Skip to main content

Full text of "Histoire du portrait en France"

See other formats


HISTOIRE 


DU 


PORTRAIT    EN    FRANCE 


PARIS.  -  IMPRIMERIE   MOTTEROZ 

Rue  du  Four,  54  bis. 


HISTOIRE 


nu 


Portrait  en  France 


MARQUET  DE  VASSELOT 


PARIS 
ROUQUETTE        j       NADAUD&O 

LIBRAIRE- ÉDITEUR  <  LIBRAIRES  -  ÉDITEURS 


Passage  Choiseul 


t 


47,  rue  Bonaparte 


ND 


A  M.  Paul  Dubois 

Membre  de  l'Institut 

Hommage  et  reconnaissance 
A  mon   Frère 

LÉON    MARQUET    DE     VASSELOT 

En  souvenir 
de  ses  bons  encouragements 

Vasselot 

Sculpteur. 
i*'  Janvier  1880 


IL  A  ETE  TIRE  DE  CET  OUVRAGE 


i5o  exemplaires  sur  papier  de  Hollande 

numérotes  de  i  à  i5o 

et   400  exemplaires   sur    papier    raisin    teinté 

numérotés  de   t5i   à  55o 


N°  152 


Cher  Monsieur  et  Ami  , 


Vous  ave\  eu  véritablement  une  heureuse  idée 
d'entreprendre  /'Histoire  du  portrait   en    France. 

Joutes  les  grandes  Ecoles  étrangères  ont  certes 
des  portraitistes  de  génie;  mais  le  Portrait  n'en  est 
pas  jnoins  un  art  très  particulièrement  français, 
cultivé  sans  interruption,  depuis  l'origine  jusqu'à 
nos  jours,  sinon  toujours  à  la  même  hauteur,  du 
moins  sans  jamais  perdre  ses  qualités  essentielles. 

C'est  que  ces  qualités  sont  des  qualités  de  race; 
qu  elles  procèdent  de  cette  observation,  à  la  Jbis 
vivement  spontanée  et  profondément  réjléchie,  par 
laquelle  l'esprit  français  et  le  sentiment  français 
saisissent  la  nature  humaine;  les  aptitudes,  qui 
font  nos  portraitistes ,  sont  les  mêmes  qui  se 
manifestent  che~  nos  auteurs  dramatiques  ;  les 
mêmes,  qui  ont  produit  nos  admirables  recueils  de 
Mémoires  historiques ,  ces  autobiographies  dont 
aucune  littérature  étrangère  ne  présente  l'équi- 
valent ;  les  mêmes,    enfin,  qui   impriment    un    si 


grand  caractère  à  notre  statuaire  nationale,  dont 
la  puissante  originalité  consiste, précisément,  dans 
l'absence  de  toute  convention,  de  toute  manière 
d'école. 

Quand  cette  Ecole  s  égare  un  instant,  dans  la 
manière,  elle  s'en  dégage  bien  vite,  pour  revenir  à 
ce  naturel,  qui  sait  si  bien  s'élever  à  l'idéal,  sans 
passer  par  le  convenu  et  l'arbitraire. 

Cette  grande  Ecole  de  Sculpture,  à  l'esprit  de 
laquelle  vous  save\  rester  Jîdèle  dans  jjos  œuvres, 
d'un  naturel  si  médité  et  si  choisi,  ne  s'est  guère 
démentie,  depuis  le  jour  oit  elle  s'est  dégagée  de 
Vhiératisme  byzantin  et  roman,  pour  enfanter 
les  admirables  types  du  xin°  au  xive  siècle  jusqu'à 
l'époque  actuelle,  si  digne  de  ses  devancières. 

L'Ecole  du  Portrait  est  la  sœur  de  l'Ecole  de 
Sculpture,  et  vous  accomplisse^  une  œuvre  toute 
nationale,  en  nous  résumant  son  histoire,  sous 
toutes  ses  formes  et  dans  toutes  ses  branches. 

Tout  à  vous  cordialement. 

HENRI  MARTIN, 

Uc    l'Académie   Française 
Ljoh,  ce  28  août  i8~</. 


INTRODUCTION 


es  arts  devront  à  l'initiative  de 
la  Société  des  Études  historiques 
Y  Histoire  du  portrait  en  France. 
Cette  société  eut  la  bonne  pensée 
de  mettre  cette  matière  au  con- 
cours en  1877.  Nous  primes  part  au  concours 
et  nous  eûmes  l'honneur  d'être  un  des 
lauréats. 

Avons-nous  comblé  une  lacune  en  publiant 
ce  travail  ?  Aux  artistes  de  répondre,  aux  éru- 
dits  de  le  dire;  pour  tous,  l'histoire  du  por- 
trait faisait  absolument  défaut. 

Artiste  nous-mème,  amant  passionné  de 
la  nature    et ,   comme    tel ,    cherchant    tou- 

b 


Histoire  du  Portrait. 


jours  à  dégager  la  pensée  de  la  matière,  Mort 
du  métier,  nous  devions  pousser  jusqu'à  ses 
extrêmes  limites  la  probité  en  matière  de  cri- 
tique. Aussi,  nous  avons  toujours  eu  soin  de 
donner  d'abord  l'appréciation  des  contem- 
porains. 

Le  lecteur,  lui,  pourra  juger,  suivant  sa 
nature,  suivant  ses  goûts,  l'artiste  et  l'œuvre, 
la  critique  et  l'historien. 

Le  cadre  de  ce  volume  ne  nous  permettait 
pas  un  trop  grand  développement.  Du  reste, 
est-il  nécessaire  de  citer  toutes  les  œuvres  d'un 
artiste  pour  en  apprécier  la  valeur? 

C'est  l'histoire  du  portrait,  et  non  l'histoire 
des  portraits  que  nous  avons  voulu  faire; 
c'est  la  marche  de  l'idée  plutôt  que  la  réali- 
sation matérielle  de  cette  idée  que  nous  avons 
voulu  éclairer. 

Notre  travail  est  divisé  en  deux  parties  :  la 
première  comprend  l'histoire  du  portrait  dans 
la  peinture  et  dans  les  arts  qui  s'y  rattachent, 
classés  en  huit  chapitres;  nous  avons  pensé 
établir  ainsi  plus  de  clarté  dans  notre  travail, 
et  rendre  plus  facile  l'étude  de  cette  histoire, 


Introduction.  xi 


développée,  autant  que  possible,  dans  Tordre 
chronologique. 

La  deuxième  partie  traite  de  l'histoire  du 
portrait  dans  la  sculpture  et  dans  les  arts  qui 
s'y  rattachent,  classés  également  en  huit  cha- 
pitres. Tel  est  le  plan  du  travail. 

Quant  à  sa  marche  générale,  nous  traitons, 
dans  la  première  partie,  des  qualités  néces- 
saires dans  le  portraitiste.  Il  est  important  de 
savoir  dans  quel  ordre  de  la  nature  se  trouve 
plus  spécialement  le  portrait,  quels  sont  les 
meilleurs  sujets  pour  les  portraitistes,  les  qua- 
lités exigées  de  l'artiste,  et  quels  sont  enfin  les 
caractères  d'un  bon  portrait. 

Dans  la  nature  tout  n'est  pas  propre  au 
portrait,  de  même  que  dans  l'espèce  humaine 
certains  hommes  ne  sauraient  être  les  sujets 
possibles  de  portraits. 

Serait-ce  faire  erreur  de  dire  que  le  portrait 
n'est  réellement  possible  que  chez  l'homme, 
parce  que  dans  l'espèce  humaine  chaque  in- 
dividu se  distingue,  physiquement  et  intellec- 
tuellement, d'un  autre  individu? 

Dans  l'ordre  matériel,  dans  les  minéraux, 


xn  Histoire  du  Portrait. 

dans  les  végétaux,  dans  les  animaux  même, 
abstraction  faite  de  l'homme,  il  y  a  peu  ou 
point  de  distinction  caractérisée  entre  les 
individus  de  même  classe  et,  par  là,  pas  de 
portrait  possible. 

Si,  d'un  caillou,  vous  faites  plusieurs  mor- 
ceaux, vous  obtiendrez  plusieurs  individus, 
intrinsèquement  semblables  au  premier;  si 
vous  écartez  la  question  de  volume ,  dans 
le  plus  gros  comme  dans  le  plus  petit,  la 
physionomie,  qui  fait  le  portrait,  sera  absolu- 
ment la  même. 

La  distinction  existe  bien  par  catégories 
d'individus,  mais  quelle  sera  la  distinction 
entre  deux  individus  du  même  groupe  ? 

Il  en  est  ainsi  dans  les  végétaux;  qu'ils 
soient  multipliés,  par  greffe,  par  boutures  ou 
par  graine,  les  nouveaux  individus  gardent 
toujours  la  physionomie  générale,  même 
quand  ils  n'ont  pas  conservé  la  forme  et  la 
couleur  primitives. 

Cependant,  dans  cette  catégorie,  on  se  rap- 
proche déjà  beaucoup  plus  du  portrait  et  on  le 
trouve  enfin  dans  le  règne  animal  —  et  plus 


Introduction.  xm 


l'animal  se  rapproche  de  l'homme,  comme 
le  chien,  le  cheval,  et  plus  grande  devient 
la  facilité  pour  faire  un  portrait,  c'est-à-dire 
pour  reproduire  un  type  unique.  Alors  il 
sera  possible  d'arriver  à  l'assimilation  com- 
plète de  la  forme  et  de  l'idée. 

La  matière  disparaît  là  oii  l'art  commence. 
L'individualité  est  au  portrait  ce  que  la  pensée 
esta  la  phrase.  Le  mérite  sera  de  faire  briller, 
à  travers  l'enveloppe  humaine,  cette  intelli- 
gence qui  se  montre  gravée  sur  l'être,  d'une 
manière  indéniable. 

Dans  l'homme  mûr,  dans  le  vieillard,  plus 
souvent  encore,  dans  l'homme  amaigri,  la 
matière  fait  réellement  place  à  l'intelligence; 
ne  semble-t-il  pas,  au  fur  et  à  mesure  que  la 
peau  se  racornit  et  se  dessèche,  que  l'intel- 
ligence paraisse  se  développer,  que  ses  rayons 
passent  à  travers  l'enveloppe,  que  la  tête 
devienne  transparente,  éclairée  et  qu'elle  pro- 
jette ses  rayons  sur  tout  ce  qui  l'environne? 

Ceci  est  bien  plus  vrai  encore  de  la  tête 
d'un  homme  de  génie. 

Il  est  donc  démontré  que  tous  les  hommes 


xiv  Histoire  du  Portrait. 


ne  sont  pas  propres  pour  le  portrait.  —  Bien 
peu  d'hommes  réunissent  toutes  les  qualités 
voulues,  car  ce  n'est  pas  dans  la  pureté  des 
lignes,  dans  l'harmonie  des  tons,  dans  la 
justesse  du  mouvement,  qu'un  portrait  est 
beau,  mais  bien  dans  cette  reproduction  exacte 
et  lumineuse  de  la  vie  intime  qui  personnifie 
le  modèle. 

Oh!  s'il  n'y  avait  à  reproduire  que  la 
pureté  des  lignes,  que  l'harmonie  des  tons, 
la  femme,  la  jeunesse,  l'enfance  nous  donne- 
raient les  plus  admirables  portraits.  —  Nous 
ne  trouvons,  au  contraire,  les  beaux,  les  véri- 
tables portraits  que  chez  les  travailleurs,  et, 
encore,  à  ce  moment  de  la  vie  où  l'intelligence, 
comme  une  fine  lame,  commence  à  user  notre 
corps,  alors  que  parcheminé,  ridé,  cassé,  le 
pauvre  fourreau  se  laisse  traverser  par  l'éclat 
et  la  souplesse  de  la  pointe  acérée  :  par  la 
lame  intellectuelle. 

L'affinité  est  alors  complète;  —  l'intelli- 
gence, semblable  à  une  vapeur  enflammée,  se 
répand  sur  l'enveloppe,  en  arrondit  les 
angles   et    sait  faire  étinceler  la  tète  la  plus 


Introduction. 


laide,  —  voilà  l'instant  du  portrait,  voilà  le 
portrait,  tel  qu'il  doit  être.  —  Vous  pouvez 
alors  créer  une  œuvre  intellectuelle,  et  gardez- 
vous  d'être  inquiet,  le  côté  matériel  sera  rendu. 

Nous  appellerons  archéologique  la  partie  de 
notre  travail,  et  l'ensemble  des  chapitres  qui 
traitent  du  portrait  dans  les  manuscrits,  dans 
l'émaillerie,  dans  les  vitraux,  dans  les  brode- 
ries et  les  tapisseries;  de  ceux,  encore,  qui  ont 
pour  titres  :  numismatique,  glyptique,  sceaux 
et  cachets,  orfèvrerie.  11  n'était  pas  sans  inté- 
rêt de  connaître  et  d'apprécier  les  efforts  des 
premiers  artistes,  et  de  traduire  les  naïfs 
bégayements  de  l'art  en  France.  Certes,  nous 
n'entendons  pas  garantir  l'authenticité  de 
tous  les  portraits  cités  dans  la  partie  archéo- 
logique; nous  ferons  même  des  réserves  pour 
les  portraits  énumérés  dans  la  partie  histo- 
rique, et  voici  pourquoi. 

La  fraude  n*est  pas  née  d'hier,  et  nous  di- 
rons plus,  de  tout  temps  il  y  a  eu  des  mysti- 
ficateurs. Pline  a  raconte  que  les  portraits 
d'Homère  et  d'Hippocrate  étaient  sortis  de  la 
pure  imagination  des  artistes. 


Histoire  du  Portrait. 


Parlerons-nous  des  statues  anciennes,  dont 
les  tètes  ont  été  souvent  refaites  et  récoltées, 
un  peu,  de  tous  les  côtés  ?  Le  spirituel  et  savant 
M.  Feuillet  de  Conches  nous  a  laissé  ce  pi- 
quant récit  sur  le  sophiste  Dion  Chrysos- 
tome,  au  premier  siècle  de  notre  ère,  qui 
reprochait  aux  Corinthiens  de  décapiter  leurs 
statues  pour  en  changer  les  personnages;  il 
adressait  encore  le  même  reproche  aux  Rho- 
diens. 

Saint  Jérôme  nous  a  même  appris  ce  sin- 
gulier usage  des  vainqueurs ,  qui  faisaient 
enlever  la  tète  de  toutes  les  statues,  pour  y 
substituer  leur  propre  image. 

Malheur  aux  vaincus!  Ce  mot  historique 
était  réalisé  dans  les  arts. 

Aimables  mystificateurs!  combien  il  est 
regrettable  que  vous  ne  puissiez  vous  réjouir 
à  Taise,  en  voyant  nos  savants,  nos  phrénolo- 
gues  prononcer  de  si  beaux  discours,  étayer 
leurs  théories  sur  les  tendances  du  moral  d'a- 
près la  conformation  de  la  tète,  et  donner 
en  preuve  les  bustes  d'Homère,  d'Hippo- 
crate,  de  César,  de  Vespasien  ou  de  Néron  ! 


Introduction.  xvn 


Malheureusement  ces  fraudes  artistiques 
ont  été  en  usage  de  tout  temps.  Beaucoup  de 
portraits  ont  été  faits  sans  nul  souci  de  la  res- 
semblance. Et  comment  ces  portraits  pour- 
raient-ils être  fidèles,  lorsque  les  traits  d'un 
même  personnage,  exécutés  par  des  artistes 
différents,  ne  concordent  pas  entre  eux,  bien 
que  tous  soient  réputés  ressemblerai!  modèle. 

Il  nous  est  arrivé  de  parcourir  la  galerie 
d'un  riche  amateur,  qui  avait  posé  devant 
toutes  les  illustrations  artistiques  les  plus  en 
vue  depuis  quarante  ans.  Là,  nous  avons 
constaté  ce  fait  étrange  : 

Chaque  tois  que  l'artiste,  malgré  ses  licences, 
a  été  assez  maître  de  lui  pour  résister  aux  en- 
traînements de  la  mode;  chaque  fois  qu'il  a 
su  trouver  assez  de  force  en  lui-même,  pour 
ne  s'inspirer  que  du  caractère  propre  et  de  la 
pensée  intime  de  son  modèle,  il  a  fait  une 
œuvre  digne  d'admiration. 

Que  l'artiste  ait  nom  Raphaël,  le  Titien, 
Vélasquez,  Van-Dyck,  Rembrand  ou  Holbein, 
il  arrivera,  bien  que  par  des  moyens  diffé- 
rents, au  but  final,   au  vrai  portrait,  et  son 


xviii  Histoire  du  Portrait. 


œuvre  remplira  notre  âme  d'admiration.  Dans 
celte  galerie,  il  en  était  de  même  pour  nos  ar- 
tistes français,  les  portraits  les  plus  beaux 
étaient  aussi  les  plus  ressemblants.  L'idéal 
n'excluait  pas  la  vérité. 

Dans  la  suite  historique  de  notre  travail, 
nous  commencerons  à  rencontrer  le  véritable 
portrait,  dans  les  chapitres  qui  traitent  du 
dessin,  des  pastels,  etc. 

Dans  ces  chapitres,  nous  trouvons  les  œu- 
vres de  Clouet  dit  Janet,  qui  occupent  la  pre- 
mière place  de  l'École  française. 

Les  crayons  de  Du  Monstier  seront  moins 
fins  mais  plus  colorés. 

On  se  sent  vivement  impressionné  devant 
ces  modestes  dessins,  ces  portraits  à  la  pierre 
noire,  éclairée  par  la  sanguine  ou  le  crayon 
bleu,  et  qui  savent  rendre,  cependant,  les 
effets  de  la  peinture. 

Quel  caractère  de  simplicité  et  de  gran- 
deur dans  les  portraits-crayons  des  Janet,  des 
Quesnel,  des  Van-Dyck,  desHolbein  et  autres. 

De  quelle  force  d'expression  ces  maitres  du 
crayon  ont  su  faire  preuve,  dans  ces  traits  qui 


Introduction.  xix 


traduisent,  si  réellement,  l'individualité  et 
la  nature.  Malheureusement,  nous  n'avons 
jamais  su  conserver  à  la  France  les  œuvres 
de  ses  meilleurs  artistes. 

Depuis  quelques  années  on  essaye  de  refaire 
une  généalogie  artistique.  Mais  en  restituant 
à  Clouet,  à  Du  Monstier,  les  crayons  qui  sont 
leur  œuvre,  on  doit  souvent  faire  l'aveu  qu'ils 
se  trouvent  à  l'étranger,  où  ils  figurent  sous 
d'autres  noms.  —  Par  contre,  on  attribuera  à 
des  artistes  qui  nous  sont  complètement  in- 
connus, des  dessins  attribués  jusqu'ici  aux 
Janet  et  à  d'autres  maîtres.  Il  est  certain  qu'à 
cette  époque  il  y  a  eu  une  ou  plusieurs  géné- 
rations d'artistes  en  dehors  de  Marc  Duval, 
Levaillant,  Lagneau,  Vayde  et  Elisabeth  Du- 
val, qui  était  fort  excellente  pour  le  crayon  et 
encore  pour  aultres  choses  requises  à  la  por- 
traiture. Tous  ces  artistes  étaient  les  élèves  ou 
les  maîtres  de  ceux  que  nous  avons  déjà  cités. 

Ces  premiers  dessinateurs  de  notre  art  fran- 
çais ont  ouvert  la  voie,  qui  nous  conduit  na- 
turellement à  Nanteuil,  à  Rosalba,  à  Chardin, 
à  Latour,  à  Boucher. 


xx  Histoire  du  Portrait. 


Tous  ces  maîtres  du  crayon  noir  ont 
formé  les  maîtres  du  crayon  rouge,  noir  et 
blanc,  qui  précédèrent  les  maîtres  du  pastel. 
Notre  richesse  nationale  apparaît  bien  plus 
grande,  lorsque  nous  arrivons  à  la  gravure. 
Claude  Mellan,  François  de  Pailly,  Nicolas 
Pitau  commencent  le  grand  siècle  et  sont 
bientôt  suivis  de  Gérard  Edelinck,  de  Robert 
Nanteuil,  d'Antoine  Masson,  des  Audran,  de 
Jean  Pesne,  de  Boven,  J.  Lenfant,  etc. 

Le  chapitre  du  portrait  dans  la  peinture 
demandait  de  longs  développements,  et  cela 
devait  être,  car  c'est  dans  cette  branche  de 
Tart  que  le  portrait  a  laissé  les  traces  les  plus 
brillantes.  Nous  avons  reproduit,  avec  impar- 
tialité, l'appréciation  de  la  critique  contem- 
poraine; parfois  nous  avons  puisé  chez  les 
chroniqueurs. 

Quel  lecteur,  par  exemple,  sera  fâché 
d'apprendre  comment  Van-Dyck  peignait  un 
portrait  ?  Quelques  phrases  empruntées  à  l'ou- 
vrage de  M.  Piles  l'instruiront  suffisamment 
sur  les  procédés  de  ce  maître. 

«  Ce   peintre  donnait   jour   et  heure    aux 


Introduction. 


personnes  qu'il  devait  peindre  et  ne  travaillait 
jamais  plus  d'une  heure  par  fois  à  chaque  por- 
trait, soit  à  ébaucher,  soit  à  finir,  et  son  hor- 
loge l'avertissait  de  l'heure;  il  se  levait  et  fai- 
sait la  révérence  à  la  personne,  comme  pour 
lui  dire  que  c'en  était  assez  pour  ce  jour-là,  et 
convenait  avec  elle  d'un  autre  jour  et  d'une 
autre  heure.  Après  quoi,  son  valet  de  cham- 
bre venait  nettoyer  ses  pinceaux  et  lui  apprêter 
une  autre  palette,  pendant  qu'il  recevait  une 

autre  personne  à  qui  il  avait  donné  heure 

Après  avoir  légèrement  ébauché  un  portrait, 
il  faisait  mettre  la  personne  dans  l'attitude 
qu'il  avait  auparavant  méditée,  et  avec  du 
papier  gris  et  des  crayons  blanc  et  noir,  il 
dessinait  en  un  quart  d'heure  sa  taille  et  ses 
habits  qu'il  disposait  d'une  manière  grande  et 
d'un  goût  exquis.  Il  donnait  ensuite  ce  dessin 
à  d'habiles  gens  qu'il  avait  chez  lui,  pour  le 
peindre  d'après  les  habits  mêmes  que  les  per- 
sonnes avaient  envoyés  exprès  à  la  prière  de 
Van-Dyck...  Pour  ce  qui  est  des  mains,  il 
avait  chez  lui  des  personnes  à  gages,  de  l'un  et 
de  l'autre  sexe, qui  lui  servaient  de  modèles.» 


Histoire  du  Portrait. 


Quant  à  la  valeur  de  ce  procédé  de  Van- 
Dyck,  quant  à  l'excellence  de  cette  manière 
de  procéder,  qui  a  été  celle  de  tous  les  artistes 
en  renom,  depuis  Louis  XIV  jusqu'à  nos  jours, 
M.  Feuillet  de  Conches  va  nous  l'apprendre. 
Il  écrit  :  «  Est-ce  de  cette  façon  expéditive 
que  procède  la  grande  peinture  sérieuse  ? 
Non,  assurément.  L'art  vrai  vend  cher  aux 
artistes  ce  qu'on  croit  qu'il  leur  donne,  et 
l'abus  de  la  facilité  mène  à  de  cruelles  défail- 
lances les  plus  heureux  génies;  mais  dans 
les   portraits   d'amis  ils  se  relèvent.  » 

Cette  appréciation  a  du  vrai  ;  généralement 
les  plus  beaux  portraits  sont  ceux  des  amis, 
des  confrères.  —  Alors,  on  est  libre,  on  est 
heureux  d'avoir  son  modèle  à  soi,  de  le  tenir 
dans  sa  main,  on  ne  craint  pas  de  le  fatiguer, 
on  le  connaît,  on  peut  aller  jusqu'au  fond 
de  sa  pensée  et  l'on  fera  un  bon  portrait. 

Dans  notre  étude  sur  le  portrait  dans  la 
peinture,  nous  devions  dire  quelques  mots  de 
l'influence  de  la  mode.  Sous  Louis  XIV,  nous 
avions  alors  lesportraitsà  la  pose,  le  poing  sur 
la  hanche  on   porte  beau;    sous  Louis  XV, 


Introduction.  xxin 


nous  trouverons  les  portraits  tendres  et  les 
bergères;  sous  Bonaparte  nous  aurons  les 
portraits  statuaires,  peints  à  la  grec;  sous  la 
restauration  on  a  les  portraits  pensants;  les  tètes 
méditatives,  à  pose  mélancolique,  ont  peine 
à  se  soutenir,  on  les  appuie  sur  les  mains;  sous 
Louis-Philippe,  nous  trouvons  le  portrait 
bourgeois  à  la  César  Birotteau;  enfin  la  mode 
nous  imposera  toute  une  série  de  perruques, 
de  catogans  ou  de  cheveux  à  la  Titus. 

Suivant  les  époques,  encore,  toutes  les 
femmes  seront  blondes,  et  plus  tard  rousses, 
selon  que  les  rois  ou  les  reines  auront  dis- 
simulé des  infirmités  ou  affiché  des  fantaisies. 

Le  duc  de  Brunswick  n'a-t-il  pas  affecté 
le  plus  beau  noir,  pendant  toute  sa  vie, 
quand  dame  Nature  favait  doté  d'un  rouge 
éclatant;  une  perruque  en  soie  noire  corrigea 
la  nature.  Placez  le  duc  sur  un  trône,  il  eût 
créé  une  mode. 

Notre  école  de  portrait  en  peinture  a  pro- 
duit des  merveilles.  —  Chaque  époque  a  eu 
des  qualités  bien  personnelles  et  bien  dis- 
tinctes. L'époque   de   Louis  XIV  et  celle    de 


xxiv  Histoire  du  Portrait. 

Louis  XV  nous  ont  légué  de  magnifiques 
portraits  qui  resteront  toujours  les  spécimens 
du  beau  et  du  grand  dans  la  peinture  fran- 
çaise; puissent  nos  arrière-petits-neveux  en 
dire  autant  de  l'école  actuelle  ! 

Peut-on  nier  qu'il  n'y  ait  eu  des  portraits 
remarquables  dans  la  numismatique?  Les 
monnaies,  les  médailles  nous  offrent  de  fort 
beaux  types,  parfois  magnifiques.  Les  portraits 
sont  ordinairement  de  profil,  plus  rarement 
de  face;  mais  nous  ne  devons  pas  oublier 
que  le  bas-relief  ne  peut  donner  un  véritable 
portrait;  si  la  médaille  impressionne  agréa- 
blement notre  vue,  —  quel  que  soit  le  talent 
de  l'artiste,  l'œuvre  est  trompeuse  'par  elle- 
même. 

La  médaille  ne  saurait  nous  donner  la  vie, 
rendre  l'expression  intime  de  Tàrne,  atteindre 
le  but  réel  du  portrait. 

Disons-le  avec  orgueil,  les  sculpteurs  fran- 
çais nous  ont  laissé  des  œuvres  dignes  des 
plus  grands  maîtres.  Parfois,  ils  savent 
rivaliser  avec  les  Grecs  eux-mêmes.  Le  Vol- 
taire, de   Houdon,  ne  restera-t-il   pas,  dans 


Introduction.  xxv 


les  siècles  à  venir,  comme  le  chef-d'œuvre 
du  portrait  ? 

Les  bustes  de  Caffieri ,  ceux  de  Pajou  et 
de  David  d'Angers,  les  œuvres  de  Carpeaux, 
sont  parfois  de  purs  chefs-d'œuvre  comme 
portraits. 

Pour  ces  maîtres,  il  ne  s'agit  pas  de  faire 
des  bustes  qui  affichent  la  simplicité  ou  la 
coloration,  qui  se  rattachent  à  la  manière  de 
tel  ou  tel  artiste  plus  célèbre. 

Ces  maîtres  ne  songent  guère  à  créer  des 
œuvres  qui  soient  des  pastiches  grecs  ou  des 
imitations  du  xvme  siècle. 

Non  !  leur  œuvre  est  personnelle,  toujours, 
car  elle  est  vraie  :  ils  savent  créer. 

Il  faut  le  dire,  cependant,  la  manière  de  trai- 
ter l'œuvre  est  moins  visible  que  dans  la 
peinture.  Lorsque  les  artistes  ne  se  sont 
préoccupés  que  de  rendre  l'expression,  l'at- 
titude et  la  vie  de  leur  modèle,  la  personna- 
lité de  l'auteur  disparait,  pour  faire  place  à 
celle  du  modèle. 

En  peinture,  la  couleur  ne  permet  pas  une 
différence    aussi     tranchée ,    à    cause  de    la 

d 


xxvi  Histoire  du  Portrait. 

variété  de  ton  qui  est  le  propre  de  chaque 
artiste. 

Nous  avons  vu  des  bustes  de  MM.  Guil- 
laume, Cavalier,  Dubois,  Chapu,  qui  ont  ex- 
cité la  juste  admiration  publique. 

Ces  bustes  étaient  la  reproduction  précise 
de  leur  modèle. 

En  sculpture,  le  portrait  ne  souffre  que  la 
représentation  du  modèle,  saisi  à  ce  moment 
de  la  vie  où  il  est  en  possession  de  toute  sa 
puissance,  car  le  buste  ne  saurait  être  fait  en 
dehors  des  grands  mouvements  du  cœur  et 
de  l'intelligence. 

L'artiste  tombe  dans  le  pittoresque,  s'il 
exécute  un  portrait  dans  une  donnée  excep- 
tionnelle de  la  vie  de  son  modèle,  et  rien  n'est 
plus  désagréable  que  la  vue  d'un  buste  qui 
rit  toujours  ou  qui  pleure  sans  cesse. 

Le  portrait,  dans  la  statuaire  française,  s'est 
toujours  maintenu  à  un  niveau  hors  ligne, 
surtout  dans  le  siècle  dernier,  et  le  progrès  est 
constant  depuis  une  vingtaine  d'années. 

Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  voir  les 
bustes  de  MM.   Bonnassieux,  Jules  Thomas, 


Introduction. 


Crauk,  Iselin,  Oliva,  Falguière,  Franceschi, 
Moulin,  Le  Bourg,  etc. 

Avant  de  terminer  cette  introduction,  un 
devoir  nous  reste  à  remplir.  Nous  devons 
remercier  ceux  qui  ont  bien  voulu  nous  aider 
dans  notre  travail;  l'œuvre  était  lourde  pour 
un  artiste,  il  fallait  courage  et  volonté  pour 
mener  à  bonne  fin  cette  longue  étude. 

MM.  Charles  Blanc,  le  vicomte  Delaborde, 
de  Goncourt,  Feuillet  de  Conches,  Castagnary 
nous  pardonneront  les  emprunts  que  nous 
avons  dû  faire  à  leurs  œuvres.  On  n'emprunte 
qu'aux  maîtres  en  esthétique  quand  on  écrit 
sur  les  arts. 

Nous  voulions,  avant  tout,  faire  une  œuvre 
utile,  —  nous  devions  donc  consulter  toutes 
les  sources  qui  font  autorité, — MM.Labarthe, 
comte  de  la  Borde,  Paul  Lacroix,  de  Lasteyrie 
nous  ont  servi  de  base  pour  la  partie  archéo- 
logique. Les  critiques  illustres,  qui,  depuis 
Diderot,  ont  éclairé  le  public,  nous  ont  légué 
de  fines  appréciations  que  nous  devions  repro- 
duire, avec  leur  saveur  toute  gauloise.  Le  lec- 
teur pourra  passer  de   bons  moments   avec 


xxviii      Histoire  du  Portrait.  —  Introduction. 

MM.  About,  de  Saint -Victor,  les  Goncourt, 
Guizot,  Thiers,  Thoré  et  G.  Planche.  Le  ju- 
gement de  ces  critiques  fait  loi,  et  pouvions- 
nous  faire  mieux  que  de  les  reproduire? 

Apporter  notre  concours  à  l'histoire  de  l'art 
français;  contribuer  à  faire  connaître  les  titres 
de  notre  glorieuse  École  artistique,  telle  a  été 
notre  pensée,  tel  a  été  notre  but. 


PREMIERE    PARTIE 

Du  Portrait  dans  la  Peinture 

ET  DANS  LES  ARTS  QUI  sV  RATTACHENT 


Lt  UJJ-X-t  .UJUUUJl_*_V*Jl  KJULXJLXJt  KXXJ^JUJLJLlJiJL*JUUUiXXJULVJVLXJLiUL.kJULJ XJUL 


CHAPITRE    T 


DES  QUALITES   NECESSAIRES    DANS  LE    PORTRAIT 


Tout  le  monde  peut  peindre  un  d'il, 
mais  tout  le  inonde  ne  saurait  peindre 
un  regard.  Lawrence. 


uivant  une  fable  gracieuse ,  la 
première  manifestation  des 
Beaux-Arts  fut  un  portrait,  et 
naturellement  son  auteur  était 
l'Amour. 

L'amour  est  en  effet  un  grand  artiste,  un 
artiste  sublime  ;  dans  le  cœur,  c'est  un  senti- 
ment d'une  exquise  délicatesse;  dans  la  tète, 
ce  sentiment  se  matérialise  et  revêt  une  forme  ; 
au  bout  du  doigt,  il  devient  image. 

Est-ce  que  l'image  de  l'être  aimé  ne  se  pré- 
sente pas  sans  cesse  à  la  pensée  ? 


Histoire  du  Portrait. 


Les  artistes  ne  me  contrediront  pas,  car 
les  amateurs,  les  érudits  savent  bien  que, 
malgré  nous,  nous  reproduisons  toujours, 
plus  ou  moins ,  la  même  physionomie.  Il 
semblerait  que,  même  à  notre  insu,  tout  visage 
devienne  comme  le  miroir  de  l'âme  aimée 
dans  lequel  nous  voulons  nous  retrouver? 
Peut-être  serait-ce  le  cas  de  dire,  avec  les 
profonds  politiques,  et  après  M.  Thiers,  que 
le  visage  est  le  théâtre  de  la  pensée. 

Pour  l'artiste,  cette  parole  reste  vraie  ;  — 
mais  là  est  recueil. 

Dans  le  portrait,  en  effet,  l'image  matérielle 
n'est  rien  ;  ce  qui  est  difficile  à  rendre,  c'est 
cette  vie  intime,  c'est  cette  âme  qu'il  faut  inter- 
roger, dont  il  faut  traduire  la  pensée  secrète. 

Il  n'est  pas  inutile  d'établir,  dès  à  présent, 
une  distinction  entre  ceux  qui  font  acciden- 
tellement des  portraits  et  les  véritables  por- 
traitistes. 

Ceux-ci  poursuivent  dans  l'art  la  vérité, 
l'alliance  de  la  pensée  el  de  la  vie  du  modèle 
avec  la  forme  plus  ou  moins  transformée 
par  cette  pensée  et  par  cette  vie:  ceux-là,  au 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.         5 

contraire,  ne  s'inquiètent  que  de  la  mode, 
de  la  fantaisie,  du  tour  d'adresse  ;  mais  que 
devient  l'art  ?  que  deviennent  le  naturel  et 
l'exactitude?  Tel  n'est  pas  leur  souci. 

On  ne  devrait  jamais  oublier,  il  nous 
semble,  cette  loi  qui  prime  tout  :  l'exactitude 
et  le  naturel. 

Chaque  province,  chaque  ville,  a  bien  son 
caractère  spécial  ;  chaque  classe,  chaque  pro- 
fession sa  caractéristique  différente;  dans  une 
même  famille,  tout  individu,  et  dans  cet  indi- 
vidu toute  situation  d'esprit,  chaque  instant  a 
sa  physionomie,  son  expression. 

Voilà  ce  que  le  portrait  doit  reproduire 
avant  tout  ;  voilà  l'œuvre  du  portraitiste  ! 

Dans  l'artiste,  les  coopérateurs  seront  le 
goût,  l'ordonnance,  l'expression,  la  vérité. 

Le  portraitiste  doit  être  physionomiste 
expérimenté,  observateur  tour  à  tour  froid 
ou  passionné ,  lent  ou  rapide ,  suivant  la 
nature  qui  pose  devant  lui. 

Le  portraitiste  doit  être  capable  de  rendre 
toutes  les  études  ;  il  doit  connaître  encore  la 
vie  et  les  œuvres  de  son  modèle. 


Histoire  du  Portrait. 


Sur  ce  visage  qu'il  ébauche,  il  doit  traduire 
la  pensée  profonde  du  philosophe,  les  visées 
secrètes  du  diplomate,  mais  toujours  le  feu 
qui  est  au  fond  du  cœur.  Il  semble  que, 
médecin  et  confesseur,  tout  ensemble,  rien 
ne  doive  être  caché  pour  lui,  et  qu'il  doive  tout 
savoir,  dût-il  le  deviner,  pour  que  la  vie 
vraie  du  modèle  vienne  animer  sa  toile  ou 
son  buste. 

Rendre  la  vie  :  voilà  l'idéal. 
La  tète  perd  toujours  de  son  expression,  si 
le  sentiment  intime  n'est  pas  rendu  avec  fer- 
meté. Comme  Ta  dit  un  grand  critique  : 
—  «  Le  visage  est  une  lettre  de  recomman- 
dation écrite  dans  une  langue  commune  à 
tous  les  hommes.  » 

Mais  le  portraitiste  doit  encore  traduire 
l'opportunité  dans  l'expression  de  son  mo- 
dèle ;  car  il  ne  suffirait  pas  de  reproduire 
l'expression  habituelle  et  générale,  il  faut 
encore  que  cette  expression  s'harmonise  avec 
l'instant,  avec  le  moment  précis  de  l'exis- 
tence que  le  portraitiste  entend  rendre  ou 
rappeler. 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait. 


Les  vêtements  et  les  accessoires  ne.  sau- 
raient suffire  pour  atteindre  ce  but. 

Balzac  mangeant,  Balzac  au  théâtre,  Balzac 
plaisantant  son  éditeur  n'avait  certes  pas  la 
même  physionomie. 

Dans  une  personne,  l'expression  du  visage 
est  bien  rarement  la  même  ;  soyez  dans  la 
rue,  à  l'église,  à  une  réception,  bien  plus, 
soyez  en  habit  ou  en  veste  du  matin,  la 
ligure  changera  d'expression  ;  la  personne 
en  habit  se  met  instantanément  à  la  pose  ; 
mais  qu'elle  reprenne  son  coin-de-feu,  aussitôt 
la  figure  deviendra  calme  et  tranquille. 

Il  semblerait  qu'il  y  a  des  milliers  d'hommes 
en  nous-même  et  qu'ils  ne  doivent  pas  être 
confondus;  c'est  à  l'artiste  de  savoir  s'en  con- 
vaincre et  de  savoir  discerner. 

Est-ce  que  le  poète  ne  vit  pas,  ne  pleure 
pas  avec  les  héros  qu'il  évoque  dans  son  ima- 
gination surexcitée?  Est-ce  qu'il  n'a  pas  sou- 
vent peur  des  fantômes  qu'il  a  su  créer  pour 
un  instant  ? 

Eh  bien!  le  portraitiste,  s'il  veut  être  digne 
de    ce    nom,    doit  s'incarner  lui-même  dans 


Histoire  du  Portrait. 


l'individualité  de  son  modèle;  il  lui  arrivera 
parfois,  après  la  pose,  de  parler,  de  rire, 
d'avoir  les  mêmes  gestes  que  ce  modèle;  mais 
possédant  ainsi  son  sujet,  comment  ne  le  ren- 
drait-il pas  ? 

—  «  Le  portrait,  »  dit  Charles  Blanc,  «  veut 
une  intelligence  souple,  variée,  étendue  et 
pénétrante ,  un  esprit  fertile  en  ressources  ;  il 
veut  l'expression  des  caractères  par  la  couleur, 
par  le  clair-obscur,  par  la  touche  aussi  bien 
que  par  l'attitude.  Il  ne  saffit  pas  que  le  per- 
sonnage paraisse  avoir  la  plus  haute  condi- 
tion de  la  vie,  qui  est  la  pensée,  il  faut  encore 
qu'il  soit  baigné  dans  l'atmosphère,  plongé 
dans  la  vie  universelle.  Il  faut  que  tout  vive 
autour  de  lui,  et  que  le  fluide  de  son  âme 
s'attache  à  ses  vêtements,  à  toutes  les  choses 
environnantes  et  ambiantes,  même  aux  choses 
inertes,  comme  le  parfumait  vase.  »  (Les  Ar- 
tistes de  mon  temps.  Hipp.  Flandrin,  p.  269.) 

—  «  Tout  le  monde  peut,  à  la  rigueur, 
peindre  un  œil,  mais  tout  le  monde  ne  sau- 
rait teindre  un  regard,  »  disait  Lawrence. 

Pour  ce  qui  concerne  le  dessin  dans  le  por- 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.  q 

trait,  nous  devons  nous  pénétrer  de  ceci  : 
c'est  que  tout  est  beau,  tout  est  grand  dans  la 
nature,  tout  s'équilibre  et  s'harmonise  ;  si  une 
partie  du  corps  ou  du  visage  a  souffert,  la 
nature  saura  trouver  son  équilibre  dans 
les  autres  parties  de  ce  corps  ou  dans  ce 
visage. 

Le  dessin  d'un  portrait  doit  être  vrai,  mais 
il  doit  se  garder  d'être  petit  et  mesquin. 
Voyez  ce  nez  gros  et  fendu  à  son  extrémité; 
le  dessinerez-vous  toujours  de  la  même  façon  ? 
Même  dans  le  type  grossier  et  ignorant,  la 
nature  semble  avoir  donné  comme  un  aspect 
idéal  à  ce  nez  peu  gracieux,  mais  dans  l'homme 
intelligent  ce  même  nez  saura  prendre  de  la 
finesse,  j'allais  dire  de  l'esprit.  Voilà  la  na- 
ture ! 

De  même  l'artiste,  en  procédant  par  en- 
semble, est  certain  de  donner,  malgré  lui, 
cette  finesse  et  cet  esprit  au  même  nez. 

Non  que  les  portraitistes  doivent  faire 
comme  certains  artistes  :  après  avoir  passé 
dix  ans  de  leur  vie  dans  un  atelier  à  dessiner 
des  lithographies  ou  des  bustes  grecs  et  ro- 


/(i  Histoire  du  Portrait. 

mains,  ces  artistes  font  de  tous  leurs  portraits 
des  Grecs  et  des  Romains. 

Les  faits  de  ce  genre  ne  sont  pas  rares  dans 
l'histoire  du  portrait. 

Dans  le  dessin,  le  portraitiste  ne  doit  appar- 
tenir qu'à  une  seule  école,  V école  de  la  nature 
dirigée  par  la  pensée.  La  preuve,  la  voici  : 
chacun  sait  combien  il  est  rare  de  trouver 
de  bons  portraitistes  parmi  «  les  artistes  éle- 
vés dans  les  serres  chaudes  administratives 
où  Ton  enseigne  la  manière  de  dessiner.  » 
(Viollet-le-Duc.) 

Mais  il  est  encore  certains  principes  que 
l'artiste  ne  doit  pas  perdre  de  vue  : 

Le  dessin  peut  être  correct,  si  les  propor- 
tions sont  exactement  observées  entre  toutes 
les  parties  du  corps; 

Le  dessin  peut  être  savant,  si  les  saillies 
de  chaque  muscle  sont  bien  rendues  suivant 
le  mouvement; 

Le  dessin  peut  être  riche,  si  les  saillies  sont 
abondamment  exprimées; 

Enfin,  le  dessin  peut  être  grand  et  beau,  si 
les  formes  choisies  sont  nobles  et  pures. 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.       1 1 

Ce  sont  les  principes  que  nous  donne 
M.  Thiers  dans  son  Salon  de  1822.  Donc 
au  portraitiste  de  savoir  s'il  doit  faire  un  por- 
trait correct,  —  ou  savant,  —  ou  riche,  —  ou 
grand  et  beau. 

Mais,  comme  principe  immuable,  il  faut 
qu'il  y  ait  une  sympathie  générale  des  mem- 
bres, ce  qui  fait  qu'une  femme  assise  est  vrai- 
ment assise  de  la  tète,  du  cou,  des  bras,  des 
cuisses,  des  jambes,  de  tous  les  points  du 
corps  et  sous  tous  les  aspects. 

Comment  veut-on  qu'un  artiste  qui  a  tou- 
jours dessiné,  pendant  sa  jeunesse,  les  mêmes 
yeux,  le  même  nez,  le  même  menton,  les 
mêmes  oreilles,  le  même  ovale,  ne  se  sou- 
vienne pas  de  ce  nez,  de  ce  menton,  lorsqu'il 
a  devant  lui  une  personne  dont  il  doit  faire  le 
portrait  ?  Rendre  ce  qu'il  a  sous  les  yeux  offre 
déjà  une  difficulté  naturelle;  ajoutez-y  la  né- 
gligence, et  toutes  ces  causes  le  ramèneront 
fatalement  aux  formes  qu'il  a  reproduites  tant 
de  fois. 

Fatalement,  le  crayon  inconscient  aura  bien 
aussi  son  eenre  de  mémoire  ! 


T2  Histoire  du  Portrait. 


Au  contraire,  l'artiste  vrai,  élève  assidu  de 
la  nature,  toujours  curieux  et  toujours  pas- 
sionné, travaillera  avec  ardeur,  avec  amour, 
s'il  se  trouve  devant  un  nouveau  modèle, 
car,  pour  lui,  tout  est  comme  inédit,  tout 
offre  l'attrait  de  l'inconnu  et  semble  comme 
une  région  inexplorée,  bien  que  cent  fois  par- 
courue. 

Mais ,  entre  les  deux  artistes,  quelle  dis- 
tance ! 

«  Pour  bien  faire  un  portrait,  »  nous  dit 
M.  Charles  Blanc,  «  il  faut  bien  des  qualités  de 
caractère  et  d'esprit,  qui  souvent  ne  se  ren- 
contrent pas  chez  les  meilleurs  peintres.  Soit 
que  l'amour-propre  fasse  prendre  au  modèle 
une  contenance  embarrassée,  une  expression 
factice,  soit  que  les  longueurs  de  la  pose  le 
fatiguent,  détendent  les  muscles  du  visage 
et  leur  donnent  un  air  de  contrainte  et 
d'ennui. 

»  L'artiste  est  forcé  de  deviner  la  véritable 
physionomie  de  son  personnage,  ou  du  moins 
de  la  saisir  dès  le  premier  moment,  sans 
attendre  la  rapide  altération  que  produit  dans 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.        i3 

les  traits  de  l'original  la  seule  pensée  de  paraî- 
tre moins  beau  qu'il  ne  se  trouve,  ou  la  lassi- 
tude d'une  posture  gênée. 

»  11  faut  donc  amuser  son  modèle,  le  dis- 
traire, lui  faire  oublier  pourquoi  il  est  ainsi,  et 
l'amener,  par  des  détours  de  la  conversation, 
sur  le  terrain  où  Ton  suppose  que  sa  passion 
dominante  le  trahira,  que  son  vrai  caractère 
se  fera  jour. 

»  Savoir  poser  son  modèle  n'est  pas  la 
moindre  affaire,  le  moindre  mérite  du  portrai- 
tiste :  c'est  bien  difficile,  c'est  un  mérite  bien 
rare.  Il  ne  faut  pas  confondre  attitude  avec  ac- 
tion :  l'attitude  est  une  fausse  action  ;  or  dans 
un  portrait  c'est  l'action  que  vous  devez  ren- 
dre, et  c'est  elle  qui  vous  donnera  la  vie,  la 
véritable  ressemblance.  » 

Nous  ajouterons  :  alors  vous  serez  portrai- 
tiste et  vos  œuvres  seront  frappées  au  bon 
coin,  au  coin  du  talent,  de  l'exactitude  et  de 
la  vérité. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  dans  ce 
chapitre  semble  n'être  qu'un  résumé  des  tra- 
ditions de  l'École  française  dans  le  Portrait;  et 


/_/  Histoire  du  Portrait. 


ces  traditions  nous  expliquent  la  supériorité 
constante  de  nos  artistes  nationaux. 

Laissons  M.  Henri  Delaborde  nous  dire, 
avec  son  incontestable  autorité,  les  causes  de 
cette  supériorité  de  l'École  française  : 

«  Comment  s'expliquer,  par  exemple,  »  se 
demande  M.  H.  Delaborde,  «  l'habileté  supé- 
rieure avec  laquelle  la  peinture  de  Portrait  a 
été  traitée  de  tout  temps  en  France,  si  Ton  re- 
fuse aux  peintres  de  ce  pays  un  fonds  de  qua- 
lités instinctives,  des  privilèges  d'intelligence 
transmis  avec  le  sang  et,  jusqu'à  un  certain 
point,  des  doctrines  permanentes? 

»  A  coup  sûr,  dans  cet  ordre  de  travaux, 
comme  ailleurs,  bien  des  différences  se  font 
sentir,  qui  résultent  de  la  mode  et  des  in- 
fluences régnantes  ;  bien  des  variations  de 
goût,  de  style  et  de  pratique  donnent  à  chaque 
groupe  d'oeuvres  sa  signification  particulière 
et  sa  date. 

»  Que  l'on  ne  s'y  méprenne  pas  toutefois, 
les  œuvres  différent  sans  se  contredire. 

»  Les  témoignages  d'une  pénétration  sin- 
gulière, une  intelligence  profonde  de  la  phy- 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.        /.S 

sionomic  et  du  caractère  des  modèles,  l'expres- 
sion, en  un  mot,  de  la  vérité  morale  :  voilà 
ce  qui  recommande  les  portraits  de  1' École 
française,  à  quelque  époque  qu'ils  appar- 
tiennent; voilà  ce  qu'il  faut  admirer  plus  en- 
core que  les  qualités  purement  pittoresques 
dans  les  Crayons  de  Dumonstier  ou  de  Ques- 
nel,  comme  dans  les  pastels  de  Nanteuil  et  de 
Latour,  dans  les  miniatures  à  l'huile  du  xvic 
siècle,  comme  dans  les  émaux  du  xviie,  dans 
les  toiles  de  Robert  Tournières,  de  Largil- 
lière  et  de  leurs  contemporains,  comme  dans 
les  toiles   qu'ont  signées  leurs  successeurs.  » 

Ces  lignes  justifient  ce  que  nous  avons  écrit 
dans  ce  chapitre  sur  les  qualités  nécessaires 
dans  le  Portrait. 

Le  passage  suivant  du  même  écrivain 
n'offre  pas  un  moindre  intérêt  et  vient  encore 
à  l'appui  de  notre  thèse  : 

«  Dès  le  règne  de  Charles  VII,  à  une  époque 
par  conséquent  où  la  peinture  d'histoire  se 
réduisait  encore  à  l'ornementation,  tantôt 
symbolique,  tantôt  capricieuse,  des  murailles 
et  des  verreries  d'églises,  Jean  Fouquet  trai- 


il,  Histoire  du  Portrait. 


tait  le  Portrait  avec  ce  sentiment  fin  de  la 
vérité  et  cette  délicatesse  de  style  dont  la  tra- 
dition ,  pieusement  recueillie  par  plusieurs 
générations  d'artistes,  se  retrouve  et  se  perpé- 
tue dans  les  portraits  appartenant  à  l'époque 
de  la  Renaissance. 

»  Même  à  ce  moment  d'engouement  géné- 
ral pour  la  manière  italienne,  nos  portraitistes, 
on  le  sait,  eurent  le  courage  et  le  bon  sens  de 
ne  pas  abjurer  leur  vieille  foi.  Tandis  que  les 
autres  peintres  s'évertuaient  à  parodier  dans 
leurs  ouvrages  les  décevantes  nouveautés 
qu'ils  avaient  vues  à  Fontainebleau,  eux  seuls 
protestaient,  par  la  sobriété  de  leur  méthode, 
contre  les  jactances  de  la  pratique. 

»  Bien  leur  en  prit,  car  les  œuvres  de  ces 
humbles  disciples  de  la  vérité  ont  survécu  aux 
œuvres  ambitieuses,  et  si  l'empressement  des 
peintres  d'histoire  à  accepter,  au  xvie  siècle, 
le  joug  italien  nous  apparaît  aujourd'hui 
comme  une  sorte  de  félonie,  la  résistance 
obstinée  de  Clouet  et  des  siens  a  presque  le 
caractère  d'un  acte  de  patriotisme.»  (H.  Dela- 
borde,   La    peinture  de  Portrait  en  France. 


Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait. 


i  7 


—  François  Gérard.  Revue  des  Deux  Mondes, 
oct.  i856.) 

On  ne  saurait  mieux  dire;  mais  nous  con- 
cluons à  notre  tour  :  Ces  qualités  de  FEcole 
française,  qui  ont  valu  à  nos  artistes  nationaux 
une  renommée  si  brillante,  restent  toujours 
les  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait  :  le 
méconnaître  serait  une  erreur  profonde  dont 
les  conséquences  néfastes  seraient  incalcu- 
lables pour  l'art  du  Portrait. 


CHAPITRE    II 


DU    PORTRAIT    DANS    LES    MANUSCRITS 


es  Arts  prirent  un  grand  dévelop- 
pement avec   la    période  Chré- 
tienne ;  la  conversion  de  Cons- 
tantin favorisa  plus  puissamment 
encore  cette  renaissance. 
Aux  rares  peintures  des  Catacombes,  si  sa- 
vamment décrites  par  Bosio  et  Bottari,  par 
Perret,  succédèrent  les   magnifiques  décora- 
tions dont  les  églises  furent  enrichies. 

Cette  période  Constantinienne  produisit  une 
véritable  rénovation  de  Fart,  dans  ses  mani- 
festations les  plus  diverses. 

L'invasion  des  Barbares,  le  sac  de  Rome 


20  Histoire  du  Portrait. 

par  Alaric  et  la  chute  de  l'Empire  romain 
arrêtèrent,  il  est  vrai,  cet  élan,  et  si  l'Italie 
parvint  à  jouir  de  quelque  repos  sous  Théo- 
doric,  roi  des  Goths,  et  Théodelinde,  la  royale 
châtelaine  de  Monza,  les  arts  furent  entravés 
de  nouveau  par  les  convulsions  politiques  qui 
suivirent  la  mort  de  cette  princesse. 

Lorque  les  artistes  de  l'Orient,  poursuivis 
par  les  empereurs  iconoclastes,  cherchèrent 
un  refuge  en  Italie,  leur  arrivée  marqua  une 
reprise  des  travaux  artistiques. 

Rome  et  les  Papes  offrirent  une  noble  hos- 
pitalité aux  arts  persécutés. 

Au  VIIIe  siècle  —  Grégoire  III  —  (731-741) 
puis  encore  Adrien  Ier  et  Léon  III  favorisent 
la  Peinture;  ils  sont  imités  par  leurs  suc- 
cesseurs, ainsi  que  nous  le  raconte  le  Liber 
Pontificalis. 

Dans  les  Gaules,  dès  le  ve  siècle,  les  pein- 
tures murales  dans  les  églises  étaient  en  grand 
honneur.  Grégoire  de  Tours  nous  montre  la 
femme  de  Numatius,  évèque  de  Clermont,  en 
Auvergne ,  décorant  la  basilique  Saint  - 
Etienne  de  riches  fresques  exécutées  sous  sa 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  21 

direction  (Hist.  Francorum.  Lib.  II.  §  xvn. 
Lut.  Paris.  1699).  Le  même  auteur  nous 
parle  encore  des  peintures  murales  de  Saint- 
Martin  de  Tours  (Ibid.  Lib.  VII.  g  xxii).  Enfin 
d'après  le  Livre  des  Martyrs  de  Grégoire  de 
Tours,  la  sœur  et  la  femme  d'un  autre  évêque 
de  Clermont  enrichissent  de  peintures  histori- 
ques l'église  de  Saint-Antolien,  qu'elles  avaient 
fait  construire  (472-484).  (Libri  Miraculorum. 
Lib.  I.  —  Lib.  LXV.) 

Mais  ce  ne  fut  que  sous  Charlemagne  que 
commença  notre  ère  artistique  Française  ;  sous 
ce  prince  érudit  et  soucieux  de  propager 
toutes  les  connaissances  dans  son  royaume, 
un  mouvement  intellectuel  considérable  se 
produisit  ;  l'Empereur  répandit  l'usage  de 
récriture  et  du  dessin;  en  cela,  le  prince  ne 
voulait  pas  seulement  satisfaire  ses  goûts  ar- 
tistiques, mais  encore  vulgariser  la  connais- 
sance de  l'histoire  civile  ou  religieuse. 

Charlemagne  pensait,  avec  juste  raison, 
qu'au  moyen  des  figures,  l'histoire  resterait 
gravée  plus  profondément  dans  les  mémoires. 

Le  prince  voulut  que  des  écoles  de  pein- 


Histoire  du  Portrait. 


turc  fassent  créées  ;  il  appela  de  nombreux 
artistes  étrangers  pour  décorer  les  églises  et 
les  palais. 

Un  Capitulaire  de  (807)  institua  même  des 
inspecteurs  chargés  de  faire  exécuter  les  or- 
dres de  l'Empereur.  (Capitulare  Aquense,  807, 
apud  Pertz,  Monum.  Germ.  Hist.,  I,  148.) 
Ermold  le  Noir  a  chanté  dans  ses  vers  les 
fresques  du  palais  d'Ingelheim  et  les  scènes 
merveilleuses  des  deux  Testaments  qui  déco- 
raient les  murailles.  (Ermoldi  Nigelli  Carm. 
IV,  V.  190.) 

Mais,  chose  singulière,  ce  poème  d'Ermold 
le  Noir  ne  signale  aucune  statue  dans  le 
somptueux  palais  d'Ingelheim. 

Le  portrait  de  Charlemagne  est  bien 
reproduit  dans  un  bas-relief,  mais  la  figure 
de  l'Empereur  semble  ne  se  trouver  là  que 
par  hasard  et  comme  décor  accessoire  : 

«  Bien  qu'elle  soit  couronnée  du  stemma 
traditionnel  en  Orient.  »  Fert  coronatum 
stemmate  rite  caput.  (Ibid.  Carm.  IV,  V.  279. 
Apud  Pertz.  II.  5o6.) 

Quelques  rares  manuscrits  de  cette  période 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  23 

sont  parvenus  jusqu'à  nous  et  les  miniatures 
qui  les  enrichissent  prouvent  que  le  Style 
Français  n'existait  pas  encore.  Les  écoles  de 
dessin  empruntent  un  peu  partout  leurs  règles 
et  leur  méthode,  et  ne  semblent  pas  avoir  de 
voie  originale  qui   les  distingue  nettement. 

Jusqu'à  l'époque  de  Charlemagne,  les  ma- 
nuscrits ne  sont  ornés  que  de  travaux  calli- 
graphiques, parfois  d'un  goût  plus  ou  moins 
douteux. 

Il  semble  difficile  de  trouver  des  tableaux 
et  encore  plus  de  trouver  des  portraits  dans 
ce  mélange  bizarre  d'oiseaux,  d'animaux  di- 
vers, dans  ces  enroulements  impossibles  en- 
cadrant parfois  dés  têtes  humaines,  du  reste 
fort  incorrectes  comme  dessin. 

Si  le  Calligraphie  rehausse  sa  composi- 
tion en  l'ornant  de  couleurs,  il  donne  une 
preuve  nouvelle  de  son  ignorance  comme 
coloriste. 

Aussi  l'artiste  devra  parfois,  comme  dans 
l'Évangéliaire  Anglo-Saxon  de  la  Bibliothè- 
que Nationale  (n°  9389.  Lat.  folio  18.),  ajou- 
ter à  son  dessin  «  Ceci  estime  figure  d' Homme  », 


2<jj  Histoire  du  Portrait. 


afin  que  Ton  puisse  comprendre  son  travail 
et  saisir  son  intention. 

Les  Miniatures  ne  paraissent  donc  pas  avoir 
été  employées,  dans  l'ornementation  des  ma- 
nuscrits, avant  Charlemagne. 

Aussi  les  figures  exécutées  sous  Charlema- 
gne et  sous  Charles  le  Chauve  offrent  à  peu 
près  les  mêmes  caractères  :  on  ne  soupçonne 
pas  les  règles  de  l'anatomie,  le  dessin  reste 
presque  sauvage,  et  cependant  l'ensemble  ne 
manque  pas  d'une  certaine  grandeur,  peut- 
être  à  cause  de  la  naïveté  qui  le  caractérise. 

Déjà  les  miniaturistes  commencent  à  grou- 
per leurs  personnages  pour  composer  de  vé- 
ritables tableaux;  mais,  il  faut  le  reconnaître, 
l'art  Carlovingien  reste  comme  un  mélange 
des  genres  Grec,  Byzantin,  Romain  et  Anglo- 
Saxon. 

S'il  est  difficile  de  reconnaître  des  portraits 
dans  ces  miniatures  de  l'époque  Carlovin- 
gienne  qui  paraissent  toujours  se  ressembler, 
cependant  il  y  a  des  raisons  plausibles  pour 
croire  que,  dès  cette  époque,  les  enlumineurs 
ont  dû  chercher  à  faire  des  portraits. 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  2 5 

Le  Sacramentaire  de  Gellone  semble  servir 
de  transition  entre  la  Calligraphie  et  la  Minia- 
ture dans  les  Manuscrits,  mais  il  révèle  l'in- 
habileté profonde  des  artistes  de  la  fin  du 
vmc  siècle. 

Ce  Sacramentaire  (coté  12048  Lat.  à  la  Bi- 
bliothèque Nationale),  provient  de  l'abbaye  de 
Gellone,  au  diocèse  de  Lodève,  fondée  en  (804) 
par  le  comte  Guillaume,  de  Toulouse. 

La  figure  de  la  Vierge  et,  plus  encore,  le 
corps  du  Christ  sur  la  croix  montrent  que 
l'artiste  n'avait  aucune  notion  du  dessin  et 
de  la  peinture,  et  témoignent  de  son  embarras 
lorsqu'il  devait  user  de  la  couleur. 

Malgré  ces  imperfections,  le  Sacramentaire 
de  Gellone  est  précieux,  car  il  marque  une 
date  précise  dans  la  marche  de  la  Peinture  en 
France  et  dans  l'histoire  du  Portrait. 

Peu  de  manuscrits  de  l'époque  de  Charle- 
magne  et  du  vine  siècle  sont  venus  jusqu'à 
nous.  Le  plus  ancien  est  l'Évangéliaire  du 
Louvre,  écrit  en  lettres  d'or  sur  velours  pour- 
pre; il  est  à  deux  colonnes  séparées  par  un 
feuillage. 


26  Histoire  du  Portrait. 


Les  ornements  sont  riches  et  délicats,  mais 
les  six  miniatures  ne  répondent  pas  à  ce 
curieux  encadrement  :  la  figure  du  Christ 
imberbe  et  bénissant  à  la  manière  orientale 
manque  absolument  d'expression.  (Miniature 
reproduite  dans  le  Moyen  Age  et  la  Re- 
naissance, II;  — dans  les  Arts  somptuaires,  I  ; 
—  dans  les  Évangiles  de  Curmer,  éd.  1864, 
page  97.) 

Cet  Évangéliaire  fut  achevé  en  (781)  par 
Gondescalc,  qui  l'avait  exécuté  sur  Tordre  de 
Charlemagne  et  de  la  reine  Hildegarde. 

L'Évangéliaire  (coté  a,j5g  Lat.  à  la  Biblio- 
thèque Nationale)  est  supérieur  au  précédent 
par  son  dessin  des  Évangélistes,  mais  le  pro- 
cédé de  Fauteur  manque  absolument  de  fi- 
nesse et  les  contours  à  la  plume  restent  comme 
en  surcharge  et  toujours  apparents. 

A  son  retour  d'Italie  en  (781),  Charlemagne 
amenait  Alcuin  en  France  et  cette  date  ouvre 
une  ère  brillante  pour  les  arts  dans  notre  pays. 
Aussi  les  trois  autres  manuscrits  qui  nous 
restent  du  viup  siècle  ont  une  supériorité  mar- 
quée   sur  les   deux    précédents  :    l'influence 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  27 

Byzantine  avait  dû  exercer  son  action  en 
France. 

L'Évangéliaire  (coté  n°  885o  Lat.  à  la  Bi- 
bliothèque Nationale)  est  admirable  d'exécu- 
tion. L'Ange  du  folio  10  est  irréprochable 
comme  correction  de  dessin  :  le  modelé  de  la 
tète,  les  draperies  méritent  tout  éloge.  Mais 
l'artiste  se  montre  faible  encore  dans  les  mi- 
niatures plus  considérables,  le  naturel  man- 
que dans  la  pose,  les  visages  sont  souvent  in- 
corrects ;  il  ne  sait  pas  employer  la  couleur, 
qui  reste  crue  sous  son  pinceau.  (Voir  dans  le 
Moyen  Age  et  la  Renaissance,  II.) 

Le  Manuscrit  d'Abbeville,  qui  provient  de 
l'abbaye  de  Saint-Riquier,  fut  donné  en  (793) 
par  Charlemagne  à  son  gendre  Angilbert,  abbé 
de  ce  monastère.  Il  contient  quatre  grandes 
miniatures  et  de  nombreux  médaillons  ren- 
fermant des  bustes,  irréprochables  comme 
dessin.  (Voir  les  Arts  au  Moyen  Age,  VIII0  sé- 
rie.) 

Enfin  rÉvangéliaire  de  Trêves  est  enri- 
chi du  portrait  des  quatre  Évangélistes  et  ac- 
cuse un  art  bien  supérieur  :  les  figures  sont 


28  Histoire  du  Portrait. 


expressives,  la  composition  d'ensemble  a  de 
la  grandeur. 

On  voit  que  l'influence  de  Charlemagne  et 
d'Alcuin  avait  provoqué  un  progrès  rapide, 
étonnant  même,  dans  une  période  bien  res- 
treinte comme  durée. 

Ce  progrès  dans  la  Miniature  se  développe 
sous  Charles  le  Chauve,  bien  que  les  pein- 
tures des  manuscrits  continuent  de  rappeler 
le  genre  Anglo-Saxon  ou  Irlandais,  combiné 
avec  le  style  Gallo-Romain. 

L'influence  Byzantine  s'accentue  davantage, 
il  est  vrai,  mais  elle  ne  domine  pas  encore,  à 
l'époque  de  la  mort  de  Charles  le  Chauve  (877). 

Mais  un  événement  considérable,  c'est  l'ap- 
parition du  Portrait  dans  les  manuscrits  et 
dans  le  plus  ancien  en  date,  dans  la  Bible 
de  Charles  le  Chauve,  qui  fut  présentée  au 
Roi  par  les  religieux  de  Saint-Martin  de 
Tours. 

Dans  cette  Bible,  qui  dut  être  offerte  au  Roi 
vers  (85o  à  853),  Charles  le  Chauve,  vêtu  d'une 
espèce  de  chlamyde  qui  recouvre  la  tunique, 
est  assis  sur  un  trône  et  couronné  d'un  cercle 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  2g 

d'or,  fermé  par  un  arceau,  orné  de  feuillages; 
le  comte  Vivien,  abbé  de  Saint-Martin,  montre 
le  livre  présenté  par  trois  chanoines.  Les 
insignes  royaux  sont  portés  par  des  officiers, 
et  un  groupe  de  chanoines  est  rangé  autour 
du  trône.  (Voir  les  Arts  somptuaires,  tome  I 
des  planches.) 

Indépendamment  des  portraits  de  Charles 
le  Chauve  et  du  comte  Vivien,  on  peut  croire 
que  tous  les  personnages  étaient  dessinés  d'a- 
près nature,  et  cette  page  offre,  dès  lors,  un  in- 
térêt historique  considérable. 

Quant  à  l'ensemble  du  manuscrit,  il  décèle 
un  talent    d'exécution    qui    laisse   bien    loin 
en   arrière    les    œuvres   faites    sous    Charle-* 
magne. 

L'Évangéliaire  de  l'empereur  Lothaire 
(840-855)  contient  aussi  le  portrait  de  ce  sou- 
verain, et  la  donnée  générale  de  cette  œuvre 
rappelle  la  miniature  de  Charles  le  Chauve. 
(Voir  les  Arts  somptuaires,  tome  I  des  plan- 
ches.) Cet  Évangéliaire  aurait  été  exécuté  à 
Metz,  dans  le  monastère  de  Saint-Martin  de 
cette  ville. 


3o  Histoire  du  Portrait. 

La  Bible  des  Bénédictins  de  Saint-Paul,  à 
Rome,  exécutée  à  Tours,  d'après  M.  Jules 
Labarte  (les  Arts  industriels,  tome  III,  p.  117), 
fut  offerte  en  (875)  au  Pape  Jean  VIII  par  le 
roi  Charles. 

Ce  manuscrit  offre  cette  singularité  que  la 
tète  du  Roi  est  couverte  d'un  voile  qui  re- 
tombe sur  les  épaules.  Mais  la  couronne 
royale  est  le  stemma  oriental. 

Le  miniaturiste  Ingobert,  qui  du  reste  a 
signé  son  œuvre,  donne  à  David  et  à  son  en- 
tourage le  costume  du  ixe  siècle. 

Cette  forme  donnée  au  portrait  de  Charles 
le  Chauve  et  les  accessoires  royaux  empruntés 
à  l'Orient  se  retrouvent  encore  dans  l'Évan- 
géliaire  de  Munich. 

Les  calligraphies  miniaturistes  étaient  Liu- 
thard  et  Béringar,  de  l'abbaye  de  Saint-Denis, 
ainsi  que  nous  rapprennent  les  vers  qui  ter- 
minent le  volume.  (Voir  Eckhart,  Comment, 
de  Rébus  Franc. -Orient.,  p.  564.) 

Enfin,  le  Livre  de  Prières  de  Charles  le 
Chauve  contient  aussi  un  portrait  du  Roi 
beaucoup  plus  âgé.  (Voir  les  Arts  somptuaires, 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  3i 


tome  I  des  planches.  —  J.  Labarte,  les  Arts 
industriels,  planche  LXXXIX.) 

Le  calligraphie  a  signé  Lithuard  à  la  fin  du 
volume. 

Au  cours  du  xc  siècle,  l'art  du  miniaturiste 
retombe  dans  la  barbarie  :  les  causes  princi- 
pales de  ce  recul  furent  la  question  religieuse 
(on  attendait  la  fin  du  monde  en  Tan  mille),  et 
encore  le  démembrement  de  l'empire  de 
Charlemagne,  qui  occasionna  des  guerres  in- 
terminables. Le  dessin  devient  absolument 
incorrect,  presque  toutes  les  figures  sont  vues 
de  face,  et  la  France  n'a  plus  la  bonne  fortune 
de  recevoir  les  leçons  des  artistes  grecs,  qui 
vont  en  Allemagne  et  en  Suisse. 

L'abbé  Salomon,  Tutilon  et  Sintram,  moi- 
nes de  l'abbaye  de  Saint-Gall,  jouissaient 
alors  d'un  grand  renom  comme  miniatu- 
ristes (890-920). 

L'Allemagne  elle-même  était  en  décadence, 
ainsi  que  l'attestent  le  Missel  de  l'Arsenal,  qui 
provient  de  Worms,  et  la  traduction  des 
Évangiles  en  vers  allemands,  qui  date  de  (889). 

La  décadence  de   la  Miniature  en   France 


.)'_•  Histoire  du  Portrait. 


est  attestée  par  l'Évangéliaire  de  l'Arsenal 
(coté  T.  L.  33  G.)  et  par  celui  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  (coté,  Fonds  Sorbonne, 
n°  i3oo),  qui  sont  du  xe  siècle. 

Ces  Figures  de  personnages,  dépourvues  de 
toute  expression,  aux  yeux  démesurés,  sont- 
elles  des  portraits?  Nous  n'oserions  pas  le  dire. 

Vers  la  fin  du  xe  siècle,  Heldric,  abbé  de 
Saint-Martin  d'Auxerre,  exécute  son  propre 
portrait  dans  les  Commentaires  d'Haynion 
sur  Ezéchiel. 

Le  Moine  est  prosterné  sur  un  prie-Dieu  et 
offre  son  livre  à  saint  Germain  qui  le  bénit. 
Mais  l'art  est  absent  dans  cette  œuvre.  (Voir 
Arts  somptuaires,  tome  I  des  planches.) 

Au  xie  siècle,  le  dessin  au  trait  continue 
d'être  en  usage^  mais  les  couleurs  reparais- 
sent, l'ensemble  est  plus  ferme  et  plus  cor- 
rect, surtout  dans  la  seconde  moitié  de  ce 
siècle  ;  cependant  il  y  a  peu  de  miniatures,  si 
Ton  en  excepte  la  Bible  de  Saint-Martial  de 
Limoges,  le  Missel  de  Saint-Germain  des 
Prés  et  celui  de  Saint-Denis,  conservés  à  la 
Bibliothèque  Nationale  (n°  10547  et  n°  8  Lat.). 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  33 

Il  est  inutile  de  chercher  ce  que  fut  le  Por- 
trait à  cette  époque. 

Au  xiie  siècle,  grâce  aux  Croisades,  l'art 
semble  renaître  au  contact  de  l'Orient. 

Les  Écoles  épiscopales,  celles  des  Églises 
et  des  Monastères  se  multiplient,  mais  toutes 
les  œuvres  de  la  première  moitié  du  xue  siècle 
accusent  le  défaut  d'études  chez  leurs  auteurs. 
Un  progrès  assez  accusé  distingue  la  Bible  de 
la  Bibliothèque  Colbert  (Bibl.  Nat.,  n°  58 
Lat.).  Le  miniaturiste  a  essayé  de  jeter  des 
lumières,  des  rehauts  de  blanc;  il  indique 
les  carnations  avec  du  blanc,  du  rouge  et 
du  brun.  La  partie  Calligraphique  est  bien 
supérieure  par  son  exécution  aux  travaux  du 
siècle  précédent;  les  lettres  sont  ornées  de 
sujets  historiques  d'une  grande  finesse. 

Au  xme  siècle,  l'art  devient  Sarrasin  ou 
Gothique;  tout  est  mièvre,  allongé,  mais  l'or- 
nement calligraphique,  la  miniature  vont 
servir  à  illustrer  les  ouvrages  profanes.  Les 
romans  de  Chevalerie,  les  Chroniques  reçoi- 
vent des  ornements,  et  des  Écoles  de  peinture 
sont  formées  en  dehors  des  monastères. 

i 


34  Histoire  du  Portrait. 

Nous  avons  de  cette  époque  le  Psautier  dit 
de  Blanche  de  Castille  (i  223- 1226),  enrichi 
de  nombreuses  miniatures  à  pleine  page.  Le 
trait  des  contours  donne  à  l'ensemble  l'aspect 
de  vitraux  : 

—  Le  Psautier  de  saint  Louis  (1226),  égale- 
ment orné  de  miniatures  remarquables  : 

—  Le  Livre  du  Trésor  de  Brunetto  Latini, 
qui  donne  la  Passion  en  3o  tableaux,  groupés 
dans  la  même  page,  sur  six  lignes,  comme  un 
vitrail  : 

—  Le  Romande  saint  Graal,  contenant  de 
petites  figures  fort  curieuses  : 

—  Les  Poésies  de  Gauthier  de  Coinsy,  en 
l'honneur  de  la  Vierge,  également  ornées  de 
miniatures. 

Après  le  règne  de  saint  Louis,  nous  avons 
f  Abrégé  de  la  Chronique  de  Sigebertde  (1278), 
orné  de  miniatures  nombreuses  et  d'un  grand 
fini  d'exécution  : 

—  Le  Calendrier  Indicateur  des  foires  de 
Champagne  de  (1285),  signé  de  Henri. 

Mais  il  est  probable  qu'à  cette  époque,  les 
manuscrits  étaient  l'œuvre  de  plusieurs  ar- 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  35 

tistes  ;  parfois  le  maître  a  dû  donner  le  dessin 
général  à  ses  élèves  et  se  réserver  les  parties 
plus  difficiles.  Ainsi  le  Manuscrit  de  l'Arsenal 
(Bible  in-folio,  marqué  T.  L.  2)  contient  en- 
core de  nombreuses  esquisses  au  crayon,  au 
double  de  l'exécution. 

Dans  la  Légende  Dorée,  par  Jean  Belet,  et 
dans  la  Vie  de  Saint  Denis,  qui  se  trouvent  à 
la  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  on  peut  consta- 
ter un  progrès  réel  dans  le  dessin  et  la  cou- 
leur. Certaines  miniatures  sont  vraiment 
d'une  exécution  supérieure. 

En  tête  de  la  Vie  de  Saint  Denis,  nous  trou- 
vons ces  portraits  :  un  Abbé  mitre  présente 
le  livre  à  un  Roi  de  France  ;  au-dessous  on 
peut  lire  :  Philippus  Rex,  yEgidius  Abbas. 
Cet  Abbé  Gilles  premier  était  supérieur  de 
Saint-Denis  de  (i3o4  à  i32Ô),  et  le  Roi  doit 
être  Philippe  le  Long,  si  Ton  en  juge  par  la 
stature  du  personnage  figuré  dans  le  ma- 
nuscrit. 

A  cette  époque,  l'art  Héraldique  vint  ouvrir 
une  voie  nouvelle  que  les  enlumineurs  se 
hâtèrent  d'exploiter. 


36  Histoire  du  Portrait. 


Dès  lors  les  manuscrits  sont  ornés  de  Bla- 
sons, d'Écus,  d'Armoiries,  de  Devises. 

Cette  partie  Historiée  devient  promptement 
supérieure  au  Portrait  dans  les  manuscrits  ; 
elle  offrait,  il  le  faut  dire,  bien  moins  de  dif- 
ficultés dans  l'exécution,  et  son  effet  décoratif 
était  infaillible. 

Les  manuscrits  sont  illustrés  des  armoiries 
des  nobles  chevaliers,  mais  combien  la  cou- 
leur est  fine  et  délicate  ;  avec  quelle  habileté 
les  artistes  miniaturistes  emploient  l'or  !  La 
gouache  vient  donner  plus  de  corps  à  la  pein- 
ture, dont  les  contours  restent  cernés  de  noir, 
et  les  fonds  sont  d'ors  mats  ou  brunis;  on 
commence  à  faire  un  travail  à  la  pointe  sèche 
et  les  figures  prennent  de  l'expression. 

A  cette  époque,  les  artistes  employaient, 
sur  les  ors  de  différentes  nuances,  des  dessins 
perlés,  des  fragments  d'émeraudes,  de  rubis 
ou  d'autres  pierres  précieuses,  pour  orner  les 
portraits  des  souverains  ou  des  chevaliers. 

Les  portraits  sont  nombreux  dans  les  ma- 
nuscrits de  cette  période,  et  il  serait  trop  long 
de  les  énumérer;  mais,  en  général,  les  por- 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  3j 

traits  de  rois,  de  reines  ou  de  chevaliers 
dominent  dans  ces  miniatures. 

Dans  le  commencement  du  xive  siècle,  nous 
trouvons  des  miniatures  qui  représentent  le 
Roi  de  Navarre,  armé  chevalier  par  son  père 
Philippe  le  Long  ;  dans  d'autres  œuvres  figu- 
rent des  docteurs  de  l'Université,  des  philo- 
sophes ;  toutes  ces  figures  sont  évidemment 
des  portraits. 

Le  dessin  commence  à  devenir  plus  souple, 
moins  exigu,  moins  cassé,  et  les  angles  s'ar- 
rondissent. 

Dans  le  xive  siècle,  on  voit  souvent  derrière 
les  figures  un  fond  de  tapisserie,  et  les  con- 
tours sont  moins  cernés  de  noir. 

Dans  les  Chroniques  de  France,  les  illus- 
trations sont  en  camaïeu  gris,  mais  le  Roi  est 
en  costume  royal,  avec  manteau  semé  de 
fleurs  de  lis  sur  fond  bleu. 

Les  ornements  des  Prélats  et  des  Dignitaires 
sont  rehaussés  d'or.  (Voir  Arts  somptuaires, 
tome  I  des  planches.) 

La  Cité  des  Dames,  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  et  TÉpître  d'Othéa  à  Hector,  par 


18  Histoire  du  Portrait. 


Christine  de  Pisan,  qui  nous  donnent  les 
portraits  de  l'auteur,  ne  manquent  ni  de  cor- 
rection dans  le  dessin  ni  de  mouvement  dans 
la  composition  :  les  couleurs  sont  harmo- 
nieuses. 

Le  Livre  de  Prières  de  Jean,  Duc  de  Berry, 
en  langue  latine  et  française,  — ■  Le  Psautier 
Latin  de  ce  prince,  et  le  Bréviaire  de  Belle- 
ville,  renferment  de  délicieuses  miniatures, 
absolument  remarquables  par  leur  finesse, 
leur  élégance  et  la  richesse  de  la  couleur. 

Quelques  rares  noms  d'enlumineurs  sont 
parvenus  jusqu'à  nous;  du  reste,  les  artistes 
n'ont  pris  aucune  précaution  pour  se  faire  con- 
naître; le  plus  souvent,  à  la  place  delà  signa- 
ture, on  trouve  une  devise  évangélique,  une  sen- 
tence morale  ou  un  axiome  de  foi  chrétienne. 

Cependant,  outre  les  noms  d'artistes  déjà 
cités,  nous  pouvons  nommer  encore  : 

Museignols,  qui  fut  enfermé  pendant  sept 
ans  au  Châtelet  ;  —  Arnulph  de  Camphaing  ; 

—  Jacquemin  dit  Gringonneur. 

Les  Frères  Manuel;  —  Jehan  de  Saint-Éloy  ; 

—  Jean   Costé   ou    Coste  ;  —  Pierre  André. 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  3g 

Colard  de  Laon,  peintre  de  Louis  d'Or- 
léans;—  Perreis  de  Dijon;  —  Pierre  Remio. 

Colin  de  Lafontaine;  —  Salmon;  —  Copin 
de  Gant. 

Guillaume  de  Bailly,  qui  travailla  aux 
Chroniques  de  Froissart. 

Andrieu  Beauneveu,  que  l'on  croit  être 
r auteur  du  Livre  de  Prières  du  Duc  de 
Berry. 

Jacquevrart,  —  de  Hodin  ;  —  Paul  de  Lim- 
bourg  et  ses  frères,  qui  ont  travaillé  au  Psau- 
tier du  Duc  de  Berry. 

Henri  de  Trévoux  ;  —  Rambaldis  ;  —  Jean 
de  Montmartre. 

Hubert  ;  —  Bernard  de  Saint-Omer  ;  — 
Pierre  de  Soliers  le  Provençal  ;  —  Jean  de 
Bruges. 

Tous  ces  miniaturistes  sont  antérieurs  à  la 
première  moitié  du  xive  siècle. 

Dans  la  deuxième  moitié  du  xive  siècle,  la 
miniature  atteste  un  progrès  marqué  dans 
l'exécution,  dans  la  composition  des  tableaux 
et  l'agencement  des  portraits. 

Au  xve  siècle,   la   miniature  semble  à  son 


40  Histoire  du  Portrait. 

apogée  ;  les  couleurs  sont  fines  et  bien  nuan- 
cées, le  dessin  est  correct  et  délicat  et  la  com- 
position remarquable. 

A  partir  de  Jean  II,  le  progrès  continua  de 
se  faire  sentir  d'une  façon  plus  évidente  en- 
core. Nous  avons  vu  que  pendant  le  règne  de 
Charles  V  l'art  du  Portrait  dans  la  Miniature 
avait  fait  preuve  de  réelles  qualités.  Les 
portraits  de  ce  prince,  qui  se  trouvent  dans 
presque  toutes  les  miniatures,  sont  finis  et 
bien  modelés. 

L'admirable  exemplaire  des  Chroniques  de 
Saint-Denis  nous  fournit  une  preuve  nouvelle 
de  progrès  par  les  portraits  de  princes  et 
d'évêques  qu'il  renferme.  Tous  sont  d'une 
adorable  grâce  et  reflètent  une  harmonie  déli- 
cieuse dans  leur  exécution. 

On  doit  à  la  vérité  de  dire  que,  depuis 
deux  siècles,  les  princes  encourageaient  sin- 
cèrement les  arts.  Louis  d'Orléans  avait 
donné  à  Colard  de  Laon  le  titre  de  valet  de 
chambre,  ce  qui  était,  à  cette  époque,  un  grand 
honneur. 

Pierre-André  était  huissier  de  salle  et  tra- 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  41 

vaillait  avec  Colard  sous  les  ordres  du  peintre 
en  titre,  mais  ils  ne  signaient  pas  leurs  œuvres. 

Charles  VI  avait  fait  exécuter  de  remar- 
quables peintures  :  le  Livre  des  Demandes  et 
Réponses  de  Salmon  contient  les  plus  admi- 
rables portraits.  —  Enfin,  dans  les  Femmes 
illustres  de  Boccace,  il  y  a  des  têtes  qui  ont 
toutes  les  qualités  désirées,  coloris,  dessin  ; 
on  y  trouve  même  un  commencement  de 
perspective. 

Le  portrait  de  Louis  d'Orléans,  dans  les 
Livres  de  sa  Librairie ,  est  splendidement 
exécuté. 

Sous  Charles  VI,  dans  les  cartes  à  jouer, 
on  retrouve  de  véritables  portraits;  on  peut 
s'en  convaincre,  en  consultant  le  Recueil  des 
costumes  de  Gaigners. 

Ainsi  Apollon  était  le  Roi  Charles  VII,  la 
Reine  était  représentée  par  Marie  d'Anjou,  ou 
par  une  des  maîtresses  du  roi,  Gérarde  Gas- 
sinel,  Agnès  Sorel.  Le  roi  Sans-Souci  res- 
semble à  l'Argentier  Jacques  Cœur.  Le  roi 
Coursube  doit  être  le  portrait  du  roi  d'Angle- 
terre Henri  III;  Roland  personnifiait  l'un  des 


j.2  Histoire  du  Portrait. 

capitaines  de  Charles  VIL  La  reine  Tromperie 
rappelle  la  marâtre  Isabeau  de  Bavière;  la 
reine  en  Foi-tc-fie  doit  faire  allusion  à  Jeanne 
d'Arc. 

Dans  les  peintures  des  cérémonies  de  Tordre 
du  Saint-Esprit  (i  352),  on  trouve  de  très  beaux 
portraits  du  Roi  et  de  la  Reine.  —  Héloïse 
conservait  au  Paraclet  le  portrait  d'Abélard, 
peint  d'après  nature. 

On  trouve  dans  l'histoire  de  saint  Bernard 
par  de  Villefort,  un  portrait  de  ce  saint  d'après 
un  tableau  qui  avait  été  fait  d'après  nature  au 
moment  où  il  atteignait  l'âge  de  soixante- 
douze  ans. 

Dans  l'Art  de  la  guerre  de  Végèce,  il  y  a  un 
splendide  portrait  de  Pétrarque. 

A  cette  époque  on  peut  constater  différentes 
manières  dans  l'enluminure;  les  portraits, 
entre  autres  ceux  d'Anne  de  Bretagne ,  sont 
très  variés. 

Nous  devons  citer  encore,  parmi  les  minia- 
turistes du  xvc  siècle,  René  d'Anjou,  roi  de 
Naples,  comte  de  Provence,  qui  eut  pour  colla- 
borateurs   Georges   Turlery    et   Bertrand    le 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  43 

Berger  ;  —  Jean  Poyet  ;  —  Jean  cTAmboise  ;  — 
Bernard  et  Jean  de  Pozay  ;  —  Jean  Gossard 
de  Maubeuge  ;  —  Marmion  ;  —  Boniface  de 
Remenaut;  —  Jean  Riveron;  —  Robinet  Tes- 
tart; puis, sous  François  Icr,JehanBourdichon. 

Le  plus  célèbre  de  tous  ces  artistes  fut, 
sans  contredit,  Jehan  Foucquet  de  Tours,  né 
en  (1418).  A  la  mort  de  Charles  VII  (1461), 
Foucquet  fut  chargé  de  mettre  en  couleur 
le  masque  du  Roi.  Il  avait  fait  également 
le  portrait  de  Louis  XI,  du  vivant  de  ce 
prince.  Les  deux  fils  de  Foucquet,  Louis  et 
François,  continuèrent  de  cultiver  la  peinture. 

Nous  avons  une  miniature  fort  curieuse 
représentant  Louis  XII,  suivi  du  Cardinal 
d'Amboise  et  venant  se  plaindre  à  la  Raison 
de  n'avoir  pas  de  fils.  Sur  le  devant  sont  figu- 
rées la  reine  Anne  et  sa  fille  Claude,  âgée  de 
quatre  ans.  (Du  Sommerard ,  les  Arts  au 
moyen  âge.  PI.  XXXVII.  —  Série  IV.) 

Enfin  Godefroy  Tory,  imprimeur  à  Bourges, 
a  fait  de  ravissantes  miniatures  ;  dans  le  second 
volume  des  Commentaires  (Voir  de  Laborde, 
Renaissance  des  arts  à  la  cour  de   France, 


44  Histoire  du  Portrait. 


tome  I;  add.,  p.  891),  on  trouve  un  beau 
portrait  de  François  Ier,  en  costume  de  chasse 
et  poursuivant  un  cerf.  Godefroy  Tory  était 
élève  de  Jehan  Perréal.  Il  a  fait  également 
les  portraits  du  Grand  Maître  de  Boissy, 
—  de  l'amiral  Bonnivet,  —  du  sieur  de  Lau- 
trec,  —  du  maréchal  de  Chabannes, —  d'Anne 
de  Montmorency, —  du  maréchal  deFleuran- 
ges, —  du  sieur  de  Tournon.  Tous  ces  portraits 
sont  des  bustes  ravissants,  renfermés  dans  des 
médaillons  de  quatre  centimètres. 

Nous  devons  encore  une  mention  à  Jacques 
Plastel,  à  Jean  Pinchon  et  à  Gui  Leflameng, 
qui  ont  illustré  les  Chants  royaux  en  l'hon- 
neur de  la  Vierge. 

Mentionnons  encore  Louise  de  Savoie  et 
Anne  de  Bretagne,  parmi  les  femmes  qui 
encouragèrent  les  miniaturistes  :  la  protection 
éclairée  de  ces  princesses  fit  éclore  bien  des 
chefs-d'œuvre. 

En  terminant  cette  étude,  qui  aura  démon- 
tré que  dès  le  xne  siècle  les  miniaturistes  fran- 
çais se  sont  appliqués  à  peindre  le  portrait, 
mais  qu'ils  n'arrivèrent  à  de   remarquables 


Du  Portrait  dans  les  manuscrits.  45 


résultats  que  dans  le  xiv°  siècle,  nous  consta- 
terons que  l'effort  de  l'École  française  fut 
incessant. 

Nous  pouvons  donc  dire,  avec  M.  Jules 
Labarte ,  que  l'observation  consciencieuse 
de  la  nature,  la  fidélité  au  modèle,  le  soin 
des  détails  et  le  fini  de  l'exécution  si  étu- 
diée qui  caractérisent  l'École  française  à 
ces  diverses  époques,  nous  donnent  l'assu- 
rance que  ces  peintures  sont  de  véritables 
portraits. 

Du  reste,  on  le  sait,  la  peinture  de  portraits 
était  entrée  dans  la  vie  civile  dès  le  xn°  siècle. 
Plus  tard,  nous  voyons  les  oncles  de  Charles  VI 
envoyer  des  artistes  faire  les  portraits  des 
jeunes  princesses  qu'ils  voulaient  faire  épou- 
ser au  Roi,  et  Charles  VI,  sur  l'inspection  de 
ces  portraits,  donner  la  préférence  à  Isabeau 
de  Bavière. 

Au  xvie  siècle,  le  portrait  devient  d'un  usage 
général,  dans  toutes  les  classes  de  la  société. 
La  Miniature  est  d'une  telle  fréquence,  qu'on 
semble  la  prodiguer  à  plaisir. 

Dans    le   livre  d'Heures   de   Catherine  de 


_l_t]  Histoire  du  Portrait. 


Médicis,  il  y  a  des  miniatures  si  parfaites,  que 
Ton  serait  presque  tenté  de  les  attribuer  à 
François  Clouet.  —  Dans  le  plat  supérieur  de 
la  couverture,  on  voit  le  portrait  d'Henri  II, 
puis  ceux  de  Louise  de  Savoie,  mère  de  Fran- 
çois Ier,  —  de  Catherine  de  Médicis ,  —  du 
duc  de  Joyeuse,  —  des  quatre  enfants  de 
François  Ior. 

La  reine  Claude,  —  Henri  III,  —  le  duc 
d'Alençon,  —  Charles  IX,  —  Philippe  II, 
roi  d'Espagne  —  Elisabeth  de  France,  — 
Henri  IV,  —  Marguerite  de  France,  y  sont 
encore  figurés. 

Cette  réunion  de  portraits  semble  comme 
une  galerie  complète. 

Après  cette  époque,  les  miniatures  devien- 
nent plus  rares,  car  les  artistes  commencent  à 
se  livrer  sérieusement  à  la  peinture  à  l'huile. 


CHAPITRE   III 


DU    PORTRAIT    DANS     L  EMAILLERIE 


ous  les  portraitistes  sur  émail 
de  l'École  française  ont  travaillé 
d'une  manière  remarquable;  la 
supériorité  de  nos  artistes  sur 
les  artistes  étrangers  a  été  telle  ,  que  nous 
croyons  devoir  consacrer  un  article  tout 
spécial  à  l'Émaillerie. 

On  peut,  avec  certitude,  affirmer  que  l'art 
de  l'émaillerie  n'était  pas  pratiqué  en  France 
à  l'époque  Carlovingienne,  et  c'est  seule- 
ment vers  la  moitié  du  xne  siècle  que  les 
artistes  français  commencent  à  s'adonner  à 
cet  art. 


48  Histoire  du  Portrait. 


Indiquons  d'abord,  et  d'une  manière  suc- 
cincte, les  différents  procédés  employés  pour 
reproduire  un  dessin  au  moyen  des  émaux. 

Dans  les  travaux,  l'émail  s'emploie,  sur  le 
métal,  de  trois  manières  différentes  : 

Dans  un  procédé,  l'émail  est  déposé  dans 
des  interstices,  dans  des  réserves  ménagées, 
et  le  travail  achevé  s'appelle  alors  :  émail 
cloisonné,  émail  champlevé. 

Dans  un  autre  procédé ,  l'artiste  trace  avec 
le  burin  et  en  relief  un  dessin  très  fin,  puis  il 
grave  la  figure  qu'il  veut  reproduire,  et  ob- 
tient ainsi  des  creux  et  des  reliefs.  Le  métal 
est  ensuite  recouvert  d'un  émail  peu  coloré  et 
très  transparent. 

Suivant  la  profondeur  de  la  taille,  il  y  a 
dans  certaines  parties  plus  ou  moins  de 
matière  vitrifiable  qui,  en  proportion  de 
l'épaisseur,  donne  des  tons  plus  ou  moins 
foncés. 

Ces  émaux  sont  appelés  translucides. 

Dans  le  troisième  procédé,  il  n'est  plus  né- 
cessaire, pour  reproduire  une  figure,  de  gra- 
ver la  plaque  de  métal,  d'y  faire  des  réserves, 


Du  Portrait  dans  l'émaillerie.  40 

ou  d'y  ajouter  de  petites  bandes  de  métal.  La 
plaque  est  entièrement  recouverte  par  l'émail; 
et,  par  des  émaux  de  différentes  couleurs,  on 
obtient,  tout  à  la  fois,  les  traits  et  le  coloris. 
On  appelle  émaux  peints,  ceux  qui  sont  exé- 
cutés de  cette  manière. 

Ces  procédés  divers  furent  employés  par 
les  émailleurs. 

On  a  prétendu  que,  vers  (61 3),  saint  Éloi 
avait  fait  un  buste  émaillé  en  partie  ;  ce  buste 
est  perdu  ,  et  M.  J.  Labarte  n'admet  pas  que 
cette  preuve  puisse  établir  que  Témaillerie  fût 
en  usage  en  France  au  vne  siècle. 

Il  s'appuie  surtout  sur  l'absence  de  tout 
texte  permettant  cette  affirmation. 

Il  prouve  que  les  émaux  connus  en  France 
et  employés  avant  le  xe  siècle  provenaient 
de  l'Orient.  Ce  même  auteur  établit  que  la 
fabrication  des  émaux  ne  fut  pas  connue 
dans  notre  pays  avant  la  seconde  moitié  du 
xnc  siècle. 

Notre  étude  ne  peut  porter  que  sur  l'Email- 
lerie  de  l'École  française  et  le  portrait  dans 
cette  École. 

4 


5o  Histoire  du  Portrait. 

Comme  premier  portrait  à  citer  dans  les 
émaux  champlevés ,  nous  indiquerons  celui 
de  saint  François  d'Assise. 

Le  saint  est  debout ,  nimbé ,  tonsuré  et 
barbu  ;  il  est  vêtu  d'une  robe  bleu  foncé,  et  la 
ceinture  est  jaune. 

Ce  portrait  est  fort  intéressant  par  la  va- 
riété des  émaux  qui  le  composent  :  le  blanc, 
les  bleus  les  plus  variés,  le  rouge,  le  vert,  le 
jaune  s'y  trouvent  parfaitement  nuancés. 
(Musée  du  Louvre.) 

On  possède,  au  musée  du  Mans,  le  portrait 
de  Geoffroy  Plantagenet,  comte  d'Artois ,  qui 
mourut  en  (  1 1 5 1  ) .  Les  chairs  sont  rendues  par 
de  l'émail  rose,  la  tunique  est  bleu  clair  ;  le 
comte  Geoffroy  tient  de  la  main  droite  une  épée 
nue  et  de  la  main  gauche  un  bouclier,  il  est 
coiffé  d'un  casque  surmonté  d'un  lionceau  d'or. 

Sur  un  Gemeillion  qui  se  trouve  au  Lou- 
vre, on  voit  une  Reine  assise  sur  un  banc;  elle 
tient  un  sceptre  et  reçoit  une  coupe  que  lui 
présente  une  jeune  fille. 

Il  est  fort  difficile  d'indiquer  les  noms  des 
artistes  et  des  personnages   qui  sont  repré- 


Du  Portrait  dans  Vémaillerie.  5i 

sentes  sur  les  émaux;  avant  le  xive  et  le 
xve  siècle ,  les  artistes  signaient  rarement 
leurs  œuvres  et  ajoutaient  plus  rarement  en- 
core le  nom  du  personnage  qu'ils  représen- 
taient. 

Il  est  bien  certain  que  presque  tous  les  per- 
sonnages figurés  dans  les  émaux  sont  des  por- 
traits. Combien  l'intérêt  serait  augmenté ,  s'il 
nous  était  possible  d'attacher  un  nom  à  cha- 
cune de  ces  œuvres  d'art,  et  de  les  rapporter 
aux  données  historiques  que  nous  possédons 
sur  ces  époques  éloignées!  Bornons-nous  à 
une  froide  nomenclature,  puisque  faire  mieux 
n'est  pas  possible. 

Dans  la  collection  Sauvageot ,  nous  avons 
le  portrait  d'un  homme  vêtu  d'une  jaquette, 
armé  d'une  rondache  et  d'un  bâton ,  qui 
lutte  avec  un  dragon  ailé.  La  figure  semble 
réservée  et  grave;  le  fond  est  bleu,  mais 
la  rondache  est  émaillée  de  rouge,  d'or,  de 
vert  et  de  jaune. 

Sur  une  autre  plaque,  on  voit  un  person- 
nage assis  qui  tend  la  main  vers  une  femme 
dont  le  corps  n'est  pas  achevé. 


52  Histoire  du  Portrait. 


Comme  le  dit ,  avec  beaucoup  d'esprit , 
M.  Darcel,  «  qu'une  goutte  d'eau  tombe  sur 
une  des  entailles  que  faisaient  les  émailleurs 
dans  leurs  champlevés  ;  qu'un  artiste  intelli- 
gent observe  l'effet  produit,  et  les  émaux  trans- 
lucides sur  relief  seront  trouvés  ;  Peau,  étant 
plus  abondante  dans  les  parties  creuses  que 
dans  les  parties  les  plus  relevées,  y  deviendra 
plus  foncée  et  se  modèlera,  pour  ainsi  dire, 
au-dessus  de  l'entaille  qui  semblera  dispa- 
raître ;  ce  sera  le  liquide  qui  formera  le  bas- 
relief  avec  les  divers  accidents  de  ses  plans 
divers.  Que  ce  liquide  soit  coloré,  l'effet  n'en 
acquerra  que  plus  d'intensité;  qu'il  soit  vu 
placé  sous  un  verre  transparent,  et  l'on  ob- 
tiendra ce  qu'on  appelle  un  émail  translucide 
sur  relief.  » 

Qu'il  y  ait  eu,  en  France,  des  portraits  exé- 
cutés au  moyen  des  émaux  translucides,  la 
chose  ne  peut  faire  l'objet  d'un  doute  ;  mais 
il  est  impossible  d'attacher  un  nom  aux  diffé- 
rentes têtes  d'évèques,  de  saints  et  de  person- 
nages que  Ton  rencontre  assez  souvent  à  cette 
époque. 


Du  Portrait  dans  l'émcillerie.  53 

Au  xvic  siècle,  sous  François  Ier,  on 
peut  citer  Renaut  Damet;  les  artistes  fran- 
çais de  cette  époque  étaient  surtout  remar- 
quables par  le  goût  avec  lequel  ils  coloraient 
les  figures  et  les  ornements  dont  elles  étaient 
entourées. 

Parmi  les  portraits  que  Ton  rencontre  dans 
les  émaux,  nous  citerons  un  magnifique  por- 
trait d'homme  coiffé  d'une  calotte  et  vêtu 
d'une  robe. 

Ce  portrait  est  de  notre  célèbre  artiste  Jehan 
Foucquet,  et  passe  pour  être  celui  de  l'auteur, 
peintre  du  roi  Louis  XI.  Les  ombres  sont  pro- 
duites au  moyen  de  l'enlevage  de  la  lumière 
par  des  hachures  d'or  vif. 

Monvaerni  fit  un  triptyque  représentant 
l'Annonciation  ;  l'un  des  volets  offre  Louis  XII 
à  genoux,  avec  saint  Louis  derrière  lui; 
l'autre  volet  nous  donne  Anne  de  Bretagne  , 
femme  de  Louis  XII,  avec  sainte  Anne. 
Cet  artiste  vivait  au  xivc  et  au  xvc  siècle; 
il  existe  un  grand  rapport  entre  ses  émaux 
et  les  vitraux  du  xvc  siècle  ;  il  ne  serait 
pas   impossible,  nous    dit    M.   Darcel,  qu'il 


54  Histoire  du  Portrait. 

fût  un  des  créateurs  de  rémaillerie  peinte 
de  Limoges. 

Nous  arrivons  à  la  grande  époque  des 
émaux  peints  en  France. 

Nous  commencerons  par  Léonard  Peni- 
caud  ou  Naidon  Penicaud.  C'est  à  cet  artiste 
qu'il  faut  attribuer  ce  qu'il  y  a  eu  de  plus 
parfait  parmi  les  émaux  peints  du  style  en- 
core archaïque. 

Cet  artiste,  qui  avait  une  très  grande  répu- 
tation, a  fait  évidemment  beaucoup  de  por- 
traits ;  mais  il  nous  a  été  impossible  d'en 
rencontrer. 

Nous  pouvons  néanmoins  citer,  dans  une 
scène  de  crucifiement ,  plusieurs  personnages 
dont  les  uns  portent  les  costumes  de  la  fin  du 
règne  de  Louis  XII,  et  d'autres  ceux  du  com- 
mencement du  règne  de  François  Ier. 

Jean  II  Penicaud,  dit  le  Jeune,  était  vrai- 
semblablement le  neveu  de  Jean  Penicaud 
l'Ancien  ;  on  a  de  lui  : 

En  (i53i),  le  portrait  de  Luther; 

En  (i534),  le  portrait  de  Clément  VII,  au 
Louvre. 


Du  Portrait  dans  Vémaillerie.  55 

Léonard  Limosin,  et  non  Limousin,  naquit 
vers  (i5o5).  Parmi  les  onze  membres  de  sa  fa- 
mille, sept  firent  de  la  peinture  sur  émail  ; 
trois  furent  célèbres  :  Léonard  Ier,  Jean  II  et 
François  IL 

Le  roi  François  Ier  appela  près  de  lui  ce 
grand  artiste,  le  plus  illustre  des  émailleurs, 
le  nomma  son  premier  peintre  et  son  valet  de 
chambre. 

Léonard  Limosin  fit  beaucoup  de  portraits 
de  gentilshommes  de  la  cour  ;  on  a  de  lui  le 
portrait  de  Catherine  de  Médicis  en  Vénus, 
celui  de  François  Ier,  le  portrait  d'Henri  III 
en  Jupiter,  et  celui  de  Charles  IX  en  Apol- 
lon; il  fit  encore  le  portrait  d'Éléonore  d'Au- 
triche. 

Ces  portraits  peuvent  être  considérés  comme 
ce  qui  a  été  fait  de  mieux  en  ce  genre  à  Li- 
moges. 

En  (1547),  Léonard  Limosin  peignait  sur 
émail  Henri  II  ayant  en  croupe  Diane  de 
Poitiers  ;  il  fit  encore  Claude  de  France, 
deuxième  femme  de  François  Ier. 

i 

Entre   les    nombreux    émaux   dont   il   est 


56  Histoire  du  Portrait. 


l'auteur,  nous  pouvons  citer,  parmi  les  plus 
remarquables,  ceux  de  François  Ier,  d'Antoine 
de  Bourbon,  roi  de  Navarre;  de  (i 556  à  i55y), 
Léonard  Limosin  fit  des  portraits,  dont  les 
proportions  étaient  beaucoup  plus  considé- 
rables ;  ils  se  trouvent  dispersés  dans  le 
monde  entier.  Le  Louvre  a  conservé  ceux 
de  François  Ier,  de  Françoise  d'Orléans,  prin- 
cesse de  Condé,  et  du  connétable  de  Mont- 
morency, cet  émail  est  magnifique.  Le  musée 
de  Limoges  a  conservé  le  carton  de  ce  dernier 
portrait. 

Le  dessin  de  Limosin  se  ressent  beaucoup 
de  l'influence  de  l'école  de  Fontainebleau, 
surtout  dans  l'émail  où  Diane  de  Poitiers  est 
représentée  sous  les  traits  de  Vénus.  Diane 
est  appuyée  sur  un  jeune  Amour  qui  la  tient 
embrassée,  elle  est  couchée  entièrement  nue 
sur  une  draperie  bleue,  rehaussée  d'or,  qui 
est  étendue  sur  l'herbe. 

Lorsque  Limosin  s'inspire  de  Raphaël,  il  le 
fait  avec  une  grande  allure. 

Nous  devons  dire  qu'à  partir  de  (i  535)  jus- 
qu'à sa  mort,  Limosin  s'inspire  plus  exclusi- 


Du  Portrait  dans  l'émaillerie. 


vement  de  la  nature  et  poursuit  la  vérité  naïve 
dans  les  traits  des  personnages  qu'il  doit 
rendre  immortels  par  son  émail. 

Le  musée  de  Kensington  possède  les  por- 
traits de  Catherine  de  Médicis,  —  d'Elisabeth 
de  France,  fille  d'Henri  II,  —  de  Margue- 
rite de  Valois,  sœur  de  François  Ier,  —  de 
Jacques  Amyot,  —  du  cardinal  de  Lorraine, 

—  de  Louis  de  Lorraine,  cardinal  de  Guise, 

—  et  d'Anne  d'Esté,  duchesse  de  Guise. 

On  possède  au  Louvre  divers  portraits 
d'hommes  signés  L.  L.  et  qui  semblent  être 
faits  par  Léonard  Limosin;  mais  ils  sont, 
en  réalité,  de  Martin,  son  frère  et  son  asso- 
cié, qui  travaillait  avec  lui  ;  du  reste ,  ces 
émaux  ne  sont  en  aucun  point  dignes  de 
Léonard. 

Si  l'étude  que  nous  poursuivons  ne  portait 
pas  spécialement  sur  le  portrait,  nous  pour- 
rions être  entraîné  à  parler  de  tant  de  chefs- 
d'œuvre  produits  par  cette  grande  et  célèbre 
école  de  Limoges,  dispersés ,  comme  des 
joyaux  précieux,  dans  les  musées  des  capi- 
tales du  monde  entier. 


58  Histoire  du  Portrait. 

Nous  devons  citer  Colin  Nouailher,  qui  fut 
un  dessinateur  médiocre,  mais  un  très  habile 
émailleur.  Il  fit  le  portrait  de  l'empereur 
Claude,  d'après  Lucas  de  Leyde  ;  Béranger, 
d'après  le  même  peintre  ;  il  exécuta  différents 
bustes  de  femmes ,  qui  sont  évidemment  des 
portraits. 

Sa  famille  fut  nombreuse ,  et  presque  tous 
les  Nouailher  peignirent  sur  émail. 

Parmi  ceux  qui  s'adonnèrent  au  portrait, 
nommons  Jean -Baptiste  Nouailher,  auteur 
d'un  saint  Louis  qui  est  assez  remarquable  ; 
d'un  saint  Denis  habillé  en  évèque  ;  du  même 
encore,  au  fond  d'une  tasse,  un  Empereur 
galopant. 

Pierre  Raymond  naquit  vers  (i5oo),  il  tra- 
vailla pour  la  famille  de  Bourbon,  qui  était 
établie  en  Limousin  ;  ainsi,  dans  un  triptyque 
qui  appartient  à  M.  G.  de  Rothschild,  on  voit 
Mme  Louise  de  Bourbon  aux  pieds  de  la 
Vierge;  il  fit  également,  vers  (i555),  le  por- 
trait d'Henri  II  ;  le  Roi  est  de  profil,'  revêtu 
d'une  cuirasse  et  porte  le  collier  de  Saint- 
Michel. 


Du  Portrait  dans  l'émaillerie.  5g 

Pierre  Raymond  a  fait  encore  un  grand 
nombre  de  portraits-bustes,  auxquels  il  est 
difficile  de  donner  un  nom. 

Jean  de  Court  est  l'auteur  d'une  Margue- 
rite de  France,  fille  de  François  Ier  et  du- 
chesse  de  Savoie,  costumée  en  Minerve  (i  555); 
cet  émail  appartient  à  M.  de  Nieuwerkerke. 

De  H.  Poncet  (1622),  on  a  deux  émaux  qui 
sont  au  Louvre  et  représentent  :  l'un ,  saint 
Ignace  de  Loyola;  l'autre,  saint  François- 
Xavier. 

On  peut  citer  plusieurs  portraits  attribués 
à  Noël  Laudin ,  un  de  ces  portraits  est  en 
costume  du  xvie  siècle,  un  autre  en  costume 
du  xvii0. 

Nicolas  Laudin  a  laissé  dans  deux  médail- 
lons ovales  les  bustes  des  empereurs  Vespa- 
sien  et  Domitien;  et,  dans  deux  grands 
cartouches,  Zénobie  et  Pauline,  d'après 
Claude  Vignon;  —  Judith,  —  Jeanne  d'Arc, 
—  Sémiramis  ,  —  Artémise ,  —  d'après  le 
même  peintre. 

Jacques  II  Laudin  exécuta  beaucoup  de 
personnages  d'après  Claude  Vignon. 


Go  Histoire  du  Portrait. 

Sur  une  bourse  formée  de  deux  plaques 
ovales  ajustées  sur  un  soufflet  en  soie  et  gar- 
nie de  passementerie  d'or,  Jacques  Laudin  a 
peint  un  magnifique  médaillon,  dont  le  sujet 
est  un  jeune  homme  en  grande  perruque 
blonde  et  vêtu  d'un  habit  bleu  ;  cet  émail  est 
très  beau  et  bien  conservé. 

Jean-Baptiste-Jacques  Augustin  a  laissé  des 
émaux  et  des  miniatures  très  remarquables; 
nous  ne  parlerons  que  des  émaux,  nous  ré- 
servant une  appréciation  très  étudiée  sur  les 
miniatures  de  ce  maître. 

En  (1809),  il  donna  son  portrait;  Augustin 
est  en  buste,  la  tête  de  face,  les  cheveux  noirs 
et  bouclés,  l'habit  brun  et  la  cravate  blanche; 
cet  émail  est  fort  remarquable  par  la  pureté 
de  son  dessin  et  l'harmonie  de  ses  couleurs. 

Jean  Petitot,  né  à  Genève,  était  d'une  fa- 
mille française;  ses  parents,  ayant  adopté  la 
Réforme,  vinrent  -s'établir  en  Suisse.  —  Son 
père  était  sculpteur  sur  bois.  —  Petitot  eut 
une  grande  et  universelle  réputation  qui 
égala  celle  de  nos  plus  célèbres  artistes  du 
xvi°  siècle. 


Du  Portrait  dans  l'êmaillerie.  61 

Nous  croyons  même  devoir  ajouter,  pour 
être  juste,  que  cette  célébrité  de  Petitot  fut 
plus  considérable  encore,  et  cela  tient  à  ce 
que  cet  artiste  n'employa  pas  les  mêmes  pro- 
cédés que  ses  illustres  prédécesseurs  ;  au 
xvie  siècle,  chez  les  maîtres  eux-mêmes, 
l'émail  semble  moins  fin;  le  sens  de  la  nature 
dans  la  coloration  n'existe  pas  ou  existe  peu; 
Petitot  cherchait,  au  contraire,  à  se  rappro- 
cher le  plus  possible  de  cette  nature  qui 
est  et  qui  doit  être,  quand  on  sait  l'inter- 
préter avec  science  et  finesse,  notre  maître 
à  tous. 

Petitot  rendait  avec  un  talent  tout  spécial 
les  tons  de  chairs  :  il  apportait  un  soin 
extrême  à  son  dessin  et  se  livrait  aux  ma- 
nipulations chimiques  les  plus  savantes  ; 
toujours  il  passait  ses  émaux  à  beaucoup  de 
feux. 

Un  chiffre  pourra  donner  une  idée  de  la 
réputation  universelle  des  oeuvres  de  Petitot  : 
en  Angleterre,  ses  émaux  étaient  payés  vingt 
et  parfois  jusqu'à  quarante  guinées. 

Avant  de  citer  les  principaux  portraits  de 


6-2  Histoire  du  Portrait. 

Petitot  que  nous  possédons  au  Louvre ,  nous 
croyons  utile  d'ouvrir  une  parenthèse  pour 
émettre  une  appréciation  sur  les  copies  de 
portraits. 

Il  est  bien  évident,  pour  tous,  que  l'artiste 
qui  copie  un  portrait,  même  dans  un  autre 
genre,  se  livre  à  une  besogne  quasi  à  moitié 
faite. 

Pour  nous,  ce  qui  caractérise  l'œuvre  pro- 
prement dite  de  l'artiste  portraitiste,  c'est  la 
pose,  l'arrangement,  la  composition,  l'expres- 
sion, la  vie. 

L'artiste  passe  alors  la  main  à  l'ouvrier, 
qui,  avec  une  grande  habileté  de  faire  et  son 
expérience  pratique,  termine  l'œuvre,  fait  ce 
que  nous  pourrions  appeler  sa  toilette  finale, 
afin  qu'elle  flatte  notre  œil  et  qu'elle  nous 
plaise. 

Mais  ce  qui  nous  empoigne  et  ce  qui  nous 
magnétise  (c'est  le  mot),  c'est  l'œuvre  de 
l'artiste;  car,  lorsque  cette  œuvre  nous  attire, 
nous  n'avons  pas  eu  le  temps  d'admirer  le 
coloris,  les  détails  et  la  pureté  du  dessin;  mais 
notre  œil  a  perçu  un  ensemble,  et  de  suite  il 


Du  Portrait  dans  l'êmaillerie.  63 

se  fixe  sur  ce  travail  qui  Fa  frappé  si  vivement. 
Malgré  cela,  nous  ne  devons  pas  mettre  en- 
tièrement de  côté  l'artiste  qui  est  obligé  de 
reproduire  cette  œuvre  première  avec  des 
moyens  différents.  —  Son  talent  consistera  à 
rendre  exactement  la  pensée,  le  tableau,  le 
groupe  qu'il  a  sous  les  yeux,  mais  s'il  copie 
fidèlement,  avec  génie  même,  il  ne  saurait 
être  créateur.  —  Mais  il  aura  un  grand 
talent. 

Petitot  a  reproduit  de  nombreuses  peintures 
et  ses  émaux  ont  toujours  rendu  avec  fidélité 
la  pensée  des  maîtres  :  pour  lui,  l'émail  ne 
semble  pas  avoir  de  secrets. 

On  a  de  Petitot,  d'après  les  peintures  des 
maîtres  : 

—  Le  portrait  d'Anne  d'Autriche,  d'après 
Philippe  de  Champaigne;  —  le  même,  d'après 
Mignard  ; 

—  Le  portrait  de  Louis  XIV,  d'après  P.  Mi- 
gnard; —  le  même,  d'après  Lebrun;  —  le 
même,  d'après  Nicolas  Mignard; 

—  Le  portrait  de  Marie-Thérèse,  d'après 
Beaubrun  ou  Bobrun  ; 


64  Histoire  du  Portrait. 

—  Le  grand  Dauphin,  fils  de  Louis  XIV, 
d'après Nanteuil  ;  —  le  cardinal  de  Richelieu, 
d'après  Champaigne  ;  — Marie-Anne  de  Ba- 
vière, Dauphine  de  France,  d'après  Mignard  ; 

—  Henri-Jules  de  Bourbon,  duc  d'Enghien, 
fils  du  Grand  Condé,  d'après  Mignard;  —  sa 
femme,  Anne  de   Bavière,  d'après  le  même; 

—  Balthazar  Phelypeaux ,  marquis  de 
Châteauneuf; 

—  Mme  de  Maintenon,  d'après  Mignard; 

—  Schomberg,  maréchal  de  France  (in- 
connu) ; 

—  Percy,  comte  de  Northumberland,  d'a- 
près Van  Dyck  ; 

—  Marie -Jeanne  -  Baptista  de  Savoie, 
d'après  Beaubrun; 

—  Louis -Marie  de  Gonzague,  d'après 
Juste  d'Egmont; 

—  Paul -Jules  de  la  Porte,  duc  de  la 
Meilleraye; 

—  Chardin  (pourrait  être  de  Petitot), 
d'après  Bon  Boulogne;  —  Mllc  de  Lavallière; 
—  Mme  de  Montespan;  —  la  reine  Christine 
de  Suède,  d'après  D.  Beck; 


Du  Portrait  dans  Vémaillerie.  65 

—  Un  portrait  très  fantaisiste  de  Rem- 
brandt, etc. 

Mais  on  ne  saurait  nommer  un  seul  portrait 
authentique  de  Petitot,  d'après  lui-même  ; 
malgré  cela  nous  avons  cru  devoir  lui  consa- 
crer quelques  lignes,  car  les  émaux  de  cet 
auteur  seront  toujours  d'un  grand  intérêt  au 
point  de  vue  de  l'histoire  du  portrait. 

Rouquet,  André  (1703),  a  fait  un  très  beau 
portrait  du  marquis  de  Marigny. 

Thouron,  Jacques  (1737),  a  fait  un  émail 
de  Franklin. 

Weyler,  Jean-Baptiste  (1745),  envoya, 
comme  morceau  de  réception  à  l'Académie, 
un  magnifique  portrait  du  comte  d'Angivil- 
lers,  directeur  général  des  bâtiments  sous 
Louis  XVI. 

Nous  avons  encore  de  très  beaux  émaux  du 
xvue  siècle,  dont  les  auteurs  sont  inconnus. 
Ces  portraits  doivent  être  mentionnés  ici  : 

—  Portrait  d'Henriette  de  France,  femme 
de  Charles  Iei  ; 

—  Portrait  de  Monsieur,  frère  du  roi 
Louis  XIV. 


66 


Histoire,  du  Portrait. 


D'Antoine  Arland,  peintre  en  miniature  du 
xviii0  siècle,  nous  avons  :  —  Pierre  le  Grand, 
dans  sa  jeunesse;  —  Louis  XV;  —  Soufllot, 
architecte;  —  Catherine  II  ;  — Marie-Josèphe 
d'Autriche,  reine  de  Pologne. 


CHAPITRE   IV 


DU    PORTRAIT    DANS    LES    VITRAUX 


ouloir  justifier,  avec  certains  au- 
teurs, l'emploi  du  verre  dans  les 
fenêtres,  avant  le  iuc  siècle,  nous 
semble  difficile  ;  cependant  le 
verre  paraît  avoir  été  en  usage  vers  cette  date. 
Telle  est,  du  moins,  l'opinion  de  Levieil 
dans  son  ouvrage  l'Art  de  la  Peinture  sur 
verre  (in-fol.,  1774)  ;  celle  encore  de  Langlois 
dans  son  Essai  historique  et  descriptif  de  la 
Peinture  sur  verre  (Rouen,  i832). 

Les  découvertes  de  verre  à  vitre,  faites  à 
Herculanum  et  Pompéi ,  attestent  également 
l'usage  ancien  du  verre  dans  les  habitations. 


68  Histoire  du  Portrait. 

A  partir  du  in°  siècle,  l'usage  des  fenêtres  à 
verres  multicolores  devient  général,  surtout 
dans  les  églises. 

Lactance  trouvera  dans  cet  usage  un  poé- 
tique sujet  de  comparaison.  Il  écrira  (De  opi- 
ficio  Dei.  Cap.  vu)  :  «  L'esprit  perçoit  les  ob- 
jets extérieurs  par  les  yeux  du  corps  comme 
à  travers  les  fenêtres  garnies  de  verre.  » 

Prudence,  dans  le  iv°  siècle,  parle  des  vi- 
traux de  différentes  cathédrales,  et  décrit 
ainsi  ceux  de  Saint-Paul  hors  les  murs  ,  à 
Rome  :  «  Dans  les  fenêtres  cintrées ,  se  dé- 
ploient des  verres  de  couleurs  diverses  :  ainsi 
semblent  au  printemps  les  prairies  émaillées 
de  fleurs.  »   (Prudentii  Carm.  —  Hymn.  xn. 

LlD.    IIîpl  CT£oavoJv.) 

Au  cours  du  vc  siècle,  l'usage  des  vitres 
de  couleur  semble  avoir  été  général  en 
France. 

Sidoine  Apollinaire  nous  a  laissé  la  des- 
cription des  vitraux  qui  ornaient  l'église 
Saint-Patient  de  Lyon,  achevée  en  (450). — Ces 
vitraux  étaient-ils  à  personnages?  —  M.  Levy 
(Hist.  de  la  Peinture  sur  verre)  l'affirme.  — 


Du  Portrait  dans  les  vitraux.  On 

M.  Jules  Labarte  ne  partage  pas  cet  avis  (Les 
Arts  industriels,  III,  p.  332). 

Nous  ne  pouvons  entrer  dans  l'examen  des 
textes  qui  ont  servi  aux  divers  auteurs  à 
étayer  de  longues  dissertations  sur  la  date 
précise  des  premiers  vitraux.  —  Disons  que, 
d'après  l'opinion  commune,  les  émaux  fusibles 
sur  verre  ne  furent  connus  que  vers  le  xf  siè- 
cle ;  par  conséquent,  les  vitraux  coloriés,  en 
usage  aujourd'hui ,  semblent  avoir  été  in- 
connus avant  cette  date. 

Mais  qu'il  y  ait  eu  des  fenêtres  historiées, 
même  au  cours  du  vie  siècle,  la  chose  est 
possible  ;  en  tout  cas,  elle  semble  certaine 
pour  les  siècles  postérieurs. 

Mais  ce  n'était  pas  le  vitrail,  ce  n'était  que 
le  verre  peint. 

D'après  J.  Labarte,  on  aurait  recouvert  de 
cire  les  feuilles  de  verre,  et  sur  ce  verre 
blanc ,  les  artistes  auraient  peint  des  portraits 
d'Empereurs,  d'Impératrices,  des  images  de 
Saints  ou  même  des  bienfaiteurs  insignes  de 
l'Église,  des  Évêques.  Pour  assurer  la  con- 
servation  du  dessin,  on  coulait  une  seconde 


yo  Histoire  du  Portrait. 

cire,  qui  était  incorporée  à  la  première  cou- 
che par  Faction  du  feu. 

Le  portrait  était  ainsi  emprisonné  et  restait 
transparent. 

C'est  ainsi  que  J.  Labarte  interprète  le  vi- 
trail peint  de  Saint-Bénigne  de  Dijon,  et  ne 
peut  voir  un  vitrail  émaillé  dans  la  Peinture 
citée  par  Eymeric  David  comme  antérieure 
au  xc  siècle.  (Ibid.  III,  p.  33g.) 

En  (1447),  ces  peintures  à  l'huile  sur  verre 
semblent  encore  en  usage  en  Italie. 

Le  xe  siècle  fut  tellement  agité  par  les 
guerres,  que  les  arts  s'en  ressentirent  naturel- 
lement; aussi  cette  époque  ne  fut  marquée 
par  aucun  progrès. 

On  ne  peut  chercher  les  vitraux  propre- 
ment dits,  la  peinture  sur  verre  et  encore  plus 
le  portrait  dans  les  vitraux  ,  qu'après  le  xie  siè- 
cle. —  Jusque-là,  l'histoire,  plus  qu'incer- 
taine, n'offre  pas  d'intérêt. 

—  A  la  fin  du  xie  siècle,  le  moine  Théophile 
donna  un  traité  de  la  peinture  sur  verre, 
dans  son  ouvrage  Diversarium  artium  Sche- 
dula.  —  Nous  savons  par  lui  que  si  le  verre 


Du  Portrait  dans  les  vitraux. 


teinté  de  rouge,  de  bleu,  de  jaune,  de  vert  et 
de  violet  était  connu,  un  seul  émail,  le  brun, 
était  en  usage.  (Lib.  II,  cap.  xix,  édition  de 
TEscalopier.) 

Théophile  décrit  minutieusement  les  pro- 
cédés de  fabrication ,  le  tracé  du  dessin,  la 
cuisson  dans  le  fourneau,  le  montage  avec 
des  lames  de  plomb.  Tous  ces  détails  sont  du 
plus  haut  intérêt. 

En  France,  les  vitraux  du  Loroux,en  An- 
jou, qui  représentent  les  portraits  de  Foul- 
ques V,  seigneur  de  cette  province,  et  le  por- 
trait de  sa  femme,  sont  antérieurs  à  Tannée 
(i  121).  Nous  avons  encore  de  cette  époque  les 
douze  verrières  de  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Denis,  qui  représentent  l'histoire  de  Charle- 
magne  et  celle  de  la  première  croisade. 

Les  vitraux  de  Saint-Denis  comprenaient  les 
portraits  de  :  Tancrède,  —  de  Godefroy  de 
Bouillon,  — de  Raymond  de  Saint-Gilles,  et 
Ton  y  voit  encore  de  nos  jours  celui  de  Suger 
prosterné  aux  pieds  de  la  Vierge. 

Un  vitrail  dans  l'église  de  Saint-Pierre  de 
Dreux  offre  le  portrait  d'Anne  de  Bretagne. 


y 2  Histoire  du  Portrait. 

Au  xiic  siècle,  nous  pouvons  indiquer  (i  1 53), 
dans  l'église  de  Braine-le-Comte ,  le  portrait 
de  Robert,  fils  de  Louis  le  Gros. 

Dans  une  verrière  du  xine  siècle,  à  Poi- 
tiers, se  trouve  le  portrait  et  la  légende  de 
Thomas  de  Gantorbéry.  Dans  cette  même 
verrière  il  y  a  plus  de  trente-deux  figures  re- 
présentant des  personnages  contemporains. 

Clément  de  Chartres  fit  les  vitraux  de  Rouen 
et  signa  son  œuvre  «  Clemens,  ViireariUs  Car- 
notensis  Af(agister).  » 

Les  vitraux  des  cathédrales  de  Bourges  et 
de  Chartres  comprennent  près  de  huit  mille 
figures. 

Blanche  de  Castille,  —  saint  Louis  et  sa 
femme,  Marguerite  de  Provence,  sont  fré- 
quemment représentés  dans  ces  vitraux. 

A  partir  du  xne  siècle,  la  peinture  sur  verre 
semble  marquer  un  réel  progrès. 

A  cette  époque,  on  trouve  dans  les  œuvres 
des  peintres  verriers  le  même  développement 
que  l'on  remarque  chez  les  miniaturistes  :  le 
dessin  devient  plus  correct,  plus  gracieux;  les 
artistes  ne   craignent   pas  d'aborder  le   por- 


Du  Portrait  dans  les  vitraux.  ~3 


trait  ;  on  rencontre  souvent  des  images  de 
souverains  et  de  saints;  de  même,  dans  le 
xiue  siècle,  la  peinture  sur  verre  continue  de 
jeter  un  vif  éclat. 

Dans  la  cathédrale  de  Chartres,  on  retrouve 
à  profusion  des  médaillons  légendaires  et  de 
belles  figures  avec  le  costume  du  temps;  dans 
presque  toutes  ces  verrières  les  nombreuses 
figures  ressemblent  à  des  collections  de  por- 
traits. 

Au  xivc  siècle,  le  dessin  entre  tout  à  fait 
dans  une  excellente  voie,  les  figures  com- 
mencent à  être  mieux  modelées  et  l'emploi 
des  ombres  et  des  demi-tons  vient  ajouter 
au  relief  des  personnages  et  à  l'effet  des  dra- 
peries. 

La  découverte  du  jaune  .d'argent  permet 
encore  aux  peintres  verriers  de  multiplier  la 
dorure  dans  les  accessoires,  et  elle  ajoute  à 
leurs  moyens  une  ressource  considérable. 
Jusqu'alors  la  dorure  était  rendue  par  un 
verre  jaune,  teint  dans  la  masse,  qui  devait 
être  découpé  et  enfermé  dans  le  plomb. 

Aussi  les  peintres  verriers  deviennent  plus 


j4  Histoire  du  Portrait. 

nombreux  dans  le  xivc  siècle  :  les  édifices 
particuliers ,  les  palais,  sont  enrichis  de  vi- 
traux. 

Sous  Charles  V,  l'hôtel  Saint-Pol  et  le  Lou- 
vre sont  décorés  de  vitraux,  reproduisant  des 
images  de  saints ,  des  scènes  de  romans  et 
des  sujets  de  chevalerie.  (Sauvai ,  Antiquités 
de  Paris,  tome  II.  Éd.  de  Paris,  1724. — Lan- 
glois,  Essai  historique  et  descriptif  de  la  pein- 
ture sur  verre,  Rouen,  i832.) 

Les  vitraux  du  xive  siècle  qui  existent  en- 
core sont  nombreux  :  les  cathédrales  de  Beau- 
vais,  —  de  Chartres,  —  d'Évreux,  —  de  Li- 
moges, —  de  Narbonne,  —  de  Carcassonne, 
—  et  de  Toulouse  en  possèdent  de  très 
remarquables.  M.  J.  Labarte  a  donné  un  vi- 
trail du  xive  siècle,  tiré  de  la  cathédrale 
d'Évreux,  dans  sa  planche  XCVI  des  Arts  in- 
dustriels. 

Si  les  vitraux  du  xivc  siècle  sont  arrivés 
jusqu'à  nous  en  assez  grand  nombre,  il  n'en 
est  pas  de  même  du  nom  des  peintres  ver- 
riers de  cette  époque. 

Cependant,  parmi  les  artistes  verriers  du 


Du  Portrait  dans  les  vitraux. 


xiv°  siècle,  nous  pouvons  citer  :  Guillaume 
Canonce,  verrier  de  la  cathédrale  de  Rouen 
(de  1384  a  i386),  —  Perrin  Girole  (1372) 
et  Jean  de  Beaumes  (i375-i3qo),  verriers 
de    Philippe    le  Hardi,   duc  de  Bourgogne; 

—  Guillaume  de  Francheville  et  Girard  de 
la  Chapelle ,  employés  tous  deux  par  ce 
même  prince  ;  —  Pierre  et  Thibaut  d'Arras  ; 

—  Henry  de  Malines  (i383-i3g4);  —  Hen- 
nequin  Moulone  (1397)  et  Philippe  Blan- 
quart,  de  Soissons,  qui  ht,  en  (1398),  une 
grande  verrière  avec  le  portrait  du  duc 
d'Orléans; — Pierre  David,  de  Paris  (1399) 
et  Claux  le  Loup,  verrier  du  duc  d'Orléans 
(i397). 

Au  xve  siècle,  les  vitraux  suivent  le  pro- 
grès qui  se  fait  dans  la  peinture  à  l'huile.  Les 
artistes  exécutent  beaucoup  de  grisailles , 
alors  en  grand  honneur,  non  seulement  dans 
les  églises,  mais  dans  les  châteaux  et  dans  les 
hôtels  particuliers. 

Le  verre  doublé  devint  alors  d'un  usage 
fréquent  ;  on  l'obtenait  par  la  superposition 
de    verres    coloriés    diversement   et    par    un 


y 6  Histoire  dit  Portrait. 


soufflage  unique  pour  le  môme  manchon,  ce 
qui  permettait  des  teintes  très  variées. 

Pendant  ce  siècle,  fut  exécuté  le  vitrail  de 
la  cathédrale  du  Mans,  représentant  Yolande 
d'Aragon  et  Louis  XII,  roi  de  Naples  et  de 
Sicile.  Les  verrières  des  Gélestins,  à  Paris, 
offraient  une  suite  de  portraits  des  princes  de 
la  famille  d'Orléans- Valois,  qui  fut  complétée 
au  xvie  siècle  par  ceux  de  :  Louis  XII,  —  de 
François  Ier  —  et  d'Henri  IL  —  Pour  Évreux 
fut  exécuté  le  portrait  de  Guillaume  d'Har- 
court,  grand  queux  de  France. 

On  peut  citer,  comme  peintres  verriers  de 
cette  époque ,  ayant  travaillé  aux  vitraux 
de  Rouen  ,  Guillaume  de  Gradville ,  — 
Robin  Damaigne ,  —  Guillaume  et  Jean 
Barbe,  qui  ont  travaillé  aux  vitraux  de  la 
cathédrale  de  Rouen  ;  —  Henri  Mellein , 
de  Bourges ,  —  Antoine  Chenesson,  d'Or- 
léans, qui  travailla  aux  vitraux  de  Gaillon; 
Guillaume  Delanoë  et  Jean  le  Normand , 
qui  firent  les  vitraux  de  Tancarville;  — 
puis  Balthazar,  Brisetout,  Girard  le  Nogat, 
Hermant,    Madrin ,   Michelet,    Pierre-Jehan 


Du  Portrait  dans  les  vitraux.  jj 

du  Pins,  ■ —  Jehan  de  Vertus  et  Blanc-Mantel 
à  Troyes. 

Brehal  à  Évreux,  —  Jehan  Simon  à  Bar- 
sur- Aube,  — ■  Montglarive ,  à  Orléans,  — 
Rechambault,  à  Limoges,  et  Thibaut  la 
Lèvre,  à  Dijon. 

Au  xvic  siècle,  la  peinture  sur  verre  se  lit 
presque  comme  la  peinture  à  l'huile.  Les 
artistes  avaient  à  leur  disposition  des  procédés 
beaucoup  plus  nombreux. 

La  taille  du  verre,  par  le  diamant,  vint 
faciliter  encore  l'harmonie  des  couleurs  et  la 
pureté  du  dessin.  La  découverte  de  nouveaux 
émaux  vint  ajouter  aux  ressources  de  l'art  du 
peintre  verrier. 

A  cette  époque,  on  exécuta  cependant  beau- 
coup moins  de  portraits;  mais  les  artistes 
verriers  excellent  dans  l'architecture  ;  et  si  la 
perspective  est  savante,  souvent  elle  semble 
un  peu  trop  recherchée. 

Les  premiers  maîtres  de  ce  siècle  furent 
vraiment  fort  remarquables. 

La  chapelle  du  château  de  Vincennes  est 
ornée  de  vitraux  qui   sont  dus   au   pinceau 


7'V  Histoire  du  Portrait. 

savant  de  Jean  Cousin,  le  maître  célèbre  que 
Cologne  invitait  à  décorer  sa  basilique. 

Beauvais  possédait  une  école  de  peintres 
verriers,  qui  enrichirent  les  églises  de  remar- 
quables vitraux.  Mais  c'est  dans  la  célèbre 
église  de  Brou  que  se  trouvent  les  plus  magni- 
fiques verrières  du  xvie  siècle. 

Parmi  les  verriers  remarquables  de  cette 
époque  (et  presque  tous  rirent  des  portraits), 
nous  devons  citer  :  Angrand  Leprince  (i53o), 
chef  de  l'école  de  Beauvais;  — Jean  et  Nicolas 
le  Pot,  de  la  même  ville;  —  Maître  Claude, 
qui  travailla  au  Vatican,  où  il  fut  appelé  par 
Jules  II;  —  Guillaume  de  Marcillat;  —  enfin 
le  plus  célèbre  de  tous,  Jean  Cousin,  qui  vivait 
encore  en  (1584),  exécuta  les  vitraux  de  Saint- 
Gervais,  de  Saint-Étienne  du  Mont;  —  les 
verrières  d'Anet,  de  Moret  et  de  Vincennes. 

Le  rival  de  J.  Cousin,  Robert  Pinaigrier, 
exécuta,  de  (1527  à  i53o),  les  vitraux  de 
Saint-Hilaire  de  Chartres  et  du  charnier 
de  Saint-Étienne  du  Mont.  —  Son  fils  Nico- 
las, —  ses  petits-fils  Robert,  Jean  et  Louis, 
furent  aussi  peintres  verriers. 


Du  Portrait  dans  les  vitraux. 


Bernard  Palissy  fit  des  vitraux  à  Écouen, 
notamment  l'Histoire  de  Psyché,  d'après  Ra- 
phaël. —  Ces  vitraux  appartiennent  aujour- 
d'hui au  duc  d'Aumale. 

Mais  vers  la  fin  du  xvnc  siècle,  on  ne  trouve 
plus  de  peintres  verriers,  et  les  procédés  eux- 
mêmes  semblent  perdus.  —  Ce  n'est  qu'au 
commencement  de  notre  siècle  que  la  pein- 
ture sur  verre  semble  renaître. 

Les  études  des  savants  chimistes  Brongniart 
et  Dihl  firent  retrouver  les  émaux  fusibles  ;  on 
essaya  donc  de  faire  des  vitraux.  La  science 
rechercha  les  anciens  émaux,  retrouva  les 
procédés,  et  on  institua  à  Sèvres  une  nouvelle 
école  de  peinture  sur  verre.  M.  Bontemps, 
chimiste  habile,  fit  des  essais  couronnés  de 
succès  dans  sa  fabrique  de  Choisy. 

Henri  Gerente ,  dès  (1839),  exécuta  les  vitraux 
de  Sant-Germain  l'Auxerrois,  d'après  ceux  de 
la  Sainte-Chapelle.  Bientôt  Maréchal  à  Metz, 
Lusson  au  Mans,  Lorin  à  Chartres,  pro- 
duisent de  belles  verrières,  où  Ton  trouve  de 
remarquables  portraits. 

M.  Didron,  reconnaissons-le,  a  grandement 


8o 


Histoire  du  Portrait. 


contribué  à  cette  restauration  de  l'art  par  son 
beau  travail  sur  l'Histoire  de  la  peinture  sur 
verre,  pendant  que  M.  de  Lasteyrie,  dans  son 
Histoire  de  la  peinture  sur  verre,  d'après  les 
monuments  de  France,  faisait  revivre  le  passé, 
les  chefs-d'œuvre  des  maîtres  et  leurs  mer- 
veilleux travaux. 


CHAPITRE  V 


DU    PORTRAIT    DANS    LES    BRODERIES 
ET    LES    TAPISSERIES 


ans  une  histoire  du  Portrait  que 
nous  voudrions  aussi  complète 
que  possible,  nous  ne  pouvons 
omettre  de  parler  des  Broderies 
et  des  Tapisseries.  Nos  tapisseries  françaises 
ont  toujours  eu  une  grande  réputation  ;  elles 
ont  porté,  on  peut  le  dire,  dans  toutes  les 
parties  du  monde,  les  portraits  de  nos  héros, 
de  nos  souverains  et  de  nos  grands  hommes. 
Jusqu'au  ix°  siècle,  la  broderie  fut  employée 
pour  ornementer  les  étoftès,  c'était  le  seul 
moyen  connu  :  l'Orient  gardait  encore  le  mo- 


(S'-j  Histoire  du  Portrait. 

nopole  des  étoffes  tissées  avec  l'or  et  la  soie. 

Les  reines,  les  princesses  rirent  de  la  bro- 
derie une  occupation  constante;  elles  y  con- 
sacrèrent leurs  loisirs,  et  des  œuvres  merveil- 
leuses furent  enfantées  par  leur  aiguille. 

Ces  étoffes  servaient  à  décorer  les  châ- 
teaux, les  églises,  les  chambres  d'apparat  et 
les  salons  immenses  des  nobles  demeures. 

La  reine  Berthe ,  mère  de  Charlemagne, 
était  habile  fileuse  et  savait  «  d'or  et  soie 
ouvrer  »  ,  nous  dit  un  vieux  poème.  Les 
filles  de  Charlemagne  savaient  également  ma- 
nier l'aiguille  et  le  fuseau,  nous  raconte 
Éginhard. 

Parfois  les  broderies  à  l'aiguille  sont  des 
œuvres  considérables,  dont  l'achèvement  de- 
mande de  longues  années. 

Jacques  Doublet,  dans  son  Histoire  de  l'ab- 
baye de  Saint-Denis,  dit  que  la  reine  Berthe 
broda  à  l'aiguille,  sur  un  canevas,  des  sujets 
représentant  les  gloires  de  sa  famille. 

Nous  devons  mentionner  ici  la  célèbre  ta- 
pisserie de  Bayeux,  attribuée  à  la  reine  Ma- 
thilde,  femme  de  Guillaume  le  Conquérant. 


Du  Portrait  dans  les  broderies.  83 

Sur  une  bande  de  toile,  longue  de  71  mètres 
et  large  de  5o  centimètres,  est  figurée,  en  bro- 
derie à  l'aiguille,  l'histoire  de  la  conquête  de 
1" Angleterre  par  les  Normands. 

Encore  que  le  dessin  soit  médiocre,  ce  tra- 
vail est  curieux,  car  il  nous  donne  le  modèle 
des  armes ,  des  vêtements  et  des  meubles, 
usités  à  cette  époque  du  xi°  siècle. 

Au  xmc  siècle,  nous  dit  M.  de  Laborde  , 
«  broder  était  un  art,  une  branche  sérieuse  de 
la  peinture.  » 

«  L'aiguille,  véritable  pinceau,  se  promenait 
sur  la  toile  et  laissait  derrière  elle  le  fil  teint, 
en  guise  de  couleur,  produisant  une  peinture 
d'un  ton  soyeux  et  d'une  touche  ingénieuse, 
tableau  brillant  sans  reflet,  éclatant  sans  du- 
reté. (Revue  arch.,  tome  VII.)   » 

Avec  le  xin°  siècle ,  on  aborde  plus  di- 
rectement le  portrait  dans  la  broderie;  les 
ligures  de  saints ,  d'évèques ,  et  même  des 
légendes  entières  sont  fréquentes ,  comme 
dans  la  broderie  dite  de  Saint-Martin,  qui 
est  au  Louvre,  n"  319,  Musée  de  la  Re- 
naissance. 


84  Histoire  du  Portrait. 


Au  xive  siècle,  les  brodeurs  forment  une 
corporation  importante. 

Mais  la  broderie  atteint  son  apogée  dans 
le  xve  siècle  ;  les  peintres  les  plus  célèbres 
donnaient  les  cartons,  et  les  brodeurs  exécu- 
taient leurs  dessins. 

Ainsi,  dans  le  xvi°  siècle,  en  (i52i),  les  ten- 
tures pour  la  chambre  de  Louise  de  Savoie, 
mère  de  François  Ier,  dessinées  par  Matthieu 
Luazar  et  Barthélémy  Guyeti,  et  qui  furent 
brodées  par  Cyprien  Fulchin  et  Etienne 
Brouard ,  comprenaient  quatre-vingt-douze 
histoires  et  bergeries,  tirées  des  Bucoliques  de 
Virgile. 

L'ameublement  du  Sacre,  commandé  par 
François  Ier,  fut  dessiné  par  Raphaël. 

Quant  aux  Étoffes  brochées,  la  France  n'en 
produisit  qu'à  partir  du  xive  siècle,  et  si  nous 
en  trouvons  la  trace  dans  les  Registres  des 
Métiers  d'Etienne  Boileau,  ce  fut  seulement 
vers  (1470)  que  le  roi  Louis  XI  établit  à  Tours 
des  métiers  à  soie. 

Dans  toutes  ces  broderies,  surchargées  de 
figures ,    comment  reconnaître   des  portraits 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  85 

authentiques?  Il  est  assez  difficile  de  le  dire, 
mais  nous  ne  pouvions  taire  cette  manifesta- 
tion de  l'art  en  France. 

Les  tapisseries  proprement  dites  ont  été 
fréquemment  confondues  avec  les  broderies 
et  les  étoffes  brochées. 

Nous  devons  mentionner  tout  d'abord  la 
célèbre  fabrique  d'Aubusson,  qui  nous  a 
donné  un  si  grand  nombre  de  tapisseries  à 
personnages  et  à  portraits.  Une  légende  nous 
dit  qu'elle  fut  fondée  au  vinc  siècle.  Cette  opi- 
nion a  été  reprise  par  M.  Perathon  dans  son 
écrit  sur  les  Manufactures  d'Aubusson. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  réputation  des  ma- 
nufactures d'Aubusson  fut  grande ,  et  ce 
n'est  qu'au  xvue  siècle  que  cette  ville  perdit 
sa  renommée. 

Aubusson  produisit  surtout  les  tapis  dits 
Sarrasinois,  qui  étaient  une  sorte  de  broderie. 
On  les  trouve  mentionnés  dans  les  Inven- 
taires de  Charles  VI  ,  cités  par  M.  Lacor- 
daire.  (Notice  historique  sur  les  Gobelins  et 
la  Savonnerie.) 

Ce  n'est  guère  que  vers  le  XIe  siècle  que  l'on 


86  Histoire  du  Portrait. 

commença  à  exécuter,  en  France,  les  tapis- 
series proprement  dites. 

D'après  Labbe,  saint  Angelme  de  Nor- 
wège,  évêque  d'Auxerre,  avait  fait  ouvrer  de 
nombreux  tapis  pour  son  église. 

Vers  (g85),  d'après  Martenne,  les  religieux 
de  l'abbaye  de  Saint-Florent  de  Saumur  tis- 
saient, eux-mêmes,  des  tapisseries  dans  leur 
monastère.  Cette  manufacture  dura  même 
plusieurs  siècles.  Il  est  très  probable  qu'en 
dehors  des  fleurs  et  des  animaux  représentés 
sur  ces  ouvrages,  les  religieux  de  Saint-Flo- 
rent abordèrent  la  figure  dans  leurs  travaux. 

Vers  (i025),  une  manufacture  de  tapisserie 
fut  établie  à  Poitiers. 

Pour  soutenir  la  concurrence  et  pour  lutter 
contre  les  tapis  Sarrasinois,  les  ouvriers  du 
nord  de  la  Flandre  abordent,  dans  le  xn°  siè- 
cle, la  tapisserie  historiée. 

Ainsi  donc,  à  Poitiers,  —  à  Arras ,  —  à 
Reims,  —  on  fabriquait  des  tapisseries  desti- 
nées aux  Rois,  aux  Empereurs  et  aux  églises, 
car  ces  ouvrages  étaient  d'un  prix  fort  élevé. 
Mais,  d'après  M.  Jules  Labarte,  les  tapisseries 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  8 y 

'  historiées  ne  devinrent  communes  en  France 
qu'au  cours  du  xiue  siècle. 

En  (i3o2),  les  tapissiers  Sarrasinois  veulent 
empêcher  les  «  ouvriers  de  haute  lisse  »  d'exer- 
cer leur  métier,  et  une  ordonnance  dut  les 
incorporer  dans  la  maîtrise  des  tapissiers.  — 
(Depping,  Règlem.  des  arts  et  métiers  de  Pa- 
ris, 1837.) 

Au  cours  du  xivc  siècle ,  les  inventaires  in- 
diquent de  nombreuses  tapisseries  historiées 
qu'il  serait  trop  long  de  citer. 

En  (1348),  le  duc  Jean  de  Normandie  achète 
«  un  drap  de  lainne,  auquel  estoit  compris  le 
vieil  et  nouvel  Testament,  »  fabriqué  par 
Amaury  de  Goire,  tapissier  à  Paris  (d'après 
J.  Labarte). 

Du  reste,  au  xivc  siècle,  les  tapisseries  for- 
maient une  partie  importante  du  mobilier. 
L'inventaire  de  Charles  V  comprend  de  nom- 
breux «  tappiz  à  y  mages.  »  (Ms.,  Bibl.  Nat., 
n°  8356.) 

Paris  avait  ses  tapissiers;  en  (1 391),  Nico- 
las Colin-Bataille,  tapissier  et  bourgeois  de 
Paris,  vendait  au  duc  d'Orléans  «   un  drap 


88  Histoire  du  Portrait. 

de  haulte  lice  de  l'ystoire  de  Theseus  et 
de  l'Aigle  d'or,  »  et  en  (1396),  «  trois  tapis 
de  haute  lisse  historiés.  »  En  (1396),  Lebou- 
rebien  était  tapissier  fabricant  à  Paris.  (Cités 
par  M.  de  Laborde.  Ducs  de  Bourgogne , 
tome  III.) 

Mais  c'était  surtout  à  Arras  que  les  œuvres 
considérables  étaient  exécutées,  et  cette  ville 
semble  fabriquer  plus  exclusivement  les  ta- 
pisseries de  haute  lice  historiées. 

Philippe  le  Hardi  (1384- 1404)  faisait  ache- 
ter à  Arras,  pour  la  somme  de  700  livres,  un 
drap  de  haute  lice,  ouvré  en  or,  ayant  36  au- 
nes de  long,  représentant  l'histoire  des  Ver- 
tus. —  Du  reste,  ce  prince,  dès  (1 383),  enga- 
geait des  ouvriers  à  son  compte,  et  son  trésor 
renfermait  des  tapisseries  historiées  si  nom- 
breuses, qu'un  officier  spécial  était  préposé  à 
leur  conservation.  (De  Laborde,  Ducs  de 
Bourgogne,  tome  I.) 

En  (1389),  Jean  de  Croisettes,  demeurante 
Arras,  vend  au  duc  de  Touraine,  «  pour 
l'hostel  de  Beauté,  un  tapis  sarrazinois  à  or, 
de  l'histoire  de  Charlemaigne.  » 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  8g 

En  (1419),  Jean  sans  Peur  acheta,  pour 
400  livres,  une  pièce  représentant  des  por- 
traits d'Evêques,  d'Archevêques  et  de  Rois, 
ou  l'Union  de  la  sainte  Église. — L'inventaire 
de  Philippe  le  Bon  comprend  une  tapisserie 
avec  le  portrait  de  feu  duc  Jehan  et  de  sa 
femme,  tant  à  pied  qu'à  cheval.  (De  Laborde, 
id.,  tome  II.) 

Nous  avons  dit  plus  haut  que ,  dès  le 
xme  siècle,  on  commençait  à  orner  les  châ- 
teaux et  les  églises  avec  des  tapisseries  à  per- 
sonnages. 

Plus  tard,  les  tapisseries  de  haute  lice  for- 
mèrent une  partie  importante  du  mobilier, 
nous  l'avons  vu  encore,  mais  ces  œuvres  ne 
pouvaient  être  achetées  que  par  les  princes, 
les  nobles  et  les  riches  églises,  car  leur  prix 
était  fort  élevé. 

Toutes  ces  tapisseries  ne  sont  pas  parve- 
nues jusqu'à  nous  ;  celles  qui  subsistent  sont 
disséminées  dans  les  musées,  dans  les  collec- 
tions, un  peu  partout  :  quelques-unes  offrent 
un  grand  intérêt. 

Le  musée  de  Dijon  possède  une  tapisserie 


go  Histoire  du  Portrait. 

représentant  le  siège  de  cette  ville  par  les 
Suisses  ;  on  y  trouve  des  portraits. 

Nous  devons  indiquer  encore  les  tapisse- 
ries de  Montpezat,  provenant  de  la  cathé- 
drale de  Montauban,  qui  datent  du  xve siècle; 
ces  tapisseries,  données  par  Tévêque  Desprez, 
représentent,  en  seize  tableaux,  l'histoire  de 
saint  Martin  de  Tours. 

On  possède  également  des  tapisseries  à 
personnages  dans  la  cathédrale  de  Sens,  dails 
celles  de  Beauvais  et  de  Reims. —  Autrefois, 
la  tapisserie  de  la  reine  Mathilde  servait 
au  décor  de  la  cathédrale  dans  les  jours 
de  fête. 

M.  Jubinal  a  décrit  cette  tapisserie  de  haute 
lice,  qui  représente  allégoriquement  Char- 
les VIII  et  Anne  de  Bretagne  sous  les  traits 
d'Assuérus  et  d"Esther.  (Rech.  sur  lesTapiss. 
à  personnages.)  —  Millin  avait  publié  la  gra- 
vure de  cette  œuvre.  (Voyage  dans  le  Midi 
de  la  France,  tome  III.)  —  On  croit  que  ce 
beau  travail  avait  été  exécuté  à  Bruges,  sur 
les  dessins  d'un  élève  de  Jean  Van  Eyck. 

Déjà  la  tapisserie  dite  du  Sacre  de   Char- 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  <ji 

les  VI  donnait  une  série  de  portraits  des  an- 
ciens rois  de  France. 

Nous  avons  encore  une  magnifique  tapis- 
serie du  xvie  siècle,  représentant  le  mariage 
de  Louis  XII  et  d'Anne  de  Bretagne. 

François  Ier,  désireux  de  restaurer  en  France 
l'art  des  tapisseries  historiées,  créa  en  ( 1 5 3 9 ) , 
à  Fontainebleau,  une  manufacture  de  tapis- 
series de  haute  lice.  —  Philibert  Babou,  sieur 
de  la  Bourdaizière,  et  Sébastien  Serlio ,  le 
peintre,  furent  chargés  de  la  direction  de  cet 
établissement  royal.  Sous  Henri  II,  nous 
trouvons  Philibert  Delorme,  directeur  de 
Fontainebleau. 

Henri  II  créa  encore  une  seconde  fabrique 
dans  l'hospice  de  la  Trinité  à  Paris. 

Les  deux  rois  s'imposèrent  des  charges 
considérables  pour  la  prospérité  de  ces  établis- 
sements. (De  Laborde,  Études  sur  le  xvic siècle.  1 

Dans  la  fabrique  de  la  Trinité  fut  exécuté, 
sur  les  dessins  de  Lerambert,  au  nombre  de 
trente-neuf,  le  portrait  de  Catherine  de  Médicis, 
sous  l'emblème  de  la  reine  Artémise.  —  Cette 
tapisserie  historiée  avait  4  mètres  de  hauteur 


<)2  Histoire  du  Portrait. 

et  soixante-trois  aunes  de  long.  —  Dans  une 
autre  il  retraça  l'histoire  allégorique  de  Marie 
de  Médicis. 

En  (i  594),  sur  les  dessins  du  même  Henry 
Lerambert,  un  maître  tapissier  de  la  Trinité, 
Du  Bourg,  exécuta  trente-deux  tapisseries  pour 
Saint-Merry.  —  Ces  tapisseries  comprenaient 
des  portraits,  puisque  dans  Tune  était  figuré 
Pierre  Guiche,  curé  de  cette  paroisse. 

Sous  Charles  IX  fut  établie  à  Tours  la  fa- 
brique de  tapisseries,  qui  donna,  en  dix-sept 
pièces  historiées,  tous  les  faits  du  règne 
d'Henri  III. 

La  manufacture  de  Cadillac  donna  égale- 
ment, dans  une  tapisserie,  l'histoire  et  le  por- 
trait d'Henri  III,  et  dans  d'autres  encore 
l'histoire  de  plusieurs  de  nos  rois. 

Nous  arrivons  à  la  période  la  plus  intéres- 
sante de  l'histoire  du  portrait  dans  les  tapis- 
series, car  nous  devons  parler  de  la  famille 
de  Jehan  Gobelin  Ier. 

Jehan  Gobelin  a  donné  son  nom  à  la  manu- 
facture française  qui  créa  tant  de  chefs- 
d'œuvre  et  qui  nous  a  laissé  tant  de  portraits. 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  ry.y 

Presque  tous  nos  grands  artistes  ont  tra- 
vaillé pour  cette  manufacture  royale.  Charles 
Lebrun  dessina  les  cartons  de  l'histoire  de 
Louis  XIV,  pour  les  Gobelins.  —  Cette  ma- 
nufacture fit  aussi  des  tapisseries-portraits 
pour  le  surintendant  Fouquet. 

Charles  Coypel  commença  en  (171 5)  plu- 
sieurs grands  tableaux  faisant  suite  à  l'histoire 
de  Louis  XIV.  Oudry  donna  quatre  tableaux 
des  chasses  de  Louis  XV. 

Pendant  que  Leclerc  dirigeait  les  Gobelins, 
il  employa  comme  peintres  :  de  Troy,  —  Ber- 
tout,  —  Jouvenet,  —  Charles  Coypel  ;  —  on 
exécuta  alors  beaucoup  de  portraits,  qui  ajou- 
tèrent à  la  renommée  de  la  célèbre  manu- 
facture. 

Vincent  donna  les  cartons  de  cinq  tapisse- 
ries : 

—  Sully  aux  pieds  d'Henri  IV.  —  Henri  IV 
prenant  congé  de  Gabrielle.  —  Évanouisse- 
ment de  la  belle  Gabrielle.  —  Henri  IV  sou- 
pant  chez  le  meunier  Michaut.  —  Henri  IV 
faisant  entrer  des  vivres  dans  Paris. 

Menageot  dessina  pour  la  même  manufac- 


g4  Histoire  du  Portrait. 

ture  la  mort  de  Léonard  de  Vinci;  —  Barthé- 
lémy donna  le  siège  de  Calais,  —  la  reprise 
de  Paris  par  le  connétable  de  Richmond,  — 
Martel,  prévôt  de  Paris,  tué  d'un  coup  de 
hache  par  Maillard  ,  au  moment  où  il  va 
livrer  les  clefs  de  la  ville  au  roi  de  Navarre. 

Les  Gobelins  nous  ont  encore  donné  la 
mort  de  Coligny,  d'après  Suvée.  —  Les  hon- 
neurs rendus  par  les  ennemis  à  Duguesclin 
après  sa  mort,  d'après  Brenet.  —  La  conti- 
nence de  Bayard,  d'après  Rameau. 

Sous  le  premier  Empire,  la  plupart  des 
grandes  compositions  de  cette  époque  furent 
exécutées  en  tapisserie. 

Gros,  —  David,  —  Girodet,  —  Guérin,  — ■ 
Gérard,  —  allaient  dans  les  ateliers  des  Gobe- 
lins  surveiller  eux-mêmes  l'exécution  de  leurs 
cartons.  —  Dans  presque  toutes  ces  tapisse- 
ries, il  y  avait  des  portraits  de  l'Empereur, 
des  maréchaux,  des  grands  personnages  fran- 
çais et  étrangers  de  cette  époque. 

Il  ne  sera  pas  inutile  de  citer  quelques-uns 
des  portraits  donnés  dans  les  tapisseries  faites 
en  (i833). 


Du  Portrait  dans  les  tapisseries.  ç5 

Ainsi  les  portraits  d'Henri  IV,  de  Saint 
Louis,  du  roi  d'Angleterre  et  des  barons 
anglais. 

François  Ier  d'après  Rouget,  et  plusieurs 
portraits  d'après  Abel  de  Pujol,  Guérin  et 
Horace  Vernet. 

Le  portrait  de  Louis  XVI,  d'après  Collet; 
celui  de  Marie-Antoinette,  d'après  M'"e  Le  Brun; 
les  portraits  de  Louis  XVIII,  d'après  Robert 
le  Fèvre  ;  de  Charles  X,  d'après  Gérard  ;  de 
Madame  la  duchesse  de  Berry  et  de  ses  enfants, 
d'après  le  même. 

On  peut  le  dire,  dans  notre  merveilleuse 
manufacture  des  Gobelins,  il  a  été  fait  des  por- 
traits d'une  exécution  si  admirable,  que  les 
artistes  et  les  visiteurs  se  trompent  parfois, 
lorsqu'ils  parcourent  la  galerie  d'Apollon. 

Là  sont  figurés  Pierre  Lescot,  —  Androuet 
du  Cerceau,  —  Jean  Bullant,  —  André  Le- 
nôtre,  —  Francesco  Romanelli,  —  Jacques 
Lemercier,  —  Jean  Goujon,  —  Charles  Lebrun, 
—  Etienne  Duperac,  —  André  Anguier,  — 
Germain  Pilon,  —  Jacques  Sarazin,  —  Eus- 
tache  Lesueur,  —  Claude  Perrault,    —  Fran- 


b6 


Histoire  du  Portrait. 


çois  Girardon ,  —  Visconti ,  —  Percier,  — 
Mignard,  —  Hardouin,  —  Mansard,  —  Phi- 
libert Delorme,  —  G.  Coustou,  —  An.  Coyze- 
vox, —  Nicolas  Poussin. 

Combien  prennent  pour  des  peintures  ces 
portraits  en  tapisserie  des  Gobelins  ? 

La  France  seule  possède  une  telle  manu- 
facture et  sa  gloire  est  sans  rivale. 


:. 


CHAPITRE  VI 


DU    PORTRAIT    DANS    LES    DESSINS,    PASTELS 
ET    MINIATURES 


ue  nos  artistes  aient  excellé  dans 
Tart  du  portrait,  tout  le  démon- 
tre; l'étude  de  leurs  travaux  dans 
le  dessin,  dans  le  pastel,  dans  la 
miniature,  indique  suffisamment  que  TÉcole 
française  fut,  dans  ces  différents  genres, 
absolument  remarquable. 

Beaucoup  de  ces  artistes  ont  également 
travaillé  le  dessin,  le  pastel  et  la  miniature; 
aussi  nous  suivrons  dans  cette  étude  Tordre 
chronologique,  indépendamment  du  genre 
dans  lequel  l'artiste  se  sera  exercé. 

7 


jS  Histoire  du  Portrait. 

Mentionnons  d'abord  un  grand  dessin  sur 
soie,  ayant  servi  de  parement  d'autel.  Cette 
composition,  de  la  fin  du  xive  siècle,  est  en- 
tourée d'encadrements  historiés  :  à  gauche 
et  en  bas,  le  roi  Charles  V  est  agenouillé, 
les  mains  jointes,  couronne  en  tête  ;  il  est  de 
profil  et  tourné  vers  la  droite  ;  en  face  est  la 
Reine,  Jeanne  de  Bourbon,  agenouillée,  tour- 
née vers  la  gauche  et  regardant  le  Roi. 

Nous  possédons  encore  une  miniature  sur 
vélin  du  xve  siècle  :  elle  représente  sainte 
Geneviève  de  Paris  :  la  grande  beauté  et  la 
finesse  de  ce  travail  pourraient  le  faire  attri- 
buer à  Foucquet. 

Une  autre  miniature  sur  vélin  nous  donne 
les  portraits  de  Charles  le  Chauve  et  de  Gé- 
rard de  Bouillon. 

Ce  n'est  qu'avec  le  xvie  siècle  que  l'École 
française  sait  faire  preuve  d'un  grand  talent 
dans  le  dessin,  le  pastel  et  la  miniature.  Jus- 
que-là les  œuvres  sont  rares,  les  artistes  sont 
peu  nombreux  et  semblent  hésiter  encore. 
La  méthode  paraît  leur  faire  défaut  ;  quel- 
ques  belles  œuvres  isolées,  il   faut   le  dire, 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.        (j<) 


attestent  un  progrès  réel,  mais  il  n'y  a  pas 
encore  d'Ecole  française,  de  genre  français 
nettement   défini. 

Avec  le  xvie  siècle,  nous  trouvons  François 
Clouet. 

Nous  avons  consacré  une  longue  étude  à 
cet  artiste  dans  notre  chapitre  sur  la  Pein- 
ture ;  cependant  nous  dirons  quelques  mots 
de  ses  admirables  dessins,  qui  sont  répandus 
dans  le  monde  entier,  à  Londres  et  surtout 
à  Vienne. 

Au  Louvre,  nous  ne  possédons  qu'un  ou 
deux  dessins  authentiques  de  François  Clouet 

Une  miniature  sur  vélin  représente  Fran 
çois  Ior,  roi  de  France;  il  est  vu  de  pro 
fil,  et  tient  d'une  main  une  masse  d'armes 
son  cheval  est  de  couleur  isabelle  et  capara 
çonné  de  rouge,  avec  un  plumet  sur  la  tête 

Du  même  artiste  nous  avons  encore  un 
portrait  de  vieillard  et  un  buste  de  femme. 

On  attribue  à  Clouet,  mais  sans  aucune 
certitude,  les  portraits  de  Catherine  de  Mé- 
dicis  qui  sont  à  la  bibliothèque  Sainte-Gene- 
viève; les  crayons  d'Elisabeth  d'Autriche  et 


zoo  Histoire  du  Portrait. 

de  Maximilien  sont  également  de  François 
Clouet. 

Daniel  du  Monstier  (maître  peintre  en 
crayons)  a  fait  le  portrait  du  duc  de  Longue- 
ville  aux  crayons  rouge,  noir  et  au  pastel. 
La  tète  est  achevée ,  mais  la  collerette  n'est 
qu'indiquée.  Le  duc  est  presque  vu  de  face, 
un  peu  tourné  à  gauche  ;  la  moustache  re- 
troussée et  la  royale  sont  rousses,  les  cheveux 
sont  d'un  blond  pâle. 

Le  portrait  de  N.  Brulart,  marquis  de  Sil- 
lery,  chancelier  de  France ,  est  un  crayon 
très  terminé,  à  la  pierre  noire,  à  la  sanguine 
et  au  pastel,  assurément  Tune  des  plus  belles 
œuvres  de  Daniel  du  Monstier. 

Malherbe  veut  bien  nous  apprendre,  dans 
une  lettre  (du  12  novembre  1607),  que  Daniel 
du  Monstier  avait  fait  son  portrait;  il  écrit 
encore  à  Peirex  :  «  Si  vous  venez  ici,  vous 
verrez  un  miracle  d'un  crayon  du  feu  roi, 
fait  par  le  sieur  du  Monstier,  qui  est  si  bien 
que  je  vous  jure  que  je  ne  le  vois  jamais 
qu'il  ne  me  semble  qu'il  veuille  parler  à  moi, 
il  fait  son  compte  qu'il  y  en  aura  une  copie 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     101 

pour  vous,  mais  que  vous  vous  souveniez  de 
je  ne  sais  quelle  tortue  que  vous  lui  avez 
promise...  » 

La  manière  de  Daniel  du  Monstier  est  bien 
connue  ;  le  nombre  des  crayons  du  maître, 
venus  jusqu'à  nous,  est  considérable  et  justifie 
les  éloges  de  Malherbe. 

La  seule  bibliothèque  Sainte-Geneviève  en 
possédait  environ  quatre-vingts,  signés  ou  non 
signés  ;  la  date  la  plus  moderne  d'un  de  ces 
crayons  est  de  (1644);  c'est  le  portrait  de 
l'abbé  de  Saint-Cyran. 

Du  reste  les  du  Monstier  forment  toute 
une  génération  d'artistes.  Pierre  du  Monstier 
a  donné  plusieurs  portraits,  ainsi  qu'Etienne, 
fils  aîné  de  Daniel.  Un  autre  fils  de  du  Mons- 
tier, Nicolas,  était  logé  au  Louvre  et  membre 
de  l'Académie,  il  a  laissé  le  portrait  d'Errard. 
Antoine  du  Monstier  avait  exécuté  le  portrait 
de  Nicolas  Coeffeteau,  évèque  de  Marseille. 

Enfin,  nous  avons  les  portraits  de  Louis  XV 
et  de  Marie  Leczinska,  chacun  dans  un  ovale, 
de  profil,  se  regardant,  qui  portent  la  signa- 
ture de  C.  du  Monstier. 


102  Histoire  du  Portrait. 

Antoine  Caron,  néàBeauvais  (i  5 1 5),  a  des- 
siné au  crayon  un  certain  nombre  de  person- 
nages illustres. 

La  Bibliothèque  nationale  possède  une  cu- 
rieuse et  remarquable  suite  de  dessins  de  ce 
maître,  connue  sous  le  nom  d'Histoire  d'Ar- 
témise.  —  Catherine  est  représentée  sous  les 
traits  d'Artémise;  —  Henri  II,  sous  le  per- 
sonnage de  Mausole  ;  —  Charles  IX,  sous 
celui  du  roi  Lygdamis,  fils  d'Artémise.  — 
Le  sacre  du  jeune  roi  représenté  est  évi- 
demment celui  de  Charles  IX.  Ce  dessin,  qui 
porte  la  signature  du  maître,  a  fait  partie  de 
la  collection  Çrozatier. 

La  Bibliothèque  possède  encore  un  beau 
crayon  représentant  Caron  très  âgé. 

La  réputation  de  François  Quesnel  fut 
grande  et  ses  crayons  sont  souvent  confondus 
avec  ceux  de  Janet. 

La  Bibliothèque  possède  deux  dessins  signés 
de  Quesnel  :  l'un  est  un  portrait  d'homme; 
l'autre,  celui  de  Gabrielle  d'Estrées. 

On  peut  attribuer  encore  à  Quesnel  les 
portraits  de  :  Henri  IV  coiffé  d'un  chapeau  ; 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      io3 

—  celui  du  même  roi  portant  la  cou- 
ronne ;  —  ceux  de  Marie  de  Médicis; — 
de  la  princesse  de  Conty;  —  de  Louise  de 
Lorraine. 

Le  portrait  de  F.  Quesnel  est  remarquable; 
il  attache  par  son  air  tout  simple  et  rempli 
de  bonhomie. 

Les  frères  de  Quesnel  ont  aussi  beaucoup 
produit. 

Nicolas  a  laissé  un  bon  crayon  rouge  et 
noir  sur  papier  gris  (1574);  c'est  le  portrait  de 
son  père,  Pierre  Quesnel. 

Nous  avons  de  Bellangé  cinq  crayons  rouge 
et  noir  rehaussés  d'or  sur  vélin,  qui  repré- 
sentent : 

—  Henri  II  ;  il  est  de  profil,  tourné  à  gauche, 
la  tète  ceinte  d'une  couronne  ; 

■ —  Le  portrait  de  Charles  IX,  de  face,  por- 
tant collerette  et  toque  à  plume  ; 

—  Portrait  d'Henri  III;  il  est  vu  de  trois 
quarts,  tourné  vers  la  gauche,  coiffé  d'un 
petit  bonnet  orné  sur  le  milieu  d'une  aigrette 
de  plumes  blanches,  et  portant  l'ordre  du 
Saint-Esprit. 


104  Histoire  du  Portrait. 

—  Un  portrait  d'homme,  en  armure  et 
coiffé  d'un  casque  à  plumes  ; 

—  Portrait  de  Marie  Stuart;  elle  est  vue 
de  trois  quarts,  tournée  vers  la  droite.  La 
coiffure,  les  manches  et  le  corsage  sont  ornés 
de  bijoux  en  or. 

Nanteuil  (Robert),  déjà  célèbre  comme  gra- 
veur, abandonna  le  burin  de  (1645  à  1648), 
et  fit  des  portraits  d'après  nature,  à  la  plume 
et  à  la  pierre  de  mine. 

C'est  à  Paris,  en  (1648),  qu'il  étudia  le  genre 
du  pastel.  Il  fit  à  la  même  époque,  au  poin- 
tillé, les  portraits  de  Pierre  et  de  Jacques 
Dupuy. 

Nous  avons  de  Nanteuil  un  magnifique 
portrait  du  duc  de  Bouillon,  neveu  de  Tu- 
renne  et  grand  chambellan  :  ce  portrait,  à 
la  mine  de  plomb ,  sur  vélin ,  est  signé  : 
«  R.  Nanteuil  faciebat  (i658)  ». 

Nanteuil  donna  ensuite  le  portrait  au  pas- 
tel de  Turenne;  il  est  vu  de  trois  quarts, 
tourné  à  droite,  regardant  vers  la  gauche; 
longs  cheveux  gris,  petites  moustaches,  cui- 
rasse, rabat  de  dentelles. 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      io5 

M.  de  Furetière  est  représenté  en  buste  de 
trois  quarts;  ce  dessin  de  Nanteuil  est  à  la 
mine  de  plomb.  On  lit  sur  ce  dessin  les  deux 
inscriptions  suivantes,  qui  paraissent  de  la 
même  main  :  —  «  Robert  Nanteuil  ad  vivum 
delinea...  »  et  «  M.  Antoine  Furetière,  né  à 
Paris  le...  (1620),  décédé  (le  14  may  1688).  » 

De  Nanteuil  encore  le  portrait  de  Louis  de 
Bailleul,  président  à  mortier  au  Parlement  de 
Paris.  Ce  dessin  est  à  la  mine  de  plomb. 

On  possède  plusieurs  autres  portraits  de  ce 
maître  au  Louvre,  mais  on  n'a  pas  les  noms 
des  personnages  représentés. 

Mentionnons  un  pastel  remarquable,  le 
portrait  de  Dominique  de  Ligny,  évêque  de 
Meaux,  en  camail  bleu,  à  rabat  blanc  uni. 

Nanteuil  nous  a  laissé  les  portraits  dessi- 
nés ou  gravés  :  de  Lamothe-Levayer  ;  —  de 
Marie  de  Bragelonne;  —  de  Chapelain;  — 
de  Jean  Loret  ;  —  de  Marolles;  —  de  Guer- 
sault  ;  —  de  Barillon  ;  —  de  Morangis;  —  de 
V.  Le  Bouthillier  ;  —  de  Bochart  de  Saron  ; 
—  du  jeune  duc  de  Bouillon. 

Tous  des  chefs-d'œuvre. 

s 


iob  Histoire  du  Portrait. 

Lagneau  ou  Lanneau  «  peintre  aux  crayons  » 
nous  a  laissé  une  quantité  considérable  de 
dessins  ;  ces  portraits  n'ont  pas  la  finesse 
d'exécution  qui  caractérise  les  œuvres  de  son 
contemporain  Daniel  du  Monstier.  Lagneau 
travaille  dans  une  région  inférieure  de  Fart. 

Il  n'est  pas  un  amateur  qui  puisse  hésiter 
sur  le  nom  de  l'auteur,  lorsqu'il  voit  ces 
visages  lourds  et  grossiers,  barbouillés  de 
rouge,  estompés  de  fusain  et  souvent  de  pastel. 

Indiquons  cependant,  parmi  les  œuvres  de 
Lagneau,  un  beau  portrait  d'Henri  IV,  appar- 
tenant à  M.  Gatteaux. 

Le  Louvre  possède  une  dizaine  de  crayons 
de  ce  maître,  malheureusement  il  est  impos- 
sible de  mettre  un  nom  sur  toutes  ces  figures. 
Presque  tous  ces  portraits  sont  à  la  pierre 
noire  et  à  la  sanguine,  avec  quelques  touches 
de  pastel. 

Nous  avons  quelques  portraits  dus  au 
crayon  d'Antoine  Coypel  :  une  tête  de  jeune 
fille  vue  de  trois  quarts  et  tournée  à  droite, 
aux  crayons  rouge  et  blanc,  avec  quelques 
touches  de  crayon  noir,  sur  papier  gris; 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      toj 

Une  tête  d'enfant  au  pastel  sur  papier  gris  ; 
puis  encore  une  tête  de  jeune  fille,  dans  le 
même  genre. 

De  Le  Brun,  nombre  de  crayons  et  de 
pastels. 

Portrait  de  Louis  XIV,  vu  de  profil  et  tourné 
à  gauche.  Ce  pastel  est  fin  ;  on  retrouve  dans 
sa  composition  ce  grand  air  que  Le  Brun 
sait  si  bien  donner  à  tout  ce  que  fait  son  pin- 
ceau ou  son  crayon. 

Il  existe  au  Louvre  beaucoup  de  portraits 
de  Louis  XIV  faits  par  ce  maître  ;  presque 
tous  sont  au  pastel,  sur  papier  gris. 

Arrêtons-nous  devant  un  portrait  qui  a  un 
certain  intérêt  historique  :  c'est  celui  de  la 
marquise  de  Brinvilliers,  fait  d'après  nature 
en  (1676),  au  moment  où  elle  allait  être  jugée. 
Ce  dessin  est  aux  trois  crayons,  avec  quelques 
touches  de  pastel,  sur  papier  gris. 

Les  traits  de  la  marquise  sont  altérés  par 
les  transes  de  la  torture,  elle  tient  un  crucifix 
à  la  main,  et  le  prêtre  lui  présente  un  cierge. 

De  Le  Brun  nous  avons  encore  ces  grands 
dessins  qui  représentent  Louis  XIV  à  cheval, 


io8  Histoire  du  Portrait. 

donnant  des  ordres  avec  sa  canne.  —  Des- 
sin à  la  pierre  noire,  rehaussé  de  blanc,  sur 
papier  gris;  mis  au  carreau,  H.  2m,3()o, 
L.  2m,o6o. 

Du  même  maître,  ce  dessin  qui  reproduit 
le  Roi  en  Empereur  romain,  et  une  quinzaine 
de  portraits  du  même  souverain  dans  les 
attitudes  les  plus  variées,  assis,  debout,  à 
cheval. 

Le  Brun  se  fit  parfois  aider  par  Van  der 
Meulen.  Cette  collaboration  nous  a  laissé 
plusieurs  dessins;  l'un,  à  la  pierre  noire  et  à  la 
mine  de  plomb,  lavé  à  l'encre  de  Chine,  re- 
présente Louis  XIV  à  son  départ  pour  la 
guerre. 

Un  autre,  Louis  XIV  qui  revient  à  la  tête 
de  son  armée.  —  Nous  avons  encore  :  l'Entrée 
de  Louis  XIV  et  de  Marie-Thérèse  à  Douai, 
en  juillet  (1667)  ;  —  le  Roi  inspectant  la  tran- 
chée devant  Douai  (1667),  et  Louis  XIV  de- 
vant Utrecht  (24  juin  1672). 

«  La  Tour  mettait  peu  de  temps  à  ses  por- 
traits, il  ne  fatiguait  pas  ses  modèles,  les  fai- 
sait ressemblants,    et    n'était    pas    cher.    La 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      iog 

presse  était  grande,  il  devint  le  peintre  ba- 
nal. »  Voilà  ce  que  Mariette  nous  apprend 
du  maître. 

La  «  presse  était  grande  !  »  soit  !  mais  ceci 
nous  semble  un  éloge  :  la  presse  serait  encore 
bien  plus  grande  de  nos  jours,  car  jamais  La 
Tour  ne  sera  remplacé  ! 

La  Tour  semble  avoir  eu  le  don  naturel 
de  faire  ressemblant,  mais  ce  fut  par  son 
travail  que  l'artiste  parvint  à  ce  but. 

Écoutons  Diderot  :  «  Il  m'avoua  qu'il  de- 
vait infiniment  aux  conseils  de  Restout,  le 
seul  homme  du  même  talent  qui  lui  eût  paru 
vraiment  communicatif;  que  c'était  ce  peintre 
qui  lui  avait  appris  à  faire  tourner  une  tète  et 
à  faire  circuler  l'air  entre  la  figure  et  le  fond, 
en  reflétant  le  côté  éclairé  sur  le  fond,  et  le 
fond  sur  le  côté  ombré  ;  que,  soit  la  faute  de 
Restout,  soit  la  sienne,  il  avait  eu  toutes  les 
peines  du  monde  à  saisir  ce  principe  malgré 
sa  simplicité  :  que  lorsque  le  reflet  est  trop 
fort  ou  trop  faible,  en  général,  vous  ne  rendez 
pas  la  nature;  que  vous  êtes  faible  ou  dur  et 
que  vous  n'êtes  plus  vrai  ni  harmonieux.  » 


110  Histoire  du  Portrait. 

C'était  donc  .par  le  travail  que  La  Tour 
avait  conquis  le  secret  du  grand  art  ;  mais  que 
de  luttes  pour  arriver  à  rendre  la  nature, 
rester  vrai  et  harmonieux  ! 

Les  qualités  immenses  de  La  Tour  sont 
justement  appréciées,  il  nous  semble,  dans  ce 
passage  de  MM.  de  Concourt  : 

a  La  Tour  fut  le  dessinateur  le  plus  grand, 
le  plus  fort,  le  plus  profond  de  toute  l'École 
française,  le  dessinateur  physionomiste  ;  ce 
pastelliste  tout  nouveau  s'élève  à  la  puissance, 
à  la  solidité,  à  toutes  les  énergies  d'effet  avec 
ces  crayons  de  tendresse  et  de  caresse,  uni- 
quement faits,  semble-t-il,  pour  exprimer  le 
pulpeux  du  fruit,  le  velouté  de  Tépiderme, 
le  «  duvet  »  des  habillements  du  temps  ;  le 
voilà  ce  créateur  du  pastel  qui,  de  cet  art  de 
femme,  s'adressant  à  la  femme,  de  cette  pein- 
ture de  coquetterie  flottante,  à  demi  fixée,  vo- 
latile, pareille  à  la  poussière  de  la  grâce,  tire 
et  fait  lever  un  art  mâle,  large  et  sérieux,  une 
peinture  d'une  telle  intensité  d'expression, 
d'un  tel  relief  et  d'une  telle  illusion  de  vie, 
que  cette  peinture  arrive  à  menacer,  à  inquié- 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     1 1 1 

ter  toute  l'autre  peinture,  et  qu'un  moment  les 
portes  de  l'Académie  se  ferment  par  peur  du 
génie  du  grand  maître.  » 

On  ne  saurait  mieux  dire. 

Il  nous  est  impossible  de  donner  toute 
l'œuvre  de  La  Tour,  mais  nous  citerons  ses 
principaux  portraits. 

Au  Louvre ,  nous  avons  :  le  portrait  de 
Louis  XV; —  celui  de  Marie  Leczinska  ;  — 
ceux  de  Louis  de  France,  fils  de  Louis  XV, 
à  l'âge  de  huit  ou  dix  ans  ;  —  de  Marie-Jo- 
sèphe  de  Saxe  ;  —  du  maréchal  de  Saxe. 

—  Le  portrait  en  pied  de  Mme  de  Pompa- 
dour;  —  de  Siméon  Chardin;  —  de  René 
Fremin,  sculpteur;  —  enfin,  le  portrait  du 
maître  lui-même. 

La  Tour  donne,  en  (1737),  le  portrait  de 
Mme  Boucher;  —  en  (1738),  celui  de  Restout 
et  de  Mlle  de  la  Boissière;  —  de  Bachaumont 
(  1 740)  ;  —  du  duc  de  Villars  (  1 743)  ;  —  du  Roi 
et  du  Dauphin  (1745);  —  du  duc  d'York  et 
de  plusieurs  autres  personnes  (1747);  —  du 
marquis  de  Montalembert,  de  Watelet,  de  La 
Condamine  et  de  Rousseau  (1753);  —  de  la 


Histoire  dit  Portrait. 


marquise  de*  Pompadour  (5  pieds  1/2  de 
haut)  (1757). 

En  (1761),  Diderot  écrit  dans  son  Salon  : 
«  Les  pastels  de  M.  La  Tour  sont  toujours 
comme  il  sait  les  faire.  Parmi  ceux  qu'il  a 
exposés  cette  année,  le  portrait  du  vieux  Cré- 
billon,  à  la  romaine,  la  tête  nue,  et  celui  de 
M.  Laideguive,  notaire,  ajouteront  beaucoup 
à  sa  réputation.  » 

En  (1767),  La  Tour  donne  encore  les  por- 
traits de  Gravelot,  de  Voltaire,  de  Le  Moyne, 
d'Adam  et  d'Oudry. 

Pour  faire  la  nomenclature  exacte  des 
œuvres  de  ce  grand  artiste,  il  faudrait  de 
nombreuses  pages  encore. 

« — La  Tour  nous  fait  entrer,»  dit  de  Gon- 
court,  «dans  ce  merveilleux  salon  des  ressem- 
blances, qu'évoquent,  d'une  cour,  d'une  so- 
ciété, des  grands  portraitistes  comme  Holbein 
et  Van  Dyck.  De  la  poussière  du  pastel,  de 
cette  peinture  tombée,  pour  ainsi  dire,  de  la 
poudre  de  l'époque,  il  a  tiré  comme  la  fragile  et 
délicate  immortalité,  la  miraculeuse  illusion  de 
survie  que  méritait  l'humanité  de  son  temps.  » 


Du  Port?~ait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      1 13 

Chardin  exécuta  peu  de  portraits  à  l'huile; 
encore  ces  portraits  ont-ils  disparu;  mais  à 
l'âge  de  soixante-dix  ans,  il  se  mit  à  faire  du 
pastel.  Ce  qui  nous  a  valu  deux  fois  son  por- 
trait et  celui  de  sa  femme.  Ils  sont  au  Louvre. 

«  —  Allez  à  ces  deux  portraits  du  Louvre,  où 
il  s'est  représenté  comme  le  vieux  grand-père 
de  son  œuvre,  sans  coquetterie,  dans  le  désha- 
billé bourgeois,  familier,  abandonné  d'un  sep- 
tuagénaire, en  bonnet  de  nuit,  rabat-jour  au 
front,  les  besicles  au  nez;  quelles  surprenantes 
images  ! 

»  Ce  travail  violent  et  emporté,  ces  écrasis, 
ces  martelages,  ces  tapotages,  ces  balafrures, 
ces  empâtements  de  crayon ,  ces  touches 
semées  franches  et  rudes,  ces  audaces  qui  ma- 
rient des  tons  immuables  et  jettent  sur  le  papier 
les  couleurs  toutes  crues,  ces  dessous  pareils 
à  ceux  que  le  scalpel  trouve  sous  la  peau,  tout 
cela  s'harmonise  à  quelques  pas,  s'assemble, 
se  fond,  s'éclaire,  et  c'est  de  la  chair  qu'on  a 
sous  les  yeux,  de  la  chair  vivante  qui  a  ses 
plis,  ses  luisants,  sa  porosité,  sa  fleur  d'épi- 
derme.  » 

9 


114  Histoire  du  Portrait. 

Voilà  Chardin  nous  donnant  son  image  : 
l'artiste  devait  être  vert  encore,  quand  il  tra- 
çait une  œuvre  pareille  à  l'âge  de  soixante-dix 
ans.  Mais  ce  n'est  qu'un  des  côtés  du  pastel- 
liste; ce  vieillard  va  nous  surprendre  encore. 

«  —  C'est  dans  le  portrait  de  sa  femme  qu'il 
révèle  tout  son  feu,  toute  la  puissance  de  sa 
verve,  la  force  et  la  fièvre  de  son  exécution 
inspirée.  Jamais  la  main  du  peintre  n'eut  plus 
de  génie  que  dans  ce  pastel,  plus  d'audace, 
plus  de  bonheur,  plus  d'éclairs.  De  quelle 
touche  furieuse,  chargée,  solide,  de  quel  crayon 
libre,  fouetté,  sûr  dans  les  hasards  mêmes, 
affranchi  des  hachures  dont  jusque-là  il  a 
amorti  son  tapage  ou  raccordé  ses  ombres, 
Chardin  attaque  le  papier,  réraille,  lui  enfonce 
le  pastel!  Comme  il  y  amène  au  jour,  victo- 
rieusement, ce  visage  de  la  vieille  Marguerite 
Pouget,  enveloppée  jusqu'au  coin  des  yeux  de 
cette  coiffe  presque  monastique  si  souvent 
répétée  dans  ses  figures!...  Chardin  exprime 
tous  les  signes  de  la  vieillesse,  il  en  donne  la 
sensation  et  presque  l'approche,  avec  ce 
crayonnage  inimitable,  insaisissable,  qui  met, 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     1 15 

on  ne  sait  comment,  le  souffle  de  la  personne 
sur  les  lèvres  de  son  portrait,  le  tressaillement 
du  jour  dans  le  dessin  d'une  physionomie.  Et 
comment  surprendre,  comment  dire  de  quoi 
est  faite  cette  bouche  démeublée  qui  tourne, 
qui  plisse,  qui  se  retire,  qui  respire,  qui  a 
toutes  les  infinies  délicatesses  de  ligne ,  de 
courbe,  d'inflexion  d'une  bouche?  Cela  n'est 
fait  que  de  quelques  traînées  de  jaune  et  de 
quelques  balayures  de  bleu.  »  (De  Goncourt, 
Les  Peintres  du  xvme  siècle.) 

Nous  sommes  heureux  que  Chardin  ait  fait 
des  chefs-d'œuvre;  mais  on  nous  saura  gré 
d'avoir  reproduit  de  semblables  pages!  Le 
pastel  de  Chardin  est  puissant,  harmonieux, 
vivant,  mais  la  plume  qui  a  traduit  son  œuvre 
a  su  s'élever  jusqu'à  la  hauteur  de  l'artiste  du 
xvme  siècle.  Cette  description  ne  vaut-elle  pas 
un  Chardin? 

Perroneau  (Jean-Baptiste)  doit  avoir  sa  place 
à  côté  de  La  Tour  :  l'un  et  l'autre  ont  été  les 
deux  plus  grands  pastellistes  français. C'estàses 
portraits  que  Perroneau  dut  d'entrer  à  l'Acadé- 
mie; les  débuts  de  l'artiste  furent  très  brillants. 


iiô  Histoire  du  Portrait. 

En  (1746),  il  exposait  trois  portraits  au  pas- 
tel :  ceux  du  marquis  Dambail,  —  de  Drouais, 
—  et  de  Gillain,  peintre. 

Perroneau  faisait  également  des  portraits  à 
l'huile. 

Dans  le  Salon  de  (1747),  on  trouve  le  juge- 
ment suivant  : 

«  —  Près  de  ce  tableau,  on  voit  un  portrait 
au  pastel,  par  un  jeune  homme,  M.  Perro- 
neau, qui  est  plein  d'esprit  et  de  vie;  et  qui  est 
d'une  touche  si  vigoureuse  et  si  hardie , 
qu'on  le  prendrait  pour  être  d'un  maître 
consommé  dans  son  art.  Que  ne  doit-on 
pas  espérer  de  quelqu'un  qui  marque  tant  de 
talent  dans  ses  premiers  ouvrages!  »  (Lettre 
sur  le  Salon  de  (1747),  par  l'abbé  Leblanc, 
page  98.) 

Au  Salon  de  (1748),  même  succès  :  «  Je  crois 
que  Ton  peut  parler  de  M.  Perroneau  après 
M.  La  Tour.  Il  suit  ses  traces  de  fort  près,  et 
probablement  doit  prendre  un  jour  de  ses 
mains  le  sceptre  du  pastel,  lorsque  celui-ci, 
satisfait  de  la  grande  multitude  de  ses 
triomphes, songera  enfin  à  se  reposera  l'ombre 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     1 1- 

de  ses  lauriers.  »  (Salon  de  (1748),  par  le  comte 
de  R.,  page  16.) 

Diderot  écrira  dans  le  Salon  de  (1767)  : 

«  —  Lorsque  le  jeune  Perroneau  parut,  La 
Tour  en  fut  inquiet,  il  craignait  que  le  public 
ne  pût  sentir  autrement  que  par  une  comparai- 
son directe  l'intervalle  qui  les  séparait.  Que 
fit-il?  Il  proposa  son  portrait  à  peindre  à 
son  rival,  qui  s'y  refusa  par  modestie... 
l'innocent  artiste  se  laissa  vaincre  à  force 
d'insistance,  et  tandis  qu'il  travaillait,  l'ar- 
tiste jaloux  exécutait  le  même  ouvrage  de 
son  côté.  Les  deux  tableaux'  furent  achevés 
en  même  temps,  et  exposés  au  même  Salon. 
Ils  montrèrent  la  différence  du  maître  et  de 
l'élève. 

»  La  Tour  est  fin  et  me  plaît  :  homme  singu- 
lier, mais  bonhomme,  mais  galant  homme, 
La  Tour  ne  ferait  pas  cela  aujourd'hui,  et  puis 
il  faut  avoir  quelque  indulgence  pour  un  artiste 
piqué  de  se  voir  rabaissé  sur  la  ligne  d'un 
homme  qui  ne  lui  allait  pas  à  la  cheville  du 
pied,  etc.  » 

Au  Salon  de  (1750),  Perroneau  exposa  avec 


118  Histoire  du  Portrait. 

quatorze  autres  portraits  celui  de  La  Tour;  il 
fait  partie  du  musée  de  Saint-Quentin. 

Perroneau  a  exposé  aux  divers  Salons  de  : 
(1746,—  1747,  —  1748,  —  1750,  —  1751,— 
1753,—  1755,—  1757,—  1759,-1763,— 
1767,  —  1769,—  1773,-1777,-1779). 

Dans  un  Salon  de  (175 1),  imprimé  à  Ams- 
terdam, nous  trouvons  cette  critique  sur  Per- 
roneau : 

«  —  L'illusion  est  si  frappante  dans  les  por- 
traits de  M.  La  Tour,  qu'il  semble  que  la 
nature  se  soit  peinte  elle-même ,  il  n'y  a  rien  à 
désirer.  —  Pour  bien  faire,  La  Tour  n'a  qu'à 
se  ressembler  et  M.  Perroneau  qu'à  l'imiter  : 
Ce  jeune  peintre,  qui  marche  sur  ses  traces, 
«  proximus  huic,  longo  sed  proximus  inter- 
vallo,  »  s'est  corrigé  sur  les  ensembles;  mais 
il  s'est  négligé  sur  la  couleur;  ses  têtes  sont 
touchées  avec  esprit,  mais  elles  sentent  trop 
l'esquisse,  et  je  voudrais  qu'on  ne  pût  pas  en 
appeler  séparément  les  couleurs,  enfin  qu'il 
accusât  tellement  les  formes  qu'on  pût  mode- 
ler d'après  ses  portraits,  comme  on  serait  en 
état  de  le  faire  d'après  M.  La  Tour.  » 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     i  ig 

En  (1759),  Perroneau  exposa  les  portraits  de 
Vernet ,  —  L.  Cars,  —  et  Cochin. 

Parfois  Diderot  n'est  pas  bienveillant  pour  ce 
peintre  :  «  Il  marchait  autrefois,  »  dit-il,  «  sur 
les  pas  de  La  Tour;  on  lui  accorde  de  la  force 
et  de  la  fierté  de  pinceau.  Il  me  semble  qu'on 
n'en  parle  plus.  »  (Salon  de  1763.) 

Dans  le  Salon  de  (1765),  il  écrira  :  «  Parmi 
les  portraits  de  Perroneau ,  il  y  en  avait  un  de 
femme,  qu'on  pouvait  regarder,  bien  dessiné, 
et  mieux  dessiné  qu'à  lui  n'appartient,  il  vivait 
et  le  fichu  était  à  tromper.  » 

Enfin  dans  le  Salon  de  (1769)  le  malin  criti- 
que décoche  ce  nouveau  trait  : 

«  —  Ce  tapissier  de  Chardin  est  un  espiègle 
de  première  force,  il  est  enchanté  quand  il  fait 
quelques  bonnes  malices....  en  apposant  face  à 
face  les  pastels  de  La  Tour  et  ceux  de  Perro- 
neau, il  a  interdit  à  celui-ci  l'entrée  des  Sa- 
lons. » 

Perroneau  ne  sera  pas  plus  heureux;  si 
Bachaumont  le  compare  à  La  Tour,  le  juge- 
ment de  l'écrivain  sera  bien  dur,  et  Bachau- 
mont écrira  : 


120  Histoire  du  Portrait. 

«  Le  genre  de  perfection  le  distingue  infini- 
»  mentdu  pastel  cru,  dur,  rembruni  de  M.  Per- 
»  roneau,  dont  les  portraits  à  l'huile  ont  aussi 
»  un  caractère  de  rudesse  qui  doit  l'exclure  à 
»  jamais  de  peindre  les  grâces,  mais  qui  le 
»  rend  très  propre  à  tracer  les  rides  de  la  vieil- 
»  lesse,  la  peau  tannée  d'une  paysanne,  ou  la 
»  morgue  d'un  Turcaret.»  (Lettre  sur  le  Salon 
de  1769.) 

Tout  cela  nous  semble  exagéré  et  assez  in- 
juste, car  la  gloire  de  La  Tour  ne  doit  pas  nous 
empêcher  d'admirer  les  magnifiques  pastels  de 
Perroneau  et  de  rendre  hommage  à  son  talent, 
qui  fut  considérable. 

Vivien,  élève  de  Lebrun,  se  consacra  tout 
spécialement  au  portrait,  soit  à  l'huile,  soit  au 
pastel.  Comme  Nanteuil,  il  exécuta  des  pastels, 
grandeur  nature.  Un  large  faire,  une  grande 
pureté  de  coloris,  l'exactitude  dans  les  acces- 
soires et  dans  les  draperies  caractérisent  la  ma- 
nière de  Vivien. 

Ce  artiste  entrait  à  l'Académie,  le  (28  juin 
1698),  comme  peintre  de  portraits  au  pastel. 

En  (170 1)  il  exposa  dix-huit  grands  pastels, 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     121 

entre  autres  l'Électeur  de  Bavière,  —  la  Com- 
tesse  cTArco,  —  le  sculpteur  Van  Clève.  — 
Vivien  était  peintre  du  Roi  et  de  l'Électeur  de 
Cologne. 

Le  Louvre  conserve  de  cet  artiste  le  portrait 
du  duc  et  électeur  de  Bavière,  Maximilien- 
Emmanuel,  et  celui  du  duc  de  Bourgogne  vu 
de  trois  quarts  et  tourné  à  gauche. 

Girardon  est  représenté  à  mi-corps,  la  main 
gauche  sur  une  tête  de  femme  en  marbre,  la 
main  droite  ouverte.  Il  a  le  col  et  une  partie  de 
la  poitrine  découverts,  un  manteau  violet;  les 
boucles  de  la  perruque  tombent  sur  ses 
épaules,  il  est  presque  de  face,  tourné  à  droite. 

On  voit  aussi  dans  notre  galerie  nationale  le 
portrait  de  Robert  de  Cotte,  architecte, et  celui 
du  duc  d'Anjou,  qui  sont  également  de 
Vivien. 

Marie- Suzanne  Giroust ,  femme  Roslin, 
peintre  de  portraits  au  pastel ,  née  à  Paris ,  eut 
l'honneur  d'entrer  à  l'Académie  le  (icr  janvier 
1770);  son  morceau  de  réception  fut  le  portrait 
de  Pigalle;  elle  donna  encore  celui  de  Dumont 
le  Romain. 


122  Histoire  du  Portrait. 

Les  pastels  de  la  jolie  Mme  Roslin  ont  de 
bonnes  et  solides  qualités;  une  maladie  cruelle 
l'enleva  trop  jeune  pour  qu'elle  eût  pu  donner 
tout  ce  qu'elle  semblait  promettre. 

Antoine  Masson  était  graveur  et  peintre  de 
portraits  au  pastel. 

On  a  de  cet  artiste  le  portrait  d'Olivier 
d'Ormesson,  qui  semble  tout  à  fait  hors  ligne; 
— celui  de  Turenne ,  grand  comme  nature ,  qui 
passait  pour  être  très  ressemblant  ;  —  celui 
encore  de  Gui  Patin. 

Il  a  fait  encore  une  quarantaine  de  pastels 
qu'il  a  gravés  lui-même  :  tous  sont  réputés 
fort  exacts. 

En  (1785),  Perin  (Louis)  donna  les  portraits 
de  la  duchesse  de  La  Rochefoucault  et  celui  de 
la  duchesse  d'Orléans.  Il  faisait  également  de 
très  jolies  miniatures. 

Si  l'on  veut  juger  du  talent  de  cet  artiste,  il 
faut  étudier  avec  soin  le  beau  cadre  de  minia- 
tures si  variées,  si  agréables  et  d'une  expres- 
sion si  juste,  donné  au  Louvre  par  M.  Perin 
fils. 

Boucher  appartient  surtout  à  la  peinture; 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     1 23 

rappelons  en  passant  qu'il  a  fait  de  charmants 
dessins  et  de  très  fins  portraits. 

Greuze  nous  a  laissé  des  gouaches  qui  sem- 
blent tout  aussi  remarquables  que  ses  plus 
belles  peintures  à  l'huile. 

Fragonard  a  fait  également  des  miniatures. 
Le  Louvre  possède  de  lui  un  portrait  de  jeune 
femme;  le  cou  est  orné  d'un  collier  de  perles, 
la  collerette  est  ouverte,  renversée,  relevée 
en  arrière  et  ornée  d'un  ruban  bleu. 

Un  peintre  étonnant,  ce  Fragonard,  il  excelle 
dans  tous  les  genres.  —  La  galerie  Lacaze  con- 
serve quatre  portraits  de  grandeur  naturelle  à 
mi-corps,  qui  sont  de  cet  artiste.  Au  dos  de  l'un, 
on  peut  lire  cette  notice  qui  semble  écrite  par 
le  maître  lui-même  : 

«  Portrait  de  M.  de  la  Bretich,  peint  par 
»  Fragonard  en  (176g),  en  une  heure  de 
y>  temps.   » 

«  —  Une  heure!  rien  de  plus,  »  dit  M.  de 
Goncourt. 

«  Il  lui  suffisait  d'une  heure  pour  camper, 
bâcler  et  trousser  si  fièrement  ces  grands  por- 
traits où  se  déploie  et  s'étale  toute  cette  fan- 


124  Histoire  du  Portrait. 

taisie  à  l'espagnole ,  dont  la  peinture  d'abord 
habille  et  anoblit  les  contemporains. 

»  —  A  peine  s'il  jette  ses  touches,  il  dégros- 
sit à  grands  coups  les  visages ,  les  indique  avec 
les  plans  d'un  buste  commencé,  tire  les  traits 
comme  d'un  fond  de  bile ,  son  pinceau  étend 
les  couleurs  en  lanières,  à  la  façon  d'un  cou- 
teau à  palette;  sous  sa  brosse  enfiévrée  qui  va 
et  vient,  les  collerettes  bouillonnent  et  se  guin- 
dent,  les  plis  serpentent,  les  manteaux  se  tor- 
dent, les  vestes  se  cambrent,  les  étoffes  s'enflent 
et  ronflent  en  grands  plis  matamoresques.  Les 
têtes  jaillissent  de  la  toile,  s'élancent  de  cette 
balayure  furibonde ,  de  ce  gâchis  de  possédé  et 
d'inspiré.  » 

Qui  ne  connaît  les  magnifiques  portraits 
dlsabey,  peintre  en  miniature,  en  émail, 
peintre  sur  porcelaine,  dessinateur  et  litho- 
graphe? 

Dans  tous  les  genres  on  trouve  la  même 
grâce,  le  même  talent;  élève  de  David,  Isabey 
renonça  bientôt  à  ces  délicieux  travaux  qui  lui 
donnaient  les  moyens  de  vivre,  pour  étudier 
avec  passion  l'art  plus  sérieux  de  son  maître. 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     1 10 

La  protection  du  marquis  de  Sérent,  gou- 
verneur des  Enfants  de  France,  fit  appeler 
Isabey  à  l'honneur  de  dessiner  les  jeunes  ducs 
d'Angoulême  et  de  Berry,  fils  du  comte 
d'Artois. 

La  Révolution  éclate,  et  voilà  notre  peintre 
sur  le  pavé,  mais  il  ne  tarde  pas  à  se  relever.  Il 
a  plusieurs  cordes  à  son  arc,  et  son  talent  peut 
aborder  les  genres  les  plus  différents. 

Un  éditeur  lui  demande  les  portraits  des 
membres  de  la  Constituante;  du  reste  on  les 
lui  a  tous  attribués,  mais  à  tort,  car  d'autres  ar- 
tistes ont  collaboré  à  cette  publication,  notam- 
ment Godefroy,  —  Perin,  —  Labadye,  — 
Moreau,  —  Gros,  —  Farlure,  —  Mulard, 
—  Duval,  —  Courbe,  —  A.  Delorme,  — 
J.-B.  Massard. 

La  Bibliothèque  possède  encore  plusieurs 
volumes  de  portraits  de  députés  dessinés  par 
Dejabin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Isabey  voit  tour  à 
tour  poser  devant  lui  :  Mirabeau,  —  Bar- 
rère,  —  Saint-Just,  —  Collot  d'Herbois,  — 
Couthon. 


I2Ô  Histoire  du  Portrait. 

Cet  artiste  eut  un  succès  énorme  aux  Salons 
de  (1793),  —  (1795),  —  (1796). 

Son  invention  d'un  nouveau  genre  de  des- 
sin à  l'estompe  attirait  à  lui  la  foule  des 
amateurs. 

En  (i8o5),  il  fut  nommé  premier  peintre  de 
l'Impératrice. 

Il  serait  impossible  de  donner  la  liste  des 
portraits  exécutés  par  Isabey;  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  il  faisait  des  portraits  peints, 
en  miniature,  dessinés  aux  différents  crayons, 
exécutés  sur  porcelaine  ou  à  l'aquarelle.  — 
Habile  dans  tous  les  genres,  homme  du 
monde,  spirituel  et  élégant,  Isabey  vit  son 
atelier  devenir  le  rendez-vous  de  tous  les 
hommes  marquants  de  cette  époque. 

Isabey  savait  faire  gracieux,  il  excellait  à 
donner  à  ses  têtes  de  femmes,  si  coquettement 
enveloppées  dans  des  voiles  de  gaze,  cet  air 
sentimental  et  vaporeux  qui  charmait  son 
époque  romantique. 

En  (18 10),  Isabey  envoya  au  Salon  les  por- 
traits de  l'Empereur  et  de  l'Impératrice.  —  Il 
exposait  encore  une  grande  porcelaine,  repré- 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     12  y 

sentant  Napoléon  entouré  de  tous  ses  maré- 
chaux. 

Le  professeur  de  dessin  de  Marie-Louise  ne 
tomba  pas  en  disgrâce  sous  les  Bourbons; 
Isabey  exécuta  tous  les  portraits  des  membres 
de  la  famille  royale. 

Les  livrets  des  Salons  nous  apprennent 
qu'il  dut  encore  exécuter  de  nombreux 
portraits  pour  les  princes  de  la  famille  d'Or- 
léans. 

Napoléon  avait  décoré  Isabey  de  la  Légion 
d'honneur;  Louis  XVIII  le  nomma  officier; 
Louis-Philippe  l'éleva  au  grade  de  comman- 
deur. 

Isabey  conserva  ses  facultés,  son  joyeux 
esprit  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  (88  ans),  et  ne 
souffrit  d'aucune  infirmité;  artiste  plus  heu- 
reux encore,  il  ne  semble  pas  avoir  éprouvé 
de  mécompte  (sauf  qu'il  ne  fut  pas  de  l'Institut). 
Il  put  jouir,  chose  rare,  de  toute  la  gloire  de 
son  immense  réputation. 

Son  art  mondain,  gracieux,  facile  et  si 
essentiellement  féminin,  lui  procura  toutes  les 
satisfactions,  tous  les  triomphes. 


Histoire  du  Portrait. 


Isabey  compta  beaucoup  d'élèves  ;  nous  par- 
lerons des  principaux. 

«  Louis  Aubry  marche  à  grands  pas  dans 
sa  carrière  :  —  Ses  portraits  sont  des  garants 
du  succès  qu'il  peut  se  promettre  de  jour  en 
jour ,  »  écrivait  Diderot ,  dans  son  Salon 
de(i77i). 

Louis  Aubry  exposa  des  portraits  en  minia- 
ture à  tous  les  Salons,  depuis  (1798)  jusqu'en 
(i833). 

Voici  le  compte  rendu  d'un  des  Salons  de 
cet  artiste  : 

«  Cet  Aubry  qui  fait  des  figures  si  mi- 
gnonnes et  si  ressemblantes,  ne  charmerait-il 
pas  tes  yeux....?  Aubry  fait  beaucoup  d'hon- 
neur à  son  maître,  et  il  l'imite  parfaitement  par 
la  ressemblance  et  par  le  moelleux  de  son  pin- 
ceau. On  voit  dans  ses  figures  circuler  le  sang 
et  briller  les  passions 

«  —  C'est  un  dessin  achevé  par  ses  belles 
formes,  par  sa  précision  et  son  élégance.  C'est 
un  modèle  de  beauté,  parce  que  toutes  les 
parties  sont  bien  dessinées  et  bien  arrangées.  » 

Le  Louvre  conserve  d'Aubry  son  portrait 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  ete.      i  -j(/ 

donné  par  sa  veuve;  parmi  les  principaux  ou- 
vrages de  cet  artiste,  on  cite  les  portraits  du 
roi  et  de  la  reine  de  Westphalie,  exposés  en 
(1810). 

Daniel  Saint,  élève  de  Regnault  et  d'Aubry, 
occupa  un  rang  parmi  les  meilleurs  artistes  en 
miniature. 

Dans  le  Pausanias  Français  (1806),  on  lit  ce 
compte  rendu ,  par  Chaussard ,  des  œuvres  de 
Saint  : 

«  — -  Après  Augustin,  M.  Saint  remporte 
sur  tous  ses  concurrents;  chacun  de  ses  por- 
traits mérite  des  éloges,  et  ce  qui  m'en  plaît 
davantage,  c'est  qu'il  a  varié  dans  tous  et  le  ton 
et  la  manière,  mérite  rare  chez  les  peintres  en 
miniature,  dont  tous  les  portraits  se  ressem- 
blent par  l'uniformité  de  tons.  » 

En(i8io),  Saint  fit  le  portrait  du  prince  de 
Kourakin  et  celui  de  Y  Empereur,  qui  fut  en- 
voyé ,  à  Vienne ,  à  l'archiduchesse  Marie- 
Louise. 

Il  donna  plusieurs  portraits  du  roi  Charles  X 
et  des  principaux  personnages  de  cette 
époque. 


i3o  Histoire  du  Portrait. 


M.  Jal   écrivait  dans  son  Salon  de  (1827): 

«  —  Voilà  de  belles  miniatures,  les  plus 
belles  du  Salon  sans  contredit  :  celles-ci  sont 
de  M.  Saint,  celles-là  de  Mme  de  Mirbel.  La 
touche  de  M.  Saint  est  large,  ne  l'est-elle  pas 
même  un  peu  trop?  C'est  possible;  mais  ce 
défaut  vaut  mieux  que  le  contraire. 

»  Ses  portraits  ont  un  bel  aspect,  le  Roi  est 
ressemblant;  je  crois,  cet  officier  aussi... 

«  M.  Saint  tient  toujours  le  haut  bout  dans 
la  miniature...;  le  portrait  d'une  dame  repré- 
sentée en  pied  et  se  promenant  dans  un  jardin, 
est  vraiment  digne  d'admiration  :  la  figure  est 
gracieuse,  sans  manière,  d'un  ton  solide  et 
agréable,  d'un  dessin  correct,  quoi  qu'on  dise 
de  la  longueur  de  la  jambe  gauche.  Le  paysage 
est  joliment  composé,  les  accessoires  sont 
ajustés  avec  beaucoup  de  goût.  » 

Saint  exposa  à  tous  les  Salons  jusqu'en 
(1839);  il  eut  une  grande  vogue. 

Il  a  fait  des  portraits  de  Louis-Philippe  sous 
toutes  les  formes  et  dans  tous  les  costumes. 

Élève  de  la  nature  et  de  la  méditation, 
Augustin  (J.-B.)  donna  dès  son  début  une  suite 


Dit  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     i3i 

de  miniatures  qui  furent  appréciées;  celles 
qu'il  exposa  en  (1791),  —  (1793),  - —  (1795), 
furent  très  remarquées,  elles  étaient  rendues 
avec  un  fini  extrême. 

Au  Salon  de  (1796),  il  exposa  son  portrait  qui 
obtint  un  très  grand  succès.  Dans  une  satire  sur 
ce  Salon,  il  était  dit  : 

Augustin,  tu  t'es  surpassé; 
Ton  portrait  est  peint  comme  un  ange  : 
Et  Ton  peut  dire  à  ta  louange, 
QuTsabey,  seul,  t'a  devancé. 

Dans  une  autre  satire,  Critique  du  Salon  ou 
les  Tableaux  en  vaudeville,  on  trouve  encore: 

Expression  et  vérité, 

Accord  de  couleurs,  harmonie, 

Jean-Augustin,  en  vérité, 

A  Tivoire  a  donné  la  vie  : 

Il  respire  le  sentiment, 

Ce  portrait  que  tout  le  monde  aime  : 

Pour  peindre  Fauteur  dignement 

Je  crois  qu'il  faut  être  lui-même 

Le  portrait  de  Mme  Récamier  lui  valut  un 
véritable  triomphe;  le  portrait  de  Chaudet  ne 
lui  fit  pas  moins  d'honneur. 


i3-z  Histoire  du  Portrait. 

Augustin  donna  également  le  portrait  de 
l'Empereur;  ceux  de  Denon,  —  de  Joséphine, 
—  de  la  reine  Hortense,  —  du  roi  et  de  la  reine 
de  Hollande,  —  de  la  princesse  de  Schwar- 
zemberg;  —  ceux  de  Louis  XVIII,  — des  ducs 
de  Berry,  d'Orléans,  —  et  de  la  duchesse 
d'Angoulême. 

Dans  le  Salon  de  (1804)  (Pasquinet  Scapinau 
Muséum)  (1804),  nous  trouvons  ces  lignes  sur 
Augustin  : 

«  —  La  ressemblance,  la  vérité,  l'effet  et  la 
mollesse  des  chairs  et  des  draperies  dans  ses 
miniatures,  rendaient  Augustin  bien  recom- 
mandable  dans  ce  genre  où  il  excelle ,  car  il 
approche  de  la  peinture,  parce  qu'il  abandonne 
le  pointillé.  » 

Le  Pausanias  Français  (1806)  appréciait  en 
ces  termes  le  talent  d'Augustin  : 

«  —  On  connaît  le  talent  miraculeux  de  cet 
artiste;  il  s'est  surpassé  dans  le  portrait  de 
l'Empereur...,  etc.  On  regrette  que  M.  Augus- 
tin n'ait  pas  exposé  de  grandes  tètes,  ni  des 
portraits  avec  des  mains.  De  ceux  que  Ton  voit 
à  l'Exposition  actuelle,  deux  sont  sur  émail  et 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      i33 

quatre  en  miniature.  Ils  ont  tant  d'éclat,  de  fini, 
qu'au  premier  regard  on  les  croit  tous  peints 
sur  émail. 

t  II  faut  traiter  les  miniatures  ainsi  que 
MM.  Augustin  et  Isabey,  pour  donner  quelque 
considération  à  cette  manière  de  peindre,  la 
plus  facile  de  toutes,  comme  le  prouve  cette 
quantité  de  miniatures  insipides  qui  couvrent 
toutes  les  boiseries  de  la  galerie  d'Apollon.  » 

L'incontestable  talent  d'Augustin  lui  valut 
une  éclatante  réputation;  il  forma  un  grand 
nombre  d'élèves,  parmi  lesquels,  et  au  premier 
rang,  nous  devons  nommer  Mme  de  Mirbel. 

Terminons  cet  aperçu  sur  Augustin  par  un 
passage  de  Durdent,  dans  le  Salon  de  (1812). 

«  M.  Augustin  est  de  ceux  qui  peuvent  dire  : 
mon  travail  est  borné,  mais  ma  gloire  ne  l'est 
pas;  ses  miniatures  ont  pour  le  fini  quelque 
chose  de  désespérant.  C'est  là  le  mot  propre, 
je  m'en  rapporte  à  la  plupart  de  ses  émules.   » 

Fille  d'un  commissaire  de  marine,  Mlle  Li- 
zinka  Rue  entra  d'abord  dans  l'atelier  d'Au- 
gustin. 

Des  amis  influents  tirent  connaître  au  Roi  le 


i34  Histoire  du  Portrait. 

talent  de  la  jeune  artiste,  et  le  portrait  de 
Louis  XVIII  figura  avec  onze  autres  minia- 
tures de  personnages  au  Salon  de  (1822). — 
Ce  fut  le  Roi  qui  maria  la  jeune  artiste  avec  le 
savant  M.  de  Mirbel. 

Chaque  Salon  était  pour  elle  un  nouveau 
succès;  elle  fit  des  aquarelles,  des  miniatures, 
toutes  plus  remarquables  les  unes  que  les 
autres. 

Le  roi  Charles  Xposapour  elle  en  (1827). 

De  (1822  à  184g)  tous  les  hommes  célèbres 
passent  dans  son  atelier. 

Le  portrait  du  duc  d'Orléans  (1837)  fut  une 
de  ses  œuvres  les  plus  remarquables. 

La  critique  sut  trouver  les  termes  les  plus 
courtois  et  les  expressions  les  plus  flatteuses 
pour  Mme  de  Mirbel ,  et  surtout  la  critique  fut 
juste,  cette  courtoisie  suprême  pour  l'artiste. 

M.  Jal  écrit,  dans  son  Salon  de  (1827)  : 

ce  —  Voilà  de  belles  miniatures,  les  plus 
belles  du  Salon. 

»  Mme  de  Mirbel  est  une  femme  de  grand 
talent ,  énergie  et  finesse,  grâce  et  science;  elle 
réunit    les   qualités  les  plus    précieuses    que 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.      i35 

puisse  avoir  un  miniaturiste.  Le  pinceau  de 
MmL'  de  Mirbel  est  essentiellement  praticien.  » 

En  (i83i),  le  même  écrivain  touche  au 
lyrisme  : 

«  Ah  !  madame  de  Mirbel,  je  croyais  qu'il 
n'était  pas  possible  de  faire  mieux  que  le  beau 
portrait  de  M.  le  duc  de  Fitz- James  ,  exposé 
par  vous  en  1827.  Je  le  croirais  encore,  ma- 
dame, si  vous  aviez  cessé  de  peindre  en  1828. 
Vous  avez  fait  l'impossible  :  le  portrait  de 
M.  le  président  Amy,  et  dans  un  autre  genre, 
celui  de  M.  le  comte  de  M...,  sont  plus  éton- 
nants encore. 

»  Un  artiste  disait  l'autre  jour,  en  présence 
de  vos  miniatures  :  «  C'est  un  fort  joli  talent  de 
»  femme  !  »  Je  ne  dénoncerai  pas  ce  juge  à 
votre  gaieté  :  il  fut  puni  sur-le-champ,  par  un 
de  vos  confrères,  artiste  d'un  mérite  notoire, 
qui  lui  répondit  :  «  Je  ne  connais  pas  beaucoup 
»  d'hommes  de  talent  qui  ne  s'estimeraient 
»  heureux  de  changer  avec  cette  femme.  »  Je 
dois  dire  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  s'occupe  de 
miniature.  » 
Ah!    monsieur  Jal,   votre  jugement  pour- 


l36  Histoire  du  Portrait. 

rait  nous  sembler  quelque  peu  partial;  mais 
voici  un  homme  grave,  M.  G.  Planche,  qui 
veut  vous  donner  raison  : 

Heureuse  Mmc  de  Mirbel,  écoutez  M.  Plan- 
che (Salon  de  1 83 1)  : 

—  «  Mme  Lizinka  de  Mirbel  a  reculé  les 
bornes  de  son  art,  avec  une  persévérance  in- 
fatigable. D'année  en  année,  ses  progrès  sont 
sensibles  ;  et  ce  n'est  pas  une  étude  médiocre- 
ment curieuse,  que  celle  d'une  femme  qui,  ne 
pouvant  être  vaincue  que  par  elle-même, 
essaie  tous  les  jours  de  se  surpasser.  » 

(Salon  de  1834)  : 

—  «  Les  miniatures  de  Mme  L.  de  Mirbel 
sont  cette  année,  comme  aux  derniers  Salons, 
d'une  irréprochable  perfection.  Le  duc  De- 
caze  et  le  comte  Anatole  Demidoff  sont  des 
chefs-d'œuvre  de  grâce  et  de  vérité.  » 

(Salon  de  1847)  : 

—  «  Les  miniatures  de  Mmc  de  Mirbel  sont, 
cette  année,  comme  toujours,  les  plus  belles 
du  Salon.  L'élégance,  la  finesse  des  tètes,  ne 
laissent  rien  à  désirer.  Les  portraits  d'Ibra- 
him-Pacha, de  M.  Hir  de  Busenval,  de  M.  le 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     i3y 

comte  Pajol,  prendront  rang,  certainement, 
parmi  les  meilleurs  ouvrages  de  l'auteur.  Ce 
qui  assigne  à  Mme  de  Mirbel  la  première 
place,  ce  qui  la  recommande  d'une  façon  toute 
spéciale,  c'est  la  souplesse  et  la  vérité  des 
chairs.  Elle  lutte  avec  la  peinture  à  l'huile, 
et  parfois  il  lui  arrive  de  soutenir  dignement 
la  comparaison. 

»  Elle  possède  à  mes  yeux  un  autre  mérite 
non  moins  précieux  :  le  succès  ne  l'a  pas 
enivrée,  la  popularité  ne  Ta  pas  éblouie;  au- 
jourd'hui, comme  à  l'époque  de  ses  débuts, 
elle  traite  avec  le  même  soin  toutes  les  parties 
de  son  œuvre.  Son  zèle  ne  s'est  point  ralenti  ; 
elle  n'a  vu  dans  la  louange  qu'un  encourage- 
ment à  mieux  faire,  et  elle  s'est  efforcée,  par 
des  études  persévérantes,  de  garder  son  rang. 
C'est  un  bonheur  pour  le  critique  de  rencon- 
trer un  talent  aussi  éminent  uni  à  une  volonté 
aussi  constante.  » 

Décidément,  M.  Jal  avait  raison;  du  reste 
le  talent  de  Mme  de  Mirbel  méritait  ces  hom- 
mages. 

Nous  avons  de  Joseph  Boze  quelques  pas- 


i3S  Histoire  du  Portrait. 

tels  assez  remarquables:  entre  autres,  celui 
du  comte  d'Orsay;  son  portrait  par  lui-même; 
ceux  du  duc  d'Angoulême  et  de  Monsei- 
gneur de  Provence  en  robe  blanche. 

Jean  Guérin  fit  beaucoup  de  miniatures  :  on 
a  de  lui  les  portraits  de  :  Mme  la  maréchale  de 
Matignon,  Louis  XVI,  Marie-Antoinette. 

En  (1789),  Jean  Guérin  entreprit  une  suite 
de  portraits  des  députés  de  l'Assemblée  natio- 
nale, tels  que  :  Fezensac  de  Montesquiou,  — 
J.  Pétion,  —  Mirabeau,  —  Malouet,  —  La 
Rochefoucault,  duc  de  Liancourt,  —  duc  de 
La  Rochefoucault,  —  les  frères  Lameth,  —  La 
Fayette, —  Henri, —  Serre, —  Freteau, — comte 
de  Clermont-Tonnerre,  —  A.  Beauharnais, 
—  Thouret,  —  Sieyès,  —  Robespierre,  — 
J.  Rewbel,  —  P.-L.  Rœderer,  — Barère. 

Enfin,  nous  citerons  en  dernier  lieu  la  plus 
belle  miniature  de  Guérin  :  le  portrait  de 
Kléber,  son  compatriote  et  son  ami  :  ce  dessin 
est  magnifique,  remarquable  par  l'élan  et 
l'énergie  pleine  de  feu  qui  le  caractérisent  :  il 
est  et  restera  le  portrait  historique  de  l'illustre 
général. 


Du  Portrait  dans  les  dessins,  pastels,  etc.     i'3g 


Nous  lisons  dans  les  Annales  de  la  Société 
libre  des  Beaux-Arts  :  —  «  David  professait 
pour  le  beau  talent  de  Guérin  une  estime  par- 
ticulière. Sur  le  point  de  marier  une  de  ses 
filles,  il  voulut  devoir  le  portrait  de  la  jeune 
fiancée  au  pinceau  du  célèbre  miniaturiste. 
Celui-ci,  justement  fier  de  ce  choix,  consentit 
volontiers,  mais  à  condition  que  le  peintre 
des  Sabines  poserait  lui-même  le  portrait. 
Nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  que  cet 
ouvrage  fut  un  des  meilleurs  du  maître.  » 

Nous  terminerons  cette  longue  étude  sur 
les  artistes  portraitistes  dans  le  dessin,  le  pas- 
tel et  la  miniature,  par  Mme  Guiard,  née  Adé- 
laïde Labrelle  ;  elle  fut  élève  de  La  Tour,  et 
nommée  membre  de  l'Académie  en  (1782). 

Nous  avons  au  Louvre,  de  Mme  Guiard, 
le  portrait  de  Madame  Victoire,  fille  de 
Louis  XV,  en  robe  bleue  et  fichu  de  dentelles; 
très  beau  pastel;  —  celui  de  Madame  Adé- 
laïde; —  le  portrait  du  peintre  Vincent  et  de 
ses  deux  frères;  —  ceux  de  Bachelier  et  de 
Beaufort. 

Le  portrait  de  Pajou,  sculpteur,  est  remar- 


/_/o  Histoire  du  Portrait. 

quàblé  ;  l'artiste  est  présenté  à  mi-corps,  le 
bras  droit  est  nu  ;  de  la  main  gauche  Pajou 
tient  l'ébauchoir,  et  modèle  le  buste  de  son 
maître  Lemoine. 

Ce  portrait  fut  le  morceau  de  réception  de 
Mme  Guiard  à  l'Académie. 

Mme  Guiard  est  une  artiste  qui  eut  un  beau 
talent,  cela  est  incontestable;  mais  il  semble 
difficile  de  la  comparer  avec  les  artistes  qui 
l'ont  précédée. 

Qu'elle  est  brillante  cette  école  Française 
dont  nous  avons  esquissé  trop  rapidement  les 
gloires!  et  quels  artistes  incomparables  la 
France  a  su  produire  depuis  les  Clouet  ! 

Cette  grâce  naturelle  qui  caractérise  nos 
œuvres  nationales  ne  se  dément  jamais  ;  elle 
semble  se  transmettre  avec  les  âges  comme 
une  marque  inséparable  qui  nous  fait  une 
place  à  part  et  toujours  privilégiée. 


CHAPITRE  Vil 


DU  PORTRAIT  DANS  LES  GRAVURES 


— ^gg    iu    milieu    du   xve    siècle,    deux 

importantes  découvertes  avaient 
lieu,  presque  en  même  temps  : 
celle  de  l'Imprimerie  vers  (1435), 
par    Gutenberg,   et  celle  de  la 

Gravure,  par  Finiguerra,  en  (1452). 

On  a  prétendu  que  la  Gravure  était  connue 

depuis  longtemps  en  Orient,  puisque  des  étoffes 

imprimées,  fabriquées  dans  cette  région,  étaient 

exportées  en  Europe.  —  Soit! 

Mais  pourquoi  ne  pas  dire  que  Varron,  cent 

ans  avant  notre  ère ,  cultiva  la  Gravure  en 

creux  et  connut  le  moyen  de  multiplier  les 


14-  Histoire  du  Portrait. 


images,  au  dire  de  Pline  ?  (Hist.  nat. ,  lib.  XXXV. 
—  C.  II.) 

L'historien  chercherait,  avec  plus  de  fonde- 
ment sérieux  et  bien  plus  dé  vraisemblance, 
l'origine  du  Portrait  dans  la  Gravure  dans  la 
fabrication  des  cartes  à  jouer. 

Cette  invention  est  bien  française ,  et  les 
figures  étaient  gravées  sur  bois;  les  costumes, 
qui  sont  ceux  du  règne  de  Charles  VII,  indi- 
quent une  date  précise,  et,  comme  nous  l'avons 
dit  dans  notre  Étude  sur  l'Enluminure,  ces 
images  devaient  représenter  les  personnages 
illustres  de  cette  époque. 

Il  est  évident  pour  nous  que  Bernard  Mil- 
nech,  auteur  de  ces  splendides  gravures,  a 
voulu  faire  des  portraits. 

Nous  accordons  volontiers  que  c'est  seule- 
ment au  xvc  siècle  que  l'on  trouve  des  épreuves 
de  Gravure  en  Italie,  en  France  et  en  Alle- 
magne. 

Mais  l'art  du  Portrait  dans  la  Gravure  ne 
commence  réellement  que  dans  le  xvie  siècle, 
bien  que  Ton  puisse  indiquer  les  quelques  es- 
sais tentés  en  France  à  une  époque  antérieure. 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  148 

Au  xvie  siècle,  les  imprimeurs  commencent 
à  mettre  en  tète  de  leurs  publications  le  por- 
trait soit  de  Fauteur,  soit  du  personnage  illustre 
dont  il  est  question  dans  l'ouvrage.  «  La  Li- 
brairie, »  nous  dit  M.  A. -F.  Didot,  «  fut  la  pre- 
mière à  appliquer  la  nouvelle  invention  aux 
portraits  des  auteurs  pour  en  orner  leurs  ou- 
vrages ;  c'est  donc  dans  les  livres  qu'il  faut 
chercher  les  premiers  travaux  de  ce  genre. 

«  On  s'est  d'abord  servi  de  la  Gravure  sur 
bois,  qui  offre  relativement  le  moins  de  diffi- 
cultés et  qui  par  sa  nature  se  rattache  plus 
particulièrement  à  l'impression  typogra- 
phique. »  (A. -F.  Didot,  Les  Graveurs  de 
Portraits  en  France,   1875- 1877.) 

Mais  si  nous  avions  le  Portrait,  complé- 
ment du  livre  et  auxiliaire  de  l'imprimerie, 
on  ne  peut,  réellement,  faire  commencer  l'his- 
toire du  Portrait  isolé  qu'à  partir  du  règne 
d'Henri  IV. 

Tel  est  aussi  l'avis  de  M.  Georges  Duplessis. 
(De  la  Gravure  du  Portrait  en  France,  1875.) 

M.  Ambr.-F.  Didot  n'hésite  pas  à  écrire  : 
«   Pour  rencontrer  dans  notre  pays  des  por- 


144  Histoire  du  Portrait. 

traits  isolés,  en  dehors  des  illustrations  des 
livres ,  il  faut  descendre  jusqu'au  règne 
d'Henri  IV.  »  (Les  Graveurs  de  Portraits.  — 
Introd.,  page  vi  ) 

Dès  1497,  nous  trouvons  en  Italie  des  por- 
traits gravés  dans  les  Femmes  célèbres  (De 
claris  mulieribus)  de  Jacques  Foresti,  ouvrage 
imprimé  à  Ferrare,  par  Laurent  de  Rubeis. 

Viennent  ensuite  le  portrait  de  Pierre  Arétin, 
par  Marc  Raimondi;  —  celui  de  Vesale,  dans 
son  Traité  de  l'anatomie  du  corps  humain 
(Corporis  humani  fabrica) ,  publié  à  Venise 
chez  B.  Vitalis.  Le  portrait  de  Vesale  était  de 
Jean  de  Calcas,  éjève  du  Titien,  et  cette  gra- 
vure sur  bois  est  remarquable. 

Hans  Holbein,  en  Suisse,  donne  les  portraits 
de  Thomas Morus  (i5i8), —  d'Érasme  (1 5 19), 
—  d'Ulrich  de  Hutten  (i536),  —  de  Th.  Wyatt 

(1538). 

Albert  Durer,  en  Allemagne,  grave  le  por- 
trait de  Maximilien  Ier,  —  de  Patenier,  —  de 
Varnbuhler.  En  Allemagne  encore,  Lucas 
Cranach,  Henri  Aldegrever  publient  de  re- 
marquables gravures. 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  /_/5 

•  Lucas  de  Leyde,  en  Hollande,  grave  en 
(i52o),  le  portrait  de  Maximilien  Ier;  Hubert 
Goltzius  et  les  Wierix  font  preuve  d'un  grand 
talent. 

Ce  n'est  qu'en  (1 547)  que  paraît  à  Paris,  chez 
J.  Gazeau,  le  portrait  de  Jean  Martin,  en  tête 
de  l'édition  de  Vitruve.  En  (1548),  dans 
l'Abrégé  d'histoire  (Epitome  gestorum),  publié 
à  Lyon  par  B.  Arnoullet,  on  trouve  les  por- 
traits des  Rois  de  France  jusqu'à  François  Ier 
(inclusivement). 

Le  Fort  inexpugnable  de  l'honneur  du  sexe 
féminin,  avec  le  portrait  de  Fr.  de  Billon,  son 
auteur,  est  publié  à  Paris,  en  (t 555),  par  Jean 
d'Alger. 

En  tête  du  Pinax  Iconicus,  publié  à  Lyon, 
en  (  1 556),  par  Cl.  Baldinus  (Beaudouin),  se 
trouve  le  remarquable  portrait  en  taille-douce 
du  graveur  Pierre  Wœiriot,  par  lui-même. 
«  C'est  peut-être  le  premier  portrait  de  ce 
genre,  en  France,  »  dit  M.  A. -F.  Didot. 

En  (i56i)  paraît  à  Paris,  chez  J.  Le  Royer, 
la  Méthode  curative  des  playes  et  fractures  de 
la  teste  humaine  d'Ambroise  Paré;  en  tête  de 


14.6  Histoire  du  Portrait. 

l'ouvrage  est  le  portrait  du  célèbre  chirurgien, 
gravé  sur  bois ,  d'après  le  dessin  de  Jean 
Cousin. 

Dans  différentespublications  de  cette  époque, 
nous  trouvons  encore  de  magnifiques  portraits. 

Tous  ces  ouvrages  sont,  pour  la  Gravure  de 
portraits  en  France,  de  véritables  monuments 
historiques,  car  ce  sont  là  nos  plus  anciens 
titres  dans  cette  branche  de  l'art,  et  dès  le  début 
nos  artistes  français  ne  semblent  pas  inférieurs 
aux  graveurs  des  autres  pays. 

Nous  ajouterons,  avec  M.  A. -F.  Didot  : 
«  La  liste  serait  trop  longue,  s'il  fallait  énu- 
mérer  tous  les  ouvrages  ornés  de  portraits  que 
la  France  a  produits  au  xvie  siècle.  »  Mais, 
pendant  cette  période,  c'est  dans  les  imprimés 
qu'il  faut  poursuivre  l'histoire  du  Portrait 
dans  la  Gravure  soit  sur  bois,  soit  sur  cuivre. 

Il  n'est  peut-être  pas  hors  de  propos  de  se 
demander  :  Mais  toutes  ces  gravures  sont-elles 
bien  des  portraits  ?  De  quels  moyens  usaient 
alors  les  artistes  ?  Et  ces  gravures  sont-elles 
bien  une  reproduction  fidèle  des  personnages 
indiqués? 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  14- 

Pour  la  reproduction  des  traits,  la  pose  est 
nécessaire.  Certaines  conditions  matérielles 
d'exécution  s'imposent  à  l'artiste,  et,  quel  que 
soit  son  désir  de  reproduire  la  nature,  il  peut 
arriver  souvent  que  les  images  ne  ressemblent 
pas  aux  modèles,  si  l'artiste  n'a  pu  les  observer. 

Beaucoup  de  ces  portraits  pourraient  bien 
n'être  que  des  portraits  de  convention,  admi- 
rables comme  gravure ,  mais  fort  infidèles 
comme  ressemblance. 

Il  ne  faut  donc  pas  trop  s'oublier  en  recher- 
chant les  qualités  morales  de  certains  person- 
nages, d'après  leurs  gravures;  —  on  pourrait 
aisément  faire  fausse  route. 

La  grande  habileté  de  nos  artistes  dans  les 
ouvrages  que  nous  avons  cités  ne  peut  faire 
l'objet  d'un  doute  :  leurs  portraits  gravés  sont 
tout  à  fait  hors  ligne  et  n'ont  rien  à  redouter 
de  la  comparaison  avec  les  plus  grands  artistes 
étrangers. 

Le  portrait  de  la  duchesse  de  Valentinois, 
dans  les  Chansons  nouvelles  composées  par 
Barthélémy  Beaulaigne,  et  «  par  luy  mises  en 
musique  »  (Lyon,  1 55g),  ne  peut  faire  exception. 


ij.8  Histoire  du  Portrait. 

Le  portrait  de  Gabriel  de  Collange  (dans  les 
Tables  et  figures  planisphériques,  Paris,  1 56i), 

—  celui  de  Philibert  Delorme  (dans  les  Nou- 
velles Inventions  pour  bien  bâtir,  etc.),  sont 
fort  remarquables,  et  ce  dernier  offre  une  tête 
d'une  grande  expression  ;  —  TAmbroise  Paré, 
par  Etienne  Delaune  (dans  Discours...  sur  la 
Mumie,  etc.,  Paris,  Gabriel  Buon  (i582),  est 
un  chef-d'œuvre  de  gravure  sur  bois. 

Citons  quelques  noms  de  ces  illustres  artis- 
tes, initiateurs  de  la  Gravure  en  France  :  Jean 
Duvet,  —  Jacques  Prévost,  —  René  Boyvin, 

—  qui  ont  ouvert  si  brillamment  la  période 
du  portrait  gravé  sur  bois; — Pierre  Wœiriot, 
graveur  en  taille-douce  et  peut-être  le  premier 
artiste  de  ce  genre,  en  France. 

A  la  fin  du  xvie  siècle,  la  Gravure  de  por- 
traits en  France  prend  une  plus  grande  ex- 
tension, et  nous  voyons  surgir  une  pléiade 
d'artistes  remarquables  :  Jean  Rabel,  —  Tho- 
mas de  Leu,  —  Léonard  Gaultier;  —  ceux-là 
méritent  réellement  le  titre  de  portraitistes.  Ils 
dessinent  encore  eux-mêmes  et  gravent  leur 
dessin. 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  140 

Le  premier,  Jean  Rabel,  fit  les  portraits  de 
René  Belleau,  —  d'Antoine  Maret,  —  de  de 
Thou,  —  du  chancelier  de  l'Hospital. 

Avec  quel  art,  quelle  finesse,  quel  charme, 
ces  études  sont  reproduites  !  comme  ces  por- 
traits offrent  bien  les  qualités  que  Ton  demande 
à  l'artiste  !  comme  ils  savent  rendre  avec  jus- 
tesse l'esprit,  le  caractère  des  fonctions  des 
différents  modèles  ! 

Thomas'  de  Leu  possède  une  manière  fran- 
che et  délicate  pour  enlever  le  métal,  ce  qui 
lui  donne  une  grande  supériorité  sur  les  autres 
graveurs;  cette  finesse  toute  naturelle  se  re- 
trouve encore  dans  l'observation  du  modèle, 
dans  la  manière  de  rendre  l'esprit,  la  pensée 
du  personnage  qui  pose  devant  lui. 

On  observe  toutes  ces  qualités  dans  les  por- 
traits de  François  Ier,  —  de  Marie  de  Médicis, 
de  Gabrielle  d'Estrées, —  du  duc  et  de  la  du- 
chesse de  Bar,  —  du  poète  Pierre  de  Brach  ; 
—  dans  ceux  de  Delaundin  d'Aigaliers,  —  de 
Jehan  Leroy  de  la  Boissière;  —  dans  ceux 
encore  des  avocats  Henri  Aubert,  —  et  Sé- 
bastien Rouillard;  —  et  des  artistes  Antoine 


i5o  Histoire  du  Portrait. 

Garon,  —  Guillaume  Legangneur,  — et  Jehan 
Beaugrand. 

Nous  devons  aussi  mentionner  Léonard 
Gauthier,  peut-être  moins  fin  et  moins  exact 
que  de  Leu  ;  mais  il  fut  cependant  un  grand 
artiste.  Il  donna  les  portraits  gravés  d'Hen- 
ri IV, —  de  Louis  XIII  enfant,  —  une  suite 
des  Rois  de  France,  et  cent  quarante-quatre 
petits  portraits  de  personnages  illustres.  Tous 
ont  de  grandes  qualités  de  vérité,  et  doivent 
être  ressemblants. 

On  désigne  cette  Planche  sous  le  nom  de 
Chronologie  Collée. 

Font  également  partie  de  cette  série  d'ar- 
tistes de  talent  :  Jacques  de  Fornazeris,  — 
Charles  Mallery,  —  Briot,  —  et  Jacques 
Granthomme.  Mais  déjà  ces  artistes,  moins 
brillants  que  ceux  qui  précèdent,  n'ont  plus 
rien  d'original  et  semblent  continuer  pénible- 
ment les  traditions  de  leurs  devanciers. 

A  partir  du  xvne  siècle,  la  France  occupe  le 
premier  rang  dans  la  Gravure  de  portraits,  et 
en  portant  ce  jugement,  M.  A. -F.  Didot  ne 
fait  exception  que  pour  A.  Van  Dyck,  en  Hol- 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i5i 


6' 


lande,  «  et  le  maître  de  tous  à  cet  égard,  l'ini- 
mitable Rembrandt.  »  (Ibid. ,  page  vu.) 

A  cette  époque,  une  révolution  véritable  se 
produisit  dans  la  Gravure  de  portraits,  qui 
dès  lors  entra  dans  une  phase  nouvelle.  ■ — 
L'emploi  de  l'eau-forte  dans  la  Gravure,  en 
rendant  le  travail  plus  rapide,  vint  donner 
plus  d'importance  au  mérite  du  dessin.  — 
Van  Dyck  usa  brillamment  de  ce  procédé 
nouveau,  et  Rembrandt  y  recourut  plus  d'une 
fois  pour  aider  son  merveilleux  burin. 

Il  n'est  que  juste  de  montrer  notre  enthou- 
siasme pour  un  homme  qui  est  notre  plus 
grand  maître  dans  la  Gravure  à  l'eau-forte. 
Qui  pourrait  nier  que  Jacques  Callot  ait  en- 
fanté des  chefs-d'œuvre  ?  La  pointe  de  ce  maî- 
tre ne  semble-t-elle  pas  avoir  détrôné  le 
burin? 

Dans  le  travail  à  l'eau-forte,  le  dessinateur, 
le  coloriste,  restent  eux-mêmes  avec  leur 
fougue  et  leur  pensée  fugitive;  l'imagination 
fait  place  à  la  science. 

Ce  vernis  qui  s'enlève  facilement  n'a  plus 
la  résistance  du  métal. 


i5'2  Histoire  du  Portrait. 

La  pensée  semble  apparaître  à  nos  yeux, 
immédiate,  instantanée.  Cette  pensée  est  brû- 
lante encore,  elle  nous  charme  et  nous  sé- 
duit. —  Tel  fut  Jacques  Callot. 

Callot  fit  un  certain  nombre  de  portraits, 
mais  ce  n'est  pas  là  son  plus  grand  titre  à  la 
gloire. 

L'habileté  de  l'artiste  était  surpassée  encore 
par  la  finesse  de  l'observateur  ;  et  de  quel 
talent  ne  fait-il  pas  preuve  dans  ces  admira- 
bles petites  compositions  qui  ont  fait  le  tour 
du  monde? 

Abraham  Bosse  nous  a  laissé  un  fort  bon 
portrait  de  J.  Callot,  exécuté  à  Teau-forte,  — 
et  les  portraits  gravés  de  Louis  XIII,  —  d'Hé- 
rouard  et  de  Michel  Larcher. 

A  cette  même  époque,  François  Perrier 
grava  le  portrait  de  Simon  Vouet,  et  Pierre 
Brebiette  exécutait  sa  propre  image. 

Pierre  Daret  fit  exécuter  de  nombreux  por- 
traits, mais  il  ne  semble  pas  avoir  gravé  lui- 
même. 

Claude  Mellan  nous  a  laissé  un  grand  nom- 
bre de  très  beaux  portraits  ;  cet  artiste  voulut 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i53 

répandre  un  nouveau  genre  de  taille  sur  cui- 
vre, la  taille  unique  à  trait  continu.  Il  se  priva 
ainsi  de  tous  les  avantages  dont  il  pouvait 
disposer,  car  il  connaissait  parfaitement  son 
art,  et  ce  graveur  habile  pouvait  tirer  un  grand 
parti  des  sujets  traités  par  son  burin. 

Il  a  fait,  à  une  seule  taille,  les  portraits  de 
Nicolas  Peiresc  (1637),  —  du  chancelier  Se- 
guier  (1639),  —  d'Henriette-Marie  de  Buade 
Frontenac  (1641).  —  Il  a  laissé,  à  plusieurs 
tailles,  les  portraits  d'Urbain  VIII  (1624), — 
du  cardinal  Bentivoglio,  —  de  Jean  Barclay, 
—  de  Joseph  Trullier  (1626),  —  de  Ronsard. 

Michel  Lasne  fit  surtout  des  copies  d'après 
Philippe  de  Champagne,  d'après  Simon  Vouet 
et  d'après  les  crayons  de  Daniel  Dumonstier. 

Michel  Lasne  avait  pourtant  ce  qu'il  fallait 
pour  être  un  grand  portraitiste,  car  dans  les 
portraits  qu'il  fit  au  crayon,  et  qu'il  grava, 
on  trouve  un  grand  sentiment  de  la  nature, 
une  fine  observation. 

Dans  les  magnifiques  portraits  qui  lui  sont 
personnels,  il  fait  preuve  d'un  dessin  correct 
et  élégant,  et  d'une  grande  compréhension  du 

14 


i54  Histoire  du  Portrait. 

modèle,  comme  on  peut  le  constater  dans  les 
portraits  de  Pierre  Corneille,  —  de  Roland 
Hébert,  archevêque  de  Bourges,  —  de  Mathieu 
Mole,  —  d'Henri  de  Mesmes,  —  de  Michel 
de  Marillac,  —  de  Barthélémy  Tremblet,  — 
dont  le  dessin  et  la  gravure  sont  entièrement 
de  lui. 

Nous  ne  pouvons  oublier  quelques  artistes 
graveurs  qui  n'ont  pas  une  aussi  grande  va- 
leur ,  mais  qui  rirent  preuve  d'un  certain 
talent. 

Jehan  Le  Blond, —  Jaspar  Isaac, — Jean 
Picart,  —  Grégoire  Huret,  —  Gilles  Rousselet, 
—  Jolain,  —  Ragot,  —  Paul  Roussel,  —  et 
Ganière. 

Jean  Morin  fut  un  grand  graveur.  Il  eut 
une  influence  considérable  sur  l'art  du  por- 
trait, et  fut  imité  par  Jean  Alix,  —  Nicolas 
de  Plattemontagne,  —  et  Jean  Boulanger. 

Nicolas  Regnesson  eut  surtout  la  gloire 
d'être  le  maître  de  Nanteuil  :  comme  graveur, 
il  a  laissé  quelques  œuvres  assez  bonnes 
d'après  divers  peintres.  —  Regnesson  semble 
avoir  exercé  une  grande  influence  sur  Nan- 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i55 

teuil,  qui  occupa  un  rang  si  éminent  dans  la 
Gravure  française.  Le  maître  ne  chercha  pas 
à  influencer  rélève,  mais  à  le  développer  en 
le  faisant  dessiner  d'après  la  nature,  cette 
source  intarissable  de  chefs-d'œuvre. 

Nanteuil,  jeune  encore,  sembla  suivre  pen- 
dant quelque  temps  l'influence  de  ses  devan- 
ciers, mais  il  ne  tarda  pas  à  donner  de  véri- 
tables portraits,  qui  lui  sont  bien  personnels. 

Tels  sont  les  portraits  de  Turenne,  —  de 
Pomponne,  —  de  Bellièvre,  —  de  Jean  Loret, 
—  de  Lamothe  le  Vayer,  —  de  Mandat,  — 
de  la  duchesse  de  Nemours,  —  de  J.-B.  Van 
Steenberghen,  —  du  marquis  de  Castelnau, 
qui,  comme  beaucoup  d'autres,  témoignent 
de  la  science  du  dessin  et  de  l'habileté  du 
burin  de  leur  auteur. 

Toutes  ces  œuvres,  si  glorieuses  pour  la 
France,  sont  remarquables  par  le  goût  et  la 
vérité  qui  les  caractérisent.  Nanteuil  sait 
être  gracieux  sans  effort,  naturel  sans  étude 
apparente,  lorsqu'il  exprime  les  traits  physi- 
ques et  quand  il  veut  traduire  la  pensée  in- 
time de  son  sujet. 


i56  Histoire  du  Portrait. 

Cet  artiste  donna  des  portraits  au  crayon 
et  au  pastel,  répandus  dans  le  monde  entier  ; 
il  fait  toujours  preuve  de  ces  qualités  essen- 
tiellement françaises  :  le  goût,  la  grâce,  l'es- 
prit et  la  vérité. 

De  (1649  à  1698),  Nanteuil  grava  plus  de 
deux  cent  vingt  portraits,  parmi  lesquels  plus 
de  trente  sont  de  grandeur  naturelle. 

Cet  artiste  fit  encore  le  portrait  d'Anne 
d'Autriche  d'après  nature  (ad  vivum),  mais  il 
ne  fut  gravé  que  plus  tard. 

Nanteuil,  dessinateur  et  graveur  du  Roi,  a 
laissé  quatorze  portraits  du  cardinal  de  Ma- 
zarin,  —  cinq  portraits  de  Louis  XIV,  dont 
deux  portent  la  mention  qu'ils  ont  été  faits 
d'après  nature. 

M.  Delaborde  nous  dit  que,  lorsque  Nan- 
teuil dessina  et  grava  en  (1668)  le  portrait  de 
Colbert,  trois  fois  déjà  il  avait  reproduit  sur 
suivre  les  traits  du  grand  ministre,  et  dans  le 
cours  des  huit  années  suivantes  il  devait  les 
reproduire  deux  fois  encore. 

Il  existe  donc  six  portraits  de  Colbert,  gra- 
vés par  Nanteuil,  dont   trois  de  grande  di- 


Du  Portrait  dans  les  gravures. 


mension;  mais  le  portrait  de  (1668)  est  le  plus 
recherché. 

Parmi  les  portraits  de  Louis  XIV,  dus  au 
burin  du  maître,  le  plus  estimé  est  celui 
dit  «  aux  pattes  de  lion,  »  à  cause  de  la 
peau  de  lion  dont  deux  pattes,  ornées  d'une 
fleur  de  lis,  retombent  sur  les  angles  supé- 
rieurs de  la  bordure. 

Le  contemporain  deNanteuil,  Gérard  Ede- 
linck,  était  né  en  Flandre.  Il  se  fit  naturaliser 
Français. 

G.  Edelinck  fut  un  remarquable  artiste  ; 
une  grande  finesse  de  modelé  caractérise  ses 
œuvres  ;  il  sait  imprimer  à  ses  planches  une 
couleur  toujours  harmonieuse. 

M.  Amb.-F.  Didot,  ce  juge  si  compétent 
dans  la  Gravure,  nous  semble  avoir  caracté- 
risé d'une  manière  heureuse  cette  période 
brillante  de  la  Gravure  en  France  lorsqu'il 
écrit  : 

«  Ce  qui  distingue  nettement  l'école  Fran- 
çaise de  toutes  les  autres  dans  cette  spécialité, 
ce  qui  fait  son  originalité  et  son  grand  mé- 
rite, ce  qui  lui  a  valu  une  supériorité  incon- 


i58  Histoire  du  Portrait. 

testable,  surtout  aux  xvnc  et  xvme  siècles,  c'est 
l'amour  du  vrai  et  du  simple,  inspiré  par  les 
charmants  crayons  des  Clouet  et  de  leurs  con- 
tinuateurs. 

»  A  partir  de  ce  moment,  toute  l'attention 
de  nos  graveurs  se  porte  sur  la  physionomie, 
qu'ils  cherchent  à  rendre  avec  fidélité  et  sou- 
vent avec  sobriété. 

»  Pureté  du  trait,  précision  des  formes, 
énergie  sagement  contenue,  voilà  ce  qu'ils 
surent  allier  à  la  grâce  de  l'exécution,  cachant 
ainsi  le  travail  de  l'ouiil.  Ce  n'est  pas  tout.  — 
Ils  ne  sacrifient  jamais  le  côté  essentiel  du 
portrait  à  l'effet  pittoresque,  à  l'éclat  de  l'en- 
semble; mais  ils  se  bornent  à  rendre'  natu- 
rellement et  sans  effort  la  nature  même  dans 
ce  qu'elle  offre  de  plus  saisissant,  de  plus  va- 
riable, et  par  conséquent  de  plus  difficile  à 
exprimer  :  le  mouvement,  le  jeu,  le  caractère 
de  la  physionomie.  »  (Amb.-F.  Didot,  Les 
Graveurs  de  Portraits  en  France.  —  Introd., 
page  ix.) 

On  ne  saurait  mieux  dire,  avouons-le,  et 
ce  jugement  nous  semble  résumer  d'une  ma- 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i5g 

nière  fort  juste  la  période  historique  de  la 
Gravure  en  France,  de  Callot  à  Nanteuil  et  à 
Edelinck,  que  nous  venons  d'étudier. 

A  cette  époque,  les  graveurs  hollandais  et 
flamands,  qui  avaient  une  réputation  colos- 
sale et  méritée,  semblent  exercer  une  certaine 
influence  sur  nos  artistes  nationaux  ;  ceux-ci 
savent  profiter  de  leurs  leçons,  mais  n'en 
conservent  pas  moins  les  qualités  qui  carac- 
térisent notre  École  nationale. 

Les  échanges  de  manière  entre  artistes  ne 
sont  pas  rares  :  les  graveurs  étrangers  appren- 
nent à  rendre  la  ressemblance  morale,  les 
graveurs  français  leur  empruntent  le  charme 
de  l'exécution ,  les  agréments  des  détails 
et  la  science  de  la  couleur  rendue  par  le 
burin. 

Du  reste,  il  ne  pouvait  en  être  autrement, 
quand  on  voit  des  peintres  comme  Claude 
Lefebvre,  —  Jacques  Stella,  —  et  tant  d'autres, 
prendre  alternativement  le  pinceau  et  la  pointe, 
et  produire  des  chefs-d'œuvre  de  Peinture  et 
de  Gravure. 

Jean  Pesne  consacra  sa  vie  et  son  talent  à 


iôo  Histoire  du  Portrait. 

rendre  avec  fidélité  les  œuvres  de  son  maître 
Nicolas  Poussin. 

Jean  Lenfant  dessinait  le  plus  souvent  ses 
portraits  au  pastel  et  les  reproduisaient  en- 
suite sur  le  métal,  —  ce  qui  peut  expliquer  le 
manque  de  fermeté  que  Ton  rencontre  parfois 
dans  ses  ouvrages. 

François  de  Poilly,  né  à  Abbeville,  fut  un 
graveur  remarquable;  il  exécuta  un  grand 
nombre  de  reproductions,  mais  on  ne  peut 
citer  que  quelques  portraits  attestant  une  ma- 
nière personnelle,  tels  que  ceux  de  Louis  de 
Bailleul  —  et  de  Denis  Talon,  d'après  nature, 
en  (1659). 

Ceux  de  Louis  XIV  jeune  —  et  de  Maza- 
rin,  en  (1660),  bien  que  d'après  Pierre  Mi- 
gnard,  attestent  encore  que  l'artiste  avait  un 
faire  indépendant. 

Antoine  Masson  fit  preuve  d'un  talent  con- 
sidérable comme  portraitiste  ;  mais  il  n'a  pas 
laissé  de  portraits  d'après  nature,  et  ses  gra- 
vures prouvent  bien  plus  l'habileté  de  son  bu- 
rin que  sa  science  de  l'ordonnancement  d'en- 
semble. 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  161 

Antoine  Trouvain  donna  des  gravures  re- 
marquables, entre  autres  le  portrait  de  Claude 
du  Molinet  (1689),  dessiné  et  gravé  par  lui. 

Au  xvme  siècle,  à  l'époque  des  Rigaud  et 
des  Largillière,  la  Gravure  en  France  est  illus- 
trée par  les  Drevet. 

Pierre  Drevet  le  père,  —  Pierre-Imbert  Dre- 
vet —  et  Claude  Drevet,  artistes  lyonnais,  sa- 
vent rendre  avec  un  grand  talent  les  œuvres 
des  peintres  célèbres  de  leur  époque  ;  rien  ne 
semble  pouvoir  égaler  le  charme  et  la  science 
de  leur  burin,  la  souplesse  savante  de  leur 
exécution. 

Le  chef-d'œuvre  de  Pierre  Drevet  est  le 
portrait  de  Bossuet,  qui  restera  comme  un 
monument  de  la  Gravure  française.  Quelle 
grâce  dans  le  délicieux  portrait  de  Louis  XV 
enfant  ! 

Pierre-Imbert  Drevet,  le  fils,  donna  le  por- 
trait du  marquis  d'Herbault  en  (1726), — de 
Samuel  Bernard  en  (1729),  —  de  René  Pu- 
celle  en  (1739),  —  de  Charles-Jérôme  de  Cis- 
ternay  du  Fay  —  et  d'Adrienne  Lecouvreur. 

Claude  Drevet  imita  plus  spécialement  la 


i()2  Histoire  du  Portrait. 

manière  de  Drevet  le  fils  dans  ses  gravures  de 
portraits. 

Nous  pourrions  citer  encore  des  graveurs 
d'un  grand  talent,  tels  que  Pierre  Van  Schup- 
pen,  —  Jean -Georges  Wille  —  et  Georges- 
Frédéric  Schmidt,  d'origine  étrangère  :  mais 
ces  artistes  passèrent  leur  vie  entière  en  France 
et  travaillèrent  sous  nos  plus  grands  maîtres; 
par  leur  manière  ils  furent  bien  Français. 

Gérard  Audran  ne  fit  que  quelques  portraits, 
mais  il  fut  le  maître  de  Laurent  Cars,  un  des 
plus  habiles  graveurs  du  xvme  siècle. 

Laurent  Cars  nous  a  donné  le  magnifique 
portrait  de  Philippe  Orry,  comte  de  Vignory, 
d'après  nature.  Laurent  Cars  fit  preuve  d'un 
immense  talent  dans  la  manière  dont  il  grava 
les  œuvres  de  Watteau,  —  Lemoque  —  et 
Boucher. 

Gaspard  Duchange,  comme  Laurent  Cars, 
excella  dans  le  dessin,  et  son  talent  dans  la 
Gravure  est  attesté  par  les  portraits  de  Fran- 
çois Girardon  —  et  de  Charles  Delafosse,  en 
(1707),  d'après  H.  Rigaud,  —  et  dans  ceux 
d'Antoine  Coypel  —  et  de  Shakespeare. 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i63 

«  Mais,  »  écrit  M.  Didot,  «  malgré  les  qua- 
lités sérieuses  qui  distinguent  les  œuvres  de 
ces  artistes,  la  grande  école  de  Gravure  de 
portraits  finit  presque  avec  les  Drevet. 

»  Après  eux,  il  y  eut  en  France  des  graveurs 
de  talent,  il  n'y  eut  plus  d'artistes  de  génie.  » 
—  (Ibid.,  ut  suprà,  page  xi.) 

Cette  époque  nous  offre  encore  quelques 
graveurs  charmants ,  véritables  miniaturistes 
du  burin  :  ainsi  Cochin  fils,  —  Aug.  de  Saint- 
Aubin,  —  Etienne  Gaucher,  —  Etienne  Fic- 
quet,  —  Pierre  Favart,  —  Pierre-Ph.  Chof- 
fard,  — J.-B.  Grateloup. 

Charles-Nicolas  Cochin  appartenait  à  une 
famille  de  graveurs  ;  il  eut  pour  mère  la  belle- 
sœur  de  Nicolas-Henri  Tardieu,  graveur  du 
Roi. 

Cochin  fut  l'artiste  à  la  mode.  Sa  liaison 
avec  les  parlementaires  lui  valut  d'aller  en 
exil  avec  l'abbé  Pommier,  en  (177 1). — Cochin 
était  encore  le  compagnon  assidu  des  grandes 
comédiennes;  dessinateur  et  graveur  habile, 
on  le  voit  toujours  bien  accueilli  par  Mme  de 
Pompadour  ;  c'est  à  elle  qu'il  adresse  l'épître 


ii~>4  Histoire  du  Portrait. 

dédicatoire  de  cette  édition  des  œuvres  de 
Métastase,  où  l'artiste  l'avait  représentée  sous 
la  figure  de  Minerve,  protectrice  des  arts. 

Mme  de  Pompadour  avait  fait  nommer 
Cochin  garde  des  dessins  du  Roi  (23  juin  1752); 
elle  se  fait  encore  peindre  par  lui  à  l'aqua- 
relle, et  charge  Cochin  de  retoucher  ses  eaux- 
fortes. 

Aug.  de  Saint-Aubin,  si  fin  et  si  gracieux, 
fut  le  dessinateur  des  femmes  au  xvme  siècle; 
ses  productions  peuvent  être  comptées  parmi 
les  plus  agréables  de  Fart  français. 

Saint-Aubin  se  servit  fort  heureusement  de 
l'eau-forte  ;  mais  il  retouchait  ses  planches  et 
les  modelait  au  burin;  la  correction  de  ses 
travaux  est  toujours  irréprochable. 

Vers  la  fin  du  xviiic  siècle,  nous  avons  en- 
core Jacques-Firmin  Beauvarlet,  —  J.-J.  Ba- 
léchou  —  et  Ch.-Cl.  Bervic;  —  enfin  les  deux 
portraitistes  Boucher-Desnoyers  et  Henriquet- 
Dupont. 

Nommons  encore  Jean-Michel  Moreau,  des- 
sinateur et  graveur,  grand -père  maternel 
d'Horace   Vernet,  désigné    sous   le   nom    de 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  i65 

Moreau  le  Jeune  ;  cet  artiste  exécuta  un 
grand  nombre  de  dessins,  et  rit  quelques 
portraits. 

Nous  ne  pouvons  oublier  un  élève  de  Le- 
thière,  qui  étudia  la  Gravure  dans  l'atelier  du 
célèbre  graveur  Tardieu  :  Louis  Boucher-Des- 
noyer,  peintre  et  graveur,  né  à  Paris  (en  1779), 
fut  un  des  plus  célèbres  graveurs  du  premier 
Empire,  et  laissa  quelques  portraits. 

Horace  Vernet  nous  a  donné  des  portraits 
à  r eau-forte;  Géricault  exécuta  des  eaux-fortes 
et  des  lithographies. 

Nous  terminerons  cette  étude  par  Henri- 
quet-Dupont,  du  nom  de  sa  grand 'mère,  des- 
sinateur, graveur  et  lithographe,  né  à  Paris  en 
(1797),  dont  les  nombreux  travaux  sont  trop 
connus  pour  que  nous  les  rappelions. 

Henriquet  rappelle  Nanteuil  par  son  habile 
dessin;  il  a  laissé  de  remarquables  portraits 
au  crayon  et  au  pastel. 

Il  eut  pour  élève  Alphonse  François,  qui 
fut,  lui-même,  un  maître. 

Dans  ce  rapide  exposé,  nos  lecteurs  auront 
acquis  la  preuve  que  la  Gravure  de  portraits 


ibii  Histoire  du  Portrait. 

en  France  fut  toujours  brillamment  repré- 
sentée, depuis  le  xvic  siècle. 

L'Italie  a  pu  nous  devancer  dans  cette 
branche  de  l'art.  La  Hollande  peut  nommer 
Van  Dyck  et  Rembrandt,  ces  maîtres  inimi- 
tables. 

La  Suisse  peut  être  fière,  à  juste  titre,  de 
Hans  Holbein,  et  l'Allemagne  rappeler  le 
nom  d'Albert  Durer. 

La  France,  elle  aussi, a  ses  maîtres;  ses  gra- 
veurs sont  nombreux  ;  parfois  leur  talent  ne 
craint  aucune  rivalité,  surtout  dans  la  Gravure 
de  portraits. 

Et  que  de  qualités  sont  nécessaires  dans  la 
Gravure  de  portraits  ! 

«  Pour  donner  aux  portraits  l'expression  et 
le  charme  qui  résultent  du  clair-obscur;  pour 
obtenir  l'éclat  de  la  dégradation  des  teintes  et 
combiner  les  lignes  de  façon  à  mettre  en  lu- 
mière certaines  parties  et  atténuer  la  valeur 
des  autres;  pour  rendre  le  modelé  de  la  figure 
humaine,  ranimer,  la  faire  vivre;  pour  ma- 
rier la  ressemblance  physique  avec  la  ressem- 
blance  morale ,  et  reconstituer  la   véritable 


Du  Portrait  dans  les  gravures.  iôj 

physionomie  du  modèle,  condition  essentielle 
de  tout  portrait  ;  enfin  pour  encadrer  la  figure 
dans  un  ensemble  harmonieux  d'accessoires, 
il  fallait  aux  graveurs  non  seulement  une  ha- 
bileté supérieure  dans  le  maniement  de  l'outil, 
mais  aussi  une  connaissance  approfondie  du 
dessin. 

»  N'ayant  pas  à  sa  disposition  la  palette  ma- 
gique du  peintre,  réduit  à  tirer  tous  les  effets  de 
la  combinaison  savante  du  noir  et  du  blanc, 
le  graveur,  en  produisant  un  chef-d'œuvre, 
excite  notre  admiration  bien  plus  qu'un 
peintre  de  portraits. 

»  Aussi  est-il  facile  de  comprendre  le  prix 
que  les  véritables  amateurs  attachent  à  la  pos- 
session de  ces  belles  estampes  marquées  du 
sceau  du  génie.  »  (Amb.-Firm.  Didot,  Les 
Graveurs  de  Portraits  en  France. —  Introd., 
page  xin.) 

Le  P.  Lelong  a  donné  en  (1809)  la  Liste 
alphabétique  des  portraitsgravés.  (Paris,  180g, 
in-fol.)  —  G.  Duplessis  a  publié,  en  (1861), 
l'Histoire  de  la  Gravure  de  portraits  en 
France.  On  sait  l'intérêt  qu'offre  le  Catalogue 


i68 


Histoire  du  Portrait. 


des  Estampes  de  la  Bibliothèque  nationale, 
de  M.  Henri  Delaborde.  (Paris,  i838,  in-fol.) 

Un  mot  encore  du  Catalogue  de  cette  cu- 
rieuse collection  de  gravures  françaises,  si  pa- 
tiemment rassemblée  par  M.  Didot  père. 

Cette  collection  ne  comprend  pas  moins  de 
2,488  portraits  gravés  par  les  divers  maîtres 
français.  En  parcourant  les  deux  volumes  du 
Catalogue,  on  acquiert  la  preuve  que  notre 
École  française  de  Gravure  fut  féconde  tou- 
jours, souvent  inimitable.  Ses  chefs-d'œuvre 
sont  nombreux,  et  ses  maîtres  graveurs,  con- 
sidérés comme  groupe  national ,  ne  furent 
jamais  surpassés  dans  le  portrait. 


s 


-S."' 


fWWf.Ul-.JJ.  IIIL-*JP 


CHAPITRE   VIII 


DU    PORTRAIT    DANS    LA    PEINTURE 


i  «... 

n  remontant  a  la  plus  ancienne 
date  possible  dans  l'histoire  de  la 
peinture  de  portraits  en  France, 
nous  trouvons  que ,  sous  Hum- 
baud,  évèque  d'Auxerre  (xie  siècle),  un  abbé 
de  Saint-Verne,  nommé  Richard,  fier  d'avoir 
accueilli  dans  sa  détresse  l'empereur  Henri  IV, 
et  de  l'avoir  compté  parmi  ses  religieux, 
ordonna  de  représenter,  à  l'entrée  du  cloître, 
la  scène  attendrissante  où  le  monarque  déchu 
implorait  son  secours. 
Nous      pouvons     citer    encore     quelques 


16 


ijo  Histoire  du  Portrait. 

artistes  du  xic  siècle;  tous  étaient  moines 
ou  religieux:  ainsi  Herbert,  moine  de  Reims, 
vers  (1060),  —  et  Roger;  —  Bernard,  abbé 
de  Quincy,  fondateur  d'un  couvent  près 
de  Chartres,  qui  servit  de  refuge  à  un  grand 
nombre  de  peintres  et  de  sculpteurs.  —  Com- 
bien d'oeuvres  curieuses  ont  dû  être  exécutées 
dans  cette  abbaye  !  Malheureusement,  peu 
d'entre  elles  sont  parvenues  jusqu'à  nous. 

Au  xuc  siècle,  Héribrand,  abbé  de  Tuy, 
laissa  en  mourant  une  mémoire  vénérée 
de  tous.  On  représenta,  sur  les  murs  de  son 
église,  le  portrait  du  saint  abbé  et  l'histoire 
de  ses  miracles. 

Pierre,  abbé  de  Grammont,  fit  décorer  les 
murs  de  son  cloître  et  de  l'infirmerie  de  son 
monastère  de  sujets  propres  à  égayer  la  vue. 

Enfin,  Guillaume,  évêque  du  Mans,  enri- 
chit une  chapelle  de  peintures  murales  où  les 
formes  des  vivants  étaient  reproduites  avec 
fidélité.  —  ce  Elles  ne  charmaient  pas  seule- 
ment les  yeux,  »  nous  dit  un  auteur  ancien, 
«  mais  captivaient  en  outre  l'esprit  et  le  cœur.  » 

Lorsque  Clément  V  emmena   Giotto,    de 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  iyi 

Pérouse  à  la  cour  d'Avignon,  —  un  des  élèves 
de  ce  maître,  Simone  Meunin,  fit  de  magni- 
fiques portraits  de  Laure  et  de  Pétrarque. 

Au  xve  siècle ,  d'après  un  vieux  texte 
mentionné  par  M.  Bourquelot,  Girait  d'Or- 
léans fit  en  (i355),  pour  le  duc  de  Nor- 
mandie, plusieurs  peintures  de  fines  couleurs 
à  l'huile. 

Jean  Coste  orna  aussi  de  peintures  le  châ- 
teau de  Vaudreuil. 

En  (i 365) ,  François  d'Orléans  historia 
pour  la  reine  le  palais  de  Saint-Pol  ;  plus  tard, 
Jean  de  Blois  travailla  à  l'Hôtel  de  ville 
de  Paris. 

Colart  de  Laon,  peintre  du  duc  d'Orléans, 
fit  des  figures  pour  la  chapelle  de  ce  prince. 
Guillaume  Loyseau,  —  Jehan  de  Saint-Eloy, 

—  Perin de  Dijon,  —  Lafontaine  —  et  Copin," 
qui  vivaient  à  cette  même  époque,  firent  assu- 
rément des  portraits. 

La  peinture  devient  beaucoup  plus  artis- 
tique et  plus  sérieuse  au  xve  siècle.  —  Fouc- 
quet,  —  Bourdichon,  —  Perréal,  —  Lichtemon 

—  sont  des  artistes  remarquables. 


Ij2  Histoire  du  Portrait. 

Perréal  moula,  en  (1461),  le  visage 
de  Charles  VII;  en  (1470),  il  travailla  pour  les 
chevaliers  de  Malte. 

Le  style  de  Perréal  est  remarquable  par  sa 
distinction;  comme  on  peut  le  voir  dans  le 
tableau  qui  est  au  musée  d'Anvers,  il  peignit 
Agnès  Sorel  sous  les  traits  de  la  Vierge. 

Foucquet  est  un  artiste  éminemment  fran- 
çais; il  est  clair,  naturel,  et  entre  bien  dans  le 
vif  de  Faction  ;  et,  comme  le  fait  remarquer 
M.  Ch.  Blanc,  «  ce  qui  donne  bien  une  idée 
de  la  valeur  de  cet  artiste,  comme  portraitiste, 
c'est  que  tous  les  types  de  Foucquet  sont  fran- 
çais, et  français  du  cœur  de  la  France;  les 
figures  plutôt  courtes  que  longues  font  bien 
voir  qu'elles  ont  été  prises  dans  la  nature 
même  du  pays.  Foucquet  termina  pour  le  duc 
de  Nemours,  Jacques  d'Armagnac,  un  manu- 
scrit de  Josèphe,  dans  lequel  Paul  de  Limburg 
et  ses  frères  avaient  déjà  peint  trois  minia- 
tures pour  Jean  de  Berry. 

Jehan  Bourdichon  fit  des  portraits;  il  était 
valet  de  chambre  et  peintre  du  roi. 

Jehan    Bourdichon  et  Jehan   Perréal    (dit 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  ij3 


de  Paris)  jouirent  d'une  grande  renommée 
à  cette  époque,  comme  peintres  de  portraits. 

D'après  Manette,  le  portrait  de  saint  Fran- 
çois de  Paule  fut  peint  par  Bourdichon,  sur 
Tordre  de  Louis  XII,  en  (i5o7>,  et  envoyé 
à  Léon  X  par  François  Ier,  lors  de  la  canoni- 
sation du  Saint;  ce  portrait  est  encore  aujour- 
d'hui au  Vatican. 

Nous  voyons  dans  une  pièce  datée  de 
( 1 5 1 1  )  que  Jehan  Perréal  accepta  la  pro- 
position de  Marguerite  de  Savoie,  pour  le 
tombeau  de  Philibert  de  Savoie  à  Brou,  et 
qu'il  passa  un  marché  avec  Michel  Colombe 
pour  modeler  le  petit  mausolée  dudit  Phi- 
libert, «  selon  le  portrait  et  ordonnance  du- 
dit Perréal.  » 

Les  Glouet  étaient  quatre  frères  du  même 
nom  (i5oo-iÔ2o);  c'est  à  eux  que  nous  devons 
tant  de  beaux  dessins  et  les  magnifiques  por- 
traits qui  sont  à  Vienne  et  au  Louvre. 

François  Clouet  fut  chanté  par  Marot  qui 
le  désignait  ainsi  :  —  «  le  Grand  Miquel 
l'Ange  ». 

Sous  Charles  IX,  Ronsard  s'écriait  devant 


i  j4  Histoire  du  Portrait. 

le  portrait  de  sa  maîtresse,  peint  par  François 
Clouet  : 

«  Ha!  je  la  vois,  elle  est  presque  portraite! 

»  Encore  un  trait,  encore  un,  elle  est  faite  ! 

»  Lève  les  mains;  ha!  mon  Dieu  je  la  voy! 

»  Bien  peu  s'en  faut  qu'elle  ne  parle  à  moy  !  » 

Jean  Passerat  écrivait  au  bas  d'un  portrait 
de  Marguerite  de  France  : 

Ton  pinceau....  a  fait  chose  impossible 
Montrant  en  ce  portrait  la  vertu  invisible. 

Jean  Clouet  devint,  en  (i  523),  peintre  ordi- 
naire de  François  Ier.  Il  avait  établi  sa  répu- 
tation par  le  portrait  surtout,  nous  dit 
M.  Charles  Blanc,  et  c'est  par  là  qu'il  est 
devenu,  pour  tous  ses  contemporains, 
le  premier  des  Janet. 

Son  talent  pour  faire  le  portrait  a  joué 
le  plus  grand  rôle  dans  sa  position  d'artiste. 

Parmi  les  curieuses  quittances  citées  par 
M.  Léon  De  Laborde,  nous  en  remarquons 
une  qui  accorde  à  Jean  Clouet  une  gratifi- 
cation pour  des  portraits  mystérieux,    «  les- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  i  y 5 

quels,  »  dit  l'argentier,  en  son  jargon,  «  ledit 
seigneur  le  Roy  n'a  voulu  y  être  autrement 
déclaré  et  spécifié.  » 

Marie  Stuart  ayant  figuré  à  la  cour  dans 
son  costume  national  «  à  la  barbaresque 
mode  des  sauvages  de  son  pays,  »  dit  Bran- 
tôme, «  et  ayant  été  trouvée  une  vraie  déesse, 
vite  il  fallait  la  peindre  ainsi.  » 

Marguerite  de  Navarre  se  fit  peindre,  elle 
aussi,  dans  son  magnifique  costume  de  velours 
incarnat  d'Espagne.  Enfin  Clouet  était  l'illus- 
trateur de  ce  monde,  dont  Brantôme  était 
l'historien  satirique.  Dumonstier  l'aida  de  ses 
crayons. 

Une  partie  des  portraits  de  Clouet  fut 
dispersée,  du  reste  aucun  d'eux  n'était 
signé;  et  l'on  a  éprouvé  beaucoup  de  peine 
pour  reconstituer  l'œuvre  de  ce  grand  por- 
traitiste. 

Jean  Clouet  fit  deux  portraits  de  François  Ier 
de  (1524  a  i528).  Le  premier,  qui  est  de  petite 
dimension,  passe  à  Florence  pour  un  Holbein  ; 
le  Roi  est  à  cheval,  couvert  de  son  armure, 
la  toque  à  plumes  sur  la  tête.  Dans  le  second, 


i  -jG  Histoire  du  Portrait. 


de  grandeur  naturelle,  le  roi  est  à  mi-corps, 
pris  de  trois  quarts,  coiffe  de  la  toque 
de  velours,  vêtu  de  satin  gris  blanc  brodé 
d'or.  «  Chacun  de  ces  portraits,  »  dit  l'auteur 
de  l'Histoire  des  peintres,  «  témoigne  des  soins 
les  plus  délicats,  et  le  détail  y  est  poursuivi 
en  ses  ténuités  les  plus  précieuses  ;  tout  y  est 
en  pleine  lumière,  l'ombre  étant  pour  ainsi 
dire  absente,  ce  qui  évite  des  duretés.  —  Cette 
peinture  fine,  exacte,  légère,  transparente 
comme  la  langue  française,  nette  comme  notre 
esprit,  est  le  caractère  distinctif  de  l'école 
de  Clouet. 

—  »  Jean  Clouet  donne  cette  précision  à  son 
fils,  et  ses  petits-fils,  les  Janet,  la  conservent, 
se  la  transmettent  et  la  maintiennent. 

»  Les  progrès  dans  la  famille,  s'il  y  a  pro- 
grès, ne  consistent  que  dans  une  précision 
de  plus  en  plus  rigoureuse  qui  rapproche  peu 
à  peu  ce  système  de  la  miniature. 

»  C'est  un  spectacle  très  curieux  dans  l'his- 
toire de  l'art,  que  de  voir  cette  série  d'artistes, 
essentiellement  français,  continuer  et  défendre 
leurs   traditions   sans    la    laisser  altérer,  au 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


milieu     de     l'invasion     de     la     renaissance 
italienne.  » 

François  Clouet,  second  Janet,  fils  du 
premier  (i  5  io-i  572),  demeurait  à  Tours  ;  il  fut 
peintre  ordinaire  des  rois  François  Ier,  — 
Henri  II,  —  François  II,  —  Charles  IX  — 
et  Henri  III.  François  Ier  lui  accorda  des 
lettres  de  naturalisation  qui  avaient  été 
refusées  à  son  père. 

Lorsque  François  Ier  mourut ,  Clouet  fut 
chargé  de  mouler  le  visage  royal  et  les  mains 
du  monarque,  pour  l'effigie  qui  devait  le  re- 
présenter à  ses  funérailles.  Clouet  fit  la  même 
opération  pour  Henri  II. 

Le  Louvre  possède  deux  portraits  authen- 
tiques de  ce  peintre  :  —  ceux  de  Charles  IX  — 
et  d'Elisabeth  d'Autriche. 

François  Clouet  eut  une  réputation  im- 
mense; toute  l'Europe  posa  devant  lui;  il 
peignait  à  l'huile  et  fit  de  très  beaux  dessins  ; 
ses  œuvres  furent  recherchées  dans  toutes  les 
capitales  et  dans  tous  les  châteaux. 

Le  portrait  de  François  II,  qui  est  à  Anvers, 
est  vraiment  remarquable  :  il  semble  comme 

17 


i-jS  Histoire  du  Portrait. 

fait  de  rien  ;  le  visage  est  d'une  finesse  exquise  ; 
le  jeune  prince  a  un  justaucorps  jaune,  avec 
des  crevés  blancs  ;  la  toque  est  noire  et  à  plu- 
mes de  cygne  ;  ses  cheveux  blonds  qui  retom- 
bent, ses  yeux  doux  et  purs,  sa  bonne  grâce 
enfantine  et  royale,  le  rendent,  bien  que  tout 
enfant,  déjà  digne  de  sa  délicieuse  fiancée. 

Le  Louvre  conserve  un  très  beau  portrait 
d'Henri  IL  Le  Roi  est  debout,  la  main  sur 
le  pommeau  de  son  épée  ;  la  figure  est  sérieuse 
et  pourtant  avenante,  bien  encadrée  dans  sa 
barbe  à  pointe,  bien  posée  sur  sa  fraise  blan- 
che ;  c'est  vraiment  là  un  roi  de  gentilshommes. 

A  côté  du  portrait  d'Henri  II  figure  le  por- 
trait de  la  femme  de  Charles  IX,  Elisabeth 
d'Autriche,  grave  et  aimable. 

Clouet  exerçait  une  véritable  influence  sur 
son  temps;  à  côté  des  portraits  de  ce  maître, 
on  voit  toute  une  série  de  seigneurs  et  de  da- 
mes de  la  cour,  dont  les  portraits  ont  été  faits 
par  les  élèves  de  Clouet  ;  le  trait  est  fin  et  d'une 
exactitude  surprenante;  toutes  ces  images  sont 
curieuses  par  la  vérité  et  la  vie  ;  on  est  frappé 
de  l'inaltérable  persistance  du  type  français. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  i~<) 

Henri  IV  rit  peindre  par  Porbus  et  Jacob 
Biniel,  artiste  français,  né  à  Blois,  la  série  des 
Rois  et  des  Reines  de  France,  depuis  saint 
Louis.  «  Il  peignait,  »  nous  dit  Sauvai,  «  les 
personnages  d'après  nature;  »  malheureuse- 
ment, ces  portraits  furent  détruits  lors  de 
l'incendie  de  la  petite  galerie  du  Louvre , 
en  (1661). 

Cinq-Mars,  faisant  faire  son  portrait  par 
Matthieu  Lenain,  c'est  un  événement  artistique 
assez  curieux,  pour  que  nous  le  notions  en 
passant,  d'autant  qu'il  a  donné  lieu  à  cette 
sortie  de  M.  Champfleury  :  «  Lenain  en  pré- 
sence de  Cinq-Mars  !  l'entrevue  dut  être  bi- 
zarre !  Le  peintre  de  la  vie  domestique  vis- 
à-vis  de  l'aventurier;  le  peintre  des  haillons 
du  pauvre  devant  le  favori  enrubanné  de 
Louis  XIII!  Je  vois  bien  à  terre  dans  ce  ta- 
bleau, jetés  comme  effet,  une  cuirasse,  un 
casque  fermé,  toute  chose  que  pouvait  peindre 
Lenain  ;  mais  cette  cuirasse  et  ce  casque  sont 
confits  dans  l'or.  Aussi  faut-il  séparer  nécessai- 
rement le  Lenain  aux  portraits  d'un  autre 
Lenain  de  la  vie  poignante.  » 


180  Histoire  du  Portrait. 

Étrange  effet  de  Ja  passion  politique,  quand 
elle  envahit  même  le  terrain  artistique  !  N'est-il 
pas  vraiment  curieux  de  voir  la  colère  de 
M.  Champfleury  reniant  presque  ses  fétiches, 
les  Lenain,  parce  que  l'un  d'eux  a  peint  un 
favori  du  Roi  ? 

Pour  les  artistes,  pour  ceux  qui,  sans  pas- 
sionne cherchent  que  l'art,  là  où  il  se  trouve, 
pour  ceux  qui  ont  mission  de  faire  admirer  le 
beau,  là  où  il  est,  nous  devons  avouer  que  le 
portrait  de  Lenain  est  très  remarquable,  et 
qu'il  offre  toutes  ces  qualités  d'observation 
et  de  finesse  dans  la  recherche  de  l'expression 
qui  caractérisent  les  œuvres  de  Lenain. 

Deux  fois  Mazarin  fit  exécuter  son  portrait 
à  Avignon  par  Nicolas  Mignard,  qui  peignait 
de  la  main  gauche,  et  n'en  faisait  pas  moins 
de  très  beaux  portraits,  avec  facilité  et  une 
grande  habileté. 

Mignard  donna  les  portraits  de  Guillaume 
de  Brisacier,  —  du  cardinal  de  Bouillon,  — 
du  duc  d'Albret  —  et  d'Henri  de  Lorraine, 
comte  d'Harcourt. 

Ces  portraits    furent  gravés  par  Masson. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  iS'i 

—  Trop  de  manière,  pour  ne  pas  dire  trop  de 
mignardise  dans  les  portraits  de  cet  artiste. 

Pierre  Mignard,  que  Ton  doit  considérer 
comme  un  grand  portraitiste ,  exécuta  une 
quantité  considérable  de  portraits;  mais  l'éton- 
nement  cesse  en  partie,  quand  on  sait  que  Mi- 
gnard vécut  jusqu'à  quatre-vingt-cinq  ans. 

Les  princes  de  l'Église  :  —  le  cardinal  de 
Retz,  —  Mazarin,  —  Bossuet  ;  —  les  femmes  à 
la  mode  :  —  Ninon  de  Lenclos,  —  La  Vallière, 

—  Fontanges,  —  Maintenon,  —  Brissac,  — ■ 
tous  défilèrent  devant  l'artiste  en  vogue. 

Comme  le  dit  M.  Charles  Blanc,  «  Mignard 
comprit  tous  les  avantages  que  pouvait  lui 
offrir  le  genre  du  portrait  ;  c'était  par  là,  du 
reste,  qu'il  s'était  produit  dans  Rome,  où  le 
portrait  de  Hugues  de  Lionne ,  ministre  de 
France  en  Italie,  qu'il  représenta  entouré  de 
sa  famille,  avait  porté  son  nom,  encore  in- 
connu, jusqu'aux  oreilles  du  pape. 

»  Une  agréable  causerie,  un  pinceau  flat- 
teur, l'art  de  saisir  la  ressemblance,  non  pas 
dans  le  sens  le  plus  élevé  du  mot,  mais  de  la 
façon  qui  plaît  aux  hommes  et  ravit  les  fem- 


182  Histoire  du  Portrait. 

mes,  telles  étaient  les  qualités  qui  lui  permet- 
taient de  réussir  dans  le  portrait.  » 

Après  Urbain  VIII,  il  peignait  Innocent  X, 

—  le  bailly  de  Valencey ,  ambassadeur  de 
France  ;  —  les  cardinaux  de  Médicis  et  d'Esté, 

—  le  prince  Pamphile,  —  la  signora  Olympia. 
Poussin  écrivait  à  M.  de  Chanteloup  «  qu'il 

n'y  avait  à  Rome  alors  aucun  peintre  qui  sût 
faire  un  portrait.  Je  ne  connais  que  le  seul 
M.  Mignard  qui  en  soit  capable.  » 

A  un  second  voyage  à  Rome,  Mignard  fit 
le  portrait  du  nouveau  pape  Alexandre  VII  ; 
toutes  les  illustrations  de  l'Italie  posèrent 
devant  lui. 

En  France,  Mme  de  Sévigné  et  sa  chère  fille, 

—  Mme  Scarron,  —  Dufresnoy, —  Despréaux, 

—  Charleval,  —  Chapelle, — Molière, — furent 
également  peints  par  Mignard  ;  il  flattait  les 
hommes,  surfaisait  la  beauté  des  femmes,  et 
plaisait  à  tous. 

Pour  donner  une  idée  de  l'œuvre  de  Mi- 
gnard, nous  allons  citer  ses  principaux  por- 
traits : 

—  Alexandre  VII,  gravé  par  Van  Schuppen. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  i83 

—  Anne  d'Autriche,  reine  de  France,  gravé 
par  Robert  Nanteuil. 

—  M.  le  prince  Henri-Jules  de  Bourbon, 
prince  de  Condé,  gravé  par  R.  Nanteuil. 

—  Le  cardinal  Mazarin,  gravé  par  Van 
Schuppen,  un  autre  par  Nanteuil,  un  autre 
par  Poilly. 

—  Le  duc  de  Vendôme,  gravé  par  Antoine 
Masson. 

—  Bernard  de  Foix,  de  La  Valette,  duc 
d'Épernon,  gravé  par  Van  Schuppen. 

—  Jacques  Tubeuf,  président  de  la  Chambre 
des  comptes. 

—  Louis  XIV,  gravé  par  François  de  Poilly  ; 
un  autre,  gravé  par  Louis  Roullet. 

—  Louis  XIV,  vêtu  en  empereur  romain, 
gravé  par  Pierre  Carré. 

—  Bossuet,  évêque  de  Meaux,  gravé  par 
F.  de  Poilly. 

—  Nicolas  Colbert,  évêque  d'Auxerre,  gravé 
par  Jean  Lenfant. 

—  Armande  de  Lorraine  d'Harcourt,  ab- 
besse  de  Soissons,  gravé  par  Antoine  Trou- 
vain. 


i<S'4  Histoire  du  Portrait. 

—  Charles-Maurice  Letellier,  archevêque 
de  Reims,  peint  deux  fois,  gravé  par  Gérard 
Edelinck  et  par  Van  Schuppen. 

—  Le  Dauphin  et  sa  famille  (Louvre),  gravé 
par  Simon  Thomassin. 

—  Marie  de  Lorraine,  duchesse  de  Guise, 
gravé  par  Antoine  Masson. 

—  Henri,  marquis  de  Beringhen,  pre- 
mier écuyer  du  Roi,  gravé  par  Jean-Louis 
Roullet. 

—  Golbert,  marquis  de  Seigneley,  ministre 
d'État,  gravé  par  Gérard  Edelinck. 

—  Gabriel-Nicolas  de  La  Reynie,  lieutenant 
de  police,  gravé  par  Pierre  Van  Schuppen. 

—  Guillaume  de  Brisacier,  secrétaire  des 
commandements  de  la  Reine,  gravé  par 
Antoine  Masson. 

—  Balthazar  Phelypeaux,  secrétaire  d'État, 
gravé  par  Corneille  Vermeulen. 

—  Louis-François  Le  Tellier,  gravé  par  le 
même. 

—  Edouard  Colbert,  marquis  de  Villacerf, 
surintendant  des  bâtiments,  gravé  par  G.  Ede- 
linck. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  i85 

— Nicolas  Desmarets,intendantdes  finances, 
gravé  par  Raudon. 

—  François-Emmanuel  de  Bonne  de  Cré- 
quy,  duc  de  Lesdiguières,  gravé  par  Claude 
Duflos. 

—  Claude  Le  Pelletier,  président  à  mortier, 
gravé  par  Drevet. 

—  Jean-Baptiste  Poquelin  de  Molière,  gravé 
par  J.-B.  Nolin,  autre  portrait  de  Molière, 
en  petit,  gravé  par  Benoît  Audran. 

—  Jean-Henri  d'Anglebert,  intendant  ordi- 
naire de  la  musique  du  Roi,  gravé  par  Cor- 
neille Vermeulen. 

—  Pierre  Mignard  peint  par  lui-même, 
gravé  par  Vermeulen;  autre  portrait  de  Mi- 
gnard, gravé  par  Gérard  Edelinck. 

—  Catherine -Marguerite  Nigrand,  com- 
tesse de  Pas  de  Feuquières ,  gravé  par 
Daulle. 

Simon  Vouet  (1590- 1649),  le  fondateur  de 
TÉcole  académique,  exécuta  au  Palais-Royal 
une  série  de  portraits  d'hommes  illustres  du 
xvne  siècle  ;  —  on  lui  doit  un  portrait  en 
pied  de  Louis  XIII. 

iS 


i86  Histoire  du  Portrait. 

Ici  se  place  une  question  qui  nous  semble 
très  grave. 

Philippe  de  Champagne  est  classé  par  les  uns 
parmi  les.  artistes  français,  par  les  autres  au 
nombre  des  artistes  flamands.  —  Pour  nous, 
Philippe  de  Champagne  ne  peut  être  compté, 
malgré  tous  nos  regrets,  parmi  les  artistes  fran- 
çais; étant  né  à  Bruxelles,  il  est  Flamand;  le 
grand  nombre  d'années  que  cet  artiste  a  pas- 
sées en  France  ne  saurait  changer  sa  nationalité, 
car  il  n'a  pas  reçu  de  lettres  de  naturalisation. 
Pourquoi  les  Italiens  ne  compteraient-ils  pas 
Poussin,  qui  a  passé  sa  vie  presque  entière  en 
Italie,  parmi  leurs  artistes  PRossini  a  toujours 
vécu  en  France,  et  pourtant  nous  n'en  faisons 
pas  un  compositeur  français. 

Nous  ne  parlerons  pas  de  Philippe  de 
Champagne,  malgré  sa  manière,  qui  est  bien 
française;  notre  devoir  d'historien  nous  oblige 
de  calmer  notre  enthousiasme. 

Claude  Lefebvre  ne  peut  être  mieux  jugé 
que  dans  ces  quelques  lignes  que  nous  em- 
pruntons à  l'Histoire  des  peintres  de  M.  Charles 
Blanc  : 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  187 

—  «  Il  nous  est  arrivé  souvent  de  nous  arrê- 
ter au  Musée  du  Louvre  devant  une  toile  de 
Claude  Lefebvre,  —  «  portrait  d'un  maître 
et  de  son  élève,  t>  dit  la  notice.  —  Que  dit 
ce  prêtre  austère,  au  front  haut  et  ferme,  la- 
bouré de  rides  profondes,  aux  yeux  fatigués 
par  les  veilles,  aux  cheveux  grisonnants  qui 
s'échappent  en  couronne  d'une  petite  calotte 
noire?  que  désigne-t-il  à  son  jeune  disciple 
avec  ce  geste  sérieux  et  persuasif? 

»  Nous  Fignorons,  mais  l'enfant,  tenant  son 
chapeau  de  feutre  noir  sur  sa  poitrine  si  éle- 
vée en  avant,  regarde  de  tous  ses  yeux,  étudie 
de  toute  son  intelligence;  il  semble  ému  de 
toute  son  âme. 

»  La  figure  du  prêtre  est  sévère;  ses  lèvres 
qui  n'ont  jamais  souri  qu'à  la  science,  son 
large  manteau  noir,  son  rabat  blanc,  carré- 
ment taillé  comme  un  syllogisme  d'école,  sa 
taille  haute,  sa  tournure  altière  et  ses  flères 
moustaches  à  la  Richelieu,  le  font  ressembler 
à  un  des  Jansénistes  de  Port-Royal;  s'il  a 
l'autorité  de  l'esprit,  qui  est  la  raison,  il  n'a 
point  la  tendresse,  qui  est  l'autorité  du  cœur. 


Histoire  du  Portrait. 


»  Cet  homme  est  fait  pour  convaincre  plu- 
tôt que  pour  émouvoir. 

»  La  tête  de  l'enfant,  qui  rayonne  sous  une 
abondante  chevelure  brune,  s'enlève,  intelli- 
gente et  pensive,  sur  une  large  collerette  de 
guipure;  elle  trahit  une  âme  comprimée;  on 
croit  sentir  chez  ce  bel  adolescent,  de  seize 
ans  à  peine,  une  soif  d'expansion,  un  besoin 
instinctif  et  inavoué  d'admiration  et  d'amour, 
ou  plutôt  d'affection,  qui  devait  se  rencontrer 
souvent  à  cette  époque  où  les  enfants,  dès 
qu'ils  étaient  confiés  aux  soins  du  précepteur, 
ne  voyaient  plus  leur  mère  qu'à  de  rares  in- 
stants du  jour. 

»  Bien  que  la  scène  représentée  soit  pure- 
ment intime,  elle  est  tellement  relevée  par  le 
contraste  et  la  dignité  des  caractères,  il  y  a 
une  telle  profondeur  dans  l'expression  des 
têtes,  qu'il  en  résulte  une  unité  puissante,  et 
qu'on  est  tenté  de  donner  un  nom  historique 
à  ces  personnages  si  vivement  accentués, 
si  bien  marqués  à  l'empreinte  d'une  indi- 
vidualité forte;  on  se  demande  si  l'on  n'a 
pas  devant  les  yeux  un  Bossuet  enseignant  au 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  18g 

grand  Dauphin  le  Discours  sur  l'histoire 
universelle.  » 

Après  une  semblable  description,  il  n'y  a 
plus  à  faire  l'éloge  de  Lefebvre;  nous  avons 
devant  nous  un  des  plus  beaux  portraits  qui 
aient  jamais  été  faits  par  un  artiste  qui  a  pos- 
sédé, au  plus  haut  point,  les  qualités  indis- 
pensables au  portraitiste. 

—  «  J'ay  veu,  »  nous  dit  Mariette  en  par- 
lant de  François  de  Troy,  «  de  ses  portraits 
dignes  d'entrer  en  parallèle  avec  les  ouvrages 
les  plus  fameux  de  Van  Dyck  et  de  Titien.  11 
avoit  étudié  sous  le  célèbre  M.  Lefebvre,  et  il 
n'est  pas  étonnant  qu'ayant  goûté  sa  manière 
de  peindre,  il  ne  se  la  soit,  pour  ainsi  dire, 
appropriée,  car,  si  on  y  fait  attention,  leurs 
manières  ont  beaucoup  de  conformité.  » 

Mariette  va  évidemment  trop  loin  :  Lefebvre 
est  incontestablement  plus  ferme,  plus  solide, 
et  a  des  qualités  beaucoup  plus  sérieuses,  car, 
comme  le  dit  M.  Charles  Blanc,  «  Claude  Le- 
febvre plaît  aux  peintres,  de  Troy  séduit  les 
yeux  du  monde,  parce  qu'il  paraît  plus  fin, 
et  qu'il  est  plus  propre  et  plus  moelleux.   De 


i  qo  Histoire  du  Portrait. 

Troy  a  toutes  les  qualités  qui  font  réussir  le 
peintre  de  portraits  :  la  correction,  l'expres- 
sion, l'élégance  des  ajustements,  le  choix  heu- 
reux des  attitudes,  un  beau  ton  de  couleur, 
un  faire  doux,  souple  et  caressé. 

»  Fin,  spirituel,  galant  et  joli  garçon,  Fran- 
çois de  Troy  savait,  par  un  tour  de  pinceau 
habile,  embellir  les  femmes ,  sans  même 
qu'elles  pussent  s'en  douter;  les  femmes  lui 
savaient  gré  et  de  son  talent  et  de  son  esprit, 
ce  qui  faisait  que  toutes  voulaient  se  faire 
portraiturer  par  lui. 

»  Peintre  des  jolies  femmes  de  la  Cour,  de 
Troy  se  plaisait  à  les  reproduire  sous  l'aspect 
de  Gérés,  de  Pallas,  de  Junon,  de  Vénus. 

»  Mesdames  de  Montespan  et  de  Mainte- 
non  brodaient  elles-mêmes  sur  les  dessins  de 
de  Troy.  » 

Il  fit  le  portrait  de  Christine  de  Bavière. 

Sans  avoir  le  talent  de  Largillière  et  de  Ri- 
gaud,  de  Troy  sut  se  faire  un  grand  nom  dans 
le  portrait.  Il  donna  à  ses  portraits  une  tour- 
nure élégante,  des  attitudes  vraies;  plus  simple 
dans  ses  draperies  que  Rigaud,  et  moins  déton- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  igi 

nantdans  sa  couleur  que  Largillière,  il  a  droit 
à  toute  notre  admiration. 

Martin  Largillière  doit  être  considéré,  à 
juste  titre,  comme  un  de  nos  plus  grands 
portraitistes. 

Élevé  dans  plusieurs  écoles,  Largillière  a 
su  prendre  les  qualités  de  chacune  d'elles, 
sans  perdre  ses  qualités  françaises. 

Il  a  fait  des  portraits  de  femmes  vraiment 
remarquables.  Il  prenait  dans  la  physionomie 
de  ses  modèles  ce  qu'il  y  avait  de  bien,  et, 
sans  trop  s'écarter  de  la  nature,  il  trouvait  le 
moyen  de  faire  beau  et  ressemblant. 

Les  femmes  étaient  d'autant  plus  sensibles 
aux  flatteries  de  son  pinceau,  qu'il  semblait 
n'avoir  exprimé  que  la  vérité  ;  on  les  trouvait 
ressemblantes  avant  de  les  trouver  belles, 
lorsqu'on  regardait  leur  portrait. 

Largillière  avait  une  grande  fraîcheur  de 
coloris,  de  la  vérité  dans  le  ton,  et  cette  tou- 
che fine  et  légère  qui  appartient  bien  à  l'École 
française. 

Personne  ne  savait  arranger  aussi  bien  que 
cet  artiste  les  accessoires  de  ses  portraits,  et 


Kj2  Histoire  da  Portrait. 

c'est  encore  un  talent  que  doit  posséder  le 
portraitiste;  s'il  veut  tirer  parti  de  tous  ces 
détails,  il  ne  doit  rien  négliger. 

Les  grands  corps  d'État,  toutes  les  célébri- 
tés politiques,  religieuses  ou  artistiques  défi- 
lèrent devant  Largillière. 

Il  peignit  l'évêque  d'Avranches  ainsi  qu'Hé- 
lène Lambert;  — le  cardinal  de  Noailles  ainsi 
que  la  Duclos. 

Appelé  à  Londres,  il  dut  peindre  le  roi  Jac- 
ques II,  —  la  Reine,  —  le  prince  de  Galles  et 
les  divers  portraits  de  Pierre  Van  der 
Meulen. 

Le  portrait  de  Le  Brun  servit  à  Largillière 
de  morceau  de  réception  à  l'Académie. 

Cet  artiste  exécuta  encore  de  nombreux 
tableaux  commémoratifs ,  qui  comprennent 
divers  portraits  de  personnages;  ainsi  le  ta- 
bleau de  la  convalescence  de  Louis  XIV  ;  — 
celui  du  mariage  du  duc  de  Bourgogne  avec 
Marie-Adélaïde  de  Savoie. 

—  «  Moins  apprêté  que  Rigaud,  »  écrit 
M.  Charles  Blanc,  «  plus  naturel,  plus  fin, 
Largillière,  dans  ses  portraits,  l'emporte   le 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  ig3 

plus  souvent  sur  son  émule,  par  la  grâce  du 
pinceau  et  par  l'excellence  de  sa  couleur  ar- 
gentée et  harmonieuse,  égayée  par  ces  beaux 
gris  qu'affectionnaient  David  Teniers  et  notre 
Chardin. 

»  Les  draperies,  qu'il  faisait  d'inspiration, 
sans  mannequin,  sans  modèle,  sont  jetées  avec 
un  rare  bonheur;  elles  ont  de  l'ampleur,  de 
la  souplesse,  une  tournure  agréable  et  l'as- 
pect de  la  réalité  même. 

»  Ses  têtes  et  ses  mains  sont  dignes  des  plus 
grands  maîtres,  et  l'on  peut  dire  que  Largil- 
lière  est  le  Van  der  Helst  de  la  France,  tan- 
dis que  Rigaud  n'en  est  pas,  tout  à  fait,  le 
Van  Dyck.  » 

«  Rigaud,  »  dit  Saint-Simon,  «  était  alors 
(1696)  le  premier  peintre  de  l'Europe  pour  la 
ressemblance  des  hommes  et  pour  une  pein- 
ture forte  et  durable.  » 

Voici  l'opinion  du  célèbre  critique  de  cette 
grande  époque  : 

—  «  Son  premier  morceau,  »  ajoute  d'Ar- 
genville,  «  fut  le  portrait  d'un  nommé  Mate- 
ron,  joaillier,  qu'il  fit,  au  premier  coup,  dans 

19 


i g4  Histoire  du  Portrait. 

le  goût  de  Van  Dyck.  Ce  portrait  passa  suc- 
cessivement au  fils  et  au  petit-fils  du  joaillier. 
Ce  dernier,  voulant  s'assurer  s'il  était  de  Ri- 
gaud,  le  fit  porter  chez  lui.  Au  nom  de  Mate- 
ron,  Rigaud  reconnut  son  ouvrage  :  «  La 
»  tête,  »  dit-il,  «  pourrait  être  de  Van  Dyck; 
»  mais  la  draperie  n'est  pas  digne  de  Rigaud, 
»  et  je  veux  la  repeindre  gratuitement.  » 

Rigaud  fit  souvent  son  propre  portrait. 

Pour  apprécier  cet  artiste,  on  ne  saurait 
mieux  faire  que  de  laisser  parler  l'auteur  de 
son  Histoire. —  C'est  vrai  et  juste  tout  à  la  fois  : 

—  «  La  majesté,  la  pompe,  étaient,  sans 
doute,  le  caractère  du  règne  de  Louis  XIV,  et 
celui  des  grandes  personnalités  qui  l'illustrè- 
rent, mais  il  semble  que  Rigaud  y  ajouta  en- 
core un  certain  apprêt;  on  dirait  qu'il  peint 
avec  une  arrogance  castillane,  et  qu'il  est 
venu  pour  cela  des  Pyrénées.  Chacun  de  ses 
portraits  paraît  dire  :  Me  voici!  ou  bien  : 
Regarde^,  c'est  moi  qui  ai  gagné  cette  bataille 
qui  se  livre  au  fond  du  tableau..,  C'est  moi 
qui  ai  composé  ce  bel  ouvrage  de  Théologie. . . 
Voyei  cette  Bible  que  j'ai  commentée. . .  Je  suis 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  i  ç5 

le  duc  de  Cambrai,  etc..  Sous  ce  rapport, 
Rigaud  a  été  moins  souple  que  Van  Dyck  et 
moins  varié.  » 

—  Rigaud  fit  de  très  beaux  portraits  de 
femmes,  entre  autres  celui  de  Mmc  Lebret  de 
la  Briffe  et  encore  celui  de  sa  femme,  Elisa- 
beth de  Gouy. 

Ici  doit  se  placer  une  petite  anecdote  ra- 
contée avec  infiniment  d'esprit  par  M.  Charles 
Blanc  : 

—  «  Rigaud  est  appelé  un  jour  chez  une 
dame  de  son  voisinage,  qui  avait  fait  deman- 
der un  peintre. 

»  Rigaud  se  rend  chez  elle,  très  bien  vêtu 
comme  à  son  ordinaire;  mais  à  la  façon  dont 
on  le  reçoit,  il  devinait  qu'il  n'était  pas 
attendu. 

»  La  dame  avait  envoyé  son  valet  chercher 
un  peintre,  il  est  vrai,  mais  un  peintre  pour 
mettre  en  couleur  le  parquet  de  son  apparte- 
ment, et  le  jocrisse  s'était  adressé  à  M.  Rigaud. 

»  Celui-ci  déclina  sa  compétence,  mais 
trouvant  la  dame  jolie  et  d'autant  plus  char- 
mante qu'elle   souriait  avec  embarras  de   la 


rpô  Histoire  du  Portrait. 

sottise  de  son  valet,  il  se  mit  à  ses  ordres,  si- 
non pour  passer  en  couleur  son  parquet,  du 
moins  pour  peindre  sa  figure.  On  fit  ainsi 
connaissance,  et  cette  rencontre  fortuite  finit 
par  un  mariage.  » 

Rigaud  ne  sacrifia  jamais  la  vérité  aux  ca- 
prices de  ses  modèles.  Bien  élevé,  convenable 
avec  les  femmes,  il  n'aimait  pas  à  les  peindre  : 
«  Si  je  les  fais  telles  qu'elles  sont,  »  disait-il, 
«  elles  ne  se  trouvent  pas  assez  belles;  si  je  les 
»  flatte  trop,  elles  ne  ressembleront  pas.  » 

—  «  Dès  les  premières  années  du  règne  de 
Louis  XIV,  »  écrit  M.  H.  Delaborde,  «  une 
sorte  d'emphase  dans  la  composition  des 
portraits  tendait  à  exagérer  les  caractères  de 
la  grandeur  :  l'excessive  adresse  du  pinceau 
faisait  une  trop  large  part  à  la  pratique.  Ce 
goût  pour  les  formes  pompeuses,  ces  entraîne- 
ments de  l'École  vers  l'affectation  pittoresque, 
on  peut  les  attribuer  aux  exemples  et  à  l'in- 
fluence d'un  maître  bien  éminent  d'ailleurs, 
bien  justement  célèbre,  Hyacinthe  Rigaud. 

»  Tout  le  monde  connaît,  soit  par  les  origi- 
naux mêmes,    soit  par  les  estampes  qui  les 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  igy 

reproduisent,  les  beaux  portraits  de  Bossuet, 
de  Philippe  V,  de  la  duchesse  de  Nemours, 
et  tant  d'autres  de  la  même  main,  parmi  les- 
quels on  ne  saurait  omettre  cet  admirable 
portrait  de  Louis  XV  enfant,  en  costume 
royal,  le  chef-d'œuvre  du  peintre,  sinon  le 
chef-d'œuvre  de  la  peinture  de  portrait  en 
France.  Rien  de  plus  vrai,  à  certains  égards, 
que  de  tels  ouvrages,  rien  de  plus  conforme 
aux  mœurs  et  à  l'esprit  du  temps;  mais  aussi 
rien  de  moins  simple  comme  mode  d'exécu- 
tion et  de  mise  en  scène. 

»  La  méthode  de  Rigaud,  différente  en  cela 
de  la  méthode  de  Philippe  de  Champagne 
ou  de  Nanteuil,  ne  consiste  pas  seulement 
dans  une  étude  scrupuleuse  du  caractère 
moral  tel  que  l'expriment  les  traits  du 
visage.  Pour  compléter  la  ressemblance  et 
accuser  pleinement  les  habitudes  de  son  mo- 
dèle, le  peintre  entasse  sans  compter  les 
objets  propres  à  expliquer  soit  une  idée  de 
supériorité  intellectuelle  ou  hiérarchique,  soit 
une  idée  de  pure  magnificence. 

»  De  là  quelque  chose  de  tourmenté  dans 


ig8  Histoire  du  Portrait. 

l'ordonnance,  quelque  confusion  dans  les 
détails.  En  ornant  un  peu  trop  la  vérité, 
Rigaud  l'appesantit  parfois  et  la  surcharge  ; 
mais  ces  exagérations  mêmes  proviennent 
chez  lui  d'un  excès  de  calcul  et  de  besoin  de 
tout  définir. 

»  Quelques-uns  de  ses  successeurs  au  con- 
traire arrivèrent  à  l'exagération  en  écoutant 
surtout  leur  fantaisie  :  ils  introduisirent  la 
morgue  et  le  faste  là  où  il  avait  exprimé  la 
dignité  et  la  sécheresse,  le  désordre  là  où  il 
s'était  proposé — assez  à  tort,  du  reste  —  de 
figurer  le  mouvement. 

»  Ainsi,  pour  rompre  la  monotonie  des 
lignes,  Rigaud  avait  essayé  d'agiter  les  dra- 
peries servant  de  fond  à  ses  portraits,  inven- 
tion malencontreuse,  puisque  le  vent,  auquel 
il  supposait  le  pouvoir  de  soulever  ces  dra- 
peries, n'en  laissait  pas  moins  le  reste  parfai- 
tement immobile. 

»  On  ne  manqua  pas  d'enchérir  sur  cette 
faute  de  goût.  De  véritables  trombes  vinrent 
ravager  l'intérieur  des  appartements  où  les 
peintres  représentaient  d'ailleurs   leurs  mo- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  igg 

dèles  dans  l'attitude  la  plus  calme,  dans  la 
toilette  la  plus  en  ordre. 

»  Rigaud  avait  peint,  avec  plus  ou  moins 
d'à-propos,  des  princesses  ou  des  femmes  de 
la  cour  entourées  d'attributs  empruntés  à 
l'Olympe  ;  il  n'y  eut  si  mince  bourgeoise  à 
qui  Ton  ne  décernât  les  honneurs  d'une  sem- 
blable apothéose.  Puis  à  cette  manie  de  tra- 
vestissements mythologiques  succédèrent  des 
aspirations  plus  humbles  en  apparence,  au 
fond  tout  aussi  peu  sensées. 

»  Les  Déesses,  une  fois  hors  de  mode,  ce 
fut  le  tour  des  Pèlerines  et  des  Bergères. 
Enfin  le  besoin  de  dénaturer  le  fait,  le  goût 
de  la  débauche  pittoresque  et  de  la  masca- 
rade en  vinrent  à  ce  point  qu'on  imagina  de 
peindre  les  femmes  sous  des  habits  d'hommas, 
témoin  certain  portrait  de  Mlle  de  Charolais, 
exposé  aujourd'hui  dans  le  palais  de  Ver- 
sailles, qui  nous  montre  cette  princesse  en 
costume  de  moine  franciscain  portant  virile- 
ment sa  besace.  »  (H.  Delaborde,  La  Pein- 
ture de  Portraits  en  France,  Revue  des  Deux 
Mondes,  oct.  i852.) 


200  Histoire  du  Portrait. 

—  «  Rigaud  a  le  défaut  de  son  siècle,  »  nous 
dit  M.  Charles  Blanc;  «  il  a  même  exagéré 
l'emphase.  Moins  élégant  dans  ses  poses, 
moins  simple  que  Largillière  et  moins  frais 
de  couleur,  il  a  poussé  du  moins,  aussi  loin 
que  possible,  les  qualités  essentielles  d'un 
peintre  de  portraits,  la  vérité. 

»  Ses  chairs  sont  d'un  modelé  ferme  et 
très  bien  senti.  Ses  draperies  dont  on  lui  a 
reproché,  avec  raison,  la  boursouflure  et  le 
fracas,  sont  admirables  d'exécution,  si  ce 
n'est,  peut-être,  dans  quelques  ouvrages  de  sa 
vieillesse. 

»  Pour  ses  mains,  elles  sont  excellentes, 
moins  allongées,  moins  distinguées,  mais  plus 
vraies  que  celles  de  Van  Dyck,  qui  les  faisait 
un  peu  de  convention.  Rigaud  les  a  variées 
de  cent  manières,  les  présentant  toujours  avec 
grâce  et  dans  les  raccourcis  les  plus  heureux. 
Il  aime  à  poser  la  main  d'un  cardinal  ou  d'un 
évêque  sur  une  Bible,  dont  le  prélat  tourne 
les  feuillets,  comme  pour  faire  admirer  ses 
doigts  délicats  et  faire  chatoyer  son  anneau 
épiscopal. 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


»  Il  peint,  à  ravir,  les  mains  enfantines  et 
blanches  du  jeune  duc  de  Lesdiguières,  tenant 
un  bâton  de  commandement,  et  les  mains 
brunies  du  maréchal  de  Villeroy  ou  du  duc 
de  Villars  qui  montrent  au  loin  la  bataille, 
au  lieu  d'y  être. 

»  Les  perruques  si  difficiles  à  peindre,  les 
cheveux  si  difficiles  à  rendre,  n'étaient  qu'un 
jeu  pour  Rigaud. 

»  Sa  couleur,  qui  parfois  tire  sur  la  brique, 
a  ordinairement  beaucoup  de  vivacité,  de 
torce  et  de  richesse. 

»  Sa  touche  enfin,  tant  qu'elle  ne  fut  pas 
alourdie  par  l'âge,  fut  des  plus  savantes  et 
des  plus  belles. 

»  Mêlée  à  toutes  les  gloires  de  son  temps, 
burinée  sur  l'airain  par  les  plus  illustres  gra- 
veurs, la  gloire  de  Rigaud  semble  impéris- 
sable. Elle  a  du  moins  la  chance  de  vivre  aussi 
longtemps  que  les  merveilleuses  estampes  de 
Pierre  Drevet  et  d'Edelinck  et  que  les  grands 
noms  de  La   Fontaine   et  de  Bossuet.  » 

Robert  Tournières  (1668),  sans  avoir  un 
grand  talent,  a  su  faire  des  portraits  remar- 


Histoire  du  Portrait. 


quables;  il  avait  un  coloris  agréable,  un  des- 
sin assez  correct  pour  donner  un  contour 
parfait  ;  ses  portraits  enfin  ont  un  aspect  de 
vérité  qui  frappe  et  qui  séduit. 

Il  entra  à  l'Académie  comme  peintre  de 
portraits  le  24  mars  (1702). 

Tour  à  tour  il  faisait  de  petits  ou  de  grands 
portraits  ;  d'autres  fois  il  groupait  toute  une 
famille. 

Le  Musée  de  Caen,  patrie  de  Tournières, 
possède  une  magnifique  tête  de  magistrat,  lés 
portraits  de  Chapelle  et  de  Racine.  Il  y  a 
aussi  à  Caen  le  portrait  du  jurisconsulte 
Jacques  Crevel  ; 

A  Versailles,  le  portrait  de  Michel  Cor- 
neille ; 

Au  Musée  d'Orléans,  celui  de  M.  de  Saint- 
Geniez  ; 

Au  Musée  de  Rennes,  un  maréchal  de 
France  ; 

A  TÉcole  des  Beaux-Arts,  l'académicien 
Mosnier  ; 

A  Nantes,  M.  de  Maupertuis,  sa  femme  et 
ses  enfants  (3  portraits). 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  2o3 

Cet  artiste  a  fait  deux  fois  son  portrait. 

Pour  bien  juger  Tournières,  il  faut  dire 
qu'il  était  très  soigneux  dans  son  faire,  fin  et 
délicat  dans  son  colons,  mais  il  voyait  peti- 
tement. Il  n'est  pas  grand  et  puissant  comme 
ses  prédécesseurs  ;  très  méthodique  dans  l'exé- 
cution de  ses  œuvres,  Tournières  arriva  à 
plaire  par  ce  soin  exquis,  mais  il  a  de  l'es- 
prit et  éclaire  bien  ses  têtes. 

On  a  quelques  portraits  de  Jean  Raoux 
(1677).  Cet  artiste  avait  une  grande  préférence 
pour  les  portraits  historiés.  On  a  de  lui  : 

Mlle  Perdigon  et  les  portraits  des  évêques  de 
Montpellier  et  de  Senez. 

Casanova  a  dit  de  Jean-Marc  Nattier(i  685): 
«  Il  faisait  le  portrait  d'une  femme  laide  ;  il  la 
peignait  avec  une  ressemblance  parfaite,  et 
malgré  cela,  ceux  qui  ne  voyaient  que  son  por- 
trait la  trouvaient  belle,  alors  que  l'examen  le 
plus  minutieux  ne  faisait  découvrir  dans  le 
portrait  aucune  infidélité  ;  mais  quelque  chose 
d'imperceptible  donnait  à  l'ensemble  une 
beauté  réelle  et  indéfinissable.  » 

Et,  comme  le  dit  très  bien  M.  Charles  Blanc, 


204  Histoire  du  Portrait. 

ce  quelque  chose  d'imperceptible,  «  c'est  le 
goût,  auquel  nous  devons  de  compter  dans 
l'École  française  tant  de  peintres  aimables, 
tant  de  portraits  excellents.  » 

—  Un  seul  reproche  peut  être  fait  à  Nat- 
tier  :  presque  tous  ses  portraits  se  ressemblent 
entre  eux  :  même  œil  noir,  même  figure 
ronde,  mêmes  mains  potelées;  souvent  les 
mêmes  poses  et  les  mêmes  airs  penchés. 

Nattier  peignit  de  grands  personnages  :  les 
princes  et  les  princesses  de  la  maison  de 
Lorraine,  le  maréchal  de  Saxe,  la .  prin- 
cesse de  Lambesc,  en  Minerve;  le  comte 
de  Brionne,  le  chevalier  d'Orléans,  grand 
prieur  de  France. 

Il  fit  aussi  le  portrait  de  Catherine  de 
Russie. 

Au  moment  où  Fart  français  commençait  à 
décliner  rapidement,  pour  laisser  la  place  à  la 
manière,  à  l'afféterie,  aux  fausses  grâces,  nous 
devons  signaler  le  peintre  Tocqué,  qui  sut 
rester  dans  les  grands  principes  de  l'art. 

Il  ne  semble  pas  même  voir  l'affectation  et 
l'emphase    de    son    maître    Nicolas    Bertin. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  20 5 

Tocqué  sut  peindre  simples  des  gens  qui  ne 
Tétaient  pas  ;  il  rendait  la  véritable  grandeur, 
en  restant  calme  et  paisible.  Tocqué  entra  à 
l'Académie  avec  les  portraits  de  Golloche  et 
de  Jean-Louis  Lemoyne,  sculpteurs. 

Il  épousa  la  fille  aînée  de  Nattier,  mais  le 
gendre  resta  supérieur  à  son  beau-père  par 
le  talent 

En  (1739),  Tocqué  fit  le  portrait  du  Dau- 
phin. Ce  portrait  est  froid  et  trop  sérieux  pour 
un  enfant  de  dix  ans;  il  est  également  trop  en- 
combré d'accessoires  très  inutiles;  c'est  un 
défaut  de  l'époque.  La  liste  des  personnages 
peints  par  Tocqué  est  considérable;  nous  ci- 
terons : 

La  reine  Marie  Leczinska  (1740),  —  la 
Dauphine,  —  le  duc  de  Chartres, —  le  prince 
de  Galles,  —  le  comte  de  Saint-Florentin,  — 
M.  de  Tournehem,  —  le  marquis  de  Marigny, 
—  le  poète  Gresset,  —  la  spirituelle  Mme  de 
Graffigny. 

La  réputation  de  Tocqué  était  connue  jus- 
qu'en Russie;  il  y  fut  appelé  par  l'Impératrice, 
dont  il  exécuta  le  portrait,  ainsi  que  ceux  du 


2o6  Histoire  du  Portrait. 

comte  de  Woronzoff,  —  du  comte  Cyrille  de 
Rasumofski  —  et  de  Nicolas  Esterhazy. 

De  Russie ,  Tocqué  passa  en  Danemark, 
sur  l'invitation  du  Roi  ;  il  y  fit  le  portrait  de 
Frédéric  V,  — de  la  Reine  —  et  des  membres 
de  la  famille  royale. 

Si  Tocqué  n'eut  pas  la  gloire  d'être  le  peintre 
de  la  cour,  des  petites  et  grandes  dames  alors 
en  vogue,  il  eut  l'honneur  de  respecter  Part 
français  et  d'aller  soutenir  sa  gloire  à  l'étranger. 

François  Boucher  a  fait  un  magnifique  por- 
trait de  Mme  de  Pompadour. 

La  courtisane  souveraine  est  étendue  non- 
chalamment sur  une  causeuse,  appuyée  sur  des 
coussins,  le  dos  contre  une  glace  qui  reflète 
une  bibliothèque-horloge. 

Mme  de  Pompadour  tient  un  volume  de  la 
main  droite  ;  ce  volume  est  appuyé  sur  les  ge- 
noux de  la  marquise;  elle  est  vêtue  d'une  robe 
bleue  parsemée  de  roses;  cette  robe,  ouverte 
en  carré,  a  la  prétention  de  vouloir  cacher 
une  poitrine  qui  fait,  au  contraire,  tous  ses 
efforts  pour  se  montrer.  Aux  pieds  de  la  mar- 
quise, on  voit  un  petit  chien,  des  feuillets,  des 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  20  7 

crayons,  emblèmes  servant  à  rappeler  qu'il  y 
a  des  planches  au  bas  desquelles  on  lit  :  «  Pom- 
padour  sculpsit.  » 

Divers  portraits  de  Jeanne-Antoinette  Pois- 
son d'Étiolés,  marquise  de  Pompadour,  ont 
été  exécutés  par  les  plus  célèbres  peintres  de 
cette  époque  :  par  La  Tour,  Boucher  et 
Drouais. 

Cari  Vanloo,  —  Cochin,  — Peronneaux,  — > 
Nattier  —  et  Schenaux  en  ont  fait  aussi  de  fort 
intéressants,  popularisés  par  la  gravure. 

Greuze  exposa  en  (1761).  Diderot  écrivait 
dans  son  Salon  :  «  On  dit  que  le  portrait  de 
M.  le  Dauphin  ressemble  beaucoup.  Celui  de 
Babusti,  beau-père  du  peintre,  est  de  toute 
beauté;  et  ces  yeux  éraillés  et  larmoyants,  et 
cette  chevelure  grisâtre,  et  ces  chairs,  et  ces 
détails  de  vieillesse  qui  sont  raffinés  au  bas 
du  visage  et  autour  du  cou,  Greuze  les 
a  tous  rendus  ;  et  cependant  sa  peinture  est 
large.  Son  portrait,  peint  par  lui-même,  a 
de  la  vigueur;  mais  il  est  un  peu  fatigué, 
et  me  plaît  beaucoup  moins  que  celui  de  son 
beau -père.  » 


208  Histoire  du  Portrait. 

Diderot  est  plus  sévère  dans  le  Salon  de 
(1763).  Il  écrit  : 

«  Portrait  de  M.  le  duc  de  Chartres.  —  Je 
n'aime  pas  ce  portrait ,  il  est  froid  et  sans 
grâce. 

»  Je  n'aime  pas  le  portrait  de  Mademoiselle  ; 
il  est  gris,  et  cette  enfant  est  souffrante.  Il  y  a 
pourtant  dans  celui-ci  des  détails  charmants, 
comme  le  petit  chien,  etc. 

»  Portrait  de  Mmo  Greuze.  —  Je  jure  que  ce 
portrait  est  un  chef-d'œuvre  qui,  un  jour  à 
venir,  n'aura  point  de  prix.  » 

En  (1769),  Greuze  fit  le  portrait  d'Etienne 
Jeanrot ,  peintre  :  Jeanrot  est  vu  de  trois 
quarts,  assis  dans  un  fauteuil,  tourné  à  gauche, 
la  tête  couverte  d'une  espèce  de  bonnet  de 
drap  noir  bordé  d'or  ;  il  porte  un  large  vête- 
ment de  couleur  violàtre  par-dessus  un  gilet 
de  satin  noir.  La  tète  est  finie,  les  yeux 
sont  spirituels  et  les  coins  de  la  bouche  bien 
dessinés. 

La  galerie  Lacaze  possède  le  portrait  de 
Gensonné  :  cheveux  poudrés ,  en  cravate  et 
gilet  blancs,   habit  noir;  tête  finie  et  intelli- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  20g 

gente,  où  l'on  retrouve  les  adorables  gris  qui 
caractérisent  la  peinture  de  Greuze. 

«  Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  »  dit  M.  H.  De- 
laborde,  «  les  peintres  de  portraits  commencè- 
rent à  se  départir  de  ce  goût  excessif  pour  les 
épisodes  et  de  ces  habitudes  d'analyse  subtile. 

»  Déjà  Greuze  avait  mis  en  faveur  une  ma- 
nière, sinon  moins  recherchée  au  fond,  du 
moins  plus  simple  dans  la  forme,  puisqu'elle 
n'employait,  comme  moyens  d'expression,  que 
le  choixde  l'attitude  et  la  ressemblance  des  traits 
du  visage.  Peu  ou  point  d'accessoires  autour 
du  personnage  représenté,  des  ajustements  de 
couleur  incertaine  et  débarrassés  de  ces  mille 
enjolivements  que  le  pinceau  détaillait  naguère 
avec  tant  de  complaisance  ;  un  faire  assez  mou, 
mais  non  sans  charme;  la  grâce  flottante  et 
inachevée  d'uneébauche  voilant  l'aspect  du  ta- 
bleau, et  donnant  aux  contours  une  apparence 
presque  effacée,  voilà  ce  qui  caractérise  la 
méthode  adoptée  par  Greuze  dans  la  compo- 
sition et  l'exécution  de  ses  portraits  :  méthode 
bien  française,  en  ce  sens  qu'elle  se  distingue 
surtout  par  le  tour  ingénieux  et  l'élégance  du 


•jio  Histoire  du  Porti'ait. 

style,  mais  en  désaccord  d'autre  part  avec  les 
précédents  de  l'École,  puisqu'elle  tendait  à 
remplacer  ce  besoin  de  tout  expliquer,  poussé 
parfois  jusqu'à  la  définition  prolixe,  par  une 
facilité  un  peu  superficielle  et  une  exactitude 
d'à  peu  près.  »  —  (H.  Delaborde,  Revue  des 
Deux  Mondes,  i852.) 

Un  des  plus  beaux  portraits  de  Greuze  est, 
sans  contredit,  celui  de  Fabre  d'Églantine  ;  il 
est  en  buste  de  trois  quarts,  tourné  vers  la 
gauche  ;  cheveux  poudrés  et  relevés,  gilet  cha- 
mois, cravate  blanche,  habit  noir.  —  Quelle 
finesse  et  quel  modelé  !  Toutes  les  qualités  du 
portraitiste  se  rencontrent  dans  cette  toile  de 
60  centimètres. 

En  (1783),  David  exposa  les  portraits  de 
M.  Desmaisons,  —  de  Mme  Pécoul,  —  de  M.  le 
comte  de  Glermont  d'Amboise;  en  (1789), 
M.  et  Mme  Lavoisier,  —  M.  Thelasson  de 
Sorcy,  —  Mmc  d'Orvilliers,  —  Mme  de  Bré- 
hant,  —  M.  et  Mmc  Vassal,  — Mme  Lecoueteux 
et  Mme  Hocquart. 

En  (1793),  la  Mort  du  jeune  Barra,  le  por- 
trait de  Bailly,  —  de  Grégoire,  —  de  Prieur, 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


—  de  Robespierre,  —  de  Jean-Bon  Saint-An- 
dré, —  de  Saint-Just,  —  de  Marie-Joseph 
Chénier,  —  de  Boissy  d'Anglas. 

Malheureusement,  le  Serment  du  Jeu  de 
Paume  n'a  pas  été  terminé,  mais  David  nous 
donne  cependant  les  traits  de  Bailly,  qui 
occupe  le  milieu  de  la  composition. 

A  la  même  époque,  l'artiste  fait  le  portrait 
de  Lepelletier  de  Saint-Fargeau,  puis  celui  de 
Marat,  qui  a  un  grand  caractère  de  vérité, 
une  bonne  et  solide  exécution. 

En  (1795),  David  exécute,  pour  M.  Rous- 
selin  Saint-Albin,  ami  de  Danton,  le  portrait 
du  terrible  tribun  ;  il  fit  ce  portrait  de  sou- 
venir. 

En  (1800),  le  portrait  équestre  du  premier 
consul  gravissant  le  Saint-Bernard. 

David  fit,  à  cette  même  époque,  Mmos  Ver- 
ninac,  Pastoret,  Trudaine,  Récamier. 

En  (1808),  il  fit  le  portrait  en  pied  de  l'Em- 
pereur, et  beaucoup  d'autres  encore. 

Dans  le  portrait  de  Pie  VII,  David  a  mon- 
tré une  grande  science  de  modelé  :  c'est  simple, 
par  là,  grand. 


■j  1 2  Histoire  du  Portrait. 

Napoléon  Ier  commanda  à  David,  au  prix 
de  180,000  francs,  les  deux  tableaux  de  la 
Distribution  des  Aigles  et  du  Couronnement. 
Dans  le  Couronnement,  on  ne  compte  pas 
moins  de  cent  cinquante  portraits  peints  avec 
conscience,  et  la  plupart  fort  ressemblants, 
entre  autres,  Talleyrand,  Bernadotte,  Cam- 
bacérès,  qui  occupent  le  premier  plan. 

—  «  Les  rares  portraits  peints  par  David,  » 
dit  M.  H.  Delaborde,  «  ne  sont,  à  vrai  dire, 
que  de  savantes  études.  —  L'art  de  la  com- 
position n'y  a  point  de  part,  si  ce  n'est 
dans  le  Bonaparte  franchissant  le  mont 
Saint-Bernard,  et  dans  les  deux  portraits  en 
pied  de  l'Empereur.  —  Le  célèbre  Pie  VII 
lui-même  n'atteint  chez  David  que  la  volonté 
de  se  soumettre  pleinement  à  l'autorité  de  la 
nature.  » 

La  gracieuse  Mm0  Vigée-Lebrun  doit  nous 
occuper  tout  spécialement  :  beauté,  esprit, 
talent,  elle  eut  tout! 

Quelle  grâce  dans  les  attitudes  de  ses'  mo- 
dèles !  Comme  on  retrouve  la  femme  chaste 
et  fine  dans  les  airs  penchés  de  ses  portraits  ! 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  2i3 

Quel  joli  ton  quand  il  ne  se  rapproche  pas 
trop  de  Greuze  !  Mme  Vigée-Lebrun  eut  un 
succès  immense;  comblée  de  soins  et  de  pré- 
venances par  la  reine  Marie-Antoinette,  elle 
fut  également  bien  accueillie  dans  toutes  les 
cours  étrangères. 

Par"mi  les  œuvres  les  plus  remarquables  de 
cette  artiste,  nous  devons  citer  tout  d'abord 
le  portrait  de  Marie- Antoinette,  coiffée  d'une 
toque  à  plumes  et  vêtue  d'une  robe  rouge 
garnie  de  fourrures.  La  Reine  tient  sur  ses 
genoux  le  petit  duc  de  Normandie  ;  près  d'elle, 
sa  fille  enlace  son  bras  dans  une  pose  enfan- 
tine ;  devant  le  groupe  se  tient,  près  du  ber- 
ceau, le  jeune  Dauphin. 

Ce  tableau  fut  le  morceau  de  réception  de 
Mme  Lebrun  à  l'Académie. 

A  Florence,  on  lui  demanda  son  portrait 
pour  être  placé  dans  la  célèbre  chambre  des 
Uffi{i,  consacrée  aux  portraits  des  peintres 
célèbres,  peints  par  eux-mêmes. 

A  Naples,  elle  peint  l'admirable  Lady  Ha- 
milton,  couchée  au  bord  de  la  mer,  tenant 
une  coupe  à  la  main;  sa  belle  figure  était  fort 


214  Histoire  du  Portrait. 

animée,  elle  avait  une  quantité  de  beaux  che- 
veux châtains  qui  pouvaient  la  couvrir  entiè- 
rement, et,  en  bacchante,  les  cheveux  épars, 
elle  était  admirable. 

Mme  Vigée-Lebrun  fit  plusieurs  fois  son  por- 
trait :  en  chapeau  de  paille  ;  à  demi-nue,  et 
elle  est  charmante  à  voir  ainsi,  serrant  avec 
effusion  sur  son  sein  sa  petite  fille,  la  joie  de 
sa  vie,  jusqu'au  jour  où  elle  quitta  sa  mère 
pour  aller  à  l'autel  recevoir  la  blanche  cou- 
ronne des  mariées. 

Voici  la  liste  des  principaux  portraits  de 
Mme  Vigée-Lebrun  : 

En  (1788),  Hubert  Robert; 

En  (1798),  Joseph  Vernet  ;  puis  encore: 
Miss  Pitt,  —  Mlle  Roland,  —  la  comtesse  Po- 
tocka,  —  Mesdames  de  France,  Adélaïde  et 
Victoire,  —  Marie-Thérèse,  épouse  de  Fran- 
çois II,  —  Marie-Louise,  femme  du  grand- 
duc  de  Toscane; 

En  (1807),  la  Reine  de  Naples,  Caroline 
Murât,  —  les  princesses  d'Esterhazy,  Galit- 
zin,  de  Wurtemberg,  de  Polignac,  —  Napier, 
—  Alexis  Houragin  ; 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  21S 

En  (1824),  S.  A.  R.  la  duchesse  de  Berri, 
—  la  duchesse  de  Guiche. 

En  tout,  plus  d'une  centaine  de  portraits  à 
l'huile,  au  pastel  et  au  dessin. 

Le  jugement  porté  sur  Mmc  Lebrun  par 
M.  H.  Delaborde  mérite  d'être  rapporté  : 

—  «  La  manière  plus  attrayante  que  sérieuse 
dont  Greuze  venait  de  donner  l'exemple,  un 
autre  talent  aimable,  Mme  Lebrun,  se  chargea 
de  la  continuer,  ou  tout  au  moins  d'en  repro- 
duire l'esprit  sous  des  formes  moins  systéma- 
tiquement indécises. 

»  Le  portrait  de  Marie-Antoinette  et  de  ses 
enfants,  celui  de  l'auteur  et  de  sa  fille,  main- 
tenant au  musée  du  Louvre,  et  surtout  un 
autre  portrait  de  l'auteur  que  l'on  voit  dans  la 
galerie  des  Offices,  à  Florence,  prouvent 
assez  que  ce  talent,  tout  en  sacrifiant  beaucoup 
à  la  grâce,  se  préoccupait  aussi  de  la  cor- 
rection. 

»  C'est  ce  mélange  d'abandon  et  de  netteté 
qui  prête  un  charme  singulier  à  des  œuvres 
où  rien  d'ailleurs  n'est  en  contradiction  avec 
le  sexe  de  l'artiste  qui  les  a  signées. 


2  /  6  Histoire  du  Portrait. 

»  De  toutes  les  femmes  dont  les  noms  figu- 
rent dans  Thistoire  de  l'art,  Mme  Lebrun,  en 
effet,  n'est  pas  seulement  la  plus  habile,  elle 
est  encore  celle  qui,  dans  son  rôle  de  peintre, 
garde  le  mieux  l'attitude  et  la  vraie  physiono- 
mie de  son  sexe. 

•  »  ...  Mrae  Lebrun  sait  rester  femme  en  fai- 
sant acte  d'artiste.  La  force  chez  elle  n'im- 
plique pas  plus  une  idée  de  faiblesse,  que  la 
fermeté  de  son  pinceau  ne  dégénère  en  har- 
diesse malséante.  Il  semble  qu'on  sente  par- 
tout une  main  délicate,  guidée  par  une  intel- 
ligence plus  occupée  du  soin  de  plaire  que  de 
l'ambition  de  dominer. 

»  Jusqu'au  jour  où  le  talent  de  Gérard  vint 
à  se  produire,  Mme  Lebrun  (c'était  justice)  pas- 
sait en  France  pour  le  meilleur  peintre  de 
portraits  de  l'époque.  —  Quelques  années 
plus  tôt,  peut-être  eût-elle  disputé  au  nouveau 
venu,  non  pas  le  premier  rang,  auquel  il  eut 
droit  tout  d'abord,  mais  une  large  part  d'ap- 
plaudissements. Maintenant  elle  lui  laissait  le 
champ  libre.  Après  s'être  volontairement  exi- 
lée au  commencement  de  la  Révolution,  elle 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  21  y 

devait  attendre  longtemps  encore  qu'il  lui  fût 
permis  de  rentrer  dans  son  pays.  Lorsqu'elle 
y  revint,  pour  ne  plus  le  quitter,  vers  18 10, 
elle  n'essaya  même  pas  d'engager  la  lutte,  et 
sans  amertume  contre  le  présent,  elle  se  ré- 
signa avec  son  bon  goût  habituel  à  n'apparte- 
nir désormais  qu'au  passé.  » 

Prud'hon,  qui  est  un  de  nos  grands  pein- 
tres, devait,  comme  nous  tous,  payer  sa  large 
part  aux  soucis,  aux  chagrins  et  aux  larmes. 
Nature  aimante  et  délicate,  il  devait  souffrir 
dans  ce  qu'il  avait  de  plus  sensible,  dans  ce 
pauvre  rien  qui  nous  rend  grand  et  célèbre, 
ou  qui  tue  et  notre  intelligence  et  notre  faible 
corps,  après  nous  avoir  rendu  malheureux. 

Quelle  poésie,  quelle  rare  habileté  dans 
Prud'hon  ! 

Comme  peintre  français,  Prud'hon  est  un 
des  artistes  qui  possédèrent  le  plus  le  sentiment 
de  la  lumière;  poète,  il  a  rendu  dans  ses  des- 
sins, dans  ses  toiles,  des  pensées  intimes  qui 
semblaient  intraduisibles.  Une  sorte  de  fata- 
lité devait  rendre  malheureux,  jusqu'à  ses 
derniers  jours,  ce  grand  artiste  qui,  comme 


2i  8  Histoire  du  Portrait. 

Greuze  et  Géricault,  ne  devait  pas  voir  l'avè- 
nement de  sa  gloire. 

Nous  devons  à  Prud'hon  de  beaux  et  ma- 
gnifiques portraits. 

—  «  Prud'hon,  »  disait  Guizot  dans  son 
Salon  de  (1810),  «  a  exposé  deux  belles  tètes, 
un  portrait  et  une  tête  de  Vierge. 

»  Il  y  a  beaucoup  d'art  et  un  peu  de  ma- 
nière dans  cette  extrême  suavité  du  pinceau, 
qui  dégénère  si  facilement  en  mollesse;  à  force 
de  fondre  les  contours,  de  ne  rien  arrêter,  de 
ne  présenter  à  l'œil  que  des  formes  indétermi- 
nées, on  tombe  dans  un  vague,  une  incerti- 
tude qui  mènent  à  l'incorrection,  et  quant  au 
coloris,  son  éclat,  lorsqu'il  n'est  pas  uni  à  de 
l'énergie,  nuit  souvent  à  la  vérité.  » 

Au  Salon  de  (18 12),  Prud'hon  exposait  le 
portrait  du  Roi  de  Rome. 

Il  fit  aussi  le  portrait  de  Joséphine,  Impé- 
ratrice des  Français,  vêtue  à  l'antique,  cou- 
chée sur  un  tertre,  la  tête  appuyée  sur  son 
bras  gauche. 

Prud'hon  donna  encore  les  portraits  de 
M.  et  Mmc  Anthony,  —  de  la  princesse  Bac- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  21  g 

ciochi,  — de  l'abbé  Barbier,  —  de  Mme  Bor- 
nier,  —  de  M.  Cabochet,  —  de  Mme  Constan- 
tin, née  Didot,  —  de  la  duchesse  de  Talley- 
rand,  —  de  Mmc  Dufresne,  —  de  M.  Fontami, 

—  de  Gauthier  La  Chapelle. 

De  Prud'hon  sont  également  les  portraits 
du  marquis  Gouvion  Saint-Cyr,  —  de  Mme  de 
la  Riboissière,  —  de  Mllc  Meyer  à  dix-sept 
ans,  —  et  deux  autres  portraits  de  la  même 
personne,  —  de  M.  de  Mesmay,  —  du  maré- 
chal Moncey,  — de  M.  Antoine  Passy,  —  de 
la  duchesse  de  Polignac,  —  de  Mme  Roland, 
un  des  plus  beaux  portraits  du  maître,  —  du 
Roi  de  Rome,  —  du   comte  de  Sommariva, 

—  du  prince  Talleyrand-Périgord,  —  de 
M.  Viardot  et  de  Mmc  Viardot,  etc. 

M.  Thiers  nous  a  laissé  ce  remarquable 
jugement  sur  Prud'hon,  dans  son  Salon 
de  (1822)  : 

—  «  Je  me  hâte  d'arriver  à  un  tableau  qui 
a  touché  le  public,  et  dont  le  succès  a  été  po- 
pulaire. 

»  C'est  une  famille  désolée  peinte  par 
M.  Prud'hon;  un  père  encore  dans  la  force 


220  Histoire  du  Portrait. 

de  l'âge  est  étendu  mourant  sur  une  chaise  ; 
sa  fille  aînée  le  soutient  par  derrière,  ses  deux 
jeunes  fils,  assis  à  ses  pieds,  pleurent  à  chau- 
des larmes;  quant  au  père,  il  est  expirant,  et  son 
visage  décoloré  annonce  sa  mort  prochaine. 

»  Il  est  impossible  de  rendre  l'impression 
produite  par  la  vue  de  ce  tableau  si  simple, 
et  où  le  peintre  s'est  si  peu  tourmenté  pour 
produire  de  l'effet.  Il  prouve,  ce  qu'on  a  ré- 
pété si  souvent,  et  ce  qu'il  est  si  difficile  de 
faire  comprendre  aux  artistes,  que,  sans  ima- 
giner des  sujets  singuliers  et  terribles,  sans 
chercher  à  émouvoir  la  sensibilité  par  des  cir- 
constances bizarres,  la  nature  simplement 
exposée  touche  profondément.  » 

Nous  avons  un  certain  nombre  de  portraits 
par  Girodet;  nous  ne  ferons  que  mentionner 
les  œuvres  les  plus  importantes  de  cet  artiste. 

On  a  de  Girodet  :  le  frère  de  Napoléon  en 
pied,  —  Chateaubriand,  —  M.  de  Sèze,  — 
Mme  Merlin,  —  M.  de  Saint-Victor,  le  père, 
—  Alexandre  Boucher,  —  le  général  vendéen 
marquis  de  Bonchamp,  —  Cathelineau,  — 
Mme  de  Reizet. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  2  2  / 

En  (1799),  Girodet  avait  exposé  le  portrait 
de  Mllc  Lange,  mais  ensuite  le  peintre  le 
coupa  en  morceaux;  en  (1800),  Girodet 
exposa  un  nouveau  portrait  de  Mlle  Lange; 
l'actrice  était  figurée  sur  un  lit,  recevant  une 
pluie  d'or,  et  près  d'elle  était  un  coq  d'Inde 
dont  la  tète  rappelait  un  membre  du  Direc- 
toire. 

De  (1804  à  1824),  Girodet  exposa  trente- 
deux  portraits  :  parmi  lesquels  ceux  du  chi- 
rurgien Larrey,  —  de  Bonchamp,  —  de 
Cathelineau. 

En  (1806),  on  écrivait  de  Girodet  : 
;  —  «  Ce  n'est  pas  sans  perdre  quelque  chose 
que  M.  Girodet  est  descendu  des  hauteurs 
de  la  peinture  historique  au  portrait.  Cela 
s'explique  par  l'énergie  même  du  talent  de 
l'auteur.  Il  ne  peut  échouer  que  dans  des  su- 
jets au-dessous  de  lui. 

»  Je  me  rappelle  un  mot  charmant  de  Mon- 
taigne, et  qui  reçoit  ici  son  application  ;  il 
dit  avec  force  dans  son  vieux  style  :  «  J'ai  le 
pied  ferme  à  mont,  mais  je  choppe  volontiers 
en  plaine.  » 


222  Histoire  du  Portrait. 

»  Dans  le  portrait  exposé  sous  le  n°  225,  je 
ne  reconnais  plus  le  talent  de  l'artiste  à  qui 
Ton  doit  le  grand  drame  du  Déluge.  Les  tètes 
ne  tournent  pas,  la  main  gauche  du  docteur 
est  mieux,  mais  celle-là  exceptée,  toutes  les 
mains  sont  médiocres,  la  couleur  du  vête- 
ment de  l'enfant  tient  au  fond  du  tableau,  les 
accessoires  sont  négligés.  »  (Salon  de  1806, 
Pausanias  Français.) 

En  (18 10),  M.  Guizot  écrivait  à  son  tour  : 

—  «  C'est  avec  un  vif  sentiment  de  plaisir 
que  Ton  aperçoit  au  bout  de  la  galerie 
d'Apollon  le  beau  portrait  de  M.  Chateau- 
briand par  M.  Girodet,  dont  j'ai  parlé,  et 
qui,  bien  qu'un  peu  noir,  frappe  vivement 
par  la  vérité  de  l'imitation,  la  noblesse  et 
l'énergie  du  style. 

»  Alors  on  se  sent  à  Taise  :  on  entre  dans  la 
grande  rotonde,  et  bientôt  les  magnifiques 
portraits  qui  se  présentent  font  oublier  un 
premier  moment  fâcheux. 

»  Le  plus  parfait  est  peut-être  celui  de  Mme  la 
comtesse  de  P...,  en  pelisse  et  robe  de  velours 
bleu,   par  M.   Girodet;   vérité  de  tons,  élé- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  223 

gance  de  contours,  grâce  et  fini  du  pinceau, 
tout  s'y  réunit  pour  rappeler  la  manière  des 
maîtres  de  l'École  italienne,  surtout  la  belle 
tète  de  Léonard  de  Vinci,  comme  celle  de  la 
belle  Ferronnière. 

»  On  y  reconnaît  cette  harmonie  suave  sans 
mollesse,  cette  pureté  sans  raideur,  cet  heu- 
reux talent  de  conserver  toutes  les  beautés  de 
la  nature  en  y  ajoutant  celles  de  la  perfection 
de  l'art. 

»  Il  n1est  aucune  galerie  qu'un  tel  tableau 
ne  pût  orner. 

»  M.  Girodet  a  exposé  aussi  le  portrait 
d'une  jeune  personne  tenant  un  bouquet  de 
violettes,  dont  la  tête  est  charmante.  Les 
autres  portraits  de  femmes  pèchent,  à  mon 
avis,  par  la  couleur,  qui  en  est  un  peu  grise 
et  morte.  » 

Gérard  envoya  à  l'Exposition  de  (1796)  le 
portrait  d'Isabey,  tenant  par  la  main  sa  jeune 
fille.  Ce  tableau  est  au  Louvre;  c'est  un  des 
portraits  remarquables  du  maître.  Presque 
toujours  les  artistes  réussissent  lorsqu'ils  font 
les  portraits  de  leurs  parents  ou  de  leurs  amis. 


•224  Histoire  du  Portrait. 

—  «  Ce  qui  frappe,  en  effet,  »  nous  dit 
M.  H.  Delaborde,  «  dès  le  premier  coup 
d'œil,  lorsqu'on  se  trouve  en  face  de  ce  beau 
portrait,  c'est  une  expression  de  vérité  sans 
excès,  mais  profondément  ressentie;  c'est 
l'accent  du  talent  épris  de  sa  tâche  et  la  pour- 
suivant jusqu'au  bout  avec  le  même  entrain. 

»  A  coup  sûr,  la  science  ne  fait  pas  ici  dé- 
faut au  sentiment  du  peintre;  on  trouverait 
difficilement,  parmi  les  œuvres  appartenant 
au  même  genre,  une  œuvre  plus  correcte  de 
tous  points;  mais  cette  réserve  est  discrète, 
elle  tend  si  peu  à  prédominer,  qu'on  l'oublie 
en  quelque  sorte,  et  que  même  certains  partis 
pris  en  vue  de  l'effet  gardent  le  caractère  de 
la  simplicité  et  de  la  vraisemblance.  » 

Guizot  écrit  en  (1810)  dans  son  Salon  : 

—  «  M.  Gérard  s'est  surpassé  lui-même  dans 
le  portrait  de  Mmu  V...;  elle  est  debout,  au 
milieu  d'un  paysage;  grâce  et  vérité,  voilà  ce 
qui  frappe  à  la  vue  de  ce  tableau  les  moins 
connaisseurs.  Le  pinceau  de  M.  Gérard  a  ré- 
pandu sur  toute  la  figure  une  douceur,  une 
souplesse  et  une  noblesse  charmantes... 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


»  Parmi  les  portraits  en  buste,  celui  de 
S.  A.  R.  le  prince  de  Ponte-Corvo,  prince  royal 
de  Suède,  et  celui  de  M.  Redouté  m'ont  paru 
les  plus  remarquables,  l'un  par  une  grande 
fermeté,  une  extrême  chaleur  de  pinceau, 
l'autre  par  une  vérité  et  une  simplicité  rares.» 

Pendant  plusieurs  années  Gérard  se  voua 
entièrement  au  portrait,  et  il  acquit  dans  ce 
genre  une  réputation  colossale. 

Il  peignit  alors  Mmc  Regnault  de  Saint-Jean 
d'Angely. 

Il  fit  les  portraits  du  général  Moreau,  — 
de  Darcet,  —  de  Poisson,  —  de  Suard,  —  de 
Canova ,  —  de  son  ami  Le  Breton ,  — 
de  Mmc  Récamier,  —  du  premier  Consul 
et  de  Joséphine,  —  de  Marie-Louise  et  du 
Roi  de  Rome,  —  de  Louis  XVIII,  —  de 
Charles  X,  —  du  comte  d'Artois. 

En  (1817),  Miel  écrit  dans  son  Salon  : 

—  «  M.  Gérard,  comme  Van  Dyck,  comme 
Titien,  est  le  peintre  des  souverains,  des 
princes,  des  personnages  illustres.  Dans  le 
portrait  de  Monsieur,  on  reconnaît  une  main 
très  habile. 

23 


22Ô  Histoire  du  Portrait. 

»  Dans  le  portrait  de  monseigneur  le  duc 
d'Orléans,  la  tète  est  ressemblante,  la  physio- 
nomie est  noble  et  caractérisée,  la  poitrine 
tourne  bien  ;  la  partie  supérieure  de  l'ajuste- 
ment est  étonnante;  vérité,  fermeté,  préci- 
sion, tout  s'y  trouve. 

»  On  pourrait  reprendre  quelque  chose 
dans  la  forme  de  la  tète  et  dans  le  modelé 
des  cuisses,  le  dessin  de  ces  parties  manque 
de  sévérité  ;  le  fond  semble  aussi  trop  brun 
par  rapport  aux  tons  éclatants  du  costume. 
La  palette  de  M.  Gérard  est  magique;  pour- 
quoi un  aussi  beau  talent  est-il  quelquefois 
frelaté  ?  » 

—  «  Après  que  David,  »  raconte  M.  H.  De- 
laborde,  «  eut  exposé  au  Salon  de  (1785)  son 
tableau  des  Horaces  et  ruiné  par  ce  brillant 
succès  toutes  les  fausses  gloires  de  l'École, 
toutes  les  routines  académiques,  Gérard,  à 
l'exemple  des  autres  artistes  de  son  âge,  quitta 
sans  marchander  une  discipline  surannée 
pour  passer  dans  le  camp  du  novateur.  L'ate^ 
lier  de  David,  comme  autrefois  à  Bologne 
celui   des  Carrache,  devint   le  port  de  salut 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


où  se  pressèrent  d'abord  les  nombreux  trans- 
fuges de  la  vieille  cause,  puis  des  disciples 
qui,  n'ayant  pas  eu  à  se  convertir,  auraient 
pu,  sans  danger  pour  leur  zèle,  se  dispenser 
d'être  intolérants. 

»  L'intolérance,  cependant,  l'injustice  même 
pour  tout  ce  qui  ne  se  rattachait  pas  directe- 
ment aux  nouvelles  doctrines,  semblait  un 
pieux  tribut  dont  nul  n'avait  le  droit  de 
s'exempter. 

»  Je  me  trompe  :  parmi  ces  disciples  un 
peu  plus  fervents  que  de  raison,  il  s'en  trou- 
vait un  qui,  sans  méconnaître  l'opportunité 
de  la  réforme,  sentait  déjà  le  besoin  d'en 
limiter  les  conséquences  et  refusait  de  pous- 
ser le  zèle  du  purisme  jusqu'au  culte  d'un 
inerte  idéal. 

»  A  ses  yeux,  la  représentation  de  la  vie 
gardait  encore  son  importance  et  sa  part  légi- 
times dans  les  œuvres  d'art.  La  peinture  après 
tout  n'avait  pas  pour  objet  unique  l'imitation 
absolue  de  l'antique;  en  un  mot,  Gérard 
croyait  à  la  possibilité  de  se  montrer  vrai  sans 
bassesse  et  correct  sans  archaïsme. 


228  Histoire  du  Portrait. 

»  Le  portrait  en  pied  d' Isabey,  peint  en 
(1795),  et  le  portrait  de  Mlle  Brongniart,  ex- 
posé au  Salon  de  cette  même  année,  furent 
les  premiers  et  éclatants  témoignages  de  l'in- 
dépendance de  ses  opinions  sur  ce  point...  » 
—  (  La  Peinture  de  Portrait  en  France,  Rev. 
des  Deux  Mondes,  oct.  i852.) 

M.  H.  Delaborde,  étudiant  le  portrait 
d'Isabey,  ajoute  : 

—  «  Isabey,  debout  et  tenant  par  la  main  sa 
fille,  enfant  de  4  à  5  ans,  s'arrête  à  l'angle 
de  deux  escaliers,  dont  l'un,  à  gauche,  va 
se  perdre  dans  le  haut  de  la  toile,  et  l'autre, 
vu  de  face,  ou  plutôt  pressenti,  grâce  aux 
lignes  précipitées  de  la  voûte  qui  le  surmonte, 
aboutit  à  une  porte  ouverte  sur  un  jardin. 

»  Ce  fond,  parfaitement  disposé  pour  lais- 
ser aux  deux  figures  l'importance  et  le  relief 
nécessaires,  n'est  pas,  ainsi  qu'il  arrive  d'or- 
dinaire dans  les  grands  portraits,  un  fond  de 
fantaisie. 

»  A  l'époque  où  Gérard  peignit  Isabey, 
celui-ci,  comme  plusieurs  autres  artistes,  avait 
un  logement  au  Louvre,  et  les  détails  d'archi- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  22  g 

tecture  reproduits  par  le  peintre  ne  sont  qu'un 
trait  de  ressemblance  de  plus  dans  cette  véri- 
dique  image.  Ne  sent-on  pas  d'ailleurs  que  le 
modèle  est  représenté  chez  lui,  et  le  choix 
même  du  costume  n'indique-t-il  pas  un  homme 
surpris  dans  les  habitudes  familières  de  sa  vie? 

»  Une  veste  flottante  en  velours  noir,  une 
culotte  de  couleur  verdàtre,  des  bottes  à  re- 
vers, et  pour  Tentant  une  robe  blanche  sans 
ornements  d'aucune  sorte,  un  bonnet  d'où 
s'échappent  des  mèches  de  cheveux  indociles, 
voilà  certes  des  éléments  d'ajustement  bien 
différents  de  la  magnificence  pittoresque  à  la- 
quelle on  était  depuis  longtemps  accoutumé. 

»  Avec  de  si  humbles  ressources,  Gérard  a 
su  pourtant  donner  aux  lignes  générales  de 
sa  composition  une  véritable  plénitude,  et 
aux  formes  de  détail  une  élégance  sans  affec- 
tation qui,  loin  de  mentir  à  la  réalité,  l'épure 
seulement  et  la  confirme.  » 

Antoine-Jean  Gros,  qui  était  un  grand 
peintre  d'histoire  et  de  batailles,  nous  a  laissé 
de  très  beaux  portraits. 

Le  plus  beau,  celui  du  général  Lasalle,  a 


Histoire  du  Portrait. 


une  grandeur  magistrale  ;  quelle  fierté,  quelle 
vigueur  ! 

—  «  Ce  portrait  de  Lasalle,  »  dit  M.  Charles 
Blanc,  «  est  un  de  ceux  qui,  même  dans  une 
simple  gravure,  heurtent  le  passant,  et  des- 
quels on  peut  dire,  comme  des  saillants  modè- 
les du  Tintoret  ou  du  Titien  :  On  ne  garde 
point  ces  portraits,  on  les  rencontre.  » 

Gros  a  fait  également  le  portrait  du  général 
Bonaparte  et  celui  de  Berthier  ;  —  ceux  encore 
du   roi  de  Westphalie;  — de  Zimmermann  ; 

—  du  général  Legrand  ;  —  de  M.  de  la  Ribois- 
sière  ;  —  du  comte  de  Montbrun  ;  —  de 
Louis  XVIII  ;  —  de  la  duchesse  d'Angoulême  ; 

—  du  comte  Chaptal  ;  —  de  Charles  X. 
Dans  la  Distribution  des  récompenses  aux 

artistes  par  Napoléon  (croquis  au  crayon), 
Gros  a  tracé  les  portraits  de  la  plupart  de  ses 
camarades,  indiqués  en  deux  coups  de  crayon. 
On  y  reconnaît  très  bien  Girodet,  —  Gérard, 

—  Guérin,  —  Cari  Vernet,  —  Cartelier,  — 
Denon,  —  David,  —  et  Gros  lui-même. 

Il  a  fait  encore  le  portrait  de  Masséna  peint 
sur  taffetas. 


Du  Portrait   dans  la  peinture.  23 1 

M.  Guizot  disait  de  Gros,  dans  son  Salon 
de(i8io): 

—  «  Si  Ton  veut  sentir  clairement  la  diffé- 
rence de  manière  qui  existe  entre  M.  Gros  et 
les  grands  artistes  de  l'Ecole  actuelle ,  qui 
sont  demeurés  plus  fidèles  aux  principes  des 
Grecs,  sur  l'importance  du  style  noble,  que 
Ton  compare  son  portrait  du  général  de  divi- 
sion comte  Legrand,  avec  celui  de  Chateau- 
briand, méditant  sur  la  ruine  de  Rome,  par 
M.  Girodet. 

»  Ce  sont  deux  superbes  portraits,  pleins 
de  fermeté,  de  vérité,  de  vie;  mais  en  regar- 
dant celui  de  M.  Girodet*  on  sent,  malgré  l'in- 
fériorité du  coloris,  que  l'artiste,  fidèle  à  la 
loi  de  Thèbes,  qui  commandait  d'embellir  en 
imitant,  a  réuni  le  sentiment  grandiose  au 
sentiment  de  la  nature ,  et  que  par  cette 
heureuse  alliance,  il  est  parvenu  à  don- 
ner à  son  ouvrage  un  caractère  historique 
que  Ton  chercherait  vainement  dans  celui  de 
M.  Gros. 

»  A  la  vérité,  la  tète  que  ce  dernier  avait  à 
peindre  y  prêtait  beaucoup  moins.  Ceci  n'est 


_'.')'_'  Histoire  du  Portrait. 

point  un  mérite  qui  n'appartienne  qu'à  ce  seul 
portrait  de  Girodet;  on  le  retrouve  dans  plu- 
sieurs autres  portraits  de  lui,  qui  sont  vrai- 
ment peints  dans  un  style  historique.  » 

—  «M.  Gros  »,  écrivait  Miel  en  (1817),  «  n'a 
point  d'excuse  pour  n'avoir  pas  fait  ressem- 
blant son  beau  portrait  en  pied  du  Roi.  —  Je 
reprocherais  encore  à  l'artiste  de  n'avoir  pas 
placé  la  figure  dans  le  milieu  de  la  toile. 
—  Mais  l'attitude  est  majestueuse  et  vraie. 
C'est  un  faire  libre,  une  touche  franche,  un 
pinceau  ferme  et  sûr,  c'est  la  manière  des 
maîtres.  » 

En  (1827)  M.  *Jal  ajoutait  dans  son 
Salon  : 

—  «  Le  portrait  du  Roi,  par  M.  le  baron  Gros, 
est-il  au-dessus  de  la  critique  ?  Croyez-vous 
que  cette  figure  sans  vie  et  sans  grâce,  que  ce 
cheval  si  roide,  que  ce  groupe  diplomatique 
si  grotesque,  que  ce  ton  général,  si  jaune  et  si 
lourd,  soient  des  qualités  recommandables? 
Vous  avez  admis  cependant  l'ouvrage  de 
M.  Gros,  mais  vous  avez  refusé  un  portrait 
de  M.  Delacroix.  » 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


M.  H.  Delaborde  porte  le  jugement  qui 
suit  sur  la  manière  et  les  œuvres  de  Gros  : 

—  «  Le  talent  de  Gros  a  plus  de  luxe  que  de 
vraie  puissance.  Si  grand  que  ce  talent  se 
montre  dans  quelques  portraits  héroïques, 
dans  ceux,  entre  autres,  de  Bonaparte  à  Ar- 
cole,  du  général  Lassalle  et  du  général  Four- 
nier-Sarlovèse,  il  n'exprime  pas  cependant, 
sans  une  sorte  d'ostentation,  le  caractère  mar- 
tial des  modèles. 

»  Ailleurs  il  lui  arrive  de  se  montrer  ou- 
vertement emphatique,  et  le  portrait  équestre 
de  Jérôme  Bonaparte,  roi  de  Westphalie,  le 
portrait  de  M.  Daru,  celui  de  Duroc,  en  cos- 
tume de  grand  maréchal  du  Palais,  sont  trai- 
tés  dans  un  goût  théâtral  qui  surcharge  et  tra- 
vestit la  vérité. 

»  Le  style  de  Gros,  nous  ne  parlons,  bien 
entendu,  que  du  peintre  de  portraits  et  non 
du  noble  peintre  de  Jaffa  et  d'Aboukir  ;  le 
style  de  Gros  a  quelque  chose  d'excessif,  de 
fastueux,  de  panaché,  pour  ainsi  dire.  En 
visant  au  grandiose,  il  ne  rencontre,  le  plus 
souvent,  que   l'exagération   et    l'enflure;   et, 

•■h 


234  Histoire  du  Portrait. 

sous  prétexte  de  donner  à  la  réalité  une  appa- 
rence épique,  il  l'affuble  d'ornements  qui  ne 
réussissent  guère  qu'à  l'épaissir.  »  (Loc.  cit., 
ut  suprà.) 

Nous  possédons  quelques  portraits  de  Pierre 
Guérin,  entre  autres  ceux  des  chefs  vendéens 
Henri  et  Louis  de  la  Rochejacquelein, — Tal- 
mont.  Le  peintre  les  a  représentés  en  pleine 
action,  cravate  au  vent,  chapeau  de  travers, 
cheveux  en  désordre. 

—  «  Guérin,  »  dit  M.  Henri  Delaborde,  «  dont 
le  talent  d'ailleurs  n'avait  rien  de  cette  naï- 
veté nécessaire,  dans  une  certaine  mesure,  à 
tout  peintre  de  portraits,  Guérin  ne  s'essaya, 
dans  le  genre  que  traitait  Gérard,  qu'à  la  con- 
dition de  déguiser  la  réalité  contemporaine 
sous  des  formes  empruntées  à  l'antique,  té- 
moin certain  portrait  d'une  dame  en  costume 
campanien  et  celui  d'Henri  de  la  Rocheja- 
quelein,  véritable  statue  d'Apollon  ou  d'An- 
tinous enserrée,  tant  bien  que  mal,  dans  les 
habits  d'un  Vendéen.  » 

M.  Jal  écrivait  dans  son  Salon  de  (1827)  ; 

—  «  M.  Paulin  Guérin  nous  a  donné  un  ex- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  235 

cellent  portrait  de  M.  l'abbé  de  La  Mennais  ; 
l'éloquent  écrivain  est  représenté  composant 
une  page  de  l'Essai  sur  l'indifférence. 

»  L'ouvrage  de  M.  Paulin  Guérin  est  très 
remarquable  par  son  coloris,  sa  touche  fine  et 
ferme  et  la  vérité  du  sujet  représenté.  Repro- 
chons au  peintre  un  détail  qui  nuit  à  l'effet 
naïf  d'un  portrait  d'ailleurs  si  bon  :  pourquoi 
avoir  affublé  du  petit  manteau  M.  de  La  Men- 
nais? pourquoi  lui  avoir  mis  la  plume  à  la 
main?  » 

Carie  Vernet,  le  père,  fit  peu  de  portraits, 
mais  il  n'en  fut  pas  de  même  d'Horace  Vernet. 
Nous  en  possédons  un  grand  nombre  de  cet 
artiste  et  des  plus  beaux.  Lorsque  Carie  lit  le 
portrait  du  duc  de  Berry,  en  (1814),  il  y  eut 
grand  tapage  autour  de  cette  toile,  et  son  fils 
lui-même,  ardent  bonapartiste,  n'en  fut  que 
médiocrement  satisfait. 

Cela  n'empêche  pas  qu'Horace  Vernet,  très 
bien  en  cour  sous  tous  les  régimes,  a  exé- 
cuté les  portraits  du  duc  d'Orléans;  —  du 
duc  d'Angoulême;  —  du  roi  Louis-Philippe; 
—  de  Cavaignac;  —  et  du  prince  Louis-Na- 


■j36  Histoire  du  Portrait. 

poléon  Bonaparte ,  président  de  la  Répu- 
blique. 

MM.  Dupin,  —  Madier  de  Montjau ,  se 
firent  peindre  par  lui,  ainsi  que  MM.  Gabriel 
Delessert,  — Fould,  —  le  duc  Pasquier,  —  et 
le  frère  Philippe. 

Le  portrait  du  frère  Philippe  eut  un  im- 
mense succès  à  l'Exposition  universelle  de 
(i 855) ;  malheureusement  ce  portrait  ne  sup- 
porte pas  une  analyse  sérieuse  :  il  manque 
d'étude,  l'esprit  y  manque  aussi,  la  matière 
seule  est  bien  rendue,  dans  les  mains  et  dans 
la  tête. 

Rien  de  plus  varié  que  les  appréciations  des 
œuvres  d'Horace  Vernet  par  les  critiques  de 
Salon. 

En  (1822),  MM.  Jouy  et  Jay  écrivent  dans 
leur  Salon  : 

—  «  Portrait  de  M.  Dupin,  avocat. 

»  C'est  dans  la  cause  de  l'infortuné  maré- 
chal Ney  qu'Horace  Vernet  a  voulu  peindre 
son  illustre  défenseur,  au  moment  où  il  dit 
au  procureur  général,  qui  pressait  le  juge- 
ment :    «  Accusateur,  vous  voulez  placer  sa 


Du  Portrait  dans  la  peinture. 


»  tète  sous  la  foudre,  et  nous,  défenseur, 
»  nous  voulons  montrer  comment  Forage  s'est 
»  formé.  » 

»  Non  seulement  ce  portrait  est  d'une  res- 
semblance parfaite,  mais  le  peintre  a  su  fixer 
sur  la  toile  un  de  ces  moments  fugitifs,  insai- 
sissables, où  l'œuvre,  livrée  à  une  forte  émo- 
tion, semble  emprunter  des  traits  physiques 
pour  se  produire  et  devient  en  quelque  sorte 
palpable. 

»  Le  talent  de  l'artiste  n'a  pas  de  plus  noble 
emploi  que  celui  de  conserver  les  traits  des 
hommes  vertueux,  et  qui  ont  donné  à  leurs 
concitoyens  de  mémorables  exemples  de  pa- 
triotisme. 

»  Il  est  difficile  de  reconnaître  le  général 
Drouot  sous  l'habit  modeste  qui  le  couvre, 
mais  dans  les  traits  de  cette  physionomie 
calme  et  sévère,  dans  ce  regard  pensif,  dans 
cette  pose  ferme  et  modeste,  on  retrouve  le 
sage  d'Horace ,  le  philosophe  inébranlable 
aux  coups  de  la  fortune,  l'homme  qui  place 
la  vertu  au-dessus  de  la  gloire  et  la  patrie 
au-dessus  de  tout. 


238  Histoire  du  Portrait. 

»  Le  môme  talent  d'exécution  nous  force  à 
répéter  le  même  éloge.  Ce  portrait  est  comme 
ceux  deDupin —  et  de  Madier  deMontjau,  il 
atteste  un  pinceau  tout  à  la  fois  rapide  et 
scrupuleux,  qui  rencontre  toujours  l'effet  sans 
le  chercher  hors  de  la  nature  et  de  la  vérité. 

»  Portrait  du  duc  d'Orléans.  On  m'apprend 
que  ce  portrait  est  celui  d'un  prince,  je  m'en 
étonne  et  je  m'en  félicite;  cette  extrême  faci- 
lité, dans  un  rang  si  élevé,  est  le  gage  des 
qualités  réelles  et  solides,  tandis  que  le  vul- 
gaire des  altesses  cherche  l'éclat  et  la  consi- 
dération dans  le  luxe  frivole  d'une  pompe 
extérieure. 

»  Pour  la  vérité  de  la  couleur,  le  naturel 
et  la  ressemblance,  ce  portrait  est  un  des  plus 
jolis  morceaux  qui  soient  sortis  du  pinceau  de 
M.  Vernet,  si  fertile  en  compositions  de  cette 
espèce. 

»  Moins  fini,  plus  large  de  touche  que  le 
portrait  si  remarquable  de  S.  A.  le  duc  d'Or- 
léans, le  portrait  de  M.  Gabriel  Delessert  en 
pied  attire  l'attention  du  public  par  un  air 
de  vie,  par  une  couleur  vraie,  et  une  ressem- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  -j3q 

hlance  parfaite  :  l'empâté  du  travail  et  la  so- 
lidité des  tons  méritent  tous  les  éloges  des 
connaisseurs.  L'artiste,  qui  trouve  toujours 
des  ressources  ingénieuses,  a  fait  ressortir  le 
vêtement  brun  du  chasseur  sur  un  nuage  de 
fumée  et  de  poudre.  » 

En  ( 1 833),  dans  le  Salon  de  G.  Laviron  et 
B.  Galbout,  on  trouve  sur  H.  Vernet  les  lignes 
suivantes  : 

—  «  M.  Vernet,  un  instant  fourvoyé  dans  ses 
tableaux  d'histoire,  et  son  portrait  du  Roi,  si 
lourd,  si  massif,  si  mal  compris,  est  revenu, 
dans  celui  du  maréchal  Molitor,  aux  pures 
traditions  de  ses  soldats  de  Franconi,  de  ses 
généraux  de  mélodrame.  M.  Vernet,  comme 
beaucoup  d'autres  artistes,  ne  sait  voir  la  pas- 
sion et  le  mouvement  que  dans  les  contor- 
sions et  les  grimaces  ;  aussi  son  général  n'est 
qu'un  pantin  qui  se  démène  pour  faire  du 
bruit.  Le  portrait  du  Roi  par  M.  Horace  Vernet 
participe  du  malheur  qui  semble  s'attacher  au 
peintre,  qui  a  quitté  les  fanfares  de  son  atelier 
de  Paris,  pour  aller  entendre  les  soprani  de  la 
chapelle  Sixtine.  » 


_'-/o  Histoire  du  Portrait. 

En  (1845),  Thoré  juge  ainsi  les  portraits 
de  M.  Mole  et  du  frère  Philippe,  dans  son 
Salon  : 

«  Les  deux  portraits  les  plus  fermement 
peints  du  Salon  sont  :  les  portraits  de 
M.  Mole  et  d'un  frère  ignorantin,  par  M.  Ho- 
race Vernet. 

»  77  faut  au  portraitiste  deux  qualités  bien 
rares:  une  sorte  de  pénétration  philosophique, 
qui  interprète  l'aspect  extérieur  du  visage,  et 
la  science  du  peintre  qui  en  exprime  sur  la  toile 
les  justes  accents.  » 

A  son  tour,  M.  Galimard  écrit  dans  le  Salon 
de  (1849)  : 

—  «  M.  Horace  Vernet  a  fait  tout  simplement 
un  bon  portrait,  une  tète  seulement,  il  est  vrai, 
mais  une  tète  qui  vit  et  qui  pense  ;  et  c'est 
aussi  cette  ressemblance  qui  plaît  le  plus  à  la 
foule.  » 

L'Exposition  de  (i855)  donna  lieu  à  de  nou- 
velles appréciations  des  œuvres  d'Horace 
Vernet. 

M.  Eugène  Loudun  écrit  : 

—  «  Je  suis  prêt  à  reconnaître  le  mérite  d'un 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  24.1 

portrait  aussi  vrai,  aussi  exact  que  celui  du 
frère  Philippe,  par  M.  H.  Vernet  ;  mais  ne 
comprenez-vous  pas  que,  si  le  peintre  de  ta- 
lent s'est  attaché  à  rendre  les  détails  prosaï- 
ques des  accessoires,  les  fissures  et  les  trous 
du  mur,  le  buis  bénit,  la  boue  des  souliers, 
d'autres  hommes  viendront  après  lui  qui 
porteront  dans  la  figure  cette  exactitude  que 
le  maître  a  mise  dans  les  détails,  qui  maté- 
rialiseront le  personnage  même ,  comme 
M.  Courbet  (Portrait  de  Dame),  et  préten- 
dront, en  le  montrant  dans  sa  hideuse  réalité, 
avoir  atteint  le  dernier  but  de  l'art  ? 

»  Bien  plus,  il  en  viendra  d'autres,  comme 
M.  Couture,  qui  n'auront  pas  d'autre  souci 
que  de  montrer  l'habileté  de  leur  main,  la 
prestesse  de  leur  pinceau. 

»  La  figure  d'un  homme  ne  sera  pour  eux 
qu'un  prétexte  pour  étaler  adroitement  les 
couleurs  éclatantes,  par  un  procédé  nouveau, 
en  plaques  rouges,  vertes,  marbrées.  » 

Delescluze  ajoute  dans  son  Salon  : 

«  Le  frère  Philippe,  général  des  frères  de 
la   doctrine  chrétienne,   peint  en  pied  et  de 


242  Histoire  du  Portrait. 

grandeur  naturelle,  est  un  ouvrage  fort  ori- 
ginal de  M.  Horace  Vernet,  et  qui  ne  manque 
pas  de  style,  quoi  qu'on  en  puisse  dire.  » 

Enfin  M.  Edmond  About,  toujours  spiri- 
tuel, sait  trouver  une  malice  nouvelle,  à  pro- 
pos de  détails  qui  ne  rentrent  pas  précisément 
dans  le  domaine  de  l'esthétique. 

—  «  Le  portrait  du  frère  Philippe  ferait  une 
pauvre  figure  auprès  du  portrait  de  M.  Ber- 
tin  :  c'est  pourtant  un  joli  portrait  et  qui  a 
fait  fureur  il  y  a  quelques  années.  Le  style,  qui 
manque  absolument,  a  été  remplacé  par  une 
chaussure  caractéristique  et  une  célèbre  lé- 
zarde dans  la  muraille.  Le  public  comprend 
mieux  ces  signes  extérieurs,  que  les  lèvres 
minces  et  les  terribles  épaules  de  M.  Bertin  ; 
et  cependant...  mais  passons.  » 

Ne  laissons  pas  échapper  l'occasion  de  sa- 
luer le  nom  du  chef  de  notre  École  moderne. 
Nous  devons  à  Géricault  la  transformation  de 
notre  peinture.  Honneur  à  lui! 

La  plus  grande  part  lui  revient  dans  la 
gloire  de  notre  peinture  actuelle.  Géricault  a 
exercé  une  influence  toute-puissante  sur  notre 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  -248 

art,  sur  la  peinture  et  sur  la  sculpture.  Salut 
au  grand  maître  ! 

La  mort,  venue  trop  tôt,  n'a  pas  permis  à 
Géricault  de  laisser  beaucoup  de  portraits. 
Nous  ne  parlerons  que  de  celui  qu'il  exposa 
en  (1812)  sous  le  titre  de  Portrait  équestre  de 
M.  D....  (Dieudonné,  lieutenant  aux  Guides 
de  l'Empereur.) 

Ce  portrait  fut  peint  en  douze  jours  et  eut 
un  grand  retentissement  :  admirateurs  pas- 
sionnés, contradicteurs  ignorants  et  jaloux, 
tous  s'occupèrent  de  cette  toile. 

En  la  voyant ,  David  s'écria  :  «  D'où 
cela  sort  -  il  ?  je  ne  reconnais  pas  cette 
touche.  » 

Géricault  n'avait  que  vingt  ans  ;  il  eut  une 
médaille  d'or. 

Ary  Scheffer  n'a  fait  de  portraits  que  pour 
ses  parents  et  ses  amis.  Nous  en  connaissons 
un,  celui  de  M.  Henri  Martin,  notre  sympa- 
thique et  éminent  historien.  Ce  portrait  ne 
ressemble  en  aucune  façon  à  la  peinture  ordi- 
naire du  maître,  il  paraît  sortir  de  l'école  de 
Géricault  :  peinture  ferme  et  empâtée,  d'une 


244  Histoire  du  Portrait. 

harmonie  douce  et  calme,  d'un  beau  dessin 
mouvementé. 

Voici  du  reste  l'appréciation  que  fait  des 
portraits  d'Ary  Scheffer  M.  Charles  Blanc  : 

—  «  Mis  en  présence  de  la  nature,  unique- 
ment pour  la  voir,  la  modeler,  la  rendre,  il 
était  insuffisant,  et  la  vérité  de  l'imitation  lui 
manquait  aussi  bien  que  l'énergie  ;  mais  dès 
que  les  sentiments  de  la  passion  s'en  mêlaient, 
l'effigie  pouvait  devenir,  non  pas  belle,  mais 
sublime  par  l'évocation  de  l'âme,  de  même 
qu'elle  était  lourde  et  sans  vie,  s'il  s'agissait 
d'un  personnage  qui  posait  simplement  en 
modèle.  » 

Ary  Scheffer  a  fait  les  portraits  de  :  M.  Vic- 
tor de  Tracy  :  —  du  général  Lafayette  ;  — 
de  Mme  de  Rothschild  ;  —  de  Mme  Guizot  ;  — 
de  Mlle  de  Fauveau,  en  costume  d'amazone  ; 

—  de  Dupont  de  l'Eure  ;  —  du  prince  de  Tal- 
leyrand  ;  —  d'Alexandre  De  Laborde  ;  —  de 
M.  Odilon  Barrot  ;  —  du  général  Ney  ;  —  de 
Frantz  Litz  ;  —  de  Mme  Hervé  ;  —  de  Rossini  ; 

—  de  Lamennais,  etc. 

Tout  en  reconnaissant  les  grandes  qualités 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  245 


d'Ary  Schetfer,  les  saloniers  l'ont  jugé  diver- 
sement. 

—  «  Les  portraits  de  MM.  de  Talleyrand  ,  — 
Dupont  de  l'Eure,  —  DeLaborde, — et  David, 
par  M.  Scheffer,  sont  très  ressemblants,  mais 
ils  sont  traités  un  peu  trop  en  esquisse,  »  écrit 
M.  Jalen(i83i). 

—  «  M.  Ary  Scheffer,  da  portrait  de 
M.  Armand  Carrel ,  n'a  pas  fait  un  bon 
ouvrage;  toutefois,  il  lui  a  donné  une  bonne 
pose,  on  ne  se  plaindra  pas  qu'elle  soit  inso- 
lente comme  celle  d'un  des  portraits  de 
M.  Ingres,  mais  au  lieu  d'être  pensive,  la  tète 
n'est  que  froide,  »  ajoutent  MM.  G.  Laviron 
et  B.  Galbout  en  (i833). 

En  (i838),  M.  G.  Planche  écrit  : 

—  «  Le  portrait  de  M.  de  Belleyme  par  Schef- 
fer est  loin,  à  notre  avis,  de  valoir  le  portrait 
de  M.  Arago.  J'ai  entendu  vanter  la  ressem- 
blance, et  je  ne  puis,  ni  la  nier,  ni  l'affirmer; 
mais  au-dessus  de  cette  question,  qui  n'inté- 
resse que  la  famille  et  les  amis  du  modèle,  il 
y  a  une  question  plus  haute,  celle  de  la  pein- 
ture ;  or  les  plans  de  la  tête  sont  très  confu- 


246  Histoire  du  Portrait. 

sèment  indiqués,  et  les  yeux  sont  recouverts 
d'une  couche  savonneuse  que  rien  ne  justi- 
fie. » 

M.  Galimard  juge  ainsi  le  portrait  de 
M.  Louis  Blanc,  en  (1849)  : 

—  «  M.  Ary  Scheffer  a  idéalisé  M.  Louis 
Blanc. 

»  Ce  portrait,  qui  n'est  point  fait  avec  science, 
comme  celui  que  nous  venons  de  décrire, 
n'est  cependant  point  dépourvu  d'un  certain 
charme  de  pinceau.  » 

Le  peintre  qui  a  le  plus  popularisé  notre 
histoire  et  les  portraits  de  nos  hommes  illus- 
tres, est  bien  certainement  Paul  Delaroche. 

Ne  voyons-nous  pas,  dans  son  tableau  de 
l'Hémicycle ,  tous  les  peintres  et  les  sculp- 
teurs? 

Nous  ne  discuterons  pas  ici,  comme  le  dit 
M.  Vitet,  «  si  l'artiste  a  eu  raison  de  mêler  la 
réalité  à  l'arbitraire.  Ces  deux  styles,  par  leur 
voisinage  immédiat,  s'exagèrent  l'un  l'autre  ; 
le  naturel  de  l'un  descend  jusqu'à  la  familia- 
rité; l'idéal  de  l'autre  prend  un  aspect  de 
roideur.  » 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  2^7 

Nous  nous  contenterons  de  ne  voir,  dans 
cette  toile,  qu'une  véritable  galerie  de  por- 
traits ,  et ,  comme  on  n'emprunte  qu'aux 
riches,  ici  encore  nous  demanderons  à  notre 
grand  historien  et  éminent  critique  d'art , 
M.  Charles  Blanc,  la  permission  de  citer  son 
jugement  sur  ce  maître  : 

—  et  Les  portraits  de  Delaroche  suffiraient 
seuls  à  établir  ses  titres  à  la  maîtrise,  car  tous 
ceux  qui  ont  étudié  la  peinture  savent  que  rien 
n'est  plus  difficile  qu'un  portrait,  et  que  c'est 
la  pierre  de  touche  des  artistes  supérieurs. 

»  Une  fois  en  présence  de  ses  modèles,  Paul 
Delaroche  devine  leurs  pensées,  il  pénètre  au 
fin  fond  de  leur  esprit,  il  saisit  le  trait  qui  doit 
fixer  leur  ressemblance  morale,  bien  supé- 
rieure à  celle  qui  étonne  les  enfants  et  fait  crier 
d'aise  les  serviteurs  de  la  maison.  Et  pour  que 
rien  ne  manque  à  l'expression,  l'artiste  se  croit 
tenu  de  varier  le  mode  de  sa  peinture  suivant 
le  personnage  qu'il  va  représenter. . . .  Toujours 
son  personnage  est  tout  d'une  pièce  :  il  est 
peint  comme  il  est  conçu  ;  il  est  un. 

»  Ce  sont,  en  effet,  de  vrais  types  humains 


i'_/A'  Histoire  du  Portrait. 

que  les  portraits  de  MM.  Guizot,  de  Salvandy, 
de  Rémusat,  François  Delessert,  Emile  Pe- 
reire,  le  prince  Czartoryski. 

»  M.  François  Delessert,  avec  son  habit 
boutonné  jusqu'au  menton,  ses  mains  fer- 
mées, ses  cheveux  aplatis  sur  la  tempe,  son 
visage  émacié  et  son  corps  roide,  n'est-il  pas 
une  étonnante  personnification  de  cette  haute 
et  hautaine  bourgeoisie,  vouée  au  protestan- 
tisme politique,  jalouse  de  ses  privilèges,  fière 
de  sa  fortune,  et  qui  veut  impérieusement  la 
tolérance  et  despotiquement  la  liberté?  M.  De- 
laroche  est  allé,  il  faut  en  convenir,  aussi  loin 
que  possible  dans  le  rendu  de  ce  portrait.  » 

Parmi  les  plus  célèbres  portraits  du  maître, 
nous  citerons  :  le  portrait  de  M.  Thiers;  — 
ceux  de  Pourtalès  ;  —  de  Henriquel  Du- 
pont ;  —  du  général  Bertrand  ;  —  du  pape 
Grégoire  XVI;  —  de  M.  de  Salvandy;  —  de 
M.  Emile  Pereire. 

Ingres  a  fait  d'incomparables  portraits; 
ceux  de  son  père,  de  MM.  Mole  et  Bertin, 
suffiraient  à  la  gloire  du  célèbre  artiste.  Quels 
contours,  quelle  finesse  d'expression  ! 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  240 

On  y  trouve  toute  la  poésie  de  Raphaël,  le 
travail  serré  de  Léonard  de  Vinci  et  l'étude 
consciencieuse  d'Holbein.  Dans  l'art  grec  seul, 
nous  trouvons  un  semblable  modelé  dans  la 
forme. 

Voici  les  principaux  portraits  d'Ingres  : 
M.  Grault,  peintre; —  M.  Bochet;  —  M.  et 
Mmo  Panckoucke;  —  M.  et  Mmc  de  Tour- 
non;  —  Mmc  Ingres;  —  comte  Pastoret;  — 
le  sculpteur  Bartholoni;  —  Bertin  aîné;  — 
duc  d'Orléans;  —  vicomtesse  d'Haussonville; 
—  baronne  de  Rothschild;  —  M.  de  Moites- 
sier,  etc. 

En  (1806)  Ingres  avait  exposé  le  portrait  de 
l'Empereur. 

11  donna  lieu  à  la  critique  suivante  : 

—  «.  Comment  avec  autant  de  talent,  avec 
un  dessin  aussi  correct,  une  exactitude  aussi 
parfaite,  M.  Ingres  est-il  parvenu  à  faire  un 
mauvais  tableau  ?  c'est  qu'il  a  voulu  faire  du 
singulier,  de  l'extraordinaire. 

»  Quoique  M.  Ingres  ait  affecté  la  couleur 
blanche  dans  son  tableau,  il  n'en  est  pas  plus 
harmonieux  ;  ce  passage  rapide  d'une  teinte  à 


2  5o  Histoire  du  Portrait. 

une  teinte  opposée,  ces  tons  brisés  et  durs  fa- 
tiguent l'œil  et  détruisent  l'effet. 

»  Le  portrait  de  Mm0  Rivière  paraît  mieux 
ajusté,  mieux  posé  que  les  autres;  mais  cette 
pose,  cet  ajustement,  ne  convient  pas  à  une 
dame  que  nous  savons  être  un  modèle  de 
grâce  et  de  décence.  La  tête  et  les  mains, 
quoique  peintes  avec  soin  et  bien  fondues, 
sont  pâles  et  toujours  d'une  manière  sèche 
et  plate;  le  bras  droit  est  trop  long,  la  main 
mal  dessinée;  la  finesse  du  nez  a  disparu,  les 
cheveux  sont  lourds  ;  les  accessoires  sont  très 
finis,  le  schal,  surtout,  trop  chiffonné  et  pas 
assez  large  de  plis,  est  rendu  avec  une  vérité 
à  faire  illusion.  »  (Salon  de  1806,  Pausanias 
Français.) 

Plus  tard,  en  (i833),  M.  G.  Planche  écri- 
vait dans  son  Salon  : 

—  «  Tous  ceux  qui  ont  vu  le  portrait  de 
M.  Bertin  l'aîné,  par  M.  Ingres,  et  nous 
sommes  de  ce  nombre ,  regrettent  que  l'il- 
lustre auteur  de  l'Apothéose  d'Homère  ait 
fait ,  dans  ce  genre,  de  si  rares  essais.  Ce 
chef-d'œuvre  de  conscience  et  de  vérité  sera 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  25 1 

pour  nous  la  seule  occasion,  peut-être,  d'ap- 
peler sur  un  talent  chaste  et  recueilli  la  popu- 
larité qui  lui  a  manqué  jusqu'ici.  » 

M.  Edmond  About  donne  cette  longue 
appréciation  du  talent  de  M.  Ingres,  en 
(i855): 

—  «  Le  plus  beau  portrait,  après  celui  de 
M.  Ingres,  est  celui  de  M.  Bertin.  Ce  gros 
homme  assis  sur  un  fauteuil,  comme  sur  un 
trône»  (c'était  le  trône  du  Journal  des  Débats), 
«  s'appuie  sur  ses  genoux  dans  une  attitude 
pleine  de  fermeté,  de  fierté  et  d'indépendance. 
La  tête,  modelée  de  main  de  maître,  rappelle 
le  marbre  antique  de  Vitellius;  les  mains  sont 
puissantes,  les  épaules  impérieuses.  Voilà  une 
œuvre  de  style,  si  jamais  il  en  fut;  la  figure 
entière  est  d'un  relief  surprenant  :  on  en  fe- 
rait le  tour,  ce  serait  un  voyage. 

»  Le  portrait  de  M.  Ingres  père  résume 
toute  une  époque,  la  Révolution. 

»  M.  le  marquis  de  Pastoret  et  M.  le  comte 
Mole  représentent  bien  des.  choses  :  l'aristo- 
cratie qui  s'en  va  et  le  régime  parlementaire 
qui  s'en  est  allé. 


2 5 2  Histoire  du  Portrait. 

»  Parmi  les  portraits  de  femmes,  le  plus 
admirable  a  été  peint  à  Rome  en  1807,  c'est 
le  portrait  de  Mm0  D...;  jamais  M.  Ingres  n'a 
rien  dessiné  d'aussi  pur;  jamais,  surtout,  il  n'a 
rendu  aussi  bien  cette  flamme  intérieure  qui 
s'appelle  la   vie. 

»  Tout  le  soleil  de  l'Italie  s'épanche 
complaisamment  sur  la  peau  satinée  de 
Mme  D...,  ses  grands  yeux  noirs  brillent 
comme  des  diamants  d'Alençon,  et  ses  lèvres 
rouges  exercent  une  fascination  étrange  ;  cette 
petite  bouche  a  comme  un  regard  ;  le  sein, 
enfermé  dans  un  de  ces  affreux  corsages  de 
l'Empire,  se  débat  énergiquement  contre  sa 
prison.  Il  crie,  comme  le  sansonnet  de  Sterne  : 
«  /  cannot  go  out  !  » 

»  Malheureusement  M.  Ingres  a  perdu  le 
secret  de  la  couleur,  et  ses  portraits  de  (i85o) 
sont  moins  éblouissants  que  ceux  de  (1804)  et 
de  (1807).  )} 

Th.  Gautier  écrit  sur  Ingres,  en  (1 855)  : 

—  «  Le  portrait,  élevé  jusqu'à  l'art,  est  une 
des  tâches  les  plus  difficiles  qu'un  peintre 
puisse  se  proposer.  Les  grands  maîtres  seuls, 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  253 


Léonard  de  Vinci,  Titien,  Raphaël,  Vélas- 
quez,  Holbein,  Van  Dyck,  y  ont  réussi. 

»  M.  Ingres  a  le  droit  de  se  mêler  à  cette 
illustre  phalange,  personne  n'a  fait  le  portrait 
mieux  que  lui.  A  la  ressemblance  extérieure 
du  modèle,  il  joint  la  ressemblance  interne, 
il  fait,  sous  le  portrait  physique,  le  portrait 
moral. 

»  N'est-ce  pas  la  révélation  de  toute  une 
époque  ,  que  cette  magnifique  pose  de 
M.  Bertin ,  appuyant,  comme  un  César 
bourgeois,  ses  belles  et  fortes  mains  sur 
ses  genoux  puissants,  avec  l'autorité  de 
l'intelligence,  de  la  richesse  et  de  la  juste  con- 
fiance en  soi? 

»  Quelle  tête  bien  organisée  !  Quel  regard 
lucide  et  mâle  !  Quelle  aménité  sereine,  autour 
de  cette  bouche  fine,  sans  astuce!  —  Rem- 
placez la  redingote  par  un  pli  de  poupre,  ce 
sera  un  empereur  romain  ou  un  cardinal. 

»  Tel  qu'il  est,  c'est  l'honnête  homme  sous 
Louis-Philippe;  et  les  six  tomes  du  docteur 
Véron  n'en  racontent  pas  davantage  sur  cette 
époque  disparue.  » 


254  Histoire  du  Portrait. 

A  son  tour  Delescluze  juge  Ingres  d'une 
manière  fort  élevée  : 

—  «  Le  sentiment  de  la  forme  est  la  faculté 
pittoresque  la  plus  puissante  chez  M.  Ingres, 
et  elle  éclate  d'une  manière  tout  à  fait  remar- 
quable dans  l'un  de  ses  premiers  ouvrages, 
son   portrait. 

»  Avec  cette  toile  un  sculpteur  modè- 
lerait une  tête  comme  s'il  avait  le  mo- 
dèle vivant  à  sa  disposition;  et  les  formes, 
celles  mêmes  que  modifie  l'expression  des 
traits  du  visage  et  des  mouvements  des  pau- 
pières et  des  lèvres,  sont  si  fortement  expri- 
mées, que  l'on  retrouve,  dans  les  traits 
de  cet  artiste,  cette  volonté  de  fer  qui  ne 
l'a  pas  laissé  dévier  d'une  ligne  de  la  voie 
âpre  et  difficile  où  il  s'est  engagé  dès  son 
adolescence. 

»  Le  portrait  de  M.  Bertin  aîné,  peint 
en  (i832),est,  en  ce  genre, l'œuvre  capitale  de 
M.  Ingres;  dans  ses  précédents  on  pourrait 
trouver  encore  un  peu  de  dureté  dans  les 
contours  et  une  simplification  trop  grande 
des  demi-teintes;  mais  dans  celui  de  M.  Ber- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  255 

tin,  l'art  du  dessin  et  du  modelé  est  com- 
plet, et  toujours  en  raison  de  cette  inter- 
prétation fine  et  si  savante  de  la  forme.  La 
vie  rayonne  sur  cette  noble  figure  tout  à  la 
fois  d'intelligence  et  d'une  ineffable  bonté  ;  ce 
portrait  est  un  chef-d'œuvre.  » 

En  (1857),  Beaudelaire  trouve  moyen,  à 
propos  d'Ingres,  de  nous  donner  toute  une 
théorie  sur  l'art  : 

—  «  J'ai  dit  que  chaque  époque  avait 
son  port,  son  regard  et  son  geste.  C'est 
surtout  dans  une  vaste  galerie  de  portraits 
(celle  de  Versailles,  par  exemple),  que  cette 
proposition  devient  facile  à  vérifier.  Mais 
elle  peut  s'étendre  plus  loin  encore  ;  dans 
l'unité  qui  s'appelle  nation ,  les  profes- 
sions, les  castes,  les  siècles,  introduisent  la 
variété,  non  seulement  dans  le  geste  et  les 
manières,  mais  aussi  dans  la  forme  positive 
du  visage. 

»  Tel  nez,  telle  bouche,  tel  front,  remplis- 
sent l'intervalle  d'une  durée  que  je  ne  pré- 
tends pas  déterminer  ici,  mais  qui,  certaine- 
ment, peut  être  soumise  à  un  calcul. 


256  Histoire  du  Portrait. 

»  De  telles  considérations  ne  sont  pas  fami- 
lières aux  portraitistes,  et  le  grand  défaut  de 
M.  Ingres,  en  particulier,  est  de  vouloir  im- 
poser à  chaque  type  qui  pose  sous  son 
ciel  un  perfectionnement  plus  ou  moins  des- 
potique, emprunté  au  répertoire  des  idées 
classiques.... 

»  Si  un  peintre  patient  et  minutieux,  mais 
d'une  imagination  médiocre,  ayant  à  peindre 
une  courtisane  du  temps  présent,  s'inspire 
(c'est  le  mot  consacré)  d'une  courtisane  de 
Titien  et  de  Raphaël,  il  est  infiniment  pro- 
bable qu'il  fera  une  œuvre  fausse,  ambiguë  et 
obscure. 

»  L'étude  d'un  chef-d'œuvre  de  ce  temps 
et  de  ce  genre  ne  lui  enseignera  ni  l'attitude, 
ni  le  regard,  ni  la  grimace,  ni  l'aspect  vital 
d'une  de  ces  créatures  que  le  dictionnaire 
de  la  mode  a  successivement  classées  sous  les 
titres  grossiers  ou  badins  d'impures,  de  filles 
entretenues,  de  lorettes  et  de  biches. 

»  La  même  critique  s'applique  rigoureuse- 
ment à  l'étude  du  militaire,  du  dandy,  de 
l'animal,  même  du  chien  ou  du  cheval,  et  de 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  25 y 

tout  ce  qui  compose  la  vie  extérieure  d'un 
siècle.  Malheur  à  celui  qui  étudie  dans 
l'antique  autre  chose  que  Fart  pur,  la  logique 
et  la  méthode  générale.  » 

Terminons  enfin  cette  longue  étude  sur  le 
célèbre  portraitiste  par  les  lignes  suivantes, 
empruntées  à  M.  H.  Delaborde,  dans  son 
étude  sur  Gérard,  en  (i852)  : 

—  «  Quelques  morceaux  de  la  main  de 
M.  Ingres,  et  par  conséquent  exécutés  avec 
une  puissance  magistrale;  mais,  si  beaux 
que  soient  les  portraits  de  M.  Bertin,  de 
Mmc  de  Rothschild  et  plusieurs  autres 
ouvrages  du  même  peintre,  les  conditions 
ordinaires  du  genre  y  semblent  quelquefois 
dépassées. 

»  L'intraitable  autorité  du  sentiment  et  du 
style  ressort  si  bien  de  ces  œuvres,  toutes 
personnelles,  qu'on  se  désintéresse  du  ca- 
ractère propre  aux  modèles ,  pour  tenir 
compte  à  peu  près  uniquement  des  volontés 
de  l'interprète. 

»  En  un  mot,  le  sévère  pinceau  de  M.  Ingres 

ne  saurait  condescendre  à  cette  sorte  de  bon- 

27 


258  Histoire  du  Portrait. 

homie,   à    l'expression    de    familiarité    que 
comporte  la  peinture  du  portrait. 

»  Le  fait  contemporain  n'est  pour  lui 
qu'un  prétexte  sur  lequel  il  disserte  avec  une 
éloquence  souvent  admirable;  ce  n'est  pas, 
comme  pour  le  pinceau  de  Gérard,  un  exem- 
ple qu'il  importe  d'accepter,  non  sans  choix, 
mais  avec  soumission.  » 

—  «  Je  ne  crois  pas  m'y  tromper,  »  écrivait 
M.Thiers  dans  son  Salon  de  (1822),  «  M.  Dela- 
croix a  reçu  le  génie  :  qu'il  avance  avec  assu- 
rance, qu'il  se  livre  aux  immenses  travaux, 
condition  indispensable  du  talent,  et  ce  qui 
doit  lui  donner  plus  de  confiance  encore,  c'est 
que  l'opinion  que  j'exprime  ici,  sur  son 
compte,  est  celle  d'un  des  grands  maîtres  de 
l'école.  » 

Le  maître  de  l'école  était  le  baron  Pierre 
Guérin. 

L'illustre  critique  ajoutait  encore  : 

—  «  Aucun  tableau  ne  révèle  mieux  à  mon 
avis  l'avenir  d'un  grand  peintre  que  celui  de 
M.  Delacroix,  le  Dante  et  Virgile  aux  Enfers; 
c'est  là  surtout  qu'on  peut  remarquer  ce  jet  de 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  25g 

talent,  cet  élan  de  la  supériorité  naissante 
qui  ranime  les  espérances  un  peu  découragées 
par  le  mérite  trop  modéré  de  tout  le  reste., 

»  L'auteur  a,  outre  cette  imagination  poé- 
tique qui  est  commune  au  peintre  comme  à 
l'écrivain,  cette  imagination  de  l'art  qu'on 
pourrait,  en  quelque  sorte,  appeler  l'imagi- 
nation du  dessin,  et  qui  est  toute  autre  que  la 
précédente.  » 

Delacroix  est  sans  contredit  un  des  plus 
grands  artistes  du  xixe  siècle,  il  procède  tout 
à  la  fois  de  Rembrandt,  par  ses  effets  de  lu- 
mière; de  Ribera,  par  le  côté  sauvage;  de 
Rubens,  par  la  mise  en  scène,  et  de  Véronèse, 
par  la  couleur. 

»  Et,  comme  ledit  très  bien  M.  Sylvestre, 
«  il  séduit  et  emporte  tour  à  tour  les  intelli- 
gences hautaines  et  les  cœurs  aventureux, 
par  la  noblesse,  l'audace,  la  fierté,  l'amour 
du  beau  et  de  l'héroïque,  par  la  ruse,  la  force, 
et  les  infernales  machinations.  » 

Les  qualités  et  les  défauts  de  Delacroix  se 
retrouvent  dans  tous  ses  portraits,  soit  dans 
Je  portrait  en  pied  de  M.   Schwiter,  ou  dans 


%6q  Histoire  du  Portrait. 

ceux  de  Mornay  ;  —  de  Demidoff;  —  de 
Boissy  d'Anglas. 

Terminons  cette  étude  du  Portrait  dans  la 
peinture  par  un  grand  portraitiste  que  nous 
avons  tous  connu,  il  vient  à  peine  de  nous 
quitter. 

Je  veux  parler  de  Flandrin. 

La  mort  de  cet  artiste  fut  une  grande  et  ir- 
réparable perte  pour  les  arts. 

Flandrin  occupe  la  critique  dès  l'année 
(1840)  : 

M.  G.  Planche  écrit  dans  son  Salon  : 

—  «  Le  portrait  de  Mme  Oudiné,  par  M .  Hip- 
polyte  Flandrin,  est  supérieur  aux  portraits 
de  M.  Amaury-Duval.  La  couleur  manque 
de  charme,  mais  le  masque  est  généralement 
modelé  avec  une  grande  fermeté.  » 

En  (1 855),  Delescluze  dit  du  maître  : 

—  «  Les  véritables  connaisseurs  regardent 
attentivement  un  simple  profil,  le  portrait  de 
Fauteur  M.  H.  Flandrin,  qui  a  épuisé  en 
cette  occasion  toutes  les  ressources  de  son  art 
pour  donner*  à  la  forme  les  inflexions  que  le 
modelé  le  plus  délicat  peut  lui  imprimer. 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  261 

)>  M.  Flandrin  a  heureusement  suivi  les  tra- 
ces de  son  maître,  et  ce  profil  qui  n'attire  pas 
l'attention  au  milieu  d'une  exposition  nom- 
breuse pourrait  bien  par  la  suite  occuper  une 
place  importante  dans  une  galerie,  auprès 
d'ouvrages  de  choix.  » 

Flandrin  n'est  pas  toujours  aussi  complet 
dans  ses  portraits,  qu'il  l'est  dans  sa  peinture 
religieuse,  mais  il  faut  s'en  prendre  à  ses  qua- 
lités mêmes.  Vivant  presque  toujours  dans 
une  sainte  extase,  il  semble  ne  pouvoir  des- 
cendre jusqu'à  ce  côté  matériel  qui  est  néces- 
saire au  peintre  de  portrait  :  car  l'idée  ne 
suffit  pas,  il  nous  faut  encore  la  forme  vraie 
dans  ses  parties  les  plus  intimes. 

Quelques  portraits  cependant  lui  valurent 
les  éloges  de  critiques  sérieux. 

Th.  Gautier  écrit  en  (i855),  dans  son  Sa- 
lon : 

—  «  Le  portrait  de  Mme  R...  est  un  des  plus 
heureux  de  M.  Flandrin  :  nous  nous  arrête- 
rons toujours  devant  cette  tête,  au  pur  ovale, 
au  teint  mat,  aux  yeux  de  velours  noir  qui 
boivent  la  lumière,  à  la   bouche   sérieuse  et 


%62  Histoire  du  Portrait. 

bienveillante,  avec  un  imperceptible  duvet 
bleuâtre  ;  quel  modelé  fin  et  délicat  !  quel  co- 
loris charmant  dans  sa  sobriété  !  quelle  légè- 
reté de  pinceau  !  il  semble  que  l'image  se  soit 
fixée  d'elle-même  sur  la  toile. 

»  Les  autres  portraits  de  M.  Flandrin  se 
recommandent  par  le  style,  le  dessin,  et  cette 
ressemblance  intime  qu'on  sent  même  lors- 
qu'on ne  connaît  pas  le  modèle  ;  car  on  voit 
que  Ton  est  en  face  d'une  individualité  sincè- 
rement reproduite  dans  les  conditions  de  l'art. 
Les  anciens  élèves  de  M.  Ingres  savent  seuls 
faire  le  portrait  aujourd'hui.  » 

Les  portraits  du  prince  Napoléon,  de 
M.Walewski,  sont  tout  à  fait  hors  ligne. 

Dans  le  portrait  de  M.  de  Rothschild,'on 
trouve  ce  qui  est  rare  chez  Flandrin,  un  grand 
sentiment  delà  nature. 

Mais  Flandrin  n'est  pas  toujours  aussi  heu- 
reux dans  les  portraits  de  femmes. 

En  (1857)  cependant,  la  critique  se  montre 
favorable  à  l'artiste  : 

M.  Ch.  Perrier  écrit  dans  son  Salon  : 

—  a  On  sait  combien  M.  Hippolyte  Flan- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  2  63 

drin  suit  de  près  son  maître,  M.  Ingres.  Il 
n'est  pas  bien  certain  que  dans  le  portrait  de 
M"lc  L. ..  il  ne  l'ait  pas  surpassé;  car  les  por- 
traits de  femmes  de  M.  Ingres  ne  sont  pas,  à 
beaucoup  près,  ses  plus  parfaits. 

»  Celui  de  Mmc  L...  est  d'une  élégance  aris- 
tocratique qui  n'a  rien  de  la  grâce  maniérée 
qu'une  certaine  partie  du  public  admire  tant 
dans  MM.  Winterhalter  et  Dubufe. 

»  J'en  suis  bien  fâché  pour  les  belles  dames 
qui  ont  donné  leur  tète  à  coiffer  à  M.  Dubufe, 
mais  si  l'on  était  méchant,  on  pourrait  dire 
d'elles  ce  que  M.  Edmond  About  disait,  en 
(1 855),  de  la  Femme  à  l'Ombrelle  Rose,  cari- 
caturée par  M.  Biard  :  «  Si  un  caporal  de  la 
»  garnison  de  Vincennes  les  rencontrait  au 
»  bois  ainsi  peintes,  il  leur  parlerait.  »  Voyez 
un  peu  à  quoi  l'on  s'expose  !  » 

Parmi  les  portraits  de  Flandrin,  nous  de- 
vons citer  son  admirable  portrait  de  la  Jeune 
Fille  à  l'Œillet.  Rien  n'est  plus  beau  que  cette 
œuvre  qui  a  remporté  un  grand  et  légitime 
succès. 

—  «  Je  parlais  de  M.   H.   Flandrin  tout  à 


264  Histoire  du  Portrait. 

l'heure,  «  écrit  L.  Jourdan  en  (  1859),  »  il  n"a 
exposé  que  trois  portraits,  mais  ce  sont  trois 
chefs-d'œuvre,  en  ce  sens  que  ce  sont  non  pas 
seulement  des  portraits  admirablement  peints, 
mais  des  toiles  où  se  reflète  je  ne  sais  quelle 
beauté  intérieure  qui  captive  à  la  fois  le  regard, 
l'esprit  et  le  cœur. 

»  On  reste  pensif  devant  ces  portraits 
comme  on  le  serait  devant  le  tableau  le  plus 
émouvant  et  le  plus  dramatique.  Il  n'y  a  là 
cependant  ni  artifice,  ni  accessoire  intéres- 
sant, ni  empâtement,  ni  trompe-l'œil,  mais 
c'est  la  nature  vue  et  reproduite  en  maître,  il 
surfit  de  ce  sentiment  pour  placer  les  por- 
traits de  M.  H.  Flandrin  au-dessus  de  ceux 
d'Ingres,  dont  il  est  le  glorieux  élève. 

»  Le  portrait  de  Mlle  M...,  ce  tableau 
qu'on  s'est  accoutumé  à  désigner  par  le  nom 
de  la  Jeune  Fille  à  l'Œillet  rouge,  est  celui 
des  trois  ouvrages  de  M.  Flandrin  qui  a  le 
plus  profondément  impressionné  l'opinion 
publique. 

»  Définir  à  quoi  tient  cet  effet  extraordinaire 
est  chose  à  peu  près  impossible,  car  il  y  a  au- 


Du  Portrait  dans  la  peinture.  263 

tant  de  simplicité  que  de  grandeur  dans  cette 
peinture,  à  l'influence  mystérieuse  de  laquelle 
nul  ne  peut  se  soustraire.  » 

Dès  Tannée  (1857),  1 lln  des  princes  de 
la  critique  contemporaine ,  et  des  plus  re- 
doutés, avait  écrit  sur  Flandrin  ces  lignes 
charmantes  : 

—  «  L'ouvrage  le  plus  parfait  du  Salon  est 
un  portrait  de  femme,  par  M.  Hippolyte  Flan- 
drin. J'espère  que  le  gracieux  modèle  qui  a 
prêté  sa  beauté  à  M.  Flandrin  me  pardonnera 
de  faire  entrer  ses  charmes  dans  la  discussion  ; 
c'est  un  ennui  auquel  on  s'expose  lorsqu'on 
envoie  son  portrait  au  Salon... 

»  M.  Flandrin  avait  à  peindre  une  beauté 
saine  et  bien  portante.  La  figure  est  plus  ronde 
qu'ovale,  les  traits  ne  sont  pas  étirés,  les  bras 
ne  sont  pas  maigres,  ni  «les  mains  pâles. 

»  M.  Hébert  aurait  eu  fort  à  faire  s'il  avait 
voulu  donner  à  Mlle  L...  ce  qu'il  recherche 
sous  le  nom  de  distinction. 

»  Cependant  l'œuvre  de  M.  Flandrin  est  le 
portrait  distingué  d'une  femme  très  distinguée. 
M.  Courbet,  en  exagérant  la  force  et  la  santé, 

28 


266 


Histoire  du  Portrait. 


serait  peut-être  parvenu  à  peindre  une  bou- 
chère. M.  Courbet  ressemble  un  peu  à  cette 
source  auvergnate  qui  pétrifie  tout  ce  que  vous 
plongez  dans  ses  eaux.  »  (Edmond  About,  Sa- 
lon de  (1857.) 


DEUXIEME    PARTIE 
***** 

Du  Portrait  dans  la  Sculpture 

ET  DANS  LES  ARTS  QUI  s'y  RATTACHENT 


CHAPITRE   V 


DU    PORTRAIT    DANS    LA    NUMISMATIQUE 


echercher,  dans  la  numismatique, 
les  éléments  qui  appartiennent 
à  Thistoire  du  portrait ,  c'est 
assurément    fouiller   une     mine 

abondante  et   féconde. 

* 

Il  semble  que,  de  tout  temps,  la  médaille  ou 
la  monnaie  fut  un  genre  de  portrait  usité 
pour  les  personnes  notables,  dont  les  noms 
appartiennent  à  Thistoire  —  et  par  sa  matière 
même,  la  médaille  la  plus  ancienne  a  pu  bra- 
ver toutes  les  causes  de  destruction  et  parve- 
nir jusqu'à  nous. 

L'art  de  fondre   le  métal  est  fort  ancien , 


2~o  Histoire  du  Portrait. 

mais  l'art  du  portrait  dans  la  médaille  suppose 
des  connaissances  artistiques  plus  complexes  : 
Il  ne  suffit  pas  d'être  fondeur  pour  produire 
une  médaille  qui  soit  un  véritable  portrait. 

—  Le  portrait  dans  la  médaille ,  pour 
n'être  pas  un  portrait  de  convention,  suppose 
la  science  du  dessin,  la  science  de  la  sculpture 
et  de  la  gravure,  et  que  de  choses  dans  ces 
quelques  mots! 

—  Où  sera  la  limite  qui  sépare  le  portrait  de 
convention  dans  la  médaille  du  portrait  vrai  ? 
Nous  n'oserions  le  dire. 

La  langue  de  la  numismatique  s'impose 
avec  ses  désinences  de  convention,  et  telle 
médaille, cataloguée  Clovis,  ne  représente  peut- 
être  que  fort  négativement  les  traits  de  ce  roi. 

On  nous  objectera  :  Mais  si  la  médaille 
porte  un  nom,  un  chiffre,  une  date,  n'est-elle 
pas  un  portrait  ? 

Disons  vite  que  ce  ne  fut  que  sous  Fran- 
çois Ier  que  Ton  commença  à  inscrire  sur  les 
médailles  la  date  de  leur  fabrication  :  Disons 
qu'avant  le  règne  d'Henri  II,  on  n'avait  pas 
coutume  de  distinguer,   par    un    chiffre,  les 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         272 

différents  rois  qui  portaient  le  même  nom,  et 
parfois  il  est  assez  difficile  de  fixer  avec  cer- 
titude si  telle  monnaie  appartient  à  l'un  plutôt 
qu'à  l'autre  de  ces  princes  homonymes. 

Ainsi  la  médaille  attribuée  à  Clovis  (Ier) 
pourrait  bien  représenter  Clovis  (IIe). 

Dans  cette  étude ,  nous  suivrons  l'ordre 
chronologique. 

Il  n'existe  pas  de  monnaie  des  quatre  pre- 
miers rois,  Pharamond,  Clodion,  Mérovée 
et  Chilpéric.  • 

Sous  les  rois  de  la  première  race,  le  dessin 
est  informe,  on  dirait  que  toutes  ces  tètes  ont 
été  dessinées  par  des  enfants.  Néanmoins  il 
est  intéressant  de  connaître  les  noms  des  sou- 
verains, des  princes,  des  comtes  ou  des  che- 
valiers dont  on  possède  l'image  :  une  longue 
nomenclature  des  noms  peut  paraître  mono- 
tone, mais  elle  a  bien  son  intérêt  pour  l'his- 
toire de  l'art. 

Dans  nos  collections,  nous  avons  des  mon- 
naies où  Ton  retrouve  les  portraits  de  Clo- 
vis Ier  (en  or); —  de  Chilpéric  Ier  (id.);  —  de 
Clotaire  Ier  (id.);  —  de  Cherebert  (id.);  — de 


Histoire  du  Portrait. 


Dagobert  Ier;  —  de  Clovis  II;  —  de  Chilpé- 

ric  II;  —  de  Childebert  II  ;  —  et  parmi  les 
rois  d'Austrasie ,  les  monnaies  de  Théode- 
bert  Ier  et  de  Sigebert  Ier. 

Dans  les  médailles  de  la  seconde  race  nous 
avons  encore  l'image  de  Louis  le  Débonnaire. 
Mais  une  remarque  intéressante ,  c'est  qu'à 
cette  époque,  on  trouve  plus  rarement  l'image 
du  souverain. 

Cette  réserve  ne  venait-elle  point  d'un 
commencement  d<è  goût  artistique,  indiquant 
qu'il  était  préférable  de  mettre  un  emblème 
au  lieu  d'une  image  grossière  et  infidèle, 
impossible  à  reconnaître  sans  l'adjonction  du 
nom  de  ce  prince? 

Nous  ferons  les  mêmes  réserves  pour  les 
monnaies  de  Pépin,  —  de  Charlemagne,  — 
de  Garloman,  —  de  Louis  Ier,  —  de  Lothaire, 
empereur, —  de  Charles  II,  —  de  Louis  III, 
—  de  Charles  III  —  et  de  Louis  IV. 

—  Il  est  bien  difficile  d'accepter  comme 
une  reproduction  fidèle  des  traits  de  Charle- 
magne, l'effigie  qui  marque  les  monnaies 
de  ce  souverain;  d'un  autre   côté,  beaucoup 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         2  j3 

d'autres  médailles  de  cette  période  nous 
semblent  encore  ne  pouvoir  être  des  por- 
traits bien  fidèles. 

Il  y  a  loin  de  ces  monnaies  aux  belles  mé- 
dailles antiques  des  empereurs  romains;  et 
comme  la  ciselure  est  nécessaire  pour  l'achè- 
vement d'une  médaille,  les  artistes  durent 
chercher,  tout  d'abord,  à  se  perfectionner  dans 
la  science  du  burin,  afin  de  donner  à  leur 
œuvre  le  fini  nécessaire. 

Alors  commence  véritablement  le  portrait. 

L'Italie  entra  dans  cette  voie  vers  (145 1), 
avec  Vittore  Pisanello  ou  Pisano  de  Vérone. 

— .  L'Allemagne  au  xvie  siècle,  avec  Jérôme 
Magdeburger  et  Henri  Reitz,  qui  nous  a  donné 
un  portrait  de  Charles-Quint.  Le  musée  du 
Louvre  (n°  563  de  la  collection  Sauvageot)  en 
possède  un  exemplaire  en  argent. 

La  France  se  distingua  dans  le  portrait- 
médaille  dès  le  xve  siècle. 

Commençons  par  la  jolie  monnaie,  en 
argent,  représentant,  d'un  côté,  Philippe  IV, 
roi  des  Français,  et  de  l'autre ,  Blanche  de 
Navarre,  femme  de  Philippe  de  Valois. 

29 


2j4  Histoire  du  Portrait. 

La  surprise  est  grande  de  voir  Louis  XI 
nommé  —  sur  médaille  —  le  divin  Louis, 
roi  des  Français;  le  roi  a  un  large  chapeau, 
la  figure  est  pleine  d'expression. 

La  médaille  d'argent  qui  représente  Fran- 
çois, dauphin  de  France,  premier  duc  de 
Bretagne,  est  remarquable;  la  coiffure  du  duc 
est  penchée  sur  l'oreille  droite,  mais  le  profil, 
très  fin,  sent  bien  la  nature,  et  la  physionomie 
traduit  une  grande  tranquillité  d'esprit. 

Nous  retrouvons  cet  air  de  quiétude  sur 
une  autre  pièce  en  argent,  représentant  Louise 
de  Savoie,  mère  de  François  Ier,  qui  gouverna 
la  France  pendant  la  captivité  de  son  fils,  et 
mourut  en  (i  532)  à  l'âge  de  cinquante-cinq  ans. 

Une  médaille  d'or  de  quatre  centimètres 
offre  l'effigie  de  Charles  VIII,  et  au  revers 
celle   d'Anne  de  Bretagne. 

Cette  médaille  fut  frappée  à  Lyon  en  (1493) 
et  offerte  à  la  reine  lorsqu'elle  visita  cette 
ville.  —  (Elle  est  au  cabinet  des  médailles 
de  la  Bibliothèque  nationale ,  n°  2902  du 
catalogue  Chabouillet.) 

Une  autre   médaille,  celle  de  Louis  XII , 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         2  y5 

représente  le  roi,  coiffé  cTun  mortier,  orné 
d'une  couronne  de  fleurs  de  lis,  et  portant  le 
collier  de  Saint-Michel;  le  champ  est  par- 
semé de  fleurs  de  lis. 

On  lit  cette  légende  au  dos  de  la  médaille  : 
«  Lorsque  la  République  de  Lyon  se  réjouis- 
sait à  l'occasion  du  second  règne  de  la  bonne 
reine  Anne,  je  fus  ainsi  fondue  en  1499.  » 
Au  revers  encore  est  le  profil  d'Anne  de 
Bretagne,  coiffée  d'un  voile  court  sur  lequel 
est  posée  la  couronne  royale. 

Les  modeleurs  furent  Nicolas  et  Jean  de 
Saint-Priest,  le  fondeur  Jean  Lepère,  d'après 
M.  Soultrait  (Revue  numismatique,  1 855). 

Le  cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque 
nationale  (n°  2go5  du  catalogue  Chabouillet) 
possède  un  exemplaire  de  cette  médaille  en 
argent  ciselé.  Le  musée  du  Louvre  en  con- 
serve un  exemplaire  en  bronze  (n°  517  du 
catalogue  de  Sauzay) ,  qui  provient  de  la 
collection  Sauvageot.  —  Le  Trésor  de  Nu- 
mismatique a  donné  cette  remarquable  mé- 
daille (Ire  partie  des  Médailles  françaises , 
planche  V). 


2~6  Histoire  du  Portrait. 

Nous,  avons  de  François  Ier  toute  une  série 
de  portraits-médailles  ou  monnaies  des  plus 
curieuses;  nous  le  voyons  d'abord  avec  un 
casque  auquel  on  ne  saurait  attribuer  une 
époque:  ce  portrait  est  entouré  de  l'exergue 
suivant  :  François,  roi  de  France,  premier 
vainqueur  des  Suisses.  Cette  médaille  en  argent 
fut  faite  à  la  suite  de  la  bataille  de  Marignan. 

Dans  une  médaille  de  (i  5 17),  nous  trouvons 
François  Ier  couronné  de  lauriers  ;  médaille 
sans  revers,  en  bronze,  avec  la  légende  :  Fran- 
çois Ier  le  plus  grand  général  des  Français.  On 
le  voit  ensuite  avec  la  qualité  de  :  Défenseur  de 
la  République  chrétienne. 

La  plus  remarquable  de  toutes  ces  médail- 
les est  sans  contredit  celle  où  le  Roi,  coiffé 
d'un  chapeau  à  plume,  est  représenté  de  trois 
quarts.  Malheureusement,  la  tète  de  Fran- 
çois Ier  ne  ressemble  en  aucune  façon  à  tous  les 
portraits  que  nous  connaissons  de  ce  souve- 
rain ;  cette  médaille,  qui  a  environ  dix  centi- 
mètres de  diamètre,  est  tout  à  fait  hors  ligne  ; 
elle  est  en  bronze. 

Une  bien  intéressante  médaille  est  celle  qui 


Dit  Poi'trait  dans  la  numismatique.         2jj 

représente  Henri  II,  —  Charles-Quint,  — 
Jules  César, —  et  Ferdinand,  frère  de  Charles- 
Quint. 

Nous  arrivons  à  la  plus  belle  de  toutes  nos 
médailles  :  c'est  celle  qui  figure  Henri  II , 
Roi  Très  Chrétien  de  France  (i55g)  ;  buste 
de  trois  quarts,  d'Henri  II,  la  tête  couverte 
d'un  bonnet  à  plume,  au  revers  se  trouve  : 
Catherine,  reine,  femme  d'Henri  II,  mère  des 
rois  François,  Charles  et  Henri  ;  buste  de 
trois  quarts  de  Catherine  de  Médicis,  portant 
au  cou  une  médaille.  Ces  médailles,  qui  ont 
plus  de  quinze  centimètres  de  diamètre,  sont 
merveilleuses. 

Dans  le  même  genre,  et  de  la  même  dimen- 
sion, nous  avons  la  médaille  de  Charles  IX, 
Roi  Très  chrétien  des  Français  fiSySJ;  le 
roi  est  coiffé  d'un  bonnet  à  plume. 

Les  orfèvres,  habiles  modeleurs,  fondeurs 
et  ciseleurs,  tout  à  la  fois,  exécutaient  alors  ces 
remarquables  portraits-médaillons.  Mais  ils 
signaient  rarement  leurs  ouvrages. 

En  (i538),  Guillaume  Damet,  orfèvre  à 
Paris,  recevait  «  43o  livres  10  sous  tournois 


2  jS  Histoire  du  Portrait. 


pour  trois  médailles  de  bronze ,  grandes 
comme  le  naturel  »,  nous  dit  un  compte 
royal  de  Claude  Haligre  en  date  de  (i528). 

M.  J.  Labarte  ajoute  avec  raison  :  «  Si  Guil- 
laume Damet  fondait  et  ciselait  des  portraits 
grands  comme  nature,  il  devait  en  faire  certai- 
nement d'une  plus  petite  dimension,  puisque 
les  portraits  de  ce  genre  étaient  fort  recher- 
chés. »  (Les  Arts  industriels,  tome  Ier.) 

Du  roi  Henri  III,  nous  trouvons  une  mé- 
daille où  ce  prince  est  coiffé  d'un  bonnet  à 
plume  et  vêtu  selon  la  mode  du  xvie  siècle, 
sans  aucun  insigne  de  royauté. 

Cette  médaille  ne  donne  en  aucune  façon  la 
figure  de  ce  prince,  que  nous  connaissons  tous 
et  que  nous  retrouvons  dans  une  autre  mé- 
daille qui  a  dû  être  faite  en  même  temps  que 
celle  de  Charles  IX  et  d'Henri  II. 

Cette  médaille  a  pour  exergue  :  Henri  III, 
par  la  grâce  de  Dieu,  roi  des  Français  et 
de  Pologne;  buste  de  trois  quarts  d'Henri  III, 
coiffé  d'un  bonnet  orné  d'une  aigrette  agrafée 
avec  des  pierreries  ;  le  roi  porte  une  fraise  et 
le  petit  manteau  espagnol. 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         2  yg 

De  (1572),  nous  avons  un  très  curieux  mé- 
daillon de  Jeanne  d'Albret,  reine  de  Navarre. 
L'arrangement  du  costume  est  très  original  et 
nous  montre  cette  princesse  sous  un  jour  tout 
nouveau. 

Le  portrait  de  :  François,  fils  de  France  et 
frère  unique  du  roi,  par  la  grâce  de  Dieu,  duc 
de  Brabant  et  comte  de  Flandre,  n'offre  pas  un 
moindre  intérêt. 

Elle  est  bien  intéressante  aussi  la  médaille 
où  Ton  voit  le  roi  galant,  Henri  IV,  coiffé,  en 
arrière,  d'un  chapeau  à  plume  orné  d'une  mé- 
daille, et  portant  sur  son  pourpoint  le  cordon 
du  Saint-Esprit. 

Mais  l'intérêt  de  cette  médaille  disparaît  à 
côté  du  médaillon  héroïque  qui  nous  repré- 
sente :  Henri  IV,  roi  de  France  et  de  Navarre, 
couronné  de  lauriers  et  vêtu  à  l'antique. 

Ce  médaillon,  qui  a  environ  quinze  centi- 
mètres de  diamètre,  est  sans  revers. 

Nous  trouvons  encore  Henri  IV  coiffé  d'un 
casque,  vêtu  en  Mars,  dans  d'autres  médailles 
datées  de  (160 1). 

Ces  médailles,  fort  belles,  sont  de  Georges 


280  Histoire  du  Portrait. 

Dupré,  auteur  de  nombreux  portraits-médail- 
lons. 

Un  autre  graveur,  JeanVarin,  que  Ton  croit 
élève  de  Georges  Dupré,  laissa  divers  por- 
traits-médaillons ;  mais  il  est  surtout  connu 
par  les  perfectionnements  qu'il  apporta  à  la 
gravure  des  médailles  et  par  les  procédés  de 
frappe  qu'il  sut  inventer. 

Marie  de  Médicis,  reine  régente  de  France 
et  de  Navarre,  est  représentée  en  habits  de 
veuve,  dans  une  médaille  de  (161 1).  Cette  mé- 
daille est  très  fine  et  très  belle. 

Il  existe,  du  reste,  un  grand  nombre  de  mé- 
dailles de  cette  princesse. 

La  médaille  qui  représente  Louis  XIII  est 
curieuse,  parce  qu'on  le  voit  avec  collerette 
et  diadème  sur  la  tête,  ce  qui  est  rare. 

Ce  roi  est  encore  reproduit,  enfant,  dans  un 
médaillon  très  gracieusement  fait  et  très  bien 
modelé  ;  il  est  vêtu  à  l'antique,  et  couronné  de 
lauriers. 

Les  médailles  de  cette  époque  sont  très  soi- 
gnées et  admirablement  gravées  ;  telles  sont 
les  médailles  faites  :    en  action  de  grâce  pour 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         28 1 

l'enfantement  royal,  si  longtemps  désiré.  Cette 
légende  enguirlande  le  revers,  qui  représente 
le  portail  de  l'église  du  Val-de-Gràce;  une 
autre  médaille  a  pour  exergue  :  //  a  consacre 
Lui  et  son  royaume  sous  la  tutelle  de  la 
bienheureuse  Marie. 

Nous  trouvons  de  la  même  époque  les 
beaux  portraits-médailles  : 

De  Guillaume  d'Estouville,  cardinal  de 
Rouen  ;  —  de  Charles,  cardinal  de  Bourbon, 
archevêque  de  Lyon;  —  d'autres  portraits 
d'Antoine,  bâtard  de  Bourgogne;  —  de  Robert 
Briçonnet,  président  aux  Enquêtes  du  Parle- 
ment, à  Paris;  —  de  Guillaume,  marquis  de 
Poitiers. 

Nous  avons  encore  un  très  beau  portrait  de 
Rabelais. 

Une  médaille  curieuse  fut  frappée  à  l'occa- 
sion de  la  levée  du  siège  de  Metz.  Elle  repré- 
sente le  duc  de  Guise,  la  tète  nue  et  revêtu 
d'une  cuirasse  ;  au  revers,  on  lit  :  Hœc.  tibi. 
Meta.  ( 1SS2J.  Tu  n'iras  pas  plus  loin. 

Nous  trouvons  de  la  même  époque  plusieurs 
beaux  portraits  de  Calvin. 

3o 


282  Histoire  du  Portrait. 

Une  médaille  remarquable  est  celle  de  Fran- 
çois de  Maudelot,  chevalier  de  l'Ordre  du  Roi 
et  gouverneur  du  Lyonnais  ;  cette  médaille, 
qui  est  ovale,  est  délicieusement  faite. 

Les  portraits  de  Coligny,  —  de  de  Thou,  — 
de  René  de  Birague,  —  de  Hurault,  vicomte 
de  Chiverny,  ne  sont  pas  moins  intéressants. 

Les  médailles  et  médaillons,  exécutés  sous 
Louis  XIV  et  sous  Louis  XV,  ont,  à  peu  de 
chose  près,  le  même  caractère  que  tous  ceux 
qui  datent  du  règne  de  Louis  XIII.  Nous  ne 
pouvons  retracer  ici  l'histoire  des  monnaies. 

Nous  touchons  à  ce  moment  de  notre  his- 
toire de  France  où  les  médailles  deviennent 
bien  plus  intéressantes,  par  le  grand  nombre 
de  portraits  que  nous  allons  rencontrer;  mais, 
en  général,  à  l'époque  de  la  Révolution,  les 
médailles  sont  moins  bien  faites. 

En  (1789),  la  première  médaille  que  nous 
rencontrons  représente  le  roi  Louis  XVI  dans 
une  église,  ayant  à  sa  droite  deux  députés  du 
Clergé;  à  sa  gauche,  un  député  du  Tiers  État, 
près  duquel  se  tiennent  deux  députés  de  la 
Noblesse,  lui  pose  une  couronne  sur  la  tète; 


Du  Portrait  dans  la  numismatique  283 

comme  exergue  :  Vive  Louis  XVI,  pour  le 
bonheur  de  son  peuple. 

Une  médaille  bien  intéressante  pour  notre 
histoire  est  celle  qui  fut  frappée  à  l'occasion 
de  la  mort  du  premier  fils  de  Louis  XVI, 
Louis-Charles,  duc  de  Normandie,  né  à  Ver- 
sailles. 

On  voit  un  lit  encadré  d'un  rideau  ;  dans  ce 
lit,  un  jeune  enfant  dont  la  tête  repose  sur  un 
oreiller.  Derrière  le  lit,  la  Mort,  élevant  sa 
faux,  saisit  et  repousse  de  la  main  droite  une 
femme  drapée  (la  France). 

Une  très  belle  médaille  en  bronze  représente 
le  général  Lafayette  ;  une  autre,  le  portrait 
de  Bailly,  en  costume  de  député  du  Tiers 
État. 

Une  médaille  qui  a  beaucoup  de  caractère 
est  celle  de  Mirabeau  (88  mill.). 

Benjamin  Du  vivier  a  gravé  une  autre  mé- 
daille de  Bailly,  elle  est  en  étain  et  mesure 
32  millimètres;  on  possède  encore  le  portrait 
de  Jacques  Necker,  du  même  artiste. 

On  trouve  souvent  Mgr  le  duc  d'Orléans 
représenté  dans  les  médailles  de  cette  époque, 


284  Histoire  du  Portrait. 

et  au-dessous  on  lit  :  Sitoyens;  derrière  est 
écrit:  Le  père  du  peuple. 

Non  moins  intéressante  est  la  médaille  où 
Ton  voit  un  buste  d'homme,  coiffé  d'un  bonnet 
phrygien,  la  pipe  à  la  bouche  et  un  pistolet  à 
la  ceinture;  comme  exergue,  on  lit  :  Le  père 
Duchêne  Foutre,  Bon  Patriote,  et  derrière  : 
Vivre  libre  ou  mourir  (étain,  44  mill.). 

Dumarest  «nous  a  donné  une  médaille  de 
Jean-Jacques  Rousseau,  au  revers  de  laquelle 
on  lit  :  La  puissance  législative  appartient  au 
peuple  et  ne  peut  appartenu'  qu'à  lui. 

Dans  une  autre  médaille,  nous  voyons  en- 
core :  La  liberté  ou  la  mort  —  devise  des 
apôtres  du  patriote  Palloy. 

La  médaille  qui  représente  la  princesse  de 
Lamballe  est  fine  et  délicate  ;  on  lit  au-des- 
sous :  Massacrée  le  3  septembre  1792. 

Sur  une  autre  médaille  on  lit  :  Louis- 
Alexandre  duc  de  Larochefoucauld,  député  de 
Paris  en  178g,  assassiné  en  septembre  1792, 
sur  la  route  de  Rouen. 

G. -F.  Dumourier  est  représenté  en  uni- 
forme, le  chapeau  sur  la    tête,  vu   de  trois 


Du  Portrait  dans  la  numismatique .         285 

quarts  et  tourné  à  gauche;  la  médaille  est 
ovale  et  surmontée  d'une  couronne  de  lau- 
riers, qui  forme  belière. 

Une  belle  médaille  repoussée  est  celle  du 
duc  de  Liancourt,  député  de  la  Noblesse 
en  (1789);  buste  habillé.  Cette  pièce  est  rare. 

Il  existe  une  grande  quantité  de  médailles- 
portraits  de  Lepelletier  de  Saint-Fargeau , 
avec  cet  exergue  :  Assassiné  à  Paris,  le 
20  janvier  iypS. 

Il  serait  impossible  de  citer  toutes  les  mé- 
dailles de  Tinfortuné  Louis  XVI,  qui  ont  été 
faites  à  cette  époque;  parlons  seulement  de 
celle  qui  offre  le  buste  du  Roi,  et  au-dessous 
cet  exergue  :  Je  meurs  innocent  et  vous 
pardonne. 

Dans  un  cliché  octogone,  en  étain  (41  mill.), 
nous  trouvons  le  portrait  de  Auguste-Char- 
les-Henri Picot  Dampierre,  né  à  Paris  le 
20  août  1756,  tué  par  un  boulet  de  canon,  le 
9  mai  de  Tan  II  de  la  République. 

Deux  magnifiques  médaillons  nous  don- 
nent les  traits  de  Charlotte  Corday  et  de 
Condorcet. 


286  Histoire  du  Portrait. 

Celui  de  Condorcet  est  repoussé,  sans  re- 
vers, et  a  85  mill.;  celui  de  Charlotte  Corday 
est  en  étain. 

Le  divin  Marat  est  ainsi  nommé  dans  une 
médaille  où  le  tribun  est  représenté  la  tête 
enveloppée  d'un  mouchoir. 

On  a  un  portrait  de  Joseph  Chalier,  sur  le 
revers  duquel  on  lit  :  Je  donne  mon  âme  à 
l'Éternel;  mon  cœur  aux  patriotes,  et  mon 
corps  aux  brigands. 

Un  curieux  médaillon  en  étain  est  celui  où 
Charlotte  Corday  est  représentée  coiffée  d'un 
bonnet  à  la  mode  des  femmes  de  Caen,  les 
cheveux  tombant  sur  les  épaules;  et  Ton  voit  au- 
dessous:  Décapitée  à  Paris  le  17  juillet  ijg3. 

On  possède  plusieurs  portraits-médailles  de 
la  reine  Marie-Antoinette.  Elle  est  représentée 
très  richement  vêtue.  Ces  médailles  sont  fines 
et  délicatement  exécutées. 

Le  médaillon  ovale  de  Robespierre  le  jeune, 
représentant  du  peuple,  offre  un  grand  inté- 
rêt. On  le  voit  avec  un  immense  catogan,  des 
épaulettes  de  général  et  une  large  écharpe  au 
bras  gauche. 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.         28  y 

Le  graveur  Liénard  a  fait  encore  une  belle 
médaille  de  Sylvain  Bailly,  premier  président 
de  l'Assemblée  nationale. 

On  a,  du  même,  le  portrait  de  Barnave. 

Dans  une  petite  médaille,  nous  prouvons 
les  cinq  portraits  de  :  Marat ,  —  Lepelle- 
tier,  —  Charlier  ,  —  Barra  —  et  Viala.  — Au- 
dessous  de  chacun  de  ces  portraits  est  placée 
une  étoile. 

Le  grand  et  illustre  graveur  Dupré  a  fait 
une  très  remarquable  médaille  de  Lavoisier. 
Viennent  ensuite  les  portraits  de  Mme  Elisa- 
beth de  France,  sœur  de  Louis  XVI;  elle  est 
coiffée  d'un  voile;  —  et  celui  du  petit  prince 
Louis  XVII. 

Nous  trouvons  accolés,  en  face  l'un  de 
l'autre,  Jean  Fernel  et  Ambroise  Paré. 

Alexandre  Lenoir,  administrateur  du  Mu- 
sée des  monuments  français,  a  son  portrait 
fait  au  repoussé  ;  cette  médaille  a  une  grande 
allure  de  nature  et  de  vérité. 

Dans  une  période  plus  calme  les  graveurs 
Gayrard  et  Jeuffroy  emploient  une  partie  de 
leur  carrière  à  faire  des  médailles  représentant 


288  Histoire  du  Portrait. 

le  premier  consul,  puis  Napoléon,  empereur; 
à  chaque  victoire,  nouvelle  médaille  et  nou- 
veau portrait. 

La  première  médaille,  où  Ton  voit  le  géné- 
ral Bonaparte,  a  été  frappée  à  l'occasion  de  la 
bataille  de  Montenotte  (1796).  Si  nous  pas- 
sons au  premier  empire  nous  trouvons  une 
médaille  de  1 15  millimètres,  qui  est  excessive- 
ment remarquable. 

Andrieu  nous  a  laissé  des  portraits  de  Na- 
poléon Ier,  fort  artistiques. 

Citons  encore  quelques  noms  des  artistes 
illustres  qui  ont  fait  les  plus  belles  médailles 
du  Premier  Empire  : 

Dupré,  le  plus  grand  graveur  en  médailles 
de  la  France. 

—  MM.  Geyrard,  —  Jeuffroy, —  Merlen, 
—  Droz  ; 

—  Andrieu,  —  Duvivier,  —  Dumarest,  — 
Brenet  —  et  Gatteaux. 

Sous  la  Restauration  et  sous  Louis-Philippe, 
Oudinée. 

Pendant  le  second  empire,  M.  Barré,  qui 
fut  l'unique  graveur  de  Napoléon  III. 


Du  Portrait  dans  la  numismatique.  28g 

Sous  la  troisième  République,  on  a  repris  les 
coins  de  Dupré. 

Du  reste  les  pièces  et  les  monnaies  de.ee  siè- 
cle sont  encore  dans  la  circulation,  tous  peu- 
vent les  voir  et  les  apprécier. 


gf^Pil!! 


mmwmàmwtàirtti&/iwti 


■  ■Ml^ltH^fW-l,'.»-!     ',   '-il    "    !.■  «I      ■■"■  "      u.,"..i.«.iti».i..i     i.    M     jt    ».i„   m   .1  .».,{.     m         i     .r.-^fl 

.'.:  V-.,-::.,/r.".-,      .-,'■-    -v\--Ajv/^^.m;''.:  ■;.•::„    . 


CHAPITRE  II 


DU  PORTRAIT  DANS   LA  GLYPTIQUE 


raver    en    creux  et  en  relief  sur 
pierre   dure    est  un   art  difficile 
dont  la  pratique  remonte  à  une 
haute  antiquité. 
Les  intailles  et  les  camées  sont  d'un  usage 
fort  ancien. 

Le  Musée  du  Louvre  renferme  des  échantil- 
lons remarquables  de  cette  branche  de  Fart 
chez  les  Égyptiens  :  la  Glyptique  égyptienne, 
malgré  l'incorrection  du  dessin  des  artistes  de 
cette  époque,  a  laissé  des  monuments  curieux 
et  variés. 

Les  Grecs  excellèrent  dans  la  Glyptique  et 


292  Histoire  du  Portrait. 

leurs  travaux  en  ce  genre  restent  encore 
comme  des  modèles  inimitables,  le  talent  des 
artistes  Grecs  semble  avoir  atteint  la  perfec- 
tion en  ce  genre. 

Les  artistes  Romains  imitèrent  les  Grecs 
avec  succès,  mais  s'ils  les  égalèrent  parfois  ils 
ne  les  surpassèrent  jamais. 

L'Italie  resta  longtemps  en  possession  delà 
gravure  sur  pierres  fines,  mais  cet  art  semble 
disparaître  avec  l'ère  chrétienne,  et,  vers 
le  ve  siècle,  il  cesse  d'être  pratiqué. 

La  Glyptique,  cependant,  fut  toujours  pra- 
tiquée à  Constantinople  et  dans  l'Orient,  mais 
avec  peu  d'éclat  :  quelques  œuvres  rares  dé- 
notent parfois  un  certain  talent  chez  les  artis- 
tes Byzantins. 

Le  camée  (n°  207,  catalogue  Chabouillet)  de 
la  Bibliothèque  Nationale  est  peut-être  une  des 
pièces  les  plus  curieuses  de  la  Glyptique  by- 
zantine. 

Il  comprend  le  buste  du  Christ,  bénissant 
de  la  main  droite,  et  au-dessous  les  saints 
Serge  et  Demetrius,  en  pied,  vêtus  de  la  cotte 
d'armes  à  écailles  et  du  manteau. 


Du  Portrait  dans  la  glyptique.  2g3 

Ce  camée  est  gravé  sur  sardonyx  et  on 
l'attribue  au  xe  siècle. 

L'infériorité  des  graveurs  sur  pierres  fines 
pendant  la  période  chrétienne,  surtout  du 
ve  siècle  au  xie  siècle,  explique  la  rareté  des 
camées  religieux  mentionnés  dans  les  inven- 
taires. 

Parmi  les  nombreux  anneaux,  énoncés  dans 
l'inventaire  de  Boniface  VIII  en  (1295),  deux 
camées  seulement  reproduisent  des  sujets 
chrétiens. 

En  France,  nos  premiers  rois  Carlovin- 
giens  se  servirent  d'intailles  pour  sceller  leurs 
actes,  mais  ces  pierres  étaient  des  gravures 
antiques  :  ainsi  le  roi  Pépin  scellait  avec  un 
Bacchus,  Charlemagne  avec  un  Sérapis. 

Dans  l'inventaire  de  Charles  V,  en  (1379), 
les  signets  royaux  mentionnés  ne  peuvent  être 
que  des  pierres  antiques. 

L'un  de  ces  signets  est  ainsi  désigné  :  «  De 
la  teste  d'un  roy  sans  barbe  et  sur  fin  rubis 
d'Orient  »;  —  un  autre  sera  «  ung  enfant  à 
elles  acropy».  Cette  description  rappelle  bien 
un  Cupidon. 


2Q4  Histoire  du  Portrait. 

Cependant  l'annel  des  vendredis  de  Char- 
les V  était  un  camaïeu  avec  le  Christ  en  croix, 
la  Vierge  et  saint  Jean,  mais  le  double  croi- 
sillon dénote  l'origine  byzantine  de  cette 
gravure. 

L'inventaire  de  Charles  VI,  de  (i3qq),  énu- 
mère  également  de  nombreux  camées  à  su- 
jets profanes. 

Il  semble  donc  que  Fart  de  la  Glyptique 
avait  entièrement  disparu  en  France  à  cette 
époque  :  du  moins,  on  peut  affirmer  qu'il 
jetait  un  bien  faible  éclat. 

Avec  le  xve  siècle,  la  gravure  sur  pierres 
fines  reparaît  en  Italie,  où  elle  est  pratiquée 
d'une  manière  remarquable,  par  Benedetto 
Peruzzi  (1379)  ;  —  Jean  —  et  Dominique  de 
Milan,  plus  connus  sous  les  noms  de  :  Jean 
des  Cornalines  et  Dominique  des  Camées. 

Cet  art  fut  importé  en  France,  sous  Fran- 
çois Ier,  par  Matteo  del  Nassaro. 

Les  comptes  de  (1 528- 1529)  mentionnent  cet 
artiste,  comme  ayant  gravé  les  coins  de  la 
monnaie  du  Roi,  mais  il  est  appelé  Dalnas- 
sard  (Arch.  de  l'Empire,  K.  K.    100.) 


Du  Portrait  dans  la  glyptique.  %g5 


Un  autre  compte  de  (i53o)  mentionne 
Guillaume  Hoisson,  lapidaire  à  Paris,  comme 
auteur  d'une  Nostre-Dame  d'agate  garnie 
de  neuf  grosses  perles,  d'un  saphir  et  de 
deux  rubis,  et  encore  de  trois  camaïeux  qui 
ornent  le  manche  d'un  poignard.  (  Ibid. 
Comptes  de  Claude  Haligre.) 

Sous  Louis  XIII,  nous  voyons  un  artiste, 
nommé  Julien  de  Fontenay,  pratiquer  cet  art 
avec  distinction. 

La  première  pierre  que  nous  mentionne- 
rons est  une  cornaline,  par  Coldoré,  graveur 
français  du  xvne  siècle. 

Elle  représente  un  buste  à  droite  d'Henri  IV, 
portant  sur  son  armure  le  collier  de  l'ordre 
du  Saint-Esprit. 

Nous  avons  encore  de  cet  artiste  un  grand 
camée  sur  coquille,  représentant  Henri  IV  et 
Marie  de  Médicis. 

Certains  auteurs,  parlant  de  Coldoré  et  de 
Julien  de  Fontenay,  ont  paru  ignorer  que  le 
même  graveur  a  porté  ces  deux  noms. 

Coldoré,  graveur  d'Henri  IV,  connu  en- 
core sous  le  nom  de  Julien  de  Fontenay,  était 


2q6  Histoire  du  Portrait. 

valet  de  chambre  et  gentilhomme  du  roi  :  au- 
torisé en  cette  qualité  et  par  lettres  patentes 
à  loger  au  Louvre. 

A  la  demande  de  la  reine  Elisabeth  d'An- 
gleterre, cet  artiste  se  rendit  en  Angleterre  et 
grava  le  portrait  de  cette  princesse. 

Un  autre  artiste  français,  nommé  Jouffroy, 
a  laissé  une  cornaline  gravée  qui  représente 
Stanislas  Poniatowski,  roi  de  Pologne,  la  tête 
ceinte  d'un  diadème. 

Il  le  faut  avouer,  la  Glyptique  ne  fut  culti- 
vée en  France  que  comme  un  art  acces- 
soire :  pendant  le  xvne  siècle  cet  art  semble 
disparaître  de  nouveau. 

Dans  le  xvuie  siècle  ,  la  Glyptique  laisse 
enfin  une  trace,  nous  allions  dire  un  chef- 
d'œuvre. 

Le  Guay,  graveur,  donne  un  beau  camée 
de  Louis  XIV. 

L'art  de  la  gravure  sur  pierres  fines  existe 
encore  de  nos  jours,  mais  on  s'en  sert  peu 
pour  le  portrait. 

Nous  devions  parler  de  cette  branche  de 
l'art  du  portrait. 


Du  Portrait  dans  la  glyptique.  2pj 


Ce  genre,   il  est  vrai,  n'est  pas  d'un  usagi 
commun,  mais  il  exige  dans  l'artiste  immérité 
hors  ligne. 

L'art  du  lapidaire  suppose  la  connaissance 
des  procédés  de  la  Glyptique,  mais  il  laisse 
à  l'artiste  bien  plus  de  facilité  dans  l'exé- 
cution. 

Le  musée  du  Louvre  possède  les  douze 
Césars  de  la  collection  de  Debruge  Dumesnil 
(n°  43 1  de  cette  collection). 

Ces  bustes  sont  au  repoussé  en  argent,  mais 
les  tètes  sont  en  pierres  dites  précieuses  : 

Jules-César  en  calcédoine  verte  ;  —  Auguste 
en  plasma  antique  ;  —  Tibère  en  prime 
d'améthyste  ; 

—  Caligula  en  chrysoprase;  —  Claude  en 
agate   d'Allemagne  ;  —  Néron   en  agate  sar 
donisée  ; 

—  Galba  en  jaspe  blanc  -,  —  Othon  en 
cristal  de  roche  ;  —  Vitellius  en  jaspe  vert  ; 

—  Vespasien  en  calcédoine  blanche  ;  — 
Titus  en  corniole.;  —  Domitien  en  agate 
veinée. 

Ces  sculptures  sont  du  xvr3  siècle,  mais  bien 


■2gS  Histoire  du  Portrait. 

qu'elles  soient  sur  pierres  précieuses,  elles  ne 
sauraient  être  comparées  à  des  intailles  ou  à 
des  camées. 

Les  difficultés  que  l'artiste  a  dû  surmonter 
dans  ces  ouvrages  ne  sont  en  rien  comparables 
aux  obstacles  dont  le  graveur  en  intailles  et 
en  camées  doit  triompher  en  donnant  à  son 
œuvre  un  cachet  artistique. 

L'art  du  lapidaire,  qui  nous  a  laissé  tant  de 
chefs-d'œuvre  dans  l'antiquité  et  dans  les 
temps  modernes,  ne  se  rattache  donc  que 
d'une  manière  large  à  la  Glyptique  propre- 
ment dite  ;  lorsqu'il  s'exerce  sur  des  objets  de 
dimensions  considérables,  il  se  rapproche  plus 
de  la  sculpture  que  de  la  gravure  sur  pierres 
fines. 

Du  reste  l'art  du  lapidaire  avait  produit 
assez  de  chefs-d'œuvre  en  Asie  pour  enrichir 
Rome  et  l'Italie,  à  la  suite  des  victoires  de 
Pompée  ! 

Rien  de  plus  commun  dans  les  villas  ro- 
maines, dans  les  somptueuses  demeures  des 
patriciens  romains,  que  ces  riches  dépouilles 
des  peuples  vaincus. 


Du  Portrait  dans  la  glyptique.  200 

Constantin  transporta  à  Constantinople  une 
partie  de  ces  richesses,  et  de  là  elles  revinrent 
en  Europe.  Les  Empereurs  les  envoyèrent  en 
présents  et  plus  tard  les  Croisés  les  rapportè- 
rent comme  un  butin  conquis. 

De  là  les  riches  coupes,  en  onyx,  en  calcé- 
doine, en  cristal,  mentionnées  dans  les  inven- 
taires des  églises ,  des  monastères  et  des 
habitations  royales  pendant  tout  le  moyen 
âge. 

Les  orfèvres  de  l'Occident  inventeront  pour 
ces  joyaux  de  riches  montures,  mais  ils  reste- 
ront étrangers  à  l'art  du  lapidaire  qui  les  a 
enfantés. 

Suger  saura  faire  d'une  coupe  de  porphyre 
un  cygne  gracieux  et  ajouter  encore  au  prix 
de  la  pierre  antique  une  valeur  artistique 
inestimable. 

François  Ier  et  Henri  II  favorisèrent  en 
France  Tart  du  lapidaire. 

Mais,  on  doit  le  dire,  parmi  les  produc- 
tions de  nos  artistes  nationaux,  on  ne  trouve 
aucun  portrait  remarquable  sur  pierres  pré- 
cieuses. 


3oo 


Histoire  du  Portrait. 


Le  travail  consiste  surtout  à  donner  à  la 
pierre  fine  la  forme  de  vase,  de  coupe;  ensuite 
on  confie  à  des  orfèvres  le  soin  de  monter  le 
joyau,  toujours  d'une  dimension  assez  consi- 
dérable. 


CHAPITRE  III 


DU    PORTRAIT   DANS    LES    SCEAUX    ET    CACHETS 


1  n'est  pas  inutile  de  mentionner, 
à  titre  de  curiosité,  les  noms  de 
quelques  personnages   représen- 
tés   sur   les  sceaux    des  grands 
feudataires  de  la  couronne  de  France. 

Les  sceaux  offrent  le  même  intérêt  que  les 
médailles  et  les  monnaies  dans  une  étude 
historique.  —  Peut-être  l'exactitude  des  por- 
traits qu'ils  nous  donnent  aurait-elle  besoin 
d'être  démontrée. 

Beaucoup  de  ces  portraits  peuvent  être  de 
convention,  mais  où  se  trouve  la  limite  de  la 


3o2  Histoire  du  Portrait. 

vérité  dans  cette  branche  de  Fart ,  qui  se 
confond  avec  la  numismatique  et  la  scul- 
pture ? 

Dans  le  sceau  de  Louis ,  fils  du  roi  de 
France  Philippe  II ,  on  voit  ce  prince,  armé 
de  toutes  pièces,  tenant  de  la  main  droite  une 
épée  nue,  et  portant  au  bras  gauche  un  écu 
aux  armes  de  France,  monté  sur  un  cheval 
galopant  à  droite. 

Dans  les  différents  sceaux  que  Ton  possède 
en  France,  nous  avons  encore  les  portraits  : 

—  De  Philippe ,  fils  de  Louis  IX  et  de 
Marguerite  de  Provence  (1245); 

—  De  Charles,  fils  de  Philippe  IV  et  de 
Jeanne  de  Navarre  (i322); 

—  De  Jean,  fils  de  Philippe  IV  et  de  Jeanne 
de  Bourgogne,  duc  de  Normandie  et  de 
Guyenne; 

—  De  Philippe,  fils  de  Philippe  IV,  duc 
d'Orléans  et  de  Touraine. 

Dans  le  sceau  de  Blanche,  duchesse  d'Or- 
léans, on  voit  cette  princesse  debout  sous  une 
niche  gothique ,  à  sa  droite  et  à  sa  gauche 
sont  deux  anges. 


Du  Portrait  dans  les  sceaux  et  cachets.       3o3 

Jean  de  France,  duc  de  Berry  et  d'Au- 
vergne, est  représenté,  les  cheveux  attachés 
par  un  bandeau,  et  revêtu  d'un  long  man- 
teau ;  il  est  debout  sous  un  dais  gothique,  et 
coiffé  du  casque  de  duc. 

Nous  retrouvons  à  peu  près  les  mômes 
attitudes  dans  les  sceaux  de  Charles  de 
France,  fils  de  Philippe  III  (1270); 

—  De  Philippe ,  dit  de  Valois,  frère  aîné 
de  Charles; 

—  De  Pierre ,  comte  d'Alençon  et  de 
Chartres,  frère  de  Louis  IX. 

Dans  les  sceaux  des  princesses,  nous  trou- 
vons encore  Marguerite  d'Anjou ,  femme  de 
Charles,  comte  de  Valois  (1290),  debout  sous 
une  niche  gothique. 

Il  en  est  de  même  de  Catherine  de  Cour- 
tenay,  femme  de  Charles  de  Valois:  et  de 
Mahart  de  Châtillon,  dite  de  Saint-Paul. 

Alix,  fille  de  Robert  III,  comte  d'Alençon, 
est  debout,  elle  tient  une  fleur  de  lis. 

Hugues  de  Lusignan  est  représenté,  monté 
sur  un  cheval  lancé  au  galop,  il  porte  au  cou 
un  olifant  et  tient  un  chien  en  croupe. 


3o4  Histoire  du  Portrait. 


Yolande  de  Dreux  est  figurée  tenant  un 
oiseau  de  la  main  gauche. 

Dans  le  sceau  de  Guy  de  Dampierre,  comte 
de  Flandre,  ce  seigneur  est  armé  de  toutes 
pièces,  tenant  d'une  main  une  épée  nue,  et 
portant  au  bras  gauche  un  écu  aux  armes 
de  Flandre. 

Fréquemment  encore,  le  cavalier  est  repré- 
senté sur  un  cheval  au  galop,  tantôt  tourné 
à  droite,  tantôt  à  gauche. 

Nous  retrouvons  cette  donnée  dans  les 
sceaux  : 

—  De  Gauthier  d'Avesnes,  —  de  Jean  de 
Châtillon;  —  de  Louis  de  Flandre; 

—  De  Jean  de  Roubaix,  —  de  Roger - 
Bernard,   comte  de   Foix ,  etc.,  etc. 

Une  plus  longue  nomenclature  serait  fasti- 
dieuse pour  le  lecteur,  qui  ne  peut  avoir  sous 
les  yeux  les  empreintes  si  intéressantes  de 
tous  ces  cachets.  On  trouve  parfois  une  ex- 
trême finesse  dans  les  détails,  et  une  cer- 
taine élégance  dans  le  contour  des  figures 
gravées  sur  ces  objets. 


CHAPITRE  IV 


DU  PORTRAIT  DANS  L  ORFEVRERIE 


[aire  de  Constantinople  une  ville 
sans  rivale  semble  avoir  été  le 
souci  de  Constantin  :  les  histo- 
riens ont  raconté  longuement 
les  merveilles  d'orfèvrerie  dont  l'empereur 
chrétien  se  plut  à  enrichir  les  églises  et  les 
palais  édifiés  par  ses  ordres. 

Le  Labarum  était  orné  des  bustes  d'or  de 

l'empereur  et  de  ses  enfants,  nous  dit  Eusèbe. 

(De  vita  Imp.  Constantini  Lib.  I,  cap.  xxxi.) 

Les  successeurs  de  Constantin,  Constance 

et  Théodose,  héritiers  de  cet  empereur,  conti- 


nuèrent d'encourager  les  arts. 


33 


3o6  Histoire  du  Portrait. 

Constance  acheva  Sainte- Sophie ,  cette 
merveille  de  l'Orient  ;  Théodose  fit  élever  sa 
propre  statue  en  argent  dans  le  forum  du 
Taureau. 

L'étonnement  n'a  pas  de  limite  quand  on 
voit  les  richesses  en  orfèvrerie  accumulées 
dans  les  églises  de  Constantinople  par  les  empe- 
reurs ;  le  luxe  en  bijoux,  en  pierreries,  en  vête- 
ments ,  en  meubles ,  en  ornements  de  toutes 
sortes,  déployé  dans  les  fonctions  sacrées. 

Dans  leurs  palais  et  dans  les  cérémonies, 
les  empereurs  et  les  grands  dignitaires  ne  se 
servent  que  de  couronnes  d'or,  d'armes  enri- 
chies de  pierreries  ;  le  harnais  de  leurs  cour- 
siers est  recouvert  de  ciselures;  la  vaisselle  est 
d'or  massif,  les  meubles  sont  surchargés  de 
rubis,  de  topazes  et  de  perles. 

Arcadius  érigera  à  Théodose  une  statue 
d'argent  de  sept  mille  quatre  cents  livres  ;  les 
statues  colossales  d'Eudoxie  et  de  ses  trois 
filles,  toutes  d'argent,  seront  élevées,  comme 
ornement,  dans  l'Augustéon,  ce  forum  déjà 
peuplé  de  statues.  (J.  Labarte.  Le  Palais  de 
Constantinople,  Paris,  1861.) 


Du  Portrait  dans  V orfèvrerie.  3oj 

Au  ve  siècle,  le  préfet  du  prétoire  Aurélius 
placera  la  statue  d'or  de  Théodose  II  dans 
l'enceinte  du  Sénat,  avec  les  bustes  d'Hono- 
rius  et  de  Pulchérie,  cette  vierge  chargée  à 
l'âge  de  quinze  ans  de  la  responsabilité  d'un 
empire  et  de  l'éducation  du  jeune  Théodose, 
son  frère,  qu'elle  devait  plus  tard  remplacer. 

Au  vie  siècle,  Justinien  rebâtit  Sainte-So- 
phie, incendiée  en  (532),  et  rien  ne  saurait 
égaler  le  luxe  que  déploie  l'empereur  dans  la 
décoration  de  cette  basilique. 

L'orfèvrerie,  dans  toutes  ses  manifestations, 
vient  enrichir  le  temple;  les  colonnes,  les 
murailles,  le  sanctuaire  étincellent  d'or  et 
d'argent  ciselés,  avec  mélanges  d'émaux  et  de 
pierres  fines.  —  Les  statues  sont  nombreuses 
et  décèlent  le  grand  talent  des  orfèvres  sta- 
tuaires. 

Deux  auteurs,  Paul  le  Silenciaire  et  l'Ano- 
nyme, nous  ont  laissé  la  description  de  ces 
merveilles  et  de  ce  mobilier  incomparable, 
donné  par  les  empereurs  pour  l'usage  du 
temple. 

Ce  goût  pour  l'orfèvrerie  artistique  et  cette 


3o8  Histoire  du  Portrait. 

protection  accordée  aux  arts  semblent  avoir 
été  le  partage  des  empereurs  d'Orient  jusqu'à 
la  fin  du  vne  siècle. 

Chassée  du  temple  par  l'hérésie  des  Icono- 
clastes, l'orfèvrerie,  privée  d'une  de  ses  bran- 
ches, n'en  continua  pas  moins  de  créer  des 
chefs-d'œuvre. 

Au  xe  siècle ,  un  empereur,  Constantin 
Porphyrogénète,  est  lui-même  un  orfèvre  de 
talent  :  le  luxe  de  son  palais  semble  défier 
toute  description. 

Luitprand  a  détaillé  ces  vases  d'or,  chargés 
de  fruit,  amenés  sur  des  chariots  et  placés 
sur  la  table  de  l'empereur  au  moyen  de 
poulies  et  de  cordages  tirés  par  quatre 
hommes.  (Luitprandi  opéra,  Lib.  VI  apud 
Pertz,  Mon.  Germ.  Hist.,  tom.  V.) 

Jusqu'à  la  chute  de  l'empire  d'Orient,  l'or- 
fèvrerie reste  en  grand  honneur  à  Constanti- 
nople.  Le  pillage  de  cette  ville  par  les  Croisés 
dispersa  en  Europe  une  partie  des  trésors 
accumulés  dans  la  cité  impériale. 

Ces  chefs-d'œuvre  servirent  longtemps  de 
modèle  aux  artistes  de  l'Occident. 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  3og 

Au  vme  siècle,  les  nombreux  artistes  de 
l'Orient,  chassés  de  leur  pays  par  la  persé- 
cution religieuse,  vinrent  en  Italie  et  dans  les 
divers  pays  d'Europe.  —  Ils  apportèrent  avec 
eux  leurs  procédés,  leur  goût  pour  l'orfè- 
vrerie artistique  et  provoquèrent  une  sorte  de 
renaissance  dans  cette  branche  de  l'art. 

De  (772)  à  (816),  les  papes  Adrien  Ier  et 
Léon  III  donnèrent  une  protection  éclairée 
aux  artistes,  et  les  plus  habiles  sculpteurs 
semblent  se  confondre  avec  les  orfèvres 
statuaires. 

La  basilique  de  Saint-Pierre  était  alors 
célèbre,  et  la  vénération  générale  y  avait  ac- 
cumulé des  trésors;  les  papes  s'étaient  complu 
à  l'embellir  de  riches  ornements. 

Le  Liber  Pontificalis  mentionne  les  bas- 
reliefs  d'argent  doré  que  Léon  III  avait  placés 
comme  ornement  sur  la  porte  revêtue  d'ar- 
gent par  le  pape  Honorius,  et  les  statues  du 
Christ,  de  la  Vierge  et  des  Apôtres,  qui  déco- 
raient le  transept. 

La  Confession  de  Saint-Pierre  fut  enrichie 
de  statues,  de  bas-reliefs,  d'ornements  divers 


3io  Histoire  du  Portrait. 

en  or  du  poids  de  deux  cent  cinquante-quatre 
livres,  par  les  papes  Adrien  Ier  et  Léon  III. 

Le  ciborium  placé  au-dessus  de  l'autel  ma- 
jeur fut  exécuté  en  argent  et  orné  de  statues. 

Dans  les  autres  églises  de  Rome,  l'orfèvrerie 
fut  encore  appelée  à  donner  son  concours 
dans  l'ornementation  des  temples. 

Charlemagne  avait  offert  aux  Papes,  après 
sa  victoire,  le  trésor  de  Didier,  roi  des  Lom- 
bards (774).  Les  papes  usèrent  dignement  de 
ces  richesses,  on  vient  de  le  voir. 

D'après  le  Liber  Pontificalis  (cette  chro- 
nique de  la  papauté),  le  seul  pape  Léon  III  fit 
mettre  en  œuvre  par  les  orfèvres,  sous  son 
pontificat,  quatorze  cent  soixante-six  livres 
d'or,  et  vingt-quatre  mille  huit  cent  quarante- 
trois  livres  d'argent.  —  Ces  chiffres  donnent 
l'idée  de  l'immensité  des  travaux  exécutés 
par  ordre  de  ce  pontife. 

Ce  goût  pour  les  arts  fut  tout  aussi  vif  sous 
les  papes  du  ixe  siècle. 

Etienne  IV  vient  à  Reims  sacrer  Louis  le 
Débonnaire  et  lui  offre  une  riche  couronne 
(apud  Duchesne,  Hist.  franc,  script.,  tom.  II) 


Du  Portrait  dans  V orfèvrerie.  3i  i 

(Theyani  opus).  Pascal  Ier  enrichit  de  travaux 
d'orfèvrerie  et  de  statues  d'or  et  d'argent  les 
nombreuses  églises  qu'il  fait  reconstruire. 

En  Italie,  les  églises  sont  de  véritables  mu- 
sées :  la  basilique  de  Saint-Ambroise  à  Milan 
est  ornée  du  célèbre  autel  d'or  (Paliotto)  par- 
semé des  pierreries  les  plus  précieuses,  d'é- 
maux, de  médaillons;  aucune  description  ne 
peut  donner  idée  de  cette  merveille  d'orfèvre- 
rie (Voir  Du  Sommerard,  les  Arts  au  moyen 
âge,  9e  série,  pi.  xvm). 

Ce  ixe  siècle  semble  avoir  été,  par  excel- 
lence ,  le  siècle  de  l'orfèvrerie  :  en  Orient 
Théophile  et  Basile  le  Macédonien;  en  Occi- 
dent, Charlemagne  et  les  papes  font  exécuter 
des  travaux  d'art  qui  semblent  surpasser 
tout  ce  qu'a  produit  l'antiquité. 

Les  artistes  ne  sont  étrangers  à  aucun  pro- 
cédé de  fabrication  :  le  repoussé  au  marteau, 
la  fonte,  la  ciselure,  la  gravure  en  intaille, 
la  niellure,  sont  employés  tour  à  tour  pour  la 
perfection  de  l'ouvrage. 

Charlemagne  fait  élever  la  basilique  d'Aix- 
la-Chapelle   :  Angilbert    fait   rebâtir    l'église 


3 12  Histoire  du  Portrait. 

de  son  abbaye  de  Saint-Riquier,  près  d'Ab- 
beville  (dans  la  Somme),  et  s'applique  à 
l'embellir  d'ornements  d'or  et  d'argent  et  d'un 
riche  ciborium  dans  le  goût  italien.  (Hariuln" 
monachi  S.  Richarii,  chron.  CentulensisLib.  I 
et  Lib.  III,  ap.  d'Achery  spicilegium,  tom.  IV.) 

Sous  Louis  le  Débonnaire,  les  princes,  les 
seigneurs  et  les  prélats  recherchent  avec  pas- 
sion les  ouvrages  d'orfèvrerie  :  les  bas-reliefs 
et  les  statues  ne  sont  pas  rares  à  cette  époque, 
mais  ce  genre  d'ornement  est  surtout  employé 
dans  la  décoration  des  églises. 

La  réputation  des  artistes  français  est  telle, 
qu'un  patriarche  de  Venise  commandait  en 
France  un  calice  orné  de  pierreries. 

L'abbaye  de  Saint-Denis  avait  une  école 
où  se  formaient  des  artistes  orfèvres,  et  ses 
abbés  (les  rois  de  France),  Louis  Ier  et 
Charles  le  Chauve  encouragèrent  noblement 
les  œuvres  d'art. 

On  sait  les  travaux  que  fit  exécuter  Hinc- 
mar,  archevêque  de  Reims,  pour  son  église 
(Tarbé,  Hist.  des  églises  de  Reims  (1843). 

De    riches    ornements   furent    offerts    par 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  3i3 

Abbon  à  son  église  Saint-Étienne  d'Auxerre 
dans  le  même  ixe  siècle.  (Labbe  nova  Bibl.) 

Les  noms  de  quelques  orfèvres  de  cette 
époque  sont  parvenus  jusqu'à  nous  :  Odul- 
fus,  moine  de  Saint-Riquier  (864),  —  Perpé- 
tuus  d'Angers  (877),  qui  travaillait  la  fonte 
(d'après  d'Achery),  —  les  chanoines  Bernelin 
et  Bernuin  de  Sens,  qui  font  un  devant  d'au- 
tel d'or  enrichi  défigures  en  bas-relief.  (Repro- 
duit d'après  le  dessin  de  Lambinet,  par  du 
Sommerard.  Les  Arts  aux  moyen  âge,  9e  sé- 
rie, pi.  XIII.) 

Les  terreurs  religieuses  du  xe  siècle  sem- 
blent aviver  l'orfèvrerie  artistique  religieuse  ; 
par  une  contradiction  assez  singulière ,  on 
continue  d'enrichir  les  églises;  pendant  que 
les  arts  languissent  de  tous  côtés,  l'orfèvrerie 
reste  florissante,  et  le  portrait  proprement  dit 
apparaît  enfin  dans  les  travaux  de  ce  genre. 

En  orfèvrerie,  dit  M.  de  Laborde,  oc  la 
fonte  et  la  ciselure  sont  des  procédés  bornés, 
le  repoussé  est  l'art  sans  limite  (De  l'Union 
des  Arts  et  de  l'Industrie,  tom.  II). 

Un    document    curieux    du   xie  siècle ,    le 


3i4  Histoire  du  Portrait. 

Traité  du  moine  Théophile  sur  les  arts,  nous 
apprend  le  procédé  employé  dans  les  travaux 
au  repoussé. 

«  On  fait  aussi  des  fers  pour  exécuter  sur 
l'or,  l'argent  et  le  cuivre,  des  figures  humai- 
nes, des  oiseaux,  des  animaux  et  des  fleurs 
repoussés.  Ces  fers  sont  de  la  longueur  d'une 
palme,  garnis  d'une  tête  pour  être  frappés 
avec  le  marteau,  —  la  partie  inférieure  va- 
riait déforme,  selon  le  travail  à  exécuter.  »  — 
Théophile  appelle  ces  instruments  «  fers  pour 
le  repoussé.  »  —  (Diversarum  artium  schedula 
lib.  II,  cap.  xiii  et  seq.) 

Nous  verrons  plus  tard  les  orfèvres  de  Li- 
moges user  de  ce  procédé,  pendant  le  xme  siè- 
cle ;  et  produire  des  statuettes  et  de  nombreux 
bas-reliefs  en  cuivre.  —  On  retouchait  ensuite 
au  ciselet  les  parties  délicates,  afin  de  donner 
à  l'œuvre  son  fini. 

Cellini  nous  apprend  que  le  procédé  au 
repoussé  était  d'un  usage  général  au  xvie  siè- 
cle ; —  lui-même  n'employait  jamais  la  fonte 
que  pour  les  pièces  de  rapport,  comme  les 
anses,  les  becs  d'aiguières  ;  toutes  ses  figurines 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  3i5 

les  plus  délicates,  ses  bijoux  les  plus  pré- 
cieux, sont  exécutés  par  la  méthode  du  re- 
poussé. 

Jusqu'au  xvne  siècle,  l'orfèvrerie  a  donné 
des  bas-reliefs  et  des  statues  d'or  et  d'argent 
et,  dans  tous  ces  ouvrages,  le  repoussé  fut 
constamment  employé  :  on  obtenait  ainsi  le 
moins  de  poids  possible,  tout  en  conservant  à 
l'objet  sa  richesse  apparente. 

Hérivée,  archevêque  de  Reims,  érige  un 
autel  orné  d'un  bas-relief  d'argent  :  Au  centre 
du  parement  le  Christ  est  assis  sur  un  trône  : 
Hérivée — et  Foulques,  son  prédécesseur,  sont 
agenouillés  et  tournent  leurs  regards  vers  le 
Sauveur  :  —  Les  portraits  de  Charles  le  Sim- 
ple, —  de  Judith,  fille  de  Charles  le  Chauve, 
—  et  d'Ansgarde,  femme  de  Louis  le  Bègue, 
figuraient  encore  sur  ce  bas-relief.  (Tarbé, 
Trésor  des  églises  de  Reims.  —  Reims,  1843.) 

Les  églises  d'Auxerre  et  de  Saint-Bertin 
(près  de  Saint-Omer),  sont  enrichies  de  bas- 
reliefs  au  marteau.  —  Richard ,  abbé  de 
Saint-Vitou  de  Verdun,  fait  exécuter  des 
sculptures   importantes    au   repoussé.  (Apud 


3i6  Histoire  du  Portrait. 

Pertz,Mon.  Germ.  Hist.,X.  —  Chron.  Hugo- 
nis  abb.) 

L'abbé  de  Savigny ,  Gausmar ,  fait  lui- 
même,  en  (953),  divers  travaux  d'orfèvrerie  et 
cinq  tableaux  d'argent.  (Collect.  des  Doc.  inéd. 
sur  l'Hist.  de  France,  Paris,  i853,tomeI.) 

Josbert,  moine  de  Saint-Martial  à  Limo- 
ges, était  un  orfèvre  habile;  en  (975),  il  fit  une 
image  de  saint  Martial  en  or.  (Labbe.  Nova 
Bibl.  II.) 

Les  bas-reliefs  de  la  châsse  d'or  renfermant 
les  reliques  de  la  Vierge,  à  Saint-Peré  de 
Chartres,  étaient  l'œuvre  de  Thendon,  archi- 
tecte et  orfèvre,  qui  avait  bâti  la  façade  de 
cette  église  vers  (991)  (Sablon,  Hist.  de  l'Égi- 
de Chartres,  1671). —  (Texier,  Dict.  de  l'or- 
fèvrerie). 

Le  roi  Robert,  au  xic  siècle,  suit  les  tradi- 
tions de  ses  prédécesseurs  et  favorise  l'orfè- 
vrerie :  pendant  tout  le  cours  de  son  règne 
(996-1031),  les  travaux  exécutés  sont  les 
mêmes  que  dans  le  siècle  précédent. 

Dans  l'abbaye  de  Saint-Pierre-le-Vif,  près 
de  Sens,  un  moine,  Odoranne,  sculpteur  et 


Du  Portrait  dans  V orfèvrerie.  3iy 

orfèvre,  exécute  la  châsse  de  saint  Savinien 
«  fort  curieusement  élabourée,  avec  plusieurs 
figures  relevées  en  bosse  tout  autour;  parmi 
ces  figures  était  celle  du  roi  Robert.  »  (Guyon, 
Histoire  de  l'église  d'Orléans,  tome  I.) 

Du  reste,  la  ville  de  Sens  avait  une  école 
d'orfèvrerie  depuis  le  ixe  siècle,  et  Tévèque 
d'Auxerre,  Geoffroy,  fonda  des  prébendes 
pour  des  chanoines  artistes  dans  son  diocèse 
vers  (io5o). —  (Labbe,  Nova  BibL,  tom.  I.) 

Vers  (1087),  Othon,  orfèvre  normand,  enri- 
chit de  bas-reliefs  d'or  et  d'argent,  rehaussés 
de  pierreries ,  le  mausolée  de  Guillaume  le 
Conquérant ,  érigé  dans  l'église  de  Saint- 
Étienne  de  Caen.  (Duchesne,  Hist.  Norm. 
Script. —  Lut.  Paris.,  (1619.) 

L'orfèvrerie  en  France,  au  xne  siècle,  rap- 
pelle le  nom  de  Suger,  abbé  de  Saint-De- 
nis (1 122-1 152);  non  content  d'avoir  recon- 
struit l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  Suger 
voulut  l'orner  avec  magnificence. 

Notre  étude  sur  le  portrait  nous  impose  de 
passer  sous  silence  les  œuvres  d'orfèvrerie  que 
fit  exécuter  Suger. 


3i8  Histoire  du  Portrait. 

Le  tombeau  de  saint  Denis,  réédifié  sous  sa 
direction,  devint  une  véritable  merveille  artis- 
tique, inspirée  par  la  vénération  pour  le  pre- 
mier évêque  de  Paris.  Les  rois,  les  princes, 
les  seigneurs,  les  évêques,  voulurent  contri- 
buer à  l'embellissement  du  mausolée  par  des 
offrandes  de  pierreries,  de  camées,  de  bijoux, 
d'émaux  et  de  marbres  précieux.  (Sugerii,  De 
rébus  in  administ.  sua.  gest.  —  Duchesne, 
tom.  IV.) 

La  croix,  élevée  par  Suger  sur  l'emplace- 
ment du  premier  tombeau  de  saint  Denis,  fut 
consacrée  par  le  pape  Eugène  IV,  en  l'an- 
née (1147). 

Pour  l'exécution  de  ce  monument  de  l'art, 
Suger  livra  aux  orfèvres  quatre-vingts  marcs 
d'or  :  —  Au  prix  de  quatre  cents  livres,  il 
acheta  quantité  d'hyacinthes,  de  saphirs,  de 
rubis,  d'émeraudes  et  de  topazes,  qui  for- 
maient le  trésor  des  abbayes  de  Fontevrault 
et  de  Cîteaux.  —  De  nombreux  émaux  his- 
toriés furent  employés  à  l'ornementation  de 
cette  croix.  (Doublet,  Histoire  de  l'abbaye  de 
Saint-Denis  en  France,  Paris,  1625.) 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  3iq 

La  figure  du  Christ  était  d'or  et  couronnée; 
la  draperie,  tombant  de  la  ceinture  aux  ge- 
noux, était  ornée  de  pierreries  (184  pierres 
fines ,  1 1 5  perles  et  4  émaux) ,  des  sa- 
phirs figuraient  les  clous  des  mains  et  des 
pieds, 

L'Inventaire  de  Saint-Denis,  qui  nous  a 
laissé  ces  renseignements  curieux,  ajoute  en- 
core que  la  figure  de  Suger,  en  costume 
d'abbé,  enlevée  à  mi-bosse  d'or,  c'est-à-dire 
au  repoussé,  se  trouvait  au  pied  de  la  croix. 
—  A  cette  même  époque,  Maurice  de  Sully, 
évèque  de  Paris  (1196),  —  Gervais ,  abbé  de 
Saint-Germain  d'Auxerre  (1 147),  —  Sansom, 
archevêque  de  Reims  (1160),  faisaient  exécu- 
ter des  bas-reliefs  historiés.  —  (Tarbé,  Trésor 
des  églises  de  Reims.) 

L'abbé  du  monastère  d'Audernès,au  diocèse 
de  Boulogne,  était  un  orfèvre  habile.  (Apud 
d'Achery,  spicilegium  ,  tome  IX).  —  (Guil- 
lelmi,  Audrensis  Mon.  chron.) 

Henri  Ier,  comte  de  Champagne,  mourut 
en  (1 181).  —  Le  mausolée  de  ce  prince,  érigé 
dans  l'église    Saint-Etienne    de    Troyes,  fut 


320  Histoire  du  Portrait. 

orné  des  portraits  de  ce  seigneur  et  de  son 
fils  Thibaut.  (Baugier,  Mém.  hist.  de  Cham- 
pagne, Châlons,  1721.) 

Dans  ce  même  siècle,  Montpellier  possédait 
une  école  d'orfèvres  fort  réputée,  qui  s'orga- 
nisa en  corporation  dans  le  xiir3  siècle.  (J.  Re- 
nouvier.  —  Des  maîtres  de  pierre  et  autres 
artistes  de  Montpellier,  Montpellier,  1844.) 

Le  trésor  de  Conques  (Aveyron)  renferme 
diverses  pièces  de  cette  époque  ;  elles  ont  été 
décrites  par  M.  Darcel.  (Trésor  de  Conques, 
Paris,  1861.) 

L'église  de  Saint-Omer  possède  une  nions- 
trance  curieuse  de  cette  même  date.  (Des 
Champs  de  Par,  Ann.  archéol.,  tome  XIV.) 

Le  xme  siècle  produisit  encore  des  monu- 
ments remarquables  en  portraits  : 

Blanche  de  Navarre  fit  ériger  à  Thibaut  III, 
comte  de  Champagne,  un  splendide  tombeau 
dans  l'église  cathédrale  de  Troyes.  La  statue 
du  prince,  en  argent,  était  grande  comme 
nature.  —  Dix  autres  statues  de  quatorze 
pouces,  faites  du  même  métal ,  servaient  à 
l'ornement  du  mausolée.  —  Le  roi   Louis  le 


Du  Portrait  dans  V orfèvrerie.  32  i 

-       -  j 

Jeune,  —  Henri  Ier  de  Champagne, —  Blanche 
de  Navarre,  —  Sanche  le  Fort ,  roi  de 
Navarre ,  —  Scholastique ,  sœur  de  Thi- 
baud  III,  y  étaient  représentés.  (Baugier,  ibid.) 

Le  portrait  dans  les  ouvrages  d'orfèvrerie 
devient  plus  fréquent  dans  le  xine  siècle  :  Il 
semblerait  qu'à  cette  époque,  les  figures  sont 
moins  de  convention  et  qu'elles  reproduisent 
fidèlement  les  traits  précis  des  personnages. 

Exécuter  les  images  du  Christ ,  de  la 
Vierge,  des  Saints,  d'après  des  formes  con- 
ventionnelles, laissait  à  l'artiste  un  champ 
illimité  :  mais  il  n'en  était  plus  de  même 
lorsqu'il  fallait  reproduire ,  d'après  nature, 
les  traits  d'un  personnage  connu  et  de  per- 
sonnes vivantes. 

La  fréquence  des  portraits  en  orfèvrerie 
démontre  que  les  artistes  avaient  dû  faire  des 
progrès  notables  dans  le  dessin,  condition 
première  de  l'exactitude  dans  toute  repro- 
duction. 

Du  reste,  à  la  fin  du  xne  siècle,  les  artistes 
laïques  deviennent  nombreux,  et  leurs  tra- 
vaux ne  se  bornent  plus  à  l'embellissement 

35 


322  Histoire  du  Portrait. 

des  objets  du  culte  et  à  l'ornementation  des 
églises. 

Les  orfèvres  de  Paris  sont  réunis  en  cor- 
poration par  saint  Louis,  mais  leur  industrie 
est  libre,  —  une  seule  clause  leur  est  impo- 
sée :  employer  l'or  pur,  à  la  touche  de  Paris, 
et  l argent,  comme  à  lEstelin  de  Londres.  — 
(Depping.  Règlem.  des  Arts  et  Métiers  de  Pa- 
ris, etc.,  Paris,  1837.) 

A  la  fin  du  xme  siècle,  Paris  comptait  plus 
de  cent  seize  orfèvres,  qui  formaient  la  Con- 
frérie de  saint  Éloi. 

Le  trésor  de  la  Sainte-Chapelle,  celui  de 
Notre-Dame,  les  statues  des  rois  de  France, 
exécutées  en  métal  par  ordre  de  saint  Louis  ; 
les  bas -reliefs  d'argent  qui  ornèrent  plus 
tard  le  tombeau  du  saint  roi ,  témoignent 
éloquemment  de  l'habileté  consommée  des 
orfèvres  statuaires  de  la  Confrérie  Parisienne. 

Du  reste,  Raoul,  orfèvre  de  saint  Louis,  fut 
anobli  en  (1270)  par  Philippe  le  Hardi,  en 
récompense  de  son  merveilleux  talent.  (Du- 
chesne,  Hist.  Fran.  Scrip.,  tom.  V.  —  Gesta 
Philippi  Tertii.) 


Du  Portrait  dans  l orfèvrerie.  323 

L'Inventaire  de  la  Sainte-Chapelle  (i5y3), 
mentionne  un  buste  d'or  de  saint  Louis  (Du 
Cange,  Hist.  de  saint  Louis,  1678).  —  Il  est 
reproduit  dans  le  Dictionnaire  du  mobilier 
français  de  M.  Viollet-le-Duc. 

Ce  buste  était  l'œuvre  de  Guillaume,  orfè- 
vre de  Philippe  le  Bel,  qui  l'avait  exécuté 
en  (i3o6). 

Une  autre  statue  de  saint  Louis,  en  argent 
doré,  soutenait  un  reliquaire  contenant  un 
ossement  de  ce  roi. 

Gilles,  abbé  de  Saint-Denis,  avait  fait  pla- 
cer les  reliques  de  saint  Louis  dans  une  châsse 
portée  par  deux  statues  de  rois  (Philippe  le 
Hardi  et  Philippe  le  Bel).  —  Gilles,  age- 
nouillé, figurait  dans  ce  groupe,  tenant  lui- 
même  un  reliquaire  à  la  main.  —  (Félibien, 
Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denis ,  Pa- 
ris, 1706.) 

Les  orfèvres  de  Montpellier,  —  ceux  d'Avi- 
gnon, continuent  de  produire  des  œuvres 
estimées. 

Les  évêques  et  les  abbés  de  la  ville  d'Auxerre 
enrichissent  leurs  églises  de  bas-reliefs  et  d'or- 


324  Histoire  du  Portrait. 

nements  d'offèvrerie.  (  Labbe ,  Nov.  Bibl., 
tom.  I.  — Parisiis,  1657.) 

Les  orfèvres  d'Arras  avaient  également  une 
grande  réputation.  (Ann.  archéol.,  tome  IX.) 

La  ville  de  Limoges,  célèbre  par  ses  émaux, 
avait  encore  des  orfèvres  de  talent,  qui  pro- 
duisent de  curieuses  sculptures  en  ronde  bosse 
et  des  figures  de  haut-relief,  en  cuivre  battu. 
Dès  lors  les  travaux  artistiques  se  vulgarisent 
et  deviennent  à  la  portée  de  tous. 

Au  xiv°  siècle,  sous  Charles  V,  l'orfèvrerie 
civile  acquiert  une  importance  qu'elle  n'avait 
jamais  eue,  mais  elle  produit  surtout  la  riche 
vaisselle  d'or  et  d'argent  employée  dans  les 
maisons  royales  et  les  châteaux. 

Claux  de  Fribourg,  orfèvre  du  roi,  exécuta 
cependant  diverses  statuettes  d'or  et  d'argent. 
(De  Laborde.  Revue  archéol.  tome  VII). 

L'Inventaire  des  Joyaulx  des  ducs  d'Anjou 
et  de  Berry  mentionne  un  grand  nombre  de 
statuettes  et  de  bas-reliefs  au  repoussé.  Tous 
ces  ouvrages  ont  un  caractère  religieux  et  ne 
rentrent  pas  dans  le  portrait  proprement  dit 
(De  Laborde,  ibid.). 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  325 

Le  portrait  dans  l'orfèvrerie  semble  plus 
rare  ;  les  historiens ,  comme  Froissart  et 
Christine  de  Pisan,  mentionnent  rarement  ces 
bas-reliefs  et  ces  statues,  si  nombreuses  au 
xme  siècle  et  qualifiés  portraits. 

Félibien  indique  comme  objets  d'art,  ap- 
partenant au  xive  siècle,  d'après  l'Inventaire 
de  Saint-Denis,  un  groupe  d'argent  doré  :  à 
droite  de  la  Madeleine  se  trouvaient  les 
statues  de  Charles  V —  et  de  son  fils,  le  dau- 
phin Charles,  à  genoux;  —  à  gauche  celle  de 
la  reine  Jeanne  de  Bourbon.  Ce  travail  avait 
été  offert  par  Charles  V  en  (i 368). 

L'orfèvrerie  civile  produisit  dans  ce  siècle 
des  objets  merveilleux  mentionnés  dans  les 
Inventaires  de  Charles  V,  de  Charles  VI,  du 
duc  d'Anjou,  de  la  reine  Clémence  et  du  duc 
de  Bourges. 

Les  nefs  à  épices,  les  salières,  lesessays,  les 
fontaines,  les  coupes,  les  hanaps  et  les  gobe- 
lets, les  surtouts  de  table,  décrits  dans  ces 
inventaires,  établissent  le  grand  talent  des  or- 
fèvres ciseleurs  de  cette  époque. 

La  plupart  de  ces  objets  sont  d'or  ou  d'ar- 


3-i6  Histoire  du  Portrait. 

gent,  ciselés  avec  art  et  enrichis  de  pierreries, 
souvent  ornés  de  figures. 

Les  noms  de  divers  orfèvres  chargés  de  l'in- 
ventaire des  joyaux,  vaisselle  et  objets  mobi- 
liers de  la  reine  Clémence  de  Hongrie,  veuve 
de  Louis  le  Hutin  (i328)  sont  parvenus  jusqu'à 
nous  : 

Ce  sont  :  Estienne  Maillart  —  et  Gieffroy 
de  Mantes,  orfèvres  de  Philippe  le  Long  ; 

—  Simon  de  Lille  ;  —  Jehan  Pascon  ;  — 
Félix  d'Anceurre; 

—  Jehan  de  Toul  ;  —  Pierre  de  Besançon 
et  Jehan  de  Lille,  orfèvres  de  Paris. 

Nous  avons  encore  les  noms  :  de  Thomas 
de  Langres  (i345),  orfèvre  de  la  comtesse  de 
Blois;  —  de  Jehan  Lebraellier,  orfèvre  du 
roi  Jean,  également  sculpteur  en  ivoire; 

—  De  Pierre  de  Landes,  maître  de  la  mon- 
naie de  Paris  ;  —  de  Pierre  des  Barres,  or- 
fèvre et  valet  de  chambre  de  Charles  V,  alors 
dauphin  (i  353);  —  de  Jehan  de  Mautreux, 
orfèvre  du  roi  Jean  ;  —  de  Jehan  Fleury  ; 

—  De  Pierre  Chapellu; — de  Jehan  de  Lille 
(jeune)  ;  —  de  Pierre  Leblont  ; 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  3-2  7 

—  De  Jehan  Lussier  ;  —  de  Guillaume 
Gargoulle —  et  de  Jehan  Bonnetot,  argentiers 
du  roi. 

Dans  les  inventaires  du  xivc  siècle  nous 
trouvons  encore  comme  orfèvres  notables  : 

Jehan  de  Picquigny  et  Robert  Retour,  orfè- 
vres de  Charles  V  (encore  dauphin)  ; 

—  Hannequin  du  Vivier  (1378),  auteur  des 
objets  offerts  à  l'empereur  Charles-Quint,  à 
l'époque  de  son  voyage  à  Paris  ; 

—  Simonnet  Lebec,  orfèvre  de  Charles  VI; 

—  Guillaume  Arrode,  —  et  Robert  Auffroy; 

—  Guillaume    Huet,   —    et  Jehan    Husse, 
orfèvres  de  la  ville  de  Paris. 

Certains  orfèvres  sont  désignés  dans  ces 
mêmes  inventaires  comme  auteurs  de  travaux 
particuliers  : 

Henry,  orfèvre  du  duc  d'Anjou,  exécuta 
une  nef  pesant  deux  cent  quarante-huit  marcs 
d'or; —  Pierre  de  Boterie  (137g)  fut  Fauteur 
de  la  statuette  de  saint  Etienne,  placée  sur  le 
tombeau  du  comte  Henry  de  Champagne,  et 
de  la  tète  de  reine  qui  ornait  le  monument  du 
comte  Thibaut. 


3-28  Histoire  du  Portrait. 

De  nombreux  orfèvres  sont  encore  désignés 
dans  ces  inventaires  du  xive  siècle,  et  nous 
pouvons  en  inférer  que  cet  art  fut  brillam- 
ment représenté  à  cette  date. 

Pendant  le  xve  siècle,  l'orfèvrerie  à  figures 
semble  subir  un  temps  d'arrêt;  du  reste  la 
sculpture  proprement  dite  forme  une  branche 
de  l'art  bien  plus  distincte. 

Si  la  sculpture  se  développe  large  et  puis- 
sante dans  les  monuments  et  les  églises,  par 
contre,  l'orfèvrerie  à  figures  se  localise  dans 
les  objets  du  culte  et  surtout  dans  les  objets 
usuels.  Elle  apparaît  même  dans  le  vêtement, 
et  il  n'est  pas  rare  à  cette  époque  de  retrouver 
dans  les  inventaires  la  mention  de  manches 
d'argent  ou  d'ornements  ciselés  appliqués  sur 
les  vêtements. 

L'orfèvrerie  religieuse  continue  de  produire 
des  calices,  des  monstrances,  des  reliquaires  ; 
tous  ces  objets  rappellent  les  travaux  du  xive 
siècle. 

Quelques  statues  d'argent,  exécutées  dans 
ce    siècle,    semblent   rentrer  dans  le  portrait. 

Gérard  Loyet  (1466),  donna  deux  bustes  en 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  32  q 

argent  de  Charles  le  Téméraire  (grandeur 
naturelle),  et  deux  statuettes  en  pied  de  ce 
même  prince.  Ces  statuettes  étaient  colo- 
riées, cet  usage  semble  assez  général  à  cette 
époque.  (De  Laborde.  Les  ducs  de  Bour- 
gogne, tome  I.) 

La  belle  orfèvrerie  italienne  domine  le  xvi° 
siècle;  il  n'est  pas  d'artistes  français  qui  sem- 
blent pouvoir  lutter  contre  les  productions 
italiennes  que  les  travaux  de  Cellini  devaient 
encore  surpasser  dans  le  siècle  suivant. 

Louis  XII  visita  la  ville  de  Tours  en  (i5oo) 
et  à  cette  occasion  fut  frappée  une  médaille 
d'or  à  l'effigie  du  roi. 

Michel  Colombe,  le  célèbre  sculpteur,  en 
avait  donné  le  modèle. 

Les  prescriptions  de  l'Édit  de  (  1 5o6)  entravè- 
rent le  développement  de  l'orfèvrerie.  Ces 
prescriptions  furent  enfin  rapportées  en(i5io) 
et  les  artistes  se  donnèrent  pleine  carrière. 

De  cette  époque  nous  avons  encore  deux 
médaillons  ovales  et  en  argent,  le  premier 
représente  Louis  XII,  en  buste,  de  trois  quarts, 
à  droite,  les  cheveux  longs,  vêtu  d'un  surcot 

36 


33o  Histoire  du  Portrait. 

ouvert   par-dessus  un  justaucorps,  et  tenant 
un  anneau  à  la  main. 

Le  second  est  le  portrait  d'Anne  de  Bre- 
tagne, en  buste,  de  trois  quarts  à  gauche, 
coiffée  d'un  bonnet  à  barbes  tombantes,  vêtue 
d'une  robe  ouverte  par-dessus  un  corsage 
carré,  un  collier  autour  du  cou,  et  une  fleur  à 
la  main. 

Lorsqu'en  (i5i5),  François  Ier  fit  son  entrée 
à  Paris,  une  pièce  magnifique  d'orfèvrerie  lui 
fut  offerte. 

«  C'étoit,  »  dit  Th.  Godefroy,  «  une  image 
de  sainct  François,  assis  sur  un  pied  double 
à  quatre  pilliers,  entre  lesquels  pilliers  estoit 
une  Salamandre  couronnée,  tenant  en  sa 
gueule  un  escriteau  émaillé  de  rouge  et  de 
blanc  auquel  estoit  escrict  :  Nutrisco  et 
estinguo  ;  et  au-dessus  d'icelle  couronne,  un 
petit  ange  tenant  une  cordelière,  en  laquelle 
estoit  assise  une  grande  table  d'esmeraude 
carrée  ;  icelui  image  portant  de  haut,  compris 
le  pied  et  le  chérubin,  deux  pieds  et  demy  ou 
environ  ;  le  tout  d'or  pesant  quarante  trois 
marcs,  quatre  onces,  cinq  gros,  touché  et  prisé 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie. 


par  le  maistre  de  la  monnoye  de  bon  or  à  vingt- 
trois  karats.  »  (Th.  Godefroy.  Le  Cérémonial 
François,  tome  i.) 

L'Inventaire  de  la  Sainte-Chapelle  de  {i5j3) 
mentionne  un  buste  en  or  de  François  Ier, 
offert  par  ce  prince  et  pesant  cent  quarante 
livres.  Ce  don  avait  eu  lieu  en  (1527)  d'après 
Default.  (Mémoire  pour  servira  l'histoire  de 
la  Sainte-Chapelle,  Arch.  de  l'empire,  L.  83 1.) 

Ce  même  inventaire,  que  reproduit  celui 
,de(i532),  mentionne  encore  diverses  statues 
d1or  et  d'argent  de  l'époque  de  Louis  XII  et 
de  François  Ier. 

i 

En  (1 52g),  le  Cardinal,  abbé  de  Saint-Denis, 
Louis  de  Bourbon,  fait  placer  sa  statue  age- 
nouillée auprès  de  celle  de  saint  Louis,  sur  la 
châsse  d'argent  doré  qu'il  offrit  à  son  église. 
(Félibien.  Hist.  de  Tabbaye  de  Saint-Denis). 

En  (i52i),  Jacques  Levasseur,  de  Chartres, 
—  et  Jehan  Siguerre,  de  Rouen,  sont  chargés, 
par  le  chapitre  de  Chartres,  de  l'exécution  d'un 
reliquaire  orné  de  figures  en  ronde  bosse. 

Pierre  Mangot,  orfèvre  de  François  Ier,  fi- 
gure  dans  le  compte  de  Me  Claude  Haligre 


33-2  Histoire  du  Portrait. 

(i528),  comme  auteur  «  d'ung  rond  d'or  fer- 
mant en  boyte,  dans  lequel  est  une  effigie  au 
vif  de  la  figure  dudit  seigneur.  » 

Bénédict  Ramel,  d'après  les  comptes  de 
(i  538),  exécuta  un  portrait  en  or  du  roi  Fran- 
çois Ier. 

A  l'entrée  solennelle  d'Henri  II  dans  la 
ville  de  Paris,  les  magistrats  offrirent  au  Roi 
une  oeuvre  d'art  en  or  fin  et  ornée  de  figures 
en  ronde  bosse. 

Sur  un  socle  et  autour  d'un  palmier  étaient 
figurés  «  trois  roys  armez  et  couronnez  :  l'un 
ressemblait  naïfvement  au  roy  Loys  douzième, 
le  second  au  roy  François,  et  le  tiers  au  roy 
Henry.  »  (Corrozet,  Antiquitez,  etc.,  de  Paris, 
Paris  (i586). 

A  cette  époque  les  orfèvres  étaient  donc 
d'habiles  modeleurs  et  les  chefs-d'œuvre  exé- 
cutés par  ces  artistes  furent  nombreux  sous  le 
règne  d'Henri  II. 

L'orfèvrerie  en  étain  jette  même  à  cette  date 
un  certain  éclat.  Déjà  sous  Charles  VIII, 
Jehan  Galant,  orfèvre  du  Roi,  avait  exécuté 
divers  travaux  en  étain. 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  333 

Sous  le  règne  d'Henri  II,  les  orfèvres  en 
étain  sont  plus  nombreux  encore.  François 
Briot  nous  a  laissé  des  ouvrages  dont  le 
fini  et  la  délicatesse  rivalisent  avec  les  plus 
belles  pièces  d'or  et  d'argent.  Il  a  souvent 
reproduit  son  propre  portrait  au  revers  de 
ses  travaux. 

En  ( 1 57 1  ),  ce  fut  encore  un  travail  d'orfè- 
vrerie qui  fut  offert  par  la  ville  de  Paris  au 
roi  Charles  IX. 

«  Dans  un  chariot  estoit  assise  Cibelle, 
mère  des  dieux,  représentant  la  royne  mère 
du  roy,  accompagnée  des  dieux  Neptune  et 
Pluton,  et  déesse  Junon,  représentant  Monsei- 
gneur frère  et  Madame  sœur  du  Roy. 

■a  Ceste  Cibelle  regardoit  ung  Jupiter  repré- 
sentant nostre  Roy,  eslevé  sur  deux  colonnes, 
l'une  d'or  et  l'autre  d'argent,  avec  l'inscrip- 
tion de  sa  devise 

t>  Aux  quatre  coings  du  soubassement  de 
ce  pied-d'estail  estoient  les  figures  de  quatre 
roys  ses  prédécesseurs,  tous  portant  le  nom 
de  Charles,  à  savoir  :  Charles  le  Grand  ;  — 
Charles  le  Quint  ;  —  Charles  septième  ;  — 


334  Histoire  dû  Portrait. 

et  Charles  huitième....  »  (Registres  de  l'hôtel 
de  ville,  Arch.  de  l'empire,  H.  (1786.) 

Sous  Henri  III  et  sous  Henri  IV,  l'orfèvre- 
rie à  figures  jette  moins  d'éclat  et  les  pierre- 
ries, semées  à  profusion  sur  les  bijoux,  rem- 
placèrent les  produits  ciselés.  Les  figures  sont 
rares. 

Nous  avons  de  cette  époque  (xvie  siècle) 
assez  peu  de  monuments  d'orfèvrerie. 

Citons  cependant  une  statuette  équestre  de 
femme  qui  est  au  Louvre;  M.  Delaborde  l'at- 
tribue à  Germain  Pilon. 

Une  plaque  ovale,  en  argent  fondu,  ciselé  et 
doré,  qui  représente  Henri  IV,  de  trois  quarts 
à  droite,  vêtu  d'un  pourpoint  à  crevés,  et  col- 
let surmonté  d'une  fraise  godronnée  ;  le  roi 
porte  le  collier  de  Saint-Esprit  et,  sur  un  man- 
teau posé  sur  les  deux  épaules,  la  plaque  du 
même  ordre. 

Dans  le  xvie  siècle,  les  enseignes  étaient  fort 
en  usage. 

Tout  le  monde  connaît  ces  beaux  portraits- 
médaillons  que  les  souverains  donnaient  aux 
personnages  qu'ils  voulaient  honorer;  près- 


Du  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  335 

que  tous  les  portraits  à  l'huile,  au  crayon, 
voire  même  en  sculpture,  nous  montrent  un 
riche  collier  avec  un  médaillon. 

Gellini  avait  fait  connaître  un  procédé  nou- 
veau pour  exécuter  ces  figurines  au  repoussé 
et  les  appliquer  ensuite  sur  une  plaque  de 
métal  ou  de  marbre  rare  et  précieux. 

On  appelait  Pent-à-col  les  objets  qui  se 
portaient  au  cou,  suspendus  à  une  chaînette. 

Sous  le  règne  d'Henri  IV,  l'encadrement 
toujours  riche  de  ces  médaillons-portraits 
prit  la  place  du  portrait  lui-même. 

Jusqu'alors  la  figurine  était  entourée  de 
pierres  fines,  mais  l'inventaire  de  Gabrielle 
d'Estrées  nous  apprend  que  des  pierreries 
plus  grosses,  entourées  de  perles  ou  de  pier- 
reries plus  petites,  vinrent  remplacer  le  por- 
trait central. 

On  cherche  la  richesse,  mais  on  ne  semble 
plus  compter,  dans  l'estimation  des  objets,  la 
valeur  artistique  que  le  bijou  peut  avoir. 

Nous  ne  pouvons  donner  la  description  de 
tous  ces  remarquables  bijoux,  de  ces  pré- 
cieux   portraits-médaillons,  exécutés  au    re- 


336  Histoire  du  Portrait. 

poussé,  en  or  ou  en  argent  ;  tantôt  ciselés,  tan- 
tôt fondus. 

Mais  quelles  merveilles  artistiques  que  ces 
cadres  qui  les  entourent!  Parfois  ils  sont  d'ors 
différents,  souvent  avec  des  incrustations  de 
pierres  précieuses  et  rehaussés  d'émaux. 

Dans  cette  branche,  l'alliance  de  la  sculp- 
ture et  de  Témaillerie  a  produit  de  véritables 
chefs-d'œuvre. 

Quelle  élégance  dans  ces  médaillons  de 
femmes,  dont  le  portrait  a  pour  cadre  une 
guirlande  de  roses  faite  avec  des  ors  variés, 
et  des  émaux  qui  donnent  la  couleur  natu- 
relle de  la  fleur  ! 

Pendant  le  xvir3  siècle  l'orfèvrerie  française 
compta  des  artistes  d'un  grand  talent  : 

—  Pierre  Comtois; 

—  Laurent  et  Gédéon  Légaré;  —  Labarre  ; 

—  Pierre  Héman; 

—  Jacques  Roussel.  (De  Marolles.  Le  Livre 
des  Peintres,  etc.,  Paris  i855.) 

Sous  Louis  XIV,  les  orfèvres  Thomas  Mer- 
lin;—  René  de  La  Haye;  —  Jean  Gravet 
étaient  fort  estimés. 


Dn  Portrait  dans  l'orfèvrerie.  33 '7 

Le  Brun  donna  les  dessins  de  ces  travaux 
remarquables  qui  furent  exécutés  par  les  or- 
fèvres Claude  Ballin  et  Nicolas  Delaunay. 

Au  cours  de  ce  même  règne  nous  trouvons 
encore  Girard  Débonnaire  ; 

-  Lescot,  orfèvre  du  cardinal  Mazarin  ; 

—  Vincent  Petit  ; 

—  Gilles  Legaré  ; 

—  René  Cousinet  ; 

—  Laurent  Texier  ; 

—  Alexis  Loir; 

—  Pierre  Germain  ; 

—  Les  de  Villers  et  Pierre  Bain. 
Sarrazin  le  sculpteur  exécuta  des  Christs 

d'or  et  d'argent. 

Presque  toutes  ces  œuvres  furent  jetées  au 
creuset  en  (1688  et  1689)  pour  payer  les  frais 
de  la  guerre.  Dangeau  mentionne  une  sta- 
tuette en  argent  de  Louis  XJII  à  cheval,  qui 
fut  ainsi  détruite  (tome  III.) 

Mais  dans  tous  ces  travaux,  on  ne  retrouve 
plus  l'élégance  qui  caractérise  l'orfèvrerie  des 
xve  et  xvic   siècles. 

Le  style    peut  sembler  grandiose,  mais  il 

37 


338.  Histoire  du  Portrait. 

manquera  de  finesse  ;  on  paraît  tout  sacrifier 
à  un  effet  d'ensemble  qui  ne  saurait  rempla- 
cer la  délicatesse  nécessaire  à  cette  branche 
de  fart. 

Sous  Louis  XV,  le  Maniéré  et  le  Bizarre 
semblent  devenir  le  but  principal  des  orfè- 
vres, qui  entendaient  ainsi  réagir  contre  le 
style  Louis  XIV.  Cependant  Thomas  Ger- 
main, orfèvre  et  sculpteur,  exécuta  de  remar- 
quables travaux,  notamment  un  Saint-Ignace 
en  argent. 

Enfin,  sous  Louis  XVI,  nos  orfèvres  pro- 
duisent des  œuvres  d'une  grande  délicatesse 
et  reviennent  aux  principes  véritables,  légués 
par  leurs  devanciers  ;  la  finesse,  l'élégance  et 
la  sobriété. 

L'orfèvrerie  du  xixe  siècle  sembla  toujours 
se  borner  à  copier  les  modèles  antiques,  aussi 
les  orfèvres  français  n'ont  rien  produit  d'ori- 
ginal sous  l'Empire  et  la  Restauration.  Tou- 
jours ils  donnent  des  reproductions  rarement 
heureuses. 


CHAPITRE  V 


DU  PORTRAIT  DANS  LA  CEROPLASTIQUE 


endant  le  xve  siècle  et  le  xvic  siècle 

la    céroplastique    jeta   un   grand 

éclat   en    Italie.  Luca  délia  Ro- 

bia;  —  Ghiberti;  —  Michelozzo 

laissèrent  des  ouvrages  remarquables  en  cire. 

Sansovino,  le  Vénitien,  avait  reproduit  par 

ce  procédé  le  Laocoon,  et  Raphaël  déclara  ce 

travail  un  chef-d'œuvre. 

Un  élève   de  Sansovino,   le  Tribolo,  était 
renommé  pour  ses  statuettes  en  cire. 

Michel-Ange,  lui-même,  paraît  s'être  adonné 
à  ce  genre  de  sculpture  :  on  attribue  à  ce  mai- 


340  Histoire  du  Portrait. 

tre  la  Descente  de  croix  de  la  riche  chapelle 
de  Munich. 

Cellini  exécuta  en  cire  sa  statue  de  Persée 
et  le  bronze  fut  coulé  d'après  ce  modèle. 

Vasari,danssaVie  des  plus  célèbres  artistes, 
publiée  vers  le  milieu  du  xvie  siècle,  écrivait 
les  lignes  suivantes  : 

«  Je  serais  trop  long  si  je  me  mettais  à  énu- 
mérer  tous  ceux  qui  modèlent  des  médaillons 
en  cire;  car,  aujourd'hui,  il  n'y  a  pas  un  seul 
orfèvre  qui  ne  s'en  mêle,  et  bien  des  gentils- 
hommes s'y  sont  appliqués,  comme  Jean- 
Baptiste  Pozzini  à  Sienne  et  le  Rosso  de 
Guigni  à  Florence.  »  (Vasari,  Vie  de  Valerio 
de  Vicentino.) 

Les  portraits  en  cire  étaient  en  effet  très  en 
vogue  au  xvie  siècle,  en  Italie  ;  Andréa  Verroc- 
chio  et  Orsino  exécutèrent  d'après  ce  procédé 
un  portrait,  grandeur  naturelle,  de  Laurent 
de  Médicis.  (Vasari,  vie  d'Andréa  Verroc- 
chio.) 

Les  portraits-médaillons  en  cire,  également 
très  recherchés,  donnèrent  lieu  aux  artistes  de 
faire  preuve  d'un  grand  talent. 


Du  Portrait  dans  la  céroplastique.         341 

Lombardi  de  Florence,  raconte  encore  Va- 
sari,  exécuta  en  cire  les  portraits-médaillons 
des  plus  grands  personnages  de  la  cour  de 
l'empereur  Charles-Quint. 

La  réputation  de  cet  artiste  était  immense, 
nous  dit  son  historien. 

La  cire,  on  le  sait,  se  modèle  comme  la  terre 
glaise,  avec  un  peu  plus  de  difficulté,  mais  la 
finesse  du  travail  est  bien  plus  grande. 

L'artiste  n'a  qu'à  mouiller  un  de  ses  doigts, 
ou  le  bout  de  son  ébauchoir,  la  cire  n'adhère 
plus  au  corps  qui  la  touche,  et  peut  recevoir 
le  trait  le  plus  délicat. 

M.  Sauzay,  notre  savant  conservateur  du 
Musée  du  Louvre,  fait  à  propos  de  la  céro- 
plastique une  réserve  que  nous  approuvons 
entièrement,  comme  sculpteur. 

Il  ne  faut  pas  confondre,  d'après  M.  Sauzay, 
les  modèles  faits  à  la  cire  blanche  et  qui 
n'étaient  qu'un  travail  préparatoire,  avec  les 
œuvres  réellement  terminées. 

Les  études  à  la  cire  blanche  étaient  le  plus 
souvent  coulées  en  bronze  :  les  médaillons 
polychromes  seraient  au  contraire  des  por- 


34%  Histoire  du  Portrait. 

traits  de  personnages,  ayant  reçu  le  dernier 
trait. 

Au  Musée  de  Cluny,  nous  avons  toute  une 
série  de  médaillons  en  cire  coloriée,  avec  boîte 
en  cuir,  décorée  d'ornements  au  petit  fer  ;  ces 
boites  sont  recouvertes  par  un  verre,  et  da- 
tent du  xvic  siècle. 

Nous  pouvons  citer  : 

—  Louis  XII,  roi  de  France  ; 

—  Anne  de  Bretagne,  reine  de  France  ; 

—  François  Ier,  roi  de  France  ; 

—  Charlës-Quint,  empereur; 

—  La  royne  mère  Catherine  de  Médicis  ; 
-  Charles  IX,  roi  de  France  ; 

—  Henri  III,  roi  de  France  et  de  Pologne  ; 

—  Loyse,  royne  de  France  ; 

—  Le  duc  de  Guyse  ; 

—  Feu  M.  le  prince  de  Condé  ; 

—  Le  duc  de  Savoie  ; 

—  La  duchesse  de  Savoie  ; 

—  La  duchesse  de  Nemours  ; 

—  La  reyne  de  Navarre  ; 

—  Clément  Marot,  etc. 

Cette  époque  de  la  Renaissance  est  vérita- 


Du  Portrait  dans  la  céroplastique  343 

blement  merveilleuse  ;  est-il  rien  de  charmant 
et  de  gracieux  comme  ces  portraits  en  cire, 
auxquels  on  a  ajouté,  comme  ornement,  des 
pierres  précieuses,  des  diamants,  des  rubis, 
des  grenats,  des  perles? 

Souvent  des  dentelles  véritables  viennent 
encore  ajouter  à  l'illusion. 

Ce  genre  de  portraits  nous  remet  en  mé- 
moire des  gravures  qui  ne  manquent  pas 
d'originalité. 

Dans  Tune  de  ces  estampes,  le  portrait 
d'Henri  II,  la  gravure  est  découpée  avec 
soin,  la  figure  et  les  mains  ont  été  conser- 
vées, mais  on  a  collé  des  morceaux  de  soie 
qui  forment  le  pourpoint;  un  rubis  véritable 
est  enchâssé  dans  la  bague  qui  orne  la  main 
du  roi;  d'autres  pierres  précieuses  enrichis- 
sent le  vêtement. 

Le  Musée  du  Louvre  possède  un  beau  por- 
trait-médaillon en  cire  du  connétable  Anne  de 
Montmorency  :  (n°  B.  348  du  catalogue  de  M. 
Sauzay.) 

Nous  avons  encore  d'un  artiste  français  le 
portrait  en  cire  de  Louis  XIV.  Ce  médaillon 


344  Histoire  du  Portrait. 

a  été  tait  en  (1706)  par  Antoine  Benoist,  pein- 
tre et  sculpteur  en  cire  du  roi. 

Ces  deux  portraits  sont  en  cire  polychrome. 

Le  portrait  de  Mme  Saint-Huberti  mérite 
encore  d'être  mentionné  ;  c'est  un  buste  de 
profil  d'un  beau  travail. 

On  pouvait  admirer,  il  y  a  huit  ou  dix 
ans,  chez  un  antiquaire  de  la  rue  Neuve-des- 
Petits-Champs,  un  magnifique  masque  en  cire 
de  Voltaire;  la  perruque  était  en  véritables 
cheveux. 

Notre  travail  doit  se  borner  à  l'étude  des 
œuvres  qui  sont  attribuées  à  des  artistes  fran- 
çais; aussi  nous  devons  passer  sous  silence 
un  grand  nombre  de  ces  œuvres  et  des  plus 
belles. 

Parmi  les  portraits  de  personnages  inconnus 
qui  sont  au  Louvre,  nous  avons  de  véritables 
merveilles,  telles  que  : 

—  B.  n°35i  :  Portrait  d'une  femme  ;  voile 
et  vêtements  noirs. 

-  B.  n°  354  :  Autre  portrait  de  femme  ;  les 
cheveux,  le  col,  les  bras  et  la  poitrine  nus, 
sont  ornés  de  perles  et  de  grenats. 


Du  Portait  dans  la  céroplastique.         345 

—  B.  n°355  :  Portrait  de  femme  du  xvie  siè- 
cle; boucles  d'oreilles  et  collier  en  perles,  vê- 
tement noir,  collerette  en  dentelles. 

Ces  divers  portraits  sont  en  cire  polychrome . 

Nous  pourrions  citer  encore  d'autres  por- 
traits d'hommes  et  de  femmes,  en  cire  mono- 
chrome, qui  sont  également  au  Louvre  : 

Ainsi  le  portrait  d'homme,  B.  n°  358  ;  buste 
orné  d'une  large  collerette  et  d'une  cuirasse 
avec  ornements  en  relief;  au-dessus  l'ordre 
de  la  Toison  d'or.  C'est  un  travail  français, 
d'après  le  catalogue. 

Tous  ces  portraits  en  cire  justifient  ce  que 
disait  Vasari,  au  cours  du  xvie  siècle  :  «  Toutes 
ces  figures  semblent  vivantes.   » 

Dans  cette  branche  de  l'art,  le  sculpteur 
peut  appeler  à  son  aide  les  ressources  de  la 
peinture  pour  donner  à  son  œuvre  un  cachet 
plus  grand  de  vérité. 


CHAPITRE  VI 


DU  PORTRAIT  DANS  LA  SCULPTURE  SUR  BOIS 


os  musées  nationaux,  principale- 
ment le  musée  du  Louvre,  ren- 
ferment de  nombreux  spécimens 
de  la  sculpture  ancienne  sur  bois. 
Nous  ne  pouvons,  dans  une  étude  du  por- 
trait en  France,  développer  l'historique  de  la 
sculpture  sur  bois  chez  les  Égyptiens  :  La 
salle  du  Louvre  consacrée  aux  productions 
de  l'Egypte  conserve  de  curieux  échantillons 
de  sculptures  sur  bois  :  le  bas-relief,  la 
figurine  y  sont  représentés. 

La  salle   du   Louvre  consacrée   aux   arts 
assyriens  n'est  pas  moins  remarquable. 


348  Histoire  du  Portrait. 

Les  Grecs  et  les  Romains  cultivèrent  avec 
un  égal  soin  la  sculpture  sur  bois,  qui  offre 
à  l'artiste  tant  de  facilités  pour  fixer  et  rendre 
durables  les  conceptions  qu'il  a  rêvées. 

Les  Grecs  du  Bas-Empire  semblèrent  aban- 
donner la  sculpture  sur  bois  pour  les  travaux 
sur  ivoire;  mais  cette  matière  est  assez  rare, 
et,  peut-être  pour  cette  cause,  les  sculptures 
sur  bois  reparaissent  plus  nombreuses  vers  le 
xive  siècle. 

En  Occident ,  nous  trouvons  les  sculp- 
tures sur  bois  mentionnées  par  les  auteurs  les 
plus  anciens;  cependant,  il  faut  le  recon- 
naître, les  métaux  précieux  et  l'ivoire  sont 
employés  de  préférence  par  les  artistes  qui, 
du  reste,  n'exécutent  guère  que  des  objets 
religieux. 

Ainsi  le  bas-relief  de  Saint-Riquier,  exé- 
cuté au  ixe  siècle,  était  en  bois  de  cyprès. 
(  Mentionné  par  d'Achéry ,  Spicilegium , 
tome  IV.) 

Le  groupe  de  l'abbaye  de  Saint-Bertin, 
figurant  la  Crucifixion,  était  en  bois.  —  Cet 
ouvrage  appartient  au  xuc  siècle. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.       34g 

Un  moine,  sculpteur  sur  bois  ,  Lambert, 
vivait  dans  le  monastère  de  Vézelayen  (i  1 65). 
(Ibid.,  tome  II.) 

A  partir  du  xinc  siècle,  la  sculpture  sur  bois 
devient  d'un  usage  bien  plus  général  en 
France  :  les  châteaux,  les  palais  royaux,  les 
églises,  sont  également  enrichis  de  ce  genre 
de  décorations. 

Nous  avons  du  xme  siècle  une  belle  statue 
de  saint  Louis,  en  bois  d'if  :  les  vêtements 
sont  rehaussés  d'or  et  de  couleurs  :  le  man- 
teau royal  est  semé  de  fleurs  de  lis  d'or.  — 
Cette  figure  faisait  partie  du  retable  de  la 
Sainte-Chapelle. 

Les  inventaires  royaux  des  xive  et  xve  siè- 
cles mentionnent  incessamment  le  riche  mo- 
bilier, orné  de  statuettes,  de  feuillages  et  d'or- 
nements si  variés. 

La  statue  en  bois  apparaît  souvent  en- 
core, mais  le  plus  ordinairement  elle  repré- 
sente le  Christ,  la  Vierge,  les  patrons  des 
Églises. 

Les  ducs  de  Bourgogne  commandaient , 
en  (i3gi),  à  Jacques  de  Baerze,  sculpteur  sur 


35o  Histoire  du  Portrait. 


bois,  ce  magnifique  retable  conservé  aujour- 
d'hui dans  le  musée  de  Dijon. 

Le  musée  de  Gluny  conserve  le  retable  de 
Champdeuil  (Seine-et-Marne) ,  également  du 
xive  siècle. 

Ordinairement  ces  sculptures  sur  bois 
étaient  peintes,  parfois  elles  étaient  dorées  : 
lé  travail  de  l'artiste  n'était  donc  qu'une 
ébauche,  dont  le  décor  final  était  confié  aux 
soins  de  l'enlumineur. 

Mais,  on  le  voit,  le  portrait  proprement  dit 
est  assez  rare  dans  ces  nombreuses  sculptures 
sur  bois.  —  Jusqu'au  xvie  siècle,  on  se  borne 
à  reproduire  des  types  conventionnels,  dont 
la  destination  religieuse  n'exigeait  aucune  des 
conditions  nécessaires  dans  le  portrait. 

Un  emblème,  indiqué  par  l'usage,  une  atti- 
tude voulue  par  la  tradition,  fidèlement  re- 
produits, suffisaient  pour  attribuer  à  la  statue 
sa  destination  et  caractériser  sa  ressemblance, 
toute  de  convention. 

Pendant  le  xvie  siècle  et  le  xvne  siècle,  les 
artistes  exécutèrent  de  nombreuses  sculptures 
sur  bois;  ils  déployèrent  dans  cette  branche 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.       35 1 

de  l'art  un  véritable  talent,  comme  le  prou- 
vent les  meubles  divers  et  les  instruments  à 
l'usage  des  grands  personnages. 

On  peut  égaler,  de  nos  jours,  la  délicatesse, 
l'élégance  et  la  grâce  de  ces  meubles,  de  ces 
coffrets,  de  ces  écrans,  de  ces  miroirs  rehaus- 
sés d'or,  mais  on  ne  saurait  faire  mieux. 

Les  Huchiers  de  Rouen  nous  ont  donné 
des  merveilles,  et  Richard  Taurin,  le  plus 
célèbre  de  tous,  a  multiplié  dans  la  cathé- 
drale et  les  églises  de  Rouen  les  produits  de 
son  talent. 

Sauvai  nous  a  gardé  les  noms  des  frères 
Jacquet  et  de  du  Hancy,  qui  ornèrent  sous 
Louis  XII  les  églises  de  Paris.  (Sauvai,  Anti- 
quités de  Paris,  tome  I.) 

A  Fontainebleau,  François  Ier  commande 
de  grands  travaux  de  sculpture  sur  bois  : 
Pierre  Lescot  donne  le  dessin  d'une  horloge 
monumentale  et  charge  Deschauffour  et  Loi- 
sonnier,  sculpteurs,  d'exécuter,  en  noyer,  sept 
figures  de  six  pieds  de  haut  qui  devaient  dé- 
corer cette  horloge. 

A  cette   époque   le   portrait-médaillon  sur 


352  Histoire  du  Portrait. 

bois  était  fort  en  vogue  dans  l'Allemagne,  et 
les  artistes  de  ce  pays  firent  preuve  d'un  ta- 
lent considérable. 

Le  portrait-médaillon  fut  également  cultivé 
en  France,  et  nos  artistes  durent  égaler  ceux 
des  autres  pays. 

On  peut  s'en  assurer  en  examinant  les  mer- 
veilleux portraits-médaillons  conservés  au 
Louvre,  et  qui  proviennent  de  la  collection 
Sauvageot. 

Les  portraits-médaillons  de  cette  collection 
ne  sont  pas  tous  d'artistes  français,  mais  nous 
ne  pouvons  admettre  que  la  France,  qui  a  tou- 
jours eu  des  sculpteurs  si  habiles,  n'ait  pas  eu 
à  cette  époque  des  artistes  sur  bois  capables 
de  faire  des  portraits. 

A  cette  époque,  les  sculpteurs  travaillaient 
indifféremment  le  marbre,  la  pierre,  le  bois 
et  parfois  le  bronze. 

On  a  pu  voir  dans  le  chapitre  du  Portrait 
dans  la  numismatique  que  les  projets  de  mé- 
dailles leur  étaient  confiés  ;  la  médaille  était 
coulée  en  or,  en  argent,  d'après  leur  modèle. 

Parmi  les  portraits-médaillons  du  Louvre 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.       353 


qui  appartiennent  plus  spécialement  à  la 
France,  nous  citerons  le  portrait  de  René 
d'Anjou;  buste  de  profil,  et  tourné  vers  la 
gauche  (coté  B.  191). 

Un  pion  de  damier,  sur  lequel  est  repré- 
sentée Eléonore  d'Autriche,  buste  tourné  vers 
la  gauche  ;  la  princesse  est  coiffée  d'une  toque 
à  plume  et  d'un  réseau  (coté  B.  196). 

Un  très  beau  médaillon  d'Henri  IV,  roi  de 
France;  buste  lauré  et  tourné  vers  la  droite 
(coté  B.  208). 

Les  médaillons  en  bois  représentant  des 
personnages  inconnus  sont  en  nombre  con- 
sidérable. 

En  général,  le  travail  de  ces  portraits  est 
très  remarquable  par  la  pureté  du  dessin  ;  le 
relief  est  savant  et  le  modelé  en  est  fin  sans 
être  sec. 

Pour  faire  une  étude  sérieuse  sur  le  mérite 
comparé  de  ces  portraits -médaillons,  alle- 
mands, italiens  et  français,  il  faudrait  une  col- 
lection plus  complète  et  des  œuvres  moins 
incertaines  quant  à  l'origine  qui  leur  est 
attribuée. 

3q 


354  Histoire  du  Portrait. 

Ces  sculptures  sur  bois  ont  un  intérêt  con- 
sidérable pour  l'histoire  du  portrait,  et  le  fini 
qui  les  caractérise  semble  un  garant  de  leur 
ressemblance. 

Il  existe  encore  dans  une  autre  collection 
française,  au  musée  de  Cluny,  une  série  de 
soixante  figurines  sculptées  sur  bois,  hautes  de 
sept  centimètres. 

Elles  furent  exécutées  sous  Louis  XIII  et 
représentent  les  rois  de  France,  comme  l'in- 
dique le  tableau  suivant  : 

Clovis ,    5e  roi  de  France  (481-51 1),  gist  à 

Sainte-Genesviesve  du  Mont. 
Childebert,  6e  roi  de  France  (5 1 1-558),  gist  à 

Saint-Germain  des  Prez. 
Clotaire  Ier,  7e  roi  de  France  (558-56i),  gist  à 

Saint-Médard  de  Soissons. 
Charibert  ou  Aribert,  8e  roi  de  France  (56 1- 

567) ,  gist  à  Saint-Romain  en  Blaye  sur 

Gironde. 
Chilpéric  Ier,  9e  roi  de  France  (56 1-584),  gist  a 

Saint-Germain  des  Prez  lès  Paris. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.       355 

Clotaire  II,  10e  roi  de  France  (584-628),  gist  à 
Saint-Germain  des  Prez,  lès  Paris. 

Dagobert  Ier,  11e  roi  de  France  (628-638),  en- 
terré à  Saint-Denis. 

Clovis  II,  12e  roi  de  France  (638-656),  gist  à 
Saint-Denis. 

Clotaire  III,  i3e  roi  de  France  (656-670),  gist  à 
Ghelles. 

Childéric  II,  14e  roi  de  France  (670-673),  gist 
à  Arras,  à  Saint- Vaast. 

Clovis  III,  16e  roi  de  France  (691-695),  gist  à 
Saint-Étienne  de  Choisy. 

Childebert  III,  17e  roi  de  France  (695-71 1),  gist 
à  Saint-Etienne  de  Nancy. 

Dagobert  III,  18e  roi  de  France  (71 1-7 1 5),  en- 
terré à  Nancy. 

Chilpéric  II,  20e  roi  de  France  (715-720),  gist 
à  Noyon. 

Thierri  VI,  21e  roi  de  France  (720-737),  en- 
terré à  Saint-Denis. 

Childéric  III,  22e  roi  de  France  (742-752), 
enterré  à  Saint-Omer. 

Pépin,  23e  roi  de  France  (752-768),  gist  à  Saint- 
Denis. 


356  Histoire  du  Portrait. 

Charlemagne,  24e  roi  de  France  (768-814),  gist 

à  Aix-la-Chapelle,  qu'il  avait  fait  bâtir. 
Loys  le  Débonnaire,  25e  roi  de  France  (814- 

840),  gist  à  Metz. 
Charles  II,  le  Chauve,  26e  roi  de  France  (840- 

877),  enterré  à  Saint-Denis. 
Loys  II,  le  Bègue,  27e  roi  de  France  (877-879), 

gist  à  Sainte-Cornille. 
Loys  III,  28e  roi  de  France  (879-882),  gist  à 

Saint-Denis. 
Çarloman,  29e  roi  de  France  (882-884),  gist  à 

Saint-Denis. 
Charles  le  Gros,  3oe  roi  de  France  (884-888), 

fut  destitué  en  890. 
Eudes,  3  ie  roi  de  France  (888-898),  gist  à  Saint- 
Denis. 
Charles  le  Simple,  32e  roi  de  France  (898-929), 

gist  à  l'abbaye  de  Fourcy. 
Raoul ,  33e  roi   de  France  (923-936) ,  gist  à 

Sainte-Colombe  lez  Sens. 
Loys  d'Outre-Mer,  34e  roi  de  France  (936-954), 

gist  à  Saint-Remy,  à  Reims. 
Lothaire,   35e  roi  de  France  (954-986),  gist  à 

Saint-Remy,  à  Reims. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.      35 7 

Loys  V,  36e  roi  de  France  (986-987),  gist  à 

Sainte-Cornille  de  Compiègne. 
Hugues  Capet,  37e  roi  de  France  (987-996),  gist 

à  Saint-Denis. 
Robert  II,  38e  roi  de  France  (996-1031),  gist  à 

Saint-Denis. 
Henri  Ier,  39e  roi  de  France  (io3i-io6o),  gist  à 

Saint-Denis. 
Philippe  Ier,  40e  roi  de  France  (1060-1108), 

gist  à  Saint-Denis. 
Loys  VI,  le  Gros,  41e  roi  de  France  (1108- 

1 137),  gist  à  Saint-Denis. 
Loys  VII,  le  Jeune,  42e  roi  de  France  (1 137- 

1 180),  gist  au  monastère  de  Barbeau. 
Philippe  II,  43e  roi  de  France  (1 1 80-1 223),  gist 

à  Saint-Denis. 
Loys  VIII,  44e  roi  de  France  (1 223- 1226),  gist 

à  Saint-Denis. 
Saint  Louis,  45e  roi  de  France  (1226- 1270), 

çist  à  Saint-Denis. 
Philippe  III,  le  Hardi,  46e  roi  de  France  (1270- 

1285),  gist  à  Saint-Denis. 
Philippe  IV,  le  Bel,  47e  roi  de  France  (i285- 

i3 14),  gist  à  Saint-Denis. 


358  Histoire  du  Portrait. 

Loys  X,  le  Hutin,  48e  roi  de  France  (  1 3 1 4- 

1 3 1 6),  gist  à  Saint-Denis. 
Philippe  V,  le  Long,  49e  roi  de  France  (i3i6- 

1 322), gist  à  Saint-Denis. 
Charles  IV,  le  Bel,  5oe  roi  de  France  (i322- 

i328),  gist  à  Saint-Denis. 
Philippe  VI  de  Valois,  5ieroi  de  France  (1 328- 

i35o),  gist  à  Saint-Denis. 
Jean  le  Bon,  52e  roi  de  France  (i35o-i3Ô4),  gist 

à  Saint-Denis. 
Charles  V,  le  Sage,  53e  roi  de  France  (1364- 

i38o),  gist  à  Saint-Denis. 
Charles  VI,  54e  roi  de  France  (1380-1422), 

gist  à  Saint-Denis. 
Charles  VII,  55e   roi  de  France  (1422-1461), 

gist  à  Saint-Denis. 
Loys  XI,  56e  roi  de  France  (1 461 -1483),  gist 

à  Notre-Dame  de  Cléry. 
Charles  VIII,  57e  roi  de  France  (1483-1498), 

gist  à  Saint-Denis. 
Loys  XII,  58e  roi  de  France  (1498-15 15), gist 

à  Saint-Denis. 
François  Ier,  de  Valois,  5çje  roi  de  France  (1 5  i  5- 

1547),  gist  à  Saint-Denis. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  sur  bois.       35  g 

Henri  II,  60e  roi  de  France  (1547-1559),  gist  à 

Saint-Denis. 
François  II,  61e  roi  de  France  (1 55g-i  56o),  gist 

à  Saint-Denis. 
Charles  IX,  62e  roi  de  France  (1 560-1574),  gist 

à  Saint-Denis. 
Henri  III,  63e  roi  de  France  (1 574-1 58g),  gist 

à  Saint-Denis. 
Henri  IV,   de   Bourbon,    64e  roi  de  France 

(1589-1610),  gist  à  Denis. 
Lovys  XIII,  65e  roi  de  France  (16 10- 1643),  gist 

à  Saint-Denis. 

Le  musée  du  Louvre  possède  le  fameux  F, 
dit  de  François  Ier,  et  qui  s'ouvre  à  charnières, 
de  façon  à  former  deux  F  adossés.  —  (Il  est 
coté  B.  271). 

C'est  un  travail  du  xvie  siècle  et  une  œuvre 
de  patience  étonnante. 

Cette  sculpture  microscopique  renferme  à 
Tintérieur  dix  médaillons  de  1  à  i5  milli- 
mètres. 

Neuf  de  ces  médaillons  sont  les  portraits  de 


36o 


Histoire  da  Portrait. 


Hector,  —  Alexandre,  —  Jules-César,  —  qui 
figurent  le  Paganisme; 

De  Josué,  —  David,  —  Judas  Machabée, 
qui  figurent  le  Judaïsme; 

De  Charlemagne,  —  du  roi  Artus  —  et  de 
Godefroy  de  Bouillon,  —  qui  figurent  le 
Christianisme  et  la  Chevalerie.  Le  dixième 
médaillon  est  le  Christ  en  croix. 

Dans  le  musée  du  Louvre  se  trouve  encore 
la  sculpture  microscopique,  dite  M  de  Mar- 
guerite d'Angoulême,  sœur  de  François  Ier.  — 
C'est  encore  un  travail  du  xvie  siècle,  charmant 
d'exécution  et  remarquable  par  la  finesse  du 
travail. 


CHAPITRE  VII 


DU    PORTRAIT    DANS    LA    SCULPTURE    EN    IVOIRE 


'étude  attentive  des  objets  anti- 
ques, conservés  dans  le  musée 
du  Louvre ,  démontre  que  la 
Sculpture  en  ivoire  fut  pratiquée 
chez  les  plus  anciens  peuples. 
L'Egypte,  l'Assyrie,  la  Grèce  connurent  la 
pratique  de  la  Sculpture  en  ivoire  ;  mais  la 
riche  matière,  fouillée  par  le  ciseau  de  l'artiste, 
fut  consacrée  surtout  aux  objets  du  culte  et  à 
la  reproduction  des  images  des  dieux. 

Phidias  exécutait  un  Jupiter  dont  les  nus 
étaient  en  ivoire  et  les  draperies  en  or;  cette 

4<> 


362  Histoire  du  Portrait. 


statue  mesurait  plus  de  dix-sept  mètres  d'élé- 
vation. 

La  statue  de  Minerve,  également  de  Phidias, 
qui  se  trouvait  dans  le  Parthénon,  à  Athènes, 
avait  près  de  douze  mètres  de  hauteur  ;  la  tu- 
nique était  d'or,  mais  les  nus  étaient  d'ivoire, 
ainsi  que  la  Méduse  figurée  sur  le  bouclier. 

En  i855,  M.  le  duc  de  Luynes  exposa  une 
reproduction  de  cette  Minerve,  due  au  ciseau 
de  Simart. 

La  statue,  haute  de  trois  mètres,  était  d'ivoire 
et  d'argent;  tous  les  nus  de  la  Minerve,  ceux 
de  la  statuette  de  la  Victoire,  placée  dans  la 
main  droite  de  la  déesse,  étaient  d'ivoire  ;  la 
tunique  et  l'égide,  d'argent  repoussé  et  ciselé, 
étaient  l'œuvre  de  M.  Duponchel. 

Chez  les  Romains,  le  goût  pour  la  Sculpture 
en  ivoire  égala  celui  des  Grecs,  et  les  plus 
riches  patriciens  s'étudièrent  à  rassembler  dans 
leurs  somptueuses  demeures  les  ivoires  fouillés 
par  le  ciseau  des  artistes. 

Plus  tard,  Constantin  fit  élever  une  statue 
d'ivoire  dans  la  basilique  de  Sainte-Sophie,  à 
sa  mère  Hélène. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  en  ivoire.      363 

Nous  ne  pouvons  détailler  ces  merveilleuses 
tablettes,  appelées  diptyques,  triptyques,  qui 
furent  en  usage  sous  les  consuls  chrétiens  et 
dans  les  premiers  siècles  de  notre  ère. 

Ces  tablettes  étaient  ordinairement  enri- 
chies de  sculptures  et  souvent  de  portraits; 
elles  étaient  conservées  dans  les  familles 
comme  des  annales  historiques  :  les  diptyques 
civils  furent,  à  cette  époque,  ce  que  sont  au- 
jourd'hui les  portraits  de  toute  nature. 

Les  tablettes  sculptées  étaient  encore  l'objet 
d'échange  entre  amis;  plus  tard,  une  loi  de 
Théodose  en  restreignit  l'usage  aux  seuls 
consuls. 

Les  diptyques  consulaires  sont  aujourd'hui 
une  source  précieuse  d'indications  historiques. 

Jusqu'au  vme  siècle,  les  diptyques  ecclé- 
siastiques furent  d'un  usage  fréquent,  mais 
habituellement  ils  sont  ornés  de  scènes  reli- 
gieuses, et  offrent  peu  d'intérêt  pour  l'histoire 
du  portrait. 

Du  vine  au  xine  siècle,  la  Sculpture  en  ivoire 
est  pratiquée  en  France;  mais  elle  se  ressent 
des  alternatives  si  diverses  que  les  arts  eurent 


36./,  Histoire  du  Portrait. 

à  subir  dans  notre  pays.  Consacrée  au  culte,  à 
la  décoration  des  autels,  à  l'ornementation  des 
objets  sacrés,  la  Sculpture  en  ivoire  garde  un 
caractère  religieux  pendant  cette  longue  pé- 
riode. 

L'ivoire  reproduit  surtout  les  figures  du 
Christ,  de  la  Vierge,  des  saints,  les  portraits 
de  convention  d'évêques  et  de  prélats. 

Les  dyptiques  avec  figures  (hagiotiptyques, 
dit  Gori)  nous  sont  parvenus  en  plus  grand 
nombre,  et  l'usage  de  relier  les  manuscrits,  les 
sacramentaires,  avec  des  plaquettes  d'ivoire, 
d'argent  et  de  bois  a  dû  contribuer  beaucoup 
à  leur  conservation. 

«  Les  uns,  «  dit  Pacciaudi ,  »  furent  de 
simples  ornements;  d'autres  servaient  de  cou- 
vertures aux  Évangéliaires,  d'autres  étaient 
offerts  aux  pieux  baisers  des  fidèles,  d'autres 
enfin  servaient  à  la  piété  privée.  »  (Antiqui- 
tates  Christianas.) 

Quelques-uns  de  ces  diptyques  sont  cités  par 
les  plus  anciens  auteurs. 

Nous  voyons  le  comte  Éverard,  fondateur 
de  l'abbaye  Cisione,  au  diocèse  de  Tournai, 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  en  ivoire.      365 

léguer  à  son  fils  Unoch  un  diptyque  d'ivoire, 
encadré  d'or,  «Tabulas  eburneas,  auro  para- 
tas»;  par  contre,  le  diptyque  mentionné  dans 
l'inventaire  de  Saint-Riquier  est  orné  d'argent, 
«  In  argento  paratas.  »  (Pacciaudi,  ibid.) 

A  Bourges,  le  célèbre  livre  d'ivoire  (dipty- 
que consulaire)  servait  à  l'office  religieux, 
d'après  Martène.  (Voyage  littéraire  de  171 7.) 

A  Besançon,  on  gardait  l'ivoire  du  couron- 
nement de  Roman  et  de  l'impératrice  Eudoxie. 
Il  est  décrit  par  Du  Cange  et  par  Gori;  Gail- 
habaud  le  reproduit  dans  sa  Revue  archéolo- 
gique (1844,  tome  Ier). 

La  Sculpture  en  ivoire  ne  forme  pas  une 
branche  distincte  à  cette  époque  :  tout  scul- 
pteur sait  travailler  cette  matière  et  en  tirer  les 
couvertures  d'Évangéliaires,  les  crosses,  les 
bas-reliefs  que  nous   admirons  encore. 

Avec  le  xme  siècle,  la  Sculpture  en  ivoire 
semble  élargir  son  cadre  et  sortir  de  l'orne- 
mentation. Le  travail  de  l'ivoire,  timidement 
ébauché  jusqu'alors,  s'inspire  des  principes 
de  la  Sculpture  et  tend  à  produire  des  œuvres 
remarquables. 


366  Histoire  du  Portrait. 

Les  statuettes  religieuses  de  l'époque  de 
saint  Louis  ont  la  pureté  du  dessin,  la  vérité 
d'attitude,  la  justesse  de  mouvement,  et  leur 
naturel  atteste  un  progrès  véritable  de  la 
Sculpture  en  ivoire. 

Les  inventaires  du  xive  siècle  et  du  xv° 
siècle  mentionnent  de  nombreux  travaux  en 
ivoire  qui  font  partie  des  trésors  royaux  ou 
des  richesses  des  églises. 

A  cette  époque,  les  oratoires  portatifs,  dip- 
tyques ou  triptyques  collants,  sont  en  usage  et 
font  partie  du  mobilier.  Les  reliefs  sont  parfois 
très  accentués  dans  ces  tableaux-cloants . 

Le  Louvre  possède  un  retable  portatif  ou 
oratoire  de  chambre  remarquable;  on  le  dé- 
signe sous  le  nom  de  retable  de  Poissy. 
(N°  888,  catalogue  de  M.  de  Laborde.) 

Le  duc  Jean  de  Berry ,  frère  du  roi  Charles  V, 
et  sa  femme,  Jeanne  d'Auvergne,  accompagnés 
de  leurs  patrons,  sont  figurés  dans  ce  retable. 

Les  boîtes  à  miroir  en  ivoire,  enrichies  de 
bas-reliefs,  nous  donnent  parfois  des  portraits. 

Le  musée  de  Cluny  conserve  une  boîte, 
ornée  de  diverses  figures  :  un  roi  diadème, 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  en  ivoire.      36 y 

assis  sur  un  siège  et  tenant  un  sceptre  ;  près 
de  lui  est  une  reine  ;  on  croit  que  ces  figures 
sont  celles  de  saint  Louis  et  de  la  reine  Blanche, 
sa  mère;  autour,  divers  autres  portraits. 

Cet  ivoire  du  xive  siècle  (n°  401  du  catalogue 
de  1847)  vient  de  l'abbaye  de  Saint-Denis. 

Du  Sommerard,  dans  son  ouvrage  sur  les 
Arts  au  moyen  âge,  décrit  encore  un  diptyque 
qu'il  croit  avoir  appartenu  à  la  reine  Anne  de 
Bretagne. 

«  Ce  diptyque  consiste  en  deux  petites  pla- 
ques d'ivoire,  presque  de  la  forme  et  du  dia- 
mètre d'une  pièce  de  5  francs,  incrustées  dans 
deux  tablettes  de  cèdre,  montées  en  or  et  sur 
lesquelles  existent  encore  quelques  hermines. 

»  Quatre-vingts  figures  microscopiques,  su- 
jets de  la  Passion,  ont  trouvé  place  dans  cet 
espace  circonscrit. 

»  Si ,  comme  tout  l'indique ,  ce  tableau 
cloant  fut  à  l'usage  de  la  duchesse  Anne  de 
Bretagne  ,  on  ne  peut  que  s'émerveiller  des 
yeux  de  lynx  de  cette  princesse.  »  (Du  Somme- 
rard, les  Arts  au  moyen  âge.  Paris,  Cluny, 
i838,  tome  II.) 


368  Histoire  du  Portrait. 

Dans  le  xvie  siècle,  la  Sculpture  en  ivoire 
est  remplacée  par  la  Sculpture  sur  bois  ;  mais 
les  artistes  français  ne  délaissent  pas  entière- 
ment les  travaux  sur  ivoire. 

Les  ivoiriers  s'adonnent  surtout  à  la  déco- 
ration des  objets  usuels. 

De  cette  époque  est  le  Pulvérih  du  Louvre. 
Sur  cet  objet,  en  corne  de  cerf,  est  un  génie 
dirigeant  de  la  droite  un  cheval  marin  et  tenant 
de  la  gauche  un  trident  et  un  arc. 

M.  de  Laborde  attribue  cette  sculpture  à  Jean 
Goujon.  «  Ce  charmant  ouvrage,  »  dit-il,  «  a 
toute  la  grâce  de  la  main  habile  de  cet  artiste 
et  peut  avoir  été  un  délassement  au  milieu  de 
ses  grands  travaux.  »  (De  Laborde,  Notice  des 
émaux  et  objets  divers  exposés  au  Louvre. 
Paris,  i853.) 

C'est,  en  tout  cas,  une  reproduction  d'une 
œuvre  de  Jean  Goujon,  et  l'auteur  des  Notes 
d'un  compilateur  sur  les  Sculptures  et  les 
Sculpteurs  en  ivoire  eût  fait  sagement  d'allé- 
guer des  raisons,  lorsqu'il  contredit  M.  De 
Laborde. 

Le  musée  de  Cluny  possède  la  Jeune  fille 


Du  Portrait  dans  la  sculpture  en  ivoire.      36g 

châtiant  l'esclave  à  genoux,  attribuée  à  Fran- 
cheville  par  M.  Alexandre  Lenoir  (Musée  des 
Monuments  français),  et  à  Jean  de  Bologne  par 
M.  Du  Sommerard.  (Les  Arts  au  moyen  âge, 
atlas,  ch.  v,  pi.  X.) 

Dans  le  xvne  siècle  et  le  xvme  siècle,  Mi- 
chel Auguier, —  Le  Geret,  sculptèrent  l'ivoire 
avec  distinction. 

Milet  ou  Mile,  de  Dijon,  —  Pierre  Simon,  — 
Jaillot  —  et  son  frère  Alexis-Hubert,  d'Avi- 
gnon, exécutèrent  de  remarquables  travaux 
sur  ivoire. 

Simon  Jaillot  est  l'auteur  du  buste  en  ivoire 
de  Charles  Lebrun,  d'après  Coysevox,  qui  fai- 
sait partie  de  la  collection  d'Alexandre  Lenoir. 

François  Girardon,  de  Troyes,  paraît  avoir 
travaillé  l'ivoire  ;  on  lui  attribue  des  crucifix 
d'une  exécution  hors  ligne. 

Jacques  Sarrazin,  —  Jean  Cornu,  —  Jean- 
Baptiste  Guillermin,  —  Joseph  Villerme  — 
surent  maintenir  la  Sculpture  en  ivoire  au 
plus  haut  rang. 

Nous  trouvons  encore  à  Londres  un  ivoirier 
français,  J.  Cavalier,  —  et  David  Le   Mar- 


3jo  Histoire  du  Portrait. 

chand,  de  Dieppe,  également  Français;  —  à 
Gènes,  Lacroix,  né  en  Bourgogne,  qui  exé- 
cutent des  médaillons,  des  christs. 

Les  Rosset,  de  Saint-Claude,  ont  laissé  des 
œuvres  en  ivoire. 

Joseph  Rosset  a  donné  les  bustes  de  Vol- 
taire et  de  Montesquieu.  Cet  artiste  est  men- 
tionné par  les  historiens  comme  excellant  dans 
ce  genre  de  travail. 

Le  Louvre  conserve  encore  une  Sainte-Thé- 
rèse ,  signée  Rosset  père  (n°  235  du  cata- 
logue de  M.  Sauzay  (1861). 

Dans  les  xvie,  xvue  et  xvme  siècles,  les  ivoi- 
riers  sont  nombreux;  mais  les  portraitistes  en 
ivoire  sont  rares.  Ce  que  nous  en  avons  dit 
suffit  à  montrer  que  la  Sculpture  en  ivoire 
jetait  un  grand  éclat. 


CHAPITRE  VIII 


DU    PORTRAIT    DANS    LA    SCULPTURE 


ette  étude  sur  l'art  statuaire  peut 
offrir  un  certain  intérêt,  car 
l'histoire  du  portrait  dans  la 
Sculpture,  disons  plus,  celle  de 
la  Sculpture  elle-même  sont  peu  connues  et 
peu  étudiées  en  France. 

Cependant  la  Sculpture  Française  a  toujours 
été  pratiquée  avec  succès  ;  elle  a  laissé  des 
traces  impérissables  qui  attestent  l'habileté, 
la  science,  le  caractère  élevé  et  la  prodigieuse 
facilité  de  nos  artistes  nationaux. 

Nous   rechercherons  l'histoire  du  portrait 


3 7  2  Histoire  du  Portrait. 


dans  la  Sculpture  du  moyen  âge,  parce  qu'à 
cette  époque  l'artiste  était  sincère  ;  il  pensait, 
et  cherchait  à  rendre  cette  intime  pensée  que 
Ton  retrouve  bien  rarement  chez  les  artistes. 

«  La  statuaire,  à  cette  époque,  est  gauche 
encore,  maladroite  même:  mais  elle  dit  bien 
ce  que  l'artiste  a  voulu  lui  faire  dire. 

»  L'œuvre  occupe  sa  place  avec  raison , 
c'est-à-dire  qu'elle  a  été  faite  pour  être  placée 
dans  tel  monument,  à  telle  hauteur,  à  telle 
exposition,  au  soleil,  et  non  commandée  dans 
un  atelier  pour  être  placée  on  ne  sait  où  ; 
achetée  au  Salon  pour  une  destination  in- 
connue. 

»  Gomment  veut-on  avoir  des  œuvres  d'art 
dans  de  semblables  conditions  ? 

»  Comment  une  statue  conçue  dans  un  ate- 
lier, sans  savoir  quelle  sera  sa  destination,  si 
elle  sera  éclairée  par  les  rayons  du  soleil,  ou 
par  un  jour  intérieur  ;  comment  cette  statue 
achetée  par  des  personnes  qui  ne  l'ont  point 
demandée  pour  un  objet,  et  qui  ne  savent  où 
la  placer  ;  comment  cette  statue,  disons-nous, 
produira-t-elle  une  impression  sur  le  public  ? 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3~3 

»  Excepté  quelques  amateurs  qui  pourront 
apprécier  certaines  qualités  d'exécution ,  qui 
s'en  occupera  ?  qui  la  regardera  ?  » 

Ainsi  parle  M.  Viollet-le-Duc  ;  —  et  il 
ajoute  : 

«  L'erreur  moderne  des  sculpteurs  est 
de  croire  qu'en  reproduisant  l'enveloppe  ils 
reproduisent  l'être  ;  qu'en  copiant  l'instru- 
ment, ils  donnent  l'idée  de  la  mélodie.  » 

Quant  à  l'origine  du  portrait  dans  la  Sculp- 
ture, il  est  bien  difficile  de  la  rechercher  avant 
la  construction  de  nos  belles  et  magnifiques 
églises  de  Chartres,  d'Amiens,  de  Beauvais  , 
d'Auch,  de  Vienne  en  Dauphiné,  de  Reims , 
d'Autun,  de  Saint-Denis  et  de  Notre-Dame 
de  Paris. 

Ces  cathédrales  n'offrent  encore  que  des 
sculptures  souvent  grossières,  et  l'histoire 
nous  a  rarement  transmis  les  noms  des  artis- 
tes à  qui  elles  sont  dues. 

A  cette  époque  l'art  sculptural  français  était 
représenté  par  sept  Écoles  différentes  :  c'est  la 
division  donnée  par  du  Seigneur  : 

—  i°  L'École  Bourguignonne  ; 


3 74  Histoire  du  Portrait. 

—  2°  L'École  Messine,  employant  la  pierre 
à  gros  grains  qui  résistait  aux  finesses  du 
ciseau  ; 

—  3°  L'École  Alsacienne ,  type  de  naïveté 
germanique,  s'exerçait  sur  des  moellons  rou- 
geàtres,  très  tendres  en  sortant  de  la  carrière, 
mais  durcissant  à  l'air  libre  ; 

—  4°  L'École  Champenoise,  dont  les  deux 
principaux  centres  étaient  Reims  et  Troyes  ; 

—  5°  Les  Écoles  Normande ,  Bretonne , 
Poitevine,  participant  toutes  d'un  type  Anglo- 
Saxon  ; 

—  6°  L'École  de  l'Ile-de-France,  à  laquelle 
se  rallient  celles  de  Paris,  de  Chartres,  de 
Beauvais,  de  Melun,  et  même  les  Écoles  de 
Laon  et  de  Soissons  qui  semblent  en  être  les 
dérivées  ; 

—  7°  L'École  Méridionale,  au  mouvement 
de  laquelle  coopèrent  d'une  manière  très 
puissante  les  Écoles  d'Arles,  de  Marseille , 
d'Avignon ,  de  Toulouse,  de  Clermont,  de 
Limoges  et  de  Périgueux. 

Nous  voudrions  ne  rien  omettre  dans  la 
nomenclature  des  œuvres  de  Sculpture  où  l'on 


Du  Portrait  dans  la  sculpture. 


peut  trouver  une  apparence  de  portrait,  sans 
être  arrêté  par  la  grossièreté  de  l'exécution. 

C'est  en  recueillant  les  matériaux  les  plus 
anciens  qu'il  devient  possible  d'écrire  l'his- 
toire du  portrait  dans  la  Sculpture  en  France. 

Mais  il  le  faut  dire  :  le  portrait  dans  la 
Sculpture,  dans  le  sens  où  nous  le  comprenons 
aujourd'hui,  n'est  pas  la  préoccupation  de  nos 
anciens  artistes  :  l'œuvre  était  surtout  ressem- 
blante par  le  nom  qui  lui  était  attribué. 

Comme  portraits  historiques  les  plus  anciens 
dans  notre  histoire,  nous  citerons  dans  le 
viie  siècle  les  deux  bustes,  en  argent,  de 
Dagobert  et  de  sa  femme  la  reine  Nanthilde  : 
Ces  bustes  ornaient  le  tombeau  de  Dagobert, 
inhumé  à  Saint-Denis. 

Clovis  a  été  représenté  en  empereur  d'Orient, 
avec  une  chaussure  très  découverte  ;  c'est 
ainsi  qu'on  le  voyait  à  l'entrée  de  l'église  Saint- 
Germain  des  Prés  et  au  portail  de  Notre- 
Dame  de  Corbeil. 

Au  même  portail  de  Notre-Dame  de  Cor- 
beil il  y  avait  aussi  la  statue  de  Clotilde,  femme 
de  Clovis. 


3/6  Histoire  du  Portrait. 

A  Saint-Germain  des  Prés  se  trouvaient 
encore  les  statues  de  Clodomir,  de  Thierry, 
de  Ghildebert,  Utrogathe  et  Clotaire. 

A  Saint-Germain-rAuxerrois,  ainsi  qu'à 
Notre-Dame ,  on  voyait  de  belles  statues , 
auxquelles  on  ne  peut  attribuer  un  nom 
précis. 

A  Saint-Denis,  se  trouvait  une  statue  de 
Dagobert  :  c'est  la  plus  ancienne  et  la  plus 
intéressante  ;  elle  fut  conservée  par  Suger. 

A  cette  époque,  les  artistes  étaient  tous 
architectes-sculpteurs  et  quelquefois  peintres  : 
ce  qui  explique  la  répétition  de  quelques 
noms  déjà  cités  dans  les  autres  parties  de  cet 
ouvrage. 

Tels  étaient  Enguerrand  ou  Ingelramme 
qui  bâtit  l'admirable  église  du  Bue,  —  Hues- 
Libergier,  à  Reims,  —  Robert  de  Luzarches, 
—  Thomas  de  Gormont,  à  Amiens,  —  Jean, 
qui  construisit  l'église  Saint-Côme ,  à  Paris  ; 
tous  ces  artistes  travaillaient  indifféremment, 
comme  architectes  et  comme  sculpteurs. 

Un  artiste  inconnu  coulait  en  bronze,  dans 
la  cathédrale  d'Amiens,  les  tombes  d'Éberard 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3jj 

de  Fouilloy  (i223),  de  Geoffroy,  d'Eu  (1237) 
et  de  Jean,  fils  de  saint  Louis. 

Sous  les  règnes  de  Philippe-Auguste  et  de 
Louis  VIII ,  on  voit  Robert  de  Luzarches 
nommé  plus  haut,  —  Eudes  de  Montreuil,  — 
Jean  de  Chelles,  —  Etienne  de  Bonneville, 
architectes-sculpteurs ,  contribuer  par  leurs 
travaux  à  la  gloire  du  royaume. 

C'est  à  ces  artistes  que  sont  dues  les  belles 
statues  et  statuettes  de  Saint-Denis.  Dans 
celle  de  la  reine  Nanthilde,  la  maigreur  qui 
caractérise  Fart  chrétien  est  rachetée  par  une 
finesse  digne  de  l'art  antique. 

Jean  de  Saint-Romain  exécuta  pour  6  livres 
8  sous  parisis  la  statue  de  Charles  V  ;  il  pas* 
sait  pour  //'  melior  imagier  de  son  temps. 

Plus  tard  Jean  Delaunay,  —  Jean  de  Liège, 
—  Jean  de  Chartres.  — Guy  de  Dampmartin, 
travaillent  à  la  décoration  du  Louvre,  et 
exécutent  les  statues  du  roi  et  de  la  reine, 
ainsi  que  celles  des  ducs  de  Berry  et  de 
Bourgogne. 

Nous  trouvons,  comme  sculpteurs  célèbres, 

Guy  le  Maçon,  à  Dijon.  —  A  Bourges,  vers  la 

42 


3j8  Histoire  du  Portrait. 

même  époque,  Aguillon  de  Droues.  —  A 
Montpellier,  entre  (i33i  et  i36o),  les  deux 
Alaman,  Jehan  et  Henri.  —  A  Troyes,  Deni- 
zot  et  Drouin  de  Mantes.  —  A  Sens,  Jacques 
des  Stalles. 

Il  est  incontestable  qu'à  cette  époque  les 
artistes  normands,  comme  les  artistes  rhénans, 
multipliaient  sous  les  porches  des  cathédrales 
les  statues  et  les  bas-reliefs,  et  exécutaient 
des  portraits  sur  ivoire,  sur  pierre,  et  de  nom- 
breuses effigies  sur  les  tombeaux. 

La  Sculpture  des  tombeaux  offre  un  grand 
nombre  de  portraits  et  semble  même  former 
pendant  longtemps  comme  une  branche  dis- 
tincte de  l'art.  — Mais  ces  portraits  ou  effigies 
ne  sont  souvent  qu'un  simple  tracé  indiquant 
les  contours  de  la  figure  et  du  corps. 

Nous  pouvons  classer  ainsi  les  sculptures, 
d'après  la  forme  des  tombeaux  : 

—  i°  Sarcophages  simples  ; 

—  2°  Dalles  en  pierres  tombales,  avec  figu- 
res gravées  ; 

—  3°  Pierres  tombales  avec  figures  en  relief 
couchées  ; 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3~q 

—  4°  Tombeaux  dans  des  niches  ornées 
d'arcatures  et  tombeaux  arqués  ; 

—  5°  Tombeaux  élevés  et  richement  déco- 
rés, très  ornés  ;  ils  prennent  la  forme  de 
châsse,  sont  surmontés  de  figures  agenouil- 
lées, à  lambris  à  quatre  faces,  avec  colonnes 
et  dais. 

Parmi  les  plus  anciens  monuments  funé- 
raires, doit  être  rangé  le  portrait  de  la  reine 
Frédégonde,  placé  aujourd'hui  au  milieu  de 
l'église  de  Saint-Germain  des  Prés.  Cette  re- 
présentation d'un  personnage,  qui  date  de 
l'an  (600),  est  on  ne  peut  plus  intéressante. 

Le  sarcophage  n'a  pas  de  saillie.  Il  est  com- 
posé d'une  mosaïque  de  différents  marbres 
de  couleur,  et  d'émaux  rapportés  et  fixés,  à 
l'aide  d'un  mastic,  dans  les  cavités  du  cuivre; 
la  tête,  les  mains  et  les  pieds  sont  simple- 
ment dessinés  en  creux. 

A  Reims,  la  pierre  d'Ives  Libergiers,  archi- 
tecte de  l'église  de  Saint-Nicaise,  a  longtemps 
subsisté;  elle  est  détruite  aujourd'hui. 

Parfois  les  architectes  ajoutaient  à  leur  des- 
sin au  trait  des  motifs  en  relief;  ainsi  le  per- 


38o  Histoire  du  Portrait. 

sonnage  de  Saint-Nicaise  tenait  dans  ses  mains 
une  de  ces  esquisses. 

On  possède  également  la  pierre  tombale  de 
Pierre  de  Montereau,  dans  l'église  de  Saint- 
Germain  des  Prés.  Il  est  représenté  ayant 
dans  la  main  une  règle  et  un  compas. 

On  a  aussi  la  pierre  d'Alexandre  de  Ber- 
neval,  un  des  architectes  de  Saint-Ouen  de 
Rouen  (xve  siècle)  ;  l'architecte  est  représenté 
avec  son  élève,  ils  tiennent  chacun  une  règle 
et  un  compas  d'une  main,  dans  l'autre  ils  ont 
une  feuille  sur  laquelle  il  y  a  des  dessins. 

Pendant  les  xuie,  xiv°  et  xve  siècles,  les 
pierres  sépulcrales  se  multiplient  à  l'infini, 
presque  toutes  les  familles  ont  un  de  leurs 
membres  ainsi  représenté;  on  les  retrouve 
encore  dans  les  chapelles  et  dans  les  cloîtres. 

D'après  M.  de  Caumont,  nous  aurions  en 
France  plusieurs  belles  mosaïques  représen- 
tant des  personnages. 

Ces  mosaïques  étaient  très  nombreuses  du- 
rant l'ère  Mérovingienne,  ainsi  que  le  prou- 
vent la  mosaïque  en  verre  de  Germiny-les- 
Prés,  dans  l'Orléanais  (qui  est  du  ixe  siècle), 


Dît  Portrait  dans  la  sculpture.  38 1 

et  le  pavage  en  mosaïque  de  l'église  de  Cruas, 
dans  le  Vivarais. 

Aux  xme,  xive  et  xvc  siècles,  on  a  fait  beau- 
coup de  portraits  de  chevaliers  et  de  person- 
nages en  mosaïque  ;  les  figures  étaient  entou- 
rées de  fleurs  de  lis  et  de  toutes  sortes 
d'ornements. 

On  prenait  de  la  terre  glaise,  qui  était 
étendue  sur  un  fond,  terre  assez  molle  pour 
se  laisser  pénétrer  par  un  moule  en  relief 
qui  représentait  le  personnage;  ce  moule  en 
relief  laissait  une  empreinte  en  creux. 

On  remplissait  alors  ce  vide  soit  avec  de  la 
terre  de  couleurs  différentes,  soit  avec  des 
émaux  crus,  mats  ou  translucides.  Après 
avoir  laissé  sécher  on  envoyait  le  tout  à  la 
cuisson. 

Parfois  on  formait  la  mosaïque  avec  des 
carreaux  de  terre  cuite  de  différentes  couleurs. 

On  trouve  dans  l'abécédaire  de  M.  de  Cau- 
mont  le  dessin  d'un  chevalier  armé  de  son 
épée  et  vêtu  de  sa  cotte  de  mailles. 

Cette  plaque  a  été  trouvée  dans  l'abbaye 
de  Fontenay,  près  de  Caen. 


382  Histoire  du  Portrait. 


A  Saint-Omer  on  conserve  le  portrait  d'un 
donateur  exécuté  de  la  même  façon,  et  qui 
a  l'apparence  d'un  vitrail . 

Jusqu'au  xve  siècle  les  personnages  illustres 
sont  représentés  sur  leurs  tombeaux,  mais  le 
dessin,  la  gravure,  la  mosaïque,  sont  seuls  mis 
en  pratique;  rarement  on  a  recours  à  la  Scul- 
pture . 

Mais  vers  cette  époque  nous  remarquons 
la  tendance  des  artistes  à  figurer  leurs  person- 
nages dans  l'attitude  de  la  prière,  c'est-à-dire 
à  genoux. 

Dès  le  xiie  siècle,  cependant,  on  avait  exé- 
cuté des  Monuments  élevés  : 

Les  tombeaux  de  Richard  Cœur  de  Lion, 
d'Henri  II  et  de  sa  femme,  qui  existent  à 
Fontevrault,  sont  du  xne  siècle  et  nous  ap- 
prennent une  chose  intéressante  pour  Tart  : — 
c'est  qu'à  cette  époque,  on  peignait  les  statues. 

Quelques  tombeaux  étaient  revêtus  de 
plaques  d'argent,  ou  de  cuivre  émaillé,  tels 
que  le  tombeau  d'Henri  Ier,  quatrième  comte 
de  Champagne,  qui  existait  autrefois  à  Saint- 
Etienne  de  Troyes. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  383 

Les  figures,  rares  au  xn°  siècle,  deviennent 
plus  nombreuses  dans  le  xme  ;  les  artistes  font 
de  grands  progrès,  ils  sont  moins  raides  dans 
leur  manière;  par  là  même,  ils  ont  plus  de 
souplesse  dans  le  faire  et  en  conséquence  ils 
jettent  plus  de  vie  dans  les  figures. 

Pendant  ce  siècle,  les  tombeaux  nous  offrent 
de  grands  renseignements  pour  le  costume. 
Les  images  des  personnages  représentés  sur 
les  pierres  tombales  sont  bien  des  portraits. 

Nous  pouvons  citer  :  —  la  statue  de  Guil- 
laume, fils  de  Hugues  II,  seigneur  de  Naillac- 
sur-Blanc,  qui  existe  encore  dans  l'église  de 
Gargilesse-sur-la- Creuse;  puis  le  tombeau  de 
Dillo  (Yonne)  orné  d'arcatures  ou  statuettes 
avec  figures  couchées  ; 

Le  tombeau  de  la  reine  Bérengère ,  femme 
de  Richard  Cœur  de  Lion,  enterrée  dans  l'ab- 
baye de  Lepau,  près  du  Mans,  et  transporté, 
en  (1821),  dans  la  cathédrale  du  Mans. 

D'autrefois,  comme  nous  l'avons  dit,  on 
recouvrait  de  bronze  la  statue  du  person- 
nage. 

A  Amiens,  se  trouvent  deux  statues  de  ce 


384  Histoire  du  Portrait. 

genre  :  celle  cTEverard  de  Fouilloy  évèque 
(i223),  et  celle  de  Geoffroi  d'Eu,  son  succes- 
seur. 

A  ce  sujet,  M.  de  Caumont  dit  qu'une 
grande  partie  de  ces  statues  disparurent  aux 
xvii0  et  xvme  siècles;  des  Chapitres  les  firent 
détruire,  soit  parce  qu'elles  encombraient  le 
chœur,  soit  parce  que  Ton  n'estimait  que  ce 
qui  était  moderne,  et,  chose  bien  triste  à  con- 
stater, plus  une  statue  avait  de  valeur  artis- 
tique ,  comme  celles  en  métal  par  exemple, 
et  plus  tôt  elle  était  détruite  par  les  fondeurs. 

Parmi  les  statues  du  xive  siècle  nous  cite- 
rons celle  de  Jean  de  Dormane,  évèque  de 
Beauvais;  cette  statue  en  cuivre  jaune  était 
couchée  sur  un  marbre  noir. 

Deux  magnifiques  pierres  tombales  dessi- 
nées sont  à  Saint-Ouen-en-Belin,  elles  nous 
donnent  les  portraits  d'Andrieu  d'Averton , 
sire  de  Belin,  —  et  celui  de  sa  femme,  Isabeau 
de  Bréinville. 

Au  xve  siècle  nous  avons  les  tombeaux 
arqués. 

La  tombe  en  cuivre  de  Pierre  de  Savoisy  j 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  385 

évêque  de  Beauvais,  montre  un  riche  portail 
avec  ses  pinacles  ornés  de  crochets,  ses  contre- 
forts ornés  de  figurines;  la  statue  de  l'évêque 
est  décorée  de  brillants  émaux. 

La  statue  tombale  de  la  famille  des  Hamon, 
seigneurs  de  Ghampigny,  est  de  la  même 
époque. 

Nous  retrouvons  encore  des  peintures  de 
Jacqueline  de  Brucourt,  qui  se  trouvent  dans 
l'église  de  Larmay-sur-Calirme,  près  de  Pont- 
rÉvêque. 

Enfin,  parmi  les  plus  beaux  tombeaux  du 
xve  siècle ,  on  possède  celui  de  Philippe  le 
Hardi  au  musée  de  Dijon. 

Au  xve  siècle,  nous  voyons  que  les  mo- 
numents avaient  des  dais  soutenus  par  des 
colonnes ,  les  personnages  étaient  couches 
dessous  ;  plus  tard  ces  tombeaux  sont  con- 
struits avec  une  très  grande  richesse  de  lignes 
et  d'ornements. 

Tels  sont  le  magnifique  monument  de 
Marguerite  d'Autriche  dans  l'église  de  Brou 
et  le  tombeau  de  Louis  de  Brézé  à  Rouen. 

Michel  Colombe  et  ses  enfants  exécutèrent 

43 


386  Histoire  du  Portrait. 

le  tombeau  de  François  II,  duc  de  Bretagne  ; 
Jehan  Juste  de  Tours  fit  celui  des  enfants 
de  Charles  VIII  ,  —  puis  le  mausolée  de 
Louis  XII  pour  Saint-Denis,  entre  ( 1 5 1 8  et 
i53o). 

Nous  devons,  une  mention  toute  spéciale  à 
ce  monument ,  qui  est  un  des  plus  remar- 
quables de  Saint-Denis. 

Le  corps  du  roi  est  étendu  sur  la  pierre 
sépulcrale  —  digne  et  calme,  le  souverain 
est  nu,  mais  il  n'a  pas  besoin  d'être  couvert  de 
ses  habits  royaux  et  de  ses  insignes,  pour 
xnontrer  d'où  il  vient,  et  qu'elle  était  l'auto- 
rité, dont  il  était  investi.  —  Cette  œuvre  a  un 
grand  côté  qui  impressionne,  tout  en  excitant 
une  profonde  admiration. 

Vers  cette  époque,  nous  pouvons  encore 
citer  parmi  nos  sculpteurs  célèbres,  Jehan  de 
Vitry  —  et  Jacques  Gendre,  maistre  masson 
imagier  de  l'hôtel  de  ville  de  Bourges. 

Enfin  le  plus  renommé  de  tous  était  Antoine 
Le  Moiturier. 

Un  artiste  éminent,  Grand-Jehan  le  tailleur 
d'imaiges,   grant    ovrier,    dit    la    chronique, 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  38 J 


exerçait  à  cette  époque  (xvie  siècle)  son  art  à 
Metz;  — tandis  que  Jacques  Bachot,  Lorrain, 
faisait  des  œuvres  pieuses  et  naïves.  11  exécuta 
à  Saint-Nicolas-du-Pont,  à  Pont-Mousson  , 
différents  tombeaux,  entre  autres  ceux  des 
princes  Henri  de  Lorraine,  évèque  de  Metz  ; 
—  et  d'Henri  II,  seigneur  de  Joinville. 

A  la  fin  du  xvc  siècle,  l'art  Lombardo- 
Vénitien,  copie  maniérée  du  Grec,  s'intro- 
duisit en  France  et  fit  partir  pour  l'Italie  les 
artistes  consciencieux  qui  voulaient  résister 
à  cet  entraînement. 

Nous  voyons,  à  ce  moment,  fuyant  leur 
patrie,  Bachelier;  —  les  Lorrains  Simon  —  et 
Ligier  Richier;  — Jacques  d'Angouléme  qui 
eut  la  gloire  de  vaincre  son  maître  Michel- 
Ange,  dans  un  concours  de  statuaire  ;  plu- 
sieurs des  ouvrages  de  ce  maître  sont  au 
Vatican. 

Les  artistes  du  xvie  siècle  utilisent,  pour  la 
décoration  de  leurs  ouvrages,  tout  ce  que  la 
nature  a  mis  à  leur  disposition  :  matières  pré- 
cieuses, marbres  de  différentes  couleurs, 
émaux,    peintures,    tout    est   employé    dans 


388  Histoire  du  Portrait. 

les  riches  tombeaux  de  cette  magnifique 
époque. 

Les  tombeaux  des  cardinaux  d'Amboise,  à 
Rouen  ;  —  de  François  II,  à  Nantes;  —  de 
François  ier  ;  —  de  Louis  XII  ;  —  et  d'Anne 
de  Bretagne  nous  donnent  une  preuve  du 
grand  talent  de  nos  artistes. 

Un  fait  curieux  à  noter,  c'est  qu'à  cette 
époque  il  y  avait  des  artistes  très  réalistes  : 

Ainsi  le  cardinal  du  Prat  était  représenté 
rongé  par  les  vers  au  milieu  des  sculptures 
les  plus  riches  de  son  tombeau. 

Pour  l'histoire  du  portrait,  nous  ne  devions 
pas  négliger  la  sculpture  funéraire,  cette  source 
inépuisable  d'œuvres  d'art  qui  nous  facilite 
l'étude  de  la  marche  du  portrait  dans  les  pre- 
miers siècles  artistiques. 

Les  œuvres  de  la  sculpture  du  moyen  âge, 
de  la  Renaissance  et  des  temps  modernes, 
sont  disséminées  dans  un  grand  nombre  de 
musées  et  de  villes. 

Pour  faciliter  l'étude  de  ces  portraits,  nous 
suivrons  dans  notre  travail  Tordre  chronolo- 
gique —  et,  lorsque   nous  serons  arrivé  au 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  38g 

commencement  du  xixc  siècle,  nous  les  indi- 
querons par  salon  —  avec  la  critique  qui  en 
a  été  faite. 

Parmi  les  portraits  dus  à  des  sculpteurs 
anonymes  du  xme  siècle ,  nous  avons  la 
statue  de  Blanche  de  Champagne ,  femme 
de  Jean  Ier,  duc  de  Bretagne,  morte  en  (i  283). 

Le  portrait  de  Pierre  de  Jayet  est  du 
xvc  siècle  :  la  tête  de  ce  chanoine  est  fine, 
elle  a  un  grand  caractère. 

Dans  le  xvc  siècle,  nous  devons  mentionner 
les  statues  de  Pierre  d'Évreux  de  Navarre, 
fils  de  Charles  le  Mauvais,  roi  de  Navarre;  — 
de  sa  femme,  Catherine  d'Alençon;  —  d'Anne 
de  Bretagne,  fille  de  Jean  sans  Peur.. 

Michel  Colombe ,  né  vers  (1430),  les  uns  di- 
sent en  Touraine,  d'autres  en  Bretagne,  com- 
mence cette  série  non  interrompue  de  nos 
grands  artistes. 

Sa  statue  de  Philippe  de  Commines,  re- 
marquable par  le  faire,  vivante  par  le  mo- 
delé, est  un  véritable  portrait  qui  nous  donne 
bien  une  idée  des  illustres  personnages  du  xv1' 
siècle.   Cette  statue  est  une  des  plus  belles  du 


3qo  Histoire  du  Por trait. 

maître ,  qui  a  fait  également  Hélène  de 
Chambes  Monsoreau,  femme  de  Philippe  de 
Commines;  —  Louis  de  Pouchet,  receveur- 
trésorier  de  François  Ier,  représenté  mort,  et 
étendu  la  tète  sur  un  coussin  ;  la  statue  est 
d'albâtre;  —  la  statue  de  Roberte  Legendre, 
femme  de  Pouchet,  est  exécutée  dans  le  même 
esprit. 

Nous  ne  possédons  de  Jean  Goujon,  au  mu- 
sée de  la  Renaissance,  qu'un  seul  buste,  et 
encore  il  n'est  qu'attribué  à  cet  artiste  :  c'est 
le  buste  d'Henri  II,  roi  de  France. 

Un  œil  exercé  peut  facilement  découvrir 
que  ce  buste  doit  être  de  Jean  Goujon  :  la 
finesse  d'exécution,  les  détails  dans  les  orne- 
ments, merveilleusement  exécutés,  indiquent 
la  main  du  maître. 

La  figure  un  peu  aplatie  nous  offre  encore 
un  indice  certain,  et  c'est  une  remarque  qu'il 
est  facile  de  faire  dans  presque  toutes  les 
œuvres  de  ce  maître. 

Il  semble  que  tout  artiste  doive  s'incliner 
devant  la  statue  de  l'amiral  de  Chabot.  Cette 
œuvre  de  Jean  Cousin,  l'une  des  plus  consi- 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3gi 

dérabfes  parmi  les  monuments  de  la  sculp- 
ture française,  offre  un  magnifique  sujet  d'é- 
tude à  ceux  qui  recherchent  les  qualités  qui 
caractérisent  si  bien  notre  École. 

Jean  Cousin  est  le  véritable  chef  de  cette 
sculpture  qui  va  soutenir  l'honneur  français, 
sans  craindre  les  rivaux  étrangers. 

Cette  tète  découverte  de  Philippe  de  Chabot, 
à  demi  couché ,  est  bien  celle  du  chef,  de 
l'homme  de  grande  race,  qui  sait  qu'au  pre- 
mier signal  il  sera  obéi. 

Jean  Cousin  n'a  pas  cherché  à  reproduire 
simplement  l'enveloppe,  il  a  voulu  rendre 
l'esprit,  l'énergique  volonté  de  son  modèle. 
Nous  voyons  que  cette  statue  est  bien  celle  du 
guerrier  intrépide  et,  sur  ce  visage,  il  semble 
qu'on  peut  lire  l'histoire  d'une  existence  pas- 
sée dans  les  combats,  au  milieu  de  périls  in- 
cessants . 

Du  même  artiste  on  possède  les  statues  de 
François,  comte  de  La  Rochefoucauld,  cham- 
bellan de  François  Ier;  les  bustes  de  Charles- 
Quint  et  de  François  Ier . 

Germain  Pilon  nous  a   laissé   une    œuvre 


3()2  Histoire  du  Portrait. 

qui  est  et  sera  toujours  un  des  plus  beaux  mo- 
numents de  la  statuaire  trançaise,  —  la  statue 
de  Valentine  Balbiani. 

Dans  cette  œuvre,  l'artiste  a  montré  une 
science  profonde  de  Tanatomie  . 

La  statue  habillée  de  la  femme  du  chambel- 
lan de  Birague  possède  une  grâce  réelle  et 
l'exécution  est  digne  du  maître. 

Germain  Pilon  nous  a  laissé  les  bustes 
d'Henri  II, —  de  Charles  IX,  —  et  d'Henri  III, 
rois  de  France. 

Ces  bustes,  qui  sont  en  albâtre,  décoraient 
le  château  du  Raincy  ;  la  dégradation  du  vi- 
sage indique  qu'ils  ont  séjourné  longtemps  en 
plein  air,  —  on  retrouve  dans  ces  bustes  toutes 
les  qualités  et  tous  les  défauts  de  l'artiste; 
il  faut  bien  le  dire,  la  finesse  est  grande,  mais 
la  sécheresse  d'exécution  est  trop  apparente. 

Germain  Pilon  n'en  restera  pas  moins  un 
de  nos  plus  grands  artistes,  mais  son  faire  est 
moins  français  que  celui  de  Jean  Cousin. 

Le  président  Mainard  disait  de  cet  artiste, 
dans  une  épitaphe  fort  juste  : 

«  Toujours  gracieux,  quoique  souvent  in- 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3g3 

correct,  il  peut  être  regardé  comme  le  Cor- 
rège  de  la  sculpture,  ses  ouvrages  réunissent 
en  partie  la  belle  simplicité  et  les  finesses  de 
l'Antique;  le  caractère  de  l'ensemble  et  les 
grâces  font  oublier  que  sa  manière  de  draper 
est  sèche  et  ses  plis  trop  cassés.  » 

Barthélémy  Prieur  nous  a  donné  la  statue 
d'Anne  de  Montmorency,  duc  et  pair,  maré- 
chal, grand-maître  et  connétable  de  France, 
frappé  mortellement  devant  Saint-Denis,  et 
celle  de  sa  femme,  Magdelaine  de  Savoie. 

Bonne  et  belle  sculpture. 

Cet  artiste  a  fait  les  bustes  d'Henri  IV,  — 
de  Philibert  de  Lorme,  —  de  Christophe  de 
Thou,  cette  scuplture  est  saine  et  honnête;  la 
statue  de  Montmorency  est  très  belle;  quel 
calme  et  quelle  sévérité  sur  tous  ces  traits  ! 

Le  musée  du  Louvre  conserve  divers  bustes, 
exécutés  par  Jacquet,  dit  de  Grenoble;  ainsi 
Philippe  Desportes,  poète  né  à  Chartres  (mé- 
daillon en  bronze);  —  le  buste  en  bronze 
de  Martin  Fréminet,  qui  provient  de  l'abbaye 
de  Barbeau.  —  Ces  bustes  n'ont  rien  de  re- 
marquable. 

44 


3 1)4-  Histoire  du  Portrait. 

Nous  ne  possédons  de  Simon  Guillain  que 
les  débris  du  magnifique  monument  qui  fut 
élevé  sur  le  pont  au  Change,  à  l'angle  des 
deux  rues,  à  la  gloire  de  Louis  XIII  et  de 
Louis  XIV. 

Louis  XIV  était  réprésenté  à  l'âge  de  dix 
ans,  élevé  sur  un  piédestal,  et  la  Renommée  le 
couronnait  de  laurier.  Louis  XIII  et  Anne 
d'Autriche  étaient  placés  à  la  droite  et  à  la 
gauche  du  jeune  roi  ;  un  fronton  circulaire 
terminait  le  monument,  couronné  par  deux 
anges  soutenant  les  armes  de  France. 

Les  trois  statues  seules  subsistent,  elles  ont 
une  grande  allure;  on  pourrait  leur  reprocher 
un  air  théâtral,  mais  ce  caractère  ne  devait 
pas  choquer  lorsque  ces  statues  étaient  à 
leur  place. 

Nous  devons  encore  citer  du  même  artiste 
quelques  statues  qui  ne  sont  pas  au  musée. 

Ce  sont  les  statues  de  Charlotte-Catherine 
de  la  Trémoille,  veuve  d'Henri  Ier,  prince  de 
Condé. —  D'Areenville  nous  dit  :  Cette  statue 

o 

est  placée  dans  le  chœur  des  moines  qui  des- 
servent le  couvent  des  filles  de  TAve-Maria. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3g5 

Sur  un  tombeau  de  marbre  noir  est  une  belle 
ligure  de  cette  Dame  (la  tète  et  les  mains  sont 
touchées  de  chair). 

Au-dessus  de  la  porte  des  Juges- Consuls 
(porte  Saint-Denis)  était  placée  la  statue  en 
pierre  de  Louis  XIII,  représenté  avec  des 
lions  soumis  à  ses  pieds.  Cette  œuvre  de  Guil- 
lain  était  très  remarquable. 

On  doit  à  Jacques  Sarrazin  le  buste  en 
bronze  de  Pierre  Séguier ,  chancelier  de 
France  mort  en  (1672). 

Sarrazin,  l'auteur  des  magnifiques  caria- 
tides du  Louvre,  a  droit  à  toute  notre  admi- 
ration. 

Cet  artiste,  formé  à  Técole  des  grands  maî- 
tres italiens,  fut  lié  intimement  avec  Le  Domi- 
niquin;  il  resta  dix-huit  ans  en  Italie,  où  il 
étudia  longuement  la  sculpture  sous  Michel- 
Ange,  qu'il  appelait  son  maître. 

On  sait  que  la  reine  Anne  d'Autriche,  grosse 
de  son  premier  enfant  (Louis  XIV),  lit  vœu  de 
donner,  à  Notre-Dame-de-Lorette,  un  entant 
d'or  du  même  poids  que  celui  qu'elle  portait 
dans  son  sein,  au  cas  où  ce  serait  un  prince. 


3q6  Histoire  du  Portrait. 

A  la  naissance  de  l'enfant,  le  futur  roi  fut 
placé  dans  une  balance,  et  Sarrazin  exécuta 
en  or  une  statue  du  même  poids  ;  elle  pesait 
six  livres  d'or. 

Ce  même  maître  a  fait  aussi  la  statue  du 
cardinal  de  Bérulle,  c'est  une  figure  pleine  de 
vie  et  d'expression. 

Le  buste  de  Gaston  de  France,  à  Blois, 
était  encore  de  Sarrazin. 

Le  dernier  travail  de  ce  grand  artiste, 
peintre  et  sculpteur,  fut  le  tombeau  d'Henri 
de  Bourbon,  prince  de  Condé. 

De  Michel  Anguier  nous  n'avons  que  le 
buste  de  Jean-Baptiste  Colbert,  marquis  de 
Seigneley. 

Son  frère,  François  Anguier,  qui  fut  l'ami 
de  Mignard ,  du  Poussin,  de  Stella,  fut  de 
bonne  heure  distingué  par  Louis  XIII  ;  cet 
artiste  nous  a  laissé  la  statue  d'Henri  Chabot, 
duc  de  Rohan  ;  —  de  Jacques-Auguste  de 
Thou  et  de  sa  femme  Gasparde  de  la  Châtre; 
—  celles  de  Jacques  Souvré,  grand-prieur  de 
France  ;  —  et  du  duc  Henri  de  Montmo- 
rency, décapité  à  Toulouse,  en  (i632). 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3qj 

Louis  Lerambert  naquit,  pour  ainsi  dire, 
au  milieu  des  statues  antiques  et  des  marbres 
du  roi  Louis  XIII.  Il  semble  avoir  été  prédes- 
tiné à  la  sculpture. 

Ce  fut  le  marquis  de  Cinq-Mars  qui  le  tint 
sur  les  fonts.  —  Avec  un  semblable  patronage, 
les  débuts  devaient  être  faciles  à  cet  artiste. 

Malgré  ses  succès  à  la  Cour,  Lerambert, 
profondément  studieux,  retourna  toujours  à 
ses  études  ;  il  s'appliquait  à  faire  les  bustes  ou 
les  portraits  en  médaille  des  personnages 
illustres  qu'il  fréquentait. 

Il  exécuta  en  marbre  le  buste  du  cardinal 
de  Mazarin. 

On  lui  doit  encore  le  buste  du  maréchal  de 
la  Meilleraye  ;  —  ceux  de  Hesselin  ;  —  de 
Jabach  —  et  de  Madame  Jabach. 

Etienne  Le  Hongre  exécuta,  pour  le  tom- 
beau du  marquis  de  Gesvres,  la  statue  de  ce 
maréchal  de  France,  tué  au  siège  de  Thionville 
en  (1643). 

Cet  artiste  exécuta  encore  pour  la  ville  de 
Nancy  et  pour  celle  de  Dijon  les  statues 
équestres  du  roi. 


3g8  Histoire  du  Portrait. 

Girardon  avait  sculpté  le  portrait  en  mé- 
daillon du  grand  Condé;  celui-ci  en  fit  cadeau 
au  célèbre  jésuite  le  Père  Tournemine,  en  lui 
disant  plaisamment  que  la  ressemblance  était 
parfaite  et  qu'il  n'y  manquait  qu'un  peu  de 
tabac  au  bout  du  nez. 

Girardon  offrit  à  Troyes,  sa  ville  natale,  un 
grand  médaillon  en  marbre  blanc,  représen- 
tant le  roi. 

Cet  artiste  exécuta  encore,  d'après  les  des- 
sins de  Lebrun,  le  tombeau  du  cardinal  de 
Richelieu ,  érigé  dans  l'église  de  la  Sor- 
bonne.  On  a  également  de  lui  le  buste  de 
Boileau  Despréaux. 

Girardon  fit,  au  château  de  Villacerf,  plu- 
sieurs bas-reliefs  et  bustes,  entre  autres  ceux 
de  Louis  XIV  ;  —  et  de  la  reine  Marie-Thé- 
rèse ;  ils  sont  en  marbre  blanc  et  mesurent 
trois  pieds  de  haut. 

Il  fit  encore  les  bustes  de  Colbert;  —  de  Vil- 
lacerf; —  de  Passerat  ;  —  et  d'Urbain  IV. 

Pour  la  place  Louis-le-Grand ,  à  Paris, 
Girardon  modela  la  statue  équestre  du  roi 
Louis  XIV. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  3q(j 

Cette  sculpture  a  vingt  huit  pieds  de  haut  ; 
elle  est  la  première  de  proportions  aussi  con- 
sidérables qui  ait  été  fondue  d'un  seul  jet. 

Girardon  a  décoré  divers  tombeaux  : 

—  Celui  de  la  princesse  de  Conti,  à  Saint- 
André-des-Arts  ; 

—  Celui  du  marquis  de  Louvois,  qui 
devait  être  érigé  d'abord  aux  Invalides; 

Le  portrait  de  Barbier  de  Metz,  dans  l'église 
de  Gravenilles,  —  le  tombeau  et  le  médaillon 
de  Bormeau  de  Trassy,  dans  la  cathédrale  de 
Tournay,  sont  également  de  Girardon. 

On  érigea  deux  tombeaux  à  Henri  de  Bour- 
bon, prince  de  Condé  ;  le  premier  fut  fait  par 
Sarrazin,  dans  l'église  des  Jésuites  de  la 
rue  Saint-Antoine  ;  et  l'autre  par  Guérin. 
Dans  celui-ci,  la  statue  du  prince  le  représente 
couché  sur  le  côté,  au-dessus  d'une  espèce 
d'ordre  d'architecture  soutenue  par  quatre 
grands  termes. 

Guérin  avait  sculpté  la  statue  de  Louis  XIV, 
tenant  un  sceptre  à  la  main  et  terrassant  la 
Discorde. 

Celte   figure,    qui   avait    cinq  pieds,    était 


_/.oo  Histoire  du  Portrait. 

placée  sur  un  piédestal  à  trois  faces,  elle 
devait  être  érigée  dans  la  cour  de  l'hôtel  de 
ville  de  Paris. 

Girardon  exécuta,  pour  ce  monument,  neuf 
médaillons  ronds  qui  représentaient  le  maré- 
chal de  l'Hôpital,  gouverneur  de  Paris;  — 
Lefèbvre,  prévôt  des  marchands  ;  —  Guillon 
Phelippes  ;  —  Levieux  ;  —  et  Denisot,  éche- 
vins  ;  —  Piètre,  procureur  du  Roi  et  de  la 
ville  ;  —  Lemaire  secrétaire  ;  —  et  Boucaut 
receveur. 

Guérin  fit  aussi  le  mausolée  en  marbre  de 
Messire  Charles  de  la  Vieuville,  duc  et  pair, 
ministre  des  finances  sous  Louis  XIII  et 
Louis  XIV,  et  celui  de  son  épouse  Marie 
Bouhier. 

Cet  artiste  excellait  à  faire  des  portraits  en 
médaille,  et  la  ressemblance  égalait  toujours 
la  finesse  du  travail.  Le  médaillon  de  René 
Descartes  est  l'œuvre  de  Guérin. 

Avec  Antoine  Coysevox  commence  la  véri- 
table série  des  portraitistes  en  sculpture. 

Est-il  rien  de  plus  merveilleux  que  le  buste 
de  Marie  Serre,  ce  monument  de  la  piété  filiale? 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  40  1 

Marie  Serre  était  la  mère  d'Hyacinthe 
Rigaud  ;  ce  grand  artiste  abandonne  tous  ses 
travaux,  pour  aller  dans  le  Roussillon;  il 
rapporte  trois  portraits  de  sa  mère,  un  de 
face,  un  de  profil,  l'autre  de  trois  quarts,  afin 
de  permettre  à  son  ami  Coysevox  de  taire  le 
buste  que  nous  admirons. 

L'ami  fut  à  la  hauteur  de  l'affection  du 
fils.  Les  portraits  de  Mignard,  de  Charles 
Le  Brun,  de  Bossuet,  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu; les  médaillons  de  Marie  -  Thérèse  , 
de  Louis  XIV,  sont  empreints  des  qua- 
lités supérieures  qui  caractérisent  ce  grand 
artiste. 

Tous  les  hommes  célèbres  ont  posé  devant 
Coysevox. 

Le  prince  de  Condé  ;  —  Turenne  ;  — 
Colbert;  —  le  chancelier  Tellier  ; 

Louvois;  —  de  Montausier  ;  —  le  duc  de 
Richelieu  ;  —  le  duc  de  Chaulnes  ; 

Le  duc  d' Antin  ;  —  le  chevalier  Boucherot  ; 
—  le  cardinal  de  Bouillon  ;  —  le  cardinal  de 
Polignac; 

Le  maréchal  de  Villars  ;  —  le  maréchal 

45 


402  Histoire  du  Portrait. 


Vauban  ;  —  le  premier  président  de  Harlay; 
—  Mansart  ;  —  Lenôtre. 

Coysevox  exécuta  encore  le  portrait  de 
Louis  XIV,  à  quatre  âges  différents. 

Coysevox  donna  également  la  statue  du  roi 
pour  Thôtel  de  ville  de  Paris  ;  —  et  la  statue 
équestre  de  Louis  XIV,  à  la  demande  des 
États  de  Bretagne. 

A  cette  occasion,  seize  des  plus  beaux  che- 
vaux du  prince  lui  furent  amenés  pour  qu'il 
s'inspirât  des  qualités  de  chacun  d'eux;  il 
travailla  avec  les  plus  habiles  écuyers,  étudia 
le  cheval  et  fit  de  la  monture  royale  un  chef- 
d'œuvre. 

On  doit  à  Coysevox  les  magnifiques  tom- 
beaux de  Colbert,  à  Saint-Eustache  ;  —  du 
cardinal  de  Mazarin  ;  —  du  prince  Ferdinand 
de  Furstemberg,  dans  l'abbaye  de  Saint- 
Germain  ;  —  d'Henri  de  Lorraine,  dans  celle 
de  Royaumont. 

Coysevox  fut  vraiment  un  grand  artiste, 
son  habileté  était  connue  dans  le  monde 
entier. 

D'Argenville  raconte  qu'après  une  grande 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  4.00 


maladie,  Coysevox  régla  les  honoraires  de 
son  médecin  et  lui  dit  : 

«  Vous  m'avez  rendu  la  vie  à  votre 
»  manière,  je  veux  vous  immortaliser  à  la 
»  mienne,  en  faisant  votre  buste  en  marbre.  » 
Et  ce  portrait  fut  un  des  plus  beaux  du 
maître. 

A  Chantilly  était  la  statue  en  marbre  du 
grand  Condé,  —  et  au  château  de  Seran,  en 
Anjou,  le  tombeau  en  marbre  de  Vauban. 
Toutes  ces  œuvres  étaient  dues  au  ciseau  de 
Coysevox. 

Les  Coustou,  neveux  et  élèves  de  Coysevox, 
arrivèrent  rapidement  à  la  célébrité,  grâce 
à  leur  talent  et  à  l'influence  de  leur  oncle. 

Le  talent  ne  suffit  pas  toujours  pour  l'ar- 
tiste; mais  sous  ce  rapport  les  Coustou  furent 
heureusement  partagés. 

En  (1731)  Nicolas  Coustou  fit  une  statue  de 
Louis  XV. 

Cette  statue  était  primitivement  dans  le 
jardin  de  Versailles  ;  elle  se  trouve  actuelle- 
ment au  musée  de  la  sculpture  moderne. 

Les  portraits  de  Nicolas  Coustou  sont  très 


_/(>-/  Histoire  du  Portrait. 

gracieux,  mais  il  y  a  une  affectation  qui  choque 
au  premier  abord  ;  tout  est  maniéré,  faux,  les 
extrémités  surtout  sont  mièvres  et  ne  sentent 
pas  la  nature. 

Du  reste,  à  cette  époque,  dans  toutes  les 
manifestations  de  l'art,  soit  peinture ,  soit 
sculpture ,  on  retrouve  partout  les  mêmes 
afféteries. 

Quant  aux  qualités  de  Nicolas  Coustou, 
elles  sont  immenses  :  distinction,  grâce,  tout 
y  est  ;  ce  serait  parfait  avec  un  peu  moins 
d'exagération. 

Le  faire  du  maître  est  merveilleux,  et  di- 
sons qu'à  aucune  époque  le  marbre  n'a  été 
travaillé  avec  autant  d'adresse  et  d'habileté. 
Mille  détails,  qui  échappent  au  public,  ne  sau- 
raient passer  inaperçus  à  l'œil  expérimenté 
du  sculpteur. 

De  nos  jours,  on  parle  de  l'habileté  des  pra- 
ticiens italiens;  rien  n'égale  l'habileté  de  Pujet; 
—  de  Coustou  ;  —  de  Pigalle  ;  —  de  Pajou. 

La  hardiesse  et  l'habileté,  dirigées  par  une 
science  profonde,  tirent  du  marbre  des  effets 
extraordinaires. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  4o5 

Coustou  a  fait  le  tombeau  du  maréchal 
de  Créqui.  Il  a  représenté  cet  illustre  capi- 
taine à  cheval,  poursuivant  les  ennemis. 

Pour  l'Académie  de  Peinture,  Coustou  a 
donné  les  bustes  de  Colbert  —  et  de  l'abbé 
Bignon. 

Dans  la  cathédrale  de  Beauvais  est  érigée 
la  figure  du  cardinal  de  Janson,  à  genoux,  de 
grandeur  naturelle. 

La  statue  de  Marie  Leczinska,  femme  de 
Louis  XV,  fut  exécutée  par  Guillaume  Cous- 
tou, frère  de  Nicolas,  qui  fit  également  la 
statue  de  Louis  XIII  offrant  son  sceptre  et  sa 
couronne  à  Jésus-Christ,  en  accomplissement 
du  vœu  du  roi  à  Notre-Dame. 

Le  bas-relief  de  la  porte  principale  des 
Invalides,  qui  représente  Louis  XIV  à  cheval, 
est  encore  de  Guillaume  Coustou. 

Un  des  élèves  de  Guillaume  Coustou,  Jac- 
ques Saby,  de  Valenciennes,  alla  en  Dane- 
marck,  pour  exécuter  la  statue  équestre  de 
Christian  IV. 

Adam  de  Nancy  lit  un  beau  buste  en  mar- 
bre de  Louis  XV. 


406  Histoire  du  Polirait. 

Ce  même  prince ,  sur  la  demande  de 
madame  de  Pompadour,  commanda  sa  statue 
à  Pigalle. 

Lorsque  Pigalle  fut  envoyé  à  Ferney  pour 
exécuter  le  buste  de  Voltaire,  l'artiste  trouva 
le  grand  philosophe  affaissé  par  l'âge ,  la  tête 
penchée  sur  la  poitrine  et,  comme  dit  d'Ar- 
genville,  —  soufflant  des  pois.  —  Quelle 
attitude!...  quel  parti  le  sculpteur  en  tirera- 
t-il  ? 

Pigalle  désespère  de  la  réussite;  enfin  il 
s'avise  de  lui  demander  s'il  est  Fauteur  de  la 
Pucelle.  A  cette  question  le  poète  prend  un 
air  riant  et  accorde  volontiers  à  l'artiste  de  lui 

en  réciter  quelques  morceaux Le  modèle 

fut  promptement  achevé. 

Depuis  longtemps  Pigalle  méditait  une 
étude  de  muscles  et  d'anatomie  ;  l'occasion  lui 
en  fut  offerte. 

Une  Société  de  lettres  lui  proposa  d'élever 
une  statue  à  Voltaire  ;  l'artiste  y  consentit, 
à  la  condition  qu'il  le  ferait  nu.  —  Il  chercha 
le  modèle  le  plus  décharné,  le  plus  maigre 
qu'il    pût    trouver,    et    le   copia,   malgré  les 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  40 7 

instances  de  tous  ses  amis,  qui  deman- 
daient une  draperie  sur  le  nu.  Un  homme 
d'esprit  fit  cette  épigramme  en  voyant  cette 
sculpture  : 

Pigalle  au  naturel  représente  Voltaire, 
Le  squelette  à  la  fois  offre  l'homme  et  l'auteur, 
L'oeil  qui  le  voit,  sans  parure  étrangère, 
Est  effrayé  de  sa  maigreur. 

Pigalle  est  l'auteur  du  monument  que  la 
reconnaissance  de  la  France  a  élevé  au  maré- 
chal de  Saxe;  —  il  fit  aussi  le  tombeau  du 
comte  d'Harcourt. 

On  a  de  Pigalle  plusieurs  portraits  en  bronze 
et  en  marbre  qui  sont  très  beaux  et  très  res- 
semblants ;  —  Diderot,  —  l'abbé  Raynal  ;  - 
Maloët  ;  — et  Perronet.  La  statue  de  Louis  XV 
qui  était  à  Reims  était  de  cet  artiste,  elle  a 
été  détruite  en  (1793)  et  remplacée  par  la  copie 
qu'en  donna  Cartelier  en  (18 18). 

Lemoyne,  né  à  Paris,  fit,  d'après  les  ordres 
de  Louis  XV,  le  tombeau  de  Crébillon.  Le 
roi,  pour  lui  témoigner  sa  satisfaction ,  lui 
commanda  sa  statue  équestre  pour  Bordeaux. 


f.08  Histoire  du  Portrait. 

Le  mausolée  de  Mignard  fut  également 
sculpté  par  Lemoyne. 

Dans  l'intervalle  de  (1730  à  1773),  Lemoyne 
lit,  tous  les  ans,  trois  ou  quatre  bustes  du 
roi. 

D'après  les  mémoires  de  l'époque,  le  nom- 
bre des  œuvres  de  Lemoyne  est  tel,  que  le 
sculpteur  le  plus  laborieux  n'aurait  pas  eu  le 
temps  de  les  finir. 

Nous  ne  lui  ferons  pas  le  même  reproche 
que  d'Argenville,  c'est-à-dire,  d'avoir  scrupu- 
leusement observé  la  mode  du  jour  ,  sans 
oublier  le  col,  la  ceinture  et  les  brassards  : 
pour  nous  c'est  une  qualité  ;  l'artiste  doit  être 
avant  tout  de  son  temps,  et  contribuer  par 
ses  œuvres  à  fixer  l'histoire  de  son  époque. 

Un  grand  nombre  de  statues  et  de  bustes 
furent  exécutés,  à  diverses  époques,  pour  la 
décoration  du  Louvre  et  des  Tuileries.  Nous 
en  donnons  ici  la  liste  alphabétique. 

Bannel  (Pierre,  général   de   brigade,  tué  en 
Italie  en  1 795),  buste  par  Bartelini  ; 


Du  Portrait   dans  la  sculpture.  40  g 

Bart  (Jean,  chef  d'escadre,    1702)  buste  par 

le  Baron  Lemot; 
Bayard,  statue  par  Bridou  père; 
Berghem  (Nicolas,  paysagiste),  buste  par  Jac- 
quet ; 
Berthier  (Alexandre,   maréchal  de    France), 

buste  par  Fortin; 
Beyrand  (Martial,  général  de  brigade,  tué  en 

Italie  en  1795),  buste  par  Corbet; 
Boileau  (Despréaux),  buste  par  Caffieri; 
Bouvet  (Jean,  comte  de  l'Empire),  buste  par 

Dumont; 
Bougainville  (chef  d'escadre),  buste  par  Bosio 

neveu  ; 
Bourdon  (Sébastien,  paysagiste),  buste   par 

Chauvet  ; 
Catinat  (maréchal  de  France),  statue  marbre 

par  Dejoux; 
Champagne    (Philippe,  peintre),    buste     par 

Maussion  ; 
Chauvet  (sculpteur),  buste  par  Valois; 
Claude  Lorrain  (peintre),  buste  par  Masson  ; 
Colbert,  buste  par  Renaud; 

Coligny  (amiral),  buste  par  Jean  Goujon; 

46 


7  /  o  Histoire  du  Portrait. 

Condé  (le  Grand),  buste  par  Roland  ; 

Corneille  (Thomas)  buste  par  Caftieri; 

Coustou  (Nicolas),  buste  par  Lorta; 

Crébillon  (Jaliot  de),  buste  par  Caffieri  ; 

Croizier  (général,  tué  en  1799),  buste  par 
Petitot  père  ; 

Custine  (général  de  division),  buste  par  Moitte; 

Dampierre  (Picot  de,  général,  tué  en  1793), 
buste  par  Foucon; 

David  (Louis,  peintre),  buste  par  Rude; 

Davoust  (maréchal),  buste  par   Rosio; 

Delorme  (Philibert,  architecte),  buste  par  Le- 
gendre-Héral  ; 

Denon(directeur  des  Musées),  bustepar  Marin; 

Desaix(de  Voigoux^  général,  tué  en  1800),  buste 
par  Dejoux  ; 

Dominiquin  (peintre),  buste  par  Mlle  Charpen- 
tier ; 

Dow  (Gérard,  peintre),  buste  par  Caivelli; 

Du  Couédié  (capitaine  de  vaisseau),  buste  par 

Bougron  ; 
Dugommier (général),  bustepar  Chauvet; 
Duguay-Trouin,  buste  par  Lucas; 
Duguesclin,  buste  par  Faucon; 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  411 

Dupuy  (général),  buste  par  Roland  ; 

Duquesne,  buste  par  Mérasse; 

Elliot  (aide  de  camp  de  Bonaparte,  tué  à  Ar- 

cole),  buste  par  Dardel; 
Espagne  (J.-L.  cT),  buste  par  Callamart; 
Estrées  (Victor-Marie  d',  vice-amiral),  buste 

par  Bougron; 
Foy  (Maximilien,  général),  buste  par  Bra; 
Germain  Pilon  (sculpteur),  buste  par  Guersant; 
Goujon  (Jean,  sculpteur),  buste  par  Raggi; 
Gouvion   (Saint-Cyr,  maréchal),   buste   par 

David  d'Angers; 
Guerchin  (peintre),  buste  par  Brion  ; 
Gros   (le  baron,   peintre),    buste   par  Debay 

père  ; 
Guérin  (baron,  peintre),  buste  parDumont; 
Hoche  (général),  buste  par  Delaistre  ; 
Joubert  (général),  buste  par  Boizot; 
Jouvenet  (peintre),  buste  par  Béguin; 
Jules  Romain  (peintre),  buste  par  Biaise; 
Kellermann  (duc  de  Valmy),  buste  par  Biaise; 
Kléber,  buste  par  Masson; 
La  Harpe,  buste  par   Brion; 
La  Pérouse,  buste  par  Rude; 


_/./■_:  Histoire  du  Portrait. 


Lasalle,  buste  par  Renaud; 
Latouche-Tréville  (vice -amiral)',   buste  par 

le  Baron  Bosio  ; 
Lauriston  (maréchal  de   France),  buste  par 

le  Baron  Bosio; 
Le  Brun  (peintre),  buste  par  Coysevox; 
Leclerc  (maréchal),  statue  par  Dupaty; 
Le  Sueur  (Eustache),  buste  par  Roland  ; 
Lobau  (maréchal),  buste  par  Rauge; 
Marceau,  buste  par  Dumont; 
Masséna  (duc  de  Rivoli),  buste  par  Dumont; 
Michel -Ange   (Buonarroti),   buste  par  Gat- 

teaux  ; 
Mignard  (peintre),  buste  par  Théodore; 
Moskowa  (le  prince  de  la),  statue  marbre  par 

Théodore  ; 
Murrois  (tué  à  Arcole),  buste  par  Tannay  ; 
Pérignon  (marquis  de,  maréchal  de  France, 

buste  par  Maitte  ; 
Pérugin,  buste  par  Bougron  ; 
Poussin  (peintre),  buste  par  Biaise; 
Primatice,  buste  par  Foyatier  ; 
Prudhon  (peintre),  buste  par  Nanteuil  ; 
Puget  (Pierre),  buste  par  Legendre-Héral; 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  41 3 


Quinault  (i635,  poète,  inventeur  de  l'Opéra), 

buste  par  Caffieri  ; 
Rembrandt  (peintre),  buste  par  Mansion  ; 
Rigaud  (peintre),  buste  par  Pigalle  ; 
Ruisdaël  (peintre),  buste  par  Caillouette  ; 
Saint-Hilaire    (général),    buste    par    Bridou 

fils; 
Savé  (baron   de,   ingénieur   de    la  Marine), 

buste  par  Daumas  ; 
Saxe  (maréchal  de),  buste  par  Coitellier  ; 
Sébastien  del  Piombo,  buste  par  Gatteaux  ; 
Suffren-Saint-Troppez   (amiral) ,    buste    par 

Brion  ; 
Titien,  buste  par  Bridou  fils  ; 
Tourville,  buste  par  Ramey  fils  ; 
Turenne  (vicomte  de),  buste  par  Pajou  ; 
Valentin  (peintre),  buste  par  Fessard  ; 
Vauban,  buste  par  Bridou  père;   . 
Vernet  (Joseph,  peintre),  buste  par  Boizot  ; 
Véronèse  (Paul),  buste  par  Delaistre  ; 
Vouet  (Simon,  peintre),  buste  par  Fessard. 


^>>&/'x>&*&r0>'-&&'^g: 


Selon    notre    promesse ,    nous    donnerons 


414  Histoire  du  Portrait. 

l'appréciation    des    critiques    contemporains 
sur  les  divers  artistes  sculpteurs. 

Diderot  n'est  pas  un  flatteur  pour  Lemoyne  ; 
parfois  le  critique  est  même  violent  :  il  écrit 
dans  son  Salon  de  (1761)  : 

—  «  Le  buste  de  Mmc  de  Pompadour,  rien  ; 
—  celui  de  Mllc  Clairon,  rien:  —  d'une 
jeune  fille,  rien. 

»  Ceux  de  Créhillon  et  de  Restout  valent 
mieux.  » 

Dans  le  Salon  de  (1765),  Diderot  est  plus 
acerbe  encore  :  que  l'on  en  juge  : 

—  «  Mmo  la  comtesse  de  Brionne.  —  Eh 
bien!  mon  ami,  que  voulez-vous  que  j'en 
dise  ? 

»  Mme  de  Brionne  n'est  encore  qu'une 
belle  préparation.  Les  grâces  et  la  vie  vont 
éclore  ;  mais  elles  n'y  sont  pas.  Elles  atten- 
dent que  l'ouvrage  soit  fini  ;  et  quand  le  sera- 
t-il?... 

»  Aux  cheveux,  le  marbre  n'est  qu'égra- 
tigné  ;  Le  Moyne  a  cru  que  du  crayon  noir 
pouvait  suppléer  au  ciseau.  Va-t'en  voir  s'ils 
viennent  ! 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  _//5 

»  Et  puis  cette  poitrine  ?  j'en  ai  vu  de 
nouées,  et  comme  celle-là,  Monsieur  Le 
Moyne  ! 

»  Monsieur  Le  Moyne,  il  faut  savoir  tra- 
vailler le  marbre  ;  et  cette  pierre  réfractaire  ne 
se  laisse  pas  pétrir  par  les  premières  mains 
venues. 

»  Si  quelqu'un  du  métier,  comme  Fal- 
connet,  voulait  être  franc,  il  vous  dirait  que 
les  yeux  sont  froids,  secs;  que  quand  on 
bouche  les  narines,  il  faut  ouvrir  les  lèvres, 
sans  quoi   le  buste  étouffe.  » 

En  (1767)  Diderot  revient  encore  sur  Tin- 
correction  du  travail  de  Lemoyne. 

—  «  Buste  de  l'avocat  Gerbier.  Je  ne  me 
le  rappelle  pas  —  Tant  pis.  —  Est-ce  pour  le 
buste  ? 

»  Il  y  a  encore,  de  Le  Moyne,  un  autre 
buste  en  terre  cuite,  d'une  femme,  il  est  très 
élégant,  très  vivant,  très  fin. 

»  En  général,  les  terres  cuites  de  Le  Moyne 
valent  mieux  que  ses  marbres.  11  faut  qu'il  ne 
sache  pas  travailler.  » 

Falconet  ;  —  Pajou  ;  —  Caffieri  ;  —  d'Huez  ; 


4.1 6  Histoire  du  Portrait. 


Vassé  ;  —  Challe  ;  —  Adam  ;  —  Mignot  ;  — 
Slodtz  ;  —  Bridau  ;  —  Berruer  ;  —  Aile- 
grain  ;  —  Gois  :  —  Mouchy  ;  —  Francin  ;  — 
Dumont  ;  —  Le  Comte  ;  —  Monot  ;  —  Çous- 
tou  ;  —  Boizot  fils  ;  —  Julien  ;  —  Dejoux  ;  — 
se  partagent  les  Salons,  vers  (1759). 

Tous  n'ont  pas  un  égal  talent,  mais  l'ensem- 
ble de  leurs  œuvres  ne  laisse  pas  que  d'être 
remarquable. 

Diderot  mentionne  la  plupart  de  ces  sculp- 
teurs et  leur  distribue  la  louange  ou  le  blâme 
avec  une  impartialité  parfois  douteuse  ;  mais 
les  critiques  mêmes  du  célèbre  écrivain  n'en 
sont  pas  moins  de  précieux  documents  pour 
l'histoire. 

Caffieri  (1761).  —  Le  buste  de  Rameau  est 
frappant  ;  on  l'a  fait  froid  ,  maigre  et  sec 
comme  il  est,  et  on  a  très  bien  attrappé  sa 
finesse  affectée  et  son  sourire  précieux. 

Falconnet  (1761).  —  Le  buste  de  Falconnet, 
médecin,  beau,  très  beau,  on  ne  saurait  plus 
ressemblant. 

-  Challe,  écrit  Diderot  en  (1763),   «  a  un 
grand  nombre  de  bustes  ;  mais  je  ne  me  ré- 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  41  - 

soudrai  jamais  à  vous  entretenir  de  ces 
hommes  de  boue  qui  se  font  représenter  en 
marbre. 

»  J'en  excepte  le  buste  du  roi  ;  —  celui  du 
prince  de  Condé  ;  —  celui  de  la  comtesse  de 
Brionne  ;  —  ceux  de  La  Tour,  le  peintre ,  — 
et  du  poète  Piron.  » 

En  (1765),  Diderot  est  plus  sévère  pour 
Challe  : 

«  Le  buste  de  M.  Houcel  est  ébauché, 
encore  ne  Test-il  pas  spirituellement.   » 

Sur  Pajou  —  et  Vassé  en  (1765),  Diderot 
porte  ce  jugement  : 

Pajou.  «  Portrait  de  M.  de  la  Live.  —  Ce 
portrait  est  froid  et  plat  comme  lui,  vous 
prendrez  cela  comme  il  vous  plaira;  cela  ne 
peut  manquer  d'être  vrai  ;  —  mais,  dites- 
vous,  est-ce  que  la  tête  ne  vous  paraît  pas 
ressemblante  ? 

—  »  Elle  est  sans  finesse. 

—  »  Mais  tant  mieux  ! 

—  »  Oui  ,  mais  j'entends  sans  finesse  de 
ciseau.  » 

Vassé.  —  «  Le  comte  de  Caylus  est  beau. 

47 


-f.i<v  Histoire  du  Portrait. 


vigoureux,  noble,  fait  avec  hardiesse ,  bien 
ressenti ,  chair  ,  beaux  méplats  ,  le  trait  pur, 
les  peaux,  les  rides,  les  accidents  de  la  vieil- 
lesse à  merveille.  » 

En  (1767),  Diderot  ne  garde  plus  de  mesure, 
en  parlant  de  Pajou  : 

—  «  Les  bustes  du  feu  Dauphin,  du  Dau- 
phin son  fils,  du  comte  de  Provence,  du 
comte  d'Artois,  —  plus  plats,  plus  ignobles, 
plus  bêtes    que   je  ne  saurais  vous   le  dire, 

oh!    la    sotte  famille en    sculpture! 

Le  grand-père  est  si  noble,  a  une  si  belle  tète, 
si  majestueuse,  si  douce  pourtant,  et  si  hère. 

»  Le  buste  du  maréchal  de  Clermont- 
Tonnerre.  Mais  quelle  fureur  d'éterniser  sa 
physionomie  quand  on  a  celle  d'un  sot.  » 

Quant  à  Gois,  le  critique  est  moins  sévère, 
il  se  montre  favorable. 

—  «  Buste  en  terre  cuite,  je  ne  sais  de  qui, 
mais  vrai,  savant,  parlant,  original,  je  gage 
qu'il  ressemble.  » 

En  (1771),  Diderot  fait  le  plus  bel  éloge  de 
Caffieri  et  d'Huez. 

Ouinault  -■-  Lulli  — ■  Rameau.  Ces  trois 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  411, 

bustes,  destinés  au  foyer  de  l'Opéra,  ont  une 
vérité  admirable,  et  sont  d'un  ciseau  savant  : 
ils  rendront  M.  Caffieri  participant  de  leur 
immortalité.  » 

DHuez  —  «  Portrait  de  M.  de  la  Conda- 
mine.  Il  est  très  ressemblant  et  d'un  style 
hardi  et  facile.  » 

Houdon  —  «  Le  portrait  de  Diderot  (très 
ressemblant)  »  fut  exposé  par  Houdon,  en 
(1771)  :  M.  J.  Assézat  complète  ce  jugement 
sommaire  par  la  note  suivante  : 

«  On  nous  saura  gré,  sans  doute,  de 
suppléer  au  laconisme  de  Diderot  sur  cette 
terre  cuite  qui ,  pour  la  finesse  et  la  hardiesse 
d'exécution,  pour  l'animation  et  pour  le 
caractère  de  la  vérité,  ne  le  cède  en  rien  aux 
portraits  de  Washington  ;  —  de  Franklin  ;  — 
de  Chénier;  —  de  Lalande  ;  —  de  Mirabeau  ; 
dont  Houdon  nous  a  laissé  également  des 
terres  cuites. 

»  Ces  conceptions  de  premier  jet,  cent  fois 
plus  palpitantes  que  le  bronze  et  le  marbre, 
qui  n'étaient  pas  destinées,  comme  cela  se  fait 
aujourd'hui,  à  disparaître  après  le  moulage, 


4^0  Histoire  du  Portrait. 

Houdon  les  conservait  toutes  avec  le  plus 
grand  soin  dans  son  atelier,  où  nous  avons 
pu  les  admirer  de  son  vivant,  et  les  recueillir 
après  lui.  »  (Note  de  M.  Walferdin.)  (Œuvres 
complètes  de  Diderot,  1876.) 

Diderot  est  plus  explicite,  dans  son  Salon 
de  (1781)  en  parlant  de  Houdon  : 

—  «  Le  maréchal  deTourville.  »  —  Pour  le 
Roi  :  —  «  Cette  figure  a  du  mouvement,  le 
moment  choisi  est  sublime  ;  ce  n'est  pas  de  la 
sculpture,  c'est  de  la  peinture,  c'est  un  beau 
Van  Dyck.  On  a  dit  que  l'attitude  tenait  un 
peu  de  Scapin,  cette  critique  a  plus  de  mali- 
gnité que  de  raison.  » 

a  La  statue  de  M.  de  Voltaire.  —  Cette 
statue,  en  marbre,  devait  être  placée  à  l'Aca- 
démie française;  mais  elle  est  destinée  à 
présent  (  Mme  Denis  Duvivier  s'étant  brouillée 
depuis  son  mariage  avec  messieurs  les 
quarante  )  à  décorer  la  nouvelle  salle  de  la 
Comédie,  rue  de  Condé.  Cette  figure  a  du 
caractère. 

»  On  n'en  trouve  pas  l'attitude  heureuse  ; 
c'est  qu'on  n'est  pas  touché  de  sa  simplicité, 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  421 


on  lui  aimerait  mieux  une  robe  de  chambre 
que  cette  volumineuse  draperie  ;  mais  aurait- 
elle  été  aussi  propre  à  diminuer  les  maigreurs 
d'un  vieillard  de  quatre-vingt-quatre  ans  ? 

»  Pourquoi  ses  souliers  sont-ils  carrés  ? 

»  Quand  on  accuse  les  rides  du  visage  et 
leurs  formes  d'être  peu  vraies,  on  oublie  que 
c'est  un  portrait,  on  voudrait  plus  de  finesse 
encore  dans  le  dessin,  une  ride  grande  ou 
petite  devient  imperceptible  à  son  extrémité  ; 
on  serait  porté  à  croire  que  toutes  celles  de 
ce  visage  sont  un  peu  de  pratique,  les  mains 
sont  très  bien.  » 

En  (1781),  Diderot  écrit  de  Pajou  : 

—  «  Pour  le  Roi,  cette  figure  m'a  paru 
avoir  le  caractère  qui  lui  convient,  draperies 
un  peu  lourdes,  les  mains  pas  trop  belles.  Et 
la  tête  est-elle  bien  sur  les  épaules?  S'il  ôte  la 
main  qui  la  soutient,  je  crains  qu'elle  ne 
tombe.  En  la  regardant  par  devant,  on  le 
croirait  bossu.  » 

—  «  Le  buste  de  Grétry,  demandé  par  les 
États  de  Liège,  doit  être  placé  sur  le  théâtre 
de  la  ville.  Ce  buste  est  fait  avec  esprit  ;  aux 


422  Histoire  du  Portrait. 

yeux,  touches  sèches  et  égales,  cheveux 
lourds;  mômes  défauts  à  tous  les  bustes  de  ce 
maître  ;  ils  semblent  travaillés  d'habitude.  Je 
n'aime  pas  ces  rayons  aux  yeux.   » 

En  (1781),  Diderot  goûte  beaucoup  moins 
les  œuvres  exposées  par  Caffieri  : 

—  Poquelin  de  Molière  ;  —  Mesmer  ;  — 
Mlle  Lozé  ;  —  etc. 

«  Tous  ces  bustes  maniérés  de  forme  et 
d'une  touche  sèche  et  maigre,  celui  du  char- 
latan Mesmer  est  le  moins  mal.  » 

J.  Assézat,  l'éditeur  des  œuvres  de  Diderot, 
a  cru  devoir  corriger  ainsi  cette  note  : 
—  ce  Malgré  tout  le  désir  que  nous  avons  de 
ne  pas  donner  notre  appréciation,  après  des 
critiques  tels  que  Diderot,  nous  ne  pouvons 
nous  retenir  devant  de  sembables  apprécia- 
tions. 

Caffieri  est  sans  contredit  un  de  nos  plus 
célèbres  portraitistes  français.  Le  buste  de 
Molière,  dont  parle  ici  Diderot,  est  un  des 
plus  beaux  du  maître;  du  reste  on  trouve 
souvent  chez  Diderot,  dans  ses  critiques,  cet 
esprit  de  partialité. 


Du  Portrait   dans  la  sculpture.  _/l\> 

Houdon  avait  exposé  en  (1806)  les  bustes 
de  l'empereur  Napoléon  —  et  de  Joséphine. 
On  écrit  dans  le  Pausanias  Français  (Salon 
de  1806)  : 

«  Lorsqu'il  s'agit  de  louer  des  êtres  supé- 
rieurs, l'admiration  est  le  seul  hommage.  J'ai 
cru  reconnaître  ici  le  type  de  la  Force  et  là 
celui  de  la  Grâce.  Je  n'y  retrouve  pas  tout  le  ta- 
lent de  l'artiste,  soit  que  le  temps  lui  ait  man- 
qué, soit  plutôt  qu'il  n'ait  pas  assez  fait  pour 
vouloir  trop  faire.  C'est  ce  qui  arrive  lorsque 
l'inspiration  venue  est  extrêmement  vive. 

»  Deux  autres  portraits  de  femmes,  faits 
d'après  de  très  aimables  modèles,  très  ressem- 
blants, coiffés  avec  goût. 

»  On  voit  que  M.  Houdon  avait  pour  faire 
ces  deux  ouvrages  tout  le  temps  et  toute  la 
liberté  que  l'art  exige  ;  car,  dans  les  arts 
comme  dans  les  lettres,  il  est  des  moments 
heureux  et  d'inspiration,  comme  il  en  est 
d'autres  où  elle  languit  et  devient  rebelle.  » 

Glodion  est  moins  bien  traité  par  le  cri- 
tique :  l'artiste  avait  exposé  le  buste  du  car- 
dinal Maury. 


424  Histoire  du  Portrait. 


—  «  Le  buste  du  cardinal  Maury  est  assez 
ressemblant  ;  mais  pourquoi  lui  avoir  fait 
froncer  le  sourcil,  et  les  lèvres  serrées,  comme 
s'il  était  de  mauvaise  humeur  ? 

»  Enfin  ce  buste  est  médiocre,  son  air 
affaissé  ne  rappelle  pas  le  talent  vigoureux 
de  cet  orateur  plein  de  verve  et  de  chaleur.  » 

Jal  écrivait  du  sculpteur  Bra  en  (1827)  : 

«  M.  Bra  n'a  pas  été  heureux  dans  les 
statues  du  Dauphin  —  et  du  duc  de  Berry. 

»  Elles  manquent  de  tournure  et  d'éléva- 
tion de  style.  J'aime  beaucoup  mieux  ses  por- 
traits ;  il  paraît  exceller  à  reproduire  les  traits 
des  vieillards. 

»  Son  buste  du  Roi  est  fort  bien  ;  les  chairs 
et  les  accessoires  sont  également  réussis. 

0  Le  buste  de  M.  de  Jouy  est  modelé  avec 
un  grand  soin,  les  larges  rides  qui  sillonnent 
sa  figure  spirituelle  sont  scrupuleusement 
étudiées. 

»  Mais  des  marbres  qu'a  taillés  M.  Bra, 
celui  qui  me  parait  supérieur  aux  autres,  c'est 
celui  qui  représente  le  respectable  docteur 
Pinel. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  425 


»  Cette  tète,  où  les  muscles  affirmés  par 
Tàge  sont  dans  un  mouvement  si  vrai ,  me 
rappelle  la  manière  du  vieux  Houdon  dans  la 
belle  statue  de  Voltaire  qui  orne  aujourd'hui 
le  péristyle  du  Théâtre-Français.  » 

MM.  G.  Laviron  et  Galbant,  dans  leur  Salon 
de (1 833),  nous  ont  laissé  les  appréciations  sui- 
vantes sur  divers  sculpteurs  de  cette  époque  : 

Chaponnière.  —  «  Dans  le  buste  du  duc  de 
Nemours,  de  Chaponnière,  je  n'aime  pas  les 
cheveux  qui  s'attachent  aux  tempes.  Le  reste 
me  semble  irréprochable.  » 

David  d'Angers.  —  «  Les  bustes  admirables 
de  Bentham  —  et  de  Chateaubriand  ne  lais- 
sent aucun  doute  sur  sa  puissance  de  modelé, 
mais  on  pouvait  ne  pas  deviner  son  aptitude 
pour  un  art  presque  oublié  depuis  la  Diane 
de  Jean  Goujon. 

i)  Nous  croyons  devoir  l'inviter  publique- 
ment à  envoyer  au  Louvre  ses  statues  de  :  — 
Corneille,  —  de  Jefferson  —  et  du  maréchal 
Gouvion-Saint-Cyr;  et  les  bustes  nombreux 
de  ses  ateliers  :  Paganini ,  —  Boulay  de  la 
Meurthe,  —  Georges  Cuvier.  » 

48 


4-  6  Histoire  du  Portrait. 

Dantan.  —  «  Il  manque  au  buste  de  Pierre 
Lescot,  par  Dantan,  cette  sincérité  de  carac- 
tère des  artistes  du  xvie  siècle;  la  tète  nous  pa- 
raît d'un  modèle  incertain  et  d'une  touche 
faible. 

»  Son  buste  de  Victor  Hugo  est  celui  qui 
nous  semble  le  mieux  rendu,  même  à  côté  de 
celui  de  M.  du  Seigneur.  » 

Préault.  —  «  M.  Préault,  dans  son  cadre  de 
médailles,  nous  semble  avoir  réussi,  d'une 
manière  heureuse,  à  traiter  cette  sorte  de 
sculpture  de  fantaisie. 

»  Cet  artiste  est  un  débutant  qui  a  de  la 
verve  et  un  talent  plein  d'avenir.  Le  senti- 
ment du  relief  est  porté  chez  lui  à  un  degré 
qui  atteste  une  bonne  organisation.  » 

Du  Seigneur.  —  «  A  mis  à  l'exposition  un 
buste  du  bibliophile  Jacob,  en  (i 833).  Le  ca- 
ractère de  jeunesse  qu'on  y  remarque  con- 
traste singulièrement  avec  l'âge  de  l'homme  de 
lettres,  qui  naguère  a  écrit  sur  tous  les  étalages 
de  libraires:  EnijôS,  quand  j'étais  jeune 

»  Évidemment  le  sculpteur  ou  le  biblio- 
phile a  voulu  tromper  le  public.  » 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  4.27 

En  (1834),  P.  Planche  juge  ainsi  diverses 
œuvres  de  David  d'Angers. 

—  «  Les  bustes  de  Béranger,  —  Sieyès  — 
et  Merlin  me  semblent,  fort  supérieurs  au 
Cuvier —  et  au  Paganini.  Mais  le  médaillon 
de  Casimir  Périer  peut  se  comparer  aux 
meilleurs  portraits  de  David. 

»  Je  retrouve  bien  dans  cette  figure  la  vo- 
lonté supérieure  à  l'intelligence ,  la  colère 
contenue  qui  faisait  le  fond  du  caractère  du 
modèle,  l'enchâssement  de  l'œil  qui  semble 
regarder  l'ennemi  et  mesurer  le  danger;  le  pli 
des  lèvres  étroites  et  comprimées,  signe  mani- 
feste d'un  volonté  opiniâtre  qui  s'irrite  de 
l'obstacle,  mais  ne  s'en  laisse  pas  abattre; 
l'écartement  maladif  des  ailes  du  nez,  tout, 
dans  cette  physionomie  pensive  et  souffrante, 
révèle  le  tumulte  intérieur  qui  a  dévoré,  en 
quelques  mois,  l'homme  que  la  tribune  avait 
épargné  pendant  quinze  ans.  »  • 

G.  Planche  écrit  de  Jaley  en  (i836)  : 

«  M.  Jaley  avait  à  faire,  pour  la  Chambre 
des  députés,  deux  tableaux  :  Mirabeau  —  et 
Bailly. 


_/i',V  Histoire  du  Portrait. 

»  Il  s'est  acquitté  de  ces  deux  statues 
comme  d'une  tâche  ordinaire,  sans  se  préoc- 
cuper de  la  grandeur  des  personnages,  ni  du 
rôle  qu'ils  ont  joué. 

»  Il  a  copié  de  son  mieux  le  masque  de  Mi- 
rabeau, moulé  sur  le  cadavre,  et,  après  avoir 
joué  cette  besogne  servile,  il  a  cru  bravement 
qu'il  avait  satisfait  à  la  partie  la  plus  impé- 
rieuse du  programme. 

»  Il  ignore  apparemment  que  la  mort  affaisse 
les  traits  les  plus  énergiques,  et  que  le  plâtre, 
jeté  sur  un  visage  inanimé,  ne  recueille  jamais 
qu'une  empreinte  infidèle. 

»  S'il  avait  pris  pour  guide  et  pour  conseil 
le  masque  de  Mirabeau;  s'il  avait  réveillé  les 
lèvres  engourdies;  s'il  avait  rendu  au  regard 
l'expression  ironique,  arrogante  et  libertine; 
s'il  avait  gravé  sur  ce  visage  une  effrayante 
laideur,  la  menace  et  l'invective  ; 

»  Je  le  féliciterais  de  ses  études;  mais  il  n'a 
rien  trouvé,  rien  compris  dans  ce  masque  hi- 
deux jusqu'à  la  terreur;  il  n'a  pas  su  inter- 
préter la  lettre  qu'il  avait  sous  les  yeux,  il  n'a 
pas  ressuscité  le  monstre. 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  42g 

»  Le  Mirabeau  de  M.  Jaley  est  tout  simple- 
ment un  homme  des  Halles,  fier  de  sa  force  et 
de  sa  taille,  comptant  sur  son  poing  comme 
sur  un  argument  sans  réplique,  habile  à  ter- 
rasser son  adversaire,  quel  qu'il  soit,  par  un 
coup  bien  asséné,  mais  incapable  de  recourir 
à  la  parole  pour  vider  une  question. 

»  Dans  la  statue  de  M.  Jaley,  c'est  à  peine 
si  le  libertin  se  retrouve,  l'orateur  a  disparu 
tout  entier.  » 

Le  même  critique  d'art  écrit  de  divers 
sculpteurs  en  (1846)  : 

Niewerkerke.  —  «  Que  dire  du  Descartes 
de  M.  Niewerkerke? 

»  Il  est  difficile  d'imaginer  un  ouvrage  plus 
vulgaire. 

»  Pour  un  sculpteur  habile,  en  possession 
d'une  vraie  science,  c'eût  été  une  occasion 
éclatante  de  montrer  toutes  les  ressources  de 
son  talent. 

»  M.  Niewerkerke,  qui  a  débuté  par  des  sta- 
tuettes, ne  s'est  pas  aperçu  qu'il  faut  autre 
chose  que  l'adresse  pour  exécuter  des  ligures 
de  six  pieds. 


_/.'>'o  Histoire  du  Portrait. 

»  La  statue  équestre  de  Guillaume  le  Taci- 
turne nous  avait  pleinement  révélé  son  in- 
suffisance. » 

De  Bay.  —  «  La  statue  de  Cambronne,  de 
M.  de  Bay,  est  une  erreur  que  j'ai  peine  à 
m'expliquer;  de  quelque  côté,  en  effet,  qu'on 
regarde  cette  statue,  il  est  impossible  de  trou- 
ver un  ensemble  de  lignes  satisfaisant.  » 

Auguste  Barre.  —  «  Un  buste  de  femme, 
de  M.  Auguste  Barre,  offre  des  parties  fine- 
ment étudiées.  Les  yeux  regardent  bien,  et  les 
lèvres  ont  de  la  souplesse.  On  voit  que  fauteur 
s'est  efforcé  de  reproduire,  autant  qu'il  était  en 
lui,  le  modèle  qu'il  avait  choisi.  » 

En  (1847),  G.  Planche  dit  de  Simart  et  de 
Pradier  : 

Simart.  —  «  Buste  de  Mme  la  comtesse  d'A- 
goult,  par  Simart;  le  masque  est  modelé  avec 
une  remarquable  fermeté:  le  front  est  d'une 
belle  forme,  les  yeux  ont  de  la  vivacité,  la  bou- 
che est  d'une  expression  sérieuse ,  les  narines 
minces,  transparentes  et  dilatées,  donnent  à  la 
physionomie  quelquechose  d'idéal  et  d'exalté .» 

Pradier.  —  ce   Des  trois  bustes  envoyés  par 


Du  Portrait  dans  la  sculpture.  _/.>'/ 

M.  Pradier,  le  meilleur,  à  mon  avis,  est  celui 
de  M.  Auber. 

»  La  ressemblance  est  très  satisfaisante,  et 
les  différentes  parties  du  visage  sont  étudiées 
et  rendues  avec  un  soin  qui,  chez  l'auteur, 
n'est  pas  habituel. 

»  Il  lui  arrive  rarement,  en  effet,  de  traiter  la 
tète  avec  autant  d'attention  et  de  persévérance 
que  le  torse  et  les  membres;  pour  le  buste  de 
M.  Aubert,  il  a  donc  dérogé  à  ses  habitudes. 

»  L'œil  et  la  bouche  ont  de  la  finesse,  le  front 
pense,  les  plis  des  paupières  sont  indiques 
avec  précision^  et  sans  sécheresse.   » 

Un  autre  sculpteur,  d'Orsay,  est  jugé  fort 
élogieusement  par  L.  Enault,  dans  le  Salon 
de(i85i). 

«  —  Tout  à  côté  de  la  Liberté,  et  en  face  de 
la  République  —  heureux  voisinage,  —  on 
trouve  le  buste  de  M.  de  Lamartine,  par 
M.  d'Orsay,  l'artiste  gentilhomme. 

»  M.  de  Lamartine  s'était  d'abord  tenu  à 
l'écart  dans  un  angle  obscur,  où  l'on  pouvait 
à  peine  l'apercevoir,  on  l'en  a  tiré  pour  le 
placer  vis-à-vis  de  la  République. 


432 


Histoire  du  Portrait. 


»  Ce  buste  a  valu  à  son  auteur  le  beau  nom 
de  Phidias  :  —  c"est  M.  de  Lamartine  qui  le 
lui  a  donné;  le  buste  est  une  belle  chose.  La 
physionomie  aristocratique,  hautaine  et  un  peu 
sèche  du  modèle,  a  été  heureusement  saisie. 

»  Une  autre  œuvre  de  M.  d'Orsay,  Lady 
Blessington,  révèle  les  qualités  les  plus  char- 
mantes du  plus  habile  ciseau.  C'est  toute  la 
morbide\\a  de  la  vie.  Cette  sculpture  a  la  sua- 
vité et  la  molle  souplesse  d'un  dessin  à  l'es- 
tompe, i 

Nous  arrêterons  ici  l'intervention  des  criti- 
ques, contemporains  de  ces  artistes  que  nous 
n'avons  pas  connus,  nous  réservant  de  faire 
nous-même,  dans  la  conclusion  de  cette  étude, 
l'éloge  et  la  critique  des  artistes  de  notre  temps. 


CONCLUSION 


ous    terminerons    cet    abrégé   de 
l'histoire    du    portrait    par    un 
rapide  aperçu  sur   les    portrai- 
tistes contemporains. 
Ici  se  place,  tout  naturellement,  une  grave 
question  que  nous  ne  craignons  pas  d'aborder 
franchement. 

Est-il  utile  pour  l'histoire  de  parler  des 
contemporains?  Nous  répondrons  :  oui. 

La  plupart  des  historiens,  il  est  vrai,  ont 
évité  de  parler,  dans  leurs  récents  écrits,  des 
artistes  vivants.  —  Pourquoi  ? 

Est-ce  qu'ils  auraient  voulu  éviter  de  frois- 
ser? Cela  n'était  à  craindre  que  pour  certains 


434  Histoire  du  Portrait. 

amours-propres  peut-être  mal  placés.  Lorsque 
la  critique  est  honnête,  lorsqu'elle  est  basée 
sur  l'expérience  et  le  savoir,  elle  rend  un  ser- 
vice véritable  aux  travailleurs  et  aux  artistes 
en  leur  laissant  une  histoire  critique  des 
œuvres  d'artistes  qu'ils  n1ont  pu  connaître. 
Il  est  souvent  bien  difficile  de  juger  ces 
œuvres  quelques  années  après;  souvent  les 
couches  de  vernis  jaunissent;  les  couleurs, 
parfois  de  mauvaise  qualité,  se  décomposent, 
changent  et  ne  sauraient  plus  donner  l'idée 
première  de  l'œuvre. 

N'est-il  pas  toujours  intéressant  de  con- 
naître l'accueil  fait  à  ces  œuvres  par  l'opinion 
publique,  et  la  critique  elle-même  n'est-elle 
pas  le  reflet  du  goût  du  jour  ;  hélas  !  qui  pour- 
rait nier  le  grand  rôle  que  joue  l'opinion 
publique  dans  le  faire,  dans  la  composition  et 
dans  la  dimension  des  œuvres  d'art  ? 

Nous  croyons  donc  qu'il  est  nécessaire  et 
même  indispensable  de  connaître  le  jugement 
des  contemporains,  malgré  la  passion  qui 
peut  l'entacher,  et  nous  dirons  plus,  à  cause 
même  de   cet  entraînement   qui,   venant  du 


Conclusion.  _/3>5 

public,  passe  aussi  bien  du  public  à  l'artiste 
que  du  public  à  l'écrivain. 

Si  la  France  actuelle  ne  compte  pas,  parmi 
ses  portraitistes,  des  artistes  comme  Rigaud, 
comme  Largillière,  comme  Houdon,  comme 
Caffieri  et  autres,  elle  a  le  bonheur  de  pouvoir 
être  fière  des  Dubois,  des  Bonnat,  des  Henner, 
des  Carolus  Duran,  des  Carpeaux. 

Les  portraits  de  ces  maîtres  seront  encore 
plus  appréciés,  lorsque  deux  ou  trois  généra- 
tions d'artistes  auront  remplacé  celle  qui 
tient  si  haut  le  drapeau  de  l'art  français.  Ne 
devons-nous  pas  être  fiers  à  tous  les  titres 
de  posséder  un  artiste  comme  Dubois,  dont 
les  portraits  en  peinture,  en  sculpture,  sont 
justement  admirés  ?  Comment  ne  pas  éprou- 
ver un  certain  embarras  lorsque  l'on  veut 
porter  un  jugement  sur  ce  maître  contempo- 
rain ?  Quoi  de  plus  charmant  que  le  trouble 
que  nous  causent  les  œuvres  de  cet  artiste  qui 
n'a  d'autre  rival  que  lui-même? 

Le  maître  en  peinture,  lorsque  Ton  est 
devant  ses  toiles,  vous  fait  oublier  le  sculp- 
teur; le  maître  en  sculpture  sait  faire,  encore, 


436  Histoire  du  Portrait. 

qu'on  ne  se  souvient  plus  du  peintre  que  pour 
se  laisser  empoigner,  devant  ses  œuvres, par 
une  émotion  déjà  ressentie,  mais  qui  ne  sau- 
rait être  amoindrie. 

Lorsque  Dubois  exposa  le  portrait  de  ses 
enfants,  au  Salon  de  (1876),  un  cri  d'admi- 
ration ébranla  les  voûtes  du  Palais  de  l'Expo- 
sition ;  dans  le  public,  ce  fut  surtout  un  cri 
d'étonnement.  Mais  pour  les  artistes  et  pour 
les  véritables  amateurs,  l'admiration  fut  sans 
réserve;  on  savait,  depuis  longtemps,  que  Du- 
bois était  un  grand  peintre  et  un  portraitiste 
hors  ligne.  Qui  n'a  pas  remarqué  ces  char- 
mantes têtes  d'enfants,  dont  il  nous  a  donné, 
cette  année  même  (1879),  un  des  plus  beaux 
spécimens?  Cette  tête  de  face  de  petite  fille  est 
un  pur  chef-d'œuvre.  Portraitiste  éminent, 
l'artiste  a  su  rendre  cet  air  de  candeur  et 
d'étonnement  naïf  qui  appartient  à  l'inno- 
cence ;  et  comme  on  peut  lire  profondément 
dans  ces  beaux  yeux  d'enfants!  quelle  science, 
quelle  habileté  dans  les  sacrifices  nécessaires 
pour  donner  à  la  physionomie  cette  expression 
qui  est  la  vie,  et  qui,  elle-même,  est  le  but 


Conclusion.  43~ 


final  !  qualité  d'autant  plus  rare,  dans  un 
peintre,  que  trop  souvent  elle  fait  défaut  aux 
portraitistes,  et  parfois  aux  plus  grands. 

Dans  la  sculpture  de  Dubois,  on  retrouve  la 
même  dignité,  le  même  calme,  la  même  vérité. 
Il  a  fait  peu  de  portraits,  mais  ils  se  distin- 
guent, tous,  par  les  qualités  que  l'on  demande 
dans  la  représentation  du  visage  humain. 

Que  Ton  examine  attentivement  le  buste  en 
bronze  de  M.  Baudry,  ou  celui  en  terre  cuite 
de  Mlle  X...  (1879),  on  retrouvera  dans  ces 
deux  œuvres  les  mêmes  qualités  :  sous  une 
apparence  d'un  faire  lâché  existe  une  étude 
excessivement  vraie  de  la  forme;  le  travail 
de  surface  n'est  fait  que  pour  amener  une 
variété  dans  les  effets,  c'est-à-dire  dans  la 
couleur.  Il  est  facile  alors  de  deviner  le  grand 
peintre,  en  examinant  les  bustes  de  réminent 
sculpteur. 

Par  des  moyens  tout  autres,  M.  Bonnat 
nous  fait  éprouver  de  grandes  et  sévères  émo- 
tions, —  il  sculpte  ses  portraits;  nul  n'a  su 
mieux  que  lui  fixer,  pour  la  postérité ,  la 
vie  intime  des  personnages  qui,  après  avoir 


438  Histoire  du  Portrait. 

illustré  leur  époque,  ont  pensé  qu'il  serait 
d'un  haut  intérêt  de  connaître  leurs  traits  et 
leur  physionomie. 

Il  appartient  à  M.  Bonnat  d'avoir  fixé  à 
tout  jamais  le  caractère  de  ces  têtes  illustres  ; 
aussi  nous  saluons  en  lui  le  plus  grand  por- 
traitiste de  notre  époque.  Les  portraits  de 
MM.  Thiers,  Hugo,  de  Broglie,  de  Lesseps, 
de  Grévy,  de  Mme  Pasca,  de  Mme  P.  B..,  de 
MmeF.  B...,  deMmeP.  G...,  etc.,  font  étinceler 
les  qualités  du  maître  contemporain. 

Devant  ces  œuvres  magistrales,  ne  cher- 
chons pas  les  qualités  ou  les  défauts  de  la 
peinture,  abandonnons  avec  plaisir  une  éru- 
dition dite  technique  aux  saloniers  d'un  jour. 
Voyons  plus  haut.  Eh  bien  !  du  fond  de  notre 
âme,  et  c'est  notre  droit,  nous  avouons  que 
devant  ces  portraits  nous  ne  nous  appartenons 
plus,  nous  oublions  le  peintre,  car  il  nous 
semble  contempler  une  réalité,  non  pas  cette 
enveloppe  matérielle  qui  varie  et  qui  passe, 
mais  bien  la  réalité  du  génie. 

M.  Bonnat,  et  voilà  son  triomphe,  sait 
refléter  dans  son  œuvre  la  personnalité  idéale 


Conclusion.  ^Jq 


du  modèle  qui  a  posé  devant  lui.  Cela  nous 
suffit,  et  ne  semble-t-il  pas  que  ces  quelques 
moments  nous  ont  plus  appris  de  la  vie  et 
des  œuvres  de  ce  modèle  que  toutes  les  bio- 
graphies de  la  terre. 

Dans  son  salon  de  (1866),  M.  E.About écri- 
vait de  Carolus  Duran  :  «  Décidément,  c'est 
un  des  plus  forts  de  la  génération  nouvelle.  « 
M.  About  a  bien  dit,  et  Carolus  Duran  lui  a 
donné  raison;  c'est  avec  le  plus  grand  plaisir 
que  nous  constatons  les  immenses  succès  de 
ce  jeune  portraitiste,  dont  les  œuvres  ont  été 
couronnées  par  la  médaille  d'honneur. 

En  (1 86g),  Carolus  Duran  exposa  le  portrait 
de  sa  femme,  et  ce  fut  certainement  pour  lui 
le  point  de  départ  de  ses  plus  sérieux  succès. 
Cette  toile  que  nous  avons  revue  l'année  der- 
nière, à  l'Exposition  universelle,  quoique  un 
peu  ternie,  n'en  a  pas  moins  conservé  toutes 
les  qualités  que  nous  demandons  au  portrait. 

Voici,  du  reste,  l'opinion  de  M.  Paul  Mantz 
sur  cette  œuvre  du  maître  : 

c<  M.  Carolus  Duran  a  certainement  un 
meilleur  pinceau  que  M.  Giacometti,  et  plus 


4^a  Histoire  du  Portrait. 

sérieux  :  il  n'a  pas  moins  de  grâce.  Qui  au- 
rait jamais  cru  que  ce  peintre,  si  violent  à 
ses  origines  et  qui  a  même  cherché  la  réalité 
à  la  Courbet,  en  viendrait  à  croire  au  frou- 
frou des  robes  de  soie,  aux  mystérieuses  poé- 
sies d'un  gant  gris  perle,  aux  chapeaux  chi- 
mériques de  la  bonne  faiseuse  ? 

»  Il  nous  montre  tout  cela  dans  le  portrait 
de  Mme  ***,  une  élégante  vêtue  de  noir,  dont 
la  silhouette  allongée  dans  sa  désinvolture 
aristocratique  se  profile  sur  la  sobriété  d'un 
fond  gris... 

»  La  robe  est  peinte  à  ravir;  mais  elle  n'ar- 
rête pas  plus  qu'il  ne  convient  l'œil  du  spec- 
tateur, et  rien  ne  l'empêche  d'examiner,  à 
loisir,  la  tête  pu  éclate  l'individualité  du  mo- 
dèle, et  les  yeux  surtout  qui  sont  pleins  d'élo- 
quence. 

»  Dans  son  charme  victorieux,  ce  portrait 
est  grave  et  devra  rester  :  c'est  une  note  dans 
l'histoire  de  l'idéal  féminin.  »  {Ga\ette  des 
Beaux- Arts,  1869.) 

Ce  portrait  n'est  cependant  que  le  prélude 
de  la  vie  artistique  de  Carolus  Duran.   Cette 


Conclusion.  441 


toile  sera  bientôt  dépassée  par  le  portrait 
de  Mme  Feydeau,  qui  figurera  au  Salon  de 
(1870).  Dans  cette  œuvre,  l'artiste  devient 
beaucoup  plus  coloriste  et  enrichit  les  arts 
par  un  des  plus  beaux  portraits  de  l'École 
moderne. 

M.  René  Menard,  dans  son  Salon  de  (1870), 
s'exprime  ainsi  : 

«  Parmi  les  succès  de  cette  année,  il  en  est 
un  auquel  nous  applaudissons  sans  réserve  : 
c'est  celui  de  M.  Carolus  Duran.  Tout  le 
monde  a  apprécié  le  beau  portrait  de  femme 
en  robe  noire  que  cet  artiste  avait  envoyé  au 
dernier  Salon.  Cette  année  il  a  fait  un  pas  en 
avant,  et  son  portrait  de  femme  est  vraiment 
magistral.  Elle  est  debout,  vêtue  d'une  longue 
robe  de  satin  mauve,  aux  plis  largement  bri- 
sés, qui  laisse  voir  par  le  bas  une  jupe  bleu 
clair.  Elle  entr'ouvre  en  souriant  une  portière 
de  velours  vert  qui  fait  le  fond  de  la  toile. 

»  Une  étonnante  puissance  d'aspect,  une 
touche  presque  brutale  en  certaines  parties, 
une  facture  large  et  facile,  tout  contribue  à 
donner  à  cette  peinture  un  air  de  franchise  et 


44-  Histoire  du  Portrait. 

de  sincérité  qui  plaît  dès  le  premier  abord, 
mais  c'est  plus  qu'un  simple  aspect,  et  l'exa- 
men, loin  de  diminuer  le  plaisir  du  premier 
moment,  révèle  les  qualités  qu'on  n'avait  pas 
vues,  en  arrivant,  dans  l'ajustement,  dans  le 
mouvement  des  mains,  dans  les  rubans,  dans 
les  manches  ornées  de  dentelles.  Mais,  avant 
tout,  c'est  une  peinture  vivante,  compréhen- 
sible, éclatante  et  d'une  grande  liberté  d'exé- 
cution. » 

Carolus  Duran  a  apporté,  dans  ses  bustes, 
ces  mêmes  qualités  qui  ont  fait  sa  grande  ré- 
putation en  peinture,  —  ce  faire  large  et  coloré 
qui  donne  la  vie,  —  pourquoi  n-a-t-il  pas 
continué  à  faire  de  la  sculpture,  ces  deux  arts 
ne  se  complètent-ils  pas  ? 

M.  Victor  Cherbuliez,  dans  son  Salon  de 
(1872),  s'exprime  ainsi  sur  Carolus  Duran  : 

<(  Dans  une  salle  du  fond,  on  trouve  deux 
portraits  de  femmes  en  grande  toilette  qui  ne 
sont  ni  moins  entourés  ni  moins  discutés  que 
celui  de  M.  Thiers  ;  impossible  de  passer 
devant  sans  s'arrêter;  c'est  un  ensorcellement. 
On   prétend    que   l'auteur    de   ces  portraits, 


Conclusion.  443 

M.  Carolus  Duran,  s'est  plaint  que  le  jury 
l'avait  mal  placé  ;  ce  sont  bien  plutôt  ses  voi- 
sins qu'il  faut  plaindre.  Voilà  un  morceau  de 
la  plus  grande  vigueur  de  couleur,  disait  Di- 
derot, en  parlant  de  je  ne  sais  quelle  peinture  ; 
il  tue  cinquante  tableaux  autour  de  lui.  Les 
portraits  de  M.  Carolus  Duran  sont  de  force 
à  en  tuer  soixante.  » 

Jules  Claretie  émettait  cette  opinion  sur 
l'envoi  de  Carolus  Duran  au  Salon  de  (1873): 

«  A  cheval,  en  costume  d'amazone,  MlleCroi- 
zette  se  tient  droite,  souriante,  coiffée  d'un 
petit  chapeau  d'où  descend,  en  flottant,  un 
voile  léger  que  le  vent  caresse.  Le  cheval, 
dressant  la  tête,  semble  respirer  comme  en 
liberté  les  senteurs  marines. 

»  On  a  reproché  à  M.  Carolus  Duran 
d'avoir  peint  Mlle  Croizette  à  cheval,  dans  les 
proportions  que  Vélasquez  donne  à  ses  in- 
fantes ;  mais  l'artiste,  libre  au  surplus  de 
choisir  la  dimension  de  ses  toiles,  vous  ré- 
pondra qu'il  n'a  pas  fait  simplement  le  por- 
trait de  Mllc  Croizette  et  que  sa  toile  a  pour 
titre  :  Au  bord  de  la  mer. 


444  Histoire  du  Portrait. 

»  Il  est  voulu  aussi  le  portrait  de  Jacques  X, 
qui  restera  dans  l'oeuvre  de  Carolus  Duran, 
sous  le  nom  de  l'Enfant  bleu.  Gainsborough 
et  le  Blue-Boy  ont  piqué  au  jeu  le  portraitiste 
contemporain.  Il  a  enlevé  sur  fond  bleu  et 
fait  marcher  sur  un  tapis  bleu  ce  petit  gar- 
çon blond,  aux  lèvres  de  cerises,  qui  s'avance 
et  vous  regarde  de  ses  yeux  profondément 
vivants  :  c'est  un  tour  de  force  que  cette  pein- 
ture. » 

A  l'occasion  des  portraits  de  ses  enfants  et 
de  Mme  de  Pourtalès,  Jules  Claretie  écrivait 
dans  son  Salon  de  (1874)  : 

«  Jamais  couleur  ne  fut  plus  solide  et  plus 
saine.  Est-il  possible  de  signer  un  meilleur 
portrait  d'enfant,  Marie-Anne-Carolus  Duran, 
qui,  debout,  sourit  et  regarde  étrangement 
devant  elle  avec  ses  deux  grands  yeux  noirs 
et  profonds. 

»  C'est  encore  dans  une  gamme  volontai- 
rement assombrie  que  Carolus  Duran  a  voulu 
peindre  Mme  la  comtesse  de  Pourtalès... 

»  Les  mains  sont  adorables,  effilées,  aristo- 
cratiques, et  tout  ici  nous  peint  une  femme 


Conclusion.  445 

de  haute  race  et  de  haute  vie.  M.  Carolus 
Duran  a  personnifié  là  les  élégances  modernes 
et  le  ton  spécial  des  mondaines  de  ces  dernières 
années.  » 

Nous  ne  pouvons  omettre  une  appréciation 
bien  originale  sur  Carolus  Duran.  Qu'on  en 
juge  : 

«  Depuis  quelques  années,  les  portraits  de 
Carolus  Duran  sont  une  des  attractions  du 
Salon  ;  je  ne  dirai  pas  qu'il  est  le  portraitiste 
à  la  mode,  ce  serait  mal  caractériser  son 
genre,  mais  il  a  tout  à  fait  rallié  cette  partie 
du  public  mondain  qui  se  pique  de  s'y  con- 
naître, et  qui  voit  en  lui  non  pas  un  de  ces 
artistes  honorables,  réguliers,  exacts,  sûrs 
d'eux,  sans  frémissement  et  sans  fièvre,  comme 
le  furent  autrefois  Dubufe,  Pérignon  et  Win- 
terhalter,  mais  un  Velasquez  au  petit  pied,  à 
la  brosse  hardie,  à  la  palette  brillante  et  de 
haut  ragoût,  au  dessin  vigoureux  et  franc,  à  la 
conception  audacieuse  et  originale  ;  avoir 
son  portrait  signé  de  la  main  de  Carolus,  c'est 
un  brevet  de  connaisseur.  Des  personnes  qui 
sont  dans  le  mouvement  ne  sauraient  manquer 


446  Histoire  du  Portrait. 

à  ce  devoir,  et  je  n'ai  qu'à  citer  le  nom  de  deux 
ou  trois  de  ses  modèles  pour  bien  faire  com- 
prendre la  nuance.  C'est  du  parisien  le  plus 
pur  et  le  plus  décidé.  Il  est  bien  évident  pour 
tous  ceux  qui  sont  nourris  dans  le  sérail  que 
Mme  Rattazzi,  Mme  Ernest  Feydeau,  Mlle  Croi- 
zette  et  Mme  de  Pourtalès  ne  font  pas  faire  leurs 
robes  chez  Mme  Barenne.  » 

Ainsi  parle  M.  Charles  Yriarte. 

Nous  avons  voulu  laisser  à  cet  élégant  écri- 
vain, à  cet  artiste  délicat,  parfait  gentleman 
et  connaissant  bien  la  mode,  le  soin  de  parler 
de  notre  ami  Carolus  Duran,  ce  qui  nous 
met  à  l'abri  de  tout  reproche  de  partialité. 

Nous  ne  pouvons  oublier  dans  cette  étude 
les  portraits  de  M.  Emile  de  Girardin  et  de 
Mme  la  comtesse  Vandal,  la  perle  de  l'œuvre 
de  Carolus  Duran. 

Ce  fut  à  l'occasion  de  la  toile  de  M.  Emile  de 
Girardin,  que  Ch.  Yriarte  trouva  le  moyen 
de  nous  donner  une  théorie  piquante  sur  le 
portrait  et  la  manière  de  faire  un  portrait. 

La  théorie  est  toute  une  histoire,  ce  qui 
ajoute  à  son  charme. 


Conclusion. 


447 


«  Un  jour  que  M.  le  chevalier  Nigra  posait 
chez  un  de  nos  plus  grands  artistes  de  ce 
temps-ci,  nous  lisions  à  côté  du  peintre; 
comme  il  reproduisait  la  main  et,  selon  nous, 
la  faisait  un  peu  lourde,  nous  lui  en  fîmes 
doucement  la  remarque  :  «  Ce  n'est  pas  la 
»  main  du  diplomate,  répondit  Ricard,  c'est 
»  la  main  du  simple  soldat  qui  a  porté  le 
»  mousquet  à  Novare.  » 

»  Voilà  l'excès  !  »  dit  M.  Yriarte.  —  (Cela 
n'est  pas  notre  avis,  car  on  peut  avoir  la  main 
d'un  soldat  et  la  physionomie  d'un  diplomate. 
C'est  la  vie  intime  qu'il  faut  rendre  sur  la 
face.) 

Vous  pensez  bien  qu'un  sourire  vint  effleu- 
rer nos  lèvres  et  qu'une  expression  d'étonne- 
ment  se  peignit  sur  le  front  de  l'ambassadeur. 
Mais  cependant  il  faut  pénétrer  sous  la  chair, 
c'est  la  gloire  d'un  portraitiste  de  peindre  les 
sphinx  et  de  dire  l'âme  du  modèle,  et  tout 
portrait,  qui  ne  me  fera  pas  comprendre  la 
personnalité  sous  le  masque,  ne  m'apportera 
qu'une  enveloppe  d'une  ressemblance  approxi- 
mative ;   la  foule  pourra  s'extasier,   mais   je 


448  Histoire  du  Portrait. 

dirai,  toujours,  qu'il  manque  à  l'oeuvre  un 
reflet  sacré  qui  me  révèle  chez  le  peintre  un 
haut  esprit  et  un  don  de  pénétration. 

Le  portrait  de  M.  de  Girardin  a  été  dis- 
cuté, et  nous  ajouterons  qu'il  est  discutable; 
—  il  contient  en  lui-même  une  partie  des  qua- 
lités de  Carolus  Duran,  —  mais  il  contient 
aussi  tous  ses  défauts. 

Il  n'en  est  pas  de  même  du  portrait  de 
Mme  la  comtesse  Vandal  ;  ce  portrait  possède 
toutes  les  qualités  de  l'artiste,  qualités  qui 
n'ont  laissé  aucune  place  aux  défauts,  étant 
elles-mêmes  tellement  complètes,  tellement 
agrandies,  qu'elles  embrassent  toute  la  toile; 
c'est  une  œuvre  digne  des  plus  grands  peintres. 
Reynolds  a  dû  venir  lui-même  mettre  sa  boule 
blanche  dans  l'urne  de  la  médaille  d'hon- 
neur. 

Le  prince  de  la  critique  artistique,  Saint- 
Victor,  complétera  cet  aperçu  sur  Carolus 
Duran.  —  Le  critique  et  le  maître  sont  dignes 
l'un  de  l'autre  : 

«  Le  portrait  de  Mme  la  vicomtesse  V..., 
exposé  par  M.  Carolus  Duran,  ne  serait  pas 


Conclusion. 


449 


déplacé  dans  une  galerie  royale,  entre  une 
princesse  de  Van  Dyck  et  une  grande  dame  de 
Reynolds. 

»  Mme  V.  est  représentée  en  pied  et  debout, 
ajustant,  comme  au  sortir  d'un  bal,  un  grand 
manteau  fourré  sur  sa  robe  de  satin  blanc, 
agrémentée  de  riches  garnitures.  Nous  aimons 
dans  les  portraits  ces  simples  mouvements 
qui  animent  le  modèle  et  le  mettent  légère- 
ment en  action.  L'attitude  est  d'une  haute 
élégance;  la  tète  offre  un  noble  mélange  de 
douceur  et  de  dignité. 

»  Elle  est  peinte  en  clair,  librement  et  ré- 
solument, avec  une  verve  adoucie,  bien  autre- 
ment séduisante  que  l'entrain  bruyant,  qu'on 
a  pu  souvent  reprocher  à  d'autres  figures  de 
l'artiste.  On  ne  saurait  trop  louer  sa  personna- 
lité expressive,  ses  carnations  lumineuses,  le 
faire  soyeux  et  soufflé  de  ses  cheveux  d'un 
roux  vénitien,  la  sérénité  distraite  du  regard, 
la  souplesse  délicate  des  mains  et  le  naturel 
de  leur  geste. 

»  L'ajustement  est  d'un  goût  suprême;  le 
manteau  glisse  sur  l'épaule  et  lestons  sombres 

5i 


45o  Histoire  du  Portrait. 

de  ses  fourrures  font  triomphalement  ressortir 
les  clairs  étincelants  de  la  robe.  Cette  robe, 
merveilleusement  ouvragée,  et  dont  le  corsage 
a  le  doux  éclat  d'un  écrin  de  perles,  s'achève, 
comme  il  sied  à  une  fin  de  tableau,  avec  une 
heureuse  négligence.  L'étoffe  se  tait  où  il  faut 
et  quand  son  rendu  détaillé  n'aurait  plus  de 
sens.  —  En  vérité,  ce  grand  morceau  est  un 
vrai  chef-d'œuvre.  L'artiste  qui  l'a  signé  peut 
avoir  ses  inégalités  et  ses  défaillances,  être 
violent  et  même  vulgaire  à  ses  heures. 

»  Une  pareille  peinture  affirme  sa  qualité, 
jusqu'à  présent  discutée,  de  maître,  et  cet 
illustre  brevet  ne  lui  sera  plus  retiré.  » 

Lorsque  M.  Guillaume  exposa  en  plâtre  le 
buste  de  Msr  Darboy,  l'œuvre  du  maître  fut 
déclarée  superbe,  pleine  de  vérité  et  de  dis- 
tinction. 

«  Il  y  a  tout  dans  cette  tête,  dit  M.  Clare- 
tie,  il  y  a  la  vie,  la  pensée,  la  profondeur, 
le  calme.  On  a  pu  dire  que  ce  marbre  est  à  la 
fois  net  et  serré  de  près  comme  un  Holbein 
et  caressé  comme  un  Léonard.  » 

Bien  peu  de  sculpteurs,  à  notre  avis,  pos- 


Conclusion.  a£j 

sèdent  autant  que  M.  Guillaume  les  qualités 
du  portraitiste  ;  tout  en  lui  appelait  cet  illustre 
maître  vers  l'art  du  portrait.  N'avait-il  pas 
pour  auxiliaires  sa  nature  froide,  mais  pleine 
de  distinction,  un  œil  fin  et  observateur,  une 
haute  et  savante  intelligence  ? 

Notre  regret  sera  toujours  que  M.  Guillaume 
nous  ait  donné  trop  peu  de  portraits. 

M.  Henner  nous  a  donné  des  portraits  mar- 
qués au  sceau  de  son  génie  ;  nous  nous  sou- 
venons d'un  portrait  de  femme  qui  fit  grande 
sensation  au  Salon  de  (1874).  —  Elle  est  bien 
simple  la  mise  de  cette  femme,  habillée  de 
noir  et  tenant  un  parapluie  à  la  main  !  Mais 
lorsqu'on  s'approche,  attiré  par  ces  yeux  bleus, 
on  se  sent  tout  troublé  ;  on  redoute  d'être  in- 
discret en  fixant  cette  figure  qui  semble  si 
vivante. 

Du  reste,  voici  l'opinion  de  M.  Claretie  sur 
deux  portraits  exposés  par  Henner  au  Salon 
de  (i8y5)  : 

«  M.  Henner  montre  de  grandes  qualités 
de  dessinateur  et  de  coloriste.  Dans  la  tête  de 
femme,  qu'il  appelle  portrait  de  Mmc  H..., 


^52  Histoire  du  Portrait. 


je  ne  sais  rien  de  supérieur  à  cette  étude  ser- 
rée de  près,  à  ce  mélancolique  visage,  où  se 
lisent  toutes  les  pensées  d'une  vie  droite  et 
sans  amertume;  belle  encore,  malgré  son 
âge,  cette  Mmc  Herzog,  en  ses  vêtements  de 
deuil,  se  détachant  en  noir  sur  un  fond  rouge, 
grave  comme  une  poésie,  doucement  attristée, 
qui  cause  en  quelque  sorte  une  double  émo- 
tion, Témotion  artistique  et  l'émotion  hu- 
maine. 

»  C'est  que  M.  Henner  ne  se  contente  pas 
dans  ses  portraits  de  peindre  des  vêtements, 
l'extérieur,  l'allure  apparente  d'un  person- 
nage; il  descend  plus  avant  en  lui,  il  l'inter- 
roge et  le  devine.  Il  met  de  la  pensée  dans  ses 
prunelles.  Henner  peint  le  regard  et  il  peint 
l'àme.  » 

S'il  nous  fallait  parler  de  tous  ces  magni- 
fiques bustes  signés  Chapn,  nous  serions,  peut- 
être,  contraint  de  donner  un  second  volume  à 
cet  ouvrage,  qui  n'a  d'autre  prétention  que 
d'exposer  la  marche  historique  du  portrait 
en  France.  Chapu  est  le  portraitiste  des  pas- 
sions calmes,  des  hommes  calmes,  dans  l'his- 


Conclusion.  453 

toire,  dans  la  politique,  dans  les  arts  et  dans 
les  lettres.  Les  bustes  de  Vitet,  de  Montalem- 
bert,  de  Duchàtel;  les  statues  de  Berryer,  de 
Schneider,  etc. ,  resteront  à  tout  jamais  célèbres 
par  la  dignité,  le  calme  rendu  par  l'artiste  ; 
le  faire  est  simple  et  précieux  tout  à  la  fois. 
C'est  l'œuvre  d'un  peintre  et  d'un  sculpteur 
tout  ensemble. 

Nous  ne  saurions  omettre,  dans  cette  étude, 
le  peintre  des  jolies  femmes  et  des  plus  élé- 
gantes. De  nos  jours,  Chaplin,  le  plus  français 
des  peintres  français  (bien  qu'il  soit  Anglais 
par  la  faute  de  notre  administration),  a  fait 
à  lui  seul  plus  de  portraits  que  tous  nos 
artistes  contemporains  réunis. 

Il  est  essentiellement  le  peintre  de  la  femme, 
mais  seulement  de  la  jolie  femme.  Nul  peintre 
ne  saurait  rendre  comme  lui  ce  duvet  si  léger 
qui  caresse  la  joue  de  la  jeune  fille,  cette  car- 
nation rosée  où  se  joue  la  lumière  :  peintre 
délicat,  dessinateur  fin  et  correct,  Chaplin  sait 
donner  à  tous  ses  modèles  une  distinction 
native  qui,  par  cela  même,  élève  cet  artiste  au 
plus  haut  sommet  dans  l'art  du  portrait.  Cet 


454  Histoire  du  Portrait. 

artiste  n'est  pas  Watteau,  il  n'est  pas  Boucher 
il  n'est  pas  un  peintre  du  xvine  siècle,  mai' 
héritier  de  tous  ces  artistes,  il  est  Chaplin,  lj 
peintre  des  jolies  femmes  du  xixe  siècle.  Voil. 
sa  gloire,  et  nous  le  félicitons  de  tout  cœiii 
de  cette  originalité  qui  le  classe,  seul,  au- 
dessus  de  tous. 

«  Baudry,  dit  M.  Paul  Mantz,  a  trouvé  en 
M.  Garnier  son  modèle  idéal.  Il  a  admirable- 
ment compris  cette  physionomie  vivante  qui 
n'est  peut-être  pas  conforme  au  canon  de  Po- 
lyclète,  mais  où  les  yeux  parlent  autant  que 
les  lèvres,  où  l'on  sent  les  rayons  d'une  intel- 
ligence éternellement  active  et  l'éloquence 
charmante  de  l'esprit.  » 

M.  Baudry  n'est  portraitiste  que  par  hasard, 
que  par  occasion.  Son  talent  demande  une  plus 
grande  surface  que  ne  saurait  lui  offrir  une  toile 
de  portrait,  et,  cependant,  on  pourrait  croire 
qu'il  cherche  parfois  de  préférence  les  petits 
panneaux,  car  nous  nous  souvenons  d'un  ado- 
rable portrait  de  M .  About,  dont  la  facture  toute 
spéciale  était  du  xvie  siècle,  dans  le  genre  de 
l'École  allemande.  Il  est  naturel  que  M.  Bau- 


Conclusion.  4SS 


dry  réussisse  dans  le  portrait.  Quand  on  pos- 
sède un  talent  aussi  remarquable,  les  œuvres 
sont  nécessairement  marquées  au  cachet  de 
la  suprême  distinction. 

L'Ecole  française  contemporaine  a  donné 
une  quantité  innombrable  de  portraits,  et  les 
artistes  de  nos  jours  ont  parfois  excellé  dans 
ce  genre  de  peinture. 

Qui  n'a  pas  admiré  les  portraits  de  Blan- 
chard,—  de  Bouguereau, — de  Jules  Lefebvre, 
—  de  Cabanel,  —  un  des  maîtres  de  la  géné- 
ration nouvelle,  et  que  l'ingratitude  de  ses 
contemporains  commence  déjà  à  attrister. 

Maître!  laissez  passer  le  courant  de  révo- 
lution artistique  qui  trouble  à  cette  heure 
toutes  les  têtes  !  Quand  l'école  de  demain  aura 
prouvé  son  impuissance ,  son  ignorance , 
quand  la  triste  expérience  aura  démontré  qu'il 
ne  suffit  pas  de  copier,  brutalement,  un  mo- 
dèle avec  de  beaux  accessoires  pour  être  un 
portraitiste ,  alors  viendra  votre  triomphe  ! 

Lorsque  nos  petits-neveux  voudront  revivre 
dans  le  passé  et  rechercher  le  talent  dans  les 
œuvres  de  notre  époque,  ils  sauront  bien  vous 


456  Histoire  du  Portrait. 

rendre  justice  et  reconnaître  le  grand  talent 
du  maître  qui  nous  a  donné  ces  beaux  por- 
traits répandus  dans  le  monde  entier  ! 

M.  Bastien  Lepage  est  un  jeune  peintre  de 
beaucoup  de  talent.  Nous  allons  citer  un  pas- 
sage de  M.  Jules  Claretie  sur  l'envoi  de  cet 
artiste  au  Salon  de  (1875).  Mais  nous  ne  crai- 
gnons pas,  à  rencontre  de  M.  Claretie,  de 
souhaiter  à  M.  Bastien  Lepage  la  distinction 
qui  caractérise  les  œuvres  de  son  maître. 
Que  Ton  choisisse  ses  modèles  dans  les  salons 
ou  dans  les  champs,  il  y  a  toujours  moyen 
de  prendre  le  grand  côté  de  la  nature.  M.  Jules 
Breton  nous  en  donne  la  preuve,  et,  cependant, 
il  ne  se  sert  pas  de  Tappuie-tête  moral,  dont 
parle  M.  Claretie. 

La  valeur  de  M.  Claretie,  comme  critique 
d'art,  est  grande,  nous  le  reconnaissons  avec 
plaisir  ;  aussi  devrait-il  toujours  se  garder  de 
montrer,  parfois  même,  un  grain  de  partialité 
dans  ses  jugements. 

Nous  avons  largement  emprunté  à  M.  Jules 
Claretie,  pour  la  partie  contemporaine  de  notre 
travail,  lui  prouvant  ainsi  la  valeur  que  nous 


Conclusion.  ^.^y 


attachons  à  son  appréciation  ;  nous  avons 
certainement  une  grande  admiration  pour 
M.  Bastien  Lepage,  mais  nous  maintenons 
que  les  types  pris  dans  la  nature  ont  besoin 
d'être  choisis,  et  que  les  figures  de  M.  Bastien 
Lepage  ont  besoin  d'être  éclairées  moralement 
et  physiquement. 

«  M.  Bastien  Lepage,  dit  M.  Claretie,  qui 
obtient  avec  un  portrait  un  des  succès  du 
Salon,  a  évidemment  peint  ses  figures  en 
plein  air.  Il  procède  un  peu,  comme  jadis 
M.  Jules  Breton,  par  les  contours  d'abord 
tracés  et  qu'il  remplit  ensuite  de  teintes  pres- 
que plates... 

»  On  ne  devinerait  jamais  que  M.  Bas- 
tien  Lepage  est  un  élève  de  Cabanel.  Son 
portrait  de  M.  Hayem  est  vivant.  La  pose, 
l'air  satisfait,  les  mains,  le  sourire,  sont 
autant  de  choses  tout  à  fait  remarquables.  Et 
puis  cet  homme  n'a  pas  l'air  apprêté,  il  ne 
pose  point. 

»  Les  photographes  ont  inventé  l'appuie- 
tête,  qui  donne  tant  de  raideur  aux  malheu- 
reux modèles,  mais  certains  peintres  ont  un 

52 


458 


Histoire  du  Portrait. 


appuie-tête  moral  qui  enlève  toute  physio- 
nomie, tout  naturel  à  ceux  dont  ils  font  le 
portrait.  » 

M.  Bastien  Lepage  a  fait  depuis  cette  époque 
plusieurs  portraits,  —  celui  de  son  frère,  celui 
de  son  père  et  de  sa  mère. 

«  Tu  m'as  fait  mon  père  des  dimanches,  et 
»  je  voulais  mon  père  de  tous  les  jours!  » 
s'écriait  Diderot,  voulant  indiquer  par  là 
qu'on  doit  peindre  un  homme  tel  qu'il  est, 
sans  façon,  dans  l'état  habituel  de  ses  mou- 
vements  et  de  sa  vie.  »  (Salon  de  1875.  — 
Jules  Claretie.) 

Nous  sommes  convaincu  que  ce  jeune 
artiste  deviendra  célèbre,  mais  du  jour  où 
il  saura  éclairer  ses  modèles  qui  sont  tous 
éclairés  en  lanterne  et  souvent  aplatis  sur  le 
fond  qui  plombe  sur  eux. 

Henri  Regnault,  — un  autre  jeune,  — hélas  ! 
fauché  trop  tôt  !  —  se  laissait  aller,  aussi,  à 
toute  la  vigueur  de  son  tempérament;  mais 
comme  il  est  fier  et  grand  dans  sa  peinture, 
dans  son  geste  ;  comme  on  est  impressionné 
devant  ce  magnifique  portrait  du   maréchal 


Conclusion.  ^0q 

Prim,  comme  on  est   séduit  devant  le  petit 
portrait  de  la  baronne! 

Regnault  était  un  grand  artiste  et  serait 
certainement  devenu  un  grand  portraitiste. 
La  preuve,  nous  Pavons  eue  sous  les  yeux, 
par  ces  croquis  qu'il  faisait  de  nous,  pendant 
les  loisirs  de  notre  vie  des  camps.  Salut, 
pauvre  cher  camarade,  dont  nous  avons  eu 
le  bonheur  de  serrer  la  main,  sur  le  champ  de 
bataille  de  Buzenval,  quelques  minutes  avant 
ta  mort  ! 

Mlle  Nely  Jacquemart  a  droit  à  notre  admi- 
ration, car  elle  a  marqué  un  progrès  dans  la 
marche  de  notre  art  français,  par  son  talent 
ferme  et  sérieux. 

Qui  n'a  pas  encore  présent  à  la  mémoire 
ces  magnifiques  portraits  de  M.  Duruy,  du 
général  Palikao,  de  M.  de  Wendel,  de  M.  Be- 
noit-Champy? 

«  Le  reproche  qu'on  pourrait  faire  au  por- 
trait de  M.  Thiers,  dit  M.  Cherbuliez  dans 
son  Salon  de  (1872),  c'est  que  Faction  ne  s'y 
fait  pas  assez  sentir,  ou,  si  vous  l'aimez  mieux, 
que  la  lanterne  n'est  pas  suffisamment  éclai- 


460  Histoire  du  Portrait. 

rée  ;  il  y  a  quelque  incertitude  dans  l'inten- 
tion, et,  en  peinture,  l'intention  n'a  de  valeur 
que  lorsqu'elle  s'accuse  avec  la  fermeté  d'un 
parti-pris. 

»  Cela  tient  peut-être  à  ce  que  ce  portrait 
a  été  commencé  en  (1870)  à  la  place  Saint- 
Georges  et  terminé  en  (1872)  à  Versailles. 

»  Beaucoup  de  gens  disent  en  le  regardant  : 
Voilà  donc  l'homme  le  plus  malin  de  France  ? 
Qui  s'en  douterait  ?  » 

M.  Claretie  n'est  pas  plus  aimable  pour 
Mlle  Jacquemart  dans  son  Salon  de  (1873)  : 

«  Mlle  Jacquemart  envoie  cette  année  le 
portrait  de  M.  Dufaure,  ministre  de  la  Jus- 
tice. «  Quoi  !  c'est  là  l'homme  qui  fait  de  si 
»  beaux  discours  ?  »  s'écriait,  derrière  moi,  une 
dame,  effrayée  de  l'air  maussade  qu'a  M.  Du- 
faure sur  la  toile  de  Mlle  Jacquemart.  C'est 
plutôt  un  portrait  historique  qu'une  peinture 
excellente  que  Mlle  Nélie  Jacquemart  a  si- 
gné là.  » 

Lorque  nous  avons  revu  les  portraits  de 
M.  Duruy  et  du  maréchal  Canrobert,  à 
l'Exposition    universelle ,    nous    avons    été 


Conclusion.  46  / 


frappé  des  réelles  qualités  que  Ton  trouve 
dans  ces  deux  toiles.  Ces  peintures  suffiraient 
à  elles  seules  à  faire  la  réputation  de  Mllc  Jac- 
quemart, si  son  talent  n'était  pas  déjà  consa- 
cré depuis  longtemps. 

M.  Élie  Delauney  nous  a  donné  de  bons 
portraits,  solidement  peints  et  d'une  grande 
vérité  d'expression.  Dans  le  portrait  de 
M.  Legouvé  se  trouvent  toutes  les  qualités 
du  peintre. 

«  La  figure  énergique  et  nettement  découpée 
de  M.  Legouvé  convenait  bien,  dit  M.  Cla- 
retie,  à  la  manière  nette  et  précise  de  M.  De- 
launey. 

»  On  avait  le  portrait  parlant,  celui-ci  est 
le  portrait  conférenciant .  M.  Élie  Delauney, 
esprit  sérieux,  sincère,  chercheur,  a  conservé, 
par  ces  deux  peintures,  la  place  élevée  que  lui 
a  assignée  le  suffrage  des  artistes  depuis  long- 
temps. » 

M.  Delaunay  a  exposé  Tannée  dernière  le 
portrait  de  Mme  Bazin,  femme  du  sympathique 
compositeur,  mort  en  (1877).  Ce  portrait 
est  tellement  vrai  que  l'on  se  sentait  le  cœur 


462  Histoire  du  Portrait. 

tout  attristé  ;  on  prenait  ainsi  part  à  la  peine 
de  la  pauvre  veuve. 

Nous  ne  pouvons  citer  en  détail  tous  nos 
artistes  portraitistes;  nous  ne  pouvons  don- 
ner la  nomenclature  de  toutes  ces  œuvres, 
de  toutes  ces  toiles  vues  hier,  souvent  signées 
de  noms  brillants. 

Qui  ne  connaît  les  œuvres  de  Jalabert,  — 
de  Giacomelli,  —  de  Mme  de  Chatillon;  — 
qui  ne  connaît  Jean-Paul  Laurens,  auteur 
de  son  propre  portrait;  —  M.  Renard,  qui 
a  obtenu  un  si  grand  succès,  avec  le  por- 
trait de  sa  grand'mère,  fait  à  la  manière  de 
Denner? 

Qui  n'a  pas  remarqué  les  toiles  de.Cot  et 
de  Jacquet,  auteurs  des  portraits  de  si  jeunes 
et  de  si  jolies  femmes? 

Et  Ferdinand  Gaillard,  ce  peintre  graveur 
qui  nous  a  donné  les  portraits  de  Pie  IX  et 
du  comte  de  Chambord. 

Paul  Mantz  disait  de  cet  artiste  dans  le 
Salon  de  (1872)  : 

«  Un  intérêt  de  premier  ordre  s'attache 
aux  portraits  de  M.  Ferdinand  Gaillard. 


Conclusion.  ^//.y 


»  Voilà  quelques  années  que  cet  artiste 
chercheur  nous  montre  des  œuvres,  dont  la 
singularité  prodigieuse  doit  effrayer  les  âmes 
tranquilles...  Dans  le  portrait  de*Mme  **\  la 
suppression  de  l'idéal  y  est  systématique  et 
absolue.  Fantaisiste  acharné,  M.  Gaillard 
cherche  le  surnaturel.  Dans  une  œuvre  pa- 
reille, qui  aurait  étonné  les  Italiens,  mais  que 
comprendrait  Holbein  et  qui  ferait  rêver 
Albert  Durer,  il  ne  reste  rien  que  la  réalité 
avec  ses  flétrissures,  ses  misères,  ses  inexpri- 
mables finesses,  et  les  enivrantes  séductions 
du  vrai.  Mme  ***  n'est  ni  jeune  ni  belle  :  elle 
n'a  pas  même  le  caractère  énigmatique  que  la 
nature  donne  à  ses  créatures  préférées  ou 
maudites  :  la  vulgarité  est  son  domaine,  le 
nombre  des  livres  qu'elle  n'a  pas  lus  est  con- 
sidérable ;  c'est  une  bourgeoise  qui  n'a  rien 
d'excessif  et  que  nous  ne  regarderions  pas,  si 
elle  passait  près  de  nous  dans  la  rue. 

»  Mais  l'art  est  une  grande  chose,  et  la 
patience  aussi.  Avec  un  acharnement  qui  res- 
semble à  de  la  monomanie,  mais  qui  doit 
inspirer  à  tous  un  respect  singulier,  M.  Gail- 


4<)4  Histoire  du  Portrait. 

lard  a  peint  les  rides  du  front  vieillissant,  le 
cheveu  sans  sève  qui  est  roux  aujourd'hui  et 
qui  sera  gris  la  saison  prochaine,  les  sourcils 
éraillés,  les  fauves  transparences  de  l'œil 
vivant,  les  lèvres  décolorées  et  exsangues, 
toutes  les  choses  malheureuses  et  si  profon- 
dément touchantes  qui  constituent  la  person- 
nalité du  type  choisi. 

»  Mais  ces  détails  accumulés  sont  des 
chiffres,  dont  l'addition  donne  un  total  par- 
faitement harmonieux,  un  ensemble  plein 
d'unité  et  où  la  vie  se  résume  avec  une 
intensité  prodigieuse.  » 

La  sculpture  française  contemporaine  a 
marqué  sa  place  par  des  œuvres  tout  aussi 
remarquables  que  celles  de  la  peinture.  Tout 
le  monde  a  encore  présent  à  la  mémoire  les 
bustes  de  Cobden,  de  Rembrandt,  de  Lefuel,de 
l'abbé  Deguerry,  de  M§r  Darboy,  par  Oliva. 

Cet  artiste  a  largement  contribué  à  restau- 
rer l'art  du  portrait  dans  la  statuaire  fran- 
çaise ;  honneur  au  vieux  maître  !  honneur  à 
l'artiste  qui  nous  a  donné  le  magnifique  Rem- 
brandt du  Luxembourg! 


Conclusion.  46a 


Iselin  et  Crauk  se  sont  disputés  avec  Oliva 
les  palmes  du  succès  depuis  vingt  ans. 

Iselin  avec  les  bustes  de  l'Empereur  et  de 
M.  de  Morny;  Crauk,  avec  les  bustes  ou 
les  statues  des  maréchaux  Niel,  Malakorf, 
Mac-Mahon.  Le  buste  de  la  fille  du  maréchal 
Pélissier  n'est-il  pas  une  merveille? 

Hiolle,  —  Préault,  —  Millet,  —  Le  Bourg, 
—  Carrier  -  Belleuse,  —  ont  fait  de  beaux  por- 
traits. A  Franceschi  appartiennent  les  bustes 
de  jeunes  filles,  car  personne  ne  sait  rendre 
mieux  que  lui  la  jeunesse  et  l'innocence. 
Presque  tous  ces  bustes  ont  comme  un  parfum 
du  xvine  siècle,  une  touche  parfois  ravissante. 

Carpeaux,  lui,  est  le  sculpteur  de  la  pensée 
violente,  de  l'action  énergique  et  des  surexci- 
tations de  la  vie.  Les  bustes  de  Carpeaux  sont 
bien  mouvementés;  les  tètes  sont  fines  et  bien 
modelées;  les  accessoires,  lâchés  et  négligés 
avec  science,  font  valoir  les  physionomies. 
Tels  sont  les  bustes  de  Dumas,  de  Gounod, 
de  Gérôme,  de  Jules  Favre,  de  Garnier  et 
ceux  des  princesses  Mathilde  et  de  Mouchy, 

de  Mlle  Fiocre,  etc. 

53 


4'>h        Histoire  du  Portrait.  —  Conclusion. 

Carpeaux  a  été  un  des  grands  portraitistes 
de  notre  époque. 

Ici  se  termine  notre  étude  sur  les  contem- 
porains, elle  nous  amène  tout  naturellement  à 
cette  conclusion  :  L'art  du  portrait,  en  France, 
n'a  pas  été  amoindri  dans  ces  dernières 
années. 

Cet  art  a  même  progressé,  et,  de  nos  jours, 
les  vaillants  champions,  les  jeunes  vétérans 
de  l'art  du  portrait,  forment  toute  une  armée 
qui  assure,  pour  bien  longtemps,  la  renom- 
mée de  TÉcole  française. 

Il  y  aura  de  beaux  jours  encore  pour  Tart 
français,  qui  reste,  comme  dans  le  passé  : 
l'École  de  la  nature  dirigée  par  la  pensée. 


TABLE  DES  CHAPITRES 


Lettre-préface  d'Henri  Martin,  membre  de  l'Académie 

Française vu 


Introduction 


PREMIERE  PARTIE 


DU   PORTRAIT    DANS    LA    PEINTURE    ET    DANS     LES    ARTS 

qui  s'y   RATTACHENT 

I  Des  qualités  nécessaires  dans  le  Portrait.  ...  3 

II  Du  Portrait  dans  les  Manuscrits [g 

III  Du  Portrait  dans  l'Émaillerie 47 

IV  Du  Portrait  dans  les  Vitraux 67 

V  Du  Portrait  dans  les  Broderies  et  les  Tapisseries.  Si 

VI  Du  Portrait  dans  les  Dessins,    les  Pastels  et   les 

Miniatures 97 

VII  Du  Portrait  dans  la  Gravure 141 

VIII  Du  Portrait  dans  la   Peinture 16g 


4<>\ 


Table  des  chapitres. 


DEUXIEME  PARTIE 

du  portrait  dans  la  sculpture  et  dans  ifs  arts 
qui  s'y  rattachent 

I  Du  Portrait  dans  la  Numismatique 269 

II  Du  Portrait  dans  la  Glyptique 291 

III  Du  Portrait  dans  les  Sceaux  et  Cachets 3oi 

IV  Du  Portrait  dans  l'Orfèvrerie 3o5 

V  Du  Portrait  dans  la  Céroplastique 33q 

VI  Du  Portrait  dans  la  Sculpture  sur  bois 347 

VII  Du  Portrait  dans  la  Sculpture  sur  ivoire 36 1 

VIII  Du  Portrait  dans  la  Sculpture 371 

Conclusion 433 


TABLE 


Des  noms  propres  cités  dans  VHistoire  du  Portrait 


Abbon 3 1 3 

Abelard 42 

About  (EdmoncP 242-251-266-313-439-442-454 

Achéry  (d') 312-348 

Adélaïde    (Mme) 139-214 

Adam,  peintre 112 

Adam  (de  Nancy) 405-412-416 

Adrien i3q 

Adrien  IeP,  pape 20 

Agoult  (Comtesse  d') 43o 

Aguii.lon  de  Droues 3j8 

Ai. aman  1  Henri  et  Jehan) 378 

Alaric    .  ■ 20 

Albret  iDuc  d' 180 

Alcuin 26 

Aldegrever  (Henri),  graveur 144 

Alençon    ^Catherine   d'i 389 

Alexandre  VII 182 


_/jo  Histoire  du  Portrait. 

Alger  (Jean  d'),  graveur 145 

Alix  (Jean),  graveur 1  54 

Aux  (fille  de  Robert  III) 3o3 

Allegrain,  sculpteur 416 

Alphonse   (François) 1 65 

Amboise  (Cardinal  d') 388 

Ambroise    (Saint) 3ii 

Amiens 878 

Amy  (Président) 1 35 

Amyot  (Jacques) 5j 

André  (Pierre),  miniaturiste 38 

Andrien  Beauneveu,  miniaturiste 39 

Andrieu,   graveur  . 288 

Andrieu    d'Averton 384 

Androuet  du  Cerceau 98 

Angelelme  de  Norwège 86 

Anglebert  (Jean-Henri  d'),  intendant 1 85 

Anglas  (Boissy  d') 211 

Angilbert  (Abbé) 26-3 11 

Angoulème  (Duc   d') 1 25- 1 82-1  38-235-387 

Angrand  Leprince,  verrier 78 

Anguier  (François),  sculpteur 396 

Anguier    (Michel),  sculpteur 369-396 

Anjou  (Duc  d') 121 

Anne    d'Autriche 1 56-i83-394~3g5 

Anne  de  Bretagne 342 

Ansgarde  (D') 3 1  5 

Anthony  (Mme) 218 

Antin    (Duc  d') 401 

Antoine 281 

Arago 245 

Arco  (Comtesse  d') 121 

Arlan  (Antoine),  émailleur 96 

Arles 374 


Table  des  noms  propres.  4.-1 


Arétin  (Pierre) ,  ,  , 

Argenville  (d'),  historien 193-394-402-406-408 

Armagnac    (Jacques  d') j -2 

Arnoullet   (B.l,   imprimeur 14.5 

Arnulph  de  Camptraing.  miniaturiste 38 

Arrode  (Guillaume),  orfèvre 32- 

Artois  (Comte  d') 125-225-418 

ASSEZAT 419-422-439 

Assise  (François  d') 5o 

Athènes 362 

Auber _pi 

Aubert  (Henri) 14g 

Aubin  (Saint-) 163-164 

Aubry,  miniaturiste 128-121) 

Auch 3y3 

Audran  (Gérard),  graveur 162 

Audran  (Benoit),  graveur 1 85 

Auffroy  (Robert \  orfèvre 327 

Auguste  (L'empereur) 29.7 

Augustin,  miniaturiste 00-129-1  3o-i  3 1  —  1  J2-1  35 

Autun 3y3 

Avignon 374 

Avesnes    (Gauthier  d"i 304 


B 


Babou  (Philibert),  administ.  de  la  tapiss.  de  Fontaineb.       g  1 

Bacciochi    (Princesse) 218 

Bachelier,  sculpteur 139-387 

Bachaumont 11  I-Ild 

Bachot  (Jacques),  sculpteur 387 

Baerze    (Jacques  de),  sculpteur 349 

Bailleur  (Louis  de) io5-i6o 


4"j2  Histoire  du  Portrait. 

Bailly 210-211-283-287-427 

Bain    (Pierre),  orfèvre 337 

Ballin  (Claude),  orfèvre 337 

Balbiani  (Valentine) 3g2 

Baldinus  (Cl.),  graveur 145 

Baléchou   (J.-J-),  graveur 164 

Balthazar  Phelypeaux 184 

Bannel  (Ge'néral  de  brigade) 408 

Bar  (Duchesse  de) 149 

Barbier  (L'abbé) 219 

Barbier  de  Metz 399 

Barbeau 3g3 

Barclay  (Jean) i53 

Barère i25-i38 

Barillon io5 

Barnave 217 

Barra 207-210 

Barre  (Auguste),  sculpteur 288-430 

Barres   (Pierre  des),  orfèvre 32b 

Barrot  (Odilon) 244 

Bartelini - 408 

Barth  (Jean),   chef  d'escadre 409 

Bartholoni,  sculpteur 249 

Basile   (Le    Macédonien) 3 1 1 

Bastien  Lepage,  peintre 456-457-458 

Bataille  (Colin),  tapissier 87 

Baudry,  peintre 437-454 

Bay  (de),  sculpteur 43o 

Bayard 4°9 

Bazin  (Mme) 461 

Beaubrun,  peintre 63 

Beaudelaire 255 

Beaufort  (De) 1 3g 

Beauharnais  (A.  de) 1 38 


Table  des  noms  propres.  _/-',' 

Beaulaigne    Barthélémy \±n 

Beauvarlet  (Jacques-Firmini,  graveur 164 

Beaugrand  (Jehan),  graveur iS0 

Beauvais 3-,  3 

Beck,  peintre t, . 

Béguin ^x  , 

Belet  (Jean) 35 

Belin  (Sire  de| 384 

Bellangé io3 

Belléau  (René) [^q 

Belleyme  (de) 245 

Bellièvre  ^de) i55 

Benoist  (Antoine) 344 

Benoit-Champy 45y 

Bentham 425 

Bentivoglio,  Cardinal i53 

Béranger 427 

Berengère  (La  reine) 383 

Berghem    (Nicolas),  peintre 409 

Béringar,  miniaturiste 3o 

Beringhen    (Henri,    marquis  de) 184 

Berneval    (Alexandre  de),  architecte 38o 

Bernadotte 212 

Bernard 170 

Bernard  (L'abbé  de  Quincy) 170 

Bernard  de  Foix 1 83 

Bernard  de  Saint-Omer,  miniaturiste 3g 

Bernard  (Roger) 304 

Bernard  (Saint) 211 

Bernard    (Samuel) 161 

Bernelin,  chanoine 3i3 

Bernuin  de  Sens 3 1  3 

Berri  (Duc  de) 424 

Berri  (Duchesse  de) 123-132-172-21  5-235 

54 


4~4  Histoire  du  Portrait. 


Berruer 416 

Berryer 453 

Berthe  (Reinei 82 

Berthier  (Alexandre) 230-409 

Bertin  aîné 242-248-249-250-251-253-254-257 

Bertin  (Nicolas) 204 

Bertout,  peintre 93 

Bertrand 218 

Bertrand  le  Berger,  miniaturiste 42 

Berule   (Cardinal   de) 396 

Bervic  (Ch.),  graveur 164 

Besançon  (Pierre  de) 32Ô 

Biard,  peintre 2*3 

Bignon  (L'abbé) 405 

Billon  (F.  de) 145 

Biniel  (Jacob) 179 

Birague  (Chancelier   de) 282-392 

Blaise 412 

Blanc   (Charles).  .     172-174-181-186-189-192-195-200-203- 

244-246-247-2  5o-3o2-32 1 

Blanc  (Louis) 246 

Blanchard,  peintre 455 

Blanche  de  Castille 72 

Blanche  de  Navarre 273 

Blanc-Mantel  ,  verrier 77 

Blanquart  de  Soissons,  verrier 75 

Blessington  (Lady) 432 

Blond  (Jehan  Le),  graveur 154 

BOCCACE 41 

Bochart  de  Saron io5 

Bochet 249 

Boissière    (M110  de   la) ni 

Boissière  (Jean  Leroy  de  la) 149 

Boissy-d'Anglas 211 


Table  des  noms  propres.  _/  t5 


Boissy  (Deï 44 

Boizot 411-413-4111 

RONAPARTE    (ConSLll) 2.i(l 

Bonaparte  (Jérôme)  .   .' -Vï 

Bonaparte  (Prince  Louisi a35 

Bon-Boui.ogne 14 

Bonchamp  (Marquis  de) 220-221 

BONIFACK     VIII 2)3 

Bonnassieux,  sculpteur xxv 

Bonn at,  peintre 42  7-4 3: 1-43 S 

Bonnetot  (Jehan) 327 

Bonneville  (Etienne  de),  architecte 377 

Bontemps,  chimiste 71) 

Bornier  (Mme) 219 

Bosio,  historien ig 

Bosio,   sculpteur 400-412 

Bosse  (Ahraham),  graveur 1 52 

Bossuet [6i-i8i-i83-i88-i  97-201-401 

BOSSUET [83-201 

Boterie  (Pierre  de),  sculpteur 327 

Bottari,  historien 10 

Boucaut 400 

Boucher  (Mme) 1  1  1 

Boucher-Desnoyers 164 

Boucher   (François 1 22-1 62-206-207-454 

Boucher  (Alexandre) 220 

Boucherot  (Le  chevalier) |<>i 

Bougainville 409 

Bouguereau,  peintre 4^3 

Bougron 411-412 

Bouhier   (Marie) 4°° 

Bouillon  (Gérard  de) 98 

Bouillon  (Duc  de) io4 

Bouillon  (Cardinal  de) 180-401 


476  Histoire  du  Portrait. 

Bouillon   (Jeune,  duc  de) io5 

Boulanger,  graveur i  54 

Boulay  de  la  Meurthe  (Jean1! 425 

BOULAY    DE    LA    MeURTHE 42  5 

Bourbon  (Reine-Jeanne  de) 98 

Bourbon  (Henri-Jules  de) 1 83 

Bourbon  (Jeanne  de) 325 

Bourbon  (Louis  de),  abbé  de  Saint-Denis 1 33 

Bourbon  (Henri,  prince  de  Condé) 396 

Bourdichon  (Jehan),  peintre 43-1 71-172, 

Bourdon  (Sébastien) 409 

BOURQUELOT iyi 

Bouvet  (Jean) 409 

Boven,  graveur xvm 

Boyvin  (René) 148 

Boze  (Joseph) 1 37 

Bra,  sculpteur 411-424 

Brach   (Pierre  de) 149 

Bragelonne   (Marie  de) io5 

Brantôme 175 

Bréal  d'Evreux,   verrier 77 

Brebiette  (Pierre) i52 

Brehant  (Mme  de» 210 

Brenet,  graveur 94-288 

Breinville  (Isabeau  de) 384 

Bretagne   (Anne   de) 274-330-388-389 

Bretagne  (Jean) 389 

Brétich  (de  la) 123 

Breton  (Jules),  peintre 456-457 

Brezé  (Louis  de) 385 

Briçonnet    (Robert) 281 

Bridan 416 

Bridon  fils,  sculpteur 413-409 

Bridon  père,  sculpteur 41 3 


Table  des  noms  propres.  4-- 


Brinvilliers  (Marquise  de) 107 

Brion 411-413 

Brionne  (Comte  de) 204 

Brionne  (Comtesse  de) 414-417 

Briot,  graveur 1  5o 

Briot  (François),  orfèvre '333 

Brisacier  (Guillaume  del 180 

Brisetout,  verrier 76 

Brissac 181 

Broglie  (De) 438 

Brongniard   (M"e) ^28 

Brogniart 78 

Brou 173 

Brouard  (Etienne),  brodeur 84 

Brucourt  (Jacqueline  de) 385 

Brulard,    marquis    de  Silley 100 

Brun  (Le) 192-369 

Brunetto 34 

Brunswick  (Duc  de) xxi 

Buade-Frontenac  (H.  Marie  de) 1 5 3 

Buon  (Gabriel),  éditeur 148 

Bullant  (Jean),  architecte 95 

Buzenval  (Hir  de) i36 


c 


Cabanel,  peintre 455-457 

Cabochet 219 

Cadillac 92 

Caffieri    ....       xxiii-4 10-41  3-41  5-4 16-4 18-4 19-42 2 -43 5 

Calcas  (Jean  de),  graveur : 144 

Caillouette 4 1 3 

Callamvrt 41' 


4j8  Histoire  du  Portrait. 

Callot  (Jacques) i5i-i52-i5g 

Caligula 247 

Calvim 281 

Cambronne 4.3o 

CaMBACÉRÈS 2  12 

Cange  (Du) 365 

CANOVA 225 

Canrobert  (Maréchal) 460 

Capet  Hugues 357 

Cardens  Charlotte 285 

Cari. oman 3o6 

Carloman 272 

Carl  Vanloo 207 

Carolus  Duran     .     435-439-440-442-443-444-445-446-448 

Caron  (Antoine),  graveur 102-149 

Carpeaux,  sculpteur xxm-435-465 

Carrache 226 

Carré   (Pierre) i83 

Carrel  (Armand) 245 

Carrier-Belleuse,  sculpteur 465 

Cars  (L.|,  graveur 1 19-162 

Cartelier 230-407 

Casanova 2o3 

Castagnary xxv 

Gastelnau  (Marquis  de) i55 

Cathelineau 220-221 

Catherine  de  Russie 204 

Catherine  de  Courtenay 3o3 

Catinat  (Maréchal) 404 

Caumont  (de) 38o-384 

Cavaignac 235 

Cavalier  (J.),  verrier 369 

Cavelier,  statuaire xxiv 

Caylus  iComte  de) 417 


Table  des  noms  propres.  jjq 


Cellini 3i5-335-340 

César xiv 

César  (Julesi 277 

Chabannes  (Maréchal  de) 44 

Chaber 286 

Chabot  (Amiral  de) 3go-3gi 

Chabot  (Henri  de) 496 

Chabouillet 274 

Chaliek 286 

Challe , 416-417 

Chambes  (Hélène  de) 390 

Chambord  (Comte  de) 462 

Champagne  (Henri  de) \   .  .   .       321-327 

Champagne  (Blanche  dei 38q 

Champagne  (Philippe  de) 63- 1  53- 1 80-400 

Champagne  (Comte  de) 382 

Champdeuil 35o 

Champfleury 179-180 

Chanteloup 182 

Chapelain io5 

Chapelle  (Pierre) 182-202*326 

Chapellu  (Pierre),  graveur 32b 

Chaplin,  peintre 433-434 

Chaponnière 423 

chaptal 2jo 

Chapu,  sculpteur xxiv-452 

Chardin,  peintre 64-111-114-115-119-193 

Chardin 19J 

Charibert  ou  Aribert  (Roi  de  France) 354 

Charlemagne 29-277-293-310-311-356 

Charles  273-281-302 

Charles  II ag2-356 

Charles  III 272 

Charles  IV 358 


480  Histoire  du  Portrait. 

Charles  V (j8-293-2<j4-324-325-358-366 

Charles  VI 4i-2<j4-325-358 

Charles  VII  142-172-358 

Charles  VIII 274-332-358-386 

Charles  IX  .     102-103-17J-1 77-1 78-277-278-333-342-359 

Charles  X 129-225-230 

Charles-Quint 342-273-277-291 

Charles  Le  Chauve 24-98-312 

Charles  le  Gros 356 

Charles  le  Mauvais  de  Navarre 389 

Charles  le  Téméraire 329 

Charles  le  Simple 3 1  5-356 

Charleval 182 

Charlotte   Corday 286 

Chartres 373 

Chartres  (Duc  de) 2o5-2i8 

Charlier 287 

Chateaubriand 220-231-425 

Chatillon  (Jean  de) 304 

Châtre  (de  la  Gasparde) 396 

Chaudet,    peintre i3i 

Chaune  (Duc  de'1 401 

Chaussard 129 

Chauvet  1 31-409 

Chelles  (Jean  de),  architecte 377 

Chenesson  (Antoine),  verrier 76 

Chenier  (Marie-Joseph) 211-419 

Cherbuliez  (Victor) 442-459 

Cherebert 271 

Childebert 376 

Childebert  II 272 

Childebert  III 355 

Childebert  VI 354 

Childéric  II 355 


Table  des  noms  propres.  ^,V/ 

Childéric  III 353 

Chilpéric  Ier 271-354 

Chilpéric   II  ... 272-355 

Choffard  (Pierre-Ph.    graveur [63 

Chorolais  (M110  de) ,,„, 

Christian  IV ^.o5 

Christine  de  Bavière i,,o 

Cinq-Mars 379-1 79 

Cisternay  du  Fay    Charles-J  erome  dei 1G1 

Clairon  (M"e) 414 

Claretie  (Jules)  .   .     443-444-450-45  1-456-457-458-400-41)1 

Claude 277 

Claude  Haligre 278 

Claude  (Maître),  verrier 78 

CLAUx^de  Fribourgi 324 

Claux  Leloup,  verrier 75 

Clémence  (de  Hongrie) 32Ô 

Clément  de  Chartres,  verrier 72 

Clément  V 170 

Clermont 374 

Clermont  (Comte  d'Amboise) 210 

Clermont-Tonnerre  (Comte  de) 1 38 

Clermont-Tonnerre  (Maréchal  de) 418 

Clève  (Vani,  sculpteur 121 

Clodion,  sculpteur 423 

Clodomir 371') 

Clotaire 271-470 

Clotaire  Ie1' 354 

Clotaire  II jbb 

Clotaire  III 355 

Clotilde,  reine 37 5 

Clouet 158-175-178 

Clouet  (François) 99-100-173-174-177 

Clouet  (Jean) 17?- 176-417 

55 


482  Histoire  du  Portrait. 


Clovis  I01' 271 

Clovis  II 271-272-355 

Clovis  III : 355 

Clovis  V 354 

Cluny 35o-366-368 

ClSlONE 364 

COBDEN 464 

Cochi.n  tils,  graveur 119-163-164-247 

Cochin  1  Charles-Nicolas),   graveur i63 

Coeffeteau    (Nicolas),  évèque 101 

CoiTELLIER 41  3 

Colard,  enlumineur 41 

COLBERT     (J.-B.) 396 

COLBERT 33-398-40I-402-405-409 

Colbert  (Edouard),  marquis  de  Seignelay 1S4 

Colbert  [Nicolas),  évêque  d'Auxerre i83 

Colbert,  marquis  de  Villacerf. 184 

Collet,  peintre gb 

Coldoré,  graveur 295 

Colin  de  Lafontaine,  peintre 39 

Coligny  (Amiral  de) 94-282-409 

COLLOT    D'HERBOIS 125 

Colart  de   Laon,  peintre 39-171 

Colombe  (Michel),  sculpteur 173-329-385-389 

Comtois  (Pierre; 336 

Commines  (Philippe  de) 388 

Collange  (Gabriel  de).   . 148 

Constantin  (Porphyrogénète! 3o8 

Constantin    ^Mm0'i 2i9-3o5 

Constance 3o5-3o6 

Condorcet 216-285 

Condamine    (De    la) 111-419 

Condé  (Prince  de) 394-398-399-401-403-410 

Conti  (Prince  de) io3 


Table  des  noms  propres.  _/_s;i 

Conti  (Princesse  de) ;,;,, 

Copin  de  Gant,  peintre _.<) 

Copin,   peintre i  -  , 

Cormont   (Thomas  de),  architecte 376-417 

CORBET ^()(| 

CORBEIL 3y5 

Cordav  (Charlotte) 285 

Corneille  (Thomasl 410-425 

Corneille  (Pierre) 1  34 

Corneille  (Michel) 202 

Cornu  (Jean),  sculpteur 36q 

Coste  (Jean),  peintre i-[ 

Cot,    peintre 4,62 

Cotte  (Robert  de\  architecte 121 

Courbe i25 

Courbet,  peintre 241-265-266-440 

Court  (Jean  de),  émailleur 5g 

COUTHON |25 

Courtois  (Pierre) 336 

Coursube  (Le  roi) 41 

Cousin  (Jean),  peintre  et  sculpteur  ....    146-390-391-392 

Cousinet  (René) 33- 

Coustou,  sculpteur 96-403-405-416 

Coustou  (Nicolas),  sculpteur 403-404 

Coustou   (Guillaume),   sculpteur 405 

Couture,  peintre 241 

Corte  (Jean) 171 

Coypel  (Antoine',  peintre 106-162 

Coysevox,  sculpteur.  .   .     96-309-309-400-401  -402-403-41  2 

Cranack 1 44 

Crauk,  sculpteur xxv-465 

Crébillon 1  12-407-414 

Créquy  (Maréchal  de' 4o5 

Créquy  (François-Emmanuel  de  Bounne  dei i85 


484  Histoire  du  Portrait. 


Croisette  (Jean  de),   tapissier 88 

Croizette  (Mlle) 448-446 

Crozatier 162 

Crevel  (Jacques) 202 

CURMER 25 

Cuvier  (Georges) 425-427 

Cyran  (Abbé  de  Saint-) 101 

CZARTORISKI 348 


D 


Dagobert    Ier 38-272-355-375 

Dagobert  III 355 

Dambail  (Marquis  d') 116 

Damet  (Renaut) 53 

Damet  (Guillaumel 277-278 

Dampierre  (A.-C.-H.    Picot  de) 285 

Dampierre  (Gay  de) 314 

Dangeau 337 

Dantan,  sculpteur 426 

Danton 211 

Darboy  (Mpr) 450-464 

Darcel 52-53 

DARCET 225 

Dardel 411 

Daret    (Pierre),  graveur 2  52 

Darru 233 

Daruk 320 

Daumas 41 3 

Daulle,  graveur 1 85 

Dauphin  (Le) 184-189-418-424 

David  (Emeric 70 

David 1 24-1  3q-2 10-2  1 1-2  12-226-230-243-245 


Table  des  noms  propres.  #85 

David  (De  Paris),  verrier 7 5 

David  d'Angers,  sculpteur xxm-41 1-425-427 

David    Le    Marchand (69 

Deraq 411 

Débonnaire  iLouis  le^ 3  ri 

Decaze  (Duc  de' 1  36 

Delorme  (A.) [25 

DeCOTTE 121 

Delaborde  (Vicomte    H.i.     1 56- 168- 196- 199-209-2 10-2 12- 

224-226-228-233-234-244-245-246-257-3 1 3-329-334 

Delacroix  (Eugènel 2  3  2-2  58-2  5<i 

Delafosse 162 

Delaistre 411-41  3 

Delaudin  d'Aigaliers 14g 

Delaunay  lElie\  peintre 461 

Delaunay  (Jean),  imagier 33j 

Delaune   (Etienne^,  graveur 14S 

Delescluze 241-254-260 

Delessert  (Gabriel' 236-238-448 

Delaroche 247 

Default ; 33 1 

Dejout 416-499 

Delorme  (Philibert 9'-'4^ 

Delorme  (A.) 125 

Deguerry  (Abbé 4'»i 

Demétrius 292 

Demidoff  (Prince  deï 1  36 

Desmaisons 210 

Denizot  (De  Troyes) 378 

Denner,  peintre !" 462 

Denon i32-23o 

Denisot 4°" 

Denys  (Saint) 3i8-3iy 

Descartes  (René) 400-42M 


486  Histoire  du  Portrait. 

Deschauffour,  sculpteur 35 1 

Desmaisons 210 

Desmarets  (Nicolasi i85 

Desportes  (Philippe),   poète 3g3 

Despréaux  (Boileau) 182-398 

Diane  (De   Poitiers) 56 

Diderot.  .      1 09- 1  1 7-1 19- 12  8-207-208-407-4 14-4 15-41 6-4 17- 

4 1 8-41 9-420-42 1  -422-443-458 

Didot  (F.) 143-145-146-150-1 57-1 58-163- 167-1 68 

Didier 3io 

Didron 79 

Dieudonné 243 

Dihl 79 

Diom  (Chrysostome) xiv 

Dominiquin  (Le) 395 

domitien 59-297 

Dormane  (Jean  de),  évèque 384 

Doublet  (Jacques),   historien 82 

Dreux  (Yolande  de) 304 

Dreux  (Alfred  de) 304 

Drevet  (Pierre-Imbert) 161 

Drevet  (Claude) 161 

Drevet  (Pierre),  graveur 16 1-20 1 

Drevet   (Les) i63 

Drevet 1 85 

Dyck  (Van) .  .     xv-150-151-166-189-193-194-195-200-202- 

225-253 

Drouais,  peintre 116-207 

Drouin  (De  Nantes) 378 

Drouot 237 

Droz,  graveur 288 

Dubois  (Paul),  sculpteur  et  peintre.  .  .    xxiv-43 5-436-437 

Du  Bourg,  tapissier 92 

Dubufe,  peintre 203-415-444 


Table  des  noms  propres.  _/,V- 


Duchange  ^Gaspard;,  graveur 162 

Duchatei.  (Ct0) ^y\ 

Duclos  (La) 102 

DUFAURE 4t')0 

Duflos  (Claudel [85 

DUFRESNOY 182 

DUKRESNE    ^Mmc) 2IQ 

DUMAREST 284 

DUiMAREST 284   288 

DUGUESCLIN ()4 

Dumas  (fils,  Alexandre) 4o5 

DUMON 41(1 

Dumont  (Le  Romain) 121-412-409-411 

Dumonstier  (Daniel) 1  5 3- 1  75 

Dumesnil  'Debrugei '. 297 

DUMOURIER 2*4 

DUMOURIER  ^G.-F.l 284 

Duperac  (Etienne) <j5 

DUPATY 412 

Dupin 236-238 

Duponchel,  sculpteur 3Ô2 

Dupont  (Henriquel) 165-248 

Dupont  de  l'Eure 244-245 

Dupré,   graveur 280-287-289 

Dupuy  (Jacques" 104 

Dupuy  (Pierre) 104 

Dupuy  (Général] 411 

Duplessis  Georges) 1  -4 3 - 1 1 > 7 

Durer  (Albert) ■ 144-166-463 

Duroc 233 

Duruy 4511-460 

Duval 125 

Duval  (Amaury) 125-260 

Duvet  (Jean),  graveur >4S 


488  Histoire  du  Portrait. 


Duvivier  (Benjamin) 283 

Duvivier  (Denis) 420 

Duquesne 411 

Duvivier,  graveur 288 


E 


Ëberard  (De  Fouilloy) 376 

Edelinck.  (G.),  graveur 137-1  59-185-184-201 

Egmont  (Juste  d') 64 

Elisabeth  de  France 207 

Elisabeth    d'Autriche 99"I77~I7^ 

Elisabeth  d'Angleterre 296 

Elliot  (Le  général) 411 

Enault  (Louis) 43 1 

Enguerrand,  architecte 376 

Érasme 144 

Ebrard 101 

Ermold  le  Noir 22 

Espagne  (J.-L.cT) 411 

Este  (Anne  d) 5j 

Este  (Cardinal  d') 182 

Esterhasy  (Princesse  d') 206-214 

Estouville  (Guillaume  d') 281 

Estrék  (Gabrielle  d') 102-149-335 

Etienne  IV 3 10-4 11 

Étioles  (Jeanne-Antoine-Poissons  d),  (la  Pompadour)     207 

Eudes  (Roi  de  France). 356 

Eudes   de    Montreuil,  architecte 377 

Eudoxie 3o6-365 

Eugène   IV 3 18 

Eusèbe 3o5 

Ëvreux  (Pierre  d') 389 


Table  des  noms  propres.  js,, 


ÉVERARD  (Cte] 

F 


210 


F'abre  d'Eglantine 

Falconet 415-416 

Falguière,  sculpteur xxx 

Farlure [25 

Fauveau  (Mlle  de).  .      244 

Favart  (Pierre),  graveur I(>3 

Fayre  (Jules) 41,5 

Félibien 325 

Félix  d'Anceurre,  orfèvre 326 


Ferdinand. 


277 


Fernel  (Jean) 287 

Ferronnière  (La  belle) 223 

Fessaro 4 1 3 

Feuillet  de  Couches xiv-.\\-\\\ 

Feydeau  (Mme) 441-441") 

Ficquet  (Etienne,    graveur 1 63 

Finiguerra,  graveur 141 

Fiocre  (Mile) 465 

Fitz-James 1 3  5 

Flandrin  (Hippolytel 260-261-262-263-264-265 

Fleuranges  (maréchal  de) 44 

Fleury  (Jehan) 326 

Florentin  ;de  Saint- 2o5 

Foix  (Général) 411 

Fontami 21g 

Fontanges 181 

Fontenay  (Julien  de) 2g5 

Fontaine  (La) 201 

Fores  ri  (Jacques,   graveur 144 

56 


4qo  Histoire  du  Portrait. 

Fornazezis  (Jacques  de),  graveur i5o 

Fortin 409 

Foucquet  (Jean),  miniaturiste 43-98-171-175 

Fould 2  36 

Foulques  (V. 71 

Foulques 3 1 5 

Fouilly  (De) 377 

Fouilloy  (Evrard  de) 384 

Foyatier,  sculpteur 412 

Franceschi,  sculpteur xxv-465 

François 416 

François  Ier  .     99-145-149-1 73-1 74-1 75-1 77-270-274-276- 

294-299-330-331-342-388-391 

Franconi 239 

François  II 177-386-388 

François  d'Orléans 171 

François  de  Troyes 189 

Fragonard,  peintre 1 2  3 

Franklin 419 

Frédegonde J79 

Frédéric  V 206 

Fremin  René 11 1 

Freminet  Martin 3p3 

Freteau 1 38 

Froissart 325 

Fulchin  (Cyprien),  brodeur 84 

Furetière  (De) io5 

Furstemberg  (Prince  de) 402 


G 


Galba 297 

Galant  (Jehan) 332 


Table  des  noms  propres.  _/.(/ 1 


Gaillard 462-463 

Galbout 239-245-425 

Gailhabaud îù? 

Gainsborough 444 

Galimard 240-246 

Galitzin  (Princesse) 214 

Gall  (Abbaye  de  Saint- $  1 

Galles  (Prince  de) 20? 

Galloche 20? 

Ganière,  graveur 1  5 4 

Gargoulle  (Guillaumel 327 

Garnier.  architecte 43g 

Gaston  de  France 3g6 

Gatteaux,  graveur 288-412-413 

Gaucher  (Etienne),  graveur iG3 

Gaultier  Léonard,  graveur 14X 

Gausmar  (Abbé  de  Savigny) 3it"> 

Gauthier  (Théophilei 252-261 

Gauthier  de  Coinsy 34 

Gauthier  la  Chapelle 21g 

Gauthier   d'Avesnes 304 

Gauthhr  Léonard 1  5o 

Gayrard,  graveur 287 

Gazeau  (J.) 145 

Gellone 2  5 

Gendre  Jacques 386 

Gêniez  (De  Saint- 202 

Geneviève  (Sainte) '>s 

Gensonné 208 

Geoffroy,  e'vêque  d'Auxerre 3 1  7 

Geoffroy  d'Eu 377-384 

gérarde  gassinel 41 

GÉRARD 2l6-223-224-225-226-227-228-229- 

230-234-257-258 


4Q2  Histoire  du  Portrait. 

Gerbin 41 5 

GÉRKNTE(Henri|,  verrier 97 

Geret,    sculpteur 36q 

Gericault 165-218-242-243 

Germain  (Pierre) 337 

Gervais  (Abbé) 3 19 

Germain  Thomas 338 

Gérome,  peintre 465 

Gesvres  (Marquis  de) 397 

Geyrard,  graveur 288 

Ghiberthi,  sculpteur 339 

GlACOMOTTI 462-436 

Gieffroy  de  Mantes,   orfèvre : 32b 

Gillain,  peintre 116 

Gilles,  abbé  de  Saint-Denis 323 

Giotto,  sculpteur 170 

Girait  d'Orléans 171 

Girard  Débonnaire 337 

Girard  de   la  Chapelle,  verrier 75 

Girardin  (Emile  de) 446-448 

Girardon  (François),   sculpteur.  .     95-1 12-162-369398-399 

Girard  le  Nogat,  verrier 76 

Girardon,  sculpteur 121-398-399-490 

GlRODET 220-22I-222-223-230-23  1-232 

Giroust  Marie-Suzanne  (Roslin) 121 

Gobelins 85-92 

godefroy  de  bouillon 1 7  i 

godefroy 125 

Godefroy  (Th.) 33o 

Goire   (Amaury  de),   tapissier 87 

Gois 145-418 

Goltzius,  graveur 145 

Concourt  (De) 110-123 

Gondescalc 26 


Table  des  noms  propres.  403 

Gonzague  (Louis-Marie  de 64 

Gori 365 

GouNon _j.(>5 

Goujon  (Jean) 98-368-390-400-425 

Gouvion  Saint-Cyr 2111-41  [-42S 

Gou y  ^Elisabeth  de) ki5 

Graffigny  (Mme  de) 2o5 

Granthomme  (Jacques),  graveur 1  5o 

Grateloup  (J.-B.),  graveur i63 

Grault 24<i 

Gravet  (Jean),  orfèvre 336 

Gravelot na 

Grégoire 210 

Grégoire  III,    pape 20 

Grégoire  de  Tours 20 

Grégoire  XVI 24S 

Grenoble  (Jacquet  de) 3o3 

Gresset 2o5 

Gretry 421 

Greuze 1 23-200-207-209-2  1 3-2 18 

Greuze  (Mme) 208 

Grévy 483 

Gros  (Baron) 94-125-229-230-231-232-233-41 1 

Guay  (Le),  graveur 296 

Guerchin 411 

Guérin  (Jean),  miniaturiste  ....       1  38-1  39-230-234-235- 

399-400-41 1 

Guérin  (Pierre) 258-400 

Guersault 105-41 1 

Guiard  (Mme),  miniaturiste   . 139-140 

Guiche  (Duchesse  de) 2 1  5 

Guillain  (Simon) 394-395 

Guillaume,  statuaire xxiv-45o-45i 

Guillaume,  orfèvre 170-281-323 


4g4  Histoire  du  Portrait. 


Guillaume,  fils  de  Hugues 383 

Guillaume,  évêque  de  Nîmes 170 

Guillaume  Çanonce,  verrier 75 

Guillaume  Damet 277 

Guillaume  de  Bailly,  peintre  en  miniature 39 

Guillaume  Delanoë,  verrier 76 

Guillaume  de  Brisacier 184 

Guillaume  de  Francheville,  verrier 75 

Guillaume  de   Gradville,  verrier 76 

Guillaume  Gargoulle 327 

Guillaume  et  Jean  Barbe,  verriers 76 

Guillaume  le  Taciturne 43o 

Guillaume  le  Conquérant 82-317 

Guillermin  (J.-B.\  sculpteur 36q 

Guillon  Philippe 400 

Guise  ^Duchesse  de) 57 

Guise  (Duc  de) 281-342 

Guizot xxvi-2 18-222-224-23 1-248 

Guizot  (MmC) 244 

Gutenberg 141 

Guy  de  Dampmartin 3 77 

Guyeti   Luazar,  brodeur 84 

Guyeti  Barthélémy,  brodeur 84 

Guy  le  Maçon 377 


H 


Haligre  (Claude) 21 8-33 1 

Hamilton  (Lady) .     21  3 

Hancy  (Du),  sculpteur 35 1 

Hannequin  du  Vivier,  orfèvre 327 

Harcourt  (Armande  de  Lorraine  d') 1 83 

Harcourt  (Comte  d') 180-407 


Table  des  noms  propres.  4g5 

Harlay  (Président  de) 402 

Harmon  (Les),  seigneurs  de  Champigny 385 

Haussonville  (d') 2411 

Haye  (René  de  la) 33t> 

Hayem 457 

Haynion 3a 

Hébert  Roland,  archevêque 1  54 

Hébert,  peintre 2Ô5 

Heldric  (Abbéi 3-2 

Hélène  (Sainte) 3<*>2 

Héloise 42 

Helst  [Van  der) 193 

Héman  (Pierre),  orfèvre 336 

Henner,  peintre 435-451-452 

Hennequin  Moulone,  verrier y5 

Henri 1  38 

Henri  1 3 12 

Henri  II.   .   .      102-103-177-178-270-277-278-279-332-333- 

381-382-392 

Henri  III io3- 177-278-334-342-392 

Henri  IV.   .   .      102-106-143-144-150-179-1(39-279-275-334- 

335-393 

Henri  de  Lorraine 180-387-402 

Henri  II  de  Joinville 287 

Henri  de  Malines,  verrier 75 

Henriquel  Dupont,  graveur 164 

Henry 327 

Herbault  (Marquis  d') 161 

Herbert,  moine '7° 

Herculanum 67 

Héribrand  (Abbé  de  Tury) '7° 

Herivée  ,  archevêque  de  Reims 3i5 

Herouard i5a 

Herol  (Legendre) 4ia 


tf.g6  Histoire  du  Portrait. 


Hervé  vM»,0i   .   .   . 244 

Herzog  (Mme) •  .   .  452 

Hesselin 397 

Hildegarde  (La  reino 26 

Hincmar  (L'archevêque) 3i2 

Hiolle,  sculpteur 4b5 

HlPPOCRATE XIII 

Hoche    (Général) 411 

Hocquart  (Mme) 210 

Hodin,  miniaturiste 3(j 

Hoisson  (Guillaume),  lapidaire 2q5 

Holbein  (Hans    .   .     xv-144-166-175-182-249-253-450-463 

Hollande  (Roi  de; i32 

Homère xm 

Honorius 309 

Honragin    (Alexis' 214 

Hortense  (Reine) i32 

Hospital  ^Chancelier  de  1') 147-400 

Houcel : 417 

Houdon 419-420-423-435 

Hubert,  miniaturiste 3q 

Huberti  (Mme  de  Saint-) 344 

Huet    (Guillaume) 327 

Huez  (d') 41  5-4 19-4 18 

Hugo    (Victor) 426-438 

Hugues  de  Sienne 181 

Hugues   de    Lusignan 3o3 

Humbaud.  évêque 169 

Hurault,  vicomte  de  Chiverny 282 

Huret  (Grégoire),  graveur Ô4 

Husse  (Jehan) 327 


Table  des  noms  propres.  aqj 


Ingobert,  miniaturiste 30 

Ingres  iM1»0) 249 

Ingres.  245-249-250-25  1  -2  52-2  53-2  54-2  55-2  56-2  57-262-263 

Innocent  X [gj 

Isaac   (Jaspar),  graveur 1  5  I 

Isabeau  de  Bavière ai 

ISABEY 123-128-133-223-228 

Iselin,  sculpteur \w-4t0 


Jabach 3(|- 

Jacob 426 

JACQUEMART   (Nélic) 459-460-461 

Jàcquemin  dit  Gringonneur,  miniaturiste 38 

Jacques 4Û2 

Jacques  II 192 

Jacques  V (.43 

Jacques  Cœur 41 

Jacques  Gendre 386 

Jacques  des  Stalles 378 

Jacquet,  peintre 4''2 

Jacquet  (Les  frères),  sculpteurs 35 1 

Jacquevrart,  miniaturiste 3g 

Jafferson 42  5 

Jaillot  iSimoni,  sculpteur 36g 

Jai 1  3o-234-i 37-232-245-1  34-424-1 29 

Jalabert 4'  '- 

Jaley 429-427 


4g8  Histoire  du  Portrait. 

Janet 17(5 

Jayet 38(» 

Janson 40? 

Jean  d'Alger 145 

Jean  d'Amboise,  miniaturiste 42 

Jean  Coste,    miniaturiste 38 

Jean  de  Beaume,  verrier. -5 

Jean  de  Berry 172-366 

Jean  de  Blois,  peintre 171 

Jean  de  Bruges,  miniaturiste 39 

Jean  de  Chartres 377 

Jean  de  Chelles 377 

Jean  Delaunay 377 

Jean  de  France 3o3 

Jean  Gossard,  miniaturiste 43 

Jean  de  Liège 377 

Jean  de  Montmartre,  miniaturiste 39 

Jean  le  Normand,  verrier 76 

Jean  de  Pozay,  miniaturiste 43 

Jean  Riveron,   miniaturiste 43 

Jean  de  Roubaix 304 

Jean  de  Saint-Romain 377 

Jean  de  Vitry 386 

Jean  sans  Peur 389 

Jean,  fils  de  saint  Louis 377 

Jeanne  d'Albret 279 

Jeanne  d'Arc 59 

Jeanne  de   Navarre 3o2 

Jeanne  de  Bourgogne 3o2 

Jeanne  d'Auvergne 366 

Jean 3o2 

Jeanrot  (Etienne) 208 

Jehan  Alaman 378 

Jehan  Juste 386 


Table  des  noms  propres.  _/_t,it 


Jehan  de  Montreux 32t'( 

Jehan  Picquignv,  orfèvre ;..- 

Jehan  de  Saint-Eloy,  peintre ,-i 

Jehan  Simon,  verrier 

Jehan  de  Toul.  orfèvre :, 

Jehan  de  Vertas -- 

Jeuffroy,  graveur 2S8 

Jey 236 

Jolain,  graveur i  5^ 

Josbert,  moine 3 16 

Josèphe 172 

Joséphine   (Impe'ratrice) 218-225-232-42J 

Joubert  (Général) 411 

JOUFFROY   287-288-296 

JOURDAN 264 

JOUVENET <>3-4  I  I 

Jouy  (De) 236-424 

Jubinal  (Achille) 90 

Judith 3  1  3 

Julien 416 

Just  (Saint-) 125-2 11 

Justinien 307 


K 


Kem.ermann  (Duc  de  Valmy] 411 

Kensington 57 

Ki.ebert 138-41  ! 

Kourakin  (Le  prince '. 12g 


5 oo  Histoire  du  Portrait. 


LABADYE 123 

Labarte  (Jules) XXV-49-278-30G-3 36 

Labbé,  historien 8G 

Laborde  (Léon  de) 174-366-368 

LACAZE 123 

Lacordaire,   historien 85 

Lacroix,  ivoirier 3jo 

Lacroix  (Paul) xxv 

Lafayette  1 38-283 

Lafontaine,  peintre 171 -201 

Lagneau  ou  Lanneau xvii- 106 

Laharpe 411 

Laideguive 112 

Lalande 41g 

Lalèvre  (Thibault),  verrier 77 

Lamartine 431-432 

Lamballe  (Princesse  de) 284 

Lambert 204 

Lambert,  sculpteur 34g 

Lambert  (Hélène) 192 

Lambesc  (Princesse  de) 204 

Lambinet 3 1  3 

Lamennais  (De) 235-244 

Lameth  (Les  frères) 1 38 

Lamothe-Levayer  (De) io5- 1 55 

Lange  (MUc).  .  ' 221 

Langlois,  historien 67 

Laon 374 

Larcher  (Michel) i5e 

Largillière 161-190-191-192-193-200-235-433 


Table  des  noms  propres.  5o  / 


Larrey 12  I 

Lasne  (Michel),  graveur ,53 


Lassalle 2: 


9~230-233-4  1  2 


LASTEYRIE   iDl' 2  5-So 

Latouche-Trévillk  iVice-amiral _^  t  ■_> 

Latour io5-io8-i  16-1 18-120-1 39-207-417 

Laudin  Jacques) 5q-6o 

Laudin  (Nicolas) 5- 

Laudin  (Noël),   émailleur 5« 

Laure ]  -  ! 

Laurens  (J.-Paul) ^t',2 

Lauriston  (Maréchal  de) ^12 

Lautrec  (De) ^ 

Laviron 239-245-425 

Lavallière  [Ml,e  de) t"i_j. 

Lavoisier(M.  et  Mme) 210 

Lebec  (Simonnet) .\>- 

Leblanc  (L'abbé) 1  1  ô 

Le  Blond  (Jean),  graveur 1  54 

Leblont  (Pierre),  orfèvre 326 

Le  Bourg,  sculpteur xxv-465 

Le  Bouthillier  (V.) io5 

Lebraellier  (Jehan),  orfèvre 326 

Lebret  de  la  Briffe  (Mme) i<)5 

Lebreton 225 

Le  Brun 98-107-120-3MS-401-41 2 

Leclerc  (Maréchal; 412 

Le  Comte 416 

Le  Corrège 3<)3 

Lecouvreur  (Adriennei [6i 

Lecoueteux  (Mmc) 210 

Leczinska  (Marie) 101-1 11-403 

Lefebvre  vClaude),  peintre 1 57-1 86-1 87-1 89-400 

Lefebvre   (Jules),    peintre 455 


502  Histoire  du  Portrait. 

Lefi.ameng  (Gui-),  miniaturiste 44 

Lefuel,  architecte 464 

Legangneur  (Guillaume),   graveur i5o 

Legaré  (Gédéon),  orfèvre 336 

Legaré  (Gilles),  orfèvre 337 

Legaré  (Laurent),  orfèvre 336 

Legendre  (Roberte) 390 

Legouvé 461 

Legrand  (Comte) 23o-23i 

Lehongre  (Etienne) 397 

Le  Long  (Le  père) 167 

Lemaire 400 

Lemercier  (Jacques),  architecte 98 

Lemoiturier  (Antoine) '. .  .  .     386 

Lemoque 162 

Lemot  (Baron) 409 

Lemoyne(J. -Louis),  sculp.    1 12- 140- 162-205-407-408-4 14-41  5 

Lenain,  peintre 179 

Le  Nôtre  (André),  architecte 93 

Léonard 45o 

Lenfant  (Jean),  graveur xvm-i6o-i83 

Lenoir  (Alexandre) 287-369 

Lenôtre 402 

Léon  III.  pape 20009 

Léon  X 173 

Lepelletier  de  Saint-Fargeau 285 

Lepelletier  ^Claude),  président  à  mortier 1 85 

Lepèrf.  (Jean),  fondeur 275 

Lerambert  (Louis),  sculpteur 91-397 

Leroy  (De  la  Boissière  Jehan) 149 

Lescot,  orfèvre 337 

Lescot  (Pierre),  sculpteur 95-351-426 

Lesdiguières  (Le  duc  de). i85-20i 

Lesseps  (F.  de) 438 


Table  des  noms  propres.  So  >' 

Lesueuk  [Eustache] 95-412 

Letellier  (Maurice),  archevêque [84 

Lethierk 1 65 

Leu  (Thomas  de),  graveur 14S-1S1 

Levaii.lant,  dessinateur wn 

Levasseur  (Jacques;,  graveur [48-149-331 

Levieil,  historien 67 

Levieux 400 

Levy,  historien 68 

Leyde  (Oscar  de) 14b 

Liancourt 285 

Libergiers  (Hues),  architecte 376-379 

Lichtemon,  peintre 171 

Liénard 287 

Ligdamis  (Le  roi) 102 

Ligny  (Dominique  de) io5 

Lille  (Simon  de),  orfèvre 32b 

Lille  (Jehan) 32b 

Limbourg  (Paul  de),  peintre  miniaturiste 3<j-i~2 

Limoges 374 

Limosin  (Léonard  Ie1'1 55 

Limosin  (François  II) b? 

Lithuard,  miniaturiste 3i 

Litz  (Frantz) 244 

Liuthard,   miniaturiste 3o 

Live  (De  la) 4'7 

Lobau  (Maréchal) 412 

Loir  (Alexis),  orfèvre 337 

Loisonnier.  sculpteur 33 1 

Longueville  (Duc  de) 100 

Loret  (Jean) »o5 

Lorin  de  Chartres,  verrier 79 

Lorme  (Philibert  de) 3g3 

Loroux 7' 


So./.  Histoire  du  Portrait. 

Lorrain  (Claude) 4°(J 

Lothaire 272 

Loudun  (Eugène) 240 

Louis-Charles  (Duc  de  Normandie) 283 

Louis  d'Orléans 41 

Louis  le  Débonnaire 2720  1 0-356 

Louis  de  France  (Louis  XVT 1 1 1 

Louis  le  Hutin .' 32b 

Louis  le  Jeune 320 

Louis  de  Flandre 3o4 

Louis  d'Outre-mer 356 

Louise  de  Savoie 82-274 

Louise  de  Lorraine io3 

Louis-Philippe 127-1 3o-235-288 

Louis  Ier 272-312 

Louis  II 356 

Louis  ou  Loys  III 356 

Louis  IV 272 

Louis  V 3:>7 

Louis  VI 357 

Louis  VII 357 

Louis  VIII 357077 

Louis  IX i79-3o2-3o3-322-323-357 

Louis  X 358 

Louis  XI 358 

Louis  XII 173-274-329-33 1-342-358-386-388 

Louis  XIII.   .     1 32-i  5o-i  52-i  79-185-280-282-292-295-358- 

394-395-396-397-400-405. 

Louis  XIV.  .     107-156-157-160-174-183-192-196-296-282- 

336-394-395-398-399-400-401-402. 

Louis  XV 101-1 1 1-161-197-282-405-407 

Louis  XVI 2o3-282-283-285 

Louis  XVII 287-398 

Louis  XVIII 225-23o 


Table  des  noms  propres.  5o5 

Louvois 3  99-40  i 

Lozé 42a 

Loyse  (Reine  de  France) J41 

Loyola  (Ignace  de) 5q 

Loyseau  (Guillaume),   peintre 171 

Loyset  (Gérard),  orfèvre 

LuiTPRANûi 3o8 

Lulli 41  s 

Lussier  (Jean) 

Lusson  de  Mans,  verrier 79 

Luther 54 

Luynes  (Duc  de) 362 

Luzarches  (Robert  de),  architecte 376 


M 


Mac-Mahon  (Maréchal  de) 465 

Madrin,  verrier 7b 

Magdeburger  (Jérôme) 27.Î 

Mahart  de  Chatillon 3o3 

Maintenon 181-190 

Maitte 412 

Mallery  (Charles),  graveur i5o 

Maillard  (Estienne),  orfèvre 32Ô 

Maillard 

Mainard  (Le  président) 392 

Maintenon  (Mmo  de) 64 

Malherbe  (Marquis  de  Silleryl 100 

Maloet 13S-407 

Malakoff  (Maréchal  de) v^ 

Mansard 

Mansion ■     4 1 3 

Mansoit 402 


5o6  Histoire  du  Portrait. 

Mantes  'Geoffroy  de) 32b 

Mantz  (Paul) 439-454-462 

Manuel  (Les  frères),  miniaturistes 38 

Marat 21  1-287 

Marc  Duvai xvn 

Marceau 4:2 

Marchand  (David  le),  sculpteur 370 

Marciu.at  (Guillaume  dei,  verrier 78 

Mahkt  i Antoine) 149 

Maréchal  de  Metz,  verrier 79 

Marie-Antoinette 21 3-2 1  5-286 

Marie-Adélaïde  de  Savoie 192 

Marie-Louise 173 

Marie  de  Lorraine .     184 

Marie-Leczinska 2o5 

Marie-Louise 1 27-1 29-2 14-225 

Marie-Stuart • 107-175 

Marie-Thérèse 108-214 

Marguerite  d'Autriche 385 

Marguerite  d'Anjou 3o3 

Marguerite  de  France 174 

Marguerite  de  Provence 74 

Mariette 109-1 12-173-189 

Maridat i55 

Marillac  (Michel  de) 1 54 

Marigny  (Marquis  de) 65-2o5 

Marmion,  miniaturiste 43 

Marolles io5 

Marot  (Clément) 173-042 

Marseille 374 

Martel 55 

Martène 365 

Martenne,  historien 86 

Martial  Beyraud 409 


Table  des  noms  propres.  5oy 

Martin  (Jean) i_p 

Martin  (Henri) 2  4 '3 

Martin  de  Tours  (Saint 20 

Masséna 

Masson  (Antoine),  graveur I22-i6o-i83-i85 

Masson 1S0-41 1-409 

Massard  (J.-B.) 125 

Materon 193-194 

Mathilde  (La  reine' 82-90 

Mathilde  (Princesse) 465 

Matignon  (Mme  la  Maréchale  de) r38 

MATTEO  DEL    NASSARO 294 

MAUSOLE [02 

Maudelot  (François  de) 282 

Maugot  (Pierrel 33 1 

Maupertuis  (De) 202 

Maury 423 

Maussion 40g 

Maximilien  d'Autriche 100 

Maximilien  Ipr 144-14? 

Mazarin 1 56-i  60-1 80-1 81 -183-397-402 

Médicis  ^Marie  de) 103-149-280-295 

Médicis  (Cardinal  de) t82 

Médicis  (Catherine  de) 99-102-277 

Meilleraye  (Duc  de  la) <>4 

Meilleraye  (Maréchal  de  la) 3<|- 

Mellan  (Claude),  graveur ivni-i52 

Mellkin  (Henril,  peintre 76 

Mélun 374 

Ménard  (René) '....-  441 

Menageot,  peintre 9^ 

Merass 41  ' 

M.ERLEN 288 

Merlin   (M1"0) 220-298 


.5o#  Histoire  du  Portrait. 

Merlin  (Thomas) 336-427 

MÉROVÉE 271 

Mesmay  (De) 219 

Mesmer 422 

Mesmes  (Henri  de) i  54 

Métastase 164 

Metz  (Barbier  de) 3pg 

Meulen  (Van  der),  peintre 108-192 

Meunin  (Simone),  peintre 171 

Meyer  (Mlle) 219 

Michaut,  le  meunier 93 

Michel-Ange 387-395-412 

Michelet,  verrier 76 

Michelozzo 339 

Miel,  critique  d'art 225-232 

Mignard,  peintre 182-396-401-408-41 6-41 2 

Mignard  (Nicolas),  peintre 96-180-182 

Mignard  (Pierre),  peintre 1 81-1 85 

Milan  (Dominique  de) 294 

Milan  (Jean  de) 294 

Milet  ou  Mile,  sculpteur 369 

Millet  (Aimé),  sculpteur 465 

Milnech  (Bernard),  graveur 142 

Mirabeau 1 25-138-283-419-427-428-429 

Mirbel  (Mme  de),  miniaturiste 1 3y 

Moitessier  (de) 249 

Mole  (Mathieu) 240-248-251 

Molière  (J.-B.  Poquelin^ 182-185-422 

Molinet  (Claude  du) 161 

Molitor 239 

Moncey  (Maréchal  de) 219 

Monot 416 

Monstier  (Antoine  du) 101 

Monstier  (C.  du) 101 


Table  des  noms  propres.  5oç 

Monstier  (Daniel  du) 101-102 

Monstier  (Etienne  du) 201 

Monstier  (Nicolas  du)  (ou  Du  Moustier) mi 

Monstier  (Pierre  du) 101 

Montaigne   (De) 221 

Montalembert  (Marquis  de 1  1  1 

MONTALEMBERT   (De) 453 

Montausier  (De) 401 

Montbrun  (Comte  de) a3o 

Montereau  (Pierre  de),  architecte 38o 

Montespan  (Mme  de) 64-190 

Montesquieu 3  70 

Montesquiou  (Fesenzac  de) 1 38 

Montglarive  d'Orle'ans,  verrier 77 

Montjau  (Madier  de) 236 

Montmorency  (Henry  de) 3g6 

Montmorency  (Anne  de) 44-3-T3 

Monyaerni,  émailleur 53 

Morangis io5 

Moreau  (Le  général) 125-225 

Moreau  (Le   jeune) [65 

Moreau  (J. -Michel),  graveur i<">4 

Morin  (Jean),  graveur [54 

MORNAY 260 

Morny  (Duc  de) 4(,? 

Morus  (Thomas) •'  '44 

Moskova  (Prince  de  la) 4'- 

Mosnier 202 

MOUCHY 4"' 

Mouchy  (Duchesse  de' 4(° 

Moulin,  sculpteur xxv-12.^ 

Mulard v-? 

Murât  (Caroline) ai4 

Murronis 4'- 


5 io  Histoire  du  Portrait. 


Museignoi.s,  miniaturiste 38 


N 


Nanteuil  .  .  .     G4-104-120-1  54-1 55-i  57-1  5<)-ir>5-i7--4i  2 

Nanteuil  (Robert),  graveur 1 83 

Nanthilde  (La  reine) 375 

Napier 214 

Napoléon 126-132-230-288-423 

Nassaro  (Matteo  del) 294 

Nattier  (Jean  Marc),  peintre 203-204-205-207 

Navarre  (La    reine  de) 342 

Navarre  (Blanche  de) 320 

Navarre  (Marguerite  de) 175 

Necker  (Jacques) 283 

Nemours  (Duc  de) 425 

Nemours  (Duchesse  de) 155-197-342 

Néron XIV-S97 

Ney  (Maréchal) 236-244 

Niel  (Mare'chal) 465 

Niewerkerke,  sculpteur 429 

Nigrand  (Catherine-Marguerite) i85 

Nigra  (Chevalier) 447 

Ninon  de  Lenclos 181 

Nolin  (J.-B.j,  graveur 1 85 

Nouailher  (J.-B.),  émailleur 58 

Nouailles  (Cardinal  de) 192 

Numatius,  évêque 20 


o 


Ohoranne,  sculpteur-orfèvre 3  16 

Odulfus,  moine  . 3 1 3 


Table  des  noms  propres.  5  /  / 


OiivA,  sculpteur xxv-464 

Olympia  (Signora) ,  s 2 

Orléans  (Duc  d') 132-171-226-238-249-283 

Orléans  (Duchesse  d') 122-127 


Ormesson  (Olivier  d') ,_._> 

Orry  (Philippe) ,,,_. 

Orsay  (Comte  d') [38-432-j  h 

Orsino 3^0 

Oryilliers  (Mm0  d') 210 

OTHON 2Q7-3 


.->  I  ' 


Oudiné,  graveur 288 

Oudiné  (Mmo) 260 

Oudry,  peintre q3-ii2 


Pacciodi,  historien 364 

Pacha  (Ibrahim) 1 36 

Paganini 425-427 

Pajol  (Comtei 1 36-i  37 

Pajou,  sculpteur   .  .  .     1 3<j-i  40-404-4 1  3-4 15-41 7-4 18-421 

Palikao  (Général  Montauban,  comte  de] 4'?^ 

Palissy  (Bernard),  verrier  et  potier 79 

Palloy    Le  patriote^ 284 

Pamphile  (Prince) 182 

Panckoucke  (Mmo) 241) 

Paré  (Ambroiseï 145-148-287 

Paris 373 

Parthénon 3Ô2 

Pasca  (M""1) -Ps 

Pascal  I0r 3i  1 

Pascon  (Jehan),   orfèvre ;~" 

Pasquier  (Duc) .' 236 


5 12  Histoire  du  Portrait. 

Passerat  (De) 398 

Passerat  (Jean) 174 

Passy  (Antoine) 219 

Pastoret  (Comte  de) 211-249-251 

Patenier 144 

Patin  (Guy) 122 

Paule  (Saint  François  de) ij3 

Pauline 5g 

Pecoul  (Mme) 210 

Peiresc  (Nicolas) ioo-i53 

PÉLISSIER    (Mllc) 465 

Pelletier  (Claude  le) 1 85 

Pénicaud  (Jean  II),  émailleur 54 

Pépin  (Le  roi) 272-293-355 

Perathon,  historien 85 

Percier ...  96 

Percy  (Comte  de  Northumberland) 64 

Perdigon  (Ml,e) 2o3 

Pereire  (Emile) 248 

Périgueux 374 

Périer    (Casimir) 427 

Pérignon,  peintre 445 

Pérignon  (Maréchal  de). 412 

Périn  (Louis),  peintre 122 

Perin  fils 122 

PERIN 125 

Périn  (de  Dijon),  peintre 171 

Pérouse  (La) 411 

Perpétuus  d'Angers 3 1 3 

Perrault  (Claude) g5 

Perréal  (Jehan),  miniaturiste 144-171-172-173 

Perreis,   peintre 39 

Perrier  (Ch.),  critique  d'art 262 

Perrin-Girole,  verrier 75 


Table  des  noms  propres. 


Perrier  (François),  graveur. ' i52 

Perroneau   iJ.-B.).   .  .     1 1 5-i  1 6-i  1 7-1 1 8-1 19-120-207-407 

PÉRUGIN 412 

Peruzzi  Benedetto,  graveur  sur  pierres  fines  ....     294 

Pesne (Jehan),  graveur i5q 

Petion  (J.) [38 

Petit  (Vincent),  orfèvre 

Petitot  iJean),    émailleur 60-61-1 

PÉTRARQUE 4-"l7l 

Pharamond 271 

Phidias 362-432 

Philibert  dk  Savoie 17S 

Philippe  (Le  frère 236-240-241-262-357 

Philippe  I 3? 7 

Philippe  II 302-357 

Philippe  III 3o3-357 

Philippe  IV  (Le  Bel) 273-302-357 

Philippe  V r 97-358 

Philippe  VI 358 

Philippe  le  Hardi 32 

Philippe-Auguste J77 

Philippe  le   Bel 323 

Philippe  de  Champagne 186 

Picart  (Jehan,   graveur 1 54 

Picquigny  (Jehan  de),  orfèvre -±, 

Pie  VII 21 1-2 12 

Pie  IX j'<- 

Pierre  de   Landes,   orfèvre 3>(> 

Pierre  et  Thibaut  d'Arras,  verriers 75 

Pierre  Jehan  du  Pins,  verrier 77 

Pierre  André,  miniaturiste 38 

Pierre,  abbe'  de  Grammont 17 

Pierre   (Saint) ;"-' 

Pierre  de  Solieks,    miniaturiste 38 


5i4  Histoire  du  Portrait. 

Piètre 4°° 

Pigalle,  sculpteur 121-400-404-413 

Piles,  historien xvin 

Pilon  (Germain),  sculpteur 334-391-392-411 

Pinaigrier  (Robert),  verrier 78 

Pinchon  (Jean),  miniaturiste '.       41 

Pinel,   docteur 424 

Piron,  poète 417 

Pisan  (Christine  de) 38-32  5 

Pisankllo  Vittore,  graveur 273 

Pisano  de  Vérone,  graveur 273 

Pitt    (Miss » 214 

Planche  iGustave) xxvi-i 36-24.3-250-260-427-430 

Plantagenet  (Geoffroy) 5o 

Plastel  Jacques),  miniaturiste 44 

Plattemontagne  (Nicolas  de),  graveur 1  54 

Pline xn-142 

Poilly  (François de),  graveur i6o-i83 

Poisson 225 

Poitiers   (Guillaume  marquis  de) 281 

Polignac  (Cardinal   de) 401 

Polignac  iDe) 214 

Pommier  (Abbé) 1 63 

Pompadour  (M"1C  de) 1 1 1-1  1  2-1 63-164-206-406 

Pompée 298 

Pompeï 67 

Pomponne 1  5  5 

Poncet  (H.),  e'mailleur 59 

Poniatowski  (Stanislas),  roi  de  Pologne 296 

Ponté  Corvo  (princesse  de) 225 

Porbus,  peintre 179 

Pot  (Jean  et  Nicolas  le),  verrier 78 

Pouchet  1  Louis  de) 3go 

Pouget  [Marguerite] 114 


Table  des  noms  propres.  5  1 5 

Pourtalès 248 

Pourtalès  (Mmo  de) 444-441". 

Poussin  (Nicolas) 96-160-182-1861396-402 

Potocka  (Princesse  de 214 

Pozzini   (Jean-Baptiste 34 

Pradier,  sculpteur 4;"-4^  1 

Prat  (Cardinal  du 

Préault,  sculpteur 42i*>-4t>:> 

Prévost  (Jacquesi,  graveur 14S 

Prieur  (Barthélémy) 211 

Prim  maréchal) 4 5< ( 

Primatice  (Le) 412 

Provence  (M.  J.  del 1 38 

Provence  (Comte  de) 418 

Provence  (Marguerite  de J02 

Prud'hon,  peintre 217-218-219-412 

Pucelle  (René 161 

Puget,  sculpteur 404-412 

Pujol  (Abel  de),  peintre 

Pulchérie 307 


Q 


Quesnel  (François  ,  dessinateur 102 

Quesnel  (Pierre),  dessinateur io3 

Quesnel    (Nicolas) '  •     io3 

QUINAULT 4l3-4l8 


R 


Rabel,  graveur 148-149 

Rabelais 


5i6  Histoire  du  Portrait. 


Racine 202 

Raederer  (L.-L. 1  38 

Ragot,  graveur j  54 

Raimondi  (Marc),   graveur 144 

Rambaldis,  miniaturiste 3g 

Rameau 41 6-41 S 

Ramel   Bénédict '3  52 

Ramenaut  (Boniface  de),  miniaturiste 43 

Raoul,  orfèvre 322-356 

Raphaël 240-253-2  56 

R  \sr.\10FSKi  iComte  Cyrille) 20G 

Rattazzi  (Princesse' 440 

Raudon,  graveur i85 

Rauge 412 

Raymond  (Pierre),  émailleur 58 

Raymond  de  Saint-Gilles 71 

Raynal  (L'abbé) 407 

Récamier  (Mme) i3  1-2 11-225 

Rechambault,   verrier 77 

Redouté,  peintre 225 

Regnaud  (de  Saint-Jean  d'Angely' 225 

Regnault,  peintre 129 

Regnault  (Henri),  peintre 45^-450 

Regnesson  (Nicolas),   graveur 1  54 

Reims 374 

Reitz  (Henri) 273 

Reizet  (Mœ0  de) 220 

Rembrandt i5i-i66-25g 

Remio  (Pierre),  peintre 3g 

Rémusat  (De) 24S 

Renard,  peintre 4(12 

Renaud 400-412 

René  d'Anjou,  roi  de  Naples 42 

Restout,  peintre 109-1  ii 


Table  des  noms  propres.  5 17 

Retour  (Robert),  orfèvre 327 

Retz  (Cardinal  de) iSi 

Rewbei r  38 

Reynie  [Gabriel  Nicolas  de  la' 1S4 

Reynolds,  peintre 448-449 

Ribf.ra.  peintre 25g 

RiboissiÈrf.  (Mmo  de  la 21 

Ricard,   peintre 447 

Richard   I Coeur  de  Lion J82 

Richard  (Abbé  de   Verdun     i6q-3i5 

Richelieu  (Cardinal) 187-398-401 

Richelieu  (Duc  de) 401 

Richemont  (Connétable  de ...j 

Richier  iLigier),  sculpteur 387 

Richier  Simon,  sculpteur 

Rigaud.  .     16  1-162,-190-192-193-194-195-196- 197-198-199- 

200-201  -40 1  -4 1 3-4  3  5 . 

Riquier  (Saint) 348 

Rivière  (Mme) 25o 

Robert  III 3o3 

Robert  (Hubert),  peintre 214 

Robert  (Le  roil 3  1  »">-3  1  7 

Robert  de  Luzarches,  architecte 377 

Robespierre 1 38-2 11-286 

Robia  (Luca  délia' ,  émailleur 33g 

Robin   Damaigne,  verrier 76 

Robinet  Testard,  miniaturiste 4^ 

Rochefoucauld  (Alexandre,  duc  de  la 284 

Rochefoucauld  (Duchesse  de  la' 122 

Rochefoucauld  ;  Duc   de  la] 1 38 

Rochefoucauld  (François  de  la i3g 

Rochefoucauld  iLiancourti 1 38 

Rochejaquelin  (Henri  de  la) -M 

Rochejaquelin    Louis  de  la -  -M 


18  Histoire  du  Portrait. 


Roger,  moine 170 

Roi. Ci 411 

Roland  (Mme) 214-219 

Roland 4 10-4 11 -4 12 

Roman k lu  (Francesco) g5 

Ronsard 1  53-i  73 

Rosalba xvii 

Rosset  (Joseph),  sculpteur 3yo 

Rossini 244 

Rosso  (Le) 340 

Rothschild  (Mme  de) 244-240-257-262 

Rothschild  (Gustave) 58 

Rouget,  peintre 95 

Rouillard  (Sébastien) 149 

Roullf.t  (Jean-Louis),  graveur 183-184 

Rouquet  (Andréa  émailleur 65 

Rousseau  (J.-J.) 11 1 

Roussel  (Jacques),  orfèvre 336 

Roussel  (Paul),  graveur 154 

Rousselet  (Gilles),  graveur 1  54 

Rousselin  (Saint-Albin) 211 

Royer(J.  le) 145 

Rueeis  (Laurent  de) 144 

Rubens 259 

Rude 411 

Rue  (Mlle  Leczinska),  miniaturiste i33 

Ruisdaei 41  3 


S 


Saby  (Jacques) 4o5 

Salmon,  peintre 3$ 

Salomon  (L'abbé) 3i 


fable  des  noms  propres.  5  i  g 

Saint-André  (Jean-Bon  de] -211 

Saint-Aubin,  graveur [63 

Saint  (Daniel     [2Q-i3o 

Saint-Fargeau  (Lepelletier  de) 

Saint-Florentin  (Comte  de^ 2o5 

Saint-Geniez  (De| 202 

Saint-Hilaire  (Général  de) 413 

Saint-Priest  (Jean  de) 275 

Saint-Priest  (Nicolas  de) 275 

Saint  Savinien 317 

Saint-Simon iq3 

Salvandy  (De) 248 

Sanche  le  Fort,  roi  de  Navarre 32  1 

Sansom,  archevêque  de  Reims 3 10 

Sansovino,  sculpteur .'i.^i 

Sarlovèse  (Fournien 283 

Sarrazin  (Jacques),  sculpteur 95-336-337-36q-3q5 

Savé 41 3 

Savoie  (Le  duc  de) 3^2 

Savoie  (La  duchesse  de) 3_|  2 

Savoie  (Marguerite  de) 17J 

Savoie  (Magdeleine  dei 3g3 

Savoisy  (Pierre  de) J84 

Sauval 179 

Sauvageot  51-275 

Sauzay ~7- 

Saxe  (Maréchal  de) [  1 1-204-407-4 1 3 

Saxe  (Marie-Josèphe  de) '  '  ' 

SCAPIN 420 

SCARRON  (Mmc) l82 

Scheffer  (Ary) 243-244-245-240 

SCHENAUX 2°7 

SchmiSt  (Georges-Frédéric),  graveur ">- 

Schomberg  (Maréchal) 64 


520  Histoire  du  Portrait. 


SCHOLASTIQUE 32  1 

Schneider -p3 

Schuppen  (Pierre  van),  graveur 162-183-184 

Schwarzemberg  (Princesse  de) i32 

SCHWITER 25q 

SÉBASTIEN    DEL    PlOMBO 4' 3 

Seguier,  chancelier 1 53 

Seigneur  (Du) 373-426 

Sémiramis 5() 

Serent  (Marquis de) 12? 

Serge  (Saint) 292 

Serlio 91 

Serre  (Marie) 400 

Serre  (Saint) 1  38 

Sévigné  (M,11C  de) 182 

Sèze  (De) 220 

Shakespeare 162 

Sidoine  (Apollinaire),  historien 68 

Sieyès 1 38-427 

SlGEBERT 34-27? 

Siguerre  (Jehan),  orfèvre 33 1 

Simart 43o 

Simon  (Pierre),  sculpteur 36g 

Sintram,  miniaturiste 3i 

Soissons 379 

Sommariva  (De) 217 

Sommerard  (Du) 367-36g 

Sophie  (Sainte) 3o6 

Sorcy  (Thelasson  de) 210 

Sorel  (Agnès) 41-172 

Soufflot 66 

soultrait 275 

Souvré  (Jacques),  grand  prieur 396 

Soyet  (Gérard) 32 


Table  des  m  nus  propres. 


Stalles  Jacques  des) )yS 

Steenberghen  iJ.-B.  de  Yani [55 

Stella  (Jacques) [5g 

Stodtz 416 

Stuart  (Marie; 17  3 

Suard 225 

Suffren  (Amiral  de) 41  3 

Suger 7  i-.>  1  7-3  1  s-.-i  1 .1-376-41  3 

Sully  (Maurice  de),  archevêque  de  Paris 3 i.g 

Sussier  (Jehani 327 

Sylvestre 25g 


Talleyra.nd  (De) 212-219-244-245 

Talmont 2 ,;  ) 

Talon  ("Denis) khi 

Tancrède 71 

Tannay 1 1- 

Tardieu [65 

Tardiku  ( Nicolas-Henri),  graveur io3 

Taurin  (Richard),  sculpteur 35 1 

Tellier,  chancelier 401 

Tellier  (Louis-François  le) [84 

Teniers  (David) nj3 

Texier  (Laurent'1 337 

Thelasson  de  Sorcy 210 

Thendon,  architecte  et  orfèvre 3i6 

Théodebert  Ie1' 1~1 

Théodeunue  (La  reine 20 

Théodoric  iLe  roi) 20 

Théodose 3o5-3o6-3o7 

Théophile  (Le  moine) 7001  1 -3  14 


522  Histoire  du  Portrait. 


Thérèse  (La  reine  Marie-) 398-401 

Thibault  III 320 

Thibaut 320-327 

Thierri,  roi  de  France 355 

Thierry 3jo 

Thiers xx\t-2  jij-248-258-438-442-459 

Thomas  :  De  Langres),  orfèvre 32b 

Thomas  (Jules),  sculpteur xxv 

Thomas  (De  Cormont) 37b 

Thomassin  [Simon),  graveur 184 

Thoré xxvi-240 

Thou  (De) 149-282-393-396 

Thouret i  38 

Thouron  (Jacques),  émailleur 65 

Tibère 297 

TlNTORET 230 

Titien  (Le) xvi-44-i8y-23o-253-25b-4i3 

Titus 297 

Toqué,  peintre 204-205-206 

Tory  (Godefroid),  imprimeur  dessinateur 44 

Toulouse 374 

Tournières  (Robert!,  peintre 201-202-203 

TouRNEMiNE(Le  père) 398 

Tournehem  (De) 2o5 

Tournon  (De) 44-240 

Tourville  (Amiral  de) 41 3 

Touryille  (Maréchal  de) 420 

Tracy  (Victor  de) 244 

Trassy  iBormeau  de) 3yy 

Tremblet  (Barthélemyj 1  54 

Trémoille  (Charlotte  de  la) 394 

Trévoux  (Henri  de),  miniaturiste 3g 

Tribolo  (Le),  sculpteur  .' 33g 

Trouvais7  (Antoine)  ,  graveur ibi-i83 


Table  des  noms  propres. 


Troy  (François  de),  peintre q3-i8q 

Troyks \~A 

Truluer   Joseph ,53 

Trudaine ._.  M 

Tubeuf ,s; 

TuRCARET |20 

rURENNE I04-I22-I55-40I-41  3 

Turlery  (Georges),  miniaturiste 42 

Tutilon.  miniaturiste \\ 


u 


Ulrich  pf.  Huttfn 1^ 

Unoch 365 

Urbain  IV 3q8 

Urbain  VU! 1 53— 182 

Utrogathk 376 


V 


Vali  ncey  (Le  Bailly  de1* [82 

Valentin,  peintre 41 '3 

Valentinois  (Duchesse  de' 147 

Valette  (Prince  d'Épemon  de  la] 1 83 

Vallière  'Mi,0dela' 

Valois 409 

Vandal  (Comtesse) ^46-448 

Vanloo  (Cari',  peintre 207 

Varin  (Jean),  graveur 

Varnbuhler 144 

Varron 14' 

Vasari 340- 


524  Histoire  du  Portrait. 

Vassal  (Mmc) 210 

\  \sm 4l(~,-4'7 

Vauban  (Maréchal  de) 403-41  3 

Vayde,  dessinateur xvn 

Végèce,   historien 42 

Vki.asquez XV,   253-445 

Vendôme  (Due  de) '83 

Yermkulen  (Corneille) 184-18? 

Vernet  (Cari) 23o-285 

Vernet  (Joseph' 214-413 

Vernet  (Horace]  ....    95-114-164-165-235-236-237-238- 

239-240-241-242 

Verninac  (Mme) 211 

Véron 2  53 

Véronèse 259-413 

Verrocchio  (Andréa) 340 

Vesale 144 

Vespasien xiv,  59-297 

VlALA 287 

Viardot  (Mmc) 219 

VlARDOT 219 

Victor  (De  Saint-,  le  père) 220 

Victor  (De  Saint-) 448 

Victoire  (Mm0) 139-214 

Vienne,  en  Dauphiné 3y3 

Vieuville  (Ch.  de  la) 400 

Vigée  (Mme  Le  Brun) 2  12-21  3-2  14-2  1  5-2  iG 

Vignon  (Claude) 5g 

Villacerf 398 

Villars  (Maréchal  duc  de) 1  1  1-201-401 

Villerme  (Joseph),  sculpteur 36g 

Villeroy 201 

Villers,  orfèvre 33y 

Yji.i.f.fort,   historien 42 


Table  des  nOms  propres.  525 

Vincent,  peintre i3g 

Vinci  (Léonard  de' 223-249-253 

Viollet-le-Duc 323-373 

Visconti 96 

VlTALIS  (BJ 144 

VlTELLIUS 297 

VlTET 246-453 

VlTRUYE 145 

Vitry  (Jehan),  sculpteur 386 

Vivien  (de  Saint-Martin,  comte' 29-120-121 

Vivier,  orfèvre 3  2 7 

Voltaire 1 12-344-370-406-420 

Vouet  Simon i52-i53-i85-4i3 


W 


Walewski    Comte     262 

Walferdin 420 

Washington 410 

Watei.et 111 

Watteau 162-454 

Wendel  (Baron  de) 45g 

Westphalie  (Le  roi  de 120 

Westphai.ie   La  reine  de' 12g 

Weyler  (J.-B.),  émailleur 65 

Wierix  (Pierre),  graveur 143 

Wille  (J.-G.),  graveur 162 

Winterhalter 263-445 

Wœriot  (Pierre),  graveur 145-148 

Woronzoff  (Le  comte) 206 

Wurtemberg  (Princesse  dei 214 

Wyatt    Th.) '44 


52b 


Histoire  du  Portrait. 


X 

Xavier  'Saint  François  de) 5g 

Y 

Yorck  (Duc  à.') 111 

Yriarte ^47 

z 

ZÉNOBIE 5q 

Zimmermann 23o 


,#""^- 


PARIS   —  IMPRIMERIE    MOI    I  EROZ 
Hue  du  Four  54  bis. 


quet  de  Vasselot,   Je* 
1316         Joseph  îîarie  Anatole 

Histoire  du  portrait 
France 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  PO< 


UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBR/