèques  allemands;  ils  firent  observer 
qu'à  cause  des  nouvelles  doctrines  qui  menaçaient  leurs 
diocèses,  ils  étaient  \raiment  empêchés  de  paraître  en  per- 
sonne au  concile.  Paul  III  accorda  alors  aux  évêques  d'Alle- 
magne, mais  à  eux  seuls,  d'exercer  leur  droit  de  suffrage  par 
procureurs  (2).  Les  légats  pourtant  empêchèrent  l'usage  de 
ce  privilège;  ils  craignaient  d'exciter  la  jalousie  des  évêques 
des  autres  pays  :  à  quelques  procureurs  ils  concédèrent  voix 
consultative,  à  aucun  voix  délibérative.  Pendant  la  troi- 
sième période  du  concile,  le  secrétaire  Massarelli,  s'ap- 
puyant  sur  le  privilège  accordé  aux  évêques  allemands, attri- 
bua voix  délibérative  aux  procureurs  de  l'archevêque  de 
Salzbourg  et  de  l'évêque  d'Eichstàtt;  les  légats,  mécontents, 
obtinrent  du  pape  Pie  IV  le  retrait  de  la  concession  (3). 


(1)  Decet  nos,  17  avril  1545. 

(2)  Dudum  cum  fide,  5  décembre  1545. 

(3)  26  août  1562.  Déjà  auparavant,  le  même  pape  avait,  d'une  taçon  générale, 
enlevé  aux  absents  tout  droit  de  suffrage.  Mais  la  bulle  ordonnant  la  mesure 
était  restée  inconnue  au  concile. 

Mgr  Ehses  écrit  :  «  Non  seulement  quelques  procureurs  des  évêques  alle- 
mands eurent  voix  consultative;  mais  bien  tous  ceux  qui  purent  présenter 
des  pleins  pouvoirs  à  cet  effet  ;  c'est-à-dire  —  en  dehors  d'Helding. — le  jésuite 

9 
[109-110] 


130  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Pendant  la  dernière  année  dn  concile  de  Trente  (i563) 
dans  la  congrégation  générale  du  17  mai,  une  attaque  de  l'ar- 
chevêque de  Lanciano  contre  les  évêques  d'Allemagne  fit 
remettre  en  question  les  attributions  des  procureurs,  et  les 
légats  chargèrent  leurs  canonistes  d'examiner  l'affaire  à  fond. 
Ceux-ci  expliquèrent  que  les  procureurs  n'avaient  ni  voix 
consultative  ni  voix  délibérative,  qu'ils  n'avaient  pas  même 
le  droit  de  siéger  dans  les  congrégations  générales.  Les 
évêques  ne  pouvaient  charger  personne  d'exercer  leurs  droits 
au  concile.  Voici  comment  ils  motivent  leur  opinion  :  il  n'en 
est  pas  des  délibérations  et  des  décisions  conciliaires  comme 
d'un  contrat,  où  chaque  partie  peut  à  son  gré  se  choisir  un 
mandataire  parce  que  l'administration  de  sa  propriété  et  le 
soin  de  ses  intérêts  le  regarde;  ici  il  s'agit  de  définitions  et 
de  décrets  à  formuler  au  nom  de  l'Eglise,  définitions  et 
décrets  «  dont  la  rédaction  requiert  ce  degré  de  la  hiérar- 
chie auquel  Dieu  a  promis  l'assistance  du  Saint-Esprit  dans 
les  conciles  généraux,  la  science  d'une  personne  dont  la 
compétence  a  été  reconnue  lors  de  son  élection;  or,  c'est 
là  une  propriété  qui  ne  peut  être  communiquée  à  un  man- 
dataire (1)  »;  il  en  est  ainsi  «bailleurs  dans  les  assemblées 
de  sénateurs  ou  de  magistrats.  Cette  décision  s'appliquait- 
elle  aux  procureurs  investis  eux-mêmes  de  la  dignité  épisco- 
pale,  ou  bien  ceux-ci  étaient-ils  autorisés  à  jouir  d'un  double 
suffrage?  Les  canonistes  ne  voulaient  pas  trancher  la  ques- 
tion. Les  légats  du  pape  firent  consentir  les  représentants  des 


Claude  Le  Jay  pour  Augsbourg  et  le  dominicain  Ambroise  Pelargus  pour 
Trêves.  (Rom.  Qlartalsciirift,  XVIII  [1904],  p.  219.)  Note  du  P.  C.  Kiirh,  à  la  lin 
du  troisième  volume. 

(1)  Voici  dans  le  texte  latin  (auquel  correspond  parfaitement  l'original  italien 
de  Pallavieini)  cette  phrase  obscure  :  «  Adquse  peragenda  opus  est  autgradus, 
cui  Deus  promisit  in  Synodis  lecumenicis  Spiritum  S.  assistentem,  aut  indus- 
tria  persoiue  tanquam  idonese  comrobahe,  cum  ad  gradum  assumpta  fuit,  quae 
dos  communicari  non  potest  procuratori.  »Par  cette  propriété  incommunicable, 
nous  entendons  l'approbation  «  comprobatio  idoneitatis  »  de  la  personne 
désignée  pour  la  dignité  épiscopale. 

[110-111] 


DROITS    DES    PROCUREURS    A    TRENTE  131 

princes,  ceux  du  moins  de  France  et  d'Espagne,  à  prendre 
un  moyen  ternie  :  les  procureurs  et  quelques  théologiens 
qu'ils  choisiraient  parmi  ceux  de  leur  nation  seraient  admis 
aux  congrégations  générales,  mais  sans  voix  délibérative  ni 
consultative.  Pour  des  raisons  spéciales,  ils  crurent  devoir 
faire  une  exception  eu  laveur  de  l'Allemagne,  et  après  plu- 
sieurs lettres  échangées  avec  le  pape,  attribuèrent  voix  con- 
sultative et  délibérative  aux  procureurs  des  électeurs  ecclé- 
siastiques, comme  à  ceux  de  l'archevêque  de  Salzbourg  et  de 
lYvèque  de  Wurzbourg.  Pourtant,  d'après  Pallavicini,  l'exer- 
cice de  ce  privilège  n'a  point  laissé  de  trace  dans  les  actes 
du  concile.  Il  semble  même  qu'on  n'en  usa  point,  car  les 
signatures  des  procureurs  ne  portent  jamais  le  definiens  / / 
qui  se  trouve  habituellement  à  côté  des  signatures  des  évê- 
(pies  et  de  ceux  qui  avaient  voix  délibérative.  Des  évèques 
qui  représentaient  en  même  temps  d'autres  évèques,  se 
servaient  du  mot  definiens  seulement  lorsqu'ils  signaient 
pour  leur  propre  compte,  mais  non  quand  ils  le  faisaient 
comme  procureurs  (i). 

La  pratique  et  les  discussions  du  concile  de  Trente  étaient 
décisives  pour  la  Congrégation  préparatoire  directrice. 
L'affaire  fut  néanmoins  examinée  de  nouveau  avec  le  plus 
grand  soin. 

Angelini  l'avait  traitée  dans  le  mémoire  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  (2);  on  chargea,  en  outre,  le  consulteur 
Galeotti  de  rédiger  un  votiim  sur  ce  sujet  (3).  Galeotti  se 
demande  d'abord  s'il  faut  admettre  les  procureurs  des  évè- 
ques,  abbés,    généraux    d'Ordres    légitimement    empêchés; 


(1)  CfrPALLAViciNUS,  op.  cit.,  1.  5,  c.  10,  n.  4;  c.  13,  n.  3:  1.  6,  c.  2,  n.  4  sq:  1.  18, 
c.  i,  n.  12:  1.  20,  c.  17,  n.  8  sq;  1.  21,  c.  1,  n.  9  sqq. — Orilo  celebrandi  Concilii  generalis 
Tridentini  sub  Paulo  III,  Julio  III  et  Pio  IV  summis  Pontificibus  observatus  (extrait 
des  actes  authentiques  du  concile  de  Trente,  qui-se  trouvent  dans  les  archives 
du  Vatican  :  il  est  cité  par  Cecconi,  op. cit.,  Doc.  LV),  c.  12.  —  Cecconi,  op.  Cit.  II, 
<•.  I,  a. 2,  n.  2  sqq.  (trad.  t'r.,  tomel,  p.  43). 

(•2i  Vid   supra,  p.  110. 

(3]   Voto  del  Professore  Galeotti  intonio  ai  Procuralori  degli  assenti  al  concilio. 

[111-112] 


132  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU     VATICAN 

après  avoir  répondu  par  l'affirmative,  il  examine  la  question, 
beaucoup  plus  importante,  de  savoir  si  on  doit  accorder 
ces  personnages  voix  délibérative,  ou  tout  au  moins  consul- 
tative. Sa  réponse  est  négative  et  il  met  le  plus  grand  soin 
à  la  justifier.  Une  de  ses  preuves  fondamentales  est  l'argu- 
ment du  cardinal  Jacovazzi,  eanoniste  très  remarquable 
antérieur  au  concile  de  Trente  :  «  Au  concile  les  évêques 
sont  à  la  fois  juges  et  assesseurs,  »  comme  il  ressort 
du  texte  du  pape  Innocent  (cap.  Grave,  de  Praebend  ). 
Le  concile  requiert  de  ses  membres  et  la  présence  et  le 
conseil  ;  s'il  (Tévèque)  est  empêché  (d'y  paraître),  il  ne  peut 
pas  non  plus  donner  son  conseil,  car  le  conseil  donné  par 
l'un  n'est  pas  celui  que  donnerait  un  autre;  il  ne  peut  donc 
transmettre  ses  pouvoirs.  »  Plus  loin  :  «  Les  canons  et 
décrets  qui  émanent  d'un  concile  œcuménique  ont;  par  leur 
autorité  infaillible,  la  valeur  d'oracles  du  Saint-Esprit;  or 
le  Saint-Esprit  parle  par  la  bouche  des  pasteurs  qu'il  a  pré- 
posés à  l'Eglise  de  Dieu,  non  par  d'autres  qui  n'ont  pas  re<;u 
le  soin  du  troupeau  du  Seigneur,  à  moins  que  le  Pasteur 
suprême  de  l'Eglise,  chef  du  troupeau  tout  entier,  c'est-à- 
dire  le  pontife  romain,  ne  leur  ait  communiqué  l'autorité  doc- 
trinale. )> 

Ces  motifs  sont  exposés  dans  un  style  assez  lourd,  mais 
on  n'en  méconnaîtra  pas  la  portée.  Le  concile  est  essentielle- 
ment une  assemblée  délibérante  d'évêques.  Les  évêques  y 
doivent  donc  être  présents,  pour  donner  leur  avis,  discuter 
celui  des  autres,  et,  après  avoir  pesé  le  pour  et  le  contre, 
porter  un  jugement  définitif.  Sur  une  matière  déjà  clairement 
connue,  où  l'on  a  son  jugement  arrêté,  on  peut  bien  faire 
connaître  son  avis  par  un  autre,  ou  par  lettre  ;  mais  comment 
délibérer  par  un  intermédiaire  ?  Cela  paraît  impossible, 
«  car  le  conseil  donné  par  l'un  n'est  pas  celui  que  donnerait 
un  autre)).  Dans  aucune  assemblée  délibérante,  conseil  d'Etat 
ou  parlement,   il   n'est  admis  qu'un  membre  absent  charge 

[112-113] 


LA    QUESTION    DES    PROCUREURS  133 

quelque  autre  d'occuper  son  siège  et  de  porter  un  suffrage  à 
sa  place. 

La  comparaison  du  concile  avec  les  autres  assemblées 
délibérantes  suggère  encore  deux  nouveaux  arguments. A  ces 
réunions  s'applique  le  principe  de  droit  qu'après  Benoît  XIV 
t'ait  valoir  le  P.  Sanguineti,  dans  un  rapport  dont  nous  parle- 
rons plus  loin  :  «  Jamais  un  corps,  un  collège  ne  peut  être 
obligé  d'admettre  un  fondé  de  pouvoirs  qui  n'est  pas  pris 
dans  son  sein,  car  jamais  il  ne  peut  être  obligé  de  faire  par- 
ticiper à  ses  travaux  quelqu'un  qui  ne  lui  appartient  pas.  » 
Il  faut  remarquer  que  dans  ces  assemblées  délibérantes  il 
s'agit  d'affaires  publiques.  Si  quelqu'un,  dans  son  propre 
intérêt,  confie  à  un  autre  le  soin  de  ses  affaires  privées,  il 
peut  le  charger  d'examiner  la  chose  à  sa  place  et  de  prendre 
la  décision  qu'il  jugera  convenable  :  il  s'oblige  par  le  fait 
même  à  accepter  cette  décision.  Mais  pour  ce  qui  concerne 
les  affaires  publiques,  il  n'a  pas  le  droit  de  remettre  à 
l'examen  et  aux  décisions  d'un  autre  la  matière  que  son 
supérieur  l'appelle  à  examiner  et  à  juger  lui-même.  Ajoutons 
la  seconde  raison,  spécialement  applicable  au  concile,  que 
nous  avons  extraite  du  rapport  de  Galeotti  :  c'est  aux  pas- 
teurs établis  par  l'Esprit- Saint  qu'est  promise  l'assistance, 
qui  les  préservera  de  l'erreur//  :  ce  privilège  surnaturel  n'est 
pas  communieable. 

Mais  s'il  n'est  pas  loisible  aux  évêques  de  se  faire  rem- 
placer au  concile  où  ils  sont  personnellement  convoqués,  le 
Pasteur  suprême  de  l'Eglise,  qui  a  dans  la  plénitude  de  son 
autorité  la  dispensation  de  la  juridiction  épiscopale,  peut  — 
c'est  ainsi  que  Jacovazzi  conclut  son  argumentation  —  accor- 
der les  droits  des  évêques  à  leurs  représentants  au  concile  ; 
ainsi  s'explique  que, dans  les  anciens  synodes,  les  procureurs 
des  évêques  absents  aient  pu  exercer  les  mêmes  droits  que 
les  évêques  présents.  «  Legimus  in  gestis  diversorïim  conci- 


1 13- 114 


134  HISTOIRE    1)1*    CONCILE    DD    VATICAN 

liorum,  dit  Jacovazzi  en  un  passage  cité  par  Galeotti  (i), 
uniiiii  dédise  vocem  pro  alio ;  quod  intelligo  si  accédât  con- 
sensus Papae,  etiamsi  esset  inferior  Episcopo,  et  non  de  gre- 
mio  concilii,  <jui  esset  constitutus  proenrator.  »  Une  sem- 
blable  concession  du  pape  était  chose  si  habituelle  qu'il 
n'était  pas  besoin  chaque  fois  d'une  déclaration  explicite  ;  dès 
lors  on  comprend  pourquoi,  dans  les  actes  des  conciles,  les 
procureurs  des  évèques  apparaissent  constamment  comme 
revêtus  des  pouvoirs  de  leurs  commettants,  et  comment  le 
choix  d'un  procureur  par  l'évêque  put  être  considéré  comme 
une  transmission  de  ses  droits. 

Au  concile  du  Vatican  sera-t-il  opportun  de  concéder 
droit  de  séance  et  droit  de  suffrage  aux  procureurs  des  évè- 
ques absents  ?  Galeotti  ne  croit  pas  devoir  répondre 
à  cette  question  :  sa  solution  dépend  de  circonstances 
sur  lesquelles  on  ne  peut  pas  encore  porter  un  juge- 
ment (2). 

Le  rapport  discute  ensuite  ce  troisième  point  :  la  doctrine 
établie  au  sujet  des  simples  procureurs  vaut-elle  encore 
pour  ceux  qui  sont  à  la  fois  évèques  et  procureurs?  Doit-on 
leur  attribuer  deux  voix,  l'une  en  leur  nom  propre,  l'autre 
au  nom  de  celui  qu'ils  représentent  ?  Les  eanonistes  du 
concile  de  Trente  ne  voulurent  pas  non  plus  trancher  le 
cas  (3).  Mais  des  considérations  développées  dans  le  rapport 
et  que  nous  avons  déjà  citées,  il  ressort  qu'un  évêque  ne  peut 
pas  plus  transmettre  à  un  de  ses  collègues  qu'à  tout  autre 
l'usage  de  ses  droits  au  concile.  Et  même,  dit  Galeotti,  tandis 
que  le  pape  peut  concéder  ex  gratta  à  un  procureur  qui  n'est 
pas  évêque  //  l'exercice  des  droits  de  son  commettant,  il  ne 
peut  pas  accorder  à  un  évêque  déjà  membre  du  concile  une 
seconde   voix,   comme  procureur    d'un   autre.  Il   revient   au 

<1)  Lor.  cit.,  p.  16  sq. 

(2)  Ibid. 

(:$)  Cfrp.  131. 

[114-115] 


EVEQUE  PROCUREUR  D  UN  AUTRE  EVEQUE         -135 

même,  ajoute-t-il  toujours  d'après  Jacovazzi,  d'avoir  une  ou 

plusieurs  voix,  car,  comme  on  ne  peut  porter  qu'un  jugement 
sur  une  question,  il  est  impossible  de  déposer  un  suffrage 
pour  -<>i  et  un  autre,  en  sens  contraire,  pour  son  commettant. 
Galeotti  attire  l'attention  sur  un  passage  «le  Benoît  XIV  où 
il  est  dit,  à  propos  du  synode  diocésain,  que  si  quelqu'un, 
ayant  déjà  droit  par  lui-même  à  y  prendre  part,  est  choisi 
par  un  autre  comme  représentant,  il  ne  peut  évidemment  pas 
donner  un  avis  en  son  nom  et  un  autre  au  nom  de  celui  qu'il 
représente,  qu'il  est  donc  inutile  et  superflu  pour  lui  de 
figurer  aussi  au  nom  d'un  autre. 

Le  rapport  de  Galeotti  avait  été  imprimé  et  distribué  à 
tous  les  membres  de  la  Commission  centrale  :  il  fut  discuté 
par  (die  dans  la  séance  du  14  juin  1868,  et  ses  conclusions 
furent  adoptées  (1).  Quant  à  la  place  à  assigner  aux  procu- 
reurs dans  les  congrégations  générales  et  les  sessions  solen- 
nelles du  concile,  la  Commission  ne  voulut  rien  décider  pour 
le  moment;  on  était  encore  trop  peu  fixé  sur  la  manière  dont 
se  tiendraient  ces  réunions.  Interrogée  par  le  maître  des 
cérémonies,  elle  répondit  dans  la  séance  du  3i  janvier  1869 
(pie  les  procureurs  des  évêques  légitimement  empêches 
devaient  siéger  non  dans  les  congrégations  générales,  mais 
dans  les  sessious  solennelles,  et  sans  droit  de  suffrage.  Plus 
tard  le  pape  leur  permit  d'être  présents  au  vote  (2).  Les  actes 
du  concile,  comme  jadis  à  Trente,  portent  leurs  signatures 
à  la  dernière  place  (3). 


(1)  On  a  remarqué  que  les  procureurs  n'avaient  aucun  droit  à  siéger  et  à  voter 
au  concile,  mais  qu'ils  pouvaient  l'obtenir  du  pape  ex  gratia.Qiie  ce  privilège  ne 
dût  pas  leur  être  concédé  au  concile  du  Vatican,  le  procès-verbal  ne  le  dit  pas  en 
termes  exprès,  mais  le  contexte  prouve  que  ce  fut  la  décision  de  la  Commission. 

(2)  Procès-verbal  du  3  novembre  1869, 

(3)  Procès-verbal  du  11  novembre  1869.  —  Dans  la  même  séance,  il  tut  décidé, 
au  sujet  des  évéques  résidentiels  absents  avec  dispense  du  pape,  comme  pour  les 
évêques  titulaires  (voir  plus  haut,  p.  115), qu'on  ne  dirait  pas  s'ils  étaient  obligés 
d'envoyer  des  procureurs  ;  au  cas  où  ils  demanderaient  s'ils  y  étaient  tenus,  on 
répondrait  ailirmativement.  Quant  à  la  manière  dont  se  ferait  la  vérification  des 
pouvoirs,  la  Commission  ne  voulut  rien  décider. 

ril51 


130  HISTOIRE    1)1"    CONCILE    DE    VATICAN 

Peu  avant  l'ouverture  du  concile,  la  Commission  centrale 
fut  obligée  de  revenir  encore  une  fois  sur  la  question  des  pro- 
cureurs. Les  représentants  de  trois  évoques  de  l'Amérique  du 
Sud,  celui  de  l'archevêque  de  Lima,  Fr. -Pierre  Gual,  celui 
de  l'évèque  de  Coro  (Venezuela),  Joseph-H.  Ponte,  celui  de 
l'évèque  de  Medellin  et  d'Antioquia  (Nouvelle-Grenade), 
Fnimanuel-C.  Restrepo,  adressèrent  à  la  Commission  une 
requête  en  date  du  17  novembre  1869.  Venus,  disaient-ils,  des 
plus  lointains  pays  de  la  terre  dans  l'espoir  d'exercer  au  con- 
cile les  pleins  pouvoirs  des  évoques  dont  ils  étaient  les  procu- 
reurs réguliers,  ils  se  voyaient  avec  tristesse  refuser  non 
seulement  toute  voix  consultative  et  délibérative,  mais  même 
l'honneur  de  collaborer  aux  délibérations  comme  théologiens 
consulteurs. 

Ils  joignaient  à  cette  lettre  un  mémorandum  dans  lequel 
ils  exposaient  les  motifs  de  leurs  revendications,  et  priaieni 
qu'on  voulût  bien  les  examiner. 

Il  serait  trop  long  de  reproduire  ici  tout  ce  que  contient 
cet  écrit  de  vingt  pages.  Xous  voudrions  seulement,  pour 
donner  de  la  question  une  plus  ample  connaissance,  en 
signaler  certains  points. 

Les  auteurs  attribuent  aux  évèques  un  droit  d'origine 
divine  de  faire  remplir  par  d'autres  leur  rôle  au  concile, 
quand  ils  sont  empêchés  d'y  paraître.  «  Du  même  principe  et 
de  la  même  source,  disent-ils  (1),  dont  naît  pour  le  pape  le 
droit  d'envoyer  des  légats  au  concile  pour  le  présider  en  son 
nom,  découle  aussi  le  droit  pour  les  évêques  d'envoyer  des 
procureurs  qui  les  y  représentent  et  prennent  part  au  concile 
général  comme  membres  faisant  partie  intégrante  du  corps.  » 
—  La  comparaison  est  spécieuse,  mais  inexacte.  Il  serait  plus 
vrai  de  dire  :  De  même  que  le  pape  a  le  pouvoir  de  permettre 
aux  évêques  empêchés  de  se  faire  remplacer  et  d'exercer 


(1)  Mémorandum,  p.  3. 

[116] 


MEMORANDUM    DE    QUELQUES    PROCUREURS  137 

leurs  droits  par  des  procureurs,  de  même  il  a  aussi  celui  de  se 
faire  représenter.  Mais  ce  qu 'il  peut  permettre  aux  évèques 
il  a,  lui,  le  devoir  de  le  l'aire.  Pour  que  le  concile  soit  régu- 
lièrement constitué,  il  n'est  pas  indispensable  qu'un  évèque, 
qui  se  trouve  empêché,  envoie  un  mandataire,  mais  si  le  pape 
est  absent  il  faut  qu'il  soit  représenté,  sans  quoi  l'assemblée 
est  un  corps  sans  tête.  De  plus,  alors  que  le  délégué  d'un 
évêque  remplit  intégralement  la  mission  de  celui  qu'il  repré- 
sente et  s'acquitte  de  son  rôle  avec  pleine  indépendance,  le 
légat,  non  seulement  reste  durant  le  concile  dans  la  pleine 
dépendance  du  pape,  mais  il  ne  peut  donner  en  son  nom  la 
ratification  définitive;  l'approbation  sans  laquelle  un  décret 
conciliaire  n'a  aucune  valeur  est  accordée  par  le  pape  en  per- 
sonne, qu'il  la  donne  d'avance  conditionnellement  aux  légats 
à  leur  départ,  ou  bien  qu'il  la  réserve  jusqu'après  l'achève- 
ment des  travaux  du  concile. 

Les  arguments  historiques  qui  remplissent  la  plus  grande 
partie  du  mémorandum  montrent  bien  que  la  représentation 
des  évèques  est  permise,  qu'elle  a,  en  effet,  souvent  eu  lieu, 
mais  non  'qu'elle  soit  un  droit,  et  qu'elle  ne  requière  pas 
l'assentiment  d'une  autorité  plus  haute.  Les  auteurs  s'avan- 
cent beaucoup  en  affirmant  que  «  jamais  un  savant,  jamais 
un  pape,  jamais  un  concile  particulier  ou  général  antérieur  à 
celui  de  Trente  »  n'a  «  révoqué  en  doute  »  ce  droit  des  évè- 
ques (i).  Dans  sa  consultation,  Sanguineti,  qui  fut  chargé 
d'examiner  cet  écrit  (2),  réfute  brièvement  cette  assertion 
par  un  renvoi  à  Jacovazzi.  Ce  cardinal,  nous  l'avons  dit,  a 
vécu  avant  le  concile  de  Trente  (t  1027  ou  1028)  ;  il  conteste 
ce  droit  des  évèques  et  appuie  son  opinion  sur  des  docteurs 
anciens  et  sur  des  passages  du  droit    (3).   Le  mémoire  (4) 


(1)  Mémorandum,  p.  5. 

(2)  Procès-verbal  du  25  novembre  1869. 

(3)  Votum  de  assertojure  ferendi  suffragii  in  conciliis  œcumenicis  pro  episcoporum 
canonice  absenlium  procuratonbus,  p.  12;  cfr  p.  11. 

(4)  P.  11  sqq. 

[U6-117J 


138  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

affirme  encore  que  Paul  III  et  Pie  IV  auraient  à  Trente 
reconnu  le  droit  des  évoques  et  seulement  voulu  en  empêcher 
l'abus;  il  se  met  ainsi  en  contradiction  formelle  avec  les  faits 
que  nous  avons  cités. 

Tour  que  le  concile  soit  vraiment  oecuménique,  conti- 
nuent les  auteurs  de  la  requête  (i),  tous  les  évoques  doivent 
être  convoqués  et  sont  obligés  de  paraître.  «  Or,  il  est  certain 
que  quiconque  a  un  devoir  d'état  à  remplir,  doit  le  remplir 
par  lui-même,  s'il  le  peut,  ou,  si  cela  lui  est  impossible,  par 
des  agents  régulièrement  autorisés.  »  Si  la  plus  grande 
partie,  ou  seulement  une  grande  partie  des  évêques  étaient 
empêchés,  et  que  leurs  procureurs  ne  fussent  point  admis,  le 
concile  serait-il  encore  œcuménique?  Sanguineti  répond 
justement  (2)  :  <<  Ou  bien  le  nombre  des  évêques  présent-  es1 
suffisant  pour  représenter  moralement  tout  l'épiscopat,  en 
tenant  compte  des  circonstances,  ou  bien  il  ne  l'est  pas. 
Dans  le  premier  cas,  le  concile  est  œcuménique  sans  les 
procureurs...:  dans  le  second,  il  n'y  a  pas  de  concile,  et  le 
pape...  pourvoira  d'une  autre  manière  aux  besoins  du  trou- 
peau. »  Quant  à  cette  proposition,  que  quiconque  ne  peut 
remplir  son  devoir  par  lui-même,  doit  le  faire  remplir  par 
un  autre,  elle  est  manifestement  inexacte.  Combien  d'obli- 
gations ne  peuvent  pas  être  accomplies  par  mandataires! 
Un  membre  de  nos  parlements  a  le  devoir  de  prendre  part 
en  personne  aux  délibérations,  mais  en  cas  d'empêchement, 
il  n'a  ni  le  devoir  ni  le  droit  de  se  faire  remplacer. 

Vu  peu  plus  solide  est  la  dernière  raison  qu'apportent  les 
trois  procureurs  (3).  «  Toutes  les  églises  du  monde  catho- 
lique ont  droit  à  ce  que  la  suprême  assemblée  législative  de 
la  chrétienté  tienne  compte  de  leurs  besoins  en  matière  de 


(1)  Mémorandum,  p.  15  sqq. 

(2)  Votuiu,  pp.  4-5. 
(3]  P.   17. 

i    Votum,  p.  6. 


117-118] 


MEMORANDUM    DE    QUELQUES    PROCUREURS  139 

foi,  de  mœurs  et  de  discipline.  Si  un  certain  nombre  d'évê- 
ques,  retenus  loin  du  concile  par  quelque  empêchement 
canonique,  ne  peuvent  pas  user  de  délégués  réguliers  pour 
exposer  ces  besoins,  en  conférer  et  en  décider  avec  les  Pérès 
du  concile,  comment  y  sera-t-il  apporté  remède  ?  Que  pense- 
raient les  Eglises  dont  les  délégués  n'auraient  pus  été  admis 
au  sein  de  l'assemblée  législative?  »  Mais  hors  du  concile. 
demande  Sanguineti,  les  procureurs  sont-ils  sourds-muets? 
ne  peuvent-ils  les  exposer  (les  besoins  //  de  leurs  Eglises)  aux 
présidents,  en  faire  l'objet  de  communications  écrites? 
<c  On  peut  dire,  ajoute-t-il  fort  bien,  qu'il  est  convenable, 
opportun,  de  les  admettre  au  concile,  mais  cela  ne  prouve 
pas  qu'ils  y  aient  droit.   » 

La  Commission  centrale  s'en  tint  donc  à  la  décision  prise 
le  14  juin  1868  (1). 


(i)  Celte  décision  dépla'.i  souverainement  à  Schulte  \op.  cit.,  p  248)  et  à 
Friedrich  {op.  cit.)  p.  200  sqq.).  <v>ue  les  délégués  doivent  èlre  admis,  c'est,  comme 
dit  Schulte,  une  conséquence  rigoureuse  du  «  principe  fondamental  du  témoi- 
gna^- de  la  foi  ».  Mais  ce  «  principe  fondamental  »,  d'après  lequel  le  rôle  de 
L'évêque  au  concile  consiste  à  témoigner  de  la  foi  de  son  diocèse,  est  une  erreur, 
nous  l'avons  montré  plus  haut  (p.  88  sqq.).  —  Friedrich  invoque  l'histoire  des 
conciles  des  dix  premiers  siècles.  Les  évêques  empêchés  y  auraient  envoyé 
des  mandataires  qui  auraient  exercé  leurs  droits.  «  C'est  là,  dit-il,  un  fait  si 
certain  et  si  constant,  que  si  cette  manière  d'agir  n'était  pas  légitime,  on  devrait 
rejeter  d'emblée  les  conciles  anciens.  »  Mais  qui  prétend  donc  que  cette  manière 
n'agir  n'est  pas  légitime?  On  nie,  nous  l'avons  vu,  que  les  procureurs  doivent 
exercer  les  droits  des  évêques  absents,  on  ne  nie  pas  qu'ils  le  puissent)  s'ils  sont 
régulièrement  convoqués. Friedrich  allègue  encore  que  les  papes  ont, eux-mêmes, 
•envoyé  des  plénipotentiaires.  Le  concile  de  Trente  où,  par  brefs  du  pape,  les 
procureurs  sont  tantôt  admis,  tantôt  exclus,  lui  parait  s'être  fait  l'esclave  des 
caprices  du  pontife  romain.  Dans  un  pouvoir  qui  s'exerce  différemment,  selon 
les  diverses  circonstances,  il  ne  voit  que  de  l'arbitraire.  C'est  une  erreur.  Le 
pape  a  le  pouvoir  de  faire  participer. quelqu'un  qui  n'est  pas  évéque  aux  travaux 
du  concile;  Friedrich  ne  peut  le  nier.  Celui  qui  peut  donner  les  droits 
épiscopaux  peut  aussi  communiquer  les  droits  conciliaires.  Se  servir  de  ce 
pouvoir  comme  l'ont  fait  les  papes  au  concile  de  Trente  dans  l'admission  des 
procureurs,  ce  n'est  pas  de  l'arbitraire.  Si  la  permission  de  se  faire  remplacer 
menaçait  d'être  pour  les  évêques  de  certains  pays  une  raison  de  négliger  le 
ilevoir  episcopal,  de  céder  à  l'indolence  en  restant  chez  eux,  de  se  décharger  sur 
un  mandataire  des  désagréments  et  des  fatigues  du  concile,  c'était  pour  le  pape 
un  motif  suffisant  de  ne  pas  admettre  les  procureurs  de  ces  prélats,  mais  d'exiger 
leur  présence  personnelle.  Si,  au  contraire,  en  d'autres  pays,  les  évêques  étaient 

[118-119] 


-140  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Elle  était  parfaitement  justifiée  et  répondait  parfaitement 
aux  circonstances  du  futur  concile  du  Vatican,  //  où  l'on 
était  en  droit  d'attendre  la  présence  d'un  très  grand  nombre 
d'évêques;  mais  on  doit  reconnaître  que  la  situation  des 
procureurs,  exclus  des  délibérations  et  n'ayant  d'autre 
rôle  que  d'exposer  pourquoi  leur  commettant  n'était  pas 
venu  et  de  lui  transmettre  les  décisions  du  concile,  peut 
faire  naître  du  mécontentement.  Le  malaise  causé  par  une 
pareille  mesure  est  très  redoutable,  surtout  quand  un  concile 
se  prolonge.  Des  bommes  distingués  par  leur  situation  se 
voient  arrachés  pour  un  temps  notable  aux  devoirs  de  leurs 
ebarges  et  condamnés  à  l'inaction  sur  le  lieu  même  du  con- 
cile. En  fait,  cet  inconvénient  se  produisit  au  concile  du 
Vatican. 

Pendant  le  second  mois  du  concile,  le  n  janvier  1870,  dix 
procureurs  (1)  s'adressèrent  au  pape  pour  lui  demander  de 
leur  attribuer  tout  au  moins  voix  consultative  dans  la  con- 
grégation générale.  «  Xous  avons  sans  doute  l'espoir,  disent- 
ils,  de  souscrire  les  actes  du  concile  au  nom  de  nos  évèques; 
mais,  en  attendant,  nous  n'avons  rien  à  faire  ici  comme 
procureurs,  alors  que  notre  absence  est,  dans  nos  diocèses, 
la  cause  d'un  dommage  notable  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le 
salut  des  âmes.  Xous  sommes  à  Rome  absolument  inutiles. 


retenus  auprès  de  leurs  troupeaux  pour  de  bonnes  raisons,  et  si  pourtant  îles 
raisons  non  moins  importante-  taisaient  désirer  que  des  représentants  de  leurs 
diocèses  prissent  part  aux  travaux  du  concile, alors  le  pape  était  pleinement  en 
droit  de  leur  accorder  d'envoyer  des  procureurs  pour  exercer  leurs  pouvoirs. 
("est  ce  qui  eut  lieu  à  Trente. 

(1)  J.-J.  Hecker,  procureur  de  l'évêque  de  Columbia  (Ohio,  Etats-Unis); 
Fr.-Leon.  Cortès,  proc.  del'év.  de  Chachapoyas  (Pérou):  H.  Ramière  S.  J. ,  proc. 
de  l'archev.  de  Chambéry  (Savoie)  :  J.  Ireland,  proc.  de  l'év.  de  Saint-Paul  (Etats- 
Unis);  Em.-J.  Anaya,  proc.  de  l'év.  de  Santa  Marta  (Amérique  du  Sudi  :  Darré, 
proc.  de  l'archev.  d*Auch  (France):  Schwindenhammer,  proc.de  l'év.  deGallipoli 
(royaume  de  Sicile  ;  la  signature  porte  :  «  procurator  ep.  Gallipolitani  »:  pourtant 
l'évêque  de  Gallipoli,  M^Laspro,  était  présent  au  concile)  :  Fr.-Jer. -P.  Saccheri, 
0.  P.,  proc.  de  l'év.  de  Nueva  Caceres  (Iles  Philippines)  :  Fr.-Louis  Cuewa,  0.  P., 
proc.  de  l'év.  île  Jaro  (Iles  Philippines);  Fr.-Paul  Carbo,  0.  P.  proc.  de  l'ev.  de 
Cebu  (Iles  Philippines!:  Fr.-Pierre  Gual,M.  O.,proc.  de  l'archev.  de  Lima  (Pérou). 

[119-120 


LETTRE    DE    DIX    PROCUREURS  141 

11  ne  nous  reste  que  deux  partis  à  prendre  :  ou  bien  revenir 
chez  nous  les  mains  vides,  sans  pouvoir  en  compensation 
montrer  le  moindre  avantage  retiré  d'un  voyage  si  long  et 
de  frais  si  considérables,  —  et  Votre  Sainteté  comprend 
assez  ce  qu'il  y  aurait  là  de  désagréable  pour  nos  évoques,  de 
surprenant  pour  nos  compatriotes  et  de  pénible  pour  nous- 
mêmes:  —  ou  bien  rester  ici  oisifs  jusqu'à  la  fin  du  concile,  ce 
qui  entraîne  des  inconvénients  plus  graves  encore.  »  Ils 
ajoutent  qu'à  côté  de  la  foule  des  évéques  du  concile  du 
Vatican,  la  petite  troupe  des  procureurs  —  ils  sont  trente  à 
peine  — n'a  aucune  importance,  et  que  ni  par  la  place  qu'ils 
■occuperont,  ni  par  les  discours  qu'ils  prononceront,  ils  ne 
seront  à  charge  aux  Pères.  //  L'entrée  aux  congrégations 
générales  leur  fut  accordée  non  comme  un  droit,  mais  comme 
une  faveur  (i).  Déjà  auparavant,  le  i3  décembre  1869,  soi- 
xante-quatre évéques  du  concile  avaient  proposé  au  prési- 
dent de  leur  donner  voix  consultative  dans  les  congrégations 
générales  et  de  leur  assigner  une  place  après  les  abbés  et 
les  généraux  d'Ordres.  Les  procureurs  étaient  des  hommes 
savants  et  pieux,  quelques-uns  venus  de  fort  loin  ;  si  ce 
privilège  leur  était  concédé,  ils  auraient  ensuite  plus  d'em- 
pressement et  de  zèle  pour  rapporter  dans  leurs  pays  les 
décrets  du  concile  et  en  recommander  partout  l'accep- 
tation (2). 

Les  motifs  allégués  dans  ces  deux  lettres  ne  furent  pas 
trouvés  convaincants,  et  les  décisions  de  la  Congrégation 
préparatoire  restèrent  en  vigueur.  Si,  dans  les  conciles  futurs, 
on  ne  veut  pas  profiter  de  la  facilité  des  communications 
épistolaires  pour  supprimer  la  loi  qui  oblige  les  évéques  légi- 
timement excusés  à  envoyer  des  procureurs,  on  pourrait 
facilement  éviter  l'inconvénient  dont  nous  venons  de  parler 


<1'  La  lettre  est  dans  les  Archives. 

(2)  Une  copie  de  la  lettre  est  dans  les  Archives,  sans  le  nom  des  signataires;  il 
«st  dit  seulement  qu'ils  étaient  64. 

[120-121] 


I  i->  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

en  réglant  que  les  absents  doivent  choisir  leurs  procureurs 
parmi  les  évêques  se  rendant  au  concile. 

Y.  —    La  Question  de  l'Admission  ai   Concile 
des  Vicaires  capitulaires. 

La  Commission  centrale,  nous  le  voyons,  avait  sans  cesse 
devant  les  yeux  la  parole  si  souvent  répétée  depuis  le 
troisième  concile  œcuménique,  concilia  episcoporum  es.se, 
ei  ne  se  prononçait  pour  la  convocation  de  ceux  qui  n'étaient 
pas  évêques  que  quand  des  traditions  historiques  bien  nettes 
l'exigeaient,  Nous  pressentons  par  là  quelle  réponse  elle 
devait  faire  au  sujet  de  l'admission  des  vicaires  capitulaires 
qui  ne  sont  pas  évêques.  Jamais,  aux  conciles  antérieurs,  ils 
n'avaient  été  convoqués. 

D'après  les  procès-verbaux  des  séances,  cette  matière  fut 
mise  en  discussion  le  14  mars  1869;  on  fait  remarquer  cepen- 
dant qu'elle  avait  déjà  été  abordée  auparavant.  On  rappelle 
qu'il  est  d'autant  plus  nécessaire  de  l'étudier  avec  soin,  qu'a 
cause  des  récentes  modifications  dans  la  situation  des  Etats, 
beaucoup  d'évèehés  sont  alors  vacants.  Considérant  que 
les  vicaires  capitulaires  ne  sont  ni  des  évêques,  ni'  des 
abbés  millius,  mais  de  simples  représentants  du  chapitre, 
gouvernani  en  son  nom  pendant  la  vacance  du  siège,  les 
cardinaux  décidèrent  de  ne  leur  donner  aucune  part  aux 
travaux  du  concile  ;  l'histoire  de  l'Eglise  ne  fournit,  d'ail- 
leurs, pas  le  moindre  indice  qu'ils  y  aient  jamais  été  admis. 

Yne  requête  des  vicaires  capitulaires  de  Sicile,  comme 
aussi  une  brochure  de  Nicolas  Messina  (  1  ),  vicaire  capitulaire 
de  Xoto,  ne  réussirent  pas  à  modifier  la  résolution  de  la 
<  lommission  centrale  (2). 


I     //  concilio  ecumenico  e  i  vicari  capitolari. 

2)  Procès-verBal  du  29  octobre  1869.  —  On  devait  croire  que  Friedrich  serait 
satisfait  de  cette  décision.  Il  a  toujours  Thistoire  à  la  bouche:  elle  seule  doit 

121 


CONVOCATION    DES    NON-CATHOLIQUES  -143 

VI.  —  DÉLIBÉRATIONS  SUR  I."  1 N VIT.VTION  A  ADRESSES  Yt'X 
KVKQI  ES  ET  AUX  CHRETIENS  NON  CATHOLIQUES  ET  SUR  LA 
CONDUITE    A    TENIR    A    LEUR    ÉGARD. 

Il  s'agissait  de  savoir  si  et  de  quelle  manière  la  convocation 
du  concile  serait  notifiée  aux  chrétiens  non-catholiques.  La 
Commission  centrale  distingua  naturellement  entre  ceux  qui 
ont  des  évoques  véritables,  validement  ordonnés,  et  ceux 
qui  n'en  ont  pas;  car  une  invitation  à  un  concile  général  ne 
peut  être  adressée  qu'à  un  évêque. 

Prétendent  posséder  de  vrais  évêques  :  les  Grecs  schisma- 
tiques,  les  Jansénistes  et,  seuls  parmi  les  protestants,  les 
Anglicans:  les  autres  nient  que  le  Christ  ait  institué  une 
hiérarchie. 

Sur  la  conduite  à  tenir  à  l'égard  des  Grecs  schismatiques, 
MF  Tiz/ani, archevêque  de  Xisibe  et  consulteur  de  la  Congré- 
gation préparatoire,  fut  chargé  de  rédiger  un  mémoire    i  i. 

Tizzani  commence  par  une  exposition  historique  des  efforts 
de  l'Eglise  catholique  romaine  pour  réunir  l'Orient  à  l'Occi- 
dent, il  traite  spécialement  des  tentatives  faites  au  second 
concile  de  Lyon  et  au  concile  de  Florence.  Point  de  doute 
qu'à  l'occasion  du  concile  du  Vatican,  le  siège  de  Rome  ne 
dût  encore  employer  tous  les  moyens  de  procurer  l'union. 
o  L'esprit  de  l'Eglise  est  un  esprit  d'unité,  de  concorde  et  de 
charité.  »    Pourtant  Tizzani  ne   pense  pas  que  les  évoques 


décider  en  ces  matières.  Or,  d'après  l'histoire,  les  vicaires  capitulaires  n'ont 
jamais  été  convoqués  aux  conciles.  Friedrich  va  donc  conclure  qu'ils  ne  peuvent 
pas  l'être.  Erreur  '.  D'après  Friedrich,  le  concile  du  Vatican  a  tout  changé.  Il  a 
accordé  droit  de  siège  et  de  suffrage  aux  évéques  titulaires,  à  quelques  abbés  et 
supérieurs  d'Ordres  :  il  a  exclu  les  procureurs  et  les  vicaire-  capitulaires  :  ils 
eussent  dû  être  admis  avec  les  droits  épiscopaux.  {Op.  cit.,  I.  699.) 

(1)  Voici  les  deux  questions  qui  lui  furent  posées  :  «Se,  in  quai  modo  e  con 

quali  condizioni  si  debbono  chiamare  al  concilie  i  patriarchi,  arcivescovi  et 

ovi  scismatici  délia  Chiesa  orientale?   Kt  quatenus  négative  :  Se,  in  quai 

modo,  e  con  quali  condizioni  si  possono  ammetterre  al  concilio,  qualora  essi 

.  domandassero  d'intervenirvi  o  in  corpo  o  separalamente?  » 

[121-122] 


444  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

séparés  puissent  être  convoqués  au  concile  sans  que  des 
négociations  préliminaires  aient  été  engagées  avec  eux;  car 
d'abord,  il  est  inadmissible  que  ceux  qui  se  sont  séparés  de 
l'Église  soient  d'emblée  acceptés  comme  juges  sur  des 
matières  de  foi  ;  de  plus,  s'ils  étaient  convoqués  sans  condi- 
tion, les  Grecs  scliismatiques  pourraient  apporter  le  trouble 
dans  le  concile,  et  élever  des  prétentions  qui  menaceraient 
l'union  du  corps  épiscopal;  enfin,  la  conduite  qu'avaient 
tenue  Grégoire  X  et  Eugène  IV  en  pareilles  circonstances 
montrait  que  des  négociations  devaient  précéder  la  convo- 
cation. 

L'exemple  de  ces  mêmes  papes  enseignait  aussi  quelles 
conditions  on  devait  poser  à  leur  admission.  Avant  d'inviter 
à  Lyon  les  évèques  grecs,  Grégoire  X  avait  demandé  d'eux 
la  signature  d'une  formule  de  foi  et  la  reconnaissance  de  la 
primauté  romaine.  Ces  deux  précautions  étaient  encore 
nécessaires  pour  que  les  efforts  du  siège  de  Rome  ne  fussent 
pas  vains.  Les  Grecs,  d'ailleurs,  ne  pouvaient  raisonnable- 
ment s'y  refuser.  Indépendamment  des  motifs  intrinsèques  // 
évidents  à  tous  les  yeux,  ils  avaient  l'exemple  que  leurs  prédé- 
cesseurs leur  avaient  donné,  non  seulement  à  l'occasion  des 
négociations  avec  Grégoire  X,  mais  encore  au  quatrième 
concile  de  Constantinople,  où  les  légats  du  pape,  avant  la 
première  séance,  avaient  présenté  à  tous  les  évèques  un  écrit 
contenant  une  série  d'articles  de  foi  et  reconnaissant  pour 
valables  les  décrets  du  siège  de  Rome.  Cette  formule  était 
d'Adrien  II;  quiconque  ne  la  souscrivit  pas  fut  exclu  des 
délibérations  du  concile.  Le  siège  de  Rome,  cette  fois  encore, 
devait  imposer  les  mêmes  conditions. 

Pour  mener  à  bien  cette  affaire,  le  rapport  conseillait  d'en- 
voyer en  Orient  un  homme  sur,  d'une  prudence  reconnue, 
plein  de  zèle  pour  la  religion;  il  rendrait  visite  aux  patriar- 
ches et  évèques  non  unis,  et  s'entendrait  amicalement  avec   • 
eux  au  sujet  du  rétablissement  de  l'unité,  sur  les  bases  des 

I122-123J 


LA    CONVOCATION    DES    ORIENTAUX    NON-UNIS  I4S 

négociations  entamées  par  Grégoire  X.  Si  l'entente  se  faisait, 
on  pourrait  décider  l'envoi  en  Orient  d'une  ambassade  spé- 
ciale, au  cours  de  laquelle  la  formule  serait  souscrite  et  la 

primauté  reconnue.  Si  les  évêques  y  consentaient,  la  bulle 
de  convocation  les  inviterait  au  coneile;  sinon,  on  pourrait 
du  moins  mentionner  dans  la  bulle  les  tentatives  faites  pour 
le  rétablissement  de  l'unité,  afin  (pie  le  monde  catholique  sut 
ce  qu'avait  fait  le  siège  apostolique  pour  le  bien  de  la  chré- 
tienté. 

Le  rapport  de  l'archevêque  fut  examiné  parla  Commission 
centrale  dans  la  séance  du  22  mars  1868.  Les  cardinaux 
furent  d'accord  pour  proposer  l'arrangement  suivant  :  par 
une  lettre-circulaire  distincte  de  la  bulle  de  convocation, 
mais  envoyée  en  même  temps,  on  inviterait  les  Orientaux 
—  y  compris  les  Russes  et  les  Ethiopiens  —  à  profiter  de 
l'occasion  du  concile  général  pour  rétablir  l'unité  avec 
l'Eglise  romaine  et  quand  l'union  serait  faite  à  prendre  part 
au  concile.  Cet  écrit  serait  rédigé  en  un  style  affectueux, 
sans  aucun  mot  qui  pût  blesser  la  susceptibilité  de  ces  frères 
séparés;  on  pouvait  prendre  comme  modèle  l'écrit  qu'au 
début  de  son  pontificat,  le  Saint-Père  avait  adressé  aux 
Orientaux.  Les  prélats  schismatiques  étant  véritablement 
prêtres  et  évêques,  rien  ne  s'opposait  à  ce  qu'après  l'abjura- 
tion de  leur  erreur.et  la  souscription  de  la  profession  de  foi. 
ils  fussent  admis  au  concile.  S'ils  se  refusaient  à  souscrire. 
on  pourrait,  à  l'exemple  du  concile  de  Florence,  former 
une  commission  d'évêques  et  de  théologiens,  qui  entreraient 
en  pourparlers  avec  eux. 

La  Commission  centrale  se  prononça  contre  l'envoi  préa- 
lable d'une  députation  en  Orient.  Dans  la  situation  actuelle, 
telle  qu'elle  existait  depuis  la  chute  de  l'empire  d'Orient, 
cette  démarche  ne  conviendrait  pas.  Mais  il  était  bon,  à 
l'occasion  de  l'envoi  de  la  circulaire,  d'entamer  des  négocia- 
tions avec  les  évêques  par  l'intermédiaire  d'un  ou  plusieurs 

10 
[123-12 i] 


UC  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

prélats  catholiques  résidant  en  Orient.  Le  cardinal  Barnabe 
fut  prié  d'écrire  a  Mgr  Valerga,  patriarche  de  Jérusalem,  de 
mettre  à  profit  le  voyage  qu'il  avait  l'intention  de  faire  à 
Constantinople  et  dans  les  autres  pays  de  l'Orient  pour 
entrer  en  pourparlers  avec  les  patriarches  et  autres  évêques 
plus  spécialement  dignes  de  considération. 

Le  19  juillet  1868  le  cardinal  Bilio  soumit  à  l'examen  de  la 
commission  centrale  le  projet  de  lettre  aux  évêques  orientaux 
non  unis.  Ce  texte  reçut  l'approbation  de  tous  les  membres 
et  fut  présente  le  lendemain  au  Saint-Père. 

Avec  les  jansénistes  on  crut  devoir  en  agir  autrement. 
Cette  petite  secte,  qui  prolonge  en  Hollande  une  existence 
assez  misérable,  compte  environ  6,000  adhérents  sous  un 
archevêque  et  deux  évêques  dont  le  caractère  épiscopal  ne 
fait  aucun  doute.  Quoique  la  secte  oppose  une  résistance 
constante  et  opiniâtre  aux  décisions  du  siège  de  Rome,  elle 
cherche  à  donner  l'illusion  d'une  certaine  union  avec  lui  ;  à 
chaque  élection  et  consécration  d'un  nouvel  évèque,  elle  en 
t'ait  part  à  Home.  Le  silence  que  d'abord  le  siège  de  Rome 
avait  gardé  en  ces  occasions,  ayant  été  interprété  comme 
une  adhésion,  le  pape  a  maintenant  la  coutume  de  répondre 
en  déclarant  l'élection  invalide,  la  consécration  sacrilège  et 
en  rappelant  quelles  censures  atteignent  ceux  qui  y  ont 
pris  part. 

Pour  rédiger  une  consultation  sur  cette  affaire,  la  com- 
mission choisit  le  consulteur  Henri  Feye,  professeur  de  droit 
canonique  a  l'université  de  Louvain  (1).  // 

Son  mémoire  est  une  brève  exposition  de  l'histoire  de  la 
communauté  janséniste  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours; 
il  montre,  comme  le  fait  ressortir  l'auteur  à  maintes  reprises, 


1 1  Quai  temperamento  convenga  première  riguardo  ail  arciveseoio  Gianse- 
wsta  di  Llrecht  ed  alli  suoi  suffraganei,  i  quali  sogliono  essere  nominalumenle 
si  omunicati? 


LES    JANSENISTES    1)  UTRECHT  141 

qu'une  désobéissance  extrêmement  opiniâtre  aux  décrets  du 
siège  apostolique,  un  effort  persévérant,  infatigable,  par  le 
mensonge  et  les  ruses  de  toutes  sortes,  pour  retenir  leurs 
adhérents,  attirer  les  catholiques  et  tromper  le  publie,  con- 
stituent le  caractère  propre  de  la  secte  (  i).  Cet  expose  établit 
en  même  temps  que  la  patience,  les  ménagements  à  l'égard 
des  jansénistes  n'ont  jamais  obtenu  le  résultat' espéré,  mais 
ont  nourri  leur  orgueil;  qu'au  contraire  la  sévérité  et  la 
vigueur,  tempérée  de  douceur  pour  ceux  qui  revenaient  sin- 
cèrement à  l'Eglise,  ont  donné  d'excellents  résultats  (2). 
Aussi  le  rapport  conseille  de  ne  pas  inviter  les  évêques  jan- 
sénistes au  concile,  de  s'abstenir  même  de  toute  exhortation 
à  leur  adresse  dans  le  cours  ou  à  la  fin  du  concile.  On 
devait  seulement  engager  les  adhérents  de  la  secte  à  revenir 
à  l'Eglise,  mais  en  même  temps  que  les  autres  dissidents, 
sans  faire  mention  spéciale  des  jansénistes  (3). 

Cet  écrit  dénotait  une  remarquable  science  juridique  et 
historique,  et  surtout  la  parfaite  connaissance  d'un  sujet 
familier  à  l'auteur.  Les  cardinaux  de  la  Commission  cen- 
trale, dans  la  séance  du  124  ma,i  J868  où  ils  en  firent  le  sujet 
de  haïr  délibération,  lui  adressèrent  de  grandes  louanges  et 
conformèrent  entièrement  leurs  conclusions  à  ce  qui  y  était 
propose  (4). 

L'Eglise  anglicane  a  conservé  la  hiérarchie.  On  devait 
donc  examiner,  comme  pour  les  schismatiques  orientaux,  si 
leurs  évèques  devaient  être  convoqués.  Sur  cette  question 
encore,  le  professeur  Feye  fut  chargé  d'exposer  son  avis  (5), 

Par  une   longue   série   d'arguments  le  consulteur  prouve 


(1)  Yotum  Prof.  Feije,  p.  12-20. 

(2)  Ibid.  p.  13,  27. 

(3)  Ibid.  p.  33. 

(4)  Procès-verbal  du  24  mai  18(>8.  —  C.  V.  10(50  sq. 

(5i  Le  titre  du   Vohun  est  :  Quai  temperamento  convenqa  nrender  riguardo 
co-idetti  vescovi  anglicani  ? 

!!25i 


•148  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1'    VATICAN 

que  les  ordinations  des  évêques  anglicans  sont  invalides  et 
qu'ils  doivent,  par  conséquent,  être  regardés  comme  des 
laïques.  En  fait  on  ne  pouvait  songer  à  les  inviter.  En  admet- 
tant même  que  la  nullité  de  leur  ordination  ne  fût  pas  abso- 
lument démontrée,  la  validité  en  était  si  peu  vraisemblable 
qu'il  n'y  avait  pratiquement  aucun  compte  à  en  tenir.  /  Mais 
en  considération  du  grand  nombre  de  clercs  et  de  laïques 
anglais  qui  reviennent  à  l'Eglise  catholique,  le  rapporteur 
conseillait  de  s'occuper  des  anglicans  à  la  fin  du  concile  et 
de  les  exhorter  à  rentrer  dans  l'unité  catholique.  Dans  cet 
appel  au  peuple  anglais  qui  émanerait  du  concile  et  du  pape, 
et  serait  transmis  par  les  évêques  catholiques  d'Angleterre, 
on  devrait  faire  mention  expresse  de  la  nullité  des  ordina- 
tions anglicanes,  car  le  silence  sur  ce  point  ferait  croire  que 
le  siège  apostolique  conservait  encore  quelque  doute;  puis 
on  réfuterait  explicitement  la  théorie  répandue  en  Angle- 
terre tpie  la  véritable  Eglise  catholique  est  composée  de  trois 
parties  :  l'Eglise  romano-catholique,  l'Eglise  grecque  sebis- 
matique  et  l'Eglise  anglicane.  Car  cette  théorie,  comme  la 
croyance  à  la  validité  des  ordinations  anglicanes,  arrêtait 
un  grand  nombre  d'âmes  sur  la  voie  du  retour. 

Dans  une  audience  antérieure  accordée  au  secrétaire  de  la 
Commission  centrale,  le  Saint-Père  (i  avait  promis  d'agir  sur 
Pusey,  le  célèbre  professeur  d'Oxford,  regardé  comme  un 
des  chefs  principaux  des  ritualistes,  et  peut-être  de  lui 
adresser  un  bref. 

Sur  la  conduite  à  tenir  vis-à-vis  des  protestants  en  général, 
Mgr  Tizzàni  avait  déjà  exposé  son  sentiment  dans  la  seconde 
partie  du  mémoire  dont  nous  avons  parlé.  Pour  les  anglicans, 
il  est  du  même  avis  que  le  professeur  Feye.  Il  tient  leurs 
ordinations  pour  invalides,  et  rejette  le  projet  d'inviter  leurs 


(1)  Le  23  mars  1868. 

125-12*;] 


TIZZANI    SUR    LA    CONVOCATION    DICS    PROTESTANTS  1  19 

évêques.  Il  croit  pourtant  aussi  qu'il  faut  tenir  compte  <lc 
l'état  présent  des  choses  en  Angleterre  et  de  la  tendance  qui 
pousse  vers  l'Eglise  catholique  un  grand  nombre  de  membres 
de  l'Eglise  établie.  Son  sentiment  est  tout  contraire  quand  il 
s'agit  des  protestants  des  autres  pays,  surtout  de  l'Allemagne. 
Ceux-ci  sont  bien  plus  près  du  rationalisme  que  de  la  doctrine 
de  Luther  ou  de  Calvin.  Tizzani  estime  qu'un  concile  est  un 
moyen  peu  apte  à  les  ramener  à  l'unité.  Avec  eux,  dit-il,  nous 
aurions  à  débattre  non  plus  comme  au  temps  du  concile  de 
Trente,  la  question  du  nombre  des  sacrements  ou  celle  de  la 
grâce,  mais  la  question  de  la  nature  de  Dieu  et  de  l'origine 
du  monde,  bref  la  question  de  l'existence  d'un  Dieu  distinct 
du  monde  et  créateur.  Il  serait  pourtant  contraire  à  l'esprit 
de  l'Eglise  /,qui  doit  ramener  les  égarés  sur  le  chemin  de  la 
vérité,  de  ne  rien  faire  pour  les  protestants.  En  gardant  le 
silence  a  leur  égard,  Rome  se  ferait  juger  sévèrement  ;  on 
croirait  qu'elle  craignait  un  rapprochement  et  regardait 
comme  dangereuse  une  loyale  discussion  des  doctrines.  Il 
fallait  donc  d'une  manière  quelconque  dans  la  convocation  du 
concile,  tenir  compte  de  ces  protestants. 

La  situation  était  bien  changée  depuis  le  temps  du  concile 
de  Trente.  Alors,  certains  hommes  représentaient  une  doc- 
trine déterminée,  avaient  un  groupe  plus  ou  moins  considé- 
rable de  partisans,  en  sorte  que,  si  on  réussissait  à  les 
convaincre,  on  pouvait  compter  sur  la  conversion  de  leurs 
adeptes.  A  présent  les  théologiens  des  diverses  sectes  ne 
représentent  plus  une  doctrine  et  ne  possèdent  plus  assez 
d'influence  sur  le  peuple  pour  qu'on  puisse  attendre  de  leur 
conversion  la  conversion  de  leur  secte.  En  cet  état  de  choses, 
il  était  impossible  de  désigner  certains  protestants  pour  les 
faire  venir  au  concile.  Le  rapport  propose  d'exprimer  dans  la 
bulle  de  convocation  le  désir  de  voir  tous  les  dissidents 
revenir  à  l'unité  de  la  foi,  et  de  présenter  la  grande  assemblée 
catholique  comme  un  moyen  de  restaurer  cette  unité.    Dans 

[126-127] 


iiiO  HISTOIRE    DU    CONCILE    I)C    VATICAN 

ce  but,  on  devait  permettre  aux  représentants  autorisés  des 
communautés  de  venir  à  Rome  pour  exposer  leur  sentiment 
en  toute  liberté,  de  vive  voix  ou  par  écrit,  et  traiter  des 
points  controversés,  comme  il  convient  à  des  chrétiens,  avec 
ceux  qui  seraient  désignés  par  le  concile. 

L'avis  de  la  Commission  centrale,  qui  délibéra  le  22  mars 
sur  ce  sujet,  fut  aussi  que  l'on  devait  tenir  compte  des  pro- 
testants ;  elle  estimait  pourtant  que  le  Saint-Père  devait  les 
inviter  à  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise,  non  pas  dans  la 
bulle  de  convocation,  mais  dans  une  encyclique  spéciale, 
écrite  dans  un  style  tout  paternel.  L'argument  qui  détermina 
cette  manière  de  voir  semble  avoir  été  celui-ci  :  les  protes- 
tants, du  moins  en  général  (1),  à  la  différence  des  schis- 
matiques  orientaux,  n'ont  pas  de  prêtres  et  d'évéques  valide- 
ment  ordonnés:  on  devait  donc  les  considérer  comme  des 
laïques  et  s'adresser  à  tous  sans  faire  de  distinction  ;  l'ency- 
clique qui  leur  serait  adressée  serait  publiée  après  la  lettre 
aux  évêques  orientaux,  afin  que  ceux-ci  ne  crussent  pas  qu'on 
les  mettait  sur  le  même  pied  que  les  protestants.  Si  des  pro- 
testants se  présentaient  à  Rome  au  concile,  quelques  théolo- 
giens pourraient  être  désignés  pour  conférer  avec  eux. 

VII.  —  La  Question  de  l'Invitation  des  Princes 

CATHOLIQUES  Al    CONCILE. 

Depuis  le  premier  concile  général,  auquel  assistait  le  pre- 
mier empereur  chrétien,  les  empereurs  et  les  rois  prirent  part 
aux  conciles  généraux,  soit  personnellement,  soit  par  un 
représentant.  Etant  donnée  l'intime  union  qui  existait  entre 
l'Eglise  et  l'Etat,  il  semblait  naturel  que  le  pouvoir  civil 
s'intéressât  au  plus  haut  point  à  un  événement  si  important 


(1)  Cette  restriction  visait  les  janséniste?,  que   l'on   rangeait  parmi  les  pro- 
testants. 

1128-129 


L  INVITATION    DES    PRINCES    CATHOLIQUES  loi 

pour  l'Eglise  entière,  que  par  une   démarche   publique   et 

solennelle  il  se  montrât  disposé  à  défendre  par  le  glaive 
l'Epouse  du  Christ,  et  attestât  en  même  temps  sa  volonté  de 
procurer  par  les  moyens  dont  il  disposait,  l'exécution  des  lois 
portées  en  concile.  L'Eglise,  modèle  de  respect  envers  le 
détenteur  du  pouvoir  et  pleine  de  reconnaissance  pour  la 
protection  qu'il  lui  accordait,  reçut  le  prince  ou  son  envoyé 
avec  les  plus  grandes  marques  de  déférence  et  lui  accorda 
dans  les  conciles  une  place  d'honneur,  si  bien  que  plus  tard 
l'opinion  s'accrédita  que  dans  les  anciens  conciles  d'Orient 
l'empereur  avait  occupé  la  présidence  (i). 

Les  rapports  entre  l'Etat  et  l'Eglise  se  sont  tellement 
modifiés  de  notre  temps,  que  nous  avons  peine  à  nous  expli- 
quer l'intimité  de  ces  anciennes  relations  officielles  des  deux 
sociétés  :  nous  nous  représentons  difficilement  un  empereur 
ou  un  roi  assis  dans  un  concile  avec  les  évèques.  On  ne  pou- 
vait cependant  omettre,  dans  la  préparation  du  concile  du 
Vatican,  d'examiner  s'il  fallait  inviter  les  princes  et  comment 
on  devait  se  comporter  à  leur  égard.  // 

Déjà  dans  sa  première  séance,  le  9  mars  i865,  la  Congré- 
gation préparatoire  s'était  demandé  s'il  fallait,  avant  même 
la  convocation  du  concile,  s'entendre  avec  les  princes  catho- 
liques. La  réponse  avait  été  négative.  Il  serait  cependant  très 
utile  et  très  opportun,  avait-on  ajouté,  que  le  Saint-Siège, 
au  moment  de  publier  la  bulle,  fît  auprès  d'eux  les  démarches 
convenables  (2).  Quelles  devaient  être  ces  démarches?  On  ne 
s'était  pas  expliqué  sur  ce  point  ;  il  nécessitait  une  étude 
sérieuse. 

Quand  plus  tard,  lors  de  la  préparation  immédiate  des 
détails  du  concile,  la  question  fut  posée  explicitement,  la 
Congrégation  répondit  que  dès  la  publication  de  la  bulle   de 


(1)  Voir  la    réfutation  de    cette    opinion    dans    Hefele,    Konziliengeschichte 
(2*édit.),  I,29sqq. 

(2)  Procès-verbal  du  9  mars  1865.  —  C.  V.  1014  c.  sqq.  Ct'r.  supra  p.  29  sq. 

[120-J3OJ 


152  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

convocation,  on  devait  adresser  un  exemplaire  aux  princes 
catholiques  (i).  En  userait-on  de  même  à  l'égard  des  princes 
non-catholiques  dans  les  Etats  desquels  vivaient  des  évoques 
et  des  fidèles?  la  Congrégation  répondit  qu'avant  de  tran- 
cher la  question,  il  fallait  prendre  l'avis  du  cardinal  secré- 
taire d'Etat  ;  elle  déclara  d'ailleurs  pencher  vers  l'affir- 
mative. 

Cette  seule  disposition  montrait  qu'il  n'était  pas  alors 
question  de  reprendre  la  pratique  des  conciles  antérieurs  et 
d'inviter  au  concile  du  Vatican  les  princes  ou  leurs  représen- 
tants. Mais  plus  tard,  quand  on  en  vint  à  la  rédaction  défi- 
nitive de  la  bulle,  les  hésitations  recommencèrent.  Laisser 
les  princes  de  coté,  c'était  rompre  avec  une  vieille  tradition, 
et  cela  donnait  fort  à  réfléchir  aux  cardinaux.  A  cette  consi- 
dération s'ajoutait  que  peut-être  bien  des  princes  seraient 
mécontents  de  cette  innovation,  et  dès  lors  mal  disposés 
envers  le  concile.  D'autre  part,  de  graves  motifs  poussaient  à 
maintenir  la  résolution  prise.  Les  rapports  entre  l'Eglise  et 
l'Etat  s'étaient  si  profondément  transformés  !  Au  temps  où 
les  princes  étaient  catholiques  et  gouvernaient  leurs  Etats 
d'après  les  principes  catholiques,  la  législation  civile  était  en 
parfait  accord  avec  le  droit  ecclésiastique,  et  l'Etat  regardait 
comme  son  devoir  de  faire  exécuter  les  lois  de  l'Eglise  et  les 
décisions  des  conciles,  il  était  donc  naturel,  nécessaire  même 
qu'une  place  fût  réservée  aux  princes  dans  l'assemblée.  Mais 
les  Etats  ne  sont  plus  pour  l'Eglise  ce  qu'ils  étaient  alors  //. 
Beaucoup  ne  sont  plus  catholiques  ;  d'autres  se  sont  débar- 
rassés de  leurs  relations  avec  l' Eglise,  ont  supprimé  ou 
modifié  à  leur  gré  des  concordats  qui  les  liaient  ;  beaucoup 
sont  régis  par  des  lois,  des  ordonnances  que  l'Eglise  ne  peut 


(1)  Cette  décision  l'ut  confirmée  par  le  Saint-Père,  et  définitivement  adoptée 
dans  la  séance  du  17  mai  1868  parla  Commission  centrale.  Procès-verbal  de  ce 
jour.  Cfr.  Ceccom,  op. cit.,  i,  135(trad.  fr.  t.  I,  p.  131.) 

[130-131] 


L  INVITATION    DES    PRINCES    CATHOLIQUES  -153 

accepter  comme  le  dit  plus  tard  le  cardinal  Antonelli  au 
marquis  de  Banneville,  ambassadeur  de  France  (1),  la  pré- 
sence au  concile  des  représentants  des  Etats  pouvait  devenir 
très  gênante  quand  éclaterait  l'opposition  entre  la  doctrine 
de  l'Eglise  et  les  principes  qui  sont  aujourd'hui  le  fondement 
de  bien  des  institutions  politiques,  ce  Si  l'Eglise  était  appelée 
à  s'expliquer  sur  la  question  de  l'enseignement,  comment  se 
dispenserait -elle  de  proclamer  qu'elle  a  reçu  de  son  divin 
fondateur  la  mission  d'enseigner  ?  Comment  ne  protesterait- 
elle  pas  contre  des  lois  semblables  à  celles  qui  viennent  d'être 
promulguées  en  Autriche?  Comment  pourrait-elle  recon- 
naître pour  légitimes  les  lois  qui  lui  interdisent  de  posséder? 
Comment  pourrait-elle  oublier  que  le  mariage  est  un  sacre- 
ment, et  qu'à  ce  titre  elle  seule  peut  le  rendre  valable  et 
indissoluble  ?  » 

La  question  de  l'invitation  des  princes  fit  donc  l'objet 
d'une  enquête  nouvelle  La  Commission  centrale  n'osant 
prendre  sur  elle  de  la  trancher,  appela  dans  son  sein  le  car- 
dinal secrétaire  d'Etat  ;  le  pape,  apprenant  ces  hésitations, 
voulut  lui  même  assister  aux  délibérations.  Le  23  juin  1868 
se  tint  donc  une  séance  extraordinaire  coram  sanctissimo,  et 
après  qu'on  eût  pesé  le  pour  et  le  contre,  on  décida  qu'on 
n'inviterait  pas  expressément  les  princes  dans  la  bulle  de 
convocation,  mais  qu'on  choisirait  les  termes  les  concernant 
de  façon  à  leur  permettre  une  certaine  coopération,  s'ils 
désiraient  la  fournir.  A  l'endroit  de  la  bulle  où  est  exprimé 
l'espoir  que  les  princes  ne  mettront  pas  obstacle  à  la  partici- 
pation des  évêques  au  concile,  mais  leur  viendront  en  aide, 
on  inséra  ces  paroles  :  «  et  (Deum  effcctiirum  speramus  ut), 
studiosissime,  uti  decet  catholicos  Principes,  iis  cooperentur, 
quae  in  majorem  Dei  gloriam  ejusdemque  Concilii  bonum 


(1)  Ollivier.  L'Eglise  et  l'Etat  au  concile  du  Vatican,  1,509. 

[131] 


134  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

cedere  (jueant.  »  Le  cardinal  Antonelli  fut  chargé  d'expliquer 
ces  paroles  aux  cours  dans  le  sens  que  nous  venons  d'indi- 
quer (i)//. 

Tout  cela  concorde  avec  ce  que  M.  Emile  Ollivier  nous 
communique  (2)  des  lettres  des  ambassadeurs  français  à 
Rome,  au  sujet  des  éclaircissements  que  leur  donna 
Antonelli  touchant  la  représentation  des  puissances  au 
concile. 

Peu  après  la  promulgation  de  la  bulle,  le  secrétaire  d'Etat 
répondit  à  M.  de  Sartiges:  «  Le  Saint  Père  n'avait  nullement 
l'intention  de  tenir  les  princes  à  l'écart  :  il  s'était  borné  à 
demander  leur  concours  en  termes  généraux,  à  cause  de 
l'impossibilité  de  convoquer  indistinctement  tous  les  souve- 
rains de  la  catholicité,  l'un  d'eux,  le  roi  d'Italie,  étant  sous  le 
coup  d'une  excommunication.  Croyez  bien  et  répétez-le  à 
Paris,  nous  n'avons  aucune  arrière-pensée  lorsque  dans  la 
bulle  d'indiction  nous  remplaçons  l'invitation  directe  par  une 
invitation  indirecte  :  c'est  seulement  expédient.  »  Le  cardinal 
renouvela  bien  des  fois  les  mêmes  assurances.  «  Il  suffira 
que  les  souverains  des  gouvernements  catholiques  annoncent 
trois  mois  avant  la  date  de  la  convocation,  par  leurs  ambas- 
sadeurs ordinaires  à  Rome,  l'intention  de  se  faire  représenter 
au  concile  pour  que  les  portes  leur  soient  ouvertes.  »  En  an 
plus  tard,  avant  l'ouverture  du  concile,  le  cardinal  donna  les 
mêmes  assurances  à  M.  de  Banneville,  successeur  de  M.  de 
Sartiges.  «  Le  pape,  dit-il ,  y  verrait  (au  concile)  certaine- 
ment avec  plaisir  les  représentants  des  princes  catholiques. 
Les  termes  dont  il  s'était  servi  dans  la  bulle  d'indiction, 
l'indiquaient  suffisamment.  On  s'y  était,  il  est  vrai,  départi 
des  formes  usitées  autrefois,  mais  ces  précédents  étaient-ils 
applicables  aux  temps  actuels  ?...  Pouvait-on  inviter  le  roi 


(i)  Ç.  V.  1061  b,  c.  Cecconi  /.  c.  Doc.  XXXV.  Ibid.  p.  135  sqq. 
(2)  L.C.,  p.  508  sqq. 

[131-132] 


l'invitation   des  princes  CATHOLIQJ  ES  455 

d'Italie  ?    Certains    présidents    de    l'Amérique    espagnole, 
M.  Jttarès,  par  exemple  ?  » 

Les  princes  et  leurs  représentants  lurent  expressément 
autorisés  à  assister  aux  sessions  solennelles,  et  même  au 
vote  (i).i 


(1)  C  V.  1062  a,  b 

[132] 


CHAPITRE   VIII. 

La  bulle  de  convocation  et  les  lettres  pontificales   aux 
évêques  orientaux  non  unis  et  aux  protestants. 

En  mai  1868,  le  pape  avait  manifesté  à  la  Commission  cen- 
trale son  intention  d'annoncer  le  concile  le  jour  cle  la  fête  des 
princes  des  apôtres  de  cette  même  année;  la  Commission  avait 
examiné,  comme  nous  l'avons  vu,  quels  étaient  ceux  qui 
devaient  être  convoqués  ;  elle  résolut  enfin,  dans  la  séance 
du  17  mai  la  question  déjà  posée  dans  la  première  séance,  le 
9  mai  i865,  à  savoir  «  si  le  Sacré-Collège  devait  être  consulté 
avant  la  publication  de  la  bulle  et  comment  il  devait  l'être.  » 
On  estima  que  le  pape  devait  prendre  l'avis  des  cardinaux 
sur  l'époque  à  choisir  pour  l'ouverture  du  concile,  mais,  vu 
le  peu  de  temps  qui  restait,  il  ne  parut  pas  opportun  de  faire 
discuter  la  bulle  en  consistoire.  Pie  IX  se  rangea  à  cet  avis 
et  chargea  le  secrétaire  des  lettres  latines  de  rédiger  ce  docu- 
ment. Elle  fut  remaniée  par  la  Commission  centrale  et  reçut 
l'approbation  du  pape.  Signée  par  le  Saint-Père  et  les  cardi- 
naux présents  à  la  curie,  elle  fut  publiée  au  jour  primitive- 
ment fixé. 

Cette  bulle  Aeterni  Patris  (1)  commence  par  rappeler 
l'œuvre  rédemptrice  du  Christ  et  la  révélation  divine  qu'il 
nous  a  apportée.  «  Avant  de  remonter  au  ciel,  continue-t-elle, 

(1)  C.  V.,  p.  1,  sciri. 

[133] 


1S8  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

il  envoya  les  apôtres  annoncer  sa  doctrine  dans  le  monde 
entier,  et  leur  donna  le  pouvoir  de  gouverner  son  Eglise, 
colonne  et  fondement  t'  de  la  vérité...  Mais  afin  que  ce  gou- 
vernement agît  selon  l'ordre,  et  que  tout  le  peuple  chrétien 
persévérât  dans  l'unité  de  la  foi.de  la  doctrine  et  de  la  charité, 
il  leur  promit  à  tous  une  permanente  assistance,  et  parmi  eux 
choisit  Pierre,  pour  en  faire  le  prince  de  ses  apôtres,  son 
vicaire  sur  la  terre,  le  chef,  le  fondement,  le  centre  de 
l'Eglise  ;  il  voulut  ainsi  que,  premier  pasteur,  investi  de  la 
puissance  suprême, Pierre  fît  paître  le  troupeau, confirmât  ses 
frères,  gouvernât  l'Eglise,  exerçât  le  souverain  pouvoir  de 
lier  et  de  délier...  :  et  comme  le  but  pour  lequel  le  Christ  avait 
institué  la  primauté  concernait  aussi  l'avenir,  cette  primauté 
a  subsisté  tout  entière  dans  les  successeurs  de  Pierre  sur  le 
siège  épiscopal  de  Rome.  » 

Les  papes  ont  fidèlement  exercé  leur  charge  de  pasteurs 
suprêmes,  pour  conserver  à  la  chrétienté  et  au  genre  humain 
les  biens  les  plus  précieux;  ils  ont,  surtout  aux  époques  où 
de  profondes  perturbations,  de  terribles  catastrophes  boule- 
versaient la  société  civile,  convoqué  des  conciles  généraux, 
pour  tenir  conseil  avec  les  évoques  du  monde  entier,  et 
prendre  les  mesures  nécessaires  pour  fortifier  la  foi,  exter- 
miner les  erreurs  régnantes,  défendre,  expliquer,  développer 
la  doctrine  catholique,  protéger  et  renouveler  la  discipline 
ecclésiastique,  et  réformer  les  moeurs. 

La  bulle  rappelle  alors  la  violente  tempête  qui  agite  en  ce 
moment  l'Eglise,  et  les  grands  maux  dont  est  travaillée  la 
société  civile  :  les  ennemis  de  Dieu  et  de  l'humanité  font  la 
guerre  â  l'Eglise  catholique,  à  sa  doctrine  salutaire,  à  la  puis- 
sance suprême  du  siège  apostolique,  ils  foulent  aux  pieds 
tout  ce  qui  est  saint;  les  biens  ecclésiastiques  sont  volés,  les 
évêques,  les  clercs,  les  catholiques  fidèles  sont  tourmentés 
de  toutes  manières,  les  ordres  religieux  dissous,  quantité  de 
livres  impies,  de  mauvais  journaux,  de  sectes  pernicieuses 

134 


BULLE    AETEKNI    l'ATRIS  d59 

s»'  répandent  partout  ;  l'éducation  de  la  jeunesse  est  presque 
partout  enlevée  au  clergé,  et,  ce  quiest  pis, en  bien  des  endroits 
confiée  aux  maîtres  de  l'erreur  et  de  l'iniquité.  Les  suites 
d'une  telle  lutte  contre  le  bien  sont  funestes  non  seulement 
à  la  religion,  mais  aussi  à  la  société  civile.  // 

Dans  nos  allocutions  et  nos  lettres  apostoliques,  dit  le 
pape,  nous  n'avons  jamais  négligé  d'élever  la  voix  pour 
défendre  la  cause  de  Dieu  et  de  l'Eglise  ;  à  l'exemple  de  nos 
prédécesseurs,  nous  venons  de  prendre  la  résolution  de 
convoquer  en  concile  tous  les  évèques  du  monde,  pour  tenir 
conseil  avec  eux  et  choisir  les  remèdes  à  tant  de  maux.  «  Car 
ee  concile  œcuménique,  continue-t-il,  devra  examiner  avec  le 
plus  grand  soin  et  déterminer  ce  que  réclament  spécialement, 
en  ces  tristes  temps,  la  plus  grande  gloire  de  Dieu  l'inté- 
grité de  la  foi,  la  splendeur  du  culte  divin,  le  salut  éternel 
•des  hommes,  la  discipline  du  clergé  séculier  et  régulier,  sa 
formation  pratique  et  solide,  l'observation  des  lois  ecclésias- 
tiques, la  réforme  des  mœurs,  l'éducation  chrétienne  de  la 
jeunesse,  la  paix  et  la  concorde  universelles. 

))  Xous  devons  aussi  travailler  de  toutes  nos  forces,  avec 
l'aide  de  Dieu,  à  écarter  tout  mal  de  l'Eglise  et  de  la  société 
civile,  afin  que  les  pauvres  égarés  reviennent  au  droit  chemin 
de  la  vérité,  de  la  justice  et  du  salut,  que,  sur  les  ruines  du 
péché  et  de  l'erreur,  notre  auguste  religion  et  sa  doctrine 
salutaire  revivent  partout,  qu'elle  se  répande  et  règne  chaque 
jour  davantage,  et  qu'ainsi  refleurissent,  pour  le  plus  grand 
bien  de  l'humanité,  la  piété,  l'honnêteté,  la  justice,  la  charité 
•et  toutes  les  autres  vertus  chrétiennes.  Personne  ne  peut  nier 
en  effet  que  l'influence  de  l'Eglise  catholique  et  de  sa  doctrine 
ne  s'exerce  pas  seulement  pour  le  salut  éternel  des  hommes, 
mais  qu'elle  est  encore  de  nature  à  accroître  le  bien  temporel 
•des  peuples,  leur  véritable  prospérité,  l'ordre  et  la  paix,  le  pro- 
grès des  sciences  et  leur  sérieuse  étude. comme  en  témoignent 
hautement  et  le  démontrent  à  l'évidence    les  faits  les  plus 

[135] 


1  GO  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

remarquables  de  l'histoire  sacrée  et  de  l'histoire  profane.  » 
L'assistance  promise  de  l'Esprit-Saint  ne  fera  pas  défaut  à 
l'assemblée  des  évêques.  «  Après  avoir  répandu  nuit  et  jour 
dans  l'humilité  de  notre  cœur,  les  plus  ardentes  prières 
devant  Dieu,  le  Père  des  lumières,  nous  avons  jugé  néces- 
saire de  convoquer  ce  concile.    » 

Le  pape  alors,  dans  les  termes  consacrés,  annonce  le  con- 
cile, qui  se  tiendra  à  Rome  dans  la  basilique  Vaticane,  et 
s'ouvrira  le  jour  de  la  fête  de  l'Immaculée  Conception, 
8  décembre  1869.  «  Nous  voulons  donc  et  nous  ordonnons 
que,  //  quittant  leurs  résidences,  nos  vénérables  frères  les 
patriarches,  archevêques  et  évêques,  ainsi  que  nos  chers 
fils  les  abbés  et  tous  autres  auxquels  un  droit  ou  un  privi- 
lège accorde  siège  et  voix  dans  les  conciles  généraux, 
viennent  à  ce  concile  convoqué  par  nous  ;  nous  les  requé- 
rons, exhortons,  avertissons,  et,  en  vertu  du  serment  qu'ils 
ont  prêté  à  nous  et  au  Saint-Siège,  en  vertu  de  la  sainte  obéis- 
sance, sous  la  menace  des  peines  portées  par  le  droit  ou  la 
coutume  contre  les  non-comparants,  nous  prescrivons  et 
ordonnons  strictement  qu'ils  se  présentent  et  assistent  en 
personne  au  concile, sauf  le  cas  où  ils  seraient  empêchés  par 
quelque  juste  motif,  dont  leurs  procureurs,  munis  de  pleins 
pouvoirs  à  ce  sujet,  devront   rendre  compte. 

«  Nous  nourrissons  l'espoir  que  Dieu,  qui  tient  dans  sa 
main  les  cœurs  des  hommes,  écoutera  favorablement  nos 
vœux  et  par  sa  grâce  et  sa  miséricorde  ineffables,  fera  que 
dans  toutes  les  nations  les  princes  et  les  détenteurs  du 
pouvoir  suprême,  surtout  ceux  qui  sont  catholiques,  recon- 
naîtront toujours  davantage  les  grands  biens  qui  découlent 
de  l'Eglise  catholique  sur  le  genre  humain,  qu'ils  verront  en 
elle  le  plus  ferme  fondement  des  Etats  et  des  empires  et,  que 
par  suite,  non  seulement  ils  n'empêcheront  pas  les  évêques, 
nos  vénérables  frères,  et  les  autres  ci-dessus  mentionnés,  de 
se  rendre  au  concile,  mais  qu'ils  se  plairont  à  les  aider  et  à 

[135-136] 


BULLE    AETBRNI    PATRIS  -16d 

Les  assister  avec  le  plus  grand  zèlo,  comme  il  convient  à  des 
princes  catholiques,  en  tout  ce  qui  pourra  contribuer  à  la 
plus  grande  gloire  de  Dieu  et  au  bien  de  cette  assemblée.  » 

Le  pape  règle  alors  le  mode  de  publication  de  la  bull",  à 
peu  près  dans  les  termes  employés  par  Paul  III  pour  la  bulle 
de  convocation  du  concile  de  Trente,  Initio  nostri.  Elle  sera 
lue  en  public,  à  liante  voix,  dans  les  basiliques  patriarchales 
de  Latran,  du  Vatican  et  de  Sainte-Marie-Majeure,  par  des 
huissiers  ou  des  notaires  pontificaux,  puis  affichée  aux  portes 
de  ces  églises,  à  celles  de  la  chancellerie  apostolique,  sur  la 
place  du  Campo  di  Fiori,  et  autres  lieux  habituels;  au  bout  de 
deux  mois,  ceux  qui  sont  nommés  dans  la  bulle  devront  se 
considérer  comme  obligés  au  même  titre  que  si  la  bulle  leur 
avait  été  lue  et  notifiée  personnellement. 

Que  parmi  les  évêques  convoqués  et  obligés  de  se  présenter 
au  concile,  les  titulaires  fussent  compris  aussi  bien  que  les 
résidentiels  ',  nous  l'avons  déjà  expliqué  plus  haut  (i).  Xous 
avons  vu  aussi  (2)  que  tous  les  abbés  n'étaient  pas  admis, 
mais  seulement  les  abbates  nullius  et  les  abbés  généraux; 
hors  de  ceux-là  et  par  privilège,  étaient  appelés  les  cardi- 
naux non-évèques,  et  les  supérieurs  généraux  des  ordres 
religieux,  mais  non  les  procureurs  des  évêques  absents  (3). 
Les  princes  catholiques  n'étaient  pas  explicitement  invités 
dans  la  bulle,  mais  on  était  disposé  à  les  recevoir,  eux  ou 
leurs  envoyés,  dans  le  cas  où  ils  désireraient  se  rendre  au 
synode  ou  s'y  faire  représenter  (4). 

Pour  les  évêques  orientaux  non-unis,  l'invitation  était  faite 
sous  certaines  conditions.  Une  lettre  spéciale  du  pape  leur 
était  destinée. 

Comme  nous  l'avons  vu  (5),  la  Congrégation  directrice  de 

(1)  P.  111,115. 

(2)  P.  120. 

(3)  P.  135. 

(4)  P.  154  sq. 
iô)  P.  146. 

[136-13T| 


162  HISTOIRE    I>1     CONCILE    DC    VATICAN 

préparation  avait  recommandé  l'envoi  d'une  circulaire  parti- 
culière aux  évêques  orientaux:  elle  avait  prié  le  cardinal 
Barnabe,  préfet  de  la  Propagande,  de  faire  visiter  par 
M-1  Valerga,  patriarche  de  Jérusalem,  les  évêques  les  plus 
influents  :  à  l'occasion  d'un  prochain  voyage  en  Orient,  ce 
prélal  devrait  s'enquérir  de  leurs  dispositions  à  l'égard  du 
concile.  Barnabe  écrivit  donc  à  Valerga  (i).  La  réponse  du 
patriarche,  très  au  courant  des  choses  orientales,  ne  fut  pas 
encourageante  (2).  La  mission  qu'on  lui  confiait  était  diffi- 
cile, le  résultat  fort  douteux,  il  n'osait  espérer  parvenir  à 
pénétrer  les  sentiments  des  évêques.  On  ne  pourrait  guère 
l'aire  fond  sur  les  bonnes  paroles  que  leur  dicterait  la  poli- 
tesse. Le  caractère  et  les  dispositions  de  l'épiscopat  schis- 
matique  en  général,  la  manière  dont  il  avait  reçu  la  première 
lettre  du  Saint  Père  (3),  sa  situation  par  rapport  à  la  Russie, 
le  peu  de  bon  vouloir  du  peuple,  surtout  dans  la  Turquie 
d'Europe,  empêchaient  le  prélat  de  promettre  le  succès  à  la 
circulaire  projetée.  Néanmoins,  il  lui  paraissait  opportun 
d'en  envoyer  une  :  si  les  évêques  schismatiques  ne  recevaient 
aucune  invitation  au  concile,  ils  accableraient  le  Saint-Siège 
de  reproches.  D'ailleurs,  la  lettre  du  Saint  Père  ferait  certai- 
nement bonne  impression,  surtout  dans  certaines  contrées 
OÙ  les  esprits  n'étaient  pas  si  éloignes  de  Rome  et  où  l'atti-  j 
tude  irréconciliable  de  l'épiscopat  provoquerait  peut-être 
une  heureuse  reaction. 

La  lettre  du  pape  (4),  qui  commence  par  les  mots  Arcano 
divinae  Prouidentiœ  consilio  est  datée  du  8  septembre  iStiS. 
Le  ton  est  à  la  fois  très  net  et  très  paternel.  Le  Saint  Père  se 
donne  comme  le  successeur  de  saint  Pierre,  dont  il  fait 
ressortir  la  prééminence  par  les  paroles  d'un  illustre  Père 


1  C.  V.  111"  .t.  sq. 

2  II. i.l.  llld.  1..  sqq. 

3)  Insuprema  du 6 janvier  l^iv 
i     '. .    \  .  T.  c.  S(jq. 


137-1  H 


LETTRES    AUX     SCHISMATIQUES    ET    Al  X    PROTESTANTS         163 

grec,  saint  Grégoire  de  Xysse.  Dans  la  sollicitude  qu'il  doit 
avoir  pour  l'Eglise  universelle,  il  a  tourné  son  regard  vers 
ces  Eglises  «  qui  jadis  unies  au  Saint-Siège  par  le  lien  de 
l'unité,  voyaient  fleurir  dans  leur  sein  la  science  et  la  sain- 
fceté,  et  produisaient  des  fruits  abondants  pour  la  gloire  de 
Dieu  et  le  salut  des  âmes  ;  victimes  maintenant  de  la  perfidie 
de  celui  qui  lit  le  premier  schisme  parmi  les  anges,  elles  sont 
à  notre  grande  douleur  séparées  de  la  communion  de  la 
sainte  Eglise  romaine  répandue  par  toute  la  terre  ».  Puis, 
rappelant  sa  précédente  lettre  aux  Orientaux,  dont  le  résultat 
n'a  pas  été  heureux,  il  assure  qu'il  n'a  jamais  cessé  d'espérer 
•pie  ses  constantes  et  ardentes  prières  pour  la  réunion  des 
Eglises  seraient  un  jour  exaucées.  Il  invite  alors  les  évêques 
au  concile  convoqué  par  lui  :  puissent-ils  s'y  rendre,  comme 
leurs  prédécesseurs  se  sont  rendus  au  second  concile  de 
Lyon  et  au  concile  de  Elorence,  pour  qu'enfin  cesse  ce  déplo- 
rable schisme. 

Dans  la  lettre  Jam  vos  omnes  (i)  adressée  le  i3  septembre 
aux  protestants  sur  l'avis  de  la  Congrégation  préparatoire  (2), 
Pie  IX  tait  part  aux  prétendus  réformés  de  la  convocation 
du  concile.  Il  les  exhorte  ensuite  à  se  demander  sérieuse- 
ment s'ils  se  trouvent  dans  la  voie  indiquée  par  Xoire- 
Seigneur  Jésus-Christ,  celle  qui  mène  à  la  vie  éternelle;  il 
établit  brièvement  que  ni  l'ensemble  des  sociétés  religieuses 
séparées  de  l'Eglise  catholique,  ni  aucune  d'elles  en  particu- 
lier n'est  l'Eglise  que  le  Christ  a  fondée,  une,  universelle,  à 
laquelle  il  a  légué  sa  doctrine  et  ses  grâces  salutaires.  Il  fait 
remarquer  que  le  morcellement  de  la  religion  tel  qu'il  existe 
<lnz  les  protestants  ne  peut  être  sans  conséquences  fâcheuses 
pour  la  société  civile.  Puissent-ils  donc  à  l'occasion  de  ce 
concile  //  songer  à  revenir  à  l'unité  et  prier  avec  ardeur  le 


(1)  C.  V.8,  d.  sqq. 

(2)  Ct  supra,  p.  150. 


[i38-139| 


464  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN 

Dieu  des  miséricordes  de  faire  tomber  le  mur  de  séparation, 
de  bannir  les  ténèbres  de  l'erreur,  de  les  ramener  dans  le 
sein  de  notre  Mère  l'Eglise,  où  leurs  ancêtres  ont  trouvé  les 
pâturages  de  la  vraie  vie,  dans  l'Eglise  seule  gardienne  de 
toute  la  doctrine  du  Christ  et  dispensatrice  des  mystères  des 
giàces  divines.  Lui-même  nuit  et  jour  demande  pour  eux 
la  lumière,  et  attend  les  bras  ouverts  le  retour  des  frères 
égarés. 

Ainsi  le  concile  était  annoncé  dans  les  formes  prescrites, 
les  évêques  grecs  non-unis  y  étaient  invités  d'une  manière 
convenable  et  avis  en  était  donné  aux  protestants. 

Quel  accueil  reçut  cette  nouvelle  dans  les]  différents 
milieux,  nous  le  verrons  dans  le  livre  second. 


[139] 


LIVRE     SECOND 

Les    mouvements    d'opinion    après    l'annonce 
du    Concile    du    Vatican 


[142; 


CHAPITRE    I 
Accueil  fait  à  l'annonce  du  concile. 

L'annonce  d'an  concile  œcuménique  faite  par  le  vénérable 
pontife  excita  dans  les  esprits  une  émotion  universelle, 
profonde  même,  comme  l'histoire  en  signale  bien  peu  a 
l'occasion  des  plus  graves  événements.  D'un  côté,  c'était  la 
joie,  l'espoir;  de  l'antre,  le  malaise,  la  crainte,  le  soupçon,  la 
colère.  Bien  peu  restèrent  indifférents.  Pour  la  masse 
même  des  gens  sans  religion  et  sans  foi,  la  convocation  d'un 
eoncile  oecuménique  était  un  fait  trop  important  pour  passer 
inaperçu;  quant  aux  ennemis  déclarés  du  catholicisme,  ils  ne 
pouvaient  dissimuler  leur  rage  devant  ce  signe  de  la  vitalité 
puissante  de  l'Eglise  qu'ils  eussent  si  volontiers  crue 
détruite.  La  plupart  des  protestants  voyaient  dans  l'assem- 
blée de  Rome  une  puissance  ennemie.  Dans  les  gouverne- 
ments jaloux  s'éveillaient  le  soupçon  et  la  crainte. 

Les  adversaires  les  plus  terribles,  ceux  qui  enrôlèrent  les 
autres  forces  hostiles  et  troublèrent  beaucoup  de  bons  catho- 
liques, se  rencontrèrent,  hélas!  dans  le  sein  même  du  catho- 
licisme :  cercles  pénétrés  du  rationalisme  et  du  libéralisme 
régnants,  professeurs  surtout,  fiers  de  leur  science  et  étran- 
gers à  la  vie  surnaturelle  de  l'Eglise.  Ils  reçurent  avec 
mécontentement  la  nouvelle  de  la  convocation  d'une  assem- 
blée qui  exigeait  de  tous  les  chrétiens  en  matière  religieuse 
la  soumission  de  la  foi    /  et  qui  dans  ses  décrets  doctrinaux 

[143-Ï44J 


168  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN* 

devait  s'en  prendre  précisément  aux  erreurs  qu'ils  cares- 
saient. Ils  ne  pouvaient  qu'être  tout  spécialement  mortifiés 
de  voir  le  concile  convoqué  par  un  pape  universellement 
connu  comme  l'ennemi  irréconciliable  de  l'esprit  moderne  et 
qui  avait  déjà  montré  par  l'odieux  Syllabus  quelle  serait  la 
tendance  du  synode  annoncé. 

Par  contre,  les  fidèles  enfants  de  l'Eglise,  ceux  du  moins 
qui  n'avaient  pas  été  induits  en  erreur  par  de  faux  frères, 
saluaient  avec  grande  joie,  avec  de  liantes  espérances,  la 
solennelle  assemblée,  où,  comme  si  souvent  autrefois,  les 
évêques  du  monde  entier  unis  au  pape,  avec  la  spéciale 
assistance  du  Saint-Esprit,  délibéreraient  sur  les  plus  graves 
intérêts  de  l'Eglise  et  de  l'humanité. 

Quand  Pie  IX,  lors  du  dix-huitième  centenaire  du  martyre 
des  princes  des  apôtres,  annonça  aux  évêques  réunis  pour 
cette  fête,  qu'il  avait  l'intention  de  convoquer  un  concile, 
ceux-ci  répondirent,  comme  nous  l'avons  vu,  par  une  adresse 
de  félicitations  au  pape  (i)  :  «  Notre  cœur  a  été  rempli  de  la 
plus  grande  joie,  disaient-ils,  en  apprenant  de  votre  bouche 
sacrée  qu'au  milieu  des  nombreuses  tribulations  de  l'heure 
présente,  vous  aviez  l'intention  de  convoquer  un  concile 
général,  le  remède  le  plus  efficace,  comme  disait  votre  glo- 
rieux prédécesseur,  Paul  III,  aux  dangers  qui  menacent  la 
chrétienté.  Ils  espèrent  et  souhaitent  que  les  faibles  dans  la 
foi  trouveront  dans  cette  sainte  assemblée  une  nouvelle  et 
excellente  occasion  de  se  rattacher  à  l'Eglise,  colonne  et 
fondement  de  la  vérité,  qu'ils  apprendront  a  connaître  la 
doctrine  qui  mène  au  salut,  rejetteront  les  erreurs  dange- 
reuses; <pie,  par  la  grâce  de  Dieu  et  l'intercession  de  la 
Vierge  Immaculée,  ce  synode  deviendra  une  grande  œuvre 
d'unité,  de  sanctification  et  de  paix,  la  source  d'un  nouvel 
éclat  pour  l'Eglise  et  un  nouveau  triomphe  pour  le  royaume 

(L)  Cl.  il  71  sq. 

[144] 


LES    ÉVÊQUES    ANNONCENT    LE    CONCILE  ll!9 

de  Dieu.  Puisse-t-i]  devenir  évident  à  tous  que  l'Eglise, 
fondre  sur  le  roc,  a  le  pouvoir  de  chasser  l'erreur,  de  réfor- 
mer les  mœurs,  d'adoucir  la  barbarie,  d'être  non  pas  seule- 
ment de  nom,  mais  encore  en  fait,  la  mère  de  la  vraie  civili- 
sation !  En  prévision  des  excellents  résultats  à  attendre  du 
concile,  les  princes  et  les  nations  cesseront  sans  doute  de 
mettre  obstacle  a  l'exercice  du  pouvoir  pontifical,  ils  le  faci- 
literont, au  contraire,  de  toutes  manières  et  prendront  parti// 
pour  la  liberté  du  vicaire  du  Christ.  Tel  est  l'espoir  (pie 
nous  portons  en  nos  cœurs,  tel  est,  tel  sera  le  continuel  objet 
île  nos  prières  (i).  »  Environ  5oo  évèques  signèrent  cette 
adresse. 

D'innombrables  évèques  de  tous  les  pays  parlèrent  à  leurs 
troupeaux  du  prochain  concile.  Il  serait  trop  long  de  donner 
les  noms  de  ceux  qui  prirent  la  future  assemblée  pour  sujet 
de  leurs  lettres  pastorales  (2).  On  remarqua  spécialement 
une  très  belle  lettre  de  M-r  Dupanloup,  évêque  d'Orléans, 
aux  prêtres  de  son  diocèse  (3);  elle  eut  un  très  grand  nombre 
d'éditions  et,  presque  au  moment  même  de  sa  publication, 
fut  traduite  en  allemand  (4).  en  espagnol,  en  anglais,  en 
italien,  en  polonais,  en  hongrois  et  en  flamand;  cela  seul  est 
un  signe  du  grand  intérêt  que  portaient  au  concile  tous  les 
peuples  de  l'Europe. 

Il  parut  aussi  un  tel  nombre  d'écrits  sur  le  concile  que  la 
bibliographie  en  est  vraiment  immense  (5).  De   nombreux 


(i)  C.    Y.  1033  a.  sqq. 

(2)  L:i  Civilta  cattolica  dans  la  7°  série  à  partir  du  5"  volume  (1869)  analyse  un 
grand  nombre  de  ces  lettres  pastorales.  La  plupart  sont  mentionnées  dans  la 
Samrnluny  der  Aklenstiicke  nui,  erslen  Valikanischen  Konzil,  de  E.  Frieuberg 
[p.  67  sqq). 

(3)  Lettre  sur  te  futur  concile  œcuménique,  adressée  par  Mt"  l'Evêque  d'Orléans  au 
clergé  de  son  diocèse.  Pari-,  lsiîs. 

(4  Das  bévorslehende  allgemeine  Concilium,voa  Félix  Dupanloup,  Bischop  von 
Orléans.  Trier  1869. 

(5)  Cette  bibliographie  est  soigneusement  faite  dans  Friedisero,  op  cit.  Nous 
ni  parlerons  dans  les  chapitres  suivants  que  des  écrits  intimement  liés  aux 
controverses  qui  précédèrent  le  concile. 

144-145] 


170  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1'    VATICAN 


périodiques,  comme  la  Civilta  Cattolica  (i),  en  Italie,  la 
Revue  du  monde  catholique  (2)  et  I'Echo  de  Rome  (3),  e 
France,  le  Tablett  (4).  en  Angleterre,  lui  consacrèrent  un 
article  dans  chaque  numéro,  tandis  qu'en  Hollande,  en  Alle- 
magne, en  Portugal  et  en  d'autres  pays,  des  revues,  des 
feuilles  hebdomadaires  se  fondaient  uniquement  pour  en 
parler  (5). 

L'assemblée  générale  des  Unions  iVereinc)  catholique^ 
d'Allemagne  tenue  à  Bamberg  à  la  fin  d'août  et  au  commen 
cernent  de  septembre  1868,  dès  sa  première  séance,  salua 
avec  joie  et  enthousiasme  le  prochain  concile.  Jean  Ibach, 
curé  de  Limbourg-sur-la-Lahn,  célébra  dans  un  discours 
enflammé  le  vaillant  courage  de  Pie  IX,  qui,  au  milieu  des 
orages  de  notre  époque,  alors  que  la  foi  et  le  respect  de  l'au- 
torité diminuaient  de  plus  en  plus,  ose  convoquer  un  concile; 
aux  vifs  applaudissements  de  l'assemblée,  le  curé  trace  le 
devoir  des  membres  du  Congrès  :  «  Par  tous  les  moyens 
licites,  par  la  parole  et  par  la  plume,  chacun  doit  préparer  au 
concile  notre  peuple  d'Allemagne,  faire  ressortir  de  plus  en 
plus  son  importance  et  sa  signification,  travailler  ce  sol,  sur 
lequel  les  décisions  du  synode  seront  jetées  comme  la 
semence  d'un  avenir  meilleur,  afin  que  la  moisson  soit  belle 


: 


(1)  Depuis  le  5e  volume  de  la  7e  série,  sous  le  titre  :  Cose  speltanli  al  futnro 
Concilio. 

(2)  Depuis  le  premier  numéro  de  janvier  18*39.  Titre  :  Chronique  du  Concile. 

(3)  Depuis  novembre  1868.  Le  premier  article  de  chaque  numéro  traite  du 
concile. 

(4)  Dans  un  supplément  spécial  à  parttr  du  23  janvier  1869,  sous  le  titre  : 
The  Nineleenth  General  Council  o\  the  Vatican. 

(5)  En  Allemagne  :  Das  okumenische  Konzil,  par  Florian  Riess  et  Karl  v. 
Weber,  (dans  les  «  Sti.mmen  aus  Maria-Laach.  N'eue  Folge.  Freiburg  i.  Br.  1869- 
1870).  D'  M  J.  Scheeben,  Das  okumenische  Konzil  ron  Jahre  tSG'j.  Regensburg  1869- 
1871.  En  Portugal  parut,  à  partir  de  mai  1869  :  I'Echo  deRoma.  —  ANaples  à  partir 
de  novembre  1865  :  L'Echo  del  Concilio  ecu.uenico  vaticano.—  A  Bologne,  à  partir 
de  juillet:  Il  Concilio  eoi  menioo  vaticano.  —  Vers  la  fin  de  l'année,  commença 
à  paraître  à  Lyon  en  format  in-quarto;  Grande  publication  d'actualité  reli- 
gieuse, le  Concile  œcuménique  de  18(39,  illustré  :  ouvrage  publié  en  50  livraisons. 
Lyon.  —  A  la  même  époque  en  France:  Le  Concile.  Revue  du  Concile  œcumé- 
nique, publiée  par  le  P.  Chéry,  Dominicain. 

145-146] 


SENTIMENTS    DES    CATHOLIQUES  171 

et  riche,  afin  que  l'esprit  «le  contradiction  ne  se  lève  pas 
contre  les  ordonnances  de  l'Eglise,  afin  que  se  taisent  la 
science,  la  politique,  l'agitation  sociale  et  tous  les  principes 
en  opposition  avec  la  sentence  infaillible  du  concile  (i)  ». 
Les  catholiques  ne  se  réunirent  jamais  en  congrès  de  quel- 
que importance  sans  manifester  leur  joie  de  la  convocation 
du  concile.  Une  grande  assemblée  catholique  tenue  à  Hip- 
pach,  dans  le  Tyrol,  le  27  septembre  1868,  prit  une  résolution 
ainsi  conçue  :  «  Nous  exprimons  notre  joie  de  ce  que  le 
vicaire  du  Christ  a  convoqué  pour  l'année  prochaine  un  con- 
cile général.  »  Nous  parlerons  plus  tard  de  la  splendide 
manifestation  en  faveur  du  concile  au  sein  de  l'assemblée 
générale  des  catholiques  allemands  qui  se  tint  l'année  sui- 
vante, au  plus  fort  des  tempêtes  déchaînées  contre  lui. 

Le  jubilé  sacerdotal  de  Pie  IX,  célébré  le  n  avril  de  l'an- 
née 1869,  se  transforma  en  une  fête  magnifique  pour  tout  le 
monde  catholique;  les  solennités  religieuses  //,  les  proces- 
sions, la  décoration  des  villes  et  des  villages,  les  réunions, 
les  feux  de  joie,  les  illuminations  manifestèrent  en  même 
temps  l'allégresse  dont  la  convocation  du  concile  remplissait 
la  catholicité  tout  entière  (2).  Des  adresses  de  félicitations, 
des  députations  arrivèrent  à  Rome  de  toutes  parts.  Les  noms 
des  hommes  et  des  jeunes  gens  qui  à  l'assemblée  générale 
des  catholiques  à  Bamberg  signèrent  l'adresse  envoyée  au 
Saint-Père,  remplissaient  une  vingtaine  de  volumes  magni- 
fiquement reliés,  qui  furent  présentés  au  pape  (3).  Fêté  dans 
tous  les  pays,  le  jubilé  du  vicaire  de  Jésus-Christ  le  fut  sur- 
tout, cela  va  sans  dire,  à  Rome  et  en  Italie.  Rome  a  célébré 
de  bien  belles  fêtes,  dit  la  Civilta  cattolica,  mais  celle  du 


(1)  Verhandlungen  der   i'j  Generalversammluny   der  katholischen    Sereine   der 
deutschen  Lander  m  Bamberg,  im  August  und  September  18G8,  p.  112. 

(2)  Sur  la  série  des  têtes  en  Allemagne  et'  A.  Xiedermayer,  Die  kathol.  Beweguny 
in  unseren  Tagen.  2.  Jahrg.,  p.  174  stjq. 

(3)  Rente  du  Monde  (  Iatholique,  XXIV,  445. 

[145-147] 


172  HISTOIRE    m     CONCILE    DU    VATICAN 

il  avril  a  surpassé  tout  ce  qu'elle  avait  jamais  vu  en  ce 
genre;  jamais  les  sentiments  de  respect,  de  dévouement  à 
l'égard  du  pape  n'avaient  été  exprimés  comme  ils  l'ont  été 
en  ce  beau  jour.  Toute  l'Italie  prit  part  à  la  solennité  et  l'on 
peut  dire  sans  exagérer  que,  dans  la  péninsule  entière,  il  n'y 
eut  pas  de  village  si  pauvre,  si  isolé  qu'il  fût,  qui  n'apportât 
son  concours  à  la  l'été. 

Partout  on  commença  des  prières,  les  unes  prescrites  par 
les  évêques,  les  autres  organisées  parla  libre  initiative  des 
fidèles  pour  appeler  la  bénédiction  divine  sur  le  prochain 
concile.  Bien  des  pays  envoyèrent  à  Rome  de  riclies  offran- 
des pour  en  couvrir  les  frais.  Un  journal  de  Gand,  le  Bien 
Public  ouvrit  le  :>  juillet  1869,  une  liste  de  souscription  qui 
fut  close1  le  io  août.  Elle  réunit  environ  73,000  francs.  A  cette 
somme  s'adjoignirent  les  apports  d'autres  journaux  qui  firent 
dépasser  90,000  francs  (1).  Divers  journaux  italiens  imitè- 
rent cet  exemple  (2).  L'Univers  les  avait  précédés  :  en 
moins  de  deux  mois  il  reçut  200,000  francs  (3).  Le  12  octobre 
fut  présentée  au  pape  une  adresse  des  dames  de  Munster  en 
Westphalie  et  des  environs,  avec  une  somme  de  10,000  tba- 
lers  (4). 

Des  cadeaux,  précieux  et  fort  significatifs  furent  aussi 
offerts  au  pape,  qui  dirent  éloquemment  la  joie  avec  laquelle 
on  saluait  partout  le  concile.  L'archevêque  de  Lima, 
Mgr  Jos.  Goyeneclie  y  Barreda  que  ses  94  ans  empècliaient  de 
se  rendre  à  Rome,  envoya  au  Souverain  Pontife  une  crosse  en 
or  massif  du  Pérou,  d'une  valeur  de  10,000  scudi.  Son  procu- 
reur apportait  en  outre  plusieurs  autres  présents  parmi  les- 
quels une  petite  corbeille  en  fils  d'argent  artistemént  tresser. 
dans  laquelle,  sur  un  bouquet  formé  aussi  de  fils  d'argent, 


(1)    ClVILTA  CATTOLIÇA  Sri'.  VII,  Vol.  7,  p.  717  S(|(|. 

2    Ihiil. 

(3    Revue  du  Monde  Catholique,  XXV,  287. 
(4)  Koln.  Volks&eitungi869,n'288. 

[147-148] 


OFFRANDES    A    PIE    IX  17:! 

reposaient  7,000  francs  en  or,  c'était  le  don  de  quelques 
dames  péruviennes.  L'archevêque  de  Quito,  Mgr  Clieca,  offrit 

!c  10  novembre,  à  Sa  Sainteté,  un  calice  en  or  orné  de  perles, 
et,  avec  plusieurs  autres  objets  d'or  magnifiques,  envoyés 
par  Garcia  Moreno,  président  de  la  République  de  l'Equa- 
teur, une  riche  médaille,  toute  couverte  de  pierres  pré- 
cieuses (pie  ce  grand  chrétien  avait  reçue  de  l'Etat  pour  les 
services  rendus  a  la  republique  pendant  sa  première  prési- 
dence. Le  motif  qui  détermina  Garcia  Moreno  à  l'envoyer  au 
pape,  donnait  au  présent  plus  de  valeur  encore  :  un  jour, 
c'était  pendant  su  seconde  présidence,  qu'il  assistait  avec 
d'autres  dignitaires  à  la  distribution  solennelle  des  prix  d'un 
collège  de  Quito,  il  vit  les  jeunes  lauréats  réunir  joyeuse- 
ment leurs  médailles  pour  les  donner  au  Saint-Père  :  déta- 
chant aussitôt  de  sa  poitrine  le  précieux  souvenir, il  le  joignit 
à  l'envoi  des  collégiens. 

M-1'  Guevara,  archevêque  de  Caracas,  dans  la  République 
du  Venezuela,  apporta  au  Souverain  Pontife  80,000  francs 
qu'il  avait  reçus  au  départ,  de  ceux  de  ses  diocésains  qui  s'y 
trouvaient.  Ils  avaient  donné  ce  qu'ils  portaient  alors  sur  eux, 
en  or  ou  en  bijoux,  les  dames  lui  avaient  remis  leurs  pendants 
d'oreilles,  leurs  bracelets,  leurs  colliers  et  leurs  bagues.  Le 
3  novembre,  le  capitaine  Gordon  offrait  de  son  côté,  au  nom 
d'un  comité  de  catholiques  anglais,  72,000  francs  avec  un 
livre  splendide,  contenant  les  signatures  des  donateurs;  les 
illustrations  artistiques,  et  la  riche  reliure  de  ce  volume  le 
mettent  au  premier  rang  parmi  les  adresses  magnifiques 
reçues  en  grand  nombre  par  le  Saint  Père  au  jubilé  du 
11  avril  (1  ). 


(i)  <v)u'on  nous  permette  de  signaler  encore  un  autre  présent,  plus  modeste 
assurément,  mais  bien  expressif.  Un  ecclésiastique  deRimini,  Mariano  Matteini, 
offrit  au  Saint  Père,  le  26  octobre,  une  sonnette  qu'il  avait  Lui-même  imaginée 
et  fabriquée,  exprimant  le  désir  qu'elle  servit  au  prochain  concile.  Elle  est  en 
bronze  doré.  Tous  les  motifs  qui  la  décorent  se  rapportent  au  concile.  Le  sommet 
de  la  clochette  est  ajouré  et  formé   de   six   ovales  allongés  juxtaposés  dans  le 

[148-149J 


174  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Naturellement,  Rome  et  l'Italie  se  distinguèrent  par  Tintera 
témoigné  au  concile.  Des  princes  romains,  comme  Camillo 
Massimo  et  Torlonia,  des  communautés  religieuses,  comme 
les  Oblates  de  Tor  de  Specchi  et  les  Bénédictines  offrirent 

les  premiers  dans  leurs  palais,  les  autres  dans  leurs  maisons 
des  logements  pour  les  hôtes  illustres  qu'on  attendait;  le 
pape  voulut  lui-même  visiter  plusieurs  de  ces  logements(i). 

Le  Saint  Père  créa  une  commission  spéciale  de  prélats, 
ayant  à  sa  tète  Mgr  Simeoni,  pour  remplir  les  devoirs  de 
l'hospitalité  envers  les  membres  du  concile  arrivant  à 
Rome  (2).  Les  deux  marquis  Alphonse  et  Frédéric  Lan di  de 
Plaisance  par  une  lettre  à  I'Unita  Cattolica  du  3i  octobre, 
offrirent  leur  palais  aux  prélats  à  leur  passage  dans  la  ville. 
et  se  mirent  à  leur  disposition  pour  aller  eux-mêmes  les  cher- 
cher à  la  gare.  Leur  exemple  fut  suivi  par  de  nombreux 
membres  de  la  noblesse  des  principales  villes  d'Italie  (3). 


sens  de  leur  grand  axe;  au  dessous  un  anneau  lisse  auquel  succèdent  six  ovales 
idus  arrondis  :  au  milieu  de  la  clochette  court  une  étroite  baguette  supportant 
un  ruban  qui  retombe  en  six  festons.  A  l'intérieur  d'un  de  ces  festons  se  détache 
l'Immaculée  Conception,  à  l'intérieur  des  autres  cinq  colombes  portant  dans 
leur  hec  un  rameau  d'olivier.  Enfin,  au  bas,  le  bord  est  aussi  décoré.  La  poignée 
de  la  sonnette  est  formée  par  un  ange  à  genoux  sur  un  nuage  d'argent  ;  il  porte 
une  croix  dorée, avec  rayons  d'argent,  appuyée  sur  son  épaule  et  en  outre  la  croix 
papale  et  le  bâton  pastoral  dorés  aussi. Au  pied  de  la  croix  sont  les  armes  du  pape 
avec  la  tiare  et  les  clefs  eu  argent.  Le  battant  représente  la  barque  de  Pierre, 
dont  le  mât  est  une  croix  renversée.  Le  manche  du  gouvernail  une  petite  croix 
Autour  de  la  coque  s'enroule  un  serpent,  qui  essaie  de  s'introduire  à  l'intérieur; 
mais  il  n'y  réussit  point  et  plein  de  rage  se  précipite  dans  l'abîme,  montrant  les 
trois  pointes  de  sa  langue.  Telle  est  la  description  que  donne  laCiviLTA  (Le.  p. 490). 
Aujourd'hui  la  cloche  conservée  dans  les  Archives  du  Vatican,  porte  un  battant 
ordinaire,  très  simple.  Sans  doute  le  battant  artistique  aura  été  trouvé  peu  pra- 
tique. L'objet  est  entièrement  couvert  d'inscriptions  de  circonstance.  Oh  lit  sur 
les  festons  des  strophes  dont  voici  un  spécimen  : 

Incocula  Mundis  crebris 

Immaculata  Tôt  tenebris 

Pius  nonus  Implicatus 

Pastor  bonus  Occ&catus 

Per  Concilium  Per  hoc  Numen 

Perl  auxilium  El  hoc  Lumen 

Extricalur 
llluslratur 

(1)  CiviltaCatt.  Ser.  VII,  vol.  7,  p.  756;  vol.  8,  p.  100. 

(2)  Ibid.  1.  c.  p.  488. 

(3)  Ibid.  p.  186. 

[149-1501 


ESPERANCES    QUE    FAIT    NAITRE    LE    CONCILE  17» 

In  correspondant  belge  de  la  Civilta  détaille  les  espé- 
rances que  faisait  naître  le  concile  chez  les  catholiques  de 
son  pays,  chez  ceux  du  moins  qui  n'étaient  pas  inféodés  an 
parti  libéral.  ( 'es  espérances  étaient  à  peu  près  celles  des 
catholiques  de  l'Eglise  entière  :  c'est  pourquoi  nous  en  insé- 
rons les  extraits  suivants  (i)  : 

i.  «  L'unité  de  l'Eglise  enseignante  qui  de  nos  jours  malgré 
les  difficultés  des  temps,  se  montre  déjà  d'une  façon  si 
remarquable,  brillera  d'un  éclat  plus  vif  encore,  et  atteindra 
la  plus  haute  perfection  ;  la  puissance  spirituelle  de  l'Eglise 
recevra  un  nouvel  accroissement. 

2.  »  La  doctrine  de  la  nécessité  morale  du  pouvoir  temporel 
du  pape,  confirmée  par  tous  les  évêques  du  concile  général, 
s'imprimera  plus  profondément  dans  l'esprit  des  princes  et 
des  peuples,  fortifiera  l'autorité  de  l'Eglise,  et  amènera  tôt 
ou  tard  la  restitution  des  provinces  enlevées  par  la  révolu- 
tion. 

3.  »  Le  concile  sera  comme  un  nouveau  foyer  de  lumière  sur 
la  terre,  et  cette  lumière  fortifiera  dans  la  foi  les  bons,  qu'on 
persécute  partout  de  toutes  manières  et  si  cruellement. 

4-  »  Il  fera  sortir  de  leur  léthargie  et  secouera  un  grand 
nombre  d'esprits  indifférents,  inconstants  ou  irrésolus. 

5.  »  Il  dissipera  les  erreurs  et  les  illusions  modernes  étran- 
gères à  toute  notion  de  vérité,  de  droit,  de  justice,  qui  exer- 
cent leur  influence  jusque  sur  l'esprit  d'un  grand  nombre  de 
catholiques,  même  de  catholiques  instruits  (2). 

6.  »  Il  fera  disparaître  à  tout  jamais  nos  dissensions,  en 
donnant  le  coup  de  la  mort  à  l'esprit  et  aux  doctrines  du  libé- 
ralisme.   / 

7.  »  S'il  n'opère  pas  la  complète  destruction  de  bien 
des  hérésies,  surtout  de  l'anglicanisme  et  du  jansénisme,  le 


(1)  Civilta  vol.  5,  p.  478  sq . 

("2)  Le  membre  de  phrase  qui  suit  «  e  che  quindi  fra  gli  allvi  risultati  che  se  ne 
riporteranno  »  parait  être  incomplet. 

[150- 151 J 


176  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

concile  ouvrira  pourtant  les  yeux  de  bon  nombre  d'héré- 
tiques et  de  schismatiques,  qui  reviendront  dans  le  sein  de 
l'Eglise. 

8.  »  Il  exposera  nettement  quel  jugement  on  doit  porter 
et  quelle  opinion  on  doit  se  taire  de  certains  systèmes  philo- 
sophiques, sur  lesquels,  dans  ces  derniers  temps,  les  écoles 
catholiques  ont  tant  disputé  (par  exemple  le  traditionalisme, 
l'ontologisme,  le  fcraducianisme,  etc.). 

9.  »  La  doctrine  de  l'infaillibilité  du  pape,  sa  situation  vis- 
à-vis  du  concile,  seront  définies. 

10.  »  Le  concile  fera  disparaître  de  nombreux  abus,  de 
pernicieuses  coutumes  qui  se  sont  glissés  dans  quelques 
églises,  dans  certains  pays,  voire  dans  plusieurs  ordres  reli- 
gieux. 

11.  »  Il  procurera  une  nouvelle  diffusion  de  l'Evangile 
dans  les  pays  infidèles. 

12.  »  Il  opérera  un  réveil  de  la  piété,  de  l'esprit  de  sain- 
teté  et  de  zèle  sacerdotal  et  apostolique  dans  le  clergé  et  les 
ordres  religieux. 

10.  »  Il  sauvera  enfin  la  société  menacée  d'une  complète 
dissolution  et  amènera  pour  la  catholicité  l'âge  de  la  paix  et 
du  triomphe  :  ce  qu'on  est  en  droit  d'attendre,  surtout  si  les 
rois  et  les  peuples  comprennent  enfin  que  l'unique  remède  à 
leurs  maux  est  dans  l'intime  adhésion  d'esprit  et  de  cœur 
à  notre  mère  la  sainte  Eglise.  »  // 


loi 


CHAPITRE   II 
Commencement  des  troubles  <jui  précédèrent  le  concile. 

L'allégresse  causée  par  l'annonce  du  concile  n'était  pas, 
nous  l'avons  déjà  remarqué,  absolument  générale.  La  nou- 
velle de  la  décision  du  pape  provoqua,  notamment  en  France 
et  en  Allemagne,  un  malaise,  des  appréhensions  et  des  luttes 
violentes.  Tontes  les  grandes  entreprises  suscitent  des  résis- 
tances. De  celles  (pie  devait  rencontrer  le  concile,  les  motifs 
ne  sont  que  trop  faciles  à  saisir. 

L'opposition  principale  venait  du  gallicanisme,  tant  en 
France  que  hors  de  France;  le  concile  était  le  tribunal  qui 
devait  le  juger.  Xée  à  la  triste  époque  du  schisme  d'Occident, 
appuyée  par  le  gouvernement  français  de  toutes  les  ressources 
de  la  puissance  temporelle,  cette  fausse  doctrine  avait  été 
formulée  sur  les  instances  de  Louis  XIV  par  une  assemblée 
du  clergé  à  Taris  (1682)  dans  la  fameuse  Declaratio  cleri 
gallicani;  on  y  avait  affirmé,  entre  autres,  cette  proposition 
que  l'autorité  du  pape  est  soumise  à  celle  du  concile  général, 
qu'elle  est  encore  limitée,  pour  ce  qui  concerne  la  France, 
par  d'antiques  privilèges;  que  les  décisions  doctrinales  du 
siège  de  Rome  ne  sont  pas  irréf  ormables  et  ne  sont  infaillibles 
que  lorsqu'elles  obtiennent  l'assentiment  de  l'Eglise  univer- 
selle. Cette  doctrine,  qui  flattait  l' amour-propre  national,  fut 
enseignée  par  ordre  de  l'Etal  dans  les  établissements 
d'instruction  en  France;  elle  s'enracina  profondément  dans 

[152-153] 


i'S  HISTOIRE   DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

l'esprit  <lu  clergé  et  du  peuple,  et  bien  que  le  nombre  de  ses 
partisans  fût  au  XIXP  siècle  notablement  diminué,  elle  se 
maintint  jusqu'à  l'époque  «lu  concile  du  Vatican.  Elle  avait 
pour  défenseurs  et  pour  représentants  non  seulement  des 
laïques,  des  hommes  d'Etat,  mais  encore  des  prêtres  et  des 
évêques.  Ils  n'avaient  rien  de  bon  à  espérer  du  prochain 
concile  pour  la  doctrine  à  laquelle  ils  s'étaient  dévoués: 
c'était  évident  et  il  était  aisé  de  prévoir  qu'ils  devraient 
prendre  à  son  endroit  une  attitude  hostile. 

Les  idées  gallicanes  ne  s'étaient  pas  renfermées  dans  les 
limites  de  la  France.  Transportées  en  Allemagne  par  Hont- 
heim,  élève  du  professeur  gallican  de  Louvain  van  Espen, 
elles  trouvèrent  de  zélés  propagateurs  surtout  dans  les  gou- 
vernements josephistes.  Les  brochures  si  nombreuses  qui 
parurent  en  Allemagne  contre  le  concile  du  Vatican  sont 
toutes  pleines  de  gallicanisme  et  témoignent  de  sa  diffusion 
au  delà  du  Rhin.  L'auteur  de  la  Geschichte  des  Vatikanischen 
Konzils,  Jean  Friedrich,  se  montre  dans  son  ouvrage  zélé 
partisan  de  cette  doctrine.  Pour  lui,  l'Eglise  catholique  est 
une  secte  qui  s'est  séparée  de  l'Eglise  gallicane.  Sans  doute 
c'est  après  le  concile  du  Vatican  qu'il  a  écrit  cet  ouvrage. 
Mais  ce  n'est  pas  à  l'époque  de  su  séparation  d'avec 
l'Eglise  qu'il  a  passé  tout  d'un  coup  d'opinions  diamé- 
tralement contraires,  à  ces  erreurs  monstrueuses.  Les  doc- 
trines auxquelles  il  était  déjà  gagné  l'ont  conduit  à  son 
opposition  au  concile  et  de  là  à  la  séparation  complète  d'avec 
l'Eglise. 

Il  y  avait  encore,  surtout  en  Allemagne,  d'autres  motifs 
qui  faisaient  pressentir  des  attaques  contre  le  concile  : 
d'abord  une  tendance  rationaliste,  hostile  à  la  foi,  qui  enva- 
hissait tout  le  domaine  de  la  science. 

Xous  ne  parlons  pas  de  L'engourdissement  de  la  loi  dont 
son  liraient  en  bien  des  endroits  les  laïques  élevés  dans  des 
établissements    d'instruction    impies  et   obligés  ensuite  de 

153 


LE    RATIONALISME    CHEZ.    QUELQUES    CATHOLIQUES  179 

vivre  dans  une  atmosphère  de  doute  et  (l'incrédulité.  Nous 
songeons  bien  plutôt  au  rationalisme  dans  la  théologie 
catholique  elle-même.  Que  l'esprit  rationaliste  qui  depuis  le 
dernier  quart  du  XVIIIe  siècle  avait  envahi  les  écoles  de 
théologie  protestantes  se  soit  aussi  profondément  implanté 
dans  les  écoles  de  théologie  des  catholiques,  le  t'ait  est  connu 
de  tous;  il  serait  aisé  de  recueillir  dans  les  ouvrages  et  les 
cours  de  théologie  de  la  première  moitié  du  XIX"  siècle  de 
nombreuses  thèses  du  plus  pur  rationalisme  (i).  Au  cours  de 
ce  siècle,  la  théologie  catholique  essaya  bien  de  se  défaire 
de  cet  esprit  antichrétien.  Après  i85o,  elle  souffrait  encore 
des  suites  de  cette  maladie  et  il  lui  était  d'autant  plus  diffi- 
cile d'arriver  à  la  parfaite  guérison  qu'elle  manquait  d'une 
saine  philosophie,  fondement  dé  la  théologie,  et  qu'elle  avait 
donné  entrée  dans  ses  écoles  aux  faux  principes  de  la  spécu- 
lation nouvelle,  athée  et  panthéiste  (2).  Ainsi  on  ne  pouvait 
dans  bien  des  milieux  théologiques  s'élever  jusqu'à  une 
conception  vraiment  surnaturelle  de  la  vie  de  la  grâce  et  du 
salut  auquel  Dieu  nous  a  destinés;  on  faisait  entrer  les  mys- 


(1)  Nous  renvoyons  à  H.  Bruck,  Die  rationalistischen  Bestrebunyen  in  kalho- 
lischen  Deutschland.  Mayence  1865. 

(2)  Le  P.  Albert  Maria  Weiss  0.  P.  parle  (Benjamin  Herder,  f  1889,  p.  104) 
de  l'abîme  dans  lequel  il  trouva  la  philosophie  au  début  de  ses  études  univer- 
sitaires,  à  la  Hochschule.  «  Une  révolution  s'est  opérée  (sur  le  terrain  de  la 
philosophie)  dont  la  jeune  génération  peut  difficilement  comprendre  les  bien- 
faisants effets.  Il  faut  avoir  connu  le  mal  qui  pesait  sur  nous,  avant  que  se  fît 
sentir  le  changement  qui  s'annonça  il  y  a  une  trentaine  d'années.  Nous  qui 
fréquentions  alors  l'Université,  nous  avons  pu  nous  en  rendre  compte.  Nous 
allions  au  cours  avec  une  faim  de  la  vérité  qui  nous  eût  l'ait  dévorer  des  pierres. 
Hélas,  nous  recevions  en  vérité  des  pierres  au  lieu  de  pains.  Nous  les  dévorions, 

vrai,  et  Dieu  sait  avec  quelle  avidité.  Mais  nous  n'étions  pas  rassasies: 
nous  n'étions  pas  à  notre  aise,  car  cette  philosophie  n'eût  pu  être  digérée  par  des 
estomacs  d'ours.  Nous  économisions  ;iir  l'argent  de  nos  repas,  pour  avoir  des 
livres  où  puiser  une  nourriture  meilleure.  Hélas,  c'était  pis  encore!  On  n'y 
pouvait  toucher.  Le  jml  ouvrage  qui  nous  lût  abordable,  qui  du  moins  ne  fût  pas 
incompréhensible,  était  l'ouvrage  de  Frohschammer.  Mais  le  venin  s'y  cachait. 
Mous  errions  donc  à  l'aventure,  questionnant,  consultant  les  catalogues  ;  nous 
découvrîmes  enfin  un  livre,  le  salut,  pensions-nous.  C'était  Plassmann.  Mais 
comment  le  comprendre?  Il  ne  nous  resta  plus  qu'à  dire  adieu  à  la  philosophie, 
pour  nous  jeter  sur  l'histoire  et  les  langues.  » 

1 

[153-15*; 


180  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tères  surnaturels  dans  le  domaine  de  la  connaissance  ration- 
nelle, on  s'efforçait  d'expliquer  naturellement  les  miracles 
et  la  conduite  surnaturelle  de  l'Eglise,  autant  qu'on  le  pouvait 
sans  rompre  formellement  avec  la  foi.  Bref,  on  craignait  le 
surnaturel  et  on  cherchait  à  le  rejeter  aussi  loin  que  possible. 
L'état  des  études  théologiques  en  Allemagne  était  vraiment 
inférieur.  On  avait  rompu  avec  les  grands  théologiens 
d'autrefois;  les  trésors  de  science  que  leur  immense  travail 
avait  amassés  étaient  comme  enfouis.  On  était,  surtout  en 
exégèse,  esclave  de  la  science  protestante.  Faute  de  philoso- 
phie, on  était  incapable  de  pénétrer  un  peu  profondément  les 
doctrines  de  la  foi,  quand  des  erreurs  philosophiques  n'en 
écartaient  pas.  On  consacrait  peu  de  temps  dans  les  maisons 
d'études  à  la  science  proprement  catholique  :  la  théologie 
dogmatique  ;  elle  était  du  reste  encombrée  par  une  foule  de 
sciences  accessoires.  Sans  doute  on  acquit  ainsi  sur  le  terrain 
extra  théologique  une  science  positive  assez  riche,  mais  qui 
rendait  l'obscurité  plus  ('paisse  et  faisait  mépriser  la  forma- 
tion du  clergé  des  autres  pays;  sur  les  doctrines  révélées, 
c'était  l'ignorance,  l'incertitude;  les  principes  directeurs  fai- 
saient défaut,  et  par  suite  l'étude  ne  pouvait  ni  clarifier,  ni 
asseoir  plus  solidement  les  connaissances.  Dans  une  lettre 
du  i5  janvier  1869  (1)  au  cardinal  secrétaire  d'Etat  Antonelli, 
le  nonce  apostolique  de  Munich,  MKr  Meglia,  porte  un  juge- 
ment très  défavorable  sur  le  niveau  de  la  formation  théologi- 
que dans  le  clergé  allemand,  ce  A  mon  sens,  dit-il,  c'est  un 
fait  qu'en  Allemagne  peu  d'ecclésiastiques  savent  parfaite-: 
nient  ce  qui  est  indispensable  pour  les  fonctions  du  saint 
ministère.  Tous  apprennent  beaucoup  de  superflu,  sans  se 
préoccuper  de  l'essentiel;  beaucoup  sont  plus  ou  moins 
habiles  dans  telle  ou  telle  branche  de  la  science  sacrée; 
tous  sont  en  grand  danger  de  tomber  dans  des  erreurs  contre 


(1)  La  lettre  est  aux  Archives.  (  !l  aussi  plus  haut,  p.  85  sq. 

[154-155] 


LA    PASSION    DE    LA    LIBERTE    SCIENTIFIQUE  I8i 

la  foi.  Ni  en  Italie  ni  en  France  la  situation  n'est  pareille.  » 
Des  prêtres  savants,  qui  ont  étudié  au  milieu  du  XIX1' siècle 
dans  les  universités  allemandes,  ont  fait  à  l'auteur  de  ces 
pages  des  aveux  semblables.  «  Nous  avons  appris  peu  de 
théologie  à  l'université,  disaient-ils,  et,  ce  qu'il  y  a  de  pis, 
même  les  principes  directeurs  de  l'étude  nous  sont  restés 
inconnus.  Aussi,  quand  le  temps  de  travailler  nous  fut  donné, 
nous  nous  vîmes  hors  d'état  d'acquérir  ce  qui  nous  manquait.)) 
Et  de  fait,  précisément  dans  les  polémiques  au  sujet  du  concile 
se  révéla  une  connaissance  très  imparfaite  des  vérités  dog- 
matiques, une  surprenante  impuissance  à  comprendre  les 
notions  et  à  suivre  les  argumentations  théologiques. 

A  ces  déficits  s'ajouta  chez  les  hommes  de  science  un  désir 
de  liberté  très  dangereux  en  théologie.  C'est  la  folle  passion 
de  ces  temps  qui  est  en  partie  responsable  des  efforts  de 
maint  théologien  pour  s'émanciper  autant  que  possible  de 
l'autorité  enseignante  établie  par  Dieu.  Les  évèques  d'Alle- 
magne, dans  une  lettre  collective  de  mai  187 1,  s'en  plaignent  : 
cette  passion  de  la  liberté  envahit  la  théologie  :  «  La  science 
théologique  en  Allemagne,  disent-ils,  s'est  permis,  dans  ces 
derniers  temps,  des  audaces  qui  ne  peuvent  se  concilier  avec 
la  nature  de  la  vraie  foi  catholique.  Cette  tendance  scien- 
tifique, émancipée  de  l'autorité  ecclésiastique,  confiante 
uniquement  dans  sa  propre  infaillibilité,  est  exclusive  de 
la  foi  véritable;  c'est  une  déchéance  de  l'esprit  authentique 
de  l'Eglise,  puisque  c'est  l'adoption  d'un  esprit  de  fausse 
liberté  qui  préfère  les  idées  et  les  opinions  individuelles  à 
la  foi  dans  l'autorité  du  magistère  garanti  par  l'Esprit 
Saint  »  (1). 

Une  pareille  attitude  intellectuelle  indiquait  naturellement 
de  l'éloignement  pour  les  dépositaires  de  l'autorité,  pour 
Rome  en  particulier.  Un  des  trente-six  évèques  que  Pie  IX, 


(1)  Kathoi.ik  1871 1,684. 

[155-156] 


4  82  HISTOIRE    Dl'    CONCILE   DU    VATICAN 


au  début  de  i865,  après  la  première  annonce  secrète  du  cou 
cile,  avait  consultés  sur  les  matières  à  y  traiter  (i),  signalait 
entre  autres  la  question  de  l'infaillibilité  pontificale, et  ajoutait 
cette  remarque  :  «  Très  peu  nombreux  sont  ceux  qui  aujour- 
d'hui refusent  ce  privilège  au  pape,  et  encore  ceux-là  ne  le 
l'ont-ils  pas  pour  des  motifs  théologiques,  mais  afin  de  pouvoir 
professer  et  défendre  plus  sûrement  la  liberté  de  la  science. 
Il  parait  que  tout  récemment  s'est  formée  dans  ee  but  à 
Munich,  en  Bavière,  une  école  de  théologiens  qui,  dans  leurs 
ouvrages,  partent  surtout  de  ce  principe  :  il  faut  détrôner  et 
livrer  au  mépris,  par  des  discussions  historiques,  le  siège 
apostolique,  son  autorité,  son  mode  de  gouvernement,  et 
surtout  mettre  en  doute  l'infaillibilité  de  Pierre  dans  les 
décisions  ex  cathedra  »  12).  Evidemment  le  prélat  qui  écrivait 
ces  paroles  savait,  avant  même  l'ouverture  de  la  lutte  contre 
le  concile,  que  cette  lutte  allait  s'élever,  et  où  elle  serait  la 
plus  ehaude. 

De  fait,  à  peine  connut-on  la  convocation  projetée  que  déjà 
l'esprit  d'opposition  se  fit  sentir.  //  En  France,  on  craignit 
la  condamnation  du  gallicanisme.  La  première  occasion  des 
combats  déplume  qui  commencèrent  en  ce  pays  dès  1868  fut 
la  nouvelle  que  M81"  Maret,  doyen  de  la  Faculté  de  théologie 
de  l'université  de  Paris,  et  évèque  de  Sura  in  partibus  infi- 
delium  (3),  avait  l'intention  d'écrire  un  ouvrage  sur  le  futur 
concile.  Les  idées  de  l'auteur  étaient  bien  connues  :  nul  doute 
que  cet  ouvrage  ne  dût  être  imbu  de  l'esprit  gallican  ;  les 
journaux  s'emparèrent  de  l'événement  et  en  firent  par  avance 
suivant  leurs  tendances  particulières, des  commentaires  obli- 
geants ou  désobligeants. 


(1)  Voir  plus  haut  p.  53. 

(2)  C  V.  1018  d.  Voir  plus  haut  p.  55. 

(3)  Sa  surdité  ayant  donné  à  Rome  un  prétexte  de  ne  pas  agréer  sa  nomination 
épiscopale,  il  avait  été  placé  avec  une  très  haute  considération  au  chapitre  de 
Saint-Denis,  et  à  la  tète  de  la  Faculté  de  théologie.  (Emile  Ollivif.r,  l'Eglise  et 
l'Etat  au  concile  ilit  Vatican,  I,  408). 

[156-157] 


L'OUVRAGE    DE    Msr    MARET  -183 

En  juillet  1868,  le  Figaro  annonça  que  M*-'1  Maret  s'était 
rendu  à  Plombières  pendant  la  villégiature  de  l'empereur 
Napoléon  pour  lui  soumettre  son  livre.  L'ouvrage,  disait-on, 
avait  trois  volumes,  il  combattait  les  thèses  ultramontaines 
que  pour  le  prochain  concile  préparait  à  Rome  la  congréga- 
tion des  jésuites.  On  le  traduirait  en  latin  et  dans  toutes  les 
langues  de  l'Europe;  beaucoup  d'évêques  français,  ajoutait 
le  journal,  étaient  partisans  des  doctrines  de  Mgr  Maret. 
La  première  de  ces  nouvelles  fut  contestée  ;  l'évècpie  de  Sura 
n'était  allé  à  Plombières  que  pour  y  faire  une  saison  néces- 
saire à  sa  santé.  Mais  dès  lors  tout  le  monde  était  convaincu 
(pie  l'ouvrage  du  prélat  combattrait  les  doctrines  dites  ultra- 
montaines par  les  adversaires  de  l'Eglise  et  les  catholiques 
libéraux;  plus  tard,  quand  il  parut,  il  suffit  d'y  jeter  un  coup 
d'œil  pour  constater  l'exactitude  de  ces  prévisions.  11  pou- 
vait bien  se  faire  aussi  que  quelques  évèques  ne  fussent  pas 
étrangers  à  sa  composition.  Les  bruits  les  plus  extraordi- 
naires circulèrent  sur  cette  affaire.  Le  Journal  du  Havre 
publia  que  le  nonce  apostolique  et  l'ambassadeur  d'Espagne 
a  Taris  avaient  tenté  de  corrompre  l'éditeur  pour  se  pro- 
curer les  épreuves;  en  même  temps,  I'Indépendance  belge, 
dans  une  «  correspondance  parisienne  »,  donnait  des  détails 
sur  le  contenu  du  livre,  qui,  disait-il,  était  déjà  complète- 
ment imprimé.  L'auteur  démontrait  par  l'histoire,  affir- 
mait-on, la  supériorité  des  conciles  sur  le  pape  et  se  déclarait 
opposé  à  «  la  vieille  et  absurde  prétention  de  l'infaillibilité 
pontificale  ».  // 

En  première  ligne  des  publicistes  catholiques,  Louis 
Veuillot,  rédacteur  de  ITnivers,  combattit,  avec  sa  netteté 
et  sa  vigueur  ordinaires,  contre  les  journaux  libéraux  et 
gallicans.  L'Indépendance  avait  écrit  que  Mfel  Maret  allait, 
par  son  ouvrage,  causer  «  des  déplaisirs  mortels  »  aux  ultra- 
montains  :  évoque,  personnage  considérable  dans  l'Eglise, 
il  faisait  appel   à  l'opinion  publique    avant  l'ouverture    du 

I 157-158J 


104  HISTOIRE    Dl"    CONCILE    DD    VATICAN 

concile;  Veuillot  répondit  (i)  :  Mgr  Maret  parlerait-il  de  l'in- 
faillibilité pontificale  comme  l'avait  fait  tout  récemment  le 
patriarche  schismatique  de  (  îonstantinople,  l'effet  n'en  serait 
pas  plus  grand.  Quant  au  bruit  qu'on  faisait  courir  sur  le 
nonce,  Rome  n'a  pas  besoin  d'examiner  tous  les  livres  avant 
leur  apparition.  Elle  donne  son  approbation  aux  bons;  ceux 
dont  la  doctrine  est  tolérable,  elle  les  tolère  et  les  abandonne 
à  la  discussion;  ceux  qui  méritent  d'être  condamnés,  elle  les 
condamne.  «  Il  y  a  un  Index.  Et  lorsque  l'Index  a  parle, 
comme  l'auteur  n'est  ni  ne  veut  être  un  rebelle,  l'affaire  se 
termine  par  cette  mention  :  Anctor  laudabiliter  se  subjecit  et 
ôpus  reprobavit  Ce  qui  n'a  jamais  prouvé  que  le  pape  lut 
inférieur  au  concile  (21.  o 

Un  pareil  langage  déplut  à  M-1'  Maret  et,  dans  une  lettre 
du  9  novembre,  il  proteste  «  contre  les  accusations  mal  dégui- 
sées, dirigées  contre  un  évêque  (jui  n'a  pas  au-dessus  de  lui 
d'autre  juge  que  le  chef  suprême  de  l'Eglise  ».  Du  livre  qu'il 
est  en  train  d'écrire,  Veuillot  n'a  aucun  compte  à  rendre. 
C'est  un  mémoire  destiné  au  futur  concile;  l'auteur  le  sou- 
mettra au  pape  et  aux  évêques  de  l'auguste  assemblée, 
11  usera  en  cela  du  droit  inviolable  que  possède  tout  évêque 
d'émettre  librement  dans  un  concile  ses  opinions  sur  la 
situation,  les  périls  et  les  besoins  de  l'Eglise.  Dans  la  bulle 
de  convocation  le  Saint  Père  a  lui-même  invité  les  évêques  à 
exercer  ce  droit,  et  c'est  pour  eux  l'accomplissement  d'un 
devoir.  Il  accuse  Veuillot  d'avoir  adopté  un  système  de  diffa- 
mation et  d'intimidation  contre  un  évêque,  et  l'avertit  de  ne 
pas  attenter  à  la  liberté  du  concile,  sans  quoi  il  se  heurterait 
dans  sa  personne  à  l'épiscopat  tout  entier.  Veuillot  répliqua 
dans  I'Univers  du  12  novembre.  Il  rappelle  à  Mgr  Maret  une 
controverse    qu'ils   ont   eue    autrefois.  C'étaient  les  mêmes 


I     l.'l  \i\  i  rs,8  novembre  1868. 
(2)  Ibid.  10 novembre  1868. 


[158-159 


L.    VEUILLOT    ET    M8*   MARET  185 

reproches  :  l'événement  a  montre''  qui  avait  raison.  Mgr  Maret 
se  plaint  que  Veuillot  se  constitue  son  juge.  Non,  il  n'est  pas 
son  juge,  mais  il  prétend  bien  être  1'  «  appréciateur  a  de  ses 
aetes,  et  se  permet  d'émettre  son  sentiment.  M81"  Maret  lui- 
même  lui  en  donne  le  droit  par  ce  seul  fait  qu'il  imprime  un 
livre.  c<  Il  l'imprime  et  le  jette  dans  le  publie  sans  doute  pour 
qu'on  le  lise  :  et  s'il  veut  qu'on  le  lise,  il  doit  vouloir  qu'on 
l'apprécie,  il  doit  souffrir  qu'on  l'accuse  et  qu'on  le  défère  au 
juge  compétent.  »  Veuillot  en  vient  ensuite  aux  bruits  que, 
depuis  plusieurs  mois,  on  l'ait  courir  partout  sur  l'ouvrage; 
il  est  annoncé  comme  une  batterie  destinée  à  mettre  en  pou- 
dre les  prétentions  ultramontaines.  Dans  ces  conditions,  un 
journal  catholique  ne  peut  se  taire.  11  n'est  question  ici  ni 
d'une  atteinte  à  la  liberté  du  concile,  ni  d'une  attaque  contre 
un  acte  épiscopal.  Mgr  Maret  n'a  point  de  juridiction.  Il 
s'agit  uniquement  d'un  travail  particulier,  soumis  au  publie 
par  un  docteur  privé  (i). 

Dans  salettre,  M-1  Maret,  quoique  simple  évèque  titulaire, 
s'attribuait  les  mêmes  droits  au  concile  que  les  évêques  rési- 
dentiels; son  affirmation  souleva  encore  en  France  une  autre 
controverse  :  les  évêques  titulaires  avaient-ils  d'une  façon 
générale  siège  et  voix  dans  l'assemblée?  Nous  avons  traité 
plus  haut  cette  question  (2). 

L'ouvrage  de  l'évêque  de  Sura  ne  parut  qu'en  sep- 
tembre 1869;  les  polémiques  qui  suivirent  seront  racontées 
plus  tard. 

("est  surtout  autour  du  livre  de  M81"  Maret  que  jusqu'à 
l'année  1869  se  déchaîne  la  bataille.  Déjà  pourtant  appa- 
raissent de  profondes    scissions    entre   les   catholiques,   les 


(1)  Les  deux  lettres  se  trouvent  dans  Ckcconi,  Stcriadel  Concilio  Vat.,  vol.  II, 
Sez.  2,  doc.  GCVX  et  CGXVI  (trad.  fr.  t.  IV  pp.  36  et  38).  Sur  toute  cette  contro- 
verse, cf.  ibid.  Sez.  I,  p.  397  et  suiv.  (trad.  fr.  t.  II,  p.  342  et  suiv.). 

(2)  P.  108  sqq. 

[159] 


18H  HISTOIRE    1)1     CONCILE    Dl     VATICAN 

partis  so  séparaient  nettement  d'après  leurs  espérances  ou 
leurs  craintes.  La  presse  religieuse  libérale,  lit-on  dans  un 
mémoire  en  français  adressé  au  cardinal  Àntonelli  au  com- 
mencement de  janvier  1869,  //  telle  que  la  France,  la  Gazette 
de  France,  le  Français,  les  Villes  et  Campagnes,  est  très 
favorable  au  concile,  seulement  elle  affecte  une  certaine  pré- 
dilection pour  les  doctrines  de  l'ancien  clergé  de  France... 
La  presse  religieuse  romaine,  désignée,  dans  le  langage  des 
feuilles  qui  lui  sont  opposées,  sous  le  nom  de  presse  ultra- 
montaine,  telle  que  le  Monde  et  1' Univers,  s'occupe  journa- 
lièrement  du  concile,  et  dans  les  meilleures  intentions.  Beau- 
coup de  personnes  se  plaignent  même  que  ces  feuilles, 
particulièrement  la  dernière,  s'en  occupent  trop  et  dépassent 
la  mesure  qui  convient  à  des  écrivains  purement  laïques  ;  on 
reproche  à  ces  journaux  d'être  acerbes,  intolérants  pour  les 
opinions  libres,  violents  envers  les  personnes  qui  ne  par- 
tagent pas  leurs  opinions  et  outrés  souvent  dans  leurs  thèses 
et  leurs  attaques  (1).  D'après  un  autre  mémoire  de  la  même 
époque,  écrit  aussi  pour  le  cardinal  Antonelli,  les  catholiques 
libéraux  redoutent  que  le  concile  ne  sanctionne  les  condam- 
nations portées  par  le  Syllabus  et  ne  définisse  l'infaillibilité 
du  pape.  Le  gouvernement  partage  cette  crainte.  Pourtant 
on  n'a  pas  perdu  tout  espoir  de  voir  le  concile  modifier  ou 
interpréter  certaines  propositions  du  Syllabus  en  un  sens 
favorable  aux  idées  libérales,  et  n'aller  pas  jusqu'à  la  défini- 
tion de  l'infaillibilité  pontificale.  Voici  ce  qui  se  répète  parmi 
eux  :  «  Si  le  pape  est  déclaré  infaillible,  il  faudra  changer  les 
expressions  du  symbole  et  dire,  non  plus  :  CredoinEcclesiam, 
mais  :  Credo  in  Papani.  »  Us  affectent  des  inquiétudes  sur  les 
préparatifs  du  concile.  Mais  les  catholiques  proprement  dits, 
c'est-à-dire  la  grande  majorité  des  fidèles,  ont  exactement 
les  espérances  opposées  (2).  Deux  écrits  anticatholiques,  éma- 


(1)  C.  V.   1150  d.  sqq.   —  Oecconi  op.  cit.  Doc.  CXXXVIII. 

(2)  C.  V.  1156a.  sqi).  —  Cecconi    op.  cit.  Doc.  CXXXIX. 

[150- Mu 


LA    POLEMIQUE    EN    ALLEMAGNE  187 

liant  de  laïques,  parurent  encore  en  France  avant  1869,  mais 
ils  étaient  sans  importance  (  1  ),  et  nous  pouvons  les  laisser  de 
coté. 

En  Allemagne,  deux  brochures  ouvrirent  la  polémique 
contre  le  concile.  Dans  la  première  (2),  «  un  ecclésiastique 
catholique  »  se  dresse  en  l'ace  du  pape,  des  évêques  et  de  toute 
l'Eglise,  pour  dérouler  à  leurs  veux  la  liste  de  leurs  péchés  et 
leur  donner  d'un  ton  d'autorité  des  instructions  sur  la  manière 
de  tenir  le  concile  /  et  sur  les  décisions  qu'il  y  faudra 
prendre.  Il  promet  d'exposer  sa  pensée  sur  ces  deux  objets 
«  du  point  de  vue  de  l'histoire  et  des  nécessites  actuelles  ». — 
Effectivement,  ses  propositions  n'ont  aucun  fondement  théo- 
logique  ou  canonique.  Quant  à  l'histoire,  voici  comment  il  y 
puise  ses  arguments  : 

Quand  un  concile  a  pris  une  mesure  qui  va  à  sa  thèse,  il 
L'érigé  en  règle  obligatoire  pour  tous  les  autres.  Le  concile 
de  Trente  est  pour  notre  auteur  le  moins  important,  et  du 
haut  de  sa  compétence  il  prononce  sur  des  points  essentiels 
une  sentence  de  réprobation  Le  concile  qui  a  ses  préfé- 
rences, le  modèle  à  suivre  selon  lui,  dans  l'avenir,  c'est  celui 
de  Bâle,  qui  aboutit  à  un  schisme  patent.  En  effet,  ce  concile 
est  gallican,  il  part  de  ce  préjugé  que  la  constitution  de 
l'Eglise  est  démocratique  (3). 

Au  concile  doivent  être  convoqués  —  ainsi  parle  1'  «  ecclé- 
siastique catholique  »  —  non  seulement  les  évêques,  mais  tous 
les  chrétiens.   La  chrétienté  l'attend,  «  c'est  son  droit  »  (4). 


(1    C.    V.  1151  b.  —  Cecconi   op.  cit.  Doc.  CXXXVHI. 

(2)  Das  nachste  allgemeine  Konz-il  itnd  die  wahren  Bediirfnisse  der  Kirclie.  Ein 
Wort  an  aile  wahren  Cliristen  geistlichen  und  weltlichen  Standes,  von  eine.m  katho- 
lischen  Geistlichen.  Wenigen-Iena,  1<S6'.>. 

(3)  Cet  écrit,  et  d'autres,  est  péremptoirement  réfuté  dans  la  Civtlta  cattolica 
Ser.  VII,  vol.  5,  p.  722,  sqq.;  vol.  6,  p.  341,  sqq. ,  467  sqq. 

(4)  L'auteur  parle  ainsi,  après  que  le  pape  a  convoqué  les  évêques  seule- 
ment.Ce  factum  a  été  écrit  avant  la  bulle  d'indiction,  mais  publié  après  elle,  p.l. 
Note. 

[160-161] 


188  HISTOIRE   DU    CONCILE    1)1/    VATICAN 

Dans  un  concile  œcuménique,  on  traite  d'une  affaire  générale 
intéressant  tonte  la  chrétienté,  et  pas  seulement  les  évêques 
et  les  ecclésiastiques,  qui  n'en  sont  pas  encore  arrivés  à  pré- 
tendre constituer  seuls  toute  l'Eglise.  «  Un  concile  général 
doit  représenter  l'Eglise  entière  Or,  l'Eglise  entière  ne  peut 
être  représentée  que  si  la  convocation  s'adresse  à  tous  ceux 
qui  ont  foi  et  bonne  volonté  (i).  » 

Le  peuple  pourtant  ne  doit  pas  prendre  part  à  la  rédaction 
des  décrets  doctrinaux;  son  rôle  au  concile  se  borne  à  «  expo 
ser  aux  pères  assemblés  sa  foi,  ses  misères,  ses  désirs,  ses 
besoins,  ses  vœux  et  ses  griefs  (2). 

Mais  en  fait,  le  but  de  l'auteur  est  d'affaiblir  l'autorité  des 
pasteurs  légitimes,  en  fortifiant  l'influence  du  troupeau,  de 
même  qu'il  veut  amoindrir  la  puissance  du  pape  au  bénéfice 
des  évêques.  Il  insiste  sur  la  <(  liberté  du  concile  »  :  «  Ce  ne 
sont  pas  seulement  la  force  extérieure,  lintimidation  et 
d'autres  vexations  violentes,  dit-il,  qui  peuvent  porter  atteinte 
a  la  liberté  du  concile:  <dle  se  trouve  déjà  cruellement  lésée 
si  par  un  déploiement  abusif  d'autorité  ou  d'influence  ou  paï 
d'autres  manœuvres,  le  pape  ou  ses  légats  veulent  exercer 
une  pression  morale,  une  violence  intime  sur  les  Pères  assem- 
bles, de  façon  à  lesmettre  dans  cette  alternative  ou  de  don- 
ner sur  tous  les  points  un  assentiment  respectueux  et  silen- 
cieux, ou  a  voir  toute  contradiction  librement  exprimée  stig- 
matisée comme  un  attentat  à  la  foi  et  à  la  piété,  comme  une 
proposîtio  haeretica  haeresiin  sapiens,  schismatica,impia,sedi- 


(1)  P.  1  sq. —  L'auteur  oublie  que  «  constituer  toute  l'Eglise  »  et  «  représenter 
toute  l'Eglise  »  sont  des  choses  bien  différentes.  Au  temps  des  apôtres,  lorsque 
déjà  l'Eglise  s'étendait  sur  de  vastes  contrées,  les  apôtres  et  les  évêques  ne  con- 
stituaient pas  non  plus  toute  l'Eglise,  mais  ils  la  représentaient  à  eux  seuls, 
quand  il  s'agissait  d'enseigner  et  d'édicter  des  lois.  Ce  qui  était  vrai  d'eux  l'est 
iiio  ire  de  leurs  successeurs.  Si  l'auteur  veut  résoudre  la  question  «  au  point  de 
vue  de  l'histoire  »,  il  doit  admettre  le  principe  fermement  posé  par  les  plus 
anciens  conciles  :  concilia  episcoporum  sitnt. 

(2)  P.  3.  —  Alors  quel  besoin  de  mettre  en  mouvement  tout  le  monde  chré- 
tien? Les  évêques  rassemblés  île  toutes  les  parties  du  monde  n'y  sullisent-ils 
pas  '. 

[161-1621 


[,A    BROCHURE    DE    L     «    ECCLESIASTIQUE    CATHOLIQUE    »)     189 

tiosn,piariim  aiirium  offensiva,  temeraria, etc.  (i).  Ilfautcon- 
venir  que  «  1  ecclésiastique  catholique  »  a  raison.  Si  toute  con- 
tradiction librement  exprimée  par  les  évêques  est  considérée 
pomme  une  révolte  coupable,  la  délibération  n'est  plus  pos- 
sible. Mais  les  réclamations  de  l'auteur  deviennent  aussitôt 
suspectes  quand  il  constate  au  concile  de  Trente  l'absence 
de  la  liberté  qu'il  revendique,  et  quand  il  précise  la  manière 
dont  il  l'entend  voir  appliquer  au  prochain  synode  11  réclame 
pour  tout  évoque  un  droit  sans  limite  de  proposer  ce  qui  lui 
[liait  ;  par  liberté  dans  l'expression  de  son  sentiment  il  com- 
prend une  pleine  indépendance  de  langage,  en  vertu  de 
laquelle  aucune  opinion  manifestée  ne  puisse  être  censu- 
rée (2).  Au  fond,  ce  sont  justement  les  censures  qu'il  veut 
voir  abolir  avec  les  tribunaux  qui  les  appliquent,  les  congré- 
gations du  Saint-Office  et  de  l'Inquisition  (3).  Dans  la  reven- 
dication d'une  telle  liberté  il  y  a  déjà  par  avance  une  révolte 
contre  le  concile,  il  est  trop  clair  qu'on  n'y  pouvait  faire 
droit. 

L'  «  ecclésiastique  catholique  »  adresse  ensuite  solennelle- 
ment aux  évoques  allemands  et  américains  une  exhortation 
particulière  :  «  Défendre  cette  liberté  sans  respect  humain, 
dit-il,  c'est  votre  devoir,  à  vous  spécialement  évêques  d'Alle- 


(i)  P.  7. 

(2)  La  liberté  des  évêques  doit,  d'après  I'Ecglésiastique  catholique,  s'étendre 
à  l'expression  de  toute  opinion  en  matière  de  foi  ;  peu  importe  qu'elle  soit  héré- 
tique, schismatiqee,  impie  ou  digne  de  quelque  autre  semblable  censure.  Un 
éyêque  peut  donc,  en  vertu  do  ce  principe  de  liberté,  exposer  impunément  des 

,  idées  q ni  contredisent  les  autres  conciles;  il  peut  librement  mettre  en  doute  et 
soumettre  de  nouveau  à  la  décision  du  concile  ce  qui  a  été  précédemment  rléfîni. 
Mais  c'est  ruiner  l'infaillibilité  de  ces  assemblées  et  de  leurs  définitions.  Si  les 

I  conciles  sont  infaillibles,  comme  ils  le  sont  en  effet,  ils  doivent  être  regardés 
comme  tels,  respectés  comme  tels,  aussi  bien  par  les  évêques  que  par  les  fidèles. 

1  Lorsque,  dans  la  huitième  séance  du  concile  de  Ghalcédoine,  il  parut  aux  Pères 
que  l'évêque  Théodoret  hésitait  à  prononcer  l'anathème  contre  la  doctrine  héré- 
tique des  Nestoriens,  cela  leur  suffit,  tous  ils  crièrent  :  iste  haereticus  e$t,nesto- 
rianus  est,  haerelicum  foras  mille.  (Harduix,  Coll.  Conc.   II,  p.  498.)  Voilà  un  des 

1  nombreux  exemples  de  la  pratique  des  conciles.  Ainsi  parle  la  GiviLTA.(Ser.VII, 
vol.  5,  p.  730  sq.) 

(3)  P.  59. 

[162] 


190  HISTOIRE    Dl     CONCILE    1)1"    VATICAN 

magne  et  d'Amérique.  »  Vous  surtout,  Frères,  êtes  appelé»  à 
la  liberté  (Gai.  5,  i3).  Xe  soutirez  pas  que  vos  langues  soient 
tenues  captives  :  ne  tolérez  pas  que  des  décrets  rédigés  arbi- 
trairement par  des  moines  et  des  théologiens  romains  soient 
présentés  tout  faits  à  la  signature  du  concile,  brevi  manu, 
sans  plus  ample  examen  ni  discussion;  comme  si  tout  le  rôle 
des  l'ères  était  non  de  prendre  des  décisions,  mais  d'approu- 
ver et  de  sanctionner  des  décisions  prises.  Successeurs  des 
Apôtres,  montrez  ce  courage  apostolique  qui  vous  fera  dire, 
appuyés  sur  votre  conviction  et  votre  expérience  de  l'état  de 
vos  Eglises  et  des  besoins  des  temps:  «  Ce  que  nous  avons  vu 
et  entendu,  nous  ne  pouvons  le  taire.  »  (Act.  4,  -<»•)  Voudriez- 
vous.  à  la  vue  de  la  triste  situation  de  l'Eglise,  des  dangers 
qui  la  menacent,  quand  le  glaive  lui  perce  le  cœur,  quand  des 
montagnes  d'Ephraïm  s'élèvent  les  invocations  aux  faux  dieux, 
quand  les  ennemis  lancent  leur  cri  de  guerre  contre  les  villes 
de  Juda,  quand  ils  veillent  en  armes  autour  de  Jérusalem 
(Jer.4,  i5,  sqq.),  voudriez-  vous  reculer  devant  vos  obligations, 
et  quand  vous  devez  parler,  garder  un  silence  timide?  Nous, 
nous  espérons  en  vous,  nous  comptons  sur  vous,  champions 
allemands  de  l'Eglise!  Vous  porterez  bien  haut,  dans  le  pro- 
chain concile,  la  bannière  de  la  liberté  et  de  la  charité  chré- 
tiennes !  Chacun  de  vous  ira  plein  d'ardeur  au  concile,  résolu 
à  agir  et  à  parler  avec  vigueur  afin  de  n'être  pas  oblige  de 
dire  avec  le  prophète  :  «  Malheur  à  moi  parce  que  je  me  suis 
tu,  je  suis  un  homme  dont  les  lèvres  sont  souillées. »(Is.  6,  5.) 
Ainsi  parle  1'  «  ecclésiastique  catholique  »  aux  évêques 
d'Allemagne  et  d'Amérique.  Si  on  devait  exiger  d'eux  de  se 
contenter  de  signer  des  décrets  tout  rédigés,  l'exhortation  de 
l'ecclésiastique  anonyme  n'était  assurément  pas  nécessaire 
pour  les  porter  à  repousser  résolument  cette  prétention; 
croire  que  le  courage  leur  manquerait  pour  cela,  c'était  faire 
injure  à  ces  princes  de  l'Eglise.  Mais  la  liberté  (pie  l'auteur 
de  la  brochure  entend  réclamer    pour  les  évêques  est   une 

[162-163] 


REPRESENTATION    PROPORTIONNELLE    DES    NATIONS  l'.M 

liberté  qui  ne  leur  appartient  pas,  qui  n'est  pas  selon  Tordre; 
la  réclamer,  l'appeler  de  ses  vœux,  c'est  exciter  à  la  révolte 
contre  l'autorité  établie  par  Dieu. 

L'anonyme  donne  aussi,  sans  qu'on  l'en  ait  prié,  son  avis 
sur  le  cérémonial  du  concile.  En  homme  magnanime  et  pro- 
fondément humble,  il  ne  peut  assez  déplorer  les  disputes  de 
préséance  qui  se  sont  plus  d'une  l'ois  produites  dans  ces 
réunions  (i);  il  propose  comme  remède  de  ne  point  tenir 
compte  des  rangs  de  préséance-.  Si,  à  l'exception  du  pape  qui 
préside  ou  de  ses  légats,  chacun  était  placé  à  son  rang  d'âge, 
de  manière  que  le  plus  âgé  passât  avant  le  plus  jeune,  on 
satisferait  une  exigence  justifiable  également  au  tribunal  du 
bon  sens  et  de  la  religion  (2). 

Plus  importante  est  la  théorie  relative  à  la  composition  de 
l'assemblée.  Deux  principes  sont  posés  :  la  représentation  de 
ceux  qui  sont  légitimement  empêchés  et  la  représentation 
proportionnelle  des  différentes  nations  (3).  Sur  ce  second 
point,  voici  les  conclusions  de  l'auteur  :  «  L'Italie  entière,  y 
compris  les  Etats  de  l'Eglise,  compte  24  millions  de  catho- 
liques; l'Allemagne  avec  les  provinces  allemandes  de  l'Au- 
triche, 24  millions;  l'Espagne  et  le  Portugal,  20  millions:  la 
France,  35  millions,  etc.;  en  convenant  qu'un  million  de 
catholiques  soit  représenté  par  un  évèque  ou  un  député, 
avec  pleins  pouvoirs,  l'Italie  aura  à  envoyer  au  concile 
24  évèques  ou  députés,  l'Allemagne,  24;  l'Espagne  et  le  Por- 
tugal, 20;  la  France,  35,  etc.  (4)//.  »  Cette  proportionnalité 
entre  le  nombre  des  fidèles  et  celui  des  membres  du  concile 
appartenant  à  chaque  nation  pourrait  paraître  facilement 
admissible  à  notre  époque  habituée  aux  idées  constitution- 
nelles. Mais  on  se  trompe  en  transportant  dans  l'Eglise  la 


(1)  P.  11. 

(2)  P.  i2sqq. 
(3    1'.  15. 

<4)  P.  18. 
<5)  P.  19. 


[1(33-164] 


192  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN 

conception  constitutionnelle  de  l'Etat.  Le  peuple,  en  effet, 
prend  part  au  gouvernement  de  l'Etat,  il  doit  donc  exercer 
ses  droits  par  un  nombre  de  représentants  proportionnel 
aux  fractions  du  pays.  Mais  l'Eglise  n'est  pas  gouvernée  par 
le  peuple;  ses  docteurs  et  ses  chefs  lui  sont  donnés  par  Dieu. 
Aux  apôtres  seuls,  le  divin  fondateur  a  donné  pouvoir 
d'enseigner  et  de  gouverner  ;  d'eux  seuls  vient  l'autorité  de 
leurs  successeurs,  les  evéques,  en  sorte  que  le  collège  épis- 
copal  a  identiquement  le  même  pouvoir  qu'avait  le  collège 
apostolique  et  que  chaque  membre,  qu'il  gouverne  un  grand 
ou  un  petit  diocèse,  a  la  même  part  que  tous  les  autres  au 
gouvernement  de  l'Eglise  universelle.  L'idée  que  les  diffé- 
rentes nations  doivent  avoir  au  concile  un  nombre  de  repré- 
sentants correspondant  à  leur  importance  est  dogmatique- 
ment insoutenable;  elle  procède  de  l'erreur  qui  fait  du 
peuple  dans  l'Eglise  le  sujet  du  pouvoir.  L'auteur  veut 
répondre  à  ces  questions  «du  point  de  vue  de  l'histoire  ». 
Où  a-t-il  donc  trouvé  dans  l'histoire  un  concile  qui  ait  été 
tenu  selon  son  désir? 

Avec  la  même  fantaisie  et  par  suite  de  la  même  erreur 
dogmatique,  1' «  ecclésiastique  catholique  »  prescrit  alors  au 
concile  l'ordre  de  ses  travaux  et  la  manière  de  voter.  Xous 
exposerons  sans  commentaire  le  plan  qu'il  imagine  :  ce  Pour 
délibérer  sur  les  matières  proposées,  les  membres  du  concile 
doivent  être  divisés  par  nations;  chaque  nation  doit  tenir 
une  grande  congrégation  où  quiconque  professe  et  démontre 
qu'il  est  membre  de  l'Eglise  universelle  a  le  droit  de  s'expli- 
quer. Dans  ces  congrégations  nationales,  la  parole  appartient 
successivement  d'abord  aux  évèques  ou  à  leurs  délégués, 
puis  aux  princes  ou  à  leurs  ambassadeurs,  aux  membres  des 
chapitres,  aux  curés,  aux  professeurs  et  docteurs  ecclésias- 
tiques, aux  abbés  et  supérieurs  d'ordres,  aux  docteurs  et 
savants  séculiers  ,  enfin  aux  gens  cultivés  et  aux  homme 
irréprochables  de  tous  les  rangs,  à  condition  de  s'inscrire  e 

[164-1(35! 


ORDRE  DES  DEBATS  AU  CONCILE  103 

temps  opportun.  La  présidence  et  la  direction  des  débats 
dans  ces  assemblées  doivent  être  confiées  à  un  évéque  ou 
autre  prélat  élu  parmi  les  membres.  A  côté  de  ces  congréga- 
tions nationales,  qui  seraient  par  exemple  allemande,  fran- 
çaise, anglaise,  américaine,  espagnole,  italienne,  hongroise, 
polonaise,  orientale-unie  et  gréco-russe,  doivent  être  tenues 
des  congrégations  épiscopales  dans  lesquelles  auraient  seuls 
entrée,  sans  distinction  de  nationalité,  les  évéques,  les  car- 
dinaux, les  princes  chrétiens,  puis  des  députés  à  élire  dans 
les  congrégations  nationales  parmi  les  chanoines  curés, 
abbés,  généraux  d'ordres,  ainsi  que  les  théologiens,  cano- 
nistes  et  juristes  que  l'on  jugerait  nécessaire  d'y  adjoindre. 
Ces  congrégations  épiscopales  se  réuniraient  sous  la  prési- 
dence d'un  évéque  à  élire  parmi  les  plus  âgés,  pour  examiner 
les  motions  et  propositions  faites  par  les  congrégations 
nationales,  statuer  sur  leur  acceptation  et  délibérer  sur  les 
sujets  qu'on  jugerait  utiles,  chaque  membre  ayant,  selon  son 
rang  d'âge,  le  droit  de  parler  et  de  faire  les  propositions  qu'il 
voudrait,  ("est  là  que  seraient  arrêtés  et  préparés  pour  la 
session  solennelle  les  projets  qui,  s'ils  y  recueillaient  la 
majorité  des  voix,  deviendraient  les  décrets  du  concile.  A  la 
session  publique  et  solennelle,  la  présidence  est  occupée  par 
le  pape  ou  son  légat;  à  l'exemple  de  saint  Pierre,  au  premier 
concile  de  Jérusalem,  le  président  a  le  droit  de  parler  le 
premier;  après  lui,  les  Pères  ayant  voix  délibérative 
doivent,  par  rang  d'âge,  émettre  publiquement  leur  suffrage  : 
le  nombre  des  voix  pour  et  contre  est  aussitôt  publié  et  la 
décision  adoptée  par  la  majorité  est  solennellement  pro- 
clamée et  signée.  Les  évéques  ont  seuls  voix  délibérative 
s'il  s'agit  du  dogme  immuable  ou  des  propositions  de  morale. 
Mais  pour  les  questions  de  discipline,  de  liturgie,  de  rela- 
tions extérieures  de  l'Eglise,  on  pourrait  examiner  si,  à 
l'exemple  des  premiers  conciles,  où  les  prêtres  prenaient 
part  au   vote,    il  n'y  a  pas  lieu    d'attribuer  aux  chanoines, 

16S 


1U4  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

'•lires,  abbés  et  supérieurs  réguliers  un  rôle  dans  la  défini- 
tion, en  leur  concédant  un  nombre  de  voix  convenable  (i). 

La  seconde  partie  de  la  brochure,  la  plus  considérable, 
donne  au  concile  des  conseils  sur  les  matières  à  traiter. 

Au  sentiment  de  l'auteur,  il  est  très  facile  de  réunir  à 
l'Eglise  les  communautés  chrétiennes  dissidentes.  «  Qu'on 
prenne  comme  base,  dit-il,  le  symbole  des  Apôtres  et  les 
articles  de  foi  sur  lesquels  s'entendent  tous  ceux  qui  profes- 
sent un  christianisme  positif.  D'accord  sur  ces  préliminaires, 
rien  ne  nous  empêche  plus  d'arriver  à  la  paix  définitive,  si 
des  deux  côtés  on  la  désire  (2).  »  Quel  dommage  que  l'auteur 
ne  nous  ait  pas  dit  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  arriver  à  la 
paix  définitive!  C'est  là  que  commence  la  difficulté.  Que 
fera-t-on  des  dogmes  sur  lesquels  on  ne  s'entend  pas,  par 
exemple  de  la  Pénitence  et  de  l'Eucharistie,  du  pape  et  tle  la 
hiérarchie?  L'auteur  semble  conseiller  de  les  passer  sous 
silence  ou  d'en  parler  en  termes  vagues,  sous  lesquels  chacun 
mettra  ce  qu'il  voudra.  Il  ne  semble  pas  tenir  beaucoup  à  ces 
doctrines  catholiques  «  Mais  nous  le  disons  encore  une  fois, 
s'écrie-t-il,  la  sainte  tâche  de  la  réconciliation  ne  peut  être 
remise  entre  les  mains  des  orthodoxes  intransigeants  et  des 
savants  pointilleux  de  nos  écoles  théologiques  ;  il  ne  faut  pasr 
au  moment  même  où  l'on  se  met  à  travailler  à  la  paix,  semer 
la  discorde  et  répandre  l'aigreur  en  anathématisant,  acca- 
blant, condamnant  les  adversaires,  sans  vouloir  soi-même 
reconnaître  ses  torts  ;  il  ne  faut  pas  imposer  aussitôt  la  per- 
fection, dès  qu'on  commence  à  éloigner  le  mal  (3).  » 

Plus  bas  l'auteur  recommande  au  concile,  comme  une 
nécessité  urgente,  le  relèvement  intellectuel  du  clergé.  «  11 
faut  que  l'horizon  de  ces  maisons  (ecclésiastiques)  s'élargisseT 
qu'il   embrasse  l'étude   sérieuse   de  l'histoire  impartiale,  la 


(1)  P.  21  sqq. 

(2)  P.  37. 

(3)  Ibid. 


[106] 


L     (c    ECCLESIASTIQUE    CATHOLIQUE    »  195 

philosophie,  les  sciences  naturelles,  les  langues  et  les  littéra- 
tures anciennes  et  modernes,  la  langue  originale  des  livres 
saints  (1).  »  Bref,  dans  toutes  les  autres  sciences  le  prêtre 
doit  être  un  spécialiste,  dans  la  seule  science  de  la  religion 
on  lui  permet  l'ignorance.  Il  doit  tout  étudier,  hormis  la 
théologie!  Donne-t-on  des  conseils  pareils  aux  étudiants  en 
droit  ou  en  médecine? 

a  Les  lois  de  Y  Index  librorum  prohibitorum,  ainsi  que  les 
bulles  et  ordonnances  pontificales  qui  s'y  rapportent,  doivent 
disparaître  (2).  »  La  séparation  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  est 
recommandée.  La  discussion  de  la  «  mission  du  concile 
touchant  la  réforme  de  l'Eglise  dans  son  chef  et  dans  ses 
membres  »  fournit  l'occasion  de  déprécier  le  pape,  les 
évêques,  les  prêtres,  les  établissements  et  les  institutions 
ecclésiastiques. 

Xous  pensons  avoir  suffisamment  fait  connaître,  par  ce 
qui  précède,  l'esprit  de  cette  brochure.  Les  nombreux 
opuscules  où  fut  alors  attaqué  le  concile  sont  du  même  genre. 
On  comprend  aisément  que,  de  gens  animés  de  pareils  senti- 
ments, il  ne  fallait  attendre  aucune  soumission  aux  décisions 
qui  seraient  prises.  Quiconque  unit  tant  d'outrecuidance  à 
tant  d'ignorance  en  matière  théologique,  et  se  pose  avec  tant 
d'arrogance  comme  docteur  et  législateur  de  l'épiscopat  et  de 
l'Eglise  entière,  n'est  pas  dans  la  disposition  d'accorder  à  un 
concile  l'obéissance  de  la  foi.  Le  dédain  que  l'auteur  professe 
pour  le  concile  de  Trente,  accepté  et  vénéré  de  toute  l'Eglise,, 
s'étendra  sûrement  au  concile  du  Vatican. 

Quel  était  donc  l'homme  qui,  en  Allemagne,  engageait 
ainsi  la  lutte  contre  le  concile?  D'après  une  dépèche  envoyée 
au  cardinal  secrétaire  d'Etat  Antonelli  (3)  par  le  nonce  de 
Munich,  Mgr  Meglia,  il  paraît  que  d'abord  on  attribua  géné- 


(1)  P.  50. 

(2)  P.  50. 

(3)  Dul  .janvier  1869.  Cf.  Cecconi,  1.  c.  vol.  II,Sez.  I,  p.  478(trad.  fr.t.  H,p.3l0).. 

[16U-167| 


190  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

ralement  cet  écrit  au  prévôt  Dôllinger;  les  libraires  le 
disaienl  a  leur-  acheteurs.  Mais  les  dénégations  formelles  du 
professeur  bavarois  et  quelques-unes  des  idées  émises  dans  le 
pamphlet  mettent  hors  de  doute  la  fausseté  de  cette  attribu- 
tion: c'est  une  autre  main  qui  a  proprement  et  immédiatement 
('■(•rit  ces  pages. 

D'une  façon  générale,  et  a  l'exception  d'une  ou  deux  opi- 
nions émises  dans  cette  brochure,  le  clergé  formé  à  l'uni- 
versité de  Municb  fit  à  ce  factum  l'accueil  le  plus  sympa- 
tbique. 

D'après  Friedricb  (i),  l'auteur  n'est  autre  que  Ratzinger. 
Est-ce  croyable?  Georges  Ratzinger  —  suivant  VOrdo  de  l'ar- 
chidiocèse  de  Munich-Frisingue  (2)  —  est  ne  le  3  avril  1844: 
en  1868,  alors  que  l'écrit  parut,  il  était  donc  dans  sa  vingt- 
quatrième  année,  à  l'âge  ou  les  jeunes  prêtres  sortent  du 
séminaire.  Ce  serait  donc  un  vicaire  venant  à  peine  de 
quitter  les  bancs  de  la  classe  qui  se  serait  posé  en  face  du 
pape,  de  l'assemblée  des  évoques,  du  clergé  tout  entier,  pour 
leur  prescrire  d'un  ton  sévère  la  manière  de  tenir  le  concile 
et  des  mesures  qui  atteignent  au  plus  profond  la  vie 
ecclésiastique,  condamnant  tous  les  conciles  précédents  et 
modifiant  complètement  la  conception  de  l'Eglise  !  A  peine 
sorti  de  l'école,  ce  ne  sont  pas  ses  propres  idées,  mais  celles 
de -on  maître  que  Ratzinger  aurait  exprimées.  Ainsi  s'expli- 
querait bien  que  l'on  ait  tout  d'abord  regardé  Dôllinger 
comme  l'auteur  et  que  l'écrit  ait  tant  plu  à  l'ensemble  des 
ecclésiastiques  formés  à  l'école  de  Municb. 

Le  second  (3)  des  deux  écrits  que  nous  avons  signalés  plus 
haut  est  tout  pénétré  de  l'esprit  libéral.  Ainsi  il  demande  le 


il)  Oeschichte  des  Vatikan  Konul,  II.  2k  285. 

(2)  1895,  p.  59. 

(3)  Ein  offertes  Wort  an  die  Bixcliofe  ><nd  Katholiken  Deutschlands  ani/esichls  des 
berot'stehenden  allijemeinen,  Konziliums,  von  einem  kathoi.ischen  Geistlichen, 
Œhringen,  1869. 

167-168 


LA  SECONDE  BROCHURE  D  UN  ECCLESIASTIQUE  CATHOLIQUE  197 

maintien  très  ferme  de  «  la  liberté  de  pensée  pour  les  catho- 
liques, en  tout  ce  qui  n'est  pas  de  foi...  contre  les  efforts 
d'un  parti  qui  veut  nous  imposer  d'injustes  chaînes  »,  de 
même  la  prompte  suppression  de  YIndex  (i);  il  insinue  que 
l'Eglise  agirait  plus  sagement  en  n'obligeant  plus  sous  peine  de 
péché  mortel  à  l'observation  de  ses  commandements  :  a-t-elle 
même  le  droit  de  le  faire,  l'auteur  hésite  à  l'affirmer  (2)  ;  au 
sujet  du  célibat  ecclésiastique,  il  réclame  qu'on  donne  à  chaque 
prêtre  la  liberté  de  quitter  le  service  de  Dieu,  et,  sous  condi- 
tion de  ne  plus  exercer  son  ministère,  la  permission  de  se 
marier  (3)  ;  il  déconseille  la  fondation  des  universités  catho- 
liques (4)  et  l'éducation  dans  les  petits  séminaires  (5)  des 
jeunes  gens  destinés  à  l'état  ecclésiastique.  Le  pouvoir 
suprême  dans  l'Eglise  réside  dans  le  concile  uni  au  pape  ; 
mais  si  le  collège  épiscopal  est  infaillible,  le  pape  (6)  seul  ne 
l'est  pas.  Le  journal  de  Mayence,  Katholik,  les  jésuites  et 
la  Congrégation  romaine  de  YIndex  forment  un  parti  qui 
tyrannise  les  théologiens  catholiques  (7).  L'écrivain  libéral 
en  veut  tout  particulièrement  à  la  Compagnie  de  Jésus  :  elle 
n'est  plus  appropriée  aux  besoins  du  temps,  elle  est  nuisible, 
et  on  lui  prédit  une  seconde  suppression  (8). 

Sur  le  terrain  dogmatique  l'auteur  se  montre  très  faible. 
Pourtant  ses  opinions  sont  sensiblement  plus  mesurées  que 
celles  de  la  première  brochure  et  ses  pages  ne  respirent 
pas  à  beaucoup  près  la  même  insolence  et  le  même  orgueil. 
Elles  laissent  l'impression  que  l'écrivain,  un  ecclésiastique 
bavarois,  sans  doute,  bien  qu'adversaire  du  concile,  se  sou- 
mettra pourtant  à  ses  décisions. 

(1)  P.  20. 

(2)  P.  45sqq. 

(3)  P.  55. 

(4)  P.  69. 

(5)  P.  73. 

(6)  P.  63. 

(7)  P.  9. 

(8)  P.  86  sq. 

i3 

[169-170] 


198  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

La  lutte  se  préparait  surtout  eu  France  et  en  Allemagne. 
Mais  dans  d'autres  pays  également  les  libéraux  prenaient  dès 
le  début  une  position  hostile.  «  Malheur  au  concile,  s'écriait 
le  député  italien  Castagnola  dans  la  séance  du  5  juillet  1867, 
s'il  se  tient  en  dehors  du  mouvement  scientifique  moderne  et 
du  progrès  de  la  civilisation  !  Malheur  au  concile  s'il  définit 
l'infaillibilité  des  Syllabus  de  ses  papes!  Malheur  à  lui  si  le 
parlement  italien  oppose  ses  propres  décisions  à  des  décisions 
destructrices  de  la  liberté  (1)  !  »  En  Angleterre, une  campagne 
de  brochures  et  de  journaux  commença  dès  1868  avec  l'appa- 
rition de  l'opuscule  de  Renouf  contre  l'infaillibilité  du  pape. 
Xous  en  parlerons  plus  loin.  // 


-*>- 


(1)  Civilta  Cattolica.  Ser.  VII,  vol.  5,  pp.  345  et  suiv.  C.  V.  1157  d.  sq.  Cec- 
coni,  Storia,  etc.,  vol.  II,  Sect,  II,  Doc.CXL. 

[170] 


CHAPITRE   III. 

La  correspondance  française  de  la  Civilta  Cattolica 
(février  iS6g). 

Une  recrudescence  de  la  polémique  contre  le  concile  en 
France  et  surtout  en  Allemagne  fut  causée  en  1869  par  la 
publication  d'une  correspondance  française  dans  le  premier 
numéro  de  février  de  la  Civilta  Cattolica.  On  a  prétendu, 
à  tort,  que  cet  article  avait  été  l'origine  de  tous  les  troubles 
et  même  qu'il  avait  été  écrit  précisément  pour  provoquer 
l'hostilité  contre  l'assemblée. 

Quand  l'article  parut,  les  troubles  avaient  commencé  et 
l'histoire  de  sa  publication  —  nous  la  raconterons  à  la  fin  de 
ce  chapitre  —  fait  tomber  d'elle-même  la  seconde  accusation. 

La  vérité  est  que  cette  correspondance  a  eu  pour  effet  de 
révéler  les  secrètes  pensées  de  bien  des  cœurs.  Elle  expose 
l'attitude  de  la  France  vis-à-vis  du  concile  ;  elle  traite  succes- 
sivement :  1)  des  dispositions  du  gouvernement  ;  2)  des  senti- 
ments de  l'épiscopat;  3)  des  espérances  et  des  craintes  des 
fidèles  //  ;  4)  de  l'hostilité  des  non-catholiques  ;  5)  des  vœux 
relatifs  aux  définitions  doctrinales  ;  6)  des  opinions  exprimées 
par  la  presse. 

Les  passages  qui  provoquèrent  les  plus  violentes  attaques 
se  trouvent  dans  la  troisième  et  la  cinquième  partie.  Dans  la 
troisième,  les  catholiques  sont  divisés  en  catholiques  libéraux 
et  en  catholiques  tout  court.  Les  catholiques  libéraux,  dit-on, 

[171-172] 


200  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

craignent  que  le  concile  ne  veuille  définir  les  doctrines  du 
Syllabus  et  aussi  l'infaillibilité  dogmatique  du  souverain 
pontife.  Pourtant  ils  se  bercent  encore  de  l'espoir  que  le 
concile  atténuera  ou  interprétera  certaines  propositions  du 
Syllabus  dans  un  sens  favorable  à  leurs  idées,  et  que  la  ques- 
tion de  l'infaillibilité  du  pape  ou  bien  ne  sera  pas  soulevée 
ou  du  moins  ne  sera  pas  résolue.  Les  catholiques  proprement 
dits,  c'est-à-dire  la  grande  majorité  des  fidèles,  ont  des  espé- 
rances tout  opposées.  Dès  maintenant  ils  se  soumettent 
d'esprit'  et  de  cœur  aux  décisions  qui  seront  promulguées. 
La  plupart  d'entre  eux  sont  convaincus  que  «  le  futur  concile 
sera  fort  court  et  ressemblera  sous  ce  rapport  à  celui  de 
Clialcédoine.  Cette  idée  ne  tient  pas  seulement  aux  difficultés 
dont  chacun  a  conscience,  elle  procède  surtout  du  sentiment 
que  les  évêques  du  monde  entier  sont  d'accord  sur  les  ques- 
tions principales,  en  sorte  que  la  minorité,  si  éloquente 
qu'elle  puisse  être,  ne  pourra  fournir  une  longue  opposition.  » 
Dans  la  cinquième  partie,  il  est  dit  expressément  que  les 
catholiques  souhaitent  la  définition  des  doctrines  duSyllabus. 
Le  concile  pourrait  mettre  sous  forme  affirmative  en  les 
accompagnant  des  développements  nécessaires  les  proposi- 
tions contenues  dans  ce  recueil  sous  la  forme  négative. 
En  outre,  ajoute  la  correspondance,  «  les  catholiques 
accueilleront  avec  bonheur  la  proclamation  de  l'infaillibilité 
dogmatique  du  souverain  pontife.  »  Par  là  serait  anéantie 
la  déclaration  du  clergé  gallican  de  1682.  On  ne  se  dissimule 
pas  cependant,  ajoute  la  correspondance,  que  le  souverain 
pontife  ne  voudra  peut-être  pas  prendre  lui-même  l'initiative 
d'une  proposition  qui  semble  le  toucher  personnellement. 
Mais  on  espère  que  l'explosion  unanime  de  l'Esprit- Saint, 
par  la  bouche  des  Pères  du  futur  concile  œcuménique  la  défi- 
nira par  acclamation.  »  Beaucoup  de  catholiques  émettent 
en  outre  le  vœu  que  le  dogme  de  l'Assomption  de  la  Vierge 
soit  aussi  proclamé.  // 

[172J 


LA    CORRESPONDANCE    DE    LA    ,,    CIVILTA  201 

La  correspondance  parut  aussitôt,  traduite  en  français, 
dans  1' Uni  vers  (i)  ;  cette  traduction  fut  ensuite  reproduite 
par  le  Monde  (2).  Le  Français  (3)  en  publia  d'abord  un 
extrait  accompagné  d'une  légère  critique.  Avec  beaucoup 
d'âpreté,  le  Public,  qui  passait  pour  l'organe  du  gouverne- 
ment, s'éleva  contre  la  Civilta  (4).  Son  article,  intitulé  : 
Un  manifeste,  s'occupe  surtout  des  observations  faites 
dans  la  correspondance  sur  le  gouvernement.  Il  y  était  dit, 
entre  autres  choses,  que  le  gouvernement  redoutait  de  voir 
le  concile  définir  les  doctrines  du  Syllabus  et  l'infaillibilité 
du  pape,  et  détruire  les  articles  organiques.  A  ce  sujet,  le 
journal  prend  une  attitude  menaçante.  «  La  France  et  son 
gouvernement,  dit-il,  convaincus  que  l'opinion  de  l'infailli- 
bilité du  pape  seul  n'est  pas  admise  par  l'immense  majorité 
du  clergé  français,  ni  par  l'immense  majorité  de  l'épiscopat  », 
sont  en  droit  d'espérer  que  l'Eglise  réunie  en  concile  aura 
la  sagesse  de  ne  pas  laisser  poser  cette  question,  et  que  tout 
au  moins  dans  le  cas  où  elle  serait  posée,  on  n'irait  pas  jus- 
qu'à prendre  une  décision  contraire  aux  sentiments  et  aux 
traditions  de  notre  grande  Eglise.  »  Le  concile  n'abolira 
pas  le  concordat  et  les  articles  organiques,  convention 
bilatérale,  sans  l'assentiment  des  deux  parties  contrac- 
tantes ;  moins  encore  «  détruira-t-il  »  des  lois  qui  ne  dépen- 
dent pas  de  sa  juridiction.  «  S'il  est  vrai,  comme  on  l'affirme, 
que  l'interprétation  donnée  au  Syllabus  soit  exagérée,  le 
gouvernement  n'aurait  qu'à  attendre  du  prochain  concile 
l'exposition  précise  du  sens  véritable  de  ces  enseignements.  » 
Les  Pères  se  garderont  bien  dans  leur  sagesse  «  de  sanction- 
ner comme  règles  de  foi  des  théories  qui  semblent  être  une 
condamnation  des  principes  sur  lesquels  reposent  les  sociétés 


13  février. 

(2)  14  février. 

(3)  17  et  18 février.  —Cf.  Cecconi,  l.c.  Doc.  CXLII,  CXL1II.  C.V.  1163  b. 

(4)  24  février.  C.  V.  1164  b  sq.  Cecconi  l.c.  Doc.  CXLV1. 

[173J 


202  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

modernes  ».  Aussi  le  gouvernement  ne  craint-il  pas  la  défi- 
nition de  l'infaillibilité  du  pape.  «  La  France  n'a  donc  point 
à  craindre  pour  elle-même  des  décisions  qu'elle  regarde,  à 
bon  droit,  comme  impossibles,  mais  elle  pourrait  les  redou- 
ter peut-être  pour  ceux-là  mêmes  qui  les  auraient  provoquées, 
dans  le  cas  où  elles  viendraient  à  être  réalisées.  Alors  se 
produirait  une  situation  religieuse  et  politique  d'une  extrême 
gravite.  »  Ainsi  s'exprime  le  journal  du  gouvernement.  // 

En  mars  seulement,  alors  que  des  attaques  d'une  extrême 
violence  avaient  déjà  paru  en  Allemagne  contre  la  Civilta 
dans  I'Allgemeine  Zeitung,  l'organe  du  catholicisme  libéral, 
le  Français  crut  de  son  devoir  de  prendre  aussi  position 
d'une  façon  plus  décidée  contre  la  correspondance  ultramon- 
taine.  Il  le  fit  en  deux  articles  :  Le  concile  et  le  corres- 
pondant de  la  Civilta  (i)  et  :  Le  concile  et  Vépiscopat  fran- 
çais (2). 

Le  Français  trouve  que  la  correspondance  de  la  revue 
romaine  pénètre  avec  une  indiscrétion  étonnante  dans  le 
secret  des  futures  délibérations  du  concile,  et  s'efforce  de 
diminuer  l'importance  du  concile  œcuménique.  Elle  semble 
faire  bien  peu  de  cas  de  la  liberté  nécessaire  à  la  discussion 
et  de  la  légitime  initiative  des  évêques,  à  qui  elle  impose  une 
ligne  de  conduite;  elle  s'exprime  d'une  façon  bien  étrange 
sur  l'Eglise  de  France  et  les  catholiques  français.  Le  corres- 
pondant fait  comme  s'il  savait  ce  qui  se  passe  à  Rome  dans 
les  commissions  préparatoires,  et  ce  qu'on  pense  à  Paris 
dans  les  conseils  de  cabinet,  ce  qui  se  cache  au  plus  profond 
du  cœur  des  catholiques  et  ce  qu'on  décide  dans  les  délibé- 
rations des  évêques;  de  son  ojmiion  personnelle  il  fait  l'opi- 
nion d'un  grand  nombre  de  catholiques,  il  affirme  que  le 
concile  sera  très  court,  qu'il  ne  s'y  produira  pas  de  longs 


(1)  18  mars.  Cecconi,  1.  c.  Doc.  CXLVHI. 

(2)  19  mars.  Cecconi,  1.  c.  Doc.  CXLIX. 


[173-174] 


LES    ARTICLES    DU    .,     FRANÇAIS  203 

débats  ;  il  en  trace  le  programme,  connaît  la  façon  dont  le 
Saint-Esprit  se  manifestera,  quels  dogmes  y  seront  définis, 
comment  les  évêques  pourraient  proposer  la  définition;  il 
aperçoit  une  minorité  qui  malgré  son  éloquence  ne  pourra 
faire  une  longue  opposition;  il  s'occupe  aussi  directement 
des  évêques  français,  qu'il  représente  dans  une  attente  tran- 
quille et  silencieuse.  Il  regrette  en  France  l'absence  de  con- 
naissance et  de  pratique  du  droit  canon,  et  va  jusqu'à  partager 
les  catholiques  de  ce  pays  en  deux  groupes  :  les  catholiques 
libéraux  et  les  catholiques  tout  court.  Contre  cet  exposé  de  la 
situation,  le  correspondant  qui  l'a  écrit  et  la  revue  qui  l'a 
publié,  l'auteur  des  deux  articles,  François  Beslay  (i),  s'élève 
avec  énergie  et  non  sans  éloquence.  Xous  ne  pouvons  le  suivre 
dans  tous  les  détails  où  il  entre,  encore  moins  l'approuver. 
La  faute  capitale  qu'il  commet  est  de  faire  affirmer  par  le 
correspondant  de  la  Civilta  comme  des  faits  ce  que  celui-ci 
ne  présente  que  comme  des  opinions  et  des  vœux  formés  par 
de  nombreux  catholiques  français  ;  si  la  revue  romaine  s'était 
trompée  sur  ces  points,  il  y  avait  à  dire  et  à  montrer  ce  que 
pensaient  et  souhaitaient  en  réalité  les  catholiques. 

Quant  aux  opinions  personnelles  de  l'écrivain  de  la  Civilta 
en  fait,  elles  étaient  justes;  et  c'est  en  vain  que  le  rédacteur 
occasionnel  du  Français  s'efforce  d'établir  le  contraire  :  il 
était  malheureusement  de  notoriété  publique  que  les  catho- 
liques étaient  divisés  en  deux  partis;  cette  scission  avait 
éclaté  au  grand  jour  dans  la  controverse  que  nous  avons 
signalée  un  peu  plus  haut  (2)  à  propos  de  l'ouvrage  de 
M*1'  Maret  ;  elle  ne  devait  se  manifester  que  trop  pendant  le 
concile  ;  la  Civilta  eut  donc  beau  jeu  pour  défendre  immédia- 


(1)  François  Beslay,  un  jeune  avocat,  a  signé  l'article.  Mais  déjà  à  l'époque  de 
la  controverse  on  désignait  M5t  Dupanloup,  évêque  d'Orléans,  comme  le  véri- 
table auteur.La  chose  a  été  confirmée  par  le  biographe  de  MtrDupanloup,  M"  La- 
grange  (  Vie  de  M"r  Dupanloup,  III,  125). 

(2)  P.  157  et  suiv. 

[174-175] 


204  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tement  sa  correspondance  contre  Beslay  (i).  Celui-ci  osa  faire 
imprimer  dans  le  Français  que  la  revue,  forcée  par  les 
articles  du  journal,  avait  rectifié  les  grossières  inexactitudes 
de  sa  correspondance  (2).  Là-dessus,  la  Civilta  revint  encore 
une  fois  sur  une  controverse  qui  avait  trouvé  un  écho  dans 
toute  la  presse  d'Italie  et  de  France  et  démontra  qu'elle 
n'avait  pas  rectifié,  mais  bien  défendu  ses  informations  (3). 

Pendant  que  l'adversaire  français  de  la  Civilta  se  conten- 
tait d'attaquer  la  revue  et  son  correspondant,  un  Allemand 
profitait  de  l'occasion  pour  s'en  prendre  avec  violence  à  la 
papauté  et  à  l'Eglise  entière.  Il  le  fit  dans  les  cinq  articles 
devenus  fameux  de  I'Allgemetm:  Zeitung  (4),  journal  qui 
paraissait  alors  à  Augsbourg.  Ces  articles  quelque  peu  modi- 
fiés furent  plus  tard  réunis  en  volume  sous  le  nom  de  Janus. 

Dans  l'introduction  mise  en  tète  des  articles,  l'auteur 
indique  comment  il  peut  établir  que  les  vœux  exprimés  dans 
la  correspondance  de  la  Civilta  sont  les  vœux  mêmes  du 
pape.  Un  correspondant  de  France  annonce  à  cette  revue  ce 
que  la  majorité  des  catholiques  souhaite  dans  ce  pays.  Ce 
qu'ils  souhaitent  n'est  pas  autre  chose  que  ce  que  désirent  les 
rédacteurs  de  la  Civilta  //  les  jésuites  de  Rome,  et  le  désir 
de  ceux-ci  n'est  autre  que  celui  du  pape.  Nous  savons  ainsi 
pourquoi  le  concile  est  convoqué. 

«  Le  rideau  qui  nous  dérobait  les  préparatifs  du  grand  con- 
cile œcuménique,  les  actes  et  les  décisions  qu'on  médite,  com- 
mence enfin  à  se  lever  !  »  Ainsi  débute  le  premier  article. 
Suit  l'extrait,  que  nous  avons  cité  précédemment  (5),  des 
vœux  et  des  sentiments  des  catholiques  français  au  sujet  de 
la  promulgation  du  Syllabus,  du  dogme  de  l'infaillibilité  pon- 


(1)  Ser.  VII,  vol.  6,  p.  193  et  suiv. 

(2)  Ibid.  p.  597. 

(3)  Ibid.  p.  595  et  suiv. 

(4)  10-15mars  1869.  C.  Y.  1167  b.  sqq.  Cecconi,  1.  c.Doc.  CXLVII. 

(5)  P.  200. 

[175-176] 


LES    CINQ    ARTICLES    DE    ,,    L  ALLGEMEIXE    ZEITI'XG  20b 

tificale,  de  l'Assomption  de  Marie,  comme  aussi  de  leur  opi- 
nion sur  la  courte  durée  du  concile.  L'auteur  rappelle  alors 
le  crédit  dont  jouit  la  Civilta  Cattolica  auprès  de  la  curie 
romaine.  Puis  il  ajoute  :  «  On  n'exagère  certainement  pas  en 
supposant  que  les  idées  de  la  Civilta  sur  ces  graves  questions 
aux  conséquences  considérables  concordent  avec  celles  du 
chef  suprême  et  des  autres  «  tètes  »  de  la  cour  de  Rome... 
En  tout  cas  on  ne  peut  guère  désirer  de  source  meilleure  et 
plus  autorisée  pour  connaître  ce  qu'on  attend  là-bas  du  con- 
cile. )> 

«  Xous  apprenons  donc  que  le  synode  est  convoqué  pour 
contenter  les  intimes  désirs  des  jésuites  et  de  cette  partie  de 
la  curie  qui  se  laisse  mener  par  la  Compagnie.  Leurs  vœux, 
leur  but  sont,  en  premier  lieu,  de  voir  proclamer  comme  un 
dogme  celte  opinion  que  tout  pape  est  personnellement  infail- 
lible dans  les  actes  de  son  magistère,  déclarations  et  décisions 
en  matière  de  foi  et  de  mœurs;  ainsi  s'établira  un  nouveau  prin- 
cipe d'une  portée  incalculable  et  pour  les  faits  du  passé  et 
pour  ceux  de  l'avenir;  ce  principe,  désormais  intangible, 
dominera  les  esprits,  les  contraindra  à  se  soumettre  sans 
réserve  à  toute  décision  pontificale  dans  le  domaine  de  la 
religion,  de  la  morale,  de  la  politique,  de  la  science  sociale;  car 
il  ne  peut  plus  être  question  d'empiétement  sur  un  domaine 
étranger,  de  la  part  du  pape  infaillible,  à  qui.  seul  il  appar- 
tient de  déterminer  à  son  gré  les  limites  de  son  magistère  et 
de  sa  puissance  et  cette  détermination  elle-même  jouit  du  pri- 
vilège de  l'inerrance  ! 

»  Secondement  on  désire  voir  les  articles  du  Syllabus  définis 
parle  concile  sous  forme  de  décrets  et  d'affirmations  doctri- 
nales :  chose  facile  quand  l'infaillibilité  personnelle  du  pape  // 
sera  devenue  la  foi  de  toute  l'Eglise.  On  enrichira  ainsi  le 
dépôt  d'un  grand  nombre  de  dogmes  nouveaux  inconnus,  ou 
même  souvent  répudiés  par  l'antiquité,  et  ce  ne  seront  que  les 
premiers  de  la  riche  moisson  réservée  à  l'avenir.  Quand  on 

[176-177] 


200  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

aura  heureusement  brisé  le  lien  trop  étroit  qui  enchaîne  bien 
des  théologiens  à  l'ancienne  tradition  et  à  l'Eglise  des  six 
premiers  siècles,  surmonté  l'horreur  pédantesque  pour 
les  nouveautés,  aboli  le  canon  encore  estimé  ici  ou  là 
qu'a  formulé  Vincent  de  Lerins  quod  semper,  ubique,  ab 
omnibus,  il  sera  parfaitement  loisible  à  chaque  pape,  quelque 
ignorant  qu'il  soit  des  matières  théologiques  d'user  arbitrai- 
rement de  sa  toute-puissance  créatrice  du  dogme,  d'ériger  en 
un  instant  en  article  de  foi  imposé  à  toute  l'Eglise  ses  opi- 
nions personnelles.  Quiconque  oserait  alors  déclarer  que  la 
monnaie  frappée  au  Vatican  n'est  pas  de  bon  aloi  serait  dans 
cette  vie  mis  au  ban  de  l'Eglise  et  dans  l'autre  éternelle- 
ment damné  !  Les  conciles  seront  désormais  superflus,  les 
évêques  pourtant  se  réuniront  encore  à  Rome  pour  rehausser 
l'éclat  des  canonisations  et  des  cérémonies  pontificales,  mais 
pour  les  dogmes  ils  n'auront  plus  à  s'en  occuper  :  préten- 
draient-ils ajouter  leur  confirmation  aux  décisions  dictées 
au  pape  par  l'inspiration  divine,  ce  serait  vouloir  renforcer 
avec  des  lanternes  la  pleine  lumière  du  soleil.  La  formule 
definiens  subscripsi  que  les  Pères  jadis  mettaient  au  bas  des 
décisions  conciliaires  deviendrait  un  blasphème.  Une  fois 
encore  — ce  sera  la  dernière  —  les  évêques  assemblés  à  Rome 
doivent  —  suivant  les  désirs  des  «  bons  catholiques  »  c'est- 
à-dire  des  pères  de  la  Compagnie  de  Jésus  —  faire  usage  de 
leur  pouvoir  de  formuler  les  dogmes  :  cet  usage  consistera  à 
apposer  le  sceau  conciliaire  à  un  travail  que,  dans  sa  légitime 
prévoyance,  le  P.  Schrader,  jésuite  de  Vienne,  a  livré  tout 
préparé  à  la  curie  (i).  Il  a  tourné  en  affirmations  positives  les 
formules  négatives  et  les  condamnations  du  Syllabus  et  nous 
pouvons  déjà  sans  peine  faire  connaître  les  plus  importantes 
décisions  du  concile.    Comme  l'assemblée    doit    durer  trois 


(1)  Der  Pctpst  und  die  modernen  Ideen  :  2  Heft  :  Die  Enzyklika  vom  8  Deiem- 
ber18G4  (Vienne  1865). 

;i77i 


LES    CINQ    ARTICLES    DE    ,,    L  ALLGEMEIXE    ZEITUNG  207 

semaines  (pas  plus  que  le  concile  de  Chalcédoine)  '  le  29  dé- 
cembre 1869,  le  monde  catholique  romain  se  sera  enrichi  des 
vérités  suivantes,  etc.  » 

Les  articles  témoignent  chez  leur  auteur  de  connaissances 
historiques  peu  communes,  mais  doctrines  et  faits  sont 
dénaturés  pour  être  opposés  avec  malveillance  auSyllabus,  à 
la  croyance  en  l'Assomption  de  Marie  et  surtout  à  l'infailli- 
bilité du  pape.  Plus  tard,  quand  nous  parlerons  du  livre  de 
Janus,  nous  nous  étendrons  davantage  sur  ses  assertions. 

Peu  après  l'apparition  des  articles,  le  nonce  de  Munich  les 
appréciait  en  ces  termes  (1)  :  «  Je  tiens  pour  impossible 
d'imaginer  un  écrit  plus  impie,  plus  pervers,  plus  destruc- 
teur. Toutes  les  attaques  sont  concentrées  sur  la  doctrine  de 
l'infaillibilité  pontificale.  L'ironie,  l'hypocrisie,  la  falsifica- 
tion voulue  des  pensées,  les  artifices  les  plus  subtils,  l'étalage 
de  l'érudition  historique,  tout  cela  est  mis  en  œuvre  pour 
faire  rejeter  cette  doctrine  romaine  comme  fausse  et  contra- 
dictoire, pour  la  rendre  exécrable  aux  yeux  de  tous,  si  c'est 
possible.  L'auteur  n'a  rien  négligé  de  ce  qui  peut  réveiller  les 
susceptibilités  nationales,  les  préjugés  haineux  contre  le  pro- 
chain concile.  » 

Le  ton  résolu,  l'air  de  supériorité  que  sait  se  donner  l'écri- 
vain, l'ironie  dont  il  assaisonne  son  exposition,  les  connais- 
sances, dont  il  fait  montre,  l'art  avec  lequel  il  sait  tout 
dénaturer  n'étaient  en  effet  que  trop  propres  à  séduire  des 
lecteurs  peu  au  courant  des  matières  théologiques  et  à  gagner 
les  esprits  sans  défiance.  Le  nonce  était  bientôt  obligé  de 
mander  au  secrétaire  d'Etat  (2)  que  les  cinq  articles  avaient 
eu  l'influence  la  plus  funeste  qu'on  pût  rêver.  «  Peu  de 
catholiques  sont  assez  pervertis  pour  admettre  toute  cette 
série  de  mensonges,  de  méchantes  calomnies.  Mais  ils  sont 


(1)  Dépêche  au  cardinal  Antonelli  du  17  mars  1869.  Cecconi,  l.c.  Sec.  I,  p.  509 
et  suiv.  (trad.  tr.  t.  II  p.  437). 

(2)  Dépêche  du5  avril  18(39.  Cecconi,  l.c,  p.  510  sq.  (trad.  fr.,  ibid.) 

[178] 


208  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

rares  ceux  qui  n'y  trouvent  pas  quelque  chose  à  louer,  chez 
tous  ils  éveillent  le  soupçon.  Dernièrement,  plusieurs  mem- 
bres du  Reichsrat  se  sont  rendus  chez  leur  collègue  l'arche- 
vêque, pour  savoir  si  réellement  les  affaires  du  concile  à 
Rome  procéderaient  de  la  façon  décrite  dans  les  articles  de 
I'Ai/lgemeine  Zeitung.  Le  roi  lui  même  demanda  au  nonce 
s'il  était  déjà  décidé  /  qu'on  ferait  un  dogme  de  l'infaillibilité 
du  souverain  pontife.  Rien  n'est  encore  décidé,  répondit  le 
nonce,  et  alors  personne  ne  peut  savoir  ce  que  définira  le 
concile  ni  sur  ce  point,  ni  sur  quelque  autre  sujet  que  ce 
soit  (i). 

L'auteur  des  cinq  articles  était  le  prévôt  I.  von  Dollinger, 
qui  dès  lors  apparaît  comme  l'âme  du  mouvement  anticonci- 
liaire en  Allemagne. 

Ignace  von  Dollinger,  fils  du  célèbre  plrysiologiste  P.  Dol- 
linger, débuta  à  la  Faculté  de  théologie  de  Munich  comme 
professeur  d'histoire  ecclésiastique,  en  1826,  à  l'âge  de 
vingt-sept  ans.  Professeur  de  l'enseignement  supérieur,  écri- 
vain, zélé  défenseur  des  intérêts  ecclésiastiques,  il  mérita 
grandement  de  l'Eglise  d'Allemagne,  et  s'acquit  une  réputa- 
tion de  savoir  et  de  talent  extraordinaires.  «  Depuis  près  de 
vingt-cinq  ans,  écrivait  Charles  Werner,  en  1866  (2),  Ignace 
von  Dollinger  passe  pour  un  des  théologiens  les  plus  savants 
de  l'Allemagne  catholique;  sans  conteste, c'est  un  des  esprits 
les  plus  distingués  qu'ait  produits  l'Eglise  catholique  à  notre 
époque.  »  C'était  bien  le  jugement  que,  vers  le  milieu  du 
XIX0  siècle,  on  portait  en  général  sur  Dollinger;  il  excitait 
surtout  l'enthousiasme  de  ses  élèves  qui  se  répandaient 
ensuite  par  toute  l'Allemagne.  Beaucoup  se  voyaient  revêtus 
de  hautes  dignités  ecclésiastiques  ou  s'illustraient  eux-mêmes 
comme  professeurs  ou  comme  écrivains. 


(1)  Dépêche  du  8  mai  1869. 

(2)  Geschichte  der  katholischen  Théologie  seit  dem  Trientev  Komil  bis  zur  Gegen- 
wart.  (Mûnchen  1866),  p,  470. 

[178-179] 


IGNACE    VON    DOLLINGER  209 

Dôllinger  méritait  vraiment  un  renom  de  savant  historien, 
d'homme  extraordinairement  doué  ;  mais  comme  théologien 
il  a  été  bien  surfait.  Toujours  il  manque  de  clarté,  de  fermeté 
sur  les  doctrines  fondamentales  de  la  théologie,  en  particulier 
sur  le  magistère  de  l'Eglise  (i)  ;  et  ce  fut  là  sans  aucun  doute 
une  des  causes  de  la  chute  profonde  qu'il  fit  plus  tard. 

Déjà  dans  le  passé  il  avait  fait  concevoir  à  quelques  per- 
sonnes de  son  entourage  (2)  des  doutes  sur  l'intégrité  de  sa 
foi;  à  partir  du  début  de  1860,  ces  soupçons  se  répandirent 
parmi  les  catholiques.  //  Dans  un  discours  qu'il  fit  en  i863 
au  congrès  scientifique  de  Munich,  il  énonça  une  proposition 
bien  surprenante  :  «  C'est  la  théologie  (historique),  dit-il, 
qui  provoque  et  entretient  dans  l'opinion  publique  des 
notions  saines  et  justes  en  matière  de  religion;  devant  cette 
opinion  tous  s'inclinent,  même  les  chefs  de  l'Eglise  et  les 
détenteurs  de  l'autorité.  Au  temps  des  Juifs,  à  côté  du  sacer- 
doce régulièrement  organisé,  il  y  avait  le  prophétisme;  de 
même,  dans  l'Eglise,  à  côté  du  pouvoir  ordinaire,  il  y  a  une 
autorité  extraordinaire  :  c'est  l'opinion  publique.  Par  elle,  la 
science  théologique  exerce  l'influence  qui  lui  revient  et  à 
laquelle  rien  à  la  longue  ne  résiste  (3).  » 

Les  idées  du  savant  sur  le  magistère  sont  si  peu  claires  que 
daus  le  même  discours  il  pose  les  deux  thèses  contradictoires 
et  exalte  l'autorité  doctrinale  de  l'Eglise.  «  Il  (le  théologien 
digne  de  son  nom  et  de  sa  vocation),  n'appelle  pas  liberté 
le  pouvoir  de  laisser  errer  à  l'aventure  son  esprit  sans 
boussole  ni  gouvernail  sur  la  mer  immense  des  opinions  et 
des  hypothèses,  et  de  renoncer  ainsi  à  la  stabilité  des  con- 
naissances, à  la  possibilité  de  convaincre  les  autres.  Non,  s'il 


(1)  Cf.  E.  Michael,  S.J.  Ignaz,  v.  Dôllinger  Eine  Charakterislik.  (Innsbruck  1892), 
p.  4  et  5 

(2)  Dès  1858,  Jorg  avait  dit  de  Dôllinger  :  «  Il  ne  lui  manque  pour  être  hérétique 
que  de  donner  plus  de  prise  aux  critiques.  »  (Erlebnisse  des  Bernhard  Hitler  von 
Meyer,  herausgeg.  von  dessen  Sohn  I.  [1875],  315).  Cf.  Michael,  1.  c. ,  p.  9. 

(3)  Michael,  1.  c,  p.  19. 

[179-180) 


210  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

se  sent  libre,  c'est  bien  plutôt  parce  que,  par  un  choix  décisif, 
déterminé  par  sa  volonté  et  son  jugement,  il  s'est  abandonné 
une  fois  pour  toutes  à  la  direction  et  à  l'autorité  doctrinale  de 
l'Eglise,  qu'il  a  reconnue  comme  la  gardienne  des  vérités  du 
salut,  la  maîtresse  des  nations  voulue  par  Dieu  et  éclairée 
par  lui.  Dans  l'Eglise  et  par  elle  le  savant  devient  libre  (i).  » 
Cette  déclaration,  Dollinger  l'a  plus  tard  malheureusement 
perdue  de  vue.  Il  a  jeté  par-dessus  bord  «  boussole  et  gou- 
vernail »,  il  a  dédaigné  ce  la  direction  »,  repoussé  a  l'autorité 
doctrinale  de  l'Eglise  ;  il  a  tourné  le  dos  à  cette  «  gardienne 
des  vérités  du  salut  voulue  par  Dieu  et  éclairée  par  lui  ». 
Ses  propres  paroles  le  jugent  :  il  ne  peut  plus  passer  pour  un 
«  théologien  digne  de  son  nom  et  de  sa  vocation  ».  Par 
contre,  il  s'est  efforcé  de  former  une  «  opinion  publique 
devant  laquelle  tous  dussent  s'incliner,  même  les  chefs  de 
l'Eglise  et  les  détenteurs  de  l'autorité.  »  Il  échoua  et  devint 
un  rebelle. 

Au  début,  il  ne  se  montra  pas  ouvertement  hostile  à 
l'Eglise.  Pourtant,  dès  1867,  parurent  sans  signature  dans 
I'Allgemeine  Zeituxg  et  la  Xeue  Freie  Presse  plusieurs 
articles  //  de  polémique  haineux  contre  l'Eglise  et  son  orga- 
nisation (2).  Dollinger  était  bien  trop  haut  placé  dans  l'opi- 
nion publique  pour  qu'on  le  soupçonnât  de  les  avoir  écrits; 
et  même  dans  la  suite,  lorsque,  après  l'apparition  de  cinq 
articles  contre  la  Civilta,  des  indices  certains  le  désignè- 
rent, beaucoup  tinrent  pour  impossible  que  ces  articles  sor- 
tissent de  sa  plume.  Pour  ceux  qui  le  connaissaient  mieux, 
la  question  fut  vite  résolue. 

Ainsi  Jorg  (3)  :  «  Lorsque  les  articles  parurent  coup  sur 
coup  dans  la  première  moitié  de  mars,  écrit-il,  et  qu'ils 
eurent  été  lus  à  Munich,  la  question  du  nom  de  l'auteur  se 


(1)  MlCHAEI-,  p.   20. 

(2)  Ibid.,  Le.  p,  37  sq. 

(3)  Histor.  polit.  Bl.ktter,  1869,  II,  p.  328  et  suiv. 

[180-181] 


L  AUTEUR    DES    CINQ    ARTICLES  211 

posa  sur  toutes  les  lèvres.  Pour  celui  qui  écrit  ces  lignes,  la 
réponse  ne  fut  pas  longtemps  douteuse.  Déjà  le  style  trahis- 
sait l'homme;  l'étendue  des  connaissances  historiques  ne  per- 
mettait d'en  soupçonner  qu'un  seul.  Mais,  hien  plus,  dans 
l'ardeur  excessive  de  sa  passion,  l'auteur  ne  s'était  pas 
aperçu  qu'à  certains  endroits  il  se  trahissait  plus  clairement 
qu'il  ne  l'eût  fait  en  laissant  dans  son  manuscrit  sa  carte  de 
visite.  Xous  avons  déjà  mentionné  un  de  ces  passages  révé- 
lateurs (i).  11  y  avait  encore  l'allusion  à  Windischmann  et  à 
sa  croyance  en  la  venue  prochaine  de  l'Antéchrist,  comme 
aussi,  d'une  manière  générale,  l'antipathie  de  l'auteur  pour  la 
doctrine  de  l'Antéchrist.  Enfin  il  y  avait  les  sorties  mises 
au  compte  d'un  reporter  anglais,  mais,  en  réalité,  venant  de 
l'auteur  lui-même,  contre  Mgr  Manning,  archevêque  de  West- 
minster, «  qui  s'est  donné  à  la  théorie  de  l'infaillibilité  avec 
le  zèle  ardent  d'un  converti  »,  et  contre  le  cardinal  Cullen, 
«  tout  romanisé  »  et  imposé  par  Rome  aux  évèques  irlan- 
dais )). 

»  Munich  voyait  alors  se  dérouler  un  étrange  spectacle. 
Qu'on  se  figure  un  personnage  siégeant  parmi  les  hommes 
de  science,  aspirant  à  pleins  poumons  les  épais  nuages  d'en- 
cens prodigués  par  ses  amis  satisfaits,  et  en  môme  temps 
inquiet,  s'enveloppant  de  mystère  et  nourrissant  le  vif  désir 
de  rester  inconnu  au  dehors.  Aussi  on  eût  dit  qu'une  sorte 
de  conspiration  s'était  formée  pour  couvrir  d'un  voile  // 
impénétrable  aux  yeux  des  profanes  le  nom  d'un  auteur  que 
sa  propre  audace  avait  effrayé.  On  faisait  à  dessein  courir  le 
bruit  qu'à  Rome  on  avait  reçu  des  lettres  de  l'écrivain 
(protestant)  Grégorovius  avouant  la  paternité  des  articles 


(1)  L'auteur  de  l'article  avait  renvoyé  à  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Impé- 
riale de  Paris;  sur  quoi  Jorg  faisait  cette  remarque  i  «  Ceci  nous  rappelle  qu'à 
notre  connaissance  aucun  savant  de  Munich  ne  s'est  livré  à  des  études  d'his- 
toire ecclésiastique  dans  des  manuscrits  de  Paris,  à  l'exception  du  prévôt  von 
Dollinger  ».  (L.  c.  p.  322,  note.) 

[181-182] 


212  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

de  I'Allgemeine  Zeitung.  En  même  temps  dans  les  hautes 
sphères,  où  l'on  avait  été  également  surpris,  on  désignait 
comme  auteur  ce  digne  fruit  de  la  nouvelle  école  de  Munich  : 
le  prêtre  allemand  cpii  venait  de  se  faire  appeler  par  le  Czar 
à  Pétershourg  comme  conseiller  ecclésiastique  ((catholique». 
Les  deux  suppositions  étaient  évidemment  absurdes,  bien- 
tôt, d'ailleurs,  un  fait  se  trouva  acquis  :  un  philosophe  de 
Munich,  qui  depuis  bien  des  années  se  poussait  en  prêtant 
ses  bons  offices  aux  basses  œuvres  des  persécuteurs  de 
l'Eglise,  avait  expédié  le  manuscrit  à  la  rédaction  à  Augs- 
bourg  et  avait  signé  d'une  double  croix.  » 

La  Donauzeitung  somma  plus  tard  l'auteur,  qu'elle  dési- 
gnait sans  détour  comme  étant  le  prévôt  von  Dôllinger, 
de  se  présenter  visière  levée  et  de  se  nommer.  Il  n'y  eut 
aucune  réponse.  Il  est  aisé  de  deviner  les  raisons  pour 
lesquelles  la  presse  catholique  ne  creusa  pas  le  mystère; 
ainsi  le  rédacteur  du  Literarische  Handweizer  inclinait-il 
à  attribuer  ces  articles,  au  membre  du  conseil  ecclésias- 
tique de  Russie.  «  Qu'on  ait  pu  rapprocher  de  ces  articles 
le  nom  de  Dôllinger,  dit  Hulskamp,  je  ne  puis  le  com- 
prendre. Je  suppose  que  leur  malheureux  auteur  «  n'habite 
plus  notre  pays  ».  (i)  Dans  une  lettre  à  son  archevêque, 
Dôllinger  s'est  donné  plus  tard  comme  l'auteur  des  Ré- 
flexions, écrit  adressé  aux  évoques,  qui  reproduisait  la 
substance  des  cinq  articles  et  sur  lequel  nous  reviendrons 
plus  tard.  A  notre  connaissance,  il  n'a  jamais  avoué  qu'il 
eût  écrit  les  articles  eux-mêmes.  Mais  son  silence  obstiné, 
alors  qu'on  mettait  continuellement  son  nom  en  avant, 
peut    passer    pour    un    aveu   (2);  aujourd'hui  partisans    et 


(1)  Literar.  Handweiser  du  22  juin  1869,  267. 

(2)  Pendant  les  troubles  du  concile,  les  anciens  amis  de  Dôllinger  l'engagèrent 
à  déclarer  qu'il  n'était  pas  l'auteur  des  articles,  car  l'agitation  se  couvrait  de  son 
nom.  «  Tous  vos  partisans  véritables  et  loyaux,  écrit  le  8  juillet  1861)  Strehle, 
conseiller  ecclésiastique  à  Fribourg,  attendent  cette  déclaration  avec  pleine 

[182j 


LA    ,,    CIVILTA    "    A-T-ELLE    ENGAGÉ    LA    POLÉMIQUE?         21 3 

adversaires  s'accordent  à  lui  en  laisser  la  responsabilité  ; 
toutes  les  considérations  (i)//  qui  avaient  empêché  d'admettre 
que  les  articles  fussent  sortis  de  la  plume  du  célèbre  histo- 
rien furent  naturellement  réduites  à  néant  par  son  attitude 
ultérieure. 

Revenons  à  la  correspondance  française  de  la  Civilta. 
Sans  aucun  doute  elle  a  notablement  accentué  le  mouve- 
ment hostile  au  concile.  L'a-t-elle  provoqué?  Les  adver- 
saires du  concile,  nous  l'avons  dit,  voudraient  qu'on  la  con- 
sidérât comme  l'origine  et  la  cause  des  troubles;  ils  cherchent 
à  faire  retomber  sur  la  Civilta  tout  l'odieux  de  ces  discus- 
sions. C'est  surtout  la  thèse  de  Friedrich. 

Son  premier  chapitre  sur  ce  sujet  a  pour  titre  :  La  Curie 
engage  la  polémique  sur  le  concile  (2).  D'après  lui,  c'est  à 
dessein  que  la  cour  romaine  provoqua  le  conflit.  Le  but 
principal  de  la  convocation  étant  la  définition  de  l'infaillibi- 
lité papale,  et  tout  le  synode  n'étant  qu'une  série  d'intrigues 
pour  y  arriver,  il  fallait  à  tout  prix  que  la  curie  pût  alléguer 
un  motif  de  la  proposer.  «  Elle  avait  besoin,  ainsi  s'exprime 
Friedrich,  qu'on  attaquât  la  doctrine  de  l'infaillibilité  ponti- 
ficale, pour  pouvoir  dire  qu'elle  était  contrainte  d'en  propo- 
ser la  définition.  »  Pour  provoquer  cette  opposition  elle  fait 
intervenir  au  cours  des  événements  comme  un  purgatif 
énergique  (ein  recht  drastisches  Mittel),  le  fameux  article 
de  février  de  la  Civilta  (3).  Friedrich  dispose  tout  d'après 
cette  conception  :  il  faut  que  le  lecteur  admette  que  les 
discussions  au  sujet  du  concile  n'ont  commencé  qu'en 
février  1869. 


confiance.  Je  vous  en  prie,  d'un  seul  mot  arrachez  à  ces  gens  leur  arme  la  plus 
puissante  !»  (Friedrich,  Geschichte,  etc.,  II,  61). 

(1)  Friedrich,  biographe  de  Dbllinger,  le  représente  simplement  comme  l'au- 
teur de  la  lettre  (Ignaz,  von  Dbïllinger,lll,ç.  478  et  s).  D'après  Friedrich  (1.  c. 
p.  486,  etc.),  Dollinger  était  très  attentif  à  ue  point  se  trahir  sur  ce  point. 

(2)  Geschichte,  etc.,  11,3. 

(3)  Ihid.,p.6. 

[182-183] 


214  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

M.  Emile  Ollivier  (i)  observe  avec  raison  que  M81'  Àlaret  en 
composant  son  ouvrage  en  1868,  «  a  été  le  premier  agres- 
seur ».  Friedrich  exécute  sommairement  l'ancien  ministre 
français  :  sa  remarque  n'est  qu'  «  une  boutade  dont  il  ne  faut 
pas  tenir  compte  (2)  ».  Quant  aux  écrits  hostiles  au  concile 
parus  en  Allemagne  avant  l'article  de  la  Civilta,  c'est  à 
peine  si  Friedrich  les  mentionne  (3)  à  propos  des  troubles 
conciliaires,  et  seulement  après  avoir  bien  mis  en  avant  la 
malheureuse  correspondance,  origine  de  toutes  les  contro- 
verses. Naturellement,  il  ignore  les  violentes  attaques  contre 
la  doctrine  de  l'infaillibilité  antérieures  à  février  1869,  que 
la  curie  n'avait  pas  eu  besoin  de  provoquer. 

Nous  avons  sous  les  yeux  //  une  lettre  du  i5  janvier  1869, 
du  nonce  de  Munich,  M-1  Meglia,  au  cardinal  Antonelli  (4)  : 
«  Quelques-uns,  écrit-il,  redoutent  que  le  concile  ne  définisse 
de  nouveaux  dogmes  et  par  là,  ne  restreigne  le  champ  laissé 
libre  à  la  science.  On  craint  surtout  la  définition  de  l'infailli- 
bilité du  pape.  On  entend  parfois  dire  à  de  bons  catholiques 
qu'il  serait  peut-être  préférable,  par  charité,  de  laisser  cette 
doctrine  dans  la  phase  où  elle  se  trouve  actuellement.  Il  y 
en  a  qui  craignent  que  cette  définition  ne  devienne  l'occasion 
d'un  schisme.  »  Le  nonce  devienne,  Mgr  Falcinetti,  écrit  éga- 
lement le  '25  janvier  au  secrétaire  d'Etat  (5)  que  le  Neue 
Freie  Presse  (Dollingcr?)  attaque  l'infaillibilité  du  pape  et 
suscite  l'agitation  anti-conciliaire.  En  Angleterre,  la  contro- 
verse sur  l'infaillibilité  était  menée  très  vivement  dès  1868, 
depuis  que  Page-Kenouf  avait  violemment  attaqué  cette 
doctrine  (6).  En  France,  la  même  année,  elle  se  trouvait 
au  premier  plan  delà  discussion.    Si  la  curie  souhaitait  des 


(1)  L'Eglise  et  l'Etat,  etc.,  1.405. 

(2)  Friedrich,  1.  c.  p.  7. 

Cl)  Ibid.,p.  20.  Plus  tard  seulement  (p.  285et  suiv.)  il  entre  dans  les  détails. 

(4j  La  lettre  est  aux  Ar-b.vjs. 

(5)  Idem. 

(G)  Cf.  infra  ch.  XI. 

[183-184] 


HISTOIRE    DE    LA    CORRESPONDANCE    DE    LA    ,,    CIVILTA    "     215 

débats  encore  plus  animés,  elle  n'avait  qu'à  attendre  l'appa- 
rition de  l'ouvrage  de  M"  Maret,  qui  aurait  été  publié  même 
sans  l'article  de  février  de  la  Civilta. 

Ces  dates  prouvent  que  Friedrich,  apprécie  mal  le  but  de 
cette  correspondance;  du  reste  son  erreur  est  établie  par 
l'histoire  même  de  l'article  en  question.  Xous  la  rapportons 
ici  brièvement  telle  que  nous  l'a  racontée  à  nous-même  feu 
le  P.  Cardella,  jadis  rédacteur  à  la  Civilta  et  qui  fut  chargé 
de  la  traduction  et  de  l'impression  de  ce  morceau.  Xous  nous 
référerons  en  même  temps  à  une  série  de  documents  qui 
mettent  hors  du  doute  la  véracité  de  son  récit. 

La  rédaction  de  la  Civilta  avait  décidé  de  publier  sur  le 
concile  des  communications  périodiques  fournies  par  les 
différents  pays.  Afin  d'avoir  des  renseignements  tout  à  fait 
sûrs,  le  rédacteur  en  chef,  le  P.  Piccirillo,  se  rendit  chez  le 
cardinal  Antonelli,  secrétaire  d'Etat  ;  il  attira  son  atten- 
tion sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  être  exactement  informé 
des  mouvements  d'opinion  qui  se  produisaient  alors  dans  la 
chrétienté  ;  il  lui  communiqua  le  plan  de  la  revue  et  le  pria 
de  procurer  partout,  par  l'intermédiaire  des  nonces,  des 
hommes  de  confiance  à  qui  l'on  pût  demander  des  corres- 
pondances périodiques.  Le  cardinal  répondit  qu'il  avait  déjà, 
de  son  coté,  médité  un  pareil  projet  et  qu'il  ferait  droit  à  la 
requête. 

Au  commencement  de  décembre  1868,  il  envoya  donc  une 
circulaire  //  aux  nonces  (1)  :  Pour  l'heureux  succès  du  futur 
synode,  disait-il,  il  serait  avantageux  que  des  différentes 
capitales  on  envoyât  à  Rome  des  informations  périodiques 
sur  le  concile  ;  ces  renseignements  fourniraient  aux  commis- 
sions préparatoires  une  connaissance  exacte,  aussi  complète 
que  possible,  des  mouvements  politiques  et  religieux  provo- 
qués par  l'attente  de  la  grande  assemblée;  en  second  lieu,  ils 


(1)  Voir  la  circulaire,  C.  V.  1146  c.  sq.  Cecgoni,  1.  c.  Sez.  II,  Doc.  CXXXV. 

[184.185] 


216  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

serviraient  à  maintenir  toujours  vive  cette  attente  dans  tous 
les  pays,  donnant  une  publicité  convenable  aux  opinions, 
écrits  ou  actes  relatifs  à  cet  événement  extraordinaire.  Il 
priait  donc  les  nonces  de  choisir  des  hommes  en  état  de 
rendre  ce  service  et  dignes  de  confiance,  cpii  réuniraient  des 
notes  sur  les  points  indiqués  dans  une  feuille  jointe  à  la 
circulaire  (i)  ;  les  nonces  les  transmettraient  à  la  curie  tous 
les  quinze  jours.  Les  points  indiqués  étaient  les  suivants  : 
i°  attitude  des  gouvernements  à  l'égard  du  concile;  2°  actes 
épiscopaux  :  3°  disposition  du  peuple,  ses  espérances  et  ses 
craintes;  4  attitude  des  non- catholiques;  5°  opinions  de  la 
presse  ;  6"  livres  et  écrits  sur  le  concile;  70  vœux  et  besoins 
du  pays.  Bientôt  arrivèrent  de  partout  les  rapports  réclamés. 
Ceux-là  seuls  nous  intéressent  qui  ont  trait  à  la  correspon- 
dance française  de  la  Civilta. 

Le  nonce  apostolique  de  Paris,  Mgr  Flavio  Chigi,  obtint 
le  concours  de  quatre  ecclésiastiques  de  la  capitale.  Dans  sa 
lettre  au  cardinal  Antonelli,  le  8  janvier  1869,  il  les  présente 
comme  des  hommes  de  talent,  de  science,  de  saine  doctrine, 
sur  la  parole  desquels  on  peut  compter  (2).  Le  12  janvier,  il 
pouvait  déjà  envoyer  deux  des  correspondances  (3).  Le 
cardinal  Antonelli  les  remit  à  la  Civilta,  sans  dire  comment 
il  avait  obtenu  ces  informations.  A  la  Civilta,  on  croyait  que 
les  auteurs  écrivaient  pour  la  revue,  et  comme  le  prochain 
numéro  allait  bientôt  paraître,  on  se  bâta  de  traduire  en 
italien  le  second  mémoire  et  les  renseignements  donnés  par 
le  premier  sur  la  presse  :  l'article  sans  modification  essen- 
tielle fut  présenté  aux  lecteurs  comme  une  correspondance 
de  France  //.  Voilà  toute  l'histoire  de  la  célèbre  correspon- 
dance de  la  Civilta  du  6  février  1869. 


(1)  Voir  cette  feuille,  C.  V.  1147  a,  b.  Ceccoxi,  1.  c. 

(2)  Voir  cette  lettre  du  nonce,  C.  V.  1147  b  sqq.  Ceccoxi,  1.  c.  Doc.  CXXXVI. 

(3)  Voir  la  lettre  du  nonce,  C.  V.  1147  d,  sqq.  Ceccoxi,  1.  c.  Doc.  CXXXVII, 

(4)  Voir  les  correspondances  C.  V.  1148  c  sqq.,  1153  b  sqq.  Ceccoxi,  1.  c.Doc. 
CXXXVI1I,  CXXX1X. 

[185-186] 


HISTOIRE    DE    LA    CORRESPONDANCE    DE    LA    ,,    CIVILTA  21  7 

On  remarquera,  en  passant,  l'inanité  de  la  première  accu- 
sation portée  contre  la  Civilta  :  à  savoir,  qu'elle  s'était  fait 
adresser  de  France  une  correspondance  conforme  à  ses 
désirs  ;  les  ecclésiastiques  qui  l'écrivirent  étaient  inconnus  à 
la  revue;  ils  n'avaient  pas  été  désignés  par  elle,  mais  par  le 
nonce;  de  plus,  la  circulaire  du  cardinal  Antonelli  ne  parle  pas 
de  doctrines  dont  la  définition  pourrait  être  indiquée  comme 
un  vœu  du  peuple  chrétien,  elle  ne  demande  des  informations 
que  sur  les  souhaits  réellement  formés  dans  les  divers  pays. 
Si  le  correspondant  du  nonce  a  prêté  à  ses  compatriotes  des 
désirs  qu'ils  n'avaient  pas,  la  responsabilité  en  retombe  sur 
lui  seul. 

L'exactitude  du  récit  du  P.  Cardella  est  établie  jusqu'à 
l'évidence  par  les  documents.  On  possède  la  circulaire  du 
cardinal  Antonelli,  la  liste  des  points  sur  lesquels  il  deman- 
dait des  informations,  la  réponse  du  nonce  de  Paris  sur  le 
choix  des  correspondants,  sa  lettre  accompagnant  l'envoi  des 
correspondances,  les  deux  correspondances  elles-mêmes, 
enfin  l'article  de  la  Civilta.  Friedrich  connaissait  ces  pièces 
et  toute  l'histoire  de  l'article;  —  Cecconi  les  avait  déjà 
publiés  (i)  ;  —  pourtant,  après  les  avoir  lus,  il  écrit  encore  : 
«  Xous  n'avons  rien  à  rectifier  dans  notre  précédent  exposé 
des  événements  de  janvier  et  de  février  1869;  au  contraire, 
les  nouveaux  renseignements  de  Cecconi  ne  font  que  le 
confirmer,  le  compléter  même  sur  quelques  points  et  le 
rendre  plus  clair  (2).  » 

Pour  en  finir  avec  cette  histoire,  notons  que  les  rapporteurs 
français  furent  mécontents  de  la  publication  de  leurs 
mémoires  ;  ils  s'en  plaignirent  au  nonce.  Travailler  non  pour 
le  Saint-Siège,  mais  pour  une  revue,  n'était  pas  la  mission 
importante  et  honorable  qu'ils  avaient  cru  accepter.  Le 
cardinal  Antonelli  fit  à  bon  droit  observer  à  Mgl  Chigi  qu'en 


(1)  L.  c.  Sect.  1,  p.  411  sq. 

(2)  Geschichte,  etc.,  II,  p.  16. 


im 


218  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

demandant  ces  informations  il  s'était,  entre  antres  choses, 
proposé  de  les  publier,  afin  de  rendre  plus  vive  l'attente  du 
concile.  De  fait,  dans  la  circulaire  du  secrétaire  d'Etat  (i), 
ce  dessein  avait  été  expressément  indiqué. 


(1)  C.  V.  1162 d.  sqq.  Cecgoni,  1.  c,  sect.  I,  Doc.  CXLI. 

(2)  C.  V.  1163c.  d.  Gkccom,  1.  c,  Doc.  CXLTV. 

[1861 


CHAPITRE  IV. 
Suite  de  la  polémique  en  Allemagne. 

En  Allemagne  s'ouvrait  une  période  d'extrême  agitation. 
Les  innombrables  écrits  et  articles  de  journaux  qui  inon- 
dèrent le  pays  en  étaient  tout  à  la  fois  l'indice  et  l'aliment. 
Le  trouble  des  esprits  fut  tel  cpie  bien  des  catholiques,  même 
instruits  et  sages,  y  perdirent  la  claire  vue  des  choses. 

L'auteur  des  cinq  articles  de  I'Allgemeine  Zeitung, 
Dollinger,  les  refondit  dans  un  livre  qu'il  publia  sous  le 
pseudonyme  de  Janus  (i).  Il  parut  à  la  fin  d'août.  La  préface 
nous  renseigne  sur  l'esprit  et  le  but  de  l'ouvrage.  Il  prétend 
bien  a  être  plus  qu'un  simple  et  pacifique  exposé  des  événe- 
ments historiques;...  il  est  encore  un  acte  de  légitime 
défense,  un  appel  aux  chrétiens  qui  réfléchissent,  une  protes- 
tation fondée  sur  l'histoire  contre  un  avenir  menaçant, 
contre  le  programme  d'une  puissante  coalition,  /  programme 
tantôt  annoncé  ouvertement,  tantôt  discrètement  insinué,  à 
la  réalisation  duquel  mille  mains  affairées  s'emploient  tous 


(1)  Der  Papst  und  das  Konul  von  Janus.  Eine  weiter  ausgefùhrte  und  mit  dem 
Quellennachweis  verseheneNeubearbeitung  der  in  der  Augsb.  Allgemeine  Zei- 
tung  erschiedenen  Artikel  :  Das  Konzil  und  die  Civiltà.  Leipzig  1869.  D'après 
Friedrich  (Ignaz,  von  Dollinger,  III,  p.  484),  ce  fut  J.  Huber  qui  prit  l'initiative  de 
réunir  les  articles  en  un  seul  ouvrage  ;  il  commença  le  travail,  Dollinger 
l'acheva.  Sur  les  modifications  faites,  cf.  Hergenrother,/!  n<!-./anus,  p.  10,  etc. 

[187] 


220  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

les  jours  et  à  toute  heure  (i).  »  L'auteur,  ou  les  auteurs  (2), 
voient  un  grand  danger  menacer  et  l'Eglise  qu'elle  atteint 
dans  ses  organes  les  plus  intimes,  et  les  sectes  dissidentes, 
et  les  nations  elles-mêmes.  Le  péril  n'est  pas  d'hier.  «  Il  y  a 
vingt-quatre  ans  environ  qu'a  commencé  à  se  faire  sentir 
dans  l'Église  catholique  un  mouvement  de  recul,  actuelle- 
ment devenu  un  puissant  courant;  aujourd'hui,  comme  un 
flot  qui  monte,  il  se  prépare  à  envahir,  grâce  au  concile, 
l'Eglise  entière  et  tout  ce  qu'elle  a  de  forces  vitales  (3).  » 

Sur  l'Eglise  catholique  et  sa  mission,  Janus  professe  la 
théorie  dite  libérale,  «  qui  comme  telle  est  complètement 
discréditée  auprès  de  tous  les  obstinés  partisans  de  la  cour 
de  Rome  et  des  jésuites,  deux  puissances  aujourd'hui  intime- 
ment unies».  «Xous  sommes  en  communauté  d'idées  d'abord 
avec  ceux  qui  sont  convaincus  que  l'Eglise  catholique  ne  doit 
pas  prendre  une  attitude  hostile  a  l'égard  des  principes  de 
liberté  et  de  l'autonomie  politique,  intellectuelle  et  reli- 
gieuse, tant  qu'ils  sont  entendus  dans  le  sens  chrétien, puisés 
même  dans  l'esprit  et  la  lettre  de  l'Evangile  ;  elle  doit  y  sous- 
crire positivement  et  contribuer  à  les  faire  entrer  définiti- 
vement dans  la  pratique,  en  les  purifiant  et  les  ennoblissant. 
Nous  partageons  en  second  lieu  l'opinion  de  ceux  qui  tien- 
nent pour  nécessaire,  inévitable,  une  grande  et  profonde 
réforme  de  l'Eglise,  encore  qu'il  faille  y  procéder  avec  les 
délais  voulus  (4)  » 

«  Quiconque  considère  dans  leur  enchaînement  intime  les 
vicissitudes  de  l'Eglise  est  nécessairement  amené  à  recon- 
naître qu'à    partir  du    XIe   siècle,   il  n'y  a  plus  dans  toute 


(1)  P.  Illets. 

(2)  P.  IV.  Il  fut  dit  que  Dollinger  avait  l'ourni  la  matière  et  que  Silbernagl  et 
Huber  s'étaient  chargés  de  la  rédaction.  Cependant  Silbernagl  récusa  bientôt 
dan»  une  déclaration  publique  toute  participation  à  la  composition  de 
l'ouvrage. 

(3)  P.  IV. 

(4)  P.  V. 

[188] 


LA    PREFACE    DE    ,,    JANUS  221 

son  histoire  une  seule  époque  sur  laquelle  le  regard  du 
savant  catholique  puisse  s'arrêter  avec  pleine  satisfaction; 
e1  s'il  s'efforce  de  scruter  dans  le  jeu  complexe  de  ses  causes, 
la  décadence  évidente,  toujours  plus  profonde  //  et  plus 
universelle  de  la  vie  de  l'Eglise,  toujours  il  est  conduit  à  en 
trouver  la  raison  principale  dans  la  déviation  et  la  déforma- 
tion de  l'autorité  suprême.  La  primauté  de  Rome  est  assuré- 
ment une  des  forces  du  catholicisme,  mais,  par  contre,  à  qui 
considère  l'ancienne  Eglise  depuis  les  temps  apostoliques 
jusque  vers  845,  la  papauté  telle  qu'elle  est  devenue  apparaît 
sans  conteste  comme  une  tumeur  qui  la  défigure  et  la  fait 
étouffer,  qui  absorbe  le  meilleur  de  ces  forces,  l'épuisetetne  lui 
rend  en  échange  que  de  nombreuses  infirmités.  Aussi,  devant 
les  préparatifs  faits  depuis  plusieurs  années  déjà  pour  par- 
faire le  système  qui  est  la  source  de  tout  le  mal  et  lui  donner 
dans  le  dogme  de  l'infaillibilité  .un  rempart  inexpugnable, 
c'est  un  devoir  pour  quiconque  veut  le  bien  de  l'Eglise,  de 
la  société  dont  elle  est  une  partie  vitale,  d'essayer  dans  la 
mesure  de  ses  connaissances  et  de  son  pouvoir  s'il  n'y  aurait 
pas  encore  quelque  moyen  d'empêcher  une  catastrophe  aussi 
néfaste  (i).  » 

<c  Qu'en  ce  moment  s'éveille  et  se  manifeste  en  Europe  ou 
même  simplement  .en  Allemagne  un  mouvement  d'opinion 
puissant,  unanime,  parmi  les  hommes  professant  une  foi 
positivç,  opposés  cependant  au  succès  de  l'ultramoiitanisme, 
alors,  malgré  les  sombres  pressentiments  que  suggèrent  les 
paroles  des  évêques  de  Mayence,  de  Saint-Polten  et  de 
Marines,  le  danger  sera  encore  une  fois  heureusement  con- 
juré. Ce  livre  est  un  effort  pour  essayer  de  susciter, 
d'orienter  l'opinion.  Ce  ne  sera  peut-être  qu'une  pierre  jetée 
dans  l'eau,  qui  en  ridera  un  instant  la  surface,  bientôt  rendue 
à  son  calme;  mais  qui  sait  si,  au  contraire,  notre  ouvrage  ne 

(1)  P.  VIII  s. 

[188-189] 


S22  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN" 

sera  pas  le  filet  qui,  plongé  dans  la  rivière,  rapporte  un  riche 
butin  (i)?  » 

Le  but  principal  de  Janus, —  ce  sera  toujours  celui  de  tous 
les  écrits  et  de  toutes  les  agitations  semblables,  —  est  clai- 
rement exprimé  dans  ces  dernières  paroles  :  Il  s'agit  de 
susciter  dans  l'Eglise  un  courant  d'opinion  contre  les 
doctrines  que  redoute  le  libéralisme,  en  particulier  contre 
l'infaillibilité  du  paj)e,  regardée  par  l'auteur  comme  la  clef 
de  voûte  d'un  système  doctrinal  ruineux  pour  l'Eglise. 
La  masse  des  catholiques  //  en  Europe  ou  tout  au  moins  en 
Allemagne  doit  être  soulevée  contre  ces  doctrines  ;  dressée 
devant  le  concile  avec  des  menaces  de  révolte  et  de  schisme, 
elle  le  contraindra  alors  à  prendre  les  décisions  qu'elle 
désire.  Le  voilà  donc  ce  parti,  qui  montrait  tant  de  sollici- 
tude pour  la  garantie  de  la  liberté  conciliaire,  qui  dans  les 
mesures  et  les  règlements  les  plus  sages  n'a  jamais  voulu  voir 
que  d'injustes  entraves,  le  voilà  qui  avoue  et  poursuit 
ouvertement  le  dessein  d'entraîner  l'assemblée  en  soulevant 
l'élément  laïque  contre  le  magistère  établi  par  Dieu  :  par 
cette  attitude  menaçante  il  entend  empêcher  la  définition 
des  dogmes  qui  lui  déplaisent. 

Un  publiciste  distingué  appréciant  les  cinq  articles  avait 
déjà  caractérisé  l'esprit  du  libelle  :  «  Tout  ce  travail,  disait- 
il,  dénote  une  virulente  colère,  les  bouillonnements  d'une  rage 
qui  ne  laisse  à  l'auteur  aucun  moment  de  tranquillité  ;  aussi, 
malgré  l'incontestable  maîtrise  du  métier  d'écrivain  qu'il 
témoigne,  y  manque-t-il  l'ordonnance  progressive  des  déve- 
loppements; pensées,  citations  se  succèdent  au  hasard  comme 
ils  tombaient  sous  la  main,  se  répétant  ou  s'enchevétrant  les 
uns  aux  autres.  Les  faits  historiques  sont  allégués  en  foule  ; 
mais  tous  sont  tournés  en  griefs,  sur  tous  l'auteur  distille  son 
venin.   De  la  première  ligne  à  la  dernière,  les  limites  de  la 

(l)  P.  XVllIs. 

[iS'.i-190J 


LA    POLEMIQUE    EN    ALLEMAGNE    ,,    .TAXUS  223 

probité  intellectuelle  dans  la  discussion  sont  outrageusement 
violées  par  une  passion  qui  va  jusqu'à  l'inhumanité  (i)  »  ! 

Au  sujet  de  la  Civilta,  Janus  répète  les  accusations  que 
nous  connaissons,  il  s'en  prend  au  dessein  attribué  par  lui  à 
la  cour  romaine  de  transformer  en  thèses  positives  qu'on 
ferait  définir  en  bloc  les  condamnations  du  Syllabus  (2).  Ce 
dessein  est  indéniable  —  à  son  avis  —  puisque  de  France  un 
correspondant  de  la  Civilta  l'a  présenté  comme  le  vœu  de 
nombreux  catholiques  français  !  Un  simple  coup  d'œil  sur  les 
travaux  dont  s'occupaient  à  Rome  les  commissions  chargées 
de  préparer  les  schémas  auraient  pu  convaincre  l'auteur 
qu'on  n'y  songeait  pas  le  moins  du  inonde  à  recourir  à  une 
procédure  aussi  sommaire.  Mais  ce  souhait  des  catholiques 
français  //  présenté  contre  le  plan  des  personnalités  les  plus 
influentes  au  concile,  donnait  à  Janus  la  meilleure  occasion 
de  provoquer  l'agitation  anticonciliaire  et  d'utiliser  pour  la 
lutte  toute  la  haine  dont  l'esprit  moderne  poursuit  le  Syllabus. 

Aussi  insiste-t-il  avec  prédilection  sur  certains  articles  de 
documents  spécialement  odieux  à  nos  contemporains  :  par 
exemple  sur  celui  qui  affirme  le  droit  qu'a  l'Eglise  de  recourir 
à  la  contrainte  extérieure.  Il  s'étend  là-dessus  et  conclut  : 

«  On  est  donc  dans  une  grande  illusion  si  l'on  croit  au 
triomphe  dans  le  catholicisme  de  l'esprit  de  l'Ecriture  et  du 
christianisme  primitif  sur  la  conception  médiévale  qui  fait 
de  l'Eglise  un  bagne  muni  de  cachots,  de  gibets  et  de  bûchers. 
Tout  au  contraire,  cette  vieille  idée  va  être  à  nouveau  sanc- 
tionnée et  cela  par  l'autorité  d'un  concile  œcuménique  ;  la 
théorie  chère  aux  papes  qui,  grâce  à  l'excommunication  et  à 
ses  suites,  leur  permet  d'obliger  les  princes  et  les  gouverne- 
ments à  exécuter  les  sentences  de  confiscation,  d'emprisonne- 
ment ou  de  mort  de  la  cour  romaine,  va  devenir  un  dogme 


(1)  Historiscii.  POLIT.    Bl.etter  186!»,  Il,  31<). 

(2)  P.  175etsqq. 

(3)  P.  8-37. 

[100-191] 


224  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

infaillible.  Pour  être  conséquent,  il  faudrait  non  seulement 
justifier  l'antique  institution  de  l'Inquisition, mais  la  recom- 
mander comme  un  remède  urgent  contre  l'incrédulité  con- 
temporaine !  )> 

Le  Syllabus  ne  dit  point  tout  cela  :  il  se  borne  à  opposer 
aux  erreurs  modernes  la  vérité  [fort  ancienne  de  l'existence 
du  pouvoir  eôercitif  dans  l'Eglise.  Janus  la  présente  sous  un 
jour  tel  que  la  seule  pensée  de  sa  définition  possible  par  le 
concile  devait  faire  frémir  les  liommes  du  XIXe  siècle.  Eh! 
sans  doute  l'Eglise  ne  peut  pas  renier  le  principe  qui  lui  assure 
le  droit  de  coercition  extérieure,  elle  le  maintient;  mais  dans 
l'application,  elle  tient  compte  des  circonstances  :  malgré  leur 
incrédulité  nos  contemporains  n'ont  rien  à  craindre  de  ces 
fantômes  de  cachots,  de  gibets  et  de  bûchers  évoqués  par 
Janus  pour  les  besoins  de  l'agitation  anticonciliaire. 

L'auteur  continue  ses  excitations  violentes.  La  réprobation 
de  la  paix  de  Westphalie  par  la  bulle  d'Innocent  X,  Zelus 
domus  Dei,  du  20  novembre  1648,  est  présentée  comme  dictée 
par  l'intolérance  pontificale.  Or,  il  est  connu  de  tous,  et  cer- 
tainement Janus  savait,  que  ce  traité  établissait  le  principe 
barbare  :  Cujus  regio,  ejus  relig-io,  que  l'Eglise  ne  put  jamais 
reconnaître  //  et  qui  de  nos  j  ours  est  universellement  réprouvé. 
Mais  il  n'était  question  que  de  tromper  ses  lecteurs.  «  Les 
dispositions  du  traité  de  Westphalie  garantissant  aux  protes- 
tants le  libre  exercice  de  leur  religion  et  l'admission  aux 
charges  avaient  tout  spécialement  rempli  le  pape,  il  le  dit 
lui-même,  d'une  profonde  douleur  (cuin  intimo  doloris  sensu). 
La  réprobation  initiale  a  été  maintenue  ;  car,  en  1789  encore, 
Pie  VI  déclarait  dans  sa  lettre  aux  archevêques  d'Allemagne  : 
«  Pacem  Westphalicatn  Ecclesia  niinquam  probavit  — 
l'Eglise  n'a  jamais  approuvé  cette  paix.  »  (2)  Ainsi  s'exprime 


(1)  L.c,  p.  13. 

(2)  L.  c,  p.  34. 

[191-192J 


LA    POLEMIQUE     EX    ALLEMAGNE    —    ,,    JANUS  22o 

Jaims.  Jôrg  répondit  (i)  :  «  Nous  avons  sous  les  yeux  le  texte 
de  la  bulle  d'Innocent  X  du  20  novembre  1648,  et  nous  sommes 
étonnés  de  la  voir  ainsi  faussée  et  mutilée.  Il  n'est  pas  vrai 
que  le  pape  manifeste  sa  profonde  douleur  «  tout  spéciale- 
ment »  à  propos  des  clauses  citées  :  il  la  fait  expressément 
porter  sur  l'acte  tout  entier.  Il  énumère  toutes  les  spolia- 
tions et  les  injustices  dont  l'Eglise  a  été  victime  en  Allemagne, 
et  se  plaint  «  spécialement  »  de  la  part  du  lion  faite  aux  héré- 
tiques par  la  fixation  de  la  nouvelle  année  normale.  C'est  à 
cela  que  se  rapportent  les  paroles  citées  plus  haut  par  l'auteur, 
comme  le  prouve  l'incise  in  plerisque  locis  que  l'auteur  a 
omise  prudemment.  Prudemment  aussi,  il  supprime  l'autre 
moitié  de  la  phrase  ;  la  bulle  dit  que  par  les  clauses  en  ques- 
tion les  protestants  sont  admis  ad  nonnullos  archiepiscopa- 
tus,  episcopatus  aliasque  djgnitatés  et  bénéficia  ecclesiastica. 
Enfin,  le  pape  note  que  le  traité  contient  «  encore  beaucoup 
de  choses  qu'il  a  honte  de  répéter.  »  Ajoutons  que  les  bases 
de  la  convention  sont,  sans  aucun  doute  possible,  le  fameux 
cujus  regio,  ejus  religio,  cet  «  axiome  essentiel  à  la  vie  politi- 
que »  de  l'époque;  seule  alors  Rome  refusait  de  le  reconnaître, 
maintenant  tout  le  monde  civilisé  —  dans  lequel  bien  entendu 
nous  ne  comptons  pas  le  gouvernement  russe  —  est  unanime 
à  le  rejeter. 

Janus  ne  fait  qu'une  allusion  rapide  à  la  «  légende  »  de 
l'Assomption  de  la  Vierge  (2),  pour  se  dédommager  dans  la 
troisième  partie  sur  la  doctrine  de  l'infaillibilité  papale,  à 
laquelle  est  consacré  presque  tout  le  livre  (3). 

Tout  d'abord,  il  indique  les  défenseurs  de  cette  doctrine  : 
ce  sont  les  «  ultramontains  ».  «  Saint  Jérôme,  écrit-il,  // 
objectait  jadis  aux  Pélagiens,  que  d'après  leur  système  Dieu 
aurait  pour  ainsi  dire  monté  une  fois  pour  toutes  l'horloge 


(1)  HlSTORISCH.  polit.   Bl.etter,  1.  c,  p.  321. 

(2)  P.  37-39. 

(3)  I,.  c.  pp.  40-446. 

|192-193] 


22G  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

humaine,  et  puis  se  serait  couché,  n'ayant  plus  rien  à  faire. 
La  théorie  des  jésuites  fait  pendant   à  celle  de  Pelage.  Dieu 
s'est  couché,  car  à  sa  place  règne  son  vicaire  sur  la  terre, 
toujours  éveillé  et  infaillible,  chargé  de  gouverner  le  monde, 
de  distribuer  grâces  et  châtiments.  La  parole  de  saint  Paul  : 
«  En  lui  nous  vivons,  nous  nous  mouvons,  et  nous  existons,  » 
s'applique  au  pape  (i).   Janus  ne  voit  pas  que  les  défenseurs 
de  l'infaillibilité  la  font  consister  précisément  dans  l'assis- 
tance constante  par  laquelle  Dieu  préserve  le  pontife  de  toute 
erreur  dans  les  jugements  qu'il  porte  comme  chef  de  l'Eglise. 
Janus  cherche  à  discréditer  Rome  et  son  clergé.  On  croit 
entendre  Charles  Hase,  quand  on  lit  :  «  La  loterie  du  gouver- 
nement romain,  organisée  officiellement  par  des  prêtres,  pro- 
voque-t-elle  la  passion  du  jeu  et  la  ruine  de  familles  entières, 
aussitôt  la  Civilta  écrit  une  apologie  de  la  loterie,  interdite 
pourtant  sous  peine  d'excommunication  par  Alexandre  VII 
et  Benoit  XIII.  Voit-on  à  Rome  sur  la  place  publique  des 
ecclésiastiques  (les  preti  dipiazza)  attendant  qu'on  les  engage 
pour  une  messe  :  aux  yeux  des  «  romanistes  »  la  chose  est 
aussi  peu  choquante  que  la  vente  des  indulgences  sur  les- 
quelles, à  la  suite  des  curiosités  et  autres  charmes  de  la  ville, 
les  guides  ont  soin  d'attirer  l'attention   de  l'étranger.    Le 
voyageur   trouvera  à  tout  le  moins  excusable  qu'on  exploite 
là-bas  autant  que  possible  les  ressources  financières   qu'of- 
frent les  dispenses  et  les  indulgences,  que,  par  exemple,  on  y 
vende  pour  un  escudo  la  concession  de  l'autel  privilégié,  don- 
nant ainsi  un  aliment  à  la  plus  grossière  superstition  au  sujet 
de  la  délivrance  des  âmes  du  purgatoire,  qu'on  accorde  aux 
riches,  moyennant  de  fortes  taxes,  certaines  dispenses  de 
mariage  qu'on  refuse  aux  indigents  ;  qu'on  essaie  d'attirer 
à  Rome,  comme  cela  est  arrivé  il  n'y  a  pas  longtemps  pour 
un  pays  allemand,  contre  le  texte  formel  du  concordat,  cer- 

(1)  P.  41  et  5. 

[ll»31 


LA    POLEMIQUE    EN    ALLEMAGNE     —    ,,    JANUS  '227 

taine  catégorie  de  causes  matrimoniales  et  d'obliger  ainsi 
des  étrangers  à  soutenir  au  loin  des  procès  coûteux  ;  ce 
nouvel  empiétement  parut  pourtant  trop  fort  aux  évêques  de 
la  région:  ils  adressèrent  à  la  curie  de  sérieuses  représen- 
tations :  les  prétentions  furent  retirées  et  la  chose  en  resta 
là  (i).  »  Ainsi  un  haut  dignitaire  catholique,  professeur 
d'histoire  ecclésiastique,  prenait  le  ton  d'un  pamphlétaire 
haineux,  et  il  assurait  qu'il  n'écrivait  pas  pour  attiser  les 
colères,  pour  exciter  un  soulèvement  contre  l'autorité 
suprême,  mais  par  sollicitude  pour  l'Eglise,  afin  de  lui  épar- 
gner le  grand  malheur  qui  la  menaçait. 

Contre  la  thèse  même  de  l'infaillibilité  pontificale,  Janus 
objecte  d'abord  les  conséquences  qu'il  décrit  à  peu  près 
comme  nous  l'avons  vu  faire  dans  les  articles  de  I'Allge- 
meine  Zeitung  (2),  puis  il  passe  à  la  réfutation  directe.  C'est 
une  quantité  énorme  de  faits  et  de  témoignages  qu'il  accu- 
mule, mais  il  les  fausse  ou  les  interprète  d'une  façon  inexacte  : 
nous  ne  pouvons  entrer  dans  le  détail  et  nous  renvoyons  à 
ï'Anti- Janus,  dont  nous  citerons  seulement  l'appréciation 
finale  (3)  :  Dans  cet  amas  de  faits  historiques  arbitrairement 
groupés,  souvent  en  dépit  de  la  chronologie,  dans  ces  conclu- 
sions fantaisistes  où  parfois  la  logique  est  terriblement  mal- 
menée, on  cherchera  en  vain  un  calme  exposé  des  événe- 
ments. Le  lecteur  n'y  trouvera  ni  un  récit  suivi  ni  un  exposé 
systématique  complet,  permettant  de  porter  un  jugement 
personnel  ;  il  n'a  devant  lui  qu'un  ragoût  d'ingrédients  divers 
choisis  par  l'esprit  de  parti,  qu'avec  la  plus  insigne  préten- 
tion on  lui  présente  comme  le  mets  le  plus  savoureux,  le 
mieux  réussi...  il  y  trouvera  du  goût  à  la  condition  de  le 
dévorer  dans  le  même  esprit  de  parti  qui  a  inspiré  ses 
auteurs.  Comme  historien,  Janus  est  de  l'espèce  dont  parlait 


(i)  L.  c,  p.  46  et  sq. 

(2)  P.  177. 

(3)  P.  173  etsq. 


[193-194] 


(i)  Dollinger,  lrrtum,Zweifel,  Wahrheit.  Eine  Rede  (Munich,  1845)  p.  33. 

(2)  P.  178  et  suiv.  Les  références  suivantes  sont  tirées  du  même  ouvrage. 

(3)  C.  9,  §  4,  n.  4.  Ep.  ad.  Clem.  XIII. 

(4)  G.  3,§  2,  n.l;c.5,§  3,  n.  7;c.7,  §  7,  n.  6;  §8,  n.7;  c.  9,  §  7  et  suiv. 

(5)  C.    ,§8,  n.  7,y;c.4,  §7,  n.  1. 

(6)  G.  5,  §3,  n.  4;§  6,  n.  4;  c.8,  §7,  n.  9;c.9,  §9. 

(7)  G.  3,  §1  et  suiv. 

[194-195] 


228  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

un  véritable  maître  en  cette  science  (i),  gens  «  qui  embrouil- 
lent le  souvenir  du  passé  et  flattent  le  démon  de  l'envie  tou- 
jours aux  aguets  dans  le  cœur  de  l'homme  en  cherchant  aux 
actions  les  plus  nobles  des  motifs  inavouables  ou  des  raisons 
mesquines  et  dont  la  grande  joie  est  de  ravager  le  domaine 
de  l'histoire  ecclésiastique,  en  altérant  arbitrairement  les 
faits  ou  en  s'attardant  avec  complaisance  à  décrire  tout  ce 
qui  peut  s'y  rencontrer  d'impur  ou  d'humain.  »  Alors  même 
que  tous  les  lecteurs  ne  //  s'apercevraient  pas  tout  d'abord  que 
Janus  s'est  donné  vis-à-vis  de  la  vérité  des  libertés  autrement 
graves  que  celles  qu'il  prête  à  l'Eglise  romaine,  tous,  dirons- 
nous  avec  le  même  écrivain,  «  guidés  par  leur  sens  moral  et 
cet  instinct  de  la  vérité  que  développe  la  culture  intellec- 
tuelle, refuseront  leur  foi  et  leur  confiance  à  de  tels  histo- 
riens, tous  sauront  démasquer  ces  tendances  malhonnêtes 
et  souvent  deviner  ou  du  moins  pressentir  la  vérité  au  tra- 
vers des  nuages  savamment  amoncelées  pour  la  dissimuler.  » 
L'auteur  de  YAnti-Janus  trouve  (2)  les  idées  fondamen- 
tales de  Janus  déjà  exploitées  dans  leur  ensemble  «  par 
Richer,  Sarpi,  Launoy,  par  les  Gallicans  et  les  Jansénistes, 
tous  passés  maîtres  dans  l'art  de  combattre  la  cour  de  Rome, 
et,  mieux  que  par  tous  les  autres,  par  Justin  Febronius, 
c'est-à-dire  J. -Nicolas  de  Hontheim  :  Mêmes  plaintes  sur  les 
abus  de  la  monarchie  romaine  (3)  et  du  pouvoir  pontifical  (4); 
même  haine  contre  les  ordres  religieux  (5),  même  prédilec- 
tion pour  les  écrivains  hostiles  aux  papes  (6),  même  aversion 
pour  les  canonistes  et  les  juristes,  même  manière  de  voir  sur 
l'influence  des  décrétâtes  pseudo-isidoriennes  (7),  même  ten- 


L  AXTI-.TAXUS  229 

dance  à  exciter  contre  le  pape  les  princes  et  les  évêques  (i), 
et  môme  dessein  de  réformer  la  constitution  de  l'Eglise  dans 
le  sens  du  «  pur  système  épiscopalien  »,  selon  les  décrets  de 
Constance  et  de  Bâle,  auxquels  on  suppose  aussi  une  valeur 
incontestable  (2).  Janus  n'a  pas  même  réussi  à  faire  dispa- 
raître la  contradiction  intrinsèque  aii  système  fébronien,  qui 
après  avoir  si  fort  exalté  les  évêques,  en  fait  les  simples 
témoins  de  la  foi  de  leurs  communautés  (3). 

L'ouvrage  que  nous  venons  de  citer  est  la  principale  réfu- 
tation du  pamphlétaire  (4)-  Son  auteur,  le  futur  cardinal 
Hergenrother,  égale  son  adversaire  en  érudition  historique, 
mais  le  dépasse  de  beaucoup  par  ses  connaissances  dogma- 
tiques et  canoniques;  dans  une  langue  sobre,  il  démasque 
d'une  façon  péremptoire  les  inexactitudes  des  récits  et  les 
sophismes  de  la  théologie  de  Janus.  Quand  les  Historisch- 
politische  Bl.etter  (5)  exposent  leurs  raisons  de  croire  que 
Dollinger  est  l'auteur  du  Janus,  Hergenrother,  élève  de  Dôl- 
linger,  ne  peut  le  croire  (6)  :  <c  Malgré  le  poids  des  raisons 
extrinsèques ,  le  fond  des  articles  m'empêche  d'admettre 
l'attribution  que  propose  la  revue.  Ce  serait  faire  injure  à  un 
savant  illustre  que  d'en  faire  l'auteur  d'un  fàetum,  si  super- 
ficiel, si  ouvertement  tendancieux,  et  de  supposer  qu'il  a  voulu 
désavouer  aujourd'hui  sous  le  couvert  de  l'anonymat  des 
idées  et  des  convictions  qu'il  a  jadis  défendues  sous  son 
propre  nom.   Un  tel  soupçon  m'est  moralement  impossible. 


(1)  Voir  les  discours  «  ad  renés  et  principes,  ad  episcopos  ».  Dans  les  plaintes 
contre  Alexandre  V,  Martin  V  et  Eugène  IV. accusés  d'avoir  simplifié  ou  éludé  la 
réforme  de  l'Eglise,  Janus  est  d'accord  (pp.  320,  330,  338)  avec  Febronius  (c.  6, 
§20,  n.  2,  3).  Voir,  par  contre,  Zaccaria,  Anti- Febronius  I,  LXXXVI  et  s. 

(2)  C.  6,§  l,n.2;§15,  n.3. 

(3)  G.  6,  §  8,  n.  12. 

(4)  Anti-Janus,  eine  Historisch-theologische  Krilik  derSchrtft:  «  Der  Papst  und 
das  Komil,  von  Janus  »,  parle  D'J.  Hergenrother,  professeur.titulaire  de  droit 
canon  et  d'histoire  ecclésiastique  à  l'université  de  Wiirbourg,  Fribourg-en-Bris- 
gau(1870). 

(5)  1869  II,  p.  316  et  suiv.  Cf.  supra  p.  211. 

(6)  P.  8. 

i5 
,195-196] 


230  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Son  silence  dans  la  presse  vient  évidemment  de  ce  qu'il  a 
jugé  au-dessous  de  sa  dignité  de  repousser  une  pareille  accu- 
sation. » 

Une  réfutation  moins  considérable,  mais  très  solide,  fut 
publiée  par  le  Dr  Scheeben,  professeur  au  grand  séminaire 
de  Cologne  (i).  L'oratorien  Keogli  (2)  en  Angleterre,  et  en 
Irlande  Robertson  (3),  professeur  à  l'université  catholique 
de  Dublin,  écrivirent  aussi  contre  Janus. 

Lie  D1  Jean  Huber  (4)  répondit  à  YAnti-Janus  de  Hergen- 
rother.  De  plus,  J.  Frohschammer,  prêtre  déjà  révolté  contre 
l'autorité,  et  depuis  séparé  de  l'Eglise  jusqu'à  la  complète 
apostasie,  entra  en  lice  après  l'apparition  du  Janus  (5).  Natu- 
rellement il  salua  le  libelle  avec  joie,  mais  il  en  fit  une  excel- 
lente critique  eu  indiquant  les  inconséquences  de  l'auteur  et 
en  montrant  qu'en  vertu  de  ses  principes,  Janus  devait  aller 
plus  loin,  et  nier  non  seulement  l'infaillibilité  du  pape,  mais 
aussi  celle  de  l'Eglise,  par  suite  se  séparer  d'elle  et  aban- 
donner la  foi  chrétienne.  A  la  même  classe  d'écrits  appartien- 
nent les  brochures  de  Lianno  (6), qui  ouvertement  exhortent  à 
se  séparer  du  Saint-Siège. 


(1)  Der  Papst  und  das  Kon&il,  von  Janus.  Charakterixtik  und  Wurdigung,  par 
le  Dr  M.  Jos.  Scheebex.  Mayence  18(59. 

(2)  A  few  spécimens  of  «  scientifihistory  »  from  Janus,  par  Edw.  Stephan  Keogh, 
prêtre  de  l'Oratoire.  Londres,  1870. 

(3)  Anlijanus,  with  an  introduction  giving  a  historij  of  Gallicanism.  Dublin,  1870. 

(4)  Das  Papsttum  und  der  Staat.  Wider  den  Anli-Janus,  par  le  Dr  Jean  Huber. 
(Premier  fascicule  des  «  Stimnien  ans  der  kathol.  Kirche  iiber  die  Kirchenfragen 
der  Gegenwart) » .  Munich,  1869. 

(5)  Vur  Wurdigung  der  Unfehlbarkeit  des  Papstes  und  der  Kirche.  Par  J.  Froh- 
schammer. Zugleich  zur  Beurteilung  der  Schrift  «  Der  Papst  tind  das  Konul  von 
Janus  ».  Munich,  1869.  Plus  tard  parut  :  Die  politische  Bedeutung  der  Unfehlbarkeit 
des  Papstes  und  der  Kirche.  Par  J.  Frohschammbr.  Neue  Unlersuchungen  zur  Wur- 
digung der  Unfehlbarkeit  des  Papstes  und  der  Kirche.  Munich,  1869. 

(6)  Die  Kirche  Gottes  und  die  Bischofe.  Denkschrift  mit  Rùcksicht  auf  das  ange- 
kùndigte  allgemeine  Kon&ilium  zur  Klarung  der  religiosen  Lebensfrage.Par  Heinrich 
St.  A.  v.  Lianno.  Munich,  1869.  Dogma  und  Schulmeinung,  par  le  même,  ibid.  — 
«  L'auteur...  est,  d'après  la  Salurday  Reoiew,  revue  protestante  libérale  de 
Londres,  n°  du  3  juillet,  «  un  Espagnol  de  noble  origine  qui  s'est  établi  en 
Allemagne  »,  «  un  profond  penseur  »,  cela  va  de  soi,  puisqu'il  attaque  l'ultra- 
montanisme;  ce  n'est  pas  un  catholique  ordinaire,  un  simple  bon  catholique, 

1 197J 


ARTICLES    DE    L  ALLGEMEINE    ZEITUNG  231 

Cependant  les  collaborateurs  de  I'Allgemeine  Zeitung, 
hostiles  au  concile,  n'étaient  pas,  eux  non  plus,  restes  inac- 
tifs. Signés  de  cette  même  double  croix  qui  avait  dissimulé 
l'auteur  îles  cinq  fameux  articles,  quelques  autres  avaient 
paru,  plus  étendus,  conçus  dans  le  même  esprit,  mais  moins 
historiques  que  les  premiers.  Leur  but  était  de  louer  la  cir- 
culaire du  prince  de  Holienlolic,  de  faire  planer  sur  les  noms 
les  plus  marquants  des  commissions  préparatoires  du  con- 
cile un  soupçon  d'  «  incapacité  scientifique  »,  de  faire 
craindre  la  dénonciation  du  concordat  bavarois  et  enfin  de 
reprocher  à  la  presse  catholique  d'  «  être  servie  par  des 
hommes  sans  culture  historique,  politique,  ni  théologique 
et  dont,  par  suite  (!),  le  principal  cauchemar  était  l'existence 
de  l'Etat  moderne.  La  matière  de  ces  correspondances  offi- 
cieuses était  sans  doute  fournie  par  l'auteur  des  cinq 
articles  (i). 

Pour  résumer  et  couronner  dignement  toute  cette  cam- 
pagne, un  des  articles  ultérieurs  de  I'Allgemeine  Zeitung  // 
conclut  :  A  l'heure  actuelle,  un  concile  œcuménique  est  une 
impossibilité,  car  ses  membres  manqueraient  des  qualités  les 
plus  indispensables,  à  savoir  :  un  jugement  indépendant  et 
une  suffisante  culture  scientifique.  Le  rédacteur  s'attribue 
donc  à  lui-même  l'autorité  suprême  dans  l'Eglise  et,  comme 
il  suppose  que  la  très  grande  majorité  des  évêques  de  l'uni- 
vers entier  pense  autrement  que  lui,  il  déclare  qu'ils  ne  sont 
absolument  bons  à  rien,  qu'en  particulier  ils  ne  sont  pas 
aptes  à  former  un  concile.   La  raison  de   cette  infériorité  de 


il  est  «connu  comme  un  homme  de  vie  pure  et .  austère,extrêmement  adonné  à  la 
prière  et  au  jeune, un  partisan -de  saint  Augustin,  un  admirateur  de  Port-Royal, 
un  ami  du  célèbre  Thiersch  (un  disciple  d'Irving),dont  l'ouvrage  sur  les  temps 
apostoliques  est  bien  connu  d'un  grand  nombre  de  nos  lecteurs,  etc.  »  (Das 
Ùkumenische  Konùl.  Stewmen  aus  Maria-Laach.  Nout.  série,  fasc.  V  (1869,  106  et 
suiv.). 

(1)  Histor.  polit.  Bl^tter  1869,  II,  329  et  suiv.  Nous  empruntons  ce  que  nous 
disons  du  contenu  des  articles,  aux  fascicules  de  cette  revue  parus  à  cette  époque. 

[197-198] 


232  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

l'épiscopat  est,  d'après  ses  idées,  pour  la  plus  grande  partie 
du  clergé  «  l'absence  de  formation  scientifique  dans  les 
grands  séminaires,  où  on  ne  distribue  qu'un  misérable  ensei- 
gnement théologique  ».  Et  ce  sont  précisément  ces  évêques 
qui  seraient  la  majorité  au  concile,  en  particulier  ceux 
des  Etats  romains.  Les  évêques  anglais  suivraient  leur  Man- 
ning,  les  irlandais  leur  Cullen,  les  autrichiens  leur  Fessier. 
Le  pire  contingent  serait  celui  des  évêques  allemands.  Les 
uns  ont  été  élevés  par  les  jésuites,  d'autres  n'iraient  pas  à 
Rome,  d'autres  ne  comprendraient  rien  et  d'ailleurs  n'au- 
raient pas  là-bas  les  ouvrages  «  avec  lesquels  ils  pourraient 
se  mettre  rapidement  au  courant  des  questions  ».  Ainsi 
arriverait-on  à  ce  résultat  déplorable  :  «  à  ce  concile,  personne 
ne  parlerait  au  nom  de  l'Allemagne,  au  nom  des  vingt-cinq 
millions  de  catholiques  allemands  ».  «  Qui  l'oserait  d'ail- 
leurs, à  qui  même  donnerait-on  la  parole  ?  »  11  est  vrai, 
parmi  ceux  qui  partagent  la  manière  de  voir  de  I'Allge- 
meine  Zeitung,  il  y  a  bien  «  un  petit  groupe  »  d'évêques  fran- 
çais, l'évèquc  d'Orléans,  par  exemple,  disait  expressément 
un  des  articles  suivants  (i). 

«  Une  chose  encore  qui  me  surprend  et  me  déplaît  d'une 
façon  particulière,  écrirait  avec  raison  Jôrg  (2),  c'est  cette 
injurieuse  épithète  d'  «  adulateurs  du  pape  »  qu'à  la  fin  de  sa 
première  partie  l'auteur  de  ces  articles  applique  à  tous  ceux 
qui  ne  pensent  ni  ne  parlent,  comme  lui  permet  de  le  faire  sa 
prodigieuse  impiété.  Sa  dernière  parole  est,  du  reste,  une 
plaisanterie  blasphématoire  :  <c  comme  pendant  du  brigan- 
dage d'Ephèsc  de  449>ûit-il,On  aura  désormais  la«  flatterie  » 
de  1869.  »  Je  le  demande  à  l'auteur  :  que  gagne-t-on  aujour- 
d'hui à  «  flatter  »  le  pape?  Par  définition  un  flatteur  est  celui 
qui  cherche  à  tirer  quelque  avantage  de  celui  qu'il  flatte.  Or 


(1)  Historisch-poltt.  Bl.etter,  loc.  cit.  p.  330  sqq. 

(2)  Ibid.  p.  351  sqq. 

[198] 


LES    LIVRES    DE    P. -P.    RU  DIS  233 

nous  voyons  fort  bien  ce  qu'on  peut  gagner  à  flatter  les  ten- 
dances tantôt  conservatrices,  tantôt  libérales  des  puissances 
temporelles  //.  Mais  nous  ne  savons  pas  ce  qu'on  pourrait 
gagner  à  flatter  le  pape.  En  particulier,  les  jésuites,  qu'on 
représente  comme  les  principaux  «  adulateurs  du  pape»,  qu'y 
gagnent-ils  donc  autre  chose  qu'une  vie  de  pauvreté  et  de 
privations,  une  vie  de  travail  et  de  persécution?  Et  nous, 
simples  laïques,  nous  devrons  croire  qu'un  homme  qui 
sacrifie  et  abandonne  tout  pour  servir  Dieu,  qu'il  soit  jésuite 
ou  non,  a  un  zèle  et  un  jugement  moins  éclairé  sur  les  choses 
du  royaume  de  Dieu  qu'un  savant  qui,  couvert  de  décorations 
et  d'honneurs  se  plonge  à  son  aise  dans  les  trésors  des 
bibliothèques  et  n'a  que  cela  .pour  justifier  ses  prétentions  ? 
Une  telle  outrecuidance  est  pour  moi  absolument  incompré- 
hensible. » 

Pour  défendre  l'infaillibilité  du  pape  parut  l'ouvraqe  inti- 
tulé lïirp%  Romana,  sous  le  pseudonyme  de  P. -P.  Pudis  (i). 
Ce  livre  clair,  spirituel,  s'élevait,  sur  un  ton  parfois  trop 
tranchant,  contre  la  science  allemande  ;  il  fit  grand  bruit. 
Par  différentes  voies,  mais  en  vain,  on  essaya  de  savoir  qui 
se  cachait  sous  le  nom  de  P. -P.  Pudis.  C'étaient  trois  prêtres 
du  diocèse  de  Trêves;  le  principal  auteur  était  J.-B.  An- 
dries  (2).  Dans  une  recension,  le  rédacteur  du  Theolo- 
GISChes  L itérât urbl att  de  Bonn  (3)  traita  l'ouvrage  avec  un 
certain  dédain  et  chercha  à  le  présenter  comme  une  produe- 


(1)  tlirpu  Romana  oder  die  Lehre  von  der  papstlichen  Unfehlbarheit  zeitgemass 
beletichtet  und  gewiirdigt  von  P.P.  Rudis.  Deuxième  édition,  sans  correction, 
augmentée  d'une  préface  et  d"une  conclusion.  Ratisbonne  18G9. 

(2)  Ce  même  prêtre,  après  le  concile,  entreprit  d'écrire  un  ouvrage  en  quatre 
volumes  sur  le  magistère  suprême  du  pape,  mais,  enlevé  par  la  mort,  il  ne  put 
acheverquelepremiervolume  :  Cathedra  Romana  oder  Der  apostolische  Lehr  primat, 
nach  Massgabe  der  Lehr beslimmungen  des  Conciliant  Vaticanum.  Par  J.  B.  Andries. 
I.  Vol.  :  WVsew  und  Grenzen  der  katholischen  Glaubenslehre  nach  den  Theologen  der 
Vantait.  Mayence  1872. 

(3)  1869  p.  451  et  suiv. 

[198-199J 


234  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tion  insignifiante,  tandis  qu'un  collaborateur  de  cette  revue, 
le  militant  professeur  Fr.  Miclielis  (i),  de  Braunsberg,  l'atta- 
quait dans  une  brochure  spéciale  avec  une  irritation  qui  allait 
jusqu'à  la  grossièreté.  A  peu  près  aussi  dure  fut  la  réponse 
d'.Vndries  dans  l'ouvrage  Catholique  ou  Charlatan  (2). 
Quant  au  recenseur  du  Theologisches  Literaturblatt//, 
Andries  s'expliqua  à  son  sujet  dans  la  préface  de  la  deuxième 
édition  de  son  ouvrage. 

Dans  cette  tempête  littéraire,  on  est  heureux  de  rencontrer 
plusieurs  écrits  d'allure  paisible;  incapables,  sans  doute,  de 
ramener  au  calme  les  esprits  déjà  emportés  par  la  passion, 
ils  pouvaient  du  moins  avertir  du  danger  ceux  qui  se  tenaient 
en  dehors  de  la  lutte.  En  première  ligne,  il  faut  citer  la  bro- 
chure pleine  de  modération  de  Jos.  Kleutgen  :  Vœux, 
craintes  cl  espérances  relatifs  au  prochain  concile  (3).  Les 
écrits  du  Dr  Franz  Lorinser  (4),  du  D'Ew.  Bierbaum  (5),  du 
D1  Matzner  (6)  et  d'un  autre  prêtre  du  diocèse  de  Munster  (7), 
poursuivent  ce  même  but.  Trois  ouvrages  dus  à  des  évêques 
devaient  servir  la  cause  de  l'apaisement  :  l'un  du  baron  von 
Ketteler,  évoque  de  Majence  (8),  l'autre  de  MF  Fessier  (9),  le 
troisième  de  MF  Plantier  (10),  évèque  de  Ximes,  dont  parut 
une  excellente  traduction  allemande.  Le  titre  de  l'instruction 


(1)  Die  Unjehlbarkeil  der  Papstes  un  Lichte  der  katholischen  Wahrheit  und  der 
Humbug,  den  die  neueste  Verteidigung  damit  treibt.  Parle  professeur  F.  Michelis 
Braunsberg,  1869. 

(2)  Katholisch  oder  Humbug  ?  Offene  und  freie  Fragen  anDr  F.  Michelis,  Professor 
der  Philosophie,  par  P.  P.  Rudis.  Ratisbonne  1869. 

(3)  Miinster  1809.  ÏÏber  die  Wiïnsche,  Befurchtungen  und  Hoffnungen  in  Betreff 
des  bevorstehenden  Kirchensammlung. 

(4)  Vor  dem  KoraAl.  t  édit.  Breslau,  1869. 

(5)  Die  Eroffnung  des  Vatikan.  Konzils.  Munster  1870. 

(6)  Wahrenddes  Vattkan.  Konzils  G.  Strelitz,  1869. 

(7)  Dus  Vatikanische  Kon%ïl.  Ein  Worl  der  Delehrunq  und  des  Friedens.  Munster, 
4870. 

(8)  Dus  allgemeine  Konzil  und  seine  Bedeutung  /«/'  unsere  Zeit.  Mayence,  1869. 

(9)  Das  lefate  und  dus  m'ichste  allgemeine  Konzil.  Fribourg,  1869. 

(10)  Les  Conciles  généraux.  Instruction  pastorale  de  M"'  l'évêque  de  Nîmes  sur  les 
Conciles  généraux  a  l'occasion  de  celui  du  8  décembre  18G9.  Paris,  1869. 

|l'.t-.)-200J 


LA    POLEMIQUE    EX    ALLEMAGNE  23o 

pastorale  de  MKr  Plantier  indique  qu'elle  traite  surtout  des 
conciles  en  général.  Les  deux  autres  aussi  ne  s'Occupent 
directement  du  concile  du  Vatican  que  dans  quelques  pas- 
sages. 

Les  propositions  les  plus  avancées  du  parti  libéral  à  l'occa- 
sion du  concile  furent  présentées  dans  une  brochure  de 
Leipzig  (i),  dont  l'auteur  était,  disait-on,  «  un  membre 
des  plus  connus  et  des  plus  estimés  du  clergé  autrichien  ». 
Qu'il  suffise,  pour  le  caractériser,  de  remarquer  qu'il  était 
en  parfaite  communauté  d'idées  avec  les  deux  brochures 
allemandes  de  1868,  dont  nous  avons  parlé  au  chapitre  III. 
Un  autre  écrit  anonyme  /  (2)  demandait  la  supression  du 
célibat  ecclésiastique.  Oischinger  (3)  voulait  une  revision  de 
la  théologie  scolastique.  G.-K.  Mayer,  du  chapitre  cathédral 
de  Bamberg,  croyait  le  moment  venu  de  réhabiliter  le  giin- 
thérianisme  et  recommandait  au  concile  deux  thèses  de  Gûn- 
tlier  sur  la  Trinité  et  le  principe  vital  de  l'homme  (4).  L'auteur 
mourut  en  1868.  Son  travail  fut  condamné  avant  l'ouverture 
du  concile  par  la  congrégation  de  l'Index. 

Un  homme  d'Etat  suisse,  le  D'A.-Ph.  von  Segesser,  écrivit 
un  ouvrage  intitulé  :  A  la  veille  du  Concile.  Etudes  et 
réflexions  pour  servir  à  Vhistoire  de  notre  temps  (5).  Son 
compatriote,  Théodore  Meyer,  donna  dans  les  Stimmen  aus 
Maria  Laach  (6)  un  aperçu  général  de  ce  livre,  dont  il  appré- 


(1  )  Keform  der  rom  schen  Kirche  in  Haupt  und  Gliedern,A  ufgabe  des  bevo>s(ehenden 
romischen  Konzil.  Leipzig  1869. 

(2)  Der  Colibat  in  semer  Entstehung,  seinen  Grûnden  und  Folgen.  Eine  Zeitfro  /e 
fur  das  berorstehende  Konzil.  Par  ni)  ecclésiastique  catholique.  Munich,  1869. 

(3)  Die  christlische  und  scholasliche  Théologie  oder  die  chrisllischen  Grunddogmen 
nach  den  Symbolen,  Konzilien,  und  Valern  der  Kirche  enlwickelt,  soivie  gegen  die 
abweichenden  Lehren  der  Scholasliker  verteidigt,  der  Gesamlkirche,  insbesonder 
dem  okumeniarhen  Konzile  vorgeleqt  und  gewidmet.  Iéna,  1869. 

(4)  Zivei  Thesen  fur  das  allgemeine  Konzil.  Bamberg,  1868.  Publié  aussi  en  latin. 

(5)  Am  Vorabende  des  Konzils  :  Studien  und  Glossen  itir  Tagesgeschichte.  Bâle,1869. 

(6)  Das  okumenische  Konzil.  Stimmen  aus  Maria  Laach.  Nouv.  série,  fasc.  VIII 
(1878),  p.  126  et  suiv. 

[200-201] 


236  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ciait  avec  modération  les  idées,  dictées  sans  doute  par  une 
bonne  intention,  mais  portant  la  trace  de  conceptions  erro- 
nées. 

En  octobre  1869,  parut  un  petit  écrit  de  dix-sept  pages 
in-octavo,  qui  fit  grand  bruit  et  provoqua  de  nombreuses 
répliques;  il  était  intitulé  :  Considérations  proposées  aux 
évêques  du  concile  sur  la  question  de  l'infaillibilité  du 
pape  (1).  Il  poursuivait  le  même  but  que  le  libelle  de  Janus 
et  se  couvrait  de  son  autorité  pour  le  fond  des  idées;  il  avait 
pour  auteur  le  même  savant,  le  prévôt  Ignace  von  Dollinger. 
Dans  une  lettre  à  l'archevêque  de  Munich,  Dollinger  lui- 
même  se  donne  comme  l'auteur  de  la  brochure  et,  comme 
motif  de  cette  publication,  il  allègue  sa  sollicitude  pour 
l'Eglise  d'Allemagne,  que  la  définition  de  l'infaillibilité  expo- 
serait aux  plus  graves  dangers  (2).  En  vingt-six  paragraphes 
courts  et  serrés,  sans  entrer  dans  le  détail  des  preuves  //,  il 
oppose  à  la  doctrine  romaine  une  série  de  propositions  dont 
voici  la  première,  les  autres  ne  font  que  la  développer  :  «  Si 
l'on  peut  prouver  d'une  doctrine  que,  pendant  plusieurs 
siècles,  elle  n'a  pas  existé  ou  n'a  pas  été  connue  de  l'Eglise 
entière,  qu'elle  n'est  pas  contenue  virtuellement  par  une  suite 
nécessaire  et  comme  une  conséquence  indiscutable  dans 
d'autres  propositions  de  foi,  cette  doctrine,  au  point  de  vue 
catholique,  est  déjà  jugée  :  elle  est  marquée  du  stigmate  de 
l'illégitimité;  jamais  elle  ne  peut  ni  ne  doit  être  élevée  à  la 
dignité  de  vérité  de  foi.  Or,  tout  cela  s'applique  précisément 
à  la  thèse  de  l'infaillibilité  papale.  Elle  a  été  d'abord  totale- 
ment inconnue  dans  l'Eglise  pendant  nombre  de  siècles.  Il 
n'est  besoin  que  de  rappeler  l'ancienne  Eglise  d'Orient,  unie 


(1)  Munich,  1869.  L'ouvrage  parut  en  allemand  et  en  français;  il  fut  aussitôt 
traduil  en  italien.  Le  titre  allemand  est  :  Erwagungenfiïr  die  Bischofe  des  Konzi- 
liums  uber  die  Fraye  der  papstlichen  Unfehlbarkeit. 

(2)  Ainsi  le  rapporte  le  nonce  de  Munich  au  cardinal  secrétaire  d'Etat,  le 
23  novembre  1869.  Cf.  Gf.cconi,  loc.  cil.  II  486.  [Trad.  fr.  t.  Il  p.  468]. 

[201-2021 


CONSIDERATIONS...    SUR    L  INFAILLIBILITE  237 

pendant  mille  ans  à  l'Eglise  d'Occident,  au  sein  de  laquelle 
se  sont  tenus  tous  les  conciles  œcuméniques,  dans  laquelle 
s'est  surtout  produit  le  grand  effort  intellectuel  qui  a  abouti 
à  l'exacte  définition  des  dogmes  de  la  Trinité  et  de  l'Incar- 
nation, qui  a,  peu  à  peu,  triomphé  de  toutes  les  vieilles 
hérésies  et  a  proprement  créé  la  littérature  ecclésiastique. 
Or,  dans  cette  Eglise,  jamais  une  voix  ne  s'est  élevée  pour 
attribuer  au  pape  l'inerrance  dogmatique.  Dans  l'Eglise 
d'Occident,  d'ailleurs,  on  ne  peut  invoquer  aucune  autorité 
sérieuse  en  faveur  de  cette  thèse;  parmi  les  témoignages 
de  pères  latins  allégués  par  Perrone,  Schrader  et  autres 
jésuites,  il  n'y  en  a  pas  un  seul  qui  attribue  avec  quelque 
clarté  et  précision  ce  charisme  sublime  et  divin  à  l'évêque 
de  Rome;  du  reste,  on  peut  leur  opposer  des  textes  au  moins 
trois  fois  plus  nombreux  qui  dénient  au  pape  explicitement, 
ou  avec  la  plus  haute  vraisemblance,  le  privilège  de  l'iner- 
rance et  attribuent  à  l'Eglise  universelle  le  pouvoir  exclusif 
de  définir  les  dogmes.  » 

L'assurance  superbe  de  l'auteur,  la  forme  brève,  nerveuse, 
de  ses  assertions  étaient  de  nature  à  en  imposer  et  à  déter- 
miner ce  courant  d'opinion  contre  la  doctrine  de  l'infaillibi- 
lité que  voulait  susciter  Dollinger.  Pour  le  réfuter  parurent 
plusieurs  ouvrages  :  Jean  Wieser  (i)  exposait  la  doctrine  de 
l'infaillibilité  dans  un  ordre  plus  systématique  sans  doute, 
mais  calqué  cependant  sur  l'ordre  assez  peu  logique  des 
Considérations.  Plus  bref,  mais  tout  aussi  pénétrant  et  érudit 
fut  le  travail  du  Dr  François  Friedhoff  (2).  Parfois,  il  concé- 
dait trop  à  Janus,  il  accordait,  par  exemple,  que  «  pendant 
le  premier  millénaire  de  l'Eglise,  l'infaillibilité  papale  a  été 


(1)  DieUnfehlbarkeitdex  Papstes  und  die  Miinchener  Erwagungen.  Par  J.  E.  Wieser, 
prêtre  de  la  Compagnie  de  Jésus.  Graz,  1870. 

(2)  Gegenerwagungen  iïber  die  papxlliche  Unfehlbarkeit.  Parle  docteur  en  théol. 
François  Friedhoff,  professeur  extraordinaire  de  théologie  morale  à  l'Académie 
royale  de  Munster.  Munster,  1869. 

[202-203] 


238  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 


inconnue  ».  Il  faut  ici,  évidemment,  distinguer.  L'expression 
est  nouvelle,  mais  la  chose  est  ancienne,  comme  le  prouvent 
et  les  déclarations  des  papes  et  de  leurs  légats,  et  la  formule 
du  pape  Hormisdas,  et  son  acceptation  au  huitième  concile. 
C'est  avec  raison  que  le  cardinal  Orsi  voit  dans  la  parole  de 
Tertullien  :  Régula  fîdei  sola  immobilis  et  irreformabilis  (De 
virg.  I,  i),  au  terme  près,  tout  ce  que  dit  le  mot  infallibilis; 
ces  expressions,  du  reste,  alternant  avec  irrefragabilis,  irre- 
tractabilis,  sont  fréquemment  employées  par  les  conciles 
comme  par  les  papes  à  propos  des  décisions  dogmatiques  des 
pontifes  romains  (i). 

Un  autre  théologien,  anonyme,  eut  une  idée  heureuse  :  il 
renvoya  des  Considérations,  composées  par  Dôllinger,  à 
Dollinger  lui-même  (2).  Il  fait  «  entendre,  sur  ces  mêmes 
questions,  le  sentiment  du  véritable  Dollinger,  tel  que  celui-ci 
l'a  exprimé  sous  son  nom,  au  grand  jour,  au  cours  de  près 
d'un  demi-siècle,  dans  des  ouvrages  universellement  connus», 
a  Ainsi  donc,  ajoute-t-il,  si  les  journaux  ne  nous  trompent 
pas,  si  le  professeur  de  Munich  est  vraiment  l'auteur  de  ces 
Considérations,  l'auteur  des  savants  ouvrages  fournit  la 
meilleure  réfutation  de  l'auteur  des  brochures  anonymes.  » 
Ce  travail  fut  couronné  d'un  plein  succès  :  à  presque  toutes 
les  affirmations  des  Considérations,  l'auteur  oppose  les 
affirmations  contraires  tirées  des  œuvres  du  grand  histo- 
rien. Ainsi,  à  l'allégation  fondamentale  signalée  plus  haut, 
que  jamais,  durant  les  dix  premiers  siècles,  ni  dans  l'Eglise 
d'Orient,  ni  dans  l'Eglise  d'Occident,  aucune  voix  ne  s'est 
élevée    en    faveur   de    l'infaillibilité    dogmatique   du   pape. 


(1)  Das  okumenische  Konzil.  Stimmen  aus  Maria-Laach.  Nouv.  série,  fasc.  VII 
(1870),  p.  116. 

(2)  Neue  Erivayungen  iiber  die  Frage  der  papstlichen  Unfehlbarkeit ,  aus  den  aner- 
kannten  historischen  Werken  Dollingers  urkundlich  zusammengestellt.  Ratisbonne, 
L870.  On  nomma  bientôt  comme  auteur  Scheeben,  qui  plus  tard  confirma  la 
chose  dans  son  ouvrage  :  «  Die  mannliche  Tat»,  p. 7. 

[203-204] 


DOLLIXUER    REFUTE    PAU    DOLLIXGER  239 

L'auteur  oppose  le  passage  suivant  de  l'Histoire  de  l'Eglise  (i) 
de  Dôllinger  :  «  Déjà  (le  pape)  Boniface,  snceesseur  de 
Zozinie,  pouvait  écrire  aux  évêques  d'Orient  :  Un  juge- 
ment du  siège  apostolique  est  irréf ormable  ;  qui  refuse  d'y 
acquiescer  s'exclut  lui-même  de  l'Eglise.  Déjà  ïhéodoret 
exaltait  la  prérogative  de  ce  siège,  de  n'avoir  jamais  été 
souillé  par  une  erreur  doctrinale;  Pierre,  évêque  de 
Ravenne,  exhortait  Eutychès  à  se  soumettre  dès  le  principe 
à  la  décision  que  le  pape  portera  sur  sa  doctrine;  Avit, 
évêque  de  Vienne,  vers  5o3,  appelait  le  pape  le  pilote  de  la 
barque  de  l'Eglise  ballottée  par  les  tempêtes  de  l'hérésie. 
Saint  Maxime  disait  à  Pyrrhus  que,  s'il  voulait  se  laver  du 
soupçon  d'hérésie,  il  lui  fallait  avant  tout  s'accorder  avec  la 
chaire  de  Rome  et  que,  dès  lors,  tous  le  tiendraient  pour 
orthodoxe;  à  la  même  époque,  Sergius,  évêque  de  Chypre, 
déclarait  ce  même  siège  le  fondement  inébranlable  de  la  foi 
en  vertu  des  promesses  du  Christ.  Etienne,  évêque  de  Dora, 
envoyé  de  Sophronius,  patriarche  de  Jérusalem,  ne  parlait 
pas  autrement.  Comme  symbole  visible  de  l'unité  de  l'Eglise, 
l'évêque  de  Rome  était  le  centre  avec  lequel,  immédiatement 
ou  médiatement,  tout  évêque  devait  nécessairement  être  en 
communion.  Qui  n'était  pas  dans  sa  communion,  qui  n'était 
pas  reconnu  de  lui,  n'avait  pas  en  réalité  place  dans  l'Eglise. 
Aussi  saint  Ambroise,  dans  la  lettre  qu'il  adressa  à  l'empe- 
reur au  nom  du  concile  d'Aquilée,  dit  que  toute  autorité 
ecclésiastique  découle  de  l'Eglise  romaine;  son  frère  Satj^re, 
au  moment  de  sa  mort,  ne  voulait  être  assisté  que  par  un 
évêque  en  communion  avec  l'épiscopat  catholique,  c'est-à-dire 
avec  l'Eglise  de  Rome.  Dans  son  livre  contre  Rufin,  saint 
Jérôme  lui  demande  si  sa  foi  est  celle  de  l'Eglise  de  Rome. 
S'il  en  est  ainsi,  ajoute  t-il,  nous  sommes  tous  deux  catho- 


(1)  2'  édit.  1843. 1.  177  sqq.   Le  chapitre  est  intitulé  :  «  Le  pape  comme  docteur 
mprêine  et  défenseur  de  la  foi.  » 

[204] 


240  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

liques.  Lorsque  le  schisme  causé  par  le  patriarche  Acace  fut 
terminé  après  trente-cinq  ans,  sous  Hormisdas,  près  de 
deux  mille  cinq  cents  (sic!)  évoques  orientaux  souscrivirent 
un  formulaire  envoyé  par  le  pape,  où  ils  reconnaissaient  que 
quiconque  n'était  pas  en  parfaite  union  avec  le  siège  aposto- 
lique était  séparé  de  l'Eglise  catholique.  »  // 

Phénomène  surprenant  :  dans  les  Considérations,  Dollinger 
dit  aux  évêques  que  la  doctrine  de  l'infaillibilité  papale, 
«  pendant  de  longs  siècles,  a  été  complètement  inconnue  dans 
l'Eglise  »,  que  dans  toute  l'Eglise  d'Orient  «  jamais  une  voix 
ne  s'est  élevée  pour  attribuer  au  pape  l'inerrance  dogma- 
tique »,  que  môme  dans  l'Eglise  d'Occident  on  ne  peut  trouver 
aucun  témoignage  en  faveur  de  cette  prérogative  et  que, 
parmi  les  textes  des  pères  latins  allégués  par  les  défenseurs 
de  l'infaillibilité,  «  il  n'y  en  a  pas  un  seul  qui,  avec  quelque 
clarté,  quelque  précision,  attribue  au  pape  ce  privilège 
sublime  et  divin  ».  Or,  dans  son  Histoire  de  l'Eglise,  ce  même 
savant,  en  faveur  de  la  même  doctrine,  a  produit  en  une  seule 
page  onze  témoignages,  la  plupart  de  l'Eglise  d'Orient,  tous 
compris  entre  l'année  3oo  et  l'année  700,  tous  exprimant  la 
thèse  avec  toute  la  clarté  possible,  soit  expressément,  soit 
équivalemment. 

Friedrich  (1)  pense  résoudre  d'un  mot  l'énigme  de  cette 
contradiction  :  «  Comme  si  la  chose  avait,  dit-il,  une  portée 
quelconque!  et  comme  si  un  savant  ne  pouvait,  après  de 
nouvelles  recherches  sur  une  question,  rétracter  son  premier 
jugement!  »  Mais  cette  explication  ne  peut  être  admise  ici. 


(1)  Geschichte,  etc.  II.  417.  —  Dans  une  note  Friedrich  dit  que  Dollinger  résout 
lui-même  l'énigme  dans  sa  lettre  d'envoi  à  l'archevêque  de  Munich.  Il  en  cite, 
d'après  Cecconi  (loc.  cit.  II 486)  (trad.  t'r.  t.  Il  p.  468)  le  passage  que  nous  connais- 
sons. Après  avoir  avoué  qu'il  est  l'auteur  des  Considérations,  Dollinger  y  dit  qu'il 
s'est  vu  engagé  «  à  publier  cet  ouvrage  dans  l'intérêt  de  l'Eglise  d'Allemagne  que 
la  définition  de  l'infaillibilité  papale  exposerait  aux  plus  graves  dangers.  »  Ces 
paroles  expliquent-elles  que  Dollinger  soutienne  maintenant  juste  le  contraire 
de  ce  qu'il  a  enseigné  auparavant? 

[204-205! 


DOLLIXGER    REFUTE    PAR    DOLLIXGER  241 

Après  une  nouvelle  étude  d'une  question  difficile,  un  savant 
peut  bien  constater  qu'il  s'est  trompé  dans  sa  première 
manière  de  voir;  mais,  dans  notre  cas,  il  s'agit  non  d'uue 
matière  compliquée,  mais  de  témoignages  historiques  fort 
simples,  et  non  pas  d'un  témoignage,  mais  de  toute  une  série. 
Si  Dollinger  trouve  aujourd'hui  qu'il  s'est  trompé  à  propos 
du  premier  texte,  comment  se  fait-il  qu'il  se  soit  précisément 
trompé  aussi  pour  le  second,  qui  prouve  la  même  doctrine; 
et  s'il  s'est  trompé  pour  les  deux  premiers,  pourquoi  en 
est-il  de  même  pour  tous?  Et  en  quoi  s'est-il  trompé  autre- 
fois? Est-ce  sur  l'existence  de  ces  affirmations?  Cela  n'est 
pas  croyable.  Il  ne  veut  certainement  pas  la  contester.  Il  ne 
s'agit  donc  que  de  leur  interprétation.  Il  les  a  d'abord 
apportées  comme  preuves  convaincantes  de  la  suprême  auto- 
rité doctrinale  du  pape.  Aujourd'hui  ont-ils  cessé  de  l'établir? 
Non,  ils  sont  bien  l'expression  parfaitement  claire  de  l'ensei- 
gnement catholique  sur  l'autorité  doctrinale  des  souverains 
pontifes.  Autorité  suprême,  décisive,  sans  appel,  à  laquelle  il 
faut  se  soumettre  en  toute  hypothèse.  Peut-être,  cependant, 
Dollinger  ne  les  a-t-il  jamais  considérés  comme  des  témoi- 
gnages probants  de  l'infaillibilité  proprement  dite?  Etant 
donnée  l'imprécision  qui, à  toutes  les  époques  de  sa  vie, fut  le 
défaut  de  la  théologie  du  grand  historien,  cette  solution  nous 
parait  encore  la  plus  satisfaisante,  bien  qu'il  soit  difficile 
d'avoir  lu  dans  les  pères  qu'on  doit  absolument  tenir  les 
décisions  des  papes  pour  l'expression  de  la  vérité,  sans 
y  avoir  vu  du  même  coup  que  ces  décisions  devaient  aussi 
être  tenues  pour  infaillibles. 

Il  reste  cependant  que  Dollinger  ne  pouvait  ignorer  ces 
témoignages  et  d'autres  ;  comment  donc  a-t-il  pu  déclarer  avec 
tant  d'assurance  qu'il  n'y  a,  ni  dans  l'Eglise  d'Orient  ni  dans 
celle  d'Occident,  un  seul  passage  des  pères  attribuant  au 
pape  l'infaillibilité  dogmatique,  avec  quelque  clarté  et  quelque 
précision?  Dollinger  a  changé.  Ce  changement  n'est  pas  dû 

[205-206] 


242  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

à  une  étude  impartiale;  il  ne  s'est  pas  accompli  dans  son  intel- 
ligence, mais  bien  plutôt  dans  sa  volonté.  Il  nous  faut  donc 
choisir  entre  les  deux  Dollinger  et  rejeter  ou  l'ancien  ou  le 
nouveau.  Or,  ses  premiers  travaux  sont  considérés  comme  de 
vrais  chefs-d'œuvre  et  c'est  à  eux  qu'il  doit  son  renom  d'his- 
torien dans  l'Eglise  catholique  comme  au  dehors.  Les 
ouvrages  sur  le  concile,  au  contraire,  ont  été  composés  à  une 
époque  de  trouble  profond  ;  ils  portent  l'empreinte  de  la  pas- 
sion et  avaient,  comme  nous  l'avons  dit  (i),  un  but  tout  pra- 
tique :  provoquer  un  soulèvement  général  contre  la  définition 
de  l'infaillibilité  du  pape.  Puis  donc  que  nous  devons  choisir, 
nous  défier  du  Dollinger  d'autrefois,  ou  ne  pas  croire  le 
Dollinger  de  1869,  il  est  évident  que  nous  devons  nous 
garder  du  pamphlétaire  du  concile  et  en  appeler  de 
Dollinger  plus  âgé  à  Dollinger  plus  jeune.  Les  premiers 
écrits  de  l'auteur  jugent  les  derniers  ;  l'inverse  n'est  point 
vrai . 

D'ailleurs,  les  textes  cités  plus  haut,  d'après  l'Histoire 
ecclésiastique,  pris  en  eux-mêmes,  et  sans  égard  à  l'autorité 
de  l'historien,  suffisent  pleinement  à  démontrer  d'une  façon 
irréfragable  la  fausseté  de  l'affirmation  des  Considérations; 
il  est  faux  que,  dans  les  premiers  temps  du  christianisme, 
aucune  voix  ne  se  soit  élevée  en  faveur  de  l'infaillibilité 
pontificale.  La  dernière  preuve  est  même,  ajoute  l'auteur  des 
Ne  ne  Eriviig-ung-en  (2),  «  un  témoignage  collectif  de  toute 
l'Eglise,  souvent  répété,  pour  la  dernière  fois  au  VIIIe  concile 
œcuménique  ».  Pichler  lui-même  avoue,  dans  son  Histoire  du 
schisme  d'Orient,  que  la  formule  du  quatrième  concile  de 
Constantinople  renferme  l'infaillibilité  du  pape.  Bossuet  (3), 
avec  les  autres  gallicans,   accepte  cette  profession  de  foi  et 


(1)  Ctr.  supra  p.  22)  sqq. 

(2)  P.  6. 

(3)  Defensio  declar.  etc.,  /.  15,  c.  7. 


[206-207 


243 


BÔLLIXGER    RÉFVTÉ    pAR    D(-.LLIvoER 

concile  œcuménique  ?  „ //  '  C(msacrés  par  u  n 


CHAPITRE   V. 

L'agitation  populaire  et  tentatives  pour  influencer 
l'épiscopat. 

Un  appel  aux  catholiques  de  Bade  (i)  révèle  bien  jusque 
quelles  profondeurs  le  peuple  fut  agité  en  Allemagne  ;  il  ne 
les  invitait  à  rien  de  moins  qu'à  l'abandon  de  l'Eglise  :  «  Aux 
catholiques  de  Bade,  »  c'est  son  titre,  et  la  signature  :  «  Plu- 
sieurs catholiques.  »  Il  fut  distribué  en  mai  1869.  Les  pensées 
en  sont  souvent  obscures,  le  style  tantôt  emphatique,  tantôt 
trivial,  l'effet  insignifiant,  et  c'est  seulement  à  titre  d'indice 
du  trouble  religieux  de  l'époque  qu'il  mérite  d'être  mentionné 
ici.  Les  «  catholiques  »  qui  l'avaient  rédigé  pouvaient  bien 
encore  appartenir  extérieurement  à  l'Eglise;  par  le  cœur, 
dès  avant  le  concile,  ils  n'en  étaient  déjà  plus.  Jôrg  (2)  soup- 
çonne quelques  prêtres  apostats  d'en  être  les  véritables 
auteurs  (3). 

«  Le  grave  et  solennel  fracas  des  luttes  de  principes  qui 
ébranlent  le  monde  fait  pressentir  l'approche  de  leur  choc 
décisif  »  :  ainsi  commence  l'appel.//  «  Suprématie  absolue  du 
pape  sur  l'Eglise  et  dans  l'univers,  ou  indépendance  des 
peuples  et  de  l'humanité,  voilà  les  deux  principes  qui  se  dis- 


(1)  Cecconi,  Ioc.  cit.  Doc.  CLVI.  G.  V.  1175c. 

(2)  Histor.  polit.  Bl.etter,  1869,  II,  240. 

(3)  D'après  Friedrich  (Geschichte,  etc., II, 63,  note  1)  l'appel  est  dû  au  juge  Beek 
de  Heidelberg, 

16 

[208-209| 


246  HISTOIRE    DU    CONCILE    BU    VATICAN 

patent  la  souveraineté.  »  «  Ce  combat  de  géants...  va  s'en- 
gager bientôt  dans  notre  Eglise  catholique.  »  L'appel  revient 
sur  l'histoire  :  L'Eglise  ancienne,  affirme-t-il,  était  gouvernée 
par  toute  la  communauté:  quand  son  extension  ne  permit 
plus  d'en  appeler  au  conseil  tous  les  membres,  «  l'esprit 
organisateur  du  christianisme  sut,  à  l'époque  du  concile  de 
Xicée,  créer  justement  ce  rouage  des  conciles,  assemblées 
générales,  ou  synodes  provinciaux  (diète  ecclésiastique), 
diocésains  ou  même  paroissiaux.  Toujours  et  toujours  davan- 
tage, prêtres  et  laïques  se  rencontraient  dans  les  conseils  de 
l'Eglise.  Les  conciles  établissaient  le  dogme  et  la  discipline, 
exerçaient  la  suprême  judicature;  dans  les  synodes,  on  pour- 
voyait aux  besoins,  on  expédiait  les  affaires  des  nations,  des 
diocèses  ou  des  paroisses.  »  «  Mais  déjà,  depuis  des  siècles 
un  germe  empoisonné,  l'ambition  de  la  domination  tempo- 
relle, s'était  introduit  au  cœur  dupouvoir  spirituel.  Au-dessus 
des  frères,  égaux  dans  le  Christ,  s'éleva  un  sacerdoce  privi- 
légié, d'où  sortit  une  aristocratie  sacerdotale  puissante  ;  de 
celle-ci  se  dégageaient,  à  leur  tour,  les  évêques  de  Rome,  dont 
la  main  s'étendit  pour  réunira  leur  couronne  la  terre  entière.  » 
«  De  plus  en  plus,  le  peuple  fut  mis  à  l'écart.  »  «  Les  conciles 
eux-mêmes  se  firent  toujours  plus  rares.  »  «  Enfin,  dans 
l'ordre  des  Jésuites  s'est  concentré  tout  ce  que  l'absolutisme 
peut  engendrer  de  puissance.  Cette  société  s'est  emparée 
chaque  jour  plus  complètement  du  gouvernement  de  Rome; 
depuis  trois  siècles,  on  n'entend  plus  parler,  on  ne  voit  plus 
de  trace  des  conciles,  ni  des  synodes  ;  et  les  droits  qu'avait 
le  peuple  dans  l'Eglise  sont  au  sein  du  catholicisme  relégués 
parmi  les  vieilleries  !  » 

Dans  les  Etats  l'absolutisme  a  été  brisé,  l'esprit  public  a 
reconquis  la  souveraineté.  Mais  l'Eglise  n'a  pas  souci  de  ces 
leçons  de  l'histoire.  Ce  que  le  Syllabus  a  préparé  doit  main- 
tenant être  mis  définitivement  à  exécution.  Au  prochain 
concile,  on  édifiera  une  nouvelle  constitution  ecclésiastique 

[209J 


L  APPEL  AUX  CATHOLIQUES  DE  BADE  247 

dont  les  pierres  fondamentales  seront  :  l'infaillibilité  person- 
nelle du  pape,  l'amovibilité  arbitraire  des  membres  du  clergé, 
la  pleine  propriété  de  tous  les  biens  de  l'Eglise  attribuée  au 
Saint-Siège.  » 

((  L'innovation  qu'on  projette  n'est  rien  moins  que  la 
substitution  d'une  nouvelle  confession  de  foi  au  catholicisme 
traditionnel.  D'après  les  canons  en  vigueur  on  doit  convo- 
quer tous  les  dix  ans  un  concile  général,  tous  les  trois  ans  un 
synode  provincial,  tous  les  ans  un  synode  diocésain  ».  «  Les 
représentants  de  l'Eglise  (députés,  en  quelque  sorte,  de  la 
chrétienté  catholique)  sont  ecclésiastiques  et  laïques.  »  «  La 
convocation  d'un  concile  exige  aussi  le  concours  des  princes  ; 
la  participation  de  leurs  représentants  aux  délibérations  est 
d'une  nécessité  absolue;  de  même,  l'autorisation  que  les 
évèques  doivent  obtenir  de  l'Etat  pour  y  prendre  part,  et  la 
reconnaissance  par  le  pouvoir  civil  des  décisions  conci- 
liaires. » 

«  Contrairement  au  droit  canonique  en  vigueur,  et  par  suite 
de  la  domination  universelle  des  Jésuites,  voilà  trois  siècles 
qu'aucun  concile  n'a  été  réuni. 

»  L'édifice  qu'on  veut  élever  au  prochain  concile  est  en 
opposition  avec  le  catholicisme  traditionnel  :  voulons-nous 
donc  rester  étroitement  attachés  à  l'antique  constitution  de 
l'Eglise  catholique  et  en  prévenir  le  renversement,  ou  bien 
voulons-nous  nous  laisser  englober  en  silence  dans  la  nou- 
velle confession,  qui  va  se  fonder  sur  le  principe  d'un  parfait 
absolutisme?  c'est  aujourd'hui  la  question  religieuse  capitale 
et  sur  laquelle  nous  avons  maintenant  à  nous  prononcer.  L'un 
ou  l'autre  !  Il  n'y  a  pas  de  milieu.  Le  choix  peut-il  être  dou- 
teux? Xous  ne  le  pensons  pas.  » 

Viennent  alors  les  raisons  pour  lesquelles  on  ne  doit  pas 
se  laisser  entraîner  dans  «  la  nouvelle  confession  ».  D'abord, 
les  dangers  qu'elle  présente,  celui  par  exemple  de  revenir  à 
l'intolérance  avec  ses  cachots,  ses  bûchers  ;  ensuite,  les  avan- 

[209-210] 


248  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

tages  qu'assure  l'attachement  ferme  à  l'ancienne  constitution 
de  l'Eglise.  «  L'autorité  civile  ne  manquera  pas,  dès  que  la 
nouvelle  confession  sera  organisée,  c'est-à-dire  dès  qu'aura 
été  proclamée  la  nouvelle  constitution  absolutiste,  de  nous 
reconnaître,  nous  les  anciens  membres  de  l'Eglise  catho- 
lique, restés  fidèles  à  sa  constitution,  comme  les  seuls  mem- 
bres de  l'Eglise  catholique,  elle  nous  en  conservera  et  assu- 
rera les  privilèges  et  les  biens.  »  «  Ne  se  trouverait-il  dans 
chaque  paroisse  qu'un  très  petit  nombre  de  personnes  à 
refuser  formellement  ou  tacitement  d'entrer  dans  la  nouvelle 
Eglise  de  l'absolutisme  ultramontain,  ce  petit  groupe  n'en 
représenterait  pas  moins  l'ancienne  communauté  ecclésias- 
tique. »  // 

«  Mais  la  résistance  exige  de  tous  un  effort  héroïque; 
car  l'absolutisme  ultramontain  tient  pour  légitime  l'emploi 
de  tout  moyen  qui  promet  le  succès.  »  Suit  rémunération 
détaillée  des  ressources  du  romanisme.  «  Mais  tous  ces  instru- 
ments de  guerre  disparaîtront  comme  une  paille  légère  devant 
les  éclairs  jaillissants  de  nos  épées,  si  nous  voulons  nous 
rassembler  pour  les  brandir.  Nos  armes  s'appellent  :  vérité, 
liberté,  droit.  »  Toute  la  question  est  de  savoir  comment  on 
engagera  la  lutte. 

«  Examinons  sans  faiblesse,  mais  avec  équité,  si  l'adminis- 
tration et  le  gouvernement  de  l'Eglise  correspondent  à  ses 
principes  ;  qu'on  ne  se  laisse  pas  plus  longtemps  empêcher 
par  un  faux  sentiment  de  respect  d'extirper  sans  pitié  la 
pourriture  partout  où  elle  se  montre;  et  pour  établir  ensuite 
le  bilan  de  l'ultramontanisme,  nous  verrons  quel  est  le  gou- 
vernement corrompu,  celui  de  l'Etat  ou  celui  de  l'Eglise.  » 
Une  question  fondamentale  se  pose  :  Pourquoi  l'administra- 
tion de  l'Eglise  catholique,  dans  le  grand-duché  de  Bade, 
n'observe-t-elle  pas  la  prescription  du  concile  de  Trente  sur 
la  réunion  annuelle  des  synodes  diocésains?  «  Xous  sommes 
ici  à  la  source  même  de  tout  le  mal.  Les  évêques  allemands 

[210-211J 


L'APPEL    AUX    CATHOLIQUES    DE    BADE  249 

dans  leur  zèle  irréprochable  rempliraient  volontiers  ce 
devoir  essentiel  de  leur  charge;  mais  le  parti  absolutiste,  le 
parti  des  coups  d'Etat  qui  triomphe  à  Rome  ne  le  permet 
point  (!)  ». 

«  Aussi  que  nos  clameurs  et  nos  sommations  retentissent 
avec  ensemble  par  toute  l'Allemagne  :  convocation  générale 
des  synodes  diocésains,  convocation  loyale  et  légale  afin  que 
nous  puissions  y  produire  sans  crainte  cette  masse  de  plain- 
tes, de  reproches  et  de  désirs  qui  oppressent  les  cœurs  de 
tous,  prêtres  et  laïques  du  peuple  catholique;  on  les  y  exami- 
nera, on  y  pourvoira,  et,  unis  aux  autorités  ecclésiastiques, 
nous  en  finirons  avec  ce  système  des  coups  d'Etat  que  prône 
la  coterie  jésuitique,  mais  qui  est  en  opposition  avec  la  consti- 
tution de  l'Eglise.  »  Pour  le  moment,  nous  voulons  bien  nous 
contenter  de  la  représentation  si  restreinte  qu'a  le  peuple 
dans  le  synode.  La  liberté  de  la  presse  et  de  la  parole  nous 
permet  de  suppléer  à  ce  qui  nous  manque.  Les  peines  cano- 
niques, nous  ne  les  craignons  pas.  Que  les  éveques,  que  le 
pape  lui-même  se  laissent  entraîner  dans  la  nouvelle  confes- 
sion, leur  apostasie  rend  leurs  sièges  vacants.  Xous  trouve- 
rons assez  de  prêtres  dignes  de  ces  fonctions  élevées. 
«  L'Eglise  ne  périra  donc  pas  ;  mais  le  Dieu  longanime  sem- 
ble sur  le  point  de  purifier  l'Eglise  catholique  d'Allemagne 
du  poison  de  l'absolutisme  ultramontain;  il  va  le  refouler  là 
d'où  il  est  venu.  » 

Conclusion  :  tous  ceux  qui  partagent  la  manière  de  voir 
de  l'appel  sont  priés  d'envoyer  à  la  Badische  Laxdes- 
zeitung  leur  nom  et,  au  besoin,  des  mémoires  et  des  projets 
pratiques.  //  Il  est  question  d'une  grande  réunion  des  catho- 
liques. «  Avant  tout,  il  faut  que  nos  amis  se  groupent  et 
répandent  à  profusion  le  présent  manifeste  dans  le  xDeuple 
catholique  ;  qu'ils  hâtent,  par  l'énergie  de  leurs  écrits  et  de 
leurs  discours,  la  réalisation  de  nos  desseins.  Que  personne 
donc  ne  se  croise  les  bras  et  ne  se  repose  sur  son  voisin.  Ce 

[211-212J 


250  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

n'est  qu'en  masse  que  nous  pouvons  avancer  et  entraîner 
comme  une  avalanche,  en  commençant  par  le  "Wurtemberg, 
tout  le  monde  catholique  allemand  !  » 

Telle  est  la  suite  des  pensées  de  ce  triste  document;  il  nous 
permet  d'entrevoir  la  confusion  des  idées  qui  s'est  faite  dans 
la  tête  des  catholiques  au  milieu  de  ce  flot  d'écrits,  d'articles 
de  journaux  hostiles  et  mensongers.  Des  chrétiens  qui  ont 
adhéré  à  cet  appel  n'appartiennent  plus  au  catholicisme.  La 
théorie  de  l'égalité  de  tous  dans  l'Eglise,  qui  supprime  les 
dépositaires  de  l'autorité  ecclésiastique  particulièrement 
désignés  par  Dieu,  qui  accuse  le  pape  et  les  évéques  de  ne 
tenir  leur  pouvoir  que  de  l'usurpation,  cette  théorie  de  son 
vrai  nom  s'appelle  une  hérésie.  Refuser  d'accepter  les  ensei- 
gnements proclamés  par  un  concile  général,  c'est  sortir  de 
l'Eglise.  Les  auteurs  de  ce  manifeste  rejettent  à  l'avance  et 
de  parti  pris  le  concile  lui-même  et,  se  confiant  dans  le 
secours  de  l'Etat,  ils  sont  prêts  à  excommunier  le  pape  et  les 
évéques,  dans  le  cas  où  ceux-ci  définiraient  des  dogmes  qui 
ne  leur  plaisent  pas. 

Nous  ne  trouvons  guère  de  trace  de  l'influence  propre  de 
ce  pamphlet.  Fort  sympathique  à  ce  pitoyable  ouvrage  — -  car 
c'est  un  libelle  qui  tend  à  faire  la  révolution  dans  l'Eglise  — ■ 
Friedrich  (i)  nous  parle  d'une  union  formée  à  Pforzheim; 
d'une  autre,  comprenant  cent  vingt  membres  à  Pfullendorf, 
où,  le  dimanche  26  juin  (1869),  a  eu  lieu  une  grande  assemblée 
pour  les  districts  de  Pfullendorf,  Ueberlingen  et  Meersburg. 
Le  3  juin,  dit-il  encore,  un  groupe  se  forme  à  Messkirch  :  on  y 
compte  tout  de  suite  soixante  membres.  Dans  une  conférence 
faite  à  Staufen,  on  a  émis  la  proposition  de  fonder  une 
alliance  pour  résister  aux  tendances  ultramontaines  ;  elle  a 
été  accueillie  avec  applaudissements. C'est  tout.  Le  manifeste 
peut  avoir  préparé  quelque  peu  le  mouvement  vieux  catho- 


(1)  Geschichte,  etc., II, 63. 

[212] 


l'adresse   DE   COBLEXZ  251 

lique  ultérieur,  mais  on  est  resté  bien  loin  du  rêve  «  d'entraî- 
ner après  soi  comme  une  avalanche  tout  le  monde  catholique 
allemand  ». 

Plus  significative  était  l'adresse  à  l'évêque  de  Trêves, 
pour  laquelle,  dans  le  même  mois  de  mai  1869,  on  recueillait 
les  signatures  des  «  catholiques  instruits  »  de  Coblenz.  // 
Elle  a  bien  quelque  parenté  d'idées  avec  l'appel  badois,  mais 
le  fond,  la  forme,  le  but  sont  incomparablement  supérieurs. 
Les  signataires,  ils  le  disent  dès  le  début,  se  sentent  obligés 
eu  conscience  de  faire  devant  leur  premier  pasteur,  à  la  face 
de  l'Eglise  entière,  «  une  déclaration  publique,  respectueuse, 
mais  sincère,  sur  une  affaire  très  importante,  très  grave  pour 
l'Eglise  et,  par  suite,  pour  les  plus  chers  intérêts  de  leur  vie.» 

L'évêque,  continuent-ils,  a  dit  dans  sa  lettre  pastorale  pour 
le  dernier  carême,  que  «  dans  un  concile  général,  les  évèques 
seuls  avaient  voix  délibérative,  mais  qu'on  y  entendait,  qu'on 
y  écoutait  l'écho  de  l'expérience  et  des  opinions  non  seule- 
ment des  chefs,  mais  aussi  de  tous  les  membres  de  l'Eglise. 
Les  laïques  comme  les  prêtres,  même  dans  les  questions 
importantes,  pouvaient  être  appelés  à  exercer  une  influence 
sur  les  décisions  conciliaires.  »  Et  de  fait,  un  certain  nombre 
de  fidèles,  dont  les  directeurs  les  plus  écoutés  ne  sont  pas  les 
prélats,  mais  des  religieux  ou  des  laïques,  travaillent  aujour- 
d'hui avec  ardeur  «  à  orienter  l'activité  du  concile  dans  une 
direction  bien  déterminée  ».  Quiconque  refuse  d'ériger  en 
dogmes  leurs  opinions,  de  considérer  comme  salutaires  leurs 
efforts  s'entend  qualifier  de  «  catholique  libéral  »  et  opposé 
sous  cette  étiquette  aux  «  catholiques  »  tout  court.  A  Rome, 
ils  ont  un  organe,  la  Civilta  Cattolica.  Suit  la  citation  bien 
connue  de  la  correspondance,  où  l'on  signale  le  vœu  de  nom- 
breux catholiques  français  relatif  à  la  définition  des  ensei- 


(1)  C.  V.  1175  c.  sqq.  Cecconi  loc.  cit.  Doc.  CLVII. 

[212-213] 


252  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

gnements  du  Syllabus,  de  l'infaillibilité  pontificale  et  de 
l'Assomption  de  Notre-Dame.  L'adresse  fait  remarquer  le 
crédit  dont  jouit  à  Rome  la  revue  incriminée  ;  tout  à  l'air  de 
se  passer,  ajoute-t-elle,  «  comme  si  un  grand  ordre,  avec  tout 
le  poids  de  son  organisation  centralisée,  poussait  au  même 
but».  «Il  ne  faudrait  pas  s'étonner  que  des  efforts  aussi 
méthodiques,  aussi  énergiques,  qui  prétendent  rencontrer  la 
plus  universelle  approbation,  en  vinssent,  dans  le  cas  où  ils 
ne  se  heurteraient  à  aucune  opposition  ouverte,  à  répandre, 
au  sujet  des  sentiments  des  catholiques,  des  erreurs  graves 
et,  dans  les  circonstances  actuelles,  doublement  déplo- 
rables. » 

("est  pourquoi,  «  nous,  qui  nous  efforçons  d'être  pour 
l'Eglise,  autant  que  ces  catholiques,  des  enfants  fidèles, 
soumis  et  dévoués  sans  retour  au  plus  grand  bien  de  cette 
commune  mère,  nous  ne  croyons  pas  / /  qu'il  nous  soit  permis 
de  nous  taire.  Notre  devoir  est  de  dire  très  baut  que  nous  ne 
partageons  point  ces  vues,  ces  espérances,  ces  vœux  des 
prétendus  «  catholiques  »  tout  court  ;  nous  protestons  du 
contraire,  de  la  façon  la  plus  énergique.  »  La  définition  de 
nouveaux  dogmes  ne  semble  pas  désirable,  disent  encore  les 
signataires  de  l'adresse  ;  aucune  raison  n'oblige  à  y  procéder, 
ce  serait  rendre  plus  difficile  retour  à  l'Eglise  de  nos  frères 
séparés. 

Les  «  catholiques  instruits  »  n'ont  pas  qu'un  programme 
négatif;  ils  font  des  propositions  très  positives.  Les  Stimmen 
ai  s  Maria-Laach  (i)  ont  condensé  en  quatre  articles  la  tâche 
qu'ils  indiquent  au  concile  : 

i.  «  Affranchir  l'Eglise  de  l'autorité  civile,  c'est-à-dire 
rétablir  le  jeu  indépendant  et  harmonieux  de  ces  deux 
sociétés  où,  de  par  la  volonté  de  Dieu,  la  vie  de  tout  homme 
doit  se  dérouler  ». 


1 1 1  lias  okumenisclie  Kon&il.  Stimmen  ausMaria-Laach.  Nouv.  série,  tasc.  V  (1869), 
p.  29. 

[213-214] 


L  ADRESSE    DE    COBLENZ  233 

2.  »  Chercher  l'attitude  qui  convient  au  clergé  et  à  tout 
chrétien  à  l'égard  de  la  culture  intellectuelle  et  de  la  science.» 

3.  »  Régler  par  un  statut  organique  la  part  qui  revient  aux 
fidèles  dans  la  détermination  des  conditions  de  la  vie  ecclé- 
siastique et,  par  suite,  dans  la  lutte  contre  la  misère  sociale 
et  dans  l'œuvre  de  la  réunion  à  l'Eglise  de  nos  frères 
séparés».  D'où  pour  conclure  : 

4-  Vœu  spécial  :  «  Qu'il  plaise  au  prochain  concile  général 
de  supprimer  l'Index  librorum  prohibitorum.  » 

Les  catholiques  laïques  peuvent  sans  aucun  doute  dans 
certaines  circonstances  proposer  leurs  vœux  à  l'activité  d'un 
concile  général;  nous  constatons  avec  plaisir  que  les  signa- 
taires de  l'adresse  l'ont  fait  en  des  termes  très  dignes  ;  en 
particulier,  nous  relevons  leur  dernière  phrase,  où  «  ils  sont 
décidés,  déclarent-ils,  à  vivre  et  à  mourir  par  la  grâce  de 
Dieu  en  enfants  dévoués  de  l'Eglise,  en  communion  avec  elle 
et  avec  son  centre,  la  chaire  de  Rome,  dans  une  obéissance 
filiale  envers  XX.  SS.  les  évoques.  » 

Mais,  d'autre  part,  bien  faible  est  le  motif  principal  qui  les 
a  décidés  à  faire  cette  démarche.  «  Comment  le  rédacteur  de 
l'adresse,  se  demandent  les  Stimmen  ai  s  Mabia-Laach  (i)//, 
en  est-il  venu  à  transformer  en  un  tour  de  main  le  fait  unique 
d'une  correspondance  privée  envoyée  de  France  à  la  Civilta, 
alors  que  la  revue  évite  même  expressément  de  faire  siennes 
les  vues  toutes  subjectives  qu'elle  contient,  en  ia  conspira- 
tion puissante,  parfaitement  organisée,  d'un  parti  qui  tra- 
vaille avec  ardeur  à  orienter  le  concile  dans  une  direction 
déterminée  »  ?  C'est  une  grave  accusation.  Elle  se  précise 
davantage  quand  la  Civilta  Cattolica  est  indiquée  comme 
le  centre,  l'organe  propre  de  ce  parti;  elle  se  développe 
même  au  point  de  devenir  la  dénonciation  formelle  d'un 
ordre  religieux.    «  Il    semble  qu'un    grand    ordre   religieux 


(1)  Bas  okumenisehe  Konzil.  Stimmen  aus  Maria-Laach.  Nouv. série,  fasc.V  (18(39), 
p.  25. 

[214-215] 


254 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


pousse  au  même  but  par  le  poids  de  son  organisation  centra- 
lisée, c'est-à-dire  s'efforce  d'orienter  le  concile  dans  une 
direction  déterminée.  Il  ne  faudrait  pas  s'étonner,  dès  lors, 
que  des  efforts  aussi  méthodiques,  aussi  énergiques,  qui 
prétendent  rencontrer  la  plus  universelle  approbation,  n'en 
vinssent,  sans  l'avertissement  opportun  venu  des  bords  du 
Rhin,  à  induire  le  pape,  les  évéques,  le  concile  même,  en  de 
déplorables  illusions  sur  les  sentiments  des  catholiques. 
Dans  ces  proportions,  ajoutent  les  Stimmen  (i),  l'accusation 
n'atteint  pas  l'ordre  religieux  qu'elle  vise,  nous  la  repoussons 
comme  un  soupçon  absolument  dénué  de  fondement.  Xous 
sommes  surabondamment  autorisés  à  déclarer  que  ni  la 
rédaction  de  la  Civii.ta,  ni  celle  d'aucune  autre  revue  ou 
périodique  auquel  collaborent  des  membres  de  la  Compagnie 
de  Jésus,  ne  représente  à  ce  titre,  de  quelque  façon  que  ce 
soit,  l'ordre  religieux  auquel  ils  appartiennent.  Ces  écrivains 
sont  purement  et  simplement  responsables  de  leurs  actes 
personnels  tant  qu'ils  ne  sont  pas  en  situation  d'alléguer 
expressément  une  délégation  spéciale.  Dans  cet  ordre  reli- 
gieux important,  à  cote  de  la  puissance  d'une  organisation 
centralisée,  «l'indépendance  personnelle,  la  liberté  des  con- 
victions et  du  savoir  sont  aussi  garanties  ». 

Pour  qui  connaît  les  conditions  dans  lesquelles  beaucoup 
de  nos  contemporains  les  plus  instruits  ont  reçu  leur  instruc- 
tion religieuse,  les  tendances,  qui  se  manifestent  dans  les 
propositions  positives  exprimées  dans  Y  Adresse,  n'ont  rien  de 
particulièrement  surprenant.  Le  moyen  radical  qui  consiste 
à  supprimer  l'entrave  de  Y  Index,  nous  l'avons  déjà  vu  recom- 
mander (2)  ;  il  en  est  de  même  de  la  motion  sur  l'éducation  et 
l'instruction  du  clergé  (3). 

Dans  la  première  proposition.  —  c'est  le  point  capital,  — 


(1)  Ibid.  p.2i 

(2)  P.  193. 

(3)  Ibid. 


215 


l'adresse  DE  COBLENZ  2.H5 

on  semble  aussi  réclamer  la  séparation  de  l'Eglise  et  de 
l'Etat,  comme  la  seule  solution  légitime.  //  Assurément, 
nous  ne  voulons  pas  imputer  à  mal  aux  signataires  de 
Y  Adresse  qu'ils  aient  eu  une  idée  si  inexacte,  si  peu  précise 
des  relations  que  Dieu  a  voulues  entre  l'Eglise  et  lEtat;  la 
question,  en  effet,  est  délicate;  elle  demande  plus  de  con- 
naissances théologiques  et  philosophiques  qu'on  n'en  trouve 
d'ordinaire  chez  des  laïques  et  c'est  justement  cette  insuffi- 
sance des  principes  qui  rend  contestable  le  bien  fondé  • 
d'une  démarche  de  laïques  se  présentant  devant  le  con- 
cile avec  un  programme  positif  sur  la  matière.  «  Nous 
portons  tout  particulièrement  notre  attention,  disent  les 
signataires  de  Y  Adresse,  sur  les  relations  générales  de 
l'Eglise  avec  l'Etat  et  la  société  moderne.  Dans  l'intérêt  de 
l'Eglise  et  de  sa  liberté,  nous  désirons  de  toute  notre  âme 
que  le  prochain  concile  proclame,  de  manière  à  ne  pas  laisser 
place  au  doute,  la  rupture  de  l'Eglise  avec  le  rêve  de  rétablir 
la  constitution  théocratique  de  l'Etat  qu'a  connue  le  moyen 
âge.  Rien  n'éloigne  tant  les  esprits  du  catholicisme  que  la 
crainte  de  voir  revenir  les  temps  où  l'Etat,  le  bras  séculier, 
prenait  fait  et  cause  pour  les  dogmes  et  les  lois  d'une  confes- 
sion religieuse  déterminée,  appuyée  sur  une  révélation  sur- 
naturelle ;  les  consciences  n'étaient  pas  libres  ;  la  dignité  de 
la  religion  en  souffrait  elle-même  :  c'est  la  libre  adhésion  des 
consciences,  sans  contrainte  de  l'Etat,  qui  en  fait  la  gran- 
deur. »  «  L'Etat,  dit  encore  Y  Adresse,  doit  s'occuper  des 
vérités  religieuses  qui  concernent  la  morale  et  qui  peuvent 
être  naturellement  connues  ;  sur  ce  terrain,  il  est  indépen- 
dant, bien  qu'obligé  d'y  accorder  pleine  liberté  à  la  religion 
révélée.  » 

«  On  peut  douter,  avec  quelque  raison,  remarque  l'auteur 
de  l'article  des  Stimmen,  que  tous  les  signataires  de  V Adresse, 
ou  même  simplement  la  majorité,  aient  compris  la  portée  de 
ce  qui  est  présenté  comme  leur  profession  de  foi  publique  et 

[215-2i6| 


2o6  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

attestée  par  leurs  signatures  (i).  »  «  Qu'une  fois  pour  toutes 
l'Eglise  proclame  qu'elle  a  rompu  avec  le  rêve  de  rétablir  la 
constitution  théocratique  de  l'Etat  qu'a  connue  le  moyen 
âge  !  »  pour  rassurer  les  «  esprits  »  libéraux,  le  concile  doit  se 
porter  garant  de  cette  rupture.  «La  constitution  théocratique 
de  l'Etat  comme  au  moyen  âge  »,  voilà  le  monstre  abhorré 
qu'il  faut  écarter  du  catholicisme.  Si  les  mots  avaient  gardé 
leur  vrai  sens, ces  propositions  n'offriraient  aucun  danger.  Le 
passé,  entré  dans  l'histoire,  ne  revit  plus  //  avec  son  caractère 
particulier,  avec  les  formes  organiques  nées  et  développées 
dans  une  portion  déterminée  du  temps  :  on  ne  le  ressuscite 
pas  tel  quel  !  Les  temps  nouveaux  peuvent  bien  se  façonner 
d'une  manière  quelque  peu  analogue  aux  temps  passés  ;  ils 
apportent  avec  eux  des  formes  nouvelles.  C'est  un  axiome  de 
l'histoire  et  ce  n'est  pas  l'Eglise  qui,  seule,  le  mettra  en 
doute,  le  méconnaîtra  jusqu'à  souhaiter  l'impossible  et  le 
déraisonnable.  Sur  la  constitution  des  gouvernements  du 
moyen  âge,  le  concile  n'aura  rien  à  mettre  hors  de  doute. 
Une  seule  chose  ne  disparaît  jamais  au  milieu  des  formes 
changeantes  du  temps,  c'est  la  vérité,  la  vérité  chrétienne, 
«  fondée  sur  une  révélation  surnaturelle  ».  Ce  qui  une  fois  a 
été  vrai  le  reste  toujours,  au  XIXe  siècle  aussi  bien  qu'au 
moyen  âge.  Ce  qui  se  contredit  est  mensonge  et  ce  qui  est 
construit  sur  cette  contradiction  est  construit  sur  le  men- 
songe, même  les  formes  de  gouvernement...  L'Eglise  est 
appelée  par  Dieu  pour  être,  dans  la  lutte  du  mensonge  contre 
la  vérité,  son  mandataire  incorruptible,  ferme  et  invincible 
comme  le  roc.  Si  donc  l'Eglise  avait  conscience  que  les 
formes  de  gouvernement  du  moyen  âge,  abstraction  faite  de 
leur  contingence,  de  leur  déformation  historique  accidentelle, 
sont,  dans  leur  essence,  l'expression   et  la  reconnaissance 


(1)  Das  (ekumenisclie  Kon-Jl.  Loc.  cit.  p.  31.  Nous  recommandons  cet  article  très 
approfondi  à  qui  désire  s'orienter  dans  la  question  soulevée  par  la  première  pro- 
position de  l'Adresse. 

[216-217] 


l'adresse   DE  COBLEXZ  257 

officielle  d'une  vérité  chrétienne,  son  vœu,  au  moins  dans 
l'ordre  idéal,  serait  de  conserver,  autant  qu'il  est  en  elle,  ce 
caractère  essentiel  aux  gouvernements  des  temps  modernes; 
et  ce  serait  juste,  bien  plus  :  indispensable  et  nécessaire.  Le 
danger  de  s'aliéner  des  esprits  influencés  par  l'erreur  ne 
pourrait  pas  l'arrêter.  Elle  se  rendrait  coupable  envers  elle- 
même,  envers  la  vérité  dont  elle  est  le  ferme  soutien,  envers 
l'humanité,  dont  le  salut  véritable,  même  en  ce  monde,  se 
trouve  uniquement  dans  la  vérité.  Il  ne  reste  donc  plus  qu'à 
savoir  si  réellement  et  dans  quelle  mesure  l'Eglise  a  ce  senti- 
ment et,  par  suite,  quelle  position  les  laïques  catholiques 
signataires  de  l'Adresse  doivent,  en  conscience,  prendre  à 
cet  égard  (i).  » 

L'auteur  de  l'article  répond  à  la  première  de  ces  deux 
questions.  Pour  être  brefs,  nous  n'extrairons  de  son  travail 
que  quelques  propositions.  Un  gouvernement  théocratique 
dans  le  sens  propre,  dit-il  (2),  n'a  jamais  existé  dans  le 
christianisme  et  n'a  pas  été  réclamé  par  l'Eglise.  L'organisa- 
tion politique,  le  développement,  la  transformation  des 
peuples  chrétiens  se  sont  bien  accomplis  «  sous  l'influence  de 
l'idée  chrétienne  et  de  la  loi  du  Christ  ;  c'est  le  fondement 
de  cette  civilisation,  de  cette  culture  supérieure,  héritage 
exclusif  des  nations  façonnées  par  la  main  de  l'Eglise  du 
Christ  ».  a  L'Eglise  ne  passe  pas  dans  l'histoire  avec  la 
mission  de  s'occuper  seulement  de  la  sainteté  intérieure,  de 
la  conscience,  des  pensées  et  des  actes  purement  individuels  ; 
mais,  dans  sa  puissance  civilisatrice,  elle  embrasse  l'homme 
entier,  et  l'Adresse  elle-même  le  reconnaît.  »  «  Les  hommes, 
régénérés  par  le  baptême,  doivent  être  chrétiens  ;  les  nations, 
régénérées  elles  aussi,  doivent  être  chrétiennes,  c'est-à-dire 
que,  comme  elle  gouverne  la  vie  industrielle,  l'idée  chrétienne 


(1)  Loc.  cit.  p.  32,  sqq. 
{2)  Loc.  cit.  p.  34  sqq. 


[217-218] 


258  HISTOIRE    DU    CONCILE    OU    VATICAN 

doit  dominer  les  relations  sociales,  nationales,  internatio- 
nales de  l'humanité.  »  «  Il  n'y  a  pas  d'homme  intérieur  sans 
une  relation  nécessaire  avec  l'extérieur  ;  il  n'y  a  pas  d'homme 
qui  ne  vive  pas  avec  la  société  et  dans  la  société.  Aussi  un 
christianisme  purement  individuel  —  prétendant  pourtant 
être  catholique  —  vivant  sur  le  même  pied  d'autorisation 
que  le  paganisme  ou  le  nihilisme  religieux  de  l'humanité 
organisée  en  société  politique,  ne  serait  pas  seulement  une 
absurdité  contre  nature,  ce  serait,  —  si  on  le  donnait  comme 
idée  et  plan  divin,  —  ce  serait  un  blasphème.  » 

A  notre  époque,  «  l'Eglise  vit,  elle  compte  partout  des 
fidèles;  mais  de  vie  sociale  proprement  chrétienne,  à  consi- 
dérer les  choses  en  leur  ensemble,  il  n'y  en  a  plus  ».  Cet 
état,  propre  aux  a  temps  modernes  »,  est  le  résultat  naturel, 
nécessaire  de  l'affaiblissement  de  l'autorité  chrétienne  posi- 
tive sur  les  doctrines,  et  de  sa  conséquence  :  la  destruction 
de  l'unité  de  foi.  «  L'unité  dans  la  foi  chrétienne  est  le 
fondement  indispensable,  la  condition  sine  qua  non  de  «  la 
constitution  idéale  »  de  la  société  chrétienne,  ainsi  elle  en  est 
le  principe  dynamique  intime.  »  Unité  de  foi  —  constitution 
chrétienne,  sont  inséparablement  liées  l'une  à  l'autre,  comme 
la  cause  à  l'effet.  «  L'Eglise  a  donc  essentiellement  en  elle  le 
sentiment  qu'elle  a  une  mission  catholique  envers  «  toute 
créature  »;  et  par  suite  que  pour  correspondre  à  l'appel  et  // 
au  plan  de  Dieu,  toute  créature  humaine,  toute  organisa- 
tion sociale  doivent  être  soumises  aux  leçons  et  à  la  loi  du 
Christ.  Cette  première  considération  les  signataires  de 
l'adresse  ne  peuvent  et  ne  veulent  pas  la  contester...  parce 
qu'ils  sont  catholiques.  »  Pourraient-ils  nier  la  seconde? 

Dans  ce  cas,  ils  se  mettraient  encore  en  opposition  avec 
les  enseignements  positifs  de  l'Eglise.  La  conception  catho- 
lique —  d'après  les  déclarations  publiques,  et  constantes  des 
organes  autorisés  du  magistère  —  ne  saurait  varier  sur  le 
principe  fondamental  qui  détermine  la  nature    des  relations   I 

[218-219] 


L  ADRESSE    DE    COBLENZ  259 

entre  l'Eglise  et  l'Etat.  C'est  un  point  hors  de  cloute.  «  C'est 
même  un  fait  connu  de  tous  et,  dans  la  bouche  des  libé- 
raux sans  principes,  le  thème  favori  de  plaintes  stéréotypées, 
avec  le  refrain  habituel  de  «  système  de  domination  univer- 
selle »,  de  «  suprématie  sacerdotale  »,de  «  convoitises  hiérar- 
chiques »,  etc..  »  Il  y  a  quelques  dizaines  d'années,  l'expres- 
sion de  la  doctrine  catholique  n'étonnait  ni  ne  scandalisait 
personne  dans  le  monde  moderne,  pas  plus  chez  les  protes- 
tants que  chez  les  catholiques.  Le  pape  et  plus  de  cinq  cents 
évèques  réunis  à  son  siège,  ont  condamné  des  propositions  du 
Syllabus  (54°,  55°  et  surtout  770)  telles  que  celles-ci:  «  A  notre 
époque,  il  ne  convient  plus  que  la  religion  catholique  à  l'ex- 
clusion de  tout  autre  culte  soit  considérée  comme  l'unique 
religion  d'Etat  ».  Cet  acte  témoigne  du  sentiment  que 
l'Eglise  garde  toujours  vivace  de  sa  toujours  immuable 
mission  divine  aussi  bien  auprès  des  peuples  et  des  Etats 
qu'auprès  des  individus,  auprès  des  princes  comme  auprès 
des  sujets,  auprès  des  gouvernants  comme  auprès  des 
gouvernés. 

Elle  n'a  ni  la  puissance,  ni  la  charge,  ni  la  volonté  de 
ramener  par  force  et  contrainte  l'Etat  moderne  dans  la  voie 
normale  du  christianisme  positif,  mais  elle  ne  peut  pas  davan- 
tage, sans  renoncer  à  être  catholique,  renoncer  radicalement 
à  ses  légitimes  réclamations  en  ce  qui  touche  la  réalisation 
de  cette  idée  ;  elle  ne  peut,  sans  trahir  son  divin  fondateur  et 
l'humanité,  octroyer  elle-même  à  un  peuple,  à  un  Etat,  une 
charte  d'affranchissement  l'autorisant  positivement  à  pour- 
suivre sa  route  particulière,  sans  se  soucier  de  la  loi  chré 
tienne  révélée  par  Dieu.  C'est  cela  pourtant,  et  rien  de  moins, 
que  les  signataires  de  Y  Adresse  exigent  de  l'Eglise.  Evidem- 
ment, ils  n'ont  pas  vu  toute  la  portée  de  leurs  paroles  ;  mais 
que  demandent-ils,  en  somme,  quand  ils  réclament  du  concile 
une  déclaration  //  qui  ne  doit  laisser  aucun  doute  sur  la 
rupture  complète  de  l'Eglise  avec  le  rêve  de  rétablir  la  con- 

[219-220] 


300  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

stitution  théocratique  des  Etats  qu'a  connue  le  moyen  âge? 
Les  explications  qu'ils  apportent,  les  raisons  qu'ils  allèguent 
prouvent  que  par  ce  nom  abhorré  de  constitution  théocra- 
tique,  emprunté  par  eux  aux  ennemis  de  l'Eglise,  ils  n'enten- 
dent pas  autre  chose  que  la  constitution  spécifiquement 
chrétienne  de  l'Etat.  Traduire  vie  chrétienne  d'un  Etat, 
par  contrainte  en  matière  de  foi,  par  servitude  des  con- 
sciences, c'est  une  vieille  tactique;  seulement,  on  n'est  pas 
habitué  à  trouver  cette  traduction  sur  les  lèvres  d'enfants 
fidèles  et  dévoués  de  l'Eglise.  »  Ces  reproches  jetés  ici  à  la 
face  de  notre  «  Mère  commune)),  sont  aussi  pénibles  aux  lec- 
teurs catholiques  qu'injustes  eu  eux-mêmes.  C'est  confondre 
la  chose  avec  l'abus  qu'on  en  peut  faire,  que  d'identifier  les 
formes  chrétiennes  de  la  vie  publique  avec  les  excès  d'une 
législation  politique  condamnée  par  la  douceur  évangélique, 
par  l'Eglise  elle-même  ;  la  législation  du  moyen  âge  était 
marquée  du  caractère  de  l'époque,  elle  était  dure  ;  elle  serait 
intolérable  aujourd'hui.  Si  l'Eglise  est  vraiment  une  mère 
dont  on  se  fait  gloire  d'être  les  enfants,  il  faut  avoir  assez  de 
confiance  en  elle  pour  croire  que  dans  la  pratique,  si  elle 
exerçait  officiellement  son  influence  sur  la  société  politique, 
elle  ne  renierait  pas  ce  sentiment  maternel  ;  et  cela  quand 
bien  même  dans  les  circonstances  présentes,  il  s'agirait  de 
quelque  chose  de  plus  que  de  maintenir  un  principe  de  l'ordre 
idéal.  ))  Plus  loin  on  verra  que  ce  n'est  pas  l'Eglise,  mais  pré- 
cisément les  libéraux  qui  ont  exercé  une  pression  morale  et 
tyrannisé  les  consciences. 

L'adresse  des  laïques  rhénans  avait  indiqué  positivement 
<pi elles  étaient  pour  eux  les  relations  normales  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat,  et  par  suite  la  forme  de  gouvernement,  dont  au 
lieu  et  place  de  la  forme  «  théocratique  »  (lisez  :  chrétienne), 
ils  voulaient  voir  le  concile  reconnaître  la  légitimité.  L'Etat 
doit  se  tenir  dans  la  sphère  des  vérités  et  des  lois  de  morale 
purement  naturelles.  A  cette  condition  on  pourrait  concevoir 

[250] 


L  ADRESSE    DE    COBLENZ  261 

les  meilleures  espérances,  «  pour  l'harmonie,  la  coopération 
féconde,  l'organisation  idéale  de  l'Eglise  et  de  l'Etat»,  Dans 
l'article  que  nous  venons  de  citer,  et  dans  un  autre  que 
publia  le  Katholik  (i),  il  est  démontre  que  ce  projet  de  paix 
imaginé  par  les  libéraux  est  fondé  sur  une  conception  théolo- 
gique  complètement  inadmissible,  et  au  point  de  vue  psycho- 
logique aussi  bien  qu'au  point  de  vue  //  politico-religieux, 
sur  une  illusion  presque  incroyable.  Mais  nous  nous  sommes 
déjà  trop  longtemps  attardés  à  discuter  le  contenu  de 
l'Adresse  ;  aussi  renvoyons-nous  nos  lecteurs  à  l'article  même 
des  Stimmkx  (2). 

Ce  n'était  pas  seulement  le  contenu  de  l'Adresse  qui  devait 
mettre  les  catholiques  en  défiance,  mais  encore  cette  circon- 
stance que  dès  son  apparition,  sur  toute  la  ligne,  la  presse 
hostile  à  l'Eglise  la  salua  de  bruyantes  manifestations  de  joie. 

Qu'il  nous  soit  permis  maintenant  de  dire  la  triste  histoire 
de  ses  auteurs  :  Xi  le  rédacteur  de  l'adresse  de  Coblenz,  ni 
le  promoteur  de  la  tentative  de  pétition  à  Bonn,  d'où  plus 
tard,  comme  nous  le  verrons,  on  envoya  le  même  factum  à 
l'archevêque  de  Cologne,  ne  sont  demeurés  fidèles  enfants 
de  l'Eglise  ;  ils  n'ont  pas  persévéré  dans  l'unité  avec  elle  et 
avec  le  centre  de  la  catholicité,  la  chaire  de  Rome;  tous 
deux  ont  refusé  obéissance  au  concile  et  sont  morts  sans  se 
réconcilier  avec  leur  Mère. 

L'auteur  de  l'Adresse  était  Théodore  Stumpf,  oberlehrer 
au  gymnase  de  Coblenz  (3).  Il  la  composa  sans  rien  en  dire  à 
Dôllinger,  mais  avant  sa  publication  il  la  lui  fit  approuver  (4) 
Des  cent  vingt  habitants  de  Coblenz  dont  on  avait  demandé 
la  signature,   quarante-sept  seulement  furent  disposés  à  la 


(1)  18691,74-2. 

(2)  Dan  œkumenische  Konz.il,  loc.  cit.  p.  43  sqq. 

(3)  Cfr.  la  lettre  de  Stumpf  à  Tévêque  de  Ermland,  M61  Philippe  Krementz, 
C.  V.  1182  a.  etsuiv. 

(4)  Ibid.  C.  7.  Ii83.a . 

[220-221] 


2G2  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

donner  (i).  Le  Ier  juin,  les  parties  principales  de  Y  Adresse 
furent  publiées  par  I'Allgemeine  Zeitung,  avant  même  que 
le  texte  eut  été  remis  à  l'évêque  de  Trêves,  Mgr  Matthias 
Eberhard.  Stumpf  déclara  (2)  que  cette  divulgation  avait  eu 
lieu  ((  à  l'insu  et  contre  la  volonté  du  comité  ». 

L  Allgemeixe  Zeitung  émettait  le  vœu  «  que  dans  d'autres 
parties  de  la  patrie  allemande,  des  hommes  connus  pour  leurs 
sentiments  religieux  suivissent  l'exemple  donné  à  Coblenz  et 
fissent  des  manifestations  analogues  ou  même  plus  libres 
encore;  car,  quand  il  s'agit  des  biens  les  plus  sacrés  de  l'hu- 
manité, parler  librement  est  un  devoir,  reculer  en  ces 
matières  est  se  rendre  coupable  d'une  lâcheté  condamnable 
devant  Dieu  et  devant  les  hommes  »  (3).  De  fait,  au  commen- 
cement de  juillet,  l'archevêque  de  Cologne,  Mgr  Paul  Mel- 
chers,  reçut  de  Bonn  une  adresse  qui,  àpart  quelques  mots, 
ayant  trait  spécialement  au  diocèse  de  Trêves,  était  identique 
à  celle  de  Coblenz.  D'après  une  note  de  la  Kôlnische  Volks- 
zeitung  du  7  juillet,  elle  était  signée  par  la  majorité  des 
professeurs  catholiques  de  l'Université,  par  les  membres  du 
tribunal  et  de  l'administration  supérieure  des  mines,  par  des 
professeurs  du  gymnase,  des  avocats,  des  médecins,  etc.,  en 
tout  trente-cinq  catholiques,  appartenant  aux  professions 
libérales.  Le  10  juin,  le  même  journal  publiait  encore  cette 
nouvelle  :  trente-sept  des  plus  notables  habitants  d'Auder- 
nach,  entre  autres,  des  représentants  delà  ville,  des  membres 
du  conseil  de  fabrique,  des  professeurs  du  gymnase,  des 
marchands;  des  rentiers...  avaient  déclaré  par  écrit  leur 
pleine  adhésion  à  l'Adresse  de  Coblenz  (4). 


(1)  Gedanken  eines  Theologen  tiber  die  Koblenz-Bonner  Laienadresae  (Aix-la-Cha- 
pelle, t869), p.  7. 

(2)  Lettre  à  l'évêque  d'Ermland.  G.  V.  1185  b. 

(3)  Gedanken  eines  Theologen...  p.  4. 

(4)  Gedanken  eines  Theologen,  etc.,  p.  5.  —  U Adresse  fut  envoyée  au  comte  de 
Montalembert,  qui,  malade,  écrivit  de  son  lit,  pour  exprimer  sa  pleine  adhésion: 
il  la  combla  d'éloges  :  «  Je  ne  saurais  vous  dire  combien  cette  remarquable  mani- 

[221-222 


LES    DEPUTES    AU    PARLEMENT    DOUANIER  263 

L'évêque  de  Trêves  ne  répondit  pas  kl' Adresse,  comme  on 
s'y  attendait  (i),  parce  qu'elle  avait  été  publiée  avant  de  lui 
être  parvenue.  L'archevêque  de  Cologne  le  fit  en  quelques 
lignes  envoyées  au  professeur  Bauerband,  un  des  signataires 
de  l'adresse  de  Bonn  (2).  Voici  le  passage  principal  de  sa 
lettre  :  «  II  m'est  absolument  impossible  de  souscrire  entiè- 
rement à  toutes  les  idées  et  à  tous  les  vœux  exprimés  dans 
cette  adresse;  je  ne  laisserai  pourtant  pas  de  profiter,  à 
l'occasion  des  indications  qu'elle  renferme.  Je  suis  heureux, 
de  voir  l'insistance  avec  laquelle  ses  signataires  protestent  de 
leurs  sentiments  de  foi  et  de  leur  soumission  filiale  à  l'Eglise, 
car  je  m'assure  que  les  décisions  du  futur  concile,  qu'elles 
soient  ou  non  conformes  à  vos  idées  et  à  vos  désirs,  seront 
reeues  par  vous  avec  l'humble  et  respectueuse  obéissance 
due  aux  paroles  du  Saint-Esprit.  »  / 

Une  autre  manifestation  à  propos  du  concile  se  préparait 
encore,  elle  ne  devait  pas  être  adressée  à  un  évèque  en  par- 
ticulier, mais  à  tout  l'épiscopat  allemand.  Ses  auteurs  étaient 
ces  hommes,  qui,  plus  tard,  ont  mérité  grandement  de 
l'Eglise  comme  chefs  des  catholiques  pendant  le  Kultur- 
kampf  :  le  peuple  allemand  les  considère  aujourd'hui  avec 
admiration  et  reconnaissance.  Sans  doute  jusque-là  la  plu- 
part des  signataires  de  l'adresse  de  Coblenz  et  de  Bonn 
passaient  avec  raison  pour  des  fils  dévoués  de  l'Eglise, 
pourtant  l'esprit  qui  avait  provoqué  ce  mouvement  était  bien 


festation  m'a  touché  et  réjoui  ;  elle  est  sans  défaut  pour  le  fond  et  la  l'orme.  J'en 
signerais  volontiers  chaque  ligne.  J'ai  cru  voir  un  éclair  perçant  les  ténèbres; 
j'ai  enfin  entendu  une  parole  virile  et  chrétienne  au  milieu  des  déclamations 
et  des  flatteries  dont  on  nous  assourdit.  »  G.  V.  1181  b.  et  suiv.  Cecconi  loc.  cit. 
Doc.  CLIX.  — Cf.  la  réponse  ibid.  Doc.  CLX.  Malheureusement  le  généreux  cham- 
pion de  la  liberté  de  l'Eglise  en  France  manifesta  à  plusieurs  reprises  avant  et 
pendant  le  concile  des  mauvaises  dispositions  à  son  égard.  Il  mourut  avant 
l'ajournement  de  l'assemblée. 

(1)  Ibid.  p.  4  et  5. 

(2)  G.  V.  1180  de  suq.  Cecconi  loc.  cit.  Doc.  CLVIII. 

[222-223] 


204  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ce  même  esprit  hostile  à  l'Eglise  qui  dominait  clans  les  libelles 
de  Janus.  Tout  autre  était  l'inspiration  de  la  démonstration 
dont  il  nous  faut  parler  :  il  suffit  de  nommer  l'un  de  ses  prin- 
cipaux artisans,  le  rédacteur  fort  distingué  des  Historisch- 
politischen  Bl.ettek  dont  nous  avons  déjà  appris  à  connaître 
la  vaillante  campagne  contre  DÔllinger  (i)  Jôrg  :  C'est  lui 
qui,  au  moment  même,  où  il  écrivait  ses  articles  vigoureux 
contre  DÔllinger  et  ses  partisans  et  en  particulier  contre 
Y  Adresse  des  laïques  de  Coblentz  (2)  travaillait  à  cet  acte. 
«  Tout  d'abord,  raconte-t-il  lui-même,  le  projet  de  la  lettre 
à  l'épiscopat  allemand, n'était  que  pour  prendre  franchement 
position  contre  les  récentes  dépêches  du  concile  publiées 
par  le  prince  de  Hohenlohe  (3)  ». 

Voici  sur  l'histoire  de  cette  démonstration  les  renseigne- 
ments précis,  qu'au  nom  de  tous  les  hommes  qui  y  prirent 
part,  le  docteur  Jôrg,  donnait  le  29  août  1869  à  l'archevêque 
de  Munich  :  «  En  juin  dernier,  au  Parlement  douanier  alle- 
mand s'étaient  rencontrés  bon  nombre  de  sérieux  catholiques 
de  la  Confédération  du  Nord  et  de  l'Allemagne  du  Sud.  Sans 
l'avoir  prémédité,  ils  conférèrent  entre  eux  du  prochain 
concile  général.  Bientôt  se  forma  un  comité  plus  restreint, 
composé  de  Pierre  Reichensperger,  conseiller  supérieur  au 
tribunal  de  Berlin,  du  D1'  Probst,  avocat  à  Stuttgart,  du 
D1'  Windthorst,  ancien  ministre  du  Hanovre,  du  Dr  Ereitag, 
avocat  à  Munich,  du  conseiller  Hosius,  conseiller  au  tribunal 
du  district  de  Xeuwied  et  de  votre  très  obéissant  serviteur. 
Bien  que  dans  ce  groupe  fussent  représentées  des  tendances 
politiques  différentes,  on  se  mit  pourtant  d'accord  sur  le 
projet  d'adresse  que  nous  vous  présentons  ici  avec  toute  la 
déférence  possible,  comme  l'expression  de  la  plus  sainte  des 


(DP.  210,  225. 

(2)  Historisch-polit.  Bl.etter,  1869 II,  239  sqq. 

(3)  Ibid.  1872, 1,  885. 

[223J 


LES    DEPUTES    AU    PARLEMENT    DO  PANIER  26» 

convictions.  Mais  une  réunion  plus  considérable,  comprenant 
les  députés  catholiques  les  plus  marquants, convoquée  /pour 
le  môme  objet,  manifesta  des  manières  de  voir  nettement 
divergentes  sur  l'opportunité  d'une  telle  manifestation  et 
aussi  sut  la  manière  de  la  faire  parvenir  à  XX.  S  S.  les 
êvêques.  Votre  très  obéissant  serviteur  a  été  chargé  de 
recueillir  de  plus  amples  informations  et  d'agir  ensuite  en 
conséquence.  Or,  dans  la  mesure  où  il  lui  a  été  possible, 
autant  qu'il  lui  a  été  donné  de  s'acquitter  par  correspondance 
de  cette  commission,  il  en  est  arrivé  à  reconnaître  qu'on  ne 
désirait  ni  publier  une  adresse,  ni  réunir  des  signatures,  mais 
plutôt  faire  une  communication  confidentielle  et  toute 
confiante  à  XX.  SS.  les  archevêques  et  évêques  réunis  à 
Fulda.  A  cette  fin,  le  très  obéissant  soussigné  prend  la  liberté 
de  se  hasarder  à  s'adresser  à  Votre  Excellence  comme  à  son 
très  Révérend  Ordinaire  et  la  prie  en  même  temps  de  vouloir 
bien  attribuer  la  démarche  qu'il  fait  en  son  nom  et  au  nom 
de  tous  ceux  qui  l'en  ont  chargé,  au  zèle  qui  l'anime  pour  la 
sainte  cause  de  l'Eglise  (i)  ». 

Le  projet  (2)  dont  il  est  parlé  dans  cette  lettre  contient, 
après  le  préambule,  la  déclaration  suivante  :  «  Par  la  bouche 
de  l'épiscopat  uni  au  Saint-Père  en  concile  œcuménique,  nous 
parlera  le  Saint-Esprit;  et  nous  sommes  prêts  à  obéir  avec 
respect  à  ses  décisions,  à  suivre  ses  avertissements.  0 

Un  concile  ne  crée  point  de  dogme  nouveau,  ajoute  notre 
document,  mais  proclame  seulement  ce  qui  est  déjà  contenu 
dans  la  tradition  ;  suit  une  phrase  qui  appellerait  bien  des 
explications  :  «  L'assemblée  des  fidèles  est  la  dépositaire  de 
cette  perpétuelle  tradition  ;  et  les  laïques  eux-mêmes,  dans  la 
mesure  de  leur  zèle  pour  la  cause  de  Dieu  sur  la  terre,  ne  se 


(1)  Histcrisch-polit.-Bl.etter,1872,  I,  884  sqq.  G.  7.1187  a.  sqq.  Cecconi  loc.  cit. 
Doc.  GLXII. 

(2)  Historisch-polit.-Bl.etter  loc.  cit.  p    886.  C.   V.  1185c.  sqq.  Cecconi  loc.  ctt. 
Doc.  CLXI. 

[223-224J 


2G(i  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

sont  jamais  vu  refuser  le  droit  de  témoigner  des  aspirations 
et  des  tendances  de  la  communauté  chrétienne... 

)>  C'est  pourquoi,  lit-on  plus  loin,  nous  nous  sentons  pressés 
de  déclarer  qu'une  pleine  liberté  d'action  et  de  décision  doit 
être  garantie  au  saint  concile  contre  toute  intervention  des 
puissances  temporelles.  L'Etat  ne  peut  pas  entraver  les 
libres  résolutions  de  l'Eglise,  quoique  son  autorité  puisse 
aviser  aux  mesures  à  prendre  pour  l'exécution  des  décisions 
conciliaires  touchant  à  son  domaine  /  ou  destinées  à  se  tra- 
duire en  faits  extérieurs. 

m  Nous  avons  sans  cesse  devant  les  veux  les  principes  qu'a 
rappelés  le  Saint-Père  sur  les  rapports  établis  par  Dieu  entre 
l'Eglise  et  l'Etat;  mais,  comme  dans  les  temps  troublés  où 
nous  poursuivons  nos  fins  surnaturelles,  il  est  impossible, 
même  aux  hommes  de  bonne  volonté,  d'avoir  les  mêmes 
conceptions  des  moyens  extérieurs  de  salut,  nous  ne  contes- 
tons sa  valeur  relative  à  aucune  des  opinions  politiques  qui 
respectent  la  foi  religieuse,  et  ne  mettent  pas  d'obstacle  à  la 
vie  catholique,  pas  même  à  celle  qui,  pour  mieux  sauvegarder 
la  liberté  de  l'Eglise,  croit  qu'il  est  nécessaire  de  séparer 
son  domaine  de  celui  de  l'Etat.  En  cette  délicate  matière, 
l'Eglise  se  borne  à  demander  aux  fidèles  que  dans  leur  action 
politique  comme  dans  toute  leur  vie,  ils  fassent  droit  aux 
exigences  de  la  foi  et  de  la  charité  chrétiennes.  » 

Le  texte  remis  à  l'archevêque  de  Munich  proteste  contre 
l'idée  des  Eglises  nationales,  mais  il  espère  qu'on  respectera 
«dans  l'avenir,  comme  on  l'a  fait  dans  le  passé,  l'individualité 
des  différents  peuples  et  leurs  coutumes  particulières. 

«  Au  Saint-Père,  gardien  de  l'unité,  revient  la  charge 
d'avertir,  d'exhorter,  d'interdire,  quand  par  hasard  on  veut 
exposer  ou  imposer  comme  catholiques  des  doctrines  que 
dans  sa  connaissance  de  la  vérité,  il  ne  juge  pas  conformes 
à  la  foi.  » 

Autrefois,  par  suite  de  circonstances  étrangères  au  dogme 

[224-225] 


LES    DEPUTES    AT    PARLEMENT    DOUANIER  267 

et  des  malheurs  des  temps,  ce  fut  une  question  brûlante  que 
celle  du  magistère  des  papes  :  à  tirer  du  trésor  de  la  tradi- 
tion des  enseignements  positifs,  le  pasteur  suprême  avait-il 
un  droit  personnel,  ou  bien  ne  pouvait-il  agir  que  d'accord 
avec  l'universalité  des  évêques?  Nous  avons  aujourd'hui 
conscience  que  la  solution  du  problème  n'est  plus  urgente; 
elle  l'est  d'autant  moins  que  le  concile  une  fois  convoqué, 
pourrait  bien  par  la  Providence  divine  ouvrir  une  nouvelle 
période  d'assemblées  œcuméniques,  dont  l'autorité  n'est  con- 
testée par  personne. 

Pour  conclure,  les  amis  de  Jorg  prient  les  évêques  <c  de 
vouloir  bien  accueillir  ce  témoignage  de  nos  consciences 
comme  l'expression  de  notre  zèle  pour  l'Eglise,  de  nos  vœux 
les  plus  ardents  pour  la  réunion  de  nos  frères  séparés  ».  // 

Friedrich  (i)  se  donne  des  ijeines  infinies  pour  démontrer 
que  les  rédacteurs  de  ce  projet  ont  commis  un  attentat  aussi 
noir  que  les  signataires  de  l'adresse  de  Coblenz  et  de  BonD  ; 
voire  qu'ils  sont  plus  coupables!  L'accusation  ne  mériterait 
pas  d'être  même  mentionnée,  si  elle  ne  s'adressait  pas  à  des 
hommes  qui  ont  tant  mérité  de  l'Eglise. 

Xous  avons  reproduit  mot  pour  mot  tous  les  passages 
incriminés.  Il  s'y  rencontre  incontestablement  des  expres- 
sions peu  exactes.  Mais  pour  des  laïques,  en  des  matières 
aussi  difficiles  que  celle  des  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat, 
de  légères  inexactitudes  sont-elles  donc  des  crimes?  On 
pourrait  les  blâmer,  si,  à  l'exemple  des  protestataires  de 
Bonn  et  de  Coblenz,  ils  avaient  prétendu  imposer  leur 
pensée  au  concile,  ou,  comme  eux,  demandé  le  désaveu  de  la 
doctrine  séculaire  sur  les  rapports  établis  par  Dieu  entre  les 
deux  puissances,  ou  réclamé  la  suppression  de  l'Index.  Tout 
autre  est  l'attitude  des  membres  du  Parlement  douanier,  ils 
font  preuve  d'un  tact  vraiment  catholique.  Ils  ont  des  scru- 


(1)  Geschichle,  etc.,  Il,  p.  45  sqq. 

[225-226] 


268  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

pules  sur  l'opportunité  de  leur  manifestation,  sur  la  manière 
dont  ils  exposent  leurs  idées  à  leurs  vénérables  pasteurs,  ou, 
comme  L'écrit  le  nonce  «  sur  leur  prétention  à  faire  la  leçon 
à  leurs  maîtres  (i)  ».  A  la  majorité  des  voix,  ils  décident 
d'abord  de  s'informer  (2),  puis  ils  renoncent  à  composer  une 
adresse,  à  rassembler  des  signatures  et  se  contentent  de 
communiquer  aux  évéques  réunis  à  Fulda,  confidentielle- 
ment et  en  toute  confiance  leurs  opinions  qui  déjà,  du  reste, 
s'étaient  ébruitées.  Voilà  tout  leur  crime.  La  communication 
se  fit  simplement,  paraît-il,  par  l'envoi  du  projet  d'adn 
à  l'archevêque  de  Munich  pour  qu'il  en  fit  connaître  le 
contenu  à  ses  collègues.  Les  députés  allemands  reçurent 
des  évêques  la  réponse  bienveillante  qu'ils  étaient  en  droit 
d'attendre  (3). 


(1)  Dépèche  au  cardinal  secrétaire  d'Etat.  1"  juillet.  Cecconi,  loc.  cil.  Sezlp.  524 
(trad.  franc.  II,  p.  449). 

(2)  Historisch-poi.it. -Bl.etter,  loc.  cit.  p.  883.  La  revue  rectifie  à  cet  endroit  le 
n-cit  inexact  que  Sepp  a  l'ait  de  la  délibération  des  députés.  On  ne  l'avait  pas  invité 
à  l'assemblée  :  il  s'imposa  lui-même.  Auprès  de  qui  avait-on  pris  les  informa- 
tions dont  parle  Jorg ?  Celui-ci  ne  le  dit  pas.  Sepp  dit  :  auprès  des  évêques.  C'était, 
en  effet,  tout  naturel.  Mais  cela  n'exclut  pas  la  consultation  d'autres  personnes, 
par  exemple,  des  théologiens  dont  l'avis  a  quelque  poids  en  ces  matières. 

(3)  Histoiu-pûlit.-Bl.etter,  loc.  cit.  p.  885.  Pour  bien  montrer  les  dispositions 
des  députés  au  Parlement  douanier,  Friedrich  rappelle  (op.  cit.  loc.  cit.)  le  propos 
bien  connu  du  chanoine  Kiinzer  :  «  J'accompagnais  Windthorst  chez  lui  (après 
un  dinerchez  Savigny),  je  le  consolais  de  s  es  doutes  sur  l'infaillibilité  et  j'essayais 
d'apaiser  sa  colère  contre  les  Jésuites  causes  de  tout  le  mal,  disait-il,  et  en  faveur 
desquels  si  on  voulait  les  chasser,  il  ne  remuerait  pas  le  petit  doigt  !  »  Le  propos 
n'arien  de  particulièrement  surprenant  pour  qui  connaît  l'époque  où  Windthorst 
et  leurs  amis  firent  leurs  études,  surtout  quand  on  se  rappelle  les  troubles  pro- 
voqués dans  les  esprits  par  les  falsifications  de  faits  et  de  doctrines  répandues 
par  l'école  de  Munich  et  reproduites  par  d'innombrables  journaux.  Du  reste  c'est 
à  l'auteur  même  de  la  présente  histoire  du  concile  que  Windthorst  se  plaignait 
un  jour  du  peu  de  facilités  qu'il  avait  rencontrées  dans  sa  jeunesse  pour  faire 
sérieuse  connaissance  avec  la  théologie  et  la  philosophie.  Etudiant  en  droit  à 
Heidelberg,  racontait-il,  il  avait  été  suivre  les  cours  de  l'insigne  rationaliste 
Paulus  afin  de  s'instruire  avec  plus  de  précision  sur  la  religion  chrétienne!  La 
merveille,  dans  ces  conditions,  c'est  que  le  héros  des  débats  du  Ktdturkainpf  ait 
su  plus  tard,  à  force  de  travail,  acquérir  l'exactitude  dans  les  matières  religieuses 
dont  il  a  fait  preuve  pendant  ces  fameuses  discussions.  Quant  aux  Jésuites  c'est 
bien  plus  que  le  petit  doigt  qu'il  a  remué  en  leur  faveur  :  la  question  des  Jésuites 
et  celle  des  écoles  furentlesdeuxobjets  qui,  au  moment  de  sa  mort,  remplissaient 
son  délire. 

[226-227J 


LA  BROCHURE  A  L  ASSEMBLEE  DE  FULDA         2G9 

Prévenir  l'épiscopat  contre  l'infaillibilité  pontificale,  lui 
fournir  des  armes  pour  en  combattre  en  concile  la  définition, 
tel  était  le  but  d'une  brochure  qui  fut  au  début  de  septembre 
envoyée  par  la  poste  aux  évêques  allemands  réunis  à  Fulda. 
Elle  ne  portait  pas  de  nom  d'auteur,  ni  d'éditeur,  ni  d'impri- 
meur, ni  d  indication  du  lieu  d'impression  ;  son  titre  était  : 
Quelques  remarques  sur  cette  question  :  Est-il  opportun 
de  définir  l'infaillibilité  du  pape?  respectueusement  soumise 
aux  vénérables  Archevêques  et  Evèques.  Elle  n'était  pas 
destinée  aux  seuls  prélats  allemands,  mais  bien  à  ceux  de 
tout  l'univers;  des  traductions  en  italien,  en  espagnol  et 
anglais  furent  adressées  aux  évêques  d'Italie,  d'Espagne, 
d'Angleterre  et  de  ses  colonies  et  des  Etats-Unis  d'Amé- 
rique (Nord)  (i).  On  aurait  pu  s'étonner  de  ne  pas  en  voir 
faire  de  traduction  française.  // 

Elle  se  fit  un  peu  attendre  ;  nous  verrons  plus  tard  (2) 
que  le  traducteur  —  qui  n'était  autre  que  M81"  Dupanloup, 
évéque  d'Orléans  —  y  mettait  à  ce  moment  même  la  dernière 
main;  ce  fut  lui  qui  l'envoya  à  tous  les  évêques  de  France. 

Pour  le  fond  c'est  la  thèse  de  Janus,  avec  moins  de  haine 
contre  Rome  et  un  ton  convenable.  Ce  n'est  pas  «  au  point 
de  vue  théologique  »  dit  l'introduction,  que  la  présente  bro- 
chure veut  étudier,  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale, 
elle  recherche  seulement  s'il  est  opportun  de  la  définir. 
«  Après  avoir  mûrement  considéré  la  question  sous  tous  ses 
aspects,  les  rédacteurs  ont  acquis  la  ferme  conviction 
qu'actuellement  rien  ne  serait  plus  inopportun,  plus  malen- 
contreux pour  l'Eglise  que  la  définition  d'un  pareil  dogme. 
Soulever  seulement  la  question  au  concile   serait  déjà  une 


(1)  Cecconi  put  à  grand  peine  se  procurer  un  exemplaire  de  cette  brochure 
(loc.  cit.  Sez  I,  p.  512',  trad.  franc,  t.  II,  p.  464),  encore  était-ce  un  exemplaire 
italien,  traduit,  semble-t-il,  sur  l'anglais.  lien  donne  la  préface  en  allemand 
(loc.  cit.  Sez.  IL  Doc.  CLXI1I)  et  le  texte  en  italien  (ibid.  p. [1584]  sqq.  trad.  franc, 
t.  III,  p.  34Gsiiq.) 

(2)  Voir  plus  bas  ch.  10. 

[227-228] 


270  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

grave  faute  et  un  grand  malheur  ».  Et  eela  pour  six  raisons. 

La  définition  de  l'infaillibilité  élèverait  un  nouveau  mur 
de  séparation  entre  l'Eglise  et  les  schisinatiques  d'Orient; 
elle  nous  aliénerait  —  c'est  à  craindre  —  encore  davantage 
les  protestants  ;  les  gouvernements  non  catholiques  en  pren- 
draient ombrage;  les  rapports  avec  les  gouvernements  catho- 
liques en  deviendraient  plus  difficiles;  au  concile  on  doit  par 
dessus  tout  éviter  les  discussions  violentes  —  suivant  l'exem- 
ple déjà  donné  par  Pie  IV  qui  défendit  à  ses  légats  de  pro- 
poser à  Trente  les  matières  capables  d'engager  les  Pères 
dans  des  débats  trop  ardents  —,  enfin  l'on  ne  voit  pas  que 
cette  définition  soit  nécessaire  :  l'Eglise  s'en  est  passée  pen- 
dant dix-huit  siècles. 

Les  auteurs  de  la  brochure  promettaient  bien  de  se  res- 
treindre à  la  question  d'opportunité;  mais  dès  le  huitième 
paragraphe  ils  s'en  prennent  à  la  doctrine  elle-même.  «  Si  le 
pape  est  infaillible,  disent-ils,  les  évèques  cessent  d'être 
juges,  témoins  et  docteurs  de  la  foi,  dorénavant  les  conciles 
sont  superflus;  enfin,  son  infaillibilité  exclusive  et  person- 
nelle le  sépare  de  tout  l'épiscopat.  // 

En  convoquant  un  concile  général,  Pie  IX  n'a  pas  eu 
l'intention  de  faire  définir  son  infaillibilité.  D'ailleurs,  trop 
de  points  de  cette  obscure  question  ont  besoin  d'être 
éclaircis  :  quels  enseignements,  quels  actes  jouissent  du 
privilège  de  l'inerrance  et  dans  quelles  conditions.  L'histoire 
fournit  aux  auteurs  de  la  brochure  une  série  d'objections 
contre  la  thèse  ultramontaine  et  comme  le  pape  reste  tou- 
jours homme  et  sujet  à  pécher,  ils  estiment  que  le  pontife 
pourrait  niésuser  de  sa  prérogative  pour  le  malheur  de 
l'Eglise.  Conclusion  :  la  définition  n'est  pas  seulement 
inopportune,  elle  est  impossible.  Que  des  théologiens  igno- 
rant tout,  sauf  leurs  livres,  que  des  journalistes  qui  vivent 
de  leurs  passions,  que  les  flatteurs  du  pape  y  poussent  sans 
souci,  cela  se  comprend:   «mais  ceux  à  qui  est  commis  le 

[228-229J 


TROUBLES    POPULAIRES  271 

soin  des  âmes,  ceux  qui  restent  au  milieu  des  hommes  pour 
tes  conduire  au  ciel,  Pie  IX  et  les  évêques,  pasteurs  et  chefs 
de  l'Eglise,  obligés  en  conscience  de  la  guider  à  travers  les 
immenses  difficultés  de  nos  temps,  ceux-là  ne  voudront  cer- 
tainement pas,  pour  complaire  à  des  théoriciens,  faire 
triompher  une  école  ou  un  parti,  compromettre  l'Eglise  et 
l'exposer  à  d'aussi  grands  périls.  » 

Ces  objections  de  la  brochure,  nous  les  rencontrerons 
encore  souvent  ;  c'est  le  thème  ordinaire  de  l'opposition 
pendant  le  concile.  Plus  tard,  nous  les  aborderons  de 
front. 

Le  trouble  provoqué  par  ces  polémiques  fut  considérable, 
sans  cesse  les  adversaires  du  concile  travaillaient  à  l'ac- 
croître. Ils  lançaient  des  brochures  dans  le  peuple,  ils  se 
servaient  plus  encore  de  la  presse  quotidienne.  Des  nouvelles 
inquiétantes,  des  articles  déconcertants  étaient  le  mets 
servi  chaque  jour  aux  catholiques.  On  comprend  que  les 
feuilles  anti-chrétiennes  aient  servi  pareille  pâture  à  leurs 
lecteurs,  mais  des  journaux  catholiques  se  mirent  alors  au 
service  de  l'esprit  révolutionnaire  et  eurent  une  influence 
pire  que  cette  presse  hostile  dont  on  se  défiait  depuis  si 
longtemps  parmi  nous. 

Une  lettre  de  Mgr  Melchers,  archevêque  de  Cologne, 
adressée  au  nonce  de  Munich,  Mgr  Meglia,  après  la  réunion 
épiscopale  de  Fulda,  parlait  de  cette  agitation  populaire. 
Son  contenu  nous  est  connu  par  la  correspondance  du  nonce 
avec  le  cardinal  Antonelli  :  //  «  L'esprit  de  la  population 
qu'il  a  dû  (M-1'  Melchers)  traverser  pour  se  rendre  à  Fulda, 
écrit  le  nonce,  est  plus  lamentable  qu'il  n'avait  pu  se  le 
figurer;  c'est  la  mauvaise  presse  et  la  connivence  —  pour  ne 
pas  dire  plus  —  des  gouvernements  qui,  par  des  conjectures 
sur  les  décisions  du  prochain  concile,  entretiennent  cette 
surexcitation.  Pendant  son  voyage,  l'archevêque  s'entendait 

[229-230J 


'272  HISTOIRE    DU    CONCILE    Dl     VATICAN 

crier:  «  Cracovié  !  »  (i),  injure  qu'on  jetait  à  son  vêtement 
ecclésiastique  et  épiscopal.  Jamais  en  pareilles  circonstances 
il  n'avait  jusqu'ici  subi  la  moindre  insulte.  Des  évèques  qu'il 
trouva  à  Fulda  / /  et  qui  presque  tous  parlèrent  dans  les  con- 
férences de  cette  extraordinaire  agitation,  il  apprit  que  ce 
mauvais  esprit  était  général  :  les  questions  posées  dans  les 
journaux  sur  le  futur  concile  et  avant  tout  sur  l'infaillibilité 
du  pape  ont  bouleversé  toutes  les  classes  de  leurs  diocésains. 

A  un  pareil  moment,  bien  consolantes  étaient  les  déclara- 
tions franchement  orthodoxes  faites  à  l'assemblée  générale 
des  associations  catholiques  d'Allemagne,  tenue  à  Diïssel- 
dorf,  du  6  au  9  septembre. 

Après  avoir  proclamé,  entre  autres  choses,  qu'elles  atten- 
daient avec  une  confiance  sans  bornes  le  concile  où  l'Eglise- 
entière  allait  se  réunir, qu'elles  en  acceptaient  d'avance  et  sans 


(1)  A  la  fin  de  juillet  18(39  une  mauvaise  affaire  d"un  couvent  de  Cracovié, 
grossie,  dénaturée  et  répandue  dans  l'Europe  entière  par  toute  la  presse  alle- 
mande, vint  exciter  au  plus  haut  point  les  passions  anti-religieuses  réveillées 
par  l'annonce  du  concile.  Dans  une  chambre  du  monastère  des  Ursulines  de 
Cracovié  on  aurait  trouvé,  au  milieu  d'une  indescriptible  saleté,  dans  un  vrai 
cloaque,  une  sœur  d'une  maigreur  squelettique  que  ses  compagnes  y  auraient 
séquestrée.  La  nouvelle  se  transforma  en  un  roman  terrifiant.  L'agitation  fut 
telle  qu'en  plus  d'un  endroit  il  y  aurait  eu  danger  de  mort  pour  les  religieuses 
à  sortir  de  chez  elles  et  qu'elles  durent  appeler  la  police  pour  défendre  leurs 
maisons.  Après  quelques  semaines  tout  se  calma,  le  roman  se  réduisit  à  une 
histoire  très  simple:  une  des  Ursulines  était  folle,  dans  ses  accès  elle  brisait  tout 
ce  qui  lui  tombait  sous  la  main,  salissait  tout  et  tenait  des  propos  si  incon- 
venants que  ses  sœurs  avaient  dû  la  séparer  de  la  communauté  C'était  là  tout  le 
crime  de  ces  religieuses,  un  crime  que  commettent  bien  des  familles  quand  elles 
ne  veulent  pas  se  décharger  sur  autrui  du  soin  d'un  de  leurs  membres  atteint 
du  même  mal.  Une  instruction  fut  ouverte  qui  établit  l'innocence  des  Ursulines, 
réduisit  à  néant  les  plaintes  déposées  contre  elles  et  déclara  sans  fondement  et 
mêmes  calomnieuses  toutes  les  accusations.  (Bruck.  Geschichle  tler  kathol.  Kirche 
in  Deutschland,  III,  270  sq  .  Au  plus  fort  de  la  tourmente  un  habitant  de  Cracovié 
qui  connaissait  le  couvent  et  toute  celte  histoire  se  trouvait  sur  les  bords  du 
Rhin,  il  voulut  rétablir  les  faits  dans  un  journal  catholique  de  la  région. 
L'émotion  était  si  grande  que  cette  feuille  n'eut  pas  le  courage  d'accueillir  son 
article  et  de  braver  la  tempête.  Par  ordre  du  gouvernement  la  malheureuse  folle 
tut  retirée  de  son  monastère  et  placée  dans  un  asile  d'aliénées.  Son  sort  en 
devint-il  meilleur?  On  peut  en  douter. 

[2^0-231 


LE    CONGRES    DÉ    DUSSELDOBF  273 

condition  toutes  les  décisions,  qu'elle  protestait,  sans  sortir 
pourtant  de  la  modestie  de  leur  rôle,  contre  toute  immixtion 
du  pouvoir  civil  dans  les  affaires  intérieures  de  l'Eglise,  les 
associations  catholiques  prirent  les  résolutions  suivantes  : 

«  Le  Congrès  salue  dans  les  sentiments  de  la  plus  profonde 
vénération  le  concile  convoqué  par  Pie  IX  pour  le  8  décembre 
prochain. 

»  Aujourd'hui,  comme  dans  tous  les  temps,  quand  l'Eglise 
tient  un  concile,  le  peuple  chrétien  donne  toute  sa  confiance 
à  l'auguste  assemblée.  Notre  ferme  croyance  est  que  l'Esprit 
saint  dirigera  ses  délibérations  et  ne  lui  laissera  prendre  que 
les  décisions  capables  d'assurer  le  triomphe  de  la  vérité  sur 
l'erreur  et  le  salut  des  nations. 

»  Les  catholiques  allemands  attendent  de  leurs  princes  et 
de  leurs  gouvernements  l'abstention  de  toute  démarche  qui 
pourrait  faire  obstacle  à  la  liberté  des  délibérations  et  des 
décisions  du  prochain  concile.  » 

Ces  résolutions  furent  accueillies  par  l'unanimité  de  la 
grande  assemblée  avec  des  applaudissements  enthou- 
siastes (1). 


(i)  C.  V.  1107  cl.  sqq.  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.  II.  Doc.  CLXV. 

[231] 


CHAPITRE  VI. 

Réunion    des    évêques    à    Fulda    en    septembre    186g. 
Leurs  deux  lettres  au  Pape  et  aux  fidèles. 

En  ces  temps  troublés,  une  réunion  des  évêques  au  tombeau 
de  Saint-Boniface  fut  proposée  pour  le  commencement  de 
septembre.  Elle  n'était  pas  décidée  précisément  à  cause  du 
prochain  concile  ;  mais  naturellement  les  prélats  assemblés 
devaient  se  préoccuper  avant  tout  du  synode  et  des  désordres 
qu'il  occasionnait. 

Le  nonce  de  Munich  écrivait  alors  au  cardinal  secrétaire 
d'Etat  :  Bien  que  chaque  évèque  en  particulier  ait  déjà  parlé 
du  concile  à  ses  ouailles,  il  serait  avantageux  que  les  prélats 
réunis  donnassent  en  commun  quelque  enseignement  sur  la 
nature  et  la  signification  de  la  grande  assemblée  œcuméni- 
que. Il  faudrait  attirer  leur  attention  //  sur  ce  point  et  adres- 
ser quelques  lignes  à  ce  sujet  au  président  de  la  réunion, 
l'archevêque  de  Cologne.  Si  le  Saint-Père  manifestait  un 
désir,  assurément  les  évêques  s'empresseraient  de  le  satis- 
faire (i).  Peut-être  le  Nonce  attendait-il  une  lettre  de  la  curie 
à  l'archevêque  de  Cologne,  ou  bien  le  plein  pouvoir  pour  lui- 
même  de  se  faire  auprès  du  président  delà  réunion  l'interprète 
des  vœux  du  pape.  Mais  le  cardinal  Antonelli  répondit  seule- 


(1)  Dépêche  du  16  août  1869.  Cecconi,  lue.  cit.  Sez.  III,  p.  533  et  suiv.  (Tracl. 
Iranç.,  t.  II,  p.  457.) 

[232-233] 


276  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

ment  en  quelques  mots  :  il  approuvait  l'idée  et  permettait  de 
la  mettre  à  exécution.  Si  le  nonce  risque  une  démarche,  il 
doit  savoir  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  le  lui  faire  remar- 
quer quelle  prudence,  quelle  réserve  il  faudra  y  appor- 
ter (i).  M-1  Meglia  se  contenta  de  signaler  de  vive  voix  à 
l'archevêque  de  Munich  l'opportunité,  la  nécessité  même 
d'instructions  pastorales  communes ,  en  face  de  l'hostilité 
anticonciliaire,  pour  répandre  dans  le  public  des  explications 
indispensables  sur  le  futur  synode  et  défendre  les  fidèles 
contre  les  effets  des  mauvais  écrits.  L'archevêque  entra  tout 
à  fait  dans  l'idée  du  nonce,  il  promit  d'employer  toute  son 
influence  pour  engager  ses  collègues  à  cet  acte  commun  (2). 

Le  Ier  septembre,  l'assemblée  s'ouvrit  par  la  messe  ponti- 
ficale à  la  cathédrale  de  Fulda.  Etaient  présents  :  les  arche- 
vêques de  Cologne  et  de  Munich,  le  prince-évêque  de  Breslau, 
les  évèques  de  Wùrtzbourg,  Fulda,  Mayence,  Hildesheim, 
Paderborn.,  Augsbourg,  Osnabriick,  Eiehstatt,  Trêves,  les 
vicaires  apostoliques  de  Saxe  et  de  Luxembourg,  l'adminis- 
trateur de  l'archidiocèse  de  Fribourg,  l'évêque  élu  de  Rot- 
tenbourg,  le  professeur  Charles-Joseph  de  Héfélé,  et  comme 
représentants  des  évèques  de  Spire,  Passau  et  Kulm,  les 
chanoines  Molitor  et  Siegler  et  le  prévôt  et  vicaire  général 
Hasse.  Dans  l'après-midi  de  la  première  journée  arriva 
l'évêque  de  Ermland.  Ainsi  seize  évèques,  un  évêque  élu  et 
trois  délégués  épiscopaux  prirent  part  aux  conférences. 

A  la  première  séance,  dans  la  matinée  du  Ier  septembre, 
l'archevêque  de  Cologne,  élu  président  par  acclamations  /. 
salua  l'assemblée,  en  indiqua  la  haute  importance  à  la  veille 
d'un   concile  général,   exprima  ses  regrets  de  ce  que  l'épis- 


(1)  Dépêche  du  20  août    1869.   Cecconi,   loc.   cit.,  p.  534.  (Trad.    tranç.  t.  II 
p.  457.) 

(2)  Dépêche  au  Cardinal-Secrétaire  d'Etat  du  31  août  18(39.  Cecconi, loc.  cit.., 
p.  535  et  suiv.  (Trad.  franc,  t.  II,  p.  458.) 

[233-234] 


L  ASSEMBLEE    DE    FULDA  277 

copat  autrichien,  ainsi  que  d'antres  évêques  d'Allemagne  (i) 
aient  été  empêchés  d'assister  aux  réunions  (2). 

On  aborda  tout  de  suite  l'affaire  du  concile  et  on  décida 
de  s'en  occuper  en  premier  lieu.  Après  plusieurs  considéra- 
tions sur  la  manière  dont  on  devait  traiter  dans  les  confé- 
rences de  la  brûlante  question  de  l'infaillibilité  pontificale, 
un  membre  fut  chargé  de  faire  un  rapport,  pour  une  des 
prochaines  séances,  sur  l'attitude  à  prendre  au  sujet  de 
l'opportunité  de  sa  définition. 

Dans  la  seconde  séance,  l'après  midi  du  premier  jour,  on 
lut  puis  on  examina  les  avis  émis  à  la  requête  du  gouver- 
nement bavarois,  par  les  facultés  de  théologie  de  Wurzbourg 
et  de  Munich,  sur  la  définition  éventuelle  du  Syllabus  et  de 
l'infaillibilité. 

Y  avait-il  des  matières  qu'on  dût  recommander  aux  déli- 
bérations des  Pères?  En  premier  lieu,  on  jugea  utile  de 
demander  «  dans  la  pratique  des  facultés  et  dispenses  accor- 
dées par  la  Cour  de  Rome  plus  d'uniformité  et  même  cer- 
taines modifications  partielles.  »  «  On  donna  ensuite  lecture, 
rapporte  le  procès-verbal,  du  mémoire  du  cardinal  Schwar- 
zenberg,  archevêque  de  Prague,  ad  Patres  futur i  concilii 
œcumenici ;  à  cette  occasion,  un  membre  de  la  conférence 
proposa,  et  sa  motion  fut  appuyée  de  divers  côtés,  de  prier 
l'épiscopat  allemand  de  rédiger  un  mémoire  analogue  sur  les 
points  qui,  vu  l'état  de  l'Eglise  en  Allemagne,  devaient  être 
soumis  aux  débats  conciliaires;  cette  pièce  serait  remise 
imprimée  aux  Pères  du  concile,  ce  qui  leur  permettrait  une 
plus  exacte  appréciation  des  vœux  exprimés.  »  On  décida 
ionc  que  sur  les  matières  discutées  à  Fulda,un  rapport  serait 


(1)  Les  archevêques  de  Gnesen-Posen  et  de  Bamberg,  les  évêques  de  Mun- 
ter,  Limbo'urg,  Regensbourg  et  le  grand  aumônier  des  armées  prussiennes 
samszanowski. 

(2)  Nous  suivons  le  sommaire  du  procès-verbal.  C  V.  1188  a.  et  suiv.  Gecconi. 
iez.II.  Doc.  CGXX. 

18 
[234-235] 


278  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

établi  par  un  des  membres  de  l'assemblée,  qu'il  serait  pré- 
senté à  Rome  aux  évêques  allemands  et,  après  approbation, 
livré  à  l'impression.  Une  commission  de  trois  membres  fut 
nommée  à  l'effet  de  déterminer  les  points  à  traiter.  //  «  Le 
prochain  concile,  disaient  les  évêques,  ne  semblait  pas  appelé 
à  faire  proprement  œuvre  dogmatique  nouvelle,  c'est-à-dire 
à  définir,  à  formuler  les  doctrines  mises  en  cause  par  les 
erreurs  contemporaines.  De  nos  jours,  ce  n'est  pas  la  lumière 
qui  manque  pour  connaître  la  vérité,  mais  la  bonne  volonté 
pour  y  conformer  sa  conduite;  la  tâche  des  Pères  serait  plu- 
tôt d'exposer,  de  manière  à  les  faire  pénétrer  plus  profondé- 
ment dans  la  pensée  de  nos  contemporains,  certaines 
grandes  vérités,  en  particulier,  la  doctrine  que  les  conciles 
n'ont  pas  encore  définie,  relative  à  l'Eglise,  son  essence  et 
son  autorité  ». 

Bans  la  quatrième  séance  (après  midi  du  2  septembre),  le 
rapporteur  précédemment  désigné  parla  de  l'opportunité  de 
la  définition  de  l'infaillibilité.  Son  discours  fut  suivi  d'une 
discussion  sur  le  même  objet. 

«  Le  rapporteur,  dit  le  procès -verbal,  examina  la  question 
au  double  point  de  vue  positif  et  négatif.  Les  circonstances 
actuelles  fournissent-elles  des  motifs  sérieux,  suffisants  de 
procéder  à  cette  définition  ou,  au  contraire,  des  raisons  de 
souhaiter  qu'on  l'ajourne? 

»  Premièrement,  jusqu'ici  les  conciles  ont  tranché  les 
questions  seulement  lorsqu'ils  se  trouvaient  en  face  d'une 
urgens  nécessitas  et  d'un  besoin  véritable  d'ordre  pratique. 
Dans  l'espèce,  ces  deux  conditions  ne  paraissent  pas  réali- 
sées. Xi  la  pureté  de  la  foi,  ni  la  paix  de  l'Eglise  ne  sont  en 
danger.  De  raisons  positives  de  faire  définir  l'infaillibilité 
pontificale,  il  n'y  en  aurait  qu'au  cas  où  le  pape  ne  jouirait 
pas  de  hi  plénitude  de  puissance  et  d'influence  nécessaire  à 
son  ministère. 

»  Secondement  —  au  point  de  vue  négatif,  —  le  rapporteur 

[235-236] 


L  ASSEMBLEE    DE    FILDA  279 

montre  quelles  difficultés.,  quels  obstacles,  selon  toutes  les 
prévisions  humaines,  opposerait  la  définition  à  l'œuvre  si 
ardemment  aimée  et  poursuivie  par  tous  de  la  réunion  de 
nos  frères  séparés.  Les  chrétiens  d'Orient  acceptent  volon- 
tiers le  primatus  honoris,  peut-être  se  soumettraient-ils  au 
primatiisjurisdiçtionis;  mais  leur  attachement  si  connu  aux 
anciennes  traditions  ne  laisse  guère  espérer  qu'ils  recon- 
naissent comme  un  dogme  Y  infallibilitas  papas  (i  . 

»  Même  remarque  (et  à  certains  égards  plus  pressante 
encore)  pour  le  cas  des  protestants.  Chaque  jour,  ils 
paraissent  se  rapprocher  davantage  de  la  maison  «lu  père  de 
famille,  désirer  plus  vivement  retrouver  une  Eglise  où  vive 
une  autorité  doctrinale,  où  l'on  possède  de  véritables  sacre- 
ments: mais  ils  ne  sauraient  comprendre  l'infaillibilité  du 
pontife  romain. 

Pour  les  catholiques  allemands  enfin,  il  faut  redouter  les 
fâcheuses  conséquences  d'une  pareille  définition.  Pour  pour- 
suivre et  atteindre  sa  fin  sublime,  au  moment  où  l'on  attaque 
si  ardemment  ses  principes  fondamentaux,  l'Eglise  a  surtout 
besoin  d'union,  de  concorde  parfaite.  Or,  il  ne  parait  pas 
que  la  doctrine,  du  reste  difficile  à  formuler,  de  l'infaillibi- 
lité papale  soit  généralement  comprise,  estimée,  enracinée 
dans  la  conscience  populaire;  d'autre  part,  c'est  notoire, 
ceux  qu'on  nomme  les  catholiques  éclairés  seraient  mis,  par 
cette  définition,  dans  un  état  d'excitation  et  de  défiance 
indéniable;  enfin,  elle  accroîtrait  encore  le  déchaînement 
des  préventions  contre  l'Eglise  et  les  gouvernements  en 
prendraient  ombrage.  Toutes  ces  raisons,  semble -t-il, 
doivent  être  prises  en  sérieuse  considération,  elles  inclinent 
à  se  prononcer  contre  l'opportunité  de  la  définition,  d'autant 


il  La  suite  du  concile  montra  que  ces  vues  n'étaient  pas  exactes.  Les 
orientaux  se  montrèrent  bien  plus  enclins  à  admettre  l'infaillibilité  — doctrine 
si  clairement  contenue  dans  la  tradition  —  qu'à  accepter  la  plénitude  du  pou- 
voir de  juridiction  du  pape. 

[236-2371 


280  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN" 

plus  qu'on  peut  se  demander  si  cet  acte  aurait  une  influence 
heureuse  sur  la  vie  religieuse  des  races  latines  elles-mêmes. 

»  Par  contre,  on  fait  valoir  de  différents  côtés  des  raisons 
qui  ne  permettent  pas  de  nier  absolument  et  sans  conditions 
l'opportunité  de  la  définition  :  on  remarque  dans  la  con- 
science populaire  une  tendance  incontestable  vers  la  doctrine 
de  l'infaillibilité;  au  nombre  relativement  restreint  des 
catholiques  allemands  s'oppose  la  masse  des  fidèles  des 
autres  pays  auprès  desquels  la  réponse  à  la  question  d'oppor- 
tunité ne  soulève  j>as  la  moindre  hésitation.  La  crainte  des 
conséquences  fâcheuses  qu'on  redoute  pour  l'Eglise  d'Alle- 
magne ne  saurait  fournir  un  argument  péremptoire;  beau- 
coup de  protestants  ne  doivent  pas  être  comptés  parmi  les 
adversaires  de  ce  dogme  :  ils  sentent  le  besoin  d'une  autorité 
indiscutable  et  se  soumettraient  volontiers  à  l'infaillibilité 
du  paj)e.  Enfin,  à  l'analogie  des  conciles  antérieurs  s'oppose 
en  une  certaine  mesure  la  définition  de  l'Immaculée  Concep- 
tion de  la  Sainte-Vierge  :  cet  acte  dogmatique  —  où  du  reste 
la  doctrine  de  l'infaillibilité  du  pape  e.v  cathedra  loqnentis  a 
déjà  été  implicitement  exprimée  —  n'était  pas  évidemment 
d'une  urgente  nécessité,  o 

Une  discussion  fort  approfondie  sur  ce  sujet  suivit  le 
rapport.  Les  raisons  alléguées  de  part  et  d'autres  furent 
reprises,  éclaircies,  complétées  comme  il  convenait,  puis  on 
finit  par  tomber  d'accord  que  la  question  d'opportunité 
devait  être  écartée  du  mémoire  projeté.  Lue  commission 
dresserait  séparément  et  soumettrait  ultérieurement  à 
l'examen  des  évêques  le  plan  et,  plus  tard,  la  rédaction  d'une 
supplique  à  Sa  Sainteté  exprimant  les  objections  soulevées 
par  l'état  de  l'Eglise  d'Allemagne  contre  l'opportunité  de  la 
définition  projetée. 

Le  4  septembre,  dans  la  septième  séance,  les  prélats  déci- 
dèrent d'adresser  à  leurs  ouailles  une  lettre  pastorale  collec- 
fcive.  Le  mode  de  sa  publication  était  abandonné  à  l'initia- 

[237-238] 


L  ASSEMBLEE    DE    FULDA  281 

tive  de  chaque  évêque.  Le  projet  qu'on  en  présenta  fut 
renvoyé  à  une  commission  chargée  de  l'examen  et  de  la 
rédaction  de  cet  acte.  Quant  au  canevas  de  la  supplique  au 
pape  sur  l'opportunité  de  la  définition  éventuelle  de  l'infail- 
libilité pontificale,  il  fut  approuvé  par  quatorze  évêques  ou 
par  leurs  représentants.  La  lettre  pastorale  préparée  par  la 
commission  fut  approuvée  et  signée  dans  la  dixième  séance, 
le  matin  du  6  septembre. 

Deux  actes  furent  donc  posés  par  la  réunion  épiscopale  de 
Fulda  :  une  lettre  pastorale  collective  adressée  aux  fidèles, 
une  lettre  au  Pape  où  étaient  présentées  les  objections  à  l'op- 
portunité de  la  définition  au  point  de  vue  des  intérêts  de 
l'Eglise  d'Allemagne. 

De  plus,  un  membre  de  l'assemblée  était  chargé  de  com- 
poser un  mémoire  sur  les  points  ayant  trait  à  la  situation  de 
l'Allemagne  et  qu'on  devait  présenter  aux  discussions  du 
concile.  Les  évêques  présents  se  réservèrent  d'examiner  ce 
travail  à  leur  arrivée  à  Rome,  de  l'y  faire  imprimer  à  plu- 
sieurs exemplaires  et  de  le  présenter  aux  Pères  du  concile. 

Au  sujet  de  l'opportunité  de  la  définition,  il  y  eut  diver- 
gence de  vues  parmi  les  prélats,  tous  n'approuvèrent  pas  la 
supplique.  Six  des  membres  présents  :  M81  Stahl,  évêque  de 
AViirzbourg  ;  Mgr  Martin,  évêque  de  Paderborn  ;  Mgr  Léonrod, 
évêque  de  Eichstâtt;  Mgr  Adams,  vicaire  apostolique  //  du 
Luxembourg;  les  chanoines  Molitor  et  Siegler,  représentants 
des  évêques  de  Spire  et  de  Passau  refusèrent  d'adjoindre 
leurs  noms  à  ceux  de  leur  quatorze  collègues  qui  la  signèrent. 
Le  jour  même  où  la  rédaction  de  la  lettre  fut  achevée,  le 
4  septembre,  elle  fut  envoyée  au  nonce  de  Munich  avec 
prière  de  la  faire  parvenir  au  Pape  ;  le  nonce  l'expédia  le  5  au 
cardinal  secrétaire   d'Etat  à  Rome  (i).    Sur  la  dépêche  qui 


(1)  La  dépêche    du    5   septembre,  publiée    par   Cecconi,    loc.    cit.   Sez.  VII, 
p.  540  (trad.  franc.,  t.  II,  p.  4(i2)  se  rapporte  évidemment  à  notre  lettre.  Elle 

[238-239] 


282  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

raccompagnait  et  que  nous  citons  d'après  la  note  de  Cecconi, 
se  trouvent,  comme  il  le  remarque  lui-même,  ces  mots  écrits 
au  crayon  de  la  main  même  d'Antonelli  :  «  Rimesa  la  lettera 
a  Sua  Sanlitate.  »  La  lettre  des  quatorze  est  donc  parvenue  à 
sou  adresse. 

Elle  semble  avoir  été  perdue  depuis.  Malgré  des  recherches 
minutieuses  et  répétées,  ni  Mgr  Cecconi,  ni  personne, 
raconte-t-il  lui-même,  n'a  réussi  à  la  retrouver  (i).  Là-dessus, 
Friedrich  (2)  donne  libre  cours  à  son  imagination  :  «  Le 
pape,  dit-il,  a  dû  la  détruire  dans  un  accès  de  mauvaise 
humeur.  »  «  Malheureusement,  nous  ne  pouvons  pas  juger  ni 
de  la  l'orme  ni  du  fond  de  la  lettre;  ...  toutefois,  il  faut  la  con- 
sidérer comme  très  gravement  compromettante  pour  les 
évêques  allemands,  puisqu'elle  n'a  pas  été  communiquée  à 
Cecconi.  »  Friedrich  pense  que  si  le  texte  est  demeuré  introu- 
vable à  Rome,  l'archevêque  Mgr  Melchers,  ou  l'auteur  de  la 
lettre,  aurait  pu  pourtant  mettre  un  double  à  la  disposition 
de  Cecconi.  «  Evidemment,  on  a  de  bonnes  raisons  pour  ne 
pas  la  publier.  » 

Xous  pouvons  assurer  à  l'auteur  de  la  Geschichte  du  concile 
du  Vatican,  que  Cecconi  a  aussi  cherché  cette  pièce  en  Alle- 
magne, niais  ses  recherches,  ont  été  infructueuses,  et  la  raison 
en  est  bien  simple.  File  n'a  pas  été  imprimée;  donc,  en  plus 
de  l'exemplaire  envoyé  au  pape,  il  n'en  existait  probablement 
encore  pas  d'autre  texte  que  celui  de  la  minute  soumise  à 
Fulda  aux  délibérations  des  évêques,  et  après  la  réunion, 
emportée  à  Cologne  par  le  président  et  déposée  par  lui  aux 
archives  archiépiscopales.  Or,  au  moment  de  la  rédaction  de 


est  ainsi  conçue  :  Jlecivo  in  questo  momento  una  lettera  cfte  M'jr  Arcivesco  vo  di 
Colonia,  il  quali  trovasi  m  Fulda  a  presedervi  H  riunione  dei  Vescoui,  dirige  al 
Santo  Padre.  Aggningendomi  questo  Prelato  che  trattasi  in  essa  di  cosa  di  somma 
imporlania,  io  mi  afj'retlo  di  trasmetterla  irnmediatamente  a  Vostra  Eminema 
reverendissima,  acciù  roglia  degnarsi  déporta  ai  piedi  di  Sua  Santila. 

(1)  Loc.  cit.  Note. 

(2)  Geschichte.  etc.,  t.  II,  p.  200  et  suiv. 

[239] 


LA  LETTRE  DE  L  ASSEMBLEE  DE  FULDA  283 

son  ouvrage,  il  était  difficile  à  Cecconi  d'avoir  un  document 
enfermé  dans  ces  archives  :  //  alors,  en  effet,  l'Allemagne 
était  en  proie  au  «  kulturkampf  »;  et  pendant  que  l'historien 
poursuivait  ses  recherches,  l'archevêque  de  Cologne  était 
peut-être  déjà  en  prison  ou  en  exil.  Dans  la  lettre  elle-même, 
il  n'y  avait  rien  qui  put  engager  à  la  supprimer.  Le  succes- 
seur de  Mgr  Melchers  sur  le  siège  de  Cologne,  le  cardinal 
Krementz  n'a  pas  fait  la  moindre  difficulté  de  la  mettre  à 
notre  disposition  pour  la  publier  dans  le  VIIe  volume  de  la 

COLLECTIO  LaCENSIS  (i). 

En  voici  le  contenu  :  Après  avoir  remercié  le  pape  de  la 
bénédiction  qu'il  avait  envoyée  aux  prélats  réunis  à  Fulda,  les 
signataires  continuent  :  a  Les  relations  des  journaux  et 
d'autres  écrits  ont  fait  connaître  en  Allemagne  qu'en  plus  des 
matières  fort  nombreuses  et  très  graves  proposées  par  la 
sagesse  et  l'autorité  apostolique  de  Votre  Sainteté  aux  déli- 
bérations du  futur  concile  œcuménique, un  certain  nombre  de 
personnes  demandaient  la  définition,  comme  dogme  imposé 
à  la  foi  de  tous  les  catholiques,  de  l'infaillibilité  du  Souverain 
Pontife  parlant  ex  cathedra.  Depuis  lors,  les  âmes  sont  gran- 
dement troublées  et  le  funeste  tumulte  des  disputes,  des  agi- 
tations, des  outrages,  des  scandales  répandus  dans  le  public 
par  les  brochures  et  la  presse  quotidienne  croit  de  jour  en 
jour.  La  discussion  ne  s'est  pas  enfermée  dans  le  cercle  des 
théologiens  et  des  docteurs  en  sacrée  théologie,  tout  au  con- 
traire les  laïques,  nobles  ou  plébéiens,  ont  été  appelés  à 
prendre  connaissance  du  débat  et  à  en  juger  le  fond  même. 
C'est  pourquoi  beaucoup  de  membres  du  clergé,  beaucoup  de 
laïques  souhaitent  vivement  que  les  pères  du  prochain  concile 
œcuménique  s'abstiennent  de  rien  définir  sur  cette  matière 
et  ceux  qui  sont  animés  de  ce  désir  sont  des  hommes  que 
distinguent  leur  fidélité,  leur  piété  éprouvée  envers  l'Eglise 


(1)  C.   V.,  11W  a.  et  suiv. 

[239-240; 


284  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

et  le  Siège  apostolique.  Ils  redoutent  grandement  le  trouble 
qu'une  définition  du  concile  œcuménique  sur  ce  point  ne 
trouble  la  foi  d'une  partie  considérable  des  fidèles  et  n'oppose 
désormais  des  difficultés  plus  grandes  encore  au  retour  des 
nombreux  protestants  allemands  à  l'unité  de  la  Sainte  Eglise 
catholique.  Déjà  les  laïques,  dont  nous  venons  de  parler,  ont 
adressé  aux  évêques  des  pétitions  où  l'on  demande  expressé- 
ment et  ardemment  que  les  chefs  des  diocèses  s'appliquent 
(h>  toutes  leurs  forces  à  éloigner,  s'ils  le  peuvent,  de 
l'Eglise  catholique  en  Allemagne  de  plus  graves  dangers. 

«  Les  évêques  soussignés,  réunis  à  nouveau  auprès  du 
tombeau  de  Saint-Boniface,  apôtre  de  l'Allemagne,  pour 
délibérer  de  tout  ce  qui  semble  devoir  prof iter  au  salut  des 
troupeaux  confiés  à  nos  soins  et  à  l'exaltation  de  l'Eglise 
elle-même  et  du  siège  apostolique,  nous  avons  jugé  de  notre 
devoir,  de  considérer  avec  soin  devant  Dieu  la  situation  de 
notre  pays  et  nous  nous  sommes  sentis  obligés  d'en  informer 
Votre  Sainteté.  Nous  ignorons  complètement  s'il  est  question 
de  faire  définir  par  les  Pères  du  concile  l'infaillibilité  du  sou- 
verain Pontife  parlant  ex  cathedra;  mais  nous  avons  cru 
qu'en  tout  cas  il  était  bon  et  même  nécessaire  de  porter  avec 
tout  le  respect  possible  à  la  connaissance  de  Votre  Sainteté 
quelles  conséquences  dangereuses  on  redoute  en  Allemagne 
d'une  définition  de  ce  genre.  Il  ne  nous  est  pas  possible  de 
déclarer  vaines,  imaginaires,  et  par  conséquent  méprisables, 
les  craintes  si  vivement  ressenties  partant  d'ecclésiastiques 
et  de  laïques  :  il  nous  faut,  au  contraire,  avouer  que,  pour 
ce  qui  regarde  l'Allemagne,  nous  trouvons  nous  mêmes  le 
moment  peu  opportun  pour  la  définition  de  l'infaillibilité 
pontificale. 

«  Il  suffit  à  des  fils  de  s'être  ouverts  en  toute  humilité  au 
cœur  de  leur  Père  très  aimant  et  très  aimé  de  ce  qui  oppres- 
sait leur  àme;  ils  n'ont  point  à  redouter  d'avoir  blessé  si  légè- 
rement que  ce  soit,  l'âme  très  bienveillante  de  leur  Père, 

[239-240] 


LA  LETTRE  DE  L  ASSEMBLEE  DE  FULDA  285 

parce  qu'ils  ont  déclaré  franchement  par  ces  paroles,  etc..  » 
Après  une  courte  conclusion,  suivent  les  signatures  des 
archevêques  de  Cologne  et  de  Munich-Freising,  du  prince 
évèque  de  Breslau,  des  évêques  de  Fulda,  de  Mayence, 
d'Hildesheim,  de  Léontopolis  (vicaire  apostolique  de  Saxe), 
fl'Augsbourg,  de  Trêves,  de  Leuca  (administrateur  du  diocèse 
de  Fribourg),  d'Ermland,  d'Osnabriïck,  de  l'évêque  élu  de 
Rottenbourg,  du  vicaire  général  Hasse  représentant  l'évêque 
de  Kulm. 

Etait-il  sage  d'adresser  cette  lettre  au  Saint  Père,  on  peut  le 
contester.  Plusieurs  des  prélats  présents  à  Fulda  dissuadè- 
rent de  le  faire  et  ne  signèrent  pas  :  ils  avaient  de  bonnes 
raisons.  Malgré  toutes  les  difficultés  hérissant  leur  route, 
malgré  les  dangers  imminents,  courageusement,  dans  leur 
simple  confiance  en  Dieu,  ils  croyaient  devoir  mettre  en  pleine 
lumière  sous  les  yeux  de  la  catholicité  tout  entière  avec 
courage,  la  vérité  qu'ils  tenaient  pour  révélée,  ils  croyaient 
devoir  la  défendre  contre  toutes  les  hostilités  //.  La  très 
grande  majorité  des  Pères  du  concile  a  partagé  leur  manière 
de  voir  ;  elle  a  prévalu  ensuite  dans  la  définition  du  dogme 
de  l'infaillibilité  pontificale;  et  l'événement  l'a  justifiée.  Mais 
au  moment  de  la  réunion  épiseopale  de  Fulda  la  chose  n'était 
pas  si  claire  qu'aujourd'hui.  L'extrême  surexcitation  des 
esprits  pouvait  bien  faire  craindre  aux  évêques  que  cette 
définition  n'entraînât  les  pires  conséquences. 

Le  pape  cependant  fut  mécontent  de  la  lettre.  Pourquoi? 
nous  n'avons  pu  arriver  à  le  savoir.  On  nous  dit  que  Pie  IX 
prit  mal  ce  conseil  d'évêques  qui  le  dissuadaient  de  faire 
définir  un  dogme  qu'on  ne  songeait  pas  du  tout  à  faire  pro- 
clamer. En  effet,  abstraction  faite  des  conditions  toutes  par- 
ticulières qui  pouvaient  donner  occasion  à  une  telle  démar- 
che, il  est  assurément  fâcheux  pour  des  évêques  de  prendre 
parti  avant  l'ouverture  du  concile  contre  un  acte  conciliaire 
éventuel.   Ils    pouvaient    faire    des    propositions  positives, 

[240-2  il] 


286  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

Pie  IX  les  y  engageait  (i).  Au  concile  même,  ils  pouvaient  et 
devaient  s'élever  contre  l'adoption  de  toute  mesure  dont  ils 
craignaient  quelque  détriment  pour  l'Eglise. 

Mais,  dès  avant  le  concile,  travailler  à  faire  écarter  les  pro- 
jets éventuels  qui  leur  déplaisaient,  cela  pouvait  facilement 
passer  pour  un  empiétement,  pour  une  entreprise  contre  la 
liberté  des  autres  évêques  bien  en  droit  eux  aussi  de  faire  des 
propositions.il  pourrait  paraître  qu'il  eût  été  plus  convenable 
de  laisser  à  toutes  les  opinions  la  liberté  complète  de  pro- 
poser ses  desseins  et  puis  au  concile  même  de  les  combattre 
s'ils  ne  plaisaient  pas.  En  réalité,  notre  cas  n'était  pas  si 
simple.  Les  dangers  particuliers  que  pouvait  faire  courir  à 
l'Eglise  d'Allemagne,  la  définition  de  l'infaillibilité,  pous- 
saient les  quatorze  évêques  à  se  tourner  vers  le  pape;  ils  ne  lui 
demandaient  pas  d'exclure  l'infaillibilité  du  programme  des 
délibérations  conciliaires;  ils  lui  présentaient  seulement  un 
état  de  la  situation  en  Allemagne:  ils  lui  exposaient  leur  opi- 
nion personnelle  sur  la  question  pendante.  Enfin,  ils  ne  décla- 
raient pas  que  d'une  façon  générale,  ils  ne  tenaient  pas  cette 
définition  pour  opportune,  mais  uniquement  au  regard  des 
intérêts  de  l'Eglise  d'Allemagne  //. 

Voici  plutôt  ce  qui  ne  fut  pas  étranger  au  déplaisir  dû 
pape  :  les  évêques  parlaient  en  termes  respectueux  des 
hommes  qui,  en  Allemagne,  se  posaient  en  adversaires  de  la 
définition  et  qui,  au  moyen  de  pétitions  adressées  aux 
évêques,  intervenaient  dans  les  affaires  du  concile.  Assuré- 
ment les  prélats  n'avaient  pas  eu  l'intention  de  représenter 
les  agitateurs  de  Munich  comme  des  catholiques  particuliè- 
rement fidèles  et  animés  de  l'amour  de  l'Eglise  et  du  Saint- 
Siège;  mais  à  Rome,  on  ne  pouvait  distinguer  avec  autant 
de  précision  entre  les  hommes  de  bien  auxquels  songeaient 
les   congressistes  de  Eulda  et  les  chefs  du  mouvement  de 

(1)  Cf.  C.   V.,  18  d. 

[241-242] 


LE    MANDEMENT    DE    FTLDV  287 

Coblenz  et  de  Bonn;  on  établissait  entre  eux  une 
connexion. 

L'antre  acte  des  évèqnes,  leur  mandement  eollectif  (i)  est 
un  vrai  modèle  d'instruction  pastorale. 

Après  quelques  mots  d'introduction,  ils  abordent  immédia- 
tement l'objet  propre  de  la  lettre,  le  concile.  Ils  rappellent 
l'accueil  joyeux  qu'a  partout  rencontré  la  première  annonce 
de  sa  convocation  et  la  bénédiction  qu'apporte  au  monde  un 
synode  oecuménique.  Ensuite,  ils  passent  aux  troubles  qui 
ont  suivi.  «  Le  concile,  disent-ils,  a  fait  naître  dans  le  cœur 
même  des  fils  dévoués  de  l'Eglise  plus  d'une  inquiétude,  et 
nos  ennemis  se  sont  efforcés  d'exciter  partout  des  soupçons 
et  des  répugnances  contre  cette  assemblée  et  même  de  pro- 
voquer la  défiance  des  gouvernements.  » 

(c  A  entendre  le  bruit  que  fait  l'expression  de  ces  craintes, 
on  croirait  que  le  concile  peut  proclamer  et  proclamera,  en 
fait,  de  nouveaux  dogmes  étrangers  à  la  révélation  divine  et 
à  la  tradition  ecclésiastique,  qu'il  peut  établir  et  établira  des 
principes  funestes  aux  intérêts  de  la  chrétienté  et  de  l'Eglise, 
aussi  incompatibles  avec  les  droits  légitimes  de  l'Etat,  de 
la  civilisation  et  de  la  science  qu'avec  la  juste  liberté  et  la 
prospérité  temporelle  des  nations. 

»  On  va  plus  loin  encore  ;  on  accuse  le  Saint-Père  de  vouloir, 
sous  l'influence  d'un  parti,  faire  du  concile  exclusivement 
un  moyen  d'accroître  plus  que  de  raison  le  pouvoir  du  siège 
apostolique,  de  changer  l'antique  et  véritable  constitution  de 
l'Eglise,  d'ériger  une  souveraineté  spirituelle  inconciliable 
avec  la  liberté  chrétienne.  On  ne  craint  pas  d'appeler  parti 
le  chef  de  l'Eglise  et  l'épiscopat,  outrage  que  jusqu'ici 
nous  n'étions  habitués  à  trouver  que  dans  la  bouche  de  nos 
ennemis  déclarés.  Par  suite,  on  exprime  sans  scrupule  le 
soupçon  qu'au  concile  on  ne  laissera  pas  aux  évêques  la  pleine 


(1)  C.   V.,  1191  c.  et  suiv.  Gecconi,  loc.  cit.  Sez.  H.  Doc.  CLXP7. 

[242-243] 


288  HISTOIRE    DU    COXCILE    DU    VATICAN 

liberté  de  leurs  délibérations,  qu'il  leur  manquera,  du  reste, 
à  eux-mêmes  la  science  et  l'indépendance  de  caractère  néces- 
saire pour  remplir  leur  devoir;  et  l'on  va  enfin  jusqu'à 
mettre  en  question  la  validité  du  concile  et  de  ses  décisions. 

((  Ces  faux  bruits  et  d'autres  semblables,  quelle  qu'en  soit 
l'origine,  ne  témoignent  pas  d'une  foi  ardente,  d'un  véri- 
table amour  pour  l'Eglise,  d'une  confiance  inébranlable  en 
cette  assistance  que  Dieu  lui  prête  sans  cesse.  Jamais  nos 
pères  dans  la  foi,  jamais  les  saints  de  Dieu  n'ont  eu  de  telles 
pensées,  et,  sans  doute,  elles  blessent  aussi,  nos  bien-aimés 
frères,  les  sentiments  intimes  de  votre  conscience  chré- 
tienne. Mais  nous  voulons  vous  exhorter  expressément  à  ne 
pas  vous  laisser  séduire  par  de  telles  paroles  et  à  ne  pas 
laisser  ébranler  votre  foi  et  votre  confiance. 

»  Jamais  et  dans  aucun  cas,  un  concile  général  ne  définira 
et  ne  peut  définir  un  nouveau  dogme  qui  ne  soit  contenu 
dans  la  Sainte-Ecriture  ou  dans  la  tradition  apostolique; 
quand  l'Eglise  prononce  en  matière  de  foi,  elle  ne  proclame 
pas  [des  doctrines  nouvelles;  elle  met  seulement  en  pleine 
lumière  la  vérité  ancienne  et  primitive  et  la  défend  contre 
de  nouvelles  erreurs. 

»  Jamais  et  dans  aucun  cas  un  concile  général  ne  procla- 
mera et  ne  peut  proclamer  des  doctrines  en  opposition  avec 
les  principes  de  la  justice,  les  droits  de  l'Etat  et  de  ses  chefs, 
avec  la  civilisation  et  les  vrais  intérêts  de  la  science,  avec  la 
liberté  légitime  et  la  vraie  prospérité  des  nations.  En  un 
mot,  le  concile  n'établira  aucun  principe  nouveau,  aucun  qui 
diffère  de  ceux  que  les  leçons  de  la  foi  et  la  voix  de  la  con- 
science ont  graves  dans  tous  vos  cœurs,  de  ceux  que  les 
peuples  chrétiens  à  travers  tous  les  siècles  ont  considérés 
comme  sacrés,  de  ceux  sur  lesquels  reposent  aujourd'hui 
comme  toujours  le  bonheur  des  nations,  l'autorité  des  prince 
et  la  liberté  des  peuples,  de  ceux  qui  constituent  le  fonde 
ment  de  toute  vraie  civilisation. 

[243] 


LE    MANDEMENT   DE   FULDA  289 

»  D'où  nous  vient  l'assurance  et  la  confiance  d'une  telle 
déclaration?  De  notre  foi.  Jésus-Christ,  nous  dit-elle,  reste 
dans  son  Eglise  tous  les  jours  jusqu'à  la  fin  du  monde,  le 
Saint-Esprit  ne  l'abandonne  jamais,  il  lui  suggère  et  lui 
enseigne  toute  vérité.  C'est  pourquoi  l'Eglise  est  et  demeure 
la  colonne  et  le  fondement  de  la  vérité  :  les  portes  de  l'enfer  // 
ne  sauraient  prévaloir  contre  elle.  Nous  croyons  enfin  et 
nous  savons  que  si  les  successeurs  de  Pierre  et  des  apôtres, 
le  pape  et  les  évoques,  légitimement  réunis  en  un  concile 
général,  portent  des  décrets  en  matière  de  foi  ou  de  mœurs, 
ils  sont  garantis  contre  toute  erreur  par  la  Providence  et 
l'assistance  divine...  » 

»  Le  synode,  continuent  les  prélats,  ne  prendra  pas  de 
décisions  inconciliables  avec  les  circonstances  et  les  besoins 
de  l'heure  actuelle:  on  n'a  pas  le  droit,  disent-ils  encore,  de 
soupçonner  qu'on  portera  atteinte  à  la  liberté  des  délibéra- 
tions conciliaires.  Comme  ceux  qui  se  laissent  aller  à  ces 
pensées  connaissent  peu  les  sentiments  du  pape  et  de  l'épis- 
eopat  et  la  manière  de  procéder  de  l'Eglise!...  Que  dirons- 
nous  de  cet  indigne  soupçon  :  par  crainte  des  hommes, 
les  évèques  renonceraient  à  cette  liberté  de  parole  qui 
est  une  de  leurs  obligations  ?  Eidèles  aux  préceptes  de 
notre  Maître,  nous  ne  répondrons  pas  par  l'injure  à  ceux 
qui  nous  calomnient  ;  nous  nous  contenterons  de  dire 
en  toute  simplicité  et  franchise  :  au  concile  œcuménique, 
dans  cet  office  le  plus  important  de  leur  charge  et  de  leur 
action,  les  évèques  de  l'Eglise  catholique  ne  manqueront  pas 
au  plus  sacré  de  tous  les  devoirs,  le  devoir  de  rendre  témoi- 
gnage à  la  vérité  ;  se  souvenant  de  la  parole  de  l'Apôtre  : 
celui  qui  veut  plaire  aux  hommes  n'est  pas  un  serviteur  du 
Christ,  et  du  compte  qu'ils  auront  bientôt  à  rendre  au  tri- 
bunal de  Dieu,  ils  ne  connaîtront  pas  d'autre  règle  de  con- 
duite que  leur  foi  et  leur  conscience...  » 

»  Mais  lorsque,  oubliant  toute  la  vénération  et  tout  l'amour 

[243-244] 


290  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

que  nous  devons  à  l'Eglise  et  à  son  chef,  on  incrimine  les 
desseins  du  Saint-Père,  on  dénigre  le  siège  apostolique* 
lorsqu'on  représente  celui  que  le  Christ  a  constitué  Pasteur 
universel,  dont  il  a  fait  le  roc  sur  lequel  repose  toute  son 
œuvre,  comme  l'homme  est  l'instrument  d'un  parti,  lorsqu'on 
l'accuse  de  vues  superbes  et  dominatrices,  lorsqu'on  imite 
ci-  peuple  qui  devant  Ponce-Pilate  accusa  jadis  Jésus-Christ 
notre  divin  fondateur,  d'être  un  rebelle  et  un  séducteur, 
alors  les  mots  nous  manquent  pour  exprimer  toute  la  dou- 
leur que  nous  causent  de  pareils  propos  et  pour  protester 
contre  l'esprit  qui  les  inspire...  » 

Après  avoir  répondu  aux  attaques  contre  le  Saint-Père,  la 
lettre  pastorale  s'étend  sur  la  nature  et  sur  l'action  du 
concile,  sur  le  bienfait  de  l'unité  dans  l'Eglise,  et  les  mal 
heurs  de  la  division.  «  C'est  dans  cet  esprit  d'unité,  disent 
les  évêques,  (pie  nous,  les  ambassadeurs  du  Christ,  en  son 
nom,  et  nous  inspirant  de  son  cœur,  nous  vous  exhortons, 
nous  vous  prions,  nous  vous  conjurons  tous,  mais  surtout 
vous,  nos  coopérateurs  dans  le  sacerdoce  et  dans  la  prédica- 
tion de  l'Evangile  de  travailler  chacun  à  votre  rang  par  la 
parole,  par  la  presse  et  par  l'exemple  à  entretenir  et  augmen- 
ter cette  union  parfaite  des  esprits;  oubliez  donc  toutes  les 
discussions  passées,  abstenez-vous  de  tout  ce  qui  pourrait 
nourrir  la  discorde  et  attiser  les  passions  humaines.  » 

Pour  conclure,  les  évèques  font  d'un  cœur  ému  leurs  adieux 
à  leur  troupeau;  ils  prescrivent  dans  chaque  paroisse  de  leur 
diocèse,  en  l'honneur  du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  un  triduum 
qui  devra  commencer  le  8  décembre,  premier  jour  du  con- 
cile. 

Cette  lettre  pastorale  fut  lue  dans  toutes  les  chaires  des 
diocèses,  le  premier  dimanche  après  sa  réception;  on  voyait 
si  bien  qu'elle  sortait  de  cœurs  ardemment  apostolique-,  elle 
respirait  un  amour  si  profond  pour  l'Eglise  et  son  chef,  elle 
exprimait   si   bien   la    force    de   la  vérité  et  l'intimité    des 

[244-245] 


LETTRE    DE    LOUIS    II   A    MONSEIGNEUK    SCIIERR  •  29* 

convictions  (i)  quelle  devait  avoir  partout  une  action  paci- 
fiante. 

Malheureusement  on  apprit  bientôt  que  ces  mêmes  évoques. 
(en  réalité  quatorze  d'entre  eux  seulement),  écrivant  au  pape 
sur  l'infaillibilité  pontificale  s'étaient  déclarés  contre  la 
définition.  Les  publicistes  hostiles  au  concile  exploitèrent 
cette  information  pour  de  nouvelles  intrigues.  On  affirmait 
que  les  évoques  étaient  non  seulement  opposés  à  la  défini- 
tion, mais  à  la  doctrine  elle-même.  Ces  passages  de  la  lettre 
pastorale  :  aucun  dogme  étranger  au  dépôt  de  la  révélation, 
aucune  doctrine  opposée  à  la  civilisation,  à  la  science,  à  la 
liberté  des  états  modernes  ne  sera  définie,  étaient  appliqués 
à  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale,  et  on  publiait  par 
tout  le  monde  que  les  évèques  /','  d'Allemagne  s'étaient  don- 
nés le  mot  pour  défendre  l'autorité  de  l'épiscopat  contre  les 
empiétements  de  Rome.  L'écho  atténué  de  ce  bruit  peut  se 
trouver  dans  les  lignes  qu'à  la  réception  de  la  lettre  pasto- 
rale le  malheureux  roi  Louis  II  de  Bavière,  écrivit,  le  21  octo- 
bre, à  l'archevêque  de  Munich,  Mgr  Scherr  :  «  Je  me  réjouis 
de  trouver  exprimée  dans  cette  lettre  cette  conviction  des 
évèques  allemands  assemblés  :  le  prochain  concile  général 
ne  proclama  aucune  doctrine  en  opposition  avec  les  principes 
de  la  justice,  les  droits  de  l'Etat  et  de  ses  chefs,  les  vrais 
intérêts  de  la  science,  la  légitime  liberté  et  le  bonheur  des 
peuples.  »  En  outre,  le  roi  loue  l'esprit  de  modération  dont 
était  animée  l'assemblée  de  Fulda  ;  il  exprime  l'espoir  que  cet 


(1)  FKiEDRicH(/oc.d/,.t.II,  p.  198)  n'a  pas  honte  d'écrire  de  cette  magnifique  décla- 
ration «  c'est  plutôt  une.  •  pièce  rédigée  à  la  mode  des  chancelleries  diploma- 
tiques qu'une  parole  franchement  épiscopale.  »  Qu'on  montre  donc  dans  cette 
lettre  une  phrase  qui  ne  sorte  pas  directement  du  cœur  des  pasteurs?  D'après 
Friedrich,  c'est  une  œuvre  de  «  parti  »  ;  et  de  fait  l'Eglise  catholique  est  un 
parti  dans  l'Eglise,  tandis  que  Friedrich  et  ceux  qui  pensent  comme  lui 
représentent  la  véritable  société,  fondée  par  Jésus-Christ.  Ce  serait  le  doyen 
Heinrich  qui  aurait  fait  le  plan  de  la  lettre  pastorale.  S'il  en  est  ainsi  l'in- 
truction  collective  des  évèques  n'en  est  pas  plus  dépréciée  qu'Heinrich  n'a  à 
rougir  de  son  œuvre. 

[245-246] 


292 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


esprit  prévaudra  également  dans  le  synode  œcuménique  (i). 
Qu'un  concile  ne  définisse  aucun  principe  contraire  à  la 
science,  à  la  liberté,  à  la  justice,  etc.,  c'est-à-dire  aucune 
erreur  —  car  l'erreur  seule  pourrait  être  apposée  à  la  science, 
à  la  liberté,  à  la  justice,  etc.,  —  cela  va  sans  dire  pour 
tout  catholique,  et  il  est  assez  triste  que  les  évêques  soient 
encore  obligés  de  le  rappeler.  Ils  ne  disaient  pas  du  tout  que 
l'infaillibilité  du  pape  était  une  de  ces  doctrines  funestes; 
mais  comme  les  perturbateurs  avaient  si  souvent  prétendu 
que  le  synode  proclamerait  des  dogmes  préjudiciables  à  la 
science,  à  la  liberté,  à  la  justice,  ils  déclarèrent  simplement 
qu'il  n'y  avait  rien  à  craindre  de  semblable  :  la  grande 
assemblée  chrétienne  ne  définirait  rien  qui  put  porter  tort  à 
la  science,  à  la  liberté,  à  la  justice. 


(1)  G.   V.,  1201  c.  etsuiv.  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.II.Doc.  CLXXVII. 

[246] 


CHAPITRE  VII 

L'ouvrage  de  M°r  Maret;  la  controverse  provoquée  en  France 
par   son    apparition. 

La  simple  annonce  du  projet  qu'avait  formé  le  doyen  de  la 
Faculté  de  théologie  de  Paris,  Mgr  H.-L.-C.  Maret,  évêque 
titulaire  de  Sura,  d'écrire  un  livre  pour  le  prochain  concile 
avait  déjà,  nous  l'avons  dit  (i),  déchaîné  en  France  une  vive 
polémique  de  presse.  La  lutte  devint  encore  plus  ardente 
lorsque,  un  an  après,  le  16  septembre  1869  (2),  parurent  deux 
volumes  de  cet  ouvrage. 

Ils  étaient  publiés  sous  le  titre  :  Du  Concile  général  et  de 
la  paix  religieuse  (3)  et  devaient  former  la  première  partie  de 
l'ouvrage  complet.  Au  dire  de  la  préface  (4),  la  seconde  par- 
tie encore  à  paraître  aurait  pour  objet  les  rapports  de  la  foi 
avec  la  science,  et  de  l'Eglise  avec  la  Société;  elle  exposerait 
en  outre  les  réformes  //  et  les  améliorations  à  introduire  dans 
la  discipline  et  les  institutions  ecclésiastiques.  La  seconde 
partie  a-t-elle  jamais  été  publiée?  Nous  l'ignorons.  Dans  les 
deux  volumes  qui  nous  occupent,  l'auteur  développe  ses  idées 
sur  la  constitution  de  l'Eglise,  et  tout  spécialement  sur  les 
rapports  de  la  papauté  avec  l'épiscopat  et  sur  l'infaillibilité 


(1)  Cf.  p.l82etsuiv. 

(2)  Lettre  du  nonce  M8'  Chigi  au  cardinal  Antonelli,  17  sept,  1869. 

(3)  Paris,  1869. 

(4)  I,  xvi. 

[247-248] 


294  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

pontificale.  Pour  conclure,  il  propose  la  tenue  périodique 
des  conciles  généraux  (i). 

«  Un  sentiment  assez  répandu  parmi  les  catholiques,  dit  il 
dans  la  préface  (2),  paraît  être  celui  de  la  nécessité  de  forti- 
fier l'unité  et  le  pouvoir  suprême  du  chef  de  l'Église.  Ce  sen- 
timent légitime  en  lui-même,  se  produit  chez  un  certain 
nombre  par  la  manifestation  publique  du  désir  et  de  l'espé- 
rance de  voir  le  futur  concile  définir,  comme  dogme  de  la  foi 
catholique,  l'infaillibilité  dogmatique  du  souverain  pontife. 
L'infaillibilité  pontificale  peut  être  entendue  de  diverses 
manières.  Celle  qui  semble  prévaloir  dans  l'école  qui  appelle 
de  ses  vœux  la  définition  conciliaire,  est  la  plus  absolue  de 
toutes.  Dans  ce  système,  l'infaillibilité  dogmatique  est  un 
privilège  entièrement  et  exclusivement  personnel  au  pontife; 
c'est-à-dire,  un  privilège  du  pontife  enseignant  seul  et  sans 
aucun  concours  nécessaire  de  l'épiscopat.  Ainsi  entendue, 
l'infaillibilité  est  identique  à  la  monarchie  pure,  indivisible, 
absolue  du  pontife  romain.  La  souveraineté  spirituelle  et 
l'infaillibilité  dogmatique,  son  attribut  nécessaire,  appar-  | 
tiennent  au  pape  et  n'appartiennent  qu'à  lui.  » 

Ces  paroles  de  la  préface  révèlent  déjà  l'erreur  fondamen- 
tale de  l'ouvrage  tout  entier.  Assurément  l'opinion  qui  dit 
que  le  pape  seul  possède  l'autorité  suprême  dans  l'Eglise  et 
que  l'infaillibilité  lui  appartient  exclusivement,  a  ses  défen- 
seurs parmi  les  théologiens  et  ils  apportent  de  bonnes  raisons 
en  leur  faveur  ;  mais  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale 
dont  la  définition  par  le  concile  fut  désirée  de  beaucoup  et 
qui  fut,  en  réalité,  définie,  n'exclut  en  aucune  façon  l'opinion 
d'après  laquelle  le  pape  uni  aux  évèques,  devient  ainsi  comme 
un  autre  détenteur  de  la  puissance  souveraine  dans  l'Eglise; 
au  concile,  comme  au  pape  seul,  appartient  aussi  le  privilège 


(1)  Du  concile  général,  etc.  II.  389  et  suiv. 

(2)  Loc.  cit..  I,  xvii. 

[248] 


L'OUVRAGE    DE    Mgr    MARET  29o 

le  l'infaillibilité;  cette  seule  raison  déjà  réduit  à  néant  la 
Dlupart  des  arguments  présentés  par  Mgr  Maret  contre  la  doc- 
trine de  l'infaillibilité  pontificale.  En  abordant  la  question, 
Mgr  Maret  est  parti  d'un  faux  supposé. 

Après  avoir  observé  que  les  sentiments  des  évèques  sont 
partagés  sur  ce  point,  il  continue  ainsi  :  «  Personne  sans 
loute  ne  refusera  à  un  évoque  catholique  //  le  droit  de  dire 
librement,  dans  ce  concile,  son  opinion  sur  la  question  capi- 
tale, appelée,  dit-on,  à  occuper  d'abord  l'attention  de  la  sainte 
assemblée.  Mais  la  préparation  du  concile  doit  être  aussi 
libre  que  les  débats  conciliaires  eux-mêmes  ;  et,  puisque  plu- 
sieurs de  nos  vénérables  collègues  ont  cru  devoir  porter  la 
question  devant  le  public,  nous  pensons  qu'il  est  très  licite  et 
très  loisible  d'imiter  et  de  suivre  ces  exemples  (i).  » 

Il  expose  ensuite  le  point  capital  de  sa  doctrine  dans  les 
lignes  suivantes  :  «  Le  pape  est,  de  droit  divin,  le  chef  suprême 
de  l'église;  les  évêques,  de  droit  divin,  participent,  sous  son 
autorité,  au  gouvernement  général  de  la  société  religieuse. 
La  souveraineté  spirituelle  est  donc  composée  de  deux  élé- 
ments essentiels:  l'un  principal,  la  papauté;  l'autre  subor- 
donné, l'épiscopat.  L'infaillibilité  qui  forme  le  plus  haut 
attribut  de  la  souveraineté  spirituelle,  est  nécessairement 
aussi  composée  des  éléments  essentiels  de  la  souveraineté. 
Elle  ne  se  trouve,  d'une  manière  absolument  certaine,  que 
dans  le  concours  et  le  concert  du  pape  avec  les  évèques,  des 
évèques  avec  le  pape  ;  et  la  règle  absolument  obligatoire  de 
la  foi  catholique,  sous  la  sanction  des  peines  portées  contre 
l'hérésie,  est  placée  aussi  dans  ce  concours  et  ce  concert  des 
deux  éléments  de  la  souveraineté  spirituelle.  Telle  est  la  base 
essentielle  de  la  constitution  de  l'Eglise;  tels  sont  les  prin- 
cipes essentiels  sur  lesquels  elle  repose  depuis  bientôt  dix- 
neuf  siècles...  Si  le  projet  d'une  définition  dogmatique  qui 


(1)  hoc.  cit.,  I,  xvni. 

[248-249J 


: 


296  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

attribuerait  l'infaillibilité  absolue  an  pape  seul  pouvait  se 
réaliser,  dés  ce  moment,  la  monarchie  de  l'Eglise,  tempérée 
efficacement  d'aristocratie,  deviendrait  une  monarchie  pur 
et  absolue;  dés  ce  moment,  la  souveraineté  et  l'infaillibilité, 
composées,  depuis  dix-neuf  siècles,  de  deux  éléments  essen- 
tiels, seraient  ramenées  à  un  seul.  Voilà,  selon  nous,  la  révo- 
lution que  prépare  une  école  bien  intentionnée  sans  doute 
mais  possédée  par  l'esprit  de  système  (i)  ». 

Sa  «  doctrine  est  facilement  conciliable,  affirme  M-1'  Mare 
un  peu  plus  bas  (2),  avec  les  doctrines  les  plus  modérées  de 
l'école  qui  porte  le  nom  d'ultramontaine  ».  «  L'infaillibilité 
pontificale  elle-même  n'y  est  pas  niée,  mais  ramenée  à  sa 
vraie  nature.  //  Nous  reconnaissons  et  établissons  que  le 
pape,  par  son  droit  de  consulter  ou  de  convoquer  le  corps 
épiscopal,  par  la  possibilité  où  il  est  d'agir  toujours  de 
concert  avec  lui,  possède,  en  vertu  de  l'ordre  divin,  le  moyen 
assuré  de  donner  l'infaillibilité  à  ses  jugements  dogma- 
tiques (3).  »  Nous  appelons  l'attention  sur  le  procédé  dont 
Mgr  Maret,  ici  comme  ailleurs,  fait  adroitement  usage  :  il 
consiste  à  dissimuler  sa  pensée  sous  de  belles  paroles.  Sa 
doctrine  ne  nie  pas,  dit-il,  l'infaillibilité  du  pape.  Assuré- 
ment, elle  ne  nie  pas  l'infaillibilité  de  tout  le  corps  ensei- 
gnant de  l'Eglise  ni  celle  des  conciles;  mais  il  ne  s'agit 
pas  de  cela  dans  la  question  de  l'infaillibilité  pontificale  ;  ce 
qu'il  faut  savoir,  c'est  si  le  pape  est,  de  plus,  infaillible  par 
lui-môme  dans  les  décisions  souveraines  qu'il  prend  en 
matière  de  doctrine.  Or,  une  telle  infaillibilité,  M-1  Maret  la 
nie  très  certainement  ;  et  son  but  dans  la  composition  de  son 
ouvrage,  est  de  combattre  cette  doctrine  et  en  général  de 
défendre  la  doctrine  gallicane.  Celle  ci  prétend  que  le  pape 
seul,  n'a  pas  en  propre  la  puissance  souveraine  dans  l'Eglise  ;  : 

(1)  hoc.  cit.,  I,  xx  el  sui\  . 

(2)  Ibid.,  I,  xxvi. 

(3)  Ibid.,  1,  xxvii  et  suiv. 


[249-250] 


L'OUVRAGE    DE    M61    MARET  297 

cette  puissance  appartient  uniquement  à  l'assemblée  du  pape 
et  des  évêques  réunis. 

Il  traite  d'ailleurs  la  question  avec  autant  de  liberté  que 
si  jamais  aucune  décision  de  l'autorité  n'était  intervenue. 
«  Oui,  dit-il,  le  gallicanisme  théologique,  le  gallicanisme  de 
l'épiscopat  français  (?),  contient  un  fond  de  vérité  éternelle 
et  nécessaire,  sans  nous  porter  solidaire  de  toutes  les  doc- 
trines qui  ont  reçu  ce  nom,  sans  nous  porter  solidaire  d'au- 
cune assemblée,  d'aucune  déclaration  et  en  professant  tout 
le  respect  qui  est  dû  aux  décisions  et  bulles  de  Sixte  IV  (i), 
d'Alexandre  VIII  (2),  de  Clément  XI  (3),  de  Pie  VI  (4),  nous 
adhérons  à  des  doctrines  qui  nous  paraissent  vraies  et  qui 
n'ont  jamais  été  ni  pu  être  censurées  (5).  » 

Le  premier  volume  de  l'ouvrage  ne  s'occupe  pas  directe- 
ment de  l'infaillibilité  pontificale,  mais  il  établit  la  nature 
de  la  souveraineté  spirituelle.  Les  deux  questions  sont 
intimement  liées  entre  elles  (6).  L'auteur  a  principalement 
en  vue,  pour  le  réfuter,  l'ouvrage  de  Muzzarelli  :  De 
auctoritate  Romani  Pontiftcis  in  conciliis   generalibns  (7). 

Le  premier  livre  s'étend  sur  la  constitution  de  l'Eglise  en 
général.  M*-'1  Maret  y  démontre,  entre  autres  choses,  la 
primauté  de  l'évêque  de  Rome  (8).  La  controverse  propre- 
ment dite  commence  seulement  au  second  livre.  L'auteur 
oppose  l'une  à  l'autre  comme  deux  opinions  d'école  la 
théorie  qui  domine  en  Italie  avec  Bellarmin  et  celle  que 
défend  l'école  française  avec  Bossuet. 

Dans   le    système  de  la  première,   «  le  pape  possède   la 


(1)  Condamnation  de  Pierre  de  Osma. 

(2)  Bulle  Inter  Multipliées. 

(3)  Bulle  Vineam  Domini. 

(4)  Bulle  Auclorem  fidei. 

(5)  Loc.  cit.,  1,  xxvi. 

(6)  Ibid.,  1,144. 

(7)  Ibid.  p.  145. 

(8)  Loc.  cil.,  1, 1  et  suiv. 


[250-251J 


298  HISTOIRE    DU    COXCILE   DU    VATICAN 

monarchie  pure,  indivisible,  absolue,  illimitée  (i)  ».  Cette 
opinion-là,  M^-'1  Maret  la  combat,  et  il  la  présente  sans  cesse  ; 
dans  les  mêmes  termes,  comme  étant  l'objet  de  ses  attaques.  < 
Les  quatre  caractéristiques  sonores  dont  il  la  revêt  sont  i 
tout  à  fait  de  nature  à  la  montrer  sous  un  faux  jour  et  à  j 
prévenir  le  lecteur  contre  elle  (2). 

L'autre  système,  dit  Mgr  Maret,  enseigne  aussi  que  le 
pape  est  un  vrai  monarque;  que  les  évêques  lui  sont  subor- 
donnés et  lui  doivent  l'obéissance;  mais  ceux-ci  n'en  ont  pas 
moins  un  droit  divin  et  inadmissible  à  participer  au  gouverne- 
ment général  de  l'Eglise.  Il  ne  sont  pas  seulement  les  con- 
seillers du  pape,  ils  sont  juges  et  législateurs  avec  lui,  et, 
par  leur  union  avec  leur  chef,  ils  forment  dans  l'Eglise  le 
sénat  qui  détient  la  puissance  suprême  (3).  Dans  cette  doc- 
trine, il  n'y  a  presque  rien  qui  ne  soit  conciliable  avec  ce 
qu'enseignent  réellement  les  adversaires  combattus  par 
M*1"  Maret.  Ils  ne  nient  pas  que  les  évêques  ne  soient  vrai- 
ment juges  et  législateurs  avec  le  pape,  qu'un  concile  formé 
du  pape  et  des  évêques  ne  possède  l'autorité  souveraine  dans 
l'Eglise  (4),  mais  ils  nient  qu'un  tel  concile  possède  exclusive- 
ment l'autorité  souveraine,  et,  qu'en  dehors  de  lui,  le  pape 
aussi  ne  le  possède  pas.  M81  Maret  suppose  donc  à  ses  adver- 
saires une  opinion  qu'ils  n'ont  pas,  et,  par  suite,  sa  discus- 
sion manque  d'objet.  .Ses  preuves  historiques  de  l'exercice 
du  pouvoir  suprême  par  les  conciles  laissent  absolument 
intacte  la  théorie  de  Bellarmin./ 


(1)  Loc.  cit.,  I,  p.  130. 

(2)  Comment  accorder  avec  une  telle  manière  de  voir,  par  exemple,  ce  que  dit 
Bellarmin  (de  Romano  Ponlifice  c.  5)  :  «  Doctores  catholici  in  eo  conveniunt 
omnes,  ut  regimen  ecclesiaslicutn  hominibus  a  Deo  commission  sit  illud  quidem 
monarchicum,  sed  temperatum,  ut  supra  diximus,  ex  aristocratia  et  democratia. 
Id  quod  praecipue  tractant  B.  Thomas  (Contra  Génies,  1.  IV,  c.  76),  Joannbs 
de  Turrecremata  »  (de  Ecclesia  1.  2),  et  Xicol.  Sanderus  in  libris  (de  visibili 
monarchia  Ecclesiae). 

(3)  Loc.  cit.,1,  131, 

(4)  La  possèdent-ils  iure  divino  ou  kumano,  la  chose  est  controversée  parmi 
ces  théologiens. 

[251-252] 


L'OUVRAGE    DE    Mer   MARET  299 

Les  deuxième  et  troisième  livres  sont  consacrés  à  une  étude 
historique  de  tous  les  conciles  œcuméniques,  depuis  celui  de 
Nicée  jusqu'à  celui  de  Trente;  ils  doivent  prouver  que  seuls, 
les  conciles,  et  non  les  papes,  possèdent  l'autorité  souveraine 
dans  l'Eglise. 

Le  concile  de  Xicée,  nous  explique  M-1  Maret,  fut  convo- 
qué avec  le  consentement  du  pape  Sylvestre,  puisque  aucun 
concile  oecuménique  ne  peut  être  convoqué  sans  le  pape  (i). 
Il  présida  par  ses  légats  et  les  décrets  furent  portés  avec  leur 
consentement.  La  nécessité  de  la  confirmation  des  décrets 
du  concile,  M.er  Maret  la  reconnaît  (2).  Mais,  maintenant,  il 
montre  aussi  quels  furent  les  droits  des  évèques.  Ils  eurent 
tous,  tant  les  partisans  que  les  adversaires  de  la  doctrine 
d'Arius,  pleine  liberté  pour  exposer  leur  jugement;  c'était  là 
l'objet  principal  du  concile.  Les  débats  furent  très  animés  et 
très  longs.  L'Ecriture  et  la  Tradition  en  furent  la  règle  (3). 
Lorsque  le  légat  du  pape,  Hosius,  proposa  sous  forme  d'une 
profession  de  foi  la  décision  qui  devait  être  portée,  tous  les 
Pères  du  concile  furent  appelés  à  donner  leur  opinion  sur  la 
valeur  de  ce  symbole.  Le  vote  fut  moralement  unanime,  et 
l'anatlième  prononcé  contre  ceux  qui  ne  se  soumettraient  pas 
à  la  définition  conciliaire  (4). 

Après  l'exposé  de  ces  prémisses.  M-1  Maret  croit  pouvoir 
conclure  en  faveur  de  son  opinion  :  «  L'autorité  qui,  à 
Nicée,  prononça  la  décision  suprême,  fut  donc  l'épiscopat,  uni 
à  son  chef,  et  représentant  l'Eglise  universelle.  La  force  de 
la  décision  consiste  dans  l'accord  (?),  dans  le  consentement 
commun  des  premiers  pasteurs.  »  Cette  conclusion,  qui 
revient  si  souvent  dans  les  deux  livres,  est  tirée  de  l'exposé 
des  faits  par  les  adversaires  de  M.°''  Maret  aussi  bien  que 


(1)  Loc.  cit.,  1,146. 

(2)  Ibid. ,  p.  147  et  suiv. 

(3)  Ibid.,  p.  148  et  suiv. 

(4)  Ibid.,  p.  149  et  suiv. 

[252] 


300  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

par  lui-même  ;  la  théorie  même  de  Bellarmin  n'en  est  nul- 
lement touchée  ;  nous  l'avons  déjà  montré  dans  une  remarque 
précédente.  M-1'  Maret  aurait  dû  prouver,  non  pas  qu'un 
concile  œcuménique  possède  la  souveraineté  dans  l'Eglise, 
mais  que  le  pape  seul,  en  dehors  du  concile,  ne  la  possède 
pas. 

A  la  vérité,  il  va  maintenant  essayer  de  le  faire.  Le  même 
concile  œcuménique  de  Nicée,  dit-il,  en  outre  de  la  contro- 
verse arienne,  en  a  terminé  encore  deux  autres  (i)//,  celle  de 
la  Pâque  et  celle  de  la  validité  du  baptême  conféré  par  les 
hérétiques.  La  seconde  de  ces  questions  a  pour  l'auteur  une 
grande  importance. 

La  marche  de  son  argumentation  est  la  suivante  :  Cyprien 
de  Carthage  et  d'autres  évêques  d'Afrique  avaient  nié  la  vali- 
dité du  baptême  des  hérétiques.  Le  pape  Etienne  réprouva 
leur  doctrine  et  interdit,  sous  les  peines  ecclésiastiques  les 
plus  graves,  de  rebaptiser  ceux  qui,  baptisés  par  les  héré- 
tiques, reviendraient  à  l'Eglise.  Cyprien  ne  se  soumit  pas 
et,  d'après  saint  Augustin,  il  n'y  a  point  de  signe  positif 
qu'il  ait  rétracté  son  erreur.  Pourtant,  il  est  considéré 
comme  un  grand  saint.  Comment  expliquer  ce  fait  (2)?  Saint 
Augustin  nous  l'explique,  dit  Msr  Maret.  En  luttant  contre 
les  donatistes  qui  persévéraient  dans  l'erreur  de  Cyprien,  il 
dit  :  «  Cyprien  aurait  facilement  réformé  son  sentiment,  si, 
de  son  temps,  la  question  avait  été  éclaircie  et  jugée  par  un 
concile  plénier.  »  Donc,  d'après  saint  Augustin  et  toute 
l'Eglise  de  cette  époque,  l'autorité  du  pape  seul  ne  suffisait 
pas  pour  décider  en  dernier  ressort  dans  une  question  dog- 
matique; un  concile  œcuménique,  l'union  du  pape  avec  les 
évêques,  avait  seule  ce  pouvoir. 

Xous  n'avons  pas  à  réfuter  la  démonstration  de  M£r  Maret. 


(4)  Loc.  cit.,  p.  151. 

(2)  Ibid.,  I.  155  et  suiv. 

[252-253J 


l'outrage   de  m81"  MARET  301 

Contentons-nous  des  brèves  remarques  suivantes  :  saint 
Augustin  attaque  très  vivement  les  donatistes,  parce  qu'ils 
niaient  encore  la  validité  du  baptême  conféré  par  les  héré- 
tiques et  en  appelaient  là-dessus  à  l'autorité  de  saint  Cyprien. 
Il  leur  fait  observer  que  Cyprien  ne  serait  pas  resté  attaché 
à  son  erreur,  s'il  avait  vu  la  vérité  dans  l'éclat  où  elle  bril- 
lait pour  les  donatistes,  et  si,  de  son  temps  déjà,  un  concile 
plénier  avait  condamné  cette  fausse  doctrine  (i).  Mais  on  ne 
peut  inférer  de  là  avec  Mgr  Maret  qu'Augustin  ait  justifié 
la  conduite  de  Cyprien,  et  qu'il  ait  été  satisfait  de  le  voir 
rester  attaché  à  son  opinion,  malgré  la  sentence  du  pape 
défavorable  à  sa  doctrine.  Il  y  avait,  en  vérité,  des  raisons 
qui  atténuaient  la  faute  de  saint  Cyprien.  Beaucoup  d'évê- 
ques  et  de  conciles  provinciaux  l'approuvaient  ;  depuis  son 
enfance  il  avait  vu  pratiquer  dans  son  église  la  réitération 
du  baptême  pour  ceux  qui  avaient  d'abord  été  baptisés  par 
un  hérétique, et  il  était  habitué  à  cette  pratique;  par  suite,  son 
erreur  n'était  pas  //  aussi  coupable  que  celle  des  donatistes. 
Mais  saint  Augustin  ne  le  justifie  en  aucune  façon,  comme 
le  dit  Mgr  Maret  (2)  ;  il  appelle  la  conduite  de  Cyprien  un 
égarement  ;  et,  bien  qu'il  n'ait  aucune  preuve  positive  de  sa 
rétractation  ultérieure,  il  croit  pourtant  nécessaire  de  l'ad- 
mettre à  cause  de  la  sainteté  de  Cyprien  ;  il  émet  l'hypothèse 
que  les  documents  relatifs  à  sa  rétractation  ont  été  sup- 
primés par  les  partisans  de  son  erreur,  qui  ne  voulaient  pas 
perdre  une  telle  autorité  pour  leur  cause  (3). 

La  méthode  qui  lui  a  servi  pour  le  premier  concile  œcu- 
ménique, M-1'  Maret  l'emploie  en  étudiant  tous  les  autres 
conciles  ;   partout,    il   trouve   des  preuves   pour    sa    thèse. 


(1)  Saint  Augustin,  de  Baptimo  c.  Donat,  1.  2,  ep.  4. 

(2)  Loc.  cit.,  1,158. 

(3)  Correxisse  (Cyprianum)  istam  senlentiam  non  invenitur.  Non  incongruenter 
tamen  de  tali  viro  aestimandum  est,  quod  correxerit  :  et  fortasse  suppression  est  ab 
Us,  qui  hoc  errore  nimium  delectati  sunt,  et  tanto  relut  palrocinio  carere  noluerunt 
(«  Ad  Vincentium  donatistam»  ep.  48.  c.  10;  chez  M"  Maret,  I,  156'). 

[253-254J 


302  HISTOIRE   DU    COXCILE    DU    VATICAN 

Naturellement  les  conciles  de  réforme  sont  pour  lui  tout  par- 
ticulièrement riches  ;  il  les  discute  dans  un  esprit  tout  galli- 
can (i). 

Le  décret  du  concile  de  Florence  sur  la  primauté  du 
pape  qui  précisément  condamne  sa  doctrine  ne  peut  pas  avoir 
le  sens  que  lui  prête  la  théologie  «  italienne  »  :  il  serait  en 
contradiction  avec  les  décisions  des  conciles  précédents  (2). 
Bien  plus,  le  sens  littéral  lui-même,  croit-il,  vient  à  son 
secours.  C'est  quemadmodum  <c  et  »  qu'il  faut  lire,  et  non  pas 
«  etiam  »,  le  grec  porte  aussi  xaî.  La  puissance  attribuée  au 
pape  est  donc  limitée  par  l'addition  quemadmodum  etc.  Plus 
tard,  pendant  le  concile  du  Vatican,  il  fat  établi  d'après  les 
actes  du  concile  de  Florence  qu'il  ne  faut  pas  lire  quemadmo- 
dum <(  et  ».  mais  bien  quemadmodum  «  etiam  »  (3).  Mais  en 
dehors  de  cette  question  de  critique  textuelle,  il  est  bien 
évident  que  M^Maret  fait  violence  aux  mots.  Même  s'il  fallait 
lire  :  quemadmodum  «  et  »,  il  faudrait  encore  lire  :  Pleine 
puissance  est  donnée  au  pape  pour  gouverner  l'Eglise  comme 
cela  est  exprimé  soit  dans  les  actes  des  conciles  soit  dans  les 
saints  canons.  L'addition  ne  peut  être  une  limitation  de  ce 
qui  précède  :  sinon,  il  y  aurait  contradiction  entre  les  deux 
parties  de  la  phrase,  et  l'addition  affirmerait  que  la  pleine 
puissance  qui  est  donnée  au  pape  de  gouverner  l'Eglise  n'est 
pas  la  pleine  puissance,  mais  seulement  une  partie  de  celle 
que  le  Christ  a  donnée  à  son  Eglise  et  dont  les  conciles  et 
les  canons  ont  assigné  les  limites  (4)-  // 

Le  deuxième  volume  de  Mgr  Maret  (quatrième  et  cinquième 


(1)  Loc.  cit.,  p.  386  et  suiv. 

(2)  [bid.,p.  472. 

(3)  C.  V.  1480  a  et  suiv. 

(4)  Diffinimus,...  Romanum  Pontificem  in  universam  Ecclesiam  tenere  prima- 
tum...  toliusque  Ecclesiae  caput  et  omnium  Christianorum  palrem  et  doctorem 
exsistere;  et  ipsi  inbeato  Petro  pascendi,  regendi  ac  gubàrnandi  universalem  Eccle- 
siam  a  Domino  nostro  Jesu  L  hristo  plenam  potestatem  traditam  esse  ;  quemadmodum 
etiam  (et)  in  gestis  oecumenicorum  conciliorum  et  in  sacrin  canonibus  continetur.  — 
Il  nous  faudra  dans  la  suite  iv\  enir  encore  plus  d'une  t'ois  sur  ce  décret. 

[254J 


L'OUVRAGE    DE    Mgr   MARET  303 

livres)  agite  dans  ses  premiers  chapitres  la  question  de  l'ori- 
gine du  pouvoir  épiseopal;  il  s'occupe  ensuite  presque  exclu- 
sivement de  la  doctrine  de  l'infaillibilité  du  pape  et  de  sa 
définition.  Il  combat  ici  «  le  système  d'une  école  absolutiste, 
suivant  laquelle  l'Eglise  serait  «  une  monarchie  pure,  indivi- 
sible, absolue,  papale  »,  ainsi  que  la  doctrine  de  «  l'infailli- 
bilité absolue,  séparée,  personnelle  du  pape  »  ;  il  discute  les 
raisons  apportées  pour  et  contre  cette  doctrine.  Nous  avons 
déjà  remarqué  que  Mgr  Maret  n'expose  pas  exactement  la 
théorie  de  ses  adversaires.  Plus  tard  nous  aurons  à  non  s 
occuper  encore  surabondamment  de  ses  idées. 

Dans  le  dernier  chapitre,  l'auteur  préconise  la  tenue  pério- 
dique de  conciles  généraux. 

M-1'  Maret  envoya  son  ouvrage  au  pape  et  à  tous  les 
évoques.  Il  le  fit  remettre  au  pape  par  l'ambassadeur  de 
France,  le  marquis  de  Banneville.  Dans  sa  lettre  d'envoi  (i) 
il  déclare  au  Saint-Père  que  la  publication  des  deux  volumes 
a  été  pour  lui  l'accomplissement  d'un  devoir  épiseopal. 
En  prévision  des  projets  que  des  hommes  considérables  ont 
formés  à  l'égard  du  concile,  en  prévision  des  dangers  aux- 
quels ils  exposent  l'Eglise, il  est  utile  et  nécessaire,  lui  semble- 
t-il,  de  montrer  la  constitution  de  l'Eglise  dans  sa  gran- 
deur et  sa  perfection,  et  avec  le  caractère  d'immutabilité  que 
lui  a  donné  son  divin  fondateur.  Tel  est  le  but  de  son  ouvrage 
qu'il  présente  au  pape  et  au  prochain  concile.  Il  l'envoie  aussi 
à  tous  les  évêques  ;  et  l'ouvrage  est  aussi  destiné  à  tous  les 
prêtres  et  fidèles  qui  ne  doivent  pas  rester  étrangers  aux 
choses  qui  intéressent  la  foi  commune.  La  liberté  dont 
d'autres  évêques  ont  usé  pour  porter  devant  le  public  de 
graves  questions  intéressant  le  concile,  il  la  réclame  aussi 
pour  publier  ses  propres  idées.  L'ancienne  Eglise  de  France 
croyait  rester  fidèle  à  la  tradition  ecclésiastique  et  s'est  tou- 


(1)  C,  V.  913  c  et  suiv.  —  Cecconi,  lue.  cit.  Sect.  II,  Doc.  CCXXI. 

[255] 


304  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

jours  maintenue  en  étroite  communion  avec  le  Saint-Siège. 
Les  doctrines  ont  été  défendues  //  jusqu'ici  par  des  hommes 
qui  ont  donné  au  Siège  apostolique  les  preuves  du  plus  pro- 
fond attachement  et  delà  fidélité  la  plus  inviolable,  puisqu'ils 
ont  souffert,  pour  la  cause  sacrée,  l'exil,  la  prison,  la  mort 
même.  Il  ne  prend  point  la  défense  de  la  déclaration  de  1682, 
ni  des  propositions  qu'elle  renferme. La  doctrine  qu'il  expose 
a  un  caractère  qui  lui  est  tout  à  fait  propre  ;  elle  est  essen- 
tiellement modérée  et  peut  se  concilier  facilement  avec  les 
doctrines  modérées  des  écoles  romaines. 

La  lettre  d'envoi  aux  évoques  très  brève  (1),  est  datée  du 
14  septembre.  L'auteur  y  répète  que  dans  la  composition  de 
l'ouvrage  il  a  rempli  son  devoir  d'évèque  et  exercé  un  droit 
épiscopal.  Pour  le  reste  il  renvoie  à  sa  préface.  Il  n'y  avait 
pas  à  compter  sur  le  silence  des  éveques.  M-1'  Pie,  évèque  de 
Poitiers,  s'éleva  le  premier  contre  M61  Maret.  Le  28  sep- 
tembre, vingtième  anniversaire  de  son  élévation  à  l'épisco- 
pat,  il  adressa  à  son  clergé  réuni  une  homélie  (2)  dans 
laquelle  il  s'étend,  d'une  façon  qui  convenait  à  la  fête  célébrée, 
sur  l'autorité  suprême  de  la  chaire  de  Rome;  il  y  expose  les 
preuves  en  faveur  d'une  vérité  «  contre  laquelle,  dit-il,  ne 
prévaudront  ni  les  sophistications  de  l'histoire  ni  les  misé- 
rables subtilités  d'un  faux  nationalisme  ».  Il  réfute  Mgr Maret, 
sans  le  nommer.  «  Est-il  délicat,  demande-t-il  après  sa 
démonstration,  et,  sans  contester  le  mérite  de  la  bonne  foi  et 
la  pureté  de  l'intention,  est-il  équitable  d'emprunter  au  triste 
vocabulaire  de  ce  temps  des  expressions  envenimées  par  les 
réactions  politiques  et  d'accumuler,  à  propos  du  pouvoir  le 
plus  grave,  le  plus  mesuré,  le  plus  entouré  de  conseils 
humains  en  même  temps  que  le  plus  assisté  de  la  protection 
d'en  haut,  les  mots  cent  fois  répétés  de  pouvoir  personnel,  de 
pouvoir  séparé,  de  pouvoir  arbitraire  et  despotique  :  suppo- 


V.  913  d.  Cecgoni,  loc.  cit.  Doc.  CGXXU. 
(2)  G.  V.  1263  d.  e(  sniv.  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXXI. 

[255-256] 


REPONSES  DES  EVEQUES  FRANÇAIS  305 

sitions  accusatrices  que  repousse  l'expérience  de  dix-huit 
siècles  d'exercice  de  cette  autorité  pontificale, toujours  amie 
de  la  modération  et  des  tempéraments,  encore  qu'elle  n'ait 
jamais  douté  de  son  droit  et  de  son  pouvoir  suprême?  Enfin, 
est-il  opportun,  est-il  convenable,  est-il  juste  et  sensé  de 
s'autoriser  de  périls  chimériques  pour  toucher  à  l'économie 
du  gouvernement  ecclésiastique,  dont  on  ne  paraît  pas  con- 
naître la  vraie  nature,  et  pour  proposer  un  prétendu  perfec- 
tionnement de  la  constitution  séculaire  de  l'Eglise?  »  // 

Mgr  Pie  publia  son  homélie  et  en  informa  jNP1  Maret  (i).  Il 
lui  avoue  sans  détour  que  son  ouvrage  lui  a  paru  laisser  à 
désirer  dans  .ses  diverses  parties,  et  quant  aux  arguments,  et 
quant  à  l'exposé  des  faits,  et  quant  aux  conclusions.  Dans  la 
préface  l'indication  du  but  de  l'ouvrage  l'a  beaucoup  con- 
tristé.  Ce  livre  ayant  été  destiné  et  livré  au  public,  il  a  com- 
muniqué au  clergé  de  sa  ville  épiscopale  réuni  à  l'occasion  de 
sa  fête  une  partie  de  l'impression  pénible  qu'avait  faite  sur 
lui  cet  ouvrage.  Son  intention  avait  été  de  s'en  tenir  là  ;  mais 
l'assistance  ecclésiastique  avait  été  d'un  autre  avis  et  l'avait 
engagé  à  donner  communication  de  ses  paroles  au  reste  du 
clergé  diocésain. 

M81  Maret  répondit  dans  1' Univers,  où  avait  aussi  paru 
l'homélie.  Sa  réponse  eut  la  forme  d'une  lettre  à  Mgr  Pie  (2). 
Au  fond,  elle  ne  contient  rien  de  nouveau.  A  propos  des 
expressions  si  vivement  blâmées  par  M81"  Pie,  Mgr  Maret 
réplique  qu'elles  se  trouvent  dans  tous  les  théologiens,  dans 
tous  les  canonistes;  il  s'en  est  servi  parce  qu'elles  préci- 
saient exactement  le  point  controversé  de  la  question. 
Mgr  Pie  ne  prouvera  jamais  qu'il  a  accusé  le  pouvoir  ponti- 
fical d'être  despotique  et  arbitraire.  S'il  propose  la  périodicité 
conciliaire,  ce  ne  sont  pas   là  des  vues  personnelles  ;   il  ne 


(1)  C.   V.  1270  c.  et  suiv.   Gegconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXXII, 

(2)  C.    V.  1271  c.  et  suiv.  Gegconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXLII.—  Maret,  Le  tape  et  les 
Evêques,  appendice  p.  111  et  suiv. 

[256-257J 


306  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

prétend  pas  toucher  témérairement  à  l'économie  du  gouver- 
nement ecclésiastique  ;  cette  périodicité  a  été  décrétée  par 
un  concile  incontestablement  œcuménique;  elle  a  été  sanc- 
tionnée par  deux  papes  et  réclamée  par  les  plus  saints  per- 
sonnages. 

Dans  ses  paroles  d'adieux,  adressées  à  son  clergé  avant 
son  départ  pour  le  concile  (i),  M81"  Pie  mentionne  pour  la 
première  fois  la  réponse  de  M^1  Maret.  Il  veut,  dit-il,  d'autant 
moins  y  revenir  que  les  réfutations  directes  de  l'ouvrage 
arrivent  chaque  jour  plus  nombreuses  et  plus  péremptoires. 
«  Toutefois,  avec  l'autorité  du  pontife  et  de  docteur  que 
Dieu  m'a  conférée  par  rapport  à  mon  diocèse,  je  n'hésite 
point  à  déclarer  que  ces  deux  volumes  méritent  d'être  notés 
de  toutes  les  censures  théologiques  les  plus  graves,  en  deçà 
de  la  note  formelle  d'hérésie.  Et  je  ne  crains  point  que  ni  le 
Saint-Siège,  ni  le  concile  œcuménique  ne  donnent  tort  à  ce 
jugement,  ou  plutôt,  je  suis  assuré  d'avance  que  le  concile 
enseignant//  les  doctrines  opposées  à  celles  de  ce  livre, l'auteur 
abandonnera  et  désavouera  ses  erreurs  par  l'acceptation 
pure  et  simple  des  affirmations  et  des  définitions  de  l'Eglise 
assemblée.  »  Au  sujet  de  la  proposition  de  M8*  Maret,  de 
tenir  tous  les  dix  ans  un  concile  général,  M-1  de  Poitiers,  qui 
se  sépare  avec  douleur  de  son  troupeau,  fait  cette  remarque: 
«  Ici  se  fait  reconnaître  la  différence  entre  le  pasteur  d'un 
vrai  troupeau,  vivant  parmi  les  âmes  et  pour  les  âmes,  et 
l'écrivain,  même  consacre,  qui  vit  parmi  les  livres  et  se 
tient  dans  les  abstractions...  Il  faut  être  évêque  in  partibus 
infidelium  pour  imaginer  que  notre  mère  la  Sainte  Eglise 
imposera  tous  les  dix  ans  à  chaque  pasteur  et  à  son  troupeau, 
un  sacrifice  pareil  à  celui  qui  nous  est  demandé  aujour- 
d'hui. » 

Pendant  ce  temps,  Mgr  Maret  avait  été  vivement  attaqué 


(1)  C.  V.  1270  a  et  suiv.  Ceccoxi,  loc.cit,  Doc.  GGLVI. 


[257-258] 


REPONSES  DES  EVEQUES  FRANÇAIS  307 

de  différents  côtés  par  des  évêques  et  par  des  laïcpies  ;  il  se 
défendit  contre  plusieurs  de  ces  attaques  dans  des  lettres 
publiques,  contre  d'autres  dans  un  ouvrage  spécial  (i). 
M-1  Wicart,  évêque  de  Laval,  déclarait  dans  une  lettre  à 
I'Univers  (2)  son  adhésion  à  l'homélie  de  Mgr  de  Poitiers; 
dans  une  lettre  à  la  semaine  religieuse  de  son  diocèse,  il 
attaquait  vivement  Mgr  Maret.  M-1'  Doney,  évêque  de  Mon- 
tauban,  se  plaignait  dans  une  lettre  à  I'Univers  (3),  et 
Mgr  Plantier,  évêque  de  Nîmes,  dans  une  lettre  à  M-1  Ma- 
ret (4),  que  l'ouvrage  de  ce  dernier  eut  l'ait  naître  le  soupçon 
qu'il  se  trouvait  au  service  du  gouvernement  impérial.  «  Le 
nom  et  le  titre  officiel  du  typographe,  écrit  Mgr  Plantier, 
auquel  vous  avez  confié  le  soin  d'imprimer  votre  écrit,  les 
intermédiaires  que  vous  avez  choisis  pour  le  déposer  aux 
pieds  du  Saint-Père,  les  thèses  que  vous  y  développez,  tout 
cela  m'a  rempli  le  cœur  des  impressions  les  plus  doulou- 
reuses. Malgré  tout  ce  que  vous  pouvez  en  dire,  on  ne  sait 
retrouver  dans  votre  travail,  ni  la  sève  pure  de  la  grande 
théologie  et  de  l'antiquité  chrétienne,  ni  les  vraies  traditions 
du  clergé  de  France,  ni  la  noble  indépendance  de  l'Episcopat 
vis-à-vis  des  puissances  de  la  terre.  » 

Mgr  Doney  soulève  aussi  la  question  de  savoir  pourquoi 
Mgr  Maret  a  composé  son  ouvrage  en  français;  S'il  l'a  vrai- 
ment /  destiné  au  concile,  il  fallait  l'écrire  en  latin;  c'est  la 
langue  du  concile  et  beaucoup  de  Pères  ne  comprennent  pas 
le  français.  Il  a  eu  sans  doute  de  bonnes  raisons  pour  préfé- 
rer le  français  ;  mais  on  supposera  qu'il  l'a  fait  pour  mettre 
son  ouvrage  à  la  portée  des  laïques,  «  avec  l'espérance  d'y 
trouver  des  approbations  et  des  sympathies,  un  contrepoids 
aux  dispositions  contraires  qui  ne  pouvaient  pas  manquer 


(1)  Cf.  inlra 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GCXXXIX.  —  Cf.  C   V.  1274  d. 

(3)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXXVIl.  -  Cf.  C.  V.  1275  a. 

(4)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXXVIII.  —  Cf.  C.  V.  ibid. 

[258-259] 


308  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU   VATICAN 

de  se  manifester,  un  moyen  peut-être  de  pression  sur  les 
membres  du  concile  ».  Mgr  Doney  conteste  qu'il  ait  été  du 
devoir  de  M-'  Maret  d'écrire  cet  ouvrage,  ainsi  qu'il  le  pré- 
tend dans  sa  lettre  aux  évèques.  Autrement  tous  les  évêques 
auraient  également  le  devoir  d'écrire  un  si  volumineux 
ouvrage. 

Mgr  Plantier  attire,  en  particulier,  l'attention  de  l'auteur 
sur  l'imprudence  qui  se  révèle  dans  la  publication  de  son 
ouvrage;  il  lui  pose  le  dilemme  suivant:  «  Si  la  définition 
qui  fait  l'objet  de  vos  alarmes  devient  une  réalité,  si  les 
Pères  déclarent  non  pas  dogme  nouveau,  mais  dogme 
ancien,  dogme  révélé  par  le  Christ,  l'infaillibilité  personnelle 
du  Souverain  Pontife  parlant  e.v  cathedra,  Votre  Grandeur 
n'aura  devant  elle  que  deux  issues  possibles:  ou  bien,  il 
faudra  repousser  ce  décret  comme  une  erreur,  ou  bien,  il 
faudra  le  regarder  comme  dicté  de  l'Esprit  Saint  lui-même. 
—  Le  repousser  ?  Mais  Votre  Grandeur,  qui  admet  l'infailli- 
bilité collective  de  l'Eglise  unie  à  son  Chef,  ne  saurait  se 
mentir  à  elle-même,  en  rejetant  une  décision  de  l'Eglise 
assemblée.  — L'accepter?  Mais  alors  que  devez-vous  penser, 
Monseigneur,  de  votre  Mémoire  et  surtout  de  votre  livre 
quatrième?  Ne  devez-vous  pas  être  au  désespoir  d'avoir  à  ce 
point  décrié,  déshonoré  par  avance,  une  vérité  devant 
laquelle  vous  serez  obligé  de  vous  incliner  aussi  bien  que  le 
plus  obscur  des  fidèles,  comme  devant  un  article  de  foi?  Tout 
rationaliste,  armé  de  vos  paroles,  pourra  donc  alors  se 
retourner  vers  Votre  Grandeur  et  lui  dire  qu'elle  subit,  par 
une  docilité  fort  étrange  une  doctrine  condamnée  par  la 
protestation  des  siècles  et  de  l'histoire,  et  tout  au  plus 
bonne  à  l'ensevelir  sous  la  honte.  C'est-à-dire  que  vous 
serez  accablé  sous  le  poids  de  vos  propres  raisonnements.  J 
Est-il  prudent,  Monseigneur,  d'avoir  préparé  de  vos  mains 
cette  coupe  d'absinthe  et  de  fiel  qui  ne  servira,  grâce  à 
l'usage  qu'en   feront  les  impics,  vos  flatteurs  d'aujourd'hui, 

1259] 


RÉPONSE   DE    Mgr   MARET   A   l'ÉVÊQUE   DE    NIMES  309 

qu'à  détruire  l'autorité  du  concile  et  à  vous  désoler  vous- 
même?  »  // 

Un  langage  si  net  amena  Mgr  Maret  à  écrire  une  très  vive 
réponse  qu'il  publia  dans  les  colonnes  de  I'Univers  (i).  Il  ne 
reconnaît  à  personne  le  droit  de  mettre  en  doute  son  indé- 
pendance de  caractère.  Son  ouvrage  n'y  prête  en  aucune 
façon.  Cela  dit,  il  en  vient  tout  de  suite  aux  passages  que 
nous  venons  de  citer.  M-r  l'évoque  de  Nîmes  avoue  qu'il 
a  professé  lui-même  autrefois  les  doctrines  condamnées 
aujourd'hui  dans  son  livre  (2).  D'après  une  communication 
d'un  des  amis  de  M8*  de  Nîmes,  celui-ci  a  pendant  vingt  ans 
tenu  haut  le  drapeau  gallican.  Pendant  vingt  ans  Mgr  Plantier 
a  donc  encouru  l'anathème  qu'il  semble  vouloir  appeler  sur 
la  tête  de  M*1'  Maret  !  Pourquoi  ces  menaces  ?  Le  prélat  veut-il 
étouffer  la  discussion?  Sous  le  règne  du  plus  sage,  du  plus 
juste  des  pontifes,  il  n'y  parviendra  pas.  L'entière  liberté  des 
discussions,  dans  les  limites  de  la  foi,  a  toujours  été  une  des 
lois  supérieures  des  conciles  généraux  pendant  leur  prépa- 
ration aussi  bien  que  dans  leur  célébration.  Quant  à  la 
possibilité  d'une  définition  de  l'infaillibilité  pontificale, 
Mgr  Maret  dit  que  «  selon  l'usage  des  conciles  généraux,  elle 
ne  serait  portée  qu'autant  que  cette  grave  matière  aurait  été 
entièrement  approfondie,  qu'autant  que  toutes  les  objections 
et  toutes  les  difficultés  auraient  été  détruites,  qu'autant  que 
les  preuves  les  plus  solides,  les  plus  irréfutables  se  seraient 
produites.  Alors  une  belle  et  éclatante  lumière  surgirait  des 
travaux  du  saint  concile.  J'espère  que  Dieu  me  ferait  la 
grâce  de  ne  jamais  fermer  les  yeux  à  cette  lumière.  Dans 


r  (1)  Cegconi,  loc.  cit.  Doc.  GGXLI1I.  —  Cf.  C.  V.  1275  b.  —  Maret,  Le  Pape  et  les 
Évêques,  appendice,  p.  119  et  suiv 

(2)  Voici  les  paroles  de  l'évêque  de  Nîmes  ■  «  Il  fut  un  temps  où,  sur  les  ques- 
tions délicates  abordées  par  votre  Mémoire,  nos  idées  se  toucbaient  sans  toute- 
fois pleinement  se  confondre.  Depuis  cette  époque  déjà  lointaine  vous  avez 
étudié,  Monseigneur  :  je  l'ai  lait  aussi  moi-même  avec  conscience.  Mais  ces 
études  parallèles  ont  abouti  pour  l'un  et  l'autre  à  des  résultats  bien  divers.  » 

20 
[259-2dOJ 


310 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


tous  les  cas,  la  soumission  me  serait  douce.  Il  n'y  aurait  là 
ni  fiel  ni  absinthe.  La  main  de  Mgr  Plantier  ne  préparera  pas 
cette  coupe  empoisonnée.  » 

Ce  passage  est  le  plus  beau,  le  meilleur  qui  se  rencontre 
dans  tous  les  ouvrages  de  Mgr  Maret  sur  les  choses  du  concile. 
Pour  le  reste,  sa  réponse  à  Mgr  Plantier  est  aussi  faible  que 
vive.  L'anatlième  qui  aurait  frappé  M8*  Maret  n'est  pas  men- 
tionné dans  la  lettre  de  M-1'  Plantier;  Mgr  Maret  n'en  pouvait 
que  moins  parler  d'un  anathème  qui  aurait  frappé  pendant 
vingt  ans  M-1  Plantier,  pour  avoir  adhéré  aux  doctrines  galli- 
canes. Ce  qui,  d'après  M-1'  de  Xîmes,  pouvait  le  plus  embar- 
rasser Mgr  Maret,  ce  n'étaient  pas  ses  sentiments  gallicans, 
mais  la  publication  de  son  ouvrage,  et  en  cela  Mgr  Plantier 
disait  vrai.  En  outre,  le  principe  de  la  liberté  de  discussion 
n'exigeait  en  aucune  façon  la  liberté  d'émouvoir  d'avance 
l'opinion  publique  contre  une  définition  redoutée;  une  telle 
mesure  était  plutôt  de  nature  à  limiter  la  liberté  du  concile. 

Il  suffira  de  mentionner  brièvement  que  Mgr  Manning, 
archevêque  de  Westminster,  prit  aussi  la  plume  contre 
Mgr  Maret.  Ce  prélat  venait  d'achever  une  lettre  pastorale  où 
il  exposait  en  détail  les  raisons  pour  et  contre  la  définition 
de  l'infaillibilité  du  pape,  lorsque  l'ouvrage  de  Mgr  Maret  lui 
parvint.  Dans  un  assez  long  post-scriptum  (i),  il  compare  son 
opinion  avec  la  théorie  de  Mgr  Maret  et  il  réfute  cette  der- 
nière. Mgr  Maret  répondit  que  Mgr  Manning  n'avait  ni  bien 
compris  ni  bien  exposé  sa  doctrine  (2). 

Parmi  les  lettres  qui  furent  publiées  par  des  évêques  fran- 
çais contre  Mgr  Maret,  on  remarque  principalement  celle  (3) 
de  Mgr  Delalle,  évêque  de  Rodez,  au  clergé  de  son  diocèse 
avant  de  partir  pour  le  concile.  Cette  lettre  brille  par  la  fer- 


(1)  Voir  la  traduction  italienne  dans  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GGXXXIV.  —  Cf. 
C.  V.  127:,  ,1. 

(2)  Cecconi.  loc.  cit.  Boz.  CCLII.  —  Cf.   C.  F.  1280c.  —Maret,  Le  Pape  et  les 
Evêques,  ch.  3. 

(3)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXLVIU.  —  Cf.  C.  V.  1280  a. 


[260-261] 


LETTRE  DE  L  EVE  QUE  DE  RODEZ  31-1 

metéetla  franchise  de  son  langage.  C'est  an  système  byzantin 
lu  gallicanisme,  remarque-t-il,  que  la  France  a  été  poussée 
par  le  despotisme  royal,  par  les  intrigues  d'ecclésiastiques 
serviles  à  la  cour  du  roi,  par  l'enseignement  de  la  théologie 
officielle  que  la  tyrannie  des  parlements  imposait  à  nos 
uiciennes  facultés.  L'ouvrage  de  Mgr  Maret  lui  apparaît 
?omme  le  dernier  mot  du  gallicanisme  expirant  sous  la  répro- 
bation de  douze  papes  qui  l'ont  repoussé  par  les  formules  les 
dus  énergiques,  sans  toutefois  y  attacher  la  note  formelle 
l'hérésie.  Mgr  Delalle  regrette  très  vivement  l'apparition 
l'un  tel  livre,  sorti  de  la  plume  d'un  évêque  qui  s'est  trop 
souvenu  qu'il  était  doyen  de  la  faculté  non  canonique  de  la 
Sorbonne.  Tous  les  ennemis  de  l'Eglise  et  de  la  papauté,  tous 
es  libres  penseurs,//  dit-il,  ont  exalté  Mgr  l'Evêque  de  Sura 
n  partibus  infidelium,  comme  s'ils  étaient  des  ouailles  de 
son  diocèse.  Ils  l'ont  proclamé  le  })lus  docte  de  ses  confrères. 
Qs  ont  déclaré  que  son  livre  faisait  craquer  le  vieil  édifice 
le  la  papauté  et  peu  s'en  faut  qu'ils  ne  lui  aient  attribué 
'infaillibilité  que  cet  auteur  conteste  au  pape.  Enfin  ils  ont 
lécidé  que  ses  adversaires  ne  sont  que  de  fougueux  ultra- 
nontains.  Ces  extravagances  puériles  sont  un  fâcheux  symp- 
;ôme  ;  car,  quand  on  veut  apprécier  la  valeur  d'un  homme  ou 
l'une  chose,  il  faut  par-dessus  tout  savoir  de  quel  côté  vient 
'éloge  ou  le  blâme. 

Mgr  Delalle  reconnaît  le  talent  de  l'auteur  et  la  soumission 
lui  se  manifeste  dans  le  langage  à  l'égard  du  Saint-Père;  mais 
1  déclare  qu'il  repousse  son  système  comme  contraire  à  l'Ecri- 
ture Sainte,  à  la  tradition  de  l'Eglise,  aux  décisions  des  conci- 
es  et  des  papes,  comme  sentant  l'hérésie  de  Wicleff  et  condui- 
sant au  schisme  selon  les  errements  du  conciliabule  de  Baie. 

Indiquons  seulement  ici  deux  autres  lettres  plus  courtes 
le  Mgr  Maret  et  de  Mgr  Delalle  (i). 


(1)  Cf.  Gecconi, loc.   cit.  Doc.  CCXLIX.CCL.  —  Cf.  C.  V.  1280  ab.  -  Maret, 
.ePape,  etc.,  appendice,  p.  121  etsuiv. 

[261-20-2] 


312  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

La  controverse  occasionnée  par  l'ouvrage  de  Mgr  Maret  ne 
mit  pas  seulement  aux  prises  des  évêques.  Il  y  eut  des  revues 
et  des  journaux  qui  y  prirent  une  part  active;  selon  l'esprit 
qui  les  animait,  ils  distribuèrent  à  l'auteur  la  louange  ou  le 
blâme.  Le  savant  abbé  de  Solesmes,  Dom  Prosper  Guéranger, 
écrivit  contre  Mgr  Maret  une  réfutation  (i)  en  règle. 

On  avait  communiqué  à  Mgr  Maret  que  le  Saint-Père  regar- 
dait comme  une  injure  que  l'auteur  lui  eût  fait  présenter  son 
ouvrage.  L'évêque  de  Sura,  dans  une  lettre  que  nous  avons 
sous  les  yeux  (2),  écrivit  donc  à  un  cardinal  —  sans  doute  au 
cardinal  Antonelli,  dont  le  nom  n'est  pourtant  pas  cité  dans 
la  lettre,  —  pour  lui  en  exprimer  ses  plus  profonds  regrets. 
Il  exprime  en  termes  touchants  sa  vénération  pour  Pie  IX. 
Les  opinions  qu'il  a  exposées  dans  son  ouvrage  sont  toute 
telles  qu'elles  ont  été  enseignées  par  des  théologiens  ortho 
doxes  et  n'ont  jamais  été  frappées  d'aucune  censure.  Il  a  cru// 
bon  de  les  exposer  durant  la  période  d'attente  qui  suit  la  con 
vocation  du  concile,  afin  qu'elles  fussent  librement  discutées. 
S'il  est  vrai,  comme  il  l'a  entendu  dire,  que  des  théologiens 
ont  été  chargés  d'examiner  son  ouvrage,  il  demande  l'autori- 
sation de  comparaître  en  personne  pour  expliquer  et  défendre 
ses  doctrines.  Le  cardinal  répondit  (3)  qu'il  regrettait  que 
M-1  Maret  se  fût  laissé  alarmer  par  des  bruits  entièrement 
dénués  de  fondement.  A  Home,  personne  ne  s'est  particulière- 
ment occupé  de  son  ouvrage;  la  nouvelle  que  des  théologiens 
ont  été  désignés  pour  l'examiner  a  été  inventée  de  toutes 
pièces. 

Mgr  Maret  écrivit  pour  la  défense  de  sa  personne  et  de  ses 
doctrines  un  ouvrage  spécial  :  Le  Pape  et  les  Evèques,  Défense 


(1)  De  la  Monarchie  pontificale  ù  propos  du  livre  de  Msr  l'Évêque  de  Sura. 
3°  édit.  1870.  —  Une  traduction  allemande  est  intitulée  :  Die  hochste  Lehrgewalt 
des  Papstes.  Mayence,  1870. 

(2)  IToct.  1869 . 

(3)  23  oct. 

[2(52-263] 


REPONSE    DE  Mgr  MARET  313 

du  livre  sur  le  Concile  général  et  la  Paix  religieuse'  (i),  dont 
plus  de  la  moitié  est  dirigée  contre  le  P.  Matignon  S.  J.  et 
ses  articles  dans  les  Etudes  religieuses.  Des  chapitres  moins 
longs  combattent  la  Civiltà,  l'archevêque  de  Westminster  et 
les  journaux.  Un  appendice  contient  les  lettres  citées  plus 
haut  de  Mgr  Maret  aux  évêques  de  Poitiers,  Mmes  et  Podez. 
Cette  controverse  faisait  prévoir  que  les  délibérations  du 
concile  ne  se  dérouleraient  pas  sans  lutte.  Le  concile  a  défi- 
nitivement tranché  la  question,  et  il  l'a  tranchée  contre 
Mgr  Maret.  Malgré  toute  l'ardeur  avec  laquelle  ce  savant 
défendait  ses  opinions,  nous,  l'entendions  déclarer  au  plus 
fort  de  la  mêlée  qu'il  se  soumettrait  à  la  décision  du  concile, 
quelle  qu'elle  pût  être.  Il  a  tenu  parole.  Après  la  prise  de 
Rome  par  les  Piémontais,  il  écrit  au  pape  une  lettre  (2)  où  il 
lui  exprime  sa  douleur  au  sujet  des  maux  qui  le  frappent  et  il 
termine  en  lui  déclarant  sa  pleine  soumission  aux  décrets 
dogmatiques  du  concile  du  Vatican.  Plus  tard  (1871),  il 
réprouva  dans  une  déclaration  publique  tout  ce  qui  dans  son 
ouvrage  n'est  pas  conforme  à  la  définition  du  concile  du 
18  juillet,  et  il  annonça  que  son  livre  était  retiré  du  com- 
merce (3).  // 


(1)  Paris  1869. 

(2)  Lettre  du  15  oct.  1870.  —  C.  V.  1001  c  et  suiv. 

(3)  «  Je  regrette  absolument  tout  ce  qui  dans  mon  ouvrage  :  Du  concile  général 
et  de  la  Paix  religieuse,  Le  Pape  et  les  Evêques,  est  contraire  à  cette  constitution 
(du  18  juillet  1870)  et  aux  définitions  et  décrets  des  conciles  précédents  et  des 
pontifes  romains.  Je  déclare,  en  outre,  que  mon  ouvrage  cesse  d*ètre  en  vente.  » 
(Pelletier,  Mgr  Dupanloup,  épisode  de  l'histoire  contemporaine,  p.  98.  ) 

[263] 


CHAPITRE  VIII. 
L'Apostasie  du  P.  Hyacinthe,  de  l'Ordre  des  Carmes. 

Au  moment  même  où  paraissait  le  livre  de  Mgr  Maret,  le 
P.  Hyacinthe,  Charles  Loyson,  carme  déchaussé  et  prédica- 
teur deN.-D.  de  Paris,  annonçait  sa  sortie  de  l'Ordre.  Par 
suite  du  prestige  dont  il  jouissait  comme  orateur,  sa  détermi- 
nation fit  grand  bruit;  et  comme  il  se  trouvait  être  aussi  par- 
tisan des  doctrines  gallicanes,  on  établit  un  rapprochement 
entre  l'apostasie  du  P.  Hyacinthe  et  l'apparition  de  l'œuvre 
de  Mgr  Maret.  Mais  ce  dernier  protesta  contre  tout  rappro- 
chement des  deux  faits.  Mgr  Pie,  dans  l'homélie  où  il  parlait 
de  l'ouvrage  de  Mgr  Maret  (i),  avait  aussi  exprimé  sa  douleur 
au  sujet  de  la  résolution  du  P.  Hyacinthe.  Mgr  Maret  termine 
en  ces  termes  la  lettre  qu'il  écrit  à  Mgr  Pie  en  réponse  à  ses 
critiques  :  «  Vous  gémissez  avec  raison,  Monseigneur,  sur  un 
fait  récent  que  nous  déplorons  tous.  Vos  amis  osent  même 
établir  une  certaine  connexité  entre  ce  fait  et  l'apparition  de 
mon  livre.  Il  n'y  a  donc  plus  aucune  justice  dans  le  cœur  de 
certains  hommes?  Le  mien  a  été  brisé  par  cet  acte  que  je  n'ai 
pu  prévenir,  mais  dont  j'ai  tout  fait  pour  arrêter  les  suites. 
Aujourd'hui  il  ne  me  reste  qu'à  prier,  à  espérer,  mais  en 
même  temps  à  protester  avec  énergie//  contre  tout  rapproche- 


(1)  Cf.  supra  p.  256. 

[264-265] 


316  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

ment,  toute  assimilation,  toute  connexité.  Que  Dieu  prenne 
en  pitié  et  les  temps  et  les  hommes  !  »  (i). 

La  défection  du  P.  Hyacinthe  comme  religieux  et  comme 
fils  de  l'Eglise  n'a  qu'un  rapport  assez  lointain  avec  le  concile 
du  Vatican.  Pourtant  elle  contribua  beaucoup  à  augmenter 
l'agitation  au  sujet  du  concile;  il  convient  donc,  semble-t-il, 
d'en  dire  quelques  mots  dans  cette  histoire. 

Charles  Loyson  possédait  un  remarquable  talent  de  prédi- 
cateur, aussi  exerea-t-il  une  grande  attraction  sur  son  audi- 
toire de  Notre-Dame.  Mais  son  savoir  était  plus  brillant  que 
solide;  il  lui  manquait  la  prudence  et  la  réflexion,  qualités  de 
première  nécessité  à  Paris  pour  un  homme  de  sa  situation(2). 
A  plusieurs  reprises  déjà,  ses  manières  d'agir  inconsidérées 
et  scandaleuses,  les  inexactitudes  doctrinales  relevées  dans 
ses  discours  lui  avaient  attiré  des  réprimandes  de  la  part  de 
ses  supérieurs.  Pendant  l'été  de  1869,  un  discours  qu'il  pro- 
nonça dans  l'Assemblée  générale  de  la  Ligue  de  la  Paix  fit 
grand  bruit.  Le  Général  des  Carmes,  dans  une  lettre  ferme 
sans  doute,  mais  aussi  très  affectueuse  et  très  paternelle, 
datée  du  22  juillet  (3),  lui  interdit  de  paraître  à  l'avenir  dans 
toute  réunion  qui  ne  serait  pas  religieuse  et  catholique,  et  de 
livrer  à  l'impression  quoi  que  ce  fût,  même  une  lettre  ou  un 
discours.  Il  lui  faisait  aussi  remarquer  que  le  bon  renom  de 
l'ordre  exigeait  pareille  mesure;  car  déjà  en  France,  en  Bel- 
gique et  à  Rome,  des  évêqûes,  des  prêtres  et  des  fidèles  blâ- 
maient les  supérieurs  de  l'Ordre  de  ce  qu'ils  ne  l'empêchaient 
pas  (le  P.  Hyacinthe)  de  suivre  la  voie  où  il  s'était  engagé. 


(i)  Maret,  Le  Pape  et  les  Évêques,  p.  118. 

(2)  «  Son  enseignement,  en  même  temps  qu'il  excitait  l'enthousiasme  de  la 
jeunesse  et  des  hommes  épris  de  la  belle  éloquence,  éveillait  des  inquiétudes 
des  théologiens  .Le  brillant  prédicateur  n'offrait  guère  de  garanties  du  coté  de  la 
sécurité  des  doctrines.  A  Rome,  avant  sa  célébrité,  on  avait  été  fort  surpris  qu'il 
eût  quelque  peine  à  lire  Saint  Thomas,  et  que,  dans  ce  dictionnaire  encyclo- 
pédique de  la  science  sacrée,  sujet,  idées,  données,  principes,  méthodes,  tout 
lui  fut  étranger.  »  Emile  Ollivier,  L'Eglise  et  l'État  au  concile  du  Vatican,!,  438.) 

(3)  Cecconi,  loc.  cil.  Doc.  (XXXV.  —  Cf.  C.  V.  1262  d. 

[265 1 


LA    DEFECTION    DU    PERE    HYACINTHE  3i7 

«  Maintenant  laissez-moi  vous  parler  à  cœur  ouvert,  comme 
un  père  à  son  fils  !  Je  vous  vois  lancé  dans  une  voie  extrême- 
ment dangereuse,  qui,  malgré  vos  intentions  présentes,//  pour- 
rait vous  conduire  là  où  vous  seriez  désolé  d'arriver.  Arrêtez- 
vous  donc,  mon  cher  fils,  écoutez  la  voix  de  votre  père  et  de 
votre  ami,  qui  vous  parle  le  cœur  déchiré  de  douleur.  Pour 
cela,  vous  feriez  hien  de  vous  retirer  dans  un  des  couvents 
d'Avignon, pour  vous  y  reposer  et  aussi  pour  y  faire  la  retraite 
dont  je  vous  avais  dispensé  l'année  dernière  à  cause  de  vos 
nombreuses  occupations.  Méditez  dans  la  solitude  les  grandes 
vérités  de  la  religion,  non  pour  les  prêcher  aux  autres,  mais 
pour  le  profit  de  votre  âme.  Demandez  des  lumières  au  ciel 
avec  un  cœur  contrit  et  humilié.  Adressez-vous  à  la  sainte 
Vierge,  à  notre  père  saint  Joseph,  à  notre  séraphique  mère 
sainte  Thérèse.  —  Un  père  peut  bien  adresser  ces  paroles  à 
un  fils,  quoique  grand  orateur.  —  C'est  une  question  bien 
sérieuse  pour  vous  et  pour  nous  tous.  » 

Un  langage  si  paternel  manqua  malheureusement  son  effet. 
Le  P.  Hyacinthe  ne  vit  en  lui-même  qu'un  innocent  persé- 
cuté, entouré  d'intrigues.  Dans  une  lettre  (i)  du  20  septembre 
à  son  supérieur  général,  il  déclare  d'un  ton  arrogant  qu'il 
s'éloigne  de  son  couvent  «  qui  dans  les  circonstances  nou- 
velles qui  me  sont  faites  se  change  pour  moi  en  une  prison 
de  l'âme.  En  agissant  ainsi,  je  ne  suis  point  infidèle  à  mes 
vœux  :  j'ai  promis  l'obéissance  "monastique,  mais  dans  les 
limites  de  l'honnêteté  de  ma  conscience,  de  la  dignité  de  ma 
personne  et  de  mon  ministère.  Je  l'ai  promise  sous  le  bénéfice 
de  cette  loi  supérieure  de  justice  et  de  royale  liberté,  qui  est, 
selon  l'apôtre  saint  Jacques,  la  loi  propre  du  chrétien...  Si, 
en  échange  de  mes  sacrifices,  on  m'offre  des  chaînes,  je  n'ai 
pas  seulement  le  droit,  j'ai  le  devoir  de  les  rejeter.  »  Lors- 
qu'il en  vient  à  parler  du  prochain  concile,  il  assure  que, 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CGXXI1I.  —  Cf.  C.  V.  1262  c. 

[265-266] 


318  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

dans  un  moment  si  solennel,  il  ne  peut  laisser  enchaîner  sa 
parole,  qu'il  ne  peut  garder  le  silence.  Ce  qu'il  a  sur  le  cœur, 
ce  qu'il  a  le  devoir  de  dire  en  toute  liberté,  il  l'exprime  en 
ces  termes  :  «  J'élève  donc,  devant  le  Saint-Père  et  devant  le 
concile,  ma  protestation  de  chrétien  et  de  prêtre  contre  ces 
doctrines  et  ces  pratiques  qui  se  nomment  romaines,  mais 
qui  ne  sont  pas  chrétiennes  et  qui  dans  leur  envahissement 
toujours  plus  audacieux  et  plus  funeste,  tendent  à  changer  la 
constitution  de  l'Eglise  //,  le  fond  comme  la  forme  de  son  en- 
seignement et  jusqu'à  l'esprit  de  sa  piété.  Je  proteste  contre  le 
divorce  impie  autant  qu'insensé  qu'on  s'efforce  d'accomplir 
entre  l'Eglise  qui  est  notre  Mère  selon  l'éternité  et  la  société 
du  XIX  siècle,  dont  nous  sommes  les  fils  selon  le  temps,  et 
envers  qui  nous  avons  aussi  des  devoirs  et  des  tendresses.  » 
Le  P.  Hyacinthe  en  appelle  ensuite  au  concile;  mais  si 
l'auguste  assemblée  était  privée  de  la  liberté,  si  «  en  un  mot 
elle  était  privée  des  caractères  essentiels  à  un  concile  œcu- 
ménique, je  crierais  vers  Dieu  et  vers  les  hommes  pour  en 
réclamer  un  autre  véritablement  réuni  dans  le  Saint-Esprit, 
non  dans  l'esprit  des  partis,  représentant  réellement  l'Eglise 
universelle  ». 

11  se  reproduit  ici  ce  qui  est  arrivé  si  souvent  pour  les 
esprits  opiniâtres  et  hautains  :  appelés  par  leurs  supérieurs 
à  répondre  de  leurs  fautes,  ils  se  croient  persécutés  injuste- 
ment, ils  recourent  alors  à  la  plus  haute  autorité  de  la  terre  ; 
s'ils  n'en  obtiennent  pas  non  plus  l'approbation  de  leurs 
fautes,  ils  persévèrent  dans  leur  obstination  et  vont  jusqu'à 
en  appeler  à  la  souveraine  autorité  de  Dieu.  «  J'en  appelle  à 
votre  tribunal,  ô  seigneur  Jésus!  »  s'écrie  le  moine  orateur 
en  terminant  la  lettre  à  son  supérieur,  «  Ad  tiium,  Domine 
Jesu,  tribunal  appello!  C'est  en  votre  présence  que  j'écris 
ces  lignes.,  c'est  à  vos  pieds,  après  avoir  beaucoup  prié, 
beaucoup  réfléchi,  beaucoup  souffert,  beaucoup  attendu,  c'est 
à  vos  pieds   que  je  les  signe.   J'en  ai  la  confiance,   si   les 

[266-267] 


L'APOSTASIE    DU    PERE    HYACINTHE  319 

hommes  les  condamnent  sur  la  terre,  vous  les  approuverez 
dans  le  ciel.  Cela  me  suffit  pour  vivre  et  pour  mourir.  » 

Dans  sa  réponse  (i),  le  général  des  Carmes  exprime  la  dou- 
leur qu'il  ressent  de  la  triste  démarche  de  son  subordonné  ; 
il  l'avertit  paternellement  de  revenir  en  arrière,  lui  repré- 
sente les  peines  qu'il  a  encourues  en  sortant  de  l'Ordre.  Puis, 
remplissant  le  devoir  qui  lui  incombe  en  vertu  des  décrets 
apostoliques,  il  intime  l'ordre  à  l'apostat  de  rentrer,  dans  les 
dix  jours  qui  suivront  la  réception  de  sa  lettre,  au  couvent 
qu'il  a  quitté.  Faute  de  quoi,  qu'il  soit  déposé  de  toutes  les 
charges  exercées  par  lui  dans  l'ordre  des  Carmes  déchaussés, 
qu'il  demeure  sous  le  coup  des  censures  portées  contre  lui 
par  le  droit  général  de  l'Eglise  et  le  droit  particulier  de 
son  Ordre.  //  Ces  peines  sont  l'excommunication  majeure 
encourue  ipso  facto  et  la  censure  de  l'infamie. 

Mais  cette  lettre  ne  fut  pas  plus  puissante  sur  Loyson  que 
la  lettre  pleine  d'avertissements  de  Msr  Dupanloup,  évêque 
d'Orléans  (2),  et  les  deux  lettres  si  affectueuses  du  comte  de 
Montalembert  (3).  Loyson  laissa  porter  contre  lui  toutes  les 
censures  (4)»  il  s'entêta  dans  sa  voie  et  finit  par  sortir  tout 
à  fait  de  l'Eglise. 

Finissons  le  chapitre  par  un  passage  de  la  première  lettre 
de  Montalembert  à  Loyson  ;  il  se  rapporte  à  l'appel  du  reli- 
gieux Carme  au  concile  :  «  Vous  en  appelez  au  concile,  et  vous 
ne  l'attendez  pas,  alors  que  deux  mois  à  peine  nous  séparent 
de  sa  réunion.  Mais  d'avance  vous  l'accusez,  vous  le  déclarez 
suspect,  et  avec  une  iniquité  par  trop  criante,  vous  lui 
imputez  de  n'être  pas  libre  dans  sa  préparation,  au  moment 
même  que  les  évêques  d'Allemagne  viennent  de  manifester  à 
la  fois  leur  souveraine  indépendance  et  leur  résolution  «  de 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXIV.  —  Cf.  C.  V.  1262  c. 

(2)  Cecconi  doc.  cit.Doc.  CCXXVI.  —  Cf.  C.  V.  1262  d. 

(3)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXXVIII.  -Cf.  C.  V.  1263  a.  1276  a. 

(4)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc  CCXXXVI.  -  Cf.  C.  V.  1276  a. 

[267-268] 


320  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

n'admettre  aucun  décret  incompatible  avec  la  civilisation  et 
la  science,  avec  la  légitime  liberté  des  peuples  et  les  besoins 
des  temps  actuels  »;  au  moment  où  vingt  symptômes  divers 
démontrent  que  ce  qui  a  tout  arrêté  jusqu'à  présent,  ce  n'est 
pas  la  pression  d'en  haut,  mais  la  mollesse  et  la  diplomatie 
malavisées  de  ceux  qui  avaient  le  droit  et  le  devoir  d'agir  et 
de  parler,  qui  allaient  enfin  se  réveiller  et  que  votre  chute  va 
peut-être  replonger  dans  une  inaction  et  une  prostration  dont 
vous,  mon  pauvre  ami,  vous  serez  responsable  devant  Dieu 
et  devant  les  hommes.  » 


[268] 


I 


CHAPITRE  IX. 

Le  manifeste  catholico-libéral  dans  le  Correspondant  du 
10  octobre.  —  La  déclaration  catholique  du  Français 
et  du  Correspondant. 

L'ouvrage  de  Mgr  Maret,  la  défection  du  P.  Hyacinthe 
avaient  profondément  ému  les  esprits  en  France.  Alors  parut 
le  10  octobre  dans  la  revue  catholico-libérale,  le  Correspon- 
dant, un  article  sur  le  concile  (i)  qui  rendit  une  force  nou- 
velle à  l'agitation.  Il  était  écrit  avec  beaucoup  d'esprit  ;  le 
style,  le  plan,  révélaient  un  travail  soigné  et  approfondi. 
Louis  Veuillot  l'appelle  «  l'œuvre  d'une  plume  habile,  d'une 
science  inexacte  et  d'une  conscience  passionnée  »  (2).  La 
forme  et  les  expressions  ne  respirent  que  dévouement  pour 
l'Eglise  ;  le  fond  trahit  l'indigence  du  catholicisme  libéral  et 
a  une  grande  affinité  avec  les  idées  mises  en  circulation  en 
un  langage  plus  grossier  par  la  littérature  allemande  de 
Janus.  Ses  adversaires  catholiques  l'appelèrent  un  manifeste 
des  catholiques  libéraux  de  France. 

Au  début,  l'auteur  parle  avec  enthousiasme  du  concile  qui 
va  s'ouvrir  dans  deux  mois.  Puis,  passant  à  son  sujet  :  «  De 
la  hauteur,  dit-il,  où  ces  considérations  (sur  l'antiquité  et  la 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CLXVIII.  —  Cf.  G.  V.  1199  a.  —L'article  a  paru  aussi 
en  brochure  :  Le  Concile.  Extrait  du  Correspondant  du  10  octobre  18G9;  Paris,  1869. 
—  Nous  citons  d'après  cette  brochure. 

(2)  L'Univers,  31  octobre  1869. 

[269] 


322 


HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 


jeunesse  toujours  nouvelle  de  l'Eglise)  nous  élèvent,  et  de  la 
pleine  satisfaction  dont  elles  comblent  notre  foi  et  nos  espé- 
rances, il  nous  est  pénible,  on  le  conçoit,//  de  descendre  jus- 
qu'aux bruits  vulgaires,  dont  la  prochaine  réunion  du  concile 
alimente  autour  de  nous  la  presse  quotidienne,  et  jusqu'aux 
craintes  que  ces  bruits  font  naître  dans  certains  esprits.  » 
Pourtant  c'est  notre  devoir.  «  Ce  qu'on  dit,  ce  qu'on  pense 
autour  de  nous  du  concile,  ce  qu'on  en  redoute  et  ce  qu'on  en 
espère,  c'est  de  tout  cela  cependant  que  nous  avons  le 
devoir  d'entretenir  nos  lecteurs,  et  c'est  notre  obligation 
aussi  de  leur  faire  connaître  sur  tous  ces  sujets,  avec  la 
réserve  que  leur  nature  comporte,  notre  pensée  tout 
entière  (i).  » 

La  crainte  que  quelques-uns  expriment  est  double.  «  Ils 
supposent  que  la  réunion  du  concile  a  eu  pour  but  et  doit 
avoir  pour  effet  de  concentrer  toute  l'autorité  de  l'Eglise  sur 
la  tête  du  souverain  pontife.  Ils  craignent  que,  de  monarchie 
tempérée  et  partagée  (telle  qu'elle  leur  est  apparue  jusqu'ici), 
l'Eglise  ne  sorte  du  prochain  concile  transformée  en  une 
monarchie  absolue  et  gouvernée  sans  contrôle  par  un  chef 
unique.  Ils  supposent  également  que  des  décisions  sont  pré- 
parées par  le  concile  et  seront  adojDtées  par  lui,  portant  une 
condamnation  dogmatique  et  absolue  sur  certains  principes 
mi-partie  politiques  et  religieux  qui  figurent  dans  la  plupart 
des  constitutions  modernes  :  et  ils  craignent  que  l'effet  de 
ces  décisions  ne  soit  de  placer  dans  les  pays  que  de  telles 
institutions  régissent  l'Eglise  en  hostilité  ouverte  avec  la 
société  civile,  et  les  catholiques  dans  la  douloureuse  alterna- 
tive d'avoir  à  choisir  entre  l'obéissance  aux  prescriptions 
de  leur  Eglise  et  l'attachement  qu'ils  doivent  aux  lois  de  leur 
patrie  (2).  » 


(1)  Le  Concile,  p.  17  s. 

(2)  Ibid.,p.  18s. 


[269-270] 


LE    MANIFESTE    DU         CORRESPONDANT    ,,  323 

Personne,  poursuit  l'auteur,  ne  peut  savoir  maintenant  ce 
que  le  Saint-Père  a  résolu  de  proposer  aux  méditations  du 
concile.  Le  secret  le  plus  absolu  a  été  observé  à  cet  égard 
même  envers  les  évêques.  Il  est  à  remarquer  en  particulier 
que,  des  deux  points  que  nous  venons  d'indiquer,  des  rap- 
ports du  pape  avec  l'Eglise  et  de  l'Eglise  avec  la  société  civile, 
aucune  mention  n'est  faite  dans  la  bulle  qui  a  convoqué  le 
concile.  Il  n'y  a  donc  que  des  prévisions  en  l'air,  dont  on  se 
fait  sujets  de  crainte.  Quant  à  nous,  notre  parti  est  pris  de 
nous  abstenir  de  ces  spéculations  téméraires.  Nous  voulons 
pourtant  expliquer  par  quels  motifs  celles  qu'on  nous  soumet 
nous  paraissent  dénuées  de  toute  vraisemblance  (i). 

«  Commentpourrions-nous  craindre,  en  premier  lieu,  que  la 
réunion  solennelle  de  tous  les  représentants  de  l'Eglise  soit 
destinée  et  doive  aboutir  à  ranger  ces  représentants  eux- 
mêmes  dans  un  état  de  dépendance  exagérée  sous  la  main 
d'un  chef  unique?  )>  Les  états  généraux  de  l'Eglise  iraient-ils 
jusqu'à  créer  dans  son  sein  une  monarchie  despotique  qui 
n'y  a  jamais  existé?  «  Ce  n'est  ni  l'usage,  ni  le  penchant 
naturel  des  grandes  assemblées  de  consommer  elles-mêmes 
leur  propre  abdication  (2).  » 

Si  maintenant  des  deux  autorités  de  l'Eglise  nous  envisa- 
geons celle  qui  est  dogmatique,  de  laquelle  dépend  la  décision 
infaillible  des  questions  de  la  foi  et  de  la  morale,  comment 
peut-on  craindre  que  cette  autorité  soit  attribuée  au  pape 
seul  et  que,  en  tranchant  l'ancienne  controverse,  on  défi- 
nisse dogmatiquement  l'infaillibilité  du  chef  de  l'Eglise  (3)? 
L'auteur  manifeste  la  répugnance  qu'il  éprouve  à  traiter,  lui 
laïque,  un  pareil  sujet.  Le  Correspondant  s'est  toujours 
contenté  de  défendre  la  foi,  non  de  la  commenter  ou  de  la 
définir.  «  Xous  ne  nous  départirons  pas  de  cette  attitude,  à  la 

(1)  Loc.  cit.,  p.  20. 

(2)  Ibid.,p.  23  s. 

(3)  Ibid.,  p.  24. 

[270-271] 


324  HISTOIRE  DU    CONCILE    DU    VATICAN 

veille  d'un  concile,  pour  entreprendre  de  dicter  des  leçons, 
pas  plus  dans  un  sens  que  dans  l'autre,  à  ceux  de  qui  nous 
attendons  la  lumière  (i).  »  Ensuite  il  confesse  sa  foi  en  l'in- 
faillibilité du  concile' uni  au  pape  et  il  s'écrie  :  «  De  quoi 
donc,  gens  de  peu  de  foi,  irions-nous  nous  alarmer?  Com- 
ment croire  qu'une  assemblée  véritablement  œcuménique, 
sur  laquelle  ne  pèse  aucune  pression,  dont  n'est  exclu  aucun 
membre  légitime,  sera  assez  abandonnée  de  l'Esprit- Saint 
pour  se  dépouiller  elle-même  sans  motif,  au  profit  d'un  autre 
pouvoir,  de  ce  qu'il  y  aurait  d'essentiel,  d'exclusif  et  de  divin 
dans  ses  prérogatives?  Supposer  cbez  une  assemblée  pure- 
ment humaine  un  renoncement  irréfléchi  de  cette  nature,  ce 
serait  déjà  une  absurde  hypothèse;  mais  appliquée  à  une 
assemblée  infaillible,  la  supposition  est  presque  sacrilège  ; 
car  c'est  admettre  que  l'Esprit-Saint  prendrait  plaisir  à  nous 
égarer  sur  le  choix  de  ses  interprètes  (2).  » 

L'auteur  continue  en  parlant  de  l'unanimité  morale  requise 
pour  les  décisions  conciliaires  et  de  l'impossibilité  de  définir 
un  dogme  par  acclamation.  Il  rappelle  qu'une  définition 
dogmatique  a  une  force  rétroactive  ://  par  suite,  la  définition 
de  l'infaillibilité  du  pape  établirait  l'infaillibilité  de  toutes 
les  décisions  émanées  des  souverains  pontifes  dans  le  passé, 
dès  qu'on  pourrait  y  découvrir  le  caractère  de  déclaration 
ex  cathedra.  Et  pour  prouver  qu'il  est  impossible  que  les 
décisions  des  papes  de  tous  les  temps  puissent  être  considé- 
rées comme  infaillibles,  il  en  cite  plusieurs,  en  particulier 
celles  dans  lesquelles  il  s'agit  de  l'autorité  du  pape  sur  les 
royaumes  temporels  (3). 

Et,  pour  conclure,  le  fait  de  cette  convocation  au  concile 
adressée  par  Pie  IX  à  ses  frères  dans  l'épiscopat  n'est-il  pas 
précisément  un  indice  qu'il  ne   songe  pas  à  s'attribuer  le 


(1)  hoc  cî7.,p.  25. 

(2)  Ibid..  p.  27. 

(3)  Ibid..  p.  34 ss. 


[271-272] 


L  ARTICLE    DU      'CORRESPONDANT,,  325 

pouvoir  si  étendu  que  l'ancien  gallicanisme  déniait  au  pape? 
Car,  si  tel  était  son  but,  il  aurait  persisté  à  trancher  seul  les 
controverses  naissantes,  comme  l'avaient  fait  ses  prédéces- 
seurs, par  exemple,  à  propos  des  controverses  provoquées 
par  Molinos  et  Jansénius.  Puis,  l'univers  se  serait  l'ait  peu  à 
peu  à  l'idée  que  le  pape  seul  dans  l'Eglise  avait  le  pouvoir 
de  définir  (i).  Pour  que  la  puissance  suprême  soit  exercée 
par  ceux  à  qui  Dieu  l'a  confiée,  l'auteur  souhaite  enfin  que 
le  concile  reste  en  quelque  sorte  permanent  (2)  :  pour  cela, 
les  évêques  prendraient  à  l'avenir  une  part  constante  et  fixe 
au  gouvernement  de  l'Eglise  universelle  ;  le  mode  en  serait  à 
déterminer  dans  le  détail  par  le  concile  du  Vatican;  le  pape 
ne  gouvernerait  plus  seul  avec  l'aide  de  congrégations 
presque  uniquement  composées  d'Italiens.  «  Que  la  papauté 
cesse  donc  d'être  exclusivement  italienne  pour  redevenir, 
par  son  union  intime  avec  l'épiscopat,  non  seulement  euro- 
péenne, mais  universelle  et  vraiment  humaine  (3).  » 

Il  n'est  pas  besoin  d'une  perspicacité  extraordinaire  pour 
reconnaître  l'étroite  parenté  de  l'article  du  Correspondant 
avec  les  brochures  allemandes  de  Janus.  L'un  et  l'autre 
s'inspirent  des  mêmes  désirs  et  des  mêmes  craintes  :  ils 
redoutent  de  voir  définies  au  concile  les  doctrines  de  l'auto- 
rité suprême  et  de  l'infaillibilité  du  souverain  pontife  et 
celles  du  Syllabus.  Tous  les  deux  se  posent  en  adversaires 
de  ces  doctrines  et  travaillent  contre  leur  définition.  Assu- 
rément leur  procédé  est  bien  différent.//  Pour  Janus,  le  vœu 
exprimé  dans  une  correspondance  française  de  la  Civilta 
en  faveur  de  la  définition,  rend  indubitable  que  le  pape  a  en 
vue  cette  définition  :  là-dessus,  il  s'emporte  grossièrement 
contre  le  pape  et  tous  ceux  qu'il  croit  nourrir  de  pareils  des- 


(i)  Ibid.  p.38ss. 

(2)  Cf.  Le  Correspondant,  25  nov.  1869.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXXIV. 
Cf.  C.  F.1285dsq. 

(3)  Le  Concile,  etc.,  p.  46  ss. 

[272-273] 


326  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

seins;  il  attaque,  ou  ne  peut  plus  vivement,  les  doctrines 
dont  la  définition,  d'après  lui,  est  en  perspective;  tout  cela, 
dans  le  but  ouvertement  déclaré  de  former  un  courant 
d'opinion  contre  ces  doctrines,  et  par  là,  d'empêcher  leur 
définition.  L'écrivain  français  obéit  aux  mêmes  désirs  ou 
aux  mêmes  craintes  ;  mais  il  agit  comme  s'il  n'en  était 
aucunement  ému  et  cherche  à  montrer  cpie  de  telles  craintes 
sont  absolument  dénuées  de  fondement  et  que  le  pape  est  on 
ne  peut  plus  éloigné  de  la  pensée  de  définir  ces  doctrines 
au  concile.  Aussi  ne  cesse-t-il  d'exprimer  sa  vénération 
pour  Eome  et  de  témoigner  dans  ses  paroles  le  plus  entier 
dévouement  à  l'Eglise,  au  pape,  au  concile.  Mais,  malgré  ces 
contrastes  et  cette  diversité  dans  la  forme,  les  deux 
ouvrages,  français  et  allemand,  sont  parfaitement  d'accord 
sur  le  fond  et  tendent  à  provoquer  le  même  effet.  Tout 
comme  Janus,  avec  une  entière  assurance,  l'écrivain  fran- 
çais conteste  au  pape  cette  autorité,  que  les  Gallicans  appel- 
lent ultramontaine,  et  lui  dénie  l'infaillibilité  pontificale. 
Lui  aussi  apporte  contre  cette  autorité,  contre  ce  privilège, 
les  raisons  avec  lesquelles  on  les  combat  d'ordinaire;  son 
intention  n'est  pas,  prétend-il,  de  combattre  ces  doctrines, 
mais  simplement  de  montrer  qu'il  ne  faut  pas  s'attendre  à 
leur  définition  et,  par  suite,  d'affranchir  les  esprits  inquiets 
de  toute  crainte  vis-à-vis  du  concile.  Il  va  sans  dire  que, 
malgré  cela,  le  résultat  devait  être  le  même  que  pour  l'écrit 
de  Janus  :  susciter  des  préventions  contre  ces  doctrines, 
mettre  des  obstacles  à  leur  définition  par  le  concile.  Aussi, 
bien  que  la  brochure  française  professe  l'infaillibilité  du 
concile  général,  toute  sa  manière  de  traiter  la  question  pré- 
sente inspire  des  doutes  sur  la  sincérité  de  ses  paroles  ;  il 
semble  qu'en  insistant  sur  la  nécessité  de  la  liberté  du 
concile,  de  l'unanimité  dans  ses  décisions,  elle  veuille  se 
ménager  une  porte  de  sortie,  pour  échapper  à  une  définition 
éventuelle  qu'elle  redoute  en  dépit  de  toutes  ses  protestations. 

[273] 


POLEMIQUE    AUTOUR   DE    L  ARTICLE  327 

L'article  fut  beaucoup  attaqué  en  France  comme  ouverte- 
ment hostile  à  l'Eglise;  il  fut  qualifié,  comme  on  l'a  déjà 
remarqué,  de  manifeste  du  parti  libéral.//  Mgr  Pie,  évêque  de 
Poitiers,  en  déplora  très  vivement  l'apparition  dans  les 
adieux  qu'il  fit  à  son  clergé  à  l'occasion  de  son  départ  pour 
Rome  (i).  La  Semaine  religieuse  du  diocèse  de  Cambrai 
s'éleva  énergiquement  contre  lui  :  «  Le  Correspondant,  ainsi 
terminait-elle  son  article,  s'engage  témérairement  dans  une 
voie  bien  dangereuse,  et  nous  considérons  comme  un  devoir 
d'avertir  ceux  qui  nous  entourent,  surtout  notre  jeunesse. 
Prenons  garde  d'échanger  contre  le  drapeau  d'une  école  ou 
l'un  parti  le  glorieux  drapeau  de  l'Eglise  catholique. Quelques 
services  qu'aient  pu  rendre  des  laïques  illustres,  ils  ne  sont 
dans  l'armée  de  Dieu  que  des  soldats.  Ils  trahissent,  s'ils 
veulent  conduire.  Nous  n'avons  pour  chefs  que  nos  Pasteurs, 
guidés  eux-mêmes  par  le  Prince  des  Pasteurs.  Au  Vicaire  de 
Jésus-Christ  il  appartient  de  marcher  à  notre  tête  :  la  gloire 
ne  lui  fait  pas  défaut,  sa  sainteté  rayonne  à  tous  les  yeux; 
mais  surtout  il  a  mission  de  Dieu  :  c'est  à  lui  que  Jésus- 
Christ  a  commis  le  soin  de  faire  paître  et  les  brebis  et  les 
agneaux  (2).  » 

Dans  l'UxrvERS  (3),  L.  Veuillot  consacre  un  article  à  celui 
du  Correspondant.  11  réclame  le  nom  de  l'auteur.  L'article 
n'est,  croit-il,  ni  du  Père  Douhaire,  secrétaire  de  la  rédac- 
tion, qui  l'a  signé,  ni  de  quelque  autre  membre  de  la  rédac- 
tion. Tout  le  talent,  toute  l'importance  du  Correspondant, 
dit-il,  est  due  à  MM.  de  Montalembert,  de  Falloux,  Albert  de 
Broglie,  Th.  Foisset,  Louis  de  Carné,  Augustin  Cochin  et 
aux  oratoriens  Perraud  et  Largent  ;  pourtant  Veuillot  sou- 
tient qu'aucun  de  ces  écrivains  n'est  suffisamment  avancé 
pour  composer  un  pareil  article.  Douhaire  répondit  au  nom 


(1)  C.  7.1276  a  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CGXLVI. 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLIV.  —  Cf.  C.  V.  1280,  c,  d. 

(3)  31  octobre.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLV.  —   Ci.  C.  V.  1280  d. 

[274] 


328  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 


de  la  rédaction  (i),  mais  sans  donner  lev  nom  de  l'auteur;  il 
se  plaignit  surtout  de  ce  que  Veuillot  eût  prêté  à  l'article  des 
doctrines  qu'il  ne  contenait  pas;  de  son  côté,  Veuillot  con- 
testa la  chose  dans  un  nouvel  article  (2). 

En  France,  on  mettait  le  nom  de  M-1'  Dupanloup,  évêque 
d'Orléans,  au  bas  de  l'article  du  Correspondant;  de  même 
pour  l'article  du  Français,  dont  nous  avons  parlé  plus 
liant  (3).  Cette  fois,  le  bruit  était  plus  sérieux.  «  Le  lecteur 
attentif,  //  dit  l'abbé  Victor  Pelletier,  chanoine  de  la  cathé- 
drale d'Orléans,  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître  une  sorte 
de  parenté  entre  ce  travail  et  les  écrits  de  Msr  Dupanloup. 
Mêmes  idées,  mêmes  raisonnements,  mêmes  expressions, 
mêmes  périodes,  mêmes  tableaux  ;  la  ressemblance  est 
frappante,  surtout  dans  le  paragraphe  II.  Ceux  qui  sont  au 
courant  des  choses  affirment  que  le  manifeste,  s'il  n'est  pas 
précisément  l'œuvre  de  l'évêque  d'Orléans,  a  reçu  néanmoins 
son  attache  et  qu'il  n'a  été  lancé  que  de  son  consentement 
formel.  Xous  n'en  dirons  pas  davantage,  pour  ne  pas  allonger 
outre  mesure  la  présente  étude  »  (4). 

L'abbé  Maynard  déclare,  avec  une  parfaite  assurance, 
comme  une  chose  connue  de  tout  le  monde  à  son  époque,  que 
«  l'article  a  été  écrit  dans  le  cabinet  de  l'évêque  d'Orléans, 
en  présence  de  tous  les  chefs  de  l'Eglise  libérale  réunis  en 
consultation,  l'évêque  décidant  et  dictant,  et  M.  de  Broglie 
tenant  la  plume  »  (5). 

Il  est  difficile  que  Mgr  Dupanloup  ait  approuvé  toutes  les 
phrases  de  l'article.  Mais  ce  que  nous  dirons,  dans  le  chapitre 
suivant,  sur  la  position  prise  par  lui  dans  la  controverse  qui 
nous  occupe  ne  prouve  que  trop  clairement  qu'il  approuvait 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLIV.  —  Cf,  C.  V.  1280  d. 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLVII.  —  Cf.  C.  V.  1281  a. 

(3)  Cf.  supra  p.  203  s. 

(4)  M*  Dupanloup,  Épisode  de  l'histoire  contemp.,  1845-1875,  Paris,  1876,  p.  88. 

(5)  M'r  Dupanloup  et  M.  Lagrange,  son  historien.  (Paris  1884)  p.  197. 


[274-275] 


L  ARTICLE   DU        CORRESPONDANT  ,,  329 

les  idées  directrices  de  l'article  et  que  sa  publication  devait 
répondre  à  ses  vœux  les  plus  intimes.  On  est  surpris  de  voir 
le  biographe  et  le  panégyriste  de  M>'r  Dupanloup  passer  sous 
silence  la  question  du  nom  de  l'auteur,  quand  il  approuve,  ce 
semble,  la  publication  de  l'article  (i). 

L'auteur  de  l'article  se  retranche  derrière  le  devoir  qu'il 
proclame  de  se  soumettre  aux  décisions  du  prochain  concile. 
On  aime  à  rapprocher  de  ces  paroles  un  passage  du 
Français  (2),  journal  de  môme  esprit  ;  on  y  trouve  clairement 
exprimée  déjà  la  soumission  aux  décrets  conciliaires.  Il  fait 
partie  d'un  article  signé  de  G.  Allard,  secrétaire  de  la  rédac- 
tion ;  le  voici  :  ce  Est-ce  donc  que  le  Français  prétend  prendre 
parti  sur  le  fond  du  débat?  Veut-il,  s'impro visant  théologien 
à  son  tour,  se  prononcer  sur  l'opportunité  de  telle  définition 
et  sur  la  vérité  de  tel  dogme  ?  Non  ;  nous  nous  gardons  bien 
de  proposer  et  surtout  d'imposer  un  programme  au  concile.  // 
Nous  attendons,  respectueux  et  soumis,  ses  décisions.  Nous 
éprouvons  une  sainte  joie  à  promettre  une  obéissance  pleine 
d'amour  à  toutes  ses  prescriptions,  une  foi  pleine  de  sécurité 
à  toutes  ses  définitions.  Nous  sommes  absolument  rassurés 
sur  la  sage  prudence  avec  laquelle  l'Eglise,  conformément  à 
ses  traditions  constantes,  pèsera  les  questions  d'opportunité, 
sur  la  lenteur  préméditée  avec  laquelle  elle  examinera  toutes 
les  faces  du  problème.  Xous  avons  vu  quels  ont  été  toujours 
les  ménagements  infinis  de  sa  sollicitude  maternelle  pour  les 
âmes.  Confiants  dans  la  parole  du  Christ,  nous  attendons  les 
lumières  surnaturelles  qui  éclairent  la  sainte  Assemblée.  Nous 
savons  surtout  que  ses  définitions, quelles  qu'elles  soient,  appa- 
raîtront avec  cet  éclat  lumineux,  mais  doux  et  serein,  de  la 
vérité  divine,  éclat  que  les  aveugles  seuls  ne  voient  pas,  et 
qui  ne  pourrait  blesser  que  les  yeux  déjà  malades.  » 


(1)  M.  l'abbé  F.  Lagrange.  Vie  de  M«r  Dupanloup,  III,  i37. 

(2)  5  novembre  1869.  —  Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GGL1X  —  Cf.  C.  V.  1281  a. 

[275-276] 


330  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Voilà  le  langage  d'une  foi  véritable  et  complète,  qui  seule 
est  conséquente  avec  elle-même  et  catholique;  il  confond  le 
libéralisme  boiteux,  qui  veut  être  catholique  mais  ne  veut 
pas  se  soumettre  à  l'autorité  doctrinale  de  l'Eglise. 

Dans  un  article  postérieur,  le  Correspondant  (i)  affirme 
de  même  sans  arrière-pensée  qu'il  acceptera  la  décision  de 
l'Eglise  sur  la  question  de  l'infaillibilité  du  pape,  quelle 
qu'elle  soit,  avec  un  respect  et  une  soumission  sans 
réserves.  (2)  // 


(1)  25  novembre  1869.  -  Ceccoxi,  toc.  cit.  Doc.  CCLXXXIV.  —  C.  V.  1285  d.  sq. 

(2)  Le  Correspondant .. .  a  déclaré...  sa  résolution  absolue  —  qui  n'avait  pas 
même  besoin  d'être  mentionnée  —  d'accepter  avec  un  respect  et  une  soumission 
sans  réserves,  la  décision,  quelle  qu'elle  lut,  sur  ce  point,  comme  sur  tous  les 
autres,  du  tutur  Concile.  » 

[276 


CHAPITRE   X. 

Mgr  Dupanloup,  éuèque   d'Orléans, 
et  l'agitation  préconciliaire. 

Le  prélat  qui,  depuis  le  milieu  du  XIXe  siècle,  occupait  le 
siège  d'Orléans,  jouissait  d'une  situation  prépondérante 
parmi  les  évoques  français.  D'extraordinaires  qualités 
d'intelligence,  un  savoir  singulièrement  profond  n'étaient 
pas  seules  la  raison  de  cette  prééminence;  sans  doute 
MgI  Dupanloup  possédait  une  éloquence  supérieure  à  la 
commune  mesure,  une  plume  habile,  avec  cela  une  riche 
expérience  et  la  connaissance  exacte  du  cœur  humain;  mais 
ce  qui  dominait  en  lui  et  le  caractérisait,  c'était  l'activité 
sans  relâche  ni  repos  qui  l'animait.  Pour  son  zèle, les  limites 
de  son  diocèse  étaient  trop  étroites.  Orateur,  en  chaire  et 
dans  les  assemblées  profanes,  écrivain  intéressant,  fonda- 
teur, inspirateur  et  rédacteur  de  journaux,  conseiller  et  ami 
des  personnes  les  plus  considérables  et  les  plus  influentes,  il 
étendait  son  action  sur  la  France  entière  et  même  sur  les 
pays  voisins.  //  H  fut  souvent  en  relation  intime  avec  les 
chefs  qui,  de  son  temps,  menèrent  le  combat  sur  le  terrain 
religieux  et  politique.  Aucune  question  religieuse  ou  ecclé- 
siastique ne  fut  soulevée  à  laquelle  il  n'ait  ardemment  pris 
part.  Dans  plus  d'une  lutte,  celle  pour  la  liberté  d'enseigne- 
ment en  France,  pour  l'indépendance  du  pouvoir  temporel, 

[277-278] 


332  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

par  exemple,  ses  grands  services  firent  honorer  son  nom  par 
les  catholiques  de  tonte  l'Europe  et  lui  valurent  à  diverses 
reprises  des  témoignages  flatteurs  de  la  reconnaissance 
pontificale. 

Xéanmoins,  il  n'obtenait  pas  partout  une  adhésion  sans 
réserve  à  ses  idées  et  à  ses  efforts.  Il  avait  des  adversaires 
parmi  les  laïques  aussi  bien  que  dans  le  haut  et  le  bas  clergé. 
Entre  Mgr  Dupanloup,  d'une  part,  et  Louis  Veuillot,  rédac- 
teur de  I'Univers,  assisté  des  amis  de  son  journal,  de  l'autre, 
l'opposition  en  était  arrivée  à  la  phase  la  plus  aiguë  :  l' évêque 
ne  s'était  proposé  rien  moins  que  de  faire  disparaître  cette 
feuille. 

Si  les  vues  et  les  œuvres  de  l'éveque  d'Orléans,  de  son 
vivant  même,  trouvèrent  dans  le  public  un  accueil  si  diffé- 
rent, elles  ont  suscité,  après  sa  mort,  de  vives  controverses. 
A  peine  un  ami  enthousiaste  (i)  avait-il  achevé  sa  biographie, 
qu'un  contradicteur  (2)  se  présentait.  La  publicité  des  débats 
sur  Mgr  Dupanloup,  son  activité  et  son  caractère,  nous 
donne  la  plus  grande  liberté  pour  juger  un  homme  honoré  du 
caractère  épiscopal  et  qui,  en  plus  d'une  manière,  a  bien 
mérité  de  l'Eglise.  Quand  son  attitude  au  concile  ne  nous 
paraîtra  pas  irréprochable,  nous  exprimerons  sans  détours 
nos  critiques. 

Son  activité  sans  trêve  ni  repos  mettait  donc  toujours  en 
avant  l'évoque  d'Orléans  (3).  Pour  peu  qu'une  question  eût 
rapport  à  sa  situation   dans  le   monde,   il   s'y  mêlait  avec 


(1)  F.  Lagrange,  chanoine  de  Notre  Dame  de  Paris,  vicaire  général  d'Orléans, 
Vie  de  M^  Dupanloup,  Évêque  d'Orléans.  Paris  1884. 

(2)  U.  Maynard,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Poitiers,  Msr  Dupanloup  et 
M.  Lagrange,  son  historien.  Paris  1884. 

(3)  Émilb  Ollivier  (L'Eglise  et  l'Etat,  etc  ,  I,  442)  commence  ainsi  un  petit  por- 
trait de  Mer  Dupanloup  :  «  Bossuet,  ayant  été  surpris  au  fond  de  son  jardin  par 
un  orage,  tandis  que  ses  abbés,  la  soutane  retroussée,  gagnaient  un  abri,  n'accé- 
léra pas  le  mouvement  majestueux  de  son  pas.  «  Mais  Monseigneur, lui  cria-t-on, 
vous  vous  mouillez!  »  — «  Un  évêque,  répondit  Bossuet,  ne  court  jamais.» 
M5rDupanloup  n'est  pas  ainsi  ;  il  court  toujours  vers  quelque  chose  ou  contre 
quelqu'un.  » 

[278] 


M-1    DUPANLOUP  333 

ardeur  :  on  eut  été  / /  surpris  de  ne  pas  le  voir  entrer  en  lice 
dans  les  luttes  occasionnées  par  le  concile.  De  quel  côté  se 
rangerait-il? 

Dans  sa  jeunesse,  le  prélat  avait  défendu  la  doctrine  de 
l'infaillibilité  pontificale.  Pendant  un  séjour  à  Rome  —  c'était 
avant  son  élévation  à  l'épiscopat  —  le  grade  de  docteur  en 
théologie  lui  avait  été  offert  ;  il  refusa  et  voulut  le  conquérir 
en  passant  un  examen.  Il  demanda  qu'on  lui  accordât  une 
soutenance  à  la  Sapience.  La  matière  qu'il  choisit  fut  la 
doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale  et  sa  victorieuse  défense 
de  ce  privilège  lui  valut  le  titre  de  docteur  (i). 

Au  temps  de  la  préparation  du  concile,  M81"  Dupanloup 
passait  pour  un  tenant  des  opinions  catholiques  libérales.  Le 
cercle  de  ses  amis  intimes,  sa  radicale  opposition  au  groupe 
de  I'Univers  et  ses  relations  étroites  avec  les  publications 
libérales,  le  journal  le  Français  et  la  revue  le  Corres- 
pondant, pouvaient,  de  fait,  valoir  comme  preuves  de  son 
dévouement  à  ces  idées.  Déjà,  il  avait  cherché  à  provoquer 
un  accord  de  l'épiscopat  contre  la  définition  de  l'infaillibilité 
papale  (2),  alors  que,  seuls,  les  cardinaux  romains  et  quel- 
ques évèques  —  dont  il  était,  — invités  par  le  pape  à  exprimer 
leur  avis  sur  les  matières  à  débattre  au  concile,  (3)  avaient  été 
mis  au  courant  du  projet  de  convocation.  Quand  commença 
à  se  produire  l'agitation  anticonciliaire,  il  y  prit  part  sous 
le  couvert  de  l'anonyme.  Les  deux  articles  (4)  du  Français 
et  du  Correspondant  dont  nous  avons  déjà  parlé  sont 
indubitablement  de  la  plume  ou  de  l'inspiration  de 
M-1'  Dupanloup  :  seuls  ses  amis  intimes  savaient  dans  quelle 
mesure  il  en  était  l'auteur. 


(1)  Lagrange,  loc.  cit.  I,  279  sq.  —  Victor  Pelletier,  W  Dupanloup,  Episode  de 
l'histoire  contemporaine,  1845-75.  Paris  1876. 

(2)  PfulfS.  J.,  M"  v.  Ketteler,  III,  3  sq. 

(3)  Voir  plus  haut,  p.  39. 

(4)  Id.  204sq,328sq. 

[279] 


334  HISTOIRE    DU    COXCILE    DU    VATICAN 

Les  relations  du  prélat  avec  les  écrivains  Allemands  hos- 
tiles à  l'Eglise  jettent  sur  lui  une  ombre  défavorable.  Il  entre- 
tenait depuis  quelques  années  une  correspondance  épistolaire 
avec  Doellinger.  Avant  1869,  les  relations  amicales  d'un 
évêque  avec  le  célèbre  historien  n'avaient  rien  qui  pût  paraître 
inconvenant,  mais  nous  le  trouvons  encore  en  termes  très 
amicaux  avec  lui,  pendant  l'été  de  cette  même  année,  quand 
Doellinger  avait  déjà  lancé  les  lettres  de  I'Allgemeixe 
Zeitung  et  l'écrit  de  Jaxus  //.  L'évèque  fit,  en  automne  1869, 
un  voyage  en  Allemagne  et  eut  avec  Doellinger,  le  9  septembre, 
une  entrevue  à  Herrnsheim,  près  de  Worms.  Lord  Acton, 
l'élève  et  plus  tard  le  compagnon  d'armes  de  Doellinger,  y 
assistait  (1).  Mgr  Dupanloup  tâcha  de  décider  Doellinger  à  se 
rendre  à  Rome,  au  moment  du  concile.  Plus  tard  encore  il 
mit  tout  en  mouvement  pour  réaliser  son  désir.  Le  17  octobre 
il  priait  le  cardinal  de  Prague  Schwarzenberg,  d'emmener  à 
Rome  Doellinger.  Le  cardinal  répondit  le  28  octobre  que 
c'était  impossible.  Il  y  aurait  de  sa  part  quelque  ostentation 
à  le  faire  et  d'ailleurs  il  n'était  pas  d'accord  avec  Doellinger 
sur  un  certain  nombre  de  points  (2).  C'est  alors  par  le  comte 


(1)  Le  biographe  et  le  panégyriste  de  Mfr  Dupanloup,  Lagram;;-:  [Joc.  cit.,  III. 
131  sqjnous  raconteque  l'évèque  se  rencontra  à  Herrnscheim  avec  Doellinger  «  le 
savant  professeur  que  l'Allemagne  catholique  entourait  alors  de  fous  ses  res- 
pects».Il  s'étonne  que  cette  entrevue  ait  été  défavorablement  jugée.U  pense  qu'on 
auraitpu  aussi  bien  blàmerles  relations  de  ÎNP'Dupanloup  aveeM*"  Dechamps, 
Ketteler,  Mermillod,  etc.  Lagrange  semble  avoir  ignoré  qu'à  ce  moment 
Doellinger  était  déjà  universellement  connu  comme  auteur  d'écrits  diffama- 
toires sur  l'Eglise  et  le  pape,  comme  l'âme  et  le  meneur  des  mouvements  révo- 
lutionnaires dirigés  contre  l'Eglise  et  le  Concile.  Voir  un  évêque  en  relations 
amicales  avec  lui  devait  attrister  les  catholiques.  M"  Dupanloup,  la  chose  est 
certaine,  connaissait  les  tentatives  de  Doellinger.  Doellinger  n'a-t-il  pas  répété 
de  vive  voix  à  Herrnscheim  les  idées  qu'exposaient  ses  écrits?  Quel  était  en 
définitive  le  but  de  la  rencontre?  «  Les  insinuations  nuageuses  et  malveillantes 
doivent  s'évanouir  devant  l'histoire,  dit  Lagrange.  »  Nous  craignons  que  les 
mauvais  soupçons  sur  l'entrevue  de  l'évèque  avec  Doellinger  n'apparaissent  à  la 
lumière  de  l'histoire  que  trop  justifiés. 

(2)  Les  deux  lettres  sont  aux  archives.  Plus  tard,  Schwarzenberg  demanda 
encore  une  fois  à  Doellinger  s'il  irait  à  Rome, au  cas  où  Rome  même  l'inviterait, 
(Cf.  Friedrich,  Ign.  v.  Doellinger,  III,  493.) 

[279-280J 


M"1'   DUPANLOUP    AVANT   LE    CONCILE  33S 

de  Montalembert  que  l'évèquc  essaie  de  décider  Doellinger 
au  voyage  de  Rome  (i)  //. 

Le  voyage  en  Allemagne  de  l'évêque  d'Orléans  avait 
pour  but,  croit-on,  d'influer  sur  les  décisions  des  évoques 
allemands  par  rapport  à  la  conduite  à  tenir  dans  le  concile. 
Il  adressa  aux  évoques  réunis  à  Fulda  un  écrit  où  il  exposait 
les  raisons  de  ne  point  définir  l'infaillibilité  pontificale  (2). 
Il  poussa  jusqu'à  Einsiedeln,  en  Suisse,  et  jusqu'à  la  capitale 
de  l'empire  autrichien. 

Une  anecdote  rapportée  par  Mgr  de  Ségur  nous  montre  que 
À[>'r  Dupanloup  avait  espéré  rencontrer  chez  le  cardinal 
Rauscher,  archevêque  de  Vienne,  des  sentiments  analogues 
aux  siens.  Désireux  de  voir  le  cardinal,  il  fut  par  erreur 
conduit  chez  le  nonce  apostolique.  Comme  il  ne  connaissait 
personnellement  aucun  des  deux  prélats  il  se  crut  devant 
l'archevêque  Rauscher  et  parla  librement  du  but  de  son 
voyage.  Le  nonce  le  laissa  s'enferrer  quelque  peu,  puis  il  lui 
dit  :  «  Pardon,  monseigneur,  je  vois  que  vous  vous  abusez. 
Je  suis  le  nonce  et  ce  n'est  pas  au  nonce  que  vous  aviez, 
je  suppose,  l'intention  de  parler  ainsi  »  (3). 

De  retour  dans  son  diocèse,  M81"  Dupanloup  ne  releva  pas 
encore  complètement  la  visière.  Le  4  novembre  seulement, 
il  commença  à  faire  connaître  publiquement  ses  idées.  Ce 
jour-là  on  devait,  à  Orléans,  célébrer  très  solennellement  la 


(1)  Cf.  la  leltre  de  Montalembert  à  Doellinger,  7  novembre,  dans  Pelletier, 
loc.  cit.\>.  91  sq.  «  ...Mais  avant  de  vous  remercier  de  votre  précieuse  lettre 
du  31,  je  veux  et  je  dois  m'acquitter  de  la  mission  que  m'impose  notre  grand  et 
cher  évêque  d'Orléans.  Il  me  demande  de  vous  écrire  en  son  nom  comme  au 
mien  pour  vous  supplier  de  vous  rendre  au  futur  concile,  si  on  vous  en  offre 
l'occasion...  Aucune  considération  ne  justifierait  à  mes  yeux  votre  absence  de 
ce  concile,  si  vous  avez  le  moyen  d'y  assister;  et  si,  comme  me  l'affirme 
M"  Dupanloup,  le  cardinal  de  Schwarzenberg  a  insisté  et  insiste  encore  auprès 
des  autorités  romaines  pour  que  vous  y  soyez  appelé,  aucun  obstacle  ne  doit 
vous  empêcher  de  vous  conformer  à  ce  désir...  Vous,  qui  êtes  incontestable- 
ment le  premier  homme  de  l'Eglise  d'Allemagne,  comment  pouvez-vous  décli- 
ner la  mission  de  la  défendre  et  de  la  représenter  dans  cette  crise  formidable?  » 

(2)  Lacrange,  loc.  cit.,  III,  130, 143.  Cf.  infra. 

(3)  Maynard, loc.  cit.,  p.  189  ss.  —  Pelletier,  loc.  cit.,  p.  91. 

[280-281] 


336  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

fête  de  Saint-Charles  Borromée,  patron  du  clergé  diocésain. 
Alors  se  trouvèrent  réunis,  dans  l'après-midi,  les  vicaires- 
généraux,  les  membres  du  chapitre  de  la  cathédrale,  les  prê- 
tres de  la  ville  et  plusieurs  autres  venus  de  près  ou  de  loin 
au  palais  épiscopal  pour  prendre  congé  de  leur  premier  pas- 
teur avant  son  départ  pour  le  concile.  Le  doyen  du  chapitre, 
l'abbé  Desbrosses,  prit,  au  dire  de  l'organe  officiel  du  dio- 
cèse (i),  la  parole  «  au  nom  de  tous  »  et  dans  son  discours 
exalta  la  lutte  que  1 evêque  soutenait  pour  le  Saint-Siège  et  les 
mérites  qu'elle  lui  avait  acquis,  spécialement  dans  la  défense 
du  pouvoir  temporel,  sans  lequel  Pie  IX  n'aurait  pu  convo- 
quer le  concile.  Il  parla  des  espérances  avec  lesquelles  on 
l'envisageait  et  de  la  bonne  volonté  du  clergé  d'Orléans  à  se 
soumettre  à  ses  décrets.  //  Puis  faisant  allusion  aux  inquié- 
tudes répandues  dans  les  âmes  par  les  imprudences  des  uns 
et  la  malveillance  des  autres,  il  exprima  sa  confiance  dans  la 
sagesse  du  vicaire  de  Jésus-Christ  et  des  évêques  et  en  parti- 
culier de  l'évêque  du  diocèse.  Dans  sa  réponse  (2),  l'évoque 
fit  entre  autres  ces  réflexions  :  «  Quant  aux  inquiétudes 
dont  vous  m'avez  parlé,  aux  initiatives  imprudentes,  intem- 
pestives, je  ne  tarderai  pas  à  vous  en  dire  ma  pensée.  »  Il  le 
fit  peu  de  jours  après  dans  une  lettre  au  clergé  de  son  diocèse. 
Citons  seulement  de  son  discours  d'adieu,  les  belles  paroles 
de  la  conclusion  :  «  Pour  moi,  messieurs,  je  vais  au  concile, 
appelé  par  le  chef  suprême  de  l'Eglise.  J'y  vais  comme  juge 
et  témoin  de  la  foi.  J'y  serai,  je  l'espère,  avec  l'aide  de  Xotre- 
Seigneur,  un  juge  libre,  attentif  et  ferme,  sans  aucun  respect 
humain;  un  témoin  vigilant  et  fidèle.  Et,  le  concile  achevé, 
quelles  qu'aient  été  ses  décisions,  conformes  ou  contraires  à 
mes  vœux  et  à  mes  votes,  je  reviendrai  soumis  à  tout,  sans 
le  moindre   effort,  soumis  de  bouche,  d'esprit  et  de   cœur, 


(1)  Annales  religieuses  du  diocèse  d'Orléans, b'  novembre  1869.  C.V.  1281  b  sqq. 
-Cecconi, loc.  cit.  Doc.  CGLXI. 

(2)  Ibid. 

[281-282] 


M"1'   DUPANLOUP    AVANT   LE    CONCILE  337 

docile  comme  la  plus  humble  brebis  du  troupeau.  Telle  est 
ma  foi,  messieurs,  telle  est  la  vôtre.  C'est  par  elle  que  nous 
vivons,  et  pour  elle,  au  besoin,  nous  saurions  mourir  »  (i). 

A  propos  des  «  inquiétudes  répandues  dans  les  âmes  »  il 
semble  que  le  doyen  Desbrosses  avait  été  plus  précis  que  ne 
le  rapportent  les  Annales  Religieuses.  L'allusion  que  fait 
Mgr  Dupanloup  à  ce  passage  dans  sa  lettre  ultérieure  au 
clergé  le  laisse  soupçonner.  Les  prêtres  présents  ne  furent 
pas  tous  satisfaits  du  langage  de  M.  Desbrosses.  Le  chanoine 
Pelletier  adressa  peu  après  à  I'Univers  une  lettre  (2)  où  il 
déclare  que  les  Annales  Religieuses  ont  dit  à  tort  que 
M.  Desbrosses  avait  parlé  au  nom  de  tous.  Le  clergé  n'avait 
pas  reçu  communication  de  son  discours  qui  exprimait  exclu- 
sivement les  pensées  de  l'auteur.  «  Plusieurs  d'entre  nous, 
dit-il,  ne  l'ont  point  entendu  sans  impatience  ;  et  n'eût  été 
la  crainte  du  scandale,  des  interruptions  eussent  éclaté  »  //. 

L'opinion  des  ecclésiastiques  du  diocèse  d'Orléans  n'était 
donc  pas  unanimement  favorable  à  la  direction  pour  laquelle 
s'était  déclaré  M.  Desbrosses  et  qui  passait  aussi  pour  celle- 
de  l'évèque.  Beaucoup  moindre  encore  fut  l'écho  qu'elle 
trouva  en  France,  comme  en  témoigne  la  lettre  déjà  citée 
de  Montalembert  à  Doellinger  (3). 

Avant  de  publier  sa  lettre  au  clergé,  l'évèque  adressa  une 
lettre  pastorale  à  ses  diocésains  (4).  Il  leur  faisait  ses  adieux 
en  termes  affectueux.  L'œuvre  de  l'Eglise  au  concile  sera 
une   œuvre  de  vérité  et  de  pais.  L'auguste  assemblée  ne 


(1)  Annales  religieuses  du  diocèse  d'Orléans,  6  novembre  1809.  C.  V.  1281  bsqq. 
—  Cecgoni,  Ioc.  cit.  Doc.  CGLXI. 

(2)  23  novembre.  —  Cecconi,  Ioc.  cit.  Doc.  CCLXXIII.  Cf.  C.  V.  1284  c. 

(3)  «  Vous  admirez  sans  cloute  beaucoup  l'évèque  d'Orléans,  mais  vous 
l'admireriez  bien  plus  encore  si  vous  pouviez  vous  figurer  l'abîme  d'idolâtrie 
où  est  tombé  le  clergé  français.  Cela  dépasse  tout  ce  qu'on  aurait  pu  s'imaginer 
aux  jours  de  ma  jeunesse...  De  tous  les  mystères  que  présente  en  si  grand 
nombre  l'histoire  de  l'Eglise,  je  n'en  connais  pas  qui  égale  ou  dépasse  cette 
transformation  si  prompte  et  si  complète  de  la  France  catholique  en  une  basse- 
cour  de  l'anti-camera  du  Vatican.  »  Dans  Pelletier,  Icc.  cit.,  p.  92. 

(4)  Cecconi,  Ioc.  cit.  Doc.  CCLXII.  —  Cf.  C.  V.  1282  c. 

[282-2831 


338  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

s'occupera  que  des  intérêts  du  salut  des  âmes.  Rappeler  aux 
hommes  les  grandes  vérités  éternelles,  rendre  s'il  se  peut  ces 
vérités  encore  plus  claires  et  plus  solides,  défendre  le  dépôt 
sacré  contre  toute  innovation,  contre  tout  amoindrissement; 
rechercher  les  meilleurs  moyens  de  faire  croire  effectivement 
ce  qui  doit  être  cru,  telle  est  la  mission  du  concile.  Les  Pères 
la  rempliront  par  la  charité  ;  c'est  la  charité  qui  préparera  les 
voies  à  la  vérité.  L'évêque  répète  encore  dans  cette  lettre 
pastorale, qu'  «  obéissant,  obéissant  j  usqu'à  la  mort,il  adhérera 
fidèlement  aux  décisions  du  chef  de  l'Eglise  et  du  concile,  de 
tout  son  cœur  et  de  toute  son  âme,  quelles  que  soient  ces 
décisions,  conformes  ou  contraires  à  sa  pensée  particulière... 
Que  vient-on  me  parler  ici  de  contrainte,  de  pression,  de 
manœuvres  humaines?  Xous  sommes  tous  des  hommes,  et, 
dans  ce  concile  comme  dans  tous  les  autres,  les  imperfections 
humaines  auront  leur  part.  Mais  notre  croyance  est  précisé- 
ment que  le  Saint-Esprit  dirige,  façonne,  consume  ces  imper- 
fections, et  les  tourne  au  service  de  la  vérité.  » 

Cette  lettre  pastorale  est  du  10  novembre.  La  lettre  au 
clergé  (i)  porte  la  date  du  n.  Pour  la  première  fois  l'évêque 
intervenait  publiquement  et  en  son  propre  nom  dans  //  la 
controverse  au  sujet  du  concile.  Il  exposa  ses  idées  en  termes 
tels  que  sa  lettre  fit  éclater  une  joie  bruyante  dans  les  rangs 
des  catholiques  libéraux  et  des  ennemis  de  l'Eglise  catholi- 
que, mais  remplit  de  la  plus  grande  affliction  les  catholiques 
qui  n'étaient  ni  gallicans  ni  libéraux. 

M-1  Dupanloup  s'explique  d'abord  sur  l'état  de  la  contro- 
verse, et  blâme  par-dessus  tout  la  très  grande  imprudence  de 
la  Civilta  Cattolica  et  de  I'Univers,  pour  avoir  ouvert  le 
débat  sur  des  sujets  qui  devaient  être  traités  au  concile. 
«  Ils  ont  annoncé  en  particulier  que  la  question  de  l'infailli- 


(1)  Observations  sur  la  controverse  soulevée  relativement  à  la  définition  de 
l'infaillibilité  au  prochain  concile.  —  Cecco.m,  loc.  cit.  Doc.  CGLXIII.  —  Cf.  C.  V. 
1282  d. 

[283-284] 


Mgr   DUPAXLOUP    AVANT   LE    CONCILE  339 

bilité  personnelle  du  pape  y  serait  définie,  bien  plus,  qu'elle 
serait  définie  par  acclamation .  »  Puis  il  résume  brièvement 
les  péripéties  de  la  lutte  suscitée,  selon  lui,  par  les  journaux 
dans  les  différents  pays  et  montre  combien  elle  est  déplora- 
ble. C'est  à  contre  cœur  qu'il  s'est  décidé  à  se  mêler  à  cette 
lutte.  S'il  le  fait  ce  n'est  pas  pour  augmenter  le  tumulte  ;  il 
veut  apporter  la  paix  et,  si  possible,  faire  évanouir  la  contro- 
verse. Il  ne  traitera  pas  de  l'infaillibilité  pontificale  en  elle- 
même,  mais  seulement  la  question  de  l'opportunité  d'une 
définition  de  cette  doctrine. 

Tout  d'abord,  il  cherche  à  montrer  qu'il  n'y  a  pas  de  raison 
de  la  définir.  Jamais  l'unité  de  l'Eglise  et  le  courant  vers 
Rome  n'ont  été  aussi  forts  qu'aujourd'hui.  En  convoquant  le 
concile,  le  pape  n'a  pas  eu  pour  but  d'obtenir  cette  définition, 
et  bien  d'autres  questions  d'une  souveraine  importance  suf- 
firont pleinement  à  l'activité  conciliaire.  Que  l'Eglise  soit 
infaillible,  tout  le  inonde  le  sait,  et  cela  suffit. 

Des  exemples  tirés  de  l'histoire  de  l'Eglise  nous  montrent 
d'ailleurs  qu'il  faut  s'abstenir  de  définir  l'infaillibilité  pontifi- 
cale :  les  questions  qui  provoquent  de  grandes  discussions  ou 
qui  ne  réuniraient  pas  l'unanimité  absolue  doivent  être  écar- 
tées ;  c'est  la  règle  tracée  par  Pie  IV  au  Concile  de  Trente. 

La  réunion  de  l'Eglise  schismatique  d'Orient  et  des  pro- 
testants trouverait  un  obstacle  dans  la  définition.  Les  gouver- 
nements menacent,  si  elle  est  proclamée,  de  renouveler  le» 
hostilités  contre  l'Eglise. 

Enfin,  Mgr  Dupanloup  énumère  les  objections  qui  s'élèvent 
contre  la  doctrine  elle-même;  son  but  n'est  pas,  dit-il,  de  la 
combattre;  mais  il  se  conforme  au  dessein  qu'il  a  annoncé 
de  faire  connaître  les  difficultés  auxquelles  se  heurte  la  défi- 
nition. Les  objections  à  la  doctrine  sont  par  le  fait  des  objec- 
tions à  la  définition.  //  Suit  une  longue  liste  (i).  «  i°  Diffi- 


(1)  Cecconi,  IV,  p.  457-458.  (N.  du  T.). 

[284] 


340  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

cultes  tirées  de  la  nécessité  de  déterminer  les  conditions  de 
l'acte  ex  cathedra  ;  tous  les  actes  pontificaux  n'ayant  pas  ce 
caractère,  il  faut  être  très  clair  sur  ce  point  ;  2°  Difficultés 
tirées  du  double  caractère  du  pape,  considéré  soit  comme 
docteur  privé,  soit  comme  pape  ;  3°  Difficultés  tirées  des  mul- 
tiples questions  de  fait  qui  se  peuvent  poser  à  propos  de  tout 
acte  ex  cathedra  ;  4°  Difficultés  tirées  du  passé  et  des  faits 
historiques  ;  5°  Difficultés  tirées  du  fond  même  de  la  ques- 
tion ;  6°  Difficultés,  enfin,  tirées  de  l'état  des  esprits  contem- 
porains. »  Il  les  développe  les  unes  après  les  autres  et  y 
ajoute  de  nouvelles  difficultés  et  considérations.  Ce  sont  les 
objections  soulevées  bien  souvent  déjà  et  qui  furent  de  nou- 
veau agitées  lors  du  concile.  Dans  la  lettre  de  M gr  Dupanloup, 
elles  sont  seulement  exposées  d'une  façon  populaire,  avec  la 
vivacité  de  style  propre  à  l'auteur,  sans  le  moindre  essai  de 
solution  et  en  mettant  le  plus  en  relief  possible,  le  point 
difficile.  Cette  condensation  en  quelques  pages  d'objections 
nombreuses  ajoute  de  la  force  à  chacune  d'elles  (i). 

Était-il  convenable  pour  Mgr  Dupanloup  de  livrer  cet  écrit 
à  la  publicité  ;  il  y  avait  là-dessus,  dans  le  cercle  plus  intime 
de  ses  amis,  divergence  de  vues.  Plusieurs  d'entre  eux,  aux- 


(1)  M"  Dupanloup  prétend  toujours  avoir  été  partisan  de  la  doctrine  de  l'in- 
taillibilité  pontificale.  Plus  tard  encore,  il  explique  dans  la  lettre  au  pape,  di 
18  lévrier  1871  (C.  V.  999  c.  sq.),  dans  la  lettre  pastorale  du  29  juin  1875 
(Pelletier,  loc.  cit.  p.  96  s.)  qu'il  a  combattu  seulement  l'opportunité  de  la  défi- 
nition, jamais  la  définition  elle-même,  toujours  professée  par  lui  non  seule 
ment  dans  son  cœur,  mais  dans  ses  écrits.  Pourtant  en  présence  de  la  lettre 
dont  nous  avons  rapporté  le  contenu,  on  soutiendra  diilicilement  que  sa  foi  â 
l'infaillibilité  du  pape  ne  se  soit  jamais  affaiblie.  S'il  n'en  était  pas  ainsi  et  si 
vraiment  M5r  Dupanloup  quand  il  écrivit  sa  lettre,  tenait  la  doctrine  de  l'infail- 
libilité pontificale  pour  un  enseignement  révélé  de  Dieu,  il  nous  semble 
doublement  inexplicable  qu'il  ait  pu  écrire  sa  lettre.  Il  aurait  alors 
employé  toute  la  puissance  de  son  esprit  et  de  son  éloquence  à  élever  des  doutes 
dans  l'âme  de  nombreux  lecteurs,  contre  une  vérité  révélée,  qu'il  reconnaissait 
comme  telle  et  à  fournir  aux  ennemis  de  l'Eglise  des  armes  pour  l'attaquer. 
En  effet,  toutes  les  objections  qu'il  pouvait  élever  contre  cette  vérité,  il  les  a 
recueillies,  sous  la  forme  la  plus  âpre  et  non  sans  exagération,  dans  un  lan- 
gage populaire  et  saisissant,  et  les  a  lancées  dans  le  monde  sans  aucune  réfu- 
tation. 


[285] 


LETTRE    PASTORALE    DE    Mgr   DUPANLOUP  344 

quels  il  avait  communiqué  les  épreuves,  la  déconseillaient.  // 
A  Orléans  même,  on  désapprouva  la  démarche  projetée. 
De  Broglie  et  Cocliin  s'opposèrent  de  loin  à  la  publication. 
Henri  de  Riancey  écrivit  une  lettre  émue,  demandant  au 
prélat  de  garder  pour  le  concile  les  objections  à  la  définition 
qu'il  voulait  rendre  publiques.  D'autres,  au  contraire,  con- 
seillaient d'aller  de  l'avant  et  de  mettre  un  terme  aux  mani- 
festations extra-conciliaires  d'une  presse  passionnée  (i).  Ce 
conseil  répondait  aux  désirs  de  Mgr  Dupanloup.  Comment  le 
remuant  évéque  d'Orléans,  qui  en  toute  question  touchant 
tant  soit  peu  à  ses  fonctions  personnelles,  élevait  hautement 
la  voix,  pouvait-il  se  taire,  dans  une  question  qui  agitait 
l'Eglise  entière?  En  face  des  efforts  d'un  certain  nombre  de 
catholiques  pour  attirer  sur  la  doctrine  de  l'infaillibilité, 
l'attention  du  concile  qui  se  réunissait,  il  avait  déjà  trop 
contenu  son  mécontentement;  il  était  urgent  de  soutenir  le 
parti  contraire  par  l'exposé  des  raisons  contre  la  définition 
et  par  l'autorité  de  son  propre  nom. 

La  lettre  épiscopale  parut  donc  (2),  d'abord  dans  le  Fran- 
çais du  17  novembre,  alors  que  les  prêtres  du  diocèse  d'Or- 
léans, à  qui  elle  était  destinée,  ne  l'avaient  pas  encore.  Les 
épreuves  furent  aussi  communiquées  à  la  Gazette  de  France, 
organe  du  vieux  gallicanisme,  à  la  France,  organe  du  galli- 
canisme césarien  et  à  plusieurs  feuilles  de  province  hostiles 
à  la  définition,  comme  I'Union  de  l'Ouest  (3). 

«  Cette  lettre,  fort  animée,  dit  Louis  Veuillot  lors  de  son 
apparition  (4)t  est  un  véritable  événement.  Par  le  fait,  que 
ce  soit  ou  non  la  volonté  du  prélat,  elle  donne  une  tête 
épiscopale  régulière  et  officielle  à  cette  prise  d'armes,  où  l'on 
ne  voyait  jusqu'ici  que  des  écrivains  de  qualités  diverses  ; 


(i)  Lagraxge,  loc.  cit.,   III,  144.  —  Pelletier,  loc.  cit.,  p.  89.    —   Maynard, 
ioc.  cit.,  p.  203. 

(2)  Voir  le  titre  de  la  lettre,  supra  p.  338,  note  1. 

(3)  Maynard,  loc.  cit. 

.    (4)  Umyers,  18  novembre.  —  Ceccom,  loc.  cil.  Doc.  CCLXIV.—  Cf.  C.  V.  1282  cl. 

22 

[286] 


342  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


1 


car  Mgr  Maret  lui-même,  évêque  in  partibus,  avant  le  concile 
et  en  dehors  du  concile,  s'adressant  à  tout  le  inonde,  n'a,  sauf 
sa  science  et  ses  vertus,  que  la  faible  autorité  de  tout  le 
monde.  Bien  autre  est  la  condition  où  se  place  l'évêque 
d'Orléans  parlant  dans  sa  charge  de  pasteur.  Voilà  l'événe- 
ment; il  est  considérable.  »  //. 

Tous  les  journaux  s'occupèrent  naturellement  de  l'affaire 
et  chacun  exprima  son  jugement  selon  ses  tendances.  Les 
feuilles  libérales  saluèrent  la  lettre  de  leurs  acclamations. 
«  Le  grand  événement  de  ces  derniers  jours,  pour  les  lecteurs 
et  les  abonnés  du  Correspondant,  écrit  cette  revue  le  25  no- 
vembre (i),  c'est  lapublication  des  deux  lettres  de  Mgr  l'évêque 
d'Orléans,  à  l'occasion  du  futur  concile,  l'une  adressée  aux 
fidèles  et  l'autre  au  clergé  de  son  diocèse.  Xous  ne  sommes 
que  l'écho  de  la  voix  publique  en  affirmant  que  jamais  la 
grande  âme  et  la  puissante  intelligence  du  célèbre  évêque, 
jamais  la  variété  et  la  richesse  des  dons  dont  le  Ciel  l'a  doué, 
jamais  sa  piété,  son  dévouement  à  l'Eglise  et  au  Saint-Père 
n'ont  été  plus  visibles  que  dans  ces  deux  écrits,  qui  l'un  et 
l'autre  sont  des  actes.  »  Puis,  le  journal  fait,  en  des  termes  exal- 
tés, un  court  éloge  du  premier  écrit.  Il  parle  plus  à  fond  du 
second  et  exprime  la  satisfaction  qu'il  éprouve,  de  voir  l'opi- 
nion qu'il  a  lui-même  constamment  défendue  dans  cette  con- 
troverse, trouver  dans  cet  écrit  un  si  puissant  défenseur.  Le 
jour  même  (2)  de  ce  débordement  de  joie,  la  Revue  du  Monde 
Catholique,  lui  oppose  un  article  sur  l'évêque  d'Orléans 
qu'elle  caractérise  en  ces  termes  :  «  Le  dernier  manifeste 
de  l'évêque  d'Orléans...  est  évidemment  un  projectile  d 
combat.  Ce  n'est  point  un  mandement;  ce  n'est  pas  la  lumière 
épiscopale,  calme  et  pure,  faisant  descendre  de  la  chaire  sur 
le  troupeau  docile  les  rayons  de  la  vérité.  S'il  y  a  quelque 
éclat,  c'est  celui  de  la  poudre.  Un  certain  souffle  belliqueux 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXXIV.  —  Cf.  C.   V.  1285 dsq. 

(2)  P.  465  ss. 

[286-287] 


I 


LETTRE    PASTORALE    DE   Mgr   DUPANLOUP  343 

court  à  travers  ces  pages.  On  sent  les  lignes  où  la  plume  a 
tremblé  sous  une  ardeur  fébrile,  et  où  le  polémiste,  oubliant 
la  sérénité  épiscopale,  s'impatiente  et  perce  d'un  trait  acéré 
les  adversaires  dont  l'image  se  dresse  devant  sa  pensée. 
Encore  bien  que  l'auteur  traite  le  journalisme  avec  dédain, 
il  n'a  pas  dédaigné  de  s'en  servir.  Des  journaux  ont  été  les 
premiers  confidents  de  sa  pensée;  une  plume  de  journaliste 
qui  est  toujours  sur  sa  table  et  avec  laquelle  il  a,  plus  d'une 
fois,  porté  de  rudes  coups  aux  adversaires  de  l'Eglise,  s'est 
trouvée  sous  sa  main,  //  et  c'est  contre  des  catholiques  qu'il 
s'en  est  servi.  » 

L'écrit  n'atteignit  point  le  but  que  les  paroles  de  l'auteur 
lui  assignaient,  il  n'apaisa  point  les  passions  et  n'éteignit 
point  la  lutte,  il  fortifia  l'agitation.  Jusqu'alors  la  discussion, 
comme  dit  Ollivier  (i),  s'était  plus  ou  moins  restreinte  aux  cer- 
cles théologiques  ou  particulièrement  religieux,  maintenant 
«  elle  s'ouvre  sur  la  place  publique;  chacun  s'en  mêle,  et  les 
dames  à  la  mode  commencent  à  en  raisonner  pendant  les 
entr'actes  de  l'opéra!  Toute  discussion  de  place  publique  est 
de  sa  nature  intempérante;  celle-ci  le  devient.  Une  tourbe  de 
brochuriers  et  d'infimes  écrivains  se  mettent  à  débiter  en 
monnaie  d'injures  les  arguments  des  maîtres  et  y  joignent 
leurs  conceptions  déréglées.  » 

Les  évoques  ajournèrent  pour  la  plupart  l'expression  de 
leurs  vues  jusqu'au  moment  du  concile;  un  petit  nombre  seu- 
lement parla.  Mgr  AVicart,  de  Laval,  publia  dans  la  Semaine 
Religieuse  de  son  diocèse  une  lettre  (2)  pour  exprimer  ses 
regrets  de  l'apparition  de  la  brochure  de  Mgr  Dupanloup.  De 
leur  côté,  Mgr  Meignan,  de  Chalons  (3),  et  Mgr  Place,  de  Mar- 
seille (4),  se  déclarèrent  au  contraire  d'accord  avec  l'évêque 
d'Orléans.  MgrMabile,  évêque  de  Versailles,  adressa  de  Rome 


(1)  Loc.  cit.  p.  448  ss. 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXV.  —  Cf.  C.V.,  1283a. 

(3)  C.  F.,1283asqq.—  Gecconi,  loc.  cil.  Doc.  GGLXVI. 

(4)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXII.  —  Cf.  C.  V.  1284  c. 

[287-288| 


344  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

à  son  clergé  (i)  une  lettre  où  il  révèle  la  cause  profonde  du 
mouvement  contre  la  primauté  du  siège  de  Rome  et  réfute 
brièvement,  sans  nommer  l'auteur,  l'écrit  de  Mgr  Dupanloup. 
Combien  d'évêques  français  se  rangèrent  d'un  côté  ou  de 
l'autre  dans  la  controverse,  on  ne  s'en  rendit  bien  compte 
qu'au  concile.  La  grande  majorité  d'entre  eux,  presque  les 
deux  tiers,  était  pour  la  définition  de  l'infaillibilité  pontifi- 
cale. Une  minorité,  la  plupart  pour  des  raisons  d'opportunité 
seulement,  combattait  la  définition. 

Parmi  les  divers  écrits  parus  alors  pour  et  contre  la  lettre 
de  Mgr  Dupanloup  à  son  clergé,  la  brochure  de  Mgr  Xardi  (2)  // 
mérite  une  mention  particulière  parce  qu'elle  fournit  les 
premières  preuves  sérieuses  de  la  parenté  entre  l'écrit  de 
Mgr  Dupanloup  et  la  brochure  citée  (3)  plus  haut  qui,  sans  nom 
d'auteur  ni  lieu  d'impression,  fut  remise  aux  évêques  alle- 
mands rassemblés  à  Fulda.  Xardi  montre  par  une  compa- 
raison précise  et  la  mise  en  regard  de  nombreux  passages, 
que  les  deux  écrits  sont  identiques  sur  les  points  essentiels 
et  doctrinaux.  Voici  quelques  exemples  de  ces  phrases 
parallèles  : 

Il    s'agirait   donc   d'obliger  dé-  Es    handelt    sich     also    rhu-um, 

sonnais    tous    les    catholiques    à      aile  Katholikenbei  Strafe  des  Ana- 


(1)  i'ecconi^oc.  cit.  Doc.  CCLXXXVIII.  —  Ct.  G.  V.  128Gb. 

(2)  SuW  ultima  Lettera  di  Msr  Vescovo  d'Orléans  Osservazioni  di  .!/"•  Franc.  Xardi, 
Uditore  di  Sacra  Rota.  La  brochure  parut  d'abord  dans  I'Osservatore  Cattolii» 
m  Mela.no,  en  décembre;  elle  est  en  entier  reproduite  dans  Cecconi,  Ioc.  cit 
Doc.  (1CLXXIX.— Ct.  G.  V.  1-285  b.—  Déjà  auparavant  I'Uxivers  du  24  novembre 
avait  fait  remarquer  l'identité  des  deux  écrits  La  Rédaction  avait  reçu  d'u: 
évêque  américain  se  rendant  de  Paris  à  Rome  un  exemplaire  anglais  de  la  br« 
(hure  de  Fulda.  En  voici  le  titre  :  Mémorandum  addressed  to  the  bishops  of  Ger- 
many,  respeclfully  offered  in  translation  to  the  bishops  of  the  uniled  Kingdom  aud- 
its colonies  and  to  the  bishops  of  the  United  States.  Le  nonce  de  Munich,  lui  aussi, 
dans  une  lettre  au  cardinal  Secrétaire  d'État,  du  30  novembre,  dit  que  l'on  t'ait 
une  conjecture  d'après  laquelle  l'écrit  adressé  aux  évêques  à  Fulda  aurait  le 
même  auteur  que  les  Observations . 

(3)  Einige  Bèmerkungen  iiber  die  Frage  :  Ist  es  &eitgemàss,die  Unfehlbarkeit  des 
Papstes  zu  definieren  ?  Den  hochwùrdigsten  Erzbischôfen  und  Bischbfen  ehrfurchls- 
voll  geividmel.  Cf.  supra  p.  2(59. 

[28S-2S9] 


LA   BROCHURE    DE    Mgr   NARDI 


345 


croire,  sous  peine  d'anathème, 
que  le  Pape  est  infaillible,  même 
quand  il  prononce  seul...  et  qu'il 
peut  définir  les  dogmes  seul,  sans 
aucun  concours  exprès  ou  tacite, 
antécédent  ou  subséquent  des 
évèques. 


thems  zum  Glauben  zu  nôtigen, 
dass  der  Papst  unfehlbar  ist, 
selbst  wenn  er  allein  sich  aus- 
sprîcht,  und  dass  er  allein,  ohne 
Beistimmung  der  Kirehe,  ohne  den 
ausdriïcklichen  oder  stillschwei- 
genden,  voransgegangenen  oder 
nachfol  genden  Beitritt  der  Bis- 
chôfe,  die  Dogmen  feststellen  kann. 


Or,  ce  n'est  pas  là,  on  le  voit,  Es    handelt   sich  also  nieht  uni 

un  dogme  spéculatif  :  c'est  une  ein  sj>ekulatives  Dogma,  sondent 
prérogative  qui  aurait  dans  la  uni  ein  hôehst  bedeutendes  For- 
réalité  pratique,  les  plus  sérieu-  redit,  das  in  der  praktischen  Wir- 
ses  conséquences.  kliehkeit  sehr  ernste  Konsequenzen 

haben  kann. 


Il  y  a  70  millions  de  chrétiens 
orientaux  séparés...  Eh  bien, 
qu'est-ce  qui  sépare  de  nous  les 
Orientaux  ?  //  La  suprématie  du 
pape.  Ils  ne  veulent  pas  la  recon- 
naître comme  de  droit  divin. 
C'est  le  point  sur  lequel  on  n'a 
jamais  pu,  ni  après  Lyon,  ni 
après  Florence,  les  décider  sé- 
rieusement, efficacement  et  ame- 
ner un  retour  durable. 


Wir  stossen  zunachst  auf  die 
Schismatiker  des  Orients.  Sie  sind 
von  uns  getrennt,  wohl  -o  Millio- 
nen  an  der  Zabi.  Man  will  sie  der 
Kirehe  niihern,  wieder  mit  ihr 
vereinigen.  Was  trennt  sie  von 
uns?  Der  Vorrang  des  Papstes  in 
der' kirehlichen  Iurisdiktion.  Da- 
riiber  hat  man  sich  nie,  weder  in 
Lyon  noch  in  Florenz,  mit  ihnen 
verstandiçen  kônnen. . . 


Et  voilà  qu'à  cette  difficulté 
insurmontable  jusqu'à  ce  jour, 
qui  les  tient  depuis  neuf  siècles 
séparés  de  l'Église  et  de  nous, 
on  voudrait  ajouter  une  difficulté 
nouvelle  et  beaucoup  plus  grande, 
élever  entre  eux  et  nous  une 
barrière  qui  n'a  jamais  existé, 
en  un  mot  leur  imposer  un  dogme 
dont  on  ne  leur  parla  jamais,  les 


Eben  jener  bisher  unuberstei- 
glichen  Schwierigkeit,  welche  die 
Orientalen  seit  neun  Iahrhunder- 
ten  von  der  Kirehe  trennt,  will 
man  nun  eine  neue,  noch  weit 
grôssere  Schwierigkeit  beifiïgen, 
eineSchranke  zwischen  ihnen  und 
uns  aufwerfen,  die  bisher  nicht 
bestanden  batte,  mit  einem  Morte, 
ihnen    ein   neues  Dogma,   von  wel- 


[289-290] 


346  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

menaçant,  s'il  ne  l'acceptent  pas,       chem    man    ihnen    nie   gesprochen 
d'nn  nouvel  anathème.  hat,  auferleg-en,  und    weiin  sie  es 

verwerfen,    sie    mit    einem    neuen 
Anathem  bedrohen. 

Xardi  remplit  plusieurs  pages  d'exemples  analogues.  Son 
jugement  d'ensemble  est  ainsi  formulé  :  «  Cet  écrit  (l'alle- 
mand) est  dans  le  sens  littéral  la  partie  essentielle,  doctri- 
nale de  la  lettre  de  l'évêque  d'Orléans.  Cependant,  la  lettre 
française  est  plus  étendue  parce  que  s'y  trouvent  ajoutées 
les  violentes  invectives  contre  I'Univers,  la  Civjlta  et 
M.  Ward,  comme  aussi  l'essai  de  réfutation  des  magnifiques 
lettres  de  Mgrs  les  archevêques  Dechamps  et  Manning,  et  de 
plus,  au  premier  rang  de  toutes  ces  additions,  la  conclusion 
sur  les  services  que  la  France,  pendant  ces  cent  dernières 
années,  a  rendus  au  Saint-Siège  et  à  l'Eglise  et  le  droit  qui 
en  résulte  pour  elle  de  faire  entendre  sa  voix  au  concile.  » 

L'identité  des  deux  écrits  n'est  pas  douteuse.  L'on  peut 
seulement  se  demander  si  le  français  est  une  traduction  et 
une  amplification  de  l'allemand  ou  celui-ci  un  extrait  de 
celui-là.  Le  premier  ayant  paru  bien  plus  tard  que  le  second, 
Nardi  se  décide  pour  la  priorité  de  l'allemand  et  fixe  Munich 
pour  son  lieu  d'origine.  Si  la  supposition  est  fondée,  l'on 
s'explique  pourquoi  cet  écrit  remis  secrètement  aux  évoques 
à  Fulda,  fut  traduit  en  anglais,  en  espagnol  et  en  italien,  et 
remis  aux  évêques  d'Angleterre,  d'Espagne  et  d'Italie,  des 
missions  anglaises  et  de  l'Amérique  du  Xord,  //  mais  ne  fut 
pas  traduit  en  français  ni  remis  aux  évêques  de  France.  La 
refonte  de  cette  pièce  en  français  était  prévue  pour  plus  tard. 
La  tâche  de  procurer  aux  évêques  français  une  édition  fran- 
çaise fut  confiée  à  Mgr  Dupanloup  dans  la  conférence  de 
Herrnscheim.  Pourtant,  l'on  peut  supposer  aussi  que 
Mgr  Dupanloup  lui-même  a  offert  aux  évêques  de  Fulda  un 
extrait  allemand  de  la  brochure  française  qu'il  avait  déjà 
écrite.  Dans  ces  deux  cas,  il  reste  établi  qu'un  évêque  fran- 


[290-291] 


M-1     DU  PAN  LOUP    AVANT    LE    CONCILE  347 

eais  a  envoyé  par  la  poste,  secrètement,  à  une  réunion 
d'évêques  allemands,  en  taisant  son  nom,  le  lieu  d'impres- 
sion et  la  date,  un  écrit  destiné  à  influencer  leurs  débats. 
M.  l'abbé  Lagrange  remarque  dans  sa  Vie  de  M'jr  Dupanloup 
qu'il  a  seulement  fait  parvenir  aux  évêques  rassemblés  à 
Fulda,  une  «  courte  note  »  dans  laquelle  il  avait  exposé  son 
opinion  sur  les  définitions  annoncées  (i).  Il  dit  plus  bas  que 
les  «  observations  »  sont  un  développement  de  cette  note  (u). 
Xous  devons  ainsi  supposer  que  le  remuant  évèque  d'Orléans 
avait  formé  le  projet,  en  prévision  du  concile,  d'engager 
d'avance  tous  les  évoques  de  langue  allemande,  française, 
anglaise,  italienne  et  espagnole,  c'est-à-dire  l'épiscopat  du 
inonde  entier,  dans  la  voie  que  lui-même  avait  cboisie  pour 
le  concile.  Un  pareil  procédé  est  vraiment  unique  dans 
l'histoire  des  conciles;  il  est  une  excellente  démonstration 
de  la  remarque  de  l'abbé  Maynard  :  «  MKr  Dupanloup  aspi- 
rait intimement  à  être  l'évêque  de  la  France  et  du  monde, 
l'évêque  de  l'Eglise  catholique  (3).  » 

L'évêque  d'Orléans  avait,  dans  sa  lettre,  désigné  l'arche- 
vêque de  Malines,  Msr  Dechamps,  et  celui  de  Westminster, 
Mgr  Manning  (4),  comme  défenseurs  de  l'opinion  qu'il  combat- 
tait. '/  Il  s'était  prononcé  en  termes  pleins  de  vivacité  contre 
les  journalistes,  spécialement  contre  I'Univers  et  la  Civilta 


(1)  Lagrange.   Vie  de  M"r  Dupanloup,  III,  130. 

(2)  Ibid.  p.  143.  —  Maynard  (loc.  cit. 2Ùo  ss.)  doute  de  l'identité  de  la  courte 
note  de  Dupanloup  avec  l'écrit  allemand,  parvenu  à  la  réunion  épiscopale. 
En  lait,  cet  écrit  qui,  dans  la  traduction  italienne  occupe  vingt  pages  du  recueil 
de  documents  de  Cecconi,  ne  peut  pas  être  convenablement  appelé  une  «  courte 
note  ». 

(3)  Maynard,  loc.  cit.  p.  66.  —  Le  nonce  de  Munich  émet,  dans  sa  lettre  à  Anto- 
nelli,  du 30  novembre  1869,  la  supposition  queM" Dupanloup  dans  son  entrevue, 
avec  Doellinger  et  Lord  Acton  se  préoccupa  de  la  traduction  de  sa  brochure  en 
allemand  et  en  anglais.  Il  l'aurait  alors  fait  répandre  en  Allemagne  par  l'entre- 
mise de  Doellinger,  tandis  que  Lord  Acton  prenait  sur  lui  l'impression  de  la  bro- 
chure à  Londres,  et  sa  diffusion  en  Angleterre  et  en  Amérique. 

(4)  Sur  la  controverse  suscitée  avec  ces  prélats  par  l'écrit  de  Msr  Dupanloup, 
voir  le  chapitre  suivant. 

[291] 


348  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Cattolica.  Cette  dernière  répondit  en  quelques  lignes  (i) 
que,  bien  qu'elle  pût  facilement  se  défendre,  par  égard  pour 
la  haute  situation  de  l'adversaire,  elle  préférait  le  silence. 
Le  rédacteur  de  I'Univeus,  Louis  Veuillot,  répondit  aussi 
brièvement  et  avec  modération  (2). 

On  n'en  est  que  d'autant  plus  surpris  de  voir  soudain 
M-'  Dupanloup,  dans  un  violent  éclat  de  colère,  prendre 
l'offensive  contre  Louis  Veuillot  et  attiser  ainsi  de  nouveau 
le  feu  de  la  controverse.  Dans  un  avertissement,  qui  remplit 
treize  pages  de  la  collection  documentaire  de  Cecconi  (3),  il 
proteste  contre  la  façon  dont  Veuillot  traite  des  affaires  et 
de  la  doctrine  de  l'Eglise,  il  l'accuse  d'usurpation  sur  les 
droits  de  l'épiscopat,  d'exagérations  dans  le  domaine  de  la 
doctrine,  et  d'un  goût  déplorable  pour  remuer  les  contro- 
verses irritantes  et  trancher  par  des  solutions  pleines  de 
violences  et  de  périls  les  questions  soulevées.  Enfin,  il  l'ac- 
cuse de  la  manie  d'accuser  ses  frères  dans  la  foi,  de  les  insulter 
et  de  les  calomnier.  Plus  que  personne  Louis  Veuillot  mérite 
le  nom  d'accusator  fratrum  (4).  Dans  la  première  partie  du 
développement,  M81"  Dupanloup  revient  sur  le  passé  de 
Veuillot;  dans  la  seconde,  il  parle  de  la  controverse  présente 
qui  a  pour  objet  l'infaillibilité  pontificale  et  accompagne  ses 


(i)  Cecconi,  loc.  cit.  CCLXXVIII.  —  Cf.  C.  V.  1285b.  Plus  énergique  fut  l'attaque 
de  Mr  Dupanloup  par  I'Unita  Cattolica.  Voir  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXX, 
CCLXXI.  -  Cf.  C.  F.  1284  b. 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXIV.  —  Cf.  C.  V.  1282  d.  —  Cecconi  loc.  cit.  Doc. 
CCLXVIII.  —  Cf.  C.  V.  1284  a.  —  Cf.  aussi  «  Le  Monde  »  dans  Cecconi.  loc.  cit. 
Doc.  CCLXIX.  -  Cf.  C.  V.  1284  a. 

(3)  Doc.  CCLXXXI.  -  Cf.  C.  V.  1285  c 

(4)  L'introduction  se  termine  ainsi:  «  J*élève  donc  à  mon  tour  la  voix,  et  je 
viens  opposer  aux  entreprises  dont  je  vous  accuse  un  solennel  avertissement. 
J*accuse  vos  usurpations  sur  l'épiscopat  et  votre  intrusion  perpétuelle  dans  ses 
plus  graves  et  ses  plus  délicates  affaires.  J'accuse  surtout  vos  excès  de  doctrines, 
votre  déplorable  goût  pour  les  questions  irritantes  et  pour  les  solutions 
violentes  et  dangereuses.  Je  vous  accuse  d'accuser,  d'insulter  et  de  calomnier 
vos  frères  dans  la  foi.  Nul  ne  mérita  jamais  plus  que  vous  ce  mot  sévère  des 
Livres  saints  :  Acciisalor  fratrum  !  Par-dessus  tout,  je  vous  reproche  de  rendre 
l'Eglise  complice  de  vos  violences,  en  donnant  pour  sa  doctrine,  par  une  rare 
audace,  vos  idées  les  plus  personnelles.  » 


[292] 


Mgr   DUPANLOUP    ET    LOUIS    VEUILLOT  349 

plaintes  d'une  série  de  citations  de  I'Univers.  Chaque  phrase 
prouve  l'excitation  de  l'écrivain.  C'est  dans  la  conclusion 
seulement  qu'il  arrive  à  se  calmer.  // 

Yeuillot  répondit  brièvement  (i).  «  Xous  dirons  le  moins 
possible,  écrit-il,  ne  voulant  pas  risquer  de  perdre  tous  les 
avantages  que  nous  fait  un  adversaire  trop  irrité.  »  Il  se  dé- 
clare prêt  à  examiner  les  citations  faites  par  M gr  Dupanloup  et 
demande  au  Français  d'indiquer  celles  qu'il  préfère  que  l'on 
vérifie.  Plus  tard  (2)  il  exposa  plus  à  fond  la  manière  dont 
Ï'XJnivers  avait  traité  la  question  de  l'infaillibilité  pontifi- 
cale. 

Sur  le  chemin  de  Rome,  Mgr  Dupanloup  visita  le  comte  de 
Montalembert.  Celui-ci  en  informa  l'ancien  Carme  Loyson  (3) 
et  ajoutait  sur  Mgr  Dupanloup  :  «  Il  vient  de  donner  un  bien 
grand  exemple  de  ce  qu'il  est  j)ossibIe  de  faire,  au  sein  de 
l'Eglise  actuelle,  pour  la  liberté  et  la  vérité.  Il  a  parlé  beau- 
coup trop  tard,  mais  ses  deux  coups  de  tonnerre  (contre 
l'Infaillibilité  et  I'Univers)  n'en  n'ont  pas  moins  eu  un 
retentissement  prodigieux.  Il  est  parti  calme  et  plein  de 
confiance  pour  entrer  dans  la  lutte  qui  va  couronner  sa  glo- 
rieuse vie.  » 


(1)  L'Univers,  22  novembre.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXXIII.  —Cf.  C.  V. 
1285  d. 

(2)  Ibid.  2  décembre.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXXVII.  —  Cf.  G.  V.  1286  b. 

(3)  14  décembre.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXCI.  —  Cf.  C.  V.  128(3  c. 

T293I 


CHAPITRE  XI. 

Les  Catholiques  d'Angleterre  et  de  Belgique  // 
avant  le  Concile. 


L'agitation  qui,  avant  le  concile,  s'était  emparée  des  esprits 
en  France  et  en  Allemagne  ne  pénétra  point  en  Belgique. 
Les  catholiques  étaient  trop  bons  catholiques  pour  redouter 
rien  de  sinistre  d'un  concile  œcuménique,  et  les  indifférents 
se  souciaient  trop  peu  de  la  religion  pour  que  la  convocation 
d'un  concile  leur  fît  perdre  la  paix. 

Le  gallicanisme  n'existait  pas  en  Belgique.  La  doctrine 
de  l'infaillibilité  pontificale  y  passait  pour  vérité  révélée. 
Aussi  Friedrich  est-il  très  mécontent  des  Belges  (i).  Il  estime 
que  la  Bévue,  de  Louvain,  décrit  en  général  très  exactement 
les  choses  lorsqu'elle  dit  (27.601)  :  a  Le  vœu  des  catholiques 
belges  sera  exaucé,  si  l'Esprit-Saint  inspire  aux  Pères  du 
concile  la  résolution  de  proclamer  que  l'infaillibilité  du  pape 
est  un  dogme  de  foi.  Ce  vœu  répond  à  un  sentiment  qui  n'est 
pas  nouveau  chez  nous,  et  qui  de  tout  temps  a  été  profondé- 
ment enraciné  dans  l'esprit  de  nos  ancêtres.  » 

Pourtant  l'archevêque  de  Malines,  Mgr  Victor  Dechamps, 
écrivain  aussi  habile  que  savant,  pensa  que  les  troubles  sus- 
cités dans  les  pays  voisins  //  lui  faisaient  un  devoir  d'éclairer 
les  laïques  en  publiant  un  écrit  sur  le  concile  et  en  particulier 


(1)  Geschichte  des  Vcttikan  Konztl,  II,  407  sq. 

[294J 


tare 


352  HISTOIRE    DU    CONCILE    OU    VATICAN 

sur  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale  (i).  «  Vous 
n'ignorez  point,  disait-il,  en  envoyant  son  travail  à  la  rédac- 
tion de  la  Civilta  Cattolica  {2),  quels  efforts  l'on  fait  pour 
insuffler  au  gallicanisme  mourant  une  nouvelle  vie,  et  com- 
bien l'on  écrit,  môme  en  dehors  du  domaine  du  gallicanisme, 
pour  restreindre  les  limites  de  l'infaillibilité  du  Saint-Siège 
au  cas  où  il  parle  ex  cathedra  ».  «  Partout,  dit-il  encore  dans 
l'introduction  de  son  ouvrage  (3),  on  parle  du  concile  et  de 
ce  qu'il  va  faire  ».  Une  question  «  pique  singulièrement  la 
curiosité  :  que  va  décider  le  concile  sur  l'infaillibilité  du  pape? 
Le  ton  sur  lequel  on  pose  cette  question,  même  au  sein  des 
assemblées  législatives,  et  la  façon  dont  on  la  conçoit,  prouve 
chez  les  gens  du  monde,  et  surtout  chez  les  écrivains  de  la 
presse  périodique,  une  remarquable  ignorance  des  choses 
dont  ils  parlent.  Je  crois  donc  qu'en  publiant  à  leur  usage, 
et  sur  le  point  qui  semble  les  intéresser  le  plus,  cette  étude 
vraiment  élémentaire,  je  ne  ferai  pas  chose  inutile.  » 

La  publication  de  cet  écrit  qui  allait  soulever  de  longues  et 
vives  controverses  était  vraiment  on  ne  peut  plus  opportune. 
A  lui  seul,  le  nombe  considérable  des  éditions  qu'il  eut  dès  la 
première  année  de  son  apparition,  le  démontre.  Le  style  en 
était  digne,  très  simple,  clair,  ne  supposant  pas  chez  le  lec-  | 
teur  des  connaissances  théologiques  spéciales,  tout  à  fait  à 
la  portée  des  laïques  cultivés,  d'abord  des  croyants,  ensuite 
aussi, grâce  à  quelques  additions,  des  incroyants.  Les  preuves 
de  l'infaillibilité  pontificale  y  sont  développées  graduelle- 
ment, sans  jamais  perdre  de  vue  ce  que  l'idée  fondamentale 
de  la  doctrine  avait  d'obscurité  pour  le  inonde  laïque,  obscu- 
rité hélas!  toujours  accumulée  par  les  théologiens.  Dans 
l'avant-dernier  chapitre,  l'auteur  se  demande  si  l'infaillibilité 
va  être  définie  au  concile  du  Vatican.  Il  répond  qu'il  ne  sau- 


(1)  L'Infaillibilité  et  le  concile  général.  9' édit.  Paris,  1869. 

(2)  Lettre  inédite,  3  juin  1869. 

(3)  P.  10  sq. 

[295] 


LES    ÉCRITS    DE    Mgr   DECHAMPS  353 

rait  vouloir  prévenir  les  décisions  d'une  assemblée  dirigée  par 
L'Esprit-Saint.  Si  toutefois  l'on  désire  connaître  sa  pensée,  il 
estime  que  le  moment  est  venu  de  définir  cette  vérité  de  foi.  // 
L'Eglise  a  coutume  de  définir  les  vérités  de  foi,  lorsqu'elles 
sont  contestées,  ("est  le  cas.  Les  débuts  de  la  controverse 
sur  l'infaillibilité  papale  apparaissent  lors  des  troubles 
occasionnés  par  le  grand  schisme  d'Occident.  Le  concile  du 
Vatican  est  le  premier  qui  se  tienne  depuis  la  formation  au 
sein  de  l'Eglise  d'une  école  —  l'école  gallicane  —  qui  fait  de 
la  non-infaillibilité  du  pape  un  article  de  son  credo.  L'expo- 
sition de  Mgr  Decliamps  permettait  de  conclure  qu'il  com- 
battrait au  concile  pour  la  définition  de  l'infaillibilité  ponti- 
ficale. Bientôt,  il  publia  une  courte  lettre  à  un  laïque  qui, 
mal  informé  sur  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale,  avait 
trouvé  la  lumière  dans  l'écrit  précédent.  M81  Decliamps  y  déve- 
loppe d'une  façon  plus  précise  quelques  points  déjà  indiqués. 

L'écrit  de  Mgr  Decliamps  fut  nommé  par  MRr  Dupanloup 
dans  l'introduction  de  sa  lettre  au  clergé,  du  n  novembre  (i). 
Après  avoir  blâmé,  avec  beaucoup  de  vivacité, les  publicistes 
catholiques,  qui  ont  jeté  dans  le  public  la  question  de  l'infail- 
libilité pontificale  et  déclaré  que  le  concile  du  Vatican  la 
définirait,  l'évèque  d'Orléans  continue  :  «  Cette  délicate 
question  ayant  été  ainsi  soulevée  et  jetée  dans  la  rue  et  dans 
la  presse,  un  prélat  belge,  mon  saint  ami,  Mgr  Decliamps, 
récemment  nommé  archevêque  de  Malines,  a  publié  un  écrit 
spécial  sous  ce  titre  :  Est-il  opportun  de  définir  dans  le  pro- 
chain concile  V infaillibilité  du  Pape?  (2)  et  il  a  répondu  affir- 
mativement.» 

En  réponse,  parut  le  3o  novembre  1869  (3)  la  première 
lettre  de  l'archevêque  de  Malines  à  Mgr  Dupanloup. 


(1)  Cf.  le  chapitre  précédent,  p.  338sq. 

(2)  Le  titre  de  l'écrit  est  différent.  Voirci-dessus  p.  352. 

(3)  Lettre  de  M5' Decliamps,  archevêque  de  Malines,  àM!'  Dupanloup,  évêque 
d'Orléans,  Paris,  1869.  —  En  allemand  dans  «  Das  Œkumenische  Kon%il  »  Stimmen 
aus  Maria-Laach.  NeueFolge.  Helft  7/(1870).  57  sq. 

[295-296] 


354  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


L'écrit  de  M8*  Dupanloup,  dit  l'archevêque,  l'a  profondé- 
ment attristé.  «  Comment  ne  serais-je  pas  attristé,  Mon- 
seigneur, de  ce  qui  a  réjoui  les  ennemis  avoués  de  la  foi  et 
de  l'Eglise?  «  La  lettre  de  M81'  Dupanloup  (c'est  ce  qu'ils 
écrivent)  formera,  quelque  résolution  que  prenne  le  concile, 
un  des  monuments  les  i)lus  glorieux  de  notre  Eglise  natio- 
nale. »  /  En  lisant  de  telles  paroles,  Monseigneur,  ne  vous 
êtes-vous  pas  dit  :  Je  me  suis  trompé  ?  » 

Mgr  Dechamps  montre  d'abord  comment  M81"  Dupanloup 
pose  à  tort  la  question  de  l'opportunité  pour  le  concile  de 
s'occuper  de  l'infaillibilité  pontificale.  Il  remarque  entre 
autres  que  M-1'  Maret  nie  avec  l'infaillibilité,  la  primauté 
même  du  pape  dans  son  intégrité,  et  rend  par  suite  nécessaire 
un  examen  de  cette  doctrine  par  le  concile.  Il  déplore  avec 
une  profonde  douleur  que  M°r  Dupanloup  ait  employé  dans 
sa  lettre  des  expressions  équivoques  et  pleines  de  malen- 
tendus :  dogme  nouveau,  infaillibilité  personnelle  et  séparée 
du  pape.  Elles  obscurcissent  les  doctrines  de  l'infaillibilité 
pontificale.  «  C'est,  ici,  Monseigneur,  s'écrie-t-il,  qu'il  eût 
fallu  faire  retentir  votre  grande  voix  pour  éclairer  l'igno- 
rance publique  et  pour  dissiper  chez  les  gens  du  monde 
l'incroyable  confusion  d'idées,  qui  maintenant  fausse  leur 
jugement.  »  ce  Que  j'eusse  voulu  vous  voir  saisir  cette  occa-  | 
sion,  non  pour  accentuer,  mais  pour  faire  disparaître  les 
difficultés  que  j'appelle  des  nuages.  »  Ces  difficultés  contre 
la  doctrine  de  l'infaillibilité  et  l'opportunité  de  sa  définition, 
l'archevêque  les  résout  l'une  après  l'autre  et  termine  en  rap- 
pelant à  son  ami  Dupanloup  l'adresse  des  évêques  à  Pie  IX  à 
l'occasion  des  fêtes  du  centenaire.  Mgr  Dupanloup  avait  pris 
à  sa  rédaction  une  part  prépondérante.  «  Vous  ne  craindrez 
donc  pas,  ajoute  l'archevêque,  de  revenir  à  vous-même,  et  de 
donner  à  votre  épiscopat  la  seule  gloire  qui  lui  manque 
encore,  celle  qui  n'a  manqué  ni  à  l'épiscopat  de  saint  Augus- 
tin, ni  à  celui  de  l'évêque  des  derniers  temps  que  vous  aimez 

[296-2971 


LA   POLÉMIQUE   EN   ANGLETERRE  355 

le  plus,  je  le  sais,  saint  Alphonse  de  Liguori.  Tous  les 
deux  ont  écrit  un  Liber  retractationum.  Si,  au  lieu  du  livre 
intitulé  Defensio  declarationis  Cleri  gallicani,  un  autre  livre 
Liber  retractationis,  fut  sorti  de  la  plume  de  Bossuet,  comme 
il  est  sorti  de  celle  de  saint  Augustin,  les  œuvres  de  l'Aigle 
de  Meaux  déjà  si  chères  à  l'Eglise,  le  lui  seraient  au  même 
degré  peut-être,  que  les  œuvres  de  l'évêque  d'Hippone.  Dieu 
voudrait-il  que  cette  omission  fût  réparée  par  une  plume  que 
Bossuet  ne  désavouerait  pas  ?  Le  concile  ne  produisît-il  que 
ce  résultat,  je  dirais  qu'il  n'a  pas  été  convoqué  en  vain.  » 

Tel  fut  le  déhut  de  la  controverse  si  vivement  menée  entre 
les  deux  prélats  ;  / /  plusieurs  autres  y  intervinrent.  Comme 
elle  se  déroula  au  temps  même  du  concile,  nous  en  renvoyons 
le  récit  détaillé  au  volume  suivant. 

Les  catholiques  d'Angleterre  ne  gardèrent  pas,  lors  de 
l'agitation  qui  précéda  le  concile  du  Vatican,  le  même  calme 
que  ceux  de  Belgique.  On  s'en  étonnera  d'autant  moins 
qu'en  Angleterre  ceux  même  qui  ne  sont  pas  théologiens  sont 
très  portés  à  se  mêler  des  questions  théologiques  et  à  y  faire 
valoir  leurs  opinions.  De  plus,  un  certain  nombre  de  catho- 
liques, des  convertis  surtout,  suivaient  le  mouvement  libéral 
et  entretenaient  des  relations  d'amitié  avec  les  théologiens 
libéraux  d'Allemagne,  particulièrement  avec  Doellinger.  La 
Dublin  Beview  parle  au  moment  de  l'ouverture  du  concile 
d'un  parti  de  catholiques  en  Angleterre  bien  organisé  quoique 
peu  considérable  :ils  sont  pour  l'Eglise  de  véritables  ennemis, 
autant  que  pourraient  l'être  des  protestants  déclarés,  mais 
ils  sont  bien  plus  redoutables.  Elle  signale  ouvertement  parmi 
eux  le  converti  Oxenham  (i). 


(1)  Wehave  always  maintained,  that  there  is  an  organized ,  though  small,band  oj 
professing  Catholics  in  England,  ivhoareas  trnly  enemies  to  the  Church  as  avoired 
Protestants  can  be;  and  ivho  are  immesurably  more  dangerous  than  avowed  Protes- 
tants, from  the  very  fact,  that  Cathotics  in  gênerai  are  not  duly  on  their  guard  against 
them.  The  one  member  of  this  party  whom  we  hâve  been  most  pften  obliged  to  naine, 
is  M'  Oxenham,  Dublin  Review  XV  (1870  I)  p.  212. 

[297-298] 


356  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Déjà,  en  1868,  avant  la  publication  de  la  correspondance 
française  dans  la  Civilta  Cattolica  et  le  plein  développe- 
ment de  la  lutte  en  Allemagne,  un  converti,  P.  Le  Page 
Renouf,  publiait  un  ouvrage  sur  le  pape  Honorius  (1).  Il  vou- 
lait montrer  que  le  pape  Honorius  avait  erré  dans  une  défi- 
nition ex  cathedra  et  que  par  suite  on  ne  pourrait  soutenir  la 
doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale.  Une  série  d'autres  con- 
sidérations l'amènent  à  conclure  que  cette  opinion  ne  mérite 
aucune  attention.  Après  avoir  remarqué  que  cette  doctrine 
est  encore  une  des  questions  d'école  librement  débattues,  il 
ajoute  :  «  Pourtant  un  parti  influent  dans  l'Eglise  est  mécon- 
tent de  la  liberté  actuelle  et  attend  avec  impatience  le  jour 
où  son  dogme  préféré,  défini  comme  article  de  foi  sera  inséré 
dans  nos  catéchismes  et  déclaré,  sous  peine  d'anatbème,  obli- 
gatoire pour  tous  les  enfants  de  l'Eglise.  » 

//  L'ouvrage  de  Renouf  suscita  naturellement  une  guerre  de 
plume  acharnée.  On  ne  peut  citer  tous  les  journaux  et  les 
revues  qui  se  déclarèrent  pour  ou  contre.  Le  P.  Paul  Botalla, 
S.  J.,  professeur  de  théologie  à  Saint-Beuno's  Collège  (Xorth- 
wales)  le  réfuta  directement  dans  un  livre  spécial  (3).  Renouf 
répondit  par  un  second  ouvrage  (4).  Le  nouvelles  réfutations 
suivirent  (5).  L'émotion  soulevée  parmi  les  catholiques 
n'était  pas  légère  (6). 


(1)  The  Condemnalion  ofPope  Honorius.  Bij  P.  Le  Page  Renouf.  London,  1868. 

(2)  Ibid.,  p,  27. 

(3)  Pope  Honorius  before  the  Tribunal  oflieason  and  Histonj.  London,  1809. 

(4)  Honorius  Heconsidered  with  Référence  tu  llecent  Apologies  Dy  P.  Le  Page 
Renouf,  London,  1869. 

(5)  Dublin  Review  vol.  XV.  (1870, 1.  II). 

(6)  Le  passage  suivant  de  la  Dublin  Review  (vol.  XI.  1868  II)  p.  200  montre 
combien  Renouf  et  ses  contradicteurs  avaient  perdu  le  calme  et  la  modération 
pourtant  si  ordinaires  aux  Anglais  :  «  When  we . say,  thaï  the  vieivs  advocaled  by 
M'  Renoul  are  mont  untrue  and  mischievous,  he  ivill  uccept  Uns  as  the  greatest  com- 
pliment ire  can  pay  him  ;  but  ire  rriust  further  give  our  opinion,  thaï  lus  pamphlet  is 
«  passionale,  shallow  and  prétentions  ».  Every  reader  ivill  hâve  been  struck  with  its 
passionate  ness.  »  Suivent  en  preuve  quelques  phrases  extraites  de  récrit  de 
Renouf:  The  arguments  «  used  by  the  first  apoloyists  of  Pope  Honorius  «  cannot  hâve 
been  sincerely  believed  in  by  their  authors  »  (p.  7).  «  It  is  a  simple  untrulh,  to  say, 

[298-299] 


LA  POLEMIQUE  EX  ANGLETERRE  357 

Les  protestants  eux-mêmes  intervinrent  dans  les  discus- 
sions au  sujet  du  concile.  La  lettre  ouverte  (i)  d'un  converti, 
Edmond  S.  Fi'oulkes  à  Mgr  Manning,  en  1868,  fit  grande 
sensation  parmi  eux.  On  voit  à  l'évidence  dans  cette  lettre 
qu'il  avait  intérieurement  rompu  avec  le  catholicisme.  Sa 
sortie  de  l'Eglise  et  son  retour  à  l'Anglicanisme  //  n'eurent 
lieu  que  le  5  juin  1870,  quand  on  publia  le  schéma  sur  l'Eglise 
le  pape,  dont  s'occupait  le  concile  (2). 

Une  preuve  de  l'activité  du  parti  catholique  libéral  et  de 
ses  relations  avec  Doellinger,  c'est  l'apparition  extraordinai- 
rement  prompte  de  la  traduction  anglaise  de  l'ouvrage  de 
Janus.  La  traduction  parut  presque  en  même  temps  que 
l'original.  D'innombrables  articles  favorables  ou  contraires 
furent  publiés  à  cette  occasion  dans  les  journaux  et  les 
revues.  L'oratorien  Keogh  lança  contre  Jaxus  une  brochure 
spéciale  (3). 

Nul  n'avait  de  doute  sur  la  position  prise  par  l'archevêque 
de  Westminster.  Mgr  Manning,  dans  les  controverses  soule- 
vées, était  un  adversaire  décidé  du  mouvement  libéral. 
On  répétait  sans  cesse  dans  les  journaux  l'affirmation  qu'il 


thathe  was  condemned  for  neglect»  (p.  11).  «  Nothing  can  be  more  giossly  itntrue» 
than  the  assertion,  thaï  Honorius  iras  misledby  Sergius  »  (p.  14).  «  This  very  mon» 
the  Abbot  John,  secretary  to  tivo  Popes,  to  ivhose  great  virtue  S.  Maximus  gave  testi 
mony,  gave  «  a  lying  account»  of  the  controversy,  being  an  interested  and  inenda- 
cwus  wilness  »  (p.  15-16).  «  Stupid  bigotry  alone  »  can  urge  a  certain  plea  for  Hono- 
rius^. 18)  «  It  is  a  mockery»  to  say,  what  ail  Lllramontaines  say,  lhat  Honorius 
Letter  to  Sergius  was  nol  ex  cathe  Ira  (p.  21).  Under  F.  Perronéi  «  conlemptible 
quibbling  we  hâve  the  assertion  of  an  untruth  »  (p,  24  note).  «  It  is  impossible  «  to 
speak  wilhout  conlempt  »  of  a  certain  «assertion»  which  lias  repeatedly  been  mode 
by  great writers  (p.  32).  .)/*•  Veuillot  is  «  a  fiery,  ignorant  and  unscrupulous  couvert» 
(p.  30).  «Of  ail  the  early  testimonies  »  concerning  Liberius's  allégea"  fall,  which  may 
récent  Uttramontaines  hâve  rejecled,  there  is  «  only  one,  aboul  which  an  «  honest  » 
doubt  can  be  undertained  »  (p.  44).  TheBollandist  dissertation  on  S.  Liberiusis  «  one 
of  the  mosl  mischievous  productions  ever  written »  (Ibid.  note),  as  mischievous,ive 
suppose,  as  Renan's  Life  of  Christ,  or  as  a  French  licentious  novel. 

(1)  «  The  Church's  Creed  or  the  Crowns  Creed?  A  Letter  to  the  Most.  Rev.Archbis- 
hop  Manning  ».By  Edmund.  S.  Ffoulkes  B.  D.  Twelt'th.Thousand.  London,  1868. 

(2)  Cf.  Daily  News  June  Oth  1870. 

(3)  «  A  Few  Spécimens  of  «  Scientific  History  »  from  Janus.  By  Edward  Stephen 
Keogh,  Priestoi'the  Oratory  of  St.  Philip  of  Xeri.  London.  1870. 

23 

[299-300] 


358  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

prendrait  l'initiative  an  concile  et  y  proposerait  la  définition 
de  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale. 

Le  Tablet  put,  le  6  novembre,  démentir  pour  la  troisième 
fois  une  si  persistante  invention,  par  une  déclaration  authen- 
tique en  sens  contraire  (i).  Quant  à  la  doctrine  elle-même, 
M-1'  Manning  l'exposait  déjà  en  i865,  comme  le  montrait  à 
l'époque  de  l'agitation  le  journal  Le  Monde  (2).  A  son  retour 
du  centenaire  en  1867,  il  avait  écrit  sur  le  concile  en  général 
une  lettre  pastorale  (3).  Quand  les  querelles  sur  la  doctrine  de 
l'infaillibilité  pontificale  eurent  éclaté,  il  sentit  le  devoir  de 
consacrer  une  nouvelle  lettre  pastorale  (3  octobre  1869)  (4) 
uniquement  à  cette  question. 

Dans  cet  écrit  l'archevêque  groupe  distinctement  en  face 
les  unes  des  autres,  les  raisons  pour  et  contre  la  définition. 
Il  met  une  précision  particulière  à  suivre  l'enseignement  de 
l'infaillibilité  pontificale  à  travers  la  tradition  ecclésiastique 
où  il  serre  de  près  le  gallicanisme.  Un  post-scriptum  est  con- 
sacré, comme  il  a  déjà  été  remarqué  (5),  //  à  la  réfutation  de 
l'ouvrage  récent  de  M-1'  Maret,  qui  ne  lui  était  arrivé  qu'après 
l'achèvement  de  sa  lettre  pastorale.  Cette  addition  donna 
naissance  à  une  petite  escarmouche  entre  Mgr  Manning  et 
Mgr  Dupanloup. 

Dans  sa  lettre  au  clergé,  du  11  novembre,  Mffr  Dupanloup 
blâme  en  effet,  le  vœu  exprimé  par  quelques-uns  que  la  doc- 
trine de  l'infaillibilité  pontificale  fût  définie,  et  il  expose  ainsi 
leur  désir.  «  Il  s'agirait  donc  d'obliger  désormais  tous  les 
catholiques  à  croire,  sous  peine  d'anathème,  que  le  pape  est 
infaillible,  même  —  je  me  sers  des  propres  expressions  de 
M~r  l'Archevêque  de  Westminster  —  quand  il  prononce  seul 


fi)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLX.  —  Cfr.  G.  V.  128ib. 

(2)  Novembre  1869.  —Voir  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXIX.  —  Cfr.  C.  V.  1284a. 

(3)  The  Centenary  of  St-Peter  and  the  gênerai  Council.  — London,  1867. 

(4)  The  oecumenical  Council  and  the  Infallibility  ofthe  Roman  Pontiff.— Traduction 
italienne  dans  Cecconi.  loc.  cit.  Doc.  CCXXXIII. 

(5)  Page  310. 

[300-301] 


Mgr   MANNIXG   ET   Usr   DUPANLOLP  359 

en  dehors  du  corps  épiscopal,  réuni  ou  dispersé  ;  et  qu'il  peut 
définir  les  dogmes  seul,  séparément,  et  indépendamment  de 
VEpiscopat  «  sans  aucun  concours  exprès  ou  tacite,  antécé- 
dent ou  subséquent  des  Evêques  ».  Cet  exposé  de  la  doctrine 
de  l'infaillibilité  prêtait  facilement  au  malentendu.  M-1  Plan- 
ning la  repousse  déclarant  qu'on  la  lui  attribuait  à  tort.  Dans 
une  lettre  à  Mgr  Dupanloup  (i),  il  lui  demanda  comme  un 
acte  de  justice  le  retrait  public  de  la  citation  :  «  Votre  Gran- 
deur a  cité  comme  étant  des  expressions  du  post-scriptum  de 
ma  lettre  pastorale  et  répété  trois  ou  quatre  fois  avec  des 
guillemets  et  en  lettres  majuscules,  les  paroles  suivantes  : 
«  séparément  et  indépendamment  de  l'épiscopat  ».  Le  mot 
«  indépendamment  »  se  trouve  très  exactement  dans  mon 
texte  ;  le  mot  «  séparément  »  ne  se  trouve  nulle  part. 
L'ensemble  de  votre  phrase  n'existe  pas  dans  le  post-scriptum: 
cette  proposition  n'est  jamais  sortie  de  ma  plume.  Votre 
commentaire  dénature  entièrement  ma  thèse.  Il  s'agit  exclu- 
sivement de  l'acte  pontifical  d'un  jugement  ex  cathedra 
dans  un  sens  qui  exclut  la  thèse  de  Mgr  Maret,  et  non  pas, 
en  général,  de  l'union  perpétuelle  et  indissoluble  du  chef  de 
l'Eglise  avec  le  corps  épiscopal.  Mgr  Maret  soutient  que  le 
souverain  pontife  parlant  e.v  cathedra,  n'est  pas  infaillible, 
sinon  avec  le  concours  ou  la  consultation  de  l'épiscopat. 
J'ai  formulé  la  thèse  contradictoire,  et  j'affirme  que  le  pon- 
tife parlant  e.v  cathedra  est  infaillible  apart  from,  c'est-à- 
dire  sans  le  concours  ou  la  consultation  de  l'épiscopat.  //  Les 
expressions  de  Votre  Grandeur  «  en  dehors  et  séparément  » 
emportent  l'idée  de  scission  ou  d'opposition,  et  dénaturent 
tout  à  fait  le  sens  évident  de  ma  thèse.  » 

Les  termes  employés  par  Algr  Manning  ont,  en  effet,  le 
sens  qu'il  leur  attribue  ici,  et  en  ce  sens  ils  expriment  exac- 
tement le  dogme.  La  traduction  française  pouvait  donner 


(1)  25  novembre.  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GCLXXIV.  —  Gfr.  C.  V.  1284  c.  sq. 

[301-302] 


I  V,:; 
I 


360  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

lieu  à  ce  malentendu  que  la  doctrine  de  l'infaillibilité  ponti- 
ficale séparait  le  pape  des  évêques,  la  tête  du  corps,.  Il  est 
vrai,  le  pape  agit  seul  dans  une  définition  ex  cathedra  et  sans 
la  coopération  des  évêques  (apart  from),  mais  il  n'est  pas  pour 
cela  séparé  d'eux. 

M*-'1'  Dupanloup  répondit  (i)  qu'il  était  injuste  d'attribuer  à 
l'archevêque  l'idée  d'opposer  le  Saint-Siège  aux  évêques, 
l'idée  de  séparer  la  papauté  de  l'épiscopat;  il  se  hâtera  de 
l'expliquer  publiquement,  selon  le  désir  de  Mgr  Manning. 
Lui-même  ne  lui  avait  point  attribué  une  pareille  idée,  il 
n'avait  fait  que  citer  ses  paroles.  Si  la  traduction  était 
inexacte,  le  blâme  en  retombait  non  pas  sur  lui,  mais  sur  les 
amis  de  M6*  Manning,  car  il  s'était  servi  de  la  traduction  de 
1'  Univers  à  qui  l'archevêque  avait  envoyé  son  post-scriptum. 
D'ailleurs,  au  témoignage  d'Anglais,  de  professeurs  de  langue 
anglaise  et  d'un  écrivain  anglais  qu'il  avait  interrogés,  la 
traduction  de  I'Univers  était  bonne. 

M.8*  Manning  se  déclara  satisfait  de  la  réponse  de  Msr  Du- 
panloup et  de  son  explication  d'après  laquelle  il  ne  lui  attri- 
buait point  l'idée  d'une  séparation  ou  d'une  opposition  entre 
le  pape  et  l'épiscopat.  Il  ajouta  pourtant  que  la  traduction 
était  inexacte  et  que  la  phrase  citée  par  Mgr  Dupanloup  ne 
se  trouvait  pas  dans  son  post-scriptum  (2).  La  discussion  fut 

ainsi  terminée. 

... 

fin 


ipe  a 


(1)  15  décembre.  —  Ceccoxi,  loc.  cit.  Doc.  GGLXXV.  —  Cfr.  C.  V  1284  d. 

(2)  20  décembre.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCLXXVI.  —  Cfr.  C.  V.  1284  d. 

[302J 


CHAPITRE  XII. 

Accueil  fait  par   les  églises   Orientales   non   unies 
à  l'invitation  de  prendre  part  au  concile. 

Xous  avons  raconté  dans  le  premier  livre  (i)  comment  le 
pape  invita  au  concile,  par  une  lettre  spéciale  (2),  les  éveques 
des  églises  Orientales  non  unies.  // 

Le  nombre  total  des  chrétiens  appartenant  à  ces  églises 
s'élève  environ  à  soixante-dix  millions,  qui,  sous  les  noms  de 
Coptes,  Jacobites,  'N'estoriens,  Arméniens,  Grecs  et  Russes, 
sont  dispersés  en  Egypte,  en  Palestine,  en  Syrie,  en  Grèce, 
en  Turquie,  en  Perse  et  en  Russie.  Ces  communautés,  plus 
ou  moins  grandes,  qui  se  sont,  à  différentes  époques,  séparées 
de  l'église  catholique,  continuent  à  vivre  indépendantes  les 
unes  des  autres.  Elles  s'accordent  en  ce  point,  qu'elles  nient 
la  primauté  de  l'évêque  de  Rome.  Quant  aux  autres  doctrines 
de  l'Eglise  catholique,  elles  les  ont  conservées,  à  l'exception 
d'un  petit  nombre,  sur  lesquelles  elles  ne  sont  pas  non  plus 
d'accord  entre  elles.  Elles  ont  gardé  la  hiérarchie  ecclésias- 
tique et  il  n'est  pas  douteux  que  leurs  évêques  et  leurs  prêtres 
soient  validement  ordonnés. C'est  pour  ce  motif  que  les  Orien- 
taux furent  invités  au  concile,  tandis  que  les  protestants,  qui 
n'ont  point  d'évêques,  ne  recevaient  aucune  invitation. 

De  temps  immémorial,  les  diverses  nations  de  l'Orient 


(1)  P.  161  et  suiv. 

(2)  Arcano divinse  Providentise . 


[3C3-304J 


362  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

célèbrent  la  Sainte  Messe  dans  les  anciennes  langues  et  avec 
des  rites  particuliers.  L'Eglise  ne  fait  pas  de  l'abandon  de 
ces  rites,  que  leur  antiquité  rend  vénérables  et  légitimes,  ou 
de  l'adoption  du  rite  romain,  une  condition  de  la  réunion. 
Tous  ces  rites  se  trouvent  aussi  dans  les  églises  qui  sont 
unies  avec  l'Eglise  romaine.  Tout  comme  ces  dernières,  les 
non-unis,  s'ils  rentraient  dans  l'unité  de  l'ancienne  Eglise, 
garderaient  leurs  rites  traditionnels  (i).  C'est  ce  qu'il  est 
essentiel  de  faire  remarquer,  car  les  ennemis  de  la  réunion 
ne  cessent  d'agiter  aux  yeux  des  Orientaux  le  spectre  de  la 
latinisation,  comme  si  Rome  voulait  leur  arracher  cet  héri- 
tage de  leurs  pères,  ces  rites  antiques,  auxquels  toute  leur 
âme  est  attachée. 

//  A  Rome  on  ne  se  laissait  pas  aller  à  des  espérances  exa- 
gérées pour  le  succès  de  l'invitation  des  Orientaux  au  concile. 
Le  patriarche  de  Jérusalem,  Msr  Joseph  Valerga,  provicaire 
apostolique  d'Alep  et  prodélégat  de  Syrie,  avait  été  prié  par 
le  cardinal-préfet  de  la  Propagande,  de  se  renseigner,  au 
cours  d'un  voyage  de  Constantinople  à  Jérusalem,  sur  les 
dispositions  de  l'épiscopat  schismatique  à  l'égard  du  con- 
cile (2).  Dans  sa  réponse  (3),  il  se  montrait  tout  disposé  à 
remplir  cette  mission,  mais  ajoutait  que  sa  connaissance  de 
l'Orient  ne  lui  laissait  que  peu  d'espoir  de  voir  les  évèques 


(t)  Ces  rites  sont  au  nombre  de  six  :  le  rite  grec  se  trouve  en  Grèce,  en  Tur- 
quie,dans  les  îles  Ioniennes  etl'Archipel.et  aussi  (quoiqu'en  différentes  langues) 
chez  les  Bulgares,  les  Serbes,  les  Valaques,  les  Monténégrins,  les  Géorgiens  et 
les  Russes  ;  —  le  rite  arménien  est  propre  au  peuple  arménien  qui  est  répandu 
en  Russie,  en  Turquie,  en  Perse,  en  Galicie,  à  Venise  et  dans  d'autres  pays.  Le 
rite  chaldéen  est  en  usage  chez  les  Xestoriens  de  la  Turquie,  de  la  Perse  et  de 
Malabar  et  chez  les  Ghaldéens  unis.  Le  rite  syrien  est  celui  des  Jacobih-s  de 
Syrie  et  de  Mésopotamie.  Le  rite  copte  et  le  rite  abyssin  sont  en  usage  en  Egypte 
et  en  Abyssinie.  Voir  Lamy  :  les  Orientaux  et  le  Concile  œcuménique,  dans  la 
Revue  Catholique  (Louvain),  nouvelle  série,  tome  I  (1869),  p.  152  et  suiv.  Dans 
ce  volume  et  dans  le  suivant  de  la  même  revue  on  trouvera  une  exposition  de 
l'origine,  du  développement  et  de  l'histoire  des  églises  séparées  d'Orient,  ainsi 
que  des  difficultés  qui  s'opposent  à  la  réunion. 

(2)  C.  V.  1110  a  sq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  LXXII1. 

(3)  C.  V.  1110  b  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  LXXIV.  —  Cfr.  plus  haut,  p.  162. 

[304-305] 


LA    LETTRE    D  INVITATION    AUX    ORIENTAUX  363 

scliismatiques  donner  suite  à  rinvitationxiontificale.il  rappe- 
lait l'accueil  défavorable  fait  à  l'encyclique  que  le  Saint-Père, 
au  début  de  son  pontificat,  avait  adressé  aux  Orientaux,  les 
rapports  des  églises  non  unies  avec  la  Russie,  les  disposi- 
tions du  peuple,  très  peu  préparé,  particulièrement  dans  la 
Turquie  d'Europe,  à  un  rapprochement.  Naturellement, 
l'improbabilité  du  succès  ne  saurait  détourner  le  Saint-Siège 
de  renouveler  sans  cesse  aux  chrétiens  séparés  ses  invita- 
tions à  revenir  à  l'unité,  et  les  Orientaux  eux-mêmes,  dit 
M81"  Valerga  dans  la  même  lettre,  ne  manqueraient  pas  de 
blâmer  le  Souverain  Pontife,  si  celui-ci  avait  négligé  de  les 
inviter  au  concile. 

La  lettre  pontificale  d'invitation  fut  envoyée  aux  délégués, 
vicaires  et  préfets  apostoliques  de  l'Orient,  en  un  grand 
nombre  d'exemplaires,  pour  être  remis  à  chacun  des  prélats 
scliismatiques,  qui  résidaient  dans  leurs  districts.  Le  cardi- 
nal préfet  de  la  Propagande,  en  leur  transmettant  ces  j)ièces, 
les  priait,  dans  une  lettre  du  28  septembre  1868,  (1)  annexée  à 
l'envoi,  de  le  renseigner  sur  l'exécution  de  ses  ordres  ;  il 
désirait  qu'on  lui  fit  savoir  le  nom,  le  titre  et  la  résidence  de 
tous  ceux  à  qui  les  lettres  apostoliques  auraient  été  remises  ; 
on  devait  aussi  lui  rendre  compte  de  la  manière  dont  les  pré- 
lats les  auraient  reçues  et  surtout,  des  dispositions  qu'ils 
laisseraient  paraître.  Malheureusement,  la  lettre  pontificale 
d'invitation  parut  dès  le  22  septembre  dans  le  Giornale  di 
Roma,  ce  qui,  non  seulement  provoqua  dans  la  presse  une 
fâcheuse  polémique,  mais  rendit  très  difficile  la  présentation 
de  la  lettre,  à  tel  point  que  plusieurs  prélats  se  dirent  obligés, 
par  ce  seul  motif,  de  ne  pas  l'accepter.  // 

La  présentation  de  la  lettre  au  patriarche  grec  de  Constan- 
tinople  et  au  patriarche  arménien  résidant  dans  cette  ville 
fut  faite,  en  l'absence  du  délégué  apostolique,  M-1'  Brunoni, 


(1)  C.  V.  1111  b.s.q.  —  Gbgcom,  loc.  cit.  Doc  LXXV. 

[305-306] 


364  HISTOIRE   DU    COXCILE   DU    VATICAN 

par  son  vicaire  général,  l'abbé  Testa,  qui,  dans  une  lettr 
au  cardinal  préfet,  fait  un  récit  détaillé  de  ces  deux  entre 
vues  (i). 

Le  i5  octobre  il  fit  prier  les  deux  patriarches,  par  Tinter 
médiaire  de  deux  prêtres,  de  lui  fixer  un  jour  et  une  heure 
pour  sa  visite.  Tous  deux  choisirent  la  matinée  du  17,  de 
9  heures  à  11  heures.  Le  moment  venu,  l'abbé  Testa,  accom- 
pagné de  trois  prêtres,  se  rendit  d'abord  chez  le  patriarche 
grec.  Ils  furent  courtoisement  reçus  par  le  protosyncelle 
(vicaire  général),  qui  les  mena  dans  ses  appartements  :  là  s 
trouvaient  le  métropolite  d'Ephèse  et  un  dignitaire  de  l'église 
de  Chalcédoine.  Après  les  salutations  d'usage,  ils  furent 
introduits  auprès  du  patriarche.  Celui-ci  se  leva  pour  les 
recevoir  et  l'abbé  Testa,  après  les  compliments  d'usage,  lui 
présenta  les  lettres  apostoliques;  en  même  temps,  comme  il 
savait  la  langue  grecque,  il  dit  en  peu  de  mots  leur  contenu, 
et  expliqua  comment,  en  l'absence  du  délégué  apostolique,  i 
avait  lui-même  l'honneur  dé  remettre  ces  lettres  au  patriarche. 
Celui-ci,  sans  lever  les  yeux,  lui  fit  signe  de  la  main  de  dépo- 
ser la  lettre  sur  le  divan  :  mauvais  augure  pour  le  succès  de 
l'entrevue.  L'abbé  Testa  déposa  tranquillement  la  lettre  et 
s'assit.  Alors  le  patriarche  toujours  sans  lever  les  yeux,  pro- 
nonça quelques  paroles,  qui  paraissaient  préparées  d'avance  : 
le  protosyncelle  les  traduisait  en  français  avec  des  dévelop- 
pements. Voici  à  peu  près  comment  il  s'exprima  : 

«  Si  nous  ne  connaissions  pas  déjà  par  les  feuilles  publi- 
ques le  contenu  de  ces  lettres,  nous  les  aurions  peut-être 
acceptées,  dans  l'ignorance  des  principes  qui  y  sont  émis. 
Mais  comme  nous  savons  par  les  journaux  que  le  pape  n'en- 
tend se  départir  en  rien  des  principes  de  son  encyclique  de 
1848,  à  laquelle  nous  avons  répondu,  nous  ne  j>ouvons  les 
accepter. 

(1)  C.  V.  1111  d  sqq.  —  Ceocoxi,  loc.  cit.  Doc.  LXXVII.  —  Cfr.  Civilta  catto- 
i.u:a,  sér.  VII,  vol.  5,  p.  331  et  suiv. 

[30GJ 


RÉPONSE    DU    PATRIARCHE    GREC    DE    COXSTAXTIXOPLE       365 

»  Il  est  donc  aussi  tout  à  fait  inutile  de  nous  rendre  au 
concile  ;  la  reprise  de  discussions,  tant  de  fois  répétées  sans 
utilité,  n'aurait  d'autre  résultat  que  d'éloigner  les  esprits 
encore  davantage.  // 

»  L'Eglise  orientale  ne  s'écartera  jamais  de  la  doctrine  qui 
lui  vient  des  apôtres  et  qui  lui  a  été  transmise  par  les  saints 
Pères  et  les  conciles  œcuméniques. 

»  L'union  conclue  au  concile  de  Florence  fut  commandée 
par  des  circonstances  politiques  fort  critiques,  et  l'ensemble 
de  l'Eglise  d'Orient  protesta  contre  cette  union. 

»  Xous  sommes  parfaitement  tranquilles  dans  notre  con- 
science. 

»  Prions  le  Seigneur  d'éclairer  les  esprits  et  de  toucher 
tous  les  cœurs  pour  que  règne  la  charité  (i).  » 

L'invitation  au  concile  était  repoussée,  et  de  la  manière  la 
plus  disgracieuse.  Cette  réponse  négative  du  patriarche  grec 
de  Constantinople  devait  avoir  une  influence  décisive  sur 
l'attitude  que  prendraient  à  l'égard  du  concile,  non  seulement 
les  autres  patriarches  et  évêques  du  rite  grec,  mais  encore  la 
plupart  des  prélats  des  autres  rites. 

Le  protosyncelle  amplifia  encore  en  français  les  paroles  du 
patriarche.  Il  parla  de  la  pureté  de  la  doctrine  enseignée 
dans  les  Eglises  orientales,  de  l'égalité  de  tous  les  apôtres  et 
de  la  subordination  du  pape  au  concile  œcuménique  et  à 
Jésus-Christ,  l'unique  chef  de  l'Eglise.  Si  le  pape  ne  renon- 
çait pas  à  ses  prétentions  exorbitantes,  ses  invitations  au 
prétendu  concile  œcuménique  devaient  rester  sans  résultat. 


(1)  Si  le  patriarche  avait  seulement  pris  en  main  la  lettre  pontificale  et  lu  la 
première  phrase,  il  aurait  été  pour  le  moins  quelque  peu  déconcerté  dans  son 
affirmation  si  catégorique,  que  les  Grecs  ont  reçu  leur  doctrine  des  Apôtres  et 
des  Pères  de  leur  Eglise.  Le  Pape  cite,  en  effet,  un  passage  de  l'un  des  Pères  les 
plus  considérés  de  l'Eglise  grecque,  Saint-Grégoire  deNysse,  qui,  par  une  allu- 
sion visible  de  l'Evangile  dit  que  l'apôtre  Saint-Pierre  est  «  d'après  le  privilège 
que  Dieu  lui  a  accordé,  la  pierre  ferme  et  solide  sur  laquelle  le  Sauveur  a  bâti 
son  Eglise.  »  C'est  exactement  le  contraire  de  la  doctrine  capitale  des  Grecs  sur 
i'égalité  des  Apôtres  et  de  leurs  successeurs. 

[306-307J 


366  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

L'abbé  Testa  ne  jugea  pas  opportun  d'entrer  dans  la  dis- 
cussion des  points  controversés  entre  Grecs  et  Latins  ;  il  se 
contenta  de  répondre  que  le  Saint-Père  était  animé  du  plus 
vif  et  du  plus  sincère  désir  de  voir  s'aplanir  les  difficultés  qui 
séparaient  l'Eglise  d'Orient  de  celle  d'Occident.  C'est  pré- 
cisément pour  atteindre  ce  but  tant  désiré  qu'il  adressait  son 
invitation  aux  prélats  de  cette  Eglise,  dans  le  ferme  esj)oir 
de  voir  ses  désirs  se  réaliser,  si  à  de  ferventes  prières  on  ajou- 
tait aussi  des  actes  ;  //mais,  espérer  la  réunion  et  le  rétablisse- 
ment des  liens  de  la  charité  sans  se  rencontrer  et  s'entendre, 
c'était  espérer  l'impossible. 

«  A  notre  grand  regret,  répartit  le  x^rotosyn celle,  nous  ne 
pouvons  accepter  l'invitation.  Ce  refus,  néanmoins,  ne  doit 
porter  aucun  préjudice...  »  Il  ajouta  quelques  mots  qui  ne 
furent  pas  compris  des  prêtres  latins. 

Comme  on  se  levait  pour  prendre  congé,  le  patriarche  fit 
un  signe  de  la  main  :  aussitôt,  comme  si  la  chose  avait  été 
convenue  à  l'avance,  le  protosyncelle  prit  la  lettre  pontificale, 
qui  était  encore  posée  sur  le  divan,  et  la  rendit  au  principal 
visiteur. 

Tel  est  le  compte-rendu  de  l'abbé  Testa.  Sur  cette  entrevue 
nous  avons  encore  un  autre  récit,  que  le  protosyncelle  envoya 
aux  journaux  grecs  de  Constantinople  (1).  Celui-ci  met  en 
plus  vive  lumière  le  rôle  des  Grecs  et  en  particulier  du  pa- 
triarche :  il  contient  des  additions  qui  sont  évidemment  des- 
tinées à  justifier  devant  les  Grecs  le  refus  de  l'invitation 
pontificale.  Au  sujet  de  ce  refus  et  de  l'accueil  fait  aux  délé- 
gués, les  deux  récits  s'accordent  essentiellement.  Seulement, 
le  protosyncelle  met  dans  la  bouche  du  patriarche  les  paroles 
qu'il  avait  lui-même  prononcées.  Ensuite  viennent  les  expli- 
cations  des  deux  parties  sur  les  doctrines  caractéristiques 


(1)  CBccqjsr,  loc.  cit.  Doc.  LXXVI1I.  -  Ctr.  C.  V.  1114  b.  —  Gfr.  C.  V.  1115  c. 
Cecconi.  loc.  cit.  Doc.  LXXXI. 

[307-308] 


REPONSE    DU    PATRIARCHE    GREC    DE    COXSTAXTINOPLE       367 

des  Grecs  et  des  Latins  ;  le  patriarche  y  a  le  beau  rôle.  Il 
parle  d'abord  contre  la  primauté  de  l'évêque  de  Rome,  puis 
un  des  prêtres  latins  étant  venu  à  parler  du  concile  de  Flo- 
rence, lui  donne  l'occasion  de  s'exprimer  en  termes  violents 
sur  ce  concile  et  sur  le  pape.  D'après  le  patriarche,  le  concile 
de  Florence  fut  réuni  pour  des  motifs  politiques  et  en  vue 
d'intérêts  purement  matériels  ;  ses  décisions  furent  imposées 
pour  un  temps  à  un  petit  nombre  de  Grecs,  que  le  pape  avait 
contraints  par  la  famine,  les  violences  et  les  menaces  ;  il  ne 
mérite  pas  le  nom  sacré  de  concile  (i).  //  Le  patriarche  lui 
oppose  les  conciles  des  huit  premiers  siècles,  comme  les 
sûrs  garants  de  la  vérité.  Il  ajoute  :  «  Si  quelques  évêques 
d'Occident  ont  senti  naître  sur  certains  de  leurs  dogmes  des 
doutes  sérieux,  qu'ils  se  réunissent  chaque  jour,  s'ils  le 
veulent,  pour  les  éclairer.  Quant  à  nous,  nous  n'éprouvons 
absolument  rien  de  semblable  à  l'égard  d'un  seul  de  nos 
dogmes  immuables,  qui  nous  ont  été  transmis  par  les  saints 
Pères.  Mais,  puisque  vous  venez  de  parler  de  conciles,  per- 


(4)  Cecconi  (op .  cit.  1.  Kl,  c.  2.  fait  remarquer  que  cette  affirmation  constitue 
plus  qu'une  erreur  historique,  elle  est  une  abjecte  calomnie.  «  Les  calomnies 
lancées  contre  le  concile  de  Florence  datent  presque  de  l'époque  où  il  fut 
assemblé,  mais  il  y  a  été  aussitôt  répondu  catégoriquement  par  les  évêques 
orientaux,  à  leur  retour  de  l'Occident.  Les  libelles  de  Marc  Eugénique  furent 
réfutés,  point  par  point,  par  Joseph,  évèque  de  Méthon,  et  parce  même  proto- 
syncelle  Grégoire,  qui  avait  représenté  à  Florence  le  patriarche  d'Alexandrie. 
Leurs  répliques  font  continuellement  appel  aux  témoignages  de  ceux  qui  assis- 
tèrent au  concile  et  aux  actes  de  celui-ci. qui  se  trouvaient  alors  entre  les  mains 
de  tous.  Les  passages  mensongers  de  l'histoire  deSiropouios,  publiée  à  La  Haye 
en  1C60  par  l'anglican  Creyghton,  trouvent  leur  réfutation  dans  ces  mêmes  actes 
conciliaires  et  dans  un  grand  nombre  d'écrits  polémiques  et  d'autres  documents 
contemporains,  qui  se  trouvent  dispersés  dans  les  collections  de  conciles  et 
autres  recueils  du  même  genre.  La  vraie  raison  d'une  rechute  si  prompte  dans  le 
schisme  fut  le  fanatisme  du  clergé  et  du  peuple  de  Gonstantinople,  et  aussi  l'or- 
gueil d'une  partie  de  ceux-là  mêmes  qui  avaient  souscrit  l'union  et  qui  mainte- 
nant avaient  honte,  en  face  d'une  populace  fanatique,  de  n'avoir  pas  su  gagner 
les  Latins  à  leur  avis.  Ils  se  joignirent  eux-mêmes  aux  calomniateurs  pour 
reconquérir  la  faveur  de  la  multitude;  ils  proclamèrent  qu'ils  avaient  vendu 
leur  foi  et  trahi  la  pureté  du  sacrifice  en  se  faisant  azymites.  L'annonce  de  la 
mort  du  vénérable  patriarche  de  Gonstantinople,  arrivée  à  Florence,  augmentait 
l'audace  des  apostats,  qui  n'auraient  pas  osé,  de  son  vivant,  donner  au  monde 
le  spectacle  d'une  conduite  si  lâche  et  si  déloyale.  » 

[308-309] 


3G8  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

mettez-moi  de  vous  rappeler  qu'autrefois  pour  les  réunir  on 
procédait  autrement  qu'aujourd'hui.  De  quelle  façon,  en  effet, 
le  Souverain  Pontife  convoque-t-il  le  présent  concile?  Ce  n'est 
pas  en  observant  les  règles  dictées  par  l'égalité  et  la  confra- 
ternité apostoliques,  c'est-à-dire  en  agissant  comme  un  égal 
avec  des  égaux.  Sa  dignité  le  premier  rang  que  les  saints 
canons  attribuent  à  son  siège,  lui  conférait  uniquement  le 
droit  d'adresser  une  lettre  personnelle  à  chacun  des  patriar- 
ches et  des  synodes  de  l'Orient,  non  pour  leur  imposer  sa 
volonté,  j)ar  les  encycliques  ou  les  journaux,  du  ton  d'un 
maître  et  d'un  seigneur,  mais  pour  leur  demander,  comme 
ferait  un  frère  à  l'égard  de  ses  frères,  de  ses  égaux  en  rang  et 
en  dignité,  s'ils  partagent  son  sentiment  sur  l'opportunité 
d'un  concile,  sur  le  lieu  et  le  mode  de  sa  convocation,  sur  le 
but  à  assigner  à  cette  assemblée,  etc.  S'il  en  avait  été  ainsi, 
nous  aurions  consulté  l'histoire  et  les  actes  des  conciles  œcu- 
méniques, et  l'union  véritable,  si  désirée  de  tous  et  si  émi- 
nemment chrétienne,  se  serait  accomplie  d'une  manière 
conforme  à  l'histoire.  Dans  tous  les  cas,  nous  aurions  tous 
saisi  cette  occasion  de  faire  monter  de  nouveau  vers  le  ciel 
nos  plus  ardentes  prières  pour  la  paix  de  l'univers  entier, 
pour  la  persévérance  et  l'union  dans  l'unité  de  toutes  les 
saintes  Eglises  de  Dieu.  Mais  dans  l'état  actuel  des  choses, 
nous  ne  pouvons,  à  notre  grande  douleur,  prendre  en  consi- 
dération l'invitation  qui  nous  est  faite  ni  accepter  la  rettre 
dont  vous  êtes  porteur  (i).  » 

L'abbé  Testa  envoya  au  cardinal  préfet  de  la  Propagande 
le  récit  du  journal  grec.  «  Je  ne  veux  pas  affirmer,  disait-il 
dans    sa    lettre    (2),    que    quelques    points    ne    m'ont    pas    ! 
échappé  dans  mon  précédent  rapport,  mais  je  suis  certain 
qu'un   très    grand  nombre    de  paroles   rapportées   dans  ce 


l-i'l 


(1)  Reproduit  d'après  Cecconi. 

(2)  C.  V.  1115  c.  —  Cecconi,  doc.  LXXXI. 


[300] 


L  ATTITUDE  DU  PATRIARCHE    GREC  DE  COXSTAXTIXOPLE     3G9 

journal,  n'ont  été  prononcées  ni  par  le  patriarche,  ni  par  le 
protosyncelle.  Par  exemple,  je  n'hésite  pas  à  affirmer  qu'en 
ma  présence  on  n'a  pas  parlé  avec  tant  d'irrévérence  du  pape 
et  de  l'Eglise  romaine.  /  Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs,  le  récit 
peut  être  considéré  comme  l'expression  des  sentiments  du 
patriarche  ;  le  protosyncelle  n'aurait  pas  eu  l'audace  de  lui 
attribuer  ses  propres  idées.  Par  l'ensemble  de  l'article,  on 
voit  clairement  que  l'auteur  a  puisé  ses  doctrines  aux 
sources  protestantes  ;  or,  on  sait  que  le  protosyncelle  actuel  a 
fait  ses  études  en  Allemagne.  » 

La  relation  grecque  attira  l'attention  générale  à  Constan- 
tinople  et  l'attitude  du  patriarche  fut  diversement  jugée. 
Voici  ce  que  raconte  à  ce  sujet  Mgr  Hassoun,  le  patriarche 
arménien  catholique,  dans  une  lettre  qu'il  écrivait  quelques 
jours  après  (27  octobre)  au  préfet  de  la  Propagande  :  «  Les 
journaux  où  le  récit  était  publié  furent  vendus,  le  soir  même 
(23  octobre),  et  mis  en  circulation  dans  tous  les  lieux  de 
rendez-vous  de  la  bonne  société,  particulièrement  sur  le 
Grand  Cours  et  sur  les  bateaux  à  vapeur  fort  nombreux  qui 
font  le  service  du  Bosphore.  Les  banquiers  et  les  négociants 
grecs,  qui  sont  ici  les  hommes  les  plus  importants,  lisaient 
et  commentaient  avec  ardeur  ces  journaux.  J'en  fus  moi- 
même  témoin  à  bord  d'un  bateau  à  vapeur  où  se  trouvaient 
un  bon  nombre  de  notabilités  grecques.  Après  avoir  lu 
l'article,  ils  se  divisèrent  en  deux  camps  :les  uns  prétendaient 
que  leur  patriarche  avait  très  bien  fait  de  repousser  une 
lettre  conçue  en  termes  outrageants  pour  leur  Eglise  et  pour 
leur  nation  —  les  journaux  non  catholiques  cherchaient,  en 
effet,  à  altérer  les  expressions  de  la  lettre  pontificale  — ;  les 
autres  estimaient  que  la  conduite  de  leur  patriarche  avait 
été  incivile,  et  ils  la  condamnaient.  Comme  ils  ne  se  doutaient 


(1)  Ceccoxi,  sez  II,  p.  47,  note  1 . 

[3101 


370 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


pas  que  je  comprisse  le  grec,  ils  s'exprimaient  librement  et 
sans  réserve.  » 

Le  jour  choisi  par  le  patriarche  grec  pour  son  audience 
avait  été  aussi  choisi,  nous  l'avons  vu,  par  le  patriarche 
arménien.  Chez  celui-ci,  l'abbé  Testa  et  ses  compagnons 
trouvèrent  un  accueil  plus  bienveillant.  Reçus  à  la  porte  de 
la  résidence  patriarcale  par  deux  dignitaires,  ils  furent  aussi 
tôt  introduits  dans  la  salle  d'audience,  où  le  patriarche  les 
attendait.  Celui-ci  reçut  la  lettre  avec  tout  le  respect  conve- 
nable, et,  après  s'être  entretenu  quelque  temps  de  la  nécessité 
de  l'union  pour  combattre  les  ennemis  de  l'Eglise,  il  insista 
sur  le  peu  d'importance  des  points  qui  séparent  les  deux 
églises;//  puis,  s'adressant  à  M.  Testa,  il  lui  demanda  s'il 
était  chargé  de  transmettre  la  même  lettre  au  catholicos 
d'Etchmiadzin.  — Non,  répondit  l'abbé  Testa,  Etchmiadzin  se 
trouve  en  dehors  des  limites  de  la  délégation  apostolique  de 
Constantinople.  —  En  tout  cas,  reprit  le  patriarche,  il  est  de 
mon  devoir  de  faire  connaître  au  catholicos  la  démarche  que 
vous  venez  de  faire  auprès  de  moi.  De  même,  avant  de  vous 
donner  une  réponse  définitive,  je  dois  en  conférer  avec  les 
évêques  mes  collègues...  L'abbé  Testa  lui  dit  qu'il  était 
chargé  de  remettre  un  exemplaire  des  lettres  apostoliques  à 
chacun  des  évêques  arméniens  de  la  délégation  de  Constan- 
tinople et  il  le  pria  de  lui  en  procurer  la  liste  avec  leurs 
adresses.  Le  patriarche,  après  un  instant  de  silence,  reprit  : 
«  Avez- vous  remis  ces  lettres  au  patriarche  grec  ?  Que  vous 
a-t-il  répondu  ?...»  L'abbé  Testa  ne  voulait  pas  parler  du  mau- 
vais accueil  qu'il  avait  reçu  ;  il  se  contenta  de  dire  que  le 
patriarche  avait  trouvé  bien  difficile  de  troubler  la  paix  et  i 
de  reprendre  les  discussions  après  tant  de  siècles  de  sépara- 
tion ;  il  eut  soin  de  ne  pas  prononcer  le  mot  de  refus.  Le 
patriarche  arménien  changea  légèrement  de  couleur  et  devint 
pensif  :  peut-être  cherchait-il  un  moyen  de  se  débarrasser  de 
la  lettre.  «  Mais,  dit-il  enfin,  cette  lettre  ne  porte  j)as  mon 


[310-31 1J 


REPONSE    DU    PATRIARCHE    ARMENIEN  374 

adresse?  —  Heureusement,  écrit  l'abbé  Testa,  nous  avions 
prévu  cela,  et  sur  les  exemplaires  destinés  aux  deux  patri- 
arches, reliés  avec  luxe  en  maroquin  rouge,  nous  avions  fait 
écrire  en  lettres  d'or  le  titre  de  chacun.  Autre  difficulté  : 
«  Cette  lettre  n'est  pas  signée,  »  fit  remarquer  le  patriarche. 
L'abbé  Testa  répondit  que  le  nom  du  pape  se  trouvait  en  tête 
et  que  le  sceau  pontifical  garantissait  l'authenticité  du  bref. 
Le  patriarche  se  montra  satisfait  de  ces  explications.  Il 
ajouta,  l'air  toujours  tranquille  et  serein  :  «  Je  ne  puis  me 
charger  de  transmettre  les  lettres  aux  évêques.  Il  n'est  pas  à 
propos  non  plus  que  je  vous  donne  leurs  adresses.  Cependant, 
vous  êtes  libre,  vous  devez  même  exécuter  le  mandat  qui  vous 
a  été  confié.  Rien  ne  vous  empêche  d'envoyer  les  lettres  à 
l'épiscopat  arménien.  »  L'entretien  était  terminé,  et  le  patri- 
arche congédia  ses  visiteurs  avec  tous  les  signes  d'une 
cordiale  affection. 

On  le  voit,  ce  prélat  n'était  pas  mal  disposé  à  l'égard  du 
concile  et  de  la  réunion  avec  Rome.//  Il  pouvait  compter  pour 
cela  sur  les  dispositions  toutes  semblables  d'un  bon  nombre 
d'Arméniens  sehismatiques.  A  Constantinople  deux  partis 
s'étaient  formés  :  l'un  poussait  à  la  réunion  avec  l'Eglise 
catholique-romaine  ;  l'autre,  placé  sous  l'influence  de  la 
Russie  et  ax)pelé  pour  cette  raison  le  parti  russophile,  cher- 
chait à  l'empêcher.  Chaque  parti  soutenait  ses  vues  propres 
dans  les  journaux.  Les  russophiles  insistaient  principale- 
ment sur  ce  que  leurs  adversaires,  non  contents  de  dépouiller 
l'église  nationale  arménienne  de  son  indépendance,  cher- 
chaient à  la  latiniser  complètement.  Le  parti  de  l'union 
faisait  valoir  avec  insistance  qu'il  ne  s'agissait  pas  d'un 
changement  de  la  liturgie  arménienne  (i).  Le  patriarche, 
nous  l'avons  remarqué,  était  favorable  à  ces  derniers,  mais  il 
n'osait  pas  se  décider  sans  le  catholicos  d'Etchmiadzin. 


(1)  Cf.  Civilta  cattolica,  scr.  VII,  vol.  5,  p.  467  et  suiv. 

[311-312] 


372  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

Etclimiadzin  est  un  monastère  arménien  situé  près  d'Eri 
van,  dans  la  partie  septentrionale  de  l'Arménie,  qui  est 
soumise  à  la  domination  russe.  Le  patriarche  qui  avait  là  sa 
résidence,  dans  le  principal  sanctuaire  des  Arméniens,  se 
donnait  le  titre  de  catholicos  et  revendiquait  la  suprême 
autorité  ecclésiastique  sur  tous  les  Arméniens  schismatiques 
en  dehors  môme  des  frontières  de  la  Russie.  Celle-ci  favo- 
risait ses  prétentions. 

Le  catholicos,  Kevord  IV,  envoya  à  Constantinople,  sur 
la  fin  de  juillet  1868,  une  ambassade  dont  le  chef  était 
l'archevêque  Sarkis  Tchalalian.  Son  but  était,  semble-t-il, 
d'étouffer  les  tendances  unionistes  des  Arméniens  dans  ce 
centre  principal  des  églises  orientales.  Avec  l'aide  du  gou- 
vernement russe,  Tchalalian  devait  s'établir  solidement  à 
Constantinople  et  y  fixer  sa  demeure  en  qualité  de  nonce  du 
catholicos.  Kevork  IV  avait  muni  les  délégués  d'un  mémoire 
pour  le  ministre  des  affaires  étrangère  de  Turquie  :  il  y 
exposait  ses  droits  à  la  suprématie  ecclésiastique  et  priait  le 
ministre  de  protéger  son  ambassade  et  d'en  favoriser  les 
entreprises  (1).  Le  ministre  lui  adressa  une  réponse  fort 
courtoise,  mais  nettement  négative  (2).  Malgré  tout,  le  catho- 
licos, aidé  du  parti  russophile,  sut  manoeuvrer  avec  un  te 
succès  à  Constantinople  contre  les  tendances  unionistes, 
s'acquit  dans  cette  ville  un  tel  crédit  que  le  patriarche  se  vi 
forcé,  pour  le  contenter,  lui  et  son  parti,  de  publier  une 
déclaration  sur  la  manière  dont  il  avait  reçu  l'encyclique 
pontificale.  '  Il  ne  l'avait  fait,  disait-il,  que  pour  accomplir  un 
devoir  de  politesse.  D'après  les  canons  de  l'Eglise  armé- 
nienne, il  ne  pouvait,  dans  une  circonstance  aussi  importante 
que  la  participation  à  un  concile,  donner  de  réponse  décisive, 
sans  communiquer  la  lettre  pontificale  au  catholicos  d'Etch 


(1)  Gecconi,  loc.  cit..   Doc.  LXXXV.   Ct.   G.    V.  1117  c.  Cf.  Geccoxi,  loc.   cil 
Doc.  LXXXIII.  C.  V.  1117  b. 

(2)  Gecconi,  loc.  cit.  Doc.  LXXXVI.  Cf.  C.  V.  1117  c. 


I312-313J 


REPONSE    DU    CATHOLICOS    U  ETCHMT  A  DZ1N  373 

miadzin,  auquel  seul  il  appartenait  d'apprécier  ce  docu- 
ment (i).  Le  patriarche  publia  cette  déclaration  dans  les 
journaux  vers  le  milieu  de  décembre;  il  envoya  ensuite  au 
catholicos  la  lettre  du  pape  en  traduction  arménienne  et 
demanda  des  instructions  sur  la  conduite  à  tenir  (2).  C'était 
équivalemment  refuser  l'invitation  au  concile.  La  condescen- 
dance du  patriarche  ne  devait  pourtant  lui  servir  de  rien  :  il 
n'en  perdit  pas  moins,  nous  le  verrons,  ses  fonctions  et  sa 
dignité. 

Les  évêques  arméniens  non-unis,  de  la  délégation  de 
Constantinople, reçurent  fort  aimablement  les  lettres  aposto- 
liques que  leur  avaient  envoyées  l'abbé  Testa  et  le  patriarche 
arménien  catholique,  M81"  Hassoun,  et  se  montrèrent  même 
assez  enclins  à  accepter  l'invitation;  mais  presque  tous  décla- 
rèrent qu'ils  devaient  se  régler  sur  la  volonté  et  l'exemple 
du  catholicos.  C'est  ce  qui  détermina  le  cardinal  préfet  de  la 
Propagande,  à  confier  à  l'abbé  Testa  le  soin  de  faire  parvenir 
la  lettre  pontificale  au  catholicos  lui-même.  C'était  là  une 
mission  difficile,  ainsi  que  l'écrit  l'abbé  Testa  au  cardinal- 
préfet,  vu  qu'Etchmiadzin  était  situé  en  territoire  russe. 
Après  avoir  conféré  avec  Mgr  Hassoun,  il  se  décida  à  envoyer 
par  des  voies  différentes  deux  exemplaires  de  la  lettre,  l'un 
par  un  laïque  arménien  non-uni,  l'autre  par  l'évêque  armé- 
nien catholique  dont  la  résidence  était  la  plus  rapprochée 
d'Etchmiadzin.  ce  Cependant,  écrit-il,  n'y  a-t-il  pas  danger 
que  le  catholicos,  s'il  est  mal  disposé,  ne  dénonce  au  gouverne- 
ment russe  celui  qui  se  sera  prêté  à  nous  rendre  ce  service  ?  » 
Il  doutait  que  l'on  put  trouver  quelqu'un  qui  se  chargeât 
d'une  pareille  commission  (3).  La  lettre  est-elle  parvenue 
entre  les  mains  du  catholicos?  Rien,  dans  les  documents 
ne  nous  renseigne  sur  ce  point.//  Il  ne  s'y  trouve  pas  non  plus 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  LXXXVIII.  Cf.  C.  V.  1117  d. 

(2)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  LXXXIX.  Cf.  C.  V.  1117  cl. 

(3)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  XCVI.  Cf.  C.  V.  1118  b. 


=4 

[313] 


374  HISTOIRE   DU    CONCILE    1)1"    VATICAN 

de  réponse  du  catholicos  à  l'abbé  Testa.  Nous  avous,  il  est 
vrai,  sa  réponse  au  patriarche  arménien  seliismatique  de 
Constantinople  qui,  de  son  côté,  on  s'en  souvient,  lui  avait 
aussi  envoyé  la  lettre  pontificale.  Cette  réponse,  datée  de 
février  1869,  nous  renseigne  pleinement  sur  les  dispositions 
du  catholicos  (1). 

Il  exprime  son  désir  de  la  réunion  des  églises.  Mais,  dit-il, 
la  lecture  de  la  lettre  du  pape  l'a  persuadé  qu'il  n'y  avait  rien 
à  attendre  de  semblable  du  concile.  Si  Rome  désirait  réelle- 
ment rétablir  l'union,  elle  devrait  tout  d'abord  s'enquérir 
des  causes  de  la  séparation  et  se  résoudre  fermement  à  les 
faire  disparaître  :  son  premier  devoir  serait  de  se  réconcilier 
avec  les  pasteurs  suprêmes  de  l'Eglise  orientale,  et  de  leur 
proposer  le  projet  de  concile  et  les  principaux  points  qui 
devaient  y  être  traités  ;  si  l'on  tombait  d'accord,  on  pourrait 
s'entendre  pour  déterminer  de  concert  la  date  et  le  lieu  du 
concile.  Mais  puisque  le  patriarche  de  Rome  prenait  sur  lui 
de  convoquer  le  concile  et  d'envoyer  l'invitation  aux  évêques 
orientaux,  il  se  donnait  pour  le  chef  de  toute  l'Eglise  et  niait 
l'égalité  de  droits  des  patriarches  orientaux.  Il  appelait 
expressément  dans  sa  lettre  le  siège  de  Rome  centre  de 
l'unité,  doctrine  que  l'Eglise  orthodoxe  des  Arméniens 
repousse  avec  les  autres  nations  de  l'Eglise  orientale,  ne 
reconnaissant  d'autre  chef  de  l'Eglise  que  le  Sauveur  Jésus- 
Christ.  Il  n'y  avait  donc  rien  à  attendre  du  concile  pour  la 
réunion  des  Eglises  :  peut-être  n'y  ferait-on  qu'ouvrir  un 
nouveau  champ  de  controverses,  qui  donnerait  lieu  à  de  nou- 
velles et  inguérissables  divisions,  au  grand  scandale  d'un 
grand  nombre  de  chrétiens  et  au  déshonneur  de  la  religion 
chrétienne.  Le  catholicos  avertissait  le  patriarche  de  se 
défier  de  l'invitation,  de  mettre  en  garde  les  archevêques  et 
tous  les  prélats  des  diocèses  situés  dans  l'empire  turc  et  de 


(I)Ceccoxi,  loc.  cit.  Doc.  XCIV.  Cl.  C.  V.  1118  b. 

[314] 


REPONSE    DES    PATRIARCHES    ORIENTAUX  37o 

ne  donner  aucun  prétexte  à  des  troubles  et  à  des  divisions. 

Quand  la  lettre  du  eatholicos  arriva  à  Constantinople,  le 
patriarche  Paul,  auquel  elle  était  adressée,  n'était  plus  sur 
son  siège.  Les  partis  qui  s'étaient  formés  sur  la  question  de 
l'union  avec  Rome  avaient  de  plus  en  plus  accentué  leurs 
divisions.  Les  adversaires  de  l'union,  protégés  par  la  Russie, 
avaient  excité  de  tels  troubles  (i)  que  le  patriarche  s'était 
vu  forcé  d'abdiquer  (2).  Survenant  là-dessus,  la  lettre  du 
eatholicos  ne  pouvait  qu'augmenter  les  forces  de  ce  parti,  et 
les  mieux  disposés  parmi  les  évoques  arméniens  de  Turquie 
renoncèrent  complètement  à  l'idée  de  prendre  part  au  concile. 

Dans  les  autres  contrées  de  l'Orient  les  choses  se  pas- 
sèrent pour  les  Arméniens  absolument  comme  en  Turquie. 
Le  patriarche  arménien  schismatique  de  Jérusalem  déclara, 
comme  celui  de  Constantinople,  que  la  décision  n'appartenait 
qu'au  eatholicos  d'Etchmiadzin  (3). 

Mais  revenons  aux  Grecs.  Nous  avons  vu  (4)  comment  le 
patriarche  schismatique  de  Constantinople  repoussa  l'invita- 
tion pontificale  et  comment  un  journal  de  son  entourage  lui 
prêta  pour  la  circonstance  l'attitude  la  plus  grossière  et  la 
plus  blessante  vis-à-vis  du  pape.  La  grande  dépendance  des 
archevêques  et  des  évèques  à  l'égard  du  patriarche,  leur 
maître  absolu,  qui,  d'après  Dollinger,  les  institue  et  les 
dépose  à  son  gré  (5),  sans  en  devoir  compte  à  personne, 
faisait  clairement  prévoir  que  tous  suivraient  la  même  con- 
duite   que    leur    chef.    C'est    ce    qui    arriva    en    effet.    Le 


(l)Cf.  Civilta Cattolica,  sér.  VII,  vol.  5,  p.  600. 

(2)  Dans  les  feuilles  publiques,  les  schismatiques  se  livrèrent  à  de  violentes 
polémiques  contre  le  concile.  Dans  la  séance  de  la  congrégation  directrice,  tenue 
à  Rome  le  28  décembre  1868,  le  cardinal  Barnabe  dit  que  les  attaques  dirigées  par 
le  gouvernement  russe  devenaient  de  plus  en  plus  violentes.  Il  ajoute  qu'à  Con- 
stantinople on  répond  aux  schismatiques.  Voir  le  compte  rendu  de  la  Commis- 
sion. 

(3)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CI.  —  Cf.  C.  V.  1118  d. 

(4)  P.  366. 

(5)  Dollinger.  Kirche  und  Kirchen,  p.  158. 

I314-315J 


3TC  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN" 

6  février  1869,  l'abbé  Testa  envoyait  au  cardinal-préfet  de  la 
Propagande  la  liste  des  évéques  grecs,  qui,  au  nombre  de 
quarante-cinq,  avaient  reçu  l'invitation  pontificale  par  la 
poste  ou  par  des  messagers  (1);  dans  sa  lettre  (2)  il  décrit  l'in- 
différence avec  laquelle  ces  prélats  avaient  accueilli  l'invita- 
tion, on  ne  parlait  plus  du  concile  et  le  patriarcat  tout  entier 
ne  semblait  plus  occupé  que  des  différends  qui  venaient  de 
s'élever  entre  Constantinople  et  les  Bulgares./  Ceux-ci,  qui 
depuis  longtemps  cherchaient  à  se  séparer  du  patriarcat,  se 
voyaient  alors  tout  près  d'atteindre  leur  but.  Le  jour  même 
où  le  patriarche  avait  refusé  de  recevoir  la  lettre  pontificale, 
il  reçut  de  la  Porte  la  communication  officielle  de  la  décision 
par  laquelle  le  sultan  séparait  définitivement  l'Eglise  bulgare 
du  patriarcat  (3). 

Les  patriarches  grecs  d'Alexandrie, d'Antioche  et  de  Jéru- 
salem (4)  reçurent  l'invitation  du  pape  presque  aussi  mal  que 
celui  de  Constantinople. 

Chez  le  patriarche  de  Jérusalem,  deux  chanoines  latins, 
MM.  Codere  et  Perpignani,  à  qui  le  patriarche  latin,  M81"  Va- 
lerga,  avait  confié  la  lettre  du  pape,  furent  reçus  en  audience 
le  9  décembre  1868.  Le  patriarche  les  reçut  en  présence  d'un 
prêtre,  auquel  bientôt  s'adjoignirent  quatre  ou  cinq  autres 
ecclésiastiques,  prêtres  et  évêques.  Nous  avons  une  relation 
détaillée  de  l'entretien  par  le  chanoine  Perpignani,  qui, 
sachant  le  grec,  portait  lui-même  la  parole  (5). 


(1)  Cecconi,  toc.  cit.  Doc.  XCII.  Cf.  G.  V.  1118a. 

(2)  Cbcconi,  loc.  cil.  Doc.  XG1.  Cf.  C.  V.  1118  a.  —  Voir  les  réponses  des  divers 
évéques  dans  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.  I.  p.  63  et  suiv.  Sez.  II.  Doc.  LXXX1, 
I  XXXIII,  LXXXIV,  LXXXV1I   Cf.  C.  V.  1114  c.  sqq.  1117  b  sq. 

(3)  Civiltacattolica,  sér.  VII,  vol.  5,  p.  341,  471  sq.  Des  cinq  millions  de  Grecs 
qui  étaient  soumis  au  patriarche  de  Constantinople,  cette  décision  ne  lui  laissa 
qu'un  million,  car  on  comptait  bien  quatre  millions  de  Bulgares.  Ibid.  p.  342. 

(4)  Ces  trois  patriarcats  forment  avec  celui  de  Constantinople  tout  ce  qui  reste 
du  tronc  de  cette  église  qui  s'étendait  autrefois  à  toutes  les  provinces  de  l'empire 
grec.  Aujourd'hui  que  la  Russie,  la  Grèce  et  d'autres  Etats  s'en  sont  successive- 
ment séparés,  cette  église  ne  compte  plus  que  quelques  millions  de  chrétiens. 
Cf.  Dollinoer,  op.  cit.,  p.  157  et  suiv. 

(5)  C.  V.  1118  d.  sqq.  —  Cecconi,  toc.  cit.  Doc.  Cil. 

[315-316] 


RÉPONSE    DU    PATRIARCHE    GREC   DE    JERUSALEM  377 

Après  qu'il  eut  présenté  les  lettres  apostoliques  en  pronon- 
çant quelques  paroles,  le  patriarche  lui  fit  signe  de  les 
déposer  sur  le  divan,  et  ajouta  :  «  Sa  Sainteté  le  Pape  aurait 
dû  d'abord  écrire  une  lettre  confidentielle  aux  patriarches 
et  aux  évèques  Orientaux  et  nous  dire  :  «  Voici  ce  que  je 
»  pense  faire.  Qu'en  dites-vous?  Qu'avez-vous  à  me  con- 
)>  seiller?  »  Et  ainsi,  nous  nous  serions  concertés  les  uns 
avec  les  autres  et  nous  aurions  pris  notre  parti.  Mais  il  ne 
fallait  pas  d'abord  publier  la  chose  dans  le  monde  entier  et 
dans  tous  les  journaux.  » 

Patrignani  répondit  :  «  Béatitude,  le  Saint-Père  n'a  pas 
traité  les  patriarches  et  les  évèques  Orientaux  autrement 
qu'il  n'a  fait  avec  nos  évèques  d'Occident.  » 

Le  patriarche  :  «  Mais  dans  cette  encyclique  le  pape  nous 
traite  de  schismatiques.  » 

Perpignani  :  «  Non,  Votre  Béatitude  peut  s'assurer  par 
elle-même  que  ce  mot  n'est  pas  dans  la  lettre.  » 

Le  patriarche  :  «  Sans  doute,  mais  il  y  a  l'équivalent.  » 

Perpignani  :  «  Béatitude,  l'équivalent  est  un  fait  que  vous 
ne  niez  pas  vous-mêmes...  Si  vous  n'étiez  pas  séparés  de 
l'Eglise  romaine,  vous  lui  seriez  unis,  et  vous  reconnaissez 
que  vous  n'êtes  pas  unis.  » 

Le  patriarche  étant  revenu  à  sa  première  observation  sur 
le  procédé  du  pape,  Perpignani  lui  répondit  :  «  Les  conciles 
se  font  précisément  pour  mettre  tout  le  monde  d'accord.  Si 
vous  valiez,  vous  pourrez  librement  proposer  cette  question 
comme  les  autres.  Vous  savez  d'ailleurs  que  l'Esprit-Saint 
ne  peut  se  tromper.  » 

Le  patriarche  :  «  Oui,  l'Esprit-Saint  ne  peut  se  tromper... 
Mais,  dans  les  circonstances  actuelles  où  le  monde  est  sens 
dessus-dessous,  on  n'aurait  pas  dû  songer  à  un  concile.  » 

Perpignani  :  «  Au  contraire,  Béatitude,  ce  sont  là  les  cir- 
constances où  l'on  doit  réunir  des  conciles.  En  fait,  tous  les 
conciles  anciens  se  sont  tenus    au   milieu    des  troubles  de 

[316-3171 


3T8 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


l'Eglise.  C'est  pourquoi,  voyant  que  la  chrétienté  tout 
entière  est  en  danger,  tous  les  chrétiens  devraient  s'en- 
tendre pour  la  soutenir.  » 

Le  patriarche  :  «  Dieu  le  veuille  :  mais  après  si  long- 
temps, comment  serait-il  possible  de  terminer  tous  ces  diffé- 
rends qui  ont  créé  entre  les  peuples  tant  de  divisions  ?  » 

Perpignani  :  «  Béatitude,  rien  n'est  impossible  à  Dieu.  » 

De  patriarche  :  «  A  Dieu,  oui;  mais  pour  les  hommes,  c'est 
impossible.  » 

Perpignani  :  «  Aux  hommes  non  plus,  pourvu  que  ce  soit 
des  hommes  de  bonne  volonté.  » 

Le  patriarche  :  «  Dieu  le  veuille.  Nous  aussi  nous  prions 
pour  l'union  des  Eglises.  » 

Perpignani  :  «  Vous  voyez  donc  que  vous  aussi  vous  jugez 
cette  union  nécessaire.  » 

Le  patriarche  :  «  Oui,  mais  dans  les  circonstances 
actuelles  elle  n'est  pas  possible.  Nous  sommes  dans  des 
temps  si  mauvais!  » 

Le  temps-  s'écoulait  en  de  semblables  dialogues.  On  apporta 
des  rafraîchissements.  Comme  les  deux  délégués  se  levaient 
pour  partir,  le  patriarche  prit  la  lettre  du  pape  et  dit  au  cha- 
noine Perpignani  :  «  Faites-moi  le  plaisir  de  reprendre  cette 
lettre,  car  je  ne  puis  l'accepter.  Voyez  vous-même  :  tous  Les 
autres  évêques  d'Orient  l'ont  refusée.  Je  ne  puis  faire  autre- 
ment qu'eux.  »  Un  des  prêtres  grecs  présents  à  l'entretien  fit 
remarquer  que  la  raison  du  refus  était  celle  qu'on  avait  indi- 
quée dès  le  début.  Le  patriarche  congédia  ses  visiteurs  à  leur 
départ  en  leur  disant  :  «Je  prie  le  Seigneur  que  l'union  se 
fasse  et  que  le  Saint-Esprit  assiste  le  saint  concile    Adieu.  » 

Le  patriarche  grec  schismatique  d'Antioche  réside  à 
Damas.  Mais,  comme  à  la  fin  de  décembre  1868,  il  se  trouvait 
à  Beyrouth,  le  P.  Zaccaria,  préfet  de  la  mission  confiée 
aux  Capucins,  se  rendit  chez  lui  le  20  décembre,  après  s'être 
informé  le  jour  précédent  si  on  le  verrait  venir  volontiers. 

[317] 


REPONSE    DES    PATRIARCHES    ORIENTAUX  379 

Il  rend  compte  lui-même  de  sa  visite  à  Mgr  Yalerga  (i),  qui 
l'avait  chargé  de  cette  commission.  L'évèque  de  Saïda,  trois 
prêtres  et  un  laïque  se  trouvaient  chez  le  patriarche.  Le 
P.  Zaccaria  fut  reçu  avec  la  plus  grande  cordialité.  Apres  un 
long  entretien  en  langue  arabe,  il  en  vint  au  but  de  sa  visite 
et  présenta  la  lettre  pontificale.  /  Le  patriarche  la  reçut  avec 
les  signes  du  plus  profond  respect,  la  baisa  et  la  fit  touchera 
son  front  sans  prononcer  une  parole.  Le  P.  Zaccaria  prit 
congé  et  retourna  chez  lui.  Le  soir  même,  l'évèque  de  Saïda, 
M-1'  Musaïl,  venait  lui  rendre  la  visite  au  nom  du  patriarche 
et  lui  rapporter  la  lettre  du  pape.  Le  patriarche  ne  pouvait, 
disait-il  l'accepter  sans  se  mettre  préalablement  d'accord 
avec  sa  nation.  Le  P.  Zaccaria  chercha  vainement  à  persuader 
à  l'évèque  que  le  consentement  de  la  nation  n'était  nullement 
nécessaire.  MLgr  Musaïl  ne  voulut  même  pas  recevoir  pour  son 
propre  compte  la  lettre  pontificale  :  il  en  connaissait,  dit-il.  le 
contenu  par  ce  qu'en  avait  dit  un  journal  de  Constantinoplc. 
Que  s'était-il  donc  passé?  Quelque  temps  après,  le 
P.  Zaccaria  en  fut  informé  par  un  négociant  grec.  La 
veille  de  l'entrevue,  le  patriarche  avait  réuni  les  notables  de 
la  population  de  Beyrouth  pour  connaître  leur  sentiment  sur 
la  conduite  à  tenir  à  l'égard  de  l'invitation  pontificale.  Tous 
avaient  été  d'avis  d'accepter,  et  le  patriarche  avait  agi  en 
conséquence.  Mais,  quand  le  consul  général  de  Russie, 
M.  Beger,  eut  appris,  le  jour  même  de  l'audience,  ce  qui 
s'était  passé  entre  le  patriarche  et  le  P.  Zaccaria,  il  se  rendit 
aussitôt  chez  le  prélat, lui  fit  des  reproches  pour  avoir  accepté 
la  lettre  du  pape  et  lui  persuada  de  la  renvoyer.  Le  patriarche 
s'exécuta  sur-le-champ.  «  Le  patriarche  Hiérothée,  dit  le 
P.  Zaccaria  en  terminant  sa  lettre,  est  une  créature  de  la 
Russie,  et  il  dépend  pour  les  affaires  civiles  du  patriarche 
de   Constantinople,    connu   pour   très    hostile    à   l'union.    » 


(1)  C.  V.  1121  b.  sqq.  Cexuni,  loc   cit.  Doc.  CIX. 

[317-318] 


380  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

C'est  le  vicaire  apostolique  d'Egypte,  M81"  Ciurcia,  qui 
reçut  du  cardinal  préfet  de  la  Propagande  la  mission  de 
transmettre  la  lettre  pontificale  au  patriarche  grec  scliisma- 
tique  d'Alexandrie.  Il  demanda  un  rendez-vous  et  on  lui  fixa 
le  28  février  1869,  dans  le  monastère  de  Saint- Sabas,  rési- 
dence du  patriarche.  Reçu  avec  la  plus  grande  courtoisie,  il 
fut  introduit  dans  une  salle  où  se  trouvait,  avec  trois  évèques, 
M-1  Xilo,  coadjuteur  et  successeur  désigné  du  patriarche, 
dont  l'état  de  santé  était  précaire.  Mgr  Ciurcia  était  accompa- 
gné de  son  secrétaire,  du  supérieur  des  Lazaristes,  qui  savait 
le  grec,  et  d'un  certain  P.  Valentino,  qui  savait  l'arabe. 
Le  patriarche,  empêché  par  la  maladie  de  prendre  part  à 
l'entretien,  était  représenté  par  Mgr  Nilo.  Mgr  Ciurcia  ayant 
exposé  le  but  de  sa  visite,  Mgr  Nilo  lui  répondit  qu'il  ne 
pouvait  recevoir  la  lettre,  si  elle  était  identique  à  celle  que 
les  journaux  avaient  publiée.  «  Si  le  Saint-Père,  ajouta-t-il, 
avait  agi  différemment,  si  par  exemple  il  avait  envoyé  aux 
patriarches  une  lettre  autographe  pour  s'entendre  avec  eux 
sur  la  tenue  d'un  concile,  on  aurait  pu,  du  moins  en  ce  qui 
regarde1  l'église  d'Alexandrie,  arriver  à  un  résultat  favorable. 
L'union,  nous  la  demandons  tous  les  jours  au  Seigneur  :  elle 
serait  pour  les  deux  Eglises  un  si  grand  bien  !  D'ailleurs,  la 
lettre  pontificale  renferme  trois  principes  qu'actuellement  il 
nous  est  impossible  d'admettre,  que  nous  repousserons  aussi 
longtemps  qu'ils  ne  nous  auront  pas  été  montrés  dans 
l'Evangile  du  Christ.  » 

—  «  Le  Souverain  Pontife,  répondit  Mgr  Ciurcia,  a  suivi  à 
l'égard  de  tous  la  même  ligne  de  conduite.  Mais  quand  encore 
on  pourrait  y  signaler  tel  ou  tel  vice  de  forme,  ce  que  je  ne 
saurais  accorder,  serait-il  raisonnable  de  s'en  montrer  si  fort 
préoccupé  et  de  ne  prêter  aucune  attention  au  fond?  L'impor- 
tance et  la  gravité  de  la  question  qui  nous  occupe  comman- 
dent de  faire  tout  le  contraire.  Avec  un  peu  de  bonne  volonté, 
on  arrivera  vite  à  résoudre  le  problème.  » 

[318-319] 


REPONSE    DES    PATRIARCHES    ORIENTAUX  38! 

Le  vicaire  apostolique  crut  devoir  conclure  de  la  présence 
des  trois  évêques  et  d'un  laïc  grec  instruit,  qui  parlait  fort 
bien  le  français,  que  les  Grecs  avaient  l'intention  d'entamer 
une  controverse  sur  quelques  points  de  doctrine.  Il  y  coupa 
court  en  déclarant  que  le  but  de  sa  visite  était  uniquement 
de  présenter  les  lettres  apostoliques  et  non  de  discuter. 
M>T  Xilo  maintint  fortement  ce  qu'il  avait  d'abord  déclaré, 
qu'une  entente  eût  été  possible  si  l'on  s'y  était  pris  autrement 
pour  l'invitation.  Msr  Ciurcia  répondit  :  «  Espérons  que  le 
Saint-Esprit  nous  éclairera  tous  et  que  l'élévation  de  Votre 
Grandeur  sur  le  trône  patriarcal  d'Alexandrie  sera  comme  le 
«•âge  de  l'union  tant  désirée,  o 

Durant  l'entretien,  on  était  venu  à  parler  de  la  primauté  de 
l'evèque  de  Rome.  Les  Grecs  lui  accordaient  une  primauté 
d'honneur,  mais  non  de  juridiction.  Mgr  Ciurcia  leur  fit 
observer  que  l'Eglise,  pour  être  une,  ne  devait  avoir  qu'un 
seul  chef.  Mais  il  évita  autant  que  possible  la  discussion, afin 
de  ne  pas  donner  lieu  à  des  publications  désagréables  dans 
les  journaux.  L'entretien  resta  tout  le  temps  aimable,  mais 
peu  animé  (i).  MK1  Xilo  rendit  la  visite  et  répéta  ce  qu'il 
avait  déjà  dit. 

A  peine  MKl  Ciurcia  avait-il  quitté  Alexandrie  que  le 
journal  grec  l'Ecno  du  9  mars  1869  publia,  comme  «  prove- 
nant du  palais  patriarcal  »,  un  compte  rendu  fort  inexact 
de  sa  visite  à  Msr  Xilo  (2).  L'entretien  y  était  reproduit  de 
manière  à  donner  aux  Grecs  une  sorte  de  victoire  sur  les 
Latins.  M-1  Ciurcia,  qui  reçut  l'article  au  Caire,  s'adressa 
aussitôt  à  M"''  Xilo  pour  s'en  plaindre  :  il  déclarait  à  plusieurs 
reprises  qu'il  ne  pouvait  et  ne  voulait  pas  attribuer  l'article 
au  prélat  et  exigeait  un  désaveu  complet  et  sincère;  dans  le 
eas  contraire,  il  se  verrait  obligé  de  prendre  une  mesure  peu 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.,  Doc.  CXI,  p.  84. 
(2).Ceccon-i,  loc.  cil.  Doc.  CX1I.  CI.  G.  Y  Ail 


13  a. 
[319-320J 


382  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

favorable  au  but  si  désiré  de  l'union  (i).  A  ce  qu'il  semble,  il 
n'y  eut  pas  de  rectification. 

Dans  le  territoire  de  la  délégation  de  M-1  Ciurcia  habitaient, 
outre  les  Grecs,  les  Coptes  schismatiques.  C'était  donc 
encore  à  lui  que  revenait  la  tâche  de  transmettre  à  ceux-ci 
la  lettre  pontificale. 

Les  Coptes  d'Egypte,  de  Xubie  et  d'Abyssinie  sont  mono- 
physites  comme  les  Jacobites  de  Syrie, de  Mésopotamie  et  des 
provinces  environnantes.  Leur  chef  suprême  porte  le  titre  d 
patriarche  d'Alexandrie  et  prend  la  qualité  de  successeur  de 
Tévangéliste  saint  Marc.  Il  réside  au  Caire.  Au-dessous  de  lui 
sont  quatorze  évèques,  neuf  dans  la  Haute  Egypte,  deux  dans 
la  Basse  Egypte,  un  au  Soudan,  un  en  Abyssinie  et  un  au 
Caire  (2).  Sur  la  remise  de  la  lettre  pontificale  et  l'accueil 
que  lui  firent  les  évoques  coptes,  nous  avons  un  rapport 
officiel  de  M61"  Ciurcia  au  cardinal  préfet  de  la  Propagande  (3). 
Ce  prélat  chargea  le  vicaire  apostolique  des  Coptes  catho- 
liques d'inviter  les  évèques  schismatiques  de  la  Haute 
Egypte;  pour  la  Basse-Egypte,  il  délégua  les  missionnaires 
présents  sur  les  lieux.  Quant  au  patriarche,  résidant  au  Caire, 
il  se  chargea  de  lui  présenter  lui-même  la  lettre  pontificale. 

Le  patriarche  avait  fixé  pour  cette  audience  la  matinée 
du  8  janvier,  la  troisième  fête  de  Noël  pour  les  Coptes. 
M81  Ciurcia  se  rendit  à  l'heure  marquée  à  la  résidence 
patriarcale,  accompagné  d'un  prêtre  copte  catholique  Antoine 
Kabis  et  du  P.  Xetherda,  missionnaire.  Le  patriarche  était 
absent,  mais  il  avait  fait  prier  de  l'attendre.  Bientôt  se  pré- 
senta l'évèque  copte  du  Caire.  La  conversation  tomba  sur  le 
concile,  et  bientôt  sur  les  frais  du  voyage.  Mgr  Ciurcia  fit 
remarquer  que  les  évèques  riches  voyageraient  à  leurs  frais, 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXIV.  Cf.  6'.  V.  1123  b. 

(2)  Revue  catholique  (Louvain),  18(39,  I,   p.   5*it:   et  suiv.  —  Cecconi,  loc.   cit. 
])..,-.  CX.  -  Cf.  6'.  V.  1123  a. 

3  Ceci   >\i,  loc.  cit. 


[320-321] 


REPONSE  DU  PATRIARCHE  COPTE  DU  CAIRE        383 

et  les  évoques  pauvres  aux  Trais  du  pape.  L'évêque  copte 
objecta  que  les  prélats  de  sa  nation  ne  pourraient  venir  au 
concile,  alors  même  qu'ils  le  voudraient,  sans  la  permission 
du  vice-roi  d'Egypte.  On  vint  ensuite  à  parler  de  l'opinion 
déjà  émise  par  le  patriarche  et  d'après  laquelle  l'union  des 
Coptes  se  ferait  si  les  Latins  consentaient  à  rejeter  le  concile 
de  Clialcédoine.  MgrCiurcia  et  ses  délégués  essayèrent  de  faire 
comprendre  à  l'évêque,  sous  une  forme  populaire,  l'impossi- 
bilité d'une  pareille  concession.  Si  les  monophysites,  dirent- 
ils,  exigeaient  le  rejet  du  concile  de  Clialcédoine,  il  faudrait 
aussi,  pour  décider  les  Xestoriens  à  l'union,  rejeter  le 
concile  d'Epbèse  ;  si  les  anciens  Pères  avaient  procédé  de  la 
sorte,  il  aurait  fallu,  pour  ramener  les  dissidents,  rejeter  la 
vérité  et  accepter  l'erreur.  Là-dessus,  l'évêque  du  Caire  fit 
remarquer  que  si  le  patriarche  Cyrille  (i),  prédécesseur  du 
patriarche  actuel,  était  encore  en  vie,  la  démarche  du  délégué 
apostolique  aurait  eu  bien  plus  de  chances  de  succès. 

Enfin  parut  le  patriarche,  accompagné  d'un  prêtre.  Après 
les  compliments  d'usage  et  les  excuses  du  patriarche  pour 
son  retard,  le  délégué  lui  présenta  la  lettre  du  pape  en  texte 
latin  et  traduction  arabe.  L'accueil  assez  froid  ne  donnait 
aucune  espérance  de  succès.  «  Si  la  lettre  du  pape,  dit  le 
patriarche,  est  rédigée  sous  une  forme  impérative,  je  ne  tiens 
pas  même  à  la  voir;  si  elle  est  conçue  en  termes  amicaux, 
vous  pouvez  me  la  donner.  »  Le  délégué  le  pria  d'en  prendre 
connaissance;  et  à  mesure  qu'il  lisait,  le  patriarche  se  radou- 
cissait. «  Vous  autres  Latins,  dit-il  à  la  fin,  vous  avez  accepté 
au  concile  de  Clialcédoine  les  erreurs  de  Xestorius.  —  Il  va 
sans  dire  que  le  délégué  nia  le  fait  :  Xous  les  avons  au  con- 
traire condamnées,  repli qua-t-il.  Qu'on  compare  notre  doc- 
trine avec  les  Anathématismes  de  saint  Cvrille  d'Alexandrie 


(i)  On  dit  que  ce  patriarche  fut  empoisonné  à  cause  de  ses  tendances  favorables 
au  catholicisme. 

[321] 


384  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

et  on  les  trouvera  en  parfait  accord.  —  Mais  reconnaissez- 
vous  les  trois  premiers  conciles  pour  légitimes?  —  Assuré- 
ment. —  Comment  ont-ils  été  convoqués?  X'est-ce  pas  par 
les  empereurs  catholiques  et  non  par  les  papes?»  Le  délégué 
fit  répondre  par  son  interprète  :  «  La  convocation  des  con- 
ciles est  une  affaire  religieuse,  entièrement  en  dehors  du 
pouvoir  des  princes.  R. appelez-vous  les  paroles  du  grand 
Constantin  au  concile  de  Nicée  :  «  Ce  n'est  pas  moi,  ce  sont 
les  évoques  qui  sont  juges  de  la  foi,  je  n'ai  qu'à  écouter  et  à 
obéir.  »  Cependant,  il  appartenait  à  l'empereur  de  veiller  à 
l'exécution  des  décisions  conciliaires.  Mais  pour  leur  validité, 
celles-ci  ne  dépendaient  que  de  l'approbation  du  pape.  » 

On  parla  encore  d'autres  doctrines,  sur  lesquelles  les 
Coptes  sont  en  désaccord  avec  les  catholiques.  Mais  il  n'y 
avait  plus  à  espérer  aucun  résultat  de  l'entretien  et  MgrCiur- 
cia  y  coupa  court.  Au  sujet  de  l'invitation  au  concile,  le 
patriarche  n'avait  donné  aucune  réponse  décisive.  Ici  encore, 
la  réponse  du  patriarche  grec  d'Alexandrie,  déjà  connue  des 
Coptes,  exerçait  une  fâcheuse  influence. 

La  mission  d'inviter  les  Jacobites  au  concile  revenait  à 
M^'1  Castells,  délégué  apostolique  pour  la  Perse,  la  Mésopo- 
tamie, le  Kurdistan  et  la  Petite  Arménie.  D'après  son  rap- 
port au  cardinal  préfet  de  la  Propagande,  daté  du 
29  juin  1869  (1),  le  patriarche  et  tous  les  évêques  jacobites  (2) 
avaient  reçu  la  lettre  d'invitation  dans  des  sentiments  de 
cordialité  et  de  déférence.  Les  évêques  et  le  peuple  étaient 
très  favorables  à  l'idée  de  la  réunion  avec  Rome.  La  décision 
appartenait  uniquement  au  patriarche,  que  tous  les  évêques 
déclaraient  vouloir  suivre, 

«  La  réponse  promise  par  le  patriarche  et  par  les  évêques, 
ajoute  Mgr  Castells,  n'est  pas  encore  arrivée  et  je  ne  m'at- 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXV.  —  Cf.  6'.  V.  dl23b. 

(2)  MBr  Castells    compte  dix  évêques  jacobites,  y  compris  le  patriarche,  qui 
réside  à  Diarbékir. 

[322j 


RÉPONSE    DES    .1  V.COBITES    ET    DES    XESTORIENS  385 

tends  pas  à  la  recevoir.  Quelque  amabilité  qu'ait  montrée  le 
patriarche,  quelques  espérances  que  ses  paroles  aient  fait 
concevoir,  son  astuce,  son  orgueil  et  son  ambition  ne  permet- 
tent guère  d'espérer  qu'il  se  décide  à  cette  démarche  hono- 
rable. On  dit  communément  que  dans  cette  circonstance 
il  suivra  entièrement  l'exemple  du  patriarche  grec.  On  a 
appris  par  les  journaux  ce  que  celui-ci  a  mit,  il  est  donc  fort 
à  craindre  que  l'invitation  ne  soit  repoussée  et  que  les  évê- 
ques  ne  reçoivent  l'interdiction  de  prendre  part  au  concile  ». 

Voulant  faire  de  son  côté  ce  qu'il  pouvait,  pour  écarter 
tout  obstacle,  Mgr  Castells  fit  de  plus  savoir  au  patriarche 
que,  dans  le  cas  où  il  aurait  l'intention  de  prendre  part  au 
concile  avec  ses  évoques,  on  mettrait  à  sa  disposition  tout 
ce  dont  lui  et  eux  tous  auraient  besoin  pour  le  voyage.  Mais 
il  arriva  ce  qu'on  avait  prévu;  les  Jacobites  non  plus  ne  pri- 
rent point  part  au  concile. 

Le  territoire  de  la  délégation  de  Mgr  Castells  comprenait 
encore  le  pays  des  Xestoriens.  Ces  derniers  sont  les  adver- 
saires des  Monophysites,  dont  la  doctrine  s'est  formée  pour 
les  combattre.  Leur  nombre  n'est  plus  considérable.  Ils  ont 
un  patriarche  qui  réside  à  Kotchannès,  non  loin  de  Djoula- 
merk.  Au  dessous  de  lui  sont  sept  évêques  et  neuf  diocèses 
dans  le  Kurdistan  et  la  Perse,  avec  deux  cent  mille  fidèles 
environ  (i).  M>'r  Castells  écrivait  dans  son  rapport  du 
29  juin  1869  que  l'invitation  pontificale  n'avait  pu  être  encore 
transmise  au  patriarche  et  aux  évêques  nestoriens  à  cause 
du  mauvais  état  des  chemins,  et  de  la  neige  qui  couvrait  tout 
le  pays  au  commencement  du  printemps.  Le  P.  Lemée,  de 
l'ordre  des  Frères  Prêcheurs,  et  un  de  ses  confrères,  le 
P.  Vincent,  avaient  été  au  mois  de  mai  désignés  par  le  prélat 
pour  remplir  cette  mission,  mais  on  n'attendait  pas  leur 
retour  avant  la  fin  de  juillet. 


(1)  Revue  catholique  (Louvain),  1869, 1,  168. 

[322-323: 


386  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Sur  l'accueil  fait  par  le  patriarche  nestorien  à  l'invitation 
pontificale  nous  n'avons  pas  de  rapport  officiel,  mais  seule- 
ment un  récit  détaillé,  paru  dans  la  Revue  du  Concile  œcu- 
ménique du  Vatican  (i),  que  rédigeait  le  P.  Chéry,  de  l'ordre 
des  Frères  Prêcheurs.      Voici  ce  récit  (2). 

((  Ce  fut  le  R.  P.  Lemée,  de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs, 
supérieur  de  la  maison  de  Mar-Jaeoub,  dans  le  Kurdistan, 
(pii  fut  chargépar  le  délégat  du  Saint-Siège  en  Mésopotamie,  de 
porter  les  lettres  apostoliques  aux  Xestoriens.  Ces  chrétiens 
schismatiques  appartiennent  à  la  nation  Chaldéenne  et  sont 
gouvernés  par  cinq  ou  six  évêques  et  un  patriarche,  qui  est 
en  même  temps  le  chef  civil  du  pays.  Le  patriarche  actuel, 
Mar  -  Schimoun,  est  un  jeune  homme  de  vingt dmit  ans, 
d'une  belle  intelligence,  mais  qui  n'a  reçu  aucune  culture.  Il 
exerce  dans  toute  la  nation  un  ascendant  considérable  et  les 
évêques  eux-mêmes  ne  sont  devant  lui  que  comme  de  petits 
enfants.  On  n'a  pas  idée  d'un  absolutisme  semblable.  Aussi, 
quand  le  P.  Lemée  se  présenta  aux  évêques  et  leur  exposa 
l'objet  de  sa  mission,  tous  lui  répondirent  :  Xous  ne  pouvons 
rien  décider  de  nous-mêmes  ;  nous  ferons  ce  que  fera  le 
patriarche.  Voilà  l'indépendance  que  le  schisme  apporte  aux 
âmes  les  plus  fières.  Ces  chrétiens  ne  veulent  pas  reconnaî- 
tre la  suprématie  si  légitime  et  la  juridiction  si  paternelle 
du  souverain  pontife,  et  ils  sont  contraints  de  faire  abnégation 
complète  de  leur  personnalité  devant  un  homme  arrivé  à  la 
dignité  patriarcale  par  voie  d'hérédité  et  qui  n'a  souvent 
aucun  des  titres  que  ces  hautes  fonctions  réclament.  Il 
s'agissait  donc  d'aborder  ce  fameux  Mar-Sehimoun,  retranché 
dans  ses  montagnes  comme  dans  une  forteresse  imprenable. 


(1)  5  janvier  1870,  p.  101  et  suiv.  —  Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.   I,  p.  81  et  suiv. 

(2)  Nous  avons  substitué  au  résumé  assez  étendu  que  donne  Granderath  de  ce 
récit  (pp.  323-32IJ),  le  texte  lui-même  paru  dans  la  Revue  du  Concile  œcuménique 
du  Vatican,  5  janvier  1870,  p.  101  ssq.  L'article  est  intitulé  :  Réponse  des 
Nestoriens  aux  Lettres  Apostoliques  adressées  aux  Orientaux  non  unis. 
tX.duT.) 

[323-326J 


REPONSE    DU    PATRIARCHE    DES    NESTORIENS  387 


Sa  résidence  ordinaire  est  Kodehanès,  à  deux  heures  de 
Djoulamerk.  Lorsqu'il  est  menacé  et  serré  de  près  par  les 
Turcs,  il  se  retire  dans  un  château  fort,  qu'il  possède  au 
cœur  du  Kurdistan,  au  milieu  de  tribus  très  belliqueuses, 
où  il  peut  défier  toutes  les  troupes  envoyées  par  les  pachas. 
Il  faudrait  que  la  Turquie  mit  au  moins  deux  cent  mille 
hommes  en  campagne  pour  avoir  raison  de  ces  intrépides 
montagnards. 

Pour  arriver  jusqu'à  Kodchauès,  le  P.  Lemée  dut  vovager 
pendant  plus  de  vingt  jours  à  travers  les  neiges.  Sa  venue 
avait  été  annoncée  au  patriarche,  qui  vint  à  sa  rencontre,  le 
reçut  avec  distinction  et  lui  donna  l'hospitalité  dans  une 
hôtellerie  voisine  de  la  demeure  patriarcale.  Ce  jour-là  le 
missionnaire  ne  dit  rien  du  but  de  son  voyage.  Le  lendemain 
il  fit  demander  une  audience  àMar-Schimoun,  qui  s'empressa 
de  la  lui  accorder.  Afin  de  donner  plus  d'importance  à  son 
ambassade,  le  délégué,  porteur  des  lettres  apostoliques, 
s'était  fait  accompagner  d'un  prêtre,  de  plusieurs  serviteurs 
et  de  soldats  turcs,  qui  le  précédaient  l'épée  haute.  Toute  la 
maison  du  patriarche  était  également  sous  les  armes.  Mar- 
Schimoun  était  dans  son  divan,  entouré  de  ses  prêtres,  des 
divers  membres  de  sa  famille  et  de  nombreux  serviteurs  qui 
se  tenaient  debout,  le  poignard  à  la  main.  Il  se  leva  à  l'ap- 
proche du  P.  Lemée  et  le  fit  asseoir  devant  lui  sur  un  fau- 
teuil; c'était  une  grande  marque  de  bienveillance.  Le  Père 
dit  alors  qu'il  venait  au  nom  du  Pape,  lui  apporter  les  lettres 
apostoliques  par  lesquelles  le  Souverain  Pontife  invitait  les 
Orientaux  au  Concile.  Il  exposa  alors  les  avantages  que  la 
nation  ehaldéenne  devait  retirer  du  Concile  et  de  sa  réunion 
à  l'Egljse  romaine,  et  il  conjura  le  Patriarche  de  saisir 
l'occasion  qui  s'offrait  à  lui  de  rendre  à  son  pays  la  vraie  foi 
avec  l'indépendance,  en  lui  assurant  l'intérêt  et  la  protection 
ides  chrétiens  d'Occident. 

Mar-Schimoun  prit  la  lettre  du  Saint-Père,  y  jeta  un  coup 

[323-326] 


388  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

d'œil  et  la  remit  à  son  secrétaire,  en  disant  qu'il  en  avait 
déjà  reçu  une  semblable.  Par  excès  de  zèle,  le  Patriarche 
arménien  de  Constantinople  avait  en  effet  adressé  des  lettres 
apostoliques  à  l'évèque  de  Mardin,  en  le  priant  de  les  pré- 
senter au  Patriarche  ncstorien.  L'évoque  de  Mardin, 
empêché  par  je  ne  sais  quelles  affaires,  s'était  reposé  de  ce 
soin  sur  un  de  ses  prêtres,  et,  par  une  singulière  fatalité,  le 
hasard  voulut  que  la  lettre  fût  apportée  par  un  simple  mule- 
tier. —  Le  Père  s'empressa  de  dire  à  Mar-Schimoun  que  si 
la  lettre  lui  avait  déjà  été  remise,  c'était  par  suite  d'une 
■erreur  ;  car  la  volonté  du  pape  était  que,  par  honneur  pour 
sa  dignité  patriarcale,  la  lettre  lui  lut  présentée  par  un  mis- 
sionnaire latin.  Le  patriarche  parut  touché  de  cette  attention 
du  Souverain  Pontife,  et  le  Père  lui  ayant  demandé  une 
réponse,  il  dit  avec  une  grande  franchise  :  «  Il  m'est  difficile 
de  donner  une  réponse,  parce  que  depuis  plusieurs  années, 
ma  nation  est  sous  le  protectorat  de  l'Angleterre,  et  je  ne 
puis  rien  faire  sans  le  consul  anglais.  » 

Le  Père  reprit  :  «  Votre  béatitude  me  permettra  de  ne  pas 
rapporter  cette  réponse,  parce  qu'elle  pourrait  ne  pas  faire 
honneur  à  la  dignité  patriarcale.  Un  patriarche  est  bien 
au-dessus  de  tous  les  consuls  et  de  tous  les  représentants  du 
gouvernement  anglais,  puisqu'il  est  convoqué  au  concile  qui 
juge,  s'il  en  est  besoin,  les  gouvernements  et  les  rois.  En 
pareille  circonstance,  vous  n'avez  qu'à  vous  inspirer  de  votre 
conscience.  » 

Le  patriarche  ne  se  froissa  pas  de  ce  langage  si  loyal,  il 
sentit  un  ami  dans  le  missionnaire  français,  et  il  lui  dit:  «Je 
réfléchirai,  et  demain  je  vous  donnerai  ma  réponse.  » 

Le  soir  venu,  Mar-Schimoun  fit  dire  au  Père  qu'il  désirait 
le  voir  seul.  Celui-ci  se  rendit  à  l'invitation  du  patriarche  et 
ne  rencontra  personne  sur  son  passage;  tous  les  serviteurs 
étaient  éloignés,  sauf  un  seul  qui  gardait  la  porte,  pour  que 
personne  ne  vint  écouter  la  conversation  de  son  maître.  Mar- 


[323-320] 


REPONSE    DU    PATRIARCHE    DES    NESTORTENS  389 

Scliimoun  alla  au  devant  du  P.  Lemée.  Il  n'avait  plus  rien 
de  l'air  imposant  du  matin  ;  il  prit  la  main  de  son  hôte,  le  fit 
asseoir  à  ses  côtés,  et  lui  dit  avec  une  très  grande  affection  : 
«Je  vous  demande  bien  pardon  si  je  vous  ai  froissé  ce  matin 
par  mon  langage.  Ce  n'était  pas  dans  mon  cœur,  croyez-le; 
mais  je  suis  entouré  de  gens  dévoués  corps  et  âme  à  l'Angle- 
terre, et  j'ai  beaucoup  déménagements  à  garder  avec  elle. 
Les  Anglais  sont  les  seuls  qui  nous  protègent.  J'ai  écrit  deux 
fois  à  l'ambassadeur  français  à  Constantinople;  je  n'en  ai 
point  reçu  de  réponse,  et  force  m'a  été  de  m'appuyer  sur 
l'Angleterre.  Les  Anglais  s'occupent  de  nos  intérêts,  mais  il 
protestantisent  nos  populations.  Je  déteste  les  protestants  : 
car  le  protestantisme  est  la  ruine  de  toute  religion.  Si,  entre 
les  catholiques  et  nous  il  y  a  l'épaisseur  d'une  image,  entre 
nous  et  les  protestants  il  y  a  toute  la  hauteur  de  ces  mon- 
tagnes. Ils  n'ont  pas  la  prière  '  liturgique,  nous,  nous  avons 
des  livres  de  prière  et  une  liturgie  très  ancienne  ;  ils  n'ont 
pas  de  jeûnes,  et  nous,  nous  regardons  le  jeûne  comme  une 
des  choses  saintes  de  la  religion  ;  ils  n'ont  pas  de  vénération 
pour  la  Sainte  Vierge,  et  nous,  nous  avons  conservé  son 
culte;  ils  blasphèment  la  croix,  et  nous,  nous  l'adorons...  Il 
me  serait  beaucoup  plus  agréable  d'être  sous  la  main  du  pape 
que  sous  la  dépendance  des  protestants.  Je  me  sens  très 
incliné  vers  Rome,  mais  je  ne  suis  pas  libre.  » 

Mar-Schimoun  promit  cependant  d'écrire  au  Saint  Père 
une  lettre  dans  laquelle  il  adhérerait  à  tout  ce  qui  se  ferait 
au  Concile  de  concert  avec  les  autres  patriarches  orientaux. 

Daigne  le  Seigneur  l'aider  à  réaliser  cette  promesse.  Le 
patriarche  chaldéen  est  sincère,  mais  il  est  très  faible,  et, 
dans  sa  situation,  il  a  besoin  d'être  puissamment  soutenu  et 
encouragé.  "SToris  espérons  que  les  prières  des  catholiques  ne 
lui  feront  pas  défaut.  » 

Tel  fut  l'accueil  fait  à  l'invitation  pontificale  par  les  schis- 
matiques  de  l'Orient.  Nous  pouvons  sans  inconvénient  omettre 

25 

[323-3261 


390  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ici  les  négociations  entamées  auprès  des  archevêques  et  des 
évêques  (i)  ;  car  la  plupart  ne  firent  qu'alléguer  l'exemple 
de  leurs  patriarches  et  déclarer  qu'ils  dépendaient  entière- 
ment de  ceux-ci  pour  la  question  de  l'acceptation.  D'ailleurs 
un  grand  nombre  se  montrèrent  très  disposés  à  prendre  part 
au  concile  et  très  désireux  de  voir  disparaître  la  division  de 
la  chrétienté.  Les  patriarches  eux-mêmes  n'omirent  pas  de 
former  des  vœux  pour  l'union  ;  seulement  ce  désir  ne  parais- 
sait pas  chez  tous  également  sincère  et  efficace.  Le  patriarche 
grec  de  Constantinople  et  le  catholicos  arménien  d'Etch- 
miadzin,  de  qui  tout  dépendait,  furent  précisément  ceux  qui 
se  montrèrent  le  moins  bien  disposés.  On  peut  croire  que  si 
ces  derniers,  ou  même  si  le  patriarche  grec  seul  avait  accepté 
l'invitation,  les  autres  auraient  suivi  leur  exemple. 

Les  journaux  hostiles  à  l'Eglise  catholique  se  montrèrent 
très  satisfaits  du  refus  opposé  à  l'invitation  pontificale  par 
les  prélats  orientaux  non  unis;  //  ils  n'eurent  pas  assez  de 
louanges  pour  la  fidélité  de  ces  pasteurs  aux  traditions  de 
leur  Eglise,  et  pour  l'amour  de  la  liberté  et  de  l'indépen- 
dance dont  ils  avaient  fait  preuve.  Cependant,  presque  tous  les 
patriarches  avaient  déclaré,  l'un  après  l'autre,  que  la  division 
était  un  mal  et  qu'on  devait  s'appliquer  à  la  faire  disparaître. 


(1)  Naturellement  on  lit  parvenir  l'invitation,  dans  la  mesure  du  possible,  aux 
évêques  schismatiques  du  rite  grec  qui  sont  ou  cherchent  à  devenir  indépen- 
dants de  la  suprématie  des  quatre  patriarches.  Nous  n'avons  là-dessus  que  peu 
de  renseignements.  Dans  une  lettre  adressée  le 28  janvier  1869  au  cardinal  secré- 
taire d'Etat  par  le  consul  général  des  Etats  de  l'Eglise  à  Athènes,  une  courte 
remarque  l'ait  savoir  que  le  délégué  apostolique  de  Grèce  a  envoyé  la  lettre  pon- 
tificale au  président  du  Synode  et  aux  autres  évêques  du  royaume.  (Cf.  Cecconi, 
loc.  cit.  Sez.  I,  p.  75.) 

D'autre  part,  l'abbé  Testa  écrit  le  4  novembre  18(58  au  cardinal  préfet 
de  la  Propagande  qu'il  a  commencé  par  envoyer  le  Bref  aux  évêques  bulgares 
(Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.  II,  Doc.  LXXXIII,  Cf.  C.  V.  1117  b.)  Nous  ne  trouvons 
pas  qu'on  ait  essayé  de  la  faire  parvenir  aux  évêques  schismatiques  de  l'empire 
russe,  autres  que  le  catholicos  arménien  cl'Etehmiadziu.  C'eut  été  d'ailleurs  une 
entreprise  aussi  inutile  qu'irréalisable.  Il  ne  fut  même  pas  permis  aux  évêques 
catholiques  romains  de  la  Russie  de  prendre  part  au  concile.  Pour  les  évêques 
schismatiques,  la  chose  eut  été,  alors  même  qu'ils  l'auraient  désirée,  absolu- 
ment impossible. 


[320-3-271 


LE    REFUS    DES    ORIENTAUX  391 

Impossible  donc  d'y  voir  un  bien  qu'on  aurait  le  devoir  de 
conserver  comme  un  héritage  sacré,  et  d'attribuer  à  une 
louable  fidélité  le  relus  de  ces  prélats  :  on  doit  y  voir,  au 
contraire,  la  preuve  d'un  défaut  de  bonne  volonté  pour  faire 
disparaître  un  grand  mal,  et  l'on  ne  saurait  trop  regretter 
que  les  Orientaux,  en  déclinant  ainsi,  pour  des  motifs  si  peu 
fondés,  la  participation  au  concile,  aient  ruiné  les  espérances 
de  la  réunion  des  deux  Eglises. 


T32T 


CHAPITRE  XIII. 
La  convocation  du  concile  général  et  les  Protestants. 

Les  protestants  auraient  dû  oublier  les  quinze  premiers 
siècles  de  l'Eglise  chrétienne,  où  l'histoire  des  conciles 
occupe  une  place  si  importante,  pour  rester  indifférents  //  à 
l'annonce  qu'un  concile  œcuménique  était  convoqué.  Leur 
abstention  était  d'autant  moins  possible  que  le  pape  s'adres- 
sait expressément  à  eux. 

Xous  avons  déjà  mentionné  (i)  dans  le  premier  livre  les 
lettres  apostoliques  du  i3  septembre  1868  adressées  par 
Pie  IX  ad  omnes  protestantes  aliosque  acatholicos  (2).  Il  leur 
annonce  qu'il  a  convoqué  les  évêques  de  toute  l'Eglise  à  un 
concile  œcuménique  pour  délibérer  avec  eux  sur  les  moyens 
de  s'opposer  efficacement  aux  erreurs  si  nombreuses  et  si 
répandues  au  grand  préjudice  des  âmes,  de  fortifier  le  règne 
de  la  vraie  foi,  de  la  justice  et  de  la  véritable  paix  de  Dieu. 
A  l'occasion  de  ce  concile,  il  se  sent  pressé  par  l'amour  de 
notre  divin  Sauveur,  qui  mourut  pour  le  salut  de  tous  les 
hommes;  il  s'adresse  donc  en  termes  apostoliques  et  pater- 
nels aux  chrétiens  séparés  de  l'Eglise  catholique,  il  les 
exhorte  et  leur  demande  avec  instance  de  se  poser  la  question 
de  savoir  s'ils  suivent  véritablement  la   voie  montrée  par  le 


(1)  P.  163. 

(2)C.  V.  8d.  sqq. 


[329] 


394  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU   VATICAN 

Christ,  celle  qui  conduit  au  salut  éternel.  Le  Christ,  en  effet, 
désireux  d'assurer  à  toutes  les  générations  humaines  le  fruit 
de  sa  rédemption  a  bâti  sur  Pierre  son  Eglise  —  et  il  n'en  a 
bâti  qu'une  seule  ;  —  à  cette  Eglise  il  a  donné  la  puissance 
nécessaire  pour  conserver  sans  dommage  le  dépôt  de  la  révé- 
lation, procurer  la  foi  à  tous  les  peuples,  les  incorporer  tous 
par  le  baptême  à  son  corps  mystique,  conserver  et  fortifier  en 
eux  la  vie  de  la  grâce,  sans  laquelle  nul  ne  peut  entrer  dans 
la  vie  éternelle.  Or,  il  n'est  pas  difficile  de  voir  qu'aucune 
des  sociétés  religieuses  séparées  de  l'Eglise  catholique,  que 
même  toutes  ces  sociétés  réunies  ne  sauraient  former  l'unique 
Eglise  universelle  instituée  par  le  Christ,  ou  seulement  l'une 
de  ses  parties.  Ces  sociétés,  en  effet,  ne  possèdent  pas 
l'autorité  vivante  et  établie  par  Dieu, qui  distribue  aux  mem- 
bres l'enseignement  de  la  foi  et  de  la  morale  et  les  dirige  en 
tout  ce  qui  concerne  la  vie  éternelle.  Ces  sociétés,  dit  le 
pape,  ont  elles-mêmes  modifié  sans  cesse  leur  doctrine,  et 
leur  instabilité  est  perpétuelle;  la  vérité,  au  contraire,  dans 
l'Eglise  du  Christ,  ne  peut  changer,  et  afin  de  pouvoir  être 
gardée  dans  toute  sa  pureté,  l'assistance  du  Saint-Esprit  est 
promise  à  l'Eglise  pour  tous  les  siècles.  La  diversité  des  doc- 
trines et  des  idées  a  engendré  des  convulsions  sociales  ;  // 
de  là  sont  nées  de  nombreuses  associations  et  sectes  qui 
chaque  jour  se  sont  étendues  davantage  au  plus  grand  détri- 
ment de  la  société  religieuse  et  civile. 

Le  pape  exhorte  donc  les  non-catholiques  à  profiter  de 
l'occasion  du  concile  pour  abandonner  une  situation  où  ils 
ne  peuvent  être  certains  du  salut  de  leur  âme.  «  Qu'ils  ne 
cessent  d'offrir  au  Dieu  de  miséricorde  les  plus  ferventes 
prières,  pour  qu'il  renverse  le  mur  qui  nous  sépare,  chasse 
les  ténèbres  de  l'erreur,  et  les  ramène  dans  le  sein  de  la 
Sainte  Mère  Eglise,  où  leurs  ancêtres  trouvèrent  les  pâtura- 
ges salutaires  de  la  vie,  chez  qui  seule  a  été  conservée  et 
transmise  dans  son  intégrité  la  doctrine  de  Jésus-Christ, 

[329-330] 


L  INVITATION    DU    PAPE    AUX    PROTESTANTS  395 

dans  laquelle  enfin  sont  dispensés  les  mystères  de  la  grâce 
céleste  ».  Se  souvenant  du  devoir  qui  lui  incombe,  comme 
souverain  pasteur  du  troupeau  du  Christ,  Pie  IX  leur 
adresse  à  tous  des  encouragements  à  rentrer  dans  l'unique 
troupeau  du  Christ, et  il  exprime  son  plus  ardent  désir  de  les 
accueillir  enfin  tous  à  bras  ouverts. 

L'état  des  choses  et  les  idées  répandues  parmi  les  protes- 
tants étaient  malheureusement  de  telle  nature  que  les  paroles 
si  paternelles  du  pape  ne  pouvaient  avoir,  au  moins  immédia- 
tement et  complètement,  le  résultat  souhaité;  cependant,  il 
se  trouva  bien  des  hétérodoxes  qui  accueillirent  avec  joie  sa 
lettre  et  le  concile  annoncé, et  attendirent  de  ce  dernier,  pour 
eux  et  pour  tous,  les  meilleures  bénédictions. 

Ainsi  le  célèbre  Guizot,  l'un  des  protestants  les  plus  en  vue 
et  les  plus  éclairés  de  France,  dans  une  réunion  à  Xotre- 
Dame-de-Dozulé,  en  Normandie,  se  félicitait  en  ces  termes 
de  la  prochaine  réunion  conciliaire  :  «  Pie  IX  a  fait  preuve 
d'une  admirable  sagesse  en  convoquant  cette  grande  assem- 
blée, d'où  sortira  peut  être  le  salut  du  monde;  car  nos 
sociétés  sont  bien  malades;  mais  aux  grands  maux  les 
grands  remèdes  »  (i). 

En  Allemagne,  à  l'occasion  de  la  lettre  de  Pie  IX,  Reinhold 
Baumstark  écrivit  une  brochure  sur  la  réunion  des  protes- 
tants à  l'Eglise  romano-catholique  (2).  Il  y  compare  tout  ce 
que  l'Eglise  évangélique  protestante  offre  à  ses  fidèles  avec 
ce  que  l'Eglise  romano-catholique  //  assure  aux  siens,  et  la 
vie  religieuse  des  protestants  avec  celle  des  catholiques.  Il 
conclut  de  son  exposé  :  «  Pour  tous  les  chrétiens  croyants, 
l'accomplissement  des  vœux  du  pape  est  fort  à  désirer.  » 
L'écrivain  qui  manifeste  ici  une  vénération  particulière  pour 


(i)  Revue  du  .monde  catholique,  1869, 1.  p .  299. 

(2)  Gedanhen  eines  Proteslanten  iiber  die  papslliche  Einladung  z>ur  Wiedervereini- 
gung  mit  derrijmiseh-katholischen  Kirclte.  Von  R.  Baumstabk.  Grossh.  Bacl.  Kreis- 
gerichtsrat.  6  Aufl.  Regensburgl868. 

f330-:«i] 


396  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

la  personne  de  Pie  IX  (i)  entra  pins  tard  dans  l'Eglise  catho- 
lique. Sa  brochure,  dans  cette  même  année  1868,  eut  six 
éditions  et  fut  l'occasion  de  plusieurs  autres  publications  (2). 

Déjà  M=r  Conrad  Martin,  éyêque  de  Paderborn,  avait 
publié  deux  écrits  adressés  aux  protestants  (3)  ;  il  fit  paraître 
une  troisième  brochure  (4).  En  tète  il  traduit  en  allemand  la 
lettre  du  pape;  puis  il  expose  les  devoirs  communs  et  parti- 
culiers des  catholiques  et  des  protestants  dans  le  travail  de  la 
réunion, ainsi  que  plusieurs  des  principales  doctrines  contro- 
versées. Une  exhortation  pleine  de  conir  termine  son  travail. 

Des  paroles  si  brûlantes  de  zèle  trouvèrent  de  l'écho  dans 
le  cœur  de  plusieurs  protestants.  Quatre  pasteurs  saxons, 
qui  parlaient,  disaient-ils,  «  au  nom  de  plusieurs  évangé- 
liques  de  la  province  de  Saxe  »,  adressèrent,  le  18  août  1869, 
une  lettre  commune  à  l'évêque  (5),  où  ils  lui  exprimaient  leur 
ardent  désir  d'être  reçus  dans  l'Eglise  catholique.  Ils  lui 
demandaient  de  travailler  seulement  à  faire  disparaître  deux 
obstacles  :  l'obligation  universelle  du  célibat  pour  les  ecclé- 


(1)  «  Venn  mir  jeniand, dit-il  (p.  11),  in  dem  gewaltigen  Tableau  dergegen- 
wàrtig  leidenden  und  ringenden  Menschheit  auch  nur  eine  Figur  zu  zeigen  ver- 
mag,  die  mehr  den  Stempel  gottlicher  Hoheit  auf  der  Stirne  trligt,  die  mehr  zu 
Bewunderung,  Liebe  und  Verehrung  hinreisst  als  die  Figur  Pius'  IX,  so  mag  er 
aui'treten!  Ich —  weiss  keine.»Si  quelqu'un  dans  le  tableau  saisissant  de  l'huma- 
nité qui  souffre  et  se  débat  aujourd'hui  sur  notre  terre  peut  me  montrer  une 
seule  figure  portant  mieux  marqué  sur  le  front  le  sceau  de  la  grandeur  divine, 
plus  digne  d'admiration,  d'amour  et  de  vénération  que  la  figure  de  Pie  IX,  — 
qu'il  s'avance.  — Pour  moi  je  n'en  conDais  aucune. 

(2) Une  réfutation  parut:  Eine  protestantische  Aniuort  auf  die  »  Geilatiken  eines 
Protestanten  »  iiber  dieWiedervereinigurtg  (mil)  der  roemisch  katholischen  Kirche  von 
Herrn  R.  Bal-mstabk.  Von  den  evangelischen  Geistlichen  in  Konstanz.  2  Au  II. 
Heidelberg  1869.  —  De  même: Rom,  das  nette,  und  sein  neuester  Don  Quixoie.  Ein 
frètes  deutsehes  Wort  etc.,  von  mnem  Laien.  2  Auf.  Lahr.  1800.  —  Pour  Baum- 
stark  :  Baumstarks  Gedanken  etc.  von  einem  Konvertiten  und  Priester.  Augsburg. 
18«30. 

(3)  Ein  bischoeflichesWort,an  die  Protestanten  Deu(sehlands,^unaechst  an  diejenigen 
meiner  Dioez-ese,  iiber  die  zwischen  uns  besteltenden  Kontroverspunkte.  VoilD'Konb  \i> 
Martin,  Bischof  von  Paderborn.  5  Aut.  Pad.  1866. —  Zwetles  bischoefliche?\Yort,etc. 

(4)  Wozunochdie  Kirchenspaltung?  Ein  freies  Wort  an  Deutschlands  Katholi- 
ken  und  Protestanten  mit  Bezug  auf  das  pâpstliche  Schreiben  von  13  Septem- 
ber  1868.  Von  Dr Konrad Martin,  Bischof  von  Paderborn.  2  Aufl.  Paderborn  1869. 

(5)  C.   V.  1137  d.  sq.  —  Gecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXXIX. 

[331] 


ATTITUDE    DES    PROTESTANTS    EN   ALLEMAGNE  3'J7 

siastiqucs  et  l'interdiction  du  calice  pour  les  laïques.  Le 
célibat  des  religieux  était  suffisant,  pensaient-ils.  On  y 
astreindrait  encore  les  prêtres  occupés  dans  les  missions  à 
convertir  les  païens,  les  évèques  et  en  général,  le  haut  clergé, 
c'est-à-dire  les  chanoines,  les  professeurs  des  facultés  de 
théologie  et  les  prêtres  attachés  aux  séminaires.  Que  les 
autres  candidats  à  la  prêtrise  soient  autorisés  à  se  marier 
avant  l'ordination,  mais  qu'après  la  mort  de  leur  femme  il 
leur  soit  interdit  de  contracter  un  second  mariage.  Suivent 
quelques  autres  propositions  plus  détaillées;  à  la  fin,  ils 
essaient  de  justifier  leurs  projets.  Deux  autres  lettres  de  ces 
mêmes  pasteurs  suivirent  de  près  la  première;  la  troisième 
seule  parvint  aux  mains  de  l'évêque  (i).  Naturellement  il 
ne  put  leur  donner  l'espoir  de  voir  aboutir  leur  double 
requête  (2). 

Nulle  part  l'écrit  du  pape  ne  fut  accueilli  par  les  protes- 
tants avec  plus  de  bienveillance  qu'en  Angleterre.  Depuis  un 
certain  nombre  d'années,  un  mouvement,  parti  d'Oxford, 
entraînait  du  sein  de  l'anglicanisme  vers  l'Eglise  catholique 
un  grand  nombre  d'hommes  en  vue,  membres  de  la  haute 
société,  savants  et  ecclésiastiques.  Une  impulsion  vers  la 
la  reunion  avec  l'Eglise  Mère  de  toutes  les  autres  se  faisait 
partout    sentir  //  et  même   il   s'était    formé  parmi  les  pro- 


(1)6'.  V.   1142  c.  sq.  —  Cecconi,  loc.  cil.  Doc.  CXXX. 

i'2)  Les  quatre  ecclésiastiques  protestants  avaient  pour  toute  signature  apposé 
Leurs  initiales  et  celles  des  noms  de  leurs  paroisses.  Quand  leur  lettre  fut  publiée 
(par  Friedrich)  d'une  manière  qui  resta  inconnue  de  Mfr  Martin,  on  voulut 
d'abord  la  faire  passer  pour  apocryphe  et  on  l'attribua  à  un  étudiant  en  méde- 
cine de  l'Université  de  Halle.  L'erreur  découverte,  le  consistoire  de  Magdebourg 
ordonna  une  enquête.  On  demanda  à  l'évêque  et  au  professeur  Friedrich  de 
livrer  les  noms. Sur  leur  refus,  un  conseiller  de  justice,  accompagné  d'un  greffier, 
se  présenta  au  palais  épiscopal  et  réclama  les  lettre?  au  nom  de  l'Etat.  L'évêque 
ne  consentit  point  à  les  remettre.  Malgré  ses  protestation,  la  maison  fut  fouillée 
et  les  lettres  confisquées  (voir  D'  Christ.  Stamm.  D'  Konrad  Martin,  Bischof  von 
Paderborn,  p.  304  sq).  Cependant  l'affaire  n'eut  aucune  suite,  bien  qu'on  eût 
déjà  désigné  quatre  pasteurs  auxquels  convenaient  les  initiales,  comme  noms  de 
famille  et  noms  de  paroisse.  Mais  après  quelques  semaines,  la  correspondance 
saisie  fut  rendue  à  l'évêque.  (Cecconi,  loc.  cil.  Se/..  L,  p.  262  sq.) 

- 


398  HISTOIRE   DU    CONCILE   DV    VATICAN 

lestants,  une  ligue  de  prières  ayant  à  sa  tête  un  homme 
d'Eglise  fort  considéré,  le  Dr  Lee,  à  l'effet  d'obtenir  la  grâce 
de  la  réunion  avec  Rome  Dans  les  sphères  où  de  telles  idées 
avaient  la  faveur,  on  devait  naturellement  bien  accueillir  la 
lettre  du  pape.  Sans  doute  il  y  eut  d'abord  quelque  mauvaise 
humeur  :  l'épiscopat  anglican  dont  on  regardait  l'ordination 
comme  valide,  n'était  pas  invité  au  concile,  mais  on  s'accom- 
moda (i)  de  cette  attitude  de  l'Eglise  romaine,  et  l'on  chercha 
à  profiter  de  l'occasion  offerte  pour  avancer  l'œuvre  de  la 
réunion.  Dans  une  assemblée  tenue  par  l'English-Church- 
Union,  au  Devonsliire,  quelques  unionistes  déclarèrent  qu'il 
fallait  envoyer  des  députés  au  concile  pour  traiter  des  con- 
ditions de  la  soumission  au  siège  de  Rome  (2). 

Pourtant  il  ne  faut  pas  croire  que  cette  disposition  si  favo- 
rable pour  l'union  avec  Rome,  fut  générale  ou  même  très 
répandue  (3).  Si  d'un  côté,  la  lettre  pontificale  fut  bien 
accueillie,  elle  suscita  de  l'autre  de  violentes  attaques,  de  la 
part  du  Times  en  particulier  et  du  D'AVordsvorth, chanoine 
et  archidiacre  deAVestminster,  ,',plus  tard  évêque  de  Lincoln. 
Ce  dernier  avait  composé  une  brochure  anonyme  (4),  dans 


(l)La  ieuille  unioniste  The  Church  News  écrivait  le  21  juillet  1869  :  Il  est  diffi- 
cile de  voir  comment  le  pape  aurait  pu  inviter  les  évèques  anglicans  au  concile. 
Avant  d'imputer  au  pape  une  impolitesse  ou  une  incorrection,  il  faut  envisager 
l'affaire  au  point  de  vue  romain.  Depuis  trois  siècles, demande  ce  journal,  qu'ont 
fait  les  évèques  de  leur  coté, pour  mériter  une  place  dans  un  concile  catholique  '. 
Malgré  leurs  antécédents  catholiques,  ils  ont  uni  la  communauté  anglicane  avec 
les  protestants  de  l'intérieur  et  de  l'extérieur  et  n'ont  jamais  cessé  de  mépriser 
et  d'insulter  Rome.  Aux  regards  des  étrangers  quels  signes  de  catholicité  offre- 
t-elle  aujourd'hui,  cette  Eglise?  Les  discours  et  les  actes  des  évèques,  sont-ils 
ceux  de  successeurs  des  apôtres  ?  Nous  le  savons  bien,  les  étrangers  se  trompent 
quand  ils  refusent  à  notre  Eglise  la  note  de  catholique:  nos  évèques  sont  catho- 
liques et  nos  ordinations  sacerdotales  sont  valides  et  la  doctrine  de  notre  con- 
fession de  foi  officielle  est  catholique.  Mais  ceux-là  ne  le  savent  pas  et  c'est  notre 
faute  s'ils  l'ignorent,  etc.  Cf.  Gecconi,  loc.  cit.  Sez.I,p.  293  sq. 

(•2)  Stimmkx  aus  Maria-Laach.  Xeue  Folge,  Hefl  IV (1869),  p.  loi  sq. 

(3)  Sur  les  dix-huit  mille  membres  du  clergé  anglican  on  en  comptait  à  l'époque 
du  concile  trois  à  quatre  cents  dans  les  rangs  des  Unionistes. 

il  Responsioanglica  Litteris  apostolicis  Pii  Papte  IX.  Ad  omnes  Protestantes 
aliosque  Acatholicos.  Londini,  Oxonii  et  Cantabrigise,  1868. 

[333] 


ATTITUDE    DES    PROTESTANTS    D ANGLETERRE  399 

laquelle  il  niait  la  primauté  de  l'évèque  de  Rome  et  renouve- 
lait les  erreurs  de  l'anglicanisme  (i). 

Le  D1  Cumming,  pasteur  de  l'église  presbytérienne 
d'Ecosse  exprime  bien,  lui  aussi,  le  désir  de  paraître  au 
concile;  mais  ce  souhait  ne  peut  que  difficilement  être  pris 
pour  un  témoignage  favorable  à  la  lettre  pontificale.  Dans 
une  lettre  à  Pie  IX  il  demande  si  les  protestants  auront,  au 
Concile,  la  liberté  de  la  parole  et  la  permission  d'exposer 
pour  quels  motifs  ils  sont  séparés  de  l'Eglise  romaine.  L'ar- 
chevêque Manning  de  Westminster,  à  qui,  dans  plusieurs 
lettres,  il  avait  posé  la  même  question,  lui  avait  répondu  que 
seule  l'autorité  souveraine  dans  l'Eglise  pouvait  le  renseigner 
là  dessus  (2).  La  lettre,  semble-t-il,  ne  parvint  pas  au  pape 
qui  en  fut  informé  seulement  par  les  journaux.  Il  écrivit 
donc  à  l'archevêque  de  Westminster  que  des  erreurs  condam- 
nées une  fois  par  l'autorité  souveraine  et  infaillible,  ne  pou- 
vaient pas  être  l'objet  d'une  nouvelle  discussion  (3)  Plusieurs 
protestants  semblèrent  en  conclure  qu'ils  n'auraient  au  Con- 
cile absolument  aucune  occasion  d'exposer  leurs  doctrines  et 
leurs  vues.  Le  pape  écrivit  donc  une  seconde  lettre  à 
M81-  Manning;  il  y  proclama  son  désir  de  voir  les  protes- 
tants rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholique,  et  affirma 
son  dessein  de  leur  offrir  des  facilités  exceptionnelles  pour 
exposer  leur  doctrine  et  leurs  raisons  ;  sans  doute,  ils  ne 
pourraient  le  faire  dans  les  séances  même  du  concile,  mais 
ils  trouveraient  à  Rome,  des  théologiens  compétents,  choisis 
par  lui-même,  à  qui  ils  pourraient  développer  leurs  vues  et 
leurs  raisons,  et  qui  les  examineraient  et  discuteraient  à 
fond.  A  la  fin,  le  pape  exprimait  le  désir  que  beaucoup  de 
protestants  vinssent  au  concile  dans  ce  but  (4).  D'après  une 


(1)  Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  p.  293\ 

(2)6'.   V.  1114b.  sq.  —  Cecconi,  loc. cit.,  Sez.  IJ,  Doc,  CXN.XI 

(3)  C.   V.  1144  d.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXXXII. 

(4)  C.    V.  1145  d.  sqq.  -  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXXXIII. 

[334] 


400  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

remarque  faite  par  le  Dr  Cumming  à  une  réunion  tenue  à 
Leeds,  ce  n'était  nullement  pour  travailler  à  l'union  avec 
Rome  qu'il  désirait  aller  au  concile  :  «  Si  je  recevais  une 
invitation  (personnelle)  au  concile  oecuménique//,  aurait-il 
dit,  je  m'efforcerais  de  montrer  aux  prélats  assemblés  que 
l'unité  de  l'Eglise  chrétienne,  dans  son  acception  la  plus 
haute  et  la  plus  auguste,  existe  actuellement  chez  les  chré- 
tiens d'Angleterre  et  d'Ecosse.  Je  voudrais  prouver  que 
tandis  que  dans  l'Eglise  protestante  il  y  a  unité  et  non  pas 
uniformité  (uniformity),  dans  l'Eglise  romaine  il  y  a  par- 
faite uniformité  mais  pas  d'unité,  et  je  soutiens  que  l'unité 
est  la  note  la  plus  élevée,  la  plus  noble,  de  l'Eglise  protes- 
tante (i).  »  —  Les  sociétés  religieuses  fourmillant  en  Angle- 
terre et  en  Ecosse,  il  serait  difficile  d'en  déduire  cette  unité, 
qui  dans  la  volonté  du  Christ  doit  être  une  note  de  son  Eglise, 
et  nous  ne  voyons  pas  que  Cumming  ait  tenté  de  l'exposer  à 
Rome  durant  le  concile. 

Parmi  les  témoignages  de  bienveillance  à  l'égard  du  con- 
cile, nous  devons  compter  aussi  un  ouvrage  d'Urquhart  (2],et 
une  lettre  au  pape  de  plusieurs  protestants  anglais  (3). 

Urquhart  réclame  dans  son  écrit  la  restauration  du  droit 
des  gens.  Seule  l'Eglise  catholique,  dit-il,  est  à  même  de 
mener  à  bout  cette  tâche, et  le  concile  doit  proclamer  le  droit 
des  gens.  La  lettre  de  plusieurs  protestants  contient  une 
requête  au  pape,  le  priant  de  prendre  en  main  la  cause  de  <•<■ 
même  droit  à  faire  observer  vis-à-vis  des  nations  non  encore 
civilisées. 

Les  dispositions  d'une  grande  partie  des  unionistes  se 
reflètent  aussi  très  nettement  dans  une  brochure  de  Gérard 
Cobb  :  «  Quelques  mots  sur  la  réunion  et  sur  le  prochain 


(1)  Stimmen  aus  Maria-Laach.  Neue  Folge  Het't  V  (1869),  p.  176. 

(2}  Appel  d'un  prolestant  au  pape  pour  le  rétablissement  du  droit  des  nations.  Voir 
la  lettre  que  l'auteur  envoie  au  pape  avec  son  ouvrage  dans  C.  V.  1309  c.  sq  .  — 
Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCXCVIII. 

(3)  C.  V.  1310  b.  sq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CGXCJX. 

[334-3351 


ATTITUDE    DES    PROTESTANTS  D  ANGLETERRE  401 

concile  à  Rome  »  (i).  Il  essaie  d'entraîner  à  la  réunion  avec 
Rome  ceux  de  ses  coreligionnaires  qui  laisseraient  passer 
cette  occasion.  «  Le  temps  favorable  pour  réaliser  franche- 
ment la  réunion  avec  Rome  est  arrivé;  si  nous  laissons  sié- 
ger ce  concile,  sans  nous  rapprocher  aucunement  de  lui, 
nous  aurons  perdu  une  excellente  occasion  qui  peut-être  ne 
reviendra  jamais,  et  cette  négligence  rendra  bien  plus  diffi- 
cile toute  tentative  ultérieure  de  réconciliation  (2).  »  Cet 
ouvrage  montre  une  volonté  véritable  et  sérieuse  de  mettre 
fin  à  la  séparation;  il  renferme  pourtant  quelques  idées 
fausses,  celle-ci  par  exemple,  qui  revient  habituellement 
chez  les  protestants  anglais  :  d'après  eux,  les  particuliers 
ne  doivent  pas  revenir  isolément  à  l'Eglise-Mère,  c'est 
la  communauté  entière  qui  doit  opérer  sa  réunion.  «  Xotre 
séparation  se  fit  en  corps,  dit  Cobb,  ainsi  doit  se  faire 
aussi  notre  réconciliation  (3).  »  Il  regarde  comme  valide 
l'ordination  des  évêques  et  des  prêtres  anglicans  et  pense 
qu'ils  sont  convoqués  au  concile  où  ils  trouveront  un  très 
cordial  accueil. 

Plusieurs  amis  de  l'union  adressèrent  quelques  questions 
au  Bollandiste  Victor  de  Buck  S.  J.  de  Bruxelles.  La  réponse 
parut  dans  le  Church  Times,  sans  nom  d'auteur  (4),  et  ne 
satisfit  qu'en  partie  ceux  qui  l'avaient  provoquée.  Dans  ses 
remarques  sur  la  lettre,  le  journal  expose  le  grand  désir  qu'a 
son  parti  de  s'unir  à  Rome,  et  il  exprime  l'idée  que  le  pro- 
chain concile  pourra  bien  poser  les  bases  de  l'union,  mais  ne 
la  mènera  pas  à  terme  (5).  De  nouvelles  questions  ayant  été 
posées  au  P.  de  Buck,  le  Bollandiste  se  rendit  à  Rome  pour  y 


(1)  A  h'ewWords  on  Réunion  and  the  conung  Council  at  Home.  By  Gérard  F.  Cobb. 
M.  A.  Fellow  of  Trinity  Collège,  Cambridge.  London,  1869.  —  Voir  le  compte- 
rendu  dans  Stimmen  aus  Maria-Laach.  NeueFoIgeHeft  V  (1869),  p.  120  sq. 

(2)  Cobb.,  loc.  cit.,  p.  45. 

(3)  Cobb.,  loc*.  cit.  p.  7. 

(4)  Elle  est  citée  tout  entière  par  Cecooxi,  loc.  cit.  Sez.  1,  p.  3201  sq  (trad.  fr.  t.  II, 
p.  279  sqq). 

(5)  Cf.  Cecconi,  loc.  cit/v  330 (trad.  fr.  t.  II,  p.  288). 

[335-336] 


402  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

prendre  des  informations  plus  précises.  L'affaire  fut  remise 
à  la  congrégation  du  Saint-Office, et  après  une  longue  délibé- 
ration, il  fut  décidé  le  17  novembre  1869  que  le  P.  de  Buck 
interromprait  les  négociations  avec  les  unionistes  (1).  On 
n'indique  pas  les  raisons  de  cette  décision  (2). 

Quelque  favorables  à  la  réunion  avec  Rome  que  fussent 
les  dispositions  dans  des  sphères  assez  considérables  de 
l'église  anglicane,  nous  voyons  pourtant  que  ce  grand  travail 
avança  peu  à  l'occasion  du  concile.  La  cause  du  fait  est  due, 
en  partie  aux  difficultés  inhérentes  à  l'entreprise,  en  partie 
à  l'hostilité  que  beaucoup  de  catholiques  même  ne  ména- 
geaient pas  au  concile.  On  le  comprendra  sans  peine  :  les 
écrits  haineux  dirigés  contre  le  concile,  ceux  surtout  qui 
parurent  en  Allemagne  et  entraînèrent  dans  l'erreur  d'excel- 
lents catholiques  agissaient  défavorablement  sur  les  pro- 
testants et  devaient  paralyser  les  efforts  des  unionistes. 

Parmi  les  jansénistes  de  Hollande,  comme  parmi  les  angli- 
cans, des  voix  s'élevèrent  qui  manifestaient  l'espérance  de 
voir  la  petite  communauté  chrétienne  mettre  le  concile  à 
profit,  pour  se  réunir  à  Eome. 

Le  journal  catholique  De  Tijd  d'Amsterdam,  dans  son 
numéro  du  19  octobre,  demandait  si  les  évêques  jansénistes 
se  rendraient  au  concile  (3).  «  Les  évêques  du  vieux  clergé 
(Clerezij)(4),  dit-il,  prétendent  être  évêques  catholiques;  il  est 
certain  qu'ils  sont  évêques  de  rite  latin  ;  certain  aussi  qu'ils 
sont  illégitimement  élus  et  établis  en  contradiction  avec  les 
prescriptions  et  les  lois  de  l'Eglise.  »  Néanmoins,  il  se  sont 
toujours  donné  l'apparence  de  vouloir  s'unir  au  pape;  ils  ont 


(l)Ibid.,  p.  340(trad.  ir.  t.  II,  p. 293). 

(2)  Les  raisons  présumées  dans  Cecconi,  loc.  cit.  p.  340  sq.  (trad.  fr.  t.  II, 
p.  294  sqq). 

(3)  L'article  est  dans  lr  collection  de  Cecconi,  sous  le  n°  CCCVIII  (loc.  cil. 
p.  1499  sq.  (trad.  ir.  t.  IV,  p.  339  sqq.).  Ce  numéro  comprend  plusieurs  docu- 
ments qui  se  réfèrent  aux  jansénistes.  Les  chiffres  arabes  désignent  les  pages. 

(4)  Le  nom  de  Clerezij  désigne  aussi  chez  les  jansénistes  la  communauté 
entière. 

[336-337] 


L  ATTITUDE    DES    JANSENISTES    DE    HOLLANDE  403 

toujours  informé  les  papes  de  leur  élection  et  de  leur  consé- 
cration, sachant  pourtant  fort  bien  que  le  pape  leur  répon- 
drait en  renouvelant  la  condamnation  du  schisme  janséniste, 
en  excommuniant  ses  évéques,  et  en  les  déclarant  privés  de 
toute  juridiction,  et  obligés  de  s'abstenir  de  tout  acte  épisco- 
copal.  Mais  ils  n'en  agissent  pas  moins  toujours  en  évéques 
catholiques,  en  dépit  de  la  condamnation  papale  et  de 
l'excommunication  qu'ils  méprisent.  «  Comment  cette  atti- 
tude se  concilie-t-elle  avec  les  principes  que  l'Eglise  catho- 
lique professe  et  observe  dans  tout  l'univers,  c'est  là  une 
question  qu'il  nous  est  impossible  de  résoudre  et  que  nous 
abandonnons  à  leur  responsabilité.  Nous  savons  seulement 
qu'ils  ont  plusieurs  fois  fait  appel  à  un  futur  concile 
général  et  cela  en  un  temps  où  l'on  ne  pouvait  savoir  s'il 
s'en  tiendrait  jamais  un.  »  Or,  maintenant,  Pie  IX  a  con- 
voqué un  concile  pour  1869.  Les  évéques  jansénistes  y 
paraîtront-ils  ou  s'abstiendront-ils  ?  Dans  le  premier  cas,  ils 
devront  se  soumettre  aux  décisions  conciliaires,  dans  le 
second,  ils  prouveront  que  leur  appel  au  concile  général 
n'était  pas  loyal  //  et  qu'ils  cherchaient  à  en  imposer.  De 
toute  manière  nous  devons  espérer  que  la  fin  du  schisme  est 
proche.  L'assistance  des  évéques  au  concile  amènera  la  réu- 
nion avec  Rome;  leur  abstention  au  contraire  montrera  aux 
laïques  que  leur  clergé  les  trompe,  et  les  en  détachera. 

Le  journal  reçut  alors  d'un  membre  de  la  communauté  jan- 
séniste une  lettre  de  plaintes  (1).  Son  auteur  proteste  contre 
la  qualification  de  jansénistes  donnée  aux  évéques,  contre 
l'affirmation  que  leur  consécration  est  contraire  aux  ca- 
nons, etc.  Il  continue  :  «  Je  pense  comme  vous  —  et  ce  sera 
l'avis  de  tous  mes  coreligionnaires  —  que  nos  évéques,  spé- 
cialement invités  ou  non,  doivent  paraître  en  personne  au 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  (1503  sq.)  (trad.  ir.  t.  IV,  p.  791  sq.).  La  lettre  est  signée  :  Un 
membre  de  TEglise  catholique  romaine  appartenant  à  la  Clerezij. 

[337-338J 


404  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

concile,  ou  en  cas  d'empêchement,  s'y  faire  représenter;  s'ils 
s'en  abstenaient,ils  fourniraient  la  preuve  que  leur  appel  à  mi 
futur  concile  n'était  qu'une  feinte.  Vous  comprenez  d'ailleurs 
qu'en  ma  qualité  de  membre  de  la  Clerezij,  j'ai  trop  de  con- 
fiance en  nos  premiers  pasteurs  pour  douter  même  un  instant 
qu'ils  rempliront  cet  impérieux  devoir  :  j'espère  aussi  qu'on 
jugera  notre  cause  sans  préjugé,  qu'on  la  discutera,  et  je 
puis  vous  donner  l'assurance  que  dans  ce  cas,  les  membres 
de  la  Clerezij  prouveront  qu'ils  ne  sont  ni  hérétiques  ni  schis- 
m  a  tiques,  mais  vrais  enfants  de  notre  Mère  la  Sainte  Eglise, 
prêts  à  se  soumettre  à  la  décision  du  concile  général,  quelle 
qu'elle  soit.  »  Nul  ne  doit  préjuger  des  décisions  du  concile. 
«  Avec  tous  les  catholiques  nous  reconnaissons  le  concile 
général  comme  le  tribunal  suprême  de  l'Eglise. Laissons  donc 
ce  tribunal  prononcer  son  jugement,  et  alors  pour  nous  et. 
pour  vous,  comme  pour  tous  les  catholiques,  se  vérifiera  la 
parole  du  fondateur  et  du  chef  de  notre  Eglise  :  «  Celui  qui 
n'écoute  pas  l'Eglise,  tenez-le  pour  un  païen  et  un  pécheur 
public.  »  Je  termine  en  vous  assurant  que  nous  tous,  mem- 
bre de  la  Clerezij,  nous  partageons  votre  ardent  désir  de  voir 
le  concile  mettre  fin  à  la  séparation  qui  existe  entre  nous  et 
nos  frères  dans  la  Sainte  Eglise  »  //. 

Cette  lettre  méritait  d'être  joyeusement  accueillie  par  le 
journal,  elle  le  fut;  et,  bien  que  l'auteur  n'eût  aucun  mandat 
pour  parler  au  nom  de  ses  coreligionnaires,  on  la  regarda 
comme  un  signe  du  mouvement  qui  se  produisait  au  sein  de 
la  communauté  séparée.  Un  seul  passage  de  la  lettre  n'était 
pas  complètement  satisfaisant.  L'auteur  semblait  admettre 
qu'un  concile  pouvait  porter  une  décision  sous  l'influence  de 
«  préventions  et  de  préjugés  »  ;  par  conséquent,  son  juge- 
ment serait  discutable,  et  le  refus  de  s'y  soumettre  justifié. 
Une  pareille  supposition,  répond  le  journal,  est  inadmissible, 
elle  suffit  pour  renverser  toute  autorité  dans  l'Eglise.  Elle 
établit  sur  terre,  au  dessus  du  suprême  tribunal  de  l'Eglise 

[338-330] 


L  ATTITUDE    DES    JANSENISTES    DE    HOLLANDE  405 

universelle  un  jugement  d'appel  (i).  Une  nouvelle  lettre 
du  9  novembre  (2)  donnait  une  explication  suffisante  de  ces 
mots.  L'auteur  repousse  l'idée  qu'un  concile  général  puisse 
juger  avec  «  préventions  et  préjugés  »  ;  il  retire  sa  première 
expression  comme  inexacte. 

Plus  importante  encore  est  une  autre  lettre,  (3)  que  la 
rédaction  du  Tijd  reçut  en  même  temps  que  la  précédente, 
mais  qui  est  d'une  date  antérieure.  Elle  montre  clairement 
que  la  question  de  l'assistance  des  évêques  jansénistes  au 
concile,  avait  préoccupé  la  communauté  séparée  avant  même 
l'article  du  Tijd.  Ses  auteurs,  deux  laïques,  S.  L.  Boers  et 
S.  W.  II.  M.  Oolombijn,  tous  deux  membres  du  conseil  de  la 
paroisse  catholique  romaine  de  la  C levez ij  épiscopale  à  Dor- 
dreclit,  l'envoyèrent  (Juillet  1868)  en  plusieurs  exemplaires, 
à  tous  les  prêtres  jansénistes  de  Hollande,  aux  membres  de 
l'administration  ecclésiastique,  et  à  beaucoup  de  laïques  de 
la  même  secte  (4). 

La  convocation  d'un  concile  par  Sa  Sainteté  le  pape  Pie  IX, 
dit  la  lettre,  est  pour  la  Clerezij  un  événement  de  la  plus 
haute  importance  ;  si  les  laïques  se  préoccupent  d'en  pro- 
fiter, c'est  une  preuve  du  vif  souci  qu'ils  apportent  aux 
choses  de  la  religion  et  à  la  prospérité  de  l'Eglise  en  Hol- 
lande. Les  auteurs  posent  alors  la  question  suivante:  «  Tous 
les  efforts  nécessaires  sont-ils  faits  par  notre  clergé  //  pour 
se  faire  représenter  au  prochain  concile  afin  d'y  défendre  les~ 
intérêts  de  notre  Eglise  et  travailler,  autant  que  possible,  à 
supprimer  la  triste  séparation  qui  depuis  un  si  grand  nombre 
d'années  nous  tient  éloignés  de  nos  frères  dans  la  foi?  » 

Ils  ajoutaient  que,  catholiques  romains  par  conviction,  ils 
étaient  membres  de  la  Clerezij  à  cause  de  la  confiance  qu'ils 


(i)  CecConi,  loc.  cil.  p.  (1501)  âq.(trad.  tï.  t.  IV,  p.  79rf). 
(2)Ibid.,  p.  (1510)  sq'.  (trad.  Ir.  t.  IV,  p,  799). 

(3)  Ibid,  p.  (1491)  sq.  (trad.  fr.  t.  IV,  p.  779). 

(4)  Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  p.  (1511),  (trad.  fr.  t.  IV,  p.  795). 

[339-340] 


406  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

avaient  en  leurs  prêtres.  Le  fondement  de  cette  confiance 
était  leur  appel  réitéré  à  un  concile  général,  comme  au  seul 
juge  dont  ils  pouvaient  reconnaître  la  compétence  en  cette 
affaire.  Or,  le  concile  général  allait  se  tenir;  leurs  prêtres 
devaient  donc  s'y  rendre.  Des  protestations  écrites  avaient 
peu  d'utilité,  l'histoire  le  démontrait.  Les  évêques  devaient 
paraître  en  personne  :  l'épiscopat  leur  donnait  droit  à  l'admis- 
sion. Les  grandes  difficultés  à  surmonter  ne  devaient  pas  les 
retenir.  Au  concile  plus  d'un  évêque  les  soutiendrait.  Si  les 
prélats  se  tenaient  à  l'écart  ou  n'employaient  que  des  moyens 
insuffisants,  la  confiance  d'un  grand  nombre  de  laïques 
serait  ébranlée,  si  bien  qu'en  conscience  ils  se  demande- 
raient s'ils  pouvaient  encore  suivre  leurs  anciens  guides 
dans  les  choses  de  la  foi. 

Cette  lettre  trahit  un  grand  désir  d'union  avec  Borne;  mais 
il  y  parait  aussi,  en  dépit  des  expressions  les  plus  respec- 
tueuses, une  certaine  défiance  à  l'endroit  du  clergé.  Quelques 
affirmations  erronées  que  le  Tijd  releva  et  qui  provoquèrent 
une  nouvelle  lettre  au  journal  (i),sont  pour  nous  sans  intérêt. 
Tous  les  laïques  ne  partageaient  point  les  sentiments  exposés 
dans  l'écrit  dont  nous  venons  déparier,  cela  va  de  soi,  et  une 
lettre  postérieure  d'un  laïque  janséniste,  adressée  au  Tijd, 
établit  expressément  cette  divergence  (2). 

Dans  la  patrie  du  protestantisme,  le  bon  accueil  fait  à  l'en- 
cyclique papale,  fut  l'exception  (3).  La  grande  masse  des 
protestants  d'Allemagne  témoigne  plutôt  un  mécontement 
tirs  marqué.  La  plus  haute  autorité  de  l'Eglise  nationale 
prussienne,  le  Conseil  supérieur  ecclésiastique  de  Berlin,  crut 
qu'il  devait  prendre  position  par  une  protestation  publique. 
Il  reconnaît  que  dans  sa  lettre,  à  côté  d'injustes  accusations, 


(l)Cf.  Cecconi,  loc.  cil.  p.  (1511i  sq.  (trad.  fr.  t.  [V,  p.  800). 

(2)  Cf.  ibid,  p.  (1514)  sq.  (trad.  fr.  t.  IV,  p.  802sq.). 

(3)  Voir  supra,  p.  395  sq. 

[341] 


LE   CONSEIL    SUPERIEUR   DE   BERLIN  407 

le  pape  témoigne  à  plusieurs  reprises,  en  un  langage  ému, 
de  l'estime  et  de  la  bienveillance  pour  les  protestants.  «  Mais 
dans  cette  lettre,  fait-il  remarquer,  le  chef  d'une  Eglise  étran- 
gère s'adresse  aussi  aux  membres  de  la  nôtre,  en  vertu  de  la 
prétendue  autorité  de  sa  charge  suprême;  il  les  presse  d'aban- 
donner leur  foi,  fondée  sur  la  parole  inviolable  de  Dieu  et 
scellée  du  sang  de  ses  confesseurs,  de  renoncer  à  la  vérité  et 
et  à  la  liberté  de  l'Evangile,  reconquises  à  l'époque  bénie 
de  la  Réformation  de  l'Eglise;  il  n'a  pourtant  en  vue, 
aujourd'hui  encore,  aucune  rencontre  sur  le  terrain  de  la 
vérité  évangélique.  Xous  repoussons  donc  résolument  cette 
démarche  comme  une  mainmise  injustifiée  sur  notre  Eglise; 
et  en  cela  nous  sommes  assurés  d'avoir  l'approbation  de  tous 
les  Evangéliques  »  (i). 

La  protestation  du  Conseil  supérieur  fut  critiquée  par  un 
protestant,    dans   les  Historisch-politischen  Bl.ettern.  // 

«  Le  pape,  écrit-il,  a-t-il  eu  à  son  point  de  vue  de  Pasteur 
suprême  de  l'Eglise  catholique,  le  droit  ou  le  devoir  de 
publier  son  exhortation,  c'est  là  une  question  qui  ne  peut 


(1)  C.  V.  1123  c  sq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXVII.  «  Le  Conseil  repousse  l'invi- 
tation du  pape  parce  que,  maintenant  encore,  il  n'a  en  vue  aucune  rencontre  sur 
le  terrain  de  la  vérité  évangélique.  »  Quel  peut  bien  être  le  sens  de  ces  paroles  \  Si  le 
Conseil  veut  dire  que  le  pape  ne  peut  mettre  fin  à  la  séparation  de  l'Eglise  catho- 
lique et  des  communautés  protestantes  qu'en  acceptant  la  doctrine  de  la  confes- 
sion évangélique,  il  a  raison  ;  mais  qui  a  pu  concevoir  une  pareille  espérance? 
Quand  on  traite  de  la  réunion  des  sociétés  chrétiennes,  les  deux  partis  ne 
peuvent  tenir  a  priori  comme  chose  assurée  l'identité  de  la  doctrine  de  la  confes- 
sion évangélique  avec  la  vraie  doctrine  chrétienne. 

Où  se  trouve  la  vérité,  de  ce  côté  ou  de  l'autre,  c'est  une  autre  règle  qui  doit  le 
déterminer,et  c'est  l'Evangile  qui  doit  intervenir  comme  norme  également  recon- 
nue par  tous.  L'exigence  du  Conseil  ecclésiastique  évangélique  réclamant  du 
pape  de  ménager  une  rencontre  sur  le  terrain  de  la  vérité  n'est  justifiée  que  si 
l'on  entend  parler  de  la  vérité  contenue  dans  l'Evangile.  Or  sur  le  terrain  de 
la  vérité  évangélique  ainsi  entendue,  le  pape  se  rencontre  véritablement  avec  les 
sociétés  séparées.  La  partie  entière  de  sa  lettre  où  il  justifie  son  appel  aux  pro- 
testants n'est  qu'un  tissu  de  passages  evangéliques,  et  le  pape  dans  toute  cette 
exposition, s'appuie  sur  des  paroles  du  Christ  souverainement  claires  et  décisives 
dans  l'évangile  de  saint  Mathieu  (XVI,  16)  où  Notre  Seigneur  déclare  qu'il  bâtira 
son  Eglise  sur  Pierre.  C'est  donc  en  réalité  sur  le  terrain  de  la  vérité  évangélique 
que  le  pape  vient  à  la  rencontre  des  protestants. 

[341-342] 


408  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

guère  se  poser.  Pie  IX  n'a  pas  outrepassé  les  droits  qu'il  ne 
s'est  pas  arrogés  lui-même,  mais  qui  lui  ont  été  transmis  par 
ses  prédécesseurs  depuis  1800  ans.  Il  agit,  non  d'après  des 
idées  personnelles,  mais  comme  ses  prédécesseurs  l'ont  fait 
avant  lui  et  comme  feront  ses  successeurs.  Bien  plus,  ils  ont 
pour  devoir  d'agir  ainsi.  La  prétention  de  l'Eglise  catho- 
lique, qu'elle  fonde  sur  la  parole  du  Christ,  est  de  chercher 
à  être,  conformément  à  son  nom,  l'Eglise  universelle  de 
l'Humanité.  Pendant  plusieurs  siècles, les  aïeux  de  tous  ceux 
qui  sont  aujourd'hui  protestants  en  ont  reconnu  la  légiti- 
mité. Ce  droit,  dans  la  pensée  de  l'Eglise  catholique  n'est 
pas  amoindri,  parce  qu'en  fait  son  exercice  est  partiellement 
entravé.  Il  conserve  virtuellement  toute  sa  force,  et  voilà 
précisément  pourquoi  l'Eglise  catholique  n'est  pas  exclusive  ; 
de  même  qu'elle  embrasse  virtuellement  l'humanité  tout  en- 
tière, de  même  elle  reconnaît  aussi  que  ceux-là  qui  extérieu- 
rement ne  sont  point  ses  membres, lui  appartiennent  toutefois 
virtuellement.  »  L'auteur  de  l'article,  historien  distingué,  va 
plus  loin  encore,  et  établit,  l'histoire  en  mains,  que  les  pro- 
testants fidèles  à  la  Confession  d'Augsbourg  —  et  c'est  le  cas 
sans  aucun  doute  pour  le  Conseil  supérieur  é'vangéliquc  — 
devaient,  comme  tels,  s'attendre  lors  de  la  convocation  d'un 
concile  à  une  exhortation  et  à  une  invitation  du  pape.  Le 
principe  fondamental  sur  lequel  repose,  en  effet,  toute  la 
confession  d'Augsbourg,  est  la  reconnaissance  de  la  juri- 
diction de  l'Eglise  catholique  et  l'appel  à  un  concile  oecumé- 
nique régulièrement  convoqué,  L'auteur  termine  par  cette 
déclaration  :  «  L'exhortation  du  pape  à  tous  les  protestants 
à  l'occasion  du  concile  général,  proclame  la  vraie  liberté 
morale  de  l'individu.  C'est  un  acte  libérateur  du  monde  »  (1). 


(I)Histor.  polit.  Bl.iii  ikr,  1869,  1,  148-179,  180-2:32.  L'auteur  à  ceque  Ton  disait, 
sans  doute  avec  raison,  était  OnnoKlopp,  qui  plus  tard  rentra  dans  l'Eglise  catho- 
lique. L'article  a  paru  aussi  en  brochure  :  Dey  Erangelische  Oberkirchenral  in 
Berlin  utld  das  Komil.  Freiburu  1869.  Il  a  été  traduit  en  français  et  en  italien. 

[348] 


L  ATTITUDE    DES    PROTESTANTS    D  ALLEMAGNE  409 

Cotte  interprétation  de  l'invitation  pontificale  trouva 
naturellement  peu  d'écho  :  le  sentiment  de  la  grande  masse  // 
diis  protestants  s'était  exprimé  dans  la  lettre  du  Conseil 
supérieur.  Peu  après  sa  publication,  cent  vingt  pasteurs 
protestants,  assemblés  à  Berlin  de  toutes  les  parties  de  la 
Prusse  et  de  communautés  plus  lointaines  de  la  Diaspora 
allemande,  tinrent  une  conférence  pastorale,  où  ils  arrê- 
tèrent la  résolution  suivante  :  «  Devant  l'outrecuidance  de 
l'allocution  récemment  adressée  par  le  Saint-Siège  aux  pro- 
testants, il  y  aurait  lieu  de  faire  cette  magnifique  réponse  : 
Le  8  décembre  1869,  avec  l'Eglise  nationale  évangélique  de 
Prusse,  l'Eglise  évangélique  entière  d'Allemagne,  par  la 
bouche  de  ses  autorités,  renouvellera  solennellement  devant 
Dieu  et  devant  les  hommes  et  d'un  seul  cœur  la  confession 
d'Augsbourg  (!)  »  (1). 

Quant  à  examiner  la  lettre  pontificale,  il  n'en  est  pas  le 
moins  du  monde  question.  Elle  fut  également  repoussée 
par  un  synode  tenu  à  Glogau,  et  par  le  consistoire  de 
la  province  de  Posen  (2).  De  son  coté,  la  presse  protestante 
tout  entière  lui  fit  un  accueil  hostile.  Le  nonce  de  Munich 
écrivait  au  cardinal  Antonelli  (3).  «Les  sentiments  exprimés 
ces  jours-ci  dans  les  feuilles  qui  reflètent  généralement  le 
mieux  la  pensée  des  protestants  sont  loin  d'être  bienveil- 
lants. L'amour-propre  blessé  par  l'immixtion  dans  leurs 
affaires  d'une  autorité  réputée  étrangère,  la  pensée  de 
perdre  la  liberté  conquise  au  prix  de  tant  de  sacrifices, 
le  spectre  de  l'Inquisition,  du  Syllabus  et  de  l'Encyclique, 
voilà  tout  le  fond  des  observations  et  des  réponses  à  propos 
de  l'invitation  du  Saint-Père.  Si  quelques-uns  ont  rendu 
hommage    aux    expressions   affectueuses    qu'elle   contient, 


(1)  Histor.  polit.  Bl.etter,  loc  cit.  p.  157  sq.  d'après  la  Kreuzzeitunc  du  25  octo- 
bre 1868. 

(2)  Cf.  Cegconi,/oc.  cit.  Sez.  I,  p.  200  sq.  (trad.  fr.  t.  II,  p.  175). 

(3)  Dépêche  du  2  mars,  dans  Cecconi,  loc.  cit.  p.  221  sq.  (trad.  fr.  t.  II,  p.  193  sq). 

[343] 


410  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU   VATICAN 

d'autres  n'y  voient  qu'hypocrisie  et  le  secret  espoir  de 
regagner  par  des  flatteries  sa  puissance  perdue.  »  Sans 
doute,  remarque  le  nonce,  partout  se  manifeste  le  désir  de 
voir  s'opérer  l'union  définitive  et  s'écrouler  les  murs  qui 
nous  séparent;  mais  comment  cela  pourrait-il  se  faire,  on 
l'ignore.  «  Les  docteurs  protestants  persuadent  leurs  adhé- 
rents de  leurs  bonnes  raisons  et  de  leur  bon  droit  d'autant 
plus  facilement,qu'oublieux  de  leur  origine  et  des  vrais  prin- 
cipes, ils  se  vantent  de  ne  pas  repousser  opiniâtrement  comme 
les  catholiques  //  l'union  avec  les  autres  chrétiens,  mais 
d'être  prêts  à  vivre  en  parfait  accord  avec  tous  sur  la  base 
d'un  christianisme  commun  à  tous.  » 

Les  grands  mots  d'esclavage  de  la  foi,  de  tyrannie  des 
consciences,  conservent  leur  antique  puissance;  la  liberté 
évangélique  de  croire  et  de  penser  tout  ce  que  l'on  veut, 
passe  encore  aujourd'hui  pour  la  précieuse  conquête  de  la 
Kéforme.  Pourtant  les  fruits  de  cette  liberté,  émiettement  de 
la  société  protestante  en  sectes  innombrables,  incertitude 
sur  les  vérités  fondamentales  de  la  foi,  incrédulité  toujours 
plus  grande,  montrent  clairement  ce  qu'il  faut  attendre  de 
cet  arbre. 

Naturellement  nous  ne  pouvons  reproduire  en  détail  tout 
ce  qui  s'est  écrit  dans  les  brochures  et  journaux  protestants 
sur  le  concile  et  la  lettre  pontificale.  Xous  ne  pouvons  toute- 
fois négliger  les  protestations  et  les  déclarations  issues  des 
grandes  assemblées  officielles  et  des  sociétés  les  plus  impor- 
tantes. 

Dans  une  conférence  des  délégués  du  Sud-Ouest  de  l'Alle- 
magne, tenue  à  Worms,  le  5  avril  1869,  on  décida  de  convo- 
quer dans  la  même  ville  une  réunion  plénière  des  protestants 
pour  le  3i  mai  suivant.  Voici  le  début  de  leur  appel  :  «  L'in- 
vitation adressée  par  le  pape  aux  protestants  d'Allemagne 
de  faire  retour  à  l'Eglise  romaine,  exige  une  réponse  de  la 
bouche  du  peuple  protestant.  L'audace  croissante  du  parti 


[343-344 


LA   DECLARATION    DU    CONGRES    DE    WORMS  Mi 

ultra montain  rappelle  les  protestants  d'Allemagne  à  la  vigi- 
lance et  à  l'union.  »  Il  y  va  des  biens  les  plus  sacrés.  En 
conséquence  les  soussignés,  de  concert  avec  un  grand  nom- 
bre de  protestants  du  Grand-Duché  de  Bade,  de  Hesse- 
Darmstadt,  de  Nassau  et  de  Bavière,  ont  convoqué  une 
assemblée  de  protestants  allemands.  On  indique  deux  objets 
de  la  délibération.  Le  premier  des  deux  est  «  une  belle  décla- 
ration contre  la  soi-disant  Lettre  apostolique  du  pape  Pie IX, 
du  i3  septembre  1868,  qui  invite  les  protestants  d'Allemagne 
à  rentrer  dans  l'Eglise,  et  contre  les  attaques  et  les  préten- 
tions ultramontaines  ».  Le  rapporteur  désigné  pour  cette 
question  est  le  professeur  Sclienkel  de  Heidelberg,  un  ratio- 
naliste bien  connu.  L'appel  était  revêtu  de  dix-neuf  signa- 
tures; plusieurs  d'entre  elles  venaient  des  coryphées  du 
Protestantenverein  (Union  des  protestants)  rationaliste  (1). 

"  Le  congrès  se  tint  au  jour  marqué  sous  la  présidence  du 
professeur  Bluntschli  et  adopta  la  déclaration  suivante  pro- 
posée par  Schenkel  : 

«  1"  Nous,  protestants  réunis  aujourd'hui  à  Worms,  nous 
sentant  pressés  par  notre  conscience,  tout  en  reconnaissant 
pleinement  les  droits  religieux  de  nos  co-chrétiens  (mitchris- 
ten)  catholiques,  avec  lesquels  nous  voulons  vivre  en  paix, 
convaincus  pleinement  aussi  des  bénédictions  religieuses, 
morales,  politiques  et  sociales  de  la  Réforme  dont  nous 
jouissons,  nous  protestons  publiquement  et  solennellement 
contre  l'attente  exprimée  dans  la  soi-disant  «  Lettre  apos- 
tolique »  du  i3  septembre  1868,  de  nous  voir  rentrer  au  sein 
de  l'Eglise  catholique  romaine. 

»  2°  Toujours  prêts  à  nous  réunir  à  nos  co-chrétiens  catho- 
liques sur  la  base  du  pur  évangile,  nous  protestons  aujour- 
d'hui avec  la  même  énergie  que  cela  s'est  fait  il  y  a  trois 


(1)  Stimmen  aus  Maria-Laach.  Neud  Folge,  Hefl  IV  (1869),  p.  145.  —  Gecconi,  loc. 
rit.  Sez.lI.Doc.  GXXI.  —  Cf.  C.  V.ilSZd. 

[344-345J 


442  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 


cent  cinquante  ans,  par  la  bouche  de  Luther  à  Worms  et  par 
celle  de  nos  pères  à  Spire,  contre  toute  tutelle  hiérarchique 
et  sacerdotale,  contre  toute  tyrannie  de  l'esprit  et  toute 
oppression  de  la  conscience,  et  particulièrement  contre  les 
principes  destructeurs  de  l'Etat  et  de  la  civilisation  exprimés 
dans  l'Encyclique  papale  du  8  décembre  1864  et  dans  le  Syl- 
labus  y  annexé. 

»  3°  Nous  tendons  la  main  ici,  au  pied  du  monument  de 
Luther,  à  nos  concitoyens  et  co-chrétiens  catholiques,  et  leur 
offrons  l'union  en  prenant  pour  base  l'esprit  chrétien  qui 
nous  est  commun,  les  sentiments  allemands  et  la  civilisation 
moderne.  Nous  attendons  d'eux  en  retour  qu'ils  se  réunissent 
à  nous  pour  protéger  nos  biens  suprêmes  nationaux  et  intel- 
lectuels menacés  de  nos  jours,  et  qu'ils  combattent  avec  nous 
l'ennemi  commun  de  la  paix  religieuse,  de  l'unité  nationale 
et  du  libre  développement  de  la  civilisation. 

»  4°  Nous  signalons  comme  cause  principale  de  la  division 
religieuse,  que  nous  déplorons  profondément,  les  erreurs  hié- 
rarchiques, surtout  l'esprit  et  l'action  de  l'ordre  des  Jésuites 
qui  combat  à  outrance  le  protestantisme,  qui  comprime  toute 
liberté  de  l'esprit,  qui  fausse  la  civilisation  moderne  et  qui 
dirige  aujourd'hui  l'Eglise  catholique  romaine.  Le  christia- 
nisme divisé  ne  recouvrera  la  paix  et  n'assurera  d'une 
manière  durable  la  prospérité  des  peuples,  qu'en  rejetant 
avec  énergie  l'empiétement  hiérarchique  renouvelé  et  con- 
stamment accru  depuis  i8i5,  en  revenant  au  pur  Evangile  et 
en  reconnaissant  les  conquêtes  de  la  civilisation  //. 

)>  Enfin  nous  déclarons  que  toutes  les  tendances  à  fortifier 
dans  le  sein  de  l'Eglise  protestante  le  pouvoir  hiérarchique 
du  clergé  et  le  règne  exclusif  des  dogmes, sont  la  négation  do 
l'esprit  protestant,  et  autant  de  ponts  pour  aller  à  Rome. 
Convaincus  que  la  tiédeur  et  l'indifférence  d'un  grand 
nombre  de  protestants  ont  pour  résultat  de  fournir  son  prin- 
cipal soutien  au  parti  ecclésiastique  réactionnaire,  et  sont 


ATTITUDE    DIVERSE    DES    PROTESTANTS    D  ALLEMAGNE       41 3 

dans  le  plus  puissant  «les  pays  allemands,  un  des  principaux 
obstacles  à  la  rénovation  nationale  et  ecclésiastique;  nous 
exhortons  tous  nos  frères  dans  la  loi,  à  veiller,  à  s'unir,  à  se 
détendre  énergiquement  contre  toutes  les  tendances  qui 
mettent  en  péril  la  liberté  de  l'esprit  et  de  la  conscience (i).» 

La  déclaration  contre  Rome  rallia  à  peu  près  la  géné- 
ralité des  protestants  autour  de  ceux  de  Wofms.  Mais  le 
congrès  lui-même,  qui  représentait  le  courant  libéral,  comme 
on  le  voit  surtout  dans  le  passage  final,  trouva  parmi  les 
protestants  des  contradicteurs  déterminés.  Le  correspondant 
de  la  Kirchenzeitiing  évangélique  en  parle  ainsi  (2)  :  «  On  a 
compté  jusqu'à  vingt  et  même  jusqu'à  trente  mille  membres, 
en  réalité  il  y  en  aura  eu  environ  cinq  à  six  mille.  La  grande 
majorité  étaient  des  bourgeois,  des  paysans  et  des  artisans. 
La  présence  et  la  tenue  d'un  assez  grand  nombre  montraient 
assez  dès  l'abord  à  l'observateur  attentif,  que  s'ils  étaient 
venus  pour  protester  contre  toute  espèce  de  «  servitude  de 
l'esprit  et  de  tutelle  hiérarchique  et  sacerdotale»,  ils  n'avaient 
aucune  idée  des  paroles  du  Maître  :  «  Si  le  Fils  vous  met  en 
liberté, alors  vous  serez  vraiment  libres.  «Parmi  les  hommes 
rassemblés  là,  le  rapporteur  en  vit  à  ses  côtés  dont  il  sait 
pertinemment  qu'ils  négligent  complètement  leur  propre 
Eglise,  et  pour  qui  la  foi  chrétienne  n'est  qu'un  objet  de  rail- 
lerie ou  d'hostilité,  la  sainte  Cène  une  pratique  bien  super- 
flue. »  —  Tous  les  partis  protestants  ont  la  bouche  pleine  de 
«  l'Evangile  »,  môme  les  adversaires  rationalistes  du  Congrès 
de  Worms,  et  pourtant  il  n'existe  pour  eux  aucun  Evangile 
au  sens  de  Luther,  c'est-à-dire  aucun  livre  inspiré  de  Dieu  ! 

Tandis  que  l'appel  au  Congrès  de  Worms  insistait  sur  les 
dangers  que  faisait  courir  aux  protestants  la  lettre  pon- 
tificale,   la    direction    générale    du    Gustav-Adolfverein   ", 


(1)  C.   7.1132  d.  sqq.    -  Gecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXXII. 

(2)31  juillet  1869.  Voir  Stimmex  aus  Maria-La  a.  h.  Neùe  Folge,  HeftV(i&59), 
p. 1G1  sq. 

[346] 


414  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

(Société  de  Gustave- Adolphe),  résolut  négativement,  le 
i5  août,  la  question  de  savoir  si  dans  la  prochaine  assemblée 
générale,  il  y  avait  lieu  de  manifester  contre  la  lettre  de 
Pie  IX.  Tout  d'abord,  cette  lettre,  disait  le  comité  central, 
n'a  suscité  aucune  émotion  parmi  les  protestants  :  les  Evan- 
géliques  se  sentent  trop  affermis  dans  leur  foi  pour  voir  un 
péril  dans  le  prétendu  concile  œcuménique  du  xixe  siècle. 
En  second  lieu,  l'envoi  de  la  lettre  est  une  pure  formalité;  à 
Rome  même  on  n'y  attache  aucune  importance.  Il  suffira 
donc  d'enregistrer  au  procès-verbal  cette  décision  avec  les 
considérants  et  de  la  mentionner  dans  le  compte  rendu  (i). 

Au  contraire,  la  i5ediète  de  l'Eglise  évangélique  allemande 
(Deutsch-evangelische   Kirchentag)   tenue   à   Stuttgard    d 
29   août  au   3   septembre    18G9,   crut  devoir   élever  la  voi 
contre   l'invitation  papale  et    la  repousser   solennellement 
Une   déclaration  soumise  à  l'assemblée   par   le   professeu 
llermann,  d'Heidelberg  (2)  fut  approuvée  à  l'unanimité.  E 
voici  les  idées  principales  :  Xous  repoussons  la  prétention  d 
pape  à    un   droit    divin    de  gouverner  l'Eglise   universelle 
L'invitation  à  réintégrer  purement  et  simplement  l'Eglis 
catholique  «  n'a  aucune  chance   d'être  suivie  »;    «  nous  n 
voyons  nulle  part  qu'une  volonté  législative  du   Christ  ai 
donné   à   l'Eglise  une  Constitution;    encore    moins    qu'une 
monarchie  ecclésiastique  ait  été  fondée  sur  Pierre  et  doive 
passer  en  héritage  aux  évéques  de  Rome»;  «Xous  ne  voyons 
dans  une  telle   constitution  aucune  garantie  pour  la  trans- 
mission dans  leur  intégrité  des  biens  spirituels  que  nous  a 
procurés  le  Christ.  » 

Au  Synode  général  de  l'Eglise  nationale  protestante  bava- 
roise, réuni  à  Ansbach  le  9  octobre,  les  synodes  de  Weiden, 


(1)  Cecconi.  loc.  cit.  Doc.  CXXIII.  —  Cf.  C  V.  1133  d.  —  Stimmen  aus  Maria- 
Laach,  loc.  cit.,  p.  164 sq.  —  La  réunion  générale  eut  lieu  à  Bayreuth,  du  17  au 
19  août. 

(2)  Cecconi.  loc.  cit.  Doc.  GXXIV.  —  Cf.  C.  Y.  1133  d.  Stimmen  aus Maria-Laach. 
Neue  Folge,  Heft  VI  (1870),  p.  195. 

[347j 


ATTITUDE    DIVERSE    DES    PROTESTANTS    D  ALLEMAGNE       415 

Kulmbach ,  Kempten  et  Leipheim  avaient  proposé  de 
repousser  la  lettre  pontificale  par  une  protestation  énergique. 
Le  doyen  Bauer  de  Neustadt-sur  l'Aish,  choisi  comme  rap- 
porteur, déclara  que  l'invitation  du  pape  resterait  complète- 
ment sans  effet,  que  d'ailleurs,  la  réunion  avec  Rome  ne  se 
produirait  jamais.  «Dans  les  flammes,  dit-il,  où  Luther,  aux 
portes  de  Wittemberg  //  réduisit  en  cendres  la  bulle  d'ex- 
communication lancée  contre  lui  par  le  pape,  fut  consumé  le 
dernier  fil  qui  liait  à  Rome  l'Eglise  qui  porte  aujourd'hui  son 

nom Plusieurs  pétitions  expriment  le  désir  que  le  synode 

général  adresse  à  toutes  les  communautés  et  à  tous  les  mem- 
bres de  notre  église  protestante  nationale  une  déclaration  dans 
laquelle  il  exposerait  sa  pensée  à  ce  sujet;  mais  de  sérieuses 
considérations  s'y  opposent  absolument.  Le  synode  général 
est  un  corps  purement  consultatif.  Il  n'a  pas  de  pouvoir 
exécutif,  il  ne  lui  est  permis  de  correspondre  avec  personne; 
il  ne  peut  ni  ne  doit  rien  faire  dans  le  cas  présent,  quelles  que 
soient  les  impulsions  de  son  cœur, de  ce  qui  appartient  exclu- 
sivement au  consistoire  suprême  du  royaume  en  sa  qualité 
d'organe  de  l'Episcopat  souverain.»  «  Le  fait  de  la  discussion 
présente  est,  à  lui  seul,  une  protestation  suffisante,  (i)  » 
Le  président  Harless  exprima  le  vœu  que  l'assemblée 
acceptât  sans  discussion  cette  manière  de  voir,  et  développa 
ensuite  son  opinion  sur  l'invitation  pontificale,  dans  un 
discours  où  il  prit  pour  texte  ce  passage  des  proverbes  de 
Salomon  (xxvi.  4)  :  «  Ne  réponds  pas  au  fou  selon  sa  folie, pour 
ne  point  lui  devenir  semblable.  »  D'après  une  de  ses  dépèches 
au  cardinal  Antonelli  (2),  le  nonce  du  Saint-Siège  à  Munich 
eut  un  entretien  à  ce  sujet  avec  l'archevêque  de  cette  ville. 
Celui-ci  avait  décidé  d'adresser  une  remontrance  au  ministre. 
On  ne  sait  rien  du  succès  de  cette  démarche.  Le  nonce,  il  est 
vrai,  n'avait  qu'un  mince  espoir. 


(1)  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  C\XV.—Ct.  C.  V.  1133  d. 

(2)  27  oct.  1869.  —  Cf.  Cecconi,  loc.  cit.  Sez.  I,  p,  273  (trad.  f'r.  t.  II,  p.  240). 


[347-348] 


4-16  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Dans   les    autres  pays,  à  l'exception   de  l'Angleterre,    la 
lettre   pontificale  reçut,    des  p  ru  testants,    le   môme   accuei 
qu'en  Allemagne. 

En  Autriche,  les  réformés  étaient  trop  indifférents  pour 
manifester    leur    opposition.    En    Hongrie,    au    contraire 
l'assemblée     générale    des    protestants    de    la    Confession 
d'Augsbourg,  réunie  à  Pest  le  8  octobre,  prit  une  résolution 
au  sujet  de  l'initiative  pontificale  (i).  Elle  ne  peut,   disait- 
elle,  être  prise  au  sérieux,  d'abord  parce  qu'elle  repose  sur 
le  préjugé  que  l'Eglise  catholique  est  la  seule  voie  du  salut  et 
que  les  hommes  doivent  se  soumettre  à  une  autorité  qui  se 
déclare  infaillible  ;  ensuite,  parce  qu'on  ne  peut  faire  dispa- 
raître   l'opposition    entre    les    protestants    et    les    catholi- 
ques ;   //    ce   qui  le  prouve,  c'est  1'éminiératiOn   des  griefs 
habituels  du  protestantisme  contre  l'Eglise  catholique.  On 
repousse  donc  «  les  paroles   fausses,    calomnieuses  et  inju 
rieuses  du  pape  »  et  on  exprime  l'espoir  que  les  catholiques 
s'inspireront  toujours  d'un  esprit  du  christianisme  de  plu 
en  plus  affranchi  des   ténèbres  du   moyen  âge,  par   leque 
se  réalisera  une  union  des  chrétiens  bien  plus  sublime  qu 
l'union    extérieure,  .qui  produirait  des  trésors  spirituels  e 
étendrait  au  loin  le  règne  de  la  charité. 

La  Compagnie  des  pasteurs  de  l'Eglise  de  Genève  adressa 
aux  membres  de  cette  Eglise  et  à  tous  les  chrétiens  évangé- 
liques  une  lettre  (2)  où  elle  affirmait  qu'accepter,  les  paroles 
de  Pie  IX  serait  anéantir  l'œuvre  de  leurs  pères  ;  les  causes 
du  grand  mouvement  du  XVIe  siècle,  loin  d'avoir  disparu,  se 
fortifient  chaque  jour  davantage.  Au  point  de  vue  de  la  doc- 
trine, l'Eglise  catholique  a  maintenu  toutes  les  erreurs  contre 
lesquelles  on  a  protesté  ;  elle  en  a  même  ajouté  de  nouvelles, 
comme  le  dogme  de  la  Conception-  Immaculée  de  Marie  et  de 
l'Infaillibilité  du  pape.  Ce  dernier  dogme  est  à  l'ordre  du 


(1)  Cecconi,  loc.  cil.  Sez.  Il,  Doc.  GXXVI.  —  Cf.  C.   V.  1134  a. 

(2)  C.   V.  112'J  a.  sq.  —  Cecouni,  loc.  cit.  Doc.  CXIX. 

[348-349] 


ATTITUDE    DIVERSE    DES    NON-CATHOLIQUES  417 

jour  et.  selon  toutes  les  prévisions,  sera  consacré  par  le  vote 
du  prochain  concile  ou  <le  quelque  autre  manière.  De  grands 
abus,  de  grands  scandales  ont  été  éliminés  c'est  vrai,  et  sur- 
tout Ton  ne  peut  refuser  de  reconnaître  au  titulaire  actuel  du 
siège  pontifical  un  caractère  honorable.  Mais  la  papauté  s'est 
transformée  en  un  despotisme  absolu.  Suit  alors  une  longue 
énumération  d'abus  à  blâmer  :  les  cérémonies  en  usage  dans 
l'Eglise  catholique,  certaines  petites  pratiques  de  piété,  les 
indulgences,  les  couvents,  le  culte  des  saints,  etc.;  Syllabus, 
Encyclique  et  autres  épouvantails  sont  allégués  comme  des 
faits  qui  obligent  à  protester  énergiquement  contre  l'invi- 
tation de  Pie  IX. 

A  son  tour,  le  comité  français  de  l'Alliance  évangélique 
adressa,  à  l'occasion  de  l'invitation  papale,  une  lettre  aux 
membres  de  cette  société  pour  «  les  exhorter  à  des  prières 
publiques  et  à  un  redoublement  de  zèle  religieux,  au  moment 
où  Rome  va  mettre  le  dernier  sceau  à  son  œuvre  en  procla- 
mant l'infaillibilité  du  pape  et  en  condamnant  les  progrès 
et  les  libertés  sans  lesquelles  la  société  moderne  ne  subsiste- 
rait plus  (i)  ))  //. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  l'annonce  du  concile  avait  été 
maintes  fois  accueillie  avec  faveur  par  les  Jansénistes  de 
Hollande.  Les  autres  non-catholiques  de  ce  pays  la  reçurent 
mal.  Dans  un  assez  grand  nombre  d'articles  de  la  presse  pro- 
testante quotidienne  et  dans  d'antres  écrits  (2)  publiés  en 
réponse  à  la  lettre  papale  se  manifestait  une  hostilité  très  vive 
contre  l'Eglise  catholique;  vingt-sept  théologiens  et  ecclésias- 


(i)  G.  V  1134sq.  -  Geccoxi,  loc.  cit.  Doc.  CXXVII. 

(2)  A  l'écrit  du  catholique  Bruuwers  :  Watnute  doenï  Gunning  répondit  par  : 
Anti-modern,  daarom  Anli-Roomscli,  et  Groen  van  Prinsterer  par  tleiligerlee  en 
Ullramontaansche  Kritiek.  Un  médecin  passé  du  judaïsme  au  protestantisme, 
A.  Capadose,  écrivit  une  Réponse  au  pape  Pie  IX;  un  autre  protestant  A.  Bous  : 
De  Hervorming  der  Roomsch-Katholielte  Kerk,et  C.-W.  Pape.  Ilet  OEcunieniscli  Con- 
cilie te  Rome  in  18G9.  —  Alix  accusations  élevées  parles  protestants  contre  l'Eglise 
catholique  le  P.  F.  Heynen,  S.  J.,  opposa  :  De  Houding  van  eenige  Nedetiarulsche 
Protestanlen  tegenover's  Pausen  uitnoodiging  belreffende  de  algemeene  Kerkuergade^ 
ring. 

[34J8sâ§0] 


418 


HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 


tiques  adressèrent  de  Groningue  au  pape  une  lettre  latine  où 
ils  déclinent  son  invitation  et  donnent  les  motifs  de  leur 
refus  (i).  La  lettre  est  pleine  de  préjugés  protestants  contre 
l'Eglise  catholique  et  fausse  les  laits  et  les  doctrines  qu'elle 
rapporte. 

Encore  une  observation  au  sujet  des  presbytériens  de 
l'Amérique  du  Xord.  Ils  discutèrent  la  lettre  pontificale  en 
deux  assemblées  où  parurent  les  représentants  d'environ 
cinq  mille  «  serviteurs  de  l'Evangile  »,  et  d'un  nombre  plus 
grand  encore  de  communautés  chrétiennes.  Les  deux  prési- 
dents adressèrent  ensuite  à  Pie  IX  une  lettre  commune  où  ils 
déclinent  aussi  l'invitation  pontificale  avec  un  exposé  d( 
leurs  motifs  (2).  Ils  soutiennent  qu'ils  ne  sont  ni  hérétiques  ni 
schismatiques.  S'ils  refusent  l'invitation,  c'est  que  l'Eglise 
catholique  a  repoussé  les  principes  qui  sont  le  fondement  de 
leur  religion. 


(l)L'.  V.  1124  c.  sq.  —  Cbccoxi,  loc.  cit.  Doc.  CX VIII.  Voir  la  traduction  alle- 
mande avec  commentaire  dans  les  Stimmen  aus  MARiA-LAACH.Xeue  Folge,  Hett.  1\ 
(1869),  p.92sqq. 

(2)6'.   V.  1135a.  sq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXXVIII. 

[350j 


CHAPITRE  XIV. 
Le  concile   du  Vatican  et  l'anticoncile  des  libres-penseurs. 

Ce  qu'avait  été  le  christianisme  pour  les  païens,  le  concile 
du  Vatican  le  fut  pour  les  apostats,  une  folie.  Il  fut  pour  eux 
une  folie  et  un  scandale  tout  à  la  fois  :  un  crime  contre  les 
progrès  de  la  civilisation  au  XIXe  siècle. 

Joseph  Ricciardi,  membre  du  parlement  italien,  écrivit 
en  1869  une  lettre  «  à  tous  les  libres-penseurs  de  toutes  les 
nations.  »  Elle  était  rédigée  en  italien  ;  deux  mois  plus  tard  il 
la  répandit  en  traduction  française  à  l'étranger  (1).  Le  con- 
cile qui  vient  d'être  convoqué  lui  apparaît  comme  un  péril 
plein  de  menaces  pour  la  grande  cause  de  la  civilisation,  de 
la  liberté  et  du  progrès.  Le  seul  moyen  de  se  défendre  contre 
les  nouvelles  entreprises  de  l'antique  et  implacable  ennemi 
de  toute  liberté,  est,  à  son  avis,  une  sainte  ligue  des  libres- 
penseurs  de  tous  les  pays;  elle  opposera  à  la  foi  aveugle, 
fondement  du  catholicisme,  le  principe  du  libre  examen.  Il 
propose  comme  lieu  de  réunion  pour  l'assemblée  des  libres  - 
penseurs  la  ville  de  Xaples,  et  comme  date,  le  8  décembre, 
jour  fixé  pour  l'ouverture  du  concile.  A  cet anti -concile  seront 
proclamés  contre  le  Credo  de  Rome,  les  dogmes  immuables  de 
la  morale,  de  cette  morale  qui  est  fondée  exclusivement  sur 
la  raison.  Les  paroles  des  libres-penseurs  doivent  être  accom- 


(1)  C.  V.  1254  c.  sq.  —  Cecconi,  Ioc.  cit.  Doc.  CGIX. 

[351] 


420  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU    VATICAN 

pagnées  d'actes  qui  leur  soient  conformes  ;  ils  écriront  donc 
sur  leur  bannière  les  mots  :  Amour  —  Instruction.  L'exercice 
de  l'amour  consistera  à  s'efforcer  de  procurer  du  travail  à 
toute  personne  valide,//  et  à  assurer  l'existence  de  quiconque 
ne  pourrait  y  pourvoir  en  travaillant.  L'instruction  doit 
devenir  le  bien  de  tous  ;  les  libres-penseurs  doivent  particu- 
lièrement s'occuper  de  l'instruction  élémentaire.     . 

Ricciardi  publia  sa  lettre  au  nom  d'un  comité  qui  s'était 
chargé  de  convoquer  l'anticoncile,  et  il  pria  tous  ceux  qui 
approuveraient  le  programme  de  lui  donner  leur  adhésion 
par  écrit. 

D'après  un  communiqué  de  Ricciardi,  de  très  nombreuses 
adhésions  répondirent  à  cet  appel  (i);  mentionnons  celle  de 
Garibaldi  (lettre  du  19  janvier)  (2),  de  Victor  Hugo  (lettri 
du  20  avril)  (3),  et  de  Michelet,  a  secrétaire  de  la  société 
philosophique  à  Berlin  »  (4). 

En  France  la  question  de  l'anticoncile  général  fut  plu- 
sieurs fois  agitée  dans  les  loges;  plusieurs  insistaient  poui 
que  la  franc-maçonnerie  s'y  fit  représenter  officiellement, 
mais  la  majorité  des  suffrages  fut  d'avis  contraire  (5). 

Tel  fut  aussi  le  sentiment  que  le  Grand-Maître  «  du  Grand 
Orient  »  d'Italie,  exposa  dans  une  lettre  aux  loges  de  ce 
pays  [G)  :  ceux  des  frères  qui  voudraient  prendre  part  indi- 
viduellement à  l'anti-concile  méritaient  des  félicitations, 
mais  l'ordre  maçonnique  comme  corps,  ne  pouvait  y  parti- 
ciper. 


(1)6'.  V.  1256c.  sq^  —  Gegconi, loc.  cit.  l>uc.  CCX. 

(2)  Givilta  Gatthlica,  Si'!'.  VII,  vol.  5,  p.  487.  —  Stimmen  als  Maria-Laach, 
Neue  Folge,  Heft.  III  (1800),  p.  69.  Cf.  une  deuxième  lettre  de  Garihaldi.  Ibid., 
Heft.  IV (1869),  p.  127. 

(3)  Givilta  Gattoijca,  Ser.  VII,  vol.  6,  p.  401.  —  Stimmen  ads  Maria-Laach,  loc, 
cit.  p.  126. 

(4)  Stimmen  als  Maria-Laach,  loc.  cit.  p.  127. 

(5)  Cf.  les  débats  dans  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GGVI,  CCVII,  CCVIII.  —  Cf.  C.  V., 
1256  b. 

(6)  C.   V.,  1257  li.  sq.  —  Geccqni,  loc.  cit.  Doc.  CCXI. 

[351-352] 


L'OIVERTURE    DE    L' ANTICONCILE    A   XAPLES  421 

D'après  une  lettre  de  Ricciardi  au  Giornale  di  Roma,  en 
novembre,  il  se  préparait  en  plusieurs  villes  d'Italie,  pour  le 

8  décembre, des  démonstrations  contre  le  concile  du  Vatican  : 
ainsi  à  Païenne,  Catane,  Salerne,  Aquila,  Foggia,  Ancône, 
Parme,  Venise,  Erescia,  Trévise.  «  Il  est  très  désirable,  écri- 
vait-il, et  Garibaldi  partage  cette  manière  de  voir,  cpie  dans 
toute  l'Italie,  le  peuple  déploie  la  plus  vive  ardeur  et  saisisse 
l'occasion  que  lui  offrent  ses  ennemis,  pour  déclarer  une  fois 
de  plus  la  volonté  populaire  en  faveur  de  l'unité  nationale  et 
du  principe  sacré  de  la  liberté  »  (i).  Trois  idées  //  doivent 
prendre  corps  dans  ses  assemblées  :  guerre  implacable  au 
pape;  protestation  contre  l'influence  prépondérante  de  Napo- 
léon III;  proclamation  du  grand  principe  de  la  liberté  de 
conscience. 

Le  8  décembre,  arrivèrent  donc  à  Naples  quelques  cen- 
taines de  libres-penseurs  et  parmi  eux  plusieurs  femmes. 
Comme  une  représentation  devait  avoir  lieu  ce  jour  là  au 
théâtre  San-Ferdinando  qui  avait  été  choisi  comme  lieu  de 
réunion,   l'ouverture  de  l'anticoncile  dut  être  reportée    au 

9  décembre.  Elle  se  fit  à  midi.  Ricciardi  présida  et  prononça 
le  discours  d'ouverture.  Quatre  cent  soixante  et  un  membres 
actifs  étaient  présents.  Quand  le  président  voulut  faire 
approuver  le  programme  du  comité  provisoire,  des  contra- 
dictions s'élevèrent;  on  ne  put  s'entendre  et  le  président 
leva  la  séance. 

La  seconde  réunion  eut  lieu  le  soir  du  10  décembre.  Comme 
Ricciardi  remit  le  programme  en  délibération,  un  vif  débat 
s'engagea  au  milieu  d'un  grand  vacarme  ;  l'arrivée  des  libres- 
penseurs  français  l'interrompit.  L'orateur  de  ces  derniers, 
M.  Regnard,  prononça  dans  sa  langue,  un  violent  discours 
contre  l'Eglise  catholique.  Des  cris  éclatèrent  alors  en  l'hon- 
neur de  la  France  républicaine.  La  police  déclara  aussitôt 


(1)  CecconUoc.  cit.  Doc.  CGXIV.  -Cf.  C.   V.,  1258b. 

[352-353J 


422  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU   VATICAN 

l'assemblée  dissoute.  Les  adhérents  au  concile  des  libres- 
penseurs  ne  quittèrent  la  salle  que  malgré  eux. 

Le  16  décembre,  ils  se  réunirent  encore  une  fois  dans  un 
hôtel  de  Xaples.  La  dissension  au  sujet  du  programme  éclata 
de  nouveau,  et  le  vacarme  devint  si  violent  que  le  maître 
d'hôtel  déclara  qu'il  ne  voulait  pas  tolérer  plus  longtemps 
les  congressistes  dans  sa  maison.  Les  autres  hôtels  et  les 
théâtres  refusèrent  aussi  de  les  recevoir.  Il  fallut  se  conten- 
ter de  publier  le  17  décembre,  le  programme  de  Riccardi  et 
un  autre  programme  de  Regnard,  dans  l'organe  des  libres- 
penseurs  de  Xaples   le  Popolo  d'ltalia(i). 

Voici  le  programme  du  parti  de  Riccardi  :  «  Les  soussignés, 
représentants  de  diverses  nations  du  monde  civilisé,  réunis 
à  Xaples  pour  prendre  part  à  l'anticoncile,  affirment  les 
principes  suivants  :  ils  proclament  la  liberté  de  la  raison  en 
face  de  l'autorité  religieuse,  l'indépendance  de  l'homme  en 
face  du  despotisme  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  la  solidarité  des 
peuples  en  face  de  l'alliance  des  princes  et  des  prêtres  //, 
l'école  libre  en  face  de  l'instruction  par  le  clergé,  le  droit  en 
face  du  privilège.  Xe  reconnaissant  aucun  autre  principe 
que  ceux  de  la  science,  ils  se  déclarent  partisans  de  la  liberté 
humaine  ;  ils  revendiquent  la  nécessité  de  supprimer  toute 
Eglise  officielle.  La  femme  doit  être  affranchie  des  liens  où 
l'Eglise  et  la  législation  l'emprisonnent  et  qui  entravent  son 
plein  développement.  L'instruction  doit  être  libre  de  toute 
ingérence  religieuse,  car  la  morale  doit  être  pleinement  indé- 
pendante ». 

Le  programme  formulé  par  Regnard  et  ses  partisans  était 
le  suivant  :  «  Les  libres-penseurs  parisiens  reconnaissent  et 
proclament  la  liberté  de  conscience,  la  liberté  d'examen  et 
la  dignité  humaine,  ils  considèrent  la  science  comme  base 
de  toute  croyance  et  repoussent  en  conséquence  tout  dogme 


(1)  Stimmen  ai-s  Maria-Laacu.  Xeue  Folge,  Hel't.  VI  (1870),  p.  188  sqtj . 

[353-354] 


AVORTEMENT   DE   L  ANTICONCILE  423 

fonde  sur  une  révélation  quelconque.  Ils  reconnaissent  que 
l'égalité  sociale  et  la  liberté  ne  peuvent  exister  que  lorsque 
l'individu  est  instruit.  Ils  réclament  en  conséquence  l'in- 
struction de  tout  degré,  gratuite,  obligatoire,  exclusivement 
laïque  et  matérialiste.  Le  devoir  de  la  société  lui  impose  de 
mettre  l'individu  en  état  de  procurer  à  ses  fils  cette  instruc- 
tion. Pour  ce  qui  regarde  la  question  pbilosopbique  et  reli- 
gieuse ;  considérant  que  l'idée  de  Dieu  est  la  source  et  le  sou- 
tien de  tout  despotisme  et  de  toute  iniquité;  que  la  religion 
catholique  est  la  plus  complète  et  lapins  terrible  personnifi- 
cation de  cette  idée;  que  l'ensemble  de  ses  dogmes  est  la 
négation  même  de  la  société,  les  libresq)enseurs  de  Paris 
promettent  de  s'employer  à  abolir  promptement  et  radicale- 
ment le  catholicisme,  de  solliciter  son  anéantissement  par 
tous  les  moyens  compatibles  avec  la  justice,  y  compris  la 
force  révolutionnaire,  qui  n'est  que  l'application  à  la  société 
du  droit  de  légitime  défense  (i)  ». 

Les  autres  réunions  que  les  libre-penseurs  tinrent  le 
8  décembre  en  diverses  villes  d'Italie,  n'eurent  pas  d'autre 
résultat  que  celle  de  Xaples  :  c'est-à-dire  une  répugnante 
manifestation  de  leur  haine  pour  Dieu  et  la  religion. 


(1)  C.    V.  1258  b.  sqq.  —  Sti.mmex  au Maria-Laags, ibid.,  p.  188. 

[354] 


CHAPITRE  XV. 

Les  gouvernements  et  le  prochain  concile. 

Les  rapports  entre  l'Eglise  et  l'Etat  s'étaient,  depuis  le 
dernier  concile  œcuménique,  modifiés  du  tout  au  tout.  Plu- 
sieurs pays  s'étaient,  totalement  ou  en  majeure  partie,  déta- 
chés de  l'Eglise,  et  l'on  pouvait  leur  demander  tout  au  plus  la 
liberté  pour  les  évêques  de  prendre  part  au  concile.  Dans 
nombre  d'Etats  catholiques  même,  le  gouvernement  se  gui- 
dait d'après  des  principes  hostiles  à  l'Eglise,  ou  s'efforçait  de 
relâcher  de  plus  en  plus  les  liens  qui  jusqu'alors  avaient  uni 
les  deux  puissances. 

Il  ne  fallait  donc  point  songer  pour  le  concile  du  Vatican 
à  une  action  commune  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  dans  l'intérêt 
de  la  religion  chrétienne,  comme  nous  le  voyons  dans  les 
anciennes  assemblées  de  l'Eglise.  Si  quelques  gouver- 
nements manifestaient  le  désir  de  se  faire  représenter  au 
concile,  leur  motif  n'était  point  le  zèle  pour  le  catholicisme, 
mais  la  défiance  et  la  jalousie  envers  l'Eglise.  On  craignait 
ses  empiétements  sur  le  domaine  politique,  et  l'on  con- 
sidérait comme  une  diminution  de  l'autorité  civile  tout 
accroissement  de  l'influence  ecclésiastique  sur  les  catholi- 
ques De  plus,  la  presse  antireligieuse  allait  jusqu'à  voir 
dans  la  prochaine  assemblée  un  danger  pour  la  civilisation  et 
pour  l'Etat.  Ces  accusations  ne  manquèrent  point  d'agir  sur 
les  gouvernements. 

[355-35(3] 


426  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

Ceux-ci  firent  attendre  longtemps  des  explications  offi- 
cielles sur  l'attitude  qu'ils  comptaient  prendre  vis  à-vis  du 
concile.  La  Bavière  se  souvint  enfin,  remarque  VUnità  catto- 
lica,  qu'elle  était  la  plus  grande  puissance  musicale;  il  était 
donc  de  son  devoir,  pensait-elle,  de  donner  le  ton  aux  autres 
Etats. 

Le  prince  Clilodwig  Hohenlolie-Scliillingsfiïrst,  président 
du  conseil  et  ministre  des  affaires  étrangères  de  Bavière, 
adressa  le  9  avril  1869,11110  circulaire  (i)aux  représentants  de 
son  gouvernement  à  l'étranger.  Il  s'y  faisait  renseigner  sur  les 
vues  qu'avaient  au  sujet  du  concile  les  gouvernements  auprès 
desquels  ils  étaient  accrédités,  et  demandait  quelle  conduite 
ceux-ci  pensaient  tenir  à  cet  égard.  Il  faisait  en  même  temps 
poser  à  ces  gouvernements  //  une  double  question  :  n'était-il 
pas  prudent,  avant  même  l'ouverture  du  concile,  de  déter 
miner  certaines  lignes  de  conduite  communes  ou  du  moins 
concordantes  ;  le  but  serait  d'éclairer  le  Saint  -  Siège  sui 
la  position  que  les  gouvernements  du  continent  prendraient 
vis-à-vis  du  concile.  De  plus,  le  meilleur  moyen  d'amenei 
une  entente  entre  les  puissances  intéressées  n'était-il  pas  de 
créer  des  conférences  composées  de  leurs  représentants? 

Il  est  peu  vraisemblable,  dit  le  prince  dans  l'exposé  des 
motifs  de  sa  proposition,  que  le  concile  doive  s'oceupëa 
seulement  de  questions  purement  tliéologiques;  aucun! 
d'entre  elles  n'attend  actuellement  sa  solution  d'un  concile. 
L'infaillibilité  pontificale,  voilà  la  seule  thèse  dogmatique 
<pie  Rome  voudrait  ainsi  voir  définie  ;  c'est  elle  qui  provoque 
l'agitation  de  l'ordre  des  Jésuites  en  Italie  et  en  Allemagne. 

Or,  la  définition  dogmatique  de  cette  «prétention» dépasse 
évidemment  de  beaucoup  le  domaine  purement  spirituel,  sa 
nature  est  éminemment  politique  puisqu'elle  élève  la  puis- 
sance du  pape,  même  dans  les  affaires  temporelles,  au-dessus 


(1)  C.  V.  1199  sqq.  -  Cecconi,Zoc.  cit.  Ses. II.  Doc.  C.LXIX. 

[356-357] 


LA   CIRCULAIRE    D€    PEINCE   DE    HOHEXLOHE  427 

de  celle  de  tous  les  princes  et  peuples  chrétiens.  En  outre, 
parmi  les  commissions  qui  préparent  les  matières  à  pro- 
poser au  concile,  s'en  trouve  une  s'occupant  exclusivement 
des  questions  mixtes  qui  touchent  à  la  l'ois  le  droit  public, 
la  politique  et  le  droit  canon.  On  est  ainsi  autorisé  à 
admettre  chez  le  Saint  Siège,  ou  du  moins  chez  un  parti 
actuellement  puissant  à  Rome,  l'intention  de  promulguer  par 
voie  conciliaire  une  série  de  décrets  appartenant  au  domaine 
de  la  politique  plus  encore  qu'à  celui  des  affaires  ecclésias- 
tiques. 

Enfin,  continue  le  président  du  conseil,  d'après  la  Civilta 
DATTOLiCA,  revue  rédigée  à  Rome  par  les  jésuites,  et  revêtue 
par  bref  du  pape  d'un  caractère  officieux,  le  concile  aurait 
pour  tâche  de  transformer  en  décrets  de  concile  les  thèses 
du  Syllabus  du  8  décembre  1864.  Or,  les  articles  de  cette 
encyclique  (sic!)  sont  dirigés  contre  les  principes  formant 
aujourd'hui  la  base  de  la  vie  publique  telle  qu'elle  s'est 
développée  au  sein  de  tous  les  peuples  civilisés.  Les  gou- 
vernements se  trouvent  donc  dans  la  nécessité  d'examiner 
s'ils  n'ont  pas  l'obligation  d'avertir  les  évèques  placés  sous 
leur  autorité  et  le  futur  concile  lui-même,  des  suites 
funestes  que  pourrait  avoir  un  tel  ébranlement  délibéré  et 
systématique  des  rapports  existant  entre  l'Etat  et  l'Eglise.// 
Il  ne  peut  exister  ici  aucun  doute  :  les  gouvernements 
ont  le  devoir  supérieur  d'une  protestation  collective  à  faire 
parvenir  soit  par  leurs  représentants  à  Rome,  soit  par  une 
autre  voie, contre  toute  décision  en  matière  politico-religieuse, 
qui  émanerait  du  concile  sans  la  participation  des  puissances. 

«  On  a  été,  dit  Jdrg  (1),  chercher  bien  loin  l'occasion  et  les 
motifs  de  cet  acte  diplomatique,  alors  que  le  véritable,  sinon 
le  bon  se  trouvait  à  deux  pas.  L'on  a  vu  dans  cette  démarche 
l'effet  d'intrigues  et  d'excitations  venues  d'Italie,  de  France, 


(l)  Histor. -polit.  Bl.etter,  1859,11.  163s. 

[357-358] 


428  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 

voire  même  de  Prusse  ;  pourtant,  c'est  un  fait  avéré,  à 
Berlin,  en  particulier  dans  les  sphères  dirigeantes, personne 
n'approuvait  la  précipitation  du  prince,  bien  qu'après  coup, 
on  se  soit  efforcé,  à  n'en  pouvoir  douter,  d'enterrer  l'affaire 
sous  les  paroles  les  plus  flatteuses  des  organes  officieux  ». 
Plus  loin,  le  même  publiciste  nous  assure  que  la  dépêche  fut 
un  acte  personnel  du  prince  de  Hohenlohe;  il  la  rédigea,  il 
est  vrai,  en  sa  qualité  de  ministre  des  affaires  étrangères  de 
Bavière,  mais,  au  début  du  moins,  les  autres  ministres 
avaient  refusé  absolument  de  se  solidariser  avec  lui. 
D'après  quel  conseil  le  prince  a-t-il  fait  cette  démarche 
sans  consulter  ses  collègues  dans  une  affaire  si  impor- 
tante? A  cette  question  Jôrg  répond  par  une  citation 
de  la  N'eue  Freie  Presse  du  16  juin  :  «  Ou  désigne  avec 
grande  certitude  ou  du  moins  avec  beaucoup  de  vraisem- 
blance M.  le  Prévôt  de  la  Collégiale,  docteur  von  Dollinger, 
l'illustre  savant,  et  quelques-uns  de  ses  amis,  pour  avoir 
conseillé  au  prince  de  Hohenlohe  d'envoyer  la  dépêche  du 
9  avril.  »  Ailleurs  aussi, Dollinger  fut  regardé  comme  l'inspi- 
rateur de  la  dépêche.  L'envoyé  de  la  Prusse  à  Jîome,  M.  d'Ar- 
nim,  écrit  au  prince  de  Bismarck  :  «  Vraisemblablement  le 
prince  de  Hohenlohe  a  été  inspiré  dans  cet  écrit  par  le  prévôt 
de  la  collégiale  Dollinger.  Dans  sa  mauvaise  humeur  contre 
Rome,  celui-ci  doit  sans  doute  être  très  porté  à  grossir  quel- 
que peu  les  dangers  résultant  pour  I'Etat  moderne  des 
décrets  qu'on  s'attend  à  voir  promulguer  par  le  concile.  Il  est 
naturel,  dès  lors,  que  M.  de  Dollinger...  désire  trouver  dans 
les  gouvernements  laïcs  des  alliés  qu'il  n'eût  point  cherche 
en  d'autres  temps  (i)  ».  Des  affirmations  comme  celles-ci 
«  Borne  ne  veut  voir  décider  parle  concile  que  l'infaillibilité 


(1)  Lettre  du  14  mai  1869.  C.  V.  1203  c.  —  Cecgoxi,  Loc.  cit.  Doc.  CLXXIX.  — 
Cinq  ans  après,  le  24  avril  1874,  Arnim  fait  au  prévôt  de  la  collégiale  Dollinger 
des  excuses  publiques  «  pour  avoir  incidemment  parlé  de  lui  en  des  termes  n'in- 
diquant pas  assez  clairement  la  vénération  qu'il  porte  à  Sa  Révérence.  »  Ollivier, 
L'Eglise  et  l'Etat,  etc.,  I,  5131. 

|358] 


LE    QUESTIONNAIRE    DU    GOUVERNEMENT    BAVAROIS  429 

pontificale  »  ;  «  le  dogme  de  l'infaillibilité  pontificale  est  un 
danger  pour  l'Etat  »  ;  «  la  Civilta  cattolica  désigne  la  défi- 
nition du  Syllabus  comme  la  tâche  du  concile  »  portent,  en 
effet,  bien  distinctement  la  touche  de  Dollinger. 

Les  puissances  ne  prirent  guère  en  considération  la  demande 
du  prince  de  Hohenlohe  :  «  La  circulaire,  écrit  de  Munich 
le  nonce  apostolique  Meglia  au  cardinal  Antonelli  (i),  semble 
n'avoir  point  produit  trop  bon  effet.  Je  ne  parle  pas  de  l'éton- 
nement  provoqué  clic/,  les  grandes  puissances,  notamment  en 
Autriche  et  en  France, par  l'importance  qu'a  voulu  se  donner 
le  gouvernement  bavarois,  en  prenant  l'initiative  dans  une 
affaire  de  si  haute  portée.  La  France,  me  dit-on,  a  répondu 
d'une  manière  évasive,  se  réservant  pour  un  moment  plus 
opportun  toute  liberté  d'action  et  d'examen.  Quant  au  comte 
de  Beust,  il  a  dans  une  réponse  verbale  à  l'envoyé  bavarois  à 
Vienne,  laissé  entendre  que  l'Autriche  avait  déjà  assez  de  dif- 
ficultés avec  le  Saint-Siège,  sans  en  ajouter  de  nouvelles.  Les 
envoyés  des  petits  Etats  allemands  ici  même  (à  Munich),  ont 
reçu  de  leurs  gouvernements  mission  de  rechercher  quelle 
réponse  les  autres  puissances  auraient  donnée  ;  et  le  gouver- 
nement wurtembergeois,  je  le  sais,  veut  faire  dire  au  prince 
de  Hohenlohe  que  son  Etat  est  trop  petit, d'ailleurs  protestant, 
qu'il  ne  croit  pas  devoir  s'immiscer  dans  ces  sortes  d'affaires; 
de  plus,  il  ne  veut  rien  faire  en  ce  moment  qui  soit  désa- 
gréable aux  catholiques  du  Wurtemberg.  » 

Le  gouvernement  bavarois  ne  se  laissa  pas  arrêter  par 
l'insuccès  de  ses  premières  hostilités  contre  le  concile;  il  en 
tenta  bientôt  de  nouvelles.  Sur  l'inspiration  de  Dollinger  (2), 
il  proposa  le  12  juin  1869  aux  facultés  de  théologie  de  Munich 
et  de  Wiirzbourg,  et  à  la  faculté  de  droit  de  Munich,  les  cinq 
questions  suivantes  : 

«  1"  Supposé  que  les  propositions  du  Syllabus  et  l'infaillibi- 


(1)  17  mai  1869.' 

(2)  Compar.  Friedrich,  lgnau  v.  Dollinger,  III,  p.  487  et  suiv. 

[359] 


430  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 

lité  pontificale  soient  déclarées  par  le  futur  concile  articles  de 
foi,  en  quoi  se  trouvera  modifiée  la  doctrine  des  rapports 
entre  l'Eglise  et  l'Etat,  telle  qu'elle  a  été  enseignée  et  prati- 
quée en  Allemagne  jusqu'à  ce  jour? 

»  2"  Dans  ce  cas,  les  professeurs  de  dogme  et  de  droit 
ecclésiastique  se  croiront-ils  tenus  de  mettre  à  la  base  de  leur 
enseignement,  l'obligation  en  conscience  pour  tout  chrétien 
de  reconnaître  comme  de  droit  divin,  la  suprématie  du 
pape  sur  les  monarques  et  les  gouvernements,  (soit  comme 
potestas  directa,  soit  comme  potestas  indirecta  in  tempo- 
ral ia  '!) 

»  3U  Les  professeurs  de  dogme  et  de  droit  ecclésiastique 
s'estimeront-ils  par  là  même,  obligés  de  donner  place  dans 
leurs  leçons  et  leurs  écrits  à  la  doctrine  qui  enseigne  que  les 
immunités  personnelles  et  réelles  du  clergé  mmtjuris  <Uuini, 
et,  par  suite,  font  partie  des  articles  de  foi  ? 

»  4"  Existe-t-il  des  critères  universellement  reconnus  pour 
déterminer  avec  certitude  si  une  décision  du  pape  est  donnée 
ex  cathedra,  et  partant,  infaillible  et  obligatoire  pour  la 
conscience  de  tout  chrétien,  suivant  la  doctrine  que  définira 
peut-être  le  concile;  —  si  ces  critères  existent,  quels 
sont-ils  ? 

»  5"  Dans  quelle  mesure  les  nouveaux  dogmes  projetés,  et 
leurs  conséquences  nécessaires,  pourraient-ils  exercer  leur 
influence  modificatrice  sur  l'éducation  populaire  dans 
l'Eglise  et  dans  l'école,  ainsi  que  sur  les  livres  d'instruction 
élémentaire  (catéchisme,  etc.)  (i)  ?  » 

Dès  le  7  juillet,  la  faculté  de  théologie  de  Wiirzbourg  porta 
la  première  son  jugement;  c'était  un  travail  (2)  d'une  théo- 


(1)  C.  V.  12  )Uc.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit..  Doc.  CLXX. 

(2)  Il  parut  plus  tard  sous  le  titre  :  Gulachten  der  theologischen  Fakultàt  der 
Julius-Maximilians-UniversUnt  in  WurzAnrg  Uber  fiinf  ihr  vorgelegte  Fragen,  das 
beiorslehende  ohumenische  Kon&il  in  Rom  belre/j'end.  Wùrzburg,  18G9.  Les  Stimmen 
ans  Mari a-Laach  en  donnent  un  résumé,  XeueFolge,  tome  XI  (1870),  p.  204  sqq< 

[360] 


LE   MEMOÏKE   DE   WUltZBOURG  431 

logie  étendue  et  solide,  mais  qui  ne  répondait  pas  malgré 
l'interrogateur  aux  questions  d'ailleurs  manifestement  imbues 
des  idées  de  Janus.  A  la  première  demande,  l'exposé  fait 
d'abord  observer  qu'il  ne  peut  être  question  d'élever  au 
rang  de  dogme  toutes  les  doctrines  du  syllabus.  Les  propo- 
sitions qui  y  sont  condamnées  ne  sont  pas  toutes  rejetées 
comme  formellement  contraires  à  des  vérités  révélées,  beau- 
coup le  sont  comme  de  simples  erreurs.  Maintenant,  si 
l'on  publiait  comme  articles  de  foi  les  doctrines  du  Syllabus, 
remarque  le  mémoire  de  Wiïrzbourg,  cette  publication 
n'apporterait  «  aucune  modification  essentielle  dans  la 
doctrine  des  rapports  entre  l'Eglise  et  l'Etat.  '  Ces  proposi- 
tions renferment  à  peine  quelque  chose  de  nouveau,  et  ce 
qu'elles  ont  de  principal,  a,  pour  la  plupart,  déjà  été  défini 
ailleurs  depuis  longtemps.  A  les  bien  comprendre,  en  consul- 
tant tout  à  la  fois  l'ensemble  des  documents  d'où  elles  ont 
été  extraites  et  le  langage  de  l'Eglise,  que  la  presse  moderne 
ignore  d'habitude  totalement,  ces  propositions  ne  sont  pas 
aussi  dangereuses  qu'on  voudrait  le  faire  croire.  Puis,  si  on 
le  considère  au  point  de  vue  pratique,  le  Syllabus  présente 
aux  yeux  du  chef  suprême  de  l'Eglise  catholique  un  idéal  à 
atteindre,  désirable  sans  doute,  mais  qui  ne  saurait  toujours 
être  réalisé,  et  dont  une  impérieuse  nécessité  commande 
même  souvent  de  s'écarter.  Là  encore,  il  ne  faut  jamais 
confondre  l'hypothèse  avec  la  thèse  »  (i). 

Le  mémoire  de  Wiïrzbourg  discute  ensuite  chacune  des 
thèses  condamnées  dans  le  Syllabus  et  dont  la  réprobation 
par  le  concile  pourrait  aisément  sembler  dangereuse  pour  les 
rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  comme  par  exemple  la 
quatre-vingtième,  dont  la  censure  résonne  le  plus  durement 
à  l'oreille  moderne  :  «  Romanus  Pontifex  potest  ac  débet  cum 
progressu,    cum   libéralisme»   et  cum   recenli  civilitate  sese 


(1)  Geccoxi,  loc.  cit.  Doc,  (XXXI   (Note  du  traduct.) 

[360-361; 


432  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 

conciliare  et  componere.  »  Les  termes  de  cette  thèse,  dit  le 
mémoire,  sont  empruntés  à  l'allocution  Jam  dudum  du 
18  mars  1861  ;  compris  suivant  le  contexte,  ils  signifient 
simplement  que  le  pontife  romain  ne  pourra  jamais  accepter 
un  système  qui,  sous  la  brillante  étiquette  de  progrès,  de 
libéralisme  ou  de  civilisation,  persécute  et  blesse  de  toute 
manière  l'Eglise  catholique.  «  Systema  apposite  comparatum 
ad  debilitandam  ac  fortasse  etiam  delendam  Christi  Eccle- 
siam.  »  A  cette  civilisation  là  appartient,  par  exemple,  le 
système  qui  domine  en  Italie  :  oppression  des  institutions 
ecclésiastiques,  entraves  apportées  au  libre  jeu  des  organes 
de  l'Eglise,  réglementation  de  la  presse  catholique,  confis- 
cation des  biens  ecclésiastiques  et  autres  mesures  semblables. 
«  Nommons  la  chose  par  son  vrai  nom,  dit  le  pape,  et  il  appa- 
raîtra clairement  que  le  Saint-Siège  est  resté  toujours  égal  à 
lui-même.  La  véritable  civilisation  a  toujours  trouvé  en  lui 
son  défenseur  et  son  soutien...  Mais  il  ne  peut  pactiser  avec 
un  système  qui,  sous  le  faux  nom  de  civilisation,  vise  à  la 
destruction  de  l'Eglise  (1).  » 

Pas  plus  que  les  propositions  du  Syllabus,  continue  le 
mémoire,  l'infaillibilité  du  Souverain  Pontife  parlant  ex 
cathedra,  si  elle  venait  à  être  définie,  n'apporterait  le 
moindre  changement  aux  rapports  actuels  de  l'Eglise  avec 
l'Etat.  Cette  dernière  assertion  est  l'objet  d'une  démonstra- 
tion approfondie. 

La  seconde  et  la  troisième  question  recevaient  une  réponse 
négative  avec  motifs  à  l'appui.  Et  celle  qui  était  faite  au 
aux  dernières  questions  eût  dû  satisfaire  pleinement  la 
diplomatie  inquiète,  si  elle  avait  été  animée  envers  l'Eglise 
et  le  concile,  de  dispositions  favorables. 

De  l'Université  de  Munich,  la  faculté  de  théologie  envoya 
le    21   août    deux    mémoires,    l'un    émanant    de    la    majo- 


(1)  Ckcconi,  loc.  cit.  Doc.  CLXXI.  (Note  du  trad. 

[361-362] 


LES  DEUX  MEMOIRES   DE    MUNICH  433 

rite  (i),  l'autre  de  la  minorité  (2)  des  professeurs  de  théologie. 
On  confia  d'abord  au  professeur  Schmid,  comme  l'écrit  (3)  le 
nonce  apostolique  au  cardinal  Antonelli,  le  soin  d'élaborer 
un  mémoire.  Lorsque  l'auteur  en  présenta  le  plan  à  ses  col- 
lègues, Dollinger  proposa  des  modifications  auxquelles  plu- 
sieurs d'entre  eux  et  en  particulier  Schmid,  déclarèrent  ne 
pouvoir  donner  leur  adhésion.  On  composa  alors  un  nouveau 
mémoire  dans  les  idées  de  Dollinger,  et  ce  travail  retouché 
bien  entendu  sur  beaucoup  de  points,  reçut  l'approbation  de 
tous,  sauf  de  Schmid.  Ce  dernier  remit  son  propre  mémoire 
auquel  le  professeur  Thalhofer  avait  adhéré  bien  que  son 
absence  l'ait  empêché  de  signer. 

Le  mémoire  de  la  minorité  s'accorde  dans  ses  grandes 
lignes  avec  celui  des  théologiens  de  AYurzbourg;  il  concluait 
en  ces  termes  :  «  Des  réponses  particulières  faites  aux  cinq 
questions,  ressortent  les  conclusions  dogmatiques  suivantes  : 
L'approbation  éventuelle  par  le  prochain  concile  général  du 
Syllabus  tel  qu'il  est,  et  la  définition  parle  même  concile  de 
l'infaillibilité  du  pontife  romain  parlant  ex-cathedra,  ne 
pourraient  amener  directement  et  par  elles-mêmes  le  chan- 
gement du  statu  quo  entre  l'Etat  et  l'Eglise. Elles  n'entraîne- 
raient pas  pour  chaque  chrétien,  l'obligation  en  conscience- 
de  reconnaître  comme  de  droit  divin  la  suprématie  du  pape 
sur  les  souverains  et  les  gouvernements  ;  encore  moins 
l'origine  divine  des  immunités  personnelles  et  réelles  du 
clergé,  aussi  bien  en  général  qu'en  particulier.  Enfin,  à  les 
prendre  simplement  en  elles-mêmes,  elles  n'exerceraient 
aucune  influence  modificatrice  sur  renseignement  populaire 


(i)  Stirnmen  aus  Maria-Laach.  Xeue  Folge,  t.  V  (1869),  p.  166  sqq.  —  Friedber<;, 
Sammlung  der  Ahtensliicke  ium  ersten  Vatikanischen  Konzil,  p.  298.  —  La  traduction 
italienne  de  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  GLXXII.  —Ci.  C.  V.  1200  d. 

(2)  Stirnmen  aus  Maria-Laach.  Xeue  Folge,  t.  VI  (1870),  p.  196  sqq.  —  Friedberg, 
loc.  cit.,  p.  303  sqq.  —  La  traduction  italienne  de  Ceccoxi,  loc.  cit.,  Doc.  CLXXUI. 
Cf.  C.  V.  1201  a. 

(3)  Dépêches  du  18  juin  et  du  23  août  1869. 

[362] 


434  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

pour  ce  qui  regarde  les  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  (i)  ». 

Le  mémoire  de  la  majorité  parle  tout  autrement.  Comme 
les  questions  adressées  par  le  ministère,  la  réponse  est  inspi- 
rée de  l'esprit  de  Jani  s  :  le  même  savant,  Dollinger  (2), n'est- 
il  pas, en  effet,  l'auteur  et  le  principal  rédacteur  de  la  consul- 
tât ion.  Cette  dernière  ne  met  pas  en  un  jour  favorable  l'esprit 
ecclésiastique  et  la  valeur  tliéologique  de  ses  auteurs.  Une 
impression  pénible  se  dégage  déjà  du  seul  fait  que  des  théo- 
logiens Catholiques  soumettent  à  une  critique  de  blâme  une 
déclaration  doctrinale  telle  que  le  Syllabus,  adressée  par  le 
chef  suprême  de  l'Eglise  à  tous  les  chrétiens  de  la  catholi- 
cité. Au  jugement  de  ces  théologiens,  plusieurs  propositions 
du  Syllabus,  au  moins  dans  la  forme  positive  que  leur  a 
donnée  le  P.  Schrader,  peuvent  avoir  pour  les  Etats  des  con- 
séquences funestes;  ou  bien  elles  représentent  un  système  en 
opposition  absolue  avec  les  principes  généralement  admis 
par  eux,  ou  bien  elles  les  attaquent  directement.  Voilà  com- 
ment les  auteurs  du  mémoire  croient  devoir  juger  la  44e  thèse 
du  Syllabus  ainsi  formulée  par  Schrader  sous  sa  forme 
positive  :  «  Le  pouvoir  civil  ne  peut  s'immiscer  dans  les 
choses  de  la  religion,  de  la  moralk,  et  du  droit  ecclésiastique. 
Il  ne  peut  donc  pas  porter  de  jugement  sur  les  instructions 
que  les  pasteurs  de  l'Eglise  publient,  conformément  à  leur 
charge,  pour  servir  de  règle  aux  consciences  ». 

C'est  une  pareille  proposition  que  des  théologiens  trou- 
vent dangereuse  !  Veulent-ils  donc  réellement  dénier  à 
l'Eglise  le  pouvoir  suprême  d'enseigner  les  choses  de  la 
morale  et  prétendre  qu'un  Etat  catholique  peut  exercer  une 


(1)  Cecconi,  Doc.  CLXXIII.  (Note  du  traducteur.) 

(2)  Dans  les  milieux  libéraux,  on  fit  ressortir  la  concordance  du  mémoire 
avec  l'ouvrage  deJanus,  en  particulier  dans  la  réponse  à  la  quatrième  question, 
On  remarquait  aussi  que  «  l'avis  de  la  majorité  des  théologiens  de  Munich  ren- 
dait un  témoignage  irrécusable  à  la  valeur  et  à  la  sûreté  de  doctrine  de  cet 
écrit  »(!)—  Cf.  M.  Merkle,  professeur  de  théologie  et  conseiller  épiscopal  ecclé- 
siastique à  Dïllingen  :  Krilik  des  Gtttachltns,  etc.  (Dillingen,  1869),  p.  ta). 

[3(33] 


LE   MEMOIRE    DE    DOELLINGEK  435 

juridiction  d'appel  en  ces  matières,  rejeter  des  règles  de 
Conscience  prescrites  par  l'Eglise,  et  en  sanctionner  d'autres 
que  l'Eglise  rejette? —  Avec  quels  égards  et  quels  ménage- 
ments pour  le  Syllabus,  les  auteurs  du  rapport  présument 

(|iic  Schrader  n'a  pas  dû  bien  comprendre  la  proposition  de 
l'acte  pontifical  !  —  Ainsi  donc,  pour  eux,  il  appartient  au 
pouvoir  civil  de  juger  les  instructions  des  pasteurs  de  l'Eglise 
destinées  à  éclairer  les  consciences?  Comme  le  pouvoir  civil 
u'est  pas  infaillible,  il  lui  arrivera  bien  aussi  une  fois 
ou  l'autre,  de  prescrire  une  fausse  règle  de  conscience,  et 
l'Eglise  n'aura  qu'à  se  taire  devant  une  telle  perversion  par 
l'Etat  des  principes  de  la  morale,  (''était  donc  une  préten- 
tion injustifiée  des  apôtres  de  propager  dans  l'empire 
romain  la  morale  chrétienne,  si  opposée  à  celle  que  la  Rome 
païenne  tenait  en  haute  estime  ;  et  les  martyrs  ont  eu  tort 
de  se  laisser  guider  par  la  religion  chrétienne  dans  leurs 
affaires  de  conscience,  et  de  résister  jusqu'à  la  mort  aux 
injonctions  delà  morale  de  l'Etat  païen!  —  Ou  peut-être, 
les  auteurs  du  mémoire  de  la  majorité  voudront-ils  prétendre 
qu'évidemment  ce  n'est  pas  l'Etat  païen,  mais  l'Etat  chré- 
tien, qui  a  la  juridiction  supérieure  dans  les  questions  de- 
I  morale?  Mais  alors  comment  l'Etat,  quand  il  devint  chrétien 
a-t-il  obtenu    ce    droit   de    décider   en  dernier   ressort   des 

I  questions  de  morale?  Ne  devenait-il  point,  par  cela  même 
qu'il  devenait  chrétien,  le  disciple  de  l'Eglise?  Et  si  un  Etat 

j  chrétien  venait  à  soutenir  des  idées  anti-chrétiennes,  socia- 
listes par  exemple,  l'Eglise  n'a-t-elle  pas  alors  le  droit  de 

II  s'élever   contre   elles,    bien   plus    encore    qu'elle    ne   l'avait 
I  autrefois,  et  de  condamner  ces  doctrines,  en  honneur  dans 

l'Etat  païen  quand  elle  apparut  au  monde? 

Arrêtons  là  cette  critique  du  mémoire  consultatif.  Xotre 
tâche  n'est  pas  de  nous  engager  dans  le  détail  de  ses  divers 
articles.  Plusieurs  réfutations  parurent;  il  y  en'  eut  une 
courte-,  mais  très  au  point,  dans  la  revue  publiée  par  Scheeben 

[363-364] 


436  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

sous  le  titre  :  Bas  ôkumenische  Konzil  (i).  M.  Merkle  dans 
la  Kritik  des  Gutachtens  déjà  mentionnée  (2),  réfute  de  main 
de  maître  la  réponse  des  professeurs  de  Munich  à  la  quatrième 
question.  Enfin  le  P.  Deharbe  S.  J.,  d'abord  dans  une 
explication  que  publièrent  les  Stimmen  aus  Maria-Laach  (3) 
et  plus  tard  dans  un  écrit  spécial  (4),  se  défendit  contre 
une  censure  manifestement  fausse  qui  dans  le  mémoire 
frappait  ses  catéchismes. 

La  faculté  de  droit  de  Munich  (5)  ne  s'occupa  que  de  la 
première  question  posée  par  le  ministère,  encore  son  mé- 
moire n'en  eonsidère-t-il  qu'un  point  :  si  la  définition  pos- 
sible du  Syllabus  et  de  l'infaillibilité  pontificale  introduirait 
des  changements  dans  la  doctrine  des  rapports  entre  l'Kglist 
et  l'Etat,  telle  quelle  a  été  enseignée  et  pratiquée  en  Bavière 
jusqu'à  ce  jour.  Dans  la  réponse  à  cette  questionne  mémoire 
observe  d'abord  qu'aucune  définition  ne  peut  en  elle-même 
et  par  elle-même  modifier  les  rapports  de  l'Etat  avec  l'Eglise; 
les  propositions  dogmatiques  de  l'Eglise  ne  sont  pas,  ei 
effet,  par  leur  nature,  des  principes  de  droit  que  l'Etat  soi 
tenu  de  reconnaître  comme  règle,  dans  la  sphère  où  il  se  meut. 
Cependant,  ajoute-t-on  ensuite,  les  dogmes  de  l'Eglise  qui 
seraient  en  contradiction  avec  le  droit  actuel  y  pourrai ei 
amener  du  changement  en  tant  que  les  autorités  ecclésias 
tiques  et  des  laïcs  zélés  s'efforceraient  de  modifier  légalement 
la  partie  du  droit  actuel  qui  contredirait  ces  dogmes.  Après 
cette  remarque  vient  la  réponse  :  «  La  définition  dogmatique 
des  propositions  du  Syllabus  et  de  l'infaillibilité  pontificale 


(1)  I,  131  sqq. 

(2)  Voyez  plus  haut,  p.  434,  note  2. 

(3)  Nette  Folge.  Heft  V.  p.  171. 

(4)  Das  Gutachten  der  Miinchener  theologischen  Fakultat  liber  die  Katechismusfrage. 
Ratisbonne,  1869. 

(5)  Frieduerg,  loc.  cit.,  p.  313  seqq.  Un  extrait  s'en  trouve  dans  les  Stimmmen 
aus  Maria-Laach.  N eue  Folge,  Heft  VI  (1870),  p.  202  sqq.  —  La  traduction  ita- 
lienne dans  Ceccoxi,  loc.  cit.  Doc.  CLXXIV.  -  Cf.  C.  V.  1201  a. 

[364-365J 


M E MOIRE    DE    LA    FACULTE    DE    DROIT  437 

modifierait  dans  leurs  principes  les  rapports  actuels  de  l'Etat 
et  de  l'Eglise;  presque  toute  la  législation  relative  à  la  condi- 
tion juridique  de  l'Eglise  en  Bavière,  serait  mise  en  ques- 
tion, a  Une  définition  éventuelle  de  l'infaillibilité  pontificale 
sera  considérée  comme  contraire  au  droit  public  actuel, 
parce  que  par  elle  deviendraient  articles  de  foi  les  décrets 
antérieurs  des  Papes,  dans  lesquels  ils  attribuent  à  l'Eglise 
la  suprématie  sur  l'Etat,  comme  la  bulle  de  Boniface  VIII  : 
Unam  sanctam.  Une  définition  des  propositions  du  Syllabus 
est  contraire  au  droit  public  actuel,  parce  que  nombre 
d'entre  elles  le  contrediraient,  comme  la  condamnation  de 
la  42e  thèse  :  En  cas  de  conflit  entre  les  lois  des  deux  pou- 
voirs, c'est  le  droit  civil  qui  l'emporte. 

Les  auteurs  du  mémoire  se  plaçant  entièrement  au  point 
de  vue  de  l'omnipotence  de  l'Etat,  lui  attribuent  le  droit 
exclusif  de  fixer  à  l'Eglise  les  limites  de  sa  puissance,  et  vont 
même,  par  exemple,  jusqu'à  se  scandaliser  de  la  thèse 
condamnée  dans  le  Syllabus  à  la  19e  proposition  :  «  L'Eglise 
est  une  société  vraie  et  parfaite,  pleinement  libre  (ce  mot  est 
noté  dans  le  mémoire  d'un  point  d'exclamation),  et  elle 
possède  des  droits  propres  et  constants,  dont  elle  a  été  investie 
par  son  divin  fondateur,  et  il  n'appartient  pas  au  pouvoir 
civil  de  définir  quels  sont  ces  droits  et  dans  quelles  limites 
elle  peut  les  exercer.  »  Cette  doctrine,  l'Eglise  l'a  sans  aucun 
doute  toujours  professée  dès  son  origine,  et  si  elle  ne  s'était 
pas  attribué  des  droits  propres,  qu'elle  tenait  du  Christ  et 
non  pas  du  pouvoir  civil,  ni  sa  naissance,  ni  son  expansion 
n'eussent  été  possibles.  /  Celui  qui  ne  reconnaît  point  à 
l'Eglise  des  droits  propres  et  la  pleine  liberté  de  les  exercer, 
doit  par  voie  de  conséquence  lui  dénier  tout  droit  à  l'exis- 
tence et  nier  son  origine  surnaturelle. 

Un  membre  de  la  faculté,  le  conseiller  d'Etat  von  Bayer, 

accompagna  le  mémoire  d'un  votum  personnel  dans  lequel  il 

déclarait  se  séparer  en  plusieurs  points  de  ses  collègues. 

28 
[365-366] 


438  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Son  jugement  est  mitigé  relativement  aux  dangers  que  la 
définition  du  Syllabus  et  de  l'infaillibilité  pontificale  ferait 
naître  pour  l'Etat.  Le  seul  motif  qu'il  ait  de  craindre  pour 
celui-ci,  et  plus  encore  pour  l'Eglise,  est  la  condition  extrê- 
mement dure  à  laquelle  la  définition  réduirait  les  eatlioliques  : 
ils  seraient  désormais  tenus  en  conscience  d'obéir,  d'un  côté 
aux  lois  civiles,  de  l'autre  aux  lois  ecclésiastiques  contraires 
aux  premières.  Les  Pères  du  concile  ne  peuvent  ignorer  les 
dangers  qui  les  menacent;  et  comme  tous  leurs  efforts  tendent 
nécessairement  à  procurer  le  bien  de  l'Eglise,  l'auteur  tient 
(c  pour  impossible  qu'ils  accueillent  (en  supposant  qu'on  les 
leur  présente)  des  propositions  pleines  de  funestes  consé- 
quences pour  l'Eglise,  au  moins  dans  une  grande  partie  du 
monde  catholique  »  (i). 

Toutefois,  au  point  de  vue  catholique,  on  doit  admettre 
que  les  évêques,  et  surtout  le  Saint-Esprit  qui  les  conduit, 
sont  animés  des  meilleures  intentions  vis-à-vis  de  l'Etat  et 
de  l'Eglise,  et  qu'ils  auront  sur  les  projets  à  présenter  au 
concile  des  vues  plus  larges  et  un  jugement  plus  sûr  que  les 
membres  de  la  faculté  de  droit  de  Munich  ;  on  peut  donc  en 
toute  sécurité  s'en  remettre  à  eux  pour  les  articles  de  foi 
à  définir. 

Le  ministère  bavarois  ne  se  contenta  point  de  soumettre 
ces  cinq  questions  aux  universités  :  il  s'efforça,  en  outre, 
d'amener  le  grand-duché  de  Bade,  le  Wurtemberg  et  la 
Prusse  à  faire  de  même  ;  mais  aucun  de  ces  gouvernements 
n'entra  dans  ses  vues.  Le  cabinet  de  Stuttgard  donna  une 
réponse  évasive  et  aurait,  dit-on,  ajouté  qu'il  ne  voulait  pas 
faire  une  chose  aussi  désagréable  au  Saint-Siège  (2).  Le  gou- 
vernement de  Bade,  invité  à  présenter  les  cinq  questions  à 
l'université  d'Heidelberg,  répondit  que  celle-ci  étant  protes- 


(1)  Friedberg,  loc.  cit..  p.  323  sqq.    —    Traduction  italienne  dans  Gecconi, 
loc.  cit.  Doc.  CLXXV.  —  Cf.  C.  V.  1201  a. 

(2)  Le  nonce  Meglia  au  cardinal  Antonelli,  le  18  juin  1869. 

\;.m} 


L  ATTITUDE   DO    GOUVERNEMENT   BAVAROIS  439 

tante,  il  ne  jugeait  pas  convenable  de  demander  à  une  univer- 
sité protestante  son  opinion  en  de  semblables  matières;// 
encore  moins  se  sentait-il  disposé  à  demander  l'opinion  de 
l'université  de  Fribourg  (i).  A  Berlin  le  prince  de  Hohenlolie 
traita  la  question  en  personne.  Bismarck  lui  répondit  que 
l'affaire  n'étant  pas  de  sa  compétence,  il  l'avait  communiquée 
au  ministre  des  cultes;  celui-ci  l'examinerait  et  déciderait 
ensuite  s'il  y  avait  lieu  de  solliciter  de  l'université  de  Bonn 
son  opinion  sur  ses  questions  (2). 

Quelques  journaux  annoncèrent  aussi  que  le  prince  de 
Hohenlolie  avait  fait  une  démarche  auprès  de  Napoléon  III 
pour  l'engager  à  rappeler  ses  troupes  de  Rome  au  début  du 
concile.  Mais  cette  affirmation  paraît  dénuée  de  fondement; 
car  lorsque  le  nonce  apostolique  demanda  au  prince,  à  la  fin 
d'octobre,  s'il  s'occupait  encore  des  affaires  du  concile,  et  s'il 
y  avait  quelque  chose  de  vrai  dans  la  nouvelle  publiée  par  les 
journaux,  le  prince  répondit  qu'il  n'avait  cure  des  bruits  mis 
chaque  jour  en  circulation  par  les  journaux,  et  que  depuis 
sa  circulaire  du  9  avril  il  ne  s'était  plus  occupé  du 
concile  (3). 

Quand  le  marquis  de  Cadore,  ambassadeur  de  France  à 
Munich,  communiqua  au  prince  de  Hohenlolie  l'intention 
qu'avait  le  gouvernement  français  de  n'envoyer  au  concile 
aucun  représentant  à  titre  permanent,  le  prince  répondit  à 
l'exposé  des  motifs  qu'il  appréciait  la  valeur  de  ces  raisons, 
et  qu'il  comptait  recommander  à  son  roi  de  garder  la  même 
attitude  (4). 

Les  évêques  de  Bavière  notifièrent  au  roi  leur  départ  pour 
le  concile.  Dans  la  réponse  que  le  ministère  leur  adressa  par 


1 


(1)  Le  nonce  Meglia  au  cardinal  Antonelli,  le  18  juin  1869. 

(2)  Meglia  à  Anionelli,  s  juillet  1869. 

(3)  Dépêche  à  Ant.inelli,  fin  octobre  1869,  suivant  une  feuille  insérée  à  la  suite 
de  la  lettre  du  27  octobre. 

(4)  Lettre  de  Cadore  au  Ministre  des  Affaires  Etrangères  de  France;  22  septem- 
bre 1869.  G.  V.  1201  a.  b.  -  Gegconi,  loc.  cit.  Sez.  II,  Doc.  CLXXVI. 

[366-367] 


440  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ordre  du  roi  (i),  on  lit  que  le  gouvernement  attend  les  déci- 
sions du  concile  avec  impatience,  mais  non  sans  inquiétude. 
Son  plus  vif  désir  doit  être  de  voir  les  faits  démentir  toutes 
les  craintes  actuelles;  aussi  a-t-il  été  satisfait  de  prendre 
connaissance  de  la  lettre  des  évèques  de  Fuida  (2).  //  Si  le 
concile  anime  ses  décisions  de  l'esprit  de  cette  lettre,  on 
n'aura  à  redouter  aucune  opposition  entre  les  décrets  du 
concile  et  la  Constitution  bavaroise,  et,  continue  la  commu- 
nication ministérielle,  «  nulle  difficulté  n'empêchera  alors 
Sa  Majesté  le  Roi  d'autoriser  la  promulgation  et  l'exé- 
cution de  ces  décrets  en  Bavière,  autorisation  requise  par  la 
charte  constitutionnelle  et  expressément  réservée  au  roi  par 
la  présente  déclaration.  »  Le  ministère  exprime  ensuite 
l'espérance  «  que  les  citoyens  non  catholiques  ne  seront  poin 
inquiétés,  et  surtout  que  les  évêques  de  Bavière  ne  se  prête- 
ront pas  à  la  rédaction  de  décrets  qui  seraient  en  désaccord 
avec  les  principes  fondamentaux  de  la  Constitution  bavaroise, 
la  prospérité  générale  de  l'Etat,  la  concorde  entre  les  diverses 
confessions  religieuses  et  la  liberté  de  conscience  garantie 
par  les  lois.  » 

Le  gouvernement  prussien  se  montra  beaucoup  moins 
préoccupé  au  sujet  du  prochain  concile  que  celui  de  Bavière. 
Lorsque  le  général  von  Boeder,  chargé  d'affaires  de  la  Prusse 
auprès  de  la  Confédération  helvétique,  avait,  conformément 
au  désir  du  président  du  Conseil  fédéral  suisse,  demandé  au 
comte  de  Bismarck,  qui  dirigeait  alors  la  politique  de  la 
Prusse,  quelle  attitude  celle-ci  prendrait  vis-à-vis  du 
concile,  Bismarck  répondit,  le  23  mars  1869,  que  son  gouver- 
nement n'avait  point  eu  encore  l'occasion  d'examiner  cette 
question,  qu'il  n'était  donc  pas  en  mesure  de  donner  une 
réponse   pleine   et  détaillée.   Cependant,   ni   les  espérances 


:; 


(1)  C.  V.  1201  d.  sqq..  —  Cecco.m,  loc.  cit.  Doc.  CLXXVIII. 

(2)  Voir  plus  haut  p.  291. 

[3H7-368] 


ATTITUDE    DU    GOUVERNEMENT   PRUSSIEN  i \\ 

démesurées,  ni  les  craintes  que  le  concile  faisait  naître  de 
divers  côtés  ne  lui  paraissent  fondées.  «  La  participation  des 
êvêques  prussiens,  dit-il  plus  loin,  sera  libre,  et  nous  n'y 
mettrons  point  obstacle;  le  gouvernement, lui, ne  peut  comme 
tel  songer  à  prendre  part  au  concile.  Si  toutefois  l'on  venait 
à  usurper  sur  le  domaine  civil,  nous  saurions  sauvegarder 
les  droits  de  l'Etat,  mais  nous  ne  voyons  aucun  sujet  de  nous 
en  préoccuper  et  de  prendre  nos  mesures  à  l'avance  (i).  » 

Ce  programme,  le  ministère  prussien  l'observa,  en  somme, 
fidèlement,  tandis  que  le  ministre  plénipotentiaire  de  la 
Prusse  auprès  du  Saint-Siège  à  Rome,  M.  le  comte  d'Arnim, 
poussait  déjà,  comme  il  le  fit  surtout  et  d'une  manière 
constante  durant  le  concile,  à  une  intervention  de  son  gouver- 
nement. Le  14  mai  1869,  il  écrivait  au  président  du  conseil 
von  Bismarck  (2),  qu'il  n'éprouvait  aucune  inquiétude  devant 
la  question  qui  troublait  tant  le  prince  de  Holienlolie,  // 
c'est-à-dire  si  l'infaillibilité  pontificale  serait  définie,  mais 
qu'il  n'en  était  pas  de  même  sur  les  travaux  de  la  commis- 
sion politico-ecclésiastique.  Sans  aucun  doute,  dit-il,  «  les 
gouvernements  ont  le  droit  et  peut-être  même  le  devoir, 
de  s'opposer,  le  moment  venu,  au  dessein  qu'elle  pourrait 
avoir  d'user  de  son  pouvoir  dogmatique,  pour  proclamer 
sur  les  rapports  entre  l'Eglise  et  l'Etat  des  principes 
capables  de  changer  ce  qui  existe  actuellement  en  droit  et 
en  fait.  Quels  sont  les  travaux  préparatoires  accomplis 
jusqu'ici?  On  l'ignore  !  Il  est  donc  impossible  d'élever  contre 
eux  une  protestation  ;  une  chose  demeure  cependant  incon- 
testable :  «  c'est  que  l'on  discute  à  Rome  la  question  des 
rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  avec  la  prétention  d'établir 
en  cette  matière  des  règles  obligatoires,  sans  même  con- 
sulter l'Etat,  l'autre  partie  contractante  pourtant,  qui,  sur 


(1)  Lettre  de  Bismarck  au  général  von  IWder.  C.  V.  1202  d.  sq. 

(2)  Lettre    d'Arnim    à   Bismarck.    C.     V.    1203    h.  sqq.    —  Gecconi,  loc.  cit. 
Doc.  CLXXIX. 

[368-369] 


442  HISTOIRE   DF    CONCILE    DU    VATICAN 

ce  même  point,  aies  mêmes  droits,  et  possède,  lui  aussi,  le 
pouvoir  législatif.  »  Voilà  un  fait  contre  lequel  pourraient 
et  devraient  protester  les  gouvernements.  Mais  la  simple 
protestation  ne  suffit  pas,  il  faut  en  même  temps  deman- 
der l'admission  aux  délibérations  du  concile  d'un  ou  de  plu- 
sieurs orateurs.  Le  représentant  de  la  Prusse  propose  donc 
au  comte  de  Bismarck  de  provoquer  un  accord  des  gouverne- 
ments de  l'Allemagne,  et,  le  cas  échéant,  de  demander  à 
Rome  «  qu'on  admette  aux  délibérations  du  concile  un  ou 
plusieurs  représentants  de  la  Confédération, ou  d'une  ligue  de 
l'Allemagne  spécialement  créée  dans  ce  but. 

Le  comte  de  Bismarck  fit  au  roi  un  rapport  sur  cette  affaire, 
puis,  dans  une  longue  réponse  du  26  mai,  à  d'Arnim,  il  lui 
exposa  (1)  l'attitude  que  comptait  prendre  le  gouvernement, 
avec  les  raisons  à  l'appui.  Tout  d'abord  il  rejette  la  proposi- 
tion de  faire  représenter  l'Etat  au  prochain  concile  par  des 
plénipotentiaires,  conformément  à  l'usage  suivi  par  les  gou- 
vernements pour  les  conciles  antérieurs.  Rome,  croit-il,  n'ac- 
corderait certainement  aucune  représentation  auprès  du 
concile  à  des  gouvernements  protestants;  mais,  raccorderait- 
elle,  ces  représentants  auraient  au  concile  une  positioi 
bien  délicate,  et  seraient  regardés  avec  défiance.  Dès  lors 
et  c'est  inévitable,  la  dignité  des  souverains  se  trouverait 
constamment  offensée.  On  ne  reconnaîtrait  pas  aux  plénipo 
tentiaires  le  droit  de  veto.  Quant  à  protester,  c'est  toujours- 
une  tâcbe  ingrate,  et  cet  acte  n'a  de  valeur  qu'autant 
qu'on  est  assez  fort  pour  empêcher  ce  contre  quoi  on 
proteste.  /  Mais  si  le  concile,  sans  tenir  compte  de  la  pro- 
testation des  représentants,  passe  outre  à  de  nouvelles 
décisions,  les  gouvernements,  dit  Bismarck,  seront  alors 
dans  une  situation  bien  plus  fâcheuse  que  s'ils  se  trou- 
vaient simplement   en  face  de  jugements  rendus  sans  leur 


(1)  G.  V.  1206  a.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CLXXX. 

I369-370J 


INSTRUCTIONS   DE    BISMARCK    A   D  ARNIM  i 43 

participation    et   en   l'absence    de    leurs    plénipotentiaires. 

.Mais  la  principale  difficulté  est  celle-ci  :  Toute  la  participa- 
tion de  la  puissance  séculière  à  un  concile, reposait  sur  un  fon- 
dement qui  a  aujourd'hui  disparu  a  sur  une  théorie  des  rapports 
entre  l'Eglise  et  l'Etat  qui  appartient  au  passé,  et  qui  n'avait 
de  sens  que  tant  que  l'Etat  avait  affaire  à  l'Eglise  catholique, 
comme  à  l'Eglise  unique  et  universelle.  Au  concile  de  Trente 
même,  au  moins  dans  les  commencements  et  durant  les  prépa- 
ratifs, cet  ancien  usage  fut  observé.  Les  gouvernements  et  les 
communautés  protestantes  ne  pouvaient  être  encore  considè- 
res comme  irrévocablement  séparés  de  l'Eglise;  ils  purent 
être  invités  au  concile.  Les  rapports  entre  l'Eglise  et  l'Etat 
étaient  alors  intimes,  et  en  quelque  sorte  légalement  établis, 
c'est-à-dire  juridiquement  reconnus  par  l'Eglise.  Le  droit 
canon  avec  tout  l'arsenal  de  ses  décisions,  y  compris  celles 
qui  traçaient  les  limites  des  deux  pouvoirs,  civil  et  ecclé- 
siastique, avait  encore  en  ce  temps-là  quelque  valeur  pour 
l'Etat.  C'est  pourquoi  les  gouvernements  pouvaient,  sous 
certaines  conditions  juridiquement  déterminées,  prendre 
part  aux  délibérations  et  aux  règlements  des  affaires  ecclé- 
siastiques ;  et  ils  le  faisaient  au  concile  par  le  moyen  de  leurs 
orateurs.  Voilà  pourquoi  aussi  on  leur  demandait  ensuite  si 
en  acceptant  les  décrets  du  concile,  ils  entendaient  reconnaî- 
tre comme  faisant  partie  de  leur  droit  public  les  change- 
ments introduits  par  ees  décrets  dans  les  affaires  politico- 
ecclésiastiques.  —  Cette  situation  aujourd'hui,  pour  nous  du 
moins,  est  absolument  différente...  » 

«  Pour  la  Prusse,  écrit  Bismarck,  il  n'y  a  eonstitutionnel- 
lement  et  politiquement  qu'une  attitude  possible  :  laisser  à 
l'Eglise  sa  pleine  liberté  dans  les  matières  religieuses,  mais 
repousser  énergiquement  tout  empiétement  sur  le  domaine 
de  l'Etat.  L'Etat  ne  peut  se  permettre  de  provoquer  lui- 
même  la  confusion  des  deux  pouvoirs,  comme  cela  arriverait 
s'il  envoyait  des  orateurs  au  Concile.  » 

[370] 


444  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Le  président  du  Conseil  invite  ensuite  le  représentant  de 
la  Prusse  à  bien  se  pénétrer  de  cette  manière  de  voir  du  gou- 
vernement; il  juge,  de  plus,  opportun  que  les  Etats  signi- 
fient leur  ferme  intention  de  ne  souffrir  aucun  empiétement 
du  concile  sur  le  domaine  de  l'Etat;  //  de  telles  déclarations, 
de  tels  avertissements  sont  assez  justifiés  par  la  simple  exis- 
tence de  la  commission  politico-ecclésiastique.  Le  roi  l'a 
donc  autorisé  à  entamer  des  négociations  confidentielles  avec 
le  gouvernement  bavarois,  au  besoin  avec  les  autres  Etats 
de  l'Allemagne  du  Sud,  afin  d'exercer  sur  la  curie  romaine, 
si  possible,  au  nom  de  toute  l'Allemagne,  une  action  com- 
mune et  de  lui  donner  la  conviction  certaine  qu'elle  rencon- 
trera,de  la  part  des  Etats  allemands,  une  résistance  énergique 
à  tout  empiétement  qu'elle  se  permettrait. 

Los  négociations  que  Bismarck  se  propose  de  faire  ici, 
eurent  lieu  entre  les  gouvernements  allemands  ;  cela  ressort 
d'une  lettre  qu'il  adressa  le  n  août  au  prince  de  Holienlolie  (i). 
«  Les  négociations  entamées,  écrit-il,  entre  les  divers  Etats 
de  l'Allemagne  )»  ne  sont  pas  restées  sans  produire  quelque 
impression  à  Rome.  A  son  avis,  le  pape  est  à  Rome  sous  l'in- 
fluence d'un  parti  fanatique  qui  travaille  à  troubler  la  paix 
religieuse  et  politique  de  l'Europe.  «  Le  pape,  cependant, 
écrit-il,  devant  la  résistance  qui  se  manifeste  en  Allemagne 
est  devenu,  parait-il,  plus  prudent  et  moins  accessible  aux 
influences  de  ce  parti.  » 

En  septembre  1869,  l'archevêque  de  Cologne,  Mgr Melcliersj 
avait  écrit  au  ministère  prussien  une  lettre  à  propos  du  con- 
cile; le  ministre  des  cultes,  M.  de  Mûhler,  lui  répondit  le 
8  octobre  et  communiqua  cette  réponse  aux  autres  évèques  (2). 
Il  leur  expose  brièvement  quelles  idées,  quels  principes 
régleront  l'attitude   du  gouvernement  vis-à-vis  du  concile  : 


(1)  C.  V.  1208  a.  sqq.  —  Ceccom,  Ioc.  cit.  Doc.  CLXXXI. 

(2)  C.  V.  1208  c.  sqq.  —  Ceocoxi,  Ioc.  cit.  Doc.  CLXXXII. 

[370-371J 


INSTRUCTIONS    DE    BISMARCK    A    1)  AKNIM  44S 

à  l'égard  de  ce  dernier,  pleine  liberté  est  assurée  aux  évê- 
ques.  Les  limites  dans  lesquelles  l'Eglise  peut  se  mouvoir 
librement,  comme  aussi  les  matières  et  les  questions  qui  sont 
du  domaine  de  l'Etat  sont  clairement  déterminées.  Le  res- 
pect de  ces  limites  est  exig'é  par  l'intérêt  de  l'Eglise  comme 
par  celui  de  l'Etat.  On  exprime  aux  évêques  l'espoir  qu'ils 
sauront,  même  liors  de  leur  patrie,  se  montrer  fidèles  sujets 
de  Sa  Majesté.  Le  pouvoir,  de  son  côté,  est  franchement 
résolu  à  maintenir  à  l'intérieur  la  jurisprudence  et  la  paix 
actuelles.  Mais  aussi,  il  veillera  à  prévenir  et  à  combattre, 
au  besoin,  toute  cause  de  trouble,  assuré  qu'il  est  de  se 
trouver,  le  cas  échéant,  pleinement  d'accord  avec  tous  les 
gouvernements  chrétiens. 

Le  représentant  de  la  Prusse,  M.  d'Arnim,  qui  pendant 
l'été  ou  l'automne  de  1869  se  trouvait  à  Berlin,  y  avait 
exposé,  dans  un  mémoire,  la  différence  qui  régnerait  durant 
le  concile  entre  la  position  de  l'envoyé  prussien  à  Rome  et 
celle  des  ambassadeurs  des  puissances  purement  catholiques. 
Le  mémoire  de  d'Arnim,  et  probablement  aussi  un  nouvel 
effort  qu'il  tenta  dans  le  sens  d'une  intervention  positive  de 
la  Prusse,  fournit  à  Bismarck  l'occasion  de  lui  adresser  un 
nouvel  exposé  bien  clair  sur  l'attitude  de  son  gouvernement 
vis-à-vis  du  concile,  et  il  l'invita  à  se  bien  pénétrer  des  prin- 
cipes indiqués  ;  ceux-ci  nous  sont  déjà  connus.  En  terminant, 
Bismarck  prévient  son  représentant  d'éviter  dans  ses 
relations  avec  les  évêques  du  concile  la  plus  légère  apparence 
de  vouloir  les  influencer;  il  l'avertit  de  se  prononcer  toujours 
dans  le  sens  de  la  modération  et  de  la  circonspection,  mais 
aussi  avec  pleine  assurance  et  fermeté.  Pour  lui  faciliter  ces 
relations  et  son  rôle  de  tranquille  observateur,  pour  le  mettre 
en  état  d'apprécier  du  point  de  vue  de  l'Eglise  catholique  les 
événements  qui  se  produiraient  dans  le  concile,  Bismarck 
lui  promet  de  mettre  à  ses  côtés,  selon  son  désir,  «  un  ecclé- 
siastique ou  un  théologien  catholique,  homme  de  confiance 

r37i-372j 


446  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU   VATICAN 

et  correct  au  point  de  vue  tant  religieux  que  politique  »  (i). 
M.  d'Arnim  lui  même  avait  proposé  pour  ce  poste  M.  Giese, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Munster,  comme  nous  l'indique 
une  lettre  de  ce  dernier  à  M.  de  Montel,  à  Rome.  Dans  cette 
lettre  (2)  que  nous  avons  sous  les  yeux,  il  écrit  que  le  comte 
d'Arnim  a  l'ait  sa  connaissance  à  Rome  l'hiver  précédent  ;  le 
représentant  prussien  sait  qu'il  n'est  animé  d'aucun  sentiment 
hostile  contre  son  gouvernement,  et  que, de  plus,  il  est  fran- 
chement dévoué  à  l'Eglise,  ce  qui  fera  de  lui  un  personnage 
agréable  à  Rome.  «  Sa  Majesté,  poursuit  le  chanoine,  a 
approuvé  ce  plan,  et,  par  l'entremise  du  ministre  des  cultes, 
a  chargé  notre  président  supérieur  d'engager  des  négocia- 
tions  confidentielles  entre  M*r  l'évêque  de  Munster  et  moi. 
Monseigneur  a  donné  sur-le-champ  et  de  très  grand  cœur  son 
approbation,  et  a  vu  dans  cette  proposition  une  heureuse 
marque  de  l'empressement  du  gouvernement  à  prendre,  vis-à- 
vis  de  l'Eglise  au  sujet  du  concile,  une  attitude  conforme  à 
la  justice.  Conséquemment,  j'ai  moi  aussi  manifesté  mon 
intention  de  faire  taire  mon  désir  personnel  d'être  délivré 
d'une  pareille  mission,  pour  l'accepter  au  contraire  si  le 
bien  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  l'exigeaient.  »  /  Le  chanoine 
Giese  prie  M.  de  Montel  de  s'enquérir  auprès  du  cardinal 
secrétaire  d'Etat  ou  du  secrétaire  général,  de  ce  que  l'on 
pense  à  Rome  au  sujet  du  poste  qu'on  lui  propose.  Aucun 
document  ne  nous  dit  quelle  a  été  la  réponse.  Elle  ne 
paraît  pourtant  pas  avoir  été  défavorable,  car  le  projet  fut 
maintenu,  bien  que  pour  une  autre  raison  il  n'ait  pas  été  exé- 
cuté. En  effet,  avant  d'accepter  définitivement,  le  chanoine 
demanda  à  Berlin  des  instructions  précises  sur  la  mission 
qu'il  devait  remplir  à  Rome;  c'est  d'elles  qu'il  voulait  faire 
dépendre  son  adhésion.  On  lui  répondit  qu'il  les  recevrait  a 


(1)  Lettre  à  M.  d'Arnim  du  12  novembre  1869.  C.  V.  1209  c.  sqq . 

(2)  Du  19  novembre  1869. 

[372-373] 


L  ATTITUDE    1)1'    GOUVERNEMENT    AUSTRO-HONGROIS  il" 

Rome  du  comte  d'Arnim.  Cela  ne  suffisait  point  à  M.  le  cha- 
noine Griese;  il  écrivit  au  ministère  pour  décliner  l'offre,  et  le 
gouvernement  ne  se  mit  point  davantage  en  peine  de  trouver 
un  théologien  catholique  pour  assister  son  représentant  à 
Rome  (i). 

Les  gouvernements  d'Autriche  et  de  Hongrie  prirent  la 
même  attitude  que  celui  de  Prusse  (2).  Tous  deux  rejetèrent 
la  proposition  que  leur  faisait  la  circulaire  bavaroise  (3).  Ils 
garantirent  la  liberté  de  l'Eglise  à  l'égard  du  concile,  étant 
donné  qu'en  Autriche-Hongrie  la  liberté  était  assurée  à 
toutes  les  confessions  religieuses  pour  leurs  affaires  inté- 
rieures. On  ne  pouvait,  disait-on,  juger  encore  de  la  tournure 
que  prendrait  le  concile;  et  l'on  avait  confiance  que  les  évè- 
ques  travailleraient  au  maintien  de  la  paix  entre  l'Eglise  et- 
l'Etat  (4).  Quant  à  la  participation  au  concile  des  princes 
séculiers  (5),  la  curie  romaine  ne  pourrait  ni  ne  voudrait  s'en 
tenir  à  l'ancien  usage  ;  aucune  invitation  n'est  venue  solli- 
citer l'envoi  de  représentants,  ce  qui  est  d'ailleurs  conforme 
aux  désirs  de  ces  Etats  (6).  —  Si  le  concile  se  permettait 
d'empiéter  sur  les  attributions  et  les  droits  du  pouvoir  civil, 
l'éventualité  ne  serait  pas  négligée.  Bien  entendu,  les  Etats 
feraient  d'abord  individuellement  des  démarches  pour  dis- 
suader le  concile  par  leurs  remontrances,  mais  ensuite,  les 
divers  gouvernements  pourraient  juger  nécessaire  ou  utile 
de  délibérer  en  commun  pour  défendre  de  concert  les  droits 
souverains  de  l'Etat.  //  Par  contre,  la  simple  présomption 


(1)  D'après  une  lettre  du  18  décembre  1860  adressée  par  le  nonce  de  Munich 
au  secrétaire  d'Etat  Antonelli.  La  lettre  se  trouve  aux  archives. 

(2)  Lettre  du  comte  deBeust  au  comte  Ingelheim,  envoyé  autrichien  à  Munich, 
C.  V.  1211  b.  sqq.  —  Gecconi,  loc.  cit.  CLXXXIV.  — Lettre  du  duc  de  Gramont, 
ambassadeur  de  France  à  Vienne,  au  prince  de  la  Tour  d'Auvergne.  G.  V. 
1213  b.  s cj c r .  —  Gecconi,  loc.  cit.  Doc.  GLXXXV.  —  de  Beust  au  comte  de  Trautt- 
mansdortF.  C.  V.  1214  a.  sqq.  —Gecconi,  loc.  cit.  Doc.  GLXXXVI. 

(3)  C.  V.  1212  b. 

(4)  Ibid.  1212  c. 

(5)  Ibid.  1212  d. 

(6)  Ibid.  1214  d. 

[373] 


448  HISTOIRE   DU    CONCILE    DU   VATICAN 

que  de  tels  empiétements  sont  possibles  ne  saurait  fournir 
de  motif  suffisant  à  des  conférences  diplomatiques  (i). 

L'ambassadeur  d'Autriche  à  Rome,  le  comte  Trauttmans- 
dorff  reçut  comme  instruction  de  s'interdire  toute  interven- 
tion directe  dans  les  affaires  du  concile,  mais  il  devait  suivre 
attentivement  tout  le  cours  des  événements  à  Rome  et  en 
instruire  exactement  le  gouvernement  (2).  Tout  en  témoi- 
gnant comme  le  gouvernement  le  désire,  une  bienveillante 
sympathie  pour  le  concile,  il  ne  devra  laisser  s'élever  aucun 
doute  sur  la  ferme  résolution  du  gouvernement  de  repousser 
tous  empiétements  sur  le  domaine  politique,  et  toutes 
atteintes  portées  à  la  législation  actuelle  (3). 

Le  Conseil  fédéral  suisse  adopta  absolument  la  même  ligne 
de  conduite  vis-à-vis  du  concile.  Il  ne  crut  point  avoir  plus  de 
raison  que  les  autres  Etats  de  se  ranger  à  la  proposition  du 
prince  de  Hohenlolie  (4). 

X'ne  importance  toute  spéciale  s'attachait  pour  le  concile  à 
l'attitude  qu'observerait  le  gouvernement  français.  Celui-ci, 
en  effet,  protégeait  Rome  avec  ses  troupes  et  c'était  de  lui  que 
dépendait  la  sécurité  contre  toute  surprise  du  côté  de  l'Italie. 
Or,  la  France  resta  longtemps  indécise  au  sujet  de  l'attitude 
qu'elle  adopterait  en  face  du  concile. 

Déjà  les  9  et  10  juillet  1868,  on  avait  parlé  au  Corps  légis- 
latif de  la  question  du  concile  ;  Emile  Ollivier,  alors  simple 
député,  s'étendit  sur  ce  sujet  d'une  façon  très  détaillée  (5). 
Ses  idées  sur  l'attitude  proposée  au  gouvernement,  sont 
d'autant  plus  importantes  que,  appelé  plus  tard  à  la  tête  du 
ministère,  il  dirigea  la  politique  de  la  France  durant  le 
concile. 


(1)  C.  Y.  1213  a;  1214  sq. 

(2)  Ibid.,  1214  c. 

(3)  Ibid.,  1214  d.  sq. 

(4)  Ibid.,  1215  b.  sqq.  —  Cecconï,  loc.  cit.,  Doc.  CLXXXVJI. 

(5)  G*.  V.  1216  b.  sqq.  —  Cecconï,  loc.  cit., Doc.  CLXXXVIII. 

[374] 


L  ATTITUDE    DU    GOUVERNEMENT    FRANÇAIS  449- 

Dans  son  discours,  il  prête  au  gouvernement  français  les 
droits  les  plus  étendus  à  intervenir  dans  les  affaires  du 
concile,  avant,  pendant  et  après  sa  convocation.  Tout  ce 
qu'ont  pu  faire  anciennement  les  rois  de  France  dans  les 
conciles,  l'empereur  Napoléon  III  a,  d'après  lui,  le  droit  de  le 
faire  au  concile  du  Vatican  «  Ainsi,  dit  Ollivier,  en  premier 
lien,  avant  le  concile,  l'Etat  a  le  droit  d'autoriser  ou  de 
défendre  la  publication  de  la  bulle  pontificale  ;  il  a  le  droit 
d'autoriser  le  départ  des  évêques  ou  de  l'empêcher  :  les 
articles  i  et  20  des  lois  organiques  le  décident  en  termes  for- 
mels. /  Pendant  le  concile,  aujourd'hui  comme  dans  l'ancien 
droit,  l'Etat  a  la  faculté  d'envoyer  des  ambassadeurs  qui 
siégeront  dans  les  réunions  théologiques,  et  auxquels  mandat 
pourra  être  conféré  de  lire  des  lettres  ou  de  prononcer  des 
harangues.  Le  texte  sur  lequel  je  m'appuie  est  d'autant  moins 
contestable,  qu'il  est  tiré  non  des  lois  organiques,  mais  du 
concordat.  L'article  16  est,  en  effet,  conçu  ainsi  :  «  Sa  Sain- 
teté reconnaît  au  premier  consul  de  la  République  fran- 
çaise les  mêmes  droits  et  prérogatives  dont  jouissait  près 
d'elle  l'ancien  gouvernement.  »  Enfin,  Messieurs,  après  le 
concile,  l'Etat  a  le  droit  d'examiner  les  décrets  rendus,  de  les 
accepter,  de  les  repousser.  Cela  est  formellement  écrit  dans 
le  troisième  article  organique  (1).  » 

L'orateur,  après  avoir  indiqué  le  changement  complet  des 
situations,  pose  la  question  s'il  est  à  propos  de  se  servir 
encore  effectivement  à  notre  époque,  du  droit  qu'il  attribue 
au  gouvernement  ;  sa  réponse,  très  nette,  est  négative  : 
«  Que  le  gouvernement,  dit-il,  ne  mette  aucun  obstacle  à  la 
publication  des  bulles  et  à  l'annonce  du  concile;  qu'il  ne 
ne  fasse  nul  empêchement  au  départ  des  évêques  pour 
Rome;  qu'il  les  autorise  à  aller  occuper  leur  place  dans 
l'assemblée  solennelle  et  à  y  exprimer  sans  entraves  leurs 


(i)  C.  V.  1218  a  sq. 

[374-375J 


450 


HISTOIRE    DU    CONCILE     DU    VATICAN 


opinions;  qu'il  laisse  à  tous  la  liberté  la  plus  entière,  la  plus 
absolue  ;  mais,  Messieurs*  qu'après  avoir  laissé  aux  autres  leur 
liberté,  il  conserve  la  sienne;  qu'il  s'abstienne  donc,  qu'il  ne 
participe  à  rien;  car  participer,  ce  serait  accepter  la  respon- 
sabilité sans  s'être  assuré  l'influence.  Est-il  cligne  d'envoyei 
des  ambassadeurs  qui  seraient  probablement  accueillis 
comme  des  intrus,  et  qui,  eux  aussi,  seraient  là,  adstantibus 
et  non  judicantibus,  comme  témoins  et  non  comme  juges? 
—  Quand  on  représente  une  puissante  société  moderne, 
quand  on  représente  la  France,  on  ne  doit  pas  se  placer  dans 
une  pareille  situation.  Qui  nous  dit,  d'ailleurs,  qu'on  nous 
accueillerait?  La  manière  dont  le  concile  est  publié  permet 
d'en  douter  (i).  »  Ollivier  s'étend  alors  davantage  sur  ce 
point  et  constate  en  particulier  que  l'invitation  aux  princes 
qui  était  d'usage  dans  les  conciles  antérieurs  a  été  omise;  il 
voit  là  une  tentative  émanée  du  Pape  lui-même,  de  séparei 
l'Eglise  et  l'Etat,  et  à  son  tour  il  prononce  le  mot  de  sépa- 
ration. 

Du  discours  de  M.  Baroche,  ministre  de  la  justice  et  des 
cultes,  qui  prit  la  parole  après  Ollivier,  il  ressort  que  le  gou- 
vernement n'avait  pas  encore  décidé  quelle  attitude  il  pren- 
drait à  l'égard  du  concile  (2);  il  réclamait  encore  du  temps 
pour  délibérer. 

Le  9  avril  de  l'année  suivante,  date  de  la  circulaire 
Hohenlohe,  Ollivier  adressa  au  ministère  trois  questions 
1"  Les  évêques  seront- ils  autorisés  à  se  rendre  au  concile 
en  toute  liberté?  2"  Comment  s'y  rendront-ils?  Sera-c( 
en  toute  liberté,  ou  bien  devront-ils,  avant  leur  départ, 
s'entendre  avec  le  gouvernement  sur  la  façon  dont  ils 
comptent  traiter  les  matières  qui  concernent  l'Etat?  3"  L( 
gouvernement  lui-même  interviendra-t-il  et  se  fera-t-il 
représenter  par  des  ambassadeurs'.'' 


(1)  C.V.  1220  c.  sq. 

(2)  Ibid.  L229a  sqq. 


[375-376] 


L  ATTITUDE    DU    GOUVERNEMENT    FRANÇAIS  4SI 

A  la  première  question.  Baroche  répondit  que  les  évêquea 
seraient  absolument  libres  de  se  rendre  au  concile;  à  la 
seconde,  il  déclara  qu'aucun  accord  préalable  entre  le 
gouvernement  et  les  évoques  n'avait  été  prévu.  «  Us  se 
rendront  à  Rome,  dit  Baroclie,  avec  leur  dignité  person- 
nelle, avec  leur  indépendance,  avec  leur  conscience,  avec  leur 
patriotisme.»  Quant  à  la  troisième  question,  celle  des  repré- 
sentants auprès  du  concjje,  le  ministre  ne  put  encore  y  faire 
de  réponse  (i). 

Le  gouvernement  français  penchait  alors,  semblait-il,  à  en- 
voyer des  ambassadeurs  au  concile;  et  pendant  l'été  de  1869, 
il  engagea  des  négociations  avec  le  Saint-Siège, par  l'organe 
de  son  ambassadeur*  en  vue  de  décider  comment  cette  repré- 
sentation pourrait  se  faire  (2).  Il  parait  que  Pie  IX  se  montra 
tout  prêt  à  donner  aux  ambassadeurs  accès  au  concile  (3). 
Mais  en  fin  de  compte,  le  gouvernement  français  décida  de 
s'abstenir  d'envoyer  au  concile  un  représentant  spécial  (4); 
et  cette  décision  fut  même  prise,  comme  l'empereur  Napo- 
léon III  le  dit  dans  la  suite  au  nonce  à  Paris  (5),  malgré 
l'avis  contraire  de  quelques  évoques. 

Le  prince  de  la  Tour  d'Auvergne,  ministre  des  affaires 
étrangères,  communiqua  cette  décision  le  8  septembre,  aux 
agents  diplomatiques  de  la  France  à  l'étranger (6).  Il  y  reven- 
dique comme  un  droit  pour  les  gouvernements,  la  faculté  de 
se  faire  représenter  au  concile,  non  pas  évidemment,  pour 
intervenir  dans  une  discussion  dogmatique,  mais  bien  pour 


(i)  Ibid.,  1230  a  sqq. 

(2)  Revue  du  monde  catholique,  XXV,89I,  d'après  le  Mémorial  diplomatique, 
Cf.  Revue,  etc  ,XXV1,  127. 

(3)  Ibid.  —  En  outre  :  Ollivier  (L'Eglise  et  l'Etat,  etc  ,  1,508  sq)  nous  assure 
que  Pie  IX  et  le  cardinal  Antonelli  avaient  manifesté  à  plusieurs  reprises  aux 
ambassadeurs  français  leur  intention  favorable  d'admettre  au  concile  des  repré- 
sentants du  gouvernement.  —  Voyez  plus  haut,  page  154. 

(4)  Lettres  du  nonce  Chigi  au  cardinal  Antonelli.  31  août  et  7  septembre  1869. 

(5)  Le  même  au  même,  le  7  octobre  1809. 

(6)  C.  V.  1231  b.  sqq.  —  Cecconi,  toc.  cit.  Doc.  CLXXX1X. 

[376-377] 


452  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

y  défendre  les  privilèges  de  l'Etat.  Cependant  le  gouverne- 
ment impérial,  au  dire  du  ministre,  verrait  aujourd'hui  dans 
l'usage  de  ce  droit  de  sérieux  inconvénients;  son  interven- 
tion pourrait  rengager  dans  des  débats  pénibles,  sans  lui 
donner  la  certitude  d'y  l'aire  prévaloir  son  avis  et  l'exposerait 
au  danger  de  fâcheux  conflits.  Bien  cpie  les  lois  du  pays 
suffisent  pour  défendre  ses  droits,  le  gouvernement  est  loin 
de  considérer  comme  sans  intérêt  pour  lui  l'assemblée 
convoquée  par  le  Saint-Père.  C'est  un  événement  de  la  plus 
haute  importance.  Le  gouvernement  impérial  y  fera  usage 
de  son  influence,  mais  sans  recourir  à  un  ambassadeur 
extraordinaire;  il  confiera  cette  mission  auprès  du  concih 
à  son  représentant  ordinaire  près  le  Saint-Siège. 

Le  cardinal  Antonelli  exprima  sa  satisfaction  de  ce  que 
le  gouvernement  impérial  ne  voulût  point  envoyer  de  repré- 
sentant au  concile.  C'est  ce  que  le  vicomte  de  Croy,  chargé 
d'affaires  ele  France  à  Rome,  écrivait  le  22  septembre  ai 
ministre  eles  affaires  étrangères  (1). 

Le  prince  de  la  Tour  d'Auvergne  se  mit  donc,  conformément 
aux  décisions  du  gouvernement,  à  élaborer,  de  concert  avec 
M.  Duvergier,  ministre  des  cultes,  une  instruction  (2)  pour 
l'ambassadeur  à  Rome,  qui  fut  révisée  par  l'empereur 
Xapoléon  (3)  :  «  Tout  en  réservant,  y  est-il  dit,  d'une  manière 
formelle,  la  liberté  de  notre  jugement  et  de  nos  résolutions 
ultérieures,  notre  intention  est  de  manifester  loyalement, 
par  les  organes  habituels  de  nos  communications  avec  la 
cour  de  Rome,  chaque  fois  que  nous  croirons  pouvoir  le 
faire  utilement,  nos  impressions  sur  la  marche  que  prendront 
les  délibérations  du  concile,  sur  l'opportunité  des  questions 


(1)  C.  V.  1232  cl.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXC.  —  Pareille  assertion  se 
retrouve  plus  tard  dans  un  rapport  émané  du  marquis  de  Banneville,  le  nouvel 
ambassadeur  de  France  à  Rome.  C.  Y.  123b'  c.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit. 
Doc.  GXCI. 

(2)  C.  Y.  1233,  b.  sqq. 

(3)  Ollivier,  L'Eglise  et  l'Etal,  etc.,  I,  519. 


f377l 


INSTRUCTION    DONNEE  A    L'AMBASSADEUR    FRANÇAIS  4.-J3 

mises  en  discussion,  sur  la  nature  des  solutions  préparées, 
sur  les  obligations  qui  naîtraient  pour  nous  de  certaines 
éventualités.  L'ambassadeur  de  l'empereur  prés  du  Saint- 
feiègé  s'expliquera  en  toute  franchise  à  ce  sujet,  non  seule- 
ment dans  ses  entretiens  avec  le  cardinal  secrétaire  d'Etat 
et  avec  les  différents  membres  du  gouvernement  pontifical, 
mais  aussi  dans  ses  conversations  avec  les  personnages  qui, 
de  toutes  les  parties  du  monde,  se  rendront  à  Rome  pour 
prendre  part  au  concile (i). //  »  Les  relations  officielles  du  gou- 
vernement français  avec  l'Eglise  catholique  trouvent  leur 
expression  dans  le  concordat  de  1801.  Les  principes  qu'il 
renferme  ont  reçu  leur  développement  par  la  législation 
concernant  les  matières  ecclésiastiques.  Au  sujet  des  ques- 
tions qu'auront  à  traiter  les  pères  du  concile  règne  encore 
une  grande  incertitude,  à  cause  du  silence  imposé  aux  (  nu- 
missions  qui  préparent  les  travaux  :  raison  de  plus  pour  le 
gouvernement  français  de  maintenir  avec  fermeté,  en  prévi- 
sion de  toutes  les  occurrences  possibles,  les  règles  tradition- 
nelles de  notre  droit  public. 

L'ambassadeur  de  Sa  Majesté  ne  doit  point  se  mêler  aux 
délibérations  dogmatiques  ou  se  rapportant  à  la  vie  intérieure 
et  purement  spirituelle  de  l'Eglise.  Il  doit  pourtant  faire  des 
réserves  au  nom  de  son  gouvernement,  si  le  concile  tend  à 
sanctionner  des  doctrines  qui,  tout  en  paraissant  n'embrasser 
que  les  rapports  réciproques  des  autorités  religieuses,  au- 
rai entpour  conséquence  d'altérer  profondément  l'organisation 
qui  sert  de  point  de  départ  aux  stipulations  du  concordat. 
On  appelle  ici  expressément  l'attention  de  l'ambassadeur  sur 
la  tendance,  manifestée  dans  les  dernières  années,  à  accroître 
démesurément  les  prérogatives  du  pape,  et  même  à  proclamer 
son  infaillibilité  personnelle  comme  un  dogme.  En  opposition 
avec  cette  tendance, l'instruction  af  firme  que  les  évêquespossè- 


(1)  G.  V.  1233  cl. 

[377-378] 


454  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU    VATICAN 

dent  une  somme  de  puissance  que  garantit  jusqu'à  un  certain 
point  le  pouvoir  politique,  puisqu'il  concourt  à  les  investir, 
conformément  au  concordat.  L'ordre  public  est  intéressé  en 
France  au  maintien  de  la  répartition  actuelle  de  l'autorité 
même  purement  religieuse,  et  il  serait  inadmissible  qu'en 
appelant  aux  sièges  épiscopaux  ceux  de  ses  sujets  qu'il  juge 
dignes  de  sa  confiance,  le  souverain  ne  leur  conférât,  d'ac- 
cord avec  le  Pape  qui  leur  donne  l'institution  canonique, 
qu'un  pouvoir  presque  purement  nominal.  C'est  pourtant  ce 
qui  aurait  lieu  si  toutes  les  causes  de  quelque  importance 
devaient  être  évoquées  devant  le  Saint-Siège  :  «  Sans  doute 
la  doctrine  de  l'infaillibilité  du  Pape  prononçant  ex  cathedra 
est  susceptible  de  beaucoup  de  distinctions  subtiles,  et  nous 
sommes  fondés  à  espérer  /  que,  si  une  déclaration  devait 
être  faite  à  ce  sujet,  les  termes  en  seraient  combinés  avei 
une  extrême  prudence;  mais  cette  matière  est  tellement  déli- 
cate, qu'un  décret  qui  la  réglementerait  sans  tenir  suffisam- 
ment compte,  des  considérations  exposées  ci-dessus, risquerait 
d'ouvrir  la  porte  aux  plus  regrettables  abus.  L'ambassadeui 
de  l'empereur  devra  user  de  toute  son  influence  afin  de  pré- 
venir ce  danger  (i).  » 

L'instruction  traite  ensuite  des  points  qui  intéressent  à  h 
fois  le  pouvoir  civil  et  le  pouvoir  ecclésiastique  ;  elle  met  ei 
garde  contre  la  définition  des  doctrines  patronnées  dans  1( 
Syllabus,  et  après  quelques  remarques  sur  l'organisation  et 
le  gouvernement  de  l'Eglise,  elle  exprime  le  vœu  de  voir  1( 
concile  donner  une  organisation  nouvelle  au  collège  des 
cardinaux,  qui  seraient  à  l'avenir  recrutés  proportionnelle- 
ment parmi  toutes  les  nations  catholiques. 

Il  est  recommandé  à  l'ambassadeur  d'entretenir  des  rela- 
tions suivies  avec  les  évèques  français,  d'exposer  loyalement 
au    Saint-Père  ses  intentions;  mais  surtout  de  garder  les 


(1)  C.  V.  1234  c.  sq. 

[378-37!  I] 


ATTITUDE   DU    GOUVERNEMENT    FRANÇAIS  453 

plus  grands  égards  vis-à-vis  du  pape  et  des  prélats  qui  l'en- 
tourent. 

«  La  question  de  l'ambassade  vidée,  dit  Ollivier  (i),  on 
discuta  sous  quelle  forme  on  autoriserait  les  évêques  à  se 
rendre  au  concile  :  on  pensa  d'abord  à  un  décret  inséré  au 
journal  officiel,  puis  aune  circulaire;  finalement  on  s'en  tint 
à  l'idée  moins  compromettante  d'autorisations  individuelles 
rédigées  dans  la  forme  la  plus  sommaire.  Sur  nos  quatre-vingt- 
douze  diocèses (2),  cinq  sièges  étaient  vacants  (Agen,  Ajaccio, 
Angers,  la  Basse-Terre,  Saint-Pierre),  huit  prélats  s'étaient 
fait  excuser  (Aix,  Auch,  Bordeaux,  Chambéry,  Clermont, 
Lyon,  Nantes,  Saint-Flour),  trois  prélats  (Moulins,  Xice, 
Angoulème)  partent  sans  autorisation;  les  autres  la  deman- 
dent par  écrit  ou  de  vive  voix  et  l'obtiennent  immédiatement. 
De  plus,  toutes  les  facilités  sont  assurées  aux  évêques  pour 
l'administration  de  leurs  diocèses,  et  pour  leur  correspon- 
dance, soit  avec  le  ministère,  soit  avec  les  vicaires  généraux. 
Dans  le  discours  d'ouverture  de  la  session  législative  (29  no- 
vembre), l'empereur  couronne  cet  ensemble  de  mesures 
bienveillantes  par  une  parole  confiante  :  «  De  la  réunion  à 
Rome  de  tous  les  évêques  de  la  catholicité,  dit-il,  on  ne  doit 
attendre  qu'une  œuvre  de  sagesse  et  de  conciliation.  »  // 

Le  gouvernement  français  ne  suscita  donc,  a  priori  du 
moins,  aucun  embarras  au  concile.  Cependant,  il  ne  tarda 
pas  à  manifester  sa  volonté  de  repousser  énergiquement 
toute  entreprise,  de  s'opposer  à  toute  décision  qui  mettrait 
en  question  ses  droits  réels  ou  présumés.  Au  commencement 
I  de  décembre  parut,  datée  du  12  octobre,  la  constitution  pon- 
(tificale  sur  les  censures.  Le  pape  y  prononce  des  peines 
contre  ceux  qui  attaquent  la  juridiction  et  les  immunités 
ecclésiastiques.    L'on    crut   y   voir   un   blâme    contre    des 


(1)  Loc.  cit.,  p.  530. 

(2)  En  France  et  dans  les  pays  dépendants. 

[379-380] 


456  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU    VATICAN 

principes  reconnus  par  les  lois  françaises,  et  le  gouver- 
nement fit  immédiatement  des  représentations  par  son 
ambassadeur.  Le  cardinal  secrétaire  d'Etat  lui  déclara  que 
cette  constitution  obligeait  toutes  les  nations  et  tous  les 
chrétiens  qui  sont  placés  sous  le  droit  commun  de  l'Eglise  ; 
mais  pour  la  France,  le  droit  général  a  été  modifié  par  le 
droit  conventionnel  et  particulier  qui  résulte  du  concordat; 
par  conséquent  tant  que  le  concordat  sera  maintenu  et  régira 
les  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  les  censures  portées 
ailleurs  contre  la  violation  des  immunités  et  juridictions 
ecclésiastiques  resteront  sans  application  en  France  (i). 

Les  gouvernements  de  Belgique  (2),  d'Espagne  (3)  et  d( 
Portugal  (4)  décidèrent  d'adopter,  à  l'égard  du  concile,  un( 
attitude  semblable  à  celle  que  la  France  avait  résolu  d( 
prendre  et  qu'indique  la  dépêche  écrite  le  8  septembre  par  h 
prince  de  la  Tour  d'Auvergne  (5). 

Le  gouvernement  italien  aurait  bien  voulu  empêcher  le 
concile  ou  limiter  sa  liberté,  s'il  avait  été  en  mesure  de  le 
faire.  Aucun  gouvernement  n'était  plus  hostile  que  lui  à 
cette  assemblée.  Depuis  longtemps  déjà,  l'Italie  épiait  le 
moment  favorable  pour  tomber  sur  Rome;  les  projets  poli- 
tiques comme  aussi  les  sentiments  antichrétiens  de  ses  gou- 
vernants leur  faisaient  voir  dans  la  papauté  un  adversaire  à 
humilier  et  à  combattre. 

Le  i5  juillet  1868,  au  parlement  de  Florence,  les  députés 
Ferrari  et  Mancini  interrogèrent  le  gouvernement  sur  la 
position  qu'il  comptait  prendre  à  l'égard  du  concile  et, 
jusqu'au  6  juillet  1869,  ils  revinrent  constamment  sur  cette 


(1)  Oi.i.ivier,  loc.  cit.,  p.  531. 

(2)  V.  V.  1239  a  sq.  —  Cecgoni,  loc.  cit.  Doc.  CXCVl. 

(3)  C.  V.  1245  b.  sq  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CXGVIII.  Voyez  les  discussions 
aux  Cortès  espagnoles  du  5  mai  au  7  décembre  dans  C.  V.  1239  b.  sqq.  CecconIj 
loc.  cit.  Doc.  CXCV1I. 

(4)  C.  V.  1248  b.  sq.  —  Cecgoni,  loc.  cit.  Doc.  CCI. 

(5)  Voir  plus  baut,  p.  452.  ,    . 

[380] 


HOSTILITE    Dl'    GOTVERN  BMENT    ITALIEN  i.'i7 

question  ;  //  leurs  discours  à  propos  du  concile  s'expri- 
ment parfois  en  ternies  si  haineux  qu'en  aucun  pays  pareil 
langage  n'eût  été  possible.  Le  gouvernement  différa  tou- 
jours sa  réponse  et  finalement  ne  l'a  jamais  donnée  (i). 

Il  créa  autant  d'embarras  qu'il  le  put  au  concile.  Ainsi  au 
mois  de  novembre,  le  ministère  fit  clandestinement  répandre 
une  traduction  de  l'ouvrage  de  Janus  et  la  fit  distribuer  aux 
«  ecclésiastiques  les  plus  doctes  et  les  plus  influents  )>  du 
pays  (2).  Auparavant  déjà,  en  avril  1869,  sous  l'impulsion  du 
gouvernement,  avait  été  composé  un  écrit  ayant  pour  but 
d'exposer  les  droits  des  pouvoirs  civils  dans  les  conciles 
œcuméniques  (3).  Il  parut  sans  nom  d'auteur  en  langue  fran- 
çaise et  devait  passer  pour  l'œuvre  d'un  Français,  mais  le 
style,  comme  aussi  une  distraction  de  l'éditeur,  dévoilèrent 
qu'il  avait  pour  auteur  un  Italien,  plus  exactement  un 
Savoyard.  Sur  la  page  du  titre,  on  indiquait  pour  éditeur 
Dentu,  à  Paris;  mais  on  lisait  au  bas  du  verso  :  ce  Florence, 
Ilegia  tipografia,  Via  Condotta,  n°  14.  »  On  émit  le  soupçon 
que  Menabrea,  le  ministre  des  affaires  étrangères,  pouvait 
bien  être  lui-même  l'auteur  de  la  brochure.  Celle-ci  prend 
résolument  fait  et  cause  pour  les  intérêts  de  l'Etat;  on  le  voit 
d'après  la  conclusion  où  l'auteur  groupe  dans  une  courte  vue 
d'ensemble  les  droits  des  gouvernements  dans  le  concile  : 
«  1"  L'Etat  a  le  droit  de  prendre  part  aux  actes  de  convoca- 
tion, il  peut  lui-même  prendre  l'initiative  de  cette  convoca- 
tion ;  2°  Il  a  le  droit  d'intervenir  pour  la  fixation  du  temps 
et  du  lieu  de  la  réunion  ;  3°  Il  a  le  droit  d'assister  non  seule- 


(i)  Voir  les  délibérations  flans  Gecconi,  lue.  cit.  Doc.  CXGIII.  —  Cf.  C.  V. 
1238  a. 

(2)  C.  V.  1238  c. 

(3)  Le  concile  œcuménique  et  les  droits  de  l'Etat.  Il  se  trouve  tout  au  long  clans 
Ceccom,  loc.cit.  Doc.  CCCVI,  ainsi  que  sa  réfutation  par  M8'Xarcli.  Doc.  CCGVll. 
—  Cf.  C.  V.  1238  a.  Celle-ci  parut  traduite  en  allemand:  Das  ôkumenische  Komil 
unddie  Hechle  des  Staates  von  M"r  Fr.  Nardi.  Aus  dem  Italienschen  ubersetzt  von 
Theophil  Landmesser,  Priester  der  Dîozese  Kulm.  Berlin,  186!». 

[381] 


458  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 

ment  à  toutes  les  sessions,  mais  aussi  à  toutes  les  réunions 
synodales  et  de  s'y  faire  écouter  ;  4°  Un  poste  d'honneur  lui 
appartient  et  il  a  le  droit  de  prendre  une  part  active  dans 
toutes  les  opérations  du  concile;  5°  Aucune  résolution  ne 
peut  avoir  son  effet  ni  être  considérée  comme  valide  si  elle 
n'a  pas  été  acceptée  et  promulguée  par  l'Etat  ;  6°  Les  évêques 
ne  peuvent  aller  au  concile  sans  la  permission  de  l'Etat. 
Celui-ci  peut  les  rappeler  en  certains  cas  et  c'est  lui  qui 
désigne  ceux  qui  peuvent  s'y  rendre.  »  // 

Un  excès  de  modération  vis-à-vis  des  affaires  de  l'Eglise 
ne  peut  être  le  reproche  mérité  par  un  gouvernement  qui 
s'attribue  de  pareils  droits.  Mais  celui  d'Italie  ne  put 
exécuter  les  projets  qu'il  caressait  avec  tant  d'ardeur.  Le 
3o  septembre,  le  ministre  des  cultes,  Pironti,  adressa  aux 
procureurs  généraux  une  circulaire  (i)  dans  laquelle  il  dit 
que  quelques  évêques  avalent  demandé  s'il  leur  serait  permis 
de  se  rendre  au  concile.  A  cette  question  et  à  d'autres  sem- 
blables, le  gouvernement  déclarait  qu'il  n'empêcherait  pas  de 
s'y  rendre.  Mais  tout  en  restant  «  fidèle  à  ses  principes  de 
liberté  religieuse  »,  il  entendait  se  réserver  expressément  de 
prendre  ultérieurement  telles  ou  telles  résolutions,  si  les 
lois  du  royaume  et  les  droits  de  l'Etat  venaient  à  être  lésés. 
—  Les  évêques  d'Italie  purent  donc,  sans  être  inquiétés  par 
le  gouvernement,  se  rendre  au  concile.  Mais  ce  fut  cepen- 
dant l'Italie  qui,  par  l'invasion  de  Rome  le  20  septem- 
bre 1870,  mit  fin  aux  délibérations  du  concile  et  contraignit 
le  pape  à  le  proroger. 

Le  gouvernement  russe  fut  le  seul  qui  dès  l'abord  interdit 
aux  évêques  de  faire  le  voyage  de  Rome  et  de  siéger  au 
concile. 

Comme,  pendant  la  période  où  se  prépara  le  concile,  les 
relations  étaient  interrompues  entre  Rome  et  Saint-Péters- 


(1)  G.  V.  1238  a  sqq.  —  Cbcooni,  loc.  cit.  DocCXClV 

[381-382] 


ATTITUDE    DU    GOUVERNEMENT   RUSSE  489 

bourg,  le  cardinal  Aatonelli  envoya  au  nonce  de  Vienne, 
Mgr  Falcinelli,  doux  circulaires  relatives  au  concile  et  desti- 
nées aux  évoques  russes.  Il  s'agissait  de  les  leur  faire  tenir 
par  le  représentant  de  la  Russie  à  Vienne.  Le  17  avril  1869  (1), 
le  nonce  mande  au  cardinal  qu'il  a  exposé  l'affaire  au  baron 
d'Uxkûll,  ministre  plénipotentiaire  de  l'ambassade,  et  qu'il 
l'a  prié  en  même  temps  de  mettre  son  influence  en  Russie  au 
service  des  catholiques  si  cruellement  opprimés.  Le  baron  a 
écouté  ses  représentations  avec  bienveillance  et  a  demandé 
du  temps  pour  interroger  le  chancelier  de  Russie  sur  la  cir- 
culaire et  sur  les  remontrances  à  présenter.  La  réponse  du 
chancelier  Gortschakow  ne  tarda  pas  à  arriver,  fort  détaillée; 
et  le  nonce  avait  obtenu  du  baron  d'Uxkûll  de  pouvoir  la 
transmettre  au  cardinal  Antonelli.  // 

Dans  cette  réponse  (2),  le  chancelier  déclare  autoriser  le 
chargé  d'affaires  à  recevoir  des  mains  de  Mgr  Falcinelli  les 
deux  circulaires  en  question,  et  à  les  lui  transmettre  pour 
qu'il  les  fasse  parvenir  aux  évêques.  Cela  n'implique  pas 
néanmoins  l'autorisation  pour  ceux-ci  de  se  rendre  au 
concile.  Viennent  ensuite  différentes  communications  à  faire 
au  nonce  :  La  difficulté  de  bonnes  relations  avec  la  cour  de 
Rome  repose  sur  le  fait  que  jamais  on  n'a  tracé  aux  catho- 
liques la  ligne  de  démarcation  entre  les  devoirs  qu'ils  ont  à 
remplir  envers  S.  M.  l'Empereur  et  ceux  qu'ils  ont  de  par  ail- 
leurs, envers  leur  Eglise. — La  liberté  de  conscience  atoujours 
été  accordée  en  Russie  de  la  façon  la  plus  libérale  ;  elle  est 
un  principe  traditionnel  dans  la  maison  impériale  et  on  la 
trouve  inscrite  à  toutes  les  pages  de  l'histoire  de  Russie.  A 
Rome,  au  contraire, les  sujets  russes  que  leurs  voyages  y  amè- 
nent ne  trouvent  même  pas  le  moyen  de  remplir  leurs  devoirs 
religieux.  —  Toutefois,  la  liberté  que  le  gouvernement  russe 


(i)  C.  y.  1248  c.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCI!. 
(2)  C.  V.  1249c.  sqq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Doc.  CCIII. 

[382-383] 


MO  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

accorde  sur  le  terrain  religieux,  ne  va  pas  jusqu'à  tolérer  une 
propagande  qui  tendrait  à  enlever  au  culte  de  leurs  pères  ses 
coreligionnaires.  —  Durant  la  révolution  de  ces  dernières 
années,  une  grande  majorité  du  clergé  catholique,  dans  le 
royaume  et  dans  les  provinces  occidentales  de  l'empire, 
s'est  engagée  dans  des  intrigues  politiques  qui  menaçaient 
l'intégrité  de  l'empire,  et  Rome,  sur  tout  cela,  n'a  pas  pro- 
noncé un  seul  mot  de  désapprobation. —  Enfin  le  Saint-Siège 
est  prié  de  donner  des  garanties  que  le  voyage  des  évêques  à 
Rome  avancera  l'œuvre  de  paix. 

A  cette  note  du  chancelier  russe,  le  cardinal  Antonelli  crut 
devoir  donner  une  réponse  péremptoire.  Il  le  fit  sous  h 
forme  d'une  lettre,  qu'il  adressa  au  nonce  de  Vienne  (i).  Li 
ligne  de  démarcation,  dit-il,  désirée  par  le  chancelier,  entre 
les  devoirs  religieux  et  civils,  a  été  tracée  depuis  longtemps, 
et  les  catholiques  de  tous  les  pays  du  monde  savent  bien 
qu'ils  doivent  soumission  et  obéissance  à  leurs  gouvernements 
dans  le  domaine  civil;  dans  l'ordre  religieux  ils  sont  sujets 
de  l'autorité  ecclésiastique  que  Dieu  leur  a  donnée,  et  ils 
doivent  sur  ce  point  exiger  de  l'Etat  la  liberté.  —  Quant  à  èe 
que  dit  le  chancelier  sur  la  liberté  religieuse,  dont  les  catho- 
liques de  la  Russie  jouiraient,//  cette  affirmation  ne  peut  se 
concilier  avec  de  nombreux  documents  authentiques  publics, 
à  diverses  époques,  par  le  gouvernement  de  ce  pays  ;  et  main- 
tenant encore,  le  cardinal  relève  toute  une  série  de  mesures 
que  la  Russie  n'a  pas  craint  de  prendre  en  vue  d'opprimer  les 
catholiques.  —  Pour  les  menées  révolutionnaires,  le  Saint- 
Siège  les  a  toujours  hautement  condamnées, déjà  avant  la  der- 
nière révolution  polonaise,  alors  môme  qu'elles  se  couvraient 
du  prétexte  de  la  défense  religieuse.  Quelques  ecclésiastiques 
se  fussent-ils  oubliés  au  point  de  s'y  mêler, la  faute  en  revient 
en  partie  aux  mesures   prises   par  le  gouvernement  russe. 


(1)  C.  V.  1251  c.  sqq.  —  Ceccoxi, /or.  cit.  Doc.  CGIV, 

[383-384| 


ATTIDUDE    DES    ETATS    EUROPEENS  461 

pour  supprimer  les  droits  de  l'Eglise.  Le  cardinal  cite  encore 
toute  une  série  de  ces  dispositions,  et  expose  ce  que  laRussie 
doit  faire  pour  garantir  la  dignité  du  cierge  :  si  l'on  écoute 
ces  avis,  l'attitude  du  clergé  sera  modifiée.  — Pour  les  effets 
salutaires  du  voyage  des  évêques  à  Rome,  personne  n'en 
pourra  donner  de  meilleures  garanties  que  le  concile  lui- 
même  qui  est  assisté  du  Saint-Esprit. 

Cette  lettre  fut  communiquée  au  prince  (Jortschakow. 
Celui-ci  répondit  au  baron  d'UxkiUl  que  le  cardinal  Àntonelli 
ne  pouvait  avoir  envisagé  sa  lettre  au  nonce  comme  une 
réponse  sérieuse  au  document  russe.  De  pareilles  accusa- 
tions ne  frayent  point  le  chemin  de  la  paix,  et  leur  répondre 
mènerait  à  la  fois  trop  loin  et  serait  absolument  inutile. 
D'ailleurs  les  exigences  du  Saint-Siège  reposeut  sur  des 
principes  exagérés  qui  ne  sont  plus  admis  de  nos  jours.  Le 
prince  avait  espéré  que  le  bon  vouloir  du  cardinal  rendrait 
possible  à  Sa  Majesté  l'Empereur  d'autoriser  quelques  évo- 
ques de  Russie  à  se  rendre  au  concile,  mais  la  lettre  du 
cardinal  indique  tout  l'opposé  du  bon  vouloir.  Dès  lors 
aucun  prélat  de  Russie  ne  sera  autorisé  à  prendre  part  au 
concile.  Le  chancelier  renvoie  en  même  temps  les  deux 
circulaires  qui  lui  avaient  été  transmises,  et  enjoint  au 
chargé  d'affaires  d'informer  le  nonce  des  décisions  prises 
par  le  gouvernement  (i). 

La  Russie  fut,  nous  l'avons  dit,  le  seul  Etat  qui  interdit  aux 
évêques  toute  participation  au  concile.  Après  elle,  la  Bavière 
montra  les  dispositions  les  plus  hostiles,  la  Bavière  qui  fut 
jadis  le  rempart  de  l'Eglise  catholique  contre  les  "Novateurs. 

Les  Etats  européens  se  montrèrent  en  général  peu  favora- 
bles. Xous  ne  trouvons  guère  de  traces  de  bienveillance  envers 
une  assemblée  de  tous  les  évêques  catholiques  de  l'univers 
entier,   qui  avait  à  traiter  des  plus  nobles  devoirs  de  l'huma- 


(1)  C.  V.  1253  d.  sqq.  -  Cecconi,  loc.  cit.  Doc  CCV. 

[m] 


462  HISTOIRE   DU    CONCILE   DU   VATICAN 

nité  //  et  était  destinée  à  attirer  sur  les  Etats  eux-mêmes 
comme  tels  les  plus  abondantes  bénédictions.  Les  senti- 
ments qu'inspire  le  concile  sont  généralement  des  sentiments 
de  jalousie  et  de  défiance,  et  de  toute  part  on  croit  devoir, 
par  des  menaces,  limiter  sa  liberté  d'action. 

Rien  de  pareil  n'était  à  redouter  de  la  part  des  gouverne- 
ments extra-européens.  Quelques-uns  même  prirent  soin  de 
venir  en  aide  à  l'Eglise  dans  l'exécution  de  sa  grande  œuvre. 
Par  un  décret  législatif  du  Ier  juillet  1869,  le  Brésil  attribua 
aux  évêques  se  rendant  à  Rome  une  somme  en  rapport  avec 
leur  haute  condition,  pour  couvrir  leurs  frais  de  voyage  et 
d'entretien  dans  la  Mlle  Eternelle.  De  son  côté,  le  sénat  du 
Chili  accorda  à  l'archevêque  et  aux  trois  évêques  de  cette 
république  la  somme  de  20,000  dollars  (1)  pour  faire  face  aux 
dépenses  du  voyage. 


«N^ï^^ïvr^, 


(1)  CrviLTA  cattolica,  ser.  Vil,  vol.  8,  p.  97  sqq. 

[385] 


LIVRE    TROISIEME 
Préparation  immédiate  du  Concile  du  Vatican 


CHAPITRE   PREMIER. 

Dispositions  prises  au  sujet  des  assemblées  plénières 
des  Pères  du  concile. 

Tandis  que  le  mouvement  des  esprits  provoqué  par 
l'attente  du  concile  se  propageait  de  plus  en  plus,  et,  parti- 
culièrement en  Allemagne  et  en  France,  agitait  le  monde 
intellectuel  jusqu'en  ses  profondeurs  les  plus  intimes,  à 
Rome,  les  préparatifs  du  concile  suivaient  leur  marche  tran- 
quille. 

Un  double  travail  s'imposait  :  il  y  avait  d'abord  à  décréter 
les  mesures  nécessaires  pour  la  célébration  du  concile,  et 
ensuite  déterminer  avec  précision  les  objets  des  discussions, 
et  élaborer  les  schémas  des  futurs  décrets. 

Le  premier  de  ces  travaux  incombait  surtout  à  la  Congré- 
gation directrice  des  travaux  préparatoires  ou  Commission 
centrale;  le  second,  et  tout  spécialement  la  rédaction  des 
schémas,  regardait  les  commissions  particulières  qui  avaient 
été  créées  pour  chaque  groupe  de  questions,  et  qui  soumet- 
taient à  leur  tour  leurs  travaux  à  la  revision  de  la  Commis- 
sion centrale.  // 

Nous  mentionnons  d'abord  ce  qui  fut  délibéré  et  ordonné 
au  sujet  des  assemblées  conciliaires.  Nous  puiserons  pour 
cela  surtout  dans  le  procès-verbal  (Verbale)  delà  Congréga- 
tion directrice.  Si,  parlant  des  délibérations  de  cette  con- 
grégation, nous  mentionnons  seulement  le  jour  où  elles  ont 


466  HISTOIRE    DU    CONCILE   DU   VATICAN 

eu  lieu,  c'est  que  nous  nous  référons,  sans  autre  indication, 
à  ce  procès-verbal. 

On  admit  sans  discussion,  et  comme  allant  de  soi,  qu'au 
concile  du  Vatican,  à  l'instar  du  concile  de  Trente  qu'il 
imita  en  un  très  grand  nombre  de  points  sinon  en  tous  (i), 
les  Pères  s'acquitteraient  de  leur  tâche  collective  en  deux 
sortes  de  réunions  :  dans  les  congrégations  générales  et  dans 
les  sessions  publiques. 

Les  congrégations  générâtes  étaient  les  réunions  où 
l'ensemble  des  Pères  ayant  droit  de  vote  examinaient  le  fond 
et  la  forme  des  matières  proposées,  les  discutaient,  les  modi- 
fiaient, et  enfin  les  acceptaient  ou  les  rejetaient  dans  une 
sentence  définitive.  C'est  là  que  les  décrets  revêtaient  1 
forme  sous  laquel  leil  sdevaient  être  définitivement  approu- 
vés et  publiés  comme  décisions  conciliaires  universellement 
obligatoires. 

Les  sessions  publiques  avaient  pour  but  principal  d'élever 
les  canons  préparés  dans  les  congrégations  générales  au  rang 
de  décrets  ayant  leur  pleine  valeur,  et  de  les  revêtir  enfin  de 
leur  force  obligatoire  universelle. C'est  ce  qui  avait  lieu  par  le 
vote  suprême  et  solennel  de  tous  les  Pères  et  sa  confirmation 
par  le  pape,  qui  présidait  en  personne  les  sessions  publiques. 
Les  décrets  une  fois  approuvés  par  le  pape  et  le  concile 
dans  les  sessions  publiques,  l'œuvre  du  concile  était  termi- 
née ;  dès  lors,  sans  qu'il  fût  besoin  d'une  promulgation  ulté- 
rieure, les  décrets  s'imposaient   à  l'observation  de  tous  (2). 

Etaient  membres  avec  pleins  droits  des  deux  sortes 
d'assemblées,  tous  ceux  qui  avaient  été  convoqués  au  con- 


(1)  La  Congrégation  directrice  demanda  au  cardinal  secrétaire  d'Etat  les  actes 
du  concile  de  Trente,  pour  se  guider  sur  eux  dans  les  mesures  à  prendre.  Cf.  le 
procès-verbal  du  11  août  1867. 

(2)  Procès-verbal  des  4,  14,  25  juillet  1869.  —  Cf.  la  lettre  du  cardinal  Anto- 
nelli  aux  nonces  du  11  août  1870.  —  C.  V.  1715  c.  sq. 

[390] 


PRESIDENCE   ET   PRESEANCE  467 

eile,  à  savoir  :  les  évêques,  titulaires  aussi  bien  que 
résidentiels,  en  outre  les  cardinaux  non  évêques,  les  supé- 
rieurs généraux  des  ordres  religieux,  les  abbés  «nullius»//  et 
parmi  les  autres  abbés,  ceux  qui  étaient  à  la  tête  non  de  leur 
seul  monastère,  mais  d'une  congrégation  qui  en  comptait 
plusieurs  (i).  Ces  membres  du  concile  avaient  le  droit  de 
se  choisir  des  théologiens  spéciaux  pour  en  faire  leurs  con- 
seillers. On  leur  prescrivait  seulement,  comme  il  est  dit  dans 
la  séance  de  la  Commission  centrale  du  3i  janvier,  de  ne 
faire  tomber  leur  choix  que  sur  des  hommes  d'une  conduite 
irréprochable  et  de  saine  doctrine.  Les  membres  du  concile 
pouvaient,  déplus,  consulter  les  théologiens  du  pape  (2). 

La  présidence  du  concile  est  une  prérogative  du  pape, 
découlant  immédiatement  du  dogme  de  sa  primauté  (3).  Le 
concile  du  Vatican  se  tenant  à  Rome,  le  pape  exerçait  en 
personne  la  présidence,  mais  à  cause  de  ses  nombreux  tra- 
vaux, qui  s'accrurent  naturellement  encore  beaucoup  à  l'épo- 
que du  concile,  il  parut  impossible  que  Pie  IX  prît  sur  lui  de 
diriger  personnellement  les  congrégations  générales. La  Con- 
grégation directrice  décida  donc  dans  sa  séance  du  3i  jan- 
vier qu'il  fût  proposé  au  pape  de  se  faire  représenter  à  la 
congrégation  générale  et  de  nommer  pour  la  présider  cinq 
cardinaux.  Le  pape  entra  dans  ces  vues  et  décréta  en  consé- 
quence par  les  lettres  apostoliques  «  Multipliées  inter  »  qui 
fixaient  le  règlement  général  du  concile,  que  dans  les  réunions 
des  Pères  qui  précéderaient  les  sessions  publiques  (c'est-à- 
dire  dans  les  congrégations  générales),  cinq  cardinaux 
feraient  fonction  de  présidents  en  son  nom  et  avec  son  pou- 
!  voir  (4).   Le  rôle  de  ces  présidents  est  défini  d'une  façon  très 


(i)Cf.  liv.I,chap.  VII. 

(2)  Procès-verbal  du  £3  mai  1869. 

(3)  Voir,  dans  Héfelé,  Konziliengescltichle  I  (2e  édit.),  29  sq. ,  la  discussion  his- 
torique  de  la  question. 

(4)  Cf.  C.  V.  21  d. 

[3P0-391J 


4G8  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

générale  par  ces  mots  :  ils  ont  à  faire  «  ce  que  comporte  une 
direction  convenable  de  ces  réunions  »  (i  ).  De  pareils  termes 
leur  conféraient  les  pouvoirs  les  plus  étendus  pour  l'exercice 
de  leurs  fonctions. 

La  question  du  rang  à  occuper  dans  les  assemblées,  et  celle 
de  la  préséance  en  général,  occupa  plusieurs  fois  la  Congré- 
gation directrice.  Importante  déjà  parce  que  chacun  des  pré- 
lats doit  recevoir  l'honneur  dû  à  son  rang, cette  question  l'est 
encore  parce  que  l'ordre  établi  parmi  les  membres  d'un  con- 
cile met  sous  les  yeux  les  différents  degrés  de  la  hiérarchie 
ecclésiastique.  C'est  par  là  que  dès  l'abord  un  concile  diffèn 
d'un  parlement,  où  les  membres, pleinement  égaux  entre  eux, 
occupent  leur  siège  de  par  le  choix  du  peuple.  En  outre,  le 
droit,  pour  un  prélat,  de  parler  avant  d'autres  peut  être  biei 
souvent  d'une  grande  importance.  // 

Dans  un  mémoire  qu'il  composa  comme  consulteur  de  la 
Congrégation  directrice,  sur  l'ordre  à  observer  dans  les  con- 
grégations générales, le  Dr  Héfelé  fait  remarquer  que  dans  les 
précédents  conciles  se  sont  élevées  de  fréquentes  et  vives  dis- 
cussions au  sujet  du  rang  à  occuper  dans  les  séances  et  qu'on 
y  a  ainsi  perdu  beaucoup  de  temps.  C'est  pourquoi,  d'après 
lui, le  pape  doit,  pour  prévenir  semblables  incidents,  prendre 
à  ce  sujet,  dès  avant  le  concile,  des  dispositions  bien  nettes, 
excluant  tout  sujet  de  disputes.  Le  Dr  Héfelé  propose 
d'adopter  sans  restriction  les  règles  suivies  au  concile  de 
Trente  (2). 

La  Congrégation  directrice,  de  son  côté,  avait  déjà,  le 
17  janvier  1869,  érigé  en  principe  général  que  l'ordre  serait 
fixé  d'après  les  degrés  hiérarchiques  et,  dans  chacun  d'eux, 
d'après  l'ancienneté  de  l'âge  ou  de  la  fonction  (3). 


(1)  C.  Y.  22  a 

(2)  C.  V.  1088  b. 

(3)  Ce  dernier  point  contredisait  une  décision  prise  le  12  décembre  1868,  parla 
Congrégation  de  la  Cérémoniale,  en  vertu  de  laquelle  aucune  distinction  ne 
devait  être  faite  entre  les  évêques- Cf.  procès-verbal  du  13  juin  1869. 

[:M-3U2] 


QUESTIONS    DE    PRESEANCE  E-69 

Cette  dernière  devait-elle  être  comptée  pour  les  évêques, 
du  jour  de  leur  élection  en  consistoire  ou  de  celui  de  leur  con- 
sécration ï  A  cette  question,  la  Congrégation  (i)  répondit  que 
le  jour  de  la  promotion  servirait  de  point  de  départ  pour  les 
archevêques,  et  celui  de  la  consécration  pour  les  évêques. 
Mais  la  commission  de  la  Cérémoniale  chargée  de  dresser 
les  listes  fit  remarquer  quelles  difficultés  il  y  avait  a 
déterminer  pour  chaque  évêque  le  jour  de  la  consécration.  Le 
seul  moyen  était  de  les  interroger  tous  ;  niais  alors,  s'il  fallait 
attendre  leurs  réponses  pour  rédiger  la  liste,  celle-ci  ne  pour- 
rail  être  terminée  avant  l'ouverture  du  concile.  Le  joui-  de  la 
promotion  au  contraire  était  facile  à  trouver  par  les  actes  des 
consistoires.  Pour  ee  motif,  la  Commission  centrale  modifia 
sa  première  décision  et  ordonna  que  même  pour  les  évêques, 
au  moins  provisoirement,  le  degré  d'ancienneté  de  la  fonc- 
tion devait  être  calculé  à  partir  du  jour  de  leur  promotion. 
Elle  pouvait  d'ailleurs  appuyer  sa  décision  sur  deux  réponses 
de  Pie  IV  au  sujet  du  concile  de  Trente,  et  en  général  sur  la 
règle  constamment  suivie  par  ce  concile,  au  témoignage  de 
Massarelli  (2).  // 

Dès  le  début,  un  point  fixe  et  immuable  pour  la  Congréga- 
tion directrice  fut  que  les  patriarches  occuperaient  un  rang 
supérieur  à  celui  des  archevêques  3).  Suivant  le  précédent 
du  concile  de  Trente,  on  ne  crut  point  devoir  attribuer  aux 
primats  une  place  à  part.  Mais,  à  la  séance  du  5  septem- 
bre 1869,  il  fut  fait  communication  d'un  bruit  d'après  lequel 
l'archevêque  de   Gran,   primat  de  Hongrie,  réclamerait  des 


(1)  Procès-verbal  du  14  terrier  1869. 

(2)  Procès-verbal  du3octobre  18(59.  -  Galeotti,  dans  son  Volum,où  il  traite  notre 
sujet  (p.  95.),  apporte,  tirée  de  Carapeggio,  une  autre  raison  de  la  décision  de  la 
Congrégation:  Cumliabere  nul  uni  in  Concilia  sil  jurisdictionis,  non  ordinis  episco- 
palis,etpropterea  electus  seu  assumptus  in  lïpiscopum  ante  constcralionem  omniapos- 
■iitquie  sunt  jurisdictionis,  licet  non  ea  quse  sunt  ordinis. . .  sequilur,  in  Conciliorum 
sessiombus,  attendi  dtbere  tempus  electionis,  non  aulem  contecrationis. 

(3)  Procès-verbal  du  13  octobre  1869. 

3o 

[392-393] 


470  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

sièges  à  part  pour  les  primats,  et  qu'il  serait,  pensait-on, 
soutenu  dans  cette  réclamation  par  les  autres  primats.  En 
conséquence  le  consulteur  Sanguineti  fut  chargé  de  préparer 
un  mémoire  sur  cette  question  :  les  primats  doivent-ils  avoir 
la  préséance  sur  les  archevêques?  Le  i3  octobre  le  mémoire 
fut  présenté  à  la  Congrégation  et  examiné  par  elle.  Sangui- 
neti avait  distingué  parmi  les  sièges  primatiaux  ceux  dont  les 
titulaires  possédaient  un  pouvoir  supérieur,  à  savoir  le  droit 
de  recevoir  l'appel  des  jugements  rendus  par  les  métropoli- 
tains, et  ceux  qui  ne  couleraient  à  leur  titulaire  que  le  titre 
honorifique  de  primat.  Sanguineti  proposait  d'accorder  la  pré- 
séance aux  primats  de  la  première  catégorie,  mais  non  à 
ceux  de  la  seconde.  Eu  égard  au  nombre  très  restreint  des 
primats,  et  pour  épargner  au  concile  des  discussions  trop 
longues,  la  Congrégation  directrice  crut  devoir  proposer  au 
Saint-Père  d'accorder  pour  le  prochain  concilejà  tous  les  pri- 
mats, sans  distinction,  la  préséance  sur  les  métropolitains, 
avec  cette  clause  toutefois  que  cette  concession  faite  une  fois 
ne  pourrait  ni  créer  en  faveur  des  primats  un  droit  perma- 
nent, ni  préjudiciel1  à  autrui.  Le  pape  adopta  la  proposition 
de  la  Congrégation. 

Plusieurs  détails  furent  encore  réglés  par  la  Commission 
centrale  touchant  la  question  de  préséance.  Pour  ne  point 
entier  dans  chacun  de  ces  détails,  nous  transcrivons  ici 
d'après  les  lettres  apostoliques  «  Multipliées  inter  »  le  para- 
graphe qui  s'y  rapporte,  et  dans  lequel  le  pape  fixe  définitive- 
ment l'ordre  à  garder  par  les  Pères  du  concile  :  «  Primum 
locum  obtinebunt  Yenerabiles  Fratres  Xostri  S.  R.  E.  Cardi- 
nales Episcopi,  Presbyteri,  Diaconi  ;  secundum  Patriarclnv: 
tertiuni.  ex  speciali  nostra  indulgentia,  Primates  juxta  ordi- 
dineni  suse  promotionis  ad  priniatialem  graduai.  Id  autem 
pro  hac  vice  tantum  indulgemus,  atque  ita  ut  ex  hac  Xostra 
concessione  nullum  jus  vel  ipsis  Primatibus  datum,  vel  aliis 
imminutum  censeri  debeat.  Quartum  locum  tenebunt  Archi- 

[39)3-3941 


LES    OFFICIERS    DtJ    CONCILE  471 

episcopi  juxta  suseadareliiepiscopatunipromotionis  ordinemj 
quintum  Episcopi  pariter  juxta  ordinem  promotionis  suœ  ; 
sextum  Abbates  nullius  diœcesis;  septimum  Abbates  Géné- 
rales aliique  générales  Moderatores  Ordinum  Religiosorum, 
inquibus  solemnia  vota  nuncitpantur,  etiamsi  Vicarii  Gene- 
ralis  titulo  appellentur,  dum  tamen  re  ipsa  cum  omnibus 
Bupremi  moderatoris  juribus  et  privilegiis  universo  Ordinî 
légitime "praesunt  (i).  » 

Au  sujet  des  officiers  nécessaires  à  l'auguste  assemblée,  le 
consulteur  Galeotti  avait  rédigé  un  mémoire  (2)  que  la  Com- 
mission centrale  discuta  dans  sa  séance  du  14  lévrier  1869.  Il 
réclamait  pour  le  concile  un  custode  général,  des  promoteurs, 
un  ou  plusieurs  secrétaires,  des  notaires,  des  greffiers  pour 
le  secrétaire  et  pour  les  notaires,  des  maîtres  des  cérémo- 
nies, des  guides  chargés  de  désigner  les  places  et  des  scru- 
tateurs. 

Au  sujet  du  Custode  général,  la  Congrégation  directrice 
décida  de  représenter  au  Saint-Père  qu'aux  conciles  précé- 
dents un  noble  et  illustre  personnage  laïc  avait  reçu,  avec 
ce  titre,  le  soin  de  veiller  à  la  sécurité  et  à  l'ordre  extérieur  du 
concile.  Autrefois,  il  n'y  avait  pas,  comme  aujourd'hui,  sous 
les  armes,  une  troupe  régulière  permanente  :  la  charge  de 
custode  était  donc  une  nécessité;  à  présent  elle  n'a  plus  sa 
raison  d'être,  et  la  congrégation  hésitait  pour  savoir  si  elle 
ferait  choix  d'un  custode,  peut-être  à  titre  purement  honori- 
fique et  quelle  fonction  elle  lui  assignerait. 

La  Congrégation  directrice  décida  en  outre  qu'il  serait 
nommé  deux  promoteurs,  tous  deux  devant  être  du  clergé  et 
docteurs  in  utroquejure  (3).  // 


(1)6'.  V.  19  d.  sq. 

(2)  C'est  le  second  chapitre  du  Votum  très  étendu  intitulé  :  Intorno  a  Re/jolamenti 
di  cône  riluali  e  organiche  del  Concilia. 

(3)  La  charge  des  promoteurs  est  décrite  de  la  façon  suivante  dans  YOrdo  ayen- 
dorum  qu'on  distrihua  aux  ollïciers  du  concile  :  Promolores  ea  pro  Concilio  pera- 

[394J 


472  HISTOIRE    1)1"    CONCILE    DU    VATICAN 

Q  fallait  nommer  un  secrétaire  et  deux  sous-secrétaires^ 

Quant  aux  fonctions  de  notaires,  elles  seraient  exercées 
par  deux  protonotaires  apostoliques  de  numéro  participan- 
tium  assistés  de  deux  notaires.  L'on  nommerait  aussi  quatre 
greffiers,  mais  ee  nombre  pourrait  être  augmenté  suivanl 
les  besoins. 

Les  maîtres  des  cérémonies  devaient  être  ceux  du  sièg< 
apostolique;  et  pour  désigner  les  places,  on  choisirait  parmi 
les  camériers  du  Saint-Père,  huit  guides  ayant  leur  préfet. 

A  l'exemple  du  cinquième  concile  de  Latran,  on  pouvail 
nommer  quatre  scrutateur-,  deux  pour  chaque  côté  de  l'as- 
semblée, et  ils  devaient  en  recueillant  les  voix  être  constam- 
ment assistés  par  deux  notaires  et  autant  de  greffiers. 
Dans  la  séance  du  25  juillet  le  nombre  des  scrutateur-  l'ut 
porté  a  huit. 

Il  fut  encore  une  lois  question  du  Custode  général  du  con- 
cile dans  la  séance  du  5  septembre,  où  suivant  le  désir  du 
Saint-Père,  la  Congrégation  proposa  pour  chaque  fonction 
des  personnages  aptes  à  les  remplir.  S'il  plaisait  au  pape  de 
maintenir  les  custodes,  on  choisit  pour  cette  charge,  à  la 
presque  unanimité  des  suffrages,  les  deux  princes  Jean 
Colonna  et  Dominique  Orsini,  assistants  au  trône  pontifical. 
La  raison  en  était,  outre  l'antique  noblesse  de  leurs  familles, 
(pie  ce  choix  supprimait  toute  cause  de  mécontentement  de 
la  part  d'autres  princes  romains  qui  eussent  pu  briguer  une 
telle  distinction.  L'un  des  deux  princes  pouvait  exercer  la 
charge  d'assistant  au  trône  pontifical  et  l'autre  les  fonctions 


gère  debent,qux  Procuratoris  causarum  in  jure  esse  soient,  ac  proinde  inslare,  ut 
contra  absentes,  qui  Concilio  interesse  tenenturnecabsenlîam  suant  légitime  excusa- 
runt.  sifuerint  contumaces,  secundum  formas  jurts  procedatur  ;  item  in  fine  singula- 
rum  sesstonum  solemni  formula  rogare,  ut  de  rébus  inea  sessionegestis  per  notario* 
Concilii  présentes  authenlicum  instrumentum  conficiatur;  denique  pro  renata  alia 
etiam  nomine  Concilii procurare  et  agere,quse  formant  juris  exigunt,de  quibtis,  ubi 
necesse  luerit,  suo  tempnre  accipient  mandata.  Promotores  non  interveniuni  Congre- 
gationibus  generalibus ,  nisi  pro  aliqua  causa  spécial/  vocali  fuerint .  C.  V.  1070  a.  sq. 
<  -i  ■  .<  'Ailot.  cil.  vol.  I,  Doc.  LUI. 

f395] 


LES    OFFICIERS    l>r    CONCILE  .  i73 

propres  du  Custode.  Au  dernier,  fut  assigné  dans  la  suite  1 1) 
une  place  à  l'entrée  de  la  salle  conciliaire,  mais  à  l'intérieur; 
La  proposition  faite  par  le  cardinal  Caterini  de  nommer  Le 
marquis  Jean  Patrizi  troisième  custode  ne  fut  point  adoptée. 

Les  chevaliers  de  Malte  avaient,  par  une  lettre  de  leur 
lieutenant,  supplié  le  Saint-Père  (3o  juin  1869)  de  leur  confé- 
rer une  charge  analogue  à  celle  de  custode  (2).  Les  papes, 
disait  la  lettre,  avaient  plus  d'une  fois  confié  aux  chevaliers 
de  leur  Ordre  la  garde  de  leur  personne,  des  conclaves  et  des 
conciles  œcuméniques;  ainsi  l'avait  fait  Jules  II  pour  le  concile 
de  Latran  convoqué  par  lui.  Dans  un  état  de  choses  si  pro- 
fondément modifié,  ils  ne  voulaient  point  revendiquer  pour 
eux  seuls  cet  honneur  au  prochain  concile.  Ce  serait  néan- 
moins pour  les  survivants  d'une  milice  qui  a  versé  tant  de 
sang-  pour  la  défense  de  la  Foi  chrétienne,  le  sujet  d'une  joie 
immense  si  le  pape  leur  assignait  un  poste  d'honneur  au  con- 
cile oecuménique;  ils  pourraient  y  servir  de  garde  soit  d'une 
façon  permanente  à  une  place  fixe,  soit  en  vertu  de  fonc- 
tions particulières,  et  cela  ou  bien  seuls  ou  bien  concurrem- 
ment avec  d'autres  corps.  La  requête  était  appuyée  sur  de 
nombreux  motifs. 

La  Congrégation  directrice  à  qui  le  pape  avait  transmis  la 
demande  s'en  occupa  le  18  juillet  186g  et  le  cardinal  Patrizi 
présenta  la  requête  des  <<  Chevaliers  de  Jérusalem  «non  seu- 
lement comme  président  de  la  congrégation,  mais  à  titre  de 
grand-prieur  de  l'Ordre.  Confier  à  l'Ordre  de  Malte  exclusi- 
vement, la  garde  du  pape  et  du  concile  fut  considéré  comme 
impossible,  vu  l'existence  présente  d'un  corps  armé  perma- 
nent, et  surtout  de  la  garde-noble  qui  est  de  par  sa  fonction 
propre  la  garde  de  la  personne  du  pape-roi.  Partager  cette 
fonction  de  la  garde   entre  les   chevaliers   de   Malte  et   les 


(1)  Procès-verbal  du  3  novembre  1869. 

(2)  C.   V.  J067  d.  sqq.   —  Cecconi,  loc.  cit.,  Duc.   LVI. 

[395-39(5] 


474  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

gardes-nobles  parut  également  difficile  :  les  questions  d'éti- 
quette1 seraient  inévitables  entre  les  deux  corps  et  se  renou- 
velleraient sans  cesse.  Cependant,  par  égard  pour  les  grands 
mérites  de  l'Ordre,  on  fit  tous  les  efforts  pour  accéder  à  la 
prière  des  chevaliers,  et  l'on  décida  finalement  à  l'unanimité 
qu'on  proposerait  au  pape  d'accorder  au  lieutenant  et  à  son 
état-major  (Corte)  une  place  d'honneur  convenable  dans  les 
sessions  publiques.  Entre  temps  le  pape  déclara  au  secrétaire 
de  la  Congrégation  directrice,  à  l'audience  du  2  novembre, ce 
qu'il  avait  définitivement  arrêté:  les  chevaliers  de  Malte 
auraient  à  partager  le  service  avec  les  gardes-nobles.  Aux 
maîtres  des  cérémonies  à  déterminer  où  et  quand  la  garde 
devrait  paraître  (i). 

Comme  Secrétaire  du  concile,  le  Saint-Père  avait  en  vue 
M61"  Joseph  Fessier,  évêque  de  Saint-Ilippolyte.  Il  consulta 
là-dessus  la  Congrégation  directrice  dans  la  séance  du 
7  mars  1869.  Ce  choix  plût  a  tous  les  membres  de  la  Congré- 
gation, le  cardinal  Caterini  fit  seulement  observer  que  le 
choix  d'un  Allemand  pourrait  désagréablement  impression- 
ner les  évêques  des  autres  nations,  par  suite  il  conviendrait 
peut-être  davantage  de  prendre  un  Italien.  Comme  cette 
remarque  n'était  point  prise  en  considération,  Caterini  pro- 
posa d'adjoindre  un  second  secrétaire  au  premier. 

Au  nom  du  Saint-Père,  le  cardinal  Patri/.i  fit  part  le 
27  mars  à  Mgr  Fessier  de  son  élection  à  la  charge  de  secrétaire 
du  concile  et  l'invita  à  se  rendre  à  Rome  trois  mois  au  moins 
avant  l'ouverture  (2).  M-1'  Fessier  accueillit  ce  choix  avec 
reconnaissance  et,  plaçant  sa  confiance  en  Dieu  qui  assiste 
l'homme  obéissant,  il  promit  de  venir  offrir  ses  services  au 
commencement  de  septembre  dans  la  capitale  du  monde 
catholique;    mais    il    demanda    des    renseignements    sur   le 


(1)  Procès-verbal.  D*après  la  séance  du  29octobre  1869. 

(2)  G.   V.  1066   b.  s<i     —    (  egcoxi,  loc.   cit.  Doc.  XL.  —Cl.  procès-verbal  du 
22mai  1869. 

[396-391 


OFFICIERS    ET     AUXILIAIRES  M.'i 

genre  de  travaux  qu'il  devrait  entreprendre  avant  le  début 
du  concile.  Le  cardinal  Patrizi  lui  écrivit  de  nouveau  le 
17  mai;  dans  cette  lettre  il  lui  disait  d'arriver  à  Rome  dès  la 
fin  de  juin,  cartel  était  le  désir  du  Saint-Père.  M-'  Fessier 
répondit  le  25  mai  qu'il  partirait  sitôt  les  affaires  de  son 
diocèse  terminées,  et  qu'il  comptait  se  trouver  à  Rome  le 
11  juillet  (1).  Dans  la  session  du  5  septembre,  la  Congréga- 
tion directrice  élut  comme  prosecrétaire  M-1  Louis  Jacobini 
et  adjoignit  au  secrétaire  en  qualité  de  coadjuteurs,  le 
prêtre  Camille  Santori  et  le  chanoine  Ange  Jacobini. 
M-'  Fessier  arriva  à  Rome  le  8  juillet,  et  nous  le  voyons 
prendre  part  immédiatement  aux  séances  de  la  Congrégation 
directrice. 

Dans  la  séance  du  16  avril,  l'évêque  de  Saint-Hippolyte  fut 
chargé  par  la  Congrégation  de  rédiger  un  règlement  concer- 
nant le  rôle  des  officiers  du  concile.  Nous  avons,  sans  aucun 
doute,  le  résultat  de  son  travail  dans  l'instruction  envoyée  en 
novembre  aux  officiers;  cette  instruction  expose  d'une 
manière  précise  la  tâche  incombant  à  chacun  d'eux  dans  la 
congrégation  générale  et  dans  la  session  publique  (2). 

Ainsi  se  trouvèrent  fixées  toutes  les  charges  avec  la 
manière  pour  ceux  qui  les  occuperaient  de  les  remplir  Mais 
bien  peu  de  ces  emplois  étaient  déjà  pourvus,  et  le  Saint-Père, 
nous  l'avons  dit,  chargea  la  Congrégation  de  lui  désigner 
les  personnes  capables  d'exercer  ces  diverses  fonctions  (3). 
Les  cardinaux  dressèrent  donc  une  liste  de  noms  qu'ils 
soumirent  au  pape  (4).  // 


Outre  les  officiers,  il  fallait  encore  se  procurer  des  auxi- 


(1)  C.    V.  1067  li    sq.    Giccoxi,  loc.   cit.    Doc.  XLIII.  —  Cf.   procès-verbal  du 
13  juin  1869. 

(2)  Urdo  agendorum  officialibus  Concilii   Vatican/  prsescriptus .  —  6'.    V.  1069  d. 
sqq.  —  Gecconi,  toc.  cit.  Doc.  LUI. 

(3)  Procès-verbal  du  29  août  1869. 

(4)  Idem  des  5  et  12  septembre. 

[397; 


i7G  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1"     VATICAN 

lîaires  pour  différents  services,  en  particulier  des  inter- 
prètes pour  les  prélats  des  rites  orientaux,  et  des  sténo- 
graphes. 

La  question  des  interprètes  fut  débattue  la  première  dans 
la  Congrégation  directrice  à  la  séance  du  26  octobre  1869.  Le 
cardinal  Barnabe,  préfet  de  la  Propagande,  fut  prié  de  trou- 
ver des  interprètes  convenables.  Dans  la  séance  du  '5  novem- 
bre,M51-  Fessier  proposa  de  donner  au  moins  deux  interprètes 
aux  prélats  orientaux  pour  les  congrégations  générales,  afin 
de  les  mettre  en  état  non  seulement  de  prendre  une  connais- 
sance exacte  des  schémas  présentés,  mais  encore  de  suivre 
les  discussions.  L'on  décida  d'après  cela  que  les  prélats 
orientaux  seraient  groupes  ensemble  à  une  place  déterminée 
de  la  salle  conciliaire,  de  façon  à  se  trouver  tous  à  proximité 
des  interprètes.  Le  procès-verbal  de  la  séance  du  25  novem- 
bre nous  apprend  que  le  cardinal  Barnabe  a  désigné  des 
interprètes  et  qu'il  a  envoyé  leurs  noms  au  secrétaire  du  con- 
cile. Dans  cette  même  séance,  on  fit  encore  remarquer 
qu'il  fallait  avertir  les  prélats  orientaux  qu'il  ne  leur  était 
pas  enjoint,  mais  seulement  conseillé  de  se  placer  tous 
ensemble  au  même  endroit  de  la  salle;  et  cela  dans  le  seul 
but  que  les  interprètes  pussent  vraiment  servir  à  tous.  On 
fixa  en  même  temps  comme  règle  absolue  que  ces  prélats  ne 
se  choisiraient  pas  des  interprètes  à  leur  gré;  on  n'admet- 
trait à  leur  service  (pie  des  hommes  offrant  des  garanties 
de  liante  capacité  et  de  la  plus  entière  fidélité. 

La  sténographie,  elle  aussi,  fut  appelée  à  être  utilisée  par 
le  concile.  Dans  la  séance  du  i3  décembre  1868,  le  président 
de  la  Congrégation  directrice  communiqua  le  vœu  exprimé 
par  le  Saint-Père  de  faire  venir  à  Borne  un  ou  plusieurs 
habiles  professeurs  de  sténographie.  11  fallait  instruire  à 
temps  les  jeunes  clercs  destinés  à  mettre  cet  art  au  service 
du  concile.  Tous  les  membres  de  la  congrégation  reconnu- 
rent la  nécessité  d'avoir  des  sténographes  au  concile,  et  on 

[3L-8J 


AUXILIAIRES    ET    JUGES    l>l     CONCILE  177 

pria  le  cardinal  Caterini  «le  se  renseigner  auprès  du  général 
de  la  Compagnie  de  Jésus  ou  du  nonce  de  Paris  au  sujet  d'un 
habile  professeur  de  sténographie.  Dans  la  séance  du  17  Jan- 
vier 1869  le  cardinal  fut  en  mesure  d'annoncer  qu'il  s'était 
mis  en  rapport  avec  un  sténographe  de  valeur,  l'abbé  VTrgi- 
nio  Marchese  de  Turin.  Les  jeunes  clercs  qu'il  instruirait 
devraieni  être  pris  dans  les  séminaires  des  différentes 
nations,  surtout  de  France,  d'Angleterre  et  d'Allemagne, 
car  il  était  indispensable  que  le  sténographe  comprit  bien 
les  divers  orateurs  dont  la  prononciation  variait  avec  les 
pays.  Dans  une  lettre  du  i"  février  (1)  le  cardinal  Patrizi 
invite  l'abbé  Marchese  à  se  rendre  à  Rome  en  qualité  de  pro- 
fesseur de  sténographie;  et  dans  la  séance  du  7  mars  1869  on 
faisait  savoir  à  la  Congrégation  que  le  prêtre  de  Turin  avait 
commencé  ses  cours  au  Collège  Romain;  il  avait  pour  élèves 
des  jeunes  gens  du  Collège  Romain,  du  séminaire  Pie  et  des 
autres  collèges  de  différentes  nations  étrangères. 

La  veille  de  l'ouverture  du  concile,  7  décembre  1869,  les 
cinq  présidents  des  congrégations  générales  entrèrent  en 
délibération  et  décidèrent  en  premier  lieu,  comme  il  est  men- 
tionné dans  le  document  officiel  (2),  que  les  discours  sténo- 
graphiés aux  congrégations  générales  seraient  immédiate- 
ment reproduits  en  écriture  courante  et  mis  à  la  disposition 
des  orateurs  pour  la  correction,  (3)  avant  leur  insertion  dans 
les  actes  conciliaires.  Le  secrétaire  du  concile  reçut  le  soin 
de  veiller  à  l'exécution  de  cette  décision. 

La  commission  centrale  ne  jugea  pas  nécessaire  d'élire  un 
nouveau  personnel  pour  des  emplois  ou  services  de  moindre 
importance.  Les  Maîtres  portiers  de  la  «  Virga  rubra  »  pou- 
vaient  faire  fonction    de   portiers,   les   cursores    (huissiers) 


(1)  G.  V.  10G5d.  sq.  —  Cecconi,  loc.  cit.  Due.  XXXIX. 

(2)  Aux  archives. 

(3)  Voyez  second  volume.  Liv.  I,chap.  1. 

[398-399] 


478  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

seraient  les  huissiers  apostoliques,  et  comme  chantres  on 
prendrait  ceux  de  la  chapelle  pontificale  (i). 

Par  contre  il  fallait  faire  choix  de  deux  médecins  et  de 
deux  chirurgiens  pour  les  Pères  du  concile  (2  . 

Tous  ceux  qui  avaient  été  invités  à  faire  partie  du  concile 
avaient  l'obligation  de  s'y  présenter  et  d'y  demeurer  jusqu'à 
la  clôture.  Quiconque  s'abstenait  ou  désirait  s'absenter  devait 
exposer  ses  raisons  au  concile.  Dans  sa  séance  du  21  mars, 
la  Commission  centrale  délibéra  sur  la  façon  dont  on  exami- 
nerait ces  raisons:  elle  décida  que  cinq  prélats  désignés  par 
le  pape  s'occuperaient  de  ces  sortes  de  questions,  et  pour 
cela  ils  recevraient  et  examineraient  les  messages  d'ex- 
cuses confiés  par  les  prélats  absents  à  leurs  procureurs.  Ils 
ne  devaient  pourtant  rien  décider,  mais  soumettre  à  la  con- 
grégation générale  le  résultat  de  leur  examen.  /Ils  devraient 
en  user  de  même  avec  ceux  qui  voudraient  quitter  le  concile 
avant  sa  clôture. 

Cinq  autres  Pères  devaient  constituer  un  tribunal  destiné 
à  connaître  des  plaintes  ou  des  différends  qui  pourraient 
surgir  dans  l'assemblée,  au  sujet  du  droit  de  préséance  ou  de 
l'ordre  des  réunions.  Ils  devaient  trancher  tous  les  cas  par 
procédure  sommaire  et  de  façon  à  ne  porter  préjudice  à  aucune 
des  deux  parties;  si  la  chose  était  impossible,  ils  devraient 
soumettre  l'affaire  à  l'autorité  de  la  congrégation  générale. 

Dans  la  séance  du  11  novembre,  la  Commission  centrale 
s'occupa  encore  une  fois  de  ces  judices  excusât  ion  u m  et 
judices  querelarum  cl  controversiavuni;  elle  décida  que  le 
pape  n'aurait  pas  à  les  nommer,  ce  serait  le  concile  qui  les 
choisirait.  D'après  les  lettres  apostoliques  Multipliées  inler 
(3)  nous  voyons  que  le  pape  approuva  toutes  les  propositions 
de  la  Conuréuation. 


(1)  Procès-verbal  du  14  février. 

(2)  Ibid. 

(3)  G.  V.  20  b.  sq. 


[399  100 


LA    SALLE    CONCILIAIRE  479 

Une  affaire  de  grande  importance  fut  leelioix  et  l'aménage- 
ment de  la  salle  conciliaire.  Les  conciles  se  tiennent  d'ordi- 
naire dans  des  lieux  consacrés.  Pour  celui-ci  on  choisit  la 
basilique  de  Saint-Pierre  dont  la  forme  est  celle  d'une  croix- 
latine;  on  devait  occuper  le  bras  de  cette  croix  qui  regarde 
le  Nord,  et  on  le  sépara  par  une  cloison  du  reste  de  l'édifice. 
Cet  emplacement  devait  servir  aussi  bien  pour  les  congré- 
gations générales  que  pour  les  sessions  publiques;  mais  on 
se  demanda  si  cet  immense  local  conviendrait  bien  aux 
premières.  N'y  avait-il  pas  lieu  de  craindre,  en  effet,  que, 
par  suite  de  la  vaste  étendue  d'une  pareille  salle,  beau- 
coup d'assistants  n'y  pussent  entendre  suffisamment  les 
discours  durant  les  discussions.  Le  Saint  Père  voulut  con- 
naître sur  ce  point  l'avis  de  la  Congrégation  directrice  et 
la  question  lui  fut  exposée  le  19  septembre  1869  On  proposa 
pour  les  congrégations  générales  le  portique  situé  au-dessus 
de  l'atrium  de  Saint-Pierre,  la  Sala  regia  au  Vatican,  la 
salle  des  Consistoires,  la  bibliothèque  Casanatense  et  l'église 
de  Saint-Apollinaire  qui  appartenait  au  séminaire  romain. 
Ce  fut  pour  cette  dernière  que  se  prononça  à  l'unanimité  la 
Congrégation.  Toutefois  le  plan  primitif  l'emporta,  et  le  bras 
droit  de  la  croix  de  Saint-Pierre  fut  le  local  définitivement 
choisi  pour  les  deux  espèces  de  réunions.  Nous  dirons  plus 
loin  comment  la  salle  fut  aménagée. 

Disons  tout  de  suite  qu'aucun  étranger  ne  devait  figurer 
aux  congrégations  générales. 

Au  sujet  du  silence  à  observer  sur  les  délibérations  par  les 
Pères  et  les  officiers  du  concile,  la  Congrégation  directrice 
s'exprima  en  ces  termes  :  «  Sa  Sainteté  devra  promulguer 
un  décret  faisant  défense  aux  Pères,  consulteurs, théologiens, 
canonistes  et  autres  personnes  qui  pourront  prêter  d'une 
manière  quelconque  leur  concours  aux  évèques  dans  les 
travaux  du  concile,  de  divulguer  ou  de  communiquera  aucun 

!  ii  11 1-401] 


480  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1      VATICAN 

étranger  les  décrets  ou  toute  autre  matière  soumise  à  l'exa- 
men des  Pères,  aussi  bieu  que  les  discussions  et  les  votes  de 
tel  ou  tel  membre  de  l'assemblée.  Pour  les  officiers  du  con- 
cile qui  ne  sont  pas  revêtus  de  la  dignité  épiscopale,  ils 
devront  s'engager  sous  le  sceau  du  serment,  à  s'acquitter 
fidèlement  de  leurs  fonctions, et  à  garder  le  secret  sur  tout  ce 
qui  vient  d'être  dit  et  sur  ce  qui  pourrait  leur  être  plus  spé- 
cialement confié.  »  (i) 

Aux  sessions  publiques,  on  admettait  des  étrangers,  mais 
seulement  à  la  partie  cérémonielle.  Cependant,  en  vertu  d'un 
privilège  du  pape,  les  princes  et  princesses  régnants,  le  corps 
diplomatique,  le  Sénat  romain,  les  théologiens  du  concile  et 
les  procureurs  des  évêques  absents  furent  autorisés  à  assister 
encore  aux  votes (2). Etaient  considérés  comme  théologiens  du 
concile  non  seulement  les  théologiens  du  pape,  mais  encore 
ceux  des  évêques  (3),  et  l'on  concédait  les  mêmes  droits  aux 
théologiens  appelés  à  Rome  pour  les  commissions  prépa- 
ratoires, s'ils  se  trouvaient  présents  dans  cette  ville  au 
moment  du  concile  (41. 


(1)  Les  Custodes  ne  turent  point  obligés  de  prêter  serment.  —  Procès-verbal 
du  28  novembre  1869. 

(2)  Procès-verbal  des  14  .juin  18(38,  31  janvier  1869,  3  novembre  1869,  i  novembre 
L869.  Cf.  C.  V.WA  d.  sqq. 

(3)  Procès-verbal  des  27  juin,  1!»  octobre,  3  novembre  1869. 

(4)  Procès-verbal  du  28  novembre  1869, 

[401] 


CHAPITRE  II. 

Délibérations  et  devisions  nu  sujet  rie  lu  formation 
de  .commissions  ou  députations 


La  première  initiative  de  la  création  des  députations  aux- 
quelles incomba  une  si  lourde  tâche  dans  le  concile  du  Vati- 
can, revient  tout  entière  au  I)1'  Charles -Joseph  Hefelé, 
auteur  de  l'histoire  des  conciles,  professeur  d'histoire  ecclé- 
siastique à  Tubingue,  et   plus  tard  évêqu'e  de  Rottenbourg. 

Dans  un  Votum  qu'il  composa  (i)  comme  eonsultenr  de  la 
Congrégation  directrice,  sur  la  meilleure  méthode  à  suivre 
dans  les  délibérations  des  congrégations  générales,  il  proposa 
de  former  des  commissions  particulières  pour  discuter  les 
questions  avant  qu'elles  ne  fussent  présentées  à  la  congréga- 
tion générale.  On  ne  peut,  dit  Hefelé,  s'attendre  à  ce  que  de 
grandes  assemblées  (pii  renferment  dans  leur  sein  des  membres 
représentant  les  opinions  les  plus  diverses, prennent  des  déci- 
sions sages  et  promptes,  si  les  projets  soumis  à  leur  examen 
n'ont  été  préparés  d'avance  par  une  commission  peu  nom- 
breuse. «  La  tâche  de  cette  commission  particulière,  con- 
tinuc-t-il,  est  d'éclairer  sur  toutes  ses  faces  la  matière  pro- 
posée, de  l'examiner,  de  l'approfondir,  de  grouper  avec  soin 
toutes  les  raisons  pour  ou  contre,  de  les  examiner  et  de  les 
peser,  de  découvrir  et  de  rechercher  les  conséquences,  c'est  - 


il)  C.  V.  1087 c.  sqq. 

[  MK] 


482  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

à-dire  les  résultats  bons  et  mauvais  que  produirait  l'adoption 
du  projet,  de  recommander  à  la  congrégation  générale  ce  qui 
lui  semble  le  meilleur,  et  d'exposer  aux  Pères  avec  autant  de 
sincérité  que  de  prudence  si  le  projet  doit  être  adopte  en 
entier  ou  en  partie  seulement, s'il  faut  y  ajouter  ou  en  retran- 
cher quelque  chose,  ou  même  s'il  doit  être  entièrement 
refondu.  En  même  temps,  elle  proposera  sous  une  forme 
claire  et  précise,  et  pour  en  être  ultérieurement  délibéré,  les 
principales  lignes  du  décret  à  rendre  (r)  ». 

Le  D1'  Hefelé  démontre,  d'après  l'histoire  des  conciles,que 
dés  le  premier  concile  général  de  Xicée,et  —  les  preuves  en 
sont  plus  péremptoires  encore  —  au  quatrième  grand  concile, 
celui  de  Chalcédoine,  de  semblables  commissions  avaient  été 
créées.  11  les  retrouve  dans  les  conciles  d'Occident.  Au  con- 
cile de  Trente,  il  y  eut  pour  la  préparation  des  matières  a 
discuter  trois  différentes  sortes  d'assemblées  délibérantes  : 
La  première  fut  celle  des  theologi  minores  :  elle  discutait  (i>) 
en  présence  des  présidents  de  concile  et  des  Pères  qui 
voulaient  y  assister,  avant  qu'elles  ne  vinssent  devant  la 
congrégation  générale,  les  matières  de  loi  qu'on  allait  y 
traiter.  Venaient  ensuite  des  commissions  particulières  com- 
posées d'environ  dix  Pères  du  concile;  elles  étaient  insti- 
tuées par  les  présidents  et  avaient  pour  mission,  après  qu'une 
matière  avait  été  longuement  discutée,  de  formuler  le  décret 
d'après  les  vues  exposées  dans  les  congrégations  générales. 
Il  y  avait  en  dernier  lieu  les  commissions  formées  de  Pères 
en  nombre  plus  considérable  [Congregationes   Praslatorum 


(1)  Hefele,  Vo/u/h,  Pars  II,  §5.  -   C.  V.  1090d. 

(2)  Les  theologi  minores  turent  ainsi  nommés  pour  les  distinguer  des  Prélats 
et  Pères  du  concile  jouissant  du  droit  de  vote.  Ils  avaient  été  envoyés  à  Trente 
par  le  pape  ou  les  princes  chrétiens,  ou  encore  amenés  avec  eux  par  les évê- 
ques  pour  être  leurs  consulteurs.  On  notait  les  avis  qu'ils  émettaient  et  on  les 
proposait  aux  Pères  dans  la  Congrégation  générale.  —  Cf.  Metodo  osservato  nella 
celebrazione  del  Conciiio  di  Trento...  yiusta  la  namrJone  di  Angelo  Massarelli. 
segretario  di  dello  Conciiio.  —  Ceccom,  U.c.  cit.,  vol.  I.  Doc.  LV,  s  G.  —  CL  C-  V. 
1102  b.  —  CL  Hefele,  Ioc.  cit.,  §  10.  —  C.    V.  1095  c.  sqq. 

[402-  i  q 


LES    DEPUTATIONS    CONCILIAIRES  483 

Theologorum  ou  Canonistarum)  pour  les  questions  présen- 
tant plus  d'importance  ou  de  difficulté  (i). 

La  Congrégation  directrice  avait  déjà  décidé  les  24  et 
3i  janvier  1869  qu'il  n'y  aurait  point  au  concile  du  Vatican 
de  délibérations  «les  theologi  minores,  parce  que  les  matières 
à  proposer  au  concile  pour  les  congrégations  générales 
Seraient  déjà  préparées  à  l'avance  par  les  commissions 
convoquées  à  Rome.  Le  D1'  Hefelé  donne  à  cette  décision  sa 
pleine  approbation  (2).  Il  préfère,  pour  que  la  délibération 
sur  les  matières  du  concile  soit  plus  féconde,  et  dans  un 
cercle  plus  restreint,  qu'on  choisisse  des  députations  parmi 
les  Pères  eux-mêmes.  Le  nombre  de  ces  députations  corres- 
pondra aux  différentes  catégories  de  matières  qui  vien- 
dront en  discussion;  il  égalera  à  peu  près  celui  des  commis- 
sions préparatoires  (3).//  Le  nombre  des  membres  de  chaque 
députation  doit  être  fixé  par  le  pape,  de  telle  sorte  pourtant, 
qu'il  puisse  dans  la  suite  être  augmente  par  la  congrégation 
générale  si  l'expérience1  en  montrait  l'insuffisance.  En 
attendant,  le  D1'  Hefelé  propose  de  désigner  pour  cha- 
que commission  douze  Pères  choisis  par  la  Congrégation 
générale;  ainsi,  à  Trente,  ils  avaient  été  proposés  par 
les  légats  et  élus  par  le  concile.  Chacun  d'eux,  comme  il 
est  naturel,  se  choisira  lui-même  son  conseiller.  On  devrait 
en  outre  les  prendre  parmi  les  Pères  du  concile  de  telle 
sorte  «pie  chaque  grande  nation  soit  représentée  dans  la 
commission  par  quelqu'un  de  ses  prélats.  Le  pape  est  prié 
de  prescrire  expressément  cette  clause  qui  contribuerait  à 
calmer  les  esprits,  ferait  taire  les  plaintes  et  permettrait  de 
Recouvrir  les  besoins  de  chaque   nation. 

Il  va  de  soi  que  le  président  de  toutes  les  congrégations 
conciliaires  est  celui   même  du  concile.   Xul   ne  peut  aussi 


(1)  Loc.  cit.,  §6.  —  G.  V.  1093  b.  sqq. 

(2)  Loc.  cit.,  §10.  C.  V.  1096  b. 

(3)  Hekkle,  Votum,  loc.  cit.,  s  7.  —  C.  V.  1094  c. 

[403-4  14, 


ÎSi  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

bien  que  lui,  embrasser  d'une  vue  d'ensemble  la  totalité  des 
travaux,  pénétrer  leur  enchaînement  si  complexe,  pourvoir 
au  bien  général,  ordonner  et  prescrire  en  toutes  choses  le 
nécessaire.  De  la  sorte  ce  qui  serait  de  la  plus  grande 
utilité  pour  les  travaux  du  concile,  serait  encore  parfaite- 
ment fondé  en  droit.  Le  premier  président  est  bien  le  pape 
lui  même;  mais  comnie  il  ne  peut  en  personne  se  charger  de 
tous  les  travaux  d'un  président  effectif,  il  devra  nommer 
pour  chaque  commission,  un  président  qui  le  remplace  (i). 

Le  projet  du  I)1'  Hefelé,  déposé  en  mars  1869,  vint  en  déli- 
bération le  4  avril,  à  la  séance  de  la  Commission  centrale. 
Celle-ci  examina  tout  spécialement  la  question  des  dépu- 
tations  et  la  manière  de  les  composer.  Ce  jour-là,  on 
n'obtint  aucun  résultat;  et  pour  aboutir,  dans  la  séance  sui- 
vante, à  des  résolutions  précises,  on  pria  après  mûre  réfle- 
xion le  cardinal  Capalti,  de  rédiger  un  court  questionnaire 
(dubbi  ,  sur  le  sujet  traité  par  le  D1  Hefelé.  Ce  question- 
naire (2/  fut  envoyé  a  chaque  membre  de  la  Congrégation 
et  discuté  dans  la  séance  du  14  avril. 

La  première  question  demandait  s'il  faudrait  former  des 
commissions  ou  députations  spéciales  pour  l'étude  prépa- 
ratoire des  matières  à  traiterai!  concile  et  pour  la  rédaction 
des  canons  et  décrets  :  //  la  réponse  fut  négative.  La  raison 
était  que  ce  travail  avait  été  déjà  entrepris  avant  le  concile 
parles  commissions  de  théologiens.  Lu  réponse  à  la  seconde 
question,  il  fut  décide  que  les  canons  et  décrets  à  examiner 
seraient  présentes  directement  a  la  congrégation  générale, 
mais  que  si  une  grande  difficulté  venait  à  surgir, le  président 
les  renverrait  à  une  commission  que  le  concile  instituerait 
sur   le    champ,    pour    les    examiner    et    faire     un    rapport. 


(i)Loc.  cit.  s  s,  9.  -  C.  V.  1094  d.  sqq. 
2   '  .  V.  1100  c.  sqcj. 

(3)  Voir  la  lettre  du  secrétaire  de  la  Commission  centrale  au  cardinal  île 
ich,  du  11  avril  1869.  —  Supplément  au  procès-verbal  du  i  avril  1869. 

H I  i-  4051 


LES    DEPUTATIONS    CONCILIAIRES  485 

D'après  cela,  ce  n'était  point  dès  le  début  du  concile  qu'on 
instituerait  des  députations  permanentes,  mais  il  faudrait 
les  tonner  au  fur  et  à  mesure  que  des  difficultés  surgiraient. 

Ainsi  se  trouvait  tranchée  la  troisième  question  demandant 
combien  il  faudrait  créer  de  commissions  spéciales  ou  de 
députât  ions. 

Au  sujet  de  la  méthode  à  suivre  dans  la  composition 
des  députations  —  c'était  l'objet  de  la  quatrième  question, 
—  il  fut  résolu  que  chaque  t'ois  qu'elle  aurait  à  for- 
mer une  députation,  la  congrégation  générale  fixerait  le 
nombre  de  ses  membres,  et  que  l'élection  se  ferait  par  bulle- 
tins de  vote,  à  moins  que  les  Pères  n'en  décident  autrement. 
Quant  à  la  présidence  de  ces  députations,  il  fut  réglé  qu'elle 
serait  confiée  à  un  des  présidents  des  congrégations  géné- 
rales. La  réponse  aux  sixième  et  septième  questions  concer- 
nant le  secrétaire  et  s'il  y  avait  lieu  les  consulteurs  des 
députations,  autorisait  le  président  à  prendre  comme  auxi- 
liaires des  théologiens  ou  des  canonistes  pontificaux  et  à  se 
choisir  aussi  parmi  eux  un  secrétaire.  On  ne  voulut  rien 
fixer  relativement  à  la  marche  des  discussions  au  sein  de  la 
députation;  il  fut  seulement  décidé  que,  après  chacun  de  ses 
travaux,  il  serait  fait  un  rapport  sur  les  débats  devant  la 
congrégation  générale,  et  que  ce  rapport  serait  distribué 
imprimé  aux  Pères. 

Telles  sont  les  principales  dispositions  prises  par  la  Con- 
grégation directrice,  le  14  avril,  au  sujet  des  députations. 
Mais  plus  tard,  dans  sa  séance  du  18  juillet,  elle  modifia  ses 
décisions  précédentes  sur  des  points  essentiels,  et  cette  fois 
elle  se  rapprocha  davantage  du  projet  Hefelé. 

Dans  cette  séance  on  examina  de  nouveau  s'il  faudrait  for- 
mer des  députations  seulement  au  fur  et  à  mesure  des 
besoins  que  révéleraient  les  discussions,  ou  bien  s'il  ne  vau- 
drait pas  mieux,  dès  le  début,  établir  des  députations  perma- 
nentes pour  toute  la  durée  du  concile.   Déjà  le  22  mai  en 

3i 
|405] 


486  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

entendant  la  lecture  du  procès  verbal,  un  cardinal  (i), 
absent  lors  de  la  séance  précédente  (14  avril),  s'était 
prononcé  avec  énergie  contre  la  décision  prise  ce  jour  là  par 
la  Congrégation  de  ne  former  de  députations  que  suivant  la 
circonstance.  //  Pourtant  ses  raisons  ne  furent  point  com- 
prises alors  et  dans  cette  séance  du  18  juillet  seulement  on 
en  saisit  la  valeur.  On  reconnut  la  difficulté  de  la  tâche 
qui  incomberait  aux  présidents  si,  comme  le  voulait  la 
première  décision,  ils  avaient  à  juger  de  l'opportunité  ou 
de  la  nécessité  de  créer  une  députation.  On  réfléchit 
ensuite  qu'il  serait  difficile  de  déterminer,  chaque  fois  qu'il 
y  aurait  à  former  une  députation,  quels  Pères  devraient 
être  choisis  et  en  quel  nombre.  Et  quel  temps  aussi  on 
perdrait  à  élire  les  membres  des  députations  et  à  dépouiller 
les  votes  d'un  si  grand  nombre  de  Pères.  Enfin  l'on  lit 
ressortir  qu'il  faudrait  vraisemblablement  recourir  très 
souvent  à  la  formation  de  députations  :  on  y  serait  con- 
traint sinon  peut-être  par  le  fond  même  des  questions 
débattues,  du  moins  par  leur  forme  qui  souvent  cause  plus 
d'embarras  que  le  fond.  Pour  ces  motifs  on  modifia  la  déci- 
sion prise  précédemment. 

Mais  voici  que  les  autres  questions  se  posèrent  à  nouveau  : 
Combien  faudrait-il  de  députations  ?  Combien  celles-ci 
auraient-elles  démembres?  Qui  devait  les  élire? 

On  se  prononça  pour  la  formation  de  quatre  députations  : 
une  pour  le  dogme,  une  autre  pour  la  discipline,  une  troi- 
sième pour  les  affaires  des  Eglises  Orientales,  la  quatrième 
enfin,  pour  les  Ordres  religieux. 

De  plus,  chaque  députation  serait  composée  de  vingt- 
quatre  membres,  dont  seize  élus  par  les  Pères  et  huit  par  le 


(1)  Vraisemblablement  le  cardinal  deReisach.  Cette  identification  ne  ressort 
pas,  il  est  vrai,  du  procès-verbal,  mais  l'on  trouve  aux  archives  un  long  exposé 
de  motifs  démontrant  qu'il  est  nécessaire  de  modifier  le  décret  du  14  avril  :  or 
c'est  le  cardinal  de  Reisach  qui  composa  et  signa  cette  pièce. 

[405-406] 


LES    DEPUTATIONS    CONCILIAIRES  487 

pape,  comme  il  avait  été  fait  dans  une  occasion  semblable  au 
dernier  concile  de  Latran. 

Une  autre  question,  déjà  tranchée  précédemment,  elle 
aussi,  revint  encore  en  discussion  :  faudrait-il  faire  passer 
d'abord  par  l'examen  des  députations  toutes  les  matières  à 
proposerai!  concile?  La  réponse  resta  négative.  Les  observa- 
tions laites  an  cours  du  concile  obligèrent  plus  tard  le  Saint- 
Père,  comme  nous  le  verrons,  à  modifier  cette  décision  sur 
certains  points. 

Déjà  quand  il  s'agit  de  donner  au  règlement  sa  rédaction 
définitive,  le  Pape1  décida  que  la  congrégation  générale  élirait 
non  pas  seulement  les  deux  tiers,  mais  la  totalité  des  membres 
des  députations  (i). 


— î- 


(1)  Audience  du  secrétaire  de  la  Congrégation  directrice,  2  novembre.  —  Cf. 
Procès-verbal,  d'après  la  séance  du  29  octobre  1869. 

[406-407J 


CHAPITRE  III. 

Délibérations  et  décrets  sur  les  projets  à  présenter,  sur  la 
forme  dans  laquelle  ils  doivent  l'être  à  la  Congrégation 
générale,  et  sur   la  marche   des  délibérations. 

Avant  tout,  il  fallait  déterminer  si  le  droit  de  proposer  au 
concile  des  matières  à  discuter  ou  des  décisions  à  prendre, 
revenait  au  pape  seul  ou  s'il  serait  accordé  aussi  aux 
evêques. 

Dans  un  mémoire,  qu'il  rédigea  sur  cette  question  au  nom 
de  la  Commission  centrale,  le  consulteur  Sanguineti,  S.  J., 
exposa  la  marche  à  suivre  pour  le  règlement  de  cette 
question  (i). 

La  Commission  centrale  fit  du  droit  de  proposition  l'objet 
de  ses  discussions  à  la  séance  du  28  décembre  1868.  Elle  dis- 
tingua avec  Sanguineti  entre  une  proposition  directe  et  for- 
melle, en  vertu  de  laquelle  l'autorité  soumet  à  l'examen  des 
Pères  réunis  au  concile  des  points  de  doctrine  ou  de  disci- 
pline, et  une  proposition  indirecte  dans  laquelle  les  prélats, 
agissant  individuellement,  demandent  en  due  forme  au 
Saint-Père  ou  aux  présidents  tenant  sa  place,  de  soumettre 
aux  délibérations  de  l'assemblée  une  matière  qui  leur  sem- 
blerait digne  de  l'examen  du  concile.  Les  cardinaux  jugèrent 
à  l'unanimité  que  seuls  le  pape  et  les  présidents  chargés  de 


il)  C.  V.  1077  c  sqq. 

L4ÛS] 


490  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

la  direction  du  concile  pouvaient  faire  des  propositions  du 
premier  genre.  Les  autres  peuvent  être  laites  par  tous  les 
membres  du  concile.  La  Congrégation  estime  que  le  Pape 
fera  bien  de  confier  le  soin  d'examiner  les  propositions  faites 
par  les  Pères  à  une  commission  formée  de  cardinaux  et 
d'évèques,qui  lui  ferait  savoir  ensuite  si  elle  est  d'avis  de  les 
accepter.//  On  pria  le  cardinal  Capalti  de  rédiger  la  formule 
d'un  décret  relatif  au  droit  de  proposition;  le  Saint-Père,  au 
cas  où  il  l'approuverait,  pourrait  ainsi  publier  ce  décret  en 
temps  opportun. 

A  la  séance  suivante,  10  janvier  1869,  la  Congrégation 
revint  encore  sur  ce  sujet;  on  y  agita  cette  question  :  appar- 
tiendra-t-il  au  concile  lui-même,  ou  ce  qui  serait  mieux  au 
pape,  de  choisir  dans  les  différentes  nations  les  cardinaux 
et  les  évêques  chargés  d'examiner  les  propositions  émanant 
des  Pères.  La  Congrégation  maintint  sa  décision  première  : 
le  pape  fera  cette  nomination. 

Le  Dr  Hefele,  dans  le  mémoire  dont  nous  avons  déjà 
parlé  (i),  traite,  lui  aussi,  du  droit  de  proposition.  Il  met  les 
Pères  en  garde  contre  le  danger  qu'il  y  aurait  à  différer  jus- 
qu'au moment  du  concile  les  discussions  relatives  au  droit  de 
proposition.  Ce  sont  elles  qui,  au  concile  de  Trente,  ont 
provoqué  de  grandes  pertes  de  temps  et  d'amères  conten- 
tions. Pas  un  de  ceux,  dit-il,  qui  connaissent  les  diseussions 
soulevées  a  ce  sujet  dans  le  concile  de  Trente,  ne  niera  que 
ce  ne  soit  le  droit  exclusif  du  pape  de  proposer  au  concile  des 
décrets  contribuant  au  bien  général  de  l'Eglise  Cependant, 
le  I)1  Ilefelé  veut  aussi  qu'on  reconnaisse  aux  évêques  uni' 
sorte  de  droit  de  proposition.  Il  peut  se  faire,  en  effet,  que 
dans  les  matières  proposées  par  lui,  le  pape  ait  omis  l'un  ou 
l'autre  point  réclamé  par  les  besoins  de  certaines  provinces 
ecclésiastiques   et    à    ce  titre    très  cher   au   cœur    de    leurs 


(1)  Pars  I,  §2.  -  C.  V.  1089a    sqq. 

[408-4011] 


LE    DROIT    DE    PROPOSITION  491 

évêques.  Pour  ce  motif,  il  ne  faut  pus  leur  enlever  l'occasion 

de  suppléer  à.  cette  lacune  en  toute  franchise  et  liberté.  Il 
appuya  son  opinion  sur  le  Ve  concile  de  Latran  et  sur 
le  concile  de  Trente.  Toutefois,  il  veut  clés  limites  au  droit 
de  proposition  accordé  aux  évoques.  «  Car,  il  ne  doit  arriver 
en  aucune  façon  que  les  évêques,  pris  individuellement,  pré- 
sentent à  la  congrégation  générale,  directement  et  sans  dis- 
tinction, autant  de  propositions  qu'ils  le  veulent.  Ainsi,  tout 
ordre  serait  trouble  dans  les  délibérations,  la  porte  grande 
ouverte  à  la  témérité  des  esprits,  d'innombrables  articles 
superflus  seraient  proposés,  beaucoup  de  différends  soulevés 
et,  toutes  choses  se  prolongeant  indéfiniment,  les  séances 
n'auraient  point  de  fin.  »  En  conséquence,  le  D1'  Ilefelé  pro- 
pose, lui  aussi,  d'établir  une  commission  composée  de  mem- 
bres du  concile,  à  l'examen  de  laquelle  les  Pères  soumet- 
traient leurs  propositions./  Le  pape  jugerait  ensuite,  d'après 
le  rapport  de  la  commission,  si  ces  propositions  doivent  ou 
non  être  présentées  a  la  congrégation  générale.  Pour  la  nomi- 
nation des  membres  de  la  commission,  le  Dr  Hefelé  tient  pour 
un  moyen  terme.  Le  pape  en  nommera  une  partie,  le  concile 
choisira  l'autre.  Le  président  doit  être  élu  par  le  pape. 

Nous  avons  cru  devoir  faire  connaître  au  lecteur  le  juge- 
ment porté  sur  la  question  présente  par  un  homme  qui  pos- 
sédait si  supérieurement  l'histoire  des  conciles.  Et  cependant 
le  Votiim  du  D1  Hefelé  fut  presque  sans  influence  sur  les 
déterminations  de  la  Commission  centrale.  Il  ne  fut  complète- 
ment terminé  en  effet,  qu'au  mois  de  mars  1869,  alors  que 
dès  la  séance  du  17  janvier,  lecture  publique  avait  été  faite  de 
la  formule  de  décret  pontifical  rédigée  par  le  cardinal  Capalti 
sur  le  droit  île  proposition.  Depuis  ce  jour  la  Congrégation 
ne   s'occupa  plus  de   la  question  (1).  Le  décret  du   cardinal 


li  Le  D'  Hhjfei.é  avait  cependant  exposé  auparavant  son  opinion  dans  une 
critique  du  Volum  du  consulteur  Guleottt,  comme  nous  le  montrerons  dans  le 
tome  II,  en  analysant  la  constitution  Multipliées  inler. 

[409410] 


492  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1     VATICAN 

Capalti  reçut  l'approbation  du  pape  et  nous  le  retrouvons  en 
substance  tout  entier  dans  les  lettres  apostolique  Multipliées 
inter  par  lesquelles  le  pape  fixe  le  règlement  du  concile. 
D'après  ce  document  le  pape  possède  purement  et  simple- 
ment le  droit  de  proposition.  On  reconnaît  aussi  un  droit 
analogue  aux  èvèques,  mais  avec  cette  clause  que  leurs  pro- 
positions, avant  de  parvenir  à  la  congrégation  générale, 
seront  examinées  par  une  commission  composée  par  le  pape 
de  cardinaux  et  d'évêqjaes;  sur  le  rapport  de  cette  dernière, 
le  pape  les  admettra  ou  les  rejettera. 

Au  sujet  de  l'ordre  à  observer  dans  le  concile  parmi  les 
matières  proposées,  la  Commission  centrale  décida  le  .'!i  jan- 
vier 1869  qu'on  traiterait  en  même  temps  les  matières  rela- 
tives à  la  foi  et  à  la  discipline.  Mais  le  premier  objet  des 
délibérations  devra  être  un  projet  concernant  les  matières 
de  foi.  Cette  décision  concorde  avec  une  prescription  de  la 
constitution  Multipliées  inter  par  laquelle  le  pape  enjoint 
aux  présidents  d'ouvrir  la  série  des  délibérations  par  un 
sujet  relatif  à  la  foi.  Tour  les  délibérations  suivantes,  ils  ont 
la  liberté  du  eboix  entre  les  matières  de  foi  ou  de  discipline  (i) 

Quant  à  la  l'orme  des  décrets,  la  Commision  centrale  avait 
décidé  d'après  l'opinion  du  professeur  Galeotti,  dans  la 
séance  du  17  janvier  1869,  que  le  document  devrait  commen- 
cer ainsi  :  Pius  Episcopns,  servus  servorum  Dei,  sacro  appro- 
bante  Concilie  Les  décrets  des  conciles  précédents,  que  le 
pape  avait  présidés  en  personne,  par  exemple  du  cinquième 
concile  de  Latran,  commençaient  aussi  parées  mots.  Sur  ces 
entrefaites,  le  pape  eut  connaissance  que  telle  ou  telle 
commission  préparatoire  avait  déjà  donné  la  forme  complète 
de  décrets  aux  schémas  préparés  par  elle,  et  que  d'après  la 
décision  mentionnée  plus  haut,  elle  avait  placé  le  nom  du 
pape  en  tùte  de  ces  décrets.  La  chose  lui  déplut.  11  jugea  la 

(1)  G.  V.22a. 

110-411] 


LA    REDACTION    PREALABLE    DES    DECRETS  433 


dignité  du  chef  de  l'Eglise  compromise,  si  les  décrets  étaient 
Soumis  revêtus  de  sa  signature  à  la  discussion  des  évêques. 
C'est  ce  que  nous  apprend  la  séance  de  la  Commission  cen- 
trale du  22  mai  1869,  dans  laquelle  le  cardinal  président 
Patrizi  fit  part  des  observations  du  pape  et  ordonna  la  modi- 
fication de  la  décision  prise.  Alors  s'éleva  une  vive  discus- 
sion sur  la  méthode  de  présenter  au  concile  les  matières  de 
ses  délibérations. 

Que  le  pape  possédât  le  droit  de  proposition  dans  un  con- 
cile présidé  par  lui,  et  que  ce  drbit  fût  inaliénable,  la  Com- 
mission était  unanime  sur  ce  point.  Il  s'agissait  donc  seule- 
ment de  la  manière  dont  il  userait  de  ce  droit.  La  Commission 
fut  d'avis  que  l'autorité  du  Saint-Siège  ne  subirait  aucun 
amoindrissement  du  fait  que  les  canons  et  décrets  vien- 
draient en  discussion  entièrement  rédigés  et  portant  le  nom 
du  pape.  Le  concile  savait  en  effet  que  les  canons  et  décrets 
ainsi  présentés, n'étaient  autre  chose  que  des  travaux  de  com- 
missions chargées  de  préparer  les  matières  des  délibérations. 
11  savait  aussi  que  la  volonté  du  pape  était  qu'ils  fussent 
soumis  en  toute  liberté  à  l'examen  des  évêques,  avec  le  droit 
réservé  au  pape  de  les  confirmer  ou  de  les  rejeter  après  que 
les  évêques  les  auraient  modifiés. 

Un  cardinal  proposa  de  rédiger  une  formule  de  proposition 
pour  les  sujets  de  délibération,  formule  qui  pourrait  être 
employée  pour  tous  les  cas.  La  volonté  du  pape  y  serait  net- 
tement exprimée,  que  tels  et  tels  projets  de  décrets  rédigés 
par  les  commissions  compétentes,  fussent  discutés  par  les 
évêques.  Un  autre  cardinal  ajouta  que  le  pape  pourrait  s'ex- 
pliquer lui-même  à  ce  sujet  dans  une  allocution  à  l'ouverture 
du  concile. 

Toutefois,  au  Cas  où  cette  méthode  ne  conviendrait  point 
au  pape,  on  en  jugeait  deux  autres  possibles  /  :  l'une  consis- 
tait à  rédiger,  il  est  vrai,  les  chapitres  et  décrets,  mais  sans 
formule  d'introduction:  par  la  seconde  on  présenterait  les 

[4111 


49  i  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

sujets  de  délibération  sous  l'orme  de  questions.  Aucune  de 
ces  deux  méthodes  ne  plut  aux  cardinaux.  Un  décret  de  con- 
cile déjà  rédigé,  remarqua  l'un  d'eux,  et  qui  est  mis  en  dis- 
cussion, émane  du  pape,  qu'il  porte  ou  ne  porte  point  son 
nom,  chacun  le  sait.  Les  répugnances  du  Saint-Père  n'en 
persisteraient  pas  moins,  malgré  la  suppression  de  son  nom. 
In  autre  cardinal  parla  contre  la  l'orme  de  questions  à  don- 
ner aux  sujets  de  délibération.  Xe  pas  formuler  les  chapitres 
et  les  décrets,  pensait-il.  c'était  ouvrir  la  porte  à  des  discus- 
sions sans  fin.  Où  il  y  a  plusieurs  têtes  et  plusieurs  vouloirs, 
là  régne  la  diversité  des  opinions  et  des  désirs.  Cela  se  véri- 
fie encore  plus,  quand  l'objet  de  la  délibération  est  proposé 
sans  être  formulé.  La  formule  donne  a  la  pensée,  son  corps, 
sa  solidité,  elle  dirige  les  débats,  qui  sans  elle  flottent  ça  et 
là  sans  but  précis,  comme  un  vaisseau  qui  n'a  plus  de  gou- 
vernail. 

Déjà  le  I>:  Hefelé,  dans  le  mémoire  mentionne  plus  haut  |  i  i 
s'était  prononcé  avec  la  plus  grande  énergie  pour  la  rédac- 
tion préalabledes  décrets  et  il  en  avait  fort  bien  exposé  les 
raisons.  A  l'objection  que  les  décrets  étant  proposes  tout 
rédigés  dicteraient  leur  jugement  aux  Pérès  avant  même 
qu'ils  aient  exprimé  leur  avis,  le  L)!  Hefelé  répond  :  «  Ce 
que  la  commission  particulière  propose  a  la  congrégation 
générale  n'est  encore  en  aucune  façon  le  jugement  de  celle- 
ci,  mais  un  simple  projet,  une  l'orme  précise  d'un  jugement 
qui  ne  sera  prononcé  que  s'il  agrée,  et  il  va  de  soi  que  la  con- 
grégation générale  n'est  nullement  lice  par  cette  forme  pro- 
jetée du  décret  :  elle  peut  la  rejeter  ou  l'adopter,  la  modifier, 
la  raccourcir  ou  l'allonger.  Il  en  est  ainsi,  continue  le 
I)1'  Hefelé,  de  tout  conseiller:  celui-ci  présente  d'ordinaire 
son  avis  à  son  maître,  à  son  roi  ou  a  son  supérieur  ecclésias- 
tique,   sous    la    forme    d'un    décret    à    promulguer;    et    cette 

1    \  oyez  p.  181. 

[412] 


LA  REDACTION  PREALABLE  DES  DECRETS         498 

manière  de  faire,  en  usage  de  nos  jours  dans  tout»'  société 
civile  et  ecclésiastique,  ne  portera  jamais  aucune  atteinte  à 
la  dignité  d'un  supérieur  ». 

Puis  il  t'ait  remarquer  les  avantages  d'une  rédaction 
préalable  des  décrets  :  t<  De  cette  façon,  dit-il,  pourront 
aboutir  des  décrets  qui  s'harmoniseront  parfaitement 
ensemble  et  qu'on  aura  bien  et  mûrement  considérés  dans 
chacune  de  leurs  parties.  Ainsi  les  travaux  pourront  être 
terminés  pins  vite;  /  au  contraire  à  Trente,  on  perdit  un 
temps  considérable,  et  beaucoup  de  séances  de  la  congré- 
gation générale  ne  purent  aboutir  à  une  solution  décisive 
parce  que  les  projets  n'étaient  point  revêtus  de  la  forme 
soigneusement  élaborée  des  décrets  (i)  ». 

Dans  cette  séance  du  22  mai,  la  Commission  centrale 
ne  parvint  point  a  se  mettre  d'accord  pour  décider  quelle 
forme  on  donnerait  aux  questions  qui  seraient  soumises 
à  la  délibération  du  concile.  Aussi,  le  président  proposa- 
t-il  d'adresser  au  pape  la  demande  de  daigner  faire  tenir 
séance  devant  lui;  il  apprendrait  ainsi  à  mieux  connaître 
les  différentes  opinions  en  présence  et  leurs  motifs  ;  ensuite, 
il  trancherait  lui-même  la  question.  Ce  projet  obtint  l'assen- 
timent universel. 

Il  semble  pourtant  que  la  séance  devant  le  pape  n'eut  pas 
lieu:  du  moins,  ne  trouvons-nous  rien  là-dessus  dans  les 
Actes.  Vraisemblablement,  le  pape,  modifiant  sa  première 
manière  de  voir,  adopta  celle  de  la  Commission  centrale. 
Voici  la  résolution  que  nous  lisons  dans  sa  séance  du 
25  novembre  :  «  Afin  de  faire  comprendre  de  la  manière  la 
plus  claire,  aux  Pères  du  concile,  que  les  travaux  préparés 
au  sein  des  commissions  sont,  en  réalité,  dépourvus  de  toute 
approbation  pontificale  et  peuvent  par  suite,  être  librement 
débattus,  il  faudra  présenter  ces  projets  avec  la  déclaration 


(1)  C.  V.  1098  a.  sci q . 

[412-413 


496  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

suivante  :  Schéma  Constitutionis..  ,  quod  Patribus  exami- 
nandum  proponitur.  Et  dans  les  lettres  apostoliques  Multi- 
plices  in  ter,  qui  établissent  le  règlement  du  concile  et  qui, 
pour  le  fond,  se  trouvaient  terminées  des  le  mois  d'août,  le 
pape  dit  au  sujet  de  la  proposition  des  objets  de  délibéra- 
tions :  Volumus  et  mandamus  ut  schemata  deeretorum  et 
canonum  ab  iisdem  viris  (membris  commissionum)  expressa 
et  redacta,  quœ  Nos  huila  Nostra  approbatione  muni  ta,  inté- 
gra intègre  Patrum  cognitioni  reservavîmus,  iisdem Patribus 
in  Congregationem  generalem  collectis  a(t  examen  et  judi- 
cium  subjiciantur  (i). 

La  marche  à  suivre  dans  les  délibérations  conciliaires 
avait  déjà  été  traitée  par  le  consultent'  Galeotti  dans  si  m 
mémoire  déjà  plusieurs  fois  cité  (2).  Il  y  montre  comment  le 
Concile  de  Trente  et,  avec  plus  de  détails  encore,  comment 
le  cinquième  Concile  de  Latran  avaient  délibéré  sur  les 
matières  proposées.  Son  mémoire  fut  examiné  dans  la  séance 
du  24  janvier  1869.  Aucun  de  ces  deux  systèmes  de  travail 
ne  convint  aux  cardinaux  et  l'on  tint  pour  plus  avantageux 
d'appliquer  au  concile  la  méthode  des  parlements  moder- 
nes .  Cependant,  la  discussion  fut  longue  et  finalement 
aucune  décision  ferme  ne  fut  prise;  mais  on  chargea  le 
consulteur  Hefelé  de  rédiger  un  rapport  sur  la  question. 

Voici  la  méthode  proposée  par  le  Dr  Hefelé  (3).  Au 
début  de  la  séance  on  lira,  pour  le  discuter,  le  décret  sorti 
de  la  commission  ;  s'il  est  trop  long  ou  s'il  peut  être  suppose 
connu  des  Pères  à  l'aide  des  exemplaires  qui  leur  auront  été 
distribués,  un  membre  de  la  commission  dans  laquelle  fut 
rédigé  le  schéma  commence'  par  le  recommander  à  l'atten- 
tion de  la  congrégation  et,  s,;l  y  a  lieu,  par   lui  en  exposer 


(i)  Ibid.  22  b. 
(2    §  5.,  p.  70-79. 
(3)  C.  V.  1098c.  sqq. 


[413-4MJ 


METHODE    DES    DELIBERATIONS    CONCILIAIRES  497 

plus  clairement  le  contenu.  Le  président  de  la  congrégation 
générale  devra  donc  toujours  donner  la  parole  en  premier 
lieu,  au  membre  de  la  commission.  Ce  dernier  sera  suivi  a  la 
tribune  par  l'orateur  qui  aurait  des  raisons  à  apporter  contre 
le  schéma,  raisons  qu'il  aura  dû  présenter  à  la  commission 
au  moins  un  jour  à  l'avance.  S'il  y  a  plusieurs  opposants 
pour  un  schéma,  chacun  parlera  à  sou  tour  suivant  l'ordre  de 
préséance.  Le  président  de  la  congrégation  générale,  qui  les 
appelle  a  la  tribune  à  tour  de  rôle,  doit  veiller  à  ce  que  les 
orateurs  ne  s'écartent  point  de  leur  sujet  et  qu'ils  ne  fassent 
entendre  aucun  propos  désobligeant.  Il  interrompra  donc 
l'orateur  en  cas  de  besoin  et  le  rappellera  à  la  modestie  ou  à 
la  brièveté. 

Au  président  de  juges  quand  la  discussion  est  épuisée  et 
la  matière  suffisamment  éclaircie;  il  doit  alors  mettre  fin 
aux  débats  et  faire  voter  suivant  l'ordre  des  sièges  sur  les 
articles  qui  doivent  être  mis  aux  voix. 

Si  le  texte  du  schéma  de  la  commission  est  universelle- 
ment approuvé  par  la  congrégation  générale,  il  sera  aussitôt 
converti  en  décret  du  concile;  Y  a-t-il  une  légère  modifica- 
tion à  introduire  dans  le  schéma  présenté,  le  représentant  de 
la  commission  l'accomplira  immédiatement  sous  la  direction 
du  président.  Si.  après  le  rejet  du  schéma  de  la  commission, 
on  en  adopte  un  autre,  proposé  par  un  des  autres  Pères,  ce 
dernier  devra,  de  concert  avec  le  représentant  de  la  commis- 
sion et  sous  la  direction  du  président,  rédiger  le  décret. 
Enfin,  au  cas  où  ni  le  schéma  de  la  commission  ni  aucun 
antre  proposé  à  la  congrégation  n'est  approuvé  par  elle,  la 
commission  en  élaborera  un  nouveau  qui  réponde  au  désir 
et  à  la  manière  de  voir  des  Pères. 

Il  sera  très  utile,  pour  la  prompte  expédition  des  travaux 
conciliaires,  de  ne  donner  qu'une  fois  la  parole  a  chaque 
membre  du  concile  dans  la  congrégation  générale:  /  seuls, 
pourront  plusieurs  fois  monter  à  la  tribune  les  représentants 

[414] 


498  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

de  la  commission  compétente  et  les  Pérès  opposés  au  projet 
qui  auront  exprimé  leur  avis  par  écrit. 

(  'c  qui  aura  été  décidé  dans  la  congrégation  générale 
sera,  après  avoir  eu  l'approbation  du   Saint-Père,  promulgue 

en  session  solennelle. 

Le  mémoire  du  D1"  Hefelé  fut  examiné  par  la  Commission 
centrale  dans  les  séances  des  \  et  14  avril.  Dans  la  dernière 
on  prit  sur  la  marche  à  suivre  dans  les  débats  conciliaires 
les  décisions  suivantes  : 

Les  canons  et  décrets  rédigés  par  la  commission  seronl 
imprimés  et  envoyés  à  tous  les  Pères,  quelques  jours  avant 
la  congrégation  générale  où  ils  devront  être  discutés. 

Si  l'un  des  Pères,  rejetant  tout  le  schéma  ou  l'un  de  ses 
points  principaux,  veut  en  faire  le  sujet  d'un  discours  à  la 
congrégation  générale,  il  devra  en  informer  au  moins  trois 
jours  à  l'avance  le  président  de  la  congrégation  générale. 
Il  n'est  pas  tenu  de  déposer  par  écrit  ses  difficultés. 

Si  la  diversité  d'opinions  est  trop  grande  pour  que  Ton 
puisse  arriver  à  un  accord  dans  la  congrégation  générale,  le 
schéma  est  renvoyé  à  une  députation  de  Pères  qui  seront 
élus  par  la  congrégation  générale.  Dans  le  cas  où  celle-ci 
chargerait  les  présidents  de  nommer  les  membres  de  la 
députation, il  sera  fait  ainsi.  Autrement,  c'est  la  majorité  qui 
décidera.  L'élection  se  fera  par  bulletin  de  vote.  La  congré- 
gation générale  fixera  chaque  fois  le  nombre  des  membres 
de  la  députation. 

Xous  avons  déjà  dit  au  chapitre  précédent  que  le  18  juillet, 
ce  décret  fut  modifié  partiellement,  et  que,  pour  de  très 
graves  motifs,  on  décida  d'élire,  dès  le  commencement  du 
concile  et  pour  toute  sa  durée,  des  députations  permanentes, 
au  nombre  de  quatre.  Dans  la  séance  du  18  juillet,  on  émit 
aussi  l'avis  que  c'était  trop  demander  à  ceux  qui  voulaient 
parler  à  la  congrégation  générale  (pie  de  les  obliger  à  pré- 

[415J 


LE    SCRUTIN    AUX    ASSEMBLEES    CONCILIAIRES  49!) 

venir  le  président  trois  jours  à  l'avance.  Bien  plus,  il  fallait 
s'attendre  à  ce  que  les  discours  de  certains  orateurs  fissent 
naître  chez  d'autres  le  désir  d'exprimer  leur  opinion  sur  le 
même  sujet.  On  décida  donc  qu'il  suffirait  aux  orateurs 
d'annoncer  un  jour  a  l'avance  leur  intention  de  prendre  la 
parole.  // 

D'après  la  décision  de  la  Commission  centrale,  en  date  du 
25  juillet  1869,  le  scrutin  dans  la  congrégation  générale  se 
fait  de  vive  voix  (1);  On  autorise  pourtant  la  lecture  d'un 
vote  écrit.  En  vertu  d'un  décret  de  la  Commission  centrale 
du  21  mars,  ceux  que  la  maladie  empêcherait  de  prendre  part 
au  scrutin  n'ont  point  le  droit  d'envoyer  leur  vote  écrit. 
Cette  dernière  autorisation  ne  pourrait  être  accordée,  est-il 
dit,  qu'en  des  cas  spéciaux  et  extraordinaires,  par  exemple 
lorsqu'il  y  aurait  un  intérêt  particulier  à  connaître  le  juge- 
ment de  l'évèque  malade,  comme  dans  le  cas  où  il  serait  con- 
sidéré pour  sa  remarquable  érudition,  dans  le  cas  surtout  où 
il  aurait  pris  part  aux  diseussions  de  la  congrégation 
générale  (2). 

Les  sessions  publiques  sont  présidées  par  le  pape  en 
personne.  Il  est  d'abord  donné  lecture  des  décrets  ou  canons 
rédigés  définitivement  quant  au  fond  et  quant  à  la  forme 
dans  la  congrégation  générale;  puis,  le  scrutin  est  ouvert. 
Chaque  Père  donne  son  suffrage  de  vive  voix  en  ces  termes  : 
placet  ou  non  placet,  sans  aucune  addition.  On  ne  doit 
non  plus  rien    ajouter   d'écrit,    contrairement   à    ce  que  le 


(1)  Le  mode  de  suffrage  dans  la  congrégation  générale  ne  semble  pas  avoir  été 
précisé  davantage  avant  le  Concile.  Plus  tard  seulement  il  tut  établi  par  le  décret 
du  20  lévrier  1870,  que  les  votes  portant  sur  les  projets  d'amendements  et  sur  les 
parties  de  schémas  se  feraient  par  assis  et  levé,  avec  la  contre-épreuve  ;  et  pour 
les  votes  relatifs  à  l'ensemble  du  schéma,  il  faudrait  les  exprimer  par  Placet 
ou  Non  placel;  il  était  permis  d'ajouter  une  condition  au  Placet  (C.  V.  69b.) 

(2)  La  question  des  absents  est  traitée  au  long  dans  le  mémoire  du  consulteur 
Galeotti,  c.  3,  art.  3,  p. 22  sqq.  —  Au  sujet  des  congrégations  générales,  voirie 
mémoire  du  P.  Sanguineti.q.  8.,  p.  14  sqq 

[415-41GJ 


oOO  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Concile  de  Trente  autorisait.  Le  pape  ne  donne  pas  son 
suffrage  le  premier, comme  il  a  été  fait  au  cinquième  Concile 
de  Latran;  mais  le  vote  pontifical  suit  tous  les  autres,  pour 
éviter  même  l'apparence  d'une  contrainte  exercée  par  le 
pape  sur  les  évêques.  Ce  scrutin  définitif  des  membres  du 
concile  et  sa  ratification  par  le  pape,  en  session  publique, 
sont  la  promulgation  même  du  décret  conciliaire  (i). 


il)  Voir  plus  haut  p.  406. 


[4i6J 


CHAPITRE  IV. 

Rédaction  d'un  règlement  du  concile. 

Il  est  surprenant  que  nul  règlement  fixe  n'ait  été  établi  par 

les  conciles  antérieurs.  Les  procédés  employés  dans  chacun 
d'eux  ont  varié  sur  bien  des  points.  Dans  les  conciles 
d'Orient,  il  n'existait  aucune  règle  fixe  pour  la  tenue  de 
ces  assemblées,  on  célébrait  les  conciles  comme  la  nature 
des  choses  l'exigeait  11  faut  en  dire  exactement  autant  des 
premiers  conciles  d'Occident.  C'est  au  Concile  de  Constance 
seulement,que  nous  voyons  avant  sou  ouverture  les  Docteurs 
exprimer,  dans  un  mémorandum  à  l'adresse  du  Pape  Jean 
XXIII,  le  désir  que  certaines  règles  soient  adoptées  pour  les 
délibérations;  quand  ces  règles  furent  composées,  le  pape  les 
soumit  à  l'examen  du  concile  (i).  Au  cinquième  Concile  de 
Latran,  le  pape  lui-même  avait  rédigé  à  l'avance  un  règle- 
ment ;  mais  à  la  première  séance  il  demanda  au  concile  si  le 
règlement  lui  agréait  (2).  En  dehors  de  quelques  règles  tradi- 
tionnelles, le  Concile  de  Trente  ne  possédait  aucun  règlement 
fixe,  déterminé  d'avance;  et  dans  les  cas  particuliers  où  ce 
défaut  se  fit  sentir,  le  concile  y  suppléa  par  lui-même  (3). 
Ce     furent    précisément    les    malheureuses     expériences 


(1)  Mansi  XXVII,  534  sq.  —  Cf.  Hefele,  Konziliengeschichte,  VU,  2i. 

(2)  Paroles  du  cardinal  Bilio  à  la  séance  de  la  commission  préparatoire  le 
27  juillet  1869. 

(3)  L'Ordo  celebrandi  concilii  generalis  Tridentini  sub  PauloIIl.JidioIHetPioIV 
sninmis  Pontificibus  observatus  qui  fut  adressé  à  la  commission  préparatoire  du 
Concile  du  Vatican  (publié  par  Gegconi,  loc.  al.  vol.  I,  Doc.  LV)  n'est  pas  un 
règlement  qui  fut  à  l'usage  du  Concile  de  Trente,  mais  un  exposé  rédigé  après 
le  Concile  par  son  secrétaire  Angelo  Massarelli,  de  la  méthode  suivie  dans  les 
travaux  de  ce  Concile. 

[417] 


502  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

faites  au  Concile  de  Trente,  //  qui  déterminèrent  le  plus 
puissamment  la  Commission  préparatoire  du  concile  du 
Vatican  à  dresser,  avant  même  l'ouverture  de  l'auguste 
assemblée,  des  règles  déterminant  sa  manière  d'être  et 
d'agir.  A  Trente,  en  effet,  le  manque  de  règlement  préa- 
lable avait  fait  perdre  beaucoup  de  temps  et  de  peine; 
car  le  concile  avait  dû  tout  d'abord  discuter  et  trancher  des 
questions  de  fort  minime  importance  à  plus  d'un  point  de 
vue.  Aussi  le  D'  Hefelé,  le  savant  et  célèbre  historien 
des  conciles,  lors  de  la  préparation  de  celui  du  Vatican. 
poussa-t-il  avec  énergie,  en  sa  qualité  de  consulteur  de 
la  Congrégation  directrice,  à  l'adoption  de  ces  trois 
points  :  Premièrement,  a  trancher  et  solutionner  par  voie 
d'autorité,  d'une  manière  claire  et  définitive,  dès  avant 
l'ouverture  du  concile,  les  questions  qui  dans  d'autres  con- 
ciles avaient  causé  un  si  grand  nombre  de  querelles,  de 
temporisations,  avec  une  perte  de  temps  si  considérable  ». 
Deuxièmement,  «  faire  préparer  par  des  commissions  spé- 
ciales toutes  les  matières  à  proposer  aux  congrégations 
générales,  avant  qu'elles  ne  fussent  soumises  à  celles-ci  ». 
Troisièmement  enfin,  «  dans  les  congrégations  générales, 
discuter  et  définir,  d'après  les  règles  fixées,  les  matières 
élaborées  et  proposées  par  les  commissions  spéciales  (i)  ». 
Le  Dr  Hefelé  recommande  donc  une  méthode  de  travail  à 
rédiger  avant  le  concile  et  à  fixer  par  voie  d'autorité:  il  ne 
peut  être  mis  en  doute,  ajoute-t-il,  que,  si  elle  répond  bien  à 
son  but,  une  méthode  de  travail  ne  soit  extrêmement  pro- 
fitable à  l'activité  conciliaire. 

Auparavant  déjà,  la  Commission  centrale  avait  décide  de 
rédiger  un  plan  de  règlement  déterminant  le  genre  de  vie  des 
Pères  au  concile  et  l'ordre  à  suivre  dans  leurs  travaux. 
Le  ii  août  1S67  il  est  déjà  question  d'un  semblable  Regola- 

lt  C.  Y.  1087  d.  sq. 

118] 


RÉDACTION    D'UN    REGLEMENT    DU    CONCILE  503 

mento,  et  à  plusieurs  reprises  on  parle  dans  les  séances,de  la 

nécessité  d'un  règlement  fixé  par  écrit  (i).  Ce  fut  pourtant 
le  il  avril  186g  seulement  qu'on  fit  le  premier  pas  dans  cette 
voie,  en  chargeant  les  eousulteurs  Galeotti  et  Sanguineti 
d'ébaucher  le  Regolamento.  A  la  suite  d'une  observation  qui 
fut  faite  à  la  séance  du  22  mai,  le  cardinal  Capalti  commu- 
niqua au  consulteur  Sanguineti,  chargé  de  la  rédaction,  les 
points  que  le  Regolamento  devrait  renfermer.  Bientôt 
Sanguineti  présenta  son  plan,  et  du  i3  juin  jusque  vers  le 
milieu  du  mois  d'août,  l'examen  de  ce  plan  remplit  toutes  les 
séances  de  la  Commission  centrale.  // 

Nous  connaissons  déjà  les  délibérations  de  cette  commis- 
sion sur  les  dispositions  principales  qui  constituent  le  règle- 
ment du  concile.  On  débattit  encore  d'une  façon  spéciale  la 
manière  d'imposer  ce  règlement. 

Dans  la  séance  du  20  juin,  on  avait  soumis  à  un  examen 
plus  minutieux  les  divers  points  du  projet  présenté  par  le 
Père  Sanguineti,  quand  l'attention  des  cardinaux  fut  spécia- 
lement  attirée  sur  les  derniers  mots  de  l'introduction;  en 
voici  la  teneur  :  «  Quamobrem  ea,  quae  sequuntur,  omnino 
in  Concilio  hoc  Vaticano  sancte  servanda,  Apostolica  nostra 
auctoritate,  Sacro  approbante  Concilio  decernimus  ».  C'était 
la  formule  qui  devait,  conformément  à  la  décision  antérieure 
de  la  Congrégation  directrice,  être  employée  pour  les  décrets 
et  les  canons  du  concile.  Ces  mots  se  trouvaient  aussi  dans 
le  décret  par  lequel  Jules  II  prescrivit  l'ordre  à  suivre  dans 
le  cinquième  Concile  de  Latran.  Réflexion  faite,  on  se  dit, 
non  sans  raison,  que  le  Regolamento  serait  publié  par  le 
Saint  Père  avant  le  concile,  dans  le  but  de  fixer  à  l'avance  la 
marche  à  suivre  pour  les  travaux  du  concile.  L'assentiment 
des  Pères  était  donc  impossible,  et,  par  suite,  on  ne  pouvait 


(1)  Procès-verbal  du  15  décembre  1867.  —24  janvier  1869:  Bisogno  gravissimo 
di  un  liegolamenlo  da  sanùonarsi  du  Sua  Santitàper  diriygere  saggiamente  le  opéra  - 
*>ioni  del  fuluro  Concilio. 

[418-419] 


50  i  HISTOIRE    DU    COXCILE    DU    A  ATICAX 

le  demander  pour  le  règlement  comme  on  le  faisait  pour  les 
futurs  décrets  conciliaires;  a  fortiori,  ne  pouvait-on  pas  le 
mentionner.  La  conclusion  fut  qu'il  fallait  effacer  de  l'intro- 
duction les  mots  Sacro  approbante  concilio. 

Mais  dans  la  séance  suivante  du  27  juin,  les  cardinaux 
revinrent  encore  une  fois  sur  ce  sujet.  Le  cardinal  Bilio 
avait,  dans  l'intervalle,  soigneusement  étudié  le  procès- 
verbal  de  l'ouverture  du  cinquième  Concile  de  Latran  :  il 
rapporta  que  le  cardinal  Farnèse,  exerçant  alors  les  fonc- 
tions de  diacre,  avait  donné  lecture  en  présence  du  Pape, des 
règles  à  observer  dans  ce  concile,  et  avait  ensuite  demande 
à  l'assemblée  si  le  texte  plaisait  à  tous.  Alors  la  Congré- 
gation directrice  remit  en  discussion  la  question  qu'elle  avait 
résolue  négativement  dans  la  séance  précédente  :  Faut-il 
introduire  dans  le  schéma  du  règlement  du  concile  les  mots 
Sacro  approbante  concilio,  et  faut-il  proposer  au  Pape  qu'il 
présente  ce  règlement  aux  Pères  du  concile  réunis  dans  la 
première  session,  et  qu'il  leur  demande  s'ils  l'approuvent? 
L'exemple  du  cinquième  Concile  de  Latran,  le  dernier  que  le 
Pape  ait  présidé  en  personne,  faisait  pencher  fortement  vers 
l'affirmative.  Mais  cette  considération  que  quelqu'un  des 
Pères  pourrait  trouver  à  redire  à  une  prescription  du  Rego- 
lamento  et,en  soulevant  des  difficultés  nombreuses,  retarder 
longtemps  les  délibérations,//  la  pensée  même  qu'en  subor- 
donnant le  Kegolamento  à  l'avis  conforme  des  Pères,  on 
remettrait  en  question  tous  les  avantages  assurés  aux  tra- 
vaux conciliaires  par  un  règlement  rédigé  à  l'avance,  cette 
considération,  disons-nous,  détermina  la  Congrégation  à 
maintenir  la  décision  prise  dans  la  précédente  séance  (1). 


(1)  Il  se  trouve  aux  archives  un  fragment  d'une  pièce  ayant  pour  titre  :  Regola- 
mento  del  Concilio  in  générale  et  écrit  de  la  main  de  M"  Giannelli,  secrétaire  de  la 
Commission  centrale;  il  expose  plus  en  détail  les  raisons  qui  déterminèrent  la 
Commission  à  trancher  négativement  la  question  agitée  :  «  Poteva  il  liegolainento 
formar  l'oggetto  di  un  Atto  conciliare  col  proporlo  ai  Padri  ajfinchè  lo  avessero  dis- 
cussoevi  av issero  dato  il  loro   Voto,  e  non  manca  per  avvenlura  taluno,  checiôpre- 

[419-420] 


LE    DROIT    DU    PAPE  50S 

Le  Pape  a-t-il  le  droit  d'imposer  de  sa  propre  autorité  un 
règlement  au  concile  avant  l'ouverture  de  celui-ci?  Cette  ques- 
tion semble  n'avoir  même  pas  été  posée  dans  la  Congré- 
gation. Vraisemblablement  il  ne  vint  même  point  à  l'esprit 
de  ses  membres  qu'un  doute  pourrait  jamais  s'élever  là- 
dessus.  Aussi  bien  ce  droit  est-il  clairement  impliqué  dans  la 
plénitude  de  puissance  dévolue  au  Pape.  Le  Pape,  en  effet,  a 
le  plein  pouvoir  de  gouverner  l'Eglise,  et  par  conséquent, 
celui  de  prendre  pour  lui  le  rôle  d'ordonnateur,  dans  toutes 
les  choses  où  le  divin  Fondateur  de  l'Eglise  n'a  pas  lui-même 
établi  les  règles  nécessaires.  C'est  en  cette  qualité  d'ordon- 
nateur qu'agit  le  pape  quand,  avant  un  concile,  il  trace  les 
règles  que  ce  dernier  devra  observer  (i).  Si  elles  sont  bien 
faites,  elles  ne  peuvent  que  profiter  aux  travaux  de  l'au- 
guste assemblée./:  Sont-elles  mauvaises,  enlèvent-elles,  par 


lenda  e  vi  è  anche  l'esempio  dell'  ulliino  Concilio  laleranense,  in  cui  il  Regolamento  fu 
lelto  in  publica  sessionè  domandando  ?7Placet  ni  Padri  reuniti  in  Concilio.  Si  è  pero 
confideralo,  chequesta  d'scussioneoltre  al  suscitarei  robabilmente  questioni,che  con- 
veniva  evilare.  avrebbe  Iratto  molto  in  lungo  et  consumalo  mollo  tempo,  et  se  ne  aveva 
un  argumenlo  da  vedere,  chelastessa  Congregasione  Direilrice,  composta  di  pochi 
scellissimi  Porporali,  ha  dovulo  appunto  per  la  difficulté  délia  cosa  impiegarvi,  corne 
gia  si  è  detlo,  un  cospicuo  numéro  di  sessioni.  D'altronde  si  è  anche  ponderato,  che  il 
dirilto  di  presiedeve  e  diriggere  liconcilii  spella  incontestabilmente  alla  S.  Sede,  e  cite 
il  futuro  Concilio  sarà  presieduto  dat  S.  Padre  :  si  è  percio  giudicato  nulla  exservi  di 
straordinario  che  Sua  Santitâ,  primo  che  cominci  il  concilio,  fissi  le  norme  ed  il  metodo 
da  serbarsi  nel  concilio  stesso.  —  In  vista  di  tutlo  ciù,  Sua  Santita  si  degnaia  appro- 
vare  il  divisamento  délia  Congrega&ione  Direilrice  e  di  or  dinar  e,  che  il  Hegolamento 
formera  il  soggeltodi  un  a  Apostolica  Lellera  ossia  Brève,  che  verra  publica  la  in  una 
Humione  Prosinodale,cui  si  degnerà  radunare  tutti  H  Padri  prima  delT  apertvra  del 
Concilio,  [acenrto  ad  essi,  se  lo  vorrà,  un  brève  paterno  discorso.  » 

(1)  Hinschius  (Das  Kirchenrecht  der  Katholiken  und  Proleslanten  in  Deutschland, 
III,  <il2)  accorde  que  la  Primauté,  telle  qu'elle  est  exercée  dans  l'Eglise  catho- 
lique, fonde  le  droit  de  dicter  au  Concile  le  règlement  de  ses  travaux.  Cet  auteur 
remarque  en  même  temps  que  la  mesure  prise  par  Pie  IX  n'est  pas  sans  antécé- 
dents analogues.  Déjà  dans  les  Conciles  du  moyen  âge  la  curie  rédigeait  à  elle 
seule  les  schémas  des  canons,  et  les  synodes  étaient  exclus  de  toute  participa- 
tion active  à  la  confection  et  à  la  rédaction  des  matières  proposées  (loc.  cit., 
p.  611).  Hinschius  allègue  une  foule  d'exemples  de  ce  fait  (ibid.  p.  362').  Toute- 
lois,  pour  parvenir  à  ce  résultat,  il  n'est  point  nécessaire  de  partir  comme 
Hinschius  (ibid., p. 612  sq.)  de  cette  idée  fausse  que.d'après  la  doctrine  catholique, 
l'Episcopat  réuni  en  concile  général  n'est  tout  simplement  qu'un  conseil,  un 
sénat  du  Pape.  Un  corps  peut  avoir  un  vrai  pouvoir  législatif  et  judiciaire,  alors 
même  qu'il  reçoit  d'un  autre  les  règles  qui  en  déterminent  l'exercice. 

[420] 


oOG  HISTOIRE    Dl"    CONCILE     OU    VATICAN 

exemple,  au  concile  la  liberté  de  ses  débats  et  de  ses  veto, 
dans  ce  cas,  le  concile  a  évidemment  le  droit  de  protester 
contre  ces  règles  et  d'en  réclamer  la  modification. 

De  ce  que,  dans  les  anciens  conciles,  les  papes  n'ont  pas 
trace  semblables  règles,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  n'avaient  pas 
le  droit  de  le  faire,  mais  seulement  qu'ils  n'ont  point  usé 
d'un  pouvoir  qu'ils  avaient.  Les  funestes  conséquences  qui 
résultèrent  pour  plusieurs  conciles  de  l'absence  d'un  règle- 
ment ferme,  furent  précisément  la  raison  qui  détermina  le 
Pape  et  ses  conseillers  à  prendre  d'avance,  pour  le  Concile 
du  Vatican,  des  dispositions  bien  arrêtées. 

Dans  la  séance1  du  16  août,  la  Congrégation  directrice  se 
demanda  si  elle  proposerait  au  pape  de  publier  le  règlement 
du  concile  sous  forme  de  constitution  papale  dans  une  reu- 
nion présynodale,  ou  bien  dans  la  première  session.  Il  fut 
décidé  que  le  pape  lui-même  trancherait  la  question,  et  le 
cardinal  Capalti  fut  prié  de  lui  faire  un  rapport  sur  cette 
décision.  Ce  l'apport  fut  rédigé  par  écrit  après  la  séance  du 
22  août,  et  remis  au  pape  en  même  temps  que  le  Regolamento. 
Le  Saint-Père  se  prononça  pour  la  promulgation  en  séance 
présynodale.  Le  règlement  du  concile  subit  encore  quelques 
petites  retouches  dans  plusieurs  séances  de  la  Commission 
centrale,  et  fut  enfin  porté  par  le  pape  à  la  connaissance  des 
Pères  dans  la  séance  présynodale  du  2  décembre.  Il  n'est 
autre  que  les  lettres  apostoliques  bien  connues  Multipliées 
in  ter,  sur  lesquelles  nous  aurons  encore  souvent  à  revenir 
dans  la  suite. 


[421] 


CHAPITRK  V. 

Délibérations  et  décrets  sur  lu  profession  de  foi 

imposée  aux  Pères 

et    sur    le    serment    des    officiers    et    des    auxiliaires. 

Dans  un  rapport  (i)  que  lui  demanda  la  Commission  cen- 
trale, M-1'  Tizzaui,  archevêque  de  Xisibe,  donna  son  avis  sur 
la  profession  de  loi  que  les  Pères  avaient  à  faire  au  commen- 
cement du  concile.  La  première  partie  de  ce  mémoire  traite 
des  prières  qui  devaient  être  prescrites  avant  le  concile,  nous 
en  parlerons  plus  loin.  La  seconde  partie  répond  aux  ques- 
tions suivantes  qui  avaient  été  posées  au  consjulteur  :  i°  Fau- 
drait-il faire  une  profession  de  foi,  laquelle,  qui  devra  la 
faire,  quand,  comment,  en  présence  de  qui,  et  faudrait-il  rap- 
peler dans  la  formule  le  dogme  de  l'Immaculée  Conception 
de  la  Sainte-Vierge?  i>"  Proposera-t-on  aux  prélats  du  rite 
oriental,  la  môme  profession  de  foi  qu'à  ceux  du  rite  latin,  ou 
bien  une  autre  et  laquelle?  3"  Cette  prescription  concernera- 
t-elle  aussi  les  Pères  qui  arriveront  au  concile  après  son 
ouverture? 

Cette  profession  de  foi,  ainsi  que  l'expose  Mgr  Tizzani,  peut 
être  considérée,  soit  comme  le  signe  et  la  preuve  de  l'unité 
de  foi,  soit  comme  l'affirmation  de  vérités  ou  la  réprobation 
d'erreurs  dont,  pour  des  circonstances  particulières  on  exige 
la  profession  ou  l'abjuration.,   Nous  trouvons  dans  les  conciles 


(1)  Voto  del  Heverendinsimo  Monsignor  Ti&Mtni  Arcivescovo  di  Nisibi  sopra  le 
preijhiere  da  intunarsi  innan-J  ail'  apertura  del  Concilio  ;  e  sopra  la  professione  di 
lede  da  farsi  dai  vescovi.  Giuyno  18G8. 


508  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

généraux  des  exemples  des  deux  sortes  de  professions  de 
foi,  les  documents  historiques  nous  les  fournissent.  L'une  de 
ces  professions  reste  invariable,  la  même  dans  l'Eglise,  c'est 
celle  de  Xicée  et  de  Constantinople,  l'autre  change  suivant 
les  circonstances;  la  formule  en  est  rédigée  dans  les  conciles 
ou  par  le  pape,  quand  il  est  nécessaire.  Il  est  clair,  dit 
M-1'  Tizzani,  que  dans  les  conditions  actuelles,  telles  du 
moins  (pie  je  les  connais,  il  n'y  a  aucun  motif  d'imposer  aux 
évêques  pour  le  prochain  concile  une  profession  de  foi  spé- 
ciale, différente  de  celle  de  Xicée  ou  de  Constantinople. 
Parmi  les  évêques  catholiques  ne  règne  aucune  dissension 
sur  le  terrain  dogmatique,  ni  de  schisme  en  ce  qui  concerne 
la  soumission  due  au  pape.  L'Episcopat  n'a  même  jamais  été 
aussi  uni  qu'à  présent,  et  dans  la  défense  des  vérités  catho- 
liques, et  dans  sa  soumission  au  pape.  Proposer  aux  évêques 
une  profession  de  foi  spéciale  serait  donc  leur  faire  injure. 
Par  contre,  il  convient  et  il  est  juste  que  peu  après  leur  con- 
vocation, les  Pères  du  concile  prononcent  le  symbole  de 
Constantinople  ;  et  il  sied  à  la  dignité  de  la  sainte  assemblée 
d'ouvrir  la  série  de  ses  travaux  par  la  profession  de  ce  sjmi- 
bole  qui  est  le  fondement  et  le  signe  de  toute  notre  foi  catho- 
lique. 

La  réponse  de  M81"  Tizzani  aux  autres  questions  est  courte. 
Les  Orientaux  devront  faire  la  même  profession  de  foi  que 
les  Latins,  et  on  l'exigera  aussi  des  Pères  qui  arriveront  après 
les  autres.  On  ne  pourra  admettre  au  concile  des  évêques  qui 
appartiennent  à  une  autre  confession  religieuse,  si  ce  n'est 
après  qu'ils  auront  abjuré  leur  erreur;  jadis,  au  second  con- 
cile de  Xicée,  on  avait  demandé  la  même  chose  de  Basile, 
évèque  d'Ancyre,  et  d'autres  fauteurs  de  l'hérésie  des  Icono- 
clastes. 

La  Commission  centrale,  qui  délibéra  le  21  juin  1868  sur  le 
rapport  de  Mgr  Tizzani,  se  mit  d'accord  en  substance  sur 
cette  décision   :  il  fallait    maintenir   sans   addition    la   for- 

[423] 


FAUT-IL    MODIFIER    LA    PROFESSION    DE    FOI  .'309 

mule  bien  connue  de  Pie  IV;  le  Saint-Père  pouvait,  s'il  le 
voulait,  prononcer  la  profession  de  foi  avec  les  autres  évêqués 
dans  la  première  session;  ceux  qui  arriveraient  plus  tard 
•levaient  la  prononcer  devant  les  cardinaux-présidents  du  Con- 
cile à  la  première  congrégation  générale  dans  laquelle  ils 
siégeraient;  les  prélats  orientaux  catholiques  devraient 
réciter  la  même  profession  de  foi  que  les  latins;  les  évèques 
orientaux  scliismatiques  auraient,  s'ils  venaient  au  concile. 
à  abjurer  leurs  erreurs  et  à  prononcer  la  profession  de  foi 
selon  la  formule  d'Urbain  VIII. 

Comme  nous  le  disions  plus  haut  (i),  on  avait  déjà  demandé 
à  l'archevêque  de  Xisibe  s'il  fallait  ajouter  à  la  profession  de 
foi  l'article  de  l'Immaculée- Conception  de  Marie.  Dans  la 
discussion  du  rapport  il  ne  paraît  pas  qu'on  ait  touché  la  ques- 
tion. On  y  revint  seulement  plus  tard,  et  le  canoniste  Feye,  de 
Louvain,  reçut  mission  de  composer  un  mémoire  là-dessus. 
La  réponse  du  consulteur  Feye  fut  affirmative  et  son  mé- 
moire s'appuyait  de  raisons  très  puissantes  (2)  en  faveur  de 
l'addition.  Voici  la  principale  :  Le  concile  ne  peut  se  sous- 
traire à  la  nécessité  de  mentionner  la  doctrine  définie  le 
8  décembre  1854  ;  la  chose  ne  pouvant  bien  se  faire  par  inser- 
tion dans  un  décret,  il  ne  reste  plus  que  l'addition  au  sym- 
bole. Nous  n'avons  pas  ici  à  développer  ces  différentes  asser- 
tions. Le  professeur  Feye  réfute  aussi  les  objections  qu'on 
pourrait  élever  contre  sa  proposition,  en  particulier  celle-ci  : 
Faire  cette  addition  au  symbole,  c'est  forcer  les  évèques  à 
reconnaître  pratiquement  l'infaillibilité  du  Pape  avant  même 
que  cette  question  ait  été  discutée.  L'auteur  du  mémoire  fait 
remarquer  avec  raison  que  les  adversaires  de  l'infaillibilité 


(i)  P.  507. 

(2)  Les  questions  étaient  ainsi  posées  :  An  expédiai  in  Professione  Fidei,  juxta 
lormulam  PU  IV ipso  Synodi  inilio  récitanda  ab  omnibus  Palribus,  addere  articuium 
de  immaculala  B.  Virgims  Mariée  Conceptwne.  Et  quatenus  affirmative  Quo 
memoraUe  formulée  loco  et  quibux  verbis  Itujusmodi  articulus  sit  addendus. 

T423-424I 


510  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

pontificale  étaient  obligés  d'admettre  le  dogme  de  l'Imma- 
culée Conception.  Car  il  existe  en  sa  laveur,  tant  avant 
qu'après  sa  définition,  l'assentiment  indéniable  des  Evêques 
et  de  l'Eglise  tout  entière  ;  or  les  adversaires  les  plus  réso- 
lus de  l'infaillibilité  pontificale  enseignent  eux-mêmes  avec 
les  Gallicans,  que  le  jugement  du  pape  fait  loi  quand  l'assen- 
timent universel  de  l'Eglise  (i)  le  renforce  de  son  adhésion. 
Ce  fut  sans  aucun  doute  à  la  suite  des  orages  qui  avaient 
éclaté  contre  le  concile  en  18G9,  que  la  Congrégation  direc- 
trice fut  amenée  plus  tard  à  résoudre  par  la  négative  la 
question  de  l'insertion  dans  la  profession  de  foi  du  dogme  de 
l'Immaculée-Conception.  Cette  doctrine,  en  effet,  avait  été 
aussi  le  sujet  de  violentes  attaques  contre  l'Eglise.  La 
méfiance  que  les  ennemis  de  celle-ci  avaient  répandue 
contre  le  concile,  détermina  les  cardinaux  à  agir  avec  cir- 
conspection,pour  ne  pas  provoquer  de  nouveaux  soupçons  ou 
donner  prétexte  à  de  nouvelles  attaques  par  une  addition  au 
symbole.  Quand  on  discuta  le  mémoire  du  professeur 
Eeye  (2),  ils  exprimèrent,  il  est  vrai,  leur  satisfaction  au 
sujet  d'un  travail  si  approfondi,  mais  jugèrent  inopportun 
que  le  Saint-Siège  fît  lui-même  l'adjonction  en  question.  Une 
modification  si  inattendue  apportée  à  l'antique  formule  de  la 
profession  de  foi  pourrait  provoquer  l'étonnement  et  occa- 
sionner de  nouveaux  embarras.  Le  mieux  serait  de  déter- 
miner les  évèques  à  réclamer  eux-mêmes  que  le  symbole 
fût  complété  par  l'insertion  du  dogme  si  cher  à  tous  ceux 
qu'anime  un  filial  amour  envers  la  Mère  de  Dieu.  Les  circon- 
stances les  y  poussaient,  car  le  concile  s'ouvrait  précisément 
à  la  fête  de  l'Immaculée-Conception, et  il  était  expressément 


(1)  Le  quatrième  article  de  la  Declaratio  cleri  Gallicani,  reproduit  par  le  con- 
sulteur  Feye  s'exprime  ainsi  :  In  fidnquoque  quwstionibus  pnveipuas  Summi  lJon- 
ti/icis  esse  partes,  ejusque  décréta  ad  omnes  et  Sinyulas  Ecclesias  pertinence,  nec  tamen 
irreformabile  esse  judicium,  nisi  Eeclesise  consensus  accesserit. 

(2)  Procès -verbal  du  11  juillet  1869. 

f424-4'25^ 


LE    SERMENT    DES    OFFICIERS.  511 

placé  sous  la  protection  delà  Mère  de  Dieu  conçue  sans  péché. 

Dans  le  procès-verbal  de  la  Congrégation  directrice  nous 
ne  trouvons  plus  ensuite  qu'une  seule  décision  prise  au  sujet 
de  la  profession  de  foi  :  celle-ci  devait  être  faite  dans  la 
seconde  session  publique  (i).  On  ne  parle  plus  d'étendre  le 
symbole.  De  l'ait,  la  profession  de  foi  fut  faite  plus  tard  sans 
aucune  nouvelle  addition. 

Pour  les  officiers  du  concile  il  devait  y  avoir  un  serment. 
Ils  s'engageaient  à  remplir  fidèlement  les  devoirs  de  leur 
charge  et  à  observer  consciencieusement  le  secret  qui  leur 
était  imposé  (2).  En  vertu  d'une  décision  du  19  octobre  1869 
de  la  Congrégation  directrice,  les  officiers  chargés  des 
fonctions  plus  élevées,  c'est-à-dire  ceux  dont  le  Regolamento 
faisait  mention  explicite,  devaient  prêter  ce  serment  entre 
les  mains  du  pape,  les  autres  auxiliaires  du  concile,  tels  que 
les  sténographes,  le  prêteraient  entre  les  mains  du  secrétaire 
de  l'assemblée.  Etaient  exemptés  de  l'obligation  du  serment, 
les  officiers  revêtus  de  la  dignité  épiscopale  ainsi  que  les 
custodes.  La  charge  de  ces  derniers,  remarqua  le  pape, 
poste  de  haute  distinction  et  d'honneur,  étant  purement  hono- 
rifique, on  devait  les  dispenser  du  serment  (3). 


(1)  Ibid.  26  octobre  1869. 

(2)  Cf.  C.  V.  16  c. 

(3)  Cf.  Procès-verbal  du  28  novembre  186<>. 

[425] 


CHAPITRE   VI. 

Travaux   des   Commissions  préparatoires   sur   les   schémas 

à   proposer. 

Comme  nous  l'avons  rapporté  au  premier  livre  (i),  cinq 
commissions  dépendant  de  la  Commission  centrale  avaient 
été  formées  pour  préparer  les  matières  de  délibérations  à 
proposer  au  concile  :  il  y  avait  une  commission  pour  le 
dogme,  une  autre  pour  la  discipline  ecclésiastique,  la  troi- 
sième pour  les  Ordres  religieux, la  quatrième  pour  les  Eglises 
d'Orient  et  les  missions,  enfin  la  cinquième  était  la  commis- 
sion politico-ecclésiastique. 

Nous  avons  sous  les  yeux  les  règles  qu'avaient  à  observer, 
dans  leurs  travaux,  les  deux  premières  et  la  dernière  de  ces 
commissions. 

La  Commission  dogmatique  reçut  pour  instruction  (2)  de 
suivre  l'exemple  du  Concile  de  Trente  dans  les  canons  pro- 
nonçant l'anatlième  contre  les  erreurs.  Elle  devait  les  faire 
précéder  d'un  exposé  court  et  précis  de  la  doctrine  catho- 
lique correspondante.  //  Parmi  les  erreurs  à  condamner,  elle 
devait  choisir  celles  qui  sont  plus  particulières  à  notre  temps, 
et  parmi  elles,  les  plus  graves,  les  plus  dangereuses  et  les  plus 
répandues. Il  ne  fallait  pas  l'aire  comparaître  au  tribunal  du 
concile    seulement   les    erreurs   directement    et   immédiate  - 


(t)  P.  73  sqq. 

(2)  C.  V.  1102  c.  sqq. 


[426-427 


ol  i  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ment  contraires  à  la  vérité  révélée,  c'est-à-dire  les  hérésies; 
mais  encore,  d'une  façon  générale,  toutes  celles  qui  portaient 
une  sérieuse  atteinte  à  la  foi  et  aux  bonnes  mœurs. 

Quant  à  la  forme  de  la  condamnation,  on  fait  remarquer 
que  les  hérésies,  c'est-à-dire  les  doctrines  en  opposition 
directe  et  immédiate  avec  les  vérités  de  la  foi,  devaient  être 
seules  visées  par  les  canons,  mais  dans  les  chapitres  on 
relèverait  aussi  les  autres  erreurs.  L'athéisme,  le  pan- 
théisme, le  matérialisme  et  les  autres  doctrines  qui  attaquent 
les  fondements  de  la  religion  chrétienne  pouvaient  être 
déclarées  dans  les  chapitres,  dignes  d'exécration.  Les 
hérésies  déjà  clairement  condamnées  comme  telles  par  les 
papes  ou  les  conciles  généraux  ne  devraient  pas  être  frappées 
par  de  nouveaux  canons,  si  d'ailleurs  elles  n'ont  point  revêtu 
une  nouvelle  forme;  il  en  serait  autrement  dans  le  cas  con- 
traire. 

C'est  encore  à  la  Commission  qu'il  appartient  de  fournir 
aux  Pères  du  concile  des  renseignements  exacts  et  de  tout 
point  complets  sur  les  erreurs  à  condamner,  les  sources  d'où 
elles  tirent  leurs  origines,  les  contrées  qui  en  sont  infestées 
et  les  dangers  dont  elles  menacent  l'Eglise,  comme  aussi 
de  dire  si  elles  ont  été  déjà  condamnées  et  en  quelle  façon. 
La  commission  devait  d'abord  fixer  les  erreurs  dans  des 
formules  claires,  exprimant  leur  opposition  avec  la  doctrine 
de  l'Eglise;  puis,  considérant  leur  nature  et  le  caractère 
d'opposition  qu'elles  ont  avec  le  dogme,  elle  devait  indiquer 
s'il  fallait  les  réprouver  dans  les  canons  ou  dans  les  chapitres. 
1 1  y  avait  à  réunir  aussi  les  preuves  les  plus  importantes 
tirées  de  l'Ecriture  et  de  la  Tradition,  qui  établissent  et 
expliquent  la  doctrine  catholique  enseignée  dans  les  chapitres 
et  les  canons.  Ce  qu'on  aurait  décrété  dans  les  séances  géné- 
rales de  la  commission  sur  la  substance  des  chapitres  et 
canons  à  proposer  au  concile,  devait  être  transmis  à  une 
délégation   de  théologiens;  à  eux  de  rédiger  ces  projets  de 


TRAVAUX    DES    COMMISSIONS    PREPARATOIRES  51 S 

décrets  eu  bonne  et  due  forme,  sans  perdre  de  vue  l'unifor- 
mité de  style  qu'ils  devaient  réaliser  dans  la  mesure  du 
possible. 

Le  domaine  dévolu  à  l'activité  de  la  Commission  politico- 
ecclésiastique  était  celui  des  rapports  entre  l'Eglise  et  la 
société  civile.  Elle  eut  pour  tâche  de  préciser  la  situation 
de  l'Eglise  vis-avis  de  l'Etat  au  point  de  vue  de  son  rôle 
doctrinal,  sacerdotal  et  pastoral.  A  ce  titre  relèveront  de  son 
examen  :  //  la  liberté  de  publier  les  décrets  dogmatiques 
émanant  du  Pape  et  des  évéques  et  la  liberté  de  la  prédi- 
cation ;  la  situation  de  l'enseignement  primaire,  secondaire 
et  supérieur,  l'action  exercée  par  le  clergé  dans  les  écoles 
officielles,  ainsi  que  l'enseignement  et  l'éducation  des 
clercs.  Viennent  ensuite  comme  objets  d'étude  :  la  liberté 
du  culte  au  dedans  comme  au  dehors  des  églises,  l'obser- 
vation des  fêtes,  l'administration  des  sacrements  et  les 
soins  spirituels  donnés  aux  soldats  et  aux  prisonniers,  la 
participation  des  catholiques  aux  offices  religieux  des  dis- 
sidents, l'admission  des  non-catholiques  au  sein  de  l'Eglise, 
les  funérailles  et  les  cimetières.  Enfin,  dix-neuf  autres 
points  qui  ont  l'apport  au  gouvernement  ecclésiastique, 
comme  la  part  des  gouvernements  temporels  à  la  nomination 
des  sièges  épiscopaux,  le  droit  de  patronage,  l'administration 
des  biens  d'Eglise,  les  concordats,  etc.  (i). 

La  Commission  pour  la  discipline  ecclésiastique  fut 
chargée  de  grouper  exactement  et  dans  l'ordre  voulu,  les 
prescriptions  du  Concile  de  Trente  relatives  aux  divers 
points  delà  discipline  ecclésiastique  dont  chaque  consulteur 
aurait  à  s'occuper;  même  travail  pour  les  décisions  pontifi- 
cales et  les  décrets  des  congrégations  romaines  rendus 
sur  les  mêmes  points  depuis  le  concile.  Elle  dut,  de  plus, 
rechercher  les  usages   et  pratiques  qui  se   sont   introduits 


(1)  C.  V.  1103  d.  sqq.;  1105  b.  sqq. 

127-428| 


olG  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

dans  les  Eglises  des  différents  Etats,  les  décrire,  en  examiner 
la  valeur  et  voir  quelles  sont  celles  de  ces  coutumes  que  le 
concile  général  devrait  prendre  en  considération  dans  tel  ou 
tel  décret  éventuel;  à  cette  occasion,  ne  pas  perdre  de  vue  les 
décrets  rendus  par  les  différents  conciles  provinciaux.  La 
Commission  eut,  enfin,  à  examiner  les  réponses  données  par 
les  évoques  aux  lettres  de  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile 
des  20  avril  i865  et  6  juin  1867  (1).  Ce  sont  là  les  fondements 
des  décrets  décisifs  que  le  concile  aura  à  formuler  (2). 

Dans  une  préface  aux  actes  de  la  Commission  pour  les 
affaires  des  Réguliers,  il  est  dit  que  depuis  octobre  1867  les 
supérieurs  généraux  des  Ordres  religieux  ont  été  invités  à 
faire  des  rapports  sur  l'état  de  leurs  Ordres  et  à  présenter 
des  propositions  sur  leurs  besoins  et  les  moyens  d'y  donner 
satisfaction.  /  La  majeure  partie  des  supérieurs  généraux 
avait  répondu  à  cette  invitation  lors  de  la  première  séance  de 
la  commission  (23  avril  1868),  et  leurs  réponses,  à  peu 
d'exceptions  près, furent  jugées  propres  à  servir  de  base  aux 
travaux  des  consulteurs.  Le  cardinal  Bizzari,  président, 
distribua  à  ceux-ci  différents  sujets;  ils  devaient  les  déve- 
lopper, les  éclairer  à  la  lumière  du  droit  actuel  et  indiquer 
les  modifications  qu'ils  jugeraient  désirables.  Le  cardinal 
joignit  aux  rapports  des  supérieurs  généraux  les  observations 
présentées  en  1847  et  1848  par  quelques  évèques  et  plusieurs 
chefs  d'Ordres  à  la  Congrégation  supra  statum  regularium, 
celles-ci  pouvant  servir  aussi  à  la  réforme  des  Ordres  reli- 
gieux. Il  parut  également  opportun  d'y  ajouter  certaines 
observations  portant  sur  les  Ordres  de  femmes  et  sur  les 
instituts  à  vœux  simples. 

Au  début  de  la  première  séance  de  la  Commission  pour  les 
affaires  de  l'Eglise  d'Orient,  le  21  septembre  1867,  le  cardinal 


(1)  Voir  plus  haut  pag.  53. 

(2)  C.  V.  1103  b.  sq. 


[428-429] 


TRAVAUX    DES    COMMISSIONS    PREPARATOIRES  ii  I  " 

Barnabe,  président,  fit  observer  que  les  schisinatiques 
d'Orient  considérant  leur  Eglise  comme  la  véritable  Eglise 
du  Christ  et  se  donnant  le  nom  d'orthodoxes, il  faudrait,  dans 
les  délibérations,  éviter  tout  ee  qui  pourrait  blesser  leur 
susceptibilité.  —  Les  matières  relatives  à  la  Foi.  dit-il. 
reviennent  à  la  commission  dogmatico-théologique;  mais 
étant  donne  (pie  quelques  erreurs  en  matière  de  foi  sont 
particulières  à  l'Orient,  on  ne  peut  pourtant  éviter  toutes 
les  questions  de  dogme.  11  est  du  devoir  de  la  commission  de 
signaler  ces  erreurs  et  d'exposer  leur  histoire  autant  que 
possible  :  tout  examen  et  tout  jugement  étant  réservés  à  la 
commission  dogmatique. 

Quant  aux  questions  de  discipline,  les  Orientaux  man- 
quent de  législation  ;  c'est  ce  qui  les  rend  si  dépendants 
d'usages  traditionnels,  arbitrairement  modifiés  d'ailleurs 
par  les  patriarches  et  aussi  par  les  évoques.  On  pourrait 
leur  appliquer  la  discipline  de  l'Occident,  sauf  pourtant  en 
ce  qui  regarde  la  liturgie  et  quelques  autres  points  qui  n'ont 
pas  matière  en  Orient,  comme  les  bénéfices  ecclésiastiques 
et  les  chapitres.  On  serait  d'autant  plus  fondé  à  le  faire  que 
tes  conciles  généraux  d'Orient  ont  aussi  rendu  pour  toute 
l'Eglise,  y  compris  l'Occident,  leurs  décrets  sur  le  dogme  et 
la  morale,  n'exceptant  que  les  rites.  Après  la  séparation  qui 
se  lit  sous  Photius,  les  conciles  tenus  en  Occident  ne  se 
seraient  plus  occupés  que  de  l'Eglise  latine,  //  et  c'est  ainsi 
que  la  divergence  entre  les  deux  Eglises,  dans  le  domaine  du 
dogme  et  de  la  discipline,  s'est  accentuée  toujours  davan- 
tage. 

(  )n  décida  d'examiner  sur  quels  points  le  Concile  de  Trente 
devait  être  appliqué  à  l'Eglise  d'Orient.  M-'  Simeoni  entre- 
prit de  réunir  ces  points  dans  divers  chapitres,  de  façon 
que  dans  la  séance  suivante  chacun  des  consulteurs  pût 
choisir  les  chapitres  qu'il  désirait  traiter  spécialement.  Il 
fallait    pour    chacun   d'eux    examiner    attentivement    si    les 

33 

[429-430 


o!8  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

matières  qu'il  renfermait  pourraient  être  appliquées  à 
l'Eglise  orientale  et  dans  quelle  mesure;  ensuite  le  consul  - 
leur  avait  à  rédiger  un  votum  qui  serait  imprimé  et  distribue 
aux  autres  eonsulteurs  pour  être  examiné  par  eux,  puis 
discuté  dans  les  séances. 

Dans  le  plan  primitif,  les  commissions  préparatoires  dépen- 
daient de  la  Commission  centrale  et  lui  étaient  adjointes 
à  titre  d'auxiliaires.  Cependant  elles  travaillèrent  chacune 
pour  leur  compte  dans  le  domaine  qui  leur  était  assigne; 
elles  étaient,  bien  entendu,  présidées  par  des  cardinaux, 
qui  tous,  étaient  membres  de  la  Commission  centrale. 
Le  8  août  1S69  seulement,  dans  la  séance  de  cette  dernière 
commission,  le  cardinal  Patrizi,  son  président,  rappela  que 
les  commissions  auxiliaires  dépendaient  de  la  générale,  et 
qu'il  fallait  donc  soumettre  leurs  travaux  à  l'examen  de 
celle-ci.  Les  cardinaux  préfets  des  commissions  particulières 
firent  connaître  que  beaucoup  de  schémas  étaient  complète- 
ment préparés  et  pouvaient  être  immédiatement  examines. 
Dans  la  séance  du  22  août,  on  examina  le  décret  élaboré  par 
la  Commission  dogmatique  et  les  canons  de  summo Pontifice; 
depuis  cette  époque;  presque  toutes  les  séances  de  la  Commis- 
sion centrale  furent  partiellement  consacrées  à  l'examen  des 
travaux  des  commissions  spéciales.  Dans  cette  revision,  on 
ne  pouvait  évidemment  pas,  vu  l'abondance  des  schémas, 
songer  à  une  refonte  complète;  toutefois,  on  y  introduisit 
plus  d'une  modification  utile.  La  Commission  dogmatique, 
en  particulier,  recueillit  de  grands   éloges  pour  ses  travaux. 

Avant  le  concile,  on  présenta  au  pape  un  aperçu  d'ensemble 
des  travaux  de  toutes  les  commissions  (1).  Nous  prendrons 
plus  tard  une  plus  ample  connaissance  des  schémas  qui  furent 
portés  devant  le  concile.  Afin  que  le  lecteur  puisse  se  faire 
une    idée    d'ensemble    des    travaux    des  commissions,  nous 


(1)  Procès-verbal  du  28  novembre  1869. 

[430] 


CATALOGUE     DES    SCHEMAS    PREPARES  .il9 

insérons  ici  le  catalogue  des  matières  élaborées  sous  forme  de 
schémas,  tels  qu'ils  furent  distribués  aux  Pères  du  concile.  // 


INDEX     SClIiai  ATT  M 

quae  a  theologis  et  ecclesiâstici  juris  con.su Itîs  praeparata 

fuerunt  (i). 


I.    —    CIRCA    FIDEM 

Schéma  I 

De  doctrina  catholica  contra  multipliées  errores 
ex  rationalismo  derivatos. 

Pars  prima  :  Professio  doctrinœ  catholicae. 

i.  Contra materialismum et  paiitlieismum ;  u.  Contra  rationalismum 

absolution. 

Pars  secunda  :  Declaratio   doctrinœ  catholicœ 
ront ru  principia  semirationalism'i. 

A.  De  revelatione  supernaturali  :  i.  De  l'ont  ibus  revelatiouis  in 
Scriptura  et  Traditione  :  2.  De  necessitate  revelatiouis  :  3.  De  objecto 
superrationali  revelatiouis  sive  de  mysteriis. 

B.  De  l'ide  divina  :  1.  De  distinctione  fidei  divina'  a  scientia  ratio- 
nali:  2.  De  niotivis  eredibilitatis  pro  fide  christiana  ;  3.  De  superna- 
turali virtute  fidei,  et  de  libertate  voluntatis  in  fidei  assensu  :  \.  De 
necessitate  et  supernaturali  firmitate  fidei. 

C.  De  relatione  inter  t'ideni  et  sciehtiam  :  1.  De  ordine  scientiaruin 
ad  fidem  et  ad  auctoritatem  Ecclesiœ  custodientis  déposition  ;  2.  De 
inconimutabili  veritate  doctrinal  Ecclesiœ  prae  quavis  scientiaruin 
transforma  tione. 

(i)  C.  Y.  506,  sq. 

[431] 


520  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

Pars  tertia  :  Declaratio  docirinse  catholicae  contra 
errores  circa  specialia  dogmata. 

A.  Doctrina  de  Deo  :  i  De  unitate  divina?  essentia'  in  tribus  perso 
nis  realiter  inter  se  distinctis;  2.  De  divina  operatione  ad  extra 
communi  tribus  personis,  et  de  Dei  libertate  in  creando. 

B.  Doctrina  de  Yerbo  incamato  :  1.  De  una  divina  persona  Christi 
in  duabus  naturis:  2.  De  redeniptione  et  satisfactione  a  Verbo  incar- 
nato  pro  nobis  prœstita  secundum  hamanam  suam  naturam. 

C.  Doctrina  de  homine  secundum  naturam  spectato  :  1.  De  communi 
origine  totius  generis  humani  ab  Adam.  2.  De  natura  hominis  compo- 
sita  ex  corpore  et  anima  rationali  ut  forma  corporis  humani. 

I).  Doctrina  de  hominis  elevatione  supernaturali  :  1.  De  supernatu- 
rali statu  sanctitatis  et  justitise  originalis  ;  2.  De  hominis  lapsu  et  de 
peccato  originali  ;  De  adernitate  pœnœ  destinatœ  cuivis  peccato  letali 
in  hac  vita  non  expiato  ;  3.  De  gratia  quœ  nobis  per  Christum  Redemp- 
torem  donatur  :  De  habituali  gratia  permanente  et  anima-  inhaîrente  ; 
De  neoessitate  gratia'  ad  (juemvis  actum  salutarem. 

SCHEJLA    II. 

De  Ecclesia  Christi. 

Pars  prima  :   De  lùclesin  in  se  spectata. 

A.  De  natura  Ecclesise  :  1.  Ea  est  corpus  Christi  mysticum;  2,  In 
ea  exstat  eoncreta  religio  ehristiana  unice  vera,  quai  ab  Eecdesia 
sejuncta  consistere  nequit. 

B.  De  proprietatibus  Ecclesia?,  ut  est  societas  :  1.  Ecelesia  est  sotde- 
tas  vera,  peidecta,  spiritualis.  et  supernaturalis  :  2.  Est  societas 
visibilis  ;  3.  Ecclesia  visibilis  est  una.  in  se  penitus  cohaerens  ; 
4.  Ecclesia  est  societas  necessaria  ad  adernam  hominum  saluteui, 
necessitate  tum  pra?cepti  tum  medii;  5.  Extra  Ecclesiam  nemo  salva- 
1 11  r  :  bine  sicut  rationi.  ita  fidei  ebristiana?  répugnât  doctrina  de 
religion  uni  indifferentia. 

C.  De  dotibus  Ecclesiae,  ut  ea  perennis  est  :  1.  De  Ecclesia-  indefec- 
tibilitate  :  2.  De  Ecclesia'  infallibilitate. 

J)    De  Ecclesia?  potestate  :  Kst  in  Kcclesia  vera  potestas  non  solum 

[431-432] 


CATALOGUE  DES  SCHEMAS  PRÉPARES  521 

ordinis  sed  etiain  Jurisdictionis  :  légiféra,  judiciaria,  coercitiva,  eaque 
independens. 

Pars  secunda  :  De  visibili  Ecclesise  capite 

A.  De  primatu  Roinaui  Pontificis  :  i.  De  institiitione  primatus  in 
B.  Petro  :  2.  De  primatus  perpetuitate  in  B,  Pétri  successoribus. 
Romanis  Pontificibus  :  3.  De  lui  jus  primatus  divinitus  instituti  natura. 

B.  De  temporali  s.  Sedis  dominio. 

Pars  tertia   :  De  Ecclesia  spectata  in  suis 
ad  soçietatem  civilem  relationibus. 

i.  De  utriusque  societatis  concordia  :  2.  De  eivilis  potestatis  juribus 
et  officiis  secundum  doctrinam  Ecclesise  catboliea»  ;  3.  De  specialibus 
Ecclesia1  juribus  :  eirca  christianam  institutionem  et  educationem 
juventutis  :  circa  pdblicam  professionem  eonsiliorum  evangelicorum  ; 
circa  ecclesiastica  bona  temporalia. 


Schéma  III. 
De    Matrimonio   christiano. 

1.  De  matrimonii  christiani  dignitate  et  natura  ;  2.  De  Ecclesise 
circa  matrimonium  christianum  potestate;  3.  De  matrimonii  bonis, 
in  comparatione  cum  eonjugiis  quœ  mixta  dicuntur. 


II.   —    CIRCA    DISCIPLINAM    ECCLESIASTICAM. 

I.  De  Episcopis,  Synodis  Provincialibus  et  Diœcesanis,  et  de 
Vicariis  Generalibus  ;  2.  De  Sede  Episcopali  Vacante  ;  3.  De  Capitulis 
Ecclesiarum  Catbedralium  et  Collegiatarum,  ubi  de  Canonicorum 
officiis  et  qualitatibus ;  4-  De  Parochis,  ubi  de  modo  conferendi  paro- 
chiales  Ecclesias,  <le  parochorum  officiis,  eorumque  remotione  ;  5.  De 
vit  a  et  honestate  elericorum;  (>.  De  Seminariis  ecclesiasticis,  ubi  de 
metbodo  studiorum,  et  graduum  collatione  :  7.  De  Collationibus 
Ecclesiasticis;  8.  De  préedicatione  verbi  Dei:  9.  De  parvo  Catechismo; 
10.  De  oneribus  Missarum,  aliisque  piis  dispositionibus  ;  11.  De  usa 
Ritualis    Romani:    12.    De   admiuistratione    Sacramentorum  ;    1 3.  De 

[432-4331 


522  HISTOIRE    DU    CONCUiE    DU    VATICAN 

Patrinis  ;  \\.  De  Titulis  Ordinationum  ;  io.  De  impedimentis  matri- 
monii,  ac  speciatim  de  impedimentis  cognationis  legalis.  publicae 
houestatis,  et  affinitatis  ;  i(i.  De  matrimonio  quod  vocant  civili  ;  17.  De 
matrimoniis  mixtis  :  18.  De  domicilie»  et  quasi  domicilio  ad  efl'ectuni 
matrimonii  ;  19.  De  cœmeteriis  et  sepulturis  :  20.  De  Judiciis,  et  praxi 
servanda  :  21.  De  modo  procedendi  ex  informata  conscientia  :  22.  De 
emendandis populi  moribus,  ac  speciatim  de  indifferentismo,  blasphe- 
mia,  ebrietate.  impudicitia,  theatris,  choreis,  luxu,  pravorum  librorum 
ac  imaginum  diffusione,  nec  non  de  educatione  filiorum  familias,  de 
operariis,  aliisque  famulatum  prœstantibus  ;  2.^.  De  sanctificatione 
Festorum;  24.  De  abstinentia  et  jejunio  :  20.  De  duello  :  2(>.  De  suici- 
dio  ;  27.  De  magnetismo  et  spiritismo;  28.  De  occultis  societatibus 


III.    —    CIRCA    ORDINES    REGULARES. 

1.  De  Llegularibus  in  génère  :  2.  De  voto  obedientia?  :  3.  De  vita 
commun]  ;  4  Declausura  ;  5.  De  parvis  conventibus;  6.  De  novitiatu, 
et  de  novitiorum,  ac  neo-professorum  institutione  ;  7.  De  affiliationi- 
bus  :  s.  De  studiis  Regularium  :  <).  De  gradibus  et  titulis  :  10.  De  ordi- 
natione  Regularium  ;  11.  Deelectione  Regularium  ;  12.  De  visitatione 
Regularium  :  i3.  De  expulsione  Regularium  iucorrigibilium  ;  i4-  De 
Jurisdictione  Episcoporum  inRegulares  p.vsertini  delinqnentes;  i5.  De 
Monialibus;  iG.  De  Institutis  votorum  simplicium  ;  17.  De  spiritualibus 
exercitiis,  et  sacris  recessibus  ;   iS.  De  priviiegiis. 


IV.        -    CIRCA    RES    RITUS    ORIEXTALIS    ET    APOSTOLICAS 

MISSIOXES. 

Konnulla  es  iis.  quœ  Eeclesias  ritus  Orientalis  respiciunt,  in  sclie- 
matibus  de  disciplina  ecclesiastica  et  de  Regularibus  suis  quseque 
locis  inserta  sunt  :  insuper  sequuntur  duo  schemata  : 

i.  De  Ritibus  :  2.  De  Missionibus  Apostolicis. 


133] 


CHAPITRE  VII. 
Vue  d'ensemble  sur  les  propositions  fuites  par  les  Pères. 

Il  va  de  soi  que  le  Pape  n'était  pas  le  seul  à  désigner,  par 
l'organe  des  Commission^  convoquées  par  lui, les  matières  sur 
lesquelles  aurait  à  délibérer  le  eoneile.  Les  évêques,  eux 
aussi,  désignaient  celles  dont  la  discussion  leur  semblait 
désirable.  Que  ce  droit  dût  être  reconnu  aux  évêques,  il  ne 
régnait  là-dessus,  comme  nous  l'avons  vu  (i),  aucun  doute 
parmi  les  cardinaux  de  la  Commission  centrale.  Le  Pape 
manifesta  plus  tard  à  tous  les  membres  du  concile,  dans  les 
Lettres  Multipliées  inter,  quel  était  son  désir;  il  leur  fit  un 
devoir  de  déposer  en  toute  liberté  les  propositions  qu'ils 
regardaient  comme  étant  d'une  utilité  universelle  (2). 

Beaucoup  d'évéques  avaient  déjà  prévenu  l'appel  pontifical// 
et  des  avant  le  concile,  soit  individuellement  en  leur  propre 
nom,  soit  réunis  par  groupes,  ils  avaient  recommandé  aux 
délibérations  de  l'auguste  assemblée  les  points  les  plus  divers. 
Durant  le  concile  ils  en  présentèrent  de  nouveaux. 

Ce  n'était  ici  le  lieu,  à  proprement  parler,  que  de  mentionner 
seulement  les  propositions  envoyées  à  Rome  par  les  évêques 
avant  le  concile  ou  du  moins  préparées  par  eux  dans  leur 
résidence  et  emportées  ensuite  au  concile  ;  mais  notre  désir 
étant  de  ne  pas  séparer  des  choses  qui  de  leur  nature  sont 


(1)  Plus  haut  p.  30;  53;  189  sqq. 

(2)  C.  V.  18d. 


[434-435J 


■124  HISTOIRE    DC    CONCILE    DU    VATICAN 

unies,  nous  groupons  ici  toutes  les  motions  faites  par  les 
Pères  avant  et  pendant  le  concile.  Seront,  bien  entendu, 
laissées  de  côté  les  propositions  faites  par  les  évêques  en  vue 
d'améliorer  les  schémas  présentés,  comme  aussi  les  proposi- 
tions relatives  au  règlement  des  travaux  de  l'assemblée  :  ces 
dernières  n'étant  que  le  résultat  de  l'activité  même  du  con- 
cile et  n'influant  que  sur  la  marche  des  délibérations.  Ce  que 
nous  omettons  ici  trouvera  mieux  sa  place  dans  l'histoire 
même  du  Concile. 

Xulle  région  ne  soumit  tant  de  propositions  au  concile  que 
la  province  ecclésiastique  deNaples.  Trente-sept  archevêques 
et  évêques  dressèrent  une  liste  de  postulata  présentée  ensuite 
par  la  cardinal  Riario  Sforza,  archevêque  deXaples;  leurobjet 
s'étend  sur  presque  tout  le  domaine  du  dogme,  de  la  morale  et 
de  la  discipline  ecclésiastique.  Xous  devons  nous  contenter 
ici  de  signaler  les  points  principaux  et  renvoyer  ceux  de  nos 
lecteurs  qui  voudraient  connaître  plus  en  détail  les  vœux  des 
évêques  napolitains,  à  notre  collection  de  documents,  dont 
ces  postulata  occupent  plus  de  soixante  colonnes(i). 

Les  évêques  de  la  province  de  Xaples  expriment  le  voeu 
que  l'auguste  assemblée  du  Vatican  veuille  bien  opposer  aux 
grandes  erreurs  de  notre  temps  la  véritable  notion  de  Dieu, 
et  qu'elle  fasse  un  exposé  des  doctrines  sur  la  création,  le 
Christ,  l'homme  et  ses  dons  surnaturels.  Ils  font  ressortir 
quelques  points  de  ces  doctrines,  indiquent  quelques  chefs 
de  preuves  à  leur  appui,  nomment  les  adversaires  principaux 
et  indiquent  aussi  de  quelle  manière  le  concile  pourrait  faire 
cet  exposé.  Ils  souhaitent  de  même  voir  enseigner  la  doctrine 
de  l'Eglise,  du  Pape,  des  rapports  de  la  raison  et  de  la  Foi 
dans  les  sciences  naturelles,  de  la  nature  du  pouvoir  civil  et 
des  rapports  mutuels  entre  les  deux  pouvoirs,  enfin  «lu 
mariage.  // 


(1)  C.  V.  7(18  (].  sqq. 

[435] 


PROPOSITIONS    FAITES    l'Ail    L  KPISCOPAT    NAPOLITAIN       828 

Le  concile  traita  effectivement  la  plupart  de  ces  points  de 
doctrine,  il  comptait  même  s'occuper  des  autres.  Le  parti 
que  prirent  les  évèques  napolitains  dans  la  brûlante  question 
de  l'infaillibilité  pontificale  est  assez  nettement  indiqué 
dans  leurs  propositions.  Ils  insistent  par  exemple  tout  parti- 
culièrement sur  la  définition  du  concile  de  Florence  au  sujet 
de  la  primauté,  e1  en  déduisent  cette  théorie  que  le  Pape 
c<  comme  docteur  de  l'Eglise  universelle,  est  le  gardien  et 
l'interprète  de  la  révélation  divine  et  de  toutes  les  doctrines 
qui  s'y  rattachent  de  quelque  manière  ;  aussi  est-il  juge  dans 
toutes  les  questions  soulevées  à  leur  propos  ou  contre 
(dles.  »  (i).  Les  conséquences  de  ces  théories,  disent  les 
êvêques,  seront  indiquées  dans  le  chapitre  second  qui  traite 
de  la  morale.  On  ne  parle  ici  que  de  l'obéissance  due  au  Pape. 
Tous  doivent  lui  obéir,  alors  même  que  seul,  en  dehors  du 
concile,  il  affirme  des  vérités  ou  condamne  des  erreurs  Ce 
que  l'Eglise  ou  le  Pape  définit  comme  vérités  de  foi,  les 
fidèles  sont  tenus  de  le  croire  et  d'y  souscrire  par  un  assenti- 
ment intérieur;  et  toute  doctrine  condamnée  par  l'Eglise  ou 
par  le  Pape  comme  contraire  à  la  révélation,  les  fidèles  la 
doivent  détester  comme  une  erreur,  telle  qu'elle  a  été  réprou- 
vée, et  avec  une  pleine  soumission  de  leur  raison,  «  car 
l'Eglise  et  le  Pape  sont  interprètes  de  la  révélation  et  juges 
toujours  infaillibles  quand  ils  terminent  ettranchent  les  ques- 
tions qui  viennent  à  s'élever  dans  leur  domaine  »  (2). 

Le  chapitre  de  la  morale  ne  renferme  que  peu  de  proposi- 
tions ;  elles  ont  trait  à  l'obéissance  due  à  l'Eglise  et  au  Pape, 
aux  droits  de  la  famille,  aux  moyens  de  combattre  i'indiffé- 
rentisme  religieux  et  de  promouvoir  la  connaissance  de  la 
religion.  En  appendice,  sont  brièvement  posées  quelques 
questions  relatives  à  la  loi  portée  par  le  Concile  de  Trente 


(t)  C.  F.  779  b. 
(2)  Ibid.  782b.  sq. 


[436J 


526  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

contre  les  mariages  clandestins,  à  la  diminution  des  empê- 
chements de  mariage,  à  l'opportunité  d'une  loi  mettant  cer- 
taines conditions  à  la  validité  des  fiançailles,  au  spiritisme 
et  autres  semblables  manifestations,  au  renouvellement  des 
lois  contre  le  duel,  aux  mesures  à  prendre  contre  la  mauvaise 
1  u-esse  ;  enfin  on  demande  s'il  ne  serait  pas  bon  d'autoriser 
des  éditions  de  la  Sainte-Ecriture  en  langue  vulgaire  sans 
aucun  commentaire  (i). 

La  seconde  partie  des  propositions  de  l'Episcopat  napoli- 
tain traite  les  questions  de  discipline  ecclésiastique.  Elle  est 
sensiblement  plus  étendue  que  la  première,  et  par  les  détails 
ou  elle  entre,  dépasse  même  quelque  peu  la  mesure.  Si  les 
évèques  de  tous  les  pays  étaient  venus  au  concile  avec  des 
motions  aussi  étendues,  la  simple  lecture  de  ces  documents 
eût  absorbé  une  partie  exagérée  de  son  temps. 

Le  premier  chapitre  (2)  s'étend  sur  l'unité  d'action,  c'est-à- 
dire  sur  l'union  intime  de  tous  les  évèques  et  de  tout  le 
clergé  avec  le  centre  de  l'unité,  le  pape.  On  demande  au  con- 
cile de  mettre  tout  en  œuvre  pour  procurer  cette  union,  et 
l'on  propose  encore  de  nouveaux  moyens  dans  ce  but.  Dans 
le  second  chapitre  sur  la  «  puissance  et  l'efficacité  de 
l'action  »  (3)  les  évèques  proposent  des  mesures  qui  garan- 
tiront une  entière  efficacité  au  zèle  pastoral  du  clergé.  Le 
troisième  chapitre  (4)  préconise  de  nouvelles  prescriptions 
touchant  l'admission,  la  formation  et  le  genre  de  vie  des 
ecclésiastiques^  le  concile  y  est  prié  d'insister  de  nouveau 
sur  les  mesures  favorables  déjà  prises  dans  ce  but.  Le  qua- 
trième chapitre  (5)  suggère  des  moyens  qui  doivent  favoriser 
la  promptitude  dans  l'expédition  des  affaires  ecclésiastiques. 


(il  C.  V.  781  a.  sqq.:  c»'.  785c.   sq. 
(2)  Ibid.  785b.  sqq. 
:;    [bid.   790d.  sqq. 

(4)  Ibid.  797b.  sqq. 

(5)  Ibid.  *24  c.  sqq. 


[436-437] 


PROPOSITIONS    DE    ON/.K    EVEQUES    FRANÇAIS.  .i'27 

Dans  le  cinquième  et  dernier  chapitre  (i)  sont  proposées  des 
mesures  concernant  immédiatement  les  fidèles  et  propres  à 
promouvoir  leurs  intérêts  spirituels. 

La  France,  elle  aussi,  vint  avec  une  longue  série  de 
propositions  (2);  elles  émanaient  d'une  faible  minorité  de 
l'Episeopat  français,  de  onze  évêques  seulement  (3);  mais 
ceux-ci  affirment,  dans  la  lettre  qui  accompagne  leurs 
requêtes,  que  nombre  de  leurs  confrères  approuvent  leurs 
propositions.  Si  un  petit  nombre  seulement  les  a  signées, 
c'est  afin  qu'elles  n'aient  pas  l'allure  de  revendications 
déplacées  et  qu'on  les  puisse  examiner  plus  librement;  ce 
n'est  pas,  en  effet,  le  grand  nombre  des  signatures  qui  les 
impose  à  l'examen,  mais  l'importance,  la  modération  et 
l'utilité  seules  des  mesures  qu'elles  préconisent  les  recom- 
mandent à  l'attention  du  concile. 

Les  onze  évêques  demandent  une  loi  qui  prescrive  pour 
chaque  diocèse  l'établissement  d'un  grand  séminaire,  c'est-à- 
dire  d'un  séminaire  des  hautes  études,  et  oblige  tous  les  can- 
didats aux  saints  ordres  à  y  passer  quatre  années  ou  trois  au 
moins,  occupés  à  l'étude  des  sciences  sacrées  et  de  l'ascé- 
tisme.    | 

Si  la  fondation  d'un  tel  séminaire  est  impossible  pour  le 
moment  dans  un  diocèse,  les  aspirants  au  sacerdoce  iront 
recevoir  cette  formation  dans  le  séminaire  d'un  autre  dio- 
cèse. On  signale  l'utilité  qu'il  y  aurait  à  fonder  quelques 
écoles  où  les  futurs  directeurs  des  grands  et  petits  sémi- 
naires seraient  instruits  dans  l'exercice  de  leur  fonction,  qui 
est  l'éducation  des  prêtres.  11  faudra  y  enseigner  l'éloquence, 
et  l'art  sublime  de  faire  acquérir  aux  jeunes  gens  les  vertus 
sacerdotales  (4). 


(1)  C.  V.  829d.  sqq. 

(2)  Ibid.  832b.  sqq. 

(3)  Ce  -"lit  les  Archevêques  de  Paris,  Albi,   Sens   et  les  Evêques  de  Metz, 
Nain  \  el  Toul,  Dijon.  Lucon,  <  lahors,  Orléans,  Perpignan  et  Erreux. 

(4)  C    K.833a.  sq. 

[  137-438] 


J528  HISTOIRE    DU    CONCILE    1)1      VATICAN 

Pour  repousser  les  nombreuses  attaques  des  incrédules 
contre  la  Sainte  Ecriture,  l'hébreu  devra  ètre'enseigné  dans 
les  grands  séminaires  au  moins  aux  élèves  les  plus  capables. 
Cet  enseignement  sera  poussé  assez  loin  pour  «pie  les  élèves 
soient  à  même  plus  tard  d'obtenir  par  leurs  études  privées 
une  pleine  connaissance  de  cette  langue.  De  même,  l'étude 
du  grec  déjà  commencée  dans  les  petits  séminaires,  devra 
être  continuée  dans  les  grands  séminaires  (i). 

La  science  sacrée  et  profane  qu'on  acquiert  au  séminaire, 
ne  suffit  point  pour  exposer  et  défendre  les  vérités  chré- 
tiennes, comme  il  le  faut  de  nos  jours.  Il  doit  doue  y  avoir 
actuellement  comme  autrefois,  parmi  le  clergé,  quelques 
hommes  qui  cultivent  plus  particulièrement  les  hautes 
sciences.  Cela  n'est  ordinairement  possible  que  dans  des 
écoles  publiques,  telles  qu'elles  existent  par  exemple  à  Rome 
et  en  Belgique.  C'est  pourquoi  les  évèques  doivent  s'unir  et 
fonder  en  dehors  des  séminaires,  conformément  aux  mœurs 
et  à  la  législation  de  chaque  peuple,  soit  des  écoles  supé- 
rieures soit  des  universités,  où  seront  cultivées  et  ensei- 
gnées les  hautes  sciences  (2). 

On  recommande  des  examens  sévères  pour  l'obtention  des 
grades  académiques  et  il  ne  sera  permis,  en  aucun  cas.  de 
conférer  les  grades  supérieurs  à  qui  n'a  point,  au  préalable 
obtenu  les  inférieurs  (3). 

Les  jeunes  prêtres  seront  tenus  de  subir  un  examen  annuel 
durant  les  six  ou  sept  années  qui  suivent  leur  ordination.  Le 
programme  de  ces  examens  devra  être  distribué  de  telle 
façon  que  dans  les  six  ou  sept  ans  soit  revue  toute  la  matière 
qui  aura  été  traitée  au  séminaire.  On  recommande,  en  outre, 
les  conférences  de  prêtres  pour  entretenir  la  connaissance 
des  sciences  sacrées  (4). 


(i)  C.V.  833b.  sq. 
(2)Ibid.  833.'.  sq. 
(3)  Ibid.  833,1.  sq. 
(ii  [bid,  834  b. 


[438j 


PROPOSITIONS    DE    ONZE    ÉVÊQUES    FRANÇAIS  529 

Chaque  année  tous  les  ecclésiastiques  devront  faire  une 
retraite  en  commun  et  à  cette  occasion  il  faudra  donner  aux 
confesseurs  des  pouvoirs  plus  étendus.  /  11  faut  pousser  les 
prêtres  a  la  vie  commune,  les  curés  et  les  vicaires  doivent 
habiter  ensemble,  les  associations  de  prêtres  doivent  être 
encouragées,  et  il  faut  par  tous  les  moyens  rendre  possible 
aux  prêtres  la  vie  en  commun.  11  faut  exclure  les  femmes  de 
l'habitation  du  prêtre, et  s'il  faut  une  servante,  qu'elle  soit  de 
mœurs  et  de  réputation  irréprochables  et  qu'elle  ait  quarante 
ans  accomplis,  à  moins  qu'elle  ne  soit  proche  parente  du 
prêtre  (i). 

Quand  il  s'agit  de  pourvoir  à  une  cure,  il  n'y  a  pas  à  consi- 
dérer seulement  la  formation  scientifique  dont  le  candidat 
aurait  fait  preuve  dans  le  concours,  mais  encore  ses  vertus  et 
son  expérience;  aussi  doit-on  laisser  aux  évêques  la  plus 
complète  liberté  pour  placer  leurs  prêtres.  On  peut  même 
sans  concours  juger  suffisamment  du  degré  de  la  formation 
scientifique  des  candidats,  puisque  l'on  connaît  leurs  pro- 
grès au  séminaire  et  le  succès  qu'ils  ont  obtenu  dans  leurs 
examens  (2). 

Il  n'est  pas  rare,  surtout  dans  les  grandes  villes,  que  les 
prédicateurs  empruntent  leur  sujet  aux  sciences  naturelles, 
aussi  leur  ministère  ne  produit-il  qu'un  fruit  nul  ou  médio- 
cre. Un  décret  qui  obligerait  les  prédicateurs  à  puiser  leur 
matière  dans  la  Sainte  Ecriture  et  les  Saints  Pères  est  donc 
de  la  plus  grande  importance.  On  doit  aussi  prescrire  que 
dans  toutes  les  paroisses  la  doctrine  du  salut  soit  peu  à  peu 
complètement  et  clairement  expliquée.  Il  faut  inspirer  au 
cœur  des  prêtres  d'une  façon  toute  spéciale  le  soin  de  l'en- 
fance et  de  la  jeunesse.  La  préparation  particulière  des 
premiers    communiants,  les   catéchismes    de    persévérance, 


(1)  C.  F.,S34r.  sqq. 

(2)  Ibid.  835  a.  sq. 


I438-439J 


530  HISTOIRE    DU    CONCILE    ])L'    VATICAN 

l'installation  Je  patronages  pour  les  adolescents,  tout  cela 
mérite  d'être  recommandé  à  l'Eglise  entière  (i). 

Les  Congrégations  religieuses,  surtout  les  nouvelles, 
doivent  être  conservées  et  il  faut  apporter  le  plus  grand 
soin  dans  l'admission  des  novices.  Ceux-ci  doivent  être 
instruits  à  fond  dans  l'observance  de  la  discipline  religieuse, 
la  pratique  des  conseils  évangéliques  ;  et  même  après  avoir 
fait  leurs  vœux,  les  jeunes  religieux  doivent,  par  des  moyens 
efficaces,  être  entretenus  dans  la  voie  de  la  vertu.  Cela  est 
particulièrement  nécessaire  pour  les  Ordres  apostoliques. 
On  n'y  doit  point  facilement  admettre  des  sujets  que  les  évê- 
ques  auraient  jugés  peu  aptes  à  l'état  sacerdotal:  les  Ordres 
à  clôture  rigoureuse  leur  conviennent  davantage.  // 

En  raison  des  dangers  spéciaux  qui  menacent  de  nos  jours 
les  Ordres  religieux,  il  est  opportun  de  tracer  quelques  règles 
de  droit  :  i.  Pour  faciliter  le  renvoi,  même  après  la  profession, 
des  religieux  incorrigibles  et  qui  causent  du  scandale.  2.  Pour 
la  réforme  ou  la  suppression  des  maisons  religieuses  dans  les- 
quelles la  discipline  se  serait  malheureusement  relâchée. 
3.  Pour  faire  disparaître  la  congrégation  ou  les  maisons  reli- 
gieuses qui  seraient  manifestement  devenues  inutiles  dans 
l'Eglise. —  On  exprime  le  désir  qu'aucune  nouvelle  exemption 
ne  soit  accordée  et  (pie  celles  qui  le  sont  déjà  soient  mesurées 
de  telle  façon  que  les  différends  entre  le  clergé  régulier  et  le 
clergé  séculier  soient  évités  dans  la  mesure  du  possible  (2). 
On  ne  doit  point  s'opposer  à  la  fondation  de  nouvelles  con- 
grégations de  femmes  qui  se  vouent  à  renseignement  et  au 
service  du  prochain,  car  celles  qui  existent  ne  suffisent  point 
à  tous  les  besoins  ;  il  ne  faut  pas  non  plus  en  fondre  plusieurs 
ensemble.  Les  évéques  devront  bien  plutôt  s'attacher  à  y 
favoriser  le  développement  de  la  vie  religieuse. c'est  pourquoi 


(1)  C.  V.835c.  sqq. 

(2)  Ibid.  83dc  sqq. 


f489-440J 


PROPOSITIONS    DE    ONZE    EVEQUES    FRANÇAIS  531 

Une  faut  point  accorder  à  ces  congrégations  L'exemption  vis- 
à-vis  du  pouvoir  épiscopal  (i). 

Si  L'on  vient  à  délibérer  sur  les  chapitres,  que  Le  concile 
veuille  bien  édicter  les  mesures  propres  ;i  écarter  autant  que 
possible  tout  conflit  entre  chapitres  et  évéques  (2). 

Les  évêques  proposent,  en  outre,  d'augmenter  pour  les 
Ordinaires  les  pouvoirs  de  dispense  et  de  leur  accorder  les 
induits  apostoliques  pour  tout  le  temps  où  ils  seront  en 
charge.  Les  diocèses  de  chaque  province  ecclésiastique 
devront  être  soumis  au  moins  une  fois  tous  les  cinq  ans  à  la 
visite  de  l'archevêque.  Un  archevêque  sera  désigné  par  le 
pape  dans  chaque  pays,  qui  devra  entreprendre  aumoins  tous 
les  dix  ans  la  visite  de  tous  les  archidiocèses.  Les  appels  au 
Saint-Siège  ne  devront  être  admis  que  s'il  s'agit  de  choses 
importantes  et  si  l'on  en  a  d'abord  appelé  au  métropolitain. 
Les  titres  honorifiques  romains  et  les  canonicats  honoraires 
de  diocèses  étrangers  ne  devront  être  conférés  qu'après  ren- 
seignements pris  auprès  des  Ordinaires  (3). 

Il  est  à  souhaiter  que  dans  le  Sacré-Collège,  dans  les  con- 
grégations romaines  et  tribunaux  ecclésiastiques, on  admette 
en  plus  de  personnalités  savantes, un  grand  nombre  d'hommes 
versés  dans  la  pratique  et  pleins  d'expérience,  pris  dans 
toutes  les  nations  (4). 

Les  évéques  désirent  que  les  conciles  œcuméniques, comme 
aussi  les  synodes  nationaux,  soient  tenus  plus  fréquemment  ; 
les  synodes  provinciaux  devraient  s'assembler  tous  les  cinq 
ans  et  les  synodes  diocésains  tous  les  trois  ou  cinq  ans.  Si 
pour  les  décrets  portés  par  les  conciles  provinciaux  l'appro- 
bation de  la  Congrégation  du  concile  est  requise,  que  celle-ci 
n'ajoute  rien   à  ce  qu'aura  décrété  le  concile  provincial,  et 


(1)  C.  V.  837  asq. 

(2)  Ibid,  &37  c. 

(3)  Ibid.  837  c.  sqq. 
(4    Ibid.  838  d.  sq. 


[  440-444] 


o'3-2  HISTOIRE    DU    CONCILE    DI      VATICAN 

qu'il  soi!  permis  aux  évêques  de  la  province  ecclésiastique 
de  publier  séparément  la  partie  de  leurs  décrets  approuvée 
par  la  congrégation;  quant  à  l'autre  partie,  au  sujet  de 
laquelle  des  remarques  ou  des  corrections  auront  été  faites, 
qu'ils  puissent,  comme  ils  le  jugeront  à  propos,  la  corriger 
dans  le  sens  de  la  congrégation  et  la  publier  ainsi,  ou  bien  la 
laisser  complètement  de  côté  (  i). 

11  est  d'ailleurs  clair,  continuent  les  évêques,  et  cela  a  été 
depuis  longtemps  reconnu  et  dit  par  tout  le  monde  qu'un 
examen  et  une  refonte  du  droit  canon  s'impose  absolument. 
Car,  par  suite  des  grands  et  nombreux  changements  sur- 
venus dans  les  circonstances  et  dans  la  société  humaine  où 
nous  vivons,  beaucoup  de  lois  sont  devenues  inutiles  ou 
inapplicables  ou  extrêmement  pénibles.  On  doute  même  pour 
d'innombrables  canons  s'ils  sont  encore  oui  ou  non  en 
vigueur.  Enfin,  dans  le  cours  de  tant  de  siècles  le  nombre  de 
lois  ecclésiastiques  s'est  accru  à  tel  point  et  elles  forment  un  si 
gigantesque  amas  de  collections  que  nous  pouvons  dire  en 
un  certain  sens  :  nous  succombons  sous  les  lois.  Par  suite, 
l'étude  du  droit  canon  est  rendue  excessivement  difficile  et 
presque  impossible,  le  plus  vaste  champ  est  ouvert  aux  con- 
troverses et  aux  procès,  les  consciences  sont  opprimées  par 
mille  angoisses  et  portées  au  mépris  des  lois.  Que  le  concile 
veuille  donc  bien  amener  un  changement,  déterminer  lui- 
même  les  points  importants  et  instituer  ensuite  une  com- 
mission spéciale  de  théologiens  et  de  canonistes  savants 
ainsi  que  d'hommes  expérimentés  de  toutes  les  parties  de 
l'Eglise;  ils  auront  pour  tâché  de  refondre  tout  le  droit 
canonique,  et  par  des  éliminations,  des  modifications,  des 
additions,de  dresser  un  nouveau  Corpus  ju ris  qui  corresponde 
mieux  aux  conditions  actuelles.  Il  sera  divisé  en  titres,  cha- 
pitres et  articles, et  soumis  ensuite  à  l'examen  et  à  l'approba- 

1    C.  V.  839  b.  sqq. 

[441] 


PROPOSITIONS    DE    ONZE    EVEQUES    FRANÇAIS  :,X', 

tion   du    concile   dn    Vatican  ou  d'un  concile  ultérieur  (i). 

Les  évêques  souhaitent  ensuite  une  diminution  des  cen- 
sures et  des  cas  réserx  es  au  pape,'  ils  demandent  qu'à  chaque 
changement  de  pontife  i!  soit  dressé  et  publié  un  catalogue 
de  ces  cas  (2). 

On  propose  aussi  d'abroger  une  série  d'empêchements 
dirimants  du  mariage  et  de  transformer  celui  de  clandestinité 
en  empêchement  prohibant.  On  désire  voir  accorder  aux 
évêques  de  plus  amples  pouvoirs  de  dispense,  une  plus  rapide 
expédition  des  dispenses  sollicitées  à  Rome,  une  réduction 
des  vacances  prises  par  les  congrégations  romaines  et  tribu- 
naux ecclésiastiques,  et  une  simplification  du  style  prescrit 
pour  les  demandes  de  dispenses,  ainsi  que  des  règles  qu'il  y 
faut  observer  (3). 

Les  règles  de  l'Index,  pensent  le&évêques,  ont  besoin  d'être 
adaptées  à  notre  temps,  et  dans  la  condamnation  des  livres, 
il  est  désirable  qu'on  emploie  des  procédés  plus  doux.  Le 
bréviaire  a  besoin  d'être  réformé,  la  méthode  dans  la  distribu- 
tion des  indulgences  changée, la  loi  de  l'abstinence  et  du  jeune 
adoucie  :  on  demande  une  vigilance  particulière  sur  la 
diffusion  d'images  religieuses,  les  relations  de  miracles  et 
L'introduction  de  pratiques  de  dévotion  (4). 

On  prie  instamment  le  concile  de  prendre  des  mesures 
pour  reprimer  les  écarts  de  certains  journaux  catholiques. 
On  énumère  les  maux  qui  en  résultent  :  ils  défigurent  la 
vraie  doctrine  et  exercent  une  influence  désastreuse  sur  la 
piété  chrétienne;  simples  organes  de  personnes  privées,  ils 
prononcent  des  censures  théologiques  sur  des  opinions  ou 
des  personnes  que  l'Eglise  n'a  point  condamnées;  ils  intro- 
duisent des  dissensions  et  la  désunion  parmi  les  catholiques 


1  (..  V.  840  a.  sq. 

2  Ibid.  840  c.  sqq. 
(3  Ibid.  842>.  s<|(i. 
(4)  Ibid.  843  d.  sqq. 

[441-442] 


:;:u  histoire  du  concile  du  Vatican 

et  même  dans  le  clergé;  ils  diminuent  le  respect  et  la  sou- 
mission dus  aux  évêques;  ils  excitent  une  vive  haine 
contre  l'Eglise  et  le  Saint-Siège;  et  tous  les  jours  on  voit 
s'immiscer  dans  les  affaires  de  l'Eglise,  non  sans  extrême 
danger  et  scandale,  des  gens  sans  mandat,  dont  la  plupart 
sont  mal  renseignes  et  manquent  à  la  fois  de  prudence  e1 
d'impartialité:  l'on  voit  enfin  les  catholiques  et  le  clergé 
lui-même  conduits  par  des  laïques  dans  des  affaires  pure- 
ment ecclésiastiques.  Aussi  est-il  de  l'intérêt  même  du 
concile  de  prendre  dés  son  ouverture  les  mesures  qui  empê- 
cheront la  presse  de  se  mêler  a  ses  affaires  et  d'exercer 
sur  ses  travaux    son    influence  troublante  (i). 

Le  concile  est,  en  outre,  prié  de  tracer  une  méthode  pour 
la  conversion  des  incrédules,  des  schismatiques  et  des 
hérétiques,  et  quelques  dispositions  sont  recommandées 
comme  favorables  à  ce  résultat  12). 

En  rédigeant  les  formules  par  lesquelles  sont  condamnées 
les  erreurs,  il  faut  user  de  beaucoup  de  prudence,  à  cause  des 
journaux  qui  les  répandent  dans  le  monde  entier  et  les 
accompagnent  de  leurs  commentaires.  Ces  formules  doivent 
être  avant  tout  claires  et  précises,  avec  un  expos*'  bref  des 
raisons  de  la  condamnation;  le  style  devra  être  modère  et 
sans  aucune  vivacité  d'expression  contre  ceux  qui  se  sont 
trompés.  —  «  En  considération  de  l'état  actuel  de  l'Eglise  <-t 
de  la  société  humaine,  disent  les  evéques,  il  semble  prudent  et 
raisonnable  de  ne  rendre  aucune  nouvelle  définition  de  loi.  à 
moins  que  l'on  n'y  soit  forcé  par  la  nécessité  la  plus  extrême 
et  lapins  évidente;  en  particulier,  dans  les  matières  pour 
lesquelles  les  circonstances  de  temps  et  de  caractère  des 
contemporains  font  facilement  prévoir  et  craindre  de  l'agi- 
tation dans  les  esprits  ou  du  scandale  (3).   » 


1    C.  K.  845  b.  sqq. 

2)  Ibid.  8i5d.  sqq. 

:]   Ibid.  >S4S  h.  sqq.  Tous  les  signataires  des  postulata  étaient  contraires  à    ■* 
définition  de  l'infaillibilité  pontificale. 

[442-443] 


PROPOSITIONS    D EVEQUES    ALLEMANDS  838 

Une  dernière  proposition  concerne  l'impulsion  à  donner 
aux  oeuvres  de  charité  et  de  miséricorde  dans  l'Eglise  (i). 

Les  motions  présentées  par  divers  évêques  allemands  (2) 
concordent:  sur  plusieurs  points  avec  celles  de  leurs  collègues 
de  France1.  Tout  zèle  véritable  et  sincère  de  réforme  commen- 
çant par  la  reforme  de  soi,  les  prélats  prient  le  Synode 
général  de  recommander  sérieusement  aux  évêques  et  à  tous 
les  ecclésiastiques  l'emploi  diligent  des  moyens  utiles  à  leur 
propre  sanctification  et  à  l'accomplissement  de  leurs  devoirs 
pastoraux;  qu'il  les  invite  en  particulier  à  l'aire  tous  les  ans 
ou  tous  les  deux  ans  les  exercices  spirituels,  et  à  se  réunir 
tous  les  mois  ou  tous  les  deux  mois  en  conférences  pastorales. 
Qu'on  recommande  instamment  aux  prêtres  la  vie  en 
commun,  qu'on  leur  prescrive  à  nouveau  des  règles  fixes  sur 
la  cohabitation  avec  des  femmes,  sur  la  fuite  des  cabarets, 
sur  l'emploi  des  revenus  provenant  des  bénéfices  ou  fonctions 
ecclésiastiques,//  sur  leurs  devoirs  vis-à-vis  des  écoles  et  des 
pauvres  (3). 

Ils  demandent  qu'on  réduise  le  nombre  des  empêchements 
de  mariage,  qu'on  augmente  pour  les  évêques  les  pouvoirs  de 
dispense  et  qu'on  modifie  sur  d'autres  points  la  législation 
matrimoniale.  Ils  demandent  aussi,  comme  les  évêques  fran- 
çais, que  Rome  veuille  traiter  promptement  et  à  toute 
époque  de  l'année  les  dispenses  relatives  aux  choses  du 
mariage  (4). 


[1    G.  V.  849  a. 

■>  Ibid. 873  b.  s(jq.  Purent  présentées  les  propositions  des  archevêques  de 
Cologne,  Munich,  Bamberg,  et  des  évêques  de  Breslau,  Augsbourg,  Mayence, 
Trêves,  Eichstàtt,  Ermeland,  Qsnabriick,  Leontopolis  vicaire  apostolique  de 
Saxe), Halicarnasse  vicaire  apostolique  du  Luxembourg  et  Agathopolis  (évéque 
militaire  de  l'armée  allemande'.  A  Fulda  p.  277),  les  évêques  s'étaient  déter- 
minés, suivant  l'exemple  de  M"  de  Prague,  le  cardinal  Schwarzenberg,  à  sou- 
mettre quelques  propositions  au  Concile  :  ils  avaient  chargé  quelqu'un  des  leurs 
de  formuler  leurs  postulats.  De  Rome  devait  venir  l'examen  et  l'approbation. 

(3)  Ibid.  873  b  sq. 

(4)  Ibid.  873  c  sqq. 

[443-444 


536  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

Comme  leurs  collègues  de  France,  ils  désirent  voir  réduire 
le  nombre  des  cas  et  des  censures  réservées  au  pape  et  étendre 
à  toute  la  durée  de  leurs  fonctions  pastorales  les  facultés 
quinquennales  accordées  aux  évêques  pour  ces  cas.  ils  pro- 
posent une  révision  «le  l'Index  et  demandent  qu'avant  de 
publier  la  censure  sur  un  livre  on  entende  toujours  l'Ordi- 
naire dont  relève  l'auteur  (i). 

La  forme  de  la  procédure  canonique  doit  être  la  même 
pour  les  différents  diocèses;  on  reformera  le  Corpus  juris 
canonici  et  le  bréviaire:  il  sera  permis  à  tous  les  prêtres 
chargés  du  ministère  «les  âmes  d'anticiper  les  matines  dès 
deux  heures  de  l'après-midi  (2), 

Les  évêques  d'Allemagne  appellent  l'attention  du  concile 
sur  le  concours  pour  les  cures  et  sur  le  droit  de  patronage 
des  laïques.  Ils  désirent  qu'on  augmente  les  cas  où  peut  être 
déposé  de  son  office  un  prêtre  ayant  charge  d'âmes  et  qu'un 
curé  puisse  être  déplacé  on  pourvu  d'une  pension  de  retraite 
quand  la  sentence  ou  les  suffrages  des  examinateurs  pré- 
synodaux l'auront  déclaré  désormais  incapable  de  diriger 
sa  paroisse  (3).  Ils  demandent  enfin  que  l'on  renouvelle 
les  lois  portées  contre  la  franc -maçonnerie  et  autres 
sociétés  secrètes,  et  que  l'on  agisse  à  leur  égard  d'une 
manière  efficace  (4). 

Le  cardinal  Schwar/.enberg.  archevêque  de  Prague,  avait 
exprimé,  nous  l'avons  déjà  t'ait  remarquer  (5),  avant  même 
la  reunion  des  évêques  de  I-'ulda,  quelques  désirs  concernant 
les  opérations  du  futur  concile.  Sa  lettre  adressée  au  nome 
de  Vienne  porte  la  date  du  25  juillet  1869  (6). 


(1)  C.  Y.  s74  h  sq. 

(2)  Il.id.  874  dsq. 

(3)  Ibid.  875  a  sq. 
(ii  Ibid.  875  c' 

[5)  Voir  i>lu-  haut  p.  277  el  page  précédente. 

Ifî1  Elle  est  conservée  dans  les  archives  du  concile  du  Vatican. 

144 


PROPOSITIONS    I>I     CARDINAL    SCHWARZENBERG  537 

Relativement  au  dogme,  le  cardinal  souliaiteque  le  concile 
expose  les  doctrines  qui  sont  le  fondement  et  la  préface  du 
christianisme  :  elles  furent  en  effet,  exposées  par  le  concile 
dans  la  constitution  Dei  Films  ou  réservées  pour  des  défini- 
tions ultérieures.  Mais  Le  cardinal  prie  l'auguste  assemblée 
d'observer  la  bonne  méthode  d'exposition  et,  pour  les  sujets 
qu'elle  traitera, de  se  renfermer  dans  de  justes  limites.  11  con- 
seille donc  d'éviter  les  formules  scientifiques  et  la  terminolo- 
gie philosophique;  quant  aux  limites,  le  concile  se  les  tracera 
de  façon  a  laisser  aux  écoles  théologiques  ce  qui  appartient 
aux  écoles,  évitant  d'élever  sans  de  graves  motifs  au  rang 
de  dogme  obligatoire  pour  tous,  ce  que  beaucoup  esti- 
ment être  la  vérité  par  pieuse  croyance.  Comme  exemple 
de  doctrine  qui  n'est  point  à  définir,  le  cardinal  arche- 
vêque cite  celle  de  l'infaillibilité  pontificale,  dont  la 
définition  menace  de  causer  grand  préjudice  aux  fidèles 
comme  aux  incrédules  (i).  Sont  encore  cités  dans  le  même 
sens  :  l'Assomption  de  Marie,  l'état  de  nature  pure,  le 
genre  de  secours  conféré  par  la  grâce  divine,  le  mode 
d'action  de  l'âme  dans  le  corps.  Le  cardinal  ajoute  que 
l'on  devrait,  quand  on  a  à  condamner  des  livres,  demander, 
avant  la  sentence,  l'avis  de  l'évêque  du  diocèse  dans  lequel 
les  livres  ont  été  édités  et  répandus. 

La  partie  disciplinaire  de  ses  propositions  comprend  toute 
une  série  de  points  tels  que  la  législation  du  mariage,  les  cas 
réservés,  le  droit  de  patronage,  le  concours  pour  les 
paroisses  et  le  Corpus  jaris  canonici.  11  fait  aussi  quelques 
propositions  relatives  à  la  liturgie.  On  devrait  dans  les 
offices  divins,  tout  en  conservant  pour  le  prêtre  l'usage  du 
latin,  permettre  au  peuple  d'une  certaine  manière  l'usage  de 
sa  langue;  il  faudrait  tolérer  qu'on  fit  dans  le  rituel  romain 
des  additions  conformes  aux  habitudes  des  provinces,  rame- 
Il)  C.  V.  914  a. 

[4451 


538  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

ner  le  chant  grégorien  à  sa  forint'  primitive  et  introduire 
dans  le  bréviaire  quelques  améliorations. 

M-1  Hanl,  évêque  de  Kôniggrâtz, avait,  lui  aussi,  présent»'' 
quelques  postulata  (i),  qui  s'accordent  en  bien  des  points 
avec  ceux  de  l'archevêque  de  Prague.  Il  se  déclare  très  atta- 
che a  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale,  mais  eu  égard 
aux  chrétiens  vivant  dans  le  schisme  et  l'hérésie  et  qu'il 
s'agit  de  regagner  à  la  religion  catholique,  il  croit  la  défini- 
tion peu  désirable.  // 

L'archevêque  et  les  évoques  de  Belgique,  dans  les  postulata 
qu'ils  présentent,  demandent  tout  d'abord  au  concile  de  ne 
point  désapprouver  quelques  adaptations  aux  besoins  de 
la  Belgique,  des  lois  ecclésiastiques  existantes;  elles  n'ont 
pas  seulement  été  reconnues  heureuses,  mais  dignes  d'être 
('tendues  à  d'autres  pays.  Les  lois  ainsi  adoptées  concernent 
la  procédure  canonique  contre  les  ecclésiastiques,  les  sémi- 
naires de  clercs,  les  paroisses  succursales,  le  synode  diocé- 
sain et  certaines  communautés  religieuse*»  d'hommes  et  de 
femmes  (2). 

Les  évêques  belges  désirent,  en  outre,  avoir  plein  pouvoir 
pour  autoriser  les  oratoires  privés  et  les  autels  privilégies: 
ils  demandent  qu'on  étende  à  toute  la  durée  de  leur  adminis- 
tration épiscopale  quelques-uns  de  leurs  autres  pouvoirs  qui 
ne  leur  sont  d'habitude  conférés  (pie  pour  une  période  de 
temps  limitée  (3). 

Ils  proposent  quelques  changements  dans  la  législation  du 
mariage,  comme,  par  exemple,  la  diminution  des  empêche- 
ments et  l'expédition  plus  facile  et  plus  rapide  des  dispenses. 
Enfin,  ils  demandent  la  réforme  et  la  codification  des  collec- 
tions de  lois  ecclésiastiques  (4). 


(1)  Lettre  du  LOjuin  18(59.  Conservée  aux  archives. 

(2)  C.  V.  876asqM. 
Ci)  [bid.  877  sq. 
(4)  Ibid.  877  dsqcj. 


POSTULATA    DE    DIVERS    EVEQUES  S39 

Au  nom  de  plusieurs  évêques  du  centre  de  Yllalie. 
M-'1'  Hindi,  évêque  de  Pistoia  et  Prato,  présenta  une  série 
de  propositions  ayant  en  premier  lien  pour  objet,  une  fois  de 
plus,  la  diminution  des  empêchements  <le  mariage  et  la 
concession  plus  rapide  des  dispenses.  Parmi  les  autres  figure 
aussi  le  vœu  d'une  revision  du   Corpus  juris  canonici  (i). 

L'évêque  «le  Coneordia  province  de  Venise,  résidence  à 
Portogruaro)  demande  la  suppression  de  l'abstinence  du 
samedi;  de  plus,  l'extension  des  pouvoirs  des  évêques  en 
matière  de  dispenses  matrimoniales.  Il  désire  qu'une  loi 
prescrive  pour  les  fiançailles  une  certaine  solennité  sous 
peine  de  nullité;  en  vertu  de  la  même  loi,  les  fiançailles 
deviendraient  nulles  de  plein  droit  si  dans  le  courant  d'une 
année  elles  n'ont  point  été  renouvelées.  On  doit  accorder 
aux  évêques  plein  pouvoir  pour  priver" de  leurs  bénéfices  les 
curés  ou  autres  benéficiers  inamovibles,  dès  qu'ils  seront 
convaincus  de  fautes  assez  graves  pour  ne  plus  pouvoir,  sans 
scandale,  de  l'avis  de  l'évêque  et  des  juges,  demeurer  en 
possession  de  leurs  bénéfices.  On  doit  cependant  laisserai! 
titulaire  des  bénéfices  le  droit  d'en  appeler  au  Saint-Siège.// 
Tl  faut  défendre  aux  ecclésiastiques,  sous  des  peines  sévères, 
de  faire  imprimer  et  publier  quoi  que  ce  soit  sans  permission 
écrite  de  l'Ordinaire.  Enfin,  l'évêque  demande  l'institution  d'un 
nouveau  titre  d'Ordination, celui  de  «  Servîtutis  Ecclesiae»  (2). 

M-'  Farina,  évêque  de  Vicence  (province  de  Venise),  fait, 
lui  aussi,  quelques  courtes  propositions  (3). 

Les  archevêques  et  évêques  des  provinces  ecclésiastiques 
de  Québec  et  d'Halifax  présentèrent  de  concert  divers  postu- 
lata.  Le  premier  vise  encore  la  réforme  et  la  codification  de 
tout  le  droit  ecclésiastique;  le  second,  la  diminution  des 
empêchements    du    mariage    et     l'extension    des    pouvoirs 


il>  C.  V.  881  esqq. 

(2)  Ibid.  882  c  sqq. 

(3)  Ibid.  885  1,. 


(  >»**  6-441 


540  HISTOIRE    m     CONCILE    DU    VATICAN 

de  dispense  accordés  aux  évêques.  Quatre  autres  postulata 
traitent  de  quelques  empêchements  en  particulier  :  on 
souhaite  que,  dans  les  demandes  de  dispense  pour  les 
empêchements  de  consanguinité  et  d'affinité,  il  n'y  ait  plus 
obligation  de  déclarer  la  circonstance  du  péché  d'inceste. 
Un  dernier  postulat  a  trait  au  bréviaire.  On  désire  qu'il 
soit  modifié  de  telle  sorte  que  chaque  semaine  le  psautier 
soit  récité  en  entier  et  que  l'office  soit  abrégé  les  jours  où 
les  curés  et  les  confesseurs  sont  d'habitude  surchargés 
d'occupations  (i). 

M8*  Spalding,  archevêque  de  Baltimore,  dans  une  lettre  (2) 
datée  du  i5  août  1869,  présenta  une  liste  de  projets  de  décrets 
doctrinaux  et  disciplinaires;  ils  concernent  les  rapports 
mutuels  des  deux  pouvoirs,  L'indifférentisine  religieux,  le 
châtiment  de  l'hérésie,  l'appel  au  bras  séculier,  la  théorie  du 
progrès,  l'infaillibilité  du  pape,  l'inamovibilité  des  cures, 
les  droits  d'étole  dans  l'administration  des  sacrements,  enfin 
les  sociétés  secrètes.  Entrer  dans  le  détail  de  ces  différents 
points  nous  conduirait  trop  loin.  Cependant  comme  plus 
tard,  lors  du  concile,  une  controverse  s'éleva  au  sujet 
de  la  position  prise  par  M-'  Spalding  vis-à-vis  de  la  défi- 
nition de  l'infaillibilité  pontificale,  mettons  seulement  en 
évidence  les  premiers  mots  du  paragraphe  qu'il  consacre 
à  cette  doctrine  :  «  La  doctrine  de  l'infaillibilité  du  pape  est 
tellement  évidente,  que  de  tous  les  évêques  on  en  trouve- 
rait à  peine  quelques-uns  pour  la  mettre  en  doute.»  Tout  au 
plus  peut-on  se  demander  si  la  définition  est  nécessaire 
ou  opportune.  /  Peut-être  vaut-il  mieux  se  contenter  d'une 
définition  implicite,  quelque  chose  comme  un  développement 
de  la  définition  de  Florence.  Que  si  le  concile  préfère  une 
définition  explicite,  il  doit  déterminer  avec  beaucoup  de 
-tiiu    les  limites   de   l'infaillibilité,    afin    (pie    l'on   puisse   se 


(1)  C.V.  87!»cp<|(|. 

(2j  Conservée  aux  archives  'lu  concile. 


417-4481 


POSTI  I.ATA    DE    DIVERS    EVEQI  ES  :»  i  1 

former  un  jugement  certain  sur  la  portée  <les  allocutions  ou 
décrets  pontificaux  antérieurs. 

M*-'1  Adames,  vicaire  apostolique  du  Luxembourg,  dans  un 
postulatuni  qu'il  présentait  (i),  demandait  qu'on  exposât  cer- 
taines doctrines  concernant  lepape,  le  pouvoir  ecclésiastique, 
le  pouvoir  civil,  l'éducation  de  la  jeunesse,  les  prétendues 
libertés  (de  conscience,  des  cultes  et  celle  de  manifester  ses 
opinions),  enfin  la  bienfaisance  chrétienne. 

Les  autres  postulata  n'ont  chacun  pour  objet  qu'un  seul 
point.  Les  deux  cardinaux  Riario-Sforza,  archevêque  de 
Xaples,  etPecci,  évèque  de  Pérouse,  demandent  la  condam- 
nation d'une  certaine  forme  de  l'ontologisme.  Dans  les  déli- 
bérations au  sujet  de  la  Constitution  Dei  Filins,  M-1'  Gasser, 
prince-evéque  de  Brixen,  rapporteur  de  la  députation  de  la 
foi,  avait  au  nom  de  celle-ci  rejeté  un  projet  de  modifica- 
tion qui  renfermait  une  condamnation  de  l'ontologisme. 
parce  que  le  sujet  n'avait  point  été  suffisamment  traité  (2). 
Là-dessus  les  deux  cardinaux  présentèrent  un  postulatuni  (3) 
tendant  à  faire  condamner  une  forme  particulière  d'ontolo- 
gisine  en  contradiction  manifeste  avec  la  doctrine  catholique  : 
à  savoir  cette  proposition  :  «  La  connaissance  directe  et 
immédiate  de  Dieu  est  naturelle  à  l'homme.  »  Suivent  de 
nombreux  motifs  qui  exigent  la  réprobation  de  cette  asser 
tion  et  qui  montrent  la  nécessité  qu'il  y  a  de  la  condamner. 
Le  concile  ne  prit  point  le  postulatuni  en  considération.  Mais 
le  cardinal  Pecci,le  second  des  deux  postulateurs,  a  plus  tard 
comme  pape  sous  le  nom  de  Léon  XIII,  condamné  l'ontolo- 
gisme. 

Deux  postulata,  l'un  de  Mgr    Dechamps,    archevêque    de 
Malines  (4),  l'autre  de    Mgr  Colet,  évêque  de  Luçon  (5),  sont 


(1)  C.  V.  853  b  sqq. 

(2)  Ibid.  153  a. 

(3)  Ibid.  849  b  sqq, 

(4)  Ibid.  854  c  sq«|. 

(5)  Ibid.  855  b  sqq  . 


;44.» 


842  HISTOIRE    1)1     CONCILE    1)1     VATICAN 

relatifs  à    un  parti   schismatique  existant  en  France  sous  le 

nom  de  Petite  Eglise  et  en  Belgique  sous  celui  de  secte  d"s 
Stevenistes.  Ce  parti  est  formé  par  les  descendants  des 
catholiques  qui  mécontents  du  concordat  conclu  en  1801  entre 
Pie  VII  et  le  gouvernement  français,  //  considèrent  comme 
illicites  tous  rapports  avec  les  éveques  institués  à  cette 
époque  par  le  pape. M*-'1'  Dechamps  dit  qu'il  y  a  dans  son  archi- 
diocèse  environ  quatre  cents  Stevenistes  :  on  leur  serait 
utile,  pense-t-il,  en  déclarant  par  voie  conciliaire  que  leur 
parti  est  schismatique;  et  il  demande  par  suite  qu'on  insère 
dans  la  Constitution  sur  l'Eglise  une  clause  relative  à  ces 
schismatiques.  M-1'  Colet  ne  t'ait  point  de  proposition  déter- 
minée; il  dit  seulement  que  les  partisans  de  la  Petite  Eglise 
ont  les  yeux  tournés  vers  l'assemblée  de  Rome,  et  qu'on 
recevra  avec  bienveillance  les  moyens  que  le  concile  jugera 
propres  à  les  ramener  vers  l'Eglise. 

.M-1  Greith,  évêquede  Saint-Gall,  présente  deux  postulata. 
L'un  concerne  les  écoles  mixtes  de  la  Suisse  allemande, 
c'est-à-dire  ces  écoles  non  catholiques  que  les  catholiques 
sont,  eux  aussi,  contraints  de  fréquenter  (i).  Il  fait  un  bref 
exposé  de  l'origine  et  du  caractère  de  ces  établissements, 
ainsi  que  des  dangers  qu'offrent  ces  sortes  d'écoles  tant 
élémentaires  que  supérieures.  11  propose  ensuite  au  con- 
cile de  désapprouver  ces  écoles,  de  mettre  sérieusement  en 
garde  contre  elles  les  éveques,  les  curés  et  les  parents,  et 
d'exhorter  les  gouvernements  séculiers  à  rendre  aux  catho- 
liques, à  qui  on  les  a  arrachées  contre  tout  droit,  ces  écoles 
qu'ils  avaient  fondées  et  à  reconnaître  aux  parents  la  liberté 
qui  leur  appartient  dans  l'éducation  de  leurs  enfants. 

Le  second  postulatum  a  trait  aux  mariages  mixtes  (2). 
L'évêque  découvre  les  périls   qu'ils  offrent  et  demande  un 


il)  G.  V.  857c sqq. 
(2)  Ibid.  88! id  sqq. 


448^449 


POSTULATA    DE    DIVERS    EVEQUES  §43 

remède  au  concile.  Dans  sa  proposition  il  prie  le  concile  de 
porter  une  loi  obligeant  les  évêques  à  prononcer  l'excommu- 
cation  publique  et  solennelle  contre  ceux  qui  contractent  un 
mariage  mixte  ou  qui  y  vivent,  toutes  les  l'ois  que  se  vérifie 
l'un  des  trois  cas  suivants:  i.  Si  l'un  de  ceux  qui  veulent 
contracter  un  tel  mariage  est  déjà  marie:  2.  Si  en  l'absence 
de  promesse  relative  à  l'éducation  catholique  des  enfants,  le 
mariage  est  célébré  devant  le  ministre  protestant;  3.  Enfin, 
si  après  célébration  du  mariage,  en  dépit  de  la  promesse 
antérieure,  les  enfants  sont  élevés  dans  une  religion  non- 
catholique.  Il  faut  ordonner,  dit  Mgr  (ireith,  que  les  curés 
publient  toujours  solennellement  dans  l'église  paroissiale  les 
dimanches  et  jours  de  fête,  la  sentence  d'excommunication 
des  époux  qu'elle  frappe.  L'évêque  de  Saint-Gall  proposeen- 
suite  de  laisser  aux  évêques  la  dispense  pour  l'empêchement 
matrimonial  de  la  diversité  de  religion,  mais  de  leur  recom- 
mander qu'ils  raccordent  seulement  pour  les  plus  graves  rai- 
sons et  après  examen  détaillé  du  cas,  et  même  cette  dispense 
ne  devra  être  accordée  que  par  sentence  rendue  en  conseil. 

I  h  postulatum  signe  par  huit  Pères  attire  l'attention  du 
concile  sur  les  erreurs  socialistes  (1);  il  demande  qu'on 
expose  les  devoirs  des  riches  et  des  pauvre»,  des  patrons  et 
des  ouvriers. 

Cinq  évêques  (lu  rite  maronite  et  chaldéen  conjurent  le 
concile,  plus  exactement  le  Souverain  Pontife,  d'élever  la 
voix  contre  les  injustices  par  lesquelles  les  hommes  s'oppri- 
ment aujourd'hui  les  uns  les  autres,  et  qui  inondent  la  terre 
comme  les  eaux  d'un  grand  fleuve  (2). 

»  Quarante  Pères  déplorent  le  militarisme  et  ses  consé- 
quences, ils  jugent  nécessaire  d'exposer  authentiquement 
les    parties   du    droit   canonique    qui    traitent   du    droit    des 


il    C.  P.  860  b  sq. 
(2)  Ibid.  860  d  sqq. 


149-4S0] 


544  HISTOIRE    1)1     CONCILE    DU    VATICAN 

nations,  de  la  nature  de  la  guerre  et  de  tout  ce  qui  la  permet, 
ordonne  on  défend  (i). 

In  antre  postlllatum,  émanant  d'un  synode  patriarcal 
tenu  par  les  Arméniens  à  Constantinople  (2),  traite  du  même 
objet.  Il  énumére  en  détail  les  doctrines  morales  et  cano- 
niques qui  concernent  la  guerre;  et  exprime  le  vœu  que  Le 
concile  veuille  bien  s'en  occuper.  <<>u'il  explique  le  comman- 
dement :  a  Tu  ne  tueras  point  »  et  qu'il  déclare  solennellement 
les  conditions  d'une  guerre  juste.  Le  synode  arménien  regarde 
comme  une  nécessite!'  l'érection  auprès  du  Saint-Siège  d'un 
tribunal  suprême  et  permanent,  composé  de  juristes  de 
toutes  nations;  dés  que  le  "mot  de  «  guerre  »  viendra  à  être 
prononcé  (in  verbo  belli)  ce  tribunal  examinera  si  les  rapports 
réciproques  des  sociétés  sont  d'accord  avec  les  principes  de 
morale  chrétienne;  il  sera  considéré  comme  le  tribunal  de 
la  défense  du  droit  des  gens,  et  sa  sentence,  confirmée  par 
le  successeur  infaillible  de  Pierre,  sera  une  loi  pour  la  con- 
science publique.  On  s'opposera  par  là-même  au  militarisme 
et  à  ses  funestes  conséquences  (3). 

Mgr  Grande,  archevêque  d'Otrante,  demande  au  concile 
d'exposer  la  doctrine  relative  au  prêt  à  intérêt  (4' 

Xeuf  propositions  furent  présentées  pour  que  le  concile 
élevât  à  la  certitude  d'un  dogme  de  foi  l'Assomption  corpo- 
relle de  Marie  au  ciel.  Elles  furent  signées  par  environ  deux 
cents  Pères  de  tout  rang  (:j). 

("eut  huit  Pérès  demandèrent  l'addition  à  la  salutation 
angélique  des  mots  «  Vierge  immaculée  »  et  par  suite  la  réci- 
tation suivante  :  <<  Sancta  Maria,  Virgo  immaculata.  Mater 
Dei,  ora  }>ro  nobis  peccatoribus  foi.  » 


(1)  C.  V.  861  c  sq. 

(2)  Ibid.  862  a  sqq. 

(3)  Ibid.  »«a  sq. 

(4)  Ibid.»*;  dsqq. 

(5)  Ibid.  868  a  sqq. 

(6)  [bid.  873  a. 


[4SQ-451J 


POSTULATA    DE    DIVERS    EVEQUES  :,i;, 

Un  postulat  uni  signé  par  sepl  Pères  déplore  les  suites 
funestes  qu'ont  pour  l'Eglise  les  privilèges  accordes  à  des 
princes  ou  à  des  gouvernements  pour  la  nomination  aux 
éveches:  le  postulatitm  prie  l'assemblée  conciliaire  de 
mettre  soifs  les  yeux  de  ceux,  princes  ou  autres,  qui  ont 
quelque  part  dans  la  création  des  évêques,  les  rigueurs  du 
divin  .1  lige  devant  qui  ils  auront  un  jour  à  répondre  de  l'usage 
l'ait  par  eux  de  leurs  droits;  qu'on  leur  recommande  une  plus 
stricte  observation  des  règles  portées  par  le  Concile  de 
Trente  relativement  à  l'institution  des  évêques  fi). 

M81  de  Ketteler,  cvèque  de  Mayenee,  présenta  un  ]x>stu- 
latum  ayant  exactement  le  même  objet  (2).  Un  autre  Père 
demande  des  remèdes  contre  l'abus  des  privilèges  et  des 
exemptions  en  général  (3).  L'archevêque  de  Messine  se  plaint 
des  inconvénients  qui  résultent  de  la  prélature  conférée  à 
l'archimandrite  du  monastère  de  Saint-Sauveur  à  Mes- 
sine (4). 

M-1  Krementz,  évêque  d'Ermeland,  dépose  un  projet 
de  loi  obligeant  les  prêtres  à  une  confession  plus  fré- 
quente. Cette  loi  défendra  sévèrement  de  différer  la  confes- 
sion au  delà  de  deux  mois;  les  évêques  devront  veiller  à  son 
exécution;  on  pourrait  leur  permettre.d'y  apporter  quelque 
adoucissement  pour  de  graves  motifs,  mais  ils  devront  punir 
sévèrement  toute  infraction  à  la  règle.  Si  le  concile  ne  veut 
point  edicter  cette  loi,  qu'il  enjoigne  du  moins  au  premier 
concile  particulier  qui  se  tiendra  dans  chaque  province  ecclé- 
siastique après  celui  du  Vatican,  de  prendre  les  mesures 
propres  à  pousser  les  prêtres  à  la  confession  fréquente  (5).  // 

MF  Biale,  évêque  d'Albengo,  propose  un  moyen  d'écarter 
les  multiples    inconvénients   résultant    de    ce    l'ait    «pie    les 


(1)  C.  V.  8831)  sq, 

(2)  Ibid.  833  d  sqq 

(3)  Ibid.  884  !.. 

(4.1  lbid.  884csqq. 
(5)  Ibid.  885c sqq. 


151-4521 


516  HISTOIRE    1)1*    CONCILE    DU    VATICAN 

prêtres  ordonnés  nd  tituliim  patrîmonii  ou  ad  titulum  sim- 
plicis  beneficii  passent  ensuite  leur  temps  dans  l'oisiveté  (i). 

La  codification  des  lois  ecclésiastiques,  désirée  bien  sou- 
vent dans  d'autres  postulata  généraux,  l'ait  aussi  l'objet  d'une 
proposition  spéciale  signée  par  trente  et  un  Pères  (2). 

Le  gênerai  des  Minimes  demande  qu'on  introduise  la  con- 
formité et  l'unité  dans  le  bréviaire  et  la  messe,  pour  toute 
l'Eglise  catholique  (3).  M61"  Ferrigno,  archevêque  de  Brindisi, 
réclame  une  nouvelle  préface  en  l'honneur  du  Saint  Nom  de 
Jésus,  à  insérer  dans  la  messe  de  cette  fête  (4). 

Deux  postulata  prient  le  concile  de  porter  le  culte  rendu  à 
saint  Joseph  à  un  degré  plus  élevé  dans  la  liturgie,  spéciale- 
ment de  proclamer  ce  saint:  Patron  de  l'Eglise  universel]' 
Le  premier  de  ces  postulata  porte  la  signature  de  cent  cin- 
quante-trois Pères  du  concile,  le  second  celle  de  quarante- 
trois  généraux  d'Ordres  religieux.  Un  troisième  postulatum, 
pour  donner  à  saint  François  de  Sales  le  titre  de  Docteur  de 
l'Eglise,  est  signé  par  cent  dix-huit  Pères  (6). 

Trente  Pères  proposent  au  concile  de  vouloir  bien  louer 
et  recommander  le  Gesellenverein  (Compagnonnage,  Vnion 
des  compagnons).  (7)  Deux  autres  postulata  (8)  émanés  l'un 
de  trente  Pères,  l'autre  de  quatre-vingts,  désirent  qu'on  en 
lasse  autant  pour  les  conférences  de  Saint-Vincent  de  Paul. 
Cent  dix  Pères  expriment  le  A'œu,  dans  un  postulatum  signé 
d'eux,  (pie  les  décrets  relatifs  aux  missions  reçoivent  une 
addition  recommandant  l'œuvre  de  la  Propagation  de  la 
Foi  (9).  Deux  autres  postulata,  signés  l'un  par  treize  Pères 


(1)  C.  V.  887  bsqq. 

(2)  Ibid.  889 a  sqq. 

(3)  Lbid.892c  sqq. 

(4)  Ibid.  894  b  sqq. 

(5)  Ibid.  895  d  sqq. 
|C))  Ibid.  807  l>  sqq. 

(7)  Ibid.  900 a  sqq. 

(8)  Ibid.  900<1  sqq. 
(0i  Ibid.  902  a  sqq. 


|452| 


LES  POSTULATA  PRESENTES  Ai  CONCILE         547 

l'autre  pur  soixante  et  un,  désirent  la  même  faveur  pour  les 
écoles  «l'Orient  (i),  un  troisième  enfin,  signé  par  trente-cinq 
prélats,  prie  le  concile  de  recommander  l'œuvre  «le  la  Sainte- 
Enfance  (2).  Soixante-huit  prélats  appellent  L'attention  du 
concile  sur  les  nègres  de  l'Afrique  centrale  (3). 

M61  Ami,  archevêque  maronite  de  Beyrouth  en  Syrie,  se 
plaint  des  obstacles  apportés  au  ministère  des  âmes  à  Bey- 
routh :  les  agissements  des  protestants,  les  écoles  dans  les- 
quelles sont  enseignées  les  langues  européennes  et  la  conduite 
imprudente  des  missionnaires  (4). 

Un  postulat,  signé  par  cinq  cent  dix  Pères,  propose  au 
concile  d'inviter  les  Juifs  à  embrasser  la  religion  chré- 
tienne (5). 

Enfin  le  T.  K.  P.  Dom  Henri,  abbé  d'Einsiedeln,  demande 
qu'on  modifie  la  loi  portée,  le  19  mars  1857,  par  la  Congré- 
gation Sujjcr  statu  Regular.um  au  sujet  de  la  réception  des 
novices  et  de  l'émission  des  vœux  simples  ((>). 

Tous  ces  postulata  furent  d'abord  soumis  au  jugement  de 
la  commission  instituée  par  le  pape;  celle-ci  décidait,  après 
examen,  s'il  fallait  en  recommander  ou  non  la  présentation 
au  concile.  Il  s'y  trouvait  bon  nombre  de  sujets  qui  avaient 
déjà  été  traités  dans  les  schémas  préparés  par  les  commis- 
sions ;  d'autres  demandaient,  par  leur  nature  même,  à  être 
soumis  au  pape  plutôt  qu'au  concile;  différents  postulata  se 
répétaient  les  uns  les  autres;  par  suite,  le  nombre  des  ques- 
tions à  débattre  au  concile  se  trouva  considérablement 
réduit. 


(1)  C.V.  '.103  a  sqq. 

(2)  Ibid.  904  b  scf<j. 
(3;  Ibid.  !K3o  !>  -qq. 

(4)  Ibid.  906a  sqq.  —  Au  sujet  des  derniers  points  de  cette  plainte,  voir  Yeriny, 
Arcliiv  fur  katltolisclies  Kirchenrecht,  XXXII,  401  sqq. 

(5)  Ibid.  909  h  sq. 

(6)  Ibid.  909  '1  sqq. 

[452-453] 


CHAPITRE  VIII. 

Dispositions  prévues  en  eus  de  vacance  <lu  Suint -Siège 

durant  le  concile. 

Si  Le  siège  pontifical  venait  à  vaquer  par  la  mort  du  pape, 
durant  un  concile,  les  complications  les  plus  graves  pour- 
raient facilement  se  produire.  D'une  part,  il  y  a  grand  danger 
que  le  concile  même,  dépourvu  de  son  ehef,  se  tienne  pour 
autorisé  à  continuel-  la  tache  commencée;  d'autre  part,  il 
pourrait  facilement  s'attribuer  dans  l'élection  du  nouveau 
pape  une  part  qui  ne  lui  revient  pas.  Il  est  donc  nécessaire 
de  parer  avant  le  concile,  par  des  mesures  convenables,  à  de 
telles  éventualités  et  aux  dangers  qu'elles  feraient  naître 
pour  l'Eglise. 

Dans  la  séance  delà  Commission  centrale  du  19  septem- 
bre 1869,  le  cardinal  Patrizi,  président,  déclara  qu'il  avait  eu 
avec  le  Saint-Père  un  entretien  sur  les  mesures  que  les  papes 
ont  coutume  de  prendre  pour  éviter  tous  désordres  au  cas 
d'une  vacance  du  siège  pontifical  durant  le  concile.  Le  Saint- 
Père  avait  exprimé  sa  volonté  d'ordonner  aussi  de  semblables 
dispositions  pour  le  Concile  du  Vatican;  son  intention  était 
de  publier  une  bulle  qui,  en  cas  d'événements  semblables, 
assurerait  ses  droits  au  Sacré-Collège,  même  pour  les  temps 
futurs. 

Le  pape  ayant  proposé  à  la  Commission  directrice  de  rédi- 
ger  la   bulle,   les    cardinaux   acceptèrent    à   l'unanimité,   et 

[454] 


550  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

prièrent  le  cardinal  Capalti  de  l'aire  le  nécessaire  tant  pour 
l'étude  de  la  matière  en  question  que  pour  une  première 
rédaction  de  la  bulle. 

Le  i3  octobre,  le  cardinal  Capalti  donna  lecture  de  sa 
rédaction  dans  la  séance  de  la  commission  et  les  cardinaux 
y  donnèrent  leur  approbation.  Ils  exprimèrent  seulement  le 
désir  qu'au  nombre  des  événements  historiques  relatés  dans 
la  bulle  il  fût  fait  mention  du  fait  suivant  :  .Iules  II,  avant  le 
cinquième  Concile  de  Latran  avait  prévu  les  dispositions 
nécessaires  pour  le  cas  où  il  viendrait  à  mourir;  or,  cet  évé- 
nement s' étant  réalisé,  le  concile  a  interrompu  les  sessions  j  us- 
qu'à  l'élection  de  Léon  X.  Dans  la  séance  suivante  de  la 
Commission  directrice,  le  19  octobre,  le  cardinal  Capalti  lut 
les  modifications  introduites  dans  son  travail,  conformément 
à  ce  qui  avait  été  dit,  et  alors  la  bulle  fut  approuvée  de  tous; 
le  pape  aussi  l'agréa. 

Cette  bulle,  commençant  par  les  mots  :  (Juin  Romanis 
Pontificibus  (1),  fut  distribuée  aux  Pères  du  concile,  le  10  dé- 
cembre 1869  à  la  première  congrégation  générale  (2). 

Dans  l'introduction,  le  pape  montre  les  suites  funestes  que 
pourrait  avoir  pour  la  paix  et  l'unité  de  l'Eglise  une  irrégula- 
rité commise  dans  l'élection  d'un  pape  et  qui  rendrait  dou- 
teuse la  validité  du  choix.  C'est  pour  éviter  ces  irrégularités 
que  beaucoup  de  papes  remirent  l'élection  aux  mains  des  seuls 
cardinaux.  Maintenant  que  va  s'ouvrir  le  concile  convoqué 
par  lui,  le  Saint-Père  veut,  suivant  l'exemple  de  plusieurs  de 
ses  prédécesseurs,  prévoirie  cas  où  il  serait  rappelé  de  cette 
vie  pendant  le  concile,  et  prendre  des  dispositions  qu'il 
espère  de  nature  à  écarter  le  danger  de  schisme  et  de  dés- 
union. Pie  IX  déclare  alors  en  termes  solennels  que,  si  Dieu 
met  fin  à  son  pèlerinage  durant  le  concile,  l'élection  du  nou- 


(1)  C.    V.  46a  sqq. 

(2)  Ibicl.  711c. 


[454-455] 


BUL1.K    :    CUM    ROMANIS    PONTIFICÏBUS  851 

veau  pape  doit  être  l'œuvre  exclusive  des  cardinaux,  que  tous 
les  autres  en  sont  exclus,  alors  même  que  le  concile  leur 
aurait  donné  mandat  d'élire  le  pontife.  Il  déclare,  de  même, 
qu'au  cas  où  il  mourrait  pendant  le  concile,  celui-ci  serait 
par  le  l'ait  même  dissous  et  ajourné,  toutes  les  sessions  et 
travaux  conciliaires  devront  être  interrompus  jusqu'à  ce  que 
le  pape  nouvellement  élu  en  ait  ordonné  la  reprise. 

Enfin,  le  pape  décrète  que  ces  mesures  vaudront  non  seu- 
lement pour  le  concile  du  Vatican,  mais  pour  tous  les 
conciles  à  venir. 


— *— 


[455] 


CHAPITRE  IX. 

On  ordonne  des  prières  et  des  exercices  de  piété 

comme  préparation  au  Concile 

et  pour   tout   le   temps   (ju'il   durera. 

La  Congrégation  qui  avait  reçu  le  soin  de  préparer  le 
concile,  chargea,  dès  le  mois  de  mai  1868,  un  de  ses  eonsul- 
teurs,  M*-'1  Tizzani,  de  rédiger  un  mémoire  sur  les  prières  à 
prescrire  avant  le  concile  et  la  profession  de  foi  à  faire  par 
les  évèques.  Ce  mémoire  lut  discuté  par  la  Commission  cen- 
trale le  21  juin  1868.  Nous  avons  parlé  plus  haut  (i)des  déli- 
bérations relatives  à  la  profession  de  foi  ;  il  nous  reste  à 
parler  ici  de  celles  qui  concernent  les  prières, 

La  Commission  centrale  distingua  entre  les  prières  à  pres- 
crire pour  Rome  et  celles  qui  seraient  imposées  au  reste  de 
l'univers  catholique.1 

Pour  l'Eglise  entière,  lagCommission  centrale  fut  d'avis 
d'accorder  avant  le  concile  un  jubilé  qui  serait  publié  pour 
la  fête  de  l'Immaculée  Conception  ou  plus  tard,  au  gré  du 
Saint-Père.JElle  proposa,  de  plus,  d'obliger  tous  les  prêtres 
à  réciter  à  la  messe  la  Collecte  De  Spiritu  Sancto, durant  les 
trois  mois  qui  précéderont  le  concile  et,  ensuite,  pendant  tout 
le  temps  de  la  célébration.  Mais  on  laisserait  aux  évèques  le 
soin  d'ajouter    d'autres  prières  ou  exercices  de  piété;//  ils 

(1)  Voir  p.  507. 

1456] 


554  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

pourraient  pour  cela,  si  les  circonstances  le  permettaient, 
prescrire  dans  leurs  diocèses  les  prières  ordonnées  à  Eome. 

A  Rome,  outre  les  exercices  de  piété  communs  à  toute 
l'Eglise,  on  pourrait  faire  une  procession  solennelle  après 
Pâques  de  l'année  1869.  La  commission  s'appuyait  en  cola 
sur  l'exemple  de  Pie  IV,  qui,  pour  implorer  l'assistance 
divine  pour  le  Concile  de  Trente,  se  rendit  avec  tout  le  clergé 
en  procession  du  Vatican  à  l'Eglise  S.  Maria  Sopra  Minerva; 
les  ambassadeurs  des  puissances  étrangères  et  Cosme  de 
Médicis,  alors  présent  à  Rome,  l'accompagnaient.  On  pour- 
rait, de  plus,  ordonner  que  trois  mois  avant  le  concile,  on 
récitât  les  Litanies  des  Saints  dans  toutes  les  églises  patriar- 
cales, collégiales  et  paroissiales,  ainsi  que  dans  celles 
des  communautés  religieuses.  Immédiatement  avant  l'ouver- 
ture, pendant  la  neuvaine  préparatoire  à  la  fête  de  l'Imma- 
culée Conception,  on  exposerait  aux  hommages  des  fidèles, 
avec  l'agrément  du  Saint-Père,  dans  la  basilique  de  Saint- 
Pierre,  le  saint  Suaire  et  les  reliques  insignes;  dans  l'église 
de  Saint-Jean  de  Latran,  l'image  très  honorée  du  Sauveur, 
les  chefs  des  saints  Pierre  et  Paul;  à  Sainte- Marie-Majeure, 
la  sainte  Crèche  et  l'image  de  la  Très  Sainte  Vierge;  clans 
l'église  de  Sainte-Croix,  les  reliques  qui  y  sont  conservées. 
La  Commission  centrale  conseille  aussi  d'ordonner  un  jeune 
de  trois  jours  pendant  la  neuvaine. 

Dans  la  séance  de  la  Commission  centrale  du  14  février  1869, 
le  cardinal  Patrizi,  président,  fit  connaître  que  le  Saint-Père 
avait  approuvé  les  décisions  de  la  commission;  il  fallait  à 
présent  rédiger  l'encyclique  dans  laquelle  le  pape  promul- 
guerait le  jubilé,  celui-ci  devant  commencer  avant  le  concile, 
à  une  époque  dont  la  désignation  serait  laissée  à  la  discré- 
tion des  évèques. 

Quant  aux  prières  et  aux  exercices  de  piété  qu'on  prescrirait 
pour  la  durée  même  du  concile,  on  n'en  parla  qu'en  passant, 
le  14  février.  Dans  la  séance  du  7  mars, on  proposa  d'ordonner 

[457] 


LES    PRIERES    PENDANT    LA    DUREE    1)1     CONCILE  ."..'j:; 

aux  évêques  dans  l'encyclique  du  jubilé,  de  prescrire  aussi 
pour  leurs  diocèses,  l'insertion  à  la  messe  de  la  collecte 
du  Saint-Esprit.trois  mois  avant  le  concile  et  ensuite,  jusqu'à 
sa  clôture.  Four  les  exercices  de  piété  à  accomplir  durant  le 
concile,  on  pria  le  cardinal  Capalti  de  l'aire  un  projet. 
Lorsque  le  lendemain  de  la  séance  le  secrétaire  de  la  Com- 
mission centrale  présenta  an  pape  les  décisions  prises,  Pie  IX 
déclara  qu'il  voulait  étendre  à  toute  la  durée  du  concile  le 
jubilé  qui  devrait  commencer  trois  mois  avant,/  et  qu'en  sus 
des  prières  propres  au  jubilé  il  ne  prescrirait  point  d'exer- 
cices de  piété  aux  fidèles  pour  le  temps  du  concile.  Pour 
Home  seulement  il  voulait  après  examen  prescrire  encore 
d'autres  prières  et  exercices  de  pieté. 

M-'  Giannelli  fit  connaître  ces  désirs  à  la  Commission 
centrale  dans  la  séance  du  14  mars.  Le  cardinal  Patrizi  lut 
alors  un  projet  d'encyclique  pour  le  jubilé  qu'avait  rédigé 
Mgr  Pacifici,  secrétaire  des  Brefs  adresses  aux  princes,  et 
que  le  Pape  envoyait  à  la  Commission  entrale  pourc  le 
reviser.  En  outre  des  ordonnances  relatives  au  jubilé, 
l'encyclique  prescrivait  de  Célébrer  tous  les  jeudis  pendant 
le  concile  la  messe  du  Saint-Esprit,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
une  fête  double  pour  l'empêcher.  A  cela  la  commission  fit 
Observer  que  si  toute  fête  double  empêchait  la  célébration 
de  la  messe  du  Saint-Esprit,  celle-ci  ne  pourrait  être  que 
rarement  dite:  il  fallait  en  outre  indiquer  d'une  manière  plus 
précise  par  qui  cette  messe  devrait  être  célébrée.  On  proposa 
au  Saint-l'ère  de  prescrire  que  tous  les  jeudis  où  ne  se  célé- 
brerait pas  une  tète  double  de  première  ou  de  seconde 
classe,  on  dirait  la  messe  du  Saint-Esprit,  à  Rome,  dans 
toutes  les  Eglises  patriarcales,  basiliques  et  collégiales  ;  et 
on  dirait  cette  même  messe  aux  mêmes  conditions  par  toute 
la  chrétienté  dans  toutes  les  églises  cathédrales  et  colle- 
Il)  C.  V.  10  c  sqq. 

[457-458J 


aoG  HISTOIRE    DU    CONCILE    DU    VATICAN 

giales,  ainsi  que  dans  celles  dos  ordres  religieux  obligés  à 
une  messe  conventuelle.  Pie  IX,  dans  une  audience  donnée 
le  i5  mars  au  secrétaire  de  la  Commission  centrale, adopta  le 
projet  et  chargea  Mgr  Pacifici  de  modifier  en  ce  sens  l'Ency- 
clique. 

L'encyclique  dans  laquelle1  était  promulgué  le  jubilé  (i)  lut 
datée  par  Pie  IX  du  n  avril  1869,  jour  où  le  pape  et  avec  lui 
le  monde  catholique  tout  entier  célébra  avec  tant  de  solennité 
le  cinquantième  anniversaire  de  son  sacerdoce.  Le  Saint-Père 
dit  qu'il  a  convoqué  un  concile  pour  le  8  décembre.  Il  n'a 
jamais  omis,  en  particulier  durant  ce  temps  de  préparation 
au  concile,  de  supplier  humblement  par  les  prières  les  plus 
ardentes  le  Père  des  lumières  et  des  miséricordes  de 
daigner  dans  sa  très  grande  bonté  faire  descendre  du  ciel 
la  sagesse  qui  l'assiste  à  son  trône,  afin  qu'elle  soit  avec  lui, 
qu'avec  lui  elle  travaille,  et  qu'elle  lui  fasse  connaître  ce  qui 
est  agréable  à  Dieu  (2).  Dans  le  but  cependant  d'être  plus 
promptement  exaucé,  Pie  IX  voulait  exciter  aussi  le  senti- 
ment religieux  et  la  piété  de  tous  les  fidèles,//  afin  qu'unis  à 
lui  dans  la  prière, ils  implorent  le  secours  de  la  main  du  Tout- 
Puissant  et  la  lumière  du  Ciel,  grâce  auxquels  il  pourrait, 
dans  le  prochain  concile,  décréter  tout  ce  que  demanderaient 
le  bien  et  l'utilité  générale  de  tout  le  peuple  chrétien,  le  plus 
grand  honneur,  la  prospérité  et  la  paix  de  l'Eglise  catholique. 
Mais  comme  les  prières  des  hommes  sont  plus  agréables  à 
Dieu  quand  ceux-ci  vont  à  lui  avec  un  cœur  pur,  Pie  IX  a 
résolu  d'ouvrir  aux  fidèles  les  trésors  célestes  confies  à  son 
administration,  afin  qu'excités  à  une  vraie  pénitence  et  puri- 
fiés par  la  confession  des  souillures  du  péché, ils  s'approchent 
avec  une  plus  grande  confiance  du  trône  de  Dieu  et  obtiennent 
de  lui  grâce  et  miséricorde. 

Le  pape  annonce  ensuite   le  jubilé  qui,  ouvert   le    1"  juin 


(1)  Elle  commence  par  les  mut?  :  Nemo  verte  ignorât...  (X.  du  Tr.) 

(2)  Sag.  IX,  4,  10. 

|458-459] 


I.  ENCYCLIQUE    DU    JUBILE  587 

[869,  doit  durer  tout  le  temps  du  concile.  Les  conditions 
marquées  pour  gagner  l'indulgence  du  jubile  sont  pour 
Rome  :  une  visite  de  la  basilique  de  Latran,  de  Saint-Pierre 
et  de  Sainte  Marie- Majeure,  ou  une  double  visite  de  l'une  de 
ces  églises;  il  faudra  a  cette  visite  prier  un  certain  temps 
pour  la  conversion  de  tous  les  hérétiques,  la  propagation  de 
la  foi, et  pour  la  paix,  la  tranquillité  et  le  triomphe  de  l'Eglise 
catholique;  on  jeûnera,  outre  les  quatre-temps,  durant  trois 
jours,  les  mercredi,  vendredi  et  samedi;  la  dernière  condition 
prescrite  est  de  recevoir  avec  dévotion  les  sacrements  de 
Pénitence  et  d'Eucharistie  et  de  l'aire  une  aumône  aux  pau- 
vres. Les  mêmes  conditions  sont  prescrites  aux  catholiques 
vivant  hors  de  home;  seulement,  la  visite  au  lieu  de  se  l'aire 
aux  églises  de  Rome  susmentionnées,  se  fera  à  celles  que 
l'autorité  ecclésiastique  désignera  dans  les  différents  pays. 
Pour  les  personnes  qui  naviguent,  pour  les  voyageurs  et  poul- 
ies membres  des  Ordres  religieux,  les  conditions  seront 
adaptées  à  chacun.  Les  pouvoirs  des  confesseurs  sont 
étendus  pour  le  temps  du  jubilé. 

A  la  fin  de  l'encyclique,  prescription  est  faite  aux  prêtres 
d'insérer  tous  les  jours  a  la  messe  la  collecte  de  Spiritu 
Sancto  et  de  célébrer  chaque  semaine  une  messe  de  Spiritu 
Sancto  dans  les  églises  patriarcales  et  les  basiliques  et 
églises  collégiales  de  Rome,  ainsi  que  dans  toutes  les  cathé- 
drales et  collégiales  de  l'univers,  et  enfin  dans  les  églises  des 
Ordres  religieux  obligés  à  une  messe  conventuelle.  Cette 
messe  doit  être  dite  tous  les  jeudis  auxquels  ne  sera  point 
célébrée  une  fête  double  de  première  ou  de  seconde  classe 
et  l'application  en  sera  libre.  /  Certains  points  de  l'encyclique 
furent  déterminés  et  expliqués  d'une  façon  plus  précise  encore 
par  les  Sacrées  Congrégations  de  la  Pénitencerie,  des  Rites 
et  des  Indulgences,  qui  répondirent  aux  demandes  qui  leur 
avaient  été  adressées  (1). 

(1)  C.  V.  1072c,     1072dsqq.     1073dsçw. 

[459-460] 


558  HISTOIRE    1)1      CONCILE    DU    VATICAN 

Dans  d'autres  lettres  apostoliques  du  3  décembre  1869  (1), 
le  pape  accorde  pour  toute  la  durée  du  concile  une  indulgence 
plénière  à  ceux  qui  réciteront  en  une  semaine  un  chapelet  de 
cinq  dizaines,  recevront  les  sacrements  de  Pénitence  et 
d'Eucharistie  et  prieront  dans  une  église  ou  un  oratoire 
publie  pour  l'heureuse  issue  du  concile  du  Vatican. 

En  dehors  des  prières  et  exercices  de  piété  prescrits  au 
clergé  et  à  ceux  qui  voudraient  gagner  les  indulgences,  le 
pape  n'ordonne  aucune  autre  prièrepour l'Eglise  entière.  Dans 
les  églises  de  Rome  seulement  on  dut  réciter  en  plus  chaque 
dimanche  les  Litanies  des  Saints  et  d'autres  prières  (2). 

Le  cardinal  Patrizi,  vicaire  de  Sa  Sainteté,  prescrivit  le 
18  novembre  1869  une  neuvaine  pour  toutes  les  églises  de 
Rome  et  huit  jours  d'exercices  spirituels  pour  vingt-deux 
d'entre  elles  qu'il  désigna.  La  neuvaine  et  les  exercices  de- 
vaient se  faire  immédiatement  avant  l'ouverture  du  concile. 
Le  cardinal-vicaire  ordonna,  en  outre,  qu'on  exposerait  pen- 
dant ce  temps  les  saintes  images  et  reliques  et  que  la  veille 
du  concile  on  jeûnerait  et  on  réciterait  les  Litanies.  Enfin 
pendant  le  concile  il  prescrivit  encore,  sur  l'ordre  du  pape, 
une  neuvaine  préparatoire  à  la  fête  de  la  Purification. 


FIN    DU    PREMIER    VOLUME 


(1)  C.V.  1076  c  sqq. 

(2)  Ibid.  18a.  Voir  les  prières  :  ibid.  1075  b  sqq. 

[460j 


Table   Analytique 

du   premier   volume 


A  bises,  diffèrent  des  évêques  titulaires, 
116;  —  leur  place  dans  les  conciles 
antérieurs,  ibid.;  —  Sanguincti,  sur 
leur  admission  au  concile,  117  sqq:  — 
les  Abbés  «  nullius  »  et  les  Abbés  géné- 
raux seuls  doivent  être  convoqués, 
119  sqq;  —  obscurité  de  la  bulle  de 
convocation  suc  ce  point,  121  sqq;  — 
commission  spéciale  chargée  d'un  nou- 
vel examen,  123  sqq. 

Abstinence,  à  adaptée  aux  circonstances 
actuelles,  4$,  60. 

Ai/ton  (Lord),  écrit  «  sur  l'histoire  du 
concile  du  Vatican  »,  8  ('),  24  (s)  ;  — 
conférence  de  Hernsheim,  334  ;  —  ce 
qui  le  concerne  à  propos  du  mémoire 
de  Msr  Dupanloup  aux  évêques,  347  (r). 

Adresse  des  LAÏQUES  de  Coblentz,25l  sqq  ; 

—  son  appréciation  par  les«  Stimmen 
aus  Maria-Laach  »,  253  sqq;  —  sur 
l'Etat  théocratique,  256  ;  —  sur  les 
relations  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  260. 

—  Adresse  des  laïques  de  Bonn,  262  sqq. 

Aetevni  Patris,  bulle  de  convocation, 
analyse,  157s<|q;  —  impression  pro- 
duite sur  les  catholiques  et  sur  les 
adversaires,  167  sqq. 


Allemagne,  le  cardinal  Keisach  sur  la 
science  allemande,  34;  —  Msr  Meglia 
sur  la  théologie  allemande, 85 sqq.  180; 

—  sur  l'agitation  du  peuple,  271  sq;  — 
lutte  contre  le  concile,  187  sqq;  — 
assemblée  générale  des  sociétés  (Ve- 
rcine)  catholiques  à  Bamberg,  170  sq; 
à  Dùsseldorf,272  ;  —  congrès  de  l'Eglise 
évangelique  allemande,  414  sqq. 

«  Allgemeine  Zeitung  »,  sur  la  représen- 
tation de  l'Eglise  au  concile,  104  ;  —  les 
cinq  articles  [de  Janus],  204  sqq  ;  — 
Dollinger  en  est  l'auteur,  208  ;  —  arti- 
cles plus  étendus  signés  d'une  double 
croix,  231  sqq  ;  —  souhaite  de  libres 
manifestât  ions  dans  le  sens  de  l'adresse 
des  laïques  de  Coblenlz,  262. 

Angelini  (Mk1),  archevêque  de  Gorintbe 
i.  p.  i.,  —  mémoire  pour  les  délibéra- 
tions de  la  Commission  centrale,  2  (')  ; 

—  sui  la  convocation  des  évêques  titu- 
laires, 110  sq,  151  ;  —  voir  aussi  92  sq, 
96. 

Angleteb.be,  parti  catholique  libéral, 355; 

—  traduction  anglaise  du  Janus,  357  5 
les  protestants  anglais  et  le  concile, 
597  sqq  ;  —  l  nionnisles  ;  v.  ce  mot. 

Anglicans,  mémoire  de  Feye  les  concer- 
nant,   148   sq  ;   —   invalidité  de  leurs 


560 


TABLE    ANALYTIQUE 


ordres,    ibid.  ;    --    le  concile  doit  les 
invitera  rentrer  dans  l'Eglise,  150. 

Anti-concile,  voir  Libres-penseurs. 

«  Anti-Janus  »,  jugement  définitif  porté 
sur  le  Janus,  227  sq;  —  l'auteur,  Her- 
genrother,  ne  croit  pas  i|ue  Dôllinger 
ail  écrit  le  Janus.  2-29  ;  —  réfutation  de 
I  Anti-Janus,  par  Huhcr,  230. 

Antonelli  (  M§r  ),  cardinal  secrétaire 
d'Etat,  —  sur  1rs  consulteurs,  82  sq  ; 
—  sur  la  représentation  des  puissances 
auprès  du  concile.  153  sq,  451  (s);  —  au 
sujet  des  correspondances  périodiques 
sur  le  concile,  215  sq  ;  —  approuve  que 
lesévêques  d'Allemagne  éclairent  leurs 
troupeaux  sur  le  concile.  275;  —  à 
Mk>  Maret  sur  son  ouvrage,  312;  —  sur 
le  refus  de  hi  France  d'envoyer  un 
représentant  au  concile,  452;  —  sur 
l'application  des  censures  en  France. 
456  ;  —  au  sujet  des  évêques  de  Russie, 
459,  .•!<•. 

Archives  du  concile  du  Valican,  1  sqq. 

Arméniens  non-uni*,  réception  de  l'invi- 
tation au  concile,  370  sqq. 

Arnim  (Comte  d'j,  ambassadeur  de  l'Alle- 
magne du  Nord  et  de  la  Prusse  auprès 
du  Saint-Siège,  —  regarde  Dôllinger 
comme  l'instigateur  de  la  dépêche  de 
Hohenlohe.  428;  --  correspondance 
avec  Bismarck  au  sujet  de  son  altitude 
vis-à-vis  du  concile.  441  >qq. 

Associations, propositions  faites  au  concile 
à  leur  sujel ,  59,  529,  546. 

Assomption  de  la  Sainte  Vierge,  225.  556, 
544. 

Autriche-Hongrie  et  le  concile,  477  sqq. 


Bade,  appel  aux  catholiques  de  Bade, 
245  sq  ;  —  ses  effets,  250  ;  —  le  gou\  or- 
nement badois  et  le  concile.  458  sq. 


Banneville  (Marquis  de  i, envoyé  français  à 
Rome,  155,  154,  305,  452  ('). 

Bahnabo  (Cardinal),  membre  de  la  Com- 
mission centrale,  73,  92;  —  président 
de  la  commission  des  Eglises  orientales 
et  des  Missions,  77,  94;  —  memlire  de 
la  commission  chargée  d'étudier  la 
question  des  Abbés,  125  ;  —  voir  aussi 
31  (tj,  41  ('/,  44,  52  (.),  52  (*),  146, 
162,  etc. 

Baumstark  (Reinhold),  brochure  sur  la 
réunion  des  protestants  avec  l'Eglise 
catholique  romaine,  395  sq. 

Bavière,  synode  général  des  protestants 
contre  l'invitation  pontilicale,  414  sq; 

—  circulaire  du  président  du  conseil, 
426  sq  ;  —  les  questions  posées  par  le 
ministre  aux  universités,  429  sq  ;  — 
mémoires  qu'elles  provoquent,  430  sqq; 

—  réponse  du  ministère  aux  évêques 
se  rendant  à  Rome,  459  sqq. 

Bayer  (von),  conseiller  d'Etat;  —  son 
mémoire  sur  l'infaillibilité  pontificale 
et  sur  le  Syllabus,  457. 

Belgioi  e,  ce  que  les  catholiques  atten- 
dent du  concile,  175  sq  ;  —  ahsence  de 
gallicanisme,  551  ;  —  le  gouvernement 
et  le  concile,  456. 

Bénédictins-Abbés,  mémorandum  du  car- 
dinal Pilra  sur  leur  convocation  au 
concile,  124,  125;  —  décisions  de  la 
commission  spéciale  sur  cette  question, 
126. 

Bii  m  (comte  de),  ministre  -  président 
d  Autriche  ;  —  rejette  la  demande  de 
la  circulaire  Hohenlohe,  429, 

Bilio  (cardinal),  éditeur  des  «  Acta  Con- 
gregationum  generalium  »,  4,  5;  — 
membre  de  la  Commission  centrale, 75, 
92;  —  président  de  la  commission 
dogmatique,  77,  92, 

Bismarck  (comte  de),  ministre  président 


TABLE    ANALYTIQUE 


561 


de  Prusse  :  —  sur  l'attitude  de  la  Prusse 
vis-à-vis  du  concile,  440  si]<| . 

Bi/./.akri  (cardinal),  membre  de  la  Com- 
mission centrale,  25,  75,  92;  —  sur 
l'attitude  probable  de  Napoléon,  41  sq  ; 
—  président  île  la  commission  des 
ordres  religieux  77,83;  — membre  de 
la  commission  chargée  d'examiner  la 
question  des  abbés,  125;  —  voir  aussi 
51,  35,  74  sq,  96.  516. 

Bonn,  adresse  des  laïques  à  Pévêque,  262. 

Brésil  et  le  concile,  462. 

Bréviaire,  propositions  qui  y  ont  trait, 
553,556,  540,  546. 

Broglie  (duc  Albert  dé),  v.  527,  528,  541. 

BUCK  (le  Père  de).  Bollandislc  —  et  les 
unionnistes  anglais,  401  sq. 

Bille,  «  âeterni  Patris  »,  bulle  de  con- 
vocation, voir  Aeterni  Patris  ;  — 
«Cum  Romanis  Pontificibus»,  sur  la 
vacance  du  siège  de  Borne  au  temps- du 
concile,  549  sq  ;  —  «  Nemo  certe  igno- 
rât», bulle  de  jubilé,  556  sq. 


Cas  réservés,  propositions  laites  au  con- 
cile à  leur  sujet,  555,  5Ô6. 

Cani  (Mgr  Antoine),  préfet  des  archives  du 
concile  du  Vatican,  éditeur  des  «  Acta 
Congregationum  generalium  »,  4  sq. 

Capalti  (cardinal),  membre  de  la  Com- 
mission centrale,  75,  92;  —  delà  com- 
mission des  Eglises  Orientales  et  des 
Missions.  94;  —  de  la  commission  char- 
gée d'étudier  la  question  des  Abbés, 
125  sq;  —  cf  7,  484,  491,  506,  550, 
555. 

Cahti  laires  (vicaires  .  Faut-il  les  convo- 
quer au  concile,  142  Si|q. 


Cardinaux,  leurs  mémoires  sur  le  concile 
projeté,  51  sqq;  —  ils  ont  tous  \oix  au 
concile,  99;  —  propositions  pour  le 
concile  concernant  les  cardinaux.  531. 

Catéchisme,    vœu    pour    un    catéchisme 

universel,  59 

Caiekini  (cardinal;,  préfet  de  la  Congré- 
gation du  Concile;  —  membre  de  la 
Commission  centrale,  25,  75,  92;  — 
président  de  la  commission  de  la  disci- 
pline ecclésiastique,  75,  95;  —  prend 
des  informations  sur  les  consulteurs, 
75  sqq  ;  —  explication  au  sujet  des 
Abbés,  121  ;  —  inquiétudes  au  sujet 
d'un  secrétaire  allemand  du  concile, 
474  sq  ;  —  voir  aussi  51,  78  sqq,  85, 
89  sqq,  116,  475. 

Cecconi    [fils'  Eugène),  archevêque  de 

Florence,    auteur   de  la    «  Storia  del 

Concilio    Ecumenico  Vaticano  »,  8. 
281  (0  sq,  etc. 

Célibat,  ce  qu'en  pense  un  «  ecclésias- 
tique catholique  »,  197  ;  —  sa  suppres- 
sion demandée  par  un  écrit  anonyme, 
235. 

Censures,  propositions  faites  au  concile  à 
leur  sujet,  555  sq. 

Centenaire  des  piinces  des  Apôtres,  jour 
de  l'annonce  publique  du  concile  par 
une  allocution  du  pape,  69. 

Chapitres  des  cathédrales,  à  réformer,  58. 

Chigi  (Vis*),  archevêque  de  Mues  i.  p.  i., 
nonce  à  Paris,  185,  184,  216  sq, 
295(-),  451,  i77 

Chili  et  le  concile,  462. 

«  Civilta  cattolica  »,  sur  «  un  ecclésias- 
tique catholique  »,  189  (-1  ;  —  corres- 
pondance de  février  1869,  5,  199 sqq; 
—  but  de  la  correspondance  d'après 
Friedrich,  215  sq  ;  —  sa  vraie  genèse, 
215  sqq  ;  —  la  «  Civilta  »  ne  représente 


502 


TABLE    ANALYTIQUE 


pas  la  Compagnie  de  Jésus,  255  sq  ;  — 
Hohenlohe  sur  la  «  Ci^ilta  »,  427. 

Clerezij.  janséniste,  v.  Jansénistes. 

Clergé,  projel  de  réforme  le  concernant, 
48,  57,  527  sqq.;  — son  élévation  scien- 
tifique, d'après  un  «  ecclésiastique  ca- 
tholique >?,  194. 

Cour,  uuionniste anglais,  écrit  sur  !e  futur 
concile,  400  sqq. 

Coblentz,  voir  Adresse  des  laïques. 

Commission  directrice  de  préparation, 
voir  Commission  centrale. 

Commissions  préparatoires,  on  en  con- 
stitue cinq,  70;  —  présidents  et  mem- 
bres, 92  sqq  ;  —  répartition  des 
membres,  93  sqq  ;  —  tâches  de  la 
commission  dogmatique,  515  sq;  — 
de  la  commission  politico  -  ecclésias- 
tique, 515;  —  de  la  discipline,  515  ;  — 
des  Réguliers,  516  sq  ;  —  des  Eglises 
Orientales,  516  sq  ;  —  commission  des 
cérémonies,  98;  —  rapports  avec  la 
Congrégation  directrice,  518. 

Commission  centrale  [nommée  aussi 
Congrégation  directrice  de  prépara- 
tion), son  rôle,  2;  — procès-verbaux 
des  séances,  2  ;  —  mémoires  sur  ses 
délibérations,  2  (');  —  ses  premiers 
membres,  25  ;  —  première  séance  le 
9  mars  1865,  25;  —  nou\eau.\  mem- 
bres, 75  ;  —  troisième  à  cinquième 
séance  pour  la  formation  des  autres 
commissions,  75;  —  sixième  séance  pour 
la  convocation  de  consulteurs,  77  ;  — 
ses  consulteurs,  92  ;  —  délibérations 
sur  l'invitation  des  évoques  titulaires, 
110  sqq;  —  des  abbés  et  des  généraux 
d'ordre,  1 16  sqq  ;  —  sur  les  droits  des 
procureurs,  134  sqq;  —  convocation 
des  vicaires  capitulaires,  142  ;  —  des 
évêques  non-catholiques,  etc.,  144  sqq; 
—  des  princes  catholiques,  150  sqq  ;  — 
sur  la  méthode  de  délibération  au  con- 


cile, 465  sq.,  499  sq;  —  sur  la  question 
de  préséance,  468;  —  sur  les  employés 
du  concile,  471  ;  —  les  chevaliers  de 
Malte,   475;   —  les   interprètes,   476; 

—  les  sténographes,  476  ;  —  les  juges 
du  concile,  478;  —  décisions  succes- 
sives sur  les  députations  du  concile, 
484  sq  ;  —  sur  le  droit  de  proposition, 
489  sq  ;  —  sur  Tordre  des  projets  pré- 
sentés, 491  ;  —  sur  la  forme  des  dé- 
crets, 492  sq  ;  —  sur  un  règlement  du 
concile,  502  sqq;  —  sur  la  profession  de 
foi,  308  ;  —  sur  le  serment  des  em- 
ployés du  concile,  51 1  ;  —  sur  les  me- 
sures à  prendre  en  cas  de  vacance  du 
Saint-Siège,  549  sq  ;  —  sur  les  prières 
pour  le  concile,  555  sq  ;  —  sur  l'ency- 
clique du  jubilé,  554  sqq. 

Concile  oecuménique  du  Vatican,  pre- 
mière annonce,  25  ;  —  nécessité  rela- 
tive, 26 sqq,  32  sqq;  —  obstacles,  27, 
41  sqq;  —  annonce  solennelle,  69  sqq  ; 

—  prières  pour  le  concile,  172,  555  sqq, 

—  dons,  172  sqq;  —  est-il  libre, 
d'après  un«  ecclésiastique  catholique  », 
188;  —  représentation  proportionnelle 
«  raisonnable  »  des  nations  au  concile, 
d'après  le  même,  191  sqq;  —  ordre 
des  travaux  et  manière  de  voter,  d'après 
1'  «  ecclésiastique  catholique  »,  192 
sqq. 

—  Salle  du  concile,  479. 

—  Employés  du  concile,  471   sqq  :   — 

leurs  règles,  475. 

—  Règlement  du  concile,  dans  les  con- 
ciles antérieurs,  501  ;  —  nécessite  .le 
le  déterminer  à  l'avance,  502  ;  — 
faut-il  laisser  les  mots  «  sacro  ap- 
probante   Concilio  »?  505  sq,  504  (■); 

—  Hinschius  sur  le  droit  du  pape  de 
décréter  ce  règlement,  505  ('). 

—  Écrits  sur  le  concile  :  «  Le  prochain 
concile  œcuménique,  etc.  »,  par  un 
ecclésiastique     catholique  ,    187    sqq  ; 

—  «  Parole  sincère,  etc.  »,  d'un 
ecclésiastique    catholique  ,     196    sqq  ; 


TABLE    ANALYTIQUE 


oG3 


—  Janus,  219  sq<|  ;  —  unti-Jainis, 
227  sqq  ;  —  -£Tpa  Romana,  255  ;  — 
«  Considérations   »   pour  les  évêques, 

256  sqq  ;  —  «  Quelques  remarques  » 
sur  l'infaillibilité  pontificale,  269  sqq  : 

—  de  Ms;1  Maret,  295  sqq  ;  —  de 
Baumstark,  595  sqq  ;  —  de  Cobb, 
400  sq.  —  Voir  aussi  7  sqq,  170, 
187,  196,  230,  255  sqq,  256  sqq.  245 
sqq,  417.(i). 

Conciles  oecuméniques  antérieurs,  leur 

autorité,  d'après  Ms1' Maret,  299   sqq. 

Conciles  provinciaux  au  XIXe  siècle,  21  ; 

—  vœu  présenté  au  concile  en  leur  la- 
veur, 551. 

Concordats,  non  observés  par  l'Etat,  56 
sq  ;  —  il  faut  pouvoir  en  exiger  l'exé- 
cution, 48;  —  les  multiplier,  48. 

«  Considérations  pour  les  évêques  du 
concile  »,  etc.  Diillinger  en  est  l'au- 
teur, 256;  —  26  paragrapbes  contre 
l'infaillibilité,    256     sqq;  —  réponses, 

257  sqq  ;  —  réfutation  tirée  des  écrits 
antérieurs  de  Dollinger,  258  sqq  ;  — 
explication  de  Friedrich  sur  ces  ci  ml  ra- 
diclions,  240. 

Consulteurs  pour  les  travaux  prépara- 
toires du  concile,  —  nécessité  de  leur 
convocation,  29,  50,  52,  57  ;  —  infor- 
mations sur  ceux  qui  peuvent   remplir 

*  les  fonctions  de  consulteurs,  76  ;  — 
convocations,  77  sqq  ;  —  méconten- 
tement qu'elles  causent,  79  sqq  ;  — 
nouvelles  convocations,  88  sqq  ;  — 
liste  des  noms,  91  sqq. 

Convocation  au  concile  —  qui  convo- 
quer ?  99  sqq  ;  —  d'après  un  «  ecclé- 
siastique catholique  »,  187  sq. 

Convocation  (Bulle  de)  «  .-Eté  mi  l'atris  » 
analyse,  157  sqq  ;  —  impression  pro- 
duite sur  les  catholiques  et  sur  les 
adversaires,  167,  sq. 

Coptes  non-unis,  accueil  fait  à  l'invita- 
tion, 382  sqq. 


«  Correspondant  »,  mauifestc,  321,  sqq  ; 
—  affinité  du  manifeste  avec  le  «  Ja- 
nus »,525  sq;  —  Mb1'  Dupanloup  nommé 
comme  en  étant  l'auteur,  328  sq  ;  — 
le  «  Correspondant  »  déclare  à  l'avance 
qu'il  se  soumettra  au  concile,  550. 

Cracovie,  affaire  d'un  couvent  de  — 
272('). 

Cumming  (Dr),  presbytérien  écossais,  veut 
se  rendre  au  concile,  599  sqq 

Curés,  sur  leur  inamovibilité,  48,  58;  — 
proposition  pour  que  le  concile  s'occupe 
de  la  nomination  aux  cures  par  voie  de 
concours,  529,  556. 


D 


Dechamps  (MS'),  archevêque  de  Malincs. 
Ecrit  sur  le  concile,  551  sqq  ;  —  lettre 
à  un  laïque,  551;  —  première  lettre  à 
Msîf  Dupanloup,  555  sq;  —  voir  aussi 
554  (<),  546,  547,  54)  . 

Décrets  du  concile,  leur  forme.  492,  sqq; 

—  Héfélé  sur  le  nom  du  pape  placé  en 
tête  494. 

Délégations,  voir  Députations. 

Délibérations  du  concile  (Matières  des) 
à  déterminer  par  le  Saint-Père,  52  ;  — 
à  préparer  par  des  théologiens  et  des 
canonistes,  52,  56,  57.  75  sqq.  Voir 
aussi  Propositions  faites  au  concile. 

Délibérations  du  concile  (Forme  des).  — 
Mémoire  de  Galeotti,  496  ;  —  proposi- 
tion d'Héfélé,  498  ;  —  décisions  de  la 
Commission  centrale,  499. 

Députations  pour  le  concile  —  leur  néces- 
sité d'après  Héfélé,  484  sqq;  —  quatre 
députations  sont  décidées,  486  sqq. 

Discipline  ecclésiastique  (Législation  de 
la),  faut-il  la  reviser  ?  55  sqq,  49  sqq  ; 

—  propositions  à  ce  sujet,   552  sqq, 
556  sqq,  540,  546. 


5G4 


TABLE    ANALYTIQUE 


DÔLLlNGEit,  rédacteur  des  <■■  lettres  ro- 
maines  »,  8(');  —  idée  fausse  sur  le 
concile,  10;  —  proposé  comme  consul- 
tent.  80  sqq;  —  lettre  à  Schwarzen- 
berg,  82  ;  —  erreur  sur  les  éVêques 
résidentiels,  105  sq;  —  doctrine  sur  le 
concile,  104.  106;  —  auteur  du  premier 
écrit  de  la  polémique  allemande.  196  sq; 
de  l'article  de  1'  «  Allgemeinc  ZeitUDg  », 
208  sqq;  —  loue  la  théologie  histo- 
rique, 209;  —  sa  vie, 208 sqq;  — Janus, 
219  sqq  ;  —  sur  la  correspondance  de 
la  «  Civiltà  »  et  sur  le  Syllabus,  225  sqq; 

—  sur  l'infaillibilité  pontificale-,  225 
sqq;  —  les  «Considérations  ».256  sqq; 
(cf.  Cniisidéralions)  —  relations  avec 
M-r  Dupanloup,  554  sqq;  —  voir  aussi 
83  sq.  88,  214,  261,264,  557,  347  (=), 
537,375,  435  sqq. 

Dons  en  argent,  etc.,  pour  le  concile, 
172  sqq. 

©roit  ue  proposition  au  concile,  —  voir 
Proposition . 

«  Dublin  Reyiew  »  sur  les  catholiques 
libéraux  d'Angleterre,  555  ;  —  contre 
Renouf,  556   6). 

Dupanloup  (Mer);  évêque  d'Orléans,. a-t-il 
poussé  le  pape  à  convoquer  le  concile, 
24;  —  sur  les  matières  à  traiter  au  con- 
cile, 58  sqq;  —  lettre  sur  le  futur 
concile,  169  ;  —  auteur  de  deux 
articles  du  «  Français  »,  205  (');  — 
écrit  anonyme  contre  l'infaillibilité, 
269  sq  ;  —  auteur  de  l'article  du  «  Cor- 
respondant »,  528  :  —  son  portrait  mo- 
ral, 351  sq  :  —  ses  relations  avec  Dol- 
linger,  554  sq  ;  —  lettre  pastorale,  337: 

—  lettre  à  son  clergé,  558  sqq  ;  —  affi- 
nité de  cette  lettre  avec  l'écrit  anonyme 
contre  l'infaillibilité,  544  sqq;  —  ses 
relations  avec  L.  Veuillot,  548;  —  avec 
M-r  Dechamps,  555  sqq;  avec  M-1  Man- 
niug,  559  sq . 


Ecoles.  L'Eglise  doit  avoir  la  liberté  d'en 
fonder,  59;  —  propositions  faites  au 
concile  sur  les  écoles  mixtes,  542. 

Eglise,  funestes  conséquences  de  la  sépa- 
uition  d'avec  l'Etat,  38;  —  son  indé- 
pendance de  l'Etat,  60  ;  —  ses  rappoits 
avec  l'Etat  d'après  l'adresse  des  laïques 
de  Coblentz,  259  :  —  depuis  le  concile 
de  Trente.  425. 

Eglise  (Etats  de).  Voir  Pouvoir  temporel  du 

pape. 

Eglise  {Commandements  île  1),  ne  de- 
vraient plus  ohliger  sous  peine  de  péché 
mortel,  197. 

Kglisk.  "  Petite  Eylise  »  en  Fiance, 
542. 

ESPAGNE  et  le  concile,  456. 

Etat  (1')  moderne  —  son  attitude  envers 
l'Eglise,  19,  58;  —  son  omnipotence, 
35,  36;  —  ses  rapports  avec  l'Eglise 
depuis  le  Concile  de  Trente,425. 

Etats  de  l'Eglise.  Voir  Pouvoir  temporel 
du  pape. 

EvÈCHÉS.  —  Propositions  sur  la  nomina- 
tion aux  évêchés,  515. 

I.\  ÊQI  ES.  prétentions  à  craindre,  44  sq, 
50;  — on  demande  leur  avis  sur  l'objet 
des  délibérations  du  concile,  55;  — 
rapport  sur  leurs  déclarations,  54  sq; 
-—  leur  nomination  par  l'Etat,  61  ;  — 
leur  adresse  au  pape,  70  sq,  168  sq  ;  — 
leur  double  puissance,  101  sq  ;  —  con- 
troverse sur  le  moment  où  ils  reçoivent 
leur  juridiction,  112  («);  —  seuls.de 
droit  divin  ils  sont  convoqués  au  con- 
cile,  117;  —  lettres  pastorales  sur  le 
concile,  169:  —  propositions  au  sujet 
des  évêques,  531 , 


TABLE    ANALYTIQUE 


563 


Evèques  résidentiels,  à  convoquer  au 
concile,  99,  100  sqq  ;  double  pouvoir, 
doctrinal  et  pastoral,  102  sq  ;  —  activité 
doctrinale  au  concile,  102;  —  erreurs 
deDollinger,  Schulte,  Friedrich,  sur  ce 
point,  I"")  sqq. 

Fvhol  ES     TITULAIRES,     notion,      108;     — 

raisons  en  faveur  de  leur  convocation 
au  concile,  109;  —  rapport,  de  M-1  An 
gelini,  lit»;  —  la  Commission  centrale 
se  prononce  pour  leur  convocation,  1 1 1  : 

—  M-r  Maret  sur  leui  "  droil  imio- 
lal)le  »,  112  sqq;  —Pie  IX  ne  veut  pas 
les  voir  tous  siéger,!  14;  —  il  se  range  à 
l'avis  de  la  Commission  cent  raie,  115; 

—  Friedrich  et  Schulte  contre  leur 
admission,  1  i  *  > 


Fesslep,  M-1;,  évêque  de  Saiut-Hippolyte 
fSaint-Polten,  Vorarlberg),  —  écrits 
sur  le  concile  du  Vatican,  8,  254;  — 
secrétaire  du  concile,  474  s<]  ;  —  voir 
aussi  7.  254,  475,  477. 

Fête,  consulteur  de  la  Commission  cen- 
trale, 92,  97;  —  de  la  commission  de  la 
discipline  ecclésiastique,  95,  96;  —  mé- 
moire pour  la  Commission    centrale, 

2  (i):  — sur  les  Jansénistes,  140  sq;  — 
sur  l'Eglise  nationale  anglicane,  1 47  sqq; 
—  sur  l'article  île  foi  de  l'Immaculéc- 
Conception,  .'i09  sq. 

>'  Figaro  ».  sur  l'ouvrage  de  M-'1  Maret. 
182  sq. 

loi.  Noir  Profession  de  Foi. 

«.  Français  »,  le,  — contre  la  correspon- 
dance de  février  de  la  «  Civiltà  ». 
202  sq  ;  — <  déclare  à  l'avance  qu'il  se 
soumettra  au  concile.  529  sq. 

Franck,  le  gallicanisme,  177  sq;  -  la 
presse,  183  sqq  ;  —  craintes  au  sujet  du 
concile,  186;  —  catholiques  libéraux  et 


catholiques  tout  court,  205  ;  —  le  gou- 
vernement n'enverra  pas  de  représen- 
tant spécial  au  concile,  439,  4SI  sq  ;  — 
E.  Ollivier  sur  les  droits  du  gouxerne- 
incnl  149  sq;  —de  la  Tour  d'Auvergne 
sur  l'attitude  du  gouvernement  au 
concile,  4-iI  sq  ;  —  instruction  pour  les 
envoyés  à  Rome,  452  sqq  ;  —  liberté 
pour  les  évèques  de  se  rendre  au 
concile.  455. 

Franc-Maçonnerie,  met  en  pratique  les 

idées  anti-religieuses,  55  ;  —  proposi- 
tions concernant  la  franc-maçonnerie, 
556. 

FriedhOFF,  auleur  des  «  contre-considéra- 
tions »,  etc.,  dirigées  cou  lie  les  «  consi- 
dérations »  de  Dollinger.  257. 

Friedrich,  Journal,  8  ('j  :  —  documents, 
9  (*);  —  erreurs  concernant  les 
évèques,  105,  106,  112  ('),  lit;  i- ., 
127  i"  .  139  '),  142  *);  —  erreurs 
gallicanes.  178;  —  sur  la  correspon- 
dance de  la  «  Civiltà  »,  213  sq,  217;  — 
voir  aussi  24.  100,  196,  212,  213  ,"). 
219  (';,  240  (•),  245  (5),  268  *),  282, 
291  ('  ,  334  |2),  552  ('),  397  (*),  429      . 

Folda,  assemblée  des  évèques,  275  sqq; 
—  sur  l'opportunité  de  la  définition  de 
l'infaillibilité  pontificale,  278  -qq;  _ 
mémoire  au  pape,  281  sq  ;  —  lettre 
pastorale,  287  sqq;  —  Louis  II  de 
Ba\ière  >ur  cette  lettre,  291  sq  ;  —  la 
presse  libérale  exploite  l'assemblée, 
291. 


G 


Galeotti,  consulteur  de   la  Commission 

centrale,  92;  —  mémoire  pour  les  déli- 
bérations de   la  Commission  centrale, 

2       ; ur  la  question  des  procureur.-. 

151  sqq;  —  sur  les  employés  471  ;  — 
sur  la  forme  des  décrets.  402  sq,  496; 
-  voir  aussi469(*),  491 


(66 


TABLE    ANALYTIQUE 


Gallicanisme,  en  France,  177  sqq;  —  en 
Allemagne,  178. 

Généraux  d'ordres  religiedx,  différence 

avec  les  é\èques  titulaires.  116  sq;  — 
leur  place  dans  les  conciles  antérieurs, 
117;  —  Sanguineti  sur  leur  admission 
au  concile,  117  sqq;  —  ils  seront  admis, 
120;  —  faut-il  admettre  les  vicaires 
généraux  d'ordres,  120  sqq. 

Gianneli.i  (M«r),  archevêque  de  Sardes 
i.  p.  i.,  secrétaire  de  la  Commission  cen- 
trale, 75,  92;  —  mémoire  pour  celte 
commission,  2  (1)  ;  —  sur  quatre  ques- 
tions concernant  le  concile.  25  sqq, 
74  sq;  —  voir  aussi  75,  95,  1 14.  115, 
125,  126,  484  (s),  487  (')•  504  ('), 
555  sq. 

Gouvernements  (les)  et  le  concile  pro- 
chain. 4-2,  425  (')  ;  —  refus  opposé  à  la 
circulaire  Hohenlohe,  458  sqq;  —  atti- 
tude des  gouvernements  allemands 
envers  le  concile,  444  sqq  ;  —  voir 
aussi  chaque  gouvernement. 

Grecs  non  unis,  accueil  fait  à  l'invitation 
au  concile,  365  sqq,  576  sqq. 

G"ustav-Adolfverein  (le)  et  l'invitation 
pontificale  au  concile,  415  sq. 


H 


Héfélé  (Mk>),  évèque  de  Rottenbourg, 
consulteur  de  la  Commission  centrale, 
88,  92;  —  lettre  à  Schwarzenherg  sur 
les  consulteurs  convoqués,  84  sq  ;  — 
mémoire  sur  les  congrégations  géné- 
rales, 468,  481  sqq;  490  sq,  49 i,  496  sq  ; 
sur  le  règlement  du  concile,  502  sq  :  — 
voir  aussi  80,  81.276,  285. 

Hinschius,  contre  la  doctrine  de  Dôllin- 
ger  sur  le  concile,  105  sq;  —  sur  le 
règlement  du  eoncile,  505  ('). 

HlSTORISCH-POLITISCHE    BlaITER.    Sur    I>ol- 


linger,  209  (*),  210  (r>);  —  contre  le 
«  Janus  »,  225,  225,  251  sqq;  —  sur 
l'appel  aux  catholiques  de  Bade,  245  ;  — 
sur  la  manifestation  de  quelques  mem- 
bres du  Parlement  de  l'Union  doua- 
nière. 264  sq,  268;  —  sur  le  consis- 
toire central  de  Berlin,  407  sq;  —  sur 
la  circulaire  de  Hohenlohe,  427  sq. 

Hohenlohe-Schillingsflrst  (Prince  de), 
ministre-président  de  Bavière,  sa  dé- 
pêche-circulaire 251,  426  sqq;  voir 
aussi  159,  441,  448,  450. 

Hyacinthe,  le  Père  (Charles  Loyson),  son 
apostasie,  515  sqq  ;  — voir  aussi  549. 


Immaculée  Conception  de  la  Sainte  Vierge] 
509,  544. 

«  Indépendance  belge  »,  sur  l'ouvras 
de  MerMaret,  185. 

«Index  librorcm  prohibitorlm»,  àréfoa 
mer,  60;  —  ce  que  dit  là-dessus  «  un 
ecclésiastique  catholique  »,  193;  — 
l'adresse  des  laïques  de  Coblentz  contre 
l'Index,  255;  —  propositions  pour  le 
Concile,  555,  556. 

Infaillibilité  du  pape  ;  —  les  cardinaux 
Asquiniet  Ugolini  désirent  sa  définition, 
51  sqq  ;  —  de  même  une  série  d'é\é- 
ques.  55;  —  les  catholiques  belges,  175; 
—  écrit  anonyme  (M«r  Dupanloup) 
contre  la  définition,  269  sqq  ;  —  assem- 
blée délibérante  des  évèques  à  FuldasuJ 
ce  sujet,  278  sqq;  —  ouvrage  (0 
MgrMaret,  295  sqq  ;  —  du  Correspon- 
dant sur  l'infaillibilité,  525  sqq  .  — 
écrit  de  Mer  Dechainps,  551  sqq  •  — 
ardeur  de  Me1'  Manning  pour  l'infailli- 
bilité, 557  sqq  ;  —  interprétation  don- 
née par  M«r  Dupanloup  aux  paroles  de 
Mer  Manning.  358  ;  —  Hohenlohe  sur 
cette  «  prétention  »,  426  ;  —  les  ques- 
tions adressées  aux  facultés  de  Bavière 


TABLE    ANALYTIQUE 


o67 


sur  l'infaillibilité,  429  sq»|  ;  —  Mémoires 
en  réponse,  430  ;  —  Instructions  don- 
nées à  l'ambassadeur  français  à  Home 
touchant  l'infaillibilité.  135  ;  — propo- 
sitions des  évêques  napolitains, 524  sqq; 
-  -  Schwarzenberg  contre  la  définition, 
537;  —  opinion  de  M-1  Spalding,  ">40 

Intérêts  (prêt  à).—  Propositions  faites  au 
concile  sm  la  doctrine  qui  le  concerne, 
544. 

Interprètes  pour  le  concile,  476. 

Italie,  le  gouvernement  et  le  concile, 
41  sqq,  4S6  sqq  ;  —  démonstrations 
préparées  en  Italie  contre  le  concile, 
421  ;  —  les  évêques  sont  laissés  libres 
de  se  rendre  au  concile,  458. 


<<  Journal  du  Havre  »  sur  l'ouvrage  de 
Me'Maret,  183, 

Journaux  catholiques,   propositions  con- 
cernant leurs  excès,  533  sq. 

Ji  iiiLÉ  pour  le  temps  du  concile,  Ency- 
clique, 554 sq  ;  —  indulgences,  556  sq. 

Juifs,  proposition  pour  le  concile  à  leur 
sujet,  547 


K 


Ketteler  (Msr  de),  évêque  de  Mayence, 
écrit  sur  le  concile,  234.  —  Voir  eussi 
89,  221,  276,  285,  333  (,),  331  .), 
345. 


Jacobites  non  unis,  accueil  fait  à  l'invita- 
tion au  concile,  584  sqq. 

Jansi  sistes,  leur  attitude  envers  Home, 
14(5  ;  —  Feye  conseille  de  ne  pas  imiter 
leurs  évêques,  146;  —  voix  jansénistes 
sur  le  retour  à  l'unité  avec  Home, 
403  sq  ; —  deux  lettres  de  la  Clerezij 
janséniste,  405  sqq. 

«  Jani  s  »,  écrit  publié  sous  ce  titre, 219; 

—  la  papauté  d'après  le  Janus  221  sqq; 

—  but  principal  de  Janus,  222;  — 
Janus  sur  le  Syllabus,  225  sqq  ;  —  sur 
le  traité  de  Westphalie,  221  sqq;  —  sur 
leclcrgé  ultramontain  et  romain,  225  sq; 

—  sur  l'infaillibilité  pontificale,  227;  — 
réfutations,  227  sqq. 

Jeûne  (loi  du)  à  mettre  au  ton  des  circon- 
stances actuelles,  48,  60. 

JoR(..  rédacteur  des  «  Historisch-politi- 
schen  Blâtter  ».  Voir  ce  mot. 

Joseph  (saint),  proposition  au  concile  con- 
cernant saint  Joseph,  546. 


Lettres  apostoliques,  Arcano  Divinae 
ProvidenHàe  pour  l'invitation  des  évê- 
ques orientaux  non  unis,  162  ;  —  Jani 
vos  onnes  pour  l'invitation  des  protes- 
tants, 165  ;  —  Multipliées  inler  pour  le 
règlement  du  concile,  506. 

Lia.nno.  ses  brochures  convient  à  la  sépa- 
ration d'avec  Rome,  230;  —  sa  person- 
nalité, 250  {»). 

LiiiÉiiAUx,  leur  programme  d'après  «  Ja- 
nus »,  220. 

Liiîertk  de  la  Presse.  —  Voir  Presse. 

Libres-penseurs,  anti-concile,  419  sqq  ; 
—  lettre  de  Ricciardi  aux  libres-pen- 
seurs, 419  sqq;  —  délibérations  à 
Naples,  421  sq. 

Liturgie,  vœu  en  faveur  d'une  plus  grande 
uniformité,  48. 

Louis  II,  roi  de  Bavière,  demande  si  l'in- 
faillibilité sera  définie,  208;  —  écrit  à 
Me  Scherr,  archevêque  de  Munich,  sur 


568 


TABLE    ANALYTIQUE 


la  pastorale  de  Fulda,291  ;  —sa  réponse 
aux  évêques  de  Bavière,  459  sqq. 

I.i  ne.  vœux  contre  ses  excès.  5!t. 


M 


Malte  (chevaliers  de),  prennent  part  à  la 
garde  du  concile  avec  la  garde  noble, 
475  sq. 

Manning  (Msr),  archevêque  de  Westmins- 
ter, son  écrit  sur  le  concile  du  Vatican. 
8;  —  ses  relations  avec  Msr  Maret,  510. 
515,  558  ;  —  avec  Msr  Dupanloup, 
54(5  sqq,  558  sqq  :  —  attitude  vis-à-vis 
de  l'infaillibilité  pontificaie,  538;  voir 
aussi  56,  69,  70  (»),  89,  211,  "232,  557, 
599. 

Maret  (Ms'j,  évêque  de  Sura  i.  p.  i  ,  — 
publie  un  écrit  sur  le  prochain  concile, 
1S2  sqq  ;  —  controverse  que  cette  publi- 
cation soulève,  185  sqq;  —  relations 
avec  Louis  Veuillot,  184  sqq;  —  Ollivier 
sur  Mer  Maret,  182  (5),  214  ;  —  l'ouvrage 
«  Du  concile  général  »,  295  sqq  ;  —  cri- 
tiques de  M-1  Pie,  504  sqq  ;  —  de 
Msr  Doney,  507;  —  de  Ms'  Plantier, 
308;  —  de  M-'  Manning,  510;  —  de 
Ms'  Delalle,  511;  —  de  Dom  Guéranger, 
512  :  —  sa  défense  «Le  pape  et  les 
évêques,  etc.  »,  512  ;  —  sa  soumission, 
515. 

Mariage  (Empêchements  de),  propositions 
qui  s'y  rapportent,  48,  526,  555,  555, 
557,  558,  539  sq. 

Mariages  MiXTES,proposition  de  Msr  Greith. 

542,  sq. 

Martin  (Msr)  évêque  de  Paderborn,  écrit 
aux  protestants  au  sujet  du  concile 
596;  —  \oir  aussi  276,  281. 

MEGLiA(Mer),  archevêque  de  Damas  i.  p.  i., 
nonce  à  Munich  ;  —  sur  la  théologie 
allemande.  85  sqq;  —  sur  h'   degré  do 


formation  théologiquc  du  clergé  alle- 
mand, 180;  —  sur  l'auteur  du  premier 
écrit  de  la  polémique   allemande,  195; 

—  sur  les  articles  de  1'  «  Allgemeine 
Zeitung  »  et  leur  influence,  207;  —  sur 
l'agitation  populaire,  271  ;  —  sur  l'as- 
semblée des  évêques  à  Fulda.  275  sqq.  ; 

—  sur  les  dispositions  des  protestants. 
409,  415;—  sur  la  circulaire  de  Holicn- 
lobe,  429;  —  sur  le  mémoire  de  la 
faculté  de  Munich, 433;  —  sur  l'attitude 
des  gouvernements  envers  le  concile, 
438  sqq.;  —  voir  aussi  65  {*-).  78,  87, 
236  (»),  268,  281 ,  344  (•-),  547  (.-,),  447  (<). 

Melchers  (Msr),  archevêque  de  Cologne, 

—  sa  réponse  à  l'adresse  de  Bonn.  262 
sqq.;  — sa  lettre  sur  l'agitation  popu- 
laire avant  le  Concile,  271;  —  voii 
aussi  89,  115  r),  275  sq,  281  sq,  44  i  sq 

Mémoire,  pour  la  «  Commission  centrale  », 
2  (M  ;  —  des  cardinaux  sur  le  concile  à 
convoquer,  51  sqq. :  —  des  évêques  sur 
l'objet  des  délibérations  du  concile,  -»4 
sqq  ;  —  des  universités  bavaroises,  430 
sqq. 

Militarisme,  proposition  faite  au  concile 
sur  ce  sujet,  543  sq. 

MOMTALEHBERT  (Comte  de^,  son  adhésion  à 
l'adresse  des  laïques  de  Coblentz,2<>2 1  '  B 

—  lettres  au  P.  Hyacinthe,  519;— il 
essaie  de  décider  Dollinger  à  se  rendre  à 
Rome,  554  ;  —  sur  Ms'  Dupanloup,  549  ; 

voir  aussi  527,  557. 

Moyen  âge.  sa  conception  théocratique  de 
l'Etat,  236. 

Munich    :  Nonce  à  Munich,  voir  Megi.ia; 

—  école  de  théologie  de  Munich,  56,  IS2; 

—  congrès  scientifique,  209. 


I\ 


Napoléon  111,  empereur  des  Français;  — 
son  attitude  probable  vis-à-vis  du  con- 


TABLE   ANALYTIQUE 


569 


cile,  42  sqq.  ;  —  sa  confiance  dans  le 
concile,  4S4  sq ;  —  \oir  aussi  68,  185, 
459,  448,  450  sq. 

JNesiokiens  non-unis,  leur  accueil  à  l'invi- 
tation au  concile,  585  sijq. 


O 


Ollivier,  Emile,  président  du  Conseil  des 

Ministres  de  France  :  —  auteur  de 
((  L'Eglise  et  l'Etat  au  concile  du  Vati- 
can »,  9 ;  —  sur  Ms>  Maret,  182  ("),  214; 

—  sur  le  P.  Hyacinthe,  516(2);  —  sur 
Mb*  Dupanloup,  352  (s)  ;  —  sur  la  lettre 
pastorale  de  celui-ci  à  son  clergé,  545; 

—  Discours  au  Corps  législatif,  448;  — 
interpellation  au  ministère  contre  le 
concile,  450;  —  voir  aussi  155  ('),  151, 
428  U),  451  {*),  452  f\  455  ('),  456  *  . 

Ontologishe.  — Proposition  faite  au  con- 
cile à  son  sujet,  541. 

Orientaux-*  Iatholiques.  —  Maux  qui  les 
affligent.  64. 

Orientaux  non-unis.  — Moyens  et  obsta- 
cles à  leur  réunion,  62;  —  ils  préten- 
dent avoir  de  vrais  évèques.  143;  — 
conduite  à  tenir  à  leur  égard,  d'après 
lSeT  Tizzani,  145  sqq.  ;  —  décision  de 
la  Commission  centrale  concernant  leur 
invitation,  145;  —  avis  de  M«r  Valerga 
sur  leur  invitation,  162;  —  lettre  d'in- 
vitation Arcano  divinœ  Providentiw  du 
Saint-Père,  162;  —  généralités  sur  les 
s'hismatiques  orientaux,  561  sqq.  ;  — 
remise  des  lettres  d'invitation  et  ac- 
cueil, 565  sqq.  ;  —  satisfaction  des 
journaux  hostiles  à  l'Eglise  à  propos  du 
refus.  390. 


Parlementarisme    (le),    danger    de    voir 

s'introduire  cet  esprit  au  concile,  45. 
Parlement    douanier,  démonstration    de 


quelques  membres  catholiques, 264  sqq; 

—  leur  projet,  265  sqq.  ;  —  Friedrich 
les  calomnie,  267;  —  elle  est  communi- 
quée à  l'assemblée  de  Fulda,  268  ;  — 
les  dispositions  des  membres  de  ce  Par- 
lement, d'après  Friedrich,  268  (s). 

Patrizi  (Msr)i  cardinal,  évêque  de  Porto, 
président  de  la  Commission  centrale, 
92  ;  —  de  la  Commission  du  cérémo- 
nial, 98;  —  voir  aussi  25,  51  (*),  45  («), 
75,  473  sqq,  477,  493,  495  sq,  518. 

Patronage  (droit  de)  pour  les  canoni- 
cats,  etc.,  vœu  pour  sa  réforme,  61, 
556,  537. 

Philosophie  moderne.  19,  35,  35. 

Pie  (Mn'''|,  évêque  de  Poitiers;  —  et 
MS1  Maret,  504,  315;  —  contre  le  «  Cor- 
respondant »,  327;  —  voir  aussi  60, 
122. 

Pie  IX,  pape  ;  —  ordonne  l'impression  des 
documents  concernant  le  concile,  4  ;  — 
motifs  pour  la  convocation  du  concile, 
19  sqq;  —  s'il  en  a  pris  la  résolution 
de  sa  propre  initiative,  25  ;  —  nomme 
une  commission  de  cardinaux  pour 
discuter  les  questions  préliminaires.  24, 
75  ;  —  demande  un  mémoire  aux  car- 
dinaux, 25,  31  ;  —  aux  évêques,  50, 
53  ;  —  annonce  le  concile  solennelle- 
ment, 69  :  —  ne  veut  pas  voir  siéger  au 
concile  tous  les  évêques  titulaires,  114; 

—  sur  la  question  des  Abbés,  120  sqq; 

—  il  publie  la  bulle  de  convocation, 
157;  —  lettres  aux  Orientaux  el  aux 
protestants,  162  sqq,  595,  399;  — 
jubilé  sacerdotal  du  pape,  171  ;  — 
mécontentement  du  pape  sur  la  lettre 
des  évêques  de  Fulda,  285  sqq  ;  — 
lettres  à  M«r  Manning,  599  ;  —  voir 
aussi  71,  155,  175  sq,  451,  470  sq,  474, 
492,  506,  525,  559,  etc. 

Plantier  (Mer),  évêque  de  Nîmes;  —  écrit 
sur  le  concile,  234  ;  —  rapports  avec 
Mk<-  Maret   307.  315. 


S70 


TABLE     ANALYTIQUE 


Portugal:  le)  et  le  concile,  456. 

Pouvoir  temporel  du  pape,  le  concile  est 
pour  lui  une  protection,  42;  —  il  est  le 
rempart  de  la  liberté  du  pape,  50;  — 
sa  nécessité.  51  ;  —  voir  aussi  68,  175. 

Préséance  ai  oo.Ncii.E,  rapport  d'Héfelé 
sur  cette  question,  468  ;  —  de  Msr  Ga- 
leotti,  468  sq:  —  le  jour  de  la  promotion 
décidé,  469;  —  patriarches  et  primats, 
469  sq; —  règlement  définitif ,  470  sq  ; 

—  ce  qu'en  pense  un  «  ecclésiastique 
catholique  »,  191. 

Presse  (la)  française,  186;  —  presse 
incroyante,  19.  34;  —  ses  excitations 
contre  le  concile.  271  sqq. 

Presse  liberté  de  la),  à  restreindre,  48, 
555  sq. 

Prêtres  vœux  au  concile  sur  leur  vie 
commune,  529,535;  — sur  leur  con- 
fession plus  fréquente,  545. 

Prières  pour  le  concile,  553  sqq. 

Princes,  catholiques,  nécessité  de  s'enten- 
dre avec  eux  au  sujet  du  concile,  28  sq.; 

—  faut-il  les  imiter,  41,  150  sqq;  — 
non-catholiques,  faut-il  leur  communi- 
quer la  bulle  de  convocation,    152. 

Procureurs  au  concile,  ce  qu'ils  sont, 
128  :  —  leur  rôle  au  concile  de  Trente, 
129;  —  rapport  de  Msr  Galeotti  sur 
leurs  droits,  151  sq  ;  —  ils  ne  doivent 
pas  avoir  droit  de  suffrage  au  concile, 
154  sqq,  140;  —  Schulte  et  Friedrich 
sont  d'avis  contraire,  139(«);  —  voir 
aussi  136,  140  sqq. 

Profession  de  foi,  délibérations  sur  sa 
prestation  au  concile,  507  sqq. 

Proposition  (Droit  de)  au  concile;  dis- 
tinction de  Sanguineti  entre  les  propo- 
sitions faites  directement  et  indirecte- 
ment, 489  ;  —  Héfelé  sur  le  privilège  du 
pape,  490;  —  droit  de  proposition  des 
évêques,  491  sq. 


Propositions  faites  au  concile;  —  par  lis 
évêques  napolitains,  524  sqq  :  —  par 
onze  évêques  français,  527  sqq;  —  par 
différents  évêques  d'Allemagne.  555  sq; 
—  d'Autriche,  536  sq  ;  —  de  Belgique, 
558  sq  ;  —  d'Italie,  539  sq;  —  de  l'Amé- 
rique du  Nord,  559  sq;  —  propositions 
particulières  plus  étendues,  541  sq. 

Protestants,  rapport  de  M»r  Tizzani  sur 
la  conduite  à  tenir  à  leur  égard  au  sujet 
du  concile,  148;  --  ils  n'ont  «  en  géné- 
ral »  aucune  ordination  valide,  150;  — 
lettres  d'invitation  aux  protestants, 
165  sqq,  595  sqq  ;  —  accueil  qui  leur 
est  fait,  595  sqq;  —  par  les  protestants 
anglais.  397  ;  —  le  conseil  supérieur 
ecclésiastique  de  Berlin,  406  sqq  ;  — 
conférence  pastorale  de  Berlin,  409;  — 
Mo1'  Meglia  sur  les  dispositions  des  pro- 
testants, 409  sqq  ;  —  congrès  de 
Worms,  410  sqq  ;  —  le  Gustav-Adoll- 
verein,  415;  —  dicte  de  l'Eglise  évan- 
gélique  allemande,  414;  —  synode 
général  de  l'Eglise  bavaroise,  414;  — 
les  protestants  des  autres  pays,  416  sqq. 

Prusse,  protestation  du  conseil  supérieur 
évangélique  contre  l'invitation  au  con- 
cile, 406  sqq;  — critique  de  cette  pro- 
testation par  un  protestant,  407  sqq  ; 

—  attitude  du  gouvernement  vis-à-vis 
du  concile  d'après  Bismarck.  442  sqq  ; 

—  d'après  M.  de  Mùhler,  ministre  des 
cultes,  444  sqq. 

«  Le  Public  »,  organe  du  gouvernement 
français, contre  l'article  de  la  «  Civiltà  », 
201  ;  — contre  le  Syllabus  et  l'infailli- 
bilité, 201. 


Rationalisme.  16,  17,  52;  —  en  Alle- 
magne, 178, 

Réguliers  —  leurs  exemptions  à  res- 
treindre, 48,  530,  545;  —  réformes  à 
faire,  58;  — autres  propositions  qui  les 

concernent,  550. 


TABLE    ANALYTIQUE 


571 


Reisach  (Ms1"  de)  cardinal,  évêque  de  Sabine 

—  membre  de  la  Commission  centrale 
25,  73,  92  ;  —  président  de  la  commis- 
sion politico-ecclésiastique,  77,  95;  — 
son  mémoire  détaillé  mu-  la  convocation 
d'un  concile,  51  ;  —  voir  aussi  484  (3), 
486(>). 

Renolf,  Le  Page,  écrit  contre  l'infaillibi- 
lité, 198  ;  —  deux  écrits  sur  le  pape 
Honorais,  356  sqq. 

Réunion  des  communautés  chrétiennes 
dissidentes,  d'après  «  un  ecclésiastique 
catholique  »,  194. 

Ricciariu, membre  du  parlement  italien  et 
l'anticoncile  de  Naples,  419:  —  son 
programme,  422. 

Rites  orientaux,  chrétientés  des,  3(51  sqq. 

Rome  —  et  la  sécurité  du  concile,  28,  42; 

—  elle  sera  évacuée  par  h-s  Français,68; 

—  nouvelle  occupation,  72, 

Russie  et  le  concile,  458  sq;  —  le  chancelier 
Gortschakovv  sur  l'attitude  du  gouver- 
nement envers  l'Eglise  catholique,  459 
sqq;  —  les  évéques  ne  peuvent  pas  se 
rendre  au  concile,  461. 


Sanglineti  (S.  J.),  consulteur  de  la  Com- 
mission centrale,  92  ;  —  son  rapport  à 
cette  commission,  2(");  —  sur  la  ques- 
tion des  Abbés,  1 17  ;  —  sur  la  question 
des  procureurs  du  concile,  135,  137;  — 
sur  les  primats,  470  ;  —  sur  le  droit  de 
proposition,  489;  —  projet  de  règle- 
ment pour  le  concile,  503  sq. 

Scheeben,  son  écrit  sur  le  concile,  !70  (»); 
contre  Janus,  230;  —  contre  les  «  Con- 
sécrations »,  238. 

Schémas  pour  les  délibérations  du  concile, 
et  Index,  518  sqq. 


Schrader  (S.J.),  sa  rédaction  du  Syllabus 
en  l'orme  positive,  296,  434. 

Schulte,  erreurs  sur  la  mission  des 
évêques  résidentiels  au  concile,  103  sqq, 
159  (0;  —  critique  la  convocation  des 
évoques  titulaires  112  ('),  116  (");  — 
contre  la  décis'on  concernant  les  procu 
reurs,  1 39  ( ' )  - 

SchwarzenberG,  cardinal  -archex èque  de 
Prague,  —  sa  collection  de  documents 
sur  le  concile  aux  Archives  du  Vatican, 
7;  —  lettre  pour  la  convocation  de 
consulteurs,  80  stiq  ;  —  son  mémoire 
ad  Patres  futur!  concilii,  277;  —  Se 
refuse  à  emmener  à  Rome  Dôllinger, 
534  ;  _  voir  aussi  54,  122,  535  (5),  536. 

Science  catholique,  compromise  par 
l'abandon  de  la  méthode  ancienne,  55. 

Sciences  naturelles  —  leur  influence 
néfaste  sur  la  théologie,  585  sqq. 

Secesser  (Dr  de),  ses  «  Etudes  et  réfle- 
xions  »,  255. 

Séminaires,  extension  de  leurs  études,  48, 
58  ;  —  fondation  de  séminaires  provin- 
ciaux et  centraux.  58;  —  propositions 
des  évéques  français  pour  le  règlement 
des  études,  527  sq. 

Senestréy  (Msr),  évêque  de  Halisbonne,  — 
rôle  du  concile,  54;  —  sur  l'école  de 
théologiens  de  Munich,  56  ;  voir  aussi 

78,277. 

Socialistes,  propositions  présentées  au 
concile  sur  leurs  erreurs,  545. 

Stévenistes, propositions  concernant  leur 
secte  en  Belgique,  542. 

«  Stimmen  aus  Maria  Laacii  »,  neue  Folge, 
170  (»),—  sur  la  personnalité  de  Lianno, 
230(«),—  sur  les  «Etudes  et  réflexions  » 
de  Segesser,  235;  —  sur  le  livre  de 
Friedholl  «  Contre-considérations  », 
237;  —  sur  l'adresse  des  laïques  de  Co- 
blenz.   252  sqq  ;  — sur  la  forme  théo- 


§72 


TABLE   ANALYTIQUE 


cratiquc  de  l'Etat  au  moyeu  âge,  255; 

—  sur  le  congrès  prolestant  de  Worins, 
411  sqq. —  sur  l'anti-concile  de  Naples, 
420  s<]t]  ;  —  sur  les  mémoires  des  facul- 
tés  de  Bavière,  430  sqq,  —  voir  aussi 
passim. 

Suisse  et  le  concile,  448. 

Svi.LAitus  —  à  fortifier  durant  le  concile, 
56  :  —  en  France  on  craint  sa  défini- 
lion  par  le  concile.  186  :  —  sa  forme 
positive  d'après  le  P.  Schrader,  296, 
454:  —  ce  qu'en  dit  la  circulaire  Hohen- 
lolic,  427  :  —  les  questions  posées  à  son 
sujel  aux  Facultés  de  Bavière,  429  sqq  : 

—  réponses  de  celles-ci,  450,  452.  456. 
457  :  —  instructions  à  L'ambassadeur 
français  à  Home  touchant  le  Syllabus, 
454. 

Synodes,  propositions  faites  au  concile  sur 
leur  tenue  plus  fréquente,  551 . 


Testa  (l'abbé),  esl  chargé  de  remettre  les 
lettres  d'invitation  au  concile  aux  Orien- 
taux non-unis,  564  sqq. 

«  De  Tijd  » ,  les  évêques  jansénistes 
doivent-ils  se  rendre  au  concile,  402 
sqq:  — deux  lettres  ouvertes  de  jan- 
sénistes de  la  Glerezij,  105 sqq. 

Tizzani  (Msr),  archevêque  de  IN'isibe,  — 
Mémoire  sur  les  délibérations  de  la 
Commission  centrale,  2(');  — sur  les 
Orientaux  non-unis,  113:  —  sur  les 
protestants  et  les  anglicans,  148  sqq  ;  — 
sur  la  profession  de  foi  a  prononcer  au 
concile,  507: —  sur  les  prières  à  ordon- 
ner avant  le  concile.  .'>.'>.">. 

Trappistes-Abbés  ne  sont  pas  reconnus 
comme  ayant    droit    à   l'admission  au 


concile.   126  :   —  mais  ils  siègenl   par 
permission  du  pape,  127. 

U 

UmoNMSTES  anglais,  nombre  d'ecclésias- 
tiques, 598  ("•)  ;  —  écrit  de  l'unionniste 
Cobb,  400  sqq  ;  —  questions  posées  au 
P.  de  Bur-k,  S.  J.,  401  sqq. 

«  Univers  »  (i.').  sur  l'ouvrage  de 
Me*  Maret,  185  :  —  réponse  aux  accu- 
sations de  Me* Maret,  184  sqq  ;  —  sur  le 
manifeste  du  «Correspondant  »,  521  (*), 
527:  —  il  se  défend  contre  Msr  Dupan- 
loup,  5 lit. 


V 


VALERGA(M«r), patriarche  de  Jérusalem,  — 
doit  s'aboucher  au  sujet  du  concile  a\ec 
les  patriarches  et  évèques  des,Orientaux 
non-unis,  146: — son  opinion  sur  leur 
état  d'esprit,  162,  562;—  voir  aussi  62, 
94,  576. 

Veuillot  (Louis),  rédacteur  en  chef  de 
«  l'Univers»,  —  contre  les  journaux 
libéraux  et  gallicans,  185  :  —  rapports 
avec  Msr  Maret,  184:  —  avec  Ms1  Du- 
panloup,  552.  541,  548;  — Veuillot  sur 
l'article  du  «Correspondant  »,52l.  527: 
—  voir  aussi  556  (■•). 

Victor-Kmmanuel,  roi  d'Italie,  ses  menaces 

contre  Rome,  68. 

Vote,  au  concile,  suivant  un  «  ecclésias- 
tique catholique  »,  195  ;  —  dans  ia  con- 
grégation générale  et  dons  les  séances 
publiques,  499. 

VA/ 
Wurtemberg  et  le  concile,  438. 


Table   «es    Matières. 


SOMMAIRE. 


Les  chiffres  renvoient  ù  la  pagination  de  l'édition  française.  La  pagination  do 
l'édition  originale  allemande  est  indiquée  entre  au  ii;is  dos  pages  françaises.  —  Le 
si^iii»  intercalé  dans  le  texte,  indique  1  endroit  on  commencent  et  finissent  les  pages 
allemandes. 


Préface 1».       vn 

Les  deux   principales   collections  de   documents  relatifs  m  l'histoire 
du  concile  du  Vatican p.       xi 

Introduction.    —    Sources    et    bibliographie.          Point    de   vue   de 
l'auteur p.  i 


LIVRE  PREMIER. 

Motifs  de  la  réunion  du  concile. 

Première  annonce  et  préparation  éloignée  du  concile 

jusqu'à  sa  convocation. 

Chapitre  i.  —   Motifs   et   occasion  de  la  convocation  d'un 
concile  général p.       i5 

Dogme  et  discipline.  -  Protestantisme.  —  Origine  de 
l'incrédulité  moderne.  —  La  philosophie  depuis  la  fin  du 
XVIIIe  siècle.  —  La  théologie.  —  Les  sciences  naturelles.  — 
Les  écoles.  —  La  presse.  —  L'Eglise  et  l'Etat.  —  L'autorité  de 
l'Eglise.  —  Gallicanisme-Fébronianisme-.Toséphisme  et  autres 
erreurs  nouvelles.  —  Missions.  —  L'Orient  —  Conciles  provin- 
ciaux du  xix-  siècle.   —  Assemblées  d'évêques  à   Rome. 


o74  TABLE    DES    MATIERES 

Chapitre  II.  -      Première  annonce  du  concile  par  PieJX. 
Nominal  ion    d'une    Commission    de    cardinaux    pour 

discuter     les     questions     préalables.      Sa     première 
séance p.       23 

Annonce  du  concile  à  la  Congrégation  des  Rites  le  6  décem- 
bre 1SU4.  —  Le  pape  en  avait-il  eu  l'initiative?  —  Nomination 
d'une  commission  «le  cardinaux.  —  La  première  séance.  — 
Nomination  du  secrétaire  M**  Giannelli.  —  Résolutions  delà 
commission  sur  les  points  mis  en  délibération.  —  Le  pape  les 
confirme. 

Chapitre  III.  —  Rapports  des  cardinaux  résidant  à  Rome, 
sur  le  projet  du  pape p.       3i 

Nombre  et  forme  des  consultations.  La  nécessité  d'un 
concile  :  opinion  du  cardinal  Reisach  sur  le  dogme,  la  disci- 
pline et  les  relations  extérieures  de  l'Eglise;  opinion  des  autres 
cardinaux  sur  ces  mêmes  points.  —  Le  cardinal  Pentini  opposé 
à  la  nécessité.  —  Antres  cardinaux  qui  s'expriment  contre  la 
convocation.  —  L'opportunité  du  concile  :  obstacles  du  dehors. 
Le  cardinal  Bizzarri  et  l'attitude  supposée  de  Napoléon.  — 
Difficultés  du  dedans.  —  Motifs  d'espérer  une  bonne  issue. 
—  Matières  des  délibérations  du  futur  concile.  — Projets  sur 
la  législation  disciplinaire,  les  Etats  de  l'Eglise  et  l'infaillibi- 
lité du  pape.  —  Remarqués  et  propositions  particulières. 

Chapitre  IV.  —  Opinions  des  évêques  de  divers  pays  sur 
les  matières  a  traiter  au   concile p.        53 

Le  pape  interroge  l'épiscopat  sur  les  matières  à  traiterai! 
concile.  —  M-1  Jacobini  centralise  leurs  avis.  —  Questions  doc- 
trinales. —  Discipline  ecclésiastique.  —  Rapports  de  l'Eglise 
et  de  l'Etat.  —  Situation  de  l'Orient  schismatique.  — Faut-il 
en  inviter  les  évêques  '  —  Mauvais  état  des  Eglises  unies 
d'<  >rient.  —  Retour  a  l'unité  des  Eglises  séparées.  —  Questions 
adressées  aux  évêques  reunis  pour  le  centenaire  du  martyre 
des  princes  des  apôtres. 

Chapitre  V.  Centenaire  du  martyre  des  princes  des 
apôtres  :  le  pape  annonce  le  concile  en  consistoire 
public p.       67 

Impossibilité  d'ouvrir  le  concile  au  dix-liuitieme  centenaire 
des  princes  des  'apôtres  :  la  guerre  en  interrompt  les  prépara- 


TABLE    l)Ks    MATIERES  §75 

tifs  —  Guerre  de  l'Italie  contre  l'Autriche.  —  Annexion  de  la. 
Vénétie.  —  Menaces  de  Victor-Emmanuel  contre  Rome.  —  Re 
traite  des  troupes  françaises.  —  Pie  IX  menacé  dans  Rome.  — 
l'êtes  du  dix-huitième  centenaire  «les  princes  des  apôtres.  — 
Annonce  du  concile  en  consistoire  public.  —  Adresse  des  évo- 
ques au  pape. '— Réponse  <\\\  pape.  —  On  décide  de  mettre  le 
concile  sous  le  patronage  de  la  Mère  de  Dieu  et  de  le  commen- 
cer a  la  fête  de  son  Immaculée  Conception.  —  Suppression  de 
la  loi  du  silence.  —  Troubles  à  Rome  causés  par  les  garibal- 
diens. —  Retour  de  la  garnison  française. 

Chapitre    VI.    —     Format  ion    des    Commissions   prépara- 
toires      p.      73 

Formation  de  la  Congrégation  directrice.  —  Plan  du  cardinal 
Bizzarri  pour  la  préparation  des  matières  à  proposer.  —  Per- 
sonnages à  appeler  aux  commissions  préparatoires. —  Quatre 
ou  cinq  commissions  à  former.  —  Le  plan  est  approuvé.  — 
Informations  prises  parles  nonces  et  les  évêques  sur  les  con- 
sulteurs.  —  Formation  des  commissions.  — Les  présidents. — 
Convocation  de  consulteurs  romains  et  étrangers.  —  On  est 
mécontent  du  choix.  —  Lettre  du  cardinal  Schwarzenberg.  — 
Réponse  du  cardinal  Antonelli.  —  Lettre  de  Dôllinger  au  car- 
dinal Schwarzenberg.  —  Opinion  de  Iléfelé  sur  les  convoca- 
tions. —  Opinion  du  nonce  Meglia  sur  les  théologiens  alle- 
mands. —  Nouvelles  convocations  en  Allemagne,  en  Angle- 
terre, dans  l'Amérique  du  Nord,  en  France,  en  Espagne. — 
Newman  refuse. —  Mast  de  Rottenburg.  —  Corandey  de  Suisse. 

—  Liste  des  commissions  avec  le  nom  de  tous  les  consulteurs. 

—  Coup  d'oeil  général. 

Chapitre    VIT .    —     La     question     dos     convocations    au 
concile p.       99 

Ceux  qui   devaient  certainement   être  convoqués,  ceux  dont 

les  droits  a   la   convocation   étaient  douteux. 

I.  —  Nécessité    de    convoquer    les    évêques    résidentiels  ■    nature  du 
pouvoir  qui  leur  renient  dans  le  concile         .     .     .p.        ioo 

Pourquoi  il  faut  convoquer  les  évêques  résidentiels.  —  Auto- 
rité doctrinale  et  pastorale  des  apôtres  et  de  leurs  successeurs 
sur  l'Eglise  universelle. —  Les  évêques  résidentiels  sont  succes- 
seurs des  apôtres.  —  De  quelle  nature  est  leur  autorité  dans  le 
concile.  —  Erreur  de  Dôllinger.  etc.  —  Théorie  de  Dôllinger  et 
de  Schulte.  —  Ilinschius  la  rejette  et  la  réfute.  —  Cette  théorie 


576  TABLE    DES    MATIERES 

est  en  opposition  avec  la  nature  des  conciles.—  Cominenton 
reconnaît  qu'une  doctrine  est  apostolique. 

II-  —  La  question  de  la  convocation  des  évèques  titulaires.  p.       10S 

La  tradition  ne  fournit  aucune  solution.  —  Divergences 
d'opinions  parmi  les  théologiens.  —Nature  de  la  question.  — 
Motifs  <le  convoquer  les  évèques  titulaires.  —  Rapport  d'Ange" 
Uni.  —  La  Commission  centrale  l'examine.  —  Décision  prise.  — 
Motifs  allègues.  —  Controverse  en  France.  —  La  bulle  convo- 
que les  évèques  en  général:  questions  posées.  —  Nouvelle 
enquête.  —  La  décision  primitive  est  confirmée.  — Réponse 
aux  questions  posées.  —  Les  évèques  auxiliaires,  s'ils  ont 
empêchés,  doivent-ils  envoyer  un  mandataire.' 

III.  —   /.,■/    convocation     des     abbés     et    généraux     d'ordres     reli- 

gieux    j).        i  i(j 

Pouvoir  de  juridiction  des  abbés  et  des  supérieurs  réguliers. 

—  Mémoire  de  Sanguineti.  —  Aperçu  historique  sur  la  partici- 
pation des  supérieurs  réguliers  aux  conciles.  —  Le  privilège  de 
la  convocation  doit-il  leur  être  maintenu  pour  le  Concile  du 
Vatican.'  —  La  question  de  principe.  —  Différentes  sortes 
d'abbés.  —  Solution  de  la  question.  —  Abbés  sans  juridiction. 

—  Abbés  nullius.  --  Abbés  généraux.  —  Abbés  subordonnés. 

—  Abbés  indépendants  de  monastères  autonomes.  —  Supé- 
rieurs généraux.  —  Supérieurs  généraux  sortis  de  charge.  — 
Vicaires  généraux  élus  à  la  mort  du  général.  —  Supérieurs  des 
ordres  en  voie  de  disparaître.  —  Examen  du  mémoire  par  la 
Commission  centrale.  —  Décision.  —  Approbation  en  haut  lieu. 

—  La  bulle  de  convocation  comprend-elle  les  Abbés?  — 
Questions  posées.  —  Eclaircissements.  —  Objections  et  vœux 
de  divers  évèques  et  canonistes.  —  Nouvelle  enquête.  —  Main- 
tien de  la  décision  rendue.  —  Commission  cardinalice  pour 
l'application  de  cette  décision.  —  Son  principe  fondamental. — 
Examen  des  revendications  des  Abbés  bénédictins.  —  Examen 
îles  revendications  d'autres  Abbés. 

IV.  —  La  question  de*  procureurs •  p.       i^~ 

Les  membres  convoques  sont  tenus  ou  à  se  rendre  au  concile, 
ou.  s'ils  sont  empêches,  à  y  envoyer  un  représentant.  —  Le 
mandataire  exerce-t-il  les  droits  de  celui  qu'il  représente/  — 
Historique  de  la  question.  -  Au  Concile  de  Trente.  —  Enquête 
des  canonistes.  à  Trente.  —  Nouvelle  empiète  avant  le  Concile 
du  Vatican.  —  Sentiment  d'Angelini.  —  Sentiment  de  Galeotti. 

—  On  refuse  aux  procureurs  les  droits  des  évèques. — Jacovazzî 
confirme  cette  mesure.  —  Raisons  apportées  par  Sanguineti.  — 
Bien-fondé  du  privilège  qui  accorde  aux  mandataires  les  droits 


TABLE    DES    M  ATI  i:i<I> 


i77 


des  évêques.  —  Evêques  qui  sont  en  même  temps  mandataires 
-  Examen  du  sentiment  de  Galeotti.  -  Votes  divers  _  piu] 
sieurs  mandataires  demandent  siège  et  voix  au  concile.  - 
Sentiment  de  Sauguineti.  -  inconvénients  de  l'exclusion.  - 
Plaintes  d'un  grand  nombre  de  mandataires  au  Concile  du 
Vatican.        Désirs  exprimes  par  de  nombreux  évêques. 

A  .  -   Les  vicaires  capitulaires  paraîtront- il  s  au  Concile  ?  p.       140 

Délibération  de  la  Commission  centrale.  -  Réponse  néga- 
tive. —  Requête  des  vicaires  capitulaires  de  Sicile.  —  Brochure 
de  Messina. 

VI.  -  Inviterait-on  les  évêques  non-catholiques  et  les  autres  chré- 
tiens? Quelle  attitude  prendre  à  leur  égard?.     .      .  p.        4:; 

Les  Grecs  schismatiques.  -  Mémoire  de  Tizzani.  _  Son 
examen  par  la  Commission  centrale.  -  Décision.  —  Projet 
d'une  lettre  aux  évêques  orientaux  non-unis  par  le  cardinal 
Bilio.  -  Il  est  approuvé  par  la  Commission  centrale.  —Les 
Jansénistes.  Rapport  de  Levé.  -  Pie  IX  et  Pusey.  -  Les 
protestants.  -  Mémoire  de  Tizzani.  -  Délibération  de  la 
Commission  centrale.  —  Décision. 

VIL  -      La    question    de    l'invitation    des    princes    catholiques    ;l„ 

concile 

P-         IOO 

Participation  des  princes  aux  conciles  dans  les  temps 
anciens.  -  Le  changement  dans  les  circonstances.  —  Première 
délibération  delà  Commission  centrale.  -  Délibération  posté- 
rieure et  décision.  -  Doutes  et  réflexions.  -  Nouvel  examen 
de  la  question.  —  Séance  en  présence  du  pape.  —  Décision.  — 
Bulle  de  convocation  et  son  interprétation  officielle.  -  Aiito- 
nelli  et  les  ambassadeurs. 

Chapitre  VIII.  --  La  bulle  do  convocation  et  les  lettres 
pontificales  aux  évêques  orientaux  non-unis  et  aux 
protestants p      x$~ 

Le  Sacré-Collège  est  consulte  sur  le  jour  de  l'ouverture  du 
concile.  —  Rédaction  el  publication  de  la  bulle  de  convocation. 
—  La  bulle.  Dispositions  concernant  sa  publication.  — 
Lettre-circulaire  aux  évêques  orientaux  non-unis.  —  Sentiment 
de  Valerga  sur  le  succès  a  en  attendre.  -  Lettre  du  pape  aux 
protestants. 


578  TABLE    DES    M  \ÏIKKK> 


LIVRE    DEUXIEME. 


Les  mouvements  d'opinion  après  l'annonce  du  Concile 
du   Vatican. 

Chapitre    I.  —  Accueil  l'ait  a  L'annonce  du  concile    .  p.     167 

Accueils  divers  que  reçoit  l'annonce  du  concile.  —  Les évêques 
au  XVIIIe  centenaire  du  martyre  du  prince  des  apôtres.  —  Leur 
adresse  au  pape.  —  Leurs  lettres  pastorales.  —  Publications 
sur  le  concile.  —  Séries  d'articles  dans  les  journaux ',  pério- 
diques spéciaux  sur  le  concile.  —  Assemblée  générale  des 
groupes  catholiques  d'Allemagne  et  autres  assemblées  de 
catholiques.  —  Le  jubilé  sacerdotal  de  Pie  IX.  —  Prières  géné- 
rales —  Dons  en  argent;  cadeaux.  —  Hospitalité  offerte  à 
Rouie  et  en  Italie  aux  membres  du  concile.  —  Espérances  des 
catholiques  de  Belgique. 

Chapitre  II.  -  Commencement  des  troubles  qui  précé- 
dèrent le  concile p.     177 

Causes  de  ces  troubles.  —  Le  gallicanisme  en  France  et  en 
Allemagne.  —  Le  rationalisme.  —  Etat  des  études  théolo- 
giques. —  Sentiment  du  nonce  Meglia.  —  Désirs  d'indépen- 
dance. —  Ce  qu'en  pensent  les  évêques  allemands.  —  Contro- 
verse sur  l'ouvrage  annoncé  de  Msl  Maret.  —  Remarques  sur 
cet  ouvrage.  —  Discussion  —  M  s1  Maret  et  Louis  Veuillot.  — 
Question  de  la  convocation  des  évêques  titulaires.  —  La  presse 
périodique  en  France. —  Craintes  et  désirs  touchant  la  définition 
de  la  doctrine  de  l'infaillibilité  pontificale.  —  Ecrit  insolent 
contre  le  concile  paru  en  Allemagne  en  1868.  —  Son  auteur.  — 
Contenu  et  caractère.  —  Menaces  italiennes.  —  L'Angleterre. 

Chapitre  III.  --  La  correspondance  française  de  la  Civiltà 
Cattolica  (février  1869).  —  Attaques  dirigées  contre 
elle  en  France  et  en  Allemagne p.     199 

Une  correspondance  de  France  dans  la   Civiltà  Cattolica. — 
Appréciations  des  journaux  français  et  enparticulierdu  journal 
Le  Public.  —  Article  du  Français.  —  Réponse  de  la  Civiltà.  — 
Les  cinq  articles  de  YAllgemeine  Zeitung  du  mois  de  mars.  — 
Appréciation  de  ces  articles  par  le  nonce  de  Munich.  —  Effet 


TABLE    DES    MATIERES  579 

produit  par  ces  articles.  —  Leur  auteur.  Dôllinger.  — 
Courte  esquisse  biographique.  —  Conjectures  sur  l'origine  de 
l'article  —  Opinion  de  Jôrg.  —  Aveu  indirect  de  Dôllinger.  — 
Friedrich  à  propos  de  l'origine  de  la  correspondance  de  la 
Civillà.  —  Origine  de  cette  correspondance.  —  Les  rappor- 
teurs français  à  propos  de  la  publication  de  leur  rapport . 

Chapitre  IV.  —  Suite  de  la  polémique  en  Allemagne,  p.     219 

Ecrits  sur  le  concile  et  agitation  des  esprits.  —  Le  pamphlet 
./mais.  —  Son  but.  —  Comment  le  caractérisent  les  Historisch- 
politische  Blàtter.  —  Ce  qu'il  renferme.  —  L'Anti-Janus.  — 
Autres  réfutations.  —  Iluber  contre  VAnti-Janus.  —  Frohs- 
chammer.  —  Lianno.  —  YlAllgemeine  Zeitung,  —  Ses  articles 
jugés  par  Jôrg.  —  n^px  Romana  de  P.  P.  Rudis.  —  Ses  adver- 
saires :  ses  réponses.  —  Autres  écrits  d'apaisement  ou  d'hosti- 
lité à  l'égard  du  concile.  —  Considérations  proposées  aux 
éoêques,  etc.  —  Leurs  réfutations.  —  Nouvelles  considérations  ,• 
contradictions  entre  l'Histoire  de  l'Eglise  «le  Dôllinger  et  les 
Considérations. 

Chapitre  V.  —  Agitation  populaire  et  tentatives  pour  influen- 
cer  l'Ëpiscopat p.     245 

Appel  aux  catholiques  de  Bade.  —  Appréciation.  —  Consé- 
quences.  —  Adresse  des  laïques  de  Coblenz  à  l'évêque  de 
Trêves.  —  Appréciation  détaillée  dans  les  Stimmen  ans  Maria- 
Laach.  —  Joie  bruyante  de  la  presse  hostile  à  l'Eglise.  — 
L'auteur  de  l'adresse.  —  Vœu  de  VAllgemeîne  Zeitung.  — 
Adresse  des  habitants  de  Bonn  à  l'archevêque  de  Cologne.  — 
Adhésion  d'Andernaeh.  —  L'évêque  de  Trêves  et  l'archevêque 
de  Cologne.  —  Démonstration  des  membres  catholiques  du 
Parlement  douanier.  —  Lettre  de  Jôrg  a  l'archevêque  de 
Munich  à  propos  de  cette  démonstration.  —  Projet  d'une 
adresse  des  membres  du  Parlement  douanier  :  son  contenu.  — 
Jugement  de  Friedrich  sur  ce  projet.  —  Réfutation.  —  L'écrit 
contre  l'infaillibilité  du  pape  mystérieusement  envoyé  aux 
évêques  réunis  à  Fulda.  —  Traductions.  —  Msr  Melchers,  arche- 
vêque de  Cologne,  à  propos  de  l'agitation  populaire.  — 
Assemblée  générale  de  l'Union  catholique  à  Diisseldorf. 

Chapitre  VÏ.  —  Réunion  des  évêques  à  Fulda  eu  septem- 
bre 1869.  Leurs  deux  lettres  au  pape  et  aux 
fidèles p.     273 

Lettre  du  nonce  de  Munich  au  cardinal  Antonelli.  —  Réponse. 


580  TABLE    DES    MATIERES 

—  Le  nonce  ef  l'archevêque  (le  Munich  sur  les  dispositions  des 
évèques  au  sujet  des  écrits  perturbateurs.  —  Ouverture  de 
l'assemblée  épiscopale.  —  Les  idées  sur  le  futur  concile.  - 
Mémoire  sur  les  matières  à  proposer  au  concile  dans  l'iutérét 
de  L'Eglise  d'Allemagne.  —  La  définition  de  l'infaillibilité  : 
exposé  et  discussion.  —  <  >n  décide  d'envoyer  une  supplique  au 
Saint-Père. et  aux  fidèles  une  lettre  pastorale  commune.  —  La 
lettre  pastorale  est  préparée  et  approuvée  par  tous.  —  Mémoire 
sur  le  concile  :  on  ne  l'examinera  que  quand  on  sera  réuni  à 
Rome.  —  La  supplique  au  pape  est  approuvée  et  signée  par 
quatorze  membres  de  la  conférence.  —  <  >n  l'envoie  par  le  nonce. 
-  Qu'est  devenu  l'exemplaire  ainsi  expédié'.'  —  Recherches 
infructueuses  de  Cecconi.  —  Exemplaire  des  archives  archiépis- 
copales de  Cologne.  —  Son  contenu.  —  Accueil  du  pape.  —  La 
lettre  pastorale  commune.  —  Appréciation.  —  Intrigues  au 
sujet  de  ces  deux  actes.  —  Lettre  du  roi  Louis  II  a  L'arche- 
vêque Scherr. 

Chapitre  VII.  —  L'ouvrage  de  M-'    Maret;   la  controverse 
provoquée  en  France  par  son  apparition     .     .  p.     298 

Reprisé  de  la  controverse  a  l'apparition  de  l'ouvrage  de 
Msr  Maret.  —  Objet  île  l'ouvrage.  —  Son  contenu.  —  La  ques- 
tion de  L'infaillibilité  pontificale  et  les  rapports  du  pape  et  de 
L'épiscopat.  —  Point  essentiel  de  la  doctrine  de  Mk1  Maret.  — 
Son  exposition  des  deux  systèmes  sur  les  rapports  ilu  primat 
et  de  l'épiscopat.  —  Tentative  de  démonstration.  —  Conciles 
de  Xicée  et  de  Florence.—  Second  volume  de  Msr Maret.  —  Envoi 
de  l'ouvrage  au  pape.  —  Lettre  qui  l'accompagne.  —  Envoi  à 
tous  les  évèques  et  lettre  d'envoi.  —  Appréciation  de  Ms1- Pie, 
évèquede  Poitiers,  sur  l'ouvrage  de  M-1  Maret.  —  Réponse  de 
Mg'  Maret  et  réplique  de  Msr  Pie.  —  Autres  évèques  de  France 
contre  Msr  Maret.  —  Réponse  de  ce  dernier.  —  M«'  Manning, 
archevêque  de  Westminster.  —  M-'  Delalle,  évèque  de  Rodez, 
contre  Ms1  Maret.  —  Lettre  de  M-'  Maret  au  cardinal  Antonelli  : 
réponse  de  ce  dernier.  —  Nouveaux  écrits  de  M-1  Maret  poil! 
défendre  son  ouvrage.  --  Ms'  Maret  déclare  vouloir  se  sou- 
mettre pleinement  au  concile:  --a  fidélité  a  tenir  sa   promesse. 

Chapitre  VIII.  —  Apostasie  du    V.  Hyacinthe,  de  l'Ordre 
des  Carmes p.     3i5 

Rapport  entre  l'apostasie  du  I".  Hyacinthe  et  l'ouvrage  de 
Mfe'  Maret.  —  Protestation  de  M?»  Maret  contre  ce  rapproche- 
ment. —  La  personnalité  du  P.  Hyacinthe.  —  Son  discours  dans 
l'assemblée  générale  de  la  «  Ligne   internationale  et   pernia- 


I  \i;i.i:    DES    MATIERES  u8t 

nente  de  la  paix  ».  —  Paternels  avertissements  de  son  supé- 
rieur général.  —  Orgueilleuse  opiniâtreté  du  P.  Hyacinthe;  il 
déclare  sortir  de  l'Ordre.  —  Sa  protestation  contre  certaines 
doctrines  qu'on  se  propose  de  définir  au  concile.  —  Son  appel  à 
Dieu  même.  —  Réponse  de  son  supérieur  général;  mesuré  qu'il 
prend  contre  le  P.  Hyacinthe.  —  Inutiles  exhortations  de 
M-1  Dupanloup  et  de  Montalembert. 

Chapitre  IX.  —  Le  majiifeste  des  catholiques  libéraux 
dans  le  Correspondant  du  10  octobre.  —  Décla- 
ration catholique  du  Français  et  du  Correspon- 
dant .  p.     321 

L'article  du  Correspondant  du  10  octobre.  —  Analogie  avec  les 
écrits  allemands  de  Janus.  —  Sa  polémique.  —  Question  pour 
connaître  l'auteur.  —  Déclaration  du  Français  sur  la  position 
que  prend  le  journal  à  l'égard  du  concile.  —  Déclaration 
analogue  du  Correspondant. 

Chapitre  X.  —  M8*  Dupanloup,  évêque  d'Orléans,  et  l'agita- 
tion préconciliaire p.     33i 

Personnalité  et  activité  «le  M-1  Dupanloup.  —  Ses  amis  et  ses 
adversaires.  —  Msr  Dupanloup  jadis  défenseur  de  l'infaillibilité 
pontificale.  —  Au  temps  ou  le  concile  se  prépare,  il  prend 
rang  prés  des  catholiques  libéraux.  —  Ses  rapports  avec 
Dôllinger.  —  Son  entrevue  avec  lui  à  Ilerrnsheim.  —  Ses 
efforts  pour  entraîner  Dôllinger  à  Rome.  —  Visite  à  des  évo- 
ques allemands.  —  Intervention  publique  de  Me1' Dupanloup. — 
Réunion  du  clergé.  —  Le  clergé  d'Orléans.  —  Lettre  pasto- 
rale de  Ms1'  Dupanloup  (10  novembre).  —  Sa  lettre  du  u  no- 
vembre au  clergé.  —  Contenu.  —  Conseils  de  ses  amis  à  propos 
de  la  publication  de  la  lettre.  —  Msr  Dupanloup  se  décide  pour 
la  publication.  —  Jugements  de  la  presse.  —  Agitation  popu- 
laire. —  Les  évêques.  --  Brochure  de  Xardi  —  De  l'histoire  de 
cette  lettre  et  de  son  identité  avec  l'écrit  envoyé  aux  évêques 
réunis  à  Fulda.  —  La  lettre  de  M>'"  Dupanloup  et  les  arche- 
vêques Dechamps  et  Manning;  la  Ciuittà  et  l'Univers.  —  Mon- 
talembert sur  Met  Dupanloup  et  son  rôle  au  concile. 

Chapitre  XI.  —  Les  catholiques  de  Belgique  et  d'Angleterre 
avant  le  concile p.     3f>i 

La  Belgique,  surtout  pendant  l'agitation  au  sujet  du  concile. 
—  Ecrits  de  M-1  Dechamps  sur  l'affaire  du  concile.  —  Sa  lettre 


582  TABLE    DES    M  \  II!  RES 

à  ii  11  laïque.  -  Mg'  Dupanloup  sur  l'écrit  de  M-1  Dechamps, 
dans  sa  lettreau  clergé.  —  Réponse  de  celui-ci  et  son  jugement 
sur  la  lettre  de  Me*  Dupanloup.  —  Début  d'une  controverse 
entre  les  deux  princes  de  l'Eglise.  —  Prompte  participation  de 
l'Angleterre  à  la  lutte  qui  éclate  au  sujet  du  concile.  — 
Le  Page  Renouf  sur  la  question  d'Honorius.  —  Réfutation.  — 
Lettre  d'Edmond  S.  Ffoulkes  a  l'archevêque  Mer  Manning.  — 
Traduction  anglaise  de  l'écrit  de  Janus.  —  Réfutation.  —  Rôle 
et  activité  de  l'archevêque  Msr  Manning.  —  Sa  lettre  pasto- 
rale sur  L'infaillibilité  pontificale.  —  Post  -  scriptum  sur 
l'ouvrage  deMsrMaret.  —  Sa  controverse  avec  Mb»1  Dupanloup. 
—    L'expression  apart  from. 

Chapitre  XII.  —  Accueil  t'ait  par  les  Eglises  orientales 
non-jinies  a  l'invitation  de  prendre  part  au  con- 
cile      p.     30] 

Généralités  sur  les  Eglises  orientales  non-unies.  —  Avis  du 
patriarche  latin.  M-1  Valerga,  sur  l'accueil  probable  de  l'invita- 
tion pontificale.  —  Méthode  suhie  pour  l'envoi  des  lettres 
apostoliques.  —  Publication  de  celles-ci  dans  le  Giornale  <li 
Roma.  -  Présentation  de  la  lettre  au  patriarche  grec  de 
Constantinople  par  L'abbé  Testa.  —  Refus  du  patriarche.  — 
Autres  récits  de  l'entrevue  dans  les  journaux  ;  jugements  des 
(  ■rccs  sur  la  conduite  de  leur  patriarche.  —  Présentation  de  la 
lettreau  patriarche  arménien  de  Constantinople.  —  Le  catho- 
licos  arménien  d'Etchmiadzin  et  ses  tendances  russophiles.  — 
Autres  évêques  arméniens  non-unis  de  la  délégation  de 
Oonstantinople.  —  Tentatives  pour  envoyer  au  catholicos  la 
lettre  du  pape.  —  Lettre  du  catholicos  au  patriarche  arménien 
de  Constantinople  au  sujet  de  l'invitation  pontificale.  — 
Démission  forcée  du  patriarche  arménien:  victoire  du  parti 
russophile,  hostile  au  concile.  —  Influence  du  patriarche  grec 
de  Constantinople  sur  ses  évêques.  --  Ceux-ci  refusent  comme 
lui.  —  Les  Bulgares  orthodoxes  se  séparent  de  Constantinople. 

-  Présentation  de  la  lettre  du  pape  au  patriarche  grec  de 
Jérusalem,  qui  refuse:  au  patriarche  grec  d'Antioche.  qui  la 
renvoie:  —  au  patriarche  grec  d'Alexandrie,  qui  refuse:  — 
aux  Coptes  schismatiques  et  à  leur  patriarche  :  entrevue  san> 
succès:  —  aux  Jacobites  :  accueil  favorable  de  ceux-ci:  ten- 
dances a  l'union  avec  Lomé:  insuccès  final  ;  —  aux  Xestoriens. 

-  Voyage  du  P.  Lemée.  dominicain,  à  Kotchannès,  résidence 
du  patriarche  nestorien.  —  Audience  solennelle.  —  Entretien 
privé.  —  Envoi  delà  lettre  du  pape  aux  autres  évêques  schis- 
matiques. —  Louanges  que  leur  adressent  les  journaux  irréli- 
gieux pour  leur  altitude  négatif  e. 


TABLE    DES     V]  V  il; 

Chapitre  XIII.  ~   La  convocation  du  concile  général  et  tes 
p™<*sfcints '    ■     •  1>.     393 

La   lettre  pontificale  aux    protestants.       Plusieurs  protes- 
tants font  bonaccueil  au  concile.  -  Guizot.  -  Baumstark.  — 
Pasteurs  protestants  et  l'évèque  de  Paderborn.       Efforts  pour 
la  réunion  eu  Angleterre.  -  Assemblée  de  l'English  Church- 
Cnionà  Devonshire.  -  Efforts  opposés.  -  D'  Wordsworth.  - 
D'Cumming.  -  Crquhartet  autres.  —Tentatives de  Cobb pour 
l'union.»-  Plusieurs  unionistes  et  le  P.  Victor  de  Buck,  S.  J.— 
La  Congrégation  du  Saint-Office  et  cette  affaire.  -  Résultat 
des  tentatives  pour  l'Union.  -  Les  jansénistes  en  Hollande.— 
Le  Tijd  sur  le  devoir  qu'ont  les  évêques  jansénistes  de  prendre 
part  au  concile.  -  Lettre  favorable  d'un  janséniste.  -Le  Tijd 
sur  ce  sujet;  explication  de  l'auteur.  -  Lettre  de  deux  jansé- 
nistes à   leurs  coreligionnaires.       Désir  de  la    réunion  avec 
Rome.  -  Autres  opinions.  -  Accueil  fait  à  l'écrit  du  pape  en 
Allemagne.  -  Protestation  du  Conseil  supérieur  évaugélique. 
—  Elle  est  critiquée  par  quelques  protestants.  -  Conférence 
pastorale  a  Berlin,  -  Synode  a   Glogau.  -  La  presse  proles- 
tante d'après  le  rapport  du  nonce  apostolique.    -  Vieilles  ren- 
gaines protestantes.  -  Convocation  d'une  reunion  des  protes- 
tants   à    Worms.  -   EHe   est   présidée   par   Bluntschli.  —  On 
accepte    la   déclaration   formulée  par  Schenkel.  —  Jugement 
défavorable  de  protestants  sur  l'assemblée.  -  Délibération  du 
Gustav-Adolfverein  sur  l'attitude  à  adopter  vis-à-vis  de  la  lettre 
papale.  —Le  XV  Kirchentag  évangélique  allemand  à  Stutt- 
gard.  -  On  adopte  la  déclaration  du  professeur  Fïennann.  — 
Synode  général  de  l'Eglise  protestante  nationale  en  Bavière.  — 
Le  doyen  Bauer  rapporteur.  -  Manque  de  tact  du  président 
Harless.  -  Conférencedu  nonce  apostolique  avec  l'archevêque 

de  Munich.  —  Les  protestants  en   Autriche  et   en  Hongrie 

On  décide  une  assemblée  a  Pest  entre  la  lettre  papale.  — 
Missive  de  la  Société  du  Pastore  de  l'Eglise  de  Genève  à  tous 
les  chrétiens  évangéliques.  —UAtliunce  Euangélique  en  France. 
—  Les  protestants  «le  Hollande.  -  Deux  grandes  réunions  des 
presbytériens  dans  l'Amérique  du  Nord.  —  Lettre  du  président 
a  Fie  IX. 


Chapitre  XIV.    —   Le  concile  du    Vatican  et  l'anti-concilo 
des  libres  penseurs p.     iiq 

Lettre  de  Ricciardi  aux  libres-penseurs  de  toutes  les  nations. 
-  Projet  d'un  anticoncile  a  Naples.  -  Lettres  d'adhésion.  - 
Conduite  des  Loges  en  France  et  en  Italie.  —  Démonstrations 
anticonciliaires   dans  plusieurs   villes   d'Italie.    —   Tenue  de 


;i84  TABLE    DES    MATIERES 

L'anticoncile   à    Naples.  —  Programme.  —  Autres   assemblées 
des  Libres-penseurs  en  Italie. 

Chapitre    XV-    —     Les    gouvernements    et    le    prochain 
concile p.     42"> 

Rapports  des  deux  pouvoirs  depuis  le  dernier  concile.  — 
Influence  exercée  sur  les  gouvernements  par  les  publications 
hostiles  au  concile.  —  Circulaire  du  président  des  ministres  de 
Bavière.  —  Opinion  de  Jôrg  sur  la  circulaire.  —  Dbllinger 
est-il  l'inspirateur  de  la  circulaire?  —  Comment  les  autres 
gouvernements  accueillirent  la  circulaire.  —  Le  ministre 
bavarois  sollicite  l'avis  «le  diverses  facultés.  —  Avis  de  la 
Faculté  de  théologie  de  Wurzbourg.  —  Les  deux  avis  ou 
rapports  de  la  Faculté  de  théologie  de  Munich.  —  Celui  de  la 
minorité.  —  Celui  de  la  majorité.  —  Celui  de  la  Faculté  de 
droit  de  Munich.  —  Avis  personnel  du  conseiller  d'empire 
von  Bayer.  —  Le  ministère  bavarois  tente  vainement  de  déter- 
miner les  autres  Etats  à  suivre  sa  démarche.  —  Le  président 
des  ministres  a-t-il  voulu  décider  Napoléon  à  rappeler  ses 
troupes  de  Rome.'  —  La  France  refuse  d'envoyer  un  représen- 
tant au  concile.  —  Le  président  des  ministres  Hohenlohe  veut 
recommander  au  roi  de  Bavière  la  même  réserve.  —  Les 
évèques  bavarois  annoncent  au  roi  leur  départ  pour  le  concile. 
-  Réponse  du  roi.  —  La  Prusse  et  le  concile.  —  La  Suisse 
interroge  le  gouvernement  prussien.  —  Réponse  du  président 
des  ministres.  —  L'ambassadeur  a  Rome.  M.  d'Arnim  pousse  à 
L'intervention  de  son  gouvernement.  —  Sa  lettre  a  Bismarck, 

—  Réponse  de  celui-ci.  —  Attitude  du  gouvernement  prussien; 
ses  raisons.  —  Négociations  des  gouvernements.  —  Lettre  du 
ministre  des  cultes  de  Prusse  aux  évèques.  — Le«pro  memoria  ,> 
d'Arnim.  --  Bismarck  expose  de  nouveau  la  manière  de  voir 
du  gouvernement.  —  Arnim  désire  être  assiste  d'un  théologien 
catholique.  —  Invitation  laite  au  chanoine  Giese.  —  Celui-ci 
la  décline.  —  Les  gouvernements  autrichien-  et  hongrois.  — 
Ils  écartent  la  proposition  laite  parle  gouvernement  bavarois' 
dans  sa  circulaire.  —  Instructions  donnée-  à  l'ambassadeur 
à  Rome  Trauttniansdorff.  —  Le  gouvernement  suisse.  —  Il 
n'admet  point  la  circulaire  bavaroise.  —  Le  gouvernement 
français.  —  Négociations  au  Corps  législatif,  1868.  —  Interpel- 
lation d'Ollivier  en  1869.  —  Réponse  de  M.  Parodie.  —  Le 
gouvernement  incline  à  envoyer  au  concile  des  représentants. 

—  Instruction  du  gouvernement  a  son  ambassadeur  à  Rome.  — 
Comment  on  permet  aux  évèques  de  se  rendre  au  concile.  — 
Discours  de  l'empereur  Napoléon  à  l'ouverture  de  la  session 
parlementaire.  —  Le  gouvernement  français  et  la  bulle  sur  les 
censures.    —    Belgique,    Kspagne.    Portugal.    —    Dispositions 


TABLE    DES    MATIERES  583 

hostiles  de  l'Italie  envers  le  concile.  —  Constantes  interpella- 
tions au  parlement  <U'  Florence.  —  Le  gouvernement  fait 
répandre  l'ouvrage  de  Janus.  —  11  compose  un  livre  sur  les 
droits  des  gouvernements  dans  Les  conciles.  —  Il  donne  aux 
e\  êques  l'autorisation  de  se  rendre  au  concile.  —  La  Russie  et 
le  concile.  —  Gortschakpw  et  Antonelli.  —  Il  est  interdit  aux 
évêques  d'aller  au  concile.  —  Les  Etats  d'Européen  général. — 
Etats  extra-européens.  —  Le  Brésil  et  le  Chili. 


LIVRE     TROISIEME. 
Préparation  immédiate  du  Concile  du  Vatican. 

Chapitre   I.  —  Dispositions  prises  au  sujet  des  assemblées 
plénières  des  Pères  du  concile p.     4^5 

Préparatifs  à   l'aire.  —  Les  congrégations  générales.  —  Les 
séances  publiques.  —  Membres  des  deux  assemblées plénières. 

—  Leurs  théologiens.  —  La  présidence.  —  Question  de  pré- 
séance. —  Proposition  d'Héfelé.  —  Décision.  —  Rang  donné 
aux  primats.  -  Disposition  adoptée  par  les  lettres  apostoliques 
Multipliées  inter.  —  Les  officiers  du  concile.  —  Le  custode 
général.  —  Les  promoteurs.  —  Le  secrétaire.  —  Les  notaires. 

—  Les  greffiers.  —  Les  maîtres  des  cérémonies.  —  Les  assi- 
gnateurs  de  places.  —  Les  scrutateurs.  —  Nouvelle  délibéra- 
tion au  sujet  du  custode.  —  Requête  des  chevaliers  de  Malte. 

—  Délibération  de  la  Commission  centrale.  —  Décision  du 
Pape.  —  Nomination  du  secrétaire.  —  Prosecrétaire  et  auxi- 
liaire. —  Fessier  dresse  un  règlement  pour  les  officiers.  — 
Nomination  des  officiers.  —  Interprètes  au  service  des  prélats 
orientaux.  -  Sténographes.  -  Portiers. —  Curseurs.- — Chan- 
teurs. —  Médecins.  —  Comment  doivent  être  examinés  les 
motifs  mis  en  avant  par  les  absents  pour  s'excuser.  —  Juges 
pour  aplanir  les  différends.  —  Choix  d'une  salle  pour  le 
concile.  —  Propositions  diverses  émises  à  ce  sujet.  —  Prescrip- 
tion relative  a  la  discrétion  à  observer.  —  On  admet  des 
étrangers  aux  séances  publiques. 

Chapitre   II.  —    Délibérations  et   décisions  au  sujet  de  la 
formation  de  commissions  ou  députations  .     .  p.     4^r 

Projet  d'Héfelé.         Nécessité  de  former  des  commissions.  — 

3". 


580  TABLE    DES    MATIERES 

Proposition  d'Héfelé.  —  Délibération  de  la  Commission  cen- 
trale. —  Ses  premiers  décrets.  —  Nouvelle  délibération.  — 
Modification  des  premiers  décrets.  —  Décision  du  pape  au 
sujet  de  l'élection  des  membres  des  comités. 

Chapitré  III.  —  Délibérations  et  décrets  sur  les  projets  à 
présenter,  sur  la  forme  dans  laquelle  ils  doivent  l'être 
à  la  congrégation  générale  et  sur  la  marche  des  déli- 
bérations         :     .     .  p.     4^9 

Le  droit  de  proposer  des  projets.  —  Congrégation  à  former 
pour  l'examen  des  projets  présentés.  —  Opinion  d'Héfeié.  — 
Ordre  des  matières  à  traiter.  —  Forme  des  décrets.  —  Procé- 
dure à  suivre  dans  les  délibérations.  —  Opinion  d'iléfelé  à  ce 
sujet.  —  Décrets  de  la  congrégation.  —  Elle  les  modifie.  —  Les 
séances  publiques. 

Chapitre  IV.  —  Rédaction  d'un  règlement  du  concile,  p.  5oi 

Anciens  règlements  des  conciles.  —  Il  faut  fixer  un  ordre  à 
l'avance.  —  Sanguineti  rédige  un  projet.  —  On  délibère  à  son 
sujet.  —  Le  pape  doit-il  de  sa  propre  autorité  prescrire  le 
règlement?  j.tî  ;'j 

Chapitre  V.  —  Délibérations  et  décrets  sur  la  profession  de 
foi  imposée  aux  Pères  et  sur  le  serment  des  offi- 
ciers et  des  auxiliaires     . p.     607 

Projet  de  Tizzani.  —  Lesévêques  dissidents.  —  Décret  de  la 
Commission  centrale.  —  Délibérations  postérieures  au  sujet  de 
l'opportunité  de  l'insertion  dans  la  profession  de  foi  du  dogme 
de  l'Immaculée  Conception.  —  Rapport  de  Feye.  —  Décision 
de  la  Commission  centrale.  —  On  désigne  la  séance  dans 
laquelle  se  fera  la  profession  de  foi.  —  Serinent  imposé  aux 
officiers. 

Chapitre  VI.  —  Travaux  des  Commissions  préparatoires 
sur  les  schémas  à  proposer p.     5i3 

Les  commissions  pour  la  préparation  des  schémas.  —  Règles 
pour  la  commission  dogmatique.  —  Elle  doit  exposer  en  détail 
les  erreurs  à  condamner,  ainsi  (pie  leur  origine,  leur  nature  et 
les  raisons  qui  les  font  rejeter.  —  Domaine  de  la  commission 
politico-ecclésiastique.  —  Tâche    de    la   commission    pour  la 


TABLE    DES    MATIERES  587 

discipline  ecclésiastique.  —  Les  supérieurs  généraux  d'ordres 

religieux  doivent  communiquer  un  rapport  sur  les  besoins  de 
leur  ordre.  —  Ce  rapport  servira  de  base  à  la  commission  dans 
l'étude  des  affaires  des  réguliers.  —  Les  sujets  sont  distribués 
aux  consulteurs.  —  Tache  de  la  commission  pour  les  affaires 
des  Orientaux  en  matière  de  dogme  et  de  discipline.  — 
Décrets  du  Concile  de  Trente  applicables  aux  Orientaux.  — 
La  Commission  centrale  examine  les  travaux  des  autres  com- 
missions. —  Conspectùs  des  schémas  préparés  par  les  com- 
missions. 


Chapitre  VII.  —  Vue  d'ensemble  sur  les  propositions  faites 
par  les  Pères p.     523 

Désir  du  pape  relativement  aux  propositions  des  Pères.  — 
Propositions  des  évêques  napolitains.  —  D'un  certain  nombre 
d'évèques  français.  —  D'une  grande  partie  des  évêques  alle- 
mands. —  Du  cardinal  Schwarzenberg.  —  De  l'évèque  de 
Kôniggràtz.  —  De  l'épiscopat  de  Belgique.  —  De  plusieurs 
évêques  de  l'Italie  centrale,  —  De  l'évèque  de  Concordia.  — 
Des  provinces  ecclésiastiques  de  Québec  et  d'Halifax.  —  De 
l'archevêque  de  Baltimore,  —  Du  vicaire  apostolique  du 
Luxembourg.  —  Propositions  particulières  au  sujet  de  l'onto- 
logisme.  —  De  la  Petite  Eglise  et  de  la  secte  des  Stevenistes.  — 
Des  écoles  mixtes  dans  la  Suisse  allemande.  —  Des  mariages 
mixtes.  —  Du  socialisme.  —  Des  injustices.  —  Du  militarisme. 
—  Des  guerres.  —  De  l'impôt.  —  De  la  doctrine  de  l'Assomption 
de  Marie.  —  De  l'adjonction  à  VAve  Marin  du  titre  :  Virgo 
immaculata.  —  Des  privilèges  des  gouvernements  pour  la  nomi- 
nation aux  sièges  épiscopaux  —  De  l'abus  des  privilèges  et 
des  exemptions.  —  De  certains  abus  dans  un  monastère  de 
Messine.  —  Des  confessions  des  prêtres.  —  Des  abus  de 
certains  titres  dans  les  ordinations.  —  De  la  codification  du 
droit  canonique.  —  De  L'unité  dans  le  bréviaire  et  la  messe  en 
Occident. 


Chapitre  VIII.  —  Dispositions  prévues  en  eas  de  vacance 
du  Saint-Siège  durant  le  concile p.     549 

Dangers  d'une  vacance  du  Saint-Siège  pendant  le  concile. — 
Pie  IX  a  l'intention  d'y  parer  par  une  bulle.  —  Préparation  de 
cet  acte;  sa  teneur. 


Chapitre  IX.  —  On  ordonne  des  prières  et  des  exercices 


888  TABLE    DES    MATIERES 

de    piété    comme    préparation    au    Concile   et    pour 
tout  le  temps  qu'il  durera p.     553 

Délibérations  de  la  congrégation  préparatoire.  —  Prières  et 
exercices  de  piété  pour  toute  l'Eglise.  —  Pour  Rome.  —  On 
prépare  l'Encyclique  qui  promulguera  le  jubilé.  —  Autres 
décrets.  —  Le  pape.  —  Rédaction  de  l'Encyclique.  —  Prières 
supplémentaires  pour  le  concile  et  conditions  requises  pour 
gagner  l'indulgence  plénière.  —  Autre  ordonnance  de  prières 
—  Prescription  donnée  à  Rome  par  le  cardinal-vicaire. 


Table  analytique p.     559 

Table  des  matières p.     573 


*>*«- 


ERRATUM 


PAGINATION 

FRANÇAISE 

p.  xni 

ligue  2 

p.    36 

note  3 

1>.  142 

— 

P-  i;4 

note   1 

I>.  i89 

— 

p.  22G 

note  1 

p.  232 

note  2 

p.  277 

— 

p.  307 

note  1 

p.  3i5 

note  1 

p.  333 

note   3 

p.  4a5 

- 

loco  Nonnulli  Piae  IX.  lege  Xonnullae  Pii  IX  epistolae; 

loco  p.  57,  lege  p.  67; 

loco  [121],  lege  [121- 122  et  augmenter  d'une  unité  la  pagination 
alli  mande  jusqu'à  la  page  14^  [127-128]; 

loco  p.  -X,  lege  p.  -''>>'>: 

loco  [162],  lege  [i62-l63]  et  mettre  le  signe  ,  ligne  i3;  —  et  aug- 
menter (l'une  unité  la  pagination  allemande  jusqu'à  la  p.  i96 
[i68-i69]. 

loco  p.  41  et  5.  lege  p.  41  s<i; 

loco  ibid.  p.  33i,  lege  p.  33i. 

loco  [234-2351,  lege  [234]  et  retrancher  une  unité  à  la  pagination 
allemande  .jusqu'à  la  page  281  1237-238  ; 

lege  cf  infra  p.  3i2  : 

loco  p.  230,  lege  p.  3o4  ; 

loco  p.  39.  /('£•<?  p.  53  ; 

loco  [353-35(;.    lege   35C]. 


■■OH 


BX  830  1869  .G714  1907 
v.l  SMC 
Granderath,  Theod. 

(Theodor),  1839-1902. 
Histoire  du  Concile  du 

Vatican  :  depuis  sa 
AKD-6802  (mcfm)