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L'auteur (It'clarc rcscrv er ses droits a l'e^aid tic la traduction
en Langues étrangères, notamment pour les Lan}iues Allemande,
Anglaise, Kspa<inole et Italienne.
Ce Nolunie a été déposé au Ministère de l'Intérieur (Direction de
la Librairie , le 2.> juin 18ôl.
H\iiis. iMi'iiiMK i'\it l'ioN nii-.iir-; iti K nr v\i <;ii; \iii> ^f,
HISTOIRE
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L'EMPIRI
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FAISANT SllTK
A I.HISTOIHI' DE I.A HÉVOLUTION inANCAISK
PAK M. A. TIIIKIIS
TOME DIXIÈME
/^V-
PARIS
PAl UN, IJBKAir.E-EDITElH
60 . RVF. niciiF.LiF.r
\h:\\
// V
-t. 10
HISTOIRE
DU CONSULAT
ET
DE L'EMPIRE.
LIVRE TREATE-QUATRIÈIIK.
RATISBONNE.
Arrivée de Napoléon à Paris dans la nuit du 22 au 23 janvier 1809. —
Motifs de son brusque retour. — Profonde altération de l'opinion
publique. — Iniprobation croissante à l'égard de la guerre d'Espagne,
surtout depuis que cette guerre semble devoir entraîner une nouvelle
mpture avec l'Autriche. — Disgrâce de M. de Talloyrand, et danger
de M. Fouché. — Attitude de Napoléon envers la diplomatie euro-
péenne. — 11 se tait avec l'ambassadeur d'Autriche, et s'explique
franchement avec les ministres des autres puissances. — Ses efforts
pour empêcher la guerre, mais sa résolution de la faire terrible, s'il
est obligé de reprendre les armes. — Son intimité avec M. de Ro-
manzoff , resté à Paris pour l'attendre. — Demande de concours à
la Russie. — Vastes préparatifs militaires. — Conscription de 1810,
et nouveaux appels sur les conscriptions antérieures. — Formation
des quatrième et cinquième bataillons dans tous les régiments.
— Développement donné à la garde impériale. — Composition des
armées d'Allemagne et d'Italie. — Invitation aux princes de la
Confédération de préparer leurs contingents. — Premiers mouve-
ments de troupes vers le Haut-Palatinat, la Bavière et le Frioul,
destinés à servir d'avertissement à l'Autriche. — Moyens financiers
mis en i apport avec les moyens militaires. — Effet sur l'Europe des
manifestations de Napoléon. — Dispositions de la cour d'Autridie-.
TOM. X. 1
I.IVHE XXXIV.
— I \.iN|H ration ri iiit|iMttuili- (iirtllf f|in>ii\r par suite dos é\é-
n•■ln^nt^ <rrN|'.i^ii('. - \a> niili.ni.is (|iic (dtc {^iicrif cause à Napo-
l«W>n lui S('nil>iiiit une orcasion qu'il ne faut pas laisser ikhapper,
apre^ avoir ncitlinc de s;iisir celle qu'ullVail la murre «le l'olofine. —
Eni oiiragruHiits «pi'elle IrouM' <lau-< rinitalii>ii di- PAll<'inaj;nc el
l'opinion île l'Kurope. — Ses arinenients extraordinaires entrepris de-
puis lonn-leihps , (t maintenant poussés à ternir. — Nécessité pour
elle de prendre um- resohitiou , et de choisir entre le désarmement
OH la guerre. — Elle opte pour la {juerre. — Union de l'Autriclie avec
r Viijilflerre. — KiTorts du cabinet autrichien à Constantinoi)le pour
aiiuiiir la |)ai\ entre les An;;lais et les Turcs. — Tentatives à Saint-
Pélersbouri; pour détacher la lUissie de la France. — Refroidissement
d'Alexandre à re;;ard de Napoléon. — Causes de ce reTroidissement.
— Alexandre redoute fort une nouvelle guerre de la France avec
l'Autriche, et s'efforce de l'empêcher. — >'y pouvant réussir, et ne
voulant point encore abandonner l'alliance de la France, il adopte
une conduite and)i<;ué, calcidée dans l'intérêt «le son em|>ire. —
(Jrands i)réparatil's pour finir la guerre de Finlande et recommencer
celle de Tunpiie. — Envoi d'une armée d'observation en Gallif re sous
prétexte de coo|»erer avec la France. — L'.Vutriche, quoique trompée
dans ses espérances à l'égard de la Russie, se flatte de l'enlrainer par
un premier succès, et se décide à commencer la guerre en avril. —
Déclaration de M. de Metternich a Paris. — Napoléon ne doutant
plus de la guerre, accélère ses préparatifs. — Départ anticipé de
tous les renforts. — Distribution de l'armée d'Allemagne en trois
corps principaux. — Rôles assignés aux maréchaux Davout, Lannes
et Masséna. — Le prince Bcrthier part pour l'.Allemagne avec des in-
structions éventuelles, et Napoléon reste à l'aiis lioui' achever ses
préparatifs. — Passage de l'inn le tO avril jiar les Autrichiens, et
marche de l'arcbiduc Charles sur l'Isar. — Passage de l'Isar et prise
de I,andvhiit. — Projet de l'archiduc Charles de surprendre les F'ran-
rais avant leur concentration, en traversant le Danube entre Ratis-
bonne et Donauvverth. — Ses dispositions \unir accabler le maréchal
Davout il Ratisbonne. — Soudaine et heureuse arrivée de Napoléon
sur le théâtre des opérations. — Projet hardi de concentration, con-
.«istant h amener au point commun d'Ahensberg les marée baux Da-
vout et Masséna, l'un y>artan; de Ratisbonne, l'autre d'Augsbourg.
— Difficultés de la man hc du n»arec bal Davout , cxjiosé à rencontrer
la niasse presque entière de l'armée autrichienne. — Conduite habile
et ferme de ce maréchal placé entre le Danube et l'an hiduc Charles.
— Sa rencontre avec les Autrichiens entre Tengen et Hausen. — Reau
rnnilwt cle Tengen le 19 avril. — Réimion du corps du maréchal
Davout avec Na|>olc*on. — Napolc-on prend la moitié de ce corps,
avec les Ravarois et les \Vurtendiergeois , et perce la ligne de l'ar-
chiduc Charli-s, qui s'étend de Mimic h à Ratisbonne. — Rataille
d'AlHu-berg livrée le 50. — Napoléon i)onrsuit cette ope-ration en
inaicliant sur l'isar et en prenant Landshut le 21 — Il enlève ainsi
la ligne d'c.pé.al on de r.ircliiduc, et rejette son aile gauche en Ra-
vièrc. — Apprenant chns la nuit du 1\ au 22 que le maréchal Davout
RATISBONNE. 3
a eu de nouveau ranhuluc à comlmttre vois Leuchling, il se rabat à -
gauche sur Eckmiihl , où il an i\o à midi le 22. — Bataille d'Eckmulil. Janv. I>^09.
— L'archiduc, battu, se rejette en Bohême. — Prise de Ratisbonne.
— Caractère des opérations exécutées par Napoléon pendant ces cinq
journées. — Leurs grands résultats militaires et politiques.
Napoléon, parti à cheval de Yalladolid le 17 Airaco
j orvn • ' I ta Tt \ if\ ^ de Napoléon
janvier 1 809 , arrive le 1 8 a Burgos , le 1 9 a à Paris.
Bayonne, était monté en voiture dans cette dcr- ^'^ "iT'^
nière ville, après avoir pris à peine le temps d'ex- ^°" '^*''°"''-
pédier quelques ordres, et se trouvait aux Tuile-
ries le 22 au milieu de la nuit, surprenant tout le
monde par la promptitude de son apparition. On ne
s'attendait pas à le revoir sitôt, et, soit en France,
soit en Europe, on en devait ressentir quelque
trouble. Les motifs de ce trouble s'expliquent par
les motifs mêmes de son brusque retour. Il était
parti de Valladolid, laissant à ses généraux mal-
heureusement divisés , et faiblement rapprochés
par le timide commandement de Joseph, le soin
d'achever la conquête de l'Espagne; il était parti,
parce que de toutes parts lui était arrivée la nou-
velle que l'Autriche poursuivait avec plus de ^i-
vacité que jamais ses armements tant de fois ra-
lentis, tant de fois repris depuis deux ans; parce
qu'on lui faisait parvenir de Vienne, de Munich,
de Dresde, de Milan, le détail précis de ces arme-
ments, de manière a ne laisser aucun doute sur
rimminence du danger; parce que de Constanti-
nople on lui racontait les etforts inouïs de l'Au-
triche pour brouiller les Turcs avec la France, et
pour les réconcilier avec l'Angleterre; parce que
de Paris entin on lui mandait qu'une agitation in-
connue se manifestait dans les esprits, qu'on intri-
i.
4 Liviu: XXXIV.
lîiiait liinitleinent nuiis \isiljl('iiient à la cour, qu'on
Jinv. «809. ..... . , .,,
parlail liardiinenl a la \ille, et que partout en un
mot on était incpiicl, niécontont, aussi mal pensant
(pie mal di.^ant. L'n mouvement (rirritation s'était
tout à coup |)ro(luit dans son àme ardente, et il
n'avait pu s'empêcher de revenir immédiatement
(Ml France. Ceux (|ui, tant au dehors qu'au dedans,
as aient provoqué son retour, devaient s'en ressen-
tir, et ils en étaient aj^'ités à laNance. La diplomatie
européenne s'attendait à un éclat. La cour effrayée
craiiinait (}uelque rigueur.
tiat Napoléon, en effet, de retour à Paris, allait
des cspriU ■ t- -i i' •.
en Franw troin cr latrauce comme il ne lavait pas encore
''*^Xnr*^ Nue. liien que depuis dix ans de règne il eut pu
.i<-«so9 discerner, à travers l'admiration qu'il lui inspirait,
des défiances, des improbations même, il ne l'avait
jamais coiuuie telle que la lui peignaient en ce mo-
ment (|iirl(pit's ser\iteurs fidèles, telle enfin qu'il
allait I apcrcevoii- lui-même. Ce changement était
dû tout entier à la guerre d'Espagne, qui commen-
(;ail à produire ses funestes conséquences,
jugcnui.i I) abord on avait blâmé l'entreprise elle-même,
•uî''u"puc"rre M"' Semblait devoir ajouter de nouveaux poids au
dEspagnc |onrd fardcau dont l'Empire était déià chargé. On
et les consc- i j o
(jucnces a\ ait blâmé la forme, qui n'était qu'une perfidie en-
qu elle peut . i -i - .
avoir vers de malheureux princes hebetes et impuissants.
•Maison avait compté sur le génie de Napoléon, tou-
jours heureux, pour \aincre ces nouvelles difficul-
tés; on a\ail été ébloui et fier des hommages dont
il a\ait été entouré à Erfurt, et on avait flotté ainsi
entre la crainte, l'espérance, et l'orgueil satisfait,
('.ei)endant cette campagne même, où il n'avait eu
RATISBONNE. 3
({u'à paraître pour dissiper les levées en masse des
Espagnols, avait inspiré de tristes réflexions. On
Pavait vu obligé de transporter ses vaillantes ar-
mées du Nord, où elles étaient toujours nécessaires,
au Midi, où aucun danger sérieux ne menaçait la
France; de les disperser sur un sol dévorant, où
elles s'épuisaient à détruire des rassemblements
qui ne tenaient nulle part, mais qui revivaient sans
cesse en guérillas quand ils ne pouvaient plus
combattre en corps d'armée; de faire rembarquer
les Anglais, qui se retiraient en se défendant éner-
giquement, pour reparaître bientôt sur d'autres
points du littoral, aussi mobiles avec leurs vais-
seaux que les Espagnols avec leurs jambes. De
toutes parts on se disait qu'il y avait là un gouffre,
où viendraient s'enfouir beaucoup d'argent, beau-
coup d'hommes, pour un résultat fort incertain ,
désirable sans doute si on se reportait au siècle
de Louis XIV, infiniment moins important à une
époque où la France dominait le continent, résul-
tat d'ailleurs qu'on aurait bien pu ajourner en pré-
sence de tant d'autres entreprises à terminer, et
qui devait rendre plus difficile cette paix générale,
déjà si difficile et si justement désirée. Mais ce qui
mettait le comble à la désapprobation publique,
c'était la conviction très-répandue que l'Autriche,
profitant du départ des armées françaises pour la
Péninsule, allait saisir cette occasion de recom-
mencer la guerre avec plus de chances de succès.
A cette certitude s'ajoutait la crainte de voir d'au-
tres puissances se joindre à elle, et la coalition
redevenir générale. Dans une faute on voyait ainsi
.lanv. I«0Î).
8 LIVHK XXXIV.
niillt) faiitf's, scncliaiiwmt les unes aux autres, et
entraînant une nïlernunahie suite de funestes con-
scMjueuces. En nu'^ine teni|)s, tles appels réitérés,
s'adressant non-seulenienl à la classe de 1809, mais
à celle de ISIO, levée un an à l'avance, et même
aux classes antérieures de I80G, 1807, 1808, 1809,
(|ui a\ aient ()u se croire libérées, ces ai)pels com-
ineneaienl a produire un niécontontement universel
dans les familles, et à y faire sentir comme une
soulliance liès-vive, cette guerre qui n'avait été
jus(jne-là quune occasion de triomplie, un sujet
dor.uueil, un moyen de faire descendre dans les
cam|)airnes les plus reculées les preuves de la nui-
nilieence impériale envers de vieux soldats. Les
anciens royalistes, en partie ramenés, s'étaient tus
jusipiici, et le cleri;é avec eux. Mais aujourd'hui les
moins cornuililes trouvaient dans les événements
d Espagne et d Autriche, dans la souiVrance des fa-
milles, un motif pour tenir des discours pleins de
fiel. Le clergé, ordinairement uni à eux d'intérêt et
de sentiment, avait, dans les mauvais traitements
qu'on faisait essuyer au jiape à Rome , une cause
de déplaisir tout aussi grande que celle que les an-
ciens royalistes pouvaient trouver dans les renon-
ciations forcées de Bayonne. Aussi bien des curés
se |)ermettaient-ils un langage fort é([uivoque dans
certaines chaires soit de la ville, soit de la cani-
pagne , et . sous prétexte de prêcher la soumission
chretit'inie, on conunrncait à parler aux peuples
comme l'Eglise a coutume de le faire dans les temps
de persécution.
(hi s'exprimait dans les lieux publics avec une
Jaiiv. 1809.
RATISBONNE. 7
élraiiiïe liberté , et ce Paris si mol)ile , tour à tour
si turbulent ou si docile, si déniiïrant ou si enthou-
siaste, jamais soumis ou insoumis tout à fait, et
qu'on peut toujours s'attendre à revoir sage au mo-
ment des plus grands égarements, ou insensé dans
les temps de la plus parfaite sagesse, Paris presque
ennuyé d'admirer son Empereur, oubliant même
la reconnaissance qu'il lui devait pour avoir al)attu
l'échafaud et rétabli les autels, pour avoir ramené
le calme, le luxe, les plaisirs, Paris aimait à rele-
ver ses torts, à commenter ses fautes, et, à travers
la satisfaction de fronder, commençait à éprouver
pour l'avenir des craintes sérieuses, qu'il traduisait
en un langage triste et souvent amer. Les fonds pu-
blics, malgré les achats obstinés du Trésor, bais-
saient au-dessous du taux de 80 francs, déclaré
normal par l'Empereur pour la rente cinq pour cent,
et seraient tombés bien au-dessous, sans les etïorts
qu'on faisait pour les soutenir.
Autour du gouvernement on ne montrait pas commence-
moins d'inquiétude et d'indiscipline d'esprit. Le d'opposition
Corps Léc;islatif était demeuré assemblé pendant '^l"! !®,*^°JP^
t^ ~ i Législatif.
tout le temps qu'avait duré la courte campagne
de Napoléon au delà des Pyrénées. On l'avait oc-
cupé, comme c'était l'usage à cette époque, non
de politique, mais d'atTaires financières, et sur-
tout de matières législatives. Il avait eu à discuter
le Code d'instruction criminelle, œuvre difficile,
et qui pouvait réveiller })lus d'un ancien dissenti-
ment. Les opposants, bien peu nombreux alors,
qui n'arrivaient jamais à donner plus de 10 ou 15
sufliages négatifs aux projets qu'on leur soumet-
8 LIVRE XXXIV
liiil, ;i\ai('iil cello fois lonii uMe au goiivernemenl,
t'I iH'iiMi jusqii a 80 et 100 snllraiios noi^'atiis, sur
i'i'yO à 280 volauls, »lans la délibération des divers
titres do ce (^ode. 1/areliiehaneelier (^ambacérès,
i|ui, a\ee sa perspicacité ordinaire, a\ait discerné
c^'lle renaissance de l'esprit de contra(Hction , et qui
aAait craint de l'exciter en livrant à la discussion un
(k)de ({ui mettait si fort en présence les anciens
|)enchanls des uns pour la liberté, des autres pour
Tautorile, rarchichancelier Cambacérès avait pré-
venu lEnipereur de ce danger, et avait cherché à
le dissuader de terminer cette année le Code d'in-
struction criminelle. Il aurait préféré choisir un mo-
ment où l'on aurait été plus enclin à l'approbation,
et où l'Empereur aurait été présent, car, lui ab-
sent, tout le monde était plus hardi. Mais Napo-
léon, ne connaissant pas d'obstacle, avait \oulu
que le Code d'instruction criminelle fut mis en déli-
bération cette année môme, et de vives discussions,
sui\ies de votes plus partagés que de coutume,
aN aient étonné les esprits réfléchis, et contribué à
indisposer un maître attentif, quoi(}uc absent, à
tout ce (pii se passait en France.
Conduite Encouragés par cette absence , certains person-
ie MM. (lo nyrros avalcut aussi donné un libre cours à leur lan-
Talleyrand et •-
Fourhr. gue et à leur penchant pour l'intrigue. Deux surtout
avaient poussé jusqu'à l'imprudence l'oubli d'une
soumission à latjuelle ils send)laient habitués depuis
bientôt dix années, c'étaient .M.M. Fouché et de Tal-
leyrand. Nous avons fait connaître ailleurs le ca-
ractère, et le rôle })endanl les premières années du
(Consulat, de ccstbîux personnages si divers, si hos-
HATISBONNE. y
tiles l'un à l'autre , et les plus importants de l'épo-
que après rarcliieliancelier Cambacérès. L'arelii-
chancelier Cambacérès, quoique moins consulté que
jadis, s'efibrçait toujours en secret, et sans osten-
lation, de faire prévaloir dans l'esprit de Napoléon
des pensées de modération et de prudence , à (pioi
il réussissait beaucoup plus rarement qu'autrefois.
Du reste, les événements commençaient à le fati-
guer et à l'attrister, et il tendait chaque jour à s'ef-
facer davantage, ce qui est facile en tout temps, car
les acteurs pressés sur la scène du monde ne sont
jamais fâchés qu'on leur laisse la place vide. Napo-
léon seul s'en apercevait avec regret, appréciant sa
rare sagesse, quoiqu'il en fut souvent importuné.
On songeait donc beaucoup moins au prince archi-
chancelier. Mx^r. Fouchéetde Talleyrand, au con-
traire, aimaient fort qu'on s'occupât d'eux, et atti-
raient volontiers sur eux-mêmes tout ce qui restait
d'attention à un public dont Napoléon occupait
presque seul la pensée. M. Fouché, excellent mi-
nistre de la police dans les premiers temps du
Consulat, par son indifférence indulgente envers les
partis qui le portait à ménager tout le monde , avait
cependant deux inconvénients graves pour un mi-
nistre de la police, c'était le soin de se faire valoir
aux dépens du gouvernement, et le besoin de se
mêler de toutes choses. Ménageait-il celui-ci ou
celui-là, prévenait-il un acte de rigueur, il s'en at-
tribuait le mérite auprès des intéressés, leur don-
nant à entendre que sans lui on aurait bien autre-
ment souffert de la tyrannie d'un maître impétueux.
Il affectait de contenir le zèle emporté du préfet de
Janv. 1809,
Janv. «809
II) l.INHF. XWIV.
|)()lici' Duhois, fonclioinuiirc pcrsonnellciiienl tlé-
\()uo;t rKiii(UMV«ir, le r;iilliiit des dccoiiverles (juil
pn'tt'inliiit l'airr, vi liailail de coihijIoIs cliinuMicjues
lous ceux (|iii (Maiciil (Icnoiiccs |)ar rot aident. En
cela .M. IoirIk; j)()ii\ail a\(>ir raison, mais il avait
liii-inèiiiu ses excès de zcle. Il \oiilait se mêler dv
tout, pour paraître inlliicnt en tout. Récemment,
dan> le désir de se donnei- de l'importance, il avait
pris sur Ini de conseiller le di\orce à Timpératrice
Jox'pliine, croyant qu'il ]i!airait ainsi à Napoléon,
en amenant un sacritice (jiie cehii-ci n'osait pas
demander, mais (piil souhaitait ardemment. Ces
vues trop personnelles, cette indiscrète inter\ention
dans ce qui ne le regardait pas, avaient déjà failli
perdre M. Fouclié auprès de Napoléon , qui ne vou-
lait i)as natnrellement qu'on se fît valoir à ses dé-
pens; ([non le peignît aux partis comme dur el
cruel , en se réservant pour soi les honneurs de
l'indnlgence; (fu'on allectàt l'incrédnlité en fait de
complots pouvant compromettre la sûreté de son
gf)uvernement ; qu'on se permît enfin de prendre
I initiative dans de graves affaires d'État ou de fa-
mille, (pu ne conceriuiient que lui seul, et dont seul
il pou\ait et \onlait juger la maturité.
Une circonstance toute récente lui a\ail donné
occasion df leuioigrier à cet égard son sentiment, et
il Taxait fait duiu' manière fâcheuse pour M. Fou-
chè. l 11 ancien uiililaire, le général .Malet , conspi-
rateur incorrigible, Servan, autrefois ministre delà
guerre, un ex-conventionnel, Florent - Gux ot , un
em|)loyé peu connu du département de l'instruction
pulili(iue, étaient compromis dans une trame peu
RATISBONNE. Il
sérieuse, mais qui aunonçait déjà un commeuce-
meiit de résistance au pouvoir absolu. Il ny avait
là qu'une chose i^rave, et personne ne s'en aperçut
alors, c'était la manie du général Malet de penser
que, Napoléon étant souvent absent pour la guerre,
il fallait profiter de l'une de ses absences pour le
dire mort, et provoquer un soulèvement. Le projet
du général Malet , réalisé plus tard , était-il seule-
ment en germe alors, ou déjà fort miui dans la
prétendue trame que 31. Dubois croyait avoir dé-
couverte, c'est ce qu'il est impossible de décider.
M. Fouché railla beaucoup M. Dubois, et celui-ci,
se sentant soutenu, traita son ministre avec peu de
respect. Napoléon a\erli en Espagne de ce diffé-
rend, et n'aimant pas que son ministre de la police
jouât l'esprit fort en matière de complots, ou peut-
être se fit valoir auprès des corps de l'État en étouf-
fant une affaire dans laquelle plusieurs de leurs
membres étaient compromis, prêta tout appui à
M. Dubois, et voulut que la question fut examinée
dans un conseil présidé par le prince Cambacérès.
Le prudent archichancelier pacifia la querelle en dé-
cidant que s il n'y avait pas lieu à suivre, il y avait
du moins grande attention à donner à ces premiers
symptômes de l'esprit de révolte. M. Fouché fut
^ertement réprimandé par ordre de TEmpereur. 1!
venait de l'être plus durement encore au sujet de
sa proposition de divorce. Cette proposition faite
spontanément à l'impératrice Joséphine par le mi-
nistre de la police , avait paru à celle-ci dictée par
l'Empereur lui-même, car elle n'avait pu supposer
qu'un ministre prît sur lui de hasaixler une telle
Jaav. 1809.
:U\. I80i».
12 I.IVUi: W.MV.
ilciiiairlie > i\ i\'\ a\iiil v\v autorisé, et il en était
résulté «les agitations iulériiuiros qui avaient vive-
ment alV('ct('' Napoléon. Cherchant la stabilité (|ui
lui rcha|)|»ait , il désirait un héritier, et sentait
|)('u à |)rM n»ùrir en lui la résolution du divorce.
Mais |»lu> il a|>|)rociiait du moment de cette réso-
lution, moins il voulait s'infliu;er à l'avance une
douleur (jiii de\ait lui être très-sensible, ^f. Fouché
lut donc désavoué ponr cette démarche, et con-
danme auprès de Timpératrice à des excnses humi-
liantes. >[. (]ambacérès fut encore l'intermédiaire,
le pacificateur de ce dilVérend. Mais M. Fouché put
dès lors s'apercevoir élu déclin rapide de son crédit.
Quant à M. de Talleyrand, sa situation était aussi
fort compromise, et également par sa faute. Il avait
déjà donné plus d'un sujet de défiance et de dé-
plaisir à Napoléon, surtout en quittant le ministère
«les affaires étrangères en 1807, pour le vain motif
«le devenir grand dignitaire de l'Empire. Il avait
regagné la faveur impériale en se faisant l'instru-
ment actif de la politique qui avait amené la guerre
d Es|)agne, et Napoléon l'avait tour à tour conduit
à Erfurt, ou laissé à Paris, afin de pallier auprès
«le la diplomatie européenne ce que cette politique
|>ouvait a\ oir d'odieux et d'inquiétant pour les cours
(■'Irannères. Mais M. «le Tallevrand était de tous les
liounnes le moins ca|)able de résister à l'opinion du
jour, et la guerre d'Espagne, ayant fini par encou-
rii- la réj)robation uni\ei selle, n'était plus bonne à
ses yeux qu'à désasouer. Aussi ne man(piait-ii pas
dédire (luil ne l'aNiiit jxjint conseillée, se fondant
sans doute sur ce (|ii il a\ait préféré, entre les
RATISBOxNNE. 13
projets proposés, le démeml)rement de rEspai^ne
à l'usurpation de la couronne. Les désa^ eux com-
mencés, il remontait jusqu'à l'affaire du duc d"En-
gliien, car dans ce moment de défa\cur on reve-
nait sur toutes les fautes que Napoléon avait pu
commettre, et M. de Tallevrand voulait n'avoir été
complice d'aucune. Son imprudence était grande,
car si tout se redit vite à Paris, tout se redisait
bien plus vite alors, à l'indiscrétion se joignant
plus qu'à aucune autre époque le goût perfide de
plaire. jM. de ïalleyrand ne pouvait donc manquei
d'être bientôt dénoncé à l'Empereur.
Ses torts ne s'étaient pas bornés à quelques dés-
aveux peu fondés, il s'était réconcilié avec M. Tou-
ché, après dix ans de haine et de dénigrement ré-
ciproques. Ils se traitaient l'un l'autre d'intrigant
frivole, affectant de diriger une diplomatie qui,
aidée par la victoire, allait toute seule; d'intrigant
subalterne agitant l'Empereur de vulgaires dénon-
ciations, et faisant étalage d'une police que la sou-
mission générale rendait facile , môme inutile. M. de
Talleyrand méprisait la vulgarité de M. Fouché,
celui-ci la frivolité de M. de Talleyrand. Cependant,
comme si une situation grave avait paru exiger de
leur part l'oubli d'anciens ressentiments, MM. de
Talleyrand et Fouché , rapprochés par des officieux ,
s'étaient réconciliés, et publiquement visités, ce qui
avait produit une surprise générale. Le motif vrai
de leur réconciliation, c'est que des circonstances
pouvaient se présenter prochainement où leur union
serait nécessaire à tous deux. On se persuadait, en
effet, que Napoléon finirait par rencontrer en Espa-
Janv. ISO'l.
Janv ttiO'J.
n LIVRE XXXIV.
irne lo jxiiirimnl d un raualiijiic, on en Autriche un
ItDiik'l de caiioi». MM. Koiii-lu' et di; rallevrand,
plus enclins il cioirc a la clnilc d nn ordre de choses
(jui n Clail phis de leur i^oùt, semblaient partager
I Opinion (pie la personne de Napoléon succombe-
rait infailliblement à un péril trop souvent bravé.
Ouc de\iendrons-nous? (jue ferons-nous? étaient
les «piestions (juils s'étaient adressées, et que cer-
tainement ils na\ aient pas résolues. Mais les inter-
médiaires, exagérant comme de coutume les demi-
confidences que ces deux personnages avaient pu
se faire, prétendaient que tout un plan de gou-
vernement avait été préparé par eux pour le cas
où Napoléon serait rra|)pé. On leur prêtait même
ridée de transmettre la couronne impériale à Mu-
rat, (pii a\ait poité à Paris, avant de se rendre
à Naples, le mécontentement de n'être pas roi
«TE pagne.
Ces vains bruits ne mériteraient pas d'occuper
1 histoire, s'ils n'attestaient un commencement d'al-
tération dans les esprits, résultat des fautes de Na-
jioléon, et surtout s'ils n'avaient pas eu le fâcheux
(^iVet de tenir les étrangers en éveil sur ce qui se
passait à Paris, de leur persuader que l'autorité de
Na|)oléon était fort alVaihlie, que la nation était dé-
goûtée de sa p()liti(jue, (pic ses moyens daction
étaient très-diminués, et que le moment enfin était
venu de lui déclarer de nouveau la guerre. Il est
certain que létat des esprits à Paris ' agit alors
' Ce fait c-it tristement prouvé par toutes les (îorresponclances diplo-
matique-; «le IVpoque. On e>t étonn»'- d'y voir à quel i»oint tout ce qui
.se disait à Paris se rcdi.sait à Vienne, à B<^rlin, à Saint-Pétersbourg,
HATISBONXE. 15
beaucoup sur l'état des esprits en Europe , et eon-
Irilnia extrêmement à rallumer la i;uerre, connues
on va bientôt le voii'.
Napoléon connaissait, avant de quitter Yal'adolid,
une grande partie de ce que nous venons de rap-
porter, et il en éprouvait une irritation dont il ne
sut pas contenir les éclats. La veille de son départ,
apprenant ([ue les grenadiei's de la vieille garde
murmuraient parce qu'on les laissait en Espagne, du
moins momentanément; apprenant aussi que le gé-
néral Legendre , Tun des signataires de la capitu-
lation de Baylen, devait se présenter à lui dans
une revue qu'il allait passer, Napoléon se livra à
des mouvements de colère qui aflligèrent profon-
dément ceux qui en furent témoins. Parcourant à
pied les rangs de ses grenadiers qui lui présentaient
les armes, soit qu'il eut entendu quelque murmure,
soit qu'il eut reconnu l'un des mécontents, il lui
arracha son fusil des mains, et le tirant à lui : Mal-
heureux, lui dit-il, tu mériterais que je te fisse fu-
siller! et peu s'en faut que je ne le fasse. — Puis,
le rejetant dans les rangs , et s'adressant à ses ca-
marades : Ah! je le sais, leur dit-il, vous voulez
retourner à Paris pour y retrouver vos habitudes
et vos maîtresses, eh bien, je vous retiendrai en-
core sous les armes à quatre-vingts ans! — Ayant
ensuite aperçu le général Legendre , il lui saisit la
main et lui dit : Cette main, général, cette main,
comment ne s'est-elle pas séchée en signant la ca-
pitulation de Baylen? - L'infortuné général, fou-
droyé par ces paroles, sembla s'abîmer dans sa
honte, et chacun s'inclina devant le visage en-
laiiv. 1809.
-•anv »SOy
ir. I.IVIIK X.WIV.
Ihiiiiiiic (II- Niipoli'oii, loiil (-11 hlàinanl secrètement
ces iiupialitiahlcs violences.
Il partit ensiiiti' pour Paris, ou il arri\a, coninjc
nous l'avons dit, a\('c une lapidité ép:ale à ses
passions. On lui a\ail beaucoup écrit en Espagne;
car indc-jx-ndainnicnt de ses ministres il avait de
iioinhiTux coircspoudants, qui lui communiquaient
tout ce ipi ils pensaient et tout ce qu'ils recueil-
laient '; il avait heaucoup ap[)ris en route, quoicpic
en courant; il a\ait donné un iïrand n()m])re dOr-
dres, prescrit notamment l'arrestation d'un ahhé
AniLdade (jui, dans la flironde, a^ait mal parlé en
ciiaire de la conscription, et mandé à Paris Tarclie-
vé(|ue de Bordeaux, qui avait soulVert les sermons
de lablté Ani.datle. A peine entré aux Tuileries, il
avait été assailli par des milliers de rapports sur
ce qui s'était passé en son absence. Ces rapports
fort exaiiérés ne pouvaient tromper un esprit aussi
sai;ace (pie le sien , mais on accueille volontiers
ce (pii (latte l'irritation (pi'on éprouve, et Napoléon
crut, ou ])arut croire beaucoup de choses invrai-
semblables. Il appela auprès de lui rarchichancelier
(lambacérès, auquel il redit avec une extrême ani-
mation tout ce qu'on lui avait raconté, s'emportani
surtout contre ]\IM. Fouclié et de Talleyrand, qui,
selon lui, n'avaient pu se réconcilier que dans de
irès-mauvaises intentions. Larchichancelier Cam-
' Parmi cfs rorrespondants se trouvaient MM. Fiévée, de Monllosier,
madame de Genlis, qui n'écrivaient pas pour dénoncer, mais i)our dire
Ifur opinion sur et- qu'ils voyaient, et sur ce qui se passait tous les
jours sous leurs yeux. Les correspondances de M. Fiévée ont été im-
primées, et prouvent que Napoléon se laissait dire beaucoup de choses,
<l dis plus liardies.
Janv. 1809.
RATISBONNE. 17
bacérès essava de le calmer, mais il iiv réussit
qirimparfaitement. Ce qui blessait Napoléon, c'était
qu'on disposât de sa succession comme si sa mort
eut été certaine; ce qui le blessait plus encore,
c'était le désaveu de sa politique, fait par un homme
qui en avait été le complice , et qui avait été con-
duit à Erfurt et laissé à Paris pour en être l'apolo-
giste. Aussi le principal orage devait-il fondre sur
la tète de M. de Talleyrand, M. Fouclié ayant déjà
reçu par écrit de vertes réprimandes, et bien que
commençant à déplaire, n'ayant pas encore assez
comblé la mesure pour être sacrifié.
Napoléon, dans un conseil de ministres auquel Disgrâce
. . , . , ,. . . , ^ , de M. de
assistaient plusieurs grands dignitaires présents a laiieyrand.
Paris, se plaignit de toutes choses et de tout le
monde, car il n'était rien dont il ne fut mécontent.
On avait perdu à cette époque, au milieu du calme
de l'Empire, la connaissance de l'opinion publique
et de ses brusques revirements ; on croyait qu'un
gouvernement pouvait la diriger à volonté, et on
avait à cet égard une foi puérile dans linfluence
de la police, parce qu'elle avait une autorité absolue
sur les journaux. Napoléon se plaignit de ce qu'on
avait laissé les esprits s'égarer sur les événements
du jour, de ce qu'on avait laissé interpréter sa
dernière campagne, toute marquée par des suc-
cès, comme une campagne féconde en revers;
lança plusieurs traits acérés contre ceux qui avaient
parlé et agi comme en présence d'une succession
déjà ouverte, comme en présence d'un règne près de
finir. Il se plaignit surtout avec une extrême amer-
tume de ceux qui, pour le désavouer, ne crai-
TOM. X. 2
Jaiiv 180U.
48 LlVHli WXIV.
jïuaitMif pas de so dôsavonor on\ -nirmes; enfin
ne se coiilcuanf [)liis, j)aix-oiiraiit ii irrands pas la
salle du conseil, et sadressant à M. de Talloyrand,
(|iii éliiit ininioliile, debout, adossé à une chemi-
née, il lui (lil en ii;esticulant de la manière la plus
\ive : — Kl NOUS osez prétendre, Monsieur, que
vous avez été étraniîer à la mort du duc d'Eu-
ii;liien! Et vous osez prétendre que vous avez été
étranii;er à la t^uerre d'Espai,Mie! — Etranp:er, répé-
tait Napoléon, à la mort du duc d'Eni^hien! mais
oublie/- vous donc que vous me Tavez conseillée
par écrit? Étranger à la ifuerre d'Espai^ne! mais ou-
hliez-vous donc que vous m'avez conseillé dans vos
lettres de recommencer la politique de Louis XIY?
ouhliez-vous que vous avez été l'intermédiaire de
toutes les néj^ociations qui ont abouti à la guerre
actuelle? — Puis passant et repassant devant M. de
Talleyrand, lui adressant chaque fois les paroles
les plus blessantes, accompagnées de gestes mena-
çants, il glaça d'effroi tous les assistants, et laissa
ceux qui l'aimaient pleins de douleur de voir abais-
sée dans cette scène la double dignité du trône et
du génie'. Napoléon congédia ensuite le conseil,
fâché de ce qu'il avait fait, et ajoutant au mécon-
tentement qu'il avait des autres le juste méconten-
tement qu'il devait avoir de lui-même.
iM. de Talleyrand rentré chez lui éprouva une
sorte de saisissement. Les médecins furent inquiets
pour sa vie, car il n'avait nullement le courage de
' Le véridique et honnéle duc de Gaëte, témoin oculaire de cette
scène, me l'a racontée avec les moindres détails quelques jours arant
sa mort.
RaTISBONNK. -rg
la disijràce, quoiqu'il la soutint avec une impassi-
bilité apparente. Cependant Napoléon était trop ir-
rité pour s'en tenir à des paroles. Il voulut qu'une
manifestation oiïicielle apprît au public que M. de
Talleyrand avait encouru sa défaveur. Ce person-
nage, qui aimait tous les genres d'honneur, avait
aspiré à être grand cliaml)ellan lorsqu'il occu[)ait
les fonctions si sérieuses de ministre des affaires
étrangères. Devenu grand dignitaire, il était resté
grand chambellan, et en cumulait les avantages pé-
cuniaires avec ceux de sa nouvelle dignité. Le len-
demain même de la séance orageuse qui avait eu
lieu au conseil des ministres. Napoléon lui fit rede-
mander la clef de grand chambellan, et la transmit
à M. de Montesquiou, l'un des membres du Corps
Législatif les plus justement honorés, qui joignait
à ses titres actuels des titres anciens, fort appré-
ciés par Napoléon quand ils s'ajoutaient à un
mérite réel. Toutefois M. de Talleyrand, s'aper-
ce vant qu'il s'était trop hâté' de se conduire avec le
gouvernement impérial comme avec un gouverne-
ment perdu, chercha à racheter par une extrême
soumission les propos imprudents qu'on lui repro-
chait. Deux ou trois jours après il se rendit à une
grande fête aux Tuileries, dans le plus brillant cos-
tume, s'inclinant profondément devant le maître
dont il avait essuyé les outrages, voulant presque
le faire douter lui-même et surtout faire douter le
public de ce qui s'était passé. Il y réussit dans une
certaine mesure , car Napoléon , désarmé par cette
soumission calculée , découvrit le calcul , mais agréa
l'humilité.
2.
Junv. 1S09.
Janv. 1809.
-20 l.IVHiî XXXIV.
Après avoir réprimé les lanijues autour de lui,
sans les ré|)riiii('r dans le publie, qu'on ne pouvait
siunos pas (lisijraeier, Napoléon s'occupa sur-lc-ehamp des
rcurs graves aliaues qui 1 avaient amené a Fans. Les al-
<* une guerre {-^,1,.^.^ étaient la diplomatie et la guerre qu'il fallait
prochaine. i ' i
conduire de front, car on se trouvait à la veille dune
ruptuie a\ec rAutrielie. Cette puissance, que nous
avons vue si agitée depuis trois ans, flottant tour
à tour entre le désir de venger ses humiliations et
la crainte de nouveaux revers; cherchant sans cesse
une occasion opportune, ayant cru en découvrir
une dans le- hardi mouvement de Napoléon vers le
Nord en 1807, l'ayant laissée passer sans la saisir,
et regrettant amèrement de l'avoir manquée ; croyant
en apercevoir une nouvelle dans la guerre dEspa-
gne, hésitant depuis six mois si elle en protiterait
ou non, et au milieu de ces hésitations armant avec
une aeti\ité toujours croissante, cette puissance
semblait eniin près d'éclater. Tout ce qu'elle fai-
sait dans l'étendue de son empire comme préparatifs
militaires, auprès des cabinets européens comme
intrigue politique, décelait une résolution presque
arrêtée. Rapproche du printemps d'ailleurs donnait
lieu de penser qu'on aurait tout au plus deux ou
trois mois pour se préparer à lui tenir tète. Il fallait
donc se hâter si on ne voulait être pris au dé-
pourvu; mais c'est dans l'art de bien employer le
temps et de créer par miracle ce qui n'existait pas
que Napoléon excellait, et il en fournit ici une
nouvelle et éclatante preuve.
Avec les préparatifs militaires, il avait à conduire
simultanément les négociations qui devaient ou
RÂTISBONNE.
21
prévenir la 2:iierre, ou en rendre le résultat plus
certain au moven (Talliances bien ména£;ées. Il
avait eu quelques mois auparavant, à son premier
retour d'Espagne, avec l'ambassadeur d'Autriche,
des explications si franches, si développées, et ce-
pendant suivies de si peu d'effet, que recommencer
semblait superflu, et aussi peu digne que peu ef-
ficace. Napoléon jugea qu'une extrême réserve à
l'égard de cet ambassadeur, une extrême franchise
à l'égard des autres, et le déploiement d'une grande
activité administrative, étaient la véritable conduite
à tenir et la seule manière de provoquer d'utiles ré-
flexions à Vienne, si on y était encore capable d'en
faire de pareilles. Il se montra donc poli, mais
froid et sobre de paroles envers M. de Metternich.
Il enjoignit à toute la famille impériale, dans le
sein de laquelle M. de Metternich était ordinaire-
ment bien accueilli, d'imiter cette réserve. Il se
montra au contraire beaucoup plus ouvert avec les
autres ambassadeurs, leur avoua le motif de son
retour à Paris, leur déclara que c'était l'Autriche
et ses armements qui le ramenaient si vite, et qu'il
allait y répondre par des armements formidables.
— Il parait, leur dit-il à tous, que ce sont les
eaux du Léthé et non celles du Danube qui coulent
à Vienne, et qu'on y a oublié les leçons de l'expé-
rience. Il en faut de nouvelles; on les aura, et cette
fois terribles, j'en réponds. Je ne veux pas la
guerre, je n'y ai pas d'intérêt, et l'Europe entière
est témoin que tous mes efforts, toute mon atten-
tion étaient dirigés vers le champ de bataille que
l'Angleterre a choisi, c'est-à-dire l'Espagne. L'Au-
Janv. 1809
Attitude
de Napoléon
envers
la légation
d'Autriche
et envers
les autres
légations
étrangères.
J.inv 1809.
Effet
laiii:
de'
du langage
22 1.1 \UK XXXIV.
Iriclio, (|iii a .saiiM- les Anglais en IHOo, an iiio-
raont ou j allai.s traiicliii- le dclioil de Calais, les
sauve encore une lois eu ui airèlant au moment
où j'allais les poursui\re jus(ju"à la Corogne : elle
payera cher celle nouvelle (li\(Tsion. Ou elle dés-
armera sur-le-champ, ou elle aura à soutenir une
yuerre de destruction. Si elle désarme de manière
à ne nie laisser aucun doule sur ses intentions fu-
tures, je remettrai moi-même Tépée dans le four-
reau, car je n'ai envie de la tirer qu'en Espagne,
et contre les Anglais. Sinon la lutte sera immédiate
et décisive, et telle que 1" Angleterre n'aura plus à
lavenir d'alliés sur le continent, —
L'Empereur produisit sur tous ceux qui l'enten-
dirent l'etfet qu'il désirait, car il était sincère dans
Napoléon sur ^^^ lanijage, et il disait ^Tai en assurant qu'il ne
les cours r? o 7 i
européennes, voulait pas la guerre, mais qu'il la ferait terrible
si on l'obligeait à la recommencer. Tout en pensant
qu'il se l'était attirée par sa conduite en Espagne,
chacun jugea que l'Autiiche commettait une grande
imprudence, et s'effraya pour l'Europe des consé-
quences auxquelles cette cour allait s'exposer.
On avait, tantôt par un motif, tantôt par un au-
tre, retenu en France, depuis l'entrevue d'Erfurt,
M. de Romanzolf, le ministre des atfaires étrangères
de Russie. Comme il a été dit plus haut, ce minis-
tre s'était rendu à Paris à la suite de Napoléon pour
veiller lui-même aux négociations qui allaient s'en-
tamer avec l'Angleterre, et hâter autant que pos-
sible l'acquisition des provinces du Danube. La
négociation avec l'Angleterre ayant échoué, M. de
Romanzotf aurait pu repartir pour Saint -Péters-
Séjour
prolongé
(le M. de Ro
manzoff à
Paris.
RATISBONNE. H
bourg, atin de rejoindre son jeune maître, qui
I "attendait avec une vive ini|)alience. Mais un mo-
tif, tiré de leurs désirs communs, avait retenu
M. de RomanzolT. Il ne fallait pas plus de deux
mois, lui avait-on dit à Paris, pour terminer les
atTaires d'Espaii;ue, pour ramener le roi Josepli à
Madrid, pour l'y couronner de nouveau, pour jeter
les Anglais à la mer, et inspirer à l'Europe des
pensées de résignation au lieu de pensées de ré-
sistance à l'égard des desseins conçus à Erfurt. Il
pouvait donc y a^ oir un intérêt véritable à ditîérer
encore les ouvertures qu'il s'agissait de faire à
Constantinople relativement à la Moldavie et à la
Valachie; car si Napoléon était complètement vic-
torieux, rAutriche n'oserait pas entreprendre une
nouvelle lutte, l'Angleterre ne trouverait pas d'al-
liés sur le continent, les Turcs n'en trouveraient
ni sur terre, ni' sur mer, et, sans conflagration
européenne, la Russie acquerrait les provinces du
Danube, comme elle était près d'acquérir la Fin-
lande, au moyen d'une guerre toute locale et d'une
importance très -limitée. Ce motif valait la peine
d'un nouvel effort de patience, car ce n'était après
tout qu'un retard de deux mois, et ces deux mois
M. de RomanzofT avait jugé utile de les passer près
des événements dont il attendait l'issue. Dans l'in-
tervalle il observait soigneusement le colosse dont
la Russie était pour un temps la complice plutôt
que l'alliée ; il en étudiait la force passagère ou
durable ; il cherchait à apprécier la valeur des mille
propos répétés à Saint-Pétersbourg par les échos
de la diplomatie européenne, et il vivait en atten-
Janv. IS09.
Janv. 1809.
24 1 IVIiK \\\IV.
(lant an milieu diiii mm.^c d encens, cai' la cour
iiniR'rialt^ a\ait ieç,ii lOnlre de combler de caresses
laïuien ministre de (^allierine, le ministre actuel
d Alexandre, ordre de tons le plus facilement obéi
à Paris, où Ion aime lant à i)Iaire fpiand on ne met
pas son oriïueil à l)lesser.
M. de RomanzolT avait passé d'abord deux mois,
puis trois à Paris, ne s'apercevant pas du temps qui
s'écoulait, et cy»erchant à calmer Fimpatience de son
souverain, (pii le pressait sans cesse de revenir. Na-
poléon avait tenu parole, et en deux mois il avait
dispersé les armées espagnoles comme de la pous-
sière, chassé les Anglais du continent espagnol,
ramené son frère à Madrid, sans donner cependant
à personne l'idée que la guerre d'Espagne fut une
guerre finie. Ce n'était pas là ce qu'il avait espéré,
ni surtout ce qu'il avait promis, car on ne pouvait
plus se flatter de réaliser les grandes acquisitions
projetées en Orient par un simple acte de volonté.
Napoléon, à peine arrivé, vit ^l. de RomanzolT,
exerça sur lui sa puissance ordinaire de fascina-
tion, fit par son esprit tout ce qu'il n'avait pas fait
par ses armes, exprima sa colère de voir l'Autriche
intervenir encore au moment décisif pour lui arra-
cher les Anglais des mains, car, s'il les avait pour-
snivis lui-même , il ne s'en serait pas sauvé un
seul, disait-il, et enfin il se montra résolu à tirer
dun tel manque de foi (il rappelait toujours les
promesses qu'on lui avait faites au bivouac d'Ur-
schitz) une vengeance éclatante. Confiant comme il
l'était dans les immenses moyens qui lui restaient,
il ne se montra envers le représentant de la Russie
RATISBONNE. 25
ni fanfaron ni obséquieux, mais ferme el positif,
et exigea de lui raccom})lissement des engagements
pris à Erfurt, en homme qui était prêt à se l)attre
encore avec tout le monde, avec ceux qui lui man-
queraient de parole en l'attaquant, comme avec
ceux qui lui manqueraient de parole en ne l'aidant
pas après s'y être engagés. — Si votre empereur
avait suivi mon conseil à Erfurt, dit-il à 31. de
Romanzoff, nous ne serions pas aujourd'hui où
nous en sommes. Au lieu de simples exhortations,
nous aurions fait des menaces sérieuses, et l'Au-
triche aurait désarmé. Mais nous avons parlé au
lieu d'agir, et nous allons peut-être avoir la guerre,
moi pour ce que je veux achever en Espagne, vous
pour ce que vous voulez terminer en Finlande et
commencer en Turquie. En tout cas, je compte sur
la parole de votre maître. Il m'a promis que, si le
cabinet de Vienne devenait l'agresseur, il mettrait
une armée à ma disposition. Qu'il remplisse ses
promesses; qu'il conduise phis activement la guerre
de Finlande, de manière à en finir avec cette petite
puissance qui le tient en échec; qu'il ait une armée
suffisante sur le Danube pour déjouer auj)rès des
Turcs toutes les intrigues des Anglais et des Autri-
chiens coalisés; qu'enfin il ait une armée imposante
sur la Haute-Yistule pour faire comprendre à l'Au-
triche que le jeu est sérieux avec nous. Quant à
moi, je vais réunir sur le Danube et le Pô trois
cent mille Français et cent mille Allemands, et pro-
bablement leur présence obligera T Autriche à nous
laisser en paix, ce que j'aime mieux pour vous
et pour moi, car dans ce cas vous aurez la Mol-
Janv. 1809.
JatiT. 1809.
U I.IVHK XWIV.
da\ic cl lit NalacliR- |tn'S(|iio .sans coup lerir, et
moi je poiMiiii sans nouvelles dépenses achever la
soumission dt^ la Péninsule. Si ces démonstrations
ne suflisent pas, s'il faut employer la force, eh
bien! nous (Miaserons pour jamais les résistances
qui s o|)pos('iit à nos comuuins |)rojets. Mais, al-
liance pour la paix comme poin- la iîuerre, alliance
franche, etl'cctive, voilà ce que j ai promis, ce qu'on
ma promis, et ce que jattends. — A ce langage
d'un hoiniue qui n'était rien moins qu'intimidé,
Napoléon ajouta ce qu il fallait de caresses pour
compléter lelfct qu'il voulait produire, et il obtint
de M. de Komanzotî les déclarations les plus satis-
faisantes. Celui-ci ne dissimula pas le chagrin qu'il
éprouvait à voir la Russie exposée à une collision
avec l'Autriche, la dilliculté des acquisitions pro-
jetées en Orient augmentée de toutes les dillicultés
que rencontrait la politique française en Occident,
en un mot le cercle de la lutte setendant au heu
de se restreindre; mais il reconnut la nécessité de
parler énergiquement à Vienne pour j)révenir la
nécessité dagir; il consint qu'aux paroles il fau-
drait joindre certaines démonstrations, si on vou-
lait que les ])aroles fussent ellicaces, et promit en
conséquence rpic la Russie aurait une armée en Gal-
licie prête à prendre ou la route de Prague, ou celle
dOlmutz, qui I une et Pautre mènent à Vienne.
Na|)oléon, satisfait de M. de Romanzolî, et vou-
lant lui prouver à quel point c'était la paix qu'il
désirait, et non la guerre, émit l'idée d'oHrir à
l'Autriche la double garantie de la France et de la
Russie pour la conservation de ses États actuels,
Janv. 1809.
RATISBONNE. 27
ii;arantic qui devait la rassurer complètement, si
elle était sincère dans les craintes qu'elle disait
avoir conçues pour elle-même à la suite des évé-
nements de Bayonne. L'idée de cette garantie, en
effet, s'il n'y avait eu que des craintes personnelles
dans les motifs qui déterminaient l'Autriche, au-
rait eu de quoi la contenter, et peut-être aurait pu
prévenir la guerre. M. de Romanzoff l'accueillit
pour en faire le sujet d'une prompte communica-
tion tant à sa cour qu'à celle de Vienne.
A ses entretiens avec M. de Romanzotf Napo-
léon ajouta mille attentions délicates, comme de le
conduire lui-même aux manufactures des Gobelins,
de Sèvres, de Versailles, montrant partout à ce mi-
nistre les merveilles de son empire , et voulant à
chaque instant lui en donner des échantillons, à
ce point, disait lui-même 31. de Romanzotf, qu'il
n'osait plus rien louer devant un souverain si ma-
gnifique, de peur de s'attirer de nouveaux présents
en tapisseries, en porcelaines, en armes de luxe.
Après avoir fait ce qui convenait auprès de Expications
. . . / fie
l'ambassadeur de son principal allié, Napoléon Napoiconavcc
,. . , ^ ^ • .-i • • . 1 les ministres
tint un langage tout aussi utile aux ministres de des princes
la Confédération du Rhin, Il leur dit, et il écrivit
à leurs maîtres, les rois de Bavière, de Saxe, de
Wurtemberg, de Westphalie, les ducs de Bade, de
Hesse, de Wurtzbourg, qu'il ne voulait pas les ex-
poser à des dépenses prématurées en exigeant la
réunion immédiate de leurs troupes, mais qu'il les
invitait à la préparer, vu qu'il s'attendait à des
hostilités prochaines; qu'il fallait, soit pour préve-
nir la guerre, s'il en était temps encore, soit pour
allemands
ses alliés.
Janv. 1809.
28 I.IVHE XXXIV.
la rendre heureuse, si elle était iné\ital)le, se met-
tre en mesure d'opposer la force à la force; qu'il
allait, (piaut à lui, réunir 1 ijO mille Français et
Italiens sur le Pô, I.'iO mille Français sur le Haut-
l)anul)e, quil com|)tait >nr 100 mille Allemands,
{|u"a\ee ces iOO mille hommes il préviendrait la
guerre, ou la rendrait décisive, et garantirait à
jamais ses alliés des répétitions que l'Autriche pré-
tendait exercer sur les puissances allemandes, au-
trefois dépendantes ou sujettes de son empire. Il
ivemièrc^ écrivit cn particulier au roi de Bavière et au roi de
réquisitions Saxc , pour Icur demander formellement la réunion
adressées aux ' ^
rois de Saxe d'une première partie de leurs forces autour de
de Bavière. Municli , de Drcsdc, de Varsovie. Se défiant de la
Prusse, qui pouvait être tentée d'imiter l'Autriche
et de chercher la réparation de ses malheurs dans
un acte de désespoir, il lui notifia que, si elle le-
vait un seul liomme au delà des 42 mille que ses
conventions secrètes l'autorisaient à réunir, il lui
déclarerait sur-le-champ la i^uerre. Il chargea la
Kussie de faire savoir à Kœnigsberg que le moin-
dre acte d'hostilité serait l'occasion d'une nouvelle
lutte qui deviendrait mortelle pour les uns on pour
les autres, si on faisait mine de se joindre à l'Au-
triche.
A ces manifestations, qui devaient être d'autant
plus significatives qu'elles reposaient sur des pré-
l'réparatifs cautious nou moius réelles qu'apparentes , Napoléon
militaires . . , . ,
de Napoléon, ajouta dcs mouvcmcnts de ses propres troupes, qui
n'étaient (pie la suite de combinaisons déjà conçues
et ordonnées à Yalladolid même. Ces combinaisons
furent aussi vastes que le commandaient la situa-
Janv. 1809.
RATISBONNE. 29
tion et la masse trennemis, tant connus quincon-
nus, auxquels il devait bientôt avoir atlaire.
Pendant qu'il se t^ou^ ait en Es[)agne, Napoléon,
prévoyant que rAutiiche, bien quelle eût été inti-
midée par la présence des deux empereurs à Er-
furt, bien qu'elle ne fut pas entièrement préparée,
et qu'elle ne fut pas enfin assez excitée pour per-
dre toute prudence, finirait cependant par éclater
au printemps, avait veillé avec une extrême solli-
citude à l'exécution de ses ordres. Les principaux
de ces ordres avaient trait à la levée des deux con-
scriptions autorisées en septembre 1 808 par le Sé-
nat. L'une comprenait les conscrits de 1810, levés
suivant l'usage une année à l'avance, mais ne pou-
vant être appelés avant le 1" janvier 1809, et ne
devant pendant cette même année ser^ ir que dans
l'intérieur. C'était une levée de 80 mille hommes.
Mais comme cet appel, d'après ses projets d'orga-
nisation, ne suffisait pas à Napoléon, il avait songé Levée
à Te\ enir sur les classes antérieures de i 800, 1 807, conschption
1808 et 1809, qui n'avaient jamais fourni au delà /^eisio,
' T^ •' et rt'appel sur
de 80 mille hommes chacune. Les cent quinze dé- les
, ^ . conscriptions
parlements de cette époque n otiraient pas une po- antérieures
pulation de beaucoup supérieure à celle des quatre- ^^o?, iso's
vingt-six départements d'aujourd'hui, car, tandis *^^ '^'^^•
que la classe présente actuellement 320 mille jeunes
gens ayant acquis l'âge du service, les cent quinze
en fournissaient 377 mille. Napoléon prétendait
que c'était peu que d'appeler 80 mille hommes sur
377 mille, et qu'il en pouvait lever 1 00 mille, c'est-
à-dire un peu plus du quart. On le pouvait assu-
rément, mais à condition de ne pas recommencer
Jaiiv. 1801».
30 i.lVKI- \\.\IV.
souvent; car il n'est [»as de p()f)ulation qui ne pérît
hienlot, si on lui ciilcvail ('lia(|U(' année le (jiiart
des niàles panenus à Viii^o, viril.
Il voulut donc j)()rter à 100 mille la contrihution
annuelle de la |)()j)ulation, ce qui en revenant en
arrière Tautorisail ii dciiiaiider un supj)léinent de
20 mille liommes à chacune des classes antérieures.
Cet appel avait Tavantai^e de lui procurer des jeunes
gens bien plus robustes que ceux ipi'il levait or-
dinairement, puisqu'ils devaient avoir 20, 21, 22,
23 ans, tandis ([ue ceux de 1810 ne comptaient
qu'environ 18 ans. Mais c'était un grave inconvé-
nient que d'arraclier à leurs foyers des hommes qui
avaient pu se croire exempts de tout service, la
classe à laquelle ils appartenaient ayant déjà fourni
son contingent. Aussi, pour diminuer le fâcheux ef-
fet de cette mesure, ne manqua-t-on pas d'ajoutei-
à la décision du Sénat que les classes antérieures à
Tan 1806 seraient définitivement libérées, ce qui
laissait sous le coup de nouveaux appels les mal-
heureuses classes de 180G, 1807, 1808 et 1809.
Pour adoucir davantage encore le mécontentement,
on renonça à tirer de leurs foyers les hommes qui
s'étaient mariés dans l'intervalle ; mais cette atténua-
tion de la nouvelle mesure calma peu le déplaisir
de la population, (|ui voyait les remplacements
renchérir tous les joui-s, et les appels se succéder
sans interruption. Du reste, excepté dans quelques
départements de l'Ouest, où un petit nombre de
réfractaires recommença la vie des chouans, et où
la répression fut aussi pronq)te que sévère, l'obéis-
sance était générale, et une fois au corps les hom-
Janv. 1809.
RATISBONNE. U
mes prenaient sur-le-champ l'énergique esprit de
l'armée française.
Il fallait employer cette vaste levée de jeunes organisation
eens, et en fait d'orsanisation personne, on le sait, '^^, i^.™*^''
c ^ ' _ ' 7 destinée
n'a jamais égalé Napoléon. Il avait depuis deux à agir en
1 - , , V « . I , ■ > Allemagne.
ans décrète la formation de tous les régiments a
cinq bataillons. Diverses causes avaient empêché
jusqu'alors la complète exécution de cette mesure :
d'abord le nombre des conscrits qui n'était pas en-
core suffisant, et qui n'allait le devenir que par
l'arrivée aux corps des 160,000 hommes récem-
ment appelés; ensuite la dépense, qui ne pouvait
manquer d'être grande; enfin le mouvement des ré-
giments qui se déplaçaient sans cesse, et em-
ployaient leur temps, quand ils ne combattaient
pas, à se rendre de la Yistule sur le Tage, ou du
Pô sur l'Ebre. Par ces motifs, la plupart des régi-
ments en étaient à s'occuper de la création du
quatrième bataillon, et presque aucun n'avait formé
le cinquième.
Après avoir envoyé en Espagne trois corps de la
gi'ande armée : ceux du maréchal Victor (autrefois
premier corps), du maréchal Mortier (autrefois cin-
quième corps), du maréchal Ney (autrefois sixième
corps), et les troupes qui avaient formé le corps du
maréchal Lefebvre, plus tous les dragons; après
avoir détaché de l'armée d'Italie de quoi tripler l'ar-
mée de Catalogne, Napoléon s'était fort aflaibli du
coté de l'Allemagne, surtout en vieux soldats. Il lui
restait sous le titre d'armée du Rhin, et sous les or-
dres du maréclial Davout, six divisions d'infanterie,
les belles divisions Morand, Priant, Gudin (qui
Jauv. 1809.
32 I.1\UK WXIV.
avaient jadis composr 1»^ troisiônic corps); l'excel-
lente (li\isi{)n Saiiit-llilaire, qui a\ait fait j)arlie du
cor[)s dii iiiaréclial Soiilt; la (aineiise division des
i^renadiers et vollitïeiirs dOiidiiiot, acliiclienient à
Ilanau ; la di\ ision Dupas, celle-ci de deux réi^iinents
seulement, composant avec les Hollandais la garde
des ^illes anséalicpies ; (juatorze régiments de cui-
rassiers, troupe incomparable devant hupielle au-
cune infanterie européenne n'avait pu tenir; enfin
dix- sept régiments de ca^alerie légère la mieux
exercée qu'il y eut au monde, et une formidable
artillerie. H fallait ajouter à ces forces les deux di-
visions Carra Saint-Gyr et Legrand ayant ai)partenu
au corps du maréchal Soult, et actuellement diri-
gées sur Paris pour faire une démonstration vers le
camp de Boulogne; les deux divisions Coudet et
.Molitor, long-temps laissées sur l'Elbe comme noyau
de l'armée de réserve en 1 807, et depuis ramenées
sur Lyon dans la supposition d'une expédition tou-
jours projetée, jamais accomplie, contre la Sicile.
Ces belles troupes, les meilleures de l'Europe, ne
formaient pas toutefois une masse de plus de i 1 0
mille hommes, après en avoir défalqué tous les sol-
dats que leur âge ou leurs blessures rendaient im-
propres au service. Ce n'était pas avec de telles
forces que Napoléon pouvait réduire la maison d'Au-
triche, quelque bons que fussent les soldats dont
elles se composaient. Voici comment il a\ait ré-
solu de les étendre.
L'armée du Rhin comprenait \ingt et un régi-
ments d'infanterie, (jui avaient reçu leurs trois ba-
taillons de guerre, depuis qu'on avait commencé
s-
s
BATISUOXNK. 33
à former les quatrièmes l)ataill()ns. Lorsqu'ils en
auraient quatre, ce qui allait résulter de la créa-
tion des cin([uièmes, cette armée du Rhin devait
présenter quatre-vinii;t-qiiatre bataillons et 70 mille
hommes d'infanterie. Le corps d'Oudinot, composé
de compagnies de i»;renadiers et de voltigeurs, déta-
chées originairement des régiments qui ne faisaient
point partie de l'armée active, n'avait plus actuel-
lement les mêmes raisons d'exister. Il devenait
difficile en effet, maintenant que les régiments agis-
saient si loin de leurs dépôts, qu'ils avaient à la
fois des bataillons en Allemagne, en Italie, en Es
pagne , de détacher les compagnies d'élite pour le
envover à de si grandes distances. Avant en outre
dans la garde impériale une troupe de choix, qui
se développait tous les jours davantage. Napoléon
n'était plus réduit comme autrefois à en chercher
une dans la réunion des compagnies de grenadiers
et de voltigeurs. Il imagina donc tout simplement
de convertir le corps d'Oudinot en une réunion de
({uatrièmes bataillons qui seraient détachés des ré-
giments auxquels ils appartenaient. D'abord, comme
ce corps renfermait vingt-deux compagnies de vol-
tigeurs et de grenadiers appartenant à l'armée du ma-
réchal Davout, il les lui envoya pour servir de noyau
à la formation des quatrièmes bataillons dans cette
armée. Les compagnies de fusiliers devaient partir
le plus tôt possible des dépôts répandus en Alsace,
en Lorraine, en Flandre, pour compléter ces qua-
trièmes bataillons. Les autres compagnies d'élite du
corps d'Oudinot appartenaient à trente -six régi-
ments qui avaient passé d'Allemagne en Espagne.
TOil. X. 3
Janv. 1809
JJBV IXIlil.
:U LiN HK \\\1V.
.NapoU'Dii io>(jliil ciriilciiiciil df laiic de <t's coiii-
pciiriiies le noxaii Ac trcule-six quatiii'iiics Ijalail-
lons, qui, pour le iiionieiil, soin iraient en Alie-
inaii:ne, où ils élaicni tout transportés, sauf à les
ra|)proeliei' plus tard de lEspai^ne, si leurs réii:!-
Mients eoulinuaient a \ sei\ir. Les compagnies de
rii>iliers allaient leur être successivement euvovées
des dej)ots répandus dans le nord et lest de la
IVanee. Ils de\ aient être distribués en trois di\isions
lie douze halaillons chacune, et après leur forma-
lion présenter 30 mille hommes dinfanterie.
Les quatre di\isions (^arra Saint-Cyr, Legranil,
lioudet, .Molitor, comprenaient douze régiments,
actuellemeul à trois bataillons de guerre, de^anl
bientôt en a\oir quatre, ce qui ferait encore quit-
rante-huit bataillons, et procurerait en^iron30 mille
hommes. L'armée du Kliin })Ouvait ainsi s'élever à
130 mille hommes diidanterie, sans compter les 5
mille de la division Dupas. Sur le vaste recrutement
ordonné, Napoléon \oulut })rendre de quoi portei-
a I I cents hommes tous les régiments de cavalerie,
ce qui ne pouvait manquer de leur assurer 9 cents
t-ond)altants. Les quatorze régiments de cuirassiers
comptaient I I ou 12 mille cavaliers dans le rang ;
il esj)érait en prenant dans les déjxMs tout ce (pii
était disponible les porter a 13 ou I i mille pré-
sents sous les armes. Il se proposait d'étencb*e jus-
q»rà 14 ou \'6 mille cavaliers Teffectif des dix-sept
régiments de cavalerie légère. Il résolut aussi de
tirer parti des \ingt-quatre régiments de dragons
<'mployés en Espagne. Une pareille force était plus
que sufiisante pour les besoins de cette guerre, eu
RATISBONNE. ^^
oîiard surtout aux Ijcsoins des autres i;uoiTes qui se
préparaient au nord de l'Europe. Les dépôts en outre
regorgeaient de dragons tout formés, que Napoléon
dans le moment eroyait plus utiles en Allemagne
qu'en Espagne. Il ordonna donc à rétat-ma)\)r de
Madrid de renvoyer au dépôt le cadre du troisième
«îscadion de guerre, en versant dans les deux pre-
miers escadrons les hommes capables de ser\ ir, ce
{pu de\ait laisser à peu près au même cffectifla
lorce active en Espagne, et fournir des cadres pour
utiliser les cavaliers déjà formés dans les dépots.
Son projet était de tirer successivement des dépots
pour les verser dans le cadre des troisièmes et qua-
trièmes escadrons, tous les hommes instruits, et de
Jes envoyer ensuite en Allemagne, en composant
avec ces quarante-huit escadrons douze régiments
provisoires de di'agons de quatre escadrons cha-
cun. Les dépôts de dragons étaient répandus dans
le Languedoc, la Guyenne, le Poitou, l'Anjou. Na-
jjoléon espérait ainsi avoir d'abord trois mille, pni^
six, et jusqu'à douze mille dragons, dès que la con-
scription aurait fourni le personnel nécessaire. Il
pouvait en conséquence compter avant deux mois
sur 13 ou 14 mille cuirassiers, sur li mille hus-
sards et chasseurs, sur 3 mille dragons, j)res({ue.
tous vieux soldats, c'est-à-dire sur 30 mille hommes
de cavalerie. iVvec 130 mille hommes d infanterie,
30 mille de cavalerie, 20 mille d'artillerie, o mille
de la division Dupas, 15 ou 20 mille de la garde,
il se promettait de réunir 200 mille Français en Alle-
iwagne, lesquels, avec 100 mille Allemands et Po-
lonais auxiliaires, devaient lui assurer 300 mille
3.
.I;in\. ISt'J
Jativ. 180V».
i.uiii|>osition
•les forces
•ÎMlinccs à
"pércr
«u Itnl:.'.
36 L1VIU-; X.WIV.
roiiihallaiils sur le Daniihc. Le iiu'^nio système de
fV)riiiation allait lui en proc-iirer 100 mille en Ilalie.
Napoléon axait en Italie douze réi^imcnts d'in-
fanterie doul la foinialiou à (juatre bataillons était
presque achevée, et dont la formation à cin([ était
eommencée. Ils étaient partai;és en ({uatre divisions
de trois réiiiments, et de 9 à 10 mille hommes cha-
cune, en \ comprenant l'artillerie. La première de
ces dixisions était à L'diue, la seconde à Trévise.
la tioisième à Mantoue, la quatrième à Boloifne.
On avait rappelé de l'armée de Dalmatie les troisiè-
mes bataillons des huit réiriments coniposant cette
armée, en \ersant les honnnes valides dans les deux
premiers bataillons, et en ne ramenant que le ca-
dre du troisième, ce qui n"a\ait pas sensiblement
alYaibli la force effective préposée à la garde de
cette province éloip;née. Au moyen de ces huit ca-
dres de troisièmes ])ataillons, et de la création de
liuit autres résultant de la nouvelle organisation,
on a\ait réuni seize bataillons d'infanterie, qui for-
maient à Padoue une cinquième di\ision forte de
12 mille honunes au moins. Le repos dont jouissait
l'armée d Italie, et le soin que Napoléon avait mis
à lui assurer sa part dans chacpie conscription,
a^ aient été cause que les nouvelles formations v
étaient |)his avancées qu'ailleurs. Enfin avec quel-
ques troisièmes et quatrièmes bataillons de l'armée
de Naples, et deux régiments entiers tirés de Naples
même, on avait composé une belle division, qui,
sous le général ^liollis, gardait les États romains.
Naj)oléon a\ait ordonné à Murât, devenu roi des
Deux-Siciles, de distiibuer son armée en deux di-
RATISBONNH. 37
\isions, lune placée entre Naples et Reiij^'io, lantrc
entre Naples et Rome, de manière que celle-ci pou-
\ant au besoin détacher une briiiade sur Rome,
rendit la division Miollis disponible. Les Aniïlais
étaient assez occupés en Espagne, et devaient lètre
assez sur le littoral germanique si la guerre se ral-
lumait dans le nord, pour qu'on n'eût pas à sin-
(juiéter beaucoup de leurs tentatives contre le midi
lie l'Italie. On pouvait donc réunir six divisions,
comprenant en\iron 58 mille hommes d'infanterie,
la plupart vieux soldats qui ne s'étaient pas battus
tlepuis long-temps, et qui avaient grand désir de
recommencer leur ancien métier. Cinq régiments de
dragons, cinq de hussards et chasseurs, ce (pii
suffisait en Italie, olVraient, en puisant dans les
• lépôts, une nouvelle ressource de 8 mille hommes
lie cavalerie. Avec G mille d'artillerie, on était cer-
tain d'avoir une armée de 72 mille Français. En y
ajoutant 18 à 2.0 mille Italiens, et dans le cas où
I on marcherait en avant, 10 mille Français de la
Dalmatie, on pouvait compter sur 100 mille hom-
mes environ en Italie, qu'il était facile de transpor-
ter en Allemagne. Ces forces réunies permettaient
d'accabler la maison d'Autriche avec 400 mille
combattants.
Ces formations ordonnées pendant que Napo-
léon commandait en Espagne, c'est-à-dire en no-
vembre et décembre 1808, accélérées en jamier
1809 pendant quïl s'était établi à Yalladolid, fu-
rent poussées avec plus d'activité que jamais de-
puis son retour à Paris. Mais si l'arrivée des hom-
mes dans les dépots s'elTectuait rapidement, d'autres
l-inv. IS09.
Jauv. ISD'J.
38 I.IVHI-; XXXIV.
pailios de lOriranisation aNunraicnl moins \ite. f.c
malrricl (IhaliilliMiicnl, toujours lent à conftM'tion-
ner, rinstruction (|iii ne sinij)rovise pas, la fonna-
tion des nous eaux cailres qui exiireait une friande
quantité d'oflieicrs el de sous-olliciers capaljles,
laissaient l)eauc()U|) à désirer, il est Mai que sous
ce dernier rapport nos \ieiiles armées offraient ;i
Napoléon de ijrandes ressources. Mais il fallait réu-
nir les éléments épais de ces diverses créations,
et même pour le génie la nature des choses, ([uoi-
que moins rebelle, ne se soumet pas absolument.
On peut employer le temps mieux que d'autres, on
ne saurait jamais s'en passer. Deux à trois mois
qu Ou espérait avoir encore ne suffisaient pas, et il
était à craindre qu'on ne fût pas prêt, si la guerre
édatait trop tôt.
sjins Les dépôts avaient versé aux di\ irions de lar-
(Ic Napoléoti '^ 1 1»! • • • ' à. !• • • r-'
pouracreiinr "'^'^ *'" Hlun , amsi (pi aux quatre dnisions Larra
iorgamsaiie>n Saint-Cvr, Lcgraud, Boudct et Molitor, tout ce quils
ses nouveaux avaient de disponible, de manière que ces di^i-
corps.
sions avaient leurs trois bataillons de guerre bien
complets, tant en vieux soldats aguerris (pieii
jeunes soldats sullisamment instruits. Les choses ne
marchaient |)as aussi bien |)our l organisation des
(piatriènics bataillons, (^est dans cette occasion (pie
Na[>oléon tira un grand parti de la garde impériale.
Il s était décide à lui contier 10 mille conscrits de
1810, cl G a 7 mille des classes antérieures, pour
(piClle employât ses loisirs à les former, ce qui
a\ait le double axanlage de prévenir chez elle une
oisiveté dangereuse, et de propager Texcellent es-
prit dont elle était animée, (^est à Versailles, à Paris
RAÏISIJONNE. 39
et dans les lieux environiianls {(irello se consacrait
à cette œuvre si utile, pendant que les moins âiijés
des soldats dont elle était composée, servaient en
Espajïno sons les yeux de l'Empereur. Une parti(î
des conscrits tpron lui destinait étant arri\és, elle
on avait fait en quelques mois des soldats qui éga-
laient les vieux sous le rapport de l'instruction et
de la tenue. Napoléon prit dans ces recrues les
hommes les plus rolnistes, les plus a\ ancés dans
leur éducation militaire, pour les convertir en com-
pagnies de grenadiers et de voltigeurs, qu'il envoya
au corps d'Ondinot, afm d'y concourir à la formation
des trente-six quatrièmes bataillons (|iii devaient
le composer, en remplacement des vingt-deux com-
pagnies déjà restituées à larmée du Rhin. Il envoya
pareillement de ces grenadiers et ^oltigeurs aux
dépôts de larmée, du Rhin, pour y faciliter l'orga-
nisation des quatrièmes l)ataiilons dans cette ar-
mée. Il pressa en même temps l'arrivée et l'instruc-
tion des conscrits encore dus à la garde, afin de s'en
servir pour recruter les corps qui ne trom eraient
pas dans leurs dépôts des ressources suffisantes. Il
expédia en poste le général Mathieu Dumas, offi-
cier d'état-major intelligent, exact, actif, pour par-
courir tous les dépôts du midi, de l'est, du nord,
depuis Marseille, Grenoble, Lyon, Strasbourg, jus-
qu'à Mayence et Cologne, avec mission d'en faire
partir, sans attendre les ordres du ministre de la
guerre , les compagnies de fusiliers qui étaient déijà
prêtes, et qui de\ aient servir à compléter les qua-
trièmes bataillons. Il ordonna de plus que , dès que
les 80 mille conscrits de 1810 commenceraient à
Janv. f8»'i.
Jinv. 1809.
iO I.IVRK XWIV.
arriver dans les depuis, les régiments qui avaient do
lavanee sur les autres pioeédassenl ii la formation
des oinciuiènies hataillons, afin de préparer les élé-
ments d'une forte réserve dans l'intérieur et sur les
cotes.
Les dépôts de casalerie étaient fort riches on
liomnies et en chevaux, car Napoléon n'avait cessé
de s'en occuper et de consacrer des fonds à la re-
monte. 11 fit |)artir j)lus de trois mille cuirassiers,
chasseurs et hussards, et prescrivit les dis[)Osi-
lions nécessaires pour qu'il en partît bientôt im
un nondjre égal. Il fit acheter 12 mille chevaux
d'artillerie, et préparer tous les attelages de cette
arme. Il ordonna au général Lauriston d'ajouter à
l'artillerie de la garde une réserve de 48 bouches à
feu, et pour cela d'acheter 1,800 chevaux en Al-
sace, où la garde les prendrait en passant avec le
matériel de cette réserve. Enfin, connue s'il avait
deviné les grands travaux qu'il aurait à exécuter
dans les îles du Danube, et prévoyant certaine-
ment le rôle que ce fleuve immense jouerait dans
la prochaine guerre, il ordonna de réunir, outre les
outils (jui suivaient ordinairement le corps du gé-
nie, un approvisionnement extraordinaire de oO
mille pioches et pelles, qui devaient être transpor-
tées à la suite de l'armée sin- des chariots du train.
Il tira en outre de Boulogne un bataillon de 1,200
marins (jui fui joint à la garde. Comme il aNait
surtout besoin d'ofiiciers et de sous-oflîciers pour
les nouveaux cadres, indépendamment des ofliciers
pris dans la garde, il en demanda 300 à Saint-
Cyr. Il voulut morne choisir dans chaque lycée, où
RATISBONNE. H
lie se trouvaient que des adoleseeuts, dont les i)liis
Agés avaient de seize à dix-sept ans, ceux ([ifim
développement précoce rendait propres à la gueire,
au nombre de dix par établissement. Il ne s'en tint
pas à cette mesure, et ordonna à M. Fouché do
faire le recensement des anciennes familles nobles,
tpii vivaient retirées dans leurs (erres sans relations
avec le gouvernement, afin d'enrôler leurs fils mal-
gré elles, et de les envover dans les écoles mili-
laires. Si on se plaint , écrivit-il , vous direz (]iie
tel est mon bon plaisir, et il ajouta une raison un peu
moins folle, c'est qu'il ne fallait pas que, grâce à
de fâcheuses divisions, une partie des familles pût
se soustraire aux efforts que faisait la génération
présente pour la gloii-e et la grandeur de la géné-
ration future '. Il prit encore quelques sous-ofliciers
' Nous citons celte lettre extraordinaire, qui est du nombre de celles
t[u'il écrivit loisqu'il (oniniençait à ordonner en Espagne môme ses
premiers préparatifs.
Au ministre de la pulice.
.. Bunavente , le 31 décembre 1808.
» Je suis instruit que des familles d'émigrés soustraient leurs enfants
» à la conscription, et les retiennent dans une fâcheuse et coupable oi-
» sivelé. Jl est de fait que les familles anciennes et riches qui ne sont
» pas da>is le système, sont évidemment contre. Je désire que vous fas-
» siez dresser une liste de dix de ces principales familles par départt-
» ment, et de cinquante pour Paris, en faisant connaître l'âge, la for-
» tune, et la qualité de chaque membre. Mon intention est de prendre
» un décret pour envoyer à l'école militaire de Saint-Cyr les jeunes gens
» appartenant à ces familles, âgés de plus de seize ans et de moins do
» dix-huit, si l'on fait quelque objection il n'y a pas d'autre réponse à
» faire, sinon que cela est mon bon plaisir. La génération future ne doit
') point souffrir des haines et des petites passions de la génération pré-
> sente. Si vous demandez aux préfets des renseignements, faites-le
» dans ce sens. »
laiiv. IRnO.
Itiiv. ISOV.
4» i.ivni- \\\i\'.
(I;in> li's Vf'lites ot lnsiliff.s de \n irjiidc, li-<)ii[)(' (Icjji
fort ;ii:ii('!fi(', (|iioi(jiit' plus jcimc (pic le reste du
iiKMiK' coips. .\\;ii»t heaiicoiip île ('a\alerio, et se
proposant (Ifii taire un iiiaïul iisa.ye contre I infan-
terie autrichienne, il rappela d Ksj)a.irne les den\
otiiciers de cette arme (pi il estimait le plus, les e:é-
néraux Monthrun et Lasalle. Il rappela de i'Aragon
le maréchal Lannes, (pii \enait de terminer le sici?e
de Saragosse, et manda aiipiès de lui le maréchal
Masséna.
Premier^ Sans \ ouloir commettre encore aucun acte d'hos-
mouvcnients tjiité, car iuscMiici l'Autriche ne s'en était point per-
d.- troupes. . .
mis, il crut cependant utile de rapprocher ses trou-
pes du théâtre supposé de la guerre, ce qui devait
avoir le double avantage de les conduire sans fati-
gue vers les points de concentration , et de donner
à l'Autriclie un avertissement significatif, qui peut-
être la ferait rentrer en elle-même, et lui inspire-
lait de sages réflexions. En conséquence il ordonna
à la division l)u[)as d(; ([uitter les bords i\o la mer
Balticpie, pour se rapprocher de ^fagdebourg. Il fil
remplacer par les trouj)es saxo-polonaises tout ce
qu'il avait encore de détachements français à Dant-
zig, Stettin, (lustrin, (llogaii. Il prescrivit au ma-
réchal l)a\out de s'acheminer de la Saxe vers l;i
Franconie, de fixer son (piartier général à Wurlz-
bourg, et de dii'iger sur lîaxreulli lune de ses di-
visions. 1! enjoignit au général Oudinot de se trans-
porter avec le consentement du loi de Bavière, de
Ilanau à Auiïsbouri::, aux di\isions Carra Saint-Cvr
et Legrand de se rendre des en^ irons de Paris aux
environs de Mel/, aux dixisions Boudet et Molitor
liiiiv. 1S09.
RATISBONNE. iS
do savancer de Lyon sur Slrashouii;. i.vs trois
points do rasseniblrmonl, \\'iirlzboiirii, Augsbouiii.
Slrasbouri<, devaient être pour rAiitriclio iVuur
haute signification. Il recommanda au [)rince Eu-
i2;ène, non de faire camper ses troupes, ce que la
saison ne comportait pas encore, mais de réunii-
successivement ^ ers le Frioul ses quatre premières
divisions, son matériel d'artillerie, sa cavalerie,
de manière à pouvoir présenter en vingt-quatre
heures une cinquantaine de mille hommes en ba-
taille. H renouvela Tordre à Murât de reporter ses
forces vers Rome, alin de rendre disponible la di-
vision Miollis. Il décida rarmenient de toutes les
places d'Italie, et l'achèvement des travaux les plus
urgents à Osopo, Palma-Nova, Venise, Mantcme,
Alexandrie. Enfin il envoya au général jMarmont, qui
commandait en Dalmatie, Tordre de concentrer son
armée sur Zara, en ne laissant aux bouches du ilul-
taro et dans quelques postes intéressants que les
garnisons indispensables; de construire à Zara un
camp retranché qui serait appro\ isionné ])0ur un
an, de s'y préparer ainsi ou à tenir tète pendant
plusieurs mois à des forces considérables, ou a
marcher en avant pour se joindre à Tannée d'Italie
A ces manifestations militaires qui ne consti-
tuaient pas encore des actes offensifs. Napoléon
ajouta une manifestation diplouiati([ue : il ordonna ord
au gênerai Andreossy, ambassadeur a \ienne, de Andréossy
quitter cette capitale, non point en demandant ses 'yi^nn,'"
passe-ports, ce qui eut ressemblé à une déclaration
de guerre, mais en alléguant un congé ancienne-
ment sollicité, et récemment oi)tenu. Napoléon trou-
uu sencrui
Janv. 4K09.
<i I.IVHK X.WIV.
\ail dans ce ia|)|H'l dissiiniilô, ontro Tavantai^e de
l('in<>ijj:n('r son im'CoiUcMlciiKMit , celui de siippriFiier
imc cause d iirilalion cuire l(^s deux. cal)iuets, car
l(^ iiéiicral Andi(''oss\ éprouvait pour la cour do
Vienne une liaine (jue cette cour lui rendait. Il axait
fii'dre de pai'courir en r<'\enant tous les cantonne-
ments autri'vhiens, pour t^tre à même de donner à
son retour des renseii^nements précis sur les moyens
militaires de rennemi. Ces dispositions si actives,
si prcvo\antes, prouvent du reste que Napoléon
mettait à prévenir la i^uerrc autant de soin qu'à la
préj)arer. Mallieureusemont sa politi(juc and)itieuse
lui a\ait fait de la ijuerre une nécessité fatale,
(piand ses goûts ne lui en faisaient plus un plaisir.
Moyens A ces vastes pré|)aratifs, il fallait adapter les
î'réc^s^par Hiovens financiers. On a déjà présenté raflliiTcante
Napoléon remarque (lue la guerre d'Espaizne, en diminuant
pour suffire à * ' ' i • '
)a -lépcnse désastrcusement les forces militaires de la France
lie SOS
;.réparaiiN ])ar Icur (lispcrsion, diminuait à un degré égal ses
"' ''^""''^- res.sources financières, par la multiplication exces-
sive des causes de dépense. Bien que la double créa-
lion de la caisse de service et du trésor de Tar-
mée mît Napoléon à l'abri de toute gène actuelle,
les ressources commençaient pourtant à être moins
abondantes, et il était facile d'en prévoirie terme,
comme celui de la puissance de la France, si on
ne s'arrêtait bientôt dans cette carrière dentrepri-
ses exorbitantes.
Èiai Les budgets maintenus rigoureusement dans les
bornes assignées, ce qui était facile, puisque les
seuls excédants possibles provenant do l'état de
guerre étaient couverts par des prélèvements sur
■ \e-^ budgi-ls
RATISBONNE. '45
le trésor de raiiiiée, tendaient à se licjuider sans
déticit. Les exercices antérieurs à 1800, soldés
au moyen des bons de la caisse d'amortissement
(lesquels n'étaient, comme on s'en souvient, qu'ime
lente aliénation de biens nationaux), marchaient
vers leur apurement définitif. Ceux de 1800 el
1807, fixés à 730 millions pour les dépenses gé-
nérales, à 40 pour les dépenses départementales,
ce qui formait a^ec les \'Z0 des frais de percep-
tion, un total de 890 ou 900 millions, n'inspi-
raient aucune inquiétude pour leur liquidation,
surtout les armées au delà du Rbin continuant à
être payées sur les contributions de la Prusse. Il
n'en était pas de même pour l'exercice 1808. Il
avait été fixé comme les autres à 730 millions de
dépenses générales, 40 de dépenses spéciales, l'ar-
mée du Rhin étant toujours payée jusqu'au 31 dé-
cembre par les contributions de guerre. Mais si
l'équilibre entre les besoins et les ressources n'était
pas rompu par l'élévation de la dépense, il allait
l'être par nn mouvement rétrograde dans les re-
cettes , jusque alors inconnu sous le règne de Na-
poléon. Ce mouvement ne se faisait remarquer ni
dans les contributions indirectes, ni dans l'enre-
gistrement, ce qui aurait accusé une diminution de
prospérité intérieure, mais dans les douanes, et le
aliénations de domaines nationaux. L'importation
des denrées exotiques avait été singulièrement ré-
duite par les décrets de 3Iilan, et on était fondé à
craindre une diminution de 25 millions dans cette
branche des revenus publics. Les à-compte dus el
non acquittés par les acquéreurs de domaines natio-
.I.KIV. 1X09.
s
U; LIVHK XXXIV.
iiiiiiN. les \ élites (Icccs (lonuiinos sonsibicinont ra-
Jniiv 1S09 , . ,.„.,■
l(Mili('s, a\ aient encore |»n\(' le Iresor a nnc (|inn-
zaino de millions. Lu excédant espéré et non ol)teiin
snr le l)nd.i;el de IH()7, leipiel cependant avait été
porle en reeelle jjoiir :i ;i i- millions en 1 80.S , nne
inMillisance d(? (pieUpies millions sur les postes, sur
les j)oudres et salpèlro, sur les recettes extérieures
tl Italie, élevaienl le delicit total à i7 ou 48 millions
|inui Tannée ISOS. cpii \enait de se terminer.
Ce n'était là cpi une partie de la diflieulté. Les
exercices antérieurs de 1807, 1800, 1805, pou-
\ aient être considères connue en équilibre à la
«•ondilion de compter comme \aleurs eflectives des
\aleurs bonnes sans doute, mais d une réalisation
eloiiiuée, telles, par exemple, que le débet des
néiîociants réunis (jui était encore de 18 ou 19 mil-
lions, l'emprunt pour I Espaiine, qu'on avait sup-
posé de io millions, et (pii n'avait ])as été poussé
au delà de 7 ou 8 , les encaisses à Bayonne qui
n'avaient dû être que pro\ isoires et devenaient per-
manents comme la guerre au delà des Pvrénées,
enfin les a^ances pour les troupes russes et napo-
litaines, qui montaient de 2 à 3 millions et n'aA aient
pas été remboursées. Lensemble de ces sommes
faisait un total de rentrées arriérées d'une qua-
ixiicii lantaine de millions, et constituait avec les 47 à
1,3 90 million, ^.^ millions d'insuilisance de recettes sur 1808, un
«iir 1808. _ '
• léOcil jL!;énéral d'environ 90 millions. Nous devon.s
ajouter ([ue pour mettre les corps en état d'exécu-
ler leurs ])réparatirs de izuerre, il avait fallu leui-
payer plus tôt ({ue de coutume les sommes restant
V dues sui- 1808, d'où il lésultait que cet exercice
Janv. t«0{t.
H ATISHONNK. 17
('(ait à Ja fois en aniiMC sur les recettes, et en
axance sur les dépenses, ce (jui «loulilait la diffi-
culté du moment.
L'eml)arras du reste n'avait rien de sérieux pour
le présent, car la caisse de service et la caisse d(^
1 armée étaient parfaitement ca])al)les d'y suffire.
On se souvient sans doute de la création (ie la caisse
de service imaiiinée par 31. iMollien, et du principe
<le cette création. Au lieu de charger ou la Bancpie,
ou une com})aiinie de financiers, d'escompter les
obligations des receveurs généraux, le Trésor avait itessoui.et.
institué une caisse, dans laquelle les receveurs aé- T.!^f'L
' A * -■ lu ( Il I SStr
néraux étaient obligés de verser leurs fonds dés '•' s'^'^'Cf"-
(juils les recevaient, alors même que d'après les
l'èglements ils ne les devaient pas encore '. On leui*
en payait l'intérêt jusqu'au jour où l'impôt que re-
présentaient ces fonds était dii , et on les rembour-
sait avec leurs obligations échues. Celte opération
avait dispensé d'escompter les obligations. Toute-
' Ceci pourra jiaïaUie obscur aux lecteurs qui ne se rappellent pas
<e qui a été dit dans les volumes ]»récédents, ou qui sont étrangers à la
connaissance des finances. Us se demanderont comment les receveuis
peuvent a\oir à verser des fonds qu'ils ne doivent pas encore. Voi<i
l'explication de cette apparente sini;ularit(^. Les conirihutions directes,
qui constituent en France la principale branche du revenu i)ublic, sont
dues par mois, c'est-à-dire par douzièmes. Or certains contribuables
])ayent six. mois, un an à l'avance, tandis que d'autres demeurent en
retard. Les receveurs de l'État balancent l'arriéré des uns ]iar les avan-
ces des autres, et de plus on les intéresse à l'exactitude des rentrées en
leur donnant à eux-mêmes , sous le nom de bonifications , deux v>\\ trois
mois de délai, ce qui constitue pour eux une jouissance d'intérêts. C'est
ce qui explique comment ils pouvaient avoir en caisse des fonds qu'ils
ne devaient pas encore. Ce sont ces fonds qu'ils furent obligés de ver-
ser à la caisse des services, moyennant l'intérêt jusqu'au jour où il»;
les devraient.
latw «sn'i
loi.s coiniiic il \ en a\ait U)ii> K'.s ans [joiir plus de
1 i-i millions, uni notaient |)ayai)h's que dans les
(|na(i(' on cinii picnjiers mois do l'année suivante,
on n aurait pas pn é\il('r d'en escompter une pai-
lir, si Napoléon n'a\ail prêté au Trésor, au nom
de la caisse de Tannée, Si millions qui s'y tron-
\ aient déposés. De la sorte, la caisse avec les avan-
ces qn elle obtenait des receveurs û;énéraux, avec
les Si millions (piOn lui avait prêtés, avait pu s'abs-
tenir d'escompter les 1 2o millions d'()bliij;ations,
échéant Tannée sni\aide, et celles-ci conservées en
portefeuille avaient cessé de fii^nrer sur la place. Les
capitalistes n'ayant plus la ressource de ces oblii^a-
lions j)our cmi)loyer leurs capitaux, venaient pren-
dre les billets de la caisse de service, qui rempla-
çaient ainsi les obliirations, à beaucoup meilleur
marché pour le Trésor, avec plus d'ordre, avec
l'avantage surtout d'avoir amené les comptables a
\erser les fonds de Timpot à l'instant même où ils
les recevaient. Cette caisse était par\enue à se pro-
curer par là des ressources considérables, et n'é-
tait pas end)arrassée de faire face à une insuffisance
actuelle d'une cinquantaine, et même d'une cen-
taine de. millions. S'il y avait, par exemple, poui-
U) millions de ^aleurs dune rentrée différée sur
les l)udgets antérieurs, la caisse y pou\ait suppléer
moyennant uu intérêt pendant la durée de cette
avance. S'il \ a\ait 48 à oO millions d'insuffisance
de iccclle sur ISOS, elle pouvait encore y pour-
voir, moyennant (pie Ton créât bientôt une valeur
correspondante. Napoléon n'y manqua pas en ef-
fet, et il fit chercher, soit dans les domaines na-
lanv. )S09.
RATISBONNE. 49
tionaux de France, soit dans les domaines natio-
naux de Piémont et de Toscane, des biens pour
une cinquantaine de millions , dont Talicnation ,
confiée à la caisse d'amortissement, et exécutée
avec lenteur, devait couvrir la somme pour la-
quelle les recettes de 1 808 restaient en arrière des
prévisions. Ainsi la caisse de service fournissait la
ressource immédiate , les biens nationaux de France
et d'Italie la ressource définitive, pour combler le
déficit du budget de 1808.
Le budget de 1 809 fut fixé au même cliitfre que Budget
ceux de 1808 et 1807, c'est-à-dire à 730 millions '''^ '«'^^^•
de dépenses générales, 40 de dépenses départe- •
mentales, ce qui faisait 890 avec les frais de per-
ception. Mais, en 1807 et 1808, les troupes au-
delà du Rhin avaient été payées par le trésor de
l'armée. Il fallait qu'il en fût de même en 1809.
Nous avons déjà dit que toutes les dépenses de nos situation
armées d'Allemagne étant soldées jusqu'au 31 dé- de^am^J.
cembre 1808, il restait environ 300 millions au
trésor de l'armée , dont 20 millions provenant de
la guerre d'Autriche, 280 delà guerre de Prusse.
Depuis, Napoléon avait réduit la contribution de la
Prusse de 20 millions, à la demande de l'empereur
Alexandre : diverses rectifications avaient relevé
d'autres produits, et l'actif total du trésor de l'ar-
mée se trouvait fixé définitivement en janvier 1 809,
à 292 millions, dont 84 prêtés au Trésor et repré-
sentés par pareille somme de rentes, 1 0 millions en
excellents immeubles provenant de la liquidation
des négociants réunis, 24 en espèces ou en recou-
vrement, 64 échéant dans l'année 1809, 10G dans
TOM. X. i
Jaiu I80y.
50 LIVRE XXXIV.
les années )8I0 il ISII, et 3 ou i pivlés à di-
verses personnes que Napoléon avait désiré secou-
rir. C'étaient donc des valeurs, ou bien placées,
ou liquides, ou prochainement recouvrables. Les
24 millions en es{)èces ou en recouvrement , joints
aux Gi millions échéant en 1809, constituaient
une ressource immédiate de 88 millions, sur la-
quelle Napoléon avait déjà fait certaines disposi-
tions. Il avait donné récemment i millions en £.Ma-
tiPications à certains corps, payé I million aux villes
qui avaient fêté l'armée, prêté 800,000 francs à
la ville de Bordeaux, 2,500,000 aux pro{)riétaires
de vignobles de la Gironde, 8 millions à la ville
de Paris, 1 million à l'Université. Il avait en outre
consacré 1 million à seconder les expéditions ma-
ritimes, U) millions à acquérir le canal du Midi,
12 millions à racheter des rentes pour soutenir les
cours, enfin (juelques centaines de mille francs à
créer des bourses dans les lycées. La plupart de
ces emplois constituaient de très-bons placements,
qui , tout en rendant ser\ ice aux établissements
sur lesquels on avait placé, ou au crédit du Trésor,
permettaient de doter les membres de l'armée que
Napoléon voulait récompenser. Néanmoins ils ré-
duisaient à une cinquantaine de millions les res-
sources de Tannée. Il n'en fallait pas davanta.ee, il
est vrai , pour les besoins immédiats de la i^uerre.
En continuant à solder sur le trésor de l'armée les
trou[)es (pii se trouvaient en Ailema.une, il aurait
fallu à Napoléon, pour ne pas constituer en déficit
le budget de I80'J qui avait bien assez à faire de
payer les armées d'Espagne et d'Italie, 77 millions
HATISBONNE. 51
pour l'année, dont 2i à prélover sur les vastes ma-
gasins qui nous étaient restés, 3o sur les valeurs
en argent. Napoléon se contenta de prendre de quoi
entretenir trois mois Tannée du Rhin, ce qui exi-
geait environ 20 millions. Il se borna donc à tirer
immédiatement du trésor de Tarméc ces 20 mil-
lions, qui, avec les sommes avancées aux divers
corps sur le budget ordinaire , devaient les mettre
tous à leur aise. Napoléon pensait que dans les
premiers mois de 1 809 ses troupes seraient sur le
territoire ennemi , où elles vivraient grassement et
gratuitement, que la victoire rouvrirait la source
des contributions de guerre , et dédommagerait am-
plement le trésor de l'armée des sacrifices qu'il
était obligé de lui imposer. Sur les 1 2 millions de
rentes (en capital , bien entendu) récemment ache-
tés, il distribua sur-le-champ 7 millions à ses gé-
néraux, voulant leur procurer quelques satisfac-
tions avant de les mener de nouveau à la mort.
Ainsi, comme nous venons de le dire, le budget
de i 808 allait trouver dans une aliénation de l)iens
nationaux le dédommagement de la réduction des
recettes; le budget de 1809 allait, comme les bud-
gets précédents, se décharger sur le trésor de Tar-
mée de la dépense des troupes d'Allemagne; et
quant aux facilités courantes , en attendant que les
valeurs créées fussent réalisées, la caisse de ser-
vice, qui jouissait du plus grand crédit , la caisse
de l'armée, dans laquelle coulait incessamment le
produit des contributions de guerre, allaient y
pourvoir immédiatement. Mais si la gène ne se fai-
sait pas encore sentir, le terme des ressources se
Janr. 1SÎÎ>
Janv. <80<i.
52 LIVIŒ XXXIV.
lai.N>ail déjà entrevoir, cl il l'iail Iciiips du sarréter,
si on ne voulait ruiner les finances aussi l)ien que
rarniée. Napoléon en jugeait ainsi lui-même , car,
tandis (|u'il suspendait l'emprunt consenti envers
l'Espagne, et donnait à son frère pour unique res-
source le produit des laines prises en Caslille, et
quelques centaines de mille francs d'argenterie con-
vertie en monnaie, il interrompait les achats <le
rentes, {[ui avaient été effectués, depuis août jusqu'à
décend)rc ISO<S, dans l'intention de soutenir les
cours. On en avait acheté 4G millions, dont 10 pour
le compte de la Banque, H pour celui de la caisse
de service, 25 pour celui de la caisse d'amortisse-
ment (celle-ci agissant tant pour elle que pour Tar-
mée). Indépendamment de ces sommes, la Banque
en a\ait déjà acquis 1G pour elle-même, ce qui
portait à 62 millions les achats de cette année,
somme énorme, si on la conqiare à la masse de
rentes inscrites au grand livre , qui était de 56 mil-
lions en 1809, au capital de 900 millions. Il avait
fallu cet elfort pour soutenir contre l'influence des
événements d'Espagne la rente au taux de 80, que
Napoléon appelait le taux normal sous son règne,
aveu pénilde à faire, car après Tilsit et avant Bayonne
ce taux était à 94. En janvier 1 809, les événements
d'Autriche portant un nouveau coup au crédit, et
la tendance à la baisse se produisant encore avec
force , Napoléon ne voulut pas amoindrir ses res-
sources disponibles pour arrêter un discrédit qui
n'était plus imputable à la guerre d'Espagne , mais
à celle d'Autriche. Le mauvais effet, suivant lui,
devait retomber sur des puissances parjures, (jui
Janv. IS09.
RATISBOXNE. 53
vaincues lui promettaient la paix, et à peine re-
mises de leur défaite recommençaient la guerre.
Il se trompait , car tout le monde rattachait la
guerre d'Autriche à la guerre d'Espagne, et il de-
venait responsable du discrédit actuel quil ne
voulait plus combattre, comme de l'ancien qu'il
avait su arrêter à force d'argent. Sa meilleure jus-
tification au surplus devait se trouver dans la vic-
toire, et il ne négligeait rien en effet pour la ren-
dre certaine, car, ainsi qu'on vient de le voir, les
conscrits affluaient dans les dépôts, les nouveaux
cadres s'organisaient, les principales armées s'a-
vançaient elles-mêmes vers le Haut-Palatinat, la
Bavière et le Frioul, pour obliger l'Autriche à ré-
fléchir, ou pour l'accabler, si des menaces elle
passait à l'action.
Malheureuseme-nl cette puissance était bien en- Agitations
ea^ée pour reculer. Jamais elle n'avait pu se con- ^i cspnt
• '- A i a \ienne,
soler d'avoir perdu en quinze ans (de 1792 à 't motifs qm
portent
1806) les Pays-Bas, les possessions impériales de lAutriche a
Souabe, le Milanais, les États vénitiens, le Tyrol, ^ -"^rre.
la Dalmatie, et enfin la couronne impériale elle-
même ! Peut-être si le monde avait pris une assiette
fixe, comme en 1713 après le traité d'Utrecht,
comme en 1 81 5 après le traité de Vienne, peut-être
se serait-elle soumise à la nécessité devant l'im-
mobilité générale. Mais Napoléon exposant tous
les jours le sort de l'Europe et le sien à de nou-
veaux hasards , elle ne pouvait s'empêcher de tres-
saillir à chaque chance qui s'offrait, et quoique ce
fut une cour oligarchique, peu en communication
avec ses peuples, elle n'éprouvait pas une émo-
Janv. iSOfl.
S4 II Vin- XXXIV.
(ion (fiio la nation anlricliionnc ne réi)rouvàt avec
elle, car jamais les nations, (nidle que soit la forme
(le leurs institutions, ne demeurent indilférentes au
sort do leur p:ouvernemenl. Il nest pas nécessaire
(ju'elles possèdent des institutions libres pour avoir
de lOri^ueil et de landjition. Aussi, lorsque passant
sur le corps de la Prusse pour s'élancer en Pologne,
Napoléon avait laissé une moitié du continent der-
rière lui, l'Autriche avait songé à profiter de Toc-
casion pour Fassaillir à revers. Mais cette résolution
<)tait si grave, il restait tant à faire avant d'avoir re-
<;onstitué les armées autrichiennes, Napoléon avait
été si prompt, que l'occasion à peine entrevue s'était
aussitôt évanouie , et on en avait ressenti à V^ienne
un dépit , presque un désespoir qui avait éclaté
dans les actes comme dans le langage. Cette pre-
mière occasion, montrée par la fortune, perdue par
les hésitations de la prudence, avait amené un dé-
chaînement universel contre les hommes sages qui
faisaient manquer, disait-on, toutes les occasions
(l'agir. Il avait fallu alors (pie Napoléon rendît
Braunau à rAutriche pour qu'elle se calmât un in-
stant. Elle s'était en etîet calmée durant (pielques
mois, de la fin de 1807 au commencement de
1 808 , en voyant Napoléon porter ailleurs son ac-
li\ité incessante, la Russie s'unir à lui, l'Angleterre
donner des griefs à toute l'Europe par la barbare
expédition de Copenhague, et elle avait même si-
gnifié à cette dernière puissance (piil fallait se tenir
tranquille, du moins pour un temps. Mais cette
lésignation avait été de courte durée. L'attentat
-commis sur la couronne d Espagne avait réveillé
RATISBONNE. 55
toutes ses passions. Elle avait été sincèrement in-
dignée, et elle le montrait (l'autant plus volontiers
que Napoléon pour la première fois semblait em-
barrassé. Le brusque retour de celui-ci en août der-
nier après les événements de Bayonne, ses vertes
allocutions à M. de Metternich , son intimité avec
l'empereur de Russie à Erfurt, avaient contenu
mais non calmé rAutriche, qui avait au contraire
ressenti du mystère gardé à son égard un redou-
blement de dépit et d'inquiétude. Sans en être in-
struite , elle avait deviné que les provinces du Da-
nube étaient le sacrifice dont Napoléon avait dû
payer à Erfurt l'alliance russe , ce qui n'avait pas
contribué à la ramener. Enfin la campagne que
Napoléon venait de faire eu Espagne avait plutôt
échautïé que refroidi son ardeur. Sans doute il
avait battu les arniées espagnoles, ce qui n'était
pas un miracle, ayant opposé à des paysans in-
<lisciplinés ses meilleures armées; mais ces paysans
étaient plutôt dispersés que vaincus, et n'étaient
certainement pas soumis. Quant aux Anglais, Na-
poléon les avait forcés à se rembarquer sans les
détruire; et si la capitulation de Baylen avait fait
grand tort au prestige de la France, la faible pour-
suite des Anglais par le maréchal Soult ne lui en
causait pas moins dans le moment. On vantait les
Anglais avec une exagération étrange, et on ré-
pétait à Vienne avec autant de satisfaction qu'on
aurait pu le faire à Londres , qu'enfin les Français
avaient trouvé sur le continent une armée capable
de leur tenir tète. A ces raisons qu'on se donnait à
Vienne pour s'encourager s'en joignaient d'autres
Janv. 1809.
Jain. «SOI».
contre
les França
r>6 LIVRI-: xxxiv.
d'une éiialc inlliieiice, c'était l'esprit général de
l'AUeinairno exaspérée contre les Français, qui,
non contents de l'avoir battue et humiliée tant de
fois, l'occupaient et la dévoraient depuis trop long-
Exuspiration tcmps. 11 cst Certain (pie la présence de nos trou-
rAiicma-nc P^^ ^'^^^ ^^^ P^i^ \aincus, s'ajoutanf aux souvenirs
amers des dernières années, produisait un senti-
ment d'iriitation extraordinaire. L'acte odieux de
liayonne, les diflicultés rencontrées en Espagne,
avaient tout à la fois, en Allemagne comme en
Autriche , excité l'indignation et rendu l'espérance.
On ne détestait pas seulement, on méprisait une
perfidie qui n'avait pas réussi, et il fallait, disait-
on, que rEuroi)e en tirât vengeance. La Prusse,
l)rivée de son roi, qui, depuis léna, vivait obscu-
rément à Kœnigsl)erg, n'osant pas se faire voir à
ses sujets auxcpiels il n'avait rien à annoncer que
la nécessité de payer encore 1 20 millions de contri-
butions, la Prusse était prête à se révolter tout en-
tière, depuis le paysan jusqu'au grand seigneur,
depuis Kœnigsberg jusqu'à Magdebourg, La retraite
des Français , qu'on regardait non comme la fidèle
exécution d'un traité, mais comme une suite de
leurs revers en Espagne, leur valait des mépris aussi
injustes qu'imprudents. Les derniers détachements
de nos troupes sortis des places de l'Oder, en escor-
tant nos magasins qu'on réunissait à Magdebourg,
avaient été partout insultés, et n'avaient pu tra-
verser les villages sans y recevoir de la boue et des
pierres. Les Français osaient à peine se montrer à
Berlin, tandis qu'un chef de partisans, le major
Schill , qui en 1 807 a^ ait gêné par quelques ma-
Janv, 1809.
RATISBONNE. 57
raiides le siège de Daiitzig, était reçu, fêté avec
transport , comme si un chef de partisans pouvait
arracher l'Allemagne des mains de Napoléon.
Dans les pays alliés de la France on ne manifestait Disposition
pas des dispositions beaucoup meilleures. En Saxe, '^^^emamlr
bien que nous eussions rendu à la maison régnante ai'i'^'s
, „ , . 1- • ""i . de la France.
la Pologne et un titre royal, on disait que le roi
pour ses intérêts personnels trahissait la cause de
rAllemagne, et écrasait ses sujets d'impôts et de
levées de troupes, car la conscription était déjà
une plaie européenne qu'on imputait partout à Na-
poléon. En Westphalie, où un jeune prince de la
maison Bonaparte avait remplacé la vieille maison
de Hesse, et faisait par l'éclat de son luxe bien
plus que par la sagesse de son gouvernement un
contraste singulier avec cette maison de tout temps
fort avare, on éprouvait la haine la plus vive. En
Bavière, en Wurtemberg, dans le pays deBaden,
où les princes avaient gagné des agrandissements
de titres et de territoires que les peuples payaient
en logements de troupes, en conscriptions et en
impôts, on se plaignait tout haut de souverains
qui sacrifiaient leur pays à leur ambition person-
nelle. Chez tous ces peuples le sentiment de l'in-
dépendance nationale éveillait le sentiment de la
liberté, et on parlait de s'affranchir de princes qui
ne savaient pas s'atlranchir de Napoléon. On allait
plus loin, et déjà quelques esprits plus ardents for-
maient des sociétés secrètes pour délivrer l'Europe
de son oppresseur, les nations de leurs gouverne-
ments absolus. Un phénomène effrayant commençait
même à se produire : certains esprits s'enflammant
58 l.l\ HK XXXIV.
;i lit llainiiu; iiciiôralc, uoiinissaient secrôtcmcnt,
Janv IR09. . . . ,' i • . i- ,v - i
ainsi (jii on le Ncna hiciilot, I alirciise pensée de
Tassassiiiat contre Napoléon, (pio I admiration et la
haine du monde dépeignaient à tons les veux comme
la cause unicpie des événements dn siècle.
EnTvrol, où subsistait ini\ieil altachement lié-
iiisurrection « "
longuement réditairc pour la maison d Autriche, on sup|)ortait
préparée . ,
on Tyroi. avec impatience le joua: de la Jia\ iere. On montrait
hardiment cette impatience, on sassemblait chez les
auberii;istes, princi])aux personnaiïes de ces monta-
i^nes comme de celles de Suisse, et on y préparait
une insurrection iiénérale pour le jour des premières
hostilités. De nomlueux émissaires, sans se cacher
des autorités bavaroises qui étaient trop faibles pour
se faire respecter, allaient chaque jour annoncer
ces dispositions à Vienne. Ce n'était là, il est vrai,
qu'un premier élan de cœur cliez tous les peuples
allemands. Il fallait encore pour eux bien des souf-
frances, et pour les Français bien des revers, avant
qu'ils osassent s'insurger contre le prétendu Attila.
Mais si l'Autriche levait son étendard, et si elle
avait un })remier succès, nul doute que l'insurrec-
tion ne put bientôt devenir générale en Allemagne,
et que nos alliés eux-mêmes ne fissent une éclatante
défection.
Ces faits, transmis et exagérés naturellement à
Vienne, y avaient porté l'exaltation au comble. On
se disait (pie le temps était enfin venu d'agir, et de
ne plus laisser passer les occasions comme on l'avait
fait en 1807; (pic la circonstance de l'insurrection
espagnole négligée, on ne la retrouverait plus; que
le moment était d'autant plus fa\orablc que Napo-
RATISBOXNE. 99
léon n'avait pas 80 luillo hoinmcs elo Irouiies en
' . . „ . ,. \ , Innv. 1809.
Allemagne (ce qui était fort inexact), disperses de-
puis la Baltique jusque sur le haut Danube; que
ritalie elle-même s'était dégarnie pour la Catalo-
gne; que la conscription se levait avec la plus
grande difficulté; que le tyran de TEurope Tétait
aussi de la France, car il était obligé pour conte-
nir ses concitoyens, devenus d'abord ses sujets,
puis ses esclaves, de frapper jusqu'à ses meilleurs
serviteurs (allusion à MM. de Talleyrand et Fouché
qu'on disait disgraciés). On ajoutait que Napoléon Encourage-
ne pourrait pas remplacer les vieilles troupes en- que l'Autriche
voyées au delà des Pyrénées, qu'on le saisirait au jans7e°at
dépourvu, qu'au premier siiinal les États allemands ,, „ '^^
i ^ i i ' , 1 Allemagne.
ses alliés se détacheraient de lui, que les Etats alle-
mands ses ennemis se soulèveraient avec enthou-
siasme, que la Prusse s'ébranlerait jusqu'au dernier
homme; que l'empereur Alexandre lui-même, en-
gagé dans une politique condamnée par la nation
russe, abandonnerait au premier revers une al-
liance qu'il avait adoptée parce qu'elle était puis-
sante, non parce qu'elle lui était agréable; qu'en
un mot il fallait seulement donner le signal, que ce
signal donné le monde entier le suivrait, et qu'on
serait ainsi les auteurs du salut universel.
A ces raisons fort plausibles on ajoutait pour
s'exciter des raisons beaucoup moins sérieuses. On
prétendait que ce n'était pas seulement pour se re-
lever, mais pour se sauver, qu'il fallait agir au plus
tôt, car la ruine de la maison de Habsbourg était
résolue, après celle de la maison de Bourbon. L'Em-
pereur des Français voulait, disait-on, renouveler
Janv. 4 80y.
GU L1V1U-: X.WIV.
toutes les dynasties, et placer sur les trônes de
lEiirope (les dynasties de sa création. On citait
avec une sinirulièrc insistance iii\ propos insii^'ni-
liant que Napoléon, sous les murs de Madrid, avait
tenu aii\ Esj)aij:nols, lorscpi'il avait mis une sorte
dallcclation à leur faire attendre le retour de son
frère Joseph. — Si vous ne le voulez pas pour roi,
leur a\ ait-il dit, je n'entends pas vous iiniposer,
jai un autre troue à lui donner; et, quant à vous,
je vous traiterai en pays conquis. — C'était là un
propos de circonstance tenu pour produire un etTct
dun moment; et si Napoléon songeait vraiment à
un autre tronc que celui dEspa.^ne en proférant
ces paroles, il songeait tout au plus au trône de
Naples, que Joseph lui avait redemandé avec de
vives instances, et dont 3Iurat, malade alors, n'a-
Nait pas encore pris possession. Mais cet autre
trône n'était, à en croire la haute société de Vienne,
que le trône d'Autriche. Il fallait donc, ou périr
honteusement en se soumettant, ou périr glorieu-
sement en résistant, avec chance au moins de se
sauver. 11 n'y avait pas, assurait-on, d'autre alter-
native, et il fallait prendre son parti, le prendre
surtout au plus tôt. Vienne enfin offrait en 1800
limai^c de Berlin en I80G.
l'itparaiif-i ^^ Cette iuipulsiou uaissaut de ressentiments ac-
miiitaires cumulés, s'cu joii^uait une autre qui naissait des
i!c 1 Aulncho, 7 j • t
cl innucncc armements eux-mêmes, poussés si loin depuis la
deccs fin de 1808, qu'il fallait absolument ou s'en servir
pn'-paratif- t ^ » . • 1 ' -i-
OU y renoncer. L Autriche, après ses revers mili-
taires, avait naturellement songé à en rechercher la
cause et à y porter remède. En conséquence, elle
RATISBUNNE. Gl
avait confié le ministère de la guerre à l'arcliiduc
Charles, avec mission de réorganiser Tarmée au-
trichienne , de telle sorte qu'à la première occasion
favorable on put recommencer la lutte contre la
France avec plus de chance de succès. Ce prince,
s'appliquant consciencieusement à remplir sa tache,
avait d'abord accru les cadres en complétant les
troisièmes bataillons de chaque régiment, de ma-
nière à les rendre propres à devenir bataillons de
guerre. Il avait ensuite imaginé la landwehr, es-
pèce de milice imitée de nos gardes nationales, qui
était composée de la noblesse et du peuple , Tune
servant de cadre à l'autre , et appelée à se. réunir
dans certains points déterminés pour y former des
corps de réserve. On instruisait cette milice fort
activement, et chaque dimanche des jeunes gens de
toutes les classes, portant l'uniforme et les mous-
taches, atTectant les allures militaires que Napoléon
obligeait toute l'Europe à se donner, manœuvraient
dans les villes d'Autriche, sous la direction de vieux
nobles retirés depuis long-temps des armées, mais
prêts à y rentrer pour le service d'une dynastie à
laquelle ils étaient dévoués. Les étrangers qui
avaient connu autrefois rAutriche si tranquille, si
mécontente de la guerre, en la voyant aujourd'hui
si agitée, si belliqueuse, ne pouvaient plus la re-
connaître. On venait de tenir la diète de Hongrie,
et de lui demander ce qu'on appelait l'insurrec-
tion, espèce de levée en masse, composée sur-
tout de cavalerie, et indépendante des régiments
réguliers qui se recrutent avec des soldats hon-
grois. La diète avait voté cette insurrection, et en
Janv. 1809.
Création
de
la landwehr.
Jjnv. 1800.
C2 LIVRE XXXIV.
outro (les fonds exlraonliiiaires pour on payer la
ilépcnso. On ne picnait donc plus la peine de dis-
sinndcr ees prépaiatifs, et on les aceélérait inènie,
coiunie pour une irnerre qui devait éclater au i)rin-
Forces temps, c'esl-ii-dirc sous deux ou trois mois. On
^'-' ' ^"Js'^'""' comj)tait sur en\ iron 300 nulle hommes de troupes
a entrer en activcs, (lue larchidue Charles avait mis trois an-
ligne. ' '
nées à orû;aniser, sur 200 mille hommes de troupes
de réserve, comprenant ce que la lanchvehr conte-
nait de plus militaire, et enfin sur une force qu'il
était impossible d'évaluer, celle de l'insurrection
lioni,Toise. Déjà on avait commencé à réunir les
réirimejits en Carinthie , en Haute-Autriche, en
Bohème, pour jjrocéder à la formation des corps
d'armée. On attelait rarlillerie, et on la faisait pas-
ser en plein jour à travers la ville de Vienne, pré-
cédée ou suivie des réajiments d'infanterie, au mi-
lieu des acclamations du peuple de la caj)itale. On
exécutait des travaux considérables dans trois pla-
ces qui devaient entrer dans le ])lan des opérations.
Ces places étaient celle d'Enns, au coniluent du
Danube et de lEns , a\ec un pont à [Mauthau-
sen , pour couvrir Vienne contre une invasion ve-
nue de la Bavière : celle de Bruck sur la Muhr,
pour couvrir Vienne contre une invasion venue
d'Italie : euliu , celle de Comorn, pour préparer
une irrande place de dépôt on cas de retraite en
Honirrie, iudicpuuit par là qu'on voulait pousser la
iruerre à outrance, et ne pas regarder la lutte
couunc linio après la perte de Vienne. On armait
publiquement cette dernière ville, et on hissait les
canons sur ses remparts.
Janv. 1809.
llATlSBOxNNE. 03
Le langage adopté pour expliquer à soi et aux
autres une telle conduite tenue en pleine paix,
c'est que la destruction de la maison d'Espagne
présageait une tentative prochaine contre la mai-
son d'Autriche ; quon devait donc être prêt pour le
mois de mars ou d'avril ; qu'on allait être attacpié
infailliltlement , et (pi'avec une telle certitude il
ne fallait pas se laisser prévenir, mais prévenir un
ennemi perfide; ({ue peu importait quel serait celui
qui tirerait le premier coup de canon, que le véri-
tal)le agresseur serait aux veux des honnêtes cens
l'auteur de l'attentat de Bavonne. Le 2;ros de la
population croyait à ces discours avec une bonne
foi parfaite; la cour y croyait peu ou pas du tout,
bien que le détrônement des Bourbons l'eut sérieu-
sement alarmée; mais elle était surtout exaspérée
de ses revers, et après l'occasion manquée de la
guerre de Pologne, elle craignait de laisser échap-
per celle de la guerre d'Espagne. Toute la noblesse
était de cet avis, mue à la. fois par de justes res-
sentiments nationaux et par les mauvaises passions
de l'aristocratie allemande. D'ailleurs les nombreux
agents de l'Angleterre, réintroduits oliicieusement à
Vienne, l'excitaient à qui mieux mieux. Les archi-
ducs n'étaient pas les moins vifs dans cette sorte de Disposiii(ns
, , f. • 1 ••III porsonncllcs
croisade, excepte toutefois le principal, le plus res- de la famiiie
pensable d'entre eux, l'archiduc Charles, qui, des- '"^P'^^'"'^'^-
tiné à commander en chef, frémissait non à l'idée
des boulets, car il n'y avait pas un soldat plus
brave que lui , mais à l'idée de se retrouver en-
core en face du vainqueur du Tagliamento , jouant
contre lui le sort de la monarchie autrichienne.
Janv. «809.
Ci LIVRI' XXXIV.
Sui\;iiil son ii.sa.uo, il |)i(''|)arail la i^nierre sans la
(lôsirrr. Pour piijiicr son coiiraire, on l'appelait dun
nom cnipiiintc aii\ ('véncincnls (rKsj)ai:;ne , celui
(le Prince de la paix, l/cinpereur François, ton-
j(nirs sensé, mais peu éiierizicpie, s'abandonnait à
un entraînenienl «piil hlàinail, so contentant de
lancer (jndcpies tiaits satiii([ues contre les fautes
(piil laissait commettre, surtout quand ces fautes
étaient l'œuvre de ses frères. Récemment uni, de-
puis son \ eu\ aiïe , à une princesse de la maison
de Modène, laquelle était la plus imbue des préju-
gés autrichiens, il avait l'avantage, commode pour
sa faiblesse, de trouver son intérieur de famille
d'accord tout entier avec la tendance à laquelle il
cédait, et de voir ainsi tous ses proches, excepté
lui-même, approuvant ce qui allait prévaloir. Cela
suliisait à son repos et à son caractère.
Ainsi, toujours armant, parlant, s'exaltant les
uns les autres depuis })lusieurs mois, les princes et
i;rands seii^neurs (|ui itouvernaient TAutriche en
étaient venus à un état d'hostilité ouverte, et il leur
fallait absolument prendre une résolution. Au sur-
plus, le brusque retour de ^Napoléon à Paris, ra})pel
adressé aux princes de la Confédération du Rhin,
les mouN ements de troupes françaises vers le Haut-
Palatinat et la Bavière, donnaient à penser que la
France elle-même se préparait à la guerre par la-
(piellc on avait espéré la surprendre. Ainsi, en vou-
lant se prémunir contre un danger (pii n'existait pas,
on l'avait créé. On aurait pu sans doute s'expli({uer
avecNai)oléon, et on en aurait trouvé le moyen dans
lotlVe de garantie faite à Paris par la diplomatie russe
HVTISRONXE. 65
et française. iMais ce Licme de dénoùmoiit était usé,
car il a^ ait (léja servi après Tilsit a se tirer (lun seni-
l>lal)Ie mauvais pas. Il était didicile de sortir encore
une fois dune pareille position par un iioun eau si-
niidacre de réconciliation. Il fallait donc prendre
ou le parti de la .guerre ou celui du désarineinent
immédiat; car, outre qu'on ne pouvait plus trouver
d'explications spécieuses pour des préparatifs aussi
a^ancés, il devenait impossible d'en supporter la
dépense. ^lais en face de TAllemaiine, de l'Ani^le-
terre., de soi-même, se diie tout à coup rassuré
après avoir paru si alarmé, abandonner ceux qu'on
nommait les héroïques Espagnols, laisser perdre
encore ce qu'on était convenu d'appeler la plus
belle des occasions, était impossible. Il fallait vain-
cre ou périr les armes à la main, et d'ailleurs on
avait, disait-on, bien des chances pour soi : l'ar-
mée autrichienne réorganisée et plus florissante
que jamais; l'Allemagne exaspérée faisant des vœux
ardents, et au premier succès prête à passer de»
vœux au concours le plus actif; l'Angleterre offrant
ses subsides; la Russie chancelante; la France com-
mençant à penser ce que pensait l'Europe, et de-
vant donner moins d'appui au con([uérant ([ui pour
ravager le monde lépuisait elle-même*; l'armée fran-
çaise enfin dispersée de l'Oder au Tage, des mon-
tagnes de la Bohème à celles de la Sierra-^Iorena,
décimée par dix-huit ans de guerres incessantes,
et faiblement recrutée par de jeunes soldats (ju'on
arrachait au désespoir de leurs familles, dans un
âge qui était à peine celui de l'adolescence. Sous
l'empire de ces mille raisons, un jour, sans savoir
TOM. \. 5
66 LIVHR \\\IV.
comment, on se IrouNa onlraîné avec tout le monde
par la |)assion .générale, ri la ^nerie lut (iecioee. On
urour ordonna «le réunir <in(| corps d armée en lioiiéme,
d Aulritlip, ' '
dominée iiar dsux CH liaute-Autrlciie , deux en Garinlllie, un en
'^pénc'raT, " Gallicie. Larchidiu- (Charles devait en être le géné-
scdecuiepour ralissiuie. Les ellorts de la diplomatie se ioii^nirent
la guerre. ' •'
à ceux de raduùnistralion militaire, pour préparer
un autre moyen de guerre, celui des alliances.
Efforts On renoua avec l'Angleterre des relations qui
1.1 dipiomatu na\ aient été que fictivement rompues; on accepta
autrichienne j^^^ sul)sides qu'elle oliVait à i)leines mains, et on
auprès * » '
des cours contiuua l'œuvre déjà commencée de sa réconci-
del Europe . .
pour les nation avec les lurcs; on imairina enhn d essayer
'la'^uéTre.^ unc tentati^ c auprès de l'empereur Alexandre pour
le ramener à ce qu'on appelait l'intérêt de lEu-
rope, et son intérêt bien entendu à lui.
Situation ^*' diplomatie autrichienne avait heaucouj) à faire
des choses à y Constanlinople : éloii2;ner les Turcs de la France,
Constanli-
Bopie. les rapprocher de lAnirleterre, les disposer à se
jeter sur la Russie si celle-ci continuait à marcher
avecNapoléon , ou à la laisser en paix si elle rom-
pait avec lui, de manière qu'on n'eût affaire qua
lennenn commun de l'Europe , était une politique
fort bien calculée, et qui méritait d'être suivie a\ec
acli>ité. Du reste, les révolutions continuelles de
la cour de Tunpiie prêtaient à toutes les intrijiues
extérieures.
Depuis la chute du sultan Sélini, de nouvelles
catastrophes avaient ensanglanté le sérail, et donné
à la Turquie l'apparence d'un empire qui, au mi-
lieu de ses convulsions intérieures, s'affaisse sur
lui-même. Le fameux paclia de Rutschuk, Musta-
RATISBONNE. 0
phti-Baraïiiar, soit qu'il fiil, coninio il le prélen —
(lait y attache a son maitio beliin, soil qu il fut of-
fensé qu'une faction fanatique, composée de janis- • "
saires et d'ulémas, eut donné le sceptre sans le
consulter, était venu se placer à Andrinople à la
tète d'une armée dévouée. De là il avait paru gou-
verner l'empire , car tous les pachas lui avaient
adressé des députés, ou s'étaient rendus auprès de
lui en personne, pour s'informer de ses volontés,
et le nouveau sultan lui-même, Mustapha, avait
envoyé des ambassadeurs à son camp, comme pour
se mettre à sa discrétion. Ainsi, sous prétexte de
conférer sur le sort de l'empire , Mustapha-Baraïc-
tar en disposait. Bientôt il était venu camper sous Mu.^iapii;i-
les murs de Gonstantinople, et un jour enfin il a\ait S'y"" '-^r en
* ' •' voulant replii-
inarché sur le sérail pour replacer sur le trône Se- c<?r sciim
.. . . . , sur le tr.-.iie.
Iim, qui vivait entérine avec les lemmes et i^arde entraîne
par les eunuques. IMais, au moment où il allait de ce'pHnce,
exécuter ce projet , on a\ait jeté à ses pieds la tète «^'provoque
r •' ' •' r une nouvelle
de son maître infortuné, prince le meilleur qui de- révolution
^ , , ,, . 'Ji"'S 1«^ sérail.
puis long-temps eut règne a Lonstantniople. Ba-
raïctar, pour venger Sélini, a^ait déposé IMustapha
après un règne de courte durée. A défaut d'au- Éiévaiio.t.
tre, il avait été obligé de prendre le frère de Mus- a"f'^"'e
'^ ' du jeune
tapha lui-même, Mahmoud, âgé de vingt-quatre ^""a"
ans, prince qui ne man([uait pas de qualités, et
qui avait contracté auprès de Sélim prisonnier le
goût de la civilisation européenne. Cette révolution
opérée, IMustapha-Baraïctar avait gouverné l'em-
pire pendant quelques mois, avec une autorité ab-
solue, sons le nom du jeune sultan. Mais une nou-
velle révolte de janissaires avait fait cesser ce
5.
Janv. 1809.
68 I.IVHK XWIV.
(lospotismc en ajonlant cataf^trophcs sur ratastio-
plit'S. lîaraïclar, suipris ])ar les janissaires axant
Mort (|iril cùl pu reizaiiner le sérail, s'était caelié dans
Je Mustapha- . ' ' ,
Baraïctai. nii soiileiHun (le son palais en llainines, et il y
avait péri sous les eendrcs et les ruines.
Malinioiul, (pii jf)ip;nail à de l'esprit (piehpie liar-
diesse, une certaine astnee, n'avait pas été étran-
e:er à cette dernière révohition. Délivré diin maître
insolent, il avait entrepris de gouverner lui-même
son (Miipirc chancelant, et il l'essayait au moment
même où la France et rAutriche allaient se mesu-
rer encore une fois sur les bords du Danube. Attirer
les Turcs à elle pour en disposer à sa convenance,
était, comme nous venons de le dire, d'une grande
importance pour l'Aiitriclie, car elle })ouvait ou
jeter un ennemi de plus sur les bras des Russes si
ceux-ci continuaient à rester alliés fie la France,
ou les débarrasser de cet ennemi incommode s'ils
consentaient à s'unir à ce qu'on appelait la cause
européenne.
La chose devenait facile depuis la nouvelle posi-
tion de la France à l'égard des Turcs. Il lui était
en effet impossible, unie comme elle l'était avecla
Russie, de rester en confiance avec eux. Pour colo-
rer le changement survenu après Tilsit, elle avait
d'abord pris pour excuse la chute de son excellent
ami Sélim. A cela le sultan Mustapha avait répondu
(pie ce changement ne de^ait en rien refroidir la
Fiance, car la Porte restait sa meilleure amie. Na-
poléon avait alors répliipié que, puisqu'il en était
ainsi, il s'occuperait de ménager une bonne paix
entre les Russes et les Turcs, mais il n'avait pas osé
Janv. 1809.
RATISBONNE. 69
])arlc;r des conditions. Pourtant les Russes, insistant
soit avant, soit après Erl'url, pour (pi'on terminât
avec les Turcs, et qu'on leur demandât les pro^in-
ces du Danube; les Turcs, de leur coté, se plai-
gnant auprès de la France de ce qu'elle ne leur
procurait point la paix promise. Napoléon, toujours
courant de Bayonne à Paris, de Paris à Erfurt,
d'Erfurt à Madrid, avait, pour occuper un peu les
uns et les autres, fini par insinuer aux Turcs, avec
les démonstrations du regret le plus vif, qu'ils n'é-
taient plus capables de défendre la Valachie et la
Moldavie, qu'ils feraient bien d'y renoncer, de s'as-
surer à ce prix une paix solide, et de concentrer
toutes leurs l'cssources dans les provinces qui te-
naient fortement à l'empire; que si à ce prix ils
voulaient terminer une guerre qui menaçait de leur
devenir funeste, il promettait de leur procurer un
arrangement immédiat, et de garantir au nom de
la France l'intégrité de l'empire ottoman. Rien ne l^ g^^ig
neuf donner une idée de la révolution qui se lit dans i>'si"uatioii
i T de cedor
les esprits à cette ouverture de la diplomatie fran- les provinces
-Tk- , A • 1 1 ' ^^ Danube
çaise. Bien qu on y eut mis de grands ménage- soulève tous
ments, et qu'on n'eût dit que ce qu'on ne pouvait
pas s'empêcher de dire après les engagements con-
tractés avec la Russie, le courroux du sultan 3Iali-
moud, du divan, des ulémas, des janissaires, fut
au comble, et cette simple insinuation avait agité si
fort le ministère turc, que l'émotion se communiqua
comme l'éclair à la nation tout entière. Sur-le-champ
on parla d'armer 300 mille hommes, de lever même
le peuple ottoman en masse, et de sacrifier jus-
qu'au dernier disciple du prophète plutôt que de
70 1.1 VUE .\.\\l\.
céder. On no \oiiImI noinl voir dans la Franco nno
Jniiv. 1X09. Il
annc, (jui, a son cdMir (Iclciidanl, faisait connaitro
a dos allies (inCllc, aimait nno nécessite donloii-
reuso; on sdiislina à iif voir en elle (pTuno amie
|)oiiido (|iii trahissait ses anciens alliés ])onr les li-
Avaiiugos \ror a nn \oisin insatial»lc. L Aiitriclio, qui assistait
H"*" Il • • ■ I A
la iiipionwiic «1" spoctaclo (Ic ocs Mcissilndcs avoc nno extrême
''reTicsTi- i«»ip«"'^"<'<^ <''^n profiler, rAntriche, ayant iiitor-
verturcs faites prêté l'ontrovno d'Erliirt connue elle devait l'être,
par ' '
la Krance à allimia HHX TniTs (jnc le secret de cette fameuse
nopip. entrevue nétait antre que le sacrifice des bouches
du Dan n 1)0, promis aux Russes par les Français;
que pour s'assurer I indulgence de la Russie dans
les all'aires <rEs|)ai;ne, la Franco lui livrait la Porte,
et (ju'ainsi, après avoir trahi sos amis les Espa-
iiuols, elle cherchait à se le faire pardonner en tra-
tiissant sos amis les Turcs, et se tirait d'embarras
en accumidant trahison sur trahison. A ces noires
peintures rAntriche ajouta le -écit fort inexact de
<'e qui se passait en Flspagne, v montra les Fran-
çais battus par des paysans insurcîés, surtout par
les armées de F Angleterre; et comme les Musul-
mans ont pour la victoire un respect superstitieux,
elle [)ro(lMisit sur en\ la plus décisive des impres-
sions on représentant Najïoléon jugé par le résultat ,
c/est-à-dire condanmé par Dieu morne. De toutes
<'es allégatif»ns rAntriche tira auprès des Turcs la
conclusion (pie la Porto devait s'éloigner de la
France, se ra|)[)rocher de 1" Angleterre, effacer le
souvenir du passage récent des Dardanelles par
Faniiral Duckworth, s'a|)puyer enfin sur les armées
autrichiennes et anglaises pour résister à l'andùtion
Janv. <809.
ment avec
li's Anglais.
HATISBUNNE. 74
(11111 voisin foiiîiidaljle, et a la Iraliisou d'un ami
perfide.
Os discours adressés à des cœurs exaspérés y
pénétrèrent avec une incroyable promptitude, et
en peu de temps on amena à Constantinople une ■
révolution dans la politique extérieure, tout aussi
(Hrange que celles qui avaient eu lieu dans la po-
litique intérieure. Tandis qu'un an auparavant les Révolution
Pures, entourant les Français de leurs acclama- , '^•]"^
' ^ _ _ la politique
fions, élevaient sous leur direction de formidables turque:
hatteries contre les Anglais, et lançaient a ces der- pour
niers des boulets rouges et des cris de haine, on e? rapproche^
les voyait maintenant prodiguer Toutrage aux Fran-
çais, au point que ceux-ci ne pouvaient se montrer
dans les rues de Constantinople sans y être insul-
tés, et que les Anglais y étaient appelés par les
^ œux de la population entière. L'Autriche, attentive La paix
à tous ces mouvements d'un peuple ardent et fa- entre la Porte
natique, avertit les Anglais du succès de ses me- i xn^-^terre
nées, et fit venir M. Adair aux Dardanelles. Il v p""" '°s soins
" de l'Aulrichp,
mouilla sur une frégate anglaise, et n'eut pas long- la Turquie
,.11 • • 1 \. ^ r^ se troirv-e à
temps a attendre la permission de paraître a Con- la disposition
slantinople. L'invitation de s'y rendre lui ayant été ''^^p'oaîJ^n'jf"*'
adi'essée sur les instances de la diplomatie autri-
<'hieimc, il y vint, et, après quelques pourparlers,
la paix conclue avec l'Angleterre fut signée dans
les premiers jours de janvier 1809. Dès cet instant
la Porte fut à la disposition de la nouvelle coalition,
prête à faire tout ce que lui inspireraient pour leur
cause commune l'Autriche et l'Angleterre.
Les menées de TAutriche n'étaient pas moins ac-
tives à Saint-Pétersbourg ({u'à Constantinople, mai^s
J.iiiv. IHU'.».
7i I.IVRI-; \\\IV
elles ne jioiix iiiciil pjis y iisoir 1<* luèiiie succès. La
cdiii- (le \ieniie a\;iil clioisi jxmr 1;» représenter en
cutle. circonstance le piiiicc de S(li\v.'irzenl)eriz.
I)rave mililaiic, peu cxcicc aux jinesses de la diplo-
Eiïcirts
iiM>iii>hoiircu\
1.1 di(iloniali(' . i i i •• - i
auiruiiR-nn.- niatic, inais eapahle d nnposer par sa loyauté, et de
irr-.'î'our' douner le eliaii^t' sur les véritables intentions de
sa cour, (jui lui étaient à peine connues. Il avait
<jr I Autriche luissioii (1 alHiiuer (|uc les intentions de rAutriche
( rZ?f.„ étaient droites et désintéressées, (urelle ne voulait
ilr 1 eni|iiMeiir ' i
Ai.Aaii.iic. rienentiepr(Midre, ([ue son unique préoccupation au
contraire était de se défendre contre des entreprises
seiuhlablcs à celles de Bayonne; que si l'enipereur
Alexandre voulait revenir à une meilleure a|){)ré-
ciation des intérêts européens et russes, il trou^e-
rait en elle une amie sûre, nullement jalouse, et ne
prétendant lui disputer aucun agrandissement com-
patible avec ré(|uilil)re du monde. M. de Sclnvar-
zenheri:; était chargé surtout de faire valoir le grand
argument du moment, la perfidie connnisc envers
l'Espagne, lacpielle ne permettait plus à personne de
rester allié du cabinet français sans un ^rai dés-
honneui-. A cet égard, M. de Scliwarzenberg, qui
était un parfait honnête homme, devait cherchera
éveiller tout ce qu'il y avait d'honorable suscepti-
bilité dans le cœur de Tempereur Alexandre. Enfm,
s'il parvenait à se faire écouter, il devait, assure-
t-on ', oITiir la main de l'héritier de l'empire d'Au-
triche pour la grande-duchesse Anne, ce qui ne
pouvait rencontrer aucun obstacle de la part de
' La luis-iion du prince de Scliwarzenberg, qui eut à cette époque
une grande iniportanre, fut entièrement connue du cabinet français par
les cuufiilcnces de l'empereur Alexandre à M. de Caulaincourt.
RATISBONNE. 73
l'iiiipératrice mère, et ce qui aurait ivlahli l'iiiliuiitô
, , . . , Janv.1809.
entre les deux cours impériales.
L'empereur Alexandre, à cette époque, n'était
déjà plus sincère dans ses relations avec Napoléon,
bien qu'il l'eût été dans les premiers temps, lorscjue
l'enthousiasme de projets chimériques le portait à
tout approuver chez son allié. Alors il avait sincè- Nouvelles
rement admiré le sénie et la personne de Napoléon, dispositions
'-' 1 r 7 jg 1 empereur
qui valaient la peine d'être admirés, et l'intérêt ai- Alexandre
. .il l'égard
dant l'enthousiasme, il était devenu un allié tout à de Napoléon.
fait cordial. L'illusion des i^rands projets avait dis-
paru depuis qu'il ne s'agissait plus de Conslantino-
ple, mais seulement de Bucharest et de Jassy. C'était
sans doute un intérêt bien suliisant pour la Russie
que la conquête des provinces du Danube, laquelle
n'est pas même encore accomplie aujourd'hui ; toute-
fois cet intérêt plus positif, moins éblouissant, lais-
sait Alexandre plus calme, et le rendait soucieux
sur les moyens d'exécution. Il avait semblé dans
l'origine qu'il suffirait du consentement de Napoléon
pour obtenir les provinces du Daiiul)e; mais au mo-
ment de réaliser ce vœu, les difficultés pratiques se
montraient beaucoup plus sérieuses qu'on ne l'avait
imaginé d'abord. Si Napoléon soumettant rapide-
ment l'Espagne, faisant sul)ir aux Anglais quelque
éclatant désastre, avait empêché l'Autriche de con-
cevoir même une pensée de résistance ; si les Turcs
dès lors n'avaient eu qu'à souscrire à ce qu'oiraurait
décidé de leurs provinces, l'empereur Alexandre au-
rait pu conserver, à défaut de l'enthousiasme inspiré
par ses premiers projets, la ferveur d'une alliance
qui lui rapportait de si surs et si prompts avantages.
J.mv. <809.
n I.IVHK WXIV.
.Mais <jii('I(jn«^ iciaml (|ii<' lui le i:;('Miie de Naj)()léon,
(|ii('l(|ii(i i-'iandcs (|ii(> fussent ses ressources, il s'é-
l;iil cicc (le idli-s (liHiciillcs. (lu'il avait fait naître
chez ses ennemis de toute sorte le roujaiïe de l'atta-
(juer de nouveau. I)(; son eoté la Russie n'avait pas
eu en Kinlande tous les sucrés sur lesquels on avait
conipté, tant à Saint-Pélershonrc; quà Paris. Ce
\aste emjiire, dont l'avenir est immense, mais dont
le présent est loin deuaier l'avenir, MTilahle Her-
cule ail iKMccau, n'avait jamais ])u envoyer plus
il Une ([uaranlaine de mille hommes effectifs en Fin-
lande, pendant la campajj^ne (rété, et il avait em-
ployé la belle saison à y faire contre les Suédois un
genre de guerre qui convenait peu à sa grandeur.
Cette guerre de Suède, en un mot, pas plus mo-
rale dans son principe (jue celle d'Espagne, n'avait
pas eu de succès plus décisifs, et les deux empe-
reurs, ([uoique fort supérieurs à leurs ennemis,
n avaient cependant pas obtenu de la fortune de
faveurs enivrantes. Aussi l'empereur Alexandre né-
lait-il nullement enivré. Il trouvait que ce que Na-
poléon lui abandonnait il fallait encore le conqué-
rir par de pénibles efforts, et le désenchantement
toujours si prompt chez lui le gagnait déjà sensi-
blement. Il jugeait Napoléon encore assez puissant
pour (piil n'y eût aucune sûreté à so brouiller avec
lui; mais il ne le jugeait |)lus assez victorieux pour
(pi il y eut le même a\ antage à être son allié, ni sur-
tout assez pur {xuir qu'il y eût le même honneur. Et
comme d'ailleurs il u aurait j)robablement pas ob-
tenu de rAutrichc et de l'Angleterre les concpiétes
(pii continuaient à être sa passion dominante, c'est-
RATISbONNE.
t^
à-(lire les provinces du Danube, comme une nou-
velle ré^olution dans ses amitiés Taurait déshonoré,
il était résolu à persister dans Talliance française,
mais en tirant de cette alliance le plus grand profit
pavé par le moindre retour possible '.
Dans une telle disposition cette guerre de la France
avec l'Autriche devait être pour Alexandre la cir-
constance la plus inopportune et la plus inquié-
tante, car elle allait rendre plus ditlicile la concpiète
des provinces turques, exiger un effort coûteux
s'il fallait aider Napoléon par 1 envoi d'une armée
en Gallicie, ajouter une nouvelle guerre aux quatre
({u'on avait déjà, contre les Suédois, les Anglais, les
Persans, les Turcs. Cette guerre allait en outre pla-
cer la Russie en contradiction encore plus choquante
avec ses antécédents, car elle pouvait l'exposer à
(.'ombattre, dans les champs d'Austerlilz, pour les
Français contre les Autrichiens, et fournir de nou-
Kév. 1809.
Di'-plaisir
que cause
à l'empereur
Alexandre
une nouvelle
guerre
(le la France
avec
l'Autriche.
* Ceux qui ont dépeint Alexandre comme toujours faux avec Xapo-
léon , se sont trompés autant que ceux qui Pont représenté comme tou-
jours sincère. H fut sincère tant que durèrent son engouement et la for-
tune prodigieuse de Xapoléon. Il le fut moins quand à la conquête de
l'empire turc succéda dans ses rêves la conquête de la Valachie et de
la Moldavie, quand surtout Napoléon lui apparut moins irrésistible et
moins constamment heureux. Le calcul remplaça alors l'enthousiasme,
pour faire place plus tard à un sentiment pire encore. Mais, il faut l'a-
vouer, Napoléon s'était attiré ce changement , et il est difficile de pro-
noncer une condamnation morale contre l'un ou contre l'autre. Les
entretiens secrets d'Alexandre avec M- de Caulaincourt, que celui-ci
mettait une scrupuleuse exactitude à rapporter, révèlent ces changements
successifs avec une vérité frappante, même à travers toutes les flatteries
dont Alexandre accompagnait ses discours. Le changement se produisait
avec une naïveté qui prouve (jue riiomme le plus fin (et Alexandre
l'était beaucoup) a bien de la peine à cacher la vérité. Napoléon lui-
même, quoique de loin, ne pouvait pas s'y tromper, et tout prouve en
effet qu'il ne s'y trompa guère.
76
I.INIU': .WXIN
VC'\. 4 809.
Résolution
adoptée l'ar
Alexamlri,'
de tout faire
pour
empéclicr
cette guerre.
Langage
d'.\lexaii'lrc
a M. lie C;iu-
laincourt.
veaux griefs à raristoeratit^ russe (lui hhnuait Tiu-
liniilé a\ec la Kraïu-e. Knlin, heureuse ou uial-
lieureuse, elle dcx iiit auiener un résultat égale-
ment fâcheux : car heureuse, ellepouvait inspirera
Napoléon iii lunestc pensée de détruire l'Autriche,
et (le su|)|)iiuier ainsi toute puissance intermédiaire
entre le i\liiu et le Niémen; malheureuse, elle de-
vait rendre ridicule, dani^ereuse, et iidructueuse
au moins, l'alliance contractée avec la France, au
i^rand scandale d<; toute la vieille Europe. Il n\ a
])as de pire position que celle de ne pouvoir sou-
haiter ni le succès ni Tinsuccès dune guerre, et ce
tjn'ou a de mieux à faire alors c'est de chercher à
rempéclier. (Tétait en effet ce qu'Alexandre était
résolu à essaver par tous les movens imaginables.
M. de Romanzollétait revenu à Sainl-Pétersbouru
séduit par les procédés de Napoléon, autant que
M. de Caulaincourt Tétait par ceux d'Alexandre.
Mais les deux souverains étaient assez supérieurs à
leurs ministres pour échapper aux séductions qui
trompaient ces derniers, Alexandre se laissa ra-
conter les merveilles de Paris et les attentions dont
Napoléon ,'i\ ait cond>lé>î. deRomanzotî, tout comme
Napoléon se laissait raconter les aimables préve-
nances dont M. de Caulaincourt était chacpie jour
l'objet; mais il ne dévia d'aucune de ses résolu-
tions. 11 ;iirèt;i d'accord avec M. de Romanzoff son
langage et sa conduite envers la France, et eut
avec ^f. de Caulaincourt plusieurs entretiens fort
imj)ortants. 11 ne lui dissinnda presque rien de ce
qu'il pensai! de la situation; il en parla impartiale-
ment pour Napoléon, modestement pour lui-même.
T^ATISRONXE. Tï
Il convint que la guerre de la Finlande n"a\ait pas
été bien conduite, mais il exprima le regret que Na-
poléon de son côté n'eût pas obtenu contre les An-
glais de succès plus décisifs; il parut même penser
que les Anglais après tout avaient seuls gagné quel-
que chose à Tentreprise sur l'Espagne, puisqu'ils
allaient avoir les colonies espagnoles à leur disposi-
tion, ce qui valait bien la conquête, fort douteuse
ilu reste, de Lisbonne et de Cadix pour les Français.
Il exprima tout le chagrin qu'il éprouverait d'avoir
à combattre les anciens alliés à coté desquels il se
trou\ait à Austerlitz, les embarras que cette sin-
gulière situation lui causerait à Saint-Pétersbourg,
dans la haute société et même dans la nation; il
avoua la diiliculté qu'il aurait de réunir, outre une
nouvelle armée en Finlande , des troupes d'ol^ser-
Aation le long de la Baltique, une grande armée
conquérante contre la Turquie, et une armée auxi-
liaire des Français contre l'Autriche, difficulté non-
seulement militaire mais surtout financière. Il alla
enfin dans ses confidences jusqu'à déclarer que le
succès même de la nouvelle guerre lui inspiiait des
soucis, car il verrait avec alarme disparaître FAu-
triche, et ne se prêterait pas à ce qu'on la rempla-
çât par une Pologne. Il déclara que la paix lui était
nécessaire à lui , mais qu'il la croyait nécessaire
aussi à Napoléon; car, disait-il, il ne lui échappait
pas que la France commençait à la désirer, et à
changer de sentiment envers son glorieux souve-
rain. C'étaient là tout autant de raisons pour qu'on
le laissât agir en liberté envers l'Autriche, et faire
tout ce qu'il pourrait pour empêcher une guerre
Fcv. 1809.
Véy tSOD,
78 LIVRE XXXIV.
(loni l;i |)('Iis('m' sctilf lui cliiit >()ii\ eraineinent dés-
airrcalilc. .Malheurciiscmriii . ajoiilait-il, il clail loin
Ho (Toirc avec Napolé»)!» qn il siilVil de menacer,
(le rcmoftre des itllimatum an nom des dcnx |)lns
i:rand<'s pnissanres de I tmi>ers, \nniv arrêter des
irons olVaics, dominés ])ar la l\nine et la terreur,
clic/ les(|iicls il V a\ail. a\<'c l»('aii(()ii[) d'exairéra-
tion de lani^aiie, nnc part de crainte sincère dont il
fallait tenir compte. Kn consé«|ncnce il demandait
qn'on Ini j)erinît de les rassnrer et <le les intimider
tout à la fois, de les rassnrer en nianl piVemptoi-
renie!\t le projet prétendn de les traiter comnn^
I Espap:ne, do les intimider en lenr montrant les
suites funestes quentrainerait pour enx nne nou-
velle i^uerre. Alexandre se refusa en outre, couunc
l'aurait ^oulu Napoléon, à confier la conduite de
cette alVaire aux deux minisires de Russie et de
France à Vienne. Napoléon, tout en sovdiaitant la
paix, croyait que ces deux nnnistres seraient pins
péremj)toires, et dès lors plus écoutés. Alexandre
au contraire croyait (|u'ils iraient droit à la i^uerre.
— Nos ministres brouilleront tout, dit-il à M. de
(]anIaincourt. Qu'on me laisse aiïir et parler, et si
la guerre peut être évitée, je ^é^ itérai : si elle ne le
peut pas, ja.iïirai (juand elle sera devenue inévita-
ble, lovalement et franchen»ent. —
Il n'y avait donc qu'à le laisser agir, puiscju en
détinitive ses vues étant toutes pacifiques, concor-
daient exactement avec celles de Napoléon, qui dé-
sirait ardemment éviter la guerre. Il le désirait à tel
point (pi'il avait secrèteniont autorisé Alexandre à
promettre non-seulemcnl la douMe garantie de la
RATISBONNE. 7ft
Russie et de la France pour rintéiirilé des Etats au- •
Iriehieiis, mais I évacuation coiiqjlele du territoire
de la Coiifédéralion du Uliiu, ce ([iii sii:iiitiail quil
n\ aurait plus un .soldat fran(;ais en Alleniainie.
Alexandre, tenant sa j)arole, s'exprima avec la ,,;ff^,rts
plus entière franchise <le\ant ^I. de Scliwarzen- ''c lempereur
' Alexanclro
l>erg. Peu maître de son embarras quand le ministre auprès
autrichien ' lui reprocha de se faire le complice de pom
1-- !• 1 'i 1 ' T> "1 1 • la détourner
l indii2:ne conduite tenue a Bayonne, il ne se laissa défaire
point toucher par lappel fait à ses sentiments en ''^ ?"erre.
faveur de la cause européenne , et opj)osant à la
politique autrichienne tous les mensonijes, toutes
les dis.simulations dont elle s'était rendue coupable
depuis deux ans, car elle n'avait cessé de parler
de paix quand elle préparait la i2;uerre, il lînil par
déclarer qu'il avait des ene;agemeuts formels, pris
dans le seul intérêt de son empire , et auxquels il
n'entendait pas manquer; que si on avait la folie de
rompre on serait écrasé par Napoléon , mais qu'on
obligerait aussi la Russie à intervenir, parce que
lavant promis, elle tiendrait parole, et unirait ses
troupes aux troupes françaises; que cet aflranchis-
sèment de l'Europe dont on parlait sans cesse, on ne
l'amènerait pas; qu'on ne ferait en déterminant un
nouvel elfort de celui qu'on appelait un colosse écra-
sant, que de le rendre plus écrasant encore; que
l'unique résultat qu'on obtiendrait serait de donner
à l'Angleterre, autre colosse écrasant sur les mers,
le moyen d'éloigner la paix dont on avait un si ur-
1 M. de Sdmarzt iiberg se vantait d'avoir fait baisser les yeux à
Alexandre lorsqu'il lui avait rappelé ([u'il se rendait le con)pIi(e d'une
odieuse spoliation en secondant l'auteur de la guerre d'Espagne.
80 I IVhK \XXIV.
iioui liosoin; (\nc (jnaiil à lui l;i |iai\ ctail tout ce
Fév. iHO'J. ' ... ■ •. /i • I 1 •
(|ii il \ oiilait ' Ips |)r<>\ iiicos (iamihicmics (•om|)risos,
aiirail-il pu ajouter ; ({u il l'allail cnliM ({u'oii \ ar-
ii\àl; (|u il liciidrait |)()ui- ciincnii (luicoiujue cn éloi-
jiiicrail le nioiuciit, et (ju il ciuploierait contre celui-
là. (|U(I (juil lïil, Idulcs les forces (le son empire.
Alexanilic écarta toute insinuation relativement à
nne alliance de lainille a\cc lAulriclie, car il n'au-
rait pas connnis l'inconvenance de donner à un ar-
cliiduc une princc>se ([u il a\ait pres([ue pron^ise à
Napoléon.
Surprise Le ministre autricliien fut atterré par ces franches
sl:'hv?lrz*en- déclarations. La société de Saint-Pétersbourii, moins
berg ardente assurément (nie celle de Vienne, lui a\ait
en entendant ^
le langa-o cependant fait espérer un autre résultat. Il a\ait
de Tempereur - . . i i i , • - « i
Alexandre, trouxc tout Ic moudc (lu parti européen contre la
France, I)ien (pi'on nosàt ])oint j^arler ouverte-
ment , par crainte de contrarier remjK^reur. Il a\ait
de plus acquis la certitude que dans la famille im-
périale on éprouvait les mêmes sentiments, et il s"é-
tait flatté de rencontrer un meilleur accueil auprès
de l'empereur. In ambassadeur plus expériinent<^
aurait vu (pie sous des sentiments très-réels, par-
tagés à un certain deiiié par Alexandre lui-même,
il y avait les intérêts, qui étaient liés en ce moment
à ceux de la France; (pie si raristocratie russe et
la famille impériale pouvaient obéir à leur caprice
en se permettant le lantraiic (pii allait le mieux à
leurs préjuiïés, l'empereur et son cabinet avaient
une autre conduite à tenir, et tpie s'ils pouvaient
accjuérir un beau territoire tandis qm; Napoléon dé-
truirait les Bourbons, leur nMe était naturellement
Fév. 4 809.
RATISBONNE. 84
indiqué, c'était de laisser dire les gens de cour et
les femmes, et de faire les affaires de l'Empire, en
tâchant de gagner dans ce bouleversement les bords
si désirés du Danube.
L'excellent prince de Schwarzenberg, ne com-
prenant rien à ces contradictions apparentes , rem-
plissait Saint-Pétersbourg de ses lamentations. Il
écrivit à sa cour des dépêches qui auraient dû la
retenir, si elle avait pu être arrêtée encore sur la
pente qui l'entraînait. Alexandre, voyant qu'il avait Armements
produit une certaine impression sur le représentant '^^ '^ '^^^'^
1 1 i en vue
de l'Autriche, se plut à espérer que celui-ci ga- Je \a gucm
t , , "^ prochaine.
gnerait peut-être quelque chose auprès de sa cour,
mais sans toutefois y compter, et il fit ses prépa-
ratifs pour une guerre prochaine. Il avait à cœur
de terminer au plus tôt la guerre de Finlande. Il
envoya un renfort qui portait à 60 mille hommes
environ les forces agissantes dans cette province.
Il ordonna de marcher sur le centre de la Suède à
travers la mer gelée. Une colonne devait contourner
le golfe de Bothnie pour se diriger parUleaborg sur
Tornea et Umea. Une seconde devait traverser sur
la glace le golfe de Bothnie, en partant de Wasa
pour donner la main à la première sous Umea. La
troisième, qui était la principale, devait cheminer
aussi sur la glace , et marcher par les îles d'Aland
sur Stockholm. La garde et deux divisions étaient
destinées à rester entre Saint-Pétersbourg, Revel et
Riga , pour y veiller aux tentatives des Anglais con-
tre le littoral de la Baltique. Quatre divisions d'in-
fanterie et une de cavalerie, formant GO mille
hommes, avaient mission d'entrer en Gallicie pour
TOM. X. ^
82 1.1VIU-: XXXIV.
V teiiii' la lialance dos éNe'ncineiils, bien i)liis que
poiii- y seconder les armées Iraneaises. hnliii il
élait naliirel que les plus iijrands ellbrts de la Russie
se diriizeassent vers la Turtjuie, car si Alexandre
voulait èive modéraleur en Occident , il voulait être
conquérant en Orient, et il avait envoyé huit di-
visions sur le bas J)anul)e, dont une de réserve
formée de troisièmes l)ataill()Ms. (Jelle-ci devait sui-
vre une direction movenne entre la Transvivanie et
la Yalachie, de façon à pouvoir, ou seconder Tar-
mée d'invasion qui marchait contre les Turcs, ou
se rabattre sur rarniée de Gallicie, afin d'v concou-
rir d'une manière quelconque aux événements qui
surtîiraient de ce côté. Cette division était comptée
à M. de Caulaincourt comme une de celles qui
étaient consacrées au service de ralliance. L'en-
semble des troupes agissant dans cette direction
s'élevait à 120 mille hommes environ. Ainsi, ter-
miner la conquête de la Finlande, tenir tête aux
Anglais, conquérir les l)ouches du Danube, mo-
dérer les événements d'Allemagne, furent les divers
emplois auxquels Alexandre consacra les 280 mille
hommes de troupes actives dont il pouvait dispo-
ser. S'il ne faisait pas davantage, il l'imputait à ses
finances, de l'état desquelles il se i)laignait con-
stamment à M. de Caulaincourt, parlant sans cesse
<les cinq guerres qu'il allait avoir sur les bras, et
(}uoique toujours fier dans son attitude, devenant
prescjne humble cpiand il s'agissait d'argent, et de-
mandant qu'on l'aidât à contracter des emprunts
soit en France soit en Hollande.
Liatiiiude La conduitc de la lUissie déconcerta beaucoup le
RATISBONNE.
83
Of-îbinet de Vienne, qui s'était altciiidu à la trouver
moins contraire à ses vues, parce qu'il avait juii;c
du cabinet par le lani^age de la noblesse russe
dans les cercles de Saint-Pétersbourg, Toutefois,
bien qu'il regardât la mission du prince de Scliwar-
zenberg comme avortée , il se flatta que ce cabinet
ne résisterait pas long-temps à l'opinion de la na-
tion, et surtout à un premier succès des armées
autrichiennes; il se persuada que ce premier suc-
cès qui devait, disait-on, entraîner l'Allemagne,
entraînerait aussi le continent tout entier, et qu'il
suflirait de donner le signal , de le donner heureu-
sement, pour être suivi. Les 60 mille hommes des-
tinés à la Gallicie furent considérés comme un sim-
ple corps d'observation, auquel il suffirait d'opposer
des forces très - inférieures , chargées également
d'observer plutôt que d'agir. On ne prit donc ni le
langage , ni les, démonstrations armées de la Russie
comme un argument contre la guerre , et on se dé-
cida au contraire à tout précipiter, de manière à
remporter sur les troupes françaises, encore dissé-
minées de Magdebourg à Ulm, ce premier succès
qui devait entraîner toutes les puissances. On était
dans une de ces situations où, ne pouvant plus re-
culer, on prend chaque circonstance, même dé-
courageante , pour une raison d'avancer.
Les préparatifs de guerre , les allées et venues de
la diplomatie, ayant rempli le mois de février et une
partie du mois de mars , on voulait être sur le théâ-
tre des opérations au commencement d'avril , c'est-
à-dire aux premiers jours où la guerre est possible
en Autriche , car c'est à peine s'il devait y avoir
6.
Fév. 4809.
lie la Russie ,
loin
de déccmrager
l'Autriche,
ne sert qu'à
précipiter
les
cvénemcnts.
Époque
choisie et plan
de campagne
adopté pour
la prochaine
guerre.
8i LIVRE XXXI V.
alors de riiLMbe sur le sol. On se û\a donc à Vienne
sur le plan de campagne à adopter. D'abord il fut
établi qu'on ne ferait ai;ir vers l'Italie et vers la
(jallieic que les moindres forces de l'Empire. On ré-
solut d'envoyer sous l'archiduc Jean une cinquan-
taine de mille hommes, pour seconder l'insurrection
du Tyrol, et occuper par leur présence les forces
des Français en Italie. On y ajouta huit à dix mille
honunes pour batailler avec le général Marmont
en Dalmatie. On destina l'archiduc Ferdinand avec
iO mille hommes à contenir Farmée saxo-polonaise,
léunie sous Varsovie, et à observer les Russes qui
s'avançaient en Gallicie.
ruinposiiion La principale masse, celle qui contenait les trou-
ve '" pes les meilleures, les plus nombreuses, devait
''^ "^Tcc?^'^ a2;ir en Allemaane , par le haut Danube , et tenter
masse •- •" 7 1 7
des forces au- lentrci^rise hardie de surprendre les Français a^ ani
tiichionncs, *
leur concentration. C'était l'archiduc Charles qui
«levait la commander comme généralissime, et qui
l'avait organisée comme ministre de la guerre. Il n'y
a\ait par conséquent rien négligé. Elle était d'en-
viron 200 mille hommes, forte surtout en infanterie,
(|ue l'archiduc s'était appliqué à rendre excellente,
forte aussi en artillerie, qui avait toujours été très-
bonne en Autriche, mais moins bien pourvue en
cavalerie , que l'archiduc Charles n'avait point aug-
mentée, et qui au surplus sans être nombreuse était
aussi brave que bien exercée. Elle était divisée en
six corps d'armée et en deux corps de réserve, ré-
partis en Bohème et Haute-Autriche. C'était un total
de 300 mille hommes de troupes actives, en y com-
prenant les troupes destinées à opérer en Italie et
Mars 1809.
RATISBONNE. 85
on Gallicic. Derrière cette masse principale, la ré-
serve ainsi ([ue l'insurrection hongroise devaient
couvrir Vienne, et Vienne perdue, s'enfoncer en
Hongrie, pour y recueillir les restes de l'armée ac-
tive, et y prolonger la guerre. Cette seconde por-
tion, forte de plus de 200 mille hommes de milices
peu aguerries, mais déjà passablement instruites,
portait au delà de 500 mille hommes les ressources
<le l'Autriche, qui n'avait jamais fait un pareil dé-
ploiement de forces.
Il s'agissait de savoir comment on emploierait
les 200 mille hommes , composant la masse prin-
cipale, destinés à agir en Allemagne, et à frapper
les premiers coups. Le Conseil aulique, réputé la
cause ordinaire des revers de rAutriche, parce
qu'il paralysait, disait-on, l'autorité des généraux,
avait été privé de son influence au profit du géné-
ralissime, sans qu'il dût en résulter beaucoup plus
d'unité dans le commandement, car il n'y a d'unité
(jue là où règne une volonté énergique dirigée par
un esprit ferme. L'archiduc, quoique un prince
sage, éclairé, brave, et le meilleur capitaine de
l'Autriche, n'avait pas la force d'esprit et de carac-
tère nécessaire pour assurer l'unité du commande-
ment, et le tiraillement qui n'allait plus se trouver
dans le Conseil aulique devait se produire autour
de lui, entre les officiers influents de son état-ma-
jor. Restait, il est vrai, l'avantage d'établir ce ti-
raillement, quel qu'il fiU, plus près du champ de
bataille, et cet avantage n'était certainement pas à
dédaigner.
Deux avis partageaient en ce moment l'état-major Deux pians
Mars 4809.
86 LIVHK XXXIV.
<lc rartliidiic Charles au sujet du meilleur ]»lau à
suivre. L'un consistait à prendre la Bohème pour
^" '^d'ans'''"" '^^'"^ ^^ départ voir la carte n" 28), et, supposant
lYiat-major los Français encore dispersés en Saxe, en Franco-
nie, dans le Haut-Palatnuit, a dehoucher sur liay-
reulh, c'est-à-dire sur le centre de i'Allemai^ne, à
les battre en détail, et à soulever les populations
trermanicpies par cette apparition subite et ce prompt
succès. Ce plan hardi, qui conduisait les Autrichiens
par Bayreuth et Wurzhouriï jusqu'aux portes même
de Mayence, avait l'avantage de les mener sur le
Rhin par la route la plus courte, de porter le dés-
ordre dans les cantonnements des Français, et la
plus vive émotion en Allemagne. Mais par cela
même qu'il était hardi, il supposait dans l'exécu-
tion un caractère que n'ont en général que les ca-
pitaines supérieurs, ordinairement heureux, et con-
fiants parce qu'ils sont heureux. Il n'y en avait
alors aucun de ce genre ni en Allemagne , ni ail-
leurs, excepté en France. Ce plan supposait en outre
un degré d'avancement dans les préparatifs militai-
res de l'Autriche, que son administration, plus la-
borieuse qu'expéditive, n'était pas encore parvenue
à leur donner. C'est tout au plus si les corps qui
devaient se rassembler en Bohème, y étaient con-
centrés dans les premiers jours de mars. Les troi-
sièmes bataillons manquaient à beaucoup de régi-
ments, et les charrois d'artillerie n'étaient point
arrivés. Ce plan, destiné à surprendre les Français,
eût été bon sans doute si on les eut surpris en
effet, et si la hardiesse d'exécution eut répondu à
la hardiesse de conce|)tion; mais dans le cas où
UATISlîONiNE. 87
on ne les aurait pas surpris assez complètement, il
pouvait devenir funeste , car s'ils avaient eu le temps
de se transporter de l'Elbe au Danube, de se ras-
sembler entre Ulm et Ratisbonne, l'armée autri-
chienne était exposée à les avoir dans son flanc
gauche, gagnant Vienne par le Danube, dispersant
tous les détachements qu'elle avait laissés en Ba-
vière, et peut-être même coupant sa ligne d'opéra-
tion. Avec un général si fécond en manœuvres im-
prévues que l'était Napoléon, cette dernière chance
était fort à redouter.
Le second plan, plus modeste, plur sur, consis-
tait à prendre la route ordinaire, celle du Danube,
par laquelle les Français devaient naturellement ar-
river, à cause de la facilité des communications le
long de ce grand fleuve , à leur faire face sur cette
route avec la masse énorme de deux cent mille hom-
mes, et à profiter de ce qu'on était plus préparé
qu'eux, non pour les surprendre, mais pour les
battre, avant qu'ils fussent en nombre suffisant pour
disputer la victoire. Ce plan ne donnait lieu à au-
cune de ces combinaisons soudaines de Napoléon ,
qui ordinairement déjouaient tous les calculs , et
n'exposait à aucune chance que celle du champ de
bataille, toujours assez périlleuse contre un tel ca-
pitaine et de tels soldats.
Les deux plans dont il s'agit furent long-temps
débattus entre deux ofliciers de l'état-major de l'ar-
chiduc Charles , le général Meyer et le général
Griinn, et divisèrent les militaires les plus éclairés
de l'Autriche. Mais, comme il advient toujours en
pareille circonstance, on laissa à l'événement le soin
Mars<8&9.
Motif
qui décide
la préférence
en faveur
du second
plan.
Mars» 809.
vers
la Bavière.
88 LIVRE XXXIV.
(le (U'cider la question, et on prit son parti quand
les espions répandus au milieu des troupes fran-
çaises curent révélé la ukutIic du irénéral Oudinol
sur Ulni. du umreelial l)a\out sur Wurzhouri^. On
comprit alors qu'on arriverait trop tard pour que
la bonne chance se réalisât au lieu de la mauvaise,
et qu'en débouchant par la Bohème sur Bayreuth
on aurait les Français dans son liane gauche , ga-
gnant Vienne par le Danube. On prit donc brusque-
ment la résolution de reporter vers la Haute-Autri-
che les corps qui devaient dans Torigine se réunir
Les corps en Bohème. Seulement, on lit encore ce qu'on fait
autrichiens i i i- • - i-
brusquement quaud la du'cctiou cst mcdiocrc, on conserva quei-
.jc b'^ BohLe ^I"^ cliosc du premier plan, et le second ne fut
adopté qu'en réduisant la masse principale des for-
ces qui aurait dû être consacrée à son exécution.
Ainsi une cinquantaine de mille hommes fut laissée
en Bohème sous les généraux Bellegarde et Kollo-
wratli, et environ 1 50 mille furent portés en Haute-
Autriche, pour être dirigés à travers la Ba\ière sur
Ratisbonne, à la rencontre des Français. Le premier
de ces rassemblements devait déboucher par le
Haut-Palatinat sur Bamberg, en étendant sa gau-
che vers Ratisbonne. (Voir la carte n° 28.) Le se-
cond devait envahir la Bavière, remonter le Danube
en étendant sa droite sur Ratisbonne, de manière
que les deux masses, mises en communication le
long du fleuve, pussent se réunir au besoin, mais
avec beaucoup de chances aussi d'échouer dans cette
réunion. On s'avança de la sorte à cheval sur le Da-
nube, suspendu pour ainsi dire entre deux plans,
toujours avec l'espérance d'agir avant les Français,
RATISBONNE. 89
et de se garantir contre leur marche de flanc par le
\ ersement d'une partie des forces autrichiennes de
la Bohême dans la Bavière. Le général Meyer, qui
avait, dit-on, soutenu le premier plan, fut envoyé
de l'état-major de Tarchiduc Charles à celui de l'ar-
chiduc Jean , pour y employer en Italie les talents
dont on n'avait pas voulu en Allemagne, et le gé-
néral Griinn , qui avait soutenu le second, resta
seul auprès de l'archiduc Charles, comme son prin-
cipal conseiller.
En conséquence de ce nouveau système, le pre-
mier corps qui s'était formé à Saatz sous le lieu-
tenant général Bellegarde , le second corps qui
s'était formé à Pilsen sous le général d'artillerie
Kollowrath, conservèrent les mêmes points de ras-
semblement, et eurent ordre de déboucher avec
cinquante mille hommes par l'extrême frontière de
la Bohême sur Bayreuth, vers les premiers jours
d'avril (voir la carte n° 14). Les corps de Hohenzol-
lern, deRosenberg, de l'archiduc Louis, qui s'étaient
formés à Prague, Piseck, Budweis, le premier corps
de réserve du prince Jean de Liechtenstein qui s'était
formé à Iglau, et qui était composé de grenadiers
et de cuirassiers , reçurent ordre de passer de Bo-
hême en Autriche, par la route de Budweis à Lintz,
de franchir le Danube sur le pont de cette dernière
ville, et d'être rendus devant l'Inn, frontière de la
Bavière, vers les premiers jours d'avril. Ils devaient
s'y trouver réunis au corps du lieutenant général
Hiller, formé à Wels sur la Traun, et au second
corps de réserve du général Kienmayer, formé à
Enns sur l'Ens. Ces six corps devaient marcher en-
Slars 1 809.
Mars 1809.
90 I.IVIU-: xxxiv.
semble sur la lJa\ icre, la droite au Dauuhe, tendaut
ainsi à renconlriT Ners Kali.slxjnne la j^auche de
Bell(;i;arde et de KoUoNViatii. Le sii2;nal des premières
liostilités était éii;alenient donné pour le commence-
ment d'avril en Italie et en Pologne, aussi bien qu'en
Bavière et en Bohème.
Toutefois on ne pouvait pas, sans pousser la dis-
simulation fort au delà des bornes permises, conti-
nuer à parler de paix lorsqu'on mettait les armées
en marche , et qu'on leur expédiait l'ordre de fran-
chir les frontières sous une quinzaine de jours. C'eut
été trop imiter sur terre la conduite des Anglais sur
mer, lesquels enle\ aient ordinairement le commerce
de l'ennemi sans aucune déclaration préalable.
Communica- D'aillcurs OU n'était pas tellement assuré de la vic-
tion ordoniue , . , . ^ • • i < i i i •.
à M. de tone qu on osât transgresser amsi les règles du droit
poîrtenTHkju ^^^ S^"^? ^^'^^^ l'espérancc de les violer impuné-
de déclaration ment. Eu conséqucuce, on ordonna à M. de Metter-
de guerre.
nich de faire au cabinet français une déclaration
préalable, (jui servît de transition entre le langage
de la paix et le fait même de la guerre.
Le 2 mars, elïectivement , 3L de Metternich se
présenta à Paris chez le ministre des affaires étran-
gères, M. de Champagn\ , et lui déclara au nom de
sa cour, que l'arrivée subite de l'empereur Napo-
léon à Paris, linvilation adressée aux princes de la
Confédération de réunir leurs contingents, certains
articles de journaux, divers mouvements des trou-
pes françaises, la décidaient à faire sortir ses ar-
mées du pie<l de paix où elles avaient été tenues
jusque-là, mais qu'elle n'adoptait cette résolution
que parce (pi'elle y était forcée par la conduite du
Mars 1809.
HATISBOXNE. 91
gouvernement français, et que du reste elle prenait
ces précautions indispensables sans se départir en-
core de ses intentions pacilnpies,
M. de Champagny répondit à cette conununica- Réponse
tion avec froideur et incrédulité, disant que ce pas- cham^^ify a
sage du pied de paix au pied de guerre datait de six '^ communi-
^ * * cationdeM.de
mois, que depuis six mois en effet on se préparait Mcttemicii.
en Autriche pour de prochaines hostilités, que l'em-
pereur Napoléon ne s'y était pas trompé, et que de
son côté il s'était mis en mesure; que les alarmes
qu'on affectait aujourdhui ne pouvaient être sin-
cères, car lorsque les Français occupaient la Silésie
avec des armées formidables, l'Autriche ne s'était
pas crue menacée, tandis qu'à présent que la plus
grande partie des troupes françaises avaient passé
en Espagne , elle aifectait les plus vives inquié-
tudes ; que ce ne pouvait être là un langage de
bonne foi ; qu'évidemment la politique anglaise
l'avait emporté à Vienne; qu'on s'y croyait prêt,
et qu'on agissait parce qu'on supposait le moment
favorable pour agir, mais qu'on ne surprendrait pas
la France, et qu'on n'aurait à imputer qu'à soi les
conséquences de la guerre, si ces conséquences
étaient désastreuses,
M. de Metternich , amené à s'expliquer davan-
tage, se plaignit alors et du silence observé à son
égard par l'empereur Napoléon, et de l'ignorance
dans laquelle on avait laissé l'Autriche pendant
les négociations d'Erfurt. Il sembla attribuer uni-
quement à un défaut d'explications amicales le mal-
entendu qui menaçait d'aboutir à la guerre. M. de
Champagny répliqua avec hauteur que l'Empereur
Mars 1809,
92 LIVRE XXXIV.
ne parlait jtlus à nn amliassadoiir (\\\o, la cour
(rAiitriclic Iroinpail, ou (jiii trompait la cour de
Franco, car rien de ce cpiil a\ail promis n'avait
été tenu, ni la suspension des j)réparalirs militai-
res, ni la reconnaissance du roi Josej)!!, ni le re-
tour à des dispositions pacifiques; ([ue les ex|)li-
cations étaient donc inutiles avec le représentant
d'une cour sur les paroles de laquelle on ne pou-
vait plus compter; que ce n'était pas la personne
de M. de Metlernich qu'on traitait aussi froide-
ment, mais le représentant d'un |:2;ouvernement in-
fidèle à toutes ses promesses; cpie l'Autriche avait
sauvé les Anglais en passant l'Inn en 1805, lors-
que Napoléon s'apprêtait à franchir le détroit de
Calais; qu'elle venait de les sauver encore une
fois en empêchant Napoléon de les poursui\Te en
personne jusqu'à la Coroene; qu'elle avait ainsi à
deux reprises empêché le triomphe de la France
sur sa rivale, et le rétablissement d'une paix so-
lide, nécessaire à l'univers; qu'elle en porterait la
peine, et qu'elle ne trouverait cette fois Napoléon
ni moins prompt, ni moins préparé, ni moins ter-
rible que jadis.
Après (piclques autres plaintes de la même na-
ture, les deux ministres se quittèrent sans aucune
ouverture qui permît d'espérer une chance de paix,
M. de Metlernich paraissant déplorer la guerre, car
son esprit lui en faisait prévoir les conséquences
funestes, et sa situation à Paris lui faisait regret-
ter le séjour de cette capitale; M. de Champagny
ne paraissant pas craindre une nouvelle lutte,
montrant de plus l'irritation d'un sujet dévoué
Mars 1809.
mciliatc.
RATISBON'NE. 93
qui ne trouvait jamais aucun toit à son maître \
Napoléon, quoique porté à croire à la paix par
le désir qu'il avait de la conserver, ne put désor- Napoléon
, . ^ , . , . désabusé , et
mais plus y cron-e après la communication que ncspérant
M. de Metternich venait de faire au ministre des p'"* '^ p^'^'
fait toutes ses
relations extérieures. Aussi fut-il saisi de cette ar- tiispositions
pour
deur extraordinaire qui s'emparait de lui quand uncguerrcim-
les événements s'aggravaient , et dans les journées
des 3 et 4 mars il donna ses ordres avec une acti-
vité sans égale. Le désir et l'espérance de la paix
n'avaient point agi sur lui comme sur les âmes fai-
bles, et ne l'avaient point induit à ralentir ou à
négliger ses préparatifs. Il s'était comporté au con-
traire comme les âmes fortes, qui tout en se li-
vrant au plaisir d'espérer ce qui leur plaît, se
conduisent en vue de ce qui leur déplaît. Dans la
persuasion où il était d'abord que l'Autriche ne
pourrait pas agir avant la fin d'avril ou le com-
mencement de mai , il avait assigné comme points
de rassemblement : Augsbourg pour le général Ou-
dinot, Metz pour les divisions Carra Sainl-Cyr et
Legrand, Strasbourg pour les divisions Boudet et
Molitor, Wurzbourg pour le maréchal Davout. Il
avait choisi ces points parce que dans ses profondes
comlîinaisons ils convenaient mieux pour la réu-
nion de tous les éléments qui devaient concourir à
ses nouvelles créations. Sur-le-champ il en choisit
d'autres plus rapprochés de l'ennemi, et il accéléra
' Ce n'est point sans des documents positifs que nous retraçons cet
entretien, car il fut transcrit à l'instant même sous forme de demandes
et réponses par M. de Champagny, et communiqué à l'Empereur. Il
existe aux archives des affaires étrangères.
Mars 1809.
9i I.IVHE XXXIV.
tous les envois <rii()iiiiiies et de nmteriel vers ces
nouveaux points. l'Ini fut désigné pour le rassem-
l)lement des quatre divisions Boudel, Molilor, Carra
Saint-Cyr et Lettrand. Les deux premières, déjà en
route de Lvon sur Strasl)ourij;, eurent ordre de se
détourner vers Béfort, et de se rendre droit à Ulm,
en traversant la foret Noire par la route la plus
courte. Les divisions Carra Saint -Cvr et Lep;rand
eurent ordre de ne point s arrêter à Metz, et de
marcher par Strasbourg; à Ulm, sans perdre un in-
stant. Les renforts, les envois de matériel, furent
immédiatement dirigés sur la liirne quelles devaient
suivre, de manière à les joindre en route, et à les
compléter chemin faisant. Très-heureusement ces
troupes étaient assez vieilles pour que leur orga-
nisation n'eût pas à souffrir d'une semblable pré-
cipitation. Le corps dOudinot, en marche déjà sur
Augsbourg, n'était pas dans des conditions aussi
l)onnes. D'une réunion accidentelle de grenadiers
et de voltigeurs, il avait du passer à une formation
de quatrièmes bataillons, L'Empereur fit partir dix
jours plus tôt les grenadiers et voltigeurs sortis de
la garde pour fournir les deux compagnies d'élite
de ces quatrièmes bataillons, et les fusiliers tirés
des dépôts pour en fournir les quatre compagnies
du centre. Mais c'est tout au plus si on pouvait es-
pérer qu'à l'ouverture des hostilités ce corps aurait
ses bataillons à quatre compagnies au lieu de six,
qu'il serait de deux divisions au lieu de trois, de
20 mille hommes au lieu de 30 mille. De plus il
devait se former presque en présence de l'ennemi.
Mais l'esprit militaire du temps, l'expérience des
RATISBONNE. 95
ofiiciers, des soldats, des t^énéraux, la chalour
qui animait et soutenait tout le monde devait sup-
pléer à ce qui mantiuait.
Pour le corps du maréchal Davout, appelé en-
core armée du Rhin , Napoléon ne changea pas le
point de rassemblement. Il y dirigea en toute hâte
les renforts destinés à compléter les trois pre-
miers bataillons de guerre, et les détachements
qui devaient servir de premiers éléments à la com-
position des quatrièmes bataillons. Chacune des
divisions de cavalerie et d'infanterie ayant à passer
par Wurzbourg devait y trouver le matériel et le
personnel qui lui appartenaient. Il ordonna seule-
ment au maréchal Davout, dont le quartier géné-
ral était à Wurzbourg, de porter sur-le-champ ses
divisions dans le Haut-Palatinat, de manière à en
avoir bientôt une à Bayreuth , une à Bamberg, une
à Nuremberg , une à Ratisbonne , afin de faire face
aux troupes autrichiennes de Bohême. Napoléon
était si pressé que pour hâter le départ des re-
crues, il eut recours à une mesure fort irrégulière,
et qui , sous une autre administration que la sienne,
aurait eu de graves inconvénients, et amené de sin-
gulières confusions. Certains dépots abondaient en
conscrits instruits et habillés, tandis que d'autres
en manquaient. Il ordonna de faire partir les con-
scrits déjà prêts pour les régiments qui en avaient
besoin , qu'ils appartinssent ou non à ces régi-
ments. On devait seulement avoir soin quand ils
seraient arrivés au corps de changer les boutons de
leurs habits, pour qu'ils portassent les numéros des
régiments dans lesquels on les versait. Napoléon em-
Mar8<809.
Mara «809.
96 LIVRE XXXIV.
ploya en outre la précaution de ne pas faire connaî-
tre aux chefs des dépôts la destination des conscrits
qu'on leur demandait, de peur que, ne s'intéressant
plus à eux, ils ne leur donnassent des équipements
de rebut. Il prescrivit la même disposition pour la
cavalerie légère. Il fit partir tout ce qu'il y avait
de chasseurs et de hussards déjà formés, sans s'in-
quiéter davantage de les envoyer aux régiments
auxquels ils appartenaient, ordonnant seulement
d'observer le plus possible dans l'incorporation les
ressemblances d'uniforme. Cependant comme on ne
pouvait pas mêler des hussards à des chasseurs, à
cause de l'extrême différence de l'équipement, et
qu'il y avait plus de hussards qu'on ne pouvait en
employer, il en composa des escadrons de guides,
destinés à servir dans l'état-major de chaque corps
darmée, afin d'épargner à la cavalerie légère le ser-
vice des escortes, qui la condamne à de nombreux
détachements et à une fâcheuse dissémination.
Nous donnons ces détails dans l'intention de faire
comprendre à quels expédients Napoléon était réduit
pour avoir envoyé ses principales ressources en Es-
pagne. Après avoir vaqué à ces divers soins, il s'oc-
cupa dorganiser les cinquièmes bataillons. Il desti-
nait ces derniers, comme nous l'avons dit, outre
leur rôle naturel de dépôts , à former des réserves ,
soit pour garantir les côtes des tentatives de l'Angle-
terre , soit pour rendre disponibles un certain nom-
bre de quatrièmes bataillons actuellement employés
au camp de Boulogne, soit enfin pour parer aux
diverses éventualités de la guerre. Ayant déjà de-
mandé 80 mille hommes sur la conscription de 1 81 0,
RATISBONNE. 97
il en voulut lever encore 30 mille, [)()ur porter l'ef-
fectif des cinquièmes bataillons à 1 ,200 hommes au
moins, et de plus il résolut de prendre sur les con-
scriptions passées, malgré les appels réitérés qu'on
venait de leur faire, 1 0 mille hommes robustes pour
sa garde. Il prescrivit que ceux des cinquièmes
bataillons qui seraient formés les premiers fussent
réunis en demi-brigades pro^ isoires, de deux, trois
ou quatre bataillons chacune, àPontivy, Paris, Bou-
logne, Gand, Metz, Mayence, Strasbourg, Milan.
Quant aux 1 0 mille conscrits appelés sur les classes
antérieures , il voulut les employer à donner un dé-
veloppement tout nouveau à la garde impériale. Il
avait aux régiments de grenadiers et de chasseurs
composant la vieille garde, ajouté en 1807 deux
régiments de fusiliers, qui avaient très-bien servi.
Il venait d'imaginer les tirailleurs, il imagina en-
core les conscrits, en variant les noms suivant les
circonstances de chaque création. Il se décida donc
à créer quatre régiments de tirailleurs, quatre de
conscrits , ce qui devait porter à 20 mille hommes au
moins l'infanterie de la garde, et à 23 mille le corps
tout entier, en y comprenant sa magnifique cava-
lerie, et son artillerie accrue de 48 bouches à feu.
Bientôt les jeunes soldats devaient y égaler les vieux
en esprit mihtaire, et avoir de plus la supériorité de
la force physique, apanage ordinaire de la jeunesse.
Aucune conception n'attestait mieux la profonde
connaissance que Napoléon avait des armées, et l'in-
épuisable fécondité de son génie organisateur. En
outre il disposa tout pour faire venir en poste la vieille
garde de Bayonne à Paris, de Paris à Strasbourg.
TOM. X. 7
Mars 1809.
'»S I IVHE \\\IV.
Il 11 civail atlrossô (iniiii avis aux piincos de la
Mars I «09. , . , • ,
(.onlcdc'ialioii ilii Uliiii. A partir du 2 mars li leur
uéunion intima des ordres, comme chef de celte Confédéra-
des
..iitingents fioii. Il demanda ;i la liaxière AO mille hommes, afin
de , . . ..
laconfédcra- <l ciî avoir 30 mille, (|u il plaça sons le eommande-
lion du luiin. j^^^.j„ ^,j, ^j^.,|^ maréchal l.efebvre, qui savait l'alle-
mand, et (jiii au leii était toujours ditrne de la
lîrande armée, i.e loi de Bavière aurait désiré que
son iils' commandât les troupes bavaroises, Napo-
léon ne le voulut jias. — Il faut, lui dit-il, que vo-
ire armée se batte sérieusement dans cette campa-
ijne, car il s'agit de conserver et d'étendre même
les a.erandissements que la Bavière a reçus. Votre
Iils, (juand il aura fait avec nous six ou sept cam-
|)ac;nes, pourra commander. En attendant, quil
\ienne à mon état-major; il v sera accueilli avec
tous les égards cpii lui sont dus, et il y apprendra
notre métier. — Par transaction. Napoléon accorda
à ce jeune prince le commandement de Tune des
disisions bavaroises. Napoléon fixa Munich, Lands-
hut, Straubing, comme j^oints de rassemblement
<le ces trois di\isions, assez en arrière de llnu
pour (juellcs ne fussent pas surprises par les Au-
trichiens, assez en avant du Lech et du Danube
pour couvrir nos rassemblements. (Voir la carte
II" I i. , Il demanda au roi de Wurtemberg 12 mille
hommes, qui devaient se léunir àNeresheim, et
servir sous les ordres du général A'andamme, au
choix duquel le roi de Wurtemberg résistait, mais
' Coliii que nous avons vu roi de nos jours, et amené j^ar les événe-
ments à alxIiquL'r la conmnne pour ^^e vouor au culte des arts, aux-
«liiclà il a rendu dans son pays do grands services.
HATISBONNE. 99
(|ue Napoléon Ivii imposa en écrivanl ces propres
paroles : — Je connais les défauts du général Van-
lianime , mais c'est un véritable honmie de guerre,
et dans ce difricile métier il faut savoir pardonne!"
beaucoup aux grandes qualités. — Napoléon ré-
clama du grand-duc de Baden une di\ision de 8 à
10 mille hommes, et une de pareille force du duc de
Hesse-Darmstadt. Elles de\aient se réunir vers la
tin de mars à Pforziieim et à Mergenlheim. Quant
aux moindres princes, les ducs de Wurzbourg,
de Nassau, de Saxe, il en exigea une division coni-
posée'[de leurs contingents agglomérés, laquelle
«levait rejoindre à Wurzbourg le quartier général
du maréchal Davout. Il demanda au roi de Saxe -20
mille Saxons en avant de Dresde, 23 mille Polonais
en avant de Varsovie. Ces contingents formaieni
ensemble I 10 à 1 15 mille hommes, en réalité 100,
dont 80 mille Allemands et 20 mille Polonais. Le
maréchal Bernadotte, venant des villes anséatiques
avec la division française Dupas, était chargé de
|)renih'e les Saxons sous son commandement, et de
lejoindre ensuite la grande armée sur le Danube,
Les Polonais couverts par le voisinage des Russes
suftîsaientpour^garder Varsovie. Les événements de
la guerre pouvant amener l'abandon momentané de
Dresde et de Munich, Napoléon fit dire aux deux
souverains qui régnaient dans ces deux capitales, de
se tenir prêts à quitter leur résidence, pour se por-
ter au centre de la Confédération, leur offrant, si un
court voyage en France leur plaisait, de mettre à leur
• lisposition toutes les habitations impériales magni-
fiquement desservies. Il fit ordonner en outre à son
7.
MarsiKOf).
Mars 1800.
100 1.1 \ ht: x.\.\iv.
fivre Jérôme de réunir il) mille Ilossois, et à son
frère Louis 20 mille IIoIIjiikIjus, double force sur
la(|uelle il compUiit j)eu, parce que le premier ;i(I-
ministriiit sans économie son nouveau royaume, et
que le second au contraire admiiiistiait le sien avec
toute la parcimonie liollandaise.
Distribution Ces forces ainsi préparées, voici rori^anisalion
do larméc , , x- i ' n ■ •» i
d Aïkma-n.^ quc Icur (lomu» INapolcon. Il n avait sous la maiu
^pnncipa*uT^ (pi'une partie de ses marécliaux, puisque quatre
d'entre eux, Ney, Soult, Victor, Mortier, servaient
en Espa£;ne. Parmi ceux dont il pouvait disposer,
il y en avait trois qu'il appréciait plus que tous les
autres, c'étaient les maréchaux Davout, Lannes,
Mas.séna. Il résolut de partager entre eux la masse
de l'armée française, en agrandissant leur rôle et
leur commandement , et en leur confiant cinquante
mille hommes à chacun. Masséna avait déjà com-
mandé des forces plus considérables, mais Davout
et Lannes n'avaient pas encore eu cet honneur,
Corps dont ils étaient d'ailleurs fort dignes. Le maréchal
*^"Davou?^' Davout dut conscrvcr de l'armée du Rhin ses trois
anciennes divisions, Morand, Friant, Gudin, les
cuirassiers Saint-Sulpice , une division de cavalerie
légère , une quatrième division d'infanterie sous le
général Demont , composée des quatrièmes batail-
lons de ce corps, le tout formant cinquante mille
soldats aguerris, les premiers, sans aucune compa-
raison, que possédât la France à cette époque. Ce
coJi)s |)lacé entre Bayreuth, Amberg, Ratisbonne,
a\ait cette dernière ville pour point de réunion. La
Corps division Sainl-Hihiire, détachée de l'armée du Rhin,
du maréchal . i • i >
Laïui.-s. avec une portion de cavalerie légère et les cuiras-
Mars i 809.
Corps
HATISBONNE. 401
siers du général Espagne, jointe aux trois divisions
d'Oudinot , devait composer un autre corps d'une
cinquantaine de mille hommes, sous l'illustre marc-
«hal Lannes, et se concentrer à Augsbourg. Napo-
léon y ajouta une brigade de ! ,500 à 2 mille Por-
tugais, choisis dans ce qu'il y avait de mieux parmi
les troupes de cette nation cantonnées en France,
ennuyées de ne rien faire , et mieux placées à l'ar-
mée que dans l'intérieur. Il y joignit aussi les chas-
seurs corses et les chasseurs du Pô, troupe brave
et éprouvée. Les quatre divisions Carra Saint-Cyr,
Legrand , Boudet , Molitor, avec une belle division ^" mar.cbai
^ ^ ' ' Masséna.
de cavalerie légère, avec les Hessois, les Badois,
devaient composer un autre corps de même force, et
se réunir à Ulm sous l'héroïque Masséna. Les cui-
rassiers et les carabiniers sous le général Nansouty,
une nombreuse division de cavalerie légère, les
<lragons organisés comme nous l'avons dit ailleurs,
devaient composer sous le maréchal Bessières, en
l'absence de Murât, une réserve de 14 à 15 mille
cavaliers. La garde, forte d'une vingtaine de mille
hommes, devait porter à 190 mille Français, les
])arcs compris, cette masse principale concentrée
entre Ulm, Augsbourg et Ratisbonne. Les Bavarois,
sous le maréchal Lefebvre, formaient en avant un
excellent corps auxiliaire d'une trentaine de mille
hommes. Le maréchal Augereau en formait un en
arrière avec les Wurtembergeois , les Badois et les
Hessois. Enfin, plus en arrière, le prince Berna-
dotte, comme on l'a vu, devait commander les
Saxons. C'étaient, par conséquent, cinq corps fran-
çais , dont deux de réserve , ayant un corps auxi-
Mars 1 80».
102 I.IVHK \\\l\ .
liaire en a\ant. deux en arrière, le tout mêlé de
\ieiix et jeunes soldats, animés du souOle de Na-
poléon , ne laissant rien à désirer sous le rapport de
la bra\oure, laissant l)oaucoupà désirer sous le rap-
port de l'expérience et de I ùire, mais, tels quels,
parfaitement propres à maintenir à sa hauteur pré-
sente la iïloire de la France. Le prince Bertliier fut
nonnné niajor ijénéral, et M. Daru intendant de cette
armée. Napoléon s'en constitua le conmiandant en
chef. Elle reçut le titre darmée d Alleniagne, et non
plus celui de iïrande armée, la jurande armée mal-
heureusement nétant plus en Allemap;ne ni en Italie.
mais en Espaiïne.
piuii Le projet de Napoléon était de marcher droit de
campagne [{^tj^j^Qj^j^g «^^P Vienne , par la grande route du Da-
?>japoicon. nube, et de confier à ce fleuve son matériel, ses
malades, ses écloppés, toute la partie pesante entin
de son armée, ce qui supposait dès le début quelque
terrible coup porté aux Autrichiens. Gest dans cette
vue qu'il avait fait acheter quantité de bateaux sur
tous les fleuves de la Bavière, pour les faire succes-
sivement descendre dans le DanuJje, à mesure quil
franchirait les affluents de ce p:rand lleuve. C'est en-
core dans cette vue qu'il avait tiré de Bouloirne
1,200 des meilleurs marins de la flottille, pour les.
ajouter à la û;arde.
C'était donc à Ratisbonne qu'il avait l'intention
de concentrer ses forces, en néij:liii:eant le Tvrol et
laissant les Autrichiens s'v enfi;atî;er tant qu'il leur
plairait , certain de les envelopper et de les prendre
entre son armée d'Allemaijne et celle d'Italie, s'ils
ne se hâtaient pas de rétroirrader. (Voir la carte
RATISBONNH. 403
n" 14.) Toutefois il a\ait ordonne d'exécuter des
travaux à Augsbourtï, de creuser et de rempli!-
deau les fossés, de palissader lenceinte, de con-
struire des tètes de pont sur le Lecli , de manière à
couvrir son flanc droit par un poste fortifié , tandis
qu'il marcherait la gaucho en avant. C'était sa seule
précaution projetée du côté du Tyrol, et elle suf-
fisait parfaitement.
Le point de départ de Ratisbonne était adopté
dans la supposition que les Autrichiens ne pren-
draient pas l'offensive avant la fin d'avril. S il en
était autrement, et s'ils agissaient pjus tôt, Napo-
léon avait fixé les yeux sur un point de départ moins
avancé en Bavière, et, au lieu d'amener d'Augs-
bourg à Ratisbonne les troupes qui se seraient for-
mées sur ce premier point , pour les joindre avec
celles qui seraient arrivées de ^^'urzbourg sous le
maréchal Davoiit , il se proposait de choisir un
point intermédiaire, tel que Donauwerth ou Jn-
golstadt (voir la carte n" 14), pour y faire des-
cendre le rassemblement d'Aussbourû;, et \ faire
remonter celui de Ratisbonne. Aussi voulut-il avoir
des ma2;asins délivres et de munitions, non-seu-
lement à Augsbourg, mais à Donauwerth et à In-
golstadt, qui pouvaient devenir éventuellement le
lieu de la concentration générale, et le point de dé-
part de la marche sur Vienne. Ainsi Ratisbonne,
dans le cas d'hostihtés ditlerées, Donauwerth ou
Ingolstadt, en cas d'hostilités immédiates, devaient
être ses premiers quartiers généraux. Le major gé-
néral Berthier, dépéché à l'avance , partit avec ces
instructions. M. Daru en reçut de pareilles pour les
Mars 1809.
<04 LIVRE \X\1V.
nioiiNonionls du lïKih'iicl. Dos sorviVos (roslarclle
Mars < 809.
fiirciil ('lal)lis ciilio Aiii^shomi; cl Slrasl)ourii; il un
cote, entrer Winzboiir:;; cl Mayentc de l'autre, pour
joindre l<'s lii^nes lclé|L;ra|)lii(jucs de la frontière, et
expédier elKupic jour ii Paris des nouvelles du
théâtre do la guerre. Des relais de poste furent ex-
traordiuaireuienl disposés pour que Napoléon put
franchir rapidement la distance de la Seine au Da-
nube. Ainsi préparé il attendit les mouvements des
Autrichiens, voulant rester à Paris le plus long-
temps possible, alîndauimer de sa volonté l'adminis-
tration de la guerre, avant d'aller animer de sa pré-
sence l'armée destinée à cond)altre sous ses ordres.
Ordres relatifs A CCS dispositions s'eu joignirent quelques autres
arEspagnect relatives à l'Italie, à l'Espagne et à la marine. Na-
à la manne. p^jf^Qi^ réitéra à Murat l'ordre d'acheminer une
brigade sur Rome, j)Our rendre disponible la di-
vision Miollis. Il traça au prince Eugène la direction
selon laquelle il devait attaquer les Autrichiens,
lui ordonna de masquer par quelques troupes lé-
gères la route de la Carniole par Laybach , et de
porter les cinq divisions françaises , Seras , Brous-
sier. Grenier, Lamarque , Barbou, d'Udine à la
Ponteba, pour déboucher par Tarvis sur Klagen-
furth, dans la Carinlhie, route directe de la Lombar-
die à Vienne. Il avait fait partir de Toulon quelques
bâtiments pour l'Adriatique, avec l'instruction de
garder les meilleurs sous voiles, et de désarmer les
autres, afin de se procurer à Venise 12 ou i,oOO
matelots français, qui seraient fort utiles à la dé-
fense de la place. Il enjoignit à sa sœur Élisa ,
gouvernante de la Toscane, de veiller sur la tran-
RATISBONNE. 105
(jiiillité de cette contrée, car le mécontentement,
se répandant des pays ennemis dans les pays amis,
agitait déjà l'Italie. Napoléon y envoya une colonne
de gendarmes français, pour y organiser une gen-
darmerie italienne, prescrivit de mettre en état de
défense les châteaux de Florence, de Sienne, de
I.ivourne, afin d'avoir des refuges contre de nou-
velles vêpres siciliennes, tant sa prévoyance re-
«'onnaissait elle-même les dangers de son impru-
dente politique.
Quant à l'Espagne, il ordonna à Joseph de conti-
nuer les préparatifs de l'expédition de Portugal, que
le maréchal Soult devait exécuter avec quatre di-
visions, et de n'acheminer le maréchal Victor sur
l'Andalousie que lorsque le maréchal Soult aurait
dépassé Oporto. Il recommanda de bien soigner les
divisions Valence, Levai, Dessoles, Sebastiani, res-
tées à Madrid comme ressource principale de la
monarchie espagnole, et surtout de veiller à ce
que le maréchal Ney avec ses deux divisions con-
tînt vigoureusement le nord de la Péninsule. Il con-
fia au général Suchet l'ancien corps de Moncey,
qui venait d'achever le siège de Sarragosse , avec
ordre de se préparer à marcher sur Valence , dès
que le général Saint-Cyr aurait terminé ses opéra-
tions en Catalogne. Il reporta le 5' corps commandé
par le maréchal Mortier, de Sarragosse sur Burgos,
pour qu'il put au besoin, ou donner la main au
maréchal Ney contre le nord de l'Espagne si cette
région devenait inquiétante , ou repasser en France
si la guerre d'Allemagne exigeait de nouvelles res-
sources.
Mars 1 809.
Mars 1801t.
406 IJVIU-: \\\1\.
S'ocrupanl onfin de fairo ronrouiir In marine à
ses opérations, Napoléon ordonna à I aniiial Wuil-
launiez de partir- de Brest avec deux vaisseaux
de 120, et six de 7i; de se rendre devant Lo-
rient et RochoTort, où les contre-aniiranx Troude et
Lhennitte se trouvaient chacun avec une division ;
de les dél)lo(picr, de les conduire jusqu'aux An-
tilles, ou ceux-ci devaient porter des vivres, des
munitions, des recrues, et recevoir en échange des
denrées coloniales; de revenir ensuite en Europe,
et de rallier l'amiral Ganteaume à Toulon, pour \
prendre part à diverses expéditions dans la Médi-
terranée. Tandis que lamiralWuillaumez allait exé-
cuter cette course, l'amiral Ganteaume devait sortir
de Toulon avec son escadre, et porter à Barcelone
un approvisionnement considérable en poudres,
projectiles et grains. Dans lEscaut le contre-amiral
.AJlemand eut ordre de faire sortir l'escadre de Fles-
singue, de la tenir en rivière, toujours prête à met-
tre à la voile, ce qui ne pouvait manquer d'offus-
quer les Anglais, et d'occuper une notable partie
de leurs forces. Napoléon enjoignit, en outre, à l'ad-
ministration de la marine de réunir une certaine
quantité de chaloupes canonnières aux bouches de
l'Escaut et de la Charente, pour y garder toutes les
passes, et y veiller aux tentatives de destruction
que les Anglais allaient probablement essayer con-
tre les escadres mouillées dans ces parages. Il or-
donna au ministre Decrès de partir pour les côtes,
le jour où il partirait lui-même pour l'Allemagne,
afin de présider à la ponctuelle exécution de ces di-
verses instructions.
Avril 1809.
RATISBONNE. lOT
Tout à coup, pendant (pie Napoléon faisait ainsi
ses dernières dispositions, on apprit que les Autri-
cliiens avaient poussé la hardiesse iusquà saisir à , a restât iou
^ o 1 (I „„ courrier
Braunau un courrier français porteur de dépêches français,
de la légation de Arienne à la légation de Munich. repVéTai'ifes
Ce courrier était un ancien otiicier français , établi i arrcîation
à Vienne, et qui abandonnant cette capitale au mo- '-^^^ courriers
^ ^ autrichiens.
ment de la guerre, s'était chargé de divers plis
pour les ministres de sa nation. L'enlèvement des
dépêches qui lui étaient confiées, malgré ses vives
protestations, malgré le cachet des deux ambas-
sades qui aurait dû les faire respecter, parut à Na-
poléon l'équivalent dune rupture. 11 se li\ra à la
plus violente colère, fit adresser de véhémentes
interpellations à M. de Metternich, et prescrivit, à
titre de représailles, l'arrestation immédiate des
courriers autrichiens sur toutes les routes. Ses or-
dres exécutés à- la rigueur, et sans délai, lui pro-
curèrent sur le chemin de Strasbourg l'enlèvement
de dépêches fort importantes. Il les lut avec grande imminence
attention, et en conclut que les hostilités commen- "^J'.-éiéepaf
ceraient à la mi-avril. La demande de ses passe- 'es dépêches
^ _ de 1 un
ports faite par M. de Metternich acheva de lui des courriers
(irrêtôs
révéler 1" imminence du danger, et il ordonna au
major général Berthier de se rendre à Donauwerth,
soit pour réunir Tarmée à Ratisbonne si on en
avait le temps , soit pour la replier derrière le Lech
vers Donauwerth si le temps manquait, sauf à
occuper Ratisbonne par une division du maréchal
Davout. Du reste, toujours lœil sur le télégraphe,
Napoléon se tint prêt à partir au premier signal.
Les hostilités dont il assignait le commencement Premiers
«08 LIVHE XWIV.
(lu I") au ;20 a\nl, coininciuèTt'nt un peu plus tôt
Avril 1809. ' ' '
(piil nr 1 ;i\ail nu. I/onlrc, en eliet, elait donné eu
mouvomcnts \\h\\q (jq Bavière, en Bohème, trouviir la cainnai^ne
des ' ' ' 1 • '
Aiiirichicnsen <l(i 9 au 1 0 aM'il. Lc lieutenant i^ènèral lîellei^arile,
Bohême et . .... -ni i
en Haviorc. <pH coinmaudait les cin(piante mille Jujinmes des-
tinés à déboucher par la liolième, passa la fionlière
du Ilaul-Palatinat sur deux points, Tirschenreit et
Wernherir. Les quatre corps des lieutenants f^éné-
raux Hohenzollcrn, Rosenherg, archiduc Louis,
Ililler, et les deux corps de réserve Jean de Liech-
tenstein et Kienmaver, formant avec l'artillerie une
masse d'environ 1 40 mille liommes , se trouvaient
le r*" avril le long de la Traun, et le 9 avril le
long de rinn, iVonlière franco-bavaroise, dont la
violation allait décider la guerre, et amener Tune
Signification Jes plus saui^laules cami)agnes du siècle. Le 9 au
de 1 archiduc . ' . ..,,,,
Charles au roi SOU', l'aichiduc Cliarlcs, qui s'était mis a la tête de
de Bavière, , . -'t-i --ii'
et passage SCS ti'oupes, et qui était suivi de 1 empereur, venu
à Lintz pour être plus près du théâtre de la guerre,
envoya l'un de ses aides de camp au roi de Ba-
vière, avec une lettre annonçant qu'il avait ordre
de se porter en avant, et de traiter en ennemies
toutes les troupes qui lui résisteraient. Il aimait,
disait-il, à croire qu'aucune troupe allemande ne
ferait obstacle à l'armée libératrice qui venait dé-
livrer rAllemagne de ses oppresseurs. Cette lettre
fut la seule déclaration de guerre adressée à la
France et à ses alliés. Pour toute réponse le roi de
Bavière quitta sa capitale afin de se rendre à Augs-
bourg, et les troupes bavaroises, campées sur
risar, à Munich et Landshut, eurent ordre de ré-
sister. Le maréchal Lefebvre en avait déjà pris
le l'Inn le 10
avril 1809.
RATISBONNE. 409
le commandoment pour les conduire à l'ennemi.
Le 1 0 avril au matin larmée autrichienne s'é-
branla tout entière pour franchir Tlnn et conunen-
cer la guerre. Elle ne savait pas bien exactement
où étaient les ï'rançais, mais elle était inlbrmée
qu'il y en avait à Ulm, à Augsbourg, surtout à
Ratisbonne, où se dirigeait le maréchal Davout ;
elle espérait les surprendre dans cet état de dis-
persion , atteindre le Danube avant leur concentra-
tion définitive, le passer entre Donauwerth et Ra-
tisbonne, se joindre par sa droite avec le corps de
Bellegarde, et envahir victorieusement le Haut-Pa-
latinat, la Souabe, le Wurtemberg. Le corps de
Hiller, celui de l'arcliiduc Louis, le deuxième de
réserve, formant une masse de 58 mille hommes,
et ayant le prince généralissime à leur tête, fran-
chirent l'hin à Braunau môme, le 1 0 a^ril au matin.
(Voir la carte nM 4.) Le corps de Hohenzollern,
fort de 27 ou 28 mille hommes, le passa au même
instant au-dessous de Mnhiheim. Enfin le quatrième
corps avec le premier de réserve, présentant une
masse de 40 mille hommes, exécuta son passage
à Scharding, assez près du point où l'Inn se jette
dans le Danube. A l'extrême gauche la division Jel-
lachich, d'environ iO mille hommes, après avoir
passé la Salza, fut dirigea sur Wasserbourg, pour
y traverser l'Inn et marcher sur Munich. A l'extrême
droite la brigade Vecsay, qui comptait o mille hom-
mes, et se composait de troupes légères, dut lon-
ger le Danube pour éclairer l'armée sur sa droite et
occuper Passau , place importante à la jonction de
l'Inn et du Danube. Sentant l'importance de ce point,
Avril 1809.
Avril 1809.
lit) I.IVHE XWIV.
Napoléon iia\aiL cessé (ra(lii'>.sei' aux lia\aiois(lc
pressantes reconniiandations pour qu'on mît la place
lie Passau en éUil de défense, et a%ait môme envoyé
des oOkiers français avec les fonds nécessaires à
l'exécution des travaux. .Aïais rien n'avait été fait à
temps, et le commandant bavarois ne put que se
rendre aux Autrichiens, (tétait un regrettable point
d"a|)|»ui (juon leur avait livré par négligence, et
dont ils pouvaient tirer plus taid un ])arli très-avan-
tageux.
Direction L luu franchi, les Autrichiens marchèrent sur trois
.]uesujven (.^Iqj^j^çj^ pour se rapprocher de llsar, où ils «le-
Autrichiens yaignt, rcucontrcr les troupes bav aroises et tirer les
après '
le passage premiers coups de fusil. Quoi{}u"ils se fussent ap-
plicjués à rendre leur armée plus mobile, ils s'avan-
cèrent lentement, par habitude d'al)ord, par le
mauvais temps ensuite, et enfin par reml)arras de
leurs magasins. Songeant à faire la guerre d'inva-
sion, et ne sachant pas vivre partout comme les
Français, ils avaient imaginé de substituer à leurs
immenses dépots de demées alimentaires des maga-
sins ambulants, qui devaient les suivre dans leurs
mouv ements. Ils espéraient de la sorte pouvoir imi-
ter plus facilement les concentrations sul)ites et or-
dinairement décisives de Napoléon. A ces magasins
s(; joiguaieul un fort bel équipage de pont et un
ijiuuens(i matériel daitillerie. Ils restèrent donc em-
bourbés pendant j)lusieurs jours entre l'Inn et Tlsar,
et n'arrivèrent que le 15 devant ce dernier fleuve.
Jusque-là ils navaient aperçu (pie des patrouilles
de cavalerie bavaroises, qu'ils avaient afl'ecté de ne
pas attacjuer, pour ])rolonger une illusion qui leur
Avril isno.
le J6 avril.
RATISBONNE. Ilf
plaisait, et qui leur persuadait qu'ils ne rencontre-
raient pas d'hostilités de la part des Allemands.
L'archiduc s'apprêta à passer l'isar devant Landshul
le lendemain 16 (voir la carte n° 46), et cette fois
il ne pouvait plus ni se faire illusion, ni en faire à
personne, car les Bavarois liordaient le fleuve avec
toutes les apparences de ii;ens résolus à se défendre.
Il changea un peu la disposition de ses colonnes Passage
. , . , de risar dc-
l)0ur cette opération importante, qui était la pre- vantLandshut
mière de la a;uerre , et que pour ce motif il fallait
rendre prompte et décisive. Il détacha de sa gauche
le corps de Hiller vers Moosbourg, afin de préserver
l'opération qui allait se faire devant Landshut de
toute opposition du côté de Munich. Il rapprocha
du corps de l'archiduc Louis, qui restait seul par
la séparation du corps de Hiller, celui de Hohen-
zollern, et leur prescrivit à tous deux de forcer le
|)assage de l'Isar devant Landshut même. Il plaça
en colonne en arrière les deux corps de réserve.
H ordonna au corps du prince de Rosenberg, qui
tenait la droite, de passer Tlsar ^ers Dingolfmg,
point où l'on n'avait à craindre aucune résistance,
et d'envoyer ses troupes légères à Ebelsbach, pour
oter à l'ennemi le courage de tenir à Landshut en
voyant l'Isar passé au-dessous. Enfin la brigade
Vecsay, déjà lancée le long du Danube, devait
pousser ses courses jusqu'à Straubing, fort près
])ar conséquent de Ratisbonne , afin de se procurer
des nouvelles des Français.
Le 16 au matin, l'archiduc Charles, dirigeant
lui-même le corps de l'archiduc Louis, dont le gé-
néral Radetzki commandait l'avant-garde, s'avança
112 LIVRE \XXIV.
sur Luudsliiit pour \ franchullsar. Quand ou vient
Avril t809. , . , i> ' ". -, I
par la roule de Braunau, comme c était le cas pour
les Autrichiens, on descend par des coteaux boisés
sur les bords de Tlsar, qui traverse la jolie ville
de Landshut, et se répand ensuite dans des prairiev'i
verdoyantes. La ville est moitié sur le penchant
des coteaux, moitié sur le bord du fleuve, qui, en
In traversant , se sépare en deux bras. La division
bavaroise Deroy occupait Landshut, et avait mis-
Difcnsc sion de ilisputer le passage. Après avoir évacué la
de l.anJshut -ii i , ^ i . i »• • i i
parla division Ville liautc ct toute la partie qui est sur la rive
r>eroy!et'pàs- ^^''0^^*^ ♦^'^i fleuvc, cUc avait coupé le pont du grand
sage de Usa r ^pas, rempli de nombreux tirailleurs le faubouri:
par les ' . '
Autrichiens, dc wScligcnthal , et s'était rangée en bataille de l'autre
coté des prairies, sur les hauteurs boisées dAltdorf,
qui font face à celles par lesquelles on débouche
sur Landshut. Le général Radelzki, se portant de
la ville haute sur le bord du grand bras et de\ant
le pont coupé, fut accueilli par un feu très-vif de
tirailleurs, auquel il répondit par celui des tirail-
leurs du réaiment des Gradiscans. De son côté lar-
chiduc, profilant des hauteurs pour faire jouer sa
formidable artillerie, en accabla le faubourg de Se-
ligenlhai , situé sur Tautre rive de Tlsar, mil en
ruine cette partie de la ville de Landshut, et la ren-
dit intenable pour les Bavarois qui s'y étaient em-
busqués. Il fil ensuite rétablir le tahlier du {)onl
sur ses appuis encore debout, et le franchit sans
trouver dc résistance dans le faubourg évacué. Vers
midi le corps de l'archiduc Louis déboucha avec
une nombreuse cavalerie, suivi à peu de distance
du corps de Hohenzollern, et vint se déployer de-
RATISBONNE. 413
vant la division bavaroise Deroy, qui était en ba- ■
taille vis-à-vis, sur les hauteurs d'Altdorf. Une vive
canonnade s'engagea entre les Autrichiens et les
Bavarois; mais ceux-ci, recevant la nouvelle que
risar était passé au-dessus vers Moosbourg, au-
dessous vers Dingolfing, se retirèrent en bon ordre,
à travers les bois, par la chaussée de Landshut à
Neustadt sur le Danube. (Voir la carte n° 46.) On
avait perdu de part et d'autre une centaine d'hom-
mes. Les Bavarois, partagés entre deux sentiments,
le déplaisir de se battre pour des Français contre
des Allemands, et leur vieille jalousie à Tégard
des Autrichiens qui voulaient leur oter le Tyrol, se
conduisirent néanmoins très-bien. Ils se replièrent
sur le Danube, dans la foret de Dùrnbach, où déjà
s'étaient retirées la division du prince royal venant
de Munich , et la division du général de Wrède ve-
nant de Straubing. Ils étaient là près des Français,
les attendant avec une extrême impatience.
L'archiduc Charles avait franchi l'Isar à Landshut
avec deux corps, ceux de l'archiduc Louis et du
prince de Hohenzollern. Il était immédiatement suivi
de ses deux corps de réserve, Jean de Liechten-
stein et Kiemnayer. Il avait de plus à sa gauche
occupé Moosbourg avec le corps du général Hiller.
et à sa droite occupé Dingolfing avec le corps de Ro-
senberg. 11 se trouvait donc au delà de l'Isar a^e(•
les six corps d'armée destinés à opérer en Ba\ ière,
et avec une masse d'environ I 40 mille hommes. Il
n'avait plus que quelques pas à faire pour rencon-
trer les Français, car il n'y a de l'Isar au Danube
qu'une douzaine de lieues, et aucun cours d'eau
TOM. X. 8
Avril 1W>.
Avril 4809.
441 LIVRE XWIV.
considéniMc. Mais poiu' franchir cos (loiizo lieues
il avait à traverser de petites ri\irr('s. telles que
TAheiis à eauchc, la t^rosse et la petite Laher à
droite, (les coteaux, des bois, des marais, pays
fourré, obscur, dillieilc 11 fallait beaucoup y pen-
ser a\ant de s'enirairer dans cette réizion dange-
reuse, avec la chance de se heurter à chaque in-
stant contre larniée française, toujours fort re-
doutable (juoique n'ayant pas encore Napoléon à
sa tête. A gauche, l'archiduc Charles avait Augs-
boiirg et l'Im, à droite Ratisbonne. Tout ce qu'il
savait , c'est qu'il y avait des Français à Augsbourg
et à Ulm, sans pouvoir dire quels et combien, et
d'autres Français à Ratisbonne, ceux-ci mieux con-
nus, car c'était le corps du maréchal Davout, dont
l'arrivée dans cette direction était depuis long-temps
Projets aiuuuicée. Le généralissime autrichien forma le
charies"^3prcs Projet de s'avauccr droit devant lui, à travers le
le passaga p^^j. ^.^^•^ ^'éteud de l'Isar au Danube , et d'aboutir a
(le 1 Isur. 1 V T 7
ce dernier fleuve vers Neusladt et Kelheim, en sui-
vant la double chaussée cpii de Landshut conduit
à ces deux points. (Voir la carte n" 46.) Arrivé à
Neustadt et Kelheim, il devait se trouver entre les
deux rassemblements connus des Français, celui
d'Augsbourg et celui de Ratisbonne : il pouvait se
rabattre sur ce dernier point, accabler le maréchal
Davout, enlever Ratisbonne, et donner la main au
général Bellegarde. Disposant alors de près de 200
mille honuues, il lui devenait facile de marcher sur
le Rhin à travers le Wurtemberg, en balavant de-
vaut lui les Français surpris, battus avant d'avoir
pu se réunir. Mais il fallait franchir ce pays près-
Avril ISOil.
RATISBONNE. 415
que impénétrable, avant la concentration des Fran-
çais et Tarrivée de Napoléon, et il était déjà un peu
tard pour réaliser ce piojet ambitieux, Ibrt ap-
prouvable du reste, s'il était aussi bien exécuté
qu'il était bien conçu.
En entiant dans cette région, Tarchiduc Cliai- Dinicuiiés
les trouvait à sa gauche l'iVliens, courant directe- le^pays'^^entn.
ment vers le l)anui)e, et s'y jetant près deNeustadt, gt^aSônno
après avoir traversé Siegenbourg, Bibourg, Abens •
berg. (Voir la carte n" 46.) A droite coulaient en
passant sur son front la petite et la grosse Laber,
qu'il devait franchir vers leur source, car elles
naissent dans les environs pour aller se jeter dans
le Danube. Il devait s'avancer ainsi entre l'Abens
qu'il côtoierait par sa gauche, et les deux Laljer
qu'il franchirait par sa droite, marchant à travers
des bois, des marécages, pour aboutir au Danube
par deux chaussées, celle de Landshut à NeustadI,
et celle de Landshut à Kelheim. S'il ne voulait pas
pousser jusqu'à Kelheim et Neustadt, il pouvait se
rendre à Ratisbonne par un chemin plus court, en
prenant à droite la chaussée dite d'Eckmiihl , la-
quelle après avoir franchi le lit marécageux de la
grosse Laber à Eckmùhl même, s'élève à travers
des gorges boisées, puis descend dans la plaine de
Ratisbonne, au milieu de laquelle on voit le Danube
se déployer et changer sa direction, car on sait
qu'après avoir couru depuis sa source au nord-
est, il se dirige constamment à l'est après Ratisbonne.
L'archiduc Charles résolut de suivre le 17 les
deux chaussées qui de Landshut mènent à Neu-
stadt et à Kelheim. Il assigna au général liiller la Dispo^iticn.^
8.
Avril 1800.
116 LIVRE XXXIV.
mission de iiiarclier du Moosljoiiii^ à Maiiihourg sur
lAbons, pour se garder contre les Français qu'on
dcniarthe suvalt c'tre à Aui^sboum, tandis que la division
do l'archiduc * ' /
Charles Jcllacliieli, placée plus à gauche, viendrait de Mu-
pour s'avancer • i • , i » i ii-ii i ,
do iisar UK'h a treisiui;; joindre ce même corps de Hiller dont
au Danube. ^^^ dépendait. Un peu moins à gauche, l'archiduc
Louis dut s'avancer par la chaussée de Neustadt,
traverser PfcfVenhausen, et côtoyer également lA-
bens, afin de veiller sur les Bavarois amoncelés
dans la forêt de Diirnbach. Au centre, et en sui-
vant la chaussée de Lansdhut à Kelheim ])ar Rot-
tenbourg, le corps de Hohenzollern, après avoir
passé les deux Laber, devait se diriger sur Kelheim
suivi des deux corps de réserve, tandis qu'à droite
le corps de Rosenberg et la brigade Vecsay essaye-
raient, par la route transversale dEckmuhl, une
reconnaissance sur Ratisbonne.
Ainsi, avec deux corps à gauche, trois au cen-
tre, un sixième à droite, et à des distances de
vingt lieues, l'archiduc Charles s'avança de i'Isar
au Danube, à travers le pays accidenté que nous
venons de décrire, et qui est compris entre les
points de Landshut, Neustadt, Kelheim, Ratis-
bonne, Straubing. Il ordonna au lieutenant géné-
ral Bellegarde, qui avait débouché dans le Haut-Pa-
latinat, de pousser vivement la queue du maréchal
Davout sur Ratisbonne, afin de préparer la jone-
tion générale de toutes les forces autrichiennes.
L'archiduc marcha le 17 avec mesure, et moins
de lenteur que de coutume, mais encore trop len-
tement pour les circonstances. Il s'achemina sur
Pfelfenhauscn d'un côté, sur Rotlenbourg de l'au-
RATISBONNE. \\1
tre. Le mauvais temps, les nuii^asins ambulants
qu'il attendait, son grand é(iuipagc de pont, son
matériel (rartillerie, traînés sur des routes défon-
cées par les pluies, expliquaient cette lenteur, si
elles ne la justifiaient. On n'eut alTaire pendant le
trajet qu'à la cavalerie légère bavaroise, avec la-
quelle on faisait le coup de sabre, n'ayant plus à
la ménager depuis qu'à Landshut on s'était battu
contre les Allemands de la Confédération du Rhin.
Le i8, l'archiduc Charles, toujours mal renseigné
sur sa gauche, ayant appris seulement que de ce
côté il V avait des Bavarois derrière l' Abens , et des
Français vers Augsbourg, mais mieux informé sur
sa droite , où il savait que le maréchal Davout ap-
prochait de Ratisbonne, acquit ainsi la conviction
que les Français étaient divisés en deux masses,
et se confirma dans la pensée de se jeter d'abord
sur le maréchal Davout, Incertain encore s'il irait
droit à Kelheim au bord du Danube, pour descen-
dre ensuite le long de ce fleuve vers Ratisbonne,
ou s'il irait tout de suite à Ratisbonne en prenant
la route transversale d'Eckmiihl, il fit un pas de
plus, les corps de Hiller et de l'archiduc Louis
formant sa gauche le long de l'Abens, Hohenzol-
lern et les deux corps de réserve formant son cen-
tre autour de Rohr, Rosenberg formant sa droite
vers Lancq\vaid, sur la grosse Laber, enfin la bri-
gade Vecsay à l'extrémité de sa ligne poussant des
reconnaissances par Eckmiihl et Egglofsheim sur
Ratisbonne. Le moment des événements les plus dé-
cisifs approchait , car de toutes parts l'archiduc était
entouré de Français et de Bavarois, dans un pays
Avril 1809.
118 LIVHE \X\1V.
d'une obsniiitt» pres(jiio inipénétrahlo, où Ton pou-
Avril 1809. . . ' ' '
vait tout a coup se Iroiix cr face à face avec I enuenii.
Trois ou (piatre C(mt u»ille houuues, Autrichiens,
Français, liaxarois, Wuilemberiieois, Badois, Hes-
sois, allaient se heurter dans cet espace resserré,
se heurter cin(j jours de suite, avec un acharne-
ment inouï, ravantaiîc devant rester non pas seu-
lement au plus brave, car on était brave de part et
d'autre, mais à celui qui saurait le mieux se diriger
au milieu de ce chaos de bois, de marécages, de
coteaux et de vallées!
Situation Taudis que les Autrichiens, ayant ainsi Tavance
aîj^momenr ^^^ ^®^ Français, s'apprêtaient à les surprendre,
ip rapproche ccux-ci heureusemeut avec leur habitude de la
des
Aiiiiirhiens. guerre, avec leur assurance dans le danger, n'é-
taient pas gens à se laisser déconcerter, même avant
détre en possession de tous leurs avantages. Le
champ de bataille sur lequel ils arrivaient par le côté
opposé, leur apparaissait en sens contraire, mais
loul aussi confus. A notre droite, et à la gauche des
Autrichiens, le maréchal Masséna concentré surUlm
avec les divisions Boudet, 3Iolitor, (^arra Saint-Cyr,
Legrand,^ marchait sur Augsbourg, pour y rejoin-
dre le corps d"Ou(hnot. Le maréchal Masséna, par
ordre du major général Berthier, avait pris le com-
mandement de toutes ces troupes-, qui ne s'élevaient
guère au delà de 55 à 60 mille hommes, les ren-
forts n'étant point arrivés. A vingt-cin({ lieues de
là, vers Ratisbonne, par conséquent à notre gau-
che et à la droite des Autrichiens, le maréchal Da-
vout débouchait avec l'armée du Rhin, composée
des (.Uvisions Morand , Friant, Gudin, Saint-Hilaire,
Avril 1809.
RATISBONNE. II'J
des cuirassiers Saint-Sulpice, de la cavalerie lé-
gère de Monlbrun, comptant environ 50 mille sol-
dats, les meillem's de l'armée, La grosse cavalerie
du général Espagne et celle du général Nansouly
l'avaient déjà quittée, la première pour joindre le
corps d'Oudinot, la seconde pour venir former la
réserve de cavalerie. On voit que la distribution en
trois corps n'était pas encore effectuée, car la divi-
sion Saint-Hilaire aurait dû se trouver en ce mo-
ment avec le général Oudinot, pour compléter le
corps du maréchal Lannes, et le maréchal Masséna
n'aurait dii avoir que ses quatre divisions, avec
les Hessois et les Badois.
Enfin , entre ces deux masses , mais plus près de
Ratisbonne que d'Augsbourg, vers Kelheim et Neu-
stadt, se trouvaient les Bavarois couverts par TA-
bens, et réfugiés dans la foret de Diirnbach, au
nombre de 27 mille hommes. Les Wurtembergeois
y arrivaient par Ingolstadt au nombre de i 2 mille.
C'était donc une masse dispersée de i 40 à 1 30 mille
hommes, dont 100 mille Français, et environ 10 à
50 mille Allemands. La garde impériale n'était pas
encore rendue sur les lieux : les renforts présen-
taient sur les routes de la Souabe et de Wurtem-
berg de longues colonnes d'hommes, de chevaux
et de matériel.
Le major général Berthier était resté long-temps
à Strasbourg pour veiller à l'organisation de l'ar- ''"
'- '^ major général
mée , ne croyant pas que le moment fût venu de la Berthier
faire entrer en action. Le 11 avril, averti à Stras-
bourg de la marche des Autrichiens vers l'Inn, il
était parti pour se rendre sur les bords du Danube,
Embarras
en arrivant
sur
es lieux.
Avril t809.
120 LIVIŒ XWIV.
et était arrivô le 13 au matin à r.nifind, lu 13 au
soir à Doiiaiiworth. En route, au milieu des nou-
\ elles contradictoires qu'il recevait, il avait donné
des ordres souvent contraires, s'applirpiant tou-
jours à ramener les événements au plan de Napo-
léon, (pii consistait, comme nous Tavons dit, à
réunir d"al)ord l'armée sur Ratisbonne si on en avait
lo temps, ou sur Donauwerlh si les hostilités com-
mençaient plus tôt qu'on ne l'avait supposé. Par-
venu le soir à Donauwerth, le major i2:énéral avait
appris que le maréchal Davout occupait Ratisbonne,
que le maréchal Masséna et le général Oudinol
étaient à Augsbourp;, que les Autrichiens avaient
marché lentement, que le plan de Napoléon par
conséquent était toujours exécutable, et alors pla-
çant sous les ordres du maréchal Davout tout ce
qui était autour de Ratisbonne, sous ceux du ma-
réchal Masséna tout ce qui était autour d'Augs-
bourg, il avait cru devoir opérer la concentration
de l'armée sur Ratisbonne, et il avait ordonné au
ii;énéral Oudinot de s'y acheminer. Mais recevant
tout à coup le 1 4 une dépêche de Paris, dépêche
fort ambiguë, dans laquelle Napoléon, prévoyant le
mouvement anticipé des Autrichiens, lui recom-
mandait de tout réunir à Augsbourg, en laissant
toutefois le maréchal Davout sur Ratisbonne avec
une partie de ses forces , il contremanda le mouve-
ment prescrit au général Oudinot, et il demeura en
présence de l'ennemi jusqu'au 17, avec l'armée
partagée en deux masses, l'une à Ratisbonne, l'au-
tre à Augsbourg, les Bavarois entre deux. Dans
l'intervalle il s'occupa de mettre les corps en ordre,
RATISBONNE.
421
mais n'osa pas prendre un parti avant Tarrivée de
l'Empereur \
Heureusement que Napoléon fut averti en temps
utile de ce qui se passait , grâce aux moyens de
communication qu'il avait préparés à l'avance. Le
12 au soir, en effet, il avait appris le passage de
rinn , était monté en voiture dans la nuit, avait sé-
journé le 15 quelques heures à Strasbourg, le 1 G
quelques heures à Stuttgard , avait vu et rassuré ,
chemin faisant, les rois allemands ses alliés, et était
arrivé le 17 au matin h Donauwerth, assez à temps
pour tout réparer.
Quoiqu'il ne lui fut pas moins difficile qu'à l'ar-
' Certains historiens ont fort maltraité le major général Bertliier
pour les ordres donnés pendant ces quelques jours. J'ai lu ces ordres
avec beaucoup de soin , je les ai comparés avec ceux de Napoléon , jour
par jour et heure par heure, et je n'ai pu reconnaître la justice du
blâme adressé au niajot général. Parti de Paris avec la confidence du
plan de ÎN'apoléon qui consistait à se concentrer sur Ratisbonne, il
voulut y procéder en ordonnant le 13 au général Oudinot de marcher
sur cette ville; mais recevant en route une dépêche télégraphique de
Napoléon, qui lui ordonnait de tout reployev sur le Lech et sur Augs-
bourg, en cas d'hostilités prématurées, et de laisser dans tous les cas
le maréchal Davout à Ratisbonne, il resta dans cette position jusqu'à
l'arrivée de l'Empereur. Cela prouve une seule chose, la difficulté de
diriger de loin les opérations militaires , car de près Napoléon aurait
ordonné à Berthier ce qu'il ordonna lui-même en arrivant sur les
lieux. Mais Berthier pouvait-il prendre sur lui de donner l'ordre si
hardi de concentrer l'armée, par un double mouvement de flanc exé-
cuté en présence de l'ennemi? On ne saurait guère l'imaginer. Napo-
léon lui-même, simple chef d'état-major au lieu d'être commandant en
chef, ne l'aurait probablement pas osé. Tout ce qu'on peut dire ici de
l'un et de l'autre, c'est que Berthier avait des ordres dont il n'osa pas
s'écarter, et que Napoléon était trop loin pour les modifier d'après les
faits qui étaient survenus. On fut surpris par les événements , ce qui
était la faute de la politique , bien plus que de la direction imprimée
aux opérations militaires.
Avril 1809.
Heureuse
et soudaine
arrivée
de Napoléon
sur le théâtre
de
la guerre.
Ses promptes
détermina-
tions
au premier
aspect
des lieux.
Avril 1809,
122 I.IVRK XWIV.
flndiic (lliailt's lui-iucMiic do pénétrer la \éritc, au
ïuilioii (le beaucoup de rappoils eoutradietoires, et
dans un pays aussi eouverl que celui où Ton opé-
rait, il avait appris par les Bavarois le j)assage des
Autrichiens à Landsliut, et il devina avec sa
perspicacité accoutumée que la })rin(ipale armée
autrichienne venait donner contre le Danube, dans
Tespérauce de passer entre les Français réunis à
Auiïsbourii et les Français réunis à Ratisbonne.
Quelques instants lui ayant sutïi pour démêler cette
vérité , il prit sa détermination avec une incroyable
|)rom})titude.
Deux plans s'olVraient en ce moment à lui. S'il
avait pu tout savoir très-exactement, ce qui n'ar-
rive jamais à la guerre, s'il avait pu deviner par
exemple que Tarchiduc allait se porter sur Ratis-
bonne avec plusieurs corps mal liés entre eux, il
n'aurait eu qu'à le laisser marcher sur Ratisbonne,
où le maréchal Davout avec 50 mille soldats 1 au-
rait arrêté pendant tout le temps nécessaire, et puis
avec la masse des forces réunies autour d'Augs-
bourg, avec Oudinot, Molitor, Boudet , les Bava-
rois, les Wurtembergeois, c'est-à-dire avec 90 raille
combattants, se jeter sur les derrières du généra-
lissime autrichien, le mettre entre deux feux, et
prendre son armée jusqu'au dernier homme. Tou-
tefois c'eut été braver bien des chances, car Napo-
léon aurait laissé à Farchiduc l'avantage de la po-
sition concentrique, ce qui était contraire aux vrais
principes de la guerre, (pi'il avait plus qu'aucun
Capitaine professés, illustrés par d'immortels exem-
ples. L'archiduc, en effet, placé entre les deux masses
RATISBON^E. *t$
de rarmée française, aurait pu les l)atlre lune
après TautrCy et leur faire essuyer à toutes deux
ce que Napoléon fit essuyer tant de fois à tant
(Vennemis divers. D'ailleurs, pour un tel plan, il
aurait fallu en savoir plus que n'en savait Napoléon
sur la situation des choses , sur l'état moral et ma-
tériel des deux armées autrichienne et française,
sur ce qu'on pouvait craindre de l'une, attendre de
l'autre, enfin sur la marche de l'ennemi, car plus
on veut être hardi , plus il faut connaître à qui et
à quoi on a affaire. Aussi après avoir pensé un
moment à ce plan ' , préféra-t-il le second, qui était
le plus sûr, c'était de profiter du temps qui lui res-
tait pour concentrer l'armée, en amenant le ma-
réchal Davout de Ratisbonne vers Neustadt, et en
amenant d'Augsbourg vers le même point le maré-
chal Masséna, Alors avec 1 40 à 1 50 mille hommes
dans la main. Napoléon était certain de tout acca-
bler, quelles que fussent les chances, car il n'y en
a jamais de très-redoutables pour une armée bien
concentrée , qui peut opposer sa masse tout entière
de quelque côté qu'on l'aborde. Il préféra donc,
dans l'ii^norance où il était de toutes choses, l'ap-
plication des vrais principes aux éventuaHtés plus
brillantes qui s'offraient à lui. Mais cette sul)ite con-
centration devant s'opérer par une double marche
des maréchaux Davout et Masséna, en face de l'en-
nemi, présentait aussi de graves dangers. C'est à
les surmonter que Napoléon appliqua tout son gé-
' Ce fait ressort d'une conversation avec le duc de Rovigo , qui la
rapporte sans en pouvoir juger la portée, ne sachant ni les événements
qui se passaient, ni les ordres que Napoléon avait donnés.
Avril 1809.
Avril 1809.
Ordres
dp Napoléon
au maréchal
Masséna.
Ordres
de Napoléon
au maréchal
Davout.
<2i LIVIIH XXXIV.
nie, en exécutant Tune des plus l)elles opérations
de sa longue et piodigieuse carrière.
Arrivé le 17 à Donauwerth, sans garde, sans
maison militaire, sans chevaux, sans état-major,
il doiuia immédiatement ses ordres, prenant pour
les transmettre les premiers ofliciers venus qu'il
lr()u\a sous sa main , car le major général Bertliier
était en ce moment à Augsbourg.
Il ordonna d'abord au maréchal Masséna de quit-
ter Augsbourg le lendemain matin 1 8, pour descen-
dre par la route de PfafTenhofen sur l'Abens dans
le flanc gauche des Autrichiens, se réservant en-
suite de diriger la marche de ce maréchal vers
le Danulje ou vers l'Isar, vers Neustadt ou vers
Landshut, suivant la position que Tarmée occupe-
rait à son arrivée. (Voir la carte n° 46.) Il lui en-
joignit de laisser à Augsbourg un bon comman-
dant, deux régiments allemands, tous les hommes
malingres ou fatigués, des vivres, des munitions,
enfin de quoi tenir quinze jours; de partir en se-
mant le bruit d'une marche en Tyrol, et puis de
descendre vers le Danube en toute hâte, car jamais,
ajoutait l'Empereur, je n'ai eu plus besoin de votre
dévouement. La dépèche se terminait par ces mots :
Activité et vitesse. Au même instant il ordonna au
maréchal Davout de quitter immédiatement Ratis-
bonne en y laissant un régiment pour garder cette
ville , de remonter le Danube avec son corps d'ar-
mée, de cheminer avec prudence mais avec réso-
lution entre le fleuve et la masse des Autrichiens,
et de venir le joindre par Abacli et Ober-Saal , aux
cn^ irons d'Abensberg, par où l'Abens se jette dans
RATISBONNE. -IgS
le Danube. Le maréchal Da\ ont, après ce qu'il avait
déjà détaché de ses troupes pour composer les autres
corps, pouvait conserver environ cinquante mille
hommes, heureusement très-capables de se battre
contre un nondne quelconque d'Autrichiens. En les
rapprochant de l'Abens derrière lequel étaient can-
tonnés les Bavarois, et où Ton venait de diriger les
Wurtembergeois, les cuirassiers Nansouty et Espa-
gne, la division Deraont composée des quatrièmes
bataillons du corps de Davout , le grand parc d'ar-
tillerie , Napoléon allait avoir sous sa main environ
90 mille hommes, bien sutïisants pour attendre Mas-
séna qui devait arriver avec quarante ou cinquante
mille. Cette dernière réunion opérée, il était en
mesure de détruire la grande armée autrichienne ,
quelque position qu'elle eut prise , quelque man-
œuvre qu'elle eut faite.
Ces dispositions une fois arrêtées et communi-
quées à ceux qui devaient les exécuter. Napoléon
quitta Donauwerth pour Ingolstadt , afin de se rap-
procher du point de concentration qu'il venait de
choisir. Ses ordres expédiés à l'instant même n'a-
vaient pas grand chemin à faire pour parvenir à
Augsbourg, et Masséna put immédiatement s'oc-
cuper de ses préparatifs dans la seconde moitié de
la même journée, afin de partir le lendemain i 8 au
matin. Mais la distance était plus que double de Do-
nauwerth à Ratisbonne, et ce n'est que fort avant
dans la soirée que le maréchal Davout reçut les
ordres qui le concernaient. Ce maréchal était dans situation
le moment aux environs de Ratisbonne avec quatre J;^ maréchal
'■ _ Davout lors-
divisions d'infanterie, une division de cuirassiers, qu'il reçoit
12f> I.IVHE XXXIV.
iiiH^ (Ii\isi(>n de caxalerie lôiic-re, le tout, coiimic
A%ril4 809. , , ,• r ' . ■ ' •
nous venons de le due , lorniant a peu près cin-
les ordres .(ui ,iu;nii(î mille lioinuies. Les iîénéraux Nansoutv et
concernent. EspaiTue avec la irrosse cavalerie et une portion
de ca^ale^ie léîzère , le Lrenéial Deniont avec les
quatrièmes bataillons et le irrand parc avaient pris
la tranche du Dauuhe.
Pour se concentrer autour de Halishonne , le
maréchal Davout avait eu plus d une dilliculté a
vaincre. La division Friant , en etlèt, dans son tra-
jet de Bayreuth à Andjerg, s'ét-ait trouvée un in-
stant aux prises avec les cinquante mille hommes
du lieulenanî-général Belleirarde. Elle avait brave-
ment tenu tète à lorage, en repoussant énerjzique-
ment les avant-gardes des Autrichiens; et tandis
qu'elle leur résistait, le reste du corps, précédé de
la division Saint-Hilaire, s'était écoulé vers Ratis-
bonne, le loni? de la Wils et de la Rei^en. La jour-
née du i7, pendant laquelle Napoléon avait expé-
dié ses ordres, avait été employée tout entière à
échanc;er une ^ive canonnade avec les Autrichiens
sous les murs mêmes de Ratisbonne, pour donner
au général Friant le temps de rejoindre. La division
Morand, occupant Stiidt-am-hof au delà du Danube,
au conlluent de la Regen , les avait arrêtés par sa
superbe contenance, et leur avait rendu force bou-
lets. Les projectiles lancés des hauteurs, enfdaul
les rues de Ratisbonne, nous avaient tué quelques
liouunes parmi les troupes qui traversaient la ville
pour passer le Danube. Un obus était même venu
éclater entre les jand)es du cheval du maréchal
Davout, luaul ou blessant autour de lui les che-
HATISBONNE. 427
vaux de ses aides de camp. Les vieux soldats des
divisions 3ïoran(l, Gudin , Fiiant , Saint -llilaiic, ^"■'' '*'^^-
éprouvaient au plus liaul dei;ré les passions de Tar-
Dîée française, et ils étaient exaspérés. Un tirail-
leur français avait, sous les yeux mêmes du maré-
chal, couru sur un tirailleur autrichien , et après
avoir hravé son coup de feu lui avait plongé son
sabre dans la poitrine.
Il fallait au maréchal Da\()ut toute la journée du
I H pour achever le ralliement de la division Priant ,
pour porter la totalité de ses troupes sur la droite
du Danube, pendant que la division Morand, con-
tinuant de rester en bataille sous les murs de Ra-
tisbonne, contiendrait les Autrichiens de Bellegarde
et couvrirait le passage du fleure. Les divisions Mouvements
Saint-Hilaire et Gudin passèrent dans cette journée DaloTu' Tira-
de la rive gauche sur la rive droite du Danube, ^ersiaviiie
^ (le
La grosse cavalerie Saint -Sulpice en fit autant, et Ratishonne.
la cavalerie légère, sous le brave et intelligent
Montbrun, exécuta des reconnaissances dans tous
les sens , sur Straubing , sur Eckmiihl , sur Abach .
pour avoir des nouvelles de l'archiduc , car le ma-
réchal Davout se trouvait entre les cinquante mille
hommes venus de Bohême , et la principale masse
autrichienne venant de Landshut par Eckmiihl. Ces
reconnaissances avaient pour objet d'explorer toutes
les routes de la rive droite, par lesquelles le ma-
réchal Davout se proposait de remonter le Danube.
Il aurait pu sans doute le remonter par la rive
gauche , sur laquelle les Autrichiens n'avaient pas
encore pénétré, et qui était couverte de nos dé-
tachements et de nos convois; mais les chemins
Avril 180y.
Savantes
dispositions
du maréchal
Davout pour
la marche
qu'il devait
exécuterentre
les
Autrichiens ot
le Danube,
128 LIVRE XXXIV.
V ('laionl iinpraliLables, et ils tonihiisaient assez
loin (lu point de conccniralion désigné par Napo-
léon , entre 01)er-Saal cl Abensberg. Le maréchal
Davout préféra suiMc la ri\e droite, quoique ex-
posée à Icnneini, parce que les communications y
étaient pralical)les cl nicnaicnl plus directement au
liiil. Il savait bien (pie larchiduc allait le côtoyer
pendant cette marche, mais il avait des troupes si
fermes qu'il ne craignait pas d'être abordé, encore
moins délre jeté au Danube ; et il était certain que
si on venait se heurter contre elles, elles rendraient
choc pour choc, et n'en rejoindraient pas moins
l'Empereur au rendez-vous indiqué.
Il fallait prendre à revers les hauteurs boisées
qui séparent du Danube les vallées de la grosse
et de la petite Laber, les francliir, descendre en
\ue des Autrichiens sur la pente opposée, ce qui
conduisait sur le plateau de TAbens à Abensberg,
où Napoléon s'efforçait d'amener les parties disper-
sées de son armée. (Voir la carte n° 46.) Diverses
routes s'offraient pour exécuter ce trajet. A droite
du maréclial Davout se présentait la grande chaussée
de Ratisbonne à Ingolstadt, longeant constamment
le bord du Danube, et aboutissant par Abach et
Ober-Saalà Abensberg. Elle était large et belle, mais
resserrée entre les hauteurs et le Danube. Le maré-
chal Davout aiu'ait pu la suivre , mais s'il avait été
surpris par l'ennemi dans le défdé qu'elle formait,
il eut été exposé à un désastre. Il la réserva pour
ses bagages et ses gros charrois d'artillerie , en
la faisant garder par un bataillon d'infanterie qui
d'avance était allé occuper les passages principaux.
RATISBONNE. 120
A gauche se présentait la chaussée traus\ersale de
Uatisljonne à Landshut, passant la grosse Laber à
Eckmiilil. C'était encore une large et belle route,
mais elle doiuiait en plein au milieu de Tennemi. Il
n'eût fallu la prendre que si on avait désiré une
grande bataille, ce qu'on ne voulait pas, puisqu'on
n'avait que la concentration pour but. Le maréchal
Davout y envoya son avant- garde, composée de
quatre régiments de chasseurs et hussards, de deux
bataillons du 7* léger, commandés par le général
JMontbrun, pour observer les Autrichiens, et les
occuper pendant la marche qu'on allait exécuter.
Entre ces deux grandes chaussées , des chemins de
village, passant d'un revers à l'autre des hauteurs,
furent réservés au gros de l'armée. Les deux divi-
sions Friant et Gudin, formant une première co-
lonne, précédées et suivies par les cuirassiers
Saint-Sulpice, durent marcher par Burg-^yeinting,
Wolkering, Saaihaupt, Ober-Feking. Les deux divi-
sions Saint-Hilaire et Morand, formant une seconde
colonne, précédées et suivies par les chasseurs de
Jacquinot, durent marcher par Ober-Isling, Ge-
braching, Peising, Tengen, Unter-Feking. Ces deux
colonnes, cheminant ainsi à côté l'une de l'autre,
devaient parvenir sur le revers des hauteurs qui
séparent la grosse Laber du Danube, rejoindre à la
sortie du défilé d'Abach, vers Ober-Saal, la colonne
des bagages, et déboucher vis-à-vis d'Abensberg,
près des Bavarois, avec chance même de n'être pas
aperçues des Autrichiens, tant le pays était boisé,
montueux et obscur. L'avant-garde, engagée sur la
grande route d'Eckmùhl à Landshut , exposée par
TOM. X. 9
Avril I80i».
Avril «809.
130 I.IVFŒ X.WIV.
conséquent à donner de Iront sur la niasse des
Autrichiens, qui \enaient<le Landshut , devait s'a-
vancer avec prudence et, après avoir servi de ri-
deau aux deux colonnes (rinfanterie, se rabattre
à droite, pour rei:agner le point de rendez-vous
assigné à tout le cor])s darniée.
Ces dispositions arrêtées avec autant de fermeté
que de prudence, le maréchal Davout ordonna hi
marche pour le 19 avril au matin. Dans la journée
du 1 8 on acheva de traverser Ralishonne, et le soir
la division Friant elle-même, ayant franchi les ponts
de cette ville, passa la nuit avec le reste de l'ar-
mée sur la rive droite. Le maréchal Davout avait
réservé au 65^ de ligne le rôle périlleux de garder
Ratisbonne contre les armées nombreuses qui al-
laient l'attaquer par la rive gauche et par la rive
droite. Il lui avait prescrit de fermer les portes,
de barricader les rues, et de se défendre à outrance
jusqu'à ce qu'on le dégageât, ce qui ne pouvait
inan(pier d'arriver bientôt.
Le rr.arédini Lo 1 9 au point du jour, Ics quatrc colonnes de
dc^Raiilb^'n^ 1 i*>'i"^'e Commencèrent la marche diÛicile qui leur
le 19 avril ^{^jj ordounéc , les bagages à droite le long du Da-
au matin. 7 o o es
nube, deux colonnes d'infanterie au centre par des
chemins de village, l'avant-garde à gauche sur la
grande route de Rati.<;bonne à Landshut par Eck-
niiihl. Les Français, partis ainsi de grand matin , et
traversant des coteaux boisés, n'aperçurent d'abord
aucun ennemi. Cependant la rencontre ne pouvait
larder, car il était impossible que, manœuvrant à
trois ou quatre lieues les uns des autres, des cen-
taines de mille hommes ne finissent point par se
KATISBONNE.
131
joindre et par se battre. Dans ce moment, en eflel,
rarchidiic Charles, ayant passé la joiirncc au camp
de Rolir, sur le plateau qui sépare l'Ahens de la
grosse Laber, au revers même des hauteurs que
les Français étaient occupés à franchir, avait enliu
arrêté ses résolutions. Apprenant à chaque pas,
d'une manière toujours plus positive, que le maré-
chal Davout était à Ratisbonne, il avait pris le parti
dV marcher le 19 en faisant les dispositions sui-
\antes : le général Ililler, formant l'extrême gau-
che avec son corps et la division Jellachich, avait
ordre de venir de IMainbourg sur Siegenbourg (voir
la carte n" 40), rejoindre l'archiduc Louis, qui avait
été laissé devant Abensberg avec son corps et le
deuxième corps de réserv^e pour garder l'Abens.
L'archiduc Charles, suivi du corps de Hohenzol-
lern, moins quelques bataillons placés en observa-
tion à Kirchdorf sous le général Thierry, du corps
de Rosenberg , du premier corps de réserve et de
la brigade Yecsay, ce qui présentait une masse de
70 mille honmies, devait se diriger sur Ratisl)onne,
après en avoir laissé à sa gauche sous le général
Hitler et l'archiduc Louis plus de GO mille. Ainsi,
tandis que Napoléon faisait les plus grands efibrts
pour concentrer son armée , le généralissime autri-
chien dispersait la sienne de 3Iunich à Ratisbonne ,
sur plus de trente lieues.
Il se mit en mouvement le i 9 au matin, en même
temps que le maréchal Davout, et dans un ordre de
marche à peu près semblable. Deux colonnes d'in-
fanterie, l'une composée du corps de Hohenzollcrn,
l'autre du corps de Rosenberg et des grenadiers de
9.
Avril 1809.
Mouvement
de larcliiduc
Charles vers
Ratisbonne,
tandis que
le maréchal
Davout
marche vers
Abensbers-
Avril IS09.
I.$2 Liviu: WXIV.
la résenc, devaii'iit (|uilk'r le caiii]) de Rolir, cl
sa\anci'r à tra\(îrs les haulours que fraïuhissaieiil
les Français, la |)n'init're ])ar Gross-Miiss, llauscii,
Ton.iion , la seconde par Lancqwaid, Sclineidart,
Saaihanpt. La l)riiïade Vecsay, une brigade em-
pruntée à rarcliiduc Louis, la cavalerie légère, la
grosse cavalerie détachée de la réserve, devaient,
par la route de Landshut à Ratisbonne, c'est-à-
dire parEckniiilil, marclier sur Ratisbonne, et pro-
bablement avoir allaire à ra\ant-garde du général
Montbrun.
Nous étions partis dès la pointe du jour. De nos
{juatre colonnes, celle des bagages sui\ant le bord
du Danube, abritée par les hauteurs et la masse de
nos divisions dinfanterie, ne pouvait rencontrer
aucun ennemi. Les deux colonnes d'infanterie,
Tune à gauche composée de Gudin et de Friant,
l'autre à droite composée de ^lorand et de Saint-
Hilaire, toutes deux précédées et suivies de la ca-
\alerie, cheminèrent assez long-temps sans rien
découvrir. \ neuf heures du malin, la tète des
deux colonnes franchit les hauteurs, descendit sur
leur revers, et entrevit à peine quelques tirailleurs
autrichiens. La division Gudin, (jui formait la této
de notre colonne de gauche, et qui avait répandu
au loin les tirailleurs du 7* léger, fut seule aux
prises avec les tirailleurs autrichiens du prince do
Rosenberg. On se disputa le village de Schneidart
assez Ni\ement. Mais nos troupes, ayant ordre de
marcher, ne sarrétèrenl point, et, tandis que les
diJi^onriû- tirailleurs du 7^ léger s'obstinaient à faire le coup
randei Gudin jg fp^j ^ Morand et Gudin, qui formaient avec une
|{A TISBONNE.
i:i:}
portion de cavalerie la tète des deux colonnes, (1(>-
(ilèrent, par ordre du maréchal Davoul, accouru
au galop pour accélérer la marche de ses troupes.
Ces divisions se liàlèrent de c;a2;ner Ober-Fekini; et
Unter-Feking, ce qui devait les réunir à la colonne
des bagages sortie du défdé d'Ahach, très-près du
rendez-vous général assigné à Tannée. Les tirail-
leurs du 7'' suivirent Gudin après s'être vaillamment
battus, et cédèrent Schneidart aux Autrichiens, fini
crurent l'avoir conquis '. Mais les Autrichiens con-
tinuant à s'avancer, les divisions Saint-IIilaire et
Frianl, qui formaient la queue de nos deux co-
lonnes d'infanterie, ne pouvaient manquer de les
rencontrer. Tandis que le corps de Rosenberg, après
avoir eu aflaire au 1" léger, traversait Schneidart
et se portait sur Dinzling, le corps de Hohenzol-
lem s'approchait de Hausen que les dernières com-
pagnies du 7* léger venaient d'évacuer, y entrait,
et allait occuper une masse de bois qui se dessinait
en fer à cheval vis-à-vis de Tengen. (Voir la carte
n» 47.)
Dans ce moment, le général Saint-PIilaire tra-
versant Tengen avec sa division, aperçut vis-à-vis
de lui, à la lisière des bois, les masses autrichien-
nes de Hohenzollern, précédées d'une nuée de ti-
railleurs. Le 10'' léger ayant replié les tirailleurs
ennemis, le maréchal Davout, qui se trouvait dans
linstant près du général Saint-Hilaire , dirigea le
3" de ligne à droite, le 57' à gauche, pour enlever
Avril l«(m.
exécutent
leur trnj'-l
sans
rencontrer
l'ennemi.
Combat
de TengiM
entre le cor()>
de
Holienzollern
el
les divisions
Siint-Hilairc
et Priant.
' C'est ainsi que le raconte le général Stuttcrlicim dans son excel-
lent récit lie la campagne de 1809. 11 semble croire que Schneidart nous
fut enlevé.
Avril 1809.
134 LIVU1-: WXIV.
ces hauleurs boiscos (|iii «IccriN aient devant lui un
demi-cercle, au centre du(juel se \ oyait la fcruie
de UoitI». Le ir s"a\an(^'a rapidement, en cliariicant
ses armes sous le feu. Mais ayant atta(iué avec trop
de précipitation, et avant d'avoir eu le temps de
se former, il ne réussit point, et fut obligé sous
une pluie de mitraille et de balles d'opérer un
mouvement rétroi^nade. Sur ces entrefaites, le 57"^
ayant formé ses colonnes d'attaque, vint se met-
tre à la ijçauclie du 3% et repoussa l'ennemi des
mamelons qu'il occupait en avant des bois. Le 3%
bientôt ramené en ligne, appuya ce mouvement, et
ces deux régiments parvinrent ainsi à refouler les
Autrichiens dans les bois , et à s'établir solidement
sur le terrain disputé. Pendant ce temps, les trois
autres régiments de la division, les 10% 72" et lOo"
étaient rangés à droite, à gauche, en arrière de
Tengen, prêts à soutenir les deux premiers. Mal-
heureusement l'artillerie, à cause des mauvais che-
mins , était en retard , et on n'avait que 6 pièces à
opposer à la masse de l'artillerie ennemie. Le maré-
chal DavoutL voyant le combat bien établi sur ce
point, courut aux divisions Gudin et Morand, qui
avaient déjà défilé, pour s'assurer qu'elles étaient
parvenues sans accident à Untcr et Ober-Feking,
' J'ai eu souvent lieaucoup de peine pour déniôler la vérité entre les
assertions contradirloires dos témoins ([ui rapiiortcnt les événements
inililaircs ; je n'en ai jamais eu autant «lu'en cette occasion, et notam-
ment pour le combat de Tengen. Nous avons le récit sage, clair, mo-
deste ilu général Stuttcrlieini , et en outre beaucoup de relations alle-
mandes. Nous avons, du coté des Français, le général Pelct et les
relations manuscrites des généraux Saint-Hilaire, Friant, Montbrun,
et ce qui vaut mieux, un récit du marécbal Davout lui-même. Toutes
RATISBONNE. 135
pour les placer à sou extrême droite, et empêcher
ainsi que Tennemi, dont il ignorait la position, ne
vînt par cette extrême droite percer jusqu'au Da-
nube.
A l'extrémité opposée, c'est-à-dire à gauche, le
général Priant, ralenti dans sa marche par les
mauvais chemins, avait à son tour débouché sur
Saalhaupt entre midi et une heure, et entendant
un feu violent vers Tengen , s'était hâté de venir
prendre position à la gauche de la division Saint-
Hilaire, dans l'intention de la soutenir. Il fit avancer
le 15^ léger et le 48^ de ligne sous les ordres du
général Gilly , pour pénétrer dans les bois , et dé-
gager le flanc de la division Sainl-Hilaire. Il plaça
dans la plaine , entre Saalhaupt et Tengen , la
deuxième brigade des cuirassiers Saint-Sulpice ,
avec les 33% 1 08" et 1 1 1% pour garantir l'extrémité
de sa ligne. Le général Pire, qui commandait un
régiment de cavalerie légère , fut chargé de lier la
division avec l'avant-garde du général Monthriin
vers Dinzliug.
A peine à portée du feu, le général Gilly voulut
faire évacuer les bois à la gauche de la division
Saint-Hilaire. Le chef de bataillon Sarraire y péné-
tra avec quatre compagnies du i 5% et en délogea
ces relations se coatiedisent, quant aux lieux, aux heures, et aux corps
engagés. Après les avoir lues et relues jusqu'à cinq et six fois chacune,
je suis parvenu à établir les laits tels que je les rapporte, et je crois le
récit que j'en donne aussi rapproché de la vérité que possible. Ce dont
je suis certain, c'est d'avoir conservé à révénemcnt son vrai caractère,
et c'est ce qui importe surtout en histoire. Les notes que j'ai réunies à
cet égard composeraient à elles seules un mémoire comme ceux qu'on
rédige pour l'Académie des inscriptions.
AvriM809.
Avril 1800.
\Mi \.\\\\V \\\IV.
les Aiilricliicns. I.c 1")' et le 48*" prirent ainsi po-
sition sur le llitnc de lii dixision Sainl-llilaire, et
on fit sortir des réirinicnls toutes les compagnies
de voltigeurs, (pii se jnirent à échanger avec les
tiraillems autrichiens nn feu épou\antal)lc.
Tandis (pie ces mouvements sojjéraient sur les
ailes de la division Saint-lfilaire, le com])at sur le
front de la division elle-même avait plusieurs fois
changé de face. Le ^3" à droite, le 57'' à gauche du
fer à cheval, au fond ducpiel on ^ oyait la ferme de
Roith, avaient perdu beaucoup de monde, et épuisé
leurs munitions, qu'il n'était pas facile de renou-
veler, les transports de l'artillerie n'étant pas encore
arrivés. Le général Saint-Hilaire fit remplacer en
ligne le 33' par le 72% le 57-^ par le 4 05% et le
feu recommença dès lors avec une extrême vio-
lence. Le prince de Hohenzollern porta en avant
les régiments de Manfredini et de Wurzbourg,
conduits par le prince Louis de Liechtenstein. Ces
régiments firent, povu' déboucher par les extré-
mités du fer à cheval dont les Français occupaient
le milieu, des efforts inouïs. Tous les chefs furent
blessés dans ces tentatives. Le maréchal Davout,
revenu à la di\ision Saint-Hilaire, s'était placé au
centre avec nn bataillon du 33% et se jetait sur
tout ce qui essayait de déboucher par les extrémi-
tés, ramassant des prisonniers à chaque nouvelle
pointe des Autiichiens.
Les généraux ennemis voulurent alors faire un
effort sur la gauche de Saint-Ililaire, vers le point
de jonction avec la division Friant. Le prince Louis
de Liechtenstein se mettant à la tête du réii;iment de
RATISBONNE. 13T
Wurzboiirg, et saisissant iiu drapeau, déhoucha
en colonne, marchant droit aux Français. Le û;é-
néral Gillv avec les grenadiers du 15" et un ha-
taillon du 1 ! 1 " se porta à la rencontre du prince.
Louis, l'attaqua à la baïonnette, et le repoussa. Le
prince Louis de Liechtenstein revint à la charge ,
reçut plusieurs coups de feu , et fut mis liors de
combat. Les Autrichiens furent ramenés. Sur le front
de la division Saint-Hilaire le prince Holienzollern
essaya un nouvel ertbrt ; mais notre artillerie, ar-
rivée en ce moment , accal^la les Autrichiens de
mitraille et parvint à les contenir. Le 1 0* léger, char-
geant alors à la baïonnette , pénétra dans les hois
qui se dessinaient en cercle devant nous, poussa
les Autrichiens sur Hausen, et les obligea à s'y re-
plier. Notre ligne tout entière appuya ce mouve-
ment , et les Autrichiens allaient être jetés sur Hau-
sen quand le prince ^laurice de Liechtenstein, à la
tête du régiment de Kaunilz , arrêta la poursuite
furieuse des Français. Ce prince fut l)lessé en sau-
vant son corps d'armée.
La journée tendait vers sa fin , et au milieu de
la confusion de cette rencontre, les Français pas
plus que les Autrichiens ne voulaient s'engager tout
à fait. Le maréchal Davout, à qui il suflisait d'avoir
accompli sa mission en gagnant sain et sauf les
environs d'Abensberg, et qui avait déjà sa droite,
formée par les divisions Gudin et Morand, arrivée
au rendez-vous, et sa gauche, formée par Sainl-Hi-
laire et Friant, maîtresse du champ de bataille de
Tengen, se contenta d'y coucher en vainqueur, at-
tendant pour les mouvements ultérieurs les ordres
Avril 180Î).
138
I.IVHE XWIV.
Avril I80'J.
l'ertes
rccipro(|ucs
au combat
de Tcngen.
lie Napoléon, l'ailotil sa maiclic sciait opciée avec
siiccùs; car le brave Montbriin, rencontrant le corps
de Rosenbcrg, lui avait résisté vaillamment, et se
repliait à la fin du jour sur le corps darmce sans
avoir essuyé déchec.
De son coté l'archiduc Charles, spectateur de ce
combat, était resté immobile sur les hauteurs de
Grub avec douze bataillons de grenadiers, lesquels
ap[)artenaient au premier corps de réserve. Voyant
un combat à sa gauche avec Hohenzollern , à sa
droite avec Rosenberg, il avait craint davoir de-
vant lui la principale masse des Français, et voulant
rallier toutes ses troupes avant d'engager une ba-
taille générale, il avait laissé battre sans le secou-
rir le corps de Hohenzollern. Son intention était
de recommencer la lutte le lendemain, après avon*
amené à lui l'archiduc Louis posté devant l'Abens,
et fait prendre au général lliller la position que
laisserait \acante rarchiduc Louis.
Cette journée avait été fort sanglante, car on s'é-
tait battu non-seulement à Dinzling entre Montbrun
et Rosenberg, à Tengen entre Saint-llilaire, triant
et lIoh(;nzollern, mais entre les postes intermé-
diaires laissés par les Autrichiens et les Français pour
lier les deux extrémités de leur ligne. Nous avions
perdu 200 hommes àl'avant-garde du général 3Iont-
brun, 300 à la division Friant, 1,700 à la division
Saint-Hilaire, quelques hommes seulement à la
division Morand, une ou deux centaines de cava-
liers du coté des Bavarois, en tout 2,500 hommes.
Les Autrichiens en avaient per<lu 300 à Dinzling,
environ i-,.'>00 à Tengen, (jnelques centaines à
UATISBONNE.
13!)
BiK'li et Ariiliolon, on tout près do G iiiillo'. IJi
nombre considérable de leurs soldats s'étaient dis-
persés. Le résultat général, pour la position dos
deux armées, était bien autrement important, car
le maréchal Davout, ([ii'on aurait pu arrêter dans
sa marche de Ratisbonne vers Abonsberg, et peut-
être jeter dans le Danul)e, s'était heureusement
glissé entre le fleuve et la masse des Autrichiens,
avait rejoint par sa droite les environs d'Abensloerg,
et heurté victorieusement par sa gauche le centre
des Autrichiens. Larchiduc Charles, s'il avait mar-
ché en masse plus serrée, s'il avait moins hésité,
par crainte des lieux et de Napoléon, aurait pu, en
portant sa réserve de grenadiers sur Friant et Sainl-
Hilaire, les accabler, ou du moins, leur fermeté
rendant un tel succès diflicile, leur causer un gra\ e
échec. Mais il vit uniquement dans toute cette mê-
lée des raisons d'attendre que les choses se fussent
édaircies, et que sa gauche se fut rapprochée de lui.
Avril 1809.
Résulints
du combat
de TeriL'cn par
rapport
à hi position
des deux
armées.
' Ici encore je renouvelle l'avertissement que ces chiffres ne peuvent
être qu'approximatifs. Les bulletins, et les historiens qui ont copié
ces bulletins, parlent avec une assurance singulière de chiffres bien
autrement élevés, mais je les crois tous inexacts. J'ai pour les divi-
sions Friant et Saint-Hilairc un état authentique des pertes. Quant
aux Autrichiens, les chiffres donnés par le général Stutterheini sont
démentis par les pertes totales avouées à la fin des opérations qui di-
rent lieu autour de Ratisbonne. C'est après de nombreuses comparai-
sons que je suis arrivé à déterminer les nombres que je présente ici,
et je les crois aussi rapprochés que possible de la vérité. Je ne re-
viendrai plus sur un tel avertissement, qui devra servir pour toute
la suite de cette histoire. Je me borne à répéter que dans les récifs
de guerre, surtout quand il s'agit des nombres, on ne i)eut jamais
obtenir que la vérité approximative, et que je n'ai pas la prétention
d'en donner une autre. Mais j'ajoute que je n'ai rien négligé pour ra-
mener le plu5 possible celte vérité approximative à la vérité absolue.
lirt LIVHK XXXIV.
7 Napoléon usa aiiliTiiiont dos a\ antaiïes o])tenus
par lo liiarôchal I)a\oiit. Descendu dlni^olstadt à
Vohhoiiriî pendant la nuit du 19 au 20 (voir la
Anivôe carte n° 46), il api)rit les évcnenionts de la journée,
lie Nupok-un ' • , . , , -, ^ . ,' ,
sur le plateau cl, montant aussitot a cheval, il courut a AI)ensberc:
ou vieumnt pour uuro Ctt pcrsonno la reconnaissance des lieux.
tie debouciHi d^ \y^x\\\ 111(4110 de co iilatcau où il avait appelé les
les troupes l J i
.In ir.amh.ii |i()ui)(>s (lu inaréclud Davont , il reconnut ciue les
iKivom. ' 1 V 1
Autrichiens n'avaient qu'une cliauic de postes pen
nombreux, mal disposés, pour nnir les masses qui
avaient combattu à Tengen avec celles qui étaient
répandues le long de TAbens. Il ne savait pas pré-
cisément où se trouvait l'archiduc Charles avec son
corps d'armée principal, s'il était devant Tengen
contre les divisions Saint-Hilaire et Priant, ou le
long de l'Aliens devant les Bavarois : mais il voyait
clairement que le généralissime avait singulière-
ment étendu sa ligne, et, profitant des avantages
de la concentration qui commençaient à être de
son côté depuis riieuiciix mouvement du maréchal
Davout, il sonc;ea à faire essuver aux Autrichiens
les consé((iiences de la dispersion auxquelles ils
s'étaient imprudemment exposés. Il arrêta donc
uispositions sur-lc-cliamp les dispositions sui^antes. Il prit mo-
orJonnées , - i i i-i • i
par Napoléon mentancinent au maréchal Davout une partie de
" ^po'if'^'^^ son corps, et lui laissant les di\isions victorieuses
la jou-iicc (le Saint-Hilaire et Friant, avec les troupes légères
du 20. '■ *-"
de .Montbrun (en tout 24 mille hommes), il s'em-
para des divisions Morau<l et Giidin bivouaquées
entre l nter et Ober-Feking, des cuirassiers Saint-
Sulpice, des chasseurs de Jactiuinot, pour les placer
leni[)orairement sous les ordres du maréchal Lan-
IlATISnONNE. Ui
lies, qui venait (FairiN er. Il recoiiiniaiula au maré-
chal Davout de tenir ferme à Tengen , d'y résister
à toute nouvelle attaque, quelle qu'elle fut, car
l'armée allait pivoter sur ce point pour enfoncer le
centre ennemi, et le pousser sur Landsluil. 11 or-
donna au maréchal Lannes de marcher droit de^ ant
lui avec les vingt-cinq ou vingt-six mille hommes
mis à sa disposition, et d'enlever Rohr, qui sem-
blait former le centre de la position des Autrichiens.
Ayant lui-même sous la main les Wurtembergeois
({ui débouchaient en ce moment sur le champ de
bataille, il les plaça vers Ainhofen, entre Lannes
et les Bavarois. Il prescri\it à ces derniers de
passer l'Abens à Abensberg, et de venir cnle\cr
Arnhofen. La division de Wrède notamment, établie
derrière l'Abens de Bibourg à Siegenbourg, devait
attendre que la ligne ennemie fut ébranlée pour
passer l'Abens de vive force, et déboucher à notre
droite sur le flanc gauche des Autrichiens. Chacune
de ces attaques était dirigée sur l'un des postes
détachés des Autrichiens, qui formaient une longue
chaîne de l'Abens à la Laber. Napoléon, tous ces
postes forcés, voulait pousser jusqu'à Landshul,
s'y emparer de la ligne d'opération de l'archiduc,
soit en se jetant sur son arrière-garde, soit en se
jetant sur ce j)rince lui-même s'il se repliait en per-
sonne vers Landshul. Aussi, pour rendre l'opéra-
tion plus sûre, il se hâta de modifier la marche de
Masséna. Il l'avait fait descendre sur PfalTenhofen,
perpendiculairement dans le flanc gauche des Au-
trichiens, se réservant de ployer sa marche ou sur
l'Isar, ou sur le Danube, suivant les circonstances.
Avril If;09.
Avril 1809.
\{î LIVHF. XXMV.
Pensant qu'il avait aiiprôs de lui assez de forces,
pniscju'il avait le maréchal Davont qui iranlait Ten-
iren avec 24 mille hommes, le maréchal Lannes qui
allait enlever Rohr avec 25 mille, le maréchal Lefeh-
\re qui se préparait à attaquer Arnhofen et Offenste-
ten avec 40 mille Wurtembergeois et Bavarois, et
enfin la division Deniont et les cuirassiers Nansoutv
(jui arrivaient sur les derrières, il dirigea .Masséna sur
Landsliut par Freising et Mooshourg, lui ordonnant
d'v être le lendemain 2 1 de bonne heure, afin d'inter-
dire aux Autrichiens le retour sur Landshut. Il pou-
vait se faire, si Masséna arrivait à temps, (ju'on en-
levât tout ce qui était entre le Danube et Tlsar.
Pendant que Napoléon se disposait à employer
ainsi la journée du 20, l'archiduc Charles, arrêté
dans son mouvement sur Ratisbonne par la rencon-
tre des deux divisions Saint-îlilaire et Priant, aussi
peu renseigné que son adversaire sur la marche
de l'ennemi, mais ne devinant pas aussi bien que
lui ce qu'il avait à craindre, s'était imaginé que
la violente résistance qu'il venait d'essuyer déce-
lait la présence à Tengen de l'empereur Napoléon
avec toutes ses forces, et avait résolu d'attirer à lui
le corps de l'archiduc Louis, resté devant l'Abens,
en chargeant le général llillci-, (pii avait du marcher
toute la journée du 19, d'occuper la position aban-
donnée de l'archiduc Louis. 11 prit donc la résolution
d'attendre le 20, entre Grub et Dinziing, la jonction de
sa gauche, pour renouveler le combat avec la der-
nière vigueur. Toutefois, il laissa à l'archiduc Louis
la liberté d'interpréter cet ordre, et de combattre où
il se trouverait, s'il était attaqué du côté de l'Al^ens.
Avril 1809.
RATISBONNE. 143
Ce fut en effet cette prévision qui se réalisa. Dès
le 20 au matin laiThiduc Louis aperçut des masses
qui débouchaient , les unes de l'Abens par Ahens-
berg et Arnhofen : c'étaient les Wurtembergeois,
les Bavarois, Demont et Nansoutv; les autres de
la route de Ratisbonne par Reising et Buchhofen :
c'étaient Morand, Gudin, Jacquinot, Saint-Sulpice.
Il vit qu'il allait être fort sérieusement attaqué, et
au lieu de manœuvrer pour rejoindre son frère le
généralissime, il songea à se défendre là où il était,
pendant que le corps de Hiller, amené de Main-
boure; sur l'Abens, viendrait à son secours.
En ce moment. Napoléon, placé sur le plateau xapoiéon
,,., , . ,,nt 1 , 1 • 1 harangue lui-
en avant dAbensberg, vit denier devant lui les même
Wurtembergeois , les Bavarois, qui allaient se eUciwur'tem.
mettre en li2:ne, et que ror2;ueil de combattre ^ergcois
'1 '^ sur le cliamp
SOUS ce grand homme remplissait de sentiments de bataille.
tout français. Il les harangua les uns après les au-
tres (des officiers wurtembergeois et bavarois tra-
duisant ses paroles ) , et leur dit qu'il ne les faisait
pas combattre pour lui, mais pour eux, contre
l'ambition de la maison d'Autriche désolée de ne
les plus avoir sous son joug; que cette fois il leur
rendrait bientôt et pour toujours la paix, avec un
tel accroissement de puissance, qu'à l'avenir ils
pourraient se défendre eux-mêmes contre les pré-
tentions de leurs anciens dominateurs. Sa présence
et ses paroles électrisèrent ces Allemands alliés,
qui étaient flattés de le voir au milieu d'eux, en-
tièrement livré à leur lovante, car en cet instant il
n'avait pour escorte que des détachements de ca-
valerie bavaroise.
Wiil 1809.
Mataille
<1 Al)ensbpri;.
l'ii LIVRE XXXIV.
Entro huit cl iiciil lu'iiros, toute la lii-nie s'é-
branla il(> la liaiiclio il la dioilc, dOber -Fi'kiiig
et BiuhlioIVn, à Ariiholcn cl Pnick. (Voir la carte
n" 4G.) Laimes à la gauche s'avança résolument
in.n'enSutc '^^^^ ^^^ 20 dùIIc fautassins de .Alorand et Gudin,
lesgémra.x gy^^, j^^g i 'jOq cliasscurs dc Jacuuinot , avec les
Ihicrry ' ^
■t schuste. k. 3,o00 cuirassiers de Saint-Sulpice, sur Bachel, route
de Rohr, à travers un pays semé de bois et coupé
de nombreux défilés, il rencontra le général autri-
chien Thierry suivi de son infanterie seule, parce
que sa cavalerie marchant plus \ite était déjà près
de Rohr. Il le fit charger par les chasseurs de Jac-
quinot , qui se précipitèrent sur lui bride abattue.
L'infanterie autrichienne chercha au plus vite un
abri dans les bois. Mais abordée avant de les at-
teindre, et sabrée avant d'avoir pu se former en
carré, elle laissa dans nos mains beaucoup d'hom-
mes tués ou prisonniers. Elle se retira en désordre
sur Rohr, se réfugiant d'un bouquet de bois à l'au-
tre. C'était pitié qu'une telle déroute, la masse des
assaillants étant si disproportionnée avec celle des
assaillis.
A Rohr, les généraux Thierry et Schusteck s'étanl
réunis cherchèrent à s'enlraider. Les deux divi-
sions d'infanterie de Lannes marchaient vivement
sur eux, ayant les chasseurs et les cuirassiers en
tête. Les hussards de Kienmayer chargèrent avec
Nigueur les chasseurs de Jacquinot; mais un régi-
ment de cuirassiers français lancé sur ces hussards
les renversa pèle-nuMe, et les obligea à se replier
sur le village de Rohr. En ce moment l'infanterie
dc Morand al)orda ce village. Le 30% soutenu par
KATISBONNE. 1 i«
les cuirassiers, l'attaqua de front, pendant que
les 13" et 17" manœuvraient pour le déborder. A
cette vue, les généraux Schusteck et Thierry se
mirent de nouveau en retraite, et après une fusil-
lade sans effet se replièrent de Rohr sur Rotten-
bourg, par l'une des deux chaussées qui mènent du
Danube à Tlsar, celle de Kelheim à Landshut. Au
delà de Rohr, le pays étant plus découvert et la
retraite devenant plus difficile, la cavalerie autri-
chienne fit de nobles efforts pour couvrir son in-
fanterie. Les hussards de Kienmayer venaient d'être
rejoints par quatre escadrons des dragons de Le-
venehr détachés du deuxième corps de réserve. Les
uns et les autres chargeaient à chaque rencontre
avec la plus brillante bravoure. Mais s'ils avaient
([uelque avantage sur nos hussards, nos cuiras-
siers, fondant sur eux, les sabraient impitoyable-
ment. Tout ce qu'on trouvait d'infanterie en route
était pris. On arriva ainsi vers la chute du jour à
Rottenbourg, le désordre allant toujours croissant
du côté des Autrichiens. Le général Thierry, des-
cendu de cheval pour rallier ses troupes, fut sur-
pris par de nouvelles charges et enlevé avec trois
bataillons entiers. Les hussards de Kienmayer et
les dragons de Levenehr payèrent leur dévouement
par une destruction presque complète. Les géné-
raux Schusteck et Thierry, après avoir perdu en
morts, blessés ou prisonniers, environ quatre à cin(|
mille hommes, auraient péri en totalité, si heureu-
sement pour eux le général Hiller, rapproché de
l'archiduc Louis par les ordres qu'il avait reçus,
n'avait fait un mouvement qui l'amena fort à pro-
TOM. X. ^^
Avril 1809.
Ii6
l.l\ RK \\\1\.
Wril 1809.
Combat
dus Havarois
et des Wur-
tembcrgeois
contre
l'anliiduc
Louis.
- )K)s à leur s('i()iir>. Au lieu de descendre 1 Alicns
jii>(|ii il Siciienhoiiii: et Bihoiirir, où eoiiiljwItHil
riireliiduc Louis \(>ir lu carte n" U) , le .général
lliller, apereevaiit «le loin l;i déroule des i;énérau\
riwenv elSehusteek, s'était détourne à droite, a\ait
coupé perpendicidairenient la chaussée de ^Seustadt
à Landshut par PlelVenliausen, et, continuant à niar-
<her dans le même sens sur celle de Kelheim a
Landshut, il avait pris position à Kottenhouri;.
Lannes pouxait, avec les forces dont il dis|)osail,
attacjuer le corps de Hiller et en avoir raison. Mais
il avait exécuté ime lonp:ue marche sans être ro-
joint encore par la droite, composée des Wurlem-
her^eois et des Bavarois, et il s'arrêta, la journée
étant fort avancée, dans latlente de nouveaux or-
dres. 11 avait à ptMne perdu deux cents honunes
pour cpiatre ou cinq mille tués ou pris à lennemi.
Il avait lie plus ramassé du canon, du baGfaize, et
presque tous les blessés du condial de Tengen,
répandus dans les villajies (ju il venait de parcourir.
Pendant que Lannes poussait ainsi en désordre
sur l'une des deux chaussées du Danube à Tlsar
les généraux autrichiens Thierry et Schusteck, les
Wintembergeois et les Bavarois abordaient a\ec
une extrême vigueur la position de Kirchdorf, dé-
fendue énergiquement par les troupes des généraux
Reuss et Blanchi sous l'archiduc Louis. (Voir la
carte n" 4G. ; Le combat ici devait être plus disputé,
car les troupes autrichiennes étaient plus nombreu-
ses, dans une position très-forte, et, quoique bien
attaquées, ne létaienl |)as cependant connue elles
auraient pu lêtre par les dix isions Morand et Gudin.
RATISBONNE. H7
Les WiirU'iiihcrueois a\aiciit inaivlu' ;^u^ Ollcji-
,. , , , Avril IKOλ.
stetten, se iiaiil par leur .gauche avec le maréclial
Laiines, parleur droite avee les Bavarois, Ceux-ci
avaient marché par Pnick sur Kirclidorf. Le géné-
rai aulrichicn Biaiichi sétail replié de Bibourg sur
Kirchdoif , afin de se joindre aux troupes du prince
de Keuss, pendant que l'archiduc Louis faisait ca-
nonner Siegenhourg pour euipècher la division ba-
varoise de Wrède de déi)ouciier au delà de TAhens-
J>e combat devint fort \ if autour de Kirclidorf, où
les Autrichiens se défendirent avec une grande
énergie. Plusieurs fois les Bavarois furent repous-
sés, tantôt par la fusillade, tantôt à la baïonnette
(fuand ils s'approchaient de trop près. Mais dans
I après-midi les Wurteml)ergeois ayant enlevé un
^illage qui cou^rait la droite des Autrichiens, le
général de Wrède ayant en môme temps passé TA-
bens sur leur gauche, Tarchiduc Louis fut contra iul
de se retirer par la chaussée de Neustadt à Lands-
hut, passant à Pfetl'enhausen. Les divisions bava-
roises le poursuivirent vivement, et ne s'arrêtèrent Retraite
que fort tard, aux environs de PfetTenhausen, de- ''" \ZS'^'"'
vaut les grenadiers d'Aspre, (lui formaient le reste surPfeffen-
du deuxième corps de réserve, et qui rendirent aux
généraux Reuss et Bianchi le service que le général
Hiller venait de rendre aux généraux Thierry et
Schusteck. De ce côté les Autrichiens avaient perdu
environ 3 mille honuues en morts ou prisonniers, les
Bavarois et les Wurtembergeois environ un millier.
Cette journée du 20, que Napoléon a qualifiée Résultats
de bataille dAbensberg, quoiqu'elle eût été beau- d'Abenîbcrg.
<'0up moins disputée que celle du 10, avait coûté
10.
lis l.lVlUi XWIV.
" ;in\ Aiiti icIiitMis , on coinptjint les [)ertes essu\ée>
A\ril ISOl». . ' . '
dans 1('> deux diicctions , cm iron 7 ou H mille
lioinmos, ('(Miiii fjiisail dcj;! \'^ ou II iiiilie pour les
deux journées. Mais elle a^ail connue nuniœuNie
une iuunensc ini|)ortance, et décidait du sort de cette
|)reniièi"C partie de la canipaii:ne, car elle séparait
rarchiduc Cliarles de sa i^auche, en rejetant celle-
ci sur risar, tandis (jue lui-niènie allait être acculé
sur le Danube vers Hatishonne. Envisagée sous ce
rapport, elle méritait tous les titres qu'on pouvait
lui décerner. Napoléon, arrivé le soir à Uottenhouri;,
était dans Tivresse de la joie. Il voyait son adver-
saire rejeté sur l'Isar dès le début des o})érations,
et les Autrichiens démoralisés comme les Prussiens
Résolution après léua. Il ne savait pas clairement encore tout
car Napoléon t*c quc la fortunc lui réservait, car il n'a\ait pu
^^^^ ^V7 discerner dans les réponses des prisonniers interro-
lour enlèvera gés OU étaient les divers archiducs : mais supposant
i'archiduc '' . .
Charles que larcliiduc (Charles pouvait être devant lui sur la
^^ 'r""k.r,°'" route dc Landshilt , il résolut de marcher sur Lands-
hut même, pour le surprendre au passage de l'Isai-,
et l'y accabler, si ^lasséna dirigé sur ce point arri-
vait à temps. Il se décida donc à s'y porterie lende-
main 21 , et à y pousser les Autrichiens à outrance.
De ce (juil avait vu dans la journée, il devait être
induit à conclure (]ue tout s'enfuyait vers Ilsar, et
(|ue le maréchal Da^out, devenu son pivot de gau-
che, n'aurait (pi'à marcher devant lui pour ramas-
ser des débris. Dans cette croyance il lui enjoignit
de refouler les qiiehjues troupes qu'il sui)posait [)la-
cées devant Tengen , de manière à suivre le mou-
vement de toute la ligne française sur l'Isar, sauf à
HATISBONNE. U9
se lahattrcullericiircinonl sur Ratislxnmc. pourécra- ^^
1» .. II ' • o • 1, . • Avril 1809.
serBelloiîanle, lorsqu on en aurait uni avec 1 archi-
duc Charles. Une soupçonnait pas ([ue ces quehjuos
troupes ([ui paraissaient être devant Tenjïcn, ctaienl
l'archiduc Charles lui-même avec la principale masse
des forces autrichiennes.
(]elui-ci, en effet, a\ait attendu toute la journée Disposiiioiu-^
du 20 le renouvellement du combat de Ten^en et "If '/"■e.^ndi.c
Charles âpre.-.
la jonction de Tarchiduc Louis, Mais le condjatne lïjourm?
, . d'Abonsberii.
S étant pas renouvelé, larcluduc Lmus ne I ayant
pas rejoint, beaucoup de Français au contraire se
jnontrant sur les deux chaussées qui conduisent du
Danube à llsar, il commença à éprouver des crain-
tes pour sa iiauche, et il prit une position d'attente,
afin d'essayer de la rallier si elle n'a\ait pas essuyé
un désastre. Il imagina donc de s'établir sur les
hauteurs boisées qui séparent la grosse et la pe-
tite Laber de la vallée du Danube, en travers de
la route qui de Landshut mène à Ratisbonne par
Eckmiihl, fVoir les cartes n"' 46 et 47.) Toute la
réserve de cuirassiers eut ordre de se placer sur
le revers de ces hauteurs, à l'entrée de la plaine
de Ratisbonne, les grenadiers au sommet, les corps
de HohenzoUern et de Rosenberg sur le penchant
du côté de la Laber, îi droite et à gauche (LEck-
miihl. Dans cette position, l'archiduc allait être
adossé à Ratisbonne, faisant front vers Landshut,
prêt à changer de ligne d'opération si sa gauche
était définitivement séparée de lui, et à se renfor-
cer du corps de Bellegarde s'il était privé du corps
de Hillcr, De son côté, le lieutenant général Hiller,
qui commandait, outre son corps, celui de Tarchiduc
Avril 180'J.
i:iO |.l\ HE WMV.
Lotiis j);ir raison (ranci<Minrté, se >()yant poussé à
outraiR-e sur les cliansscc^ do Nousladt et de Kel-
hcim (|ui ahoutissout à I.andsliut, ne erul pas ])om-
\oir atteindre tiop lot c' dernier point, car il dés-
espérait avec raison de rejoindre larcltiduc (lliaries,
et il craiiiuait (pie Landshid niénu-, où Ion \enait de
réunir tout le matériel de I aiiuée avec une ininiense
(piantilé de blessés, ne fût enlevé. En conséquence,
il ordonna aux colonnes (jui suivaient ces deux
chaussées de s'y trans|)oiter j)endant la nuit, de fa-
çon à \ arriver de i^rand matin.
Marche Dans la iiuit du 20 au 21, les Aufiicluens af-
Aiitrichicns et Anèreut sur Laiulslmt par cette double conuuuni-
dcsFrançais (.j^tjo,^ f p^ Fraucais , (le leur côté, i)res(iue aussi
sur Landshut ^7 'il
maliueux (pie les Autrichiens, s'y précipitèrent
connue deux torrents.
Napoléon n'axant pas quitté ses vêtements, cl
ayant à peint» dormi (piebpies heures sin* un siéirc
elail à chcNal dès la pointe du jour du 21, afin
de diriger lui-même la poursuite sur la route de
Landshut. Qu()i(ju'il ii>;norât toujours la présence de
l'archiduc Charles vers Eckmiihl, il avait fait de
nouvelles réflexions sur ce sujet, et [)ar suite de ces
réflexions il avait détaché la division Demont, les
cuirassiers Nansouty, les di\isions bavaroises du
iténéral Deroy et du prince roval sur sa gauche,
\ers la grosse Laber, ne voulant pas, dans une si-
tuation aussi incertaine, laisser le maiécha! ï)a\ou(
réduit à :24 mille hommes. Avec les 25 mille de
Laimes, il continua de poursuivre les corj)s de
Hiller et de rarchiduc Louis sur la route de Hotten-
bourg à Landshut, tandis que le général bavarois
RATISBONNE. loi
de Wrcdo les |joiissail par la routo do PfetleiiliaiisL'u.
, . Avril 1800.
H comptait sur l'année fie Masséna à Landslnil
avec au moins 'M) mille hommes.
Marcliaul aNec rinfanleiie de Morand, les cui- lintréc
r< • . o I • il I • I ' ^ -11' '''^^ Françai?
rassiers Samt-huJ[)iee el la ea\ alêne légère, il de- dans
boucha de fort i)onne lieu re sur Land.shiit. A chaque .,i',suftfd'une
pas on ramassait des fiivaids, des blessés, du ea- attaque
de vive forc<».
non , de ii;ros hagaiies. Eu arrivant à Altdoiî au
débouelié des liois, d'où fou dominait la ])laine
verdoyante de l'Isar et la ^ille de Landshut, ou aper-
çut une confusion indicible. La cavalerie des Au-
trichiens se pressait vers les ponts avec leur infan-
terie , l'une et l'autre alïluant par les deux chaussées
que suivaient les corps de Hiller et de l'archiduc
Louis. L'encombrement était encore augmente' par
le matériel de l'armée, et notamment par un su-
perbe train de pontons amené sur des chariots
pour passer le Danube et le Rhin même , si le ciel
avait favorisé cette le\ée de boucliers contre la
France. Bessières, comme Lannes, comme l'Em-
pereur lui-même, aiTi\é à rimî)ro\iste , et ayant
à peine un ou deux aides de camp à sa dis|)osi-
lion , conduisait les cuirassiers Saint-Sulpice, les
chasseurs de Jacquinot, et le 13'' léger de la divi-
sion Morand. En apercevant le spectacle (|iii s'of-
frait à lui, il fit charger par ses chasseurs la cava-
lerie autrichienne. Celle-ci, malgré le désordre,
l'encombrement, le terrain qui était marécageux
et glissant , se défendit av ec valeur. Mais les cui-
rassiers français, la cliargeant en masse, l'obligè-
rent à se replier. Alors les généraux autrichiens
se hâtèrent de lui faire passer les ponts, en avant
Avril 1809.
I5i LIVHI- X.WIV.
(Ies(|iu'ls ils nous opposeront leur infanlcrio, pour
iloiiner aux l)ai;ai;es le.lemi)s de déHIer. Ils |)lacè-
iciil les i^rcnadiors d'Aspre dans Landsliul nuMue,
et surloni dans (\q^ (piartiers élevés de la \illc.
Mais la di\ision .Moiand arri\a hicnlot tout en-
lière. Le \'-V léi'er et le 11" de lit-nc abordèrent
rinranterie aulrichienne, tandis (pie la cavalerie
fianraisc la charijçeait de nouveau. Elle ne put ré-
sister à ces atla({ues réitérées, et fut obligée de se
rej)lier en toute liàte sur les ponts de Landslmt pour
les repasser à temps. Elle les repassa en effet, lais-
sant dans les prairies l)caucoup de prisonniers, une
quantité considérable de voitures d'artillerie, et le
train de pontons dont il vient d'être parlé. Le 13°
<'t un bataillon du 17" se jetèrent dans le faubourg
<le Selii^enthal, qu'ils enle\èrent sous la plus vive
fusillade. Il restait à franchir le grand pont con-
struit sur le principal bras de l'Isar. Les Autrichiens
y avaient mis le feu. Le général Mouton, aide de
camp de l'Empereur, àlatcte des grenadiers du 17*,
qu'il animait du geste et de la voix, les conduisit
l'épée à la main sur le pont en flammes, le tra-
versa sous une grêle de balles, et gravit avec eux
les rues escarpées de Landshut situées sur l'autre
rive de l'Isar. En ce moment arrivait Masséna avec
les divisions Molitor et lîoudet, avec l'une des deux
di\isions d'Oudinot, cl la cavalerie légère du géné-
jal .Marulaz, trop tard pour empêcher la retraite
des Autrichiens, mais assez tôt j)our la précipiter.
A la vue de cette réunion accablante de forces les
Auliichiens évacuèrent Landshut, en nous aban-
donnant, outre un matériel inunense, (3 à 7 mille
HATISBONNE.
i.ji
prisonniers, ol quelques morts ou l)lessés. Leur li2;no
d'opération leur était donc ravie, et ils a\ aient
|)eidu avec elle tout ce qu'on perd de richesses mi-
litaires, quand on se laisse enlever la principale
loute par laquelle on a marché à l'ennemi.
Tandis que Napoléon exécutait celte i)oursuile
ti'iomphante avec son centre accru d'une partie des
forces de Masséna, le canon se faisait entendre à
sa gauche, du coté du maréchal Davout, auquel il
avait ordonné de pousser ce qui était devanl lui, et
()ui venait de rencontrer encore une fois les masses
de l'archiduc Charles. La canonnade, en elVet, était
des plus retentissantes, quoiqu'on fut à huit ou
neuf lieues de Landshut, et elle avait de quoi in-
quiéter Napoléon, qui, tout en croyant poursuivre
le gros de l'armée autrichienne, n'était pas bien
assuré de n'en avoir pas laissé à cond)attre une forte
partie au marécjial Davout. Celui-ci n'aurait-il eu
atVaire qu'à l'armée de Bohème, que c'était déjà
beaucoiqD pour les deux divisions dont il pouvait
disposer. Voici du reste ce qui lui était arrivé.
Ayant reçu la veille au soir, comme on l'a vu,
Tordre de balayer en quelque sorte les faibles
troupes qu'on supposait être restées sur la Laber
après la bataille d'Abensberg, il s'était mis en
mouvement dès le matin, au moment même où
Napoléon marchait sur Landshut. Les deux divi-
sions Saint-Hilaire et Friant, après s'être reposées
le 20 du combat du 19, avaient quitté Tengen
le 21 à cinq heures du matin, suivant les corps de
Hohenzollern et de Rosenberg, qui allaient prendre
les positions que Tarchiduc Charles leur avait as-
Avril 1809.
Combat
(le Schierliiig
livré par
le maréchal
Davout
aux troupes
de l'archiduc
Charles.
Avril I80y.
I.ii I IVHK \\XI\.
siiïiKM's SIM- le |)('iicli;inl (l('> liaiilcurs, ciitro la val-
lée (\r la uiossc i.alx'i' cl la plaine de KalishoiiiH'.
l/avanl-iranio de nos deux dixisions, en déjjon-
chant du xallon de Tenij;en dans la vallée de la
i^rosse Laber, rencontra rairi(re-p:ar(le des Anlri-
eliiens sur lin ])la(eaii hoisé enlreSclineidart et Pà-
rini;. (Voir la carte n" 17.) Les tirailleurs dn 1 O*" se
répandirent en a\ant pour repousser ceux de ren-
nenii, tandis (pie nos hussards ehari;eaient sa ca-
valerie léizère. On força les Autrichiens de rétro-
irrader, et bientôt une batterie attelée, amenée an
i^aloj), les couvrit de mitraille, et les oblii2;ea de
se retirer en toute hâte. Les corps de Rosenberp; et
de Hohenzollern, craiiinant d'avoir afl'aire à une
partie considérable de l'armée Iraneaise, crurent
devoir se replier immédiatement, pour ne perdre
ni le temps, ni le moyen d'occuper les postes (pii
leur étaient désii^nés sur la chaussée de Landslmt
à Ratisbonne, à droite et à irauche d'Eckinilhl. Nos
deux dixisions s'avancèrent donc, celle de Saint-
Hilaire à droite côtoyant les bords de la ijrosse La-
ber, celle de Friant à i^auche loniïeant le pied des
hauteurs boisées qui forment run des côtés de la
vallée. La division Friant, en lontîeant ces hauteurs
remplies des tirailleurs de Rosenberi;, a\ait l)eau-
coup plus de peine que la division Saint-llilaire en
parcourant le vallon ouvert de la grosse Laber. Le
général Friant, voulant se débarrasser de ces tirail-
leurs, fit sortir des régiments une masse considérable
de voltigeurs, lesquels, conduits par le brave capi-
taine du génie Henratz, délogèrent les Autrichiens et
firent évacuer les bois (pii menaçaient notre gauche.
RATISBOXNK. liilj
On coiitiiHia do marcher ainsi, Kiianl le joiii» des eo-
teaux, Saint-Hilaire au bord <le la ri\ière. En aNan-
çanl, deux villaiîes se présentèrent, celui de Paiini:
au pied des rochers, celui de Schierlini; au bord de
l'eau. Il fallait les emporter Tun et l'autre. Tandis
que nos tirailleuis pénétraient dans les bois, le i^é-
néral Friant poussa le iS*" sur le village de Paring.
Au moment où il donnait ses ordres avec sa réso-
lution et son habileté accontumées , ayant à ses
côtés le maréchal Davout, un i)oul('l renversa son
cheval. Remonté aussitôt sur un aude. il fit enlever
sous ses yeux le village de Pâring à la baïonnette,
et V recueillit 400 nrisonniers. Au mémo instant !o
général Saiiif-Hilaire, dirigeant une semblable at-
taque sur le village de Schierling, le lit enlever
avec une égale >igueur, et y prit aussi quelques
centaines d'hommes. On aperçut alors les Bavarois,
la division Demont , les cuirassiers Nansouty, arri-
vant du côté de Landsliut, |)ar les ordres fort pré-
voyants de Napoléon. On se hâta de rétablir les
ponts de la grosse Laber pour comniuni({uer avec
ces utiles renforts. Il était midi, et cétait l'heuie
même où Napoléon venait d'entrer dans Landshul.
Pendant que Friant et Saint-Hilaire s'avançaient
ainsi, les corps de Rosenberg et de Hohenzolleiii
étaient allés prendre position sur les hauteurs qui
bordent la grosse Laber, au point même où la chaus-
sée transversale de Landshut à Ratisl)onne cou))»'
ces hauteurs. Cette chaussée, franchissant ici la
gross€ Laber devant le château dEcknùihl, séle-
vait en fornumt des rampes à travers les bois, et
débouchait ensuite par Egglofsheim dans la plaine
Avril 180'J.
.Avril 1809.
i:i(j LIVRE \.\X1V.
lie Ralislxmne. (Voir les farlos ii"" 40 o( i-7.) A
uaiichc do celle cliaiissiM', aii-dcssiis d Kckniiilil, se
Iroinaient deux \illap;es, ceux d()l)er-Leuchlini< el
(rriilcr-rciiclilint:, a|)|)uyés lim à Taiilre, et do-
minant un petit ra\in (jiii déhouelie dans la i^rosse
Laher. Le corps de Rosenherii était venu s'étal)lip
dans ces deux villages. Le corps de Holienzollern,
ayant une a\ant-iiarde au delà de la i^rosse Laber
flans la direction de Landsluit, était accumulé sur la
chaussée même, le lonj; des rampes (pii s'élèvent
au-dessus d'Eckmiihl. On le voyait très-distincte-
ment dans cette forte ])osition, l)arrant la route
(pi'il était cliargé de défendre.
Le maréclud Davout s'approclui, et vint se dé-
ployer en face des Autrichiens, à portée de canon,
a\anl 1 riant à gauche, devant les villages d'Oher
et d'Unter-Leuchiing, Saint-Hilaire et les Bavarois
à droite, dans les terrains lias cpie baigne la grosse
Laber. Tandis qu'on se déployait devant cette po-
sition, une colonne de Hongrois s'avança comme
pour faire une sortie contre nous. Le maréchal
Davout, placé à la tète de son avant-garde, avait
sous la main une l)atlerie attelée. Il la fit tirer
sur-le-champ avec tant d'à -propos (pie la co-
lonne autrichienne, renversée -sous un Ilot de mi-
tiaille, se replia en désordre sur la position d'où
elle avait \oiilu (U^boucher. On s'établit alors en
face des Autrichiens ;i petite portée de canon, et
on commença ii échani.^er avec eux une effrovable
canonnade. Cette canonnade (Uira plusieurs heures
sans résultat, car les Autrichiens, n'ayant d'autre
mission (pie celle de couvrir les approches de la
RATISBOXNE. i:>7
|)liune de Ratisl)Oiuie, n'éluionl pas p;ens à prendre
l'offeiLsive; et de son côté le maréclial Davout, se
doutant qu'il avait devant lui i\os forces considé-
ral)les, probablement l'areliiduc lui-même à la tète
de sa principale armée, ne voulait pas enicaiicr une
l)ataille décisive sans les ordres de rEmi)ereur, ei
sans des moyens sullisants. Il se contenta donc de
réiiulariser sa position, de la rendre siire pour la
nuit, commode pour l'attaque du lendemain, si,
comme il en était persuadé, Napoléon ordonnai!
l'offensive avec des moyens proportionnés à la dif-
ficulté. A la nuit, il fit cesser un feu inutile, et les
Autrichiens se hâtèrent de sui\re cet exemple pour
prendre un repos dont ils a\ aient grand besoin. Le
général Priant s'établit en face d'Ober-Leuchling,
la gauche appuyée aux sommets boisés qui nous
séparaient de la plaine de Ratisbonne. Le général
Saint-Hilaire, appuyant légèrement à gauche, s'é-
tablit devant Unter-Leuchling, séparé des Autri-
chiens par le petit ra^ in ((ui allait se jeter dans la
grosse Laber. Les Bavarois et la cavalerie s'éten-
dirent dans la plaine au l)ord de la ri^ière. Cette
journée, mêlée de combats d'arrière-garde, d'en-
lèvements de diverses positions, et d'une longue
canonnade, avait encore coûté 1,100 honunes à la
division Priant, 300 à la division Saint-Hilaire, to-
tal 1 ,400, et au moins 3 mille aux Autrichiens. En
N joignant pour la prise de Landshut 300 honunes
de notre côté, 7 mille environ du côté des Autri-
chiens, c'était, dans cette journée du 21 a\ril,.
1,700 pour nous, 10 mille pour les Autricluens,
en morts, blessés ou prisonniers. Les hommes que
Avril ISOf».
I.is I.IVHK \ \ \IV.
celle siiiu- <U' i«'\cis tloioiirai^cail, cl portait ii so
Avril 1809. , . . . ■ , , , , ,
(Ichandor, claionl aussi (rcs-nouinroiix nii «oie «le.
rciiMcmi.
l'rcmieics La jouinée lîuio, \o manVhal Davoiit en>oya sur-
(le Napoléon •«'-cluimp le i^oncral Vur a I hniporoiir, pour le reii-
^eMmbat"' "^^''r"^'" exaclouionl MIT ((> (jiii s'était passé, v\ lui
JeLcurhiing, maudor cc (ju'on apeneNait do la positiou et d<' la
et la prosonce
déferas toive dcs Autricliious , dans ce dédale de bois, de
considérables . .< , ^ i i . i 11 »• i
du côté riMores, roinpiis cutic Laudshut et Katishonne.
d'Eckmuiii. L'Empereur, soucieux de la canoiuiade entendue
sur sa i^auche \ers Eckmiihl, ne s'était pas cou-
ché, afin de rece\oir les avis (|ui ne pouvaient
uiancpier de lui parvenir de toutes parts. Avec sa
|)roiliii;ieuse pénétration, il avait déjà découvert
en partie létat des choses, et il commençait à ne
|)lus douter de la position prise par l'ennenu. En
effet, Masséna venant d'Augsbouri? par Pfall'enho-
l'en sur Landsliut, n'avait rencontré ([u'un corps
lie quekpies mille llancpieurs, qu'il a\ajt poussé
devant lui, cl jeté en dt'^ordre au delà de l'Isar.
J.es masses de l'archiduc Louis et du itcnéral Hiller,
(pi'on avait poursui\ies à tra\ers la ville de Lands-
liut, i»c dénotaient ni par leur nombre, ni par au-
cun autre siiïue, la j)résence de l'armée principale.
Le dernier combat du maréchal J)a\out, dont la
nouvelle venait darrixcr dans la nuit, achevait
d'édaircir cette situation. Napoléon entrevoyait
clairement qu'il avait sur sa ttauche, le loniç de la
chaussée «le Landsliut à Ratisbonnc par Eckmiihl,
ou l'archiduc Charles lui-même a\cc la masse prin-
cipale de ses forces, ou tout au moins l'armée de
Jiohéme, Iransporh'c par le pont de Ratisbonne de
IIATISBONNE. 159
ia gauche à la droilo du l)aiuil)(\ Dans lo premier
cas, il fallait se porter à EcUniiilil avec toutes ses
forces; ilans le second, il fallait renforcer considé-
rablement le maréclial Davout. Les esprits fermes
mettent dans leurs résoliUions toute la décision de
leurs pensées. Napoléon, sur ce qu'il apprit du
combat de Lenchlinî^, lit partir à deux heures après
minuit les cuirassiers Saint-Sulpice et les Wurtem-
heri^eois sous le général Vandanmie, les uns et les
autres restés un peu en arrière de Landshut, et
ayant par conséquent moins de chemin à faire pour
rétrograder vers EckmiihI. il ren\oya sur-le-champ
le général Pire au maréchal l)a\oul, axcc lan-
iionce de ce renfort, et la promesse de renforts
plus considérables lorsque la situation serait déti-
nitivement éclaircie.
En etiet, les indices qui pour tout autre que lui
auraient été chose confuse, se multi})liaient d'in-
stant en instant, et achevaient de former sa con-
\iction'. Entre autres il lui en arriva un qui dis-
sipa tous ses doutes, c'était la prise de Ratisbonne
par l'armée aiUrichienne. On se souvient que Xa-
|)oléon avait ordonné au maréchal Davout de lais-
.ser à Ratisbonne un régiment })Our garder cette
^ille, ce qui eût été une faute, un régiment ne
' Sa correspondance , qui i)endant ceUe nuit se compose d'une
longue suite de lettres, et qui est restée ignorée des historiens, lait
connaître avec la plus grande précision la série d'idées par laquelle il
passa avant de prendre son parti , et de donner ses ordres définitifs
pour la bataille d'Eckniuhl. C'est un spectacle des plus curieux et des
plus instructifs pour l'étude de l'esprit iuimain, que cette correspon-
dance de quelques heures. Je l'ai lue plusieurs fois a\ec soin , et j'en
ai déduit les faits que je rapporte.
Avril IS09.
AvnH809.
S
<60 LIVRE \.\\1\.
poiixiuil \ siiflirc, s'il ii'iiNjiil (''((' iirffoiU de nuii-
cher \ers Aljoiisbcr.u axcc l;i plus p;rtUi(le niasse
possible (le foires. I.e iiiareclial l)a^Ollt a\ait done
laissé le Go*", excellent réi^iinent, commandé par le
colonel Coutard, a^ ec ordre de barricader les porte
et les rues de la \ilie, car Ratishonne n'avait (piune
simple chemise pour toute fortification, et de s'y
défendre à onirance. Le colonel Coutard a\ait eu
affaire le 19 à l'armée de Bohême, et lui avait ré-
sisté à coups de fusil avec une extrême vigueur,
si bien cpi'il avait abattu plus de 800 honimes à
rennemi. ]\[ais le lendemain 20, il a^ait vu paraître
sur la rive droite Tarmée de l'archiduc Charles
venant de Landshut, et il s'était trouvé sans car-
touches, ayant usé toutes les siennes dans le com-
bat de la veille. Le maréchal Davout averti lui
avait envoyé par la route d'Abach deux caissons
de munitions conduits par son brave aide de canij»
Trobriant, lesquels avaient été pris sans qu'il put
entrer un seul paquet de cartouches dans Ratis-
honne. Le colonel Coutard, pressé entre deu\ ar-
mées, n'ayant plus un coup de fusil à tirer, et ne
pou^ ant du haut des murs ou des rues barricadées
se défendre avec ses baïonnettes, avait été con-
traint de se rendre. L'archiduc Charles était donc
maître de Ratishonne, des deux rives du Danube,
et du point de jonction avec les troupes de Bohème,
ce qui le dédoiumap;eait en partie d'avoir été sé-
paré de l'archiduc Louis et du p;énéral Hiller, mais
ce qui ne le dédommageait ni des vingt -(juatre
mille hommes déjà perdus en trois jours, ni de sa
ligne d'opération enle\ée, ni surtout de l'ascen-
RATISBOXNE. ICI
tlant moral détruit en entier et passé complètement
du côté de son adversaire. Dès que Napoléon eut '
appris la mésaventure du 65'', il fut à la fois plein
du désir de se venger, et convaincu que Tarchiduc
Charles était à sa gauche, entre Landshut et Ra-
tisbonne, puisque le 65" avait été pris entre deux
armées; que le maréchal Davout avait devant lui
à Eckmiihl la plus grande partie des forces autii-
chiennes, et qu'il fallait à l'instant môme se rabat-
tre à gauche, avec tout ce dont on pourrait dispo-
ser, pour appuyer le maréchal Davout et accabler
l'archiduc Charles. Napoléon avait expédié dans la ^a nouvelle
nuit, comme on vient de le voir, le général Saint- , '^.^ ,
' ' _ la prise de
Sulpice avec quatre régiments de cuirassiers, le Raiisbonr.e
on ni» \"p
général Yandamme avec les Wurtembergeois. Il fit d éclairer
partir immédiatement le maréchal Lannes avec les «tKécTdeà
six régiments de cuirassiers du général Nansoutv, marcher
^ - ' sur Eckmuhl
avec les deux belles divisions des généraux Mo- avec toutes
rand et Gudin, lui ordonnant de marcher toute la
nuit, de manière à être rendu à Eckmiihl vers midi,
et à pouvoir donner une heure de repos aux trou-
pes avant de combattre. Napoléon ne faisant rien
à demi, parce qu'il ne saisissait pas la vérité à
demi, voulut faire plus encore, il voulut partir lui-
même avec le maréchal Masséna, et les trois divi-
sions que commandait ce maréchal. Il y joignit de
plus la superbe division des cuirassiers du général
Espagne. Le maréchal Davout avec les divisions
Friant et Saint-Hilaire fort réduites par les combats
du 1 9 et du 21 , avec les Bavarois et la division De-
mont, comptait 32 ou 34 mille hommes. Les géné-
raux Yandamme et Saint-Sulpice lui en amenaient
TOM. X. 11
A\ril <809.
102 LIVRE XXXIV.
13 ou li iiiillc. !.<' nuirôchal I.nnnos avoc les divi-
sions Moraïul cl (iiidiii, aNOC les cuirassi(M"s Naii-
souly, lui en anienail 2") mille, ce qui iorniait un
total de 7^ mille honunes. Napoléon, sui\i du ma-
réchal Masséna et des cuirassiers d"Esj)ai;ne, allait
[)orter à 90 mille le total des comijaltants devant
Eckmiihl. (]"élait plus (pj'il n'en fallait pour acca-
bler Tarchiduc Charles, fùt-il déjà réuni à larmée
de liohéme. Napoléon lit dire au maréchal Davout
qu'il arriverait avec toutes ses forces entre midi et
une heure, qu'il sitinalerait sa présence par plu-
sieurs salves d'artillerie, et qu'il faudrait à ce si-
gnal attaquer sur-le-champ.
Avant de partir de sa personne, Naj)oléon prit
encore quelques dispositions. Il donna au maréchal
Bessières , chargé de poursuivre au delà de Tlsar
les deux corps de Hiller et de l'archiduc Louis,
outre la cavalerie légère de Marulaz et une portion
de la cavalerie allemande , la division bavaroise
de Wrède, et la belle division française Molitor.
Il ne borna pas là ses précautions. La division Bou-
det, l'une des quatre de Masséna, et la division
Tharreau , la seconde d'Oudinot , restaient disponi-
bles. Napoléon les échelonna entre le Danube et
risar, de Neustadt à Landshut, pour veiller à tout
ce qui pourrait survenir entre les deux fleuves, et
se porter ou à Neustadt sur le Danube, si une
partie de l'armée de Bohème essayait de menacer
notre ligne d'opération, ou à Landshut sur l'Isar,
si l'aichiduc Louis et le général Ilillor, séparés du
généraUssime , voulaient réparer leur échec par un
retour offensif contre le maréchal Bessières.
Avril tSO»
RATISBONNE. 163
Ces ordres expédiés, Napoléon pailil au i^alop,
acconipai^né du maréchal Masséna, pour se porter
à Eckmiilil, Tuii des champs de bataille immorta-
lisés par son génie. Il partit à la pointe du jour
du 22. Depuis le 19 on n'avait cessé de combattre.
On allait le faire dans cette journée mémorable,
avec bien plus de vigueur et en pkis grand nombre
que les jours précédents.
De part et d'autre, en effet, tout se préparait pour position
une action décisive. L'archiduc Charles ne pouvait ^'^ i archiduc
' Charles autour
plus conserver aucun espoir de ramener à lui sa d Eckmiihi.
gauche , rejetée au delà de l'Isar. Il ne devait
plus avoir tju'un désir, celui de se réunir à l'armée
de Bohême, ce qui devenait facile depuis la prise
de Ratisbonne. Mais il voulut, à son tour, tenter
quelque chose qui, en cas de succès, aurait ré-
tabli les chances, et rendu à Napoléon ce qu'il
avait fait aux Autrichiens, en lui enlevant sa ligne
d'opération. Il conçut donc le projet singulier d'es-
sayer une attaque en trois colonnes sur Abach,
dans la direction même que le maréchal Davoul
avait suivie pour remonter de Ratisbonne sur Abens-
berg. (Voir la carte n° 46.) Ayant maintenant le dos
tourné vers Ratisbonne et la face vers Landshut, il
n'avait qu'à faire un mouvement par sa droite sur
Abach, pour exécuter ce projet qui le plaçait sur
la ligne de communication des Français; et comme
il n'y avait d'ailleurs vers Abach que l'avant-gardt^
du général ^lontbrun , laquelle , après avoir com-
battu le 1 9 à Dinzling contre le corps de Roserberg,
ne cessait d'escarmoucher avec les troupes légL'res
autrichiennes, il eût été possible de percer, et de
41.
Avril 180D.
164 I.IVIU- XX\1\.
ilôbouclior sur nos dcnières. Mais l'arcliidiic tou-
jours hésitiiut, soit |)ar la crainte de ce qui pou-
\ait ariiver de toute entreprise hardie devant un
adversaire connue Napoléon , soit par la crainte
de compromet Ire une armée sur laquelle reposait
le salut de la nu>narcliie, Tarcliiduc apporta dans
rexécution de cette nouvelle entreprise des tâton-
nements (jiii devaient en rendre le succès impos-
sible. Dahord, j)()ur donner au général Koliowratli,
détaché de l'armée de Bohème, le temps de passer
le Danube, il décida que l'attaque n'aurait lieu
qu'entre raidi et une heure, moment choisi par Na-
poléon pour forcer le passage d'Eckmiihl. Il distri-
bua ses troupes en trois colonnes. La première, com-
posée du corps de KoUowrath, ayant une partie de
la brigade Vecsay pour avant-garde, devait marcher
de Burg-Weinting sur Aliach. (Voir la carte n° 46.)
Elle était de 24 mille hommes. La seconde, com-
posée de la division Lindenau et du reste de la
brigade Vecsay, devait, sous le prince Jean de
Liechtenstein, marcher par Weilhoe sur Peising.
Elle était de 1 2 mille hommes , et avait l'archiduc
généralissime à sa léte. La troisième enlin, forte
de près de 40 mille honunes, comj)osée du corps
de Rosenberg qui était placé aux villages d'Ober
et d'Unler-Leuchling, en face du maréclial Davout,
du corps de Hohenzollern (jui barrait la chaussée
d'Eckmiihl, des grenadiers de la réserve et des
cuirassiers qui gardaient l'entrée de la plaine de
Ralisbonne vers Egglofsheim , devait rester im-
mobile et défendre contre les Français la route de
Landshut à Ratisbonne, tandis que les deux prc-
RATISBONNE. 165
niières colonnes feraient leur etVorl sur Ahacli. Lar-
1 • , ■ -, « ,,.,.. Avril 1809.
chiduc se préparait donc a prendre 1 oliensive par
sa droite, forte de 3G mille hommes, tandis que sa
gauche, forte de 40 mille, se tiendrait sur la défen-
sive, à mi-côte des hauteurs qui séparent la grosse
Laber de la vallée du Danube. Napoléon , de son
côté, marchant au secours du maréchal Davout sur
Eckmiihl, allait se ruer sur cette gauche avec toutes
ses forces , les deux généraux ennemis agissant
ainsi sur les communications l'un de l'autre, mais
le premier avec hésitation, le second avec une irré-
sistible vigueur. Cette gauche de l'archiduc, qui
devait nous disputer la route de Ratisbonne aux en-
virons d'Eckmiihl, était disposée comme il suit. Le
corps de Rosenberg était établi à mi-côte sur les
hauteurs qui bordent la Laber, derrière les deux
villages d'Ober-Leuchling et d'Unter-Leuchling ,
flanquant la chaussée de Ratisbonne. Un peu plus
loin et plus bas se trouvait le corps de Hohenzol-
lern, occupant les bords de la grosse Laber, le
château d'Eckmiihl , les rampes que la chaussée de
Ratisbonne forme au-dessus de ce château. Sur le
revers au milieu de la plaine de Ratisbonne, se te-
nait toute la masse des cuirassiers et des grena- -
diers, en avant et en arrière d'Egglofsheim. C'était
donc en face des deux villages d'Ober et d'Unter-
Leuchling, puis sur la chaussée d'Eckmiihl, et en-
fin dans la plaine de Ratisbonne , que l'action devait
se passer.
Jusqu'à huit heures un épais brouillard enve- j^imiihi,
loppa ce champ de bataille, de l'aspect le plus jj^'^avrii
agreste, et où allait couler le sang de tant de mil- isos).
^66 LIVHE XXXIV
liers d'hommes. Dos (iiio lo hronilliinl disnanit, on
se prépara de pari cl d'antre, les uns ii la déleiise ,
les autres à ratlacpie. \a- maréchal Davout disp(3sa
vers sa i^auche la di\ isioii Friant {joiir la «lirii^er sur
les sommets boises auxquels s'appuyaient les deux
villai^es d'Ober et d'Unter-Leuclilinir, vers sa droite
ia division Saint-Hilaire pour atlatpier de front les
deux \illae;es que les Autrichiens occupaient en
l'.éparatifs forcc. Plus à droite et plus bas, sur le bord de la
f'riix armées, grosse Labcr , il avait rangé les cavaleries bava-
roise et wurtembergeoise, et en arrière les divi-
sions de cuirassiers français qui étaient déjà arri-
vées. Les Autrichiens de leur côté s'établissaient
de leur mieux sur les hauteurs qu'ils avaient à dé-
fendre. Le prince de Rosenberg avait fait barricader
le village d'Unter-Leuchling, le plus menacé des
deux, placé une partie de ses forces dans l'intérieur
de ces deux villages, et le reste au-dessus sur un
plateau boisé qui les dominait. Pour se relier avec
la chaussée d'Eckmiihl, qui passait derrière lui, il
avait déployé sur un coteau le régiment de Czar-
toryski, avec beaucoup d'artillerie, de manière à
labourer de ses boulets toute la vallée par laquelle
devaient se présenter les Français. La brigade Bi-
ber, du corps de HohenzoUern, était en masse pro-
fonde le long de la chaussée au-dessus dEckmùhl,
tandis que Wukassovich occupait avec plusieurs dé-
tachements l'autre rive de la grosse Laber, attendant
les Français (pii venaient de Landshul. A\ant midi
pas un coup de fusil ou de canon ne troubla les airs.
Ou discernait seulement de nombreux mouvements
d'hommes et de che\an\, et sur ces coteaux cou-
RATISBONNE. %^
verts de bois, au milieu de ces prairies humides et •
. , . , ,. Avril 1809.
verdoyantes , on voyait se dessmer en lon2;ues hunes
blanches les masses de l'armée autrichienne.
Vers midi d'épaisses colonnes de troupes paru-
rent dans la direction de Landshut : c'étaient les
divisions Morand et Gudin précédées des Wurteni-
bergeois, suivies des maréchaux Lannes et Mas-
séna, et de Napoléon lui-même, qui accouraient tous
au galop. Les troupes françaises arrivant de Lands- ucncontre
hut débouchaient par Buchhausen, d'une chaîne de av;mt-£'!rrdL à
coteaux placée vis-à-\is d'Eckmiihl , et formant la Buchhausen.
berge opposée de la vallée de la grosse Laber.
(Voir la carte n" 47.) Sans qu'on eut à donner le
signal convenu, la rencontre des avant- gardes an-
nonça le cornmencement du combat. Les Wurtem-
bergeois, en débouchant de Buchhausen, furent
accueillis par la mitraille partant d'une batterie
de Wukassovich , et par les charges de sa cavale-
rie légère. Repoussés d'abord, mais ramenés bien-
tôt en avant par le brave Vandamme, soutenus
par les divisions Morand et Gudin, ils enlevèrent
Lintach, bordèrent la grosse Laber devant Eck-
miihl, et se lièrent par leur gauche avec la divi-
sion Demont et les Bavarois, A leur droite, les
avant-postes de la division Gudin vinrent se ré-
pandre entre Deckenbach et Zaitzkofen, vis-à-vis
d'Eckmiihl et de Roking.
Au premier coup de canon tiré à l'avant- garde, combat
l'intrépide Davout ébranla ses deux divisif (is. 1/ar- Da^ou^TOnfre
tillerie française vomit d'abord une grêle de pro- '^jîjnier^'
jectiles sur tout le front des Autrichiens, et les etdober-
obligea à se renfermer dans les villages d'Unter et
Avril 1809.
468 LIVHK XXXIV.
(r()l)er-LLMit'lilinf,'. Les divisions Friaiit (3l Saiut-Hi-
lairc s'avancèrent en ordre, la première à û;auche
sur les bois au\(|iiels s'aj)j)uyait la droite du corps
de Rosenber.::;; , la seconde à droite sur les Nillaii;es
d'Ober- Leucliiini; et d'Unler - Leuchlini^;, situés
tous deux à une portée de fusil. Une mousqueterie
des plus meurtrières assaillit la division Saint-Hi-
laire dans son mouvement contre les deux vil-
lai^es, mais n'ébranla point cette vieille troupe , qui
était conduite parle brave Saint-Hilaire, surnonnné
dans l'armée le chevalier sans peur et sans reproche.
Le villai^e d'Ober-Leuchlinij;, plus enfoncé dans
le ravin et d'un abord moins diflicile, fut emporté
le premier. Celui d'Unter-Leucliling, plus en de-
iiors, plus escarpé, et l^arricadé intérieurement,
fut énert!;iquement défendu par les Autrichiens. Le
iO" léger, qui était chargé de l'attaque, exposé au
double feu du village et du bois en dessus, per-
dit en un instant 500 hommes morts ou blessés. Il
ne se troubla point, pénétra dans le \illagc barri-
cadé, y tua à coups de baïonnette tout ce qui ré-
sistait, et y fit plusieurs centaines de prisonniers.
Les. régiments de Bellegarde et de Reuss-Graitz qui
nous avaient disputé les deux villages, se retirè-
rent alors en arrière sur le plateau boisé, et s'y
défendirent avec une nouvelle vigueur. Pendant
ce temps la division Kriant avait attaqué à gau-
che les bois auxquels se liaient les deux villages,
et y avait refoulé les régiments de Chasteler, ar-
ciiiduc Louis et Cobourg, formant la droite du
prince de Rosenberg. Après un feu de tirailleurs
très-meurtrier, le 48" et le HT, conduits par le
Avril 1809.
IIATISBOXNE. m9
général BarbaiièiJjre , se jetèrent baïonnette baissée
dans toutes les éclaircies des bois occupées par les
masses autrieliiennes, et renversèrent celles-ci. Le
corps de Rosenberg poussé ainsi d'un coté vers les
bois qui couronnaient la chaîne , de l'autre au delà
des deux villages, sur le plateau boisé qui les do-
minait, fut acculé vers la coupure à travers laquelle
passait la chaussée d'Ecknuihl. Retiré sur ce point ,
il essava de s'v maintenir. En ce moment, dans le
bas à droite, devant Eckmiihl, les attaques com-
mençaient avec une égale vigueur. Tandis que la prjsg
cavalerie des Bavarois , appuyée par nos cuiras- ,1",^^''!?"
siers , chargeait dans la i)rairie la cavalerie des '«s wurtem-
Autrichiens , les fantassins wurtembergeois s'é-
taient élancés sur Eckniiihl poiu' l'enlever à l'in-
fanterie de Wukassovich. Assaillis par une grêle
de balles parties des muiailles du château, ils ne
se découragèrent pas, et revenant à la charge, ils
l'emportèrent. On aperçut alors la chaussée dont
les rampes s'élevaient dans la montagne, couverte
de masses profondes d'infanterie et de cavalerie.
D'un côté à gauche se vovaient les restes de Ro-
senberg défendant le plateau situé au-dessus des
villages d'Ober et d'Untor-Leuchling, de l'autre
côté à droite les hauteurs boisées de Roking, où
était établie une partie de la brigade Biber. Il fallait
donc enlever ces points, et enfoncer entre deux
les masses qui barraient la chaussée.
Napoléon, accompagné de Lannes et de 3Iasséna, Attaque
ordonna l'attaque décisive, pendant que le général J^'^Jàu^^^e
Cervoni, brave officier, dé{)l()yant une carte sous dE.kmuhi.
leurs yeux, était emporté par un boulet. Lannes
Avril «K09.
170 I.IVHH XWIV.
(■(ludiiisit à droite la (li\ision diidin sur les hau-
lems boisées de Uokiiii;. Celte tli\ision ])assa la
4?rosse l.aIxM' an poiiU de Slaiiirlmiihic, d'un côté
t:ra\il direeleinent les hauteurs «le Uokinp;, do l'au-
tre, proloujL'eant son mouvement à droite, déhorrla
ces hauteurs, et les enleva successivement à la
hriirade Biher, (jui les disputa pied à pied. Sur la
chaussée, la cavalerie à son tour s'élança sur ce
terrain, (jui présentait une montée assez roide, et
qui était couvert d'une épaisse colonne. Ce furent
les cavaliers bavarois et wurlemhergeois qui char-
i^èrent les j)remiers et qui rencontrèrent la cava-
lerie léiïère des Autrichiens. Celle-ci se préci|)itant
avec bravoure sur un terrain en pente, culbuta nos
alliés jusqu'au bord de la grosse Laber. Les cui-
rassiers français, venant à leur secours, gravirent
la pente au galop, renversèrent les cavaliers autri-
chiens, et par\inrent au sommet de la chaussée à
l'instant même où l'infanterie de Gudin, maîtresse
de la hauteur de lloking, apparaissait sur leur tête.
Cette infanterie, à l'aspect des cuirassiers français
gravissant la chaussée au galop et enfonçant les
Autrichiens malgré le désavantage du terrain, se
mit à battre des mains en criant : Vivent les cui-
rassiers !
A gauche la lutte continuait entre Saint-Hilaire
et les réiîiments de Belleearde et de Reuss-Graitz,
(fui disputaient le plateau boisé au-dessus de Leuch-
ling. Saint-Hilaire y pénétra enfin, en chassa les
deux régiments et les refoula sur la chaussée. A
cette vue les braves généraux Stutterheim et Som-
mariva s'élancèrent avec les chevaux -légers de
RATISBONNE. 171
Vincent et les hussards de Stipsicz sur rinfanleric ■
, ,^ .,,,., • ^1 • Il -1 A , Avril 1809.
de Sauit-Hilaue. Mais celle-ci les arrêta en leur
présentant ses baïonneUes, les ramena sur le bord
de la chaussée de Ratisbonne, et la couronna d'un
côté, tandis que Tinfanterie de Gudin la couronnait
de l'autre. La cavalerie autrichienne, accumulée
alors sur la chaussée, fit de nouveaux efforts contre
la masse de nos cavaliers, chargea, fut chargée à
son tour, et finit par céder le terrain.
A cette heure l'obstacle était forcé de toutes La chanssée
parts , et la chaussée de Ratisbonne nous appar- '^c^îevTè^'
tenait, car à gauche Priant traversant le bois qui l'armép fran-
çaise
surmontait la chaîne descendait déjà sur le re- débouche
vers des hauteurs, et à droite Gudin franchissant ^"^ de''^'"^
aussi cette chaîne, commençait à déboucher dans ^^''^''"""^'•
la plaine de Ratisbonne vers Gaiisbach. Les troupes
de Rosenberg et de Hohenzollern débordées de
droite et de gauche, vinrent chercher un abri der-
rière la masse des cuirassiers autrichiens qui était
rangée en bataille à E2:2:lofsheim. Notre cavalerie
les suivit au erand trot, avant à eauche l'infanterie
Priant et Saint-Hilaire , à droite l'infanterie Gudin.
Il était sept heures du soir, la nuit approchait, et Furieux
, . , , 1-1 • 1 • combat
derrière les cavaliers bavarois et wurtembergeois de cavaiene
nos alliés, débouchaient en masse, faisant retentir '^"Xfshetm.^"
la terre sous le pas de leurs chevaux , les dix régi-
ments de cuirassiers de Nansouty et de Saint-Sulpice.
Un terrible choc était inévitable entre les deux ca-
valeries, l'une voulant couvrir la plaine dans la-
quelle en ce moment se repliait l'archiduc Charles,
et l'autre voulant conquérir cette plaine pour y
terminer sa victoire sous les murs mêmes de Ratis-
A\ri) 1809.
Mi IJVHK XXX IV.
bonne. Pendant que nos cuirassiers s'avancent sur
la chaussée flan((nés (h; la cavalerie alliée, contre
les cuirassiers autrichiens |)lacés aussi sur la chaus-
sée, et llaiHjués de leur cavalerie léi^ère, la masse
des cavaliers ennemis s'ébranle la première à la
lueur du crépuscule. Les cuirassiers de Gottesheim
fondent au iralop sur les cuirassiers français. (]eux-
ci, attendant avec sanij;-froid leurs adversaires, font
une déchariïc de toutes leurs armes à feu, puis
une partie d'entre eux, s'élançant à leur tour,
prennent en flanc les cuirassiers ennemis , les ren-
versent, et les poursuivent à outrance. Alors les
cuirassiers autrichiens, dits de l'empereur, vien-
nent au secours de ceux de Gottesheim. Les nôtres
les reçoivent et les repoussent. Les braves hussards
de Stipsicz veulent prêter appui à leur grosse ca-
valerie, et ne craignent pas de se jeter sur nos cui-
rassiers. Après un honorable effort ils sont culbutés
connue les autres, et toute la masse de la cavalerie
autrichienne dispersée s'enfuit au delà d'Egglofs-
heim sur Kofering. Tandis que nos cavaliers sui-
vent la chaussée au galop, ceux des Autrichiens,
trouvant la plaine marécageuse, veulent regagner
la chaussée, se mêlent ainsi au torrent des nôtres,
et tombent dans nos rangs. Une foule de combats
singuliers s'engagent alors aux douteuses clartés
de la lune, et au milieu de l'obscurité qui com-
mence, on n'entend que le cliquetis des sabres sur
les cuirasses, le cri des combattants, le pas des
chevaux. Nos cuirassiers portant la double cuirasse,
couverts par conséquent dans tous les sens, ont
moins de peine à se défendre (jue les Autrichiens,
Avril 1809.
RATISBONNE. 173
([iii ne porlanl de cuirasse que sur la poitrine,
loml)ent en grand ncnnhie sous les coups de pointe
qu'ils reçoivent par derrière. Une foule de ces mal-
heureux sont ainsi blessés à mort. Jamais depuis
vingt ans on n'a vu une pareille scène de désolation.
Cependant la nuit étant faite, il devient prudent
d'arrêter le coml)at. En s'avançant on peut rencon-
trer en désordre l'armée de l'archiduc se repliant
sur Ratisbonne , et la jeter dans le Danube ; mais
on peut aussi la trouver rangée en ordre, et en
masse, sous les murs de cette ville, et capable
d'arrêter des vainqueurs qui débouchent sans en-
semble, à travers plusieurs issues, de la vallée de
la grosse Laber. Napoléon arrive en ce moment avec
Masséna et Lannes à Egglofsheim. Après quelques
instants de délibération , le parti le plus sage l'em-
porte, et il remet au lendemain à livrer une seconde
bataille, si l'archiduc tient devant Ratisbonne, ou
à le poursuivre au delà du Danube, s'il se retire
derrière ce fleuve. Il donne donc l'ordre de l)i-
vouaquer surplace. C'était agir sagement, car les
troupes expiraient de fatigue, celles surtout (pii
venaient de Landshut. Il n'y avait même d'airivés
que les Wurtembergeois, Morand et Gudin. Les
trois divisions de Masséna se trouvaient encore en
arrière.
Cette journée du %%, dite bataille d'Eckmiihl, et Résnitais
méritant le titre de bataille par le nombre des troupes
engagées, par Timportance décisive de l'événe-
ment, nous avait coûté environ 2,500 honnnes hors
de combat, la plus grande partie api)artenant aux
divisions Friant et Saint-Hilaire, lesquelles par leir
(le la bataille
d Eckmtihl.
Avril 4 809.
474 LIMU" WXIV.
conduite dans ces (jualrc jours, ohliiucnl pour leur
chef le titre de prince dEckmiihl, titre glorieux
l)ien justeinenl ac(pus. KIU^ avait coûté aux Autri-
cliiens en\iron (i niilh^ morts ou blessés, un irrand
nombre de bouches ii feu, et 3 ou 4 mille prison-
niers, recueillis à la nuit dans les \illaires que Ton
traversait à mesurer (pie l'armée autrichienne bat-
tait en retraites (^ette bataille avait déiinitivement
séparé Tarchiduc Charles des corps de Hiller et de
1 archiduc Louis, et Tavait rejeté en désordre sur
la liohèmc, a|)rès lui avoir enlevé sa lii^ne d'opé-
ration, la Bavière, et la iïrande route de Vienne.
Napoléon, ])our la première fois depuis quatre
jours, put prendre un instant de repos, et le prit
bien court, car il voulait achever le lendemain la
série de ces grandes et belles opérations. Il se dou-
tait bien du reste qu'il n'aurait pas de bataille à li-
vrer, et que Tarchiduc Charles passerait le Danube
en toute hâte, mais il prétendait lui rendre ce pas-
sage dillicile et même funeste, s'il était possible.
De son coté l'archiduc Charles, qui s'était arrêté
dans son mouvement sur Abach en apprenant le
malheur de sa gauche, et qui n'avait rien fait pour
le prévenir à temps, l'archiduc consterné, et se
reprochant vivement alors de n'avoir pas persé-
véré davantage dans sa résistance à la politique de
la guerre, n'avait pas autre chose à faire qu'à
traverser promptement le Danube pour rejoindre
l'armée de Bohème, dont il avait déjà rallié la moi-
tié sous Kollowrath, et de descendre ensuite le
grand fleuve autrichien sur une rive, tandis que
Napoléon le descendrait sur l'autre. Livrer une ])a-
RATISBONNE. 1i75,
taille avec le Danube à dos, eùl été une faute cou-
,-,,,, „ Avril 1809.
tre les rci^les de la ii:uerre, et une taute tou( a lait
inexcusable dans l'état de Tarmée autrichienne,
qui, quoiqu'elle se fut bien conduite, était revenue
au sentiment de son infériorité à l'égard de l'armée
française. La cavalerie de l'archiduc Charles d'ail-
leurs était trop peu nombreuse pour disputer à la
cavalerie française la vaste plaine dans laquelle on
se trouvait. L'archiduc résolut donc de passer sans l archiduc
délai le Danube, soit sur le pont de pierre de Ra- ckfj'r passer
tisbonne, soit sur un pont de bateaux jeté un peu le Danube à
au-dessous de cette ville , au moyen d'un matériel afin
1 n ' 1 T» 1 A ■ • / de so rcfuijicr
de passage que 1 armée de Bohême avait amené en Bohême
avec elle. Il fut décidé que le corps de Kollowrath,
dirigé sur Abacli le matin , et ramené le soir d'A-
bach sur Burg-Weinting, couvrirait la retraite, car
n'ayant pas donné encore il était moins fatigué que
les autres. Le gros de l'armée devait traverser Ra-
tisbonne, franchir le Danube sur le pont de cette
ville, pendant que le corps de réserve passerait
sur le pont de bateaux jeté au-dessous, et que la
cavalerie évoluerait dans la plaine, pour occuper
les Français en faisant le coup de sabre avec eux.
Le lendemain 23 les dispositions de l'archiduc
furent exécutées avec assez d'ordre et de succès.
Bien avant le jour les divers corps de l'armée tra-
versèrent Ratisbonne, tandis que le général Kollo-
wrath, se retirant avec lenteur vers la ville, donnait
aux troupes de l'archiduc le temps de dealer. Les
grenadiers s'étaient agglomérés au-dessous de Ra-
tisbonne pour opérer leur passage. La cavalerie ma-
nœuvrait entre Ober-Traul)ling et Burg-Weinting.
176 i.ivui: WXIV.
Les Français do leur côté se mirent en mouvement
AvriM899. , „ , , .....
(le fort l)onnc heure, tenus en éveil par la victoire
Les Français presuue aulaut (lue les Autrichiens par la défaite.
poursuivent i i i »
les Dès qu'on put discerner les objets, la ca\alerie lé-
Autrichiens , 1 1 TV' 1 ' •
SOUS les murs i^crc , par onlrc de Napoléon, s avança en recon-
Ratisbonnc naissauce sur la cavalerie autricliienne, pour savoir
si c'était une bataille qu'on aurait à livrer, ou des
fuyards qu'on aurait à poursuivre. La cavalerie
autrichienne, qui, dans ces circonstances, n'avait
cessé de se conduire avec le plus grand dévoue-
ment, se précipita sur la notre, et il s'engagea entre
les deux une nouvelle mêlée où toutes les armes
tombèrent dans une affreuse confusion. Les cava-
liers autrichiens perdirent par ce noble dévouement
près d'un millier dhonunes; mais se retirant tou-
jours sur la ville, à travers laquelle ils détilaient au
galop, ils attirèrent notre attention de ce coté, et
réussirent ainsi à nous dérober la vue du pont de
bateaux par lequel passaient les grenadiers. Un dé-
tachement de cavalerie légère s'en aperçut enfin,
signala le fait à l'artillerie de Lannes, qui, accou-
rue au galop, se mit à foudroyer les Autrichiens.
On y tua grand nombre de grenadiers, on en noya
beaucoup d'autres, et on détruisit même le pont,
dont les bateaux désunis et enflanuués furent bien-
tôt emportés par le Danube. Mais le gros des troupes
put se retirer, sauf une perte de quelques centaines
dhonunes. Le maréchal Davout à gauche, avec Jes
divisions Frianl et Saint-Hilaire, le maréchal Lannes
à droite, avec les divi.<ions Morand et Gudin, la ca-
valerie au centre, ne débouchèrent sur la ville qu'au
moment où les derniers bataillons autrichiens la
RATISBONNE. 457
Avril 1809.
traversaient. Les portes en furent inunédiatenienl
fermées sur nos voltigeurs.
Napoléon y voulait entrer dans la journée mémo, Attaiiue
soit pour vénérer récliec du Go'= de liiiue, soit pour , 1*
avoir le pont du Danube, et s'assurer ainsi le moyen
de suivre rarcliiduc Charles en Bohême. La ville
était enveloppée d'une simple muraille, avec des
tours de distance en distance, et un large fossé. Elle
ne pouvait pas donner lieu à un siège régulier; mais
défendue par beaucoup de monde, elle pouvait te-
nir quelques heures, même quelques jours, et sin-
gulièrement ralentir notre poursuite. Napoléon or-
donna que Tartillerie des maréchaux Davout et
Lannes, tirée des rangs, fut mise en ligne tout
entière, pour abattre les murs de cette malheureuse
cité. Sur-le-champ un grand nombre de pièces com-
mencèrent à vomir les boulets et les obus, et le feu
éclata en plusieurs quartiers.
Napoléon, impatient de venir à bout de cette
résistance, s'était approché de Ratisbonne, au mi-
lieu d'un feu de tirailleurs que soutenaient les Au-
trichiens du haut des murs, et les Français du bord
du fossé. Tandis qu'avec une lunette il observait Napoléon
les lieux, il reçut une balle au cou-de-pied, et ai/pS.
dit avec le sang-froid d'un vieux soldat : Je suis
touché ! — Il l'était effectivement, et d'une manière
qui aurait pu être dangereuse , car si la balle eût
porté plus haut, il avait le pied fracassé, et l'ampu-
tation eût été inévitable. Les chirurgiens de la garde
accourus auprès de lui enlevèrent sa botte et placè-
rent un léger appareil sur la blessure, qui était peu
grave. A la nouvelle que l'Empereur était blessé,
TOM. X. '12
Avril IS09.
178 LIVRE XXXIV.
les soldais des corps los plus voisins ronipiront spon-
taiiéiuonl leurs nni.i:>, jjoiir lui jidrusser de i)liis près
les bruyants ti'ni(iii:iiai:es de leuraflection. lln'v en
avait pas un cpii ne crût son existence attachée à la
sienne. Napoléon, tlonnanl la main aux plus rap-
prochés, leur aflirnia cpie ce n'était rien, remonta
immédiatement à cheval , et parcourut le front de
larmée pour la rassurer. Ce fut un délire de joie et
d'enthousiasme. On saluait en lui Iheureux vain-
(jueur dKckmiilil, (jue la mort venait delïleurer à
peine, pour apprendre à tous que le danger lui était
commun avec eux, et que s'il prodiguait leur vie,
il ne ménageait guère la sienne. Il passa devant les
corps qui s'étaient le mieux conduits, fit sortir des
rangs les olliciers et même les soldats signalés par
leur bravoure, et leur donna à tous des récompen-
ses. 11 y eut de simples soldats qui reçurent des
dotations de quinze cents francs de rente.
Cependant ce n'était pas tout à ses yeux que d'é-
changer ces joyeuses félicitations, il fallait achever
de vaincre, et il envoyait aide de camp sur aide
l'nse de Ra- Je camp auprès du maréchal Lannes, pour accélé-
lisbcjuio. . ^ *
rer la prise de Ratisbonne. Cet intrépide maréchal
s'était approché de la porte de Straubing, et avait
fait diriger tous les coups de son artillerie sur une
maison saillante (pii dominait l'enceinte. Bientôt
celte maison, abattue par les boulets, s'écroula
dans le fossé, et le combla en partie. L'obstacle n'é-
tait dès lors plus aussi diiUcile à vaincre, mais il
restait toujours un double escarpement à franchir
•soit pour descendre dans le fossé, soit pour remon-
ter sur le mur vis-à-vis, qui n'était qu'à moitié ren-
RATISBONXE. 179
versé. On s'était procuré quelques échelles. Des gre-
nadiers du S'6^ s'en saisirent , et les placèrent au bord
du fossé. Mais chaque fois qu'un d'entre eux pa-
raissait, des balles tirées avec une grande justesse
rabattaient à l'instant. Après que quelques hom-
mes eurent été frappés de la sorte, les autres sem-
blèrent hésiter. Alors Lannes s'avançant tout cou
vert de ses décorations, s'empara de l'une de ces
échelles, en s'écriant : Vous allez voir que votre
maréchal, tout maréchal qu'il est, n'a pas cessé
d'être un grenadier. — A cette vue ses aides de
camp, Marbot et Labédoyère, s'élancent, et lui ar-
rachent l'échelle des mains. Les grenadiers les sui-
vent, prennent les échelles, se précipitent en foule
sur le bord du fossé, et y descendent. Les coups de
l'ennemi, tirés sur un plus grand nombre d'hommes
à la fois, et avec plus de précipitation, n'ont plus
la même justesse. -On franchit le fossé, on escalade
le mur à moitié renversé par nos boulets. Les gre-
nadiers du 8'6% suivant MM. Labédoyère etMarbot,
pénètrent ainsi dans la ville, se dirigent vers l'une
des portes et l'ouvrent au 85", qui entre en colonne
dans Ratisbonne. La ^ille est à nous. On court de
rues en rues sous la fusillade, ramassant partout
des prisonniers. Mais tout à coup on est arrêté par
un cri de terreur parti du milieu des Autrichiens :
— Prenez garde à vous, nous allons tous sauter en
lair! s'écrie un officier. — Il y avait en effet des
barils de poudre qu'on avait laissés dans une rue,
et que le feu échangé des deux côtés pouvait faire
sauter. D'un commun accord on s'arrête; on roule
ces barils de manière à les mettre à Tabri de l'in-
12.
AvriM809.
Avril ISOli.
<80 LIVRi: XWIV.
cendie, et à s'épari^ner aux uns comme aux autres
un |)('ril mortel. Les Autrieliiens se retirent ensuite,
et abandonnent la \ille à nus lioupes.
Cette journée coûta encore à l'ennemi environ
deux n)ille hommes hors de combat, et six à sept
mille prisonniers. C'était la cincjuième depuis Tou-
Késuiiuts verture de la campairne. Jetons un regard sur ces
«le celte . . , . ,. T I f\ -Il
brillante <-"i'iM joumecs SI remplies. Le lu avril, le mare-
«amyagnc j^^j j)aYout, rcmoutant le Danuljc de Ratisbonne
ce cinq jours. '
à Abensberg , avait rencontré l'archiduc Charles
à Tengen, lui avait tenu tète, et l'avait arrêté sur
place. Le 20, Napoléon, réunissant la moitié du
corps du maréchal Davout aux Bavarois et aux
Wurtembergeois, tandis qu'il attirait le maréchal
Masséna sur le point commun d'Abensberg, avait
percé vers Rohr la ligne des Autrichiens, et séparé
l'archiduc Charles du général Hiller et de l'archiduc
Louis. Le 21, il avait continué ce mouvement, et
détiniti\ ement séparé les deux masses ennemies,
en prenant Landshut et la ligne d'opération des
Autrichiens, pendant que le même jour le maréchal
Davout, formant à gauche le pivot de ses mouve-
ments, rencontrait encore, et contenait l'arclnduc
Charles à Leuchling. Le 22, averti que l'archiduc
Charles ne s'était pas retiré par Landshut, mais se
trouvait à sa gauche vers Eckmiihl , devant le corps
du maréchal Davout, il avait subitement pris sa dé-
termination, s'était rabattu sur Eckmiihl, et, dans
c€tte bataille, livrée sur l'extrémité de la ligne en-
nemie, avait accablé et acculé les Autrichiens vers
Ratisbonne. Le 23 enfin, il terminait cette lutte de
cinq jours en prenant Ratisl)onne, et en refoulant en
RATISBONNE. 181
Holiéme rarcliidiic Cliarles réuni à rarniée de Bcllo-
j5'arde, mais séparé de celle de Hiller el de rarcliiduc
Louis. Outre Tavantage de s'ouvrir la route de
Vienne que défendaient tout au plus 3G ou 40 mille
hommes démoralisés, d'avoir pris l'immense ma-
tériel qui se trouvait sur la principale ligne d'opéra-
tion de l'ennemi, d'avoir rejeté l'archiduc Charles
dans les défilés de la Bohème, où celui-ci devait
être paralysé pour long-temps, d'avoir rendu enfin
à ses armes tout leur ascendant. Napoléon avait
détruit ou pris environ GO mille hommes, et plus
de cent pièces de canon. Sur ces GO mille hommes
près de 40 mille avaient été atteints par le feu de
nos fantassins, ou le sabre de nos cavaliers'. El
tout cela Napoléon l'avait obtenu en se dirigeant,
au milieu d'une confusion inouïe de lieux et d'hom-
mes, d'après les vrais principes de la guerre. Sans
doute en donnant davantage au hasard, en lais-
sant l'archiduc courir sur Ratisbonne, sans amener
à lui le maréchal Davout, Napoléon aurait pu se
jeter sur les derrières de l'ennemi par Lancqwaid
et Eckmiihl, et peut-être prendre en un jour l'armée
autrichienne tout entière. ]Mais, outre qu'il aurait
fallu deviner le secret de cette situation, ce qui
n'est donné à personne, Napoléon aurait manqué
aux vrais principes en restant divisé en présence
d'un ennemi concentré, et lui aurait livré ainsi la
possibilité d'un grand triomphe. Au contraire , en
amenant à un point commun le maréchal Davout
par sa gauche, le maréchal Masséna par sa droite,
* Je n'énonce ces chiffres qu'après avoir réduit toutes les exagérations
des bulletins.
Avril 1S'>'J.
Avril 1809
l«i I.IVRi: XXXIV.
il se mit en mesure de faire face à tout, quelles que
fussent les chances des événements, et il |)ut cou-
per devant lui la lii^nic ennemie, percer sur Lands-
hut, puis se rahaltie à puiclie, et accabler detiniti-
vemcnt à Ratishonne la prande armée aulrichienne.
Si nous l'osions, nous ajouterions qu'il vaut pres-
que mieux avoir triomplié un peu moins en se con-
formant aux vérital)les principes de la jjjuerre, qui
ne sont après tout que les rèiiles du l)on sens, avoir
triomphé un peu moins, disons-nous, mais sans
courir aucune chance périlleuse, que d'avoir triom-
phé davantage en donnant trop au hasard. Napoléon
n'eût jamais succombé, s'il avait diri2;é la politique
comme en cette occasion il dirigea la guerre. Du
reste, l'Autriche, sous ces coups terribles, allait être
abattue, l'Allemagne comprimée, l'Europe conte-
nue : Napoléon n'avait jamais mieux mérité les fa-
veurs de la fortune, qui, dans ces cinq journées,
sembla de nouveau tout à fait séduite et ramenée.
FIN DU LIVRE TREME-QUATRFÈME.
LIVRE TRENTE-CINQUIEME.
WAGRAM.
Comnicncemenl des lïostilités on Italie. — Entrée imprévue des Autri-
chiens par la Ponteba, Cividale et Gorice. — Surprise du prince Eu-
gène, qui ne s'attendait pas à être attaqué avant la lin d'avril. — Il
se replie sur la Livenza avec; les deux divisions qu'il avait sous la
main , et parvient à y réunir une partie de son armée. — L'avant-
garde du général Sahvic est enlevée à Pordenone. — L'armée de-
mande la bataille à grands cris. — Le prince Eugène entraîné par
ses soldats, se décide à combattre avant d'avoir rallié toutes ses for-
ces, et sur un terrain mal choisi. — Bataille de Sacile perdue le 16
avril. — Retraite sur l'Adige. — Soulèvement du Tyrol. — L'armée
française concentrée derrière l'Adige , s'y réorganise sous la direction
du général Macdonald donné pour conseiller au prince Eugène. —
La nouvelle des événements de Ratisbonne oblige l'archiduc Jean à
battre en retraite. — Le prince Eugène le poursuit l'épée dans les
reins. — Passage de la Piave de vive force, et pertes considérables
des Autrichiens. — Événements en Pologne. — Hostilités imprévues
en Pologne comme en .Bavière et en Italie — Joseph Ponlatowski livre
sous les murs de Varsovie un combat opiniâtre aux Autrichiens. —
Il abandonne cette capitale par suite d'une convention, porte la
guerre sur la droite de la Vistule, et fait essuyer aux Autrichiens de
nombreux échecs. — Mouvements insurrectionnels en Allemagne.
— Désertion du major Schill. — Conduite de Napoléon après les
événements de Ratisbonne. — Son inquiétude en apprenant les nou-
velles d'Italie, que le prince Eugène tarde trop long-temps à lui faire
connaître. — Il s'avance néanmoins en Bavière, certain de tout ré-
parer par une marche rapide sur Vienne. — Ses motifs de ne pas
poursuivre l'archiduc Charles en Bohème , et de se porter an con-
traire sur la capitale de l'Autriche par la ligne du Danube. — Marche
admirablement combinée. — Passage de l'Inn, de la Traun et de
l'Ens. — L'archiduc Cliarles, voulant repasser de la Bohème en
Autriche, et rejoindre le général Ililler et l'archiduc Louis derrière
la Traun, est prévenu à Lintz par Masséna. — Épouvantable combat
d'Ébersberg. — L'archiduc Charles n'ayant pu arriver à temps ni à
Lintz, ni à Krems, les corps autrichiens qui défendaient la haute
Autriche sont obligés de repasser le Danube à Krems, et de dé-
couvrir Vienne. — Arrivée de Napoléon sous cette capitale le 10
mai, un mois après l'ouverture des hostilités. — Entrée des Fran-
çais à Vienne à la suite d'une résistance fort courte de la part
des Autrichiens. — Effet de cet événement en Europe. — Vues
I«l Ll\ HI-: xxxv
«le Najioltiiii pour atliCMT la doslnulion des armées ennemies. —
Manière <l(>nt il édielonnt! ses corps pour tiiiiièdier niie tentali\o
des ardiidues sur ses derrières, et pour pr(^[)arer une coneenlra-
tion subite de ses forces dans la ^ue de livrer \me bataille dé-
cisive. — Nécessité de pas^er le Danube pour joindre rar( liiduc
riiarles, qui est c<impé vis-à-vis de Vienne. — Préparatifs de ce dif-
litile passage. — Dans cet intervalle l'armée d'Italie dégaj^éc par
les progrès de l'armée d'Allema^^ne a rejiris l'offensi\e, et mardié
en avant. — L'ardiiduc Jean repasse les Alpes Noriques et Juliennes
aflaibli de moitié, et dirige les forces qui lui restent vers la Hongrie
et la Croatie. — Evacuation du Tyrol et soumission momentanée de
cette province. — iS'apoléon prend la résolution définitive de passer
le Danulie, et d'acliever la destruction de rardiiduc Charles. —
DiKirulté de cette oi»ération en i)résence d'une armée ennemie de
cent mille hommes. — Choix de l'ile de Lobau , située au milieu
du Danube, pour diminuer la difficulté du i>assage. — Ponts jetés
sur le grand bras du Danube les 19 et 20 mai. — Pont jeté sur le
petit bras le 20. — L'armée commence à passer. — A peine est-elle
en mouvement, que l'archiduc Charles vient à sa rencontre. — Ba-
taille d'Essling, l'une des plus terribles du siècle. — Le passage
plusieurs fois interrompu par une crue subite du Danube, est dé-
finitivement rendu impossible par la rupture totale du grand pont.
— L'armée française privée d'une moitié de ses forces et dépourvue
de munitions, soutient le 21 et le 22 mai une lutte héroïque, pour
n'èlre pas jetée dans le Danube. — Mort" de Lannes et de Saint-
llilaire. — Conduite mémorable de Masséna. — Après quarante
heures d'efforts impuissants, rarchiduc Charles désespérant de jeter
l'armée française dans le Danube , la laisse rentrer paisiblement
dans l'île de Lobau. — Caractère de cette épouvantable bataille.
— Inertie de l'archiduc Charles, et prodigieuse activité de Napoléon
pendant les jours rpii suivirent la bataille d'Essling. — Efforts de
ce dernier pour rétablir les ponts et faire repasser l'armée française
sur la rive droite du Danube. — Heureux emploi des marins de la
garde. — Napoléon s'occupe de créer de nouveaux moyens de pas-
sage, et d'attirer à lui les armées d'Italie et de Dalmatie, pour ter-
miner la guerre par une bataille générale. — Marche heureuse du
Iirince Eugène , de Macdoiiald et de Marmont ])Our rejoindre la grande
armée sur le Danube. — Position que Napoléon lait prendre au prince
Eugène sur la Piaab , dans le double but de l'attirer à lui et d'éloigner
l'archiduc Jean. — Ren<;ontre du prince Eugène avec l'archiduc Jean
sous les nmrs de Raab, et victoire de Raab remportée le 14 juin. —
Prise de Raab. — Jonction définitive du prince Eugène, de Macdonald
et de .Marmont avec la grande armée. — Alternatives en Tyrol, en
Allemagne et en Pologne. — Précautions de Napoléon relati\ement »
ces diverses contré-es. — Inaction des Russes.— Napoléon , en posses-
sion des armées d'Italie et de Dalmatie, et pouvant compter sur les
ponts du Danube qu'il a fait construire, songe enfin à livrer la ba-
taille générale qu'il i)rojette depuis long-temps. — Prodigieux travaux
exécutés dans l'ile de Lobau pendant le mois de juin. — Ponts fixes
WAGRAM. ^8c
sur le grand bras du Danube; ponts volants sur le in'tit bras. —
Vastes approvisionnrnients cl puissantes foitifications qui convertis- Avril 1809.
sent l'ilc de Lobau en une véritable forteresse. — Scène extraordi-
naire du passage dans la nuit du 5 au 6 juillet. — Déboucbé subit
de Tarmée française au delà du Danube, avant que l'arcbiduc Cbarles
ait pu s'y opposer. — L'armée autri( iiienne repliée sur la position de
Wagram , s'y défend contre luie attaque de l'armée d'Italie. —
Écliauffourée d'un moment dans la soirée du 5. — IMans des deux
généraux pour la bataille du lendemain. — .Journée du 6 juillet, et
bataille mémorable de Wagram, la plus grande qui eût encore été
livrée dans les temps anciens et modernes. — Attaq\ie redoutable
contre la gaucbe de l'armée française. — Promptitude de Napoléon
à reporter ses forces de droite à gauche, malgré la vaste étendue du
champ de bataille. — Le centre des Autricbiens , attaqué avec cent
bouches à feu et deux divisions de l'armée d'Italie sous le général
Macdonald , est enfoncé. — Enlèvement du plateau de Wagram par
le maréchal Davout. — Pertes presque égales des deux côtés, mais
résultats décisifs en faveur des I-'rançais. — Retraite décousue des
Autrichiens. — Poursuite jusqu'à Znaim et combat sous les murs de
cette ville. — Les Autricbiens ne pouvant continuer la guerre, de-
mandent une suspension d'armes. — Armistice de Znaim et ouverture
à Altenbourg de négociations pour la paix. — Nouveaux préparatifs
militaires de Napoléon pour appuyer les négociations d'Altenbourg.
— Beau campement de ses armées au centre de la monarchie autri-
chienne. — Caractère de la campagne de 1809.
Les Autrichiens avaient eu Tintention d'assaillir Premières
, ,/. . 1- '11111 opérations en
les armées françaises dispersées des bords de la itaiie.
Vistule aux bords du Tage, et malgré leurs len-
teurs ordinaires ils auraient réussi peut-être, si
Napoléon, arrivant à l'improviste, n'avait déjoué
par sa présence, sa promptitude et sa vigueur ce
dangereux projet de surprise. En cinq jours de
combat il a\ ait frappé leur principal rassemble-
ment, et en avait rejeté les fragments désunis sur
les deux rives du Danube. IMais s'il avait suppléé à
tout ce qui manquait encore à ses armées par son
activité, son énergie, son coup d'œil supérieur, il
ne pouvait en être ainsi là où il ne se trouvait pas,
et il ne se trouvait ni en Italie . où marchait l'archi-
Avril «809.
186 J.IVRI- XXXY.
«lue Joan avec l(\s luiilicMiio et neiivicme corps, ni
on P()Ioi:;iio, où marchait rarchidiic l'cidiiuintl avec
le scptii'ino.
En Italie lu (U'hiit de la tainj)a.:L;aL' n'a\ait pas
été heureux, et ce (lél)ut aurait certainement exercé
une fiicheuse inlluence sur l'ensemble des événe-
ments, si nos succès avaient été moins c;rands en-
tre Landshut et Ralishonne. Là, en eflet, l'esprit
téméraire et inconséquent de l'archiduc Jean op-
posé à l'esprit sa2;e mais inexpérimenté du prince
Eugène, avait triomphé un moment de la bravoure
de nos soldats. L'archiduc Jean, suivant la coutume
de ceux qui commandent dans une contrée, aurait
voulu tout y attirer, et convertir l'Italie en théâtre
principal de la guerre. Mais comme il ne pouvait pas
faire que le Danube cessât d'être pour Napoléon la
route directe de Vienne, il ne pouvait pas faire non
plus que le gros des forces autrichiennes fût sur le
Tagliamento, au lieu dètre sur le Danube. Jaloux
de son frère l'archiduc Charles, entouré d'un étal-
major jaloux de l'état-major général, il avait élevé
Plan plus d'une contestation sur le plan à suivre. Il vou-
de faSdu^ ^^'^ d a])ord entrer directement dans le Tyrol par le
Jean. Pusllicr-Thal en passant des sources de la Drave
aux sources de l'Adige (voir la carte n" 31), descen-
dre j)ar Brixen et Trente sur Vérone, et faire tom-
ber ainsi toutes les défenses avancées des Français,
en se portant d'un trait sur la ligne de l'Adige par la
route des montagnes, que lui ouvrait l'insurrection
des Tyroliens. N'ayant pas la crainte de trouver
sur le plateau de Rivoli le général Bonaparte on
l'intrépide Masséna, pouvant compter sur le con-
WAGRAM. 187
cours ardent des Tyroliens, il avait d'excellents
motifs pour a(l(){)ter un tel projet, cpii entre autres
avanta2:es avait celui de le tenir à portée de la Iki-
vière , et en mesure de prendre part aux opérations
sur le Danube. Mais comme il arrive toujours des
plans débattus entre autorités rivales, celui-ci fit
place à un plan moyen , qui consistait à envahir le
Tyrol par un corps détaché, et la haute Italie par
le gros de l'armée. C'est d'après ces vues que fu-
rent distribuées les forces destinées à opérer en
Italie. Le huitième corps se réunit à Yillacli en
Carinthie, sous les ordres du général Chasteler au-
quel il était d'abord destiné; le neuvième à Laybach
en Carniole, sous le comte Ignace Giulay, ban de
Croatie. Le c:énéral Chasteler, connaissant bien le
Tyrol , fut détaché du huitième corps avec une
douzaine de mille hommes, et chargé d'opérer par
le Pusther-Thal , en s'avançant par les montagnes
de l'Est à l'Ouest , pendant que le gros de l'armée
suivrait dans la plaine la même direction. Le géné-
ral Chasteler avec une douzaine de mille hommes
et le concours des Tyroliens avait assez de forces
contre les Bavarois, qui étaient à peine cinq ou
six mille dans le Tyrol. Tandis qu'il cheminerait
par Lienz et Brunecken sur Brixen , les huitième et
neuvième corps, partant Tun de Yillach, l'autre de
Lavbach, devaient déboucher sur Udinc. Ces deux
corps présentaient, en y comprenant l'artillerie, une
masse d'environ 48 mille hommes de troupes excel-
lentes. Une vingtaine de mille hommes de Land-
wehr, bien habillés, animés d'un bon esprit, mais
peu instruits, devaient rester à la frontière , la gar-
Avril ISO'J.
Avril ISOli.
188 IJVRE XXXV.
(lor, la coiiMii- (1 ouMaiics do liiiiipa^ne , ol former
avec leurs Ijataillons les meilleurs une réserve à la
(lisj)osition tle l'armée agissante. Un détacliement
(le 7 à 8 mille hommes, auquel devait se réunir
rinsurrection de (Croatie, était chargé d'ohserver la
Dalmatie, d'où Ton craignait que le général Mar-
nionl no parvînt à déboucher. Toutefois comme on
espérait surprendre les Français en Frioul aussi bien
(pi'cn lîa\ière, et comme on savait également que
la complaisance de faniilh^, non moins grande dans
la cour do Napoléon (jue dans les cours les plus
\ieilles de l'Europe, avait valu au prince Eugène le
commandement de l'armée d'Italie, à l'exclusion de
Masséna le chef naturel de cette armée, on se flat-
tait détre bientôt sur l'Adige, même sur le Pô, et
de tenir le général Marmont enfermé en Dalmatie.
Une sommation était déjà préjKU"ée pour ce dernier,
et on croyait n'avoir d'autre ditliculté avec lui que
celle de débattre et de signer une capitulation.
intciiij;cnccs Ce n'était pas seulement sur la force des armes
secrètes . , .
i.rcparces en ({ue 1 on sc liait pour S avauccr victorieusement en
j'^^côndcMes It^lJG, mais aussi sur des menées secrètes, prati-
mouvcments quécs dcpuis Ics niontaKues du Tvrol iusciu'au dé-
des armet's *■ * ' ^ j i
autrichiennes, troit dc Messine. Les Autrichiens étaient soutenus
dans leur téméraire tentative par la persuasion
que l'Europe entière, comme la France, était déjà
lasse du pouvoir de Napoléon, opinion qu'ils
avaient puisée dans les événements d'Espagne, et
ils avaient compté non-seulement sur le Tyrol , dé-
voué de tout temps à l'Autriche , mais sur les an-
ciens États vénitiens qui gémissaient encore de leur
ruine récente, sur le Piémont devenu malgré lui
WAGRAM. 189
province française, sur les Etals de l'Ei;lise, les uns
convertis en départements de l'Empire, les autres
témoins de l'esclavage du pape, enfln sur le royaume
de Naples privé de ses antiques souverains, séparé
de la Sicile, et désirant recouvrer sa dynastie et son
territoire. De nondjreuses intelligences avaient été
préparées dans tous ces pays, soit auprès des no-
bles mécontents du régime d'égalité introduit par
les Français, soit auprès des prêtres regrettant la
suprématie de l'Église, ou déplorant l'outrageante
oppression du Saint-Père. Cependant, bien que la
domination française fut désagréable aux Italiens à
titre de domination étrangère, bien qu'elle leur
coûtât beaucoup de sang et d'argent, elle avait
pour le plus grand noml)re d'entre eux des mé-
rites qu'ils ne méconnaissaient pas , et que les
souffrances de la guerre ne leur avaient pas fait
oublier entièreinent. On ne pouvait donc pas re-
muer les Italiens aussi facilement que les Tyroliens,
mais quant à ceux-ci leur impatience de voir repa-
raître le drapeau autrichien était extrême. Rien ne
peut donner une idée de l'attachement qu'ils por-
taient alors à l'Autriche. Ces simples montagnards,
habitués au gouvernement tout paternel de la mai-
son de Habsbourg, avaient en 1800 passé avec
horreur sous le joug de la Bavière, qui était pour
eux un voisin détesté. Celle-ci ne se sentant pas
aimée de ses nouveaux sujets, leur avait rendu
haine pour haine , et les avait traités avec une du-
reté qui n'avait fait qu'exalter leur ressentiment.
Aussi n'avaient-ils cessé d'envoyer à A'ienne de
nombreux émissaires, promettant de se soulever
Avril tSOii.
190
I.IVHK XXXV
Avril IS09.
Commence-
ment
des hostilités
en Tyrol
et en Frioul.
au premier siirnal , cl ollraiit par leurs relations
avec les Grisons et les Suisses dopérer un mou-
vement, qui se comnnmiquerait bientôt à laSouabe
«lun côté, au Piémont de laut're. Ils avaient même
contribué j)ar leur ardeur à tromper la cour de
Vienne, et à lui persuader qui! n'existait dans
toute IKurope ([uc des Tyroliens ou des Espairnols
im|)atients de secouer le jouir du nouvel Attila.
Lii em|)lo\é fort actil' du département des affaires
étrani,H'res à tienne, 31. de Hormayer, tenant dans
ses mains le fil de ces intrigues tvroliennes, aile-
mandes et italiennes, avait été chargé d'accomj)a-
gner larchiduc Jean, pour faire iouer à côté de
lui les ressorts secrets de la polili([ue, taudis que
le prince ferait jouer les ressorts découverts de la
guerre. On avait naturellement mis les Anglais de
moitié dans ces espérances et ces menées, et ils
avaient promis de coopérer activement avec les
Autrichiens, dès que ceux-ci, envahissant la Lom-
bardie jusqu'à Pavie, auraient ouvert le littoral de
I Adriatiiiue de Trieste à Ancône.
Tout était prêt pour agir en Carinthie le même
jour qu'en Bavière, c'est-à-dire le 1 0 avril. Ce jour,
en eU'et, tandis que les avant-gardes de l'archiduc
Charles franchissaient l'Inn , les avant-gardes de
Tarchiduc Jean se présentaient aux débouchés des
Alpes Carniques et Juliennes, sans aucune décla-
ration préalable de guerre. On avait cru y suppléer
en envoyant aux avant -postes français, vers la
Ponteba, un trompette porteur d'une déclaration
de l'archiduc Jean, dans laquelle ce prince disait
(]u'il entrait en Italie, et qu'on eut à le laisser pas-
. WAGRAM. 4911
ser, sans quoi il emploierait la force. Une demi-
, ^ 1 1- 1 , , . Avril 1809.
heure après, des détachements de cavalerie et
d'infanterie légère s'étaient précipités sur nos avant-
postes, et en avaient même enlevé quelques-uns.
Apportant encore moins de forme à l'égard des Ba-
varois, possesseurs du Tyrol, le général Chasteler
avait dès la veille, c'est-à-dire le 9 avril, envahi la
contrée montagneuse qu'on appelle le Pusther-
Thal, et qui sépare la Garinthie du ïyrol italien.
Deux grandes routes (voir la carte n° 31) s'ou- Routes
vraient devant les Autrichiens pour envahir le ^'^^ lesquelles
Frioul : celle qui , venant de Vienne à travers la autrichiens
débouchent
Larinthie, descend des Alpes Carniques sur le Taglia- en Italie.
mento, et conduit par Yillach, Tarvis, laPonteha, sur
Osopo; celle qui, venant de la Carniole, descend
des Alpes Juliennes sur l'Izonzo , qu'elle franchit
entre Gorice et Gradisca, et tombe sur Palma-Nova
ou Udine. Napoléon s'était précautionné sur l'une
et l'autre route contre les invasions autrichiennes,
en construisant sur la première le fort d'Osopo , sur
la seconde l'importante place de Palma-Nova. 3Iais
ce fort et cette place, très -suffisants pour servir
<rappuis à une armée, ne pouvaient pas la sup-
pléer, et n'étaient qu'une difficulté, mais point un
obstacle invincible. Les troupes du prince Eugène
n'étant pas encore rassemblées, il était facile de
<léfiler sous le canon d'Osopo et de Palma-Nova,
de les bloquer et de passer outre.
Néanmoins l'archiduc Jean ne voulut se servir
ni de l'une ni de l'autre de ces deux routes , bien
que, dans son espérance de surprendre l'armée
française, il ne dût craindre de sérieux obstacle
Avril I80y.
492 I.IVH1-: XXXV.
sur auciiiic des deux. Il prclcra une roule inter-
médiaire, celle qui, passant |)ar les sources de
rizonzo, déboucliail |)ar (]i\idale sur Udine. Elle
était dillicile surtout pour une armée nombreuse,
chari^ée d'un irros matériel, mais à cause de cela
elle lui send)iait devoir être moins défendue que
les deux autres. Il s'y euiraïu'oa donc avec le |j;ros
de son armée, composée des huitième et neuvième
corps, et n'envoya que deux avant-iîardes sur les
routes de Carinthie et de Carniole. Un habile offi-
cier, le colonel Wockmann, dut avec quelques ba-
taillons et quelques escadrons s'ouvrir la Ponteba,
en y faisant la guerre de montagnes contre nos
avant-postes, tandis que le général Gavassini, pas-
sant rizonzo avec un détachement au-dessus de
Gradisca, marcherait sur Udine, point commun où
allaient converger les diverses parties de l'armée
autrichienne.
Toutes ces combinaisons étaient superflues, car
le prince Eugène , ne s'attendant pas à être atta-
qué avant la fin d'avril, n'avait sous la main que la
division Seras devant Udine , et la division Brous-
sier devant la Ponteba, Quant à lui, il était occupé
à faire de sa personne la revue de ses avant-pos-
tes, obéissant en cela à un conseil de Napoléon,
qui lui avait recommandé de visiter les lieux où
bientôt il aurait à livrer des batailles. Les Autrichiens
n'eurent donc que de simples avant-postes à re-
fouler, sur toutes les routes où ils se présentèrent.
Le 10, le colonel Wockmann replia jusqu'à Port4>8
les avant-gardes de la division Broussier ; le géné-
ral Gavassini franchit l'Izonzo sans difllculté', et le
Avril 1809,
WAGRAM. 4»a
corps principal déboucha avec moins de difricuitc
encore sur Udine, où se trouvait une seule division
française.
Le prince Eugène, surpris par celte soudaine conduite
apparition, et peu habitué au commandement, prince Eugène
(fuoique déjà très-habitué à la guerre sous son père ?" soudaine
adoptif, fut vivement ému d'une situation si nou- appa''t'on
velle pour lui. Des huit divisions qui composaient Autrich cns.
son armée, il n'avait auprès de lui que les deux
divisions françaises Seras et Broussier. Il avait
un peu en arrière , entre la Livenza et le Taglia-
mento, les divisions françaises Grenier et Barbou,
ainsi que la division italienne Severoli, et plus loin,
près de i'Adige, la division française Lamarque,
la division italienne Rusca, plus les dragons qui
constituaient le fonds de sa cavalerie. Quant à sa
sixième division française, celle de Miollis, elle
se trouvait encore fort en arrière, retenue qu'elle
était par la situation de Rome et de Florence.
Dans une telle occurrence le prince Eugène n'avait
qu'une détermination à prendre, c'était de se con-
centrer rapidement, en rétrogradant vers la masse
de ses forces. Quelque désagréable que fiit au dé-
but un mouvement rétrograde, il fallait s'y ré-
soudre avec promptitude , ne devant jamais être
tenue pour déplaisante la résolution qui vous mène
à un bon résultat. Il est vrai que pour braver cer-
taines apparences passagères, il faut un général
renommé, tandis que le prince Eugène était jeune,
et sans autre gloire que l'amour mérité de son
père adoptif. Il se décida donc à rétrograder, mais „
* i ^ Mouvement
avec un regret qui devait bientôt lui être fatal, en rctrogiade
TOM. X. 13
191 IJVHK \\\\ .
r(.'in|)rfli;inl de |)(>iisst'r jiis(iir(iii il t';ill;iil ><»ii mou-
Avril «80«». ' • .'I
veincnl de concenlralion. Il ordonna aux divisions
du prince Seias (t BroiissicM' d»' ivpasscr le Tairliamento, de
se porter jusqu'à la Mvenza, où deMiicnl arriver,
en hâtant le pas, les divisions (ircnicr, Barbou,
Severoli, Laniarque et Grouchy. i.e iïénéral Seras
n'eut qu'à rétrograder sans condjaltre. Le général
Broussier eut à livrer des cond)ats fort vifs au co-
lonel Woekniann, qui lui disputa très-habilement
les vallées du haut Tagliaraento; mais il se retira
en joncliant de morts le terrain qu'il al)andonnait.
Heureusement les Autrichiens, quoiqu'ils voulus-
sent nous surprendre, ne marchaient pas avec toute
la vitesse possible. Ils mirent cpiatre jours à se
rendre de la frontière au Tagliamento, ce qui nous
laissait, pour opérer notre concentration, un temps
dont un général expérimenté aurait pu mieux pro-
fiter que ne le fit le prince Eugène.
Surprise En rcpassant le Tagliamento pour gagner la
ei enlèvement »• -, n-i ^• • ■ n • r^
de l.ivenza, \\ rallia les divisions françaises Grenier
lavant-garde ^j Baibou, aiusi quc la division italienne Severoli,
commandée ' t '
r«r le u'^nôrai puis il s'aiTCta cutrc Pordenone et Sacile , n'étant
que tres-mollement poursuivi par les Autrichiens.
Arrivé là il eut le tort de laisser à Pordenone , trop
loin de lui et de tout soutien, une forte arrière-
garde, composée de deux bataillons du 35% et d'un
régiment de cavalerie légère , sous les ordres du
général Sahuc. Ce général, qui ne montra pas ici
la vigilance qu'il faut à l'avant-garde quand on
marche en avant, à l'arrière-garde (piand on se
retire, ce général eut le tort, au lieu de battre la
campagne pour éclairer l'armée, de ne pas même
. WAGnA.M. itm
éclairer sa propre troupe, et de s'enfermer avec elle
dans Pordenonc *. Les Autrichiens, avertis de la
[)résence d'une arrière-iîarde française à Poidenone,
se portèrent en avant avec un détachement d'infan-
terie et une troupe considérable de cavalerie, sous la
conduite du chef d'étal-major Nugent, officier fort
inteUigent, et membre fort exalté du parti de la
guerre. Avec sa cavalerie il enveloppa complète-
ment Pordenone, coupant toutes les communica-
tions entre ce point et Sacile; avec son infanterie
il attaqua Pordenone même, et y surprit les troupes
françaises endormies et mal gardées. Celles-ci, at-
taquées avant d'avoir pu se mettre en défense, fu-
rent obligées de se retirer en toute hâte, et de cher-
cher leur salut dans une fuite précipitée. Mais au
lieu de trouver le chemin ouvert en quittant Por-
denone, elles V rencontrèrent une nombreuse ca-
Valérie qui les assaillit dans tous les sens. Nos hus-
sards essayèrent de se faire jour en chargeant au
galop; quelques-uns s'échappèrent, les autres fu-
rent sabrés ou pris. Quant à l'infanterie, elle ne
chercha son salut que dans une vaillante résistance.
Les deux bataillons du 35% vieux régiment d'Ita-
lie, se formèrent en carré, et reçurent les cavaliers
autrichiens de manière à les rebuter, si leur nom-
bre eût été moins grand. Ils en abattirent plusieurs
centaines à coups de fusil, et jonchèrent la terre
' L'irritation de >apoléon dans cette circonstance fut telle qu'il
écrivit plusieurs lettres au prince Eugène, et voulut faire poursuivre
le général Sahuc; il le voulut surtout après la bataille de Raab, où ce
général ne racheta pas la faute de Pordenone. Le général Saiuic, écri-
vit-il, est de ceux qui ont assez de la guerre. Malheureusement le
nombre s'en augmentait tous les jours par la faute de Napoléon.
43.
Avril tftOS».
Avril 4 809.
196 Ll\ KK XXW.
lie cadavres dhoiiimcs cl de chevaux. Mais IjieiUôt,
les cartouches leur manquaut, ils n'eurent plus que
la pointe de leurs baïonnettes contre une cavalerie
(jui était la meilleure de l'Autriche. Cinq cents de
nos malheureux soldats expièrent en tond)ant sous
le sabre des Autrichiens lincurie de leur général.
IvCs autres furent faits prisonniers.
Cette fâcheuse aventure irrita beaucoup l'armée
française, et diminua sa conhance dans le général
en chef. Par contre, elle augmenta l'ardeur des
troupes autrichiennes, qui, pour la première fois
depuis long-temps, voyaient les Français reculer
devant elles, et commençaient à n'être pas sans es-
pérance de les vaincre.
Ce que le prince Eugène aurait eu de mieux à
faire en celte circonstance, puisqu'il avait pris le
parti de la retraite, c'eût été de persister à se re-
tirer, jusqu à ce qu'il trouvât une ligne solide à
défendre, et toutes ses forces réunies derrière celte
hgne. Alors il aurait obtenu le dédommagement de
quelques jours dune attitude fâcheuse, et donné
un sens fort honorable à son mouvement rétro-
grade. Mais il était jeune, plein d'honneur et de
susceptibilité. Les propos des soldats qui avaient
conservé tout l'orgueil de la \i('ille armée d'Ita-
lie, lui déchiraient le cœur. Bien qu'ils aimassent
le jeune prince, fils de leur ancien général, ils ju-
geaient , discernaient son inexpérience , s'en plai-
gnaient tout haut, ne ménageaient pas davantage
les généraux placés sous lui, et demandaient qu'on
les menât à un ennemi qui avait l'insolence de les
poursuivre, et devant lequel ils n'étaient pas accou-
W A G RAM. 497
turaés à fuir. Aux propos des soldats se joignaif — ;
le désespoir des haliilants, qui étaient d'anciens su-
jets vénitiens rattacliés pour la plupart à la France,
effrayés de l'approche de Tarmée autrichienne, et
suppliant qu'on ne les livrât pas à sa vengeance.
Eugène assembla ses généraux qu'il trouva décon-
certés comme lui, car ils avaient pris sous Napo-
léon l'habitude de se battre héroïquement, mais
non celle de commander. Ils étaient prêts à se faire
tuer, mais point à donner un avis sur une question
aussi grave que celle de savoir s'il fallait livrer
bataille. Ce qu'il y avait de plus sage évidenunent,
c'était de continuer à se retirer jusqu'à ce qu on
eût rallié ses forces, et trouvé un terrain avanta-
geux pour combattre. En allant jusqu'à la Piave,
on aurait rallié successivement cinq divisions d'in-
fanterie française et une d'infanterie italienne ,
plus deux belles divisions de dragons, et la garde
royale lombarde qui était une bonne troupe. Enfin
on aurait rencontré dans la Piave même une ligne
excellente à défendre. Mais Eugène n'avait ni assez
d'expérience , ni assez de réputation pour braver
patiemment les propos de l'armée. Piqué du si-
lence de ses généraux et de l'indiscrétion de ses
soldats, il résolut de s'arrêter en avant de la Li-
venza, entre Sacile et Pordenone, sur un terrain
qu'il ne connaissait pas, qui ne présentait au-
cune circonstance avantageuse, et sur lequel ses
troupes n'avaient pas eu encore le temps de se
concentrer.
Le 15 au soir, après l'échec de Pordenone, il Le prince
' "^ ^ Eugène,.
ordonna de faire halte, et de reprendre l'offensive sur excité par
Avril 1809.
les jiropos
fie l'armée ,
se décide à
livrer bataille
divant Sacile.
Description
du
lorrain entre
Pordenone
et Sarjle.
19K I.IVHK \\\\.
'ous les poinis. Il a\iiil . iii n'Mroiïradanl jusque-là,
rcimi aux dixisioiis liroussior cl Seras les divisions
(irenier, liarhoii, Scxcroii, (ju'il avait rencontrées
en avant de la l.ivenza. Ces cinq di\isions pouvaient
présenter une force d'environ 36 mille hommes :
les uns, vieux soldats de larmée d Italie; les autres,
soldats jeunes mais instruits, et comj)Osant les qua-
trièmes bataillons des armées de Naples et de Dal-
matie. La force des Autiicliiens au contraire s'éle-
vait à 45 mille hommes environ de leurs meilleures
trou|)es. La disproportion était donc très-grande. Il
est vrai ([ue le prince Eugène comptait sur un ren-
fort de dix mille fantassins et cavaliers, que devaient
lui amener les irénéraux Lamarque et Grouchy ,
actuellement en route pour le rejoindre. Mais cette
adjonction n'était pas certaine, et de plus le terrain
était fort peu favorable. A notre droite nous avions,
entre Tamai, Palse, Porcia, des villaizes, des clô-
tures, un sol inondé, de nombreux canaux, foi-
temenl occupés par les Autrichiens. Au centre,
le terrain se relevant formait une aréle qui courait
droit devant nous, et sur laquelle avait été prati-
(juée la route de Sacile à Pordenone. Nous possé-
dions sur cette route le villap:e de Fontana-Fredda,
vis-à-vis celui de Pordenone, enlevé le matin par
les Autrichiens. Enfin à notre gauche, au versant
de cette arête, le terrain s'étendait en plaine jus-
qu'au pied des Alpes. Deux villages s'y apercevaient,
celui de Roveredo, occupé par les Français, celui
de (^ordenons, où bivoua([uaient les Autrichiens.
Ainsi à droite un sol coupé et hérissé d'obstacles,
au centre une grande route allant perpendiculaire-
Avril 1809.
- WAGRAM. 199
ment de notre ligne à celle de l'ennemi, à gauche
une plaine : tel était le terrain à disputer. Il s'of-
frait à la vérité une circonstance favorable, qu'il
aurait fallu deviner, comme Napoléon savait le faire
d'après les moindres indices, c'était la séparation
des Autrichiens en deux masses, l'une formée du
huitième corps, et placée dans les villages de Tamai,
de Porcia, de Palse, derrière les obstacles de ter-
rain qui étaient à notre droite; l'autre formée du
neuvième corps et de la cavalerie établie dans la
plaine à gauche , à Cordenons. Or, de Cordenons à
Pordenone il y avait plus d'une lieue d'un espace
mal gardé et mal défendu. Cette circonstance aper-
çue, il aurait fallu laisser les divisions Seras et Sevo
roli, attaquer à notre droite Tamai, Palse, Porcia,
et y attirer les Autrichiens ; puis avec les divisions
Grenier et Barbou, qui étaient au centre sur la
grande route, avec la division Broussier, qui était
à gauche dans la plaine, former une masse de 24
mille hommes, marchei- par la grande route de Fon-
tana-Fredda sur Pordenone, investir ce dernier
bourg, le séparer de Cordenons où était le neu-
vième corps, et couper ainsi l'armée autrichicnn(î
en deux : une fois cela fait , on aurait eu bon mar-
ché du huitième corps engagé avec notre droite, et
d'autant mieux qu'il se serait enfoncé plus avant
dans les terrains ditïiciles qui composaient cette
partie du champ de bataille.
jMalheureusement le prince Eugène avec son chef Baiaiiie
détat-major Vignolle, mettant autant d'irréflexion saciiejivrée
à arrêter le plan de la bataille qu'à la résoudre, or- '^^ '^
donnèrent tout le contraire de ce que conseillaient
nvril
Avril l8oy
l'an de cette
hntaille.
200 i.iviu: \\\v.
le leirain cl l;i position de rcniiciiii. Sans iiu^me f'G-
roniiaîln; ni l'un ni l'antre, ils décidèrent ({ne ïo.
lendemain 10 avril, à la pointe du jour , les iïéné-
ran\ Seras et Severoli partiraient de Taniai ponr-
se porter sur Palse et Porcia, qu'ils chercheraient
à enlever à tout prix ; qu'au centre, sur la ijrande
route, la division Grenier s'établirait en avant de
Fontana-Fredda, mais sans agir oiTensivement, jus-
qu'au moment où les généraux Seras et Severoli
auraient emporté les nombreux et difficiles obsta-
cles qu'ils avaient à vaincre; qu'à gauche le géné-
ral Broussier, venant se serrer au général Greniei-
à travers la plaine de Roveredo , garderait la même
expectative ; qu'enfin en arrière le général Barbon
appuierait la ligne française : plan vicieux, qui
laissait aux Autrichiens le loisir de rectifier leur
position , pendant que notre droite s'épuiserait con-
tre des obstacles tout matériels, et que notre cen-
tre, notre gauche, notre arrière-garde, perdraient
leur temps à ne rien faire. C'est ainsi, et avec cette
intelligence, qu'on prodigue bien souvent le sang
si précieux des soldats, et qu'on joue le sort des
empires! C'est ainsi que rois et républitjues con-
tient, les uns à des fils ou à des frères incapables,
les autres à des favoris de la multilude tout aussi
incapables, la vie des hommes et le salut des États!
Le prince Eugène était un brave officier, plein de
modestie et de dévouement, propre un jour à bien
conduire une division, mais non à commander une
armée, ni surtout à diriger une campagne.
Nos soldats ne sachant pas où on les menait ,
mais satisfaits de combattre un ennemi qu'ils n'a-
Avril IS09.
WAGRAM. 201
vaientpasriialjitiule de craindre, marchèrent résolu-
ment au feu le 1 6 avril au matin , jour de dimanche.
Les Français sous Seras, les Italiens sous Severoli ,
se jetèrent bravement sur Palse et Porcia, et enle-
vèrent les premiers obstacles qui leur étaient op-
posés. L'archiduc Jean était en ce moment à la
messe avec tout son état-major. Ce prince, quoi-
qu'il eût à la fois plus d'expérience et plus de pré-
tentions que le modeste prince Euiïène, ne montra
pas ici plus de juiiement que son adversaire, car
après avoir surpris les Français la veille à Porde-
none, il s'exposait à être surpris au même endroit.
Il monta immédiatement à cheval avec son étal-
major , courut en avant de Pordenone , et voyant
devant lui , sur la route de Fontana-Fredda , le gé-
néral Grenier à notre centre , le général Broussiei"
à notre gauche , former des masses que le terrain
découvert rendait plus apparentes, s'imagina que
nous allions replier notre gauche sur notre centre ,
notre centre sur notre droite, ne tira de ce qu'il
croyait voir que l'inspiration de rabattre le neu-
vième corps de Cordenons sur Fontana-Fredda,
pour nous empêcher d'exécuter le mouvement qu'il
supposait, laissa du reste l'espace toujours ouverl
entre Cordenons et Pordenone, et ne parut point
s'inquiéter de son huitième corps, occupé à se dé-
battre avec les généraux Seras et Severoli , au mi-
lieu des terrains accidentés qui étaient entre Tamai,
Palse et Porcia.
C'est là en effet qu'eut lieu sous la direction de , ,,
deux généraux en chef peu clairvoyants, et entre acharnée
des soldats d'une extrême vaillance, une lutte san- les viiia:j:os
2{M
\.\\ IU-: \\\\.
i
Avril» R09.
.le Palsc et
le Porcia.
tïlaiik': et achaiiKM'. \a' liiiilioinc ('or|)s aulricliien,
l»L'au('()U|) plus ii()iiil)i('ii\ (jiic les (li\ isions Seras et
Severoli, irentcndail pas leur aWamIonner le terrain
dont elles a\ aient eoiicpiis une parlio. Le général
Colloredo se jeta sur elles avee une (li\isi()ii aiitri-
rjiienne, leur enleva sons un feu meurtrier Porcia
et Palse, et rétablit ainsi le coinbat. L(; irénéral
Seras, (pii s'était ménap;é une réserve, se mit à
sa tète, la porta en avant, et rentra dans les viU
lai!;(;s perdus, en y ramenant à la fois les Français
et les Italiens. On s'établit dans ces malheureux vil-
laijes, théâtre de tant de fureurs. Alors les Autri-
chiens, prolilant des nioinilres ol)stacles, se dé-
fendant de maison à maison, de clôture à clôture,
o|»posèienl à nos soldats une résistance dont ils
n avaient pas donné l'exemple depuis Mareni^o. Le
général Grenier, condamné à l'inaction sur la i;rande
route de Fontana-Fiedda àPordenone, détacha deux
bataillons à sa droite, pour aider à la conquête défi-
nitive de Porcia. Le £:énéral Barbou en envova deux
de l'arrière-garde sur les mêmes points. Ces renforts
compensaient sans doute l'infériorité de notre droite
par ra[)port au huitième corps qu'elle avait à com-
battre; mais sur ce terrain semé d'obstacles qu'il
était aussi dillieile de perdre que de conquérir, ils
ne décidaient lien, notre irauche et notre centre
demeurant immobiles. De part et d'autre on com-
battait avec acharnement , lorsque le neu\ ième
corps, en s"a\ançant obliquement de Cordenons
notre gaudic. ^yp Foutana-Ficdda , joiij;nit la di\ision Broussier,
(pii formait notre iïauche. Le brave sjénéral Brous-
sier a\ait disposé en échelons les 9% 84*' et 92*
Attaque
repoussce
du 9' corps
autrichien
sur
WAGRAM.
20:
de lii^ne, superbes réiiiments à quatre balai lions,
dont sa division était composée. Il attendit avec
sang-froid l'infanterie ennemie, et la fusillant de
très-près avec une extrême justesse, renversa pres-
que une ligne entière; puis la superbe cavalerie
autrichienne ayant profité de la plaine pour le chaî-
ner, il la reçut en carré, couviit la terre de ses
morts, et toute brave qu'elle était, la renvoya dé-
goûtée de pareilles tentatives. Cependant le neu-
vième corps , fort nombreux , débordait notre
gauche, et semblait menacer en arrière de Fon-
tana-Fredda le bourg de Sacile, où se trouvait le
principal pont sur la Livenza. Ce pont occupé, notre
communication la plus importante était perdue, et
il ne nous restait pins pour nous retirer que de
mauvais ponts sur la partie inférieure de la Li-
venza. Le prince Eugène, qui n'était résolu qu'au
feu, s'alarma pour ses communications, et, bien
que la lutte fut encore incertaine, ordonna la re-
traite, avec aussi peu de motifs qu'il en avait eu
pour ordonner la bataille.
Nos soldats, après avoir tué autant de monde
qu'ils en avaient perdu, se retirèrent vers la Li-
venza, désolés du rôle humiliant qu'on leur faisait
jouer. Notre droite se dirigea sur le pont de Bru-
gnera, qu'elle put gagner sans désordre, le sol
fort ditiicile de ce côté ne se prêtant guère à la
poui'suite, et les Autrichiens étant épuisés par la
terrible lutte qu'ils y avaient soutenue. Tout l'ef-
fort de l'ennemi pendant ce mouvement rétrograde
porta sur notre gauche, qui se retirait sur un ter-
rain découvert. La division Broussier par sa su-
Avri (809.
Une menace
des
Autrichiens
sur Sacile
détermine
la retraite
des Français.
Avril» 809.
20i LIVHK XXXV.
perbe attitude sauva Tarmée, tantôt attendant l'in-
fanlerie onnoinie |)()iir l;i fiisill(»r à l)ont portant,
tantôt i'('ee\ant en carre la caNalciic (jirclli' nnvtail
avec SCS baïonnettes. Lorscpie notre centre et notre
arrière-iiarde ciment détilé par Sacile, elle y entra
la dernière, laissant les ennemis eux-mc^ines rem-
plis d'admiration pour sa belle conduite.
Désordre Jus(pie-là uous n'avious pcrdu que des morts,
.If la retraiic. çj^g ^lessés, dc rartillcric démontée, et peu de pri-
sonniers. 3Iais dans la nuit le prince Eugène ayant
cru devoir pousser la retraite jusqu'à Conei2;Iiano,
pour se couvrir le plus tôt possible de la Piave, le
mauvais temps, rencond)rement des voitures d'ar-
tillerie et des bagages, leur croisement avec les
troupes , {uoduisirent un désordre fâcheux. Les sol-
dats, peu surveillés par leurs chefs au milieu de
cette confusion, se répandirent dans les maisons,
au risque d'y être faits prisonniers. L'armée qui sur
le champ de bataille avait perdu environ trois mille
et quelques cents hommes, perte à peu près égale
à celle des Autrichiens, perdit encore trois mille
hommes en soldats pris ou égarés. Bientôt le désor-
dre s'augmentant par suite d'un temps effroyable
({ui fit déborder les rivières et rendit les routes
impraticables, on arriva derrière la Piave dans un
élat (pii n'honorait point cette armée d'Italie, jadis
si admiiable. Heureusement les Autrichiens, peu
accoutumés à la vaincre, pressés de jouir de leui-
\ictoire, et retardés par le temps qui rendait leur
poursuite aussi difficile que notre retraite, restè-
rent plusieurs jours sans attaquer le prince Eugène.
Ils lui laissèrent ainsi le loisir de se remettre de sa
Avril 1R(t9.
WACHA.M. 20.')
• léfailo, cl (1011 arrêter les conséquences. II avail
été rejoint en route, mais trop tard, i)ar la di\ision
(rinfanlerie Laniarque et par la division de ca\a-
lerie Grouchy. H lui arriva en outre, ce qui dans le
moment \alait mieux qu'un rcnf(^rt, c'est-à-dire
un général, et ce fut Tilluslre Macdonald, Tun des
meilleurs oilicicrs de la révolution, bien qu'il eût
perdu la bataille de la Trebbia. Ses liaisons avec Arrivée
Moreau l'avaient condamné à vivre pendant plu- 'i^' ?«"«•;''
A I Macdonald
sieurs années dans une sorte de disgrâce, et à lan- " i urmo.'
gun- dans Imaction, tandis que ses pareus d âge
ou de services, quelques-uns même ses inférieurs,
obtenaient des fortunes brillantes. Le grand besoin
qu'on avait de généraux el d'officiers, par suite de
guerres continues, obligeait de revenir à beaucoup
de ceux qu'on avait négligés. N'ayant pas voulu
envoyer Masséna en Italie à cause du prince Eu-
gène, qu'il craignait de réduire à un rôle secon-
daire. Napoléon s'était prêté à ce qu'on lui envoyât
le général Macdonald, pour lui servir de guide et
de soutien. Le général Macdonald, l'un des hom-
mes les plus intrépides qui aient paru dans nos ar-
mées, expérimenté, manœuvrier, froid, sachant
se faire obéir, fut reçu avec confiance par les sol-
dats, avec déplaisir par quelques généraux, qui
voyaient à regret une main ferme prêto à s'appe-
santir sur eux, et qui de plus, le croyant dans la
disgrâce, craignaient qu'il n'y eut peu d'avantage
à rendre des services sous ses ordres. Le général
Laniarque notamment, qui se distinguait à l'ar-
mée par un esprit remuant, murmura tout haut, e?i
disant que l'Empereur n'envoyait le général Mac-
AvriHSO?.
206 1.1 VRL \\\\.
(lonald on Italie que pour le perdre, et que ceux
qui siM\ iraient sous lui seraient exposés à parta£?er
son sort. Il n'y eut pas jus(|u a la tenue militaire du
irénéral Maedonald, fidèle au costume des premiers
temps de la révolution, ipii ne devînt un sujet de
railleries inconvenantes de la j)art de jeunes ofiiciers
sur lesquels la mode avait déjà repris son empire.
Mais il n'y avait pas à railler avec un homme du ca-
ractère du iîénéral Macdonald, et il ramena bientôt à
la soumission ceux qui étaient tentés de s'en écar-
Disiribution ter. Toutcfois le priucc Eugène ne voulant pas se
d'^itar[e°en douuer un tuteur trop visible dans la personne de
troiscomman- çq^ olKcier, n'en fit point son chef d'état-major, et
démenti. ' ^ -^ '
se contenta pour lui créer une place convenable, de
distribuer son armée en trois commandements , un
de gauche, un du centre, un de droite. Celui de
droite, le plus considérable et le plus important des
trois , composé des divisions Broussier et Lamarque
et des dragons de Pully, l'ut confié au général Mac-
donald. Celui du centre fut attribué au général Gre-
nier. Il comprenait la division Grenier, qui passa
sous le commandement du général Pacthod, et la
division Durutte , qui contenait une partie de la di-
vision Barbou. Le reste de cette dernière division
avait été jeté comme garnison dans Venise. Le com-
mandement de gauche fut conféré au général Ba-
raguey-d Hilliers : il se composait des Italiens et de
quelques Français mêlés à eux pour leur donner
l'exemple. Avec la division Seras, la garde ita-
lienne, les dragons de Grouchy, le prince Eugène
se forma une réserve dune dizaine de mille hom-
mes. Le total de son armée séleva à 60 mille hom-
Avril 1809.
WAGKAM. 207
mes, dont \v i^énéral Macdonald (uil a lui seul 17
mille. Celui-ci put ainsi exercer une véritable in-
fluence sur les événements, sans aucune apparence
de commandement en chef. Mais le prince Eugène,
qui était aussi modeste que sage , ne manqua pas
de le consulter dans toutes les occasions importan-
tes, et n'eut qu'à se louer de ses conseils ^ Le gé-
néral Macdonald fit prévaloir la résolution de se
retirer lentement, et, en marchant vers l'Adige où
l'on devait trouver la force de reprendre l'oflensive,
de s'y transporter avec une meilleure tenue. On se
rendit en effet sur l'Adige, on s'y reposa, on s'y
remit en ordre, et on y devint bientôt plus digne de
l'armée d'Italie dont on avait un instant compro-
mis le nom glorieux.
Les choses se passaient plus mal encore dans la insurrection
région montagneuse qui dominait les plaines de la ' ^ *
haute Italie , et les Autrichiens obtenaient dans le
Tyrol des avantages encore plus marqués que dans
le Frioul. Le général Chasteler avait franchi la fron-
tière un jour plus tôt, c'est-à-dire le 9 avril, et
passant de Carinthie en Tyrol s'était porté à Lientz.
(Voir la carte n" 31 .) Quoiqu'il fut convenu avec les
secrets meneurs de l'insurrection tyrolienne qu'ils
attendraient le 12 ou le 13 avril pour agir, ils n'a-
vaient pu se contenir, et avaient éclaté dès le 1 1 .
Le motif, il est vrai, de cette explosion prématurée
' C'est d'après des documents autliontiques que je donne ces d(''tails,
et pleinement assuré de leur rigoureuse Térité. La correspondance du
prince Eugène , celle de Napoléon , des mémoires manuscrits fort pré-
cieux du maréchal Macdonald, révèlent d'une manière encore plus cir-
constanciée tout ce que je rapporte ici de la campagne d'Italie en 1809.
A\nl 1809.
i08 Ll\ Uii \\\V.
('tait fort naturel. Les Bavarois, dans I'iiiip()ssil)ilité
(le ilispuler le Tyrol aux forées aiilrichiennes,
avaienl elieiehé à s'aider des obslaeles locaux en
détruisant les pouls, ce que les habitants n'avaient
|ias \()ulu soulVrir, afin de conserver à leurs mon-
taiiues ces indispensables moyens de conniumica-
lion. Ils sétaient donc tous insuri^és à la fois, avec
une spontanéiti' qui irapj)artienl qu'à la passion la
plus vive. Dans toutes les vallées du Tyrol italien,
de Lientz à lîrixen , de 3Ieran à Brixen , enfin de-
puis Brixen jusqu'à Rivoli, ce n'avait été qu'un
élan, (ju'un cri, au milieu de ces hautes et belles
montaiiues. Au revers de la i^rande chaîne du
Brenner, dans le Tyrol allemand, le soulèvement
avait été aussi prompt que général. Dans cette
contrée comme en Suisse, les aubergistes qui vi-
vent des relations avec les étrangers, étant les
plus riches et les plus éclairés, un personnage
de cette profession , le nommé André Hofer, avait
pris sur ses compatriotes un ascendant irrésistible.
Quelques anciens militaires du pays, formés au
service d'Autriche, étaient également les agents
les plus actifs de la révolte. Parmi eux un major
Teimer s'était particulièrement distingué. La France
ayant exigé la réunion sur l'Isar de toute l'armée
bavaroise, il n'était resté en Tyrol qu'environ o
mille Bavarois, répajidus sur les deux versants du
Brenner, de Brixen à Inspruck. En fait de troiq)es
françaises, il s y trouvait, en deux colonnes, un ras-
semblement d"en\iron 4 mille conscrits, allant d'Ita-
lie en Allemagne recruter les divisions Boudet et
Molitor, les cuirassiers Espagne, et les chasseurs
- WAGRAM. ^ ' 209
de .Mariilaz. C'étaient des soldats qui uavaieiit ja-
mais vu le feu, qui étaient renfermés dans des ca-
dres provisoires de marche, et commandés par des
ofticiers de dépôt, la plupart vieux ou fatigués. Plus
de 20 mille montagnards intrépides, enthousiastes,
tireurs redoutables, joints à 12 mille Autrichiens,
ayant à combattre 4 à 5 mille Bavarois et 3 à 4 mille
conscrits français , ne pouvaient pas rencontrer une
résistance bien longue.
En effet, à l'approche du général autrichien Chas-
teler tous les postes bavarois furent enlevés de
Lientz à Brunecken. Ceux qui avaient pu se sauver
s'étant réunis dans la plaine humide de Sterzing, à
l'extrémité du Tyrol ilalienj vers le pied du Brenner,
y furent assaillis par André Hofer et un nombreux
rassemblement du ^Feran. Enveloppés de tous cô-
tés, attaqués avec fureur, ils finirent par mettre
bas les armes , - et la guerre étant une guerre na-
tionale , presque une guerre de race, les excès con-
traires au droit des gens se multiplièrent bientôt
d'une manière affligeante. De part et d'autre on
égorgea des prisonniers, sans qu'on sût d'où était
venu le premier tort. Les Tyroliens pour s"" excuser
disaient qu'on avait brûlé leurs chaumières, tué dCvS
femmes, des vieillards, des enfants. Les Bavarois
répondaient qu'on avait assassiné leurs prisonniers,
et qu'ils n'avaient fait que se défendre. Quoi qu'il
en soit, d'atroces vengeances furent exercées après
la défaite de Sterzine:. Dès lors le Tvrol italien fut
entièrement délivré jusqu'à Roveredo , où se trou-
vait le général français Baraguey-d'Hilliers aveo
une division italienne.
TOM. X. <4
Avril 1800.
A\ril J8Û9.
210 I.IVKK XWV.
Dans ce niriiic mofucut la loiiiino lilc des recrues
IVanvaises , s'clciidaiil de Vérone a Inspniek, se vit
eoLipée en i\cu\ \rdv I insurreetion. Partie se replia
sur Vérone où elle fui hors de loiil danirer, partie
se jeta au delà du Urenner, se flaltant de rencontrer
à Fiis[)rii(k les a\ anl-j)ostes français. Klle marcha
suivie en (pieue par Chasleler cl André llofer, tjui
passaient le lîrenner |)our venir opérer la déli-
\rance du Tvrol allemand. Mais au nord comme au
midi du Brenner, sur llnn comme sur TAdige, le
soulèvement était violent et général. Les postes ba-
\ arois, assaillis partout en même temps, furent les
uns pris ou égorgés, les autres refoulés dans Ins-
pruck, contraints de se rendre, et de livrer Ins-
pruck, le vieux centre de la domination autrichienne.
Les Français arrivant sous Inspruck à l'instant où
la ville passait à l'ennemi, poursuivis parles bandes
\ ictorieuses du Tyrol italien et par la petite armée
du général Chasteler, ne pouvaient pas se défendre,
formés surtout et commandés comme ils l'étaient.
Ils furent donc forcés de capituler, au nombre
fl'environ trois mille, ce qui était doublement fâ-
cheux; car outre l'échec moral pour nos armes, il
y avait privation pour plusieurs corps d'un recru-
tement indispensable. Nous eûmes de plus à dé-
plorer, à l'égard de quelques-uns de ces malheu-
reux Français confondus avec les Bavarois, des
traitements barbares, qui attirèrent de la part de
Napoléon tle terribles représailles sur le général
Chasteler.
Olui-ci trouvant le Tvrol allemand délivré, crut
devoir retourner avec André Hofer vers le Tvrol ita-
. WAGRAM. iHi
lieu , pour concourir aux opérations de l'archiduc -
T T» 1 T. rwi •! , Avril 1^09.
Jean. Revenu par le Brenner sur Trente, u se pré-
senta avec toute la levée en masse du Tyrol et sept
ou huit mille Autrichiens devant la position du gé-
néral Baraguey-d'Hilliers. Le général français tourné
par les vallées latérales ne put garder Trente, et
se repha sur Roveredo. Tourné de nouveau, il fut
obligé de se replier sur Rivoli, où appuyé à l'armée
d'Italie, qui était occupée à se réorganiser, il n'a- 4
\ait plus d'entreprises sérieuses à craindre. Ainsi
en une vingtaine de jours les deux Tvrols comme
le Frioul avaient passé aux mains de l'ennemi.
Ce n'était pas seulement en Italie, en Tyrol, en Mouvements
Bavière, que l'on combattait dans ce moment, c'é- '" neisen
tait dans tout le nord de l'Europe, où la déclaration ^"^"^'^snc-
de guerre de l'Autriche avait remué tous les cœurs,
inspiré de folles espérances, et fait éclater des vœux
prématurés; car bien que Napoléon eut déjà com-
mis de grandes fautes, il n'avait pas commis encore
celles qui devaient le perdre, et jusqu'ici son puis-
sant génie était plus fort que la haine des peuples
soulevés contre son ambition. Dans l'Allemagne en-
tière on était, comme on l'a vu, indigné contre les
princes attachés à son char par la crainte ou par
l'intérêt, et, quoique la domination française por-
tât cachée dans ses flancs la civilisation moderne,
on repoussait des biens qui se présentaient sous la
forme de l'invasion étrangère.
En Bavière, une vieille antipathie de voisinage à
l'égard de l'Autriche avait beaucoup atténué ces sen-
timents. Mais en Souabe, dans les provinces ancien-
nement autrichiennes, en Franconie, dans les petits
U.
AvriHHOi).
212 l.lNili; \.\\V.
Élats airacliés à la douce autorité des princes ec-
clésiastiques, en Saxe même, où l'adjonction d'une
couronne polonaise ne flattait que la famille ré-
gnante, en Hesse où relouait Jérôme Napoléon, la
haine, contenue d'abord, commençait à éclater à
la nou\elle de l'audacieuse entreprise de l'Autri-
che. A mesure qu'on s'éloignait du Rhin et de la
main de la France , la hardiesse devenait plus
grande, et se changeait en manifestations hostiles.
Déjà des handes d'insurgés étaient descendues des
montagnes de la Hesse sur les bords de l'Elbe, et
s'étaient montrées jusqu'aux portes de Magde-
bourg, semblant attendre une soudaine apparition
du côté de la Prusse, de laquelle on espérait un
patriotique et vigoureux eflort.
Dans toute la Prusse, en effet, l'exaspération était
au comble. Aux souffrances générales des Allemands
se joignaient dans ce pays des souffrances toutes
personnelles à la nation prussienne. Ces fameuses
batailles où avait péri l'indépendance de l'Allema-
gne, c'était elle qui les avait perdues. Elle avait vu
démembrer la monarchie du grand Frédéric, et pour
un moment éclipser sa gloire; et, si elle était sen-
sible aux peines matérielles autant qu'aux peines
morales, elle avait, dans d'écrasantes contributions
militaires à payer, la preuve cuisante de la domina-
tion étrangère. Aussi l'audace avait-elle été pous-
sée en Prusse plus loin que partout ailleurs. L'n
convoi français d'artillerie, venant des bords de la
Yistule pour se renfermer dans Magdebourg, avait
été assailli, insulté, accablé de traitements indi-
gnes. A Berlin, on avait annoncé tout haut la guerre
Avril 180-».
. WAGRAM. 213
d'Autriche avant qu'elle fut déelarée ; on avait éi»;a-
lement annoncé dès ses débuts (ju'elle serait heu-
reuse, que le monde entier s'y joindrait, (\\\e si le
roi Frédéric-Guillaume, abattu, démoralisé, refu-
sait de s'y associer, on courrait malii;ré lui au de-
vant des armées autrichiennes. L'audace avait mémo
été poussée à ce point que lors des premières opé-
rations, sans en attendre le résultat, le comman-
dant de Berlin avait donné pour mot d'ordre à la
garnison : Charles et Ralishonne.
Il y avait à Berlin un officier fort connu sous le Révolte
nom de major Schill, qui en 1806 et 1807 avait ûtdéserUoa
heureusement fait la guerre de partisans contre major schiii.
nous pendant les sièges de Dantzig, de Colberg,
de Stralsund. Il était à la tête de quelque ca-
valerie, et faisait partie de la garnison de Berlin.
Sa vaillance trcs-vantée , sa haine publique contre
les Français, l'avaient renchi l'idole du peuple.
C'était lui qui devait, disait-on, lever l'étendard de
la révolte, au nom du patriotisme allemand, et
donner la main à un prince de la maison de Bruns-
wick, au duc de Brunswick-OEls , qui en ce mo-
ment courait la Saxe et la Silésie, embauchant par-
tout les officiers prussiens oisifs, et les attirant en
Bohème pour y former des guérillas germaniques.
Le fanatisme des Espagnols s'était ainsi communi-
qué à toutes les têtes, et on croyait pouvoir faire
des lents et paisibles Allemands des coureurs d'a-
ventures, agiles comme les contrebandiers de la
Péninsule. Un soir, au milieu de cette exaltation
universelle, on apprit tout à coup que le major
Schill, qui depuis quelques jours passait des revues
Avril I80'.t.
2H 1.1 VIU: XX \v.
(le son corps, et los coiiliniuiil iiiscinii une licure
(brl avancéo, avail dispai ii a l;i trtc do oOO chevaux
couiposant la cavalerie de la i^arnison. On le disait
en marche sur rKllie, pour se joindre à un vaste
soulèvonient de la liesse, et se porter ensuite au
devant des Autrichiens cpii s'avançaient sur la
Saxe. Cet événement , conmie il fallait s'y atten-
dre, produisit une sensation extraordinaire, tout
le monde s'obstinant à croire que le gouvernement
prussien en était complice. On se trompait cepen-
dant, et c'était tout simplement la passion nationale
qui éclatait malgré lui. Les ministres éperdus ac-
coururent chez l'ambassadeur de France, protestant
de leurs sincères regrets, déclarant qu'ils étaient
étrangers à une conduite aussi folle que criminelle,
aHirmant avec vérité que le roi n'y était pour rien ,
et annonçant que la plus grande rigueur allait être
déployée envers les hommes qui compromettaient
contre son grêle gouvernement de leur patrie. Mais
tandis qu'ils parlaient ainsi, 1" infanterie elle-même,
imitant la conduite de la cavalerie, donna de sem-
blables preuves d'insu])ordination , et des compa-
gnies entières s'échappèrent à la suite du major
Schill. Malheureusement on ne pouvait courir après
ces insurgés qu'avec de la cavalerie, et le major
Schill avait emmené toute celle qu'on avait à Ber-
lin. Il fallait donc attendre qu'on eut des troupes
assez sages, assez bien commandées, pour obéir
aux ordres de leur gouvernement , quels qu'ils fus-
sent, car ce n'est pas à l'armée à décider de la
politique extérieure d'un pays, pas plus que de sa
politique intérieure. Mais, en attendant, ces actes
Avril 1809.
étranges allaient produire en Allemagne une sen-
sation générale, que les éclatants succès de Napo-
léon pouvaient seuls apaiser.
Sur la Yistule se passaient des événements qui Événements
n'avaient pas moins de gravité. Le septième corps "^'poî'o^ne.'^"
autrichien, commandé ])ar l'archiduc Ferdinand, et
fort de 37 à 38 mille hommes, marchait sur Varsovie
en descendant la Alstule. Formé dans la Gallicie, il
n'avait que peu de chemin à faire pour envahir la
Pologne, étant dailleurs parti de très-bonne heure,
ainsi que tous les corps autrichiens. Ses opérations
comme celles d Allemagne et d'Italie, avaient com-
mencé le 10 avril. Le prince Joseph Ponialowski,
ce héros long-temps endormi dans la mollesse, et
à l'exemple de beaucoup de ses compatriotes, re-
tenu inactif aux pieds des belles femmes de son
pays, venait de se réveiller au bruit des armes
françaises, et avait embrassé, comme on s'en sou-
vient, la cause de la France, qu'il croyait avec
raison celle de la Pologne, si la Pologne pouvait
renaître. Il commandait l'armée polonaise. Napo-
léon, tout occupé de préparer les grands coups
qu'il voulait porter lui-même à la maison d'Autri-
che , avait eu peu de temps à consacrer à cette
armée. Tout ce qu'on avait pu réunir de troupes Force
régulières se bornait à une quinzaine de mille p^oiona^e.^
hommes, et à un petit détachement saxon resté à
Varsovie. Napoléon ne s'était guère inquiété de
cette infériorité de forces en Pologne, comptant
tout décider lui-même à Vienne, et, bien qu'il
ne se fît pas grande illusion sur le concours des
Russes, croyant toutefois que leur présence sur
!I6 LIVRE XXXV.
AvriM809.
les froiiliiTCs du irrand-diu-lié sullirail i»our païa-
l\>er lo corps aiilricliicn de I aichidiic Ferdinand.
Nullité ;>lais le concours des Russes élait encore plus nul
du concours . ,, • » » i i ■ ,
des Russes, qu il ne lavait suj)pose. L empereur Alexandre
a\ail eu soin, en observant autant que la décence
l'exigeait le traité d'alliance, d'envoyer ses prin-
cipales forces en Finlande et en Moldavie, pour
linir la conquête de Tune, et commencer la con-
quête de Faulre. Il n'avait donc destiné à la guerre
dAutriclio (ju'une soixantaine de mille hommes,
qui en ce moincnt étaient à peine réunis, par di-
verses raisons, la plupart assez fondées, mais fa-
ciles à mal interpréter. D'abord la Russie, comme
Napoléon lui-même, n'avait pas cru à des hosti-
lités aussi prochaines, et elle ne s'était pas assez
hàlée dans ses préparatifs. Ensuite son adminis-
tration qui avait eu tant de peine à faire arriver
en Finlande, et dans un intérêt éminemment russe,
des forces suffisantes, n'avait pas eu le secret d'être
plus active pour un intérêt exclusivement fran-
çais. La saison, en outre, avait été affreuse, et
des pluies diluviennes avaient rendu presque im-
praticables les vastes espaces qui séparaient le
Niémen de la Vistule. Enfin l'Empereur et M. de
Romanzof, déjà refroidis à l'égard de l'alliance
française, étaient néanmoins les seuls à la vouloir,
et ils avaient toutes les volontés à vaincre pour se
faire obéir, lorsqu'il s'agissait de prêter secours à
Napoléon. Il s'était même établi des correspondan-
ces entre les officiers russes et autrichiens, pour
exprimer à ceux-ci toutes sortes de sympathie, et
le vœu le plus a if de marcher non pas contre eux,
WAGRAM. 217
mais avec eux. Il était en etVet tliiïicile (rol)tcnir
1 T. I 1 i • 1 • Avril 1809.
que des Russes marchassent contre des Autrichiens,
et avec les Français, afin de contribuer au rétablis-
sement de la Pologne. Il est vrai que le prix de ce
concours c'était la Finlande, la Moldavie et la Yala-
chie, et que si le sacrifice était grand, la récom-
pense était grande aussi ! Au surplus, le secours des
Russes ne pressait pas, tant que Napoléon restait
vainqueur sur le Danube; et le plus fâcheux in-
convénient de cette insuflisance de concours c'était
la défiance qui en devait résulter, entre les deux
empereurs et les deux empires.
C'est ce qui explique comment le prince Ponia- Mouvement
• des
towski , qui était fondé à espérer, sinon l'assistance Autrichiens
directe de 60 mille Russes, au moins leur assis- sur Varsovie.
tance indirecte (et il est certain que s'ils se fussent
portés sur la Gallicie , ils y auraient retenu les Au-
trichiens), se trouva, le 10 avril, avoir sur les
bras l'archiduc Ferdinand, comme Napoléon avait
l'archiduc Charles, et le prince Eugène l'archiduc
Jean. L'archiduc Ferdinand, descendant en effet
la Yistule, dont les sources sont placées entre la
Silésie et la Gallicie, au revers de la Moravie,
s'avança par la rive gauche de ce fleuve sur Var-
sovie, en prodiguant aux habitants les protesta-
tions les plus amicales. Conformément au langage
adopté, on venait, disait-il, délivrer tous les peu-
ples, les Polonais comme les autres, d'une domi-
nation presque aussi onéreuse à ses amis qu'à ses
ennemis.
Ce n'étaient pas les Polonais qu'il était facile de
tromper avec de pareils discours. Ils sentaient trop
Avril 180'.».
?I8 I.IVHR XXW.
ijiu' los anciens C'Oj)artai;<'ants (le h'iir|)aliie ne pou-
vaient pas en être les libérateurs, (pie la France seule
pou\ait être une amie, amie plus ou moins secou-
rable sans doute, mais sincère, parce qu'il était im-
possible qu'elle ne le fût pas. Aussi le prince Ponia-
towski s'avança-t-il résolument avec une douzaine
de mille honunes au-devant de l'archiduc Ferdinand.
C'étaient ces mêmes Polonais, qui avaient fait leurs
premières armes avec nous en 1807, et qui joi-
gnant à leur bravoure naturelle, à leur patriotisme
ardent, un conmiencement d'éducation militaire re-
çue à notre école, composaient déjà une troupe
excellente à opposer aux Autrichiens. Malheureu-
sement ils étaient par rapport à ceux-ci en nombre
tellement disproportionné, qu'on ne pouvait guère
espérer de leur part qu'une défensive honorable et
énergique, mais point victorieuse. Le prince Ponia-
tOAVski, après quelques escarmouches de cavalerie,
résolut de disputer les approches de Varsovie avec
Combat ^^ P'^^ ^^ SCS troupcs. Le 1 9, jour même où le ma-
opiniàtre réclial Davout livrait le combat de Teneen , le prince
aux environs ' ' ^
de Varsovie, polouais s'arrêta à la position de Raszyn, position
formée, comme toutes celles qu'on peut défendre
avantageusement dans son pays, de bois entre-
coupés de marécages. Pendant huit heures il dis-
puta ces bois et ces marécages, avec douze mille
Polonais contre trente mille Autrichiens, perdit
environ douze ou quinze cents hommes morts ou
blessés, mais en détruisit beaucoup plus à l'ennemi,
et craignant d'être devancé sur A'ar.sovie, il rétro-
grada vers cette capitale.
Fallait-il la défendre, privée qu'elle était de
Avril 1809.
WAGRAM. 210
moyens de résistance, et Texposer ainsi à nne in-
faillible destruction? ou ])ien valail-il mieux l'éva-
cuer à la suite d'une convention qui adoucirait les
conditions de l'occupation ennemie, et qui per-
mettrait de se retirer intact dans des positions plus
faciles à conserver? Telle était la grave et doulou-
reuse question que le prince Poniatowski eut à ré-
soudre, après le combat de Raszyn. Les Polonais
les plus énergiques voulaient une défense opiniâtre,
sans tenir aucun compte des conséquences. Les
masses inoffensives avaient peur d'un bouleverse-
ment. Les patriotes les plus éclairés, et pas les
moins braves, voulaient qu'on allât, entre Modlin
et Sierock, dans le triangle de la Narew et de la
Vistule, derrière de forts ouvrages construits par
ordre de Napoléon, chercher un point d'appui in-
vincible, avec la retraite assurée des marécages de
Pultusk , et qu'on sauvât ainsi la capitale en la re-
mettant temporairement dans les mains de l'en-
nemi. Il est rare qu'un pareil sacrifice soit sage : il
l'était cette fois, et le résultat le prouva depuis. Le
prince Poniatowski, plein de douleur, livra Yarso- cfeTaTsoïi'e
vie, après avoir stiindé des conditions honorables, par suite
' r i ^ (j une capitu-
II se porta sur la rive droite de la Alstule entre jMod- lation avec
. les
lin et Sierock, avec le projet de se jeter sur tous Autrichiens.
les corps qui oseraient passer le fleuve devant lui,
et la ferme résolution de défendre par des combats
de détail la patrie infortunée qu'il ne pouvait plus
défendre par des batailles rangées. Son attitude,
son noble langage en faisant ce sacrifice, étaient
de nature à exalter plutôt qu'à refroidir le zèle des
Polonais. Aussi ne manquèrent-ils pas d'accourir
Avril 1809,
220 LIVRE XXXV.
auprès (le lui, pour l'aider à leeouMer la capi-
tale qu'il venait de eeder monicntanénient aux Au-
tricliiens.
comment Aiiîsi eii Italie, nous étions repliés sur l'Adige;
''\"°n"u'es"^^ enTyrol, ik.us étions assaillis de toutes parts; en
des diverses Alleinai;ne, nous étions menacés, outragés par des
parties ' ' ■ i
du théâtre j)euples irrités; en Pologne, nos alliés perdaient la
aiïecient ' Capitale, (jue leur avait rendue le traité de Tilsit.
Napoléon. jo^,teg ^pg nouvelles vinrent surprendre, et mé-
diocrement émouvoir Napoléon triomphant à Ra-
tisbonne. Il avait peu compté sur le concours des
Russes, et tenait seulement à prouver à l'Europe
qu'ils étaient avec lui et non avec les Autrichiens,
ce que la marche de leur armée, si lente qu'elle
fut , ne permettait pas de révoquer en doute.
Quant au grand-duché de Varsovie, il savait qu'à
Vienne il ferait ou déferait de nouveau tous les
États de sa dernière création, et que peu importait
<|u"ils restassent debout, ou fussent renversés pen-
<lant sa marche victorieuse sur cette capitale. Mais
les événements d'Italie l'avaient un peu plus af-
fecté, parce qu'ils découvraient son flanc droit,
parce qu'ils exposaient ses Etats d'Italie aux souf-
frances de la guerre, parce qu'enfin ils portaient at-
teinte à la jeune renommée de son fils adoptif, qu'il
chérissait tendrement. Une circonstance particulière
avait presque converti son déplaisir en irritation. Le
prince Eugène, redoutant plus son père adoptif que
l'opinion du monde, avait à peine osé lui rendre
compte de ses revers, et s'était borné à lui écrire :
Mo?i phre^ j'ai besoin de votre indulgence. Craignant
votre blâme si je reculais, j'ai accepté la bataille, et Je
WAGRAM. 221
l'ai perdue. — Pas une explicalion n'avait suivi ces
courtes paroles pour dire où en étaient les choses, el
ce silence s'était prolongé pendant plusieurs jours,
ce qui avait fort embarrassé Napoléon qui ne sa-
vait quelles étaient ses pertes, quels étaient lés
progrès de l'ennemi en Italie, quels dangers pou-
vaient menacer son tlanc droit pendant sa marche
sur Vienne. — Soyez vaincu, avait répondu Na-
poléon dans plusieurs lettres, soyez vaincu, soit;
j'aurais du m'y attendre en nommant général un
jeune homme sans expérience, tandis que je n'ai
pas voulu que des princes de Bavière, de Saxe, et
de Wurtemberg, commandassent les soldats de leur
nation! Vos pertes, je vous enverrai de quoi les
réparer; les avantages de l'ennemi, je saurai les
neutraliser; mais pour cela il faudrait que je fusse
instruit, et je ne sais rien. Je suis réduit à chercher
dans les bulletins étrangers la vérité que vous de-
vriez m'apprendre. Je fais ce que je n'ai jamais
fait, ce qui doit répugner par-dessus tout à un
sage capitaine, je marche mes ailes en l'air, ne
sachant ce qui se passe sur mes flancs. Heureuse-
ment je puis tout braver, grâce aux coups que j'ai
frappés; mais il est cruel d'être tenu dans une telle
ignorance ! — Napoléon ajoutait ces belles paroles,
que nous citons textuellement parce qu'elles im-
portent à la gloire du plus grand de ses lieutenants,
à Masséna : « La guerre est un jeu sérieux dans
» lequel on compromet sa réputation , ses troupes
» et son pays. Quand on est raisonnable, on doit se
» sentir, et connaître si l'on est fait ou non pour le
» métier. Je sais qu'en Italie vous affectez de beau-
Avril 1809.
Avril 1809.
lli LIVHK XWV.
» coup iiR'|)ris(M" Masscna '. Si je l'eusse envoyé,
» cela lie serait |)()inl aiTi\é. Masséna a des talents
» militaires (levant lescjucls il faut nous j)rosterner
» tous, et s'il a des défauts il faut les oublier, car
»)"t()us les liuuiuies en ont. Kn vous confiant mon
» armée d Italie, j ai fait une faute. J aurais du en-
» vover Masséna et vous donner le commandement
» de la cavalerie sous ses ordres. Le prince royal de
» Bavière commande bien une division sous le duc
» de Dantzii.'! ... Je pense que si les circonstances
» deviennent pressantes , vous devez écrire au roi
» de Naples de venir à Tannée; vous lui remettrez
» le commandement, et vous vous rangerez sous ses
« ordres. Il est tout simple que vous ayez moins
» d'expérience de la tïuerre qu'un homme qui la
» fait depuis dix-huit ans! (Burghausen, le 30 avril
» 1809.))^
Napoléon, sachant bien que toutes les illusions
de ses ennemis, tout leur courage tomberaient à
la foudroyante nouvelle des événements de Ratis-
bonne, résolut, en se portant vigoureusement en
avant, d'arrêter d'abord, puis d'obliger à rétro-
grader les forces qui agissaient sur ses flancs ou
sur ses derrières. Alors comme en 1803, fondre
' Cps paroles sont une allusion aux propos habituels que tenait à
eettc cporine une jeunesse, brillante mais b-gèrc, acrourue, à la suite
de la restauration du trône, sur les champs de bataille et dans les
antichambres de Napoléon , se montrant aussi brave sur les uns , qu'é-
légante dans les autres, et médisant volontiers des vieux généraux de
la révolution , et de Masséna en particulier. Ce dernier joignait à beau-
coup d'esprit naturel un caractère simple mais rude, et peu facile. L«
jeune cour de Milan, craignant qu'on ne IVnvoyàt commander l'armée
d'Ualie, s'exprimait très-défavorablement sur son compte. La même
chose s'était passée à la cour de Xapics, où il n'avait pu rester.
WAGRAM. 223
sur Vienne était la manière la plus sure de briser "
^ AvriH809.
toutes les coalitions, nées ou à naître.
Cependant il se présentait l'une de ces iïra\es Grande
, III' II I • <iuestion qui
questions, desquelles dépend le sort des empires, se présente
et qui ne sont faites que pour les grands liommes, * ^aprlf^
à la façon d'AnnihaL de César, de Frédéric, de q^e Napoléon
' ' ' est devenu
Napoléon : fallait-il suivre impétueusement la laige maître de lu-
voie qui mène sur Vienne, celle du Danube (voir et du cours
la carte n" !4 , laissant sur sa gauche l'archiduc
Charles en Bohème, poursuivant devant soi les dé-
})ris du eénéral Hiller et de l'archiduc Louis, ra-
menant enfin sur sa droite l'archiduc Jean en ar-
rière, par l'impulsion d'une marche victorieuse sur
la capitale? ou bien fallait-il laisser à Bessières le
soin de refouler avec sa cavalerie et l'infanterie de
^[olitor les restes du général Hiller et de l'archiduc
Louis sur l'Inn, en se jetant soi en Bohème à la suite
du prince Charles, en s'acharnant à le poursuivre,
et en tachant de frapper dans sa personne, et non
dans Vienne, la monarchie autrichienne ' ? Napoléon j^y^^-^^^
\ pensa fsa correspondance en fait foi); mais s'il qu» décident
" ' _ ""• ^ ^ ' Napoléon à
était d'un grand capitaine comme lui de peser toutes ne pas suivre
, , " . ., , . • I ^ 1 • • l'archiduc
jes alternatives, il était aussi d un grand capitaine charics
comme lui de ne pas hésiter après avoir réfléchi, et etVmar'î^hér
de marcher au véritable but, qui était Vienne. En "^[°,'^
' ^ sur VK-iine
effet il avait bien, en s'attachant à poursuivre immé- par '^s bords
1- n i • ï /-Il 1 ^ 1 T-. 1 * 1 du Danube.
diatement 1 archiduc Charles a travers la Bohême, la
' Le général Griinn, iniiicipal officier d'état-major de rarchiduc
Charles, et officier de beaucoup d'esprit, a plusieurs fois traité cette
thèse, dans des lettres et des écrits anonymes publiés en Allemagne, mais
toujours au profit de son chef, et dans l'intention de placer sa conduite
bien au-dessus de celle de >'apoléon. Nous croyons ses raisons extrême-
ment faibles, et détruites par celles que nous présentons dans ce récit.
AvriHSO'J.
m LIVKK WXV.
cliaiico (raiiuinonlci- la dc.soriîanisalion de la priu-
cipalo aniicf aiili icliieiine, cren amener plus vite
la (lissoliilion, et ireinp'jcliercjue, reconstituée plus
taid, elle ne vînt, couverte par le Danube, lui
disputer reinpirc dAutriclie, dans les sanglantes
journées d'EssIing et de Wagram. Cela est certain,
et les panégyristes de l'arcliiduc Charles en ont con-
clu que Napoléon sacrifia tout à la vanité d'entrer
à Vienne. Mais c'est là un faux jugement porté sans
tenir compte de la réalité des choses. Il est bien
vrai que la principale armée autrichienne, rejetée
par Ratisbonne au delà du Danube, était profon-
dément ébranlée, et qu'un nouveau coup pouvait
en achever la destruction. Mais la jeune armée
de Napoléon, quoique exaltée par le succès, était
harassée de cinq jours de combats. Il n'y avait
de capable de supporter cette prolongation de fa-
tigue que le corps du maréchal Davout, et il était
épuisé lui-même, car c'est sur lui qu'avait pesé le
poids de ces cinq journées. Le reste était exténué.
Il fallait donc avec 50 mille hommes environ pour-
suivre les 80 mille hommes de l'archiduc Charles,
qui ([uoi qu'on fit aurait deux jours au moins d'a-
vance, qui trouverait quelques vivres sur les routes
déjà épuisées de la Bohème, tandis que les Fran-
çais n'y trouveraient plus une miette de pain, qui
perdrait sans doute dans sa retraite précipitée des
traînards cf (\o>^ malades, mais qui n'en sauverait
pas moins les deux tiers de son monde, et après
avoir entraîné Napoléon à sa suite, reviendrait in-
failliblement par Lintz sur le Danulje , repasserait
ce fleuve, rallierait à lui les 40 mille hommes du
WAGRAM. 22
D
corps (le Hiller et de rarcliiduc Louis, les 10 ou l^
mille de Ghasteler, les 40 mille de rarcliiduc Jean,
et aurait ainsi sur la véritable ligne de communi-
cation les 1 40 mille hommes les meilleurs de l'ar-
mée autrichienne : supposition qui n'a rien de chi-
mérique, puisque plus tard les archiducs, quoique
séparés par Napoléon resté sur le Danube, ne ces-
sèrent de rêver leur réunion, l'un devant venir de
la Bohême par Lintz, l'autre de l'Italie par Inspruck
et Salzbourg. Il est donc évident que si Napoléon
avait voulu poursuivre l'archiduc en Bohême il au-
rait laissé vacante la route du milieu , c'est-à-dire
celle du Danube, que dès lors la réunion des ar-
chiducs eût été certaine, et que ces princes en agis-
sant avec un peu de hardiesse auraient pu revenir
sur l'Isar, même sur le haut Danube, couper la re-
traite des Français en opposant 1 40 mille hommes
réunis à Napoléon qui n'avait déjà plus ce nom-
bre de soldats après les cinq jours de combats
qu'il venait de livrer. Longer les bords du Danube,
suivre ainsi la ligne la plus courte pour aller à
Vienne , car les routes de la Bohême décrivent par
Ratisbonne, Pilsen, Budweis, Lintz, un grand arc
dont le Danube est la corde ; se tenir sur cette route
qui était non-seulement la plus courte, mais la plus
centrale; séparer en l'occupant l'archiduc qui était
en Bohême des archiducs qui étaient en Bavière et
en Italie ; bien garder enfin en restant sur cette route
ce qu'un général a de plus précieux, c'est-à-dire
sa ligne de communication, celle où il a ses ma-
lades, ses munhions, ses vivres, ses recrues, la
possibihté de se retirer en cas de revers, était donc
TOM. X. ^o
AvriH809.
2*6 I.IVHI- XXXV.
la seule résolution saj^e , la seule diifne du génie
Avnl 1809. , -, , . ,, ',. -i ,
(le Aa|)oleon, celle enlin (ju il adopla sans aucune
hésilalion.
Pricauiions Soii paili uue fols piis de sui\re le l)aiud)e et de
enroarrhem uiaiclicr droit siu Vi('(uje, Napoleou employa les
survienne, j||(^,^ j^>,j^ [^.^ plns coHN euahles |)our l'exéeution de
entre ^ ' ' .
plusieurs ses desseins. Le plan {\e>^ Autrichiens ne lui était pas
armées autri- ... •. ' . i
.hieiincs. conuu; tout ce qu il eu sa>ait, c est que la majeure
partie d'entre eux, sous la conduite de rarchiduc
Charles, se trom aient rejelés sur la ii;auche du Da-
nube par Ratisbonne (voir la carte n" 1 4), et que la
moindre partie, sous le général Hiller et Tarchiduc
Louis, étaient par Landshnt refoulés sur la droite
du IkMne au delà de llsai-. Il en conclut dès lors
que tout en marchant en a\ant, et en poursuivant
lépée dans les reins la portion qui se retirait par
Landshut sur la ri\e droite du Danube, il fallait
piendre de grandes précautions à Tégard de celle
(|iii se retirait sur la riNe gauche, c'est-à-dire en
Bohème, qui était de beaucoup la plus considéra-
ble, et qu'on allait a\oir toujours sur son flanc ou
sur ses derrières. Il fallait en veillant sur tout ce
qu'elle pourrait tenter contre la sûreté de l'armée,
|)orter en avant une masse assez puissante pour
accabler le général Hiller et l'archiduc Louis, assez
ra|)ido pour les pre\enir aux divers passages du
Danube, et empêcher ainsi les deux armées enne-
mies de se réunir en avant de Vienne pour la couvrir.
C'est d'après cette flouble condition que Napoléon
calcula tous ses mouvements, a\ec une prévoyance
admirable, et un art dont aucun capitaine ni ancien
ai moderne n'a jamais donné l'exemple.
WAGRAM. 22
li
Avril 1800.
C'est le 23 au soir qu'on pénétra dans Ratisbonne :
c'est dans le cours de cette même journée, et dans
la journée du lendemain 24, <iue Napoléon arrêta
toutes ses dispositions. D'ahord le 22, en (piittant Marche
Landshut pour se porter à Eckmiihl , il avait déjà paVï^centre
dirieé le maréchal Bessières avec la cavalerie lé- ''<' '^ Bavière,
o a la suite
eère du général Marulaz et une portion de la ca- ''" générai
Valérie allemande au delà de Landshut, atin de otdei'archi-
poursuivre à outrance les deu\ corps battus {\\\
général Hiller et de l'archiduc Louis. Il y avait
ajouté la division de Wrède , et, pour plus de sû-
reté encore, la division Molitor, l'une des meil-
leures et des mieux commandées de l'armée fran-
çaise. Grâce à ce dernier appui, il était assuré (pie
tout retour offensif de l'ennemi serait énergique-
ment repoussé. Le lendemain 23, pendant que l'on Marche
canonnait Ratisbonne pour y entrer de vive force, ''"^ifro^!"^
il avait voulu que la ligne du Danube fut occupée Ju Danube
f- '^ ^ pour prévenir
j)ar l'un de ses plus intrépides lieutenants, par Mas- ics archiducs
, . 4 ,-, , . . ^ . sur tous les
sena lui-même, ahn que ce dernier suivit toujours points
le bord du fleuve, et put empêcher toute réunion '- P'^'^^se-
des archiducs, qu'ils cherchassent à passeï- de
Bohême en Bavière, ou de Bavière en Bohême.
(Voir la carte n" 14.) Napoléon ordonna au maré-
chal Masséna de descendre sur Straubing avec les
divisions Boudet, Legrand et Carra Saint-(]yr, o\
pour le dédommager du détournement de celle de
Molitor, il lui adjoignit l'une des divisions d'Oii-
dinot, la division Claparède. Ainsi deux colonnes
devaient poursuivre les Autrichiens sur la droite
du Danube : celle du maréchal Bessières, chargée
de marcher par le centre de la Bavière et de ta-
is.
i28 LIVHE \\\V.
lonner fortement le général Hillcr cl Tarchiduc
Louis au passage de tous les allluents du Danube ;
celle du maréchal Masséna, chargée de longer ce
fleuve et d'occuper avant les archiducs les pas-
sages importants de Straubing, Passau, Lintz, qui
formaient les points de conununication entre la Ba-
\ière et la Bohême.
Mouvement Ccs précautious priscs sur son front et sur sa
au co"rps droite, Napoléon disposa du corps du maréchal
''"oTyorn'"'^' ^^ii^oiit poiii" garder sa gauche et ses derrières,
pour observer contrc uu rctour offensif de l'archiduc Charles, au
I archiduc
Charles cas quc ce princc fut tenté de nous attaquer en
o ime. ii^j^^ Qy gj^ queue. Napoléon rendit à ce maréchal
les belles divisions Gudin et Morand, qu'il lui avait
empruntées momentanément pour l'affaire d'A-
l)ensberg, et lui ota la division Saint-Hilaire, des-
tinée avec les deux divisions du général Oudinol
à former le corps du maréchal Lannes. Les trois
di\isions Friant, Morand, Gudin, habituées à servir
a\ ec le maréchal Davout depuis le camp de Boulo-
gne, toujours restées hors de France depuis cette
époque, composaient une véritable famille sous les
yeux d'un père, inflexible mais dévoué à ses en-
fants, et offraient le modèle accompli de l'infanterie
propre à la grande guerre. Elles ne pillaient pas,
ne manquaient de rien parce qu'elles ne pillaient
pas, n'avaient jamais un homme en arrière, ne
reculaient jamais non plus, et enfonçaient tout en--
ncmi, quel qu'il fut, qui se rencontrait sur leur
passage. Avec la cavalerie légère du général 3Iont-
brun, et malgré leurs pertes, elles comptaient en-
core 29 ou 30 mille hommes. Napoléon ordonna
WAGRAM. 229
au maréclial Davoiit de quitter Ratisl)onne le 24,
, . Avril 1809.
(le marcher sur les traces de l'arcliiduc Charles
jusqu'aux frontières de la Bohême, de chercher à
savoir s'il les avait franchies, puis cette certitude
acquise, de rejoindre le Danube, d'en descendre
le cours sur la rive droite, tandis que le général
Montbrun descendrait par la rive gauche avec sa
cavalerie légère, furetant sans cesse le Bohmer-
Wald, longue chaîne de montagnes boisées, qui
sépare la Bohème de la Bavière. Le maréchal Da-
vout devait donc, une fois bien renseigné sur les
mouvements.de l'archiduc Charles, suivre la mar-
che générale de l'armée en longeant le Danube
derrière le maréchal Masséna, occuper Straubing
(|uand le maréchal Masséna marcherait sur Pas-
sau, occuper Passau quand celui-ci se porterait
sur Lintz. Le général Dupas avec une division fran- uùie assigné
çaise de 4 à o mille hommes, et les contingents des Dupas'eràu"
petits princes, en tout 1 0 mille hommes, eut ordre jans'^y^n5ar_
de se rendre immédiatement à Ratisbonne, afin d'y ohe générale
. . lie l'armée. .
remplacer le maréchal Davout, quand celui-ci quit-
terait cette ville pour descendre le Danube. Il de-
vait le suivre à son tour, et le remplacer à Strau-
bing, à Passau, à Lintz, là même où le maréchal
Davout aurait remplacé le maréchal Masséna.
Enfin le prince Bernadotte avec les Saxons avait
ordre de quitter Dresde, que ne menaçait aucun
ennemi, de remonter la Saxe, de traverser le Haut-
Palatinat, d'entrer à Ratisbonne, pour y remplacer
la division Dupas. Le Danube ne pouvait ainsi man-
quer d'être bien gardé, puisque les deux meilleurs
corps de l'armée, ceux des maréchaux Masséna
Avril ISO!>.
HessiiTcs et
Mass(['na.
230 i,i\ nv: XXXV.
ri |);i\<)iil, cscorltVs <lo<kMi\ (•or|)s alliôs, (lovaient
(Il miImc le coins, tamlis (|iie par le centre de la
l{a\ière, iiiir Ibrte a\ant-iîarde sous le njaiécha!
Uessières talonnerait les corps de Hiller et de l'ar-
Napoiéon cliiduc Louis. ÔSapolcon résolut de inarcliei' lui-
iiiarchf avec , i i 1 1 i • ■ ■ e • . 1 1 ■ i • i
i.mnes entre incHie a^ cc la Ix'lle diMsioii Sainl-liilaue , a\ ec la
division Deniont, a\ec la moitié disponible du cor|)s
d'Oudinot, avec la ij:arde qui \enait d'arri\er, avec
les (juatorze réi?in»ents de cuirassiers, et d'escorter
Uessières par Landshut, pour appuyer ce dernier
s'il rencontrait quelque difficulté de la part des^
corps de Hiller et de l'archiduc Louis, ou pour se
rabattre sur le bord du tleuve si l'archiduc Charles
tentait <le le repasser sur notre flanc ou nos der-
rières. Pour compléter cet ensemble de précau-
tions, Napoléon jeta les Bavarois sur sa droite,
avec mission d'occuper Munich, d'y ramener leur
roi, de refouler la division Jellachich, (pii, connue
on s'en souvient, avait été détachée du corps de
Hiller, de la pousser de Munich sur Salzbourg, de
pénétrer ensuite dans le Tyrol, pour replacer ce
pays sous la domination de la maison de Bavière.
Cette dernière mesure, en rappelant les Bavarois
chez eux, avait l'avantage d'éclairer la marche de
l'année du côté de l'Italie, et de la mettre en garde
contre toute tentative de l'archiduc Jean. Les corps
loniieant le Danul)e eurent l'ordre d'arrêter les ba-
teaux, de les amener à la rive droite, d'en com-
poser des con\ois pour transporter les vivres, les
munitions, les malades, les recrues, de préparer
sur tous les points des fours, des farines, du bis-
cuit, de mettre enfin en état de défense Siraubing,
Avril 1809.
WAGRA.M. 231
Passaii, Lintz, de manière à pouvoir garder le
fleuve avec peu de forces quand on en aurait fran-
chi les divers échelons.
Napoléon s'occupa ensuite de procurer à ses
corps les renforts dont ils avaient l)esoin, soit pour
réparer leurs pertes, soit pour compléter leur ef-
fectif projeté. D'une |)arl, ils s'étaient fort affai-
blis par les combats de cette première période,
car si nous avions enlevé 50 ou 60 mille hommes
aux Autrichiens, nous en avions bien perdu 12 ou
15 mille, dont un tiers seulement devait reparaître
dans les rangs; d'autre part, les corps étaient entrés
en action avant d'avoir reçu le complément de leur
effectif. Les vieilles divisions, depuis long-temps som*
organisées, comme celles du maréclial l)a\out, pour répare"
comme les quatre moins anciennes du maréchal '^* p*'"'*^®
* (|ue SCS corps
Masséna, comme la division Saint -Hilaire, n'a- avaient
valent pas reçu de leurs dépots les conscrits qui
leur étaient dus; et les nouveaux corps, comme
celui d'Oudinot, formé de quatrièmes bataillons,
étaient loin de posséder tous leurs cadres. Beau-
coup de ces quatrièmes batailhms n'avaient effec-
tivement que deux, trois ou quatre compagnies,
sur six qui leur étaient destinées. Enfin les recrues
venant d'Italie pour les corps qui avaient leurs
dépôts dans cette contrée, avaient été arrêtées en
Tyrol , et il fallait les remplacer par d'autres. Na-
poléon donna les ordres nécessaires pour que les
conscrits tirés des dépôts, les compagnies qui
manquaient encore aux quatrièmes bataillons,
fussent promptement acheminés sur cette route si
bien jalonnée de la Bavière, et pour que la cavalerie
essuyées.
232 LIVRE XXXV.
re(;iit les clicvaux dont elle avait surtout l)esoin.
AvriH809.
Napoléon venait dètrc rejoint par les grenadiers,
cliasseurs, fusiliers et tirailleurs de sa i^arde. Il
reitéra ses ordres pour la prompte ortçanisation des
(piaire réi^inients île conscrits de cette iiarde, et
du nouveau détachement d'artillerie qui devait en
porter les bouches à feu au nond)re de soixante.
Il écri\it en même temps aux rois de Bavière, de
Saxe, de Wurtemberg, pour leur annoncer ses
éclatants succès, et faire appel à leur zèle dans le
lecrutement de leurs corps. Il écrixit à son frère
Jérôme, à son frère Louis, pour presser la réunion
de leurs troupes, afin de pourvoir à la sûreté de
l'Allemagne contre les mouvements insurrection-
nels qui éclataient de toute part. Il ordonna qu'on
fit expliquer le roi de Prusse sur la singulière aven-
ture du major Schill, et en annonçant ses \ictoires
à M. de Caulaincourt, il ne lui envoya pas de let-
tre pour l'empereur Alexandre, désirant marquer
à ce prince, par un pareil silence, ce qu'il pensait
de la sincérité de son concours. Il défendit en ou-
tre à notre ambassadeur d'écouter aucune parole
relative au sort futur de l'Autriche, et aux condi-
tions de paix qui pourraient être la suite de succès
si rapides.
Départ Tandis que ses corps cheminaient devant lui, Na-
dc Napoléon i • • . • . « ' ^ r» , • i < i • i
pour poleon était reste a Hatisbonne pour expédier les
i.andshut. oidrcs nouibrcux (pi'exigeaient la conduite de si
grandes opérations et le gouvernement de l'em-
pire, ([u'il ne négligeait pas quoiipie absent. Entré
le 23 avril au soir dans Ratisbonne, il y passa les
journées du 21 et du 25, et il partit le 26 pour
Avril 1809.
WAGRAM. 233
Lcindslnit, afin de rejoindre l'année et de la diriij;er
en personne. Ayant trouvé sur la route la piarde et
les cuirassiers, il marcha avec ces belles troupes
à la suite de Bessières et de Lannes, cpii s'avan-
çaient, conune nous l'avons dit, par le centre de la
Bavière, tandis qu'à droite les Bavarois loui^eaient
le pied des Alpes tyroliennes, et qu'à gauche Mas-
séna en tête, Davout en queue, suivis de Dupas et
<le Bernadotte, descendaient le Danube.
Pendant ce temps, les généraux autrichiens adop- Marche
, • . ^ V 1 , "" , . •. 1 .des pcncraux
laient a peu près le plan de retraite que leur avait autrichiens
l)rété Napoléon. L'archiduc Charles, rejeté avec "'''nJmentT*^"
environ quatre-vingt mille hommes dans le Haut- 'l^
^ "- Ratisbonne.
Palatinat, n'avait, dans le fait, d'autre parti à pren-
dre que de se retirer par la Bohème, de traverser
cette province le plus vite possible, de repasser le
Danube soit à Lintz, soit à Krems, de s'y rallier au
général Hiller et à l'archiduc Louis, et même, s'il
le pouvait, d'y amener l'archiduc Jean par le Tyrol
insurgé. Le général Hiller et l'archiduc Louis , re-
jetés par Landshut au delà de l'Isar en Bavière,
avec environ 40 mille hommes, n'avaient, de leur
côté, pas mieux à faire que de disputer les lignes
de l'Inn, de la Traun, de l'Eus, affluents du Da-
nube, de retarder ainsi la marche de Napoléon , et
de donner aux archiducs Charles et Jean le temps
de se réunir à eux, pour couvrir Vienne avec toutes
les forces de la monarchie. C'est en effet le plan
(ju' adopta l'archiduc Charles, et qu'il prescrivit à
ses frères, ce qui achevait de justifier complète-
ment la marche de Napoléon le long du Danube,
puisqu'elle le plaçait sur le chemin direct de Vienne,
Avril 1809.
Î34 I.IVRR XXXV.
eiUi-e lous les arcliiducs, de mani«'ie à les isoler les
lins des autres, el à les devanc<'r >iir tous les points
de concentrai ion.
Le prince ConfornuMncnt au plan arrtMe, 1 arcliidiic Charles
Charles . ' .
sarréteà sc liala cu (julttaiil Balishoune de \ enir prendre
iie'^aam" P<>^ili<»u à (iiiani, à l'entrée des détiles tle la Bo-
''rëfù-ler''^ lièuie. Il S etal)lit entre les deux routes de Furlh et
n Bohème, de Roetz, (pii uu" noul à Pilsen, ayant le corps de
Rosenheri: à irauelie, celui de Hohenzollern à
droite, celui de Kollovrath au milieu, le prince Jean
de Liechtenstein en arnère a^ ec les grenadiers et
les cuirassiers, et enfin le corps de Bellegarde dé-
taché au couvent de Schœnthal. Cette position de
Cham était très-forte , et a alait la peine d'être dis-
putée, si on était vivement j)Oursiiivi. Le prince
Charles y attendit son matériel, ses traînards, ses
égarés, résolu à se défendre avec les qualre-^ingt
mille hommes qui lui restaient, s'il était de nou-
veau attaqué par les Français. Le maréchal Davout
l'y suivit par Nittenau, non point dans l'intention
de lui livrer bataille, mais dans celle d'observer
sa marche et de connaître ses projets. Voulant
toutefois, sans engager le combat, conserver l'as-
cendant des armes, il refoula brusquement les
avant-postes autrichiens jusque près de Cham, et
se présenta dans l'attitude d'un ennemi prêt à en
Retraite venir aux mains. Soit que l'archiduc ne voulût pas
définitive
de l'archiduc counr la cliauce d'une nouvelle bataille, soit qu'il
en Bohême. ^^"^ avoir asscz attendu, il décampa, laissant au
maréchal Davout bien des vohures, bien des mala-
des, bien des traînards que celui-ci ht prisonniers.
Le projet étant de se retirer, il eût mieux valu le
WACiKAM. ^ 235
faire plus tôt, car, parti le 24 au matin dos envi- '
rons de Ratisbonne, le i^énéralissime autrichien
resta en position à Cliam jusqu'au 28, et perdit
ainsi deux jours sur quatre , ce qui était fâcheux ,
puisque son premier intérêt était d'atteindre le pont
de Lintz, par lequel il pou\ait se réunir aux corps
de Hiller et de l'archiduc Louis. La route intérieure
de Bohême formant un arc, par Pilsen, Budweis,
Lintz (voir la carte n" 1 4), il avait à décrire un lone
circuit, tandis que Napoléon, suivant les bords du
Danube , marchait directement au point si important
de Lintz, par une roule superbe, et avec le secours
du fleuve qui transportait une partie de ses plus
lourds fardeaux. Le prince autrichien aurait donc
bien fait de se hâter, au risque de laisser beaucoup
de monde en arrière , car il valait encore mieux ar-
river moins fort au rendez-vous de Lintz, que de
ne pas y arriver du tout.
Quoi qu'il en soit, l'archiduc Charles se retira en
Bohême, décidé à ramasser en chemin tout ce qu'il
trou\ erait de renforts, et à regagner la rive droite
du Danube le plus tôt possible. Se doutant néan-
moins qu'il ne réussirait pas à marcher assez vite,
il envoya le général Klenau avec neuf bataillons, le
général Stutterheim avec quelques troupes légères ,
pour aller, par les chemins les plus courts, dé-
truire, si on ne pouvait les occuper, les ponts de
Passau et de Lintz sur le Danube. Ces précautions
prises, ne pouvant s'empêcher de céder au décou-
ragement à la vue d'une guerre qui commençait si
mal, il proposa à l'empereur d'Autriche de faire,
sous prétexte d'un échange de prisonniers, une dé-
AvnHSO?.
AvriH809.
236 LIVRE XXXV.
inarclic paciluiue auprès de iSapoléon. I.'empcreur
François, (jui avait consenli à la i^iicrre sans y
t^tre condiiil par une couNiclion bien arrêtée, et
tjui voyait à quel |)oint son frère le irénéralissime
était déjà déeouraiié, ne se refusa point à cette dé-
marche pacifique, pas plus (ju'il ne s'était refusé à
la iîuerre, mais en demandant toutefois (pi'on ne
montrât pas trop de fail)lesse au déhut même des
iiostilités. En conséquence, Tarcliiduc Charles fit
rédiger par son chef d'état-major, Griinn, une let-
tre dans laquelle, félicitant l'empereur Napoléon
de son arrivée au quartier général français, ce dont
il avait pu s'apercevoir, disait-il avec modestie, à
la tournure des événements, il lui proposait un
échange de prisonniers, pour adoucir les maux de
la guerre, heureux, ajoutait-il, si dès le commen-
cement des hostilités on pouvait leur im|irimer un
caractère moins violent et moins acerbe. Il conti-
nua ensuite sa marche à travers la Bohème, après
avoir enjoint à son frère Jean de passer en Bavière,
et à son frère Louis et à son lieutenant Hiller de
disputer fortement cette contrée aux Français, pour
donner le temps à toutes les forces autrichiennes
d'opérer leur jonction derrière la Traun, aux en-
^ irons de Lintz.
Le maréchal Davout , dès qu'il vit l'archiduc
(Jiarles s'enfoncer en Bohème , rebroussa aussitôt
chemin, revint sur Ratisbonne, repassa le Danube,
et conunença de descendre ce fleuve par la rive
droite, en se faisant éclairer sur la r\^'e gauche par
le général .Monlbrun. Il s'achemina sur Passau à la
.suite du maréchal .Massena, qui devait s'acheminer
WAGRAM. 23T
sur Lintz, et se fit remplacer à Ratisbonne par le
général Dupas avec dix mille hommes, moitié Alle-
mands, moitié Français.
Tandis que l'archiduc Charles donnait à sa re-
traite la direction que nous venons d'indiquer, le
général Hiller et l'archiduc Louis, même avant
d'avoir reçu l'ordre de disputer pas à pas le sol de
la Bavière, s'y étaient décidés, et croyant que Na-
poléon s'attachait à poursuivre l'archiduc Charles,
ils avaient résolu un mouvement olïensif contre
l'avant-garde du maréchal Bessières, afin d'attirer
l'ennemi à eux et de dégager le généralissime. La
résolution était honorable et bien entendue, car ils
pouvaient surprendre Bessières avant qu'il fut joint
par le renfort que lui envoyait Napoléon, et dans
cet état de confiance imprudente qu'inspire sou-
vent la victoire.
Les deux généraux autrichiens avaient encore,
en comprenant dans leur effectif les restes de la
réserve de Kienmaver et la division Jellaciiich, en-
viron 50 mille hommes. Le général Jellaciiich était
vers Munich, a^ ec ordre de se retirer sur Salzbourg.
Privés de son concours, et rejoints par un régiment
de 3Iitro^vski et quelques hussards de Stipcitz, ils
devaient posséder de 38 à 40 mille soldats. 3Iar-
chant sur le maréchal Bessières qui en avait à peine
1 3 ou 1 4, et qui s'avançait avec une extrême témé-
rité, ils pouvaient l'accabler. En effet, le 24 au
matin, avant que l'archiduc Charles eût définiti-
vement opéré son mouvement de retraite vers la
Bohème , et pendant que le maréchal Bessières pé-
nétrait au delà de l'Isar, avant la cavalerie légère
Avril 1809.
Retour
offensif
(lu général
Hitler cl
de l'archiduc
Louis contre
le maréchal
Bessières.
Combat
de Neumaïkt
et fermeté
Avril «809.
orrasion.
238 I IVRR XXXV.
(le Marulazeu ItMc de sa colonne, les Bavarois du
liénôral (IcWmlc au cenlrc, 1 inlanlorie de Molilor
du général j, l'aiTière-ixaitlc . les deux, liénéraux autricliiens
Molitor dans ' '
celle se reporlèrent en avant, a\ec l'inlention de rejeter
l'aNanl irarde des Français dans les marérases de
la Kulh, |)rès de Ncuniarkt. Ils se présentèrent en
trois colonnes, et rencontrèrent d'abord la cava-
lerie de Marulaz, qui les c}jarîa;ea plusieurs fois
avec une rare bra^ oure , mais qui ne j)0uvait ob-
tenir de succès sérieux contre une masse de 30
mille hommes marchant résolument. La cavalerie
de Marulaz refoulée, le général de Wrède eut son
tour, et dut résister avec six ou sept mille hommes
d'infanterie à plus de trente mille. Les Bavarois
n'étaient pas indignes de se mesurer avec les Au-
trichiens, quoi(prils leur fussent inférieurs, et ils
se montraient assez animés dans cette guerre. Mais
il leur était impossible de tenir contre la masse qui
allait les presser en tète et sur les flancs. Ils n'avaient
j)0ur unique retraite, à travers le pays humide et
boisé qui borde la petite rivière de la Roth , qu'un
pont de chevalets faible et tremblant, incapable
de porter les fortes masses qui le traversaient à
pas précipités. Derrière était située la ville de Neu-
markl, où Bessières était à table, pendant que
son avant-garde, refoulée sur son centre, courait
le danger d'être culbutée. Heureusement le général
Molitor, oflicier d'infanterie formé à l'école du Rhin
et le premier des lieutenants généraux de ce temps,
arrivait suivi de sa division. Il avait reconnu le dan-
ger et en avait fait part au maréchal Bessières, qui,
voyant là une affaire d'infanterie, eut la sage mo-
WA(iRAM. 239
destie de le laisser ae;ir. Le i^éneral Molitor passa ^
sur-le-champ le pont de la Rof h avec ses quatre ré-
ijçiments, et apercevant sur la i2;auche une hauteur
boisée d'où l'on pouvait proté2:er la retraite, il se
hâta (le l'occuper avec le 2° de ligne, en précipitant
du haut en bas une troupe autrichienne qui la défen-
dait. Puis il rangea à. droite les 16" et 37*^ régiments
«lansune position a\antageuse pour se servir de leur
l'eu. En ce moment , la cavaleiie légère refoulée re-
passait la Roth après avoir essuyé des pertes, et le
général ba\ arois de Wrèdc était aux prises avec l'en-
nemi acharné à détruire un de ses bataillons. Mais
tout à coup l'attitude de la division Molitor calma
Tardeur des Autrichiens. Les feux roulants et bien
ajustés des 16" et 37" de ligne, la forte position du
2% les arrêtèrent, et bon gré, mal gré, ils laissèrent
les Bavarois repasser, tranquillement la Roth. Les
1 6" et 37*" régiments défilèrent ensuite, protégés par
le 2^ qui eut avec les Autrichiens un engagement
terrible. Ce brave régiment était si obstiné à lutter
que le général Molitor eut grand'peine à le ramener
en arrière. Avant de repasser le pont, il chargea
plusieurs fois à la baïonnette, et força ainsi les Au-
trichiens à lui laisser opérer sa retraite, qu'il exé-
cuta le dernier avec un aplomb admiré des enne-
mis eux-mêmes.
Cette affaire coûta quelques centaines d'hommes
aux Bavarois, et quelques chevaux au général
Marulaz. Elle eût pu devenir fâcheuse pour l'avant-
garde tout entière, sans la prévoyance de Napo-
léon, qui avait ménagé au maréchal Bessières
l'appui du général Molitor. Toutefois bien qu'ar-
AvriH809.
Marche
générale
de l'armée
sur riun.
iiO LIVRE XXXV.
riMi's sur les bords de la Kolli, le général llilhîr
et rarciiiduc Louis n'auraient pas renoncé à leur
mouvement olîensif , s'ils n'avaient a|)pris dans la
nuit toute l'étendue des désastres du généralis-
sime, ainsi que sa retraite en Bohême, et s'ils n'a-
vaient reconnu la nécessité de se retirer de leur
côté, car Napoléon ne pouvait manquer de fondre
bientôt sur eux avec des masses écrasantes. Ils ré-
solurent donc de se replier sur l'Inn, et de l'Inn
sur la Traun, qu'ils avaient l'espérance de défendre
mieux que l'Inn, parce (ju'ils devaient avoir plus
de temps pour s'y asseoir, et que d'ailleurs ils
avaient quelque chance d'y trouver l'un des ar-
chiducs, ou Charles ou Jean.
Napoléon arriva sur ces entrefaites , suivi de la
garde et des cuirassiers, précédé par Lannes avec
les troupes des généraux Sainl-Ililaire, Demont,
Oudinot. Il reporta en avant le maréchal Bessières,
et imprima à la poursuite la vigueur d'un torrent
qui a rompu ses digues. Tout le monde de la droite
à la gauche marcha sur l'înn (voir la carte n** 1 4),
les Ba^ arois se dirigeant par Munich et Wasser-
bourg sur Salzbourg, le maréchal Lannes par
Miihldorf sur Burgliausen, le maréchal Bessières
par Neumarkt sur Braunau. Appuyant ce mouve-
ment le long du Danube, le maréchal Masséna pé-
nétrait dans Passau, qu'il enlevait brusquement aux
Autrichiens, lesquels n'avaient pas eu plus que les
Bavarois la prévoyance de s'y établir solidement.
Le 28 et le 29 avril, dix jours après les pre-
mières hostilités, on était parxenu sur tous les
points à la ligne de l'Inn, et on était occupé sur
WAGRAM. 2M
cliaqiio route à ivlal)lir les noiits, (lue les Aiitri-
, . . , . . , M - ■ , . ^^'i' '809.
chiens a\aienl (lelniils ou Itiiiles jusquau nneau
des eaux, ([uand ils en avaient eu le temps. Napo-
léon entrée le 28 à Buiiiliausen fut obligé d'y atten-
dre pendant deux jours le rétablissement du pont
qui était dune grande importance, et cpii axait été
complètement incendié. Ayant reçu la lettre paci-
fique de l'archiduc Charles, il la renvoya h "SI. de
Champagny, qui suivait le quartier général , et lui
ordonna de n'y pas répondre. Plein de confiance
dans le résultat de la campagne, ne i)ré\oyant pas
toutes les dillicultés qu'il pourrait rencontrer plus
tard, il croyait tenir dans ses mains le destin de la
maison d'Autriche, et ne voulait pas se laisser arrê-
ter dans ses ambitieuses pensées [)ar un mouvement
de générosité irréfléchie. Il prescriA it donc le si-
lence, du moins pour le moment, se réservant de
répondre plus tard sui\ ant les circonstances.
Le maréchal Masséna étant entré à Passau, et le Trajet
maréchal Davout le sui\ant de près, tandis (pic tiTr'aun!
l'armée entière était sur l'inn de Biaunau à Salz-
bourg, il fallait marcher sur la Traun sans retard,
(rétait la ligne essentielle à conquérir, car elle cor-
respondait avec le débouché de Linlz, par lequel
l'archiduc Charles pou\ait rejoindre le général Mil-
ler et l'archiduc Louis. Cette ligne conquise a\ant
que le généralissime autrichien y fut arrivé, il res-
tait à celui-ci une seconde et dernière chance de
jonction en avant de Vienne, c'était d'atteindre à
temps le pont de Krems, et de venir se placer à
Saint- Polten pour couvrir la capitale. Napoléon
résolut de lui enlever tout de suite la première de
TOM. X. 16
i.iviu-; \\\\
Mai 180ît.
Ordre
à M asséna
tie marcher
sur
la Traun.
Formidable
position
d'Éberfber.iî
au conilucnt
de la Traun et
du Danube,
Marche
de toutes
les colonnes
de l'arnico
pour seconder
le mouvement
de Masséna
sur la Traun.
cos (l('ii\ cliaiico, (Ml >(' portant sur Uni/, (riiiic
manière iinptMnciisc. Ktant parvcnn a\pc Ions ses
corps sur llnn. cl en a\aiil rctalili les ponts le
.'Ul a\iil, il ordonna le iiion\cmciit iiéncral pour le
1" niai. Il |)rev( ri\ il à .MasstMia de niaiclier ra|)i(le-
inent de l'assau >iir KlTerdini; . (rKlTcidini: >nr Liniz,
arri\c la de s'emparer daiiord de la \ille de Ijrilz.
puis (In |)onl sur le l)aiinl)(> s'il n'(^ait pas détruit,
cl, Uni/ 0(cuj)(', d'aller droit à la Tranu ([ui coule
à deux lieues au-dessous. La Traun, (pii est pour
les Autrichiens Tune des iienes les plus ini|)ortantes
à défendre quand ils veulent arrêter une année en
raarclie sur Vienne, descend des Alpes Noriques
comme TEns, et \a toml)er dans leDanuhe un peu
après Liniz. Elle lonire le pied d'un plateau qui
s'étend jusqu'au Dannhe, et sui- le(piel une armée
|)(nt se poster avanta2;eusement, pour s'opposer
aux progrès d'une ùnasion. Aussi le pont sur le
Danube, celui qui servait de comnumication mili-
taire entre la Bohème et la Haute-Autriche, était-il
placé non pas à Linlz même, mais au-dessous du
confinent delà Traun dans le Dannhe. c'est-à-dire
à -Manthausen. Il était ainsi couvert par la Traun,
el par le plateau dont nous venons de parler, au
sonmiet duquel s'apercevaient la ville et le château
d'Ehersherc:.
Masséna eut donc le T' mai l'ordre de se portei-
vivement de Passau à Lintz, de Lintz à Ébersberg.
Mais comme la dilliculté pouN ait être grande si les
3G mille hommes restant aux deux généraux au-
trichiens Ncnaient se poster à Ehersberg, Napoléon
\onlait al)order la Trann sni- plusieurs points à la
WAGRA.M. 213
fois, à ÉI)('rsl)orii, à AVels et à Laïuhacli. En consô- '
quence, il dirii^ca toutes ses colonnes de llnn sur
la Traun, de manière à y arriver le 3 mai au matin.
Le général de Wrède, ayant avec sa di\ision tra-
versé Salzbourg, devait, après y avoir été remplacé
par le reste des Ba\ arois, s'acheminer par Stras^^ al-
chen sur Lambach au bord de la Traun. (Voir la
carte n" 14.) Le maréchal Lannes avec les troupes
des généraux Oudinot, Saint-Hilaire, Demont de-
vait se rendre à Wels, pour y passer la Traun, im-
médiatement au-dessus d'Ébersberg. Enfin le ma-
réchal Bessières avec la garde, les cuirassiers et la
cavalerie légère, devait, ou passer à Wels, ou se
rabattre sur Ebersberg, si on entendait sur ce point
une canonnade qui fît supposer une sérieuse résis-
tance. Le major général Berthier eut ordre de faire
savoir, et fit savoir en effet à Masséna, qu(î si les
obstacles étaient trop grands de son côté, il trou-
verait dans le passage de la Traun opéré au-dessus
de lui, soit à Wels, soit à Lambach, un secours
pour l'aider à les vaincre. 11 lui fut toutefois re-
commandé dans ces nouveaux ordres connue dans
les précédents, de ne rien négliger pour enle\er
promptement, non-seulement la ville de Lintz et le
pont qu'elle avait sur le Danube, mais encore le
pont de Mauthausen, placé, comme nous venons
de le dire, au confluent de la Traun, sous la pro-
tection du château d'Ébersberg'.
M;ii 180».
' J'analyse ici fidèlement les lettres de Napoléon et du prince Berthier,
au maréchal Masséna, pour qu'on puisse bien apprécier à quel point était
motivé le combat crj':hersberg , l'un des plus terribles de nos longues
guerres , et qui tout en faisant ressortir la prodigieuse énergie de .Mas-
séna, lui fut cependant reproché comme une inutile effusion de sang.
16.
211 LIVIU-: \.\\\.
Nos roUmnos s'jivanrôront dniis Toidrc indiciué.
Mai ISO'.t. ^ ' ^
Elles rluiciit loiilcs le I" niai an (Icliulc 1 liiii, après
01» a\()ir rclaltli les ponts, .Masséna se dirii2;eanl de
Passau sur Kirerdint;;, Lannes et IJessières de Biirg-
liausen et liiannan sniHicd. Ils recueillirent sur les
routes un n(Mni)re considérable de voitures et envi-
ron deux à trois mille prisonniers. Masséna qui mar-
chait la p:auclie au Danube rencontra partout sur
son cliemin larrière-garde des corps de Ililler et de
rarcliiduc Louis, et put apercevoir, de l'autre côté
du fleuve, les troupes de l'arcliiiliic (lliarles, (pii
\ enaient à travers les défilés de la Bohème occuper
ou détruire le pont de Lintz. 11 sentait donc à cha-
que pas l'importance de devancer le généralissime
soit à Lintz, soit àEhersherg, bien moins pour con-
(juérir ces points de passage que pour les enlever
à l'ennemi, et pour empêcher derrière la Traun la
réunion de toutes les forces de la monarchie autri-
chienne. (Voir la carte n" I 4.)
Arrivée Le 2 u)ii'\ au soir Masséna échangea en avant d"Ef-
■ le Masscna /. i- • i i» -i n •< i
à i.iniz. lerdmg quelques coups de fusil avec 1 arriere-garde
du général Hiller, fit des prisonniers, et s'apprêta
à marcher le lendemain sur Lintz. Le 3 au matin il
partit, précédé par la cavalerie légère de 3Iarulaz,
et suivi de la division Claparède du corps d'Oudinot.
Il parut devant Lintz à la pointe du jour. Y entrer,
culbuter quelques postes qui se retiraient en liàte,
s'emparer de la \'\\\e, ne fut que Talfaire d'un in-
stant. Les détachements de Klenau et de Stutter-
heim, dépêchés par l'archiduc Charles pour occu-
per le passage, n'avaient pu que détruire le pont
de Lintz et en amener les bateaux à la rive gauche.
Mai 1809.
Son
W.\(.H\M. 245
Masséna en possession de Lintz était donc assuré que
ce pont du I)anul)e ne pouvait plus servir à la jonc-
tion des archiducs. Mais le pont véritablement pro-
pre à la jonction était celui de Mauthausen, situé
à deux lieues au-dessous, et couvert, comme nous
lavons dit, par la Traiiu. Tant qu'on n'était pas
maître de celui-là, il était possible que l'archiduc
Cliarles s'en servît jiour se réunir au général Hillcr
et à Tarchiduc Louis, et on ne savait pas en ellet
si les détachements qu'on ai)ercevait au delà du
Danube étaient les avant-gardes de la grande ar-
mée autrichienne, ou de sim|)les détachements sans impressemeni
à courir
soutien. Il était dix heures du matin. Masséna n'hé- sur Ébersheri:
sita pas, traversa Lintz au [)as de course, et se porta .,f, maTin.
sur la Traun, c'est-à-dire devant Ébersberg. La
position s'offrit tout à coup avec de formidables
apparences.
On voyait devant soi la Traun coulant de droite à ^speft
eauche pour se jeter à travers des îles boisées dans 'l^lf position
o i j ,1 tbersberg.
l'immense lit du Danube. On apercevait sur cette ri-
vière un pont d'une longueur de plus de 200 toises,
puis au delà un plateau escarpé, au-dessus duquel
s'élevait la petite ville d'Ébersberg, plus haut encore
le château fort d'Ébersberg, hérissé d'artillerie, et
enfin soit en avant du pont, soit sur l'escarpement du
plateau, une masse de troupes qu'on pouvait éva-
luer de 3G à 40 mille hommes. Il y avait là de quoi
modérer tout autre caractère que celui de Masséna
et lui inspirer l'idée d'attendre, surtout s'il faisait la
réflexion fort simple qu'à quelques lieues au-dessus
d'Ebersberg plusieurs colonnes françaises devaient,
dans la journée ou le lendemain, opérer leur pas-
246
I.IVKK XXXV
Mai IKi>>t.
'>:onibat
J tbersborg.
sage, et toiinicr hi posilior». Mais cotte certiliido
n'eniprcliiiil |)iis (jue |H'iil-('tr(; dans la journée les
arcliidncs ne se réunissent par le pont de Mauthau-
sen, si on h» laissait en l('uri)ou\()ir. Il y avait donc
un intérêt \erital)le à \o leur enlever sur-le-champ,
en emportant la ^ille et le château d'Ébersberg.
Du reste, c'est avec son caractère, encore plus
qu'avec sa raison, qu'on se décide à la guerre, et
Masséna rencontrant l'ennemi qu'il n'avait pas eu
•encore l'occasion de saisir corps à corps dans cette
^•ampagne, n'épiouva qu'un désir, celui de se je-
ter sur lui, |)our s'emparer d'une position jugée
décisive. Par ces motifs il ordonna 1 attaque sur-le-
champ.
En a\ant du pont d'Éhersherg, se trouvaient au-
tour du \illage de Klein-Munchen des tirailleurs
autrichiens, et quelques postes de cavalerie légère.
Le général Marulaz lit charger, et disperser à coups
de sabre, les uns et les autres. Les cavaliers repas-
sèrent le pont, les tirailleurs se logèrent dans les
jardins et les maisons de Klein-Munchen. La pre-
mière brigade de Claparède, conmiandée par l'in-
trépide Cohorn, marchait à la suite delà cavalerie
légère de Marulaz. Le général Cohorn, dont nous
avons eu occasion de parler déjà, descendant du
célèbre ingénieur hollandais Cohorn, renfermait
dans un corps grêle et i)etit, l'une des âmes les plus
fougueuses et les plus énergi(pies que Dieu ait ja-
mais données à un homme de guerre. Il était digne
d'être l'exécuteur des impétueuses volontés de Mas-
sur le poni et séua. A peine arrivé sur les lieux il court à la tête
la ville '■
dÉbersiKi-. (les voltigcurs de sa brigarle sur le village de Klein-
Auilaciouse
ntlaque
>lii général
Cohorn
.Mai 1809.
^\ AtiUA.M. 2t7
Miinclion, s'empare d'ahonl des janliiis, puis se
jette dans les maisons, prend ou passe par les ar-
mes tout ce qui les oceu[)ait, pousse au delà du
\ iliai^'e, se porte à rentrée du pont, qui était long,
avons-nous dit, de deux cents toises au moins,
chargé de fascines incendiaires, et criblé des feux
de l'ennemi. Tout autre que le général Cohorn se
serait arrêté, pour attendre les ordres du maréchal
Masséna; mais l'audacieux général, l'épée à la
nuiin, s'^engage le premier sur le pont, le traverse
au pas de course, fait tuer ou prendre ceux cpii
essaient de lui en disputer le passage, laisse, il est
\rai, sur les planches du pont, beaucoup des siens,
morts ou mourants, mais axance toujours, et, le
défilé franchi, lance ses colonnes d'attaque sur le
plateau, qui était couvert des masses de l'infante-
rie autrichienne. Cohorn, sous une grêle de balles,
gravit avec le même emportement la rampe escar-
pée qui conduit à Ébersberg, pénètre dans la \ille,
débouche sur une grande place que le château
domine, et oblige enfin les Autrichiens à se replier
sur les hauteurs en arrière. Malheureusement ils
conservent le château et font pleuvoir du haut de
ses murs un feu destructeur sur la petite ville de-
venue notre conquête.
Pendant cette suite d'actes téméraires, Masséna, Dispositions
reste au pied de la position, prend ses mesures pour j.y,. ^assena
appuyer (Cohorn, ([ui n'avait eu affaire jusqu'ici ''"ig^nTrai"^
({u'à l'avant-garde des Autrichiens, et qui bientôt coiiom.
devait les avoir tous sur les bras. Pour tenir tête à
la formidable artillerie du plateau, il amène les
bouches à feu de tout le corps d'armée, elles poste
2i« i.i\in; \\\\.
le plus a\ aiiliiLrciiscnKMil i)()ssil)l('. Non ollicicrs d'ar-
S!ai ISO;). . . ' '
lillciic toujours aussi intclli.m'iils (jii'inhvpides, es-
saiciil (le compenser par la justesse <lii lir et le
l)on clioix (les emplaeemeiils le (lésa\autaiïe do hi
position, l lie elTroNahle eanonnade s'enp;ai!;e ainsi
d'iiiie ri\e a 1 autre de la Tiaun. (^ela lait, Masséna
lance a tiavers le lonp: délilé du pont, les deux au-
tres briiïades de Claparède, celles de Lesuire et de
Ficatier, leur ordonnant de ij;ra\ ir le plateau pour
aller «lansEhersberi; au secours du général Cohorn.
Puis il dépéciie une foule d'aides de camp afin de
liAter l'arrivée des divisions Lei2;rand, Carra Sainl-
Cyr et Boudet, dont on a irrand besoin i)our sortir
de cette redoutal)le aventure. I.ui-mènie il se tient
au milieu des balles et des i)oulets pour donner ses
ordres et pourvoir à tout.
Lutte Les deux briiiades Lesuire et Ficatier arrh aient à
achanicc dans , , , , ir-ii i »
lintoripur pi'opos, car le général IIiIum- reniareliant en avant,
s'était jeté avec des forces considérables sur Coliorn,
et l'avait obligé de rentrer dans Ebersberg, puis
d'évacuer la grande place. Les Français la repren-
nent, en chassent les Autrichiens de nouveau, et
tentent de s'emparer du château, dont ils appro-
chent sans pouvoir y pénétrer. Mais les Autrichiens
(pii sentaient rimportance du poste re\iennent plus
nombreux, ce qui leur était facile, puiscju'ils étaient
trente-six mille contre sept ou huit mille, fondent
en masse sur le château, en éloignent les Fran-
çais, s'inlioduisent dans la ^iIle, la tra>ersent, et
débouchent encore une fois siu* la grande |)laee.
Le brave Claparède a^ oc ses lieutenants se réfugie
alors dans les maisons (jui la bordent de trois cô-
d'Kbersbcri;.
Mai 1809.
■ WACUAM. 2i9
lés, s'y (Mai)lit, ot des f(Mièti(>s liiil j)l(Miv()ir sur
reimeiui une i^rèh^ de l)alles. On se disj)u((* ces
maisons a\ec fureur, sous rartilUnie du ehàteau,
qui tire siu" les Aulrieiiiens comme sur les Fran-
çais. Des ol)us mettent le feu à cette malheureuse
petite ville, ([ui bientôt devient si brûlante qu'on a
peine à y respirer.
Cet atîreux massacre continue, et la fureur axant
égalisé les courages, l'avantage va rester au nom-
bre. Les Français vont être précipités dans la Traun, Arrive*
, • 1 I 1 1 II , I • • de la division
et punis de leur audace, quand par boidieur la divi- Le^rand,
sion Le2;rand commence à paraîlrt^ précédée de «*' conquête
~ 17 1 définitive
son intrépide général. (]elui-ci, touiours calme et de la position
lier dans le danger, et portant sur sa belle et maie
figure l'expression de ses qualités guerrières, ar-
rive à la tête de deux vieux régiments, le 26* d'in-
fanterie légère et le 18" de ligne. Il s'engage sur
le pont encombré de morts et de blessés. Pour y
passer, il faut jeter dans la Traun une foule de ca-
davres, peut-être des blessés respirant encore. En-
fin on le traverse, et au delà on rencontre un nou-
vel encombrement de combattants refoulés qui se
retirent, ou de blessés qu'on emporte. Un officier,
cherchant à expliquer la position au général Le-
grand , celui-ci l'interrompt brusquement : Je n'ai
pas besoin de conseils, lui dit-il, mais de place pour
ma division. — On se range, et il s'avance, l'un de
ses régiments à droite, pour déborder les Autri-
chiens qui avaient enveloppé Ébersberg extérieu-
rement, un autre au centre, par la grande rue de
la ville. Tandis (pie plusieurs de ses l)ataillons,
formés en colonnes d'attaque, refoulent les Autri-
Mai 1S01».
250 l.l\ Kl. \ \ \\ .
cliicn.s (jiii ('iiloiiii'nl hi wWr , les aulros la Iraver-
>aiil |»ar le iiiilii'ii. |»iii\ iciiiiciil a (K'Ijoiiclicr sur
la ifrandc place, la foui (na<iicr axccionrs haïon-
iw'llcs, cl (ictrai^ciit ainsi (ilaparcdc (pii ii en pou-
\ail plu>. Lcirrand s'attaque ensuite au château,
cl \ nioiilc s()u> un Icu meurtrier. Les portes étant
leriuccs, il les iait abattre à couj)s de iiaclie par
ses sapeurs. ])énètre dans l'intérieur, et passe par
les aiiucs tout ce (|M()n \ trouve. Dès ce moment
Kbersi)eri!; est a nous, mais c'est un monceau de
ruines fumantes, d'où s'échappe une odeur insup-
portable, celle des cada\ res consumés par les llam-
mes. On se hâte de dépasser ce lieu aussi atireux
à \oir que difficile à concpiérir. On marche aux
Autrichiens établis en bataille sur une ligne de
hauteurs en arriére. Ceux-ci, \oyant de loin dans
la plaine, entre Lintz et Ebersbere;, ariixer les
longues tiles des di\ isions Carra Saint-Cyr et Bou-
det, voyant de plus à leur i^auche une masse de
ca\alerie française qui a\ait franchi la ïraun à
Wels, ne crurent pas devoir prolonger cette lutte
furieuse, et se letiiérent, nous abandonnant ainsi
le confluent de la ïraun, et le débouché important
de Mauthausen. Du reste le pont établi en cet en-
droit a\ait disparu connue à Lintz, les coureurs de
l'archiduc (Charles l'aNant détruit, et en avant en-
vové les bateaux sur Krems.
Cette ca\alerie qu'on avait aperçue était un
millier de che\au\, que Lannes, après avoir passé
la Traun a Wels sans difficulté, avait dépéchés sous
le général IJurosnel, pour déborder la position
des Autrichiens. Il est donc certain que si Mas-
W AC.R \M.
354
séna axait pu tlcNiiiei- ([iic I arcliidiu- (^liarles ne
serait point à .Afaiilliausen avec sou arnico, et qu'un
peu au-dessus des passages déjà exécutés feraient
lonil)er aussi \ ite la position d'EJ)ersberi;, il aurait
dû épargner le sang versé dans cette terrible at-
taque. Le champ de carnage était alVreux, et la
\ ille d'Ebersberg tellornent en llainmes, qu'on ne
pouvait en retirer les blessés. Il axait même fallu,
pour empêcher l'incendie de gagner le pont, en-
lever la partie du tablier qui était aux deux extré-
mités, de sorte ([ue la communication se trouva
interrompue pendant quelques heures, entre les
troupes qui avaient passé la Traun et celles qui
arrivaient à leur secours. Cette échaufTourée nous
coûta 1 7 cents hommes tués, noyés, brûlés ou bles-
sés. Les Autrichiens perdirent 3 mille hommes mis
hors de combat, 4 mille prisonniers, beaucoup de
<irapeaux et de canons. Ils s'en allèrent terrifiés par
tant d'audace. Nous avions donc de grands dé-
<lommagements de cette cruelle journée, et l'efl'et
moral en devait égaler l'effet matériel.
Napoléon était accouru au galop, attiré par la
violence de la canonnade. Quoique fort habitué
aux horreurs de la guerre , tous ses sens furent
révoltés à la fois par cet abominable spectacle, que
ne justifiait point assez la nécessité de combattre ,
et sans l'admiration qu'il avait pour le génie guer-
rier de Masséna, sans le cas qu'il faisait toujours
de l'énergie, il aurait peut-être exprimé un blâme
contre ce qui venait de se passer. Il n'en lit rien,
mais ne voulut point séjourner dans Éber.sberg, et
s'établit en dehors au milieu de sa sarde.
Mai IH09.
Résultats
(lu combat
d'Ébersberg.
Jugement
de Napoléon
sur l'affaire
d'Ébersberg.
252 II Vin-; \\\\.
" " I. iiicliiiliic (!liail('s, Muilmt' le projet fort arrèlé
Mai 1 801». ' ^ . .
(le se rciiriii- à ses frrres, dcrrièro la Traiin, par
Marche \\\\\/, on .Maiitliauscii , n'avait ni marché assez vite,
tardive ' '
de 1 archiduc ni asscz bien caUiilé st's nionMMnents, pour ar-
Charles ... . ,,
sur i.imz. ri\(M- a Lintz en temps utile. Il n'était qu'à Budweis
en Bohème ("voir la earle n°14), cpiand Ma.sséna
dépassait si impétueusement Lintz et Ehersherc:, et
il ne lui restait plus que le débouché de Krems au-
quel il put atteindre. Le ijénéral Hiller et l'archi-
duc Louis allaient s'y rendre par Enns, Amstelten,
Saint -Polten, en continuant de détruire tous les
ponts sur les rivières qui coulent des Alpes Nori-
ques dans le Danube. Quant à l'archiduc Jean, il
était encore moins probable qu'il put arriver assez
tôt, qu'il osât même s'engager dans les Alpes, en
laissant à sa gauche le prince Eugène , et en s'ex-
posant à rencontrer à sa droite la grande armée de
Napoléon, dans la(juelle il serait tombé connue
dans un abùue. Il ne fallait donc guère compter
sur lui. IMais il sullisait pour ramener quelque
chance heureuse, que l'archiduc Charles donnât
la main par Krems au général Hiller et à l'archi-
duc Louis, qui opéraient leur retraite le long du
Danube, car après avoir employé beaucoup de
temps à rallier des traùiards, à ramasser des land-
wehr, à incorporer les troisièmes bataillons des
régiments galliciens, il arrivait avec plus de 80
mille hommes, et pouvait, réuni à ses deux lieu-
tenants qui en avaient au moins 30 mille, se trou-
ver avec 110 mille combattants à Saint-Polten. Il
était alors possible d'y disputer la victoire à Na-
poléon, et, si on la gagnait, l'empire français, au
WACRAM. 253
lieu (rôlre renversé en 1814, l'eût été en 1809.
Napoléon, enchanté d'avoir enle\é au\ arelii-
(lucs la principale chance de réunion en occupant
LintzetMauthansen, se hâta de marcher surKrems,
pour leur ôter cette dernière ressource, et atteindre
Vienne, avant qu'aucun obstacle put lui en inter-
dire l'entrée.
Après la Traun s'otliait l'Eus, (jui coule parallè-
lement à cette livière, haiiinaut dans son cours
l'autre coté du plateau (ju'on venait de franchir.
Mais tous les ponts étaient radicalement détruits
sur l'Ens, et il ne fallait pas moins de vingt-quatre
ou de quarante-lmit heures pour les réla])lir. C'é-
tait une contrariété fâcheuse , mais inévitable.
Quoique le 4 mai au matin Lannes se trouvât à
Stever sur l'Eus avec les divisions Demont et Saint-
Hilaire, que Bessières occupât la ville d'Enns avec
la cavalerie légère, le corps d'Oudinot et une di-
vision de Masséna, il fallut attendre toute la jour-
née du o, forcé qu'on était de reconstruire les ponts
briilésjusqu'à fleur d'eau. On ne put traverser l'Ens
que le 6 au matin , pour se porter sur Amsteîten.
Bessières, avec la cavalerie et l'infanterie d'Oudi-
not, passa le premier, bientôt suivi de Masséna, et
rejoint par Lannes qui \ int se fondre a^ ec la co-
lonne principale, une seule route restant désormais
à l'armée entre le pied des Alpes et le Danube.
On entra le soir dans Amstetten sans coup férir.
Le lendemain l'armée continua sa marche sur Ahilk,
belle position sur le Danube, que couronne la ma-
gnifique abbaye de 3Iulk. Xapoléon y établit son
quartier général. 11 ne restait plus qu'une journée
Mai 1809.
La Traun
enlevée ,
Napoléon
marche
sur IKns.
L'armée
traverse
Amstetten
sans
coup férir.
Mai ISOO.
2:ii I i\iu; \\\\.
|)()iir ;ini\(.'i" a Kifiiis, (m x' lrtjii\c' le puni de
.Mautcni, le dcinier |)ai- U'(|ii(l rarcliidiic (Charles
put se réunir an ^cnoial liillfr et a larcliiduc
Louis. On était ilcja certain d'\ par> enir sans obsta-
cle, car rien nannonçail la présence d'une iïrande
armée devant soi. Le 8 notre a\ anl-p;arde se porta
à Sainl-Polten , position importante et très-connue
sur les lianes du Kalilenberi;, ({ui est un contre-
fort des Alpes, |)rojeté jusqu'au Danube, et der-
rière letpiel est située Vienne. i^Yoir les cartes
Arrivée ^"^ ' '^ ^^ '^2!.) C'esl là (ju'aurait dû se former le
de 1 armée qjjjj^^i rassemblement des Autrichiens , si les ar-
irançaise ^ "
devant cliiducs a\ aient eu le temi)s de se rejoindre, car
Saint- Pollen. ' . ,
a Saint-Polten se trouvent, a l'abii d'une excel-
lente position militaire, la réunion des routes de
BoliènK!, d'Italie, de Haute et Basse-Autriche, et
entin le débouché sur Vienne, (pii j)asse à travers
les gorges du Kahleuberg. Mais on n'apercevait
que des arrière-gardes en retraite, les unes à notre
gauche se repliant vers le pont de Krems pour se
mettre à couvert derrière le Danube, les autres
devant nous se repliant à tra\ ers le Kahlenberg sur
Vienne. Il était donc évident qu'on ne rencontre-
rait pas une grande bataille à livrer en avant de la
capitale, et qu'on n'aurait plus qu'à braver les dii-
iicultés d'une attaque de vive force, si Vienne était
défendue. Ces difticultés pouvaient à la vérité de-
venir fort embarrassantes , si l'archiduc Charles
continuant à descendre le Danube par la rive gau-
che, arrivait avant nous à la hauteur de Vienne, y
franchissait le Danube par le pont du Thabor, et
venait nous olhir la bataille adossé à cette grande
WAGRAM. 255
ville. Heureusement ce qui s'était passé ne le fai-
., , . , Mai 1809.
sait guère craindre.
En etFet l'arcliiduc ("luules ayant perdu au moins Marche
deux jours à Chani, (juolques autres jours encore ''aut^X'^""''
sur la route de Cham à Budweis, par le désir, il est surKrems.
A rai, de rallier Tannée et de la renforcer, n'avait
atteint que le 3 mai au matin les environs de Bud-
weis, au moment même où Masséna enlevait Ébers-
berg. Dans l'espoir vague d'une jonction à Lintz qui
était cependant peu présumable, il s'était avancé de
Budweis sur Freystadt près du Danube (voir la carte
n" 32) au lieu de marcher droit sur Krems, ce qui
lui aurait épargné un nouveau détour et une nou-
Aelle perte de temps. En s'approchant du Danube
il avait appris l'occupation de Lintz et de la Traun,
reconnu dès lors l'impossibilité de faire sa jonction
par ce débouché, et avait repris la route de l'inté-
rieur de la Bohême |)ar Zwoettel , en conservant
encore la faussé espérance d'arri\er à Krems et
à Saint-Polten avant nous. Prévoyant toutefois le
cas où il n'y arriverait pas, il avait autorisé les
deux généraux qui défendaient la ri\ e droite à re-
passer sur la rive gauche quand ils se sentiraient
trop pressés, sauf à détacher sur Vienne les forces
nécessaires pour mettre cette capitale à l'abri d'un
coup de main. C'est effectivement ce que venaient i-c générai
Ililler
d'exécuter le général Hiller et l'archiduc Louis par- et larchiduc
venus à Saint-Polten. Craignant d'être attaqués par '°uHrrhe"^
des forces supérieures avant d'avoir atteint Vienne, ^^ "^^^^l^ ^
et d'essuyer un nouvel échec semblable à celui Krems,
"^ rt •• ' 1 abandonnant
d'Ebersberg , ils avaient comme en 1 80 o repasse le vienne ;.
Danube au pont de Krems, détruit ce pont, replié
tous lc> l»;ilciiii\ Mil la lise uaiulic, cl ciiNové .seu-
Mai 4809. " .
Iciiu'iil par la loiilf (liicctc de Saint-l'ollcn iiii fort
(k'tariieiuciil sur Nicimc, aliii de concourir à sa
(lûlenso a\cc la population cl (juchjucs (JcjxMs.
Toiles a\ aient été les lésoUilions des généraux
aulrieliiens, que le simple as|)ecl i\('s choses sulli-
sail pour ré\ éler, car, ainsi (jue nous venons de le
dire, on \o\ait à i^auelie de grosses niasses de
li'oupes achever le passage du Danube vers Krenis,
et de\anl soi des colonnes s'enfoncer dans les gor-
ges du Kahlenhergpour prendre la route de Vienne.
Nai)oléon, conséquent dans son plan d'être sous les
murs de Vienne a\ant les archiducs, et d'ajouter
à leffel uioial de son entrée dans cette capitale,
l'ellet matériel de l'occupation de ce grand dépôt,
arrêta toutes les dispositions nécessaires pour y
arriser inunédialement. De l'abhave de Môlk où se
trouvait son quartier général, il ordonna les mesu-
res suivantes.
Dispositions Ce n'était pas avec de la cavalerie qu'on pou-
par Napoléon ^ «^it prendre Vienne, et il lallail par conséquent y
- , P^'"". amener de l'infanterie. Le maréchal Laimes dut v
s approcher J
de Vienne, marcher dès le 9 mai avec l'infanterie des géné-
raux Oudinot et Demont. Le maréchal 3Iasséna
dut les stiixie inunédiatement , tandis que le gros
de la cavalerie longerait le Daiudje, pour en ob-
sei\ er les bords, déjouer toute lenlati\e de l)as-
sage de la part de rennemi, et se garder enfin con-
tre la masse de troupes réunie sur l'autre rive. La
cavalerie légère fut répandue entre ^laulern, Tulln,
Klosterneuhourg, conformément aux sinuosités du
fleu\e autour du pied du Kahlenberg. Les cuiras-
WAGRAM. 9S7
siors fiiront cantonnés en arrière entre Saint-Polten
et Sieirhardskirclien, Ces précautions prises à notre
tranche, le général Bruyère à notre droite dut avec
sa cavalerie légère, et un millier d'hommes de l'in-
fanterie allemande. riMUonter ])ar Lilienfeld sur la
route d'Italie, pour désarmer les montagnes de la
Styrie, et veiller sur les UKun ements de l'archiduc
Jean. Napoléon suivit Lannes et Masséna, avec la
garde et une partie des cuirassiers. Le maréchal
Davout, déjà rendu de Passau à Lintz, eut ordre
de se transporter de Lintz à !Molk, de ^I{3lk à Saint-
Polten, afin de résister devant Krems aux tentati-
\ es de passage qui pourraient être essayées sur nos
derrières, ou bien de marcher sur A'ienne, si nous
avions une gi'ande bataille à livrer sous les murs
de cette capitale. Pourtant comme Passau et Lintz
im|)ortaient prescpie autant cpie Krems, le général
Dujias dut rester à Passau, en attendant l'arrivée
du maréchal Bérnadotte, et le général A'andamme,
avec les Wurtembergeois , fut chargé de garder
l.intz. Napoléon prit en même temps les plus grands
soins pour l'arrivée de ses convois par le Danu])e.
fl leur ménagea partout, sur la rive que uous oc-
«•u])ions, des ports pour s'y reposer, s'y abriter, \
|)rendre langue. Ces convois, composés des ba-
teaux recueillis sur le Danube et ses affluents, por-
taient du biscuit, des munitions, des honuues fa-
tigués. Outre les points de Passau, de Lintz, déjà
militairement occupés. Napoléon fit établir des pos-
tes fortifiés à Ips, Waldsee, Molk et .Maulern. L;i
ses convois devaient reprendre la route de terre
par Saint-Polten , parce qu'elle était la plus courte
TOM. X. <~
Mai 1809.
Mai 1809.
258 1.1VU1-: XXXV.
et la seule sure, le Danuhe au delà coulant Irop
près de.s Aiilricliien.set trop loin des Français. Enfin
ne pensant pas qu'il sullil, pouisei^arder, d'interdire
le passajze du Danube, mais juj^eant au contraire
que le meilleur moyen d'assurer ses derrières c'é-
tait d'axoir la faculté de passer le fleuve, afin de
donner a l'ennemi les inquiétudes que nous avions
pour nous-mêmes, et de l'obliger ain.si à disséminer
ses forces. Napoléon prescrivit l'établissement de
deux ponts de bateaux, l'un à Lintz, l'autre à Krems,
avec les matériaux qu'on parviendrait à se procurer.
Après avoir vaqué à ces soins, Napoléon, arrivé
le 8 à Saint-Polten, fit marcher le 9 sur Vienne par
Sie2;har(l.skirclien et Scliœnbrunn. Lannes et Bessiè-
res s'avançaient en première ligne , Ma.^séna en se-
conde, la garde et les cuirassiers en troisième. Le
maréchal Davout venait après eux, laissant der-
rière lui les postes que nous avons indicjués à gau-
che sur le Danube, à droite sur les routes d'Italie.
Le 9 au soir le général Oudinot coucha à Sieg-
hardskirchen. Le 10 mai au matin la brigade Con-
roux du corps d'Oudmot déboucha par la route de
Scliœnbrunn devant le faubourg de Maria-Hilf, un
mois juste après l'ouverture des hostilités. Cette
marche offensive, à la fois si savante et si rapide,
était digne de celle de i 805 dans les mêmes lieux,
de celle de 1806 à travers la Prusse, et n'avait
rien dans l'histoire qui lui fut supérieur. Il était
Apparition dix hcurcs du matin. Napoléon était accouru à che-
de l'armée , ,. . i • ^ i ' i.- . i
française val pour diriger lui-même les opérations contre la
^^de^x^enne" Capitale de l'Autriche, quil voulait prendre tout de
suite, mais prendre sans la détruire. Ici comme à
liai 1800.
WAGRAM. 2o9
Madrid, il tuait mille raisons de se faire ouvrir les
portes de la ville, sans les enfoncer par le fer et la
llanime.
Larchidiic Charles ayant perdu du temps en dé- Description
tours inutiles, n'était pas le 10 au matin à portée capS
de secourir Vienne. Néanmoins cette capitale pou-
vait être défendue. Nous a\ons décrit ailleurs sa
forme et ses fortifications. Nous ne ferons que les
rappeler ici. Le centre de A'ienne, c'est-à-dire l'an-
cienne ville, est revêtue d'une belle et régulière
fortification, celle qui en 1083 résista aux Turcs.
Depuis, l'augmentation non interrompue de la po-
pulation a donné naissance à plusieurs magnifiques
faubourgs, dont chacun est aussi grand que la ville
principale. Ces faubourgs sont couverts eux-mêmes
par un mur terrassé, de peu de relief, en zigzag,
dépourvu d'ouvrages avancés, mais capalile de te-
nir plusieurs jours. Enfin il y avait à Vienne ce
que Napoléon avait toujours considéré comme le
moyen le plus puissant de défense, des bois, que
les Alpes et le Danube y versent en prodigieuse
quantité. On pouvait donc s'y retrancher, et avec
un peuple fort animé contre l'étranger, comme les
Viennois l'étaient dans le moment, trouver facile-
ment de nombreux travailleurs. L'arsenal de Vienne
contenait oOO bouches à feu. La Hongrie pouvait
y faire refluer des quantités immenses de vivres,
et grâce à cet ensemble de moyens, il était possible
de rendre la résistance assez longue pour que les
archiducs arrivassent avant la reddition. On ne
comprend donc pas qu'ayant afl'aire à Napoléon,
ce conquérant de capitales si redoutable, les Au-
47,
Mal ISOî».
i60 LIVHK \\\V
Irichicns neussenl pas sonuc' à di-feiulre Vienne.
On a heaucoiij) j)aiK' des failles de raiehiduc
•il aride failli' Charles dans celte campagne, (^elle de n'a\oir pas
do l'archiduc _ i • i
Charles niis Vienne en état de défense est certainement la
de n'avoir pas , _ ■'iti-h h i-i r
mis Vienne P'us i^rave. Lc gcncral Hdier et I arcliiduc Louis.
d/d.fcn'-^. t?nfennés dans l'enceinte de cette capitale, derrière
tous les ouvrages qu'on eût pu réparer ou élever,
auraient rendu Vienne imprenable. Les armées d'Ita-
lie et de Bohême, ralliées ensuite sous ses murs,
n'y auraient pas été faciles à battre. Gagner en rase
campagne une grande bataille contre Napoléon était
sans doute une prétention téméraire, surtout s'il
fallait arriver à cette action décisive par de hardies
et savantes manœu^Tes. Mais accepter à la tête de
toutes les forces de la monarcliie autriciiionne, et
adossé aux murs de la capitale, une bataille dé-
fensive, c'était préparer à Napoléon Je seul échec
contre lequel pût échouer alors sa fortune toute-
puissante.
Au lieu de cela , on n'avait rien préparé à Vienne
pour s'y défendre, soit imprévoyance, soit répu-
gnance de recourir à de telles précautions, ou
crainte de convertir la capitale en un champ de ba-
taille. On n'avait pas songé à garantir les faubourgs
au moyen de la muraille terrassée qui les em ironne.
et on s'était contenté d'armer de ses canons la vieille
place forte, qui ne pouvait s'en servir qu'en tirani
sur les faubourgs. Pour tous défenseurs on avait
ameuté quelques gens du bas peuple, aux mains
desquels on avait mis des fusils, et qui ajoutaienî
tout au plus deux à trois mille forcenés à la garni-
son. Celle-ci commandée par l'archiduc Maximilieii
WAGRAM.
261
se composait de quelques l)alaillons de landweiii-,
de quelques dépôts, d'un détachement du corps
de Hiller, faisant ensemble 1 1 ou 12 mille hommes.
Le jeune chef de cette garnison, ardent mais inex-
périmenté, n'avait point étudié les côtés forts ou
faibles du poste important qu'il avait à i^arder, et
tout son patriotisme s'était épuisé en proclamations
aussi ^ iolentes que stériles.
A peine la cavalerie de Colbert et l'infanterie du
irénéral Conroux ("division Tharreau) eurent-elles
paru à la porte du faubourg de Maria-Hilf, fermée
par une grille, qu'une sorte de tumulte populaire
éclata dans les rues environnantes. (Voir la carte
n° 48.) On avait trompé cette population en lui di-
sant que les Français étaient battus, que l'archiduc
Charles était vainqueur, que si ce dernier se trou-
vait encore en Bohême, c'était par suite de ma-
nœuvres habiles; que sans doute Napoléon pourrait
<létacher une division sur Vienne pour menacer la
capitale, mais que cette division serait bientôt ac-
cablée par le retour de l'archiduc Charles victo-
rieux, qu'il fallait donc résister à une tentative de
ce genre, si elle avait lieu, car elle ne pourrait être
qu'une témérité et une insolence de l'ennemi. Aussi
la populace se mit-elle à courir les rues en poussant
des cris de fureur, plus effrayants du reste pour
les habitants paisibles que pour les Français eux-
mêmes. Les maisons, les boutiques furent fermées
immédiatement. Un parlementaire avant été envo\é
à l'état-major de la place, il fut assailli et blessé.
Son cheval fut pris, et employé à promener en
triomphe un garçon Ijoucher, qui avait commis
M;ii 1809
Arrivée
(le la cavalerie
de Colbert
et
de rinfanterie
de Conroux
devant
le faubouri:
de.Maria-Hiir.
262 i.i\ UK wxv.
; cette violation du droit dos ûjens. PendanI ce temps
Mai 1S0H. ^ '
la colonne du général Thaticau était arrêtée aux
Enlèvement gpilles du fauhouri,', attendant (mon les ouvrît.
du faubouFL' ~ ■ 1
(le Maria Hiif. Tout à couj) uu oflic'ier français, le capitaine Roi-
dot, escalade la grille, et le sabre à la main oblige
le gardien à livrer les clefs. Nos colonnes entrent
alors, la cavalerie Colbert au galop, l'infanterie de
Conroux au pas de charge. On arrive ainsi en re-
foulant la garnison jusqu'à la vieille ville, dont l'en-
ceinte est reti'anchée et armée. A peine est-on par-
venu à l'esplanade qui sépare les faubourgs de la
ville, que l'artillerie des remparts vomit la mitraille.
Quelques-uns de nos hommes sont blessés, et parmi
eux le général Tharreau. On investit la place sur
tous les points, on la somme, et pour unique ré-
ponse on reçoit une gréJe de boulets qui ne cau-
sent de dommages qu'aux belles habitations des
faubourgs.
Établissement Cependant Napoléon vovant que, même en brus-
du quartier
général quant 1 attaque, on n'en nnn'ait pas en un jour, alla
s'chœnbrunn. s'établir à Scliœnbrunn , pour y attendre l'arrivée
du gros de l'armée. 11 nomma gouverneur de Vienne
le général Andréossy, qui avait été son ambassa-
deur en Autriche, et qui connaissait cette capitale
autant (ju'il en était connu. Napoléon voulait indi-
quer par là que son intention n'était pas de recou-
rir à la rigueur, car on n'aurait pas choisi pour ce
rôle un homme qui avait vécu plusieurs années au
milieu de la population viennoise. Napoléon ajouta
à cette nomination une proclamation rassurante,
pour rappeler l'excellente conduite de l'armée fran-
çaise en 1805, et promettre d'aussi bons traitements
. WAGRA.M. 20.-^
si on se conduisait envers les Français de manière
à les mériter.
Sur-le-champ le général Andréossy se trans|)orta
dans les faiibourii;s , organisa dans chacun d'eux
des municipalités composées des principaux habi-
tants, forma une garde bourgeoise chargée de
maintenir l'ordre, et cherclia à établir des commu-
nications avec la vieille ville, dans l'intention de
mettre un terme à une défense qui ne pouvait être
désastreuse que pour les Viennois eux-mêmes. Le
feu ayant continué et causé quelques donunages,
une députation des faubourgs proposa de se rendre
auprès de l'archiduc Maximilien, pour réclamer la
cessation d'une résistance imprudente. Avant de
tenter une pareille démarche, cette députation alla
voir Napoléon, et recueillir de sa bouche les pa-
roles rassurantes qu'il importait de faire parvenir
aux habitants de la ville fortifiée. Elle pénétra en-
suite dans l'intérieur de Vienne le 1 1 mai au matin.
La réponse à cette démarche conciliante fut une
nouvelle canonnade. Napoléon ne se contenant plus,
résolut d'employer le fer et le feu, de façon toute-
fois à épargner autant que possible aux malheureux
faubourgs les suites d'un combat qui allait se pas-
ser entre l'ancienne et la nouvelle ville.
Nos troupes étaient arrivées par Sieghardskirchen
et Schœnbrunn devant le faubourg de Maria-Hilf.
(Voir les cartes n°' 48 et 49.) Napoléon chercha un
autre point d'attaque. Il fit à cheval avec Masséna
le tour de la place, par le midi, et se porta du côté
de l'est à l'endroit où elle se joint au Danube. Là
un bras secondaire, détaché du graud bras du
Mai 1809.
Le
gouvernement
de Vienne
confié
au général
Andréossy.
Nécessité
d'enlever
Vienne
de vive force,
et choi.x
du point
d'attaque.
Mai 180^.
iU I IVHK \\\V.
Ilciut , la l(nii;(j en fournissant de l'eau à ses fos-
sés, cl la s('j)art' de la l'aniciisc pioiiictiade du Fra-
Icr. De ce cole on |)()Li\ail élahlir des ballciies qui,
rn aci ahlanl la \ille forliliée, ne devaient attirer le
feu que sur des habitations très-clair-seniées, et sur
les îlc^ du lU'iiNc. De plus, en opérant le |)assago
de ce hras, on s'emparait dii Prater, et en remon-
tant un |)eu au nord-est (voir plus particulièrement
la carte n° 49), on isolait Vienne du grand pont dn
Thabor, (pd conduit à la rive gauche. On la sépa-
lait ainsi de tout secours extérieur; on enlevait à
l'archiduc (Charles la possibilité d'y rentrei'; on
(Mail enfui à ses défenseurs le courage de s'y ren-
fermer, car ils avaient la certitude d'y être pris jus-
qu'au dernier. L'archiduc Maximilien en particulier
ne pouvait se résigner à y rester, étant sur de de-
^enir notre prisonnier sous quarante-huit heures.
Napoléon ordonna sur-le-champ à des nageurs
de la dix ision Boudet de se jeter dans le bras du
Danube qu'il s'agissait de franchir, et d'aller cher-
cher quelques nacelles à la rive gauche. Ils le tirent
sous la conduite d'un brave aide de camp du gé-
néral Boudet, le nommé Sigaldi, qui fut des pre-
miers à se précipiter dans le fleuve. Ils lamenèrent
ces nacelles sous les coups de fusil des avant-postes
ennemis, et fournirent ainsi à deux compagnies de
voltigeurs le moyen de se transporter sur l'autre
rive. Elles s'emparèrent du petit pavillon de Lus-
thaus, situé dans le Prater, et dont on pouvait se
servir comme d'un poste retranché. Elles en chas-
sèrent les grenadiers autrichiens, et s'y établirent,
de façon que ce pavillon devint la tète du pont
Mai i.SOO.
contre la ville
fortifiée.
WAGRAM. -2G3
qu'on se hâta do jeter a\ee des bateaux recueillis
dans les en\iions. En même temps Napoléon lit
mettre en batterie sur le bord que nous occupions
quinze bouches à feu, qui battaient la ii\ e opj)osée,
et prenaient en échai'pe l'avenue par laijiiclle on
aboutissait au pavillon de Lusthaus. On a\ ait ainsi Etabiissomont
le moyen de secourir les deux compagnies de vol- t^c^ires
tigeurs, en attendant que le pont achevé permît à
des forces plus nombreuses d'aller les rejoindre. On
construisit aussi, et simultanément, une batterie
de vingt obusiers, à l'extrémité du faubouig de
Landstrass, près du bras que l'on venait de fran-
chir. (Voir encore la carte n" 49.)
A neuf heures du soir, après une nouvelle som-
mation , et tandis que le tra\ ail du passage conti-
nuait, on commença sur la ville fortifiée un feu dé-
vastateur. En quelques heures 1,800 obus furent
lancés sur cette malheureuse ville. Les rues y sont
étroites, les maisons hautes, la population accumu-
lée, comme dans toutes les enceintes fortifiées où
l'espace manque , et bientôt l'incendie éclata de
toutes parts. Le bas peuple vociférait dans les rues;
la classe aisée et paisible, partagée entre deux ter-
reurs, celle de l'étranger et celle de la multitude,
ne savait que désirer. Au même instant on appre-
nait à l'état-major de la place le passage commencé
du petit bras du Danul)e. 11 fallait empêcher cette
tentative, dont le succès rendait tout secours im-
possible , et condamnait à de\ enir prisonniers tous
ceux qui défendraient Vienne. Deux bataillons de
grenadiers furent pendant la nuit dirigés sur le pa-
villon de Lusthaus, pour enlever ce point d'appui
^26f)
I.IVKK XXXV.
Mai 180'.».
L'archiduc
MaximilicD,
craignant
d'être fait
prisonnier,
évacue
Vienne
et la livre aux
Français.
au |)()nt picjKirc |>;ir 1rs Kianriiis. Mai.s le.s \olli-
geurs (lo Boinlel se tenaient .sur leurs i^ardes. Éta-
blis dan.s ce pa\ illon de Lusihaus, couverts par des
aliatis, ils attendirent les deux bataillons, et les
accueillircnl par des décharires meurtrières exé-
cutées à l)()ul portant. En même temps l'artillerie,
placée sur la rive (jue nous occupions, ouvrit un
feu de mil raille sur le flanc de ces deux bataillons,
et les mit en déroute. Ils rebrous.sèrent chemin vers
le haut du Prater.
Dès ce moment le passage du bras et l'investis-
sement de Vienne étaient a.ssurés. L'archiduc Maxi-
milion, effrayé par la perspective de devenir pri-
sonnier, sortit le 12 au matin de cette capitale si
maladroitement compromise. Il emmena en se reti-
rant la meilleure partie de la garnison, et ne laissa
au général Oreilly, chargé de le remplacer, qu'un
ramassis de mauvaises troupes, avec quelques gens
du peuple (fu'on avait eu l'imprudence d'armer.
Après avoir passé le Danube il détruisit le pont du
Thabor. Le général Oreilly n'avait plus qu'une con-
duite à tenir, s'il ne voulait pas faire inutilemenl
incendier la ville, c'était de capituler. Dans la ma-
tinée du 12, il demanda la suspension du feu, qui
fut accordée, et il signa la reddition, qui garantis-
sait pour les personnes et les propriétés un respect
que Napoléon se piquait d'observer et dont il ne
se fut point écarté, la ville n'eiit-elle fait aucune
condition. Il fut convenu que le lendemain 18
mai les Français entreraient dans Vienne. Ils y en-
trèrent effectivement au milieu de la soumission
générale, et des derniers frémissements d'un peu-
WAGRAM.
2GT
pie qu'on avait vainement agité, sans prendre les
moyens véritables (ruliliser son patriotisme.
Ainsi en trente-trois jours, Napoléon, surpris par
des hostilités soudaines, avait d'un premier coup
de sa redoutable épée coupé en deux la masse des
armées autrichiennes àRatisbonne, et enfoncé d'un
second coup les portes de Vienne. Il était établi
maintenant au sein de cette capitale, maître des
principales ressources de la monarchie. 3Iais tout
n'était pas fini, il s'en fallait, ni en Autriche ni en
Allemagne, et il avait encore à déployer beaucoup
de vigueur et de génie pour écraser les ennemis
de tout genre qu'il avait suscités contre lui. Sans
doute les archiducs ne pouvaient plus lui présenter
à la tète de 1 40 mille hommes une bataille défensive
sous Vienne, et c'était certainement un important
résultat que d'avoir empêché une telle concentra-
tion de forces sur un tel point d'appui. Mais il res-
tait une grande et décisive difficulté à vaincre,
Tune des plus grandes qui se puissent rencontrei'
à la guerre, c'était de passer un fleuve immense
devant l'ennemi, et de livrer bataille ce fleuve à
dos. Cette difficulté. Napoléon n'avait pu la préve-
nir, et elle résultait forcément de la nature des cho-
ses. Il avait dû prendre, en effet, en quittant Ratis-
bonne, la route qui était la plus courte, qui tenait
les archiducs isolés les uns des autres, et qui le
rapprochait lui-même du prince Eugène en cas de
nouveaux malheurs en Italie. Il avait dû par con-
séquent suivre la rive droite du Danube (voir la
carte n° 14) en abandonnant la rive gauche aux
Autrichiens, sauf à leur ôter, pour se les assurer à
Mai 1800.
Situation
de Napoléon ,
maître
de Vienne.
Nécessité
de passer
le Danube
devant
l'ennemi ,
résultant
de
l'occupation
de Vienne.
Mai IKOO.
iM I.IVHI- XXXV.
lui-iiiome, les iiiouins do passer (l'un bord à J autre.
MainlenaiU i)arvoiui à Vi(3nne, en descendant ce
fleuve, il allait a\oir devant lui l'arrliiduc Charles,
renforcé des restes du j^énéral Hiller et de l'archi-
duc Loui<, mais alVaihli par la nécessité de laisser
des forces sur ses derrières, et j)ouvant néanmoins
présenter 1 00 mille honunes en ligne lorsqu'on tra-
verserait le Danube pour aller le combattre. En
180*3, les Autrichiens, par suite des événements
d'L'lm, n'étaient arrivés à Vienne qu'avec des dé-
bris, et ils avaient àOlmutz la grande armée russe.
11 était dès lors naturel qu'ils s'éloignassent, et qu'ils
allassent à quarante lieues de la capitale se réunir à
l'armée russe, pour tenter à Austerlitz la fortune des
armes. Mais cette fois avant vis-à-vis de Vienne le
gros de leurs forces, sans aucun secours à espé-
rer plus loin, ils n'avaient qu'une conduite à tenir,
c'était de constituer Napoléon en violation des rè-
gles de la guerre, en le réduisant à passer le
l)anid)c devant eux, et à livrer bataille ce fleuve à
dos. (]e n'était plus à Austerlitz, c'était là, vis-à-
vis devienne, sur la rive gauche du Danube, entre
Essling, Aspern, Wagram, noms à jamais immor-
tels, que devait se décider le destin de l'une des
plus grandes guerres des temps modernes. On verra
plus tard tout ce que fit Napoléon pour conjurer
les dillicultés de cette opération gigantesque, car
les règles qu'il s'agissait de violer avaient été po-
sées à des épo(jues où l'on avait eu à franchir i\c<i
fleuves de 100 ou 150 toises, avec des armées de
30 à 40 mille hommes. Celte fois il s'agissait d'un
cours d'eau de oOO toises, et d'armées de 1 oO mille
WAGKA.M. 2(i<)
hommes t'iiacuiie, passant avec 3 ou 600 I)oiiclies à
„ ... . , Mai 1809.
feu, devant des forces paredles qui les adendaienl
poiH" les précipiter dans un abîme. Mais le génie
qui avait \aincu les iVlpes, savait comment vaincre
le Danul)e, quelque large et impétueux que fût ce
fleuve. Cependant, avant de s'occuper d'une pa-
reille opération, il avait beaucoup de soins préala-
bles à prendre, et non moins urgents que cekii
d'aller sur l'autre rive du Danid)e achever la des-
truction de ses ennemis.
D'abord il fallait s'établir solidement à Vienne, ^'^'"^^
auxquels
s'y étaldir de manière à profiter des grandes res- xapoiéoi.
sources de cette capitale, de manière à n'avoir pas dc^e livrer
d'inquiétude pour ses communications, de manière 'Yo"àt^issei~
surtout à rallier le prince Eugène, en empochant le Danube.
l'archiduc Jean de rejoindre l'archiduc Charles. Il
importait en effet que les deux armées belligérantes
d'Italie étant amenées sous Vienne par le mouve-
ment imprimé aitx opérations , la jonction de l'une
fut ménagée à Napoléon, sans procurer la jonction
de l'autre à l'archiduc Charles. C'était là un difficile
problème qui fut admirablement résolu, après des
alternatives dont bientôt on verra la suite sanglante.
Napoléon était entré à Vienne avec les troupes Distributions
dos généraux Saint -Hilah^e, Demont et Oudinot, ^<^* ^o^ces
~ " ' françaises
sous le maréchal Lannes, avec les quatre divisions '■'^P"''' •^^'■s-
boniie jusqu a
Boudet, Carra Saint-CjT, Molitor, Legrand, sous vienne.
le maréchal Masséna, avec la garde et la réserve
de cavalerie. Obligé de faire face à l'ennemi, soif
devant Vienne , au moment où il faudrait passer le
Danube, soit plus haut, à Krems par exemple, si
l'archiduc s'y présentait pour essayer une tentative
Mai «809.
270 LIVRE XXXV.
sur nos derrières (\()ir la carte n" 1 4), il disposa le
corps du inaicclial Daxoiil de façon que celui-ci pùl
en nne journoe se porler (oui enlier ou sur Krems,
ou sur Vienne. Dans ce l)ul, il lui assigna Saint-
Polten pour (juarlier général, une division devant
être répandue de Mautern à Miilk, les deux autres
concentrées à Saint-Polten même. Les 30 mille
hommes du maréchal Davout pouvaient ainsi, en
se réunissant sur le Danidie vers Mautern ou Môlk ,
résister à cpielque tentative de passage que ce fut,
et si cette tentative était faite avec des moyens con-
sidérables, donner le temps à l'armée de revenir
de Vienne sur le point menacé. Ils pouvaient éga-
lement, rendus en une journée à Vienne, porter
l'armée principale à 90 mille hommes au moins,
force suflisante pour livrer à l'archiduc Charles une
bataille décisive au delà du Danube.
Position Cependant il était possible que le danger se pré-
à L^ntr^Tr sentât plus loin en arrière, c'est-à-dire à Lintz et
de Kornadoiti^ même à Passau. Quoiqu'il fut moins probable de voir
il Passau. . .
l'archiduc Charles s'y diriger, à cause de la distance,
Napoléon laissa le général Vandamme à Lintz, avec
10 mille Wurtembergeois, en lui donnant la mission
de rétablir le pont de cette ville, d'y créer des têtes
de pont, et de faire de continuelles reconnaissances
en Bohême. Il plaça en outre au point si important
de Passau le maréchal Bernadotte, qui arrivait avec
les Saxons. Ce maréchal, devenu prince de Ponte-
Corvo, à titre de parent de l'Empereur (il avait
épousé une sœur de la reine d'Espagne), était pour-
tant mécontent de son sort, ne se trouvait pas à la
tête des Saxons placé d'une manière digne de lui, et
WAGI{A:M. 271
envoyait sur ces troupes des renseignements extrê-
mement défavorables, même injustes, car si elles
ne valaient pas des troupes françaises, et si elles
éprouvaient surtout les sentiments qui travaillaient
déjà le cœur des Allemands, il n'en était pas moins
vrai que devant des Autrichiens elles pouvaient se
tenir en bataille, et remplir leur devoir aussi bien
que les Bavarois et les Wurtembergeois. Avec
quelques Français pour les soutenir et leur donner
l'exemple , elles devaient presque valoir ces Fran-
çais eux-mêmes. Aussi pour satisfaire le prince Ber-
nadotte, dont les plaintes l'importunaient, Napoléon
fit-il deux parts de la division Dupas, et laissant les
troupes allemandes des petits princes à Ratisbonne
sous le général Rouyer, il dirigea sur Passau la bri-
gade française sous le général Dupas lui-même. Le
maréchal Bernadotte avait donc sur ce point 4 mille
Français, 15 à 16 mille Saxons, ce qui lui compo-
sait un corps excellent de 20 mille hommes envi-
ron. Ainsi avec 6 mille Allemands à Ratisbonne, 20
mille Saxons et Français à Passau , i 0 mille Wur-
tembergeois à Lintz, et 30 mille Français, vieux
soldats, à Saint-Polten , Napoléon était gardé d'une
manière infaillible sur ses derrières, en conservant
les moyens de livrer bataille sur son front. (Voir la
carte n° 1 4.)
Il n'entendait pas du reste consacrer toujours
autant de troupes à la garde de ses communica-
tions, et il se proposait, lorsque les Bavarois au-
raient soumis le Tyrol, et que les Autrichiens au-
raient évacué l'Italie, d'amener encore plus de forces
au point décisif, c'est-à-dire sous Vienne. C'est par
Mai 1809.
Mai 180'.».
(îrantls
travaux
liotlweil.
■112 i.i\ in-: wxv.
ce inolif (jii'il prosrrivil à Halisboniie, à Passau, à
Lintz, à Molk, à l'aljhaye de Gottweit près Maii-
lorn, des travaux immenses, et tels qu'un très-faible
ordonnes a coqjs Bvec bcaucoup d'artillerie put s'y défendre
i.intz, Moik, plusieurs jours de suite, A Ratisbonne il y avait
peu à faire, puisqu'il existait un pont de pierre, ef
qu'il sudisait de rendre la muraille qui enveloppai!
la place fie meilleure défense. Mais à Passau, situé
au contluent du Danube et de l'Inn, il ordonna des
travaux fort importants, qui devaient être le com-
mencement de ceux qu'il voulait exiijer plus tard
de la Bavière, afin qu'elle eût en cet endroit une
place de premier ordre contre l'Autriche. Il décida
qu'on y construirait des ponts sur le Danube et sur
rinn, avec double tête de pont sur l'un et l'autre
fleuve, avec un camp retranché pour 80 mille hom-
mes, avec des fours pour 100 mille rations par
jour, avec un approvisionnement considérable de
i<rains et de munitions, et des hôpitaux fort vastes.
Ce surcroh. de précautions autour de Passau avait
pour oI)jet de procurer, en cas de mouvement
rétrograde, un appui solide à l'armée, derrière les
deux lignes du Danube et de l'Inn, car ce capi-
taine, qui, dans la politiciue, avait l'imprudence
de ne jamais supposer la mauvaise fortune, la sup-
posait toujours à la guerre, et se précautionnail
admirablement contre elle. A Lintz, autre débouché
de la Bohème, il ordonna également un pont avec
double tète de pont, des fours, des amas de vi-
vres, des hôpitaux. A la belle abbaye de Molk,
qui n'était pas l'un des débouchés de la Bohème ,
mais qui dominait avantageusement le Danube, et
WAGRAM. 273
contenait dévastes bâtiments, il prescrivit de con-
struire, avec du bois et des ouvrages en terre, une
petite place armée de seize bouches à feu, et que
1,200 hommes pouvaient très-bien défendre. Elle
devait aussi contenir un hôpital pour plusieurs mil-
liers de malades. Il décida l'établissement d'un
semblable poste à l'abbaye de Gottweit, vis-à-vis
de Krems, dans une position élevée, d'où l'on dé-
couvrait tout ce qui se passait à plusieurs lieues
sur l'une et l'autre rive du Danulje. Enfin à Krems
même, un pont dut être établi au moyen de ba-
teaux ramassés le long du fleuve, avec double tête
de pont, de façon à pouvoir interdire le passage à
l'ennemi en le conservant libre pour notre propre
usage. Par ce système de savantes précautions,
Napoléon avait tous les bords du Danube gardés de
la meilleure manière, puisqu'ils l'étaient à la fois
défensivement et oCTensivement, puisqu'en inter-
disant à l'ennemi de passer on pouvait passer soi-
même , et le tenir ainsi dans de continuelles inquié-
tudes. De plus on avait, en cas de retraite, une
suite d'échelons, sur une route jalonnée de maga-
sins et d'hôpitaux, vers lesquels auraient été di-
rigés d'avance les blessés et les malades. On avait
enfin une suite de ports pour les convois par eau ,
et un ensemble d'ouvrages sur la ligne de commu-
nication, que peu d'hommes suffisaient à défendre,
ce qui permettait d'amener de sa queue à sa tête,
ou de sa tête à sa queue, une rapide concentration
pour les jours de grandes batailles. Voilà ce que
peut la vigilance du génie pour assurer les opéra-
tions les plus difticiles et les plus délicates.
TOM. \. 18
Mil! 1809.
Mai <800.
274 I IVIM. W.W.
Il fallait à ces pretautious sur lu llcuve, c'ost-à-
(lire à i^auche, ajouter quelques précautions dans
Précautions {gg montaffnes , c'est-à-dire à droite, contre rapi-
de Napoléon
du rôti' tation qui s'étendait depuis le Tyrol jusqu'à la Sty-
P'^s rie. (Voir la carte n" 31.) Napoléon avait d'abord
chargé le maréchal Lefebvre de soumettre le Tyrol
avec 2i mille Bavarois, après en avoir laissé 6 mille
à Munich. Cette œuvre terminée, les Bavarois de-
vaient se porter à Passau , et y remplacer les Saxons,
qui pourraient dès lors se rendre à Vienne. Plus
près de lui en Styrie , Napoléon avait déjà envoyé
le général Bruyère avec un millier de chevaux sur
la route d'Italie, par Lilienfeld. Il confia la mission
d'observer cette route à son aide de camp Lauris-
ton , en lui donnant , outre ces mille chevaux du
général Bruyère , deux à trois mille fantassins ba-
dois, bons soldats, lesquels parlant allemand, étaient
propres à persuader le pays autant qu'à l'intimider,
et à le ramener au calme par la promesse de bons
traitements. Le général Lauriston devait remonter
jusqu'à Mariazell, et regagner Vienne parNeustadt.
Mesures Un autrc avantage de ce mouvement était d'é-
Ta'jonTti'or clairer les routes d'Italie par lesquelles il fallait
du prince g'atteudre à voir bientôt paraître l'archiduc Jean.
Eugène avec i
Napoléon , Qq prince n'étant venu se réunir à l'archiduc Char-
et empêcher . , .
celle de lar- les, ni à Liutz , ni à Krems, ne pouvait le re-
joindre qu'aux environs de Vienne, à travers la Ca-
rinthie, la Styrie et la Hongrie, par Klagenfurlh ,
Gràtz et Œdenbourg. (Voir la carte n° 31 .) Napo-
léon avait deux choses à faire à son égard : la pre-
mière, de l'empêcher de tomber à l'improviste sur
Vienne, en débouchant brusquement par la route
chiduc Jean
avec
l'archiduc
Charles.
Mai 1S09.
WAGRAM. 275
de Léoben et Neustadt (voir la carte n" 3;^); la
seconde, de le contraindre à décrire le plus i^rand
détour possible pour se réunir à l'archiduc Charles,
de rol)lii2:er, par exemple, à passer par (Jiins,
Raab et Komorn, plutôt que par OEdenbouri^ et
Presbourg, car plus le cercle qu'il ])arcourrait se-
rait grand, plus Napoléon aurait de chances de
rallier à lui son année d Italie, et d'empêcher l'ar-
chiduc Charles de rallier la sienne, le jour de la
bataille décisive. C'est en étendant habilement ses
postes autour de lui, au moyen de sa nombreuse
cavalerie, que Napoléon atteignit ce double but.
Ainsi tandis que le général Lauriston devait venir Disuibution
par Mariazell s'étabhr à Neustadt, route directe <'<^i=^^"^ainne
i 'en réseau
d'Italie, le général Montbrun, enlevé au maréchal a"^»"'
Davout qui n en avait plus besoin , fut place en re- pour
1 1 • 1 1 1 • 1 ' empocher
connaissance avec deux brigades de cavalerie le- la iônction
gère à Bruck, plusieurs marches au delà de Neu-
stadt, sur la même route. (Voir la carte n" 32.) Le
général Colbert, avec des troupes de la même arme,
fut cantonné de Neustadt à OEdenbourg, le géné-
ral Marulaz le long du Danube jusqu'à Presbourg
et au-dessous, les uns et les autres ayant ordre d'être
toujours en reconnaissance autour du lac de Neusie-
del, pour s'éclairer du côté de la Hongrie. Derrière
eux la grosse cavalerie fut cantonnée depuis Haim-
bourg jusqu'à Baaden, avec ordre de les soutenir
au besoin. Grâce à ce réseau si bien tendu, rien ne
pouvait paraître sans qu'on en fut immédiatement
averti, et en même temps l'archiduc Jean était forcé
de décrire un très-grand cercle, et de joindre le
Danube plutôt à Komorn qu'à Presbourg, ce qui
18.
dcsarchidurs.
Mai 180'.».
276 I.IVHK \\\V.
(liuiiiuiait ses fluuices de cuoiicrei- à la i^randu l)a-
taillo préparée sous les murs de Vienne.
Suite des ivé- Pendant que Napoléon, impatient de la livrer,
nements ,. -, , . i ' i
en Italie et en disposait tout pour eu assurer le succès , les armées
Pologne ^^i^jj^ ^,j^ Italie et en Pologne, devaient de près ou
de loin concourir à ses combinaisons , étaient ,
comme lui, occupées à marcher et à combattre.
Les Autrichiens arri\ es si fièrement , quoique si
lentement, jusqu'à l'Adige, s'étaient arrêtés devant
cette limite, n'osant pas l'attaquer, d'abord à cause
de sa force naturelle, puis à cause de l'armée d'Ita-
lie qui s'était réorganisée et renforcée, et entin à
cause de l'incertitude qui régnait à cette époque
sur les événements d'Allemagne. Il était tout simple
qu'avant d'essayer au delà de l'Adige une opération
extrêmement hasardeuse, l'archiduc Jean voulût
savoir si son frère le généralissime avait été heu-
Situation reux ou malheureux sur le Danube. Le prince Eu-
VitaUe^^ gène, inspiré par le général Macdonald, avait pro-
après fité de ce retard pour reprendre haleine, et pour
^a retraite et _ * * ' ^
saréorsani- familiariser avec la vue de l'ennemi, non pas ses
sation , , . , . , . . , . ^
<ur lA.iige. soldats, qui n en avaient pas besom, mais lui-même
et ses lieutenants, intimidés par la défaite de Sacile.
Il s'était appliqué, dans ce but, à faire sur le haut
Adige de fréquentes reconnaissances, qui avaient
souvent tourné en véritables combats. Ce prince
commençait effectivement à se remettre, lorsque le
1" mai, dans l'une de ces reconnaissances, le gé-
néral Macdonald aperçut à l'horizon une immense
(|uantité de charrois paraissant rétrograder vers le
Fiioul. A cette date on ne savait rien encore au
quartier général du prince Eugène des événements
Mai 1800.
W AGI? A M. 277
de Ratisbonne, et on était iiKjiiiel pour l'Alleina-
gne autant que pour l'Italie. Mais le général Mac-
donald ne pouvant attril)uer un pareil mouvement
qu'à des défaites que les Autrichiens auraient es-
suyées en Bavière , poussa son cheval au galop
vers le prince Eugène, et lui prenant la main :
Victoire en Allemagne, lui dit-il, c'est le moment
de marcher en avant! — Le prince, charmé, lui
serra la main à son tour. Tous deux coururent
aux avant-postes, reconnurent de leurs yeux, et
apprirent bientôt par tous les rapports que les Au-
trichiens battaient en retraite. Ainsi se faisait sen-
tir à distance la puissante impulsion de Napoléon.
Sa marche victorieuse en Bavière obligeait l'archi-
duc Jean à rebrousser chemin, et à retourner en
Frioul. Le prince autrichien aurait bien voulu tra- i\,iraite
verser les Alpes, pour porter secours à ses frères, d/'i'archrduc
en se rendant sur le Danube , mais ' il n'osa point J^»" ^
_ ^ ' l;i nouvelle
tenter une telle hardiesse , car s'il pouvait à la vé- <ics
rite tomber dans le flanc de Napoléon, ce qui eut ^'^"^^^^"s
été un çrand avantage dans le cas où tous les ar- 'Ratisbonne.
' Le géntiral Mayer, ofli^icr attatlié à rétat-inajor de l'aidiidiic Jean,
dévoué comme de juste à sa gloire, et beaucoup moins à celle de l'ar-
chiduc Charles , a prétendu , dans un récit dont nous avons déjà parlé ,
que l'archiduc Jean voulait passer à travers les Alpes, et se jeter en
Bavière, mais qu'il en fut empêché par la précipitation du général
Chasteler à abandonner le Tyrol italien. D'après ce récit, le général
Chastelcr, se hâtant trop de courir dans le Tyrol allemand pour y tenir
tôte aux Bavarois, aurait livré à l'armée française d'Italie la route
des Alpes, et rendu impossible le mouvement de l'archiduc Jean vers
l'archiduc Charles. Je dois dire que rien ne justifie cette assertion, in-
spirée par le zèle d'un lieutenant pour la renommée de son chef, et (pie
tout prouve au contraire que l'archidiic Jean, en apprenant les é\éne-
ments de Ratisbonne, ne songea qu'à se retirer vers la Hongrie, pour
n'être pas débordé par le mouvement de Napoléon sur Vienne.
278 I.IVUK WXV.
fliidiK's auiaieiil fonNci^é \ fis le iiiùmo point, il
Mai «KOO. ■ . ,
s'exposait aussi à lomijer seul dans ses mains, et a
V être éloulVé. Dans cetto situation, l'archiduc Jean
se liAin do rétroiïrader, a\ec la pensée tout au
plus do paraître à ten)|)s sous les murs do Vienne,
et plus probablement avec celle de rejoindre son
frère au-dessous de cette capitale, par la Styrie et
la Iloniïrie. Quoi qu'il en soit, l'armée autrichienne
hallil en retraite à partir du 1" mai, et le prince
Euû:ène, qui n'avait pas autre chose à faire qu'à
la suivre, se mil aussitôt à ses trousses, pour lui
causer le plus de mal possible. Mais à l'instant
même le moral des Autrichiens allait perdre tout
ce qu'allait gagner celui des Français. Les Autri-
chiens n'ayant désormais d'autre but en définitive
que d'évacuer le pays, devaient le disputer avec
peu d'énergie, et les Français, voulant se venger
de leurs échecs, devaient au contraire attaquer
avec plus de hardiesse et de vivacité. Dès les pre-
mières marches, en effet, on vit ceux-ci se battre
mieux que ceux-là, et chaque soir de nombreux
prisonniers, des bagages considérables étaient ame-
nés dans les hgnes des Français, tandis qu'on n'en
amenait aucuns dans celles des Autrichiens.
Poursuite Le prince Eugène , conservant l'organisation que
•les ,,.,,,. . '' ,
Autrichiens uous avous deja dccrite, en trois corps et une reserve,
'^•ritan'e. ^ marcha, Macdonald à droite dans la plaine. Gre-
nier au centre sur la grande route du Frioul, Ba-
raguey-dllilliers à gauche le long des montagnes,
la réserve en arrière, le tout formant environ 60
mille hommes. Les dragons de Grouchy et de Pully
galopaient en tète, pour prendre les détachements
Mai 4 809.
W AT. RAM. 279
OU les convois mal gardés. Les roules étaient encore
mauvaises, les ponts détruits, et la marche moins
rapide qu'on ne Taurait désiré.
On s'avança sur le revers méridional des Alpes
(voir la carte n° 31), de l'Adige à la Brenta, de la
Brenta à la Piave, comme Napoléon sur le revers
septentrional, de Tlsar à Tlnn, de llnn à la Traun,
et à peu près dans le même temps. Le 7 mai au lo prince
, , , , T-. , ,, . Eimone passe
soir, on était an bord de la Piave, dont 1 ennemi la Piave
avait coupé tous les ponts. On résolut de la traverser ^^ ^'^'^ ^°^^'
à gué, et de se précipiter sur les Autrichiens, qui
semblaient faire une halte, apparemment pour don-
ner à leurs bagages le temps de défiler. Le lende-
main, les dragons de Grouchy et de PuUy passèrent
vec une avant-garde d'infanterie , et fondirent sur
les Autrichiens. Ceux-ci furent d'abord repoussés,
mais, comme ils avaient leurs bagages à défendre,
ils résolurent de résister, et se reportèrent en masse
sur l'avant-garde du prince Eugène, qui, se trou-
vant de sa personne aux avant-postes, vit bientôt
avec effroi sa cavalerie et son infanterie refoulées
■en désordre sur la Piave. L'armée n'avait pas en-
core franchi la rivière , et celles de nos troupes qui
avaient passé les premières pouvaient essuyer un
grave échec. Heureusement la droite, sous le gé-
néral Macdonald, arrivait en toute hâte. Celui-ci
la fit entrer hardiment dans le fleuve, et prendre
osition au delà. Puis vint le général Grenier, et
on marcha tous ensemble sur les Autrichiens, qui
furent promptement culbutés, et laissèrent dans
nos mains beaucoup de canons, de bagages, 2,300
morts ou blessés, plus un nombre à peu près égal
Uni IHO'.i.
2«0 I.IVIil. X \\V.
(le prisontiiers. On en avait déjà ramassé 2 mille de
i'Adii;e à la Piave. (tétait donc près de 7 mille sol-
dats enlevés en quelques jours à l'archiduc Jean.
L^- Le 9 mai on entra dans Conegliano ; le 1 0 on ar-
Aulricliicns . i r,, i- i o i ■
repassent Hva dcvaut le lagliamcnlo, qu on franchit au gué de
rlnùqJTii Valvassone. La cavalerie fut envoyée à droite vers
Juliennes, (j^jne pour débloquer Palma-Nova; le gros de l'ar-
mée marcha à gauche, en remontant le ïagliamento
vers San-Daniele et Osopo. Les Autrichiens, parve-
nus aux gorges des Alpes Carniques par lesquelles
ils avaient débouché, furent contraints de disputer
encore le terrain pour sauver leurs bagages, et firent
une nou\elle perte de 1 ,500 hommes tués, blessés
ou prisonniers. Les 11 et 1 2 mai, au moment où Na-
poléon occupait Vienne, il ne restait plus d'ennemis
en Italie. L'archiduc Jean, qui avait pénétré dans
cette contrée avec environ 48 mille hommes, en sor-
tait avec 30 mille tout au plus. La confiance qu'il
avait éprouvée en débutant l'avait abandonné, pour
passer tout entière au cœur de son jeune adversaire.
Distribution Le princc autrichien, rejeté au delà des Alpes,
que l'archiduc ,, . • • i /• n i ^ i
Jean fait uf uue nouvclle répartition de ses forces. Il détacha
en^quithmr dc N'illacli sur Laybach , par la route transversale
iityiic ,j,,j yg jg jg Carinlhie à la Carniole, le ban de
Croatie, Ignace Giulay, avec quelques bataillons de
ligne, dix-huit escadrons, plusieurs batteries, en lui
donnant mission de lever l'insurrection croate, d'ap-
puyer ensuite le général Stoïchevich, qui était opposé
au général Marmont , et de couvrir ainsi Laybach
contre les armées françaises d'Italie et de Dalmatie.
(le détachement fait, l'archiduc Jean ne conservai!
(ju'environ 20 mille hommes. Sa résolution était
WACRAM.
281
OU de se porter par Villach .sur Lilienf^'Id el Saint-
Poltcn, alin de coopérer à la jonction tant projetée
des arcliiducs, on, s'il n'en était plus temps, de
rallier à lui les généraux Chasteler et Jellachich par
Léoben, de se diriger avec eux de Léoben sur Griitz,
pour se réunir en Hongrie à la grande armée au-
trichienne, et concourir à la défense de la monai-
chie, suivant des vues qu'il devait concerter avec
le généralissime. Mais il était ^ivement poursuivi
par le prince Eugène victorieux, et il allait rencon-
trer le réseau de cavalerie tendu par Napoléon de
Bruck à Presbourii.
La marche de l'archiduc Jean commandait en
quelque sorte celle du prince Eugène. Celui-ci était
obligé de veiller à la fois sur les mouvements de
l'archiduc Jean et sur ceux du ban de Croatie,
pour que le premier se joignît le plus tard possible
et avec le moins de forces à l'archiduc Charles,
pour que le second n'empêchât pas la jonction du
général IMarmont avec l'armée française d'Italie. Il
était difficile de pourvoir aux diverses exigences
de cette situation, si on continuait de marcher en
une seule masse , car, quelque vite et bien qu'on
manœuvrât, il se pouvait que, si l'on se dirigeait
immédiatement sur Vienne pour renforcer Napo-
léon, l'archiduc Jean et Giulay réunis accablassent
le général 3Iarmont, et que si, au contraire, on
faisait un détour vers Laybach pour appuyer le gé-
néral Marmont, l'archiduc Jean libre de courir sur
Presbourg, vhit jeter dans la balance le poids dé-
cisif de l'armée autrichienne dltalie. Dans ce
doute, le prince Eugène prit un parti moyen qui
Afai 180'J.
Le prince
Eugène ,
imitant
l'archiduc
Jean,sedivise
en
deux massos ,
l'une
marchant
par Laybach ,
l'autre par
Klaaenfurtli.
Mni 1800.
•282 LIVUK XXXV.
coiuciiail assez aux cirronstances. Il donna au i;é-
néral Macdonald 1") on 1(5 mille hommes de trou-
pes excellentes, (jui dcN aient suivre la roule de
Laybach, déhkxiucr Palma-Xova, occuper ïrieste,
rallier le général Marmont, former avec celui-ci
26 à 27 mille hommes, et avec cette force très-res-
pectable rejoindre par Gnitz Tarmée d'Italie sur la
route de Vienne. Quant à lui, il s'en réserva 30 à
32 mille , et prit la route qui devait le conduire le
plus directement vers Napoléon. Ce plan olVrait néan-
moins des inconvénients, car l'archiduc Jean, s'il
eût été un vrai général, aurait pu, en manœuvrant
entre ces divers corps, les battre les uns après les
autres. Mais ce prince spirituel concevait à la guerre
une foule d'idées, et n'en suivait aucune résolu-
ment. De plus, il avait des troupes démoralisées,
et peu capables de ces mouvements rapides, qui
supposent de la part des soldats autant de confiance
dans le général, que de dévouement à ses des-
seins. Le plan du prince Eugène ne présentait donc
pas les inconvénients qu'il aurait pu avoir en face
'un autre advereaire. Ces deux portions de l'ar-
mée d Italie se séparèrent le 1 4 mai , pour ne plus
se revoir que dans les plaines de Wagram.
Marche Daus cc momcut, le général Marmont, avec 10
MamTonipôur OU 1 1 mille hommcs de vieilles troupes, envoyées
"^îîrmù/ ^^ Illyrie après Austerlitz, traversait les pays mon-
d Italie. tueux de la Croatie, pour se rendre par la Car-
niole dans la Styrie, et rejoindre la grande armée
d'Allemagne. Il conduisait entre ses colonnes un
convoi de vivres porté sur des chevaux du pays,
qui devaient se charger de ses malades et de ses
Mai 1809.
le Tyrol.
WAGRAM. 2S3
blessés, quand ils se seraient décharc;és des grains
consommés par l'armée. Après avoir dispersé les
bandes du général Stoïchevicli , ii s'avançait pru-
demment à travers une sorte d'obscurité, ne sa-
chant quelle rencontre il allait faire entre les armées
françaises et autrichiennes, qui pouvaient les unes
et les autres s'olfrir à lui à l'improviste, en amies
ou ennemies, et en nombre bien supérieur. Il se
comportait dans cette marche difïicile avec sagesse
et fermeté, cherchant à avoir des nouvelles du gé-
néral Macdonald , qui de son côté cherchait à avoir
des siennes, sans qu'ils parA inssent ni l'un ni l'autre
à s'en procurer.
Ces événements survenus en Italie en aA aient Événements
amené de semblables dans le Tyrol. Le général i^t^.!,
Chasteler, attiré du Tyrol italien dans le Tyrol alle-
mand par le danger des Autrichiens sur le Danube ,
avait couru à Inspruck, et d'Inspruck à Kufstein.
Il avait poussé quelques avant-postes sur la route
de Salzbourg par Lofen et Reichenthal. Un autre
corps autrichien, celui du général Jellachich, qu'on
a vu au début de la campagne marcher latérale-
ment au corps de Hiller, avait suivi, en se retirant
comme en avançant, la route qui longe le pied
des montagnes. Il s'était replié sur Salzbourg, de
Salzbourg sur Léoben , après avoir défendu contre
la division de Wrède les postes de Luegpass et
d'Obtenau. Les troupes réunies de Jellachich et de
Chasteler s'élevaient de 1 6 à 1 7 mille hommes sans
les Tyroliens, et, bien commandées, résolues à
s'enfermer dans les montagnes, elles auraient pu
créer sur notre droite et sur nos derrières une fâ-
M:ii ISO.
i<i I.IVKI-; \\\V.
(lieuse (li\ (M>ii)ii. .Miiis elles a\aieiil n;eu j)ULir iii-
slruclioii tlo se joindre aux masses agissantes;
elles étaient di\isées en plusieurs corps indéi)en-
dants les uns des autres, s'entendaient mal avee
les Tyroliens, et ne pouvaient pas dès lors se ren-
dre fort redoutables. Le maréchal T.efebvre, après
avoir refoulé dans la vallée de l'Ens supérieur 'voir
la carte n" 31 } le corps de Jellachich , en lui op-
posant la division de Wrède, ramena cette division
à lui, revint sur le fort de Kufstein qui était bien
défendu par une garnison bavaroise, le débloqua,
et, faisant remonter de Rosenheim sur Kufstein la
division Deroy, s'enfonça avec ces deux di\ isions
dans le Tyrol allemand, qu'il avait mission de sou-
mettre, ('e vieil olïicier, peu capable de conduire
une grande opération, était excellent pour livrer
avec vigueur et intelligence une suite de petits
combats. Il repoussa partout les avant-postes au-
trichiens, et enfin le 13 mai, rencontra le général
Cliasteler dans la position de Worgel. Celui-ci s'était
retranché sur des hauteurs, avant derrière des ou-
vrages les troupes autrichiennes, et au loin sur ses
ailes les Tyroliens insurgés, qui tiraillaient a\ec une
grande justesse, et roulaient d'énormes rochers. Le
vieux Lefebvre, après avoir essayé vers ses deux
ailes d'un combat de tirailleurs désavantageux pour
ses troupes, aborda de front l'ennemi, enleva sous
un feu terrible les positions de Cliasteler, prit environ
trois mille hommes, dispersa la nuée des insurgés,
et mit les Autrichiens dans une déroute complète.
Puis brûlant quelques villages tyroliens, sur son
j)assage, il se porta sous Inspruck, qu'on offrit de
Mai IS09.
WAfiHAM. iK)
lui livrer moyennant certaines conditions, li \ydi\ inl
à y entrer sans rien accorder, grâce au désaccord
des Tyroliens, qui voulaient, les uns se rendre, les
autres résister à outrance. Maître dTnspruck, il pou-
vait se croire assuré de lasoumission du Tvrol, Mais
Taubergiste Hofer et le major Teimer se retirèrent
vers les cimes inaccessibles qui séparent le Tyrol
allemand du Tyrol italien, prêts à en descendre de
nouveau si l'occasion redevenait favorable. Le gé-
néral Chasleler avec sa troupe fort réduite, le gé-
néral Jellachich avec la sienne, fort réduite aussi,
se mirent en marcIie pour se retirer fuilivement
vers la Hongrie, en coupant transversalement la
route qui mène du Frioul à Vienne, exposés à veii-
contrer dans ce périlleux trajet ou la tète ou la
queue de l'armée du prince Eugène.
Ainsi, après un premier revers en Italie cl une
vive commotion en Tyrol , tout réussissait au gre
(Ju conquérant, dont la fortune, un moment ébran-
lée, se relevait par la puissance de son génie.
T.a situation ne s'était pas moins améliorée en Polo-
gne. Le prince Joseph Poniatowski venait de te- livéncmcnts
nir dans ces contrées une conduite aussi habile
qu'heureuse. Ayant livré avec Varsovie la ri\ e gau-
che de la Vistule aux Autrichiens, il s'était prom.is
de leur faire expier cet avantage dès ({uils vou-
draient passer sur la rive droite, dont il s'était ré-
servé la possession. Quelques corps autrichiens
ayant en effet voulu franchir la Vistule, il les aAait
surpris et détruits. Puis, tandis que l'archiduc Fer-
dinand, pressé de recueillir des triomphes faciles,
continuait à descendre la gauche de la Vistule, de
en
Pologne.
Mai 1800.
286 I.IVIii: \\\V.
Varsovie à Thorn, et sommait inutilement cette
dernière place, le prince Poniatowski remontait la
droite du lk■u^e, se portait sur Cracovie pour con-
quérir cette vieille métropole de la nationalité po-
lonaise, et venait lever en Gallicie l'étendard de
l'insurrection. Là aussi les cœurs battaient secrè-
tement pour l'indépendance de la Pologne, et une
vive émotion avait éclaté à l'aspect du héros po-
lonais. Si les Russes, plus zélés ou plus expéditifs,
avaient secondé le brave Poniatowski, en traver-
sant la Yistule à Sandomir ou à Cracovie, ils au-
raient coupé la retraite à larcliiduc Ferdinand, et
celui-ci n'eût jamais repassé la frontière, qu'il avait
si témérairement franchie.
Satisfait Xcls étaient en Italie, en Autriche, en Polo£:ne,
de la marche "^
des choses, Ics événements jusqu'au i 3 ou 1 8 mai. L'occupation
songeTpaTser ^^ Vienne, à la suite des foudroyantes opérations
le Danube, j^ Ratisboune, avait rendu à la fortune de Napoléon
pour terminer ' i
la guerre par (out SOU asccudant. L'Allemagne, quoique en se-.
une bataille
décisive, crct frémissaute, se contenait mieux qu au début
de la guerre : le major Schill, obligé d'abandonner
le haut Elbe et de se réfugier vers le littoral de la
Baltique, trouvait partout des cœurs amis, mais
nulle part des bras prêts à le seconder : la Prusse,
intimidée par les nouvelles du Danube, d'abord
niées, puis admises, faisait courir après le major
Scliill, et adressait au cabinet français des protes-
tations d'amitié et de dévouement. Napoléon ayant
bien assuré son établissement à Vienne, habilement
jalonné sa route par la présence des Allemands des
petits princes à Ralisbonne, des Saxons à Passau,
des Wurtembergeois à Lintz , du corps de Davout
WAGRAM. 287
à Saint-Polten , voulait en fiiiii- en passant le Da-
nube pour se jeter sur 1 archiduc Cliarles, qui était
venu se placer en face de lui avec sa principale
armée. Pouvant s'adjoindre le maréclial Davout ,
et se procurer ainsi 90 mille comhatlanls, il avait
le moyen de terminer la guerre, sans attendre ni
le prince Eugène, ni le général Macdonald, ni le
général Marmont. L'archiduc Charles renforcé de
quelques bataillons recueillis à travers la Bohême ,
des restes du général Hiller et de l'archiduc Louis,
ne pouvait pas lui opposer plus de 1 00 mille hom-
mes. Il n'y avait pas là de quoi l'intimider. Franchir
le Danube devant cette armée était donc toujours
la difiiculté à vaincre pour terminer la guerre.
Mais comment franchir un tel fleuve, en pareille
saison, avec de si grandes masses, et contre d'au-
tres masses non moins considérables? C'est sur quoi
Napoléon méditait sans cesse. D'abord fallait-il pas-
ser sous Vienne? Cette première question était ré- Raisons
solue dans son esprit. (Voir la carte n" 32.) Revenir j^f oJ^ube' à
en arrière, à Krems par exemple, pour dérober à vienneméme,
ni au-dessus.
l'ennemi l'opération du passage, était impossible, ni au-dessous
car Vienne, frémissante et dévouée à la maison im- cette capitale.
périale, eût appelé à l'instant l'archiduc Charles,
à moins d'être contenue par une force qui aurait
manqué le jour de la bataille décisive. Napo-
léon eût donc couru la chance de perdre à la fois
la capitale, les ressources qu'elle contenait, ses
moyens de communication avec le prince Eugène,
et l'ascendant moral des armes. Descendre plus bas
était moins praticable encore, car au danger de s'ab-
senter de Vienne s'en serait joint un plus grave,
288 I.IVRi: \\\V.
celui d'allonger sa limic (roix'ralion, de se créer
Mai l«Oît. " '. ' .
par conséquent un poiiil de plus a garder, et de se
priver de 2.'i ii ){() mille hommes, indispensal)les
pour li\rer hataille. Vienne était doue le point forcé
du passage. Les deux adversaires y étaient attachés,
Napoléon par les raisons que nous venons de dire,
larchiduc Charles par la présence de Napoléon.
Mais on pouvait passer une lieue au-dessus, ou
une lieue au-dessous, sans manquer aux graves
considérations qui précèdent. Les officiers du gé-
nie avaient reconnu le Danube depuis Klosterneu-
bonrg, point où ce fleuve sort des montagnes pour
s'épancher dans la magnifique plaine de Vienne,
jusqu'aux en\ irons de Presbourg. (Voir les cartes
n"' 32 et 48.) Ils avaient constaté une grande diver-
sité dans les difficultés du passage. Devant Vienne
et un peu au-dessous le Danube s'étendait, se di-
visait en une multitude de bras, devenait dès lors
plus large, mais moins rapide et moins profond.
Plus bas qu'Ébersdorf, en approchant de Pres-
bourg, il s'encaissait de nouveau , devenait moins
large , moins coupé , mais plus profond et plus ra-
pide, et bordé de rives escarpées, ce qui était un
sérieux inconvénient pour l'établissement des ponts.
Kaisons Napoléon choisit pour son opération la partie du
iiui décident * i i i
Napoléonpour Dauubc la plus voisiue de Vienne, aimant mieux
le passage , i n i • i i- i
à travers iiie rencoutrcr le tleuve large que rapide et profond,
de Lobau. ^^^ surtout le rcncontcr partagé en plusieurs bras et
semé d'îles, car il trou\ait ainsi la difficulté amoin-
drie , comme il arri\e d'un fardeau qu'on rend ma-
niable en le divisant. Napoléon songea particuliè-
rement à se servir des îles qui forment la séparation
WAGRAM. 2Sj9
des bras, pour s'aider à passer. Si, par exemple,
il s'en présentait une assez considérable pour con-
tenir une nombreuse armée, dans laquelle on pour-
rait descendre en sûreté à l'abri des regards et
des boulets des Autrichiens, et après laquelle il n'y
aurait plus qu'un faible bras à traverser pour dé-
boucher devant l'ennemi, la dilliculté du passage
devait en être fort diminuée. Falliit-il [)our y abor-
der franchir la plus forte masse des eaux du Da-
nube, ce qui était inévitable, si on voulait n'avoir
plus qu'un faible bras à passer devant l'ennemi, il
valait la peine de le tenter, puisque la partie la
plus périlleuse de l'opération s'exécuterait sous la
protection de cette île, de ses bois et de sa profon-
deur. Il y en avait deux dans ces conditions, celle
de Schwarze-Laken, vis-à-vis de Nussdorf, au-
dessus de Vienne, et celle de Lobau, à deux lieues
au-dessous, vis-à-vis d'Enzersdorf. (Voir la carte
n° 48.) Napoléon jeta les yeux sur l'une et l'autre,
et voulut doubler ses chances, en essayant de se
servir de toutes les deux. Mais la tentative faite sur
la première, plutôt à titre de démonstration que
d'entreprise sérieuse, échoua, parce qu'elle fut exé-
cutée avec trop peu de moyens et trop peu de vi-
gilance. Le général Saint-Hilaire y envoya oOO
hommes et un chef de bataillon, sans avoir pris
garde à une jetée qui liait cette île de Schwarze-
Laken avec la rive gauche qu'occupaient les Autri-
chiens. Nos 300 hommes, transportés à l'aide de
barques, et se croyant couverts par le petit bras
qui restait à traverser, tinrent bon contre la fusil-
lade et la canonnade, mais furent bientôt assaillis
TOM. X. '•S
Mai If) OU.
LIVRE XXXV.
inopiiK'inont par plusieurs hataillons nui avaient
Mai 4800. ' . ,...*.
passe sur la petite jetée. Apres une résistance hé-
roïque, ne pouvant repasser le grand bras, ils fu-
rent tués ou pris. Il y avait à cet érliec une com-
pensation, c'était daltirer l'attention de l'ennemi
sur le point de Nussdorf, et de l'éloiiîner de l'île
de Lobau, par laquelle Napoléon était résolu de
faire sa principale tentative de passage.
Description L'ilc dc Lobau dont il s'agit, île à jamais ce-
de 1 îIg •
de Lobau. lèbrc par les événements prodigieux dont elle de-
vint le théâtre , était on ne peut pas plus heureu-
sement conformée pour les projets de Napoléon.
(Voir les cartes n"' 48 et 49.) Elle était en partie
boisée, et présentait dans sa longueur un rideau
contiuu de beaux arbres entre l'ennemi et nous.
Elle était fort vaste, car elle avait une lieue de
longueur et une lieue et demie de largeur, d'où il
résultait que, même en se trouvant dans le milieu,
on était garanti des boulets autrichiens. Une fois
arrivé dans l'île de Lobau, on n'avait plus à fran-
chir qu'un bras de GO toises, difficulté grande en-
core , qui ne dépassait pas toutefois les propor-
tions ordinaires. Mais il fallait se transporter dans
cette île avec une nombreuse armée, et pour cela
traverser le grand Danube, composé de deux bras
immenses, l'un de 240 toises, l'autre de 120, sé-
parés par un banc de sable. Un pont à jeter sur
une telle masse d'eau courante était une opération
des plus difficiles; mais comme on devait l'entre-
prendre à limproviste , avant que les Autrichiens
pussent s'en apercevoir, en faisant avec des bar-
ques une brusque invasion dans l'île de Lobau,
•WAGRAM. $91
l'établissement de ce pont devenait praticable, puis-
qu'il ne devait pas avoir lieu devant rennemi. Il ne
s'agissait de construire de\ ant l'ennemi que le der-
nier pont, sur le bras de 60 toises, qui séparait la
Lobau de la rive gauche. L'opération ainsi divisée
avait chance de réussir. Il restait une seule diOiculté
vraiment grave , celle de la réunion des matériaux.
Il fallait en effet soixante-dix à quatre-vingts ba-
teaux de forte dimension, plusieurs milliers de ma-
driers, et surtout de puissantes amarres, pour re-
tenir le pont contre un courant extrêmement rapide.
Or les Autrichiens auxquels il était facile de prévoir
que le passage du Danube serait l'opération im-
portante de la guerre , n'avaient en quittant Vienne
montré de la prévoyance que relativement à cet
objet. Ils avaient brûlé ou coulé à fond la plupart
des gros bateaux, et fait descendre sur Presbourg
ceux qu'ils n'avaient pas détruits. Les bois abon-
daient, mais les gros cordages étaient rares. En un
mot, on manquait presque absolument des moyens
de s'amarrer. Les ponts qui existaient auparavant
devant Vienne, étaient des ponts de pilotis, et
n'avaient par conséquent jamais exigé d'amarres,
comme les ponts de bateaux. Il eut fallu ou plan-
ter des pilotis pour y attacher les bateaux, ce qui
aurait été long, et ce que l'ennemi aurait aperçu,
ou se procurer de fortes ancres. Or sur cette partie
du Danube les fortes ancres n'étaient pas à l'usage
de la navigation , et on ne pouvait en obtenir que
très-difficilement. Ce n'était qu'à Presbourg ou Ko-
morn qu'on en aurait trouvé un noml^re suffisant.
Néanmoins Napoléon s'eflbrça de suppléer par di-
19.
Mai 1800.
Mai <KO'J.
lui
manquent.
292 I.IVRK XX \V.
vers moyens au matériel (jui lui nuuKiuail, et fut
foit aidé dans ses elVorts par les généraux Bertrand
et Pernetli, lun du génie, l'autre de l'artillerie.
Efforts Quant aux bateaux, on en découvrit quelques-
de Napoléon i i- • i i • » i
pour suppioer uus daus Vienne, car ceux qui descendaient le
.ic^ssagequi l^ii^ubc cn couvois étaient en général d'un échan-
tillon qui ne convenait pas, ou bien avaient été
retenus pour les ponts de Passau, de Lintz et de
Krems. On en retira un certain nombre de dessous
l'eau, qu'on eut soin de relever et de réparer. On
s'en procura de cette manière environ quatre-vingt-
dix, les uns destinés à porter le pont, les autres à
conduire les matériaux jusqu'au lieu où ils devaient
être employés. A force de recherches dans cette
grande ville, on découvrit des cordages, car la na-
vigation d'un fleuve comme le Danube devait tou-
jours en exiger un approvisionnement assez consi-
dérable. On se procura des madriers par le sciage
des bois, dont la contrée abondait, Enûn quant aux
ancres on aurait pu en faire fabriquer dans les for-
ges de Styrie, non loin de Vienne; mais cette fa-
brication eût entraîné une assez grande perte de
Raisons temps, et Napoléon crovant avoir sous la main les
qui décident , . " n i • i /-n i
Napoléon lorces ncccssaires pour battre 1 archiduc Charles,
"le'^passàge'^ voulait en finir aussi vite que la prudence le per-
du Danube, mettrait. En conséquence il imagina de suppléer
aux ancres en jetant dans le fleuve des poids très-
lourds , comme des canons de gros calibre trouvés
dans l'Arsenal de Vienne , ou bien des caisses rem-
plies de boulets. Si le fleuve ne venait pas à croître
subitement, ainsi qu'il arrive quand les chaleurs
sont précoces, ce moyen pouvait suffire. On s'y fia,
WAGRAM.
293
Mai 180'.)
et on disposa à l'avance les poids qui devaient rem-
placer les ancres pour n'avoir plus au dernier mo-
ment que la peine de les jeter dans le fleuve.
Tout étant prêt vers les 1 6 et 1 7 mai à Vienne , on concentration
fit descendre les matériaux à la hauteur de l'île ^unçaises
de Lobau vis-à-vis d'Ébersdorf. (Voir les cartes sur\ienne.
48 et 49.; En même temps les ordres de concen-
tration furent donnés aux troupes qui allaient com-
battre au delà du Danube. Toute la cavalerie, sauf
une division de chasseurs laissée en observation sur
la frontière de Hongrie , fut ramenée de Presbourg
et d'OEdenbourg sur Vienne. Dans le nombre des
régiments rappelés se trouvaient les quatorze régi-
ments de cuirassiers. Le maréchal Davout, qui de-
vait d'abord venir avec son corps tout entier sur
Vienne, reçut ordre d'y conduire deux divisions
seulement , celles de Friant et Gudin , et de répartir
la division Morand entre Molk, Mautern et Saint-
Polten, pour s'opposer aux tentatives du corps de
Kollovrath que l'archiduc Charles avait placé à
Lintz. Avec les corps de Lannes et de Masséna,
avec la garde , la réserve de cavalerie , et les deux
tiers du corps du maréchal Davout, Napoléon pou-
vait mettre environ 80 mille hommes en ligne con-
tre les Autrichiens, et c'était assez, car l'archiduc
Charles était hors d'état d'en réunir plus de 90
mille.
Le matériel de passage et les troupes destinées
à combattre furent amenés du 1 8 au 1 9 mai vers
la petite ville d'Ébersdorf. Le corps de Masséna
avait été acheminé le premier sur ce point, et no-
tamment la meilleure de ses divisions , celle de Mo-
Cornmence-
raent
du passage
le 18 mai
au mntin.
Mai 4809.
294 I IVUF XXXY.
litor. Dès \c IS ropcralion coniiiienra sons les veux
de Napoléon, (jiii avait (jiiilté Schœnhrunn pour
étal)lir son (|iiartier iiénéral à Ébersdorf. La divi-
sion Molitor fut placée dans des barques, et trans-
portée successivement à travers les deux grancls
bras tlu l)anul)C dans l'Ile de Lobau. (Voir la carte
n" 49. ; Ouekiues avant-postes autrichiens en oc-
cupaient la partie qui fait face à Ébersdorf. Le
général ^lolitor les refoula, et ne dépassa point le
milieu de l'île, afin de ne pas donner à l'ennemi
l'idée d'une entreprise sérieuse. Il se contenta de
disposer ses troupes derrière un petit canal, large
à peine de douze à quinze toises, facile à passer à
gué , et qui ne coule à travers l'ile de Lobau que
dans le cas de très-hautes eaux. Pendant qu'il opé-
rait ainsi, le général d'artillerie Pernetti travaillait
à l'établissement du grand pont. On y employa près
de soixante-dix bateaux de fort échantillon, pour
franchir les deux grands bras, qui, sur ce point,
Construction fcjrmcut la prcsquc totalité du fleuve. Il fallut s'y
du grand pont ^
sur le bras prendre à plusieurs fois pour amarrer les bateaux
dv^Danube. ^uc Ic couraut entraînait sans cesse. Malheureu-
sement ce courant devenait à chaque instant plus
rapide, par suite d'une crue dont les progrès
étaient menaçants. Entin à force de plonger, à
défaut d'ancres, d'énormes poids dans le fleuve,
on finit par fixer les bateaux, et on put établir avec
des madriers le tablier du pont. Toute la journée
du 1 9 et la moitié de celle du 20 furent employées
à terminer ce vaste ou\Tage. Ceci fait, le passage
dans l'île de Lobau était assuré, à moins d'acci-
dents extraordinaires. On se hâta de jeter un pont
Mai 1809.
WAGRAM. 295
de chevalets sur le petit canal de douze ou quinze
toises qui traverse par le milieu la i^rande île de
Lobau, et qui, bien qu'il fiit habituellement à sec,
se remplissait déjà sous l'influence de la crue des
eaux. La division Boudet, l'une des quatre de Mas-
séna , passa sur-le-champ , et alla rejoindre celle
de Molitor. Puis vinrent la division de cavalerie
légère de Lasalle, et plusieurs trains d'artillerie.
C'était assez pour balayer l'île de Lobau, ce que le
général Molitor exécuta promptement. Il ramassa
quelques prisonniers. On traversa l'île dans toute Établissement
sa largeur, et on arriva au dernier bras, qui avait ^"o^t'^^s^u"'^
GO toises, à peu près comme la Seine sous Paris le petit bras
'^ * ^ du Danube.
en temps ordinaire. Ce n'était plus des lors qu'une
opération praticable, même en face de l'ennemi, si
toutefois il ne se jetait pas en masse sur les troupes
qui l'exécuteraient. Mais évidemment l'archiduc
Charles n'était pas encore prévenu, et jusqu'ici on
n'avait affaire qu'à une avant-garde. Le général
Molitor avait trouvé un point des plus favorables au
passage, et le signala à l'Empereur, qui en approuva
complètement le choix : c'était un rentrant que for-
mait vers nous le bras à traverser (voir la carte
n" 49), de manière qu'en plaçant de l'artillerie à
droite et à gauche, on pouvait couvrir de tant de
mitraille le terrain sur lequel on devait descendre,
que l'ennemi serait dans l'impossibilité d'y rester.
C'est ce qui fut fait sur-le-champ, et ce qui d'ailleurs
n'était pas même nécessaire, car il n'y avait sur le
rentrant, dont on allait se servir pour déboucher,
que quelques tirailleurs. Le lieutenant-colonel Au-
bry, appartenant à l'artillerie, fut chargé d'entre-
Mai ISO;».
296 LlVni- XXXV
prendre dans celle après-midi du 20 rétabiissemenl
du dernier pont. Pour celui-ci on avait réservé
l'équipage de pontons pris à Landshut, et transporté
sur des lia(piets. Un aide de camp du maréchal
Masséna, M. de Sainto-Croix, un aide de camp du
maréchal Bessières,M. Baudru, se jetèrent dans des
hanpies avec deux cents voltii2;eurs, refoulèrent les
tirailleurs autrichiens, et attachèrent le câble sur
lequel le pont devait s'appuyer. Quinze pontons suf-
firent, la largeur de l'eau n'étant sur ce point que
de 54 toises; et en trois heures la communication
fut établie. Immédiatement après le général Lasallc
passa sur la rive gauche avec quatre régiments de
cavalerie, et il fut suivi par les voltigeurs des divi-
sions Molitor et Boudel. Le pont franchi, on trouvait
un petit bois qui s'étendait de gauche à droite, cl
venait aboutir aux deux côtés du rentrant formé
par le fleuve. On fouilla ce bois, et on en chassa
Description quclqucs détacliemcnts autrichiens qui l'occupaient.
de bataille Au delà du bois Ic terrain s'élargissait , et on ren-
''^ '"^' contrait à gauche le village d'Aspern , à droite ce-
lui d'Essling, lieux immortels dans l'histoire des
hommes, qui rappellent sans doute pour l'huma-
nité des souvenirs lugubres, mais qui rappellent
aussi pour les deux nations française et autri-
chienne des souvenirs à jamais glorieux. Une sorte
de fossé peu profond, rempli d'eau seulement
quand le fleuve déborde, s'étendait de l'un à l'au-
tre de ces deux villages. La cavalerie pouvait le
traverser, car c'était plutôt une dépression du ter-
rain qu'un fossé véritable. Le général Lasalle le
franchit au galop avec sa cavalerie, dispersa les
Mai 1800.
. WAGRAM. 297
avant-postes ennemis, et balaya cette plaine dite le
Marchfeld, qui, par une pente douce de deux à
trois lieues, s'élève insensiblement jusqu'à des hau-
teurs portant d'autres noms immortels , ceux de
Neusiedel et de Wap;ram.
Par cette journée de printemps, chaude et pure. Passage
mais tu'ant sur sa un, on ne pouvait apercevoir dans avant-garde
l'obscurité qu'une forte avant-garde de cavalerie, lapr^s'-midi
Cette avant-garde fit mine de se jeter sur le général '^" ^^ '"*'"•
Lasalle, qui se retira, repassa l'espèce de fossé que
nous venons de décrire, et évita ainsi un engage-
ment inutile. Quelques centaines de nos voltigeurs
embusqués dans le pli du terrain reçurent la cava-
lerie autrichienne par un feu à bout portant, cou-
vrirent le sol de ses blessés , et l'obligèrent à se
retirer. Ainsi commença le 20 mai au soir la san-
glante bataille d'Essling !
Le Danube était franchi, et si les Autrichiens Quelques
dont on avait Vu les avant-gardes se présentaient "''/"sTret?"'
le lendemain, on avait, à moins de mécomptes im- du passage.
prévus, la certitude de déboucher et de se déployer,
avant qu'ils pussent faire effort pour culbuter l'ar-
mée française dans le fleuve. Un accident toutefois
n'était pas impossible. En effet, dans cette après-
midi du 20, pendant qu'on passait le petit bras de-
vant l'ennemi, le grand pont établi sur les deux
bras principaux venait d'être rompu par l'enlève-
ment de quelques bateaux, qui attachés non à des
ancres, mais à de grands poids, avaient cédé à la
violence du courant. Une crue subite de trois pieds,
provenant de la fonte précoce des neiges dans les
Alpes, avait produit cet accident , et pouvait le pro-
Mai I80<J.
du grand
pont.
298 I.IVRK XXXV.
(luire encore. La cavalerie lé.nère du ifénéral Ma-
rulaz s'élait vue coupée en deux par la rupture du
pont. Une portion était parvenue jusque dans Tîle
de Lobau, tandis que l'autre était restée à Ebers-
dorf. Heureusement les généraux Bertrand et Per-
uetti s'étant mis à l'ouvrage avec une extrême ac-
tivité, le grand pont fut rétabli dans la nuit.
Incertitudes gaus être bien résolu à livrer bataille, avec des
de Napoléon
produites movcns de passage aussi incertains que ceux dont
pîu^rassu^rant il clisposait, Napoléon cependant ne voulait pas
abandonner le résultat de l'opération commencée,
et il était décidé à garder cette importante com-
munication, sauf à la perfectionner plus tard, à
la rendre plus sure et moins intermittente. On
avait dans le rentrant que formait le petit bras, et
qu'une forte artillerie de droite et de gauche cou-
vrait de ses feux, un terrain excellent pour dé-
boucher. Les deux villages d'Aspern à gauche,
dEssling à droite, liés par une sorte de fossé,
étaient de précieux appuis pour le déploiement
de l'armée. Une telle position valait donc la peine
d'être conservée , que la bataille fut ou ne fut pas
ditîérée. En conséquence la division Molitor alla
coucher à Aspern, la division Boudet à Essling.
La cavalerie du général Lasalle bivouaqua entre
les deux villages en avant du petit bois. Napoléon
avec un détachement de sa garde s'établit au même
lieu, et, suivant sa coutume, dormit tranquillement
et tout habillé. Plusieurs ofiiciers envoyés en re-
connaissance pendant la nuit rapportèrent des ren-
seignements contradictoires. Les uns prétenrlaient
que les Autrichiens étaient dans le Marchfeld tout
Mai 1809.
. AVAGRAM.
prêts à combattre, les autres soutenaient qu'on n'a-
vait pas devant soi d'armée ennemie, et que ce qui
s'apercevait équivalait tout au plus à une forte
avant- garde de cavalerie. Au milieu de ces asser-
tions si diverses, on attendit le lendemain, tout
étant préparé pour la bataille si l'armée parvenait
à passer, ou pour la retraite dans l'île de Lobau, si
on ne pouvait franchir le Danube avec des forces
suffisantes.
Le grand pont ayant été réparé dans la nuit, la une moitié
cavalerie du général Marulaz, les cuirassiers du '^fran^a^ir
général Espagne, la division d'infanterie Les^and, f''^^^ *^^"^
^ r o 7 - ' la journée
et une partie de l'artillerie, purent passer le 21 au du 21.
matin. Mais l'existence d'un seul pont, tant sur le
grand bras que sur le petit, la largeur de l'île de
Lobau qu'il fallait traverser tout entière, rendaient
le défilé très-lent. Vers midi le major général Ber-
thier étant monté sur le clocher d'Essling, discerna
clairement l'armée du prince Charles descendant
la plaine inclinée du Marchfeld, et décrivant au-
tour d'Aspern et d'Essling un vaste demi-cercle.
Le major général Berthier était l'homme de son
temps qui appréciait le mieux à l'œil l'étendue d'un
terrain, et le nombre d'hommes qui le couvraient.
Il évalua à 90 mille hommes environ l'armée au-
trichienne, et vit bien qu'elle venait pour accabler
l'armée française au moment du passage. L'archi-
duc Charles, en effet, averti le 19 de l'apparition
des Français dans l'île de Lobau, n'avait songé à
ks reconnaître que le lendemain 20 à la tête de sa
cavalerie, et convaincu de leur intention après les
avoir observés de près , il n'avait ébranlé ses trou-
300 LIVRE XXXV.
pes que le matin du il , de manière à être en ligne
dans 1 aprcs-midi du même jour. S d eut paru le
20 au soir, ou le matin du 21 , entre Aspern et Ess-
ling, la portion de l'armée française déjà transpor-
tée au delà du fleuve se serait trouvée dans un im-
mense péril.
Le major général adressa sur-le-champ son rap-
port à l'Empereur, qui ne vit dans ce qu'on lui
apprenait que ce qu'il avait souhaité lui-même,
c'est-à-dire l'occasion de battre une fois de plus
l'armée autrichienne et d'en finir avec elle. Mais
tout à coup on vint lui annoncer une nouvelle
rupture du grand pont, produite par la crue des
eaux qui augmentait d'heure en heure. Le Da-
Napoiéon. nubc , qui s'était élevé de trois pieds depuis la
en apprenant . . i » n i rr»
la rupture veiUe, vcnait encore de s élever de quatre, loutes
l"euu abord' '^^ amarres cédaient au courant. Napoléon, en ce
se retirer moment i a|)rès-midi du 21), n'avait avec lui que les
trois divisions d'infanterie Molitor, Boudet, Legrand,
les divisions de cavalerie légère Lasalle et Marulaz,
la division de cuirassiers du général Espagne, et
une partie de l'artillerie, ce qui représentait une
force d'environ ^2 à 23 mille hommes ', consistant,
' J'ai fait pour évaluer les forces employées dans ces deux grandes
journées (lu 9.1 et du 2?. mai, et qu'on appelle bataille d'Essling en
France, bataille d'Aspcrn en .\lleinagne, des efforts consciencieux,
ainsi que jtour toutes les autres grandes journées de cette époque. On
possède à leur sujet, comme documents, des ouvrages imprimés tant
en France qu'à l'étranger, et qui contiennent les assertions les plus
exagérées dans un sens comme dans l'aulre. Ou possède en outre les
états du dépôt de la guerre, qui sont rédigés trop loin des faits, puis-
qu'on les dressait à Paris, pour qu'ils puissent ê'.re exacts : on possède
enfin les propres livrets de l'Empereur, dressés à l'état-major général
par les bureaux de Bertbier, et qui par ce motif sont plus rapprochés
WACiRAM. 301
il est \Tai, en troupes excellentes, mais trop peu
nombreuses pour qu'il fut possible avec elles de li-
vrer bataille à une armée de 90 mille hommes. Il
donna donc Tordre d'abandonner Asrern et Esslinp;,
de repasser le pont du petit bras, sans toutefois
le détruire, car il était facile, grâce au rentrant du
tleuve, de le protéger contre l'ennemi par une masse
formidable d'artillerie. On pouvait attendre là, sous
la protection d'un cours d'eau de 60 toises, devenu
très-rapide et très-profond, que la consolidation
du grand pont et la baisse des eaux permissent
de préparer une opération siire et décisive. Cet or-
dre commençait à s'exécuter, lorsque les généraux
de division élevèrent des objections fort naturelles
contre l'abandon de points tels qu'Essling et Aspern.
(le la vërili'. Toutefois ces derniers eux-mêmes sont conslitu<''s en erreur
par les assertions des généraux qui ne s'attribuent pas toujours dans
leurs récits les nombres de combattants que leur attribuaient les bu-
reaux de Berthier. En comparant ces documents on voit que les Autri-
chiens ont supposé <iiie toute l'armée française avait passé le Danube ,
et se sont donné 70 mille hommes, contre 80 ou 100. Les historiens
français, au contraire, ont parlé de 40 mille Français luttant deux
jours contre 100 mille Autrichiens. La vérité est entre ces extrêmes.
La voici, reproduite aussi exactement que possible.
Les forces passées le 20 et dans la matinée du 21 furent :
La division Molitor 6,500 hommes.
La division Boudet 5,000
La division Legrand 4,500
Les divisions de cavalerie légère Marulaz et Lasalle. 4,500
Les cuirassiers Espagne 2,000
22,500 hommes.
Cest-à-dire 22 ou 23 mille hommes. Les états donnent des chiffres plus
élevés , mais ces chiffres sont évidemment inexacts.
Dans la soirée du 21 il passa :
La division Carra Saint-Cyr 6,000 hommes.
Les cuirassiers Saint-Germain 1,500
7,500 hommes.
Mai ISOit.
302 [.IV RF XXXV.
Le iîénéral Molitor lit observer à rEiii|)oreiir que
Mai 1809. ' , . ^
Je \illai;e aAs|>eni, dans lecpiel sa division avait
Sur l'avis coiiclié , avait une importance immense, que pour
ses généraux Je reprendre il en coûterait des torrents de sang,
et sur , . • 1 ' 1 1 /,. *"•
la nouvelle qu au contiaue une lorce peu considérable sunirait
'^^ "^mcn'r*''' ^ '^ défendre lon2;-temps contre de grands efforts,
des ponts, ^^ q^jj [\i\\n[{ y bien réfléchir avant de se résoudre
Napoléon * "
révoque à uu tel sacriûce \ La chose était tout aussi vraie
l'ordre ,^ ,. _. , , . ,
de la retraite pour Lssliug. Si on aJjandounait ces deux points,
fcombaure^. ^^ devait renoucer à passer par cet endroit pourtant
si favorable , ajourner pour on ne sait combien de
temps l'opération si urgente du passage, délaisser
les travaux exécutés, s'exposer en un mot aux plus
graves inconvénients. Tandis que Napoléon pesait
ces observations, on vint lui apprendre que le grand
pont, était définitivement rétabli, que les eaux bais-
Ce qui porte les forces pour le premier jour à un total
de
22,500 passés le matin du 21
7, .500 passés le soir du 21.
30,000 hommes.
Le lendemain 22 il passa :
Les deux divisions Oudinot. .
. 11 ou 12,000 hommes.
La division Saint-Hilaire. . ,
8,000
La garde
6 ou 7,000
La division Demont. . .
.•5,000
Total. . ,
60,000 hommes.
Ainsi, en réalité, la première journée d'Essling, celle du 21, com-
mença avec 22 ou 23 mille hommes, et s'acheva avec 30 mille. La se-
conde, et la plus terrible, celle du 22, fut livrée avec 60 mille hommes
contre environ 90 mille. Mais, (omnie on le verra jjIus tard, ce ne fu-
rent pas les forces qui manquèrent , ce furent les munitions. Avec ces
60 mille hommes Napoléon aurait gagné la bataille, si les convois
d'artillerie avaient pu lui arriver.
' Je tiens ces détails de la bouche même de M. le maréchal Molitor,
sous la dictée duquel je les ai écrits le jonr où il me les donnait, pour
ne pas en perdre le 6ou\enir.
WAGRAM. 303
saient, que les convois d'artillerie chargés de mu-
nitions commençaient à défiler, qu'il pouvait donc
se regarder comme assuré d'avoir en quelques
heures toutes ses ressources. Pourvu qu'il eût une
vingtaine de mille hommes de plus, notanmient les
cuirassiers, et surtout ses caissons bien approvi-
sionnés en munitions, Napoléon ne craignait rien,
et il ressaisit avec joie l'occasion , qu'il avait vu lui
échapper un moment , de joindre et d'accabler la
gi^ande armée autrichienne. En conséquence, il or-
donna au général Boudet, qui n'avait pas quitté
Essling, de le défendre énergiquement (voir la
carte n" 49); il autorisa le général Molitor, dont la
division avait déjà quitté Aspern, d'y rentrer de
vive force, avant que l'ennemi eût le temps de s'y
établir. Le maréchal Lannes, quoique son corps Lanncs établi
n'eût point encore franchi le Danube, voulut être ^Ma^séna
là môme où ses soldats n'étaient pas encore, et il ^ Aspem.
prit le commandement de l'aile droite, c'est-à-dire
d'Essling et des troupes qui devaient y arriver suc-
cessivement. La cavalerie fut placée sous ses or-
dres, ce qui lui subordonnait le maréchal Bes-
sières, qui la commandait. Masséna fut chargé de
la gauche, c'est-à-dire d'Aspern, que la division
Molitor allait réoccuper. La division Legrand dut
être placée en arrière d'Aspern, avec la cavalerie
légère de Marulaz. La division de cavalerie légère
de Lasalle et la division des cuirassiers Espagne
remplirent l'espace entre Aspern et Essling. Tout
ce qu'on avait d'artillerie fut disposé dans les in-
tervalles. Une nuée de tirailleurs fut répandue dans
cette espèce de fossé dont il a été parlé, et qui
Mai 1809.
DiepositioD
de l'armce
autrichienne.
304 LIVRE XXXV.
était le lit (lesséché d'un bras d'eau coulant autre-
fois d'Aspern à Essliui;. Ces tirailleurs attendaient
l'arme charijée que les Autrichiens fussent à portée
de fusil. Ainsi ti à 23 mille hommes allaient en
combattre environ 90 mille.
L'archiduc Charles avait divisé son armée en
cinq colonnes. La première, sous le général Hiller,
devait s'avancer le long du Danube parSladlau,
attaquer Aspern , et tâcher de l'enlever de concert
avec la seconde colonne. Celle-ci, commandée par
le lieutenant général Beîlegarde, devait marcher
par Kagran et Hirschslatten sur ce même village
d'Aspern, qui, appuyé au Danube, semblait cou-
vrir le pont de l'armée française. La troisième,
commandée par Hohenzollern, marchant par Brei-
tenlée sur le même point, devait l'attaquer aussi
pour plus de certitude de l'emporter. Les qua-
trième et cinquième colonnes, formées du corps de
Rosenberg, devaient compléter le demi-cercle tracé
autour de l'armée française, et alUujuer l'une Ess-
ling, l'autre la petite ville d'Enzersdorf, située au
delà d'Essling. Comme Enzersdorf, faiblement oc-
cupé par les Français, ne paraissait pas offrir de
grands obstacles à vaincre, les deux colonnes avaient
ordre de réunir leur effort sur Essiing. Pour lier
ses trois colonnes de droite avec ses deux co-
lonnes de gauche, l'archiduc avait placé en bataille
entre ces deux masses la réserve de cavalerie du
prince de Liechtenstein. Beaucoup plus en arrière,
à Breitenlée, se trouvaient comme seconde réserve
les grenadiers d'élite. Les restes du corps de l'ar-
chiduc Louis, fort affaibli par les détachements lais-
WAGRAM. 305
ses sur le Haiit-Damibe, étaient en ol).servation vers
Stamersdorf, vis-à-^is de Vienne. Le corps de
K()Ilo\rath, ainsi qu'on l'a mi, était à Lintz. Les
cinq colonnes agissantes, a^ ec la cavalerie de Liech-
tenstein et les grenadiers, pou^aient présenter en-
viron 90 mille combattants ', et près de 300 bou-
ches à feu.
Bien (jue l'arcliiduc eût réuni de grandes forces
contre Aspeni , ([ui était le point essentiel à em-
porter, j)uisqu'il couvrait le petit pont , néanmoins
le demi-cercle tracé autour d'Aspern, d'Essling,
et d'Enzersdorf, était faible dans le milieu, et pou-
vait être brisé par une charge de nos cuirassiers.
L'armée autrichienne, coupée alors en deux, au-
rait vu tourner contre elle la chance d'abord si
menaçante pour nous. Napoléon s'en aperçut au
' Il est encore plus difficile d'approcher de la vérité pour l'évaluation
des forces autrichieiinos que pour l'évaluation dos forces françaises.
Pourtant un récit d'Essling, fourni par l'archiduc Charles, donne en
bataillons et escadrons, pour
Ililler, l'« colonne. . .
Bellegarde^ 2« colonne. .
Hohcnzollern , 3« colonne.
Rosenherg, 4= colonne. .
Piosenbcrg, 5« colonne. .
Grenadiers
Réserve de cavalerie.
Total. . .
La difficulté consiste à évaluer la force des bataillons, force qu'on
ignorait probablement à Télat-major autrichien le jour de la bataille,
qui était de 1,000 ou 1,200 hommes à l'ouverture de la campagne, et
qui devait être au moins de G ou 700 hommes les 21 et 22 mai. Kn sup-
posant 6.50 hommes par bataillon, 120 à 130 jiar escadron, on obtient
environ 6.5 mille hommes d'infanterie, 20 mille de cavalerie, et en en
supposant .5 mille d'artillerie pour 288 bouches à feu, évaluation fort
modérée, on arri\ e à environ 00 mille hommes. Les bulletins français re-
TOM. X. 20
Mai 180'J.
19 bataillons.
22 escadrons.
20 —
16
—
22 —
8
—
13 —
8
—
13 —
IG
—
IG —
)»
—
>. —
78
—
103 bataillons,
li8 escadrons.
Mai 1809.
ilEssling,
commencée
le 21 mai ,
a trois heures
30G IJVHK XXXV.
premier coup doeil, et résolut dcn profiter dè.s
que ses i)rineipalcs forces auraient franclii le Da-
nube. Pour le nioniciil, il ne soui^ea qu'à l)ien
garder son débouché, en delendant vigoureuse-
ment Aspern à sa gauche, Essling à sa droite, et
en protégeant l'espace entre deux, au moyen de
sa cavalerie.
Hataiiie A pcinc Napoléou avait -il autorisé le général
]Molitor à réoccuper Aspern, le général Boudet à
conserver Essling, que la lutte s'engagea vers trois
de l'aprôs- heurcs de l'après-midi avec une extrême violence.
L'avant-garde de Hiller, sous les ordres du général
Nordmann, avait marché sur Aspern, et, profi-
tant du mouvement de retraite de la division Mo-
litor, y avait pénétré. Ce (|ui était plus grave , elle
latent une force plus considérable, mais ils sont évidemment inexacts.
Quatre-vingt-dix mille hommes me semblent l'assertion la plus vrai-
semblable. La vérité absolue en ce genre est impossible à obtenir,
comme je l'ai dit bien des fois. Il faut exiger de l'historien qu'il s'en
approche le plus possible, et ne pas lui demander ce que ne savaient
pas môme les chefs des armées combattantes. Mais deux ou trois mille
hommes importent peu, et ne changent pas le caractère de l'événement.
Aucun gouvernement, même le mieux servi, celui qui a la meilleure
comptabilité, ne sait, quand il paye cent mille hommes, qui sont vrai-
ment dans le rang, cond)ien il y en a qui servent utilement le jour
d'une bataille, car il y a les détachés, les malades de la route, les
malades de la veille, ceux du matin, ceux du soir. L'histoire ne peut
donc prétendre en savoir plus que les gou\ ornements eux-mêmes, qui
Ijayent les armées. L'important est de conserver le caractère de ces
grands événements, et c'est à quoi on arrive en s'efforçant de se tenir,
pour les nombres, les distances, les durées, les circonstances de détail,
le plus prés possible de la vérité. J'ai la conscience de n'avoir rien né-
gligé à cet égard, et je crois avoir réuni plus de documents, plus tra-
vaillé sur ces documents, qu'on ne l'avait fait a%ant moi. Je ne suis
jamais en repos , je l'affirme , quand il reste quelque part un document
•que je n'ai pas possédé, et je ne me tiens pour satisfait que lorsque j'ai
pu le consulter.
WAGRAM. 307
avait pénétré aussi dans une prairie boisée, à ^aii-
1 ri 1 11 "f 1 •* 1 -n ' Mai 4809.
c'he dAspern, laquelle s étendait de ce village au
Danube, et, entourée d'un petit bras du ileuve,
présentait une espèce d'îlot. (Voir la carte n" 49.)
En s'emparant de cet îlot, l'ennemi pouvait pas- Napoléon
ser entre Aspern et le Danube, tourner notre gau- '^j^'g; ''°","*^
clie, et courir au petit pont, seule issue que nous le générai
' II' l Molitor
eussions pour déboucher ou nous retirer. Le gé- rcoccupe
néral Molitor, à la tète des 16* et 67" de ligne, VviUage^
régiments accomplis, commandés par deux des d' Aspern.
meilleurs colonels de l'armée, Marin et Petit, en-
tra au pas de charge dans la rue qui formait le
milieu d'Aspern afin d'en déloger les Autrichiens.
Ces deux régiments pénétrèrent baïonnette bais-
sée dans cette rue fort large, car les villages
d'Autriche sont vastes et construits très -solide-
ment : ils repoussèrent tout ce qui s'opposait à
eux, se portèrent au delà, et firent évacuer les
environs de l'église, située à l'extrémité de la rue.
Le général Molitor plaça ensuite ses deux régi-
ments derrière un gros épaulement en terre qui
entourait Aspern, et attendit la colonne de Hiller,
qui venait au secours de son avant -garde. Il la
laissa approcher, puis commença de très-près un
feu meurtrier, qui abattit dans ses rangs un nombre
d'hommes considérable. Après a^oir entretenu ce
feu quelque temps, le brave général ]\folitor fit
sortir ses soldats de l'épaulement qui les couvrait,
les lança à la baïonnette sur la colonne autrichienne,
et la culbuta au loin. En un instant le terrain fut
évacué, et la première attaque chaudement re-
poussée. Cet acte de vigueur exécuté, le général
20.
30S
i.ivnr: xxxv
Mai 180'J.
Nouvelle
et vigoureuse
attaque
du général
Hiller contre
Aspcrn.
Molilor, cni])l()\aiit. Iiubileiueiil lus deux autres
rc'ii:imcnls de sa di\isioii, diriiïea le 37*" à iiauche
sur l'îlot dont il \ionl d'être parlé, le reprit, et,
proiilant de t()u> les acciileuls de terrain, s'étudia
;i le rendre inaccessible. Il plaça le t" à droite de
l'entrée du villa.ue, alui d'emj)ècher (pron ne fut
tourné. 3Iasséna, assistant à ces dispositions, avait
rangé à droite et en arrière d'Aspern la di^ isi'on
Legrand , pour la lancer cpiand il serait nécessaire.
La cavalerie du général Marulaz, composée de
quatre régiments français et de deux allemands,
foiniait la liaison avec la ca^aleric des généraux
Lasalle et Espagne vers Essling. Du côté d'Essling,
la division Boudet n'avait encore aCfaire qu'aux
avant-gardes de Rosenberg, qui étaient en marche
vers Enzersdorf.
Mais ce n'était là que le prélude de cette ef-
froyable journée. Hiller repoussé revint bientôt
la charge, appuyé de la colonne de Bellegarde.
Celle-ci, arrivée en ligne, se serra à la colonne de
Hiller, et toutes deux abordèrent en masse le vil-
lage d'Aspern, par le côté voisin du Danube et par
le centre. Les 16^ et 67^ de ligne placés en avant
d'Aspern , faisant à très-petite distance un feu non
interrompu, immolèrent au pied de Tépaulement
des milliers d'ennemis. Mais les colonnes autri-
chiennes, réparant sans cesse leurs pertes, avancè-
rent jusqu'à cet épaulemcnt, et s'y élancèrent mal-
gré les deux régiments du général Molitor ([u'elles
obligèrent à se replier dans l'intérieur du village.
Le général Vaccpuuit parvint môme à s'emparer de
l'extrémité de la grande rue où se trouvait située
Mai 1S00.
W A nu A M. 309
l'église. A cet aspect rinlréi)i(le ]\ro]itor, avec le
2^ qui était en réserve, se précipite sur le général
Vacquant. Une horrible mêlée s'engage. Un llnx: et Horrible
reiliix s établit entre les Aiilrichiens et les français, ic générai
qui, tantôt vaincus, tantôt vainqueurs, vont etvien- et ics forces
nentd'un bout à l'autre de la longue rue d'Asnern. ,''^„"',1'*^'' ^,
•~ i 00 Bcllegarfle
De nouvelles troupes s'approchent au dehors, car '^^"s
l'intérieur
les colonnes de Hiller et Bellegarde comptent à elles (lAspem.
deux au moins 3G mille hommes, contre lesquels la
division ^lolitor lutte avec 7 mille. Masséna, pour
les tenir à distance, jette sur elles les six régiments
de cavalerie légère du général Marulaz. Celui-ci était
l'un des plus vaillants et des plus habiles olTiciers
de cavalerie formés par nos longues guerres. Il s'é-
lance au galop sur les lignes de l'infanterie autri-
chienne qui se rangent en carrés pour le recevoir.
Il enfonce plusieurs de ces carrés, mais il est arrêté
par des masses profondes qui se trouvent au delà.
Obligé de revenir, il ramène quelques pièces de ca-
non qu'il a prises, et, quoiqu'il ne puisse pas faire
évacuer le terrain , il le dispute cependant à l'en-
nemi qu'il empêche de porter toutes ses forces sur
Aspern. A Tintérieur du village le général Moiitor,
l)arricadé dans les maisons avec trois de ses régi-
ments, se sert pour résister de tous les objets qui
tombent sous sa main , voitures , charrues , instru-
ments de labourage, et défend le poste qui lui est
confié avec une fureur égale à celle que les Autri-
chiens mettent à l'assaillir.
Pendant ce combat acharné soit au dedans, soit Défense
au dehors d' Aspern, Lannes, à Essling, prenait les *^°e^^,"J]^® ^
plus habiles dispositions pour conserver ce ^ illage,
Mai 180'.).
310 LIVRE XXXV.
(jiii, d'ahord moins forlonioiit allafiuo, avait lini par
lètre ^iolomnle^t aussi, lorsque les qualrième et
cimjuième colonnes, composées du corj)S de Rosen-
Jjerp:, étaient pan enues à se réunir. f.a cinquième,
formant l'extrême gauche des Autrichiens, et faisant
face à notre extrême droite vers Enzersdorf, après
avoir enlevé ce poste peu défendu, en avait débou-
ché pour se jeter sur Essling. Alors la quatrième
s'était mise en mouvement, et toutes deux avaient
commencé leur attaque contre notre second point
d'appui. Lannes les avait reçues comme on lavait
faità Aspern, en se couvrant d'un épaulementen terre
dont Essling était entouré, et en cril)lant de mou.s-
queterie et de mitraille les assaillants, qui s'étaient
arrêtés au pied de cet oljstacle sans oser le franchir.
Charge Mais le combat allait devenir plus terrible, parce
ordorfnée*' quc la colonue de Hohenzollern, qui était la troi-
par Lannes gi^me , ct Constituait le milieu de la ligne autri-
pour dcfcnilrc ' '^
le centre chicune , entrait enfin en action, soutenue par la
de notre liTic
entre Essitng féserve de cavalerie du prince Jean de Liechtenstein.
et Aspern. |.jj^ marchait sur notre centre , et pouvait en per-
çant entre Aspern et Essling, isoler ces deux points
l'un de l'autre, assurer leur conquête, et rendre
notre perte infaillible. A cette vue Lannes, qui était
en dehors dEssling, observant les mouvements de
l'ennemi, se décide à ordonner un jouissant etl'ort
de cavalerie. Il avait à sa disposition les quatre ré-
giments de cuirassiers du général Espagne, et les
. quatre régiments de chasseurs du général Lasalle,
placés tous les huit sous les ordres du maréchal
Bessières. Sans tenir compte du grade de ce der-
nier, il lui fait ordonner impérieusement de char-
WAGRAM. 3lt
ger à la tête des cuirassiers , et de charger à fond.
Quoique blessé de cette dernière expression, car,
disait-il, il n'avait pas riiabitiide de charger au-
trement, Bessières s'ébranle avec le général Espa-
gne, le premier officier de grosse cavalerie de l'ar-
mée, et laisse Lasalle en réserve pour lui servir
d'appui. Bessières et Espagne s'élancent au galop
à la tête de seize escadrons de cuirassiers, enlè-
vent d'abord l'artillerie ennemie dont ils sabrent les
canonniers, et se préci{)itent ensuite sur l'infanterie
dont ils enfoncent plusieurs carrés. jMais après avoir
fait reculer la première ligne, ils en trouvent une
seconde qu'ils ne peuvent atteindre. Tout à coup
ils voient paraître la masse de la cavalerie autri-
chienne, que l'archiduc Charles a lancée sur eux.
Nos cuirassiers , surpris pendant le désordre de
la charge qu'ils viennent d'exécuter, sont violem-
ment assaillis, et ramenés. Lasalle, avec ce coup
d'œil et cette vigueur qui le distinguent , vole à
leur secours. Il engage le 16" de chasseurs si à
propos, si vigoureusement, que ce régiment cul-
bute les cavaliers autrichiens acharnés à la pour-
suite de nos cuirassiers, et en sabre un bon nom-
bre. Au milieu du tumulte, le brave Espagne est
tué d'un biscaïen. Bessières est enveloppé avec son
aide de camp Baudru par les hulans, fait feu de
ses deux pistolets , et met le sabre à la main pour
se défendre, lorsque les chasseurs de Lasalle s'aper-
cevant du péril viennent le dégager. Les cuirassiers
se rallient, chargent de nouveau, toujours aj)puyés
par Lasalle. On aborde ainsi plusieurs fois l'infan-
terie autrichienne, on l'arrête, et on empêche Ho-
Mai 1809.
312 I.1VHI-: xxxv.
lienz(3lleni de percer notre centre entre Essliuû; et
Mai IR09. . ,,
Aspern, et d envoyer un lonlorl aux deux colonnes
de lliller et de Bellei^arde, (|ui n oui pas cessé de
s'acliarner sur Aspern.
Mas50Da Mais ces deux colonnes sont suffisantes à elles
Aspefnrqui sculcs pour accahlcr dans Aspern les 7 mille liom-
aiiait otrc ^^Qg Jq ]jj divisiou -Molïtor. Celte division, dont
enlevé i . .
en faisant une la moilié cst déjà liors de combat, ne se soutient
rhargeàiatéte m » i i i t% • -«r •
Je que par 1 héroïsme des colonels Petit et Mann, et
'le-Tànd" ^^^ général Molitor lui-même, qui donnant sans
cesse l'exemple à leurs soldats, se montrent à la
tétc de toutes les attaques. Enfin le général Vac-
quant, bien secondé, parvient à pénétrer dans As-
pern, et à s'en emparer presque entièrement, après
une lutte de cinq heures. Le général .Alolitor va
être rejeté de l'intérieur de ce village, si précieux
à conserver, car si on le perd, on est refoulé sur
le pont du petit bras, et peut-être jeté dans le Da-
nube. Heureusement que le grand pont rétabli a
permis à une brigade des cuirassiers de Nansouty,
celle de Saint-Germain, de passer vers la fin du
jour, ainsi qu'à la division d'infanterie Carra Saint-
Cyr, la quatrième de Masséna. Il reste donc des res-
sources pour parer aux accidents imprévus, et
^lasséna peut disposer de la division Legrand qu'il
avait rangée derrière Aspern en qualité de ré-
serve. 11 place Carra Saint-Cyr en arrière avec or-
dre de veiller au pont , et à la tète de la division
Legrand il entre dans Aspern. L'héroïque Legrand
suivi du W d'infanterie légère et du 18" de ligne,
ces mêmes régiments avec lesquels il avait enlevé
Ébersberg, vient au secours de Molitor épuisé, tra-
Mai ISOO.
WAGRAM. 313
verse au pas de charge la grande rue d'Aspern, re-
foule les troupes de Bollegarde à l'autre extrémité
du village, et oblige le général Vacqiiant à s'enfer-
mer dans l'église. Au centre, Lannes, voulant en- Nouvelles
core dégager le milieu de la ligne, ordonne de nou- de*^rav!?ene
velles charges à Bessières. La division Kspanne a ordonnées
' ' par Lannes
perdu un quart de son ellectif ; mais Nansoutv, avec sur le centre
I 1 • 1 1 • • - • /. "il de l'ennemi.
la brigade des cun-assiers Saint-Germam, prend la
place des cuirassiers Espagne, charge vigoureuse-
ment l'infanterie autrichienne, et prolonge la résis-
tance, qui n'est possible sur ce point qu'avec de
la cavalerie. On renverse de nouveau l'infanterie
«les Autrichiens, mais on attire encore leur cavale-
rie, qui se jette sur nos cuirassiers, etMarulaz,
remplaçant Lasalle accablé de fatigue, recommence
avec le 23" de chasseurs ce que Lasalle a exécuté
deux heures auparavant avec le 1 G". Il secourt nos
cuirassiers , repousse ceux de l'ennemi , et fond en-
suite sur plusieurs carrés. Entré dans l'un de ces
carrés, il y est démonté, et va être pris ou tué,
(piandses chasseurs, rappelés par ses cris, le déga-
gent, lui donnent un cheval, et reviennent en pas-
sant sur le corps d'une ligne d'infanterie.
Il y avait six heures que durait cette lutte opi-
niâtre : à Aspern , à Esshng , des fantassins achar-
nés se disputaient des ruines en flammes ; entre ces
deux villages des masses de cavaliers se dispu-
taient la plaine à coups de sabre. L'archiduc Charles Larohiduc
f, ., ^L 1. ^1 ' r , Charles,
croyant avou' assez tait en arrêtant 1 armée Iran- remettant
çaise au débouché du pont, et se flattant de la pré- f"j'j^"f^";f^;;
cipiter le lendemain dans le Danube, prit le parti deiarmce
* ^ française,
de suspendre le feu, pour procurer a ses troupes le ordonne
314 LIVRE XXXV.
— ,. — temps de se reposer, |)()ur lapproclier ses masses,
et surtout pour amener en liizne la réserve de
'du^fe^u^rà*!" grenadiers qui était restée à Breiteniée.
au soir. Napoléon de son coté ayant assisté de sa per-
sonne à cette première bataille, sous les boulets qui
se croisaient entre Aspern et Essling, avait conservé
Disposition toute sa confiance. Quoique la moitié de la division
dc^N^poiéon -^I^^'it^'" ^^'t couchée par terre dans les rues et les
à la suite do maisons d'Aspern, (luoique un quart dos cuirassiers
cette première i / i i i
journée. d'Espac;ne, des chasseurs de Lasaile et de Marulaz.
eût péri sous la mitraille, il ne doutait pas du résul-
tat, s'il pouvait faire venir encore par les ponts
du Danul)e une viniz:taine de mille hommes, et prin-
cipalement ses parcs de munitions. On passait sur
le grand pont, malgré la crue toujours plus forte,
malgré les corps flottants que le Danube débordé
entraînait dans son cours. C'étaient tantôt des troncs
d'arbres énormes déracinés par les eaux, tantôt des
bateaux mis à sec sur ses rives que le fleuve re-
mettait à flot en s'élevant, tantôt enfin de gros
moulins enflammés, que l'ennemi lançait avec in-
tention de détruire notre unique communication.
A cliaque instant il fallait ou détourner ces masses
flottantes, ou réparer les brèches qu'elles occa-
sionnaient à nos ponts, en y employant des ba-
teaux de rechange. Le passage continuel contribuait
aussi à fatiguer ces ponts, et on voyait parfois les
bateaux presque submergés sous le poids des cais-
sons d'artillerie, et nos soldats traverser le fleuve
les pieds dans l'eau, ce qui ajoutait à la lenteur
du défilé. Cependant les généraux Pernetti et Ber-
trand assuraient toujours qu'ils maintiencbaient le
WAGRAM. 31
o
Mai IR09,
passage, et qu'au jour on aurait le corps de Lannes,
la garde, peut-être les deux divisions du maréchal
Davout descendues sur Ebcrsdorf, et surtout le
parc d'artillerie chargé de munitions. Napoléon
n'eùt-il qu'une partie de ces troupes, s'il avait ses
parcs, était certain d'en finir avec l'ennemi, et de
décider entre Essling et Aspern les destins de la
maison d'Autriche. Il ordonna donc de profiter du
répit que l'ennemi nous laissait, pour accorder aux
troupes qui s'étaient battues un repos dont elles
avaient besoin. Il bivoua(jua en arrière du bois, en
avant du petit pont, pour assister en personne
au passage de ses corps d'armée, qui devaient em-
ployer toute la nuit à défiler. Au moment où il al-
lait lui-même prendre un peu de repos, il en fut
détourné par une vive altercation qui s'engagea
entre deux de ses principaux lieutenants. C'était
Bessières qui se plaignait du langage dans lequel
Lannes lui avait fait parvenir ses ordres. Masséna,
présent sur les lieux, fut obligé d'arrêter ces braves
gens, qui, après avoir supporté toute une journée
le feu croisé de trois cents pièces de canon, étaient
prêts à mettre l'épée à la main pour l'intérêt de
leur orgueil blessé. Napoléon apaisa leur différend,
que l'ennemi devait terminer le lendemain de la
manière la plus cruelle pour eux et pour l'armée.
Le défilé souvent interrompu continua pendant passage
une partie de la nuit. Mais vers minuit le grand j^ 2'^Ju'^2i
pont se rompit de nouveau. C'était la troisième fois. „ ^u 22,
ri d une nouvelle
Le Danube élevé d'abord de sept pieds venait en- partie
. . de l'armée
core de s élever de sept , ce qui taisait une crue française.
totale de quatorze pieds. La fortune donnait donc
Mai IS09.
316 IJVRl- XWV.
(le n()U\eaii\ sliincs (rincoiislance à Na[)()léon, ou
pour mieux dire la nature «les choses, qui ne se plie
pas il la Aolontc des conquérants, lui donnait de
nouveaux a\is! >[ais si c'était une faute d'avoir
voulu passer le Danube dans la saison des crues
subites, et avec un matériel insuflisant , il n'y avait
plus à reculer maintenant, et une portion de l'armée
étant ])assée, il fallait la soutenir, et sortir de ce
mauvais pas à force d'énergie. Les généraux Ber-
trand et Pernctti se remirent à l'ouvrage pour ré-
parer le grand pont, et allirmèrent itérativement
qu'ils maintiendraient le passage. Avant la pointe
du jour, en effet, le pont fut réparé, la commu-
nication rétablie. La belle division Saint-Iïilaire,
les deux divisions d'Oudinot (composant à elles
trois le corps de Lannes), la garde à pied, une
seconde brigade des cuirassiers Nansouty, toute
l'artillerie des corps de Masséna et de Lannes, une
réserve d'artillerie attachée aux cuirassiers, deux
divisions de cavalerie légère, et enfin la petite di-
vision Demont, formée des quatrièmes bataillons
du corps de Davout, passèrent à la fin de la nuit
et vers le point du jour. Les parcs continuèrent à
défiler entre les intervalles de chacjue corps. Ainsi
les 23 mille hommes avec les({uels la bataille avait
commencé la veille au milieu du jour, ayant été
portés le soir à 30 mille, par l'arrivée de la division
Carra Saint-Cvr et des cuirassiers Saint-Germain, fu*
rent portés à environ GO mille par ce dernier passage
exécuté le 22 au matin. C'était assez pour vaincre.
Malheureusement l'artillerie était insuffisante, car
Lannes, Masséna et la grosse cavalerie ne comp-
WACUAM. 317
laient pas plus de 1 il pièces de canon, et il fallait
soutenir l'effort de 300 bouches à feu que les Au-
trichiens pouvaient mettre en batterie. Toutefois
si, avec 30 mille hommes et 50 i)ièces de canon,
on avait la veille arrêté les Autrichiens, on devait
les battre aujourd'hui avec 60 mille et 150 bou-
ches à feu. La chose était certaine si les munitions
ne manquaient pas. Du reste le pont était maintenu,
et elles continuaient à arrivei'.
A la pointe du jour tout le monde était cU.'bout
dans les deux armées, et les tirailleurs échangeaient
des coups de fusil dès quatre heures du matin. Na-
poléon, qui n'avait presque pas pris de repos, était
achevai, entouré de ses maréchaux, et leur don-
nant ses ordres avec la plus grande confiance. En
voyant tout ce qui avait passé, il ne doutait pas de
finir la guerre dans la journée. Masséna devait ré-
occuper Aspern en entier, et reconquérir l'église
restée au général Yacquant. Lannes était chargé de
repousser toutes les attaques qui allaient se renou-
veler contre Essling, et puis, profitant de la disposi-
tion de l'ennemi qui consistait toujours en un vaste
demi-cercle, devait le percer dans le milieu par un
effort vigoureux de notre droite portée brusquement
en avant. Le maréchal Davout, dont deux divisions
étaient à Ébersdorf, de l'autre côté du Danube,
étant attendu dans peu d'instants, devait, en se
portant derrière Lannes, le couvrir par la droite
pendant le mouvement que celui-ci allait opérer.
D'après ces vues, Masséna et Lannes coururent ,
l'un à Aspern, l'autre à Essling. Ai)préciant la néces-
sité de bien lier Aspern au Danube, Masséna a\ait
Mai 1809.
L'armée
française
étant fort ac-
crue par
les forces
arrivées
dans la nuit,
Napoléon
rccomnnenco
la bataille
avec la plus
grande
confiance.
Plan
de Napoléon
pour
la seconde
journée
d Essling.
Mai I80'.i.
318 LIVRE XXXV.
placé la di\ision xMolilor loiil entière dans le petit
Ilot à gaucho. (Voir la carte n" iO.) Les faibles dé-
Disposiiions foDScs dc CG postc, coiivcrt i)ar un petit canal, par
1 Aspern par dcs arbres, et par un épaulenient en terre (}ue Tin-
asscna or(inieur Lazowski avait élevé dans la nuit, sullisaient
à l'énergie de la di\ision Molilor, quoiqu'elle fût
réduite de 7 mille hommes à 4. La division Legrand
s'était battue vers la fin du jour précédent dans As-
pern, et s'y était maintenue. Masséna lui donna l'ap-
pui de la division Carra Saint-Cyr, laquelle fut rem-
placée dans la garde du petit pont par la division De-
mont. Napoléon dirigea encore sur Aspern les ti-
railleurs de la garde impériale, avec quatre pièces
de canon, afin que cette jeune troupe, récemment
formée, fît ses premières armes sous l'intrépide
Masséna.
Dispositions A Essling, Lanncs, laissant au général Boudet le
à Essling par soin de garder l'intérieur du village, plaça à gau-
.annes. ^j^^ ^^ ^^ avaut, daus lintervalle qui séparait Ess-
ling d'Aspern , la division Saint-IIilaire d'abord,
puis plus à gauche, vers le centre, les deux divi-
sions Oudinot, les cuirassiers, les hussards et les
chasseurs. Ces derniers servirent de liaison avec
le corps de IMasséna sous Aspern. En arrière au
centre, les fusiliers de la garde et la vieille garde
elle-même restèrent en réserve. Toutefois cette
belle troupe forma un crochet vers Essling, pour
fermer l'espace qui séparait Essling du Danube,
espace ouvert, par lequel l'ennemi pouvait être
tenté de pénétrer, depuis qu'il était maître de la pe-
tite ville d'Enzersdorf. (Voir la carte n" 40.) D'ail-
leurs, il fut encore pourvu à ce danger par une
Mai 1809.
WAC.RA.M. ni9
forte batterie de 12, qui, placée de Tautre côté du
petit bras, prenait en écliarpe le terrain dont il
s'agit. L'artillerie fut disposée dans les intervalles
de cette ligne de bataille, pour seconder Tetîortde
toutes les armes.
C'est dans cet ordj'e que la lutte recommença dès -vasscna
le matin. Masséna résolu à chasser le général Vac- Tu générar
quant de l'église, située à l'extrémité occidentale Je'^îéSe
d'x\spern, où celui-ci s'était retranché, avait en- dAspem.
voyé au général Legrand le secours de deux régi-
ments de la division Carra Saint-Cvr. Ces régiments
étaient le 24'= léger et le 4'' de ligne, habitués à servir
ensemble. Le colonel Pourailly, oflicicr excellent,
marcha aussi vite que le permettaient les cadavres
entassés dans la grande rue d'Aspern, et se jjorta
sur l'éghse. Les généraux Hiller et Bellegarde,
chargés toujours d'agir contre Aspern, s'y étaient
entassés de bonne heure. Tandis que le 24* était
aux prises avec eux, il se vit débordé le long d'une
rue latérale par une colonne autrichienne, qui tra-
versait le village en sens contraire. Le 4", com-
mandé par le brave colonel Boyeldieu, faisant un
détour à droite, coupa la colonne qui s'était avan-
cée parallèlement , et s'empara des deux bataillons
qui la composaient. Puis le 24" et le 4^, conduits
par Legrand, s'élancèrent sur l'église et le cime-
tière, et en expulsèrent les Autrichiens. De son
côté, la division Molitor, placée dans l'îlot à gau-
che, et couverte par des abalis, tuait à coups de
fusil tous les tirailleurs aulricliiens assez hardis
pour se montrer à portée de sa mousqueterie.
Le moment était venu d'exécuter le mouvement Mouvement
320 LIVRE XXXV.
olVensif projeté sur le contre dos Autrichiens, car
Mai 180','. ' •* .
taudis que les généraux Hiller et lîolloiïarde étaient
offensif repoussés d'Asporu , l{()soul)ori: , toujours formé
de Laniics » ' ' . ^ j
sur le centre eu dcuN. colouues , étiiit liMiii il distauco d'Essliui;
des
Autrichiens, par los fcux dc la division Boudet, et au milieu du
domi-cerclo de Tarmée autrichionno on ne voyait
que le corps de llohenzoUern faiblement lié à ce-
lui de Rosenberg par la cavalerie de Liechtenstein,
et appuyé de très-loin par la réserve de grenadiers.
Il était douteux que le centre des Autrichiens pût
résister à une masse de vingt mille fantassins et de
six mille cavaliers, que Lannes allait jeter sur lui.
Lannes, en effet, au signal donné par Napoléon
s'ébranle pour exécuter l'attaque dont il est chargé.
Laissant Boudet dans Essling, il s'avance, la droite
en tète, sur le centre des Autrichiens. C'est la divi-
sion Saint-IIilaire qui marche la première, rangée
en colonnes serrées par régiment , disposition qui
donne prise au boulet, mais qui présente une soli-
dité à l'abri de tous les chocs. Plus à gauche, et
un peu en arrière, les deux divisions Claparèdo et
Tharrcau s'avancent ensuite dans le même ordre,
en présentant des échelons successifs. Plus à gau-
che encore et i)lus en arrière, la cavalerie forme le
dernier de ces échelons dirigés sur le centre de
l'ennemi.
Lannes les met en momement avec cette vigueur
qu'il apporte dans toutes ses attaciues. Le 57" de ligne
dc la division Sainl-llilaire, régiment redoutable en-
tre tous, placé à notre extrême droite, marche au pas
de charge sous la mitraille et la fusillade, et oblige
r infanterie autrichienne à plier. Toute la division
WACRAM. 321
appuie le oT, et à mesure que les autres réginicnls ■
formés en autant de colonnes serrées arrivent à
portée de l'ennemi, ils s'arrêtent pour faire feu,
puis s'avancent de nouveau , gagnant du terrain
sur les troupes qui leur sont opposées. Les deux
di\isions d'Oudinot prennent place à leur tour
dans ce mouvement otlensif, et bientôt l'impulsion
se communiquant à toute la ligne, les Autrichiens
vivement pressés commencent à se retirer en dés-
ordre. A ce spectacle, l'archiduc Charles, comme
tous les capitaines indécis dans le conseil, mais
braves sur le champ de bataille, montre le dévoue-
ment d'un prince héroïque. Il accourt de sa per-
sonne pour prévenir la catastrophe dont son centre
est menacé. D'une part il ordonne aux grenadiers
qui étaient à Breitenlée de s'approcher ; de l'autre
il prescrit à Bellegarde de se reporter d'Aspern vers
Esshng, pour renforcer le milieu de sa ligne. En
attendant l'exécution de ces ordres, il prend en
main le drapeau du régiment de Zach qu'il ramène
en avant. Ses plus braves officiers sont frappés à
côté de lui, notamment le comte (]olIoredo, qu'il
voit tomber sous ce feu épouvantable, et dont il
serre la main avec douleur.
Lannes, qui comme lui est à la tête de ses sol-
dats, continue sa marche offensive, et voyant l'in-
fanterie autrichienne ébranlée, lance sur elle Bes-
sières avec les cuirassiers. Ceux-ci se précipitent
sur le corps de Hohenzollern, enfoncent plusieurs
carrés, et enlèvent des prisonniers, des canons,
des drapeaux. Déjà nous touchons à Breitenlée,
point où l'archiduc avait placé sa réserve de gre-
TOM. X. 21
Mai IH09.
Mai 1809.
322 LIVRE XXW.
nadiors. Laimcs, ne (loiiljmt plus du succès, en-
voie à Napoléon l'oflicier d'clat-major César do La-
ville, pour l'informer de ses proj^rcs, et lui deman-
der de couvrir ses derrières, pendant que, s'élevant
dans cette plaine , il va laisser un si vaste espace
entre son corps et le village d'EssIinp:.
M. César de Laville court en toute hâte pour
porter à TEmpereur cette communication , et le
trouve à un endroit dit la Tuilerie ', entre Essiing
et Aspern, assistant froidement à ce grand specta-
cle, dont il dirigeait la formidable ordonnance. Na-
poléon ne témoigne pas au récit que lui fait M. César
de Laville la satisfaction qu'il aurait dû éprouver.
En effet un sinistre accident venait de se produire.
Une nouvelle Aorès des cfforts inouïs de la part des généraux
rupture ' _ * '
des ponts Bertrand et Pernetti pour maintenir la communica-
décide . , , • i r\ i i
Napoléon à tion cutrc Ics dcux Hvcs du DanuDc, la crue tou-
le mouvement .j<^urs plus fortc , Ics arbrcs déracinés, les bateaux
offensif rcufloués par l'élévation des eaux, les moulins en-
de Lanncs. *
flammés lancés par l'ennemi, avaient enfin déter-
' Le fif^iiéral Côsar de Laville , excellent officier originaire du Pi«'-
mont , aussi énergique que spirituel , digne sous tous les rapports de sa
brave nation, est mort récemment en France, où il s'était établi. C'est
de sa propre bouche que j'ai recueilli tous les détails rapportés ici, et
pour être plus sftr de ma mémoire . je le priai de me les écrire , ce qu'il
fit de Saint-Sauveur en 184*, dans une lettre curieuse de vingt-quatre
pages, que j'ai conservée comme un monument historique des plus
intéressants. Je me suis servi d'un document non moins curieux de
M. Ba<idru, aide de camp du maréchal Ressiéres, qui a bien voulu
m'écrire aussi tout ce qu'il avait vu. J'ai recueilli encore d'autres dé-
tails de la bouche du maréchal Molitor, du général duc de Mortemart,
du général Petit, du général Marbot , du maréchal Reilie, tous présents
à Essiing et à W.ngram , et j'ai comiilété avec leurs renseignements la
foule de documents écrits contenus au dépôt de la guerre. Je me suis
du reste toujours bonié aux détails qui étaient d'une authenticité in-
contestable.
WAGRAM. 323
miné une rupture complète du i;rand pont, étal)li
entre Ébersdorf et l'île de Loljau. Cette rupture était
survenue au moment où six beaux régiments de cui-
rassiers, les deux divisions du maréclial Davout et
les caissons de l'artillerie se préparaient à défiler.
On avait vu un escadron de cuirassiers coupé en
deux s'en aller à la dérive, partie à droite, partie
à gauche, sur les bateaux entraînés par le courant.
Pourtant ce n'était pas la privation de troupes qu'il
fallait le plus regretter, car les 60 mille hommes
passés dans les deux jours précédents, sufTisaient,
surtout avec l'élan donné, pour culbuter l'armée
autrichienne : c'était la privation des munitions,
dont une prodigieuse quantité avait déjà été con-
sommée , et dont on devait bientôt manquer.
A cette triste nouvelle, portée par M. de Mor-
temart , Napoléon , devenu trop prudent peut-être
après avoir été trop téméraire, craint d'être tout à
coup privé de munitions sur ce vaste champ de
bataille, et de n'avoir plus que des baïonnettes et
des sabres à opposer à l'ennemi. Il craint aussi,
ayant engagé toutes ses troupes, et n'ayant plus
que la garde à pied et les fusiliers pour couvrir les
derrières du maréchal Lannes, d'être sans ressource
contre un retour subit de fortune, retour qui serait
désastreux sur le bord de l'abîme auquel on est
adossé. Il se résout donc à un sacrifice douloureux,
et il renonce à une victoire presque certaine poui-
ne pas s'exposer à des risques que la sagesse ne
permet pas de braver. Ce parti si cruel pris en un
instant avec la résolution d'un véritable homme
de guerre, Napoléon ordonne à M. de Laville de
21.
Mai 1809.
Mai IS09.
32 i l.l\ Ml- XXXV.
iL'toiirner aussi vite qu'il est venu auprès du iiiaré-
ciial Lanncs pour lui dire de suspendre son mou-
vement et de se replier peu à peu, sans trop en-
liartlir Tennemi, sur la ligne d Essling et d'Aspern,
Il lui fait recommander aussi de ménager ses muni-
tions, qui ne tarderont pas à faire faute '.
iieirnitc Launes et Bessières, en recevant cet ordre, sont
a-i milieu^ obligés, malgré de vifs regrets, de s'arrêter au mi-
dc la plaine jjg^ j|g celle imiueuse plaine du Marchfeld, inondée
sur le viiidge (je feux. L'arclliduc, si vivement pressé vers Brei-
d'Essiing. . . .
tentée, voit nos colonnes devenir subitement im-
mobiles, sans pouvoir s'en expliquer la cause. Il
profite de ce moment de répit pour reporter de sa
droite à sa gauche une partie du corps de Belle-
garde, et pour ranger en ligne derrière le corps de
' Dans une lettre curieuse adressée au maréchal Davout, au milieu de
la bataille, le major général Berthier écrit que dès di\ heures du matin
les munition^ manquèrent. Xous citons celte lettre, qui donne à la
journée son vrai et sinistre caractère.
Le major général au duc d'Awerslœdt , à Vienne.
a Rive go.uche f^u Dmube, à la tête du pont,
le 22 mai 1809, à midi et demi.
» L'interruption du pont nous a empêchés de nous approvisionner.
A dix. heures nous n'avions plus de munitions; l'ennemi s'en est aperçu,
et a remarché sur nous. 200 bouches à feu, auxquelles depuis dix
li;'iires nous ne pouvions répondre, nous ont fait beaucoup de mal.
» Dans cette situation de choses, raccommoder les ponts, nous en-
voyer des munitions et des vivres, faire surveiller Vienne, est exlrè-
mement important. Écrivez au prince de Ponte-Corvo pour qu'il ne
s'engage pas dans la Bohême, et au général Lauris'on pour qu'il soit
prêt à se rapprocher de nous. Voyez M. Daru pour qu'il nous envoie des
effets d'ambulance et des vivres de toute espèce.
» Aussitôt que le pont sera prêt, ou dans la nuit, venez vous abou-
cher avec l'Empereur.
» Signée : Alf.x.vndre. »
WAGRAM. 2r.\
liohenzollern les seize bataillons de i^renadier^ (iiii •
Ma; IS09
formaient sa réserve, plus une masse énorme d'ar-
tillerie, car il possédait près de 300 bouclies à
feu, et pouvait en réunir 200 sur ce point si me-
nacé. Remis ainsi de son premier trouble, il fait
diriger sur Lannes une canonnade elVrovable. La
division Saint-Hilaire , la plus avancée des trois,
placée en l'air pour ainsi dire, reçoit de front et de
flanc un feu de mitraille continuel. Elle rétrograde
lentement, avec l'aplomb qui convient, et aux vieux
régiments dont elle est composée , et au chevale-
resque Saint-Hilaire qu'elle a pour chef. Par mal-
heur ce brave officier, ancien ami de Napoléon,
tombe frappé à mort d'un biscaïen. Sa di\ision,
saisie de douleur, se maintient cependant. Lannes
accourt pour remplacer Saint-Hilaire, et ramener
sa division sur un terrain moins exposé. Il rétro-
grade, mais comme un lion qu'il est dangereux
de poursuivre. Les corps qui veulent le serrer de
trop près essuient de rudes charges à la l)aïon-
nette, et sont violemment repoussés. Passant de
la division Saint-Hilaire aux deux divisions d'Ou-
dinot, Lannes les conduit avec la môme vigueur
devant un adversaire que notre retraite a rempli
de confiance. Malheureusement les soldats d'Ou-
dinot souffrent plus que les autres, parce qu'on n'a
pas osé déployer en face de l'ennemi des troupes
aussi jeunes. Rangés en colonnes profondes, ils
perdent par le boulet des files entières.
Peu à peu Lannes ramène sa ligne à la hauteur du ^^""f ^^"'^
r '- ^ SCS troupes
fossé qui s'étend d'Essling jusqu'à Aspern, et qui derrière
présente une sorte d'abri derrière lequel son in- qui s'étend
liai 4 8Û<J.
dEssIing à
Aspern.
326 LIVHE XXXV.
faiilerio peut se mettre h couvert. Son artillerie,
quoique infétienre en nonibie et en approvision-
nements à celle de l'ennemi, reste seule sur la
parti(^ saillante de ce fossé, afin d'arrêter le mou-
vement des colonnes autrichiennes qui s'avancent
pour faire une tentative désespérée. En elTet, on
voit le corps de Hiller et une partie de celui de
Belleirarde se reporter sur Aspern, les deux co-
lonnes de Rosenberg s'approcher de nouveau
d'EssIing, enfin le corps de Hohenzollern rallié,
renforcé d'une partie de celui de Bellegarde, des
grenadiers, de la cavalerie de Liechtenstein, pré-
parer contre notre centre un effort semblable à
celui que Napoléon a tenté sur le centre des Au-
trichiens.
C'est .en efTet sur notre centre que l'orage paraît
Autrichiens d'abonl se diriger, car le corps de Hohenzollern,
les grenadiers, la cavalerie de Liechtenstein s'avan-
cent en formant une masse compacte. Napoléon s'en
aperçoit, prévient Lannes, qui s'en est également
aperçu, et ils demandent à la division Saint-Hilaire,
aux divisions Oudinot, à la cavalerie, de se dévouer
encore une fois au salut de l'armée. Lannes, dispo-
sant en première ligne les divisions Saint-Hilaire,
Claparède et Tharreau, en seconde ligne les cuiras-
siers, en troisième la vieille garde, laisse approcher
la masse épaisse du corps de Hohenzollern et des
grenadiers à demi-portée de fusil. Puis il ordonne
un feu de mousqueterie et de mitraille, exécuté de
si près et avec tant de justesse, qu'on voit bientôt
les lignes de l'ennemi s'éclaircir. Il lance ensuite
les cuirassiers à bride abattue sur l'infanterie au-
EfTort
des
sur
notre centre
entre Essling
et Aspern.
Mat 1809.
WAGRAM. 327
tricliieiine, qui, cédant en plusieurs points, est
entr'ouverle comme une muraille dans laquelle on
a fait brèche. Le brave prince Jean de Liechtenstein
se précipite à son tour avec sa cavalerie sur celle
de Bessières. Mais Lasalle, Marulaz viennent avec
leurs chasseurs et leurs hussards au secours de nos
cuirassiers, et ce vaste terrain ne présente bientôt
plus qu'une immense confusion de quinze mille ca-
valiers français et autrichiens, se chargeant les uns
les autres avec fureur, unis quand ils s'élancent,
désunis quand ils reviennent, et se ralliant sans
cesse pour charger de nouveau.
Après cette longue mêlée, le mouvement de l'en- L'effort
, I 1 des
nemi sur notre centre parait suspendu, et le corps Autrichiens
de Ilohenzollern, comme paralysé, s'arrête en face étlnt^rrêté*^
de l'épaulement qui s'étend d'Essling à Aspern. ^ y^Tmée
' ' - j française reste
Notre artillerie, en partie démontée, reste sur le immobiiesous
rebord du fossé, tii'ant avec justesse mais avec canonnade.
lenteur, à cause de la rareté des munitions, et ex-
posée au feu de plus de deux cents pièces de ca-
non. Nos fantassins s'abritent dans le fossé; notre
cavalerie , formant un rideau en arrière , et rem-
plissant l'espace d'Essling à Aspern, essuie avec
une admirable impassibilité une canonnade inces-
sante. Ainsi l'exige une impérieuse nécessité. Il
faut tenir jusqu'à la fin du jour, si on ne veut être
précipité dans le Danube qui continue de grossir.
En ce moment un affreux malheur vient frapper
l'armée. Tandis que Lannes galope d'un corps à Lannes
l'autre pour soutenir le courage de ses soldats, est frappé
i ^ ' mortellement
un officier, effrayé de le voir en butte à tant de par uu boulet
V ] qui
périls, le supplie de mettre pied a terre, pour de- lui fracasse
328
LIVUI-: \.\\v
■ nicnrcr moins pxnosé aux coiiiis. Il suit co, conseil,
Mai 18011. ' .... .
(|ii()i(iii(' hiciî |)rii lial)iliK' à iiiciuiircr sa vie, et,
les deux coidiik; sj If (Icstiii (Mail im iiiailrc aïKiuel on ne
genoux. 1
saillait (''('lia|)|)('r, il ol ;i I inslaul iiirinc atteint par
un i)()iil(i (]iii lui liacasso les daux genoux. Le
maréchal Ik's.sjères et le clief d'escadron César de
Laviile le recueillent noyé dans son sang et pres-
(pie évanoui, lîessières, qu'il avait fort maltraité la
\ cille, serre sa main défaillante, mais en détour-
nant la tcte de peur de l'olfenser par sa présence.
Ou retend sur le manteau d'un cuirassier, et on
le transporte pendant une demi-lieuc jiisiprau j)etil
pont où se trouvait une and)ulance. (^ette nouvelle,
connue l)ientol dans toute Tannée, y répand une
profonde tristesse. Mais ce n'est pas le temps de
pleurer, car le danger s'accroît à chaque minute.
Nouveaux f^os elforts de l'ennemi, arrêtés au centre, se
efforts , -, 4
de l'ennenn loiiniciil a\ ce liiicur sur k'S ailes, contre Aspern
sur les villa- t ■f ^• i > v, - n a i ' ' tt-u
ges d'Asporn ct lissung. i)u cotc (l Aspcm , ics geueraux Hiller
et d Essiin-. p{ Yacquaut dirigent des attaques réitérées sur ce
malheureux village, qui n'est plus qu'un amas de
ruines et de cadavres. On n'y marche que sur des
décombres, sur des poutres hrùlantes, ou sur des
mourants, dont les souffrances n'importent plus en
présence du danger (pii luenacc tout le monde. Les
tirailleurs de la garde, i\\]o Napoléon avait confiés
à ^las.séna, malgré leur jeune ardeur, malgré les
vieux officiers (pii les commandent, sont eux-
mêmes poussés en dehors du village. Aussitôt Le-
erand avec les débris de sa division, Carra Saint-Cvr
avec la moitié de la sieime, reprennent ce tas de
ruines fumantes sous les yeux delMasséna, qui est
WAGRAM. 329
au milieu d'eux brisé parla fatigue, mais élevé au-
dessus des faiblesses de la nature [)ar la force de '
son âme. Legrand, chargé d'exécuter ses ordres,
se montre partout, la pointe de son chapeau
coupée par un boulet, et obligé souvent de recou-
rir à son épée pour éloigner les baïonnettes enne-
mies de sa poitrine, A gauche, Molitor jette dans
le bras d'eau derrière lequel il est posté les Autri-
chiens qui veulent envahir l'îlot. Grâce à cette hé-
roïque résistance Aspern nous reste. Mais l'archi-
duc nourrit un dernier espoir, c'est d'emporter
Essling, Il fait envelopper cette position par les
deux colonnes de Rosenberg, et dirige avec les
grenadiers qu'il conduit en personne une attaque
furieuse sur le centre même du village. Bessières,
qui a remplacé Lannes , voit ce nouveau péril , et
s'occupe d'y parer. Napoléon, pour le secourir, lui
envoie les fusiliers de la garde, troupe superbe,
formée pendant les campagnes de Pologne et d"Es-
pagne, et près d'atteindre à cette perfection, qui se
rencontre entre l'extrême jeunesse et l'extrême
vieillesse du soldat. C'est le général Mouton qui est LesfusiHcr-
chargé de les commander. — Brave Mouton, lui dit '^•^ ^'^ S"'''^*^
~ ' sous
l'Empereur, faites encore un effort pour sauverl'ar- les ordres
. , „ .... du général
mée; mais finissez-en, car après ces lusiliers je Mouton,
n'ai plus que les grenadiers et les chasseurs de la unTdemlùrc
vieille garde, dernière ressource qu'il ne faut dé- '""jes'^*"
penser que dans un désastre. — Mouton part, et grenadiers
. , autrichiens
se dirige sur la gauche d'Essling, ou 1 attaque des contre
1- , • 1 • • •, 1 ' • j Esslins;.
grenadiers autrichiens paraissait plus a craindre.
Bessières, placé plus près des lieux, voit le danger à
droite, entre Essling et le Danube, et il n'hésite pas
Mai 1809.
330 I.IVHE XXXV.
à changer la direction indiquée par rEin|)ereur. Il
envoie partie de ces quatre l)ataillons dans Essling
môme, partie à droite entre le \illai^e et le fleuve.
Ce secours était urinent, car de front Essling était
menacé par les grenadiers, et à droite par les co-
lonnes de Rosenberg, prêtes à passer entre Ess-
ling et le Danube. C'était le général Boudet qui
détendait encore Essling depuis la veille. Cinq fois
les grenadiers conduits par le feld-maréclial d'As-
pre étaient revenus à l'attaque, et cinq fois ils
avaient été repoussés tantôt par la fusillade, tantôt
par des charges à la baïonnette. Néanmoins sur la
droite du village, que peu de monde défendait, Bou-
det tourné, enveloppé par l'une des deux colonnes
de Rosenberg, avait été obligé de se retirer dans
un grenier, vaste édifice, crénelé comme une forte-
resse. Il s'y maintenait avec une ténacité indomp-
table; mais assailli de toutes parts, il allait suc-
comber quand Mouton arrive avec les fusiliers de
la garde. Cette belle jeunesse arrache aux grena-
diers d'Aspre une partie du village, et arrête les
soldats de Rosenberg le long de l'espace qui s'é-
tendjusqu'au Danube. Pourtant ce premier acte d'é-
nergie ne suffit pas contre un ennemi quatre fois plus
nombreux, et résolu à tenter les derniers eil'orts
pour réussir. Mais Rapp survient avec deux nou-
veaux bataillons de ces mêmes fusiliers, et propose
au général Mouton de faire une charge générale à la
baïonnette. Tous deux en se serrant la main adop-
tent cette manière d'en finir, et fondent tête baissée
sur les Autrichiens. Ils leur portent un tel choc qu'ils
les refoulent à l'instant d'un bout du village à
Mai 1809.
WAGRAM. 334
l'aiitre , culbutent les soldats d'Asprc sur ceux
de Rosenberg, et les rejettent tous au delà d'Ess-
ling. Au même moment l'artillerie de la Lobau
prenant en écharpe les masses qui avaient passé
entre le fleuve et le village, les couvre de mi-
traille. Essling se trouve ainsi délivré.
Il y avait trente heures que cette lutte durait. Larchïduc
L'archiduc Charles épuisé, désespérant de nous je- désespérant
ter dans le Danube, commençant lui aussi à man- -eteriarmée
quer de munitions, prend enfui le parti de sus- franç^'s^e dans
^ . . 's Danube,
pendre cette sanglante bataille, Tune des plus renonce a ses
affreuses du siècle, et se décide à clore la jour- et termine
née en envoyant ce qui lui reste d'obus et de '^J°"^-^^^P^''
boulets sur les corps placés entre Aspern et Ess- canonnade.
ling. Aussi tandis que dans Aspern les généraux
Hiller et Bellegarde s'acharnent encore à disputer
quelques débris de ce malheureux village , vers
le centre et vers Essling, l'archiduc Charles fait
discontinuer les attaques, et se borne à porter
son artillerie en avafit pour tirer à outrance sur
nos hgnes. A un péril de ce genre il n'y avait
à opposer qu'une froide immobilité. Notre artille-
rie, démontée en grande partie, s'arrête comme
elle avait déjà fait sur le bord du fossé qui nous
couvrait, tirant d'intervalle en intervalle pour ga-
gner la fin du jour. L'infanterie s'établit en ar-
rière à moitié couverte par le terrain, et plus en
arrière encore se déploie notre belle cavalerie,
présentant deux fronts, l'un d'Essling à Aspern,
pour couvrir le centre de la position, l'autre en
retour, pour couvrir l'espace entre Essling et le
fleuve. Enfin la garde impériale, présentant deux
Mai 1S09.
332 II Vin- XXXV.
fronts parallèles à ceux de la cavalerie, demeure
ini|)assil)le sous les boulets, et on n'entend au
milieu de la canonnade, que ce cri des officiers :
Serrez les raniïs! Il n'y a plus en effet que cette
manœuvre à exécuter jus(|u'à la nuit, car il est
im|)()ssil)le, soit d'éloiLrner l'ennemi, soit de le fuir
par le pont qui conduit à la Lobau. Cette retraite
par une seule issue ne peut s'opérer qu'à la faveur
de l'obscurité, et dans le mois de mai il faut at-
tendre plusieurs heures encore les ténèbres salu-
taires qui doivent favoriser notre départ.
Napoléon n'avait cessé pendant la journée de se
tenir dans l'angle que décrivait notre ligne d'As-
pern à Essiing, d'Essling au fleuve, et où passaient
tant de boulets. On l'avait pressé plusieurs fois de
mettre à l'abri une vie de laquelle dépendait la vie
de tous. Il ne l'avait pas a oulu tant qu'il avait pu
Napoléon Craindre une nouvelle attaque. Maintenant que
le'champ l'ennemi épuisé se bornait à une canonnade, il ré-
de bataille a solut dc reconnaître de ses veux l'île de Lobau,
la chute ... "
du jour, pour d'v clioisir le meilleur emplacement pour l'armée,
aller préparer i,"^. ii- •• i
la retraite Q v faiTC cn uu uiot toutcs Ics dispositious de retraite.
deTobàu Certain de la possession d'Essling que les débris de
la division Boudet et les fusiliers occupaient, il fit
demanfler à Masséna s'il pouvait compter sur la
possession d'Aspern , car tant que ces deux points
d'appui nous restaient, la retraite de l'armée était
assurée. L'ofïicier d'état-major César de Laville,
envové à Masséna, le trouva assis sur des décom-
bres, harassé de fatigue, les yeux enflammés,
mais toujours plein de la même énergie. Il lui
transmit son message, et Masséna, se levant, lui
WAGRAM.
333
Mai 1809.
répondit a\ ec un accent extraordinaire : Allez dire
à TEmpereur que je tiendrai deux heures, six,
vingt-quatre, s'il le faut, tant que cela sera néces-
saire au salut de Tarmee. —
Napoléon, tranquillisé pour ces deux points, se
dirigea sur-le-champ vers Tîle de Lobau, en faisant
dire à Masséna, à Bessières, à Berthier, de le venir
joindre, dès qu'ils pourraient quitter le poste confié
à leur garde, afin de concerter la retraite qui de-
vait s'opérer dans la nuit. Il courut au petit bras,
lequel coulait entre la rive gauche et l'ile de Lobau.
Ce petit bras était devenu lui-même une grande
rivière, et des moulins lancés par Tennemi avaient
plusieurs fois mis en péril le pont qui servait à le
traverser. L'aspect de ses bords avait de quoi na-
vrer le cœur. De longues files de blessés, les uns se spectacle
traînant comme ils pouvaient, les autres placés sur présenfaiem
les bras des soldats , ou déposés à terre en atten- du'^^îr'^ont
dant qu'on les transportât dans l'île de Lobau, des qui condmsaii
cavaliers démontés jetant leurs cuirasses pour mar-
cher plus aisément, une foule de chevaux blessés
se portant instinctivement vers le fleuve pour se
désaltérer dans ses eaux, et s'embarrassant dans
les cordages du pont jusqu'à devenir un danger,
des centaines de voitures d'artillerie à moitié bri-
sées, une indicible confusion et de douloureux gé-
missements, telle était la scène qui s'offrait, et qui
saisit Napoléon. Il descendit de cheval, prit de
l'eau dans ses mains pour se rafraîchir le visage, et
puis apercevant une litière faite de branches d'ar-
bres , sur laquelle gisait Lannes qu'on venait d'am-
puter, il courut à lui, le serra dans ses bras, lui
à l'ile
de Lobau.
Mai 1809.
Napoléon.
:i:V4 I.IVIU, WW.
exprima rosporance do le ron.c.orver, et le trouva ,
(fuoi(|iie toujours li(''r()ï(|iio , \i\(Mn('nt afTecté de se
voir arrêter sitôt dans cette carrière de tjloire. —
Entrevue Yqus allcz ix'rdro. lui dit Lannes , celui qui fui
de Lannes et ' ' ' '
de votre uieilleur auii et Notre fidèle conii)ai!;non d'ar-
mes. Vivez et sauvez l'armée. — La malveillance
(jui couunençait à se déchaîner contre Napoléon,
et qu'il n'avait, hélas! que trop provoquée, ré-
pandit alors le bruit de prétendus reproches, que
J.annes lui aurait adressés en mourant. Il n'en fut
rien cependant. Lannes reçut avec une sorte de
satisfaction convulsive les étreintes de son maître,
et exprima sa douleur sans y mêler aucune parole
amère. H n'en était pas besoin : un seul de ses re-
i5'ards rappelant ce qu'il avait dit tant de fois sur le
danger de .guerres incessantes, le spectacle de ses
deux jambes brisées , la mort d'un autre héros
d Italie, Saint-Uilaire, frappé dans la journée, l'hor-
rible hécatombe de quarante à cinquante mille hom-
mes couchés à terre, n'étaient-ce pas là autant de
reproches assez cruels, assez faciles à comprendre?
Napoléon, après avoir serré Lannes dans ses bras,
et se disant certainement à lui-même ce que le héros
mourant ne lui avait pas dit, car le génie qui a com-
mis des fautes est son juge le plus sévère, Napoléon
remonta à cheval, et voulut profiter de ce qui lui
restait de jour pour visiter l'île de Lobau, et arrêter
.Napoléon ses dispositious de retraite. Après avoir parcouru
visitG rUô
de Lobau l'île dans tous les sens, avoir examiné de ses pro-
* d""jou?.""^ près yeux les divers bras du Danube qui, changés
en véritables bras de mer, roulaient les débris des
rives supérieures, il acquit la conviction que l'armée
Mai 1809.
WAGRAM. 3»5
trouverait dans ÏWc deLobau un camp retranché où
elle serait inexpugnable, et où elle pourrait s'abriter
deux ou trois jours, en attendant que le pont sur le
grand bras fût rétabli. Le petit bras qui la séparait
des Autrichiens était impossible à franchir en pré-
sence de Masséna, qui serait là pour en disputer le
passage. La largeur de File ne permettait pas qu'en
l'accablant de boulets on la rendît inhabitable pour
nos soldats. Enfin en em[)loyant tout ce qu'il y avait
de bateaux sur la rive droite, on parviendrait à ap-
porter des vivres, des munitions, de manière (jue
l'armée eût de quoi subsister et se défendre. Ces vues
promptement conçues et arrêtées. Napoléon revint
à la nuit vers le petit bras. Le maréchal Masséna s'y
était transporté dès qu'il avait cru pouvoir confier la
garde d'Aspern à ses lieutenants. Le maréchal Bes-
sières, le major général Berthier, quelques chefs
de corps, le maréchal Davout venu en bateau de
la rive droite, étaient réunis à ce rendez-vous assigné
au bord du Danube, au milieu des débris de cette
sinistre journée. Là on tint un conseil de guerre. conseil
Napoléon n'avait pas pour habitude d'assembler de de guerre tenu
^ *^ ^ .au bord
ces sortes de conseils, dans lesquels un esprit in- du Danube
certain cherche, sans les trouver, des résolutions xapoiéon et
qu'il ne sait pas prendre lui-même. Cette fois il n^aréchaux.
avait besoin, non pas de demander un avis à ses
lieutenants, mais de leur en donner un, de les rem-
plir de sa pensée, de relever l'âme de ceux qui
étaient ébranlés , et il est certain que , quoique leur
courage de soldat fût inébranlable, leur esprit
n'embrassait pas assez les difficultés et les ressour-
ces de la situation , pour n'être pas à quelques de-
Mai 1809.
336 LIVRE XXXV.
grés surpris, Irouhlé, aballu. Le caracttMC qui fait
supporter les revers est plus rare que l'héroïsme
(jui fait l)ra\er la mort. Napoléon, calme, confiant,
ciir il Noyjiil dans ce (pii était ani\é un pur acci-
«icnt (|ui n'avait rien d'irréparable, [provoqua les
ofliciers présents à dire leur avis. En écoutant les
discours tenus devant lui. il put se con\aincre
que ces deux journées avaient produit une forte
inipression, et que quelques-uns de ses lieutenants
étaient partisans de la résolution de repasser tout
de suite, non-seulement le petit bras afin de se re-
tirer dans l'île de Lobau, mais aussi le grand bras,
afin de se réunir le plus tôt possible au reste de
l'armée, au risque de perdre tous les canons, tous
les chevaux de l'artillerie et de la cavalerie, douze
ou quinze mille blessés, enfin l'honneur des armes.
oxpnmée°par A peine uue telle pensée s'était-elle laissée entrevoir
,1 ^T°'onscii ^"^ Napoléon, prenant la parole avec l'autorité qui
assemblé lui appartenait, et avec la confiance non pas feinte,
au bord . ' '. , , • • • • ,, - , ,
du Danube, mais smcerc , que lui inspirait 1 étendue de ses res-
sources, exposa ainsi la situation. La journée avait
été rude, disait-il, mais elle ne pouvait pas être
considérée comme une défaite, puisqu'on avait
conservé le champ de bataille, et c'était une mer-
veille de se retirer sains et saufs après une pareille
lutte, soutenue avec un immense fleuve à dos, et
avec ses ponts détruits. Quant aux blessés et aux
morts, la perte était grande, plus grande qu'aucune
de celles que nous avions essuyées dans nos lon-
gues guerres, mais celle de l'ennemi avait dû être
d'un tiers plus forte; on pouvait donc être certain,
assurait Napoléon, que les Autrichiens se tiendraient
. WAGRAM. 337
tran([i)illes pour long-temps, et (piOn aurait le
loisir de rallier l'armée d'Italie qui arrivait victo-
rieuse à travers la Styrie, de ramener dans les
rangs les trois quarts des blessés, de tirer de France
les nombreux renforts qui étaient en marche, d'é-
tablir sur le Danube des ponts de charpente aussi
solides que des ponts de pierre, et qui feraient du
passage du fleuve une opération ordinaire. Napo-
léon ajoutait qu'après tout, lorsque les blessés se-
raient rentrés dans les rangs, ce ne seraient que
dix mille hommes de moins de notre coté, pour
quinze mille du côté de l'adversaire, et deux mois
de plus dans la durée de la campagne; qu'à cinq
cents lieues de Paris, soutenant une grande guerre
au sein d'une monarchie conquise , au milieu même
de sa capitale, un accident de cette espèce n'a-
vait rien qui dut étonner des gens de courage,
rien que de très -naturel, rien même que d'heu-
reux, si on songeait aux dillicultés de l'entreprise,
qui consistait à passer devant une armée ennemie
le plus grand fleuve de l'Europe pour aller livrer
bataille au delà. Il ne fallait donc, suivant lui,
ni s'alarmer, ni se décourager. H y avait un mou-
vement rétrograde qui était convenable et néces-
saire, c'était de repasser le petit bras du Danube,
pour se renfermer dans l'île de Lobau , pour y
attendre l'abaissement des eaux et le rétablisse-
ment des ponts sur le grand bras; mouvement fa-
cile, qui se ferait la nuit, sans inconvénient, sans
perdre ni un blessé, ni un cheval, ni un canon,
sans perdre surtout l'honneur des armes. Mais il y
avait un autre mouvement rétrograde à la fois dés-
ion. X. 22
Mai 180*.).
Mai 1809.
338 1.1 VKK XWV.
honorant et désastnnix, ce serait de repasser non-
seulement le petit bras, mais le grand, en repas-
sant celui-ci tant hien que mal, avec des barques
qui ne pourraient transporter que les hommes vali-
des, sans un canon, ni un cheval, ni un blessé,
en renonçant surtout à iile de Lobau, qui était
une con(iuète précieuse, et le vrai terrain d'un pas-
sage ultérieur. Si on agissait de la sorte, si au lieu
de soixante mille qu'on était au départ on repassait
au nombre de quarante mille, sans artillerie, sans
chevaux, en abandonnant au moins dix mille bles-
sés capables de servir dans un mois, on ferait
bien en revenant de ne pas se montrer aux Vien-
nois, qui accableraient de mépris leurs vainqueurs,
et appelleraient bientôt l'archiduc Charles pour
chasser les Français d'une capitale où ils n'étaient
plus dignes de rester. Et dans ce cas ce n'était
pas à une retraite sur Vienne, mais à une re-
traite sur Strasbourg qu'il fallait se préparer. Le
prince Eugène, en marche sur Vienne, y trouve-
rait l'ennemi, au lieu de l'armée française, et pé-
rirait dans ce coupe-gorge; les alliés effrayés, de-
venus traîtres par faiblesse, se retourneraient contre
nous; la fortune de l'Empire serait anéantie, et la
grandeur de la France détruite en quelques se-
maines. En un mot Napoléon prévit, annonça avec
précision, comme devant se réaliser sous quinze
jours, tout ce que sa politique lui a valu cinq ans
plus tai'd, si au lieu de se retirer fièrement dans la
Lobau, on avait la faiblesse de traverser précipi-
tamment le grand Danube, laissant à l'autre bord
ses camarades blessés, son matériel, son honneur.
WAGRAM. 339
Pour agir d'ailleurs comme il le conseillait, il ne
fallait que peu d'etlbrts. Masséna tiendrait à Aspern
jusqu'à minuit, défderait ensuite avec l'armée sur
le petit pont, défendrait la Lobau le lendemain
contre les entreprises de l'ennemi, et attendrait
derrière le petit bras du Danube les vivres et les
munitions qu'on allait lui envoyer en bateaux. Pen-
dant ce temps on rétablirait le grand pont, et si,
contre toute vraisemblance, l'archiduc Charles osait
faire une tentative, en descendant sur Presbourg
ou en remontant jusqu'à Krems, pour se transporter
sur la rive droite, et venir nous disputer Vienne, le
maréchal Davout lui tiendrait tête avec ses 30
mille hommes, qui valaient 60 mille Autrichiens,
avec le reste des cuirassiers, avec la cavalerie de la
garde qui n'avaient point passé, avec les Wurtem-
bergeois, les Bavarois, les Saxons. Ainsi ^[asséna,
Davout, leur dit-il, vous vivez, et vous sauverez
l'armée, en vous montrant dignes de ce que vous
avez déjà fait. — Masséna, souvent mécontent, blâ-
mant même avec amertune la précipitation qu'on
avait mise à passer le Danube, Masséna, transporté
de tant de raison et de fermeté, saisit la main de
Napoléon et lui dit : — Vous êtes, sire, un homme
de cœur, et digne de nous commander! Non, il ne
faut pas fuir comme des lâches, qui auraient été
vaincus. La fortune nous a mal servis, mais nous
sommes victorieux néanmoins, car l'ennemi qui
aurait dû nous précipiter dans le Danube a mordu
la poussière devant nos positions. Ne perdons pas
notre attitude de vainqueurs, ])ornons-nous à re-
passer le petit bras du Danube, et je vous jure d'v
Mai 1800.
Vif
assentiment
donné
par Masséna
aux paroles
de Napoléon.
-)9
:U0 I.IVHK XXXV.
noyer luiil Aulriciiieu (iiii Noiidrail le IVaiicliii' à
Mai 1809. *^ . -^ . , ^ . ,
notre .suite. — Davout proniil de son cote de
ij'arder Vienne, et de repousser toute; attaque qui
viendrait |)ar Presijourii; ou par Krenis, pendant
l'opération du rétablissement des ponts, oj)éra-
tion après laquelle Tarniée réunie sur une seule
rive n'aurait plus rien à craindre de l'archiduc
(iharlcs.
Tous les cœurs se trouvèrent raffermis à la suite
Haffermisse- ^^^ ^^ conseil teuu au bord du Danube, sous les
ment demicrs boulets lancés par les Autrichiens. Il fut
des cœurs '■
a la suite couvcnu que Masséua prendrait le conunandement
du conseil ./.in ^ i • • i • <
deguerretenu en chef dc 1 armcG , emploierait la nuit a traverser
^"du 22°"^*^'^ le petit bras, tandis que Napoléon repa.ssant de sa
personne le i^rand bras avec Berthier et Da^out,
irait diriger lui-même les deux opérations qui pres-
saient le plus, l'envoi dans la Lobau de munitions
de guerre et de bouche, et le rétablissement du
grand pont. On se quitta consolés, résolus, cou-
Apres avoir liants les uns dans les autres. Pendant que Mas-
u retraite ^^"^ Fetoumait à Aspern, Napoléon se rendit à
dans travers la Lobau sur le bord du bras principal du
1 île de Lobau, ,
et en avoir Danube , aprcs avoir donné tous ses ordres. Il
la dh-ection ^ut de la peine à franchir plusieurs gros ruis-
.1 Massena, gg^u;^ quj s'étaient formés dans l'intérieur de l'île
Napoléon i
repasse le Da- pjjp suitc de la crue des eaux. Il arriva entre onze
nube dans . . .
lo nuit. heures du soir et minuit au bord du grand Da-
nube, et voulut le passer immédiatement. Le péril
était grave, car outre une obscurité profonde il
fallait braver les énormes corps flottants que le
courant entraînait, et qui heurtant la frêle barque
dans laquelle Napoléon allait monter, pouvaient la
WAGKA.M.
341
submerger. Mais il n'y avait pas à liosiler en pré-
sence des grands devoirs qui restaient à re!n|)Iir,
et avec la confiance de César au milieu des flots
de l'Épire, Napoléon sY-mbarqua sur un es(iiiif,
accompagné de Berlliier et de Savary, conduit |)ar
quelques pontonniers intrépides, qui le transpor-
tèrent sain et sauf sur l'autre rive. A peine dé-
l)arqué à Ehersdorf il donna ses premiers ordres
pour attirer sur ce point toutes les barcpics dis-
ponibles, les remj)lir de biscuit, de vin, d'eau-
de-vie, de gargousses, de cartouches, d'objets de
pansement, et les diriger sur l'île de Lobau. Les
bateaux détachés du grand pont détruit suffisaient
dans le moment, [)our porter le nécessaire à l'ar-
mée de l'autre coté du fleuve. On commença cette
opération dans la nuit même, ou plutôt on la con-
tinua plus activement, car après la rupture du pont,
on avait déjà eu recours à ce moyen dans le cou-
rant de la journée.
Pendant ce temps Masséna, investi du conunan-
dement en chef, avait couru à Essling et Aspern
pour préparer la retraite. Les attaques directes
contre ces deux points avaient cessé. Les Autri-
chiens s'en tenaient à une canonnade, toujours plus
lente à mesure que la nuit avançait, et qui de
loin en loin, ici ou là, faisait quelques victimes
dans l'ombre. Nos adversaires épuisés se laissaient
tomber de lassitude sur ce champ de carnage,
tandis que la vigilance, indispensable dans notre
position critique, nous obligeait à nous tenir de-
bout, bien que notre fatigue fut égale à celle des
Autrichiens. Vers minuit, Masséna fit commencer
Mai ISu:
Mesures
de Masséna
pour assurer
la retraite
de l'armée
dans
l'île de Lobau.
Mai «80y.
342 LIVRE XXXV.
la retraite par la tiarde impériale, qui était la plus
rapprochée du lleuve. Chaque corps devait défiler
Défilé parle petit |)ont, euiportant ses blessés, emmenant
de l'armée par » » » ' » ^
le petit pont, ses canons , laissant seulement ses morts, dont,
la Duit du 2-2 hélas ! le nond)re n'était que trop considérable.
au 23 mai. \p,,\s [y garde vint la grosse cavalerie, et comme
beaucoup de soldats avaient jeté leurs cuirasses,
Masséna les fit ramasser par les cavaliers démon-
tés, ne voulant abandonner à l'ennemi que le moins
de trophées possible. Une partie de la cavalerie lé-
gère demeura en ligne avec les voltigeurs pour faire
devant Aspern et Essling un semblant de résistance.
Puis les divisions Saint-Hilaire et Oudinot défilèrent
à leur tour, chacune emportant ce qui lui restait
encore de blessés sur le terrain. Les divisions Le-
grand. Carra Saint-Cyr suivirent, et enfin, à la
pointe du jour du 23, les généraux Boudet et Mo-
litor, quittant Essling et Aspern, s'enfoncèrent dans
le bois qui couvrait le rentrant du fleuve, escortés
par une nuée de leurs tirailleurs. L'ennemi harassé
ne s'aperçut pas du mouvement rétrograde de nos
troupes. Ce ne fut que vers cinq ou six heures du
matin que, voyant nos postes avancés disparaître
peu à peu, il conçut le soupçon de notre retraite,
et songea à nous suivre. 11 le fit lentement sans
nous inquiéter beaucoup. Entré toutefois dans
Essling et parvenu au bord du fleuve , il put décou-
vrir le petit pont sur lequel passaient nos dernières
colonnes. Il dirigea aussitôt ses boulets de ce côté,
tandis que ses tirailleurs débouchant à travers le
bois nous décochaient des balles. Masséna, avec
quelques ofliciers de son état-major, était resté sur
WAGRAM.
343
la ri\e gauche, résolu à passer le dernier. On lui
fit remarquer que nos postes commençaient à être
vivement pressés, qu'il pouvait être subitement as-
sailli, que le moment était venu de replier le pont,
et de mettre fin à cette résistance sans exemple.
Il ne voulut rien entendre tant qu'il aperçut sur
la rive gauche quelque débris à sauver. Courant
en tout sens, il s'assura par lui-même qu'on ne
laissait pas un blessé, pas un canon, pas un objet
de quelque valeur dont l'ennemi eût à s'enorgueil-
lir. Il fit ramasser encore ce qu'il put de fusils,
de cuirasses jetés le long du Danube, et comme çà
et là des chevaux blessés et sans maîtres erraient
au bord de l'eau, il les fit chasser vers le fleuve
pour les obliger à le traverser à la nage. Enfin ne
voyant plus aucun devoir à remplir sur cette rive
devenue un sol ennemi , et les balles des tirailleurs
pleuvant déjà autour de lui, il s'embarqua le der-
nier, aussi fier que lorsqu'il sortait de Gênes dans
une simple embarcation sous le feu de l'escadre
anglaise. Il fit couper les amarres du pont que le
courant du fleuve reporta bientôt vers l'autre bord,
et en quelques minutes il fut dans la Lobau, les
Autrichiens se contentant d'assister à la retraite vo-
lontaire de leurs adversaires.
Ainsi se termina cette bataille de deux jours,
l'une des plus sanglantes du siècle, et qui commença
la série de ces abominables carnages des derniers
temps de l'Empire, où l'on détruisait en une journée
l'équivalent de la population d'une grande ville.
Le nombre des morts et des blessés, pour celle-ci
comme pour les autres, ne saurait être que diffici-
Mai 1809.
Embarque-
ment
de Masscria,
qui se retire
le dernier
dans
l'Ile de Lobau.
Résultats
et caractères
de la bataille
d'Essling.
Mai 1809.
îîi LIVRE XXXV.
Icniont précisé. On peut évaluer la perle des Au-
trichiens à 2G ou 27 mille ' morts et blessés, à 1 o
ou IG mille celle des Français, De notre coté, la
pénurie des ressources dans Tile de Lobau, pen-
dant les premiers moments, devait rendre les bles-
sures exlréuiement dangereuses. Ce qui expliquait
l'énorme dillerence des pertes, c'est que les Autri-
chiens avaient combattu toujours à découvert, et
que nous au contraire avions été abrités durant
une partie de ces journées par quelques obstacles de
terrain. Quant aux prisonniers, il n'en avait été fait
d'aucun côté, sauf quelques centaines enlevés dans
Aspern et Essling, et envoyés dans la Lobau. C'était
une bataille sans autre résultat qu'une abominable
effusion de sang, effusion, comme on vient de le
voir, plus grande pour l'ennemi que pour nous, et
qui nous laissait tous nos moyens de passage, puis-
conscqucnces que l'île de Lobau nous restait. La plus grave con-
morales , . .,,-. i- - '•
de la bauiiic so([uence de ces journées d Esslmg, c était ce qu on
^*'°^' allait en dire, c'étaient les exagérations de nos en-
nemis prompts à publier en Allemagne et dans toute
l'Europe, que les Français étaient vaincus, acca-
blés, en pleine retraite. Or Napoléon, combattant
au milieu du continent prêt à s'insurger contre lui,
obligé de se maintenir au sein de la capitale en-
nemie, où quatre cent mille habitants n'attendaient
qu'un signal pour se soulever, ayant besoin sur ses
derrières de routes sûres pour amener ses renforts,
' Loiir hiillotin officiel avouait 50 mille, et quand on sait à quel point
ils y déli^uraient la vérité à leur avanta}i;e, on doit supposer un nomlirc
infiniment plus considérable. C'est d'après divers documents contenus
au dépôt de la guerre, et émanés des Autrichiens eux-mêmes, que je
m'arrête au chiffre indiqué ici.
Mai 1809.
WAGRAM. 345
ne pouvait se passer du prestige de son invincibilité.
Matériellement il était plus fort, puisqu'il avait
moins perdu que son adversaire, et qu'il avait re-
trempé le cœur de sa jeune armée dans une épreuve
formidable; moralement il était plus faible, parce
que ses ennemis allaient triompher d'une prétendue
défaite, qui en réalité était une victoire, car c'était
vaincre que de soutenir une telle lutte avec ses
ponts détruits. Quant à sa conduite comme gêné- Ouei
rai, on ne pouvait qu adnnrer le choix de 1 île de on peut porter
Lobau, choix qui avait rendu possible une o[)ération ^^ conduite
dans tout autre cas impraticable, et qui permettait militaire
, , , • » "^^ Napoléon.
qu'une position désastreuse , d'où l'on n'aurait dû
sortir que noyés ou prisonniers, finît par la plus fa-
cile, la moins troublée des retraites. Mais on devait
blâmer la précipitation que Napoléon avait mise à
traverser le fleuve dans une telle saison, avant d'a-
voir réuni des moyens suffisants de passage. En cela
il était reprochable assurément, mais tant de motifs
excusaient son impatience d'occuper les deux rives
du Danube, qu'on peut lui pardonner d'avoir trop
compté sur la fortune, dans le désir d'épargner le
temps. Son tort véritable, son tort éternel, c'était
cette politique sans frein, qui, après l'avoir porté
sur le Niémen d'où il était revenu à force de mi-
racles, l'avait porté ensuite sur l'Èbre et le Tage
d'où il était revenu de sa personne en y laissant
ses plus belles armées, l'entraînait maintenant de
nouveau sur le Danube où il ne parvenait à se sou-
tenir que par d'autres miracles, miracles dont la
suite pouvait à tout moment s'interrompre, et abou-
tir à des désastres. C'est là, disons-nous, qu'était
Mai 1809.
3.i6 LIVRE XXXV.
son tort, car le p;énéral ne commettait de fautes
que sous la contrainte ({u'exerçait sur lui le plus
imprudent des politiques.
Divers Quant à rarcliiduc Charles, fort critiqué depuis,
^"p«"tés^ surtout par ses compatriotes, car c'est ordinaire-
^"n^uuire "^ uieut chcz SCS concitoycns qu'on recueille le plus
de l'archiduc d'amortume, il deplova une grande éneriiie, quoi
Charles. , . " . , ^ ,
qu ou ait pu dire ; et si on trouve étonnant qu il
n'ait pas précipité l'armée française dans le Da-
nube , c'est qu'on oublie la puissance des positions
choisies par son adversaire, l'impossibilité d'arra-
cher Essling et Aspern à soixante mille Français,
commandés par Lannes et Masséna, et réduits à
vaincre ou à périr; c'est qu'on oublie les avantages
de l'ile de Lobau, qui, Essling et Aspern nous res-
tant , était facile à regagner, et devenait alors un
asile inviolable. Chercher à forcer le petit bras de-
vant Masséna, sans avoir de pont, ou même en
ayant un , c'eut été de la part du généralissime au-
trichien une entreprise folle, que lui ont fort repro-
ché de n'avoir pas tentée des gens qui auraient été
incapables de l'exécuter. Ce qu'ont dit avec plus
de raison certains juges impartiaux, c'est que pen-
dant la bataille il étendit beaucoup trop le demi-
cercle tracé autour des Français, et l'étendit au
point de s'exposer à être coupé par le milieu; c'est
qu'en se concentrant davantage à sa droite, et en
employant toutes ses forces à faire une percée vers
Aspern, il aurait eu plus de chance peut-être de nous
couper du Danube. En répétant ces critiques, il
faut ajouter aussi que s'il eut agi de la sorte, il eût
probablement trouvé à Aspern les forces qu'il n'au-
Mai 4 809.
WAGRAM. 347
rait pas attirées ailleurs , et qui se seraient repor-
tées sur le point qu'il aurait exclusivement at-
taqué. Après une si affreuse lutte, après de si
héroïques efforts , il faut savoir admirer le dévoue-
ment, et se taire, quel qu'ait été le résultat, devant
des actes d'énergie que les hommes ont rarement
égalés.
C'est pendant les jours qui suivirent que l'archi- cequc
duc Charles eût pu exécuter des choses qu'il n'es- chartes aurait
saya même pas. L'armée française, en effet, partie ^"J^i^tam?^
dans l'île de Lohau, partie sur la rive droite du dEssiing.
Danube, coupée en deux par la principale masse
des eaux du fleuve, se trouvait dans une position
critique. Certes Napoléon, dans sa jeune ardeur,
quand général d'Italie il poursuivait si activement
ses succès, n'aurait pas laissé échapper l'occasion
qui s'offrait en cet instant. Si, effectivement, il
était impossible à l'archiduc Charles de forcer le
petit bras du fleuve qui le séparait de la Lohau,
de le forcer devant Masséna et les quarante-cinq
mille hommes qui restaient à ce dernier, il n'était
pas à beaucoup près aussi impossible de tenter au-
dessus ou au-dessous de Vienne, l'un de ces pas-
sages que Napoléon redoutait si fort, et contre la
réalisation desquels il avait employé tant et de si
ingénieuses précautions.
Si en effet l'archiduc Charles eût marché sur
Presbourg, qu'il y eût traversé le Danube, et que,
remontant la rive droite, il fût venu attaquer le ma-
réchal Davout, qui n'aurait pas eu quarante mille
hommes à lui opposer, il se serait donné sans doute
de belles chances de nous faire essuver un désastre.
M;ii ISU'.l.
348 I.IVHK XXXV.
■Miiis il aurait eu quelque chance aussi d'en essuyer
un lui-même, car il ne lui aurait |)as fallu moins de
deux jours pour descendre le Danube, deux pour
le remonter, et dans ces (juatre jours, il y avait
beaucoup de probabilité (|ue le grand pont rétabli
momentanément permettrait à l'armée française de
repasser sur la rive droite. Dans ce cas l'archiduc
Charles aurait trouvé 80 mille hommes à com-
battre, n'en pouvant amener que 70 mille tout au
plus, car la bataille d'EssIing lui en avait coûté 26
ou 27 mille. Il pouvait donc être refoulé, détruit,
rejeté en pièces sur la Hongrie. Il restait à tenter
une autre opération, aussi hasardeuse, mais plus
décisive encore, si elle eût réussi. C'était, au lieu
de descendre le Danube, de le remonter au con-
traire, de rallier les 25 mille hommes de Kollo-
vrath , ce qui eût reporté l'armée autrichienne à
95 mille combattants , de franchir le tleuve à l'un
des points qui se trouvent entre Krems et Lintz,
d'y surprendre le passage contre les Saxons de
Bernadotte ou les Wurtembergeois de Vandamme,
et de déboucher sur les derrières de Napoléon. Ici
le passage était moins certain, puisqu'il fallait le
disputer, mais il olfrait de grandes chances de réus-
site contre les troupes qui gardaient le fleuve, il se
faisait avec 25 mille hommes déplus, il amenait
une concentration de forces supérieure à toutes
celles que Napoléon pouvait exécuter dans le mo-
ment, il n'exigeait que deux ou trois jours; il pro-
curait le moven de battre en détail avant leur réu-
nion, les Saxons, les Wurtembergeois, les divisions
du maréchal Davout dispersées entre Saint-Polten,
WAGRAM. 349
Vienne, Ebersdorf; enfin, en cas de succès il pla-
çait Napoléon dans la position du général Mêlas
après la bataille de Marengo. 31ais aussi en pla-
çant un tel adversaire, une telle armée, dans de
telles extrémités, il provoquait de leur part des
elTorts extraordinaires , un dévouement dont il fal-
lait peu se flatter de triompher, et par conséquent
des périls immenses. Plus décisif encore, mais plus
hasardeux, ce plan était donc moins présumable
de la part de l'archiduc.
Quoi qu'il en soit de ces diverses combinaisons,
l'archiduc Charles raisonna autrement, ou, pour
mieux dire, il agit autrement, car dans ces occa-
sions on ne raisonne pas , on agit instinctive-
ment, d'après son caractère; et ce n'eût pas été
un tort, si en suivant le plan le plus conforme
à son caractère, le généralissime autrichien avait
fait tout ce qui était possible et convenable dans
le système qu'il adoptait. Il n'avait su que le
23 mai, c'est-à-dire le lendemain des deux jour-
nées du 21 et du 22, s'il était vainqueur ou non,
et bien qu'il écrivît partout qu'il l'était, il n'en
avait pas la conviction sincère, car tout en ayant
empêché Napoléon de déboucher au delà du Da-
nube, il n'avait pu l'empêcher de se retirer paisi-
blement dans la Lobau, de garder son champ de
bataille, et surtout de conserver des movens ulté-
rieurs de passage. Outre que sa victoire pouvait
être considérée comme douteuse , l'archiduc se res-
sentait cruellement de ces deux jours de combats
acharnés. Son armée diminuée de près d'un tiers
était épuisée, et dans un état d'accablement dont
Mai 1809.
Mai 1809.
350 LIVRE XXXV.
ne se lendenlpas complc ceux (jui jii|2;eant les p:é-
néraux après l'événement, leur reprochent de n'a-
voir pas suivi des plans aux(juels il n'y avait pas
même à penser en face de la réalité des choses. Il
Dispositions était personnellement peu disposé à recommencer.
charieTÏjfrès ^^^^ *^^ première fois il se trouvait devant Napoléon
la bataille g^ns avoir succombé , et tout étonné de ce triom-
d'Essling.
plie inusité , il voulait en jouir avant de courir de
nouvelles chances. 11 avait dans ses pertes, dans
l'insufiisance des forces qui lui restaient , dans la
destruction de ses munitions qui étaient entière-
ment consommées, il avait des motifs d'attendre,
et de goûter en repos le plaisir d'un succès ines-
péré. Et il y avait bien, il faut le reconnaître, quel-
ques considérations sensées à faire valoir en faveur
de cette manière de se conduire. Il pouvait se dire,
en effet, que le temps était à son avantage, que ne
pas périr était beaucoup quand on se battait dans
son pays, à portée de ses ressources, entouré de
toutes les sympathies de l'Allemagne, qui ne de-
mandait qu'une occasion pour éclater. Il pouvait
se dire que Napoléon au contraire, à plusieurs cen-
taines de lieues de sa frontière, vivant au milieu
de populations ennemies, au sein d'une capitale
conquise et frémissante, ne s'y maintenant que par
le prestige de son invincibilité, avait besoin pour
se soutenir de coups d'éclat continuels, et surtout
d'en finir vite pour en finira son honneur; que pour
le général français, passer le Danube était la condi-
tion indispensable de tout succès définitif, et qu'a-
voir échoué dans ce passage était un échec moral
autant qu'un échec matériel; qu'il valait mieux par
WAGRAM. ■ 351
conséquent persister à lui opposer un genre d'ob-
stacle qui seul l'avait arrêté jusqu'alors, et persévérer
dans une tactique qui avait réussi, que d'aller soi-
même s'offrir à ses coups, et risquer des batailles
douteuses en essayant un passage hasardeux , au-
dessous ou au-dessus de Vienne. L'archiduc Charles
pouvait se faire, et se fit ces raisonnements, qui
étaient sages , qui méritaient même d'être approu-
vés, si, adoptant un pareil plan, il le suivait dans
toutes ses conséquences, s'il employait le temps qui
allait s'écouler à renforcer l'armée autrichienne , à
rendre le Danube de plus en plus difllcile à fran-
chir, et à soulever autour de Napoléon les résis-
tances de toute nature , qu'un avantage obtenu
sur lui devait naturellement provoquer. C'est au
moins ce qu'il parut faire dans les premiers mo-
ments, s'attachant à garder plus fortement que ja-
mais sa position vis-à-vis de Vienne, s'étudiant à
augmenter les difficultés de tout passage ultérieur
du Danube, concentrant sur ce point le plus de
forces possible, donnant à l'archiduc Jean l'ordre
de l'y rejoindre au plus tôt, et surtout chantant
victoire en Allemagne , écrivant partout que les
Français avaient été battus, presque détruits, par-
lant de trente à quarante mille morts ou blessés,
d'autant de prisonniers, de façon que si ces bruits
avaient été vrais il ne serait pas resté un soldat à
Napoléon; parlant en outre d'une retraite inévitable
et prochaine des Français sur Lintz, Passau et Stras-
bourg même, promettant enfin à tous leur déli-
vrance générale et certaine, si l'Europe, et particu-
lièrement l'Allemagne , voulait seconder l'Autriche
Mai 1809.
Mai 1809.
3:).' Liviti-: xxxv.
par un seul elVort. Houreusomont pour Napoléon,
ce que l'archiduc sut faire do. mieux j)Our user de
sa victoire, ce fut de se vanter du succès obtenu,
et vanité à part, c'était quelque chose d'utile, on
le verra bientôt, que de se vanter beaucoup, morne
au delà de toute vérité et de toute mesure.
En efl'et. Napoléon avait bien moins à redouter la
conséquence matérielle de la bataille d'EssIing que
ses conséquences morales. En réalité, bien qu'il eut,
comme nous l'avons déjà dit , échoué dans un pas-
sage du Danube tenté prématurément, il conservait
en gardant l'île de Lobau la base de tout passage
ultérieur, et il avait beaucoup plus alfaibli l'en-
nemi en soldats qu'il ne s'était affaibli lui-mérne.
Mais ce qu'on allait dire en Allemagne, en France,
en Europe de ces deux grandes journées , pouvait
provoquer des résistances imprévues, diminuer
l'ascendant moral dont il avait besoin pour être
obéi, et pour attirer à lui toutes les ressources de
son empire. Cependant il ne s'inquiéta pas plus
qu'il ne fallait de l'avantage qu'on allait tirer des
derniers événements ; il écrivit en tous lieux pour
redresser l'opinion , pour que les deux journées
d'EssIing fussent envisagées comme elles devaient
l'être, et par-dessus tout, il prit des mesures vi-
goureuses afin de réparer cet échec apparent ou
réel, afin d'en tirer môme dans un avenir prochain
des résultats inattendus et décisifs.
Le premier Lc premier danger auquel il fallait pourvoir, c'é-
de Na7oiéon, tait unc tcntativc de l'archiduc Charles pour passer
la batifiie '^ P^^^^ ^^^^^ ^^^ Dauubc, ct cuvahir l'île de Lobau,
d'Kssiing. Napoléon ne le craignait guère, moyennant que les
WAGRAM. 3:33
quarante-cinq mille hommes demeurés sous Mas-
sena dans cette île mimense eussent des vivres,
des munitions, des effets de pansement. Son pre- ^^^ denvoyer
mier soin, comme on vient de le voir, fut de leur nie de Lobau
en envoyer dans la nuit même du 22 et dans la "^etTes^*
journée qui suivit. Ce qui restait de bateaux du '""'"^"'"*-
grand pont détruit fut employé à cet usage , et en
trente-six heures Masséna eut assez de gargousses
et de cartouches pour arrêter tout essai de pas-
sage, assez de biscuit pour préserver ses soldats
de la faim. Les cerfs et les chevreuils, qui exis-
taient abondamment dans Tile de Lobau, devaient
fournir la viande à celte troupe de quarante-cinq
mille chasseurs. Ainsi, grâce au dévouement des
pontonniers, qui, malgré la crue extraordinaire
du Danube , malgré les énormes corps flottants dont
il fallait braver le choc, ne cessèrent d'opérer au
milieu des plus grands périls un trajet extrêmement
pénible, l'armée eut le nécessaire pour se défendre
et pour vivre.
Le second danger dont on devait s'occuper sur- l^ ^^^^^^
le-champ, c'était la possibilité d'un passage vers ^ xa'"iéon
Presbourg , le seul auquel Napoléon accordât est de rétablir
, ,,.,... les ponts
quelque créance, parce que c était celui qui exi- du Danube.
• ,, -iiT HT* " pour ramener
geait le moins de hardiesse. Mais pour parer a larméesur
celui-là, il fallait avoir vaincu une grave difliculté, '^ nve droite,
' o 7 et parer
c'était de rétablir le pont sur le grand bras, ne à un passage
* • "^ des
ut-ce que temporairement, car, sans ce pont, le Autrichiens
maréchal Davout était exposé à se trouver seul p,csbourg.
avec deux de ses divisions, et avec ce qui n'avait
point passé de la garde et de la grosse cavalerie,
pour résister à l'archiduc Charles. La troisième di-
TOM. X. 23
3:i4 I.IVHK WXV.
vision (kl inarôclial Davoul, celle de Morand, restée
Mai '809. . • r^ , .-• ■ ■ ,
entre bainl-Pollen el N lenne, serait évidemment in-
<lisponsal)le pour (.-ontcnir la eapitale pendant que
les deux autres comliaUraient. 11 est Mai que ce vi-
i^oureux lieutenant de 1 Eni|)ereur avait répondu sur
sa tète d'ariéler avec 2o ou 30 mille houunes lout
ce (pii viendrait du coté de Presboure:, et on pouvait
attendre de Topiniàtre vain([ueur d'Awerstaedt la
réalisation de celte promesse. Mais c'était là une
position foit criti(|ue, et il importait au plus haut
point d'avoir rétabli promptement les communi-
cations entre la rive droite et File de Lobau, poui-
que larmée put au besoin se réunir tout entière
sur cette rive. Napoléon s'y appliqua sans relâ-
che, bien qu'il sût dans quel état il avait laissé
l'armée autrichiemie en repassant dans l'ile de Lo-
bau, et que la double expérience qu'il avait de la
guerre et du caractère de son adversaire, suHit
pour lui apprendre qu'après deux journées comme
celles d'Essling, il n'était pas à craindre d'en avoir
immédiatement une troisième. Les marins de la
garde, mandés de Boulogne à Strasbourg, de Stras-
bourg à Vienne, venaient heureusement d'arriver.
Services ^^ s'cn servit pour accélérer le rétablissement des
rendus communications. Ils s'y consacrèrent avec leur
parles marins J
de la garde zèle et leur habileté accoutumés. Toujours en croi-
pour le réta-
blissement sière sur le Danube, soit pour transporter des mu-
cations entre nitions, soit pour arrêter les corps tlotlants lancés
'^du^Danubr^ par l'ennemi, ils aidèrent à dominer l'obstacle que
présentait ce llewve immense, rapide comme un tor-
rent et vaste comme un bras de mer. En attendant
la reconstruction du pont, on commença à faire re-
Mai 1809.
WAGRAM. 355
passer dans des bateaux une partie de l'infanterie
de la garde, de l'île de Loijau à Ébersdorf. Le 25,
au moyen des pontons qui avaient servi pour le
passage du petit bras, et des l)ateaux ramassés sur
le lleuve, on parvint à établir un pont, sur lequel Réubiisse-
il neiit pas fallu compter pour entreprendre une descommuni-
opération olfensive, mais bien assez solide pour une caiions entre
^ . ,. . ^ l île de Lobau
retraite , qu'il suffisait d'opérer à intervalles suc- etÉbersdorf.
cessifs. Chaque détachement transporté sur la rive
droite mettait le maréchal Davout en état de mieux
résister à une attaque vers Presbourg, et, quant à "
celle qui aurait pu être dirigée contre l'île de Lo-
bau , elle n'était visiblement plus à craindre dès
qu'elle n'avait pas été tentée le 23 ou le 24.
Après la garde on fit repasser la division De-
mont, ensuite la cavalerie légère, qu'il importait '
d'envoyer en reconnaissance autour de Presbourg,
puis la grosse cavalerie, et enfin le corps de Lannes
tout entier, qui depuis la blessure mortelle de ce
dernier avait été mis sous les ordres du général Ou-
dinot, et ne pouvait pas être en meilleures mains.
Ces passages de troupes achevés, et ils le furent
dans la journée du 27 mai , on n'avait plus rien à
redouter, car le maréchal Davout avait au moins
60 mille hommes à sa disposition, et aucune ten-
tative de l'archiduc Charles sur la rive droite ne
présentait dès lors de chance de succès. Napoléon
dirigea Lasalle et Marulaz sur Haimbourg, pour
surveiller et contenir, avec neuf régiments de ca-
valerie légère, ce qui pourrait venir de Presbourg,
que ce fut l'armée de l'archiduc Charles , ou sim-
plement l'insurrection de Hongrie, qui commençait
23.
Mjd LIVU1-: xwv.
— — à se réunir. (Voir la caito n" 32.) Il dirii^'oa Mont-
tfai 4809. , ,., „ , , , ,, ^ - i i •
l)!iiii sur Œdenbourg, de I autre cote du lac de
Neusiedol, pour ol)server les routes de la Hongrie
et de ritalic, par où pouvait se montrer Tarcliiduc
Jean, en retraite devant le prince Eugène. Le gé-
néral Lauriston n'avait pas cessé de se tenir à Bruck
avec les Badois et la cavalerie du général Hruvère,
pour tendre la main au prince Eugène engagé dans
Distribution les routcs de la Stvrie. Napoléon plaça, comme il
de l'armée .,,.,,..,*' , . . , ^
autour avait dcja lail, la grosse cavalerie en arrière atin
de soutenir la cavalerie légère. Enfin le maréchal
Davout , avec les deux divisions Friant et Gudin ,
avec la division Demont , avec tout le corps d'Ou-
dinot et la garde , c'est-à-dire avec 50 ou 60 mille
hommes, était à Ébersdorf, prêt à se jeter sur l'ar-
" chiduc Charles, de quelque côté qu'il se montrât.
Napoléon résolut d'amener encore quelques for-
ces sur Vienne. Pensant que les Bavarois suffiraient
à défendre leur pays, non-seulement du côté des
montagnes du Tyrol , mais vers le Danube , il or-
donna au maréchal Lefebvre d'envoyer une divi-
sion bavaroise à Lintz , pour y remplacer la divi-
sion Dupas et les Saxons qui , sous les ordres du
maréchal Bernadotte, gardaient ce point. Le géné-
ral Vandamme dut rester avec les Wurtembergeois
à Krems, tandis que le maréchal Bernadotte, avec
ses 18 mille hommes, eut ordre de s'avancer sur
Vienne, pour y augmenter l'accumulation des for-
ces. Le corps de Masséna , dont nous n'avons pas
parlé dans cette énumération, fut laissé tout en-
tier dans l'île de Lobau, alin de garder cette île,
qui, malgré l'usage qu'on venait d'en faire, était
WAGRAM. 3:n
encore le lieu le plus propre au passai^e du Da- ■
nube. Napoléon, dans la profondeur de sa pensée,
avait déjà cherché et trouvé le moyen de s'en ser-
vir d'une manière si nouvelle, que l'ennemi, bien
qu'averti par une tentative antérieure, y fut sûre-
ment trompé. Il avait calculé que soit pour réunir
et employer le matériel nécessaire, soit pour lais-
ser venir la saison des basses eaux, il lui faudrait
tout un mois, et (|u'il ne serait prêt à porter le coup
qui devait terminer la guerre, que vers la fin de
juin, ou le commencement de juillet. C'était aussi le
temps qu'il lui fallait pour recevoir ses renforts, or-
ganiser plus complètement sa ligne d'opération, et
amener sous Vienne l'armée du prince Eugène. 11
se mit donc à préparer l'accomplissement de ces
divers desseins, avec un imperturbable sang-froid,
une incroyable activité, et une attitude aussi fière
qu'il aurait pu l'avoir le lendemain d'une grande
victoire.
D'abord il s'occupa de préparer partout des
matières. Vienne était remplie de bois : il en or-
donna la recherche , le choix , le transport sous
Ébersdorf. Les ouvriers de Vienne manciuaient Préparatifs
d'ouvrage : il résolut de les employer, en les payant ''''", passage
o i j 7 i j ultérieur, et
avec le papier-monnaie autrichien , dont regor- mesures pour
geaient les caisses publiques qu'on avait saisies. Il ics pertes
attira dans l'île de Lobau des constructeurs, et en
fit même venir de France, qui durent être transpor-
tés en poste. Il commanda des bateaux de toute
forme, de toute dimension, d'après un plan que
nous ferons connaître, quand le moment en sera
venu. Enfin, sans perdre un seul jour, il donna
de l'armée.
358 I.lVni- XXXV.
les ordres siii\anls pour le recrulemont de l'armée.
Mai 180D. '
Comme il aviiil m soin de remplir les dépôts, soit
à l'aide d'une anticipation sur la conscrij)lion de
1810, soit à l'aide d'un nouvel appel sur les clas-
ses antérieures, il pouvait en tirer aujourd'hui les
hommes levés précédemment, certain qu'ils se-
raient remplacés par les derniers appelés. En con-
séquence il fit acheminer sur Slrasbourc; tous les
conscrits déjà instruits, en les réunissant en ba-
taillons de marche qui devaient porter les numéros
des divisions militaires où étaient situés les dépôts.
Mais il avait un moyen plus sûr encore de se pro-
curer immédiatement des hommes tout formés,
c'était de les prendre dans les demi-brigades pro-
visoires, qu'il avait organisées dans le Nord, sur
les frontières du Rhin, et môme en Italie, en les
composant de quatrièmes et cinquièmes bataillons.
Il ordonna d'y puiser, pour les corps de Masséna ,
d'Oudinot, de Davout, de nombreuses recrues, en
envoyant les unes directement à leur régiment , en
incorporant les autres dans les régiments auxquels
elles n'appartenaient pas d'origine. Napoléon avait
déjà eu recours à ce dernier moyen; il persista à
l'employer, vu l'urgence des circonstances, et il
l'appliqua à trois régiments revenus depuis une
année du Portugal , et restés sur les côtes de Bre-
tagne, où ils avaient été largement pourvus de
jeunes soldats. Il en tira trois à quatre mille hommes
parfaitement instruits, et qui, moyennant leur in-
corporation dans d'autres régiments, pouvaient ser-
vir à recruter ceux dont les dépôts manquaient de
conscrits. Il désigna ainsi vingt à vingt-cinq mille
WAGRA^I ■ 359
ftintassins qui devaient être fournis par les dépôts
de France, et six à huit mille par ceux d'Italie. Il
adopta les mêmes mesures pour la cavalerie qui
avait dans ses dépôts des ressources considé-
rables , vu qu'on n'y avait pas beaucoup puisé
jusqu'alors, et il fit dirip:er de nombreux esca-
drons de marche du Rhin au Danube. Il travailla
surtout à la remonter, car elle avait perdu des
chevaux, plus encore que des hommes. Napoléon
prescrivit la formation de deux dépôts, un en Ba-
vière, pour acheter des chevaux allemands de
grosse et moyenne cavalerie ; un en Hongrie , pour
se procurer des chevaux de cavalerie légère. Il s'oc-
cupa enfin , avec un soin tout particulier, d'aug-
menter son artillerie. Celle de l'ennemi lui avait tant
fait de mal à Essling, que pour renforcer la sienne
il eut recours à un essai que l'expérience ne justifia
pas, c'était de donner aux régiments d'infanterie
des canons servis par les régiments eux-mêmes,
au moyen de fantassins exceptionnellement dressés
à ce service. La diiïiculté de tirer des canonniers
des dépôts, en nombre suffisant, en temps utile,
l'avait décidé à cet essai, que son tact supérieur
l'aurait conduit à repousser dans toute autre circon-
stance, car il était facile de prévoir qu'en fait d'ar-
mes spéciales , rien ne pouvait remplacer chez les
hommes une éducation prolongée, et surtout que
l'infanterie ne saurait jamais soigner le matériel
comme un corps exclusivement destiné à ce ser-
vice était capable de le faire. Napoléon résolut de
donner deux cents bouches à feu à Tinfanterie , sur
le pied de quatre par régiment, en consacrant à
Mai 1809.
Mai 1809.
360 LIVR1-: XXXV.
cet usai;c les pièces de calibre inférieur, celles de
3 et de 4, par exemple. Il voulut, en outre, porter
de soixante pièces de canon à quatrc-viniit-quatre,
la réserve d'artillerie de la garde, en tirant d'Italie
et de Strasbourg les compagnies d'artilleurs dont
il aurait besoin. Il comptait se procurer ainsi sept
cents pièces de canon, masse de feux accablante,
qui supposait environ quatre pièces par mille hom-
mes, et dépassait toutes les proportions admises
juscju'à ce jour. Ces divers appels devaient amener
de France et d'Italie environ quarante mille honmies,
sous un mois ou deux. C'était un renfort qui com-
pensait et au delà toutes les pertes de la campagne,
dont on pouvait se passer à la rigueur pour livrer
une bataille décisive, car on recevait en ce mo-
ment le recrutement demandé après Ratisbonne,
mais qui dans tous les cas mettrait Napoléon en
état de continuer la guerre, quelles qu'en fussent
les alternatives.
Indépendamment de ces soins accordés aux di-
vers corps de l'armée , Napoléon s'occupa aussi de
la garde impériale. Il avait avec lui les grenadiers
et les chasseurs composant la vieille garde , les fu-
siliers et les tirailleurs composant la nouvelle. Il
avait ordonné l'organisation des conscrits, formés,
comme nous l'avons dit , non pas en prenant des
hommes d'élite dans l'armée, mais en choisissant
de bons sujets dans la conscription. Deux régi-
ments de ces conscrits, l'un de grenadiers, l'autre
de chasseurs, se trouvaient à Augsbourg, y rem-
plissant une double tache, celle de s'instruire, et
celle de servir de réserve contre les mouvements
WAGRAM. 3GI
«lu Tyrol et de la Soiiabe. Napoléon fit diriger siii-
Vienne les deux régiments qui étaient à Augsbourg,
et sur Augsbourg les deux ([ui étaient en formation
à Strasbourg. La réserve d' Augsbourg devait ainsi
n'être pas diminuée. Cette réserve intéressait beau-
coup Napoléon, dans la prévision de ce qui pou-
vait se passer sur ses derrières, à la suite de la
commotion produite par les journées d'Essling. Elle
se composait des détachements envoyés pour recru-
ter l'armée, et qui faisaient des séjours successifs à
Augsbourg; du 65'' réorganisé, depuis sa mésaven-
ture de Ratisbonne , tant avec des conscrits ({u'avec
des prisonniers de ce corps qu'on avait recouvrés
moyennant échange; enfin de six régiments provi-
soires de dragons , formés avec les troisièmes esca-
drons des régiments servant en Espagne. Celles des
demi-brigades provisoires, qu'on ne devait pas dis-
soudre pour le recrutement de l'armée, se réunis-
saient dans le même but à Wurzbourg, à Hanau,
à Mayence. Le soin que Napoléon se donnait pour
la recomposition du 65'' à Augsbourg, il se le don-
nait en Italie pour la recomposition du 35" surpris
à Pordenone, et illustré par son dévouement dans
cette circonstance malheureuse. Comptant tirer des
dépôts d'Italie, grâce aux mesures qu'il avait pres-
crites, sept ou huit mille hommes avec leur ma-
tériel , il envoya le général Lemarois à Osopo, pour
s'occuper de tous ces mouvements d'hommes et de
choses , sachant que sans un chef spécial chargé d'y
veiller particulièrement, l'attention nécessaire man-
que souvent aux objets les plus essentiels, et qu'un
détail négligé entraîne parfois des catastrophes. Une
Miii 1809.
:i62
l.IVRK \\\V.
Mai 1800.
Opérations
militaires
en Italie
pendant les
événements
survenus
en Allemagne.
Le prince
Eugène force
les gorges
des Alpes
Carniques.
colonne de conscrits ayant déjà cté prise dans le
Tyrol, il prescrivit de diriirer les nouvelles colon-
nes en force de (pialre mille hommes au moins,
sous un irénéral de hriirade, et par la route de Ca-
rinthie, (jue le prince Euirène devait suivre dans sa
marche sur Vienne.
Le prince Eup:ène venait etîectivement d'arriver
sur cette route, et l'elTet moral de sa jonction avec
Napoléon allait compenser l'impression produite par
les journées d'EssIing sur des esprits prévenus, qui
croyaient à nos revers parce qu'ils les désiraient.
Le vice -roi avait pris la route de Carinthie à
la suite de l'archiduc Jean, et le général Macdo-
nald avait pris celle de la Carniole à la suite d'I-
gnace Giulay, ban de Croatie. Cette poursuite s'était
continuée pendant les journées qui s'étaient écou-
lées avant et après la bataille d'Essling, avec le
même avantage pour les Français , les mêmes pertes
pour les Autrichiens. Le 16 mai le prince Eugène
parvint à l'entrée des gorges des Alpes Carniques,
devant le fort de Malborghetto , qui interdisait tout
passage à l'artillerie, tandis que l'archiduc Jean
campait de l'autre côté, sur la position de Tarvis.
On entra baïonnette baissée dans le village de >ïal-
borghetto, et on se contenta de bloquer le fort qui
l)arrait la grande route. L'infanterie et la cavalerie
dépassèrent Malborghetto, pour se porter devant
Tarvis, où ils arrivèrent sans artillerie en présence
des Autrichiens qui en avaient beaucoup. Il fallait
sortir d'une telle situation ({ui aurait pu devenir
critique : le prince Eugène s'en tira par un coup
de vigueur. A force de tourner autour du fort de
• WAGRAM. 363
Malborghetto, on finit par découvrir une position, — : — —
sur laquelle on parvint à élever une hatterie com-
posée de plusieurs bouches à feu. Après avoir bien
battu le fort, on résolut de l'enlever mairie le re-
lief des ouvrages. On y réussit grâce à l'audace des
troupes, qui escaladèrent des fortifications régu-
lières sous la mitraille, en perdant tout au plus cent
Ou deux cents hommes. Nos soldats animés par la
difficulté passèrent au fil de l'épée une partie des
malheureux défenseurs du fort, prirent le reste, et ar-
borèrent le drapeau français sur le sommet des Alpes
Carniques. Cet acte audacieux eut lieu le 1 7 mai. On
marcha dans la même journée sur Tarvis avec l'ar-
tillerie qu'aucun obstacle n'arrêtait plus. Les Autri-
chiens qui nous croyaient sans canons voulurent
défendre les bords escarpés de la Schlitza. Mais ils
furent bientôt détrompés par la mitraille qui pleuvait
sur eux , et abordés vivement par les troupes que les
avantages obtenus remplissaient d'élan. Ils perdi-
rent 3 mille hommes et 15 pièces de canon. Dans
le même moment le général Seras, détaché sur la
route de Cividale, enlevait le fort de Predel avec
la même vi2:ueur et le même succès.
L'archiduc Jean ainsi poursuivi ne pouvait plus Retraite
se jeter dans la Haute-Autriche , comme il en avait ^^ l'archiduc
J ' Jean
eu d'abord la pensée, et même reçu l'ordre, quand surGratz.
on s'était flatté de réunir les archiducs sur Lintz
ou sur Saint-Polten, en avant de Vienne. La mar-
che rapide de l'armée française la portant sur les
routes du Tyrol et de la Haute -Autriche (voir la
carte n° 31), ne laissait au prince autrichien d'autre
parti à prendre que celui de se diriger vers laHon-
Mai 1809.
364 i.lVHK XXXV.
iirie, où il avait chance de renelrc encore d'utiles
services, soit en renforçant larchidiic Charles, soit
en empêchant la joncti(jn de l'armée d'Allemai^ne
avec le prince Eu.^ène, avec les i^énéraux Macdo-
nald et Marmont. Ce dernier rôle était celui qui
convenait le plus au lïoùt qu'il avait de s'isoler,
et de s'accpiérir une gloire à part dans cette guerre.
Mais son frère le généralissime, par désir de tout
fciire concourir à l'action principale, était d'un avis
diil'érent, et voulait qu'il vînt se ranger derrière le
Danube à Presbourg, en remettant à l'insurrection
liongroise et au ban Giulay le soin d'occuper le
prince Eugène, les généraux Macdonald et Mar-
mont. Larchiduc Jean, placé entre ses désirs per-
sonnels et les instructions de son frère, se retira sur
Griitz, pour y attendre les nouveaux ordres qu'il
avait sollicités. Ayant perdu près de quinze mille
hommes dans cette campagne, en ayant donné en-
viron dix ou douze au ban Giulav, il ne lui en restait
guère que quinze mille en marchant sur Griitz. Mais
il comptait sur diverses jonctions pour se refaire une
Vues armée. Ne pensant plus qu'il y eut grand' chose
personnelles , i rr< i- i • i i . i
de larchiduc <i sc promettre des lyroliens, depuis le combat de
une^'cam^pagne ^^'orgel, il avait cru dcvoir retirer du Tyrol le gé-
cn Hongrie, néral Chastcler, qui s'y était enfermé avec environ
9 à 10 mille hommes, le général Jellachich qui s'y
était réfugié avec 8 à 9 mille. 11 avait ordonné à
tous les deux de se faire jour à travers l'armée du
prince Eugène, en se jetant à Timproviste ou sur
son avant-garde, ou sur son arrière-garde, de ma-
nière à débouclier par Léolien sur Griitz. (Voir la
carte n° 31 .) En supposant que ces deux généraux
WAGRAM.
365
Mai 1809.
laissassent quelques détachements en Tyrol , pour
servir d'appui aux insurgés, ils pouvaient amener
une quinzaine de mille hommes en Hongrie, qui,
ajoutés à ce qu'il conservait, lui formeraient un ex-
cellent corps d'environ trente mille combattants.
Avec les 1 0 ou 1 2 mille de Giulav, avec l'insurrec-
tion hongroise et croate, avec quelques bataillons
de landwehr, il espérait se procurer encore un ras-
semblement de 50 à 60 mille hommes, et tenir la
campagne, en occupant toutes les forces françaises
de l'Italie et de la Dalmatie.
C'était là un rêve comme n'avait cessé d'en faire
l'archiduc Jean pendant cette campagne, et ce rêve
supposait vaincues toutes les difficultés qui restaient
à surmonter pour opérer tant de jonctions diverses,
en présence des forces du prince Eugène, du gé-
néral Macdonald, du général Marmont. En effet,
tandis que le prince autrichien s'était retiré sur
Griitz, envovant aux généraux Jellachich et Chas-
teler l'ordre de le rejoindre, le prince Eugène, pressé
de se réunir à Napoléon sous Vienne, avait marché
sur Léoben, en suivant la grande route qui du
Frioul débouche par la Carinthie et la Styrie sur
la Basse-Autriche. (Voir la carte n° 31 .) Le général
Jellachich, se conformant aux ordres qu'il avait re-
çus, avait quitté le T^toI en toute hâte, et avait
essavé de se clisser à travers l'armée française qu"'' fa'^ pour
'^ ■ rejoindre
d'Italie, en se cachant dans les gorges des monta-
gnes, pour épier l'occasion favorable. ^lenant 9
mille hommes avec lui, il pouvait passer sur le
corps d'une avant-garde, ou d'une arrière-garde,
et descendre ensuite sur Grâtz. Il parvint ainsi le
Défaite
du général
Jellachich
dans
la tentative
l'arrhiduG
Jean
en Stvrie.
Mai 1809.
366 I.IVKK XXXV.
25 mai, Uois jours jipri's hi Ijalaillc, d Ksslini^, à la
position (l(! Saiiil-.Micliel, en avant de Léoben, tan-
dis qiiu lo juincc Euiiène se trouvait un peu à droite
du coté de Griilz, où il s\'*tait p(»rté pour observer
la niarc'iie de l'arcbiduc Jean vers la lloni^rie. Les
patrouilles de cavalerie eurent bientôt ai)j)ris aux
uns et aux autres la rencontre (|u"ils venaient de
faire, et Jellacliich, séparé de Tarchiduc Jean par
lo piince Kuiïéne, neul aucun moyen d'éviter le
conibaL II |)rit position sur les hauteurs de Saint-
Michel près de Léoben, se llallant, grâce aux lieux,
de résister à des forces intininient supérieures.
Mais Tarniée du prince Euii;ène, qui après avoir
détaché le général ,AIacdonald n'était pas de moins
de trente-deux à trente-trois mille hommes, qui
était d'ailleurs en veine de succès et de témérités
heureuses, ne pouvait guère s'arrêter devant un
corps trois fois moins nombreux qu'elle, il fallait
franchir une rivière, puis gravir des montagnes
pour aborder les 9 mille hommes de Jellachich.
Tout cela fut exécuté avec une hardiesse extraor-
dinaire, malgré la fusillade et la mitraille, et Jel-
lachich enfoncé perdit en quelques heures environ
2 mille morts ou blessés, et 4 mille prisonniers. Il
eut beaucoup de peine, en se dispersant dans tous
les sens, et à la faveur d'un pays tout dévoué à
l'Autriche, à sauver trois mille hommes qu'il con-
duisit vers Grâtz à l'archiduc Jean.
Il y avait bien moins de chances encore pour la
jonction du général Cliastcler, qui ne pouvait pas
amener plus de o à 0 mille hommes, après les dé-
tachements laissés dans le Tyrol, et qui devait trou-
A\'Ar. HAM. • 367
ver la route de Carintliie et de Styrie déiiiiiti\ement
occupée par les Français. L'archidiif Jean \ oyait
donc ses forces portées tout au plus à 18 mille
liomnies par la jonction des débris du G;énéral Jel-
lachiclî, et ne savait encore ce que deviendrait le
ban Giulay, qui, avec son détachement et les le-
vées croates, avait afVaire aux généraux Macdonald
€t -Marmont. Croyant prudent de se rapprocher de
la Hongrie, il mit une garnison dans la forteresse de
<jrâtz, et se dirigea sur la Raab, attendant toujours
les ordres de son frère le généralissime, et laissant
le prince Eugène victorieux marcher sur Vienne,
où aucun obstacle ne pouvait l'empêcher d'arriver,
puisque le détachement du général Lauriston était
à Bruckpour lui donner la main. Les avant-gardes
françaises se reconnurent en effet aux environs de
Bruck, s'embrassèrent, et le fait si important de la
réunion des armées d'Italie et d'Allemagne fut dès
lors consommé.
Le général Macdonald, avec les 16 ou 17 mille
hommes qui lui avaient été confiés, n'avait pas
marché moins heureusement, sur la route d'Udine
à Laybach. Il avait passé l'Izonzo, tourné le fort
de Prévald qu'il avait fait tomber en le tournant,
et avait débouché sur Laybach, enlevant tout en-
tier un bataillon rencontré sur la route. Pendant ce
temps l'un de ses détachements occupait ïriesle.
Parvenu devant Laybach, après avoir recueilli
beaucoup de prisonniers , le général 3Iacdonald y
avait trouvé un vaste camp retranché, construit à
grands frais , et défendu par une forte colonne de
troupes qui en rendait la prise presque impossible.
Mai 1809.
Retraite
de l'archiduc
Jean derrière
la Raab ,
et jonction
du prince
Eugène avec
Napoléon.
Marche
du général
Macdonald
à travers
laCarniole.
Mai iKO'.t
3GS i.ivin- XXXV.
- Le ijénôral Macdonald lu'silait à raltaquor avec ce
(ju'il avait de forces, craii.'nant de s'atïaiitlir par une
tentative infructueuse, et de n'ètrr plus ensuite ca-
pal)le de tenir la canipa.irne. Il allait donc passer
outre, pressé qu'il était de rejoindre le prince Eu-
gène, lorsqu'il avait reçu du commandant éperdu
lotfre de traiter. Le général Macdonald avant ac-
cepté cette offre, avait fait ainsi en passant quatre
à cinq mille prisonniers, occupé les beaux ouvra-
ges de Layhach, et regagné la route de Griitz, où
il espérait retrouver le gros de l'armée d'It-alie. Il y
était arrivé le 30 mai, ayant heureusement traversé
une vaste étendue de pays, et menant devant lui
sept à huit mille prisonniers recueillis à Prévald, à
Layhach, et sur la route. Il s'arrêta à Gratz, pour
y attendre les ordres du vice-roi, et il envoya des
Macdonald patrouilIcs sur Ics TOutcs dc la Carniole, pour avoir
des nouvelles du général Marmont, qui du reste,
avant dix mille soldats avec lui et des meilleurs,
n'avait rien à craindre des troupes du ban Giulay,
et des rassemblements d'insurgés épars sur son
chemin.
Napoléon avait, dans cette jonction, qui lui procu-
rait, à lui, environ 45 à 50 mille hommes de ren-
fort, et tout au plus 1 5 à 1 8 mille à l'ennemi , un sûr
moyen de se venger des journées d'Essling. Vou-
lant dédommager son fils adoptif du tort qu'avait
pu lui faire la journée de Sacile, prenant plaisir à
le récompenser de ses succès pendant sa marche
de Vérone à Léoben, attachant surtout une 2;rande
importance à publier les précieux avantages qui
devaient résulter de la réunion de toutes les ar-
Heureiise
arrivée
du général
et sa réunion
avec la droite
du prince
Eugène.
Mm 1R09.
WAGRAM. 369
niées françaises, il rédigea un ordre du jour bril-
lant, où il paya à l'armée d'Italie un juste tribut
d'éloges, et exposa ses hauts faits avec une certaine
exagération qui n'était pas, d'ailleurs, fort éloignée
de la vérité, car, depuis Vérone, le prince Eugène
et le général Macdonald n'avaient pas enlevé en
morts, blessés ou prisonniers, moins de 20 mille
hommes à l'ennemi', contre 4 à 5 mille hommes,
fatigués ou blessés , qu'ils avaient laissés en route.
En supposant que le prince Eugène put fournir rorcc
en présents sous les armes 30 mille hommes, le que procurait
général Macdonald 15 mille, c'était, sans compter ']a^on°[^o"n
le général Marmont, qu'on pouvait au besoin lais- avec larmce
^ . ? n r d' Italie.
ser en Styrie ou en Hongrie , une force de 43 mille
hommes, et de 40 mille au moins, ajoutée à l'ar-
mée française sous Vienne. En les joignant aux 1 00
mille que devait procurer la réunion du maréchal
Davout, du maréchal Masséna, du général Oudinot,
de la réserve de cavalerie, de la garde impériale,
et des Saxons, Napoléon allait avoir sous la main,
même avant l'arrivée de ses renforts, la masse
énorme de 140 mille hommes, bien suffisante pour
livrer une bataille décisive au delà du Danube.
L'archiduc Charles n'était pas en mesure d'en ré-
1 II faut bien qu'il en soit ainsi pour expliquer et justifier rasseition
des narrateurs autrichiens, qui ne donnent pas plus de 12 mille hommes
à l'archiduc Jean arrivé à Gràtz, tandis qu'il en avait certainement
quarante et quelques mille sous Vérone. Avec le détachement du ban
Giulay il ne lui en restait pas plus de 20 à 24 mille en tout. Il n'y a
donc pas exagération dans l'évaluation de ses pertes, que nous donnons
ici, après avoir beaucoup atténué les rapports du prince Eugène et du
général Macdonald , rapports qui sont pleins au reste d'une remarquable
modestie, et forment un singulier contraste avec les récils fastueux des
généraux autrichiens.
TOM. X.
24
370 I.1VRI-: x\xv.
unir autant , ni «l'une aussi bonne (lualile, eût-il l'art
Juin «809. .., ^. ,, . , , / , • ,
(]ii il ne lallait guère présumer de lui, «le concen-
trer ses forces le jour «le la bataille, comme il était
certain que Napoléon saurait le faire, qiian«l le mo-
ment serait venu. Napoléon avait «Jonc le moyen de
finir la guerre, dès que ses immenses préparatifs
pour passer le Danube seraient achevés. Cependant
résolu cette fois à jouer à coup sûr, il ne voulait
li\Ter celte action dernière et décisive, que lors-
que d'une part le Danube serait vaincu par des tra-
vaux d'une solidité infaillible, et lorsque de l'autre
le prince Eugène, les généraux Macdonald et alar-
ment, seraient prêts à concourir directement ou
indirectement aux opérations devant Vienne.
Instructions C'cst vcrs cctte fin quc furent dirigées toutes les
au prince . . ,^ , ,. " i • •• i<
Eugonepour mstruclions au prmce Lugene, qu il conduisit des
'*^uitéSres°^ qu'il l'cut à sa portée, comme un fils, comme un
dont il est éiève, dont il était aussi jaloux de faire briller les ta-
chargé. ^ ''
lents, qu'impatient de s'assurer la coopération dans
les grands événements qui se préparaient. Vous avez
maintenant, lui écrivit-il dans une suite de lettres
admirables, divers buts à vous proposer : le premier,
d'achever la poursuite de l'archiduc Jean, afin qu'il
ne reste sur la droite du Danube et à la frontière
de Hongrie aucun rassemblement capable de nous
inquiéter, pendant que nous manœuvrerons autour
de Vienne; le second, en acculant ce prince au
Danube, de le réduire à passer le fleuve à Ko-
morn plutôt qu'à Presbourg (voir la carte n° i4),
de manière que l'arc qu'il décrira étant le plus
étendu possible , il ait moins de chances que vous
d'être présent à la prochaine bataille; le troisième.
WAGRAM. 371
de séparer l'archiduc Jean de Chasleler, deGiulay,
de tous ceux qui pourraient i^'rossir son rasseml)le-
ment, tandis que vous au contraire vous rallierez
Macdonald et Marmonl; le quatrième enlin , d'oc-
cuper la rivière de la Raal), qui tombant dans le
Danube près de Komorn , forme une barrière dont
on peut se couvrir contre la Honiirie, de s'emparer
pour cela de la place de Raab, qui commande cette
rivière vers son embouchure , et de la citadelle de
Griitz qui la domine près de sa source , de façon
que quelques détachements laissés sur cette ligne
puissent la défendre, pendant que l'armée d'Italie,
dérobant sa marche , viendra former sous Vienne
l'une des ailes de la grande armée. — Tels étaient
les buts principaux que Napoléon assignait au prince
Eugène. Il lui assignait, comme buts accessoires,
de profiter lui-même , et de faire profiter la grande
armée des vastes ressources de la Hongrie, en grains,
fourrages, bétail, chevaux, matériel de navigation.
Pour l'exécution de ces desseins , Napoléon lui
recommanda, après avoir accordé quelque repos à
ses troupes, de laisser des détachements à Klagen-
furth et à Léoben afin de jalonner sa route , puis
de se diriger sur OEdenbourg à l'ouest du lac de
Neusiedel, où il devait trouver le général Lauris-
ton avec les Badois, la cavalerie de Golbert et de
]Montbrun, ce qui allait lui procurer un renfort de
3 mille fantassins et de 4 mille chevaux; de se
porter ensuite sur la Raab, de pousser ses recon-
naissances au delà de cette rivière, pour savoir au
juste quelle marche suivrait l'archiduc Jean, et une
fois bien éclairé de manœuvrer toujours de ma-
24.
Juin ISO'J.
Juin 1809.
372 I.1VKI-: \\.\V.
nière à placer ce prince enlre l(! iiiaréclial Davout
(]iii ('(ait vers Presbouriï et rannôe dlttilie, j)our
empocher cpi'il ne se jetât sur .Macdonald ou sur
Mannont; de tenir ses forces réunies afin d'avoir
30 mille hommes sous la main, et 30 mille avec
Laurislon, lors(ju'il rencontrerait encore une fois
l'arcliiduc Jean; de presser la prise de la citadelle
de Giiilz, la réunion de Macdonald et de Marmont;
de veiller soigneusement sur ses derrières , afin de
prendre Chasteler comme on avait pris Jellachich à
la sortie du Tyrol; de diriger sur Vienne, ou de
renvoyer sur Osopo, tout ce qui était malade ou
blessé, et incapable de rentrer dans les rangs; de
former de vastes amas de vivres, d'expédier à mi-
chemin devienne les caissons de l'armée d'Italie qui
étaient vides, pour que le parc général les remplît
de munitions; enfin d'être toujours prêt, soit à livrer
une nouvelle bataille à l'archiduc Jean , soit à con-
courir avec les généraux Macdonald et Marmont à
la grande et dernière bataille, qui allait se livrer sur
les bords du Danube, contre toutes les forces de la
monarchie autrichienne. Napoléon prescrivait de
plus au prince Eugène de ménager les Hongrois s'ils
se montraient pacifiques et bienveillants envers les
Français, sinon de leur faire subir les conséquences
ordinaires de la guerre, c'est-à-dire de vivre à leurs
dépens, mais en les traitant dans tous les cas avec
Conduite plus dc ménagements que les Autrichiens. Les Hon-
parSpoi^on Srois, en effet, méritaient cette différence de trai-
à l'égard (cment , car ils ne manifestaient pas à l'égard des
des Hongrois. ' . .
Français la même animosité que les autres sujets
dc la maison d'Autriche. Quoiqu'ils eussent plus
WAGRAM. 373
d'une fois fait preuve de dévouement envers cette
maison, ils étaient cependant contraires à l'exercice
direct de son autorité, et ils voyaient dans Napo-
léon le représentant de la Révolution française,
révolution ({ui avait éveillé chez eux beaucoup de
sympathie. Il y avait dans tout le pays on ne sait quel
bruit répandu, que Napoléon songeait à raiïranchis-
sement de la Hongrie comme à celui de la Pologne,
et les esprits portés vers les idées nouvelles avaient
témoigné pour lui une sorte de penchant, indé-
pendant de Tadmiration qu'inspirait au monde sa
prodigieuse carrière. Néanmoins les instances de
l'archiduc Palatin, la présence de la cour, l'action
qu'elle exerçait sur la haute noblesse, avaient con-
tre-balancé les influences opposées, et la Hongrie
s'était levée à la voix des archiducs, mais, selon
beaucoup de rapports, moins par enthousiasme
que par calcul. Elle avait voulu, disaient ces rap-
ports, sous prétexte de la levée en masse, s'exemp-
ter des charges régulières en hommes et en ar-
gent qui auraient pesé sur elle, si elle avait été
traitée comme les autres provinces de la monar-
chie. Il faut reconnaître qu'elle n'avait pas fourni
par la levée en masse plus d'une vingtaine de mille
hommes, dont 7 ou 8 mille de cavalerie noble, et
12 mille de mauvaise infanterie, celle-ci composée
d'Allemands que les nobles payaient pour les rem-
placer dans le contingent de l'insurrection.
Connaissant ces dispositions douteuses, Napoléon
avait adressé aux Hongrois des proclamations ami-
cales, pour leur promettre à la paix l'indépendance,
et pendant la guerre l'exemption de toute espèce
Juin 1809.
Juin 1809.
371 LIVRE XXXV.
(le charp;es, s'ils renonçaient à prendre les armes
contre lui. L'efTet de ces proclamations n'avait pas
été de les détacher de la maison d'Autriche, mais
d'attiédir leur zèle pour le gouvernement autri-
chien , et de les disposer à accueillir les Français
avec moins d'hostilité.
C'est à cet état de choses que se rapportaient les
instructions données par Napoléon au prince Eu-
gène concernant la Hongrie. Elles étaient parfaite-
ment sages, de même que toutes les instructions
militaires qu'il adressait presque chaque jour à ce
jeune prince, (^elui-ci, comme on va le voir, les
suivit de son mieux dans la mesure de sa capacité,
et à peu près aussi bien que Napoléon pouvait le
désirer pour le résultat général de la campagne.
Efforts Établi à Neustadt, puis à Œdenbourg (voir les
du prince
Eugène cartcs 31 et 32) dans les premiers jours de juin , à
^TarchuJuc'^^ qucIques marches de Vienne, et sur la frontière de
,,^^.^"' Hongrie, le prince Eugène avait fait reposer son
et lui livrer -^ 7 i e^ i
une dernière armée, rapproché les divers corps qui la compo-
saient, et rejoint les généraux Lauriston, Colbert
et Monlbrun. Fidèle au plan que Napoléon lui avait
tracé, il se mit à la recherche de l'archiduc Jean,
tachant de le placer entre le maréchal Davout et
l'armée d'Italie, toujours pour l'empêcher de se
jeter sur les généraux IMacdonald et .Alarmont.
Ayant appris que l'archiduc Jean était à Kormond
sur la haute Raab, où devaient lui parvenir les
nouveaux ordres du généralissime, il marcha sur
Guns , puis sur Stein-am-Anger, afin de l'atteindre
et de le combattre. Il fit part en même temps de
sa position et de ses projets au général Macdo-
WAGKAM. 375
naUl, pour que celui-ci le rejoignît le plus lot pos-
sible. Le i^énéral Macdonald s'était arrêté à Gratz,
attendant le général Marmont, et tâchant de s'em-
parer du fort de Griitz, qui dominait la ville, et par la
ville la contrée. Mais ce fort, bien armé, situé d'une
manière qui en rendait Tattaque très-difficile, ne
pouvait être assiégé qu'avec de la grosse artillerie,
dont le général Macdonald manquait absolument.
Il avait essavé de battre les murailles avec des obus,
puis d'effrayer le commandant par ses menaces,
mais le tout était resté sans succès. On était donc
maître de la ville de Griitz, et réduit à bloquer la
citadelle qui en faisait la principale force. Le géné-
ral Macdonald, en recevant les communications du
prince Eugène, se hâta, dans l'espérance de parti-
ciper aux opérations qui se préparaient, de se met-
tre en route avec la division Lamarque, les dragons
de Pully, deux bataillons de la division Broussier,
et la plus grande partie de l'artillerie. Il laissa le
général Broussier devant Grâtz, avec huit bataillons
seulement, deux régiments de cavalerie légère, et
dix pièces de campagne, lui abandonnant le soin
d'accomplir la mission qu'aurait du accomplir le
corps tout entier, celle de prendre la citadelle de
Grâtz, de rallier l'armée de Dalmatie, et d'empêcher
l'Autrichien Chasteler de passer du Tyrol en Hon-
grie. Heureusement que les troupes étaient excel-
lentes, et pouvaient, comme elles le prouvèrent
bientôt, résister à des forces infiniment supérieures.
Le général Macdonald, parti pour Kormond le
9 juin, y rejoignit le prince Eugène sur la Raab,
où tous deux furent charmés de se revoir sains et
Juin 1809.
Juin 1809.
:n() LivuH xxxv.
saufs, après un mois de mouvcmonts divergents et
piMilleiix, au milieu de contrées ennemies. Le plus
simple eût été de marclier désormais ensemiile pour
conibattre rarchiduc Jean, et, en lui faisant es-
suyer un dernier revers, d'apporter aux généraux
Broussier et Marmont le secours puissant quoirpie
indirect d'une bataille gagnée à côté d'eux. Mais le
prince Eugène, sentant confusément l'inconvénient
de laisser le général Broussier seul à Gratz, crut y
parer en laissant le général Macdonald seul à Papa,
pour que celui-ci fut à portée des généraux Brous-
sier et Marmont, ce qui, loin d'être une atténua-
tion, était une aggravation de la faute commise,
puisqu'on allait être partagé en quatre détache-
ments, le général Marmont avec dix mille hommes,
le général Broussier avec sept, le générald Macdo-
nald avec huit, le prince Eugène avec trente. Le
général Macdonald fut donc renvoyé vers Papa,
tandis que le prince Eugène, revenu de Stein-am-
Anger sur Sarvar, descendit la Raab à la suite de
l'archiduc Jean, avec 29 ou 30 mille hommes de
son armée, et 6 à 7 mille du détachement de Lau-
riston.
Mouvements Pendant ces marches du vice -roi, l'archiduc
(le l'archiduc , . , i a» i i t> i
Jean autour Jcau, aprcs avoir erre entre la Muhr et la Kaab,
de la Raab. ^^ mettant dans ses mouvements encore moins de
précision et de justesse que son adversaire , avait
fini par céder aux ordres réitérés du généralissime,
et par se rapprocher du Danube. Son désir, comme
on Ta vu, eût été d'obtenir la faculté d'opérer iso-
lément sur la frontière de Hongrie, de rallier les
généraux Chasteler et Giulay, de se composer ainsi
WAGRAM. 377
un rassemblement de 50 à 00 mille liommes, l'in-
surrection hongroise comprise, de battre alterna-
tivement le corps d'Eugène, de Macdonald et de
Marmont, de venir enfin se placer sur la droite
découverte de Napoléon, pour lui faire sentir dans
le flanc la pointe de son é[>ée. Sans doute, si une
telle série de succès avait été certaine, ou seule-
ment probable, il eût valu la peine de s'imposer des
sacrifices pour se la ménager, car en privant Napo-
léon des cinquante mille bons soldats qui lui arri-
vaient d'Italie et de Dalmatie, en menaçant en outre
sa droite et ses derrières, on le réduisait à l'im-
possibilité de rien tenter de décisif autour de Vienne,
et de réparer le premier passage du Danube par un
second plus heureux. Mais, pour agir comme le
projetait l'archiduc Jean, il fallait un à-propos,
une rapidité de manœuvres, qu'on ne devait at-
tendre que du plus habile capitaine, que des trou-
pes les meilleures, et, puisqu'on ne pouvait guère
y compter, il valait mieux se borner à harceler la
droite de Napoléon avec les insurrections hon-
groises et croates, et disposer des 18 ou 20 mille
hommes qui restaient à l'archiduc Jean, pour être
en mesure au premier appel de se porter sur Vienne.
L'ordre avait donc été donné itérativement au prince
autrichien de laisser au général Stoïchevich, au ban
Giulay, à Chasteler, le soin de harceler les Français
vers la Hongrie , de jeter une garnison dans Pres-
bourg, et de se placer ensuite avec la meilleure
partie des troupes d'Italie derrière le Danube, pour
concourir à la lutte, qui tôt ou tard devait s'enga-
ger encore une fois sur les bords de ce grand fleuve.
Juin 1819.
378 II VUE WXV.
Vaincu par des ordres aussi positifs, rairliiduc
Juin 1809. . ■ ' '
Jean avait été conlraiut de se rapprocher <lu Danube,
ce qu'il avait fait eu suivant les l)ords de la Haab
par Korniond, Sarvar, Papa et la ville de Raab elle-
uiènie. Cette ville fortitîée, mais néglii^ée depuis
loni^-lcnips, et eu ce moment médiocrement armée,
était située sur la rivière du même nom, pas loin
de son embouchure dans le Danube, entre Pres-
bourg et Komorn. (Voir la carte n° 32.) Un camp
retranché était lié à la place , et otïrait une bonne
L archiduc positiou sur la Raab. L'archiduc Jean y avait été
Jeanetl'archi- . . , n i • i t\ i l- i
duc Palatin Tcjomt par son frère 1 archiduc Palatin avec les
'urerbltaine ^orccs dc l'insurrcction hongroise. Les deux princes
avant pouvaicnt présenter aux Français environ qua-
de se replier r r ai
derrière rautc mille hommcs , dont moitié de troupes régu-
le Danube. ,., i^. i- i m i , -i- ' i
lieres venues d Italie et du Tvrol, et moitié de
troupes à peine formées de l'insurrection liongroise.
Celles-ci se divisaient en douze mille hommes d'in-
fanterie, espèce de ramassis de toutes les popula-
tions magyares ou allemandes du pays , et en huit
mille hommes de cavalerie noble, peu habituée
aux rudes guerres de cette époque. C'est avea ces
40 mille hommes, de qualité si inégale, que les
deux archiducs voulurent tenir tète encore une fois
au prince Eugène, avant de lui abandonner la rive
droite du Danube, et de se reléguer sur la rive
gauche.
Déjà les 12 et 13 juin ils avaient été talonnés
par les avant-gardes du prince Eugène , et le 1 3 au
soir ils s'étaient postés autour de Raab , certains
d'avoir une affaire fort chaude le lendemain, s'ils
Disposition ne Consentaient à battre en retraite. La position
WAGHA.M. 379
leur paraissant avantageuse , ils s'étal)lirent sur un
plateau, leur droite appuyée à la Raab, leur dos
tourné au Danube qui coulait quelques lieues en de l'armée
'■ ' ^ autrichienne
arrière, leur gauche à des marécages qui s'éten- sur la uaab
daient au loin. Ils employèrent la soirée du 13 juin
et la matinée du i 4 à rectifier leur position, et sur-
tout à mêler ensemble, pour donner aux unes la
consistance des autres, les troupes régulières et les
troupes de l'insurrection. Ils suivaient en cela un
ordre formel de Farcliiduc Charles , ordre fort sage,
mais qui en cette occasion leur fit perdre beaucoup
de temps. Ils ne furent pas prêts à combattre avant
onze heures du matin, le 1 4.
Heureusement pour eux, le prince Eugène, quoi-
qu'il eût marché avec une grande bonne volonté de
les atteindre, n'était pas lui même en mesure de les
aborder avant onze heures ou midi.
Il avait longé, comme les deux princes autri-
chiens, les bords de la Raab, laquelle coule presque
perpendiculairement au Danube (voir la carte n" 32),
et n'en est plus qu'à quelques lieues à la hauteur
de la ville de Raab. Il s'avançait la gauche à la
rivière, où les Autrichiens avaient leur droite, et la
droite dans la plaine marécageuse où les Autrichiens
avaient leur gauche. Il marchait en plusieurs éche-
lons, la division Seras formant le premier à droite,
la division Durutte le second au centre , la division
italienne Severoli le troisième à gauche. La division
Pacthod et la garde italienne placées en arrière
composaient une double réserve. La cavalerie était
répartie sur les ailes. Cette disposition était com- ^, ^J^"
^ . . . d attaque
mandée par la nature des lieux et la distribution des arrôié par
380 I.IVHK XXXV.
forces ennemies sur le plateau qu'on allait atta-
Juin 1809. ,^ , , . , , , , .
quer. Dans la plaine niarecai^euse a notre droite
les généraux q^^ aperccvait la masse de la cavalerie hongroise ,
français. '■
présentant sept à huit mille cavaliers environ, fort
hrillants d'aspect, mais pas aussi redoutables que
heaux à voir. Ils étaient soutenus par des hussards
réiruliers, moins brillants mais éprouvés dans la
campap:ne dltalie, le tout sous les ordres du gé-
néral Mecszery. Un peu moins à droite, et tirant
vers le centre, derrière un ruisseau fangeux, on
voyait Tinfanterie de Jellacliich et de CoUoredo,
occupant les bâtiments fort solides d'une grosse
ferme dite de Kismegyer, et le village de Szabad-
hegy. Enfin, de ce dernier village à la Raab, c'est-
à-dire vers notre gauche, on découvrait l'infanterie
de Frimont , qui formait vers la rivière et le camp
retranché la droite des Autrichiens. Quatre à cinq
mille hommes des moins bonnes troupes défen-
daient ce camp retranché que bloquait le général
Lauriston avec les Badois.
Le prince Eugène, après s'être concerté avec les
généraux Grouchy, Montbrun, Grenier, Seras, Du-
rutte, convint des dispositions suivantes. Tandis que
la cavalerie déployée de Montbrun masquerait les
mouvements de notre infanterie, les trois divisions
Seras, Durutte, Severoli, s'avançant en échelons,
devaient attaquer successivement la ferme de Kis-
megyer, et le village de Szabadhegy, par l'un et l'au-
tre côté. La division Pacthod et la garde italienne,
restées en réserve, étaient chargées d'appuyer celui
des trois échelons qui aurait besoin de secours.
Grouchy et Montbrun à droite devaient se jeter sur
WAGRAM. 384
la cavalerie ennemie, pendant que Sahuc à eauche
' * ^ '^ Juin 1809.
lierait Tarmée avec le détachement de Lauriston. Le
prince Eugène, sentant alors mais un peu tard la sa-
gesse des principes de Napoléon, dépécha aides.de
camp sur aides de camp auprès du général Macdo-
nald, pour qu'il lui amenai de Papales 8 mille hom-
mes qui l'auraient complété si à propos dans le mo-
ment, car il n'en avait que 36 mille contre 40 mille
établis dans une forte position. Napoléon cependant
lui avait répété sans cesse, que même avec les
troupes les meilleures il fallait, pour ne rien donner
au hasard, manœuvrer de manière à être plus nom-
breux que l'ennemi sur le terrain où se livraient les
batailles. Heureusement que Macdonald prévoyant
qu'il pourrait être utile à Raab, tandis qu'à Papa il
ne faisait rien ni pour Broussier ni pour Marmont,
s'était mis spontanément en route, et déjà se mon-
trait dans le lointain précédé par les dragons de
Pully. Il V avait donc là une ressource contre un
accident peu probable, mais possible.
Vers midi on s'ébranla pour attaquer la position ,®^|f'"^
ennemie. La division Seras, chargée de former livrée le u
l'échelon le plus avancé à droite, n'étant pas en- ^'
core en ligne, Monlbrun étala ses quatre régiments
de cavalerie légère , et fit sous un feu violent d'ar-
tillerie, et avec un admirable sang- froid, les évo-
lutions qu'on aurait pu exécuter sur un champ de
manœuvre. Puis lorsque l'infanterie de Seras fut
en ligne, et qu'il lui sembla opportun d'aborder
la cavalerie hongroise, il mit ses régiments au
galop, et fondit sur la brillante noblesse venue en
hésitant au secours de la maison d'Autriche. Quel-
Juin 4809.
Montbrun
disperse
la cavalerie
hongroise.
Attaque
de notre
infanterie
sur le plateau
occupé
par l'armée
autrichienne.
382 LIVKI- XX \V.
que brave que soit une nation, rien ne .saurait rem-
placer chez elle Ihahitiide et lexpérience de la
gueiTC. En un in.stant cette troupe se dispersa de-
vant les lé2;ers cavaliers de Mt)nll)run, habitués à
faire le coup de sabre niènie avec les cuirassiers,
et laissa à découvert la gauche des Autrichiens.
Restaient les hussards réguliers de l'archiduc Jean,
(jui étaient dignes de se mesurer avec les nôtres.
Us chargèrent Montbrun , qui le leur rendit sur-le-
champ, et les obligea à se replier sur leur corps
de bataille.
Pendant ce temps Tinfanterie de Seras, rangée
sur deux lignes, avait abordé le plateau occupé par
les Autrichiens, en se dirigeant sur la ferme de
Kismegyer, Avant d'y atteindre elle rencontra le
ruisseau fangeux qui couvrait la position de l'en-
nemi, et le trouva plus dillicile à franchir qu'on ne
Tavait supposé d'abord. Ce ruisseau était profond,
présentait peu d'accès, et était défendu par de bra-
^ es et adroits tirailleurs. On parvint cependant à le
traverser, et on marcha sur le vaste bâtiment carré
composant la ferme de Kismeg\'er, dont les murs
étaient crénelés et défendus par douze cents hom-
mes de la meilleure infanterie. Tandis que Seras
allait se heurter contre cet obstacle redoutable,
Durutte avec son infanterie , formant le second
échelon , arrivait aussi devant le ruisseau , le pas-
sait, gravissait le plateau sous une grêle de pro-
jectiles, et abordait j)ar la droite le village de Sza-
badheg\', que la division italienne Severoli abordait
également par la gauche. En cet instant on était
engagé sur toute la ligue, et larlillerie des Au-
WAGRAM. 383
tricliiens, jointe à leur mousqueterie , faisait sur
nos ti'oupes un feu plonj^eant des plus meurtriers.
Le prince Eugène, courant d'un bout à l'autre du
champ de bataille , })ro(liguait sa vie en vaillant of-
ficier, jaloux de compenser par sa bravoure ce qui
lui manquait encore sous le rapport du comman-
dement.
Le général Seras, après s'être fort approché de
la ferme de KismegA,'er, essuya par toutes les ou-
vertures un si terrible feu de mousqueterie, qu'en
quelques minutes il eut 7 à 800 hommes couchés
par terre , dont une soixantaine d'officiers , à tel
point que ses troupes, sinon ébranlées, du moins
un peu étonnées, eurent besoin d'un secours qui
remontât leur ardeur et leur confiance. Le général
Seras replia la première ligne sur la seconde , puis,
quand ses braves soldats eurent repris haleine, il les
ramena, l'épée à la main, sur le formidable obsta-
cle d'où partaient des feux si destructeurs. Malgré
les décharges redoublées de la mousqueterie enne-
mie, il vint porter la hache des sapeurs contre les
portes du bâtiment , les enfonça , et entrant baïon-
nette baissée, vengea, sur les malheureux défen-
seurs de la ferme de Kismegyer, la mort des 7 ou
800 hommes qui avaient péri sous ses murs. Après
avoir passé au fil de l'épée quelques centaines d'en-
nemis et pris les autres, il marcha sur la gauche
de la ligne autrichienne, qpii, en se repliant sur le
haut du plateau, faisait encore bonne contenance.
Dans ce temps, Durutte avait gravi le plateau, et
attaqué Szabadhegy de concert avec linfanterie ita-
lienne de Severoli. Ici le combat ne fut pas moins
Juin 1809.
38i LIVRE XXXV.
oi)iniàtre (iiic devanl la fcnno du Kismeever, Les
Juin IS09. . . , . , -P ,• • , .« ,
Autrichiens se defendirenl a\ ce Miruciir derrière les
maisons du \illai;e, et nous en liicnt [)ayer cher la
conquête. Ils se rei)lièrent un iiislanl , mais pour
revenir à hi charire. Le gros des trouj)es comj)osant
leur contre et leur droite, ramené j>ar larchiduc
Jean sur ce village, y rentra au pas de charge, et
culbuta vers le ruisseau, d'un côté Durutte, de
l'autre les Italiens de Severoli. La première ligne de
ces deux divisions se repliant , passa dans les in-
tervalles de leur seconde ligne, sans que celle-ci
Prise s'ébranlât ou se laissât entraîner. Loin de là, elle
du village . , , , . , , .
de se porta en avant, ramenant la première ligne avec
szabadhegy. ^^g^ £gg généraux Durutte et Severoli conduisirent
leurs divisions sur le \illage tant disputé, et rem-
portèrent de concert avec la première brigade de
la division Pactliod, accourue à leur secours. Dès
lors, on s'avança de droite et de gauche, au delà
des deux points d'appui de la ligne ennemie qui ve-
naient d'être enlevés. C'était pour la caAalerie le
moment dagir. Montbrun, Grouchy, Colbert, s'é-
lancèrent pour couper la retraite aux Autrichiens,
qui cherchaient à gagner le Danube. Montbrun en-
fonça plusieurs carrés , et fit de nombreux prison-
niers. Cependant il fut arrêté par l'attitude de l'ar-
mée autrichienne, qui se retirait en masse et en bon
ordre. A gauche, le 8" de chasseurs de la division
Sahuc, se trouvant plus avancé que le reste de sa
division, se précipita avec une ardeur extraordi-
naire sur la dioile des Autrichiens au moment où
elle s'éloignait de Raab, et enfonça tout ce qu'il
rencontra sur son chemin. Déjà il avait fait mettre
Juin 4 80'.).
. WAGRAM. 385^.
I)as les armes à plusieurs milliers de fantassins en-
nemis, pris une nombreuse artillerie, lorsque les
Autrichiens, s'apercevant qu'il n'était [)as soutenu,
revinrent de leur trouble, firent feu sur lui, et ils '
allaient le maltraiter gravement, si le reste de la
division Saliuc , taidivement amenée par son géné-
ral, n'était venu le dégager. Ce brave régiment
conserva néanmoins 1,500 prisonniers, quelques
canons et des drapeaux.
Les archiducs voyant que la bataille était totale- Retraite
ment perdue, ordonnèrent enfin la retraite, qui, au^ricWenno.
grâce au terrain et à la nuit, ne fut pas aussi désas-
treuse qu'ils auraient pu le craindre, et s'effectua
par Saint- Yrany, vers les terrains inondés du Da-
nube. Cette journée qui, pour le prince Eugène
et l'armée d'Italie, réparait glorieusement la dé-
faite de Sacile, nous coûta à nous 2,000 morts ou
blessés, et aux Autrichiens environ 3 mille hommes
hors de combat, 2,500 prisonniers, 2 mille soldats
égarés. Elle mettait l'archiduc Jean et l'archiduc
Palatin hors de cause, assurait la jonction des gé-
néraux Broussier et Marmont, et ne nous laissait
plus exposés sur la rive droite qu'à des courses
de hussards, courses peu redoutables, auxquelles
il devait suffire d'opposer quelques détachements
de cavalerie. Le général Macdonald arriva vers la
chute du jour, pour embrasser sur le champ de
bataille le jeune prince aux succès duquel il s'in-
téressait vivement.
Tandis que sur ce point le plan de Napoléon
s'exécutait, sauf de légères fautes de détail, d'une 'ies généraux
manière si conforme à sa pensée, le ralliement des et Mermont
TOM. X. 25
386 LIVRE XXXV.
généraux ^farmont et Broussier s'opérait aussi.
Juin <-809. ^ , , , . , , .' , . '
maliLTO queuiucs accKtonts, les uns naissant des cir-
aveciarmée constanccs, Ics autrcs (le mauvaises conil)inaisons
d Italie. ^ '
que Napoléon, à la distance où il était, ne pouvait
pas toujours rectifier à temps. Le général lîroussier,
lai.ssé seul à Gnitz, eût été fort compromis si ses
troupes n'avaient pas été des plus solides. Après
avoir commencé par canonner avec des obusiers la
citadelle de Griitz, sans réussir à la soumettre, le
commandant s'étant montré résolu à ne céder que
devant une attaque sérieuse, il avait pris ses dispo-
sitions pour rester maître de la ville, indépendam-
ment de la citadelle, et pour tenir la campagne au
loin, afin de tendre la main au général Marmont qui
s'approchait. Il avait fait plusieurs excursions vers
la Croatie, dans la direction que suivait le général
Marmont, jusqu'à des distances de douze ou quinze
lieues; et chaque fois, avec cinq à six mille hom-
mes, il avait livré au ban Giulay de petites batailles^
dans lesquelles il l'avait complètement battu. Mais,
en s'éloignant toujours ainsi de Griitz, il n'avait
pu garder suffisamment les routes du T\toI , et le
général Chasteler, traversant les postes de l'armée
d'Italie, avait gagné la Hongrie, avec quatre ou
cinq mille hommes, beaucoup plus heureusement
que le général Jellachich. Sur ces entrefaites, le gé-
néral Marmont, qui s'était arrêté quelques jours en
apprenant les revers de l'armée d'Italie, avait bien-
tôt repris sa marche, s'était avancé jusque près de
Gratz, avec autant de prudence que de hardiesse,
et il venait de donner avis de son approche au gé-
néral Broussier. Celui-ci, à cette nouvelle, se hâta
WAGRAM.
387
de descendre la Muhr, dans l'espoir de joindre le •
général Marmont à Kalsdorf, laissant deux batail-
lons du Si*" dans un faubourg de Griitz pour i^arder
la ville. Mais pendant qu'il descendait la rive droite
de la Muhr, le ban Giulay en remontait la gauche à
la tète de quinze mille hommes, moitié de troupes
rép;ulières, moitié de Tinsurrection croate, et venait
assaillir à l'improviste les deux bataillons chargés
de défendre Griitz, Ces deux bataillons, attaqués par
toute une armée, résistèrent dix-neuf heures de suite
avec un courage héroïque, sous les ordres du colo-
nel Gambin. Ils tuèrent 1 ,200 hommes à l'ennemi, en
prirent 4 ou 500, et donnèrent le temps au général
Broussier de venir à leur secours. Ce général, en
effet , averti du mouvement du ban Giulay, remonta
précipitamment la Muhr, tomba sur les troupes de
Giulay, les dispersa, et dégagea les deux bataillons
du 84^ Les avant-gardes du général 3Iarmont se
montrèrent enfm à une ou deux marches. Ainsi ce
corps de dix mille hommes , le meilleur de l'armée
après celui du maréchal Davout, rejoignit les mas-
ses belligérantes, et les généraux Marmont, Brous-
sier, Macdonald, réunis au prince Eugène, furent
dès lors en mesure de fournir à Napoléon le concours
de toutes les forces de l'Italie et de la Dalmatie. Les
corps de Stoïchevich et Giulay étaient de plus en-
tièrement dispersés, et les deux archiducs (Jean et
le Palatin) rejetés définitivement au delà du Danube.
Il y avait là de quoi dédommager Napoléon des
journées d'Essling, et il en avait besoin, car en-
couragés par ces journées fameuses, ses ennemis
s'agitaient plus que jamais, et essayaient encore de
25.
Juin 4 309.
Nouveau
soulèvement
du
Tyrol sous
l'influence
des événc-
Juin ISOi",
inents
d'iîsslmL'.
Agitations
dans
le Vorariberg
et
'.1 Soiiabe.
388 LIVRE XXXV.
soulever le ïyroi, la Soiiai)e, la Saxe, la Wesl[)lia-
lie, la !*russe. Au hi'uit de la prétendue défaite des
Franrais à Esslin:;, le Tyrolien Hofer et le major
Teimer étaient descendus des cimes du Brenner,
([uoi(|irils lussent l'oit irrités contre le gouverne-
ment aiilricliien qui leur avait retiré les deux corps
de Jellacliicli et de Cliasteler. Leur haine contre la
maison de Bavière suppléait à leur amour refroidi
pour la maison d'Autriche. Le général bavarois
Deroy, laissé seul à la défense d'Inspruck, s'était
vu assailli de toutes les hauteurs voisines par une
nuée de montagnards, mauvais soldats en plaine,
mais très-bons tirailleurs dans les montagnes, et
adversaires très-redoutables quand on était réduit
à battre en retraite. Obligé de leur tenir tête pen-
dant plusieurs jours, le général Deroy avait épuisé
presque toutes ses munitions, et craignant d'en
manquer, craignant surtout dV'tre privé de vivres
par suite de l'étroit blocus établi autour d'Ins-
pruck, il s'était retiré avec sa division sur le fort
de Kufstein, abandonnant une seconde fois la capi-
tale du ïyrol. Cet événement de peu d'importance
en lui-même avait produit néanmoins une profonde
impression dans toute la Bavière, et surtout à la
cour, ([ui redoutait fort d'être contrainte encore à
évacuer Munich. Les habitants du Vorariberg se
montraient aussi fort remuants. Sur les bords du
lac de Constance, sur le haut Danube, dans toute
la Souabe enfin, l'agitation était sensible, et il était
évident que si nous éprouvions un revers plus réel
(jue celui d'Essling, nos derrières seraient sérieu-
sement menacés.
WAGRAM. 389
Les Autricliiens, qui connaissaient cel élat de
choses puisqu'ils en étaient les auteurs, venaient
de l'aggraver par une disposition très-dangereuse invasion
pour nous. Us avaient donné au duc de Brunswick- la Fmnronie
Gels, fils du fameux duc de Brunswick, les moyens ° ^par
de lever un corps composé de réfugiés de toutes ^pf "surgés,
1 A o allemands
les provinces allemandes, particulièrement de Prus- -«"ivis
T, , . . ,. . , ^c quelques
siens. Ils lui avaient en outre adjoint quelques trou- troupes
pes régulières et quelques landwehr, le tout formant "^'trichiennes!
à peu près 8 mille hommes, et Tavaient dirigé de
la Bohême vers la Saxe, en le faisant précéder des
l)ruits les plus mensongers sur la prétendue victoire
remportée sur les Français à Essling. Us avaient en
même temps dirigé un autre corps de quatre mille
hommes environ, moitié troupes régulières, moitié
landwehr, de la Bohême vers la Franconie, en se-
mant les mêmes bruits sur son chemin. Le premier
corps s'était avancé de Prague sur Dresde , où il était
entré sans coup, férir, après avoir forcé par sa seule
approche la cour de Dresde à se réfugier à Leip-
sick. Le second avait marché d'Egra sur Bayreuth,
en profitant du dénûment où la guerre du Danube
avait laissé nos alliés de la Bavière et du Wurtem-
berg. Leur plan était de pousser sur la Thuringe,
de s'y réunir en une seule masse, sous les ordres
du général Kienmayer, et d'entrer en Westphalie
pour en expulser le roi Jérôme. Celui-ci, elTrayé du f
danger qui le menaçait, s'était hâté de demander
à Paris des ressources qui n'existaient pas, et ses
cris de détresse avaient fini par y produire une
sorte d'alarme.
L'apparition de ces diverses colonnes avait excité rin
390 LIVRE XXXV.
une \i\e auilation en Allcmai^no, mais sans v pro-
Juin 1809. ■ . .
vcxiiier copendanl aucun niouNonient insurreclion-
des aventures y^i'] nialm'é lout ce (luc s'cu étaient promis les Au-
du major " ' '
schiii. trichions, parc(ï tpie le prcstiiîc de Napoléon était
encore entier, parce (|u'onrei:;ardait comme dillicile
d'abattre sa puissance, et que lout en répandant (piil
était vaincu, on n'en était pas assez persuadé pour
oser prendre les armes. L'exemple de ce qui venait
d'arriver au major Schill n'avait de quoi tenter per-
sonne. Ce hardi partisan, croyant obéir à la pensée
secrète de son gouvernement en désobéissant à ses
ordres patents, était, comme on l'a vu, sorti de
Berlin avec un corps de cavalerie prussienne, et
s'était mis à courir la campagne, dans l'espoir
qu'il entraînerait à sa suite l'armée et les popula-
tions. Bien accueilli de tout le monde, sans être
suivi de personne, et même déconcerté par les dé-
clarations sévères parties de Kœnigsberg, il s'était
enfui en Mecklembourg , puis en Poméranie, et
avait surpris la place mal gardée de Stralsund, avec
l'intention d'y soutenir un siège. Assailli bientôt par
un corps hollandais , et même par un corps danois
qui avait voulu donner à Napoléon cette preuve de
dévouement, il n'avait pu défendre une place forte
avec de la cavalerie, et tachant de se sauver par
une porte tandis que les troupes hollandaises en-
, traient par l'autre, il était tombé sous le sabre d'un
cavalier hollandais. Le malheureux, victime de son
patriotisme désordonné, avait vu en expirant sa
troupe prise, détruite ou dispersée. C'était jusqu'a-
lors le seul fruit des insurrections allemandes. Les
cœurs n'en étaient pas moins exaspérés contre
WAGRAM. 394
nous, et il ne fallait qu'un revers, non pas sup- —
/ . , . . , . Juin 1809.
pose, mais réel, pour que les peuples encore in-
timidés tissent explosion d'un bout du continent à
laulie.
En Pologne, la campagne habilement conduite suite
par le prince Poniatowski, avait eu des résultats Jne'du'^pHÏcê
inespérés, quoique peu décisifs. Livrant la rive gau- Poniatowski
che de la Yistule à l'impatience des Autrichiens,
qui non contents d'occuper Varsovie, avaient eu
l'imprudence de descendre jusqu'à Thorn, ce
prince s'était réservé la rive droite, les avait re-
poussés toutes les fois qu'ils avaient voulu la fran-
chir, puis l'avait remontée jusqu'en Gallicie, pour
réveiller l'esprit insurrectionnel des Polonais cou-
vant sourdement dans cette province. A son appa-
rition, en effet, une partie des Galliciens s'était
levée , et lui avait offert des vivres , des munitions
et des hommes. Il était entré à Sandomir, et
menaçait même Cracovie. L'archiduc Ferdinand,
ramené en arrière par les opérations du prince
Poniatowski, avait été obligé de faire une retraite
rapide, qu'on aurait pu interrompre, et rendre dé-
sastreuse en passant de la rive droite sur la rive
g;auche, pour l'arrêter dans son mouvement rétro-
grade. Un corps polonais de 3 mille hommes sous
le général Dombrowski s'était proposé ce plan,
mais il était incapable à lui seul de l'accomplir, et
courait la chance de se faire écraser, sans avoir
celle d'arrêter l'ennemi. Les Russes, sous le prince
Gallitzin, arrivés en ligne vers les derniers jours
de juin, tandis qu'ils auraient dû y être en avril,
pouvaient exécuter cette manœuvre, et ne pas lais-
Jtiin ISOO.
392 LIVRE XXXV.
ser revenir en Gallicio un seul Aiilricliicn. Le prince
Ponialowski les suppliant daiiir ainsi, avait trouvr
chez eux une mauvaise volonté évidente, que n'ex-
pliquaient plus la saison, le débordement des ri-
vières, riujperleclion de ladminislralion russe.
Hofus Le vrai motif de leur inaction, c'est qu'ils éprou-
daider ' vaicut à détruire les Autiichiens au piofil des Po-
'"î-oiîtîï^rcT loïisiis, une répugnance Icliu qu'ils désobéissaient
Auirichiens. g^^x ordrcs mémcs de leur gouvernement. Le prince
Gallitzin, fortement réprimandé par Alexandre,
avait montré un peu moins de froideur au prince
Poniatowski, mais il n'avait rien fait pour vaincre
la résistance de ses lieutenants, et l'un d'eux, Je
prince Gortschakoff, avait même écrit qu'il arrivait
dans l'espérance de se joindre aux Autrichiens et
non aux Polonais. Ceux-ci ayant intercepté la let-
tre l'avaient envoyée avec beaucoup d'autres à
Saint-Pétersbourg. Partout où les avant-postes rus-
ses et autrichiens se rencontraient, ils se tendaient
la main en se promettant de servir bientôt ensem-
ble. En un mot, les divisions russes parvenues enfin
sur le territoire de la Gallicie ne semblaient y être
venues que pour comprimer l'insurrection galli-
cienne. Sous prétexte de prendre possession du
pays, elles supprimaient partout les nouvelles au-
torités polonaises, et rétablissaient les anciennes
autorités autrichiennes.
Tandis que les Russes manquaient ainsi à leur
parole, probablement contre le gré de leur souve-
rain, les Polonais manquaient de leur côté, contre
le gré également de Napoléon, à celle qu'on avait
donnée aux Russes, et annonçaient dans toutes
WAGRAM. 393
leurs proclamations lu prochain rétablissement de
la Pologne. Napoléon leur avait néanmoins bien
recommandé de ne parler que du grand-duché de
Varsovie, et de ne pas lui aliéner la Russie par un
langage imprudent. ïl n'avait cessé de leur dire
que le jour viendrait où , sans faillir à ses enga-
gements, sans s'attirer plus d'ennemis qu'il n'en
pouvait combattre à la fois, il achèverait leur i-e-
constitution en agrandissant peu à peu le duché de
Varsovie ; qu'il ne pouvait pas tout faire d'un seul
coup; qu'il lui fallait pour achever son œuvre du
temps et des occasions; qu'en ce moment nuuîi-
fester des espérances, exprimer des vœux préma-
turés, c'était le mettre inutilement en péril, et s'y
mettre soi-même. Napoléon, en donnant ces con-
seils, n'avait pas été plus écouté par les Polonais
qu'Alexandre par les Russes. Toutefois il faut re-
connaître qu'Alexandre, s'il s'y était appliqué sin-
cèrement, aurait pu sur les Russes beaucoup plus
que Napoléon sur les Polonais. Mais il était Russe
aussi, et travailler au rétablissement de la Pologne
en aidant les Polonais contre les Autrichiens lui
coûtait presque autant qu'à ses soldats. Lui-même,
sans s'en douter, était le premier en révolte contre
sa propre politique.
Telles étaient les perplexités de l'Europe entière,
pendant que T archiduc Charles et Napoléon luttaient
l'un contre l'autre, sous les murs de Vienne. Bien
qu'il y eut là des symptômes graves, qui auraient
du servir d'avertissements à un politique sage, il
n'y avait rien qui pût alarmer, ni détourner de son
but essentiel, un aussi grand capitaine que Napo-
Juin 1800.
Juin 4809.
394 LIVRE XXXV.
Icon. Qiiehjiics proiïivs ou qiiehjiios revers en Po-
loi^ne, quelfiiies courses do partisans en Saxe et
en Poniéranie, une nouvelle retraite des Ba\arois
en Tyrol, étaient peu de chose. Passer le Danube,
itattre l'aichiduc Charles, était l'opération décisive,
qui devait faire tomber toutes les dispositions hosti-
les, fussent-elles suivies de commencements dinsur-
Queiques rection plus ou moins inquiétants. Aussi Napoléon
'^"^pHse's""^ n'en était-il que médiocrement ému, et n'attachait-
'^^coSnèr" ^' d'importance qu'à ce qui se passait autour de lui
mouvements entre Liutz, Léoben, Raab, Presbours et l'île de
insurrection-
neis de l'Aile- Lobau. Il s'était donc borné à un petit nombre de
° précautions fort sages, fort bien conçues, et surtout
très-suffisantes dans le cas où il réussirait à frapper
à Vienne le coup principal et définitif. Il avait en-
voyé à ]Milan le général Cafarclli, ministre de la
guerre du royaume d'Italie, pour remplacer par
une autorité élevée le prince Eugène. Il lui ordonna
de réunir tout ce qu'il y avait de détachements dis-
ponibles pour bloquer le Tyrol italien, en occupant
les débouchés des montagnes. Il prescrivit au prince
Eugène de laisser la division Rusca à Klagenfurth,
pour opérer le même blocus du côté de la Garinthie.
Lé général bavarois Deroy dut en faire autant du
côté de la Bavière, en occupant Rosenheim et
Kufstein, de manière à renfermer cette espèce d'in-
cendie dans des limites qu'il ne put franchir, sauf
à sévir plus activement contre les Tyroliens, lors-
qu'on en aurait fini avec la grande armée autri-
chienne. Quant à la Souabe et au Vorariberg,
Napoléon avait de quoi les contenir dans le rassem-
blement formé à Augsbourg, rassemblement qui se
WAGRAM. 395
composait (les dragons provisoires, du Go'^dc lii^ne,
des régimenls de conscrits de la garde, enfin des
nombreuses troupes de passage. 11 prescrivit au gé-
néral Beaumont de s'établir, avec quelques-unes
de ces troupes, à Kempten, à Lindau, le long du lac
de Constance, afin de refouler tout ce qui voudrait
déboucher des montagnes.
Le général Bourcier commandait à Passau le dé-
pôt général de la cavalerie. Il avait là tous les
hommes à pied, les détachements de recrues,
les ateliers de sellerie, un marché ouvert pour les
achats de chevaux, et il remettait en état de servir
les hommes démontés, fatigués ou malades. Napo-
léon lui ordonna de se détourner un moment de
ce dépôt, d'y laisser un remplaçant capable de le
suppléer, puis de prendre avec lui deux régiments
de dragons formant 2 mille chevaux, le régiment
à cheval de Berg, plus 21 à 3 mille Bavarois tirés
des places du Palatiuat, et de s'avancer sur Bay-
reuth. De son côté, le général Rivaud, établi à
Wurzbourg à la tête de deux demi-brigades provi-
soires, devait se diriger de Wurzbourg surBayreuth,
s'y réunir au général Bourcier, et marcher avec
lui contre le petit corps qui venait de sortir de la
Bohême, Cette courte expédition terminée, le général
Bourcier avait ordre de retourner à Passau pour y
reprendre le commandement de son dépôt de cava-
lerie. Le général Rivaud devait se joindre à quatre
demi-brigades rassemblées à Hanau sous le maré-
chal Kellermann, et se porter vers la Saxe contre
les Autrichiens entrés à Dresde. Napoléon écrivit à
Paris, soit au ministre de la guerre Clarke, soit au
Juin 1809.
396 LIVIU- XXXV.
■" ~T^_ iniiiistro de la iiolice Foiiclié, pour leur reprocher
Juin 1809. , ' ' ' '
sévèrement les craintes (ju'ils avaient trop facilement
conçues à l'occasion des événements de Dresde et
de Bayrenlli. [.es ministres restés à Paris avaient
été fort émus en effet des cris de détresse poussés
par le roi Jérôme, et ils étaient allés jusiju'à croire
que la Prusse se préparait à déclarer la guerre. —
Si quelques courses insiiïnifiantes vous alarment à ce
point, leur écrivit Napoléon, que feriez-vous donc
si des événements graves survenaient, de ces évé-
nements de guerre qui peuvent cependant arriver
sans qu'on succombe? Je suis l)ien peu satisfait,
ajoutait-il , de voir les hommes attachés à mon ser-
vice montrer si peu de caractère, et donner eux-
mêmes le signal des plus ridicules terreurs. Il ne
peut y avoir d'événements sérieux que sur le théâ-
tre où j'opère, et là je suis présent pour tout do-
miner. —
Les alarmes que l'on concevait si facilement à
Paris étaient pour la politique de Napoléon une cri-
tique involontaire dont il s'irritait, et qu'il ne par-
donnait pas même à ses serviteurs les plus dévoués.
Du reste, il avait raison de dire que tout était de
peu d'importance ailleurs que sur le théâtre où il
opérait, cjue victorieux sur ce théâtre il le serait
partout. Aussi ne négligeait-il rien pour l'être pro-
chainement et complètement.
Soins Une fois le prince Eugène vainqueur à Raab , l'ar-
poui^pr%arer chiduc Jcan et l'archiduc Palatin rejetés au delà du
'" .. Danube , et la jonction des armées d'Italie et de Dal-
ronccnlration ' •'
rie von armée, niatic assuréc, Napoléou n'avait plus à s'occuper que
p{ cnipéchcr
colle d'un seul objet , avant de livrer sa dernière bataille,
Juin 180»
auincliiennfi.
WACHAM. 397
c'était d'empêcher que les deux archiduc» repassant
le Danube à Presbourg ou à Koniorn , ne suivissent
les armées françaises d'Italie et de Dalmatie, quand ''"^ l'armco
celles-ci viendraient combattre sous les murs de
Vienne. i;^Voir la carte n" 32.) Il fallait pour cela
interdire aux Autrichiens l'usage du pont de Pres-
bourg, et de plus occuper la ligne de la Raab, des-
tinée à nous couvrir du coté de la Hongrie, de
manière qu'elle put arrêter les Autrichiens pendant
trois ou quatre jours, temps fort suflisant pour exé-
cuter le mouvement des armées d'IlaUe et de Dal-
matie sur Vienne. Les Autrichiens avaient un pont
à Presbourg, et une tête de pont au village dEn-
gerau. Ils avaient en outre conservé la place de
Raab, après la victoire remportée sur la rivière de
ce nom par le prince Eugène.
Napoléon qui avait porté le maréchal Davout avec
une de ses divisions jusque devant Presbourg, lui
assigna la tache d'enlever Engerau, de détruire le
pont de Presbourg, et môme, s'il le pouvait, celui
de Komorn , situé beaucoup plus bas. Il assigna au
prince Eugène la tâche de prendre la place de Raab ,
ne tenant sa récente victoire pour véritablement
fructueuse qu'autant qu'elle procurerait cette con-
quête. Il fit échelonner tous les chevaux d'artillerie,
qui n'étaient pas employés aux travaux de l'île de
Lobau, sur la route de Presbourg et de Raab pour
y amener du gros canon , et en tirer en retour les
grains dont la Hongrie abondait. Quoique aucun
général ne fût moins cruel que Napoléon, il était
inexorable toutefois dans l'accomplissement de ses
desseins, et il ordonna de pousser l'emploi des
398 I.IVHK XX W.
moyens de cuerrc, à IY'a;ard de Presbourer et de
Juin 1809. ' ,,,.,'. <. , ,
Raiil), jns(|ii a la dcrnuMc! n.mieur, alm de s enij)a-
rer de ces deux points. Les moyens prescrits étaient
terribles, mais ainsi le voulait le salut de l'armée
et de Tempire.
Attaque Le maréchal Davout , placé sous les murs de
du maréchal rv , i < i i • • i
Davout contre Prcsbourp; dcs les derniers jours de mai, commença
latéte^dupout pa,. atta(iuer avec la division Gudin les retranche-
Presbourg. nicuts (lEui^erau, qui servaient à couvrir un pont
de bateaux jeté devant Presbourg, et appuyé sur
plusieurs îles. Ces retranchements se composaient
d'épaulcments en terre, liés au ^illali:e dEniïerau.
et défendus par une nombreuse artillerie. Le ma-
réchal Davout les fit aborder avec la vigueur que
ses soldats déployaient en toute occasion. Mais les
Autrichiens, qui appréciaient l'importance de la po-
sition qu'ils défendaient , la disputèrent avec une
égale énergie. Ils perdirent \'ô ou i,800 hommes,
et nous 800 devant cette simple tête de pont. Les
ouvrages enlevés, le maréchal Davout se trouvait
au bord du fleuve. La partie du pont qui aboutis-
sait de notre côté avait été repliée, mais les portions
restantes étaient établies entre des îles retranchées,
qu'il eût fallu conquérir l'une après l'autre, ce qui
aurait exigé une opération des plus difliciles et des
Efforts plus longues. On employa pour détruire ces autres
''°"[eponT'^ portions du pont tous les moyens imaginables. On
de Presbourg. ]ança dcs batcaux chargés de pierres, des moulins
en feu, comme avaient fait les Autrichiens pour rom-
pre notre grand pont, lors des journées d'Essling.
Mais celui qu'ils avaient à Presbourg, œuvre du
temps , gardé d'ailleurs par des bateliers qui anè-
Juin 1809.
WAGRAM. 399
talent les corps flottants entraînés par le fleuve, ré-
sistait à toutes ces tentatives, et n'en était nullement
ébranlé. l,e maréchal Davout alors, par l'ordre de
l'Empereur, disposa des batteries de picrriers, d'o-
busiers, de mortiers, sur le bord du Danube, et fit
tomber sur les îles une horrible pluie de feu et de
fer. Les soldats autrichiens supportèrent ce genre
d'attaque avec une rare résignation, et n'en demeu-
rèrent pas moins dans les îles qu'ils avaient mission
de défendre. Poussé à bout par cette résistance,
Napoléon ordonna de sommer la ville de Presbourg
elle-même, et si elle refusait ou de se rendre, ou au
moins de détruire son pont, de la ruiner jusque dans
ses fondements. Le maréchal Davout , qui était un inuuie
parfait honnête homme , mais un militaire impitoya- ^° men't''^
ble , commença sans hésiter cette cruelle exécution. ^^ Presbourg.
Après avoir sommé le général Blanchi, commandant
de Presbourg, il donna le signal du feu, et en quel-
ques heures il jeta une innombrable quantité de
bombes sur la malheureuse ville condamnée à subir
toutes les horreurs de la guerre. Après avoir allumé
un incendie dans plusieurs quartiers, il somma de
nouveau le commandant, ne demandant tp.ie ce
dont il ne pouvait pas se départir, la destruction
du pont. Le général Blanchi répondit que la con-
servation du pont étant nécessaire à la défense de
la monarchie autrichienne, la ville de Presbourg
supporterait les dernières extrémités plutôt que
de consentir aux conditions qu'on mettait à son sa-
lut. Le maréchal Davout recommença ses rigueurs.
Moyens
ar lesqui
.j maréch
général autrichien s'obstinait dans sa résistance, il Davout
Mais vovant qu'elles resteraient sans résultat , car le P^r lesquels
^ le maréchal
400 L1VKI-: XXXV.
" céda onlin à un nioiivonictil (riiiiiiiaiiilé, et eut re-
J..iii ISO'J.
cours a (les moyens dillcrcnls pour annuler les coni-
suppiéo municalions d'une i'i\ f à l'aiilre. Oue fullait-il ,
a lu prihc
.!«' Prcs.i)ouri;. appcs tout , |)()ur altciudru le !)ut (ju'on se propo-
sait? Arrêter pendant trois ou (|uali(! joins le corps
aufrichien (pii se présenterait de ce côté, temps qui
suilisail à la concentration des troupes françaises
sous les murs de Vienne. Le maréchal établit donc
une suite de retranchements qui se liaient au châ-
teau fortifié de Kittsée, à Tîle fort étendue de la
Schutt, à la ri\ière et à la place de Raab. (Voir la
carte n" 32.) Quelques mille hommes s'éclairant le
long de l'île de la Schutt et de la rivière de la Raab
par de la cavalerie légère, défendant les retran-
chements d'Engerau, se repliant, s'ils étaient for-
cés, sur le château de Kittsée, tandis que la place
de Raab se défendrait de son côté, pouvaient re-
tenir l'ennemi pendant le nombre de jours néces-
saire, et ralentir son arrivée jusqu'au moment où
tout serait décidé sous les murs de Vienne. Ces
dispositions convenues avec Napoléon furent défi-
nitivement exécutées , et dispensèrent de continuel'
plus long-temps la destruction de Presbourg.
siéi;e et irise Sur CCS entrefaites le général Lauriston, secondé
'^deRa'a'r^ par Ic général Lasalle, avait entamé le siège de
Raab, laissant à l'armée d'Italie le soin de le cou-
vrir, ce qui permettait à celle-ci de se reposer de
ses fatigues. On manquait de gros canons; mais
Napoléon en avait envoyé quehiues-uns de Vienne
avec des obusiers et des pièces de 12. Heureuse-
ment la place, mal réparée, encore plus mal armée,
occupée tout au plus par deux mille hommes , ne
Juin 180'J.
WAGRAM. iOI
pouvait pas tenir lonii;-t(3inps. Inimédialement après
la hataille du 14, les travaux furent entrepris. On
avait ouvert la tranchée, construit des batteries de
siège, et commencé le feu de brèche. Après quel-
ques jours de cette attaque improvisée et bien con-
duite par les 2;énéraux Lauriston et Lasalle, la place
offrit de capituler. Gomme on tenait médiocrement
à la manière de la conquérir, mais grandement à
la rapidité de la conquête, on fut facile sur les con-
ditions demandées par la garnison. On entra dans
Uaab le 22 juin, sans en avoir endommagé les ou-
vrages, et sans y avoir dépensé ni beaucoup de
munitions, ni beaucoup d'iiommes.
D'après les ordres précis et fort détaillés de Na-
poléon, la place de Raab fut armée de nouveau, et
mise en meilleur état de défense qu'auparavant. On
y introduisit des munitions de guerre et de bouche;
on lui composa une garnison formée de tous les
hommes fatigués ou malades de l'armée d'Italie;
on fit aux ouvrages les réparations indispensables;
entin Napoléon lui donna un illustre commandant :
ce fut le comte de Narbonne, jadis ministre de la
guerre sous Louis XVI , l'un des derniers survi-
vants de l'ancienne noblesse française, remarqua-
ble à la fois par le courage, l'esprit et l'élégance
des mœurs. Il venait de se rattacher à l'Empereur,
qui, avant de l'employer dans des postes éminents,
voulait lui faire acheter son entrée au service par
une mission peu élevée, mais qui supposait une
véritable confiance.
Napoléon fit ramener sur Vienne toute rartillerie Napo'ron
inutile à Presbourg et à Raab, replier sur les hô-
TOM. X. 26
échelonne
ses corps
Juin l»00.
102 LIVRE XXXV.
pitaux (le la Lonihardic et de la llaiito-Autriclie les
blessés des armées dllalie et de Dalinatie, ne vou-
«larmée 1q,^( laisser en |)rise à l'ennenii ni un canon, ni un
survienne. '
homme. Il ordonna an j)rimc Euiïène, aux géné-
laux .Macdonald, Broussier et MarmonI, de se pré-
parer à marcher au premier si.unal, de ne conserver
dans le rantï ni un écloppé, ni un malade, d'avoir
leur artillerie bien attelée et bien approvisionnée,
de confectionner du biscuit pour nourrir leurs trou-
pes pendant une semaine, de se procurer de la
viande sur pied prête à suivre, de tout disposer
enfin pour être rendus à Vienne en trois jours au
plus. Le prince Eugène, cantonné à Raab, pouvait
franchir en trois jours la distance qui le séparait
de Vienne. Les généraux Marmont, Broussier, Mac-
donald furent échelonnés de façon à exécuter le
trajet dans le même espace de temps. Le maréchal
Davout n'avait, lui, que deux marches à faire. Il
fut convenu que le prince Eugène laisserait le gé-
néral Baraguey-d'Hilliers avec une division italieime
devant Engerau, pour garder les approches de Pres-
bourg, tandis que l'armée d'Italie se porterait tout
entière sur Vienne. Napoléon, ne voulant pas con-
sacrer à une simple surveillance de postes éloignés
des troupes telles que celles de Montbrun et Lasalle,
les échelonna de manière à pouvoir les attirer à lui
en quarante-huit heures, et les remplaça sur la li-
gne de la Raab par douze ou quinze cents chevaux
provenant des régiments de marche récemment ar-
rivés. Le général Lasalle, qui, pendant le mois de
juin, n'avait cessé de parcourir la ligne de Pres-
bourg à Raab , et qui en connaissait les moindres
WAGRAM. 403
particularités, eut ordre avant de se replier de pla-
cer lui-même les postes, et de donner aux com-
mandants de ces postes les instructions dont ilîs au-
raient l)esoin alin de se bien garder.
Tout étant ainsi préparé sur cette ligne pour qu on
pût s'y dérober rapidement, en se couvrant par de
simples arrière-gardes , Napoléon prit ses mesures
sur le haut Danube pour que de ce côté on put des-
cendre sur Vienne avec une égale vitesse , et ac-
croître dès qu'il le faudi'ait la masse des troupes
destinées à livrer bataille. Il avait déjà attiré à lui
le corps du maréchal Davout répandu en ce mo-
ment de Vienne à Presbourg, le corps saxon du
prince Bernadotte, et la division fiançaise Dupas.
11 n'avait laissé sur le haut Danube pour occuper
Saint-Polten, Mautern, Molk, Amsletten, Enns,
Lintz (voir la carte n" 32), que les Wurtembergeois
et les Bavarois, fort réduits les uns et les autres
par cette campagne, si courte mais si active. Les
Wui'tembergeois sous Vandamme étaient distribués
entre Tulln, Mautern, Saint-Polten , Molk. Les Ba-
varois chargés de défendre la Bavière étaient, la
flivision du général Deroy à Munich, Rosenheim
•et Kufstein, les deux divisions du général de
Wrède et du prince royal à Lintz. Quoique ce ne
fiit pas trop pour garder la Bavière dans les cir-
constances actuelles, c'était beaucoup sur le point
particulier de Lintz, depuis que l'archiduc Charles,
voulant de son côté concentrer ses troupes, avait
amené le comte KoUovrath devant Vienne, en ne
laissant que 6 à 7 mille hommes disséminés sur
le Danube entre Passau, Lintz, Krcms, Tulln et
26.
Juin IS09.
Jiiiii 1809.
40i l.IVHE XXXV.
Klo.storneuhoiirg. Se doiMîml de cette circonstance
d'aprè.s plusieurs reconnaissances exécutées au
delà (lu Danuhe par le iiénéral Vandaninie, Napo-
léon ordonna au marécliai Lefeinre de teniipivte à
march(M- Pexcellente division de Wréde a\ec viniil-
cpiatre houches à feu. Les disisions du i^énéral De-
roy et du prince royal, les ^^ uiteml)eri2;eois suffi-
saient avec tout ce qui était en route, avec tont ce
qui restait à Auirshouiu, à Passaii, à Uatishonne.
pour maintenir pendant quelqnesjours la .sécurité sur
nos derrières. A Ratishonne se trouvait la division
Rouyer, composée des contingents des petits prin-
ces allemands. Il n'v avait évidemment rien à crain-
dre de ce coté, si la d'^r.nièiv» bataille était gagnée.
Si contre toute vraisemblance elle était pei-due, les
précautions étaient assez bien prises à Saint-Polten.
à Molk, à Amstettcn, à Lintz , à Passau , pour que
nos blessés, nos malades ne fussent pas com|)romis.
p,our que l'armée en se retirant trouvât partout des
vivres, des munitions, et des points d'appui par-
faitement solides.
Napoléon avait ainsi consacré le mois de juin à
préparer la concentration de ses troupes sur Vienne.
Il l'avait employé aussi, comme nous l'avons dit.
à préparer le passage du Danube, et à le rendre
tellement sûr cette fois, que l'accident ani\é à ses
ponts pendant les journées d'Essling ne put pas se
Travaux rcproduirc. C'est le moment de faire connaître par
niedc"Lobau qncls travaux gigantesfpies il a\ait aplani, presque
pour assurer a,^,^ulé la difficulté dc fianchir un vaste cours d'eau.
Il' passage
du Dunube. en présencc de l'ennemi, avec des masses d'hom-
mes que jamais jusqu'alors aucun capitaine, an-
Juin ISii'.i.
WAliRA.M. 405
cien ni moderne, n'avail on à moinoii-. On a déjà
vu par ([uelles raisons décisi\os il était obligé de
passer Je Danul)e devant rarcliidnc Charles, pour
aller lui livrer bataille au delà de ce grand lleuve.
Kester en efï'et sur la rive droite, en laissant les
Autrichiens tranquilles sur la rive gauche, c'était
prolonger indéfiniment la guerre, perdre son pres-
tige, multiplier les chances d'accident, accroître
enfin l'ébranlement général des esprits en Europe,
et même en France. A passer le lleuve, c'était à
Vienne, comme nous l'avons encore dit, non au-
dessus, non au-dessous, qu'il fallait le faire : car
au-dessus c'était rétrograder en arrière de Vienne,
abandonner les immenses ressources de cette capi-
tale, l'eflet moral de sa possession, le point prinei-
{)al d'intersection des routes d'Autriche, d'Italie et
de Hongrie : au-dessous c'était allonger inutilement
notre ligne d'opération , c'était se donner un point
de plus à garder sur le Danube, et se priver d'i:n
corps d'armée nécessaire le jour de la bataille. Il
fallait donc passer à Vienne même. Une lieue de
plus ou de moins n'y faisait rien, mais il fallait
absolument passer en vue du clocher de Saint-
Ktienne.
On connaît également les propriétés de l'île de £„ q„oi
Lobau , si heureusement choisie par Napoléon pour |-o"J|.attin
faciliter l'exécution de ses projets. Cette île spa- '•" passage
•^ ** *^ du Danube
cieuse, située au delà du grand bras, et séparée de pariue
, . . , 1, , ,. , de Lobau.
la rive ennemie par un bras d une médiocre lar-
geur, réduisait l'opération du passage à l'entreprise
de franchir un fleuve large comme la Seine sous
Paiis, au lieu d'un lleuve large comme le Uhin de-
Juin ISO!).
406 LIVRE XXXV.
vaut Coloi^ne. L'entreprise, en restant diflk'ile,
devenait praticaMe. Mais pour y réussir, il fallait
d'ahord rendre infaillible le passaû:e du bras prin-
cipal, qui conduisait dans 1 île, puis convertir l'île
elle-même en un vaste camp retranché pourvu d'a-
bondantes ressources, et y tout disposera l'avance
pour qu'on put franchir sans danger le petit bras
en présence de l'ennemi. C'est à quoi Napoléon
employa les quarante jours qui s'écoulèrent du 2^^
mai au 2 juillet avec une activité , une fécondité
d'esprit incroyables, et ditmes du grand capitaine
qui avait passé le Saint-Bernard, et rendu possible
la traversée du Pas-de-Calais.
Établissement Le pout de batcaux sur le bras principal , servant
vastes %nts ^ communiqucr avec l'île de Lobau, avait été ré-
en pilotis jjjIjIj (niekiues jours après la bataille d'Esslin»,
&ur le grand i i j i • 7
bras comme on l'a vu ci-dessus, et avait fourni le moven
du Danube. 1 • 1 • /» 1 "^
de reporter 1 armée sur la rive droite, sauf le corps
de Masséna, laissé dans l'île pour nous en assu-
rer la possession. De nouveaux bateaux ramassés
sur les bords du fleuve par les marins de la garde,
fixés avec de meilleures amarres, avaient conso-
lidé ce pont de manière à inspirer confiance. Il
avait pourtant été coupé encore deux ou trois fois,
par suite des crues du mois de juin, et ce n'était
pas avec des communications incertaines, quoique
beaucoup mieux établies, que Napoléon voulait
s'engager au delà du Danube. Il résolut donc de
lier l'île de Lobau au continent de la rive droite,
de telle façon qu'elle ne fit qu'un avec cette rive
qui devait être notre point de départ. Pour cela il
y avait un seul moyen, c'était de jeter un pont sur
WAGRAM.
407
pilotis. Napoléon s'y décida, quelque laborieuse
que fut cette opération sur un fleuve comme le Da-
nube au-dessous de Vienne. César a\ait exécuté
une semblaJjle entreprise dix-huit cents ans aupar-
avant sur le Rhin. Elle était plus diflicile aujourd'hui
à cause des moyens de destruction dont Tennemi
disposait. C'est l'arme du génie qui fut chargée de
cet ouvrage, tandis que l'artillerie eut la construc-
tion de tous les ponts de bateaux. Il y avait à
Vienne des approvisionnements considérables de
bois, descendus des cimes des Alpes parles ailluents
du Danube. Tous les soldats du génie, tous les
charpentiers oisifs qui avaient besoin de gagner leur
vie, tous les chevaux de l'artillerie devenus dispo-
nibles par l'interruption des combats , furent occu-
pés soit à préparer ces bois, soit à les transporter.
Amenés de Vienne par un petit bras qui commu-
nique avec le grand, descendus ensuite jusqu'à
Ébersdorf (voir la carte n" 48), ils y étaient arrêtés
pour être employés à l'œuvre immense qu'on avait
entreprise. De nom])reuses sonnettes existant à
Vienne, où l'on exécute beaucoup de travaux en
rivière, avaient été réunies devant Ébersdorf pour
renfoncement des pilotis. Après une vingtaine de
jours on avait vu soixante piles en bois s'élever
au-dessus des plus hautes eaux, et sur ces piles
s'appuyer un large tablier, qui pouvait donner pas-
sage à n'importe quelle quantité d'artillerie et de
cavalerie. A vingt toises au-dessous de ce pont fixe,
on conserva, en le consolidant, l'ancien pont de
bateaux, qu'on voulut faire servir à l'infanterie, de
manière que le défilé des diverses armes put s'o-
Juiii tSOl».
Usage
habilement
fait
de la grande
quantité
de bois
existant i»
Vienne.
i08 IIVRK \X\V.
pérer siimillancuicnt , et que les coimnuiiicalions
Juin !80!». * ,^ ' ^
avec l'île de Lohaii en fussent plus promptes. On
s'était |)rocuré un .mand nombre de bateaux, on
avait trouNc n Kaah de fortes ancres, et i^'ràce à ces
nouvelles ressources, les amarres devenues parfai-
tement sûres ne laissaient |)lus craindre les acci-
dents qui avaient failli perdre l'armée a la lin de
mai.
Moyens ' Quoi((ue CCS dcux ouvragcs sc protégeassent l'un
employés i> . • i . i .• i ' .
pour garantir 1 iintre, puisquc Ic poul sur [)ilotis place en amont
)ODts°du"choc garantissait le pont de bateaux, Napoléon cepen-
des corps dant avait voulu les mettre tout à fait à l'abri du
flottants.
choc des corps flottants, et pour y parvenir il avait
essayé des moyens de toute sorte. Le premier avait
été de tirer de l'arsenal de Vienne une chaîne i-'i-
gantesque, dont les Turcs s'étaient servis dans le
siège de 1683, et qui était restée comme une <lc
Jeurs dépouilles triomjjhales. Aujourd'hui que nos
vaisseaux possèdent de ces chaînes énormes, on
serait moins étonné des dimensions de celle que les
Turcs avaient laissée à Vienne. Mais alors elle était
regardée comme un des plus merveilleux ouvrages
de ce genre. On résolut donc de la tendre sur le
grand bras, pour qu'elle put arrêter les corps lan-
cés par l'ennemi contre nos ponts. Mais il fallut y
renoncer, les machines manquant pour la tendre à
une hauteur sulUsamment égale au-dessus de l'eau.
Napoléon imagina de construire une vaste esta-
cade, consistant en une suite de gros pilotis pro-
fondément enfoncés, (lui au lieu de couper per-
pendiculairement le cours du fleuve, le coupaient
obliquement , pour donner moins de prise à la force
WAGHAM. -m
(lu courant. (]ette œuvre non moins exlraoïdinaire
({ue le pont sur pilotis fut achevée presque aussi
vile. Mais elle ne parut pas d'une eflicacité cer-
taine, car on vit plus d'une fois la ligne des pilotis
forcée par des bateaux chargés de matériaux qui
s'étaient échappés des mains des ouvrieis. Napo-
léon s'y prit alors autrement, il établit une sur-
veillance continuelle au moyen des marins de la
garde , lesquels circulant sans cesse dans des bar-
ques au-dessus de Testacade, harponnaient les ba-
teaux qui descendaient , et les amenaient sur les
rives. De la sorte , si l'estacade ne sulUsait pas ab-
solument à les retenir, les marins accourant à force
de rames devaient les arrêter, et les détourner de
leur marche. Avec cet ensemble de précautions,
les communications établies entre la rive droite
et l'ile de Lobau avaient acquis une certitude in-
faillible.
Mais ce n'était pas assez, aux yeux de Napoléon,
(jue d'avoir mis ses ponts à l'abri de tout danger de
la part du fleuve. Une surprise de l'ennemi , une
invasion subite dans l'île de Lobau, peut-être une
retraite en désordre après une bataille perdue , pou-
vaient les exposer à une destruction imprévue et
Juin IS09.
inévitable. Napoléon voulut les protéger par une v^sic
tote de pont
en avant
du graïKl
Ijras.
vaste tète de pont, élevée dans l'île de Lol)au, de
manière que cette île venant à nous être enlevée,
quelques bataillons pussent les défendre, et que
l'armée conservât ainsi le moven de se retirer en
sûreté de l'autre côté du fleuve.
Cette suite d'ouvrages liait d'une manière in-
dissoluble l'île de Lobau tant à la rive droite qu'à la
Juin 180',i.
ilO I IVRE XWV.
pelilo \illo d'Kbcrsdorf, devenue notre base d'opi'-
ration. Il fallait s'occii|)or encore des travaux à
exécuter dans l'île ellc-nicme, pour en faire un
camp retranché, spacieux, sûr, commode, salubre,
pourvu de tout ce (jui serait nécessaire pour y vi-
vre fpîel(|ues jours. Napoléon satisfit à ce besoin
avec autant de prévoyance qu'à tous les autres.
Travaux || y avait dans l'ile de ij)i)au des terrains Ijas et
dans "^ , ,. .
1 intérieur marécagcux , souveiit exposés à 1 inondation. On \
doLobau. vovait Bussi de petits canaux, desséchés quand les
eaux étaient basses, et qui devenaient de vérita-
bles rivières pendant les hautes eaux. On en avait
eu l'exemple lors des grandes crues des 21 , 22 et
23 mai. Napoléon fit élever des chaussées sur les
parties basses de l'île, pour servir au passage des
troupes en tout temps. Il fit jeter sur chaque petit
canal desséché plusieurs ponts de chevalets, de
façon à assurer et à multiplier les communica-
tions, quelle que fut la hauteur des eaux. Voulant
que l'ile devînt un grand dépôt qui pût se suffire à
lui-même, quoi qu'il arrivât, il y fit construire un
magasin à poudre , lequel reçut des arsenaux de
A'ienne une quantité considérable de munitions con-
fectionnées. Il y fit construire des fours, transporter
des farines tirées de Hongrie , et parquer plusieurs
milliers de bœufs amenés vivants de la même con-
trée. Enfin il y envoya des vins en abondance, et
de qualité telle , que l'armée française , excepté en
Espagne, n'en avait jamais bu de pareils. L'aristo-
cratie autricliienne et les couvents de Vienne, qui
possédaient les plus riches caves de l'Europe, four-
nirent la matière de ce précieux approvisionne-
Juin 1809.
WAGRAM. ''m
ment. Ainsi rien ne devait manquer aux troupes
dans ce vaste camp retranché, ni en pain, ni en
viande, ni en liquides. Voulant rendre l'île de Lo-
bau aussi fiicile à traverser la nuit que le jour.
Napoléon en fil éclairer toutes les routes par des
lanternes suspen<lues à des poteaux , absolument
comme on aurait pu le faire pour les rues d'une
grande ville.
Restait la dernière et la plus ditficile opération à Moyens
préparer, celle du })assai2:e du petit bras, qui devait
employés
pour assurer
s'exécuter de Vwq force en face d'un ennemi nom- , '^^ p^sso^p
du petit bras
breux, averti, et tenu touiours en éveil par notre en face
de l'ennemi.
présence dans l'île de Lobau. Quel([ue avantage
qu'offrit le lieu choisi pour l'ancien passage, puis-
qu'il formait un rentrant (voir la carte n° 49) qui
permettait de couvrir de feu\ le point du débar-
quement, il n'était guère présumable (pi'on put
s'en servir encore, l'ennemi devant avoir pris toutes
ses précautions pour nous en interdire l'usage. Les
Autrichiens en efïet, se souvenant de ce qui leur
était arri^ é un mois auparavant, avaient en quelque
sorte muré cette porte, en élevant d'Essling à As-
pern une ligne de retranchements hérissés d'artil-
lerie. Une dernière raison enfin obligeait de renon-
cer à ce débouché, c'était le défaut d'espace pour
le déploiement d'une armée considérable. L'ennemi
était si averti que ce serait par l'île de Lobau qu'on
ferait irruption sur la rive gauche , qu'on devait
s'attendre à le trouver rangé en bataille vis-à-vis
de soi, tandis que la première fois on avait eu le
temps de défiler par le pont du petit bras, de tra-
verser le bois, et de se mettre en ligne, un corps
Juin IS09.
«le passna
il 2 I.I\ HI-: XWV.
après Taiitre , sans roiicorilrcr aucun olislaclo au
(léploicineiil. Il ii y avait plus à ospércr (jue les
c'iioses se passassent de la sorte, et dès lors il fal-
lait se [)réparer à déboucher presque en nuisse, pov;r
combattre au moment même où l'on toucherait à la
rive gauche.
Choix Par ces divers motifs le premier point de passade
ij un nouxeau .
point ne convenait plus. Napoléon songea à en chercher
un autre, tout en feignant de persévérer dans la
préférence donnée à l'ancien. Le petit bras de
soixante toises qui restait à franchir, parvenu à l'ex-
trémité de l'île, se détournait brusquement pour
se diriger perpendiculairement vers le grand bras.
Voir les cartes n"' 48 et 49.) Il décrivait ainsi sui-
le flanc droit de l'île de Lobau une ligne droite,
longue de deux mille toises. Si pour le traverser
on choisissait l'un des points de cette ligne , on
descendait dans une plaine unie, fort commode
pour le déploiement d'une armée nombreuse. C'est
en elfet par cette plaine que Napoléon résolut de
déboucher. Il est vrai qu'on ne devait y être pro-
tégé par aucun obstacle de terrain ; mais, en pas-
sant en une seule masse, on devait être protégé par
cette masse même, et d'ailleurs il n'était pas impos-
sible de suppléer à la protection du terrain , par
des moyens d'artillerie habilement disposés.
Sur la rive gauche, au point même où le petit
bras se détournait bruscjuement pour rejoindre le
grand bras, se trouvait située la ville peu considé-
rable d'Enzersdorf i voir la carte \f 19), cou^ erte
d'ouvrages défensifs et d'artillerie, comme Essiing
et Aspern : puis, un peu au-dessous, s'étendaient
WAGRAM. 4*3
au loin la j)laiiic ou\erl(3 dont il vient d'être ques- —
, ^ Juin isoo.
tion et enfin des bois lonlliis, (pu couvraient le sol
jusqu'au confluent des deux bras du lleiive. Ces!
entre Enzcrsdorf et ces bois que Napoléon résolut
d'opérer le passage.
Dabord il fit tout pour persuadera l'ennemi qu'il
passerait ])ar l'ancien endroit, c'est-à-dire ])ar la
gauche do l'île, et, dans cette vue, il y multiplia
les travaux, jugeant utile d'ailleurs d'avoir des
ponts partout, à gauche comme à droite, car [)lus
ii aurait de communications , plus il aurait de
chances de franchir le fleuve et de se déployer ra-
pidement après ra\oir franchi. Mais les travaux
les plus importants furent accumulés sur la droite
de rile, le long de la ligne qui s'étend d'Enzersdorf
à l'emliouchure du petit bras dans le grand. Quel- Établissement
ques îles semées au milieu de ce petit bras, et que „omi!rcuses
l'armée avait qualifiées de noms de circonstance , batteries
(le gros calibre
tels que ceux d'</e Masséna, Ile des Moulins, île Es- vom protéger
Al i\ , A, T Al i 1 1 /> ■ le nouveau
paync, de Fouzet^ île ÏMimes, de Alexandre, turent point
jointes au continent de la Lobau par des ponts fixes, '''' f''"'*^^"*'-
et hérissées de batteries de gros calil)re. Ces bat-
teries armées de cent neuf bouches à feu, tant pièces
de 24 qu'obusiers ou mortiers, étaient destinées à
couvrir de projectiles lancés à une grande distance,
tous les points où Ton se présenterait. Celles de
VUe Masséna, de VVe des Moulins, de VUe Espagne,
devaient accabler de feu Aspern, Essling et les ou-
vrages élevés de ce côté. Celles de 1'//^ Pouzet de-
vaient en deux heures réduire en cendres la mal-
heureuse ville d'Enzersdorf. Celles enfin de Vile
Alexandre devaient battre la plaine choisie pour le
Juin 1800.
déploiement, et y vomir une telle masse de mitraille
(liraucunc troupe emiemie ne put y tenir. Le temps
ne nuuuiuanl pas, elles furent établies avec un soin
infini, pourvues dépaulements en terre, de plates-
formes, de petits magasins à poudre. Les pièces de
.içros calibre, qu'une armée ne traîne jamais avec
elle, avaient été prises dans Tarsenal de Vienne.
Quant aux aifùts , on les avait fait construire par
les ouvriers de l'arsenal.
Indépendanunent de ces moyens d'artillerie ima-
ginés pour protéger le passage , Napoléon eut re-
cours, pour le rendre rapide, simultané, foudroyant,
à des combinaisons inconnues jusqu'à lui. Il voulait
qu'en quelques minutes plusieurs milliers d'hom-
mes, jetés au delà du petit bras, eussent fondu sur
les avant-postes autrichiens pour les surprendie et
les enlever; qu'en deux heures cinquante mille au-
tres fussent déployés sur la rive ennemie pour y li-
vrer une première bataille; qu'enfin en quatre ou
cinq heures cent cinquante mille soldats, quarante
mille chevaux, six cents bouches à feu eussent
passé pour décider du sort de la monarchie autri-
chienne. Jamais de telles opérations n'avaient été
ni projetées, ni exécutées sur une pareille échelle.
Lorsqu'on veut franchir un fleuve, on commence
par transporter inopinément quelques soldats ré-
solus dans des barques. Ces soldats, bien choisis et
bien commandés, vont désarmer ou tuer les avant-
postes ennemis, puis tixer des amarres auxquelles
on attache les bateaux qui doivent porter le pont.
Ensuite l'armée elle-même passe aussi vite que pos-
sible, car un pont est un défilé long et étroit, que
Juin ISOλ.
WAGRAM. 41»
(les masses irinfanterie, de cavalerie el d'arlillerie
ne peuvent traverser qu'en s'allongeant beaucoup.
La première de ces opérations était la plus dilli-
cile en présence d'un ennemi aussi nombreux, aussi
préparé que l'étaient les Autrichiens. Napoléon pour
la faciliter fit construire de grands bacs , capables
de porter 300 hommes chacun , devant être con-
duits à la rame sur l'autre rive, et ayant, pour met-
tre les hommes à l'abri de la mousqueterie , un
mantelet mobile qui en s'abattant servait à descendre
à terre. Chaque corps d'armée fut pourvu de cinq de
ces bacs, ce qui faisait une avant-garde de quinze
cents hommes transportés à la fois, et à Fimpro-
viste, sur chaque point de passage. Or il était peu
présumable que l'ennemi n'étant pas exactement
informé du lieu où l'opération s'exécuterait, put
nous opposer des avant-postes aussi considérables.
A l'instant une dnquenelle (cable auquel les bacs
sont attachés , et le long duquel ils coulent dans
leur mouvement de va-et-vient), une cinquenellc
fixée à un arbre devait fournir le moyen de com-
mencer les allées et venues, et de transporter suc-
cessivement les troupes. Immédiatement après ,
l'établissement des ponts devait commencer. Tous
les bateaux étant préparés, tous les agrès disposés,
les lieux choisis, les hommes instruits de ce qu'ils
avaient à faire, on était fondé à croire que deux
heures suffiraient pour jeter un pont de soixante
toises, opération qui exigeait autrefois douze ou
(|uinze heures, si on était prêt, vingt-quatre et qua-
rante-huit, si on ne l'était pas. Napoléon décida Projetde jeter
' * * quatre ponts
que quatre ponts au moins, deux de bateaux, un àiafois.
Juin 180'.>.
cl de fjitc
déboucher si-
niultdnénient
trois corps
d'armée.
Pour
accélérer
rétablisse-
ment
dcô ponts.
iUl LIVHi; \\\V.
de pontons, un de iivos radeaux celui-ci pour la
cavalerie et rarfillerie), seraient jetés sur le petit
b:as, de manière à faire déboucher trois corps d'ar-
mée à la fois, ceux du niaréciial Masséna, du gé-
néral Oudinot et du maréchal Davout. Ainsi plu-
sieurs milliers d'hommes, transportés dans des bacs
en quehpies minutes, suffiraient pour accabler les
avant-postes ennemis. Cincjuante à soixante mille
honuues, débouchant en deux heures sous la pro-
tection de batteries formidal)les , tiendraient tète
au\ forces que l'ennemi aurait le temps de réunir
en apprenant le point du passage. Enfm, en quatre
ou cinq heures, l'armée aurait débouché tout en-
tière, prête à livrer bataille, et pourvue de moyens
de retraite aussi assurés que si elle n'avait pas eu
un grand fleuve sur ses derrières. Il était même
probable que l'opération serait terminée avant que
l'ennemi eût pu la troubler, car la nuit , le feu de
batteries puissantes, la simultanéité des passages,
devaient le plonger dans une extrême confusion.
Cependant, aux yeux de Napoléon, ce n'était
pas assez que d'avoir réduit à deux heures l'éta-
blissement d'un pont de 60 toises, qui en exigeait
quelquefois douze, vingt-quatre, quarante-huit : il
voulait qu'une colonne d'infanterie put déboucher
à l'instant même, et aussi \ite que les avant-gardes
transportées dans les bacs. Pour y parvenir, il in-
venta un pont d'un genre tout nouveau, dont il
confia l'exécution à un officier fort intelligent, le
capitaine Dessales. Ordinairement c'est en amarrant
l'un à côté de l'autre une suite de bateaux qu'on
réussit à établir un pont. Il imagina d'en jeter un
WALiUAM. in
Juin 180<J.
(l'une seule pièce, composé de bateaux liés d'a-
\ance entre eux avec de fortes poutrelles, qu'on
descendrait le loni^ de la rive où Ton désirait l'é- Napoléon
"-^ ^ _ invente un
lahlir, qu'on attacherait par un l)out à cette rive, pom dune
, ,. . . ■ I , •. seule pièce,
(ju on livrerait ensuite au courant qui le porterait ,iui peut
lui-mcme à la rive opposée, où des hommes iraient .^fq^jqifos
le fixer en le traversant au pas de course. Cela fait, niin"ips-
il ne resterait plus qu'à jeter quelques ancres pour
lui servir de points d'appiii dans sa longueur. On
avait calculé, et le résultat le prouva depuis, que
(|uelqucs minutes sufTiraient à celte prodigieuse
opération.
L'inconvénient de ce pont construit à l'avance
était d'indiquer, parle lieu où on le préparait, le
lieu où il serait jeté. On remédia à cet inconvénient
par le moyen que voici. L'île de Lobau avait été
couverte de chantiers, comme aurait pu l'être un
des grands ports de France. Ces chantiers étaient
placés au bord de plusieurs flaques d'eau, aboutis-
sant par des canaux intérieurs au petit bras. C'était
là que l'on construisait les nombreux bateaux,
jiontons, radeaux, destinés à l'établissement des
|)onts, sans indication du lieu où s'opérerait le pas-
sage. Il y avait derrière Vile Alexandre, sur le flanc
droit de la grande île Lobau, au-dessous d'Enzers-
dorf, vis-à-vis de la plaine où l'on avait le projet
de déboucher, un canal intérieur, large, long, assez
profond, et où devaient s'achever les derniers ajus-
tements de chaque ouvrage. C'est là qu'on disposa
le pont d'une seule pièce, avec projet de le faire
sortir au dernier moment, pour l'introduire dans
le petit bras. Cependant, comme ce canal préscn-
TOM. X. 27
Juin 1809.
418 M\ |{K XX \V.
tait un coude à son extrémité, Napoléon poussa la
prévoyance jusqu'à faire adapter [)lusicurs articu-
lations au pont d'une seule pièce, afin qu'il [)ùl
tour à tour se courber et se redresser, suivant les
inflexions du canal dans lequel il avait été préj)aré.
Pensant bien qu'au moment même de l'opération
le besoin de communications rapides entre les deux
rives se ferait nvement sentir, Napoléon voulant
réparer jusqu'à l'excès l'imprudence de son pre-
mier passage, fit réunir dans ces canaux intérieurs,
des bois, des radeaux, des pontons tout prêts,
pour jeter au besoin (piafre ou cinq ponts de plus,
pour hâter ainsi autant que possible le déploiement
de son armée, et rendre, en cas de revers, la re-
traite aussi facile que sur un champ de bataille
ordinaire.
Il avait fait venir, outre les marins de la garde,
des constructeurs de France. Il en avait recueilli
sur les bords du Danube, qui sous la direction des
ingénieurs français concouraient à construire cette
Aspect de liio flottille d'uu nouvcau genre. Des milliers d'ouvriers
de Lobau i . , • • » ' -ii • ^ • •
et de la ville de toutc origHic travaillaient ainsi avec une m-
'^peldTnT croyable activité, dans cette île devenue semblable
lemoisdejuin gux chantlcrs d'Auvers, de Brest ou de Toulon. Des
1809. '
courbes provenant des Alpes ou trouvées à Vienne,
d'énormes poutrellos, d'innombrables madriers,
transportés par les chevaux de rarlillcrie, venaient
de tous les points s'embarquer sur le Danube, qui
les amenait jusquà Kbersdorf, de là étaient intro-
duits dans les canaux intérieurs de la Lol)au , et
saisis par la hache des charpentiers prenaient la
forme qui convenait à leur destination. Les marins
WAGUAM. 410
de la garde dans des chaloupes armées d'obusiers —
. '. , -11 • Juin '809.
croisaient sans cesse pour surveiller ces immenses
travaux, pour fouiller les îles et les replis cachés du
fleuve , pour acquérir ainsi une connaissance des
lieux qui serait fort utile le jour de la grande opé-
ration. Napoléon avait recouvré un précieux débris
de l'armée du général Dupont , c'était le brave ca-
pitaine Baste, commandant des marins de la garde
dans la campagne d'Andalousie, aussi bon officier
d'infanterie qu'habile oflicier de mer, et le seul
auquel Napoléon eut pardonné la catastrophe de
Baylen, car il l'avait élevé en grade tandis qu'il
poursuivait sans pitié ses compagnons d'infortune.
Le capitaine Baste, devenu colonel, commandait
encore les marins de la garde, et devait être pré-
sent partout à l'heure du péril.
Napoléon partant pres(jue tous les jours de Schœn-
brunn à cheval, traversait au galop l'espace qui le
séparait d'Ébersdorf, venait surveiller, diriger, per-
fectionner les ouvrages qu'il avait ordonnés , et à
chaque visite concevait une idée ou une combi-
naison nouvelle, pour arriver à une réalisation
plus certaine de ses projets. Les Viennois, sous les Moyens
veux, quelquefois môme avec le concours desquels employés
•) ' ^ i i par Napoléon
s'exécutait cette prodigieuse entreprise, frémissaient pour contenir,
. occuper
en secret, et, sans la puissante armée qui les c^n- et nourrir
tenait, auraient fini par se soulever, car s'ils étaient uc ^?êmle
doux, ils étaient patriotes, et animés des sentiments 1^^"^^
qui conviennent à un grand peuple. Mais Napoléon ''*' son armée
avait pris des soins extrêmes pour les calmer. La capitale.
discipline avait été rigoureusement observée. Pas
un propos, pas un acte offensant n'étaient permis;
27.
i20 IIVRF XXXV.
toute infraction était réprimée à l'instant même. Les
Juillet 1809. . V , . • • . , TT
vivres manfuiant, .Napoléon avait tire de Honiïrie
des quantités considérables de i^rains et de nom-
breiix convois de bestiaux, de telle sorte qu'on
vivait à Vienne sans payer les subsistances trop
clier. Il avait consenti à employer la bouri^eoisic
pour le maintien de Tordre, parce que nos troupes
ne parlant pas la lanjsue du pays , étant d'ailleurs
étrangères et ennemies, étaient moins propres
qu'une milice nationale à se faire écouter quand il
y avait du tumulte. Mais il avait limité à six mille
les bourgeois employés à cet usage, et ne leur avait
laissé que 1,500 fusils, nombre égal à celui des
hommes qui étaient de garde chaque jour. Napo-
léon en outre exerçait une surveillance sévère sur
les halùtants. Sachant que beauceup de soldats de
l'ancienne irarnison s'étaient cachés dans la ville,
sous l'habit civil, prêts à seconder la première ré-
volte populaire, il avait ordonné quelques actes de
rigueur, en se bornant toutefois à ce qui était in-
dispensable. Quant aux gens du peuple, qui avaient
besoin de travail, il leur en fournissait à un taux
raisonnable, et pas toujours pour le service de
l'armée, souvent au contraire pour l'utilité ou
l'embellissement de Vienne, afin que le pain qu'il
leur procurait ne leur parût pas trop amer.
Fixation Tel fut l'aspcct de l'île de Lobau et de la ville de
''aù\"jl!i!ict^ Vienne pendant le mois de juin. Au 1" juillet tout
FO""" étant prêt, et 1rs corps d'armée dont on pouvait dis-
Ic passage . . .
du Danube, poscr étant arrivésou surlc point d'aniver, NapoléoH
donna ses ordres pour que les troupes commenças-
sent à se réunir dans l'île de Lobau dès le 3 juillet,
WAGRAM. 421
Juiret <80a.
juillet.
qu'elles y fussent rendues le ï, qu'elles passassent
le petit bras dans la nuit du 4 au 5, pour combattre
le 5 si on rencontrait l'ennemi en dcboucliant, le 6
s'il ne se présentait pas innnédiatement. Le r"" juil- Réunior;
let il quitta Schœnbrunn, et alla établir son quar- deTarméff
tier général dansl'ile de Lobau, laissant voir ainsi ^lansiiie
*- ' do Lobau
ce qu'on ne pouvait plus ic;norer, que cette île se- pendant
. ^ . ^ ' ^ '1 les journées
rait son point de départ, mais ne laissant soupçon- dos i", 2 et 3
ner à personne quelle serait la partie de cette île
vers laquelle s'exécuterait le passage. Le corps du
maréchal Masséna s'y trouvant déjà, Napoléon y fit
venir successivement le corps du général Oudinot,
la garde, le corps du maréchal Davout, la cavale-
rie légère, la grosse cavalerie, enfin l'immense ar-
tillerie de campagne qu'il avait préparée. La cava-
lerie et l'artillerie passaient le grand bras sur le pont
de pilotis, l'infanterie sur le pont de bateaux. Le
général Mathieu Dumas avait été chargé de veiller
lui-même au défilé, afin d'éviter les encombrements.
Des poteaux indiquaient l'emplacement de chaque
corps d'armée. D'après les ordres expédiés, l'armée
d'Italie devait arriver le 4 au matin , l'armée de
Dalmatie et les Bavarois le 5 au plus tard. Les
Saxons rendus à Vienne depuis quelques jours ,
ainsi que la division française Dupas, passèrent
avec les premières troupes dans l'île de Lobau. Les
corps étaient reposés, bien nourris, et animés des
meilleures dispositions. Quelques bataillons et es-
cadrons de marche , arrivés en juin , beaucoup
d'hommes sortis des hôpitaux, avaient servi à répa-
rer, non pas la totalité mais une partie des pertes.
La garde était superbe, complète en toutes armes,
Juillet 1809.
i^i LIVRE XXXV.
mais surloul en arlillcrie. En additionnant les
troupes do Masséna, dOudinot, de Davout, de Ber-
nadotte , du prince Eutjène , de Macdonald , de
Mannont, du Bavarois de Wrède et de la garde, on
pouvait supposer un total de 150 mille lionmies,
dont 20 mille cavaliers et 12 mille artilleurs ser-
vant 550 bouches à feu , force énorme que Napo-
léon n'avait pas encore réunie sur un même champ
de bataille, et qui, si on consulte bien l'histoire du
monde, n'avait encore figuré sur aucun ^ Outre
cette force si considérable , Napoléon avait auprès
de lui l'invincible Masséna, meurtri d'une chute de
cheval , mais capable de dominer un jour de ba-
taille toutes les douleurs physiques; l'opiniâtre Da-
vout, le bouillant Oudinot, l'intrépide Macdonald,
et une foule d'autres qui étaient prêts à payer de
leur sang le triomphe de nos armes. L'héroïque
Lannes, mort des suites de ses blessures, à Ébers-
dorf , entre les bras de Napoléon et au milieu des
regrets de toute l'armée, y manquait seul. La des-
tinée le privait d'assister à une victoire à laquelle il
avait puissamment contribué par sa conduite dans
cette campagne, mais elle le dispensait aussi de
voir les affreux revers qui nous frappèrent plus
tard : il mourait heureux, puisqu'il mourait dans
le cours du dernier de nos triomphes.
' Les historiens anciens , et ceux du moyen Age , ont allt^gué en quel-
ques occasions des nombres de combattants beaucoup plus considé-
rables, mais uni' foule de raisons, inutiles à rappoiter ici, prouvent
que ces aIl(5gations sont tout à fait exagérées. Je crois donc vrai de
dire qu'il ne s'était pas rencontré encore autant d'hommes , armés
d'aussi puissants moyens de dtstruct'on, sur un môme champ de ba-
taille.
WAGRAM.
423
Napoléon transporté dans Tilo de Lobau fut saisi
d'une inquiétude subite : il craignit, d'après quel-
ques indices , que l'arcliiduc Charles ne lui eût
échappé en descendant le Danube jusqu'à Pres-
bourg. Il est certain que l'archiduc aurait pu re-
courir à cette manœuvre, et la preuve qu'elle eût
été bien conçue de sa part , c'est que son adver-
saire la redoutait singulièrement. En quittant la
position qu'il occupait vis-à-vis de Vienne, sur les
hauteurs deWagram, il aurait, il est vrai, livré sans
combat le passage du Danul)e ; mais avec les moyens
imaginés par Napoléon , il y avait peu de chances
d'empêcher ce passage, et en s'enfonçant en Hon-
grie, il obligeait les Français à s'atïïiiblir par l'al-
longement de leur ligne d'opération, à laisser un
corps pour garder Vienne , tandis que les Autri-
chiens se renforçaient de l'archiduc Jean et de l'in-
surrection hongroise. Il aurait donc pu concevoir
ce plan sans commettre une faute , et on pouvait
avec quelque fondement lui en prêter la pensée.
Napoléon , pour dissiper ses doutes , fit une ten-
tative hardie, qui, tout en l'éclairant sur les pro-
jets du généralissime autrichien, était destinée à
tromper ce dernier sur le véritable point du pas-
sage.
La division Legrand du corps de Masséna avait
été placée près du rentrant qui avait servi au pre-
mier passage. Un brave et habile officier de pon-
tonniers, le capitaine Baillot, avait été chargé de
jeter de ce côté un pont de bateaux. Vers la nuit
l'artillerie fut répartie à droite et à gauche du ren-
trant; les voltigeurs de la division Legrand s'em-
Juillct 4 809.
Inquiétude
conçue
par Napoléon
à l'occasion
du départ
supposé
de l'archiduc
(Iharles pour
Presbour?.
Reconnais-
sance pour
s'assurer
de la présence
de l'armée
autrichienne
entre Essiing
et Wagrara.
Juillet 1809.
424 LIVRE XWV.
l)ar(iiiiMonl dans des nacelles, sous la direction de
l'aide de camp de Masséna, Saiiilc-Croix, franclii-
rcnl le petit bras, et s'emparèrent du déljouclié,
malj^ré les avant-postes autrichiens, qu'ils repous-
sèrent. En moins de deux heures le capitaine Bail-
lot , opérant avec de^ matériaux [)réparés à l'a-
vance, sur un terrain bien étudié, réussit à établir
un pont de bateaux, et la division Legrand passant
sur ce pont en toute hâte , puis traversant le petit
bois qui s'étend au delà, vint déboucher entre Ess-
ling et Aspern. Après avoir ramassé quelques pri-
sonniers et tué quelques hommes, la division attira,
en se montrant, une vive canonnade de la part des
redoutes ennemies , et quand le jour fut venu elle
aperçut un déploiement de forces qui ne laissait
aucun doute sur la présence en ces lieux de la prin-
cipale armée autrichienne. Dès ce moment Napo-
léon n'avait plus à craindre que l'ennemi eût dis-
paru; il était certain au contraire de l'avoir devant
lui, et de pouvoir bientôt finir la guerre dans la
vaste plaine du 3Iarchfeld.
Késoiuiions L'archiduc Charles se trouvait en effet vis-à-vis,
'^%ww'^'''" sur les hauteurs de AVagram , flottant entre mille
projets, ne sachant auquel s'arrêter, et, comme
d'usage, ne s'attachant à en exécuter aucun. Il avait
employé les premiers jours qui avaient suivi la ba-
taille d'Essling à se laisser féliciter de sa victoire,
à se prêter même à des exagérations ridicules, qui
pouvaient toutefois avoir un côté sérieux, celui
d'agir utilement sur les esprits. Mais il n'avait rien
fait pour se procurer, après un succès douteux, un
succès incontestable. Ce n'est pas assurément de
Juillet «80'J.
WAGRAM. fôS
n'avoir point envahi la Lobau, comme nous l'avons
dit ailleurs, qu'on pouvait l'accuser; ce n'est pas
non plus Je n'avoir point essayé, au-dessus ou au-
dessous de Vienne, un passage qui aurait pu ame-
ner la délivrance de l'Autriclie, mais aussi sa ruine
totale; mais sans imposer au généralissime des
plans compliqués et hasardeux, pourquoi, puisque
la bataille dEssling lui avait paru une merveille,
pourquoi ne pas profiter de la leçon , et ne pas en
tirer une autre bataille d'Essling plus complète et
.plus décisive? Cet événement tant vanté par les
Autrichiens était l'expression de la difficulté mili-
taire que Napoléon avait à vaincre, et qui consistait
à passer un grand fleuve, pour livrer bataille avec
ce fleuve à dos. Il fallait dès lors ne rien négliger
pour accroître cette difficulté, et la rendre même
insurmontable, si on le pouvait. C'était là un jeu
simple, sûr, éprouvé, et sans y faire de prodige, il
suffisait qu'on eût encore une fois arrêté Napoléon
au bord du Danube, pour le chasser bientôt de
l'Autriche. Il y avait pour cela deux mesures fort
simples à prendre, c'était d'abord d'ajouter au ter-
rain du combat, qui était connu d'avance, toute la
force qu'une position défensive peut recevoir des
efforts de l'art; c'était ensuite d'employer la res-
source des grandes manœuvres pour y concentrer
toutes les armées de la monarchie. De ces deux
mesures, l'archiduc, heureusement, n'en avait pris
aucune.
Ainsi Napoléon avait accumulé les redoutes sur Négligence
tout le pourtour de l'île de Lobau pour déboucher ^^^\?°'^^^^^,^^
sous la protection d'une puissante artillerie de gros à défeadre
Juillet I)t0<.).
iiO I.1VIU-: XXXV.
calihrc : n'élail-il pas d(\s lors naluicl d'élever vis-
à-vis des redoutes qui rendissent la rive opposée
)os abords inabordable? La grosse artillerie ne mantiuait pas à
de la rive • i '
sauchc. une puissance qui se battait chez elle, et qui était
l'une des mieux fournies de l'Europe en matériel.
Or Tarcliiduc avait retranché Esslinp;, Aspern, En-
zersdorf, parce qu'on s'était battu sur ces trois
points; mais d'Enzorsdorf au confluent des deux
bras, sur toute la droite de la Lobau, dans la plaine
unie que Napoléon avait choisie pour déboucher,
il s'était borné à construire une redoute, près d'un .
endroit dit la Maùon-Blanche, armée de six canons,
et à loijjer quelques troupes dans le petit château
de Sachsengang, situé au milieu des bois. La pos-
sibilité du débouché par notre droite, qui était la
combinaison sur laquelle Napoléon avait médité
quarante jours, n'avait pas un moment frappé l'ar-
chiduc Charles, et il n'avait construit de véritables
ouvrages que d' Aspern àEssling, d'Essling à En-
zersdorf, (Voir la carte n" 49.) Encore ces ouvrages
n'étaient-ils pas de force à résister à des soldats
aussi impétueux que les soldats français.
Après avoir rendu le passage du Danube aussi dif-
ficile que possible, en couvrant d'ouvrages puissants
la rive o[)posée à l'ile de Lobau, il restait à se créer
en arrière, dans la plaine du ]Marchfeld, qui était le
champ de bataille inévitable des deux armées, une
position défensive telle, qu'on eût pour soi toutes les
chances. Or, en supposant que l'ennemi fut parvenu
à franchir le Danube, si on gagnait sur lui une ba-
taille défensive, on pouvait, le lendemain ou le jour
nvjme, passer de la défensive à l'olfensive, et es-
WAGRAM.
Juillet «809.
de Lobau et
Wasiram.
sayer, avec grande probabilité d'y réussir, de le
jeter dans le fleuve. Le terrain offrait pour cela des
ressources nombreuses. La plaine du Marchfeld Nature
allait en s'élevant doucement pendant deux lieues ; cntreTn"
puis surgissait une petite chaîne de hauteurs, de
Neusiedel à Wagram, dont le pied était baigné par
un gros ruisseau, profond et marécageux, le Russ-
bacli. (Voir les cartes n"' 48 et 49.) C'était derrière
ce ruisseau que l'archiduc avait campé ses prin-
cipales forces. Il y avait placé trois de ses corps
«l'armée, le premier sous Bellegarde, le deuxième
sous Hohenzollern', le quatrième sous Rosenberg,
c'est-à-dire 75 mille hommes environ. Il eût été
facile, en profitant des hauteurs et du ruisseau
(jui circulait à leur pied, d'y élever des ouvrages
formidables, qu'aucune impétuosité, même fran-
çaise, n'aurait pu vaincre. Cette position venait
se relier au Danube par une seconde ligne de hau-
teurs en forme de demi-cercle, passant pas Ader-
klaa, Gerarsdorf et Stamersdorf, dont l'accès n'é-
tait pas interdit par un ruisseau profond, mais
qui n'en avait pas besoin, car c'est le côté par
lequel on aurait du prendre l'offensive, pendant
qu'on aurait opposé sur l'autre une défensive ob-
stinée et invincible. L'archiduc avait là encore 65
ou 70 mille hommes , se composant du troisième
corps sous KoUovrath", du cinquième sous le prince
de Reuss*, du sixième sous Klenau''. Ce dernier
' C'était KoUovrath qui le commandait au début de la guerre.
* Commandé auparavant par Hohenzollern.
^ Commandé auparavant par le prince Louis.
■• Commandé auparavant par le général Ililler.
Juillet 4 son.
Néglii-'ence
de I archiduc il
concentrer
ses forces
entre Esslinî:
et Wagrnn^..
428 LIVRE XXXV.
îAunlail le bord du fleuve, La (loul)le réserve de cava-
lerie et de grenadiers, cantonnée entre Waû;ram et
Gerarsdorf, liait les deux masses de l'armée autri-
chienne. Celle de ijauclie, ijui campait entre Neu-
siedel et Wai^rani, aurait pu défendre les hauteurs
opiniâtrement, et, pendant ce temps, celle de droite
qui s'étendait de Gerarsdorf à Stamersdorf, aurait
dii prendre l'offensive, se porter dans le flanc des
Français, les séparer du Danuhe, ou les jeter dans
ce fleuve. L'archiduc pensait effectivement à se
conduire de la sorte, comme on le verra bientôt,
mais sans avoir construit aucun des ouvrages qui
auraient rendu inabordable la position entre Wagram
et Neusiedel.
Enfin la dernière précaution à prendre eût été de
concentrer ses forces, de façon à être sur le champ
de bataille supérieur en nombre à son adversaire.
Le mouvement successif de concentration qui ame-
nait, les uns après les autres, les corps français
sous Vienne, était en partie connu du généralissime
autrichien, bien que la manœuvre principale, celle
qui devait faire participer l'armée d'Italie à la
grande bataille, lui fut habilement dérobée. Cette
manière d'agir aurait du lui servir de leçon, et le
porter à réunir entre la Lobau et Wagram toutes
les troupes qui n'étaient pas indispensables ailleurs.
Cependant, comme tous les esprits indécis, il n'avait
que très-imparfaitement suivi l'exemple si instructif
de son adversaire. Il avait en effet appelé de Lintz
à Wagram le corps de Kollovrath , ce qui l'avait
renforcé d'une vingtaine de mille hommes. Mais il
en avait laissé sur le haut Danube au moins une
WAGRAM. 429
douzaine de mille, dont il aurait pu attirer encore
une partie , les Français n'ayant cvidenunent aucun
projet de ce côté. Il songeait à faire venir Tarchi-
duc Jean, tandis qu'il aurait déjà dii l'avoir auprès
de lui, la ville de Presbourg pouvant se défendre
avec 3 ou 4 mille hommes de garnison. Il aurait
pu lui adjoindre le général Chasteler avec 7 ou
8 mille hommes, car pour batailler en Hongrie avec
les postes français restés sur la Raab, le ban Giulay
suffisait, ce qui aurait élevé de 12 à 20 mille le
renfort que lui eut amené Tarchiduc Jean. Enfin
l'archiduc Ferdinand faisait en Pologne une cam-
pagne inutile, et employait 30 à 35 mille hommes
d'excellentes troupes en courses ridicules de Thorn
à Sandomir. En conservant dans cette partie du
théâtre de la guerre une quinzaine de mille hom-
mes pour contenir non les Russes, qui étaient peu à
craindre, mais les Polonais, qui se montraient assez
entreprenants , on aurait eu encore une vingtaine
de mille hommes qui eussent pu concourir à sauver
la monarchie sous les murs de Vienne.
Ainsi en manœuvrant comme Napoléon, avec cet
art qui consiste à ne laisser en chaque lieu que
l'indispensable, pour porter sur le point décisif tout
ce qui peut y être réuni sans faire faute ailleurs,
l'archiduc Charles aurait eu le moyen d'amener
20 mille hommes de Presbourg, 9 à 10 mille de
Lintz, et 20 de Cracovie, ce qui eût ajouté 50 mille
hommes à ses forces, et peut-être décidé la question
en sa faveur. Que serait-il arrivé, en effet, si les
Français débouchant avec i 40 ou 1 50 mille hom-
mes, en eussent rencontré 200 mille, dont 80 dans
.luillct 1S00.
i30 LIVRE XXXV.
une posilion inex|)UL,Mialjle el 1 20 leur toml)anl dans
Juillet 1809. , ^^ , ., ' , ■•-,,,
le liane pendant I atlaciue de cette position.'' 11 est
probable que, mali.!;ré tout son génie, Napoléon,
dans cette plaine du Marchfcld, eut trouvé trois
ou quatre ans plus tôt le terme de sa prodii^ieuse
grandeur.
L'archiduc, entrevoyant mais ne voyant pas sû-
rement que tout se déciderait entre Wai^ram et l'île
de Lobau, n'avait rien exécuté de ce que nous
venons de dire. Il a\ait campé ses troupes sur les
hauteurs de Neusiedel à Wagram, les y avait ba-
raquées, les faisait manœuvrer pour instruire ses
recrues, les nourrissait assez abondamment avec
du pain et de la viande fournis par les juifs, mais
les laissait manquer de paille, de fourrage, d'eau
I excepté pour les corps placés près du Russbach),
et par conséquent ne les avait pas môme mises à
l'abri des privations, bien qu'il fût dans son pays,
et secondé par le patriotisme de toutes les popula-
tions. Il n'avait presque rien fait pour remonter la
cavalerie, quoique l'Autriche abondât en chevaux,
et il n'obtenait pas d'un pays dévoué, tout ce qu'en
tirait Napoléon, qui en était abhorré à titre de con-
quérant étranger ' . On pouvait évaluer les six corps
' Les Autrichiens, après la bataille de Wagiani, ont chercbé à r<?-
•Inire le chiffre des troupes dont ils pouvaient disposer dans celte ba-
taille. Les récits par eux publiés ont évalué leur armée à 115 niilU^
hommes, sans y compter le prince de Reuss, qui était à Stamersdorf,
vis-à-vis de Vienne, et <iu'ils ont omis parce qu'il n'agit pas dans cette
journée. S'il n'agit pas ce fut la faute du général en chef, mais il n'en
»'tait pas moins sur le terrain. En évaluant son corps ù 14 ou I5 mille
hommes, ce serait un total de près de 130 mille hommes, sans l'ar-
(hiduc Jean. Mais ces évaluations sont au-dessous de toute vraisem-
blance. Le i" et le 2« corps (Dcllcgarde et Kollovrath) avaient pris peu
WAGUAM. Î3I
dont il disposait, en y ajoutant les deux réserves de — -
grenadiers et de cuirassiers, à 140 mille hommes
environ, suivis de 400 bouches à feu; et il comptait
en outre sur 12 mille de Tarchiduc Jean, ce qui
faisait à peu près 150 mille, tandis qu'il aurait
pu en réunir près de 200 mille. Ses troupes lui
étaient fort attachées; mais en estimant sa bravoure
et son savoir, en le préférant à son frère, elles
n'avaient pas dans son génie une suffisante con-
fiance. Elles craignaient de le voir en présence de
Napoléon presque autant qu'il craignait lui-même
de s'y trouver.
Comme l'accumulation successive des troupes Rcconnais-
françaises vers Ébersdorf annonçait des événements parTarXduc
prochains, l'archiduc Charles, déjà tenu en éveil par c/'a'"'«s
• ' ' j i a la suite
cette accumulation, prit l'alarme en entendant la ^^ passage
, , 1 1 • • • T 1 exécuté par
canonnade provoquée par la division Legrand , et la division
mit ses troupes en mouvement dans la persuasion
que le passage allait recommencer sur le même
point. Déjà une avant-garde sous le général Nord-
mann occupait Enzersdorf, la plaine à droite de l'île,
de part aux principaux combats de la campagne, et ne devaient pas
compter beaucoup moins de 50 ni'Ue bommes. Les 3"^ et 4'' avaient
souffert, mais ils avaient été considérablement recrutés. En les portant
à 20 mille bommes cbacun, on trouve déjà un total de 90 mille. Res-
taient le G' sous Klenau , le .'>* sous le prince de Reuss , enfin la double
réserve dont le chiffre avoué était de 8 mille bonunes d'infanteiie, et de
8 mille de cavalerie. On ne peut pas évaluer ces trois corps à moins
de cinquante mille hommes, en supposant le corps de Klenau de 20
mille, celui de Reuss de \'t mille, la double réserve de 10 mille,
ce qui produit un total de liO mille sans l'archiduc Jean, et de I52
mille avec lui. On peut donc avancer avec la plus grande vraisemblance
que les deux armées étaient de même force. Les calculs les plus rigou-
reux donnent en effet environ l 'lO à 150 mille bommes pour l'évalua-
tion des forces de l'armée française.
Legrand.
432 I.lVItl- \\\V.
la polilc redoute, «lu lu !\I(ih(,u-lUanchc, et les bois
Juillet 480'J. . ', ,- , , , 1 IV I rr 1-
situes au conlliicul [W> deux hrasdu Danuhe. landis
que ce point le j)lns menacé était irardé par une
simple a^anl-ira^de, le général Klenau, avec le
sixième C()r[)s tout eut ici", occupait les ouvratïes
entre Aspern et Esslinii;, de^ant Icstpiels on suppo-
sait que l'année française se présenterait de nouveau
pour combattre. L'archiduc Charles descendit des
hauteurs de Wagram dans la plaine du Marchfeld,
avec les corps de Bellcgarde, HohenzoUern, Ro-
senberg (les l""", 2% i*), pour appuyer Nordmann et
Klenau. Il lit descendre aussi du demi-cercle de
hauteurs qui formait sa droite de Wagram au Da-
nube, le corps de Kollovralh (le 3*), laissant en
position le prince de Reuss à Stamersdorf, vis-à-
vis de Vienne, afin d'observer si les Français ne
tenteraient rien de ce côté. La double réserve d'in-
fanterie et de cavalerie resta en arrière, aux envi-
ions de Gerarsdorf. Il demeura ainsi en position le
1" et le 2 juillet, puis ne voyant point paraître les
Français, imaginant que le passage ne serait pas
immédiat, et répugnant à tenir dans cette plaine,
au milieu d'une chaleur étouffante, son armée ex-
posée à toutes les privations, il la ramena sur les
hauteurs où elle était habituée à camper. Il main-
tint l'avant-garde de Nordmann entre Enzersdorf et
la Maison- Blanche , le corps de Klenau dans les
ouvrages d'Essling et d'Aspern, attendant une dé-
monstration plus sérieuse, pour descendre de nou-
veau dans la plaine, et livrer bataille.
L archiduc Je 3 juillet Napoléou ne fit rien que préparer
fait tirer définitivement, et secrètement, derrière le rideau
WAGRÂM. i33
(les bois, le matériel de passage, et attendre les
troupes qui ne cessaient de franchir les grands
ponts pour se rendre dans la Lobau. L'agglomé-
ration toujours croissante des troupes pouvait môme
se discerner au loin, et l'archiduc Charles averti
ordonna le 4 à l'artillerie d'Aspern, d'Essling et
d'Enzersdorf, de tirer sur l'île de Lobau, pour y
envoyer des boulets dont aucun ne devait être perdu,
en tombant au milieu d'une telle accumulation
d'hommes. Jamais en effet on n'avait vu dans un es-
pace d'une lieue de largeur, de trois lieues de tour,
150 mille soldats, 550 bouches à feu, et 40 mille
chevaux, entassés les uns sur les autres. Heureu-
sement l'île était trop profonde pour que les pro-
jectiles lancés d'Essling et d'Aspern pussent avoir
un effet meurtrier. Il aurait fallu pour cela de gros
calibres, comme ceux dont Napoléon avait eu la
prévoyance d'armer ses batteries, tandis que l'ar-
chiduc n'avait dans ses ouvrages que des pièces de
campagne. Cependant les troupes de Masséna les
plus voisines de l'ennemi perdirent quelques hom-
mes par le boulet.
Le 4 à la chute du jour, Masséna, Davout, Ou-
dinot, couverts par le rideau des bois, s'approchè-
rent de la droite de l'île, et se placèrent Masséna
vis-à-vis d'Enzersdorf (voir la carte n" 49), Davout
un peu plus bas, vis-à-vis de la Mamn-Blanche ,
Oudinot en dessous, en face des bois touffus du
confluent. Le colonel des marins Baste mouilla près
de ce dernier endroit avec ses barques armées,
prêt à convoyer les troupes de débarquement. A
neuf heures, le corps d'Oudinot commença son pas-
TOM. X. 28
Juillet 1809.
sur l'Ile
de Lobau ,
espérant quo
l'aocumulation
des hommes
oITrira une
grande prise
au boulet.
Commence-
ment
du passage
dans la nuit
du 4 au .'>
juillet.
Passagn
du corps
d'OudiiiH.
Juillet 4 809.
iM IJVUK X.XXV.
saj^e. La brigade Conruiix, do la division Tharrcaii,
enil)ar(iuôe sur les gros bacs dont nous avons parlé,
et escortée par la lloUilic du colonel Baste, sortit
des golfes intérieurs de l'île de Lobau, et se porta
vers les bois du conlluent. La nuit était profonde,
et le ciel, chargé d'épais nuages, annonçait un
violent orage dété, ce qui ne pouvait que favo-
riser notre entreprise. Le petit bras fut traversé en
peu de minutes, quoiqu'il s'élargit en se rappro-
chant (kl grand. Après avoir débarqué sur la rive
opposée, on enleva les sentinelles ennemies qui
appartenaient à l'avant -garde du général Nord-
mann, on s'empara ensuite de la redoute de la
Maison- Blanche , et tout cela , exécuté en un quart
d'heure, coûta tout au plus quelques hommes. La
cinquenelle fut aussitôt attachée à un arbre désigné
d'avance, et les bacs, commençant leur va-et-vient,
transportèrent rapidement le reste de la division
Tharreau. Au même instant le capitaine Larue, tou-
jours secondé par le colonel Baste, amena en posi-
tion les matériaux du pont qui devait être établi à
l'embouchure du petit bras dans le grand, et con-
duisit son travail de manière à le terminer en moins
de deux heures. Pendant ce temps la division Thar-
reau tiraillait sur l'autre rive , et à travers l'obscu-
rité, contre les avant-gardes autrichiennes qu'elle
n'avait pas de peine à repousser, et les divisions
Grandjoau (autrefois Saint-Hilaire), Frère i^autrefois
Claparède), qui complétaient le corps d'Oudinot,
se rangeaient en colonnes serrées, attendant que
le pont fut jeté, pour passer à leur tour et rejoin-
dre la division Tharreau.
WAGRAM.
43fi
Le maréchal Masséna avait reçu ordre de ne com-
mencer son passage que lorsque le général Oudinot
aurait fort avancé le sien , et pris pied sur la rive
ennemie. A onze heures il se mit en mouvement
avec les trois divisions, Boudet, Carra Saint- Cyr,
Molitor, celle de Legrand ayant déjà franchi le
lleuve entre Essling et Aspern. Quinze cents volti-
geurs embarqués sur cinq gros bacs, escortés par
le colonel Baste, et conduits par le brave aide de
camp Sainte-Croix, débouchèrent du canal inté-
rieur de Vile Alexandre^ et traversèrent le petit
bras, sous le feu des avant-postes autrichiens, que
la fusillade d'Oudinot avait attirés. Ils bravèrent
ce feu, et touchèrent bientôt à la rive opposée.
Les bacs ayant de la peine à y aborder, les soldats
se jetèrent dans l'eau jusqu'à la ceinture, les uns
pour combattre corps à corps les tirailleurs en-
nemis, les autres pour tirer les bacs à terre. La
cinquenelle ayant été attachée à un arbre , on com-
mença les trajets successifs, et on porta secours
aux voltigeurs engagés avec l'avant-garde de Nord-
inann. Sur ces entrefaites le pont d'une seule pièce,
dirigé par le commandant Dessalles, sortait du
canal de Vîle Alexandre, s'infléchissait pour suivre
les sinuosités de ce canal , se redressait après les
avoir franchies, puis livré au courant allait s'ar-
rêter à une cinquantaine de toises au-dessous, afin
de laisser le passage libre aux matériaux des au-
tres ponts. Quelques pontonniers intrépides s'a-
vançant dans une nacelle, sous la mousqueterie
ennemie, vinrent jeter une ancre sur laquelle ils
halèrent le pont pour le redresser et le placer ti'ans-
28.
Juillet 4 809.
Passage
du corps
de Masséna.
Placemont
on quelques
minutes
du pont
d'une seule
pièr^».
Juillet 4 809.
43G UMŒ XX \V.
versalement. Tandis qu'on le fixait fortement de
notre côté, les troiij)es de la (li\ision Boudet s'é-
lancèrent dessus pour aller le fixer à Tautre bord.
Ouinze ou vingt minutes suffirent à raclièvement
de cette belle opération. Le reste des tioupes de
Masséna défila aussitôt pour prendre possession de
la rive gauche, avant que les Autrichiens eussent
le temps d'opposer des masses au déploiement de
l'armée française.
Le pont de pontons, puis celui de radeaux sor-
tirent successivement du canal de VUe Alexandre ,
juais en pièces détachées, et furent disposés au-
dessus du pont d'une seule pièce, à cent toises les
uns des autres. Le pont de pontons était destiné à
l'infanterie du maréchal Davout, le pont de radeaux
à l'artillerie et à la cavalerie des maréchaux Da-
vout et Masséna. Le premier devait être achevé en
moins de deux heures et demie, le second en
quatre ou cinq. Les pontonniers travaillaient sous
un feu continuel, sans se trou])ler ni se rebuter.
Feu Son projet étant démasqué, Napoléon avait or-
effroyabie donné à l'artillerie des redoutes de commencer à
de toutes
les batteries tirer, pour démoHr d'abord la petite ville d'En-
de Lobru. zersdorf , de manière qu'elle ne pût servir de point
d'appui à l'ennemi, et ensuite pour couvrir la plaine
au-dessous de tant de mitraille que les troupes de
Nordmann fussent dans l'inipossibilité d'y tenir. Il
(ionna le même ordre non-seulement aux batte-
ries placées à la droite de lîle, mais à celles qui
étaient placées à gauche, vers l'ancien passage,
afin d'étourdir les Autrichiens par la simultanéité
de ces attaques. Tout à coup cent neuf bouches à
AVAC.RAM. 437
feu du plus gros calibre remplirent l'air de leurs
détonations. Le colonel Basle parcourant le Da-
nube avec ses barques armées, tant au-dessus
qu'au-dessous de Tile de Lobau , se mit à canonner
partout où Ton apercevait des feux, au point de
faire perdre l'esprit à Tenncmi le plus calme et le
plus résolu. Bientôt le ciel lui-même joignit son
tonnerre à celui de Napoléon, et l'orage, qui char-
geait l'atmosphère, fondit en torrents de pluie et
de grêle sur la tête des deux armées. La foudre sil-
lonnait les airs, et quand elle avait cessé d'y briller,
des milliers de bombes et d'obus les sillonnant à
leur tour, se précipitaient sur la malheureuse ville
d'Enzersdorf. Jamais la guerre dans ses plus gran-
des fureurs n'avait présenté un spectacle aussi
épouvantable. Napoléon courant à cheval, d'un
bout à l'autre de la rive où s'exécutait cette prodi-
gieuse entreprise, dirigeait tout avec le calme, avec
la sûreté qui accompagnent des projets longuement
médités. Ses officiers, aussi préparés que lui, ne
ressentaient au milieu de cette nuit, ni trouble, ni
embarras. Tout marchait avec une régularité par-
faite, malgré la grêle, la pluie, les balles, les bou-
lets, le roulement du tonnerre et de la canonnade.
Vienne, éveillée par ces sinistres bruits, apprenait
enfin que son sort se décidait, et que la pensée de
Napoléon, si longtemps menaçante, était près de
s'accomplir.
A deux heures après minuit, l'armée avait déjà
trois ponts, celui du confluent, celui d'une seule
pièce au-dessous de Ytle Alexandre, celui de pontons
en face de cette île. Oudinot passa sur le premier.
Juillet 1809.
Juillet «Sdi».
i-J8 LIVRE XXXV.
Masséna sur le second, et en li\ra ininiédiatenjenl
l'usage au maréchal Davout. Les troupes défilèrent
avec rapidité et en colonnes serrées. Bientôt à droite
le général Oudinot enleva les bois du confluent, re-
poussa (lueUjues postes de Nordm;inn. (rjuichit un
petit bras, celui de Steip:biec:hl, sur des chevalets,
et porta sa gauche à la Maison- Blanche, sa droite
au petit hameau de Muhlleiten. Dans ces divers
engagements il prit trois pièces de canon et quel-
ques centaines d'hommes. Un peu à sa droite se
trouvait le château fortifié de Sachsengang, dans
lequel s'était jeté un bataillon autrichien. Il le fit
cerner, et cribler d'obus. Pendant ce temps Mas-
séna avait défilé avec toute son infanterie; mais
n'ayant pas encore ses canons, il s'était rapproché
de la rive du fleuve, afin d'être couvert par l'ar-
tillerie des redoutes. Sous cette artillerie à grande
portée la plaine étant devenue inhabitable, les
troupes de Nordmann se retirèrent peu à peu. Le
corps du maréchal Davout traversa ensuite sur le
pont qui avait servi aux troupes de Masséna. Une
horrible canonnade continua d'accabler Enzers-
dorf, dont les maisons s'écroulaient au milieu des
flammes.
Le passage Quand le jour vint éclairer les bords du fleuve,
te7S ^^^^ quatre heures du matin , un spectacle des plus
à la pointe imposants se présenta aux veux surpris des deux
du jour du 5 , * ^ «J *
sans avoir armécs. L'oragc était dissipé. Le soleil se levant ra-
par les Autri- dieux faisait reluire des milliers de baïonnettes et
de casques. A droite le général Oudinot s'élevait
dans la plaine , tandis que son arrière-garde fou-
droyait le château de Sachsengang. (Voir les cartes
chiens.
WAGRAM. 439
n*" 48 et 49.) A gauche Masséna s'appuyait à la
ville d'Enzersdorf, qui brûlait encore sans pou-
voir rendre les feux dont elle était criblée, car
son artillerie avait été éteinte en quelques in-
stants. Entre ces deux corps, celui de Davout,
passé tout entier, remplissait l'intervalle. Une partie
de l'artillerie et de la cavalerie avait défilé sur le
pont de pontons ; le reste se pressait sur le pont de
radeaux, La garde impériale suivait, pour passer
à son tour. Soixante-dix mille hommes étaient déjà
en bataille sur la rive ennemie, capables à eux
seuls de tenir tête aux forces de l'archiduc Charles.
Bernadotte , avec les Saxons , s'apprêtait à défiler
après la garde impériale. Les armées d'Italie et de
Dalmatie, la division bavaroise, transportées pen-
dant la nuit dans la Lobau, s'avançaient de leur
côté. Tout marchait avec un ensemble merveilleux
et irrésistible. Les soldats à qui on avait défendu
d'allumer des feux pendant la nuit, pour ne pas
offrir un but aux projectiles de l'ennemi, et qui
étaient tout mouillés parla pluie, se réchaufîaienl
aux premières ardeurs d'un soleil de juillet. Quel-
ques-uns sortaient des rangs pour embrasser des
parents, des amis, qu'ils n'avaient pas vus depuis
des années, car des corps venus, les uns du fond
de la Dalmatie, les autres des confins de la Pologne
et de l'Espagne, se rencontraient sur ce nouveau
champ de bataille, après s'être séparés à Austerlitz,
pour se rendre aux extrémités opposées du conti-
nent. Des Bavarois, des Badois, des Saxons, des
Polonais, des Portugais, des Italiens, mêlés à des
Français, se trouvaient à ce rendez- vous des ua-
Juillet 4801).
440 LIVRE XXXV.
lions, prêts à se battre pour une politique qui leur
Juillet 1809. . . , , ' , ,,.,•,
était étrangère. La joie de nos soldats éclatait de
toutes parts, bien que le soir mc^ie un grand nom-
bre d'entre eux ne dussent plus exister. Le soleil,
la confiance dans la victoire, Tamour du succès,
Tespoir de récompenses éclatantes les animaient. Ils
étaient enchantés surtout de voir le Danube vaincu,
et ils admiraient les ressources du génie qui les
avait transportés si ^ ite, et en masse si imposante,
d'une rive à l'autre de ce grand fleuve. Aperce-
vant Napoléon qui courait à cheval sur le front des
lignes, ils mettaient leurs schakos au bout de
leurs baïonnettes, et le saluaient des cris de vive
l'Empereur ' !
Prise D'après l'ordre de Napoléon, on dut s'emparer à
■^^ ';,Pf ''' gauche de la ville d'Enzersdorf, à droite du château
d'Enzersdorf jg Sachscugang, afin de ne pas laisser d'ennemis
•et du château 005 r
deSachscn- sur scs derrières, en se déployant dans la plaine.
oancr
° "' Quelques ouvrages de campagne d'un très-faible
relief couvraient les portes de cette petite ville, à
moitié réduite en cendres. Un bataillon autrichien la
défendait, mais il avait presque épuisé ses munitions,
et il allait être remplacé par un autre, lorsque Mas-
séna ordonna Tattaque. Ses deux aides de camp,
Sainte-Croix et Pelet, assaillirent l'une des portes
d'Enzersdorf avec le 46", tandis que Lasalle , enve-
loppant la ville avec sa cavalerie légère , empêcha
qu'on ne lui portât secours. L'infanterie enleva à
' Je ne donne point ici des détails de fantaisie, qui m'ont toujours
semblé indignes de l'histoire. Je puise ceux-ci dans une foule de mé-
moires contemporains, publiés ou inédits, ceux notamment des maré-
chaux Macdonald, Marmont, Davout, etc.
Juillet 1809.
WAGRAM. 444
la baïonnette les ouvrages élevés aux portes , entra
dans les rues en flammes, et prit du bataillon en-
nemi tout ce qui ne fut pas tué. Les hommes (jui
essayèrent de sortir furent sabrés par la cavalerie
du général Lasalle.
De son côté, le général Oudinot, après avoir ca-
nonné le château de Sachsengang, le fit sommer.
Le commandant de ce château se voyant comme
noyé au milieu de cent cinquante mille hommes, se
rendit sans résistance. Dès lors, l'armée n'avait
plus rien sur ses ailes qui dût l'inquiéter ou la gê-
ner. Elle pouvait se déployer dans la plaine, vis-à-
vis de l'archiduc Charles, et lui offrir la bataille au
pied des hauteurs de Wagram. Ce prince voyait en Larchiduc
ce moment toutes ses prévisions cruellement trom- '^i^aries rcph«
i ses
pées. Croyant que les Français passeraient comme avant-gardes
. , . V . . sur le corps
la première fois à la gauche de l'île, il n'avait placé do bataille.
à la droite que Nordmann , sans l'appui d'aucun
ouvrage, et avait rangé le corps de Klenau tout
entier derrière les retranchements d'Essling et d'As-
pern, devant lesquels nous ne devions pas débou-
cher. Après une telle méprise il ne restait à ses
avant-gardes d'autre ressource que celle de se re-
tirer, car si elles s'obstinaient Klenau allait être pris
à revers dans les redoutes d'Essling et d'Aspern. Au
surplus l'archiduc généralissime, ne jugeant pas
encore la situation aussi grave qu'elle l'était véri-
tablement, crut que le passage n'était effectué qu'en
partie, que l'armée française emploierait au moins
vingt-quatre heures pour franchir le fleuve et se
déployer, et qu'il aurait le temps de l'assaillir avant
qu'elle fut en mesure de se défendre. Placé sur une
442
LIVRE XXXV.
Juillet 4 80'J.
Journée
du 3 juillet.
Dernières
précautions
de Napoléon
pour assurer
ses derrières
avant
de se déployer
dans !a plaine
Je Wagram.
hauteur, à côté de son frère roiiipereur, qui lui de-
mandait compte des événements, il lui dit qu'à la
vérité les Français avaient forcé le Danube, mais
qu'il les laissait passer pour les jeter dans le fleuve.
— Soit, répondit l'empereur avec finesse, mais
nen laissez pas passer un trop grand nombre '. —
L'archiduc Charles, qui n'avait plus le choix, fit
ordonner à Klenau de ne pas se compromettre, et
de se replier avec ordre sur le eros de l'armée.
Napoléon, ayant les trois quarts de son armée
au delà du fleuve, ne songea plus qu'à gagner du
terrain afin de pouvoir se mettre en bataille. Mar-
chant toujours avec une extrême prudence, il or-
donna diverses précautions avant de s'avancer davan-
tage. Quoiqu'il eût assez de ponts pour transporter
ses troupes d'une rive à l'autre, il voulait recevoir
son matériel plus vite, et surtout en cas de mal-
heur avoir de nombreux movens de retraite. En
conséquence, il fit jeter encore trois ponts, qui,
ajoutés aux quatre qu'on avait établis dans la nuit,
faisaient sept. Tous les matériaux étant prêts, il
allait être obéi en quelques heures. Il prescrivit en
outre d'élever un nombre égal de têtes de ponts,
les unes en fascines , les autres en sacs à terre pré-
parés à l'avance, afin que l'armée en s'éloignant ne
put pas être privée de ses communications par une
brusque invasion sur ses derrières. Enfin il confia
à un excellent officier, déjà fort connu, et très-
propre à la guerre défensive, au général Régnier,
la garde de l'île de Lobau. 11 lui laissa septbatail-
' Ce mot remarquable est resté traditionnel parmi les militaires du
temps.
Juillet 1809.
WAGRAM. 4Ï3
Ions, dont deux devaient garderies grands ponts,
un le pont du confluent, un les ponts du petit bras,
trois former une réserve au centre de l'île de Lo-
bau. Ordre était donné de ne laisser passer personne
de l'autre côté du fleuve, si ce n'est les blessés.
Ces précautions prises, Napoléon commença à se ordre
déployer dans la plaine, sa gauche immobile près ^varmér
d'Enzersdorf et du Danube, sa droite en marche siivance dans
' la plaine
pour s'approcher des hauteurs de Wagram , opé- Je wain-am.
rant par conséquent un mouvement de conversion.
Il était formé sur deux lignes : en première ligne
on voyait Masséna à gauche, Oudinot au centre,
Davout à droite; en seconde ligne on voyait Berna-
dotte à gauche, Marmont et de ^yrède au centre,
l'armée d'Italie à droite. La garde et les cuirassiers
présentaient en arrière une superbe réserve. L'ar-
tillerie s'avançait sur le front des corps , entremêlée
de quelques détachements de cavalerie. Le gros de
la cavalerie, hussards, chasseurs et dragons, était
répandu sur les ailes. Napoléon était au centre,
calme , mais naturellement un peu enivré de sa
puissance, comptant sur une victoire certaine et
décisive.
On continua de gagner du terrain, en pivotant
toujours sur sa gauche, les corps qui étaient en
première ligne s'écartant les uns des autres pour
faire place successivement à ceux qui étaient en
seconde, et l'armée entière se déployant ainsi en
éventail devant l'ennemi qui se repliait sur les
hauteurs de Wagram. Notre artillerie tirait en mar-
chant; notre cavalerie chargeait la cavalerie au-
trichienne quand elle pouvait l'atteindre, ou en-
Juillet 1809.
441 LIVRE XXXV.
levait les arrière-ij;ardes (riiifanterie quand il en
restait à sa portée. Le corps de Davout trou\antsur
son chemin le village de Rutzendorf , contre lequel
on ne pouvait se servir de la cavalerie, le fit atta-
(pier et emporter par de Tinfanterie. (Voir les cartes
48 et 49.) On y recueillit quelques centaines d'hom-
mes. La division française Dupas, marchant avec les
Saxons de Bernadotte, enleva de même le village de
Raschdorf. Sur ce point la cavalerie autrichienne,
avant voulu soutenir son infanterie, fut vivement re-
Kl f
poussée par les cuirassiers saxons, qui, sous Taide
de camp Gérard (depuis maréchal), se comportè-
rent vaillamment. Masséna, remontant avec len-
teur les bords du Danube, rencontra dans son mou-
vement Essling, puis Aspern, les prit à revers, et
y entra sans résistance. Le sixième corps de Kle-
nau se retira par Leopoldau sur Stamersdorf et
Gerarsdorf- Ainsi l'audace de notre débouché sur
la droite avait fait tomber toutes les défenses de
l'ennemi sur la gauche, et il ne lui restait d'autre
ressource que de nous disputer la plaine du March-
feld en nous livrant le lendemain une bataille san-
glante. Le 5 à six heures du soir, nous bordions
dans toute son étendue la ligne des hauteurs de
Wagram, après avoir perdu pour exécuter cette
opération magnifique quelques centaines au plus
de nos soldats, mis hors de combat près de deux
mille Autrichiens, et fait à Sachsengang , à Enzers-
dorf, à Raschdorf, à Rutzendorf, environ trois
mille prisonniers '.
' Los biillelins de ( i>tfo journée pailent de prisonniers bien plus
nombreux, mais ce sont là évidemment des exagérations calculées.
WAGRAM. 445
L'armée française, qui s'élait déployée en mar-
, . P ., , , , ,. ,, . Juillet 1800.
chant, ne lormait plus qu une longue ligne d envu'on
trois lieues, parallèle à celle des Autrichiens, laquelle RescripUon
1 . 1 T\T • 1 1 ^ i.r • '^^ '^ position
était presque droite de Neusiedel a Wagram, mais de wagram,
courbe au centre vers Aderklaa , et se continuait éuienlTtabUs
demi-circulairement par Gerarsdorf et Stamersdorf . . .'"f.
1 Autrichiens.
jusqu'au bord du Danube, (Voir la carte n° 49.) De
Neusiedel, village dominé par une tour carrée, à
Wagram, s'étendaient en pente douce les hauteurs
sur lesquelles était campée l'aile gauche de l'ar-
mée autrichienne, au nombre de 75 mille hommes
environ, et sous la protection d'un ruisseau bour-
beux, celui du Russbacli. C'est là qu'avec le se- -
cours de l'art on aurait pu, comme nous l'avons
déjà dit, élever des retranchements invincibles,
mais on n'y voyait heureusement que les baraques
du camp. A Neusiedel, c'est-à-dire à l'extrême gau-
che des Autrichiens, se trouvait le prince de Ro-
senberg avec l'avant-garde de Nordmann et une
nombreuse cavalerie : moins à gauche, vers Bau-
mersdorf, était établi le corps de Hohenzollern, et
en approchant du centre, à Wagram, le corps de
Bellegarde avec le quartier général de l'archiduc
Charles. C'est vers ce point que la ligne de bataille
commençait à se recourber pour joindre le Danube,
et que cessait 1" utile protection du Russbach. Les
Autrichiens avaient à leur centre même la réserve
de grenadiers et de cuirassiers, s'étendant en demi-
cercle de Wagram à Gerarsdorf. Ils avaient à leur
droite le troisième corps sous le général Kollovrath,
le sixième sous le général Klenau , lequel venait de
se retirer d'Essling et d'Aspern , enfin le cinquième
Juillet 4 809.
i46 LIVRE XXXV.
SOUS \c prince de Reuss, entre Gerarsdorf, Stamers-
(lorf et le Danube.
l.a li|;;nu française suivait exactement les con-
tours (le la lii^ne ennemie. Devant l'aile gauche des
Autrichiens nous avions notre aile droite, c'est-
à-dire Davout établi au \illage de Glinzendorf,
Taisant face au corps de Rosenberaç, et Oudinot
l'tabli au village de Grosshofen , faisant face au
corps de IlohenzoUern. Au centre se trouvait l'ar-
mée d'Italie opposée au corps de Bellegarde. En
tournant à gauche, vis-à-vis de Wagram, on
voyait au village d'Aderklaa, Bernadotte avec les
Saxons chargé de tenir tête à la double réserve
des grenadiers et des cuirassiers , enfin tout à fait
à gauche, de Siissenbrunn à Kagran, les quatre
divisions de 3Iasséna destinées à contenir les corps
de KoUovrath, de Klenau et de Reuss, Au cen-
tre, en arrière de l'armée d'Italie et des Saxons,
Napoléon avait gardé en réserve le corps de Mar-
mont, la garde impériale, les Bavarois et les cui-
lassiers. Ainsi sur cette vaste ligne de bataille,
droite, comme nous venons de le dire, de Neusie-
del à Wagram, courbe de Wagram à Stamersdorf,
les Autrichiens avaient leur plus grande force sur
leurs ailes, et leur moindre au centre, puisque la
réser\ e de grenadiers et de cuirassiers formait seule
la liaison des deux masses principales. Nous possé-
«Uons au contraire une force suffisante à notre aile
droite de Glinzendorf à Grosshofen, où étaient Da-
vout et Oudinot, une très-modique à notre aile gau-
cJie de Siissenbrunn à Kagran, où était Masséna
seul , mais une considérable au centre entre Gross-
Juillet 4 809.
WAGRAM. iiT
hofen et Adcrklaa, puisqu'en cet endroit, outre
l'armée d'Italie et les Saxons, il y avait l'armée de
Dalmatie, la garde impériale, les Bavarois, toute
la grosse cavalerie. Cette disposition était assuré-
ment la meilleure, celle qui permettait de pourvoir
le plus vite aux chances diverses de la bataille,
en se jetant rapidement ou à droite ou à gauche
suivant le besoin, celle aussi qui permettait de
frapper l'armée autrichienne à son endi'oit faible,
c'est-à-dire au milieu de la ligne. En effet, ici
comme à Essling, l'archiduc Charles voulant enve-
lopper l'armée française pour l'empêcher de débou-
cher, s'était affaibli au centre, et donnait prise sur
ce point à la puissante épée de son adversaire.
Cet état de choses, qui ne pouvait échapper à un
œil aussi exercé que celui de Napoléon, lui inspira i espérance
la tentation d en tinu' le son- même par un acte de- ic soir même
cisif, qui l'aurait dispensé de verser le lendemain léon'ôrdOTnê
des torrents de sang. Tous les rapports indiquaient ^"'' '*r ^^"^'■''
([ne l'ennemi ne tenait nulle part, et se retirait Autrichiens
avec une étrange facilité. L'archiduc Charles en qui ne réussit
effet, surpris par la soudaine apparition de l'armée "^^^^
française, n'axait pas fait de dispositions d'attaque,
et remettant la bataille au lendemain, n'avait donné
à ses avant-gardes que Tinstruction de se replier.
Napoléon espéra donc, sur le rapport trop légère-
ment accueilli de quelques olliciers, qu'en exécu-
tant à la chute du jour une attaque brusque sur le
plateau de Wagram, on enlèverait le centre de
l'ennemi avant qu'il eut suffisamment pourvu à sa
défense, et que l'armée autrichienne, coupée en
deux, se retirerait d'elle-même, ce qui réduirait
Juillet 1809.
448 L1\HE XXXV.
la fm (le la camj)ap;n(». à la poursuite active el des-
tructive des deux fractions dr. cette armée. Ici se
faisait sentir l'inconvénient dapr avec des mas-
ses d'hommes énormes, et sur des espaces im-
menses. Le général en chef ne pouvant plus ni tout
voir, ni tout diriger en personne, était réduit à
s'en fier à des lieutenants qui observaient médio-
crement, et qui souvent môme, comme on va en
juger, agissaient sans ensemble.
Napoléon ordonna donc , avec une imprudence
qui ne répondait pas à l'admirable prévoyance dé-
ployée dans ces journées, d'enlever le plateau de
Wagram, contre lequel pouvaient agir Oudinot,
en attaquant Baumersdorf, Tarmée d'Italie en pas-
sant le Russbach entre Baumersdorf et Wagram,
Bernadotte en se jetant par Aderklaa sur Wagram
même. En effet, d'après l'ordre qu'ils en reçurent,
Bernadotte avec les Saxons et la division Dupas,
Macdonald et Grenier avec deux divisions de l'ar-
mée d'Italie, Oudinot avec son corps tout entier,
s'avancèrent à la nuit tombante sur la position des
Autrichiens. (Voir les cartes n"' 48 et 49.) Oudinot
marcha sur Baumersdorf, le canonna , y mit le feu
avec des obus, et s'efforça de l'enlever aux avant-
gardes de Hohenzollern, qui avaient dans le Russbach
un puissant moyen de résistance. Au côté opposé,
Bernadotte avec les Saxons se précipita sur Wa-
gram, que défendait un détachement deBellegarde,
en devint presque le maître, mais pas assez com-
plètement pour se porter au delà. Pendant (pi'Oudi-
not et Bernadotte luttaient ainsi aux deux extrémi-
tés de cette attaque pour s'emparer des deux points
WAGRAM. U9
d'appui (le rcnnemi, au uiilicu Dupas et Macdonald —
• » 1 1 • I i> Il I /. , • .. ■'"'"et <809.
avaient aborde le Russl)acli pour le franchu*. Ce
ruisseau peu large, mais profond, otlVait un assez
grand obstacle à vaincre. Dupas avec le 3" léger
et le 19^ de ligne, s'y jeta au cri de : Vive l'Em-
pereur! Dans leur empressement quelques soldats,
([ui avaient rencontré la partie de l'eau la plus
profonde, se noyèrent. Les autres triomphèrent de
l'obstacle, se rallièrent après l'avoir surmonté, et
gravirent les pentes du plateau sous les balles et
la mitraille. Les corps autrichiens à cette brusque
attaque s'étaient formés en ariière des baraques
du camp, et en carré. Des tirailleurs blottis der-
rière cet abri s'en servaient pour faire un feu très-
vif. Les deux braves régiments français de Dupas
débus(pièrent les tirailleurs ennemis, dont ils prirent
environ trois cents, dépassèrent la ligne des ba-
raques, et se précipitèrent sur les carrés. Le
5^ léger, qui était en tête, enfonça l'un de ces car-
rés, lui prit son drapeau, et le fit prisonnier. Le
lO"" appuya cette action vigoureuse. Deux batail-
lons saxons attachés à Dupas, les grenadiers de
Rudiof et de Meiscli la secondèrent également.
Déjà la ligne autiichienne était près d'être coupée, surprise
(juand on reçut par derrière un feu qui causa une ^llie .Jc^vu^
extrême surprise, et beaucoup d'inquiétude. Les , p^'™'
A ' ^ ^ los corps
deux colonnes de l'armée d'Italie, l'une comman- charges
1 ' AI 1 I 1 1' » n • < '^» fl'auaqcer
dee par 3Iacdonald, 1 autre par Grenier, après s être \vagr„m.
élancées dans le Russbach et l'avoir franchi, mon-
taient sur le plateau l'arme au bras, et allaient
joindre Dupas, lorsque apercevant les Saxons de
celui-ci, et les prenant pour ennemis, elles firent
TOM. X. 29
ju.ilet 1S0U.
450 livhl; \\x\.
feu sur eux. Celte atta(|iH' innllendue sur leurs
derrières ébraula les Saxons. Ils se replièrent en
tirant sur les troupes de Macdonald et de Grenier.
(Celles-ci se crovaiU chargées de front, et essuvant
en même temps du mie de Baumersdorf, (jiic le
corps de Hohenzoliern n"a\ail pas quitté, une at-
ta(}ue de flanc, éprouvèrent un (rouble, que la
nuit convertit bientôt en panicpie. Elles se précipi-
tèrent vers le bas du plateau, suivies par les Saxons
épouvantés, et se mirent à fuir dans un incroyable
désordre. Dupas resté seul en pointe avec ses deux
réfîiments français, assailli de tout côté par le
corps de Bellegarde que l'archiduc Charles avait
rallié lui-même, fut obligé de céder le terrain, et
d'évacuer le plateau sous des charges réitérées
d'infanterie et de cavalerie. Oudinot interrompit
latlacpie de Baumersdorf: Bernadotte abandonna
Wagram quil avait presque conquis, pour se rap-
[>rocher dAderklaa.
Cette échauffourée coûta à la division Dupas un
millier d'hommes, la dispersion de ses deux batail-
lons saxons, qui s'étaient rendus aux Autrichiens
avec trop d'empressement, et quelque mille liom-
mes égarés à l'armée d'Italie. Heureusement que
la cavalerie, lancée dans toutes les directions, eut
bientôt ramené à leurs corps les soldats isolés. Notre
armée, toujours aussi bra\e, était cependant moins
expérimentée que celle d'Austerlitz ou de Fricdland,
et trop nombreuse, mêlée d'éléments trop divers,
pour être ferme, solide, manœuvrière autant qu'au-
trefois. Du reste, c'était là un échec de peu de
conséquence entre le merveilleux passage qui ve-
WAGRAM. 4ft'
nait de s'accomplir, et réclatanlc victoire qu'on
était fondé à espérer pour le lendemain.
Juillet 1$0;».
Napoléon prescrivit à tous ses corps de bivoua- nuu
du 5 au 6
juillet.
quer dans les positions prises à la fin de la jour-
née, son centre étant toujours dune grande force,
et capable de porter secours à celle de ses ailes
qui en aurait besoin. Il n'y avait aucun bois dans
la plaine, et on ne pouvait faire de feu, ce qui
était une pénible privation, car, quoiqu'on fût en
juillet, la nuit était froide. Chacun coucha dans son
manteau. Les soldats se nourrirent de biscuit et
d'eau-de-vie. Napoléon n'eut que le feu de quelques
bottes de paille pour se chautfer à son bivouac. Il
employa plusieurs heures à conférer avec ses ma-
réchaux pour leur faire bien connaître ses inten-
tions. Il les renvoya avant le jour, excepté Davout,
qu'il garda jusqu'à l'aurore. C'était la troisième
nuit qu'il passait debout ou à cheval.
Pendant ce temps l'archiduc Charles avait enfin pian
arrêté de sérieuses dispositions de bataille, car il de^i^aSIhK-
fallait dès le lendemain culbuter l'armée française f^haripspour
le lendemain ,
dans le Danube, ou rendre son épée au vainqueur 6 juillet.
de Marengo et d'Austerlitz. Le généralissime autri-
chien avait toujours eu la pensée , inspirée par
l'étude très-ancienne de ce champ de bataille, d'op-
poser au mouvement offensif des Français sa gauche
campée sur les hauteurs de Neusiedel à Wagram,
puis, tandis que les Français seraient occupés de-
vant cette espèce de camp retranché, de prendre
à son tour l'offensive contre eux avec sa droite
ployée en avant, de se jeter ainsi dans leur flanc,
de les séparer du Danube, et une fois qu'il les au-
29.
J.iiiiot 1809.
152 LIVRE XXXV.
rail réduits à In «Icfensive, de faire descendre des
hauteurs de Wagrani sa gauche cllc-mcmc, afin de
les pousser dans le fleuve avec toutes ses forces
réunies. Il espérait en outre cpie pendant (jue sa
gauche défendrait les bords du Russhach, que sa
droite attaquerait les Français en flanc, Tarchiduc
Jean, remontant de Preshourg, viendrait les as-
saillir par derrière, et qu'ils ne tiendraient point
contre un tel concours d'elTorts. Tout cela eut été
possible, probable même, si, manœuvrant comme
Napoléon, l'archiduc eût amené sur le champ de
bataille 30 ou 40 mille hommes de plus qu'il au-
rait pu y avou'; s'il eût averti en temps utile son
frère l'archiduc Jean; si enfin profitant de cette
circonstance que le champ de bataille était connu
d'avance , il eiit accumulé entre Neusiedel et Wa-
gram des travaux qui auraient rendu ce camp re-
tranché mexpugnable. Alors une attaque de flanc
sur les Français, déjà épuisés par une tentative in-
fructueuse, aurait produit des résultats infaillibles.
Mais Tarchiduc Charles n'avait rien fait de tout
cela, comme on l'a vu; il s'était borné à élever sur
le terrain qu'il fallait défendre des bai'aques pour
ses troupes, et il n'avait expédié à son frère l'ar-
chiduc Jean l'ordre de le joindre que la veille au
soir, cest-à-dire le 4. L'obstacle que ces baraques
avaient présenté dans l'échautTourée de la nuit, et
(ju'elles présentèrent le lendemain, sufllt pour prou-
Ter ce qui aurait pu arriver, si des ouvrages con-
sidérables avaient été ajoutés à la configuration
des lieux.
Quoi qu'il en soit, dans Tune des mai.sons à moi-
WAGRÂM. 455
lié incendiées du village de Wagram, évacué par
Bernadotte, l'archiduc Charles dicta ses ordres. Il
prescrivit à sa gauche de n'entrer en action que
lorsque sa droite, mise en mouvement des la nuit
même, aurait abordé les Français, et commencé à
les ébranler par l'attaque de liane dont elle était
chargée. Cette aile, composée des corps de Klenau ei
de Kollovrath, devait se mettre en marche tout do
suite, c'est-à-dire à une ou deux heures du matin,
se précipiter sur notre gauche qui nétait composée
(jue du corps de Masséna, la repousser de Kagian
sur Aspern, de Sussenbrunn sur Breitenlée. Inuné-
diatement après, les réserves de grenadiers et de
cuirassiers, formant entre Gerarsdorf et Wagram la
liaison de la droite avec le centre, devaient s'avan-
cer sur Aderkiaa, et s'y joindre avec une partie du
corps de Bellegarde, descendu à cet effet du pla-
teau de Wagram. Ce mouvement une fois prononcé,
la gauche, composée des corps de Holienzollern et
de Rosenberg, avait ordre de descendre à son tour
sur Baumersdorf et sur Neusiedel, de franchir le
Russbach, d'enlever les villages de Grosshofen et
de Glinzendorf qu'occupait le maréchal Davout, et
de compléter ainsi cette double manœuvre de flanc
et de front, qui d'après le généralissime devait ame-
ner le refoulement des Français dans le Danube.
Dans ce plan, on ne sait pourquoi le corps du
prince de Reuss, qui était contre le Danube môme,
plus près de ce fleuve que le corps de Klenau, et
((ui terminait près de Stamersdorf l'aile droite des
Autrichiens, n'avait pas ordre de concourir aux
opérations de cette aile, et de rendre ainsi plus
Juillrl <80'.i.
m LIVRE XXXV.
inV'si.stihle rattiKiiie (ni'ellc était ehareée d'exécu-
juillet 1809. • ,' , I I -I 1 ' j ir-
lor. Le besoin u observer le uebouclie de Vienne
nY'tait pas assez p;rand pour paralyser un corps
tout entier, car il était évident par le passage des
Français à travers Tile de Loi)au ([u'ils n'en médi-
taient pas un autre ailleurs. Enfin il aurait fallu
que les ordres fussent calculés sous le rapport de
la distance et du temps, de manière à faire agir
chaque corps au moment opportun, et que la gau-
che, par exemple, qui à cause de sa proximité
allait recevoir les ordres du généralissime bien
avant la droite, ne se mît en mouvement que lors-
que celle-ci aurait produit parmi les Français l'é-
branlement de flanc qui permettrait de les attaquer
de front avec succès. Mais il n'y a que les esprits
nets qui, en toutes choses, guerre, administration
ou gouvernement, sachent se faire comprendre et
obéir.
Df faut Les ordres du généralissime expédiés de Wagram
*^* ''dans '°" ^^^^ 1^ ""^*' parvinrent en moins d'une heure à la
les ordres o;auche, c'cst-à-dirc aux corps de Hohenzollern et de
Je 1 archiduc <-' ' a _
Charles, Roseubcrg, qui étaient à une lieue, entre Wagram
(lui amène _. • i i • ^ . i i i i
un et ]\eusiedel, et exigèrent plus de deux heures pour
7ànfi" être transmis à la droite, c'est-à-dire aux corps de
exécution. KoUovrath et de Klenau, qui étaient à plus de deux
lieues entre Gerarsdorf et Stamersdorf, et qu'il fal-
lut chercher au milieu d'une extrême confusion. Par
surcroît de malheur, dans la retraite opérée le soir,
le corps de Klenau s'était trop rapproché de Gerars-
dorf, et était venu occuper la place qui était des-
tinée à celui de KoUovrath. II fallut donc, soit pour
joindre dans rol)scurité les corps composant la
Juillet »80'.)
WAGKA.M. iij.i
droite, soil pour leur l'aire prendre leur position
de bataille, plus de temps qu'on ne l'avait supposé
au quartier général, et il était déjà près de quatre
heures qu'ils commençaient à peine à entrer en
mouvement. Au conliaire, à ce même moment la
içauche, avertie plus vite, n'étant pas exposée à
perdre du temps pour chercher sa position, allait
agir la première, tandis qu'elle n'aurait dn agir
<jue la seconile, et bien après la droite.
Pendant que tout était en mouvement dans le Profotui repos
camp autricliien, et que les troupes, pour rectifier ,J^^^^
des positions mal prises, se fatiguaient au lieu de tics Fran(,ais.
'■ ' '" , tandis qu'on
se reposer, un calme profond régnait chez les Fran- so fatigue
<,^ais. Couchés sur le terrain occupé la veille ils ''"^çg"^"'''
dormaient, grâce à Napoléon, qui, ayant bien ren- -^"'■'"^^•i"'"»
forcé sa droite, à cause de l'arrivée possible de
l'archiduc Jean, mais plus encore son centre, où
il avait accumulé des forces considérables, n'avait
qu'à se tenir .tranquille, en attendant que l'en-
nemi prît le soin de démasquer ses desseins. 11
avait donc ordonné à ses maréchaux d'être sous Napoléon
les armes à la pointe du jour, mais de laisser les av^a*nr(îadop-
Autrichiens se prononcer avant d'agir, pour saisir ''^'^,'^"1'''^°
* o 7 1 dotinitif,
avec certitude le point où l'on pourrait les frapper à laisser
Ti • I- • n • ^ c ■ l'onncmi ma-
mortellement. 11 mclmait toutetois a tau-e enlever nifesterses
par Davout et Oudinot les hauteurs de Neusiedel à
Wagram, à exécuter en même temps une percée
au centre avec l'armée d'Italie, les Saxons, et le
corps de Marmont, taudis que Afasséna se borne-
rait à contenir avec ses quatre divisions la droite
des Autrichiens d'Aderklaa au Danube. Napoléon
se réservait les Bavarois, la garde impériale, et la
desseins.
4;if> LIVRE XXXIV.
grosse cavalerie, pour parer aux cas imprévus. Ces
Juillet 4809. " . . ' / . , ,,,..,
desseins eux-nieiiies etaienl suliordonnos a 1 évé-
nement.
Mémorable A quatre heures du matin, le 0 juillet, journée
(le wa^!<ra^m, ^* jamais mémorable, le feu Cwiiunença d'abord à
'■17t^.oAn 'ii p;auche des Autrichiens, et à la droite des Fran-
juillet 1809. • '
çais. Le prince de Rosenbere:, sur l'indication mal
donnée qui lui désii^^nait quatre heures comme le
moment d'entrer en action, descendit des hauteurs
de Neusiedel, signalées au loin par une grosse toui
carrée, traversa le Russbach au village même de
Neusiedel, et se porta en deux colonnes sur Gross-
hofen etGlinzendorf, qu'il attaqua avec une extrême
Commence- \ igueur. Le maréchal Davout avait à sa disposition
de laction SCS trois divisious Ordinaires, Morand, Friant, Gu-
enTreTepi-Tncé ^^° ' ^^ petite division Puthod, composée des qua-
(ie Roscnbcrg trièmcs bataillous', six réi?iments de cavalerie lé-
et le corps
du maréchal gère SOUS le général Montbrun, trois de dragons sous
Je général Grouchy, les quatre régiments de cuiras-
siers Espagne sous le général Arrighi (depuis duc de
Padoue). La gauche du général Friant, la droite
du général Gudin envoyèrent des détachements à la
défense du village de Glinzendorf, tandis que la
division Puthod se chargea de disputer à l'ennemi
le village de Grosshofen, derrière lequel elle avait
bivouaqué. De fortes levées de terre s'étendaient
i... maréchal dc l'uu dc CCS villagcs à l'autre. Nos soldats, pla-
repousse cés Bvec mteiligence derrière ce retranchement na-
dupîinct- turel, firent un feu de mouscpieterie bien nourri,
d.' Koscnbcrg • çQ^gjj infiniment de mal aux Autrichiens, sans
sur 1
Glinzendorf et
Giosshofon. ' E"«' a^»'' P''**'sô des ordres du général Doniont aux ordres du gé-
néral l'ulhud.
WAGIIAM. i57
que ceux-ci nous en fissent essuyer beaucoup. Au
bruit de ces détonations , Napoléon envoya le gé-
néral 3Iatliieu Dumas porter à ses lieutenants l'or-
dre de ne risquer aucun mouvement offensif, de se
l>orner à bien disputer le terrain qu'ils occupaient ,
jusqu'à ce qu'il leur eut adressé ses instructions
définitives, et il courut à droite où se trouvait le
maréchal Davout. En chemin il aperçut très-dis-
tinctement les deux colonnes autrichiennes, qui,
débouchant au delà du Russbach, attaquaient les
villages de Glinzendorf et de Grosshofen. Il était
suivi par une brigade des cuirassiers de Nansouty,
|)Ourvue de quelques batteries d'artillerie légère.
Napoléon les fit diriger sur le flanc de la colonne
({ui attaquait Grosshofen, ce qui exécuté instan-
tanément vint fort à propos, car cette colonne fati-
guée d'essuyer inutilement une mousqueterie meur-
trière, avait assailli ce village et l'avait emporté à
la baïonnette. iMais le général Piithod, résolu à le
reprendre, s'y jeta à son tour à la tète d'une ré-
serve, et, secondé par l'artillerie légère de Nan-
souty, réussit à s'en rendre maître. Les Autri-
chiens, repoussés ainsi de front, mitraillés en flanc,
furent obligés de rétrograder jusqu'au Russbach.
Même chose arri\a à la colonne qui, ayant dé-
bouché de Neusiedel sur Glinzendorf, trouva en
face la droite de Giidin, la gauche de Priant, et en
flanc l'artillerie légère des cuirassiers du général
Arrighi. Elle fut obligée de se replier également
sur le Russbach. Celte première tentative allait
être renouvelée avec une plus grande énergie par
le prince de Rosenberg, lorsque l'archiduc Cliar-
Juillet 1809.
458 LIVRE XXXV.
les, ponsaiil axec raison (iiio sa itaiiclie com-
iiKMirait la batailles pivinaliirénient , lui ordonna
lie ralenlir son aciion, et de ne pas trop s'engager
encore. Le prince de Rosenberg reprit alors sa po-
sition snr les pentes de Neusiedel, en arrière du
Kiisshach.
En ce nionienf le l)iuit de la fusillade et de la
canonnade était devenu général sur ce front immense
de trois lieues, le long duquel trois cent mille
hommes et onze cents pièces de canon étaient en
présence. Napoléon, qui voyait partout une sorte
d'attaque simultanée de la part de l'ennemi, sans
projet clairement dessiné, jugea néanmoins qu'il
fallait, dans tous les cas, enlever les hauteurs de Neu-
siedel, aûn d'occuper le point vers lequel l'archiduc
(Charles et l'archiduc Jean pouvaient se rejoindre.
Dispositions L'inspection des lieux indiquait comment il fallait
projetées , , i • i i ... ^ i
par Napoléon S y prendre pour triompher de cette espèce de camp
"deThaSrs^ retranché. Jusqu'à Neusiedel les hauteurs compo-
Je Neusiedel gant le platcau de Wasram longeaient les bords du
et de ^ '' ^
wagram. Russbach. A Ncusiedcl et à la tour carrée, elles fai-
saient un détour en arrière, et s'éloignant du Russ-
bach, elles ne présentaient qu'une pente infiniment
adoucie, d'accès très-facile. Il suffisait donc de passer
le Russbach un peu plus à droite et loin du feu de
l'ennemi , puis de se ployer pour embrasser la ligne
des hauteurs, et prendre en liane la position des
Autrichiens. La cavalerie légère de IMontbrun, les
dragons de Grouchy furent chargés de préparer
rapidement les moyens de passage. Ensuite les di-
visions iMorand et Friant eurent ordre de franchir
le Russbach , de s'avancer en formant un angle
WAGRAM. ib9
droit avec les divisions Gudin et Putliod, et non-
1 ^ 11 • .. • « I . , î- Juillet 1809.
dant que celles-ci attaqueraient le plateau de front
de l'attaquer par côté et à revers. Une fois Tanijjle,
dont la tour carrée marquait le sommet, enlevé,
Napoléon se promettait de faire assaillir Baumers-
tlorfpar Oudinol, Wai^ram par Tarmée d'Italie. (]es
divers points emportés, l'archiduc Jean pouvait j)a-
raître sur le cliamp de bataille : il n'y viendrait qiio
pour assister à un désastre.
Ces dispositions étaient à peine arrêtées avec le Tandis
'11I-W 1 1-in-i 1 '1"6 NapolOon
maréchal Davout, qu une multilude d aides de camp, préparait
dépêchés par ^lasséna et Bernadotte, venaient an- dés^2eurs
noncer à Napoléon un mauvais commencement de lewa-ram,
i on 1 appelle
journée tant à cauche qu'au centre, et réclamer à au centre
■ , pour y porter
la lois sa présence et ses secours. secours.
De graves événements, mais très -réparables,
s'étaient passés en effet au centre et à gauche,
comme on doit le deviner d'après les (hsposilions
qui ont été précédemment indiquées. Le maréchal
Bernadotte, qui avait été la veille obligé d'évacuer
Wagram, et de se retirer sur Aderklaa (voir la carte
n" 49), se trouvait encore le matin dans cette posi-
tion, présentant une pointe au sein de la ligne
courbe que décrivaient les Autrichiens. Il voyait à Renaiie
sa droite Bellegarde, obéissant aux instructions de 'B^ernadotte
l'archiduc Charles, descendre des hauteurs de Wa-
gram sur Aderklaa avec la partie la plus considé-
rable de son corps : il voyait à sa gauche la ré-
serve des cuirassiers et des grenadiers s'avancer sur
Sussenbrunn. Il résolut donc de se replier sur un
petit plateau situé en arrière d' Aderklaa, pour se
rapprocher de l'armée d'Italie d'un côté, et du corps
en arrit-re
d'AderkIaa.
Juiii>-t ISO'.t.
460 LIVHH XXXV.
(le 3Iasséna de rautro. Il n'avait pas plutôt achevé
ce mouvement, que les avant-i^ardes de IJellegarde
s'étaient jetées sur lui, et qu'un combat acharné
s'était enii;ap;é avec les Saxons, incapables de tenir
loniî-temps contre une telle attaque. Il a\ait donc
été ramené fort en arrière.
Au même instant les quatre faibles divisions de
Masséna , présentant tout au plus dix-huit mille
hommes contre les soixante mille de Klenau , de
kollovrath et de Liechtenstein , avaient été obligées
de rétrograder pour prendre sur notre gauche une
position moins étendue. Masséna, meurtri encore
de la chute de cheval qu'il avait faite quelques jours
auparavant, assistait à la bataille, comme il l'avait
ju'omis à Napoléon, et, tout enveloppé de com-
presses, commandait dans une calèche ouverte.
Brillante 3Iasséna jugeant que si on n'opposait pas une
.1.' h division résistance énergi(jue sur le point que Bernadotte
Carra Saint- ygj^^j^ d'abandonner, on serait bientôt refoulé, et
surAderkiaa, q^g non-seulemeut la gauche serait compromise,
•iiiivie bientôt ' '' ^ . .
diin mais même le centre, se hâta de diriger la division
rétrograde. Carra Saint-Cvr sur Aderklaa. Cette division, com-
posée de deux braves régiments, y entra tête bais-
sée. Malgré l'obstacle des murs de jardin et des
maisons, le 2i' léger et le 4* de ligne, conduits avec
une rare vigueur, enlevèrent le village. Au lieu de
s'v arrêter, et de s'v établir solidement, ces deux
régiments, n'écoulant que leur ardeur, débouchè-
rent au delà, et vinrent se placer à découvert,
dans la position où Bernadotte avec raison n'avait
pas voulu rester, recevant par leur droite et de front
le feu de Bellegarde, à gauche le feu de la réserve
WAGRAM. 161
(le grenadiers. Après une héroïque obstination, ils
,. ' , . • . 1 ' 1 1 1 Juillet ISO'.).
lurent contranits de céder au nombre, et de se re-
plier sur Aderklaa, privés de leurs deux colonels.
Alors le général Molitor vint se serrer au général
Carra Saint-Cyr, pour le soutenir; mais Legrand et
Boudet restés seuls devant Klenau et KoUovrath,
formant tout au plus 10 mille hommes contre io
mille, furent contraints de se retirer sur la gauche,
et d'abandonner une grande étendue de terrain.
Tel était à neuf heures du matin l'état de choses
qu'on vint annoncer à Napoléon. Rassuré sur sa
droite, où il laissait le maréchal Davout bien in-
struit de ce qu'il avait à faire, il partit au galop,
suivi de son état-major, pour aller à une distance
de près de deux lieues, réparer l'accident dont les
conséquences pouvaient compromettre son centre.
Il trouva Bernadotte fort agité, le rassura, et cou-
rut ensuite à la calèche de Masséna, autour de la-
quelle pleuvaienl les boulets. Dans ce moment les
grenadiers dAspre, excités par la présence de l'ar-
chiduc Charles qui s'était mis à leur tête, traver-
saient Aderklaa après l'avoir enlevé à la division
Carra Saint-Cyr, et s'avançaient victorieux. Le gé-
néral Molitor se déployant devant eux pour arrêter
la trouée, avait été obligé de se former un flanc
avec sa droite repliée , pour n'être pas débordé.
Napoléon peu troublé par ce spectacle, et comp- Dispositions
tant sur les vastes ressources dont il disposait, s'en- pai'"\apoii^n
(retint quelques instants avec Masséna, et arrêta **'o|;^'^p,f^"r'
avec lui son plan de conduite. Déjà on pouvait ju- ic dommn^e
^ , . eprou\e
ger d'après la direction des feux que Boudet était au cenue et ;•
ramené fort en arrière, et que l'arcliiduc touchait ^""' **■
Juillcl laot».
I6î LIVRE XXXV.
par sa droito an Danube. Dus olliciois nirnie ve-
naient dire que Boudet était refoulé jusque dans
Aspern, après avoir perdu toute son artillerie. On
aurait pu avec des troupes aussi fermes que celles
d.Vusterlitz, qui surtout n'auraient pas eu le sou-
venir trop présent encore de la journée d'Essling,
se laisser dé!)order par sa gauche, pourvu qu'on
tînt bon au centre, et qu'on prît à droite une of-
fensive victorieuse. Le maréchal Davout devant
bientôt enlever le plateau de Wagram, Aderklaa ne
pouvant manquer d'être reconquis, nous aurions eu
tout avantage à trouver la droite des Autrichiens
entre nous et le Danube. Nous l'aurions prise tout
entière, et la maison d'Autriche aurait peut-être
succombé dans cette journée. Napoléon en eut la
pensée, qu'il fit connaître queicpies jours après'.
Mais avec des troupes jeunes, préoccupées du sou-
venir d'Essling, c'était courir un gros risque. La
seule nouvelle que l'ennemi était aux ponts pouvait
les trou1)ler profondément. Il repoussa donc une
combinaison qui eût été féconde, mais que les cir-
constances rendaient périlleuse, et ne songea qu'à
arrêter sur-le-champ le progrès des Autrichiens vers
' Quelque temps après, Napoléon allant visiter les troupes qui cam-
jiaient aux environs de Brunn , et les faisant manœuvrer sur le chami»
lie bataille d'Austerlitz, parlait de la qualité des troupes en général,
de> armées qu'il avait commandées, des batailles qu'il avait livrées,
et revenante la dernièie, celle de Wagram, qu'il comparait à celle
d'Austerlitz, il dit qu'il avait bien songé à employer la manœuvre dont
il est question ici , et qu'il l'aurait fait s'il avait eu les troupes du
camp de Boulogne; mais qu'avec des troupes dont une partie était fort
jeune et fort impressionnable, il n'avait pas osé risquer une combinai-
son féconde, qui aurait exigé chez ses soldats un sang-froid fort rare,
celui de se laisser tourner sans être ébranlés.
WA(;R\M. 163
le centre et \ers la eauclie, par une t)r()iii|)l(' dis-
... " ,., . , ' Juillet 1809.
position des troupes qu il avait en reserve.
C'est ici qu'il recueillit le prix de sa profonde pré- Napoléon
,, .. • • ... -. amène an ceii-
voyance. Il avait pour principe que c était en con- ne laruiieru
centrant sur un même point laction de certaines ''V ^'"^^^'
I le corps
armes spéciales, qu'on parvenait à produire de fi<^ Macdonaid
. . ' , et la grosse
grands effets, et c'est pour ce motif qu'il avait voulu ovaicri. .
procurer à la garde une immense réserve d'artil-
lerie, et ccmserver sous la main une réserve de
quatorze régiments de cuirassiers. Il ordonna donc
(ju'on fît avcincer au galop toute l'artillerie de la
garde, en y ajoutant celle dont on pourrait dispo-
ser dans les corps. Précisément le général de Wrède
arrivait sur le terrain avec vingt-cinq pièces d'une
excellente artillerie, et demandait l'honneur de con-
courir à ce mouvement décisif. Napoléon y con-
sentit, et voulut qu'on amenât toute celte artillerie
au pas de course. Il fit mander en outre le géné-
ral Macdonald avec trois divisions de l'armée d'Ita-
lie, les fusiliers et les grenadiers à cheval de la
garde, et les six régiments de cuirassiers du géné-
ral Nansouty. Son projet était d'ébranler le centre
des Autrichiens avec cent bouches à feu, puis de le
percer avec les baïonnettes de Macdonald et les
sabres de Nansouty. Il décida en même temps que
Masséna, avec les divisions Carra Saint-Cyr, Moli-
tor et Legrand, formées en colonnes serrées, ferait
un à droite, puis se dirigerait perpendiculairement
vers le Danube au secours de Boudet, exécutant
ainsi une marche de flanc sous le feu des corps de
Kollovrath et de Klenau. Du reste les têtes de pont
qu'il avait fait construire partout le rassuraient suf-
Juillet 1809.
464 LIVHI- WXV.
lisammcnt, «H il recueillait encore en cela le pri\
de sa prévoyance. Mais il ne voulait pas que ses
jeunes troupes pussent entendre le canon sur leurs
derrières, et avoir des inquiétudes sur les commu-
nications de Tarmée avec le Danube.
Mouvement A peine donnés, ces ordres sont obéis à l'instant
■les divisions mcme. Les divisions Carra Saint-Gyr, Molitor et
«Jt" Mentor Legrand sous la conduite de Masséna, se formeni
.•tLo-rand, çj^ colouncs scrrécs par division, font demi-tour à
pour ^
■se rapprocher droîte , puis défilcut cn Une longue colonne pour se
rapprocher du Danube, recevant avec une impas-
sibilité héroïque et en liane, le feu de Klenau et de
Kollovrath. Les généraux Lasalle et Marulaz, les
couvrant pendant cette marche, chargent et repous-
sent la cavalerie autrichienne. Tandis que ce mou-
vement s'exécute vers la gauche. Napoléon, au
centre, impatient d'être rejoint par Laurislon et
Macdonald, leur envoie ofliciers sur officiers pour
les presser de hâter le pas, et monté sur un cheval
persan d'une éclatante blancheur, parcourt sous
une grêle de boulets ce terrain abandonné par Mas-
séna. La canonnade en ce moment a acquis la fré-
(fuence de la fusillade ', et tout le monde frémit à
ridée de voir Thomme sur qui reposent tant de des-
tinées emporté par l'un de ces aveugles projectiles
Bditerie (pu traversent l'espace. Enfin arrivent au galop, et
louchera feu ^u faisant trembler la terre, les soixante bouches à
feu de la garde, suivies de (juarante bouches à feu
(les françaises et bavaroises. L'illustre Drouot, sur une
Auirichicns. . ,. . , .-t^ . , ,
indication de 1 Lrapereur, se pose en jalon, et les
cent pièces de canon qu'il dirige viennent s'aligner
' Expression textuoHe «lu marédial Molitor.
cirigce
sur le cciilrc
sur son épée. En un inslanl commence la plus af-
e 1 • •. • 1 ' I Juillet <809.
freuso canonnade qui ait sii^uale nos Ioniques guer-
res. La ligne aulrichienne présente de Wagram à
Aderkiaa, d'AderkIaa à Sussenbrunn (voir la carte
n" 49), un angle ouvert, dout les deux côtés sont
formés par Bellegarde d'une part, par les grena-
diers et les cuirassiers de rautre. Les cent Ijouclies
à feu de Lauriston tirant incessamment sur cette
double ligne, la criblent de boulets, et démontent
bientôt rarlillcrie ennemie. Napoléon regarde à la
lunette l'effet de cette batterie formidable, et s'ap-
plaudit de la justesse de ses conceptions. Mais il
Be suffit pas de l'artillerie ponr briser le centre de
l'armée autrichienne, il faut des baïonnettes, et il
demande avec un redoublement d'impatience celles
de l'armée dltalie, qui accourent au pas accéléré.
L'intrépide Macdonald, récemment tiré de la dis- Muidie
grâce, marche à la tête de son corps, étonnant '^'^ ^^nfre '"'' ^
ceux qui ne le connaissent point encore par son '^ '''^""'^
, . ' . ^ de l'armée
costume d'ancien général de la République, et s'ap- autrichicnac>
prêtant à les étonner bien davantage par sa ma-
nière de se comporter au feu. Il déploie sur une
seule ligne une partie de la division Broussier, et
une brigade de la division Seras. Il range en co-
lonne serrée sur les ailes de cette ligne , à gauche
le reste de la division Broussier, à droite la division
Lamarque , et présente ainsi à l'ennemi un carré
long, qu'il ferme avec les vingt-quatre escadrons
des cuirassiers Nansouty. Napoléon voulant lui don-
ner un appui, place sur ses derrières, sous le gé-
néral Reille, les fusiliers et les tirailleurs de la
garde impériale, au nombre de huit bataillons. Il
TOM. X. 30
Juillet 1809.
466 LIVRE XXXV.
y ajoute la ca\alerie de la ij:anle pour foudre au
moment oppoiluii sur linfanterie ennemie, puis il
attend, les yeux fixés sur ce grand spectacle, le
succès des manœuvres qu'il a ordonnées.
Macdonald , dépassant bientôt la ligne de notre
artillerie pour joindre les Autrichiens, s'avance sous
une pluie de feu, laissant à chaque pas le terrain
couvert de ses morts et de ses blessés, serrant ses
rangs sans s'ébranler, et communiquant à ses sol-
dats la fière attitude qu'il conserve lui-même. —
Quel brave homme ! s'écrie plusieurs fois Napo-
léon en le vovant marcher ainsi sous la mitraille
et les boulets. — Tout à coup le prince Jean de
Liechtenstein s'ébranle avec sa grosse cavalerie,
pour essayer un effort contre cette infanterie qui
s'avance si résolument sur le centre de l'armée au-
trichienne. Macdonald arrête alors son carré long,
ordonne aux deux colonnes qui en formaient les
côtés de faire front, et oppose ainsi à l'ennemi trois
lignes de feu. Le sol retentit sous le galop des
cuirassiers autrichiens, mais ils sont accueillis par
de telles décharges de mousqueterie qu'ils sont for-
cés de s'arrêter, et de rétrograder sur leur infan-
terie que leur fuite jette dans un véritable dés-
inicfjnn ordrc. Lc momcut de charger est venu pour notre
•le la cavalerie ... <-> i •
françai:e cavalcric , qui pcut , cu prohtaut de cet mstant do
la îj"rDée coufusiou, recueillir des milliers de prisonniers.
.leWagram. ;>[acdonald en donne l'ordre à Nansoutv; mais ce
général, obligé d'amener sa troupe sur le front du
carré dont elle occupait la dernière face, perd mal-
gré lui un temps précieux. Lorsqu'il est prêt à s'é-
lancer, le désordre de l'infanterie autrichienne est
• WAGRAM. i67
en partie réparé. Toutefois il charge et enfonce
plusieurs carrés. Macdonald , élans son impatience,
s'adresse à la cavalerie de la garde qui était |)rès
de lui, et que commandait le général Waltlier. Mais
celui-ci ne doit recevoir d'ordre que du maréchal
Bessières, et ce niaréclial vient d'être renversé par
un boulet. Macdonald se dépile en voyant ainsi lui
échapper le fruit de la victoire : cependant, s'il n'a
pas beaucoup de prisonniers, il a du moins fait
rétrograder l'armée autrichienne , et rendu vaine
l'entreprise tentée sur le centre et la gauche de no-
tre ligne. L'archiduc, désespérant de nous refouler
vers le Danube, commence à se décourager, et se
dédommage en prodiguant sa vie au milieu du feu.
Ses troupes évacuent peu à peu Aderklaa d'un côté,
Siissenbrunn de l'autre.
En ce moment le grave danger qui menaçait l'ar-
mée est conjuré. Masséna, se dirigeant en colonne
sur le Danube, et recevant le feu de Tennemi en
flanc, est arrivé près du fleuve, vers Aspern, a fait
front à droite, et précédé de sa cavalerie a repris
l'otFensive contre Kollovrath etKIcnau. Boudet s'est
remis en ligne, et tous, marchant en avant, ramè-
nent les Autrichiens sur Breitenlée et sur Ilirsch-
statten. En tète de leur infanterie , Lasalle et IMaru-
laz exécutent des charges brillantes; mais Lasalle",
atteint d'une balle, termine sa glorieuse carrière en
voyant fuir l'ennemi.
Ainsi le centre de l'archiduc ébranlé par cent
bouches à feu, arrêté par Macdonald, bat en re-
traite. Sa droite suit ce mouvement rétrograde. Si
le maréchal Davout, comme il en a reçu l'ordre,
30.
Juin.t 1809.
Le
mouvement
offensif
dos
Autricbiens
ilélinilivp-
mcnt arrolé.
408 i.iVHr: \.\\\.
^~77Z.' <''ïlt;vc à la i^aïu-lie des Aulricliions la position de
Juillet 1809. ^ . ■ ' _ ,
Xeusiedel, c'en est fait deux. Cette position enle-
\t3e, la lii::ne des hauteurs de Neusiedel à Wai^rani
ne peut [)lus tenir, et rarchiihie Charles, privé de
ce dernier appui, va être coupe de la route de Hon-
j^rie, sé})aré de l'archiduc Jean, et rejeté en Bo-
hème. Aussi Naj)ol('on, rassuré sur son centre et sa
i^auche, a-t-il Toeil toujours tourné sur sa droite,
vers la tour carrée qui domine le village de Neu-
siedel. II n'attend que le proiirès des feux de ce
coté pour lancer le corps d'Oudinot sur \\'ai<ram.
Il lui reste, dans le cas où surviendrait l'aichiduc
Jean, une moitié de l'armée dltalie, le corps de
iMarmonl, la vieille garde, les Bavarois. Il a donc,
(juoi qu'il arrive, des ressources pour parer à toutes
les chances de celte journée.
Davout La confiance que Napoléon a mise dans le raa-
le/baXurs réchal Davout cst ici, comme toujours, pleinement
"^îeSêv?'' justifiée. Les généraux Monthrun et Grouchy, l'un
.t décide ainsi avec la cavalcrie léiière, l'autre avec les drainons
lin .sort de la , . t-- /
kitaiiie. d'Italie, ont préparé le passage du Russbach sur
notre extrême droite, soit })our eux, soit pour l'in-
fanterie. Les divisions ^lorand et Friant franchis-
sent ce ruisseau à la suite de la cavalerie, et
ployées par un mouvement de conversion sur le
liane de la positicn de Neusiedel, forment un angle
droit avec Gudin et Puthod, qui sont restés de-
vant leRuss])ach, de Neusiedel à Baumersdorf. Le
moment d'attaquer étant venu, ces braves trou-
pes, dignes de leur chef, gravissent le revers de la
position de Neusiedel avec une rare intrépidité.
Morand, placé à l'extrême droite, s'avance lèpre-
WACRVM. 169
mier, parce que la pente plus douce de S(3n cAté
oiVrc un abord plus facile. Priant, placé entre [Mo-
rand et Neusicdel, où il forme le sommet de Tan-
gle, attend que 3[orand ait ir;agné du terrain sur
l'extrémité de la liii:ne ennemie, pour attacjuer la
hauteur à son tour. Il se borne (piant à présent
à im \i()leut fou (rartillerie, qu'il soutient avec
soixante pièces détachées de plusieurs divisions.
Morand, secondé à içauche par cette canonnade, à
droite par les charges de cavalerie de ^lontbrun,
gravit froidement le terrain qui s'élève devant lui.
Rosenberg, pour faire face à cette attaque de liane,
replie sa ligne en arrière. La mousqnelerie de
toute cette partie de la ligne autrichienne n'ar-
rête point Morand. Il continue à monter sous un
feu plongeant , et puis aborde l'ennemi en colonne
d'attaque. Le prince de Rosenberg dirige alors un
effort sur la gauche de Morand, formée par le 17"
régiment de ligne, et l'oblige un instant à céder.
A cette vue Friant envoie au secours du ]T la bri-
gade Tiilly, composée du 1 5" léger et du 33" de li-
gne, lesquels s'élancent à la baïonnette sur la
hauteur, et refoulent les troupes de Rosenberg.
Les divisions Puthod et Gudin, restées en face du
Russbach, entrent à leur tour en action sous la
conduite du maréchal Davout. Puthod se jette dans
Neusiedel avec ses quatrièmes bataillons, pénètre
dans les rues de ce village, et les dispute aux trou-
pes autrichiennes, qu'il contraint après de grands
efforts à se retirer sur la hauteur en arrière. Au
même instant, Gudin, qui a franchi le Russbach,
escalade audacieusement sous un feu meurtrier le
Juillet 180».
Juillet 180'.'.
470 I IVRE XXXV.
plateau de Neusiedol, tandis que Priant a déjà ga-
frné du terrain sur les derrières de Roscnberg. La
tour carrée est en ce moment dépassée par le double
mouvement de Kriant et de Gudin. Tout n'est pas fini
cependant. Jusqu'ici on n'a eu à combattre que Ro-
senberg favorisé par la position. Mais Ilohenzollorn,
demeuré immobile au-dessus de Baumersdorf en
face d'Oudinot qui n'agit pas encore, porte une
moitié de ses troupes vers la tour carrée, et les
dirige sur la droite de Gudin pour la précipiter dans
le Russbach. Vainement à travers les baraques du
camp essaye-l-on de faire défiler les cuirassiers
d'Arrighi, pour les lancer sur la hauteur qui se
termine en plateau. Ces cuirassiers, assaillis par
un feu des plus vifs à travers les routes étroites du
camp, ne peuvent pas charger avec avantage, et
sont ramenés en désordre. Le 80* de ligne de la
division Gudin accueilli par la plus violente fusil-
lade est presque arrêté dans son mouvement. Les
autres régiments de Gudin se hâtent de venir à son
secours. La division tout entière lutte avec Hohen-
zollern, qui est peu à peu repoussé, tandis queFriant
et Morand gagnent du terrain sur le derrière du pla-
teau, en poursuivant les troupes de Rosenberg
l'épée dans les reins.
Napoléon Pendant que le maréchal Davout accomplit ainsi
fait enlever * i ^t i - n i ' i
paroudinot sa tachc, Napolcou voyant ses leux dépasser la
lieNv!i"'r*aT ^^^^ carréc, ne doute plus du succès de la journée.
La bataille est gagnée, s'écrie-t-il, et il en fait por-
ter la nouvelle au maréchal Masséna, au prince
Eugène, au général Macdonaid. Mais il ne se borne
pas à pousser un cri de victoire, il ordonne au
WAGRAM. m
corps d'Oiidinot, de marcher sur Bauniersdorf et
Wai^M\im, et d'enlever cette partie des hauteurs. Les
troupes d'Oudinot s'élancent sur le \ illai,'e de Bau-
mcrsdorf, qu'elles n'avaient pas pu em])orter la
veille, le traversent, et s'élèvent sur le plateau, ve-
nant se joindre à la division Gudin par leur droite.
L'élan devient alors général. On refoule partout la
ligne autrichienne, et en ce moment la division
Gudin s'alignant sur celles de Priant et de Morand,
on voit le corps entier de Davout ne plus former
qu'une longue ligne oblique, qui balaye dans toute
son étendue le plateau de Wagram. (Voir la carte
n" 48.)
La division Tharreau du corps d'Oudinot se di-
rige sur Wagram, charge à la baïonnette plusieurs
bataillons, en prend deux, enlève le village, et y
recueille de nombreux prisonniers. La di>ision
Frère (seconde d'Oudinot) passe à droite du vil-
lage. La division Grandjean, autrefois Saint-lli-
laire, suit ce mouvement, repousse l'infanterie au-
trichienne, et l'aborde vivement dès qu'elle essaye
de résister. Le 10^ d'infanterie légère se jette sur
un bataillon qui s'était formé en carré, et le fait
prisonnier. Napoléon voyant l'armée autrichienne
partout en retraite et notre ligne s'étendre, s'aflai-
blir même en quelques points, à mesure qu'elle s'a-
vance, envoie des secours là où ils sont nécessai-
res, et en particulier au général Macdonald, qui se
trouve isolé de Masséna à gauche, de Bernadolte
au centre. Il dirige vers lui l'infanterie bavaroise
du généra! de Wrède et la cavalerie de la garde.
Macdonald, en s'approchant de Siissenbrunn, ren-
Juillct «809.
Juillet 1809.
472 LIVRE XXXV.
conti'C (le linfanleric ennemie (jni lient encore. Il
enn)()rte ce villap;e, et faisant cliari^er par sa cava-
lerie légère, enlève d'un .seul coup (juatre à cinq
mille prisonniers.
La ligne Sur uu frout clc trois à quatre lieues, à l'extrême
autrichienne , , mr . ^ ^f i
.!st partout gauche devant Massena, au centre devant .Macdo-
l'ois heures ï^'^'''? <' droite (Icvaut Oudinot et I)a\out, l'armée
»'i la bataille aulrichicnnc uc pouvaut tenir nulle part, se retire
Siagnce, * '
en flottant sous la poursuite plus ou moins vive
des Français. Il est trois heures : notre gauche a
refoulé KIcnau sur Jedlersdorf, Kollovrath sur Ge-
rarsdoif; notre centre a poussé Bellegarde sur
Ileluiliof, notre droite a rejeté Hohenzollern et Uo-
senherg sur Bockfliiss. L'archiduc Charles crai-
gnant de perdre la route de la Mora^ie, et d'être
entraîné loin du centre de la monarchie vers la
Bohème, donne alors l'ordre de la retraite. Cent
vingt mille Français poursuivent cent vingt mille
Autrichiens, livrant çà et là une foule de combats
de détail , et recueillant à chaque pas des prison-
niers, des canons, des drapeaux.
tardive Telle cst Cette célèbre bataille de Wagi'am, com-
.te l'archuiuc Hicncée à quatre heures du matin, terminée à (juatre
/^"" heures de l'après-midi. Napoléon avait encore en
sur le champ ï »
i<^ bataille réserve le corps de Marmont, une portion de l'ar-
mée (Fltalie, la vieille garde, c'est-à-dire trente
mille hommes, au cas où l'archiduc Jean arrive-
rait pour prendre part à la bataille. (]e prince ap-
prochait cntin de la plaine du Marchfeld, et venait
se montrer à droite sur nos derrières, vers Sieben-
brunn. Ses coureurs, lencontrant les nôtres, pro-
duisirent une sorte de panique. En un clin d'œil
lie Wagram
WAClîAM. 1:3
les vivandières, les Ioniques files do soldats 0111-
portant les blessés, crurent qu'une seconde ar-
mée se prcscnlait pour recommencer le combat.
Ils se mirent à courir en poussant des cris de ter-
reur. Parmi ces fuyards se trouvaient beaucoup
de jeunes soldats épuisés par la chaleur du jour ,
et qui, selon l'usage, quittaient le terrain sous pré-
texte de ramasser les blessés. Le tumulte fut tel
que les corps restés en réserve durent prendre
les armes, et que Napoléon, ipii iwiùl mis pied
à terre pour se reposer à lombre d'une pyramide
formée avec des tambours, fut obligé de remonter
à cheval. Il crut sérieusement que l'aiehiiiuc Jean
débouchait, et il s'apprêtait à l'arrêter avec les
forces qu'il avait gardées intactes, lorsqu'on \\\
le danger s'éloigner, et les têtes de colonne qui
s'étaient montrées un instant disparaître à l'horizon.
L'archiduc Jean, en eflet, averti le o au matin par
un ordre expédié le 4 au soir de se rendre à Wa-
gram, était parti le o à midi seulement, avait cou-
ché à Marchegg, était reparti un peu tard le 6 an
matin, et arrivait (juand la bataille était Unie, li
n'a\ail pas voulu trahir son frère assurément, mais
il avait marché comme les caractères indécis, qui \u)
connaissent pas le prix du temps. Serait-il survenu
plus lot, il aurait ajouté à Telfusion du sang, sans
changer les destinées de la journée, puisqu'aux
douze mille hommes qu'il amenait, on pouvait oj)-
poser les dix mille hommes de ]\Iarmont, les dix
mille qui restaient au prince Eugène, et au besoin
la \ieille garde. Il avait mal obéi, à la\oi\ d un
chef qui avait mal commandé.
Juillei IsOîi.
Juillet 180'.).
Mi LIVRE XXXV.
Les résultats do la halaillc do Wagrara, sans être
aussi extraordinaires que ceux (TAustcrlitz, d'Icna
RL'suiiats ou de Friedland, étaient fort irrands néanmoins. On
de la bataille
deWagram. a\ ait tué OU blessé aux Autrichiens environ 24
mille lionnues, parmi lesquels se trouvaient les gé-
néraux Nordmann, d'Aspre, Wukassovich, Yec-
say, Uouvroy, Nostiz, Hesse-Hombourg, Yacquant,
Molzen, Stuttcrheim, Homljcrg, Merville. On leur
avait fait 0 mille prisonniers , lesquels avec ceux de
la \ cille formaient un total de 12 mille ' au moins.
On avait ramassé une vingtaine de pièces de canon.
On avait ainsi allaibli les Autrichiens de 36 mille
soldats. Nous avions perdu en morts ou blessés de
do à 18 mille hommes, dont sept à huit mille ne
devaient pas se relever. C'était donc une mémo-
rable bataille, la plus grande que Napoléon eut
livrée, par le nombre des combattants, et l'une
des plus importantes par les conséquences. Ce
qu'elle avait de merveilleux, ce n'était pas comme
autrefois la quantité prodigieuse des prisonniers,
des drapeaux et des canons conquis dans la jour-
née : c'était l'un des plus larges fleuves de l'Eu-
rope franchi devant l'ennemi avec une précision,
un ensemble, une sûreté admirables : c'étaient
vingt-quatre heures de combats livrés sur une li-
gne de trois lieues avec ce lleuve à dos, en con-
jurant tout ce qu'avait de périlleux une telle situa-
tion : c'était la position par laquelle le généralissime
tenait les Français en échec emportée, l'armée qui
défendait la monarchie autrichienne vaincue, mise
' Les bulletins ont supposé beaucoup plus de prisonniers, mais ils
ont exagéré au delà de toute vérité.
WAGRAM. 475
hors d'état de tenir la caïupai^me ! ('es résiillals
étaient immenses, puisqu'ils terminaient la guerre!
Du point de vue de l'art, Napoléon avait dans le
passage du Danube surpassé tout ce qu'on avait ja-
mais exécuté en ce genre. Sur le champ de bataille
il avait, avec une rare promptitude, reporté du cen-
tre à la gauche la réserve qu'il s'était habilement
ménagée, et résolu la question par un de ces mou-
A ements décisifs, qui n'appartiennent qu'aux grands
capitaines : et, s'il s'était [)rivé d'un important résul-
tat en arrêtant trop tôt les Autrichiens prêts à s'en-
gager entre lui et le Danube, il l'avait fait par l'in-
spiration d'une prudence profonde, et digne d'être
admirée. Si dans ces pro(Hgieux événements on peut
reprendre quelque chose , ce sont les conséquences
dérivant déjà de la politique de Napoléon, telles que
l'extrême jeunesse des troupes, l'étendue démesu-
rée des opérations , les méprises naissant de la ré-
union de nations ,de toute origine, enfin un com-
mencement de confusion, imputable non à l'esprit
de celui qui commandait , mais à la diversité et à la
quantité des éléments dont il était ol)ligé de se ser-
yir, pour sufilre à l'immensité de satàclic. Son génie
était toujours extraordinaire, d'autant plus extra-
ordinaire qu'il luttait contre la nature des choses;
mais on pouvait voir déjà que si cette lutte se pro-
longeait, ce n'était pas la nature des choses qui
serait vaincue.
Quant à l'adversaire, il avait été brave, dévoué
à sa cause, ingénieux, mais indécis. Sans recourir
pour le juger à tous les plans , plus ou moins spé-
cieux, qu'on lui a reproché de n'avoir pas suivis,
Juillet 1809.
Jiiillot IS09.
iîG I.IVIÎI- WXV.
tels que irassaillir Tlh; (I(ï Lol)aii aprc's Essliiii^, de
passer le I)aniil)o au-dossiis ou au-dessous (le Vienne,
il est incontestaltle (ju'il y avait à faire certaines
clioses, simples, d'un elVet iininainpiahle, et qu'il ne
fit pas, lieureusenient pour nous, eonime de multi-
plier les obstacles au passaije du fleuve sur tout le
pourtour de Tîle de l.obau , comme de retrancher le
camp ({ui devait servir de champ de bataille, ce qui
lui aurait permis, après avoir tenu tète aux Français,
de les prendre en flanc et de les acculer au fleuve
qu'ils avaient franchi , comme de donner ses ordres
avec assez de précision pour que l'action de la
gauche ne devançât pas celle de la droite, comme
de réunir enfui pour cette journée décisive toutes
les forces disponibles de la monarchie, dont qua-
rante mille hommes au moins demeurèrent inutiles
en Hongrie, en Bohème et en Gallicie. (]e sont or-
dinairement des choses simples, dictées par le bon
sens, et imprudenmient omises, qui décident des
plus importantes opérations, surtout à la guerre.
On serait fondé à dire aussi que le prince autrichien
donna un peu trop tôt l'ordre de la retraite, car il
pouvait tenir tête encore à l'armée française, et il
se serait assuré en persistant l'apparition en temps
opportun de l'archiduc Jean sur le champ de bataille.
Il faut reconnaître qu'une plus longue obstination
pouvait rendre la défaite si complète, qu'il ne serait
plus rien resté d'une armée à la conservation de
la(iuclle était attaché le salut de la monarchie. En
s'obstinant on se ménageait, il est vrai, plus de
chances de victoire, mais beaucoup plus de chances
aussi de périr sans ressources. Quoi qu'il en soit
Juillet 1809.
WACRAAI. 477
(le ces divers jugeiiionls, (jui, (Ifjjuis uii dtiiii-
siècle, ont été portés par tous les historiens sur
ces mémorables opérations, il n'en reste pas moins
\rai qu'il y a i^loirc même à se tromper (juand on
se bat si héroïquement pour son pays, et qu'on
prend pari à de si i^randes choses. La guerre d'ail-
leurs touchait à son terme, car ce n'était pas avec les
douze mille hommes de l'archiduc Jean, et les qua- '
tre-vingt mille qui restaient à l'archiduc Charles,
(|u'il était possible de sauver la monarchie. Si, en
effet, ce dernier n'en avait perdu que trente et
quelques mille, tués ou [)risonniers, il en a^ait vu
ilisparaître des rangs de la huuhvehr un nombre au
uioins égal, qui couraient la campagne pour rejoin-
dre leurs foyers. Se retirer dans lune des pro\inces ce (im
II , . , •, 1 • 1 • • 1 restait ;i l'diiv
de la monarchie qu on aurait bien choisie, s y re- après
faire le mieux possible, et |)ar la menace d'une
guerre indéfiniment prolongée améliorer les con-
ditions de la paix, était la seule espérance qu'on
put conserver encore.
Napoléon appréciait ainsi le résultat de la bataille
de Wagram, et tout en regardant la fin des hosti-
lités comme prochaine, il voulait (pie cette fin fût
telle que la paix dépendît absolument de lui. Si au
lieu d'envoyer en Espagne , pour y périr inutile-
ment contre des obstacles naturels, la vieille armée
de Boulogne, il l'eût gardée entre le Rhin et le
Danube, pour en accabler l'Autriche, il aurait pu
effacer cette puissance de la carte de l'Europe,
pendant la durée de son règne , bien entendu. IMais
obligé de lutter avec des forces réunies à la hâte
contre les immenses armements de l'Autriche, il
la liataii'e
(le Wa^iajH.
Juillet 4809.
478 I.IVRH XX \V.
avait fait miracle de la soumettre en trois mois, et,
s'il parvenait à lui imposer la paix, et à la punir de
cette (pialrième guerre par de nouveaux sacrifices
de territoire, de poj)ulalion et d'argent, c'était assez
pour sa gloire personnelle et pour le maintien de
sa grandeur. Aussi avait-il déjà renoncé à l'idée de
détrôner la maison de Habsbourg, idée qu'il avait
conçue dans le premier mouvement de sa colère,
et après les prodigieux triomphes de Ratisbonne.
Punir cette maison en l'abaissant encore, et faire
tomber du même coup les résistances qui avaient
menacé d'éclater en Europe, était désormais le prix
unique, mais assez grand, assez éclatant, de cette
dernière campagne, laquelle ne devait pas paraître
moins extraordinaire que toutes les autres, surtout
en comparant les moyens aux résultats obtenus.
Napoléon ne songea donc à poursuivre les Au-
trichiens que pour les amener à se soumettre dé-
finitivement. Mais il ne lui était plus possible d'agir
comme il le faisait autrefois, c'est-à-dire, après
avoir combattu une journée entière, de se remet-
tre à marcher immédiatement, de manière à tirer
toutes les conséquences de la victoire. Son armée
était trop nombreuse , il avait trop de points à sur-
veiller, il avait trop de cadres nouveaux, et dans
les cadres vieux trop de jeunes soldats, iwur pou-
voir repartir le soir même, ou le lendemain matin,
sans s'inquiéter de ce qu'il laissait derrière lui. Il y
avait en effet des régiments dans lesquels une foule
de soldats étaient, ou livrés à la maraude, ou oc-
cupés à transporter des blessés. Tel régiment de
2,o00 honmies, avait oOO hommes hors de corn-
WAGRAM.
iT'J
bat, i ,000 détachés, et se trouvait ainsi réduit à
mille présents sous les armes. La chaleur était ex-
cessive, les vins abondaient dans les villages, le
soldat jouissait de la victoire avec un certain dés-
ordre, et il fallait Timmense ascendant de Napoléon
pour maintenir la soumission, la présence au dra-
peau, l'attachement au devoir. Déjà tout était de-
venu plus difficile à cette époque, et Napoléon le
savait sans le dire.
Le lendemain , 7 juillet , il se rendit de sa per-
sonne à la résidence de Wolkersdorf, de laquelle
Tempereur François avait assisté à la Ijataillo de
Wagram, et il y établit son quartier général. Il ac-
corda cette journée à chaque corps pour porter les
blessés aux ambulances de Tile de Lobau, rallier les
soldats détachés ou égarés, refaire les vivres, rem-
placer les munitions, se mettre, enfin, en mesure
d'exécuter une marche longue et rapide. En at-
tendant , il achemina les corps demeurés intacts sur
la route où il était vraiscmbla!)le qu'on trouverait
l'ennemi. La route de la jMoravie était celle où il
paraissait raisonnable de le chercher, car la 3Io-
ravie étant placée entre la Bohême et la Hongrie,
permettant de rester en conuuunication avec l'une
et avec l'autre de ces grandes provinces, dY^n
tirer les ressources qu'elles pouvaient contenir, d'a-
dopter l'une ou l'autre pour une résistance pro-
longée, semblait devoir s'offrir au généralissime
vaincu comme le lieu de retraite le mieux choisi.
Napoléon dirigea d'abord la cavalerie du général
Montbrun sur la route de Nikolsbourg (voir la
carte n" 32), et la lit suivre dès le 7 au soir par
Juillet <80a.
Translation
du quartier
général à
Wolkersdorf.
Napoléon
dirige
la poursuite
sur dcïix
'.Hit l.l\ H1-; \\\\.
— — le licau corps (le Mariiiout, (iiii. n'avunt pas com-
MiUet 1800. . , ' . "^ ' ,
hallu dans la journée du (5, elait en ctat de inar-
n.iiies, coOcs ^.\^^,y iunnédiatenienl . Il lui adjoignit les Bavarois
de Moravio •'
.'t .w Bohème, du |^(»n(''ral de Wrède, dont rartillerie seule a> ail
été enuaiïée , et en leur assii^nanl à tous la route
de Moravie, il leur laissa la faculté de se jeter à
droile ou à i^auche, sur la Honj^Mie ou sur la lio-
JK'nie, suivant que les reconnaissances du général
Monthrun révéleraient l'une ou Faulre direction
dans la relraile de Icnnemi. 11 enjoiiinit à Masséna
de rallier ses troupes le plus tôt possible, et avec
celles de ses divisions qui avaient le moins souiVert,
notamment celles de Legrand et de Molitor, de lon-
ger le Danube, pour observer la route de Bohème
j)ar Korneubourg, Stockerau et Znaïm. Il lui laissa
la cavalerie Lasalle, qui après la mort de celui-ci
avait été commandée par Marulaz, et, ce dernier
ayant été blessé, par le général Bruyère. Il y ajouta
les cuirassiers Saint-Sulpice.
Le lendemain 8, Napoléon, n'étant encore que
très-imparfaitement renseigné sur la marche des
Autrichiens, que la ca^alerie légère signalait à la
fois sur les routes de Moravie et de Bohême, et ju-
geant toujours celle de Moravie comme la plus na-
turellement indi([uée, envoya le maréchal Davout,
dont le corps d" armée était tout à fait remis de la
journée du G, vers Nikolsbourg, à la suite du géné-
ral Marmont. Il lui avait laissé les dragons dcGrou-
cliy et les cuirassiers du général Arrighi. Ces troupes
avec celles du général Marmont présentaient un total
d'au moins 4o mille hommes, capables de tenir tôte à
toute larmée de rarchiduc Charles. Napoléon dirigea
Juillet 1809.
WAGRAM. i8t
en même temps les Saxons sur la Mardi, pour sur-
veiller rarchiduc Jean , et le contraindre à se tenir au
delà de cette ligne. Il laissa le piince Eugène avec
une portion de son armée sous Vienne, soit pour
contenir la capitale si elle remuait, soit pour arrêter
Tarchiduc Jean, si, abandonnant la rive gauche du
Danube que nous venions de conquérir, il faisait sur
la rive droite dégarnie une tentative, à laquelle les
généraux Chasteler et Giulay auraient pu prêter la
main. Le général Vandamme fut de plus amené à
Vienne avec les Wurtembergeois. Napoléon ache-
mina le général Macdonald à la suite de Masséna,
et resta de sa personne encore vingt-quatre heures
à Wolkersdorf, avec la garde tout entière, avec les
cuirassiers de Nansouty, avec les jeunes troupes
d'Oudinot, pour savoir, entre les deux routes de
JMoravie et de Bohême, quelle serait celle où on
aurait la certitude de trouver l'ennemi.
Bien qu'il ne crut pas à la possibilité d'une ré- précautions
sistance prolongée de la part des Autrichiens , néan- par^KaHéon
moins , ne voulant rien livrer au hasard pendant p°"'' '^
^ conservation
qu'il allait s'éloigner de Vienne, Napoléon ne se devienne,
X .• j f> ^ 1 pendant qu'il
borna pas a consacrer une partie de ses forces a la va roursuivrc
garde de cette capitale , il prit les mesures néces- AutriSiens.
saires pour la mettre en état de défense. Il ordonna
d'y transporter les cent neuf bouches à feu de gros
calibre qui avaient protégé le passage de l'armée,
de les répartir sur les murs de la ville, de fermer
tous les bastions à la gorge, afin que la garnison
fut doublement garantie contre le dedans et contre
le dehors, d'y réunir des vivres et des munitions
pour dix mille hommes et pour trois mois, d'y faire
TOM. X. 31
Juillet 1809.
182 LIVRE XXXV.
roinonler les nonihieiix I)ateaux qui avaient servi
aux diverses opérations de l'île de Lobau, de re-
construire le pont du Tliabor, de l'établir sur des
bateaux en attendant qu'il le fut sur j)ilolis, de le
couvrir en outre sur les deux rives de deux vastes
tètes de ponts. L'ilc de Lobau pouvait désormais se
sutïire avec les ponts en pilotis jetés sur le grand
et sur le petit bras, puisqu'elle n'était plus qu'un
lieu de dépôt, dans lequel on avait entassé les pri-
sonniers et les blessés. Avec une communication
assurée devant Vienne, et une autre à la hauteur
de l'île de Lobau , Napoléon avait des moyens de
passage sufîisants pour toutes les éventualités de
guerre imaginables. Il ordonna en même temps de
compléter l'armement de Raab , d'achever les tra-
vaux de Molk, de Lintz, de Passau, toujours des-
tinés à assurer sa ligne d'opération. Enlin toutes
ces précautions prises pour le cas d'une lutte pro-
longée, il résolut de tirer de la victoire de Wagram
l'une de ses conséquences les plus essentielles, celle
qui devait lui procurer immédiatement des ressour-
coiiuibuiion CCS financières, et il frappa sur les provinces de la
lions frapiM 0 iBOuarchie qu il occupait une contribution de guerre
sur rAutnche Je dcux ccnts millions, laquelle étant une fois dé-
après ' 1
i.T bataille crétéc ne pourrait plus être mise en question dans
.!o Wagram. ' ^ ^
une négociation ultérieure de paix, si, comme il le
croyait, une négociation de ce genre venait bientôt
à s'ouvrir. 11 employa ainsi à Wolkersdorf les
journées du 7, du 8, et une partie de celle du 9,
attendant le résultat des reconnaissances envoyées
dans toutes les directions.
Retraite L'arcliiduc Cliailes avait, on ne sait pourquoi,
WAGIIAM. 18*
adopté la Bohème pour lieu de retraite. Soit que, '
,. . ,••,,.,■ , Juillet 1809.
par la direction qu avait prise la bataille de A\ a-
a;raiïî, il craisnit de ne pouvoir aa2;ner à temps la '^^ l'archiduc
•~ ' ^ _ ' , Charles
route de Moravie, soit qu'il voulût conserver lim- en Bohême.
portante province de Bohême à la monarchie, et
demeurer en rapport avec le centre de l'Allemagne,
([u'on avait toujours la prétention d'insurger, il s'é-
tait retiré sur la route de Znaïm , qui mène à Pra-
gue par Iglau. (Voir les cartes n*"* 28 et 32.) C'était
(le sa part une étrange résolution, car, sauf la satis-
faction de se séparer de son frère l'archiduc Jean,
en lui laissant le soin de soulever la Hongrie, tandis
(ju'il irait lui-même mettre en valeur toutes les res-
sources de la Bohême, on ne voit pas trop quels
avantages il espérait en recueillir. En se portant
en Bohême, il s'enfermait dans une sorte de champ
clos, que son adversaire pourrait traverser tout
entier en quelques marches et sans s'éloigner beau-
coup du Danube, ce qui faisait tout dépendre d'une
prochaine et dernière rencontre, dont l'issue n'é-
tait pas douteuse. Au contraire, en s'enfonçant en
Hongrie, il aurait rallié tout ce qui restait de forces
à la maison d'Autriche, attiré son adversaire dans
les profondeurs de la monarchie, où l'armée autri-
chienne devait toujours aller en augmentant et l'ar-
mée française en diminuant, où il auriait lotrouvé
peut-être l'occasion d'une nouvelle bataille moins
malheureuse que celle de Wagram, et créé enfin à
Napoléon la seule difîiculté avec laquelle on pût le
battre, la seule avec laquelle on l'ait battu depuis,
celle des distances. L'inconvénient de perdre les res-
sources de la Bohême n'était pas bien considérable,
3i.
Juillet «809.
484 ]A\]\V. XXXV.
car d'une part cette province n'avait presque plus
rien à fournir, et do l'autre Napoléon n'avait pas
de forces à consacrer à son occupation. On ne peut
donc s'expliquer un tel choix que par ce trouble
de la défaite, qui presque toujours amène les ré-
solutions les plus fâcheuses, et fait souvent qu'un
malheur en entraîne bientôt de plus grands et de
plus irréparables.
Distribution Au surplus, quoi qu'on puisse penser de ses mo-
autrTchïnnes ^^^^ i l'arcliiduc Charles avait pris la route de Pra-
dans o-yg pgp 2naïm. Sur cette route, qu'il avait eagnée
leur retraite. ~ i ' t ^ cj
par Korneubourg et Stockerau , il marcha avec les
corps de Bellegarde , de Kollovrath et de Klenau ,
avec la réserve de grenadiers et celle de cavalerie,
le tout ne formant pas plus de 60 mille hommes.
Le corps du prince de Reuss, qui avait perdu la
journée du G à observer le débouché de Vienne,
n'ayant pas souffert dans la bataille, était chargé de
l'arrière-garde. Sur la route de jMora\ie, par Wil-
fersdorf et Nikolsbourg, l'archiduc Charles laissa
se retirer les corps de Rosenberg et de Hohenzol-
lern, pour flanquer l'armée principale, ce qui per-
met de supposer qu'il y eut en cette circonstance
quelque chose de pis qu'une mauvaise résolution,
c'est-à-dire absence même de résolution , et que
chaque corps prit le chemin sur lequel le jeta la
bataille qu'on venait de perdre. La gauche, en
effet, composée de llohenzollern et de Rosenberg,
a\ ait été poussée sur la route de Moravie ; le cen-
tre et la droite, composés de Bellegarde, des ré-
serves d'infanterie et de cavalerie, de Kollovrath,
de Reuss et de Klenau (3f, 5' et 6' corps), avaient été
WAGRAM. 48o
poussés sur celle de Bohême. C'est ainsi que sou-
vent il n y a pas eu de motifs, la même ou 1 histoire
s'épuise à en chercher, et qu'au lieu de faux calcul,
il y a tout simplement défaut de calcul.
Pourtant cette double marche, qui plaçait loin
de l'archiduc Charles peut-être 20 ou 2o mille
hommes de ses forces les meilleures, eut un avan-
tage momentané : elle laissa Napoléon dans une
incertitude complète sur la route que l'ennemi sui-
vait, et elle l'exposa à se tromper dans la direction
à donner à ses colonnes. Ainsi, sur la route de
Moravie, par Wolkersdorf et Nikolsbouri^, il avait
envoyé Montbrun, ^farmont, de Wrcde', Davout,
c'est-à-dire 45 mille hommes contre 2-3 mille, et
sur la route de Znaïm, Masséna, Macdonald, Ma-
rulaz, Saint-Sulpice, c'est-à-dire 28 mille hommes
contre GO mille. Il est vrai que placé entre deux
avec la garde, Nansouty et Oudinot, il pouvait
apporter en quelques heures le secours de 30 mille
combattants à celui de ses lieutenants qui en aurait
besoin.
Masséna d'un côté, Marmont de l'autre suivirent
chacun l'itinéraire qui leur avait été tracé. Le 8
juillet, Marmont talonna l'arrière-garde de Rosen-
berg, ramassant partout des traînards, des bles-
sés, principalement des hommes de la landwehr, '
qui abandonnaient les rangs de l'armée. Arrivé le 0 i-c générai
à Wilfersdorf, il apprit par les reconnaissances de à la suite
Montbrun, toujours exécutées avec autant d'intel- de Rosenbcr"
quitte la route
' Le général de Wiède avait été blessé. C'était sa division qui suivait , ''®
1 j ir 1 1 1 < 1 • • -. Nikolsbouf"
le corps de Marmont, et c'est pour cela que nous lui t-n conservons le p^^p colle
nom. Le général Miiniti l'avait remplacé dans le commandement. de Znaïm.
Juillet 4809.
486 LIVRE XXXV.
liiïonce ([ue d'audace, que le prince de Rosenberi^
avait lail un à gauche, et qu'il ahaudoiinail la route
de M()ra\ ie pour celle de Bohème. En ellet les deux
lieutenants de Tarchiduc (Charles, [)Owr rejoindre
le gros de larniée autrichienne, se reportaient de
la route de Moravie sur celle de Bohème, obéis-
sant eu cela à une volonté dont bientôt on va voii-
les étranges incertitudes. Le général 3Iarmont, que
Napoléon avait laissé libre de suivre la route sur
laquelle il croirait trouver Tennemi, adopta le vrai
parti qui convenait aux circonstances. Se détour-
nant de la Moravie, à l'imitation du corps qu'il
poursuivait, il prit, par Mistelbach et Laa, la di-
rection de Znaïm. Seulement ayant à faire part au
maréchal Davout de sa nouvelle marche, il n'osa
pas l'attirer à lui, ne sachant pas si le détachement
dont il suivait les traces était le gros de l'ennemi.
Il l'informa de son détour à gauche, sans rien faire
pour l'empêcher de continuer sur Nikolsbourg et
sur la Moravie.
Le 9, à moitié chemin de Laa, il rencontra i ,200
chevaux et deux bataillons de Rosenberg, les cul-
buta, et leur enleva quelques centaines de prison-
niers. Il arriva le 9 au soir à Laa, sur la Taya,
rivière qui passe successivement à Znaïm, à Laa,
et vient, en traversant le milieu de la Moravie, se
jeter dans la Morava. La chaleur était étouffante,
dans celte province abritée au nord par les mon-
tagnes de la Bohème, de la Ilaute-Silésie et de la
Hongrie. Les caves du pays étaient richement four-
nies, et malgré le soin avec lequel les troupes du
général Marmont étaient tenues, elles se débandé-
WAGRAM. 487
rent, entraînées par la fatigue, la chaleur, le goût
du vin, et aussi par la confiance excessive que leur
inspirait la victoire. Le général Marmont parvenu
à Laa n'avait pas le quart de son effectif dans les
rangs. Il assembla les officiers, leur exposa le danger
de compromettre par une négligence coupable le
résultat d'une grande campagne, fit exécuter deux
soldats pour l'exemple, et à la pointe du jour il
put rallier son monde afin de marcher sur Znaïm.
Prêt à partir, un nouveau détour de l'ennemi faillit
le rejeter dans de fâcheuses incertitudes. Le corps
de Rosenberg, qui avait pris à gauche pour gagner
la route de Znaïm, prenait maintenant à droite pour
regagner celle de Briinn. Le généralissime autri-
chien continuant d'attirer à lui le corps de llohen-
zoUern, renvoyait au contraire celui de Rosenberg
sur la IMoravie, on ne sait en vérité pourquoi, car
ce corps n'était guère de force à défendre cette
province si les, Français mettaient du prix à l'oc-
cuper. C'était une preuve de plus que les deux
corps de Hohenzollern et de Rosenberg avaient été
laissés sans réflexion sur la route de Moravie, et
qu'ils étaient, sans réflexion encore, portés tantôt
sur la route de Znaïm, tantôt sur celle de Rriinn.
Du reste il y avait dans ces divagations des corps
autrichiens de quoi troubler l'esprit du général fran-
çais, qui était en tète de la poursuite. Néanmoins le
général Marmont, avec une remarquable sagacité
militaire, persista dans sa marche sur Znaïm, lais-
sant Rosenberg faire un nouveau détour à droite,
et continuant lui dans la direction où il croyait trou-
ver l'ennemi, et où il le trouva en effet.
Juillet <80».
188 II VUE XXW.
Vers 1(3 milieu du iruMiic jour, le vénérai Mar-
Juillet <809. , . .
mont, parvenu à une position où il avait à sa gauche
, ^'■'■,'^^?'' , la Tava, et sur son front un ravin profond qui allait
du gênerai «^ ' ' *
Marmont a aboutir à la Taya , aperçut au delà de ce ravin le
bassin dans lecjuel s'élevait en anii)liilliéàtre la \ ille
de Znaïm. En ce moment les Autrichiens se pres-
saient sur le pont do la Taya, et traversaient en
toute hâte la ville elle-même de Znaïm, pour ga-
gner à temps la route de Bohème. Loin d'être en
mesure de se placer en travers de cette route afin
de la barrer, le général Marmont ayant 10 mille
hommes à opposer à 60 mille, courait au con-
traire de grands dangers. Mais il était séparé du
bassin de Znaïm par le ravin sur lequel il venait
d'arriver, et dont les Autrichiens occupaient les
bords. Il les leur enleva par une attaque \igoureuse
du 8'' et du 23' de ligne, s'empara en outre du vil-
lage de TesNvitz situé au-dessous, et d'où il avait
la possibilité de canonner le pont de la Taya. Il
„ . . s'empara vers sa droite de deux fermes propres à
Position prise ^ ^ ^^
par lui servir d'appui, et plus à droite encore d'un
le général . , i- i • -n l • •
Marmont bois qu il remplit de ses tirailleurs. Ayant ainsi
dTzna^m. ^^^ frout couvcrt par le ra\in dont il était maî-
tre, sa gauche par la Taya, et sa droite par des
fermes et un bois fortement occupés, il pouvait
gêner avec son canon le passage des Autrichiens sur
le pont de la Taya, sans être trop exposé à leurs
représailles. Il se mit donc à canonner ce pont, fai-
sant partir aides de camp sur aides de camp pour
informer Napoléon de la position singulière où il se
trouvait.
Cette canonnade incommode et périlleuse inquié-
WAGRAM. Jm
tant les Autrichiens, ils firent une tentative i)our
s en débarrasser, en attaquant sérieusement le vil-
lage de Teswitz. A la vue des préparatifs de cette
attaque, le général Marmont y envoya des troupes
bavaroises pour la déjouer. Les assaillants redou-
blant d'efforts, il fallut soutenir les premières trou-
pes par la division de Wrède tout entière, et l'at-
taque n'ayant pas cessé, par Tenvoi sur ce nicine
point du 8r de ligne. Il suffit de ce régiment fran-
çais pour mettre un terme aux entreprises de Fen-
nemi, et tenir les Autrichiens à grande distance. La
journée s'acheva sans autre événement. Vers la
chute du jour une canonnade, entendue dans le
lointain à gauche, annonça la marche de ^lasséna
sur la route de Bohème, à la suite de la principale
armée autrichienne. Napoléon averti ne pouvait
manquer non plus d'arriver par la droite. Le gé-
néral Marmont passa donc la nuit tranquillement,
avec la confiance d'un homme qui n'avait rien né-
gligé pour garantir sa position , et qui participait
du reste à la témérité que la victoire inspirait alors
à tout le monde. Un fait d'ailleurs était de nature à
le rassurer. Un Français resté au service d'Autriche,
M. de Fresnel, venait de se présenter de la part du
général comte de Bellegarde, pour demander un
armistice. Le général Marmont n'ayant pas de pou-
voirs pour conclure un tel acte, et espérant de plus
qu'on pourrait encore envelopper le lendemain
l'armée autrichienne, dépêcha cet envoyé au quar-
tier général de l'Empereur, sans prendre sur lui de
suspendre les hostilités.
Dans le moment, les Français arrivaient par la Arrivée
Juillet <801t.
i90 LIVRE XXXV.
gauche et par la droite, par la route de Bohême
et par la route de Moravie, sur la trace des Aulri-
iic Masséna cliicus. Masséua , parti le 8 de Stockerau avec les
lo 1 I au matin ,... i,-n -t i/-. o- ^^
au pont divisions d infanterie Legrand, Carra Saint -Lyr,
^devant ^' Molitor, avcc une division de grosse cavalerie,
znaim. avait talonné sans cesse Tarrière-garde du prince de
Reuss, et lui avait enlevé de nombreux prisonniers.
Il avait joint cette arrière-garde le 9 au pied des
hauteurs de Mallebern, et le 10 à Hollabriinn, où
il combattait , tandis que le général Marmont était
occupé à s'établir devant Znaïm. L'archiduc Char-
les instruit de la présence d'un corps français à Laa,
avait envoyé les grenadiers et la réserve de cava-
lerie pour s'emparer du pont de la Taya, les avait
suivis lui-même avec les corps de Bellegarde, de
KoUovralh et de Klenau, abandonnant au prince de
Reuss le soin de disputer Hollabriinn le plus long-
temps qu'il pourrait. C'était donc lui qui avec les
corps que nous venons de désigner, traversait, sous
les yeux du général Marmont, le pont de la Taya
devant Znaïm, appelé pont deSchaliersdorf. Tandis
que les choses se passaient de la sorte à gauche ,
Napoléon à droite, prévenu le 9 de la marche de
Marmont vers Znaïm, s'était mis en mouvement
par Wiifersdorf avec la garde, le corps d'Oudinot,
et les cuirassiers de Nansouty. Il s'était rendu le 1 0
de Wiifersdorf à Laa, espérant amener la garde à
Znaïm dans la journée du 11. Devançant ses trou-
pes de sa personne, il s'était mis immédiatement
en route pour arriver, le 11 au milieu du jour, au
quartier général de Marmont.
Le 1 1 au matin , en elfet , les Autrichiens conti-
WAGRAM. i91
nucrent à défiler sous les yeux du général Mar-
mont, qui, du village de Teswitz, les canonnail
au passage de la rivière, et Masséna, suivant en
queue le prince de Reuss, les culbuta au milieu
du jour sur la Taya, après un engagement vigou-
reux. Parvenu jusqu'au pont de Schallersdorf, qui
était barricadé, Masséna le fit attaquer parla vail-
lante division Legrand. Le chef de cette division,
conduisant ses soldats au feu avec sa valeur accou-
tumée, et abordant l'obstacle de front pendant que
l'artillerie de Masséna le prenait en enfilade, réussit
à s'approcher du pont, en escalada les barricades,
et s'en rendit maître. Après cet acte d'audace, le
général Legrand porta sa division dans la petite
plaine qui formait le bassin de la Taya, en pré-
sence des troupes du prince de Reuss et des gre-
nadiers autrichiens adossés à la ville de Znaïm. Le
général Marmont , du sommet des hauteurs situées
à droite, de l'autre côté de la Taya, assistait à ce
spectacle, impatient de seconder utilement le ma-
réchal Masséna.
Ce dernier ne voulant pas s'en tenir à un pre-
mier acte de hardiesse, résolut d'attaquer les Au-
trichiens, de les culbuter sur Znaïm, d'y entrer à
leur suite, et de les jeter au delà, dans l'espoir que
les troupes de Marmont leur barreraient la route
de Bohême. Mais il n'avait auprès de lui que la
division Legrand, et devait être rejoint par la di-
vision Carra Saint-Cyr, celle qui avait été si im-
prudemment héroïque à Aderklaa. Il n'en aborda
pas moins les troupes du prince de Reuss et les gre-
nadiers avec la seule division Legrand, se faisant
Juillet I80î>.
Attaque
vigoureuse
exécutée
par Masséna
sur le pont
de la Taya.
Combat
de Znaïm.
Juillet 1809.
S02 I.IVRF XXXV.
seconder par son artillerie resiée en deçà de la
Taya. Le pont franclii, il s'engagea dans le village
allongé de Schallorsdorf, Tenleva, s'empara à gan-
che d'un gros couvent appelé KIoster-Bruck, et dans
la plaine à droite lança ses cuirassiers, qui exécu-
tèrent plusieurs charges vigoureuses sur les Autri-
chiens. Masséna luttait en cet endroit, avec 7 ou 8
mille hommes contre plus de 30 mille, sans comp-
ter 30 mille autres rangés par delà Znaïm, dans les
plaines que traversait la route de Bohême. Un épou-
vantable orage étant survenu, le combat fut pres-
que suspendu par l'impossibilité de faire feu. Les
grenadiers autrichiens, profitant de cette circon-
stance, s'avancèrent silencieusement à travers le
village de Schallersdorf , surprirent nos soldats qui
ne pouvaient se servir de leurs fusils, et pour un
moment se rendirent maîtres du pont. Masséna vou-
lut jeter sur eux les cuirassiers, mais le terrain
devenu glissant ne pouvait les porter. Un grave ac-
cident était à craindre, quand par bonheur arriva
la division Carra Saint-Cvr. Celle-ci, lancée sur le
pont, le reprit, traversa dans sa longueur la co-
lonne des grenadiers, en fit 800 prisonniers, et dé-
boucha victorieuse dans la plaine de Znaïm. En ce
moment, le général Marmont, ne voulant pas laisser
le maréchal Masséna lutter tout seul, avait débou-
ché de Teswitz, et, de moitié avec lui, poussait les
Autrichiens sur Znaïm. On les avait acculés, on
leur avait enlevé une masse considérable d'hommes,
tué ou blessé beaucoup de monde, et on allait, en
forçant Znaïm , les contraindre à une retraite dés-
ordonnée. Mais la garde n'étant pas encore arrivée,
WAGRAM. i!»3
il n'y avait aucun espoir de les envelopper. Il est
.... ; , ' ', . Juillet 1809.
vrai que trois mille chevaux du cette i^arde avaient
déjà paru , et que , joints à la cavalerie de Mont-
hrun, aux cuirassiers de Saint-Sulpice, ils pouvaient
rendre la retraite des Autrichiens singulièrement
meurtrière.
Mais Napoléon, survenu au milieu de ces entre- Arrivée
faites, avait rencontré l'envoyé du général Belle- ^ znaïm°""
garde , et reçu le prince Jean de Liechtenstein lui- ^' entrevue
•-^ ' s r avec le prince
même, qui venait demander une suspension d'armes, JoandeLicch-
tcnstein.
et promettre au nom de 1 honneur militaire l ouver-
ture d'une négociation pour la conclusion immé-
diate delà paix. Napoléon, avec le major général
Berlhier, M. Maret , duc de Bassano, et le grand
maréchal Duroc, conféra un instant sur le parti à
prendre. Il pouvait, en occupant les Autrichiens Délibération
quelques heures de plus par un combat opiniâtre, la demande
gagner peut-être assez de temps pour les tourner, ''armistice
et tout au moins lancer à leur suite dix mille che- les
. , • , • i ' 1 1 ' 1 ' Autrichiens.
vaux, qui les auraient jetés dans un désordre épou-
vantable. 3lais sans recourir à ce moyen il avait
la certitude d'obtenir les conditions de paix les plus
avantageuses, et son orgueil étant satisfait de voir
le plus brillant, le plus noble ofllcier de l'armée
autrichienne, venir implorer humblement la fin de
la guerre , il inclinait à s'arrêter dans sa marche
victorieuse. Il y eut plusieurs avis sur ce sujet. Les
uns disaient qu'il fallait en finir avec la maison
d'Autriche , et briser sur sa tête le nœud de toutes
les coalitions, pour qu'on ne les vît pas renaître
quand on retournerait en Espagne pour y terminer
la guerre. Les autres alléguaient le danger de pro-
Juillet 180'.».
i94 LlVUl- WXV.
lt)ni;or une lutte cnircpri.so avec des moyens im-
provisés, Hnio en trois mois par un miracle de
.nénie, mais (pii , en durant, pourrait provoquer
le soulèvement de l'Allemai^ne, entraîner môme les
Russes peu disposés à laisser détruire la maison
d'Ail (riche, et embraser ainsi le continent tout en-
tier. Napoléon, sentant confusément (pfil a\ail
déjà fort abusé de la fortune, es[)érant que cette
nou\elle leçon empêcherait désormais l'Autriche
de le troubler dans sa lutte avec l'Espagne et l'An-
gleterre, voyant après l'Autriche vaincue l'E.spa-
gne facile à soumettre , et la paix générale cou-
ronnant ses immenses travaux, tandis que si au
contraire il poussait les hostilités à outrance, jus-
([u'à la destruction par exemple de la maison
d'Autriche, il amènerait probablement les Russes
à se mêler de la querelle, et s'attirerait une guerre
universelle, qui pourrait devenir le terme de sa
grandeur. Napoléon , tout à la fois satisfait et fa-
tigué, s'écria, après avoir entendu ceux que pour
la première fois il admettait à donner un avis de-
vant lui : Il y a assez de sang répandu!... faisons
ia ])aix! —
^°'" il exigea du prince Jean de Liechtenstein la pro-
conlié à M. lio . '^ ' ^
wimpffcnct messe que des plénipotentiaires seraient envoyés
nérai'BeîthkT sur-lc-champ pour négocier, et laissa Berthier pour
lefconduions latVance, iM. de Winïpffen pour l'Autriche, stipu-
.le l'armistice ],3r sur le terrain du condjat les conditions dun
demandé.
armistice.
Tandis que les chefs d'état-major des deux ar-
mées discutaient ces conditions, on dépêcha le co-
lonel Marbot et le général d'Aspre aux avant-poi-
WAGUAM.
495
les, pour faire cesser les hostilités. Ils arrivèrent
entre Schallersdorf et Znaïm au moment où les
troupes de Masséna étaient aux prises avec les gre-
nadiois autrichiens. L'acharnement était tel que les
cris mille fois répétés de Paix! Paix! Ne tirez plus!
ne suffirent point pour séparer les combattants. Le
colonel jMarbot et le général d'Aspre furent même
légèrement blessés dans leurs efforts pour arrêter le
combat. Ils y parvinrent enfin, et un profond si-
lence, interrompu seulement par la joie des vain-
queurs, succéda à une affreuse canonnade. Cette
journée nous coûta, tant au corps du général Mar-
mont qu'à celui du maréchal Masséna, environ
2 mille morts et blessés; mais elle en coûta plus de
3 mille aux Autrichiens, avec 5 à G mille prison-
niers. C'était une dernière victoire qui couronnait
dignement cette grande et belle campagne.
Entré en action à la fin d'avril avec des troupes
formées à peine et encore éparses, contre l'ar-
chiduc Charles qui marchait avec une armée or-
ganisée de longue main et déjà réunie. Napo-
léon avait réussi en quelques jours à compléter la
sienne, à la rallier, à la concentrer devant l'ennemi,
à couper en deux celle de l'archiduc Charles, et à
la jeter partie en Bohême, partie en Basse-Au-
triche. Tel avait été le premier acte de la cam-
pagne, terminé, comme on s'en souvient, devant
Ratisbonne. Poursuivant ensuite jusqu'à Vienne les
Autrichiens dispersés sur les deux rives du Danube,
Napoléon avait marché si vite, et si sûrement, qu'il
n'avait jamais permis leur ralliement avant Vienne,
et était entré dans cette capitale un mois après l'ou-
Juillet ISû'.t.
Résumé
de
la campagne
de 1800
en Autriche.
i9G LIVRE XWV.
\ (Ml lire (le la cani[)ai!;ne, rcM)aranl ainsi les revers
Juillet 180». , ,, ,,.,,. , > ,
tle 1 armée d Italie, et arrêtant a leur origine tous
les projets d'insurger le continent eonti'e la France.
Voulant franchir le Danube pour terminer la guerre
par une bataille décisive, et ayant été interrompu
dans son o[)ération par une crue subite du fleuve,
il avait, dans les deux journées d'Essling, soutenu
par dvs prodiges d'énergie l'entreprise si dange-
reuse de combattre avec un fleuve à dos, grâce à la
pensée admirable de choisir l'île de Lobau comme
terrain de passage. Repassé sur la rive droite, il
avait imaginé de magnifiques travaux pour annuler
presque entièrement l'obstacle qui le séparait des
Autrichiens, amené à lui les armées d'Italie et de
Dalmatie, concentré ainsi toutes ses forces pour une
lutte décisive, et alors, opérant en quelques heures
le miracle de traverser en présence de l'ennemi un
large fleuve avec 150 mille hommes et 500 bou-
ches à feu , il venait , dans l'une des plus grandes
batailles des siècles, de terminer cette quatrième
guerre d'Autriche, guerre non moins mémorable
que toutes celles qu'il avait dirigées, et dans la-
(pielle le génie surmontant ses propres fautes avait
suppléé par des merveilles d'industrie et de per-
sévérance à toutes les ressources qu'une politique
insensée faisait défaillir autour de lui : guerre pen-
dant laquelle les avertissements de la fortune s'é-
taient renouvelés encore une fois, comme pour
])rémunir le grand capitaine contre les erreurs du
politique imprudent et follement ambitieux!
Soin Napoléon, dans la stipulation des termes de Tar-
de Napoléon ...
pour assurer misticc , vcilla surtout à bien assurer sa position
wagra:\i. '.!(
Juillet I80<J.
hostilités.
militairo pour le cas (rime reprise dhostilités, si
cette reprise devait résulter de riinj)ossil)ilité de
s'entendre sur les conditions de la paix. Il exii^ea sa position
' niilitairi'
d'abord qu'on lui laissât occuper d'une manière dans le cas
... • ... ., , dune reprise
permanente toutes les provmces qu il avait seule- dos
ment traversées avec ses troupes : c'étaient la Haute
et la Basse-Autriche , la moitié de la Moravie con-
sistant dans les districts de Znaïm et de Bninn,
la partie de la Hongrie qui s'étend de la Haab à
Vienne, la Styrie, la Carinthie, une portion de la
Carniole nécessaire pour comnuinicjuer avec la Dal-
matie et l'Italie. De la sorte la ligne de séparation
entre les armées belligérantes devait passer par
Lintz, Krems, Znaïm, Briinn, Godiug, Presbourg,
Raah, Gratz, Laybach et Trieste. (Voir la carte
n" 28.) En outre, comme appui de cette ligne, la
citadelle de Briinn, la ville de Presbourg, les pla-
ces de Raab, de Gratz et de Laybach, durent lui
être ou laissées, ou livrées immédiatement. Na-
poléon occupait ainsi plus d'un tiers de l'empire
d'Autriche. Etabli au centre de cet empire, appuyé
sur la capitale et les principales places, il pouvait,
dans le cas d'hostilités prolongées, partir de Vienne,
comme base d'opération, et pousser ses conquê-
tes jusqu'au fond des provinces les plus reculées.
W accorda un mois pour la durée de l'armistice, et
stipula l'obligation, en cas de rupture, de se pré-
venir quinze jours d'avance. Un mois suffisait, pour
les négociations si véritablement on voulait s'en-
tendre, et pour l'arrivée des renforts mandés de
France si on ne le voulait pas. Quelque dures que
fussent les conditions de cet armistice, les troupes
TOM. X. 32
4<<H
LIVRE XWV.
Juillet 1809.
Signature
lie l'armistico
«le Znaïm le 1 2
juillet.
Kotoui
de Napoléon ù
.Schœnbrunn ,
et ses efforts
jwur renforcer
SCS armées
pendant
l'armistice.
do I iiiiliiduc étaient dans une .situalion trop fâ-
cheuse, pour (pron ne proférât pas (oui à la eonli-
nuation des hostilités. L"a\is unanime dans létat-
niajor autrieliien fut de céder, et on céda. ^I. de
Wiuipllen, au nom du i<énérahssime, le major gé-
néral Bcrtliier, au nom de Napoléon, donnèrent
leur siirnature. La iïiande armée autrichienne avait
l)ravemenl comi)altu, et, maiizré ses malheurs, elle
pouvait se dire quelle avait plutôt relevé que laissé
déchoir la puissance autrichienne, bien quil fallût
s'attendre à de cruels sacrifices, si on voulait obte-
nir la paix d'un vainqueur justement enortïiieilli de
ses avantages.
Larmistice fut signe à Znaïm le 11 à minuit, et
dut porter la date du 12 juillet. Napoléon, après
avoir reçu les compliments de larchiduc Charles
et lui avoir fait porter les siens, après s'être fait
promettre par le vaillant prince Jean de Liechten-
stein qu'on imposerait silence en Autriche au parti
de la guerre, et qu'on enverrait promptement des
négociateurs à Vienne, partit pour Schœnbrunn,
afin d'employer toutes ses ressources soit pour
avoir la paix, soit pour terminer la guerre par un
dernier eflort , court et décisif. On pouvait dans le
courant du mois d'août , avoir ou fini de négocier,
ou réuni tous les moyens de recommencer en sep-
tendjre une dernière camj)agne, qui mettrait fin à
l'existence de la maison d'Autriche. Napoléon or-
donna donc de nouveaux préparatifs, comme s'il
n'avait rien fait encore, et comme s'il avait eu, non
pas des victoires à exploiter diplomatiquement, mais
des échecs à réparer.
Juilkl «g'tO.
(le l'armislira
lie Znatm.
WAGRAM. 499
D'abord il répartit ses troupes entre Vienne et le
cercle tracé par l'armistice, de manière à y \ivre
largement, et à pouvoir se concentrer rapidement nistribuUuu
sur iim des points quelconques de ce cercle. Il (iesiroup,s
plaça le général Marniont à Krems, ce (pii devait laTurél
le ramener en Carinthie par Sainl-Polten, (juand il
faudrait rentrer en Dalmatie; le maréchal Masséna à
Znaïm, pays qu'il venait de conquérir-, le maréchal
Davout à Briinn, point vers lequel il se dirigeait; les
Saxons entre iMarcliegg et Presbourg, ligne où ils
étaient déjà; le prince Eugène sur la Raab, où il
avait été victorieux. Le général Grenier devait aussi
occuper la Raab; le général Macdonald, Griitz et
Laybach. Le général Oudinot, avec son corps et la
jeune garde, dut s'établir dans la plaine de Vienne.
La vieille garde vint bivouaquer dans la belle rési-
dence de Schœnbrunn. Comme l'un des avantages
de l'armistice était de pouvoir employer juillet et
août à la soumission du Tyrol, les Bavarois furent
reportés en entier vers le Tyrol allemand, tandis
que les troupes italiennes du prince Eugène mar-
chèrent sur le Tyrol italien. Uc nouvelles forces fu-
rent envoyées dans le Vorarlberg et la Franconie.
Napoléon sachant qu'il avait beaucoup de jeunes
soldats dans les cadres, craignant pour leur santé
le séjour des villes, pour leur esprit militaire le
repos d'un armistice, ordonna de les camper sous
des baraques. La saison, le pays, tout était beau.
Le vin, la viande, le pain abondaient. Les contri-
butions levées sur les provinces autrichiennes, et
payables soit en papier, soit en denrées, étaient un
moyen d'acquitter la valeur de tout ce qu'on pren-
32.
SOO I IVHK \X\V.
(Irait, sans ruiner personne, en posant seulement
Juillet 1800. ,' . , ,-,% r , . ,.
sur les iinances de IhtnI. l.n solde fut mise au
courant, et des ateliers furent établis à Vienne, à
Lintz, à Znaïm, à Briinn, à Preshourp:, à Griilz,
pour confectionner des habits, des souliers, du
linge, du harnachement, toujours en payant les
Soins matières premières et la main-d'œuvre. En un mois
■Je Napoléon ,, , . , ' • , -, i •»
pour nourrir, 1 amiee noumc, vêtue, reposée, instruite, devait
*^T''^L!' reparaître florissante et terrible. Ce n'était pas tout :
organiser X i
l'armée pen- [\ fallait la rendre aussi nombreuse qu'elle serait
daiit les mois ^
de juillet et disciplinée et bien pourvue. En vertu des ordres
qu'il avait expédiés en juin. Napoléon allait re-
cevoir, dès les premiers jours de juillet, 30 mille
hommes de renfort, tous partis déjà de Strasbourg.
C'était plus que les pertes de la campagne , surtout
après la rentrée dans les rangs des petits blessés,
qualification réservée à tous ceux dont on espé-
rait la guéiison sous trois ou quatre semaines. Il
donna de nouveaux ordres pour ajouter au moins
50 mille hommes aux 30 mille qui lui arrivaient, ce
qui devait porter à 250 mille Français, et à 50 mille
alliés, l'armée agissante au centre de la monarchie
autrichienne. C'était une force double de celle que
pouvait réunir l'Autriche, dans l'hypothèse la plus
Renvoi faNorablc. Pour y parvenir Napoléon imagina un
lies cadres • i-x , ^r-i-i i
deg mo^en singulièrement propre a faciliter le recru-
ba'ta'iiion^s^à ^^"^^'^^ dcs corps. A l'armée, par suite des pertes,
la frontière, les cadrcs étaient loin d'être remplis, tandis que dans
y chercher Ics dépôts il y avait abondance de conscrits, au delà
les conscrits ai i i • . . ■ i
déjà formés. Hiemc de cc que les cadres pouvaient contenir, de
manière que, très-ordinairement, on manquait de
soldats à l'extérieur, et de cadres dans l'intérieur.
WAGRAM. 501
Napoléon fil verser tous les soldats de la division
Puthod, qui comprenait les quatrièmes bataillons du
corps du maréchal Davout, dans les trois premiers
bataillons de ce corps, ce qui devait les reporter à
un etTectif considérable, .surtout après la rentrée des
petits blessés. Il en fit de même pour rancieiuie di-
vision Barbou de l'armée d'Italie, laquelle contenait
les troisièmes et quatrièmes bataillons du corps de
Marmont. Elle eut ordre de verser ses soldats dans
le corps du général Marmont, qui se trouva re-
porté de même à un elTectif très-élevé. Les qua-
trièmes bataillons composant le corps du général
Oudinot appartenaient à plusieurs des régiments du
maréchal Masséna, Ils fournirent leurs soldats à
ces régiments, et restèrent vides comme ceux des
divisions Puthod et Barbou. Après avoir vidé ces
cadres, par le versement de leurs soldats dans les
corps dont ils dépendaient. Napoléon les expédia
aussitôt sur Strasbourg, afin d'aller y chercher des
conscrits tout formés, et revenir ensuite prendre
rang dans l'aimée active. Ils devaient, chemin fai-
sant, rendre un autre service, c'était de conduire
à Strasbourg vingt mille prisonniers, qu'on avait
déposés dans lîle de Lobau, et qu'on ne voulait pas
y laisser, dans le cas, qu'il fallait pré\oir, d'un
renouvellement d'hostilités.
Napoléon , comme nous l'avons dit bien des fois,
avait créé des demi-brigades provisoires, avec les
cinquièmes et quatrièmes bataillons de certains ré-
giments plus avancés que les autres dans leur or-
ganisation. Il fit dissoudre onze de ces demi-bri-
gades, comprenant au moins 20 mille hommes,
Juillet 1800.
502
LIVRE XXXV.
Juillet 1809.
Transports
des recrues
sur le Danube
rie Ratisbonnc
j Vienne.
Nouvelle
augmentation
de
l'artillerie.
lesquels eurent ordre de se rendre à Strasbourg où
les cadres des quatrièmes hataillons devaient les
recevoir. Il fit une nouvelle revue des dépôts qui
ne s'étaient pas épuisés pour former des demi-bri-
gades, et leur demanda à ious des bataillons de
marche, distingués entre eux par les numéros des
divisions militaires auxquelles ils appartiendraient.
Une fois arrivés à Ratisbonne, ils auraient en quel-
que sorte achevé leur voyage, car des moyens de
transport étaient préparés dans cette ville pour les
conduire à Vienne par le Danube. Napoléon exigea
en outre une dizaine de mille hommes de Tltalie.
Quant à la cavalerie il n'avait presque pas d'hom-
mes à demander, car, suivant l'usage, il avait perdu
peu de cavaliers et beaucoup de chevaux. Pour ré-
parer ces pertes il établit de nouveaux marchés de
chevaux à Passau, à TJntz, à Vienne, à Raab. En-
fin, satisfait du service de l'artillerie, il voulut la
renforcer encore, et de 550 bouches à feu la por-
ter à 700, non pas en augmentant l'artillerie des
régiments, ce qui était un retour à d'anciennes cou-
tumes peu justifié jusqu'ici, mais en augmentant
l'artillerie des corps, et particulièrement celle de
la garde impériale. Cette artillerie de la garde avait
admirablement servi à Wagram, où elle comptait
GO pièces. Il décida qu'elle serait portée à 1^0.
Dix-huit compagnies d'artillerie tirées des dépôts,
et en particulier des dépôts d'Italie, fournirent le
personnel de cette augmentation. Le matériel en
fut tiré de Strasbourg et des places fortes d'Italie.
Tous les calibres furent élevés. L'artillerie de ma-
rine dut remplacer l'artillerie de terre dans la garde
Juillet 1809.
WAGHAM. 509
des côtes, et les compai^nies des côtes remplacer
au dépôt des régimcnls les compagnies en^ oyées à
l'armée active.
C'est ainsi que dans le courant du mois d'août
50 mille hommes allaient suivre les 30 mille cpii
étaient actuellement en marche vers les camps de
l'armée dWllemagne. Les travaux de défense à
Raal), Vienne, ^lolk , Lintz, Passau furent poussés
avec une nouvelle activité. Les blessés furent di-
visés en trois catégories : les amputés furent ex-
pédiés sur Strasbourg; les hommes gravement at-
teints furent répartis entre Molk, Lintz, Passau,
de manière qu'ils pussent rejoindre leurs régiments
dans deux ou trois mois. Les petits blessés furent
dirigés sur chaque camp. De la sorte aucun embar-
ras ne générait les mouvements de l'armée, si elle
reprenait les hostilités. Tandis que tout se préparait
jiour la renforcer, elle devait faire succéder à ses
moments de repos des exercices fréquents, mener
ainsi une vie mêlée d'activité, de jouissances et de
loisirs , car il régnait une abondance générale dans
les camps. Afin de donner à tous l'exemple du dé-
vouement, la jeune garde eut ordre de camper
sous Vienne avec ses olTiciers, jusqu'au grade de
colonel. Fusiliers, tirailleurs, conscrits, au nombre
de huit régiments, furent baraqués entre Vienne et
Wagram. Les grenadiers et chasseurs de la vieille
garde, qui n'avaient rien à apprendre, furent seuls
dispensés de cette tâche, et vécurent dans la paisi-
ble retraite de Schœnbriinn autour du maître qu'ils
aimaient et dont ils étaient aimés.
A tant de travaux se joignirent les récompen- Récompenses
Jiiillel 4$0'.).
ilcn;i'néi.'S
auxiîéncraux,
501 LIVRE XXXV.
ses, en coinmcnrant coimnc d usaiïe par les chefs
de raiiiiée. Le général Oiidinot (jui avait bien rem-
placé le maréchal Lannes à la léte du deuxième
officiers corps, le général .Maniioiil (iiii avait fait du fond
et soldats. " , 7 . . .
la fin de la (Ic la Dalniatic jusipiaii milieu de la 3Ioravie une
doTso"' marche hardie et prudente, le général Macdonald
({ui a\ait montré dans toute la campagne d'Ilalie
une profonde expérience de la guerre, et à Wa-
gram la plus rare inlivpidilé, fiu'ont nommés ma-
réchaux. Des gratifications fuient accordées aux
corps, et surtout aux blessés. Un acte de sévérité
vint se mêler à ces actes de gratitude et de muni-
ficence. Le maréchal Bernadolte, qui, par sa faute
ou celle de son corps, n'avait pas su garder le
poste qui lui était assigné entre Wagram et Ader-
klaa, n'en avait pas moins publié un ordre du jour
adressé aux Saxons , dans lequel il les remerciait
de leur conduite dans les journées des 5 et 6 juil-,
let , et leur attribuait pour ainsi dire le gain de la
bataille. Cette manière de distribuer à lui-même et
à ses soldats des louanges qu'il aurait du attendre
de Napoléon, blessa vivement celui-ci, parce qu'elle
l)lessait l'armée tout entière et ses chefs. Napoléon
rédigea , pour len punir, un ordre du jour des plus
sévères, qui fut communiqué circulairement aux
maréchaux seuls, mais qui était suffisant pour répri-
mer un tel emportement de vanité, car adressé à des
rivaux il n'était pas probable (piil restât secret'.
oRDHi: Di' jorn.
11 Srliœnbniiin, le 5 août 1809.
'•S. M. léinoigne son iiK^contPuteniont an marc^clial jnince de Ponle-
Cuivo pour son ordre du jour daté dr Liopoidau, le 7 juillet, qui a été
WAGUAM. , 505
Enfin Napoléon alla lui-nicnie ^isitcrses camps de
la Haute-Autriche, de la Moravie et de la Hongrie,
sachant que par cette vigilance menaçante il assu-
rait mieux la conclusion de la paix, que par tous
les efforts de ses négociateurs. La ville d'Alten-
bourg venait d'être désignée pour les réunir. Cest
inséré à une même époque dans presque tous les journaux dans les
termes suivants :
« Saxons, dans la journée du 5 juillet, 7 à 8 mille d'entre nous ont
» percé le centre de l'armée ennemie et se sont portée à Deutsch-NVa-
« gram , malgré les efforts de 40 mille hommes soutenus par cinquante
" bouches i\ feu. Vous avez combattu jusqu'à minuit et bivouaqué au
» milieu des ligues autrichiennes. Le 6, dès la pointe du jour, vous
» a\ez recommencé le combat a\ec la mèuie persévérance et au milieu
» des ravages de l'artillerie ennemie. Vos colonnes vivantes sont res-
» tées immobiles comme l'airain. Le grand INapoléon a \u votre di-
» vouement : il vous com|)te parmi ses braves.
» Saxons, la fortune d'un soldat consiste à remplir .ses devoirs; vous
» avez dignement fait le votre.
» Au bivouac de Léopoldau, le 7 juillet 1809.
» Le maréchal d'empire coitnnandanl le 9= corps,
» Signe : J. Bernadotte. »
>' Indépendamment de ce que S. M. commande son armée en per-
sonne, c'est à elle seule qu'il appartient de distribuer le degré de gloire
que chacun mérite.
» S. M. doit le succès de ses armes aux troupes françaises et non à
aucim étranger. L'ordre du jour du prince de Ponte-Corvo, tendant à
donner de fausses prétentions à des troupes au moins médiocres, est
contraire à la vérité, à la politiciue, à 1 "h aincin national. S. M. doit le
succès de ses armes aux maréchaux duc de Rivoli et Oudinof , qui ont
percé le centre de l'ennemi en même temps que le duc d'.\werstaedt le
tournait par sa gauche.
» Le village de neutsch-Wagram n'a pas été en notre pouvoir dans
la journée du 5. Ce village a été pris ; mais il ne l'a été que le 6, à midi,
par le corps du maréchal Oudinot.
>' Le corps du prince de Ponte-Corvo n'est pas resté immobile comme
l'airain. l\ a battu le premier en retraite. S. M. a été obligée de le faire
couvrir par le corps du vice-roi , par les divisions Broussier et Lamarque
commandées par le maréchal Macdonald , par la division de grosse ca-
valerie aux ordres du général Nansouty, et j-ar une partie de la cava-
Juillet 1809.
Itéuiiion
des plénipo-
tentiaires il
.\Uenbourg.
pour la négo-
ciation
do la paix.
Jiillet IS09.
506 LIVRE XXXV.
ainsi ([iio cet inraliiral)le ironie employait le temps
(le Tarniislice de Znaïin , inrali.uahic i^énic, disons-
nous, (pii comprenait tout, excepté cette vérité si
•-impie, que le monde n'élait pas aussi infatigahlo
que lui.
Icric (le la garde. C'est à ce maié» liai et à ces troupes qu'est dû l'éloge
que le prince de Ponte-Corvo s'attribue.
» S. -M. désire (jne ce tciiioi};riam' de son mécontentement serM-
d'exemple pour qu'aucun maréchal ne s'attribue la gloire qui appartient
aux autres. S. M., cependant, ordonne que le présent ordre du jour,
qui pourrait affliger l'armée saxonni", qnoi(]iie les soldats satliont bien
qu'ils ne méritent jtas les éloges qu'on K iir donne, restera spcret et sera
seulement envoyé aux maréchaux commandant les corps d'armée et au
ministre secrétaire d'État. »
Au major général.
«Schœnbrunn, le 5 août 1809.
» Vous trouverez ci-joint un ordre du jour que vous enverrez aux
maréchaux , en leur faisant connaître que c'est pour eux seuls. Vou>^
ne l'enverrez pas au général Rejnier. Vous l'enverrez aux deux mi-
nistres de la guerre. A'ous l'euvcrrcz également au roi de ^VestphaIil'.
» Napolkox. »
Au ministre de la cjwrre.
u Schœnbrumi , le 29 juillet 1809.
» Si vous avez occasion de voir le prince de Ponte-Corvo, témoignez-
lui mon mécontentement du ridicule ordre du jour qu'il a fait imprimer
dans tous les journaux , d'autant plus déplacé qu'il m'a porté pendant
toute la journée des plaintes sur Jis Saxons. Cet ordre du jour contient
d'ailleurs des faussetés. C'est le général Oudinot qui a pris Wagram
le G à midi. Le prince de Ponte-Corvo n'a donc pas pu le prendre. U
n'est pas plus vrai que les Saxons aient enfoncé le centre de l'ennemi
le 5; ils n'ont pas tiré un coup de fusil. l'2n général, je suis bien aise
que vous sachiez que le prince de Ponte-Corvo n'a pas toujours bien
lait dans cette campagne La vérité est que cette colonne
de granit a constanmient été en déroute.
» Napolkon. »
FIN DU LIVRE TRENTE-CINQUIÈME
ET Dt" DIXIÈME VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LE TOME DIXIÈME.
LIVRE tiiexte-ouatiui::mt:.
RATISBONNE.
Arrivée de Napoléon à Paris dans la nuit du 22 au 23 janvier 1800. —
Motifs de son brusque rclour. — Profonde altération de Popinion
publique. — Iniprobation c roissante à l'égard de la j^uerre d'Espagne,
surtout depuis que cette guerre semble devoir entraîner une nouvelle
rupture avec l'Autriche. — Disgrâce de M. de Tallcyrand, et danger
de M. Fouclié. — ^.Attitude de Napoléon envers la diploinalie euro-
péenne. — 11 se tait avec l'ambassadeur d'Autriche, et s'explique
franchtMuent avec les ministres des autres puissances. — Si'S efforts
pour empêcher la guerre, mais sa résolution de la faire terrible, s'il
est obligé de reprendre les armes. — Son intimité avec M. de Ro-
manzoff, resté à Paris pour l'attendre. — Demande de concours à
la Russie. — Vastes préparatifs militaires. —Conscription de 1810,
et nouveaux ajipels sur les conscriptions antérieures. — Formation
des quatrième et cinquième bataillons dans tous les régiments.
— Développement donné à la garde impériale. — Composition des
arnrjées d'Allemagne et d'Italie. — Invitation aux princes de la
Confédération de préparer leurs contingents. — Premiers mouve-
ments de troupes vers le Haut-Palatinat , la Bavière et le Frioul,
destinés à servir d'avertissement à l'Autriche. — Mo>ens financiers
mis en lapport avec les moyens militaires. — Effet sur l'Europe des
manifestations de Napoléon. — Dis])ositions de la cour d'Autriche.
— Exaspération et inquiétude qu'elle éprouve par suite des évé-
nements d'Espagne. — Les embarras que celle guerre cause à Napo-
léon lui scud)lent une occasion qu'il ne faut pas laisser échapper,
après avoir négligé de saisir celle qu'offrait la guerre de Pologne. —
Encouragements qu'elle trouve dans l'irritation de l'Allemagne et
Îi08 TABLE DES MATIÈRES
l'o|>ini()n de l'Kiiropc. — Ses aimoincnls fxtraonlinaiies entiopris de-
puis luiij^-tt'iiips, «t inaintt'iiant pousses à tonne. — Nécessité pour
elle <le prendre une résolntiun , et de tiioisir entre le désarmement
ou la ••uerro. — Elle opte pour la j;uerre. — Union de l'Autriclie avec
l'Angleterre. — lilïorts du cabinet autricliien à Conslantinople pour
amener la paix entre les Anglais et les Turcs. — Tentatives à Saint-
Pétersbourg jiour détacber la Russie de la France. — Refroidissement
d'Alexandre à l'égard de Napoléon. — Causes de ce refroidissenjenl.
— Alexandre redoute fort une nouvelle guerre de la France avec
l'Autri<lie, et s'efforce de l'empôcber. — N'y pouvant réussir, et ne
voulant point encore abandonner l'alliance de la France, il adopte
une conduite ambiguë, cabuléc dans l'intérêt de son empire. —
Grands préparatifs pour finir la guerre de Finlande et recommencer
celle de Turcpiie. — l'nvoi d'une armée d'observation en Gallicic sous
prétexte de coopérer avec la France. — L'Autriebe, quoique trompée
dans ses espérances à l'égard de la Russie, se flatte de l'entraîner par
un premier succès, et se décide à commencer la guerre en avril. —
Déclaration de M. de Metternicli à Paris. — Napoléon ne doutant
plus de la guerre, accélère ses préparatifs. — Déjmrt anticipé de
tous les renforts. — Distribution de l'armée d'Allemagne en trois
corps principaux. — Rôles assignés aux marécbaux Davout , Lannes
et Masséna. — Le prince Bertbier part pour l'Allemagne avec des in-
structions éventuelles, et Napoléon reste à Paris pour adieverscs
préj)aralifs. — Passage de l'Inn le 10 avril jtar les Autricbiens, et
inarclie de l'arcbiduc Cbarles sur l'Isar. — Passage de l'Isar et prise
de Landsbut. — Projet de l'arcbiduc Cbarles de surprendre les Fran-
çais avant leur concentration , en traversant le Danube entre Ratis-
bonne et Donauvverlb. — Ses dispositions pour accabler le marécbal
Davout à P.atisbonne. — Soudaine et beureuse arrivée de Napoléon
sur le tbéàtre des opérations. — Projet bardi de concentration, con-
sistant à amener au point commun d'Abensberg les marécbaux Da-
vout et Masséna, l'un partant de Ratisbonne, l'autre d'Augf bourg.
— Difficultés de la marcbe du marécbal Davout, exposé à rencontrer
la masse presque entière de l'armée autricbienne. — Conduite babile
et ferme de ce marécbal placé entre le Danube et l'arc biduc Cbarles.
— Sa rencontre avec les Autricbiens entre Tengen et Hausen. — Beau
combat de Tengen le 19 avril. — Réunion du corps du marécbal
Davout avec Napoléon. — Napoléon prend la moitié de ce corps,
avec les Bavarois et les Wurtcmbergeois, et perce la ligne de l'ar-
chiduc Charles, qui s'étend de Munich à Ratisbonne. — Bataille
d'Abensberg livrée le 20. — Napoléon poursuit cette opération en
marchant sur l'Isar et en prenant Landsbut le 21 — Il enlève ainsi
la ligne d'opération de l'arcbiduc, et rejette son aile gauche en Ba-
vière. — Apprenant dans la nuit <lu 21 au T>. (pie le marécbal Da\out
a eu de nouveau l'arcbiduc à combattre vers Leucbling, il se rabat à
gauche sur Lckmiibl , où il arrive à midi le 22. — Bataille d'Fckmùhl.
— L'arcbiduc, battu, se rejette en Bobêine. — Prise de Ratisbonne.
— Caractère des opérations exécuté» s par Napoléim pendant ces cinq
journées. — Leurs grands résultats militaires et politiques. 1 à 1S2
Dr DIXIÈME VOLIMK. o09
LIVRK TRENTE-CINQUIÈME.
WAGUAM .
Commencement des hostilités en Italie. — Entrée imprévue des Autri-
chiens parla Ponteba, Cividale et Gorice. — Surprise du jirince Kn-
gène, qui ne s'attendait pas à être attaqué avant la fin d'a\ril. — 11
se replie sur la Livenza avec les deux divisions qu'il avait sous la
main , et parvient à y réunir ime jiartie de son armée. — L'avanf-
garde du };énéral Saluic est enle\ée à Pordenone. — L'armée de-
mande la bataille à grands cris. — Le prince Eugène , entraîné par
ses soldats , se décide à coudiattre avant d'avoir rallié toutes ses l'or-
ces, et sur un terrain mal choisi. — Bataille de Sacile perdue le 16
avril. — Retraite sur l'Adige. — Soulèvement du Tyrol. — L'armée
française concentrée derrière l'Adige, s'y réorj^anise sous la direction
du général Macdonald donné pour conseiller au prince Eugène. —
La nouvelle des événements de Ratisbonnc oblige l'archiduc Jean à
battre en retraite. — Le jnince Eugène le poursuit l'épée dans les
reins. — Passage de la Piave de vive force, et pertes considérables
des Autrichiens. — Événements en Pologne. — Hostilités imprévues
en Pologne comme en Bavière et en Italie — Joseph Poniatowski livre
sous les murs de Varsovie un combat opiniûtrc aux Autrichiens. —
Il abandonne cette capitale par suite d'une convention, porte la
guerre sur la droite de la Vistule, et fait essuyer aux Autrichiens de
nombreux échecs. — Mouvements insurrectionnels en Allemagne.
— Désertion du major Schill. — Conduite de Napoléon après les
événements de Ratisbonne. — Son inquiétude en apprenant les nou-
velles d'Italie, que le prince Eugène tarde trop long-temi)S à lui faire
connaître. — Il s'avance néanmoins en Bavière , certain de tout ré-
parer par une mardie rajiide sur Vienne. — Ses motifs de ne pas
poursuivre l'archiduc Charles en Bohême, et de se porter au con-
traire sur la capitale de l'Autriche par la ligne du Danube. — Marche
admirablement combinée. — Passage de l'inn, de la Traun et de
l'Ens. — L'archiduc Charles, voulant repasser de la Dohêmc en
Autriche, et rejoindre le général Hiller et l'archiduc Louis derrière
la Traun, est prévenu à Lintz par Masséna. — Épouvantable combat
d'Ébersberg. — L'archiduc Cliarles n'ayant pu arriver à temps ni à
Lintz, ni à Krems, les corps autrichiens qui défendaient la haute
Autriche sont obligés de repasser le Danube à Krems , et de dé-
couvrir Vienne. — Arrivée de Napoléon sous cette capitale le 10
mai, un mois après l'ouverture des hostiliiés. — Entrée des Fran-
çais à Vienne à la suite d'une résistance fort courte de la part
des Autrichiens. — Effet de cet événement en Europe. — Vues
de Napoléon pour achever la destruction des armées ennemies. —
Manière dont il échelonne ses corps pour empêcher une tentative
des archiducs sur ses derrières, et pour préparer une concentra-
tion subite de ses forces dans la vue de livrer une bataille dé-
o\0 TABLE DES MATIERES
cisiM'. — Nécessite de passer If Danube pour joindre i'arcliidur
C'iiarles, qui est c<iinpé vis-à-vis de Vienne. — IM/'paralifs de ce dif-
(iiile passaî^e. — Dtins cet inler\alle l'armée d'Italie déga-'éc par
les progrés de rarmée d'AlleiMUf^nc a repris l'ofrensi\e, et marche
en a>ant. — L'arcliiduc Jeau repasse les Alpes Noriques et Juliennes
affaibli de moitié, et dirige les forces (jui lui restent vers la Hongrie
et la Croatie — Évacuation du Tyrol et soumission momentanée de
cette province. — Napoléon prend la résolution définitive de pas.ser
le Danube, et d'adiexer la destruction de l'archiduc Charles. —
Difficulté de cette opération en présence d'une armée ennemie de
cent mille hommes. — Choix de l'ile de Lobau, située au milieu
du Danube, poiu- diminuer la dilTiculté du passage. — Ponts jetés
.xur le grand bras du Danube les l'J et 20 mai. — Pont jeté sur le
petit bras le 20. — L'armée commence à passer. — A peine est-elle
en mouvement, que l'archiduc Charles vient à sa rencontre. — Ba-
taille d'Essling, l'une des plus terribles du siècle. — Le passage
plusieurs fois interrompu par une crue subite du Danube, est dé-
linitivfnient rendu impossible par la rujtture totale du grand pont.
— L'armée française privée d'une moitié de ses forces et dépourvue
de munitions, soutient le 21 et le 22 mai une lutte héroïque, pour
n'être pas jetée dans le Danube. — Mort de Lannes et de Saint-
lliiaire. — Conduite mémorable de Masséna. • — Après quarante
heures d'efforts impuissants, l'archiduc Charles désespérant de jeter
l'armée française dans le Danube, la laisse rentrer paisiblement
dans l'île de Lobau. — Caractère de cette épouvantable bataille.
— Inertie de l'archiduc Charles, et jirodigieuse activité de Napoléon
jiendant les jours qui suivirent la bataille d'Essling. — Efforts de
ce dernier pour rétablir les ponts et faire repasser l'armée française
sur la rive droite du Danube. — Heureux emploi des marins de la
garde. — Napoléon s'occupe de créer de nouveaux moyens de pas-
sage, et d'attirer à lui les armées d'Italie et de Dalmatic, pour ter-
miner la guerre par une bataille générale. — Marche heureuse du
prince Eugène, de Macdonald et de Marmont pour rejoindre la grande
armée sur le Danube. — Position que Napoléon fait prendre au prince
Eugène sur la Raab, dans le double but de l'attirer à lui et d'éloigner
l'archiduc Jean. — Rencontre du prince Eugène avec l'archiduc Jean
sous les murs de Raab, et victoire de Raab remportée le 14 juin. —
Prise de Raab. — Jonction définitive du prince Eugène, de Macdonald
et de Marmont avec la grande armée. — Alternatives en Tjrol, en
Allemagne et en Pologne. — Précautions de Napoléon relativement à
ces diverses contrées. — Inaction des Russes.— Napoléon, en posses-
sion des armées d'Italie et de Dalmatie , et pouvant compter sur les
ponts du Danube qu'il a fait construire, songe enfin à livrer la ba-
taille générale qu'il projette depuis long-temps. — Prodigieux travaux
exécutés dans l'île de Lobau pendant le mois de juin. — Ponts fixes
sur le grand bras du Danube; ponts volants sur le petit bras. —
Vastes approvisionnements et puissantes fortifications qui convertis-
sent l'île de Lobau en une véritable forteresse. — Scène extraordi-
naire du passage dans la nuit du 5 au 6 juillet. — Débouché subit
Dl' DIMKME VOIA'Mi:. "i I I
(lo l'armée française au delà du nanul)o, avant que l'archiduc Charles
ait pu s'y opposer. — L'armée autricliicnnc replii'e sur la pdsition de
Wagram , s'y défend contre une attapie de l'armée d'Ilalii'. —
Échaulfourée d'un moment dans la soirée du 5. — Plans des deux
généraux pom- la bataille du lendemain. — Journée du 0 juillet, et
bataille mémorable de Wagram , la plus grande qui ei"it encore été
livrée dans les temps anciens et modernes. — Attaquer redoutable
contre la gaucho de l'aïuii-e française. — Promptitude de >iipiil('0!i
à reporter ses forces de droite à gauche, malgré la vaste étendue du
champ de bataille. — Le centre des .\utrichiens , attaqué avec cent
bouches à feu et deux divisions de l'armée d'Italie sous le général
Macdonald, est enfoncé. — l.nlèvement du plateau de Wagram par
le maréchal Davout. — Pertes presque égales des deux côtés, mais
résultats décisifs en faveur des Français. — Retraite dé(ousue des
Autrichiens. — Poursuite jusqu'à Znaun et cond)at sous les murs de
cette ville. — Les Autrichiens ne pouvant continuer la guerre, de-
mandent une suspension d'armes. — Armistice de Znaim et ouverture
à Altcnbourg de négociations pour la paix. — Nouveaux |)réparatifs
militaires de Napoléon pour appuyer les négociations d'Alteiibourg.
— Beau campement de ses armées au centre de la monarchie aulri-
< liienne. — Caractère de la campagne de 1809. 183 à .JOC
l-I.N DE LA TABLK DU DIXIE.ME VOIAME.
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ÛC
201
T38
1845
1. 10
Thiers, Adolphe
Histoire du consulat et de
1 ' empire
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