HISTOIRE
DU
PORTRAIT EN FRANCE
PARIS. - IMPRIMERIE MOTTEROZ
Rue du Four, 54 bis.
HISTOIRE
nu
Portrait en France
MARQUET DE VASSELOT
PARIS
ROUQUETTE j NADAUD&O
LIBRAIRE- ÉDITEUR < LIBRAIRES - ÉDITEURS
Passage Choiseul
t
47, rue Bonaparte
ND
A M. Paul Dubois
Membre de l'Institut
Hommage et reconnaissance
A mon Frère
LÉON MARQUET DE VASSELOT
En souvenir
de ses bons encouragements
Vasselot
Sculpteur.
i*' Janvier 1880
IL A ETE TIRE DE CET OUVRAGE
i5o exemplaires sur papier de Hollande
numérotes de i à i5o
et 400 exemplaires sur papier raisin teinté
numérotés de t5i à 55o
N° 152
Cher Monsieur et Ami ,
Vous ave\ eu véritablement une heureuse idée
d'entreprendre /'Histoire du portrait en France.
Joutes les grandes Ecoles étrangères ont certes
des portraitistes de génie; mais le Portrait n'en est
pas jnoins un art très particulièrement français,
cultivé sans interruption, depuis l'origine jusqu'à
nos jours, sinon toujours à la même hauteur, du
moins sans jamais perdre ses qualités essentielles.
C'est que ces qualités sont des qualités de race;
qu elles procèdent de cette observation, à la Jbis
vivement spontanée et profondément réjléchie, par
laquelle l'esprit français et le sentiment français
saisissent la nature humaine; les aptitudes, qui
font nos portraitistes , sont les mêmes qui se
manifestent che~ nos auteurs dramatiques ; les
mêmes, qui ont produit nos admirables recueils de
Mémoires historiques , ces autobiographies dont
aucune littérature étrangère ne présente l'équi-
valent ; les mêmes, enfin, qui impriment un si
grand caractère à notre statuaire nationale, dont
la puissante originalité consiste, précisément, dans
l'absence de toute convention, de toute manière
d'école.
Quand cette Ecole s égare un instant, dans la
manière, elle s'en dégage bien vite, pour revenir à
ce naturel, qui sait si bien s'élever à l'idéal, sans
passer par le convenu et l'arbitraire.
Cette grande Ecole de Sculpture, à l'esprit de
laquelle vous save\ rester Jîdèle dans jjos œuvres,
d'un naturel si médité et si choisi, ne s'est guère
démentie, depuis le jour oit elle s'est dégagée de
Vhiératisme byzantin et roman, pour enfanter
les admirables types du xin° au xive siècle jusqu'à
l'époque actuelle, si digne de ses devancières.
L'Ecole du Portrait est la sœur de l'Ecole de
Sculpture, et vous accomplisse^ une œuvre toute
nationale, en nous résumant son histoire, sous
toutes ses formes et dans toutes ses branches.
Tout à vous cordialement.
HENRI MARTIN,
Uc l'Académie Française
Ljoh, ce 28 août i8~</.
INTRODUCTION
es arts devront à l'initiative de
la Société des Études historiques
Y Histoire du portrait en France.
Cette société eut la bonne pensée
de mettre cette matière au con-
cours en 1877. Nous primes part au concours
et nous eûmes l'honneur d'être un des
lauréats.
Avons-nous comblé une lacune en publiant
ce travail ? Aux artistes de répondre, aux éru-
dits de le dire; pour tous, l'histoire du por-
trait faisait absolument défaut.
Artiste nous-mème, amant passionné de
la nature et , comme tel , cherchant tou-
b
Histoire du Portrait.
jours à dégager la pensée de la matière, Mort
du métier, nous devions pousser jusqu'à ses
extrêmes limites la probité en matière de cri-
tique. Aussi, nous avons toujours eu soin de
donner d'abord l'appréciation des contem-
porains.
Le lecteur, lui, pourra juger, suivant sa
nature, suivant ses goûts, l'artiste et l'œuvre,
la critique et l'historien.
Le cadre de ce volume ne nous permettait
pas un trop grand développement. Du reste,
est-il nécessaire de citer toutes les œuvres d'un
artiste pour en apprécier la valeur?
C'est l'histoire du portrait, et non l'histoire
des portraits que nous avons voulu faire;
c'est la marche de l'idée plutôt que la réali-
sation matérielle de cette idée que nous avons
voulu éclairer.
Notre travail est divisé en deux parties : la
première comprend l'histoire du portrait dans
la peinture et dans les arts qui s'y rattachent,
classés en huit chapitres; nous avons pensé
établir ainsi plus de clarté dans notre travail,
et rendre plus facile l'étude de cette histoire,
Introduction. xi
développée, autant que possible, dans Tordre
chronologique.
La deuxième partie traite de l'histoire du
portrait dans la sculpture et dans les arts qui
s'y rattachent, classés également en huit cha-
pitres. Tel est le plan du travail.
Quant à sa marche générale, nous traitons,
dans la première partie, des qualités néces-
saires dans le portraitiste. Il est important de
savoir dans quel ordre de la nature se trouve
plus spécialement le portrait, quels sont les
meilleurs sujets pour les portraitistes, les qua-
lités exigées de l'artiste, et quels sont enfin les
caractères d'un bon portrait.
Dans la nature tout n'est pas propre au
portrait, de même que dans l'espèce humaine
certains hommes ne sauraient être les sujets
possibles de portraits.
Serait-ce faire erreur de dire que le portrait
n'est réellement possible que chez l'homme,
parce que dans l'espèce humaine chaque in-
dividu se distingue, physiquement et intellec-
tuellement, d'un autre individu?
Dans l'ordre matériel, dans les minéraux,
xn Histoire du Portrait.
dans les végétaux, dans les animaux même,
abstraction faite de l'homme, il y a peu ou
point de distinction caractérisée entre les
individus de même classe et, par là, pas de
portrait possible.
Si, d'un caillou, vous faites plusieurs mor-
ceaux, vous obtiendrez plusieurs individus,
intrinsèquement semblables au premier; si
vous écartez la question de volume , dans
le plus gros comme dans le plus petit, la
physionomie, qui fait le portrait, sera absolu-
ment la même.
La distinction existe bien par catégories
d'individus, mais quelle sera la distinction
entre deux individus du même groupe ?
Il en est ainsi dans les végétaux; qu'ils
soient multipliés, par greffe, par boutures ou
par graine, les nouveaux individus gardent
toujours la physionomie générale, même
quand ils n'ont pas conservé la forme et la
couleur primitives.
Cependant, dans cette catégorie, on se rap-
proche déjà beaucoup plus du portrait et on le
trouve enfin dans le règne animal — et plus
Introduction. xm
l'animal se rapproche de l'homme, comme
le chien, le cheval, et plus grande devient
la facilité pour faire un portrait, c'est-à-dire
pour reproduire un type unique. Alors il
sera possible d'arriver à l'assimilation com-
plète de la forme et de l'idée.
La matière disparaît là oii l'art commence.
L'individualité est au portrait ce que la pensée
esta la phrase. Le mérite sera de faire briller,
à travers l'enveloppe humaine, cette intelli-
gence qui se montre gravée sur l'être, d'une
manière indéniable.
Dans l'homme mûr, dans le vieillard, plus
souvent encore, dans l'homme amaigri, la
matière fait réellement place à l'intelligence;
ne semble-t-il pas, au fur et à mesure que la
peau se racornit et se dessèche, que l'intel-
ligence paraisse se développer, que ses rayons
passent à travers l'enveloppe, que la tête
devienne transparente, éclairée et qu'elle pro-
jette ses rayons sur tout ce qui l'environne?
Ceci est bien plus vrai encore de la tête
d'un homme de génie.
Il est donc démontré que tous les hommes
xiv Histoire du Portrait.
ne sont pas propres pour le portrait. — Bien
peu d'hommes réunissent toutes les qualités
voulues, car ce n'est pas dans la pureté des
lignes, dans l'harmonie des tons, dans la
justesse du mouvement, qu'un portrait est
beau, mais bien dans cette reproduction exacte
et lumineuse de la vie intime qui personnifie
le modèle.
Oh! s'il n'y avait à reproduire que la
pureté des lignes, que l'harmonie des tons,
la femme, la jeunesse, l'enfance nous donne-
raient les plus admirables portraits. — Nous
ne trouvons, au contraire, les beaux, les véri-
tables portraits que chez les travailleurs, et,
encore, à ce moment de la vie où l'intelligence,
comme une fine lame, commence à user notre
corps, alors que parcheminé, ridé, cassé, le
pauvre fourreau se laisse traverser par l'éclat
et la souplesse de la pointe acérée : par la
lame intellectuelle.
L'affinité est alors complète; — l'intelli-
gence, semblable à une vapeur enflammée, se
répand sur l'enveloppe, en arrondit les
angles et sait faire étinceler la tète la plus
Introduction.
laide, — voilà l'instant du portrait, voilà le
portrait, tel qu'il doit être. — Vous pouvez
alors créer une œuvre intellectuelle, et gardez-
vous d'être inquiet, le côté matériel sera rendu.
Nous appellerons archéologique la partie de
notre travail, et l'ensemble des chapitres qui
traitent du portrait dans les manuscrits, dans
l'émaillerie, dans les vitraux, dans les brode-
ries et les tapisseries; de ceux, encore, qui ont
pour titres : numismatique, glyptique, sceaux
et cachets, orfèvrerie. 11 n'était pas sans inté-
rêt de connaître et d'apprécier les efforts des
premiers artistes, et de traduire les naïfs
bégayements de l'art en France. Certes, nous
n'entendons pas garantir l'authenticité de
tous les portraits cités dans la partie archéo-
logique; nous ferons même des réserves pour
les portraits énumérés dans la partie histo-
rique, et voici pourquoi.
La fraude n*est pas née d'hier, et nous di-
rons plus, de tout temps il y a eu des mysti-
ficateurs. Pline a raconte que les portraits
d'Homère et d'Hippocrate étaient sortis de la
pure imagination des artistes.
Histoire du Portrait.
Parlerons-nous des statues anciennes, dont
les tètes ont été souvent refaites et récoltées,
un peu, de tous les côtés ? Le spirituel et savant
M. Feuillet de Conches nous a laissé ce pi-
quant récit sur le sophiste Dion Chrysos-
tome, au premier siècle de notre ère, qui
reprochait aux Corinthiens de décapiter leurs
statues pour en changer les personnages; il
adressait encore le même reproche aux Rho-
diens.
Saint Jérôme nous a même appris ce sin-
gulier usage des vainqueurs , qui faisaient
enlever la tète de toutes les statues, pour y
substituer leur propre image.
Malheur aux vaincus! Ce mot historique
était réalisé dans les arts.
Aimables mystificateurs! combien il est
regrettable que vous ne puissiez vous réjouir
à Taise, en voyant nos savants, nos phrénolo-
gues prononcer de si beaux discours, étayer
leurs théories sur les tendances du moral d'a-
près la conformation de la tète, et donner
en preuve les bustes d'Homère, d'Hippo-
crate, de César, de Vespasien ou de Néron !
Introduction. xvn
Malheureusement ces fraudes artistiques
ont été en usage de tout temps. Beaucoup de
portraits ont été faits sans nul souci de la res-
semblance. Et comment ces portraits pour-
raient-ils être fidèles, lorsque les traits d'un
même personnage, exécutés par des artistes
différents, ne concordent pas entre eux, bien
que tous soient réputés ressemblerai! modèle.
Il nous est arrivé de parcourir la galerie
d'un riche amateur, qui avait posé devant
toutes les illustrations artistiques les plus en
vue depuis quarante ans. Là, nous avons
constaté ce fait étrange :
Chaque tois que l'artiste, malgré ses licences,
a été assez maître de lui pour résister aux en-
traînements de la mode; chaque fois qu'il a
su trouver assez de force en lui-même, pour
ne s'inspirer que du caractère propre et de la
pensée intime de son modèle, il a fait une
œuvre digne d'admiration.
Que l'artiste ait nom Raphaël, le Titien,
Vélasquez, Van-Dyck, Rembrand ou Holbein,
il arrivera, bien que par des moyens diffé-
rents, au but final, au vrai portrait, et son
xviii Histoire du Portrait.
œuvre remplira notre âme d'admiration. Dans
celte galerie, il en était de même pour nos ar-
tistes français, les portraits les plus beaux
étaient aussi les plus ressemblants. L'idéal
n'excluait pas la vérité.
Dans la suite historique de notre travail,
nous commencerons à rencontrer le véritable
portrait, dans les chapitres qui traitent du
dessin, des pastels, etc.
Dans ces chapitres, nous trouvons les œu-
vres de Clouet dit Janet, qui occupent la pre-
mière place de l'École française.
Les crayons de Du Monstier seront moins
fins mais plus colorés.
On se sent vivement impressionné devant
ces modestes dessins, ces portraits à la pierre
noire, éclairée par la sanguine ou le crayon
bleu, et qui savent rendre, cependant, les
effets de la peinture.
Quel caractère de simplicité et de gran-
deur dans les portraits-crayons des Janet, des
Quesnel, des Van-Dyck, desHolbein et autres.
De quelle force d'expression ces maitres du
crayon ont su faire preuve, dans ces traits qui
Introduction. xix
traduisent, si réellement, l'individualité et
la nature. Malheureusement, nous n'avons
jamais su conserver à la France les œuvres
de ses meilleurs artistes.
Depuis quelques années on essaye de refaire
une généalogie artistique. Mais en restituant
à Clouet, à Du Monstier, les crayons qui sont
leur œuvre, on doit souvent faire l'aveu qu'ils
se trouvent à l'étranger, où ils figurent sous
d'autres noms. — Par contre, on attribuera à
des artistes qui nous sont complètement in-
connus, des dessins attribués jusqu'ici aux
Janet et à d'autres maîtres. Il est certain qu'à
cette époque il y a eu une ou plusieurs géné-
rations d'artistes en dehors de Marc Duval,
Levaillant, Lagneau, Vayde et Elisabeth Du-
val, qui était fort excellente pour le crayon et
encore pour aultres choses requises à la por-
traiture. Tous ces artistes étaient les élèves ou
les maîtres de ceux que nous avons déjà cités.
Ces premiers dessinateurs de notre art fran-
çais ont ouvert la voie, qui nous conduit na-
turellement à Nanteuil, à Rosalba, à Chardin,
à Latour, à Boucher.
xx Histoire du Portrait.
Tous ces maîtres du crayon noir ont
formé les maîtres du crayon rouge, noir et
blanc, qui précédèrent les maîtres du pastel.
Notre richesse nationale apparaît bien plus
grande, lorsque nous arrivons à la gravure.
Claude Mellan, François de Pailly, Nicolas
Pitau commencent le grand siècle et sont
bientôt suivis de Gérard Edelinck, de Robert
Nanteuil, d'Antoine Masson, des Audran, de
Jean Pesne, de Boven, J. Lenfant, etc.
Le chapitre du portrait dans la peinture
demandait de longs développements, et cela
devait être, car c'est dans cette branche de
Tart que le portrait a laissé les traces les plus
brillantes. Nous avons reproduit, avec impar-
tialité, l'appréciation de la critique contem-
poraine; parfois nous avons puisé chez les
chroniqueurs.
Quel lecteur, par exemple, sera fâché
d'apprendre comment Van-Dyck peignait un
portrait ? Quelques phrases empruntées à l'ou-
vrage de M. Piles l'instruiront suffisamment
sur les procédés de ce maître.
« Ce peintre donnait jour et heure aux
Introduction.
personnes qu'il devait peindre et ne travaillait
jamais plus d'une heure par fois à chaque por-
trait, soit à ébaucher, soit à finir, et son hor-
loge l'avertissait de l'heure; il se levait et fai-
sait la révérence à la personne, comme pour
lui dire que c'en était assez pour ce jour-là, et
convenait avec elle d'un autre jour et d'une
autre heure. Après quoi, son valet de cham-
bre venait nettoyer ses pinceaux et lui apprêter
une autre palette, pendant qu'il recevait une
autre personne à qui il avait donné heure
Après avoir légèrement ébauché un portrait,
il faisait mettre la personne dans l'attitude
qu'il avait auparavant méditée, et avec du
papier gris et des crayons blanc et noir, il
dessinait en un quart d'heure sa taille et ses
habits qu'il disposait d'une manière grande et
d'un goût exquis. Il donnait ensuite ce dessin
à d'habiles gens qu'il avait chez lui, pour le
peindre d'après les habits mêmes que les per-
sonnes avaient envoyés exprès à la prière de
Van-Dyck... Pour ce qui est des mains, il
avait chez lui des personnes à gages, de l'un et
de l'autre sexe, qui lui servaient de modèles.»
Histoire du Portrait.
Quant à la valeur de ce procédé de Van-
Dyck, quant à l'excellence de cette manière
de procéder, qui a été celle de tous les artistes
en renom, depuis Louis XIV jusqu'à nos jours,
M. Feuillet de Conches va nous l'apprendre.
Il écrit : « Est-ce de cette façon expéditive
que procède la grande peinture sérieuse ?
Non, assurément. L'art vrai vend cher aux
artistes ce qu'on croit qu'il leur donne, et
l'abus de la facilité mène à de cruelles défail-
lances les plus heureux génies; mais dans
les portraits d'amis ils se relèvent. »
Cette appréciation a du vrai ; généralement
les plus beaux portraits sont ceux des amis,
des confrères. — Alors, on est libre, on est
heureux d'avoir son modèle à soi, de le tenir
dans sa main, on ne craint pas de le fatiguer,
on le connaît, on peut aller jusqu'au fond
de sa pensée et l'on fera un bon portrait.
Dans notre étude sur le portrait dans la
peinture, nous devions dire quelques mots de
l'influence de la mode. Sous Louis XIV, nous
avions alors lesportraitsà la pose, le poing sur
la hanche on porte beau; sous Louis XV,
Introduction. xxin
nous trouverons les portraits tendres et les
bergères; sous Bonaparte nous aurons les
portraits statuaires, peints à la grec; sous la
restauration on a les portraits pensants; les tètes
méditatives, à pose mélancolique, ont peine
à se soutenir, on les appuie sur les mains; sous
Louis-Philippe, nous trouvons le portrait
bourgeois à la César Birotteau; enfin la mode
nous imposera toute une série de perruques,
de catogans ou de cheveux à la Titus.
Suivant les époques, encore, toutes les
femmes seront blondes, et plus tard rousses,
selon que les rois ou les reines auront dis-
simulé des infirmités ou affiché des fantaisies.
Le duc de Brunswick n'a-t-il pas affecté
le plus beau noir, pendant toute sa vie,
quand dame Nature favait doté d'un rouge
éclatant; une perruque en soie noire corrigea
la nature. Placez le duc sur un trône, il eût
créé une mode.
Notre école de portrait en peinture a pro-
duit des merveilles. — Chaque époque a eu
des qualités bien personnelles et bien dis-
tinctes. L'époque de Louis XIV et celle de
xxiv Histoire du Portrait.
Louis XV nous ont légué de magnifiques
portraits qui resteront toujours les spécimens
du beau et du grand dans la peinture fran-
çaise; puissent nos arrière-petits-neveux en
dire autant de l'école actuelle !
Peut-on nier qu'il n'y ait eu des portraits
remarquables dans la numismatique? Les
monnaies, les médailles nous offrent de fort
beaux types, parfois magnifiques. Les portraits
sont ordinairement de profil, plus rarement
de face; mais nous ne devons pas oublier
que le bas-relief ne peut donner un véritable
portrait; si la médaille impressionne agréa-
blement notre vue, — quel que soit le talent
de l'artiste, l'œuvre est trompeuse 'par elle-
même.
La médaille ne saurait nous donner la vie,
rendre l'expression intime de Tàrne, atteindre
le but réel du portrait.
Disons-le avec orgueil, les sculpteurs fran-
çais nous ont laissé des œuvres dignes des
plus grands maîtres. Parfois, ils savent
rivaliser avec les Grecs eux-mêmes. Le Vol-
taire, de Houdon, ne restera-t-il pas, dans
Introduction. xxv
les siècles à venir, comme le chef-d'œuvre
du portrait ?
Les bustes de Caffieri , ceux de Pajou et
de David d'Angers, les œuvres de Carpeaux,
sont parfois de purs chefs-d'œuvre comme
portraits.
Pour ces maîtres, il ne s'agit pas de faire
des bustes qui affichent la simplicité ou la
coloration, qui se rattachent à la manière de
tel ou tel artiste plus célèbre.
Ces maîtres ne songent guère à créer des
œuvres qui soient des pastiches grecs ou des
imitations du xvme siècle.
Non ! leur œuvre est personnelle, toujours,
car elle est vraie : ils savent créer.
Il faut le dire, cependant, la manière de trai-
ter l'œuvre est moins visible que dans la
peinture. Lorsque les artistes ne se sont
préoccupés que de rendre l'expression, l'at-
titude et la vie de leur modèle, la personna-
lité de l'auteur disparait, pour faire place à
celle du modèle.
En peinture, la couleur ne permet pas une
différence aussi tranchée , à cause de la
d
xxvi Histoire du Portrait.
variété de ton qui est le propre de chaque
artiste.
Nous avons vu des bustes de MM. Guil-
laume, Cavalier, Dubois, Chapu, qui ont ex-
cité la juste admiration publique.
Ces bustes étaient la reproduction précise
de leur modèle.
En sculpture, le portrait ne souffre que la
représentation du modèle, saisi à ce moment
de la vie où il est en possession de toute sa
puissance, car le buste ne saurait être fait en
dehors des grands mouvements du cœur et
de l'intelligence.
L'artiste tombe dans le pittoresque, s'il
exécute un portrait dans une donnée excep-
tionnelle de la vie de son modèle, et rien n'est
plus désagréable que la vue d'un buste qui
rit toujours ou qui pleure sans cesse.
Le portrait, dans la statuaire française, s'est
toujours maintenu à un niveau hors ligne,
surtout dans le siècle dernier, et le progrès est
constant depuis une vingtaine d'années.
Il suffit, pour s'en convaincre, de voir les
bustes de MM. Bonnassieux, Jules Thomas,
Introduction.
Crauk, Iselin, Oliva, Falguière, Franceschi,
Moulin, Le Bourg, etc.
Avant de terminer cette introduction, un
devoir nous reste à remplir. Nous devons
remercier ceux qui ont bien voulu nous aider
dans notre travail; l'œuvre était lourde pour
un artiste, il fallait courage et volonté pour
mener à bonne fin cette longue étude.
MM. Charles Blanc, le vicomte Delaborde,
de Goncourt, Feuillet de Conches, Castagnary
nous pardonneront les emprunts que nous
avons dû faire à leurs œuvres. On n'emprunte
qu'aux maîtres en esthétique quand on écrit
sur les arts.
Nous voulions, avant tout, faire une œuvre
utile, — nous devions donc consulter toutes
les sources qui font autorité, — MM.Labarthe,
comte de la Borde, Paul Lacroix, de Lasteyrie
nous ont servi de base pour la partie archéo-
logique. Les critiques illustres, qui, depuis
Diderot, ont éclairé le public, nous ont légué
de fines appréciations que nous devions repro-
duire, avec leur saveur toute gauloise. Le lec-
teur pourra passer de bons moments avec
xxviii Histoire du Portrait. — Introduction.
MM. About, de Saint -Victor, les Goncourt,
Guizot, Thiers, Thoré et G. Planche. Le ju-
gement de ces critiques fait loi, et pouvions-
nous faire mieux que de les reproduire?
Apporter notre concours à l'histoire de l'art
français; contribuer à faire connaître les titres
de notre glorieuse École artistique, telle a été
notre pensée, tel a été notre but.
PREMIERE PARTIE
Du Portrait dans la Peinture
ET DANS LES ARTS QUI sV RATTACHENT
Lt UJJ-X-t .UJUUUJl_*_V*Jl KJULXJLXJt KXXJ^JUJLJLlJiJL*JUUUiXXJULVJVLXJLiUL.kJULJ XJUL
CHAPITRE T
DES QUALITES NECESSAIRES DANS LE PORTRAIT
Tout le monde peut peindre un d'il,
mais tout le inonde ne saurait peindre
un regard. Lawrence.
uivant une fable gracieuse , la
première manifestation des
Beaux-Arts fut un portrait, et
naturellement son auteur était
l'Amour.
L'amour est en effet un grand artiste, un
artiste sublime ; dans le cœur, c'est un senti-
ment d'une exquise délicatesse; dans la tète,
ce sentiment se matérialise et revêt une forme ;
au bout du doigt, il devient image.
Est-ce que l'image de l'être aimé ne se pré-
sente pas sans cesse à la pensée ?
Histoire du Portrait.
Les artistes ne me contrediront pas, car
les amateurs, les érudits savent bien que,
malgré nous, nous reproduisons toujours,
plus ou moins , la même physionomie. Il
semblerait que, même à notre insu, tout visage
devienne comme le miroir de l'âme aimée
dans lequel nous voulons nous retrouver?
Peut-être serait-ce le cas de dire, avec les
profonds politiques, et après M. Thiers, que
le visage est le théâtre de la pensée.
Pour l'artiste, cette parole reste vraie ; —
mais là est recueil.
Dans le portrait, en effet, l'image matérielle
n'est rien ; ce qui est difficile à rendre, c'est
cette vie intime, c'est cette âme qu'il faut inter-
roger, dont il faut traduire la pensée secrète.
Il n'est pas inutile d'établir, dès à présent,
une distinction entre ceux qui font acciden-
tellement des portraits et les véritables por-
traitistes.
Ceux-ci poursuivent dans l'art la vérité,
l'alliance de la pensée el de la vie du modèle
avec la forme plus ou moins transformée
par cette pensée et par cette vie: ceux-là, au
Des qualités nécessaires dans le Portrait. 5
contraire, ne s'inquiètent que de la mode,
de la fantaisie, du tour d'adresse ; mais que
devient l'art ? que deviennent le naturel et
l'exactitude? Tel n'est pas leur souci.
On ne devrait jamais oublier, il nous
semble, cette loi qui prime tout : l'exactitude
et le naturel.
Chaque province, chaque ville, a bien son
caractère spécial ; chaque classe, chaque pro-
fession sa caractéristique différente; dans une
même famille, tout individu, et dans cet indi-
vidu toute situation d'esprit, chaque instant a
sa physionomie, son expression.
Voilà ce que le portrait doit reproduire
avant tout ; voilà l'œuvre du portraitiste !
Dans l'artiste, les coopérateurs seront le
goût, l'ordonnance, l'expression, la vérité.
Le portraitiste doit être physionomiste
expérimenté, observateur tour à tour froid
ou passionné , lent ou rapide , suivant la
nature qui pose devant lui.
Le portraitiste doit être capable de rendre
toutes les études ; il doit connaître encore la
vie et les œuvres de son modèle.
Histoire du Portrait.
Sur ce visage qu'il ébauche, il doit traduire
la pensée profonde du philosophe, les visées
secrètes du diplomate, mais toujours le feu
qui est au fond du cœur. Il semble que,
médecin et confesseur, tout ensemble, rien
ne doive être caché pour lui, et qu'il doive tout
savoir, dût-il le deviner, pour que la vie
vraie du modèle vienne animer sa toile ou
son buste.
Rendre la vie : voilà l'idéal.
La tète perd toujours de son expression, si
le sentiment intime n'est pas rendu avec fer-
meté. Comme Ta dit un grand critique :
— « Le visage est une lettre de recomman-
dation écrite dans une langue commune à
tous les hommes. »
Mais le portraitiste doit encore traduire
l'opportunité dans l'expression de son mo-
dèle ; car il ne suffirait pas de reproduire
l'expression habituelle et générale, il faut
encore que cette expression s'harmonise avec
l'instant, avec le moment précis de l'exis-
tence que le portraitiste entend rendre ou
rappeler.
Des qualités nécessaires dans le Portrait.
Les vêtements et les accessoires ne. sau-
raient suffire pour atteindre ce but.
Balzac mangeant, Balzac au théâtre, Balzac
plaisantant son éditeur n'avait certes pas la
même physionomie.
Dans une personne, l'expression du visage
est bien rarement la même ; soyez dans la
rue, à l'église, à une réception, bien plus,
soyez en habit ou en veste du matin, la
ligure changera d'expression ; la personne
en habit se met instantanément à la pose ;
mais qu'elle reprenne son coin-de-feu, aussitôt
la figure deviendra calme et tranquille.
Il semblerait qu'il y a des milliers d'hommes
en nous-même et qu'ils ne doivent pas être
confondus; c'est à l'artiste de savoir s'en con-
vaincre et de savoir discerner.
Est-ce que le poète ne vit pas, ne pleure
pas avec les héros qu'il évoque dans son ima-
gination surexcitée? Est-ce qu'il n'a pas sou-
vent peur des fantômes qu'il a su créer pour
un instant ?
Eh bien! le portraitiste, s'il veut être digne
de ce nom, doit s'incarner lui-même dans
Histoire du Portrait.
l'individualité de son modèle; il lui arrivera
parfois, après la pose, de parler, de rire,
d'avoir les mêmes gestes que ce modèle; mais
possédant ainsi son sujet, comment ne le ren-
drait-il pas ?
— « Le portrait, » dit Charles Blanc, « veut
une intelligence souple, variée, étendue et
pénétrante , un esprit fertile en ressources ; il
veut l'expression des caractères par la couleur,
par le clair-obscur, par la touche aussi bien
que par l'attitude. Il ne saffit pas que le per-
sonnage paraisse avoir la plus haute condi-
tion de la vie, qui est la pensée, il faut encore
qu'il soit baigné dans l'atmosphère, plongé
dans la vie universelle. Il faut que tout vive
autour de lui, et que le fluide de son âme
s'attache à ses vêtements, à toutes les choses
environnantes et ambiantes, même aux choses
inertes, comme le parfumait vase. » (Les Ar-
tistes de mon temps. Hipp. Flandrin, p. 269.)
— « Tout le monde peut, à la rigueur,
peindre un œil, mais tout le monde ne sau-
rait teindre un regard, » disait Lawrence.
Pour ce qui concerne le dessin dans le por-
Des qualités nécessaires dans le Portrait. q
trait, nous devons nous pénétrer de ceci :
c'est que tout est beau, tout est grand dans la
nature, tout s'équilibre et s'harmonise ; si une
partie du corps ou du visage a souffert, la
nature saura trouver son équilibre dans
les autres parties de ce corps ou dans ce
visage.
Le dessin d'un portrait doit être vrai, mais
il doit se garder d'être petit et mesquin.
Voyez ce nez gros et fendu à son extrémité;
le dessinerez-vous toujours de la même façon ?
Même dans le type grossier et ignorant, la
nature semble avoir donné comme un aspect
idéal à ce nez peu gracieux, mais dans l'homme
intelligent ce même nez saura prendre de la
finesse, j'allais dire de l'esprit. Voilà la na-
ture !
De même l'artiste, en procédant par en-
semble, est certain de donner, malgré lui,
cette finesse et cet esprit au même nez.
Non que les portraitistes doivent faire
comme certains artistes : après avoir passé
dix ans de leur vie dans un atelier à dessiner
des lithographies ou des bustes grecs et ro-
/(i Histoire du Portrait.
mains, ces artistes font de tous leurs portraits
des Grecs et des Romains.
Les faits de ce genre ne sont pas rares dans
l'histoire du portrait.
Dans le dessin, le portraitiste ne doit appar-
tenir qu'à une seule école, V école de la nature
dirigée par la pensée. La preuve, la voici :
chacun sait combien il est rare de trouver
de bons portraitistes parmi « les artistes éle-
vés dans les serres chaudes administratives
où Ton enseigne la manière de dessiner. »
(Viollet-le-Duc.)
Mais il est encore certains principes que
l'artiste ne doit pas perdre de vue :
Le dessin peut être correct, si les propor-
tions sont exactement observées entre toutes
les parties du corps;
Le dessin peut être savant, si les saillies
de chaque muscle sont bien rendues suivant
le mouvement;
Le dessin peut être riche, si les saillies sont
abondamment exprimées;
Enfin, le dessin peut être grand et beau, si
les formes choisies sont nobles et pures.
Des qualités nécessaires dans le Portrait. 1 1
Ce sont les principes que nous donne
M. Thiers dans son Salon de 1822. Donc
au portraitiste de savoir s'il doit faire un por-
trait correct, — ou savant, — ou riche, — ou
grand et beau.
Mais, comme principe immuable, il faut
qu'il y ait une sympathie générale des mem-
bres, ce qui fait qu'une femme assise est vrai-
ment assise de la tète, du cou, des bras, des
cuisses, des jambes, de tous les points du
corps et sous tous les aspects.
Comment veut-on qu'un artiste qui a tou-
jours dessiné, pendant sa jeunesse, les mêmes
yeux, le même nez, le même menton, les
mêmes oreilles, le même ovale, ne se sou-
vienne pas de ce nez, de ce menton, lorsqu'il
a devant lui une personne dont il doit faire le
portrait ? Rendre ce qu'il a sous les yeux offre
déjà une difficulté naturelle; ajoutez-y la né-
gligence, et toutes ces causes le ramèneront
fatalement aux formes qu'il a reproduites tant
de fois.
Fatalement, le crayon inconscient aura bien
aussi son eenre de mémoire !
T2 Histoire du Portrait.
Au contraire, l'artiste vrai, élève assidu de
la nature, toujours curieux et toujours pas-
sionné, travaillera avec ardeur, avec amour,
s'il se trouve devant un nouveau modèle,
car, pour lui, tout est comme inédit, tout
offre l'attrait de l'inconnu et semble comme
une région inexplorée, bien que cent fois par-
courue.
Mais , entre les deux artistes, quelle dis-
tance !
« Pour bien faire un portrait, » nous dit
M. Charles Blanc, « il faut bien des qualités de
caractère et d'esprit, qui souvent ne se ren-
contrent pas chez les meilleurs peintres. Soit
que l'amour-propre fasse prendre au modèle
une contenance embarrassée, une expression
factice, soit que les longueurs de la pose le
fatiguent, détendent les muscles du visage
et leur donnent un air de contrainte et
d'ennui.
» L'artiste est forcé de deviner la véritable
physionomie de son personnage, ou du moins
de la saisir dès le premier moment, sans
attendre la rapide altération que produit dans
Des qualités nécessaires dans le Portrait. i3
les traits de l'original la seule pensée de paraî-
tre moins beau qu'il ne se trouve, ou la lassi-
tude d'une posture gênée.
» 11 faut donc amuser son modèle, le dis-
traire, lui faire oublier pourquoi il est ainsi, et
l'amener, par des détours de la conversation,
sur le terrain où Ton suppose que sa passion
dominante le trahira, que son vrai caractère
se fera jour.
» Savoir poser son modèle n'est pas la
moindre affaire, le moindre mérite du portrai-
tiste : c'est bien difficile, c'est un mérite bien
rare. Il ne faut pas confondre attitude avec ac-
tion : l'attitude est une fausse action ; or dans
un portrait c'est l'action que vous devez ren-
dre, et c'est elle qui vous donnera la vie, la
véritable ressemblance. »
Nous ajouterons : alors vous serez portrai-
tiste et vos œuvres seront frappées au bon
coin, au coin du talent, de l'exactitude et de
la vérité.
Tout ce que nous venons de dire dans ce
chapitre semble n'être qu'un résumé des tra-
ditions de l'École française dans le Portrait; et
/_/ Histoire du Portrait.
ces traditions nous expliquent la supériorité
constante de nos artistes nationaux.
Laissons M. Henri Delaborde nous dire,
avec son incontestable autorité, les causes de
cette supériorité de l'École française :
« Comment s'expliquer, par exemple, » se
demande M. H. Delaborde, « l'habileté supé-
rieure avec laquelle la peinture de Portrait a
été traitée de tout temps en France, si Ton re-
fuse aux peintres de ce pays un fonds de qua-
lités instinctives, des privilèges d'intelligence
transmis avec le sang et, jusqu'à un certain
point, des doctrines permanentes?
» A coup sûr, dans cet ordre de travaux,
comme ailleurs, bien des différences se font
sentir, qui résultent de la mode et des in-
fluences régnantes ; bien des variations de
goût, de style et de pratique donnent à chaque
groupe d'oeuvres sa signification particulière
et sa date.
» Que l'on ne s'y méprenne pas toutefois,
les œuvres différent sans se contredire.
» Les témoignages d'une pénétration sin-
gulière, une intelligence profonde de la phy-
Des qualités nécessaires dans le Portrait. /.S
sionomic et du caractère des modèles, l'expres-
sion, en un mot, de la vérité morale : voilà
ce qui recommande les portraits de 1' École
française, à quelque époque qu'ils appar-
tiennent; voilà ce qu'il faut admirer plus en-
core que les qualités purement pittoresques
dans les Crayons de Dumonstier ou de Ques-
nel, comme dans les pastels de Nanteuil et de
Latour, dans les miniatures à l'huile du xvic
siècle, comme dans les émaux du xviie, dans
les toiles de Robert Tournières, de Largil-
lière et de leurs contemporains, comme dans
les toiles qu'ont signées leurs successeurs. »
Ces lignes justifient ce que nous avons écrit
dans ce chapitre sur les qualités nécessaires
dans le Portrait.
Le passage suivant du même écrivain
n'offre pas un moindre intérêt et vient encore
à l'appui de notre thèse :
« Dès le règne de Charles VII, à une époque
par conséquent où la peinture d'histoire se
réduisait encore à l'ornementation, tantôt
symbolique, tantôt capricieuse, des murailles
et des verreries d'églises, Jean Fouquet trai-
il, Histoire du Portrait.
tait le Portrait avec ce sentiment fin de la
vérité et cette délicatesse de style dont la tra-
dition , pieusement recueillie par plusieurs
générations d'artistes, se retrouve et se perpé-
tue dans les portraits appartenant à l'époque
de la Renaissance.
» Même à ce moment d'engouement géné-
ral pour la manière italienne, nos portraitistes,
on le sait, eurent le courage et le bon sens de
ne pas abjurer leur vieille foi. Tandis que les
autres peintres s'évertuaient à parodier dans
leurs ouvrages les décevantes nouveautés
qu'ils avaient vues à Fontainebleau, eux seuls
protestaient, par la sobriété de leur méthode,
contre les jactances de la pratique.
» Bien leur en prit, car les œuvres de ces
humbles disciples de la vérité ont survécu aux
œuvres ambitieuses, et si l'empressement des
peintres d'histoire à accepter, au xvie siècle,
le joug italien nous apparaît aujourd'hui
comme une sorte de félonie, la résistance
obstinée de Clouet et des siens a presque le
caractère d'un acte de patriotisme.» (H. Dela-
borde, La peinture de Portrait en France.
Des qualités nécessaires dans le Portrait.
i 7
— François Gérard. Revue des Deux Mondes,
oct. i856.)
On ne saurait mieux dire; mais nous con-
cluons à notre tour : Ces qualités de FEcole
française, qui ont valu à nos artistes nationaux
une renommée si brillante, restent toujours
les qualités nécessaires dans le Portrait : le
méconnaître serait une erreur profonde dont
les conséquences néfastes seraient incalcu-
lables pour l'art du Portrait.
CHAPITRE II
DU PORTRAIT DANS LES MANUSCRITS
es Arts prirent un grand dévelop-
pement avec la période Chré-
tienne ; la conversion de Cons-
tantin favorisa plus puissamment
encore cette renaissance.
Aux rares peintures des Catacombes, si sa-
vamment décrites par Bosio et Bottari, par
Perret, succédèrent les magnifiques décora-
tions dont les églises furent enrichies.
Cette période Constantinienne produisit une
véritable rénovation de Fart, dans ses mani-
festations les plus diverses.
L'invasion des Barbares, le sac de Rome
20 Histoire du Portrait.
par Alaric et la chute de l'Empire romain
arrêtèrent, il est vrai, cet élan, et si l'Italie
parvint à jouir de quelque repos sous Théo-
doric, roi des Goths, et Théodelinde, la royale
châtelaine de Monza, les arts furent entravés
de nouveau par les convulsions politiques qui
suivirent la mort de cette princesse.
Lorque les artistes de l'Orient, poursuivis
par les empereurs iconoclastes, cherchèrent
un refuge en Italie, leur arrivée marqua une
reprise des travaux artistiques.
Rome et les Papes offrirent une noble hos-
pitalité aux arts persécutés.
Au VIIIe siècle — Grégoire III — (731-741)
puis encore Adrien Ier et Léon III favorisent
la Peinture; ils sont imités par leurs suc-
cesseurs, ainsi que nous le raconte le Liber
Pontificalis.
Dans les Gaules, dès le ve siècle, les pein-
tures murales dans les églises étaient en grand
honneur. Grégoire de Tours nous montre la
femme de Numatius, évèque de Clermont, en
Auvergne , décorant la basilique Saint -
Etienne de riches fresques exécutées sous sa
Du Portrait dans les manuscrits. 21
direction (Hist. Francorum. Lib. II. § xvn.
Lut. Paris. 1699). Le même auteur nous
parle encore des peintures murales de Saint-
Martin de Tours (Ibid. Lib. VII. g xxii). Enfin
d'après le Livre des Martyrs de Grégoire de
Tours, la sœur et la femme d'un autre évêque
de Clermont enrichissent de peintures histori-
ques l'église de Saint-Antolien, qu'elles avaient
fait construire (472-484). (Libri Miraculorum.
Lib. I. — Lib. LXV.)
Mais ce ne fut que sous Charlemagne que
commença notre ère artistique Française ; sous
ce prince érudit et soucieux de propager
toutes les connaissances dans son royaume,
un mouvement intellectuel considérable se
produisit ; l'Empereur répandit l'usage de
récriture et du dessin; en cela, le prince ne
voulait pas seulement satisfaire ses goûts ar-
tistiques, mais encore vulgariser la connais-
sance de l'histoire civile ou religieuse.
Charlemagne pensait, avec juste raison,
qu'au moyen des figures, l'histoire resterait
gravée plus profondément dans les mémoires.
Le prince voulut que des écoles de pein-
Histoire du Portrait.
turc fassent créées ; il appela de nombreux
artistes étrangers pour décorer les églises et
les palais.
Un Capitulaire de (807) institua même des
inspecteurs chargés de faire exécuter les or-
dres de l'Empereur. (Capitulare Aquense, 807,
apud Pertz, Monum. Germ. Hist., I, 148.)
Ermold le Noir a chanté dans ses vers les
fresques du palais d'Ingelheim et les scènes
merveilleuses des deux Testaments qui déco-
raient les murailles. (Ermoldi Nigelli Carm.
IV, V. 190.)
Mais, chose singulière, ce poème d'Ermold
le Noir ne signale aucune statue dans le
somptueux palais d'Ingelheim.
Le portrait de Charlemagne est bien
reproduit dans un bas-relief, mais la figure
de l'Empereur semble ne se trouver là que
par hasard et comme décor accessoire :
« Bien qu'elle soit couronnée du stemma
traditionnel en Orient. » Fert coronatum
stemmate rite caput. (Ibid. Carm. IV, V. 279.
Apud Pertz. II. 5o6.)
Quelques rares manuscrits de cette période
Du Portrait dans les manuscrits. 23
sont parvenus jusqu'à nous et les miniatures
qui les enrichissent prouvent que le Style
Français n'existait pas encore. Les écoles de
dessin empruntent un peu partout leurs règles
et leur méthode, et ne semblent pas avoir de
voie originale qui les distingue nettement.
Jusqu'à l'époque de Charlemagne, les ma-
nuscrits ne sont ornés que de travaux calli-
graphiques, parfois d'un goût plus ou moins
douteux.
Il semble difficile de trouver des tableaux
et encore plus de trouver des portraits dans
ce mélange bizarre d'oiseaux, d'animaux di-
vers, dans ces enroulements impossibles en-
cadrant parfois dés têtes humaines, du reste
fort incorrectes comme dessin.
Si le Calligraphie rehausse sa composi-
tion en l'ornant de couleurs, il donne une
preuve nouvelle de son ignorance comme
coloriste.
Aussi l'artiste devra parfois, comme dans
l'Évangéliaire Anglo-Saxon de la Bibliothè-
que Nationale (n° 9389. Lat. folio 18.), ajou-
ter à son dessin « Ceci estime figure d' Homme »,
2<jj Histoire du Portrait.
afin que Ton puisse comprendre son travail
et saisir son intention.
Les Miniatures ne paraissent donc pas avoir
été employées, dans l'ornementation des ma-
nuscrits, avant Charlemagne.
Aussi les figures exécutées sous Charlema-
gne et sous Charles le Chauve offrent à peu
près les mêmes caractères : on ne soupçonne
pas les règles de l'anatomie, le dessin reste
presque sauvage, et cependant l'ensemble ne
manque pas d'une certaine grandeur, peut-
être à cause de la naïveté qui le caractérise.
Déjà les miniaturistes commencent à grou-
per leurs personnages pour composer de vé-
ritables tableaux; mais, il faut le reconnaître,
l'art Carlovingien reste comme un mélange
des genres Grec, Byzantin, Romain et Anglo-
Saxon.
S'il est difficile de reconnaître des portraits
dans ces miniatures de l'époque Carlovin-
gienne qui paraissent toujours se ressembler,
cependant il y a des raisons plausibles pour
croire que, dès cette époque, les enlumineurs
ont dû chercher à faire des portraits.
Du Portrait dans les manuscrits. 2 5
Le Sacramentaire de Gellone semble servir
de transition entre la Calligraphie et la Minia-
ture dans les Manuscrits, mais il révèle l'in-
habileté profonde des artistes de la fin du
vmc siècle.
Ce Sacramentaire (coté 12048 Lat. à la Bi-
bliothèque Nationale), provient de l'abbaye de
Gellone, au diocèse de Lodève, fondée en (804)
par le comte Guillaume, de Toulouse.
La figure de la Vierge et, plus encore, le
corps du Christ sur la croix montrent que
l'artiste n'avait aucune notion du dessin et
de la peinture, et témoignent de son embarras
lorsqu'il devait user de la couleur.
Malgré ces imperfections, le Sacramentaire
de Gellone est précieux, car il marque une
date précise dans la marche de la Peinture en
France et dans l'histoire du Portrait.
Peu de manuscrits de l'époque de Charle-
magne et du vine siècle sont venus jusqu'à
nous. Le plus ancien est l'Évangéliaire du
Louvre, écrit en lettres d'or sur velours pour-
pre; il est à deux colonnes séparées par un
feuillage.
26 Histoire du Portrait.
Les ornements sont riches et délicats, mais
les six miniatures ne répondent pas à ce
curieux encadrement : la figure du Christ
imberbe et bénissant à la manière orientale
manque absolument d'expression. (Miniature
reproduite dans le Moyen Age et la Re-
naissance, II; — dans les Arts somptuaires, I ;
— dans les Évangiles de Curmer, éd. 1864,
page 97.)
Cet Évangéliaire fut achevé en (781) par
Gondescalc, qui l'avait exécuté sur Tordre de
Charlemagne et de la reine Hildegarde.
L'Évangéliaire (coté a,j5g Lat. à la Biblio-
thèque Nationale) est supérieur au précédent
par son dessin des Évangélistes, mais le pro-
cédé de Fauteur manque absolument de fi-
nesse et les contours à la plume restent comme
en surcharge et toujours apparents.
A son retour d'Italie en (781), Charlemagne
amenait Alcuin en France et cette date ouvre
une ère brillante pour les arts dans notre pays.
Aussi les trois autres manuscrits qui nous
restent du viup siècle ont une supériorité mar-
quée sur les deux précédents : l'influence
Du Portrait dans les manuscrits. 27
Byzantine avait dû exercer son action en
France.
L'Évangéliaire (coté n° 885o Lat. à la Bi-
bliothèque Nationale) est admirable d'exécu-
tion. L'Ange du folio 10 est irréprochable
comme correction de dessin : le modelé de la
tète, les draperies méritent tout éloge. Mais
l'artiste se montre faible encore dans les mi-
niatures plus considérables, le naturel man-
que dans la pose, les visages sont souvent in-
corrects ; il ne sait pas employer la couleur,
qui reste crue sous son pinceau. (Voir dans le
Moyen Age et la Renaissance, II.)
Le Manuscrit d'Abbeville, qui provient de
l'abbaye de Saint-Riquier, fut donné en (793)
par Charlemagne à son gendre Angilbert, abbé
de ce monastère. Il contient quatre grandes
miniatures et de nombreux médaillons ren-
fermant des bustes, irréprochables comme
dessin. (Voir les Arts au Moyen Age, VIII0 sé-
rie.)
Enfin rÉvangéliaire de Trêves est enri-
chi du portrait des quatre Évangélistes et ac-
cuse un art bien supérieur : les figures sont
28 Histoire du Portrait.
expressives, la composition d'ensemble a de
la grandeur.
On voit que l'influence de Charlemagne et
d'Alcuin avait provoqué un progrès rapide,
étonnant même, dans une période bien res-
treinte comme durée.
Ce progrès dans la Miniature se développe
sous Charles le Chauve, bien que les pein-
tures des manuscrits continuent de rappeler
le genre Anglo-Saxon ou Irlandais, combiné
avec le style Gallo-Romain.
L'influence Byzantine s'accentue davantage,
il est vrai, mais elle ne domine pas encore, à
l'époque de la mort de Charles le Chauve (877).
Mais un événement considérable, c'est l'ap-
parition du Portrait dans les manuscrits et
dans le plus ancien en date, dans la Bible
de Charles le Chauve, qui fut présentée au
Roi par les religieux de Saint-Martin de
Tours.
Dans cette Bible, qui dut être offerte au Roi
vers (85o à 853), Charles le Chauve, vêtu d'une
espèce de chlamyde qui recouvre la tunique,
est assis sur un trône et couronné d'un cercle
Du Portrait dans les manuscrits. 2g
d'or, fermé par un arceau, orné de feuillages;
le comte Vivien, abbé de Saint-Martin, montre
le livre présenté par trois chanoines. Les
insignes royaux sont portés par des officiers,
et un groupe de chanoines est rangé autour
du trône. (Voir les Arts somptuaires, tome I
des planches.)
Indépendamment des portraits de Charles
le Chauve et du comte Vivien, on peut croire
que tous les personnages étaient dessinés d'a-
près nature, et cette page offre, dès lors, un in-
térêt historique considérable.
Quant à l'ensemble du manuscrit, il décèle
un talent d'exécution qui laisse bien loin
en arrière les œuvres faites sous Charle-*
magne.
L'Évangéliaire de l'empereur Lothaire
(840-855) contient aussi le portrait de ce sou-
verain, et la donnée générale de cette œuvre
rappelle la miniature de Charles le Chauve.
(Voir les Arts somptuaires, tome I des plan-
ches.) Cet Évangéliaire aurait été exécuté à
Metz, dans le monastère de Saint-Martin de
cette ville.
3o Histoire du Portrait.
La Bible des Bénédictins de Saint-Paul, à
Rome, exécutée à Tours, d'après M. Jules
Labarte (les Arts industriels, tome III, p. 117),
fut offerte en (875) au Pape Jean VIII par le
roi Charles.
Ce manuscrit offre cette singularité que la
tète du Roi est couverte d'un voile qui re-
tombe sur les épaules. Mais la couronne
royale est le stemma oriental.
Le miniaturiste Ingobert, qui du reste a
signé son œuvre, donne à David et à son en-
tourage le costume du ixe siècle.
Cette forme donnée au portrait de Charles
le Chauve et les accessoires royaux empruntés
à l'Orient se retrouvent encore dans l'Évan-
géliaire de Munich.
Les calligraphies miniaturistes étaient Liu-
thard et Béringar, de l'abbaye de Saint-Denis,
ainsi que nous rapprennent les vers qui ter-
minent le volume. (Voir Eckhart, Comment,
de Rébus Franc. -Orient., p. 564.)
Enfin, le Livre de Prières de Charles le
Chauve contient aussi un portrait du Roi
beaucoup plus âgé. (Voir les Arts somptuaires,
Du Portrait dans les manuscrits. 3i
tome I des planches. — J. Labarte, les Arts
industriels, planche LXXXIX.)
Le calligraphie a signé Lithuard à la fin du
volume.
Au cours du xc siècle, l'art du miniaturiste
retombe dans la barbarie : les causes princi-
pales de ce recul furent la question religieuse
(on attendait la fin du monde en Tan mille), et
encore le démembrement de l'empire de
Charlemagne, qui occasionna des guerres in-
terminables. Le dessin devient absolument
incorrect, presque toutes les figures sont vues
de face, et la France n'a plus la bonne fortune
de recevoir les leçons des artistes grecs, qui
vont en Allemagne et en Suisse.
L'abbé Salomon, Tutilon et Sintram, moi-
nes de l'abbaye de Saint-Gall, jouissaient
alors d'un grand renom comme miniatu-
ristes (890-920).
L'Allemagne elle-même était en décadence,
ainsi que l'attestent le Missel de l'Arsenal, qui
provient de Worms, et la traduction des
Évangiles en vers allemands, qui date de (889).
La décadence de la Miniature en France
.)'_• Histoire du Portrait.
est attestée par l'Évangéliaire de l'Arsenal
(coté T. L. 33 G.) et par celui de la Biblio-
thèque Nationale (coté, Fonds Sorbonne,
n° i3oo), qui sont du xe siècle.
Ces Figures de personnages, dépourvues de
toute expression, aux yeux démesurés, sont-
elles des portraits? Nous n'oserions pas le dire.
Vers la fin du xe siècle, Heldric, abbé de
Saint-Martin d'Auxerre, exécute son propre
portrait dans les Commentaires d'Haynion
sur Ezéchiel.
Le Moine est prosterné sur un prie-Dieu et
offre son livre à saint Germain qui le bénit.
Mais l'art est absent dans cette œuvre. (Voir
Arts somptuaires, tome I des planches.)
Au xie siècle, le dessin au trait continue
d'être en usage^ mais les couleurs reparais-
sent, l'ensemble est plus ferme et plus cor-
rect, surtout dans la seconde moitié de ce
siècle ; cependant il y a peu de miniatures, si
Ton en excepte la Bible de Saint-Martial de
Limoges, le Missel de Saint-Germain des
Prés et celui de Saint-Denis, conservés à la
Bibliothèque Nationale (n° 10547 et n° 8 Lat.).
Du Portrait dans les manuscrits. 33
Il est inutile de chercher ce que fut le Por-
trait à cette époque.
Au xiie siècle, grâce aux Croisades, l'art
semble renaître au contact de l'Orient.
Les Écoles épiscopales, celles des Églises
et des Monastères se multiplient, mais toutes
les œuvres de la première moitié du xue siècle
accusent le défaut d'études chez leurs auteurs.
Un progrès assez accusé distingue la Bible de
la Bibliothèque Colbert (Bibl. Nat., n° 58
Lat.). Le miniaturiste a essayé de jeter des
lumières, des rehauts de blanc; il indique
les carnations avec du blanc, du rouge et
du brun. La partie Calligraphique est bien
supérieure par son exécution aux travaux du
siècle précédent; les lettres sont ornées de
sujets historiques d'une grande finesse.
Au xme siècle, l'art devient Sarrasin ou
Gothique; tout est mièvre, allongé, mais l'or-
nement calligraphique, la miniature vont
servir à illustrer les ouvrages profanes. Les
romans de Chevalerie, les Chroniques reçoi-
vent des ornements, et des Écoles de peinture
sont formées en dehors des monastères.
i
34 Histoire du Portrait.
Nous avons de cette époque le Psautier dit
de Blanche de Castille (i 223- 1226), enrichi
de nombreuses miniatures à pleine page. Le
trait des contours donne à l'ensemble l'aspect
de vitraux :
— Le Psautier de saint Louis (1226), égale-
ment orné de miniatures remarquables :
— Le Livre du Trésor de Brunetto Latini,
qui donne la Passion en 3o tableaux, groupés
dans la même page, sur six lignes, comme un
vitrail :
— Le Romande saint Graal, contenant de
petites figures fort curieuses :
— Les Poésies de Gauthier de Coinsy, en
l'honneur de la Vierge, également ornées de
miniatures.
Après le règne de saint Louis, nous avons
f Abrégé de la Chronique de Sigebertde (1278),
orné de miniatures nombreuses et d'un grand
fini d'exécution :
— Le Calendrier Indicateur des foires de
Champagne de (1285), signé de Henri.
Mais il est probable qu'à cette époque, les
manuscrits étaient l'œuvre de plusieurs ar-
Du Portrait dans les manuscrits. 35
tistes ; parfois le maître a dû donner le dessin
général à ses élèves et se réserver les parties
plus difficiles. Ainsi le Manuscrit de l'Arsenal
(Bible in-folio, marqué T. L. 2) contient en-
core de nombreuses esquisses au crayon, au
double de l'exécution.
Dans la Légende Dorée, par Jean Belet, et
dans la Vie de Saint Denis, qui se trouvent à
la Bibliothèque de l'Arsenal, on peut consta-
ter un progrès réel dans le dessin et la cou-
leur. Certaines miniatures sont vraiment
d'une exécution supérieure.
En tête de la Vie de Saint Denis, nous trou-
vons ces portraits : un Abbé mitre présente
le livre à un Roi de France ; au-dessous on
peut lire : Philippus Rex, yEgidius Abbas.
Cet Abbé Gilles premier était supérieur de
Saint-Denis de (i3o4 à i32Ô), et le Roi doit
être Philippe le Long, si Ton en juge par la
stature du personnage figuré dans le ma-
nuscrit.
A cette époque, l'art Héraldique vint ouvrir
une voie nouvelle que les enlumineurs se
hâtèrent d'exploiter.
36 Histoire du Portrait.
Dès lors les manuscrits sont ornés de Bla-
sons, d'Écus, d'Armoiries, de Devises.
Cette partie Historiée devient promptement
supérieure au Portrait dans les manuscrits ;
elle offrait, il le faut dire, bien moins de dif-
ficultés dans l'exécution, et son effet décoratif
était infaillible.
Les manuscrits sont illustrés des armoiries
des nobles chevaliers, mais combien la cou-
leur est fine et délicate ; avec quelle habileté
les artistes miniaturistes emploient l'or ! La
gouache vient donner plus de corps à la pein-
ture, dont les contours restent cernés de noir,
et les fonds sont d'ors mats ou brunis; on
commence à faire un travail à la pointe sèche
et les figures prennent de l'expression.
A cette époque, les artistes employaient,
sur les ors de différentes nuances, des dessins
perlés, des fragments d'émeraudes, de rubis
ou d'autres pierres précieuses, pour orner les
portraits des souverains ou des chevaliers.
Les portraits sont nombreux dans les ma-
nuscrits de cette période, et il serait trop long
de les énumérer; mais, en général, les por-
Du Portrait dans les manuscrits. 3j
traits de rois, de reines ou de chevaliers
dominent dans ces miniatures.
Dans le commencement du xive siècle, nous
trouvons des miniatures qui représentent le
Roi de Navarre, armé chevalier par son père
Philippe le Long ; dans d'autres œuvres figu-
rent des docteurs de l'Université, des philo-
sophes ; toutes ces figures sont évidemment
des portraits.
Le dessin commence à devenir plus souple,
moins exigu, moins cassé, et les angles s'ar-
rondissent.
Dans le xive siècle, on voit souvent derrière
les figures un fond de tapisserie, et les con-
tours sont moins cernés de noir.
Dans les Chroniques de France, les illus-
trations sont en camaïeu gris, mais le Roi est
en costume royal, avec manteau semé de
fleurs de lis sur fond bleu.
Les ornements des Prélats et des Dignitaires
sont rehaussés d'or. (Voir Arts somptuaires,
tome I des planches.)
La Cité des Dames, de la Bibliothèque
Nationale, et TÉpître d'Othéa à Hector, par
18 Histoire du Portrait.
Christine de Pisan, qui nous donnent les
portraits de l'auteur, ne manquent ni de cor-
rection dans le dessin ni de mouvement dans
la composition : les couleurs sont harmo-
nieuses.
Le Livre de Prières de Jean, Duc de Berry,
en langue latine et française, — ■ Le Psautier
Latin de ce prince, et le Bréviaire de Belle-
ville, renferment de délicieuses miniatures,
absolument remarquables par leur finesse,
leur élégance et la richesse de la couleur.
Quelques rares noms d'enlumineurs sont
parvenus jusqu'à nous; du reste, les artistes
n'ont pris aucune précaution pour se faire con-
naître; le plus souvent, à la place delà signa-
ture, on trouve une devise évangélique, une sen-
tence morale ou un axiome de foi chrétienne.
Cependant, outre les noms d'artistes déjà
cités, nous pouvons nommer encore :
Museignols, qui fut enfermé pendant sept
ans au Châtelet ; — Arnulph de Camphaing ;
— Jacquemin dit Gringonneur.
Les Frères Manuel; — Jehan de Saint-Éloy ;
— Jean Costé ou Coste ; — Pierre André.
Du Portrait dans les manuscrits. 3g
Colard de Laon, peintre de Louis d'Or-
léans;— Perreis de Dijon; — Pierre Remio.
Colin de Lafontaine; — Salmon; — Copin
de Gant.
Guillaume de Bailly, qui travailla aux
Chroniques de Froissart.
Andrieu Beauneveu, que l'on croit être
r auteur du Livre de Prières du Duc de
Berry.
Jacquevrart, — de Hodin ; — Paul de Lim-
bourg et ses frères, qui ont travaillé au Psau-
tier du Duc de Berry.
Henri de Trévoux ; — Rambaldis ; — Jean
de Montmartre.
Hubert ; — Bernard de Saint-Omer ; —
Pierre de Soliers le Provençal ; — Jean de
Bruges.
Tous ces miniaturistes sont antérieurs à la
première moitié du xive siècle.
Dans la deuxième moitié du xive siècle, la
miniature atteste un progrès marqué dans
l'exécution, dans la composition des tableaux
et l'agencement des portraits.
Au xve siècle, la miniature semble à son
40 Histoire du Portrait.
apogée ; les couleurs sont fines et bien nuan-
cées, le dessin est correct et délicat et la com-
position remarquable.
A partir de Jean II, le progrès continua de
se faire sentir d'une façon plus évidente en-
core. Nous avons vu que pendant le règne de
Charles V l'art du Portrait dans la Miniature
avait fait preuve de réelles qualités. Les
portraits de ce prince, qui se trouvent dans
presque toutes les miniatures, sont finis et
bien modelés.
L'admirable exemplaire des Chroniques de
Saint-Denis nous fournit une preuve nouvelle
de progrès par les portraits de princes et
d'évêques qu'il renferme. Tous sont d'une
adorable grâce et reflètent une harmonie déli-
cieuse dans leur exécution.
On doit à la vérité de dire que, depuis
deux siècles, les princes encourageaient sin-
cèrement les arts. Louis d'Orléans avait
donné à Colard de Laon le titre de valet de
chambre, ce qui était, à cette époque, un grand
honneur.
Pierre-André était huissier de salle et tra-
Du Portrait dans les manuscrits. 41
vaillait avec Colard sous les ordres du peintre
en titre, mais ils ne signaient pas leurs œuvres.
Charles VI avait fait exécuter de remar-
quables peintures : le Livre des Demandes et
Réponses de Salmon contient les plus admi-
rables portraits. — Enfin, dans les Femmes
illustres de Boccace, il y a des têtes qui ont
toutes les qualités désirées, coloris, dessin ;
on y trouve même un commencement de
perspective.
Le portrait de Louis d'Orléans, dans les
Livres de sa Librairie , est splendidement
exécuté.
Sous Charles VI, dans les cartes à jouer,
on retrouve de véritables portraits; on peut
s'en convaincre, en consultant le Recueil des
costumes de Gaigners.
Ainsi Apollon était le Roi Charles VII, la
Reine était représentée par Marie d'Anjou, ou
par une des maîtresses du roi, Gérarde Gas-
sinel, Agnès Sorel. Le roi Sans-Souci res-
semble à l'Argentier Jacques Cœur. Le roi
Coursube doit être le portrait du roi d'Angle-
terre Henri III; Roland personnifiait l'un des
j.2 Histoire du Portrait.
capitaines de Charles VIL La reine Tromperie
rappelle la marâtre Isabeau de Bavière; la
reine en Foi-tc-fie doit faire allusion à Jeanne
d'Arc.
Dans les peintures des cérémonies de Tordre
du Saint-Esprit (i 352), on trouve de très beaux
portraits du Roi et de la Reine. — Héloïse
conservait au Paraclet le portrait d'Abélard,
peint d'après nature.
On trouve dans l'histoire de saint Bernard
par de Villefort, un portrait de ce saint d'après
un tableau qui avait été fait d'après nature au
moment où il atteignait l'âge de soixante-
douze ans.
Dans l'Art de la guerre de Végèce, il y a un
splendide portrait de Pétrarque.
A cette époque on peut constater différentes
manières dans l'enluminure; les portraits,
entre autres ceux d'Anne de Bretagne , sont
très variés.
Nous devons citer encore, parmi les minia-
turistes du xvc siècle, René d'Anjou, roi de
Naples, comte de Provence, qui eut pour colla-
borateurs Georges Turlery et Bertrand le
Du Portrait dans les manuscrits. 43
Berger ; — Jean Poyet ; — Jean cTAmboise ; —
Bernard et Jean de Pozay ; — Jean Gossard
de Maubeuge ; — Marmion ; — Boniface de
Remenaut; — Jean Riveron; — Robinet Tes-
tart; puis, sous François Icr,JehanBourdichon.
Le plus célèbre de tous ces artistes fut,
sans contredit, Jehan Foucquet de Tours, né
en (1418). A la mort de Charles VII (1461),
Foucquet fut chargé de mettre en couleur
le masque du Roi. Il avait fait également
le portrait de Louis XI, du vivant de ce
prince. Les deux fils de Foucquet, Louis et
François, continuèrent de cultiver la peinture.
Nous avons une miniature fort curieuse
représentant Louis XII, suivi du Cardinal
d'Amboise et venant se plaindre à la Raison
de n'avoir pas de fils. Sur le devant sont figu-
rées la reine Anne et sa fille Claude, âgée de
quatre ans. (Du Sommerard , les Arts au
moyen âge. PI. XXXVII. — Série IV.)
Enfin Godefroy Tory, imprimeur à Bourges,
a fait de ravissantes miniatures ; dans le second
volume des Commentaires (Voir de Laborde,
Renaissance des arts à la cour de France,
44 Histoire du Portrait.
tome I; add., p. 891), on trouve un beau
portrait de François Ier, en costume de chasse
et poursuivant un cerf. Godefroy Tory était
élève de Jehan Perréal. Il a fait également
les portraits du Grand Maître de Boissy,
— de l'amiral Bonnivet, — du sieur de Lau-
trec, — du maréchal de Chabannes, — d'Anne
de Montmorency, — du maréchal deFleuran-
ges, — du sieur de Tournon. Tous ces portraits
sont des bustes ravissants, renfermés dans des
médaillons de quatre centimètres.
Nous devons encore une mention à Jacques
Plastel, à Jean Pinchon et à Gui Leflameng,
qui ont illustré les Chants royaux en l'hon-
neur de la Vierge.
Mentionnons encore Louise de Savoie et
Anne de Bretagne, parmi les femmes qui
encouragèrent les miniaturistes : la protection
éclairée de ces princesses fit éclore bien des
chefs-d'œuvre.
En terminant cette étude, qui aura démon-
tré que dès le xne siècle les miniaturistes fran-
çais se sont appliqués à peindre le portrait,
mais qu'ils n'arrivèrent à de remarquables
Du Portrait dans les manuscrits. 45
résultats que dans le xiv° siècle, nous consta-
terons que l'effort de l'École française fut
incessant.
Nous pouvons donc dire, avec M. Jules
Labarte , que l'observation consciencieuse
de la nature, la fidélité au modèle, le soin
des détails et le fini de l'exécution si étu-
diée qui caractérisent l'École française à
ces diverses époques, nous donnent l'assu-
rance que ces peintures sont de véritables
portraits.
Du reste, on le sait, la peinture de portraits
était entrée dans la vie civile dès le xn° siècle.
Plus tard, nous voyons les oncles de Charles VI
envoyer des artistes faire les portraits des
jeunes princesses qu'ils voulaient faire épou-
ser au Roi, et Charles VI, sur l'inspection de
ces portraits, donner la préférence à Isabeau
de Bavière.
Au xvie siècle, le portrait devient d'un usage
général, dans toutes les classes de la société.
La Miniature est d'une telle fréquence, qu'on
semble la prodiguer à plaisir.
Dans le livre d'Heures de Catherine de
_l_t] Histoire du Portrait.
Médicis, il y a des miniatures si parfaites, que
Ton serait presque tenté de les attribuer à
François Clouet. — Dans le plat supérieur de
la couverture, on voit le portrait d'Henri II,
puis ceux de Louise de Savoie, mère de Fran-
çois Ier, — de Catherine de Médicis , — du
duc de Joyeuse, — des quatre enfants de
François Ior.
La reine Claude, — Henri III, — le duc
d'Alençon, — Charles IX, — Philippe II,
roi d'Espagne — Elisabeth de France, —
Henri IV, — Marguerite de France, y sont
encore figurés.
Cette réunion de portraits semble comme
une galerie complète.
Après cette époque, les miniatures devien-
nent plus rares, car les artistes commencent à
se livrer sérieusement à la peinture à l'huile.
CHAPITRE III
DU PORTRAIT DANS L EMAILLERIE
ous les portraitistes sur émail
de l'École française ont travaillé
d'une manière remarquable; la
supériorité de nos artistes sur
les artistes étrangers a été telle , que nous
croyons devoir consacrer un article tout
spécial à l'Émaillerie.
On peut, avec certitude, affirmer que l'art
de l'émaillerie n'était pas pratiqué en France
à l'époque Carlovingienne, et c'est seule-
ment vers la moitié du xne siècle que les
artistes français commencent à s'adonner à
cet art.
48 Histoire du Portrait.
Indiquons d'abord, et d'une manière suc-
cincte, les différents procédés employés pour
reproduire un dessin au moyen des émaux.
Dans les travaux, l'émail s'emploie, sur le
métal, de trois manières différentes :
Dans un procédé, l'émail est déposé dans
des interstices, dans des réserves ménagées,
et le travail achevé s'appelle alors : émail
cloisonné, émail champlevé.
Dans un autre procédé , l'artiste trace avec
le burin et en relief un dessin très fin, puis il
grave la figure qu'il veut reproduire, et ob-
tient ainsi des creux et des reliefs. Le métal
est ensuite recouvert d'un émail peu coloré et
très transparent.
Suivant la profondeur de la taille, il y a
dans certaines parties plus ou moins de
matière vitrifiable qui, en proportion de
l'épaisseur, donne des tons plus ou moins
foncés.
Ces émaux sont appelés translucides.
Dans le troisième procédé, il n'est plus né-
cessaire, pour reproduire une figure, de gra-
ver la plaque de métal, d'y faire des réserves,
Du Portrait dans l'émaillerie. 40
ou d'y ajouter de petites bandes de métal. La
plaque est entièrement recouverte par l'émail;
et, par des émaux de différentes couleurs, on
obtient, tout à la fois, les traits et le coloris.
On appelle émaux peints, ceux qui sont exé-
cutés de cette manière.
Ces procédés divers furent employés par
les émailleurs.
On a prétendu que, vers (61 3), saint Éloi
avait fait un buste émaillé en partie ; ce buste
est perdu , et M. J. Labarte n'admet pas que
cette preuve puisse établir que Témaillerie fût
en usage en France au vne siècle.
Il s'appuie surtout sur l'absence de tout
texte permettant cette affirmation.
Il prouve que les émaux connus en France
et employés avant le xe siècle provenaient
de l'Orient. Ce même auteur établit que la
fabrication des émaux ne fut pas connue
dans notre pays avant la seconde moitié du
xnc siècle.
Notre étude ne peut porter que sur l'Email-
lerie de l'École française et le portrait dans
cette École.
4
5o Histoire du Portrait.
Comme premier portrait à citer dans les
émaux champlevés , nous indiquerons celui
de saint François d'Assise.
Le saint est debout , nimbé , tonsuré et
barbu ; il est vêtu d'une robe bleu foncé, et la
ceinture est jaune.
Ce portrait est fort intéressant par la va-
riété des émaux qui le composent : le blanc,
les bleus les plus variés, le rouge, le vert, le
jaune s'y trouvent parfaitement nuancés.
(Musée du Louvre.)
On possède, au musée du Mans, le portrait
de Geoffroy Plantagenet, comte d'Artois , qui
mourut en ( 1 1 5 1 ) . Les chairs sont rendues par
de l'émail rose, la tunique est bleu clair ; le
comte Geoffroy tient de la main droite une épée
nue et de la main gauche un bouclier, il est
coiffé d'un casque surmonté d'un lionceau d'or.
Sur un Gemeillion qui se trouve au Lou-
vre, on voit une Reine assise sur un banc; elle
tient un sceptre et reçoit une coupe que lui
présente une jeune fille.
Il est fort difficile d'indiquer les noms des
artistes et des personnages qui sont repré-
Du Portrait dans Vémaillerie. 5i
sentes sur les émaux; avant le xive et le
xve siècle , les artistes signaient rarement
leurs œuvres et ajoutaient plus rarement en-
core le nom du personnage qu'ils représen-
taient.
Il est bien certain que presque tous les per-
sonnages figurés dans les émaux sont des por-
traits. Combien l'intérêt serait augmenté , s'il
nous était possible d'attacher un nom à cha-
cune de ces œuvres d'art, et de les rapporter
aux données historiques que nous possédons
sur ces époques éloignées! Bornons-nous à
une froide nomenclature, puisque faire mieux
n'est pas possible.
Dans la collection Sauvageot , nous avons
le portrait d'un homme vêtu d'une jaquette,
armé d'une rondache et d'un bâton , qui
lutte avec un dragon ailé. La figure semble
réservée et grave; le fond est bleu, mais
la rondache est émaillée de rouge, d'or, de
vert et de jaune.
Sur une autre plaque, on voit un person-
nage assis qui tend la main vers une femme
dont le corps n'est pas achevé.
52 Histoire du Portrait.
Comme le dit , avec beaucoup d'esprit ,
M. Darcel, « qu'une goutte d'eau tombe sur
une des entailles que faisaient les émailleurs
dans leurs champlevés ; qu'un artiste intelli-
gent observe l'effet produit, et les émaux trans-
lucides sur relief seront trouvés ; Peau, étant
plus abondante dans les parties creuses que
dans les parties les plus relevées, y deviendra
plus foncée et se modèlera, pour ainsi dire,
au-dessus de l'entaille qui semblera dispa-
raître ; ce sera le liquide qui formera le bas-
relief avec les divers accidents de ses plans
divers. Que ce liquide soit coloré, l'effet n'en
acquerra que plus d'intensité; qu'il soit vu
placé sous un verre transparent, et l'on ob-
tiendra ce qu'on appelle un émail translucide
sur relief. »
Qu'il y ait eu, en France, des portraits exé-
cutés au moyen des émaux translucides, la
chose ne peut faire l'objet d'un doute ; mais
il est impossible d'attacher un nom aux diffé-
rentes têtes d'évèques, de saints et de person-
nages que Ton rencontre assez souvent à cette
époque.
Du Portrait dans l'émcillerie. 53
Au xvic siècle, sous François Ier, on
peut citer Renaut Damet; les artistes fran-
çais de cette époque étaient surtout remar-
quables par le goût avec lequel ils coloraient
les figures et les ornements dont elles étaient
entourées.
Parmi les portraits que Ton rencontre dans
les émaux, nous citerons un magnifique por-
trait d'homme coiffé d'une calotte et vêtu
d'une robe.
Ce portrait est de notre célèbre artiste Jehan
Foucquet, et passe pour être celui de l'auteur,
peintre du roi Louis XI. Les ombres sont pro-
duites au moyen de l'enlevage de la lumière
par des hachures d'or vif.
Monvaerni fit un triptyque représentant
l'Annonciation ; l'un des volets offre Louis XII
à genoux, avec saint Louis derrière lui;
l'autre volet nous donne Anne de Bretagne ,
femme de Louis XII, avec sainte Anne.
Cet artiste vivait au xivc et au xvc siècle;
il existe un grand rapport entre ses émaux
et les vitraux du xvc siècle ; il ne serait
pas impossible, nous dit M. Darcel, qu'il
54 Histoire du Portrait.
fût un des créateurs de rémaillerie peinte
de Limoges.
Nous arrivons à la grande époque des
émaux peints en France.
Nous commencerons par Léonard Peni-
caud ou Naidon Penicaud. C'est à cet artiste
qu'il faut attribuer ce qu'il y a eu de plus
parfait parmi les émaux peints du style en-
core archaïque.
Cet artiste, qui avait une très grande répu-
tation, a fait évidemment beaucoup de por-
traits ; mais il nous a été impossible d'en
rencontrer.
Nous pouvons néanmoins citer, dans une
scène de crucifiement , plusieurs personnages
dont les uns portent les costumes de la fin du
règne de Louis XII, et d'autres ceux du com-
mencement du règne de François Ier.
Jean II Penicaud, dit le Jeune, était vrai-
semblablement le neveu de Jean Penicaud
l'Ancien ; on a de lui :
En (i53i), le portrait de Luther;
En (i534), le portrait de Clément VII, au
Louvre.
Du Portrait dans Vémaillerie. 55
Léonard Limosin, et non Limousin, naquit
vers (i5o5). Parmi les onze membres de sa fa-
mille, sept firent de la peinture sur émail ;
trois furent célèbres : Léonard Ier, Jean II et
François IL
Le roi François Ier appela près de lui ce
grand artiste, le plus illustre des émailleurs,
le nomma son premier peintre et son valet de
chambre.
Léonard Limosin fit beaucoup de portraits
de gentilshommes de la cour ; on a de lui le
portrait de Catherine de Médicis en Vénus,
celui de François Ier, le portrait d'Henri III
en Jupiter, et celui de Charles IX en Apol-
lon; il fit encore le portrait d'Éléonore d'Au-
triche.
Ces portraits peuvent être considérés comme
ce qui a été fait de mieux en ce genre à Li-
moges.
En (1547), Léonard Limosin peignait sur
émail Henri II ayant en croupe Diane de
Poitiers ; il fit encore Claude de France,
deuxième femme de François Ier.
i
Entre les nombreux émaux dont il est
56 Histoire du Portrait.
l'auteur, nous pouvons citer, parmi les plus
remarquables, ceux de François Ier, d'Antoine
de Bourbon, roi de Navarre; de (i 556 à i55y),
Léonard Limosin fit des portraits, dont les
proportions étaient beaucoup plus considé-
rables ; ils se trouvent dispersés dans le
monde entier. Le Louvre a conservé ceux
de François Ier, de Françoise d'Orléans, prin-
cesse de Condé, et du connétable de Mont-
morency, cet émail est magnifique. Le musée
de Limoges a conservé le carton de ce dernier
portrait.
Le dessin de Limosin se ressent beaucoup
de l'influence de l'école de Fontainebleau,
surtout dans l'émail où Diane de Poitiers est
représentée sous les traits de Vénus. Diane
est appuyée sur un jeune Amour qui la tient
embrassée, elle est couchée entièrement nue
sur une draperie bleue, rehaussée d'or, qui
est étendue sur l'herbe.
Lorsque Limosin s'inspire de Raphaël, il le
fait avec une grande allure.
Nous devons dire qu'à partir de (i 535) jus-
qu'à sa mort, Limosin s'inspire plus exclusi-
Du Portrait dans l'émaillerie.
vement de la nature et poursuit la vérité naïve
dans les traits des personnages qu'il doit
rendre immortels par son émail.
Le musée de Kensington possède les por-
traits de Catherine de Médicis, — d'Elisabeth
de France, fille d'Henri II, — de Margue-
rite de Valois, sœur de François Ier, — de
Jacques Amyot, — du cardinal de Lorraine,
— de Louis de Lorraine, cardinal de Guise,
— et d'Anne d'Esté, duchesse de Guise.
On possède au Louvre divers portraits
d'hommes signés L. L. et qui semblent être
faits par Léonard Limosin; mais ils sont,
en réalité, de Martin, son frère et son asso-
cié, qui travaillait avec lui ; du reste , ces
émaux ne sont en aucun point dignes de
Léonard.
Si l'étude que nous poursuivons ne portait
pas spécialement sur le portrait, nous pour-
rions être entraîné à parler de tant de chefs-
d'œuvre produits par cette grande et célèbre
école de Limoges, dispersés , comme des
joyaux précieux, dans les musées des capi-
tales du monde entier.
58 Histoire du Portrait.
Nous devons citer Colin Nouailher, qui fut
un dessinateur médiocre, mais un très habile
émailleur. Il fit le portrait de l'empereur
Claude, d'après Lucas de Leyde ; Béranger,
d'après le même peintre ; il exécuta différents
bustes de femmes , qui sont évidemment des
portraits.
Sa famille fut nombreuse , et presque tous
les Nouailher peignirent sur émail.
Parmi ceux qui s'adonnèrent au portrait,
nommons Jean -Baptiste Nouailher, auteur
d'un saint Louis qui est assez remarquable ;
d'un saint Denis habillé en évèque ; du même
encore, au fond d'une tasse, un Empereur
galopant.
Pierre Raymond naquit vers (i5oo), il tra-
vailla pour la famille de Bourbon, qui était
établie en Limousin ; ainsi, dans un triptyque
qui appartient à M. G. de Rothschild, on voit
Mme Louise de Bourbon aux pieds de la
Vierge; il fit également, vers (i555), le por-
trait d'Henri II ; le Roi est de profil,' revêtu
d'une cuirasse et porte le collier de Saint-
Michel.
Du Portrait dans l'émaillerie. 5g
Pierre Raymond a fait encore un grand
nombre de portraits-bustes, auxquels il est
difficile de donner un nom.
Jean de Court est l'auteur d'une Margue-
rite de France, fille de François Ier et du-
chesse de Savoie, costumée en Minerve (i 555);
cet émail appartient à M. de Nieuwerkerke.
De H. Poncet (1622), on a deux émaux qui
sont au Louvre et représentent : l'un , saint
Ignace de Loyola; l'autre, saint François-
Xavier.
On peut citer plusieurs portraits attribués
à Noël Laudin , un de ces portraits est en
costume du xvie siècle, un autre en costume
du xvii0.
Nicolas Laudin a laissé dans deux médail-
lons ovales les bustes des empereurs Vespa-
sien et Domitien; et, dans deux grands
cartouches, Zénobie et Pauline, d'après
Claude Vignon; — Judith, — Jeanne d'Arc,
— Sémiramis , — Artémise , — d'après le
même peintre.
Jacques II Laudin exécuta beaucoup de
personnages d'après Claude Vignon.
Go Histoire du Portrait.
Sur une bourse formée de deux plaques
ovales ajustées sur un soufflet en soie et gar-
nie de passementerie d'or, Jacques Laudin a
peint un magnifique médaillon, dont le sujet
est un jeune homme en grande perruque
blonde et vêtu d'un habit bleu ; cet émail est
très beau et bien conservé.
Jean-Baptiste-Jacques Augustin a laissé des
émaux et des miniatures très remarquables;
nous ne parlerons que des émaux, nous ré-
servant une appréciation très étudiée sur les
miniatures de ce maître.
En (1809), il donna son portrait; Augustin
est en buste, la tête de face, les cheveux noirs
et bouclés, l'habit brun et la cravate blanche;
cet émail est fort remarquable par la pureté
de son dessin et l'harmonie de ses couleurs.
Jean Petitot, né à Genève, était d'une fa-
mille française; ses parents, ayant adopté la
Réforme, vinrent -s'établir en Suisse. — Son
père était sculpteur sur bois. — Petitot eut
une grande et universelle réputation qui
égala celle de nos plus célèbres artistes du
xvi° siècle.
Du Portrait dans l'êmaillerie. 61
Nous croyons même devoir ajouter, pour
être juste, que cette célébrité de Petitot fut
plus considérable encore, et cela tient à ce
que cet artiste n'employa pas les mêmes pro-
cédés que ses illustres prédécesseurs ; au
xvie siècle, chez les maîtres eux-mêmes,
l'émail semble moins fin; le sens de la nature
dans la coloration n'existe pas ou existe peu;
Petitot cherchait, au contraire, à se rappro-
cher le plus possible de cette nature qui
est et qui doit être, quand on sait l'inter-
préter avec science et finesse, notre maître
à tous.
Petitot rendait avec un talent tout spécial
les tons de chairs : il apportait un soin
extrême à son dessin et se livrait aux ma-
nipulations chimiques les plus savantes ;
toujours il passait ses émaux à beaucoup de
feux.
Un chiffre pourra donner une idée de la
réputation universelle des oeuvres de Petitot :
en Angleterre, ses émaux étaient payés vingt
et parfois jusqu'à quarante guinées.
Avant de citer les principaux portraits de
6-2 Histoire du Portrait.
Petitot que nous possédons au Louvre , nous
croyons utile d'ouvrir une parenthèse pour
émettre une appréciation sur les copies de
portraits.
Il est bien évident, pour tous, que l'artiste
qui copie un portrait, même dans un autre
genre, se livre à une besogne quasi à moitié
faite.
Pour nous, ce qui caractérise l'œuvre pro-
prement dite de l'artiste portraitiste, c'est la
pose, l'arrangement, la composition, l'expres-
sion, la vie.
L'artiste passe alors la main à l'ouvrier,
qui, avec une grande habileté de faire et son
expérience pratique, termine l'œuvre, fait ce
que nous pourrions appeler sa toilette finale,
afin qu'elle flatte notre œil et qu'elle nous
plaise.
Mais ce qui nous empoigne et ce qui nous
magnétise (c'est le mot), c'est l'œuvre de
l'artiste; car, lorsque cette œuvre nous attire,
nous n'avons pas eu le temps d'admirer le
coloris, les détails et la pureté du dessin; mais
notre œil a perçu un ensemble, et de suite il
Du Portrait dans l'êmaillerie. 63
se fixe sur ce travail qui Fa frappé si vivement.
Malgré cela, nous ne devons pas mettre en-
tièrement de côté l'artiste qui est obligé de
reproduire cette œuvre première avec des
moyens différents. — Son talent consistera à
rendre exactement la pensée, le tableau, le
groupe qu'il a sous les yeux, mais s'il copie
fidèlement, avec génie même, il ne saurait
être créateur. — Mais il aura un grand
talent.
Petitot a reproduit de nombreuses peintures
et ses émaux ont toujours rendu avec fidélité
la pensée des maîtres : pour lui, l'émail ne
semble pas avoir de secrets.
On a de Petitot, d'après les peintures des
maîtres :
— Le portrait d'Anne d'Autriche, d'après
Philippe de Champaigne; — le même, d'après
Mignard ;
— Le portrait de Louis XIV, d'après P. Mi-
gnard; — le même, d'après Lebrun; — le
même, d'après Nicolas Mignard;
— Le portrait de Marie-Thérèse, d'après
Beaubrun ou Bobrun ;
64 Histoire du Portrait.
— Le grand Dauphin, fils de Louis XIV,
d'après Nanteuil ; — le cardinal de Richelieu,
d'après Champaigne ; — Marie-Anne de Ba-
vière, Dauphine de France, d'après Mignard ;
— Henri-Jules de Bourbon, duc d'Enghien,
fils du Grand Condé, d'après Mignard; — sa
femme, Anne de Bavière, d'après le même;
— Balthazar Phelypeaux , marquis de
Châteauneuf;
— Mme de Maintenon, d'après Mignard;
— Schomberg, maréchal de France (in-
connu) ;
— Percy, comte de Northumberland, d'a-
près Van Dyck ;
— Marie -Jeanne - Baptista de Savoie,
d'après Beaubrun;
— Louis -Marie de Gonzague, d'après
Juste d'Egmont;
— Paul -Jules de la Porte, duc de la
Meilleraye;
— Chardin (pourrait être de Petitot),
d'après Bon Boulogne; — Mllc de Lavallière;
— Mme de Montespan; — la reine Christine
de Suède, d'après D. Beck;
Du Portrait dans Vémaillerie. 65
— Un portrait très fantaisiste de Rem-
brandt, etc.
Mais on ne saurait nommer un seul portrait
authentique de Petitot, d'après lui-même ;
malgré cela nous avons cru devoir lui consa-
crer quelques lignes, car les émaux de cet
auteur seront toujours d'un grand intérêt au
point de vue de l'histoire du portrait.
Rouquet, André (1703), a fait un très beau
portrait du marquis de Marigny.
Thouron, Jacques (1737), a fait un émail
de Franklin.
Weyler, Jean-Baptiste (1745), envoya,
comme morceau de réception à l'Académie,
un magnifique portrait du comte d'Angivil-
lers, directeur général des bâtiments sous
Louis XVI.
Nous avons encore de très beaux émaux du
xvue siècle, dont les auteurs sont inconnus.
Ces portraits doivent être mentionnés ici :
— Portrait d'Henriette de France, femme
de Charles Iei ;
— Portrait de Monsieur, frère du roi
Louis XIV.
66
Histoire, du Portrait.
D'Antoine Arland, peintre en miniature du
xviii0 siècle, nous avons : — Pierre le Grand,
dans sa jeunesse; — Louis XV; — Soufllot,
architecte; — Catherine II ; — Marie-Josèphe
d'Autriche, reine de Pologne.
CHAPITRE IV
DU PORTRAIT DANS LES VITRAUX
ouloir justifier, avec certains au-
teurs, l'emploi du verre dans les
fenêtres, avant le iuc siècle, nous
semble difficile ; cependant le
verre paraît avoir été en usage vers cette date.
Telle est, du moins, l'opinion de Levieil
dans son ouvrage l'Art de la Peinture sur
verre (in-fol., 1774) ; celle encore de Langlois
dans son Essai historique et descriptif de la
Peinture sur verre (Rouen, i832).
Les découvertes de verre à vitre, faites à
Herculanum et Pompéi , attestent également
l'usage ancien du verre dans les habitations.
68 Histoire du Portrait.
A partir du in° siècle, l'usage des fenêtres à
verres multicolores devient général, surtout
dans les églises.
Lactance trouvera dans cet usage un poé-
tique sujet de comparaison. Il écrira (De opi-
ficio Dei. Cap. vu) : « L'esprit perçoit les ob-
jets extérieurs par les yeux du corps comme
à travers les fenêtres garnies de verre. »
Prudence, dans le iv° siècle, parle des vi-
traux de différentes cathédrales, et décrit
ainsi ceux de Saint-Paul hors les murs , à
Rome : « Dans les fenêtres cintrées , se dé-
ploient des verres de couleurs diverses : ainsi
semblent au printemps les prairies émaillées
de fleurs. » (Prudentii Carm. — Hymn. xn.
LlD. IIîpl CT£oavoJv.)
Au cours du vc siècle, l'usage des vitres
de couleur semble avoir été général en
France.
Sidoine Apollinaire nous a laissé la des-
cription des vitraux qui ornaient l'église
Saint-Patient de Lyon, achevée en (450). — Ces
vitraux étaient-ils à personnages? — M. Levy
(Hist. de la Peinture sur verre) l'affirme. —
Du Portrait dans les vitraux. On
M. Jules Labarte ne partage pas cet avis (Les
Arts industriels, III, p. 332).
Nous ne pouvons entrer dans l'examen des
textes qui ont servi aux divers auteurs à
étayer de longues dissertations sur la date
précise des premiers vitraux. — Disons que,
d'après l'opinion commune, les émaux fusibles
sur verre ne furent connus que vers le xf siè-
cle ; par conséquent, les vitraux coloriés, en
usage aujourd'hui , semblent avoir été in-
connus avant cette date.
Mais qu'il y ait eu des fenêtres historiées,
même au cours du vie siècle, la chose est
possible ; en tout cas, elle semble certaine
pour les siècles postérieurs.
Mais ce n'était pas le vitrail, ce n'était que
le verre peint.
D'après J. Labarte, on aurait recouvert de
cire les feuilles de verre, et sur ce verre
blanc , les artistes auraient peint des portraits
d'Empereurs, d'Impératrices, des images de
Saints ou même des bienfaiteurs insignes de
l'Église, des Évêques. Pour assurer la con-
servation du dessin, on coulait une seconde
yo Histoire du Portrait.
cire, qui était incorporée à la première cou-
che par Faction du feu.
Le portrait était ainsi emprisonné et restait
transparent.
C'est ainsi que J. Labarte interprète le vi-
trail peint de Saint-Bénigne de Dijon, et ne
peut voir un vitrail émaillé dans la Peinture
citée par Eymeric David comme antérieure
au xc siècle. (Ibid. III, p. 33g.)
En (1447), ces peintures à l'huile sur verre
semblent encore en usage en Italie.
Le xe siècle fut tellement agité par les
guerres, que les arts s'en ressentirent naturel-
lement; aussi cette époque ne fut marquée
par aucun progrès.
On ne peut chercher les vitraux propre-
ment dits, la peinture sur verre et encore plus
le portrait dans les vitraux , qu'après le xie siè-
cle. — Jusque-là, l'histoire, plus qu'incer-
taine, n'offre pas d'intérêt.
— A la fin du xie siècle, le moine Théophile
donna un traité de la peinture sur verre,
dans son ouvrage Diversarium artium Sche-
dula. — Nous savons par lui que si le verre
Du Portrait dans les vitraux.
teinté de rouge, de bleu, de jaune, de vert et
de violet était connu, un seul émail, le brun,
était en usage. (Lib. II, cap. xix, édition de
TEscalopier.)
Théophile décrit minutieusement les pro-
cédés de fabrication , le tracé du dessin, la
cuisson dans le fourneau, le montage avec
des lames de plomb. Tous ces détails sont du
plus haut intérêt.
En France, les vitraux du Loroux,en An-
jou, qui représentent les portraits de Foul-
ques V, seigneur de cette province, et le por-
trait de sa femme, sont antérieurs à Tannée
(i 121). Nous avons encore de cette époque les
douze verrières de l'église abbatiale de Saint-
Denis, qui représentent l'histoire de Charle-
magne et celle de la première croisade.
Les vitraux de Saint-Denis comprenaient les
portraits de : Tancrède, — de Godefroy de
Bouillon, — de Raymond de Saint-Gilles, et
Ton y voit encore de nos jours celui de Suger
prosterné aux pieds de la Vierge.
Un vitrail dans l'église de Saint-Pierre de
Dreux offre le portrait d'Anne de Bretagne.
y 2 Histoire du Portrait.
Au xiic siècle, nous pouvons indiquer (i 1 53),
dans l'église de Braine-le-Comte , le portrait
de Robert, fils de Louis le Gros.
Dans une verrière du xine siècle, à Poi-
tiers, se trouve le portrait et la légende de
Thomas de Gantorbéry. Dans cette même
verrière il y a plus de trente-deux figures re-
présentant des personnages contemporains.
Clément de Chartres fit les vitraux de Rouen
et signa son œuvre « Clemens, ViireariUs Car-
notensis Af(agister). »
Les vitraux des cathédrales de Bourges et
de Chartres comprennent près de huit mille
figures.
Blanche de Castille, — saint Louis et sa
femme, Marguerite de Provence, sont fré-
quemment représentés dans ces vitraux.
A partir du xne siècle, la peinture sur verre
semble marquer un réel progrès.
A cette époque, on trouve dans les œuvres
des peintres verriers le même développement
que l'on remarque chez les miniaturistes : le
dessin devient plus correct, plus gracieux; les
artistes ne craignent pas d'aborder le por-
Du Portrait dans les vitraux. ~3
trait ; on rencontre souvent des images de
souverains et de saints; de même, dans le
xiue siècle, la peinture sur verre continue de
jeter un vif éclat.
Dans la cathédrale de Chartres, on retrouve
à profusion des médaillons légendaires et de
belles figures avec le costume du temps; dans
presque toutes ces verrières les nombreuses
figures ressemblent à des collections de por-
traits.
Au xivc siècle, le dessin entre tout à fait
dans une excellente voie, les figures com-
mencent à être mieux modelées et l'emploi
des ombres et des demi-tons vient ajouter
au relief des personnages et à l'effet des dra-
peries.
La découverte du jaune .d'argent permet
encore aux peintres verriers de multiplier la
dorure dans les accessoires, et elle ajoute à
leurs moyens une ressource considérable.
Jusqu'alors la dorure était rendue par un
verre jaune, teint dans la masse, qui devait
être découpé et enfermé dans le plomb.
Aussi les peintres verriers deviennent plus
j4 Histoire du Portrait.
nombreux dans le xivc siècle : les édifices
particuliers , les palais, sont enrichis de vi-
traux.
Sous Charles V, l'hôtel Saint-Pol et le Lou-
vre sont décorés de vitraux, reproduisant des
images de saints , des scènes de romans et
des sujets de chevalerie. (Sauvai , Antiquités
de Paris, tome II. Éd. de Paris, 1724. — Lan-
glois, Essai historique et descriptif de la pein-
ture sur verre, Rouen, i832.)
Les vitraux du xive siècle qui existent en-
core sont nombreux : les cathédrales de Beau-
vais, — de Chartres, — d'Évreux, — de Li-
moges, — de Narbonne, — de Carcassonne,
— et de Toulouse en possèdent de très
remarquables. M. J. Labarte a donné un vi-
trail du xive siècle, tiré de la cathédrale
d'Évreux, dans sa planche XCVI des Arts in-
dustriels.
Si les vitraux du xivc siècle sont arrivés
jusqu'à nous en assez grand nombre, il n'en
est pas de même du nom des peintres ver-
riers de cette époque.
Cependant, parmi les artistes verriers du
Du Portrait dans les vitraux.
xiv° siècle, nous pouvons citer : Guillaume
Canonce, verrier de la cathédrale de Rouen
(de 1384 a i386), — Perrin Girole (1372)
et Jean de Beaumes (i375-i3qo), verriers
de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne;
— Guillaume de Francheville et Girard de
la Chapelle , employés tous deux par ce
même prince ; — Pierre et Thibaut d'Arras ;
— Henry de Malines (i383-i3g4); — Hen-
nequin Moulone (1397) et Philippe Blan-
quart, de Soissons, qui ht, en (1398), une
grande verrière avec le portrait du duc
d'Orléans; — Pierre David, de Paris (1399)
et Claux le Loup, verrier du duc d'Orléans
(i397).
Au xve siècle, les vitraux suivent le pro-
grès qui se fait dans la peinture à l'huile. Les
artistes exécutent beaucoup de grisailles ,
alors en grand honneur, non seulement dans
les églises, mais dans les châteaux et dans les
hôtels particuliers.
Le verre doublé devint alors d'un usage
fréquent ; on l'obtenait par la superposition
de verres coloriés diversement et par un
y 6 Histoire dit Portrait.
soufflage unique pour le môme manchon, ce
qui permettait des teintes très variées.
Pendant ce siècle, fut exécuté le vitrail de
la cathédrale du Mans, représentant Yolande
d'Aragon et Louis XII, roi de Naples et de
Sicile. Les verrières des Gélestins, à Paris,
offraient une suite de portraits des princes de
la famille d'Orléans- Valois, qui fut complétée
au xvie siècle par ceux de : Louis XII, — de
François Ier — et d'Henri IL — Pour Évreux
fut exécuté le portrait de Guillaume d'Har-
court, grand queux de France.
On peut citer, comme peintres verriers de
cette époque , ayant travaillé aux vitraux
de Rouen , Guillaume de Gradville , —
Robin Damaigne , — Guillaume et Jean
Barbe, qui ont travaillé aux vitraux de la
cathédrale de Rouen ; — Henri Mellein ,
de Bourges , — Antoine Chenesson, d'Or-
léans, qui travailla aux vitraux de Gaillon;
Guillaume Delanoë et Jean le Normand ,
qui firent les vitraux de Tancarville; —
puis Balthazar, Brisetout, Girard le Nogat,
Hermant, Madrin , Michelet, Pierre-Jehan
Du Portrait dans les vitraux. jj
du Pins, ■ — Jehan de Vertus et Blanc-Mantel
à Troyes.
Brehal à Évreux, — Jehan Simon à Bar-
sur- Aube, — ■ Montglarive , à Orléans, —
Rechambault, à Limoges, et Thibaut la
Lèvre, à Dijon.
Au xvic siècle, la peinture sur verre se lit
presque comme la peinture à l'huile. Les
artistes avaient à leur disposition des procédés
beaucoup plus nombreux.
La taille du verre, par le diamant, vint
faciliter encore l'harmonie des couleurs et la
pureté du dessin. La découverte de nouveaux
émaux vint ajouter aux ressources de l'art du
peintre verrier.
A cette époque, on exécuta cependant beau-
coup moins de portraits; mais les artistes
verriers excellent dans l'architecture ; et si la
perspective est savante, souvent elle semble
un peu trop recherchée.
Les premiers maîtres de ce siècle furent
vraiment fort remarquables.
La chapelle du château de Vincennes est
ornée de vitraux qui sont dus au pinceau
7'V Histoire du Portrait.
savant de Jean Cousin, le maître célèbre que
Cologne invitait à décorer sa basilique.
Beauvais possédait une école de peintres
verriers, qui enrichirent les églises de remar-
quables vitraux. Mais c'est dans la célèbre
église de Brou que se trouvent les plus magni-
fiques verrières du xvie siècle.
Parmi les verriers remarquables de cette
époque (et presque tous rirent des portraits),
nous devons citer : Angrand Leprince (i53o),
chef de l'école de Beauvais; — Jean et Nicolas
le Pot, de la même ville; — Maître Claude,
qui travailla au Vatican, où il fut appelé par
Jules II; — Guillaume de Marcillat; — enfin
le plus célèbre de tous, Jean Cousin, qui vivait
encore en (1584), exécuta les vitraux de Saint-
Gervais, de Saint-Étienne du Mont; — les
verrières d'Anet, de Moret et de Vincennes.
Le rival de J. Cousin, Robert Pinaigrier,
exécuta, de (1527 à i53o), les vitraux de
Saint-Hilaire de Chartres et du charnier
de Saint-Étienne du Mont. — Son fils Nico-
las, — ses petits-fils Robert, Jean et Louis,
furent aussi peintres verriers.
Du Portrait dans les vitraux.
Bernard Palissy fit des vitraux à Écouen,
notamment l'Histoire de Psyché, d'après Ra-
phaël. — Ces vitraux appartiennent aujour-
d'hui au duc d'Aumale.
Mais vers la fin du xvnc siècle, on ne trouve
plus de peintres verriers, et les procédés eux-
mêmes semblent perdus. — Ce n'est qu'au
commencement de notre siècle que la pein-
ture sur verre semble renaître.
Les études des savants chimistes Brongniart
et Dihl firent retrouver les émaux fusibles ; on
essaya donc de faire des vitraux. La science
rechercha les anciens émaux, retrouva les
procédés, et on institua à Sèvres une nouvelle
école de peinture sur verre. M. Bontemps,
chimiste habile, fit des essais couronnés de
succès dans sa fabrique de Choisy.
Henri Gerente , dès (1839), exécuta les vitraux
de Sant-Germain l'Auxerrois, d'après ceux de
la Sainte-Chapelle. Bientôt Maréchal à Metz,
Lusson au Mans, Lorin à Chartres, pro-
duisent de belles verrières, où Ton trouve de
remarquables portraits.
M. Didron, reconnaissons-le, a grandement
8o
Histoire du Portrait.
contribué à cette restauration de l'art par son
beau travail sur l'Histoire de la peinture sur
verre, pendant que M. de Lasteyrie, dans son
Histoire de la peinture sur verre, d'après les
monuments de France, faisait revivre le passé,
les chefs-d'œuvre des maîtres et leurs mer-
veilleux travaux.
CHAPITRE V
DU PORTRAIT DANS LES BRODERIES
ET LES TAPISSERIES
ans une histoire du Portrait que
nous voudrions aussi complète
que possible, nous ne pouvons
omettre de parler des Broderies
et des Tapisseries. Nos tapisseries françaises
ont toujours eu une grande réputation ; elles
ont porté, on peut le dire, dans toutes les
parties du monde, les portraits de nos héros,
de nos souverains et de nos grands hommes.
Jusqu'au ix° siècle, la broderie fut employée
pour ornementer les étoftès, c'était le seul
moyen connu : l'Orient gardait encore le mo-
(S'-j Histoire du Portrait.
nopole des étoffes tissées avec l'or et la soie.
Les reines, les princesses rirent de la bro-
derie une occupation constante; elles y con-
sacrèrent leurs loisirs, et des œuvres merveil-
leuses furent enfantées par leur aiguille.
Ces étoffes servaient à décorer les châ-
teaux, les églises, les chambres d'apparat et
les salons immenses des nobles demeures.
La reine Berthe , mère de Charlemagne,
était habile fileuse et savait « d'or et soie
ouvrer » , nous dit un vieux poème. Les
filles de Charlemagne savaient également ma-
nier l'aiguille et le fuseau, nous raconte
Éginhard.
Parfois les broderies à l'aiguille sont des
œuvres considérables, dont l'achèvement de-
mande de longues années.
Jacques Doublet, dans son Histoire de l'ab-
baye de Saint-Denis, dit que la reine Berthe
broda à l'aiguille, sur un canevas, des sujets
représentant les gloires de sa famille.
Nous devons mentionner ici la célèbre ta-
pisserie de Bayeux, attribuée à la reine Ma-
thilde, femme de Guillaume le Conquérant.
Du Portrait dans les broderies. 83
Sur une bande de toile, longue de 71 mètres
et large de 5o centimètres, est figurée, en bro-
derie à l'aiguille, l'histoire de la conquête de
1" Angleterre par les Normands.
Encore que le dessin soit médiocre, ce tra-
vail est curieux, car il nous donne le modèle
des armes , des vêtements et des meubles,
usités à cette époque du xi° siècle.
Au xmc siècle, nous dit M. de Laborde ,
« broder était un art, une branche sérieuse de
la peinture. »
« L'aiguille, véritable pinceau, se promenait
sur la toile et laissait derrière elle le fil teint,
en guise de couleur, produisant une peinture
d'un ton soyeux et d'une touche ingénieuse,
tableau brillant sans reflet, éclatant sans du-
reté. (Revue arch., tome VII.) »
Avec le xin° siècle , on aborde plus di-
rectement le portrait dans la broderie; les
ligures de saints , d'évèques , et même des
légendes entières sont fréquentes , comme
dans la broderie dite de Saint-Martin, qui
est au Louvre, n" 319, Musée de la Re-
naissance.
84 Histoire du Portrait.
Au xive siècle, les brodeurs forment une
corporation importante.
Mais la broderie atteint son apogée dans
le xve siècle ; les peintres les plus célèbres
donnaient les cartons, et les brodeurs exécu-
taient leurs dessins.
Ainsi, dans le xvi° siècle, en (i52i), les ten-
tures pour la chambre de Louise de Savoie,
mère de François Ier, dessinées par Matthieu
Luazar et Barthélémy Guyeti, et qui furent
brodées par Cyprien Fulchin et Etienne
Brouard , comprenaient quatre-vingt-douze
histoires et bergeries, tirées des Bucoliques de
Virgile.
L'ameublement du Sacre, commandé par
François Ier, fut dessiné par Raphaël.
Quant aux Étoffes brochées, la France n'en
produisit qu'à partir du xive siècle, et si nous
en trouvons la trace dans les Registres des
Métiers d'Etienne Boileau, ce fut seulement
vers (1470) que le roi Louis XI établit à Tours
des métiers à soie.
Dans toutes ces broderies, surchargées de
figures , comment reconnaître des portraits
Du Portrait dans les tapisseries. 85
authentiques? Il est assez difficile de le dire,
mais nous ne pouvions taire cette manifesta-
tion de l'art en France.
Les tapisseries proprement dites ont été
fréquemment confondues avec les broderies
et les étoffes brochées.
Nous devons mentionner tout d'abord la
célèbre fabrique d'Aubusson, qui nous a
donné un si grand nombre de tapisseries à
personnages et à portraits. Une légende nous
dit qu'elle fut fondée au vinc siècle. Cette opi-
nion a été reprise par M. Perathon dans son
écrit sur les Manufactures d'Aubusson.
Quoi qu'il en soit, la réputation des ma-
nufactures d'Aubusson fut grande , et ce
n'est qu'au xvue siècle que cette ville perdit
sa renommée.
Aubusson produisit surtout les tapis dits
Sarrasinois, qui étaient une sorte de broderie.
On les trouve mentionnés dans les Inven-
taires de Charles VI , cités par M. Lacor-
daire. (Notice historique sur les Gobelins et
la Savonnerie.)
Ce n'est guère que vers le XIe siècle que l'on
86 Histoire du Portrait.
commença à exécuter, en France, les tapis-
series proprement dites.
D'après Labbe, saint Angelme de Nor-
wège, évêque d'Auxerre, avait fait ouvrer de
nombreux tapis pour son église.
Vers (g85), d'après Martenne, les religieux
de l'abbaye de Saint-Florent de Saumur tis-
saient, eux-mêmes, des tapisseries dans leur
monastère. Cette manufacture dura même
plusieurs siècles. Il est très probable qu'en
dehors des fleurs et des animaux représentés
sur ces ouvrages, les religieux de Saint-Flo-
rent abordèrent la figure dans leurs travaux.
Vers (i025), une manufacture de tapisserie
fut établie à Poitiers.
Pour soutenir la concurrence et pour lutter
contre les tapis Sarrasinois, les ouvriers du
nord de la Flandre abordent, dans le xn° siè-
cle, la tapisserie historiée.
Ainsi donc, à Poitiers, — à Arras , — à
Reims, — on fabriquait des tapisseries desti-
nées aux Rois, aux Empereurs et aux églises,
car ces ouvrages étaient d'un prix fort élevé.
Mais, d'après M. Jules Labarte, les tapisseries
Du Portrait dans les tapisseries. 8 y
' historiées ne devinrent communes en France
qu'au cours du xiue siècle.
En (i3o2), les tapissiers Sarrasinois veulent
empêcher les « ouvriers de haute lisse » d'exer-
cer leur métier, et une ordonnance dut les
incorporer dans la maîtrise des tapissiers. —
(Depping, Règlem. des arts et métiers de Pa-
ris, 1837.)
Au cours du xivc siècle , les inventaires in-
diquent de nombreuses tapisseries historiées
qu'il serait trop long de citer.
En (1348), le duc Jean de Normandie achète
« un drap de lainne, auquel estoit compris le
vieil et nouvel Testament, » fabriqué par
Amaury de Goire, tapissier à Paris (d'après
J. Labarte).
Du reste, au xivc siècle, les tapisseries for-
maient une partie importante du mobilier.
L'inventaire de Charles V comprend de nom-
breux « tappiz à y mages. » (Ms., Bibl. Nat.,
n° 8356.)
Paris avait ses tapissiers; en (1 391), Nico-
las Colin-Bataille, tapissier et bourgeois de
Paris, vendait au duc d'Orléans « un drap
88 Histoire du Portrait.
de haulte lice de l'ystoire de Theseus et
de l'Aigle d'or, » et en (1396), « trois tapis
de haute lisse historiés. » En (1396), Lebou-
rebien était tapissier fabricant à Paris. (Cités
par M. de Laborde. Ducs de Bourgogne ,
tome III.)
Mais c'était surtout à Arras que les œuvres
considérables étaient exécutées, et cette ville
semble fabriquer plus exclusivement les ta-
pisseries de haute lice historiées.
Philippe le Hardi (1384- 1404) faisait ache-
ter à Arras, pour la somme de 700 livres, un
drap de haute lice, ouvré en or, ayant 36 au-
nes de long, représentant l'histoire des Ver-
tus. — Du reste, ce prince, dès (1 383), enga-
geait des ouvriers à son compte, et son trésor
renfermait des tapisseries historiées si nom-
breuses, qu'un officier spécial était préposé à
leur conservation. (De Laborde, Ducs de
Bourgogne, tome I.)
En (1389), Jean de Croisettes, demeurante
Arras, vend au duc de Touraine, « pour
l'hostel de Beauté, un tapis sarrazinois à or,
de l'histoire de Charlemaigne. »
Du Portrait dans les tapisseries. 8g
En (1419), Jean sans Peur acheta, pour
400 livres, une pièce représentant des por-
traits d'Evêques, d'Archevêques et de Rois,
ou l'Union de la sainte Église. — L'inventaire
de Philippe le Bon comprend une tapisserie
avec le portrait de feu duc Jehan et de sa
femme, tant à pied qu'à cheval. (De Laborde,
id., tome II.)
Nous avons dit plus haut que , dès le
xme siècle, on commençait à orner les châ-
teaux et les églises avec des tapisseries à per-
sonnages.
Plus tard, les tapisseries de haute lice for-
mèrent une partie importante du mobilier,
nous l'avons vu encore, mais ces œuvres ne
pouvaient être achetées que par les princes,
les nobles et les riches églises, car leur prix
était fort élevé.
Toutes ces tapisseries ne sont pas parve-
nues jusqu'à nous ; celles qui subsistent sont
disséminées dans les musées, dans les collec-
tions, un peu partout : quelques-unes offrent
un grand intérêt.
Le musée de Dijon possède une tapisserie
go Histoire du Portrait.
représentant le siège de cette ville par les
Suisses ; on y trouve des portraits.
Nous devons indiquer encore les tapisse-
ries de Montpezat, provenant de la cathé-
drale de Montauban, qui datent du xve siècle;
ces tapisseries, données par Tévêque Desprez,
représentent, en seize tableaux, l'histoire de
saint Martin de Tours.
On possède également des tapisseries à
personnages dans la cathédrale de Sens, dails
celles de Beauvais et de Reims. — Autrefois,
la tapisserie de la reine Mathilde servait
au décor de la cathédrale dans les jours
de fête.
M. Jubinal a décrit cette tapisserie de haute
lice, qui représente allégoriquement Char-
les VIII et Anne de Bretagne sous les traits
d'Assuérus et d"Esther. (Rech. sur lesTapiss.
à personnages.) — Millin avait publié la gra-
vure de cette œuvre. (Voyage dans le Midi
de la France, tome III.) — On croit que ce
beau travail avait été exécuté à Bruges, sur
les dessins d'un élève de Jean Van Eyck.
Déjà la tapisserie dite du Sacre de Char-
Du Portrait dans les tapisseries. <ji
les VI donnait une série de portraits des an-
ciens rois de France.
Nous avons encore une magnifique tapis-
serie du xvie siècle, représentant le mariage
de Louis XII et d'Anne de Bretagne.
François Ier, désireux de restaurer en France
l'art des tapisseries historiées, créa en ( 1 5 3 9 ) ,
à Fontainebleau, une manufacture de tapis-
series de haute lice. — Philibert Babou, sieur
de la Bourdaizière, et Sébastien Serlio , le
peintre, furent chargés de la direction de cet
établissement royal. Sous Henri II, nous
trouvons Philibert Delorme, directeur de
Fontainebleau.
Henri II créa encore une seconde fabrique
dans l'hospice de la Trinité à Paris.
Les deux rois s'imposèrent des charges
considérables pour la prospérité de ces établis-
sements. (De Laborde, Études sur le xvic siècle. 1
Dans la fabrique de la Trinité fut exécuté,
sur les dessins de Lerambert, au nombre de
trente-neuf, le portrait de Catherine de Médicis,
sous l'emblème de la reine Artémise. — Cette
tapisserie historiée avait 4 mètres de hauteur
<)2 Histoire du Portrait.
et soixante-trois aunes de long. — Dans une
autre il retraça l'histoire allégorique de Marie
de Médicis.
En (i 594), sur les dessins du même Henry
Lerambert, un maître tapissier de la Trinité,
Du Bourg, exécuta trente-deux tapisseries pour
Saint-Merry. — Ces tapisseries comprenaient
des portraits, puisque dans Tune était figuré
Pierre Guiche, curé de cette paroisse.
Sous Charles IX fut établie à Tours la fa-
brique de tapisseries, qui donna, en dix-sept
pièces historiées, tous les faits du règne
d'Henri III.
La manufacture de Cadillac donna égale-
ment, dans une tapisserie, l'histoire et le por-
trait d'Henri III, et dans d'autres encore
l'histoire de plusieurs de nos rois.
Nous arrivons à la période la plus intéres-
sante de l'histoire du portrait dans les tapis-
series, car nous devons parler de la famille
de Jehan Gobelin Ier.
Jehan Gobelin a donné son nom à la manu-
facture française qui créa tant de chefs-
d'œuvre et qui nous a laissé tant de portraits.
Du Portrait dans les tapisseries. ry.y
Presque tous nos grands artistes ont tra-
vaillé pour cette manufacture royale. Charles
Lebrun dessina les cartons de l'histoire de
Louis XIV, pour les Gobelins. — Cette ma-
nufacture fit aussi des tapisseries-portraits
pour le surintendant Fouquet.
Charles Coypel commença en (171 5) plu-
sieurs grands tableaux faisant suite à l'histoire
de Louis XIV. Oudry donna quatre tableaux
des chasses de Louis XV.
Pendant que Leclerc dirigeait les Gobelins,
il employa comme peintres : de Troy, — Ber-
tout, — Jouvenet, — Charles Coypel ; — on
exécuta alors beaucoup de portraits, qui ajou-
tèrent à la renommée de la célèbre manu-
facture.
Vincent donna les cartons de cinq tapisse-
ries :
— Sully aux pieds d'Henri IV. — Henri IV
prenant congé de Gabrielle. — Évanouisse-
ment de la belle Gabrielle. — Henri IV sou-
pant chez le meunier Michaut. — Henri IV
faisant entrer des vivres dans Paris.
Menageot dessina pour la même manufac-
g4 Histoire du Portrait.
ture la mort de Léonard de Vinci; — Barthé-
lémy donna le siège de Calais, — la reprise
de Paris par le connétable de Richmond, —
Martel, prévôt de Paris, tué d'un coup de
hache par Maillard , au moment où il va
livrer les clefs de la ville au roi de Navarre.
Les Gobelins nous ont encore donné la
mort de Coligny, d'après Suvée. — Les hon-
neurs rendus par les ennemis à Duguesclin
après sa mort, d'après Brenet. — La conti-
nence de Bayard, d'après Rameau.
Sous le premier Empire, la plupart des
grandes compositions de cette époque furent
exécutées en tapisserie.
Gros, — David, — Girodet, — Guérin, — ■
Gérard, — allaient dans les ateliers des Gobe-
lins surveiller eux-mêmes l'exécution de leurs
cartons. — Dans presque toutes ces tapisse-
ries, il y avait des portraits de l'Empereur,
des maréchaux, des grands personnages fran-
çais et étrangers de cette époque.
Il ne sera pas inutile de citer quelques-uns
des portraits donnés dans les tapisseries faites
en (i833).
Du Portrait dans les tapisseries. ç5
Ainsi les portraits d'Henri IV, de Saint
Louis, du roi d'Angleterre et des barons
anglais.
François Ier d'après Rouget, et plusieurs
portraits d'après Abel de Pujol, Guérin et
Horace Vernet.
Le portrait de Louis XVI, d'après Collet;
celui de Marie-Antoinette, d'après M'"e Le Brun;
les portraits de Louis XVIII, d'après Robert
le Fèvre ; de Charles X, d'après Gérard ; de
Madame la duchesse de Berry et de ses enfants,
d'après le même.
On peut le dire, dans notre merveilleuse
manufacture des Gobelins, il a été fait des por-
traits d'une exécution si admirable, que les
artistes et les visiteurs se trompent parfois,
lorsqu'ils parcourent la galerie d'Apollon.
Là sont figurés Pierre Lescot, — Androuet
du Cerceau, — Jean Bullant, — André Le-
nôtre, — Francesco Romanelli, — Jacques
Lemercier, — Jean Goujon, — Charles Lebrun,
— Etienne Duperac, — André Anguier, —
Germain Pilon, — Jacques Sarazin, — Eus-
tache Lesueur, — Claude Perrault, — Fran-
b6
Histoire du Portrait.
çois Girardon , — Visconti , — Percier, —
Mignard, — Hardouin, — Mansard, — Phi-
libert Delorme, — G. Coustou, — An. Coyze-
vox, — Nicolas Poussin.
Combien prennent pour des peintures ces
portraits en tapisserie des Gobelins ?
La France seule possède une telle manu-
facture et sa gloire est sans rivale.
:.
CHAPITRE VI
DU PORTRAIT DANS LES DESSINS, PASTELS
ET MINIATURES
ue nos artistes aient excellé dans
Tart du portrait, tout le démon-
tre; l'étude de leurs travaux dans
le dessin, dans le pastel, dans la
miniature, indique suffisamment que TÉcole
française fut, dans ces différents genres,
absolument remarquable.
Beaucoup de ces artistes ont également
travaillé le dessin, le pastel et la miniature;
aussi nous suivrons dans cette étude Tordre
chronologique, indépendamment du genre
dans lequel l'artiste se sera exercé.
7
jS Histoire du Portrait.
Mentionnons d'abord un grand dessin sur
soie, ayant servi de parement d'autel. Cette
composition, de la fin du xive siècle, est en-
tourée d'encadrements historiés : à gauche
et en bas, le roi Charles V est agenouillé,
les mains jointes, couronne en tête ; il est de
profil et tourné vers la droite ; en face est la
Reine, Jeanne de Bourbon, agenouillée, tour-
née vers la gauche et regardant le Roi.
Nous possédons encore une miniature sur
vélin du xve siècle : elle représente sainte
Geneviève de Paris : la grande beauté et la
finesse de ce travail pourraient le faire attri-
buer à Foucquet.
Une autre miniature sur vélin nous donne
les portraits de Charles le Chauve et de Gé-
rard de Bouillon.
Ce n'est qu'avec le xvie siècle que l'École
française sait faire preuve d'un grand talent
dans le dessin, le pastel et la miniature. Jus-
que-là les œuvres sont rares, les artistes sont
peu nombreux et semblent hésiter encore.
La méthode paraît leur faire défaut ; quel-
ques belles œuvres isolées, il faut le dire,
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. (j<)
attestent un progrès réel, mais il n'y a pas
encore d'Ecole française, de genre français
nettement défini.
Avec le xvie siècle, nous trouvons François
Clouet.
Nous avons consacré une longue étude à
cet artiste dans notre chapitre sur la Pein-
ture ; cependant nous dirons quelques mots
de ses admirables dessins, qui sont répandus
dans le monde entier, à Londres et surtout
à Vienne.
Au Louvre, nous ne possédons qu'un ou
deux dessins authentiques de François Clouet
Une miniature sur vélin représente Fran
çois Ior, roi de France; il est vu de pro
fil, et tient d'une main une masse d'armes
son cheval est de couleur isabelle et capara
çonné de rouge, avec un plumet sur la tête
Du même artiste nous avons encore un
portrait de vieillard et un buste de femme.
On attribue à Clouet, mais sans aucune
certitude, les portraits de Catherine de Mé-
dicis qui sont à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève; les crayons d'Elisabeth d'Autriche et
zoo Histoire du Portrait.
de Maximilien sont également de François
Clouet.
Daniel du Monstier (maître peintre en
crayons) a fait le portrait du duc de Longue-
ville aux crayons rouge, noir et au pastel.
La tète est achevée , mais la collerette n'est
qu'indiquée. Le duc est presque vu de face,
un peu tourné à gauche ; la moustache re-
troussée et la royale sont rousses, les cheveux
sont d'un blond pâle.
Le portrait de N. Brulart, marquis de Sil-
lery, chancelier de France , est un crayon
très terminé, à la pierre noire, à la sanguine
et au pastel, assurément Tune des plus belles
œuvres de Daniel du Monstier.
Malherbe veut bien nous apprendre, dans
une lettre (du 12 novembre 1607), que Daniel
du Monstier avait fait son portrait; il écrit
encore à Peirex : « Si vous venez ici, vous
verrez un miracle d'un crayon du feu roi,
fait par le sieur du Monstier, qui est si bien
que je vous jure que je ne le vois jamais
qu'il ne me semble qu'il veuille parler à moi,
il fait son compte qu'il y en aura une copie
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 101
pour vous, mais que vous vous souveniez de
je ne sais quelle tortue que vous lui avez
promise... »
La manière de Daniel du Monstier est bien
connue ; le nombre des crayons du maître,
venus jusqu'à nous, est considérable et justifie
les éloges de Malherbe.
La seule bibliothèque Sainte-Geneviève en
possédait environ quatre-vingts, signés ou non
signés ; la date la plus moderne d'un de ces
crayons est de (1644); c'est le portrait de
l'abbé de Saint-Cyran.
Du reste les du Monstier forment toute
une génération d'artistes. Pierre du Monstier
a donné plusieurs portraits, ainsi qu'Etienne,
fils aîné de Daniel. Un autre fils de du Mons-
tier, Nicolas, était logé au Louvre et membre
de l'Académie, il a laissé le portrait d'Errard.
Antoine du Monstier avait exécuté le portrait
de Nicolas Coeffeteau, évèque de Marseille.
Enfin, nous avons les portraits de Louis XV
et de Marie Leczinska, chacun dans un ovale,
de profil, se regardant, qui portent la signa-
ture de C. du Monstier.
102 Histoire du Portrait.
Antoine Caron, néàBeauvais (i 5 1 5), a des-
siné au crayon un certain nombre de person-
nages illustres.
La Bibliothèque nationale possède une cu-
rieuse et remarquable suite de dessins de ce
maître, connue sous le nom d'Histoire d'Ar-
témise. — Catherine est représentée sous les
traits d'Artémise; — Henri II, sous le per-
sonnage de Mausole ; — Charles IX, sous
celui du roi Lygdamis, fils d'Artémise. —
Le sacre du jeune roi représenté est évi-
demment celui de Charles IX. Ce dessin, qui
porte la signature du maître, a fait partie de
la collection Çrozatier.
La Bibliothèque possède encore un beau
crayon représentant Caron très âgé.
La réputation de François Quesnel fut
grande et ses crayons sont souvent confondus
avec ceux de Janet.
La Bibliothèque possède deux dessins signés
de Quesnel : l'un est un portrait d'homme;
l'autre, celui de Gabrielle d'Estrées.
On peut attribuer encore à Quesnel les
portraits de : Henri IV coiffé d'un chapeau ;
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. io3
— celui du même roi portant la cou-
ronne ; — ceux de Marie de Médicis; —
de la princesse de Conty; — de Louise de
Lorraine.
Le portrait de F. Quesnel est remarquable;
il attache par son air tout simple et rempli
de bonhomie.
Les frères de Quesnel ont aussi beaucoup
produit.
Nicolas a laissé un bon crayon rouge et
noir sur papier gris (1574); c'est le portrait de
son père, Pierre Quesnel.
Nous avons de Bellangé cinq crayons rouge
et noir rehaussés d'or sur vélin, qui repré-
sentent :
— Henri II ; il est de profil, tourné à gauche,
la tète ceinte d'une couronne ;
■ — Le portrait de Charles IX, de face, por-
tant collerette et toque à plume ;
— Portrait d'Henri III; il est vu de trois
quarts, tourné vers la gauche, coiffé d'un
petit bonnet orné sur le milieu d'une aigrette
de plumes blanches, et portant l'ordre du
Saint-Esprit.
104 Histoire du Portrait.
— Un portrait d'homme, en armure et
coiffé d'un casque à plumes ;
— Portrait de Marie Stuart; elle est vue
de trois quarts, tournée vers la droite. La
coiffure, les manches et le corsage sont ornés
de bijoux en or.
Nanteuil (Robert), déjà célèbre comme gra-
veur, abandonna le burin de (1645 à 1648),
et fit des portraits d'après nature, à la plume
et à la pierre de mine.
C'est à Paris, en (1648), qu'il étudia le genre
du pastel. Il fit à la même époque, au poin-
tillé, les portraits de Pierre et de Jacques
Dupuy.
Nous avons de Nanteuil un magnifique
portrait du duc de Bouillon, neveu de Tu-
renne et grand chambellan : ce portrait, à
la mine de plomb , sur vélin , est signé :
« R. Nanteuil faciebat (i658) ».
Nanteuil donna ensuite le portrait au pas-
tel de Turenne; il est vu de trois quarts,
tourné à droite, regardant vers la gauche;
longs cheveux gris, petites moustaches, cui-
rasse, rabat de dentelles.
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. io5
M. de Furetière est représenté en buste de
trois quarts; ce dessin de Nanteuil est à la
mine de plomb. On lit sur ce dessin les deux
inscriptions suivantes, qui paraissent de la
même main : — « Robert Nanteuil ad vivum
delinea... » et « M. Antoine Furetière, né à
Paris le... (1620), décédé (le 14 may 1688). »
De Nanteuil encore le portrait de Louis de
Bailleul, président à mortier au Parlement de
Paris. Ce dessin est à la mine de plomb.
On possède plusieurs autres portraits de ce
maître au Louvre, mais on n'a pas les noms
des personnages représentés.
Mentionnons un pastel remarquable, le
portrait de Dominique de Ligny, évêque de
Meaux, en camail bleu, à rabat blanc uni.
Nanteuil nous a laissé les portraits dessi-
nés ou gravés : de Lamothe-Levayer ; — de
Marie de Bragelonne; — de Chapelain; —
de Jean Loret ; — de Marolles; — de Guer-
sault ; — de Barillon ; — de Morangis; — de
V. Le Bouthillier ; — de Bochart de Saron ;
— du jeune duc de Bouillon.
Tous des chefs-d'œuvre.
s
iob Histoire du Portrait.
Lagneau ou Lanneau « peintre aux crayons »
nous a laissé une quantité considérable de
dessins ; ces portraits n'ont pas la finesse
d'exécution qui caractérise les œuvres de son
contemporain Daniel du Monstier. Lagneau
travaille dans une région inférieure de Fart.
Il n'est pas un amateur qui puisse hésiter
sur le nom de l'auteur, lorsqu'il voit ces
visages lourds et grossiers, barbouillés de
rouge, estompés de fusain et souvent de pastel.
Indiquons cependant, parmi les œuvres de
Lagneau, un beau portrait d'Henri IV, appar-
tenant à M. Gatteaux.
Le Louvre possède une dizaine de crayons
de ce maître, malheureusement il est impos-
sible de mettre un nom sur toutes ces figures.
Presque tous ces portraits sont à la pierre
noire et à la sanguine, avec quelques touches
de pastel.
Nous avons quelques portraits dus au
crayon d'Antoine Coypel : une tête de jeune
fille vue de trois quarts et tournée à droite,
aux crayons rouge et blanc, avec quelques
touches de crayon noir, sur papier gris;
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. toj
Une tête d'enfant au pastel sur papier gris ;
puis encore une tête de jeune fille, dans le
même genre.
De Le Brun, nombre de crayons et de
pastels.
Portrait de Louis XIV, vu de profil et tourné
à gauche. Ce pastel est fin ; on retrouve dans
sa composition ce grand air que Le Brun
sait si bien donner à tout ce que fait son pin-
ceau ou son crayon.
Il existe au Louvre beaucoup de portraits
de Louis XIV faits par ce maître ; presque
tous sont au pastel, sur papier gris.
Arrêtons-nous devant un portrait qui a un
certain intérêt historique : c'est celui de la
marquise de Brinvilliers, fait d'après nature
en (1676), au moment où elle allait être jugée.
Ce dessin est aux trois crayons, avec quelques
touches de pastel, sur papier gris.
Les traits de la marquise sont altérés par
les transes de la torture, elle tient un crucifix
à la main, et le prêtre lui présente un cierge.
De Le Brun nous avons encore ces grands
dessins qui représentent Louis XIV à cheval,
io8 Histoire du Portrait.
donnant des ordres avec sa canne. — Des-
sin à la pierre noire, rehaussé de blanc, sur
papier gris; mis au carreau, H. 2m,3()o,
L. 2m,o6o.
Du même maître, ce dessin qui reproduit
le Roi en Empereur romain, et une quinzaine
de portraits du même souverain dans les
attitudes les plus variées, assis, debout, à
cheval.
Le Brun se fit parfois aider par Van der
Meulen. Cette collaboration nous a laissé
plusieurs dessins; l'un, à la pierre noire et à la
mine de plomb, lavé à l'encre de Chine, re-
présente Louis XIV à son départ pour la
guerre.
Un autre, Louis XIV qui revient à la tête
de son armée. — Nous avons encore : l'Entrée
de Louis XIV et de Marie-Thérèse à Douai,
en juillet (1667) ; — le Roi inspectant la tran-
chée devant Douai (1667), et Louis XIV de-
vant Utrecht (24 juin 1672).
« La Tour mettait peu de temps à ses por-
traits, il ne fatiguait pas ses modèles, les fai-
sait ressemblants, et n'était pas cher. La
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. iog
presse était grande, il devint le peintre ba-
nal. » Voilà ce que Mariette nous apprend
du maître.
La « presse était grande ! » soit ! mais ceci
nous semble un éloge : la presse serait encore
bien plus grande de nos jours, car jamais La
Tour ne sera remplacé !
La Tour semble avoir eu le don naturel
de faire ressemblant, mais ce fut par son
travail que l'artiste parvint à ce but.
Écoutons Diderot : « Il m'avoua qu'il de-
vait infiniment aux conseils de Restout, le
seul homme du même talent qui lui eût paru
vraiment communicatif; que c'était ce peintre
qui lui avait appris à faire tourner une tète et
à faire circuler l'air entre la figure et le fond,
en reflétant le côté éclairé sur le fond, et le
fond sur le côté ombré ; que, soit la faute de
Restout, soit la sienne, il avait eu toutes les
peines du monde à saisir ce principe malgré
sa simplicité : que lorsque le reflet est trop
fort ou trop faible, en général, vous ne rendez
pas la nature; que vous êtes faible ou dur et
que vous n'êtes plus vrai ni harmonieux. »
110 Histoire du Portrait.
C'était donc .par le travail que La Tour
avait conquis le secret du grand art ; mais que
de luttes pour arriver à rendre la nature,
rester vrai et harmonieux !
Les qualités immenses de La Tour sont
justement appréciées, il nous semble, dans ce
passage de MM. de Concourt :
a La Tour fut le dessinateur le plus grand,
le plus fort, le plus profond de toute l'École
française, le dessinateur physionomiste ; ce
pastelliste tout nouveau s'élève à la puissance,
à la solidité, à toutes les énergies d'effet avec
ces crayons de tendresse et de caresse, uni-
quement faits, semble-t-il, pour exprimer le
pulpeux du fruit, le velouté de Tépiderme,
le « duvet » des habillements du temps ; le
voilà ce créateur du pastel qui, de cet art de
femme, s'adressant à la femme, de cette pein-
ture de coquetterie flottante, à demi fixée, vo-
latile, pareille à la poussière de la grâce, tire
et fait lever un art mâle, large et sérieux, une
peinture d'une telle intensité d'expression,
d'un tel relief et d'une telle illusion de vie,
que cette peinture arrive à menacer, à inquié-
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 1 1 1
ter toute l'autre peinture, et qu'un moment les
portes de l'Académie se ferment par peur du
génie du grand maître. »
On ne saurait mieux dire.
Il nous est impossible de donner toute
l'œuvre de La Tour, mais nous citerons ses
principaux portraits.
Au Louvre , nous avons : le portrait de
Louis XV; — celui de Marie Leczinska ; —
ceux de Louis de France, fils de Louis XV,
à l'âge de huit ou dix ans ; — de Marie-Jo-
sèphe de Saxe ; — du maréchal de Saxe.
— Le portrait en pied de Mme de Pompa-
dour; — de Siméon Chardin; — de René
Fremin, sculpteur; — enfin, le portrait du
maître lui-même.
La Tour donne, en (1737), le portrait de
Mme Boucher; — en (1738), celui de Restout
et de Mlle de la Boissière; — de Bachaumont
( 1 740) ; — du duc de Villars ( 1 743) ; — du Roi
et du Dauphin (1745); — du duc d'York et
de plusieurs autres personnes (1747); — du
marquis de Montalembert, de Watelet, de La
Condamine et de Rousseau (1753); — de la
Histoire dit Portrait.
marquise de* Pompadour (5 pieds 1/2 de
haut) (1757).
En (1761), Diderot écrit dans son Salon :
« Les pastels de M. La Tour sont toujours
comme il sait les faire. Parmi ceux qu'il a
exposés cette année, le portrait du vieux Cré-
billon, à la romaine, la tête nue, et celui de
M. Laideguive, notaire, ajouteront beaucoup
à sa réputation. »
En (1767), La Tour donne encore les por-
traits de Gravelot, de Voltaire, de Le Moyne,
d'Adam et d'Oudry.
Pour faire la nomenclature exacte des
œuvres de ce grand artiste, il faudrait de
nombreuses pages encore.
« — La Tour nous fait entrer,» dit de Gon-
court, «dans ce merveilleux salon des ressem-
blances, qu'évoquent, d'une cour, d'une so-
ciété, des grands portraitistes comme Holbein
et Van Dyck. De la poussière du pastel, de
cette peinture tombée, pour ainsi dire, de la
poudre de l'époque, il a tiré comme la fragile et
délicate immortalité, la miraculeuse illusion de
survie que méritait l'humanité de son temps. »
Du Port?~ait dans les dessins, pastels, etc. 1 13
Chardin exécuta peu de portraits à l'huile;
encore ces portraits ont-ils disparu; mais à
l'âge de soixante-dix ans, il se mit à faire du
pastel. Ce qui nous a valu deux fois son por-
trait et celui de sa femme. Ils sont au Louvre.
« — Allez à ces deux portraits du Louvre, où
il s'est représenté comme le vieux grand-père
de son œuvre, sans coquetterie, dans le désha-
billé bourgeois, familier, abandonné d'un sep-
tuagénaire, en bonnet de nuit, rabat-jour au
front, les besicles au nez; quelles surprenantes
images !
» Ce travail violent et emporté, ces écrasis,
ces martelages, ces tapotages, ces balafrures,
ces empâtements de crayon , ces touches
semées franches et rudes, ces audaces qui ma-
rient des tons immuables et jettent sur le papier
les couleurs toutes crues, ces dessous pareils
à ceux que le scalpel trouve sous la peau, tout
cela s'harmonise à quelques pas, s'assemble,
se fond, s'éclaire, et c'est de la chair qu'on a
sous les yeux, de la chair vivante qui a ses
plis, ses luisants, sa porosité, sa fleur d'épi-
derme. »
9
114 Histoire du Portrait.
Voilà Chardin nous donnant son image :
l'artiste devait être vert encore, quand il tra-
çait une œuvre pareille à l'âge de soixante-dix
ans. Mais ce n'est qu'un des côtés du pastel-
liste; ce vieillard va nous surprendre encore.
« — C'est dans le portrait de sa femme qu'il
révèle tout son feu, toute la puissance de sa
verve, la force et la fièvre de son exécution
inspirée. Jamais la main du peintre n'eut plus
de génie que dans ce pastel, plus d'audace,
plus de bonheur, plus d'éclairs. De quelle
touche furieuse, chargée, solide, de quel crayon
libre, fouetté, sûr dans les hasards mêmes,
affranchi des hachures dont jusque-là il a
amorti son tapage ou raccordé ses ombres,
Chardin attaque le papier, réraille, lui enfonce
le pastel! Comme il y amène au jour, victo-
rieusement, ce visage de la vieille Marguerite
Pouget, enveloppée jusqu'au coin des yeux de
cette coiffe presque monastique si souvent
répétée dans ses figures!... Chardin exprime
tous les signes de la vieillesse, il en donne la
sensation et presque l'approche, avec ce
crayonnage inimitable, insaisissable, qui met,
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 1 15
on ne sait comment, le souffle de la personne
sur les lèvres de son portrait, le tressaillement
du jour dans le dessin d'une physionomie. Et
comment surprendre, comment dire de quoi
est faite cette bouche démeublée qui tourne,
qui plisse, qui se retire, qui respire, qui a
toutes les infinies délicatesses de ligne , de
courbe, d'inflexion d'une bouche? Cela n'est
fait que de quelques traînées de jaune et de
quelques balayures de bleu. » (De Goncourt,
Les Peintres du xvme siècle.)
Nous sommes heureux que Chardin ait fait
des chefs-d'œuvre; mais on nous saura gré
d'avoir reproduit de semblables pages! Le
pastel de Chardin est puissant, harmonieux,
vivant, mais la plume qui a traduit son œuvre
a su s'élever jusqu'à la hauteur de l'artiste du
xvme siècle. Cette description ne vaut-elle pas
un Chardin?
Perroneau (Jean-Baptiste) doit avoir sa place
à côté de La Tour : l'un et l'autre ont été les
deux plus grands pastellistes français. C'estàses
portraits que Perroneau dut d'entrer à l'Acadé-
mie; les débuts de l'artiste furent très brillants.
iiô Histoire du Portrait.
En (1746), il exposait trois portraits au pas-
tel : ceux du marquis Dambail, — de Drouais,
— et de Gillain, peintre.
Perroneau faisait également des portraits à
l'huile.
Dans le Salon de (1747), on trouve le juge-
ment suivant :
« — Près de ce tableau, on voit un portrait
au pastel, par un jeune homme, M. Perro-
neau, qui est plein d'esprit et de vie; et qui est
d'une touche si vigoureuse et si hardie ,
qu'on le prendrait pour être d'un maître
consommé dans son art. Que ne doit-on
pas espérer de quelqu'un qui marque tant de
talent dans ses premiers ouvrages! » (Lettre
sur le Salon de (1747), par l'abbé Leblanc,
page 98.)
Au Salon de (1748), même succès : « Je crois
que Ton peut parler de M. Perroneau après
M. La Tour. Il suit ses traces de fort près, et
probablement doit prendre un jour de ses
mains le sceptre du pastel, lorsque celui-ci,
satisfait de la grande multitude de ses
triomphes, songera enfin à se reposera l'ombre
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 1 1-
de ses lauriers. » (Salon de (1748), par le comte
de R., page 16.)
Diderot écrira dans le Salon de (1767) :
« — Lorsque le jeune Perroneau parut, La
Tour en fut inquiet, il craignait que le public
ne pût sentir autrement que par une comparai-
son directe l'intervalle qui les séparait. Que
fit-il? Il proposa son portrait à peindre à
son rival, qui s'y refusa par modestie...
l'innocent artiste se laissa vaincre à force
d'insistance, et tandis qu'il travaillait, l'ar-
tiste jaloux exécutait le même ouvrage de
son côté. Les deux tableaux' furent achevés
en même temps, et exposés au même Salon.
Ils montrèrent la différence du maître et de
l'élève.
» La Tour est fin et me plaît : homme singu-
lier, mais bonhomme, mais galant homme,
La Tour ne ferait pas cela aujourd'hui, et puis
il faut avoir quelque indulgence pour un artiste
piqué de se voir rabaissé sur la ligne d'un
homme qui ne lui allait pas à la cheville du
pied, etc. »
Au Salon de (1750), Perroneau exposa avec
118 Histoire du Portrait.
quatorze autres portraits celui de La Tour; il
fait partie du musée de Saint-Quentin.
Perroneau a exposé aux divers Salons de :
(1746,— 1747, — 1748, — 1750, — 1751,—
1753,— 1755,— 1757,— 1759,-1763,—
1767, — 1769,— 1773,-1777,-1779).
Dans un Salon de (175 1), imprimé à Ams-
terdam, nous trouvons cette critique sur Per-
roneau :
« — L'illusion est si frappante dans les por-
traits de M. La Tour, qu'il semble que la
nature se soit peinte elle-même , il n'y a rien à
désirer. — Pour bien faire, La Tour n'a qu'à
se ressembler et M. Perroneau qu'à l'imiter :
Ce jeune peintre, qui marche sur ses traces,
« proximus huic, longo sed proximus inter-
vallo, » s'est corrigé sur les ensembles; mais
il s'est négligé sur la couleur; ses têtes sont
touchées avec esprit, mais elles sentent trop
l'esquisse, et je voudrais qu'on ne pût pas en
appeler séparément les couleurs, enfin qu'il
accusât tellement les formes qu'on pût mode-
ler d'après ses portraits, comme on serait en
état de le faire d'après M. La Tour. »
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. i ig
En (1759), Perroneau exposa les portraits de
Vernet , — L. Cars, — et Cochin.
Parfois Diderot n'est pas bienveillant pour ce
peintre : « Il marchait autrefois, » dit-il, « sur
les pas de La Tour; on lui accorde de la force
et de la fierté de pinceau. Il me semble qu'on
n'en parle plus. » (Salon de 1763.)
Dans le Salon de (1765), il écrira : « Parmi
les portraits de Perroneau , il y en avait un de
femme, qu'on pouvait regarder, bien dessiné,
et mieux dessiné qu'à lui n'appartient, il vivait
et le fichu était à tromper. »
Enfin dans le Salon de (1769) le malin criti-
que décoche ce nouveau trait :
« — Ce tapissier de Chardin est un espiègle
de première force, il est enchanté quand il fait
quelques bonnes malices.... en apposant face à
face les pastels de La Tour et ceux de Perro-
neau, il a interdit à celui-ci l'entrée des Sa-
lons. »
Perroneau ne sera pas plus heureux; si
Bachaumont le compare à La Tour, le juge-
ment de l'écrivain sera bien dur, et Bachau-
mont écrira :
120 Histoire du Portrait.
« Le genre de perfection le distingue infini-
» mentdu pastel cru, dur, rembruni de M. Per-
» roneau, dont les portraits à l'huile ont aussi
» un caractère de rudesse qui doit l'exclure à
» jamais de peindre les grâces, mais qui le
» rend très propre à tracer les rides de la vieil-
» lesse, la peau tannée d'une paysanne, ou la
» morgue d'un Turcaret.» (Lettre sur le Salon
de 1769.)
Tout cela nous semble exagéré et assez in-
juste, car la gloire de La Tour ne doit pas nous
empêcher d'admirer les magnifiques pastels de
Perroneau et de rendre hommage à son talent,
qui fut considérable.
Vivien, élève de Lebrun, se consacra tout
spécialement au portrait, soit à l'huile, soit au
pastel. Comme Nanteuil, il exécuta des pastels,
grandeur nature. Un large faire, une grande
pureté de coloris, l'exactitude dans les acces-
soires et dans les draperies caractérisent la ma-
nière de Vivien.
Ce artiste entrait à l'Académie, le (28 juin
1698), comme peintre de portraits au pastel.
En (170 1) il exposa dix-huit grands pastels,
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 121
entre autres l'Électeur de Bavière, — la Com-
tesse cTArco, — le sculpteur Van Clève. —
Vivien était peintre du Roi et de l'Électeur de
Cologne.
Le Louvre conserve de cet artiste le portrait
du duc et électeur de Bavière, Maximilien-
Emmanuel, et celui du duc de Bourgogne vu
de trois quarts et tourné à gauche.
Girardon est représenté à mi-corps, la main
gauche sur une tête de femme en marbre, la
main droite ouverte. Il a le col et une partie de
la poitrine découverts, un manteau violet; les
boucles de la perruque tombent sur ses
épaules, il est presque de face, tourné à droite.
On voit aussi dans notre galerie nationale le
portrait de Robert de Cotte, architecte, et celui
du duc d'Anjou, qui sont également de
Vivien.
Marie- Suzanne Giroust , femme Roslin,
peintre de portraits au pastel , née à Paris , eut
l'honneur d'entrer à l'Académie le (icr janvier
1770); son morceau de réception fut le portrait
de Pigalle; elle donna encore celui de Dumont
le Romain.
122 Histoire du Portrait.
Les pastels de la jolie Mme Roslin ont de
bonnes et solides qualités; une maladie cruelle
l'enleva trop jeune pour qu'elle eût pu donner
tout ce qu'elle semblait promettre.
Antoine Masson était graveur et peintre de
portraits au pastel.
On a de cet artiste le portrait d'Olivier
d'Ormesson, qui semble tout à fait hors ligne;
— celui de Turenne , grand comme nature , qui
passait pour être très ressemblant ; — celui
encore de Gui Patin.
Il a fait encore une quarantaine de pastels
qu'il a gravés lui-même : tous sont réputés
fort exacts.
En (1785), Perin (Louis) donna les portraits
de la duchesse de La Rochefoucault et celui de
la duchesse d'Orléans. Il faisait également de
très jolies miniatures.
Si l'on veut juger du talent de cet artiste, il
faut étudier avec soin le beau cadre de minia-
tures si variées, si agréables et d'une expres-
sion si juste, donné au Louvre par M. Perin
fils.
Boucher appartient surtout à la peinture;
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 1 23
rappelons en passant qu'il a fait de charmants
dessins et de très fins portraits.
Greuze nous a laissé des gouaches qui sem-
blent tout aussi remarquables que ses plus
belles peintures à l'huile.
Fragonard a fait également des miniatures.
Le Louvre possède de lui un portrait de jeune
femme; le cou est orné d'un collier de perles,
la collerette est ouverte, renversée, relevée
en arrière et ornée d'un ruban bleu.
Un peintre étonnant, ce Fragonard, il excelle
dans tous les genres. — La galerie Lacaze con-
serve quatre portraits de grandeur naturelle à
mi-corps, qui sont de cet artiste. Au dos de l'un,
on peut lire cette notice qui semble écrite par
le maître lui-même :
« Portrait de M. de la Bretich, peint par
» Fragonard en (176g), en une heure de
y> temps. »
« — Une heure! rien de plus, » dit M. de
Goncourt.
« Il lui suffisait d'une heure pour camper,
bâcler et trousser si fièrement ces grands por-
traits où se déploie et s'étale toute cette fan-
124 Histoire du Portrait.
taisie à l'espagnole , dont la peinture d'abord
habille et anoblit les contemporains.
» — A peine s'il jette ses touches, il dégros-
sit à grands coups les visages , les indique avec
les plans d'un buste commencé, tire les traits
comme d'un fond de bile , son pinceau étend
les couleurs en lanières, à la façon d'un cou-
teau à palette; sous sa brosse enfiévrée qui va
et vient, les collerettes bouillonnent et se guin-
dent, les plis serpentent, les manteaux se tor-
dent, les vestes se cambrent, les étoffes s'enflent
et ronflent en grands plis matamoresques. Les
têtes jaillissent de la toile, s'élancent de cette
balayure furibonde , de ce gâchis de possédé et
d'inspiré. »
Qui ne connaît les magnifiques portraits
dlsabey, peintre en miniature, en émail,
peintre sur porcelaine, dessinateur et litho-
graphe?
Dans tous les genres on trouve la même
grâce, le même talent; élève de David, Isabey
renonça bientôt à ces délicieux travaux qui lui
donnaient les moyens de vivre, pour étudier
avec passion l'art plus sérieux de son maître.
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 1 10
La protection du marquis de Sérent, gou-
verneur des Enfants de France, fit appeler
Isabey à l'honneur de dessiner les jeunes ducs
d'Angoulême et de Berry, fils du comte
d'Artois.
La Révolution éclate, et voilà notre peintre
sur le pavé, mais il ne tarde pas à se relever. Il
a plusieurs cordes à son arc, et son talent peut
aborder les genres les plus différents.
Un éditeur lui demande les portraits des
membres de la Constituante; du reste on les
lui a tous attribués, mais à tort, car d'autres ar-
tistes ont collaboré à cette publication, notam-
ment Godefroy, — Perin, — Labadye, —
Moreau, — Gros, — Farlure, — Mulard,
— Duval, — Courbe, — A. Delorme, —
J.-B. Massard.
La Bibliothèque possède encore plusieurs
volumes de portraits de députés dessinés par
Dejabin.
Quoi qu'il en soit, Isabey voit tour à
tour poser devant lui : Mirabeau, — Bar-
rère, — Saint-Just, — Collot d'Herbois, —
Couthon.
I2Ô Histoire du Portrait.
Cet artiste eut un succès énorme aux Salons
de (1793), — (1795), — (1796).
Son invention d'un nouveau genre de des-
sin à l'estompe attirait à lui la foule des
amateurs.
En (i8o5), il fut nommé premier peintre de
l'Impératrice.
Il serait impossible de donner la liste des
portraits exécutés par Isabey; comme nous
l'avons déjà dit, il faisait des portraits peints,
en miniature, dessinés aux différents crayons,
exécutés sur porcelaine ou à l'aquarelle. —
Habile dans tous les genres, homme du
monde, spirituel et élégant, Isabey vit son
atelier devenir le rendez-vous de tous les
hommes marquants de cette époque.
Isabey savait faire gracieux, il excellait à
donner à ses têtes de femmes, si coquettement
enveloppées dans des voiles de gaze, cet air
sentimental et vaporeux qui charmait son
époque romantique.
En (18 10), Isabey envoya au Salon les por-
traits de l'Empereur et de l'Impératrice. — Il
exposait encore une grande porcelaine, repré-
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. 12 y
sentant Napoléon entouré de tous ses maré-
chaux.
Le professeur de dessin de Marie-Louise ne
tomba pas en disgrâce sous les Bourbons;
Isabey exécuta tous les portraits des membres
de la famille royale.
Les livrets des Salons nous apprennent
qu'il dut encore exécuter de nombreux
portraits pour les princes de la famille d'Or-
léans.
Napoléon avait décoré Isabey de la Légion
d'honneur; Louis XVIII le nomma officier;
Louis-Philippe l'éleva au grade de comman-
deur.
Isabey conserva ses facultés, son joyeux
esprit jusqu'à la fin de sa vie (88 ans), et ne
souffrit d'aucune infirmité; artiste plus heu-
reux encore, il ne semble pas avoir éprouvé
de mécompte (sauf qu'il ne fut pas de l'Institut).
Il put jouir, chose rare, de toute la gloire de
son immense réputation.
Son art mondain, gracieux, facile et si
essentiellement féminin, lui procura toutes les
satisfactions, tous les triomphes.
Histoire du Portrait.
Isabey compta beaucoup d'élèves ; nous par-
lerons des principaux.
« Louis Aubry marche à grands pas dans
sa carrière : — Ses portraits sont des garants
du succès qu'il peut se promettre de jour en
jour , » écrivait Diderot , dans son Salon
de(i77i).
Louis Aubry exposa des portraits en minia-
ture à tous les Salons, depuis (1798) jusqu'en
(i833).
Voici le compte rendu d'un des Salons de
cet artiste :
« Cet Aubry qui fait des figures si mi-
gnonnes et si ressemblantes, ne charmerait-il
pas tes yeux....? Aubry fait beaucoup d'hon-
neur à son maître, et il l'imite parfaitement par
la ressemblance et par le moelleux de son pin-
ceau. On voit dans ses figures circuler le sang
et briller les passions
« — C'est un dessin achevé par ses belles
formes, par sa précision et son élégance. C'est
un modèle de beauté, parce que toutes les
parties sont bien dessinées et bien arrangées. »
Le Louvre conserve d'Aubry son portrait
Du Portrait dans les dessins, pastels, ete. i -j(/
donné par sa veuve; parmi les principaux ou-
vrages de cet artiste, on cite les portraits du
roi et de la reine de Westphalie, exposés en
(1810).
Daniel Saint, élève de Regnault et d'Aubry,
occupa un rang parmi les meilleurs artistes en
miniature.
Dans le Pausanias Français (1806), on lit ce
compte rendu , par Chaussard , des œuvres de
Saint :
« — - Après Augustin, M. Saint remporte
sur tous ses concurrents; chacun de ses por-
traits mérite des éloges, et ce qui m'en plaît
davantage, c'est qu'il a varié dans tous et le ton
et la manière, mérite rare chez les peintres en
miniature, dont tous les portraits se ressem-
blent par l'uniformité de tons. »
En(i8io), Saint fit le portrait du prince de
Kourakin et celui de Y Empereur, qui fut en-
voyé , à Vienne , à l'archiduchesse Marie-
Louise.
Il donna plusieurs portraits du roi Charles X
et des principaux personnages de cette
époque.
i3o Histoire du Portrait.
M. Jal écrivait dans son Salon de (1827):
« — Voilà de belles miniatures, les plus
belles du Salon sans contredit : celles-ci sont
de M. Saint, celles-là de Mme de Mirbel. La
touche de M. Saint est large, ne l'est-elle pas
même un peu trop? C'est possible; mais ce
défaut vaut mieux que le contraire.
» Ses portraits ont un bel aspect, le Roi est
ressemblant; je crois, cet officier aussi...
« M. Saint tient toujours le haut bout dans
la miniature...; le portrait d'une dame repré-
sentée en pied et se promenant dans un jardin,
est vraiment digne d'admiration : la figure est
gracieuse, sans manière, d'un ton solide et
agréable, d'un dessin correct, quoi qu'on dise
de la longueur de la jambe gauche. Le paysage
est joliment composé, les accessoires sont
ajustés avec beaucoup de goût. »
Saint exposa à tous les Salons jusqu'en
(1839); il eut une grande vogue.
Il a fait des portraits de Louis-Philippe sous
toutes les formes et dans tous les costumes.
Élève de la nature et de la méditation,
Augustin (J.-B.) donna dès son début une suite
Dit Portrait dans les dessins, pastels, etc. i3i
de miniatures qui furent appréciées; celles
qu'il exposa en (1791), — (1793), - — (1795),
furent très remarquées, elles étaient rendues
avec un fini extrême.
Au Salon de (1796), il exposa son portrait qui
obtint un très grand succès. Dans une satire sur
ce Salon, il était dit :
Augustin, tu t'es surpassé;
Ton portrait est peint comme un ange :
Et Ton peut dire à ta louange,
QuTsabey, seul, t'a devancé.
Dans une autre satire, Critique du Salon ou
les Tableaux en vaudeville, on trouve encore:
Expression et vérité,
Accord de couleurs, harmonie,
Jean-Augustin, en vérité,
A Tivoire a donné la vie :
Il respire le sentiment,
Ce portrait que tout le monde aime :
Pour peindre Fauteur dignement
Je crois qu'il faut être lui-même
Le portrait de Mme Récamier lui valut un
véritable triomphe; le portrait de Chaudet ne
lui fit pas moins d'honneur.
i3-z Histoire du Portrait.
Augustin donna également le portrait de
l'Empereur; ceux de Denon, — de Joséphine,
— de la reine Hortense, — du roi et de la reine
de Hollande, — de la princesse de Schwar-
zemberg; — ceux de Louis XVIII, — des ducs
de Berry, d'Orléans, — et de la duchesse
d'Angoulême.
Dans le Salon de (1804) (Pasquinet Scapinau
Muséum) (1804), nous trouvons ces lignes sur
Augustin :
« — La ressemblance, la vérité, l'effet et la
mollesse des chairs et des draperies dans ses
miniatures, rendaient Augustin bien recom-
mandable dans ce genre où il excelle , car il
approche de la peinture, parce qu'il abandonne
le pointillé. »
Le Pausanias Français (1806) appréciait en
ces termes le talent d'Augustin :
« — On connaît le talent miraculeux de cet
artiste; il s'est surpassé dans le portrait de
l'Empereur..., etc. On regrette que M. Augus-
tin n'ait pas exposé de grandes tètes, ni des
portraits avec des mains. De ceux que Ton voit
à l'Exposition actuelle, deux sont sur émail et
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. i33
quatre en miniature. Ils ont tant d'éclat, de fini,
qu'au premier regard on les croit tous peints
sur émail.
t II faut traiter les miniatures ainsi que
MM. Augustin et Isabey, pour donner quelque
considération à cette manière de peindre, la
plus facile de toutes, comme le prouve cette
quantité de miniatures insipides qui couvrent
toutes les boiseries de la galerie d'Apollon. »
L'incontestable talent d'Augustin lui valut
une éclatante réputation; il forma un grand
nombre d'élèves, parmi lesquels, et au premier
rang, nous devons nommer Mme de Mirbel.
Terminons cet aperçu sur Augustin par un
passage de Durdent, dans le Salon de (1812).
« M. Augustin est de ceux qui peuvent dire :
mon travail est borné, mais ma gloire ne l'est
pas; ses miniatures ont pour le fini quelque
chose de désespérant. C'est là le mot propre,
je m'en rapporte à la plupart de ses émules. »
Fille d'un commissaire de marine, Mlle Li-
zinka Rue entra d'abord dans l'atelier d'Au-
gustin.
Des amis influents tirent connaître au Roi le
i34 Histoire du Portrait.
talent de la jeune artiste, et le portrait de
Louis XVIII figura avec onze autres minia-
tures de personnages au Salon de (1822). —
Ce fut le Roi qui maria la jeune artiste avec le
savant M. de Mirbel.
Chaque Salon était pour elle un nouveau
succès; elle fit des aquarelles, des miniatures,
toutes plus remarquables les unes que les
autres.
Le roi Charles Xposapour elle en (1827).
De (1822 à 184g) tous les hommes célèbres
passent dans son atelier.
Le portrait du duc d'Orléans (1837) fut une
de ses œuvres les plus remarquables.
La critique sut trouver les termes les plus
courtois et les expressions les plus flatteuses
pour Mme de Mirbel , et surtout la critique fut
juste, cette courtoisie suprême pour l'artiste.
M. Jal écrit, dans son Salon de (1827) :
ce — Voilà de belles miniatures, les plus
belles du Salon.
» Mme de Mirbel est une femme de grand
talent , énergie et finesse, grâce et science; elle
réunit les qualités les plus précieuses que
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. i35
puisse avoir un miniaturiste. Le pinceau de
MmL' de Mirbel est essentiellement praticien. »
En (i83i), le même écrivain touche au
lyrisme :
« Ah ! madame de Mirbel, je croyais qu'il
n'était pas possible de faire mieux que le beau
portrait de M. le duc de Fitz- James , exposé
par vous en 1827. Je le croirais encore, ma-
dame, si vous aviez cessé de peindre en 1828.
Vous avez fait l'impossible : le portrait de
M. le président Amy, et dans un autre genre,
celui de M. le comte de M..., sont plus éton-
nants encore.
» Un artiste disait l'autre jour, en présence
de vos miniatures : « C'est un fort joli talent de
» femme ! » Je ne dénoncerai pas ce juge à
votre gaieté : il fut puni sur-le-champ, par un
de vos confrères, artiste d'un mérite notoire,
qui lui répondit : « Je ne connais pas beaucoup
» d'hommes de talent qui ne s'estimeraient
» heureux de changer avec cette femme. » Je
dois dire que ni l'un ni l'autre ne s'occupe de
miniature. »
Ah! monsieur Jal, votre jugement pour-
l36 Histoire du Portrait.
rait nous sembler quelque peu partial; mais
voici un homme grave, M. G. Planche, qui
veut vous donner raison :
Heureuse Mmc de Mirbel, écoutez M. Plan-
che (Salon de 1 83 1) :
— « Mme Lizinka de Mirbel a reculé les
bornes de son art, avec une persévérance in-
fatigable. D'année en année, ses progrès sont
sensibles ; et ce n'est pas une étude médiocre-
ment curieuse, que celle d'une femme qui, ne
pouvant être vaincue que par elle-même,
essaie tous les jours de se surpasser. »
(Salon de 1834) :
— « Les miniatures de Mme L. de Mirbel
sont cette année, comme aux derniers Salons,
d'une irréprochable perfection. Le duc De-
caze et le comte Anatole Demidoff sont des
chefs-d'œuvre de grâce et de vérité. »
(Salon de 1847) :
— « Les miniatures de Mmc de Mirbel sont,
cette année, comme toujours, les plus belles
du Salon. L'élégance, la finesse des tètes, ne
laissent rien à désirer. Les portraits d'Ibra-
him-Pacha, de M. Hir de Busenval, de M. le
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. i3y
comte Pajol, prendront rang, certainement,
parmi les meilleurs ouvrages de l'auteur. Ce
qui assigne à Mme de Mirbel la première
place, ce qui la recommande d'une façon toute
spéciale, c'est la souplesse et la vérité des
chairs. Elle lutte avec la peinture à l'huile,
et parfois il lui arrive de soutenir dignement
la comparaison.
» Elle possède à mes yeux un autre mérite
non moins précieux : le succès ne l'a pas
enivrée, la popularité ne Ta pas éblouie; au-
jourd'hui, comme à l'époque de ses débuts,
elle traite avec le même soin toutes les parties
de son œuvre. Son zèle ne s'est point ralenti ;
elle n'a vu dans la louange qu'un encourage-
ment à mieux faire, et elle s'est efforcée, par
des études persévérantes, de garder son rang.
C'est un bonheur pour le critique de rencon-
trer un talent aussi éminent uni à une volonté
aussi constante. »
Décidément, M. Jal avait raison; du reste
le talent de Mme de Mirbel méritait ces hom-
mages.
Nous avons de Joseph Boze quelques pas-
i3S Histoire du Portrait.
tels assez remarquables: entre autres, celui
du comte d'Orsay; son portrait par lui-même;
ceux du duc d'Angoulême et de Monsei-
gneur de Provence en robe blanche.
Jean Guérin fit beaucoup de miniatures : on
a de lui les portraits de : Mme la maréchale de
Matignon, Louis XVI, Marie-Antoinette.
En (1789), Jean Guérin entreprit une suite
de portraits des députés de l'Assemblée natio-
nale, tels que : Fezensac de Montesquiou, —
J. Pétion, — Mirabeau, — Malouet, — La
Rochefoucault, duc de Liancourt, — duc de
La Rochefoucault, — les frères Lameth, — La
Fayette, — Henri, — Serre, — Freteau, — comte
de Clermont-Tonnerre, — A. Beauharnais,
— Thouret, — Sieyès, — Robespierre, —
J. Rewbel, — P.-L. Rœderer, — Barère.
Enfin, nous citerons en dernier lieu la plus
belle miniature de Guérin : le portrait de
Kléber, son compatriote et son ami : ce dessin
est magnifique, remarquable par l'élan et
l'énergie pleine de feu qui le caractérisent : il
est et restera le portrait historique de l'illustre
général.
Du Portrait dans les dessins, pastels, etc. i'3g
Nous lisons dans les Annales de la Société
libre des Beaux-Arts : — « David professait
pour le beau talent de Guérin une estime par-
ticulière. Sur le point de marier une de ses
filles, il voulut devoir le portrait de la jeune
fiancée au pinceau du célèbre miniaturiste.
Celui-ci, justement fier de ce choix, consentit
volontiers, mais à condition que le peintre
des Sabines poserait lui-même le portrait.
Nous n'avons pas besoin de dire que cet
ouvrage fut un des meilleurs du maître. »
Nous terminerons cette longue étude sur
les artistes portraitistes dans le dessin, le pas-
tel et la miniature, par Mme Guiard, née Adé-
laïde Labrelle ; elle fut élève de La Tour, et
nommée membre de l'Académie en (1782).
Nous avons au Louvre, de Mme Guiard,
le portrait de Madame Victoire, fille de
Louis XV, en robe bleue et fichu de dentelles;
très beau pastel; — celui de Madame Adé-
laïde; — le portrait du peintre Vincent et de
ses deux frères; — ceux de Bachelier et de
Beaufort.
Le portrait de Pajou, sculpteur, est remar-
/_/o Histoire du Portrait.
quàblé ; l'artiste est présenté à mi-corps, le
bras droit est nu ; de la main gauche Pajou
tient l'ébauchoir, et modèle le buste de son
maître Lemoine.
Ce portrait fut le morceau de réception de
Mme Guiard à l'Académie.
Mme Guiard est une artiste qui eut un beau
talent, cela est incontestable; mais il semble
difficile de la comparer avec les artistes qui
l'ont précédée.
Qu'elle est brillante cette école Française
dont nous avons esquissé trop rapidement les
gloires! et quels artistes incomparables la
France a su produire depuis les Clouet !
Cette grâce naturelle qui caractérise nos
œuvres nationales ne se dément jamais ; elle
semble se transmettre avec les âges comme
une marque inséparable qui nous fait une
place à part et toujours privilégiée.
CHAPITRE Vil
DU PORTRAIT DANS LES GRAVURES
— ^gg iu milieu du xve siècle, deux
importantes découvertes avaient
lieu, presque en même temps :
celle de l'Imprimerie vers (1435),
par Gutenberg, et celle de la
Gravure, par Finiguerra, en (1452).
On a prétendu que la Gravure était connue
depuis longtemps en Orient, puisque des étoffes
imprimées, fabriquées dans cette région, étaient
exportées en Europe. — Soit!
Mais pourquoi ne pas dire que Varron, cent
ans avant notre ère , cultiva la Gravure en
creux et connut le moyen de multiplier les
14- Histoire du Portrait.
images, au dire de Pline ? (Hist. nat. , lib. XXXV.
— C. II.)
L'historien chercherait, avec plus de fonde-
ment sérieux et bien plus dé vraisemblance,
l'origine du Portrait dans la Gravure dans la
fabrication des cartes à jouer.
Cette invention est bien française , et les
figures étaient gravées sur bois; les costumes,
qui sont ceux du règne de Charles VII, indi-
quent une date précise, et, comme nous l'avons
dit dans notre Étude sur l'Enluminure, ces
images devaient représenter les personnages
illustres de cette époque.
Il est évident pour nous que Bernard Mil-
nech, auteur de ces splendides gravures, a
voulu faire des portraits.
Nous accordons volontiers que c'est seule-
ment au xvc siècle que l'on trouve des épreuves
de Gravure en Italie, en France et en Alle-
magne.
Mais l'art du Portrait dans la Gravure ne
commence réellement que dans le xvie siècle,
bien que Ton puisse indiquer les quelques es-
sais tentés en France à une époque antérieure.
Du Portrait dans les gravures. 148
Au xvie siècle, les imprimeurs commencent
à mettre en tète de leurs publications le por-
trait soit de Fauteur, soit du personnage illustre
dont il est question dans l'ouvrage. « La Li-
brairie, » nous dit M. A. -F. Didot, « fut la pre-
mière à appliquer la nouvelle invention aux
portraits des auteurs pour en orner leurs ou-
vrages ; c'est donc dans les livres qu'il faut
chercher les premiers travaux de ce genre.
« On s'est d'abord servi de la Gravure sur
bois, qui offre relativement le moins de diffi-
cultés et qui par sa nature se rattache plus
particulièrement à l'impression typogra-
phique. » (A. -F. Didot, Les Graveurs de
Portraits en France, 1875- 1877.)
Mais si nous avions le Portrait, complé-
ment du livre et auxiliaire de l'imprimerie,
on ne peut, réellement, faire commencer l'his-
toire du Portrait isolé qu'à partir du règne
d'Henri IV.
Tel est aussi l'avis de M. Georges Duplessis.
(De la Gravure du Portrait en France, 1875.)
M. Ambr.-F. Didot n'hésite pas à écrire :
« Pour rencontrer dans notre pays des por-
144 Histoire du Portrait.
traits isolés, en dehors des illustrations des
livres , il faut descendre jusqu'au règne
d'Henri IV. » (Les Graveurs de Portraits. —
Introd., page vi )
Dès 1497, nous trouvons en Italie des por-
traits gravés dans les Femmes célèbres (De
claris mulieribus) de Jacques Foresti, ouvrage
imprimé à Ferrare, par Laurent de Rubeis.
Viennent ensuite le portrait de Pierre Arétin,
par Marc Raimondi; — celui de Vesale, dans
son Traité de l'anatomie du corps humain
(Corporis humani fabrica) , publié à Venise
chez B. Vitalis. Le portrait de Vesale était de
Jean de Calcas, éjève du Titien, et cette gra-
vure sur bois est remarquable.
Hans Holbein, en Suisse, donne les portraits
de Thomas Morus (i5i8), — d'Érasme (1 5 19),
— d'Ulrich de Hutten (i536), — de Th. Wyatt
(1538).
Albert Durer, en Allemagne, grave le por-
trait de Maximilien Ier, — de Patenier, — de
Varnbuhler. En Allemagne encore, Lucas
Cranach, Henri Aldegrever publient de re-
marquables gravures.
Du Portrait dans les gravures. /_/5
• Lucas de Leyde, en Hollande, grave en
(i52o), le portrait de Maximilien Ier; Hubert
Goltzius et les Wierix font preuve d'un grand
talent.
Ce n'est qu'en (1 547) que paraît à Paris, chez
J. Gazeau, le portrait de Jean Martin, en tête
de l'édition de Vitruve. En (1548), dans
l'Abrégé d'histoire (Epitome gestorum), publié
à Lyon par B. Arnoullet, on trouve les por-
traits des Rois de France jusqu'à François Ier
(inclusivement).
Le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe
féminin, avec le portrait de Fr. de Billon, son
auteur, est publié à Paris, en (t 555), par Jean
d'Alger.
En tête du Pinax Iconicus, publié à Lyon,
en ( 1 556), par Cl. Baldinus (Beaudouin), se
trouve le remarquable portrait en taille-douce
du graveur Pierre Wœiriot, par lui-même.
« C'est peut-être le premier portrait de ce
genre, en France, » dit M. A. -F. Didot.
En (i56i) paraît à Paris, chez J. Le Royer,
la Méthode curative des playes et fractures de
la teste humaine d'Ambroise Paré; en tête de
14.6 Histoire du Portrait.
l'ouvrage est le portrait du célèbre chirurgien,
gravé sur bois , d'après le dessin de Jean
Cousin.
Dans différentespublications de cette époque,
nous trouvons encore de magnifiques portraits.
Tous ces ouvrages sont, pour la Gravure de
portraits en France, de véritables monuments
historiques, car ce sont là nos plus anciens
titres dans cette branche de l'art, et dès le début
nos artistes français ne semblent pas inférieurs
aux graveurs des autres pays.
Nous ajouterons, avec M. A. -F. Didot :
« La liste serait trop longue, s'il fallait énu-
mérer tous les ouvrages ornés de portraits que
la France a produits au xvie siècle. » Mais,
pendant cette période, c'est dans les imprimés
qu'il faut poursuivre l'histoire du Portrait
dans la Gravure soit sur bois, soit sur cuivre.
Il n'est peut-être pas hors de propos de se
demander : Mais toutes ces gravures sont-elles
bien des portraits ? De quels moyens usaient
alors les artistes ? Et ces gravures sont-elles
bien une reproduction fidèle des personnages
indiqués?
Du Portrait dans les gravures. 14-
Pour la reproduction des traits, la pose est
nécessaire. Certaines conditions matérielles
d'exécution s'imposent à l'artiste, et, quel que
soit son désir de reproduire la nature, il peut
arriver souvent que les images ne ressemblent
pas aux modèles, si l'artiste n'a pu les observer.
Beaucoup de ces portraits pourraient bien
n'être que des portraits de convention, admi-
rables comme gravure , mais fort infidèles
comme ressemblance.
Il ne faut donc pas trop s'oublier en recher-
chant les qualités morales de certains person-
nages, d'après leurs gravures; — on pourrait
aisément faire fausse route.
La grande habileté de nos artistes dans les
ouvrages que nous avons cités ne peut faire
l'objet d'un doute : leurs portraits gravés sont
tout à fait hors ligne et n'ont rien à redouter
de la comparaison avec les plus grands artistes
étrangers.
Le portrait de la duchesse de Valentinois,
dans les Chansons nouvelles composées par
Barthélémy Beaulaigne, et « par luy mises en
musique » (Lyon, 1 55g), ne peut faire exception.
ij.8 Histoire du Portrait.
Le portrait de Gabriel de Collange (dans les
Tables et figures planisphériques, Paris, 1 56i),
— celui de Philibert Delorme (dans les Nou-
velles Inventions pour bien bâtir, etc.), sont
fort remarquables, et ce dernier offre une tête
d'une grande expression ; — TAmbroise Paré,
par Etienne Delaune (dans Discours... sur la
Mumie, etc., Paris, Gabriel Buon (i582), est
un chef-d'œuvre de gravure sur bois.
Citons quelques noms de ces illustres artis-
tes, initiateurs de la Gravure en France : Jean
Duvet, — Jacques Prévost, — René Boyvin,
— qui ont ouvert si brillamment la période
du portrait gravé sur bois; — Pierre Wœiriot,
graveur en taille-douce et peut-être le premier
artiste de ce genre, en France.
A la fin du xvie siècle, la Gravure de por-
traits en France prend une plus grande ex-
tension, et nous voyons surgir une pléiade
d'artistes remarquables : Jean Rabel, — Tho-
mas de Leu, — Léonard Gaultier; — ceux-là
méritent réellement le titre de portraitistes. Ils
dessinent encore eux-mêmes et gravent leur
dessin.
Du Portrait dans les gravures. 140
Le premier, Jean Rabel, fit les portraits de
René Belleau, — d'Antoine Maret, — de de
Thou, — du chancelier de l'Hospital.
Avec quel art, quelle finesse, quel charme,
ces études sont reproduites ! comme ces por-
traits offrent bien les qualités que Ton demande
à l'artiste ! comme ils savent rendre avec jus-
tesse l'esprit, le caractère des fonctions des
différents modèles !
Thomas' de Leu possède une manière fran-
che et délicate pour enlever le métal, ce qui
lui donne une grande supériorité sur les autres
graveurs; cette finesse toute naturelle se re-
trouve encore dans l'observation du modèle,
dans la manière de rendre l'esprit, la pensée
du personnage qui pose devant lui.
On observe toutes ces qualités dans les por-
traits de François Ier, — de Marie de Médicis,
de Gabrielle d'Estrées, — du duc et de la du-
chesse de Bar, — du poète Pierre de Brach ;
— dans ceux de Delaundin d'Aigaliers, — de
Jehan Leroy de la Boissière; — dans ceux
encore des avocats Henri Aubert, — et Sé-
bastien Rouillard; — et des artistes Antoine
i5o Histoire du Portrait.
Garon, — Guillaume Legangneur, — et Jehan
Beaugrand.
Nous devons aussi mentionner Léonard
Gauthier, peut-être moins fin et moins exact
que de Leu ; mais il fut cependant un grand
artiste. Il donna les portraits gravés d'Hen-
ri IV, — de Louis XIII enfant, — une suite
des Rois de France, et cent quarante-quatre
petits portraits de personnages illustres. Tous
ont de grandes qualités de vérité, et doivent
être ressemblants.
On désigne cette Planche sous le nom de
Chronologie Collée.
Font également partie de cette série d'ar-
tistes de talent : Jacques de Fornazeris, —
Charles Mallery, — Briot, — et Jacques
Granthomme. Mais déjà ces artistes, moins
brillants que ceux qui précèdent, n'ont plus
rien d'original et semblent continuer pénible-
ment les traditions de leurs devanciers.
A partir du xvne siècle, la France occupe le
premier rang dans la Gravure de portraits, et
en portant ce jugement, M. A. -F. Didot ne
fait exception que pour A. Van Dyck, en Hol-
Du Portrait dans les gravures. i5i
6'
lande, « et le maître de tous à cet égard, l'ini-
mitable Rembrandt. » (Ibid. , page vu.)
A cette époque, une révolution véritable se
produisit dans la Gravure de portraits, qui
dès lors entra dans une phase nouvelle. ■ —
L'emploi de l'eau-forte dans la Gravure, en
rendant le travail plus rapide, vint donner
plus d'importance au mérite du dessin. —
Van Dyck usa brillamment de ce procédé
nouveau, et Rembrandt y recourut plus d'une
fois pour aider son merveilleux burin.
Il n'est que juste de montrer notre enthou-
siasme pour un homme qui est notre plus
grand maître dans la Gravure à l'eau-forte.
Qui pourrait nier que Jacques Callot ait en-
fanté des chefs-d'œuvre ? La pointe de ce maî-
tre ne semble-t-elle pas avoir détrôné le
burin?
Dans le travail à l'eau-forte, le dessinateur,
le coloriste, restent eux-mêmes avec leur
fougue et leur pensée fugitive; l'imagination
fait place à la science.
Ce vernis qui s'enlève facilement n'a plus
la résistance du métal.
i5'2 Histoire du Portrait.
La pensée semble apparaître à nos yeux,
immédiate, instantanée. Cette pensée est brû-
lante encore, elle nous charme et nous sé-
duit. — Tel fut Jacques Callot.
Callot fit un certain nombre de portraits,
mais ce n'est pas là son plus grand titre à la
gloire.
L'habileté de l'artiste était surpassée encore
par la finesse de l'observateur ; et de quel
talent ne fait-il pas preuve dans ces admira-
bles petites compositions qui ont fait le tour
du monde?
Abraham Bosse nous a laissé un fort bon
portrait de J. Callot, exécuté à Teau-forte, —
et les portraits gravés de Louis XIII, — d'Hé-
rouard et de Michel Larcher.
A cette même époque, François Perrier
grava le portrait de Simon Vouet, et Pierre
Brebiette exécutait sa propre image.
Pierre Daret fit exécuter de nombreux por-
traits, mais il ne semble pas avoir gravé lui-
même.
Claude Mellan nous a laissé un grand nom-
bre de très beaux portraits ; cet artiste voulut
Du Portrait dans les gravures. i53
répandre un nouveau genre de taille sur cui-
vre, la taille unique à trait continu. Il se priva
ainsi de tous les avantages dont il pouvait
disposer, car il connaissait parfaitement son
art, et ce graveur habile pouvait tirer un grand
parti des sujets traités par son burin.
Il a fait, à une seule taille, les portraits de
Nicolas Peiresc (1637), — du chancelier Se-
guier (1639), — d'Henriette-Marie de Buade
Frontenac (1641). — Il a laissé, à plusieurs
tailles, les portraits d'Urbain VIII (1624), —
du cardinal Bentivoglio, — de Jean Barclay,
— de Joseph Trullier (1626), — de Ronsard.
Michel Lasne fit surtout des copies d'après
Philippe de Champagne, d'après Simon Vouet
et d'après les crayons de Daniel Dumonstier.
Michel Lasne avait pourtant ce qu'il fallait
pour être un grand portraitiste, car dans les
portraits qu'il fit au crayon, et qu'il grava,
on trouve un grand sentiment de la nature,
une fine observation.
Dans les magnifiques portraits qui lui sont
personnels, il fait preuve d'un dessin correct
et élégant, et d'une grande compréhension du
14
i54 Histoire du Portrait.
modèle, comme on peut le constater dans les
portraits de Pierre Corneille, — de Roland
Hébert, archevêque de Bourges, — de Mathieu
Mole, — d'Henri de Mesmes, — de Michel
de Marillac, — de Barthélémy Tremblet, —
dont le dessin et la gravure sont entièrement
de lui.
Nous ne pouvons oublier quelques artistes
graveurs qui n'ont pas une aussi grande va-
leur , mais qui rirent preuve d'un certain
talent.
Jehan Le Blond, — Jaspar Isaac, — Jean
Picart, — Grégoire Huret, — Gilles Rousselet,
— Jolain, — Ragot, — Paul Roussel, — et
Ganière.
Jean Morin fut un grand graveur. Il eut
une influence considérable sur l'art du por-
trait, et fut imité par Jean Alix, — Nicolas
de Plattemontagne, — et Jean Boulanger.
Nicolas Regnesson eut surtout la gloire
d'être le maître de Nanteuil : comme graveur,
il a laissé quelques œuvres assez bonnes
d'après divers peintres. — Regnesson semble
avoir exercé une grande influence sur Nan-
Du Portrait dans les gravures. i55
teuil, qui occupa un rang si éminent dans la
Gravure française. Le maître ne chercha pas
à influencer rélève, mais à le développer en
le faisant dessiner d'après la nature, cette
source intarissable de chefs-d'œuvre.
Nanteuil, jeune encore, sembla suivre pen-
dant quelque temps l'influence de ses devan-
ciers, mais il ne tarda pas à donner de véri-
tables portraits, qui lui sont bien personnels.
Tels sont les portraits de Turenne, — de
Pomponne, — de Bellièvre, — de Jean Loret,
— de Lamothe le Vayer, — de Mandat, —
de la duchesse de Nemours, — de J.-B. Van
Steenberghen, — du marquis de Castelnau,
qui, comme beaucoup d'autres, témoignent
de la science du dessin et de l'habileté du
burin de leur auteur.
Toutes ces œuvres, si glorieuses pour la
France, sont remarquables par le goût et la
vérité qui les caractérisent. Nanteuil sait
être gracieux sans effort, naturel sans étude
apparente, lorsqu'il exprime les traits physi-
ques et quand il veut traduire la pensée in-
time de son sujet.
i56 Histoire du Portrait.
Cet artiste donna des portraits au crayon
et au pastel, répandus dans le monde entier ;
il fait toujours preuve de ces qualités essen-
tiellement françaises : le goût, la grâce, l'es-
prit et la vérité.
De (1649 à 1698), Nanteuil grava plus de
deux cent vingt portraits, parmi lesquels plus
de trente sont de grandeur naturelle.
Cet artiste fit encore le portrait d'Anne
d'Autriche d'après nature (ad vivum), mais il
ne fut gravé que plus tard.
Nanteuil, dessinateur et graveur du Roi, a
laissé quatorze portraits du cardinal de Ma-
zarin, — cinq portraits de Louis XIV, dont
deux portent la mention qu'ils ont été faits
d'après nature.
M. Delaborde nous dit que, lorsque Nan-
teuil dessina et grava en (1668) le portrait de
Colbert, trois fois déjà il avait reproduit sur
suivre les traits du grand ministre, et dans le
cours des huit années suivantes il devait les
reproduire deux fois encore.
Il existe donc six portraits de Colbert, gra-
vés par Nanteuil, dont trois de grande di-
Du Portrait dans les gravures.
mension; mais le portrait de (1668) est le plus
recherché.
Parmi les portraits de Louis XIV, dus au
burin du maître, le plus estimé est celui
dit « aux pattes de lion, » à cause de la
peau de lion dont deux pattes, ornées d'une
fleur de lis, retombent sur les angles supé-
rieurs de la bordure.
Le contemporain deNanteuil, Gérard Ede-
linck, était né en Flandre. Il se fit naturaliser
Français.
G. Edelinck fut un remarquable artiste ;
une grande finesse de modelé caractérise ses
œuvres ; il sait imprimer à ses planches une
couleur toujours harmonieuse.
M. Amb.-F. Didot, ce juge si compétent
dans la Gravure, nous semble avoir caracté-
risé d'une manière heureuse cette période
brillante de la Gravure en France lorsqu'il
écrit :
« Ce qui distingue nettement l'école Fran-
çaise de toutes les autres dans cette spécialité,
ce qui fait son originalité et son grand mé-
rite, ce qui lui a valu une supériorité incon-
i58 Histoire du Portrait.
testable, surtout aux xvnc et xvme siècles, c'est
l'amour du vrai et du simple, inspiré par les
charmants crayons des Clouet et de leurs con-
tinuateurs.
» A partir de ce moment, toute l'attention
de nos graveurs se porte sur la physionomie,
qu'ils cherchent à rendre avec fidélité et sou-
vent avec sobriété.
» Pureté du trait, précision des formes,
énergie sagement contenue, voilà ce qu'ils
surent allier à la grâce de l'exécution, cachant
ainsi le travail de l'ouiil. Ce n'est pas tout. —
Ils ne sacrifient jamais le côté essentiel du
portrait à l'effet pittoresque, à l'éclat de l'en-
semble; mais ils se bornent à rendre' natu-
rellement et sans effort la nature même dans
ce qu'elle offre de plus saisissant, de plus va-
riable, et par conséquent de plus difficile à
exprimer : le mouvement, le jeu, le caractère
de la physionomie. » (Amb.-F. Didot, Les
Graveurs de Portraits en France. — Introd.,
page ix.)
On ne saurait mieux dire, avouons-le, et
ce jugement nous semble résumer d'une ma-
Du Portrait dans les gravures. i5g
nière fort juste la période historique de la
Gravure en France, de Callot à Nanteuil et à
Edelinck, que nous venons d'étudier.
A cette époque, les graveurs hollandais et
flamands, qui avaient une réputation colos-
sale et méritée, semblent exercer une certaine
influence sur nos artistes nationaux ; ceux-ci
savent profiter de leurs leçons, mais n'en
conservent pas moins les qualités qui carac-
térisent notre École nationale.
Les échanges de manière entre artistes ne
sont pas rares : les graveurs étrangers appren-
nent à rendre la ressemblance morale, les
graveurs français leur empruntent le charme
de l'exécution , les agréments des détails
et la science de la couleur rendue par le
burin.
Du reste, il ne pouvait en être autrement,
quand on voit des peintres comme Claude
Lefebvre, — Jacques Stella, — et tant d'autres,
prendre alternativement le pinceau et la pointe,
et produire des chefs-d'œuvre de Peinture et
de Gravure.
Jean Pesne consacra sa vie et son talent à
iôo Histoire du Portrait.
rendre avec fidélité les œuvres de son maître
Nicolas Poussin.
Jean Lenfant dessinait le plus souvent ses
portraits au pastel et les reproduisaient en-
suite sur le métal, — ce qui peut expliquer le
manque de fermeté que Ton rencontre parfois
dans ses ouvrages.
François de Poilly, né à Abbeville, fut un
graveur remarquable; il exécuta un grand
nombre de reproductions, mais on ne peut
citer que quelques portraits attestant une ma-
nière personnelle, tels que ceux de Louis de
Bailleul — et de Denis Talon, d'après nature,
en (1659).
Ceux de Louis XIV jeune — et de Maza-
rin, en (1660), bien que d'après Pierre Mi-
gnard, attestent encore que l'artiste avait un
faire indépendant.
Antoine Masson fit preuve d'un talent con-
sidérable comme portraitiste ; mais il n'a pas
laissé de portraits d'après nature, et ses gra-
vures prouvent bien plus l'habileté de son bu-
rin que sa science de l'ordonnancement d'en-
semble.
Du Portrait dans les gravures. 161
Antoine Trouvain donna des gravures re-
marquables, entre autres le portrait de Claude
du Molinet (1689), dessiné et gravé par lui.
Au xvme siècle, à l'époque des Rigaud et
des Largillière, la Gravure en France est illus-
trée par les Drevet.
Pierre Drevet le père, — Pierre-Imbert Dre-
vet — et Claude Drevet, artistes lyonnais, sa-
vent rendre avec un grand talent les œuvres
des peintres célèbres de leur époque ; rien ne
semble pouvoir égaler le charme et la science
de leur burin, la souplesse savante de leur
exécution.
Le chef-d'œuvre de Pierre Drevet est le
portrait de Bossuet, qui restera comme un
monument de la Gravure française. Quelle
grâce dans le délicieux portrait de Louis XV
enfant !
Pierre-Imbert Drevet, le fils, donna le por-
trait du marquis d'Herbault en (1726), — de
Samuel Bernard en (1729), — de René Pu-
celle en (1739), — de Charles-Jérôme de Cis-
ternay du Fay — et d'Adrienne Lecouvreur.
Claude Drevet imita plus spécialement la
i()2 Histoire du Portrait.
manière de Drevet le fils dans ses gravures de
portraits.
Nous pourrions citer encore des graveurs
d'un grand talent, tels que Pierre Van Schup-
pen, — Jean -Georges Wille — et Georges-
Frédéric Schmidt, d'origine étrangère : mais
ces artistes passèrent leur vie entière en France
et travaillèrent sous nos plus grands maîtres;
par leur manière ils furent bien Français.
Gérard Audran ne fit que quelques portraits,
mais il fut le maître de Laurent Cars, un des
plus habiles graveurs du xvme siècle.
Laurent Cars nous a donné le magnifique
portrait de Philippe Orry, comte de Vignory,
d'après nature. Laurent Cars fit preuve d'un
immense talent dans la manière dont il grava
les œuvres de Watteau, — Lemoque — et
Boucher.
Gaspard Duchange, comme Laurent Cars,
excella dans le dessin, et son talent dans la
Gravure est attesté par les portraits de Fran-
çois Girardon — et de Charles Delafosse, en
(1707), d'après H. Rigaud, — et dans ceux
d'Antoine Coypel — et de Shakespeare.
Du Portrait dans les gravures. i63
« Mais, » écrit M. Didot, « malgré les qua-
lités sérieuses qui distinguent les œuvres de
ces artistes, la grande école de Gravure de
portraits finit presque avec les Drevet.
» Après eux, il y eut en France des graveurs
de talent, il n'y eut plus d'artistes de génie. »
— (Ibid., ut suprà, page xi.)
Cette époque nous offre encore quelques
graveurs charmants , véritables miniaturistes
du burin : ainsi Cochin fils, — Aug. de Saint-
Aubin, — Etienne Gaucher, — Etienne Fic-
quet, — Pierre Favart, — Pierre-Ph. Chof-
fard, — J.-B. Grateloup.
Charles-Nicolas Cochin appartenait à une
famille de graveurs ; il eut pour mère la belle-
sœur de Nicolas-Henri Tardieu, graveur du
Roi.
Cochin fut l'artiste à la mode. Sa liaison
avec les parlementaires lui valut d'aller en
exil avec l'abbé Pommier, en (177 1). — Cochin
était encore le compagnon assidu des grandes
comédiennes; dessinateur et graveur habile,
on le voit toujours bien accueilli par Mme de
Pompadour ; c'est à elle qu'il adresse l'épître
ii~>4 Histoire du Portrait.
dédicatoire de cette édition des œuvres de
Métastase, où l'artiste l'avait représentée sous
la figure de Minerve, protectrice des arts.
Mme de Pompadour avait fait nommer
Cochin garde des dessins du Roi (23 juin 1752);
elle se fait encore peindre par lui à l'aqua-
relle, et charge Cochin de retoucher ses eaux-
fortes.
Aug. de Saint-Aubin, si fin et si gracieux,
fut le dessinateur des femmes au xvme siècle;
ses productions peuvent être comptées parmi
les plus agréables de Fart français.
Saint-Aubin se servit fort heureusement de
l'eau-forte ; mais il retouchait ses planches et
les modelait au burin; la correction de ses
travaux est toujours irréprochable.
Vers la fin du xviiic siècle, nous avons en-
core Jacques-Firmin Beauvarlet, — J.-J. Ba-
léchou — et Ch.-Cl. Bervic; — enfin les deux
portraitistes Boucher-Desnoyers et Henriquet-
Dupont.
Nommons encore Jean-Michel Moreau, des-
sinateur et graveur, grand -père maternel
d'Horace Vernet, désigné sous le nom de
Du Portrait dans les gravures. i65
Moreau le Jeune ; cet artiste exécuta un
grand nombre de dessins, et rit quelques
portraits.
Nous ne pouvons oublier un élève de Le-
thière, qui étudia la Gravure dans l'atelier du
célèbre graveur Tardieu : Louis Boucher-Des-
noyer, peintre et graveur, né à Paris (en 1779),
fut un des plus célèbres graveurs du premier
Empire, et laissa quelques portraits.
Horace Vernet nous a donné des portraits
à r eau-forte; Géricault exécuta des eaux-fortes
et des lithographies.
Nous terminerons cette étude par Henri-
quet-Dupont, du nom de sa grand 'mère, des-
sinateur, graveur et lithographe, né à Paris en
(1797), dont les nombreux travaux sont trop
connus pour que nous les rappelions.
Henriquet rappelle Nanteuil par son habile
dessin; il a laissé de remarquables portraits
au crayon et au pastel.
Il eut pour élève Alphonse François, qui
fut, lui-même, un maître.
Dans ce rapide exposé, nos lecteurs auront
acquis la preuve que la Gravure de portraits
ibii Histoire du Portrait.
en France fut toujours brillamment repré-
sentée, depuis le xvic siècle.
L'Italie a pu nous devancer dans cette
branche de l'art. La Hollande peut nommer
Van Dyck et Rembrandt, ces maîtres inimi-
tables.
La Suisse peut être fière, à juste titre, de
Hans Holbein, et l'Allemagne rappeler le
nom d'Albert Durer.
La France, elle aussi, a ses maîtres; ses gra-
veurs sont nombreux ; parfois leur talent ne
craint aucune rivalité, surtout dans la Gravure
de portraits.
Et que de qualités sont nécessaires dans la
Gravure de portraits !
« Pour donner aux portraits l'expression et
le charme qui résultent du clair-obscur; pour
obtenir l'éclat de la dégradation des teintes et
combiner les lignes de façon à mettre en lu-
mière certaines parties et atténuer la valeur
des autres; pour rendre le modelé de la figure
humaine, ranimer, la faire vivre; pour ma-
rier la ressemblance physique avec la ressem-
blance morale , et reconstituer la véritable
Du Portrait dans les gravures. iôj
physionomie du modèle, condition essentielle
de tout portrait ; enfin pour encadrer la figure
dans un ensemble harmonieux d'accessoires,
il fallait aux graveurs non seulement une ha-
bileté supérieure dans le maniement de l'outil,
mais aussi une connaissance approfondie du
dessin.
» N'ayant pas à sa disposition la palette ma-
gique du peintre, réduit à tirer tous les effets de
la combinaison savante du noir et du blanc,
le graveur, en produisant un chef-d'œuvre,
excite notre admiration bien plus qu'un
peintre de portraits.
» Aussi est-il facile de comprendre le prix
que les véritables amateurs attachent à la pos-
session de ces belles estampes marquées du
sceau du génie. » (Amb.-Firm. Didot, Les
Graveurs de Portraits en France. — Introd.,
page xin.)
Le P. Lelong a donné en (1809) la Liste
alphabétique des portraitsgravés. (Paris, 180g,
in-fol.) — G. Duplessis a publié, en (1861),
l'Histoire de la Gravure de portraits en
France. On sait l'intérêt qu'offre le Catalogue
i68
Histoire du Portrait.
des Estampes de la Bibliothèque nationale,
de M. Henri Delaborde. (Paris, i838, in-fol.)
Un mot encore du Catalogue de cette cu-
rieuse collection de gravures françaises, si pa-
tiemment rassemblée par M. Didot père.
Cette collection ne comprend pas moins de
2,488 portraits gravés par les divers maîtres
français. En parcourant les deux volumes du
Catalogue, on acquiert la preuve que notre
École française de Gravure fut féconde tou-
jours, souvent inimitable. Ses chefs-d'œuvre
sont nombreux, et ses maîtres graveurs, con-
sidérés comme groupe national , ne furent
jamais surpassés dans le portrait.
s
-S."'
fWWf.Ul-.JJ. IIIL-*JP
CHAPITRE VIII
DU PORTRAIT DANS LA PEINTURE
i «...
n remontant a la plus ancienne
date possible dans l'histoire de la
peinture de portraits en France,
nous trouvons que , sous Hum-
baud, évèque d'Auxerre (xie siècle), un abbé
de Saint-Verne, nommé Richard, fier d'avoir
accueilli dans sa détresse l'empereur Henri IV,
et de l'avoir compté parmi ses religieux,
ordonna de représenter, à l'entrée du cloître,
la scène attendrissante où le monarque déchu
implorait son secours.
Nous pouvons citer encore quelques
16
ijo Histoire du Portrait.
artistes du xic siècle; tous étaient moines
ou religieux: ainsi Herbert, moine de Reims,
vers (1060), — et Roger; — Bernard, abbé
de Quincy, fondateur d'un couvent près
de Chartres, qui servit de refuge à un grand
nombre de peintres et de sculpteurs. — Com-
bien d'oeuvres curieuses ont dû être exécutées
dans cette abbaye ! Malheureusement, peu
d'entre elles sont parvenues jusqu'à nous.
Au xuc siècle, Héribrand, abbé de Tuy,
laissa en mourant une mémoire vénérée
de tous. On représenta, sur les murs de son
église, le portrait du saint abbé et l'histoire
de ses miracles.
Pierre, abbé de Grammont, fit décorer les
murs de son cloître et de l'infirmerie de son
monastère de sujets propres à égayer la vue.
Enfin, Guillaume, évêque du Mans, enri-
chit une chapelle de peintures murales où les
formes des vivants étaient reproduites avec
fidélité. — ce Elles ne charmaient pas seule-
ment les yeux, » nous dit un auteur ancien,
« mais captivaient en outre l'esprit et le cœur. »
Lorsque Clément V emmena Giotto, de
Du Portrait dans la peinture. iyi
Pérouse à la cour d'Avignon, — un des élèves
de ce maître, Simone Meunin, fit de magni-
fiques portraits de Laure et de Pétrarque.
Au xve siècle , d'après un vieux texte
mentionné par M. Bourquelot, Girait d'Or-
léans fit en (i355), pour le duc de Nor-
mandie, plusieurs peintures de fines couleurs
à l'huile.
Jean Coste orna aussi de peintures le châ-
teau de Vaudreuil.
En (i 365) , François d'Orléans historia
pour la reine le palais de Saint-Pol ; plus tard,
Jean de Blois travailla à l'Hôtel de ville
de Paris.
Colart de Laon, peintre du duc d'Orléans,
fit des figures pour la chapelle de ce prince.
Guillaume Loyseau, — Jehan de Saint-Eloy,
— Perin de Dijon, — Lafontaine — et Copin,"
qui vivaient à cette même époque, firent assu-
rément des portraits.
La peinture devient beaucoup plus artis-
tique et plus sérieuse au xve siècle. — Fouc-
quet, — Bourdichon, — Perréal, — Lichtemon
— sont des artistes remarquables.
Ij2 Histoire du Portrait.
Perréal moula, en (1461), le visage
de Charles VII; en (1470), il travailla pour les
chevaliers de Malte.
Le style de Perréal est remarquable par sa
distinction; comme on peut le voir dans le
tableau qui est au musée d'Anvers, il peignit
Agnès Sorel sous les traits de la Vierge.
Foucquet est un artiste éminemment fran-
çais; il est clair, naturel, et entre bien dans le
vif de Faction ; et, comme le fait remarquer
M. Ch. Blanc, « ce qui donne bien une idée
de la valeur de cet artiste, comme portraitiste,
c'est que tous les types de Foucquet sont fran-
çais, et français du cœur de la France; les
figures plutôt courtes que longues font bien
voir qu'elles ont été prises dans la nature
même du pays. Foucquet termina pour le duc
de Nemours, Jacques d'Armagnac, un manu-
scrit de Josèphe, dans lequel Paul de Limburg
et ses frères avaient déjà peint trois minia-
tures pour Jean de Berry.
Jehan Bourdichon fit des portraits; il était
valet de chambre et peintre du roi.
Jehan Bourdichon et Jehan Perréal (dit
Du Portrait dans la peinture. ij3
de Paris) jouirent d'une grande renommée
à cette époque, comme peintres de portraits.
D'après Manette, le portrait de saint Fran-
çois de Paule fut peint par Bourdichon, sur
Tordre de Louis XII, en (i5o7>, et envoyé
à Léon X par François Ier, lors de la canoni-
sation du Saint; ce portrait est encore aujour-
d'hui au Vatican.
Nous voyons dans une pièce datée de
( 1 5 1 1 ) que Jehan Perréal accepta la pro-
position de Marguerite de Savoie, pour le
tombeau de Philibert de Savoie à Brou, et
qu'il passa un marché avec Michel Colombe
pour modeler le petit mausolée dudit Phi-
libert, « selon le portrait et ordonnance du-
dit Perréal. »
Les Glouet étaient quatre frères du même
nom (i5oo-iÔ2o); c'est à eux que nous devons
tant de beaux dessins et les magnifiques por-
traits qui sont à Vienne et au Louvre.
François Clouet fut chanté par Marot qui
le désignait ainsi : — « le Grand Miquel
l'Ange ».
Sous Charles IX, Ronsard s'écriait devant
i j4 Histoire du Portrait.
le portrait de sa maîtresse, peint par François
Clouet :
« Ha! je la vois, elle est presque portraite!
» Encore un trait, encore un, elle est faite !
» Lève les mains; ha! mon Dieu je la voy!
» Bien peu s'en faut qu'elle ne parle à moy ! »
Jean Passerat écrivait au bas d'un portrait
de Marguerite de France :
Ton pinceau.... a fait chose impossible
Montrant en ce portrait la vertu invisible.
Jean Clouet devint, en (i 523), peintre ordi-
naire de François Ier. Il avait établi sa répu-
tation par le portrait surtout, nous dit
M. Charles Blanc, et c'est par là qu'il est
devenu, pour tous ses contemporains,
le premier des Janet.
Son talent pour faire le portrait a joué
le plus grand rôle dans sa position d'artiste.
Parmi les curieuses quittances citées par
M. Léon De Laborde, nous en remarquons
une qui accorde à Jean Clouet une gratifi-
cation pour des portraits mystérieux, « les-
Du Portrait dans la peinture. i y 5
quels, » dit l'argentier, en son jargon, « ledit
seigneur le Roy n'a voulu y être autrement
déclaré et spécifié. »
Marie Stuart ayant figuré à la cour dans
son costume national « à la barbaresque
mode des sauvages de son pays, » dit Bran-
tôme, « et ayant été trouvée une vraie déesse,
vite il fallait la peindre ainsi. »
Marguerite de Navarre se fit peindre, elle
aussi, dans son magnifique costume de velours
incarnat d'Espagne. Enfin Clouet était l'illus-
trateur de ce monde, dont Brantôme était
l'historien satirique. Dumonstier l'aida de ses
crayons.
Une partie des portraits de Clouet fut
dispersée, du reste aucun d'eux n'était
signé; et l'on a éprouvé beaucoup de peine
pour reconstituer l'œuvre de ce grand por-
traitiste.
Jean Clouet fit deux portraits de François Ier
de (1524 a i528). Le premier, qui est de petite
dimension, passe à Florence pour un Holbein ;
le Roi est à cheval, couvert de son armure,
la toque à plumes sur la tête. Dans le second,
i -jG Histoire du Portrait.
de grandeur naturelle, le roi est à mi-corps,
pris de trois quarts, coiffe de la toque
de velours, vêtu de satin gris blanc brodé
d'or. « Chacun de ces portraits, » dit l'auteur
de l'Histoire des peintres, « témoigne des soins
les plus délicats, et le détail y est poursuivi
en ses ténuités les plus précieuses ; tout y est
en pleine lumière, l'ombre étant pour ainsi
dire absente, ce qui évite des duretés. — Cette
peinture fine, exacte, légère, transparente
comme la langue française, nette comme notre
esprit, est le caractère distinctif de l'école
de Clouet.
— » Jean Clouet donne cette précision à son
fils, et ses petits-fils, les Janet, la conservent,
se la transmettent et la maintiennent.
» Les progrès dans la famille, s'il y a pro-
grès, ne consistent que dans une précision
de plus en plus rigoureuse qui rapproche peu
à peu ce système de la miniature.
» C'est un spectacle très curieux dans l'his-
toire de l'art, que de voir cette série d'artistes,
essentiellement français, continuer et défendre
leurs traditions sans la laisser altérer, au
Du Portrait dans la peinture.
milieu de l'invasion de la renaissance
italienne. »
François Clouet, second Janet, fils du
premier (i 5 io-i 572), demeurait à Tours ; il fut
peintre ordinaire des rois François Ier, —
Henri II, — François II, — Charles IX —
et Henri III. François Ier lui accorda des
lettres de naturalisation qui avaient été
refusées à son père.
Lorsque François Ier mourut , Clouet fut
chargé de mouler le visage royal et les mains
du monarque, pour l'effigie qui devait le re-
présenter à ses funérailles. Clouet fit la même
opération pour Henri II.
Le Louvre possède deux portraits authen-
tiques de ce peintre : — ceux de Charles IX —
et d'Elisabeth d'Autriche.
François Clouet eut une réputation im-
mense; toute l'Europe posa devant lui; il
peignait à l'huile et fit de très beaux dessins ;
ses œuvres furent recherchées dans toutes les
capitales et dans tous les châteaux.
Le portrait de François II, qui est à Anvers,
est vraiment remarquable : il semble comme
17
i-jS Histoire du Portrait.
fait de rien ; le visage est d'une finesse exquise ;
le jeune prince a un justaucorps jaune, avec
des crevés blancs ; la toque est noire et à plu-
mes de cygne ; ses cheveux blonds qui retom-
bent, ses yeux doux et purs, sa bonne grâce
enfantine et royale, le rendent, bien que tout
enfant, déjà digne de sa délicieuse fiancée.
Le Louvre conserve un très beau portrait
d'Henri IL Le Roi est debout, la main sur
le pommeau de son épée ; la figure est sérieuse
et pourtant avenante, bien encadrée dans sa
barbe à pointe, bien posée sur sa fraise blan-
che ; c'est vraiment là un roi de gentilshommes.
A côté du portrait d'Henri II figure le por-
trait de la femme de Charles IX, Elisabeth
d'Autriche, grave et aimable.
Clouet exerçait une véritable influence sur
son temps; à côté des portraits de ce maître,
on voit toute une série de seigneurs et de da-
mes de la cour, dont les portraits ont été faits
par les élèves de Clouet ; le trait est fin et d'une
exactitude surprenante; toutes ces images sont
curieuses par la vérité et la vie ; on est frappé
de l'inaltérable persistance du type français.
Du Portrait dans la peinture. i~<)
Henri IV rit peindre par Porbus et Jacob
Biniel, artiste français, né à Blois, la série des
Rois et des Reines de France, depuis saint
Louis. « Il peignait, » nous dit Sauvai, « les
personnages d'après nature; » malheureuse-
ment, ces portraits furent détruits lors de
l'incendie de la petite galerie du Louvre ,
en (1661).
Cinq-Mars, faisant faire son portrait par
Matthieu Lenain, c'est un événement artistique
assez curieux, pour que nous le notions en
passant, d'autant qu'il a donné lieu à cette
sortie de M. Champfleury : « Lenain en pré-
sence de Cinq-Mars ! l'entrevue dut être bi-
zarre ! Le peintre de la vie domestique vis-
à-vis de l'aventurier; le peintre des haillons
du pauvre devant le favori enrubanné de
Louis XIII! Je vois bien à terre dans ce ta-
bleau, jetés comme effet, une cuirasse, un
casque fermé, toute chose que pouvait peindre
Lenain ; mais cette cuirasse et ce casque sont
confits dans l'or. Aussi faut-il séparer nécessai-
rement le Lenain aux portraits d'un autre
Lenain de la vie poignante. »
180 Histoire du Portrait.
Étrange effet de Ja passion politique, quand
elle envahit même le terrain artistique ! N'est-il
pas vraiment curieux de voir la colère de
M. Champfleury reniant presque ses fétiches,
les Lenain, parce que l'un d'eux a peint un
favori du Roi ?
Pour les artistes, pour ceux qui, sans pas-
sionne cherchent que l'art, là où il se trouve,
pour ceux qui ont mission de faire admirer le
beau, là où il est, nous devons avouer que le
portrait de Lenain est très remarquable, et
qu'il offre toutes ces qualités d'observation
et de finesse dans la recherche de l'expression
qui caractérisent les œuvres de Lenain.
Deux fois Mazarin fit exécuter son portrait
à Avignon par Nicolas Mignard, qui peignait
de la main gauche, et n'en faisait pas moins
de très beaux portraits, avec facilité et une
grande habileté.
Mignard donna les portraits de Guillaume
de Brisacier, — du cardinal de Bouillon, —
du duc d'Albret — et d'Henri de Lorraine,
comte d'Harcourt.
Ces portraits furent gravés par Masson.
Du Portrait dans la peinture. iS'i
— Trop de manière, pour ne pas dire trop de
mignardise dans les portraits de cet artiste.
Pierre Mignard, que Ton doit considérer
comme un grand portraitiste , exécuta une
quantité considérable de portraits; mais l'éton-
nement cesse en partie, quand on sait que Mi-
gnard vécut jusqu'à quatre-vingt-cinq ans.
Les princes de l'Église : — le cardinal de
Retz, — Mazarin, — Bossuet ; — les femmes à
la mode : — Ninon de Lenclos, — La Vallière,
— Fontanges, — Maintenon, — Brissac, — ■
tous défilèrent devant l'artiste en vogue.
Comme le dit M. Charles Blanc, « Mignard
comprit tous les avantages que pouvait lui
offrir le genre du portrait ; c'était par là, du
reste, qu'il s'était produit dans Rome, où le
portrait de Hugues de Lionne , ministre de
France en Italie, qu'il représenta entouré de
sa famille, avait porté son nom, encore in-
connu, jusqu'aux oreilles du pape.
» Une agréable causerie, un pinceau flat-
teur, l'art de saisir la ressemblance, non pas
dans le sens le plus élevé du mot, mais de la
façon qui plaît aux hommes et ravit les fem-
182 Histoire du Portrait.
mes, telles étaient les qualités qui lui permet-
taient de réussir dans le portrait. »
Après Urbain VIII, il peignait Innocent X,
— le bailly de Valencey , ambassadeur de
France ; — les cardinaux de Médicis et d'Esté,
— le prince Pamphile, — la signora Olympia.
Poussin écrivait à M. de Chanteloup « qu'il
n'y avait à Rome alors aucun peintre qui sût
faire un portrait. Je ne connais que le seul
M. Mignard qui en soit capable. »
A un second voyage à Rome, Mignard fit
le portrait du nouveau pape Alexandre VII ;
toutes les illustrations de l'Italie posèrent
devant lui.
En France, Mme de Sévigné et sa chère fille,
— Mme Scarron, — Dufresnoy, — Despréaux,
— Charleval, — Chapelle, — Molière, — furent
également peints par Mignard ; il flattait les
hommes, surfaisait la beauté des femmes, et
plaisait à tous.
Pour donner une idée de l'œuvre de Mi-
gnard, nous allons citer ses principaux por-
traits :
— Alexandre VII, gravé par Van Schuppen.
Du Portrait dans la peinture. i83
— Anne d'Autriche, reine de France, gravé
par Robert Nanteuil.
— M. le prince Henri-Jules de Bourbon,
prince de Condé, gravé par R. Nanteuil.
— Le cardinal Mazarin, gravé par Van
Schuppen, un autre par Nanteuil, un autre
par Poilly.
— Le duc de Vendôme, gravé par Antoine
Masson.
— Bernard de Foix, de La Valette, duc
d'Épernon, gravé par Van Schuppen.
— Jacques Tubeuf, président de la Chambre
des comptes.
— Louis XIV, gravé par François de Poilly ;
un autre, gravé par Louis Roullet.
— Louis XIV, vêtu en empereur romain,
gravé par Pierre Carré.
— Bossuet, évêque de Meaux, gravé par
F. de Poilly.
— Nicolas Colbert, évêque d'Auxerre, gravé
par Jean Lenfant.
— Armande de Lorraine d'Harcourt, ab-
besse de Soissons, gravé par Antoine Trou-
vain.
i<S'4 Histoire du Portrait.
— Charles-Maurice Letellier, archevêque
de Reims, peint deux fois, gravé par Gérard
Edelinck et par Van Schuppen.
— Le Dauphin et sa famille (Louvre), gravé
par Simon Thomassin.
— Marie de Lorraine, duchesse de Guise,
gravé par Antoine Masson.
— Henri, marquis de Beringhen, pre-
mier écuyer du Roi, gravé par Jean-Louis
Roullet.
— Golbert, marquis de Seigneley, ministre
d'État, gravé par Gérard Edelinck.
— Gabriel-Nicolas de La Reynie, lieutenant
de police, gravé par Pierre Van Schuppen.
— Guillaume de Brisacier, secrétaire des
commandements de la Reine, gravé par
Antoine Masson.
— Balthazar Phelypeaux, secrétaire d'État,
gravé par Corneille Vermeulen.
— Louis-François Le Tellier, gravé par le
même.
— Edouard Colbert, marquis de Villacerf,
surintendant des bâtiments, gravé par G. Ede-
linck.
Du Portrait dans la peinture. i85
— Nicolas Desmarets,intendantdes finances,
gravé par Raudon.
— François-Emmanuel de Bonne de Cré-
quy, duc de Lesdiguières, gravé par Claude
Duflos.
— Claude Le Pelletier, président à mortier,
gravé par Drevet.
— Jean-Baptiste Poquelin de Molière, gravé
par J.-B. Nolin, autre portrait de Molière,
en petit, gravé par Benoît Audran.
— Jean-Henri d'Anglebert, intendant ordi-
naire de la musique du Roi, gravé par Cor-
neille Vermeulen.
— Pierre Mignard peint par lui-même,
gravé par Vermeulen; autre portrait de Mi-
gnard, gravé par Gérard Edelinck.
— Catherine -Marguerite Nigrand, com-
tesse de Pas de Feuquières , gravé par
Daulle.
Simon Vouet (1590- 1649), le fondateur de
TÉcole académique, exécuta au Palais-Royal
une série de portraits d'hommes illustres du
xvne siècle ; — on lui doit un portrait en
pied de Louis XIII.
iS
i86 Histoire du Portrait.
Ici se place une question qui nous semble
très grave.
Philippe de Champagne est classé par les uns
parmi les. artistes français, par les autres au
nombre des artistes flamands. — Pour nous,
Philippe de Champagne ne peut être compté,
malgré tous nos regrets, parmi les artistes fran-
çais; étant né à Bruxelles, il est Flamand; le
grand nombre d'années que cet artiste a pas-
sées en France ne saurait changer sa nationalité,
car il n'a pas reçu de lettres de naturalisation.
Pourquoi les Italiens ne compteraient-ils pas
Poussin, qui a passé sa vie presque entière en
Italie, parmi leurs artistes PRossini a toujours
vécu en France, et pourtant nous n'en faisons
pas un compositeur français.
Nous ne parlerons pas de Philippe de
Champagne, malgré sa manière, qui est bien
française; notre devoir d'historien nous oblige
de calmer notre enthousiasme.
Claude Lefebvre ne peut être mieux jugé
que dans ces quelques lignes que nous em-
pruntons à l'Histoire des peintres de M. Charles
Blanc :
Du Portrait dans la peinture. 187
— « Il nous est arrivé souvent de nous arrê-
ter au Musée du Louvre devant une toile de
Claude Lefebvre, — « portrait d'un maître
et de son élève, t> dit la notice. — Que dit
ce prêtre austère, au front haut et ferme, la-
bouré de rides profondes, aux yeux fatigués
par les veilles, aux cheveux grisonnants qui
s'échappent en couronne d'une petite calotte
noire? que désigne-t-il à son jeune disciple
avec ce geste sérieux et persuasif?
» Nous Fignorons, mais l'enfant, tenant son
chapeau de feutre noir sur sa poitrine si éle-
vée en avant, regarde de tous ses yeux, étudie
de toute son intelligence; il semble ému de
toute son âme.
» La figure du prêtre est sévère; ses lèvres
qui n'ont jamais souri qu'à la science, son
large manteau noir, son rabat blanc, carré-
ment taillé comme un syllogisme d'école, sa
taille haute, sa tournure altière et ses flères
moustaches à la Richelieu, le font ressembler
à un des Jansénistes de Port-Royal; s'il a
l'autorité de l'esprit, qui est la raison, il n'a
point la tendresse, qui est l'autorité du cœur.
Histoire du Portrait.
» Cet homme est fait pour convaincre plu-
tôt que pour émouvoir.
» La tête de l'enfant, qui rayonne sous une
abondante chevelure brune, s'enlève, intelli-
gente et pensive, sur une large collerette de
guipure; elle trahit une âme comprimée; on
croit sentir chez ce bel adolescent, de seize
ans à peine, une soif d'expansion, un besoin
instinctif et inavoué d'admiration et d'amour,
ou plutôt d'affection, qui devait se rencontrer
souvent à cette époque où les enfants, dès
qu'ils étaient confiés aux soins du précepteur,
ne voyaient plus leur mère qu'à de rares in-
stants du jour.
» Bien que la scène représentée soit pure-
ment intime, elle est tellement relevée par le
contraste et la dignité des caractères, il y a
une telle profondeur dans l'expression des
têtes, qu'il en résulte une unité puissante, et
qu'on est tenté de donner un nom historique
à ces personnages si vivement accentués,
si bien marqués à l'empreinte d'une indi-
vidualité forte; on se demande si l'on n'a
pas devant les yeux un Bossuet enseignant au
Du Portrait dans la peinture. 18g
grand Dauphin le Discours sur l'histoire
universelle. »
Après une semblable description, il n'y a
plus à faire l'éloge de Lefebvre; nous avons
devant nous un des plus beaux portraits qui
aient jamais été faits par un artiste qui a pos-
sédé, au plus haut point, les qualités indis-
pensables au portraitiste.
— « J'ay veu, » nous dit Mariette en par-
lant de François de Troy, « de ses portraits
dignes d'entrer en parallèle avec les ouvrages
les plus fameux de Van Dyck et de Titien. 11
avoit étudié sous le célèbre M. Lefebvre, et il
n'est pas étonnant qu'ayant goûté sa manière
de peindre, il ne se la soit, pour ainsi dire,
appropriée, car, si on y fait attention, leurs
manières ont beaucoup de conformité. »
Mariette va évidemment trop loin : Lefebvre
est incontestablement plus ferme, plus solide,
et a des qualités beaucoup plus sérieuses, car,
comme le dit M. Charles Blanc, « Claude Le-
febvre plaît aux peintres, de Troy séduit les
yeux du monde, parce qu'il paraît plus fin,
et qu'il est plus propre et plus moelleux. De
i qo Histoire du Portrait.
Troy a toutes les qualités qui font réussir le
peintre de portraits : la correction, l'expres-
sion, l'élégance des ajustements, le choix heu-
reux des attitudes, un beau ton de couleur,
un faire doux, souple et caressé.
» Fin, spirituel, galant et joli garçon, Fran-
çois de Troy savait, par un tour de pinceau
habile, embellir les femmes , sans même
qu'elles pussent s'en douter; les femmes lui
savaient gré et de son talent et de son esprit,
ce qui faisait que toutes voulaient se faire
portraiturer par lui.
» Peintre des jolies femmes de la Cour, de
Troy se plaisait à les reproduire sous l'aspect
de Gérés, de Pallas, de Junon, de Vénus.
» Mesdames de Montespan et de Mainte-
non brodaient elles-mêmes sur les dessins de
de Troy. »
Il fit le portrait de Christine de Bavière.
Sans avoir le talent de Largillière et de Ri-
gaud, de Troy sut se faire un grand nom dans
le portrait. Il donna à ses portraits une tour-
nure élégante, des attitudes vraies; plus simple
dans ses draperies que Rigaud, et moins déton-
Du Portrait dans la peinture. igi
nantdans sa couleur que Largillière, il a droit
à toute notre admiration.
Martin Largillière doit être considéré, à
juste titre, comme un de nos plus grands
portraitistes.
Élevé dans plusieurs écoles, Largillière a
su prendre les qualités de chacune d'elles,
sans perdre ses qualités françaises.
Il a fait des portraits de femmes vraiment
remarquables. Il prenait dans la physionomie
de ses modèles ce qu'il y avait de bien, et,
sans trop s'écarter de la nature, il trouvait le
moyen de faire beau et ressemblant.
Les femmes étaient d'autant plus sensibles
aux flatteries de son pinceau, qu'il semblait
n'avoir exprimé que la vérité ; on les trouvait
ressemblantes avant de les trouver belles,
lorsqu'on regardait leur portrait.
Largillière avait une grande fraîcheur de
coloris, de la vérité dans le ton, et cette tou-
che fine et légère qui appartient bien à l'École
française.
Personne ne savait arranger aussi bien que
cet artiste les accessoires de ses portraits, et
Kj2 Histoire da Portrait.
c'est encore un talent que doit posséder le
portraitiste; s'il veut tirer parti de tous ces
détails, il ne doit rien négliger.
Les grands corps d'État, toutes les célébri-
tés politiques, religieuses ou artistiques défi-
lèrent devant Largillière.
Il peignit l'évêque d'Avranches ainsi qu'Hé-
lène Lambert; — le cardinal de Noailles ainsi
que la Duclos.
Appelé à Londres, il dut peindre le roi Jac-
ques II, — la Reine, — le prince de Galles et
les divers portraits de Pierre Van der
Meulen.
Le portrait de Le Brun servit à Largillière
de morceau de réception à l'Académie.
Cet artiste exécuta encore de nombreux
tableaux commémoratifs , qui comprennent
divers portraits de personnages; ainsi le ta-
bleau de la convalescence de Louis XIV ; —
celui du mariage du duc de Bourgogne avec
Marie-Adélaïde de Savoie.
— « Moins apprêté que Rigaud, » écrit
M. Charles Blanc, « plus naturel, plus fin,
Largillière, dans ses portraits, l'emporte le
Du Portrait dans la peinture. ig3
plus souvent sur son émule, par la grâce du
pinceau et par l'excellence de sa couleur ar-
gentée et harmonieuse, égayée par ces beaux
gris qu'affectionnaient David Teniers et notre
Chardin.
» Les draperies, qu'il faisait d'inspiration,
sans mannequin, sans modèle, sont jetées avec
un rare bonheur; elles ont de l'ampleur, de
la souplesse, une tournure agréable et l'as-
pect de la réalité même.
» Ses têtes et ses mains sont dignes des plus
grands maîtres, et l'on peut dire que Largil-
lière est le Van der Helst de la France, tan-
dis que Rigaud n'en est pas, tout à fait, le
Van Dyck. »
« Rigaud, » dit Saint-Simon, « était alors
(1696) le premier peintre de l'Europe pour la
ressemblance des hommes et pour une pein-
ture forte et durable. »
Voici l'opinion du célèbre critique de cette
grande époque :
— « Son premier morceau, » ajoute d'Ar-
genville, « fut le portrait d'un nommé Mate-
ron, joaillier, qu'il fit, au premier coup, dans
19
i g4 Histoire du Portrait.
le goût de Van Dyck. Ce portrait passa suc-
cessivement au fils et au petit-fils du joaillier.
Ce dernier, voulant s'assurer s'il était de Ri-
gaud, le fit porter chez lui. Au nom de Mate-
ron, Rigaud reconnut son ouvrage : « La
» tête, » dit-il, « pourrait être de Van Dyck;
» mais la draperie n'est pas digne de Rigaud,
» et je veux la repeindre gratuitement. »
Rigaud fit souvent son propre portrait.
Pour apprécier cet artiste, on ne saurait
mieux faire que de laisser parler l'auteur de
son Histoire. — C'est vrai et juste tout à la fois :
— « La majesté, la pompe, étaient, sans
doute, le caractère du règne de Louis XIV, et
celui des grandes personnalités qui l'illustrè-
rent, mais il semble que Rigaud y ajouta en-
core un certain apprêt; on dirait qu'il peint
avec une arrogance castillane, et qu'il est
venu pour cela des Pyrénées. Chacun de ses
portraits paraît dire : Me voici! ou bien :
Regarde^, c'est moi qui ai gagné cette bataille
qui se livre au fond du tableau.., C'est moi
qui ai composé ce bel ouvrage de Théologie. . .
Voyei cette Bible que j'ai commentée. . . Je suis
Du Portrait dans la peinture. i ç5
le duc de Cambrai, etc.. Sous ce rapport,
Rigaud a été moins souple que Van Dyck et
moins varié. »
— Rigaud fit de très beaux portraits de
femmes, entre autres celui de Mmc Lebret de
la Briffe et encore celui de sa femme, Elisa-
beth de Gouy.
Ici doit se placer une petite anecdote ra-
contée avec infiniment d'esprit par M. Charles
Blanc :
— « Rigaud est appelé un jour chez une
dame de son voisinage, qui avait fait deman-
der un peintre.
» Rigaud se rend chez elle, très bien vêtu
comme à son ordinaire; mais à la façon dont
on le reçoit, il devinait qu'il n'était pas
attendu.
» La dame avait envoyé son valet chercher
un peintre, il est vrai, mais un peintre pour
mettre en couleur le parquet de son apparte-
ment, et le jocrisse s'était adressé à M. Rigaud.
» Celui-ci déclina sa compétence, mais
trouvant la dame jolie et d'autant plus char-
mante qu'elle souriait avec embarras de la
rpô Histoire du Portrait.
sottise de son valet, il se mit à ses ordres, si-
non pour passer en couleur son parquet, du
moins pour peindre sa figure. On fit ainsi
connaissance, et cette rencontre fortuite finit
par un mariage. »
Rigaud ne sacrifia jamais la vérité aux ca-
prices de ses modèles. Bien élevé, convenable
avec les femmes, il n'aimait pas à les peindre :
« Si je les fais telles qu'elles sont, » disait-il,
« elles ne se trouvent pas assez belles; si je les
» flatte trop, elles ne ressembleront pas. »
— « Dès les premières années du règne de
Louis XIV, » écrit M. H. Delaborde, « une
sorte d'emphase dans la composition des
portraits tendait à exagérer les caractères de
la grandeur : l'excessive adresse du pinceau
faisait une trop large part à la pratique. Ce
goût pour les formes pompeuses, ces entraîne-
ments de l'École vers l'affectation pittoresque,
on peut les attribuer aux exemples et à l'in-
fluence d'un maître bien éminent d'ailleurs,
bien justement célèbre, Hyacinthe Rigaud.
» Tout le monde connaît, soit par les origi-
naux mêmes, soit par les estampes qui les
Du Portrait dans la peinture. igy
reproduisent, les beaux portraits de Bossuet,
de Philippe V, de la duchesse de Nemours,
et tant d'autres de la même main, parmi les-
quels on ne saurait omettre cet admirable
portrait de Louis XV enfant, en costume
royal, le chef-d'œuvre du peintre, sinon le
chef-d'œuvre de la peinture de portrait en
France. Rien de plus vrai, à certains égards,
que de tels ouvrages, rien de plus conforme
aux mœurs et à l'esprit du temps; mais aussi
rien de moins simple comme mode d'exécu-
tion et de mise en scène.
» La méthode de Rigaud, différente en cela
de la méthode de Philippe de Champagne
ou de Nanteuil, ne consiste pas seulement
dans une étude scrupuleuse du caractère
moral tel que l'expriment les traits du
visage. Pour compléter la ressemblance et
accuser pleinement les habitudes de son mo-
dèle, le peintre entasse sans compter les
objets propres à expliquer soit une idée de
supériorité intellectuelle ou hiérarchique, soit
une idée de pure magnificence.
» De là quelque chose de tourmenté dans
ig8 Histoire du Portrait.
l'ordonnance, quelque confusion dans les
détails. En ornant un peu trop la vérité,
Rigaud l'appesantit parfois et la surcharge ;
mais ces exagérations mêmes proviennent
chez lui d'un excès de calcul et de besoin de
tout définir.
» Quelques-uns de ses successeurs au con-
traire arrivèrent à l'exagération en écoutant
surtout leur fantaisie : ils introduisirent la
morgue et le faste là où il avait exprimé la
dignité et la sécheresse, le désordre là où il
s'était proposé — assez à tort, du reste — de
figurer le mouvement.
» Ainsi, pour rompre la monotonie des
lignes, Rigaud avait essayé d'agiter les dra-
peries servant de fond à ses portraits, inven-
tion malencontreuse, puisque le vent, auquel
il supposait le pouvoir de soulever ces dra-
peries, n'en laissait pas moins le reste parfai-
tement immobile.
» On ne manqua pas d'enchérir sur cette
faute de goût. De véritables trombes vinrent
ravager l'intérieur des appartements où les
peintres représentaient d'ailleurs leurs mo-
Du Portrait dans la peinture. igg
dèles dans l'attitude la plus calme, dans la
toilette la plus en ordre.
» Rigaud avait peint, avec plus ou moins
d'à-propos, des princesses ou des femmes de
la cour entourées d'attributs empruntés à
l'Olympe ; il n'y eut si mince bourgeoise à
qui Ton ne décernât les honneurs d'une sem-
blable apothéose. Puis à cette manie de tra-
vestissements mythologiques succédèrent des
aspirations plus humbles en apparence, au
fond tout aussi peu sensées.
» Les Déesses, une fois hors de mode, ce
fut le tour des Pèlerines et des Bergères.
Enfin le besoin de dénaturer le fait, le goût
de la débauche pittoresque et de la masca-
rade en vinrent à ce point qu'on imagina de
peindre les femmes sous des habits d'hommas,
témoin certain portrait de Mlle de Charolais,
exposé aujourd'hui dans le palais de Ver-
sailles, qui nous montre cette princesse en
costume de moine franciscain portant virile-
ment sa besace. » (H. Delaborde, La Pein-
ture de Portraits en France, Revue des Deux
Mondes, oct. i852.)
200 Histoire du Portrait.
— « Rigaud a le défaut de son siècle, » nous
dit M. Charles Blanc; « il a même exagéré
l'emphase. Moins élégant dans ses poses,
moins simple que Largillière et moins frais
de couleur, il a poussé du moins, aussi loin
que possible, les qualités essentielles d'un
peintre de portraits, la vérité.
» Ses chairs sont d'un modelé ferme et
très bien senti. Ses draperies dont on lui a
reproché, avec raison, la boursouflure et le
fracas, sont admirables d'exécution, si ce
n'est, peut-être, dans quelques ouvrages de sa
vieillesse.
» Pour ses mains, elles sont excellentes,
moins allongées, moins distinguées, mais plus
vraies que celles de Van Dyck, qui les faisait
un peu de convention. Rigaud les a variées
de cent manières, les présentant toujours avec
grâce et dans les raccourcis les plus heureux.
Il aime à poser la main d'un cardinal ou d'un
évêque sur une Bible, dont le prélat tourne
les feuillets, comme pour faire admirer ses
doigts délicats et faire chatoyer son anneau
épiscopal.
Du Portrait dans la peinture.
» Il peint, à ravir, les mains enfantines et
blanches du jeune duc de Lesdiguières, tenant
un bâton de commandement, et les mains
brunies du maréchal de Villeroy ou du duc
de Villars qui montrent au loin la bataille,
au lieu d'y être.
» Les perruques si difficiles à peindre, les
cheveux si difficiles à rendre, n'étaient qu'un
jeu pour Rigaud.
» Sa couleur, qui parfois tire sur la brique,
a ordinairement beaucoup de vivacité, de
torce et de richesse.
» Sa touche enfin, tant qu'elle ne fut pas
alourdie par l'âge, fut des plus savantes et
des plus belles.
» Mêlée à toutes les gloires de son temps,
burinée sur l'airain par les plus illustres gra-
veurs, la gloire de Rigaud semble impéris-
sable. Elle a du moins la chance de vivre aussi
longtemps que les merveilleuses estampes de
Pierre Drevet et d'Edelinck et que les grands
noms de La Fontaine et de Bossuet. »
Robert Tournières (1668), sans avoir un
grand talent, a su faire des portraits remar-
Histoire du Portrait.
quables; il avait un coloris agréable, un des-
sin assez correct pour donner un contour
parfait ; ses portraits enfin ont un aspect de
vérité qui frappe et qui séduit.
Il entra à l'Académie comme peintre de
portraits le 24 mars (1702).
Tour à tour il faisait de petits ou de grands
portraits ; d'autres fois il groupait toute une
famille.
Le Musée de Caen, patrie de Tournières,
possède une magnifique tête de magistrat, lés
portraits de Chapelle et de Racine. Il y a
aussi à Caen le portrait du jurisconsulte
Jacques Crevel ;
A Versailles, le portrait de Michel Cor-
neille ;
Au Musée d'Orléans, celui de M. de Saint-
Geniez ;
Au Musée de Rennes, un maréchal de
France ;
A TÉcole des Beaux-Arts, l'académicien
Mosnier ;
A Nantes, M. de Maupertuis, sa femme et
ses enfants (3 portraits).
Du Portrait dans la peinture. 2o3
Cet artiste a fait deux fois son portrait.
Pour bien juger Tournières, il faut dire
qu'il était très soigneux dans son faire, fin et
délicat dans son colons, mais il voyait peti-
tement. Il n'est pas grand et puissant comme
ses prédécesseurs ; très méthodique dans l'exé-
cution de ses œuvres, Tournières arriva à
plaire par ce soin exquis, mais il a de l'es-
prit et éclaire bien ses têtes.
On a quelques portraits de Jean Raoux
(1677). Cet artiste avait une grande préférence
pour les portraits historiés. On a de lui :
Mlle Perdigon et les portraits des évêques de
Montpellier et de Senez.
Casanova a dit de Jean-Marc Nattier(i 685):
« Il faisait le portrait d'une femme laide ; il la
peignait avec une ressemblance parfaite, et
malgré cela, ceux qui ne voyaient que son por-
trait la trouvaient belle, alors que l'examen le
plus minutieux ne faisait découvrir dans le
portrait aucune infidélité ; mais quelque chose
d'imperceptible donnait à l'ensemble une
beauté réelle et indéfinissable. »
Et, comme le dit très bien M. Charles Blanc,
204 Histoire du Portrait.
ce quelque chose d'imperceptible, « c'est le
goût, auquel nous devons de compter dans
l'École française tant de peintres aimables,
tant de portraits excellents. »
— Un seul reproche peut être fait à Nat-
tier : presque tous ses portraits se ressemblent
entre eux : même œil noir, même figure
ronde, mêmes mains potelées; souvent les
mêmes poses et les mêmes airs penchés.
Nattier peignit de grands personnages : les
princes et les princesses de la maison de
Lorraine, le maréchal de Saxe, la . prin-
cesse de Lambesc, en Minerve; le comte
de Brionne, le chevalier d'Orléans, grand
prieur de France.
Il fit aussi le portrait de Catherine de
Russie.
Au moment où Fart français commençait à
décliner rapidement, pour laisser la place à la
manière, à l'afféterie, aux fausses grâces, nous
devons signaler le peintre Tocqué, qui sut
rester dans les grands principes de l'art.
Il ne semble pas même voir l'affectation et
l'emphase de son maître Nicolas Bertin.
Du Portrait dans la peinture. 20 5
Tocqué sut peindre simples des gens qui ne
Tétaient pas ; il rendait la véritable grandeur,
en restant calme et paisible. Tocqué entra à
l'Académie avec les portraits de Golloche et
de Jean-Louis Lemoyne, sculpteurs.
Il épousa la fille aînée de Nattier, mais le
gendre resta supérieur à son beau-père par
le talent
En (1739), Tocqué fit le portrait du Dau-
phin. Ce portrait est froid et trop sérieux pour
un enfant de dix ans; il est également trop en-
combré d'accessoires très inutiles; c'est un
défaut de l'époque. La liste des personnages
peints par Tocqué est considérable; nous ci-
terons :
La reine Marie Leczinska (1740), — la
Dauphine, — le duc de Chartres, — le prince
de Galles, — le comte de Saint-Florentin, —
M. de Tournehem, — le marquis de Marigny,
— le poète Gresset, — la spirituelle Mme de
Graffigny.
La réputation de Tocqué était connue jus-
qu'en Russie; il y fut appelé par l'Impératrice,
dont il exécuta le portrait, ainsi que ceux du
2o6 Histoire du Portrait.
comte de Woronzoff, — du comte Cyrille de
Rasumofski — et de Nicolas Esterhazy.
De Russie , Tocqué passa en Danemark,
sur l'invitation du Roi ; il y fit le portrait de
Frédéric V, — de la Reine — et des membres
de la famille royale.
Si Tocqué n'eut pas la gloire d'être le peintre
de la cour, des petites et grandes dames alors
en vogue, il eut l'honneur de respecter Part
français et d'aller soutenir sa gloire à l'étranger.
François Boucher a fait un magnifique por-
trait de Mme de Pompadour.
La courtisane souveraine est étendue non-
chalamment sur une causeuse, appuyée sur des
coussins, le dos contre une glace qui reflète
une bibliothèque-horloge.
Mme de Pompadour tient un volume de la
main droite ; ce volume est appuyé sur les ge-
noux de la marquise; elle est vêtue d'une robe
bleue parsemée de roses; cette robe, ouverte
en carré, a la prétention de vouloir cacher
une poitrine qui fait, au contraire, tous ses
efforts pour se montrer. Aux pieds de la mar-
quise, on voit un petit chien, des feuillets, des
Du Portrait dans la peinture. 20 7
crayons, emblèmes servant à rappeler qu'il y
a des planches au bas desquelles on lit : « Pom-
padour sculpsit. »
Divers portraits de Jeanne-Antoinette Pois-
son d'Étiolés, marquise de Pompadour, ont
été exécutés par les plus célèbres peintres de
cette époque : par La Tour, Boucher et
Drouais.
Cari Vanloo, — Cochin, — Peronneaux, — >
Nattier — et Schenaux en ont fait aussi de fort
intéressants, popularisés par la gravure.
Greuze exposa en (1761). Diderot écrivait
dans son Salon : « On dit que le portrait de
M. le Dauphin ressemble beaucoup. Celui de
Babusti, beau-père du peintre, est de toute
beauté; et ces yeux éraillés et larmoyants, et
cette chevelure grisâtre, et ces chairs, et ces
détails de vieillesse qui sont raffinés au bas
du visage et autour du cou, Greuze les
a tous rendus ; et cependant sa peinture est
large. Son portrait, peint par lui-même, a
de la vigueur; mais il est un peu fatigué,
et me plaît beaucoup moins que celui de son
beau -père. »
208 Histoire du Portrait.
Diderot est plus sévère dans le Salon de
(1763). Il écrit :
« Portrait de M. le duc de Chartres. — Je
n'aime pas ce portrait , il est froid et sans
grâce.
» Je n'aime pas le portrait de Mademoiselle ;
il est gris, et cette enfant est souffrante. Il y a
pourtant dans celui-ci des détails charmants,
comme le petit chien, etc.
» Portrait de Mmo Greuze. — Je jure que ce
portrait est un chef-d'œuvre qui, un jour à
venir, n'aura point de prix. »
En (1769), Greuze fit le portrait d'Etienne
Jeanrot , peintre : Jeanrot est vu de trois
quarts, assis dans un fauteuil, tourné à gauche,
la tête couverte d'une espèce de bonnet de
drap noir bordé d'or ; il porte un large vête-
ment de couleur violàtre par-dessus un gilet
de satin noir. La tète est finie, les yeux
sont spirituels et les coins de la bouche bien
dessinés.
La galerie Lacaze possède le portrait de
Gensonné : cheveux poudrés , en cravate et
gilet blancs, habit noir; tête finie et intelli-
Du Portrait dans la peinture. 20g
gente, où l'on retrouve les adorables gris qui
caractérisent la peinture de Greuze.
« Sous le règne de Louis XVI, » dit M. H. De-
laborde, « les peintres de portraits commencè-
rent à se départir de ce goût excessif pour les
épisodes et de ces habitudes d'analyse subtile.
» Déjà Greuze avait mis en faveur une ma-
nière, sinon moins recherchée au fond, du
moins plus simple dans la forme, puisqu'elle
n'employait, comme moyens d'expression, que
le choixde l'attitude et la ressemblance des traits
du visage. Peu ou point d'accessoires autour
du personnage représenté, des ajustements de
couleur incertaine et débarrassés de ces mille
enjolivements que le pinceau détaillait naguère
avec tant de complaisance ; un faire assez mou,
mais non sans charme; la grâce flottante et
inachevée d'uneébauche voilant l'aspect du ta-
bleau, et donnant aux contours une apparence
presque effacée, voilà ce qui caractérise la
méthode adoptée par Greuze dans la compo-
sition et l'exécution de ses portraits : méthode
bien française, en ce sens qu'elle se distingue
surtout par le tour ingénieux et l'élégance du
•jio Histoire du Porti'ait.
style, mais en désaccord d'autre part avec les
précédents de l'École, puisqu'elle tendait à
remplacer ce besoin de tout expliquer, poussé
parfois jusqu'à la définition prolixe, par une
facilité un peu superficielle et une exactitude
d'à peu près. » — (H. Delaborde, Revue des
Deux Mondes, i852.)
Un des plus beaux portraits de Greuze est,
sans contredit, celui de Fabre d'Églantine ; il
est en buste de trois quarts, tourné vers la
gauche ; cheveux poudrés et relevés, gilet cha-
mois, cravate blanche, habit noir. — Quelle
finesse et quel modelé ! Toutes les qualités du
portraitiste se rencontrent dans cette toile de
60 centimètres.
En (1783), David exposa les portraits de
M. Desmaisons, — de Mme Pécoul, — de M. le
comte de Glermont d'Amboise; en (1789),
M. et Mme Lavoisier, — M. Thelasson de
Sorcy, — Mmc d'Orvilliers, — Mme de Bré-
hant, — M. et Mmc Vassal, — Mme Lecoueteux
et Mme Hocquart.
En (1793), la Mort du jeune Barra, le por-
trait de Bailly, — de Grégoire, — de Prieur,
Du Portrait dans la peinture.
— de Robespierre, — de Jean-Bon Saint-An-
dré, — de Saint-Just, — de Marie-Joseph
Chénier, — de Boissy d'Anglas.
Malheureusement, le Serment du Jeu de
Paume n'a pas été terminé, mais David nous
donne cependant les traits de Bailly, qui
occupe le milieu de la composition.
A la même époque, l'artiste fait le portrait
de Lepelletier de Saint-Fargeau, puis celui de
Marat, qui a un grand caractère de vérité,
une bonne et solide exécution.
En (1795), David exécute, pour M. Rous-
selin Saint-Albin, ami de Danton, le portrait
du terrible tribun ; il fit ce portrait de sou-
venir.
En (1800), le portrait équestre du premier
consul gravissant le Saint-Bernard.
David fit, à cette même époque, Mmos Ver-
ninac, Pastoret, Trudaine, Récamier.
En (1808), il fit le portrait en pied de l'Em-
pereur, et beaucoup d'autres encore.
Dans le portrait de Pie VII, David a mon-
tré une grande science de modelé : c'est simple,
par là, grand.
■j 1 2 Histoire du Portrait.
Napoléon Ier commanda à David, au prix
de 180,000 francs, les deux tableaux de la
Distribution des Aigles et du Couronnement.
Dans le Couronnement, on ne compte pas
moins de cent cinquante portraits peints avec
conscience, et la plupart fort ressemblants,
entre autres, Talleyrand, Bernadotte, Cam-
bacérès, qui occupent le premier plan.
— « Les rares portraits peints par David, »
dit M. H. Delaborde, « ne sont, à vrai dire,
que de savantes études. — L'art de la com-
position n'y a point de part, si ce n'est
dans le Bonaparte franchissant le mont
Saint-Bernard, et dans les deux portraits en
pied de l'Empereur. — Le célèbre Pie VII
lui-même n'atteint chez David que la volonté
de se soumettre pleinement à l'autorité de la
nature. »
La gracieuse Mm0 Vigée-Lebrun doit nous
occuper tout spécialement : beauté, esprit,
talent, elle eut tout!
Quelle grâce dans les attitudes de ses' mo-
dèles ! Comme on retrouve la femme chaste
et fine dans les airs penchés de ses portraits !
Du Portrait dans la peinture. 2i3
Quel joli ton quand il ne se rapproche pas
trop de Greuze ! Mme Vigée-Lebrun eut un
succès immense; comblée de soins et de pré-
venances par la reine Marie-Antoinette, elle
fut également bien accueillie dans toutes les
cours étrangères.
Par"mi les œuvres les plus remarquables de
cette artiste, nous devons citer tout d'abord
le portrait de Marie- Antoinette, coiffée d'une
toque à plumes et vêtue d'une robe rouge
garnie de fourrures. La Reine tient sur ses
genoux le petit duc de Normandie ; près d'elle,
sa fille enlace son bras dans une pose enfan-
tine ; devant le groupe se tient, près du ber-
ceau, le jeune Dauphin.
Ce tableau fut le morceau de réception de
Mme Lebrun à l'Académie.
A Florence, on lui demanda son portrait
pour être placé dans la célèbre chambre des
Uffi{i, consacrée aux portraits des peintres
célèbres, peints par eux-mêmes.
A Naples, elle peint l'admirable Lady Ha-
milton, couchée au bord de la mer, tenant
une coupe à la main; sa belle figure était fort
214 Histoire du Portrait.
animée, elle avait une quantité de beaux che-
veux châtains qui pouvaient la couvrir entiè-
rement, et, en bacchante, les cheveux épars,
elle était admirable.
Mme Vigée-Lebrun fit plusieurs fois son por-
trait : en chapeau de paille ; à demi-nue, et
elle est charmante à voir ainsi, serrant avec
effusion sur son sein sa petite fille, la joie de
sa vie, jusqu'au jour où elle quitta sa mère
pour aller à l'autel recevoir la blanche cou-
ronne des mariées.
Voici la liste des principaux portraits de
Mme Vigée-Lebrun :
En (1788), Hubert Robert;
En (1798), Joseph Vernet ; puis encore:
Miss Pitt, — Mlle Roland, — la comtesse Po-
tocka, — Mesdames de France, Adélaïde et
Victoire, — Marie-Thérèse, épouse de Fran-
çois II, — Marie-Louise, femme du grand-
duc de Toscane;
En (1807), la Reine de Naples, Caroline
Murât, — les princesses d'Esterhazy, Galit-
zin, de Wurtemberg, de Polignac, — Napier,
— Alexis Houragin ;
Du Portrait dans la peinture. 21S
En (1824), S. A. R. la duchesse de Berri,
— la duchesse de Guiche.
En tout, plus d'une centaine de portraits à
l'huile, au pastel et au dessin.
Le jugement porté sur Mmc Lebrun par
M. H. Delaborde mérite d'être rapporté :
— « La manière plus attrayante que sérieuse
dont Greuze venait de donner l'exemple, un
autre talent aimable, Mme Lebrun, se chargea
de la continuer, ou tout au moins d'en repro-
duire l'esprit sous des formes moins systéma-
tiquement indécises.
» Le portrait de Marie-Antoinette et de ses
enfants, celui de l'auteur et de sa fille, main-
tenant au musée du Louvre, et surtout un
autre portrait de l'auteur que l'on voit dans la
galerie des Offices, à Florence, prouvent
assez que ce talent, tout en sacrifiant beaucoup
à la grâce, se préoccupait aussi de la cor-
rection.
» C'est ce mélange d'abandon et de netteté
qui prête un charme singulier à des œuvres
où rien d'ailleurs n'est en contradiction avec
le sexe de l'artiste qui les a signées.
2 / 6 Histoire du Portrait.
» De toutes les femmes dont les noms figu-
rent dans Thistoire de l'art, Mme Lebrun, en
effet, n'est pas seulement la plus habile, elle
est encore celle qui, dans son rôle de peintre,
garde le mieux l'attitude et la vraie physiono-
mie de son sexe.
• » ... Mrae Lebrun sait rester femme en fai-
sant acte d'artiste. La force chez elle n'im-
plique pas plus une idée de faiblesse, que la
fermeté de son pinceau ne dégénère en har-
diesse malséante. Il semble qu'on sente par-
tout une main délicate, guidée par une intel-
ligence plus occupée du soin de plaire que de
l'ambition de dominer.
» Jusqu'au jour où le talent de Gérard vint
à se produire, Mme Lebrun (c'était justice) pas-
sait en France pour le meilleur peintre de
portraits de l'époque. — Quelques années
plus tôt, peut-être eût-elle disputé au nouveau
venu, non pas le premier rang, auquel il eut
droit tout d'abord, mais une large part d'ap-
plaudissements. Maintenant elle lui laissait le
champ libre. Après s'être volontairement exi-
lée au commencement de la Révolution, elle
Du Portrait dans la peinture. 21 y
devait attendre longtemps encore qu'il lui fût
permis de rentrer dans son pays. Lorsqu'elle
y revint, pour ne plus le quitter, vers 18 10,
elle n'essaya même pas d'engager la lutte, et
sans amertume contre le présent, elle se ré-
signa avec son bon goût habituel à n'apparte-
nir désormais qu'au passé. »
Prud'hon, qui est un de nos grands pein-
tres, devait, comme nous tous, payer sa large
part aux soucis, aux chagrins et aux larmes.
Nature aimante et délicate, il devait souffrir
dans ce qu'il avait de plus sensible, dans ce
pauvre rien qui nous rend grand et célèbre,
ou qui tue et notre intelligence et notre faible
corps, après nous avoir rendu malheureux.
Quelle poésie, quelle rare habileté dans
Prud'hon !
Comme peintre français, Prud'hon est un
des artistes qui possédèrent le plus le sentiment
de la lumière; poète, il a rendu dans ses des-
sins, dans ses toiles, des pensées intimes qui
semblaient intraduisibles. Une sorte de fata-
lité devait rendre malheureux, jusqu'à ses
derniers jours, ce grand artiste qui, comme
2i 8 Histoire du Portrait.
Greuze et Géricault, ne devait pas voir l'avè-
nement de sa gloire.
Nous devons à Prud'hon de beaux et ma-
gnifiques portraits.
— « Prud'hon, » disait Guizot dans son
Salon de (1810), « a exposé deux belles tètes,
un portrait et une tête de Vierge.
» Il y a beaucoup d'art et un peu de ma-
nière dans cette extrême suavité du pinceau,
qui dégénère si facilement en mollesse; à force
de fondre les contours, de ne rien arrêter, de
ne présenter à l'œil que des formes indétermi-
nées, on tombe dans un vague, une incerti-
tude qui mènent à l'incorrection, et quant au
coloris, son éclat, lorsqu'il n'est pas uni à de
l'énergie, nuit souvent à la vérité. »
Au Salon de (18 12), Prud'hon exposait le
portrait du Roi de Rome.
Il fit aussi le portrait de Joséphine, Impé-
ratrice des Français, vêtue à l'antique, cou-
chée sur un tertre, la tête appuyée sur son
bras gauche.
Prud'hon donna encore les portraits de
M. et Mmc Anthony, — de la princesse Bac-
Du Portrait dans la peinture. 21 g
ciochi, — de l'abbé Barbier, — de Mme Bor-
nier, — de M. Cabochet, — de Mme Constan-
tin, née Didot, — de la duchesse de Talley-
rand, — de Mmc Dufresne, — de M. Fontami,
— de Gauthier La Chapelle.
De Prud'hon sont également les portraits
du marquis Gouvion Saint-Cyr, — de Mme de
la Riboissière, — de Mllc Meyer à dix-sept
ans, — et deux autres portraits de la même
personne, — de M. de Mesmay, — du maré-
chal Moncey, — de M. Antoine Passy, — de
la duchesse de Polignac, — de Mme Roland,
un des plus beaux portraits du maître, — du
Roi de Rome, — du comte de Sommariva,
— du prince Talleyrand-Périgord, — de
M. Viardot et de Mmc Viardot, etc.
M. Thiers nous a laissé ce remarquable
jugement sur Prud'hon, dans son Salon
de (1822) :
— « Je me hâte d'arriver à un tableau qui
a touché le public, et dont le succès a été po-
pulaire.
» C'est une famille désolée peinte par
M. Prud'hon; un père encore dans la force
220 Histoire du Portrait.
de l'âge est étendu mourant sur une chaise ;
sa fille aînée le soutient par derrière, ses deux
jeunes fils, assis à ses pieds, pleurent à chau-
des larmes; quant au père, il est expirant, et son
visage décoloré annonce sa mort prochaine.
» Il est impossible de rendre l'impression
produite par la vue de ce tableau si simple,
et où le peintre s'est si peu tourmenté pour
produire de l'effet. Il prouve, ce qu'on a ré-
pété si souvent, et ce qu'il est si difficile de
faire comprendre aux artistes, que, sans ima-
giner des sujets singuliers et terribles, sans
chercher à émouvoir la sensibilité par des cir-
constances bizarres, la nature simplement
exposée touche profondément. »
Nous avons un certain nombre de portraits
par Girodet; nous ne ferons que mentionner
les œuvres les plus importantes de cet artiste.
On a de Girodet : le frère de Napoléon en
pied, — Chateaubriand, — M. de Sèze, —
Mme Merlin, — M. de Saint-Victor, le père,
— Alexandre Boucher, — le général vendéen
marquis de Bonchamp, — Cathelineau, —
Mme de Reizet.
Du Portrait dans la peinture. 2 2 /
En (1799), Girodet avait exposé le portrait
de Mllc Lange, mais ensuite le peintre le
coupa en morceaux; en (1800), Girodet
exposa un nouveau portrait de Mlle Lange;
l'actrice était figurée sur un lit, recevant une
pluie d'or, et près d'elle était un coq d'Inde
dont la tète rappelait un membre du Direc-
toire.
De (1804 à 1824), Girodet exposa trente-
deux portraits : parmi lesquels ceux du chi-
rurgien Larrey, — de Bonchamp, — de
Cathelineau.
En (1806), on écrivait de Girodet :
; — « Ce n'est pas sans perdre quelque chose
que M. Girodet est descendu des hauteurs
de la peinture historique au portrait. Cela
s'explique par l'énergie même du talent de
l'auteur. Il ne peut échouer que dans des su-
jets au-dessous de lui.
» Je me rappelle un mot charmant de Mon-
taigne, et qui reçoit ici son application ; il
dit avec force dans son vieux style : « J'ai le
pied ferme à mont, mais je choppe volontiers
en plaine. »
222 Histoire du Portrait.
» Dans le portrait exposé sous le n° 225, je
ne reconnais plus le talent de l'artiste à qui
Ton doit le grand drame du Déluge. Les tètes
ne tournent pas, la main gauche du docteur
est mieux, mais celle-là exceptée, toutes les
mains sont médiocres, la couleur du vête-
ment de l'enfant tient au fond du tableau, les
accessoires sont négligés. » (Salon de 1806,
Pausanias Français.)
En (18 10), M. Guizot écrivait à son tour :
— « C'est avec un vif sentiment de plaisir
que Ton aperçoit au bout de la galerie
d'Apollon le beau portrait de M. Chateau-
briand par M. Girodet, dont j'ai parlé, et
qui, bien qu'un peu noir, frappe vivement
par la vérité de l'imitation, la noblesse et
l'énergie du style.
» Alors on se sent à Taise : on entre dans la
grande rotonde, et bientôt les magnifiques
portraits qui se présentent font oublier un
premier moment fâcheux.
» Le plus parfait est peut-être celui de Mme la
comtesse de P..., en pelisse et robe de velours
bleu, par M. Girodet; vérité de tons, élé-
Du Portrait dans la peinture. 223
gance de contours, grâce et fini du pinceau,
tout s'y réunit pour rappeler la manière des
maîtres de l'École italienne, surtout la belle
tète de Léonard de Vinci, comme celle de la
belle Ferronnière.
» On y reconnaît cette harmonie suave sans
mollesse, cette pureté sans raideur, cet heu-
reux talent de conserver toutes les beautés de
la nature en y ajoutant celles de la perfection
de l'art.
» Il n1est aucune galerie qu'un tel tableau
ne pût orner.
» M. Girodet a exposé aussi le portrait
d'une jeune personne tenant un bouquet de
violettes, dont la tête est charmante. Les
autres portraits de femmes pèchent, à mon
avis, par la couleur, qui en est un peu grise
et morte. »
Gérard envoya à l'Exposition de (1796) le
portrait d'Isabey, tenant par la main sa jeune
fille. Ce tableau est au Louvre; c'est un des
portraits remarquables du maître. Presque
toujours les artistes réussissent lorsqu'ils font
les portraits de leurs parents ou de leurs amis.
•224 Histoire du Portrait.
— « Ce qui frappe, en effet, » nous dit
M. H. Delaborde, « dès le premier coup
d'œil, lorsqu'on se trouve en face de ce beau
portrait, c'est une expression de vérité sans
excès, mais profondément ressentie; c'est
l'accent du talent épris de sa tâche et la pour-
suivant jusqu'au bout avec le même entrain.
» A coup sûr, la science ne fait pas ici dé-
faut au sentiment du peintre; on trouverait
difficilement, parmi les œuvres appartenant
au même genre, une œuvre plus correcte de
tous points; mais cette réserve est discrète,
elle tend si peu à prédominer, qu'on l'oublie
en quelque sorte, et que même certains partis
pris en vue de l'effet gardent le caractère de
la simplicité et de la vraisemblance. »
Guizot écrit en (1810) dans son Salon :
— « M. Gérard s'est surpassé lui-même dans
le portrait de Mmu V...; elle est debout, au
milieu d'un paysage; grâce et vérité, voilà ce
qui frappe à la vue de ce tableau les moins
connaisseurs. Le pinceau de M. Gérard a ré-
pandu sur toute la figure une douceur, une
souplesse et une noblesse charmantes...
Du Portrait dans la peinture.
» Parmi les portraits en buste, celui de
S. A. R. le prince de Ponte-Corvo, prince royal
de Suède, et celui de M. Redouté m'ont paru
les plus remarquables, l'un par une grande
fermeté, une extrême chaleur de pinceau,
l'autre par une vérité et une simplicité rares.»
Pendant plusieurs années Gérard se voua
entièrement au portrait, et il acquit dans ce
genre une réputation colossale.
Il peignit alors Mmc Regnault de Saint-Jean
d'Angely.
Il fit les portraits du général Moreau, —
de Darcet, — de Poisson, — de Suard, — de
Canova , — de son ami Le Breton , —
de Mmc Récamier, — du premier Consul
et de Joséphine, — de Marie-Louise et du
Roi de Rome, — de Louis XVIII, — de
Charles X, — du comte d'Artois.
En (1817), Miel écrit dans son Salon :
— « M. Gérard, comme Van Dyck, comme
Titien, est le peintre des souverains, des
princes, des personnages illustres. Dans le
portrait de Monsieur, on reconnaît une main
très habile.
23
22Ô Histoire du Portrait.
» Dans le portrait de monseigneur le duc
d'Orléans, la tète est ressemblante, la physio-
nomie est noble et caractérisée, la poitrine
tourne bien ; la partie supérieure de l'ajuste-
ment est étonnante; vérité, fermeté, préci-
sion, tout s'y trouve.
» On pourrait reprendre quelque chose
dans la forme de la tète et dans le modelé
des cuisses, le dessin de ces parties manque
de sévérité ; le fond semble aussi trop brun
par rapport aux tons éclatants du costume.
La palette de M. Gérard est magique; pour-
quoi un aussi beau talent est-il quelquefois
frelaté ? »
— « Après que David, » raconte M. H. De-
laborde, « eut exposé au Salon de (1785) son
tableau des Horaces et ruiné par ce brillant
succès toutes les fausses gloires de l'École,
toutes les routines académiques, Gérard, à
l'exemple des autres artistes de son âge, quitta
sans marchander une discipline surannée
pour passer dans le camp du novateur. L'ate^
lier de David, comme autrefois à Bologne
celui des Carrache, devint le port de salut
Du Portrait dans la peinture.
où se pressèrent d'abord les nombreux trans-
fuges de la vieille cause, puis des disciples
qui, n'ayant pas eu à se convertir, auraient
pu, sans danger pour leur zèle, se dispenser
d'être intolérants.
» L'intolérance, cependant, l'injustice même
pour tout ce qui ne se rattachait pas directe-
ment aux nouvelles doctrines, semblait un
pieux tribut dont nul n'avait le droit de
s'exempter.
» Je me trompe : parmi ces disciples un
peu plus fervents que de raison, il s'en trou-
vait un qui, sans méconnaître l'opportunité
de la réforme, sentait déjà le besoin d'en
limiter les conséquences et refusait de pous-
ser le zèle du purisme jusqu'au culte d'un
inerte idéal.
» A ses yeux, la représentation de la vie
gardait encore son importance et sa part légi-
times dans les œuvres d'art. La peinture après
tout n'avait pas pour objet unique l'imitation
absolue de l'antique; en un mot, Gérard
croyait à la possibilité de se montrer vrai sans
bassesse et correct sans archaïsme.
228 Histoire du Portrait.
» Le portrait en pied d' Isabey, peint en
(1795), et le portrait de Mlle Brongniart, ex-
posé au Salon de cette même année, furent
les premiers et éclatants témoignages de l'in-
dépendance de ses opinions sur ce point... »
— ( La Peinture de Portrait en France, Rev.
des Deux Mondes, oct. i852.)
M. H. Delaborde, étudiant le portrait
d'Isabey, ajoute :
— « Isabey, debout et tenant par la main sa
fille, enfant de 4 à 5 ans, s'arrête à l'angle
de deux escaliers, dont l'un, à gauche, va
se perdre dans le haut de la toile, et l'autre,
vu de face, ou plutôt pressenti, grâce aux
lignes précipitées de la voûte qui le surmonte,
aboutit à une porte ouverte sur un jardin.
» Ce fond, parfaitement disposé pour lais-
ser aux deux figures l'importance et le relief
nécessaires, n'est pas, ainsi qu'il arrive d'or-
dinaire dans les grands portraits, un fond de
fantaisie.
» A l'époque où Gérard peignit Isabey,
celui-ci, comme plusieurs autres artistes, avait
un logement au Louvre, et les détails d'archi-
Du Portrait dans la peinture. 22 g
tecture reproduits par le peintre ne sont qu'un
trait de ressemblance de plus dans cette véri-
dique image. Ne sent-on pas d'ailleurs que le
modèle est représenté chez lui, et le choix
même du costume n'indique-t-il pas un homme
surpris dans les habitudes familières de sa vie?
» Une veste flottante en velours noir, une
culotte de couleur verdàtre, des bottes à re-
vers, et pour Tentant une robe blanche sans
ornements d'aucune sorte, un bonnet d'où
s'échappent des mèches de cheveux indociles,
voilà certes des éléments d'ajustement bien
différents de la magnificence pittoresque à la-
quelle on était depuis longtemps accoutumé.
» Avec de si humbles ressources, Gérard a
su pourtant donner aux lignes générales de
sa composition une véritable plénitude, et
aux formes de détail une élégance sans affec-
tation qui, loin de mentir à la réalité, l'épure
seulement et la confirme. »
Antoine-Jean Gros, qui était un grand
peintre d'histoire et de batailles, nous a laissé
de très beaux portraits.
Le plus beau, celui du général Lasalle, a
Histoire du Portrait.
une grandeur magistrale ; quelle fierté, quelle
vigueur !
— « Ce portrait de Lasalle, » dit M. Charles
Blanc, « est un de ceux qui, même dans une
simple gravure, heurtent le passant, et des-
quels on peut dire, comme des saillants modè-
les du Tintoret ou du Titien : On ne garde
point ces portraits, on les rencontre. »
Gros a fait également le portrait du général
Bonaparte et celui de Berthier ; — ceux encore
du roi de Westphalie; — de Zimmermann ;
— du général Legrand ; — de M. de la Ribois-
sière ; — du comte de Montbrun ; — de
Louis XVIII ; — de la duchesse d'Angoulême ;
— du comte Chaptal ; — de Charles X.
Dans la Distribution des récompenses aux
artistes par Napoléon (croquis au crayon),
Gros a tracé les portraits de la plupart de ses
camarades, indiqués en deux coups de crayon.
On y reconnaît très bien Girodet, — Gérard,
— Guérin, — Cari Vernet, — Cartelier, —
Denon, — David, — et Gros lui-même.
Il a fait encore le portrait de Masséna peint
sur taffetas.
Du Portrait dans la peinture. 23 1
M. Guizot disait de Gros, dans son Salon
de(i8io):
— « Si Ton veut sentir clairement la diffé-
rence de manière qui existe entre M. Gros et
les grands artistes de l'Ecole actuelle , qui
sont demeurés plus fidèles aux principes des
Grecs, sur l'importance du style noble, que
Ton compare son portrait du général de divi-
sion comte Legrand, avec celui de Chateau-
briand, méditant sur la ruine de Rome, par
M. Girodet.
» Ce sont deux superbes portraits, pleins
de fermeté, de vérité, de vie; mais en regar-
dant celui de M. Girodet* on sent, malgré l'in-
fériorité du coloris, que l'artiste, fidèle à la
loi de Thèbes, qui commandait d'embellir en
imitant, a réuni le sentiment grandiose au
sentiment de la nature , et que par cette
heureuse alliance, il est parvenu à don-
ner à son ouvrage un caractère historique
que Ton chercherait vainement dans celui de
M. Gros.
» A la vérité, la tète que ce dernier avait à
peindre y prêtait beaucoup moins. Ceci n'est
_'.')'_' Histoire du Portrait.
point un mérite qui n'appartienne qu'à ce seul
portrait de Girodet; on le retrouve dans plu-
sieurs autres portraits de lui, qui sont vrai-
ment peints dans un style historique. »
— «M. Gros », écrivait Miel en (1817), « n'a
point d'excuse pour n'avoir pas fait ressem-
blant son beau portrait en pied du Roi. — Je
reprocherais encore à l'artiste de n'avoir pas
placé la figure dans le milieu de la toile.
— Mais l'attitude est majestueuse et vraie.
C'est un faire libre, une touche franche, un
pinceau ferme et sûr, c'est la manière des
maîtres. »
En (1827) M. *Jal ajoutait dans son
Salon :
— « Le portrait du Roi, par M. le baron Gros,
est-il au-dessus de la critique ? Croyez-vous
que cette figure sans vie et sans grâce, que ce
cheval si roide, que ce groupe diplomatique
si grotesque, que ce ton général, si jaune et si
lourd, soient des qualités recommandables?
Vous avez admis cependant l'ouvrage de
M. Gros, mais vous avez refusé un portrait
de M. Delacroix. »
Du Portrait dans la peinture.
M. H. Delaborde porte le jugement qui
suit sur la manière et les œuvres de Gros :
— « Le talent de Gros a plus de luxe que de
vraie puissance. Si grand que ce talent se
montre dans quelques portraits héroïques,
dans ceux, entre autres, de Bonaparte à Ar-
cole, du général Lassalle et du général Four-
nier-Sarlovèse, il n'exprime pas cependant,
sans une sorte d'ostentation, le caractère mar-
tial des modèles.
» Ailleurs il lui arrive de se montrer ou-
vertement emphatique, et le portrait équestre
de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, le
portrait de M. Daru, celui de Duroc, en cos-
tume de grand maréchal du Palais, sont trai-
tés dans un goût théâtral qui surcharge et tra-
vestit la vérité.
» Le style de Gros, nous ne parlons, bien
entendu, que du peintre de portraits et non
du noble peintre de Jaffa et d'Aboukir ; le
style de Gros a quelque chose d'excessif, de
fastueux, de panaché, pour ainsi dire. En
visant au grandiose, il ne rencontre, le plus
souvent, que l'exagération et l'enflure; et,
•■h
234 Histoire du Portrait.
sous prétexte de donner à la réalité une appa-
rence épique, il l'affuble d'ornements qui ne
réussissent guère qu'à l'épaissir. » (Loc. cit.,
ut suprà.)
Nous possédons quelques portraits de Pierre
Guérin, entre autres ceux des chefs vendéens
Henri et Louis de la Rochejacquelein, — Tal-
mont. Le peintre les a représentés en pleine
action, cravate au vent, chapeau de travers,
cheveux en désordre.
— « Guérin, » dit M. Henri Delaborde, « dont
le talent d'ailleurs n'avait rien de cette naï-
veté nécessaire, dans une certaine mesure, à
tout peintre de portraits, Guérin ne s'essaya,
dans le genre que traitait Gérard, qu'à la con-
dition de déguiser la réalité contemporaine
sous des formes empruntées à l'antique, té-
moin certain portrait d'une dame en costume
campanien et celui d'Henri de la Rocheja-
quelein, véritable statue d'Apollon ou d'An-
tinous enserrée, tant bien que mal, dans les
habits d'un Vendéen. »
M. Jal écrivait dans son Salon de (1827) ;
— « M. Paulin Guérin nous a donné un ex-
Du Portrait dans la peinture. 235
cellent portrait de M. l'abbé de La Mennais ;
l'éloquent écrivain est représenté composant
une page de l'Essai sur l'indifférence.
» L'ouvrage de M. Paulin Guérin est très
remarquable par son coloris, sa touche fine et
ferme et la vérité du sujet représenté. Repro-
chons au peintre un détail qui nuit à l'effet
naïf d'un portrait d'ailleurs si bon : pourquoi
avoir affublé du petit manteau M. de La Men-
nais? pourquoi lui avoir mis la plume à la
main? »
Carie Vernet, le père, fit peu de portraits,
mais il n'en fut pas de même d'Horace Vernet.
Nous en possédons un grand nombre de cet
artiste et des plus beaux. Lorsque Carie lit le
portrait du duc de Berry, en (1814), il y eut
grand tapage autour de cette toile, et son fils
lui-même, ardent bonapartiste, n'en fut que
médiocrement satisfait.
Cela n'empêche pas qu'Horace Vernet, très
bien en cour sous tous les régimes, a exé-
cuté les portraits du duc d'Orléans; — du
duc d'Angoulême; — du roi Louis-Philippe;
— de Cavaignac; — et du prince Louis-Na-
■j36 Histoire du Portrait.
poléon Bonaparte , président de la Répu-
blique.
MM. Dupin, — Madier de Montjau , se
firent peindre par lui, ainsi que MM. Gabriel
Delessert, — Fould, — le duc Pasquier, — et
le frère Philippe.
Le portrait du frère Philippe eut un im-
mense succès à l'Exposition universelle de
(i 855) ; malheureusement ce portrait ne sup-
porte pas une analyse sérieuse : il manque
d'étude, l'esprit y manque aussi, la matière
seule est bien rendue, dans les mains et dans
la tête.
Rien de plus varié que les appréciations des
œuvres d'Horace Vernet par les critiques de
Salon.
En (1822), MM. Jouy et Jay écrivent dans
leur Salon :
— « Portrait de M. Dupin, avocat.
» C'est dans la cause de l'infortuné maré-
chal Ney qu'Horace Vernet a voulu peindre
son illustre défenseur, au moment où il dit
au procureur général, qui pressait le juge-
ment : « Accusateur, vous voulez placer sa
Du Portrait dans la peinture.
» tète sous la foudre, et nous, défenseur,
» nous voulons montrer comment Forage s'est
» formé. »
» Non seulement ce portrait est d'une res-
semblance parfaite, mais le peintre a su fixer
sur la toile un de ces moments fugitifs, insai-
sissables, où l'œuvre, livrée à une forte émo-
tion, semble emprunter des traits physiques
pour se produire et devient en quelque sorte
palpable.
» Le talent de l'artiste n'a pas de plus noble
emploi que celui de conserver les traits des
hommes vertueux, et qui ont donné à leurs
concitoyens de mémorables exemples de pa-
triotisme.
» Il est difficile de reconnaître le général
Drouot sous l'habit modeste qui le couvre,
mais dans les traits de cette physionomie
calme et sévère, dans ce regard pensif, dans
cette pose ferme et modeste, on retrouve le
sage d'Horace , le philosophe inébranlable
aux coups de la fortune, l'homme qui place
la vertu au-dessus de la gloire et la patrie
au-dessus de tout.
238 Histoire du Portrait.
» Le môme talent d'exécution nous force à
répéter le même éloge. Ce portrait est comme
ceux deDupin — et de Madier deMontjau, il
atteste un pinceau tout à la fois rapide et
scrupuleux, qui rencontre toujours l'effet sans
le chercher hors de la nature et de la vérité.
» Portrait du duc d'Orléans. On m'apprend
que ce portrait est celui d'un prince, je m'en
étonne et je m'en félicite; cette extrême faci-
lité, dans un rang si élevé, est le gage des
qualités réelles et solides, tandis que le vul-
gaire des altesses cherche l'éclat et la consi-
dération dans le luxe frivole d'une pompe
extérieure.
» Pour la vérité de la couleur, le naturel
et la ressemblance, ce portrait est un des plus
jolis morceaux qui soient sortis du pinceau de
M. Vernet, si fertile en compositions de cette
espèce.
» Moins fini, plus large de touche que le
portrait si remarquable de S. A. le duc d'Or-
léans, le portrait de M. Gabriel Delessert en
pied attire l'attention du public par un air
de vie, par une couleur vraie, et une ressem-
Du Portrait dans la peinture. -j3q
hlance parfaite : l'empâté du travail et la so-
lidité des tons méritent tous les éloges des
connaisseurs. L'artiste, qui trouve toujours
des ressources ingénieuses, a fait ressortir le
vêtement brun du chasseur sur un nuage de
fumée et de poudre. »
En ( 1 833), dans le Salon de G. Laviron et
B. Galbout, on trouve sur H. Vernet les lignes
suivantes :
— « M. Vernet, un instant fourvoyé dans ses
tableaux d'histoire, et son portrait du Roi, si
lourd, si massif, si mal compris, est revenu,
dans celui du maréchal Molitor, aux pures
traditions de ses soldats de Franconi, de ses
généraux de mélodrame. M. Vernet, comme
beaucoup d'autres artistes, ne sait voir la pas-
sion et le mouvement que dans les contor-
sions et les grimaces ; aussi son général n'est
qu'un pantin qui se démène pour faire du
bruit. Le portrait du Roi par M. Horace Vernet
participe du malheur qui semble s'attacher au
peintre, qui a quitté les fanfares de son atelier
de Paris, pour aller entendre les soprani de la
chapelle Sixtine. »
_'-/o Histoire du Portrait.
En (1845), Thoré juge ainsi les portraits
de M. Mole et du frère Philippe, dans son
Salon :
« Les deux portraits les plus fermement
peints du Salon sont : les portraits de
M. Mole et d'un frère ignorantin, par M. Ho-
race Vernet.
» 77 faut au portraitiste deux qualités bien
rares: une sorte de pénétration philosophique,
qui interprète l'aspect extérieur du visage, et
la science du peintre qui en exprime sur la toile
les justes accents. »
A son tour, M. Galimard écrit dans le Salon
de (1849) :
— « M. Horace Vernet a fait tout simplement
un bon portrait, une tète seulement, il est vrai,
mais une tète qui vit et qui pense ; et c'est
aussi cette ressemblance qui plaît le plus à la
foule. »
L'Exposition de (i855) donna lieu à de nou-
velles appréciations des œuvres d'Horace
Vernet.
M. Eugène Loudun écrit :
— « Je suis prêt à reconnaître le mérite d'un
Du Portrait dans la peinture. 24.1
portrait aussi vrai, aussi exact que celui du
frère Philippe, par M. H. Vernet ; mais ne
comprenez-vous pas que, si le peintre de ta-
lent s'est attaché à rendre les détails prosaï-
ques des accessoires, les fissures et les trous
du mur, le buis bénit, la boue des souliers,
d'autres hommes viendront après lui qui
porteront dans la figure cette exactitude que
le maître a mise dans les détails, qui maté-
rialiseront le personnage même , comme
M. Courbet (Portrait de Dame), et préten-
dront, en le montrant dans sa hideuse réalité,
avoir atteint le dernier but de l'art ?
» Bien plus, il en viendra d'autres, comme
M. Couture, qui n'auront pas d'autre souci
que de montrer l'habileté de leur main, la
prestesse de leur pinceau.
» La figure d'un homme ne sera pour eux
qu'un prétexte pour étaler adroitement les
couleurs éclatantes, par un procédé nouveau,
en plaques rouges, vertes, marbrées. »
Delescluze ajoute dans son Salon :
« Le frère Philippe, général des frères de
la doctrine chrétienne, peint en pied et de
242 Histoire du Portrait.
grandeur naturelle, est un ouvrage fort ori-
ginal de M. Horace Vernet, et qui ne manque
pas de style, quoi qu'on en puisse dire. »
Enfin M. Edmond About, toujours spiri-
tuel, sait trouver une malice nouvelle, à pro-
pos de détails qui ne rentrent pas précisément
dans le domaine de l'esthétique.
— « Le portrait du frère Philippe ferait une
pauvre figure auprès du portrait de M. Ber-
tin : c'est pourtant un joli portrait et qui a
fait fureur il y a quelques années. Le style, qui
manque absolument, a été remplacé par une
chaussure caractéristique et une célèbre lé-
zarde dans la muraille. Le public comprend
mieux ces signes extérieurs, que les lèvres
minces et les terribles épaules de M. Bertin ;
et cependant... mais passons. »
Ne laissons pas échapper l'occasion de sa-
luer le nom du chef de notre École moderne.
Nous devons à Géricault la transformation de
notre peinture. Honneur à lui!
La plus grande part lui revient dans la
gloire de notre peinture actuelle. Géricault a
exercé une influence toute-puissante sur notre
Du Portrait dans la peinture. -248
art, sur la peinture et sur la sculpture. Salut
au grand maître !
La mort, venue trop tôt, n'a pas permis à
Géricault de laisser beaucoup de portraits.
Nous ne parlerons que de celui qu'il exposa
en (1812) sous le titre de Portrait équestre de
M. D.... (Dieudonné, lieutenant aux Guides
de l'Empereur.)
Ce portrait fut peint en douze jours et eut
un grand retentissement : admirateurs pas-
sionnés, contradicteurs ignorants et jaloux,
tous s'occupèrent de cette toile.
En la voyant , David s'écria : « D'où
cela sort - il ? je ne reconnais pas cette
touche. »
Géricault n'avait que vingt ans ; il eut une
médaille d'or.
Ary Scheffer n'a fait de portraits que pour
ses parents et ses amis. Nous en connaissons
un, celui de M. Henri Martin, notre sympa-
thique et éminent historien. Ce portrait ne
ressemble en aucune façon à la peinture ordi-
naire du maître, il paraît sortir de l'école de
Géricault : peinture ferme et empâtée, d'une
244 Histoire du Portrait.
harmonie douce et calme, d'un beau dessin
mouvementé.
Voici du reste l'appréciation que fait des
portraits d'Ary Scheffer M. Charles Blanc :
— « Mis en présence de la nature, unique-
ment pour la voir, la modeler, la rendre, il
était insuffisant, et la vérité de l'imitation lui
manquait aussi bien que l'énergie ; mais dès
que les sentiments de la passion s'en mêlaient,
l'effigie pouvait devenir, non pas belle, mais
sublime par l'évocation de l'âme, de même
qu'elle était lourde et sans vie, s'il s'agissait
d'un personnage qui posait simplement en
modèle. »
Ary Scheffer a fait les portraits de : M. Vic-
tor de Tracy : — du général Lafayette ; —
de Mme de Rothschild ; — de Mme Guizot ; —
de Mlle de Fauveau, en costume d'amazone ;
— de Dupont de l'Eure ; — du prince de Tal-
leyrand ; — d'Alexandre De Laborde ; — de
M. Odilon Barrot ; — du général Ney ; — de
Frantz Litz ; — de Mme Hervé ; — de Rossini ;
— de Lamennais, etc.
Tout en reconnaissant les grandes qualités
Du Portrait dans la peinture. 245
d'Ary Schetfer, les saloniers l'ont jugé diver-
sement.
— « Les portraits de MM. de Talleyrand , —
Dupont de l'Eure, — DeLaborde, — et David,
par M. Scheffer, sont très ressemblants, mais
ils sont traités un peu trop en esquisse, » écrit
M. Jalen(i83i).
— « M. Ary Scheffer, da portrait de
M. Armand Carrel , n'a pas fait un bon
ouvrage; toutefois, il lui a donné une bonne
pose, on ne se plaindra pas qu'elle soit inso-
lente comme celle d'un des portraits de
M. Ingres, mais au lieu d'être pensive, la tète
n'est que froide, » ajoutent MM. G. Laviron
et B. Galbout en (i833).
En (i838), M. G. Planche écrit :
— « Le portrait de M. de Belleyme par Schef-
fer est loin, à notre avis, de valoir le portrait
de M. Arago. J'ai entendu vanter la ressem-
blance, et je ne puis, ni la nier, ni l'affirmer;
mais au-dessus de cette question, qui n'inté-
resse que la famille et les amis du modèle, il
y a une question plus haute, celle de la pein-
ture ; or les plans de la tête sont très confu-
246 Histoire du Portrait.
sèment indiqués, et les yeux sont recouverts
d'une couche savonneuse que rien ne justi-
fie. »
M. Galimard juge ainsi le portrait de
M. Louis Blanc, en (1849) :
— « M. Ary Scheffer a idéalisé M. Louis
Blanc.
» Ce portrait, qui n'est point fait avec science,
comme celui que nous venons de décrire,
n'est cependant point dépourvu d'un certain
charme de pinceau. »
Le peintre qui a le plus popularisé notre
histoire et les portraits de nos hommes illus-
tres, est bien certainement Paul Delaroche.
Ne voyons-nous pas, dans son tableau de
l'Hémicycle , tous les peintres et les sculp-
teurs?
Nous ne discuterons pas ici, comme le dit
M. Vitet, « si l'artiste a eu raison de mêler la
réalité à l'arbitraire. Ces deux styles, par leur
voisinage immédiat, s'exagèrent l'un l'autre ;
le naturel de l'un descend jusqu'à la familia-
rité; l'idéal de l'autre prend un aspect de
roideur. »
Du Portrait dans la peinture. 2^7
Nous nous contenterons de ne voir, dans
cette toile, qu'une véritable galerie de por-
traits , et , comme on n'emprunte qu'aux
riches, ici encore nous demanderons à notre
grand historien et éminent critique d'art ,
M. Charles Blanc, la permission de citer son
jugement sur ce maître :
— et Les portraits de Delaroche suffiraient
seuls à établir ses titres à la maîtrise, car tous
ceux qui ont étudié la peinture savent que rien
n'est plus difficile qu'un portrait, et que c'est
la pierre de touche des artistes supérieurs.
» Une fois en présence de ses modèles, Paul
Delaroche devine leurs pensées, il pénètre au
fin fond de leur esprit, il saisit le trait qui doit
fixer leur ressemblance morale, bien supé-
rieure à celle qui étonne les enfants et fait crier
d'aise les serviteurs de la maison. Et pour que
rien ne manque à l'expression, l'artiste se croit
tenu de varier le mode de sa peinture suivant
le personnage qu'il va représenter. . . . Toujours
son personnage est tout d'une pièce : il est
peint comme il est conçu ; il est un.
» Ce sont, en effet, de vrais types humains
i'_/A' Histoire du Portrait.
que les portraits de MM. Guizot, de Salvandy,
de Rémusat, François Delessert, Emile Pe-
reire, le prince Czartoryski.
» M. François Delessert, avec son habit
boutonné jusqu'au menton, ses mains fer-
mées, ses cheveux aplatis sur la tempe, son
visage émacié et son corps roide, n'est-il pas
une étonnante personnification de cette haute
et hautaine bourgeoisie, vouée au protestan-
tisme politique, jalouse de ses privilèges, fière
de sa fortune, et qui veut impérieusement la
tolérance et despotiquement la liberté? M. De-
laroche est allé, il faut en convenir, aussi loin
que possible dans le rendu de ce portrait. »
Parmi les plus célèbres portraits du maître,
nous citerons : le portrait de M. Thiers; —
ceux de Pourtalès ; — de Henriquel Du-
pont ; — du général Bertrand ; — du pape
Grégoire XVI; — de M. de Salvandy; — de
M. Emile Pereire.
Ingres a fait d'incomparables portraits;
ceux de son père, de MM. Mole et Bertin,
suffiraient à la gloire du célèbre artiste. Quels
contours, quelle finesse d'expression !
Du Portrait dans la peinture. 240
On y trouve toute la poésie de Raphaël, le
travail serré de Léonard de Vinci et l'étude
consciencieuse d'Holbein. Dans l'art grec seul,
nous trouvons un semblable modelé dans la
forme.
Voici les principaux portraits d'Ingres :
M. Grault, peintre; — M. Bochet; — M. et
Mmo Panckoucke; — M. et Mmc de Tour-
non; — Mmc Ingres; — comte Pastoret; —
le sculpteur Bartholoni; — Bertin aîné; —
duc d'Orléans; — vicomtesse d'Haussonville;
— baronne de Rothschild; — M. de Moites-
sier, etc.
En (1806) Ingres avait exposé le portrait de
l'Empereur.
11 donna lieu à la critique suivante :
— «. Comment avec autant de talent, avec
un dessin aussi correct, une exactitude aussi
parfaite, M. Ingres est-il parvenu à faire un
mauvais tableau ? c'est qu'il a voulu faire du
singulier, de l'extraordinaire.
» Quoique M. Ingres ait affecté la couleur
blanche dans son tableau, il n'en est pas plus
harmonieux ; ce passage rapide d'une teinte à
2 5o Histoire du Portrait.
une teinte opposée, ces tons brisés et durs fa-
tiguent l'œil et détruisent l'effet.
» Le portrait de Mm0 Rivière paraît mieux
ajusté, mieux posé que les autres; mais cette
pose, cet ajustement, ne convient pas à une
dame que nous savons être un modèle de
grâce et de décence. La tête et les mains,
quoique peintes avec soin et bien fondues,
sont pâles et toujours d'une manière sèche
et plate; le bras droit est trop long, la main
mal dessinée; la finesse du nez a disparu, les
cheveux sont lourds ; les accessoires sont très
finis, le schal, surtout, trop chiffonné et pas
assez large de plis, est rendu avec une vérité
à faire illusion. » (Salon de 1806, Pausanias
Français.)
Plus tard, en (i833), M. G. Planche écri-
vait dans son Salon :
— « Tous ceux qui ont vu le portrait de
M. Bertin l'aîné, par M. Ingres, et nous
sommes de ce nombre , regrettent que l'il-
lustre auteur de l'Apothéose d'Homère ait
fait , dans ce genre, de si rares essais. Ce
chef-d'œuvre de conscience et de vérité sera
Du Portrait dans la peinture. 25 1
pour nous la seule occasion, peut-être, d'ap-
peler sur un talent chaste et recueilli la popu-
larité qui lui a manqué jusqu'ici. »
M. Edmond About donne cette longue
appréciation du talent de M. Ingres, en
(i855):
— « Le plus beau portrait, après celui de
M. Ingres, est celui de M. Bertin. Ce gros
homme assis sur un fauteuil, comme sur un
trône» (c'était le trône du Journal des Débats),
« s'appuie sur ses genoux dans une attitude
pleine de fermeté, de fierté et d'indépendance.
La tête, modelée de main de maître, rappelle
le marbre antique de Vitellius; les mains sont
puissantes, les épaules impérieuses. Voilà une
œuvre de style, si jamais il en fut; la figure
entière est d'un relief surprenant : on en fe-
rait le tour, ce serait un voyage.
» Le portrait de M. Ingres père résume
toute une époque, la Révolution.
» M. le marquis de Pastoret et M. le comte
Mole représentent bien des. choses : l'aristo-
cratie qui s'en va et le régime parlementaire
qui s'en est allé.
2 5 2 Histoire du Portrait.
» Parmi les portraits de femmes, le plus
admirable a été peint à Rome en 1807, c'est
le portrait de Mm0 D...; jamais M. Ingres n'a
rien dessiné d'aussi pur; jamais, surtout, il n'a
rendu aussi bien cette flamme intérieure qui
s'appelle la vie.
» Tout le soleil de l'Italie s'épanche
complaisamment sur la peau satinée de
Mme D..., ses grands yeux noirs brillent
comme des diamants d'Alençon, et ses lèvres
rouges exercent une fascination étrange ; cette
petite bouche a comme un regard ; le sein,
enfermé dans un de ces affreux corsages de
l'Empire, se débat énergiquement contre sa
prison. Il crie, comme le sansonnet de Sterne :
« / cannot go out ! »
» Malheureusement M. Ingres a perdu le
secret de la couleur, et ses portraits de (i85o)
sont moins éblouissants que ceux de (1804) et
de (1807). )}
Th. Gautier écrit sur Ingres, en (1 855) :
— « Le portrait, élevé jusqu'à l'art, est une
des tâches les plus difficiles qu'un peintre
puisse se proposer. Les grands maîtres seuls,
Du Portrait dans la peinture. 253
Léonard de Vinci, Titien, Raphaël, Vélas-
quez, Holbein, Van Dyck, y ont réussi.
» M. Ingres a le droit de se mêler à cette
illustre phalange, personne n'a fait le portrait
mieux que lui. A la ressemblance extérieure
du modèle, il joint la ressemblance interne,
il fait, sous le portrait physique, le portrait
moral.
» N'est-ce pas la révélation de toute une
époque , que cette magnifique pose de
M. Bertin , appuyant, comme un César
bourgeois, ses belles et fortes mains sur
ses genoux puissants, avec l'autorité de
l'intelligence, de la richesse et de la juste con-
fiance en soi?
» Quelle tête bien organisée ! Quel regard
lucide et mâle ! Quelle aménité sereine, autour
de cette bouche fine, sans astuce! — Rem-
placez la redingote par un pli de poupre, ce
sera un empereur romain ou un cardinal.
» Tel qu'il est, c'est l'honnête homme sous
Louis-Philippe; et les six tomes du docteur
Véron n'en racontent pas davantage sur cette
époque disparue. »
254 Histoire du Portrait.
A son tour Delescluze juge Ingres d'une
manière fort élevée :
— « Le sentiment de la forme est la faculté
pittoresque la plus puissante chez M. Ingres,
et elle éclate d'une manière tout à fait remar-
quable dans l'un de ses premiers ouvrages,
son portrait.
» Avec cette toile un sculpteur modè-
lerait une tête comme s'il avait le mo-
dèle vivant à sa disposition; et les formes,
celles mêmes que modifie l'expression des
traits du visage et des mouvements des pau-
pières et des lèvres, sont si fortement expri-
mées, que l'on retrouve, dans les traits
de cet artiste, cette volonté de fer qui ne
l'a pas laissé dévier d'une ligne de la voie
âpre et difficile où il s'est engagé dès son
adolescence.
» Le portrait de M. Bertin aîné, peint
en (i832),est, en ce genre, l'œuvre capitale de
M. Ingres; dans ses précédents on pourrait
trouver encore un peu de dureté dans les
contours et une simplification trop grande
des demi-teintes; mais dans celui de M. Ber-
Du Portrait dans la peinture. 255
tin, l'art du dessin et du modelé est com-
plet, et toujours en raison de cette inter-
prétation fine et si savante de la forme. La
vie rayonne sur cette noble figure tout à la
fois d'intelligence et d'une ineffable bonté ; ce
portrait est un chef-d'œuvre. »
En (1857), Beaudelaire trouve moyen, à
propos d'Ingres, de nous donner toute une
théorie sur l'art :
— « J'ai dit que chaque époque avait
son port, son regard et son geste. C'est
surtout dans une vaste galerie de portraits
(celle de Versailles, par exemple), que cette
proposition devient facile à vérifier. Mais
elle peut s'étendre plus loin encore ; dans
l'unité qui s'appelle nation , les profes-
sions, les castes, les siècles, introduisent la
variété, non seulement dans le geste et les
manières, mais aussi dans la forme positive
du visage.
» Tel nez, telle bouche, tel front, remplis-
sent l'intervalle d'une durée que je ne pré-
tends pas déterminer ici, mais qui, certaine-
ment, peut être soumise à un calcul.
256 Histoire du Portrait.
» De telles considérations ne sont pas fami-
lières aux portraitistes, et le grand défaut de
M. Ingres, en particulier, est de vouloir im-
poser à chaque type qui pose sous son
ciel un perfectionnement plus ou moins des-
potique, emprunté au répertoire des idées
classiques....
» Si un peintre patient et minutieux, mais
d'une imagination médiocre, ayant à peindre
une courtisane du temps présent, s'inspire
(c'est le mot consacré) d'une courtisane de
Titien et de Raphaël, il est infiniment pro-
bable qu'il fera une œuvre fausse, ambiguë et
obscure.
» L'étude d'un chef-d'œuvre de ce temps
et de ce genre ne lui enseignera ni l'attitude,
ni le regard, ni la grimace, ni l'aspect vital
d'une de ces créatures que le dictionnaire
de la mode a successivement classées sous les
titres grossiers ou badins d'impures, de filles
entretenues, de lorettes et de biches.
» La même critique s'applique rigoureuse-
ment à l'étude du militaire, du dandy, de
l'animal, même du chien ou du cheval, et de
Du Portrait dans la peinture. 25 y
tout ce qui compose la vie extérieure d'un
siècle. Malheur à celui qui étudie dans
l'antique autre chose que Fart pur, la logique
et la méthode générale. »
Terminons enfin cette longue étude sur le
célèbre portraitiste par les lignes suivantes,
empruntées à M. H. Delaborde, dans son
étude sur Gérard, en (i852) :
— « Quelques morceaux de la main de
M. Ingres, et par conséquent exécutés avec
une puissance magistrale; mais, si beaux
que soient les portraits de M. Bertin, de
Mmc de Rothschild et plusieurs autres
ouvrages du même peintre, les conditions
ordinaires du genre y semblent quelquefois
dépassées.
» L'intraitable autorité du sentiment et du
style ressort si bien de ces œuvres, toutes
personnelles, qu'on se désintéresse du ca-
ractère propre aux modèles , pour tenir
compte à peu près uniquement des volontés
de l'interprète.
» En un mot, le sévère pinceau de M. Ingres
ne saurait condescendre à cette sorte de bon-
27
258 Histoire du Portrait.
homie, à l'expression de familiarité que
comporte la peinture du portrait.
» Le fait contemporain n'est pour lui
qu'un prétexte sur lequel il disserte avec une
éloquence souvent admirable; ce n'est pas,
comme pour le pinceau de Gérard, un exem-
ple qu'il importe d'accepter, non sans choix,
mais avec soumission. »
— « Je ne crois pas m'y tromper, » écrivait
M.Thiers dans son Salon de (1822), « M. Dela-
croix a reçu le génie : qu'il avance avec assu-
rance, qu'il se livre aux immenses travaux,
condition indispensable du talent, et ce qui
doit lui donner plus de confiance encore, c'est
que l'opinion que j'exprime ici, sur son
compte, est celle d'un des grands maîtres de
l'école. »
Le maître de l'école était le baron Pierre
Guérin.
L'illustre critique ajoutait encore :
— « Aucun tableau ne révèle mieux à mon
avis l'avenir d'un grand peintre que celui de
M. Delacroix, le Dante et Virgile aux Enfers;
c'est là surtout qu'on peut remarquer ce jet de
Du Portrait dans la peinture. 25g
talent, cet élan de la supériorité naissante
qui ranime les espérances un peu découragées
par le mérite trop modéré de tout le reste.,
» L'auteur a, outre cette imagination poé-
tique qui est commune au peintre comme à
l'écrivain, cette imagination de l'art qu'on
pourrait, en quelque sorte, appeler l'imagi-
nation du dessin, et qui est toute autre que la
précédente. »
Delacroix est sans contredit un des plus
grands artistes du xixe siècle, il procède tout
à la fois de Rembrandt, par ses effets de lu-
mière; de Ribera, par le côté sauvage; de
Rubens, par la mise en scène, et de Véronèse,
par la couleur.
» Et, comme ledit très bien M. Sylvestre,
« il séduit et emporte tour à tour les intelli-
gences hautaines et les cœurs aventureux,
par la noblesse, l'audace, la fierté, l'amour
du beau et de l'héroïque, par la ruse, la force,
et les infernales machinations. »
Les qualités et les défauts de Delacroix se
retrouvent dans tous ses portraits, soit dans
Je portrait en pied de M. Schwiter, ou dans
%6q Histoire du Portrait.
ceux de Mornay ; — de Demidoff; — de
Boissy d'Anglas.
Terminons cette étude du Portrait dans la
peinture par un grand portraitiste que nous
avons tous connu, il vient à peine de nous
quitter.
Je veux parler de Flandrin.
La mort de cet artiste fut une grande et ir-
réparable perte pour les arts.
Flandrin occupe la critique dès l'année
(1840) :
M. G. Planche écrit dans son Salon :
— « Le portrait de Mme Oudiné, par M . Hip-
polyte Flandrin, est supérieur aux portraits
de M. Amaury-Duval. La couleur manque
de charme, mais le masque est généralement
modelé avec une grande fermeté. »
En (1 855), Delescluze dit du maître :
— « Les véritables connaisseurs regardent
attentivement un simple profil, le portrait de
Fauteur M. H. Flandrin, qui a épuisé en
cette occasion toutes les ressources de son art
pour donner* à la forme les inflexions que le
modelé le plus délicat peut lui imprimer.
Du Portrait dans la peinture. 261
)> M. Flandrin a heureusement suivi les tra-
ces de son maître, et ce profil qui n'attire pas
l'attention au milieu d'une exposition nom-
breuse pourrait bien par la suite occuper une
place importante dans une galerie, auprès
d'ouvrages de choix. »
Flandrin n'est pas toujours aussi complet
dans ses portraits, qu'il l'est dans sa peinture
religieuse, mais il faut s'en prendre à ses qua-
lités mêmes. Vivant presque toujours dans
une sainte extase, il semble ne pouvoir des-
cendre jusqu'à ce côté matériel qui est néces-
saire au peintre de portrait : car l'idée ne
suffit pas, il nous faut encore la forme vraie
dans ses parties les plus intimes.
Quelques portraits cependant lui valurent
les éloges de critiques sérieux.
Th. Gautier écrit en (i855), dans son Sa-
lon :
— « Le portrait de Mme R... est un des plus
heureux de M. Flandrin : nous nous arrête-
rons toujours devant cette tête, au pur ovale,
au teint mat, aux yeux de velours noir qui
boivent la lumière, à la bouche sérieuse et
%62 Histoire du Portrait.
bienveillante, avec un imperceptible duvet
bleuâtre ; quel modelé fin et délicat ! quel co-
loris charmant dans sa sobriété ! quelle légè-
reté de pinceau ! il semble que l'image se soit
fixée d'elle-même sur la toile.
» Les autres portraits de M. Flandrin se
recommandent par le style, le dessin, et cette
ressemblance intime qu'on sent même lors-
qu'on ne connaît pas le modèle ; car on voit
que Ton est en face d'une individualité sincè-
rement reproduite dans les conditions de l'art.
Les anciens élèves de M. Ingres savent seuls
faire le portrait aujourd'hui. »
Les portraits du prince Napoléon, de
M.Walewski, sont tout à fait hors ligne.
Dans le portrait de M. de Rothschild,'on
trouve ce qui est rare chez Flandrin, un grand
sentiment delà nature.
Mais Flandrin n'est pas toujours aussi heu-
reux dans les portraits de femmes.
En (1857) cependant, la critique se montre
favorable à l'artiste :
M. Ch. Perrier écrit dans son Salon :
— a On sait combien M. Hippolyte Flan-
Du Portrait dans la peinture. 2 63
drin suit de près son maître, M. Ingres. Il
n'est pas bien certain que dans le portrait de
M"lc L. .. il ne l'ait pas surpassé; car les por-
traits de femmes de M. Ingres ne sont pas, à
beaucoup près, ses plus parfaits.
» Celui de Mmc L... est d'une élégance aris-
tocratique qui n'a rien de la grâce maniérée
qu'une certaine partie du public admire tant
dans MM. Winterhalter et Dubufe.
» J'en suis bien fâché pour les belles dames
qui ont donné leur tète à coiffer à M. Dubufe,
mais si l'on était méchant, on pourrait dire
d'elles ce que M. Edmond About disait, en
(1 855), de la Femme à l'Ombrelle Rose, cari-
caturée par M. Biard : « Si un caporal de la
» garnison de Vincennes les rencontrait au
» bois ainsi peintes, il leur parlerait. » Voyez
un peu à quoi l'on s'expose ! »
Parmi les portraits de Flandrin, nous de-
vons citer son admirable portrait de la Jeune
Fille à l'Œillet. Rien n'est plus beau que cette
œuvre qui a remporté un grand et légitime
succès.
— « Je parlais de M. H. Flandrin tout à
264 Histoire du Portrait.
l'heure, « écrit L. Jourdan en ( 1859), » il n"a
exposé que trois portraits, mais ce sont trois
chefs-d'œuvre, en ce sens que ce sont non pas
seulement des portraits admirablement peints,
mais des toiles où se reflète je ne sais quelle
beauté intérieure qui captive à la fois le regard,
l'esprit et le cœur.
» On reste pensif devant ces portraits
comme on le serait devant le tableau le plus
émouvant et le plus dramatique. Il n'y a là
cependant ni artifice, ni accessoire intéres-
sant, ni empâtement, ni trompe-l'œil, mais
c'est la nature vue et reproduite en maître, il
surfit de ce sentiment pour placer les por-
traits de M. H. Flandrin au-dessus de ceux
d'Ingres, dont il est le glorieux élève.
» Le portrait de Mlle M..., ce tableau
qu'on s'est accoutumé à désigner par le nom
de la Jeune Fille à l'Œillet rouge, est celui
des trois ouvrages de M. Flandrin qui a le
plus profondément impressionné l'opinion
publique.
» Définir à quoi tient cet effet extraordinaire
est chose à peu près impossible, car il y a au-
Du Portrait dans la peinture. 263
tant de simplicité que de grandeur dans cette
peinture, à l'influence mystérieuse de laquelle
nul ne peut se soustraire. »
Dès Tannée (1857), 1 lln des princes de
la critique contemporaine , et des plus re-
doutés, avait écrit sur Flandrin ces lignes
charmantes :
— « L'ouvrage le plus parfait du Salon est
un portrait de femme, par M. Hippolyte Flan-
drin. J'espère que le gracieux modèle qui a
prêté sa beauté à M. Flandrin me pardonnera
de faire entrer ses charmes dans la discussion ;
c'est un ennui auquel on s'expose lorsqu'on
envoie son portrait au Salon...
» M. Flandrin avait à peindre une beauté
saine et bien portante. La figure est plus ronde
qu'ovale, les traits ne sont pas étirés, les bras
ne sont pas maigres, ni «les mains pâles.
» M. Hébert aurait eu fort à faire s'il avait
voulu donner à Mlle L... ce qu'il recherche
sous le nom de distinction.
» Cependant l'œuvre de M. Flandrin est le
portrait distingué d'une femme très distinguée.
M. Courbet, en exagérant la force et la santé,
28
266
Histoire du Portrait.
serait peut-être parvenu à peindre une bou-
chère. M. Courbet ressemble un peu à cette
source auvergnate qui pétrifie tout ce que vous
plongez dans ses eaux. » (Edmond About, Sa-
lon de (1857.)
DEUXIEME PARTIE
*****
Du Portrait dans la Sculpture
ET DANS LES ARTS QUI s'y RATTACHENT
CHAPITRE V
DU PORTRAIT DANS LA NUMISMATIQUE
echercher, dans la numismatique,
les éléments qui appartiennent
à Thistoire du portrait , c'est
assurément fouiller une mine
abondante et féconde.
*
Il semble que, de tout temps, la médaille ou
la monnaie fut un genre de portrait usité
pour les personnes notables, dont les noms
appartiennent à Thistoire — et par sa matière
même, la médaille la plus ancienne a pu bra-
ver toutes les causes de destruction et parve-
nir jusqu'à nous.
L'art de fondre le métal est fort ancien ,
2~o Histoire du Portrait.
mais l'art du portrait dans la médaille suppose
des connaissances artistiques plus complexes :
Il ne suffit pas d'être fondeur pour produire
une médaille qui soit un véritable portrait.
— Le portrait dans la médaille , pour
n'être pas un portrait de convention, suppose
la science du dessin, la science de la sculpture
et de la gravure, et que de choses dans ces
quelques mots!
— Où sera la limite qui sépare le portrait de
convention dans la médaille du portrait vrai ?
Nous n'oserions le dire.
La langue de la numismatique s'impose
avec ses désinences de convention, et telle
médaille, cataloguée Clovis, ne représente peut-
être que fort négativement les traits de ce roi.
On nous objectera : Mais si la médaille
porte un nom, un chiffre, une date, n'est-elle
pas un portrait ?
Disons vite que ce ne fut que sous Fran-
çois Ier que Ton commença à inscrire sur les
médailles la date de leur fabrication : Disons
qu'avant le règne d'Henri II, on n'avait pas
coutume de distinguer, par un chiffre, les
Du Portrait dans la numismatique. 272
différents rois qui portaient le même nom, et
parfois il est assez difficile de fixer avec cer-
titude si telle monnaie appartient à l'un plutôt
qu'à l'autre de ces princes homonymes.
Ainsi la médaille attribuée à Clovis (Ier)
pourrait bien représenter Clovis (IIe).
Dans cette étude , nous suivrons l'ordre
chronologique.
Il n'existe pas de monnaie des quatre pre-
miers rois, Pharamond, Clodion, Mérovée
et Chilpéric. •
Sous les rois de la première race, le dessin
est informe, on dirait que toutes ces tètes ont
été dessinées par des enfants. Néanmoins il
est intéressant de connaître les noms des sou-
verains, des princes, des comtes ou des che-
valiers dont on possède l'image : une longue
nomenclature des noms peut paraître mono-
tone, mais elle a bien son intérêt pour l'his-
toire de l'art.
Dans nos collections, nous avons des mon-
naies où Ton retrouve les portraits de Clo-
vis Ier (en or); — de Chilpéric Ier (id.); — de
Clotaire Ier (id.); — de Cherebert (id.); — de
Histoire du Portrait.
Dagobert Ier; — de Clovis II; — de Chilpé-
ric II; — de Childebert II ; — et parmi les
rois d'Austrasie , les monnaies de Théode-
bert Ier et de Sigebert Ier.
Dans les médailles de la seconde race nous
avons encore l'image de Louis le Débonnaire.
Mais une remarque intéressante , c'est qu'à
cette époque, on trouve plus rarement l'image
du souverain.
Cette réserve ne venait-elle point d'un
commencement d<è goût artistique, indiquant
qu'il était préférable de mettre un emblème
au lieu d'une image grossière et infidèle,
impossible à reconnaître sans l'adjonction du
nom de ce prince?
Nous ferons les mêmes réserves pour les
monnaies de Pépin, — de Charlemagne, —
de Garloman, — de Louis Ier, — de Lothaire,
empereur, — de Charles II, — de Louis III,
— de Charles III — et de Louis IV.
— Il est bien difficile d'accepter comme
une reproduction fidèle des traits de Charle-
magne, l'effigie qui marque les monnaies
de ce souverain; d'un autre côté, beaucoup
Du Portrait dans la numismatique. 2 j3
d'autres médailles de cette période nous
semblent encore ne pouvoir être des por-
traits bien fidèles.
Il y a loin de ces monnaies aux belles mé-
dailles antiques des empereurs romains; et
comme la ciselure est nécessaire pour l'achè-
vement d'une médaille, les artistes durent
chercher, tout d'abord, à se perfectionner dans
la science du burin, afin de donner à leur
œuvre le fini nécessaire.
Alors commence véritablement le portrait.
L'Italie entra dans cette voie vers (145 1),
avec Vittore Pisanello ou Pisano de Vérone.
— . L'Allemagne au xvie siècle, avec Jérôme
Magdeburger et Henri Reitz, qui nous a donné
un portrait de Charles-Quint. Le musée du
Louvre (n° 563 de la collection Sauvageot) en
possède un exemplaire en argent.
La France se distingua dans le portrait-
médaille dès le xve siècle.
Commençons par la jolie monnaie, en
argent, représentant, d'un côté, Philippe IV,
roi des Français, et de l'autre , Blanche de
Navarre, femme de Philippe de Valois.
29
2j4 Histoire du Portrait.
La surprise est grande de voir Louis XI
nommé — sur médaille — le divin Louis,
roi des Français; le roi a un large chapeau,
la figure est pleine d'expression.
La médaille d'argent qui représente Fran-
çois, dauphin de France, premier duc de
Bretagne, est remarquable; la coiffure du duc
est penchée sur l'oreille droite, mais le profil,
très fin, sent bien la nature, et la physionomie
traduit une grande tranquillité d'esprit.
Nous retrouvons cet air de quiétude sur
une autre pièce en argent, représentant Louise
de Savoie, mère de François Ier, qui gouverna
la France pendant la captivité de son fils, et
mourut en (i 532) à l'âge de cinquante-cinq ans.
Une médaille d'or de quatre centimètres
offre l'effigie de Charles VIII, et au revers
celle d'Anne de Bretagne.
Cette médaille fut frappée à Lyon en (1493)
et offerte à la reine lorsqu'elle visita cette
ville. — (Elle est au cabinet des médailles
de la Bibliothèque nationale , n° 2902 du
catalogue Chabouillet.)
Une autre médaille, celle de Louis XII ,
Du Portrait dans la numismatique. 2 y5
représente le roi, coiffé cTun mortier, orné
d'une couronne de fleurs de lis, et portant le
collier de Saint-Michel; le champ est par-
semé de fleurs de lis.
On lit cette légende au dos de la médaille :
« Lorsque la République de Lyon se réjouis-
sait à l'occasion du second règne de la bonne
reine Anne, je fus ainsi fondue en 1499. »
Au revers encore est le profil d'Anne de
Bretagne, coiffée d'un voile court sur lequel
est posée la couronne royale.
Les modeleurs furent Nicolas et Jean de
Saint-Priest, le fondeur Jean Lepère, d'après
M. Soultrait (Revue numismatique, 1 855).
Le cabinet des médailles de la Bibliothèque
nationale (n° 2go5 du catalogue Chabouillet)
possède un exemplaire de cette médaille en
argent ciselé. Le musée du Louvre en con-
serve un exemplaire en bronze (n° 517 du
catalogue de Sauzay) , qui provient de la
collection Sauvageot. — Le Trésor de Nu-
mismatique a donné cette remarquable mé-
daille (Ire partie des Médailles françaises ,
planche V).
2~6 Histoire du Portrait.
Nous, avons de François Ier toute une série
de portraits-médailles ou monnaies des plus
curieuses; nous le voyons d'abord avec un
casque auquel on ne saurait attribuer une
époque: ce portrait est entouré de l'exergue
suivant : François, roi de France, premier
vainqueur des Suisses. Cette médaille en argent
fut faite à la suite de la bataille de Marignan.
Dans une médaille de (i 5 17), nous trouvons
François Ier couronné de lauriers ; médaille
sans revers, en bronze, avec la légende : Fran-
çois Ier le plus grand général des Français. On
le voit ensuite avec la qualité de : Défenseur de
la République chrétienne.
La plus remarquable de toutes ces médail-
les est sans contredit celle où le Roi, coiffé
d'un chapeau à plume, est représenté de trois
quarts. Malheureusement, la tète de Fran-
çois Ier ne ressemble en aucune façon à tous les
portraits que nous connaissons de ce souve-
rain ; cette médaille, qui a environ dix centi-
mètres de diamètre, est tout à fait hors ligne ;
elle est en bronze.
Une bien intéressante médaille est celle qui
Dit Poi'trait dans la numismatique. 2jj
représente Henri II, — Charles-Quint, —
Jules César, — et Ferdinand, frère de Charles-
Quint.
Nous arrivons à la plus belle de toutes nos
médailles : c'est celle qui figure Henri II ,
Roi Très Chrétien de France (i55g) ; buste
de trois quarts, d'Henri II, la tête couverte
d'un bonnet à plume, au revers se trouve :
Catherine, reine, femme d'Henri II, mère des
rois François, Charles et Henri ; buste de
trois quarts de Catherine de Médicis, portant
au cou une médaille. Ces médailles, qui ont
plus de quinze centimètres de diamètre, sont
merveilleuses.
Dans le même genre, et de la même dimen-
sion, nous avons la médaille de Charles IX,
Roi Très chrétien des Français fiSySJ; le
roi est coiffé d'un bonnet à plume.
Les orfèvres, habiles modeleurs, fondeurs
et ciseleurs, tout à la fois, exécutaient alors ces
remarquables portraits-médaillons. Mais ils
signaient rarement leurs ouvrages.
En (i538), Guillaume Damet, orfèvre à
Paris, recevait « 43o livres 10 sous tournois
2 jS Histoire du Portrait.
pour trois médailles de bronze , grandes
comme le naturel », nous dit un compte
royal de Claude Haligre en date de (i528).
M. J. Labarte ajoute avec raison : « Si Guil-
laume Damet fondait et ciselait des portraits
grands comme nature, il devait en faire certai-
nement d'une plus petite dimension, puisque
les portraits de ce genre étaient fort recher-
chés. » (Les Arts industriels, tome Ier.)
Du roi Henri III, nous trouvons une mé-
daille où ce prince est coiffé d'un bonnet à
plume et vêtu selon la mode du xvie siècle,
sans aucun insigne de royauté.
Cette médaille ne donne en aucune façon la
figure de ce prince, que nous connaissons tous
et que nous retrouvons dans une autre mé-
daille qui a dû être faite en même temps que
celle de Charles IX et d'Henri II.
Cette médaille a pour exergue : Henri III,
par la grâce de Dieu, roi des Français et
de Pologne; buste de trois quarts d'Henri III,
coiffé d'un bonnet orné d'une aigrette agrafée
avec des pierreries ; le roi porte une fraise et
le petit manteau espagnol.
Du Portrait dans la numismatique. 2 yg
De (1572), nous avons un très curieux mé-
daillon de Jeanne d'Albret, reine de Navarre.
L'arrangement du costume est très original et
nous montre cette princesse sous un jour tout
nouveau.
Le portrait de : François, fils de France et
frère unique du roi, par la grâce de Dieu, duc
de Brabant et comte de Flandre, n'offre pas un
moindre intérêt.
Elle est bien intéressante aussi la médaille
où Ton voit le roi galant, Henri IV, coiffé, en
arrière, d'un chapeau à plume orné d'une mé-
daille, et portant sur son pourpoint le cordon
du Saint-Esprit.
Mais l'intérêt de cette médaille disparaît à
côté du médaillon héroïque qui nous repré-
sente : Henri IV, roi de France et de Navarre,
couronné de lauriers et vêtu à l'antique.
Ce médaillon, qui a environ quinze centi-
mètres de diamètre, est sans revers.
Nous trouvons encore Henri IV coiffé d'un
casque, vêtu en Mars, dans d'autres médailles
datées de (160 1).
Ces médailles, fort belles, sont de Georges
280 Histoire du Portrait.
Dupré, auteur de nombreux portraits-médail-
lons.
Un autre graveur, JeanVarin, que Ton croit
élève de Georges Dupré, laissa divers por-
traits-médaillons ; mais il est surtout connu
par les perfectionnements qu'il apporta à la
gravure des médailles et par les procédés de
frappe qu'il sut inventer.
Marie de Médicis, reine régente de France
et de Navarre, est représentée en habits de
veuve, dans une médaille de (161 1). Cette mé-
daille est très fine et très belle.
Il existe, du reste, un grand nombre de mé-
dailles de cette princesse.
La médaille qui représente Louis XIII est
curieuse, parce qu'on le voit avec collerette
et diadème sur la tête, ce qui est rare.
Ce roi est encore reproduit, enfant, dans un
médaillon très gracieusement fait et très bien
modelé ; il est vêtu à l'antique, et couronné de
lauriers.
Les médailles de cette époque sont très soi-
gnées et admirablement gravées ; telles sont
les médailles faites : en action de grâce pour
Du Portrait dans la numismatique. 28 1
l'enfantement royal, si longtemps désiré. Cette
légende enguirlande le revers, qui représente
le portail de l'église du Val-de-Gràce; une
autre médaille a pour exergue : // a consacre
Lui et son royaume sous la tutelle de la
bienheureuse Marie.
Nous trouvons de la même époque les
beaux portraits-médailles :
De Guillaume d'Estouville, cardinal de
Rouen ; — de Charles, cardinal de Bourbon,
archevêque de Lyon; — d'autres portraits
d'Antoine, bâtard de Bourgogne; — de Robert
Briçonnet, président aux Enquêtes du Parle-
ment, à Paris; — de Guillaume, marquis de
Poitiers.
Nous avons encore un très beau portrait de
Rabelais.
Une médaille curieuse fut frappée à l'occa-
sion de la levée du siège de Metz. Elle repré-
sente le duc de Guise, la tète nue et revêtu
d'une cuirasse ; au revers, on lit : Hœc. tibi.
Meta. ( 1SS2J. Tu n'iras pas plus loin.
Nous trouvons de la même époque plusieurs
beaux portraits de Calvin.
3o
282 Histoire du Portrait.
Une médaille remarquable est celle de Fran-
çois de Maudelot, chevalier de l'Ordre du Roi
et gouverneur du Lyonnais ; cette médaille,
qui est ovale, est délicieusement faite.
Les portraits de Coligny, — de de Thou, —
de René de Birague, — de Hurault, vicomte
de Chiverny, ne sont pas moins intéressants.
Les médailles et médaillons, exécutés sous
Louis XIV et sous Louis XV, ont, à peu de
chose près, le même caractère que tous ceux
qui datent du règne de Louis XIII. Nous ne
pouvons retracer ici l'histoire des monnaies.
Nous touchons à ce moment de notre his-
toire de France où les médailles deviennent
bien plus intéressantes, par le grand nombre
de portraits que nous allons rencontrer; mais,
en général, à l'époque de la Révolution, les
médailles sont moins bien faites.
En (1789), la première médaille que nous
rencontrons représente le roi Louis XVI dans
une église, ayant à sa droite deux députés du
Clergé; à sa gauche, un député du Tiers État,
près duquel se tiennent deux députés de la
Noblesse, lui pose une couronne sur la tète;
Du Portrait dans la numismatique 283
comme exergue : Vive Louis XVI, pour le
bonheur de son peuple.
Une médaille bien intéressante pour notre
histoire est celle qui fut frappée à l'occasion
de la mort du premier fils de Louis XVI,
Louis-Charles, duc de Normandie, né à Ver-
sailles.
On voit un lit encadré d'un rideau ; dans ce
lit, un jeune enfant dont la tête repose sur un
oreiller. Derrière le lit, la Mort, élevant sa
faux, saisit et repousse de la main droite une
femme drapée (la France).
Une très belle médaille en bronze représente
le général Lafayette ; une autre, le portrait
de Bailly, en costume de député du Tiers
État.
Une médaille qui a beaucoup de caractère
est celle de Mirabeau (88 mill.).
Benjamin Du vivier a gravé une autre mé-
daille de Bailly, elle est en étain et mesure
32 millimètres; on possède encore le portrait
de Jacques Necker, du même artiste.
On trouve souvent Mgr le duc d'Orléans
représenté dans les médailles de cette époque,
284 Histoire du Portrait.
et au-dessous on lit : Sitoyens; derrière est
écrit: Le père du peuple.
Non moins intéressante est la médaille où
Ton voit un buste d'homme, coiffé d'un bonnet
phrygien, la pipe à la bouche et un pistolet à
la ceinture; comme exergue, on lit : Le père
Duchêne Foutre, Bon Patriote, et derrière :
Vivre libre ou mourir (étain, 44 mill.).
Dumarest «nous a donné une médaille de
Jean-Jacques Rousseau, au revers de laquelle
on lit : La puissance législative appartient au
peuple et ne peut appartenu' qu'à lui.
Dans une autre médaille, nous voyons en-
core : La liberté ou la mort — devise des
apôtres du patriote Palloy.
La médaille qui représente la princesse de
Lamballe est fine et délicate ; on lit au-des-
sous : Massacrée le 3 septembre 1792.
Sur une autre médaille on lit : Louis-
Alexandre duc de Larochefoucauld, député de
Paris en 178g, assassiné en septembre 1792,
sur la route de Rouen.
G. -F. Dumourier est représenté en uni-
forme, le chapeau sur la tête, vu de trois
Du Portrait dans la numismatique . 285
quarts et tourné à gauche; la médaille est
ovale et surmontée d'une couronne de lau-
riers, qui forme belière.
Une belle médaille repoussée est celle du
duc de Liancourt, député de la Noblesse
en (1789); buste habillé. Cette pièce est rare.
Il existe une grande quantité de médailles-
portraits de Lepelletier de Saint-Fargeau ,
avec cet exergue : Assassiné à Paris, le
20 janvier iypS.
Il serait impossible de citer toutes les mé-
dailles de Tinfortuné Louis XVI, qui ont été
faites à cette époque; parlons seulement de
celle qui offre le buste du Roi, et au-dessous
cet exergue : Je meurs innocent et vous
pardonne.
Dans un cliché octogone, en étain (41 mill.),
nous trouvons le portrait de Auguste-Char-
les-Henri Picot Dampierre, né à Paris le
20 août 1756, tué par un boulet de canon, le
9 mai de Tan II de la République.
Deux magnifiques médaillons nous don-
nent les traits de Charlotte Corday et de
Condorcet.
286 Histoire du Portrait.
Celui de Condorcet est repoussé, sans re-
vers, et a 85 mill.; celui de Charlotte Corday
est en étain.
Le divin Marat est ainsi nommé dans une
médaille où le tribun est représenté la tête
enveloppée d'un mouchoir.
On a un portrait de Joseph Chalier, sur le
revers duquel on lit : Je donne mon âme à
l'Éternel; mon cœur aux patriotes, et mon
corps aux brigands.
Un curieux médaillon en étain est celui où
Charlotte Corday est représentée coiffée d'un
bonnet à la mode des femmes de Caen, les
cheveux tombant sur les épaules; et Ton voit au-
dessous: Décapitée à Paris le 17 juillet ijg3.
On possède plusieurs portraits-médailles de
la reine Marie-Antoinette. Elle est représentée
très richement vêtue. Ces médailles sont fines
et délicatement exécutées.
Le médaillon ovale de Robespierre le jeune,
représentant du peuple, offre un grand inté-
rêt. On le voit avec un immense catogan, des
épaulettes de général et une large écharpe au
bras gauche.
Du Portrait dans la numismatique. 28 y
Le graveur Liénard a fait encore une belle
médaille de Sylvain Bailly, premier président
de l'Assemblée nationale.
On a, du même, le portrait de Barnave.
Dans une petite médaille, nous prouvons
les cinq portraits de : Marat , — Lepelle-
tier, — Charlier , — Barra — et Viala. — Au-
dessous de chacun de ces portraits est placée
une étoile.
Le grand et illustre graveur Dupré a fait
une très remarquable médaille de Lavoisier.
Viennent ensuite les portraits de Mme Elisa-
beth de France, sœur de Louis XVI; elle est
coiffée d'un voile; — et celui du petit prince
Louis XVII.
Nous trouvons accolés, en face l'un de
l'autre, Jean Fernel et Ambroise Paré.
Alexandre Lenoir, administrateur du Mu-
sée des monuments français, a son portrait
fait au repoussé ; cette médaille a une grande
allure de nature et de vérité.
Dans une période plus calme les graveurs
Gayrard et Jeuffroy emploient une partie de
leur carrière à faire des médailles représentant
288 Histoire du Portrait.
le premier consul, puis Napoléon, empereur;
à chaque victoire, nouvelle médaille et nou-
veau portrait.
La première médaille, où Ton voit le géné-
ral Bonaparte, a été frappée à l'occasion de la
bataille de Montenotte (1796). Si nous pas-
sons au premier empire nous trouvons une
médaille de 1 15 millimètres, qui est excessive-
ment remarquable.
Andrieu nous a laissé des portraits de Na-
poléon Ier, fort artistiques.
Citons encore quelques noms des artistes
illustres qui ont fait les plus belles médailles
du Premier Empire :
Dupré, le plus grand graveur en médailles
de la France.
— MM. Geyrard, — Jeuffroy, — Merlen,
— Droz ;
— Andrieu, — Duvivier, — Dumarest, —
Brenet — et Gatteaux.
Sous la Restauration et sous Louis-Philippe,
Oudinée.
Pendant le second empire, M. Barré, qui
fut l'unique graveur de Napoléon III.
Du Portrait dans la numismatique. 28g
Sous la troisième République, on a repris les
coins de Dupré.
Du reste les pièces et les monnaies de.ee siè-
cle sont encore dans la circulation, tous peu-
vent les voir et les apprécier.
gf^Pil!!
mmwmàmwtàirtti&/iwti
■ ■Ml^ltH^fW-l,'.»-! ', '-il " !.■ «I ■■"■ " u.,"..i.«.iti».i..i i. M jt ».i„ m .1 .».,{. m i .r.-^fl
.'.: V-.,-::.,/r.".-, .-,'■- -v\--Ajv/^^.m;''.: ■;.•::„ .
CHAPITRE II
DU PORTRAIT DANS LA GLYPTIQUE
raver en creux et en relief sur
pierre dure est un art difficile
dont la pratique remonte à une
haute antiquité.
Les intailles et les camées sont d'un usage
fort ancien.
Le Musée du Louvre renferme des échantil-
lons remarquables de cette branche de Fart
chez les Égyptiens : la Glyptique égyptienne,
malgré l'incorrection du dessin des artistes de
cette époque, a laissé des monuments curieux
et variés.
Les Grecs excellèrent dans la Glyptique et
292 Histoire du Portrait.
leurs travaux en ce genre restent encore
comme des modèles inimitables, le talent des
artistes Grecs semble avoir atteint la perfec-
tion en ce genre.
Les artistes Romains imitèrent les Grecs
avec succès, mais s'ils les égalèrent parfois ils
ne les surpassèrent jamais.
L'Italie resta longtemps en possession delà
gravure sur pierres fines, mais cet art semble
disparaître avec l'ère chrétienne, et, vers
le ve siècle, il cesse d'être pratiqué.
La Glyptique, cependant, fut toujours pra-
tiquée à Constantinople et dans l'Orient, mais
avec peu d'éclat : quelques œuvres rares dé-
notent parfois un certain talent chez les artis-
tes Byzantins.
Le camée (n° 207, catalogue Chabouillet) de
la Bibliothèque Nationale est peut-être une des
pièces les plus curieuses de la Glyptique by-
zantine.
Il comprend le buste du Christ, bénissant
de la main droite, et au-dessous les saints
Serge et Demetrius, en pied, vêtus de la cotte
d'armes à écailles et du manteau.
Du Portrait dans la glyptique. 2g3
Ce camée est gravé sur sardonyx et on
l'attribue au xe siècle.
L'infériorité des graveurs sur pierres fines
pendant la période chrétienne, surtout du
ve siècle au xie siècle, explique la rareté des
camées religieux mentionnés dans les inven-
taires.
Parmi les nombreux anneaux, énoncés dans
l'inventaire de Boniface VIII en (1295), deux
camées seulement reproduisent des sujets
chrétiens.
En France, nos premiers rois Carlovin-
giens se servirent d'intailles pour sceller leurs
actes, mais ces pierres étaient des gravures
antiques : ainsi le roi Pépin scellait avec un
Bacchus, Charlemagne avec un Sérapis.
Dans l'inventaire de Charles V, en (1379),
les signets royaux mentionnés ne peuvent être
que des pierres antiques.
L'un de ces signets est ainsi désigné : « De
la teste d'un roy sans barbe et sur fin rubis
d'Orient »; — un autre sera « ung enfant à
elles acropy». Cette description rappelle bien
un Cupidon.
2Q4 Histoire du Portrait.
Cependant l'annel des vendredis de Char-
les V était un camaïeu avec le Christ en croix,
la Vierge et saint Jean, mais le double croi-
sillon dénote l'origine byzantine de cette
gravure.
L'inventaire de Charles VI, de (i3qq), énu-
mère également de nombreux camées à su-
jets profanes.
Il semble donc que Fart de la Glyptique
avait entièrement disparu en France à cette
époque : du moins, on peut affirmer qu'il
jetait un bien faible éclat.
Avec le xve siècle, la gravure sur pierres
fines reparaît en Italie, où elle est pratiquée
d'une manière remarquable, par Benedetto
Peruzzi (1379) ; — Jean — et Dominique de
Milan, plus connus sous les noms de : Jean
des Cornalines et Dominique des Camées.
Cet art fut importé en France, sous Fran-
çois Ier, par Matteo del Nassaro.
Les comptes de (1 528- 1529) mentionnent cet
artiste, comme ayant gravé les coins de la
monnaie du Roi, mais il est appelé Dalnas-
sard (Arch. de l'Empire, K. K. 100.)
Du Portrait dans la glyptique. %g5
Un autre compte de (i53o) mentionne
Guillaume Hoisson, lapidaire à Paris, comme
auteur d'une Nostre-Dame d'agate garnie
de neuf grosses perles, d'un saphir et de
deux rubis, et encore de trois camaïeux qui
ornent le manche d'un poignard. ( Ibid.
Comptes de Claude Haligre.)
Sous Louis XIII, nous voyons un artiste,
nommé Julien de Fontenay, pratiquer cet art
avec distinction.
La première pierre que nous mentionne-
rons est une cornaline, par Coldoré, graveur
français du xvne siècle.
Elle représente un buste à droite d'Henri IV,
portant sur son armure le collier de l'ordre
du Saint-Esprit.
Nous avons encore de cet artiste un grand
camée sur coquille, représentant Henri IV et
Marie de Médicis.
Certains auteurs, parlant de Coldoré et de
Julien de Fontenay, ont paru ignorer que le
même graveur a porté ces deux noms.
Coldoré, graveur d'Henri IV, connu en-
core sous le nom de Julien de Fontenay, était
2q6 Histoire du Portrait.
valet de chambre et gentilhomme du roi : au-
torisé en cette qualité et par lettres patentes
à loger au Louvre.
A la demande de la reine Elisabeth d'An-
gleterre, cet artiste se rendit en Angleterre et
grava le portrait de cette princesse.
Un autre artiste français, nommé Jouffroy,
a laissé une cornaline gravée qui représente
Stanislas Poniatowski, roi de Pologne, la tête
ceinte d'un diadème.
Il le faut avouer, la Glyptique ne fut culti-
vée en France que comme un art acces-
soire : pendant le xvne siècle cet art semble
disparaître de nouveau.
Dans le xvuie siècle , la Glyptique laisse
enfin une trace, nous allions dire un chef-
d'œuvre.
Le Guay, graveur, donne un beau camée
de Louis XIV.
L'art de la gravure sur pierres fines existe
encore de nos jours, mais on s'en sert peu
pour le portrait.
Nous devions parler de cette branche de
l'art du portrait.
Du Portrait dans la glyptique. 2pj
Ce genre, il est vrai, n'est pas d'un usagi
commun, mais il exige dans l'artiste immérité
hors ligne.
L'art du lapidaire suppose la connaissance
des procédés de la Glyptique, mais il laisse
à l'artiste bien plus de facilité dans l'exé-
cution.
Le musée du Louvre possède les douze
Césars de la collection de Debruge Dumesnil
(n° 43 1 de cette collection).
Ces bustes sont au repoussé en argent, mais
les tètes sont en pierres dites précieuses :
Jules-César en calcédoine verte ; — Auguste
en plasma antique ; — Tibère en prime
d'améthyste ;
— Caligula en chrysoprase; — Claude en
agate d'Allemagne ; — Néron en agate sar
donisée ;
— Galba en jaspe blanc -, — Othon en
cristal de roche ; — Vitellius en jaspe vert ;
— Vespasien en calcédoine blanche ; —
Titus en corniole.; — Domitien en agate
veinée.
Ces sculptures sont du xvr3 siècle, mais bien
■2gS Histoire du Portrait.
qu'elles soient sur pierres précieuses, elles ne
sauraient être comparées à des intailles ou à
des camées.
Les difficultés que l'artiste a dû surmonter
dans ces ouvrages ne sont en rien comparables
aux obstacles dont le graveur en intailles et
en camées doit triompher en donnant à son
œuvre un cachet artistique.
L'art du lapidaire, qui nous a laissé tant de
chefs-d'œuvre dans l'antiquité et dans les
temps modernes, ne se rattache donc que
d'une manière large à la Glyptique propre-
ment dite ; lorsqu'il s'exerce sur des objets de
dimensions considérables, il se rapproche plus
de la sculpture que de la gravure sur pierres
fines.
Du reste l'art du lapidaire avait produit
assez de chefs-d'œuvre en Asie pour enrichir
Rome et l'Italie, à la suite des victoires de
Pompée !
Rien de plus commun dans les villas ro-
maines, dans les somptueuses demeures des
patriciens romains, que ces riches dépouilles
des peuples vaincus.
Du Portrait dans la glyptique. 200
Constantin transporta à Constantinople une
partie de ces richesses, et de là elles revinrent
en Europe. Les Empereurs les envoyèrent en
présents et plus tard les Croisés les rapportè-
rent comme un butin conquis.
De là les riches coupes, en onyx, en calcé-
doine, en cristal, mentionnées dans les inven-
taires des églises , des monastères et des
habitations royales pendant tout le moyen
âge.
Les orfèvres de l'Occident inventeront pour
ces joyaux de riches montures, mais ils reste-
ront étrangers à l'art du lapidaire qui les a
enfantés.
Suger saura faire d'une coupe de porphyre
un cygne gracieux et ajouter encore au prix
de la pierre antique une valeur artistique
inestimable.
François Ier et Henri II favorisèrent en
France Tart du lapidaire.
Mais, on doit le dire, parmi les produc-
tions de nos artistes nationaux, on ne trouve
aucun portrait remarquable sur pierres pré-
cieuses.
3oo
Histoire du Portrait.
Le travail consiste surtout à donner à la
pierre fine la forme de vase, de coupe; ensuite
on confie à des orfèvres le soin de monter le
joyau, toujours d'une dimension assez consi-
dérable.
CHAPITRE III
DU PORTRAIT DANS LES SCEAUX ET CACHETS
1 n'est pas inutile de mentionner,
à titre de curiosité, les noms de
quelques personnages représen-
tés sur les sceaux des grands
feudataires de la couronne de France.
Les sceaux offrent le même intérêt que les
médailles et les monnaies dans une étude
historique. — Peut-être l'exactitude des por-
traits qu'ils nous donnent aurait-elle besoin
d'être démontrée.
Beaucoup de ces portraits peuvent être de
convention, mais où se trouve la limite de la
3o2 Histoire du Portrait.
vérité dans cette branche de Fart , qui se
confond avec la numismatique et la scul-
pture ?
Dans le sceau de Louis , fils du roi de
France Philippe II , on voit ce prince, armé
de toutes pièces, tenant de la main droite une
épée nue, et portant au bras gauche un écu
aux armes de France, monté sur un cheval
galopant à droite.
Dans les différents sceaux que Ton possède
en France, nous avons encore les portraits :
— De Philippe , fils de Louis IX et de
Marguerite de Provence (1245);
— De Charles, fils de Philippe IV et de
Jeanne de Navarre (i322);
— De Jean, fils de Philippe IV et de Jeanne
de Bourgogne, duc de Normandie et de
Guyenne;
— De Philippe, fils de Philippe IV, duc
d'Orléans et de Touraine.
Dans le sceau de Blanche, duchesse d'Or-
léans, on voit cette princesse debout sous une
niche gothique , à sa droite et à sa gauche
sont deux anges.
Du Portrait dans les sceaux et cachets. 3o3
Jean de France, duc de Berry et d'Au-
vergne, est représenté, les cheveux attachés
par un bandeau, et revêtu d'un long man-
teau ; il est debout sous un dais gothique, et
coiffé du casque de duc.
Nous retrouvons à peu près les mômes
attitudes dans les sceaux de Charles de
France, fils de Philippe III (1270);
— De Philippe , dit de Valois, frère aîné
de Charles;
— De Pierre , comte d'Alençon et de
Chartres, frère de Louis IX.
Dans les sceaux des princesses, nous trou-
vons encore Marguerite d'Anjou , femme de
Charles, comte de Valois (1290), debout sous
une niche gothique.
Il en est de même de Catherine de Cour-
tenay, femme de Charles de Valois: et de
Mahart de Châtillon, dite de Saint-Paul.
Alix, fille de Robert III, comte d'Alençon,
est debout, elle tient une fleur de lis.
Hugues de Lusignan est représenté, monté
sur un cheval lancé au galop, il porte au cou
un olifant et tient un chien en croupe.
3o4 Histoire du Portrait.
Yolande de Dreux est figurée tenant un
oiseau de la main gauche.
Dans le sceau de Guy de Dampierre, comte
de Flandre, ce seigneur est armé de toutes
pièces, tenant d'une main une épée nue, et
portant au bras gauche un écu aux armes
de Flandre.
Fréquemment encore, le cavalier est repré-
senté sur un cheval au galop, tantôt tourné
à droite, tantôt à gauche.
Nous retrouvons cette donnée dans les
sceaux :
— De Gauthier d'Avesnes, — de Jean de
Châtillon; — de Louis de Flandre;
— De Jean de Roubaix, — de Roger -
Bernard, comte de Foix , etc., etc.
Une plus longue nomenclature serait fasti-
dieuse pour le lecteur, qui ne peut avoir sous
les yeux les empreintes si intéressantes de
tous ces cachets. On trouve parfois une ex-
trême finesse dans les détails, et une cer-
taine élégance dans le contour des figures
gravées sur ces objets.
CHAPITRE IV
DU PORTRAIT DANS L ORFEVRERIE
[aire de Constantinople une ville
sans rivale semble avoir été le
souci de Constantin : les histo-
riens ont raconté longuement
les merveilles d'orfèvrerie dont l'empereur
chrétien se plut à enrichir les églises et les
palais édifiés par ses ordres.
Le Labarum était orné des bustes d'or de
l'empereur et de ses enfants, nous dit Eusèbe.
(De vita Imp. Constantini Lib. I, cap. xxxi.)
Les successeurs de Constantin, Constance
et Théodose, héritiers de cet empereur, conti-
nuèrent d'encourager les arts.
33
3o6 Histoire du Portrait.
Constance acheva Sainte- Sophie , cette
merveille de l'Orient ; Théodose fit élever sa
propre statue en argent dans le forum du
Taureau.
L'étonnement n'a pas de limite quand on
voit les richesses en orfèvrerie accumulées
dans les églises de Constantinople par les empe-
reurs ; le luxe en bijoux, en pierreries, en vête-
ments , en meubles , en ornements de toutes
sortes, déployé dans les fonctions sacrées.
Dans leurs palais et dans les cérémonies,
les empereurs et les grands dignitaires ne se
servent que de couronnes d'or, d'armes enri-
chies de pierreries ; le harnais de leurs cour-
siers est recouvert de ciselures; la vaisselle est
d'or massif, les meubles sont surchargés de
rubis, de topazes et de perles.
Arcadius érigera à Théodose une statue
d'argent de sept mille quatre cents livres ; les
statues colossales d'Eudoxie et de ses trois
filles, toutes d'argent, seront élevées, comme
ornement, dans l'Augustéon, ce forum déjà
peuplé de statues. (J. Labarte. Le Palais de
Constantinople, Paris, 1861.)
Du Portrait dans V orfèvrerie. 3oj
Au ve siècle, le préfet du prétoire Aurélius
placera la statue d'or de Théodose II dans
l'enceinte du Sénat, avec les bustes d'Hono-
rius et de Pulchérie, cette vierge chargée à
l'âge de quinze ans de la responsabilité d'un
empire et de l'éducation du jeune Théodose,
son frère, qu'elle devait plus tard remplacer.
Au vie siècle, Justinien rebâtit Sainte-So-
phie, incendiée en (532), et rien ne saurait
égaler le luxe que déploie l'empereur dans la
décoration de cette basilique.
L'orfèvrerie, dans toutes ses manifestations,
vient enrichir le temple; les colonnes, les
murailles, le sanctuaire étincellent d'or et
d'argent ciselés, avec mélanges d'émaux et de
pierres fines. — Les statues sont nombreuses
et décèlent le grand talent des orfèvres sta-
tuaires.
Deux auteurs, Paul le Silenciaire et l'Ano-
nyme, nous ont laissé la description de ces
merveilles et de ce mobilier incomparable,
donné par les empereurs pour l'usage du
temple.
Ce goût pour l'orfèvrerie artistique et cette
3o8 Histoire du Portrait.
protection accordée aux arts semblent avoir
été le partage des empereurs d'Orient jusqu'à
la fin du vne siècle.
Chassée du temple par l'hérésie des Icono-
clastes, l'orfèvrerie, privée d'une de ses bran-
ches, n'en continua pas moins de créer des
chefs-d'œuvre.
Au xe siècle , un empereur, Constantin
Porphyrogénète, est lui-même un orfèvre de
talent : le luxe de son palais semble défier
toute description.
Luitprand a détaillé ces vases d'or, chargés
de fruit, amenés sur des chariots et placés
sur la table de l'empereur au moyen de
poulies et de cordages tirés par quatre
hommes. (Luitprandi opéra, Lib. VI apud
Pertz, Mon. Germ. Hist., tom. V.)
Jusqu'à la chute de l'empire d'Orient, l'or-
fèvrerie reste en grand honneur à Constanti-
nople. Le pillage de cette ville par les Croisés
dispersa en Europe une partie des trésors
accumulés dans la cité impériale.
Ces chefs-d'œuvre servirent longtemps de
modèle aux artistes de l'Occident.
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 3og
Au vme siècle, les nombreux artistes de
l'Orient, chassés de leur pays par la persé-
cution religieuse, vinrent en Italie et dans les
divers pays d'Europe. — Ils apportèrent avec
eux leurs procédés, leur goût pour l'orfè-
vrerie artistique et provoquèrent une sorte de
renaissance dans cette branche de l'art.
De (772) à (816), les papes Adrien Ier et
Léon III donnèrent une protection éclairée
aux artistes, et les plus habiles sculpteurs
semblent se confondre avec les orfèvres
statuaires.
La basilique de Saint-Pierre était alors
célèbre, et la vénération générale y avait ac-
cumulé des trésors; les papes s'étaient complu
à l'embellir de riches ornements.
Le Liber Pontificalis mentionne les bas-
reliefs d'argent doré que Léon III avait placés
comme ornement sur la porte revêtue d'ar-
gent par le pape Honorius, et les statues du
Christ, de la Vierge et des Apôtres, qui déco-
raient le transept.
La Confession de Saint-Pierre fut enrichie
de statues, de bas-reliefs, d'ornements divers
3io Histoire du Portrait.
en or du poids de deux cent cinquante-quatre
livres, par les papes Adrien Ier et Léon III.
Le ciborium placé au-dessus de l'autel ma-
jeur fut exécuté en argent et orné de statues.
Dans les autres églises de Rome, l'orfèvrerie
fut encore appelée à donner son concours
dans l'ornementation des temples.
Charlemagne avait offert aux Papes, après
sa victoire, le trésor de Didier, roi des Lom-
bards (774). Les papes usèrent dignement de
ces richesses, on vient de le voir.
D'après le Liber Pontificalis (cette chro-
nique de la papauté), le seul pape Léon III fit
mettre en œuvre par les orfèvres, sous son
pontificat, quatorze cent soixante-six livres
d'or, et vingt-quatre mille huit cent quarante-
trois livres d'argent. — Ces chiffres donnent
l'idée de l'immensité des travaux exécutés
par ordre de ce pontife.
Ce goût pour les arts fut tout aussi vif sous
les papes du ixe siècle.
Etienne IV vient à Reims sacrer Louis le
Débonnaire et lui offre une riche couronne
(apud Duchesne, Hist. franc, script., tom. II)
Du Portrait dans V orfèvrerie. 3i i
(Theyani opus). Pascal Ier enrichit de travaux
d'orfèvrerie et de statues d'or et d'argent les
nombreuses églises qu'il fait reconstruire.
En Italie, les églises sont de véritables mu-
sées : la basilique de Saint-Ambroise à Milan
est ornée du célèbre autel d'or (Paliotto) par-
semé des pierreries les plus précieuses, d'é-
maux, de médaillons; aucune description ne
peut donner idée de cette merveille d'orfèvre-
rie (Voir Du Sommerard, les Arts au moyen
âge, 9e série, pi. xvm).
Ce ixe siècle semble avoir été, par excel-
lence , le siècle de l'orfèvrerie : en Orient
Théophile et Basile le Macédonien; en Occi-
dent, Charlemagne et les papes font exécuter
des travaux d'art qui semblent surpasser
tout ce qu'a produit l'antiquité.
Les artistes ne sont étrangers à aucun pro-
cédé de fabrication : le repoussé au marteau,
la fonte, la ciselure, la gravure en intaille,
la niellure, sont employés tour à tour pour la
perfection de l'ouvrage.
Charlemagne fait élever la basilique d'Aix-
la-Chapelle : Angilbert fait rebâtir l'église
3 12 Histoire du Portrait.
de son abbaye de Saint-Riquier, près d'Ab-
beville (dans la Somme), et s'applique à
l'embellir d'ornements d'or et d'argent et d'un
riche ciborium dans le goût italien. (Hariuln"
monachi S. Richarii, chron. CentulensisLib. I
et Lib. III, ap. d'Achery spicilegium, tom. IV.)
Sous Louis le Débonnaire, les princes, les
seigneurs et les prélats recherchent avec pas-
sion les ouvrages d'orfèvrerie : les bas-reliefs
et les statues ne sont pas rares à cette époque,
mais ce genre d'ornement est surtout employé
dans la décoration des églises.
La réputation des artistes français est telle,
qu'un patriarche de Venise commandait en
France un calice orné de pierreries.
L'abbaye de Saint-Denis avait une école
où se formaient des artistes orfèvres, et ses
abbés (les rois de France), Louis Ier et
Charles le Chauve encouragèrent noblement
les œuvres d'art.
On sait les travaux que fit exécuter Hinc-
mar, archevêque de Reims, pour son église
(Tarbé, Hist. des églises de Reims (1843).
De riches ornements furent offerts par
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 3i3
Abbon à son église Saint-Étienne d'Auxerre
dans le même ixe siècle. (Labbe nova Bibl.)
Les noms de quelques orfèvres de cette
époque sont parvenus jusqu'à nous : Odul-
fus, moine de Saint-Riquier (864), — Perpé-
tuus d'Angers (877), qui travaillait la fonte
(d'après d'Achery), — les chanoines Bernelin
et Bernuin de Sens, qui font un devant d'au-
tel d'or enrichi défigures en bas-relief. (Repro-
duit d'après le dessin de Lambinet, par du
Sommerard. Les Arts aux moyen âge, 9e sé-
rie, pi. XIII.)
Les terreurs religieuses du xe siècle sem-
blent aviver l'orfèvrerie artistique religieuse ;
par une contradiction assez singulière , on
continue d'enrichir les églises; pendant que
les arts languissent de tous côtés, l'orfèvrerie
reste florissante, et le portrait proprement dit
apparaît enfin dans les travaux de ce genre.
En orfèvrerie, dit M. de Laborde, oc la
fonte et la ciselure sont des procédés bornés,
le repoussé est l'art sans limite (De l'Union
des Arts et de l'Industrie, tom. II).
Un document curieux du xie siècle , le
3i4 Histoire du Portrait.
Traité du moine Théophile sur les arts, nous
apprend le procédé employé dans les travaux
au repoussé.
« On fait aussi des fers pour exécuter sur
l'or, l'argent et le cuivre, des figures humai-
nes, des oiseaux, des animaux et des fleurs
repoussés. Ces fers sont de la longueur d'une
palme, garnis d'une tête pour être frappés
avec le marteau, — la partie inférieure va-
riait déforme, selon le travail à exécuter. » —
Théophile appelle ces instruments « fers pour
le repoussé. » — (Diversarum artium schedula
lib. II, cap. xiii et seq.)
Nous verrons plus tard les orfèvres de Li-
moges user de ce procédé, pendant le xme siè-
cle ; et produire des statuettes et de nombreux
bas-reliefs en cuivre. — On retouchait ensuite
au ciselet les parties délicates, afin de donner
à l'œuvre son fini.
Cellini nous apprend que le procédé au
repoussé était d'un usage général au xvie siè-
cle ; — lui-même n'employait jamais la fonte
que pour les pièces de rapport, comme les
anses, les becs d'aiguières ; toutes ses figurines
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 3i5
les plus délicates, ses bijoux les plus pré-
cieux, sont exécutés par la méthode du re-
poussé.
Jusqu'au xvne siècle, l'orfèvrerie a donné
des bas-reliefs et des statues d'or et d'argent
et, dans tous ces ouvrages, le repoussé fut
constamment employé : on obtenait ainsi le
moins de poids possible, tout en conservant à
l'objet sa richesse apparente.
Hérivée, archevêque de Reims, érige un
autel orné d'un bas-relief d'argent : Au centre
du parement le Christ est assis sur un trône :
Hérivée — et Foulques, son prédécesseur, sont
agenouillés et tournent leurs regards vers le
Sauveur : — Les portraits de Charles le Sim-
ple, — de Judith, fille de Charles le Chauve,
— et d'Ansgarde, femme de Louis le Bègue,
figuraient encore sur ce bas-relief. (Tarbé,
Trésor des églises de Reims. — Reims, 1843.)
Les églises d'Auxerre et de Saint-Bertin
(près de Saint-Omer), sont enrichies de bas-
reliefs au marteau. — Richard , abbé de
Saint-Vitou de Verdun, fait exécuter des
sculptures importantes au repoussé. (Apud
3i6 Histoire du Portrait.
Pertz,Mon. Germ. Hist.,X. — Chron. Hugo-
nis abb.)
L'abbé de Savigny , Gausmar , fait lui-
même, en (953), divers travaux d'orfèvrerie et
cinq tableaux d'argent. (Collect. des Doc. inéd.
sur l'Hist. de France, Paris, i853,tomeI.)
Josbert, moine de Saint-Martial à Limo-
ges, était un orfèvre habile; en (975), il fit une
image de saint Martial en or. (Labbe. Nova
Bibl. II.)
Les bas-reliefs de la châsse d'or renfermant
les reliques de la Vierge, à Saint-Peré de
Chartres, étaient l'œuvre de Thendon, archi-
tecte et orfèvre, qui avait bâti la façade de
cette église vers (991) (Sablon, Hist. de l'Égi-
de Chartres, 1671). — (Texier, Dict. de l'or-
fèvrerie).
Le roi Robert, au xic siècle, suit les tradi-
tions de ses prédécesseurs et favorise l'orfè-
vrerie : pendant tout le cours de son règne
(996-1031), les travaux exécutés sont les
mêmes que dans le siècle précédent.
Dans l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif, près
de Sens, un moine, Odoranne, sculpteur et
Du Portrait dans V orfèvrerie. 3iy
orfèvre, exécute la châsse de saint Savinien
« fort curieusement élabourée, avec plusieurs
figures relevées en bosse tout autour; parmi
ces figures était celle du roi Robert. » (Guyon,
Histoire de l'église d'Orléans, tome I.)
Du reste, la ville de Sens avait une école
d'orfèvrerie depuis le ixe siècle, et Tévèque
d'Auxerre, Geoffroy, fonda des prébendes
pour des chanoines artistes dans son diocèse
vers (io5o). — (Labbe, Nova BibL, tom. I.)
Vers (1087), Othon, orfèvre normand, enri-
chit de bas-reliefs d'or et d'argent, rehaussés
de pierreries , le mausolée de Guillaume le
Conquérant , érigé dans l'église de Saint-
Étienne de Caen. (Duchesne, Hist. Norm.
Script. — Lut. Paris., (1619.)
L'orfèvrerie en France, au xne siècle, rap-
pelle le nom de Suger, abbé de Saint-De-
nis (1 122-1 152); non content d'avoir recon-
struit l'église abbatiale de Saint-Denis, Suger
voulut l'orner avec magnificence.
Notre étude sur le portrait nous impose de
passer sous silence les œuvres d'orfèvrerie que
fit exécuter Suger.
3i8 Histoire du Portrait.
Le tombeau de saint Denis, réédifié sous sa
direction, devint une véritable merveille artis-
tique, inspirée par la vénération pour le pre-
mier évêque de Paris. Les rois, les princes,
les seigneurs, les évêques, voulurent contri-
buer à l'embellissement du mausolée par des
offrandes de pierreries, de camées, de bijoux,
d'émaux et de marbres précieux. (Sugerii, De
rébus in administ. sua. gest. — Duchesne,
tom. IV.)
La croix, élevée par Suger sur l'emplace-
ment du premier tombeau de saint Denis, fut
consacrée par le pape Eugène IV, en l'an-
née (1147).
Pour l'exécution de ce monument de l'art,
Suger livra aux orfèvres quatre-vingts marcs
d'or : — Au prix de quatre cents livres, il
acheta quantité d'hyacinthes, de saphirs, de
rubis, d'émeraudes et de topazes, qui for-
maient le trésor des abbayes de Fontevrault
et de Cîteaux. — De nombreux émaux his-
toriés furent employés à l'ornementation de
cette croix. (Doublet, Histoire de l'abbaye de
Saint-Denis en France, Paris, 1625.)
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 3iq
La figure du Christ était d'or et couronnée;
la draperie, tombant de la ceinture aux ge-
noux, était ornée de pierreries (184 pierres
fines , 1 1 5 perles et 4 émaux) , des sa-
phirs figuraient les clous des mains et des
pieds,
L'Inventaire de Saint-Denis, qui nous a
laissé ces renseignements curieux, ajoute en-
core que la figure de Suger, en costume
d'abbé, enlevée à mi-bosse d'or, c'est-à-dire
au repoussé, se trouvait au pied de la croix.
— A cette même époque, Maurice de Sully,
évèque de Paris (1196), — Gervais , abbé de
Saint-Germain d'Auxerre (1 147), — Sansom,
archevêque de Reims (1160), faisaient exécu-
ter des bas-reliefs historiés. — (Tarbé, Trésor
des églises de Reims.)
L'abbé du monastère d'Audernès,au diocèse
de Boulogne, était un orfèvre habile. (Apud
d'Achery, spicilegium , tome IX). — (Guil-
lelmi, Audrensis Mon. chron.)
Henri Ier, comte de Champagne, mourut
en (1 181). — Le mausolée de ce prince, érigé
dans l'église Saint-Etienne de Troyes, fut
320 Histoire du Portrait.
orné des portraits de ce seigneur et de son
fils Thibaut. (Baugier, Mém. hist. de Cham-
pagne, Châlons, 1721.)
Dans ce même siècle, Montpellier possédait
une école d'orfèvres fort réputée, qui s'orga-
nisa en corporation dans le xiir3 siècle. (J. Re-
nouvier. — Des maîtres de pierre et autres
artistes de Montpellier, Montpellier, 1844.)
Le trésor de Conques (Aveyron) renferme
diverses pièces de cette époque ; elles ont été
décrites par M. Darcel. (Trésor de Conques,
Paris, 1861.)
L'église de Saint-Omer possède une nions-
trance curieuse de cette même date. (Des
Champs de Par, Ann. archéol., tome XIV.)
Le xme siècle produisit encore des monu-
ments remarquables en portraits :
Blanche de Navarre fit ériger à Thibaut III,
comte de Champagne, un splendide tombeau
dans l'église cathédrale de Troyes. La statue
du prince, en argent, était grande comme
nature. — Dix autres statues de quatorze
pouces, faites du même métal , servaient à
l'ornement du mausolée. — Le roi Louis le
Du Portrait dans V orfèvrerie. 32 i
- - j
Jeune, — Henri Ier de Champagne, — Blanche
de Navarre, — Sanche le Fort , roi de
Navarre , — Scholastique , sœur de Thi-
baud III, y étaient représentés. (Baugier, ibid.)
Le portrait dans les ouvrages d'orfèvrerie
devient plus fréquent dans le xine siècle : Il
semblerait qu'à cette époque, les figures sont
moins de convention et qu'elles reproduisent
fidèlement les traits précis des personnages.
Exécuter les images du Christ , de la
Vierge, des Saints, d'après des formes con-
ventionnelles, laissait à l'artiste un champ
illimité : mais il n'en était plus de même
lorsqu'il fallait reproduire , d'après nature,
les traits d'un personnage connu et de per-
sonnes vivantes.
La fréquence des portraits en orfèvrerie
démontre que les artistes avaient dû faire des
progrès notables dans le dessin, condition
première de l'exactitude dans toute repro-
duction.
Du reste, à la fin du xne siècle, les artistes
laïques deviennent nombreux, et leurs tra-
vaux ne se bornent plus à l'embellissement
35
322 Histoire du Portrait.
des objets du culte et à l'ornementation des
églises.
Les orfèvres de Paris sont réunis en cor-
poration par saint Louis, mais leur industrie
est libre, — une seule clause leur est impo-
sée : employer l'or pur, à la touche de Paris,
et l argent, comme à lEstelin de Londres. —
(Depping. Règlem. des Arts et Métiers de Pa-
ris, etc., Paris, 1837.)
A la fin du xme siècle, Paris comptait plus
de cent seize orfèvres, qui formaient la Con-
frérie de saint Éloi.
Le trésor de la Sainte-Chapelle, celui de
Notre-Dame, les statues des rois de France,
exécutées en métal par ordre de saint Louis ;
les bas -reliefs d'argent qui ornèrent plus
tard le tombeau du saint roi , témoignent
éloquemment de l'habileté consommée des
orfèvres statuaires de la Confrérie Parisienne.
Du reste, Raoul, orfèvre de saint Louis, fut
anobli en (1270) par Philippe le Hardi, en
récompense de son merveilleux talent. (Du-
chesne, Hist. Fran. Scrip., tom. V. — Gesta
Philippi Tertii.)
Du Portrait dans l orfèvrerie. 323
L'Inventaire de la Sainte-Chapelle (i5y3),
mentionne un buste d'or de saint Louis (Du
Cange, Hist. de saint Louis, 1678). — Il est
reproduit dans le Dictionnaire du mobilier
français de M. Viollet-le-Duc.
Ce buste était l'œuvre de Guillaume, orfè-
vre de Philippe le Bel, qui l'avait exécuté
en (i3o6).
Une autre statue de saint Louis, en argent
doré, soutenait un reliquaire contenant un
ossement de ce roi.
Gilles, abbé de Saint-Denis, avait fait pla-
cer les reliques de saint Louis dans une châsse
portée par deux statues de rois (Philippe le
Hardi et Philippe le Bel). — Gilles, age-
nouillé, figurait dans ce groupe, tenant lui-
même un reliquaire à la main. — (Félibien,
Histoire de l'abbaye de Saint-Denis , Pa-
ris, 1706.)
Les orfèvres de Montpellier, — ceux d'Avi-
gnon, continuent de produire des œuvres
estimées.
Les évêques et les abbés de la ville d'Auxerre
enrichissent leurs églises de bas-reliefs et d'or-
324 Histoire du Portrait.
nements d'offèvrerie. ( Labbe , Nov. Bibl.,
tom. I. — Parisiis, 1657.)
Les orfèvres d'Arras avaient également une
grande réputation. (Ann. archéol., tome IX.)
La ville de Limoges, célèbre par ses émaux,
avait encore des orfèvres de talent, qui pro-
duisent de curieuses sculptures en ronde bosse
et des figures de haut-relief, en cuivre battu.
Dès lors les travaux artistiques se vulgarisent
et deviennent à la portée de tous.
Au xiv° siècle, sous Charles V, l'orfèvrerie
civile acquiert une importance qu'elle n'avait
jamais eue, mais elle produit surtout la riche
vaisselle d'or et d'argent employée dans les
maisons royales et les châteaux.
Claux de Fribourg, orfèvre du roi, exécuta
cependant diverses statuettes d'or et d'argent.
(De Laborde. Revue archéol. tome VII).
L'Inventaire des Joyaulx des ducs d'Anjou
et de Berry mentionne un grand nombre de
statuettes et de bas-reliefs au repoussé. Tous
ces ouvrages ont un caractère religieux et ne
rentrent pas dans le portrait proprement dit
(De Laborde, ibid.).
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 325
Le portrait dans l'orfèvrerie semble plus
rare ; les historiens , comme Froissart et
Christine de Pisan, mentionnent rarement ces
bas-reliefs et ces statues, si nombreuses au
xme siècle et qualifiés portraits.
Félibien indique comme objets d'art, ap-
partenant au xive siècle, d'après l'Inventaire
de Saint-Denis, un groupe d'argent doré : à
droite de la Madeleine se trouvaient les
statues de Charles V — et de son fils, le dau-
phin Charles, à genoux; — à gauche celle de
la reine Jeanne de Bourbon. Ce travail avait
été offert par Charles V en (i 368).
L'orfèvrerie civile produisit dans ce siècle
des objets merveilleux mentionnés dans les
Inventaires de Charles V, de Charles VI, du
duc d'Anjou, de la reine Clémence et du duc
de Bourges.
Les nefs à épices, les salières, lesessays, les
fontaines, les coupes, les hanaps et les gobe-
lets, les surtouts de table, décrits dans ces
inventaires, établissent le grand talent des or-
fèvres ciseleurs de cette époque.
La plupart de ces objets sont d'or ou d'ar-
3-i6 Histoire du Portrait.
gent, ciselés avec art et enrichis de pierreries,
souvent ornés de figures.
Les noms de divers orfèvres chargés de l'in-
ventaire des joyaux, vaisselle et objets mobi-
liers de la reine Clémence de Hongrie, veuve
de Louis le Hutin (i328) sont parvenus jusqu'à
nous :
Ce sont : Estienne Maillart — et Gieffroy
de Mantes, orfèvres de Philippe le Long ;
— Simon de Lille ; — Jehan Pascon ; —
Félix d'Anceurre;
— Jehan de Toul ; — Pierre de Besançon
et Jehan de Lille, orfèvres de Paris.
Nous avons encore les noms : de Thomas
de Langres (i345), orfèvre de la comtesse de
Blois; — de Jehan Lebraellier, orfèvre du
roi Jean, également sculpteur en ivoire;
— De Pierre de Landes, maître de la mon-
naie de Paris ; — de Pierre des Barres, or-
fèvre et valet de chambre de Charles V, alors
dauphin (i 353); — de Jehan de Mautreux,
orfèvre du roi Jean ; — de Jehan Fleury ;
— De Pierre Chapellu; — de Jehan de Lille
(jeune) ; — de Pierre Leblont ;
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 3-2 7
— De Jehan Lussier ; — de Guillaume
Gargoulle — et de Jehan Bonnetot, argentiers
du roi.
Dans les inventaires du xivc siècle nous
trouvons encore comme orfèvres notables :
Jehan de Picquigny et Robert Retour, orfè-
vres de Charles V (encore dauphin) ;
— Hannequin du Vivier (1378), auteur des
objets offerts à l'empereur Charles-Quint, à
l'époque de son voyage à Paris ;
— Simonnet Lebec, orfèvre de Charles VI;
— Guillaume Arrode, — et Robert Auffroy;
— Guillaume Huet, — et Jehan Husse,
orfèvres de la ville de Paris.
Certains orfèvres sont désignés dans ces
mêmes inventaires comme auteurs de travaux
particuliers :
Henry, orfèvre du duc d'Anjou, exécuta
une nef pesant deux cent quarante-huit marcs
d'or; — Pierre de Boterie (137g) fut Fauteur
de la statuette de saint Etienne, placée sur le
tombeau du comte Henry de Champagne, et
de la tète de reine qui ornait le monument du
comte Thibaut.
3-28 Histoire du Portrait.
De nombreux orfèvres sont encore désignés
dans ces inventaires du xive siècle, et nous
pouvons en inférer que cet art fut brillam-
ment représenté à cette date.
Pendant le xve siècle, l'orfèvrerie à figures
semble subir un temps d'arrêt; du reste la
sculpture proprement dite forme une branche
de l'art bien plus distincte.
Si la sculpture se développe large et puis-
sante dans les monuments et les églises, par
contre, l'orfèvrerie à figures se localise dans
les objets du culte et surtout dans les objets
usuels. Elle apparaît même dans le vêtement,
et il n'est pas rare à cette époque de retrouver
dans les inventaires la mention de manches
d'argent ou d'ornements ciselés appliqués sur
les vêtements.
L'orfèvrerie religieuse continue de produire
des calices, des monstrances, des reliquaires ;
tous ces objets rappellent les travaux du xive
siècle.
Quelques statues d'argent, exécutées dans
ce siècle, semblent rentrer dans le portrait.
Gérard Loyet (1466), donna deux bustes en
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 32 q
argent de Charles le Téméraire (grandeur
naturelle), et deux statuettes en pied de ce
même prince. Ces statuettes étaient colo-
riées, cet usage semble assez général à cette
époque. (De Laborde. Les ducs de Bour-
gogne, tome I.)
La belle orfèvrerie italienne domine le xvi°
siècle; il n'est pas d'artistes français qui sem-
blent pouvoir lutter contre les productions
italiennes que les travaux de Cellini devaient
encore surpasser dans le siècle suivant.
Louis XII visita la ville de Tours en (i5oo)
et à cette occasion fut frappée une médaille
d'or à l'effigie du roi.
Michel Colombe, le célèbre sculpteur, en
avait donné le modèle.
Les prescriptions de l'Édit de ( 1 5o6) entravè-
rent le développement de l'orfèvrerie. Ces
prescriptions furent enfin rapportées en(i5io)
et les artistes se donnèrent pleine carrière.
De cette époque nous avons encore deux
médaillons ovales et en argent, le premier
représente Louis XII, en buste, de trois quarts,
à droite, les cheveux longs, vêtu d'un surcot
36
33o Histoire du Portrait.
ouvert par-dessus un justaucorps, et tenant
un anneau à la main.
Le second est le portrait d'Anne de Bre-
tagne, en buste, de trois quarts à gauche,
coiffée d'un bonnet à barbes tombantes, vêtue
d'une robe ouverte par-dessus un corsage
carré, un collier autour du cou, et une fleur à
la main.
Lorsqu'en (i5i5), François Ier fit son entrée
à Paris, une pièce magnifique d'orfèvrerie lui
fut offerte.
« C'étoit, » dit Th. Godefroy, « une image
de sainct François, assis sur un pied double
à quatre pilliers, entre lesquels pilliers estoit
une Salamandre couronnée, tenant en sa
gueule un escriteau émaillé de rouge et de
blanc auquel estoit escrict : Nutrisco et
estinguo ; et au-dessus d'icelle couronne, un
petit ange tenant une cordelière, en laquelle
estoit assise une grande table d'esmeraude
carrée ; icelui image portant de haut, compris
le pied et le chérubin, deux pieds et demy ou
environ ; le tout d'or pesant quarante trois
marcs, quatre onces, cinq gros, touché et prisé
Du Portrait dans l'orfèvrerie.
par le maistre de la monnoye de bon or à vingt-
trois karats. » (Th. Godefroy. Le Cérémonial
François, tome i.)
L'Inventaire de la Sainte-Chapelle de {i5j3)
mentionne un buste en or de François Ier,
offert par ce prince et pesant cent quarante
livres. Ce don avait eu lieu en (1527) d'après
Default. (Mémoire pour servira l'histoire de
la Sainte-Chapelle, Arch. de l'empire, L. 83 1.)
Ce même inventaire, que reproduit celui
,de(i532), mentionne encore diverses statues
d1or et d'argent de l'époque de Louis XII et
de François Ier.
i
En (1 52g), le Cardinal, abbé de Saint-Denis,
Louis de Bourbon, fait placer sa statue age-
nouillée auprès de celle de saint Louis, sur la
châsse d'argent doré qu'il offrit à son église.
(Félibien. Hist. de Tabbaye de Saint-Denis).
En (i52i), Jacques Levasseur, de Chartres,
— et Jehan Siguerre, de Rouen, sont chargés,
par le chapitre de Chartres, de l'exécution d'un
reliquaire orné de figures en ronde bosse.
Pierre Mangot, orfèvre de François Ier, fi-
gure dans le compte de Me Claude Haligre
33-2 Histoire du Portrait.
(i528), comme auteur « d'ung rond d'or fer-
mant en boyte, dans lequel est une effigie au
vif de la figure dudit seigneur. »
Bénédict Ramel, d'après les comptes de
(i 538), exécuta un portrait en or du roi Fran-
çois Ier.
A l'entrée solennelle d'Henri II dans la
ville de Paris, les magistrats offrirent au Roi
une oeuvre d'art en or fin et ornée de figures
en ronde bosse.
Sur un socle et autour d'un palmier étaient
figurés « trois roys armez et couronnez : l'un
ressemblait naïfvement au roy Loys douzième,
le second au roy François, et le tiers au roy
Henry. » (Corrozet, Antiquitez, etc., de Paris,
Paris (i586).
A cette époque les orfèvres étaient donc
d'habiles modeleurs et les chefs-d'œuvre exé-
cutés par ces artistes furent nombreux sous le
règne d'Henri II.
L'orfèvrerie en étain jette même à cette date
un certain éclat. Déjà sous Charles VIII,
Jehan Galant, orfèvre du Roi, avait exécuté
divers travaux en étain.
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 333
Sous le règne d'Henri II, les orfèvres en
étain sont plus nombreux encore. François
Briot nous a laissé des ouvrages dont le
fini et la délicatesse rivalisent avec les plus
belles pièces d'or et d'argent. Il a souvent
reproduit son propre portrait au revers de
ses travaux.
En ( 1 57 1 ), ce fut encore un travail d'orfè-
vrerie qui fut offert par la ville de Paris au
roi Charles IX.
« Dans un chariot estoit assise Cibelle,
mère des dieux, représentant la royne mère
du roy, accompagnée des dieux Neptune et
Pluton, et déesse Junon, représentant Monsei-
gneur frère et Madame sœur du Roy.
■a Ceste Cibelle regardoit ung Jupiter repré-
sentant nostre Roy, eslevé sur deux colonnes,
l'une d'or et l'autre d'argent, avec l'inscrip-
tion de sa devise
t> Aux quatre coings du soubassement de
ce pied-d'estail estoient les figures de quatre
roys ses prédécesseurs, tous portant le nom
de Charles, à savoir : Charles le Grand ; —
Charles le Quint ; — Charles septième ; —
334 Histoire dû Portrait.
et Charles huitième.... » (Registres de l'hôtel
de ville, Arch. de l'empire, H. (1786.)
Sous Henri III et sous Henri IV, l'orfèvre-
rie à figures jette moins d'éclat et les pierre-
ries, semées à profusion sur les bijoux, rem-
placèrent les produits ciselés. Les figures sont
rares.
Nous avons de cette époque (xvie siècle)
assez peu de monuments d'orfèvrerie.
Citons cependant une statuette équestre de
femme qui est au Louvre; M. Delaborde l'at-
tribue à Germain Pilon.
Une plaque ovale, en argent fondu, ciselé et
doré, qui représente Henri IV, de trois quarts
à droite, vêtu d'un pourpoint à crevés, et col-
let surmonté d'une fraise godronnée ; le roi
porte le collier de Saint-Esprit et, sur un man-
teau posé sur les deux épaules, la plaque du
même ordre.
Dans le xvie siècle, les enseignes étaient fort
en usage.
Tout le monde connaît ces beaux portraits-
médaillons que les souverains donnaient aux
personnages qu'ils voulaient honorer; près-
Du Portrait dans l'orfèvrerie. 335
que tous les portraits à l'huile, au crayon,
voire même en sculpture, nous montrent un
riche collier avec un médaillon.
Gellini avait fait connaître un procédé nou-
veau pour exécuter ces figurines au repoussé
et les appliquer ensuite sur une plaque de
métal ou de marbre rare et précieux.
On appelait Pent-à-col les objets qui se
portaient au cou, suspendus à une chaînette.
Sous le règne d'Henri IV, l'encadrement
toujours riche de ces médaillons-portraits
prit la place du portrait lui-même.
Jusqu'alors la figurine était entourée de
pierres fines, mais l'inventaire de Gabrielle
d'Estrées nous apprend que des pierreries
plus grosses, entourées de perles ou de pier-
reries plus petites, vinrent remplacer le por-
trait central.
On cherche la richesse, mais on ne semble
plus compter, dans l'estimation des objets, la
valeur artistique que le bijou peut avoir.
Nous ne pouvons donner la description de
tous ces remarquables bijoux, de ces pré-
cieux portraits-médaillons, exécutés au re-
336 Histoire du Portrait.
poussé, en or ou en argent ; tantôt ciselés, tan-
tôt fondus.
Mais quelles merveilles artistiques que ces
cadres qui les entourent! Parfois ils sont d'ors
différents, souvent avec des incrustations de
pierres précieuses et rehaussés d'émaux.
Dans cette branche, l'alliance de la sculp-
ture et de Témaillerie a produit de véritables
chefs-d'œuvre.
Quelle élégance dans ces médaillons de
femmes, dont le portrait a pour cadre une
guirlande de roses faite avec des ors variés,
et des émaux qui donnent la couleur natu-
relle de la fleur !
Pendant le xvir3 siècle l'orfèvrerie française
compta des artistes d'un grand talent :
— Pierre Comtois;
— Laurent et Gédéon Légaré; — Labarre ;
— Pierre Héman;
— Jacques Roussel. (De Marolles. Le Livre
des Peintres, etc., Paris i855.)
Sous Louis XIV, les orfèvres Thomas Mer-
lin;— René de La Haye; — Jean Gravet
étaient fort estimés.
Dn Portrait dans l'orfèvrerie. 33 '7
Le Brun donna les dessins de ces travaux
remarquables qui furent exécutés par les or-
fèvres Claude Ballin et Nicolas Delaunay.
Au cours de ce même règne nous trouvons
encore Girard Débonnaire ;
- Lescot, orfèvre du cardinal Mazarin ;
— Vincent Petit ;
— Gilles Legaré ;
— René Cousinet ;
— Laurent Texier ;
— Alexis Loir;
— Pierre Germain ;
— Les de Villers et Pierre Bain.
Sarrazin le sculpteur exécuta des Christs
d'or et d'argent.
Presque toutes ces œuvres furent jetées au
creuset en (1688 et 1689) pour payer les frais
de la guerre. Dangeau mentionne une sta-
tuette en argent de Louis XJII à cheval, qui
fut ainsi détruite (tome III.)
Mais dans tous ces travaux, on ne retrouve
plus l'élégance qui caractérise l'orfèvrerie des
xve et xvic siècles.
Le style peut sembler grandiose, mais il
37
338. Histoire du Portrait.
manquera de finesse ; on paraît tout sacrifier
à un effet d'ensemble qui ne saurait rempla-
cer la délicatesse nécessaire à cette branche
de fart.
Sous Louis XV, le Maniéré et le Bizarre
semblent devenir le but principal des orfè-
vres, qui entendaient ainsi réagir contre le
style Louis XIV. Cependant Thomas Ger-
main, orfèvre et sculpteur, exécuta de remar-
quables travaux, notamment un Saint-Ignace
en argent.
Enfin, sous Louis XVI, nos orfèvres pro-
duisent des œuvres d'une grande délicatesse
et reviennent aux principes véritables, légués
par leurs devanciers ; la finesse, l'élégance et
la sobriété.
L'orfèvrerie du xixe siècle sembla toujours
se borner à copier les modèles antiques, aussi
les orfèvres français n'ont rien produit d'ori-
ginal sous l'Empire et la Restauration. Tou-
jours ils donnent des reproductions rarement
heureuses.
CHAPITRE V
DU PORTRAIT DANS LA CEROPLASTIQUE
endant le xve siècle et le xvic siècle
la céroplastique jeta un grand
éclat en Italie. Luca délia Ro-
bia; — Ghiberti; — Michelozzo
laissèrent des ouvrages remarquables en cire.
Sansovino, le Vénitien, avait reproduit par
ce procédé le Laocoon, et Raphaël déclara ce
travail un chef-d'œuvre.
Un élève de Sansovino, le Tribolo, était
renommé pour ses statuettes en cire.
Michel-Ange, lui-même, paraît s'être adonné
à ce genre de sculpture : on attribue à ce mai-
340 Histoire du Portrait.
tre la Descente de croix de la riche chapelle
de Munich.
Cellini exécuta en cire sa statue de Persée
et le bronze fut coulé d'après ce modèle.
Vasari,danssaVie des plus célèbres artistes,
publiée vers le milieu du xvie siècle, écrivait
les lignes suivantes :
« Je serais trop long si je me mettais à énu-
mérer tous ceux qui modèlent des médaillons
en cire; car, aujourd'hui, il n'y a pas un seul
orfèvre qui ne s'en mêle, et bien des gentils-
hommes s'y sont appliqués, comme Jean-
Baptiste Pozzini à Sienne et le Rosso de
Guigni à Florence. » (Vasari, Vie de Valerio
de Vicentino.)
Les portraits en cire étaient en effet très en
vogue au xvie siècle, en Italie ; Andréa Verroc-
chio et Orsino exécutèrent d'après ce procédé
un portrait, grandeur naturelle, de Laurent
de Médicis. (Vasari, vie d'Andréa Verroc-
chio.)
Les portraits-médaillons en cire, également
très recherchés, donnèrent lieu aux artistes de
faire preuve d'un grand talent.
Du Portrait dans la céroplastique. 341
Lombardi de Florence, raconte encore Va-
sari, exécuta en cire les portraits-médaillons
des plus grands personnages de la cour de
l'empereur Charles-Quint.
La réputation de cet artiste était immense,
nous dit son historien.
La cire, on le sait, se modèle comme la terre
glaise, avec un peu plus de difficulté, mais la
finesse du travail est bien plus grande.
L'artiste n'a qu'à mouiller un de ses doigts,
ou le bout de son ébauchoir, la cire n'adhère
plus au corps qui la touche, et peut recevoir
le trait le plus délicat.
M. Sauzay, notre savant conservateur du
Musée du Louvre, fait à propos de la céro-
plastique une réserve que nous approuvons
entièrement, comme sculpteur.
Il ne faut pas confondre, d'après M. Sauzay,
les modèles faits à la cire blanche et qui
n'étaient qu'un travail préparatoire, avec les
œuvres réellement terminées.
Les études à la cire blanche étaient le plus
souvent coulées en bronze : les médaillons
polychromes seraient au contraire des por-
34% Histoire du Portrait.
traits de personnages, ayant reçu le dernier
trait.
Au Musée de Cluny, nous avons toute une
série de médaillons en cire coloriée, avec boîte
en cuir, décorée d'ornements au petit fer ; ces
boites sont recouvertes par un verre, et da-
tent du xvic siècle.
Nous pouvons citer :
— Louis XII, roi de France ;
— Anne de Bretagne, reine de France ;
— François Ier, roi de France ;
— Charlës-Quint, empereur;
— La royne mère Catherine de Médicis ;
- Charles IX, roi de France ;
— Henri III, roi de France et de Pologne ;
— Loyse, royne de France ;
— Le duc de Guyse ;
— Feu M. le prince de Condé ;
— Le duc de Savoie ;
— La duchesse de Savoie ;
— La duchesse de Nemours ;
— La reyne de Navarre ;
— Clément Marot, etc.
Cette époque de la Renaissance est vérita-
Du Portrait dans la céroplastique 343
blement merveilleuse ; est-il rien de charmant
et de gracieux comme ces portraits en cire,
auxquels on a ajouté, comme ornement, des
pierres précieuses, des diamants, des rubis,
des grenats, des perles?
Souvent des dentelles véritables viennent
encore ajouter à l'illusion.
Ce genre de portraits nous remet en mé-
moire des gravures qui ne manquent pas
d'originalité.
Dans Tune de ces estampes, le portrait
d'Henri II, la gravure est découpée avec
soin, la figure et les mains ont été conser-
vées, mais on a collé des morceaux de soie
qui forment le pourpoint; un rubis véritable
est enchâssé dans la bague qui orne la main
du roi; d'autres pierres précieuses enrichis-
sent le vêtement.
Le Musée du Louvre possède un beau por-
trait-médaillon en cire du connétable Anne de
Montmorency : (n° B. 348 du catalogue de M.
Sauzay.)
Nous avons encore d'un artiste français le
portrait en cire de Louis XIV. Ce médaillon
344 Histoire du Portrait.
a été tait en (1706) par Antoine Benoist, pein-
tre et sculpteur en cire du roi.
Ces deux portraits sont en cire polychrome.
Le portrait de Mme Saint-Huberti mérite
encore d'être mentionné ; c'est un buste de
profil d'un beau travail.
On pouvait admirer, il y a huit ou dix
ans, chez un antiquaire de la rue Neuve-des-
Petits-Champs, un magnifique masque en cire
de Voltaire; la perruque était en véritables
cheveux.
Notre travail doit se borner à l'étude des
œuvres qui sont attribuées à des artistes fran-
çais; aussi nous devons passer sous silence
un grand nombre de ces œuvres et des plus
belles.
Parmi les portraits de personnages inconnus
qui sont au Louvre, nous avons de véritables
merveilles, telles que :
— B. n°35i : Portrait d'une femme ; voile
et vêtements noirs.
- B. n° 354 : Autre portrait de femme ; les
cheveux, le col, les bras et la poitrine nus,
sont ornés de perles et de grenats.
Du Portait dans la céroplastique. 345
— B. n°355 : Portrait de femme du xvie siè-
cle; boucles d'oreilles et collier en perles, vê-
tement noir, collerette en dentelles.
Ces divers portraits sont en cire polychrome .
Nous pourrions citer encore d'autres por-
traits d'hommes et de femmes, en cire mono-
chrome, qui sont également au Louvre :
Ainsi le portrait d'homme, B. n° 358 ; buste
orné d'une large collerette et d'une cuirasse
avec ornements en relief; au-dessus l'ordre
de la Toison d'or. C'est un travail français,
d'après le catalogue.
Tous ces portraits en cire justifient ce que
disait Vasari, au cours du xvie siècle : « Toutes
ces figures semblent vivantes. »
Dans cette branche de l'art, le sculpteur
peut appeler à son aide les ressources de la
peinture pour donner à son œuvre un cachet
plus grand de vérité.
CHAPITRE VI
DU PORTRAIT DANS LA SCULPTURE SUR BOIS
os musées nationaux, principale-
ment le musée du Louvre, ren-
ferment de nombreux spécimens
de la sculpture ancienne sur bois.
Nous ne pouvons, dans une étude du por-
trait en France, développer l'historique de la
sculpture sur bois chez les Égyptiens : La
salle du Louvre consacrée aux productions
de l'Egypte conserve de curieux échantillons
de sculptures sur bois : le bas-relief, la
figurine y sont représentés.
La salle du Louvre consacrée aux arts
assyriens n'est pas moins remarquable.
348 Histoire du Portrait.
Les Grecs et les Romains cultivèrent avec
un égal soin la sculpture sur bois, qui offre
à l'artiste tant de facilités pour fixer et rendre
durables les conceptions qu'il a rêvées.
Les Grecs du Bas-Empire semblèrent aban-
donner la sculpture sur bois pour les travaux
sur ivoire; mais cette matière est assez rare,
et, peut-être pour cette cause, les sculptures
sur bois reparaissent plus nombreuses vers le
xive siècle.
En Occident , nous trouvons les sculp-
tures sur bois mentionnées par les auteurs les
plus anciens; cependant, il faut le recon-
naître, les métaux précieux et l'ivoire sont
employés de préférence par les artistes qui,
du reste, n'exécutent guère que des objets
religieux.
Ainsi le bas-relief de Saint-Riquier, exé-
cuté au ixe siècle, était en bois de cyprès.
( Mentionné par d'Achéry , Spicilegium ,
tome IV.)
Le groupe de l'abbaye de Saint-Bertin,
figurant la Crucifixion, était en bois. — Cet
ouvrage appartient au xuc siècle.
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 34g
Un moine, sculpteur sur bois , Lambert,
vivait dans le monastère de Vézelayen (i 1 65).
(Ibid., tome II.)
A partir du xinc siècle, la sculpture sur bois
devient d'un usage bien plus général en
France : les châteaux, les palais royaux, les
églises, sont également enrichis de ce genre
de décorations.
Nous avons du xme siècle une belle statue
de saint Louis, en bois d'if : les vêtements
sont rehaussés d'or et de couleurs : le man-
teau royal est semé de fleurs de lis d'or. —
Cette figure faisait partie du retable de la
Sainte-Chapelle.
Les inventaires royaux des xive et xve siè-
cles mentionnent incessamment le riche mo-
bilier, orné de statuettes, de feuillages et d'or-
nements si variés.
La statue en bois apparaît souvent en-
core, mais le plus ordinairement elle repré-
sente le Christ, la Vierge, les patrons des
Églises.
Les ducs de Bourgogne commandaient ,
en (i3gi), à Jacques de Baerze, sculpteur sur
35o Histoire du Portrait.
bois, ce magnifique retable conservé aujour-
d'hui dans le musée de Dijon.
Le musée de Gluny conserve le retable de
Champdeuil (Seine-et-Marne) , également du
xive siècle.
Ordinairement ces sculptures sur bois
étaient peintes, parfois elles étaient dorées :
lé travail de l'artiste n'était donc qu'une
ébauche, dont le décor final était confié aux
soins de l'enlumineur.
Mais, on le voit, le portrait proprement dit
est assez rare dans ces nombreuses sculptures
sur bois. — Jusqu'au xvie siècle, on se borne
à reproduire des types conventionnels, dont
la destination religieuse n'exigeait aucune des
conditions nécessaires dans le portrait.
Un emblème, indiqué par l'usage, une atti-
tude voulue par la tradition, fidèlement re-
produits, suffisaient pour attribuer à la statue
sa destination et caractériser sa ressemblance,
toute de convention.
Pendant le xvie siècle et le xvne siècle, les
artistes exécutèrent de nombreuses sculptures
sur bois; ils déployèrent dans cette branche
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 35 1
de l'art un véritable talent, comme le prou-
vent les meubles divers et les instruments à
l'usage des grands personnages.
On peut égaler, de nos jours, la délicatesse,
l'élégance et la grâce de ces meubles, de ces
coffrets, de ces écrans, de ces miroirs rehaus-
sés d'or, mais on ne saurait faire mieux.
Les Huchiers de Rouen nous ont donné
des merveilles, et Richard Taurin, le plus
célèbre de tous, a multiplié dans la cathé-
drale et les églises de Rouen les produits de
son talent.
Sauvai nous a gardé les noms des frères
Jacquet et de du Hancy, qui ornèrent sous
Louis XII les églises de Paris. (Sauvai, Anti-
quités de Paris, tome I.)
A Fontainebleau, François Ier commande
de grands travaux de sculpture sur bois :
Pierre Lescot donne le dessin d'une horloge
monumentale et charge Deschauffour et Loi-
sonnier, sculpteurs, d'exécuter, en noyer, sept
figures de six pieds de haut qui devaient dé-
corer cette horloge.
A cette époque le portrait-médaillon sur
352 Histoire du Portrait.
bois était fort en vogue dans l'Allemagne, et
les artistes de ce pays firent preuve d'un ta-
lent considérable.
Le portrait-médaillon fut également cultivé
en France, et nos artistes durent égaler ceux
des autres pays.
On peut s'en assurer en examinant les mer-
veilleux portraits-médaillons conservés au
Louvre, et qui proviennent de la collection
Sauvageot.
Les portraits-médaillons de cette collection
ne sont pas tous d'artistes français, mais nous
ne pouvons admettre que la France, qui a tou-
jours eu des sculpteurs si habiles, n'ait pas eu
à cette époque des artistes sur bois capables
de faire des portraits.
A cette époque, les sculpteurs travaillaient
indifféremment le marbre, la pierre, le bois
et parfois le bronze.
On a pu voir dans le chapitre du Portrait
dans la numismatique que les projets de mé-
dailles leur étaient confiés ; la médaille était
coulée en or, en argent, d'après leur modèle.
Parmi les portraits-médaillons du Louvre
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 353
qui appartiennent plus spécialement à la
France, nous citerons le portrait de René
d'Anjou; buste de profil, et tourné vers la
gauche (coté B. 191).
Un pion de damier, sur lequel est repré-
sentée Eléonore d'Autriche, buste tourné vers
la gauche ; la princesse est coiffée d'une toque
à plume et d'un réseau (coté B. 196).
Un très beau médaillon d'Henri IV, roi de
France; buste lauré et tourné vers la droite
(coté B. 208).
Les médaillons en bois représentant des
personnages inconnus sont en nombre con-
sidérable.
En général, le travail de ces portraits est
très remarquable par la pureté du dessin ; le
relief est savant et le modelé en est fin sans
être sec.
Pour faire une étude sérieuse sur le mérite
comparé de ces portraits -médaillons, alle-
mands, italiens et français, il faudrait une col-
lection plus complète et des œuvres moins
incertaines quant à l'origine qui leur est
attribuée.
3q
354 Histoire du Portrait.
Ces sculptures sur bois ont un intérêt con-
sidérable pour l'histoire du portrait, et le fini
qui les caractérise semble un garant de leur
ressemblance.
Il existe encore dans une autre collection
française, au musée de Cluny, une série de
soixante figurines sculptées sur bois, hautes de
sept centimètres.
Elles furent exécutées sous Louis XIII et
représentent les rois de France, comme l'in-
dique le tableau suivant :
Clovis , 5e roi de France (481-51 1), gist à
Sainte-Genesviesve du Mont.
Childebert, 6e roi de France (5 1 1-558), gist à
Saint-Germain des Prez.
Clotaire Ier, 7e roi de France (558-56i), gist à
Saint-Médard de Soissons.
Charibert ou Aribert, 8e roi de France (56 1-
567) , gist à Saint-Romain en Blaye sur
Gironde.
Chilpéric Ier, 9e roi de France (56 1-584), gist a
Saint-Germain des Prez lès Paris.
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 355
Clotaire II, 10e roi de France (584-628), gist à
Saint-Germain des Prez, lès Paris.
Dagobert Ier, 11e roi de France (628-638), en-
terré à Saint-Denis.
Clovis II, 12e roi de France (638-656), gist à
Saint-Denis.
Clotaire III, i3e roi de France (656-670), gist à
Ghelles.
Childéric II, 14e roi de France (670-673), gist
à Arras, à Saint- Vaast.
Clovis III, 16e roi de France (691-695), gist à
Saint-Étienne de Choisy.
Childebert III, 17e roi de France (695-71 1), gist
à Saint-Etienne de Nancy.
Dagobert III, 18e roi de France (71 1-7 1 5), en-
terré à Nancy.
Chilpéric II, 20e roi de France (715-720), gist
à Noyon.
Thierri VI, 21e roi de France (720-737), en-
terré à Saint-Denis.
Childéric III, 22e roi de France (742-752),
enterré à Saint-Omer.
Pépin, 23e roi de France (752-768), gist à Saint-
Denis.
356 Histoire du Portrait.
Charlemagne, 24e roi de France (768-814), gist
à Aix-la-Chapelle, qu'il avait fait bâtir.
Loys le Débonnaire, 25e roi de France (814-
840), gist à Metz.
Charles II, le Chauve, 26e roi de France (840-
877), enterré à Saint-Denis.
Loys II, le Bègue, 27e roi de France (877-879),
gist à Sainte-Cornille.
Loys III, 28e roi de France (879-882), gist à
Saint-Denis.
Çarloman, 29e roi de France (882-884), gist à
Saint-Denis.
Charles le Gros, 3oe roi de France (884-888),
fut destitué en 890.
Eudes, 3 ie roi de France (888-898), gist à Saint-
Denis.
Charles le Simple, 32e roi de France (898-929),
gist à l'abbaye de Fourcy.
Raoul , 33e roi de France (923-936) , gist à
Sainte-Colombe lez Sens.
Loys d'Outre-Mer, 34e roi de France (936-954),
gist à Saint-Remy, à Reims.
Lothaire, 35e roi de France (954-986), gist à
Saint-Remy, à Reims.
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 35 7
Loys V, 36e roi de France (986-987), gist à
Sainte-Cornille de Compiègne.
Hugues Capet, 37e roi de France (987-996), gist
à Saint-Denis.
Robert II, 38e roi de France (996-1031), gist à
Saint-Denis.
Henri Ier, 39e roi de France (io3i-io6o), gist à
Saint-Denis.
Philippe Ier, 40e roi de France (1060-1108),
gist à Saint-Denis.
Loys VI, le Gros, 41e roi de France (1108-
1 137), gist à Saint-Denis.
Loys VII, le Jeune, 42e roi de France (1 137-
1 180), gist au monastère de Barbeau.
Philippe II, 43e roi de France (1 1 80-1 223), gist
à Saint-Denis.
Loys VIII, 44e roi de France (1 223- 1226), gist
à Saint-Denis.
Saint Louis, 45e roi de France (1226- 1270),
çist à Saint-Denis.
Philippe III, le Hardi, 46e roi de France (1270-
1285), gist à Saint-Denis.
Philippe IV, le Bel, 47e roi de France (i285-
i3 14), gist à Saint-Denis.
358 Histoire du Portrait.
Loys X, le Hutin, 48e roi de France ( 1 3 1 4-
1 3 1 6), gist à Saint-Denis.
Philippe V, le Long, 49e roi de France (i3i6-
1 322), gist à Saint-Denis.
Charles IV, le Bel, 5oe roi de France (i322-
i328), gist à Saint-Denis.
Philippe VI de Valois, 5ieroi de France (1 328-
i35o), gist à Saint-Denis.
Jean le Bon, 52e roi de France (i35o-i3Ô4), gist
à Saint-Denis.
Charles V, le Sage, 53e roi de France (1364-
i38o), gist à Saint-Denis.
Charles VI, 54e roi de France (1380-1422),
gist à Saint-Denis.
Charles VII, 55e roi de France (1422-1461),
gist à Saint-Denis.
Loys XI, 56e roi de France (1 461 -1483), gist
à Notre-Dame de Cléry.
Charles VIII, 57e roi de France (1483-1498),
gist à Saint-Denis.
Loys XII, 58e roi de France (1498-15 15), gist
à Saint-Denis.
François Ier, de Valois, 5çje roi de France (1 5 i 5-
1547), gist à Saint-Denis.
Du Portrait dans la sculpture sur bois. 35 g
Henri II, 60e roi de France (1547-1559), gist à
Saint-Denis.
François II, 61e roi de France (1 55g-i 56o), gist
à Saint-Denis.
Charles IX, 62e roi de France (1 560-1574), gist
à Saint-Denis.
Henri III, 63e roi de France (1 574-1 58g), gist
à Saint-Denis.
Henri IV, de Bourbon, 64e roi de France
(1589-1610), gist à Denis.
Lovys XIII, 65e roi de France (16 10- 1643), gist
à Saint-Denis.
Le musée du Louvre possède le fameux F,
dit de François Ier, et qui s'ouvre à charnières,
de façon à former deux F adossés. — (Il est
coté B. 271).
C'est un travail du xvie siècle et une œuvre
de patience étonnante.
Cette sculpture microscopique renferme à
Tintérieur dix médaillons de 1 à i5 milli-
mètres.
Neuf de ces médaillons sont les portraits de
36o
Histoire da Portrait.
Hector, — Alexandre, — Jules-César, — qui
figurent le Paganisme;
De Josué, — David, — Judas Machabée,
qui figurent le Judaïsme;
De Charlemagne, — du roi Artus — et de
Godefroy de Bouillon, — qui figurent le
Christianisme et la Chevalerie. Le dixième
médaillon est le Christ en croix.
Dans le musée du Louvre se trouve encore
la sculpture microscopique, dite M de Mar-
guerite d'Angoulême, sœur de François Ier. —
C'est encore un travail du xvie siècle, charmant
d'exécution et remarquable par la finesse du
travail.
CHAPITRE VII
DU PORTRAIT DANS LA SCULPTURE EN IVOIRE
'étude attentive des objets anti-
ques, conservés dans le musée
du Louvre , démontre que la
Sculpture en ivoire fut pratiquée
chez les plus anciens peuples.
L'Egypte, l'Assyrie, la Grèce connurent la
pratique de la Sculpture en ivoire ; mais la
riche matière, fouillée par le ciseau de l'artiste,
fut consacrée surtout aux objets du culte et à
la reproduction des images des dieux.
Phidias exécutait un Jupiter dont les nus
étaient en ivoire et les draperies en or; cette
4<>
362 Histoire du Portrait.
statue mesurait plus de dix-sept mètres d'élé-
vation.
La statue de Minerve, également de Phidias,
qui se trouvait dans le Parthénon, à Athènes,
avait près de douze mètres de hauteur ; la tu-
nique était d'or, mais les nus étaient d'ivoire,
ainsi que la Méduse figurée sur le bouclier.
En i855, M. le duc de Luynes exposa une
reproduction de cette Minerve, due au ciseau
de Simart.
La statue, haute de trois mètres, était d'ivoire
et d'argent; tous les nus de la Minerve, ceux
de la statuette de la Victoire, placée dans la
main droite de la déesse, étaient d'ivoire ; la
tunique et l'égide, d'argent repoussé et ciselé,
étaient l'œuvre de M. Duponchel.
Chez les Romains, le goût pour la Sculpture
en ivoire égala celui des Grecs, et les plus
riches patriciens s'étudièrent à rassembler dans
leurs somptueuses demeures les ivoires fouillés
par le ciseau des artistes.
Plus tard, Constantin fit élever une statue
d'ivoire dans la basilique de Sainte-Sophie, à
sa mère Hélène.
Du Portrait dans la sculpture en ivoire. 363
Nous ne pouvons détailler ces merveilleuses
tablettes, appelées diptyques, triptyques, qui
furent en usage sous les consuls chrétiens et
dans les premiers siècles de notre ère.
Ces tablettes étaient ordinairement enri-
chies de sculptures et souvent de portraits;
elles étaient conservées dans les familles
comme des annales historiques : les diptyques
civils furent, à cette époque, ce que sont au-
jourd'hui les portraits de toute nature.
Les tablettes sculptées étaient encore l'objet
d'échange entre amis; plus tard, une loi de
Théodose en restreignit l'usage aux seuls
consuls.
Les diptyques consulaires sont aujourd'hui
une source précieuse d'indications historiques.
Jusqu'au vme siècle, les diptyques ecclé-
siastiques furent d'un usage fréquent, mais
habituellement ils sont ornés de scènes reli-
gieuses, et offrent peu d'intérêt pour l'histoire
du portrait.
Du vine au xine siècle, la Sculpture en ivoire
est pratiquée en France; mais elle se ressent
des alternatives si diverses que les arts eurent
36./, Histoire du Portrait.
à subir dans notre pays. Consacrée au culte, à
la décoration des autels, à l'ornementation des
objets sacrés, la Sculpture en ivoire garde un
caractère religieux pendant cette longue pé-
riode.
L'ivoire reproduit surtout les figures du
Christ, de la Vierge, des saints, les portraits
de convention d'évêques et de prélats.
Les dyptiques avec figures (hagiotiptyques,
dit Gori) nous sont parvenus en plus grand
nombre, et l'usage de relier les manuscrits, les
sacramentaires, avec des plaquettes d'ivoire,
d'argent et de bois a dû contribuer beaucoup
à leur conservation.
« Les uns, « dit Pacciaudi , » furent de
simples ornements; d'autres servaient de cou-
vertures aux Évangéliaires, d'autres étaient
offerts aux pieux baisers des fidèles, d'autres
enfin servaient à la piété privée. » (Antiqui-
tates Christianas.)
Quelques-uns de ces diptyques sont cités par
les plus anciens auteurs.
Nous voyons le comte Éverard, fondateur
de l'abbaye Cisione, au diocèse de Tournai,
Du Portrait dans la sculpture en ivoire. 365
léguer à son fils Unoch un diptyque d'ivoire,
encadré d'or, «Tabulas eburneas, auro para-
tas»; par contre, le diptyque mentionné dans
l'inventaire de Saint-Riquier est orné d'argent,
« In argento paratas. » (Pacciaudi, ibid.)
A Bourges, le célèbre livre d'ivoire (dipty-
que consulaire) servait à l'office religieux,
d'après Martène. (Voyage littéraire de 171 7.)
A Besançon, on gardait l'ivoire du couron-
nement de Roman et de l'impératrice Eudoxie.
Il est décrit par Du Cange et par Gori; Gail-
habaud le reproduit dans sa Revue archéolo-
gique (1844, tome Ier).
La Sculpture en ivoire ne forme pas une
branche distincte à cette époque : tout scul-
pteur sait travailler cette matière et en tirer les
couvertures d'Évangéliaires, les crosses, les
bas-reliefs que nous admirons encore.
Avec le xme siècle, la Sculpture en ivoire
semble élargir son cadre et sortir de l'orne-
mentation. Le travail de l'ivoire, timidement
ébauché jusqu'alors, s'inspire des principes
de la Sculpture et tend à produire des œuvres
remarquables.
366 Histoire du Portrait.
Les statuettes religieuses de l'époque de
saint Louis ont la pureté du dessin, la vérité
d'attitude, la justesse de mouvement, et leur
naturel atteste un progrès véritable de la
Sculpture en ivoire.
Les inventaires du xive siècle et du xv°
siècle mentionnent de nombreux travaux en
ivoire qui font partie des trésors royaux ou
des richesses des églises.
A cette époque, les oratoires portatifs, dip-
tyques ou triptyques collants, sont en usage et
font partie du mobilier. Les reliefs sont parfois
très accentués dans ces tableaux-cloants .
Le Louvre possède un retable portatif ou
oratoire de chambre remarquable; on le dé-
signe sous le nom de retable de Poissy.
(N° 888, catalogue de M. de Laborde.)
Le duc Jean de Berry , frère du roi Charles V,
et sa femme, Jeanne d'Auvergne, accompagnés
de leurs patrons, sont figurés dans ce retable.
Les boîtes à miroir en ivoire, enrichies de
bas-reliefs, nous donnent parfois des portraits.
Le musée de Cluny conserve une boîte,
ornée de diverses figures : un roi diadème,
Du Portrait dans la sculpture en ivoire. 36 y
assis sur un siège et tenant un sceptre ; près
de lui est une reine ; on croit que ces figures
sont celles de saint Louis et de la reine Blanche,
sa mère; autour, divers autres portraits.
Cet ivoire du xive siècle (n° 401 du catalogue
de 1847) vient de l'abbaye de Saint-Denis.
Du Sommerard, dans son ouvrage sur les
Arts au moyen âge, décrit encore un diptyque
qu'il croit avoir appartenu à la reine Anne de
Bretagne.
« Ce diptyque consiste en deux petites pla-
ques d'ivoire, presque de la forme et du dia-
mètre d'une pièce de 5 francs, incrustées dans
deux tablettes de cèdre, montées en or et sur
lesquelles existent encore quelques hermines.
» Quatre-vingts figures microscopiques, su-
jets de la Passion, ont trouvé place dans cet
espace circonscrit.
» Si , comme tout l'indique , ce tableau
cloant fut à l'usage de la duchesse Anne de
Bretagne , on ne peut que s'émerveiller des
yeux de lynx de cette princesse. » (Du Somme-
rard, les Arts au moyen âge. Paris, Cluny,
i838, tome II.)
368 Histoire du Portrait.
Dans le xvie siècle, la Sculpture en ivoire
est remplacée par la Sculpture sur bois ; mais
les artistes français ne délaissent pas entière-
ment les travaux sur ivoire.
Les ivoiriers s'adonnent surtout à la déco-
ration des objets usuels.
De cette époque est le Pulvérih du Louvre.
Sur cet objet, en corne de cerf, est un génie
dirigeant de la droite un cheval marin et tenant
de la gauche un trident et un arc.
M. de Laborde attribue cette sculpture à Jean
Goujon. « Ce charmant ouvrage, » dit-il, « a
toute la grâce de la main habile de cet artiste
et peut avoir été un délassement au milieu de
ses grands travaux. » (De Laborde, Notice des
émaux et objets divers exposés au Louvre.
Paris, i853.)
C'est, en tout cas, une reproduction d'une
œuvre de Jean Goujon, et l'auteur des Notes
d'un compilateur sur les Sculptures et les
Sculpteurs en ivoire eût fait sagement d'allé-
guer des raisons, lorsqu'il contredit M. De
Laborde.
Le musée de Cluny possède la Jeune fille
Du Portrait dans la sculpture en ivoire. 36g
châtiant l'esclave à genoux, attribuée à Fran-
cheville par M. Alexandre Lenoir (Musée des
Monuments français), et à Jean de Bologne par
M. Du Sommerard. (Les Arts au moyen âge,
atlas, ch. v, pi. X.)
Dans le xvne siècle et le xvme siècle, Mi-
chel Auguier, — Le Geret, sculptèrent l'ivoire
avec distinction.
Milet ou Mile, de Dijon, — Pierre Simon, —
Jaillot — et son frère Alexis-Hubert, d'Avi-
gnon, exécutèrent de remarquables travaux
sur ivoire.
Simon Jaillot est l'auteur du buste en ivoire
de Charles Lebrun, d'après Coysevox, qui fai-
sait partie de la collection d'Alexandre Lenoir.
François Girardon, de Troyes, paraît avoir
travaillé l'ivoire ; on lui attribue des crucifix
d'une exécution hors ligne.
Jacques Sarrazin, — Jean Cornu, — Jean-
Baptiste Guillermin, — Joseph Villerme —
surent maintenir la Sculpture en ivoire au
plus haut rang.
Nous trouvons encore à Londres un ivoirier
français, J. Cavalier, — et David Le Mar-
3jo Histoire du Portrait.
chand, de Dieppe, également Français; — à
Gènes, Lacroix, né en Bourgogne, qui exé-
cutent des médaillons, des christs.
Les Rosset, de Saint-Claude, ont laissé des
œuvres en ivoire.
Joseph Rosset a donné les bustes de Vol-
taire et de Montesquieu. Cet artiste est men-
tionné par les historiens comme excellant dans
ce genre de travail.
Le Louvre conserve encore une Sainte-Thé-
rèse , signée Rosset père (n° 235 du cata-
logue de M. Sauzay (1861).
Dans les xvie, xvue et xvme siècles, les ivoi-
riers sont nombreux; mais les portraitistes en
ivoire sont rares. Ce que nous en avons dit
suffit à montrer que la Sculpture en ivoire
jetait un grand éclat.
CHAPITRE VIII
DU PORTRAIT DANS LA SCULPTURE
ette étude sur l'art statuaire peut
offrir un certain intérêt, car
l'histoire du portrait dans la
Sculpture, disons plus, celle de
la Sculpture elle-même sont peu connues et
peu étudiées en France.
Cependant la Sculpture Française a toujours
été pratiquée avec succès ; elle a laissé des
traces impérissables qui attestent l'habileté,
la science, le caractère élevé et la prodigieuse
facilité de nos artistes nationaux.
Nous rechercherons l'histoire du portrait
3 7 2 Histoire du Portrait.
dans la Sculpture du moyen âge, parce qu'à
cette époque l'artiste était sincère ; il pensait,
et cherchait à rendre cette intime pensée que
Ton retrouve bien rarement chez les artistes.
« La statuaire, à cette époque, est gauche
encore, maladroite même: mais elle dit bien
ce que l'artiste a voulu lui faire dire.
» L'œuvre occupe sa place avec raison ,
c'est-à-dire qu'elle a été faite pour être placée
dans tel monument, à telle hauteur, à telle
exposition, au soleil, et non commandée dans
un atelier pour être placée on ne sait où ;
achetée au Salon pour une destination in-
connue.
» Gomment veut-on avoir des œuvres d'art
dans de semblables conditions ?
» Comment une statue conçue dans un ate-
lier, sans savoir quelle sera sa destination, si
elle sera éclairée par les rayons du soleil, ou
par un jour intérieur ; comment cette statue
achetée par des personnes qui ne l'ont point
demandée pour un objet, et qui ne savent où
la placer ; comment cette statue, disons-nous,
produira-t-elle une impression sur le public ?
Du Portrait dans la sculpture. 3~3
» Excepté quelques amateurs qui pourront
apprécier certaines qualités d'exécution , qui
s'en occupera ? qui la regardera ? »
Ainsi parle M. Viollet-le-Duc ; — et il
ajoute :
« L'erreur moderne des sculpteurs est
de croire qu'en reproduisant l'enveloppe ils
reproduisent l'être ; qu'en copiant l'instru-
ment, ils donnent l'idée de la mélodie. »
Quant à l'origine du portrait dans la Sculp-
ture, il est bien difficile de la rechercher avant
la construction de nos belles et magnifiques
églises de Chartres, d'Amiens, de Beauvais ,
d'Auch, de Vienne en Dauphiné, de Reims ,
d'Autun, de Saint-Denis et de Notre-Dame
de Paris.
Ces cathédrales n'offrent encore que des
sculptures souvent grossières, et l'histoire
nous a rarement transmis les noms des artis-
tes à qui elles sont dues.
A cette époque l'art sculptural français était
représenté par sept Écoles différentes : c'est la
division donnée par du Seigneur :
— i° L'École Bourguignonne ;
3 74 Histoire du Portrait.
— 2° L'École Messine, employant la pierre
à gros grains qui résistait aux finesses du
ciseau ;
— 3° L'École Alsacienne , type de naïveté
germanique, s'exerçait sur des moellons rou-
geàtres, très tendres en sortant de la carrière,
mais durcissant à l'air libre ;
— 4° L'École Champenoise, dont les deux
principaux centres étaient Reims et Troyes ;
— 5° Les Écoles Normande , Bretonne ,
Poitevine, participant toutes d'un type Anglo-
Saxon ;
— 6° L'École de l'Ile-de-France, à laquelle
se rallient celles de Paris, de Chartres, de
Beauvais, de Melun, et même les Écoles de
Laon et de Soissons qui semblent en être les
dérivées ;
— 7° L'École Méridionale, au mouvement
de laquelle coopèrent d'une manière très
puissante les Écoles d'Arles, de Marseille ,
d'Avignon , de Toulouse, de Clermont, de
Limoges et de Périgueux.
Nous voudrions ne rien omettre dans la
nomenclature des œuvres de Sculpture où l'on
Du Portrait dans la sculpture.
peut trouver une apparence de portrait, sans
être arrêté par la grossièreté de l'exécution.
C'est en recueillant les matériaux les plus
anciens qu'il devient possible d'écrire l'his-
toire du portrait dans la Sculpture en France.
Mais il le faut dire : le portrait dans la
Sculpture, dans le sens où nous le comprenons
aujourd'hui, n'est pas la préoccupation de nos
anciens artistes : l'œuvre était surtout ressem-
blante par le nom qui lui était attribué.
Comme portraits historiques les plus anciens
dans notre histoire, nous citerons dans le
viie siècle les deux bustes, en argent, de
Dagobert et de sa femme la reine Nanthilde :
Ces bustes ornaient le tombeau de Dagobert,
inhumé à Saint-Denis.
Clovis a été représenté en empereur d'Orient,
avec une chaussure très découverte ; c'est
ainsi qu'on le voyait à l'entrée de l'église Saint-
Germain des Prés et au portail de Notre-
Dame de Corbeil.
Au même portail de Notre-Dame de Cor-
beil il y avait aussi la statue de Clotilde, femme
de Clovis.
3/6 Histoire du Portrait.
A Saint-Germain des Prés se trouvaient
encore les statues de Clodomir, de Thierry,
de Ghildebert, Utrogathe et Clotaire.
A Saint-Germain-rAuxerrois, ainsi qu'à
Notre-Dame , on voyait de belles statues ,
auxquelles on ne peut attribuer un nom
précis.
A Saint-Denis, se trouvait une statue de
Dagobert : c'est la plus ancienne et la plus
intéressante ; elle fut conservée par Suger.
A cette époque, les artistes étaient tous
architectes-sculpteurs et quelquefois peintres :
ce qui explique la répétition de quelques
noms déjà cités dans les autres parties de cet
ouvrage.
Tels étaient Enguerrand ou Ingelramme
qui bâtit l'admirable église du Bue, — Hues-
Libergier, à Reims, — Robert de Luzarches,
— Thomas de Gormont, à Amiens, — Jean,
qui construisit l'église Saint-Côme , à Paris ;
tous ces artistes travaillaient indifféremment,
comme architectes et comme sculpteurs.
Un artiste inconnu coulait en bronze, dans
la cathédrale d'Amiens, les tombes d'Éberard
Du Portrait dans la sculpture. 3jj
de Fouilloy (i223), de Geoffroy, d'Eu (1237)
et de Jean, fils de saint Louis.
Sous les règnes de Philippe-Auguste et de
Louis VIII , on voit Robert de Luzarches
nommé plus haut, — Eudes de Montreuil, —
Jean de Chelles, — Etienne de Bonneville,
architectes-sculpteurs , contribuer par leurs
travaux à la gloire du royaume.
C'est à ces artistes que sont dues les belles
statues et statuettes de Saint-Denis. Dans
celle de la reine Nanthilde, la maigreur qui
caractérise Fart chrétien est rachetée par une
finesse digne de l'art antique.
Jean de Saint-Romain exécuta pour 6 livres
8 sous parisis la statue de Charles V ; il pas*
sait pour //' melior imagier de son temps.
Plus tard Jean Delaunay, — Jean de Liège,
— Jean de Chartres. — Guy de Dampmartin,
travaillent à la décoration du Louvre, et
exécutent les statues du roi et de la reine,
ainsi que celles des ducs de Berry et de
Bourgogne.
Nous trouvons, comme sculpteurs célèbres,
Guy le Maçon, à Dijon. — A Bourges, vers la
42
3j8 Histoire du Portrait.
même époque, Aguillon de Droues. — A
Montpellier, entre (i33i et i36o), les deux
Alaman, Jehan et Henri. — A Troyes, Deni-
zot et Drouin de Mantes. — A Sens, Jacques
des Stalles.
Il est incontestable qu'à cette époque les
artistes normands, comme les artistes rhénans,
multipliaient sous les porches des cathédrales
les statues et les bas-reliefs, et exécutaient
des portraits sur ivoire, sur pierre, et de nom-
breuses effigies sur les tombeaux.
La Sculpture des tombeaux offre un grand
nombre de portraits et semble même former
pendant longtemps comme une branche dis-
tincte de l'art. — Mais ces portraits ou effigies
ne sont souvent qu'un simple tracé indiquant
les contours de la figure et du corps.
Nous pouvons classer ainsi les sculptures,
d'après la forme des tombeaux :
— i° Sarcophages simples ;
— 2° Dalles en pierres tombales, avec figu-
res gravées ;
— 3° Pierres tombales avec figures en relief
couchées ;
Du Portrait dans la sculpture. 3~q
— 4° Tombeaux dans des niches ornées
d'arcatures et tombeaux arqués ;
— 5° Tombeaux élevés et richement déco-
rés, très ornés ; ils prennent la forme de
châsse, sont surmontés de figures agenouil-
lées, à lambris à quatre faces, avec colonnes
et dais.
Parmi les plus anciens monuments funé-
raires, doit être rangé le portrait de la reine
Frédégonde, placé aujourd'hui au milieu de
l'église de Saint-Germain des Prés. Cette re-
présentation d'un personnage, qui date de
l'an (600), est on ne peut plus intéressante.
Le sarcophage n'a pas de saillie. Il est com-
posé d'une mosaïque de différents marbres
de couleur, et d'émaux rapportés et fixés, à
l'aide d'un mastic, dans les cavités du cuivre;
la tête, les mains et les pieds sont simple-
ment dessinés en creux.
A Reims, la pierre d'Ives Libergiers, archi-
tecte de l'église de Saint-Nicaise, a longtemps
subsisté; elle est détruite aujourd'hui.
Parfois les architectes ajoutaient à leur des-
sin au trait des motifs en relief; ainsi le per-
38o Histoire du Portrait.
sonnage de Saint-Nicaise tenait dans ses mains
une de ces esquisses.
On possède également la pierre tombale de
Pierre de Montereau, dans l'église de Saint-
Germain des Prés. Il est représenté ayant
dans la main une règle et un compas.
On a aussi la pierre d'Alexandre de Ber-
neval, un des architectes de Saint-Ouen de
Rouen (xve siècle) ; l'architecte est représenté
avec son élève, ils tiennent chacun une règle
et un compas d'une main, dans l'autre ils ont
une feuille sur laquelle il y a des dessins.
Pendant les xuie, xiv° et xve siècles, les
pierres sépulcrales se multiplient à l'infini,
presque toutes les familles ont un de leurs
membres ainsi représenté; on les retrouve
encore dans les chapelles et dans les cloîtres.
D'après M. de Caumont, nous aurions en
France plusieurs belles mosaïques représen-
tant des personnages.
Ces mosaïques étaient très nombreuses du-
rant l'ère Mérovingienne, ainsi que le prou-
vent la mosaïque en verre de Germiny-les-
Prés, dans l'Orléanais (qui est du ixe siècle),
Dît Portrait dans la sculpture. 38 1
et le pavage en mosaïque de l'église de Cruas,
dans le Vivarais.
Aux xme, xive et xvc siècles, on a fait beau-
coup de portraits de chevaliers et de person-
nages en mosaïque ; les figures étaient entou-
rées de fleurs de lis et de toutes sortes
d'ornements.
On prenait de la terre glaise, qui était
étendue sur un fond, terre assez molle pour
se laisser pénétrer par un moule en relief
qui représentait le personnage; ce moule en
relief laissait une empreinte en creux.
On remplissait alors ce vide soit avec de la
terre de couleurs différentes, soit avec des
émaux crus, mats ou translucides. Après
avoir laissé sécher on envoyait le tout à la
cuisson.
Parfois on formait la mosaïque avec des
carreaux de terre cuite de différentes couleurs.
On trouve dans l'abécédaire de M. de Cau-
mont le dessin d'un chevalier armé de son
épée et vêtu de sa cotte de mailles.
Cette plaque a été trouvée dans l'abbaye
de Fontenay, près de Caen.
382 Histoire du Portrait.
A Saint-Omer on conserve le portrait d'un
donateur exécuté de la même façon, et qui
a l'apparence d'un vitrail .
Jusqu'au xve siècle les personnages illustres
sont représentés sur leurs tombeaux, mais le
dessin, la gravure, la mosaïque, sont seuls mis
en pratique; rarement on a recours à la Scul-
pture .
Mais vers cette époque nous remarquons
la tendance des artistes à figurer leurs person-
nages dans l'attitude de la prière, c'est-à-dire
à genoux.
Dès le xiie siècle, cependant, on avait exé-
cuté des Monuments élevés :
Les tombeaux de Richard Cœur de Lion,
d'Henri II et de sa femme, qui existent à
Fontevrault, sont du xne siècle et nous ap-
prennent une chose intéressante pour Tart : —
c'est qu'à cette époque, on peignait les statues.
Quelques tombeaux étaient revêtus de
plaques d'argent, ou de cuivre émaillé, tels
que le tombeau d'Henri Ier, quatrième comte
de Champagne, qui existait autrefois à Saint-
Etienne de Troyes.
Du Portrait dans la sculpture. 383
Les figures, rares au xn° siècle, deviennent
plus nombreuses dans le xme ; les artistes font
de grands progrès, ils sont moins raides dans
leur manière; par là même, ils ont plus de
souplesse dans le faire et en conséquence ils
jettent plus de vie dans les figures.
Pendant ce siècle, les tombeaux nous offrent
de grands renseignements pour le costume.
Les images des personnages représentés sur
les pierres tombales sont bien des portraits.
Nous pouvons citer : — la statue de Guil-
laume, fils de Hugues II, seigneur de Naillac-
sur-Blanc, qui existe encore dans l'église de
Gargilesse-sur-la- Creuse; puis le tombeau de
Dillo (Yonne) orné d'arcatures ou statuettes
avec figures couchées ;
Le tombeau de la reine Bérengère , femme
de Richard Cœur de Lion, enterrée dans l'ab-
baye de Lepau, près du Mans, et transporté,
en (1821), dans la cathédrale du Mans.
D'autrefois, comme nous l'avons dit, on
recouvrait de bronze la statue du person-
nage.
A Amiens, se trouvent deux statues de ce
384 Histoire du Portrait.
genre : celle cTEverard de Fouilloy évèque
(i223), et celle de Geoffroi d'Eu, son succes-
seur.
A ce sujet, M. de Caumont dit qu'une
grande partie de ces statues disparurent aux
xvii0 et xvme siècles; des Chapitres les firent
détruire, soit parce qu'elles encombraient le
chœur, soit parce que Ton n'estimait que ce
qui était moderne, et, chose bien triste à con-
stater, plus une statue avait de valeur artis-
tique , comme celles en métal par exemple,
et plus tôt elle était détruite par les fondeurs.
Parmi les statues du xive siècle nous cite-
rons celle de Jean de Dormane, évèque de
Beauvais; cette statue en cuivre jaune était
couchée sur un marbre noir.
Deux magnifiques pierres tombales dessi-
nées sont à Saint-Ouen-en-Belin, elles nous
donnent les portraits d'Andrieu d'Averton ,
sire de Belin, — et celui de sa femme, Isabeau
de Bréinville.
Au xve siècle nous avons les tombeaux
arqués.
La tombe en cuivre de Pierre de Savoisy j
Du Portrait dans la sculpture. 385
évêque de Beauvais, montre un riche portail
avec ses pinacles ornés de crochets, ses contre-
forts ornés de figurines; la statue de l'évêque
est décorée de brillants émaux.
La statue tombale de la famille des Hamon,
seigneurs de Ghampigny, est de la même
époque.
Nous retrouvons encore des peintures de
Jacqueline de Brucourt, qui se trouvent dans
l'église de Larmay-sur-Calirme, près de Pont-
rÉvêque.
Enfin, parmi les plus beaux tombeaux du
xve siècle , on possède celui de Philippe le
Hardi au musée de Dijon.
Au xve siècle, nous voyons que les mo-
numents avaient des dais soutenus par des
colonnes , les personnages étaient couches
dessous ; plus tard ces tombeaux sont con-
struits avec une très grande richesse de lignes
et d'ornements.
Tels sont le magnifique monument de
Marguerite d'Autriche dans l'église de Brou
et le tombeau de Louis de Brézé à Rouen.
Michel Colombe et ses enfants exécutèrent
43
386 Histoire du Portrait.
le tombeau de François II, duc de Bretagne ;
Jehan Juste de Tours fit celui des enfants
de Charles VIII , — puis le mausolée de
Louis XII pour Saint-Denis, entre ( 1 5 1 8 et
i53o).
Nous devons, une mention toute spéciale à
ce monument , qui est un des plus remar-
quables de Saint-Denis.
Le corps du roi est étendu sur la pierre
sépulcrale — digne et calme, le souverain
est nu, mais il n'a pas besoin d'être couvert de
ses habits royaux et de ses insignes, pour
xnontrer d'où il vient, et qu'elle était l'auto-
rité, dont il était investi. — Cette œuvre a un
grand côté qui impressionne, tout en excitant
une profonde admiration.
Vers cette époque, nous pouvons encore
citer parmi nos sculpteurs célèbres, Jehan de
Vitry — et Jacques Gendre, maistre masson
imagier de l'hôtel de ville de Bourges.
Enfin le plus renommé de tous était Antoine
Le Moiturier.
Un artiste éminent, Grand-Jehan le tailleur
d'imaiges, grant ovrier, dit la chronique,
Du Portrait dans la sculpture. 38 J
exerçait à cette époque (xvie siècle) son art à
Metz; — tandis que Jacques Bachot, Lorrain,
faisait des œuvres pieuses et naïves. 11 exécuta
à Saint-Nicolas-du-Pont, à Pont-Mousson ,
différents tombeaux, entre autres ceux des
princes Henri de Lorraine, évèque de Metz ;
— et d'Henri II, seigneur de Joinville.
A la fin du xvc siècle, l'art Lombardo-
Vénitien, copie maniérée du Grec, s'intro-
duisit en France et fit partir pour l'Italie les
artistes consciencieux qui voulaient résister
à cet entraînement.
Nous voyons, à ce moment, fuyant leur
patrie, Bachelier; — les Lorrains Simon — et
Ligier Richier; — Jacques d'Angouléme qui
eut la gloire de vaincre son maître Michel-
Ange, dans un concours de statuaire ; plu-
sieurs des ouvrages de ce maître sont au
Vatican.
Les artistes du xvie siècle utilisent, pour la
décoration de leurs ouvrages, tout ce que la
nature a mis à leur disposition : matières pré-
cieuses, marbres de différentes couleurs,
émaux, peintures, tout est employé dans
388 Histoire du Portrait.
les riches tombeaux de cette magnifique
époque.
Les tombeaux des cardinaux d'Amboise, à
Rouen ; — de François II, à Nantes; — de
François ier ; — de Louis XII ; — et d'Anne
de Bretagne nous donnent une preuve du
grand talent de nos artistes.
Un fait curieux à noter, c'est qu'à cette
époque il y avait des artistes très réalistes :
Ainsi le cardinal du Prat était représenté
rongé par les vers au milieu des sculptures
les plus riches de son tombeau.
Pour l'histoire du portrait, nous ne devions
pas négliger la sculpture funéraire, cette source
inépuisable d'œuvres d'art qui nous facilite
l'étude de la marche du portrait dans les pre-
miers siècles artistiques.
Les œuvres de la sculpture du moyen âge,
de la Renaissance et des temps modernes,
sont disséminées dans un grand nombre de
musées et de villes.
Pour faciliter l'étude de ces portraits, nous
suivrons dans notre travail Tordre chronolo-
gique — et, lorsque nous serons arrivé au
Du Portrait dans la sculpture. 38g
commencement du xixc siècle, nous les indi-
querons par salon — avec la critique qui en
a été faite.
Parmi les portraits dus à des sculpteurs
anonymes du xme siècle , nous avons la
statue de Blanche de Champagne , femme
de Jean Ier, duc de Bretagne, morte en (i 283).
Le portrait de Pierre de Jayet est du
xvc siècle : la tête de ce chanoine est fine,
elle a un grand caractère.
Dans le xvc siècle, nous devons mentionner
les statues de Pierre d'Évreux de Navarre,
fils de Charles le Mauvais, roi de Navarre; —
de sa femme, Catherine d'Alençon; — d'Anne
de Bretagne, fille de Jean sans Peur..
Michel Colombe , né vers (1430), les uns di-
sent en Touraine, d'autres en Bretagne, com-
mence cette série non interrompue de nos
grands artistes.
Sa statue de Philippe de Commines, re-
marquable par le faire, vivante par le mo-
delé, est un véritable portrait qui nous donne
bien une idée des illustres personnages du xv1'
siècle. Cette statue est une des plus belles du
3qo Histoire du Por trait.
maître , qui a fait également Hélène de
Chambes Monsoreau, femme de Philippe de
Commines; — Louis de Pouchet, receveur-
trésorier de François Ier, représenté mort, et
étendu la tète sur un coussin ; la statue est
d'albâtre; — la statue de Roberte Legendre,
femme de Pouchet, est exécutée dans le même
esprit.
Nous ne possédons de Jean Goujon, au mu-
sée de la Renaissance, qu'un seul buste, et
encore il n'est qu'attribué à cet artiste : c'est
le buste d'Henri II, roi de France.
Un œil exercé peut facilement découvrir
que ce buste doit être de Jean Goujon : la
finesse d'exécution, les détails dans les orne-
ments, merveilleusement exécutés, indiquent
la main du maître.
La figure un peu aplatie nous offre encore
un indice certain, et c'est une remarque qu'il
est facile de faire dans presque toutes les
œuvres de ce maître.
Il semble que tout artiste doive s'incliner
devant la statue de l'amiral de Chabot. Cette
œuvre de Jean Cousin, l'une des plus consi-
Du Portrait dans la sculpture. 3gi
dérabfes parmi les monuments de la sculp-
ture française, offre un magnifique sujet d'é-
tude à ceux qui recherchent les qualités qui
caractérisent si bien notre École.
Jean Cousin est le véritable chef de cette
sculpture qui va soutenir l'honneur français,
sans craindre les rivaux étrangers.
Cette tète découverte de Philippe de Chabot,
à demi couché , est bien celle du chef, de
l'homme de grande race, qui sait qu'au pre-
mier signal il sera obéi.
Jean Cousin n'a pas cherché à reproduire
simplement l'enveloppe, il a voulu rendre
l'esprit, l'énergique volonté de son modèle.
Nous voyons que cette statue est bien celle du
guerrier intrépide et, sur ce visage, il semble
qu'on peut lire l'histoire d'une existence pas-
sée dans les combats, au milieu de périls in-
cessants .
Du même artiste on possède les statues de
François, comte de La Rochefoucauld, cham-
bellan de François Ier; les bustes de Charles-
Quint et de François Ier .
Germain Pilon nous a laissé une œuvre
3()2 Histoire du Portrait.
qui est et sera toujours un des plus beaux mo-
numents de la statuaire trançaise, — la statue
de Valentine Balbiani.
Dans cette œuvre, l'artiste a montré une
science profonde de Tanatomie .
La statue habillée de la femme du chambel-
lan de Birague possède une grâce réelle et
l'exécution est digne du maître.
Germain Pilon nous a laissé les bustes
d'Henri II, — de Charles IX, — et d'Henri III,
rois de France.
Ces bustes, qui sont en albâtre, décoraient
le château du Raincy ; la dégradation du vi-
sage indique qu'ils ont séjourné longtemps en
plein air, — on retrouve dans ces bustes toutes
les qualités et tous les défauts de l'artiste;
il faut bien le dire, la finesse est grande, mais
la sécheresse d'exécution est trop apparente.
Germain Pilon n'en restera pas moins un
de nos plus grands artistes, mais son faire est
moins français que celui de Jean Cousin.
Le président Mainard disait de cet artiste,
dans une épitaphe fort juste :
« Toujours gracieux, quoique souvent in-
Du Portrait dans la sculpture. 3g3
correct, il peut être regardé comme le Cor-
rège de la sculpture, ses ouvrages réunissent
en partie la belle simplicité et les finesses de
l'Antique; le caractère de l'ensemble et les
grâces font oublier que sa manière de draper
est sèche et ses plis trop cassés. »
Barthélémy Prieur nous a donné la statue
d'Anne de Montmorency, duc et pair, maré-
chal, grand-maître et connétable de France,
frappé mortellement devant Saint-Denis, et
celle de sa femme, Magdelaine de Savoie.
Bonne et belle sculpture.
Cet artiste a fait les bustes d'Henri IV, —
de Philibert de Lorme, — de Christophe de
Thou, cette scuplture est saine et honnête; la
statue de Montmorency est très belle; quel
calme et quelle sévérité sur tous ces traits !
Le musée du Louvre conserve divers bustes,
exécutés par Jacquet, dit de Grenoble; ainsi
Philippe Desportes, poète né à Chartres (mé-
daillon en bronze); — le buste en bronze
de Martin Fréminet, qui provient de l'abbaye
de Barbeau. — Ces bustes n'ont rien de re-
marquable.
44
3 1)4- Histoire du Portrait.
Nous ne possédons de Simon Guillain que
les débris du magnifique monument qui fut
élevé sur le pont au Change, à l'angle des
deux rues, à la gloire de Louis XIII et de
Louis XIV.
Louis XIV était réprésenté à l'âge de dix
ans, élevé sur un piédestal, et la Renommée le
couronnait de laurier. Louis XIII et Anne
d'Autriche étaient placés à la droite et à la
gauche du jeune roi ; un fronton circulaire
terminait le monument, couronné par deux
anges soutenant les armes de France.
Les trois statues seules subsistent, elles ont
une grande allure; on pourrait leur reprocher
un air théâtral, mais ce caractère ne devait
pas choquer lorsque ces statues étaient à
leur place.
Nous devons encore citer du même artiste
quelques statues qui ne sont pas au musée.
Ce sont les statues de Charlotte-Catherine
de la Trémoille, veuve d'Henri Ier, prince de
Condé. — D'Areenville nous dit : Cette statue
o
est placée dans le chœur des moines qui des-
servent le couvent des filles de TAve-Maria.
Du Portrait dans la sculpture. 3g5
Sur un tombeau de marbre noir est une belle
ligure de cette Dame (la tète et les mains sont
touchées de chair).
Au-dessus de la porte des Juges- Consuls
(porte Saint-Denis) était placée la statue en
pierre de Louis XIII, représenté avec des
lions soumis à ses pieds. Cette œuvre de Guil-
lain était très remarquable.
On doit à Jacques Sarrazin le buste en
bronze de Pierre Séguier , chancelier de
France mort en (1672).
Sarrazin, l'auteur des magnifiques caria-
tides du Louvre, a droit à toute notre admi-
ration.
Cet artiste, formé à Técole des grands maî-
tres italiens, fut lié intimement avec Le Domi-
niquin; il resta dix-huit ans en Italie, où il
étudia longuement la sculpture sous Michel-
Ange, qu'il appelait son maître.
On sait que la reine Anne d'Autriche, grosse
de son premier enfant (Louis XIV), lit vœu de
donner, à Notre-Dame-de-Lorette, un entant
d'or du même poids que celui qu'elle portait
dans son sein, au cas où ce serait un prince.
3q6 Histoire du Portrait.
A la naissance de l'enfant, le futur roi fut
placé dans une balance, et Sarrazin exécuta
en or une statue du même poids ; elle pesait
six livres d'or.
Ce même maître a fait aussi la statue du
cardinal de Bérulle, c'est une figure pleine de
vie et d'expression.
Le buste de Gaston de France, à Blois,
était encore de Sarrazin.
Le dernier travail de ce grand artiste,
peintre et sculpteur, fut le tombeau d'Henri
de Bourbon, prince de Condé.
De Michel Anguier nous n'avons que le
buste de Jean-Baptiste Colbert, marquis de
Seigneley.
Son frère, François Anguier, qui fut l'ami
de Mignard , du Poussin, de Stella, fut de
bonne heure distingué par Louis XIII ; cet
artiste nous a laissé la statue d'Henri Chabot,
duc de Rohan ; — de Jacques-Auguste de
Thou et de sa femme Gasparde de la Châtre;
— celles de Jacques Souvré, grand-prieur de
France ; — et du duc Henri de Montmo-
rency, décapité à Toulouse, en (i632).
Du Portrait dans la sculpture. 3qj
Louis Lerambert naquit, pour ainsi dire,
au milieu des statues antiques et des marbres
du roi Louis XIII. Il semble avoir été prédes-
tiné à la sculpture.
Ce fut le marquis de Cinq-Mars qui le tint
sur les fonts. — Avec un semblable patronage,
les débuts devaient être faciles à cet artiste.
Malgré ses succès à la Cour, Lerambert,
profondément studieux, retourna toujours à
ses études ; il s'appliquait à faire les bustes ou
les portraits en médaille des personnages
illustres qu'il fréquentait.
Il exécuta en marbre le buste du cardinal
de Mazarin.
On lui doit encore le buste du maréchal de
la Meilleraye ; — ceux de Hesselin ; — de
Jabach — et de Madame Jabach.
Etienne Le Hongre exécuta, pour le tom-
beau du marquis de Gesvres, la statue de ce
maréchal de France, tué au siège de Thionville
en (1643).
Cet artiste exécuta encore pour la ville de
Nancy et pour celle de Dijon les statues
équestres du roi.
3g8 Histoire du Portrait.
Girardon avait sculpté le portrait en mé-
daillon du grand Condé; celui-ci en fit cadeau
au célèbre jésuite le Père Tournemine, en lui
disant plaisamment que la ressemblance était
parfaite et qu'il n'y manquait qu'un peu de
tabac au bout du nez.
Girardon offrit à Troyes, sa ville natale, un
grand médaillon en marbre blanc, représen-
tant le roi.
Cet artiste exécuta encore, d'après les des-
sins de Lebrun, le tombeau du cardinal de
Richelieu , érigé dans l'église de la Sor-
bonne. On a également de lui le buste de
Boileau Despréaux.
Girardon fit, au château de Villacerf, plu-
sieurs bas-reliefs et bustes, entre autres ceux
de Louis XIV ; — et de la reine Marie-Thé-
rèse ; ils sont en marbre blanc et mesurent
trois pieds de haut.
Il fit encore les bustes de Colbert; — de Vil-
lacerf; — de Passerat ; — et d'Urbain IV.
Pour la place Louis-le-Grand , à Paris,
Girardon modela la statue équestre du roi
Louis XIV.
Du Portrait dans la sculpture. 3q(j
Cette sculpture a vingt huit pieds de haut ;
elle est la première de proportions aussi con-
sidérables qui ait été fondue d'un seul jet.
Girardon a décoré divers tombeaux :
— Celui de la princesse de Conti, à Saint-
André-des-Arts ;
— Celui du marquis de Louvois, qui
devait être érigé d'abord aux Invalides;
Le portrait de Barbier de Metz, dans l'église
de Gravenilles, — le tombeau et le médaillon
de Bormeau de Trassy, dans la cathédrale de
Tournay, sont également de Girardon.
On érigea deux tombeaux à Henri de Bour-
bon, prince de Condé ; le premier fut fait par
Sarrazin, dans l'église des Jésuites de la
rue Saint-Antoine ; et l'autre par Guérin.
Dans celui-ci, la statue du prince le représente
couché sur le côté, au-dessus d'une espèce
d'ordre d'architecture soutenue par quatre
grands termes.
Guérin avait sculpté la statue de Louis XIV,
tenant un sceptre à la main et terrassant la
Discorde.
Celte figure, qui avait cinq pieds, était
_/.oo Histoire du Portrait.
placée sur un piédestal à trois faces, elle
devait être érigée dans la cour de l'hôtel de
ville de Paris.
Girardon exécuta, pour ce monument, neuf
médaillons ronds qui représentaient le maré-
chal de l'Hôpital, gouverneur de Paris; —
Lefèbvre, prévôt des marchands ; — Guillon
Phelippes ; — Levieux ; — et Denisot, éche-
vins ; — Piètre, procureur du Roi et de la
ville ; — Lemaire secrétaire ; — et Boucaut
receveur.
Guérin fit aussi le mausolée en marbre de
Messire Charles de la Vieuville, duc et pair,
ministre des finances sous Louis XIII et
Louis XIV, et celui de son épouse Marie
Bouhier.
Cet artiste excellait à faire des portraits en
médaille, et la ressemblance égalait toujours
la finesse du travail. Le médaillon de René
Descartes est l'œuvre de Guérin.
Avec Antoine Coysevox commence la véri-
table série des portraitistes en sculpture.
Est-il rien de plus merveilleux que le buste
de Marie Serre, ce monument de la piété filiale?
Du Portrait dans la sculpture. 40 1
Marie Serre était la mère d'Hyacinthe
Rigaud ; ce grand artiste abandonne tous ses
travaux, pour aller dans le Roussillon; il
rapporte trois portraits de sa mère, un de
face, un de profil, l'autre de trois quarts, afin
de permettre à son ami Coysevox de taire le
buste que nous admirons.
L'ami fut à la hauteur de l'affection du
fils. Les portraits de Mignard, de Charles
Le Brun, de Bossuet, du cardinal de Ri-
chelieu; les médaillons de Marie - Thérèse ,
de Louis XIV, sont empreints des qua-
lités supérieures qui caractérisent ce grand
artiste.
Tous les hommes célèbres ont posé devant
Coysevox.
Le prince de Condé ; — Turenne ; —
Colbert; — le chancelier Tellier ;
Louvois; — de Montausier ; — le duc de
Richelieu ; — le duc de Chaulnes ;
Le duc d' Antin ; — le chevalier Boucherot ;
— le cardinal de Bouillon ; — le cardinal de
Polignac;
Le maréchal de Villars ; — le maréchal
45
402 Histoire du Portrait.
Vauban ; — le premier président de Harlay;
— Mansart ; — Lenôtre.
Coysevox exécuta encore le portrait de
Louis XIV, à quatre âges différents.
Coysevox donna également la statue du roi
pour Thôtel de ville de Paris ; — et la statue
équestre de Louis XIV, à la demande des
États de Bretagne.
A cette occasion, seize des plus beaux che-
vaux du prince lui furent amenés pour qu'il
s'inspirât des qualités de chacun d'eux; il
travailla avec les plus habiles écuyers, étudia
le cheval et fit de la monture royale un chef-
d'œuvre.
On doit à Coysevox les magnifiques tom-
beaux de Colbert, à Saint-Eustache ; — du
cardinal de Mazarin ; — du prince Ferdinand
de Furstemberg, dans l'abbaye de Saint-
Germain ; — d'Henri de Lorraine, dans celle
de Royaumont.
Coysevox fut vraiment un grand artiste,
son habileté était connue dans le monde
entier.
D'Argenville raconte qu'après une grande
Du Portrait dans la sculpture. 4.00
maladie, Coysevox régla les honoraires de
son médecin et lui dit :
« Vous m'avez rendu la vie à votre
» manière, je veux vous immortaliser à la
» mienne, en faisant votre buste en marbre. »
Et ce portrait fut un des plus beaux du
maître.
A Chantilly était la statue en marbre du
grand Condé, — et au château de Seran, en
Anjou, le tombeau en marbre de Vauban.
Toutes ces œuvres étaient dues au ciseau de
Coysevox.
Les Coustou, neveux et élèves de Coysevox,
arrivèrent rapidement à la célébrité, grâce
à leur talent et à l'influence de leur oncle.
Le talent ne suffit pas toujours pour l'ar-
tiste; mais sous ce rapport les Coustou furent
heureusement partagés.
En (1731) Nicolas Coustou fit une statue de
Louis XV.
Cette statue était primitivement dans le
jardin de Versailles ; elle se trouve actuelle-
ment au musée de la sculpture moderne.
Les portraits de Nicolas Coustou sont très
_/(>-/ Histoire du Portrait.
gracieux, mais il y a une affectation qui choque
au premier abord ; tout est maniéré, faux, les
extrémités surtout sont mièvres et ne sentent
pas la nature.
Du reste, à cette époque, dans toutes les
manifestations de l'art, soit peinture , soit
sculpture , on retrouve partout les mêmes
afféteries.
Quant aux qualités de Nicolas Coustou,
elles sont immenses : distinction, grâce, tout
y est ; ce serait parfait avec un peu moins
d'exagération.
Le faire du maître est merveilleux, et di-
sons qu'à aucune époque le marbre n'a été
travaillé avec autant d'adresse et d'habileté.
Mille détails, qui échappent au public, ne sau-
raient passer inaperçus à l'œil expérimenté
du sculpteur.
De nos jours, on parle de l'habileté des pra-
ticiens italiens; rien n'égale l'habileté de Pujet;
— de Coustou ; — de Pigalle ; — de Pajou.
La hardiesse et l'habileté, dirigées par une
science profonde, tirent du marbre des effets
extraordinaires.
Du Portrait dans la sculpture. 4o5
Coustou a fait le tombeau du maréchal
de Créqui. Il a représenté cet illustre capi-
taine à cheval, poursuivant les ennemis.
Pour l'Académie de Peinture, Coustou a
donné les bustes de Colbert — et de l'abbé
Bignon.
Dans la cathédrale de Beauvais est érigée
la figure du cardinal de Janson, à genoux, de
grandeur naturelle.
La statue de Marie Leczinska, femme de
Louis XV, fut exécutée par Guillaume Cous-
tou, frère de Nicolas, qui fit également la
statue de Louis XIII offrant son sceptre et sa
couronne à Jésus-Christ, en accomplissement
du vœu du roi à Notre-Dame.
Le bas-relief de la porte principale des
Invalides, qui représente Louis XIV à cheval,
est encore de Guillaume Coustou.
Un des élèves de Guillaume Coustou, Jac-
ques Saby, de Valenciennes, alla en Dane-
marck, pour exécuter la statue équestre de
Christian IV.
Adam de Nancy lit un beau buste en mar-
bre de Louis XV.
406 Histoire du Polirait.
Ce même prince , sur la demande de
madame de Pompadour, commanda sa statue
à Pigalle.
Lorsque Pigalle fut envoyé à Ferney pour
exécuter le buste de Voltaire, l'artiste trouva
le grand philosophe affaissé par l'âge , la tête
penchée sur la poitrine et, comme dit d'Ar-
genville, — soufflant des pois. — Quelle
attitude!... quel parti le sculpteur en tirera-
t-il ?
Pigalle désespère de la réussite; enfin il
s'avise de lui demander s'il est Fauteur de la
Pucelle. A cette question le poète prend un
air riant et accorde volontiers à l'artiste de lui
en réciter quelques morceaux Le modèle
fut promptement achevé.
Depuis longtemps Pigalle méditait une
étude de muscles et d'anatomie ; l'occasion lui
en fut offerte.
Une Société de lettres lui proposa d'élever
une statue à Voltaire ; l'artiste y consentit,
à la condition qu'il le ferait nu. — Il chercha
le modèle le plus décharné, le plus maigre
qu'il pût trouver, et le copia, malgré les
Du Portrait dans la sculpture. 40 7
instances de tous ses amis, qui deman-
daient une draperie sur le nu. Un homme
d'esprit fit cette épigramme en voyant cette
sculpture :
Pigalle au naturel représente Voltaire,
Le squelette à la fois offre l'homme et l'auteur,
L'oeil qui le voit, sans parure étrangère,
Est effrayé de sa maigreur.
Pigalle est l'auteur du monument que la
reconnaissance de la France a élevé au maré-
chal de Saxe; — il fit aussi le tombeau du
comte d'Harcourt.
On a de Pigalle plusieurs portraits en bronze
et en marbre qui sont très beaux et très res-
semblants ; — Diderot, — l'abbé Raynal ; -
Maloët ; — et Perronet. La statue de Louis XV
qui était à Reims était de cet artiste, elle a
été détruite en (1793) et remplacée par la copie
qu'en donna Cartelier en (18 18).
Lemoyne, né à Paris, fit, d'après les ordres
de Louis XV, le tombeau de Crébillon. Le
roi, pour lui témoigner sa satisfaction , lui
commanda sa statue équestre pour Bordeaux.
f.08 Histoire du Portrait.
Le mausolée de Mignard fut également
sculpté par Lemoyne.
Dans l'intervalle de (1730 à 1773), Lemoyne
lit, tous les ans, trois ou quatre bustes du
roi.
D'après les mémoires de l'époque, le nom-
bre des œuvres de Lemoyne est tel, que le
sculpteur le plus laborieux n'aurait pas eu le
temps de les finir.
Nous ne lui ferons pas le même reproche
que d'Argenville, c'est-à-dire, d'avoir scrupu-
leusement observé la mode du jour , sans
oublier le col, la ceinture et les brassards :
pour nous c'est une qualité ; l'artiste doit être
avant tout de son temps, et contribuer par
ses œuvres à fixer l'histoire de son époque.
Un grand nombre de statues et de bustes
furent exécutés, à diverses époques, pour la
décoration du Louvre et des Tuileries. Nous
en donnons ici la liste alphabétique.
Bannel (Pierre, général de brigade, tué en
Italie en 1 795), buste par Bartelini ;
Du Portrait dans la sculpture. 40 g
Bart (Jean, chef d'escadre, 1702) buste par
le Baron Lemot;
Bayard, statue par Bridou père;
Berghem (Nicolas, paysagiste), buste par Jac-
quet ;
Berthier (Alexandre, maréchal de France),
buste par Fortin;
Beyrand (Martial, général de brigade, tué en
Italie en 1795), buste par Corbet;
Boileau (Despréaux), buste par Caffieri;
Bouvet (Jean, comte de l'Empire), buste par
Dumont;
Bougainville (chef d'escadre), buste par Bosio
neveu ;
Bourdon (Sébastien, paysagiste), buste par
Chauvet ;
Catinat (maréchal de France), statue marbre
par Dejoux;
Champagne (Philippe, peintre), buste par
Maussion ;
Chauvet (sculpteur), buste par Valois;
Claude Lorrain (peintre), buste par Masson ;
Colbert, buste par Renaud;
Coligny (amiral), buste par Jean Goujon;
46
7 / o Histoire du Portrait.
Condé (le Grand), buste par Roland ;
Corneille (Thomas) buste par Caftieri;
Coustou (Nicolas), buste par Lorta;
Crébillon (Jaliot de), buste par Caffieri ;
Croizier (général, tué en 1799), buste par
Petitot père ;
Custine (général de division), buste par Moitte;
Dampierre (Picot de, général, tué en 1793),
buste par Foucon;
David (Louis, peintre), buste par Rude;
Davoust (maréchal), buste par Rosio;
Delorme (Philibert, architecte), buste par Le-
gendre-Héral ;
Denon(directeur des Musées), bustepar Marin;
Desaix(de Voigoux^ général, tué en 1800), buste
par Dejoux ;
Dominiquin (peintre), buste par Mlle Charpen-
tier ;
Dow (Gérard, peintre), buste par Caivelli;
Du Couédié (capitaine de vaisseau), buste par
Bougron ;
Dugommier (général), bustepar Chauvet;
Duguay-Trouin, buste par Lucas;
Duguesclin, buste par Faucon;
Du Portrait dans la sculpture. 411
Dupuy (général), buste par Roland ;
Duquesne, buste par Mérasse;
Elliot (aide de camp de Bonaparte, tué à Ar-
cole), buste par Dardel;
Espagne (J.-L. cT), buste par Callamart;
Estrées (Victor-Marie d', vice-amiral), buste
par Bougron;
Foy (Maximilien, général), buste par Bra;
Germain Pilon (sculpteur), buste par Guersant;
Goujon (Jean, sculpteur), buste par Raggi;
Gouvion (Saint-Cyr, maréchal), buste par
David d'Angers;
Guerchin (peintre), buste par Brion ;
Gros (le baron, peintre), buste par Debay
père ;
Guérin (baron, peintre), buste parDumont;
Hoche (général), buste par Delaistre ;
Joubert (général), buste par Boizot;
Jouvenet (peintre), buste par Béguin;
Jules Romain (peintre), buste par Biaise;
Kellermann (duc de Valmy), buste par Biaise;
Kléber, buste par Masson;
La Harpe, buste par Brion;
La Pérouse, buste par Rude;
_/./■_: Histoire du Portrait.
Lasalle, buste par Renaud;
Latouche-Tréville (vice -amiral)', buste par
le Baron Bosio ;
Lauriston (maréchal de France), buste par
le Baron Bosio;
Le Brun (peintre), buste par Coysevox;
Leclerc (maréchal), statue par Dupaty;
Le Sueur (Eustache), buste par Roland ;
Lobau (maréchal), buste par Rauge;
Marceau, buste par Dumont;
Masséna (duc de Rivoli), buste par Dumont;
Michel -Ange (Buonarroti), buste par Gat-
teaux ;
Mignard (peintre), buste par Théodore;
Moskowa (le prince de la), statue marbre par
Théodore ;
Murrois (tué à Arcole), buste par Tannay ;
Pérignon (marquis de, maréchal de France,
buste par Maitte ;
Pérugin, buste par Bougron ;
Poussin (peintre), buste par Biaise;
Primatice, buste par Foyatier ;
Prudhon (peintre), buste par Nanteuil ;
Puget (Pierre), buste par Legendre-Héral;
Du Portrait dans la sculpture. 41 3
Quinault (i635, poète, inventeur de l'Opéra),
buste par Caffieri ;
Rembrandt (peintre), buste par Mansion ;
Rigaud (peintre), buste par Pigalle ;
Ruisdaël (peintre), buste par Caillouette ;
Saint-Hilaire (général), buste par Bridou
fils;
Savé (baron de, ingénieur de la Marine),
buste par Daumas ;
Saxe (maréchal de), buste par Coitellier ;
Sébastien del Piombo, buste par Gatteaux ;
Suffren-Saint-Troppez (amiral) , buste par
Brion ;
Titien, buste par Bridou fils ;
Tourville, buste par Ramey fils ;
Turenne (vicomte de), buste par Pajou ;
Valentin (peintre), buste par Fessard ;
Vauban, buste par Bridou père; .
Vernet (Joseph, peintre), buste par Boizot ;
Véronèse (Paul), buste par Delaistre ;
Vouet (Simon, peintre), buste par Fessard.
^>>&/'x>&*&r0>'-&&'^g:
Selon notre promesse , nous donnerons
414 Histoire du Portrait.
l'appréciation des critiques contemporains
sur les divers artistes sculpteurs.
Diderot n'est pas un flatteur pour Lemoyne ;
parfois le critique est même violent : il écrit
dans son Salon de (1761) :
— « Le buste de Mmc de Pompadour, rien ;
— celui de Mllc Clairon, rien: — d'une
jeune fille, rien.
» Ceux de Créhillon et de Restout valent
mieux. »
Dans le Salon de (1765), Diderot est plus
acerbe encore : que l'on en juge :
— « Mmo la comtesse de Brionne. — Eh
bien! mon ami, que voulez-vous que j'en
dise ?
» Mme de Brionne n'est encore qu'une
belle préparation. Les grâces et la vie vont
éclore ; mais elles n'y sont pas. Elles atten-
dent que l'ouvrage soit fini ; et quand le sera-
t-il?...
» Aux cheveux, le marbre n'est qu'égra-
tigné ; Le Moyne a cru que du crayon noir
pouvait suppléer au ciseau. Va-t'en voir s'ils
viennent !
Du Portrait dans la sculpture. _//5
» Et puis cette poitrine ? j'en ai vu de
nouées, et comme celle-là, Monsieur Le
Moyne !
» Monsieur Le Moyne, il faut savoir tra-
vailler le marbre ; et cette pierre réfractaire ne
se laisse pas pétrir par les premières mains
venues.
» Si quelqu'un du métier, comme Fal-
connet, voulait être franc, il vous dirait que
les yeux sont froids, secs; que quand on
bouche les narines, il faut ouvrir les lèvres,
sans quoi le buste étouffe. »
En (1767) Diderot revient encore sur Tin-
correction du travail de Lemoyne.
— « Buste de l'avocat Gerbier. Je ne me
le rappelle pas — Tant pis. — Est-ce pour le
buste ?
» Il y a encore, de Le Moyne, un autre
buste en terre cuite, d'une femme, il est très
élégant, très vivant, très fin.
» En général, les terres cuites de Le Moyne
valent mieux que ses marbres. 11 faut qu'il ne
sache pas travailler. »
Falconet ; — Pajou ; — Caffieri ; — d'Huez ;
4.1 6 Histoire du Portrait.
Vassé ; — Challe ; — Adam ; — Mignot ; —
Slodtz ; — Bridau ; — Berruer ; — Aile-
grain ; — Gois : — Mouchy ; — Francin ; —
Dumont ; — Le Comte ; — Monot ; — Çous-
tou ; — Boizot fils ; — Julien ; — Dejoux ; —
se partagent les Salons, vers (1759).
Tous n'ont pas un égal talent, mais l'ensem-
ble de leurs œuvres ne laisse pas que d'être
remarquable.
Diderot mentionne la plupart de ces sculp-
teurs et leur distribue la louange ou le blâme
avec une impartialité parfois douteuse ; mais
les critiques mêmes du célèbre écrivain n'en
sont pas moins de précieux documents pour
l'histoire.
Caffieri (1761). — Le buste de Rameau est
frappant ; on l'a fait froid , maigre et sec
comme il est, et on a très bien attrappé sa
finesse affectée et son sourire précieux.
Falconnet (1761). — Le buste de Falconnet,
médecin, beau, très beau, on ne saurait plus
ressemblant.
- Challe, écrit Diderot en (1763), « a un
grand nombre de bustes ; mais je ne me ré-
Du Portrait dans la sculpture. 41 -
soudrai jamais à vous entretenir de ces
hommes de boue qui se font représenter en
marbre.
» J'en excepte le buste du roi ; — celui du
prince de Condé ; — celui de la comtesse de
Brionne ; — ceux de La Tour, le peintre , —
et du poète Piron. »
En (1765), Diderot est plus sévère pour
Challe :
« Le buste de M. Houcel est ébauché,
encore ne Test-il pas spirituellement. »
Sur Pajou — et Vassé en (1765), Diderot
porte ce jugement :
Pajou. « Portrait de M. de la Live. — Ce
portrait est froid et plat comme lui, vous
prendrez cela comme il vous plaira; cela ne
peut manquer d'être vrai ; — mais, dites-
vous, est-ce que la tête ne vous paraît pas
ressemblante ?
— » Elle est sans finesse.
— » Mais tant mieux !
— » Oui , mais j'entends sans finesse de
ciseau. »
Vassé. — « Le comte de Caylus est beau.
47
-f.i<v Histoire du Portrait.
vigoureux, noble, fait avec hardiesse , bien
ressenti , chair , beaux méplats , le trait pur,
les peaux, les rides, les accidents de la vieil-
lesse à merveille. »
En (1767), Diderot ne garde plus de mesure,
en parlant de Pajou :
— « Les bustes du feu Dauphin, du Dau-
phin son fils, du comte de Provence, du
comte d'Artois, — plus plats, plus ignobles,
plus bêtes que je ne saurais vous le dire,
oh! la sotte famille en sculpture!
Le grand-père est si noble, a une si belle tète,
si majestueuse, si douce pourtant, et si hère.
» Le buste du maréchal de Clermont-
Tonnerre. Mais quelle fureur d'éterniser sa
physionomie quand on a celle d'un sot. »
Quant à Gois, le critique est moins sévère,
il se montre favorable.
— « Buste en terre cuite, je ne sais de qui,
mais vrai, savant, parlant, original, je gage
qu'il ressemble. »
En (1771), Diderot fait le plus bel éloge de
Caffieri et d'Huez.
Ouinault -■- Lulli — ■ Rameau. Ces trois
Du Portrait dans la sculpture. 411,
bustes, destinés au foyer de l'Opéra, ont une
vérité admirable, et sont d'un ciseau savant :
ils rendront M. Caffieri participant de leur
immortalité. »
DHuez — « Portrait de M. de la Conda-
mine. Il est très ressemblant et d'un style
hardi et facile. »
Houdon — « Le portrait de Diderot (très
ressemblant) » fut exposé par Houdon, en
(1771) : M. J. Assézat complète ce jugement
sommaire par la note suivante :
« On nous saura gré, sans doute, de
suppléer au laconisme de Diderot sur cette
terre cuite qui , pour la finesse et la hardiesse
d'exécution, pour l'animation et pour le
caractère de la vérité, ne le cède en rien aux
portraits de Washington ; — de Franklin ; —
de Chénier; — de Lalande ; — de Mirabeau ;
dont Houdon nous a laissé également des
terres cuites.
» Ces conceptions de premier jet, cent fois
plus palpitantes que le bronze et le marbre,
qui n'étaient pas destinées, comme cela se fait
aujourd'hui, à disparaître après le moulage,
4^0 Histoire du Portrait.
Houdon les conservait toutes avec le plus
grand soin dans son atelier, où nous avons
pu les admirer de son vivant, et les recueillir
après lui. » (Note de M. Walferdin.) (Œuvres
complètes de Diderot, 1876.)
Diderot est plus explicite, dans son Salon
de (1781) en parlant de Houdon :
— « Le maréchal deTourville. » — Pour le
Roi : — « Cette figure a du mouvement, le
moment choisi est sublime ; ce n'est pas de la
sculpture, c'est de la peinture, c'est un beau
Van Dyck. On a dit que l'attitude tenait un
peu de Scapin, cette critique a plus de mali-
gnité que de raison. »
a La statue de M. de Voltaire. — Cette
statue, en marbre, devait être placée à l'Aca-
démie française; mais elle est destinée à
présent ( Mme Denis Duvivier s'étant brouillée
depuis son mariage avec messieurs les
quarante ) à décorer la nouvelle salle de la
Comédie, rue de Condé. Cette figure a du
caractère.
» On n'en trouve pas l'attitude heureuse ;
c'est qu'on n'est pas touché de sa simplicité,
Du Portrait dans la sculpture. 421
on lui aimerait mieux une robe de chambre
que cette volumineuse draperie ; mais aurait-
elle été aussi propre à diminuer les maigreurs
d'un vieillard de quatre-vingt-quatre ans ?
» Pourquoi ses souliers sont-ils carrés ?
» Quand on accuse les rides du visage et
leurs formes d'être peu vraies, on oublie que
c'est un portrait, on voudrait plus de finesse
encore dans le dessin, une ride grande ou
petite devient imperceptible à son extrémité ;
on serait porté à croire que toutes celles de
ce visage sont un peu de pratique, les mains
sont très bien. »
En (1781), Diderot écrit de Pajou :
— « Pour le Roi, cette figure m'a paru
avoir le caractère qui lui convient, draperies
un peu lourdes, les mains pas trop belles. Et
la tête est-elle bien sur les épaules? S'il ôte la
main qui la soutient, je crains qu'elle ne
tombe. En la regardant par devant, on le
croirait bossu. »
— « Le buste de Grétry, demandé par les
États de Liège, doit être placé sur le théâtre
de la ville. Ce buste est fait avec esprit ; aux
422 Histoire du Portrait.
yeux, touches sèches et égales, cheveux
lourds; mômes défauts à tous les bustes de ce
maître ; ils semblent travaillés d'habitude. Je
n'aime pas ces rayons aux yeux. »
En (1781), Diderot goûte beaucoup moins
les œuvres exposées par Caffieri :
— Poquelin de Molière ; — Mesmer ; —
Mlle Lozé ; — etc.
« Tous ces bustes maniérés de forme et
d'une touche sèche et maigre, celui du char-
latan Mesmer est le moins mal. »
J. Assézat, l'éditeur des œuvres de Diderot,
a cru devoir corriger ainsi cette note :
— ce Malgré tout le désir que nous avons de
ne pas donner notre appréciation, après des
critiques tels que Diderot, nous ne pouvons
nous retenir devant de sembables apprécia-
tions.
Caffieri est sans contredit un de nos plus
célèbres portraitistes français. Le buste de
Molière, dont parle ici Diderot, est un des
plus beaux du maître; du reste on trouve
souvent chez Diderot, dans ses critiques, cet
esprit de partialité.
Du Portrait dans la sculpture. _/l\>
Houdon avait exposé en (1806) les bustes
de l'empereur Napoléon — et de Joséphine.
On écrit dans le Pausanias Français (Salon
de 1806) :
« Lorsqu'il s'agit de louer des êtres supé-
rieurs, l'admiration est le seul hommage. J'ai
cru reconnaître ici le type de la Force et là
celui de la Grâce. Je n'y retrouve pas tout le ta-
lent de l'artiste, soit que le temps lui ait man-
qué, soit plutôt qu'il n'ait pas assez fait pour
vouloir trop faire. C'est ce qui arrive lorsque
l'inspiration venue est extrêmement vive.
» Deux autres portraits de femmes, faits
d'après de très aimables modèles, très ressem-
blants, coiffés avec goût.
» On voit que M. Houdon avait pour faire
ces deux ouvrages tout le temps et toute la
liberté que l'art exige ; car, dans les arts
comme dans les lettres, il est des moments
heureux et d'inspiration, comme il en est
d'autres où elle languit et devient rebelle. »
Glodion est moins bien traité par le cri-
tique : l'artiste avait exposé le buste du car-
dinal Maury.
424 Histoire du Portrait.
— « Le buste du cardinal Maury est assez
ressemblant ; mais pourquoi lui avoir fait
froncer le sourcil, et les lèvres serrées, comme
s'il était de mauvaise humeur ?
» Enfin ce buste est médiocre, son air
affaissé ne rappelle pas le talent vigoureux
de cet orateur plein de verve et de chaleur. »
Jal écrivait du sculpteur Bra en (1827) :
« M. Bra n'a pas été heureux dans les
statues du Dauphin — et du duc de Berry.
» Elles manquent de tournure et d'éléva-
tion de style. J'aime beaucoup mieux ses por-
traits ; il paraît exceller à reproduire les traits
des vieillards.
» Son buste du Roi est fort bien ; les chairs
et les accessoires sont également réussis.
0 Le buste de M. de Jouy est modelé avec
un grand soin, les larges rides qui sillonnent
sa figure spirituelle sont scrupuleusement
étudiées.
» Mais des marbres qu'a taillés M. Bra,
celui qui me parait supérieur aux autres, c'est
celui qui représente le respectable docteur
Pinel.
Du Portrait dans la sculpture. 425
» Cette tète, où les muscles affirmés par
Tàge sont dans un mouvement si vrai , me
rappelle la manière du vieux Houdon dans la
belle statue de Voltaire qui orne aujourd'hui
le péristyle du Théâtre-Français. »
MM. G. Laviron et Galbant, dans leur Salon
de (1 833), nous ont laissé les appréciations sui-
vantes sur divers sculpteurs de cette époque :
Chaponnière. — « Dans le buste du duc de
Nemours, de Chaponnière, je n'aime pas les
cheveux qui s'attachent aux tempes. Le reste
me semble irréprochable. »
David d'Angers. — « Les bustes admirables
de Bentham — et de Chateaubriand ne lais-
sent aucun doute sur sa puissance de modelé,
mais on pouvait ne pas deviner son aptitude
pour un art presque oublié depuis la Diane
de Jean Goujon.
i) Nous croyons devoir l'inviter publique-
ment à envoyer au Louvre ses statues de : —
Corneille, — de Jefferson — et du maréchal
Gouvion-Saint-Cyr; et les bustes nombreux
de ses ateliers : Paganini , — Boulay de la
Meurthe, — Georges Cuvier. »
48
4- 6 Histoire du Portrait.
Dantan. — « Il manque au buste de Pierre
Lescot, par Dantan, cette sincérité de carac-
tère des artistes du xvie siècle; la tète nous pa-
raît d'un modèle incertain et d'une touche
faible.
» Son buste de Victor Hugo est celui qui
nous semble le mieux rendu, même à côté de
celui de M. du Seigneur. »
Préault. — « M. Préault, dans son cadre de
médailles, nous semble avoir réussi, d'une
manière heureuse, à traiter cette sorte de
sculpture de fantaisie.
» Cet artiste est un débutant qui a de la
verve et un talent plein d'avenir. Le senti-
ment du relief est porté chez lui à un degré
qui atteste une bonne organisation. »
Du Seigneur. — « A mis à l'exposition un
buste du bibliophile Jacob, en (i 833). Le ca-
ractère de jeunesse qu'on y remarque con-
traste singulièrement avec l'âge de l'homme de
lettres, qui naguère a écrit sur tous les étalages
de libraires: EnijôS, quand j'étais jeune
» Évidemment le sculpteur ou le biblio-
phile a voulu tromper le public. »
Du Portrait dans la sculpture. 4.27
En (1834), P. Planche juge ainsi diverses
œuvres de David d'Angers.
— « Les bustes de Béranger, — Sieyès —
et Merlin me semblent, fort supérieurs au
Cuvier — et au Paganini. Mais le médaillon
de Casimir Périer peut se comparer aux
meilleurs portraits de David.
» Je retrouve bien dans cette figure la vo-
lonté supérieure à l'intelligence , la colère
contenue qui faisait le fond du caractère du
modèle, l'enchâssement de l'œil qui semble
regarder l'ennemi et mesurer le danger; le pli
des lèvres étroites et comprimées, signe mani-
feste d'un volonté opiniâtre qui s'irrite de
l'obstacle, mais ne s'en laisse pas abattre;
l'écartement maladif des ailes du nez, tout,
dans cette physionomie pensive et souffrante,
révèle le tumulte intérieur qui a dévoré, en
quelques mois, l'homme que la tribune avait
épargné pendant quinze ans. » •
G. Planche écrit de Jaley en (i836) :
« M. Jaley avait à faire, pour la Chambre
des députés, deux tableaux : Mirabeau — et
Bailly.
_/i',V Histoire du Portrait.
» Il s'est acquitté de ces deux statues
comme d'une tâche ordinaire, sans se préoc-
cuper de la grandeur des personnages, ni du
rôle qu'ils ont joué.
» Il a copié de son mieux le masque de Mi-
rabeau, moulé sur le cadavre, et, après avoir
joué cette besogne servile, il a cru bravement
qu'il avait satisfait à la partie la plus impé-
rieuse du programme.
» Il ignore apparemment que la mort affaisse
les traits les plus énergiques, et que le plâtre,
jeté sur un visage inanimé, ne recueille jamais
qu'une empreinte infidèle.
» S'il avait pris pour guide et pour conseil
le masque de Mirabeau; s'il avait réveillé les
lèvres engourdies; s'il avait rendu au regard
l'expression ironique, arrogante et libertine;
s'il avait gravé sur ce visage une effrayante
laideur, la menace et l'invective ;
» Je le féliciterais de ses études; mais il n'a
rien trouvé, rien compris dans ce masque hi-
deux jusqu'à la terreur; il n'a pas su inter-
préter la lettre qu'il avait sous les yeux, il n'a
pas ressuscité le monstre.
Du Portrait dans la sculpture. 42g
» Le Mirabeau de M. Jaley est tout simple-
ment un homme des Halles, fier de sa force et
de sa taille, comptant sur son poing comme
sur un argument sans réplique, habile à ter-
rasser son adversaire, quel qu'il soit, par un
coup bien asséné, mais incapable de recourir
à la parole pour vider une question.
» Dans la statue de M. Jaley, c'est à peine
si le libertin se retrouve, l'orateur a disparu
tout entier. »
Le même critique d'art écrit de divers
sculpteurs en (1846) :
Niewerkerke. — « Que dire du Descartes
de M. Niewerkerke?
» Il est difficile d'imaginer un ouvrage plus
vulgaire.
» Pour un sculpteur habile, en possession
d'une vraie science, c'eût été une occasion
éclatante de montrer toutes les ressources de
son talent.
» M. Niewerkerke, qui a débuté par des sta-
tuettes, ne s'est pas aperçu qu'il faut autre
chose que l'adresse pour exécuter des ligures
de six pieds.
_/.'>'o Histoire du Portrait.
» La statue équestre de Guillaume le Taci-
turne nous avait pleinement révélé son in-
suffisance. »
De Bay. — « La statue de Cambronne, de
M. de Bay, est une erreur que j'ai peine à
m'expliquer; de quelque côté, en effet, qu'on
regarde cette statue, il est impossible de trou-
ver un ensemble de lignes satisfaisant. »
Auguste Barre. — « Un buste de femme,
de M. Auguste Barre, offre des parties fine-
ment étudiées. Les yeux regardent bien, et les
lèvres ont de la souplesse. On voit que fauteur
s'est efforcé de reproduire, autant qu'il était en
lui, le modèle qu'il avait choisi. »
En (1847), G. Planche dit de Simart et de
Pradier :
Simart. — « Buste de Mme la comtesse d'A-
goult, par Simart; le masque est modelé avec
une remarquable fermeté: le front est d'une
belle forme, les yeux ont de la vivacité, la bou-
che est d'une expression sérieuse , les narines
minces, transparentes et dilatées, donnent à la
physionomie quelquechose d'idéal et d'exalté .»
Pradier. — ce Des trois bustes envoyés par
Du Portrait dans la sculpture. _/.>'/
M. Pradier, le meilleur, à mon avis, est celui
de M. Auber.
» La ressemblance est très satisfaisante, et
les différentes parties du visage sont étudiées
et rendues avec un soin qui, chez l'auteur,
n'est pas habituel.
» Il lui arrive rarement, en effet, de traiter la
tète avec autant d'attention et de persévérance
que le torse et les membres; pour le buste de
M. Aubert, il a donc dérogé à ses habitudes.
» L'œil et la bouche ont de la finesse, le front
pense, les plis des paupières sont indiques
avec précision^ et sans sécheresse. »
Un autre sculpteur, d'Orsay, est jugé fort
élogieusement par L. Enault, dans le Salon
de(i85i).
« — Tout à côté de la Liberté, et en face de
la République — heureux voisinage, — on
trouve le buste de M. de Lamartine, par
M. d'Orsay, l'artiste gentilhomme.
» M. de Lamartine s'était d'abord tenu à
l'écart dans un angle obscur, où l'on pouvait
à peine l'apercevoir, on l'en a tiré pour le
placer vis-à-vis de la République.
432
Histoire du Portrait.
» Ce buste a valu à son auteur le beau nom
de Phidias : — c"est M. de Lamartine qui le
lui a donné; le buste est une belle chose. La
physionomie aristocratique, hautaine et un peu
sèche du modèle, a été heureusement saisie.
» Une autre œuvre de M. d'Orsay, Lady
Blessington, révèle les qualités les plus char-
mantes du plus habile ciseau. C'est toute la
morbide\\a de la vie. Cette sculpture a la sua-
vité et la molle souplesse d'un dessin à l'es-
tompe, i
Nous arrêterons ici l'intervention des criti-
ques, contemporains de ces artistes que nous
n'avons pas connus, nous réservant de faire
nous-même, dans la conclusion de cette étude,
l'éloge et la critique des artistes de notre temps.
CONCLUSION
ous terminerons cet abrégé de
l'histoire du portrait par un
rapide aperçu sur les portrai-
tistes contemporains.
Ici se place, tout naturellement, une grave
question que nous ne craignons pas d'aborder
franchement.
Est-il utile pour l'histoire de parler des
contemporains? Nous répondrons : oui.
La plupart des historiens, il est vrai, ont
évité de parler, dans leurs récents écrits, des
artistes vivants. — Pourquoi ?
Est-ce qu'ils auraient voulu éviter de frois-
ser? Cela n'était à craindre que pour certains
434 Histoire du Portrait.
amours-propres peut-être mal placés. Lorsque
la critique est honnête, lorsqu'elle est basée
sur l'expérience et le savoir, elle rend un ser-
vice véritable aux travailleurs et aux artistes
en leur laissant une histoire critique des
œuvres d'artistes qu'ils n1ont pu connaître.
Il est souvent bien difficile de juger ces
œuvres quelques années après; souvent les
couches de vernis jaunissent; les couleurs,
parfois de mauvaise qualité, se décomposent,
changent et ne sauraient plus donner l'idée
première de l'œuvre.
N'est-il pas toujours intéressant de con-
naître l'accueil fait à ces œuvres par l'opinion
publique, et la critique elle-même n'est-elle
pas le reflet du goût du jour ; hélas ! qui pour-
rait nier le grand rôle que joue l'opinion
publique dans le faire, dans la composition et
dans la dimension des œuvres d'art ?
Nous croyons donc qu'il est nécessaire et
même indispensable de connaître le jugement
des contemporains, malgré la passion qui
peut l'entacher, et nous dirons plus, à cause
même de cet entraînement qui, venant du
Conclusion. _/3>5
public, passe aussi bien du public à l'artiste
que du public à l'écrivain.
Si la France actuelle ne compte pas, parmi
ses portraitistes, des artistes comme Rigaud,
comme Largillière, comme Houdon, comme
Caffieri et autres, elle a le bonheur de pouvoir
être fière des Dubois, des Bonnat, des Henner,
des Carolus Duran, des Carpeaux.
Les portraits de ces maîtres seront encore
plus appréciés, lorsque deux ou trois généra-
tions d'artistes auront remplacé celle qui
tient si haut le drapeau de l'art français. Ne
devons-nous pas être fiers à tous les titres
de posséder un artiste comme Dubois, dont
les portraits en peinture, en sculpture, sont
justement admirés ? Comment ne pas éprou-
ver un certain embarras lorsque l'on veut
porter un jugement sur ce maître contempo-
rain ? Quoi de plus charmant que le trouble
que nous causent les œuvres de cet artiste qui
n'a d'autre rival que lui-même?
Le maître en peinture, lorsque Ton est
devant ses toiles, vous fait oublier le sculp-
teur; le maître en sculpture sait faire, encore,
436 Histoire du Portrait.
qu'on ne se souvient plus du peintre que pour
se laisser empoigner, devant ses œuvres, par
une émotion déjà ressentie, mais qui ne sau-
rait être amoindrie.
Lorsque Dubois exposa le portrait de ses
enfants, au Salon de (1876), un cri d'admi-
ration ébranla les voûtes du Palais de l'Expo-
sition ; dans le public, ce fut surtout un cri
d'étonnement. Mais pour les artistes et pour
les véritables amateurs, l'admiration fut sans
réserve; on savait, depuis longtemps, que Du-
bois était un grand peintre et un portraitiste
hors ligne. Qui n'a pas remarqué ces char-
mantes têtes d'enfants, dont il nous a donné,
cette année même (1879), un des plus beaux
spécimens? Cette tête de face de petite fille est
un pur chef-d'œuvre. Portraitiste éminent,
l'artiste a su rendre cet air de candeur et
d'étonnement naïf qui appartient à l'inno-
cence ; et comme on peut lire profondément
dans ces beaux yeux d'enfants! quelle science,
quelle habileté dans les sacrifices nécessaires
pour donner à la physionomie cette expression
qui est la vie, et qui, elle-même, est le but
Conclusion. 43~
final ! qualité d'autant plus rare, dans un
peintre, que trop souvent elle fait défaut aux
portraitistes, et parfois aux plus grands.
Dans la sculpture de Dubois, on retrouve la
même dignité, le même calme, la même vérité.
Il a fait peu de portraits, mais ils se distin-
guent, tous, par les qualités que l'on demande
dans la représentation du visage humain.
Que Ton examine attentivement le buste en
bronze de M. Baudry, ou celui en terre cuite
de Mlle X... (1879), on retrouvera dans ces
deux œuvres les mêmes qualités : sous une
apparence d'un faire lâché existe une étude
excessivement vraie de la forme; le travail
de surface n'est fait que pour amener une
variété dans les effets, c'est-à-dire dans la
couleur. Il est facile alors de deviner le grand
peintre, en examinant les bustes de réminent
sculpteur.
Par des moyens tout autres, M. Bonnat
nous fait éprouver de grandes et sévères émo-
tions, — il sculpte ses portraits; nul n'a su
mieux que lui fixer, pour la postérité , la
vie intime des personnages qui, après avoir
438 Histoire du Portrait.
illustré leur époque, ont pensé qu'il serait
d'un haut intérêt de connaître leurs traits et
leur physionomie.
Il appartient à M. Bonnat d'avoir fixé à
tout jamais le caractère de ces têtes illustres ;
aussi nous saluons en lui le plus grand por-
traitiste de notre époque. Les portraits de
MM. Thiers, Hugo, de Broglie, de Lesseps,
de Grévy, de Mme Pasca, de Mme P. B.., de
MmeF. B..., deMmeP. G..., etc., font étinceler
les qualités du maître contemporain.
Devant ces œuvres magistrales, ne cher-
chons pas les qualités ou les défauts de la
peinture, abandonnons avec plaisir une éru-
dition dite technique aux saloniers d'un jour.
Voyons plus haut. Eh bien ! du fond de notre
âme, et c'est notre droit, nous avouons que
devant ces portraits nous ne nous appartenons
plus, nous oublions le peintre, car il nous
semble contempler une réalité, non pas cette
enveloppe matérielle qui varie et qui passe,
mais bien la réalité du génie.
M. Bonnat, et voilà son triomphe, sait
refléter dans son œuvre la personnalité idéale
Conclusion. ^Jq
du modèle qui a posé devant lui. Cela nous
suffit, et ne semble-t-il pas que ces quelques
moments nous ont plus appris de la vie et
des œuvres de ce modèle que toutes les bio-
graphies de la terre.
Dans son salon de (1866), M. E.About écri-
vait de Carolus Duran : « Décidément, c'est
un des plus forts de la génération nouvelle. «
M. About a bien dit, et Carolus Duran lui a
donné raison; c'est avec le plus grand plaisir
que nous constatons les immenses succès de
ce jeune portraitiste, dont les œuvres ont été
couronnées par la médaille d'honneur.
En (1 86g), Carolus Duran exposa le portrait
de sa femme, et ce fut certainement pour lui
le point de départ de ses plus sérieux succès.
Cette toile que nous avons revue l'année der-
nière, à l'Exposition universelle, quoique un
peu ternie, n'en a pas moins conservé toutes
les qualités que nous demandons au portrait.
Voici, du reste, l'opinion de M. Paul Mantz
sur cette œuvre du maître :
c< M. Carolus Duran a certainement un
meilleur pinceau que M. Giacometti, et plus
4^a Histoire du Portrait.
sérieux : il n'a pas moins de grâce. Qui au-
rait jamais cru que ce peintre, si violent à
ses origines et qui a même cherché la réalité
à la Courbet, en viendrait à croire au frou-
frou des robes de soie, aux mystérieuses poé-
sies d'un gant gris perle, aux chapeaux chi-
mériques de la bonne faiseuse ?
» Il nous montre tout cela dans le portrait
de Mme ***, une élégante vêtue de noir, dont
la silhouette allongée dans sa désinvolture
aristocratique se profile sur la sobriété d'un
fond gris...
» La robe est peinte à ravir; mais elle n'ar-
rête pas plus qu'il ne convient l'œil du spec-
tateur, et rien ne l'empêche d'examiner, à
loisir, la tête pu éclate l'individualité du mo-
dèle, et les yeux surtout qui sont pleins d'élo-
quence.
» Dans son charme victorieux, ce portrait
est grave et devra rester : c'est une note dans
l'histoire de l'idéal féminin. » {Ga\ette des
Beaux- Arts, 1869.)
Ce portrait n'est cependant que le prélude
de la vie artistique de Carolus Duran. Cette
Conclusion. 441
toile sera bientôt dépassée par le portrait
de Mme Feydeau, qui figurera au Salon de
(1870). Dans cette œuvre, l'artiste devient
beaucoup plus coloriste et enrichit les arts
par un des plus beaux portraits de l'École
moderne.
M. René Menard, dans son Salon de (1870),
s'exprime ainsi :
« Parmi les succès de cette année, il en est
un auquel nous applaudissons sans réserve :
c'est celui de M. Carolus Duran. Tout le
monde a apprécié le beau portrait de femme
en robe noire que cet artiste avait envoyé au
dernier Salon. Cette année il a fait un pas en
avant, et son portrait de femme est vraiment
magistral. Elle est debout, vêtue d'une longue
robe de satin mauve, aux plis largement bri-
sés, qui laisse voir par le bas une jupe bleu
clair. Elle entr'ouvre en souriant une portière
de velours vert qui fait le fond de la toile.
» Une étonnante puissance d'aspect, une
touche presque brutale en certaines parties,
une facture large et facile, tout contribue à
donner à cette peinture un air de franchise et
44- Histoire du Portrait.
de sincérité qui plaît dès le premier abord,
mais c'est plus qu'un simple aspect, et l'exa-
men, loin de diminuer le plaisir du premier
moment, révèle les qualités qu'on n'avait pas
vues, en arrivant, dans l'ajustement, dans le
mouvement des mains, dans les rubans, dans
les manches ornées de dentelles. Mais, avant
tout, c'est une peinture vivante, compréhen-
sible, éclatante et d'une grande liberté d'exé-
cution. »
Carolus Duran a apporté, dans ses bustes,
ces mêmes qualités qui ont fait sa grande ré-
putation en peinture, — ce faire large et coloré
qui donne la vie, — pourquoi n-a-t-il pas
continué à faire de la sculpture, ces deux arts
ne se complètent-ils pas ?
M. Victor Cherbuliez, dans son Salon de
(1872), s'exprime ainsi sur Carolus Duran :
<( Dans une salle du fond, on trouve deux
portraits de femmes en grande toilette qui ne
sont ni moins entourés ni moins discutés que
celui de M. Thiers ; impossible de passer
devant sans s'arrêter; c'est un ensorcellement.
On prétend que l'auteur de ces portraits,
Conclusion. 443
M. Carolus Duran, s'est plaint que le jury
l'avait mal placé ; ce sont bien plutôt ses voi-
sins qu'il faut plaindre. Voilà un morceau de
la plus grande vigueur de couleur, disait Di-
derot, en parlant de je ne sais quelle peinture ;
il tue cinquante tableaux autour de lui. Les
portraits de M. Carolus Duran sont de force
à en tuer soixante. »
Jules Claretie émettait cette opinion sur
l'envoi de Carolus Duran au Salon de (1873):
« A cheval, en costume d'amazone, MlleCroi-
zette se tient droite, souriante, coiffée d'un
petit chapeau d'où descend, en flottant, un
voile léger que le vent caresse. Le cheval,
dressant la tête, semble respirer comme en
liberté les senteurs marines.
» On a reproché à M. Carolus Duran
d'avoir peint Mlle Croizette à cheval, dans les
proportions que Vélasquez donne à ses in-
fantes ; mais l'artiste, libre au surplus de
choisir la dimension de ses toiles, vous ré-
pondra qu'il n'a pas fait simplement le por-
trait de Mllc Croizette et que sa toile a pour
titre : Au bord de la mer.
444 Histoire du Portrait.
» Il est voulu aussi le portrait de Jacques X,
qui restera dans l'oeuvre de Carolus Duran,
sous le nom de l'Enfant bleu. Gainsborough
et le Blue-Boy ont piqué au jeu le portraitiste
contemporain. Il a enlevé sur fond bleu et
fait marcher sur un tapis bleu ce petit gar-
çon blond, aux lèvres de cerises, qui s'avance
et vous regarde de ses yeux profondément
vivants : c'est un tour de force que cette pein-
ture. »
A l'occasion des portraits de ses enfants et
de Mme de Pourtalès, Jules Claretie écrivait
dans son Salon de (1874) :
« Jamais couleur ne fut plus solide et plus
saine. Est-il possible de signer un meilleur
portrait d'enfant, Marie-Anne-Carolus Duran,
qui, debout, sourit et regarde étrangement
devant elle avec ses deux grands yeux noirs
et profonds.
» C'est encore dans une gamme volontai-
rement assombrie que Carolus Duran a voulu
peindre Mme la comtesse de Pourtalès...
» Les mains sont adorables, effilées, aristo-
cratiques, et tout ici nous peint une femme
Conclusion. 445
de haute race et de haute vie. M. Carolus
Duran a personnifié là les élégances modernes
et le ton spécial des mondaines de ces dernières
années. »
Nous ne pouvons omettre une appréciation
bien originale sur Carolus Duran. Qu'on en
juge :
« Depuis quelques années, les portraits de
Carolus Duran sont une des attractions du
Salon ; je ne dirai pas qu'il est le portraitiste
à la mode, ce serait mal caractériser son
genre, mais il a tout à fait rallié cette partie
du public mondain qui se pique de s'y con-
naître, et qui voit en lui non pas un de ces
artistes honorables, réguliers, exacts, sûrs
d'eux, sans frémissement et sans fièvre, comme
le furent autrefois Dubufe, Pérignon et Win-
terhalter, mais un Velasquez au petit pied, à
la brosse hardie, à la palette brillante et de
haut ragoût, au dessin vigoureux et franc, à la
conception audacieuse et originale ; avoir
son portrait signé de la main de Carolus, c'est
un brevet de connaisseur. Des personnes qui
sont dans le mouvement ne sauraient manquer
446 Histoire du Portrait.
à ce devoir, et je n'ai qu'à citer le nom de deux
ou trois de ses modèles pour bien faire com-
prendre la nuance. C'est du parisien le plus
pur et le plus décidé. Il est bien évident pour
tous ceux qui sont nourris dans le sérail que
Mme Rattazzi, Mme Ernest Feydeau, Mlle Croi-
zette et Mme de Pourtalès ne font pas faire leurs
robes chez Mme Barenne. »
Ainsi parle M. Charles Yriarte.
Nous avons voulu laisser à cet élégant écri-
vain, à cet artiste délicat, parfait gentleman
et connaissant bien la mode, le soin de parler
de notre ami Carolus Duran, ce qui nous
met à l'abri de tout reproche de partialité.
Nous ne pouvons oublier dans cette étude
les portraits de M. Emile de Girardin et de
Mme la comtesse Vandal, la perle de l'œuvre
de Carolus Duran.
Ce fut à l'occasion de la toile de M. Emile de
Girardin, que Ch. Yriarte trouva le moyen
de nous donner une théorie piquante sur le
portrait et la manière de faire un portrait.
La théorie est toute une histoire, ce qui
ajoute à son charme.
Conclusion.
447
« Un jour que M. le chevalier Nigra posait
chez un de nos plus grands artistes de ce
temps-ci, nous lisions à côté du peintre;
comme il reproduisait la main et, selon nous,
la faisait un peu lourde, nous lui en fîmes
doucement la remarque : « Ce n'est pas la
» main du diplomate, répondit Ricard, c'est
» la main du simple soldat qui a porté le
» mousquet à Novare. »
» Voilà l'excès ! » dit M. Yriarte. — (Cela
n'est pas notre avis, car on peut avoir la main
d'un soldat et la physionomie d'un diplomate.
C'est la vie intime qu'il faut rendre sur la
face.)
Vous pensez bien qu'un sourire vint effleu-
rer nos lèvres et qu'une expression d'étonne-
ment se peignit sur le front de l'ambassadeur.
Mais cependant il faut pénétrer sous la chair,
c'est la gloire d'un portraitiste de peindre les
sphinx et de dire l'âme du modèle, et tout
portrait, qui ne me fera pas comprendre la
personnalité sous le masque, ne m'apportera
qu'une enveloppe d'une ressemblance approxi-
mative ; la foule pourra s'extasier, mais je
448 Histoire du Portrait.
dirai, toujours, qu'il manque à l'oeuvre un
reflet sacré qui me révèle chez le peintre un
haut esprit et un don de pénétration.
Le portrait de M. de Girardin a été dis-
cuté, et nous ajouterons qu'il est discutable;
— il contient en lui-même une partie des qua-
lités de Carolus Duran, — mais il contient
aussi tous ses défauts.
Il n'en est pas de même du portrait de
Mme la comtesse Vandal ; ce portrait possède
toutes les qualités de l'artiste, qualités qui
n'ont laissé aucune place aux défauts, étant
elles-mêmes tellement complètes, tellement
agrandies, qu'elles embrassent toute la toile;
c'est une œuvre digne des plus grands peintres.
Reynolds a dû venir lui-même mettre sa boule
blanche dans l'urne de la médaille d'hon-
neur.
Le prince de la critique artistique, Saint-
Victor, complétera cet aperçu sur Carolus
Duran. — Le critique et le maître sont dignes
l'un de l'autre :
« Le portrait de Mme la vicomtesse V...,
exposé par M. Carolus Duran, ne serait pas
Conclusion.
449
déplacé dans une galerie royale, entre une
princesse de Van Dyck et une grande dame de
Reynolds.
» Mme V. est représentée en pied et debout,
ajustant, comme au sortir d'un bal, un grand
manteau fourré sur sa robe de satin blanc,
agrémentée de riches garnitures. Nous aimons
dans les portraits ces simples mouvements
qui animent le modèle et le mettent légère-
ment en action. L'attitude est d'une haute
élégance; la tète offre un noble mélange de
douceur et de dignité.
» Elle est peinte en clair, librement et ré-
solument, avec une verve adoucie, bien autre-
ment séduisante que l'entrain bruyant, qu'on
a pu souvent reprocher à d'autres figures de
l'artiste. On ne saurait trop louer sa personna-
lité expressive, ses carnations lumineuses, le
faire soyeux et soufflé de ses cheveux d'un
roux vénitien, la sérénité distraite du regard,
la souplesse délicate des mains et le naturel
de leur geste.
» L'ajustement est d'un goût suprême; le
manteau glisse sur l'épaule et lestons sombres
5i
45o Histoire du Portrait.
de ses fourrures font triomphalement ressortir
les clairs étincelants de la robe. Cette robe,
merveilleusement ouvragée, et dont le corsage
a le doux éclat d'un écrin de perles, s'achève,
comme il sied à une fin de tableau, avec une
heureuse négligence. L'étoffe se tait où il faut
et quand son rendu détaillé n'aurait plus de
sens. — En vérité, ce grand morceau est un
vrai chef-d'œuvre. L'artiste qui l'a signé peut
avoir ses inégalités et ses défaillances, être
violent et même vulgaire à ses heures.
» Une pareille peinture affirme sa qualité,
jusqu'à présent discutée, de maître, et cet
illustre brevet ne lui sera plus retiré. »
Lorsque M. Guillaume exposa en plâtre le
buste de Msr Darboy, l'œuvre du maître fut
déclarée superbe, pleine de vérité et de dis-
tinction.
« Il y a tout dans cette tête, dit M. Clare-
tie, il y a la vie, la pensée, la profondeur,
le calme. On a pu dire que ce marbre est à la
fois net et serré de près comme un Holbein
et caressé comme un Léonard. »
Bien peu de sculpteurs, à notre avis, pos-
Conclusion. a£j
sèdent autant que M. Guillaume les qualités
du portraitiste ; tout en lui appelait cet illustre
maître vers l'art du portrait. N'avait-il pas
pour auxiliaires sa nature froide, mais pleine
de distinction, un œil fin et observateur, une
haute et savante intelligence ?
Notre regret sera toujours que M. Guillaume
nous ait donné trop peu de portraits.
M. Henner nous a donné des portraits mar-
qués au sceau de son génie ; nous nous sou-
venons d'un portrait de femme qui fit grande
sensation au Salon de (1874). — Elle est bien
simple la mise de cette femme, habillée de
noir et tenant un parapluie à la main ! Mais
lorsqu'on s'approche, attiré par ces yeux bleus,
on se sent tout troublé ; on redoute d'être in-
discret en fixant cette figure qui semble si
vivante.
Du reste, voici l'opinion de M. Claretie sur
deux portraits exposés par Henner au Salon
de (i8y5) :
« M. Henner montre de grandes qualités
de dessinateur et de coloriste. Dans la tête de
femme, qu'il appelle portrait de Mmc H...,
^52 Histoire du Portrait.
je ne sais rien de supérieur à cette étude ser-
rée de près, à ce mélancolique visage, où se
lisent toutes les pensées d'une vie droite et
sans amertume; belle encore, malgré son
âge, cette Mmc Herzog, en ses vêtements de
deuil, se détachant en noir sur un fond rouge,
grave comme une poésie, doucement attristée,
qui cause en quelque sorte une double émo-
tion, Témotion artistique et l'émotion hu-
maine.
» C'est que M. Henner ne se contente pas
dans ses portraits de peindre des vêtements,
l'extérieur, l'allure apparente d'un person-
nage; il descend plus avant en lui, il l'inter-
roge et le devine. Il met de la pensée dans ses
prunelles. Henner peint le regard et il peint
l'àme. »
S'il nous fallait parler de tous ces magni-
fiques bustes signés Chapn, nous serions, peut-
être, contraint de donner un second volume à
cet ouvrage, qui n'a d'autre prétention que
d'exposer la marche historique du portrait
en France. Chapu est le portraitiste des pas-
sions calmes, des hommes calmes, dans l'his-
Conclusion. 453
toire, dans la politique, dans les arts et dans
les lettres. Les bustes de Vitet, de Montalem-
bert, de Duchàtel; les statues de Berryer, de
Schneider, etc. , resteront à tout jamais célèbres
par la dignité, le calme rendu par l'artiste ;
le faire est simple et précieux tout à la fois.
C'est l'œuvre d'un peintre et d'un sculpteur
tout ensemble.
Nous ne saurions omettre, dans cette étude,
le peintre des jolies femmes et des plus élé-
gantes. De nos jours, Chaplin, le plus français
des peintres français (bien qu'il soit Anglais
par la faute de notre administration), a fait
à lui seul plus de portraits que tous nos
artistes contemporains réunis.
Il est essentiellement le peintre de la femme,
mais seulement de la jolie femme. Nul peintre
ne saurait rendre comme lui ce duvet si léger
qui caresse la joue de la jeune fille, cette car-
nation rosée où se joue la lumière : peintre
délicat, dessinateur fin et correct, Chaplin sait
donner à tous ses modèles une distinction
native qui, par cela même, élève cet artiste au
plus haut sommet dans l'art du portrait. Cet
454 Histoire du Portrait.
artiste n'est pas Watteau, il n'est pas Boucher
il n'est pas un peintre du xvine siècle, mai'
héritier de tous ces artistes, il est Chaplin, lj
peintre des jolies femmes du xixe siècle. Voil.
sa gloire, et nous le félicitons de tout cœiii
de cette originalité qui le classe, seul, au-
dessus de tous.
« Baudry, dit M. Paul Mantz, a trouvé en
M. Garnier son modèle idéal. Il a admirable-
ment compris cette physionomie vivante qui
n'est peut-être pas conforme au canon de Po-
lyclète, mais où les yeux parlent autant que
les lèvres, où l'on sent les rayons d'une intel-
ligence éternellement active et l'éloquence
charmante de l'esprit. »
M. Baudry n'est portraitiste que par hasard,
que par occasion. Son talent demande une plus
grande surface que ne saurait lui offrir une toile
de portrait, et, cependant, on pourrait croire
qu'il cherche parfois de préférence les petits
panneaux, car nous nous souvenons d'un ado-
rable portrait de M . About, dont la facture toute
spéciale était du xvie siècle, dans le genre de
l'École allemande. Il est naturel que M. Bau-
Conclusion. 4SS
dry réussisse dans le portrait. Quand on pos-
sède un talent aussi remarquable, les œuvres
sont nécessairement marquées au cachet de
la suprême distinction.
L'Ecole française contemporaine a donné
une quantité innombrable de portraits, et les
artistes de nos jours ont parfois excellé dans
ce genre de peinture.
Qui n'a pas admiré les portraits de Blan-
chard,— de Bouguereau, — de Jules Lefebvre,
— de Cabanel, — un des maîtres de la géné-
ration nouvelle, et que l'ingratitude de ses
contemporains commence déjà à attrister.
Maître! laissez passer le courant de révo-
lution artistique qui trouble à cette heure
toutes les têtes ! Quand l'école de demain aura
prouvé son impuissance , son ignorance ,
quand la triste expérience aura démontré qu'il
ne suffit pas de copier, brutalement, un mo-
dèle avec de beaux accessoires pour être un
portraitiste , alors viendra votre triomphe !
Lorsque nos petits-neveux voudront revivre
dans le passé et rechercher le talent dans les
œuvres de notre époque, ils sauront bien vous
456 Histoire du Portrait.
rendre justice et reconnaître le grand talent
du maître qui nous a donné ces beaux por-
traits répandus dans le monde entier !
M. Bastien Lepage est un jeune peintre de
beaucoup de talent. Nous allons citer un pas-
sage de M. Jules Claretie sur l'envoi de cet
artiste au Salon de (1875). Mais nous ne crai-
gnons pas, à rencontre de M. Claretie, de
souhaiter à M. Bastien Lepage la distinction
qui caractérise les œuvres de son maître.
Que Ton choisisse ses modèles dans les salons
ou dans les champs, il y a toujours moyen
de prendre le grand côté de la nature. M. Jules
Breton nous en donne la preuve, et, cependant,
il ne se sert pas de Tappuie-tête moral, dont
parle M. Claretie.
La valeur de M. Claretie, comme critique
d'art, est grande, nous le reconnaissons avec
plaisir ; aussi devrait-il toujours se garder de
montrer, parfois même, un grain de partialité
dans ses jugements.
Nous avons largement emprunté à M. Jules
Claretie, pour la partie contemporaine de notre
travail, lui prouvant ainsi la valeur que nous
Conclusion. ^.^y
attachons à son appréciation ; nous avons
certainement une grande admiration pour
M. Bastien Lepage, mais nous maintenons
que les types pris dans la nature ont besoin
d'être choisis, et que les figures de M. Bastien
Lepage ont besoin d'être éclairées moralement
et physiquement.
« M. Bastien Lepage, dit M. Claretie, qui
obtient avec un portrait un des succès du
Salon, a évidemment peint ses figures en
plein air. Il procède un peu, comme jadis
M. Jules Breton, par les contours d'abord
tracés et qu'il remplit ensuite de teintes pres-
que plates...
» On ne devinerait jamais que M. Bas-
tien Lepage est un élève de Cabanel. Son
portrait de M. Hayem est vivant. La pose,
l'air satisfait, les mains, le sourire, sont
autant de choses tout à fait remarquables. Et
puis cet homme n'a pas l'air apprêté, il ne
pose point.
» Les photographes ont inventé l'appuie-
tête, qui donne tant de raideur aux malheu-
reux modèles, mais certains peintres ont un
52
458
Histoire du Portrait.
appuie-tête moral qui enlève toute physio-
nomie, tout naturel à ceux dont ils font le
portrait. »
M. Bastien Lepage a fait depuis cette époque
plusieurs portraits, — celui de son frère, celui
de son père et de sa mère.
« Tu m'as fait mon père des dimanches, et
» je voulais mon père de tous les jours! »
s'écriait Diderot, voulant indiquer par là
qu'on doit peindre un homme tel qu'il est,
sans façon, dans l'état habituel de ses mou-
vements et de sa vie. » (Salon de 1875. —
Jules Claretie.)
Nous sommes convaincu que ce jeune
artiste deviendra célèbre, mais du jour où
il saura éclairer ses modèles qui sont tous
éclairés en lanterne et souvent aplatis sur le
fond qui plombe sur eux.
Henri Regnault, — un autre jeune, — hélas !
fauché trop tôt ! — se laissait aller, aussi, à
toute la vigueur de son tempérament; mais
comme il est fier et grand dans sa peinture,
dans son geste ; comme on est impressionné
devant ce magnifique portrait du maréchal
Conclusion. ^0q
Prim, comme on est séduit devant le petit
portrait de la baronne!
Regnault était un grand artiste et serait
certainement devenu un grand portraitiste.
La preuve, nous Pavons eue sous les yeux,
par ces croquis qu'il faisait de nous, pendant
les loisirs de notre vie des camps. Salut,
pauvre cher camarade, dont nous avons eu
le bonheur de serrer la main, sur le champ de
bataille de Buzenval, quelques minutes avant
ta mort !
Mlle Nely Jacquemart a droit à notre admi-
ration, car elle a marqué un progrès dans la
marche de notre art français, par son talent
ferme et sérieux.
Qui n'a pas encore présent à la mémoire
ces magnifiques portraits de M. Duruy, du
général Palikao, de M. de Wendel, de M. Be-
noit-Champy?
« Le reproche qu'on pourrait faire au por-
trait de M. Thiers, dit M. Cherbuliez dans
son Salon de (1872), c'est que Faction ne s'y
fait pas assez sentir, ou, si vous l'aimez mieux,
que la lanterne n'est pas suffisamment éclai-
460 Histoire du Portrait.
rée ; il y a quelque incertitude dans l'inten-
tion, et, en peinture, l'intention n'a de valeur
que lorsqu'elle s'accuse avec la fermeté d'un
parti-pris.
» Cela tient peut-être à ce que ce portrait
a été commencé en (1870) à la place Saint-
Georges et terminé en (1872) à Versailles.
» Beaucoup de gens disent en le regardant :
Voilà donc l'homme le plus malin de France ?
Qui s'en douterait ? »
M. Claretie n'est pas plus aimable pour
Mlle Jacquemart dans son Salon de (1873) :
« Mlle Jacquemart envoie cette année le
portrait de M. Dufaure, ministre de la Jus-
tice. « Quoi ! c'est là l'homme qui fait de si
» beaux discours ? » s'écriait, derrière moi, une
dame, effrayée de l'air maussade qu'a M. Du-
faure sur la toile de Mlle Jacquemart. C'est
plutôt un portrait historique qu'une peinture
excellente que Mlle Nélie Jacquemart a si-
gné là. »
Lorque nous avons revu les portraits de
M. Duruy et du maréchal Canrobert, à
l'Exposition universelle , nous avons été
Conclusion. 46 /
frappé des réelles qualités que Ton trouve
dans ces deux toiles. Ces peintures suffiraient
à elles seules à faire la réputation de Mllc Jac-
quemart, si son talent n'était pas déjà consa-
cré depuis longtemps.
M. Élie Delauney nous a donné de bons
portraits, solidement peints et d'une grande
vérité d'expression. Dans le portrait de
M. Legouvé se trouvent toutes les qualités
du peintre.
« La figure énergique et nettement découpée
de M. Legouvé convenait bien, dit M. Cla-
retie, à la manière nette et précise de M. De-
launey.
» On avait le portrait parlant, celui-ci est
le portrait conférenciant . M. Élie Delauney,
esprit sérieux, sincère, chercheur, a conservé,
par ces deux peintures, la place élevée que lui
a assignée le suffrage des artistes depuis long-
temps. »
M. Delaunay a exposé Tannée dernière le
portrait de Mme Bazin, femme du sympathique
compositeur, mort en (1877). Ce portrait
est tellement vrai que l'on se sentait le cœur
462 Histoire du Portrait.
tout attristé ; on prenait ainsi part à la peine
de la pauvre veuve.
Nous ne pouvons citer en détail tous nos
artistes portraitistes; nous ne pouvons don-
ner la nomenclature de toutes ces œuvres,
de toutes ces toiles vues hier, souvent signées
de noms brillants.
Qui ne connaît les œuvres de Jalabert, —
de Giacomelli, — de Mme de Chatillon; —
qui ne connaît Jean-Paul Laurens, auteur
de son propre portrait; — M. Renard, qui
a obtenu un si grand succès, avec le por-
trait de sa grand'mère, fait à la manière de
Denner?
Qui n'a pas remarqué les toiles de.Cot et
de Jacquet, auteurs des portraits de si jeunes
et de si jolies femmes?
Et Ferdinand Gaillard, ce peintre graveur
qui nous a donné les portraits de Pie IX et
du comte de Chambord.
Paul Mantz disait de cet artiste dans le
Salon de (1872) :
« Un intérêt de premier ordre s'attache
aux portraits de M. Ferdinand Gaillard.
Conclusion. ^//.y
» Voilà quelques années que cet artiste
chercheur nous montre des œuvres, dont la
singularité prodigieuse doit effrayer les âmes
tranquilles... Dans le portrait de*Mme **\ la
suppression de l'idéal y est systématique et
absolue. Fantaisiste acharné, M. Gaillard
cherche le surnaturel. Dans une œuvre pa-
reille, qui aurait étonné les Italiens, mais que
comprendrait Holbein et qui ferait rêver
Albert Durer, il ne reste rien que la réalité
avec ses flétrissures, ses misères, ses inexpri-
mables finesses, et les enivrantes séductions
du vrai. Mme *** n'est ni jeune ni belle : elle
n'a pas même le caractère énigmatique que la
nature donne à ses créatures préférées ou
maudites : la vulgarité est son domaine, le
nombre des livres qu'elle n'a pas lus est con-
sidérable ; c'est une bourgeoise qui n'a rien
d'excessif et que nous ne regarderions pas, si
elle passait près de nous dans la rue.
» Mais l'art est une grande chose, et la
patience aussi. Avec un acharnement qui res-
semble à de la monomanie, mais qui doit
inspirer à tous un respect singulier, M. Gail-
4<)4 Histoire du Portrait.
lard a peint les rides du front vieillissant, le
cheveu sans sève qui est roux aujourd'hui et
qui sera gris la saison prochaine, les sourcils
éraillés, les fauves transparences de l'œil
vivant, les lèvres décolorées et exsangues,
toutes les choses malheureuses et si profon-
dément touchantes qui constituent la person-
nalité du type choisi.
» Mais ces détails accumulés sont des
chiffres, dont l'addition donne un total par-
faitement harmonieux, un ensemble plein
d'unité et où la vie se résume avec une
intensité prodigieuse. »
La sculpture française contemporaine a
marqué sa place par des œuvres tout aussi
remarquables que celles de la peinture. Tout
le monde a encore présent à la mémoire les
bustes de Cobden, de Rembrandt, de Lefuel,de
l'abbé Deguerry, de M§r Darboy, par Oliva.
Cet artiste a largement contribué à restau-
rer l'art du portrait dans la statuaire fran-
çaise ; honneur au vieux maître ! honneur à
l'artiste qui nous a donné le magnifique Rem-
brandt du Luxembourg!
Conclusion. 46a
Iselin et Crauk se sont disputés avec Oliva
les palmes du succès depuis vingt ans.
Iselin avec les bustes de l'Empereur et de
M. de Morny; Crauk, avec les bustes ou
les statues des maréchaux Niel, Malakorf,
Mac-Mahon. Le buste de la fille du maréchal
Pélissier n'est-il pas une merveille?
Hiolle, — Préault, — Millet, — Le Bourg,
— Carrier - Belleuse, — ont fait de beaux por-
traits. A Franceschi appartiennent les bustes
de jeunes filles, car personne ne sait rendre
mieux que lui la jeunesse et l'innocence.
Presque tous ces bustes ont comme un parfum
du xvine siècle, une touche parfois ravissante.
Carpeaux, lui, est le sculpteur de la pensée
violente, de l'action énergique et des surexci-
tations de la vie. Les bustes de Carpeaux sont
bien mouvementés; les tètes sont fines et bien
modelées; les accessoires, lâchés et négligés
avec science, font valoir les physionomies.
Tels sont les bustes de Dumas, de Gounod,
de Gérôme, de Jules Favre, de Garnier et
ceux des princesses Mathilde et de Mouchy,
de Mlle Fiocre, etc.
53
4'>h Histoire du Portrait. — Conclusion.
Carpeaux a été un des grands portraitistes
de notre époque.
Ici se termine notre étude sur les contem-
porains, elle nous amène tout naturellement à
cette conclusion : L'art du portrait, en France,
n'a pas été amoindri dans ces dernières
années.
Cet art a même progressé, et, de nos jours,
les vaillants champions, les jeunes vétérans
de l'art du portrait, forment toute une armée
qui assure, pour bien longtemps, la renom-
mée de TÉcole française.
Il y aura de beaux jours encore pour Tart
français, qui reste, comme dans le passé :
l'École de la nature dirigée par la pensée.
TABLE DES CHAPITRES
Lettre-préface d'Henri Martin, membre de l'Académie
Française vu
Introduction
PREMIERE PARTIE
DU PORTRAIT DANS LA PEINTURE ET DANS LES ARTS
qui s'y RATTACHENT
I Des qualités nécessaires dans le Portrait. ... 3
II Du Portrait dans les Manuscrits [g
III Du Portrait dans l'Émaillerie 47
IV Du Portrait dans les Vitraux 67
V Du Portrait dans les Broderies et les Tapisseries. Si
VI Du Portrait dans les Dessins, les Pastels et les
Miniatures 97
VII Du Portrait dans la Gravure 141
VIII Du Portrait dans la Peinture 16g
4<>\
Table des chapitres.
DEUXIEME PARTIE
du portrait dans la sculpture et dans ifs arts
qui s'y rattachent
I Du Portrait dans la Numismatique 269
II Du Portrait dans la Glyptique 291
III Du Portrait dans les Sceaux et Cachets 3oi
IV Du Portrait dans l'Orfèvrerie 3o5
V Du Portrait dans la Céroplastique 33q
VI Du Portrait dans la Sculpture sur bois 347
VII Du Portrait dans la Sculpture sur ivoire 36 1
VIII Du Portrait dans la Sculpture 371
Conclusion 433
TABLE
Des noms propres cités dans VHistoire du Portrait
Abbon 3 1 3
Abelard 42
About (EdmoncP 242-251-266-313-439-442-454
Achéry (d') 312-348
Adélaïde (Mme) 139-214
Adam, peintre 112
Adam (de Nancy) 405-412-416
Adrien i3q
Adrien IeP, pape 20
Agoult (Comtesse d') 43o
Aguii.lon de Droues 3j8
Ai. aman 1 Henri et Jehan) 378
Alaric . ■ 20
Albret iDuc d' 180
Alcuin 26
Aldegrever (Henri), graveur 144
Alençon ^Catherine d'i 389
Alexandre VII 182
_/jo Histoire du Portrait.
Alger (Jean d'), graveur 145
Alix (Jean), graveur 1 54
Aux (fille de Robert III) 3o3
Allegrain, sculpteur 416
Alphonse (François) 1 65
Amboise (Cardinal d') 388
Ambroise (Saint) 3ii
Amiens 878
Amy (Président) 1 35
Amyot (Jacques) 5j
André (Pierre), miniaturiste 38
Andrien Beauneveu, miniaturiste 39
Andrieu, graveur . 288
Andrieu d'Averton 384
Androuet du Cerceau 98
Angelelme de Norwège 86
Anglebert (Jean-Henri d'), intendant 1 85
Anglas (Boissy d') 211
Angilbert (Abbé) 26-3 11
Angoulème (Duc d') 1 25- 1 82-1 38-235-387
Angrand Leprince, verrier 78
Anguier (François), sculpteur 396
Anguier (Michel), sculpteur 369-396
Anjou (Duc d') 121
Anne d'Autriche 1 56-i83-394~3g5
Anne de Bretagne 342
Ansgarde (D') 3 1 5
Anthony (Mme) 218
Antin (Duc d') 401
Antoine 281
Arago 245
Arco (Comtesse d') 121
Arlan (Antoine), émailleur 96
Arles 374
Table des noms propres. 4.-1
Arétin (Pierre) , , ,
Argenville (d'), historien 193-394-402-406-408
Armagnac (Jacques d') j -2
Arnoullet (B.l, imprimeur 14.5
Arnulph de Camptraing. miniaturiste 38
Arrode (Guillaume), orfèvre 32-
Artois (Comte d') 125-225-418
ASSEZAT 419-422-439
Assise (François d') 5o
Athènes 362
Auber _pi
Aubert (Henri) 14g
Aubin (Saint-) 163-164
Aubry, miniaturiste 128-121)
Auch 3y3
Audran (Gérard), graveur 162
Audran (Benoit), graveur 1 85
Auffroy (Robert \ orfèvre 327
Auguste (L'empereur) 29.7
Augustin, miniaturiste 00-129-1 3o-i 3 1 — 1 J2-1 35
Autun 3y3
Avignon 374
Avesnes (Gauthier d"i 304
B
Babou (Philibert), administ. de la tapiss. de Fontaineb. g 1
Bacciochi (Princesse) 218
Bachelier, sculpteur 139-387
Bachaumont 11 I-Ild
Bachot (Jacques), sculpteur 387
Baerze (Jacques de), sculpteur 349
Bailleur (Louis de) io5-i6o
4"j2 Histoire du Portrait.
Bailly 210-211-283-287-427
Bain (Pierre), orfèvre 337
Ballin (Claude), orfèvre 337
Balbiani (Valentine) 3g2
Baldinus (Cl.), graveur 145
Baléchou (J.-J-), graveur 164
Balthazar Phelypeaux 184
Bannel (Ge'néral de brigade) 408
Bar (Duchesse de) 149
Barbier (L'abbé) 219
Barbier de Metz 399
Barbeau 3g3
Barclay (Jean) i53
Barère i25-i38
Barillon io5
Barnave 217
Barra 207-210
Barre (Auguste), sculpteur 288-430
Barres (Pierre des), orfèvre 32b
Barrot (Odilon) 244
Bartelini - 408
Barth (Jean), chef d'escadre 409
Bartholoni, sculpteur 249
Basile (Le Macédonien) 3 1 1
Bastien Lepage, peintre 456-457-458
Bataille (Colin), tapissier 87
Baudry, peintre 437-454
Bay (de), sculpteur 43o
Bayard 4°9
Bazin (Mme) 461
Beaubrun, peintre 63
Beaudelaire 255
Beaufort (De) 1 3g
Beauharnais (A. de) 1 38
Table des noms propres. _/-','
Beaulaigne Barthélémy \±n
Beauvarlet (Jacques-Firmini, graveur 164
Beaugrand (Jehan), graveur iS0
Beauvais 3-, 3
Beck, peintre t, .
Béguin ^x ,
Belet (Jean) 35
Belin (Sire de| 384
Bellangé io3
Belléau (René) [^q
Belleyme (de) 245
Bellièvre ^de) i55
Benoist (Antoine) 344
Benoit-Champy 45y
Bentham 425
Bentivoglio, Cardinal i53
Béranger 427
Berengère (La reine) 383
Berghem (Nicolas), peintre 409
Béringar, miniaturiste 3o
Beringhen (Henri, marquis de) 184
Berneval (Alexandre de), architecte 38o
Bernadotte 212
Bernard 170
Bernard (L'abbé de Quincy) 170
Bernard de Foix 1 83
Bernard de Saint-Omer, miniaturiste 3g
Bernard (Roger) 304
Bernard (Saint) 211
Bernard (Samuel) 161
Bernelin, chanoine 3i3
Bernuin de Sens 3 1 3
Berri (Duc de) 424
Berri (Duchesse de) 123-132-172-21 5-235
54
4~4 Histoire du Portrait.
Berruer 416
Berryer 453
Berthe (Reinei 82
Berthier (Alexandre) 230-409
Bertin aîné 242-248-249-250-251-253-254-257
Bertin (Nicolas) 204
Bertout, peintre 93
Bertrand 218
Bertrand le Berger, miniaturiste 42
Berule (Cardinal de) 396
Bervic (Ch.), graveur 164
Besançon (Pierre de) 32Ô
Biard, peintre 2*3
Bignon (L'abbé) 405
Billon (F. de) 145
Biniel (Jacob) 179
Birague (Chancelier de) 282-392
Blaise 412
Blanc (Charles). . 172-174-181-186-189-192-195-200-203-
244-246-247-2 5o-3o2-32 1
Blanc (Louis) 246
Blanchard, peintre 455
Blanche de Castille 72
Blanche de Navarre 273
Blanc-Mantel , verrier 77
Blanquart de Soissons, verrier 75
Blessington (Lady) 432
Blond (Jehan Le), graveur 154
BOCCACE 41
Bochart de Saron io5
Bochet 249
Boissière (M110 de la) ni
Boissière (Jean Leroy de la) 149
Boissy-d'Anglas 211
Table des noms propres. _/ t5
Boissy (Deï 44
Boizot 411-413-4111
RONAPARTE (ConSLll) 2.i(l
Bonaparte (Jérôme) . .' -Vï
Bonaparte (Prince Louisi a35
Bon-Boui.ogne 14
Bonchamp (Marquis de) 220-221
BONIFACK VIII 2)3
Bonnassieux, sculpteur xxv
Bonn at, peintre 42 7-4 3: 1-43 S
Bonnetot (Jehan) 327
Bonneville (Etienne de), architecte 377
Bontemps, chimiste 71)
Bornier (Mme) 219
Bosio, historien ig
Bosio, sculpteur 400-412
Bosse (Ahraham), graveur 1 52
Bossuet [6i-i8i-i83-i88-i 97-201-401
BOSSUET [83-201
Boterie (Pierre de), sculpteur 327
Bottari, historien 10
Boucaut 400
Boucher (Mme) 1 1 1
Boucher-Desnoyers 164
Boucher (François 1 22-1 62-206-207-454
Boucher (Alexandre) 220
Boucherot (Le chevalier) |<>i
Bougainville 409
Bouguereau, peintre 4^3
Bougron 411-412
Bouhier (Marie) 4°°
Bouillon (Gérard de) 98
Bouillon (Duc de) io4
Bouillon (Cardinal de) 180-401
476 Histoire du Portrait.
Bouillon (Jeune, duc de) io5
Boulanger, graveur i 54
Boulay de la Meurthe (Jean1! 425
BOULAY DE LA MeURTHE 42 5
Bourbon (Reine-Jeanne de) 98
Bourbon (Henri-Jules de) 1 83
Bourbon (Jeanne de) 325
Bourbon (Louis de), abbé de Saint-Denis 1 33
Bourbon (Henri, prince de Condé) 396
Bourdichon (Jehan), peintre 43-1 71-172,
Bourdon (Sébastien) 409
BOURQUELOT iyi
Bouvet (Jean) 409
Boven, graveur xvm
Boyvin (René) 148
Boze (Joseph) 1 37
Bra, sculpteur 411-424
Brach (Pierre de) 149
Bragelonne (Marie de) io5
Brantôme 175
Bréal d'Evreux, verrier 77
Brebiette (Pierre) i52
Brehant (Mme de» 210
Brenet, graveur 94-288
Breinville (Isabeau de) 384
Bretagne (Anne de) 274-330-388-389
Bretagne (Jean) 389
Brétich (de la) 123
Breton (Jules), peintre 456-457
Brezé (Louis de) 385
Briçonnet (Robert) 281
Bridan 416
Bridon fils, sculpteur 413-409
Bridon père, sculpteur 41 3
Table des noms propres. 4--
Brinvilliers (Marquise de) 107
Brion 411-413
Brionne (Comte de) 204
Brionne (Comtesse de) 414-417
Briot, graveur 1 5o
Briot (François), orfèvre '333
Brisacier (Guillaume del 180
Brisetout, verrier 76
Brissac 181
Broglie (De) 438
Brongniard (M"e) ^28
Brogniart 78
Brou 173
Brouard (Etienne), brodeur 84
Brucourt (Jacqueline de) 385
Brulard, marquis de Silley 100
Brun (Le) 192-369
Brunetto 34
Brunswick (Duc de) xxi
Buade-Frontenac (H. Marie de) 1 5 3
Buon (Gabriel), éditeur 148
Bullant (Jean), architecte 95
Buzenval (Hir de) i36
c
Cabanel, peintre 455-457
Cabochet 219
Cadillac 92
Caffieri .... xxiii-4 10-41 3-41 5-4 16-4 18-4 19-42 2 -43 5
Calcas (Jean de), graveur : 144
Caillouette 4 1 3
Callamvrt 41'
4j8 Histoire du Portrait.
Callot (Jacques) i5i-i52-i5g
Caligula 247
Calvim 281
Cambronne 4.3o
CaMBACÉRÈS 2 12
Cange (Du) 365
CANOVA 225
Canrobert (Maréchal) 460
Capet Hugues 357
Cardens Charlotte 285
Cari. oman 3o6
Carloman 272
Carl Vanloo 207
Carolus Duran . 435-439-440-442-443-444-445-446-448
Caron (Antoine), graveur 102-149
Carpeaux, sculpteur xxm-435-465
Carrache 226
Carré (Pierre) i83
Carrel (Armand) 245
Carrier-Belleuse, sculpteur 465
Cars (L.|, graveur 1 19-162
Cartelier 230-407
Casanova 2o3
Castagnary xxv
Gastelnau (Marquis de) i55
Cathelineau 220-221
Catherine de Russie 204
Catherine de Courtenay 3o3
Catinat (Maréchal) 404
Caumont (de) 38o-384
Cavaignac 235
Cavalier (J.), verrier 369
Cavelier, statuaire xxiv
Caylus iComte de) 417
Table des noms propres. jjq
Cellini 3i5-335-340
César xiv
César (Julesi 277
Chabannes (Maréchal de) 44
Chaber 286
Chabot (Amiral de) 3go-3gi
Chabot (Henri de) 496
Chabouillet 274
Chaliek 286
Challe , 416-417
Chambes (Hélène de) 390
Chambord (Comte de) 462
Champagne (Henri de) \ . . . 321-327
Champagne (Blanche dei 38q
Champagne (Philippe de) 63- 1 53- 1 80-400
Champagne (Comte de) 382
Champdeuil 35o
Champfleury 179-180
Chanteloup 182
Chapelain io5
Chapelle (Pierre) 182-202*326
Chapellu (Pierre), graveur 32b
Chaplin, peintre 433-434
Chaponnière 423
chaptal 2jo
Chapu, sculpteur xxiv-452
Chardin, peintre 64-111-114-115-119-193
Chardin 19J
Charibert ou Aribert (Roi de France) 354
Charlemagne 29-277-293-310-311-356
Charles 273-281-302
Charles II ag2-356
Charles III 272
Charles IV 358
480 Histoire du Portrait.
Charles V (j8-293-2<j4-324-325-358-366
Charles VI 4i-2<j4-325-358
Charles VII 142-172-358
Charles VIII 274-332-358-386
Charles IX . 102-103-17J-1 77-1 78-277-278-333-342-359
Charles X 129-225-230
Charles-Quint 342-273-277-291
Charles Le Chauve 24-98-312
Charles le Gros 356
Charles le Mauvais de Navarre 389
Charles le Téméraire 329
Charles le Simple 3 1 5-356
Charleval 182
Charlotte Corday 286
Chartres 373
Chartres (Duc de) 2o5-2i8
Charlier 287
Chateaubriand 220-231-425
Chatillon (Jean de) 304
Châtre (de la Gasparde) 396
Chaudet, peintre i3i
Chaune (Duc de'1 401
Chaussard 129
Chauvet 1 31-409
Chelles (Jean de), architecte 377
Chenesson (Antoine), verrier 76
Chenier (Marie-Joseph) 211-419
Cherbuliez (Victor) 442-459
Cherebert 271
Childebert 376
Childebert II 272
Childebert III 355
Childebert VI 354
Childéric II 355
Table des noms propres. ^,V/
Childéric III 353
Chilpéric Ier 271-354
Chilpéric II ... 272-355
Choffard (Pierre-Ph. graveur [63
Chorolais (M110 de) ,,„,
Christian IV ^.o5
Christine de Bavière i,,o
Cinq-Mars 379-1 79
Cisternay du Fay Charles-J erome dei 1G1
Clairon (M"e) 414
Claretie (Jules) . . 443-444-450-45 1-456-457-458-400-41)1
Claude 277
Claude Haligre 278
Claude (Maître), verrier 78
CLAUx^de Fribourgi 324
Claux Leloup, verrier 75
Clémence (de Hongrie) 32Ô
Clément de Chartres, verrier 72
Clément V 170
Clermont 374
Clermont (Comte d'Amboise) 210
Clermont-Tonnerre (Comte de) 1 38
Clermont-Tonnerre (Maréchal de) 418
Clève (Vani, sculpteur 121
Clodion, sculpteur 423
Clodomir 371')
Clotaire 271-470
Clotaire Ie1' 354
Clotaire II jbb
Clotaire III 355
Clotilde, reine 37 5
Clouet 158-175-178
Clouet (François) 99-100-173-174-177
Clouet (Jean) 17?- 176-417
55
482 Histoire du Portrait.
Clovis I01' 271
Clovis II 271-272-355
Clovis III : 355
Clovis V 354
Cluny 35o-366-368
ClSlONE 364
COBDEN 464
Cochi.n tils, graveur 119-163-164-247
Cochin 1 Charles-Nicolas), graveur i63
Coeffeteau (Nicolas), évèque 101
CoiTELLIER 41 3
Colard, enlumineur 41
COLBERT (J.-B.) 396
COLBERT 33-398-40I-402-405-409
Colbert (Edouard), marquis de Seignelay 1S4
Colbert [Nicolas), évêque d'Auxerre i83
Colbert, marquis de Villacerf. 184
Collet, peintre gb
Coldoré, graveur 295
Colin de Lafontaine, peintre 39
Coligny (Amiral de) 94-282-409
COLLOT D'HERBOIS 125
Colart de Laon, peintre 39-171
Colombe (Michel), sculpteur 173-329-385-389
Comtois (Pierre; 336
Commines (Philippe de) 388
Collange (Gabriel de). . 148
Constantin (Porphyrogénète! 3o8
Constantin ^Mm0'i 2i9-3o5
Constance 3o5-3o6
Condorcet 216-285
Condamine (De la) 111-419
Condé (Prince de) 394-398-399-401-403-410
Conti (Prince de) io3
Table des noms propres. _/_s;i
Conti (Princesse de) ;,;,,
Copin de Gant, peintre _.<)
Copin, peintre i - ,
Cormont (Thomas de), architecte 376-417
CORBET ^()(|
CORBEIL 3y5
Cordav (Charlotte) 285
Corneille (Thomasl 410-425
Corneille (Pierre) 1 34
Corneille (Michel) 202
Cornu (Jean), sculpteur 36q
Coste (Jean), peintre i-[
Cot, peintre 4,62
Cotte (Robert de\ architecte 121
Courbe i25
Courbet, peintre 241-265-266-440
Court (Jean de), émailleur 5g
COUTHON |25
Courtois (Pierre) 336
Coursube (Le roi) 41
Cousin (Jean), peintre et sculpteur .... 146-390-391-392
Cousinet (René) 33-
Coustou, sculpteur 96-403-405-416
Coustou (Nicolas), sculpteur 403-404
Coustou (Guillaume), sculpteur 405
Couture, peintre 241
Corte (Jean) 171
Coypel (Antoine', peintre 106-162
Coysevox, sculpteur. . . 96-309-309-400-401 -402-403-41 2
Cranack 1 44
Crauk, sculpteur xxv-465
Crébillon 1 12-407-414
Créquy (Maréchal de' 4o5
Créquy (François-Emmanuel de Bounne dei i85
484 Histoire du Portrait.
Croisette (Jean de), tapissier 88
Croizette (Mlle) 448-446
Crozatier 162
Crevel (Jacques) 202
CURMER 25
Cuvier (Georges) 425-427
Cyran (Abbé de Saint-) 101
CZARTORISKI 348
D
Dagobert Ier 38-272-355-375
Dagobert III 355
Dambail (Marquis d') 116
Damet (Renaut) 53
Damet (Guillaumel 277-278
Dampierre (A.-C.-H. Picot de) 285
Dampierre (Gay de) 314
Dangeau 337
Dantan, sculpteur 426
Danton 211
Darboy (Mpr) 450-464
Darcel 52-53
DARCET 225
Dardel 411
Daret (Pierre), graveur 2 52
Darru 233
Daruk 320
Daumas 41 3
Daulle, graveur 1 85
Dauphin (Le) 184-189-418-424
David (Emeric 70
David 1 24-1 3q-2 10-2 1 1-2 12-226-230-243-245
Table des noms propres. #85
David (De Paris), verrier 7 5
David d'Angers, sculpteur xxm-41 1-425-427
David Le Marchand (69
Deraq 411
Débonnaire iLouis le^ 3 ri
Decaze (Duc de' 1 36
Delorme (A.) [25
DeCOTTE 121
Delaborde (Vicomte H.i. 1 56- 168- 196- 199-209-2 10-2 12-
224-226-228-233-234-244-245-246-257-3 1 3-329-334
Delacroix (Eugènel 2 3 2-2 58-2 5<i
Delafosse 162
Delaistre 411-41 3
Delaudin d'Aigaliers 14g
Delaunay lElie\ peintre 461
Delaunay (Jean), imagier 33j
Delaune (Etienne^, graveur 14S
Delescluze 241-254-260
Delessert (Gabriel' 236-238-448
Delaroche 247
Default ; 33 1
Dejout 416-499
Delorme (Philibert 9'-'4^
Delorme (A.) 125
Deguerry (Abbé 4'»i
Demétrius 292
Demidoff (Prince deï 1 36
Desmaisons 210
Denizot (De Troyes) 378
Denner, peintre !" 462
Denon i32-23o
Denisot 4°"
Denys (Saint) 3i8-3iy
Descartes (René) 400-42M
486 Histoire du Portrait.
Deschauffour, sculpteur 35 1
Desmaisons 210
Desmarets (Nicolasi i85
Desportes (Philippe), poète 3g3
Despréaux (Boileau) 182-398
Diane (De Poitiers) 56
Diderot. . 1 09- 1 1 7-1 19- 12 8-207-208-407-4 14-4 15-41 6-4 17-
4 1 8-41 9-420-42 1 -422-443-458
Didot (F.) 143-145-146-150-1 57-1 58-163- 167-1 68
Didier 3io
Didron 79
Dieudonné 243
Dihl 79
Diom (Chrysostome) xiv
Dominiquin (Le) 395
domitien 59-297
Dormane (Jean de), évèque 384
Doublet (Jacques), historien 82
Dreux (Yolande de) 304
Dreux (Alfred de) 304
Drevet (Pierre-Imbert) 161
Drevet (Claude) 161
Drevet (Pierre), graveur 16 1-20 1
Drevet (Les) i63
Drevet 1 85
Dyck (Van) . . xv-150-151-166-189-193-194-195-200-202-
225-253
Drouais, peintre 116-207
Drouin (De Nantes) 378
Drouot 237
Droz, graveur 288
Dubois (Paul), sculpteur et peintre. . . xxiv-43 5-436-437
Du Bourg, tapissier 92
Dubufe, peintre 203-415-444
Table des noms propres. _/,V-
Duchange ^Gaspard;, graveur 162
Duchatei. (Ct0) ^y\
Duclos (La) 102
DUFAURE 4t')0
Duflos (Claudel [85
DUFRESNOY 182
DUKRESNE ^Mmc) 2IQ
DUMAREST 284
DUiMAREST 284 288
DUGUESCLIN ()4
Dumas (fils, Alexandre) 4o5
DUMON 41(1
Dumont (Le Romain) 121-412-409-411
Dumonstier (Daniel) 1 5 3- 1 75
Dumesnil 'Debrugei '. 297
DUMOURIER 2*4
DUMOURIER ^G.-F.l 284
Duperac (Etienne) <j5
DUPATY 412
Dupin 236-238
Duponchel, sculpteur 3Ô2
Dupont (Henriquel) 165-248
Dupont de l'Eure 244-245
Dupré, graveur 280-287-289
Dupuy (Jacques" 104
Dupuy (Pierre) 104
Dupuy (Général] 411
Duplessis Georges) 1 -4 3 - 1 1 > 7
Durer (Albert) ■ 144-166-463
Duroc 233
Duruy 4511-460
Duval 125
Duval (Amaury) 125-260
Duvet (Jean), graveur >4S
488 Histoire du Portrait.
Duvivier (Benjamin) 283
Duvivier (Denis) 420
Duquesne 411
Duvivier, graveur 288
E
Ëberard (De Fouilloy) 376
Edelinck. (G.), graveur 137-1 59-185-184-201
Egmont (Juste d') 64
Elisabeth de France 207
Elisabeth d'Autriche 99"I77~I7^
Elisabeth d'Angleterre 296
Elliot (Le général) 411
Enault (Louis) 43 1
Enguerrand, architecte 376
Érasme 144
Ebrard 101
Ermold le Noir 22
Espagne (J.-L.cT) 411
Este (Anne d) 5j
Este (Cardinal d') 182
Esterhasy (Princesse d') 206-214
Estouville (Guillaume d') 281
Estrék (Gabrielle d') 102-149-335
Etienne IV 3 10-4 11
Étioles (Jeanne-Antoine-Poissons d), (la Pompadour) 207
Eudes (Roi de France). 356
Eudes de Montreuil, architecte 377
Eudoxie 3o6-365
Eugène IV 3 18
Eusèbe 3o5
Ëvreux (Pierre d') 389
Table des noms propres. js,,
ÉVERARD (Cte]
F
210
F'abre d'Eglantine
Falconet 415-416
Falguière, sculpteur xxx
Farlure [25
Fauveau (Mlle de). . 244
Favart (Pierre), graveur I(>3
Fayre (Jules) 41,5
Félibien 325
Félix d'Anceurre, orfèvre 326
Ferdinand.
277
Fernel (Jean) 287
Ferronnière (La belle) 223
Fessaro 4 1 3
Feuillet de Couches xiv-.\\-\\\
Feydeau (Mme) 441-441")
Ficquet (Etienne, graveur 1 63
Finiguerra, graveur 141
Fiocre (Mile) 465
Fitz-James 1 3 5
Flandrin (Hippolytel 260-261-262-263-264-265
Fleuranges (maréchal de) 44
Fleury (Jehan) 326
Florentin ;de Saint- 2o5
Foix (Général) 411
Fontami 21g
Fontanges 181
Fontenay (Julien de) 2g5
Fontaine (La) 201
Fores ri (Jacques, graveur 144
56
4qo Histoire du Portrait.
Fornazezis (Jacques de), graveur i5o
Fortin 409
Foucquet (Jean), miniaturiste 43-98-171-175
Fould 2 36
Foulques (V. 71
Foulques 3 1 5
Fouilly (De) 377
Fouilloy (Evrard de) 384
Foyatier, sculpteur 412
Franceschi, sculpteur xxv-465
François 416
François Ier . 99-145-149-1 73-1 74-1 75-1 77-270-274-276-
294-299-330-331-342-388-391
Franconi 239
François II 177-386-388
François d'Orléans 171
François de Troyes 189
Fragonard, peintre 1 2 3
Franklin 419
Frédegonde J79
Frédéric V 206
Fremin René 11 1
Freminet Martin 3p3
Freteau 1 38
Froissart 325
Fulchin (Cyprien), brodeur 84
Furetière (De) io5
Furstemberg (Prince de) 402
G
Galba 297
Galant (Jehan) 332
Table des noms propres. _/.(/ 1
Gaillard 462-463
Galbout 239-245-425
Gailhabaud îù?
Gainsborough 444
Galimard 240-246
Galitzin (Princesse) 214
Gall (Abbaye de Saint- $ 1
Galles (Prince de) 20?
Galloche 20?
Ganière, graveur 1 5 4
Gargoulle (Guillaumel 327
Garnier. architecte 43g
Gaston de France 3g6
Gatteaux, graveur 288-412-413
Gaucher (Etienne), graveur iG3
Gaultier Léonard, graveur 14X
Gausmar (Abbé de Savigny) 3it">
Gauthier (Théophilei 252-261
Gauthier de Coinsy 34
Gauthier la Chapelle 21g
Gauthier d'Avesnes 304
Gauthhr Léonard 1 5o
Gayrard, graveur 287
Gazeau (J.) 145
Gellone 2 5
Gendre Jacques 386
Gêniez (De Saint- 202
Geneviève (Sainte) '>s
Gensonné 208
Geoffroy, e'vêque d'Auxerre 3 1 7
Geoffroy d'Eu 377-384
gérarde gassinel 41
GÉRARD 2l6-223-224-225-226-227-228-229-
230-234-257-258
4Q2 Histoire du Portrait.
Gerbin 41 5
GÉRKNTE(Henri|, verrier 97
Geret, sculpteur 36q
Gericault 165-218-242-243
Germain (Pierre) 337
Gervais (Abbé) 3 19
Germain Thomas 338
Gérome, peintre 465
Gesvres (Marquis de) 397
Geyrard, graveur 288
Ghiberthi, sculpteur 339
GlACOMOTTI 462-436
Gieffroy de Mantes, orfèvre : 32b
Gillain, peintre 116
Gilles, abbé de Saint-Denis 323
Giotto, sculpteur 170
Girait d'Orléans 171
Girard Débonnaire 337
Girard de la Chapelle, verrier 75
Girardin (Emile de) 446-448
Girardon (François), sculpteur. . 95-1 12-162-369398-399
Girard le Nogat, verrier 76
Girardon, sculpteur 121-398-399-490
GlRODET 220-22I-222-223-230-23 1-232
Giroust Marie-Suzanne (Roslin) 121
Gobelins 85-92
godefroy de bouillon 1 7 i
godefroy 125
Godefroy (Th.) 33o
Goire (Amaury de), tapissier 87
Gois 145-418
Goltzius, graveur 145
Concourt (De) 110-123
Gondescalc 26
Table des noms propres. 403
Gonzague (Louis-Marie de 64
Gori 365
GouNon _j.(>5
Goujon (Jean) 98-368-390-400-425
Gouvion Saint-Cyr 2111-41 [-42S
Gou y ^Elisabeth de) ki5
Graffigny (Mme de) 2o5
Granthomme (Jacques), graveur 1 5o
Grateloup (J.-B.), graveur i63
Grault 24<i
Gravet (Jean), orfèvre 336
Gravelot na
Grégoire 210
Grégoire III, pape 20
Grégoire de Tours 20
Grégoire XVI 24S
Grenoble (Jacquet de) 3o3
Gresset 2o5
Gretry 421
Greuze 1 23-200-207-209-2 1 3-2 18
Greuze (Mme) 208
Grévy 483
Gros (Baron) 94-125-229-230-231-232-233-41 1
Guay (Le), graveur 296
Guerchin 411
Guérin (Jean), miniaturiste .... 1 38-1 39-230-234-235-
399-400-41 1
Guérin (Pierre) 258-400
Guersault 105-41 1
Guiard (Mme), miniaturiste . 139-140
Guiche (Duchesse de) 2 1 5
Guillain (Simon) 394-395
Guillaume, statuaire xxiv-45o-45i
Guillaume, orfèvre 170-281-323
4g4 Histoire du Portrait.
Guillaume, fils de Hugues 383
Guillaume, évêque de Nîmes 170
Guillaume Çanonce, verrier 75
Guillaume Damet 277
Guillaume de Bailly, peintre en miniature 39
Guillaume Delanoë, verrier 76
Guillaume de Brisacier 184
Guillaume de Francheville, verrier 75
Guillaume de Gradville, verrier 76
Guillaume Gargoulle 327
Guillaume et Jean Barbe, verriers 76
Guillaume le Taciturne 43o
Guillaume le Conquérant 82-317
Guillermin (J.-B.\ sculpteur 36q
Guillon Philippe 400
Guise ^Duchesse de) 57
Guise (Duc de) 281-342
Guizot xxvi-2 18-222-224-23 1-248
Guizot (MmC) 244
Gutenberg 141
Guy de Dampmartin 3 77
Guyeti Luazar, brodeur 84
Guyeti Barthélémy, brodeur 84
Guy le Maçon 377
H
Haligre (Claude) 21 8-33 1
Hamilton (Lady) . 21 3
Hancy (Du), sculpteur 35 1
Hannequin du Vivier, orfèvre 327
Harcourt (Armande de Lorraine d') 1 83
Harcourt (Comte d') 180-407
Table des noms propres. 4g5
Harlay (Président de) 402
Harmon (Les), seigneurs de Champigny 385
Haussonville (d') 2411
Haye (René de la) 33t>
Hayem 457
Haynion 3a
Hébert Roland, archevêque 1 54
Hébert, peintre 2Ô5
Heldric (Abbéi 3-2
Hélène (Sainte) 3<*>2
Héloise 42
Helst [Van der) 193
Héman (Pierre), orfèvre 336
Henner, peintre 435-451-452
Hennequin Moulone, verrier y5
Henri 1 38
Henri 1 3 12
Henri II. . . 102-103-177-178-270-277-278-279-332-333-
381-382-392
Henri III io3- 177-278-334-342-392
Henri IV. . . 102-106-143-144-150-179-1(39-279-275-334-
335-393
Henri de Lorraine 180-387-402
Henri II de Joinville 287
Henri de Malines, verrier 75
Henriquel Dupont, graveur 164
Henry 327
Herbault (Marquis d') 161
Herbert, moine '7°
Herculanum 67
Héribrand (Abbé de Tury) '7°
Herivée , archevêque de Reims 3i5
Herouard i5a
Herol (Legendre) 4ia
tf.g6 Histoire du Portrait.
Hervé vM»,0i . . . 244
Herzog (Mme) • . . 452
Hesselin 397
Hildegarde (La reino 26
Hincmar (L'archevêque) 3i2
Hiolle, sculpteur 4b5
HlPPOCRATE XIII
Hoche (Général) 411
Hocquart (Mme) 210
Hodin, miniaturiste 3(j
Hoisson (Guillaume), lapidaire 2q5
Holbein (Hans . . xv-144-166-175-182-249-253-450-463
Hollande (Roi de; i32
Homère xm
Honorius 309
Honragin (Alexis' 214
Hortense (Reine) i32
Hospital ^Chancelier de 1') 147-400
Houcel : 417
Houdon 419-420-423-435
Hubert, miniaturiste 3q
Huberti (Mme de Saint-) 344
Huet (Guillaume) 327
Huez (d') 41 5-4 19-4 18
Hugo (Victor) 426-438
Hugues de Sienne 181
Hugues de Lusignan 3o3
Humbaud. évêque 169
Hurault, vicomte de Chiverny 282
Huret (Grégoire), graveur Ô4
Husse (Jehan) 327
Table des noms propres. aqj
Ingobert, miniaturiste 30
Ingres iM1»0) 249
Ingres. 245-249-250-25 1 -2 52-2 53-2 54-2 55-2 56-2 57-262-263
Innocent X [gj
Isaac (Jaspar), graveur 1 5 I
Isabeau de Bavière ai
ISABEY 123-128-133-223-228
Iselin, sculpteur \w-4t0
Jabach 3(|-
Jacob 426
JACQUEMART (Nélic) 459-460-461
Jàcquemin dit Gringonneur, miniaturiste 38
Jacques 4Û2
Jacques II 192
Jacques V (.43
Jacques Cœur 41
Jacques Gendre 386
Jacques des Stalles 378
Jacquet, peintre 4''2
Jacquet (Les frères), sculpteurs 35 1
Jacquevrart, miniaturiste 3g
Jafferson 42 5
Jaillot iSimoni, sculpteur 36g
Jai 1 3o-234-i 37-232-245-1 34-424-1 29
Jalabert 4' '-
Jaley 429-427
4g8 Histoire du Portrait.
Janet 17(5
Jayet 38(»
Janson 40?
Jean d'Alger 145
Jean d'Amboise, miniaturiste 42
Jean Coste, miniaturiste 38
Jean de Beaume, verrier. -5
Jean de Berry 172-366
Jean de Blois, peintre 171
Jean de Bruges, miniaturiste 39
Jean de Chartres 377
Jean de Chelles 377
Jean Delaunay 377
Jean de France 3o3
Jean Gossard, miniaturiste 43
Jean de Liège 377
Jean de Montmartre, miniaturiste 39
Jean le Normand, verrier 76
Jean de Pozay, miniaturiste 43
Jean Riveron, miniaturiste 43
Jean de Roubaix 304
Jean de Saint-Romain 377
Jean de Vitry 386
Jean sans Peur 389
Jean, fils de saint Louis 377
Jeanne d'Albret 279
Jeanne d'Arc 59
Jeanne de Navarre 3o2
Jeanne de Bourgogne 3o2
Jeanne d'Auvergne 366
Jean 3o2
Jeanrot (Etienne) 208
Jehan Alaman 378
Jehan Juste 386
Table des noms propres. _/_t,it
Jehan de Montreux 32t'(
Jehan Picquignv, orfèvre ;..-
Jehan de Saint-Eloy, peintre ,-i
Jehan Simon, verrier
Jehan de Toul. orfèvre :,
Jehan de Vertas --
Jeuffroy, graveur 2S8
Jey 236
Jolain, graveur i 5^
Josbert, moine 3 16
Josèphe 172
Joséphine (Impe'ratrice) 218-225-232-42J
Joubert (Général) 411
JOUFFROY 287-288-296
JOURDAN 264
JOUVENET <>3-4 I I
Jouy (De) 236-424
Jubinal (Achille) 90
Judith 3 1 3
Julien 416
Just (Saint-) 125-2 11
Justinien 307
K
Kem.ermann (Duc de Valmy] 411
Kensington 57
Ki.ebert 138-41 !
Kourakin (Le prince '. 12g
5 oo Histoire du Portrait.
LABADYE 123
Labarte (Jules) XXV-49-278-30G-3 36
Labbé, historien 8G
Laborde (Léon de) 174-366-368
LACAZE 123
Lacordaire, historien 85
Lacroix, ivoirier 3jo
Lacroix (Paul) xxv
Lafayette 1 38-283
Lafontaine, peintre 171 -201
Lagneau ou Lanneau xvii- 106
Laharpe 411
Laideguive 112
Lalande 41g
Lalèvre (Thibault), verrier 77
Lamartine 431-432
Lamballe (Princesse de) 284
Lambert 204
Lambert, sculpteur 34g
Lambert (Hélène) 192
Lambesc (Princesse de) 204
Lambinet 3 1 3
Lamennais (De) 235-244
Lameth (Les frères) 1 38
Lamothe-Levayer (De) io5- 1 55
Lange (MUc). . ' 221
Langlois, historien 67
Laon 374
Larcher (Michel) i5e
Largillière 161-190-191-192-193-200-235-433
Table des noms propres. 5o /
Larrey 12 I
Lasne (Michel), graveur ,53
Lassalle 2:
9~230-233-4 1 2
LASTEYRIE iDl' 2 5-So
Latouche-Trévillk iVice-amiral _^ t ■_>
Latour io5-io8-i 16-1 18-120-1 39-207-417
Laudin Jacques) 5q-6o
Laudin (Nicolas) 5-
Laudin (Noël), émailleur 5«
Laure ] - !
Laurens (J.-Paul) ^t',2
Lauriston (Maréchal de) ^12
Lautrec (De) ^
Laviron 239-245-425
Lavallière [Ml,e de) t"i_j.
Lavoisier(M. et Mme) 210
Lebec (Simonnet) .\>-
Leblanc (L'abbé) 1 1 ô
Le Blond (Jean), graveur 1 54
Leblont (Pierre), orfèvre 326
Le Bourg, sculpteur xxv-465
Le Bouthillier (V.) io5
Lebraellier (Jehan), orfèvre 326
Lebret de la Briffe (Mme) i<)5
Lebreton 225
Le Brun 98-107-120-3MS-401-41 2
Leclerc (Maréchal; 412
Le Comte 416
Le Corrège 3<)3
Lecouvreur (Adriennei [6i
Lecoueteux (Mmc) 210
Leczinska (Marie) 101-1 11-403
Lefebvre vClaude), peintre 1 57-1 86-1 87-1 89-400
Lefebvre (Jules), peintre 455
502 Histoire du Portrait.
Lefi.ameng (Gui-), miniaturiste 44
Lefuel, architecte 464
Legangneur (Guillaume), graveur i5o
Legaré (Gédéon), orfèvre 336
Legaré (Gilles), orfèvre 337
Legaré (Laurent), orfèvre 336
Legendre (Roberte) 390
Legouvé 461
Legrand (Comte) 23o-23i
Lehongre (Etienne) 397
Le Long (Le père) 167
Lemaire 400
Lemercier (Jacques), architecte 98
Lemoiturier (Antoine) '. . . . 386
Lemoque 162
Lemot (Baron) 409
Lemoyne(J. -Louis), sculp. 1 12- 140- 162-205-407-408-4 14-41 5
Lenain, peintre 179
Le Nôtre (André), architecte 93
Léonard 45o
Lenfant (Jean), graveur xvm-i6o-i83
Lenoir (Alexandre) 287-369
Lenôtre 402
Léon III. pape 20009
Léon X 173
Lepelletier de Saint-Fargeau 285
Lepelletier ^Claude), président à mortier 1 85
Lepèrf. (Jean), fondeur 275
Lerambert (Louis), sculpteur 91-397
Leroy (De la Boissière Jehan) 149
Lescot, orfèvre 337
Lescot (Pierre), sculpteur 95-351-426
Lesdiguières (Le duc de). i85-20i
Lesseps (F. de) 438
Table des noms propres. So >'
Lesueuk [Eustache] 95-412
Letellier (Maurice), archevêque [84
Lethierk 1 65
Leu (Thomas de), graveur 14S-1S1
Levaii.lant, dessinateur wn
Levasseur (Jacques;, graveur [48-149-331
Levieil, historien 67
Levieux 400
Levy, historien 68
Leyde (Oscar de) 14b
Liancourt 285
Libergiers (Hues), architecte 376-379
Lichtemon, peintre 171
Liénard 287
Ligdamis (Le roi) 102
Ligny (Dominique de) io5
Lille (Simon de), orfèvre 32b
Lille (Jehan) 32b
Limbourg (Paul de), peintre miniaturiste 3<j-i~2
Limoges 374
Limosin (Léonard Ie1'1 55
Limosin (François II) b?
Lithuard, miniaturiste 3i
Litz (Frantz) 244
Liuthard, miniaturiste 3o
Live (De la) 4'7
Lobau (Maréchal) 412
Loir (Alexis), orfèvre 337
Loisonnier. sculpteur 33 1
Longueville (Duc de) 100
Loret (Jean) »o5
Lorin de Chartres, verrier 79
Lorme (Philibert de) 3g3
Loroux 7'
So./. Histoire du Portrait.
Lorrain (Claude) 4°(J
Lothaire 272
Loudun (Eugène) 240
Louis-Charles (Duc de Normandie) 283
Louis d'Orléans 41
Louis le Débonnaire 2720 1 0-356
Louis de France (Louis XVT 1 1 1
Louis le Hutin .' 32b
Louis le Jeune 320
Louis de Flandre 3o4
Louis d'Outre-mer 356
Louise de Savoie 82-274
Louise de Lorraine io3
Louis-Philippe 127-1 3o-235-288
Louis Ier 272-312
Louis II 356
Louis ou Loys III 356
Louis IV 272
Louis V 3:>7
Louis VI 357
Louis VII 357
Louis VIII 357077
Louis IX i79-3o2-3o3-322-323-357
Louis X 358
Louis XI 358
Louis XII 173-274-329-33 1-342-358-386-388
Louis XIII. . 1 32-i 5o-i 52-i 79-185-280-282-292-295-358-
394-395-396-397-400-405.
Louis XIV. . 107-156-157-160-174-183-192-196-296-282-
336-394-395-398-399-400-401-402.
Louis XV 101-1 1 1-161-197-282-405-407
Louis XVI 2o3-282-283-285
Louis XVII 287-398
Louis XVIII 225-23o
Table des noms propres. 5o5
Louvois 3 99-40 i
Lozé 42a
Loyse (Reine de France) J41
Loyola (Ignace de) 5q
Loyseau (Guillaume), peintre 171
Loyset (Gérard), orfèvre
LuiTPRANûi 3o8
Lulli 41 s
Lussier (Jean)
Lusson de Mans, verrier 79
Luther 54
Luynes (Duc de) 362
Luzarches (Robert de), architecte 376
M
Mac-Mahon (Maréchal de) 465
Madrin, verrier 7b
Magdeburger (Jérôme) 27.Î
Mahart de Chatillon 3o3
Maintenon 181-190
Maitte 412
Mallery (Charles), graveur i5o
Maillard (Estienne), orfèvre 32Ô
Maillard
Mainard (Le président) 392
Maintenon (Mmo de) 64
Malherbe (Marquis de Silleryl 100
Maloet 13S-407
Malakoff (Maréchal de) v^
Mansard
Mansion ■ 4 1 3
Mansoit 402
5o6 Histoire du Portrait.
Mantes 'Geoffroy de) 32b
Mantz (Paul) 439-454-462
Manuel (Les frères), miniaturistes 38
Marat 21 1-287
Marc Duvai xvn
Marceau 4:2
Marchand (David le), sculpteur 370
Marciu.at (Guillaume dei, verrier 78
Mahkt i Antoine) 149
Maréchal de Metz, verrier 79
Marie-Antoinette 21 3-2 1 5-286
Marie-Adélaïde de Savoie 192
Marie-Louise 173
Marie de Lorraine . 184
Marie-Leczinska 2o5
Marie-Louise 1 27-1 29-2 14-225
Marie-Stuart • 107-175
Marie-Thérèse 108-214
Marguerite d'Autriche 385
Marguerite d'Anjou 3o3
Marguerite de France 174
Marguerite de Provence 74
Mariette 109-1 12-173-189
Maridat i55
Marillac (Michel de) 1 54
Marigny (Marquis de) 65-2o5
Marmion, miniaturiste 43
Marolles io5
Marot (Clément) 173-042
Marseille 374
Martel 55
Martène 365
Martenne, historien 86
Martial Beyraud 409
Table des noms propres. 5oy
Martin (Jean) i_p
Martin (Henri) 2 4 '3
Martin de Tours (Saint 20
Masséna
Masson (Antoine), graveur I22-i6o-i83-i85
Masson 1S0-41 1-409
Massard (J.-B.) 125
Materon 193-194
Mathilde (La reine' 82-90
Mathilde (Princesse) 465
Matignon (Mme la Maréchale de) r38
MATTEO DEL NASSARO 294
MAUSOLE [02
Maudelot (François de) 282
Maugot (Pierrel 33 1
Maupertuis (De) 202
Maury 423
Maussion 40g
Maximilien d'Autriche 100
Maximilien Ipr 144-14?
Mazarin 1 56-i 60-1 80-1 81 -183-397-402
Médicis ^Marie de) 103-149-280-295
Médicis (Cardinal de) t82
Médicis (Catherine de) 99-102-277
Meilleraye (Duc de la) <>4
Meilleraye (Maréchal de la) 3<|-
Mellan (Claude), graveur ivni-i52
Mellkin (Henril, peintre 76
Mélun 374
Ménard (René) '....- 441
Menageot, peintre 9^
Merass 41 '
M.ERLEN 288
Merlin (M1"0) 220-298
.5o# Histoire du Portrait.
Merlin (Thomas) 336-427
MÉROVÉE 271
Mesmay (De) 219
Mesmer 422
Mesmes (Henri de) i 54
Métastase 164
Metz (Barbier de) 3pg
Meulen (Van der), peintre 108-192
Meunin (Simone), peintre 171
Meyer (Mlle) 219
Michaut, le meunier 93
Michel-Ange 387-395-412
Michelet, verrier 76
Michelozzo 339
Miel, critique d'art 225-232
Mignard, peintre 182-396-401-408-41 6-41 2
Mignard (Nicolas), peintre 96-180-182
Mignard (Pierre), peintre 1 81-1 85
Milan (Dominique de) 294
Milan (Jean de) 294
Milet ou Mile, sculpteur 369
Millet (Aimé), sculpteur 465
Milnech (Bernard), graveur 142
Mirabeau 1 25-138-283-419-427-428-429
Mirbel (Mme de), miniaturiste 1 3y
Moitessier (de) 249
Mole (Mathieu) 240-248-251
Molière (J.-B. Poquelin^ 182-185-422
Molinet (Claude du) 161
Molitor 239
Moncey (Maréchal de) 219
Monot 416
Monstier (Antoine du) 101
Monstier (C. du) 101
Table des noms propres. 5oç
Monstier (Daniel du) 101-102
Monstier (Etienne du) 201
Monstier (Nicolas du) (ou Du Moustier) mi
Monstier (Pierre du) 101
Montaigne (De) 221
Montalembert (Marquis de 1 1 1
MONTALEMBERT (De) 453
Montausier (De) 401
Montbrun (Comte de) a3o
Montereau (Pierre de), architecte 38o
Montespan (Mme de) 64-190
Montesquieu 3 70
Montesquiou (Fesenzac de) 1 38
Montglarive d'Orle'ans, verrier 77
Montjau (Madier de) 236
Montmorency (Henry de) 3g6
Montmorency (Anne de) 44-3-T3
Monyaerni, émailleur 53
Morangis io5
Moreau (Le général) 125-225
Moreau (Le jeune) [65
Moreau (J. -Michel), graveur i<">4
Morin (Jean), graveur [54
MORNAY 260
Morny (Duc de) 4(,?
Morus (Thomas) •' '44
Moskova (Prince de la) 4'-
Mosnier 202
MOUCHY 4"'
Mouchy (Duchesse de' 4(°
Moulin, sculpteur xxv-12.^
Mulard v-?
Murât (Caroline) ai4
Murronis 4'-
5 io Histoire du Portrait.
Museignoi.s, miniaturiste 38
N
Nanteuil . . . G4-104-120-1 54-1 55-i 57-1 5<)-ir>5-i7--4i 2
Nanteuil (Robert), graveur 1 83
Nanthilde (La reine) 375
Napier 214
Napoléon 126-132-230-288-423
Nassaro (Matteo del) 294
Nattier (Jean Marc), peintre 203-204-205-207
Navarre (La reine de) 342
Navarre (Blanche de) 320
Navarre (Marguerite de) 175
Necker (Jacques) 283
Nemours (Duc de) 425
Nemours (Duchesse de) 155-197-342
Néron XIV-S97
Ney (Maréchal) 236-244
Niel (Mare'chal) 465
Niewerkerke, sculpteur 429
Nigrand (Catherine-Marguerite) i85
Nigra (Chevalier) 447
Ninon de Lenclos 181
Nolin (J.-B.j, graveur 1 85
Nouailher (J.-B.), émailleur 58
Nouailles (Cardinal de) 192
Numatius, évêque 20
o
Ohoranne, sculpteur-orfèvre 3 16
Odulfus, moine . 3 1 3
Table des noms propres. 5 / /
OiivA, sculpteur xxv-464
Olympia (Signora) , s 2
Orléans (Duc d') 132-171-226-238-249-283
Orléans (Duchesse d') 122-127
Ormesson (Olivier d') ,_._>
Orry (Philippe) ,,,_.
Orsay (Comte d') [38-432-j h
Orsino 3^0
Oryilliers (Mm0 d') 210
OTHON 2Q7-3
.-> I '
Oudiné, graveur 288
Oudiné (Mmo) 260
Oudry, peintre q3-ii2
Pacciodi, historien 364
Pacha (Ibrahim) 1 36
Paganini 425-427
Pajol (Comtei 1 36-i 37
Pajou, sculpteur . . . 1 3<j-i 40-404-4 1 3-4 15-41 7-4 18-421
Palikao (Général Montauban, comte de] 4'?^
Palissy (Bernard), verrier et potier 79
Palloy Le patriote^ 284
Pamphile (Prince) 182
Panckoucke (Mmo) 241)
Paré (Ambroiseï 145-148-287
Paris 373
Parthénon 3Ô2
Pasca (M""1) -Ps
Pascal I0r 3i 1
Pascon (Jehan), orfèvre ;~"
Pasquier (Duc) .' 236
5 12 Histoire du Portrait.
Passerat (De) 398
Passerat (Jean) 174
Passy (Antoine) 219
Pastoret (Comte de) 211-249-251
Patenier 144
Patin (Guy) 122
Paule (Saint François de) ij3
Pauline 5g
Pecoul (Mme) 210
Peiresc (Nicolas) ioo-i53
PÉLISSIER (Mllc) 465
Pelletier (Claude le) 1 85
Pénicaud (Jean II), émailleur 54
Pépin (Le roi) 272-293-355
Perathon, historien 85
Percier ... 96
Percy (Comte de Northumberland) 64
Perdigon (Ml,e) 2o3
Pereire (Emile) 248
Périgueux 374
Périer (Casimir) 427
Pérignon, peintre 445
Pérignon (Maréchal de). 412
Périn (Louis), peintre 122
Perin fils 122
PERIN 125
Périn (de Dijon), peintre 171
Pérouse (La) 411
Perpétuus d'Angers 3 1 3
Perrault (Claude) g5
Perréal (Jehan), miniaturiste 144-171-172-173
Perreis, peintre 39
Perrier (Ch.), critique d'art 262
Perrin-Girole, verrier 75
Table des noms propres.
Perrier (François), graveur. ' i52
Perroneau iJ.-B.). . . 1 1 5-i 1 6-i 1 7-1 1 8-1 19-120-207-407
PÉRUGIN 412
Peruzzi Benedetto, graveur sur pierres fines .... 294
Pesne (Jehan), graveur i5q
Petion (J.) [38
Petit (Vincent), orfèvre
Petitot iJean), émailleur 60-61-1
PÉTRARQUE 4-"l7l
Pharamond 271
Phidias 362-432
Philibert dk Savoie 17S
Philippe (Le frère 236-240-241-262-357
Philippe I 3? 7
Philippe II 302-357
Philippe III 3o3-357
Philippe IV (Le Bel) 273-302-357
Philippe V r 97-358
Philippe VI 358
Philippe le Hardi 32
Philippe-Auguste J77
Philippe le Bel 323
Philippe de Champagne 186
Picart (Jehan, graveur 1 54
Picquigny (Jehan de), orfèvre -±,
Pie VII 21 1-2 12
Pie IX j'<-
Pierre de Landes, orfèvre 3>(>
Pierre et Thibaut d'Arras, verriers 75
Pierre Jehan du Pins, verrier 77
Pierre André, miniaturiste 38
Pierre, abbe' de Grammont 17
Pierre (Saint) ;"-'
Pierre de Solieks, miniaturiste 38
5i4 Histoire du Portrait.
Piètre 4°°
Pigalle, sculpteur 121-400-404-413
Piles, historien xvin
Pilon (Germain), sculpteur 334-391-392-411
Pinaigrier (Robert), verrier 78
Pinchon (Jean), miniaturiste '. 41
Pinel, docteur 424
Piron, poète 417
Pisan (Christine de) 38-32 5
Pisankllo Vittore, graveur 273
Pisano de Vérone, graveur 273
Pitt (Miss » 214
Planche iGustave) xxvi-i 36-24.3-250-260-427-430
Plantagenet (Geoffroy) 5o
Plastel Jacques), miniaturiste 44
Plattemontagne (Nicolas de), graveur 1 54
Pline xn-142
Poilly (François de), graveur i6o-i83
Poisson 225
Poitiers (Guillaume marquis de) 281
Polignac (Cardinal de) 401
Polignac iDe) 214
Pommier (Abbé) 1 63
Pompadour (M"1C de) 1 1 1-1 1 2-1 63-164-206-406
Pompée 298
Pompeï 67
Pomponne 1 5 5
Poncet (H.), e'mailleur 59
Poniatowski (Stanislas), roi de Pologne 296
Ponté Corvo (princesse de) 225
Porbus, peintre 179
Pot (Jean et Nicolas le), verrier 78
Pouchet 1 Louis de) 3go
Pouget [Marguerite] 114
Table des noms propres. 5 1 5
Pourtalès 248
Pourtalès (Mmo de) 444-441".
Poussin (Nicolas) 96-160-182-1861396-402
Potocka (Princesse de 214
Pozzini (Jean-Baptiste 34
Pradier, sculpteur 4;"-4^ 1
Prat (Cardinal du
Préault, sculpteur 42i*>-4t>:>
Prévost (Jacquesi, graveur 14S
Prieur (Barthélémy) 211
Prim maréchal) 4 5< (
Primatice (Le) 412
Provence (M. J. del 1 38
Provence (Comte de) 418
Provence (Marguerite de J02
Prud'hon, peintre 217-218-219-412
Pucelle (René 161
Puget, sculpteur 404-412
Pujol (Abel de), peintre
Pulchérie 307
Q
Quesnel (François , dessinateur 102
Quesnel (Pierre), dessinateur io3
Quesnel (Nicolas) ' • io3
QUINAULT 4l3-4l8
R
Rabel, graveur 148-149
Rabelais
5i6 Histoire du Portrait.
Racine 202
Raederer (L.-L. 1 38
Ragot, graveur j 54
Raimondi (Marc), graveur 144
Rambaldis, miniaturiste 3g
Rameau 41 6-41 S
Ramel Bénédict '3 52
Ramenaut (Boniface de), miniaturiste 43
Raoul, orfèvre 322-356
Raphaël 240-253-2 56
R \sr.\10FSKi iComte Cyrille) 20G
Rattazzi (Princesse' 440
Raudon, graveur i85
Rauge 412
Raymond (Pierre), émailleur 58
Raymond de Saint-Gilles 71
Raynal (L'abbé) 407
Récamier (Mme) i3 1-2 11-225
Rechambault, verrier 77
Redouté, peintre 225
Regnaud (de Saint-Jean d'Angely' 225
Regnault, peintre 129
Regnault (Henri), peintre 45^-450
Regnesson (Nicolas), graveur 1 54
Reims 374
Reitz (Henri) 273
Reizet (Mœ0 de) 220
Rembrandt i5i-i66-25g
Remio (Pierre), peintre 3g
Rémusat (De) 24S
Renard, peintre 4(12
Renaud 400-412
René d'Anjou, roi de Naples 42
Restout, peintre 109-1 ii
Table des noms propres. 5 17
Retour (Robert), orfèvre 327
Retz (Cardinal de) iSi
Rewbei r 38
Reynie [Gabriel Nicolas de la' 1S4
Reynolds, peintre 448-449
Ribf.ra. peintre 25g
RiboissiÈrf. (Mmo de la 21
Ricard, peintre 447
Richard I Coeur de Lion J82
Richard (Abbé de Verdun i6q-3i5
Richelieu (Cardinal) 187-398-401
Richelieu (Duc de) 401
Richemont (Connétable de ...j
Richier iLigier), sculpteur 387
Richier Simon, sculpteur
Rigaud. . 16 1-162,-190-192-193-194-195-196- 197-198-199-
200-201 -40 1 -4 1 3-4 3 5 .
Riquier (Saint) 348
Rivière (Mme) 25o
Robert III 3o3
Robert (Hubert), peintre 214
Robert (Le roil 3 1 »">-3 1 7
Robert de Luzarches, architecte 377
Robespierre 1 38-2 11-286
Robia (Luca délia' , émailleur 33g
Robin Damaigne, verrier 76
Robinet Testard, miniaturiste 4^
Rochefoucauld (Alexandre, duc de la 284
Rochefoucauld (Duchesse de la' 122
Rochefoucauld ; Duc de la] 1 38
Rochefoucauld (François de la i3g
Rochefoucauld iLiancourti 1 38
Rochejaquelin (Henri de la) -M
Rochejaquelin Louis de la - -M
18 Histoire du Portrait.
Roger, moine 170
Roi. Ci 411
Roland (Mme) 214-219
Roland 4 10-4 11 -4 12
Roman k lu (Francesco) g5
Ronsard 1 53-i 73
Rosalba xvii
Rosset (Joseph), sculpteur 3yo
Rossini 244
Rosso (Le) 340
Rothschild (Mme de) 244-240-257-262
Rothschild (Gustave) 58
Rouget, peintre 95
Rouillard (Sébastien) 149
Roullf.t (Jean-Louis), graveur 183-184
Rouquet (Andréa émailleur 65
Rousseau (J.-J.) 11 1
Roussel (Jacques), orfèvre 336
Roussel (Paul), graveur 154
Rousselet (Gilles), graveur 1 54
Rousselin (Saint-Albin) 211
Royer(J. le) 145
Rueeis (Laurent de) 144
Rubens 259
Rude 411
Rue (Mlle Leczinska), miniaturiste i33
Ruisdaei 41 3
S
Saby (Jacques) 4o5
Salmon, peintre 3$
Salomon (L'abbé) 3i
fable des noms propres. 5 i g
Saint-André (Jean-Bon de] -211
Saint-Aubin, graveur [63
Saint (Daniel [2Q-i3o
Saint-Fargeau (Lepelletier de)
Saint-Florentin (Comte de^ 2o5
Saint-Geniez (De| 202
Saint-Hilaire (Général de) 413
Saint-Priest (Jean de) 275
Saint-Priest (Nicolas de) 275
Saint Savinien 317
Saint-Simon iq3
Salvandy (De) 248
Sanche le Fort, roi de Navarre 32 1
Sansom, archevêque de Reims 3 10
Sansovino, sculpteur .'i.^i
Sarlovèse (Fournien 283
Sarrazin (Jacques), sculpteur 95-336-337-36q-3q5
Savé 41 3
Savoie (Le duc de) 3^2
Savoie (La duchesse de) 3_| 2
Savoie (Marguerite de) 17J
Savoie (Magdeleine dei 3g3
Savoisy (Pierre de) J84
Sauval 179
Sauvageot 51-275
Sauzay ~7-
Saxe (Maréchal de) [ 1 1-204-407-4 1 3
Saxe (Marie-Josèphe de) ' ' '
SCAPIN 420
SCARRON (Mmc) l82
Scheffer (Ary) 243-244-245-240
SCHENAUX 2°7
SchmiSt (Georges-Frédéric), graveur ">-
Schomberg (Maréchal) 64
520 Histoire du Portrait.
SCHOLASTIQUE 32 1
Schneider -p3
Schuppen (Pierre van), graveur 162-183-184
Schwarzemberg (Princesse de) i32
SCHWITER 25q
SÉBASTIEN DEL PlOMBO 4' 3
Seguier, chancelier 1 53
Seigneur (Du) 373-426
Sémiramis 5()
Serent (Marquis de) 12?
Serge (Saint) 292
Serlio 91
Serre (Marie) 400
Serre (Saint) 1 38
Sévigné (M,11C de) 182
Sèze (De) 220
Shakespeare 162
Sidoine (Apollinaire), historien 68
Sieyès 1 38-427
SlGEBERT 34-27?
Siguerre (Jehan), orfèvre 33 1
Simart 43o
Simon (Pierre), sculpteur 36g
Sintram, miniaturiste 3i
Soissons 379
Sommariva (De) 217
Sommerard (Du) 367-36g
Sophie (Sainte) 3o6
Sorcy (Thelasson de) 210
Sorel (Agnès) 41-172
Soufflot 66
soultrait 275
Souvré (Jacques), grand prieur 396
Soyet (Gérard) 32
Table des m nus propres.
Stalles Jacques des) )yS
Steenberghen iJ.-B. de Yani [55
Stella (Jacques) [5g
Stodtz 416
Stuart (Marie; 17 3
Suard 225
Suffren (Amiral de) 41 3
Suger 7 i-.> 1 7-3 1 s-.-i 1 .1-376-41 3
Sully (Maurice de), archevêque de Paris 3 i.g
Sussier (Jehani 327
Sylvestre 25g
Talleyra.nd (De) 212-219-244-245
Talmont 2 ,; )
Talon ("Denis) khi
Tancrède 71
Tannay 1 1-
Tardieu [65
Tardiku ( Nicolas-Henri), graveur io3
Taurin (Richard), sculpteur 35 1
Tellier, chancelier 401
Tellier (Louis-François le) [84
Teniers (David) nj3
Texier (Laurent'1 337
Thelasson de Sorcy 210
Thendon, architecte et orfèvre 3i6
Théodebert Ie1' 1~1
Théodeunue (La reine 20
Théodoric iLe roi) 20
Théodose 3o5-3o6-3o7
Théophile (Le moine) 7001 1 -3 14
522 Histoire du Portrait.
Thérèse (La reine Marie-) 398-401
Thibault III 320
Thibaut 320-327
Thierri, roi de France 355
Thierry 3jo
Thiers xx\t-2 jij-248-258-438-442-459
Thomas : De Langres), orfèvre 32b
Thomas (Jules), sculpteur xxv
Thomas (De Cormont) 37b
Thomassin [Simon), graveur 184
Thoré xxvi-240
Thou (De) 149-282-393-396
Thouret i 38
Thouron (Jacques), émailleur 65
Tibère 297
TlNTORET 230
Titien (Le) xvi-44-i8y-23o-253-25b-4i3
Titus 297
Toqué, peintre 204-205-206
Tory (Godefroid), imprimeur dessinateur 44
Toulouse 374
Tournières (Robert!, peintre 201-202-203
TouRNEMiNE(Le père) 398
Tournehem (De) 2o5
Tournon (De) 44-240
Tourville (Amiral de) 41 3
Touryille (Maréchal de) 420
Tracy (Victor de) 244
Trassy iBormeau de) 3yy
Tremblet (Barthélemyj 1 54
Trémoille (Charlotte de la) 394
Trévoux (Henri de), miniaturiste 3g
Tribolo (Le), sculpteur .' 33g
Trouvais7 (Antoine) , graveur ibi-i83
Table des noms propres.
Troy (François de), peintre q3-i8q
Troyks \~A
Truluer Joseph ,53
Trudaine ._. M
Tubeuf ,s;
TuRCARET |20
rURENNE I04-I22-I55-40I-41 3
Turlery (Georges), miniaturiste 42
Tutilon. miniaturiste \\
u
Ulrich pf. Huttfn 1^
Unoch 365
Urbain IV 3q8
Urbain VU! 1 53— 182
Utrogathk 376
V
Vali ncey (Le Bailly de1* [82
Valentin, peintre 41 '3
Valentinois (Duchesse de' 147
Valette (Prince d'Épemon de la] 1 83
Vallière 'Mi,0dela'
Valois 409
Vandal (Comtesse) ^46-448
Vanloo (Cari', peintre 207
Varin (Jean), graveur
Varnbuhler 144
Varron 14'
Vasari 340-
524 Histoire du Portrait.
Vassal (Mmc) 210
\ \sm 4l(~,-4'7
Vauban (Maréchal de) 403-41 3
Vayde, dessinateur xvn
Végèce, historien 42
Vki.asquez XV, 253-445
Vendôme (Due de) '83
Yermkulen (Corneille) 184-18?
Vernet (Cari) 23o-285
Vernet (Joseph' 214-413
Vernet (Horace] .... 95-114-164-165-235-236-237-238-
239-240-241-242
Verninac (Mme) 211
Véron 2 53
Véronèse 259-413
Verrocchio (Andréa) 340
Vesale 144
Vespasien xiv, 59-297
VlALA 287
Viardot (Mmc) 219
VlARDOT 219
Victor (De Saint-, le père) 220
Victor (De Saint-) 448
Victoire (Mm0) 139-214
Vienne, en Dauphiné 3y3
Vieuville (Ch. de la) 400
Vigée (Mme Le Brun) 2 12-21 3-2 14-2 1 5-2 iG
Vignon (Claude) 5g
Villacerf 398
Villars (Maréchal duc de) 1 1 1-201-401
Villerme (Joseph), sculpteur 36g
Villeroy 201
Villers, orfèvre 33y
Yji.i.f.fort, historien 42
Table des nOms propres. 525
Vincent, peintre i3g
Vinci (Léonard de' 223-249-253
Viollet-le-Duc 323-373
Visconti 96
VlTALIS (BJ 144
VlTELLIUS 297
VlTET 246-453
VlTRUYE 145
Vitry (Jehan), sculpteur 386
Vivien (de Saint-Martin, comte' 29-120-121
Vivier, orfèvre 3 2 7
Voltaire 1 12-344-370-406-420
Vouet Simon i52-i53-i85-4i3
W
Walewski Comte 262
Walferdin 420
Washington 410
Watei.et 111
Watteau 162-454
Wendel (Baron de) 45g
Westphalie (Le roi de 120
Westphai.ie La reine de' 12g
Weyler (J.-B.), émailleur 65
Wierix (Pierre), graveur 143
Wille (J.-G.), graveur 162
Winterhalter 263-445
Wœriot (Pierre), graveur 145-148
Woronzoff (Le comte) 206
Wurtemberg (Princesse dei 214
Wyatt Th.) '44
52b
Histoire du Portrait.
X
Xavier 'Saint François de) 5g
Y
Yorck (Duc à.') 111
Yriarte ^47
z
ZÉNOBIE 5q
Zimmermann 23o
,#""^-
PARIS — IMPRIMERIE MOI I EROZ
Hue du Four 54 bis.
quet de Vasselot, Je*
1316 Joseph îîarie Anatole
Histoire du portrait
France
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS PO<
UNIVERSITY OF TORONTO LIBR/